DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
TOME CINQUIEME
PREMIERE PARTIE
PE — RUTH
ENCYCLOPEDIE
DES
SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES
RÉDIGÉE PAR
LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS
Ï>E FRANCE ET DE L'ÉTRANGER
1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE
Publié par F, VIGOUROUÏ, prêtre de Saint-Sulpice
Ancien professeur à l'Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commission biblique
2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE
Commencé sons la direction de A. VACANT, prof, au Sém. de Nancy,
Continné sous celle de Eng. MANGENOT, professeur à l'Institut catholique de Paris.
3° DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE
ET DE LITURGIE
Publié par le R ms dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ.
4° DICTIONNAIRE D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE
ECCLÉSIASTIQUES
Publié par Mgr Alfred BAUDRILL ART, recteur de l'Institut catholique de Paris,
Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain ROUZIÈS.
5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE
(En préparation)
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
CONTENANT
TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLAINTES, d'aNTMAUX
MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES
LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES
RELATIVES A l' ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT
ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES
PUBLIE PAS
F. VIGOUROUX
â
HETRE DE SAINT-SULPICE
AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS
DEUXIEME TIRAGE
TOME CINQUIÈME
PREMIERE PARTIE
PE — RUTH
CÂfcA^
PARIS
LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS
76 bis , RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis
1912
TOUS DROITS HESERVES
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
PÉ, s, dix-septième letlre de l'alphabet hébreu. Son.
nom signifie « bouche s, cf. le grec LU, mais les formes
primitives de ce caractère dans l'alphabet sémitique
n'ont rien qui rappelle la forme de la bouche. Celte
lettre a toujours eu chez les Hébreux une double pro-
nonciation, l'un aspirée, comme celle du ç grec par
exemple dans vsin, 'Ofir, Ophir, et celle du p, ainsi
que l'attestent les transcriptions grecques des mots
îtfi'îB, niXXaÇ, « concubine; » nsur>, iâaraç, « jaspe; »
DBns, xàpnaToç; Dn3, Perse. Les Massorètes distinguent
le Phé aspiré, s, du Pé, par un daguesch doux, s. Saint
Jérôme transcrit le p dur comme le plié par ph dans les
noms propres, Phihahiroth, Phithom, au lieu de Pi-
hahîrôt, Pithom, etc., excepté dans le premier élément
du nom de Putiphar (Septante : nsTsçpvic) dans Palse-
stini, Exod., xxin, 31, etc., paradUus, pascha, Persa,
Perses, Persis.
PEARCE Zacharie, théologien anglican, né à Lon-
dres le 8 septembre 1690, mort à Little-Ealing le
29 juin 1774. Ses premières études se firent à West-
minster, puis il alla au collège de la Trinité à Cam-
bridge. Il s'appliqua tout d'abord à l'étude des clas-
siques et se distingua comme philologue. Il puhlia une
édition du traité De subliniitate de Longin et des deux
ouvrages de Cicéron De oratore et De officiis. Entré
dans les rangs du clergé anglican, il fut chapelain du
lord chancelier Parker. Après avoir rempli divers minis-
tères il devint en 1739 doyen de Winchester, puis en
1748 évêque de Bangor et en 1756 de Rochester et doyen
de Westminster. Le seul ouvrage que nous ayons à
mentionner de cet auteur est le suivant : A Commen-
tary ivith notes on the four Evangelists and the Aets
of the Apostles, together loith a neio translation of St.
Paul's first Epistle to the Corinlhians, with a para-
phrase and notes to which are added other theological
pièces, 2 in-4°, Londres, 1774. En tête de cet ouvrage
se trouve une vie de L. Pearce par Jean Derby. — Voir
W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 343.
B. Hedrtebize.
PEARSON Jean, théologien anglican, né en 1613
à Great Snoring dans le comté de Norfolk, mort à
Chester le 16 juillet 1686. Il étudia au collège d'Eton
puis à Cambridge et entra dans les ordres en 1639. Il
obtint une prébende à Salisbury et devint chapelain du
lord chancelier Finch, puis ministre à Thorrington
dans le comté de Suffolk, et à Saint-Clément de Lon-
dres. Dans ce dernier poste il prononça une série de
sermons publiés sous le titre de Exposition of the
Creed qui le rendirent célèbre. Charles II le combla
DICT. DE LA BIBLE.
d'honneurs. En 1660 il avait une prébende à Ely, puis
devenait archidiacre du Surrey, maître du collège de
la Trinité à Cambridge, et en 1673 évêque de Chester.
Outre son Exposition of the Creed, in-4°, Londres,
1659, on a de J. Pearson des Annales Paulini ou disser-
tation critique sur la vie de saint Paul, ouvrage publié
après sa mort dans ses œuvres posthumes, in-4°, Londres,
1688. Une édition en a été publiée sous le titre : An-
nales of St. Paul, translated with geographical and
critical notes, in- 12, Cambridge, 1825. — Voir W.
Orme, Bibl. biblica, p. 343; Chamber's Encylopsedia,
t. vu (1901), p. 828. B. Heurtebize.
PEAU (hébreu : 'ôr, et une fois, Job, xvi, 16 : géléd;
Septante : Sspjia; Vulgate : cutis, pellis), membrane
appliquée sur la surface du corps de l'homme et d'un
grand nombre d'animaux.
1° La peau de l'homme. — Dieu a revêtu l'homme
de peau et de chair. Job, x, 11. La peau de l'homme a
sa couleur propre, suivant les races, et l'Éthiopien ne
saurait changer la couleur de sa peau. Jer., xm, 23.
Job, xvi, 16, a cousu un sac sur sa peau, c'est-à-dire ne
fait plus qu'un avec le deuil et la souffrance. La mala-
die fait que les os sont attachés à la peau et à la chair et
que l'on n'a que la peau sur les dents, Job, XIX, 20,
expressions qui indiquent une excessive maigreur.
Dans le même sens, l'épreuve use la chair et la peau.
Lam., m, 4. La faim la rend brûlante comme un four,
Lam., v, 10, à cause de la fièvre qu'elle engendre.
Cicéron, Pro leg. agrar., n, 34. 93, dit que l'affamé est
macïe torridus, brûlé, desséché de maigreur, et Quin-
tilien, Declam., 12, parle de Yignea famés, une faim
brûlante. Michée, m, 2, 3, accuse les riches cupides et
injustes d'arracher la peau du corps aux pauvres gens.
Le prophète emploie ici cette expression dans le sens
figuré, pour montrer qu'on enlève aux faibles ce qui
leur appartient le plus indiscutablement, ce qui fait
partie de leur propre substance. Les Assyriens se plai-
saient à écorcher en réalité leurs ennemis vaincus; ils
ont plusieurs fois reproduit sur leurs monuments ce
cruel spectacle (fig. 1). Cf. Botta, Le monument de
Ninive, t. n, pi. 120. Voir aussi t. I, fig. 66, col. 990,
des chefs élamites écorchés vifs après la bataille de
Toulliz, d'après Layard, The monuments of Nineveh,
t. il, pi. 47. D'après une légende, l'apôtre saint Bar-
thélémy aurait été écorché vif. Voir Barthélémy,
t. I, col. 1472. Job, xix, 26, affirme sa certitude d'être
un jour de nouveau revêtu de sa peau et de voir son
vengeur vivant. — Après avoir éprouvé Job dans ses
biens extérieurs, Satan explique sa constance en disant :
n Peau pour peau ! L'homme donne tout ce qu'il pos-
V. - 1
PEAU — PÊCHE
sède pour conserver sa vie. » Job, n, 4. La locution
proverbiale « peau pour peau » signifie donc ici que
l'homme tient à sa vie, « à sa peau, » comme on dit
vulgairement, plus qu'à tout le reste, mais que, quand
il sera permis de toucher à ce bien, Job changera d'atti-
tude. Satan demande que la peau, la vie même de Job
soit attaquée.
2° La peau des animaux. — 1° Elle sert de vêtement
à l'homme. Après leur péché, Adam et Eve sont revêtus
de tuniques de peau. Gen., m, 21. Rébecca couvre de
peau velue de chevreau les mains et le cou de Jacob,
afin qu'Isaac le prenne pour Ésaû. Gen., xxvn, 16.
Parmi les premiers chrétiens, il y en eut qui durent
errer âv jj.sî.toraïç, in melotis, « dans des peaux de
brebis » et « dans des peaux de chèvres ». Heb., xi, 37.
— Pour dissimuler l'absence de David, Michol plaça
dans le lit une peau de chèvre à l'endroit de sa tête,
1. — Yaloubid de Hamath écorché vif. D'après Botta,
Monument de Ninive, pi. 120.
avec une couverture par-dessus, un téraphim figurant
le reste du corps. I Reg., xix, 13. — Les peaux servant
pour le vêtement ou l'ameublement pouvaient contrac-
ter certaines souillures ou une sorte de lèpre. 11 fallait
alors les purifier. Lev., xr, 32; xn, 48; xv, 17; xyi, 27.
— 2° On a employé les peaux d'animaux à recouvrir
le Tabernacle et l'Arche. On utilisa pour cet usage des
peaux de béliers teintes en rouge, et les peaux d'un
mammifère marin, commun] dans la mer Rouge, le
tahas, le dugong. Voir Dugong, t. n, col. 1511. Ces
dernières, plus épaisses et plus résistantes que les
autres, étaient placées par-dessus. Exod., xxv, 5; xxvi,
14; xxxv, 7, 23; xxxvi, 19; xxxix, 33; Num., îv, 6-14.
— Les tentes étaient souvent faites avec des peaux. De
là vient que les versions parlent de peaux quand il est
question de tentes. II Reg., vn, 2; I Par., xvn, 1 ; Ps. civ
(cm), 2; Cant., i, 4; Jer., iv, 20'; x, 20; xlix, 29;
Hab., m, 7. — La peau du crocodile est si dure qu'on ne
peut la percer de dards. Job, xl, 26 (31). — 3° Dans les
sacrifices, on commençait par enlever la peau des vic-
times. Lev., i, 6. Les prêtres devaient s'acquitter de ce
soin ; mais, quand les victimes étaient par trop nom-
reuses, les lévites les suppléaient. II Par., xxix, 31;
xxxv, 11. La peau de la victime offerte en holocauste
appartenait au prêtre qui célébrait le sacrifice. Lev., vu, 8.
liais on brûlait la victime tout entière avec sa peau
dans le sacrifice pour le péché, Lev., IV, 11; xvi, 27,
dans le sacrifice pour la consécration des prêtres,
Lev., vm, 17; ix, 11, et dans le rite de la vache rousse.
Xum., xix, 5. — Les victimes étaient égorgées dans le
Temple, puis écorchées. Pour faciliter cette opération,
on avait élevé au nord de l'autel huit colonnes de
pierre qui supportaient des traverses de cèdre. Les
victimes étaient suspendues à ces traverses par les pieds
de derrière. La peau suivait le sort de la chair des
victimes, et, en conséquence, elle était soit brûlée avec
la chair, dans les sacrifices énuinérés plus haut, soit
attribuée aux prêtres, dans les holocaustes et les autres
sacrifices dont les victimes devaient être mangées par
les prêtres, soit laissée à ceux qui avaient apporté la
victime, dans les sacrifices de moindre importance. Cf.
Siphra, f. 20, 2; f. 82, 1; Zebachim, xn, 3. Au nord du
sanctuaire, à côté de la chambre du sel, il y en avait une
autre où l'on salait les peaux, afin de les empêcher de
se corrompre. Cf. Gem. Pesaehim, 57, 1; Reland, Anti-
quitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 52, 163. — 4° Les peaux
des animauxfurent encore utilisées comme matière pre*
pre à recevoir l'écriture. Au il" siècle avant Jésus-Christ,
sous le roi Eumène II, à Pergame, on perfectionna
beaucoup, si on ne l'inventa pas alors, la préparation
des peaux d'animaux pour suppléer au papyrus. On se
servait surtout des peaux de bouc, de chèvre et de che-
vreau, d'âne, de veau et d'agneau. Les peaux ainsi pré-
parées furent connues sons le nom de pergamena ou
parchemins. Saint Paul écrivait sur des parchemins. Il
demande à Timothée de lui envoyer de Troade son man-
teau, ses livres et surtout ns(jiëp:xvotç, membranas, c< ses
parchemins .» II Tim., iv, 13. Josèphe, Ant. jud., III,
xi, 6; XII, n, 11, parle aussi de peau apprêtée, SiçGspa,
dont les Juifs se servaient pour écrire, quelquefois
même en lettres d'or. Voir Livre, t. iv, col. 302.
H. Lesétre.
PÊCHE (hébreu : dûgâh; Luc, v, 9 : aypa i/Oûwv;
Vulgate : captura piscium), emploi de moyens appro-
priés pour prendre des poissons. Le mot hébreu dûgâh,
dérivé de dàg, « poisson, » comme tous les autres mots
qui se rapportent à la pêche, ne se lit que dans Amso,
lv, 2 : « On enlèvera vos enfants avec des sîrôt dûgâh,
épines de pêche » ou hameçons. Voir Hameçon, t. ni,
col. 408. Les versions ne rendent pas le mot dûgâh.
1» Différents procédés étaient employés pour la pêche.
1. La ligne, terminée par un hameçon qui portait l'ap-
pât, était usitée partout, en Egypte, en Assyrie, voir
t. m, fig, 97, 98, col. 407, et en Palestine. C'est avec la
ligne à hameçon que saint Pierre prend dans le lac de
Tibériade le poisson porteur du statère. Matth., xvn,
26. Isaïe, xix, 8, parle de ceux qui pèchent à la ligne
dans le Nil. Habacuc, i, 14, 15, suppose l'emploi de la
ligne à la mer. Amos, iv, 2, compare les ennemis d'Is-
raël à des pêcheurs qui prendront les enfants à l'ha-
meçon. — 2. La nasse et le harpon sont à l'usage des
pêcheurs égyptiens. Les monuments représentent des
pêcheurs qui relèvent la nasse, au milieu de nom-
breuses scènes de pêche (fig. 2). Cf. l'aspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895,
t. i, p. 61, 297. — 3. Le filet de. différentes espèces.
Voir Filet, t. n, col. 2248-2249. L'homme, qui ne con-
naît pas son heure, est comparé au poisson que le filet
saisit à l'improviste. Eccle., IX, 12. Les Chaldéens
prennent les Israélites comme des poissons dans leurs
filets; ils sont si enchantés de ces filets qu'ils les
traitent comme des divinités, leur sacrifient el leur
offrent de l'encens. Hab.,i, 14-17. Les Apôtres péchaient
au filet dansle lac de Tibériade. Du haut de leurs bar-
ques, ils jetaient leurs filets en forme d'éperviers ou
enfermaient les poissons dans une seine pour les trai-
PÊCHE
6
ner jusqu'au rivage. Matth., IV, 18; xm, 47; Luc, v, 4;
Joa., xxi, 6. Aujourd'hui, « le filet employé est ordi-
nairement l'épervier; dans les endroits profonds, il est
lancé de la barque; ou bien, s'il y a peu d'eau, le
ne prissent rien du tout, quand les poissons se tenaient
enfoncés dans les profondeurs. Luc., v, 5; Joa., xxi, 3.
Il est vrai aussi qu"alors le lac était sillonné de bar-
ques de pèche, tandis qu'aujourd'hui, à Tibériade, il
- La pêche en Egypte. Musée Guimet.
pêcheur descend sur le rivage, entre dans le lac jus-
qu'à mi-jambes, et jette alors le filet sur les bandes de
poissons qui se trouvent autour de lui. Ce bassin est si
peuple que, dans l'espace de quelques minutes, nous
n'en existe plus que quelques-unes. — L'Évangile fait
plusieurs fois allusion aux pèches des Apôtres, Matth.,
iv, 18; Marc, l, 16; Luc, v, 2; Joa., xxi, 3; de plus,
il relate deux pêches miraculeuses. Une première
3. — La pêche sur la côte de Syrie. D'après une photographie de M. L. Heîdet.
nvons vu chaque jour notre bateau rempli jusqu'au
bord par des milliers de poissons de toute grandeur. »
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 506.
2» A l'époque évangélique, la pêche n'était pas toujours
aussi fructueuse. Il n'était pas rare que des hommes du
métier, travaillant pendant la nuit, qui est cependant
le moment le plus favorable pour la pêche à l'épervier,
fois, le Sauveur voit au bord du lac deux barques dont
les pêcheurs lavent leurs filets. Il monte dans l'une
d'elles, de là, prêche au peuple, puis commande d'aller
au large et de pêcher. La pêche est si abondante, après
toute une nuitinfructueuse, que les poissons remplissent
les deux barques. Luc, v, 2-7. Une autre fois, après la
résurrection, Jésus, de la rive du lac, ordonne aux
PÊCHE — PÉCHÉ
8-
Apôtres de jeter le filet. Ceux-ci, qui n'ont rien pris
la nuit précédente, obéissent et, d'un coup de filet,
prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa., xxi,
6-11. Une parabole évangélique fait allusion, Matth., xm,
47-48, à un genre de pêche qu'on voit encore fréquem-
ment pratiquer sur la côte de Syrie. Les pêcheurs, re-
produits dans la figure 3, tirent le filet (sagena) qu'avec
un bateau on a étendu à une assez courte distance dans
la mer, et lorsqu'il arrive sur le rivage, les pêcheurs re-
jettent dans l'eau le mauvais poisson. — La pêche mari-
time n'était pas pratiquée par les Israélites, qui n'ont
jamais été marins. Les Phéniciens au contraire s'y
livraient avec activité; l'une de leurs principales villes
porte le nom de Sidon, c'est-à-dire « pêcherie ». Voir
Sidon. H. Lesètre.
PÉCHÉ (hébreu : l.iêlë, h.âtd'âh, liattâ'âh, fyaud't,
ma' al, 'dvôn, pesa, sêt, segî'âh, tahâlâh; chaldéen :
hâtây, 'ivyâ', 'avyd'; Septante : àpxçizîa., àvo.ui'a, ôvd-
[Mipia, itapouirtipia; Vulgate : peccatum, culpa, iniqui-
tas, offensa, offensio, délie tum, scelus), transgression
volontaire de la loi divine, naturelle ou positive.
1° Sa genèse. — '1. Le péché apparaît pour la pre-
mière fois au paradis terrestre, sous la forme d'un
acte de volonté humaine en opposition avec la volonté
souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous
peine de mort. Ce qui a été dit de l'homme créé à
l'image de Dieu, Gen., i,26, 27, la notion d'un Dieu puis-
sant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du
Livre sacré, et la défense imposée à l'homme par ce
Dieu souverainement bon et parfait, supposent néces-
sairement que l'homme jouit d'une volonté libre, intel-
ligente et par conséquent responsable. Malgré la
défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien
que le récit sacré ne raconte que ce qui se voit, dans
cet acte et ses conséquences, il va de soi qu'il faut
aller ici au delà de la lettre. Le mal n'est pas dans
l'acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit; le
coupable n'est pas la main qui exécute, mais l'âme
libre qui commande aux organes. Cette conclusion
ressort clairement du châtiment imposé au coupable.
Pour encourir un pareil châtiment de la part d'un
Dieu juste, il a fallu qu'il y eût dans le péché, non
seulement un acte extérieur, mais encore et surtout
un acte intérieur, celui d'une volonté consciemment et
librement en opposition avec la volonté du Maître tout-
puissant. Il est vrai qu'un autre être intervient pour
incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de
la femme et, par elle, celle de l'homme. Mais celte
influence, si perverse et si forte qu'elle soit, n'a d'ac-
tion sur la volonté libre qu'autant que celle-ci le veut
bien. Elle peut diminuer sa responsabilité, elle ne la
supprime pas, parce que la volonté de l'homme est
restée suffisamment maîtresse d'elle-même. C'est ce
qu'il faut encore conclure de la sentence de condamna-
tion, mitigée et laissant la porte ouverte à l'espérance
du pardon, mais cependant sévère et supposant une
culpabilité grave chez les deux coupables. Gen., ni, 1-
19. — 2. Après avoir ainsi fait son apparition dans
l'humanité, le péché s'y perpétue, par des actes volon-
taires, à travers toutes les générations. Le meurtre
d'Abel par Caïn a sans doute été précédé par bien
d'autres fautes moins graves. Toujours est-il qu'avant
son crime le meurtrier reçoit un avertissement qui
marque l'atlitude que doit avoir l'homme en face du
bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses
passions et les sollicitations de la tentation : <; Si tu
fais bien, ne seras-tu pas agréé? Et si tu ne fais pas
bien, le péché ne se tient-il pas à ta porte? Son désir
se tourne vers toi; mais toi, tu dois dominer sur lui. »
Gen., rv, 7. Le premier phénomène se passe dans la
conscience de l'homme, quand il a cessé de faire le
bien, c'est-à-dire de conformer sa volonté à celle de
Dieu. Il sent qu'il n'est plus agréable à son Créateur,,
qu'il ne peut plus lever la tête vers lui avec assurance.
Déjà le péché est à la porte, comme une bête fauve qui
cherche à forcer l'entrée; il veut contracter une sorte-
d'union avec l'homme; mais celui-ci reste le maître, il
peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa
volonté demeure assez armée pour se défendre et
triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté.
— 3. Saint Jacques, i, 13-15, analyse l'acte ordinaire
du péché, tel qu'il se produit dans l'homme. « Que
nul, lorsqu'il est tenté, ne dise : C'est Dieu qui me
tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-
même ne tente personne. » On sait qu'Adam avait es-
sayé de faire remonter jusqu'à Dieu la responsabilité
de son péché, en disanl : « La femme que vous m'avez
donnée pour compagne m'a présenté le fruit de l'arbre. »
Gen., m, 12. L'excuse est vaine et injurieuse à Dieu.
L'apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre con-
voitise, qui l'amorce et l'entraîne. Ensuite la convoitise r
lorsqu'elle a conçu, enfante le péché, et le péché,
lorsqu'il est consommé, engendre la mort. » Ainsi, il y
a tout d'abord, issu du fond même de la nature hu-
maine, un désir immodéré et désordonné, qui se-
porte ver3 une apparence de bien créé. Ce désir prend
peu à peu une forme précise et consentie, bien que
reconnue répréhensible par la conscience; la volonté
s'ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui
est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l'âme est
frappée à mort. La tentation peut se produire, prove-
nant des êtres extérieurs; le péché n'est possible que
si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la.
volonté. C'est ce qui permet à saint Augustin, De Gen.
ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas r
Sum. tkeol., I, q. xliv, a. 4, ad l u!n , de dire que la ten-
tation n'aurait pas eu de prise sur Eve si celle-ci n'avait
péché au préalable par un amour coupable de sa propre
excellence. — 4. Le récit de la Genèse, m, 5, montre
que cette pensée de complaisance personnelle fut d'ail-
leurs aidée par l'habile tentateur : « Vous serez comme
Dieu! » De là, à la source de tout péché, l'orgueil, la
pensée de l'indépendance, l'idée que la créature peut
se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre-
que le Créateur.
L'orgueil commence quand l'homme se sépare du Seigneur,
Et quand le cœur s'éloigne de celui qui l'a fait :
Car le commencement de l'orgueil, c'est le péché,
ou, d'après la Vulgate :
Le commencement de tout péché, c'est l'orgueil...
Le malheur de l'orgueilleux est sans remède,
Car la plante du péché a jeté en lui ses racines.
Eccli., x, -15; m, 30.
En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s'appellent
l'un l'autre. Cf. Is., xm, 14. — 5. Cet orgueil lui-même,
qui est le premier instigateur de la convoitise et du
péché, a sa cause dans la nature de l'être créé, alors
même qu'il n'est pas encore déchu. La Sainte Écriture
ne le dit pas formellement; mais, avant de raconter la
chute, elle commence par montrer que l'homme est un
être créé. Or, plus un être créé a reçu de dons de la
munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se
complaire en ce qu'il est et en ce qu'il a, si sa volonté
vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se
produire le péché des anges et ensuite celui de l'homme.
Voir Mal, t. rv, col. 598-600.
2° Sa nature. — 1. Le péché consiste essentiellement-
dans l'opposition de la volonté de l'homme à la volonté
de Dieu. C'est ce que montrent les textes précédents.
Le péché n'est donc pas dans l'acte extérieur, tel que le
voient les hommes; il est dans l'âme, tetle qu'elle ap-
paraît aux yeux de Dieu. I Reg., xvi, 7. Par conséquent,
les sentiments et les pensées peuvent être coupables.
"9
PECHE
10
Le dernier précepte du Décalogue proscrit les simples
convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur
déclare que du cœur sortent les pensées mauvaises.
Matth., xv, 19; Marc, vu, 21. Il aftirme en outre que
certains désirs sont coupables, comme les actes eux-
mêmes. Matth., v, 28. Ainsi les actes extérieurs ne suffi-
rent pas à constituer le péché. Dans leur confession
négative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des
Morts, cf. W. Pleyte, Étude sur le chapitre cxxv du
Rituel funéraire, Leyde, 1866 ; Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris,
1895, t. i, p. 189, les Égyptiens ne savent s'accuser
-que de fautes extérieures d'ordre moral, social ou par-
fois purement liturgique. Les Babyloniens ont une
confession analogue, où il est question d'adultère,
d'homicide, de vol, d'autres fautes contre la morale ou
la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la
conscience. Cf. Zi/nmern, Beitràge zur Kenntniss der
babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, n, 1. 47-
-5i; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques,
Paris, 1905, p. 225, 226; Revue .fiiblique, 1906, p. 657.
Cf. Ézéchiel, xvm, 14-17. Autrement significative est la
confession qui se lit dans Job, xxxi, 4-37. L'auteur y
énumère les principales fautes contre la morale qui se
pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint
ici et là des remarques comme celles-ci :
Dieu ne connaît-il pas mes voies,
Ne compte-t-il pas tous mes pas?
Si mon cceur a suivi mes yeux...
Si j'ai mis dans l'or mon assurance...
Si, en voyant le soleil jeter ses feux,
Kt la lune s'avancer dans sa splendeur,
>Ion cœur s'est laisse séduire en secret...
Si j'ai été joyeux de la ruine de mon ennemi...
Si j'ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes,
Et renfermé mes iniquités dans mon sein...
— 2. En effet, la conscience morale, telle que la sup-
pose la religion du vrai Dieu, obéit à cette règle posée
à Abraham : « Marche devant ma face et sois irrépro-
chable. » Gen., xvn, 1. C'est devant la face du Seigneur,
sous son regard auquel rien n'échappe, qu'on est cou-
pable ou irréprochable, et, si l'on est coupable, c'est
tout d'abord dans i'àme elle-même que le péché existe.
Dieu, tu connais ma folie,
Kt mes fautes ne te sont pas cachées. Ps. lxix. (lxviii), 6.
€f. Ps. x, 15; Eccli., xv, 21. — 3. Le péché outrage
toujours Dieu, alors même qu'il semble viser exclusi-
vement le prochain. Num., v, 6.
Je reconnais mes transgressions,
Et mon péché est constamment devant moi ;
C'est contre toi seul que j'ai péché,
J'ai fait ce qui est mal à tes yeux,
dit le Psalmiste, Ps. li (l), 5-6, avouant que ses trans-
gressions de toute nature ont avant tout offensé Dieu.
De même le prodigue, qui a tant outragé son père, se
reconnaît coupable contre lui, mais avant tout « contre
le ciel ». Luc, xv, 18. « En péchant contre vos frères
et en violentant leur conscience encore faible, vous
péchez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., vin,
12. — 4. Le péché est un acte par lequel l'homme
s'écarte et s'éloigne de Dieu, en mettant sa volonté en
opposition avec celle de Dieu, connue soit par la con-
science, soit par la loi positive, qui rend mauvais des
actes qui ne le seraient pas toujours par eux-mêmes.
Rom., ni, 20; vu, 7, « Être infidèles à Jéhovah et le
renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voilà comment
Isaïe, lix, 13, caractérise le péché. Cette idée d'éloigne-
■ment de Dieu par le péché revient souvent. Deut., xi,
16; xxxii, 15; Jos., xxn, 16; Job, xxi, 14; xxo, 17;
-Sap., m, 10; Bar., m, 8; Dan., ix, 5, 9, etc. En consé-
quence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter
dans un être soumis au péché, Sap., i, 4, et cet être,
ainsi séparé de Dieu, ne peut manquer d'agir parfois
par l'inspiration du démon, I Joa., m, 8, et d'en faire les
œuvres, qui sont des œuvres de péché. Joa., vm, 41. Si
Dieu hait tant le péché, Ps. v, 5, 7, c'est parce qu'il y voit
nécessairement un attentat contre sa souveraineté inalié-
nable. — 5. Saint Jacques, n, 10, dit que « quiconque
aura observé toute la loi, s'il vient à faillir en un seul
point, est coupable de tous ». Ce texte fait l'objet d'une
consultation adressée à saint Jérôme par saint Augustin,
Ep. cxxxi, t. xxn, col. 1138-1147. Ce dernier propose
sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui trans-
gresse un précepte est coupable envers tous, parce
qu'il agit contre la charité de laquelle dépend toute la
loi. Il est coupable de tout parce qu'il agit contre celle
dont tout dépend. » Saint Jérôme, Ep. cxxxiv, t. xxn,
col. 1161, s'excuse de ne pas répondre et dit qu'il n'a
rien à reprendre à la solution proposée. Saint Thomas,
Sum. theol., I» D>, q. lxxiii, a. 1, adl» m , explique que
l'Apôtre parle ici des péchés, non par rapport à l'objet
vers lequel ils portent et qui est variable, mais par
rapport à celui dont ils détournent et qui est toujours
Dieu. Tout péché comporte le mépris de Dieu. Quand
on faillit en un point on est coupable de tous en ce
sens qu'on encourt le châtiment que mérite le mépris
de Dieu, mépris et châtiment communs à tous les pé-
chés. Les péchés demeurent donc distincts, bien que
le principe et les conséquences de tous soient les
mêmes, et l'on peut en commeltre un sans commettre
les autres. La pensée de saint Jacques revient à ceci
que, quand on transgresse un commandement, on est
svoj(_oc, passible de la peine qui châtie toutes les autres
transgressions, non en quantité, mais en qualité, car
dans tous les cas, c'est l'auteur même des lois qui est
offensé et qui est obligé de sévir. — 6. Tous les péchés
ne sont pas mis sur le même rang dans la Sainte Écri-
ture, bien que tous supposent l'opposition de la volonté
de l'homme avec celle de Dieu. Il y a des péchés plus
particulièrement graves, l'adultère, Gen., xx, 9; xxvi,
10; l'apostasie, Exod., xxxii, 21 ; la profanation du sacer-
doce et le scandale, I Reg., n, 17; l'idolâtrie, Jer., xix,
11; le péché contre le Saint-Esprit, Matth., xn, 31 ; Marc,
m, 28; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc.
Notre-Seigneur note lui-même une gradation entre cer-
, tains péchés contre la charité. Mallh., v, 22. Il y a des
péchés qui sont commis par ignorance, sans pleine
conscience ou sans volonté complète. Lev., iv, 2, 27;
v, 17; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s'excuse sur son
ignorance des persécutions qu'il a exercées contre les
chrétiens. ITim., 1,13. Mais, dans la SainteÉcriture, on ne
trouve pas mention de ces culpabilités inconscientes et
fatales, s'attachant inéluctablement à des êtres qui n'ont
rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre
dans les religions païennes, ni de ces fautes commises
sans connaissance et sans volonté dont les idolâtres se
croyaient si fréquemment coupables dans le culte de
leurs dieux, par l'omission de formalités insignifiantes
ou puériles. — 7. Puisque rien n'échappe aux regards
de Dieu et que Dieu hait le péché, la conséquence
s'impose : «. Tous les jours de ta vie, aie Dieu présent
à ta pensée, et garde-toi de consentir jamais au péché. »
Tob., iv, 6; cf. i, 10.
Fuis le péché comme le serpent,
Car, si tu en approches, il te mordra. Eccli., XXI, 2.
Et pour déterminer sa volonté à s'éloigner du mal,
l'homme doit songer à la fin de sa vie et au compte
qu'il devra rendre à Dieu, Eccli., vu, 40, sans se lais-
ser tromper par les charmes du présent ni par la pa-
tience divine, car
La voie des pécheurs est pavée de pierres,
Mais à son extrémité est l'abîme de l'Hadès. Eccli-, xxr, li.
11
PÉCHÉ — PÉCHÉ ORIGINEL
12
■ 3» Ses conséquences . — 1. Le péché'sépare l'âme d'avec
Dieu. Is., lix, 2. Si l'homme meurt dans son péché,
/Ezech., m, 20; xn, 43; Joa., vin, 21, etc., cette sépara-
tion devient définitive. « La justice du juste ne le sau-
vera pas au jour de sa transgression,... le juste ne
pourra pas vivre par sa justice le jour où il péchera. »
Ezech., xxxin, 12. — 2. Par suite de l'affaiblissement
moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui com-
met le péché finit par devenir esclave du péché, et il a
de plus en plus de difficulté à se soustraire à sa tyrannie.
Joa., vin, 43; Rom., vi, 17. « Le méchant est saisi par
les liens de son péché. » Prov., v, 22; Eccli., XXI, 3.
Le trouble et le malaise régnent dans son âme.
Ps. xxxviii (xxxvn), 4, 19. Ainsi «ceux qui commettent
le péché et l'iniquité sont leurs propres ennemis ».
Tob., "xii, 10. Le péché peut se généraliser dans une
nation.
La justice élève une nation,
Mais le péché est l'opprobre des peuples. Prov., xiv, 34.
— 3. Dieu menace et poursuit le péché des rigueurs de
sa justice. Exod., xxxn, 34; Lev., XX, 20; Num., xxxn,
23; Jos., xxiv, 19 : «Jéhovah est un Dieu saint, un Dieu
jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos
péchési... il se retournera, vous maltraitera et vous
consumera. » Ps. lxxxix (lxxxvih), 33; Prov., xxir,
8; Ezech., xvm, 4; Dan., ix, 11; II Mach., vu, 18, etc.
La justice de Dieu contre Je péché s'exerce d'ailleurs
par différents moyens, par les épreuves dans la vie
présente, Jer., v, 25, etc., voir Mal, t, iv, col. 601, par
les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et par les
sanctions de l'autre vie. Sap,, v, 2-14. Voir Enfer,
t. il, col. 1792; Purgatoire. — 4. Le péché a de plus
une répercussion prévue sur les générations qui suivent
celui qui l'a commis, de même que la fidélité a la
sienne. Dieu le fait répéter plusieurs fois : « Je suis
Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité
des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la
quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent,
et qui fais miséricorde jusqu'à mille'générations à ceux
qui m'aiment et qui gardent mes commandements. »
Exod., xx, 5-6; cf. xxxiv, 7; Num., xiv, 18; Deut,, v,
9; Jer., xxxn, 18j Lam., v, 7, etc. Cette répercussion,
que l'expérience justifie fréquemment encore, ne fait
pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose
que ces derniers imitent les péchés de leurs pères, ou
constitue pour eux une épreuve temporelle destinée soit
à les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu
et à augmenter leur mérite définitif. Dieu se réservait
d'appliquer cette sanction; mais il n'a pas autorisé les
hommes à châtier les enfants à cause de leurs pères.
Deut., xxiv, 16; IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 4. Le
prophète Ézéchiel, xvm, 10-20, explique la conduite de
Dieu en cette matière : impie lui-même, le fils de l'im-
pie mérite d'être châtié; vertueux et fidèle, il vit et ne
porte pas le châtiment qu'ont attiré les crimes de son
père.
4» Sa rémission. — Dieu est un juge sévère, mais il
n'est pas un père inexorable. Voir Miséricorde, t. iv,
col. 1131. Il veuthien pardonner le péché. Job, vu, 21 ;
Ps. xxv (xxiv), 11; xxxn (xxxi), 1; lxxix (lxxviii), 9;
lxxxv (lxxxiv), 3; Sap., xi, 24; Is., xliii, 25; Jer., xxxi,
34, etc. — 2. Cependant, pour pardonner le péché,
Dieu exige certaines conditions, et tout d'abord l'aveu.
Lev., xxvi, 40; II Esd., ix, 2; Job, xxxi, 33, 34;
Matth., m,6; Marc, i, 5; I Joa., i, 9, etc. Voir Confes-
sion, t. il, col. 907. — 3. Il veut ensuite le regret sin-
cère. Joël., il, 13, etc. Voir Pénitence. — 4. Certaines
œuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachètent le
péché. Voir Aimône, t. i, col. 1252; Charité, t. n,
col. 591 ; Jeûne, t. m, col. 1528; Sacrifice. —5. Dans le
Nouveau Testament, les péchés sont remis au nom du
Père, Matth., vi, 14 15; Marc, xi, 25; Luc, xi, 4, par
le Fils, Matth., ix, 2-6; Marc, n, 5-10; Luc, v, 20-49;
etc., qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission,
Luc, xxiv, 27; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pou-
voir de l'accorder dans le sacrement de pénitence,.
Joa., xx, 23, et dans celui d'extrême-onction. Jacob., v,
15. — 6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la
rédemption opérée sur la croix. Daniel, IX, 24, avait
annoncé que le Messie mettrait fin au péché, c'est-à-
dire à son influence irréparable. Jésus-Christ, par sa
croix, obtint à l'homme le pardon du péché. Matth., I,
21 ; xxvi, 28; Joa., i, 29; Rom., vi, t3; I Cor., xv, 3;
II Cor., v, 21; Gai., I, 4; Eph., 1, 7; Col., i,14;Heb., ix,
28; I Pet., m, 18; I Joa., i, 7; Apoc, i, 5, etc. Ce
pardon peut même atteindre les âmes dans l'autre vie,
au purgatoire. II Mach., xn, 46. — 7. Les écrivains
sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes ex-
pressions caractéristiques pour marquer la réalité de
la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent
ne plus tenir rigueur, II Reg., xn, 13; III Reg., vm,
3i; Tob., ni, 13, etc.; « remettre, » par conséquent ne
plus rien exiger à ce sujet, Ps. xxxn (xxxi), 1 ;
Matth., ix, 2; Luc, vu, 48, etc.; 'c ne pas imputer, »
ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., xn,
11; Rom., iv, 7, 8. etc.; « ne plus se rappeler, » tenir
pour non avenu, Ezech., xxxm, 16; « couvrir, » de
manière qu'on ne le voie plus, Ps. lxxxv (lxxxiv), 3;
« fermer les yeux, » parce qu'on ne veut plus voir,
Sap., xi, 24; « effacer, purifier, laver, » comme une
tache que l'on veut faire disparaître, Ps. li (l), 4;
Is., xliii, 25; « enlever, » Is., vi, 7; faire disparaître
comme de la glace qui se fond, Eccli., ni, 17, comme un
nuage qui se dissout, Is., xliv, 22; « ne plus trouver, »
comme une chose qui n'existe plus, Jer., l, 20;
« d'écarlate, rendre blanc comme neige, s c'est-à-dire
remplacer la tache du péché par quelque chose qui en
est l'opposé, Is., i, 18; «jeter derrière son dos, » comme
une chose qu'on dédaigne et qu'on ne reverra plus,
Is., xxxviii, 17; « mettre sous ses pieds, » comme une
chose méprisable qu'on veut détruire, et « jeter au fond
de la mer », comme ce qui doit périr définitivement.
Mich., vu, 19, etc. Ézéchiel, xxxm, 14-16, exprime
sans figure et de la manière la plus positive l'effet de
la rémission du péché : « Lors même que j'aurai dit au
méchant : Tu mourras! s'il se détourne de son péché et
fait ce qui est juste etdroit,... on ne se rappellera plus
aucun des péchés qu'il a commis : il a fait ce qui est
droit et juste, il vivra. » La réalité objective de la rémis-
sion du péché est d'ailleurs démontrée par la conduite
de Dieu à l'égard de grands pécheurs, Adam, Sap., x,
1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc.
H. Lesêtre.
PÉCHÉ ORIGINEL, péché commis par Adam, à
l'origine de l'humanité, et par suite duquel tous ses
descendants naissent dans un état de déchéance et de
péché.
1» La faute initiale. — 1. Le récit de l'épreuve im-
posée à Adam, de la tentation, de la chute et du châti-
ment, est consigné dans la Genèse, ni, 1-19. Ce récit
peut être interprété avec une certaine largeur, à condi-
tion de respecter la réalité du fait. Voir Adam, t. i,
col. 175; Eve, t. n, col. 2119. Les Pères l'ont générale-
ment entendu dans son sens littéral, mais l'Église n'a
pas condamné le cardinal Cajetan qui l'a expliqué allé-
goriquement. In Sacram Scnpluram Cotiimentarii,.
5 in-f°, Lyon, 1639, 1. 1, p. 22, 25. Voir Vigouroux, Manuel
biblique, 12 e édit., t, i, pi. 564. — 2. Rien dans le récit
n'avertit formellement que le premier homme ait agi
comme représentant de toute sa race. Il est seulement
le premier de tous les hommes. Mais c'est de lui que
les autres recevront la vie, et, étant données les lois
ordinaires de la nature que l'auteur sacré suppose
connues de ses lecteurs, il fallait s'attendre à ce qu'Adam ,
avec la vie et ses conditions essentielles, transmit à ses
13
PÉCHÉ ORIGINEL
14
descendants quelque chose de ce qu'il était devenu lui-
même, par l'abus qu'il avait fait des dons extraordi-
naires de son Créateur. Toutefois ce n'esY pas tocs la
concupiscence que consiste à proprement parler le péché
originel, mais dans la privation de la grâce. L'avenir
de l'humanité est indiqué dans l'inimitié annoncée
entre la postérité de la femme et celle du serpent et
dans les conditions de vie imposées à Adam et à Eve,
et par là même à leurs descendants. Du récit de la
Genèse, les théologiens ont déduit que nos premiers
parents avaient été élevés à un état surnaturel, et
qu'ayant perdu par leur faute l'intégrité primitive, ils
"étaient déchus de leur état et avaient transmis leur
déchéance à leurs enfants.
2° Dans l'Ancien Testament. — 1. Les écrivains ins-
pirés de l'Ancien Teslament ne parlent du péché origi-
nel qu'en fermes généraux. Job, xiv, 4, à propos de
l'homme né de la femme, que Dieu, semble-t-ii, ne
peut citer en justice sans s'abaisser lui-même, remarque :
« Qui peut tirer le pur de l'impur? Personne. » La
Vulgafe traduit un peu différemment : « Qui peut
rendre pur celui qui a été conçu dans l'impureté?
N'est-ce pas vous seul? » Les Septante ajoutent au texte
les premiers mots du verset suivant : « Qui peut être
pur de souillure? Personne, pas même celui dont la vie
n'est que d'un jour sur la terre. » Les Pères ont com-
menté le texte ainsi formulé. L'idée principale est que
l'homme appartient à une race pécheresse et impure,
et que l'on ne doit pas s'étonner qu'il soit si peu digne
de l'attention divine, ayant hérité d'ancêtres pécheurs.
— Au Psaume li (l), 7, on lit ces paroles :
Je suis né dans l'iniquité,
Et ma mère m'a conçu dans le péché.
Comme pour le passage précédent, la doctrine du
péché originel, sans être formulée d'une façon tout à fait
explicite, donne seule à ces paroles tout leur sens. — On
trouve ces autres paroles dans l'Ecclésiastique, xxv, 33 :
C'est par une femme que le péché a commencé,
C'est à cause d'elle que nous mourons tous.
Le texte accuse avec raison Eve d'avoir commencé la
première à pécher et d'élre la première cause de la
mort de tous. Mais Adam, et non pas Eve, était le chef
dé l'humanité, et par lui ont été transmis le péché et ses
conséquences. — Il n'y a pas à s'arrêter au texte
d'Isaïe, xi.ni, 27, disant à Israël : « Ton premier père a
péché; » car il s'agit ici de Jacob. Cf. Ose., xn, 3-5. —
L'auteur de la Sagesse, vin, 18-20, prenant le person-
nage de Salomon, s'exprime dans des termes dont on
pourrait s'étonner, s'il fallait les prendre absolument à
la lettre : « J'étais un enfant d'un bon naturel, et j'avais
repu en partage une bonne ùme, ou plutôt, étant bon,
je vins à un corps sans souillure. » Cette affirmation ne
peut porter que sur la vie purement naturelle. Un
autre texte paraît plus significatif : « Vous saviez bien
qu'ils sortaient d'une souche perverse,... car c'était une
race maudite dès l'origine. » Sap., xn, 10, 11. Toute-
fois, comme il s'agit ici des Cbananéens, il est clair
que la malédiction dont parle l'auteur sacré est celle
qu'encourut Chanaan. Gen., ix, 25. — 2. Mais si les
textes sont peu explicites, on sent que, pour ainsi dire,
tout le poids du péché originel pèse sur l'Ancien Tes-
tament. Souvent les auteurs sacrés constatent le règne
général du. péché. « Tous sont égarés, tous sont perver-
tis; pas un qui fasse le bien, pas un seul! » Ps. six
(xiii), 3; lu (lu), 4. « Qui dira : J'ai purifié mon cœur,
je suis net de mon péché? » Prov., xx, 9. L'autre vie,
dont l'attente aurait du réjouir les justes, ne leur appa-
raît que sous de sombres couleurs. Ils se rendent
compte que, même dans le sche'ûl, la paix ne sera pas
encore faite entre eux et Dieu, parce que, dans le
passé lointain de l'humanité comme dans ses généra-
tions successives, il y a quelque chose qui empêche
une réconciliation complète et définitive. Cette réconci-
liation, les anciens l'attendent dans la personne du
Messie futur. Au lieu de porter leurs regards vers
ceiui qui fut l'origine de l'humanité, ils les tendent vers
celui qui, dans l'avenir, en sera le réparateur et le
Sauveur. N'ayant qu'une idée confuse du péché originel
et de ses suites, ils sont peu capables par là même
de se faire une notion exacte de ce que sera la rédemp-
tion. Néanmoins cette attente du Messie libérateur est,
dans l'Ancien Testament, la forme la plus concrète et
la plus positive sous laquelle on puisse reconnaître la
tradition du péché originel.
3» Dans l'Évangile. — Quelques passages de l'Évan-
gile font allusion au péché originel; mais cette allu-
sion ne peut être comprise que si l'on a présente à
l'esprit la notion de la chute et de ses conséquences.
Ainsi la lumière du Yerbe « luit au milieu dés
ténèbres », Joa., i, 5; le Sauveur vient éclairer ceux
« qui sont assis dans les ténèbres et à l'ombre de la
mort ». Luc, i, 79. Saint Jean-Baptiste présente Notre-
Seigneur comme « l'Agneau de Dieu, celui qui enlève
le péché du monde », Joa., i, 29, c'est-à-dire ce péché
dont les conséquences pèsent sur le monde entier. « Si
on ne renaît de nouveau, on ne peut voir le royaume de
Dieu. » Joa., m, 3. C'est donc que la vie transmise par
Adam ne suffit pas pour conduire l'homme au salut.
Les justes de l'ancienne loi en font l'expérience dans
le sche'ôl; mais « l'heure vient où ceux qui sont dans
les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et
ceux qui ont fait le bien en sortiront pour ressusciter
à la vie >;. Joa., v, 25, 28, 29. Le Sauveur fait annoncer
■ que « le royaume de Dieu approclae », laïc., "X., 9, cm
conséquent que l'état de choses antérieur, même sous
le régime de la Loi, n'était pas le royaume de Dieu, la
vraie voie du salut. Il dit aux Juifs, qui se glorifiaient
d'être enfants d'Abraham : « C'est seulement si le Fils
vous délivre, que vous serez vraiment libres. » Joa.,
via, 36. Une servitude générale s'imposait donc à tous
les hommes. Enfin, par deux fois, Joa., m, 3L; xw, 30,
le Sauveur appelle Satan le « prince de ce monde ».
Satan y règne en maître, en effet, depuis sa victoire sur
le premier homme; mais « il va être chassé dehors », et
d'ailleurs il n'a rien à lui en Jésus, qui a pris la des-
cendance mais non la servitude d'Adam. — On ne peut
tirer aucune conclusion, touchant le péché originel,
du texte de Joa., ix, 2. Voir Mal, t. iv, col- €01,
4°. Quand les pharisiens disent à l'aveugle guéri qu'il
est « né tout entier dans le péché », ils ne songent
pas au péché originel, car ils ne s'appliquent certes
pas cette remarque à eux-mêmes. Joa., IX, 34.
4° Dans saint Paul. — 1. Saint Paul dégage la notion
du péché originel avec précision dans son Épître aux
Romains. Pour faire ressortir toute la signification de
la rédemption, il établit un parallèle entre Jésus-Christ
et Adam, et il écrit : « Ainsi donc, comme par un seul
homme le péché est entré dans le monde, et par le
péché ]a mort, ainsi la mort a passé dans tous les
hommes, parce que (è?'w) tous ont péché (Yulgate :
in quo, « en qui » ou « en quoi » tous ont péché)...
Par la faute d'un seul, tous les hommes sont morts..
Le jugement a été porté à cause d'une seule faute pour
la condamnation... Par la faute d'un seul, la mort a
régné par ce seul homme... Par la faute d'un seul, la
condamnation est venue sur tous les hommes... Par la
désobéissance d'un seul homme, tous ont été constitués
pécheurs. » Rom., v, 12-19. Cet enseignement de
l'Apôtre éclaire le récit de la Genèse. Au paradis ter-
restre, Adam était donc, dans la pensée de Dieu, le
représentant de l'humanité, représentant dont l'huma-
nité serait mal venue à se plaindre, puisqu'il jouissait
de l'innocence et de tous les dons divins. Adam subis-
sait l'épreuve au nom de toute sa postérité. Seul il a
15
PÉCHÉ ORIGINEL — PÊCHEUR
16
péché personnellement, mais en lui et par lui, tous
ont péché, tous ont désobéi, tous ont encouru la mort
et la condamnation. En cela, Adam a été la figure de
celui qui doit venir, t-jtios toû héXXovtoç, forma futtiri,
Rom., v, 14; il a été pour l'humanité, au point de vue
du péché et de la condamnation, ce que Jésus-Christ a
été au point de vue de la réconciliation et de la vie. Con-
formément à cette doctrine, l'Église enseigne que « la
prévarication d'Adam a nui, non à lui seul, mais à sa des-
cendance; qu'il a perdu à la fois pour lui et pour nous la
sainteté et la justice qu'il avait reçues de Dieu; que
souillé lui-même par son péché de désobéissance, il a
transmis à tout le genre humain, non seulement les
peines du corps, mais aussi le péché qui est la mort de
l'âme ». Conc. Trid., sess. v, De j)ecc. or'ig., 2. —
- Pêcheurs du tombeau de Rahotep à Meidoum.
Caprès FJinders Pétrie, Meidum, in-4% Londres, 1892, pi. xn.
2. Dans d'autres passages, saint Paul se réfère à la
même doctrine. Il appelle « vieil homme » l'homme
tel qu'il descendait d'Adam. Rom., vi, 6; Eph., IV, 22;
Col., m, 9. Il écrit aux Corinthiens que « par un homme
est venue la mort ». I Cor., xv, 22. Aux Éphésiens, il, 2-
3 : « Vous étiez morfs par vos offenses et vos péchés,
dans lesquels vous marchiez autrefois selon le train de
ee monde, selon le prince de la puissance de l'air, de
l'esprit qui agit maintenant dans les fils de la désobéis-
sance... Nous étions par nature enfants de colère,
comme les autres. » Fils d'Adam prévaricateur et
volontairement soumis au prince de ce monde, les
hommes ne peuvent qu'être désagréables et antipa-
thiques à Dieu.
Le péché originel, qui souille tout homme venant en
ce monde, n'a pas atteint le Fils de Dieu incarné.
I Pet., n,22; I Joa., m, 5; Joa., vin, 46. L'Église a
défini que la Sainte Vierge, en vue des mérites de son
divin Fils, a été préservée de cette souillure, et n'a
pas cessé d'être un seul instant « pleine de grâce »
aux yeux de son Créateur. Luc, i, 28. — Sur l'inter-
prétation des Pères, à propos du péché originel,
voir Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris,
1904, p. 87, 226, 412. H. Lesètre.
PÉCHERESSE de l'Évangile. Luc, vu, 37, 39. Voir
MâRIE-MADELEINE, t. I, Col. 810.
PÊCHEUR (hébreu : davvdg, ctayyâg; Septante :
âXiEÛ? ; Vulgate : piscator), celui qui fait métier de
pêcher des poissons. — 1» Isaïe, xix, 5-8, décrit la déso-
lation des pêcheurs égyptiens lorsque le châtiment
frappera leur pays, que le fleuve et les canaux tariront
et que la pêche deviendra impossible. Les pêcheurs
égyptiens faisaient de superbes captures. Sur une pein-
5. — Pêcheurs de nos jours, à Aïn Tabagha, sur les bords
du lac de Tibériade. — D'après une photographie de
M. L. Heidet (1899).
ture de Meidoum, on voit trois pêcheurs; deux d'entre
eux transportent un latus presque aussi grand qu'eux
(fig. 4). Sur un tombeau de Beni-Hassan, un pêcheur
lient deux poissons qu'il a piqués d'un seul coup de
fourche, cf. Rosellini, Monumenti civiU, pi. xxv, 1, et
sur le tombeau de Ti, six pêcheurs montés sur deux
barques sont occupés à relever une nasse. Voir Pèche,
fig. 2, col. 5. Jéhovah appelle contre les Israélites infidèles
« des pêcheurs pour les pêcher », c'est-à-dire des enne-
mis pour s'emparer d'eux et les tenir en captivité. Jer.,
xvi, 16. Ézéchiel, xlvii, 9-10, prédit que, dans la nouvelle
Terre Sainte, les eaux de la mer Morte seront assainies,
qu'il y abondera des poissons de toute espèce, que des
pécheurs se tiendront sur ses bords et qu'ils jetteront
leurs filets d'Engaddi à Engallim. Cela signifie que,
dans le royaume du Messie, il n'y aura point de pays
deshérité et abandonné, mais que la vie de la grâce
se répandra partout. — 2» Plusieurs des Apôtres
exerçaient le métier de pêcheurs sur le lac de Tibériade
(fig. 5) quand le Sauveur les appela à sa suite. Tels
étaient André, Pierre, Joa., i, 40-41, Jacques le Majeur
17
PÊCHEUR — PECTORAL
18
•et Jean. Matth., iv, 21.- Pendant la vie publique de
Notre-Seigneur, et même après sa résurrection, ils
continuèrent à pêcher quand l'occasion s'en présenta.
Matth., iv, 18; Marc, i, 16; Luc, v, 2; Joa., xxi, 3. —
-3° En les appelant à lui, Notre-Seigneur leur signi-
fia qu'il voulait faire d'eux des pêcheurs d'hommes.
Matth., iv, 19; Marc, i, 17. Les Apôtres devaient donc
consacrer à la conquête des âmes un labeur, une adresse,
une patience analogues à ce qu'exigeait d'eux la pêche
des poissons. En souvenir de cette mission, les pre-
miers chrétiens représentèrent, dans les catacomhes,
saint Pierre sous la figure d'un pêcheur dont la ligne
lire de l'eau un poisson (fig. 6). Quant à l'anneau du
6.
Saint Pierre, pêcheur d'âmes. Cimetière de Saint-Calliste.
D'après AUard, Rome chrétienne, pi. vi.
pêcheur, dont se sert le Souverain Pontife, on ne com-
mence à en faire mention qu'au xni e siècle. Cf. Dict.
d'archéologie chrétienne, t. i, col. 2210.
H. Lesètre.
PÉCHEUR, PÉCHERESSE(hébreu : lialla, posim,
hattâ'âh; Septante : à\i.a.ç,ïui\6z; Vulgate : peccator,
peccalrix), celui ou celle qui commet habituellement
le péché et y persévère.
1° Il y a différentes sortes de pécheurs : celui qui est
perverti dès le sein de sa mère, Ps. lviii (lvii). 4; celui
qui fait le mal pendant une longue vie de cent ans,
ls., lxv, 20; celui qui entasse péchés sur péchés,
Eccle., vin, 12; Eccli., ni, 29; v, 5, 6; vu, 8; celui qui
boit l'iniquité comme l'eau, Job, xv, 16; celui qui se rit
du péché, Prov., xiv, 9; Eccli., xxvn, 14, et se glorifie
de ses passions, Ps. x, 3; celui que la vue du juste fait
entrer en fureur, Ps. cxu (cxi), 10; celui qui fait com-
mettre le mal aux autres, III Reg., xv, 34; xvi, 19; voir
Scandale; celui qui abuse de la patience de Dieu en
disant : « J'ai péché, que m'est-îl arrivé de fâcheux? »
Eccli., v, 3; celui qui se vante de sa prospérité,
Ps. xciv (xcm), 3, 4; voir Impie, t. m, col. 846; le pé-
cheur hypocrite qui a sur les lèvres les préceptes,
Ps. l(xlix), 16, ou la louange de Dieu, Eccli., xv, 9;
le pécheur impénitent, Joa., vin, 21, etc.; le pécheur
persécuteur, Matth., xxvi, 45; Marc, xiv, 41 ; Luc, xxiv,
7; et d'autre part le pécheur humble et pénitent,
Luc, v, 8; xviii, 13, alors même que sa pénitence est
tardive. Il Reg., xn, 13; Luc, xxm, 42, etc. — 2° Le
pécheur, haï de Dieu à cause de son péché, Eccli., xn,
7, peut fleurir comme l'herbe, il sera exterminé à
jamais, Ps. xcn (xci), 8; le péché même le fera périr,
Ps. xxxtv (xxxiii), 22; Prov., xm, 6, 21, et des maux
de toutes sortes s'abattront sur lui. Ps. xxxn (xxxi),
10; i.xxv (lxxiv), 9; xci (xc), 8; cxxix (cxxvin), 4;
cxlvi, 6; Prov., xi, 31; Eccli., v, 7; XL, 8; ls., i, 28;
Am., ix, 10, etc. Le Psaume xxxvn (xxxvi), 12-34, décrit
longuement le sort malheureux qui attend le pécheur.
Le livre de la Sagesse, h, 1-25; m, 10-13; iv, 16-20;
v, 1-14, met en scène les pécheurs d'abord dans leurs
joies coupables sur la terre, ensuite dans leur déses-
poir de l'autre vie. — 3° Le juste ne doit pas fréquenter
le pécheur. Ps. I, 1; Tob., îv, 18, etc. Ils ne sont pas
plus faits pour aller ensemble que le loup et l'agneau.
Eccli., xm, 21. Aussi mieux vaut habiter sur le seuil de
la maison de Dieu que sous les tentes des pécheurs.
Ps. lxxxiv (lxxxih), 11. — 4" Dans l'Évangile, Notre-
Seigneur, sans cesser de condamner le péché, prend
compassion du pécheur dont il veut sauver l'âme. Il
permet aux pécheurs de venir à lui, Matth., ix, 10;
Luc, xv, 1; mange avec eux, Matth., ix, 11; Marc, II,
15, 16; Luc, v, 30; xv,2; xix, 7; se laisse appeler leur
ami, Matth., xi, 19; Luc, vu, 34; déclare qu'il est venu
pour les sauver, Matth., ix, 13; Marc, n, 17; Luc, v,
32; I Tim., i, 15, et que leur conversion cause grande
joie au ciel. Luc, xv, 7, 10. Traité lui-même comme
un pécheur par les Juifs, Joa., îx, 16, il est défendu
avec beaucoup d'énergie et de bon sens par l'aveugle
qu'il a guéri. Joa., ix, 30-33. 11 appuie lui-même ses
déclarations en faveur des pécheurs par la conduite
qu'il tient envers la Samaritaine, Joa., iv,l-42; Matthieu,
Matth., ix, 9-17; Marc, n, 13-22; Luc, v, 27-39; la
pécheresse, Luc, vu, 36-50; la Chananéenne, Matth., xv,
21-28; Marc, vu, 24-30; la femme adultère, Joa., vm,
2-11 ; Zachée, Luc, xtx, 1-10; le bon larron, Luc, xxm,
43; Pierre, Joa., xxi, 15-18; Paul. Act., IX, 3-6, etc.
Tous les hommes sont pécheurs, à des degrés divers,
Rom., v, 8, 19; Gai., n, 15 17; mais la volonté du Sau-
veur est que tous soient sauvés. I Tim., n, 4.
H. Lesêtre.
PECTORAL (hébreu : hosén, et plu s habituellement:
hoSén /tam-mispal; Seplanle : ).oy*îov tûv v.ptcrswv, et
l
rêâ'H
^e**^'i:r f frmpT "tf rr - r P/*Wf
7. — Pectoral égyptien en ci', avec un scarabée bleu au milieu
et un encadrement de pierres précieuses. Musée du Louvre.
une fois, Exod., xxvm, 4; Ttîpiavrfi:ov : Vulgate : ratio-
nale /udiciï), ornement que le grand-prêtre portait sur
sa poitrine quand il devait entrer dans le sanctuaire.
On l'appelle aussi en français le rational. — 1° L'origine
du mot hosén est incertaine. D'après l'arabe hasan,
« être beau, » il pourrait avoir le sens d' « ornement »;
mais les versions ne favorisent pas cette étvmologie.
Dans le premier passage où il soit question du hosén,
Exod., xxv, 7, l'auteur sacré en parle, sans aucune
explication, comme d'une chose bien connue et suffi-
samment désignée par son nom. Comme l'objet parait
être d'origine égyptienne (fig. 7), il est assez probable
que le nom l'est aussi. Beaucoup de personnages de
l'ancienne Egypte sont représentés avec un pectoral
(fig. 8), sorte d'ornement trapézoïdal qui se porte sus-
pendu au cou. Cf. Lepsius, Das Todlenbitch der Aegyp-
ter, Leipzig, 1842, c 125, pi. l; Mariette, Monuments
divers recueillis en Egypte et en Nubie, Paris, 1872,
pi. 24, 74, 92; Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 239. Le pec-
toral trouvé sur la momie de la reine Aah-Hotep, mère
19
PECTORAL
2a
du premier roi de la XVIII e dynastie, antérieur à Moïse,
est ainsi décrit par Mariette, Xotice des monumeûls du
musée de Boulaq, p. 263-264 : « La forme générale du
monument est celle d'un petit naos... Au centre, Amo-
sis est représenté debout sur une barque. Deux divini-
tés, Ammon et Phré, lui versent sur la tête l'eau de pu-
rification. Deux éperviers planent au-dessus de la
scène, comme des symboles du soleil vivifiant. Le tra-
vail de ce monument est tout à fait hors ligne. Le
fond des figures est découpé à jour; les figures elles-
mêmes sont dessinées par des cloisons d'or dans
lesquelles on à introduit des plaquettes de pierres dures:
cornalines, turquoises, lapis, pâte imitant le feldspath
vert. Ainsi disposée, cette sorte de mosaïque, où cha-
que couleur est séparée de celle qui l'avoisine par un
8. — Grand trésorier égyptien portant le pectoral.
Statue du Musée égyptien du Louvre.
brillant filet d'or, donne un ensemble aussi harmonieux
que riche. » Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, 6 e édit., t. n, p. 513; Les Livres Saints et la
critique rationaliste, 5 e édit., t. m, p. 123. Dieu vou-
lut que le grand-prêtre de son peuple portât un orne-
ment analogue à celui qui distinguait les grands per-
sonnages égyptiens. Les versions grecques l'appellent,
Septante : Xofstov, sans doute de lôyos, « parole, » et
Ttsptarvjfkov, « ce qui eatoure la poitrine; » Josèphe,
Ant, jud., III, vu, 5, et les autres versions grecques :
Xôftov, « oracle; » Symmaque : Sôjaov, « réceptacle. »
Ces noms sontjustifiés par la destination même du pec-
toral qui, placé sur la poitrine du grand-prêtre, ren-
fermait l'Urim et le Thummim, au moyen duquel Dieu
faisait connaître ses oracles. Le mot rationale, adopté
par la Vulgate, vise à traduire Xofsîov, en le dérivant
de ),ôvo;, « raison, » au lieu de Xôyo?, « parole. » A
hoSén s'ajoute le mot ham-mispât, « du jugement, »
parce que Dieu rendait ses jugements ou ses décisions
au moyen de ce que contenait le pectoral. — 2° Le texte
sacré donne une description minutieuse de ce que doit
être le pectoral. Il faut qu'il soit artistement travaillé
et du même tissu que l'éphod, comprenant l'or, la
pourpre violette et rouge, le cramoisi et le lin. Voir
Éphod, t. h, col. 1865. Il a la forme quadrangulaire,
mais pas nécessairement celle d'un carré parfait; il est
double, c'est-à-dire replié sur lui-même de manière à
former une sorte de poche renfermant l'Urim et le
Thummim; sa longeur et sa largeur sont d'un zéret ou
empan, mesure comprise entre les extrémités du petit
doigt et du pouce étendus. II porte quatre rangées de
pierres précieuses, toutes différentes et au nombre de
trois par rangée. Chacune de ces pierres, enchâssée
dans une rosette d'or, représente une des douze tribus
d'Israël dont le nom est gravé sur elle (fîg> 9). L'or-
dre dans lequel ces noms étaient disposés n'est pas
indiqué. Josèphe, ibid., pense que l'ordre suivi était
celui de la naissance, et c'est en effet ce qui parait fe
plus naturel. Des chaînettes et des anneaux d'or ser-
vaient à fixer le pectoral, deux en haut et deux en
bas, aux épaulettes de l'éphod, de manière qu'il fût
9. — Pectoral du grand-prêtre juif. Essai de restitution d'après-
Schuster, dans Fillion, Atlas archéolog., 2" édit., pi. cvi, flg. 12.
maintenu au-dessus de la ceinture de l'éphod. Josèphe,
ibid., dit que le pectoral remplissait ainsi sur la poi-
trine l'espace laissé libre par l'éphod (fig. 10). Le grand-
prêtre ne pouvait entrer dans le sanctuaire sans porter
ainsi sur son cœur les noms des fils d'Israël, « en sou-
venir perpétuel devant Jéliovah. » Exod., xxyiii, 15-29;
xxxix, 8-21 ; Lev., vin, 8. Voir Grand-prètre, t. m, fig. 64.
col. 296. — Dans l'Ecclésiastique, xlv, 12, 13, le pectoral,
est mentionné parmi les ornements d'Aaron. Le texte
hébreu dit que Dieu lui fit porter « le pectoral du juge-
ment, l'éphod et la ceinture, ouvrages tissés de cramoisi,
fes pierres précieuses sur le pectoral, gravées comme-
dès cachets pour l'inauguration (d'Aaron), chaque pierre
ayan t une écriture gravée en souvenir, suivant le nombre
(des tribus) d'Israël ». Les Septante rendent bemillu'im,
« pour l'inauguration, » par 'ipyut XiOoûpyo'j, « oeuvre
du graveur. » Le texte hébreu est d'ailleurs peu sûr dans
ce passage, et le premier des deux versets est rendu
par les versions avec des variantes assez considérables..
— 3° Les matières qui entrent dans la fabrication du
pectoral, or, fils richement teints et pierres précieuses,
symbolisent la dignité du grand-prêtre et surtout la
royauté suprême du Dieu dont il est le ministre. Aaron
porte le pectoral « sur les deux épaules » et « sur le
cœur », Exod., xxxin, 12, 30, « en souvenir perpétuel
21
PECTORAL — PEINTURE
22:
devant Jéhovali. » comme pour représenter devant le
Seigneur tout le peuple qui lui est consacré. Les pierres
précieuses reflètent la lumière du ciel, dont Jéhovah
est aussi le souverain. Elles sont disposées sur le pec-
toral quadrangulaire à peu près comme les lsraélistes
eux-mêmes le sont dans leur camp. Voir Càsip, t. il,
col. 95, Il est évidemment impossible de déterminer
quelle relation symbolique pouvait exister entre chaque
pierre et la tribu dont elle portait le nom. Il n'y en
avait pas moins là une expression saisissante de cette idée
que, dans ïa personne du grand-prêtre, les douze tribus
étaient présentes pour rendre hommage à Jéhovah et
recevoir ses oracles. — Cf. Braun. De vestitn sacerdo~
10, — Le pectoral et l'épliod. — Essai de reconstitution
d'après les monuments égyptiens, par V. Ancessi, Atlas
biblique, in-4°, Paris, 1876, pi. vi.
tum Hebrseorum, Leyde, 1680, n, 6, 7; Balvr, Symbolik
des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. lOi-
110, 127-136. H. Lesêtre.
PEIKHART François, commentateur autrichien,
né à Vienne le 14 janvier 1684, mort dans cette ville le
29 mai 1752. Il entra dans la Compagnie de Jésus en
1698 et fut longtemps professeur et prédicateur. Nous
avons de lui, en allemand, de longs commentaires sur
les quatre Évangiles : Erklàrung der Evangelischen
Besehreibung der IV Evangelischen. Ils parurent
d'abord à Vienne en 1752-1754, puis à Munich et à In-
golstadt en 1753. L'édition de Munich est en 4 in-f°.
P. Bliard.
PEINES, châtiments. Voir Pénalités.
PEINTURE, art d'imiter, à l'aide des couleurs appli-
quées sur une surface, l'apparence naturelle des êtres
vivants ou des objets. — La loi qui proscrivait toute
image taillée et toute figure d'être animé, Exod., xx, 4,
fut toujours prise par les Hébreux dans le sens le plus
strict. Ils s'en inspirèrent dans leurs monuments. De
plus, étant donnée la nature des matériaux employés
dans leurs grandes constructions et leur caractère suffi-
samment décoratif, on peut dire que la peinture leur fut
à peu près étrangère. Aussi, pour exprimer l'idée de
« peindre », sont-ils obligés de se servir du verbe hâqâh
qui veut surtout dire « sculpter » et « graver ». Il est
bon néanmoins d'avoir quelque idée de ce que fut la
peinture chez les Égyptiens, les Assyriens, les Perses,,
et les Grecs, à cause de quelques allusions bibliques et
aussi des illustrations qu'on en tire pour l'explication
du texte sacré v
1° Chez les Egyptiens. — Les statues étaient souvent
complètement peintes des pieds à la tète. Dans les bas-
reliefs, les personnages et les figures étaient enluminés,
sur un fond laissé à l'état naturel. Pour exécuter ces
peintures, on se servait de couleurs dont la variété
s'accuse de plus en plus avec le temps. Les couleurs trop
coûteuses se remplaçaientpar des imitations plus simples,
comme le bleu du lapis-lazuli par du verre coloré et réduit
en, fine poussière. On délayait la couleur dans de l'eau
additionnée de gomme adragante, et on l'étatait à l'aide
d'un calame ou d'une brosse. Pour les surfaces planes,
sur lesquelles on tenait à fixer des scènes plus ou
moins compliquées, on commençait par dégrossir la
paroi à décorer et l'on appliquait sur la muraille encore
rugueuse un crépi d'argile noire et de paille hachée
menu, mélange qui produisait un enduit analogue à la
composition de la brique. La peinture fixée sur les sur-
faces ainsi préparées constituait de l'enluminure 'beau-
coup plus que de la peinture. L'artiste procédait par
teintes plates, juxtaposées mais non fondues. Tout en-
obéissant à l'inspiration de la nature, il ne s'écartait
pas cependant de certaines formules de conventio'ri qui
caractérisent les procédés égyptiens de la première â
la dernière époque. On indiquait dans les ateliers la
couleur qui convenait à tel être ou à tel objet, et l'on
s'en tenait à cette donnée traditionnelle. Ainsi l'eau est
toujours d'un bleu uni ou strié de zigzags noirs. Les
chairs sont brunes chez les hommes et d'un jaune clair
chez les femmes, sauf un certain nombre d'exceptions
qui ne se constatent guère qu'à de rares et courtes pé-
riodes. Voir 1. 1, fig. 616, col. 1932; t. n, fig. 384, col. 1067.
La perspective est à peu près inconnue. Les objets
représentés sont là, mais à leur place conventionnelle,
un canal, par exemple, à mi-hauteur du tronc des pal-
miers qu'il traverse, un bassin avec les plantations
dressées perpendiculairement sur les quatre faces,
des masses de soldats figurées par la reproduction,
multipliée et identique du même individu, les diffé-
rentes "scènes d'une même action juxtaposées ou super-
posées pour ne négliger aucun détail, etc. L'artiste lais-
sait au spectateur le soin d'interpréter, ce qui d'ailleurs
était facile, puisque tous connaissaient parfaitement la
convention traditionnelle qui réglait l'œuvre des pra-
ticiens. La représentation de l'être humain ne s'écar-
tait qu'assez rarement de certaines lois artistiques en
contradiction avec celles de la perspective, mais per-
mettant de caractériser facilement les principales
parties du corps. Ainsi presque toujours la tête, munie
d'un œil de face, se présente de profil, le buste de face,
le tronc de trois quarts et les jambes de profil. « Les
maîtres égyptiens continuèrent jusqu'à la fin à déformer
la figure humaine. Leurs hommes et leurs femmes sont -
donc de véritables monstres pour l'anatomiste, et cepen-
dant ils ne sont ni aussi laids ni aussi risibles qu'on est
porté à le croire, en étudiant les copies malencontreuses
que nos artistes en ont faites souvent. Les membres
défectueux sont alliés aux corrects avec tant d'adresse
qu'ils paraissent être soudés comme naturellement.
Les lignes exactes et les fictives se suivent et se com-
plètent si ingénieusement qu'elles semblent se déduire
23
PEINTURE — PÈLERINAGES
24
nécessairement les unes des autres. La convention une
fois reconnue et admise, on ne saurait trop admirer
l'habileté technique dont témoignent beaucoup de mo-
numents... Chaque mur est traité comme un tout, et
l'harmonie des couleurs s'y poursuit à travers les re-
gistres superposés : tantôt elles sont réparties avec
rythme et symétrie, d'étage en étage, et s'équilibrent
l'une par l'autre, tantôt l'une d'elles prédomine et
détermine une tonalité générale, à laquelle le reste
est subordonné. L'intensité de l'ensemble est toujours
proportionnée à la qualité et à la quantité de lumière
que le tableau devait recevoir. Dans les salles entière-
ment somhres, le coloris est poussé aussi loin que
possible; moins fort, on l'aurait à peine aperçu à la
lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs
d'enceinte et sur la face des pylônes, il atteignait la
même puissance qu'au fond des hypogées; si brutal
qu'on le fit, le soleil en atténuait l'éclat. Il est doux et
discret dans les pièces où ne pénètre qu'un demi-jour
voilé, sous le portique des temples et dans l'antichambre
des tombeaux. La peinture en Egypte n'était que
l'humble servante de l'architecture et de la sculpture.»
Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 170,
198., Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux avaient
eu l'occasion de contempler certaines de ces peintures
d'un caractère fréquemment idolâtrique et dans les-
quelles les dieux étaient habituellement représentés
avec des têtes d'animaux. Il était donc utile de les pré-
munir contre toute idée d'imitation. Plus tard, l'auteur
de la Sagesse, xv, 4, se moquera de ces idoles qui ont
« une ligure barbouillée de diverses couleurs, vain
travail d'un peintre ».
2° Chez les Assyriens. — Les Assyriens enduisaient
leurs maisons d'un stuc blanc, fait de plâtre et de
chaux, et assez souvent le décoraient de peintures en
détrempe, à teintes plates et sans modelé dans les
figures. Cf. Perrot, Histoire de l'art, t. n, p. 291. Plu-
sieurs de ces peintures remontent à la plus haute anti-
quité chaldéenne. On a retrouvé d'élégantes rosaces
formées par l'application sur le stuc de couleurs très
tranchées, des bordures décoratives avec taureaux
peints en blanc sur fond jaune et silhouettes accusées
par une large bande noire, créneaux bleus et festons
multicolores, etc. Les tours à étages ont les degrés
peints, à partir du bas, en blanc, noir, rouge, jaune,
vermillon, argent et or. A l'intérieur des salles, les bas-
reliefs eux-mêmes étaient décorés en couleur, de sorte que
les stucs ornés de peintures paraissaient en être la conti-
nuation et le prolongement, ce qui évitait un contraste
choquant entre la blancheur des sculptures et ta colo-
ration des stucs. Cf. Babelon, Archéologie orientale,
Paris, 1888, p. 126. La brique émaillée entrait aussi
pour beaucoup dans la décoration des édifices. Voir Émail,
t. H, col. 1712. Dans une de ses visions, au pays des
Chaldéens, Ézéchiel, vm, 10, songe à ces peintures,
imitées par des Israélites infidèles, quand il décrit, dans
une salle retirée, « toutes sortes de figures de reptiles et
d'animaux immondes, et toutes les idoles de la maison
d'Israël dessinées sur la muraille tout autour. » Dans
une autre vision, il voit Ooliba, c'est-à-dire Jérusalem,
brûlant d'amour pour les fils de l'Assyrie représentés
en peinture sur la muraille avec une couleur vermillon.
Ezech,, xxiii, 14. Déjà Jérémie, xxn, 14, avait stigma-
tisé les mauvais rois de Juda qui s'élevaient de vastes
maisons couvertes de cèdre et peintes en vermillon.
D'après les versions chaldaïque, syriaque et arabe, il
s'agirait ici non pas seulement de vermillon, sdsar,
mais de figures, sammâkin. Toutefois le sdsar désigne
bien levermillon, [u'Xtoc, sinopis. Cf. Pline, H. N., xxxv,
6, 13. '
3° Chez les Perses. — A Suse, la décoration poly-
chrome à l'extérieur des monuments se composait de
briques émaillées aux vives couleurs, avec des sujets
en relief pour imiter la sculpture assyrienne. « L'inté-
rieur de l'apadâna parait avoir été simplement colorié à
l'aide d'un stuc rouge monochrome que dissimulaient
d'ailleurs, à peu près complètement, les riches tapis
et les draperies brodées dont les parois de toutes les
salles étaient tendues. » Babelon, Archéologie orientale,
p. 184. Le livre d'Esther, i, 6, mentionne ces tentures,
et non des peintures, comme traduisent les versions.
4° Chez les Crées. — La polychromie des édifices et
des maisons était en grand honneur chez les Grecs.
L'influence s'en fit naturellement sentir en Palestine à
l'époque des Séleucides. On en a une preuve dans une
remarque faite en passant par l'auteur du second
livre des Machabées, il, 30 : « De même que l'architecte
d'une maison nouvelle doit embrasser dans sa pensée
tout l'ensemble de la construction, tandis que celui qui
se charge de la décorer et d'y peindre des figures doit
se préoccuper de ce qui regarde l'ornementation... »
En tous cas, cet art ne pénétra jamais dans le Temple,
où la couleur ne figurait que dans les tapisseries
brodées ou, à l'état naturel, dans les riches matériaux
plus ou moins ouvragés qui entraient dans la construc-
tion, pierre, cèdre, bronze, or, etc. Josèphe, Bell.jud.,
V, v, 2, note que même dans l'ornementation des por-
tiques du Temple, aucun peintre de figures, ÇwypciiyO::,
n'avait eu à travailler. La peinture décorative, la seule
dont il puisse être question, était donc exclue de l'édi-
fice sacré. Différents textes semblent, au moins dans les
versions, se rapporter à la peinture. Il Beg., vi, 29, 32;
Prov., vu, 16; Jer., iv, 30; Ezech., XL, 6; Eccli.,xxxvm,
28. En réalité, il n'y est question que de sculpture ou
de teinture. H. Lesêtre.
PEIRCE James, controversiste protestant, né à
Londres en 1673, mort à Exeter le 30 mars 1726. 11 étu-
dia en Hollande, à Utrecht et à Leyde. De retour en
Angleterre, il prêcha à Londres, et en 1713 devint mi-
nistre d'une église non conformiste à Exeter. Cinq ans
plus tard il devait renoncer à ce poste à cause de ses
doctrines sur la Trinité; mais peu après il ouvrait un
nouveau temple dans la même ville. Prédicateur cé-
lèbre, il eut de longues discussions avec les anglicans
et presque tous ses écrits ont trait à ces controverses.
Nous devons cependant mentionner l'ouvrage suivant :
A paraphase and notes on the Epistles of Si. Paul to
the Colossians, Philippians and Hebreivs, after the
manner of Mr. Locke to ivich are annexed crilical dis-
sertations on particular texts of Scripture. With a pa-
raphrase and notes on the three last chapters of the
Hebrews, left unfinished by Mr. Peirce; and an essay
to discover the autor of the Epistle, and language in
with it was ivritten, by Joseph Hallet, 2 a édition, in-4»,
Londres, 1733. Cet ouvrage, dont la l re édition avait
paru en 1725-1727, fut traduit en latin par Michaëlis en
1747. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. IV, p. 675,
736; W. Orme, Biblioth. biblica, p. 344.
lî. Heurtebize.
PELAGE (hébreu : l.iâbarburôt ; Septante : uoixiltiara;
Vulgate : varietates), la robe d'un fauve, dont les poils
diversement colorés donnent un aspect spécial à chaque
espèce. — Le mot hébreu, exactement rendu par les
versions, désigne les taches noires qui sont dissémi-
nées sur le dos jaune du léopard. L'Éthiopien ne peut
pas plus changer sa peau que le léopard les taches de
son pelage. Jer., xm, 23. Voir Nègres, t. ix, col. 1563.
— Sur le procédé employé par Jacob pour obtenir des
brebis tachetées de différentes nuances, Gen., xxx, 37-
43, voir Brebis, t. i, col. 1918. H. Lesêtre.
PELERINAGES, voyages que les Israélites étaient
obligés de faire à Jérusalen aux trois fêtes principales.
— 1° La Loi obligeait tous les hommes à se présenter
trois fois l'an devant Jéhovah, Exod., xxm, 17; xxxiv,
25
PELERINAGES
PELICAN
26
23, à la fête des azymes ou Pàque, à la fête des se-
maines ou Pentecôte et à la fête des Tabernacles. La
loi ajoutait qu'en ces occasions il ne fallait pas venir
les mains vides, mais que chacun devait apporter ses
offrandes selon les bénédictions que Dieu lui avait
accordées. Deut., xvi, 46-17. Cf. II Par., vin, 13. Voir
Fêtes juives, t. Il, col. 2218. — Sur la manière dont les
pèlerins se rendaient à Jérusalem, voir Caravane, t. n,
col. 249.
2° L'obligation légale ne visait que les hommes. Pra-
tiquement, on déclarait exempts de cette obligation les
sourds, les faibles d'esprit, les enfants, les orphelins,
les femmes, les esclaves, les estropiés, les aveugles, les
malades, les vieillards, et en général tous ceux qui ne
pouvaient faire le chemin à pied. Cf. Chagiga, I, 1. Par
enfant, on entendait, d'après Schammaï, celui qui ne
pouvait plus être transporté de Jérusalem au mont des
Oliviers que sur les épaules de son père, et d'après Hillel,
celui qui n'aurait pu faire ce chemin en tenant la main
de son père. Du récit de saint Luc, H, 42, il ressort
que l'enfant n'entreprenait le pèlerinage qu'à sa dou-
zième année. Encore faut-il tenir compte de la dis-
tance à laquelle il se trouvait de Jérusalem. Les
docteurs étaient plus sévères pour la fête des Taber-
nacles. Les femmes, les esclaves et les enfants en
étaient exempts. Mais, parmi ces derniers, l'obligation
s'imposait à ceux qui pouvaient se passer de leur mère
et qui étaient capables d'agiter le rameau de la fête ou
lulab. Cf. Sukka, n, 8;iii, 15. Les Israélites de l'étranger
ne se dispensaient pas de ces pèlerinages; ils venaient
à la ville sainte au moins de temps en temps. Ils arri-
vaient par milliers de tous les points cardinaux, les
uns par terre, les autres par mer. Cf. Philon, De
monarch., n, 1, édit. Mangey, t. n, p. 223. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XVII, il, 2; XVI11, ix, 1; Yoma, vi, 4;
Taanith, 1, 3.
3" Un mois avant chacune de ces trois fêtes, on com-
mençait à instruire le peuple de tout ce qui concernait
la solennité. Quinze jours plus tard, ou procédait à la
déçimation des troupeaux, on recueillait le montant de
l'impôt et l'on tirait du trésor du Temple ce qui était
nécessaire à l'usage commun pendant la fête. Cf. Sche-
kalin, m, 1. Tout était préparé dans le pays pour
l'utilité et la sécurité des pèlerins, les chemins remis
en état, les puits débarrassés de leurs pierres, les
sépulcres reblanchis, les ponts consolidés, les places et
les rues de Jérusalem laissées à la disposition de ceux
qui devaient y camper. Là où il y avait lieu de le faire,
on donnait l'eau de jalousie à boire aux femmes sus-
pectes d'adultère (voir t. n. 1522), on immolait et on
consumait la vache rousse (voir t. n col. 407) et l'on
perçait les oreilles des esclaves (voir t. iv, col. 1857).
Deux ou trois jours avant la fête on purifiait soigneuse-
ment les vases et les ustensiles qui devaient servir ce
jour-là.
4° Dans la Mischna, le traité Chagiga s'occupe de
l'obligation d'aller à Jérusalem aux trois grandes fêtes
et des devoirs qui s'imposaient alors à l'Israélite; le
traité Moed katan a pour objet les jours intermédiaires
de la fête, et le traité Beza ou Yoni tob indique ce
qu'il est permis de faire les jours de fête' ou de
sabbat. On voit dans ces traités que les Juifs recon-
naissaient six jours de fête majeure, appelés yâmîm
tobîm, « jours bons » ou « grands jours » : le premier
et le septième de la Pàque, celui de la Pentecôte, le
premier et le huitième des Tabernacles, et le premier
de tischri ou commencement de l'année civile. Cf. Rosch
haschana, I, 1. En ces jours, le travail était défendu,
mais moins strictement qu'au jour du sabbat, car il était
permis de cuire les aliments préparés la veille.
Cf. Gem. Jerus. Yebamoth, 8, 4. Sur ces six jours, il
y en avait quatre, le premier de la Pâque, celui de
la Pentecôte, le huitième des Tabernacles et le
premier de tischri qui se distinguaient des autres
par les sacrifices qu'on offrait et les festins aux-
quels on se livrait. Saint Jean, vu, 37, remarque
que le dernier jour de la fête des Tabernacles était
« le jour le plus solennel ». Les jours intermédiaires de
la Pàque et de la fête des Tabernacles étaient moins
solennels. Saint Jean, vu, 14, fait encore allusion à l'un
de ces jours. On y pouvait terminer les travaux qui ne
seraient pas restés en souffrance sans inconvénient ou
dommage. Cf. Sota, ix, 10. Il était également permis
de se livrer à des travaux d'utilité publique et immé-
diate, comme le blanchissage des sépulcres à la chaux,
ou à d'autres œuvres urgentes, comme l'arrosage d'un
champ desséché, etc.
5° On profitait de ces fêtes pour offrir un grand nom-
'bre de sacrifices, qu'on réservait jusqu'à cette occasion,
comme ceux qui étaient prescrits aux femmes devenues
mères, à ceux qui étaient atteints de flux, etc. Cf. Joa.,
xi, 55 (ut sanciificarent seipsos). De plus, la Loi or-
donnait expressément de ne pas se présenter les mains
vides devant le Seigneur. Exod., xxm, 15; Deut., xvi,
16. 17. Chacun se faisait donc un devoir d'offrir un
holocauste pendant le cours la fête, et, le premier
jour, un sacrifice pacifique dont on pouvait manger
ce jour-là, la nuit et le jour qui suivaient. Ces
sacrifices prenaient le nom de hagîgàh, ou sacrifices
de la fête. Celui qu'on offrait le 14 nisan pouvait
être mangé avant l'agneau pascal. Si ces deux sacri-
fices n'avaient pas été offerts dès le premier jour, on
pouvait les offrir les autres jours de la fête, et, pour
la fête de la Pentecôte qui ne durait qu'un jour, pen-
dant les six jours suivants. Cf. Moed katon, ni, 6;
Chagiga, i, 6.
6° A ces sacrifices devaient s'ajouter des festins de
joie et de reconnaissance. Deut., xxvn, 7. L'Israélite
devait inviter, au moins à la fête de la Pentecôte, outre
son fils, sa fille, son serviteur et sa servante, Je lévite,
l'étranger, l'orphelin et la veuve. Deut., xvi, 11, 14.
On y mangeait ce qui avait été offert dans les sacri-
fices pacifiques de la fête et même ce qui provenait de
la dime des animaux. Les prêtres célébraient leurs fes-
tins avec ce qui leur revenait de ces sacrifices. On re-
gardait les femmes comme obligées à prendre part à
ces festins.
7» On profitait de l'affluence amenée par ces fêtes
pour exécuter les criminels, afin d'inculquer à tous
une crainte salutaire. Deut., xvn, 13; xix, 20. Cf.
Sanhédrin, xi, 4. On ne procédait cependant à l'éxecu-
tion qu'avant le commencement de la fête, comme il
fut fait pour Notre-Seigneur, ou après son dernier jour,
comme Hérode Agrippa se le proposait pour saint
Pierre. Act., xn, 4. Cette afiluence et ces festins
n'allaient pas sans occasionner parfois certains dé-
sordres, surtout à l'époque de la domination romaine.
Cf. Josèphe, Bell, jud., I, ni, 2-4; Matth., xxvi, 5. Aussi
les procurateurs avaient-ils coutume d'être eux-mêmes
présents à Jérusalem pendant les fêtes avec toute leur
garnison, et même ils postaient une cohorte en armes
sous les portiques du Temple afin de maintenir l'ordre
et d'obvier à toute tentative de troubles. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XX, v, 3. — Reland, Antiquilates sacras f
Utrecht, 1731, p. 224-228; Iken, Anliquilales hebraicœ,
Brème, 1741, p. 305-307. — Sur les voyages entrepris
pour porter les prémices à Jérusalem, voir Prémices.
H. Lesëtre.
PÉLICAN (hébreu : qâ'at; Septante : TrsXexâv; Vul-
gate : pellicanus, onocrotalus), oiseau palmipède, type-
de la famille des pélécanidés (fig. 11). — Le pélican
est un oiseau dont la taille atteint quelquefois deux
mètres. Son bec seul a près de cinquante centimètres;
il est droit, large, déprimé, avec une mandibule infé-
rieure composée de deux branches osseuses qui servent.
de soutien à une grande poche nue et dilatable, dans
■27
PÉLICAN — PÉLUSE
28
laquelle l'oiseau amasse une forte quantité d'eau et de
poissons. Le pélican fréquente les bords des fleuves,
des lacs et de la mer. Il nage avec une merveilleuse
habileté et est en mesure de faire une chasse très
active aux poissons qui composent sa nourriture. Le
nom scientifique d'onocrotalus a été attribué au pélican
à cause d'une certaine ressemblance entre son cri et
le braiment de l'âne. Sur le bord du lac de Tibériade,
on trouve fréquemment « le pélican, pelecanus ono-
crotalus, qui se tient ordinairement en troupes nom-
breuses de plusieurs centaines d'individus, près de l'en-
droit où le Jourdain forme un estuaire. Ces gros oiseaux
se placent en cercles immenses sur un seul rang
d'épaisseur, et, ainsi régulièrement disposés et espacés,
se livrent à une pêche active, la tête toujours dirigée
vers le centre du cercle. Ils sont trop sauvages pour se
11. — Le pélican.
laisser voir de près, mais avec la longue-vue nous
avons pu souvent examiner leurs manœuvres singu-
lières. Lorsque la pêche a été fructueuse et leur poche
cervicale convenablement remplie de poissons, ils se
retirent au milieu des roseaux, dans quelque golfe
désert, pour se livrer alors en paix au travail de la
mastication et de la digestion ». Lortet, La Syrie
■d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 511. Le pélican dégorge
les provisions qu'il a amassées en pressant sa mandi-
bule inférieure contre son ventre. Il semble alors les
vomir, d'où son nom hébreu de qtfat, tiré du verbe
qô', « vomir. » Il agit ainsi, soit quand il est alarmé et
que, pour fuir plus aisément, il se débarrasse du far-
deau qui retarderait sa course, soit quand il veut
■donner à manger à ses petits. D'une observation incom-
plète de la manière dont se comporte le pélican, on a
conclu qu'il s'ouvrait lui-même le ventre pour nourrir
ses petits. Saint Augustin, In Ps. ci, 8, t. xxxvii, col. 1299,
enregistre la légende sous la forme suivante : l'oiseau
tue ses petits à coups de bec et ensuite porte leur deuil
dans son nid pendant trois jours; au bout de ce temps
la mère se fait à elle-même une grave blessure et ré-
pand son sang sur ses petits, qui aussitôt reprennent
la vie. Ce sang qui rend la vie serait l'image du sang
du Sauveur. La légende et son application se sont géné-
ralisées au moyen âge et ont pris place dans l'iconogra-
phie chrétienne. Le pélican est alors représenté entouré
de ses petils et les nourrissant au moyen d'une bles-
sure qu'il s'est faite. Saint Thomas, dans l'hymne
Adoro te, appelle Jésus-Christ « compatissant pélican »;
mais, dans le développement de cette idée, il reste
fidèle à la donnée de saint Agustin et considère l'acte de
l'oiseau symbolique comme destiné à purifier et à vivi-
fier au moyen du sang et non à nourrir. — La Sainte
Écriture parle du pélican pour défendre de l'employer
dans l'alimentation. Lev., xi, 18; Deut., xiv, 17. De fait,
sa chair n'est pas mangeable. Un Psalmiste, en proie
à de dures épreuves, se compare au pélican du désert
et au hibou des ruines. Ps. eu (ci), 7. Le pélican au
repos a un air grave et mélancolique qui figure bien
les apparences du chagrin. Le désert qu'il habite est
naturellement situé sur le bord des eaux, puisque cet
oiseau ne vit que de poisson. La présence du pélican
dans des endroits précédemment habités indique que
ces lieux sont devenus déserts et en ruines. Il en sera
ainsi du pays d'Édom, dont les torrents seront dessé-
chés, Is., xxxiv, 9, l\, et de Ninive. Soph., il, 14. A
Ninive, les pélicans trouveront à vivre dans les eaux
du Tigre. Ils sont nombreux en Egypte sur les bords
du Nil et dans les marécages du Delta. En Humée, ils
n'auront à leur disposition que les eaux de la mer
Morte et du golfe Élanitique. Mais il faut observer
qu'ici le prophète Isaïe prend Édom comme type de
toutes les nations condamnées par la justice divine et
attribue à leurs territoires en général les signes de
désolation qui ne conviennent qu'à certains d'entre
eux. Les Septante traduisent qâ'at dans Isaïe par
opveov, « oiseau, » et dans Sophonie par j;a l u.oa>iov,
« caméléon. » II. Lesêtre.
PELLEGR1N1 Alexandre, commentateur italien, né
à Matelica en 1600, mort à Rome en 1647. Il entra au
noviciat de la Compagnie de Jésus en 1621 et remplit
diverses charges dans son Ordre. Il nous reste de lui
un commentaire assez long et assez original : Evange-
Uum secundum Matlhseum paradoxis ilhtstvaium. Il
comprend deux volumes parus le premier a Rome en
1638 et le second à Lorette en 1745. P. Bliard.
PÉLUSE (hébreu :Sin; Septante: Sâïv, X^tÎvïj), ville
d'Egypte. — I. Nom et site. — Le nom que la Vulgate
rend par Péluse est Sin en hébreu. Les Septante le tra-
duisent parSâïv, Ezech., xxx, 15, et Su^vï], 16. Le Codex
Alexandrinus porte Tâviv au lieu de Sâïv, leMarchalia-
nus a Sais aux deux endroits. Cela semble indiquer que,
pour les Septante, ou du moins pour les copistes des
plus anciens codices, le mot Sin n'offrait rien de précis
et qu'on était embarrassé pour l'identifier. Evidemment
Su-^VT] est ici fautif : il ne traduit pas Sin, mais Sevê-
nêh, Ezech., xxix, 10, xxx, 6, laR.3fe>.^, Soun des
Égyptiens, la ccnf*.iT des Coptes, la Syène des Romains,
l'Assouan des Arabes. Il faut en dire autant de Tdtviç
qui est le nom grec de ) çs,Zân ou Djan, en hébreu
Sô'an. Ezech., xxx, 14. Cf. Is., xix, 4; Ps. xlvii (xlviii),
12, 43. C'est la moderne San el-Haggar. Quant à Edci'v, ce
pourrait être l'accusatif de Siï;_, et alors nous aurions la
ville de ? Tk.©> Sa, Sais, aujourd'hui Sa el-Haggar,
capitale de la xxvi« dynastie et située sur la branche de
Rosette, dans le Delta occidental. Mais le contexte
d'Ezéchiel nous interdit de songer à une pareille iden-
tification. Contre les ennemis qui doivent venir de l'Asie,
Sin est désignée comme « la force » ou « le rempart de
l'Egypte », xxx, 15, et cela vise de façon assez claire la
frontière orientale du Delta. C'est en cet endroit qu'il
nous faut la chercher. Sàïv pourrait encore à la rigueur
être un mot indéclinable et, dans ce cas, rendre tant
bien que mal Sin qui relève du dialecte chaldaïque et
devient Seyân dans le dialecte aramaïque. Or Sin, Seyân,
29
PELUSE
30
emporte le sens de « boue », tout comme ïlr{).o-Ji ! .ai
qui en serait alors l'équivalent grec. Péluse était située
à l'extrémité nord du Delta orienta], à la bouche même
■de la branche du Nil à laquelle elle donna son nom, la
Pélusiaque. Les marais et les fondrières l'entouraient.
« Son nom, dit Stnibon, XVII, i, 21, lui vient précisé-
ment de la boue et des marais : wvôu.a<rrat b'àizo to-j
7:;;Xoi v.x\ toiv Tc).[j.àtwv. » C'est appuyé sur cette analo-
gie, peut-être aussi sur quelque texte plus pur des
Septante et sur quelque tradition juive, que saint Jérôme
aura rendu Sin par Péluse. On n'a guère contesté cette
assimilation de noms, assimilation que rappelle encore
aujourd'hui la dénomination de Tinéh, «boue, » donniie
parles Arabes à un fort en ruines de Péluse. Cf. d'An-
viïfe, Mémoires sur l'Egypte ancienne et moderne,
1766, p. 96-97; Steindorff, Beitràge xur Assyriologie,
t. r, 1890, p. 589; Griffith, art. Sin, dans Hastings, Dic-
tionary of the Bible, t. iv, p. 336.
II. Sox importance. — Doublement importante était
Péluse, comme station commerciale et comme poste
militaire. Par la mer arrivaient à elle les' vaisseaux
phéniciens, cypriotes et grecs. De là ils pénétraient dans
l'intérieur du pays, surtout depuis Psammétique I er
(&63-609 avant J.-C.) qui avait favorisé l'établissement
des Grecs dans la région extrême de la brandie pélusia-
que. Hérodote, u, 151. Par terre, six à sept jours de
marche seulement séparaient Péluse de Gaza : elle
était donc le confluent des caravanes et un point central
du trafic entre l'Asie et l'Afrique. En conséquence, elle
était aussi le poste le plus exposé aux ennemis de l'est :
Péluse prise, les conquérants tenaient la clef de l'Egypte,
et la route de Memphis s'ouvrait devant eux. Mais sa
ceinture de marais la rendait difficilement abordable.
« On s'explique par cette disposition des lieux comment
l'entrée de l'Egypte est si difficile du côté du Levant,
c'est-à-dire par la frontière de Phénicle et de Judée,
seule route pourtant que puisse prendre le voyageur qui
vient du pays des Nabatcens, bien que cette partie de
l'Arabie, la Nabatée, soit elle-même contiguô à l'Egypte,
'l'ont l'espace compris entre le Nil et le golfe Arabique, dont
Péluse se trouve former le point extrême, appartient en
offet déjà à l'Arabie et n'offre qu'un désert ininterrompu
qu'une armée ne saurait franchir. » Strabon, XVII, i,
21, traduction Amédée ïardieu, t. m, y. 420. C'est
pourquoi les Pharaons qui se souvenaient des campagnes
d'Asarhaddon et d'Assurbanipal durent mettre à profit
cette situation avantageuse, ce chemin nécessaire des
envahisseurs, et en faire le boulevard contre lequel,
dans leur pensée, viendrait se briser la vague des
peuples asiatiques. Quelques années après la première
campagne de Nabuchodonosor (583), Amasis en éloigna
même les mercenaires grecs et leurs colonies par
crainte de les voir faire cause commune avec l'ennemi,
et les remplaça par des troupes plus sûres. Hérodote,
n, 154. Nabuchodonosor menaçait de nouveau l'Egypte.
Dès 571, Ézéchiel, xxix, 1, avait annoncé le retour du
Chaldéen. Malheureusement les documents égyptiens
que l'on possède nous laissent ignorer jusqu'au nom de
Péluse. Hérodote nous permet d'y suppléer. Il a connu
la branche pélusiaque, ir, 17, 15i; il nous raconte l'en-
trée en Egypte de Cambyse en 525, sous le règne de
Psammétique III. Le Pharaon vint attendre le Grand-
Roi à Péluse, mais ne put empêcher la ville d'être em-
portée après une journée de lutte. Memphis ouvrit
bientôt ses portes et la Haute-Egypte se plia docilement
au joug du vainqueur. Hérodote, m, 10-13. C'est à peu
près ce qui dut se passer quarante ans plus tôt, en 568,
dans la deuxième campagne de Nabuchodonosor. Voir
A t o-Amon, t. IV, col, 1652, 3". A n'en pas douter, Péluse
était déjà ce que nous la voyons être sous Psammétique
III. Quelques années avant cette même date, Dieu par
la bouche d'Ézéchiel pouvait donc mettre Péluse en
parallèle avec Memphis et Thèbes, et dire en toute
vérité : « Je verserai mon indignation sur Péluse, la
force de l'Egypte, j'exterminerai la multitude de No
(Thèbes). Et je mettrai le feu dans l'Egypte. Péluse
sera à la torture comme une femme en travail. No
(Thèbes) sera détruite et Memphis sera chaque jour
dans l'angoisse. » Ezech., xxx, 15-16. Après Nabuchodo-
nosor et Cambyse, d'autres envahisseurs venus par la
route d'Asie devaient montrer encore, dans l'ère an-
cienne, qu'au sort de Péluse était lié d'ordinaire le sort de
Memphis etdeia Haute-Egypte. Qu'il suffise de rappeler
Xerxès I er , en 490, Artaxèrxes I Br en 460, Artaxerxès III
ou Ochus en 341, Alexandre en 331, Gabinius et son
lieutenant Marc-Antoine en 55, Octave en 30. C'est en
vue de Péluse que Pompée fut lâchement assassiné (48).
III. La fin de Péluse. — A l'époque romaine, Péluse
devint la métropole de l'Augustamnique. Lequien,
Orient Chrislianus,\. ir, p. 310. Longtemps encore elle
compta parmi les places principales du Delta, bien que
dès lors l'attention se portât surtout vers l'occident de
l'Egypte. Au rv e siècle, ses monastères eurent du renom.
Saint Isidore le Pélusiote (350-435 environ) nous a
laissé un nombre considérable de lettres d'où l'on
pourrait tirer le piquant tableau d'une ville gréco-
romaine d'Egypte. Pour les Coptes, elle s'appela
TiepeJULOfK' Parmi les évêques d'Éphèse, on rencontre
Eusèbe de Peremoun, en grec n^XmxTÎov. Labbe, Sacro-
sancta Concilia, t. m, col. 1084. Comparant le copte
Peremoun avec l'égyptien Am, capitale du XIX e nome
de la Basse-Egypte, Brugsch crut avoir retrouvé dans
ce dernier le nom de Péluse par l'entremise de OMG
« boue ». Dictionnaire géographique de l'Egypte an-
cienne, Supplément, 1880, p. 1091; Die Aegyplologie,
1891, p. 452. Mais en 1886 les fouilles de Tell-iVebeshéh
ont révélé le site de Am à cinquante-cinq kilomètres
environ à l'ouest de Péluse et à mi-chemin entre Taniset
Salahieh. Cf. Pétrie, Tanis, Part, n, Tell-Nebesheh, 1888,
p.[l-37 (V e Mémoire de VEgypf Exploration Fund). Pour
les Arabes, Péluse (utEl-Fermâ ou Farmâ. «La liste des
évêchés coptes donne l'égalité suivante : neAcifcicy =
nepeM-O-yii = El-Fermâ. » Amélineau, La géographie
de l'Egypte à l'époque copie, 1893, p. 317; cf. d'Anville,
loc. cit.; Quatremére, Mémoires géographiques et his-
toriques sur l'Egypte, 1811, t. i, p. 259-260; Champol-
lion, L'Egypte sous les Pharaons, 1811-1814, t. n, p.
82-87. — Renouvelant les exploits des Assyriens et des
anciens conqnérants, les troupes de Chosroès prirent
Péluse en 616; Amrou s'en empara en 640. Baudouin I er
la brûla en 1117. Il n'en est plus question après le xn e
siècle. La branche pélusiaque abandonnée à elle-même
finit par s'envaser; la mer que l'eau du fleuve ne refou-
lait plus pénétra dans les marécages, y détruisit les
bandes cultivées et rendit la région déserte. « La plaine
saline de Péluse... vaste et unie comme la surface des
eaux d'un lac tranquille, dont elle offre une parfaite
image, est formée d'un sable humide et gras à la marche.
Toutes les parties n'en sont pas également fermes; car
il en est de fangeuses et de mouvantes, dans lesquelles
il serait dangereux de s'engager. » J.-M. Lepère, Mé-
moire sur le canal des deux mers, dans Description de
l'Egypte, t. xi, 2« édit. 1822, p. 334. A partir de Port-
Saïd, sur une longueur de trente kilomètres, le canal
de Suez sépare aujourd'hui cette plaine du lac 3Ienzaléh.
Au-dessus de la morne étendue seules deux grandes
buttes persistent, dont l'une, celle de l'ouest, s'allonge
à deux kilomètres de la mer, à vingt stades, comme
Strabon, XVII, i, 21, le disait de Péluse. Elle lui est
parallèle et porte les débris d'un temple dans une large
enceinte de briques rouges. Ce sont des ruines d'époque
romaine ou byzantine qui recouvrent la vieille cité égyp-
tienne. Leur éloignement de tout centre habité, la diffi-
culté de s'y ravitailler ont empêché jusqu'à ce jour d'y
entreprendre des fouilles. Ces fouilles cependant
peuvent seules, dans un sens ou dans l'autre, lever les
31
PÉLUSE — PÉNALITÉS
32
doutes que la version des Septante laisse malgré tout
subsister dans notre esprit au sujet de l'identification de
Sin avec Péluse. C. Lagier.
PENIBLE Guillaume, théologien anglais, puritain,
né vers 1591, mort en 1623. Il étudia à Oxford au col-
lège de la Madeleine et se fit promptement remarquer
comme théologien et comme prédicateur. Dans ses
œuvres publiées à Londres, in-f°, 1635, on remarque :
Salomon's recantation and repentance, or the book of
Ecclesiastes explained ; The period of the Persian mo-
narchy wherein sundry places of Eira, Kehemiah
and Daniel are cleared; A short and sweet Exposi-
tion upon the first nine chapters of Zecharia. — Voir
Walch, Bibliolh. theologica, t. îv, p. 479, 480; TV.
Orme, Biblioth. biblica, p. 345.
B. Heurtebize.
PÉNALITÉS (hébreu : biqqorét, pequddâh, tûke-
liâh, tokahat; Septante : litioxomî, eXsyh°«, ëXeyx°c>
Vulgate : castigatio, increpatio, plaga), sanctions por-
tées contre les transgresseurs d'une loi.
I. Pénalités mosaïques. — 1° Comme toutes les lois,
la loi mosaïque avait pour sanction des châtiments des-
tinés à punir le coupable qui n'avait pas eu assez de
fermeté dans la conscience et la volonté pour recon-
naître le caractère impératif de la loi et s'y soumettre.
L'application du châtiment servait en même temps de
leçon aux autres ; sollicités par les avantages apparents
de la transgression, ils devaient être retenus par les
conséquences onéreuses qu'elle entraînait. Dieu lui-
même a voulu donner le premier l'exemple d'une péna-
lité annexée à un précepte. Au paradis terrestre, il dé-
fendit aux premiers êtres humains de toucher à un
fruit sous peine de mort. Gen., il, 17. L'homme, sur-
tout quand il était dans l'état d'innocence, pouvait obéir
au commandement par le seul amour du bien. Dieu
jugea pourtant que, même alors, la crainte du châti-
ment n'était pas inutile pour maintenir la volonté hu-
maine dans la rectitude. Cette crainte elle-même fut
loin de suffire toujours. — 2» La nation hébraïque est
constituée en théocratie. Il suit de là que les lois reli-
gieuses sont lois d'État au même titre que que les lois
civiles et qu'à leur transgression sont attachées des
pénalités analogues. Aussi Dieu intervient-il directe-
ment, soit pour prescrire ces pénalités, soit pour les
appliquer au besoin. Exod., xxn, 18 ; Num.,xxv, 4, 11;
xxxv, 41; Lev., xx, 2, 4; Deut., xvn, 5, etc. — 3° Tout
le peuple est intéressé au châtiment du coupable, afin
que le mal soit été d'Israël. Deut., xvn, 7, 12, etc.
Comme un crime ne peut rester sans auteur responsa-
ble et sans châtiment, si le coupable est inconnu, les
hommes du pays où le mal a été commis doivent se
disculper publiquement et offrir une expiation.
Deut., xxi, 1-9. La pénalité infligée au coupable doit
servir d'exemple à tout le peuple. Deut., xvn, 7; xix,
20; xxi, 21. — 4° En principe, la responsabilité est
personnelle et les enfants ne sont pas punis pour les
fautes des pères. Deut., xxiv, 16; IV Reg., xv, 5; IlPar.,
xxv, 4. Cependant, en certains cas, l'iniquité des pères
était punie dans les fils, soit par une pénalité précise,
Num., xvi, 27, 32; Jos., vu, 24; IV Reg., x, 7, soit par
une malédiction divine qui entraînait le malheur d'une
famille. Exod., xx, 5, etc. Il s'agissait surtout alors
de crimes commis contre Dieu. Le code d'Hammourabi
est beaucoup moins humain sous ce rapport. Il permet
de mettre à mort la fille d'un injuste agresseur qui a fait
périr une femme libre (art. 210), le fils d'un architecte
dont la négligence a causé la mort du fils d'un proprié-
taire (art. 230), etc. Chez les Perses, on avait gardé la
coutume de faire mourir avec certains condamnés toute
leur famille. Deut., vi, 24; Esth., ix, 7-10.
II. Différentes pénalités. — Les pénalités prévues
par la loi mosaïque sont les suivantes : — 1° Peine de
mort, contre le blasphème, Lev., xxiv, 15,16; cf. ïlï
Reg., xxi, 10, 13; Matth., xxvi, 65, 66; la profanation
du sabbat, Exod., xxxi, 14; xxxv, 2; Num,, xv, 32-36;
la pratique de l'idolâtrie par les sacrifices aux idoles,
la divination, la nécromancie, etc., Exod., xxn, 18, 20;
Lev., xx, 2, 27; Deut., xui, 6, 10, 15; xvn, 2-7; la
prétention illégitime à la prophétie, Exod., xxn, 18 r
Lev. xx, 27; Deut., xm, 5; xvm, 20; I Reg., xxvni, 9;
— les coups ou la malédiction sur les parents,
Exod., xxi, 15, 17; l'adultère, Lev., xx, 10; Deut., xxn,
22; cf. Joa., vm, 5; la fornication découverte après le
mariage, Deut., xxn, 21, commise par une fiancée,
Deut., xxn, 23, ou la fille d'un prêtre, Lev., xxi, 9; le
rapt, Deut., xxn, 25; l'inceste et les fautes contre na-
ture, Exod., xxn, 19; Lev., xx, 11, 14, 16; l'homicide,
Exod., xxi, 12; Lev., xxiv, 17; la vente de son semblable,
Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7; le faux témoignage con-
cluant à la mort de l'innocent. Deut., XIX, 16-19. —
Tous ces crimes étaient graves, soit au point de vue
religieux, soit au point de vue moral. Plusieurs d'entre
eux, même parmi ceux qui ne se rapportent pas aux de-
voirs religieux, n'encourent pas la mort dans nos légis-
lations modernes. Par contre, le code d'Hammourabi
est beaucoup plus rigoureux que celui de Moïse. Il con-
damne à mort le sorcier malveillant (art. 1), le témoin
injurieux (art. 3), le voleur et le receleur (art. 6-8),
celui qui a favorisé la fuite d'un esclave (art. 15, 16), le
brigand pris en flagrant délit (art. 22), l'architecte homi-
cide par imprudence (art. 229), etc. La loi de Moïse
avait plus de respect pour la vie humaine ; elle ne la
sacrifiait que quand le cas était vraiment grave au point
de vue de la religion, de l'intérêt familial ou social et
des mœurs. — Sur l'application de la peine de mort,
voir Goel, t. in, col. 260; Lapidation, t. iv, col., 89;
Pendaison, Supplices.
2» Retranchement, sorte d'excommunication, c'est-à-
dire exclusion du peuple de Dieu et perte des droits
religieux et civils. Celui qui n'appréciait pas suffisam-
ment l'honneur d'appartenir au peuple de Dieu et con-
trevenait à certaines lois graves imposées à ce peuple,
méritait bien d'en être exclu. Le retranchement était
prononcé dans les cas suivants : omission de la circon-
cision, Gen., xvn, 14; Exod., iv, 24; omission de la
Pâque, Num., IX, 13; omission de la fête de l'Expiation
ou travail exécuté ce jour-là, Lev., xxni, 29, 30; man-
ducation de pain levé pendant les Azymes, Exod., xn,
15, 19; occision d'un animal, à l'époque de l'exode,
sans l'amener à l'entrée du Tabernacle, Lev., xvn, 4,9;
manducation de la graisse des sacrifices ou du sang des
animaux, Lev., vu, 25, 27; xvn, 14; manducation d'une
victime après le second jour, Lev., vu, 18; xix, 7, 8;
manducation d'une victime pacifique sans être en état
de pureté, Lev., vu, 20; contact des choses saintes par
un prêtre qui est impur, Lev., xxn, 3; usage profane
de l'huile sainte et du parfum de l'autel, Exod., xxx,
33, 38; omission de la purification après le contact d'un
mort, Num., xix, 20; travail exécuté le jour du sabbat,
Exod,, xxxi, 14; consultation des devins et des nécro-
manciens, Lev,, xx, 6; mépris habituel des préceptes
divins, Num., xv, 30, 31; — quinze cas d'unions pros-
crites par la Loi. Lev., xvm, 29; xx, 9-21. — Au retran-
chement se rattache la menace de mourir sans enfants,
Lev., xx, 21; cette peine est appliquée directement par
Dieu, et elle aboutit au retranchement d'une famille à
courte échéance. — Sur le retranchement, voir Aka-
thème, t. i, col., 545; Excommunication, t. h, col., 2132.
3° Talion, peine consistant à subir un mal semblable
à celui qu'on a infligé à un autre. Exod., xxi, 24, 25.
A'oir Talion.
4° Flagellation, imposée pour certaines fautes de
moindre gravité. Voir Flagellation, t. n, col. 2281.
5° Amende, ou compensation en argent pour le tort
causé. Comme il n'y avait pas de fisc hébraïque,
33
PENALITES
PENDAISON
34
l'amende se payait à la personne lésée. Voir Amende,
t. i, col. 476; Dommage, t. n, col. 1482. Le débiteur
insolvable était sujet à la saisie de ses biens ou même
pouvait être réduit en esclavage, lui et ses enfants.
Toir Dette, t. h, col. 1395.
6° Prison, non en usage chez les anciens Hébreux,
et employée seulement à l'époque des Rois. Voir
Prison.
7° Sacrifice expiatoire, à la suite de certains délits.
Voir Sacrifice.
En somme, la loi mosaïque était relativement douce
dans ses pénalités. Elle ne connaissait ni la torture,
destinée à provoquer les aveux du coupable, ni ces
supplices atroces que les autres peuples infligeaient
sans pitié, les mutilations de toute nature, la perfora-
tion des yeux, l'écorchement, le pal, l'exposition aux
bêtes, la crucifixion, le travail des mines, la déporta-
tion, etc. Quand ils infligeaient la peine de mort, les
Hébreux ne cherchaient pas à prolonger ni à augmenter
les souffrances du condamné; ils s'appliquaient au
contraire à l'exécuter le plus rapidement possible,
PENC1NI Innocent, théologien dominicain, né à
Venise vers 1621, mort en 1689 ou 1690. Entré dans
l'ordre des frères-Prêcheurs, il fut, en 1644, â l'âge de
23 ans, choisi pour professeur de philosophie à l'uni-
versité de Padoue. Il a publié parmi d'autres écrits .
Nova veteris Legis mystico-sacra Galaxia Scripturse
in cselo angelici prxceptoris Ecclesiseque doctoris D.
Thomse Aq. phœbeo signato excursu, cingulo pressa
lacteo, gemmis instrata stellis, h. e. luculenta Com-
mentaria in Genesim, Exodum, Leviticum, Numéros,
Deuteronomium, in quibus potissima, quse ubivis dis-
persit altis sapientisi sporades decuriatim in coaetas
phalanges candicant et collucent, litteralis, ntoraîis,
allegoricus, anagogicus micant sensus; controversia-
rum qusestionum coit lumen, in-f°, Venise, 1670;
Nova evangelicee legis mystico-sacra Galaxia, Scrip-
turse... h. e. luculenta commentaria in Matthseum,
Marcum, Lucam et Joannem..., 2 in-f°, Venise, 1678-
1685 : l'ouvrage demeuré inachevé devait avoir 4 vo-
lumes; Commentarius in Cantica canticorum sub
i nomine B. Thomœ Aq. e ms. codice primum tupis
12. — Criminels auxquels on met la corde au cou pour Les pendre. D'après Rosellini, Monum. civili deW Egitto, 1834, pi. cxxrv.
comme on le remarque dans leur manière de faire mou-
rir par lapidation, le supplice presque exclusivement
usité chez eux. Voir t. iv, col. 90.
III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Plusieurs
des pénalités mosaïques sont rappelées, la lapidation,
Joa., vni, 5, le retranchement, Joa., ix, 22, la flagella-
tion. Matth., X, 17, etc. — 2» 11 y est aussi question de
pénalités étrangères à la législation juive, la décapita-
tion, Marc, vi, 27; Act., xn, 2, etc. ; la crucifixion,
Matth., xxvn, 35, etc.; l'exposition aux bêles, I Cor., xv,
32; II Tim., iv, 17; différents supplices infligés par
les païens, Heb., xi, 35-38; la prison pour dettes,
Matth., v, 25; xvm, 34; la prison préventive, Act., îv,
3; v, 18; xn, 4; xvi, 23, etc.; la garde militaire,
Act., ixviii, 16; les coups. Matth., xxiv, 51; Luc, xn,
46-48, etc. — 3» Enfin, il y est fait allusion à diffé-
rentes peines spirituelles, temporelles ou éternelles,
devant servirde sanction aux prescriptionsévangéliques,
la dénonciation à l'Église et l'excommunication du
coupable opiniâtre, Matth., xvm, 17; I Cor., v, 2-5, 9-1'i ;
I Tim., i, 20; Tit. , ni, 10; la géhenne du feu pour l'in-
sulteur de son frère, Matth., v, 21, 22, voir Géhenne,
t. m, col. 155; les ténèbres extérieures dans lesquelles
les coupables sont jetés pieds et poings liés, Matth., xxil,
13; xxv, 30, ténèbres qui figurent les supplices de
l'autre vie ; la non-rémission des péchés à certains
pécheurs, Joa., xx, 23, et l'irrémissibilité du péché
contre le Saint-Esprit, même en l'autre monde,
Matth., xn, 31,32; l'enfer, Luc, xvi, 22, avec son sup-
plice éternel. Matth., xx'v, 46. De plus, en conférant
à ses Apôtres le pouvoir de lier, Matth., xvi, 19;
xviii, 18, Xotre-Seigneur a autorisé son Église à
instituer des pénalités spéciales pour le bien spirituel
de ses enfants. H. Lesètre.
DICT. DE LA BIBLE.
editus, in-f°, Lyon, 1652. — Voir Echard, Scriptores
Ord. Prssdicatorum, t. n, p. 726.
B. Heurtebize.
PENDAISON (hébreu : tâldh, « pendre, » yâqa' ;
Septante : xpEu-.âo-9o-i; Vulgate : suspendo, crucifigo),
suspension d'un corps humain à un poteau, une
potence, une branche d'arbre, etc. — 1» La pendaison
était ordinairement un supplice. Elle est infligée au
chef des panetiers du pharaon, qui se trouvait en
prison avec Joseph, mais elle est précédée pour lui de
la décapitation, Gen., XL, 19; xli, 13, de sorte qu'elle
servait surtout à exposer aux regards le cadavre du
coupable. En Egypte, « la pendaison était le supplice or-
dinaire pour la plupart des grands crimes. » Wilkinson,
Manners and Customs of the ancient Egyptians,
2» édit., t. i, p. 307. On voit sur les peintures des
criminels auxquels on met la corde au cou (fig. 12).
Eosellini, Monumenti civili, pi. cxxrv. — Au désert,
Dieu ordonne de pendre les chefs du peuple qui
avaient commis le mal avec les filles de Moab. Num.,
xxv, 4. Il est probable que les coupables furent aupara-
vant percés 'du glaive et que leurs cadavres furent
ensuite pendus pour l'exemple. Ainsi le comprennent
les Septante : itapaSciTiiâTio-ov, « montre en exemple. »
La suspension dut avoir lieu « à la face du soleil »,
c'est-à-dire pendant le jour. Plus tard, une loi défendit
de laisser des cadavres à la potence après le coucher
du soleil, car le pendu était l'objet de la malédiction de
Dieu, à cause du crime qui lui avait mérité le châti-
ment. Deut., xxi, 23; Gai., ni, 13. Les Hébreux n'em-
ployaient pas la pendaison pour donner directement la
mort; ils se contentaient de suspendre le cadavre du sup-
plicié pour l'exposer aux regards et inspirer aux specta-
teurs de salutaires réflexions. Deut., xxi, il, 22. Voir
V. - 2
35
PENDAISON — PENDANTS D'OREILLE
36
Lapidation, col. 90; Potence. — Josuéfait pendre à un
arbre jusqu'au soir le roi d'Haï, Jos., vm, 29, puis,
après les avoir frappés de l'épée, les cinq rois pris
dans la caverne de Macéda. Jos., x, 26. — Les Philis-
tins pendent aux murailles de Bethsan les cadavres de
Saûl et de son fils. I Reg., xxxi, 10-12. — Quand
Réchab et Baana apportent à David la tête d'Isboseth
qu'ils ont tué, le roi les fait mettre à mort, puis on
les pend, pieds et mains coupés, au bord de l'étang
d'Hébron. II Reg., iv, 12. — Les Gabaonites pendent
sur la montagne « devant Jéhovah », c'est-à-dire en
exécution de la loi de Jéhovah, cf. Num., xxv, 4, deux
fils et cinq petits-fils de Saùl, et Respha, mère des
deux premiers, veille sur leurs cadavres pendant toute
une saison pour empêcher les bêtes de les dévorer.
II Reg., xxi, 8-10. — Jérémie dit que les Ghaldéens
■M
13. — Pendants d'oreille égyptiens. Musée du Louvre.
pendirent de leurs propres mains les chefs d'Israël.
Lam., v, 12. Il s'agit sans doute des fils de Sédécias et
des grands de Juda que Nabuchodonosor avait fait
égorger, Jer., xxxix, 6, et aux cadavres desquels il
infligea ensuite l'ignominie de la pendaison. — A Suse,
les deux eunuques qui ont comploté contre le roi sont
pendus. Esth,, II, 23. Quelque temps après, Aman est
pendu à une potence de cinquante coudées qu'il avait
fait préparer pour Mardochée, Esth., vu, 10, et les
Juifs obtiennent que les dix fils d'Aman soient pendus
comme leur père. Esth., ix, 13-14. La suspension au
gibet est mentionnée par Hérodote, \i f 30; vu, 238,
comme étant pratiquée chez les Perses. — En Pales-
tine, p3ndant la persécution d'Antiochus, on suspend au
cou ou aux mamelles de leurs mères les enfants qui ont
été circoncis, et on précipite celles-ci du haut des
murailles. I Mach., i, 64; II Mach., vi, 10. — 2» La
pendaison est accidentelle pour Absalom, dont la che-
velure se prend dans les branches d'un térébinthe,
pendant qu'il fuyait sur son mulet. Le révolté se trouve
ainsi suspendu sans pouvoir se dégager, et Joab vient
le tuer en le perçant de trois traits. II Reg., xvm, 9-14.
— 3°' La pendaison est un suicide pour Judas. Le traître
se met la corde au cou et se pend à un arbre, ilatth.,
xxvii, 5, puis « il tombe en avant, rompt par le milieu
et toutes ses entrailles se répandent ». Act., i, 18. La
corde ou la branche d'arbre cassent sous le poids,
probablement quand Judas est déjà mort, que son
ventre se gonfle et que la putréfaction a déjà commencé
son œuvre. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant
que, par suite de la chute, la peau déjà entamée se
rompe et laisse échapper les entrailles.
H. Lesêtre.
PENDANTS D'OREILLE (hébreu : 'âgîl, netîfôt,
nézém; Septante : Ivomov; Vulgate : inauris), orne-
14. — Pendants d'oreille assyriens. Moules assyriens pour les
pendants d'oreille en or et en argent trouvés à Koyoundjik et
à Nîmroud. D'après Layard, Discoveries in Nineveh and
Babylon, 1853, p. 597.
ment qui se suspend aux oreilles (fig. 13). — Les
pendants d'oreille, comme toutes les autres parures,
ont de tout temps été du goût des Orientaux. Les
Égyptiens en portaient. On en voit aux oreilles des
personnes assises à un festin, voir t. Il, fig. 649,
col. 2214. La reine Nofrîtari, femme de Ramsès II,
porte des anneaux aux oreilles. Cf. Lepsius, Denk-
mâler, m, 189 b. En Babylonie et en Assyrie, les
pendants d'oreille étaient familiers , même aux
hommes. Sargon et son premier ministre en ont de
considérables. Cf. Botta, Le monument de Ninive, t. i,
pi. 12. Il en est de même pour Assurbanipal, t. i,
fig. 312, 319, col. 1146, 1157. Les Phéniciens fabriquaient
pour le commerce des pendants d'oreille dont un
certain nombre de modèles ont été conservés. Cf. Ba-
belon, Archéologie orientale, Paris, 1888, p. 310. —
Les formes de pendants d'oreille étaient très diverses
(fig. 14). On suspendait aux oreilles tantôt un anneau,
37
PENDANTS D'OREILLE
PÉNITENCE
38
voir t. i, fig. 28i, col. 1058; t. n, fig. 619, col. 2009,
tantôt des bijoux plus compliqués (fig. 15). Avant de
se rendre à Béthel, Jacob se fit remettre les dieux
étrangers qui se trouvaient dans sa famille et les
anneaux que ses gens avaient aux oreilles et il enfouit
le tout sous un chêne, à Sichern. Gen., xxxv, 2-4.
Ceci donne à supposer que ces anneaux présentaient
un caractère idolâtrique ou superstitieux. Pour fa-
briquer le veau d'or, Aaron demanda les anneaux
d'or qui étaient aux oreilles des femmes d'Israël, de
leurs fils et de leurs filles. Exod., xxxn, 2-3. — Les
Israélites possédaient aussi de vrais pendants d'oreille.
Ils en trouvèrent dans le butin fait sur les Madia-
nites, Num., xxxi, 50, et les offrirent à Jéhovah. Il
y en eut également dans un autre hutin fait sur les
mêmes Madianites par Gédéon. Jud., vin, 26. Isaïe,
m, 20, nomme les netîfôf dans son énumération des
bijoux des femmes de Jérusalem. Dans Ézéchiel, xvi,
12. Jéhovah rappelle à Jérusalem les soins dont il l'a
lu. — Pendants d'urcille assyriens. Musée du Louvre.
entourée. 11 a mis un nézëm à ses narines et des
'âgilim à ses oreilles. Les versions traduisent à tort ici
nézém par » pendants d'oreille » et le second mot par
« boucles ». Le premier mot désigne certainement la
parure du nez et le second celle des oreilles. Judith,
x, 3, avait des pendants d'oreille. — Dans quelques
autres passages, les versions appellent « pendants
d'oreille » des anneaux de nez, Gen., xxiv, 22, 30, 47,
ou des anneaux dont l'usage n'est pas déterminé.
Exod., xxxv, 22; Jud., vm, 24, 25; Job, xlii, 11,
Prov., xxv, 12; Ose., n, 13. Cf. K. Hadaczeh, Der Ohr-
schmuck der Griechen und Etrusker, dans les Abhand-
l-ungen des arch.-epigr. Seminars der Unversitàt Wien,
xiv, Heft, in-4°, Vienne, 1903. II. Lesêire.
PÉNITENCE (hébreu : nôham, sûbâh, « conver-
sion; » Septante : jjsrivo'.a; Yulgate : psenitentia),
regret intérieur et effectif du mal que l'on a commis.
I. Appels à la pénitence. — 1° Dans le Temple. —
Au jour de la consécration du Temple, Salomon adressa
une prière solennelle au Seigneur pour lui demander
de pardonner à son peuple toutes les fois que, châtié à
cause de ses péchés, il viendrait dans ce Temple im-
plorer son pardon et ferait pénitence. III Reg., vm,
33-52; Il Par., vi, 24-39. Le Seigneur daigna s'engager
à pardonner quand le peuple serait sincèrement péni-
tent. II Par., vu, 13-15.
2» Par les prophètes. — Isaïe, xliv, 22, invite
Israël à revenir au Dieu qui l'a racheté, en lui assurant
que, s'il se tourne vers lui, il sera sauvé, Is., xlv, 22,
et que Dieu fera grâce au méchant qui se convertira.
Is., lvii, 7. Jérémie, m, 14; iv, 1; xvm, 11, renouvelle
l'appel divin. Il déclare que si la nation revient de sa
méchanceté, Dieu se repentira du mal qu'il voulait
lui faire. Jer., xvm, 8. Ézéchiel, xiv, 6; xvm, 21, 30;
xxxiii, 14, appelle le pêcheur à la pénitence en disant
que, s'il se repent, il vivra et ne sera pas maltraité.
Dieu dit par sa bouche : « Prendrai-je plaisir à la
mort du méchant? N'est-ce pas plutôt à ce qu'il se
détourne de ses voies et qu'il vive? » Ezech., xvm, 23,
32; xxxin, 11. Le prophète a reçu mission de prêcher
la pénitence au pécheur, et il sera responsable de la
perte de ce dernier s'il ne parle pas pour le détourner
du mal. Ezech., n, 18, 19; xxxm, 8, 9. Osée, xrv, 2;
Joël, n, 12, 13, et Zacharie, i, 4, répètent la même
invitation aux pécheurs.
3» Par les saints personnages. — Tobie, xm, 8,
exhorte les pécheurs de son temps à faire pénitence.
Judith, v, 19, remarque que le Seigneur a toujours
aidé les Israélites repentants, et que, comme il est
patient, il pardonnera si on fait pénitence avec larmes.
Judith, vin, 14. Le Psalmiste pénitent s'engage à en-
seigner les méchants pour qu'ils se convertissent au
Seigneur. Ps. u (l), 15. Dans le livre de l'Ecclésias-
tique, on lit qu'il ne faut pas tarder de se convertir
au Seigneur, Eccli., v, 8, que Dieu ménage un large
pardon à ceux qui reviennent à lui, Eccli., xvn, 28, et
qu'il est beau de se repentir quand on a été repris.
Eccli., xx, 4. L'auteur de la Sagesse dit que Dieu
ferme les yeux sur les péchés des hommes pour les
amener à la pénitence, parce qu'il aime toutes ses
créatures, et qu'il pardonne à tous parce que tout est
à lui et que les âmes sont l'objet de son amour. Sap.,
xi, 24-26. Il ne punit que par degrés, pour laisser le
temps de faire pénitence et ne pas désespérer ses
enfants. Sap., xn, 10, 19.
4° Par saint Jean-Baptiste. — Le précurseur
prêche dans le désert le baptême de pénitence, c'est-à-
dire le repentir et la purification du cœur dont son
baptême est le symbole. Matth., m, 2; Marc, i, 4;
Luc, m, o. Il invite les hommes à faire de dignes fruits
de pénitence, par conséquent à témoigner par une
conduite nouvelle la sincérité de leur repentir. Matth.
m, 8; Luc, ni, 8; cf. i, 16; Act, xm, 24; xix, 4.
5» Par Jésus-Christ. — Le Sauveur lui-même
appelle les hommes à la pénitence. Matth., iv, 17;
xvm, 3; Marc, i, 15. Il est venu pour appeler les pé-
cheurs à la pénitence, Luc, v, 32; déclare que tous
périront s'ils ne font pénitence, Luc, xm, 3, 5; parle
de la joie que cause au ciel la pénitence d'un seul
pécheur, Luc, xv, 7, 10; ordonne à chacun de par-
donner à son frère repentant, Luc, xvn, 3, 4; invite à
la pénitence par ses. paraboles de la brebis perdue,
Luc, xv, 1-7, de la drachme égarée, Luc, xv, 8-10,
de l'enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, du pharisien et du
publicain, Luc, xyin, 9-14, et par l'accueil qu'il fait aux
pécheurs, voir Pécheur, col. 18; et enfin, après sa ré-
surrection, il envoie ses Apôtres dans le monde pour y
prêcher la pénitence. Luc, xxrv, 27.
6° Par les Apôtres. — Initiés à cette prédication
par leur divin Maître, Marc, vi, 12, les Apôtres pro-
clament la nécessité de la pénitence. Act., il, 38; m,
19, 26; vin, 22, etc. Ils montrent comment le Sauveur
est venu pour aider les hommes à faire une pénitence
salutaire. Act., v, 31; xi, 18; xvn, 30. Saint Paul
exhorte à la pénitence. Act., xx, 21; xxvi, 20. Il parle
de la bonté de Dieu amenant les hommes à se repentir,
Rom., il, 4, et rappelle que le devoir des ministres
sacrés est de conduire leurs frères à la pénitence.
II Tim., n, 25. Saint Pierre dit que si Dieu patiente
39
PÉNITENCE
40
c'est pour que les hommes fassent pénitence. II Pet., j
m, 9; cf. Act., xi, 18. Saint Jacques, v, 20, enseigne
que celui qui convertit un pécheur sauve son àme et
couvre la multitude des péchés. Enfin saint Jean
multiplie les appels à la pénitence. Apoc, il, 5, 16,
21, 22; m, 3, 19.
II. Conditions de la pénitence. — 1° La pénitence
comporte toujours, pour celui qui y est soumis,
quelque chose d'afflictif. On le voit par les exemples
de nos premiers parents, Gen., m, 16-19; de David
II Reg., xii, 11-14; xxiv, 10-14, etc. — 2« Mais elle
implique nécessairement un acte de la volonté qui a
péché en se détournant de Dieu et qui ne peut se
repentir efficacement qu'en se retournant vers Dieu. Le
Seigneur promet son pardon à celui qui remplira
quatre conditions : s'humilier, prier, chercher sa face
et se détourner du mal. II Par., vn, 14. Judith, voi,
14-17, engage ses compatriotes qui veulent obtenir
leur pardon à s'humilier et à prier avec larmes. Dans
l'Ecclésiastique, xvn, 20, 21, les conditions de la péni-
tence sont ainsi indiquées :
Tourne-toi vers le Seigneur et quitte tes péchés,
Prie devant sa face et diminue tes offenses,
Reviens au Très-Haut, détourne-toi de l'injustice
Et déteste fortement ce qui est abominable.
Iî ne suffit donc pas de quitter le mal, il faut le
détester et donner comme preuve de repentir les efforts
qui aboutissent à une diminution des offenses. —
3° Le prophète Joël, H, 12-17, énumère les conditions
que doit remplir le peuple coupable qu'il appelle à la
pénitence :
Revenez à moi de tout votre cœur,
Avec des jeûnes, des larmes et des lamentations ;
Déchirez vos cœurs et non vos vêtements.w
Que les prêtres, ministres de Jëhovah, pleurent
Entre le portique et l'autel,
Et disent : Jéhovah, épargnez votre peuple.
Une vraie contrition doit saisir le cœur et le déchirer;
le jeûne et la prière achèveront l'œuvre de la péni-
tence. Sans doute, il existait sous l'ancienne loi des
sacrifices pour le péché. Mais ni les sacrifices, ni les
œuvres extérieures, comme le jeûne, ne constituaient
une pénitence valable sans les sentiments du cœur et
le renoncement au mal.
Le Très-Haut n'agrée pas les offrandes des impies, (chés...
Ce n'est pas sur la quantité des victimes qu'il pardonne lés pé-
L'homme qui jeûne pour ses péchés, s'il va les renouveler,
Qui entend sa prière, que lui sert son humiliation ?
Eccli., xxxv, 19, 26.
Aussi le Psalmiste termine-t-il son cantique de péni-
tence en disant, Ps. li (l), 18, 19 :
Tu ne désires pas de sacrifices, je t'en offrirais,
Tu ne prends pas plaisir aux holocaustes ;
Le sacrifice à Dieu, c'est un esprit brisé ;
O Dieu, tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.
Rien n'est aussi étranger que ces sentiments inté-
rieurs aux Psaumes de pénitence babyloniens. Les
suppliants ne savent guère qu'y manifester leur peur
des maux que. peut leur causer une divinité irritée
et implorer d'elle les biens qui contribuent au bon-
heur de la vie. Cf. Scheil, Psaume de pénitence
chaldéen, dans la Revue biblique, 1896, p. 75-77;
Dhorme, Deux textes religieux assyro-babyloniens,
dans la Revue biblique, 1906, p. 274-285; Fr. Martin,
Textes religieux assyriens et babyloniens, l re sér.,
Paris, 1903, p. 57. — 4° La prière est indiquée comme
condition nécessaire à la pénitence. Dieu, en effet,
n'impose pas son pardon; il convient qu'on le lui
demande, * Fais-moi revenir, et je reviendrai, » dit
Éphraïm au Seigneur. Jer., xxxi, 18. « Faites-nous
revenir et nous reviendrons, s disent les Juifs de Jéru-
salem. Lam., v,. 21. « Ayez pitié de moi qui suis un
pécheur, » dit le publicain. Luc, xvm, 13. « Remettez-
nous nos dettes, » c'est-à-dire « pardonnez-nous nos
offenses », nous fait dire le divin Maître. Matth., vi,
12. — 5° Dans la parabole de l'enfant prodigue, Luc,
xi, 21, Notre-Seigneur montre quelles sont les condi-
tions de la vraie pénitence '. le malheureux prodigue
rentre en lui-même, regrette la perte des biens de la
maison paternelle, prend la résolution d'aller retrouver
son père, de lui faire l'aveu de son crime et de se
soumettre ensuite au sort le plus humiliant, abandonne
effectivement la vie indigne à laquelle il se trouvait
réduit, reprend le chemin qui ramène à son père, lui
fait son aveu et implore son pardon. — 6° Ce qui
montre que la pénitence est véritable, ce sont les
« dignes fruits » qu'elle porte. Matth., m, 8. Parmi ces
fruits, saint Jean-Baptiste indique aux foules la pratique
de la charité, aux publicains et aux soldats la justice et
la fidélité dans l'accomplissement de leurs devoirs
d'état. Luc, m, 10-14. Notre-Seigneur recommande de
ne plus pécher. Joa., v, 14; vin, 11.
III. Exemples de pénitence. — 1» Adam fit pénitence
de son péché, Sap., x, 2, probablement en supportant
avec humilité et résignation l'épreuve à laquelle il fut
condamné. — Enoch fut pour les nations un exemple
de pénitence. Eccli., xliv, 16. — Au temps de Noé, il
y eut des esprits rebelles qui firent pénitence à la vue
du châtiment, puisque le Christ put, après sa mort,
leur prêcher dans la prison où ils étaient détenus.
I Pet., xix, 20. — 2° L'époque des Juges fut pour les
Israélites une succession d'infidélités à Dieu et de repen-
tirs. Jud., m, 9; iv, 3; vi, 7; x, 10, etc. — Job fit péni-
tence dans la poussière, après avoir reconnu sa pré-
somption. Job, xlu, 6. — 3° A la suite de son double
crime, David resta près d'une année sans écouter la
voix de sa conscience; mais ensuite il se repentit sin-
cèrement à l'appel de Nathan. II Reg., xii, 13; xvi,
12. — Josias amena la nation au repeutir. Eccli.,
xlix, 3. — Captif à Babylone, Manassé s'humilia et
demanda pardon au Seigneur. II Par., xxxm, 12, 13.
— 4° Pour obtenir leur délivrance, les Juifs se
livrèrent à des actes de pénitence à Suse, sur la
demande d'Esther. Esth., rv, 16. — A la prédication de
Jonas, le roi de Ninive se soumit avec ses sujets à une
pénitence rigoureuse comprenant un jeûne absolu
pour tout être vivant, homme ou bête, l'usage du sac
et de la cendre, la prière instante adressée à Dieu et le
renoncement au mal. Jon., m, 5-9. — 5° Une longue
protestation de repentir fut signée par les principaux
personnages et acceptée par tout le peuple, au temps de
Néhémie. II Esd., ix, 1-38. — 6» Dans le Nouveau
Testament, on trouve les exemples de pénitence des
Juifs à la prédication de saint Jean-Baptiste, Matth.,
m, 7, Luc, m, 7; de la pécheresse Reliez Simon le
pharisien, Luc, vil, 37, 38, 48; du publicain, Luc,
xvm, 13; de Zachée, Luc, xix, 8; de saint Pierre pleu-
rant amèrement après son reniement, Matth., xxvi,75;
Marc, xiv, 72; Luc, xxir, 62; du bon larron se repen-
tant sur la croix, Luc, xxm, 40-42 ; des Juifs qui par-
tirent du Calvaire en se frappant la poitrine. Luc,
xxm, 48. — 7° Notre-Seigneur lui-même donne l'exemple
de la pénitence, à son jeûne du désert, Matth., rv, 2;
Luc, iv, 2; pendant son ministère évangélique, n'ayant
pas toujours le temps de prendre sa nourriture, Marc,
ru, 20, ni où reposer sa tête, Matth., vin, 20; Luc, IX,
58, et surtout pendant sa passion. — 8» Plusieurs
milliers de Juifs font pénitence à la voix de saint
Pierre. Act., n, 38, 41. — Saint Paul se convertit et,
pendant le reste de sa vie, accepte en esprit de péni-
tence l'accomplissement de la prédiction du Sauveur à
son sujet : « Je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir
41
PÉNITENCE
42
pour mon nom. » Act., IX, 16. — A l'appel des Apôtres,
on fait pénitence à Lydda et à Saron, Act., ix, 35; à An-
tioche, Act., xi, 21; à Éphèse, où l'on brûle une multi-
tude délivres de superstition, Act., xix, 18, 19; xx, 21;
à Corinthe, II Cor., vu, 9, 10. Cf. I Pet., n, 25.
IV. Exemples d'impénitence. — 1° Beaucoup de pé-
cheurs se sont refusés à faire pénitence. Tels furent
Caïn, Gen., iv, 10-13; la plupart des contemporains de
Noé, Gen., vi, 5, 6; les habitants de Sodome et des
villes coupables, Gen., xix, 12, 13 ; le pharaon d'Egypte
qui se repentait un moment pour s'obstiner ensuite,
Exod., Vin, 25, 32, ix, 27, 35; x, 16, 20, 24, 27; xn, 31;
xiv, 5; les Israélites révoltés qui furent condamnés à
périr au désert, Num., xiv, 27-33; les fils d'Hé)i,IReg.,rv,
11; Saûl, I Reg., xm, 14; xvi, 35; les contemporains
du prophète Élie, Eccli., xlviii, 16; les rois et le peuple
d'Israël, IV Reg., xvn, 7-18-; une grande partie des rois
et du peuple de Juda. IV Reg., xxrv, 3, 4. En vain
Jérémie multiplia ses appels à la pénitence; on ne vou-
lut pas se convertir. Jer., m, 1-22; v, 3; vm, 6. — Plus
tard, le roi persécuteur, Antiochus Épiphane, frappé
par la justice de Dieu, sembla vouloir se repentir du
mal qu'il avait causé; mais sa pénitence n'était ni sin-
cère ni désintéressée, II Mach., ix, 11-29.
2° A plusieurs reprises, il est dit que Dieu endurcit
le cœur de ceux qui ne veulent pas se convertir.
Exod., iv, 21; vu, 3; ix, 12; x, 1, 20, 27; xiv, 4, 8, 17;
Deut, il, 30; Is., lxih, 17; Rom., ix, 18. D'autre part,
on lit dans Isaïe, vi, 10 : « Appesantis le cœur de ce
peuple, rends ses oreilles dures et bouche-lui les yeux,
en sorte qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende
point de ses oreilles, ne se convertisse point et ne soit
point guéri. » Cet oracle est répété par Notre-Seigneur,
Matth., xm, 15; Marc, iv, 12; Joa., xn, 40, et par saint
Paul. Act., xxviii, 27. A prendre les termes à la lettre,
Dieu semble ainsi l'auteur de l'impénitence qu'ensuite
il châtie. — Mais il y a là une manière de parler des-
tinée à faire comprendre avec quelle certitude Dieu
prévoit l'endurcissement et lui donne occasion de se
produire en vue d'un bien supérieur. Saint Augustin,
Quœst. in Heptat., n, 18, t. xxxiv, col. 601-602, expli-
que ainsi le cas du pharaon : « La malice qui est au
cœur d'un homme, c'est-à-dire sa disposition au mal,
tient à sa propre faute et n'existe que par le fait de
sa volonté libre. Toutefois, pour que cette disposition
mauvaise agisse dans un sens ou dans l'autre, il faut des
causes qui mettent l'espri t en mouvement. Or il ne dépend
pas du pouvoir de l'homme que ces causes existent ou
non; elles proviennent delà providence cachée, mais très
juste et très sage, du Dieu qui règle et gouverne l'uni-
vers qu'il a créé. Si le pharaon avait un cœur tel que la
patience de Dieu le portât, non à la religion, mais bien
plutôt à l'impiété, c'était par sa propre faute. Mais si
les événements se produisirent de telle manière que
son cœur, si mauvais par sa faute, résista aux ordres de
Dieu, ce fut le résultat de la sagesse divine. » Pour
expliquer le passage d'Isaïe, vi, 10, saint Jérôme, In
Is., m, 6, t. xxix, col. 100, s'appuie sur la doctrine de
VEpitre aux Romains, ix, 14-18, et dit que l'aveugle-
ment volontaire des Juifs a procuré l'illumination des
autres nations : « Ce n'est pas par cruauté, mais par
miséricorde, que Dieu permet la perte d'une nation
pour le salut de toutes les autres. Une parlie des Juifs
n'ont pas vu clair, pour que le monde entier pût voir. »
3° D'autres exemples d'impénitence se rencontrent
dans le Nouveau Testament. Les villes de Gorozaïn,
JBethsaïde et Capharnaùm ont refusé de se convertir,
dans des conditions qui auraient décidé Tyr et Sidon à
faire pénitence. Matth., xi, 20-24; Luc, x, 13-15. La
génération contemporaine du Sauveur a montré le
même endurcissement, alors que Ninive s'est convertie
à la voix de Jonas. Matth., xn, 41; Luc, xi, 32. Jérusa-
lem s'est dérobée aux appels du Sauveur qui voulait
rassembler ses enfants comme la poule rassemble ses
poussins sous ses ailes. Matth., xxm, 37. Après avoir
refusé d'obéir, les pécheurs ont fait pénitence; après
avoir promis fidélité, les Juifs ont refusé de faire péni-
tence. Matth., xxi, 28-32. — Même si un mort ressusci-
tait, certains pécheurs ne se convertiraient pas. Luc, xvi,
31. — Juda fut saisi de repentir, mais sa pénitence fut
dépourvue de confiance en Dieu et ne le sauva pas.
Matth., xxvn, 3-10. — La résurrection du Sauveur
laissa dans l'impénitence la plupart des Juifs. Matth.,
xxviii, 11-15. — La pénitence de Simon le magicien fut
intéressée et sans valeur. Act., vin, 13, 18-24. — Beau-
coup de pécheurs ont continué à refuser la pénitence.
II Cor., XII, 21; Apoc, ix, 20-21; xvi, 9, 11.
V. Le sacrement de pénitence. — 1» Jésus-Christ
dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume
des cieux : tout ce ^rae tu lieras sur la terre sera lié
dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre
sera délié dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit en-
suite à tous ses Apôtres en général : « Tout ce que vous
lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que
vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matth.,
xvm, 19. Les Apôtres reçoivent par là le pouvoir d'éta-
blir ou de supprimer dés obligations dans le domaine
spirituel. Voir Lien, t. iv, col. 248. Le soir même dé sa
résurrection, le divin Maître, qui vient de payer sur la
croix la rançon du péché, applique à un point spécial
le pouvoir qu'il a précédemment accordé : « Recevez le
Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils
leur seront remis; et ceux à qui vous les retiendrez, ils
leur seront retenus. » Joa., xx, 22, 23. Les Apôtres re-
çoivent donc ce jour-là, de celui qui a le pouvoir de
remettre les péchés, Matth., ix, 5, la transmission de ce
pouvoir. Saint Paul l'entend bien ainsi quand il dit :
« Dieu nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ, et
nous a confié le ministère de la réconciliation. » II Cor.,
v, 18. Ce ministère de la réconciliation, c'est l'ordre et
le pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de
pénitence. Le Concile de Trente, Sess. xiv, can. 2, 3, a
défini que les paroles dites parle Sauveur le jour de sa
résurrection doivent s'entendre du pouvoir de remettre
et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence,
comme l'Église catholique l'a toujours entendu depuis
l'origine, et qu'on ne peut les détourner contre l'insti-
tution de ce sacrement en les appliquant au pouvoir de
prêcher l'Évangile.
2» Le sacrement de pénitence précise et facilite les
conditions nécessaires à la rémission du péché sous la
Loi ancienne. 1. La contrition réclame toujours les
même qualités qu'autrefois; il faut qu'elle soit au fond
du cœur, qu'elle soit sincère et détache effectivement
la volonté [du péché. Voir col. 39. Un nouveau motif
s'ajoute aux précédents pour la faire naître dans le
cœur; c'est la pensée de la rédemption et de tout ce
que le Sauveur s'est imposé de souffrances pour l'expia-
tion du péché. — 2. La confession prend une forme
plus précise, dont l'obligation se déduit des paroles
mêmes qui instituent le sacrement. Voir Confession,
t. il, col. 907-919. — 3. La satisfaction demeure néces-
saire comme autrefois, même après la rémission du
péché, du moins pour l'ordinaire. Cf. Num., xx, 12;
Deut., xxxn, 49-51; II Reg., xn, 14, etc. Saint Paul
déclare qu'il « complète en sa propre chair ce qui
manque aux souffrances du Christ, pour son corps,
qui est l'Église ». Col., i, 24. — 4. Enfin Yabsolution
est une grâce nouvelle que l'Ancien Testament ne con-
naissait pas. Nathan put bien exceptionnellement dire
à David : « Jéhovah a pardonné ton péché. » II Reg., xn,
13. Les autres pécheurs, si repentants qu'ils fussent,
ne pouvaient présumer leur pardon. Notre-Seigneur,
qui dit lui-même à plusieurs pécheurs : « Tes péchés
te sont remis,» Matth., ix, 2; Luc, v, 20; vil, 47, 48,
donna à ses Apôtres, en vertu des paroles de l'institu-
43
PENITENCE
PENSÉE
M
tion, le pouvoir non seulement de déclarer les péchés,
remis, mais de les remettre effectivement : « Ceux à
qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. »
Leur pouvoir s'étend donc plus loin que celui de Na-
than, qui ne fit que déclarer à David que son péché
était pardonné. — Cette rémission comporte l'effet
déjà énoncé dans divers passages de la Sainte Écriture
comme directement opéré par Dieu. Le péché, en vertu
de l'absolution, est « couvert », Ps. lxxxv (lxxxiv), 3, et
« non imputé », Num., xn, 11; Rom., iv, 7, 8, non pas
seulement en ce sens qu'il existe toujours, quoique
Dieu daigne n'en plus tenir compte. Il est réellement
effacé, enlevé, radicalement détruit, comme le déclarent
les autres textes inspirés. Voir Péché, 4°, col. 11 . En un
mot, en vertu des paroles évangéliques, il est « remis »,
comme une dette qui n'existe plus et ne peut plus
revivre, quand le créancier a rendu au débiteur le titre
qui liait ce dernier.
3° Le pouvoir conféré par Notre-Seigneur à son Église
n'est pas limité par sa déclaration sur le péché contre
le Saint-Esprit. Matth., xn, 82; Marc, m, 28. Voir
Blasphème, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans PÉpître
aux Hébreux, vi, 4-6 : « Il est impossible pour ceux qui
ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste,
qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goûté la dou-
ceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde
à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler
une seconde fois en les amenant à la pénitence. » De
ce texte, plusieurs Pères, Clément d'Alexandrie, Strom.,
2, 13, t. vin, Col. 293; Tertullien, De pœnit., 7, 9, t, I,
col. 1241, 1243; Origène, In Levit., Hom. xv, 2, t, xn,
col. 565; S. Ambroise, De pmnit., Il, 95, t. xvi,
col. 520 ; S. Augustin, Ep. cliii, 7, t. xxxiii, col. 656,
ont conclu, sans justifier autrement leur assertion,
qu'il n'y a qu'une pénitence, comme il n'y a qu'un
baptême. Novatien et ses partisans s'appuyaient même
sur ce texte pour nier la possibilité du pardon des
péchés graves. Cf. Socrate, H. E.. i, 10, t. lxvii,
col. 69, Au moyen âge, on l'entendit de la pénitence
solennelle, qui en effet n'était jamais réitérée. Cf. Tur-
mel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904,
p. 461. Il est évident que l'auteur de l'Épitre n'a guère
pu songer à la pénitence publique. On explique assez
souvent son texte de la difficulté et même de l'impossi-
bilité morale qui empêche pratiquement l'apostat de
se repentir avec efficacité. Mais plusieurs Pères pré-
fèrent une autre explication. Ils font porter l'idée prin-
cipale de l'auteur sur le mot « renouveler » ; il est im-
possible, disent-ils, qu'une âme soit renouvelée par la
pénitence comme elle l'est par le baptême. « Il n'exclut
pas les pécheurs de la pénitence, mais il montre qu'il
n'y a dans l'Église catholique qu'un baptême, et non
deux... Celui qui fait pénitence cesse de pécher, mais
il garde les cicatrices de ses blessures, tandis que celui
quj est baptisé dépouille le vieil homme et est renou-
velé par la grâce du Saint-Esprit qui lui donne une
naissance supérieure. » S. Athanase, Epist. IV ad Sera-
pion., 13, t, xxvi, col. 656. D'autres pensent que l'écri-
vain sacré veut seulement montrer qu'il n'y a pas dans
l'Eglise, comme chez les Juifs, plusieurs baptêmes
successifs pour purifier des souillures. Cf. S. Thomas,
Sum. theol., III, q. cxxxiv, a. 10, ad l ura . En toute hy-
pothèse, le texte en question n'apporte donc aucune
restriction à la rémissibilité des péchés.
VI. Le repentir de Dieu. — La Sainte Écriture dit
que Dieu s'est repenti d'avoir fait l'homme sur la terre,
Gen., vi, 6; d'avoir établi roi Saûl, I Reg., xv, 11, 35:
d'avoir voulu faire du mal à son peuple infidèle,
Jer., xxvi, 3, 13, 19, et aux Ninivites coupables. Jon., ni,
10. D'autres fois, on annonce que Dieu ne se repentira
pas. Ps. ex (cix), 4; Jer., iv, 28; xx, 16. Ce sont là de
purs anthropomorphismes, des locutions qui prêtent à
Dieu la manière de parler et d'agir des hommes, mais
qui présentent sous une forme relative ce qui est
absolu en Dieu. Le repentir est impossible à Dieu,
parce qu'il a tout prévu à l'avance, le bon ou mauvais
usage que l'homme ferait de ses dons et la conduite
qu'il tiendrait lui-même en conséquence. Samuel
exprime ce qu'il y a d'immuable dans la volonté de
Dieu, quand il dit à Saûl : « Celui qui est la splendeur
d'Israël ne ment point et ne se repent point, car il
n'est pas un homme pour se repentir. » I Reg., xv, 29.
Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites
aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu
sont sans repentance ». Rom., xi, 29.
H. Lesêtre.
2, PÉNITENCE D'ADAM, livre apocryphe. Voir Apo-
cryphes, t. i, col. 710.
PÉNITENT1AUX (PSAUMES), nom donné aux
sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvn, l, ci, cxxix et cxliii, à
cause des sentiments de pénitence qu'ils expriment.
L'usage de réciter ces Psaumes pour demander à Dieu
pardon de ses péchés est très ancien dans l'Église.
PENSÉE (hébreu : hâgût, de hâgâh, « parler dou-
cement, méditer; » zammâh, niezimmâh, de zàmam,
même sens; yesêf, deyâsar, « former ;» 'astûl, 'ésfonôt,
de 'dsat, « former, imaginer ; » rêa', de re'âh, « penser; »
Sêah, de sîah, « parler, méditer; » séiffim, se'iffîm,
de sâ'af, « diviser; » sar'affîm; chaldéen : harhor, de
hârâh, « concevoir; » ra'iôn, de re'âh, « penser; »
Septante : 8ia),oyc<x|Jw5î, Siâ'joia, ëvvota, àvO-j^vi;, \xi)ixi] ;
Vulgate : cogitatio, cogitalus, consilium), combinaisoii
d'idées formée intérieurement par l'intelligence. —
Cette combinaison peut être spontanée ou voulue,
mais rapide; c'est la pensée proprement dite. Elle est
exprimée extérieurement par la parole. Voir Parole.
L'intelligence peut s'y arrêter avec attention, c'est la
réflexion, ou même faire effort pour examiner la pensée
plus longuement et sous divers aspects, c'est la médi-
tation, èîhâh, (j.e).£T7j, meditatio. La pensée peut ensuite
passer dans le domaine de la volonté, pour devenir
projet, dessein ou résolution, et être communiquée à
d'autres, sous forme de conseil, pour les diriger. —
Dans le langage biblique, le cœur est habituellement
considéré comme le siège de la pensée. Voir Cœur,
t. il, col. 823.
1» Les pensées de Dieu. — Elles sont d'une profondeur
qui déconcerte l'homme. Ps. xcn (xci), 6. Elles ne
sont pas celles des hommes, Is., lv, 8, et les dépassent
autant que le ciel est au dessus de la terre. Is., lv, 9.
Personne ne peut changer la pensée de Dieu. Job, xxni,
13. Dieu a des pensées de paix à l'égard de son peuple.
Jer., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pen-
sées. Mich., iv, 12.
2° Les pensées de l'homme. — 1. Dieu les connaît
toutes; il les sonde, I Par., xxvm, 9; Ps. xciv (xciu),
11; cxxxix (cxxxvm), 3; Sap., vi, 4; Eccli., xlii, 20;
Is., lxvi, 18; Ezech., xi, 5; I Cor., m, 20; Heb., iv, 12;
il les juge, Sap., i, 9, et les révèle. Luc, II, 35. Il a
horreur des pensées mauvaises, Prov,, xv, 26, et son
Esprit s'éloigne de celles qui manquent de sens. Sap., î,
5. Xotre-Seigneur lisait dans les cœurs les pensées de
ses interlocuteurs, et les étonnait profondément en les
leur révélant. Matth., ix, 4.; xn, 25; Marc, il, 6, 8;
Luc, v, 22; vi, 8; IX, 47; xi, 17; xxiv, 38. — 2. L'esprit
de l'homme a des pensées multiples. Sap., IX, 15. Ces
pensées sont incertaines, Sap., ix,14, et parfois causent
grand trouble à l'homme. Dan., iv, 16; v, 6; vu, 28.
Il ne faut pas s'élever dans ses pensées, Eccli., vi, 2,
mais demander à Dieu qu'il en donne de bonnes, car,
sans son inspiration, nous ne sommes pas capables de
concevoir quelque chose par nous-mêmes, au moins
dans l'ordre du salut. II Cor., ni, 5. — 3. Les bonnes
pensées se rencontrent chez le juste. Ps. xlix (xlviii),
45
PENSEE — PENTAPOLE
46
4 ; Prov., su, 5. En lui, la charité ne pense pas le mal,
I Cor., sm, 5. Lui-même pense à Dieu dans toutes ses
voies. Prov., ni, 6. Le chrétien doit s'armer de la pen-
sée de Jésus crucifié. I Pet., rv, 1. En dehors de là,
l'objet ordinaire de ses pensées sera « tout ce qui est
honorable, juste, pur, de bonne renommée, conforme
à la vertu et digne d'éloge ». Phil., iv, 8. — 4. Les mau-
vaises pensées, que fuit le juste, Job, xxxi, 1, sont
celles des méchants : pensées impies contre Dieu,
Sap., m, 14; pensées idolâtriques, Ezech., xx, 32;
pensées égoïstes, Deut., xv, 9; pensées intéressées,
Act., vin, 22; pensées d'erreur, Sap., n, 21, d'injus-
tice, Jacob., n, 4, d'adultère, Dan., xm, 28, d'orgueil
Dan., n, 29, 30, d'homicide, Gen., xxxvn, 18; I Reg.,
xxiv, il; pensées perverses de toute nature. ;Is., lv,
7; lix, 7; I Reg., xvm, 25; Judith, v, 26; Sap., m, 10;
xviii, 5; II Esd., vi, 2; Esth., ix, 24; Matth., xv, 19;
Marc, vu, 21. Depuis la chute des premiers parents,
toutes les pensées de l'homme inclinent vers le mal.
Gen.. vi, 5; vm, 21. Les philosophes eux-mêmes n'ont
abouti qu'à des pensées vaines. Rom., I, 21. En se con-
duisant au gré de leurs pensées, Is.,lxv, 2; Jer,, xviii,
12; Eph., n, 3, les méchants se séparent de Dieu, Sap.,
i, o\ se couvrent de honte, Sap., n, 14, attirent sur
eux le malheur, Jer., vi, 19, et se préparent de terribles
remords pour l'autre vie. Sap., iv, 20. — 5. L'insensé
n'a que des pensées volages, qui se succèdent sans
réflexion.
L'intérieur de l'insensé est comme une roue de chariot,
Et sa pensée comme un essieu qui tourne. Eccli., XXXlii, 5.
II y a certaines pensées qu'il faut garder pour soi.
Même dans ta chambre ne dis pas de mal du puissant;
Même dans ta pensée ne maudis pas le roi.
L'oiseau du ciel emporterait ta voix
Et le volatile publierait tes paroles. Eccle., x, 20.
— 6. La Sainte Écriture loue comme « une pensée
sainte et pieuse » celle qui porta Judas Machabée à
faire offrir des sacrifices pour les morts, et qui lui fut
inspirée par ■< la pensée de la résurrection ». II Mach.,
xii, 43, 45.
3» La réflexion. — 1. Tout homme agit avec ré-
flexion. Prov., xin, 16. La réflexion doit précéder
toute aclion, si l'on ne veut pas avoir à se repentir.
Eccli., xxxii, 24; xxxvn, 20. Il est bon de fréquenter
ceux qui réfléchissent. Eccli., xxvn, 13. L'enfant pense
en enfant. I Cor., xm, 11. — 2. Les pharisiens réflé-
chissent à ce qu'ils répondront à Notre-Seigneur.
Matth., xxi, 25; Marc, xi, 31; Luc, xx, 5. Caïphe dit
aux membres du sanhédrin qu'ils ne réfléchissent pas
que la mort d'un seul est avantageuse à tout le peuple.
Joa., xi, 50. — 3. Le juste réfléchit quand il est néces-
saire. Judith, x, 13; II Esd., v, 7; II Mach., vi, 23;
etc. Marie réfléchit aux paroles de l'ange, Luc, i, 29;
Joseph, à ce qu'il doit faire par rapport à Marie,
Matth., i, 20; les Apôtres, aux paroles que leur a dites
le Sauveur, Matth., xvi, 7, S; Marc, ,'vni, 16, 17; saint
Pierre, à sa vision de Joppé. Act., x, 19. — 4. Le cœur
du juste médite sur ce qu'il doit répondre. ;Prov., xv,
28. Cependant, Xotre-Seigneur recommande à ses dis-
ciples de ne pas réfléchir sur ce qu'ils répondront de-
vant les tribunaux, parce que l'Esprit de Dieu le leur
nspirera. Matin., x, 19.
4° La méditation. — 1. On médite sur ce qui inté-
resse la vie présente. Dans la maison du deuil, le vivant
médite sur sa destinée. Eccle., vu, 3. Isaac sortait dans
les champs pour méditer, d'après la Vulgate. Gen.,
xxiv. 63. On a beau méditer et s'ingénier, on ne
peut allonger d'une coudée sa taille, ou plutôt la durée
de sa vie. Matth., vi, 27; Luc, xn, 25. Le riche fermier
médite sur les moyens de serrer sa récolte abondante,
Luc, xn, 17; l'architecte, sur les ressources qu'il lui
faut pour achever son édifice, Luc, xiv, 28; le roi, sur
les forces dont il dispose pour entreprendre la guerre.
Luc, xiv, 31. En général, la méditation habituelle des
gens de métier porte sur Ve-xécution de leur travail.
Eccli., xxxvm, 24-34. — 2. Le méchant médite le mal
sur sa couche, Ps. xxxvi (xxxv), 5, et ne songe qu'à
tendre des embûches. Ps. xxxvm (xxxvn), 13. Il ferme
les yeux pour méditer la tromperie. Prov., xvi, 30. —
3" Il faut méditer jour et nuit sur la loi du Seigneur,
Jos., I, 8, sur ses commandements, Eccli., VI, 37, sur
la sagesse, Sap., vi, 16; vin, 17. Sur sa couche, pendant
ses veilles, le juste médite sur Dieu et sur ses œuvres.
Ps. Lxm (lxii), 7, 13; lxxvii (lxxvi), 7. Son cœur s'en-
flamme à la méditation de la fragilité de la vie. Ps. xxxix
(xxxvm), 4. Heureux qui médite ainsi! Ps. 1,2; Eccli., xiv,
22, 28. L'auteur du Psaume cxix (cxvm) revient jus-
qu'à douze fois (16, 27, 47, 70, 77, 92, 97, 99, 117, 143,
148, 174) sur cette idée que la loi de Dieu est l'objet
assidu et très aimé de sa méditation. — Marie conser-
vait et méditait dans son cœur tout ce qu'elle voyait et
entendait au sujet de l'enfant Jésus. Luc, il, 19, 51. La
vierge n'a pas d'autre souci que de songer aux choses
de Dieu. I Cor., vu, 34. Saint Paul recommande à
Timothée de méditer sur les conseils qu'il lui a donnés.
I Tim., IV, 15.
5° Les projets. — Souvent on dit qu'on 'pense à une
chose pour signifier qu'on a le dessein de l'exécuter.
1. Ainsi Dieu a ses pensées, c'est-à-dire ses projets sur le
juste, Sap., iv, 17; contre l'Assyrie, Is., Xiv, 26, et en
face de ses desseins, ceux de l'homme ne tiennent pas.
Prov., xxi, 30. Saint Paul a annoncé aux Éphésiens
tous les desseins de Dieu. Act., xx, 27. Quand les
Apôtres persistent à prêcher Jésus-Christ, Gamaliel dit
au sanhédrin que si cette idée vient de Dieu, elle s'exé-
cutera malgré eux. Act., v, 38. Salomon pense à bâtir
une maison à Jéhovah. ill Reg., v, 5; vm, 18; I
Par., xxvni, 2. Le navigateur pense à prendre la mer.
Sap., xiv, 1. Beaucoup d'autres pensées ne sont autre
chose que des desseins qu'on veut exécuter. Cf. Judith,
n, 3; Esth., xn, 2; Ps. v, 11; xxxm (xxxn), 10; lvi
(lv), 6; Prov., xvi, 3; xix, 21; Is., xxix, 16; etc. —
2. Très fréquemment, ces desseins sont mauvais.
Kxod., x, 10; Ps. x, 2; xxi (xx), 12; xli (xl), 8;
Jer., xviii, 11, 18; xlviii, 2, etc. Tels sont en particu-
lier ceux de se révolter contre le Seigneur, Ps. il, 1 ;
Act., iv, 25; de s'emparer du Sauveur, Matth., xxvi, 4;
de le mettre à mort, Joa., xi, 53; de traiter de même les
Apôtres, Act., v, 33, etc. Zacharie, vu, 10; vm, 17, re-
commande de ne pas méditer le mal les uns contre les
autres. Un jour, du reste, Dieu manifestera tous les
desseins des cœurs. I Cor., lv, 5.
6» Le conseil (hébreu : timmâh, 'ésâh, tûsiyâh;
Septante : poiAr,; Vulgate : cogitatio, consihum). — C'est
la manifestation de fa pensée, pour la direction des
autres. Des conseils, bons ou mauvais, sont souvent
donnés. II Reg., xvn, 7; III Reg., xx, 25; Esth., i, 20;
Ezech., xi, 2, etc. Il faut chercher conseil auprès des
hommes sages. Tob., iv, 19; Prov., xix, 20. La sagesse
est avec ceux qui se laissent conseiller. Prov., xm, 10.
Grâce aux conseils reçus, leurs projets s'affermissent.
Prov., xx, 18. Les conseils de l'amitié réjouissent le
cœur. Prov., xxvn, 9. Mais, même les conseils de l'étran-
ger ne sont pas dédaignés de l'homme de sens.
Eccli., xxxn, 22. — Saint Paul conseille la virginité.
I Cor., vu, 25. Voir Conseils évangéliql'es, X. n,
col. 922. H. Lesétre.
PENTAPOLE (grec : LUvraitô'/iî, « les cinq villes »)
désigne, Sap., x, 6, la région où étaient Sodome et les
autres villes qui furent condamnées par la justice di-
vine à disparaître, à cause de leurs iniquités.
1° Les cinq villes. — Dans les divers passages où il
est fait allusion à la catastrophe, Sodome et Gomorrhe
47
PENTAPOLE
sont le plus souvent nommées ensemble à l'exclusion
des autres villes; ainsi Gen., xm, 10; Deut., xxxn, 32;
Is., I, 9; m, 19; Jer., xxm, 14; xlix, 18; L, 40; Amos,
iv, 11; Soph., it, 9; Math., x, 15; Rom., ix, 29; Juda,
7. Ségor est désignée comme une des villes coupables
et condamnée, mais épargnée à cause de la prière de
Lot. Gen., xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et
Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut.,
xxix, 23, et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois pré-
sentée seule, soit parce qu'elle était la principale
d'entre les cinq par son importance ou sa suprématie
ou bien parce qu'elle fut la plus coupable. Cf. Is., m, 9;
Thren,, iv, 6; Ezech.,xvi; Matth.,xi,23. Les autres villes
sontappeléesic les filles », benêt, de Sodome, Ezech.,xvi,
46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, in-
dique la dépendance et les suppose dans une même
région. Cette situation réciproque est attestée d'ail-
leurs, Jer., xlix, 18; L, 40, où ces villes sont toutes
appelées « voisines »; Juda, 7, où elles sont dites
« villes des alentours », par rapport à Sodome et
Gomorrhe.
2° Situation, étendue et description de la région. —
La Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c'est-à-
dire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. Jourdain,
t. ni, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez
généralement cru à l'identité de la Pentapole avec « la
vallée de Siddîm, vallis Silvestris, qui est la mer
Salée », Gen., xiv, 8, 10, où les cinq rois des cinq
villes se rangèrent en bataille pour soutenir l'attaque
de Chodorlahomor et de ses alliés; ils ont admis, en con-
séquence, qu'elle occupait tout le territoire recouvert
aujourd'hui par les eaux de la mer Morte. Celte con-
clusion dépasse certainement les données bibliques.
La vallés de Siddîm où les cinq rois s'assemblèrent
pour attendre leurs ennemis n'est pas présentée comme
identique à la Pentapole ni même comme en faisant
partie, puisque les rois « sortent » pour s'y rendre,
Gen., xiv, 8; et si la vallée est devenue partie de la
mer Salée, la Pentapole au contraire « est une terre
brûlée par le soufre et le sel, inapte à être semée et où
rien ne germe plus, et où l'herbe ne pousse plus ».
Deut., xxix, 23; c'est une terre déserte et fumante,
produisant des fruits étranges, où est demeurée une
stèle de sel, monument attestant l'incrédulité de la
femme de Lot. Sap., x, 7. Cf. Jer., xlix, 18; L, 40;
Soph., il, 9; Amos, iv, 11. La vallée de Siddîm, appe-
lée par Josèphe « la vallée des puits de Bitume »,
faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome,
xocrà SôSoiia, et devint le lac Asphaltite, mais ne se
confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par
l'historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore
de son temps, mais privée de sa splendeur passée et
de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables,
portant les indices du feu qui l'avait frappée et ne gar-
dant plus que des restes informes des villes brillantes,
riches et heureuses et qui en avaient été la gloire. Bell,
jud., IV, vin, 4; Ant. jud., I, ix, xi, 3. Cf. Tacite,
Hist-, v, 7; Solin, Polyhistor, 38; Reland, falsestina,
p. 254. Les géologues modernes sont unanimes d'ail-
leurs à affirmer la préexistence de la mer Morte à la
catastrophe de la Pentapole, sauf à reconnaître qu'une
partie de son territoire a pu postérieurement être en-
vahie par les eaux du lac, à la suite d'un affaissement
du sol. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1303-1307.
Mais si l'espace recouvert par les eaux de la mer
Morte ne peut avoir été, en général du moins, le terri-
toire de la Pentapole, où faut-il chercher celui-ci? Une
partie, celle qui en fut la principale, où se trouvait la
métropole Sodome, occupait certainement la région qui
s'étend au sud de la mer Morte. C'est là, au sud-est du
lac, que Josèphe indique Zoara d'Arabie, identique avec
Ségor ou Zoar de la Bible. Bell, jud., IV, vin. Cf. Moab,
t. iv, col.' 1158, et Ségor. Cette ville où Lot arrivait au
lever du soleil, en venant de Sodome qu'il avait quitté
aux premières heures du jour, Gen., xix, 15, 23,
fixe le site de cette rivière, non loin et dans la même
région méridionale. Le nom de Sodome reste encore
attaché, c'est ce que l'on reconnaît généralement, à une
petite chaîne de collines, le Djebel Esdoum,qui s'étend
à l'extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôr Sâfiéh,
où l'on doit chercher le site de Ségor. La ville elle-
même, on n'en peut douter, se trouvait dans le terri-
toire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh
n'a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former
une riante et riche oasis, avec des plantations de pal-
miers et diverses autres cultures, toute la région qui
s'étend depuis le djebel Esdoum, à l'ouest, jusqu'aux
abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres
et une longueur de dix depuis l'extrémité sud de la mer
Morte, n'est qu'une plaine désolée dont le sol est une
marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom
de Sebkhah, « terre salsugineuse . » Les abords du
djebel Esdoum, le ghôr Sâfiéh, et la partie de la
Sebkhah s'étendant entre les deux, ont nécessairement
été une portion de la Pentapole, mais jusqu'où se déve-
loppait-elle au delà?
Outre l'ancienne opinion voyant dans la mer Morte
la Pentapole recouverte, par les eaux, trois autres hypo-
thèses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs
anglais croyant qu'on pourrait reconnaître le nom de
Gomorrhe dans celui de 'Amr porté par une vallée
située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans
celui du Tell eé-Saghûr que l'on trouve à l'est du Tell
er-Raâméh, dans les anciennes Araboth à quelques mi-
nutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damiéh
donné à des ruines qui se voient non loin de l'embouchure
du Zerqâ (Jaboc), inclinent à localiser ainsi la Pentapole
tout entière au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong,
Wilson et Conder, Names and places in the Old Testa-
ment, Londres, 1887, p. 4, 71, 178, 186; Conder, Hand-
book to the Bible, Londres, 1887, p. 238-241—2. M. Cler-
mont-Ganneau, au contraire, pense quele nom de Ghamr
étymologiquement identique à celui de Gomorrhe, men-
tionné par la géographie arabe d'El Moqaddasi (Géogra-
phie, édit, Goije, Leyde, 1873, p. 253) sur la route de Suq-
qariéh à AHah, à deux journées de marche au nord de
cette dernière, et que l'on retrouve aujourd'hui encore
dans celui de 'aïn Ghamr, à quatre-vingts kilomètres en-
viron au sud de l'extrémité méridionale de la mer Morte,
propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud,
dans YArâbah. Cf. Id., Recueil d'archéologie orientale,
Paris, 1888, t. i, p. 163. — 3. Pour Guérin et d'autres,
la Pentapole se développait autour de Sodome dont le
djebel Esdoum est, de l'avis générai, le représentant
incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au
sud, la Sebkab, peut-être entière ; au nord toute la pointe
méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du
Lisân, sur une longueur de 17 kilomètres et une lar-
geur de 13, avec les terrains qui bordent l'une et
l'autre à l'est et à l'ouest. Cette partie inférieure de la
mer Morte est une lagune dont la plus grande profon-
deur dépasse à peine sept mètres. Les terrains se
seraient affaissés à la suite de la catastrophe et auraient
été postérieurement envahis par les eaux de la mer
Morte. Dans cette partie devait se trouver la vallée de
Siddîm devenue partie intégrante du lac et c'est dans
son voisinage que se voyaient les diverses villes de la
Pentapole. Cf. V. Guérin, Samarie, p. 291-298; Adama,
t. i, col. 207; Gomorrhe, t. m, col. 273; Morte (Mer),
col. 1307, 1308.
La première opinion a le tort de ne pas tenir compte
des traditions onomastiques et historiques locales, les
premières sources d'information après la Bible, qui
n'ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du
djebel Esdoum et de montrer presque jusqu'à nos jours
Ségor et « le pays du peuple de Lot », diyâr qum Lot,
49
PENTAPOLE
PENTATEUQUE
50
c'est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la
mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine tmder ihe
Moslems, Londres, 1890, p. 286-292. Dans la seconde
hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé
beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, sem-
ble-t-il, les données de la Bible et la conformation du
sol : Ségor était, en effet, de ce côté la limite de la
région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par
Lot pour son habitation. Gen., xm, 10-12. Et au delà
de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil
devant lequel le Jourdain devait s'arrêter. Les diverses
locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou
la position des autres villes par rapport à Sodome,
dont elles sont les « filles, les voisines, les villes du
pourtour », déterminent aussi le rayon du cercle dans
lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne
paraît pas sortir de ces limites. On pourrait seulement
lui contester, admise la préexistence de la mer Morte
jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le
Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l'arrosage
des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur
lesquelles elle s'appuie sont incontestables comme il le
semble, elle demeure inébranlable et elles font de
cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la
formation ultérieure de la mer Morte; c'est la question
des origines de ce lac.
3° Histoire. — En principe, la Pentapole apparaît ha-
bitée par des peuplades chananéennes de race ou d'as-
similation. Gen., x, 19; Num., xm, 30. Arrosée par le
Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l'Egypte
et formait un jardin divin; sa beauté et sa fertilité ten-
tèrent Lot, qui la choisit pour sa résidence, quand
Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen.,
xm, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de
la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée
dans la vallée de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar,
Arioch, roi d'Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et
ïhadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug
pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la trei-
zième année, ils avaient repris leur indépendance. L'an-
née suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir
ravagé tous les pays des alentours, s'avancèrent de nou-
veau contre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient
rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim.
liattus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes
tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la
région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les monta-
gnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la popula-
tion emmenée en captivité. Parmi les captifs se trou-
vait Lot. Averti, Abraham se mit à la poursuite de
l'armée victorieuse. Il tomba sur elle à l'improviste, la
mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les pri-
sonniers. Gen., xiv. Dans l'oisiveté et les jouissances de
la table que leur permettait l'abondance de tous les
biens produits presque spontanément par le sol le plus
fécond, aveuglés par les richesses et l'orgueil, les habi-
tants de la Pentapole étaient descendus au dernier degré
de la perversion morale et s'étaient livrés aux dé-
sordres les plus infûmes. Gen., xm, 13; xvnr, 20; xix,
14-21 ; Ezech., xvi,49. Le Seigneur les punit en anéantis-
sant la Pentapole avec ses habitants. Gen., xvm, 20-xix,
30; Deut., xxix, 23, etc. — Cette terre riante et fortunée
devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle
apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'èvapora-
tion extraordinaire de la mer Morte, semblable à une
contrée fumante et plongée dans les brouillards. Les
quatre villes brûlées n'ont plus jamais été relevées. Si
on en voyait encore les débris au temps de l'historien
Josèphe, aujourd'hui on ne sait plus même où les
chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés
fout allusion, Gen., six, 26, et Sap., x, 6, aurait existé
encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s'il faut
en croire Josèphe qui assure l'avoir vue. Ant. jud., I,
xi, 4. On la montrait longtemps après encore et aujour-
d'hui même un bloc de sel du Djebel Esdoum est
appelé bent Seik Lout, « la fille (au lieu de la femme)
de Lot. » Il est douteux que ce soit le même dont par-
laient les anciens. Voir Loi (La. femme de), t. m, col.
365. L. Heidet.
PENTATEUQUE, nom donné aux cinq premiers
livres de la Bible.
I. Noms. — 1° De la collection. — Le nom de Penta-
teuque n'est pas original. Il suppose la division en
cinq livres qui, elle-même, n'est pas primitive. Sa plus
ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abra-
hamo,\, Opéra, Paris, 1640, p. 249; cf. De [migratione
Abrahami, 3, ibid., p. 390, et dans Josèphe, Cont.
Apion., i, 8, Opéra, Amsterdam, 1726, t. n, p. 441.
Quelques critiques l'attribuent aux Septante, voir t. rv,
col. 313-314; d'autres pensent qu'elle leur était anté-
rieure. Saint Jérôme, Epist. Lit, ad Paulin., 8,
t. xxn, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante,
semble-t-il, que saint Paul, I- Cor., xrv, 19, y faisait
allusion. Elle résulte peut-être de la distribution d'un
rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq
codices plus petits, à peu près d'égale dimension. Le
premier emploi du nom grec irev-catfjxoi;, signifiant
littéralement « cinq étuis i> (-nvyaç, étant l'étui dans
lequel on plaçait chaque rouleau), se rencontre dans
la lettre du valentinien Ptolémée (vers 150-175) à Flora.
S. Épiphane, Hier., xxxin, 4, t. xli, col. 560. On
croyait l'avoir rencontré dans un passage de saint Hip-
polyte, édité par de Lagarde, Leipzig et Londres, 1858,
p. 193, dans lequel le Psautier, divisé en cinq livres,
était dit xod aÙTÔ à'XXov TrevrâTeuxav. Mais ce passage
est de saint Épiphane. Hippolytus, dans Die grieschi-
schen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte,
Leipzig, 1897, t. i, p. 143. Origène, Comment, in Ev.
Joa., tom. il (fragment), t. xiv, col. 192, emploie 'ce
nom, et ibid., tom. xm, n. 26, col. 444, il parle de tiic
IlsvTaxeû-xou Mwjaéw;. Saint Athanase, Epist. ad Mar-
cellin., 5, t. xxvn, col. 12, s'en sert. Saint Épiphane
l'emploie plusieurs fois. De mens, et pond., 4,5,t.XLin,
col. 244. Kn latin, ce nom apparaît pour la première
fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Ter-
tullien, Adv. Marcion., i, 10, t. n, col. 257. Il a la forme
neutre : Pentateuchum, dans saint Isidore de Séville,
Etym., VI, n, 1, 2, t. lxxxii, col. 230. Les cri-
tiques ne s'accordent pas sur le point de savoir si, à
l'origine, il était un adjectif, qualifiant (3têi.oç ou liber
sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-même
la signification d'ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv,
col. 314. Quoi qu'il en soit, les anciens employaient des
termes analogues, formés d'une manière identique.
Ainsi Eusèbe, Prsep. evang., i, 10, t. xxi, col. 88, men-
tionne un écrit d"OaTâv/|i;, intitulé : 'OxTa-re-Jxo;. Cer-
tains manuscrits, contenant les huit premiers livres de
la Bible, furent aussi désignés plus tard par le nom
d"OxTo«EUxoç. Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1884,
t. n, p. 412; de Lagarde, Septuagintastudien, Gœttin-
gue, 1892, t. il, p. 60. Ce nom est employé couramment
aujourd'hui pour désigner les manuscrits grecs conte-
nant huit livres. Swete, An introduction to the Old
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des
noms analogues étaient usités chez les Latins pour dé-
signer des manuscrits contenant les sept ou huit premiers
livres de la Bible. Saint Ambroise, In Ps. cxvm expo-
sitio, serm. xxi, 12, t. xv, col. 1506, parle d'un Hep-
tateuchus, comprenant Genèse-Juges. Le canon de
Cheltenham, de 359, après les Juges, signale les livres
précédents comme formant une première collection :
Fiunt libri Vil. Sanday, dans Studio biblica et eccte-
siastica, Oxford, 1891, t. in. p. 222. Les critiques mo-
dernes donnent le nom i'Hexateuque aux livres do
Pentateuque en y joignant le livre de Josué, qu'ils re-
51
PENTATEUQUE
gardent comme faisant partie de la même œuvre unique.
Les Juifs anciens n'ont ni connu ni employé le nom
de Pentateuque. Les rabbins l'ont adopté équivalemment
plus tard quand ils ont appelé les livres de Moïse les
« cinq cinquièmes de la Thora »,'min~ fi - a*n nrà",
ou « les cinq cinquièmes », B'tfo'.n nwon. Les anciens
se servaient d'autres dénominations. Comme les livres
de Moïse sont en grande partie législatifs, les Juifs en
nommaient le recueil, d'après la partie principale du
contenu, minn, « la Loi, » Jos., vin, 34; I Esd., x, 3;
II Esd., vin, 2, 14; x, 35, 37; II Par., xxv, 4, et plus
tard min, « Loi, » sans article. Voir t. iv, col. 329. Quand ils
considéraient le législateur ou le rédacteur de cette loi,
ils disaient nata min, « Loi de Moïse, » Jos., vm, 32;
1 (III) Reg., il, 3; Il (IV) Reg., xan, 25; Dan., ix, 11;
I Esd., m, 2; vil, 6; II Par., xxm, 18; xxx, 16; ou
plus clairement encore, minn isd, « livre de la Loi, »
T
Jos., i, 8; vin, 34; II Esd., vin, 3; on nwn min isd,
« livre de la Loi de M'oïse ». Jos., vm, 31; xxm, 6;
II (IV) Reg., xiv, 6; II Esd., vin, 1; ou plus brièvement,
rwa isd, « livre de Moïse », I Esd., vi, 18; II Esd., xm,
I ; II Par., xxv, 4; xxxv,12. Mais, lorsqu'on avait en vue.
l'origine divine et la révélation de la Loi mosaïque, on
la nommait nin» min, « Loi de Jéhovah, » I Esd., vu,
10; I Par., xvi, 40; II Par., xxxi, 3; xxxv, 26; ou bien
□iri^N min, « Loi d'Élohim, » II Esd., vm, 18; x, 29,
30; ou nim min ISD, « livre de la Loi de Jéhovah, »
II Par., xvn, 9; xxxiv, 14; ou a>fibN niin isd, « livre
de la Loi d'Élohim, » Jos., xxiv, 26; II Esd., vin, 18; ou
encore D'rfttf ou ni"» min ":sd, « livre de la loi de Jého-
vah Élohim. » II Esd., ix, 3. Les Septante ont traduit
ees passages par é vàjio; ou vôp.o; sans article. Dans le
Nouveau Testament, les livres de Moïse sont désignés
aussi parles mots 6 v6(io;, Matth.,v,17;Rom.,n, 12, etc.,
ou bien 6 vo[io; Mwja^wç, Luc, n, 22; xxiv, 44;
Act., xxvm, 23; cf. Joa., i, 17; ou bien Siêloç MuO'o-éwc,
Marc, xn, 26; ou simplement Mn'io^ç. Luc, xxiv, 27;
Act., xv, 21. Dans le Talmud et chez les rabbins, les
livres de Moïse sont nommés m'n nsc, « le livre de la
Loi. » Buxtorf, Lexicon chaldaicum talmudicum rab~
binicum, p. 791 ; Levy, Chaldàisches Wôrlerbuch,
p. 268. Le nom araméen de la collection est NnitN,
t : -
« loi. » Buxtorf, op. cit., p. 983; Levy, op. cit., p. 16;
Aicher, Das alte Testament in der Mischna, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1906, p. 16.
2° De chaque livre. — Les Juifs de Palestine et
d'Alexandrie ont donné à chacun des cinq livres des
noms différents. Dans la Bible hébraïque, les premiers
mots du texte ont servi à désigner chaque livre : le
premier est nommé n'tfsis, le 2 B , niais- û'îni ou nic^,
le 3", *np»i, le 4 e , i.s-pt, et le 5 e , D'ia^n rrt« ou c>13~.
Cf. Origène, InPs. I, t. xn, col. 1084; et dans Eusèbe,
H. E., vl, 25, t. xx, col. 580; S. Jérôme, Prologus gaiea-
tas, t. xxviii, co). 552; S. Isidore de Séville, Etym.,
1. VI, ci, n. 4, t. lxxxii, col. 229. A'oir Biblische
•Zeitschrift, 1905, t. m, p. 149-150. Les rabbins ont
cependant donné aux trois derniers de ces livres des
noms qui résument leur contenu : ainsi ils appelaient
Je 3 e , s'Jn's m'n, « loi des prêtres, »le4 e , =nv>s- -sih,
« livre des recensements » (selon la transcription d'Ori-
gène, loc, cit., et dansEusèbe, H.E., vi, 25, t. xx, col. 580,
'A(j. ¥ u.5a'j)sxw6e['[i), ou encore ~.z~zz, « dans le désert, »
et le 5 e , min nJ™'^, « répétition de la Loi, » d'après une
T ....
fausse interprétation de Deut., xvn, 18, qui parle seule-
ment d'Un exemplaire de cette loi, c'est-à-dire duDeu-
téronome, désigné sous le nom de m* ri. On a aussi
T
considéré*ce livre comme une mischnah, une Se'jïépto-
<r;; to-j voiioO, une récapitulation de la législation pré-
cédente. Cf. Jos., vm, 32. Les titres : n->x> nsc, « livre
de la création, » et f'p'Tj, « dommages, « ne dési-
gnaient pas, comme on l'a cru parfois, le premier et le
second des cinq livres, mais seulement des sections
particulières, à savoir le récit de la création et les lois.
Exod., xxi, xxii. Voir J. Fùrst, Der Kanon des A. T.
nach den Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch,
Leipzig, 1868, p. 5-6; Buxtorf, Lexicon chald., p. 671.
Les Juifs alexandrins dans la version à leur usage,
dite version des Septante, ont désigné les cinq livres
par des noms qui conviennent, sinon à tout leur con-
tenu, du moins au sujet traité au commencement du
livre. Ainsi le 1 er est désigné par son début fév^tç
y.oano'j, ou simplement Téveatç; le 2» de même "EijoSo;
AtyjTiTou ou "E?oSo; seulement; le 3 e A&veiTty.dv ou
AsuiTMov; le 4 e 'Api8(ioi, et le 5 e AeuTepoviijieov. Philon
nomme les trois premiers : .ylvsatç, lEayMyï] ou é?o5oç,
Asumxdv ou Asuitcxt) pc'gXo;. Les chrétiens ont adopté
ces noms; les Latins ont cependant traduit àpt9[W par
Numeri. Cf. Origène et S. Jérôme, loc. cit.; les Philo-
sopkoumena, vi, 15-16, t. xvi, col. 3215, 3218. Xhéo-
dulfe, évêque d'Orléans, les a expliqués en vers. Car-
mina, II, I, t. cv, col. 299. Ils ont passé dans toutes
les langues par l'intermédiaire des versions faites sur
la Vulgate latine. — Sur les sections massorétiques du
texte hébreu, voir t. n, col. 559.
II. Analyse. — Le Pentateuque, dans son ensemble,
est un livre en partie historique, en partie législatif,
qui raconte l'histoire du peuple d'Israël depuis la
création du monde jusqu'à la mort de Moïse et qui re-
produit la législation civile et religieuse de ce peuple
au cours de la vie du législateur lui-même. En tenant
compte du sujet traité et même partiellement de la
forme littéraire, le Pentateuque se diviserait tout natu-
rellement en trois parties. La Genèse, avec ses subdi-
visions généalogiques, sert d'introduction aux quatre
autres livres, et raconte l'histoire juive des origines
jusqu'à la sortie d'Egypte. Le Deutéronome, composé
principalement de discours, contient la récapitulation,
faite au pays de Moab, de la législation du Sinaï et ter-
mine l'histoire d'Israël sous la conduite de Moïse:
L'Exode, le Lévitique et les Nombres, dits les trois
livres du milieu, présentent les mêmes caractères : ils
racontent les pérégrinations d'Israël dans le désert et
contiennent la législation donnée aux Hébreux. Ce plan
général présente donc une indéniable unité d'ensemble
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio-
naliste, 5« édit., Paris, 1902, t. m, p. 17-25.
1° Genèse. — Ce livre est construit suivant un plan
particulier, qui a été remarqué pour la première fois
par Kurtz, Die Einheit der Genesis, Berlin, 1846,
p. lxvii-lxviii. Il se partage en dix sections d'inégale
longueur et d'inégale importance, qui débutent par une
formule identique ; niVrn n)«, il, 4; v, 1 ; VI, 9; x, 1;
xi, 27; xxv, 12; xxv, 19;xxxvi, 1; xxxvn, 2. La variante :
hVtVh isû ht, v, 1, qui est synonyme de la précédente,
et le double emploi, xxxvi, 1, 9, dans la notice d'Ésaû,
dont le second n'est qu'une transition, ne changent pas
le résultat, qui a été voulu et recherché pour lui-même.
Le contenu des sections sert à indiquer le sens de tôldôf.
Ce mot signifie étymologiquement générations ; il a
une autre signification dans les titres des sections de la
Genèse. Si ces titres n'étaient suivis que de la généa-
logie des personnages nommés, le mot pôldôp signi-
fierait seulement table généalogique. Mais comme la
plupart des sections contiennent plus que de simples
énumérations de noms, le sens réel du mot est plus
compréhensïf. On pense généralement que de la signi-
53
PENTATEUQUE
54
fication dérivée : généalogie, l'auteur a passé à celui
d'histoire. Le titre de ces récits indique dpnc leur
genre littéraire. Non pas qu'il signifie : « histoire rela-
tant des traditions populaires, » comme l'a prétendu
le P. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirations-
frage, dans les Biblische Studien, Fribourg-en-Bris-
gau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 26-32 ; mais bien histoire,
fondée sur les généalogies, développées par des récits,
parce que les généalogies constituaient la partie prin-
cipale et le cadre de l'histoire primitive*. Cf. abbé de
Broglie,Les généalogies bibliques, dans le Congrès scien-
tifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i,
p. 94-101. Voir t. m, col. 160. Le sens d'histoire une
fois admis, l'auteur l'a appliqué même aux choses ina-
nimées, auxcieux et à la terre, n,4, dont il racontait la
création.
Après une introduction sur la création du monde en
six jours, i, l-ii, 3, voir t. u, col. 1034-1054, la Genèse
se divise donc en dix sections, débutant par le même
titre : 1° Histoire du ciel et de la terre, ir, 4-iv, 26.
Après le titre, u, 4, cette section raconte la création
spéciale de l'homme et de la femme, il, 5-25; la ten-
tation et la chute d'Adam et d'Eve, leur expulsion du
paradis terrestre, m, 1-24;** la naissance de Caïn et
d'Abel, les caractères différents de ces deux fils d'Adam,
le meurtre d'Abel par Caïn et la punition du meurtrier,
iv, 1-16; l'histoire de la postérité de Caïn et la nais-
sance de Seth, iv, 17-26. — 2° Histoire d'Adam, v, 1-vi, 8.
Cette section donne la généalogie des dix patriarches
antédiluviens depuis Adam jusqu'à Noé, v, 1-31, et ra-
conte la perversion de l'humanité primitive, perver-
sion qui attire sur la terre les châtiments de Dieu, vi,
1-8. — 3° Histoire de Noé, VI, 9-ix, 29. Noé, parce qu'il
est juste, trouve grâce devant Dieu qui lui ordonne de
construire une arche, destinée à le sauver du déluge,
lui, sa famille et un couple de chaque espèce d'ani-
maux, vi, G-22. Il entre dans l'arche, vu, 1-9. La pluie
tombe pendant quarante jours et quarante nuits et les
eaux qui couvrent et détruisent tout demeurent sur la
terre durant 150 jours, vu, 10-24. Après la cessation de
la pluie, les eaux diminuent progressivement et Noé
sort de l'arche, vm, 1-14. Voir Déllge. Il offre un sa-
crifice à Dieu qui le bénit et fait alliance avec lui, vm,
15-ix, 17. Il plante la vigne, maudit Cham, bénit Sem
et Japlieth, et meurt, îx. 18-29. — 4» Histoire des fils de
Noé. x, 1-xi. 9. Elle se réduit à la table des peuples
issus de Japheth, de Sem, x, 1-32, à laquelle est joint
le récit de la construction de la tour de Babel et de la
confusion des langues, xi, 1-9. — 5° Histoire de Sem,
xi, 10-26. C'est la répétition de la généalogie de Sem et
sa continuation jusqu'à Tharé, père d'Abraham. —
6° Histoire de Tharé et d'Abraham, xi, 27-xxv, 11. La vie
de Tharé et de ses enfants ayant été résumée, XI, 27-
32, l'histoire spéciale d'Abraham commence par le récit
de sa vocation et de sa migration de Haran au pays de
Chanaan, xfi, 1-9, et par celui de son séjour en Egypte
et de la préservation de Sara, son épouse, xii, 10-20.
Revenu en Chanaan, Abraham se sépare de Lot, son
neveu, xin, 1-13. et Dieu promet de donner le pays à sa
postérité, xni, 14-18. Quatre rois confédérés envahissent
la Pentapole et emmènent Lot qui habitait à Sodome,
xiv. 1-12; Abraham poursuit les envahisseurs et leur
ravit le butin qu'ils avaient enlevé. Alelchisédech bénit
Abraham et celui-ci rend au roi de Sodome tout son
bien, xiv, 13-24. Dieu conclut une alliance solennelle
avec Abraham, à qui il prédit les destinées de sa race,
xv, 1-21. Abraham épouse Agar, qui enfante lsmaèl,
après avoir fui au désert pour échapper aux mauvais
traitements, que Sara, sa maitresse, lui infligeait, xvi,
1-16. Dieu change le nom d'Abram en celui d'Abraham,
renouvelle ses promesses, institue la circoncision et
prédit la naissance d'un fils de Sara, xvn, 1-22. Abra-
ham se circoncit et avec lui toute sa famille, xvn,
13-27. Trois anges lui apparaissent, lui renouvellent
l'annonce d'un fils de Sara et le préviennent de la ruine
de Sodome et de Gomorrhe, qu'ils vont accomplir
malgré l'intervention d'Abraham, xvm, 1-33. Récit 'du
crime des Sodomites et de la délivrance de Lot, xix,
1-29; naissance incestueuse de Moab et d'Ammon,xrx,
30-38. Aventure de Sara chez Abimélech, roi de Gérare,
xx, 1-18. Naissance d'Isaac et expulsion d'Ismaël, xxi,
1-21. Alliance d'Abraham avec Abimélech, xxi, 22-34.
Abraham se dispose à immoler Isaac sur l'ordre de
Dieu, qui, satisfait de sa bonne volonté, arrête sa main
et renouvelle les promesses précédentes, xxn, 1-19.
Postérité de Nachor, xxm, 20-24. Mort et sépulture de
Sara dans le champ d'Éphron, xxm, 1-20. Abraham
envoie un de ses serviteurs en Mésopotamie chercher
une femme à Isaac, xxiv, 1-9; prière de ce serviteur
qui rencontre Rébecca, xxiv, 10-28; il la demande en
mariage pour son jeune maître, xxiv, 29-54, et la ra-
mène, xxiv, 55-61. Mariage d'Isaac, xxiv, 62-67. Abra-
ham épouse Cétura, partage ses biens entre ses enfants,
meurt et est enseveli avec Sara, xxv, 1-11 — 7° Histoire
d'Ismaël, xxv, 12-18. Elle se réduit à l'indication de sa
postérité et au récit de sa mort. — 8° Histoire d'Isaac,
xxv, 19-xxxv, 29. Naissance d'Ésaù et de Jacob, xxv, 19-
26. Ésaû vend son droit d'aînesse, xxv, 27-34. Au temps
d'une famine, Isaac va chez Abimélech, reçoit des pro-
messes divines et fait passer Rébecca pour sa sœur,
xxvi, 1-11. Ses richesses excitent l'envie des habitants,
qui bouchent les puits qu'il a creusés, xxvi, 12-22.
ABersabée, Dieu lui apparaît de nouveau, et Abimélech
vient contracter alliance, xxvi, 23-33; double mariage
d'Ésaù, xxvi, 34, 35. Jacob obtient la bénédiction de
son père à la place d'Ésaù, xxvn, 1-29; Ésaù est béni à
son tour, xxvn, 3040. Jacob va en Mésopotamie pour
échapper à la colère de son frère et pour chercher une
femme de sa race, xxvn, 41-xxvm, 5. Ésati épouse une
troisième femme, xxvm, 6-9. Sur le chemin de Haran,
Jacob a une vision à Béthel, xxvm, 10-22. 11 rencontre
Rachel, fille de Laban; il l'épouse ainsi que Lia, sa
sœur, xxix, 1-30. Naissance de onze fils et d'une fille,
x.xix, 31-xxx, 24. Jacob fait avec Laban des conventions,
et il s'enrichit habilement, xxx, 25-43. Parce que les fils
de Laban le jalousaient, il quitte furtivement Haran et
Laban le poursuit, xxxi, 1-24. Ils contractent ensemble
une alliance, xxxi, 25-55. Jacob envoie des présents à
Ésaii'xxxn, 1-21; il lutte avec un ange, xxxii, 22-32.
Ésafi lui fait bon accueil, xxxiii, 1-17. Jacob passe à
Salem et achète le champ d'Hémor à Sichem, xxxiii,
18-20. Enlèvement de Dina par les Sichémites et ven-
geance de ses frères, xxxiv, 1-31. Dieu apparaît de
nouveau à Jacob et lui ordonne de lui élever un autel
à Béthel, xxxv, 1-7. Mort de Débora, nourrice de Ré-
becca, et changement du nom de Jacob en celui d'Israël,
xxv, 8-15. Naissance de Benjamin et mort de Rachel,
xxxv, 16-20. Inceste de Ruben, liste des fils de Jacob
et mort d'Isaac, xxxv, 21-29. — 9° Histoire d'Ésaù,
xxxvi, 1-42. Elle n'est que le tableau généalogique de
sa postérité. — 10° Histoire de Jacob, xxxvn, 1-L, 25.
Joseph, le fils préféré de Jacob, est jalousé par ses
frères, xxxvn, 2-11. Envoyé pour les rejoindre à Do-
thain, il est vendu par eux à des Ismaélites qui le re-
vendent à Putiphar, xxvn, 12-36. Les fils de Juda, spé-
cialement à la suite de ses relations avec Thamar, sa
bru, xxxviii, 1-30. Joseph chez Putiphar'; accusé par la
femme de son maître, il est jeté en prison, xxxix,1-23.
Il interprète les songes du panetier et de l'échanson
du Pharaon, XL, 1-23; puis ceux du Pharaon lui-même,
xli, 1-36; c'est pourquoi il est mis à la tète de l'Egypte,
XXI, 37-46. Les sept années de fertilité; naissance des
fils de Joseph, xli, 47-52. Commencement de la famine,
xli, 53-57. Jacob envoie ses fils en Egypte; Joseph les
reconnaît, retient Simëon en captivité et renvoie les
autres à leur père, xlii, 1-25. Leur retour; Jacob re-
55
PENTATEUQUE
56
îuse àe \a\sser partir Benjamin, xui, 26-38. Contraint
par la famine, il consent au départ de Benjamin, XLin,
1-15. Ses fils sont reçus par le chef de la maison de
Joseph, puis par Joseph lui-même, xliii, 15-34. La coupe
de Joseph est mise à dessein dans le sac de Benjamin ;
Joseph veut punir le ravisseur; Judas s'offre à la place
de son jeune frère, xliv, 1-34. Joseph se fait reconnaître
et veut faire venir son père en Egypte, xlv, 1-28. Arri-
vée de Jacoh en Egypte, et liste de ses enfants et petits-
enfants, xl vi, 1-27. Rencontre de Joseph et de son père,
xlvi, 28-34. Joseph obtient de Pharaon la terre de Ges-
sen, xlvii, 1-12. Les Égyptiens achètent des vivres,
xlvii, 13-26. Après 17 ans de séjour en Egypte, Jacob
fait à Joseph ses dernières recommandations, xlvii, 27-
31. Devenu malade, il adopte les deux fils de Joseph et
les bénit, xlviii, 1-22. Il bénit tous ses fils et meurt,
xlix, 1-32. Joseph le fait ensevelir en Chanaan, l, 1-12.
Ses frères lui demandent pardon; il leur promet ses
bonnes grâces. Sur le point de mourir, il demande que
ses ossements soient un jour emportés au pays de Cha-
naan. Il meurt et il est enterré en Egypte, L, 13-25.
On a prétendu que, dans la pensée de l'auteur, le
nombre des dix sections avait une valeur symbolique
et signifiait l'universalité ou la perfection de l'histoire
primitive de la théocratie. Mais cette idée symbolique,
imaginée par les critiques modernes, n'est probable-
ment jamais entrée dans l'esprit de cet auteur.
Le « schématisme », comme on dit, de la Genèse ne
se manifeste pas seulement dans ce sectionnement en
dix parties ayant le même titre ; on le remarque encore
dans la disposition des sections et dans le procédé,
identiquement suivi pour chaque section. Les tôldôt sont
disposées dans l'ordre de leur importance. Il y en a de
deux sortes, en effet, celles de la ligne directe d'Adam
à Jacob, et celles des lignes latérales, au nombre de
trois, à savoir, celles des enfants de Noé, d'Ismaël et
d'Ésaù. Ces dernières, qui ont moins d'importance,
sont plus courtes et elles précèdent toujours les branches
parallèles delà ligne principale. Elles sont donc inten-
tionnellement placées en avant et peu développées en
raison de leur moindre importance. Les branches secon-
daires sont ainsi éliminées, et ne reparaissent plus qu'ac-
cidentellement, quand elles sont mêlées à l'histoire
de la branche principale. Du reste, ce procédé d'éli-
mination est employé dans tout le livre, dont le con-
tenu se restreint toujours de plus en plus. L'histoire,
d'universelle qu'elle était au début, se particularise
progressivement pour n'être plus que l'histoire reli-
gieuse d'Israël. Caïn et sa race sont éliminés dans
l'histoire d'Adam; les descendants"de Seth, sauf Noé, à
partir de l'histoire de ce dernier; Cham et Japheth
disparaissent de l'histoire de Sem; les autres fds de
Sem sont exclus de l'histoire de Tharé et d'Abraham.
A partir d'Ismaël, les branches secondaires, qui forment
des sections spéciales, sont vite laissées hors d'obser-
vation et avec les tôldôt de Jacob commence l'histoire
du peuple élu, du peuple théocratique.
D'autre part, l'écrivain suit un ordre déterminé dans
les développements de chaque section. Le titre est
suivi d'ordinaire d'une" récapitulation de la section pré-
cédente. Ainsi Gen., il, 4, résume l'introduction, i, 1-n,
3; v, 1, répète i, 27; xxv, 12, résume xvi, 1, 3, 15, 16;
xxv, 19, condense xvn; xxi, 2-5. Au début des autres
sections, il y a un point de repère avec ce qui précède :
VI, 10-12, répète les noms des fils de Noé, v, 32, et les
causes du déluge, xi, 1-5; x, 1, est la répétition de ix,
18, 19; xi, 27, reproduit le verset qui termine la section
précédente; xxXvi, 2, 3, récapitule les noms des femmes
d'Ésaii, xxvi, 34; xxvm, 9; xxxvn, 1, est la répétition
de xxxv, 27. Ce procédé récapitulatif, remarqué par
Raban Maur, Comment, in Gen., 1. II, c. xn, t. cvn,
col. 531-532, donne l'explication des répétitions signa-
lées par les critiques comme indice de la diversité des
sources. Les fôldôf d'un patriarche emhrassent toujours
tout le développement qu'a pris sa maison de son
vivant. Ainsi celles d'Abraham comprennent l'histoire
d'Ismaël et d'Isaac, qui sont réunis pour ensevelir leur
père, xxv, 9; celles d'Isaac racontent l'histoire d'Ésaû,
qui, lui aussi, se joint à Jacob pour ensevelir Isaac,
xxxv, 29; celles de Jacob comprennent l'histoire de ses
fils jusqu'à sa mort, l, 12, et à celle de Joseph, L, 25.
La vie du patriarche est plus ou moins développée.
Elle est réduite parfois à quelques mots, v, xi; ou à
quelques lignes, xi, 28-31 ; pour Noé, Abraham et Jacob,
elle raconte de nombreux faits. Quand elle est détaillée,
elle se termine d'une manière à peu près uniforme :
l'écrivain indique la durée totale de la vie du héros et
sa sépulture avec ses ancêtres, ix, 29; xi, 32; xxv, 7;
xxxv, 28; xlvii, 28. Le total des années des patriarches
est aussi indiqué au c. v; mais il ne l'est pas au c. xi,
10-26.
Ce plan suivi est indéniable et prouve que la Genèse
a été rédigée dans un but déterminé et d'après un ordre
fixé. Les critiques modernes l'attribuent au rédacteur
définitif du Pentateuque qui, selon eux, aurait emprunté
au code sacerdotal le cadre généalogique et le schéma-
tisme, lesquels seraient Une des caractéristiques de
cette source. Il montre, à tout le moins, l'unité actuelle
de ce livre, compris comme un vaste tableau généalo-
gique, embrassant les détails connus de l'histoire pri-
mitive et de l'histoire patriarcale. Cf. P. Delattre, Plan
de la Genèse, dans la Revue des questions historiques,
juillet 1876, t. xx, p. 5-43; Id., Le plan de la Genèse
et les générations du ciel et de la terre, dans la Science
catholique^ du 15 octobre 1891, t. v, p. 978-989; P. de
Broglie, Élude sur les généalogies bibliques, dans le
Congrès scientifique international des catholiques de
1888, Paris, 1889, t. i, p. 94-101; P. Julian, Étude cri-
tique sur la composition de la Genèse, Paris, 1888,
p. 232-250.
A ne considérer que le contenu de la Genèse, on a
proposé des divisions logiques en deux ou huit parties.
Dans le premier cas, le livre raconte : 1° l'histoire de
l'humanité depuis la création jusqu'à la vocation
d'Abraham, n, 4-xi, 26; 2° l'histoire des patriarches
Abraham, Isaac et Jacob, ancêtres du peuple juif, jus-
qu'à la mort de Jacob et de Joseph en Egypte, xi, 27-L,
25. Chacune de ces parties principales se subdiviserait
en cinq sections, commençant par tôldôt. Cf. R. Cor-
nely, Introductio specialis in historicos V. T. libros,
Paris, 1887, t. n, p. 8-10. Beaucoup de critiques mo-
dernes acceptent cette division et séparent l'histoire pri-
mitive, i, 1-xi, 9, de l'histoire des patriarches, xi, 28-L,
26, reliée à la première par la généalogie de Sem, xi,
10-27. Dans le second cas, on distingue : 1° la création
du monde et de l'homme, i, 1-in, 24; 2» l'histoire de
l'humanité jusqu'au déluge et l'alliance conclue entre
Dieu et Noé après le cataclysme, IV, 1-ix, 17; 3° les
trois fils de Noé considérés comme pères de l'humanité
postdiluvienne, ix, 18-x, 32; 4° la séparation des
hommes au point de vue des langues, la formation
des nations, et la généalogie de Sem, xi; 5° l'histoire
d'Abraham, père du peuple de la promesse, xn, 1-xxv,
11; 6° la généalogie d'Ismaël, xxv, 12-18, et l'histoire
d'Isaac, xxv, 19-xxxv, 39; 7» la généalogie d'Ésaù, xxxvi;
8° l'histoire de Jacob, xxxvii-l.
2° Exode. — Après la mort de Joseph, l'histoire du
peuple d'Israël ne procède plus par généalogies. Israël
est devenu un peuple et son histoire, squs la conduite
de Moïse, est celle de sa constitution nationale et reli-
gieuse. Elle se poursuit dans les quatre autres livres du
Pentateuque, qui sont à la fois historiques et législa-
tifs. La séparation des trois livres du milieu est un peu
arbitraire; elle n'a eu peut-être d'autre raison, comme
nous l'avons déjà dit, que la nécessité de diviser en
parts à peu près égales un rouleau qui, autrement,
57
PENTATEUQUE
58
aurait été trop -volumineux. Les faits qu'ils racontent
se suivent et se complètent. On peut néanmoins consi-
dérer chacun d'eus comme un tout séparé.
L'Exode, après un court préambule, i, 1-7, qui est
comme la récapitulation des fôldôp de Jacob, peut se
diviser en trois parties très distinctes : la première partie
raconte les événements qui ont précédé et préparé la
sortie d'Egypte, I, 8-xn, 36, à savoir, l'oppression des
Israélites par un nouveau Pharaon, qui n'avait pas
connu Joseph, i, 8-22; l'histoire de Moïse avant sa voca-
tion, II, 1-25; la vocation de Moïse comme sauveur de
son peuple, son retour en Egypte et l'accueil que lui
font les Israélites, m, 1-iv, 31; les premières tentatives
de Moïse et d'Aaron auprès du roi d'Egypte, v, 1-vi,
13; une généalogie des fils de Kuben, Siméon et Lévi,
précédant et préparant la généalogie de Moïse, vi, 14-
30; une nouvelle mission divine de Moïse et la descrip-
tion des neuf premières plaies d'Egypte, vin, 1-x, 29;
la prédiction de la dixième plaie, XI, 1-10; l'institution
et la célébration de la première Pâque, xn, 1-28, la
mort des premiers-nés des Égyptiens et les préparatifs
de la sortie d'Egypte, 29-36. La seconde partie rapporte
les faits accomplis depuis la sortie d'Egypte jusqu'à
l'arrivée des Israélites au pied du Sinaï, xn, 37-xviu,
27. Le récit du départ des Israélites est suivi de la
législation concernant la Pâque future, souvenir et
anniversaire de la première et la consécration des
premiers-nés, xn, 37-xni, 16. Viennent ensuite le récit
des premiers campements des Israélites, la poursuite
de l'armée égyptienne, qui serre les fugitifs sur les
bords de la mer Rouge, xm, 17-xiv, 14. Les Israélites
passent la mer à pied sec, et les Égyptiens sont englou-
tis dans les Ilots, xiv, 15-31. Cantiques de Moïse et de
Marie, sa sœur, xv, 1-21. Les stations dans le désert
sont ensuite spécifiées avec les événements qui s'y
rattachent : à Sur, à Mara, à ÉHm,xv, 22-27, au désert
de Sin avec l'envoi des cailles et de la manne, xvi, 1-
36, à Raphidim, où l'eau sort du rocher, xvn, 1-7, et
où les Israélites battent les Amalécites, 8-16. La visite
de Jéthro, beau-père de Moïse, sert d'occasion à l'institu-
tion des juges du peuple, xvm, 1-27. La troisième
partie débute par le voyage de Raphidim au pied du
Sinaï, xix, 1, 2. A cette longue station se rattache une
portion de la législation mosaïque, de sorte que l'ou-
vrage, d'historique qu'il était, devient code législatif.
Moïse monte au sommet du mont Sinaï, où Dieu lui
indique les préparatifs, puis, trois jours après, les dis-
positions extérieures de la promulgation de ce qu'on a
appelé son alliance avec Israël, xix, 3-25. Suit la pro-
mulgation du Décalogue et des conditions de l'alliance
qui forment le livre de l'alliance, xx, 1-xxiu, 33. Ce
livre, ainsi nommé, xxiv, 7, comprend la loi de l'autel,
xx, 24-26, des lois sur les esclaves, xxi, 1-11, sur l'homi-
cide et les rixes, 12-27, sur les dommages causés par
les animaux, 28-36, sur les voleurs, xxn, 1-4, les damni-
ficateurs, 5, 6, les dépositaires négligents, 7-13, sur le
prêt, 14, 15, sur des points de morale ou de religion,
xxn, 16-xxiii, 9, sur l'année sabbatique et le sabbat,
10-12, et les trois fêtes annuelles, 13-19. Des promesses
sont attachées à l'observation de ces lois, 20-33. Voir
t. i, col. 388. L'alliance, fondée sur ces conditions, est
conclue entre Dieu et Israël, xxiv, 1-8. Dieu se manifeste
aux anciens du peuple, puis à Moïse seul qui, pendant
quarante jours et quarante nuits au sommet de la mon-
tagne, reçoit du Seigneur une description précise de
l'arche d'alliance, de la table des pains de proposition,
du candélabre à sept branches, du tabernacle et de
l'autel des holocaustes, des vêtements sacerdotaux, des
rites de la consécration des prêtres, diverses lois, la
désignation des constructeurs du tabernacle et une loi
relative à l'observance du sabbat, xxiv, 9-xxxi, 18. Le
récit historique reprend. Pendant l'absence prolongée
de Moïse, le peuple adore le veau d'or. Dieu s'en irrite;
Moïse intercède pour le peuple, brise les tables de la
loi, renverse l'idole, punit les coupables, intercède de
nouveau auprès du Seigneur, qui fait grâce au peuple
repentant, xxxn, 1-xxxin, 6. Moïse transporte le taber-
nacle hors du camp et Dieu propose de renouveler
l'alliance rompue par l'infidélité des Israélites. Moïse
taille de nouvelles tables, reçoit une seconde fois de
Dieu les conditions de l'alliance, après 40 jours de
séjour au sommet du Sinaï, rapporte les tables de la
loi, gravées de sa propre main, et reparaît le visage
resplendissant de la gloire divine, xxxiii, 7-xxxiv, 35.
Les ordres divins au sujet de la construction du taber-
nacle et des instruments du culte s'accomplissent : les
Israélites apportent leurs dons; les ouvriers désignés
les emploient à la construction du tabernacle, de l'arche,
de la table des pains de proposition, du candélabre,
des autels et des vêtements sacerdotaux, xxxv, 1-xxxix,
29. Tout le travail achevé est béni par Moïse. Dieu or-
donne d'ériger le tabernacle, de vêtir et d'oindre les
prêtres. Ses ordres sont exécutés, et la nuée du Sei-
gneur couvre le tabernacle, xxxix, 30-XL, 36.
3° Lévitique. — Ce livre est presque en entier légis-
latif et continue l'exposé des lois, données par Dieu à
Moïse au Sinaï. Les nombreuses lois qu'il contient sont
codifiées sans ordre logique. Il y a cependant certains
groupements de dispositions concernant le même sujet.
Une première section, i-vn, est consacrée aux sacrifices :
holocaustes, i, 1-17; oblations, n, 1-16; sacrifices paci-
fiques, ni, 1-17; sacrifices pour le péché involontaire,
iv, 1-v, 13, et pour le délit volontaire, v, 14-vi, 7. Sui-
vent les préceptes concernant les prêtres dans l'offrande
de ces divers sacrifices, vi, 8-10, puis de nouvelles pres-
criptions au sujet des sacrifices pacifiques entrecou-
pées par la défense réitérée de manger la graisse et le
sang, vu, 11-34, et terminées par une conclusion géné-
rale, 35-38. Une seconde section raconte en détails la
consécration d'Aaron et de ses fils, vm, 1-36, et l'inau-
guration de leurs fonctions, ix, 1-24. Suit l'épisode de
la punition de Nadab et d'Abiu, coupables d'un man-
quement dans le service divin, x, 1-27. Enfin vient la
défense faite aux prêtres de boire du vin et des liqueurs
enivrantes, et une prescription relative à la manduca-
tion des restes du sacrifice, x, 8-20. Une troisième
section réunit les lois de la pureté légale, xi-xv : les
animaux purs el impurs, xi, 1-47; la purification de la
femme en couches, xn, 1-8; la lèpre des hommes, xm,
1-46, des habits, xm, 47-59; la purification du lépreux,
xiv, 1-32; la lèpre des maisons, 33-53; récapitulation,
54-57; les impuretés sexuelles, xv, 1-33. Une quatrième
section expose les rites de la fôte annuelle de l'expia-
lion, xvi, 1-34. Après une loi spéciale sur l'immolation
des victimes et la défense de manger le sang et les
bêtes mortes, xvn, 1-16, une cinquième section groupe
les lois concernant la pureté extérieure et inté-
rieure, xvm, 1-5, à savoir les mariages interdits, xvm,
6-30; les devoirs envers Dieu et le prochain, xix, 1-18,
et différents préceptes de même nature, xix, 19-37. Des
peines sévères sont portées contre les violateurs de ces
dispositions, xx, 1-27. Lois spéciales sur la sainteté des
prêtres, irrégularités sacerdotales, xxi, 1-24. Conditions
à remplir par les prêtres et les membres de leurs
familles pour pouvoir manger les choses saintes, xxn,
1-16. Qualités que doivent avoir les victimes des sacri-
fices, 17-30. Conclusion, 31-33. Liste des fêtes à célébrer,
xxm, 1-44. Loi sur l'huile du tabernacle et les pains
de proposition, xxiv, 1-9. A l'occasion d'un fait parti-
culier, peine portée contre les blasphémateurs, xxrv,
10-23. L'année sabbatique et le jubilé, xxv, 1-55. Pro-
messes et menaces pour l'observation ou la violation de
la loi divine, xxvi, 1-45. Loi sur les vœux et les dîmes,
xxvn, 1-34.
4° Nombres. — Ce livre reprend le récit du séjour
des Israélites dans le désert, récit qui avait été inter-
59
PENTATEUQUE
60
rompu par l'exposé de la législation donnée par Dieu à
Moïse sur le Sinaï. Il le reprend au départ du Sinaï,
au second mois de la seconde année après la sortie
d'Egypte, et il le conduit jusqu'au onzième mois de la
quarantième année du séjour dans le désert. Mais
l'histoire de ces 38 années n'est pas racontée en détail ;
seuls, les événements du début et de la fin de cette
période sont rapportés. Des lois nouvelles sont insérées
dans la trame des faits. Les Nombres peuvent donc se di-
viser en trois parties : — l re partie. Événements qui se
sont produits depuis les préparatifs du départ du Sinaï
jusqu'à la condamnation divine du peuple révolté, i-xiv.
— Elle se subdivise en deux sections : — l re section.
Préparatifs du départ : 1» recensement du peuple d'où
le livre a pris son nom, et office des lévites, i, 1-54;
2° ordre des campements, n,l-34; 3" généalogie, office,
recensement et place des lévites, m, 1-39; recense-
ment des premiers-nés que remplacent les lévites, 40-
51; offices de chaque famille de lévites, iv, 1-33; réca-
pitulation, 34-49; 4» lois particulières, dont la première
concerne la pureté du campement, v, 1-vi, 27; 5° re-
tour en arrière et récit de ce qui s'est passé au premier
mois de la seconde année, lors de l'érection du taber-
nacle, cf. Exod. xl, 1 ; offrande de chariots pour porter
le tabernacle, et autres offrandes des princes de chaque
tribu, Num., vu, 1-89; loi relative au candélabre, vin,
1-4; consécration des lévites et durée de leur ministère,
vin, 5-26; la Pâque de la seconde année, avec une
Pâque extraordinaire, IX, 1-14; signaux de la levée du
camp, la nuée lumineuse et le son des trompettes, IX,
15-x, 10. — II e section. Départ du Sinaï jusqu'à la dé-
faite des Israélites par les Amalécites : le 22 du second
mois de la deuxième année, levée du campement et
ordre de la marche, x, 11-28; Moïse invite Hobab à le
suivre, 29-32; après trois jours de marche, murmure
du peuple puni par l'incendie d'une partie du camp, xi,
1-3; le peuple venu d'Egypte, las de la manne, veut de
la viande; Dieu donne à Moïse des aides pour gouverner
et envoie des cailles, xi, 6-34; reproches d'Aaron et de
Marie contre Moïse; Marie est couverte de lèpre, xn,
1-15. De Pharan, Moïse envoie au pays de Chanaan des
explorateurs dont le récit, à leur retour, provoque une
sédition du peuple, xm, 1-xiv, 10; Dieu fait périr les
explorateurs coupables et condamne les Israélites ré-
voltés à séjourner quarante ans dans le désert, xiv, 11-
38; le peuple prend les armes, mais est battu par les
Amalécites, xiv, 39-45. — II e partie. Quelques épisodes
des quarante ans du séjour dans le désert. — Lois di-
verses, xv, 1-31; un violateur du sabbat lapidé, xv, 32-
36; loi des franges aux vêtements, xv, 37-41. Révolte
de Cpré, de Dathan et d'Abiron, xvi, 1-40; punition des
murmures du peuple, xvi, 41-50; la verge d'Aaron
fleurit, xvn, 1-13. Offices, droits et charges des prêtres
et des lévites, xvm, 1-32; immolation de la vache
rousse, et lois de purification, xix, 1-22. — III e partie.
Derniers événements de la fin du séjour dans le désert.
— Après la mort de Marie, révolte à Cadès; Moïse frappe
deux fois le rocher, xx, 1-13; ambassade au roi d'Édom
qui refuse le passage sur ses terres, xx, 14-21; mort
d'Aaron à Hor, xx, 22-30; victoire remportée sur le roi
Arad, xxi, 1-3; les Israélites contournent l'Idumée, se
plaignent de Moïse et sont punis par des serpents de
feu, xxi, 4-9; itinéraire suivi jusqu'à l'Arnon; chant de
l'Arnon et chant du puits, xxi, 10-20; expédition contre
Séon et chant d'Hésébon, xxi, 21-30; victoire remportée
sur Og, xxi, 31-35. Dans les champs de Moab, bénédic-
tions et oracles de Balaam, xxii, 1-xxrv, 25; crime des
Israélites, zèle de Phinées et ordre d'exterminer les
Madianites, xxv, 1-18. Nouveau recensement du peuple,
xxvi, 1-65. Loi sur les filles héritières à l'occasion des
filles de Salphaad, xxvn, 1-11. Josué est institué suc-
cesseur de Moïse, xxvn, 12-23. Lois sur les sacrifices,
les fêtes et les vœux, xxvin, 1-xxx, 17. Victoire sur les
Madianites, xxxi, 1-54. Attribution du pays situé à l'est
du Jourdain aux tribus de Ruben et de Gad et à la
demi-tribu de Manassé, xxxii, 1-42. Résumé des stations
des Israélites dans le désert, xxxm, 1-49. Ordre donné
par Dieu d'exterminer les Chananéens, xxxm, 50-56.
Limites de la Terre Promise et noms des hommes qui
feront le partage du pays conquis, xxxiv, 1-29. Villes
lévitiques et villes de refuge, xxxv, 1-15. Lois sur
l'homicide volontaire et involontaire et sur le mariage
des filles héritières, xxxv, 16-xxxvi, 12. Conclu-
sion, f. 13.
L'analyse précédente, qui est tout à fait objective,
montre clairement que si, dans les livres du milieu,
Exode, Lévitique et Nombres, le récit historique se
développe d'une façon assez cohérente pour l'ensemble,
dans un cadre à la fois chronologique et géographique,
tracé par les stations ou campements successifs des
Israélites dans le désert, et que si la législation sinaï-
tique s'y insère naturellement à sa date, cependant les
lois sont souvent groupées en codes ou recueils distincts,
qui sont juxtaposés plutôt que coordonnés, et les pres-
criptions elles-mêmes de chaque code ne sont pas tou-
jours logiquement distribuées ; beaucoup semblent être
des lois complémentaires ou explicatives des précé-
dentes. Il y a donc, dans ces livres et dans leurs
parties, un certain ordre; mais il n'est pas toujours
apparent, et la disposition actuelle trahit certaines
répétitions, qui proviennent de la manière dont la loi
mosaïque a été promulguée. Elle n'a pas été faite d'un
seul coup, mais progressivement et au jour le jour. Le
législateur est revenu plusieurs fois sur les mêmes
sujets, en expliquant ou complétant ses premières
ordonnances. Voir t. iv, col. 337-339. Pour les divisions
logiques de la législation mosaïque, voir t. îv, col. 327-
332.
5° Deutéronome. — Ce livre a, dans le Pentateuque,
une physionomie à part. Il ne se rattache pas aux
Nombres comme ceux-ci aux deux livres précédents, et
il se distingue des autres parties du Pentateuque en
ce qu'il se compose principalement, non de récits,
mais de discours prononcés par Moïse dans les plaines
de Moab, le onzième mois de la 40 e année du séjour au
désert. D'autre part, il forme, dans l'ensemble, un tout
complet. Son plan est simple. Indépendamment du
titre, I, 1-4, il comprend quatre discours. — Le pre-
mier, i, 6-iv, 43, sort d'introduction au livre entier. On
y distingue : 1° un résumé historique des faits qui ont
suivi la promulgation de la Loi au Sinaï, i, 6-m, 29;
2° une exhortation à observer cette Loi, IV, 1-40. Ce
premier discours est suivi de deux enclaves : 1» un
fragment historique sur les villes de refuge situées à
l'est du Jourdain, iv, 41-43; 2° un préambule historique
préparant le discours qui va suivre, IV, 44-49. — Le
second discours, v-xxvi, fait le fond du livre. Il débute
par un rappel de la Loi sinaïtique et il reproduit le
décalogue, v, 1-vi, 3. Il se subdivise ensuite en deux
parties : la première, vi, 4-xi, 32, est parénétique ; elle
expose les motifs que les Israélites ont d'obéir à la loi
et elle les exhorte à l'obéissance. On a signalé, x, 6, 7,
un passage qui semble être une interpolation. Le ver-
set 8 fait naturellement suite au verset 5. Même consi-
dérés comme une parenthèse, les versets 6 et 7 ne
s'expliquent guère et rompent très malencontreusement
le résumé historique, au milieu duquel ils sont intro-
duits. La seconde partie du discours, xn, 1-xxvi, 15,
contient un code de lois,essentiellementmorales et reli-
gieuses, qu'on a diversement groupées : 1° Lois reli-
gieuses: unité du culte, xn, 2-27; interdiction de l'ido-
lâtrie, xn, 28-xm, 18; prohibition de quelques usages
païens et distinction des animaux purs et impurs, xiv,
1-21; paiement de la dîme, xiv, 22-29; l'année sabbatique,
xv, 1-18; offrande des premiers-nés des troupeaux, xv,
19-23; les trois fêtes annuelles, Pâque, Pentecôte et
61
PENTATEUQUE
62
Tabernacles, xvi, 1-17; 2° institutions publiques : les
juges, xvi, 18-xvn, 13; le roi futur, xvn, 14-20; les
prêtres et les lévites, xvill, 1-8; les faux et les vrais
prophètes, xvill, 9-22; 3° la justice criminelle : les
villes de refuge, XIX, 1-13; le déplacement des bornes
des champs, xix, 14; les témoins, xix, 15-21; 4» la
guerre, les exempts et la manière de traiter les enne-
mis, xx, 1-20; 5° meurtre dont les auteurs sont incon-
nus, xxi, 1-9; 6° traitement des femmes prises à la
guerre, xxi, 10-14; 7° droit privé : droit d'aînesse, xxi,
15-17; conduite à l'égard d'un fils rebelle, xxi, 18-21;
coupables punis de mort, xxi, 22, 23; animaux et objets
perdus, xxn, 1-4; vêtements, nids d'oiseaux, construc-
tion des maisons, mélanges disparates, franges, xxir,
5-12; des vierges, xx/r, 13-30; de ceux qui ne peuvent
faire partie d'Israël, xxiil, 1-8; hygiène des camps,
xxm, 9-14; esclaves fugitifs, prostituées, usure, vœux,
droit de prendre dans les vignes et les moissons, xxm,
15-25; divorce, xxiv, 14; le nouveau marié, 5; droits
des pauvres, 6-22; la flagellation, xxv, 1-3; le bœuf qui
foule l'aire, 4; loi du lévirat, 5-10; poids et mesures, 13-
16; extermination des Amaléciles, 17-19; les prémices
et les dîmes, xxvi, 1-15. Péroraison : exhortation à
observer ces lois, 16-19. — Dans le troisième discours,
xxvii-xxvm, Moïse ordonne aux Israélites, lorsqu'ils
auront passé le Jourdain, d'élever un autel sur lequel
ils graveront le Deutéronome, et il leur trace les béné-
dictions et les malédictions à prononcer ce jour-là,
xxvn, 1-26. Moïse prononce lui-même les bénédictions
réservées aux observateurs de la loi et les malédictions
qui frapperont les rebelles, xxvni, 1-68. Le verset 69
de l'hébreu (Vulgate, xxix, 1) sert de conclusion à ce
discours. — Un quatrième discours, xxix, 1 (Vulgate 2)
x.nx, 20. résume les bienfaits de Dieu envers Israël,
exhorte à observer l'alliance jurée et à ne pas y être in-
fidèle, annonce le pardon aux coupables, montre que la
loi est facile à observer et réitère les bénédictions et les
malédictions.
Le recueil de ces quatre discours est complété par
une conclusion historique, relatant les derniers événe-
ments de la vie de Moïse, xxxi-xxxiv. Moïse choisit
Josué comme son successeur, ordonne de lire la loi au
peuple tous les sept ans et d'en déposer le texte dans
l'arche, x.xxi. 1-27; il fait rassembler les anciens et
récite son cantique, 'xxxi, 28-xxxn, 47; il contemple de
loin la Terre Promise, xxxn, 48-52. Il bénit les tribus
d'Israël, xxxin, 1-29. Sa mort, sa sépulture, son éloge,
xxxiv, 1-2. Ces derniers chapitres ne sont pas très
étroitement rattachés l'un à l'autre et sont comme des
appendices ajoutés au Pentateuque entier.
III. AtriiESTiciTÉ. — Nous revendiquons l'authenti-
cité mosaïque du Pentateuque et avec la tradition juive
et chrétienne nous pensons que Moïse est l'auteur du
livre qui porte son nom. Mais, avant de faire la démons-
tration de cette thèse et de résoudre les objections
qu'on lui oppose, il est bon de déterminer dans quel
sens nous entendons maintenir l'authenticité mosaïque
du Pentateuque et d'indiquer la part que Moïse a prise
à la rédaction du livre.
/. SATIRE DE L'ACIUEXTICITÉ 3I0SAIQUE. — D'abord,
nous ne disons pas avec Josèphe, Philon et quelques
rabbins juifs, dont les témoignages seront rapportés
plus loin, que Moïse a personnellement écrit ou dicté
le Pentateuque entier, y compris le récit de sa mort.
Deut., xxxiv, 5-12. Déjà, des Juifs dans le Talmud attri-
buaient à Josué les huit derniers versets de la loi. Au
rapport d'Abenesra (y 1167), le rabbin Isaac ben Jasus
(7 1057) soutenait que Gen., xxxvi, 31, avait été écrit
sous le règne de Josaphat. Abenesra lui-même disait en
termes voilés que les passages, Gen., xn, 6; xxn, 14;
Deut., 1, 1, 5; m, 11; xxxi, 9, étaient des additions faites
au texte primitif ou en contenaient. Cf. B. Spinoza,
Tract, theolog. polit., c. vin, dans Opéra, 2° édit. Van
Vloten et Land, La Haye, 1895, t. 11, p. 56-58; Richard
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclé-
siastiques, Paris, 1730, t. m, p. 195-221. André Masius,
Josuse imperatoris historia illustrata, Anvers, 1574,
praef., p. 2, dans Migne, Cursus completus Script.
Sac, t. vu, col. 853, affirma que le Pentateuque avait
été expliqué et complété longtemps après Moïse et il
signala le nom d'Hébron, substitué à Cariath-Arbé,
comme un exemple de ce travail d'adaptation posté-
rieure. Les jésuites Benoît Pereira, Comment, et disp.
in Gen., Lyon, 1594, t. 1, p. 13-14; Jacques Bonfrére,
Pentateuchus, Anvers, 1625, p. 93-94 ; Tirin, Comment,
in V. et N. T., cité dans Jean de la Haye, Bibiia
maxima, Paris, 1669, t. m, p. 582, reconnaissaient
dans le texte actuel des additions, faites par des scribes
inspirés après Moïse, et ils citaientGen., xiv, 14; Num.,
xn, 3; xxi, 14, 15. Jansénius, évêque d'Ypres, Penta-
teuchus, Louvain, 1685, prœf., p. 2, admettait aussi
quelques additions de cette nature. Corneille de la
Pierre, Comment, in Pent., arg., dans Comment, in
V. et N. T., Lyon, 1732, t. 1, p. 18, émit même l'hypo-
thèse que Moïse avait rédigé le Pentateuque par ma-
nière de journal et d'annales, et que Josué ou un autre
avait mis en ordre ces annales en y insérant quelques
additions, telles que le récit de la mort de Moïse, son
éloge, Num,, xn, 3, et en modifiant ou complétant
certains détails, comme Gen., xiv, 14; Num., xxi, 14,
15, 27. Au siècle suivant, un autre jésuite, le P. Veith,
Sacra Scriptura contra incredulos propugnata, part. I,
sect. 1, q. m, n. 8, 9, dans Migne, Cursvs completus
Script, sac, t. iv, col. 22, note; 2" édit., col. 195-196,
est du même sentiment que Corneille de la Pierre,
Bellarmin, Controversiss, Milan, 1721, t. 1, p. 166,
attribuait à Esdras une revision du Pentateuque, com-
prenant l'addition du dernier chapitre du Deutéronome
et l'insertion de quelques détails dans le texte. Dom
Calmet, Commentaire littéral, l' édit., Paris, 1724, 1. 1,
p. 9; t. n, p. 401, admettait, avec l'addition finale,
l'introduction de quelques gloses dans le texte origi-
nal. C'est devenu au xix e siècle l'enseignement des
exégètes et des théologiens catholiques que l'œuvre de
Moïse a subi des changements de noms propres et des
altérations de nombres, des additions et des modifica-
tions de détails, et même qu'elle a reçu peut-être dans
sa partie législative certaines dispositions complémen-
taires, llaneberg, Histoire de la révélation biblique,
trad. franc., Paris, 1856, t. 1, p. 222-223; J.-T. Lamy,
Comment, in Mb. Geneseos, Malines, 1883, t. 1, p. 36-
39; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift,
2» édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 172-179; F. Vi-
goureux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. i,
p. 463-477; Ch. Pesch, Apparatus ad historiam cose-
vam doctrines inspirationis pênes catholicos, Rome,
1903, p. 75; F. Prat, Le code du Sinaï, Paris, 1904,
p. 46-60; Hôpfl, Die hôhere Bibelkritik, Paderborn,
1902, p. 35. Voir t. IV, col. 337-339. Quelques-uns de ces
critiques ont, en outre, admis que Moïse s'était servi
de documents antérieurs pour la rédaction de la Genèse,
et d'autres ont renouvelé encore l'hypothèse de l'emploi
de secrétaires, choisis par Moïse et contrôlés par lui,
sinon personnellement inspirés, comme l'avait pensé
Richard Simon. J. Brucker, Authenticité des livres de
Moïse, dans les Études, 1888, t. xxm, p. 327-340; card.
Meignan, De l'Éden à Moïse, Paris, 1895, p. 68-77;
Id., David, roi, psalmiste, prophète, Paris, 1889, intro-
duction, p. XXXIV-LXV.
M. Hoberg, t'eber négative und positive Pentateuch-
kritik, dans Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau,
1901, t. vi, fasc. 1 et 2, p. 7-9; Moses und der Penta-
teuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 47-69, étend davan-
tage le champ des additions historiques et législatives
faites au Pentateuque postérieurement à Moïse. Il signale
au nombre des premières la conclusion du Deutéro-
63
PENTATEUQUE
64
nome, xxxi-xxxrv, ajoutée peut-être par Josué; des listes
complétées, telles que celle de Gen., xxxvi, poussée jus-
qu'au temps de David ou de Salomon ; Exod., xxxvi, 8-
xxxix, 43, qui ne serait qu'une répétition retouchée
d'Exod., xxv, 10-xxxm, 43; Exod., xxx; Num., x, 29-
32, 35, 36; xxvu, 14; Deut., m, 86, 11, 14; iv, 41-43;
peut-être aussi Gen., xxii, 14 6; certainement Deut., x,
6-9; xxi, 4; peut-être les deux chants, Num., xxi, 13 6-
15; 16 6-18; certainement les introductions, Deut, i,
1-5; iv, 44-49. Il est plus difficile de discerner les ad-
ditions législatives. Quelques exemples de transforma-
tions paraissent admissibles : ainsi la loi sur la dime
qui se présente sous cinq formes différentes. Exod.,
xxii, 28; Num., xvm, 21-32; Deut., su, 6, 11, 17; xrv;
22-29; xxvi, 12-15. Toute disposition qui suppose une
habitation fixe, comme Lev., xxv, 32-34, est vraisem-
blablement, selon M. Hoberg, d'origine postérieure à
Moïse. D'autre part, les réflexions générales, les titres et
les conclusions des sections appartiendraient rarement
au texte original. Moïse n'a donc pas écrit chaque mot,
chaque phrase du Pentateuque; il en est l'auteur; mais
son œuvre a pu recevoir au cours des siècles quelques
additions et modifications, depuis le temps de sa com-
position jusqu'après le retour en Palestine des Juifs
captifs à Babylone.
La Commission biblique a reconnu la légitimité de
cette manière d'envisager l'authenticité mosaïque du
Pentateuque. Le 27 juin 1906, Pie X approuvait les solu-
tions qu'elle avait données à quatre questions soumises
à son examen. Elle maintient d'abord l'authenticité de
ce livre; les trois autres réponses en expliquent la
nature : II. Vtrum mosaica authentia Pentateuchi
talemnecessario postulet redactionem totius operis,ut
prorsus lenendum sit Moysen omnia et singula manu
sua scripsisse vel amanuensibus dictasse ; an etiam
eorum hypothesis pérmitti possit qui existimant eum
opus ipsum a se sub divinee inspirationis afflatu
conceptum alteri vel pluribus scribendum commisisse,
ita tamen utsensa sua fideliter redderent, nihil contra
suam voluntatem scriberent, nihil omitterent ; ac tan-
dem opus hac ratione confectum, ab eodern Moyse
principe inspiratoque auctore prolatum, ipsiusmet
nomine vulgaretur? Resp. Négative ad primant par-
te m, affirmative ad secundani. — III. Vtrum absque
prssjudicio mosaicee authenlise Pentateuchi concedi
possit Moysen ad suum conficiendum opus fontes ad-
hibuisse, scripta videlicet documenta vel orales tradi-
tiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi
propositum et sub divines inspirationis afflatu, non-
nulla hauserit eaque ad verbum vel quoad sententiam,
contracta vel amplificata ; ipsi operi inseruerit? Resp.
Affirmative. — IV. Vtrum, salva substantialiter
mosaica authentia et integritate Pentateuchi, ad
mitti possit tam longo sseculorum decursu nonnullas
ei modificationes.obvenisse, uti : addimenta post Moysi
morlem vel ab auctore inspirato apposita, vel glossas
et explicationes textui interjectas, vocabula qusedam
et formas sermone antiquato in sermonem recentio-
rem translatas ; niendo sas demum lectiones vitio ama-
nuensium adscribendas, de quibus fas sit ad normas
artis criticse disquirere et judicare? Resp. Affirma-
tive, salvo Ecclesise judicio.
C'est sous la triple réserve : 1° de l'emploi de secré-
taires, choisis et contrôlés par Moïse, qui aurait publié
sous sa garantie personnelle le travail commandé et
surveillé par lui; 2" du recours à des documents écrits
ou à des traditions orales, reproduits ou utilisés par
lui dans son œuvre personnelle et pour les événements
antérieurs à son époque; 3° de quelques modifications
postérieures, introduites après coup dans le Penta-
teuque achevé, que nous soutiendrons l'authenticité
mosaïque de ce livre.. Pour attribuer à Moïse le Penta-
teuque, nous ne tenons donc pas comme nécessaire
qu'il ait écrit lui-même ou dicté mot à mot à des co-
pistes tout le contenu; il suffit que tout ait été publié
sous sa responsabilité et reproduise fidèlement et exac-
tement ce qu'il avait ordonné à ses secrétaires d'écrire
en son nom. De même encore, les additions, telles que
le récit de la mort de Moïse, des gloses introduites
dans le texte, soit pour expliquer des usages anciens,
soit pour remplacer des termes archaïques par des
formes plus récentes, enfin, les fautes de transcription
ne nuisent pas plus à l'authenticité qu'à l'intégrité sub-
stantielle du Pentateuque. Nonobstant ces additions et
modifications, le Pentateuque reste l'œuvre de Moïse
auteur responsable et inspiré, ayant peut-être fait rédi-
ger par ses secrétaires une partie de ses récits ou de
ses lois.
//. PREUVES DE L'AUTBENTJCITÉ MOSAÏQUE DU PENTA-
TEUQUE. ,— Que Moïse ait écrit le Pentateuque, qui
porte son nom, c'est un fait attesté : 1" par différents
témoignages bibliques; 2» par le sentiment perpétuel
des Juifs; 3° par la tradition constante de l'Église ca-
tholique ; et 4° confirmé par des indices fournis par le
livre lui-même.
1° Témoignages bibliques de l'activité littéraire de
Moïse. — Si on ne lit nulle part dans la Bible l'affir-
mation explicite et formelle que Moïse a rédigé le Pen-
tateuque entier, il y a cependant, en différents livres
des deux Testaments, des indications et des affirmations
desquelles il résulte que Moïse a écrit des faits, des lois
qui sont contenus dans.le Pentateuque. —1. Témoignage
du Pentateuque lui-même. — Le livre entier ne se pré-
sente pas expressément comme ayant été composé par
Moïse. Outre qu'il contient, dans son état actuel, le récit,
évidemment postérieur, de la mort de Moïse, il raconte
la vie du législateur hébreu à la troisième personne et en
style indirect, et les quatre derniers livres n'ont pas la
forme littéraire de Mémoires du héros dont ils font
l'histoire. Toutefois le caractère impersonnel du récit
peut fort bien se concilier avec la rédaction par Moïse.
On peut dire que la formule : « Dieu dit à Moïse, »
si souvent employée, en tête des lois, qui prouve l'ori-
gine divine ou la révélation faite à Moïse, de cette légis-
lation, ne signifie pas nécessairement que Moïse lui-
même a codifié dans le Pentateuque les lois qu'il a
promulguées. Mais le Pentateuque cependant donne
des indications formelles sur l'activité littéraire de
Moïse. Après la bataille contre les Amalécites à Raphi-
dim, le chef des Hébreux reçut de Dieu l'ordre suivant :
s Écris cela en souvenir dans le livre et inculque-le
dans les oreilles de Josué. » Exod., xvn, 14. L'ordre
divin est certainement restreint à la victoire sur Ama-
lec, dont Israël devait garder le souvenir, Deut., xxv,
17-19, et dont le récit fut rédigé par Moïse afin de con-
server la mémoire de l'événement. Selon la leçon mas-
sorétique, ibes, Dieu ordonne à Moïse d'écrire dans le
livre, c'est-à-dire [comme on l'interprète communément
dans un livre déjà commencé et connu, dans un registre
ou journal où Moïse notait les faits mémorables de
l'histoire d'Israël. En ponctuant ainsi le texte, les mas-
sorètes eux-mêmes voulaient vraisemblablement dési-
gner, non pas le livre des justes, F. de Hummelauer,
Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 182; Deuterono-
mium, Paris, 1901, p. 152, mais le Pentateuque lui-
même. Cependant les Septante ne lisaient pas l'article dé-
fini, puisqu'ils ont traduit ce mot : etç (iiëX/ov ou èv (3i-
8>icj>. Le texte, à leur sentiment, désignait donc un livre
indéterminé. J. Kley, Die Pentateuchfrage, Munster,
1903, p. 217, a prétendu que cette dernière signification
exigerait la leçon nsD Sy, employée dans ce sens. Deut.,
xvn, 18; xxxi, 24; Is., xxx, 8; Jer., xxx, 2; xxxvi, 2.
Néanmoins la leçon massorétique, fût-elle originale, ne
désignerait pas nécessairement le Pentateuque com-
mencé; elle conviendrait suffisamment à un livre, dans
■65
PENTATEUQUE
66
lequel Moïse aurait joint ce récit à des récits précé-
dents et qui serait reproduit dans le Pentateuque. Plus
loin, Exod., xxiv, 4, il est dit que Moïse écrivit toutes
les paroles de Jéhovah. Or il ne s'agit naturellement
pas de toutes les révélations "faites par Dieu à Moïse,
«puisqu'elles n'étaient pas terminées, ni même de toutes
les communications divines antérieures, mais seule-
ment des paroles qui précèdent immédiatement et qui
contiennent les conditions de l'alliance conclue entre
Dieu et les Israélites, Exod., xx-xxm, du « livre de
l'alliance », que Moïse lut au peuple. Exod., xxiv, 7.
■Cf. Heb., ix, 19, 20.
Les deux témoignages précédents prouvent déjà que
Moïse avait rédigé un récit historique et un code légis-
latif, celui de l'alliance. Un autre petit code de l'alliance
•est encore expressément attribué à Moïse. De nouveau,
Dieu ordonna au législateur d'écrire les paroles qu'il
vient de prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, et qui con-
tiennent les bases de l'alliance proposée à Israël, Exod.,
xxxiv, 27, et Moïse écrivit les dix paroles de l'alliance
■sur deux tables qu'il avait préparées, Exod., xxxiv, 1,
4, qu'il tenait en mains à la descente du Sinaï et dont
il imposa le contenu aux Israélites. Exod., xxxiv, 28,
29, 32. Le pelit livre de l'alliance, comprenant le Déca-
logue, Exod., xxxiv, 10-26, a donc été rédigé de la main
<\e Moïse.
Un autre ordre de Dieu impose à Moïse de décrire
les marches et les slations d'Israël dans le désert.
Num., xxxiii, 1, 2. On a interprété cet ordre de deux
laçons différentes. Selon les uns, Dieu aurait ordonné à
Moïse d'écrire le récit de l'exode, en suivant l'ordre
des stations et des campements des Israélites. Dans
cette interprétation, Moïse serait l'auteur de la narra-
tion détaillée dont la liste des campements dressée,
Num., xxxiii, 3-49, ne serait que le résumé. Mais comme
■cette liste ne résume pas la narration précédente, puis-
qu'elle indique un plus grand nombre de stations, dont
quelques-unes sont différentes, il vaut mieux, semble-
t-il, avec d'autres, restreindre cet ordre à la liste elle-
même des stations qui, suivant cette explication, serait
4'œuvre de Moïse.
Parce que les témoignages précédents n'attribuent
pas explicitement à Moïse la rédaction du Pentateuque
entier, et ne lui en rapportent que des portions seule-
ment, les critiques modernes veulent en conclure
qu'ils restreignent la composition mosaïque à ces par-
ties et qu'ils excluent celle du tout. Mais cette conclu-
sion n'est pas légitime. La rédaction des passages men-
tionnés est toujours exécutée par ordre divin. En
ordonnant à Moïse d'écrire le récit des événements les
plus notables pour en garder le souvenir et les dispo-
sitions fondamentales de son alliance avec Israël, Dieu
ne lui interdisait pas de relater l'histoire entière des
Israélites au désert ni de rédiger toutes les lois qu'il
l'avait chargé de porter. Son ordre de mettre par écrit
les faits et les lois les plus importants est loin d'exclure
la relation des autres événements et des autres disposi-
tions législatives.
Le Deutéronome, composé de discours prononcés par
Moïse, nous fournit une indication sur l'activité litté-
raire de Moïse dans l'épilogue, xxxi. Sur le point de
mourir, Moïse, après avoir institué Josué son succes-
seur, remet aux prêtres et aux anciens cette loi-ci qu'il
avait écrite et il leur ordonne de la faire lire tous les
sept ans au peuple assemblé pour que tous en con-
naissent et en observent les préceptes, 9-13. Ayant
achevé d'écrire « les paroles de cette loi dans un livre »,
il ordonne aux lévites de porter ce livre auprès de
l'arche d'alliance, pour qu'il serve de témoignage contre
■ceux qui en violeront les dispositions, 24-26. On ne peut
pas affirmer avec certitude que cette loi est le Pentateuque
-entier, car elle peut n'être que celle à laquelle le
c. xxxi est rattaché : la législation du Deutéronome
DICT. DE LA BIBLE.
Ce livre se donne comme une législation spéciale pro-
mulguée par Moïse au pays de Moab, iv, 1-40, 44-49;
v, 1 sq. ; xn, 1 sq. Au début de leur régne, les futurs
rois d'Israël devaient recevoir des prêtres ;< un exem-
plaire de cette loi-ci »,xvil, 18, 19, pour qu'ils la lisent
et l'observent, et les termes de la recommandation sont
identiques à ceux de Deut., xxxi, 12, 13. La même loi,
ou au moins une de ses parties, est encore visée dans
l'ordre donné aux anciens de la transcrire sur la pierre,
lorsqu'ils renouvelleront l'alliance à l'ouest du Jour-
dain, xxvn, 1-8. De même encore, « les paroles de
cette loi-ci qui sont écrites dans ce volume, » xxviii,
58, qui comprenaient les malédictions et les peines,
portées en ce chapitre contre les violateurs de la loi,
cf. f. 61, et rappelées de nouveau, xxix, 20,21, 27, aussi
bien que les bénédictions qui y sont jointes en faveur
des observateurs de la même loi, xxxii, 46, 47, dési-
gnent le Deutéronome. Ce livre législatif est donc de
la main de Moïse. On attribue encore à Moïse la com-
position d'un cantique que Dieu lui avait ordonné
d'écrire, Deut., xxxi, 19, et qui est cité, xxxii, 1-43.
Des commentateurs catholiques concluent de Deut.,
i, 5, où il est dit que Moïse va expliquer la loi, que la
législation antérieure, dont le Deutéronome n'est qu'une
explication et une répétition, est d'origine mosaïque. Mais
toutefois la loi que Moïse va expliquer ou mieux re-
commander paraît être plutôt, non celle qui précède et
qui est contenue dans les livres du milieu, mais celle qui
suit et qui est promulguée au delà du Jourdain. Il faut
reconnaître, du reste, que si l'introduction avait la si-
gnification qu'on lui donne, elle affirmerait, non pas
que la législation précédente a été rédigée par Moïse,
mais seulement qu'elle a été promulguée par lui. Or,
de la promulgation de la législation hébraïque par
Moïse on ne peut conclure rigoureusement à sa rédac-
tion par Moïse dans l'état ou elle se trouve actuelle-
ment dans le Pentateuque. Celle-ci est possible, vrai-
semblable même, mais elle n'est pas démontrée par le
seul fait de la promulgation mosaïque.
2. Témoignages des autres livres de l'Ancien Testa-
ment. — Le livre de Josué parle à plusieurs reprises
d'une loi, provenant de Moïse. D'abord, Dieu ordonne
à Josué d'observer lui-même et de faire observer aux
autres la loi de Moïse et il lui recommande de méditer
le volume de cette loi. Jos., i, 7-8. Si les termes de
cet ordre ne disent pas explicitement qu'il s'agit de
tout le Pentateuque, ils ne l'excluent pas non plus. Le
renouvellement de l'alliance, accompli conformément
aux ordres de Moïse tels qu'ils sont écrits dans le livre
de la loi de Moïse, Jos., vin, 30-35, vise directement
les prescriptions de Deut., xxvit, 1-8, avec les bénédic-
tions et les malédictions contenues Deut., xxvn, 9-
xxvm, 68; mais la manière dont parle l'auteur sacré
suppose qu'il y a aussi autre chose dans le livre de la
loi. Avant de mourir, Josué exhorte les Israélites à
observer tout ce qui est écrit dans le volume de la loi
de Moïse, Jos., xxm, 6, ce qui désigne, en le prenant
dans le sens le plus restreint, le Deutéronome. Enfin,
après l'alliance solennelle conclue à Sichem, Josué
dressa un statut et une ordonnance, et il écrivit toutes
ees paroles « dans le livre de la loi de Dieu ». Jos.,
xxiv, 25-26. Ce texte signifie que Josué a ajouté ses
ordonnances en les écrivant à la suite du livre où
étaient contenues celles de Moïse. La législation de
Moïse était donc écrite et révélée par Dieu. Voir Ho-
berg, Veber den Ursprung des Pentateuchs, dans Bi-
blische Zeitschrift, 1906, t. iv, p. 340, qui pense que
ce volume de la loi de Dieu est le Pentateuque. Il
désigne au moins le Deutéronome.
Les livres des Juges et de Samuel ne parlent pas en
propres termes du Pentateuque, mais ils supposent
son existence. Voir Jud., i, 5, et Exod., xxxm, 2,
xxxiv, 11; Deut., vu, I, etc.; Jud., u, 1-3, et Exod.;
V. - 3
67
PENTATEUQUE
m
xxxiv, 1243; Deut., vu, 2, 5; Exod., xxm, 32; Deut.,
xii, 3; Num., xxxm, 35, etc.; Jud., xi, 15, et Num.,xx,
14-21; xxi, 21-24, etc. ; I Reg., i, 3; n, 13, et Deut., xvm,
3; 1 Reg., xv, 29, et Num., xxm, 19; I Reg., xn, 3, et
Num., xvi, 15; Lev., v, 13, etc. Les livres des Rois (III
et IV) composés vers l'époque de la captivité, parlent
plusieurs fois de la loi de Moïse et c'est sans raison
suffisante qu'on veut restreindre cette expression au
Deutéronorne seul. I (III) Reg., n, 3; x, 31. L'auteur
remarque qu'Amasias, quand il fit périr les meurtriers
de son père, épargna leurs enfants « selon ce qui est écrit
dans la loi de Moïse ». II (IV) Reg., xiv, 6. Les étran-
gers, exportés à Samarie, n'observaient pas les ordon-
nances que Dieu avait données aux fils de Jacob. Le
prêtre Israélite qui fut envoyé pour les instruire leur
prêcha l'observance des lois écrites que Dieu avait im-
posées aux Israélites. II (IV) Reg., xvn, 34-39. Les
habitants du royaume de Juda ont été séduits par Ma-
nassé, leur roi idolâtre, et n'ont pas tenu compte des
magnifiques promesses que Dieu avait faites à David et
à Salomon si leurs sujets observaient fidèlement toute
la loi que Moïse avait ordonnée. II (IV) Reg., xxi, 8.
Cf. I (III) Reg., ix, 6-9.
La 18 e année du règne de Josias (621), en restaurant
le Temple de Jérusalem, on retrouva -"iïFin isc, II (IV)
Reg., xxil, 8, 11, cf. xxm, 24, appelé encore nnsn ibd,
xxm, 2, et c'est conformément à cette loi retrouvée
que le roi accomplit une importante réforme religieuse.
II (IV) Reg., xxm, 1-24. Voir t. m, col. 1680-1681. Or
cette loi était la loi de Moïse, puisqu'il est dit, xxm, 25,
qu'aucun roi ni avant ni après ne ressembla à Josias
pour l'observation complète de celte loi. Mais quelle
était cette loi mosaïque retrouvée au Temple? Plusieurs
Pères de l'Église ont remarqué, justement semble-t-il,
que estait le Deutéronorne. S. Athanase, Epist. ad
Marœllin., 32, t. xxvil, col. 44; S. Jérôme, Adv. Jo-
vinian., 1, 5, t. xxm, col. 217; Comment, in Ezech.,
I, 1, t. xxv, col. 17 ; S. Chrysostome, In Matth.,
hom. IX, 4, t. lvii, col. 181; In 1 Cor., hom. -vu,
3, t. lxi, col. 58; Procope de Gaza, Comment, in
Deut-, xvn, 18, t. lxxxvii, col. 916. La plupart des
critiques modernes reconnaissent aussi dans ce code le
Deutéronorne tout entier, ou au moins en partie. Les
points sur lesquels s'est faite la réforme : 1° l'abolition
des cultes étrangers et de leurs infiltrations dans le
culte de Jébovah; 2° la centralisation du culte de Jé-
bovab au Temple de Jérusalem ; 3» la célébration cor-
recte de la fête de Pàque, sont spécialement recom-
mandés par le Deutéronorne, xii, 2-32; xvi, 1-8. En
outre, bien que ce livre ne soit pas nommé « livre de
l'alliance », il a été rédigé en vue de renouveler
l'alliance contractée à l'Horeb entre Dieu et le peuple
d'Israël, v, 2, 3; xxvi, 17-19; xxix, 8, et les termes de
l'alliance renouvelée par Josias, II (IV) Reg., xxm, 3,
sont des expressions deutéronomiques. Enfin, la ré-
ponse de la prophétesse Holda vise les malédictions,
Deut., xxviii ; le contenu législatif du livre retrouvé
est désigné par les termes usités Deut., iv, 45; vi, 20,,
et l'éloge du roi est fait aussi en termes deutérono-
miques. Le livre retrouvé était donc bien le Deutéro-
norne, nommé la loi de Moïse. F. de Hummelauer,
Deuteronomium , Paris, 1901, p. 46-60, 83-87. Cepen-
dant, quelques exégètes catholiques, Clair, Les livres
des Rois, Paris, 1884, t. ii, p. 557-558; Hoberg, Moses
und der Pentatsucfi , Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 17-
8 ; Ueberden Vrsprung desPenlateuchs, dansBiblische
Zeilschrift, 1906, t. IV, p. 338-340, pensent que le livre
retrouvé était le Pentateuque entier. Ils s'appuient sur
le' récit parallèle, II Par., xxxiv, 8-xxxv, 19, qui certai-
nement parle du Pentateuque entier (voir plus loin),
sur ce que les particularités de la réforme décrites,
xxni, 24, ne conviennent pas seulement à Deut., xvm,
10-11 , mais aussi à Lev. , xix, 31 ; xx, 6, 27 ; sur ce que le
style de ce verset ressemble à celui de Lev., xix, 31;
xx, 6, 27; Gen., xxxi, 19, 34, 35, et enfin sur le senti-
ment de Josèphe, Ant. jud., X, iv, 2, dans Opera r
Amsterdam, 1724, t. n, p. 517, qui dit que Helcias
èTuyx« VEV "«'» iepaï; [Jt'6>.oc5TO'j Mio'juéwî. Ces preuves ne-
sont pas décisives. L'auteur des Paralipomènes a dé-
crit les rites de la Pâque d'après les livres du milieu.
Les prophètes antérieurs à la captivité ne parlent pas
de la loi écrite de Moïse. Ils parlent souvent, il est vrai,,
de la loi de Dieu. Visent-ils un code écrit et notam-
ment le Pentateuque? Beaucoup d'exégètes le pensent
et signalent toute mention de la loi divine par les pro-
phètes comme un indice certain de l'existence du Pen-
tateuque. Mais il faut se rappeler la double signification
du mot tôrâh. Son sens propre est celui d'instruction
révélée et désigne strictement toute expression de la
volonté divine. Ce n'est que par extension que ce terme
a servi à nommer les cinq premiers livres de la Bible,
dans lesquels l'élément législatif prédomine. Or, on ne
sait pas au juste à quelle date cette seconde significa-
tion est entrée dans l'usage, et c'est précisément ce
qu'il faudrait fixer. Il faut donc étudier les cas parti-
culiers. Amos, II, 4, 5, parle une fois et d'une façon-
générale de la loi de Jéhovab et de ses commandements,
dont la violation attirera sur Juda les punitions divines.
Osée, vin, 2, reproche aux Israélites d'avoir transgressé
l'alliance divine, cf. vi, 7, et violé la loi; ils en seront
punis, et Dieu ne leur écrira plus de multiples lois qui
leur demeurent étrangères, f. 12. Il est évidemment
question de nombreuses lois divines écrites, et on a le-
droit d'y voir une allusion au Pentateuque. Pour Isaïe,
la loi est sa propre prophétie, i, 10; v, 24-, vm, 16, 20;.
la loi de Dieu est la parole des prophètes, xxx, 8-11, ou,
la révélation future aux temps messianiques, n, 3. Cf.
Mich., IV, 2. La transgression des lois divines et la vio-
lation de l'alliance, reprochées v, 24; xxiv, 5, ne con-
cernent pas nécessairement des lois écrites; s'il avait
en vue un code, le prophète ne dit rien de son origine
mosaïque. Sophonie, m, 4, reproche aux prêtres de sont
temps d'avoir violé la loi. Jérémie n'envisage que la.
parole de Dieu en général, vi, 19, et la prédication
prophétique, xxvi, 4-5. Mais il parle d'une loi divine
et de préceptes, violés par ses contemporains et leurs
ancêtres, ix, 13; xvi, 11, 12; xxxn, 23; xliv, 10, 23;
d'une loi que les prêtres tenaient dans leurs mains,
il, 8; xviii, 18; et d'une loi écrite, qu'il oppose à la
plume mensongère des scribes, vm, 8. Il rappelle aussi
l'alliance contractée par les Israélites avec Dieu après-
la sortie d'Egypte, xi, 2-8; mais elle n'imposait pas-
l'offrande des holocaustes et des sacrifices, vu, 21-25.
Elle sera remplacée par une alliance nouvelle, dans-
laquelle Dieu éerira sa loi dans les cœurs, xxxi, 31-33.
II y a ici encore opposition à une loi écrite, qui ne
peut être que celle de Moïse.
Pendant la captivité, Baruch, n, 2, 28, nomme
expressément la loi écrite par Moïse; les termes dont
il se sert correspondent assez bien au Deutéronorne,
xxviii, 15, 53, 62-64, sans toutefois lui convenir exclu-
sivement, et on y trouve des allusions aux autres malé-
dictions contenues dans le Pentateuque. Le même
prophète, m, 9-14, 35-iv, 4, fait l'éloge de la sagesse con-
tenue dans le livre des' préceptes de Jéhovah, en des
traits analogues à ceux du Deutéronorne, xxx, 11-14.
Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, p. 101-102..
Ézéchiel, qui, en vue de la restauration future d'Israël,
rédige une loi cérémonielle, fait peu d'allusions à une-
législation antérieure. Comme Jérémie, xvm, 18, il
prédit que les prêtres laisseront périr la loi qu'ils ont
dans les mains, vu, 26; U accuse les prêtres de Jérusa-
lem d'avoir méprisé la loi de Dieu, d'avoir souillé les
sanctuaires, de n'avoir pas su distinguer entre les choses-
profanes et les choses sacrées, les puretés et les impu-
69
PENTATEUQUE
70
retés, et d'avoir détourné le peuple de la célébration du
sabbat, xxn, 26. Daniel parle de la loi divine, promul-
guée par les prophètes et violée par Israël; il ajoute
que cette violation de la loi a attiré sur les coupables
la malédiction écrite dans le livre de Moïse, rx, 10-13.
Après la captivité, Zacharie, vu, 12, mentionne la loi.
Malachie reproche aux prêtres d'avoir rompu le pacte
conclu entre Dieu et Lévi et d'avoir négligé la connais-
sance de la loi et le devoir delà faire observer, u, 4-9;
il reproche aussi à Juda d'avoir transgressé l'alliance
divine et le menace des châtiments divins, u, 10-16.
Mais il fait davantage; il rappelle le souvenir de la loi
de Moïse, donnée par Dieu sur le mont Horeb, loi qui
contenait des préceptes et des ordonnances pour tout
Israël, iv, 4 (hébreu, m, 22). Josué et Zorobabel, rentrés
à Jérusalem, y élevèrent un autel pour offrir des holo-
caustes conformément aux dispositions écrites de la loi
de Moïse, et ils célébrèrent la fête des Tabernacles
comme il est écrit de le faire. I Esd., m, 2, 4. Quand
le Temple fut rebâti et consacré, on établit les prêtres
et les lévites dans leurs fonctions, comme il est écrit
dans le livre de Moïse. I Esd., vi, 18. Esdras, au témoi-
gnage d'Artaxerxès lui-même, rapporta à Jérusalem le
livre de la loi de Dieu. I Esd., vu, 14. Néhémie, à la
cour d'Artaxerxès, fait à Dieu l'aveu des prévarications
de ses pères, qui n'ont pas observé les préceptes, les
cérémonies, ordonnées par Moïse; il rappelle aussi la
menace contre les prévaricateurs, et la promesse de
les rétablir, s'ils se convertissaient et pratiquaient les
préceptes, menace et promesse faites à Moïse. II Esd., i,
7-9. La réforme d'Esdras fut entreprise à la suite de la
lecture et de l'explication du livre de la loi de Moïse,
et la fête des Tabernacles fut célébrée conformément
aux dispositions écrites dans cette loi. II Esd., vm,
1-18. On continua la lecture du volume de la loi de
Jéhovah. II Esd., ix, 3. Le renouvellement de l'alliance
fut fait aussi conformément à la loi divine, donnée par
Moïse, II Esd., x, 29, ainsi que la fourniture du bois
destiné aux sacrifices. II Esd., x, 36. Plus tard, Néhé-
mie régla encore la question des mariages mixtes en
conformité avec ce qu'il avait lu dans le volume de
Moïse. 11 Esd.. xm, 1-3. Or, ce volume n'était pas seu-
lement le code sacerdotal, comme le prétendent les
grafiens, c'était le Pentateuque entier, puisque le livre
contenait des prescriptions du Lévitique, xxm, et du
Deutéronome, vri, 2-4 ; xv, 2. Enfin, Esdras et Néhémie,
par les désignations qu'ils donnaient de ce livre, ne
voulaient pas parler seulement du volume qui conte-
nait la législation divine, promulguée par Moïse, mais
bien le livre de la loi de Dieu, écrit par Moïse. C'est
l'interprétation la plus naturelle et la plus commune
de leurs écrits.
L'auteur du livre des Paralipomènes, qu'on regarde
généralement comme le rédacteur des livres d'Esdras
et de Néhémie, a utilisé le Pentateuque pour dresser ses
généalogies. I Par., i-ix. Voir Paralipomènes. Toutes
ses descriptions du culte divin concordent avec les
prescriptions du Pentateuque. Il signale explicitement
cette conformité avec ce qui est écrit dans la loi de
Jéhovah, I Par., xvi, 40; dans la loi de Moïse. II Par.,
xxm, 18; xxxi, 3. Il parle évidemment de la loi de
Dieu, écrite par Moïse. Cf. II Par., xxv, 4. Cependant
l'expression nr~T3, qu'il emploie, II Par., xxxm, 8,
ne signifie pas nécessairement que Moïse a rédigé la
loi de sa propre main, puisque, dans d'autres passages,
où il est question de la loi mosaïque, Lev., xxvi, 46;
Num., xxxvi, 13, elle désigne une disposition prise par
Moïse, sans indication de rédaction écrite. Cf. I Par.,xxu,
13. Mais il est tout naturel de l'entendre ici de la légis-
lation écrite par Moïse. De même, dans le récit de la
loi retrouvée au Temple sous le règne de Josias, le livre
de la loi de Moïse, II Par., xxxiv, 14; xxxv, 12, pour-
rait à la rigueur désigner seulement le livre qui conte-
nait la législation promulguée par Moïse, dans le même
sens que « les paroles que Jéhovah a dites par l'inter-
médiaire de Moïse ». Il Par., xxxv, 6. Mais le sens
naturel est que cet écrivain entendait parler du Penta-
teuque rédigé par Moïse.
Enfin, l'auteur de l'Ecclésiastique, xxiv, 33; lxv, 6,
ne parle de Moïse que comme législateur; mais son
petit-fils, dans la préface qu'il mit en tète de sa traduc-
tion grecque, nomme à trois reprises la Loi, qu'il place
à côté des prophètes et des autres livres et qu'il consi-
dère ainsi comme un recueil distinct; il désigne sous
ce nom les cinq livres du Pentateuque. L'auteur du
second livre des Machabées, vu, 6, cite le cantique de
Moïse, Deut., xxxii, 36, comme œuvre de Moïse.
Ainsi, les premiers témoignages de l'Ancien Testa-
ment attribuent explicitement à Moïse la composition de
quelques parties du Pentateuque actuel, récits ou lois,
et notamment le Deutéronome. Esdras, Néhémie et l'au-
teur des Paralipomènes lui reconnaissent formellement
la rédaction du Pentateuque entier. La tradition juive la
plus ancienne a donc signalé le législateur hébreu
comme auteur du Pentateuque.
3. Témoignages du Nouveau Testament. — Notre-
Seigneur et ses Apôtres ont parlé à diverses reprises
de Moïse comme écrivain et de la Loi comme son œuvre.
Lorsque les sadducéens interrogent Jésus sur la résur-
rection, ils citent la loi du lévirat comme écrite par
Moïse. Matth., xxh, 24; Marc, xn, 19; Luc, xx, 28.
Jésus n'examine pas cette affirmation, émise incidem-
ment et comme moyen de preuve ; il se borne à réfuter
par l'Écriture, Matth., xxn, 29; Marc, xn, 24, l'erreur
de ses interrogateurs, et il cite un passage du livre de
Moïse. Matth., xxn, 31; Marc, xn, 26; Luc, xx, 37.
Son affirmation porte directement sur le caractère
scripturaire plutôt que sur l'origine mosaïque de ce
passage. Notre-Seigneur emploie plusieurs fois l'ex-
pression usuelle « la Loi » pour désigner le Pentateuque ;
son apposition à la désignation technique : « les Pro-
phètes, » le montre bien. Luc, xiv, 16, 17. Dans la pa-
rabole du riche et de Lazare, c'est « Moïse » qu'il place
à côté des « prophètes », et il entend bien Moïse et les
prophètes dans leurs livres. Luc, xvi, 29,31. De même,
pour montrer aux disciples d'Emmaûs que sa passion
et sa mort avaient été prédites, il commença par
« Moïse » et continua par « tous les prophètes », inter-
prétant toutes les Écritures qui parlaient de lui. Luc,
xxiv, 27. Dans ses dernières recommandations aux
Apôtres, il leur rappelle qu'il était nécessaire que s'ac-
complît tout ce qui était écrit de lui dans la loi de
Moïse, les prophètes et les Psaumes; il leur ouvrit l'in-
telligence pour comprendre les Écritures et il leur dit
qu'il était écrit que le Christ devait souffrir et ressus-
citer le troisième jour. Luc, xxiv, 44-46. Dans tous ces
passages, Notre-Seigneur se bornait à désigner ce livre
par les dénominations ordinaires. De plus, il ne visait
pas expressément tout le contenu du livre, mais seule-
ment ses prophéties messianiques. Mais ailleurs, il
envisage plus directement l'écrit de Moïse. Dans une
discussion avec les Juifs qui niaient sa divinité, il en
appela aux Écritures qui lui rendaient témoignage.
Joa., v, 39. Si donc ses adversaires demeurent incré-
dules, Moïse, le législateur en qui ils ont mis leur espé-
rance, sera leur accusateur auprès du Père. Joa , v, 45.
« Si, en effet, continue-t-il, vous croyiez à Moïse, vous
croiriez peut-être à moi aussi, car il a écrit sur moi.
Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croi-
riez-vous à mes paroles? » Joa., v, 46, 47. Jésus met
donc en parallèle ses propres paroles avec le livre de
Moïse, avec ce que Moïse, le législateur d'Israël, a écrit
sur lui : les écrits de ce législateur rendent témoignage
à Jésus que les Juifs repoussaient; si les Juifs ne
croient plus au témoignage écrit, rendu par leur légis-
lateur, il n'est pas étonnant qu'ils ne croient pas à la
PENTATEUQUE
72
parole de Jésus. Notre-Seigneur parle de Moïse comme
écrivain, au sujet des prophéties messianiques conte-
nues dans le Pentateuque. S. Irénée, Cont. hser., rv,
2, n. 3,4, t. vu, col. 977-978; Origène, In Num., hom.
xxvi, n. 3, t. xii, col. 774; Euthymius, Panoplia dog-
matica, tit. xxiv, t. cxxx, col. 1225.
Les Apôtres ont parlé aussi de Moïse écrivain. Phi-
lippe annonce à Nathanaël qu'il a rencontré en Jésus
le Messie sur lequel Moïse a écrit dans la Loi et dont
parlent les prophètes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act.,
m, 22, cite Deut., xvm, 15, comme parole de Moïse.
Saint Jacques rappelle qu'on lit Moïse le samedi dans
les synagogues. Act., xv, 21. Saint Paul relate le même
fait. Il Cor., m, 15. Le même apôtre nomme ailleurs
la Loi de Moïse. Act., xm, 33; I Cor., ix, 9. 11 prêche
Jésus d'après la Loi de Moïse et les prophètes. Act.,
xxvin, 23. 11 cite différents passages du Pentateuque
eomme paroles écrites de Moïse. Rom., x, 5-8, 19.
L'Apocalypse, xv, 3, parle du cantique de Moïse.
Si quelques-uns des témoignages précédents peuvent
être restreints aux prophéties messianiques du Penta-
teuque, il reste établi que Jésus et ses Apôtres, pour
parler du livre entier, ont employé les désignations
usuelles à leur époque et par suite ont parlé, indirec-
tement au moins, de la Loi comme étant l'œuvre de
Moïse. Ils parlageaient donc la croyance commune de
leurs contemporains au sujet de l'origine mosaïque du
Pentateuque et ils Tout manifestée, sinon par des affir-
mations directes et formelles, du moins indirectement
et en termes équivalents. Toutes les fois qu'ils ont eu
à parler de l'auteur du Pentateuque, ils l'ont attribué à
Moïse. La critique n'exige pas et ne peut pas exiger,
pour établir que la tradition a attribué un écrit à un
auteur déterminé, que les écrivains qui l'ont cité aient
cité un ouvrage tout entier, mais il lui suffit qu'ils lui
aient attribué les parties dont ils ont eu occasion de
faire usage. On n'a pas le droit d'exiger de Notre-
Seigneur et des Apôtres ce qu'on n'exige pas des auteurs
profanes.
2° Le sentiment perpétuel du peuple juif '. — La dis-
cussion précédente des textes de l'Ancien Testament a
prouvé que la plus ancienne tradition d'Israël, repro-
duite dans le Pentateuque lui-même et dans les livres
suivants, rapportait à Moïse au moins la rédaction de
certains récits et de certaines lois, qui sont contenus
dans le Pentateuque. Le livre des Rois, rédigé pendant
la captivité, attribue à Moïse le Deutéronome, découvert
dans le Temple du temps de Josias. En revenant à Jé-
rusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu'il lit
et présente comme l'œuvre de Moïse. Néhémie, Mala-
ohie, l'auteur des Paralipomènes regardaient Moïse
comme l'auteur du Pentateuque entier. Les auteurs
juifs de la version grecque dite des Septante partageaient
cette conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains
de Notre-Seigneur, à quelque secte qu'ils appartinssent,
admettaient cette tradition, dont Jésus se sert pour
convaincre les sadducéens. Jésus et ses Apôtres, en
employant les dénominations usitées de leur temps,
ont bien admis le sentiment commun de leurs coreli-
gionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue à
Moïse la composition du Pentateuque, s'est perpétuée
dans la Synagogue jusqu'à nos jours, sauf de très rares
et toutes récentes exceptions.
Pour le I er siècle de notre ère, Josèphe et Philon re-
présentent les deux fractions du judaïsme, palestinien
et alexandrin. L'historien Josèphe, qui était de Pales-
tine, place en tête des vingt-deux livres que les Juifs
reconnaissent comme divins et inspirés, les cinq livres
de Moïse qui contiennent l'histoire des origines et de
l'humanité depuis la création jusqu'à la mort de l'au-
teur. Cont. Apion., I, 8. Dans ses Antiquités judaï-
ques, I, Procem., 4, il se propose de résumer les livres
de Moïse à partir de la création du monde. A la fin de
son exposé, IV, vm, 3-48, il rapporte que Moïse >
avant de mourir, remit aux Israélites qu'il avait tirés
de l'Egypte le livre qui contenait la législation divine
et qu'il avait écrit lui-même. Or, au sentiment de Jo-
sèphe, il ne s'agit pas seulement du Deutéronome,
mais bien du Pentateuque entier, puisque le résumé
logique qu'il en donne comprend toutes les lois du
Pentateuque. II attribue même explicitement au légis-
lateur hébreu le récit de son trépas. « Craignant, dit-il,
qu'on ne prétendit qu'à cause de sa grande vertu Dieu
ne l'avait ravi auprès de lui, il raconta lui-même dans
les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe
alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque
comme étant de Moïse. La Thora est de tous les Livres
saints celui qu'il cite le plus souvent. Elle possède à
ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame
Moïse son auteur, le prophète par excellence, un archi-
prophète. Les écrits qu'il a composés comprennent
des récits historiques et des lois. L'histoire mosaïque
remonte à la création du monde. De vita Mosis, 1. II,
Opéra, Genève, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de
Moïse d'après les écrits de son héros, et parvenu au
terme de son ouvrage, 1. III, p. 538, il rapporte comme
une merveille que Moïse, sur le point de mourir, fit
par inspiration divine le récit prophétique de sa mort.
Une beraïlha du Talmud de Babylone, traité Baba-
Bathra, voir t. il, col. 140, reproduit l'enseignement
des Juifs demeurés au pays de la captivité : « Moïse,
dit-elle, écrivit son livre (c'est-à-dire le Pentateuque) et
la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et
huit versets de la Loi, » ceux qui font le récit de la
mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont
l'opinion est ici reproduite, jugeant que le récit de la
mort de Moïse n'avait pu être rédigé par le défunt,
l'attribuaient à son successeur. C'était notamment le
sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est répétée,
traité Makkôth, fol. lia; traité Menachôth, fol. 30a.
Mais au rapport d'une autre beraïtha du même traité,
c. Kama, Rabbi Siméon objectait qu'il ne pouvait man-
quer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi con-
cluait-il que jusqu'à. Deut., xxxiv, 4, « Dieu dictait,
Moïse répétait et écrivait; à partir de là, Dieu dictait,
et Moïse écrivait en pleurant. » L. Wogue, Histoire de
la Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours,
Paris, 1881, p. 21 ; G. Wildeboer, De la formation du
canon de VA. T., trad. franc., Lausanne, s, d., p. 44.
Le Talmud de Jérusalem mentionne seulement l'attri-
bution des cinq livres du Pentateuque, avec mention à
part de la section de Balaam et de Balac, mais sans
allusion au récit de la mort de Moïse. Traité Sota,
•v, 5, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vu, p. 290. D'ailleurs,
les rabbins, en disant : « la loi de Moïse, » en regar-
daient Moïse comme le rédacteur; aussi l'appelaient-ils
lui-même « le grand écrivain d'Israël ». Tous les doc-
leurs d'Israël sont demeurés fidèles à cette tradition de
leurs pères, et ont unanimement reconnu que, sauf les
douze derniers versets ajoutés par Josué, Moïse a écrit
le Pentateuque sous l'inspiration divine. J. Fùrst,
Ver Kanon des Alten Testaments nac.h den Ueberlie-
ferungen xm Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868,
p. 7-9. Seuls Isaac ben Jasus, au XI e siècle, et Abenesra,
au xri", ont admis dans les livres de Moïse quelques
additions postérieures. Voir col. 61. A la même époque
Maimonide énonça en ces termes le huitième article de
la foi juive : « Il faut croire que la loi que nous possé-
dons est la loi qui nous a été donnée par Moïse...
Moïse écrivit ce qui lui fut dicté sur l'histoire et sur
les lois. » Comment, in tr. Sanhédrin, c. IX, cité par
Abarbanel, Sépher Rosch 'Amanah, c. i, trad. de Vors-
tius, in-4», Amsterdam, 1638, p. 6. Cf. Surenhusius,
Mischna cum commentants integris Maimotiidis et
Bartenorse, Amsterdam, 1702, t. îv, p.264. Auxiif siècle.
R. Becchai admettait que Moïse avait écrit la loi depuis
73
PENTATEUQUE
74
le premier mot de la Genèse jusqu'au dernier duDeuté-
ronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateu-
que entier venait immédiatement de Dieu et que Moïse
n'en avait écrit aucune parole de lui-même. Au
xv s siècle, Abarbanel répétait la même chose et rejetait
le sentiment de ceux qui attribuaient à Josué les douze
derniers versets du Deutéronome. Cf. Richard Simon,
Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques
de E. Dupin, Paris, 1730, t. m, p. 215-220. Le premier
parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au xvn e siècle, rejette
l'authenticité mosaïque du Pentateuque qu'il déclare
bien postérieur à Moïse, puisque Esdras en est peut-
être l'auteur. Tractatus theologico-politicus, c. vnr,
édit. laucbnitz, t. m, p. 125; trad. Saisset, 2" édit..
Paris, 186/, t. H, p. 154-173. Quelques Juifs modernes
ont admis plus ou moins complètement les conclusions
des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris,
1881, p. 132-142, attribue la Genèse, sauf un petit
nombre d'interpolations, à Moïse qui en a puisé le fond
dans des documents antérieurs, émanés de difiérents
auteurs: il lui attribue aussi toute la législation du
Pentateuque, qui formait peut-être le « livre de l'al-
liance », bien que sa rédaction ait pu, avec le temps,
subir quelques modifications. Le reste du Pentateuque,
à savoir les parties historiques des quatre derniers
livres, est formé de documents qui étaient postérieurs à
Moïse, mais dont il est impossible de fixer l'âge avec
précision. « Le recueil a dû être achevé et exister dans
sa forme actuelle à l'époque de Josias, et c'est à cette
même époque qu'il a pu être reçu par les Samaritains.
Le Pentateuque peut donc être appelé avec raison un
livre mosaïque, bien qu'il ne soit pas émané en entier
de Moïse. S'il manque d'unité dans le plan et la méthode,
il y a unité dans l'idée, » p. 142. Les Juifs croyants ont
donc ioujours admis et admettent encore l'authenticité
mosaïque du Pentateuque. La tradition était si stricte
qu'elle a porté les rabbins à accepter même des exagé-
rations et des fables pour la défendre.
3° La tradition perpétuelle de l'Église catholique.
— La tradition juive, introduite par Jésus et ses Apôtres
dans l'Eglise, s'y manifeste de bonne heure et se couti-
nue sans interruption de siècle en siècle jusqu'à nos
jours. Il suffit de constater son existence dans les pre-
miers siècles, car personne ne nie sérieusement sa
persévérance et son unanimité. Les Pères apostoliques
citent assez souvent des passages du Pentateuque
comme paroles d'Écriture inspirée, sans nommer l'au-
teur, conformément à leur manière habituelle de citer
la Bible, mais ils ne sont pas cependant tout à fait muets
sur l'activité littéraire de Moïse. Ainsi le pseudo-Bar-
nabe, s'il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres
apostolici, 2= édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 66-70, plu-
sieurs lois, et xn, 2-9, p. 74-76, plusieurs paroles de
Moïse, ne considère pas ce personnage exclusivement
comme législateur et comme chef d'Israël. Il cite sous
le nom du prophète Moïse une parole prononcée par
Dieu lui-même, Exod., xxxm, 1, 3, parce que le prophète
l'avait entendue et relatée dans son récit. Epist., vi, 8,
10, 13, p. 54, 56. De même encore le jeûne de Moïse sur
le mont Sinaï est cité comme une parole du prophète.
Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clément de Rome cite, lui
aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Écri-
ture sainte. Il affirme une fois que xi ô gisxspio; lua-tcK
6&pi— ùiv £v fj'i.fjù Toi oTxfTi MurJrT-7,- -ri ôiaTZyuiva: aÙTÛ
— ivTa irrr.jiE'.aiçaTû £v ti:; iîpatî fiio/.o::. 1 Cor., XLI, 1,
ibid., p. 152.
Les Pères apologistes apprennent aux païens, à qui ils
s'adressent, que Moïse a écrit sous l'inspiration divine,
qu'il est le premier des prophètes et le plus ancien de
tous les écrivains et qu'il a raconté par l'esprit pro-
phétique la création dn monde. S. Justin, Apol., i, 59,
t. VI, col. 416; Cohort. ad Grxc, 28. 30, 33, 34, ibid.,
col. 293, 296-297, 361; S. Théophile, Ad Autol., m, 23,
ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, ibid.,
col. 377, 409, cite la prophétie de Jacob, Gen., xlix,
10, comme écrite par l'esprit prophétique. Il rappelle
à Tryphon, Diah, 29, ibid., col. 537, que Moïse a écrit
dans les lettres juives. L'auteur delà Cohort. ad Grsecos,
9, ibid., col. 257, prouve l'antiquité du prophète et
du législateur juif par le témoignage des philosophes
grecs. Moïse a écrit au sujet du tabernacle, ibid., 29,
col. 296; et Platon a fait des emprunts à sa divine his-
toire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de l'humanité
nous sont connues, c'est que le Saint-Esprit nous les a
apprises, lui qui a parlé par Moïse et les autres pro-
phètes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes
que tous les écrivains et tous les poètes. S. Théophile,
Ad Autol., il, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apo-
logistes s'accordent-ils à dire que les philosophes et
les législateurs païens ont fait des emprunts à Moïse
et lui ont volé leur sagesse.
Tous les Pères subséquents citent le Pentateuque
sous le nom de Moïse. Ils affirment aussi à l'occasion
que Moïse a composé le Pentateuque. On retrouve de
ces témoignages formels dans toutes les Églises chré-
tiennes. Saint Irénée, Cont. hser., I, II, 6, t. vu,
col. 715-716, attribue à Moïse le récit de la création du
monde. Cf. n, 22, n. 3, col. 783. A Rome, saint Hippo-
lyte commentait Deut., xxxi, 9, 24, 25, qui attribue à
Moïse la rédaction de ce livre. Achelis, Arabische Frag-
mente zum Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897
t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, vin, 8; x, 33, t. xvi,
col. 3350, 3449. A Carthage, Tertullien provoquait Her-
mogène ad originale instrumentum Moysi, à propos
de la création du monde. Adv. Hermogenem, xix, t. il,
col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv, 22, ibid., col. 414.
A Alexandrie, Origène tenait Moïse non seulement
comme législateur, mais aussi comme écrivain, puisque
les lettres qu'il employa pour écrire ces cinq livres,
tenus pour sacrés chez les Juifs, sont différentes des
lettres égyptiennes. Cont. Cels., m, 5-6, t. xi, col. 928.
Il parle des écrits de Moïse, livres clairs et sages, que
Moïse ou plutôt l'Esprit divin qui était en Moïse et
dont l'inspiration l'a fait prophète, a écrits. Ibid., iv,55,
col. 1120. Cf. In Gen., hom. xm, n. 2, t. xn, col. 231;
In Num., hom. xxvi, 3, ibid., coi. 774. Eusèbe de Césa-
rée parle du grand Moïse, le plus ancien de tous les
prophètes, qui a décrit sous l'inspiration divine la créa-
tion du monde et l'histoire des premiers hommes. H. E.,
i, 2, t. xx, col. 56; cf. 3, col. 69. Saint Eusthate d'An-
tioche, De cngastrinrylha contra Origenem, 21, t. xvm,
col. 656, reproche à Origène d'appeler fables ce que Dieu
a fait et ce que le très fidèle Moïse a consigné par écrit.
Cf. pseudo-Eusthate, In Hexaemeron, ibid., col. 708
Marius Victorin, De verbis Script., Faatum est, 1 ;
t. vin, col. 1009, déclare que Moyses nos docuit libre
Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32,
t. xxvn, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avait
ordonné à Moïse d'écrire un cantique et le Deutéro-
nome tout entier. Diodore de Tarse déclare que Moïse a
écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen.,
t. xxxm, col. 1561-1562. Didyme d'Alexandrie, De Tri-
nitate, II, vu, 3, t. xxxix, col. 565, expliquant .• Fa-
ciamus hominem âd imagineni nostram, dit que
Moïse dans la Genèse par la personne du Père et du
Fils parle au Saint-Esprit. Saint Grégoire de Nysse
attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la
Genèse qui, de prime abord, paraissent contraires. In
Hexaemeron, proœm., t. xliv, col. 61. Saint Ambroisa,
Tlexaemeron, VI, il, 8, t. xiv, col. 245, déclare que
Moïse, quoiqu'il fût instruit dans toute la sagesse des
Égyptiens, a méprisé, parce qu'il était inspiré, la
vaine doctrine des philosophes et a décrit la création
du monde. Saint Épiphane, Uxr., xxvr, 3, t. xll,
col. 337, dit que ce législateur était inspiré pour rédi-
ger la loi contre les parricides, et xxxm, n. 9, col. 572,
75
PENTATEUQUE
76
pour écrire fout ce qu'il [a écrit. Fauslin, De Trinitate,
c. i, 5-7, t. xiii, col. 41, 42, attribue à Moïse le début
de la Genèse, et fait des emprunts aux livres de Moïse.
Saint Hilaire de Poitiers, De Trinitate, i, 5, t. x,
col. 28, parle des livres, qucs a Moyse alque prophe-
tislscriptos esse Hebrxorum religio Iradebat. Saint
Chrysostome, In Gen., hom. n, 2-3, t. lui, col. 27, 28,
reconnaissait dans le début de la Genèse les paroles du
bienheureux Moïse qui, pour se faire comprendre des
Juifs, parlait, comme plus tard saint Paul, un langage
grossier. Il attribuait aussi à Moïse le récit du déluge
et il expliquait comment cet écrivain n'a rien dit des
soixante-dix premières années de Noé. Ad Stagirium a
dsemone vexalum, n, 6, t. xlvii, col. 457. Saint Jérôme
dit expressément que le Pentateuque est de Moïse. Prse-
falio in lib. Josue, t. xxvm, col. 461; Prologus galea-
ius, ïbid., col. 548. Il énumère les cinq livres : Genèse,
Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome comme
étant de Moïse ainsi que les onze Psaumes lxxxix-
xcix. Epist. cxl, 2, t. xxii, col. 1167. La parole sou-
vent citée contre l'authenticité du Pentateuque : Sive
Moysen dicere volueris auctorem Pentateuchi, sive
Esdram ejusdem instauralorem operis non recuso
(De perpétua virginitate B. Mariai liber advenus
Helvidium, n. 7, t. xxni, col. 199), ne concerne pas
le livre entier, mais seulement la glose : usque in
hodiernum diem, Gen., xxxv, 4; Deut., xxxiv, 6 (selon
les Septante), que le saint docteur refuse de rapporter
soit à Moïse soit à Esdras. Saint Augustin voit les cinq
livres de Moïse figurés par les cinq pierres que David
choisit dans le torrent pour en armer sa fronde,
Serm., "xxxi, c. s, \h, t. xxxro\, col. 198, 199, et dans
les cinq portiques de la piscine de Bethsaïde. Serm.,
cxxiv, c. m, ibid., col. 687. Il enseigne que le récit de
la création, dont le sens l'a préoccupé durant toute sa
vie, a été écrit par Moïse. Conf., xi, 3; xn, 14, 30,
t. xxxn, col. 811, 832, 843; De Gen. ad lit., VIII, ni, 7;
IX, xili, 23, t. xxxiv, col. 375, 402; Decivitate Dei, XI,
IV, 1, t. xli, col. 319. Théodore de Mopsueste tient
Moïse pour l'auteur de la Genèse. Sachau, Theodori
Mopsuesleni fragmenta syriaca, Leipzig, 1869, p. 8, 9.
Cf. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Afri-
canus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 98.
Saint Cyrille d'Alexandrie, Cont. Julian., I, t. lxxvi,
col. 524-525, prouve que Moïse a précédé tous les sages
de la Grèce qui l'ont connu et estimé, et il explique
que le contenu de ses récits est admirable, parce que
l'écrivain était inspiré de Dieu. Saint Isidore de Péluse,
Epist. ,\. IV, epist. CLxxvi, t. lxxviii, col. 1268, explique
pourquoi Moïse a fait précéder sa législation d'un récit
historique. Théodoret, In Malach., arg., t. lxxxi,
col. 1960, .déclare que Moïse, le grand législateur, est le
premier qui nous ait laissé par écrit des oracles divins.
Procope de Gaza, In Gen., prolog., t. lxxxvii, col. 24,
affirme que le livre qu'il entreprend de commenter est
de Moïse. Les explications qu'il donne montrent bien
qu'il regardait la législation, contenue dans les livres
du milieu, comme rédigée par cet écrivain. D'ailleurs,
il déclare expressément que le Deutéronome, résumé
des livres précédents, est de la main de Moïse. In Deut-,
ibid., col. ,893-894. Junilius, De partibus divinse legis,
1. I, c. vin, t. lxviii, col. 28; cf. Kihn, op. cit., p. 480,
sait, ex traditione veterum, que Moïse a écrit les cinq
premiers livres historiques de l'Ancien Testament, bien
que leurs titres ne contiennent pas son nom, et que
lui-même ne dise pas : Dixit Doniinus ad me, mais,
comme s'il parlait d'un autre : Dixit Dominus ad
Moysen. De son côté, saint Isidore de Séville est très
explicite dans les attributions du Pentateuque à Moïse.
Eîym.,~Vl, i, 4; n,l, t. lxxxii, col. 229, 230. Il indique
même le temps mis par Moïse à rédiger le Deutéronome.
Quœst. in V. T., in Deut., I, 2, t. lxxxiii, col. 359.
Il est inutile de multiplier les citations. On a conti-
nué dans l'Église à admettre l'authenticité mosaïque
du Pentateuque. Pour le moyen âge et les temps mo-
dernes, voir Hoberg, Moses und der Pentaleuch, p. 72-
73. Personne jusqu'au xvi c et au XVII e siècle n'a émis
le moindre doute à ce sujet. Nous exposerons plus
loin les doutes et les négations des critiques modernes.
La masse des exégètes et des théologiens catholiques
aussi bien que des fidèles est demeurée attachée à
l'ancienne tradition, et aujourd'hui encore, nonobstant
le travail de la critique, admet l'authenticité mosaïque
du Pentateuque. L'enseignement traditionnel a été vé-
ritablement unanime, ininterrompu et perpétuel dans
l'Église catholique.
4° Critères internes ou caractères mosaïques du
Pentateuque. — Ils sont tirés du fond même ou de la
forme littéraire du livre. Par eux-mêmes, ils sont in-
suffisants à prouver l'authenticité mosaïque du Penta-
teuque, mais ils confirment la tradition juive et chré-
tienne. — 1. Caractères mosaïques du fond. — a)
L'auteur du Pentateuque connaît exactement les
choses d'Egypte. — Bien que les nombreux documents
hiéroglyphiques de l'ancienne Egypte, déchiffrés ré-
cemment, ne fournissent aucune preuve directe des
faits racontés par Moïse dans l'histoire de Joseph, la
venue des Israélites en Egypte, leur séjour au pays de
Gessen, leur oppression et leur exode, ils donnent ce-
pendant des preuves indirectes de la vraisemblance et
de l'exactitude des récits qui rapportent ces événe-
ments. Sur le voyage d'Abraham en Egypte, voir F. Vi-
gouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 9 édit.,
Paris, 1896, t. i, p. 453-480; pour l'histoire de Joseph,
voir op. cit., t. n, p. 1-213; Echanson, t. n, col. 1558-
1559; Joseph, t. m, col. 1657-1669; pour le séjour des
Israélites en Egypte, leur oppression et leur exode, voir
op. cit., t. il, p. 215-439; Brique, t. i, col. 1931-1934;
Gessen, t. m, col. 218-221; Corvée, t. h, col. 1030-1031.
Les plaies d'Egypte, sans perdre leur caractère miracu-
leux, sont conformes aux phénomènes naturels de la
contrée et sont des maux propres au pays. La couleur
égyptienne de ces récils est indéniable. Or, elle ne
prouve pas seulement leur véracité; elle montre aussi,
au moins indirectement, leur aulhenticité mosaïque,
Tous les détails sont si exacts, si égyptiens, qu'ils n'ont
pu être inventés après coup, qu'ils ont dû plutôt être
relatés par un Israélite qui, comme Moïse, avait été
élevé en Egypte, La tradition, eût-elle reçu dès l'origine
une forte empreinte égyptienne, aurait perdu de sa
fraîcheur et de son coloris, si elle avait été conservée
longtemps dans la mémoire du peuple avant d'être
consignée par écrit. Un rédacteur postérieur, fût-il
bien au courant de la situation particulière de l'Egypte,
de ses usages et de ses coutumes, n'aurait pu rendre sa
narration aussi conforme, dans les plus petits détails,
à la réalité historique que les découvertes égyptolo-
giques nous ont révélée. Seul, un Israélite, ayant vécu
longtemps en Egypte, a été capable de donner au récit
l'exactitude minutieuse qu'on y constate.
Les critiques modernes ne contestent guère cette
couleur égyptienne des récits, et ils reconnaissent que
l'auteur du document qu'ils appellent élohiste était très
au courant des choses égyptiennes. Il reproduit deux
mots égyptiens fortement sémitisés : abrek, voir t. i,
col. 90-91, et sâfenat pa'enêah, nom égyptien donné à
Joseph. Gen., xli, 43, 45. Il nomme Putiphar, Gen.,
xxxvn, 36, etc., Séphora et Phua, les sages-femmes
égyptiennes, Exod., i, 15, les villes de Phithom et de
Ramessès, Exod., i, 11, et la mer Rouge. Exod., xnr,
18; xv, 22. Il connaît exactement la constitution de
l'armée égyptienne. Exod., xiv, 7. Paul de Lagarde et
Steindorff s'appuyaient sur une interprétation contes-
table du nom égyptien de Joseph, du nom de saJemnae
Aseneth et de celui de Putiphar pour rapporter l'his-
toire de Joseph dans le document élohiste à l'époque
77
PENTATEUQUE
78
de la seconde dynastie saïte, après Psammétique I er
(655-610). Mais M. Naville a réfuté les explications don-
nées. Proceedings of the Society of biblical Archœo-
logxj, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771, 1082-1083;
t. m, col. 1668. La conclusion qu'on en tirait relative-
ment à la date tardive du document élohiste n'est donc
pas fondée. Les autres critiques qui la remontent plus
haut ne dépassent pas l'époque des rois d'Israël, et ils
pensent que l'auteur avait eu personnellement à cette
époque une connaissance directe de l'Egypte à la suite
•des alliances des rois d'Israël avec les Pharaons. Ils en
•concluent qu'on ne peut discerner dans ses descriptions
ce qui convient à l'époque des faits de ce qui se rap-
porte à son temps. Mais la couleur égyptienne n'est pas
spéciale aux récits du soi-disant document élohiste;
elle se remarque dans l'ensemble du Pentateuque,sans
•distinction des sources ; elle est tout aussi réelle pour
les plaies d'Egypte, par exemple, dans les parties du
récit que les critiques attribuent au document jéhoviste,
•et plusieurs traits ne sont justes que pour l'époque des
événements et ne conviennent pas à l'Egypte des Pha-
raons, contemporains des rois et des prophètes d'Israël.
On a constaté, en effet, que l'Egypte, décrite dans
l'histoire de Joseph, du séjour des Israélites et de leur
•exode, est l'Egypte du xv 8 siècle avant notre ère. Ce qui
est dit de l'état du pays, des principales villes de la
frontière, de la composition de l'armée, est vrai de
l'époque des Ramsès. Ce pays y apparaît comme un
royaume unique, placé sous le gouvernement d'un
seul roi; elle n'est pas encore morcelée en douze petits
États, comme elle l'était au temps d'Isaïe, xix, 2. Voir
t. H, col. 1612. Les villes de Phithom et de Ramessès,
bâties par les Israélites, Exod., i, 11, ont eu réelle-
ment Ramsès II, sinon comme premier fondateur, du
moins comme restaurateur. Il n'est parlé ni de Migdol
ni de Taphnès et on n'y relève aucun des noms sémi-
tiques de villes qui furent usités sous la dynastie buba-
liste contemporaine de Salomon. L'armée est composée
de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. H, col. 567-
570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires étran-
gers, pareils aux Lubirn, qui en faisaient partie plus
tard. Jer., xlvi, 9; II Par., xn, 3. Voir t. l, col. 992-
991; t. iv, col. 238-241. Les relations de l'Egypte avec
les pays étrangers supposent aussi une époque ancienne.
Il n'est parlé ni du royaume d'Ethiopie qui dominait
l'Egypte sous le règne d'Ézéchias, ni des rois assyriens
qui conquirent l'Egypte sous la dynastie éthiopienne.
Voir t. il, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt,
dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759.
De cet accord entre le Pentateuque et les anciens do-
cuments égyptiens on peut conclure que les récits ont
été rédigés peu après les événements et à l'époque où
le souvenir des faits était encore récent.
Cette conclusion est confirmée par la ressemblance,
purement extérieure il est vrai, mais très réelle, des
institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse
au désert avec les rites égyptiens. Voir t. iv, col. 335.
L'arche d'alliance, placée dans le tabernacle, ressem-
blait en quelque chose au naos des temples égyptiens.
Voir t. i, col. 912. Le tabernacle présentait lui-même,
dans son ensemble, les mêmes dispositions que ces
temples. Les divergences provenaient de la diversité
des matériaux employés et de la nécessité d'avoir,
durant le séjour au désert, un temple portatif. Le ratio-
nal d'Aaron est pareil au pectoral des prêtres égyptiens.
Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche
du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6'édit., Paris, 1896,
t. H, p. 529-547; Les Livres Saints et la critique
rationaliste, Paris, 1902, t. m, p. 86-99; Sayce, La
lumière nouvelle apportée par les monuments an-
ciens, trad. Trochon, Paris, 1888, p. 77-98; J. Heyes,
Bibel und Aegypten, Munster, 1904, p. 142. Cer-
tains usages pharaoniques sont mentionnés dans le
Deutéronome : l'arrosage avec les pieds, vi, 10, mode
d'irrigation particulier à l'Egypte, voir, t. m, col. 926-
929; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-même sa
rapproche de celui des scribes égyptiens ; la bastonnade,
iniligée à la mode égyptienne, xxv, 2, voir, t. i,
col. 1500; les pierres enduites de chaux, dont on se
sert pour écrire, xxvn, 1-8. De tout cet ensemble il
résulte manifestement que l'auteur du Pentateuque
connaissait les mœurs de l'Egypte, ses usages, ses
coutumes, d'une manière si parfaite qu'il a dû vivre
longtemps dans ce pays et précisément à l'époque des
événements qu'il raconte.
b) L'auteur a écrit son livre pour les Israélites,
sortis de l'Egypte et n'occupant pas encore le pays
de Chanaan. — Le souvenir de l'Egypte est fréquem-
ment rappelé aussi bien dans les lois que dans les
récits historiques des quatre derniers livres du Penta-
teuque. L'oppression que les Israélites y avaient subie
était un motif souvent indiqué de ne pas retourner
dans un pays où l'on avait tant souffert et la délivrance
de la servitude est un événement récent et très impor-
tant pour Israël. Le récit de ces événements est écrit
sous le coup de l'impression profonde qu'ils avaient
laissée. L'anniversaire de l'exode est célébré par une
fête solennelle, la fête de la Pàque, qui en rappelle
les circonstances historiques. La consécration des
premiers-nés au Seigneur se rattache aussi à la dixième
plaie d'Egypte, dont les Israélites avaient été exemptés.
La fête des Tabernacles est destinée à remémorer aux
Hébreux que leurs ancêtres ont habité sous la tente
dans le désert, quand Dieu les tira de la terre
d'Egypte. Lev., xxtn, 43. Quand les Israélites se
révoltent et murmurent contre Moïse, ils regrettent la
vie facile qu'il menaient en Egypte comparativement
aux privations qu'ils subissent au désert, et ils vou-
draient retourner dans ce pays d'abondance. Moïse
lutte constamment contre ces désirs insensés du
peuple, et il cherche à éloigner le plus possible les
Israélites du pays de leur servitude. Pour répondre à
leurs plaintes, il déclare que ce n'est pas lui, que c'est
Dieu qui les a fait sortir d'Egypte. Il recommande de
de pas agir conformément aux usages de l'Egypte.
Lev., xviii, 3. Tour calmer Dieu irrité contre Israël,
Moïse fait valoir l'opinion des Égyptiens. Num., xiv,
13, 14. Plusieurs dispositions législatives sont portées
à cause de l'Egypte qu'on vient de quitter. La loi sur
l'étranger, qu'il ne faut ni contrister ni affliger, est
motivée par le fait que les Israélites ont été étrangers
en Egypte. Exod., xxn, 21. L'Israélite ne sera pas
esclave de ses frères à perpétuité, parce que Dieu a
affranchi tout Israël de la servitude de l'Egypte.
Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur
qu'elles ne séduisent et n'entraînent à l'idolâtrie le
peuple choisi, tiré par Dieu de l'Egypte. Deut., iv,
15-20. On recommande au roi futur, qui régnera en
Israël, de ne pas ramener son peuple en Egypte.
Deut., xvn, 16. La délivrance de la servitude égyptienne
est un des plus puissants motifs, invoqués et répétés
dans le Deutéronome pour inciter les Israélites à
observer fidèlement les prescriptions données par le
Seigneur qui avait sauvé Israël. Si les Israélites sont
fidèles aux prescriptions divines, ils ne souffriront
aucun des maux que Dieu a infligés aux Égyptiens.
Exod., xv, 26; Deut., vu, 15. S'ils sont infidèles, ils
subiront comme châtiment les mêmes maux dont ils
avaient déjà été affligés en Egypte. Deut., xxvm, 27, 60;
XXIX, 25. L'exode est donc pour le narrateur comme
pour le législateur un fait récent, dont le souvenir est
encore très vivant et très capable de produire une
forte impression. Écrit longtemps après les événements,
le récit n'aurait pas eu un accent si saisissant, et la
sortie d'Egypte n'aurait pas été le seul et unique
79
PENTATEUQUE
80'
bienfait divin, rappelé à la mémoire des descendants
d'Israël. Celait de ceux-là mêmes qui avaient été oppri-
més en Egypte et qui venaient d'être délivrés que
l'auteur ravivait des souvenirs récents et communs.
Leurs descendants éloignés n'auraient pas pu êire
frappés à ce point par la mémoire de faits, dont ils
n'avaient pas été les témoins oculaires.
D'autre part, rien clans le Pentateuque n'indique que
les Israélites aient déjà occupé définitivement le pays
de Chanaan. Leurs ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob,
qui avaient quitté la Chaldée, n'y ont vécu qu'en
nomades et en étrangers. Dieu leur avait seulement
promis de donner à leur postérité la terre où ils
vivaient. Les promesses réitérées, faites aux patriarches,
sont mentionnées pour rappeler les droits d'Israël à la
possession future de la Terre promise. Si Jacob vient
en Egypte pendant la famine, c'est avec le dessein de
retourner en Chanaan. Gen., xlvi, 4. Il demanda d'être
enseveii avec ses pères au champ d'Ephron, Gen., xlix,
29-31, et son désir fut accompli. Gen., L, 4-13. Joseph
demanda aussi que ses ossements fussent emportés par
ses frères, lorsqu'ils retourneraient au pays de la
promesse. Gen., L, 23-24. Dieu confia à Moïse la mission
de faire sortir son peuple de l'Egypte et de le conduire
dans la terre des Chananéens. Exod., m, 8; VI, 2-8.
Quand, irrité contre Israël, il veut l'exterminer tout
entier, Moïse lui rappelle la promesse faite aux pa-
triarches et obtient ainsi la grâce des coupables.
Exod., xxxii, 13; xxxiii, 1. Le Seigneur promet la pos-
session de Chanaan aux Israélites, s'ils pratiquent fidè-
lement ses lois. Lev., xx, 24. Cette promesse est fré-
quemment rappelée dans le Deutéronome. Les livres du
milieu sont le récit de la marche d'Israël vers la Terre
Promise. Moïse y conduit son peuple et il compare la
terre, qu'il faudra conquérir, à l'Egypte. Deut., xi, 10.
Dieu l'avait caractérisée comme une terre où coule le
lait et le miel, Exod., m, 8, 17, et les espions, de retour
de leur exploration, décrivent le pays par ce trait.
Num., xiii, 28. Les Israélites sont donc en route vers la
Terre Promise. Une des plus grandes préocupations de
Moïse est de les déterminer à y entrer et à en faire la
conquête. Ils devaient gagner rapidement le pays. S'ils
séjournent quarante ans au désert, c'est en punition de
la révolte qui suivit le retour des espions envoyés en
Palestine. Le délai écoulé, Moïse conduit le peuple
jusqu'aux frontières, et choisit, avant de mourir, Josué
comme chef de l'armée, et le charge de faire la conquête,
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio-
naliste, Paris, 1902, t. ni, p. 28-46.
Le récit n'est pas composé, comme on l'a prétendu, par
un écrivain qui habite à l'ouest du Jourdain, c'est-à-dire
dans la Palestine où Moïse n'a jamais pénétré. En effet,
l'expression be'êber hay-yardên ne désigne pas néces-
sairement la contrée située sur la rive gauche du Jour-
dain. La signification doit être déterminée par le con-
texte, et dans le même verset, Num., xxxii, 19 (hébreu),
elle désigne successivement les deux rives. F. Vigouroux,
Manuel biblique, -12= édit., Paris, 1906, t. i, p. 467-468.
On ne constate dans le Pentateuque aucune allusion
certaine à la situation historique qui a suivi la conquête.
Rien ne fait supposer que le peuple habite dans des
villes et dans des maisons; la législation convient à des
nomades, vivant au désert et sous la tente. 11 n'est parlé
ni de Jérusalem ni de la royauté comme existante. Les
allusions, signalées par les critiques, notamment dans
les morceaux poétiques et prophétiques, visent l'avenir,
et c'est le plus souvent par un préjugé contre la pro-
phétie qu'on y voit un indice du passé. Les lois sacer-
dotales de l'Exode et du Lévitique ont l'empreinte du
désert, à un degré tel que leur rédaction à une autre
époque et en un autre lieu est hautement invraisem-
blable. Leur cadre invariable est le camp d'Israël. Le
Tabernacle, par exemple, est portatif et répond à la
situation de nomades, qui ne peuvent avoir de sanctuaire-
fixe. Prétendre, comme le font les critiques, qu'il-
n'est qu'une projection du Temple de Jérusalem
dans le passé, c'est une hypothèse, qui est commandée
par les besoins de la cause et qui ne rend pas compte-
de tous les détails de la construction et du service.
D'ailleurs, il faut pour cela attribuer à l'auteur du code-
sacerdotal, qui l'aurait construit de toutes pièces, une
imagination créatrice qui ne répond guère aux caractères^
qu'on lui prête. On prétend aussi que la couleur locale
des lois du désert est l'œuvre du même auteur, qui se
reportait en esprit à l'époque mosaïque. Le principal
argument, sur lequel on appuie cette explication, est la
promulgation de la plupart de ces lois sacerdotales au-
pied du Sinaï. Or, à ce moment, rien n'était plus étran-
ger à la pensée de Moïse que la prévision d'un séjour
prolongé d'Israël au désert. Moïse n'a donc pu rédiger
les lois sinaïtiques en vue d'une situation qu'il ne
prévoyait pas encore. Mais la rédaction définitive de
ces lois a bien pu être faite après la révolte dont le
séjour dans le désert pendant quarante ans fut la puni-
tion; elle aurait par suite été rendue conforme à cette
situation nouvelle. Aussi, quand le temps de l'épreuve
est écoulé, quand la législation, temporaire et locale,,
du désert touche à sa fin, Moïse promulgue à la généra-
tion nouvelle qui va traverser le Jourdain et conquérir
le pays de Chanaan, des lois appropriées à la vie
sédentaire et agricole qu'elle va mener dans la Terre
Promise. Du reste, à vrai dire, seules les lois qui
concernent les campements et le transfert de l'arche et
du tabernacle, présentent ce caractère temporaire et
provisoire. Primitivement, elles ne devaient être appli-
quées que pendant le voyage. Le législateur, parvenu
au pays de Chanaan, les aurait abrogées et remplacées
par des dispositions nouvelles. La révolte des Israélites
après le retour des espions a changé la situation, et des-
prescriptions, portées pour une durée fort limitée, ont pu*
être appliquées pendant quarante ans. Celles qui regar-
daient la descendance et les sacrifices pouvaient être-
pratiquées partout et en tout temps, hors du camp aussi
bien que dans le camp. Il n'y a plus donc, de ce chef,.
de> difficulté, et l'empreinte du désert que conservent
les lois du culte israélile demeure un indice de la date-
de leur promulgation et de la rédaction du code qui
les contient. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la cri-
tique rationaliste, t. m, p. 79-89; R. Cornely, Inlroduc-
tio specialis in hist. V. T. libros, part. I, Paris, 1887,.
p. 57-60.
D'ailleurs, la forme elle-même de la législation du
Pentateuque témoigne de son origine mosaïque. Il n'y
a pas d'ordre rigoureux dans la disposition des lois.
L'auteur les enregistre à l'occasion, en racontant les-
faits qui les ont amenées. Elles ne constituent pas un-
code systématique. Elles ont été prises au jour le jour,
suivant les occurrences. En dehors de la loi morale et
religieuse, révélée par Dieu d'un seul coup, ou à des-
dates fixes, beaucoup de règles civiles sont le résultat
de consultations adressées à Moïse. Des cas spéciaux
exigent des solutions nouvelles et précisent l'applica-
tion des lois générales. Des lois complémentaires, des
retouches, des répétitions dépendent de circonstances
parfois imprévues. Les premières lacunes sont ainsi
comblées. Néanmoins la législation n'est pas complète.
L'organisation politique n'est pas réglée. La loi sur la
royauté est pleine de lacunes et ne vise qu'un avenir
éloigné. Aussi Israël, après la conquête de la Palestine,
n'aura pas de chef commun; chaque tribu sera, pour
ainsi dire, isolée et indépendante. Josué n'est chargé
que de conquérir et de partager la Terre Promise. Ces-
caractères de la législation du pentateuque ne peuvent
convenir qu'à Moïse et au temps du séjour d'Israël au
désert. Ils confirment donc l'origine mosaïque des Iois-
israélites et du livre qui les contient. F. Vigouroux,.
81
PENTATEUQUE
82
op. cit., t. m, p. 69-79; R. Cornely, loc. cit., p. 64-66.
2. Caractères mosaïques de la forme littéraire. —
La langue du Pentateuque, malgré l'immobilité relative
de l'hébreu, présente des particularités, qui ne se ren-
contrent déjà plus dans le livre de Josué. Ce sont des
mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombés en
désuétude ou ont été modifiés. On y reconnaît donc des
archaïsmes, indices assurés de l'antiquité du livre. Voir
t. i, col. 911. Ce sont le pronom masculin hiï, employé
155 fois sur 206 pour la forme féminine hî' ; na'ar, au
masculin, pour désigner une jeune fille; les pronoms
hd'él au lieu de 'ellêh, et hallêzéh. R. Graffin, Étude
sur certains archaïsmes du Pentateuque, dans le
Compte rendu du Congrès scientifique des catholiques,
Paris, 1888, t. i, p. 154-165; F. Vigouroux, Manuel bi-
blique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 434-435; Les Livres
Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. m,
p. 122-126. Les critiques ont cherché à échapper à cet
argument linguistique de différentes façons. La plupart,
rencontrant les archaïsmes dans le code sacerdotal, la
source la plus récente, selon eux, du Pentateuque, pré-
tendent que, fussent-ils réels, ils ne prouvent pas l'an-
tiquité du document qui les contient; un écrivain récent
peut à dessein, par amour de l'archaïsme et pour vieillir
son œuvre, employer des expressions anciennes, tombées
de son temps en désuétude. Mais d'autres ne reconnais-
sent pas même dans ces particularités du Pentateuque
des archaïsmes réels, ils n'y voient que des singularités
d'orthographe et d'écriture, introduites par les massorètes
dans leur édition du texte du Pentateuque. Ainsi pen-
dant longtemps la voyelle du pronom Nin n'était pas
écrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible,
on avait pour les deux genres les simples lettres Nn;
seule, la lecture différenciait le masculin du féminin. La
présence du i dans le pronom féminin n'est pas an-
cienne, et les quiescentes i et > n'ont été ajoutées qu'à
une époque assez récente. En transcrivant le Nin fémi-
nin, les massorètes ont marqué sous le n le point de la
voyelle i; ils lisaient donc hî' et non hû'. S'ils ont con-
servé l'anomalie Nin, c'est par un respect exagéré pour
l'unique manuscrit du Pentateuque qu'ils ont transcrit
et ponctué, et la leçon de leur manuscrit s'explique par
le fait que, vers le commencement de notre ère, l'écri-
ture hébraïque ne mettait que peu ou pas de différence
entre le i et le ». Ces affirmations sont loin d'être cer-
taines, voir t. m, col. 504-505; rien ne donne droit
d'accuser les massorètes d'être des faussaires. Les
massorètes, au rapport du Talmud de Jérusalem, traité
Taanith, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179-
180, consultèrent trois manuscrits du Pentateuque et
maintinrent les onze exceptions de la forme féminine
N>n sur le témoignage de deux de ces manuscrits.
L'emploi du masculin -iyj pour le féminin mva pourrait
bien n'être aussi, dit-on, qu'une simple irrégularité
d'orthographe; à supposer qu'il soit un idiotisme .ancien,
il ne serait pas à lui seul une marque de haute anti-
quité. Les pronoms archaïques ne seraient non plus
que des différences orthographiques. A. Loisy, Histoire
antique du texte et des versions de la Bible, dans
L'enseignement biblique, Paris, 1892, t. i, p. 51-56.
Comment se fait-il donc qu'ils n'existent que dans le
Pentateuque?
En outre des formes archaïques, on signale encore
dans le Pentateuque des mots anciens, tels que ?~n
'.rtzi et B.iP, Gen., i, 2, et la tournure pt»n rvn, Gen.,
t : " T t - -
i, 25, des expressions et des phrases plus tard inusitées :
'dbîb,« épi, » et le premier mois de l'année, voir t. I,
col. 46; bdnàh, dans le sens de concevoir; kibsan,
i four; » kâsas, « compter; » mékés, « somme comp-
tée; » miksdh, n compte ; » yê'dsef 'el-'ammav, « être
réuni à ses peuples, » ou simplement yê'dsef, « être
réuni. » Certaines phrases poétiques, telles que « cou-
vrir l'œil de la terre », Exod., x, 5, 15; Num., xxn, 5 T
11, signifiant couvrir la surface de la terre, sont très-
antiques. Les mots 'ômér et 'issdron ne se lisent aussi
que dans le Pentateuque. Voir t. m, col. 273. Enfin, en
plus des mots égyptiens déjà mentionnés, on trouve
dans le Pentateuque des expressions hébraïques qui
ne sont que des transcriptions de mots égyptiens.
Ainsi fêbâh, désignant l'arche de Noé et la nacelle-
dans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil, est l'égyptien
tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ».
Les roseaux dont était faite la lêbâh de Moïse sont
appelés goméh; c'est l'égyptien kam, qui est la même-
chose que gam, « jonc. » L'enfant fut exposé sur la
« lèvre du Nil » ; or la lèvre exprimait métaphorique-
ment en égyptien le rivage. Yeor est le nom même du
Nil. Les vaches grasses du songe de Pharaon paissaient
des aftu, expression égyptienne qui signifie « verdure,
roseaux ». Joseph est revêtu de lin, seS, mot usité dan&
la Genèse comme sur les monuments hiéroglyphiques.
Voir t. ni, col. 1668. Le roseau que les Israélites em-
ploient pour fabriquer des briques est nommé de son
nom égyptien qas. Sur les hartummîm, voir t. n r
col. 1443-1444. L'arbuste dans lequel Moïse voit Dieu à
l'Horeb est appelé senéh, qui est le sent des inscrip-
tions et des papyrus de la XIX 5 dynastie. Le tambour,
tof, dont Marie, sœur de Moïse, se sert, porte un nom
égyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on dépose la
manne, sinsénet, les pots de viande, que regrettent les
Israélites, sîr, sont des mots égyptiens sennu, seri,
qu'on ne retrouve plus dans les autres livres de la
Bible. La corbeille destinée à contenir les prémices,
téné', est la tena, « corbeille, » des Égyptiens. F. Vi-
gouroux, La Bible et les découvertes modernes,!}' édit.,.
Paris, 1896, t. n, p. 586-591. Toutes ces particularités,
lingaistiques réunies sont des indices évidents de l'an-
tiquité du Pentateuque; elles confirment par suite
l'authenticité mosaïque de ce livre.
III. OBJECTIONS CONTRE L'AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE
du pentateuque. — 1° Histoire de ces objections. —
1. Les précurseurs des critiques modernes. — Les
gnostiques, qui rejetaienttoutl' Ancien Testamentcomme
étant l'œuvre du mauvais principe, ne niaient pas
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, ils soutenaient
seulement que le mauvais principe avait trompé Moïse.
Ptolémée, disciple de Valentin, distinguait dans la
législation mosaïque les lois divinement révélées, les
lois portées par Moïse de sa propre autorité et les lois
promulguées par les anciens du peuple. Il ne niait
pas explicitement que cette législation ait été rédigée
par Moïse. Lettre à Flora reproduite par saint Épiphane,
User., xxxin, 8, t. xli, col. 560-561. D'après le même
saint, Hssr., xvin, 1, ibid., col. 257, et saint Jean
Damascèue, Hxr., xix, t; xciv, col. 689, les nazaréens
prétendaient que les livres de Moïse avaient été fabri-
qués et que la loi, donnée aux Juifs par ce législateur,
différait de celle du Pentateuque. Au m» siècle, l'auteur
des Homélies clémentines , hom. m, 47, t. n, col. 141, 144,
faisait dire à saint Pierre que la loi, donnée par Dieu
à Moïse, avait été confiée oralement aux anciens, mise
par écrit après la mort de Moïse, perdue, retrouvée et
enfin brûlée au temps de Nabuchodonosor. Le récit d&
la mort de Moïse n'ayant pu être écrit par le défunt, le
Pentateuque qui le contenait était par suite d'une
autre main. A part cette dernière observation qui est
vraie, les objections des hérétiques n'ont rien de scien-
tifique et sont de pures inventions sans valeur.
Il faut passer jusqu'au temps de la Réforme pour
rencontrer de nouveaux doutes sur l'authenticité mo-
saïque du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scrip-
turis libellus, Wittemberg, 1520, en vint par le même
raisonnement que l'auteur des Homélies clémentines^
à douter que Moïse ait rédigé les récits historiques du
Pentateuque. Moïse n'a pu raconter sa mort. Or le
83
PENTATEUQUE
sujet de celte narration est identique à celui des récits
précédents. Tous ces récits sont donc d'une même
main, qui n'est pas celle de Moïse, ni celle d'Esdras,
mais celle d'un inconnu. La législation venait de Moïse,
■et le Pentateuque n'en demeurait pas moins le plvfs
saint de tous les livres de la Bible. Au XVII e siècle, les
doutes se multiplièrent. Le philosophe anglais Hobbes,
Leviathan, 1. III, c. xxxiii, Londres, 1651, déclarait
■d'abord que le titre : « les. cinq livres de Moïse, » ne
voulait pas dire que Moïse en était l'auteur, mais seu-
lement qu'il en était le sujet principal. Le récit de la
mort de Moïse est une addition postérieure. L'ensemble
■du Pentateuque est plus récent que Moïse, qui en a
cependant rédigé quelques parties, notamment Deut.,
xi-xxvn. Isaac de la Peyrère, Syslema theologicum ex
Prseadamilarum hypothesi, 1. IV, s. 1., 1655, p. 173-
182, ne regardait pas non plus le Pentateuque actuel
comme l'œuvre originale de Moïse. Les derniers ver-
sets du Deutéronome, certains passages, Num., xxn,
14-15; Deut., i, 1; m, 11, 14, sont des additions; les
détails sur Séir, Deut., n, conviennent à l'époque de
David; les obscurités, les confusions, les lacunes et les
altérations du texte actuel ne proviennent pas de
Moïse. Celui-ci cependant avait écrit l'histoire des Juifs
à partir de la création du monde et rédigé sa propre
législation; mais son livre a été abrégé, retouché et
modifié, comme le prouve l'étude du texte. Ce n'est pas
encore la négation de l'origine mosaïque du Penta-
teuque.
Baruch Spinoza (1634-1677), Traclatus theologico-
politicus, c. vin, IX, dans Opéra, 2 e édit. de Van Vlo-
ten et Land, La Haye, 1895, t. n, p. 56-69, rejette
l'authenticité mosaïque du Pentateuque. Il reproduit
les objections d'Abenesra et il les interprète dans le
sens de la négation de l'authenticité mosaïque. Il y
joint ses observations personnelles : 1° Il est parlé de
Moïse à la troisième personne, Num., xn, 3; xxxi, 14;
Deut., xxxiii, 1, tandis que Moïse parle à la première
personne de la loi qu'il avait promulguée et écrite.
Deut., ii, 1-17, etc. A la fin du Deutéronome, le récit
reprend à la troisième personne; ce qui prouve que le
livre dans son état actuel est d'une autre main que de
celle de Moïse. 2° Le récit de la mort, de la sépulture
et du deuil de Moïse, l'éloge de ce prophète supérieur
aux autres prophètes, faits au passé, témoignent d'une
époque postérieure de rédaction. 3° Certaines localités,
telles que Dan, Gen., xiv, 14, portent les noms qu'elles
■eurent longtemps après Moïse seulement. 4° Parfois le
récit historique dépasse la vie de Moïse. Ainsi, la ces-
sation de la mandueation de la manne, Exod., xvi, 14,
n'eut lieu qu'à l'arrivée des Israélites aux frontières du
pays de Chanaan. Jos., v, 12. Les rois iduméens
nommés Gen., xxxvi, 31, vont jusqu'à David, qui sub-
jugua leur royaume. II Sam., vin, 14. De tout cela il
ressort plus clair que le jour que le Pentateuque a été
rédigé par un écrivain postérieur à Moïse. Moïse tou-
tefois a écrit des livres, mentionnés dans le Penta-
teuque et différents de ce livre, à savoir : 1° le livre
des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, qui contenait
sans doute le récit de la défaite d'Amalec, Exod., xvn,
14, et toutes les stations décrites par Moïse, Num.,
xxxin, 2; 2» le livre de l'alliance, Exod., xxi, 4, 7, ré-
duit aux lois, Exod., xx, 22-xxm, 33; 3° un livre
d'explication de toutes les lois mosaïques, Deut., i, 5,
lois qu'il avait imposées de nouveau, Deut., xxix, 14,
livre qu'il avait écrit en y relatant la rénovation de
l'alliance, Deut.,xxxi, 9; c'est le « livre de la loi »,
augmenté par Josué, Jos., xxiv, 25, 26, livre perdu,
mais inséré partiellement dans le Pentateuque, avec le
cantique. Deut., xxxn. Quoiqu'il soit vraisemblable que
Moïse ait écrit d'autres lois, on ne peut cependant
l'affirmer, car les anciens pouvaient les avoir rédigées
eux-mêmes et l'auteur de la vie de Moïse les avoir in-
sérées dans son livre. Quant au Pentateuque, il n'a
formé d'abord qu'un écrit avec Josué, les Juges, Ruth,
les livres de Samuel et des Rois, œuvre d'un historien
qui racontait l'histoire juive depuis la création jusqu'à
la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor. Son auteur
est probablement Esdras, le seul scribe dont le zèle
pour la Loi soit mentionné dans l'Écriture. Esdras a au
moins rédigé le livre de la Loi ou le Deutéronome, qu'il
a lu et fait expliquer au peuple. II Esd., vin, 9. Plus
tard, Esdras prit soin d'écrire l'histoire complète des
Juifs, en y insérant le Deutéronome à sa place. Peut-
être même a-t-il intitulé les cinq premiers livres de
cette histoire « livres de Moïse », parce qu'ils conte-
naient surtout la vie de ce personnage. Mais Esdras n'a
pas mis la dernière main à cette histoire. Faisant une
simple compilation de documents antérieurs, il les a
seulement transcrits, sans les ordonner. C'est pourquoi,
dans le Pentateuque, les lois et les récits historiques
sont mélangés sans ordre logique ou chronologique;
les mêmes faits sont répétés, et parfois diversement.
Cf. P. L. Couchoud, Benoît de Spinoza, Paris, 1902,
p. 102-104. Les additions et recherches dans l'œuvre
de Moïse sont faciles à expliquer comme un complé-
ment apporté dans la suite des temps à l'ouvrage pri-
mitif. Les autres assertions de Spinoza ne reposent
sur rien de positif.
Pour répondre aux objections de Spinoza et défendre
l'autorité historique et divine des livres de Moïse,
Richard Simon a émis des hypothèses nouvelles sur la
composition du Pentateuque. Il attribuait à Moïse per-
sonnellement toute la partie législative de ce livre. Quant
aux récits historiques, il reconnaissait que ce législa-
teur lui-même avait rédigé, mais d'après d'anciens
mémoires, la Genèse entière. L'histoire de son temps,
il ne l'avait pas écrite de sa main; il l'avait fait écrire
par des scribes publics, dont l'existence est constatée
plus tard et qui étaient chargés officiellement de rédi-
ger les Annales d'Israël. Bien que leur institution par
Moïse ne soit pas mentionnée dans le Pentateuque, elle
est néanmoins vraisemblable. Au sentiment de Richard
Simon, ces scribes publics étaient inspirés pour abré-
ger, en les ordonnant, les modifiant et les complétant,
les Annales officielles. Comme ils résumaient celles-ci,
ils ont laissé dans leurs abrégés des répétitions en vue
de ne pas trop modifier les actes publics. Ayant été
exécuté par ordre de Moïse, leur travail pouvait légi-
timement être attribué à ce dernier. Certaines incohé-
rences du texte actuel proviennent, en outre, d'un
déplacement de feuillets, opéré à l'époque où les livres
de la Bible avaient la forme de rouleaux. Elles ne
prouvent rien contre l'autorité divine et l'origine
mosaïque du Pentateuque. Voir Histoire critique du
Vieux Testament, préface non paginée, et le 1. 1, c. i-vi,
Rotterdam, 1685, p. 1-45; Réponse au livre intitulé :
Sentimens de quelques théologiens de Hollande, c. vi-
IX, Rotterdam, 1686, p. 55-94; De l'inspiration des
livres sacrés, etc., Rotterdam, 1687, p. 20-34. 114-125,
137-147, 150 sq.; Lettres choisies, lettres xxvni-xxx,
2= édit., Paris, 11730, t. m, p. 206-236; Critique de la
Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730,
t. n, p. 449; t. m, p. 154-247. Cf. A. Bernus, Richard
Simon, Lausanne, 1869, p. 78-80, 83-89; H. Margival,
Richard Simon et la critique biblique au ir/i' siècle,
dans la Revtte d'histoire et de littérature religieuses,
1897, t. n, p. 540-545.
L'arminien Jean Leclerc, sous le voile de l'anonyme,
attaqua Richard Simon et nia l'authenticité mosaïque
du Pentateuque. II signalait dans les livres de Moïse des
détails et des chapitres entiers qui, d'après lui,
supposent une époque postérieure à Moïse. Dans son
état actuel, le Pentateuque est une compilation,- non
pas d'ouvrages officiels, extraits des archives publiques,
mais bien d'écrits privés, dont quelques-uns, comme
85
PENTATEUQUE
86
■celui des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, étaient anté-
rieurs à Moïse. Celui-ci n'a rédigé que la partie princi-
pale des livres que la tradition lui a attribués. L'auteur
du Pentateuque, si au courant des choses chaldéennes,
-a dû vivre en Chaldée. Or, les Juifs. n'avaient pas passé
l'Euphrate avant la captivité. L'auteur a donc vécu
après 722; mais il n'est pas Esdras, puisque les Sama-
ritains possédaient auparavant le Pentateuque. C'est
plutôt le prêtre Israélite, envoyé par le roi d'Assyrie
aux Samaritains, IV Reg., xvn, 24-28, qui a composé le
livre de la loi pour leur instruction. Son travail a été
■commencé après la découverte de la loi dans le Temple
sous Josias. Plus tard, les prêtres de Jérusalem ont mis
leur loi d'accord avec le Pentateuque samaritain. Sen-
timens de quelques théologiens de Hollande sur l'His-
toire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685,
p. 107-129; Défense des Sentimens de quelques théolo-
giens de Hollande, lettre vn c , Amsterdam, 1686, p. 166-
188. Plus tard, Leclerc atténua son premier sentiment.
Tout en maintenant que le Pentateuque dans son état
actuel était postérieur à Moïse, il déclarait que les addi-
tions étaient si peu considérables qu'on ne pouvait refu-
ser à Moïse la composition du livre. Genesis sive Mosis
prophétie liber prinius, proleg., diss. lit, Amsterdam,
1693. En 1686, Antoine Van Dale soutint qu'Esdras
était l'auteur du Pentateuque, mais qu'il avait utilisé le
livre de la loi, découvert au Temple, et d'autres écrits,
historiques et prophétiques.
2. Hypothèse documentaire. — La première systé-
matisation de la composition du Pentateuque consista
dans la supposition de sources diverses, compilées et
utilisées par l'auteur. Jean Astruc, Conjectures sur les
mémoires originaux dont il parait que Moïse s'est
servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles
(Paris), 1753, détermina le premier le contenu et la
nature des mémoires antérieurs que Moïse avait em-
ployés pour rédiger la Genèse, et les parties du récit
actuel qui leur avaient été empruntées. Les répétitions
et les divergences des récits lui servirent de point de
départ dans le discernement des sources, et la diversité
des noms divins, Élohim et .féhovah, lui fit désigner les
deux principales sources combinées par Moïse, l'une
élohiste et l'autre jéhoviste. Une troisième nommait
Dieu Jéhovah-EIohim. Astruc distinguait encore neuf
autres sources, qui n'étaient que fragmentaires. Il
supposait enfin que Moïse avait disposé sur quatre
colonnes les matériaux préexistants, et que les copistes
avaient mêlé et confondu ces quatre récits; de là pro-
venaient les répétitions et les incohérences de la Genèse
actuelle. Voir t. i, col. 1196-1197. Eiehhorn, Einleitung
in das A. T., Leipzig, 1780, t. I, étendit la distinction
des sources élohiste et jéhoviste aux deux premiers
chapitres de l'Exode. Il a, en outre, caractérisé ces
sources, non seulement par l'emploi des noms divins,
mais encore par leur contenu et leur style. Il ne se
croyait pas en mesure de déterminer leur origine. Il
pensait d'abord que Moïse avait rédigé la Genèse et le
début de l'Exode, en les combinant; plus tard, il ne
parla plus que d'un rédacteur. Le reste du Pentateuque,
sauf quelques interpolations, comprenait la législation
et le journal de voyage de Moïse. Charles David Ilgen,
Die Vrkunden des jerusalemischen Tempelarchivs in
ihrer Vrgestalt, Halle, t. I (seul paru), distingua trois
documents, deux élohistes et un jéhoviste, ayant leur
genre propre de rédaction. En les combinant, le rédac-
teur a dû les modifier pour les mettre d'accord. Aussi
n'est-il pas facile d'en discerner dans le texte actuel
tous les éléments constitutifs.
3. Hypothèse fragmentaire. — Un nouveau courant
se dessina bientôt, suivant lequel le Pentateuque était
un conglomérat de fragments détachés et disparates.
Alexandre Geddes (voir t. m, col. 145), prêtre catholique
interdit, The holy Bible or ihe Books accounted sacred
by Jews and Chrislians, Londres, 1792 ; Critical remarks
on the Hebrew, Londres, 1800, t. i, parla le premier de
nombreux fragments plus ou moins étendus, divergents
et même contradictoires, réunis et mis en ordre par
un rédacteur pour former le Pentateuque actuel. Ces
fragments se groupaient en deux séries, caractérisées
parles noms divins, Élohim et 3é\\ova\\. Vater, Commen-
ta)- ùber den Pentateuch, 3 in-8», Halle, 18024805,
répandit cette nouvelle hypothèse en Allemagne. Moïss
a bien pu rédiger quelques-uns des fragments, entrée
dans la composition du Pentateuque; mais il n'est pas
le compilateur du recueil. Celui-ci n'a fait que juxtapo-
ser dans l'ordre chronologique des fragments d'époques
différentes, qui sont demeurés disparates. Les lois en par-
ticulier avaient été promulguées selon les occurrences.
La première collection, le Deutéronome, existait déjà
au temps de David et de Salomon; on la retrouva sous
Josias. Les fragments historiques et législatifs, compo-
sés dans l'intervalle, y furent joints. Le Pentateuque
avait été terminé à une date inconnue, peut-être dans
les derniers temps du royaume de Juda. De Wette se
rallia à cette hypothèse. Dissertatio critica qua aprio-
rïbus Deuteronomium Pentateuchi libris diversum
aliud cujusdam recenlioris auctoris opus esse mons-
tratur, in-4°, Iéna, 1805; Beitrâge zur Einleitung in
das A. T., Halle, 1807, t. n. Pour lui, la Genèse et
l'Exode sont l'épopée nationale des Israélites, formée,
comme les œuvres d'Homère, de fragments mythiques
divers. Voir t. iv, col. 1377. Le Lévitique est le recueil
des lois attribuées à Moïse et soi-disant' données au
Sinaï. Les Nombres forment un appendice, sans plan,
ajoutés aux trois premiers livres qu'ils continuent. Le
Deutéronome comprend des lois postérieures, censées
promulguées par Moïse au pays de Moab et différentes
de la législation sinaïtique. La collection des cinq livres
est postérieure à la découverte du Deutéronome sous
Josias. Plus tard, il fixa au temps de la captivité à
Babylone la composition du Deutéronome et la dernière
rédaction du Pentateuque. Lehrbuch der historisch-
kritische Einleitung in A. T., 3 e édit., Berlin, 1829.
Pour L. Berthold, Historisch-krilische Einleitung,
Erlangen, 1813, part. III, p. 768-842, quelques frag-
ments, dont le Pentateuque est composé, pouvaient être
de Moïse lui-même ou, au moins, étaient de son temps.
La plupart ont été rédigc-s au commencement du règne
de Saûl. Les recueils se sont formés progressivement
par le travail de quatre ou cinq écrivains. La collection
complète n'a été faite que sous Salomon. Hartmann,
Historisch-krilische Forschitngen ûber die Bildung,
das Zeitalter und der Plan der fùnf Bûcher Moses,
Rostock, 1831, p. 552-700, prétendait que Moïse ne
savait pas écrire et que les Israélites n'avaient Connu
l'écriture que sous les Juges. Selon lui, les plus an-
ciennes parties du Pentateuque sont postérieures à Sa-
lomon, et les recueils écrits de lois appartiennent aux
derniers temps de la royauté. Les éléments les plus
importants du Pentateuque existaient à l'époque de
Jérémie et d'Ézéchiel. On n'y fit plus tard qu'un petit
nombre d'additions, d'ailleurs bien reliées au reste.
L'état actuel du texte est contemporain de la captivité
à Babylone. P. von Bohlen, Genesis, Kœnigsberg, 1835,
introduction, adopta les conclusions de Hartmann avec
cette seule différence qu'il regardait le Deutéronome,
découvert sous Josias, comme la partie la plus ancienne
du Pentateuque.
4. Hypothèse complémentaire. — L'hypothèse frag-
mentaire n'eut guère de succès. Par réaction contre
l'émiettement des fragments, on en arriva à considérer
le Pentateuque comme l'œuvre d'un premier écrivain,
complétée plus tard par un rédacteur, comme une his-
toire complète et suivie à laquelle on rattacha en guise
de suppléments des lambeaux de toute sorte. Kelle,
Verurtheilsfreie Wùrdigung der mosaischen Sehrif-
87
PENTATEUQUE
8&
ten, Freyberg,18i2, soutint que la Genèse était un livre
primitivement bien ordonné, mais dont les récits avaient
été déformés et le plan disloqué par des interpolations
successives. H. Ewald, Die Komposition der Genesis,
Brunswick, 1823, en raison du plan, de l'unité du
style et de l'origine du fond, soutint que la Genèse était
l'œuvre non pas de Moïse, il est vrai, mais d'un seul
auteur qui n'avait recouru ni à des documents ni
même à des fragments antérieurs. Le même critique,
rendant compte de l'ouvrage de Stàhelin, Kritische
Untersuchung ûber die Genesis. 1830, favorable à l'hy-
pothèse documentaire, déclara que le Pentateuque en-
tier avait à sa base un écrit unique, élohiste, compre-
nantquelques morceaux antérieurs tels que leDécalogue
et le livre de l'alliance, et dans lequel un rédacteur
inséra comme compléments des extraits d'un écrit jé-
hoviste postérieur. Sludien nnd Kriliken, 1831, p. 595-
606. F. Bleek, abandonnant l'hypothèse documentaire,
enseigna que l'écrit élohiste primitif avait été complété
par un rédacteur jéhoviste au moyen de ses propres
récits et d'autres compléments. Le Deutéronome est
plus récent et a été joint à l'écrit primitif complété
sous le règne de Manassé dans la première moitié du
vn e siècle. De libri Geneseos origine atque indole his-
torien observa tiones, 1836.
Le principal tenant de l'hypothèse complémentaire
fut F. Tuch. Commantar ûber die Genesis, Halle,1838.
A son sentiment, l'élohiste est le Grundschrift, « écrit
fondamental, » comprenant toute la partie législative et
les principaux récits historiques et dérivant de sources
écrites. Il a été complété par le rédacteur jéhoviste,
peut-être d'après un autre document, mais certaine-
ment d'après la tradition orale et des sources écrites.
L'élohiste est antérieur à Salomon, et le jéhoviste con-
temporain de ce roi. De Wette accepta cette hypothèse
dans les 5 e et 6 e éditions de son Einleitung, 1840,1845.
Stàhelin l'adopta aussi et l'appliqua à tous les livres
nommés dans le titre de son ouvrage. Kritische Unter-
suchungen ûber den Pentateuch, die Bûcher Josua,
Richter, Samuelis und der Kônige, Bàle, 1843. Il rap-
portait l'élohiste au commencement de l'époque des
Juges et le jéhoviste au règne de Saùl. C. von Lengerke,
Kanoan, Volks und Religionsgeschichte Israels bis
zum Tod des Josua, Koenigsberg, 1844, modifia les
dates, rapportant l'élohiste au début du règne de Salo-
mon et le jéhoviste à l'époque des rapports de Juda
avec l'Assyrie, vers le règne d'Ézéchias. Franz Delitzsch,
Die Genesis, Leipzig, 1852, se rallia aussi momentané-
ment à cette hypothèse.
5. Nouvelle hypothèse documentaire. — Cependant
l'ancienne hypothèse des sources avait été reprise.
Gramberg, Libri Geneseos secundum fontes rite di-
gnoscendos adumbratio nova, 1828, et Stàhelin, Kri-
tische Untersuchung ûber die Genesis, 1830, distin-
guaient dans la Genèse deux documents élohiste et
jéhoviste, compilés plus tard. F. Bleek, Beitrâge zu den
Forschungen ûber den Pentateuch, dans Studien und
Kriliken, 1831, p. 488-524, prétendit que l'Hexateuque
actuel avait eu au moins deux rédacteurs : l'auteur de
la Genèse qui, avant le schisme des dix tribus, avait
rédigé, selon le plan de l'Hexateuque, une histoire dans
laquelle il avait reproduit littéralement des chants, des
narrations et des lois antérieurs, en les combinant avec
les données de la tradition orale; l'auteur du Deutéro-
nome qui, vers la fin du royaume de Juda, a inséré
son œuvre dans le premier récit, qu'il modifiait et
complétait surtout dans la partie qui forme le livre
actuel de Josué. H. Ewald, abandonnant l'hypothèse
fragmentaire, distingua cinq documents : a) le livre
des alliances, écrit historique, rédigé au temps de
Samson, qui allait d'Abraham à l'époque des Juges;
ê) le livre des origines, le Grundschrift élohiste, œuvre
d'un lévite du début du règne de Salomon, qui conte-
nait l'histoire depuis la création jusqu'à la consécration-
du Temple de Salomon; y) un récit composé par uns
Éphraïmite dn x« ou du IX e siècle, contemporain d'Élie
ou de Joël, qui racontait l'histoire de Moïse d'après-
le premier document; 8) un récit de la fin du ix= ou
du commencement du vm e siècle; s) un écrit jéhoviste r
œuvre d'un judéen de la première moitié ou du milieu,
du "VII e siècle, sous Osias ou Joatham. Ce dernier est le
rédacteur de l'Hexateuque. Le Deutéronome formait un
livre à part, rédigé dans la première partie du règne-
de Manassé par un juif qui vivait en Egypte et com-
plété sous Josias par la bénédiction de Moïse, xxxiv..
Geschichte Israels, Gœttingue, 1843, 1845, t. i, p. 60-
164; t. il, p. 1-25. Dans les éditions suivantes, 2 e , Gœt-
tingue, 1851, 1853, t. i, p. 80-175; t. n, p. 14-45; 3%.
Gœttingue, 1864, t. I, p. 94-193, le Deutéronome de 1»
fin du vif siècle a été retouché par le dernier rédac-
teur de l'Hexateuque, qui y a ajouté la bénédiction de-
Moïse. Seul, Michel Nicolas, Études critiques sur la
Bible. Ancien Testament, Paris, 1862, p. -46-94, a
adopté une partie des conclusions d'Ewald.
Les vues de Knobel n'ont pas eu plus de succès. Ce
critique distinguait trois documents : a) le Grundschrift
élohiste, composé sous Saûl au moyen de sources anté-
rieures; b) le livre du droit, Rechtsbuch, moins com-
plet que le précédent et fait d'après lui, contenant des
lois morales et la législation théocratique, œuvre d'un
lévite du royaume du nord, qui vivait à l'époque où ce
royaume a été détruit par les Assyriens; c) le livre
des guerres, Kriegsbuch, ainsi nommé en raison de ses
nombreux récits de bataille, composé d'après le livre
du juste et le Grundschrift. Ce dernier document n'a
jamais eu une existence séparée. Son auteur qui em-
ployait le nom de Jéhovah, un judéen du temps de Jo-
saphat, un lévite probablement, a complété l'ouvrage
entier par des traditions et des légendes populaires
pour l'histoire primitive et à l'aide de documents pour
l'histoire patriarcale. Le Deutéronome, qui est un ou-
vrage distinct, est plus récent, son auteur a vécu sous
Josias et sa langue ressemble à celle de Jérémie. Kri-
tik des Pentateuch und Josua, p. 489-599.
H. Hupfeld, Die Quellen der Genesis und die Art
ihrer Zusamniensetzung, Berlin, 1853, a fait entrer
l'hypothèse documentaire dans une voie nouvelle, que
les critiques ont depuis lors généralement suivie. Il a
distingué dans la Genèse trois documents indépendants:
a) le premier, élohiste, qui est l'ancien Grundschrift,
au moins dans son ensemble; b) un second, élohiste,
qui raconte l'histoire des patriarches; c) le jéhoviste
dont le contenu se rapproche beaucoup du précédent.
Un rédacteur les a réunis et harmonisés de façon à for-
mer une histoire complète et suivie. E. Bbhmer a con-
firmé les vues de Hupfeld, son maître. Liber Geneseos
pentateuchicus, Halle, 1860; Das erste Buch der
Thora, 1862. Étendant ses recherches au Pentateuque
entier, Th. Nôldeke, Untersuchungen zur Kritik des
A. T., Kiel, 1869, p. 1-144; Histoire littéraire de l'A.
T., trad. franc., Paris, 1873, p. 17-59, distingua quatre
documents : le jéhoviste, un second jéhoviste plus
ancien, le Grundschrift (élohiste), et le Deutéronome
le plus récent des quatre. Les quatre premiers livres
du Pentateuque et Josué avaient été formés avant la ré-
daction du Deutéronome. E. Schrader, Einleitung de
de Wette, 8 e édit., Berlin, 1869, ne reconnaissait que
deux documents principaux : a) l'élohiste ou Grund-
schrift, œuvre d'un prêtre de Juda contemporain de
David; b) le second, élohiste, composé par un Israélite
du nord peu après le schisme des dix tribus. Le jého-
viste les réunit en les remaniant et en y ajoutant de
nouveaux morceaux, entre 825 et 800, sous le règne de
Jéroboam II. Le Deutéronome, iv, 44-xxvni, 69, formait
un ouvrage spécial, rédigé peu avant sa découverte au
Temple par un écrivain qui touchait de très prés à Je-
■89
PENTATEUQUE
90
*-émie. Pendant ]a captivité, il fut joint aux quatre pre-
miers livres ; il subit alors des retouches et reçut des
.additions.
Un revirement d'opinion modifia ensuite les dates
attribuées à deux de ces documents : le Grundschrift,
■considéré comme le plus ancien, passa pour le plus
récent et le Deutéronome ne tint plus la dernière place.
La théorie du développement religieux en Israël, pro-
posée par Reuss en 1830 et 1834, puis par Vatke, Die
Religion des A. T. nach den kanonischen Bùchern
entwickelt, Berlin, 1835, t. i, et par George, Die alte-
ren jïtdischen Feste mit einer Krilik der Gesetzge-
bung des Pentateuchs, Berlin, 1835, fut reprise par
■Graf, Die geschichtlichen Bûcher des A. T., Leipzig,
1865, 1866, et dans Merx, Archiv fur ivissenschâftliehe
Erforschung des A. T., Halle, 1869, t. i, p. 366-477,
■et appliquée à la critique littéraire de l'Hexateuque.
Elle a donné naissance au système des quatre docu-
ments qui est aujourd'hui prédominant parmi les cri-
tiques, adversaires de l'authenticité mosaïque du Pen-
tateuque. En voici le résumé :
a) Document élohiste, E. — Nommé ainsi, parce que
son auteur s'abstient systématiquement, avant la révé-
lation de Jéhovah à Moïse au Sinaï, d'employer ce nom
révélé, et désigne Dieu sous le nom d'Élohim, ce docu-
ment est le moins étendu et le moins important des quatre.
Il n'a été inséré dans l'Hexateuque que par lambeaux,
et par suite on a discuté sur son point de départ. On
pense généralemeut qu'il rie contenait pas d'histoire
des origines et qu'il débutait par l'histoire des patriar-
ches. On lui attribue Gen., xx, 1-17; xxi, 6-32a; xxil,
1-14, 19; xxviii, 11, 12, 17, 18, 20-22; xxix, 1, 15-23, 25-
28, 30; xxx, l-3«, 6, 8, 17-20a, 21-23; xxxi, 2, 4-18a, 19-
45, 47, 51-55; xxxn, 1-3, 146-22, 24; xxxrn, 186-20;
xxxv, 1-8, 16-20; xxxvn, 26, 5-11, 14a, 15-18a, 19, 20,
22, 236, 24, 28a, 29, 30, 31 b, 32a, 34, 36 ; XL, 1-XLii, 37 ;
xliii, 14, 236; xlv, 1-xlvi, 5a; xlvii, 12; xlviii, 1, 2,
8-22; l, 15-26; Exod., i,15-u,14; m, 1-6, 9-15,21, 22;iv,
17, 18, 206, 21; vu, 206, 21a, 24;ix,22, 23a, 35; x,8-13a,
20-27; xi, 1-3; xn, 31-36, 376-39; xv, 1-21; xvn, 3-6,
8-xvin, 27; xix, 26-19; xx, 1-21; xxi, 1-xxhi, 33; xxiv,
3-8, 12-15a, 186; xxxi, 186-xxxn, 8, 15-xxxm, 23. Dans
le livre des Nombres, le partage entre l'élohiste et le
jéhoviste est si difficile à opérer que les plus récents
critiques renoncent à le faire et se bornent à attribuer
à JE les passages qu'ils distinguent du code sacerdo-
tal, à savoir Num., x, 29-xn, 15; xiu, 176-20, 22-24, 266-
31, 326, 33; xiv, 3, 4, 8, 9, 11-25, 31-33, 39-45; xvi, 16,
2a, 12-15, 25, 26, 276-32a, 33, 34; xx, 16, 3a, 5, 14-21;
xxi, 1-3, 46-9, 12-35; xxn, 2-xxv, 5; xxxn, 1-17, 20-27,
38-42. Quelques versets du Deutéronome, x, 6, 7; xxvn,
5-7a; xxxi, 14, 15, 23;xxxm, 1-28; xxxrv, 5, 6, provien-
draient de E, et xxxiv, 10-12, de JE. Certains critiques
retrouvent un élohiste dans les livres de Josué, des
Juges, de Samuel et des Rois. Son récit irait jusqu'à la
mort de Saûl (Cornill) ou même jusqu'au temps d'Achab
(Bacon).
C'était donc un livre historique, commençant à Abra-
ham et racontant l'histoire de Moïse et de la conquête
de la Palestine d'après une tradition différente de celle
qu'a reproduite le document jéhoviste. Elle comprenait
le Décalogue et le livre de l'alliance, comme législation
donnée à Moïse sur le mont Horeb. Ses récits seraient
très objectifs et très précis. L'auteur, qui était au cou-
rant des choses égyptiennes, était déjà dominé par les
vues religieuses des premiers prophètes d'Israël. Il ré-
digeait une histoire théocratique plutôt qu'une histoire
nationale. Il employait des expressions spéciales, et son
style paraît uni et coulant, quoique parfois peu châtié.
Comme presque toutes les traditions qu'il rapporte se
rattachent à des localités du royaume d'Israël, on pense
généralement qu'il était de ce royaume. O. Procksch,
Dos nordhebrâisches Sagenbuch. Die Elohimquelle,
Leipzig, 1906. Quelques critiques ont nié l'unité litté-
raire de son œuvre et distingué plusieurs élohistes,
deux au moins, sinon trois, E 1 , E 2 , E 3 . Dans l'école de
Wellhausen, on prétend que l'élohiste est plus récent,
d'une centaine d'années, que le jéhoviste. Les traditions
de celui-ci paraissent, dit-on, plus fraîches, plus simples
et plus naïves. Mais d'autres critiques, Dillmann,Kittel,
Kônig et même Winckler, pour des raisons différentes,
soutiennent la priorité de E. Les dates proposées sont
donc divergentes; elles s'échelonnent du IX e au vin" siè-
cle avant notre ère. Toutefois, l'auteur aurait inséré
dans son œuvre des documents antérieurs : morceaux poé-
tiques, tirésdu livre des guerres de Jéhovah, Num., xxxi,
14, 15, et du livre du juste ou des justes, Jos., x, 12, 13,
voir t. m, col. 1873—1875, à savoir le chant du puits,
Num., xxi, 17, 18, voir t. i, col. 1548, et le chant d'Hé-
sébon, Num., xxi, 27-30, voir t. m, col. 660, et peut-être
aussi le cantique de Moïse après le passage de la mer
Rouge, Exod., xv, 1-18, voir t. iv, col. 1211-1212; en
outre, les oracles de Balaam,Num., xxm, xxiv (au moins
en partie), etla bénédiction des tribus d'Israël parMoïse,
Deut., xxxiii, voir t. îv, col. 1213-1214; lois morales, le
Décalogue, Exod., xx, 1-17; lois civiles et rituelles, le
livre de l'alliance, Exod., xxi, 1-xhu, 33, voir t. i,
col. 388, code israélite le plus ancien, dit-on, qu'on a
rapproché du code d'Hammourabi, récemment décou-
vert. Voir t. iv, col. 335-336.
6) Document jéhoviste, J. — On lui a donné ce nom,
parce que son auteur a constamment employé le nom de
Jéhovah, même avant sa révélation sur le Sinaï. C'est
encore un livre historique; mais il remonte jusqu'aux
origines de l'humanité, et après l'histoire primitive, il
raconte l'histoire des patriarches, ancêtres d'Israël, et
du peuple juif au moins jusqu'après la conquête de la
Terre Promise. On lui attribue les passages suivants
du Pentateuque : Gen., u, 46-IV, 26; v, 29; vi, 1-8; vu,
1-5, 7-10, 12, 166, 17, 22, 23; vm, 26, 3a, 642, 136, 20-
22; ix, 18-27; x, 8-19, 21, 24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a,
6-20; xiii, 1-5, 7-llct, 126, 20-22; ix, 18-27; x, 8-19, 21,
24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a, 6-20; xm, 1-5, 7-lla,
126-18; xv; xvi, 16, 2, 4-14; xvm, 1-xix, 28, 30-38; xxi,
la, 2a, 33; xxn, 15-18; xxiv, 1-xxv, 6, 116, 18, 21-26a,
27-xxvi, 33; xxvn, l-45;xxvin, 10, 13-16, 19; xxix, 2-14,
31-35; xxx, 36-5, 7,9-16, 24-xxxi, 1, 3, 46, 48-50; xxxn,
3-13a, 22, 24-xxxiii, 17; xxxiv, 26, 3, 5, 7, 11, 12, 19,
25, 26, 30, 31; xxxv, 14, 21, 22a; xxxvn, 3, 4, 12, 13,
146, 186, 21, 23a, 25-27, 286, 31a, 326, 33, 35; xxxviii;
xxxix; xlii, 38; xliii, 1-13, 15-23a, 24-xliv, 34; xlvi,
28-xlvii, 6, 13-27a, 29-31; xlix, 16-28a; l, 1-11, 14;
Exod., i, 6, 8-12; n, 15-23a; m, 7, 8, 16-20; iv, 1-16,
19, 20a,22-vi, 1; vu, 14-18, 23, 25-29; vin, 4-lla, 16-ix,
7, 13-21, 236-34; x, 1-7, 136-19, 28, 29; xi, 4-8, 21-27,
29, 30; xm, 3-22; xiv, 5-7, 10-14, 19, 20, 216, 24, 25,
276, 30, 31; xv, 22-27; xvi,4; xvn,16, 2, 7; xix, 20-25;
xx, 22-26; xxiv, 9-11; xxxn, 9-14; xxxiv, 1-28. Pour les
Nombres, la part du jéhoviste est si étroitement mêlée
à celle de l'élohiste qu'on ne peut les distinguer avec
certitude, voir col. 89. Dans le Deutéronome, on
n'attribue au jéhoviste que xxxiv, 16-4. Le jéhoviste
racontait aussi l'histoire de la conquête de la Palestine,
si même il ne parlait pas des Juges. J. Lagrange, Le
livre des Juges, Paris, 1903, p. xxm-xxxn.
Ce document envisageait les faits qu'il rapportait au
point de vue religieux et moral, et l'histoire qu'il con-
tient est à la fois nationale et religieuse. Pour la période,
primitive, il a reproduit la tradition populaire et quel-
ques chants de l'âge héroïque : le chant de Lamech,
Gen., il, 23, 24, voir t. iv, col. 41-42, et la bénédiction
de Jacob mourant. Gen., xlix. Cf. J. Lagrange, La pro-
phétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vu,
p. 539-540; FI. de Moor, La bénédiction de Jacob,
Bruxelles, 1902. L'histoire des patriarches est foncière-
ment la même que dans l'écrit élohiste; elle ne se
91
PENTATEUQUE
92
diversifie que par quelques particularités. De plus no-
tables divergences sont signalées dans l'histoire de
Moïse et de la conquête de Chanaan. L'auteur reproduit,
Exod., xxxiv, 11-26, une forme, exclusivement religieuse
et rituelle, du Décalogue, révélé au Sinaï, ou au moins
un fragment d'un écrit législatif. Dans le récit des faits,
cet historien suit l'ordre chronologique. Il se plait à
indiquer l'étymologie des noms de personnes et de
-lieux, et il rapporte des détails qui lui sont propres. Il
envisage l'histoire de l'humanité et d'Israël en confor-
mité avec les idées religieuses et morales des prophètes.
Jéhovah est le Dieu du monde entier, le Dieu tout-puis-
sant, la providence de son peuple de choix. Les critiques
déclarent que le jéhoviste est le meilleur narrateur de
tout l'Ancien Testament. Son livre est une sorte d'épo-
pée nationale. Parce que le théâtre des événements
dont on lui attribue le récit est souvent Hébron ou ses
environs, on regarde généralement l'auteur comme un
judéen. Toutefois, on s'est demandé si l'ouvrage était
d'un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y recon-
naître des traces d'au moins deux mains différentes,
J 1 etJ 2 . Voir lCuenen, Histoire critique des livres de
l'A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158, 162-
163; Budde, Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883,
p. 521-531; Corail], Einleitung in das A. T., 3 e et
4 e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 43-46;
C. Bruston, Les deux jéhovisles, Montauban, 1885.
Quant à la date de la composition, on la fixe commu-
nément au IX e siècle" vers 850, au moins pour J 1 . Quant
à J a , pour ceux qui admettent son existence, il serait
du vm e ou du vn= fièole.
c) Le Deutéronome, D. — Les critiques ont longuement
discuté sur le contenu primitif de cette législation qui
se présente comme ayant été promulguée par Moïse au
pays de Moab avant l'entrée des Israélites dans la Terre
Promise. Considérant le caractère disparate du contenu,
visible malgré l'unité apparente du livre, ils ont pensé
que le Deutéronome actuel n'est pas une œuvre homo-
gène, mais qu'il comprend un fond primitif, complété,
remanié et finalement arrangé pour servir de conclu-
sion au Pentateuque. Les plus modérés conservent au
Deutéronome primitif, D, l'ensemble des c. i-xxxi, re-
touchés par un rédacteur, Rj. Cf. F. Montet, Le Deuté-
ronome et la question de VHeccateuque, Paris, 1891,
p. 49-116; Driver, Einleitung in die Literatur des
A. T., trad. allemande, Berlin, 1896, p. 98-103; Deute-
ronotny, Londres, 1895; A. Van Hoonacker, L'origine
des quatre premiers chapitres du Deutéronome, Lou-
vain, 1889. D'autres restreignent le noyau à v-xxvi,
avec iv, 45-49, comme introduction, et une conclusion,
qui varie selon les individus (Kuenen, Kônig, Reuss,
Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium,
Tubingue, 1899. Un troisième groupe le réduit à xii,
1-xxvi, 19. Wellhausen, Die Composition des Hexa-
teuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu'on en avait
fait plus tard deux éditions différentes, comprenant, la
première, 1, 1-rv, 44; xii-xxvi; xxvn, et la seconde, iv,
45-xi, 39; xii-xxvi; xxvm-xxx, finalement combinées
par le rédacteur qui a inséré le Deutéronome dans
l'Hexateuque. Cornill, Einleitung, p. 27-28, a disposé
un peu autrement la part de chaque édition. Wilde-
boer, Die Literatur des A. T., 2« édit., Gœttingue,
1905, p. 177 ; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch,
Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 274-275, et
L. Gautier, Introduction à l'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1,
p. 79-84. L. Horst, Éludes sur le Deutéronome, dans
la Revue de l'histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 28-
65, a considéré le code lui-même, xn-xxvi, comme un
recueil ou plutôt une compilation d'éléments préexis-
tants, réunis sans ordre et souvent comme au hasard.
Staerk, Das Deuteronomium, Leipzig, 1894, et Steuer-
nagel, Der Hahmen des Deuteronomium, Halle, 1894;
Die Enstehung des deuleronomischen Gesetzes, Halle,
1896, ont isolé, mais d'une façon divergente, dans le-
code les passages dans lesquels le législateur emploie
le singulier [tu) et ceux où il se sert du pluriel (vous)-
Cf. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue,
1900, p. m-vi. Tous les critiques admettent par suite,
non pas un seul écrivain deutéronomiste, mais toute
une école, animée du même esprit. Ils discernent donc,
en dehors du Deutéronome primitif, D 1 , des couches,,
secondaires, D 2 , D 3 , qui ont pénétré aussi dans le livre
de Josué. Cf. F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903,
p. 57-60.
Le Deutéronome dépend des documents précédents-
et pour l'histoire et pour la législation. Dans les intro-
ductions historiques et dans les allusions que contien-
nent les exhortations, il résume les faits racontés dans
Pélohiste et le jéhoviste. Cf. Fr. de Hummelauer,
Deuteronomium, Paris, 1902, p. 149-158. Les détails-
nouveaux qu'il donne proviennent peut-être des frag-
ments perdus de ces deux histoires. Il n'impose pas-
non plus une législation nouvelle. H exhorte ses audi-
teurs à pratiquer fidèlement la législation donnée par
Dieu au Sinaï ou à l'Horeb, iv, 9-15, à garder l'alliance
contractée avec Dieu et à observer le Décalogue, v, 1-33.
Le code lui-même s'inspire du livre de l'alliance, en
développe les dispositions, en tire les conséquences et
y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu'il est
adapté à une situation différente. Toutefois, c'est plus-
qu'une mise au point de l'ancien droit religieux; c'est
aussi une réaction contre le passé et l'introduction d'un
esprit nouveau dans les mœurs et les pratiques popu-
laires. 11 va à rencontre du livre de l'alliance, et s'ij
s'en rapproche, c'est pour prendre sa place. Il se
donne comme le code complet et homogène, promul-
gué par Moïse au pays de Moab, comme le code de
l'avenir que les Israélites devront observer quand ils
seront établis en Chanaan. Le livre de l'alliance repré-
sente aux yeux de son auteur le culte ancien de
l'époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon.
Tout en sanctionnant quelques usages d'autrefois, il
s'écarte fortement du passé par la centralisation du
culte, à laquelle il rattache et la célébration des fêtes-
et les fonctions des ministres sacrés. S'il n'est pas une
fiction pure, il est ou bien un précipité et une cristal-
lisation des idées des prophètes précédents, qu'il con-
dense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, à
Moïse, le premier des prophètes, ou bien la codifica-
tion des coutumes anciennes, ayant reçu par l'usage force
de lois, ou enfin, pour quelques critiques, l'utilisation
de sources écrites antérieures. Le seul élément nou-
veau consiste dans l'exhortation ou parénèse à observer
la loi, surtout dans les motifs d'obéir à Dieu : la fidé-
lité à garder l'alliance contractée avec Dieu et l'amour
de ce Dieu, qui a tant aimé son peuple choisi. L'écrivain
a aussi ses expressions propres et un style très carac-
téristique. Les locutions spéciales correspondent, du
reste, au contenu et au genre littéraire. Le Deutéro-
nome est un code de lois, exposé et expliqué dans une
homélie; c'est une série de discours prononcés pour
encourager à la pratique de la loi divine. Les ordon-
nances portent des noms techniques, et l'homéliste a
des formules préférées qu'il répète constamment et qui
sonnent comme des refrains. C'est un prédicateur qui
exhorte avec onction et persuasion. Il parle clairement
pour être compris du peuple; il s'insinue doucement
dans l'esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas
d'insister sur l'observation fidèle de la loi divine. Son
exhortation traîne même en longueur; il veut toujours
arriver au fait et il n'y parvient jamais. 11 revient en
arriére et répète ce qu'il a dit. Son style n'est pas con-
cis, et l'uniformité des formules finit par le rendre
fastidieux.
Quant à la date de la composition du Deutéronome,
ella est très diverse selon les divers critiques. Le point
93
PENTATEUQUE
94
de départ de sa détermination esl le fait de la décou-
verte de ce livre au Temple de Jérusalem, à la 18 e année
du règne de Josias. II Beg., xxn, 3-xxm, 23. Quelques
critiques français ont dénié toute valeur historique au
récit de ce fait et prétendu qu'il avait été fabriqué
d'après le Deutéronome, dont ils rabaissaient la publi-
cation après le retour de la captivité, sinon même sous
la domination perse. L. Havet, Le christianisme et ses
origines, Paris, 1878, t. m, p. 137-157; G. d'Eichthal,
Éludes sur le Deutéronome, dans ses Mélanges de
critique biblique, Va.r\s, 1886, p. 85-108; Hoort, Études
sur le Deutéronome, dans la Revue de l'histoire des
religions, 1888, t. xyii, p. 11-22; t. xvni, p. 320-334;
M. Vernes, Une nouvelle hypothèse sur la composition
du Pentateuque. Examen des vues de M. G. d'Eichthal,
Paris, 1887; Précis d'histoire juive, Paris, 1889, p. 795.
Mais la vérité historique du récit est démontrée,
cf. Piepenbring, La réforme et le code de Josias, dans
la Revue de l'histoire des religions, t. xxix, et admise,
pour le fond au moins, par tous les critiques. Ils en
concluent que D 1 est antérieure 621, puisqu'il a été re-
trouvé cette année-là. Mais le désaccord le plus profond
règne sur la date précise de sa composition. La plupart
des critiques de l'école de Wellhausen ne la remontent
guère avant 621. Selon eux, la trouvaille n'a été ni for-
tuite ni imprévue; elle a été préméditée et faite en vue
de réaliser une réforme religieuse. Le livre avait donc
été rédigé dans ce dessein, caché et présenté comme
l'œuvre de Moïse. Du reste, il apparaît comme un com-
promis entre le parti prophétique et le parti sacerdotal
ou, au moins, comme le programme religieux et poli-
tique du parti prophétique du temps. Mais si le code
avait été fabriqué en vue de la réforme, il ne devrait
contenir que les lois propres à amener la réforme. Or
il comprend beaucoup d'ordonnances qui n'ont aucun
rapport à ce projet. Cf. P. Martin, De l'origine du
Pentateuque (lithog.), Paris, 1887-1888, t. ir, p. 243-270.
Aussi Cornill et Bertholet tiennent-ils le Deutéronome
pour un produit et un résumé de l'enseignement des
prophètes, comme un précipité et une cristallisation de
leurs vues. Colenso et Renan en attribuaient la pater-
nité au prophète Jérémie. Mais les critiques pensent
plutôt que Jérémie a connu le Deutéronome, dont il a
partiellement pris l'esprit et imité le style. Voir t. ni,
col. 1278. Pour quelques-uns, le livre serait pourtant
du temps de ce prophète. D'autres, rejetant l'hypothèse
d'une fraude et de la fabrication intentionnelle du
Deutéronome, pensent que ce code a été réellement
perdu de vue à la fin du VIII e siècle et qu'il aurait été
rédigé au cours de ce siècle sous les règnes d'Ézéchias
ou de Manassé. Pour exclure le temps d'Ézéchias, plu-
sieurs constatent l'absence de points de contact et
d'affinité entre le Deutéronome et le prophète Isaïe,
contemporain et conseiller de ce roi. Le Deutéronome
tend plutôt à réaliser les vues d'Osée et d'Isaïe. On y
voit dès lors un programme de réforme religieuse éla-
boré sous le long règne de Manassé par réaction contre
l'idolâtrie introduite par ce roi en Juda. Voir t. iv,
col. 642. Quelques-uns néanmoins ont pensé à la ré-
forme d'Ézéchias, II Reg., xvm, 4-6, quoique, en dehors
de la suppression des hauts-lieux, elle ne présente au-
cun caractère deutéronomiste. Voir t. n, col. 2142-2144.
Klostermann a reconnu le Deutéronome dans le livre
lu au peuple sous Josaphat. II Par., xvzi, 9. Mais ce
pieux roi n'a pas détruit les hauts-lieux, I Reg., xxn,
44; aussi d'autres critiques pensent-ils que le livre de
l'alliance fut 2a règle de sa réforme. Voir t. m, col. 1648.
Kleinert rapportait le Deutéronome à la fin de l'époque
des Juges.
d) Le code sacerdotal, P. — C'est l'ancien élohiste
ou premier élohiste ou encore le Grundschrift, nommé
enfin par Wellhausen Priestercodex (d'où le sigle P) ou
* code sacerdotal », parce qu'il contenait la législation
sacerdotale et rituelle des livres du milieu. Cette déno-
mination ne convient qu'à la partie principale du do-
cument, qui est à la fois un livre historique et un code;
elle a été néanmoins adoptée. Ce document, qui a
fourni au dernier rédacteur le cadre de l'Hexateuque,
a été conservé en entier, sauf de rares lacunes; aussi,
reconstitué à part, forme-t-il un tout suivi et coor-
donné. On attribue à son auteur la division de la Genèse
en tôldôt, ou tableaux généalogiques. Voici la part qui
lui revient dans la Genèse : i, 1-n, 4a; v, 1-28, 30-32;
vi, 9-22; vu, 6, 11, 13-16 a, 18-21, 24; vin, l-2a, 3b-5,
13a, 14-19; ix, 1-17, 28, 29; x, 1-7, 20, 22, 23, 31, 32;
xi, 10-27, 31, 32; xn, 46, 5; xm, 6, U6-12a; xvi, la,
3, 15, 16; xvn ; xix, 29; xxi, 16, 26-5; xxm; xxv,
7-lla, 12-17, 19, 20, 266; xxvi, 34, 35; xxvn, 46-
xxvih, 9; xxix, 24, 29; xxxi, 18 6; xxxni, 18a; xxxiv,
1, 2a, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-2i, 27-29; xxxv, 9-13, 15, 226-
xxxvn, 2a; xlvi, 5b-27; xlvii, 7-11, 27 6, 28; XLvni,
3-7; xlîx, la, 286-33; L, 12, 13. Dans la suite, Exod.. i,
1-5, 7, 13, 14; n, 236-25; vi, 2-vn, 13, 19, 20a, 216,
22; vin, 1-3, 116-15; ]x, 8-12; xi, 9-xn, 20, 28, 37a,
40-xm, 2; xiv, 1-4, 8, 9, 15-18, 21a, 21c-23, 26, 27a,
28, 29; xvi, 1-3, ô-xvn, la; xix,l, 2a; xxiv, 1,2, 156-
18a; xxv, l-xxxi,18a; xxxiv,29. — Num., x, 28(y com-
pris le Lévitique); xm, 1-17 a, 21, 25, 26a, 32a; xiv,
1, 2, 5-7, 10, 26-30, 34-38; xv, 1-xvi, la, 26-11, 16-24,
27a, 326, 35-xx, la, 2, 36, 4, 6-13, 22-29; xxi, 4a, 10,
11; xxn, 1 ; xxv, 6-xxxi,54; xxxn, 18, 19, 28-33; xxxm,
1-xxxvi, 13; Deut., iv, 4143; xxxn, 48-52; xxiv, la.
Le récit de P se poursuivait dans le livre de Josué.
S'il fournissait peu de détails sur la conquête, il était
plus étendu sur le partage du pays de Chanaan.
Dans ce document, la législation est plus développée
que l'histoire; celle-ci, d'ailleurs, n'est que le cadre
historique des institutions religieuses d'Israël. Elle re-
monte jusqu'aux origines et présente les premiers
temps de l'humanité comme les débuts du peuple théo-
cratique, dont l'institution commence à la sortie
d'Egypte. Elle n'est pas très détaillée : les événements
principaux sont longuement racontés; mais pour les
faits intermédiaires, l'auteur procède par tableaux gé-
néalogiques ou se borne à indiquer les stations d'Israël
au désert. La préparation de l'histoire de Moïse com-
prend trois alliances de Dieu avec Adam, Noé et Abra-
ham. Si on y joint l'histoire de Moïse, qui rapporte
l'alliance du Sinaï, le code se divise en quatre périodes,,
qui lui ont fait donner par Wellhausen le nom de Vier-
bundesbuch, « le livre des quatrealliances. » La quatrième
alliance embrasse toute la législation mosaïque. Celle-ci
est essentiellement sacerdotale et rituelle, et elle a
pour but d'établir le peuple saint par excellence (hiéro-
cratie) et la société religieuse en Israël. Voir t. iv,
col. 330-332. Bien que le code sacerdotal règle princi-
palement les manifestations extérieures du culte, il
n'exclut pas les lois morales, dont il suppose l'obser-
vation exacte. Sa terminologie est très nettement carac-
térisée, et elle comprend naturellement de nombreu-
ses expressions techniques qui désignent les choses du
culte. L'auteur répète souvent les mêmes formules dans
ses récits aussi bien que dans ses recueils de lois.
Quelques-unes sont stéréotypées. Il a le souci de l'exac-
titude et de la précision, mais il tombe dans la prolixité.
Son style est peu imagé, et sa langue est abstraite.
Le code sacerdotal était lui-même une compilation.
L'enchaînement des matériaux parait brisé par de
longues additions intercalées; certaines lois sont répé-
tées ; quelques dispositions sont divergentes. Tous les
morceaux cependant ont le même esprit, le même ca-
ractère général et le même style; s'ils viennent de la
même école, ils ne sont pas de la même main. Aussi
les critiques ont-ils distingué dans le code trois couches
différentes : a) un écrit historique et législatif, appelé
priesterliche Grundschrift, « l'écrit fondamental sacer-
95
PENTATEUQUE
96
dotal, » P 1 ou Ps, parce qu'il fait le fond du code ;
p) un recueil particulier des lois, que Klostermann a
nommé Heiligeitsge$elz, « loi de sainteté, » H, P 2 ou
P*>, Lev,, xvii-xxvi, parce qu'il traite spécialement de
la sainteté lévitique, code plus ancien (contemporain
d'Ézéchiel, ou un peu postérieur, sinon même, selon
quelques-uns, l'œuvre de ce prophète), incorporé pos-
térieurement dans l'écrit fondamental sacerdotal;
yj des parties secondaires, P 3 , P*, P», selon Jïuenen,
P s ou P 1 selon d'autres critiques, retouches et addi-
tions qui proviendraient peut-être de couches superpo-
sées et seraient l'œuvre d'nne école plutôt que d'une
seule main. Bertholet et Baentsch ont distingué, en
outre, deux recueils de lois : a) un rituel de sacrifices,
Opferthora, P», Lev., i-vh; p) des préceptes; relatifs à la
'pureté légale, Reinheitsvorschriflen, V', Lev., xi-xv,
qui auraient été insérés dans HPg réunis, avant que le
travail de P s ait commencé.
Selon les partisans de la première hypothèse docu-
mentaire, le Grtmdschrift, qui correspond presque
entièrement au code sacerdotal, passait pour la partie
la plus ancienne du Pentateuque. C'était le livre du
mosaïsme, le document qui reflétait le mieux l'esprit
de Moïse, son auteur. Quelques critiques cependant, tels
queC. Bruslon, Vhistoiresacerdotaleel le Deutéronome
primitif, Paris, 1906, et A. Dillmann, Uebsr die Com-
position des Heocateuch, dans Die Bûcher Numeri,
Deuteronomium und Josua, 2 e édit., Leipzig, 1886,
tiennent le code pour antérieur au Deutéronome et pla-
cent sa composition au moins au milieu du vin» siècle,
à une époque où les deux royaumes de Juda et d'Israël
étaient encore puissants. Le comte de Baudissin rabaisse
sa date vers la moitié du vn e siècle. Vie Geschichte der
alttestamentlichen Priesterthums, 1889; Einleitung
in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901. Mais la plu-
part des critiques font du code sacerdotal le docu-
ment le plus récent qui soit entré dans la composition
de l'Hexateuque. Ils prétendent qu'aucun des livres
bibliques, rédigés avant ou pendant la captivité, n'a
connu la législation si compliquée de ce code. Les
institutions religieuses ou les pratiques rituelles, que
signalent ces livres, prouvent bien l'existence d'un
•culte organisé; mais elles n'ont point de rapport avec le
rituel minutieux de P. Quelques-unes même, telles que
l'offrande des sacrifices en tout lieu, et par d'autres
personnes que pav des çrêVres, sont opposées aux
prescriptions formelles du code et en particulier à la
■concentration du culte qu'il règle et sanctionne. Si le
code existait, on le violait sans scrupule, et les histo-
riens sacrés n'ont pas un mot de blâme pour ces viola-
tions de la loi. Ce silence s'explique par la non-exis-
tence du code, animé, d'ailleurs, d'un autre esprit que
celui qui. se manifeste dans ces livres. Les premiers
rapprochements de fond et de forme avec le code se
remarquent dans Jérémie; mais la ressemblance, lors-
qu'elle existe, n'est pas complète, et il est plus vrai-
semblable que l'auteur du code a fait des emprunts au
prophète. 11 en est de même, dit-on, avec Ézéchiel.
Pour ne parler que du nouveau culte organisé par ce
prophète, xliv, 10-xlvi, 15, il tient, sous le l'apport du
sacerdoce, des fêtes et des sacrifices, le milieu entre D
■et P, puisque ses descriptions sont plus détaillées que
celles du Deutéronome et plus simples que celles du
•code. Il en résulte que le programme du prophète, ré-
digé en 573 ou 572, voir t. n, col. 2152, est antérieur
au code qui est plus complet et plus perfectionné. On
a cherché à confirmer cette conclusion par l'étude de la
langue de P, qui serait plus récente et contiendrait des
aramaïsmes. Mais de bons juges, Driver, Journal of
■phïlology, t. xi, p. 201-236; Einleitung, p. 145-146,
168-170, ont reconnu qu'on n'en pouvait rien conclure
.au sujet de l'âge du code. Quant à la date précise de sa
rédaction, au moins pour Pa, l'accord n'est pas fait.
Les disciples de Wellhausen la fixent après le retour
de la captivité. Certains indices, tirés du contenu du
livre, la comparaison du code avec la législation reli-
gieuse d'Ézéchiel et avec les prophètes qui ont suivi ce
retour, tendent, à leur jugement, à reporter le code après
le retour des Juifs à Jérusalem. Esdras en particulier
aurait lu au peuple le code sacerdotal, II Esd., IX, 1-x,
39, qu'il avait apporté de Babylonie et dont il serait,
sinon l'auteur unique, du moins le principal inspira-
teur. Cf. G. Wildeboer, De la formation du canon de
l'A. T., trad. franc., p. 78-79. Donc Pa a été composé
au plus tôt à la fin de la captivité à Babylone, sinon
même en Palestine après le retour. Mais les critiques
qui pensent avec raison qu'Esdras a lu au peuple le
Peutateuque entier, voir col. 69, estiment que !e code
avait été rédigé antérieurement, après Ézéchiel, mais
avant le retour des premiers captifs (536).
Si le code est de date si tardive, à quelles sources
ont été puisés les matériaux mis en œuvre? Tous les
critiques reconnaissent que, pour ses récits historiques,
l'auteur dépend de J et de E, probablement déjà com-
binés. Il en a extrait des tableaux généalogiques et son
schème historique jusqu'à la sortie d'Egypte; mais,
selon les disciples de Wellhausen, il a manipulé les
matériaux employés conformément à son but et à son
plan. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribeurg-
en-Brisgau, 1893, p. 358-376. Dillmann et Driver
pensent toutefois que l'auteur a recouru à d'autres
sources historiques que JE; qu'il n'a pas inventé les faits
qu'il est seul à rapporter et qu'il n'a pas non plus fal-
sifié de parti-pris la tradition israélite. Quant à la
législation spéciale de P, l'école de "Wellhausen la
regarde comme la constitution a priori de la hiérocra-
tie juive, tracée pour servir de règle à la restauration
religieuse qui suivit le retour à Jérusalem, projetée
dans le passé et attribuée à Moïse. Mais d'autres cri-
tiques pensent que les auteurs du code n'ont pas créé
de toutes pièces leur système liturgique, qu'ils y ont
introduit un grand nombre d'éléments empruntés au
culte ancien et qu'ils ont ordonné systématiquement
les usages préexistants en les développant et en les
adaptant à une situation nouve^e. La tradition orale
fut codifiée à l'aide sans doute de règlements écrits
avant la captivité.
e) Les rédacteurs et la composition définitive. — Ces.
quatre documents, qui sont entrés dans la trame de
l'Hexateuque, n'ont pas été mêlés et combinés par une
seule main; plusieurs rédacteurs y ont travaillé et, à
en croire les critiques, sauf Dillmann qui a un système
spécial, la rédaction du texte actuel a passé par trois
stades principaux : a) Un premier rédacteur jéhoviste,
Ri e ou Ri, a combiné J et E, en les remaniant pour
les harmoniser et les adapter au point de vue prophé-
tique, à l'époque deutéronomiste, avant ou plus ou
moins longtemps après la rédaction du Deutéronome. —
P) Quand le Deutéronome eut été complètement achevé,
c'est-à-dire pendant la captivité (vi e siècle), un rédacteur
animé du même esprit que ce livre R d , incorpora D à
JE, en faisant subir à ce dernier quelques modifications
nécessaires pour accorder ses récits avec la loi deuté-
ronomique. Probablement même, plusieurs écrivains
de la même école travaillèrent à cette rédaction. —
Y) Un dernier rédacteur, pénétré de l'esprit et de la
lettre du code, Rp, combine JED avec P, en retouchant
les deux écrits pour les raccorder. Le nombre et
l'étendue des retouches, la nature des remaniements ne
sont pas déterminés avec certitude. La table des peu-
ples, Gen., xiv, quelle que soit sa date, aurait étéintro-
duite alors pour la première fois dans le Pentateuque.
Selon Kuenen, la division en cinq livres aurait été
faite par ce rédacteur, qui est le dernier et définitif
rédacteur du Pentateuque. Ce travail, œuvre d'une
école de scribes plutôt que d'un seul individu, serait,
97
TENTATEUQUE
98
pour les disciples de Wellhausen, postérieur à la pro-
mulgation du code par Esdras en 444, et aurait été
terminé à la fin du V e siècle. D'autres critiques, nous
l'avons dit déjà, pensent que le code d'Esdras était le
Pentateuque actuel (hormis quelques additions posté-
rieures), formé par son école et sous sa direction en
vue d'harmoniser tous les documents législatifs d'Israël
et de constituer un code complet et unique. La der-
nière rédaction du Pentateuque aurait donc été exécu-
tée en Babylonie, peu avant le retour à Jérusalem et
en vue de la restauration prochaine.
En outre des ouvrages cités, voir Reuss, L'histoire
sainte et la loi, Paris, 1879, t. m, de La Bible; Driver,
Einleitung in die Literatur des alten Testuments,
trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170; Cornill, Ein-
leitung in das A. T., 3 a et 4 e édit., Fribourg-en-Bris-
gau, 1896, p. 16-79; A. Westphal, Les sources du
Pentateuque, 2 in-8», Paris, 1888, 1892;' Holzinger,
Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8°, Fribourg-en-
Brisgau, 1893; Wildeboer, Die Literatur des A. T.,
Gœttingue, 1895; 2 e édit., 1905, passim; Addis, The
documents of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892,
1893; Briggs, The higher criticism of the Hexateuch,
2" édit., New-York, 1897; Steuernagel, Allgemeine
Einleitung in den Hexateuch, Gœttingue, 1900;
Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol.,
Londres, 1900; Carpenter, The Composition of the
Hexateuch, Londres, 1902; Gautier, Introduction à
l'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 53-253; Strack, Einleitung
in das A. T., 6« édit, Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Man-
genot, L'authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris,
1907, p. 16-201.
2° Réponse aux principales objections critiques. —
Il est impossible et inutile de discuter ici en détail
toutes les difficultés que les critiques modernes ont
accumulées contre l'authenticité mosaïque du Penta-
teuque. Plusieurs, du reste, ont déjà été ou seront
résolues dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire,
auxquels nous renverrons. Après avoir dit un mot de
la méthode et des conclusions des critiques, nous exa-
minerons les principaux arguments généraux ou parti-
culiers contre l'origine mosaïque du Pentateuque.
1. Méthode suivie et incertitude des conclusions. —
Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de
la tradition juive et chrétienne, qui attribue à Moïse
la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique
la tradition et l'histoire ne puissent sur ce point être
négligées. C'est au livre lui-même et à son contenu
seul qu'ils demandent l'explication de son origine. Ils
analysent minutieusement le texte, relèvent et exa-
gèrent les inconséquences, les contradictions apparentes
et les répétitions pour conclure à la diversité des
sources. La méthode suivie est juste en principe, et
rien ne s'opposeà la distinction de documents différents
que Moïse aurait réunis et combinés pour rédiger
l'histoire antérieure à son temps, contenue dans le
livre de la Genèse. Mais les critiques étendent la dis-
tinction des sources à l'Hexateuque entier et pré-
tendent que ces livres dans leur état actuel sont formés
de documents postérieurs de beaucoup à Moïse. Ils
s'appuient sur -les anomalies du texte actuel, anomalies
la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent à la
simple lecture du texte et qui ne peuvent être des signes
certains de documents distincts. Aussi, d'accord pour
nier l'origine mosaïque du Pentateuque, ils ne peuvent
s'entendre, l'histoire de leurs travaux en fait foi, sur la
distinction des sources elles-mêmes, sur leurs caractères
et la date de leur apparition. Les solutions les plus diver-
gentes ont vu le jour et se sont succédé rapidement.
Chacun abondait dans son sens et proposait avec assu-
rance une explication nouvelle, qu'un autre déclarait
bientôt inacceptable et insuffisante. Les disciples d'une
même école sont assurément d'accord sur quelques
DICT. DE LA BIBLE.
résultats qu'ils croient acquis ; leur consensus est très-
restreint et ils se séparent les uns des autres sur un
plus grand nombre de points particuliers, parce que
leurs principes de critique sont arbitraires et leurs-
appréeiations subjectives. La nouvelle théorie docu-
mentaire, malgré la fière assurance avec laquelle on
l'affirme démontrée, n'a pas rallié tous les suffrages,,
et des esprits indépendants, même en dehors du catho-
licisme et dans la catégorie des hébraïsants, en sont
les adversaires résolus. J. Halévy, L'histoire des ori-
gines d'après la Genèse, dans les Recherches bibliques,.
Paris, 1895 et suiv., t. i et h; Green, The higher Criti-
cism of the Pentateuch, 1895; Rupprecht, Die Kritik
nach ihren Recht und Vnrecht, 1897; B. Jacob, Der
Pentateuch. Exegetisch-kritische Forschungen, Leip-
zig, 1905; Oit, The problem of the Old Testament,
Londres, 1906.
Sur la part qui revient dans le texte actuel à chaque
document, sur la date des diverses sources et sur le
travail des rédacteurs, il y a presque autant de senti-
ments que de critiques. On a renoncé à distinguer
l'élohiste du jévohiste dans une partie des récits des-
Nombres; leur part d'attribution est moins nettement
délimitée que les indications données plus haut le laissent
supposer; nous avons dû nous borner aux conclusions
principales. La continuité des documents n'est pas non
plus démontrée; il reste des lacunes, des trous qui ne
sont pas comblés. Les critiques reconnaissent n'être
d'accord qu'en gros et pour l'ensemble; mais les diver-
gences sont plus notables qu'on le dit; les tables d'Hol-
zinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur l'âge
des documents, les manières de voir sont très divergentes.
Sans doute, les critiques placeront tous D après E, mais
ce sera le seul point où l'accord sera parfait. Su*
l'autorité de E et de J, sur celle de D et de P, les avis
demeurent partagés. Cf. W. de Baudissin, Einleitung
in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901, p. 72-77, cité
par M. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris,
1906, t. i, p. 440-444. Les parties dites rédactionnelles
sont plus discutées encore. A peine s'entend-on à les
discerner; mais on ne sait le plus souvent à qui les
attribuer. Stàhelin et Kitlel ont supprimé le pre-
mier stade de rédaction de l'Hexateuque et ont
attribué au rédacteur deutéronomiste, R d , la réunion
simultanée de J, de E et de D. A. Dillmann a proposé
trois autres stades de rédaction du Pentateuque :
a) union de Pa avec E et J ; b) union de PsEJ avec D ;
c) union de PaEJD avec P h . Toutes ces divergences,
que les critiques cherchent à atténuer, prouvent à
l'évidence que les conclusions ne sont pas certaines et
que la théorie documentaire n'est qu'une hypothèse,
très savamment échafaudée, incapable cependant d'in-
firmer et de remplacer la tradition constante des Juifs
et des chrétiens en faveur de l'authenticité mosaïque du
Pentateuque.
2. Les arguments généraux contre l'antiquité et
l'unité du Pentateuque ne prouvent pas la non-authen-
ticité mosaïque de ce livre. — a) Il n'est plus nécessaire
aujourd'hui de démontrer contre les anciens critiques,
l'existence de l'écriture à l'époque de Moïse, ni même
la connaissance que les Hébreux en avaient et l'usage
qu'ils en faisaient à l'époque de leur sortie d'Egypte.
Voir t. il, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deuté-
ronome, dans lequel le discours direct, placé dans la
bouche de Moïse, est un simple procédé littéraire, le
Pentateuque, dit-on, ne se présente pas comme l'œuvre
de Moïse; le style y est impersonnel, et il y est parlé d&
lui comme du héros de l'histoire d'une façon objective.
Exod., vi, 26, 27; xi, 3; Num., xv, 22, 23; Deut., xxxm,
4. Son éloge, Num.,xn, 3, provient d'une plume étran-
gère; il est fait en des termes qui ne peuvent convenir
à une autobiographie. On répond que Moïse, écrivant
des Annales plutôt que ses Mémoires, aurait fort biea
V. - 4
99
PENTATEUQUE
100
pu parler de lui-même à la troisième personne, dresser
sa généalogie comme celle d'un étranger et se louer en
termes modérés. Mais ces particularités peuvent bien
aussi être attribuées aux scribes ou secrétaires qui écri-
vaient sous sa direction.
b) Quant aux indications historiques et géographi-
ques, qui seraient des anachronismes au temps de
Moïse, quelques-unes, déjà signalées par Abenesra, sont
regardées par beaucoup d'exégètes comme des gloses
insérées plus tard dans le récit de Moïse, par exemple
Gen., xo, 6; xm, 7; xix, 37-38; Deut., m, 11, 14.
Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tar-
dive du Pentateuque; avant l'invention de l'imprimerie,
les additions et la mise au point de certains détails dans
la transcription des manuscrits était chose facile et na-
turelle. On pense généralement aussi que la liste des rois
d'idurnée, Gen., xxxvi, 31, a été continuée jusqu'à
l'époque de David. Voir t. m, col. 834. La cessation de
la manducation de la manne, Exod., xvi, 35, qui n'arriva
qu'après le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu
être mentionnée par Moïse, peu avant sa mort, alors
que les Israélites étaient déjà sur les confins de la
Palestine. Les livres des guerres de Jéhovah et du Juste
étaient des anthologies de poèmes. Commencés avant
Moïse, qui y fit des emprunts, ils ont été enrichis de
pièces plus récentes, telles que l'élégie de Saùl et de
Jonathan par David. II Reg. (Sam.), 1, 18. Les noms an-
ciens de plusieurs localités ont été remplacés par ceux
qu'elles eurent après la conquête du pays de Chanaan.
Ainsi Dan, voir t. il, col. 1244-1245, et Cariath-Arbé,
voir t. i, col. 884; t. in, col. 554. Dans le cantique de
Moïse, Exod., xv, 16-17, le pays de Chanaan n'est pas
expressément désigné sous le nom de terre des Hébreux,
et sa possession par les Israélites n'est que future.
c) Les doubles récits de la Genèse, s'ils étaient cons-
tatés, prouveraient seulement que Moïse aurait utilisé
des documents différents, par exemple pour la création
et le déluge. Voir t. il, col. 1345. Mais l'existence de
tous ceux que les critiques signalent est loin d'être
démontrée. Ainsi on affirme gratuitement que les
relations d'Abraham et d'Isaac avec Abimélech, roi de
Gérare, ne sont que le même fait dédoublé; les circons-
tances différentes des récits prouvent la distinction des
deux événements, répétés dans des situations analogues
pour le père et pour le fils. Voir 1. 1, col. 54. II en est de
même des deux enlèvements de Sara, voir 1. 1, col. 19, et
du cas analogue survenu à Rébecca. La fuite d'Agar ne
peut être comparée à son expulsion. Voir t. i, col. 262.
La promesse d'un fils fut réitérée par Dieu à Abraham
dans des occasions différentes. Voir t. i, col. 78. Les
prétendues étymologies multiples des noms propres
de personnes ou de lieux s'expliquent aisément.
Voir Bersabée, t. i, col. 1629-1638; Béthel, col. 1672-
1674; Galaad, t. m, col. 45; Mahanaim, t. iv, col. 571;
Issachar, t. m, col. 1005-1006; Joseph, col. 1655;
Zabulon. Il en est de même dans l'Exode et les
Nombres. Les prétendus doubles récits concernant des
faits qui se sont réellement produits deux fois, tels
que le double envoi des cailles, voir t. u, col. 33, et le
double miracle du rocher frappé. D'autres, comme la
double vocation de Moïse et la double révélation du nom
de Jéhovah, Exod., m, 2-14; vi, 2-13, voir t. m,
col. 1230-1231, 1233; la double désignation d'Aaron
comme interprète de son frère, Exod., rv, 14-16; vi, 30-
vii, 2, ne sont que des répétitions faites par Dieu des
mêmes promesses. Pour l'organisation successive des
anciens et des juges au désert, voir t. i, col. 554-555.
Quant aux diversités de détails qui prouveraient la
distinction des récits, la plupart sont desimpies anoma-
lies, qui ne sont pas inconciliables et qui n'empêchent
pas une heureuse harmonisation de l'ensemble. Sur les
femmes d'Ésaû, voir Ada, t. i, col. 165; Basemath,
col. 1492; sur le beau.père-de Moïse, voir Hobab, t. ni,
col. 725-726 ; Jéthro, col. 1521-1522. De même, certaines
lois qu'on oppose comme provenant de codes différents,
se sont que des dispositions successives et complémen-
taires. Voir t. iv, col. 338.
3. Arguments particuliers tirés de la législation
hébraïque qui prouveraient et la diversité des codes et
leur promulgation postmosaïque. —Les critiques ont
cherché à établir la distinction des trois codes hébraïques :
livre de l'alliance, Deutéronome et code sacerdotal, par
la diversité de leurs principales dispositions religieuses,
et leur succession dans cet ordre par la progression
successive de ces dispositions et leur observance tardive
de la part des Israélites. Sans parler de la loi morale
ou du Décalogue, qu'on trouve sous trois formes
spéciales : censé, d'après eux, promulgué au Sinaï dans
le document élohiste, Exod., XX, 1-17, puis dans le
document jéhoviste, Exod., xxxiv, 14-26, enfin promulgué
à l'Horeb, 'Deut., v, 6-18, les institutions religieuses
d'Israël auraient passé par trois phases et se seraient
développées, non pas dans l'intervalle des 40 années du
séjour au désert, mais bien au cours des âges et sous
des influences variées, notamment sous l'action des
prophètes, qui épuraient et spiritualisaient progressive-
ment les idées de leur peuple. Passons en revue à ce
point de vue les principales dispositions législatives,
dans lesquelles le progrès serait le plus nettement
marqué.
a) La pluralité des autels et l'unité de sanctuaire. —
Le livre de l'alliance permettait de dresser des autels
en tout lieu où Dieu avait manifesté son nom, pourvu
que l'autel soit de terre ou de pierres brutes et non
taillées, et à la condition aussi qu'il n'ait pas de degrés
de peur que le sacrificateur, en les gravissant, ne dé-
couvre sa nudité en présence de Dieu. Exod., xx, 24-26.
Si les Israélites n'ont pas la liberté d'ériger des autels
partout où il leur plaît, puisqu'il est nécessaire que le
lieu ait déjà été sanctifié par une intervention divine,
cependant il n'y a ni sanctuaire unique ni lieu fixé
pour tous. L'unité de sanctuaire est imposée soi-disant
par Moïse et pour l'avenir seulement, quand Israël aura
pénétré dans le pays de Chanaan et que Dieu aura
manifesté, le lieu unique où il veut être honoré.
Deut., xn, 5. Enfin, cette unité que le Deutéronome
présentait comme un but à réaliser est supposée dans
le code sacerdotal comme ayant toujours existé. Elle
n'est pas prescrite explicitement ; mais toute l'organi-
sation du culte autour du tabernacle exige sa réalisation,
puisque ce code ne soupçonne pas qu'un sacrifice pût
être offert aïtteviTS. L'histoire d'Israël confirme par les
faits cette superposition de lois relatives à l'autel. A
l'époque des Juges, nonobstant l'existence du sanctuaire
de Silo, où l'arche est déposée, I Sam. , i, 9 ; ni, 2, 3, 15 ;
.Ter., vu, 12, on offre ailleurs des sacrifices. Jud., VI,
26-28; xi, 11, 31; xm, 15-23. Michas a une maison de
Dieu, xvn, 5. Les Danites établissent un sanctuaire à
Laïs qu'ils ont conquise, xvni, 11 sq. Après que l'arche
eut été prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses
localités, à Masphath, à Ramatha, à Galgala, etc. I Sam., VI,
•14, 15; vu, 9, 17; ix, 12; xi, 15; xm, 9, 12; xvi, 2, 3;
xx, 29; xxi, 1, 6; xxn, 10, 13; II Sam., vi, 12, 13, 17,
18; xxiv, 18-25. Même après la construction du Temple
de Jérusalem, on sacrifiait sur les hauts-lieux en Juda,
I (III) Reg., ni, 2-4; xv, 14; xxn, 44; II (IV) Reg., xn,
3; xrv, 4; xv, 4, 35, et dans le royaume d'Israël, à Béthel
età Galgala. I (III) Reg., xn, 26-33; Amos,ni,14;iv,4,5;
v, 5; vu, 13; Ose., iv, 13; IX, 15; xn, 11. Élie et Elisée
ne réclament pas contre la pluralité des autels; ils
blâment seulement le culte idolâtrique qui est accompli
sur les hauts-lieux. Élie se plaint de Ja destruction des
autels de Jéhovah, I (III) Reg., xix, 10, 14; il dresse lui-
même un autel de pierres au CarmeJ, xyin, 30, 32, et
Elisée sacrifie chez lui, xjx, 21. La loi de l'unité de
sanctuaire n'a été observée à Jérusalem qu'après la
101
PENTATEUQUE
102
chute de Samarie et en application de la loi deutéro-
nomique. Elle n'est donc pas mosaïque. Telle est
l'objection.
La succession des ordonnances relatives à l'autel
s'explique et s'harmonise avec les faits de l'histoire
Israélite, sans qu'elles cessent d'avoir été portées par
Moïse. Au pied du Sinaï, avant que le tabernacle n'ait
été dressé, Moïse avait permis d'élever à Dieu des
autels simples et sans degrés en tout lieu où le Sei-
gneur manifesterait son nom. Après l'adoration du
veau d'or et quand le tabernacle eut été érigé, pour
prévenir les rechutes dans l'idolâtrie, Moïse avait
ordonné aux Israélites d'offrir des sacrifices et d'im-
moler, même les animaux destinés à la boucherie,
auprès du sanctuaire unique du désert. Lev., xvn, 3-9.
Voir Chair des animaux, t. n, col. 491-498. Cette loi
n'a pu être pratiquée qu'au désert, à l'époque où Israël,
réuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle.
Elle n'a pu être imaginée au temps d'Esdras, alors qu'il
n'y avait ni camp ni tabernacle. Sur le point d'introduire
Israël au pays de Chanaan, le sage législateur abrogea
l'obligation d'immoler tous les animaux auprès de
l'arche, en maintenant pour l'avenir la loi du sanc-
tuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. En atten-
dant que Dieu eût fait choix de Jérusalem, il n'était
pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du
sanctuaire où reposait l'arche. Voir Hauts-lieux, t. ni,
col. 453-454. Même après l'érection du Temple de Jéru-
salem, la loi de l'unité du sanctuaire n'était pas si ri-
goureuse qu'il ne fût permis d'ériger d'autres autels et
d'y offrir des sacrifices légitimes. Au Temple, se faisait
le service régulier, quotidien, prescrit par la loi mo-
saïque. Dans les circonstances extraordinaires, on pou-
vait dresser des autels; les prophètes et les rois les
plus pieux le faisaient sans scrupule et ne pensaient pas
manquer à une loi divine qui n'avait pas une significa-
tion si absolue et si restrictive qu'on le prétend. Voir
Autel, t. i, col. 1266-1268. Il n'est donc pas nécessaire
de soutenir avec M. Poels, Examen critique de l'his-
toire du sanctuaire de l'arche, Louvain, 1897, t. i
(seul paru), en dépit de la géographie, que le haut-lieu
de Gabaon est identique à Masphath, à Kiriath-Jarim et
à Nob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjath Jearim,
Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu dti
culte dans la législation rituelle des Hébreux, dans le
Muséon, avril-octobre 1894, t. xm, p. 195-204, 299-320,
533-541 ; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois
codes un sanctuaire unique servant de demeure à
Jéhovah et de centre exclusif du culte public et natio-
nal, et des autels multiples, consacrés au culte privé et
domestique pour l'immolation ordinaire du bétail,
accompagnée de rites religieux que tout Israélite pou-
vait accomplir. Le Deutéronome ordonnait de détruire
seulement les hauts-lieux ayant servi au culte des idoles.
Sans doute, cette prescription ne fut pas observée fidè-
lement, Jud., il, 2, 3, et les hauts-lieux détruits furent
relevés, parce que les Israélites retombèrent fréquem-
ment dans l'idolâtrie. De même, le culte de Jéhovah
sur les hauts-lieux, quoique illicite après la construc-
tion du Temple de Jérusalem, continua, non seulement
dans le royaume schismatique d'Israël, mais même
dans celui de Juda. L'usage en était tellement invétéré
que les rois les plus pieux durent le tolérer. On y mêla
même parfois des pratiques idolàtriques au culte de '
Jéhovah. Les prophètes s'élevèrent avec vigueur contre
ce culte mixte, et leur enseignement finit par faire
abolir tardivement tous les hauts-lieux, conservés
malgré la loi et au détriment de la pureté du culte.
Voir Hauts-lieux, t. iv, col. 455-457; Idolâtrie,
col. 810-813. L'histoire de la multiplicité des autels et
du sanctuaire unique de Dieu en Israël ne prouve donc
rien contre la législation mosaïque qui les concerne.
b) Les sacrifices. — Le livre de l'alliance exigeait
les prémices des fruits de la ferre et les premiers-nés
des bestiaux, ainsi que le rachat du premier-né de
l'homme. Exod., xxn, 28-29 (hébreu, xxiii, -19). Il deman-
dait qu'aux jours de fête, quand il se présentait devant
Dieu, Israël ne vint pas les mains vides. Exod., xxiir,
15. On ne devait mélanger rien de fermenté aux sacri-
fices ni rien conserver des victimes pour le lendemain.
Exod., xxiii, 19. Les sacrifices paraissent donc être une
oûrande spontanée des biens de la terre au Seigneur
et leur cérémonial est réduit au minimum. Le Deuté-
ronome précise et développe les lois sur les premiers-
nés des animaux, xv, 19-23, les prémices, xxvi, 1-11,
et les dîmes, xxvi, 12-15. L'offrande des prémices est
rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte et de la prise
de possession du pays de Chanaan, et elle présente,
comme celle de la dîme, le caractère d'une œuvre de
bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphe-
lins et les lévites. Le code sacerdotal enfin distingue
différentes espèces de sacrifices et décrit minutieuse-
ment tous leurs rites. A l'holocauste et au sacrifiée
d'actions de grâces il joint la simple oblation et les sa-
crifices pour le péché et le délit. Il introduit encore
l'offrande de l'encens. L'idée du sacrifice est elle-même
changée : au lieu de l'offrande familiale, spontanément
faite à Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les
pauvres, il est une institution officielle et publique, un
service commandé, soumis à des rites minutieux. Or,
ce rituel détaillé du Lévitique n'apparaît nulle part
observé avant la captivité. On offrait assurément des
sacrifices, des holocaustes, mais librement et simple-
ment pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On
ne se préoccupait pas de savoir quelle victime devait
être immolée, quand, où, par qui et comment elle de-
vait être offerte. Bref, le code sacerdotal n'était pas
observé, par la raison bien simple qu'il n'existait pas
encore.
Les faits ne répondent pas à la théorie, et les livres
historiques ne sont pas muets, comme on le prétend,
sur l'offrande publique et solennelle des sacrifices. Ils
mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. ni,
col. 732. S'ils ne parlent pas du sacrifice quotidien,
s'ils ne décrivent pas les rites, on n'est pas en droit
de conclure de leur silence que ce service ne se prati-
quait pas et que les rites n'étaient ni observés ni
appliqués. On peut légitimement supposer que le ser-
vice ordinaire se faisait régulièrement à Silo, et plus
tard à Jérusalem, auprès de l'arche. Il y avait là un
sacerdoce en permanence. Les historiens n'enregistrent
que les faits, supposant les rites connus de tous. D'ail-
leurs, si les prophètes les plus anciens, Amos et Osée,
protestent si énergiquement contre le formalisme
excessif des pratiques rituelles de leur temps et prê-
chent le culte en esprit et en vérité, c'est une preuve
péremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque
les prêtres et le peuple y attachaient plus d'importance
qu'aux dispositions intérieures. Si Dieu blâme les sa-
crifices réitérés à Béthel, c'est que leur offrande n'em-
pêche pas l'impiété et la multiplication des péchés.
Amos, iv, 4, 5. S'il hait leurs fêtes, leurs holocaustes
et leurs vœux, Amos, v, 21, 22, c'est parce que les
Israélites sont coupables. La maison d'Israël ne lui a-
t-elle pas offert des victimes durant les quarante années
de son séjour au désert? Amos, v, 25, et pourtant elle
a été punie, parce qu'elle était infidèle. Ou mieux peut-
être faut-il lire ce verset difficile ainsi : « Avez-vous,
alors que vous m'offriez des sacrifices dans le désert
pendant quarante ans, porté aussi Sakkout et Kion? »
Le crime actuel des Israélites est plus grand que leur
rébellion au désert; elle sera punie, nonobstant les
sacrifices qu'ils offrent au Seigneur. Cette interpréta-
tion suffit à enlever la prétendue opposition qu'on
trouve entre cette parole du prophète et le code sacer-
dotal, qui mentionne l'offrande quotidienne des sacri-
103
PENTATEUQUE
104
fices au désert. A moins encore qu'Amos ne fasse
allusion à l'apostasie d'Israël à Cadès. Voir t. iv,
col. 1203-1204. De même, la parole de Jérémie, vu, 21-
23, suivant laquelle Jéhovah, à la sortie d'Egypte,
n'aurait pas exigé d'holocaustes et de sacrifices, ne
prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le
prophète fait peut-être simplement allusion à la propo-
sition que Dieu fit aux Israélites en Egypte de les dé-
livrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas
encore la mention des sacrifices et qui fut d'abord re-
jetée. Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les
sacrifices, le prophète, par un contraste saisissant,
insiste sur l'obligation de la loi morale, et sur la fidé-
lité à cette loi, dont l'inobservation sera châtiée, malgré
l'observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur
aux yeux, de Dieu.
L'holocauste et le sacrifice pacifique ont donc tou-
jours été en usage, quoique leurs rites ne soient pas
décrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour le
péché n'a pas été imaginé par Ézéchiel, xlv, 22-25.
Osée, iv, 8, et Michée, vi, 7, le nomment expressément,
puisque manger le hatla't signifie clairement manger
les victimes offertes pour le péché ; il est aussi men-
tionné dans le Ps. xxxix (xl), 7. L'idée en avait été
exprimée bien auparavant. I Sam., m, 14. Le sacrifice
pour le délit n'est pas toujours nettement distingué du
sacrifice pour le péché. Il l'est formellement toutefois
dans le passage relatif aux revenus des prêtres sous le
règne de Joas. II (IV) Reg., XII, 16. Déjà, à l'époque
des Juges, les Philistins, punis pour s'être emparés de
l'arche, renvoyèrent cette arche avec des 'âsâm pour
obtenir le pardon de leur faute. I Sam., vi, 3-15. Le
sacrifice pour le délit est aussi nommé dans Isaïe,
lui, 10. Les quatre espèces de sacrifices étaient donc
connues en Israël avant Ézéchiel, et si le code sacer-
dotal les distingue pour la première fois, c'est qu'il a
été promulgué par Moïse au désert.
c) Les fêtes. — Le livre de l'alliance, Exod., xxin,
14-17, ordonne la célébration dé trois fêtes annuelles :
la fête des azymes, qui dure sept jours et qui est déjà
rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte, mais sans
être encore la Pâque; la fête de la moisson et celle de
la récolte des fruits. Ces deux dernières ont un carac-
tère nettement et exclusivement agricole, et on peut
penser que la première, qui a lieu au printemps, se
rapportait aussi à l'agriculture. La durée de celles-ci
n'est pas non plus fixée. Le Deutéronome, xvi, 1-17, ne
connaît encore que trois fêtes annuelles, qui doivent
être célébrées au sanctuaire unique. La première réunit
la solennité de la Pâque à la fête des azymes. La célé-
bration de la seconde est fixée à sept semaines après la
première! La troisième est nommée « fête des taber-
nacles », et sa durée est de sept jours. Leur caractère
est différent : ce sont des fêtes de joie, de reconnais-
sance et de charité fraternelle. Dans le code sacerdotal,
ces trois fêtes rentrent dans un cycle plus complet de
cinq solennités, dont les rites sont minutieusement dé-
crits. Lev., xxiii, 4-44. Il ajoute la fête des trompettes
et celle du grand-pardon, et il modifie le caractère des
fêtes de la Pentecôte et des tabernacles, en les ratta-
chant à un souvenir historique. Toutes sont célébrées
au sanctuaire unique; leur date, leur durée et leurs
cérémonies sont fixées dans les moindres détails. Enfin,
la célébration de ces fêtes n'est pas signalée dans les
livres historiques les plus anciens. Une fête, solennisée
par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque année
à Silo. Jud., xxi, 19. Les parents de Samuel allaient
chaque année honorer Dieu en ce sanctuaire. I Sam.,
1, 3, 7, 21 ; à, 19. Jéroboam I er établit dans son royaume
au huitième mois une fête pareille à celle qui avait
lieu en Juda. I (III) Reg., xn, 32, 33. Les anciens pro-
phètes, Amos et Osée, parlent plusieurs fois de fêtes
religieuses, mais sans les désigner par des noms par-
ticuliers. Après la découverte du Deutéronome, la Pâque
est célébrée pour la première fois conformément aux
rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxm, 21-23.
Pendant la captivité, Ézéchiel, xlv, 18-25, ne connaît
encore que trois solennités, avec un sacrifice d'expia-
tion au premier jour du premier et du septième mois.
Le code sacerdotal avec ses cinq fêtes est donc posté-
rieur à la captivité, concluent les critiques négatifs.
Les anciennes fêtes ne sont mentionnées dans les
livres historiques que quand les circonstances en ont
fourni l'occasion, et l'on ne peut arguer de la rareté de
leur mention contre leur non-existence. Leur périodi-
cité régulière n'avait pas besoin d'être signalée par les
historiens qui relatent seulement les circonstances ex-
traordinaires, comme celle de la Pâque sous le règne
de Josias. La coutume de monter à Jérusalem offrir
des sacrifices existait à l'époque du schisme des dix
tribus, puisque Jéroboam I er élève des autels à Dan et
à Béthel, pour empêcher ses sujets d'aller à Jérusalem,
I (III) Reg., xn, 26-31, et il établit au moins une fête
pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commenta-
teurs ont pensé qu'après l'établissement des Hébreux
au pays de Chanaan, l'usage s'était introduit de ne
faire qu'un seul pèlerinage chaque année au sanctuaire
du Seigneur. Voir t. n, col. 2219. Osée, xu, 9, fait allu-
sion à la fête des Tabernacles et à sa signification histo-
rique; Isaïe, xxix, 1; xxx, 29, parle du cycle des fêtes.
Ézéchiel rappelle seulementles trois fêtes qui exigeaient
l'assemblée religieuse de tout Israël au Temple. Voir
t. i, col. 1129-1130. La fête de l'Expiation n'est pas men-
tionnée dans l'Ancien Testament en dehors du Penta-
teuque, voir t. n, col. 2139, et sa célébration n'est relatée
par Josèphe que sous Jean Hyrcan ou Hérode. En faul-
il conclure qu'elle n'avait pas lieu auparavant, au
moins depuis le retour des Juifs en Palestine? Le si-
lence des anciens écrivains ne prouve pas davantage sa
non-célébration.
d) Les prêtres et les lévites. — Le code de l'alliance,
promulgué avant l'institution du sacerdoce aaronique,
ne parle pas, objecte-t-on, de prêtres, et l'alliance dont il
contient les dispositions est conclue par des sacrifices,
immolés par de jeunes Israélites. Exod., xxiv, 5. Le
Deutéronome mentionne fréquemment les prêtres et
les lévites. Il établit leurs droits, xvm, 1-8, mais il ne
reconnaît pas de distinction hiérarchique entre eux.
II ignore le grand-prêtre. Il distingue seulement, f. 7,
le lévite qui habite dans le pays du lévite attaché au
service du sanctuaire unique. Le premier est ordinaire-
ment classé avec la veuve, l'orphelin, l'indigent et
l'étranger pour recevoir les largesses du pieux Israélite.
Les lévites, éloignés du sanctuaire, n'avaient donc pas
encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sa-
cerdoce est une institution sociale, hiérarchisée, dont les
droits et les fonctions sont déterminés très exactement.
La hiérarchie comprend le grand-prêtre, fils aîné et
successeur d'Aaron, et les lévites, membres de la tribu
de Lévi. Les prêtres sont richement dotés. Les lévites,
n'ayant pas eu de domaine distinct dans le partage de
la Palestine, habitent des villes spéciales et sont entre-
tenus, eux et leurs familles, par le prélèvement des
prémices et le paiement de la dîme. En tout cela, ce
code est manifestement en progrès sur le Deutéronome;
il lui est donc postérieur.
D'autre part, on prétend que l'histoire d'Israël con-
firme cette, progression de la législation sacerdotale.
Dans les documents élohiste et jéhoviste, Aaron n'ap-
paraît comme prêtre que dans l'épisode du veau d'or,
Exod., xxxn, 5, 6, et la tribu de Lévi, qui punit les
coupables,,n'y a pas de droits spéciaux. A l'époque des
Juges, il n'est fait mention d'aucun prêtre; il est ques-
tion de lévites dans deux épisodes, racontés en appen-
dice. Jud., xvii-xxi. A Silo, il y a cependant une
famille sacerdotale, celle d'Héli, I Sam., i, n, mais
105
PENTATEUQUE
106
sans lien avec Aaron. L'arche renvoyée par les Philis-
tins est reçue par les lévites, I Sam., vr, 15; mais
Éléazar, fils d'Abinadab, est consacré pour la garder
dans la maison de son père. I Sam., vu, 1. Samuel,
fils d'un Éphrai'mite, joue un rôle sacerdotal. Il offre
des sacrifices, aussi bien que les rois Saiil, David et
Salomon,saos prêtres. Absalom en offre aussi. II Sam.,
xv, 12. A la cour de David, il y avait des prêtres, Sadoc
et Abiathar. II Sam., vm, 17; xx, 25. Les fils de David,
II Sam., vin, 18, et le Jaïrite, II Sam., xx, 26, men-
tionnés comme prêtres, ne faisaient pas partie du sacer-
doce, si la leçon massorétique kôhên n'était, comme on
l'a pensé, qu'une altération de sôkên, désignant un chef
ou un officier. Is., xxn,15. Salomon destitua Abiathar.
I (III) Reg., Il, 26, 27. A la dédicace du Temple, c'est
le roi qui sacrifie, bénit l'assemblée et prononce la
prière de la consécration; les prêtres et les lévites
portent simplement l'arche et les ustensiles sacrés. I
"(III) Reg., vin, 3, 4. Jéroboam I er établit dans le
royaume d'Israël des prêtres pris parmi le peuple et
n'appartenant pas aux fils de Lévi. I (III) Reg., xn, 31.
II y avait donc des prêtres et des lévites, mais pas
encore de grand-prêtre. Plus tard, Joïada, ordinaire-
ment qualifié « prêtre », II (IV; Reg., xi, 9, 15, 18;
xil, 2, 7, 9, est dit « grand-prêtre » une seule fois. II
(IV) Reg., xo, 10, Sous Achaz, Urie est dit aussi sim-
plement prêtre. II (IV) Reg., xvi, 10-16. Sous Josias,
Helcias est appelé « grand-prêtre », II (IV) Reg., xxu,
4, 8; xxiit, 4, et « prêtre » tout court. II (IV) Reg.,
xxu, 10, 12, 14. Saraia est nommé « premier prêtre ».
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., lu, 24. Auprès d'Helcias,
figurent des « prêtres en second », II (IV) Reg., xxm, 4,
et à côté de Saraia, Sophonie, « prêtre en second. »
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., lu, 24. Durant la captivité, le
prêtre Ézéchiel distingue les prêtres, fils de Sadoc, des
prêtres lévitiques; mais cette distinction est faite en vue
de l'avenir; c'est une innovation introduite pour des
raisons historiques. Les lévites seront des prêtres dé-
gradés de leurs fonctions anciennes en punition de
leur idolâtrie ; ils seront réduits au rôle de serviteurs
des prêtres et de portiers du nouveau Temple. Ezech.,
ïiiï, 10-14. Les prêtres et les lévites, fils de Sadoc,
qui sont demeurés fidèles, continueront leurs fonctions
et seront astreints à des règles de pureté déterminées.
Ils n'auront pas de propriété, vivront de l'autel, rece-
vront les prémices et habiteront des domaines tracés
au cordeau au milieu de la Terre Sainte. Ezech., xliv,
15-xlv, 5. Le prophète ne connaît pas encore le grand-
prêtre. Le code sacerdotal avec sa hiérarchie à trois
degrés, avec sa distinction des prêtres et des lévites
dès l'origine, Num., m, 5-13, est postérieur à Ézéchiel.
Sa législation détaillée sur les fonctions et les revenus
des deux classes est en progrès sur le prophète orga-
nisateur de l'avenir. Ses villes lévitiques remplacent
les domaines imaginés par Ézéchiel.
On a démontré ailleurs, voir t. îv, col. 200-203, qu'il
y eut en Israël dès l'origine du peuple une tribu de
Lévi, à qui Dieu fit attribuer les fonctions sacerdotales
■en récompense de sa fidélité lors de l'adoration du veau
d'or. Exod., xxxn, 26-29. On a prouvé aussi, ibid.,
■col. 203-205, que cette tribu comprit deux catégories de
ministres sacrés : les prêtres et les simples lévites. On
a raconté enfin, ibid., col. 208-211, l'histoire des des-
cendants de Lévi jusqu'à la fin de la captivité. Quant
au plan de restauration religieuse d'Ézéchiel, voir t. n,
-col. 2155-2156, était-ce une réforme pratique ou seu-
lement une restauration purement idéale, irréalisable
et irréalisée? Si l'on admet la seconde alternative, qui
ne peut même être niée, il en résulte que le prophète
n'est pas l'auteur de la distinction entre prêtres et
lévites. Loin de la créer, il la suppose existante; il lui
emprunte le cadre de ses institutions futures. S'il dé-
.grade les prêtres coupables d'idolâtrie, ce n'est pas en
créant une caste inférieure, exclusivement composée
d'eux; il les réduit au rang de simples lévites, de ces
lévites, dont le nom et les fonctions étaient connus et
déterminés par la tradition. Ézéchiel, xlviii, 11, dis-
tingue ces deux classes, et il avait mentionné aupara-
vant, xl, 45, des gardiens du temple, et des ministres
de l'autel, XL, 46. Les fils de Sadoc, à qui il réserve
les fonctions sacerdotales à cause de leur fidélité, étaient
eux-mêmes des fils de Lévi, xlui, 19; xliv, 15. Quand
il élabore son programme de restauration future, il en
emprunte le cadre aux institutions existantes, mais il y
introduit des matériaux de sa création. Il maintient
donc les deux grandes classes des ministres du culte;
mais divisant ceux-ci sous te rapport de leur fidélité à
Dieu, il n'admet au ministère de l'autel que les prêtres
demeurés fidèles, en les désignant comme fils -de Sa-
doc, et il réduit au simple rang de serviteurs des
prêtres les anciens ministres infidèles. Le caractère
idéal de la réforme laissait au prophète la liberté d'ex-
clure les lévites et d'omettre le grand-prêtre, comme
la fête de la Pentecôte sans nuire à leur réalité histo-
rique. A. Van Hoonacker, Les prêtres et les lévites dans
le livre d'Ézéchiel, dans la Revue biblique, 1899, t. vin,
p. 180-189, 192-194. Voir t. n, col. 2155, 2156, 2161.
Quant au grand-prêtre, il est mentionné dans les livres
historiques, chaque fois qu'il est intervenu dans les
affaires publiques. Son institution remonte à Aaron et
n'est pas une création artificielle de l'auteur du code
sacerdotal. Voir 't. nr, col. 295-308.
Les redevances, versées aux prêtres et aux lévites,
ne sont pas non plus une invention récente. On pré-
tend bien que les prêtres n'avaient primitivement
aucun droit à recevoir une part de la victime des
sacrifices, ceux-ci étant des repas sacrés auxquels les
particuliers qui les offraient invitaient les prêtres du
sanctuaire où avait eu lieu l'immolation. Le Deutéro-
nome, xvm, 1-8, leur attribua des parts déterminées.
Le code qu'on appelle sacerdotal les augmenta notable-
ment et distingua ce qui revenait au grand-prêtre, aux
prêtres et aux lévites. Lev., vu, 28-34; Num., v, 8-10;
xvm, 8-32. Quant aux villes lévitiques, Num., xxxv, 1-
8; Jos., xxi, 1-40, l'idée en a été suggérée par É/.échiel,
xlviii, 10-14. En fait, les livres historiques mentionnent
en quelques circonstances les redevances dues aux
prêtres. Les fils d'Héli n'étaient prévaricateurs qu'en
ce qu'ils n'observaient pas les prescriptions légales et
dépassaient leur droit en s'atlribuant ce qui leur plai-
sait des victimes offertes. I Sam., n, 12-17. Et l'homme
de Dieu qui reproche à leur père sa faiblesse, règle
quels seront à l'avenir les revenus des prêtres de Silo.
Ibid., 36. Sous le règne de Joas, les revenus des prê-
tres se payaient en argent. II (IV) Reg., xn, 4-16. A la
réforme religieuse de Josias, les prêtres infidèles
furent privés des revenus du culte et ne gardèrent pour
vivre qu'une partie de leurs droits. II (IV) Reg., xxm,
9. Sur la dime, voir t. u, col. 1.432-1435, et sur les
villes lévitiques, t. iv, col. 216-221 .
e) Loi sur les bêtes mortes. — Le livre de l'alliance
interdit absolument aux Israélites, qui forment un
peuple saint, de manger les bêtes mortes, et ordonne
de les abandonner aux chiens. Exod., xxu, 31. Le Deu-
térononae, xiv, 21, autorise à les donner ou à les ven-
dre aux étrangers. Le code sacerdotal ne voit plus dans
l'acte de manger une bête morte qu'une impureté lé-
gale, exigeant une simple ablution. Lev., xvn, 15-16.
Ces dispositions diverses ne s'excluent pas. La prohi-
bition, fondée sur la sainteté spéciale des Israélites,
demeure, nonobstant les remarques successives qui s'y
ajoutent. Quand, au désert, il n'y a pas d'étranger au
milieu d'Israël, il faut laisser aux chiens toute bête
morte; lorsque Israël aura au milieu de lui ou à côté
de lui des étrangers, qui ne sont pas obligés à la sain-
teté spéciale des Israélites, on pourra leur donner ou
107
PENTATEUQUE
108
leur vendre, selon les cas, les bêtes mortes. Enfin,
l'Israélite qui aura manqué à cette prescription n'aura
encouru qu'une impureté légale que l'ablution fera
disparaître. Les ordonnances différentes visent des cas
différents et ne constituent pas des codes successifs.
f) Loi sur les esclaves. — Selon le livre de l'alliance,
l'esclave hébreu ne peut être acheté que pour six
années; il est nécessairement libéré pour la septième;
et s'il veut se lier à perpétuité, une cérémonie spé-
ciale doit le constater. Exod., xxi, 2-6. Le Deutéro-
nome, xv, 12-18, reproduit cette loi, mais l'explique,
. en obligeant le maître à faire des présents à l'esclave
libéré et en spécifiant que ces dispositions s'appliquent
à la femme esclave. La loi nouvelle du prétendu code
sacerdotal, Lev., xxv, 39-46, ne fixe qu'un cas particu-
lier. En déterminant les privilèges de l'année du ju-
bilé, elle règle que, cette année-là survenant, tout es-
clave hébreu est libéré, même si les six années de son
engagement ne sont pas révolus. Voir t. m, col. 1750-
1854. Jérémie, xxxiv, 8-22, annonce seulement la puni-
tion encourue par la violation d'une loi de libération,
imposée après la délivrance de la servitude d'Egypte.
Voir t. ii, col. 1921-1923.
4. Arguments philologiques invoqués en faveur de
la diversité des documents. — Nous ne reviendrons
pas sur la diversité des noms divins, Élohim et Jého-
vah, qui a servi de point de départ à la distinction des
documents élohiste et jéhoviste. Elle a perdu beaucoup
de son importance. première et elle n'est plus aujour-
d'hui pour les critiques qu'un des nombreux exemples
de la variété du vocabulaire des écrivains qui ont rédigé
les sources de l'Hexateuque. Voir d'ailleurs Élohim,
t. ii, col. 1701-1703, et Jéhovah, t. ni, col. 1230-1234.
Au sentiment des critiques, chaque document a ses
expressions propres, ses tournures spéciales et son
style distinctif. Voir E. Mangenot, L'authenticité
mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 56-58, 85-87,
111-115, 144-147. Mais il importe de remarquer par
quelle méthode on les a déterminés. On a choisi un
certain nombre de morceaux qui présentaient des diffé-
rences de langue plus marquées; on a étudié leurs
particularités lexicographiques et grammaticales, et on
a discerné ainsi les termes soi-disant caractéristiques,
qui ont servi à reconnaître les autres morceaux appar-
tenant à la même source. Le procédé a paru quelque
peu arbitraire. On range dans une série tous les pas-
sages qui présentent les mêmes caractères linguistiques
et dans une autre ceux qui ont d'autres caractères. Les
deux séries sont par suite différentes. Mais, on ne tient
pas compte d'un nombre plus considérable d'expres-
sions communes, employées partout. Quant à l'appré-
ciation des expressions dites caractéristiques, il faudrait
considérer la diversité des matières et du genre litté-
raire. Un code législatif ne se rédige pas dans les
mêmes termes qu'un récit historique ou qu'un discours
parénétique. La Genèse et les parties narratives des
livres du milieu sont naturellement différentes de la
législation. Le législateur n'emploie pas les mêmes
mots qu'un historien ou un prédicateur. Ainsi, il n'est
pas étonnant que la législation mosaïque ait des termes
techniques, concernant les choses du culte, qui ne se
retrouvent pas ailleurs. On peut admettre toutes les
particularités de vocabulaire et de style, remarquées
dans le Deutéronome, sans qu'elles prouvent que les
discours, qui composent ce livre, n'ont pas été rédigés
par Moïse lui-même. Le genre littéraire choisi et le ton
parénétique exigeaient ces différences. Cf. P. Martin,
Introduction à la critique générale de l'A. T., Paris,
1886-1887 (lithog.), t. i, p. 576-604. Les critiques ont
renoncé à démontrer la modernité du code sacerdotal
par sa langue propre; l'étude de cette langue apprend
comment l'auteur écrivait, elle n'indique pas la date du
livre. Du reste, la diversité du style s'explique tout na-
turellement dans l'hypothèse que, pour composer le
Pentateuqup, Moïse a employé différents secrétaires ou
scribes écrivant sous sa direction. Chacun d'eux avait
son style propre, et la diversité du langage n'est pas
surprenante dans une œuvre à laquelle plusieurs mains
ont collaboré. Pour la Genèse en particulier, certaines
particularités de style et de lexique peuvent aussi pro-
venir des sources utilisées et reproduites sans retouches.
Enfin, le texte hébreu actuel ne représente pas absolu-
ment l'original; il a pu être remanié, et toutes les par-
ticularités linguistiques ne peuvent fournir un argu-
ment certain de la prétendue diversité des documents.
Cf. F. de Hummelauer, Beuteronomium, Paris, 1901,
p. 138-144. Ainsi expliqué, l'argument philologique,
qui ne prouve rien à lui seul, perd toute sa force
probante en faveur de la distinction des sources du
Pentateuque.
L'authenticité mosaïque du Pentateuque a été soute-
nue par de nombreux critiques et défendue contre les
attaques des adversaires. Nous signalerons en terminant
les principaux ouvrages ou articles consacrés à cette
démonstration ou à la polémique avec les critiques
allemands : Hengstenberg, Die Bûcher Moses und
Aegypten, Berlin, 1841 ; AV. Smith, The Book of Moses
or the Pentateuch in ils authorship, credibility and
civilisation, 2 in-8°, Londres, 1868; Gh. Schœbel, Dé-
monstration de l'authenticité du Deutéronome, Paris,
1868; Démonstration de l'authenticité mosaïque du
Lévitique et des Nombres, Paris, 1869; Démonstration
de ï 'authenticité "mosaïque de l'Exode, Paris, 1871 ;
Démonstration de l'authenticité de la Genèse, Paris,
1873; Le Moïse historique et la rédaction mosaïque
du Pentateuque, Paris, 1875 (ces travaux ont paru d'abord
en articles dans les Annales de philosophie chrétienne,
1867-1875); Knabenbauer, Der Pentateuch und die un-
glàubige Bibelkritik, dans Stimmen aus Maria-Laacli ,
1873, t, iv ; Bredenkamp, Gesetz und Prop/ieten, Erlan-
gen, 1881; C. Elliot, Vindicalion of the Mosaic au-
thorship of the Pentateuch, Cincinnati, 1884; E. C. Bis-
sel, The Pentateuch,ils origin and structure, New-York,
1885; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12» édit., Paris,
1906, t. ï, p. 397-478; Les Livres Saints et la critique
rationaliste, Paris, 1902, t. m, p. 1-226; t. îv, p. 239-
253; 405-415; Ubaldi, Introductio in Sacram Scriplu-
ram, 2 e édit., Rome, 1882, t. ï, p. 452-509; R. Cornely,
Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris,
1887, p. 19-160; J. P.P. Martin, Introduction à la cri-
tique générale de VA. T. De l'origine du Pentateuque,
3 in-4", Paris, 1886-1889 (lithog.); G. Vos, Mosaic
origin of the Pentateuchal codes, Londres, 1886;
YV. II. Green, Moses and the Prophels, New-York,
1883; The Hebrew Feasts, New-York, 1885; The Penta-
teuchal question, dans Mosaica, Chicago, 1889-1892,
t. v-xm; The higher Crilicism of tlie Pentateuch,
New-York, 1895; The unily of Uie book of Genesis,
New- York, 1895; cardinal Meignan. De l'Éden à Muïse,
Paris, 1895, p. 1-88; Lex mosaica, or the Lan: of Moses
and the higher crilicism (Essais de Sayce, Rawlinson,
Trench, Lias, Wace, etc.), Londres, 1894; Baxter.
Sanctuary and sacrifice, Londres, 1896; Ed. Bôhl,
Zum Gesetz und zum Zeugniss, Alenne, 1883; A. Zahn,
Ernste Blicke in den Wahn der nwdeiiien Kritïk des
A. T., Gûtersloh, 1893; Das Deuteronomium, 1890:
lsraelïtische und jiidische Geschichte, 1S95; Ed. Rup-
precht, Die Anschauung der krit.Schule Wellhausen's
vom Pentateuch, Leipzig, 1893; Vas Râlhsel des Fûnf-
buehesMose und seine falsche Lôsung, Gûtersloh, 1894;
Das Râthsels Lôsung oder Beitrage zur richligen Lo-
sung des Pentaleuchrût hsels , 3 vol., 1S97; Die Kritik
nach ihrem Rechl und Unrecht, 1897; abbé de Broglie,
Questions bibliques, édit. Piat, Paris, 1897, p. 89-169;
J. B. Pelt, Histoire de l'A. T., 3= édit., Paris, 1901, 1. 1,
p. 291-326; J. Kiev, Die Pentateuchfrage. lhre Ge-
109
PENTATEUQUE
lia
schichte undihre Système, Munster, 1903; J. Thomas,
The organic wiily of the Penlateuch, Londres, 1904;
G. H. Rouse, The Old Testament in New Testament
light, Londres, 1905; H. A. Redpath, Modem criticism
and the book of Genesis, Londres, 1905; G. Hoberg,
Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905;
H. 51. Wiener, Studies in biblical Law, Londres, 1904;
J. Orr, The problem of the Old Testament considered
u'îtft référence to récent criticism, Londres, 1906.
Cf. H. Hopfl, Die hbhere Bibelkritik, Paderborn, 1902,
p. 1-96.
III. NOTE THÉOLOGIQUE DE L'AUTHENTICITÉ MO-
SAÏQUE du pentateuque. — L'authenticité mosaïque
du Pentateuque reposant principalement sur le témoi-
gnage des écrivains inspirés, sur la parole de Jésus-
Christ et des Apôtres et sur la tradition catholique, il
y a lieu de se demander si, étant affirmée par l'Écriture
et la tradition ecclésiastique, elle rentre dans le do-
maine de la révélation divine, ou bien si, n'étant pas
formellement enseignée par Dieu aux hommes, elle
n'a pas été révélée et par suite peut librement être
discutée par les catholiques et abandonnée sans détri-
ment pour la foi qui ne sera pas en cause.
Depuis 1887, un certain nombre d'exégètes et de
critiques catholiques, prêtres séculiers ou religieux,
avaient exprimé publiquement, avec la tolérance de
leurs supérieurs et sans avoir été, avant 1906, blâmés
ou repris par l'autorité ecclésiastique, que la thèse
de l'authenticité mosaïque du Pentateuque ne s'impo-
sait pas à la foi des chrétiens et pouvait être librement
débattue ou contestée, parce qu'elle ne faisait pas partie
de la révélation divine. A leur sentiment, l'origine
mosaïque du Pentateuque n'est pas formellement
révélée dans l'Écriture ni enseignée par l'Église comme
certaine.
Les théologiens qui n'admettent pas ce sentiment ne
sont pas cependant d'accord entre eux. Pour les uns,
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, bien que n'étant
pas explicitement révélée, l'est implicitement et for-
mellement, exprimée qu'elle est dans la révélation en
termes équivalents, puisqu'elle se tire des formules ré-
vélées par simple explication et sans qu'il soit besoin de
recourir à une déduction proprement dite. La négation
de cette vérité serait donc une erreur, et la contradic-
toire serait erronea in fiole. Méchineau, L'origine mo-
saïque du Pentateuque, p. 34. Pour les autres, l'authen-
ticité mosaïque du Pentateuque est seulement une
vérité certaine (theologice certa), parce qu'elle se
déduit nécessairement des textes bibliques et parce
que la tradition catholique appuie et confirme cette
conclusion. Elle n'est énoncée dans la révélation que
virtuellement; on l'en tire par déduction ou raisonne-
ment. Par suite, conformément à l'enseignement
commun des théologiens, elle ne s'imposerait pas à
l'adhésion comme de foi divine. Mais rattachée à la
révélation, enseignée par l'Église, dans son magistère
ordinaire, elle est certaine théologiquement, et sa
négation pourrait être dite erronée, ou au moins
téméraire ; elle ne serait pas hérétique, puisqu'elle
n'a pas été jusqu'ici condamnée expressément comme
telle par l'Église. J. Brucker, Authenticité des livres
de Moïse, dans les Études, mars 1888, p. 327. Cf. ibid.,
janvier 1897, p. 122-123; E. Mangenot, L'authenticité
mosaïque du Pentateuque, p. 267-310.
IV. Texte. — Le texte original de .Moïse ne nous est
pas parvenu dans toute sa pureté première, il a subi des
retouches de diverse nature. Voir plus haut, col. 63.
La seule comparaison du texte massorétique avec le
Pentateuque samaritain et la version des Septante suf-
firait à le démontrer. On sait que ces trois recensions
présentent entre elles des différences nombreuses. Les
plus saillantes concernent les chiffres de l'âge des pa-
triarches antédiluviens, Gen., v, 1-31, et postdiluviens, 1
Gen., XI, 10-26; elles ont donné lieu à trois chronolo-
gies différentes de l'histoire primitive, sans qu'il soit
possible de déterminer laquelle des trois se rapproche
le plus de l'original. Voir Chronologie, t. n, col. 721-
724. Mais les nombres ne sont pas seuls divergents dans
ces trois recensions. Le Pentateuque samaritain con-
tient, en outre, des additions et des modifications, dont
les trois plus célèbres substituent Garizim à Hébal.
Exod., xx, 17; v, 21; xxvn, 4, 5. Voir t. m, col. 461 ;
t. iv, col. 1270, 1274. Or, on ne peut décider si ce sont
des interpolations faites par les Samaritains dans l'in-
tention d'autoriser le culte célébré à leur temple de
Garizim, ou si les Juifs auraient changé Garizim en
Hébal, Deut., xi, 29, dans un but polémique. B. Kenni-
cott, The State of the printed hebrew Text of the
Old Testament considered, 1753-1759, t. i, p. 21-117, a
donné la préférence au texte samaritain; mais Gesenius,
De Pentateuchi samaritani origine, indole, auctori-
tate, Halle, 1815, le croyait plus altéré que le texte hé-
breu et rejetait en bloc toutes ses leçons propres.
Cependant le Pentateuque samaritain a probablement
quelques bonnes leçons. 11 a, du reste, des rapports
étroits avec le texte grec des Septante et tous deux
représentent certainement un texte hébreu ancien et
différent du texte massorétique; ce qui s'expliquerait
si le texte samaritain ne remontait guère plus haut
que l'époque d'Alexandre le Grand, quand les Samari-
tains, ayant rompu définitivement avec les Juifs, orga-
nisèrent leur culte sur le mont Garizim. Voir Garizim,
t. m, col. 111-112. Cf. L. Gautier, Introduction, t. n,
p. 556-557. De son côté, la version des Septante, com-
parativement au texte massorétique, présente des addi-
tions, des omissions, des transpositions, des lectures
différentes, qui ne sont pas toutes le fait des traducteurs,
mais qui proviennent souvent de l'état antérieur du
texte hébreu. Voir Swete, An Introduction to the OUI
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 234-236, 243,
442, 446. Enfin, le texte massorétique, quoique tradi-
tionnel dans sa vocalisation, ne représente pas absolu-
ment l'original; il a reproduit, du reste, dans les hèri
un certain nombre de variantes antérieures, voir t. rv,
col. 856, 858, et il conserve dans sa teneur actuelle des
indices d'altération, par exemple, Deut., x,6, voir Mo-
Séb A, ibid. , col. 1318; Exod., xi, 3, et des transpositions,
comme Exod., xxx, 1-10, qui devrait être plutôt après
Exod., xxvi, 35. De cet état des trois recensions, il faut
conclure que le texte du Pentateuque a subi, au cours
séculaire de sa transmission, des retouches et des altéra-
tions. Or, celles-ci ne semblent pas être exclusivement
l'œuvre des copistes, mais parfois de reviseurs. Nous
n'avons donc plus le texte du Pentateuque dans sa pureté
complète; il nous est parvenu remanié, retouché dans
des détails qui, sans atteindre à la substance du fond,
permettent aux critiques modernes de reconnaître dans
le texte actuel des gloses et des modifications. P. Mar-
tin, Introduction à la critique générale de VA. T.,
Paris, 1886-1887 (lithog.), t. î, p. 17-129; J. Brucker,
Authenticité des livres de Moïse, dans les Études,
1888, t. xlix, p. 332-338.
V. Style. — Le style du Pentateuque, nous l'avons
déjà remarqué, n'est pas uniforme, et il n'y a en cela
rien de surprenant si, comme il est légitime de le sup-
poser, Moïse a reproduit des documents antérieurs et
a pu confier à des secrétaires la rédaction d'une partie
de son œuvre.
On peut distinguer dans ce livre, sous le rapport du
style, trois sortes de passages. Il y a d'abord des
tableaux statistiques et des recueils de lois, qui n'exigent
que de l'exactitude et de la précision. On ne reprochera
pas à l'écrivain la sécheresse des généalogies, de la
table ethnographique, de la liste des stations du désert,
et autres morceaux analogues. Pareillement, les lois
étaient formulées en termes juridiques, clairs, précis,
411
PENTATEUQUE
112
•et codifiées dans des cadres ressemblants, sinon iden-
tiques. Le législateur n'a d'autre souci que la précision
•et la clarté.
Le narrateur est ordinairement simple et naturel,
mais il a aussi les qualités du conteur oriental. Les
récits sont vivants et saisissants. Il excelle à peindre
ie caractère des personnages; il exprime leurs senti-
ments intimes, multiplie les dialogues. Il aime la
mise en scène, et il décrit les événements en quelques
traits bien frappés. Son histoire est le plus souvent
«necdotique. Elle renferme de fort belles pages. Sans
parler du récit delà création, qui a une forme spéciale,
on a admiré de tout temps l'achat du champ d'Hémor
par Abraham comme une scène pittoresque des mœurs
patriarcales, l'histoire si émouvante de Joseph et en
particulier sa reconnaissance par ses frères, la narra-
tion dramatisée des plaies d'Egypte et de la délivrance
des Israélites.
Le Deutéronome appartient à un genre littéraire
spécial. C'est un corps de lois, exposé et expliqué
dans ilne série de discours. Si la législation a sa forme
particulière, les exhortations dans lesquelles elle est
encadrée ont leur style propre. L'orateur ne se borne
pas à rapporter les prescriptions législatives; il veut
surtout porter ses auditeurs à les pratiquer. Il les
justifie donc et y joint souvent les motifs de les obser-
ver. C'est un prédicateur et un hoxnéliste. Il expose
longuement son sujet, en phrases pleines et riches,
«n périodes bien remplies. Il aime à revenir sur les
recommandations qu'il répète, et les mêmes manières
de dire se pressent constamment sur ses lèvres. Les
formules spéciales, très caractéristiques, qui font partie
de ce que les critiques nomment le style deutérono-
miste, reparaissent continuellement, et constituent des
sortes de refrains. Ses longues périodes ne s'achèvent
pas toujours, et on a signalé des anacoluthes, vi, 10-12;
vin, 11-17; IX, 9-11; xi, 2-7; xxiv, 1-4. Moïse ici a le
ton du prédicateur. Ses qualités dominantes sont l'onc-
tion et la persuasion. Quoiqu'il né manque pas d'éner-
gie, il n'a pas là véhémence des prophètes. Il s'exprime
avec clarté pour être compris du peuple auquel il
s'adresse. Il s'insinue doucement dans l'esprit de ses
auditeurs, et il ne se lasse pas d'insister sur l'observa-
tion fidèle de la loi divine. L'abondance de son
exhortation tourne parfois en longueurs. Il remonte
«n arrière et répète ce qu'il vient de dire.
VI. Prophéties messianiques. — Le Pentateuque
contient les plus anciennes prophéties messianiques.
— 1° Le protévangile. — La première a été promulguée
au paradis terrestre par Dieu lui-même à Adam et à
Eve après leur péché. Elle est renfermée dans la mys-
térieuse sentence, prononcée contre le serpent séduc-
eur : « J'établirai une inimitié entre toi et la femme,
entre ta descendance et sa descendance; celle-ci te bri-
sera la tête et tu lui briseras le talon. » Gen., m, 15.
Ces paroles ne s'adressent pas au serpent et elles ne
signifient pas l'aversion naturelle, instinctive, des
hommes pour les serpents. Le serpent avait servi
d'instrument à un être intelligent et méchant, à un
esprit mauvais qui l'avait fait parler avec perfidie et
perversité. Les Juifs ont reconnu en lui le démon ten-
tateur de la femme. Sap., n, 24; Apoc, xii, 9; xx, 2;
Heb., n, 14. Voir t. h, col. 1368, 2119. Aussi la sen-
tence divine s'étend-elle plus loin que le serpent visible
et atteint-elle directement l'esprit tentateur. Un jour,
Dieu établira entre lui et la femme une inimitié mo-
rale, telle qu'elle peut exister entre deux êtres raison-
nables ennemis l'un de l'autre, Num., xxxv, 21, 22,
«ntre Dieu et l'homme. Ezech., xxv, 15; xxxv, 5. Cette
inimitié, qui diffère de l'horreur naturelle que les
hommes éprouvent pour les serpents, régnera entre le
démon et la femme, non pas le sexe féminin en géné-
ral, quoique l'expression hébraïque, rrwNn, avec l'ar-
ticle, puisse avoir ce sens, mais une femme déterminée,
et d'après tout le récit biblique, dans lequel le mot
femme précédé de l'article désigne constamment Eve,
la femme séduite par le serpent, plutôt qu'une femme
future, présente seulement à la pensée divine, une
femme unique en son genre et très excellente, la mère
du Messie. La même inimitié, Dieu l'établira aussi
entre la descendance du serpent et la descendance de
la femme. Puisqu'il s'agit d'une inimitié morale, on
doit exclure la postérité du serpent. Appliquée au
démon, l'expression « descendance » est nécessaire-
ment métaphorique. Elle désigne ou les esprits mau-
vais, dont Satan est le chef, ou les hommes pervers,
qui se sont mis sous l'empire du démon. Matth., xxm,
33; Joa., vin, 44. Si telle est la descendance du ser-
pent séducteur, la rigueur du parallélisme semble
exiger que la « descendance » de la femme ait aussi un
sens collectif et désigne la postérité de la femme, qui
sera en haine et en lutte avec la lignée du serpent, le
genre humain, qui sera un jour victorieux du démon.
Mais plusieurs exégètes, s'appuyant sur l'autorité des
Pères qui ont reconnu dans la femme, figurée par Eve,
la mère du Messie, S. Justin, Dial. cum Tryph., 100,
t. vr, coi. 709-712; S. Irènée, Cont. hier., JU, xxjjj,
7; V, xix, 1; c. xxi, 1, t. vu, col. 964, 1175-1176,
1179; S. Cyprien, Testim. adv. Judssos, II, ix, t. iv,
col. 704; S. Épiphane, Hser., lxxvh, 18, 19, t. xlii,
col. 729; S. Léon le Grand, Serm., xxn, t. liv,
col. 729; pseudo-Jérôme, Episl. VI, ad amicum ssgro-
tum de viro perfecto, t. xxx, col. 82-83; S. Isidore
de Péluse, Epist., 1. I, epist. ccccxxvi, t. 'lxxviii,
col. 417; S. Fulbert de Chartres, Serm. IV, de nat.
S. V., t. cxli, col. 320-321; S. Bernard, Boni,, n,
super Missus est, 4, t. clxxxiii, col. 63, l'entendent
d'un « rejeton » unique, le Messie. Ils observent que,
lorsque y-iî présente un sens collectif, le pronom qui
s'y rapporte se met régulièrement au pluriel. Gen., xv,
13; xvn, 8, 9, etc. On ne signale que trois exceptions
à cette règle. Gen., xvi, 10; xvn, 17; xxiv, 60. Or ici le
pronom est au singulier. Le nom signifie donc un re-
jeton en particulier, sens qu'il a Gen., IV, 25; II Heg.,
vu, 12, 13; I Par., xvn, 11, 12-.
Le résultat final de cette inimitié sera une lutte,
diversement décrite dans la Vulgate et le texte hébreu.
Tandis que la Vulgate, après les Septante, attribue la
victoire sur le démon à la femme : Ipsa conteret caput
luum, le texte original la rapporte à sa descendance
(postérité ou rejeton). La leçon latine est fautive et on
l'explique souvent par une erreur de copie. Tous les
manuscrits hébreux sauf trois, les anciennes versions,
tous les Pères grecs et la plupart des latins ont le mas-
culin ipse. Le premier verbe hébreu est d'ailleurs à la
troisième personne du masculin, et le pronom suffixe du
second verbe est aussi masculin. Le pronom j*',n se rap-
porte donc à 711 et non à ntfa. En outre, dans le texte
hébreu, la lutte est exprimée par le même verbe, ré-
pété dans les deux membres de phrase. La signi-
fication de ce verbe *\ni a été discutée. Il ne se rencontre
qu'ici et Job, ix, 7; Ps. cxxxix, 11. On le traduit ou
bien « briser, écraser », ou bien « dresser des embûches,
observer, épier, chercher à atteindre ». Les Septante,
les Pères grecs qui ont cité leur version et Onkelos ont
adopté la seconde interprétation, généralement acceptée
par les critiques modernes. Quoique saint Jérôme, Li-
ber qusest. hebr. in Genesim, t. xxn, col. 943, préférât
la signification : eonterere, il a traduit le second verbe
par insidiaberis. Suivant cette interprétation, les com-
battants s'observent, s'épient et s'apprêtent à s'attaquer
conformément à leur nature. La race de la femme cherche
à écraser la tête du serpent, car c'est lui, et non sa des-
cendance, qui est attaqué, et le serpent, qui rampe sur
la terre, visele talon de l'homme etchercheàle mordre.
113
PENTATEUQÙE
114
Suivant la première interprétation, la descendance de la
femme brisera donc la tète du serpent et celui-ci lui
mordra le talon. L'expression est évidemment métapho-
rique. Bans l'Écriture, iriser la tête de quelqu'un
signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre inca-
pable de nuire, le vaincre. Amos, h, 7; Ps. lxvii, 22;
Cix, 6. La postérité de la femme brisera donc la puis-
sance de Satan et détruira son empire tyrannique. La
métaphore est continuée dans la suite du verset. Le
serpent, écrasé par le pied de son adversaire, se re-
tournera contre lui et l'attaquera au seul endroit
qu'il puisse atteindre encore, au talon qu'il cherchera
à atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites
•de la lutte, il y a toute la différence d'un talon blessé et
d'une tète broyée. Les commentateurs catholiques, qui
reconnaissent dans la descendance de la femme un re-
jeton spécial, qui est le Messie, voient dans l'écrasement
■de la tête du serpent la victoire définitive remportée par
le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa mort sur la
«roix, a véritablement brisé la tête du serpent infernal,
Joa., xh, 31; Col., n, 15; I Joa., m, 8, et dans la mor-
sure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix,
œuvre des suppôts de Satan, mais cette morsure,
quoique mortelle, est suivie de la résurrection du vain-
queur du démon. Calmet, Commentaire littéral sur la Ge-
nèse, 2«édit., Paris, 1724, t. ] a, p. 39-40; Patrizi, Bibli-
■carum qusestionum decas, Rome, 1877, p. 47-53; Id., De
Nin, hoc est de immaeulata Maria Virgine a Deo prse-
dicta, Rome, 1853; C. Passaglia, De immaculato Dei-
parse conceptu, Rome, 1853, t. H, p. 812-954; Ms r Gilly,
Précis d'introduction, Nimes, 1867, t. H, p. 345-356;
Ma r Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. i,
p. 235-236; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit,
Paris, 1906, t. i, p. 567-571; Fillion, La sainte Bible,
Paris, 1888, t. i, p. 32; E. Mangenot, Les prophéties
messianiques. Le prolévangile, dans Le prêtre, Arras,
1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protévangile
est messianique au sens littéral. Pour d'autres, il ne
l'est qu'au sens spirituel; la prophétie vise directe-
ment Eve et sa descendance, qui sont des figures du
Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Les targums
d'Onkelos et de Jérusalem avaient compris le sens mes-
sianique général de cette prophétie. Clément d'Alexan-
drie, Cohort. ad génies, i, t. vm,. col. 64, y avait vu
seulement l'annonce prophétique du salut. Saint Chry-
sostome, Hom., xvn, in Gen., n. 7, t. lui, col. 143;
saint Augustin, De Genesi contra manichseos, 1. II,.
c. xvin, t. xxxiv, col. 210; saint Jérôme, Liber quœst.
hebr. in Gen., t. xxm, col. 943; saint Éphrem, Opéra
syriaca, Rome, 1732, t. i, p. 135; saint Grégoire le
Grand, Moral, in Job, 1. I, c' xxxvi, n. 53, t. lxxv,
col. 552, l'ont entendue de la lutte des hommes avec le
serpent infernal et de leur triomphe par leurs bonnes
<euvres sur les perverses suggestions de Satan. Cor-
neille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732,
p. 66-67; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin,
•1829, t. 1, p. 26-46; Reinke, Beitrâge sur Erklàrung
des A. T., Giessen, 1857, t. n, p. 272 sq.; Corluy,
Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i,
p. 347-372; card. Meignan, De l'Éden à i\foïse,.Paris,
1895, p. 165-192; Crelier, La Genèse, Paris, 1889,
p. 54-56; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim,
Paris,. 1895, p. 159-167, ont vu dans Eve et sa postérité
les figures du Messie et de sa mère. Que la signification
messianique du protévangile soit littérale ou spirituelle
seulement, le trait initial qui commence à donner la
physionomie du Messie, c'est qu'il sera un fils d'Eve, un
descendant de la femme coupable, un membre de cette
humanité qu'il arrachera à l'empire du démon.
2» La bénédiction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Après
avoir maudit Cham, son fils irrespectueux, dans la
personne de Chanaan, voir t. n,col. 513-514, 532, Noé
bénit Sem et Japheth, ses fils respectueux. La béné-
I diction de Sem est exprimée sous forme optative :
« Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem! Que Chanaan
soit son esclave ! » jéhovah, le Dieu de la révélation,
de la grâce et du salut, est appelé l'Élohim de Sem.
C'est la première fois que, dans l'Écriture, Jého-
vah est dit l'Élohim d'un homme. Plus tard, il se
nommera lui-même l'Élohim d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob. Gen., xxvm, 13; Exod., m, 6. Cette dénomination
exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces
patriarches : il est le Dieu de leur famille; il a con-
tracté alliance perpétuelle avec eux et il leur réserve à
eux et à leur postérité des bénédictions spéciales. Or,
ces bénédictions ne sont qu'une conséquence de celle
de Sem. Le fait que Jéhovah est dit l'Élohim de Sem,
signifie donc que ce fils de Noé aura comme apanage
d'avoir avec Dieu des relations spéciales et de conserver
la vraie religion. De sa race viendra le salut et le ré-
dempteur promis à l'humanité pécheresse.
3° Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac
et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu à Abraham
et renouvelées par lui à Isaac et à Jacob, avaient une
portée messianique. — 1. Promesse d'une nombreuse
postérité. — Après avoir ordonné à Abraham d'émigrer
au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire
sortir de lui un grand peuple. Gen., xn, 2. Les réitéra-
tions de cette promesse divine en ont précisé le sens,
puisque la postérité d'Abraham devait être aussi nom-
breuse que la poussière de la terre, Gen., xnr, 16, et
les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d'Abram
est-il changé par Dieu en celui d'Abraham, « père de
la multitude. » Dieu rendra le patriarche chef de nations
et fera sortir des rois de lui. Gen., xvn, 4-6. Cette nom-
breuse postérité lui viendra non d'Ismaël, mais d'Isaac,
fils de Sara. Gen., xvn, 16; xvm, 10-15; xxn, 17. Cf. Heb.,
xi, 12. Cette promesse est réitérée presque dans les
mêmes termes à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob, Gen.,
xxvm, 14, et elle a été réalisée par la nombreuse lignée
d'Isaac. Mais plusieurs Pères ont pensé que la promesse
divine n'avait pas son accomplissement parfait, si l'on ne
considérait pas dans la postérité d'Abraham, son rejeton
le plus illustre, Jésus-Christ, Matth., i, 1, et les fils qu'il
lui a engendrés par la foi. Rom., IV, 16, 17. Cf. S. Iré-
née, Cont. hier., IV, vu, 1, 2, t. vu, col. 991-992;
S. Ambroise, De Abraham, I, ni, 20-21, t. xiv,
col. 428; S. Cyrille d'Alexandrie, Glaph. in Gen.,
III, 2, t. lxix, col. 113; Raban Maur, Comment, in
Gen., n, 12, 17, t. cvn, col. 533, 541 ; Rupert, De Tri-
nitate et operibus ejus, xv, 10, 18, t. cxlvii, col. 375,
383. — 2. Promesse d'être une source de bénédictions.
— Elle est exprimée dans le texte hébreu en ces
termes : « Sois bénédiction. » Gen., xn, 2. L'impératif -
a le sens du futur. Elle est expliquée par le verset sui-
vant : « Je bénirai ceux qui te béniront ; je maudirai
ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre
seront bénies en toi. » Elle s'est réalisée du vivant même
d'Abraham : Lot, Gen., xiv, 16, Ismaël, Gen., xvn, 20,
sont bénis à cause de lui; Pharaon, Gen., xn, 17, et
Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés par Dieu à
son occasion. Elle devait enfin être universelle. On a
voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus chananéennes
et aux populations voisines, qui étaient en relations
avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et
la réitération de cette promesse n'a fait qu'accentuer sa
portée universelle. D'autre part, elle ne se réduisait pas
à des bénédictions temporelles. Le verbe bâraq est em-
ployé ici à la forme niphal ou passive. Plusieurs
commentateurs, après saint Chrysostome, In Gen.,
hom. xxxi, n. 4, t. lui, col. 288, l'entendent comme
s'il était à la forme hithpahel ou réfléchie, employée
Gen., xxn, 18; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre
désireront pour elles ton sort henreux. » Les Septante,
les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères
grecs et latins maintiennent le sens passif, cité par
115
PENTATEUQUE
116
saint Pierre, Act., m, 25, et par saint Paul. Gai., ni, 8.
La préposition 2, unie à la forme passive, désigne l'au-
teur ou l'instrument et signifie ici en toi ou par toi, de
sorte que la bénédiction divine, qui se répandra sur
les familles de la terre sera en la personne d'Abraham
ou viendra par son intermédiaire. Saint Paul a expli-
qué le sens de cette promesse. Gai., m, 7-9. Abraham
ayant été justifié par la foi, Gen., xv, 6; Rom., iv, 3;
Jac, H, 23, tous les croyants sont ses fils. Rom., îv, 11,
12. Or l'auteur de l'Écriture, décidant de justifier les
gentils par la foi, a annoncé d'avance à Abraham que
toutes les nations seront bénies en lui, si elles ont la
foi et bien qu'elles ne pratiquent pas la loi mosaïque.
Il en résulte donc que tous les gentils, qui sont fils
d'Abraham parce qu'ils partagent sa foi, auront part à
sa bénédiction. Cf. J. Boehmer, Dos bibliscke « Im
Namen », Giessen, 1898, p. 50. Le P. Cornely, Com-
ment, in Epist. ad Cor. altérant et ad Gai., Paris,
1892, p. 480, l'étend à tout le salut messianique. Or,
cette bénédiction les gentils la recevront par Abraham
et le Christ son rejeton.
4° La bénédiction de Jacob mourant à Juda. Gen.,
xlix, 8-10. — Elle est certainement dans la bouche de
Jacob une prophétie en même temps qu'un testament.
Juda obtient la prééminence, refusée à Ruben, à Si-
méon et à Lévi, ses frères aînés, à cause de leurs
fautes. Voir t. m, col. 1073; t. iv, col. 201. Le premier
en Israël, il aura gloire, force et souveraineté. Il don-
nera des rois à son peuple à partir de David. « Le
sceptre ne sortira pas de Juda, ni le bâton de com-
mandement d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne
« celui auquel il appartient », à qui est (due) l'obéissance
des peuples! » f. 10. La première partie du verset est
claire. Il s'agit du bâton de commandement et du bâton
de justice, qui sont les symboles de l'autorité civile et
judiciaire de la tribu de Juda. Les Égyptiens et les Assy-
riens avaient de ces longs bâtons entre les pieds. "Voir
t. i, col. 1510-1512. Seule, la seconde partie du verset
est obscure, au moins dans le texte massorétique. La
leçon rïW, Silo, n'a aucune signification pour la
tribu de Juda, qui ne s'est jamais établie en ce lieu.
Voir Silo. Ce n'est que par pure conjecture qu'on a
substitué à ce nom celui de Salem, qu'aucun texte n'a
conservé. .D'ailleurs, la liaison locale avec le premier
membre de la phrase n'a pas de sens; on ne compren-
drait guère que le sceptre que Juda tient entre ses
pieds n'en sorte pas jusqu'à ce qu'il soit arrivé en un
lieu, puisqu'il est au repos et pas en marche. Cette
leçon, entendue dans le sens de « paix », ne se justifie
guère au point de vue philologique et elle ne s'harmo-
nise pas avec le contexte, car Juda, déjà au repos après
le pillage, ji. 9, ne peut pas perdre le sceptre, en s'éta-
blissant pacifiquement sur son territoire. Il ne reste-
rait, si l'on maintient la leçon rft'tf, qu'à en faire un
nom symbolique du Messie, signifiant « le pacifique ».
Mais la leçon rVîtf, appuyée par tous les anciens, sauf
par saint Jérôme, paraît préférable. On la traduit, en
sous-entendant NW : « celui à qui le sceptre appartient. »
Ézéchiel, xxi, 32 (Vulgate, 27), a une formule analogue,
quofque plus explicite. Le sens est ainsi très clair :
Juda conserve le sceptre jusqu'à ce que vienne celui à
qui il est destiné et à qui les peuples rendront obéis-
sance. Celui-là est vraisemblablement un rejeton de
Juda, qui prendra le sceptre, conservé longtemps dans
sa tribu, et qui régnera sur les peuples. Cette pro-
phétie a été réalisée par l'empire universel de Jésus-
Christ; le Messie, sorti de Juda, a vraiment conquis
l'obéissance de tous les peuples. Voir t. m, col. 1770-
1771. Cf. Reinke, Die Weissagung Jacobs, Munster,
1849; F. "Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris,
1906, 1. 1, p. 733-739; Patrizi, Biblicarum qusestionum
decas, p. 69-118; A. Lëmann, Le sceptre de la tribu de
Juda, Lyon, 1880; Corluy, Spicilegium dogmatico-
biblicum, t. i, p. 456-474; Lamy, dans le Dictionnaire
apologétique de la foi catholique de Jaugey, col. 1624-
1649; card. Meignan, De l'Éden à Moïse, p. 435-464;
Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue bi-
blique, 1898, t. vu, p. 530-531, 540; F. de Hummelauer,
Comment, in Gen., p. 592-597.
5» La prophétie de Balaani. —r Voir t. i, col. 1392-
1397. Cf. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 118-
160; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 775-779;
card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 194-
282.
6° Le prophète annoncé par Moïse. Deul., xvm, 15-
19. — Moïse, parvenu au terme de sa vie, rappelle aux
Israélites la promesse que Dieu lui avait faite de sus-
citer du milieu d'eux un prophète semblable à lui. Ce
prophète ne peut être Job, comme l'ont prétendu
quelques rabbins, ni Josué quiétaitpeut-êtredéjà institué
comme successeur de Moïse, Num., xxvii, 18-23, pour
conduire Israël, mais pas pour continuer sa mission
prophétique. Les commentateurs catholiques se sont
partagés en deux camps dans l'interprétation de cet
oracle messianique. Le plus grand nombre s'appuyant
sur la tradition juive qui, au temps de Jésus, recon-
naissait dans ce prophète le Messie lui-même, Joa., i,
21; vi, 14; vu, 40, devant annoncer aux hommes toutes
choses, Joa., iv, 25; cf. Deut., xvm, 18, prédit par
Moïse, Joa., i, 45, v, 45, 46; sur l'interprétation de
saint Pierre, Act., m, 22, 23, de saint Etienne, Act., vu,
37, et de la plupart des Pères, l'ont entendu du Messie
seul et de sa mission prophétique. Patrizi, Biblicarum
qusestionum decas, p. 161-175; F. Vigouroux, Manuel
biblique, t. i, p. 779; Corluy, Spicilegium dogmatico-
biblicum, t. i, p. 447-455. Mais, à partir de Nicolas de
Lyre, un autre courant s'est produit, qui voit dans cet
oracle l'annonce prophétique de toute la série des pro-
phètes d'Israël, y compris le Messie, le dernier des
prophètes et l'objet principal des oracles messianiques
de ses devanciers. Moïse, en effet, quand.il prononça
cet oracle, voulait montrer aux Juifs qu'ils ne devaient
pas consulter les devins, puisque Dieu leur avait promis
une suite continue de véritables prophètes, qui leur
feront connaître les volontés divines et leur annonce-
ront toutes choses. Si les contemporains de Jésus et
ses Apôtres appliquent cet oracle au Messie seul, c'est
que la série des prophètes antérieurs, qui l'avaient
préparé, était close ; c'est que le Messie était vraiment
le dernier des prophètes, dont on attendait alors la
venue prochaine. Act., m, 22-26. Corneille de la Pierre,
Comment, in Deul., Lyon, 1732, p. 764; Calmet, Com-
mentaire littéral, t. i b, p. 497-498; card. Meignan,
De Moïse à David, p. 292-313; F. de Hummelauer,
Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 371-377. Dans les
deux interprétations, le sens est identique : le Messie
sera un prophète israélite, pareil à Moïse, qui annon-
cera aux hommes toutes les volontés divines.
VII. Commentaires. — Ils sont très nombreux; nous
n'indiquerons que les principaux. — 1» De l'époque
patrislique. — 1. Pères grecs et syriens. — S. Hippo-
lyte, Fragmenta in Hexaemeron (Gen., Num.), t. x,
col. 583-606 ; dans Die Griechischen christlichenSchrif-
testeller, Leipzig, 1897, t. i, p. 51-119 (chaîne arabe);
Bonwetsch, Die georgisch erhaltene Schriften von
Hippolytus : Der Segen Jakobs, der Segen Moses, etc.,
dans Texte und Untersuch., Leipzig, 1904, t. XI,
fasc. 1, p. 1-78 ; Origène, Selecla in Genesim, t. xii,
col. 91-145; Homilim in Genesim, ibid., col. 145-262;
Selecta et Homiliae in Exod., Lev., Num. et Deut.,
ibid., col. 263-818; Fragmenta, t. xvn, col. 11-36;
S. Basile, Homilisein Hexaemeron, t. xxix, col. 3-208;
S. Grégoire de Nysse, In Hexaemeron, t. xliv, col. 61-
124; De hominis opificio, ibid., col. 124-297; De vita
Moysis, ibid., col. 297-430; S.Jean Chrysostome, Bomi-
417
PENTATEUQUE
448
lise Lxvirm Genesini, t. lui, liv, col. 23-580; Sermones
IX in Genesini, t. liv, col. 581-630; Sévérien de Gabales,
Orationes in mundi creationem, t. lvi, col. 429-500;
Homilia de serpente, ibid., col. 499-516 ; S. Éphrem,
Comment, in Pentateuchum, dans Opéra syriaca, t. I,
p. 1-115; le commentaire qui suit, p. 116-295, a été revu
par Jacques d'Édesse ; S. Cyrille d'Alexandrie, De ado-
ratione in spiritu, t. lxvih, col. 133-1125; Glaphyra,
t. lxix, col. 13-677; Théodoret, Queestiones in Gen.,
Exod., Lev., Num., Deut., t. lxxx, col. 76-456; Diodore
de Tarse, Fragmenta in Gen., Exod., t. lxvl, col. 633-
648; Procope de Gaza, Comment, in Octateuchum,
t. lxxxvii, col. 21-992; Photius, Amphilochia, t. ci,
col. 48 sq.; Nicéphore, Catena in Octateuchum et li-
bros Begum, Leipzig, 1772. Sur les chaînes grecques
du Pentateuque, voir Faulhaber, Die Katènenhand-
schriften der spanischen Bibliotheken, dans Biblische
Zeitschrift, 1903, t. i, p. 151-159, 246-247.
2. Pères latins. — S. Ambroise, In Hexaemeron,
t. XIV, col. 123-274; De paradiso terreslri, ibid.,
col. 275-314; De Caïn et Abel, ibid., col. 315-360; De
Noe et arca, ibid., col. 361-416; De Abraham, ibid.,
col. 419-500; De lsaac et anima, ibid., col. 501-534;
De Joseph patriarcha, ibid., col. 641-672; De benedi-
ctionibus patriarcharum, ibid., col. 673-694 ; S. Jérôme,
Liber hebraicarum quiestionum in Genesim, t. xxm,
col. 935-1010; S. Augustin, De Genesi contra Mani-
cheos libri duo, t. xxxiv, col. 173-220; De Genesi ad
litteram imperfectus liber, ibid., col. 219-246; 1. XII,
ibid., col. 245-486; Quses tiones in Heptateuchum (pour
le Pentateuque), ibid., col. 547-776; Paulin, De bene-
dictionibus patriarcharum libellus, t. XX, col. 715-732;
Ru/ïn, De benedictionibus partriarcharum libri duo,
t. xxi, col. 295-336; pseudo-Jérôme, De benedictionibus
Jacob patriarches, t. xxm, col. 1307-1318; S. Isidore de
Séville, Qusestiones in V. T. Pentateuch., t. lxxmi,
col. 207-370 ; S. Patère, Expositio V. et N. T., t. mxxix.,
col. 685-784 (pour le Pentateuque); S. Bède, Hexaeme-
ron, t. xci, col. 9-190; In Pentateuchum commentarii,
ibid., col. 189-394; De tabernaculo et vasibus ejus et
uestibus sacris, ibid., col. S9S-498', pseudo-Bède, De sex
dierum creatione, t. xcin, col. 207-234; Qusestiones su-
per Pentateuchum, ibid., col. 233-416; Alcuin, Inter-
rogations et responsiones in Genesim, t. c, col. 515-
566; Baban Maur, Comment, in Gen., X. 'cvu, col. 443-
670; Comment. inExod., Lev., Num. et Deut., t. cvm,
col. 9-998; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxm,
col. 67-506 (pour le Pentateuque); Angelome, Comment,
in Gen., t. cxv, col. 107-244.
2° Du moyen âge. — S. Bruno d'Asti, Expositio in
Pentateuchum, t. clxiv, col. 147-550; Rupert de Deutz,
De SS. Trinitate et operibus ejus, t. clxvii, col. 197-
1000 (pour le Pentateuque); Hugues de Saint-Victor,
Adnotationes elucidatoriœ in Pentateuchum , t. clxxv,
col. 29-86; Honorius d'Autun, Hexaemeron, t. clxxii,
col. 253-266; De decem plagis JEgypti, ibid., col. 265-
270; Abélard, Expositio in Hexaemeron, t. clxxviii,
col. 731-784; Ernaud, Tractatus in Hexaemeron,
t. clxxxix, col. 1515-1570; Hugues de Rouen, Frag-
menta in Hexaemeron, X. cxcii, col. 1247-1256; Tho-
mas, Postilla seu expositio aurea in librum Geneseos,
Opéra, Paris, 1876; t. xxxi, p. 1-194; Hugues de
Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588, 1. 1; Nicolas de Lyre,
Postilla, Rome, 1471, t. i ; Tostat, Opéra, Venise, 1728,
t. i-iv; Denys le chartreux, Comment, in Pentateuchum,
Opéra omnia, Montreuil, 1896, 1897, t. i, il
3° Des temps modernes. — 1. Protestants. — Sans
parler des commentaires de Luther et de Mélanchthon
sur la Genèse, de Calvin sur le Pentateuque, etc.,
notons ceux de J. Gerhart (-}-1637), In Gen., Deut.;
d'Abraham Calov, In Gen., de Jean Drusius, Louis de
Dieu, Louis Cappel, Coccéius et Grolius, au XVII e siècle;
de Jean-Henri Michaelis, Jean Le Clerc (1710 et 1735),
de Rosenmuller, Sckolia in V. T., dont les deux pre-
miers volumes concernent le Pentateuque; 3 e édit.,
1821, 1824; Scholia in V. T. in compendium redacta,
1828, t. i (Pentateuque). Au xix e siècle, le Pentateuque
a été souvent commenté par les protestants, dont plu-
sieurs ont entièrement versé dans le rationalisme. — En
Allemagne, Tuch, Commenlar ûber die Genesis, Halle,
1838; 2 e édit. par Arnold et Merx, 1871; Baumgarten,
Theologischer Commentai- zum A, T., Kiel, 1843-1844,
t. i; dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum
A. T., Leipzig, A. Knobel avait expliqué la Genèse,
1852, l'Exode et le Lévitique, 1857, les Nombres, le
- Deutéronome et Josué, 1861; à partir de la 3 e édition,
la Genèse fut refondue par A. JDillmann (6 e édit., 1892);
trad. anglaise, 2 vol., Edimbourg, 1897; une 2 e édition
de l'Exode et du Lévitique fut faite par le même, 18S0,
et une 3 e par Ryssel, 1897; une 2 e édition des Nombres,
du Deutéronome et de Josué par Dillmann parut en
1886. Le Theologisch-homiletisches Bibelwerk, édité à
Bielefeld et Leipzig, contient un commentaire de la
Genèse, par Lange, 2 e édit., 1877, de l'Exode, du Lévi-
tique et des Nombres par le même, 1874, du Deutéro-
nome, par Schrôder, 1866; 2 e édit. par Stosch, 1902.
Le Biblischer Commenlar ûber das A. T., de ICeil et
de Franz Delitzscb, contient la Genèse et l'Exode com-
mentés par Keil, 3° édit,, Leipzig, 1878; du Lévitique,
des Nombres et du Deutéronome, par le même, 2 e édit.,
1870; trad. anglaise, 3 in-8», Edimbourg, 1881, 1885; le
Kurzgefasster Kommentar zu den heiligen Schriften
A. und N. T., de Strack et de Zôckler, Munich, com-
prend l'explication des quatre premiers livres du Pen-
tateuque par Strack, 1894 (la Genèse a paru à part en
2 e édition, en 1905), et celle du Deutéronome, de Josué
et des Juges par Œttli, 1893. Le Handkommentar zum
A. T. de Nowack, publié à Gœttingue, contient la Ge-
nèse de Gunkel, 1901; 1" édit., W02; l'Exode, le Lé\'\-
\ tique et Ves Nombres de Baeiitsth, "VàO'à, e*c le "DevAêro-
nome de Steuernagel,1900. Le Kurzer Hand-Kommentar
zum A. T., de Marti, édité à Fribourg-en-Brisgau, ren-
ferme les commentaires de la Genèse, 1898, de l'Exode,
19Q0, des Nombres, 1903, par Holzinger; du Lévitique,
1901, et du Deutéronome, 1899, par Bertholet. Com-
mentaires spéciaux de la Genèse, par Franz Delitzscb,
Leipzig, 1852; 4e édit., 1872; 5 e édit. sous le titre •
Nette»* Commenta?" ûber die Genesis, 1887 ; Gossvau,
Commentar zur Genesis, Halberstadt, 1887; Schultz,
Das Deuteronomium erklàrt, Berlin, 1859; J. Bohmer,
Das ersteBuch Mose, Stuttgart, 1905. —En Angleterre,
The Holy Bible according to the authorized Version,
éditée par Cook à Londres, contient le Pentateuque en
2 in-8°, Londres, 1877, t. i et n. The Pulpit Commen-
tarij, édité par Spence et Exell à Londres, contient la
Genèse, par Whitelaw; l'Exode, par Rawlinson; le Lé-
vitique, parMeyrick; les Nombres par Winterbotham,
et le Deutéronome par Alexander, 1897. The Exposi-
tor's Bible, de Londres, renferme la Genèse de Dods,
1887, l'Exode de Chadwick, 1890, le Lévitique de Kel-
logg, 1891, Ves Nombres de Watson, 1889, et le Deuté-
ronome de Harper, 1895. La Cambridge Bible for
Schools and Collèges et The Century Bible n'ont pas
encore de commentaires du Pentateuque. The interna-
tional critical commentary on the Holy Scriptures of
the Old and New Testaments, d'Edimbourg, comprend
déjà les Nombres de Gray, 1903, et le Deutéronome de
Driver, 1895. Commentaires particuliers : Wright, The
book of Genesis in hebrew, Londres, 1859; 2 e édit.
1896; G. V. Garland, Genesis with notes, Londres, 1878;
Spurrell, Notes on the hebrew text of the book of Ge-
nesis, Oxford, 1887; 2« édit., 1896; Driver, The book of
Genesis, Londres, 1904; Leviticus, Leipzig, 1894; Gins-
burg, The third book of Moses, called Leviticus, Lon-
dres, 1884; Howard, The books of Numbers and Deu-
teronomy according to the LXX with critical notes,
119
PENTATEUQUE — PENTECÔTE
120
Cambridge, 1857; Maclaren, The books of Exodus, Le-
viticus and Numbers, Londres, 1906; Id., Books of
Deuteronffmy , etc., Londres, 1906. — En France, Ed.
Reuss, L'histoire sainte et la loi, 2 vol., Paris, 1879,
dans La Bible, traduction nouvelle avec introduction
■et commentaires. — En Hollande, Het Oude Testament,
par Kuenen, Hosykaas, Kosters et Oort, 2 vol., Leyde,
1900, 1901.
2. Juifs. — Les commentaires de Raschi (1040-1150),
Abenesra (1092-1167) et de David Kimchi (1160-1235) sur
le Pentateuque sont réunis dans les Bibles rabbiniques.
Celui d'Abarbanel a été édité à Venise, l'an 5539 du
monde (1579 de l'ère chrétienne, in-f», voir t. i,
col. 16). S. Cahen a traduit le Pentateuque hébraïque
en français, Paris, 1831; Kalisch, Historical and cri-
tical commentary on the old Test, with a new transla-
tion, Londres : Genèse, 1885; Exode, 1855; Lévitique,
1867, 1872; Hirsch, Der Pentateuch ûherselzt und
erlàutert, 2 e édit, 2 in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893,
1895; Hoffmann, Das Buch Leviticus ûbersetzt und
erklàrt, Berlin, 1906.
3. Catholiques. — Cajetan, Commentarii in quinque
mosaicos libros, in-f°, Rome, 1531 ; Jérôme Oleaster,
Comment, in Pentaleuchum, 4 in-f°, Lisbonne, 1556;
Aug. Steuchus d'Eugubio, V. T. ad hebraicam verita-
tem recognitio, sive in Pentaleuchum annotationes,
in-4", Venise, 4529; Santé Pagnino, Calena argentea j
in Pentaleuchum, in-f», Anvers, 1565; Louis Lippo- /
man, Catena in Genesim, Paris, 1546; in Exodum,
Paris, 1550; G. Hammer, Commenlaliones in Genesim,
in-f», Dillingen, 1564; Benoît Pereira, Comment, et
■disputationes in Genesim, in-f°, Rome, 1589; Dispu-
tationes centum viginti septem in Exodum, Ingolstadt,
1601 ; Asorius Martinengus, Glossse magnse in Genesim,
■2 in-f°, Padoue, 1597; Jean Lorin, Comment, in Levi-
ticum, Lyon, 1619; in Numéros, Cologne, 1623; in
Deuteronomium, Anvers, 1625; J. Tirin, Comment,
in V. et N. T., Anvers, 1632; Corneille de la Pierre,
Comment, in V. et N. T., Lyon, 1732, t. i; réédité par
Migne, Cursus complelus Scriplurx sacrse, t. v-vn;
Corneille Jansénius, Pentaleuchus , Louvain, 1641;
J. Bonfrère, Pentateuchus Mosis commentario illu-
s tr atus, in-f", Anvers, 1625; Cl. Frassen, Disquisitiones
in Pentaleuchum, in-4°, Rouen, 1705; Calmet, Com-
mentaire littéral sur tous les livres de l'A. et du N. T.,
2 e édit., Paris, 1724, t. I et n; Brentano, Dereser et
Scholz, Die heilige Schrift des A. und N. T., Franc-
fort-sur-le-Main, 1820, t. i-iii; La Sainte Bible, édi-
tée à Paris, contient la Genèse par Crelier, 1889;
l'Exode et le Lévitique, par le même, 1886; les Nombres
•et le Deutéronome, par Trochon, 1887, 1888. Le Cursus
Scriptural sacrx des jésuites allemands, édité à Paris,
contient un commentaire du Pentateuque par le P. de
Hummelauer : in Genesim, 1895; in Exodum et Levi-
ticum, 1897; in Numéros, 1899; in Deuteronomium,
1901. Commentaires particuliers : Fr. de Schranlt,
Commentarius litteralis in Genesin, 1835 ; Th. J. Lamy,
Comment, in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883,
1884; A. Tappehorn, Erklârung der Genesis, Paderborn,
1888; G. Hoberg, Die Genesis nach dem Literalsinn
erklàrt, Fribourg-en-Brisgau, 1899; B. Keteler, Das
Buch Genesis der Vulgata und des hebraisches Textes
ùbersetzt und erklàrt, Munster, 1905; Fillion, La Sainte
Bible, Paris, 1888, t. i. E. Mangenot.
PENTECOTE (grec : itevTjjxoaTTi; Vulgate : Pen-
tecoste), la seconde des trois grandes fêtes des Juifs.
1° Noms. — La fête est appelée fyag haq-qâfir bik-
kûrë, èopTï) Oepiffuoï irpwrofEvvriuiiTto.v, solemnitas
messis primitivorum, « fête de la moisson et des pré-
mices, » Exod., xxm, 16; hag ëâbu'ôt, hoprr\ sëSo[Juiô<i>Vj
solemnitas hebdomadarum, « fêté des semaines, »
_Exod., xxxiv, 22'; Deut., xvi, 10; yom hab-bikkûrim,
•niiÉpa Tôv véwv, dies primitivorum, « jour des prémi-
ces. » Num., xxvni, 26. Le mot ni'iTipLoarri, supposant en
hébreu htamisHm, « cinquante » ou « cinquantième »,
est employé de différentes manières, dans Tobie, n, 1 :
■f) âopxïj usvtrixo<TtT ; , « la fête (de) Pentecôte; » dans
II Mach., xii, 32; I Cor., xvi, 8, et dans Josèphe, Bell,
jud., II, ni, 1 : ■j[evtt)xo<ttt|) « Pentecôte ; » dans les
Actes, II, 1; xx, 16 : foiça. tt); rUvrïixoirnjç, « jour de
la Pentecôte. » — Les Juifs ont ensuite appelé plus
communément la Pentecôte 'âséréf, en chaldaïque
'âsarfâ', .dans Josèphe, Ant. jud., III, x, 6, àaapôâ,
« nom qui signifie Pentecôte. » Cf. Erachin, xi, 3;
Midr. Koheleth, 110, 2, etc. Ce nom vient de 'âsar, qui
signifie « clore » et « rassembler », d'où le sens de
« clôture » ou d' « assemblée » pour 'âséréf. Gesenius,
Thésaurus, p. 1059, soutient que le mot veut toujours
dire assemblée, comme Jer., ix, 2; Jos., i, 14; I Reg.,
x, 20, etc. Cependant les Septante l'ont traduit plu-
sieurs fois par éÇ65iov, « dénouement, clôture, » Lev.,
xxm, 36, Vulgate : cœtus, « assemblée; » Num., xxrx,
35, où la Vulgate ne traduit pas 'âsérét; Deut., xvi, 8,
Vulgate : collecta, «assemblée. » Toujours est-il que les
docteurs juifs ont pris ce mot dans le sens de «. clôture »
et l'ont consacré à désigner spécialement la Pentecôte,
considérée surtout comme la clôture du temps de la
Pàque.
2° Date. — D'après la Loi, la date de la Pentecôte
était ainsi fixée : à partir du lendemain du sabbat de
la Pâque, oii l'on avait offert la gerbe nouvelle, on
comptait cinquante jours, et, le lendemain de la sep-
tième semaine, on offrait une oblation nouvelle.
Lev., xxm, 15, 16. Les Caraïtes entendaient par ce sab-
bat celui qui tombait dans le cours des fêtes de la
Pâque. D'après leur manière de comprendre le texte,
les sept semaines de la Pentecôte pouvaient donc com-
mencer du second au huitième jour après la Pâque.
Les sadducéens professaient la même opinion. Cf.
Menachoth, x, 3; Schûrer, Geschichle des judischen
Volkes in Zeit. J. C, Leipzig, t. n, 1898, p. 413, 4l4.
D'après l'interprétation la plus commune, qui pratique-
ment a prévalu parmi les Juifs, ce sabbat n'était autre
que le 15 nisan. Le lendemain du sabbat ou 16 nisan
commençaient lès septsemaines au lendemain desquelles
on fêtait la Pentecôte. De la sorte, il y avait sepl se-
maines pleines entre la Pâque et la Pentecôte. Pour
les Caraïtes, la Pentecôte tombait toujours le lende-
main du sabbat. Cf. Chagiga, n, 4; Siphra, f. 248, 1.
Elle ne coïncidait avec celle des autres Israélites que
quand la Pâque tombait un vendredi.
3° Le rituel de la fête. — 1. Ce jour-là, il y avait
assemblée du peuple et le travail, sauf celui de la pré-
paration des aliments, était interdit, comme au premier
et au septième jour de la Pâque. L'offrande caractéris-
tique de la Pentecôte était celle de deux pains levés. On
y ajoutait en holocauste sept agneaux d'un an, un jeune
taureau et deux béliers, et en plus un bouc et deux
agneaux d'un an en sacrifice pour le péché. Lev., xxm,
15-21. D'après les Nombres,, xxvin, 26-31, l'holocauste
se composait de sept agneaux, deux jeunes taureaux et
un bélier. — 2. En principe, la fête ne durait qu'un
jour. Mais, depuis la captivité, les Juifs qui résidaient
hors de la Palestine la célébraient deux jours de suite.
Cf. Gem. Pesachim, 52, 1; Gem. Bosch haschana, 5,
1. Peut-être agissaient-ils de la sorte dans la crainte de
se tromper sur le vrai jour de la fête. Josèphe, Ant.
jud., III, x, 6, dit qu'on immolait ce jour-là en holo-
causte trois jeunes taureaux, deux béliers et quatorze
agneaux, ce qui représente, à un bélier près, le total
de ce que prescrivent chacun de leur cçté le Lévitique
et les Nombres. Les victimes indiquées par les
Nombres étaient offertes à titre supplémentaire.
Cf. Menachoth, iv, 2. — 3. Les deux pains à offrir
devaient être faits avec de la farine de froment nouveau
121
PENTECÔTE
122
récolté en terre israélite. Sur le soir de la Pentecôte,
ou, si le jour suivant était le sabbat, après la fin du
sabbat, on achetait aux frais du trésor trois mesures de
froment, on les passait à la meule et ensuite à travers
douze cribles. On retirait deux dixièmes d'éphi de
farine, on y ajoutait de l'eau chaude et du levain et
l'on confectionnait les deux pains. Ils devaient avoir
sept palmes de long, sept palmes de large et, aux extré-
mités, des cornes de quatre doigts. Le matin du jour
suivant, à la suite des sacrifices publics, on offrait les
deux pains à l'est du parvis intérieur, mais on ne les
portait pas jusqu'à l'autel, à cause du levain qu'ils
renfermaient. L'un des deux pains était ensuite donné
au grand-prêtre, s'il le voulait; l'autre se partageait
entre les prêtres, qui le mangeaient dans le Temple.
Ces deux pains constituaient des prémices. A partir de
leur présentation, il était permis d'apporter au Temple
des offrandes provenant des récoltes de l'année.
Gf. Menachoth, xi, 9; Erachin, n, 2. — Sur le céré-
monial suivi pour présenter les prémices au Temple,
voir Prémices. — 4. Après l'offrande des différents sa-
crifices prescrits, le peuple était invité à se réjouir
dans des festins, auxquels on invitait les lévites et
tous ceux qui vivaient dans l'entourage du chef de la
famille. Deut., xvi, 11. — 5. La fête de la Pentecôte
était célébrée partout par les Israélites, même hors de
Jérusalem et de la Palestine. Tob., n, 1 (texte grec).
On omettait alors naturellement ce qui était spécial à
la liturgie du Temple. Judas Machabée rentra à Jéru-
salem avec son armée victorieuse pour célébrer la fête
des semaines ou Pentecôte. II Mach., xn, 30. La
Pentecôte qui suivit la résurrection de Notre-Seigneur
avait amené à Jérusalem «. des hommes pieux de toutes
les nations qui sont sous le ciel », c'est-à-dire des
divers pays ensuite énumérés. Act., n, 5-11. Du temps
de saint Paul, on fêtait encore la Pentecôte à Éphèse.
I Cor., xvi, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacrai,
Utrecht, 1741, p. 237-240; Iken, Antiquitates hebraicœ,
Brème, 1741, p. 316-319.
4° La Pentecôte et la loi du Sinaï. — 1. Partis de
l'Egypte le quinzième jour du premier mois, Exod.,
xii, 26-34, les Hébreux arrivèrent au Sinaï le premier
jour du troisième mois, Exod., xix, 1, et trois jours
après, Exod., xix, 16, Dieu commença à manifester sa
présence sur le Sinaï, par des nuées, des éclairs et des
tonnerres. Il s'écoula donc quarante-huit ou quarante-
neuf jours entre la Pâque d'Egypte et la promulgation
de la Loi au Sinaï. Malgré cette coïncidence entre la
promulgation de la Loi et la fête de la Pentecôte, les
textes qui prescrivent la célébration de la fête ne font
jamais allusion aux événements du Sinaï, et même,
dans le rituel mosaïque, rien n'est destiné à commé-
morer ces événements. Philon et Josèphe n'établissent
nulle part aucune corrélation entre la fête et le don
de la Loi. La promulgation de la Loi nouvelle à la
fête de la Pentecôte donna probablement aux chrétiens
l'idée de rattacher à la même fête le souvenir de la
promulgation du Sinaï. Saint Jérôme, Ep., lxxviii, 12,
ad Fabiol., t. xxn, col. 707, établit la coïncidence
entre l'événement du Sinaï et la Pentecôte, qui en
célèbre le souvenir. Saint Augustin, Cont. Faust.,
xxxn, 12, t. xlii, col. 503, affirme la même relation et
voit dans la promulgation de la Loi au Sinaï la figure ■
de la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte.
Saint Léon, De Pentecost., serm. l, t. liv, col. 400,
pense comme les précédents. Les auteurs juifs posté-
rieurs ne connaissent pas plus que leurs anciens la
célébration d'une fête pour rappeler la manifestation
du Sinaï. Ils admettent la coïncidence signalée par
saint Jérôme. « La fête des semaines est le jour où la
Loi "fut donnée. Ce qui constitue l'honneur de ce jour,
c'est que sa date dépend de la fête solennelle précé-
dente, la Pâque. » Maimonide, More nevochim, m, 41.
Mais ils ajoutent : « La Loi divine n'a pas besoin d'un
jour saint dans lequel on rappelle avec honneur son
souvenir. Le motif de la fête des semaines est le com-
mencement de la moisson du froment... Il est indiscu-
table que la Loi a été donnée le jour de la fête des
semaines, mais il n'a pas été institué de fête pour la
rappeler. » Abarbanel, In Leg., f. 262. Cependant, les
auteurs juifs plus modernes n'hésitent pas à attribuer
à la Pentecôte un sens historique et à célébrer ce
jour-là la promulgation de la Loi. Cf. Munk, Pales-
tine, Paris, 1881, p. 188. Pour beaucoup même, cette
idée devient d'autant plus prééminente que l'objet pri-
mitif de la fête a moins de raison d'être dans les pays
où ils vivent dispersés. Dans l'enseignement populaire,
on s'exprime ainsi : « La Pentecôte ou fête des
semaines est célébrée le cinquantième jour à compter
du second jour de la Pâque, le six du mois de sivan
(troisième mois). C'est l'anniversaire de la promulga-
tion de la loi sur le mont Sinaï. Cette fête dure deux
jours. » Wogue, Catéchisme, Paris, 1872, p. 59.
5° Symbolisme de la fête. — 1. La Pentecôte con-
sacre solennellement la fin de la moisson, qui avait été
inaugurée le lendemain de la Pâque. Elle est ainsi
comme une suite de la solennité précédente, de
laquelle elle dépend par sa date. Elle rappelait à l'Israé-
lite que le Dieu qui l'avait tiré de la servitude d'igypte
avait promis de le conduire « dans une terre fertile et
spacieuse, dans une terre où coulent le lait et le
miel », Exod., m, 8, que ce Dieu avait tenu sa pro-
messe, et que chaque année il donnait à son peuple
l'abondance des moissons et des bénédictions ter-
restres. C'était donc une fête d'actions de grâces. —
2. La caractéristique de la fête consistait dans l'offrande
de deux pains levés. A la Pâque, on avait offert les
prémices d'une moisson qui commençait, mais qu'on
ne pouvait guère encore utiliser pour l'alimentation de
l'homme. A la Pentecôte, la moisson se terminait et
l'on pouvait en présenter à Dieu le résultat définitif^
tel que l'industrie humaine le traitait pour l'approprier
à la nourriture. On apportait au sanctuaire deux pains
levés, mais par respect pour la loi qui ne permettait
pas l'introduction du levain dans le culte du Seigneur,
voiv Levmn, col. 198, ou ne \es offrait pas sur l'autel.
— 3. Les pains, au nombre de deux, n'étaient sans
doute pas sans rapport avec les deux jours de fête dont
l'un commençait et l'autre terminait le temps de la
moisson; les deux jeunes taureaux ou les deux béliers
représentent la même idée, tandis que les sept agneaux
se rapportaient aux sept semaines du temps de la mois-
son. Le jeune taureau ou le bélier, seul de son espèce,
pouvait rappeler l'idée du Dieu unique auquel était
offert l'holocauste. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen
Cultus, Heidelberg, 1839, t. h, p. 645-652.
6° La Pentecôte du Nouveau Testament. — 1. C'est
le jour même de la Pentecôte juive, à la troisième
heure, c'est-à-dire vers neuf heures du matin, que le
Saint-Esprit descendit sur les Apôtres et les disciples
rassemblés au nombre de cent vingt. Act., Il, 15. Des-
phénomènes extérieurs analogues à ceux du Sinaï
signalèrent sa venue et furent remarqués par la multi-
tude qui se trouvait dans la ville. Act., n, 6. Le Saint-
Esprit apparut sous forme de langues de feu. Voir
Langue, t. iv, col. 74. Il communiqua aux Apôtres le
don des langues. Voir Langues (Don des), t. îv,
col. 74-81. — 2. L'ancienne Pentecôte était la fête de la
moisson; avec la nouvelle commence la moisson évan-
gélique, et dès le jour même saint Pierre fait une
récolte d'environ trois mille âmes. Act., n, 41. La Loi
nouvelle est promulguée ce jour-là, cinquante jour*
après la rédemption, comme l'avait été jadis la loi du
Sinaï, cinquante jours après la délivrance de la servi-
tude d'Egypte. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme,
Epist. lxxviii, 12, ad Fabiol., t. xxil, col. 707, qu' « on.
123
PENTECOTE — PERCNOPTÈRE
124
•célèbre la solennité de la Pentecôte et qu'ensuite le
mystère évangélique reçoit son complément dans la
descente du Saint-Esprit ». Cf. J. C. Harenberg, De
tniraculo pentecostali, dans le Thésaurus de Hase et
Iken, Leyde, 1732, t. h, p. 569-594; Kellner, Heortolo-
gie, Fribourg-en-B., 1901, p. 72-75.
H. Lesêtre.
PEQOD (hébreu : Peqôd), nom qui se lit dans deux
passages de la Bible : Jer., l, 1\, et Ezech., xxm, 23.
Les anciens commentateurs en ont fait généralement
un nom commun. Ils ont traduit ce mot dans Jérémie
dans le sens de « Visitation » divine, c'est-à-dire de
châtiment, et ont cru que le prophète appelait ainsi
symboliquement Babylone pour annoncer le châtiment
que Dieu allait lui infliger. Dans Ézéchiel, ils ont donné
à Peqôd le même sens que pâqîd, « chef, préfet. »
II Esd., xi, 9; xrv, 22; xil, 42. La Vulgate a traduit, dans
Jérémie, Peqôd par visita, et dans Ezéchiel par nobiles
Dieu dit dans Jérémie au futur vainqueur de Babylone,
d'après saint Jérôme : « Monte contre le pays des Do-
minateurs et visite (châtie) ses habitants. » — Depuis
que les documents cunéiformes nous ont mieux fait
connaître la géographie assyro-babylonienne, on ne peut
plus douter qu'il ne faille traduire ainsi ce passage :
« Monte contre la terre de Merâtaim (région du sud
de la Babylone, Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies,
p. 41, 182), et contre les habitants de Peqôd. » — Dans
Ézéchiel, d'après la Vulgate, Dieu dit à Ooliba, person-
nification de Jérusalem et du royaume de Juda : « Je
susciterai contre toi... les fils de Babylone et tous les
Chaldéens, nobles, rois et princes. » Il faut traduire
l'hébreu : « Je ferai venir contre toi les fils de Baby-
lone et tous les Chaldéens, Peqôd, Sô'a et Qô'a (Sutu
ou Su et Qutu, ou qu, tribus voisines de la Babylonie,
Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 233). » La ver-
sion des Septante, qui avait pris les noms propres pour
des noms communs, dans Jérémie, de même que la
Vulgate, a reconnu ici des noms propres qu'elle a trans-
crits par «fcaxoiix {Alexandrinus : xort *ouS), Soui et
'Txoui. Symmaque et Théodotion avaient fait de même :
<ÊaxoùS y.al Souè xoù Kous. Origène, Hexapl., Ezech.,
xxm, 23, t. xvi, 3, col. 2557. Saint Jérôme a suivi dans
la traduction de ce passage la version d'Aquila et s'il n'a
pas accepté l'interprétation des Septante et des autres
traducteurs grecs, c'est, dit-il, In Ezech., xxm, 23,
t. xxv, col. 219, parce qu'on ne trouve pas les noms de
Phacud, Sue et Cue comme noms de peuples dans
l'Écriture; ce qui n'est pas exact pour Peqôd et ne
peut rien prouver d'ailleurs contre l'existence de ces
tribus orientales, la Bible n'ayant pas eu occasion de
les nommer ailleurs.
Peqôd est le nom d'une tribu de la Babylonie méridio-
nale et de la contrée où elle habitait, près de l'embou-
avec les Élamites, leurs voisins, et les rois d'Assyrie,
Sargon et Sennachérib, leur firent plusieurs fois la
guerre. Les inscriptions cunéiformes appellent cette
tribu Puqûdu. E. Schrader, Keilinschriften und Ge-
schichtsforschung, 1878, p. 108, 111,113; Frd. Delitzsch,
Wo lag das Parodies, p. 182, 195, 240. La tribu de
Puqùdu dut être soumise à la domination de Nabucho-
donosor et lui fournir des soldats quand son armée
assiégea et prit Jérusalem, ainsi que l'annonce Ézéchiel.
Plus tard, quand Gyrus s'empara de Babylone, Peqôd
dut être soumise aux Perses et punie, selon la prédic-
tion de Jérémie, du mal qu'elle avait fait aux Juifs dans
l'armée de Nabuchodonosor. F. Vigouroux.
PERCNOPTÈRE (hébreu : râhâm ; Septante :
5topçv)p(wv ; Vulgate : porphyrion), espèce de vautour,
16. — Le percnoptère.
rangé parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 18; Deut., xiv,
17. — Les versions font du râhâm un porphyrion,
espèce d'oiseau qui appartient à l'ordre des échassiers.
Voir Porphyrion. Mais ce nom désigne le vautour
17. — Percnoptère planant et tenant deux chasse-mouches dans ses serres.
D'après Masp«ro, Histoire ancienne de VOrient, 1. 1, p. 791.
chure du fleuve Uknu. Les gens de Peqôd étaient de
race araméenne ; ils s'allièrent en diverses circonstances
d'Egypte, vultur ou neophron percnopterus, « à ailes
noires, a connu des Arabes sous le nom de rahmah.
125
PERCNOPTÈRE
PERDRIX
126
Cet oiseau, long d'une soixantaine de centimètres, a le
plumage blanc mêlé de brun et de roussâtre, les
grandes plumes des ailes noires, les pieds jaunes; la tète
est dénudée et de couleur jaune clair (fig. 16). Le
percnoptère et moins fort que les autres rapaces de son
. espèce ; aussi évite-t-il de se mêler à eux. Il vit ordinai-
rement par paires et sa ponte est de deux œufs, rare-
ment de trois. Ce qui distingue surtout cet oiseau, c'est
son genre d'alimentation. Il se nourrit de cadavres
d'animaux et de détritus de toute nature, débarrassant
ainsi le sol de tout ce qui pourrait empester, et, à ce
titre, méritant la protection dont l'homme l'entoure.
On le trouve dans les parties chaudes de l'ancien
monde, des Pyrénées au sud de l'Inde, et dans presque
toute l'Afrique. Il est très commun en Egypte; on le
voit représenté sur les monuments (fig. 17). En Pales-
tine, on le "rencontre en été, jamais en hiver. Il y vit
familièrement dans le voisinage de l'homme et s'abat
sans crainte jusque dans les villages, pour chercher sa
nourriture dans les tas d'immondices. On comprend
que le percnoptère, malgré les services qu'il rend, ait été
rangé parmi les oiseaux impurs. Cf. Trislram, The natu-
ral .history of the Bible, Londres, 1889, p. 180. —
Michée, i, 16, dit à sa nation : c< Fais-toi chauve comme
le nésér, car (tes enfants) s'en vont en captivité loin de
toi. » Le mot hébreu désigne ordinairement l'aigle ; mais
c'est un nom générique qui a une signification géné-
rale et ici il se rapporte au vautour percnoptère, qui
seul est chauve; il en est de même dans Job, xxxix,
27; Prov., xxx, 17, où il est dit qu'il se nourrit de
cadavres. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrt., p. 550.
H. Lesètre.
PERCY Thomas, théologien anglican, né à Bridg-
north en 1728, mort à Dromore le 30 septembre 1811.
D'une condition modeste, il prit ses grades à Oxford et
entra dans les ordres. Chapelain du duc de Northum-
berland et du roi, il devint doyen de Carlisle en 1778,
et quatre ans plus tard, évêque de Dromore en Irlande.
Parmi ses écrits on remarque : The Song of Salomon
newly translatée from the original Hebrew : with a
commentary and annotations, in-12, Londres, 1764;
et un manuel souvent réimprimé qui a pour titre : A
Key of the New Testament giving an account of the
several books, their contents, their authors, and of the
times places and occasions, on which they were wrï-
ten, in-12, Londres, 1765. — W. Orme, Siblioth. bi-~
blica, p. 346. B. Heurtebize.
PERDRIX (hébreu : qorê' ; Septante : mépSi?; Vul-
gate : pérdix), oiseau de l'ordre des gallinacés, que
caractérise l'absence d'ergots, remplacés par une simple
• saillie tuberculeuse du tarse. L'espèce perdrix comprend
les perdrix proprement dites, les cailles (voir t. n,
col. 34), les francolins, etc.
1° Description. — Les perdrix proprement dites (fig. 18)
ont à peu près la taille du pigeon. Elles portent un
plumage gris, mélangé de diverses couleurs, ont la
tête petite, le corps ramassé, les ailes courtes, se nour-
rissent d'herbes, de graines, d'insectes, de vermisseaux,
d'œufs de fourmis, etc., vivent en compagnies de plu-
sieurs individus, nichent à terre, ordinairement dans
les sillons, et y pondent de douze à vingt œufs que la
femelle est seule à couver. Elles sont timides et défian-
tes et, d'un vol saccadé et bruyant, changent continuel-
lement de séjour, bien qu'elles n'entreprennent que
rarement de longs voyages. Elles font entendre un cri
guttural, dur et sec. Ce cri a valu à la perdrix son
nom hébreu de qorê', du verbe qârâ', « crier. » La per-
drix est activement chassée par les oiseaux de proie,
les renards et l'homme, qui la recherche à cause de
ses qualités comestibles. A l'approche de l'ennemi, le
mâle s'envole d'un côté pour attirer l'attention; la
femelle part d'un autre, puis revient en courant auprès
de ses perdreaux pour les rassembler en lieu sûr. —
La perdrix grecque ou bartavelle, caccabis saxatilis,
abonde en Palestine, dans les régions rocheuses du
désert de Judée et dans les gorges de la forêt du Carmel.
Elle se plaît dans les pays montagneux. On en trouve
aussi très fréquemment dans les parties sauvages de la
Galilée, courant par compagnies, comme des poules
domestiques, au milieu des rochers. Les bandes en sont
nombreuses en automne; elles se dispersent en hiver,
sans doute pour se procurer plus facilement leur nour-
riture. La grosse perdrix rouge, perdix schukkar, s'en-
vole ou court rapidement devant les cavaliers, qui la
poursuivent à fond de train et arrivent à la tuer quand
elle est fatiguée. La perdrix du désert, ammoperdix
heyii, a des nuances plus délicates. Elle est grosse à
peu près deux fois comme une caille, et a le plumage
d'un gris jaunâtre, le mâle seul portant aux joues une
sorte de col d'un blanc de neige. « Cette perdrix a
tellement la couleur du sol environnant, qu'on lui
marche presque sur le corps avant de l'apercevoir...
Ces perdrix, fort peu sauvages, constituent un manger
délicat... On parvient à les prendre avec la main en les
18. — La perdrix.
poursuivant dans les trous des rochers où elles vont se
retirer. Lorsqu'elles sont ainsi pourchassées pendant
quelques instants, elles restent parfaitement immobiles
en cachant leur tête et souvent même une partie de
leur corps entre deux pierres ou dans la fente d'un
rocher... Cet oiseau, qui est loin cependant d'être inin-
telligent, croit évidemment ne plus être vu parce qu'il ne
peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Cette
manière d'agir est une exception pour les espèces de
ce groupe. » Lortet, La Kyrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 403, 406, 469. On rencontre ce genre de per-
drix dans l'Arabie pétrée, le bassin de la mer Morte, le
désert de Judée et surtout les environs de la grotte
d'Odollam. Comme tous les autres oiseaux, elles
aiment à se réfugier à l'abri des tamaris et des zizy-
phus. Dans les riches plaines de Génézareth, d'Acre et
de Phénicie, le genre perdrix est principalement repré-
senté par le francolin, francolinus vulgaris, bien
connu dans l'Inde et dans quelques rares régions du
sud de l'Europe. Le mâle est un bel oiseau, avec sa
poitrine noire, ses flancs largement mouchetés de
blanc et son collier châtain frangé de taches noires et
blanches. Le francolin se cache dans les herbes épaisses
et dans les cultures des plaines marécageuses, de telle
sorte qu'il est bien plus aisé de l'entendre que de l'aper-
cevoir. — Au nom hébreu de qorê" se rattache aussi
un autre gallinacé, le coq de bruyère des sables, ptero-
cles, très abondant dans les districts arides de la
Palestine. Cet oiseau ressemble assez au pigeon et
fréquente par myriades les terrains sablonneux de
127
PERDRIX — PERE
128
l'Asie et de l'Afrique. On en voit jusque dans le nord
de l'Espagne et dans les Landes françaises. Le coq des
sables commun, pterocles arenarius, le khudry des
Arabes, se trouve dans le désert de Judée. Une autre
espèce, le pterocles setarius, le kata des Arabes, se
montre de temps en temps par milliers dans les parties
découvertes de la vallée du Jourdain et dans le désert
qui est à l'est. Le désert de Judée et les abords de la
mer Morte sont encore fréquentés par deux autres
espèces, le pterocles exustus et le senegalensis, dont le
plumage présente, avec des traits délicats, une tonalité
générale enharmonie avec celle du terrain. Delà vient
que les oiseaux du genre perdrix échappent si facile-
ment à la vue de leurs ennemis. Cf. Tristram, The
natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 224-229.
2° La perdrix dans l'Écriture. — La Sainte Écriture
fait trois fois mention de la perdrix. David constate que
Saùl le poursuit « comme on poursuivrait une perdrix
dans les montagnes ». I Reg., xxvi, 20 Cette comparai-
son est parfaitement justifiée. On a vu plus haut
comment les perdrix des différentes espèces communes
en Palestine sont poursuivies à travers les rochers et
finissent par se laisser prendre, quand la fatigue les a
harassées. Ainsi Saùl comptait épuiser les forces de
David par une poursuite acharnée et finir par s'emparer
de lui. — On lit dans l'Ecclésiastique, xi, 32 (28) :
Comme la perdrix de chasse dans sa cage,
Ainsi est le cœur de l'orgueilleux,
Et comme l'espion il guette la ruine,
Changeant le bien en mal, il dresse des pièges.
Cette perdrix de chasse, jtlpSiS 0-/jpeutt,ç, est celle qu'on
. employait comme appeau. On dressait pour cet usage
des alouettes, des linottes, des pigeons, des cailles et
surtout des perdrix. Celles-ci étaient ensuite placées
dans une cage qu'on dissimulait en partie au moyen
d'un couvert de feuillage. En avant de la cage, un filet
manœuvré par un chasseur caché, pouvait s'abattre sur
les oiseaux qu'attiraient les cris des perdrix prison-
nières, ou les empêtrer de telle sorte qu'il était ensuite
aisé de les prendre à la main. Cf. Tristram, The natu-
ral history, p. 163-164. L'orgueilleux méchant et per-
fide est comparé à l'oiseau qui sert d'appeau ; il
attire auprès de lui, mais pour perdre et faire tomber
dans ses pièges. — Enfin, Jérémie, xvn, 11, emprunte
aux mœurs de la perdrix cette autre comparaison :
Une perdrix couve (des œufs) qu'elle n'a pas pondus;
Tel est l'homme qui acquiert des richesses injustement;
Au milieu de ses jours, il doit les quitter,
Et à sa fin il n'est plus qu'un insensé.
Ce texte semble supposer que la perdrix va s'emparer
d'œufs d'oiseaux d'une autre espèce, qu'elle les couve et
qu'ensuite les poussins abandonnent celle qui n'est pas
leur mère. Cette dernière se trouverait alors dans le
cas de la poule qui a couvé des œufs de canards,
comme on dit proverbialement en français. Le chaldéen
traduit : « Voici, comme la perdrix rassemble des œufs
qui ne sont pas à elle, et en les chauffant couve des
poussins qui pourtant ne la suivent pas, ainsi en est-il
de tout méchant qui possède des richesses mal acquises.»
On lit dans les Septante : « La perdrix a crié, elle a
rassemblé ceux qu'elle n'a pas engendrés, » et dans la
Vulgate : « La perdrix a couvé ceux qu'elle n'a pas
engendrés. » Saint Ambroise, qui a toute une lettre
sur les mœurs de la perdrix, Ep. xxxil, t. xvi, col. 1069-
1071, accepte le fait de la perdrix s'emparant d'œufs
étrangers. Cf. Hexaem., vi, 3, t. xiv, col. 246. Saint
Jérôme, In Jer,, m, 17, t. xxiv, col. 789, pour justifier
celte assertion, s'appuie sur les auteurs d'histoire natu-
relle, qu'il, cite d'ailleurs assez vaguement. Saint Augus-
tin, Cont. Faust., sur, 12, t. xur, col. 289, explique le
même texte, mais sans s'arrêter au rapt des œufs
étrangers. Il est à remarquer que le texte hébreu ne
suppose nullement que des œufs soient pris par la
perdrix à d'autres oiseaux. D'ailleurs les faits ne justi-
fient pas cette affirmation. Le coucou va porter ses
œufs dans le nid d'un autre oiseau qui les couve à
son insu, mais on ne cite pas d'oiseau qui aille s'empa-
rer des œufs d'un autre pour les couver lui-même. Le
texte hébreu dit seulement : qorê' dâgâr velô' yàlâd,
« la perdrix a couvé et n'a pas engendré. » En suppo-
sant les deux termes de la phrase unis par un pronom
relatif, « la perdrix a couvé (ce qu'elle) n'a pas engen-
dré, » il suffirait, pour justifier l'assertion, de dire, non
pas que la perdrix a pris des œufs, mais qu'on lui en
a mis à couver qu'elle n'avait pas pondus, et que ces
œufs, appartenant à des oiseaux qui n'étaient pas de
son espèce, ont donné des poussins qui l'ont abandonnée
pour se livrer à leurs allures propres. Ainsi l'homme
acquiert injustement des richesses qui, à un moment,
l'abandonnent et sont perdues pour lui, par un juste
retour des choses. Le verbe dâgâr veut dire « amasser »
pour couver, quand il s'agit des oiseaux. Mais sa signi-
fication ne s'étend pas jusqu'à l'idée d'aller chercher des
œufs ailleurs que dans le nid où ils sont déposés.
Quant au verbe yâlâd, il signifié « engendrer » et
« pondre »,en parlant des oiseaux; Mais comme ce pas-
sage de Jérémie est le seul où yâlâd soit employé à
propos d'oiseaux, on ne voit pas pourquoi ce verbe ne
pourrait pas signifier « engendrer » dans le sens de
« faire éclore », d'où la traduction possible : « La per-
drix a couvé et n'a pas fait éclore, » c'est-à-dire n'a pas
mené à terme sa couvée. Cf. Vatable, dans le Script.
Sacr. cursus compl. de Migne, Paris, 1841, t. xix,
col. 175. « Sur ce passage de Jérémie, écrit Tristram,
The natural history, p. 225, on a proposé, plusieurs
commentaires ingénieux, dont quelques uns sont con-
traires aux faits. On a affirmé que la perdrix dérobe
les œufs d'autres oiseaux, les couve pour son propre
compte, d'où la traduction du passage : Elle rassemble
des œufs qu'elle n'a pas pondus. Mais il n'est pas vrai
que la perdrix dérobe les couvées des autres. Il n'y a
qu'une vraie interprétation. La perdrix pond un très
grand nombre d'œufs. Une fois, j'ai trouvé un nid de
trente-six œufs dans désert de Judée.' Mais elle a beau-
coup d'ennemis, parmi lesquels l'homme n'est pas le
moindre, qui recherchent son nid et lui dérobent ses
-œufs. Les œufs de perdrix sont assidûment recherchés
par les Arabes qui en font leur nourriture. Ils sont aisés
à trouver et la quantitédétruite annuellement estsurpre-
nante. Durant un printemps, en Palestine, près de huit
cents œufs de perdrix grecque, caccabis saxatilis, ont été
apportés à notre camp; nous avions l'habitude de les utili-
ser chaque jour, encore tout frais, pour faire des ome-
lettes. Autrefois on les ramassait sansdoute dans le même
but. La pensée du prophète est donc que l'homme
devenu riche par des moyens injustes n'aura guère la
jouissance de sa prospérité mal acquise, mais qu'il la
perdra prématurément, comme la perdrix qui commen-
ce à couver, mais est rapidement dépouillée de tout
espoir de couvée. » La comparaison porterait ainsi, non
sur la manière dont les richesses injustes sont acquises,
mais sur la rapidité avec laquelle elles disparaissent.
Il faudrait donc traduire :
La perdrix couve, sans mener à ferme ;
Ainsi l'homme qui acquiert des richesses injustement.
H. Lesêtre.
PÈRE (hébreu : 'ab; Septante : rcrriip; Vulgate :
paler), celui qui a engendré des enfants avec le concours
de la mère. Le nom de père est employé par la Sainte
Écriture dans des sens divers, tantôt par rapport aux
hommes tantôt par rapport à Dieu. '
I. Par rapport aux hommes. — 1» Père au sens
naturel, Gen., H, 24; IX, 18, etc. — Sur les droits du
père, voir Famille, t. H, col. 2170. Les devoirs envers
129
PERE
130
sont souvent rappelés aux enfants. Exod., xx, 12;
Matth., xv, 4; xix, 5; Marc, vu, 10; x, 19; Luc, xvm,
20; Eph., vi, 2, etc. Les coups ou les malédictions
adressés au père étaient punis de mort. Exod., xxi, 15,
17. Voir Mère, t. iv, col. 995.
2° Grand-père. — Ahraham est appelé père de Jacob,
bien qu'Isaac sépare l'un de l'autre. Gen., xxvut, 13.
Jacob appelle pères Abraham et Jsaac. Gen., xlix, 29*.
3» Ancêtres. — Gen., xlvi, 34; Num., xiv, 18, etc.,
et particulièrement ceux d'un peuple. Très fréquem-
ment, il est parlé aux Israélites de leurs pères, c'est-à-
dire des premiers hommes de leur race qui ont reçu les
promesses divines et ont été témoins des merveilles
de la puissance de Dieu. Exod., ni, 15; xm, 5; Num.,
xx, 15; Ruth, IV, 17; III Reg., xiv, 15; IV Reg., xiv, 3;
, xvm, 3; Tob., m, 13; Judith, v, 7; Ps. xxii (xxi), 5;
xliv (xliii), 2; Is., li, 2; xliii, 27; Jer., xvi, 11, 12;
I Mach., x, 52; II Mach., i, 25; Joa., vu, 22; Act., m,
13, etc. Quelquefois, on donne le nom de père à un
ancêtre très éloigné. Adam est le père commun de tous
les hommes. Eccli., XL, 1 ; xlix, 19. David est le père
du roi Asa, III Reg., xv, 11, et ensuite du Christ. Luc,
i, 32. — Rejoindre ses pères, dormir avec ses pères,
c'est mourir et passer dans une autre vie où l'on re-
trouve les ancêtres. Gen., xv, 15; xlvii, 30; Deut., xxxi,
16; II Reg., vu, 12; III Reg., n, 10; xiv, 20; xvi, 6;
xxii, 40; IV Reg., xxi, 18; I Mach., n, 69, etc. Le roi
Antiochus Eupator exprime cette idée sous la forme
païenne quand il écrit que son père a été « transféré
parmi les dieux ». II Mach., xi, 23.
4° Souche d'un peuple. — Sem est le père de tous
les fils d'Héber, Gen., x, 21; Abraham, celui d'une
multitude de nations, Gen., xvil, 4; Eccli., xliv, 20;
Moab, celui des Moabites, et Ben-Ammi, celui des
Ammonites, Gen., xix, 37; Esaù, celui des Iduméens.
Gen., xxxvi, 9, 43, etc. Ézéchiel, xvi, 3, dit que le
père des Israélites était un Amorrhéen, afin de signifier
que les fils de Jacob sont partis de Ghanaan pour aller
en Egypte, où ils sont devenus un peuple. Les Israélites
revendiquent souvent comme pères, c'est-à-dire
comme fondateurs de leur nation, Abraham, Matth.,
m, 9; Luc, i, 73; m, 8; xvi, 24; Joa., vin, 39, 53, 56;
Act., vu, 2; fiom., iv, 1, 12, 16; Jacob., n, 21; Isaac,
Rom., IX, 10; Jacob, Joa., iv, 12, et même David.
Marc, xi, 10; Act., iv, 25.
5° Instituteur d'un genre de vie. — Jabel est le père
de ceux qui habitent sous la tente et au milieu des
troupeaux, Jubal le père de ceux qui jouent des instru-
ments. Gen., IV, 20, 21. Jonadab, fils de Réchab, est
le père des Réchabites, qui s'abstiennent devin. Jer.,
xxxv, 6, 8. Phinées est le père de ceux qui se montrent
zélés pour la cause de Dieu. I Mach., n, 54.
6» Maître. — Michas demande à un lévite d'être son
père et son prêtre. Jud., xvn, 10; xvm, 19. David
appelle Saûl son père. I Reg., xxiv, 12. Elisée donne
ce nom à Élie, IV Reg., n, 12, et lui-même le reçoit
du roi d'Israël, IV Reg., vi, 21; xm, 14, et du roi de
Syrie. IV Reg., vm, 9. Les serviteurs de Naaman l'ap-
pellent père. IV Reg., v, 13. Les relations de maître à
disciple sont assimilées aux relations de père à fils.
Voir Fils, t. n, col. 2252. Saint Paul dit aux Corin-
thiens qu'ils pourraient avoir dix mille maîtres, mais
qu'ils n'ont qu'un père, l'apôtre qui les a engendrés
en Jésus-Christ. I Cor., iv, 15.
7» Bienfaiteur. — Job, xxix, 16, a été le père des
pauvres. L'homme de bien doit être comme un père
pour les orphelins. Eccli., IV, 10. Razias était « ap-
pelé le père des Juifs à cause de sa bienfaisance. »
II Mach., xiv, 37. Jiliacim, intendant d'Ézéchias, devait
être un père pour les habitants de Jérusalem, Is., xxii,
21, mais il ne sut pas conserver sa situation.
8» Conseiller. — 1. En Egypte, Joseph est constitué
père du pharaon. Gen., xlv, 8. « Les traducteurs de ce pas-
DICT. DE LA BIBLE.
sage, à commencerpar les Septante, ontcru yreconnaitre
le mot hébreu deab, «père ». Ce sont les textes égyptiens
qui nous informent que, loin d'être hébreu, le titre de ab
en pirâo désigne un inspecteur ou intendant royal atta-
ché tout spécialement à la maison pharaonique. Plu-
sieurs des précieux papyrus historiques du temps de la
XIX e dynastie, dont les textes, sous forme de simples let-
tres et communications, ont été composés par des scribes
et employés de la cour, se rapportent à ces ab en
pirâo, ces officiers supérieurs du pharaon dont le haut
rang est clairement indiqué par le style plein de res-
pect de la part de ces scribes de rang inférieur. » ;
Brugsch, L'Exode et les monuments égyptiens, 1875,
p. 17. On ne voit pas que le titre de « père » ait été
employé dans le protocole égyptien. Il y avait seulement,
à la cour du pharaon, des rokhou ou « commis » du roi,
qui pouvaient traiter avec lui sans intermédiaire et qui,
descendants éloignés des princes et des princesses de
jadis, étaient plus ou moins apparentés au souverain
régnant; puis des samîrou ou « amis », anciens com-
pagnons du prince dont ils avaient partagé l'éducation
et les jeux. Cf. Maspero, Histoire ancienne de l'Orient
classique, 1. 1, p. 280, 281. On peut s'étonner que Joseph
ait pris, vis-à-vis de ses frères, un titre purement égyp-
tien et probablement inconnu d'eux; mais ce titre était
suffisamment expliqué pour eux par ceux qui suivent,
'âdôn, « seigneur », et mosêl, « prince », de toute
l'Egypte. Le Samaritain traduit ici 'âb par rê'éh,
« ami, conseiller ». En égyptien, I I -f- , àb, voulant dire
« cœur », on pourrait expliquer le titre dans le sens d'ami.
Mais, ? ( àb, signifie aussi « préposé, inspecteur »; pe
abu n pirao, « les inspecteurs royaux, » Papyrus Anas-
tasi, v, 24; ce qui convient à la fonction de Joseph. —
2. Le roi Assuérus appelle Aman son « second père »,
c'est-à-dire son ministre et son conseiller. Esth., xm, 6.
— 3. La même appellation était en usage à la cour des
rois syriens. I Mach., xi, 32. Matathias mourant recom-
mandait à ses fils d'avoir confiance en leur frère Simon,
homme de conseil et destiné à être pour eux un père.
I Mach., n, 32.
9» Auteur. — Job, xxxvui, 28, parle du père de la
pluie, c'est-à-dire de celui qui l'a créée. Les chefs
d'Israël, devenus idolâtres, disent au bois : « Tu es mon
père, » et à la pierre : « Tu m'as mis au monde, » Jer.,
Il, 27, c'est-à-dire attribuent leur existence aux idoles
de bois ou de pierre.
10° Père adoptif. — Saint Joseph est appelé père de
Jésus, en ce sens qu'époux de Marie, il a été appelé à
remplir les fonctions de père adoptif auprès du divin En-
fant. Luc, 11,33,48. Les Juifs ont adopté le diable pour
père, en se comportant à son égard comme des enfants
dociles et en obéissant à ses inspirations. Joa., vin, 44.
11» Vieillard. — A raison de son âge, il doit être
traité comme un père. I Tim., v, 1. — La Vulgate
ajoute à Bacchus le nom de père, qui ne se lit pas
dans le texte grec. II Mach., xiv, 33. — Dans Job,
xxxiv, 36, 'âbi ne signifie pas « mon père », comme
traduit la Vulgate; c'est un mot de sens douteux ou
une simple interjection dont les Septante n'ont pas
tenu compte. — Le mot 'âb entre dans la composition
de beaucoup de noms propres. Voir Ab, t. i, col. 12.
II. Par rapport à Dieu. — Dieu est le père par ex-
cellence et toute paternité a en lui son origine. Eph.,
m, 15. Mais Dieu est père à des titres divers. —
1° Père de tous les hommes. — Cette idée n'apparait
qu'aux temps voisins de l'Évangile. « O Père, c'est votre
Providence qui gouverne » le vaisseau sur la mer.
Sap., xiv, 3. Notre-Seigneur apprend aux hommes à
reconnaître le Père céleste, le Père qui est dans les
cieux, Matth., v, 16, 48, etc., qui s'occupe de tous et
fait lever son soleil sur les méchants comme sur les
131
PERE —PEREE
132
bons. Matth., v, 45. Il leur enseigne à l'invoquer en
l'appelant « notre Père ». Matth., vi, 9; Marc, si, 25;
Luc, xi, 2, 13. Il veut qu'on ne donne à personne le
nom de père, c'est-à-dire en l'entendant dans le sens
de créateur et de souverain Maître, parce que les
hommes n'ont qu'un seul Père, celui qui est dans les
«eux. Matth., xxm, 9. — 2° Père des Israélites. —
Jéhovah est le père et le créateur d'Israël. Deut.,
xxxii, 6. Les prophètes le rappellent, Is., lxiv, 8;
Jer., ni, 4; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israé-
lites de ne pas faire honneur à cette paternité. Mal., i,
6. Isaïe, lxiii, 16, va jusqu'à dire, en s'adressant à
Dieu : « Vous êtes notre père; car Abraham nous
ignore et Israël ne nous connaît pas, n ce qui signifie
que la paternité d'Abraham et de Jacob est absolument
négligeable en regard de celle de Dieu, et que d'ailleurs
les patriarches ne peuvent rien pour leurs descendants.
— 3° Père du juste. — David invoque Dieu comme son
père. Ps. lxxxix (lxxxviii), 27. Jéhovah promet d'être
un père pour Salomon, si ce prince lui est fidèle.
II Reg.,vn, 14;I Par., xvn, 13. Le fils de Sirach s'adresse
à Dieu comme au souverain Maître de sa vie. Eccli.,
xxm, 1, 4. Il lui dit : « Seigneur, tu es mon père ! »
ce que les versions traduisent par : « Seigneur, père de
mon Seigneur. » Eccli., li, 10. Dans la Sagesse, n, 16,
les impies constatent que le juste se glorifie d'avoir
Dieu pour père. — 4° Père du chrétien. — Dieu est
un père pour le chrétien, en vertu de l'adoption divine
méritée par le Fils et opérée par le Saint-Esprit, Rom.,
vin, 15; Gai., iv, 6, par conséquent dans un sens bien
supérieur à celui de la paternité qui s'exerce envers
les hommes en général, les Israélites ou les justes de
l'ancienne Loi. — 5° Père de son Fils éternel. — Vis-à-
vis de ses créatures, Dieu est père, sans distinction de
personnes divines, par droit de création, de conserva-
tion, d'élection, de rédemption et d'adoption. Mais,
au sein même de l'auguste Trinité, l'une des personnes
a le titre de Père vis-à-vis d'une autre personne qui a
le titre de Fils et qui est éternellement engendrée par
la première. Notre-Seigneur est ce Fils du Père, et sa
filiation éternelle n'est en rien modifiée par son incar-
nation. Il parle du Père céleste, qui exerce sa puissance
et sa bonté sur toutes les créatures en tant que Dieu
unique et indivisible; mais il nomme aussi très sou-
vent un être divin qu'il appelle « mon Père », devant
lequel il s'abaisse en tant qu'homme, Joa., xvn, 4;
Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 36; Luc, xxii, 42, etc.,
mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les
droits d'égalité. Joa., x, 30; xiv, 9; Matth., xxvm, 19,
etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Père
dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36;
xxvi, 39, 42; Luc, n, 49; x, 21; xxn, 29; xxm, 34,
46; Joa., i, 14; h, 16; m, 35; v, 17; vm, 27; xiv, 6, 9,
etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu'ils
lui reprochaient de « dire que Dieu était son père, se
faisant lui-même l'égal de Dieu. » Joa., v, 18. Voir
Fils de Dieu, t. n, col. 2254; Jésus-Christ, t. in,
col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu
d'après les Évangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267-
337. H. Lesêtbe.
PÉRÉE (lUpaîa), « région au delà » et à l'est du
Jourdain, nom d'une province de Palestine au temps
<lu Sauveur.
I. Nom et acceptions. — Employé par Josèphe,
Bell, jud., III, m, 3, ce nom correspond à la locution
itépav toO 'IopSâvou, « au delà du Jourdain », commu-
nément usitée dans les Septante pour traduire l'expres-
sion 'êber hay-Yardên du texte hébreu, souvent em-
ployée pour désigner toute la région orientale occupée
par les Israélites. Dans l'Ancien Testament en général
et parfois dans le Nouveau, comme Joa., I, 28, m, 26;
x, 40 et Math., iv, 15, où l'Évangéliste reproduit le mot
d'Isaïe, vm, 23- (Vulgate, ix, 1), la locution est prise
comme un véritable nom propre équivalant au nom de
Pérée, ou Transjordane, de l'historien juif. Elle rem-
place, depuis la captivité, le nom de Galaad, pour dé-
signer de même que dans les temps anciens toute lapartie
orientale de la terre d'Israël. Dans l'énumération des
régions dont les populations accouraient pour écouter
fa 'parole de Jésus, la « Transjordane » ou Pérée est
citée après la Galilée, la Décapole, Jérusalem et la Judée.
Matth., iv, 25; cf. Marc, m, 7-8.
IL Limites et étendue. — Josèphe recense la Pérée
avec la Judée, la Samarie et la Galilée, comme une des
quatre grandes divisions de la terre d'Israël. Elle est
beaucoup plus vaste que la Galilée, mais aussi plus
accidentée et plus sauvage, quoiqu'encore abondante
en fruits, couverte d'arbres, spécialement de vignes,
d'oliviers, de palmiers et bien arrosée par des sources et
des cours. d'eau permanents. Elle s'étend en longueur
du sud au nord, de Machéronte (Menkour) ou de la
Moabitide et de PArnon à Pella, et du Jourdain, à
l'ouest, à la frontière d'Arabie ou jusqu'à Hésébon
(Elesbân), Philadelphie ('Amman) et Gérasa (Djéras),
à l'orient. Bell, jud., III, m, 3. Ainsi limitée, la Pérée
comprend seulement la partie méridionale extrême de
la Décapole, si même elle ne l'exclut pas tout entière.
Il s'agit sans doute de la Pérée politique, telle qu'elle
fut quand Pompée déclara libres les principales villes
de la Décapole, ou quand, à la mort d'Hérode l'ancien,
Auguste les annexa à la province de Syrie. Cf. Ant.
jud., XIV, iv, 4; XVII, xi, 4; Bell, jud., I, vu, 7. La
Pérée était en cette condition au temps du Sauveur.
Cependant l'historien juif, en appelant Gadara la
métropole de la Pérée, Bell, jud., IV, vu, 3, en recule
ainsi la frontière septentrionale jusqu'au Yarmouk,
aujourd'hui le Serî'at el-Menâderéh, limite du terri-
toire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre
cette dernière ville, étaient enclavées Pella (Fahêl),
Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beit er-Râs), et Gérasa
[Djéraè), c'est-à-dire la moitié des villes de la Déca-
pole. C'était à peu près tout le territoire des anciennes
tribus de Gad et de Ruben, le pays de 'Adjloûn actuel
et la Belqd septentrionale au nord de Youadi Môdjib,
l'ancien Arnon, divisé en deux parties à peu près
égales par la Zerqd, l'ancien Jaboc. Les Talmuds, qui
considèrent la Perée au point de vue des observances
légales, y font entrer encore plusieurs localités du Hau-
ran et du Djédour, comme Nève (Ndoua), Édréi (ed-
Dera'a) et quelques autres qui appartenaient à la tribu
de Manassé orientale. Cf. Mischna, Baba Batra, III, 2;
Ketouboth, xm, 9; Tosiftha, même traité à la fin;
Talmud Bab., Sanhédrin, n, b, etc. Cf. A. Neubauer,
Géographie du Talmud, in-8», Paris, 1868, p. 56, 241-
251. Voir la carte de Gad, t. m, col. 28.
III. Population. — Au temps du Sauveur, la Pérée
était occupée par les races les plus diverses. — Les
Moabites, qui avaient profité de la scission du royaume
d'Israël pour se réinstaller dans la partie située
entre l'Arnon et le Jaboc, ne l'avaient plus quittée.
Les Ammonites s'étaient avancés vers l'ouest, et au
temps des Machabées ils occupaient Jaser et les alen-
tours. I Mach., v, 6-9. A eux s'étaient mêlés les Nabu-
théens et diverses autres branches ismaélites ou arabes.
Cf. I Mach., x, 25; ix, 35,36; Ant. jud., XII, iv, 11, etc.
Après la déportation en Assyrie des tribus orientales
d'Israël, les Syriens de Damas avaient pu occuper
complètement la contrée. Josèphe, Bell, jud., xvm, 1,
nous les montre peuplant les villages de la Pérée,tant
au sud qu'au nord du Jaboc, et son récit les suppose, si-
non formant le fond de la population, du moins nom-
breux dans les principales villes du pays,' à Philadelphie
ou 'Amman, à Hésébon, à Gérasa, à Pella, à Gadara. —
A ces éléments purement orientaux et sémites, était
veau se joindre lors de l'invasion gréco-macédonienne
133
PÉRÉE — PERGAME
134
l'élément occidental ou japhétique. ' Pella de Pérée,
comme son homonyme d'Apamée, doit sans doute son
origine à des soldats de l'armée d'Alexandre qui, s'étant
arrêtés au pied des monts de Galaad, et non loin au nord
du Carith (ouadi Yâbis), avaient voulu donner à leur
ville le nom de la patrie de leur maître. Elle aurait pour
fondateur, ainsi que Dion, s'il faut en croire Etienne
de Byzance, Alexandre lui-même (332 avant J.-C). Cf.
Reland, Palsestina, p. 736-737. Les autres villes de la
Décapote dont les noms sémitiques indiquent une ori-
gine plus ancienne durent être relevées ou agrandies et
embellies, pour recevoir des colonies de même genre.
Vers la même époque, les Juifs trop à l'étroit dans la
Judée étaient revenus dans cette Transjordane que leur
avait donnée Moïse. Devant la fureur des autres popu-
lations toutes païennes, les Machabées avaient dû ra-
mener leurs frères dans la terre de Juda, I Mach., v,
45. Après les conquêtes, en cette région, de Jean Hyrcan
(135-107), d'Alexandre Jannée (106-39) et de son fils Hyr-
can (79-40), les Juifs s'établirent de nouveau dans un
grand nombre de villes de la Pérée où se trouvaient
des Syriens et en relevèrent un grand nombre d'autres
qui avaient été ruinées. Josèphe, Ant. jud., XIII, 4.
De gré ou de force, une multitude de païens embras-
sèrent alors la religion des Juifs. Cf. Ant. jud., XIII,
xv, 4; Bell, jud., II, xvm, 1. Pompée, en 63, soustrait
Gadara, Pella, Dion à la domination des Juifs et déclare
leurs habitants autonomes. Ant. jud., XIV, iv, 2, 4.
C'était sans doute le même motif qui détermina plus
lard Auguste, après la mort d'Hérode (404), à enlever
Gadara à Hérode Antipas (4-39), et à la rattacher à la
Syrie, parce que cette ville était « grecque ». Ant.,
XVII, xi, 4. Elles étaient toutefois plus grecques, par
leur caractère extérieur et la religion, que par le nom-
bre de leurs habitants hellènes, puisque l'historien,
Ant., XIII, xv, 4, nomme Gadara même une ville « de
Syrie » et qu'au commencement des troubles de Judée
(61), les Juifs se jettent sur elle pour venger, par le
massacre des Syriens, leurs frères traités de même à
Césarée. Bell, jud., II, xvm, 1. — Telle était la popu-
lation de la Pérée quand le Christ commença la pré-
dication de l'Évangile. Les foules qui accouraient de là
et de la Décapole pour l'entendre étaient, sans doute,
pour le plus grand nombre, des Juifs de la région et
« des judaïsants » ou convertis. Voir Reland, Pal&stîna,
Utrecht, 1714, p. 197-200. Cf. Décapole, t. n, col. 1333-
1336; Galaad, t. in, col. 45-59; Moab, t. iv, col. 1138-
1178. L. Heidet.
PEREIRA DE FIGUEIREDO Antonio, théologien
portugais né au bourg de Macao, le 14 février 1725,
mort à Lisbonne, le 14 août 1797. Il fit ses études au
collège des Jésuites à Villa- Viçosa et entra en 1744 à
l'Oratoire de Lisbonne, où il enseigna la grammaire
(1752), la rhétorique (1755), et la théologie (1761). Dans
le conflit qui s'éleva entre le Portugal et le Saint-Siège
il défendit d'abord l'Église, mais Pombal le gagna à sa
cause et le combla d'honneurs. Il quitta l'habit reli-
gieux et attaqua violemment le Pape et les doctrines
romaines dans une foule de publications. Nous n'avons
à mentionner parmi ses écrits que sa traduction des
Écritures : O Velho e Novo Testamento em Portuguez,
23 in-8", Lisbonne, 1778-1790. Les notes qu'il a jointes
à sa version ne sont pas toujours orthodoxes. Voir
Portugaises (Versions) de la Bible.
PEREYRA Benoît, exégète espagnol, né vers 1535,
près de Valence, mort à Rome le 6 mars 1610. Il entra
au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1552, professa
longtemps la philosophie, la théologie et l'Écriture
Sainte et "se fit une grande réputation par son savoir et
son érudition. Nous lui devons : 1° Un long commen-
taire et diverses dissertations sur la Genèse, en 4 in-f° :
Ben. Pererii, Valentini, commentariorum et dispu-
tationum in Genesim tomi quatuor. Cet ouvrage
d'abord imprimé à Rome, 1591-1595, le fut ensuite plu-
sieurs fois à Lyon et à Cologne. — 2° Un commen-
taire sur Daniel, en 16 livres, dédié au cardinal Caraffa,
in-f°, Rome, 1587 : Ben. Pererii, Valentini, commen-
tariorum in Danielem prophetam libri sexdeeim. Il
fut réimprimé à Lyon l'année suivante, à Anvers en
1594. Les éditions de Trêves (1618 et 1625) ne donnent
que la 4 e partie de ce travail. — 3° Des Dissertations
considérables sur l'Exode, Ingolstadt, in-4°, 1601 ; Lyon,
1602 et 1607; sur l'Évangile de S. Jean, Lyon, in-4«,
1608 et 1610; sur l'Apocalypse, Lyon, in-4°, 1606; Ve-
nise, in-8°, 1607; sur YÉpître aux Romains, Ingolstadt,
in-4°, 1603; Lyon, 1604; Ben. Pererii, Valentini, sele-
ctarum disputationum in Sacram Scripturam tomi
quatuor. Ses autres ouvrages d'exégèse restés manus-
crits sont : 1° In B. Matthsei et B. Lucie Evangelia
commentarii ; 2° Passio secundum IV Evangelistas
explicata; 3° Explicatio aliquot capitum S. Evangelii
secundum Matthseum et Lucam; 4° Prolegomena in
Epistolam Divi Pauli ad Romanos; 5° Exposilio
Evangelii S. Joannis; 6° Diverses dissertations sur des
points spéciaux. P. Bliard.
PEREZ DE VALENCE Jacques, théologien espa-
gnol, né à Ayora, diocèse d'Orihuela, mort en 1490 ou
1491. Religieux augustin, il occupa les premières char-
ges de son ordre avant de devenir évêque de Chrysopolis
et suffragant de Frédéric Borgia, cardinal de Valence,
plus tard pape sous le nom d'Alexandre VI. On a publié
de Jacques Perez : Expositio in caput m Threnorum,
in-f°, Paris, 1482; Centum et quinquaginta Psalmi
cwm diligentissima etiam titulorum omnium expo-
sitione, in-f°, Valence, 1484; Expositio in Cantica
canticorum, in-f°, Venise, 1498; Expositio in Exodum,
in-f», Paris, 1533. — Voir N. Antonio, Biblioth. Bis-
pana vêtus, t. i, p. 329. B. Heurtebize.
PERGAME (grec : rb népfa|j.ov, t\ Ulpfaiioç; ce
nom n'apparaissant qu'au datif et à l'accusatif dans le
Nouveau Testament, sans article, on ignore quel genre
lui attribuait l'écrivain sacré), ancienne capitale de la
Mysie, dans le district de Tèuthranie, région accidentée
et montagneuse; puis métropole de la province romaine
de VAsia propria, en Asie Mineure. Aujourd'hui,
Bergamo ou Bergama (tig. 19). Pergame est mention-
19. — Monnaie de Pergame.
Têtes affrontées de Tibère et de Livie. CEBACTOI Em IIETP[Q-
Nior].— q. 0EON CEBACTON IIEPrAMHNOi. Temple d'Auguste.
née en deux endroits du Nouveau Testament : 1° Apoc,
i, 11, dans la liste de sept Églises d'Asie Mineure
auxquelles saint Jean reçut l'ordre d'adresser le récit
de ses visions de Patmos; 2° Apoc, il, 12, en tête de
la troisième des sept lettres écrites par l'Apôtre à ces
mêmes Églises, de la part de N.-S. Jésus-Christ.
I. Topographie. — Au dessus d'une plaine ondulée,
traversée par deux cours d'eau, se dresse une colline
très remarquable, haute d'environ 300 mètres, à la
forme arrondie, qui, vue d'en bas, ressemble à un cône
de pin et que les anciens surnommaient pour ce motif
aTpoêiXosiSéç. Strabon, XIII, iv, 1. C'est au sommet de
cette masse de trachyte que fut bâtie la cité primitive
de Pergame, avec une citadelle ou acropole extrême-
135
PERGAME
136
ment forte. Plus tard, une ville beaucoup plus considé-
rable s'étala peu à peu au pied de la montagne.
Le Kétéios (aujourd'hui KesteUtchaï) et le Sélinos
(Bergama-tchaï), venant tous deux du nord, coulent
dans des ravins profonds et abrupts. Le premier longe
simplement la ville; comme autrefois, le second la
traverse sur une étendue d'environ 800 mètres. Pline,
H. N., v,126. Ils vont se jeter, l'un et l'autre, à quelques
Kilomètres au sud de Pergame, dans le Caïcos, aujour-
d'hui Bakyr-lchaï, la rivière principale de la région,
qui arrose une vallée d'une grande beauté, large et
fertile, Strabon, XIII, IV, 2, et qui a son embouchure à
environ 25 kil. (120 stades) de Pergame, dansla mer Egée,
près de l'ancienne ville d'Élaîa, aujourd'hui Tchanderlik.
thère (284-263); Eumène I" (263-2M); Attale 1" (241-
197); Eumène II (197159); Attale II (159-138); Attale
III (138-133). Nous ne relèverons que les traits princi-
paux de leur histoire, en tant qu'elle peut intéresser
leur capitale.
Après la mort d'Alexandre le Grand, Pergame tomba
sous la domination de Lysimaque, l'un de ses généraux
et successeurs. La ville ne consistait alors qu'en une
citadelle, bâtie, avec un certain nombre de maisons, au
sommet de la montagne isolée qu'enserrent le Kétéios
et le Sélinos. Lysimaque y mit en sûreté son riche trésor
de 9 000 talents (environ 44 000 000 de francs), dont il
confia la garde à l'eunuque Philétère. Celui-ci, mettant
à profit les troubles politiques qui régnaient alors,
20. — Vue de l'Acropole de Pergame. D'après une photographie.
Le Caïcos était autrefois navigable. A Pergame, le Kétéios
est presque toujours à sec; le Sélinos a un peu d'eau,
qui arrose quelques jardins. Du sommet de l'acropole,
la vue s'étend jusqu'à la mer et jusqu'à Mitylène.
II. Histoire de Pergame. — 1« A l'origine. — Anté-
rieurement à la dynastie qui établit la puissance de
Pergame, cette ville n'a qu'une histoire assez obscure,
ou presque toute légendaire. Elle paraît avoir été fondée
par des colons grecs, qui, d'après la tradition la plus
vraisemblable, étaient orignaires d'Arcadie. Voir Hessel-
meyer, Die Vrprùnge der Stadt Pergamos in Kleina-
sien, .1885; E. Chrœmer, Pergamos, Leipzig, 1888. La
première mention faite de Pergame dans un texte his-
torique ne remonte qu'au début du rv e siècle avant
J.-C. Xénophon, Anabas., VII, vm, 8; Hellenic, III,
I, 6. Les plus anciennes monnaies qu'on ait d'elle
. datent des années 420-400 avant notre ère.
2° Sous les princes de la famille des Attales. — Au
commencement du ni e siècle avant J.-C, Pergame
acquit tout à coup une grande célébrité, grâce à ses
princes et rois, les Attalides, dont voici la liste : Philé-
réussit à s'emparer du trésor'etjde] la citadelle, qu'il
transmit à son neveu Eumène, petit dynaste des environs,
fondateur de la brillante famille des Attalides. Attale I er
reçut d'Eumène un territoire considérablementagrandi,
grâce à des victoires remportées soit sur Antiochus de
Syrie, soit sur les Gaulois, ou Galates, qui envahirent
l'Asie Mineure en 279. Il prit le titre de roi, après avoir
battu à son tour ces derniers (240); et voyant l'avantage
qu'il y aurait à profiter de l'amitié des Romains, dont
l'influence commençait à se faire sentir en Asie Mineure,
se fit leur fidèle allié. Sous son règne, Pergame devint
non seulement la capitale d'un royaume considérable
et l'une des villes les plus importantes de l'Asie anté-
rieure, mais aussi un grand centre commercial et artis-
tique, et une métropole d'une magnilience vraiment
royale. La prospérité et la splendeur de la cité s'ac-
crurent encore sous Eumène II, Strabon, XIII, IV, 2, qui
y multiplia les monuments somptueux, sacrés ou pro-
fanes. Il l'enrichit notamment d'une bibliothèque
admirable pour l'époque, où l'on comptait plus de
200 000 volumes ou rouleaux; grâce à elle, Pergame fut
137
PERGAME
138
aussi le centre d'un grand mouvement littéraire et
scientifique. Elle fut transportée plus tard à Alexandrie,
Antoine en ayant fait présent à Cléopàtre. Pline, H. N.,
m, 2. Eumène donna également aux arts une impul-
sion considérable, et établit à Pergame une école de
sculpture très illustre, qui posa la base de l'art dit
pergaménien. La ville avait alors, comme autre source
de richesses, la fabrication des parfums et des coupes
d'argile, le travail de l'ivoire, la taille des pierres fines,
et surtout la préparation des parchemins. A cette époque,
en effet, on n'exportait pas encore les papyrus d'Egypte,
et l'on se servait en Asie, pour les livres, de peaux de
moutons, de chèvres et de veaux, auxquelles on faisait
subir une préparation spéciale. Comme l'art de préparer
ces peaux atteignit à Pergame une perfection particu-
lière, on ne tarda pas à leur donner le nom de charta>.
pergamense, qui subsiste encore sous la forme de
« parchemin. » A la mort d'Eumène II, son frère
Attale II prit les rênes du gouvernement, comme tuteur
du jeune Attale III, fils du roi défunt. Il est question
d'Attale II au premier livre des Machabées, xv, 22.
Voir Attale II, t. i, col. 1227-1228. Attale III mourut
sans héritier en 133, après avoir légué son royaume
aux Romains, par un testament que Salluste soup-
çonne d'avoir été simulé, Histor., v; cf. Horace, Od., II,
xvin, 5, mais dont on reconnaît aujourd'hui la sincérité.
— Ces divers princes battirent successivement monnaie,
et Pergame continua ensuite, jusqu'à la fin du III 8 siècle
de notre ère, d'user de ce privilège. Ses monnaies les
plus courantes sont les cistophori, ainsi nommées
parce qu'elles portaient gravée la cista mystica, avec
d'autres objets rappelant le culte de Bacchus. On y voit
aussi les insignes des trois autres grandes divinités de
Pergame : Zeus, Athéné, Esculape.
3» Sous la domination romaine. — Après la mort
d'Attale III, le royaume de Pergame fut incorporé à
J'empire romain, sous le nom d'Asia propria, et, pen-
dant deux siècles encore (jusqu'en 129 de l'ère chré-
tienne), la ville demeura la capitale de la province.
Strabon, XIII, vi, 23, l'appelle litiçavii; noXi;. Cf. Pline,
H. N., v, 30. Elle était le siège d'un tribunal su-
prême; elle avait à sa tête, comme d'autres villes
d'Asie, un asiarque, sorte de magistrat municipal indé-
pendant, qui présidait les fêtes civiles et religieuses.
On y avait installé une école de médecine, dont sortit
le célèbre Galien. Les Romains continuèrent les tradi-
tions artistiques des Attalides, et contribuèrent aussi
beaucoup à orner soit l'acropole, soit la ville basse, qui
leur durent de beaux monuments. Pergame ne demeura
donc pas alors sans gloire, bien qu'Éphèse et Smyrne se
fussent développées à ses dépens et l'eussent peu à peu re-
jetée dans l'ombre. Vers la fin du premier siècle après
J.-C, à l'époque où fut composée l'Apocalypse, Éphèse
lui ravit même, sinon officiellement, du moins dans l'ap-
préciation populaire, son titre de capitale de la province;
c'est pour cela sans doute que Pergame n'est citée qu'au
troisième rang parmi les sept églises, à la suite
d'Éphèse et de Smyrne. Apoc, n. Voir W. M. Ramsay,
dans le Diction, of the Bible de Hastings, t. m, p. 750-
751. Au second siècle de notre ère, elle avait encore
120000 habitants; mais, plus tard, elle dépérit graduel-
lement, surtout sous les empereurs byzantins. Elle
compte aujourd'hui environ 14 500 habitants, Turcs,
Grecs, Arméniens, etc.
III. PEHGA.ME ET LE CHRISTIANISME. — NOUS ignorons
dans quelles circonstances spéciales le christianisme
avait pénétré à Pergame. Ce fut peut-être dès l'époque
de saint Paul. Cf. Act., xix, 10. Bu moins, le passage
de l'Apocalypse qui la concerne suppose qu'elle possé-
dait, à la fin du premier siècle, une chrétienté considé-
rable, fervente et parfaitement organisée, bien que,
malheureusement, la secte impure des Nicolaïtes, voir
Njcolaïtes, t. îv, col. 1616-1617, y eût un certain nom-
bre d'adhérents, comme à Éphèse. Apoc, II, 6. — Les
interprètes se demandent, sans pouvoir se mettre
entièrement d'accord, pourquoi, dans la lettre de saint
Jean à « l'ange » de Pergame, cette ville est appelée à
deux reprises, Apoc, il, 13, « le trône (ou l'habitation)
de Satan. » La pensée générale est claire : ces mots
signifient évidemment que l'évêque de Pergame exerçait
son ministère dans un endroit qui présentait des difficul-
tés particulières; mais il est difficile d'indiquer avec
certitude le motif pour lequel Satan était censé avoir
son siège à Pergame plutôt qu'ailleurs. — 1° D'après
d'assez nombreux commentateurs, cela viendrait de ce
que l'esprit de persécution, qui est vraiment un espri
satanique, Apoc, n, 10, faisait alors rage à Pergame
plus que dans aucune autre ville d'Asie; un passage de
la lettre, Apoc, n, 13, mentionne le martyre du « témoin
fidèle » Antipas. — 2° Une autre interprétation se rattache
au culte vraiment extraordinaire dont le dieu Esculape
fut l'objet à Pergame, à toutes les époques de son his-
toire, mais surtout sous la domination romaine. C'est,
en effet, sous les Romains que fut bâti, dans la ville
basse, aux frais de l'Asie entière, Philostrate, Apoll.,i\,i,
le célèbre Asclépéion ou temple d'Esculape, dont les
dépendances étaient considérables, et qui jouissait du
droit d'asile. Les malades y accouraient de très loin, dans
l'espoir d'obtenir des guérisons miraculeuses ; ils atlen-
21. — Monnaie de Pergame.
Tète d'Esculape à droite. — fy Serpent. ACKAEIIIOr [CQTH]P0C.
daient que le dieu leur dictât en songe des ordonnances
infaillibles. Tacite, Ann., m, 63; Pausanias, III, xxvi,
8. Esculape était, d'après Martial, IX, XVI, 2, le per-
gamenus deus par excellence. Or, ce dieu avait pour
emblème le serpent, comme on le voit par de nom-
breuses monnaies de l'antiquité (fig. 21). D'un autre
côté, Satan est, dans la Bible, le t. serpent antique ». Cf.
Gen., in,l sq. ; Apoc, xn, 9 ; xxii, 2, etc. — 3« Selon
d'autres, l'allusion porterait spécialement sur ce fait que
Pergame était devenue, dès le règne d'Auguste, un
centre du culte rendu à Rome et aux empereurs. —
4° On a pensé aussi tout spécialement à l'autel gigantes-
que qui fut érigé en l'honneur de Zeus Soter sur le
plateau de l'acropole, par les soins d'Eumène II, entre
les années 183 et 174 avant J.-C. Il était tout entouré de
colonnades, et avait près de 35 m. de longsur37m.de
large. Sa façade extérieure était ornée d'un haut-relief
qui représentait la lutte des géants avec les dieux, en
souvenir des victoires que les Attalides avaient rem-
portées sur les Galates (fig. 22). — 5° Enfin, et telle est
peut-être l'interprétation la plus naturelle, on a supposé
quesiPergame estappelée le « trônede Satan», ce n'est
pas seulement pour un de ces motifs particuliers, mais
surtout parce qu'elle était devenue chaque jour davan-
tage, depuis le commencement du m' siècle avant notre
ère, un centre général d'idolâtrie. A côté du culte rendu
à Rome et à l'empereur, à Esculape et à Jupiter, il y
avait celui qu'on offrait à Athéna Polias Niképhoros, à
Bacchus, â Vénus, etc., comme l'indiquent encore les
ruines de vingt temples divers, échafaudés sur la mon-
tagne et éparpillés dans la ville basse. Par ce culte et
par les orgies qui s'y associaient, Pergame était vrai-
ment devenue le trône de Satan.
IV. Etat actuel des monuments de Pergame. —
Jusqu'aux vingt dernières années du xix e siècle, les
139
PERGAME — PERGÉ
140
ruines de Pergame, malgré leur étendue considérable,
ne disaient presque rien aux peu nombreux voyageurs
qui allaient les visiter. Mais le gouvernement prussien
entreprit en 1878, sous l'habile direction de MM. Hu-
mann, Bonn, Conze, etc., des fouilles importantes, qui
durèrent jusqu'à l'année 1886. Elles nous ont livré le
plan complet des monuments de l'acropole et de la ville,
en même temps qu'elles mettaient à jour des débris
très précieux d'architecture, de sculpture, etc. En bas
de la colline, on voit les restes plus ou moins bien con-
servés des remparts, d'un aqueduc souterrain, de quais,
de ponts, d'un stade, de thermes, d'un théâtre, d'un
amphithéâtre, de l'Asclépéion, etc. En haut, sur les
quatre terrasses superposées du plateau de l'acropole,
on admire les restes d'un gymnase, de l'autel de Jupiter,
de plusieurs des temples mentionnés ci-dessus, d'un
pslais royal, de la bibliothèque d'Eumène II, d'un
théâtre, etc. De nombreuses sculptures, statues, etc.,
sont devenues les richesses opimes du musée de Berlin.
Amazonengruppe des AttalischenWeihgeschenks, eine
Studie zur Pergamenischen Kunstgeschichte, Berlin,
1896; J. L. Ussing, Pergamos, dens Historié og Monu-
menten, Copenhague, 1897 ; Corne, Pro Pergamo,
Berlin, 1898; E. Schweizer, Grammatih der Pergame-
nischen lnschriften, Beilràge zur Laut-und Fiexions-
lehre der gemein-griechischen Spi'ache, Berlin, 1898,
E. Pontremoli et M. Colignon, Pergame, restauration
et description des monuments de V Acropole, Paris, 1900 ;
W. Dorpfeld, Der sûdliche Thor von Pergamon,
Berlin, 1901, dans les Abhandlungen der kônigl.
preussisch. Akademie der Wissenschaften ; Conze, Die
Kleinfunde aus Pergamon, dans le même recueil,
Berlin, 1902; G. Cardinali, 11 regno di Pergamo, Ri-
cerche di storia e di dirittp pubblico, Rome, 1906;
enfin la grande publication artistique Altertùmer von
Pergamon, dont les parties suivantes ont été publiées :
t. il, Das Heiligtum der Athena Polias Nikèphoros, par
R. Bohn, Berlin, 1897; t. m, 1« partie, 3. Schram-
22. — Autel de Jupiter à Pergame. Reconstitution.
D'après Baumeiater, Denkmàler des klassischen AUertums, t. u, p. 1216, flg. 1404.
V. Bibliographie. — 1" Auteurs classiques : Strabon,
xiii, 4; Martial, ix, 17; Pline, H. N., XXXV, îv, 10;
Tite-Live, XXXII, xxxm, 4; Polybe, xvi, 1; xxxn, 23;
Ptolémée, V,n,14;Josèphe, Ant.jud.,XlY. — ^Auteurs
modernes : "Macfarlane, Visit to the seven Apocalyptic
Churches, 1832; Arundell, Discoveries in Asia Minor,
t. Il, p. 302-307; von Prokesch-Osten, Denkwûrdig-
keiten und Erinnerungen aus dent Orient, Stutt-
gart, 1836-1837, t. m, p. 304 sq. ; von Schubert, Reise
in's Morgenland, 2« édit., Erlangen, 1840, 1. 1, p. 316-
318; Van Capelle, Commentatio de regibus et anli-
quitatibus Perganienis, Amsterdam, 1842; Welcker,
Tagebuch einer griechischen Reise, Berlin, 1865, t. n,
p. 193 sq. ; Ergebnisse der Ausgrabungen zu Perga-
mon, trois rapports publiés sur les fouilles allemandes
par MM. Humann, Conze et Bohn, en 1880, 1882 et 1888,
dans le Jahrbuchder kônigl. preussischen Kunstsamm-
ït«ragren;Thiersch, Die Kônigsburg von Pergamon, Stutt-
gart, 1883; Urlichs, Pergamon, Geschichte und Kunst,
Leipzig, 1883; E. Reclus, Nouvelle géographie univer-
selle, t. ix, L'Asie antérieure, Paris, 1884, p. 598-612;
Humann, Fûhrer durch die Ruinen von Pergamon,
Berlin, 1885; Fabricius et Trendelenburg, l'article
Pergamon dans les Denkmàler des klassischen Al-
tertums de Baumeister, t, n, p. 1206-1287, Berlin,
1889; U. Pedroli, Il regno di Pergamo, S tudi e ricer-
che, Turin, 1896; E. Le Camus, Les sept Églises de
l'Apocalypse, Paris, 1896, p. 247-264; G. Habich, Die
men, Der grosse Altar, der obère Markt, Berlin, 1906;
t. iv, Die Theater-Terrasse, par R. Bohn, Berlin, 1896;
t. v, 2 e partie, Das Trajaneum, par H. Stiller, Berlin,
1895;- t. vin, Die lnschriften von Pergamon, par
Max Frânkel, avec la collaboration de E. Fabricius et
C: Schuchhardt, Berlin, 1895. L. Fillion.
PERGÉ (Grec : Tlipm, Vulgate : Perga), ville de
Pamphylie, située à l'ouest du Cestrus, à environ
60 stades (12 kil.) de l'embouchure. Strabon, XIV, IV, 2
(fîg. 23). Saint Paul et saint Barnabe dans leur pre-
mière mission viennent de Pàphos à Pergé en remon-
tant le fleuve. Act., xm, 13-14. Les Apôtres y séjour-
nèrent probablement peu et ne paraissent pas y avoir
prêché. Conybeare et Howson, The Life and Epistles of
St. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 131, suivis par
C. Fouard, S. Paul et ses missions, in-8°, Paris, 1892,
p. 26-28, croient que saint Paul et ses compagnons
arrivèrent à Pergé à l'époque où les habitants fuient
les plaines malsaines du rivage pour se réfugier sur
les hauteurs du Taarus; W. Ramsay, The Church in
the Roman empire, 1893, p. 16-18, croit au contraire
que cette migration est de date récente et qu'elle n'est
pas antérieure aux Turcs. C'est à Pergé que Jean Marc
quitta saint Paul et s'en retourna à Jérusalem. Act., xm,
13. Voir Jean Marc, t. m, col. 1166. A leur retour de
Pisidie, saint Paul prêcha à Pergé. Act., xiv, 24.
Pergé était la seconde ville de Pamphylie, le centre des
141
PERGÉ — PÉRIBOLE
142
indigènes, tandis qu'Attalie était une colonie grecque.
A Pergé se trouvait un temple célèbre d'Artémis, la
même divinité que l'Artémis d'Ephèse. Les monnaies
lui donnent le titre de reine de Pergé, rivaum, en
23. — Monnaie de Pergé. — Tête laurée d'Artémis à droite. —
^. APTEMIi 1 KEPrAI. Artémis en chiton court, debout à
gauche, le carquois sur l'épaule, appuyée sur un sceptre et te-
nant une couronne de laurier. A ses pieds une biche ; dans
le champ I.
dialecte pamphylien et plus communément celui d'Ar-
témis de Pergé. C. Lankoronski, Les villes de Pam-
vhylie et de Pisidie, in-f», Paris, 1890-1891, t. î,
p. 17-37, 39, 49, 62. Inscription, n. 33 et 36, p. 172-173.
W. Ramsay dans le Journal of hellenic StudieSj 1880,
p. 147-271 ; Hill, Catalog. of Brilish Muséum, Pam-
phylia, in-8», Londres, 1897, p. 129-131. Le temple d'Ar-
témis était situé près de la ville sur une hauteur. On
24. — Plan de Pergg
D'après Lankoroski, Les villes d*Patnphyit 174
y tenait chaque année une grande assemblée. Strabon,
XFV, iv, 2. Il en reste quelques ruines. Le temple et
son enceinte avaient droit d'asile. Arch. Epigraph.
Mittheilungen aus Oesterreich, 1897, p. 67; C. Lanko-
ronski, Les Villes de Pamphylie, 1. 1. p. 174, n. 39; Hill,
Catalogue of tke Greek coins of Lycia, Pamphylia,
1897, p. 119-142. Pergé porte aujourd'hui le nom de
Murtana. E. Beurlier.
PÉRIBOLE (hébreu : gédér, « mur; » Septante :
itsp(it<XTa;, irEpEëoio;; Vulgate : peribolus), enceinte, mur
formant enceinte. — Ézéchiel, xlii, 7, 10, parle d'un mur
extérieur, long de cinquante coudées et parallèle aux
chambres du Temple, de manière à laisser un espace
vide entre les chambres et le mur. Les Septante tra-
duisent par îrcpfcaToç, s lieu où l'on se promène, » ce
qui convient à l'espace vide et non au mur. La Vul-
gate emploie le mot peribolus, de irepigoio;, qui veut
toujours dire « enceinte » ou « clôture ». — Sous
Simon Machabée, on grava sur des tables d'airain le
récit de ce qui avait été fait pour l'indépendance et
la gloire de la nation, et on plaça ces tables sur le pé-
ribole du Temple, en un lieu apparent. I Mach., xiv,
48. Il est à croire que le mot péribole ne désigne pas
ici le mur même du Temple, à distance duquel étaient
tenus les gentils, mais un mur d'enceinte donnant
sur le parvis des gentils et ménageant le lieu apparent
qui permettait à tous de lire l'inscription. — Dans le
Temple d'Hérode, le parvis des gentils contenait un
péribole, ou mur d'enceinte, probablement à la place
du péribole machabéen. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2,
en parle en ces termes : A l'intérieur des portiques,
« tout l'espace à ciel ouvert était dallé de pierres de
toutes sortes. Quand on se rendait par là au second
Temple, tout autour s'élevait une barrière en pierre,
SpiiçoxTo? XfOtvoc, de trois coudées de hauteur, fort
élégamment construite. A intervalles égaux, se dres- l
saient des colonnes pour rappeler, les unes en
caractères grecs, les autres en latins, la loi de pureté
en vertu de laquelle il n'est permis à aucun étranger
d'entrer dans l'ftyiov (le saint), car le second Temple
était appelé Sytov (le saint). » Pareille défense était
déjà en vigueur au temps d'Antiochus le Grand,
puisque ce prince reconnaît « qu'il n'est permis à
aucun étranger de pénétrer dans le péribole du Temple,
interdit aux Juifs eux-mêmes quand ils n'ont pas été
purifiés conformément à la loi de leurs pères. »
Josèphe, Ant. jud., XII, m, 4. L'historien juif dit
ailleurs, Ant. jud., XV, xi, 5; Bell, jud., VI, n, 4, que
l'infraction à cette défense comportait la peine de mort,
et que l'autorité romaine avait sanctionné l'application
de cette loi même à des Romains. Cf. Philon, Légat,
ad Caium, 31, édit. Mangey, t. il, p. 577; Middoth,
n, 3; Kelimj 1, 8. On a révoqué en doute l'assertion
de Josèphe concernant la peine de mort infligée aux
étrangers qui franchissaient le péribole. Mais, en 1871,
la vérité de l'assertion a dû être reconnue, lorsque
Clermont-Ganneau, Revue archéologique, nouv. sér.,
t. xxm, 1872, p. 214-234, 290-296, pi. x, retrouva une
colonne de pierre portant, en grec, l'une des inscrip-
tions mentionnées par Josèphe. Cette inscription,
actuellement à Constantinople, au musée Tschnili-
Kiôschk, et dont le musée judaïque du Louvre possède
un moulage, est ainsi conçue :
M H EN A AMOTENH ÏA1TVO
PEYEXQA* ENIOX T<y< Y\E.
PI TO IEPON TPYq>AKTOY KA1
riEPIBOAOY OZ A AN AH
4>0H EAYTQl AIT102 El
TAI AIA TO EÏAKOAOY
©EIN OANATON
« Que nul étranger ne pénètre au dedans de la barrière
qui entoure l'Upôv (les parvis réservés) et du péribole ;
celui qui serait pris serait cause pour lui-même que
la mort s'ensuivrait. » Cf. Schûrer, Geschichte des jû-
dischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 1. 11, 1898, p. 271-
275. En conséquence de cette défense, les Juifs surveil-
laient avec soin les entrées du péribole. Aussi s'émurent-
143
PÉRIBOLE — PERLE
144
ils violemment quand ils crurent que saint Paul avait
fait franchir l'enceinte sacrée à un gentil, Trophime
d'Éphèse. Ils entraînèrent l'Apôtre hors du Temple dont
ils firent aussitôt fermer les portes. Act., xxi, 29, 30.
Le péribole était appelé soreg et l'on donnait le nom
de hel à l'espace compris entre cette barrière et les
bâtiments du Temple lui-même. Cf. Middoth, h, 3.
Ce traité de la Mischna n'attribue à la barrière que dix
palmes (0 m 67) de hauteur; l'indication de Josèphe,
Bell, jud., V, v, 2, parlant de trois coudées (1 ,1, 5'7),
paraît plus vraisemblable. L'espace circonscrit par le
péribole s'élevait de quelques degrés au-dessus du
terre-plein du parvis des gentils. Cf. Josèphe, Ant.
jud., XV, xi, 5. Treize portes donnaient accès dans le
hel et devant chacune se dressait l'une des colonnes
mentionnées plus haut. Saint Paul semble faire al-
lusion à ce mur de séparation, médium parietem
macerise, dans son Épitre aux Éphésiens, H, 14. Voir
Temple. H. Lesêtre.
PÉRIL (grec : -/(vovvoc; Vulgate : periculum),
risque de perdre la vie. — L'hébreu n'a pas de mot
particulier pour rendre l'idée de péril. Il se sert des
locutions benéfés, « pour la vie », au risque de la vie,
II Reg., xviii, 13 (qéri); xs.m, 17; III Reg., n, 23;
Lam., v, 9; Prov., vu, 23, et berâ'sênû, « pour notre
tête », au risque de notre tête. I Par., xn, 19. L'Ecclé-
siastique, xxxiv, 13, dit qu'il a été plusieurs fois en
péril de mort, mais qu'il en a été tiré par son expé-
rience, Vulgate : « par la grâce de Dieu ». Dans deux
autres passages de ce livre, on peut recourir au texte
hébreu pour y trouver ce qui correspond à l'idée de
péril. On lit dans les Septante et la Vulgate, m, 27 :
« Qui aime le péril y périra. » Il y a dans l'hébreu :
« Qui aime les richesses, tôbôt, soupirera après elles. »
Plus loin, xliii, 26, les versions traduisent : « Ceux
qui naviguent sur la mer en racontent le péril. » Il y
a dans l'hébreu : « Ceux qui descendent sur la mer en
raconteront l'extrémité, qdsàh, » diront, s'ils le peuvent,
jusqu'où elle s'étend. Tobie, iv, 4, rappelle à son fils les
périls que sa mère a courus pendant qu'elle le portait
dans son sein. Esther, xiv, 1, 4, en péril de mort, de-
mande à Dieu son assistance. Plusieurs fois, il est ques-
tion des périls affrontés par les princes Machabées
et leurs compatriotes. I Mach., xi, 23; xiv, 29; II Mach.,
i, 11; xi, 7; xv, 17. — Les Apôtres étaient en péril
sur la barque pendant la tempête. Luc, vm, 23. Saint
Paul a été en péril à toute heure. I Cor., xv, 30. Il
énumère tous ceux par lesquels il a passé. II Cor., xi,
26. Dieu l'en a délivré. II Cor., i, 10. D'ailleurs au-
cun péril ne le détachera de l'amour du Christ. Rom.,
vm, 35. H. Lesêtre.
PERIPSËMA (grec : 7rspM/r]|ia), qualificatif que se
donne saint Paul, I Cor., iv, 13 : « Nous sommes comme
les 7teptx«flap[iaT« du monde et le nep^r^a de tous. »
Le mot 7teptxa9«p|iaTa désigne le produit d'un nettoyage
complet, les balayures d'une maison, et le mot
ireptywi, de roepti^ôiw, « frotter tout autour, » le résidu
ou la raclure d'un objet qu'on a remis en état. L'Apôtre
voudrait donc dire qu'il est traité par la plupart des
hommes comme la balayure et le rebut de l'humanité.
Cf. "Is., Lin, 3. Cependant les deux mots grecs sont
susceptibles d'un autre sens. Le premier est un
composé de xà6ap|x.«, nom donné à des misérables que
l'on entretenait à Athènes aux frais de l'État, pour en
faire des victimes expiatoires en cas de malheurs
publics. Cf. Aristophane, Plut., 454; Eq., 1133; Dôllin-
ger, Paganisme et Judaïsme, trad. 3. de"P., Bruxelles,
1858, t. i, p. 315. Dans l'ancienne Italique, icepixôOaptia
était rendu par luslramentum, pour lustramen,
« objet expiatoire. » Cf. S. Ambroise, In Ps. cxvni,
vm, 7, t. xv, col. 1297. Dans les Proverbes, xxi, 18 :
« Le méchant sert de rançon pour le juste, » les Sep-
tante rendent kofér, « rançon, » par Tcepraâflap|x.a. Le
mot irspf^TjtJLa se prête également à un sens analogue.
Dans l'édition sixtine du livre de Tobie, v, 18, on lit :
« Que l'argent devienne le irepî<lï]a<x de notre enfant, »
c'est-à-dire sa rançon. D'après Hesychius et Suidas,
les Athéniens jetaient à la mer l'homme dont ils fai-
saient leur victime expiatoire en disant : « Sois notre
Ttïpfyy)\>.a. » Cf. Cornely, 1 Epist. ad Cor., Paris, 1890,
p. 111. Dans l'idée de saint Paul, les Apôtres seraient
donc comme des victimes expiatoires, rejetées par le
monde et associées au Christ pour compléter ce qui
manqué à ses souffrances. Col., i, 24. Leur abjection
participerait ainsi à celle du Messie, dont il est dit
dans Isaïe, Ein, 3, 5 :
Il était méprisé et abandonné des hommes...
Mais c'étaient vraiment nos maladies qu'il portait...
11 a été transpercé à cause de nos péchés.
Saint Paul serait à la fois « balayure et rebut » et en
même temps « rançon et victime expiatoire », à
l'exemple du Messie. Le second sens est rendu pro-
bable par la gradation que suit l'Apôtre : les prédica-
teurs de l'Évangile sont traités « comme les derniers
des hommes, comme des condamnés à mort »; après
le dénuement, les coups, les malédictions, les persécu-
tions, les calomnies, l'idée d'expiation parait se pré-
senter plus logiquement que celle du mépris et de
l'humiliation. I Cor., îv, 9-13. H. Lesêtre.
PERKINS Guillaume, théologien calviniste, né en
1558 à Warton dans le comté de Warwick, mort en
1602. Il étudia à l'université de Cambridge. Ministre
calviniste, il acquit une grande réputation comme
prédicateur. Dans ses œuvres publiées à Londres, 1616,
3 in-f", on remarque : A digest or harmonie of the
old and new Testament; Exposition of Galatians,
Exposition of C hrist's sermon on the Mount; Commen-
tary on Rebr. xi; Exposition of Jude ; Exposition of
Révélation J, il, and. m. — Voir W. Orme, Bïbliotheca
biblica, p. 347; Walch, Biblioth. theologica, t. iv,
p. 701, 758, 857. B. Heurtebize.
PERLE (grec : (jLapyapiTï) ; Vulgate : margarita),
substance qui se forme dans l'intérieur de plusieurs
espèces de coquilles marines. — 1° Un certain nombre
de coquilles sont tapissées mtéiieurement par une
substance calcaire argentée, sécrétée par le manteau du
mollusque, comme la coquille elle-même dont la com-
position chimique est identique. Cette substance s'ap-
pelle nacre. Parfois, â la suite d'une blessure faite au
mollusque par la piqûre d'un petit ver, par un grain de
sable ou un petit corps étranger introduit et enfermé
dans la coquille, il se produit une concrétion isolée
de matière nacrée, sous forme ronde, oblongue ou irré-
gulière. C'est la perle. Elle est généralement adhérente
à la coquille, mais peut aussi se sécréter à l'intérieur
du manteau et des organes. D'abord très petite, elle
s'accroît par couches annuelles. Ce qui fait son prix,
c'est sa grande dureté, sa dimension et surtout son
éclat chatoyant qui reproduit celui de la nacre. Sa colo-
ration va du blanc azuré au blanc jaunâtre, au jaune d'or
et au noir bleuâtre; on trouve même des perles roses,
bleues et lilas. Les principales coquilles perlières sont
l'avicula margaritifera (fig. 25), la meleagrina mar-
garitifera, appelée aussi printadine ou mère-perle, la
pinna marina, Vunio margariti férus, mulette oumou-
lette perlière, etc. On trouve aussi des perles dans les
huîtres et les moules ordinaires; mais elles sont ternes
et sans valeur. Les Chinois et les Indiens font produire
des perles d'un certain prix à des moules et des
huîtres, en introduisant dans le manteau de ces bivalves
de petits corps durs qui déterminent la sécrétion nacrée.
145
PERLE — PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE
146
Les anciens recueillaient les coquilles perlières dans la
mer Rouge, dans la mer des Indes, cf. Pline, H. N., ix,
54; xxxiv, 48; Strabon, xv, 717, et dans le "golfe Per-
sique, aux environs de l'île de Tylos. Cf. Pline, H. N.,
vi, 32; Strabon, ivi, 767; Athénée, m, 93; Élien, Hist.
animal., x, 13. Les perles ont été estimées à très haut
prix dans l'antiquité. Pline, H. N., ix, 54, dit qu'elles
occupent le sommet parmi les choses précieuses.
Cf. Pline, H. N., vi, 24; îx, 56, 58; xxxin, 12; xxxiv,
48; xxxvn, 6. Les Romains en faisaient grand cas. La
femme de Caligula, l'impératrice Lollia Paulina, en
possédait dans sa parure pour 40 millions de sesterces
(près de 10 millions de francs). On en mettait à toutes
les parties du costume. Cléopâtre, dans une fête donnée
par Marc-Antoine, en avala une qui valait des centaines
de mille francs. Horace, Sat., II, ni, 238-240, parle
d'un personnage qui prit une perle à l'oreille de Métella
et la fit dissoudre dans du vinaigre, pour avaler tout
d'un trait un million de sesterces (près de 250000 francs).
Le goût de ces objets coûteux s'était également répandu
en Grèce et en Orient.
2» Les perles ont été certainement connues en Pales-
3° Dans le Nouveau Testament, la mention des perles
est très claire. Notre-Seigneur compare le royaume
des cieux à un marchand qui trafique sur les perles-
En ayaDt rencontré une de grand prix, il vend tout ce
qu'il a pour l'acheter. Matth., xm, 45, 46. Il ne craint
pas d'engager momentanément toute sa fortune, parce
qu'il est sûr de revendre la perle avec gros bénéfice à
quelque riche amateur. Saint Paul recommande aux
femmes chrétiennes d'éviter le luxe dans leur parure
et de savoir se passer de perles. I Tim., il, 9. La femme
qui représente la grande Babylone est ornée de perles.
Apoc, xvii, 4; xvni, 16. Babylone faisait commerce de
ces précieux objets. Apoc, xvm, 12. — Le Sauveur
défend de jeter les perles devant les pourceaux, qui les
fouleraient aux pieds. Matth., vu, 6. La doctrine et la
grâce de l'Évangile ne doivent pas être communiquées
à des âmes indignes qui les profaneraient.
PERSANES (VERSIONS) DE LA CIBLE. -
1" Sous les rois de Perse, Cyrus et ses successeurs,
un grand nombre de Juifs s'établirent dans toutes les
parties de leur empire, et il est à croire que dans les
jïM*
25. — Avicula Margaritifera.
tine, au moins depuis l'époque de Salomon. Mais on ne
sait pas d'une manière certaine quel mot pouvait les
désigner. Le mot gâbis est le nom du cristal, probable-
ment du cristal de roche, et non des perles. Voir
Cristal, t. n, col. 1119. Les penînîm ne sont que des
pierres précieuses, d'après les versions. Prov., m, 15;
vin, II; xx, 15; xxxi, 10. Ces pierres précieuses peuvent
sans doute être des perles, puisque ces dernières sont
des sécrétions calcaires; elles pourraient être aussi du
corail rouge ou une substance analogue. Voir Corail,
t. n, col. 957. A Suse, il y avait dans le palais royal
un dallage fait avec de l'émeraude et du dar. Esth., i,
6. Le mot dar est le nom des perles en arabe. Les Sep-
tante traduisent par Xi'Ôoç nfovivoc.g pierre de pinne, »
de pinna marina, ce qui indiquerait une incrustation
de nacre provenant des coquilles du mollusque perlier.
La Vulgate rend dar par lapis parius, « pierre de Paros,»
marbre. Il est assez probable en eflet qu'il s'agissait de
marbre translucide et nuancé comme les perles ou la
nacre. Dans le Cantique, i, 10, on dit à l'Épouse :
« Nous te ferons des tôrîm avec des hârûzîm. » D'après
les versions, il s'agit de « chaînes d'or marquetées d'ar-
gent ». Il est possible que les deux mots hébreux
désignent des colliers dans la composition desquels
entraient les perles, le corail et les pierres précieuses.
Ils ne se rencontrent pas ailleurs, et ce sens leur con-
vient bien, par comparaison avec les termes arabes
correspondants. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch,
p. 278, 885.
synagogues on expliqua les Écritures dans la langue du
pays. Nous savons du moins par le Talmud, Sota,
49 b , que les Israélites qui habitaient en Perse, en par-
laient la langue en même temps que l'hébreu. Mais s'il
a existé des traductions persanes de l'Écriture à leur
usage, il ne nous en est rien parvenu. On ne possède
rien non plus des anciennes versions du Nouveau Tes-
tament, qui ont dû être faites d'assez bonne heure,
puisque le christianisme se répandit en Perse dès les
premiers siècles. Saint Jean Chrysostome, Hom. il, %
in Joa., t. lix, col. 32, dit expressément que de son
temps l'Évangile de saint Jean était traduit en persan,
et Théodoretde Cyr, Grsec. affect. curât., IX, t. lxxxiii,
col. 1045, dit que les Perses « vénèrent les écrits de
Pierre, de Paul, de Jean, de Matthieu, de Luc et de
Marc, comme venant du ciel, » ce qui semble indiquer
qu'ils étaient traduits en leur langue. De toutes ces
versions primitives, rien n'a survécu.
2" Le Pentateuque. — Maimonide parle d'une
traduction persane du Pentateuque antérieure à Maho-
met. L. Zunz, Die gottesdienstlichen Vortràge der
Juden historisch entwickelt, Berlin, 1832, p. 9. Celle
que nous possédons est bien moins ancienne. Elle a été
imprimée pour la première fois à Constantinople en
1546, en caractères hébreux, et réimprimée, en carac-
tères perses, dans la quatrième partie de la Polyglotte
de Walton. Elle a pour auteur Rabbi Jacob ben- Joseph
Taous (« le Paon »), qui vivait à Constantinople dans
la première moitié du xvi B siècle. Quelques critiques
147
PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE
448
ont voulu la faire remonter plus haut, mais il est
impossible de lui donner une origine antéislamique,
parce qu'elle est écrite en néo-perse et abonde en
mots arabes, ce qui ne se rencontre que dans les
livres écrits depuis la conversion de la Perse au maho-
métisme. De plus, Babel, Gen., x, 10, est traduit par
« Bagdad i ; or Bagdad ne fut bâtie qu'en 763 (l'an
145 de l'Hégire). A. Kohut, Kritische Beleuchtung der
persischen Pentateuch-Uebersetzung des Jacob Ben-
Joseph Tavus unter stetiger Rûcksichtsname auf die
àltesten Bibelversionen, in-8», Leipzig et Heidelberg,
1871, de même que Lorsbach, dans le Ienaer AU. Lit.
Zeitung, 1816, n, 58; Zunz, dans Geiger Wissenschaft-
liche Zeitschrift, 1839, t. iv, p. 391, et Munk, Notice
sur Rabbi Saadia Gaon, Paris, 1838, p. 62-87, s'ac-
cordent à faire naître R. Jacob vers 1510. La traduc-
tion, faite sur l'hébreu, est d'une littéralité excessive :
Taous évite les anthropomorphismes et emploie des
euphémiswes; il se sert du Targum d'Oiikelos et de la
version arabe de Saadia, des commentaires de Kimchi
et d'Aben Ezra ; dans plusieurs passages, il laisse
l'hébreu sans le traduire. Gen., vu, 11; xn, 6, 8, etc.;
Exod., m, 14; xvn, 7; Num. xxi, 28, etc., Deut., m,
10, etc. Son œuvre a peu de valeur critique. « L'auteur
de cette traduction, étant juif, dil Richard Simon, Hi'st.
critique du vieux Testant., p. 307, a affecté partout
les hébraïsmes, et c'est ce qui fait qu'elle ne peut
pas être d'un grand usage, si ce n'est dans les
synagogues des Juifs de Perse. »
3° Manuscrits de diverses traductions persanes de
livres de l'Ancien Testament. — \\ existe en manuscrit
des traductions persanes de plusieurs livres de l'Ancien
Testament. La Bibliothèque nationale de Paris en possède
plusieurs. Le Catalogue des manuscrits Mfcreua:, Paris,
in-4°, 186 1 ), signale les suivants (cf. Catalogus codicum
manuscriptorum Bibliothecœ regix, in-f°, t. î, Paris,
1739, Codices hebraici, p. 4-5) : — N° 70 (ancien 34),
Genèse et Exode, renfermant l'hébreu original et, après
chaque verset, la version persane, de même que le
n° 71 (ancien 35) qui contient le Lévitique, les Nombres
et le Deutéronome, Cette version persane, écrite en
caractères hébreux, reproduit la paraphrase chaldaïque
d'Onkelos; elle est différente de celle qui a été impri-
mée dans la Polyglotte de Constanlinople et dans le
t. vi de la Polyglotte de Walton. — N» 90 (ancien 38),
Josué, les Juges, Ruth, Esdras etNéhémie, en caractères
hébreux. Traduction très littérale sur l'hébreu. Écrit en
1601. — N» 91 (ancien 39). Livres de Samuel, des Rois
et des Paralipomènes, en caractères hébreux. Écrit
dans la ville de Lâr, comme le précédent, en 1601. —
N° 97 {ancien 44). Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, en carac-
tères hébreux. Ézéchiel s'arrête au ch. x, 4. La version
est faite sur le texte massorétique, d'après la paraphrase
chaldaïque de Jonathan. Écrit au commencement du
xvi e siècle. — N° 100 (ancien 25). Jérémie, en carac-
tères hébreux. La version est très différente de celle du
n° 97; elle a été faite sur la paraphrase chaldaïque. —
N« 101 (ancien 47). Lamentations et les douze petits
prophètes, en caractères hébreux. Traduction faite sur
le texte hébreu, mais avec de nombreux contre-sens. —
N»- 116 (ancien 43). Proverbes, Cantique des Can-,
tiques, Ruth, Ecclésiaste, Esther, texte hébreu ponctué
accompagné verset par verset de la traduction persane,
faite sur l'hébreu et écrite en caractères hébreux. —
N° 117 (ancien 113). Proverbes, Ecclésiaste et Cantique
avec traduction persane, suivant verset par verset,
l'hébreu qui est ponctué. Elle est écrite en caractères
hébreux. En général, elle s'accorde avec celle du
n° 116, mais avec beaucoup de variantes. C'est le ma-
nuscrit dont s'est occupé Hassler, dans les Theolo-
gische Studien und Kritihen, 1829, p. 469-480. —
N° 118 (ancien 40). Job et les Lamentations, texte
hébreu ponctué avec traduction persane, verset par
verset, en caractères hébreux. — N» 1S0 (ancien 42).
Job, du même traducteur, mais avec de nombreuses va-
riantes. Hébreu et persan comme au n° 118. — N° 132
(ancien 41). Job (incomplet). La traduction est presque
toujours d'accord avec la précédente. — N° 121 (ancien
224), Esther, texte hébreu ponctué, suivi verset par
verset de la traduction persane, en caractères hébreux.
En tête du manuscrit se trouve un calendrier litur-
gique qui finit à l'année 1523. — N° 128 (ancien 45).
Daniel, avec une histoire apocryphe de ce prophète
(cette histoire a été publiée en caractères hébreux avec
une traduction allemande par Zotenberg, dans Ad. Merx,
Archiv fur wissénschaftliche Erforschung des Alten
Testamentes, 1869, t. i, p. 385-427. — N° 129 (ancien
46). Daniel. Cette version s'accorde avec celle dun°128.
— N° 130 (ancien 236). Livres deutérocanoniques, en
caractères hébreux. La traduction de Tobie est faite
d'après le texte hébreu publié pour la première fois à
Constantinople en 1516 et reproduit dans le t. îv de la
Polyglotte de Londres. Judith est traduit d'après le texte
hébreu publié à Venise vers 1650, Bel et le dragon,
d'après l'hébreu contenu dans le même volume où se
trouve l'hébreu de Judith.
Parmi les manuscrits persans, écrits en persan, la
Bibliothèque nationale, Catalogue des manuscrits per-
sans de la Bibliothèque nationale de Paris, in-8°,
1905, possède les traductions suivantes de livres de
l'Ancien Testament : N° 1. Une traduction persane des
Psaumes, d'origine juive, copiée en 1316 sur un manus-
crit judéo-persan du Làr, avec les variantes de deux
autres manuscrits. — N° 2. Proverbes, Ecclésiaste, Can-
tique des Cantiques, Esther, Ruth. Écrit à Agra en 1604
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 3. Proverbes,
Ecclésiaste, Cantique des Cantiques, Esther (non achevé).
La traduction est la même que la précédente, avec
quelques variantes. — N° 4. Isaïe, Jérémie, Lamentations
(deux versions), Baruch. Copié en 1606 à Hamadan
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 5. Judith,
traduit sur la Vulgate, par le P. Gabriel, capucin (com-
mencement du xvn» siècle).
La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg pos-
sède aussi plusieurs versions persanes qui faisaient
partie de la collection du karaïte Abraham Firkowitz
et de la société d'Odessa. Cf. A. Harkavy et H. L. Strack,
Catalog der hebraïschen Bibel-Handschriften in
St-Petersburg, in-8°, Saint-Pétersbourg et Leipzig,
1875. — N» 139. Petits prophètes, contenant Michée,
i, 13, jusqu'à Malachie, m, 2. — N° 140. Haphtaroth,
en hébreu ponctué, avec la traduction persane; la ver-
sion persane est écrite en caractères arabes.— N° 141.
Pentateuque hébreu et persan. L'hébreu est ponctué,
mais d'une. façon particulière. La version est écrite en
petits caractères et suit l'original verset par verset,
mais elle est très différente de la version de R. Jacob
Taous. — N» 142. Fragments de Job.
Walton, dans les Prolégomènes de sa Polyglotte, xvi,
9, p. 694. mentionne deux Psautiers manuscrits traduits
sur la Vulgate.
La bibliothèque du British Muséum à Londres pos-
sède (voir Margoliouth, Catalogue of the Hebrew and
Samaritan tnanuscripts in the British Muséum, in-4°,
Londres, part. I, 1899) : N° 159, version persane des
Psaumes par Baba ben Nurial, faite à Ispahan vers
1740, par ordre de Nadir Chah. Cette traduction est
précédée du texte hébreu du Pentateuque et suivie de
divers poèmes en caractères persans rabbiniques. —
N° 160, même version persane des Psaumes. Carac-
tères rabbiniques persans du xvin 9 ou xix e siècle.
La Bibliothèque bodléienne d'Oxford possède trois
exemplaires (N» s 1827-1829) de la traduction persane
des Psaumes faite par un religieux portugais, le P. Juan,
1610; deux exemplaires (un incomplet) d'une autre
traduction différente des Psaumes (N» s 1830-1831);
149
PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE — . PERSE
150
une traduction de Judith, d'après la "Vulgate (N° 1833).
4° Traductions persanes des Évangiles. — 1. Impri-
mées. — Xes chrétiens des provinces occidentales de
la Perse, se rattachant à l'Eglise syriaque, se servirent
d'abord de la Peschito. Aussi une des premières traduc-
tions des Évangiles qui fut faite en persan dérive-t-elle
de la Peschito. Elle a été publiée dans la Polyglotte de
Walton, d'après un manuscrit appartenant à Pococke et
écrit en 1341, avec une traduction latine de Sam. Clericus
et de Thom. Grovius. La traduction latine a été réimpri-
mée par Bode, in-4°, Helmstadt, 1751, avec une préface
historique et littéraire. Une seconde traduction des
Evangiles, faite sur le texte grec, fut publiée d'après deux
manuscrits, l'un de Cambridge, l'autre d'Oxford; avec
les variantes du manuscrit de Pococke traduit d'après
la Peschito, p"ar un professeur arabe de Cambridge,
Abraham Wheloc, et parPierson. Quatuor Evangeliorum
versio persica, in-f°, Londres, 1652-1657. Elle est accom-
pagnée d'une traduction latine. — Nadir Schah fit faire
en 1740, par les jésuites ûuhan et Desvignes, une nou-
velle traduction persane des quatre Évangiles, qui a été
publiée par Dorn à Saint-Pétersbourg en 1848. Voir
Dorn, dans Hall. Allg. Literaiurzeitung, 1848, t. n,
p. 464. — Colebrooke a fait imprimer à Calcutta en 1804
une version des Évangiles. De même L. Sebastiani à
Sérampore en 1812. H. Martyn a éditée Londres en 1821
The New Testament, translated from the (jcreek into
Persian. — La société biblique a publié depuis diverses
traductions persanes complètes ou partielles des Écri-
tures.
2. Manuscrites. — Le fonds persan de la Bibliothèque
nationale de Paris contient les manuscrits suivants :
N° 6. LesquatreÉvangiles. Traduction anonyme, copiée
en 1756. — N° 7. Traduction des quatre Évangiles,
dont il est parlé plus haut, faites par des missionnaires,
et des docteurs arméniens sur la Vulgate par l'ordre
qu'en donna le roi de Perse Nadir Schah, en 1736. Copie
de l'original, faite par les soins de P. Lagarde (f 1750).
— N° 8. Autre traduction des Évangiles; faite sur le grec,
écrite pour le roi Louis XIII en 1616, par un mission-
naire franfais. — N° 9. Même traduction avec quelques
légères divergences. Écrite en 1631. — N° 10. Évangile
de saint Matthieu. Copié sur un très ancien manuscrit du
Vatican. Cette version se rapproche beaucoup de celle
qui est contenue dans le n° 9. - N° W. Autre copie
(incomplète) de l'Évangile de saint Matthieu, faite sur
le manuscrit précédent. — N" 13. Évangéliaire pour le
commun du temps. Copié en 1374.
La Bibliothèque bodléienne possède le Nouveau Tes-
tament traduit par le R. H. Martin, deux exemplaires
(N» s 1833-1834) et plusieurs traductions plus ou moins
complètes des Évangiles (N os 1835-1840). Voir Sachau et
Ethè, Catalogue of the Persian manuscripts in the
Bodleian Library, in-4», Oxford, 1889, col. 1050-1056.
La Bibliothèque de Berlin possède le manuscrit d'une
traduction persane de l'Évangile de saint Matthieu
(N° 1096) qui est pour le fond la même que celle qui
a été publiée à Londres par Whelock, in-f», 1657. Le
N" 1097 contient entre autres choses la traduction des
douze premiers chapitres de saint Matthieu, faite en
1799. Voir W. Pertsch, Verzeichniss der persischen
Handschrifien, t. iv des Handschriften Verzeichnisse
der k. Bibliothek zu Berlin, in-4°, Berlin, 1888,
p. 1043-1045.
Voir Rosenmûller, De versione Pentateuchi persica
comment., in-4», Leipzig, 1813 ; J. Fûrst, Bibliotheca
judaica, t. m, p. 453; J. M c Clintock et J. Strong, Cyclo-
pxdia of Biblical Literature, t. vu, New-York, 1889,
p. 984 ; The Bible of every Land, in-4», Londres, 1860,
p. 64-71. F. Vigouroux.
PERSE (hébreu; Paras; Septante : Ilepat;; Vul-
gate : Persis), contrée d'Asie. Le nom de la Perse est,
dans les inscriptions cunéiformes, Pârça, en perse,
Pars et Fdrs, en arabe, Fâris.
I. Géographie. — La Perse proprement dite (fig. 26)
occupait primitivement la partie la plus méridionale de
la grande chaîne de montagnes qui s'étend de la mer
Noire au golfe Persique tout le long de la rive gauche
du Tigre. Le pays était borné au sud et au sud-ouest
par le golfe Persique, au nord-ouest et au nord par la
Susiane et la Médie, à l'est par de grands déserts. La
région qui avoisine la mer se compose de bancs d'ar-
gile et de sable parallèles au rivage; elle a été modi-
fiée sur plusieurs points par le travail des alluvions.
Le sol est tantôt marécageux, tantôt rocheux et mal
arrosé, partout malsain, et stérile. Cf. Pline, H. N., xn,
20. Au delà, plusieurs chaînes de hauteurs s'élèvent
graduellement l'une derrière l'autre, dans toute la
longueur du pays, pour atteindre le plateau. Cette
région moyenne est ordinairement boisée et fertile en
céréales, sauf dans plusieurs cantons du nord et de
l'est. Cf. Strabon, xv, 727. Quelques rivières seulement,
l'Oroatis, l'Araxès, le Bagradas, parviennent à traver-
ser les hauteurs et les sables et à se jeter dans le golfe.
D'autres n'ont pas d'écoulement; leurs eaux forment
au fond des vallées des lacs dont le niveau varie avec
les saisons. La partie montagneuse se découpe en pics
aigus, couverts de neige, séparés par des ravins aux
parois presque verticales, au fond desquels se préci-
pitent de furieux torrents. Le sommet le plus élevé, le
Kouh-i-Dina, au nord, atteint 5200™; au sud, le
Djebel Boukoun monte jusqu'à 3230" 1 .
Sur le haut plateau, le climat se ressent de la séche-
resse du sol et de l'absence de rivières. La pureté de
l'atmosphère est telle qu'on peut distinguer à l'œil nu
les satellittes de Jupiter; la planète elle-même y jette
de si vifs rayons qu'elle porte une ombre très nette sur
une surface claire. On s'explique ainsi le goût des
anciens mages pour l'observation des astres et le culte
qu'ils rendaient à certains d'entre eux. Voir Mage,
t. îv, col. 544. Par contre, comme cette pureté de
l'atmosphère n'oppose aucun obstacle aux rayons
salaires et au rayonnement nocturne, on peut passer,
en moins de quelques heures, de 7 à 62 degrés centi-
grades. En hiver, avec des tourbillons de neige, la
température peut descendre à — 30°.
La race était endurcie à la fatigue par la vie dans la
montagne. Élancés et robustes, la tête fine sous leur
épaisse chevelure et leur barbe bouclée (fig. 27), les
Perses étaient intelligents et passionnés pour la guerre.
Plusieurs tribus se partageaient le pays : les Pasa-
gardes, les Maraphiens et les Maspiens, qui exerçaient
la prépondérance, les Panthialéens, les Dérousiéens et
les Carmanes, qui menaient la vie sédentaire, les
Daens, les Mardes, les Dropiques et les Sagartiens,
qui préféraient l'état nomade. De gros villages avaient
été bâtis sur le bord de la mer, Armouza, Sisidôna,
Apostana, Gogana et Taôkê, ce dernier possédant un
palais royal. Cf. Hérodote, i, 125; Néarque, dans
Arrien, Hist. indic, xxxvn, 5, 7, 8; xxxix, 3; Strabon,
XV, m, 3. A l'intérieur s'élevaient les villes de Carma-
na, au nord-est, cf. Ptolémée, vi, 8, de Gaboe, au nord,
avec un palais, cf. Plotémêe, vi, 4; Strabon, XV, m,
3, de Persépolis et de Pasagardes, au centre du pays.
Cf. E. Reclus, Géographie universelle, t. ix, p. 168-187;
Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 456-459.
II. Histoire. — Les Perses ne sont pas nommés dans
la table ethnographique, mais ils étaient, comme les
Mèdes, japhétites et de race iranienne. Gen., x, 2. Pri-
mitivement confinés dans leurs vallées ardues, ils
avaient dû s'étendre au nord-ouest aux dépens de
l'Élam, au moment où ce pays avait été affaibli par la
puissance assyrienne. Voir Élam, t. n, col. 1638. Ils
élisaient leurs rois dans la famille d'un de leurs chefs
primitifs, Akhâmanisch, l'Akhéménès des Grecs, dont
151
PERSE
152
la légende s'est emparée. Cf. Élien, Var. hist., xn, 21.
Tchaispi oa Téispès, son successeur et peut-être son
fiis, profita de la ruine de Suse par Assurbanipal pour
s'emparer de la partie orientale de l'Élam. C'était le
pays d'Ansân, et lui-même prit dès lors le titre de roi
■d'Ansân, Cf. Hérodote, vu, 11, et l'inscription de Bé-
histoun, col. i, lig. 5, 6. Ce titre est attribué à Cyrus
et à ses trois prédécesseurs par les monuments babylo-
niens de Cyrus, Cylindre, lig. 20, 21, dans les Bei-
tràge zur Assyriologie, t. n, p. 20, 21, d'où l'on con-
clut que la conquête du pays d'Ansân est bien l'œuvre
de. Téispès, et qu'il n'existe pas de lacune dans la série
chronologique entre ce dernier et Akhéménès.
Phraorte, roi des Médes (647-625), qui songeait à
lig. 18. Dans la Bible, Daniel parle toujours des Mèdes
et des Perses, Dan., v, 28; vi, 8, 12, 15; le livre d'Esther,
I, 3, 14, 18, 19, nomme au contraire les Perses et les
Mèdes, sauf dans nn endroit où il est question du livre
des rois de Médie et de Perse, Ksth., x, 2, qui conte-
nait les annales du royaume commencées sous les
anciens rois. Voir Cyrus, t. il, col. 1191-1194. — Les
rois de Perse se succédèrent dans l'ordre suivant,
jusqu'à la conquête d'Alexandre le Grand :
Cyrus 550 Artaxerxès I" 465
Cambyse 529 Darius II 424
Smerdis le Mage. . . . 522 Artaxerxès II Mnémon . 405
Darius I" ...... . 521 Artaxerxès in Ochus . . 359
Xerxes I" ...... . 435 Darius m Codoman 336
26.
Carte de la Perse.
l'attaque de l'Assyrie, commença par s'annexer ses voi-
sins, et soumit les Perses, dont les princes devinrent
■désormais vassaux de la Médie. Cf. Hérodote, 1, 102.
Il fut vaincu et périt dans son attaque contre les Assy-
riens. Son fils Cyaxare (624-585), pour s'assurer la vic-
toire, réorganisa son armée, composée de Mèdes et de
Perses. Cf. Hérodote, vu, 62. Ces derniers prirent part
à la lutte contre Assurbanipal, à la prise de Ninive,
et aux diverses campagnes du roi des Mèdes. Voir
Médie, t. iv, col. 919.
A Téispès avait succédé Cambyse, et à Cambyse son
fils Cyrus, vers 559. Celui-ci pensa que les Perses, au-
trefois dominés par les Mèdes, pouvaient et devaient à
leur tour exercer la souveraineté dans l'empire médo-
perse. En 553, il se révolta contre Astyage, fils et suc-
cesseur de Cyaxare ; il le défit, s'empara d'Ecbatane et
substitua une administration perse au gouvernement
mède. L'empire n'était pas changé estépieurement;
mais tandis que les rois précédents avaient été les chefs
des Mèdes et des Perses, Cyrus et ses successeurs
furent rois des Perses et des Mèdes. Voir l'inscription
de Béhistoun, col. 1, lig. 34, 35, 40, 41, 46, 47; col. H,
Sur ces rois, voir Médie, t. iv, col. 920; Cambyse,
t. 11, col. 89; Darius I«, col. 1299; Assuérus (Xerxès
I er ), t. 1, col. 1141; Artaxerxès I w , col. 1039; Darius H,
1. 11, col. 1306; Artaxerxès II, 1. 1, col. 1042; Darius III,
t. 11, col. 1306. — Alexandre le Grand, roi de Macé-
doine, conquit l'empire des Perses en 331 . Voir Alexan-
dre le Grand, t. I, col. 345. Après sa mort, la Perse
fit partie du royaume de Syrie, gouverné par les Séleu-
cides. Voir Syrie. Mais ensuite les rois Parthes la
disputèrent à ces derniers et Arsace VI finit par s'en
emparer en 138. Voir Arsace, t. 1, col. 1034. Les Arsa-
cides y régnèrent jusqu'en 226 après J.-C.
III. Mœurs et coutumes des Perses. — Hérodote, 1,
131-140, fournit quelques détails sur la manière de
vivre des Perses. Les Perses pratiquaient la polygamie,
épousant plusieurs femmes et ayant en outre des
concubines en grand nombre. Ils se faisaient gloire
d'avoir beaucoup d'enfants; mais les hommes ne s'en
occupaient qu'à l'âge de cinq ans; jusqu'à vingt, ils
leur apprenaient à monter à cheval, à tirer de l'arc et
à dire la vérité. Assez sobres du côté de la nourriture,
ils l'étaient beaucoup moins dans l'usage du vin et
153
PERSE
154
s'enivraient à tout propos, même quand il s'agissait de
délibérer sur des choses sérieuses. Les grands festins
donnés par Xerxès I" répondaient parfaitement au
goût de ses sujets. Le vin royal y était servi en abon-
dance. Esth., i, 5-11. Le texte sacré remarque que « le
vin avait mis la joie au cœur du roi, » et, s'il observe
que « chacun buvait sans que personne lui fît violence, «
c'est que sans doute l'utilité de cette violence ne se
faisait nullement sentir. Curieux des usages de l'étran-
ger, ils adoptaient tout ce qui pouvait contribuer à
leurs plaisirs. Aussi leurs mœurs s'efféminèrent au
point que, malgré leur nombre et leurs ressources, ils
furent incapables de tenir tête aux Grecs. S'estimant
eux-mêmes au-dessus de tous les autres peuples, ils
méprisaient ces derniers à proportion de leur éloigne-
raient. On s'explique ainsi qu'ils se soient montrés si
outrés de la conduite des Grecs à leur égard et se
soient imaginé qu'ils les réduiraient aisément.
Leur législation ne permettait à personne, pas même
27. — Perses de Persépolis.
D'après G. Rawlinson, The flve great Monarchies, t. v,p. 179, 191.
au roi, de faire mourir un homme pour un seul crime.
Le mensonge leur était odieux et ils trouvaient hon-
teux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques
de respect proportionnées à la condition de chacun. Us
ne pouvaient supporter les lépreux, dont ils attribuaient
la maladie à un péché commis contre le soleil. Cf.
Ctésias, Res persic, 41. On sait par la Bible, Dan., vi,
8; Esth., vm, 8, qu'un décret signé de l'anneau royal
était irrévocable, et que, pour l'empêcher d'avoir son
effet, il fallait un autre décret qui rendit le premier
impraticable. Esth., vm, 10, 11. Cf. I Esd., vi, 11. Hé-
rodote, ix, 108, 110, montre Xerxès se refusant à révo-
quer une parole donnée, malgré le plus grave incon-
vénient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de
refuser les grâces qu'on lui demande le jour du festin
royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir Anga-
rier, t. i, col. 575. Les archives du royaume étaient
tenues avec grand soin. I Esd., IV, 15, 19; Esth., vi, 1 ;
x, 2. Sur l'écriture perse, voir Vigouroux, La Bible et
les découvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 137-146. Sur
la monnaie, voir Darique, t. Il, col. 1294. Sur l'àdmi-
nistration.provinciale, voir Satrape.
Les rois perses tenaient à habiter dans de magni-
fiques palais. Le site austère de l'antique Pasargades et
la simplicité de la demeure royale de Cyrus ne conve-
naient plus à leurs goûts raffinés. Ils s'y rendaient
pour ceindre la couronne, après la mort de leur pré-
décesseur, cf. Plutarque, Artaxerxes, 3, mais ils n'y
demeuraient pas. Darius I= r préféra le séjour de Persé-
polis; il développa la ville, y éleva de splendides bâti-
ments et tint même à ce que son tombeau fût creusé
dans les rochers à pic des environs, où plusieurs de
ses successeurs vinrent le rejoindre (fig. 28). Cf.
M. Dieulafoy, L'art antique de la Perse, t. n, pi. x ;
flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir
Persépolis. Xerxès I er agrandit et orna le palais de
Persépolis. Artaxerxes I er préféra Suse. Il y édifia un
palais plus vaste que tout ce qu'on avait fait jusqu'alors.
Cf. Dieulafoy, L'acropole de Suse, p. 274-358.
Les rois perses recevaient leurs vassaux et les am-
bassadeurs étrangers sur leur trône d'or, au fond de
leur apadana ou salle de réception. Voir Palais, t. iv,
col. 1972. On ne les apercevait qu'un instant. Ils por-
taient une robe de pourpre avec des broderies d'or.
Plutarque, Artaxerxes, 24, estime un de ces vêtements
à 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette
bleue et blanche formait diadème autour de la kidaris
du roi. On ne l'entrevoyait lui-même qu'à l'ombre d'un
parasol et au vent d'un chassernouches. Il ne parais-
sait d'ailleurs en public qu'à cheval ou sur son char,
entouré de sa garde. Les hommes de sa famille et des
six anciennes familles princières pouvaient l'aborder à
toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14.
Une lettre d'Artaxerxès à Esdras mentionne ces sept
conseillers. I Esd., vu, 14. Ce droit conféré à six fa-
milles venait de ce que sept Perses s'étaient concertés
pour tuer Smerdis le Mage et faire désigner l'un d'eux
pour roi, à condition que chacun des six autres aurait
toujours libre accès auprès de l'élu et que celui-ci ne
pourrait prendre femme que dans la famille de ses
compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la conven-
tion fut observée. Hérodote, m, 76,84. La fréquentation
de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occu-
paient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, His-
toire ancienne, t. m, p. 736-746.
Sur la religion des Perses, voir Mage, t. iv, col. 544;
Médie, col. 921; Michel, col. 1069. Il ne faut pas juger
de cette religion, à l'époque des Achéménides, par la
forme systématique et philosophique qui lui a été im-
posée par Zoroastre ou les réformateurs désignés sous
ce nom, et n'a triomphé que bien des siècles plus tard.
D'après Hérodote, I, 131, 132, les Perses ne représen-
taient pas les dieux; mais, sur le sommet des mon-
tagnes, ils offraient des sacrifices à la divinité suprême,
qui est le ciel, au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à
l'eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la déesse
Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu,
et coupaient la victime par morceaux qu'ils faisaient
bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours
d'un mage, pour la prospérité du roi et celle de
tous les Perses en général, et disposaient ensuite de la
victime.
Les Achéménides étaient certainement polythéistes.
On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra,
Anahata, et aussi Ahiïman, le principe du mal concré-
tisé pour eux sous forme du dieu malfaisant. C'est
parce que les fourmis, les serpents et d'autres reptiles
ou volatiles étaient l'œuvre de ce dieu, que les mages
les tuaient de leurs propres mains. Hérodote, 1, 140.
Les Perses croyaient à la survivance de l'âme. Après la
mort, l'âme se trouvait exposée à des dangers, contre
lesquels les vivants pouvaient la défendre par des sa-
crifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces
dangers se spécialisèrent dans un jugement subi sur
le pont Cinvât, et à la suite duquel les âmes étaient
envoyées au bonheur, ou à l'enfer, ou à un état inter-
médiaire. A la fin du monde, tous ressuscitent,
subissent une nouvelle épreuve qui purifie les pécheurs
155
PERSE
156
et arrivent enfin à être sauvés, à l'exception d'Ahriman
et de quelques autres.
Les Perses connaissaient aussi certains cas d'impu-
reté; il leur était défendu de souiller l'eau, parce que
l'impureté se communique surtout par elle. Ils ne vou-
laient pas non plus souiller la terre avec le contact des
cadavres. Ils laissaient dévorer ceux-ci par les oiseaux
et les chiens, ou ne les inhumaient qu'enduits de cire
pour empêcher le contact, cf. Hérodote, i, 140, et plus
tard les déposaient dans les tours du silence. Ces pra-
tiques se conciliaient avec leur foi à la résurrection.
^On a souvent cherché à établir des relations d'influence
réciproque ou de dépendance sur certains points entre
la religion des Perses et celle d'Israël. Ces relations
sont difficiles à préciser et surtout à justifier. « En
fait, presque tous les points où l'on croit voir des rap-
ports étroits, même la résurrection, appartiennent
selon nous à la réforme. Que si l'on compare le judaïsme
tions a quelque lieu d'étonner, surtout dans le premier
passage. Les Lydiens d'Asie Mineure et les Libyens du
nord de l'Afrique étaient en communication facile avec
Tyr par mer. Les Perses au contraire auraient eu à
traverser là" Médie, la Babylonie et la Syrie pour
atteindre cette ville. Aussi se pourrait-il que le mot
paras désignât, dans le premier texte, les Pharusiens,
de l'île de Pharos, à l'embouchure du Nil, qui étaient
d'excellents archers. Dans le second texte, il s'agit
d'une armée idéale, dans laquelle la présence des
Perses étonne moins à côté des Scythes, des Armé-
niens, des Ethiopiens et des Libyens. Pourtant, comme
les Perses sont associés à ces deux derniers peuples
africains, on peut douter qu'ici encore paras désigne
la Perse.
3» Daniel, v, 28, annonça à Baltasar que son royaume
allait être donné aux Mèdes et aux Perses. La nuit même,
Cyrus prit la ville. Le prophète se trouva ensuite en
28. — Vue des ruines de Persépolis. D'après F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 102.
à la réforme elle même, l'influence des Perses ne sau-
rait être antérieure aux environs de l'an 150 avant J.-C.
Or il est constant qu'à cette époque le judaïsme était
déjà dans une fermentation extraordinaire, en possession
de toutes les idées qu'on dit empruntées au mazdéisme. »
Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 45, 46.
IV. Les Perses dxns la Bible. — 1» Dans son cantique
de victoire, Judith dit que « les Perses ont frémi de sa
vaillance et les Mèdes de son audace. » Judith, xvi, 12.
Les faits racontés dans le livre de Judith doivent se pla-
cer vraisemblablement sous les règnes d'Assurbanipal.
en Assyrie, et de Manassé, en Juda. Voir t. m, col. 1830,
A cette époque, Phraorte, roi des Mèdes, s'apprêtait à
entrer en campagne contre le monarque assyrien.
Judith parle donc des Perses et des Mèdes, non comme
de vassaux, mais comme de rivaux des Assyriens. Elle
nomme ceux-ci au troisième rang, les Mèdes au second
et les Perses au premier, ce qui donnerait à penser que
le cantique a été composé à une époque où l'Assyrie
avait été soumise par les Mèdes et où ceux-ci subissaient
la domination des Perses.
2° Ezéchiel, xxvu, 10, dit que les Perses, les Lydiens et
les Libyens servaient dans l'armée de Tyr et étaient ses
hommes de guerre. Ailleurs, xxxvm, 5, il met dans
l'armée de Gog des Perses, des Éthiopiens et des
Libyens. La présence des Perses dans ces énuméra-
rapport avec Darius le Mède, qui gouvernait la Babylo-
nie au nom de Cyrus le Perse, mais d'après la loi des
Mèdes et des Perses, plusieurs fois invoquée. Dan., vi,
8, 12, 15, 28. Voir Darius le Mède, t. h, col. 1298. —
Dans une de ses visions « pour le temps de la fin, »
c'est-à-dire ici pour le temps qui doit aboutir à l'époque
messianique, le prophète voit successivement un bélier
à deux cornes, qui figure l'empire des Mèdes et des
Perses, et un bouc velu, qui figure la monarchie
grecque. Dan., vm, 20-22. — La troisième année de
Cyrus, roi de Perse, le prophète a une autre vision sur
les destinées du peuple d'Israël. Cette vision a lieu
deux ans après l'édit qui a autorisé le retour des Israé-
lites en Palestine. I Esd., i, 1-3, Daniel n'a pas profité
de l'autorisation et la plupart des exilés sont demeurés
volontairement en Babylonie. L'ange qui lui apparaît
lui dit : < Le chef du royaume de Perse m'a résisté
vingt et un jours, et Michel, un des premiers chefs, est
venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des
rois de Perse. » Dan., x, 13. L'ange 'qui parle au pro-
phète est probablement Gabriel, qui s'était déjà montré
à lui. Dan., IX, 21. Le chef du royaume de Perse n'est
pas un homme, mais un sar, comme Michel, tandis que
les rois sont appelés malké Paras. S'il résiste vingt et
un jours, c'est qu'il souhaite que tous les Israélites ne
quittent pas le royaume de Perse, où leur présence est
157
PERSE — . PERSÉPOLIS
158
avantageuse. Michel, qui est le protecteur du peuple de
Dieu, vient cependant en aide au premier ange pour
faire cesser l'opposition de l'ange des Perses. Voir
Michel, t. iv, col. 1068-1069. Cf. Rosenmûller, Daniel,
Leipzig, 1832, p. 348-351. L'ange révèle ensuite au pro-
phète les destinées de la Perse : « Il y aura encore
trois rois en Perse; le quatrième posssèdera de plus
grandes richesses que tous les autres, et quand il sera
puissant par ses richesses, il soulèvera tout contre le
royaume de Javan. Et il s'élèvera un roi vaillant, qui
aura une grande puissance et fera ce qui lui plaira... »
Dan., xi, 2, 3. Ces trois rois qui doivent suivre Cyrus
sont Cambyse, Darius I er et Xerxès I er , en négligeant
l'éphémère Smerdis. Le quatrième, à partir de Cyrus,
est Xerxès I er , puissant par ses richesses et qui mit
tout en mouvement contre la Grèce. Les cinq autres
rois ne sont pas nommés dans la prophétie; mais avec
eux la Perse perdit peu à peu de sa puissance. Deux
grands princes sont surtout mis en relief : Xerxès I €r
qui alla porter le défi aux Grecs jusque chez eux,
Alexandre le Grand qui releva le défi au cœur même de
l'empire perse. Voir Daniel, t. h, col. 1275.
4» La délivrance des Israélites exilés fut l'œuvre de
Cyrus, roi de Perse, dès la première année de son
arrivée au pouvoir souverain. II Par., xxxvi, 22, 23;
I Esd., 1-11. Le livre d'Esdras raconte ensuite ce qui
. fut fait par les rois de Perse au sujet des Juifs : l'au-
torisation de rebâtir le Temple, I Esd., m, 7; îv, 3;
les tentatives hostiles des ennemis des Juifs auprès de
Xerxès et d'Artaxerxès, I Esd., îv, 7; la lettre d'Ar-
taxerxès interdisant la restauration delà ville, I Esd., iv,
18-22; l'édit de Darius confirmant l'autorisation donnée
par Cyrus de rebâtir le Temple'et assignant des redevances
pour les sacrifices, 1 Esd., \i, 6-12; le retour d'Esdras
sous Arlaxerxès, I Esd., vil, 1-6, et, en général, la
bienveillance dont firent preuve les rois de Perse.
I Esd., ix, 9. Néhémie remplissait les fonctions d'échan-
son auprès d'Artaxerxès, quand il obtint de revenir à
Jérusalem pour en relever les murailles. II Esd., n,
1-10.
5° Tous les événements rapportés dans le livre d'Esther
se passent à Suse et dans le royaume des Perses, sous
le règne de Xerxès. Voir Assuérus, t. i, col. 1141;
Esther, t. il, col. 1973; Mardochée, t. iv, col. 753.
6° La victoire d'Alexandre le Grand sur Darius, roi des
Perses et des Mèdes, est rappelée I Mach., i, 1. On
raconte ensuite comment Néhémie, renvoyé en Judée
par le roi de Perse, retrouva une eau épaisse à l'en-
droit où l'on avait jadis caché le feu sacré, que cette
eau, répandue sur le sacrifice, s'était enflammée, et que
le roi de Perse, informé de l'événement, fit enclore le
lieu où l'on avait trouvé l'eau et ainsi le rendit sacré.
II Mach., i, 19-35. Voir Naphthar, col. 1597. — En
Perse s'élevaient les temples que les deux rois Antio-
chus III et Antiochus IV cherchèrent en vain à piller.
I Mach., vi, 1-4; II Mach., i, 13-16; ix, 1,2; voir Nanée,
t. iv, col. 1473. — Enfin, c'est de Perse que les Mages
arrivèrent pour adorer l'enfant Jésus. Matth., il, 1-12.
Voir Mage, t. iv, col. 543-545. — Les Perses ne sont
pas nommés dans le Nouveau Testament, mais seule-
ment les Mèdes. Act., h, 9.
Bibliographie. — Hérodote, I; Xénophon, Anabasis,
Hellenica, Cyropsedia ; J. Gilmore, Fragments of the
Persika of Ctesias, in-8°, Londres, 1889; J. Malcolm,
History of Persia from the earliest Ages to the pré-
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1710; J. H. G. Kern, Spécimen historiarum continens
scriptores grmcos de rébus persicis Achsemenidarurn
monumenlis collatos, in-8°, - Liège (1855); M. Dieu-
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1884-1889; G. Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans
l'antiquité, t. vi, Perse, 1890, p. 403-897; G. Rawlin-
son, The five great monarchies of the anclent eastern
World, fifth Monarchy, t. IV, 1867; G. W. Benjamin,
Persia, in-12, Londres, 1388; F. Justi, Geschichte des
alten Persiens, in-8°, Berlin, 1879; A. von Gutschmid,
Geschichte Irans und seiner Nachbarlànder von
Alexander dem Grossen bis zum Vntergang der Ar-
saciden, in-8°, Tubingue, 1888; Ker Porter, Travels in
Georgia, Persia, ivith numerous engravings, 2 in-4°,
Londres, 1821-1828; Flandin et P. Coste, Voyage en
Perse [Perse ancienne), Paris, texte, in-8°; planches,
in-f», 1843-1854. H. Lesêtre.
PERSÉE (grec : rispcrsOç), le dernier roi de Macédoine
(fig. 29). La Vulgate l'appelle : Persen Cetœorum regem.
Il succéda à Philippe V, qui passait pour son père, mais
on ignore s'il était son fils légitime ou illégitime ou
supposé (179 avant J. C). En 171, il fit la guerre avec
plus de bravoure que de succès. Il la soutint d'abord
habilement, mais en 168 il fut défait à Pydna, près de
l'Azam actuel, sur la côte occidentale du golfe de
29. — Monnaie de Persée, roi de Macédoine.
Tête de Persée à droite, diadémée. — H). Dans une couronne*
aigle éployé, tenant un foudre. Dans le champ : BAEi | AEQE
iiep [ eeql et un monogramme.
Salonique, par L. ^Emilius Paulus. Il se rendit, avec sa
famille, à Samothrace, entre les mains du vainqueur
qui l'emmena à Rome et le fit figurer à son triomphe.
Avec lui finit le royaume de Macédoine. Après un court
emprisonnement, il fut autorisé à se retirer à Albe où
il mourut. Le bruit de sa défaite arriva jusqu'en Pales-
tine et contribua à donner aux Juifs une haute idée
de la puissance militaire des Romains. I Mach., vin, 5.
PERSÉPOLIS (grec : UtpaiTïo\ii), une des capitales
du royaume de Perse sous les Achéménides. Elle est
nommée une fois, II Mach., ix, 2, d'après un grand
nombre de commentateurs. Antiochus IV Épiphane, à
court d'argent, tenta de piller le temple de cette ville,
d'après ces commentateurs, mais les habitants le forcèrent
à fuir honteusement. — Alexandre le Grand avait déjà
mis le feu à Persépolis, lors de sa guerre contre les
Perses, pour venger, dit-on, la prise d'Athènes par
Xerxès. Clitarque, dans Athénée, sin, p. 576; Diodore
de Sicile, XVII, lxxi,2,3; Lxxn,6;Plutarque,Atea;and v
38; Quinte-Curce, v, 7, 3. D'après Diodore de Sicile,
loc. cit., et quelques autres, Arrien, m, 18, 11; Pline,
H. N., vi, 26, la ville entière aurait été la proie des
flammes; d'après Strabon, XV, m, 6, et Plutarque,
loc. cit., le palais royal aurait été seul détruit. Une
partie de ses monuments avait certainemsnt échappé à
la destruction. Ptolémée, vi, 44; vu, 5, 13. On y voit
encore des mines importantes. Strabon, XV, m, 6, dit
que Persépolis était, après, Suse, la plus riche des villes
de Perse, quand elle fut incendiée par Alexandre, et ses
ruines attestent encore son ancienne splendeur; il est
douteux, malgré les suppositions contraires, qu'elle se
soit relevée jamais de ce désastre.
Persépolis était située près de la plaine de Merdascht,
159
PERSEP0L1S — PESTE
160
au confluent de l'Arase (Bendamir) et du Médus
(Pulouan), à 40 kilomètres environ de Pasargades, la
capitale primitive de la Perse, avec laquelle on l'a au-
trefois confondue à tort. Darius, fils d'Hystaspe, fut le
premier roi qui y établit sa cour. D'après Athénée, Deip-
nosoph., xn, p. 513, les rois de Perse résidaient à Per-
sépolis pendant trois mois en automne, mais son affirma-
tion n'est pas confirmée par les autres écrivains anciens.
Xénophon, Cyrop., vm, p. 22; Plutarqne, De exil., XH,
édit. Didot, t. iv, p. 730; Zonaras, in, 26. Quoi qu'il en
soit de ce point, il est certain que Persépolis, depuis
Darius I er , fut avec Suse une des résidences royales. La
magnificence de ses ruines (fig. 28, col. 155), remplit les
voyageurs d'admiration. Elles portent aujourd'hui le nom
de ChelMinar « les quarante colonnes ». On y voit en-
core les restes de deux superbes palais élevés par Darius
lils d'Hystaspe et par son fils Xerxès, en même temps
que le reste d'autres édifices. — Voir M. Dieulafoy, L'art
antique de la Perse, in-f°, t. m, 1885; G. N. Curzon,
Persia, 2 in-8°, Londres, 1892, t. n, p. 115-196.
La ville de Persépolis est-elle réellement la ville dont
parle l'auteur du second livre des Machabées?Il y a des
raisons d'en douter. Le premier livre des Machabées,
VI, 1, place l'événement qui est rapporté II Mach., ix,
2, en Elymaïde, et non dans la Perse proprement dite
où se trouvait Persépolis. On peut traduire le nom de Per-
sépolis « ville ou capitale des Perses » et entendre par là
Suse. Voir Élymaïde, t. n, col. 1712. Le temple que voulait
piller le roi séleucide était dédié à Nanée. II Mach., ix, 2.
Nanée était une déesse élamite qui devait être honorée
à Suse et non à Persépolis. Voir Nanée, t. iv, col. 1473.
PERSIDE (grec : Hsp<n'ç, féminin de IIep<roc6{,
« Perse » ; Vulgate : Persis), chrétienne de Rome, saluée
par saint Paul, Rom., xvi, 12: « Saluez Perside, la bien-
ainiée, qui a travaillé beaucoup pour le Seigneur. »
On ne sait plus rien sur elle. Le nom de Persis se lit
comme celui d'une affranchie, Corpus inscript. Int.,
t. VI, n. 23959.
PERSONNE (hébreu : pânêh; Septante mpôawTiov;
Vulgate : persona), tout être intelligent, divin ou hu-
main. — L'idée abstraite de personne est étrangère à
l'hébreu. On y emploie le mot pânêh, « face », pour
désigner uue personne en particulier. La face de
Jéhovah est prise pour sa personne même. Exod., xxxih,
14; Deut., iv, 37; Ps. xxi (xx), 10; lxxx (lxxix), 17;
Lam., iv, 16; Is., lxiii, 9. Saint Paul pardonne « à la
face » du Christ, c'est-à-dire à cause de la personne du
Christ. II Cor., n, 10. — D'autres fois, le mot panai,
« ma face », se prend dans le sens de « ma personne ».
II Reg., xvii, 11; Is., ni, 15, etc. Une seule fois le mot
personne se lit avec le sens que nous lui donnons en
français. II Cor., i, 11. — Le plus souvent, les versions
se servent du mot Tipdswnov, persona, pour rendre les
locutions hébraïques ndsa'' pânîm, « lever la face »,
hikkir pânim, « regarder la face », gûr mip-penê,
« craindre devant la face », qui signifient en réalité :
juger quelqu'un d'après l'extérieur et se laisser influen-
cer plus que de raison par les apparences. Les versions
traduisent un peu servilement par (JXe'rceiv t\<; itpôo-wTtov,
respiœre personam, « regarder au visage », Xot[iëâvsiv
itpôo-uTtov, accipere personam, «recevoir la personne».
Il est vrai que les deux mots grec et latin désignent
originairement la figure et le masque, et se rapprochent
ainsi du sens de pânêh. Les auteurs sacrés rappellent
fréquemment que Dieu ne juge pas les hommes selon
les apparences, ou, comme nous traduisons en français,
« ne fait pas acception » des personnes, ûeut., x, 16;
II Par., xix, 7; Job, xxxiv, 19; Sar., vi, 8; Act., x, 34;
Rom., H, 11; Gai., il, 6; Eph., vi, 9; Col., m, 25;
I Pet., i, 17. On voit que les Apôtres reviennent sou-
vent sur cette idée pour l'opposer soit aux prétentions
des Juifs qui se regardaient comme des privilégiés,
soit à l'erreur des païens qui refusaient à l'esclave les
droits de l'homme libre. Les ennemis de Notre-Seigneur
reconnaissent eux-mêmes qu'il ne juge pas les hommes
sur leur extérieur. Matth.,xxn, 16; Luc, xx, 21. Il est
prescrit de ne porter aucun jugement en tenant compte
de l'extérieur des personnes, de leur puissance, de leur
richesse, etc. Lev., xix, 15; Deut., i, 17; xvi, 19;
Job, xxxii, 21; Prov., xvin, 5; xxiv, 23; Jacob., n, 1, 9.
Par contre, il faut avoir égard à la personne du vieillard
pour le respecter. Lev., xix, 32. H. Lesêtre. '
PESCHITO. Voir Syriaques (Versions) de la Bible.
PESTE (hébreu : débér, gétéb, qotéb, mâvéf, réUf;
Septante : quelquefois /oipi;, mais presque toujours
BâvaTOç, « mort » ; Vulgate : pestilentia, pestis), mala-
die épidémique qui se propage rapidement dans une
population et fait périr les hommes en grand nombre,
I. Nature de la peste. — 1° Son origine. — La peste
est due à un bacille très court, à bouts arrondis, qu'on
trouve dans le pus des bubons pesteux, dans le foie,
la rate et le sang des pestiférés. Ce bacille à été décou-
vert en 1894, à Hong-Kong, par "ïersin, de l'Institut
Pasteur. Cf. Yersin, Ann. de l'Institut Pasteur, Paris,
sept. 1894, p. 662; Netter, La peste et son microbe,
Paris, 1900. Il ne résiste pas à une dessiccation prolon-
gée pendant trois ou quatre jours, ni aune température
de 58» pendant quelques heures ou de 100» pendant
quelques minutes, ni à l'action des désinfectants habi-
tuels.,
2° Sa transmission. — La peste est une maladie
contagieuse qui se transmet par le contact direct avec
la malade ou avec des objets infectés par lui. L'air ne
transporte pas le germe infectieux, sinon à très faible
distance; l'isolement est donc une cause d'immunité. Le
sol conserve le bacille, mais en atténuant sa virulence.
Certains animaux contractent et transmettent facile-
ment la peste. Les rats et les souris sont les premiers
atteints et succombent en masse à la veille ou au début
d'une épidémie. Puis viennent les buffles, les porcs,
les chiens, les poules, etc. Les mouches paraissent être
des agents directs de transmission Le bacille pesteux
pénètre dans l'économie surtout par les lésions de l'en-
veloppe cutanée, mais aussi en partie par les voies res-
piratoires et le tube digestif. Il s'attaque à toute l'hu-
manité, sans distinction de race, de sexe ou d'âge. Sa
propagation est favorisée par la famine, la misère, la
malpropreté, le manque d'hygiène, les excès, l'encom-
brement qui multiplie les points de contact. L'altitude
et la température n'ont que peu d'influence sur le déve-
loppement et la durée des épidémies.
3° Son développement dans l'organisme. — Après
une période d'incubation de trois à dix jours, quel-
quefois de vingt-quatre heures seulement, la maladie
débute par des frissons, un violent mal de tête et une
fièvre intense, accompagnée de délire et d'accablement.
Au bout de deux ou trois jours, si le cas est bénin, la
convalescence commence. Le plus souvent, la fièvre,
le délire et l'insomnie augmentent. Les bubons, ou
gonflements ganglionnaires, apparaissent à l'aine, puis
à l'aisselle et enfin au cou; ils grossissent et suppurent
du huitième au dixième jour. En même temps ou peu
après, les charbons, ou tumeurs gangreneuses entou-
rées d'une zone très rouge, se montrent et se développent,
de préférence aux jambes et au cou. La mort peut
arriver à cette période. La durée de la maladie est
d'environ huit jours, bien que la mort se produise par-
fois dès le deuxième ou troisième jour, ou même plus
tôt. La prédominance des bubons fait donner à la mala-
die le nom de peste bubonique. Elle devient peste
pneumonique si le mal se localise surtout sur l'appareil
pulmonaire. Des hémorragies sous-cutanées peuvent
161
PESTE
162
produire des taches noires sur la peau; c'est alors la
peste hémorragique ou mort noire. Quand les symptômes
de dépression s'accentuent, la maladie ressemble à
une grave fièvre typhoïde et prend le nom de peste
typhoïdique. 11 y a donc différentes variétés de pestes,
les unes malignes, les autres bénignes et moins conta-
gieuses. La peste est souvent foudroyante, notamment
au début des épidémies; ejle tue alors ses victimes en
quelques heures. Parfois, au contraire, elle est si at-
ténuée que les malades peuvent continuer à vaquer à
leurs occupations. C'est alors la peste ambulatoire.
4° Ses ravages. — La peste est, avec la fièvre jaune,
la plus meurtrière des maladies. Au début de l'épidé-
mie, presque personne n'échappe; on estime qu'ensuite
la mortalité est en moyenne de 50 à 60 pour cent, pou-
vant aller cependant à 90 ou 95 pour cent. La période
d'activité de l'épidémie est de huit mois environ ;
«nsuite la mortalité baisse lentement. Depuis la peste
d'Athènes, décrite par Thucydide, Bell. Pelop., Il, 48,
l'histoire a enregistré un certain nombre de pestes très
meurtrières. La peste noire, qui sévit en Asie et en
Europe de 1346 à 1361, coûta la vie à 24 millions
d'hommes en Europe, et probablement à un plus grand
nombre en Asie. Quelques détails empruntés à la des-
cription de la peste de Marseille, en 1720, donneront
une idée de ce qui devait se passer dans les villes de
l'antiquité quand l'épidémie les visitait. « Marseille
présente alors le plus épouvantable spectacle; cent
mille personnes se craignent, veulent se fuir et se
rencontrent partout. Les liens les plus sacrés sont
rompus. Tout ce qui languit est déjà réputé malade,
tout ce qui est malade est regardé comme mort. On
s'échappe de sa propre maison, où quelques parents
rendent le dernier soupir; on n'est reçu dans aucune
autre. Les portes de la ville sont encombrées d'une
foule empressée de se dérober au souffle empoisonné.
Les gens du peuple campent sous des tentes... lien est
qui vont chercher un refuge sur le sommet des collines
ou dans le fond des cavernes. Les marins se croient
plus heureux parce qu'ils vivent dans des barques sur
le port. Mais la mer et les ruisseaux, les collines et
les cavernes ne protègent point contre les atteintes de
la contagion... Toutes les boutiques fermées, le com-
merce arrêté, les travaux interrompus, toutes les rues,
toutes les places, toutes les églises désertées; ce n'est
encore là qu'un premier coup d'œil de la dévastation
de Marseille. Quelques jours après, l'aspect de Marseille
était effrayant. De quelque côté qu'on jette les yeux, on
voit les rues jonchées des deux côtés de cadavres qui
s'entretouchent et qui, étant presque pourris, sont
hideux et effroyables à voir. Comme le nombre des
forçats qu'on a pour les prendre dans les maisons est
beaucoup inférieur pour pouvoir dans tous les quartiers
les retirer journellement, ils y restent souvent des se-
maines entières et ils y resteraient encore plus long-
temps, si la puanteur qu'ils exhalent et qui empeste
les voisins ne les déterminait, pour leur propre conser-
vation, de faire un effort sur eux-mêmes et d'aller les
retirer des appartements où ils sont pour les traîner
sur le pavé. Ils vont les prendre avec des crocs et les
tirent de loin avec des cordes jusqu'à la rue; ils font
■cela pendant la nuit pour être libres de les traîner le
plus loin qu'ils peuvent de leurs maisons et de les
laisser étendus devant celle d'un autre qui frémit, le
lendemain matin, d'y trouver ce hideux objet qui
ï'infect&et lui porte l'horreur et la mort. On voit tout
le cours, toutes les places, tout le port, traversés de ces
cadavres qui sont entassés les uns sur les autres. Sous
chaque arbre du cours et des places publiques, sous
l'auvent de chaque boutique, on voit entre tous ces
cadavres un-nombre prodigieux de pauvres malades et
même des familles tout entières, étendus misérablement
snr un peu de paille ou sur de mauvais matelas, s
DICT. DE LA BIBLE.
A. Boudin, Histoire de Marseille, cité par L. Laruelle,
La peste dans l'état actuel de la science, dans la Revue
des questions scientifiques, Bruxelles, juillet 1897,
p. 41-43. Voir tout l'article, p. 39-73, et E. Deschamps,
Peste, dans le Traité de médecine de Brouardel,
Paris, 1903, t. il, p. 52-58. Tel était le spectacle que
devaient présenter équivalemment les villes anciennes
quand la peste y éclatait. Les rares victimes de la
peste qui échappent à la mort demeurent languissantes,
plus ou moins paralysées et atteintes dans leur intelli-
gence. La peste, qui se répandait dans tout l'ancien
monde, est aujourd'hui confinée dans quelques foyers,
en Afrique, la Cyrénaïque, et en Asie, l'Assyrie, l'Irak-
Arabie, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan, l'Hindous-
tan et la Chine. Elle ne détermine pas toujours, dans
les endroits où elle est endémique, les mêmes désastres
qu'autrefois en Europe. Mais elle a eu de temps en
temps des réveils terribles, et l'on a pu constater que
sa virulence ne s'était pas atténuée avec les siècles. En
1894, elle fit à Canton, en quelques semaines, 60 000
victimes. En revanche elle n'a jamais envahi l'Améri-
que. — Voir H. F. Mûller, Die Pest, in-8», Vienne, 1900.
II. La. peste dans la Bible. — 1° Ses caractères. —
La peste apparaît dans la Bible comme un mal qui
effraie par sa soudaineté et ses ravages. Sa nature
infectieuse ressort de ce faitqu'elle accompagne souvent
la famine dans les villes assiégées, où toute hygiène
est rendue impossible. Mais les écrivains sacrés ne
fournissent aucun détail permettant d'identifier la peste
dont ils parlent. Les noms qui la désignent en hébreu
sont des termes généraux, impliquant l'idée de mort,
mais convenant à diverses calamités. Pour rendre ces
différents termes, les Septante n'ont guère que le mot
8àvaxo;, « mort », dont la signification est très étendue.
Cf. Ose., xiii, 14. Il est donc à croire que les termes
du texte hébreu visent des affections morbides assez
diverses, n'ayant de commun que leur caractère viru-
lent, leur extension rapide et la multiplicité de leurs
ravages. Le typhus, la peste noire, le choléra, et d'autres
épidémies analogues ont donc pu sévir sur les Israé-
lites et leurs voisins, sans qu'il soit possible de préci-
ser, en aucun cas, la nature spécifique du mal. Cf.
W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stutt-
gart, 1901, p. 100-101.
2» Pestes mentionnées dans la Bible. — 1. Après la
peste du bétail, qui constitue la cinquième plaie
d'Egypte, Exod., ix, 3-6, un autre genre de peste
s'abattit, sous forme de pustules, sur les hommes et
les animaux. Exod., îx, 8-11. Ce fut la sixième plaie.
Voir Pustules. Sur le mal épidémique qui frappa les
Philistins détenteurs de l'Arche, voir Ofalim, t. iv,
col. 1757. — 2. La peste signalée sous David, à la suite
du dénombrement, dura trois jours et fit périr 70 000
hommes. Reg., xxiv, 15; I Par., xxi, 12-14. L'exécution
de la sentence divine est alors confiée à un ange, « qui
promène la mort dans tout le territoire d'Israël. »
Cette peste est présentée comme un châtiment divin,
que David lui-même préféra à une famine de trois ans
et aune guerre de trois mois. Elle commence et elle
s'arrête sur l'ordre de Dieu. Il y a donc là une épidé-
mie qui peut être naturelle en elle-même et analogue
à celles qui sévissaient de temps en temps, mais qui
fut surnaturelle dans ses circonstances. — 3. Sous le
roi Ézéchjas, l'ange de Jéhovah fit périr en une nuit
185000 hommes de l'armée de Sennachérib, aux environs
de Jérusalem. IV Reg., xix,35;Is., xxxvn, 36. Josèphè,
Ant. jud., X, i, 5, attribue ce ravage à une peste,
Xot(jtixTi vôctoç. Mais les textes ne donnent aucun détail
permettant de reconnaître le genre de maladie. Il ne
serait pas impossible que l'agent employé par Dieu ait
été le typhus, qui se distingue de la peste par l'absence
de bubons et de charbons, mais dont on a observé
fréquemment le développement au milieu des armées.
V. -6
163
PESTE — PETAU
164
en campagne, au point de lui faire donner le nom de
typhus des camps. « Le typhus est une des affections
les plus graves, les plus meurtrières. La proportion de
mortalité ne saurait être calculée; elle varie essentielle-
ment suivant les lieux, les circonstances au milieu
desquelles la maladie éclate. Ainsi, dans quelques épi-
démies, presque tous les malades succombent, ou bien
la mortalité en enlève la moitié, les deux tiers. »
Grisolle, Traité de pathologie interne, Paris, 1874, t. i,
p. 71. L'intervention de Dieu aurait rendu le mal parti-
culièrement meurtrier pour les soldats de Sennachérib.
Hérodote, h, 141, confirme le fait, tout en le dénatu-
rant. D'après cet historien, l'armée assyrienne campait
devant Péluse, dans le delta du Nil, quand une multi-
tude de rats rongèrent dans le cours d'une nuit les
carquois, les arcs et les courroies des soldats, si bien
que, devenus incapables de se servir de leurs armes,
les Assyriens n'eurent plus qu'à prendre la fuite le
lendemain. Cette invasion de rats est curieuse à noter.
Peut-être pourrait-elle être l'indice d'une peste à
laquelle, comme il arrive d'ordinaire, ces rongeurs au-
raient succombé les premiers. — Sur la maladie du roi
Ézéchias, voir Ulcère. — 4. Amos, iv, 10, mentionne
une peste qui sévit de son temps, sous le roi Jéroboam
II, bedérék, « à la manière » de la peste d'Egypte, et
non iv i&&, in via, « sur le chemin » de l'Egypte, comme
traduisent les versions, qui ont pris dérék dans son
sens ordinaire de « route ». Le prophète fait également
allusion à la puanteur des camps montant jusqu'aux
narines, ce qui permet de penser que l'épidémie s'éten-
dit surtout sur les armées de Jéroboam. — Bien d'au-
tres pestes que celles-là se produisirent sans nul doute
dans le cours de l'histoire d'Israël. La plupart furent
limitées, moins meurtrières et dues à des causes pure-
ment naturelles. Josèphe, Ant. jud., XV, vu, 7, cite
une peste qui, au temps d'Hérode, fit périr beaucoup
d'hommes du peuple et de courtisans. Quelques années
plus tard, la disette fut accompagnée d'une nouvelle
peste; le double mal se prolongea durant deux ans et
causa de grands ravages. Ant. jud., XV, ix, 1. Notre-
Seigneur avait prédit que des pestes et des famines
précéderaient la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 7;
Luc, xxi, 11. Pendant lé siège de la ville, la peste ne
put manquer de se joindre aux autres maux, quand il
fallut laisser les cadavres sans sépulture dans les rues,
dans les maisons et autour des murailles. Cf. Josèphe,
Bell, jud., V, xn, 3; xhi, 7; VI, î, 1, etc.
3° Lesmenaces de peste. —1. Le Seigneur menace les
Israélites infidèles de trois fléaux : l'épée, c'est-à-dire la
guerre, la peste et la famine. Lev., xxvi, 25. Après une
révolte du peuple au désert, Jéhovah veut le détruire par
la peste et ne pardonne que sur les instances de Moïse,
en stipulant cependant qu'aucun des coupables ne verra
la Terre Promise. Num., xiv, 12, 23. La menace de la
peste et de toutes sortes de maladies est encore rappelée
dans le Deutérbnorae, xxvm, 21-26. Dans son cantique,
Moïse y joint la mention de la famine, des bêtes féroces
et de l'épée. Deut., xxxn, 24, 25. Cette menace répondait
à une crainte déjà ancienne parmi les Hébreux. Quand
Moïse se présenta pour la première fois devant le pha-
raon, il lui demanda l'autorisation d'emmener son
peuple à trois jours de marche dans le désert, « pour
offrir des sacrifices à Jéhovah, afin qu'il ne nous frappe
pas de la peste ou de l'épée. » Exod., v, 3. — 2. Des
prières sont adressées au Seigneur dans le Temple de
Salomon, pour qu'il préserve les Israélites de la peste
et des autres fléaux, III Reg., vin, 37; II Par., vi, 28,
et le Seigneur promet de les exaucer. II Par., vu, 13.
Ces prières sont réitérées sous Josaphat. II Par., xx, 9.
Du reste, la peste est le châtiment de l'infidélité ; quant
au juste, qui met sa confiance dans le Seigneur, il est
à l'abri « de la peste funeste », mid-débér havvôt, et
non mid-dâbâr, àirè X<S-j ou Tap*-^û8oyç, a verbo aspero,
« de la parole funeste », comme ont lu les versions.
Il n'a à craindre, Ps. xci (xc), 3, 6 :
Ni la peste (débér) qui marche dans les ténèbres,
Ni la contagion (qétéb) qui ravage en plein midi.
Deux prophètes, Jérémie et Ézéchiel, reviennent fré-
quemment sur la menace de la peste. Ils joignent ordi-
nairement trois fléaux : l'épée, la famine et la peste.
Jer., xiv, 12; xxi, 7, 9; xxiv, 10; xxvn, 8, 13; xxix, 17-
18;xxxn, 24, 36; xxxiv, 17; xxxvm, 2; xui, 17, 22;
xuv, 13 ; Ezech., vu, 15; xii, 16. Dans une ville assié-
gée, les trois fléaux s'appellent l'un l'autre. L'ennemi
empêche le ravitaillement et souvent .accapare les
sources; la famine et les maladies infectieuses sont
bientôt la conséquence du siège. C'est là ce dont les
prophètes menacent Jérusalem. Ézéchiel, xxvm, 33,
appelle contre Sidon la peste et l'épée; il ne parle pas
de famine, parce que la ville pouvait se ravitailler par
mer. Une autre fois, faisant écho à la menace de Moïse,
il annonce l'envoi contre Jérusalem de « quatre châti-
ments terribles, l'épée, la famine, les bêtes malfaisantes
et la peste. » Ezech., xiv, 19, 21. La mention des trois
principaux fléaux s'est perpétuée dans l'Église. L'une
des invocations des litanies des Saints demande encore
que les fidèles soient préservés a peste, famé et belle.
4° La veste des animaux. — Jérémie, xxi, 6, prédit
qu'à Jérusalem Dieu frappera dé. la peste hommes et
bêtes. Les animaux d'Egypte furent atteints par les pus-
tules de la sixième plaie, ix, 9-10. La plaie précédente
avait été particulière à ceux qui se trouvaient dans les
champs, chevaux, ânes, chameaux, bœufs et brebis.
Exod., ix, 3, 6. Les animaux domestiques ont toujours
été extraordinairement nombreux dans les champs de
la Basse-Egypte et parfois les épizooties y exercent de
prodigieux ravages. Cf. Vigouroux, La Bible et les
découvertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 329. Le texte
sacré ne permet pas de préciser le genre de peste qui
constitua la cinquième plaie. Le typhus du gros bétail,
la fièvre charbonneuse, la péripneumonie contagieuse
ou d'autres causes infectieuses ont pu facilement entrer
en activité sur l'ordre de Dieu, tout en résultant natu-
rellement de la putréfaction engendrée. par les ca-
davres des grenouilles de la seconde plaie, ou des pi-
qûres envenimées des cousins et des mouches des deux
plaies suivantes. Cette plaie n'atteignit du reste que les
animaux laissés dehors, dans les champs. Cf. S. Augus-
tin, In Heptat., il, 33, t. xxxiv, col. 608. Les autres
devaient être frappés par la sixième plaie, sans cepen-
dant en périr. C'est ce qui permit ensuite au pharaon
de pouvoir atteler sa charrerie pour la mettre à la
poursuite des Hébreux. Exod., xiv, 6-9. — 5° Les ver-
sions parlent quelquefois de pestilence, Ps. i, 1, et
d'homme pestilent, Prov., xv, 12; xix, 25; xxi, 11;
xxix, 8; I Mach., x, 61; xv, 3, 21, dans des passages
où il n'est question que d'impiété ou d'impies. Les
Juifs appellent saint Paul « une peste », tbv avSpa
toûtov ).oi|j.ôv, hune hominem pestiferum, Act., xxiv, 5,
c'est-à-dire un homme qu'ils jugent dangereux comme
la peste. H. Lesêtre.
PÉTASE (grec : nhanoi), chapeau à fond bas et à
larges bords dont était coiffé le dieu Mercure. II Mach,,
iv, 12, dans le texte grec. Voir Mercure, 2", t. iv, col. 992.
PETAU Denis, théologien français, né à Orléans
en 1583, mort à Paris le 11 décembre 1652, entré au
noviciat de Nancy en 1605, professa d'abord la rhéto-
rique puis, pendant 22 ans, la théologie dogmatique au
collège de Clermont à Paris avec un rare succès.
Petau n'appartient à l'exégèse que par la paraphrase en
vers grecs de tous les Psaumes de David et des can-
tiques de la Bible : Aïowufov toO LTsTaêtou... nxpa-
opâut; e|/.tUTpo; àirévTwv twv to0 àxvŒox) W<x.\\iû>v, mal
465
PETAU — PÉTRA
166
•uûv iv rai? Ispai; 6iëXoi;; cette paraphrase est accom-
pagnée d'une sorte de traduction latine pour la commo-
dité de ceux qui ne savent pas le grec. In-12, Paris,
1637. —On peut signaler aussi ses commentaires sur
Job et Osée restés manuscrits, ainsi qu'une paraphrase
en vers grecs sur les Lamentations de Jérémie et des
remarques sur Jérémie, Ézéchiel et Daniel.
P. Bliard.
PETERSEN Jean Guillaume, théologien protestant
et visionnaire allemand, né à Osnabruck en 1649, mort
près de Magdebourg le 31 janvier 1727. Après avoir
étudié à Lubeck, à Giessen et à Rostock, il fut nommé
pasteur à Hanovre, puis surintendant dans le diocèse
de Lubeck. Ministre à Lunebourg, il fut accusé de
renouveler les erreurs des Millénaires etforcé, en 1692,
de renoncer à la prédication. On lui reprochait en outre
de regarder toutes les religions comme également
bonnes. 11 se retira alors près de Magdebourg, conti-
nuant avec l'aide de sa femme à propager toutes ses
erreurs. Nous citerons parmi les écrits de ce vision-
naire : Psalmen Davids, nach dem Maas der ertheilten
Gabe Christi, in dem reichesten prophetischen Sinne,
durch den Schlussel Davids aufgeschlossen, in-4°,
Francfort et Leipzig, 1719; Zeugniss Icsu aus dem ko-
niglichen Propheten Iesaia durch den Geist der
Weissagung, von Capitel zu Capitel erklàrt, worin-
nen gezeiget wird, dass der Geist Goltes nebst der
vergangenen, auch auf die gegenwàrtige, ingleichen
auf die nachfolgende Zeit nach seinem vôlligen Sinn
gedeutet hab'e, in-4», Francfort, 1719; Zeugniss leSu
in dem Propheten Ieremia, in-4 ., Francfort, 1719;
Zeugniss lesu aus dem Propheten Ezéchiel, durch
den Geist der Weissagung dargethan, in-4°, Franc-
fort, 1719; Sinn des Geistes in dem Propheten Daniel,
in-4°, Francfort, 1720 ; Apostolischer Zusammenhang,
darinnen das verklàrte Evangelium so wohl in der
Apostelgeschichle : alsin allen Epîsteln Paulli, Pétri,
loannis, lacobi and ludse in der Connexion, dis dem
Schlussel der ivahren Eœegesis und Erforschung des
Sinnes und des Geistes hervorleuchtet und gezeiget ist l
in-4°, Francfort, 1722; Erklârung der zwôlf kleinen
Propheten, in-4°, Francfort, 1723. Erklârung des Ho-
henliedes Salomonis, m-8°, Budingen, 1728. J.-G. Pe-
tersen écrivit lui-même sa biographie : Lebensbe-
schreibungj. W. Petersen's, derheiligen Schrift Doc-
toris, vormals Professons zu Rostock, in-8», Halle, 1717,
et sa femme deux ans plus tard l'imita en publiant :
Leben Frauen J, E. Petersen, Gebohrner von und
zu Merlau, Hernn D' J. W. Petersen's Eheliebsten,
in-8°, s. 1. (Halle), 1719. — Voir en outre Walch,
Biblioth. theologica, t. iv, p. 496, 528, 538, 545, 552,
557, etc. C. Heurtebize.
PETHOR (hébreu : Petôr; Septante : <£>a6oupâ ;
Alexandrinus : Ba6ovpâ), ville de Mésopotamie, patrie
de Balaam. La Vulgate a traduit ce nom de lieu par
ariolum, « devin, » dans Num., xxn, 5, tandis que les
Septante l'ont conservé comme nom propre. Dans le
second passage où le texte hébreu mentionne cette ville,
Deut., xxui, 4 (Vulgate, 5), il est omis par les Septante et
par saint Jérôme. C'est à Pethor que Balac, roi de Moab,
envoya chercher Balaam, afin de lui faire maudire les
enfants d'Israël. Voir Balaam, t. i, col. 1319. Le Deuté-
ronome nous apprend que Pethor était une ville d'Aram
Naharaïm ou Mésopotamie et les Nombres, qu'elle était
située sur «. le fleuve du pays des fils de son peuple »
(Vulgate par erreur : des tils d'Ammon) c'est-à-dire de
l'Euphrate. Le nom de cette ville, en assyrien Pitru, se
lit sur l'obélisque de Salmanasar. Voir Eb. Schrader,
Keilinschriften and Geschichtforschung, 1878, p. 140,
220, 231. Elle était située sur le haut Euphrate, au
confluent de ce fleuve et du Sagur, qui vient de l'ouest,
à une centaine de kilomètres au nord-est d'Alep, a plus
de 600 kilomètres- de la Palestine. Thothmès III s'était
déjà emparé de Pethor, lors de ses conquêtes dans l'Asie
antérieure, comme on le voit sur les listes de Karnak
où le pharaon enumère ses victoires. H. Brugsch, Ge-
schichte Aegyptens, 1877, p. 454, n. 280 ; W. M. Mûller,
Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlem,
1893, p. 291. Cf. J. Menant, Annales des rois d'Assy-
rie, 1874, p. 98; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bi-
bliothek, t. i, p. 133, lig. 37-40; p. 163, lig. 36; p. 173,
lig. 85-86. C'est à tort que J. Marquart, Fùndamente
israelitischer und jùdischer Geschichte, 1896, p. 74,
et H. Winckler, dans Schrader, Keilinschriften und
das alte Testament, 3 e édit., p. 148, prétendent que
Pethor était en Egypte.
PETRA (hébreu : iho; Séla\ « pierre »; employé
parfois sans article, Is., xvj, 1 ; xlii, 11, quelquefois avec
l'article, ybDn, has-Séla', Jud., i, 36; IV Reg., xiv, 7;
Septante : IléTpa, *i riétpa; Vulgate : Petra), ville de
l'Idumée (fig. 30). Voir Ed. Robinson, Biblical Resear-
ches, 2 e édit., 1856, t. n, note xxxvn, p. 521-524. D'après
le sentiment général des interprètes, il est question de
cette ville dans les quatre passages bibliques cités plus
haut, et probablement aussi II Par.,xxv, 12, texte paral-
30. — Monnaie de Pétra.
Buste d'Hadrien à droite, tête laurée, épaules drapées. Aïro-
KPATMP. — ^. Pétra assise sur un rocher tenant daus la main
gauche un trophée. Dans la droite un patère. nETPAMHTPO-
nOAlC.
lèle à IV Reg., xtv, 7. — Le texte, Jud., i, 36, mentionne
simplement Pétra comme formant la limite du territoire
des Amorrhéens. — IV Reg., xiv, 7, il est dit qu'Amasias,
roi de Juda, « battit 10000 Iduméens dans la vallée du
Sel, » c'est-à-dire de la mer Morte, et qu' « il s'empara
de Séla' » ou Pétra. — II Par., xxv, 11-12, nous lisons
qu'après cette victoire d'Amasias, ses troupes se saisi-
rent d'un grand nombre d'Iduméens, qu'ils menèrent
sur la hauteur de Pétra (hébreu, Séla' ; Vulgate : ad
prxruptum cujusdam petrse), d'où ils les précipitèrent.
— Isaïe, xvi, 1, suppose idéalement que les Moabites, bat-
tus par les Hébreux et réfugiés à Pétra, envoient de là le
tribut au roi de Jérusalem, pour faire leur soumission;
xlii, 11, le même prophète invite les habitants de Séla"
à chanter avec tout l'univers la gloire du Dieu d'Israël.
— Le prophète Abdias fait au moins allusion à Pétra
aux ji. 2-4 de sa prophétie :
[Édom], je te rendrai petit parmi les nations...
L'orgueil de ton cœur fa égaré,
Toi qui habites le creux des rochers (sé(a'),
Qui t'assieds sur les hauteurs,
Et qui dis en toi-même :
Qui me précipitera jnsqu'à terre?
Quand tu élèverais ton aire comme l'aigle,
Quand tu la placerais au milieu des étoiles,
Je t'en précipiterai, dit Jéhovah.
I. Identification. — Il n'y a pas de doute que l'an-
cienne Sêla' ne corresponde à la Pétra des Grecs et
des Romains. Les passages de la Bible qui la mention-
nent la placent tous dans l'Idumée et font d'elle une
ville importante de cette région. Les caractères de Pétra
conviennent fort bien à ce que les écrivains sacrés
167
PÉTRA
168
nous disent de Séla' : aussi est-ce d'une manière à
peu prés unanime qu'on a identifié de tout temps les
deux localités. Voir Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttin-
gue, 1870, p. 147, 286. L'ancien nom hébreu de Pétra
semble avoir été conservé sous la forme Sal% que l'écri-
vain arabe Yalkoût emploie pour désigner une forteresse
située précisément dans l'ouadi Mouça, sur l'empla-
cement de Pétra. Nôldeke, Der arabische Name von
Petra, dans la ZeiCschrift der deutschen mprgenlân-
dischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les ruines
de Pétra sont situées dans la vallée que les Arabes ap-
pellent Ouadi Mouça, « Vallée de Moïse, s> et ils lui ont
attribué ce nom parce qu'ils placent en ce lieu l'un des
rochers qui, frappés par Moïse, fournirent aux Hébreux
une eau miraculeuse durant leur marche à travers le
désert. « Le fond de la cuvette où était autrefois la ville
elle-même, est bossue, mamelonné; l'ouadi Mouça la
coupe sensiblement par le milieu en allant de l'est à
l'ouest. Ce nom de Ouadi Mouça a été donné par les
Arabes à l'ensemble de Pétra et à son débouché vers
l'Arabah. » J. de Kergorlay, Pétra, dans la Revue des
deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Pétra a donné
son nom à l'Arabie Pétrée; en effet, l'épithète « Pétrée »
n'a pas le sens de pierreuse, rocheuse; il s'agit du dis-
trict de l'Arabie dont Pétra était la capitale : i\ xaxà
néxpoiv 'Apaêfa. Agathemerus, Géographie exposilio
campendiara, vi, 21, dans C. Mûller, Geographi grxci
minores, édit. Didot, t. h, p. 499.
II. Situation géographique. — Pétra était située par
30° 19 de latitude N. et 35° 31 de longitude E., au cœur
<!es montagnes d'Édom, à peu près à mi-chemin entre
l'extrémité sud de îa mer Morte et la pointe nord du
golfe d'Akabah. Voir la carte, t. m, col. 330. On compte
cinq jours de marche pour la première partie, six pour
la seconde ; environ 100 til. à partir de la pointe d'Aka-
bah. Pétra se trouvait à 500 milles romains de Gaza,
Pline, H. N., vt, 22, au pied du mont Hor, Josèphe,
Ant. jud., IV, iv, 7, sur les contreforts orientaux de la
longue et profonde vallée, nommée Arâbah, qui unit la
mer Morte à la mer Rouge. Elle appartient maintenant
à la province du Hedjaz. Elle était comme isolée du
reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques
qui l'entourait. « A l'est, à l'ouest, se dressent des
parois abruptes; au nord, les hauteurs découpées par
des ravins parallèles limitent l'horizon d'une arête
continue; au sud, les pentes sont plus douces, mais
là aussi une muraille de grès forme le rebord du bas-
sin. ». E. Reclus, Nouvelle géogr. universelle, t. ix,
1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'étalaient les
habitations et les monuments de Pétra n'est aisément
abordable que de deux côtés. On peut y pénétrer
par le sud-ouest, en suivant un sentier de montagne
rude et escarpé. L'entrée la plus naturelle, comme
aussi la plus pittoresque, est du coté de l'est; elle
consiste dans un long défilé, qui porte le nom arabe
de Sîk. Rien n'est plus saisissant que cette gorge
étroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute
de 80, 100 et 200 mètres, qu'on suit pendant plus d'une
heure, en longeant le cours d'eau principal de Pétra,
auquel le Sîk sert de lit. Strabon, XVI, rv, 21, et Pline,
H. N., vi, 32, mentionnent aussi cet étrange couloir,
où parfois deux chameaux chargés ont de la peine à
passer de front, et dont mainte portion est inaccessible
au soleil. Les tombes et les temples taillés dans le roc
y font leur apparition assez longtemps avant qu'on
n'arrive à Pétra.
En sortant du Sîk, on se trouve dans le bassin où
était bâtie la ville. Sa forme est à peu près quadran-
gnlaire. D'après Pline, H. N., vi, 32, : sa largeur
était de deux milles romains ; ce qui correspond assez
exactement aux mesures indiquées par les voyageurs
les plus récents. : de 1500 à 1800 m. du S. au N. ; de
1000 à 1200 de l'E. à l'O. La nature est déchirée, tour-
mentée; les moindres ravins sont des précipices. Les
rochers nus qu'on voit de toutes parts consistent parfois
en calcaire; mais le plus habituellement en grés, et
ces grès ont des colorations merveilleuses, dont les
visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le
jaune dominent; mais on rencontre toutes les nuances,
depuis le rouge presque noir jusqu'au rose tendre, et
depuis le jaune foncé jusqu'au jaune citron; au lever
et au coucher du soleil ces teintes sont très agréables
à contempler. Autrefois, la vallée était cultivée avec
soin; elle est maintenaut sans culture aucune, quoique
l'eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de
murs de soutènement prouvent qu'on avait des jardins
en terrasses.
Le grès est très friable de sa nature ; aussi les mon-
tagnes de Pétra n'ont-elles pas échappé à l'érosion du
temps, et elles continuent de se désagréger chaque
jour; en s'effritant ainsi, elles prennent les formes les
plus variées, les plus bizarres. Lorsque d'en haut on
jette un coup d'œil sur le sommet des rochers, on
dirait une mer étrange, dont les vagues se seraient
figées. Emplacement singulier, sans doute, pour y ins-
ta'ler une ville importante. L'histoire de Pétra va nous
faire comprendre pourquoi il fut choisi.
III. Histoire de la ville. — Un profond mystère
enveloppe la fondation de Séla', qui se perd dans les
temps les plus reculés. A l'origine, les habitants de
la contrée étaient les Horréens (voir Horréens, t. m,
col. 757-758), c'est-à-dire des Troglodytes, lis sont men-
tionnés Gen., xiv, 6, à l'époque d'Abraham etde Chodor^
lahomor. C'est par eux que doivent avoir été creusées
les premières grottes de Pétra, qui n'étaient encore que
de grossières cavités. Plus tard, les Horrhéens furent
supplantés par les Édomites, qui descendaient d'Ésaù,
Deut. il, 12, 22. Grâce à ceux-ci, Séla' acquit alors une
importance nouvelle, bien qu'elle ne fût pas leur capi'
taie; cet honneur appartenait à Bosra. Voir Bosra 1,
1. 1, col. 1859. Vers la fin du ix e siècle avant notre ère,
elle fut conquise par Amasias de Juda, qui la détruisit
en partie et lui donna le nomdeJectéhel. VoirjECTÉHEL,
t. m, col. 1216. Aussi n'est-il plus question d'elle pen-
dant quelque temps dans les saints Livres. Amos, i,
12, ne mentionne pas Séla' parmi les villes du pays
d'Édom. Toutefois, elle était trop bien située, pour ne
pas redevenir une ville très importante.
C'est aux Nabuthéens qu'elle dut la période la plus
florissante de son histoire. Ce petit peuple d'origine
sémitique, voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444, venu
d'Orient on ne sait pas au juste à quelle époque, était
beaucoup plus trafiquant que guerrier. Il possédait des
richesses énormes, et il avait besoin, sur l'un des che-
mins fréquentés par les caravanes, d'un endroit sûr,
difficilement accessible, à l'abri d'un coup de main des
maraudeurs arabes, qui pût servir d'entrepôt à ses mar-
chandises, et de résidence aux vieillards, aux femmes
et aux enfants, durant ses déplacements commerciaux.
Pétra convenait admirablement pour ce but. D'un côté,
par sa situation même, elle était facile à défendre contre
une invasion ; de l'autre, elle se trouvait au centre des
routes les plus fréquentées d'alors par le commerce :
route d'Egypte à Damas, route de Gaza, route d'Akabah,
route du golfe Persique, etc. Pline, H. N., vi, 32. De
nombreux marchands romains et étrangers s'y étaient
installés à l'époque de Strabon, loc. cit., et Diodore de
Sicile, xix, 98, compare à des armées les caravanes qui
traversaient ces parages. Vers l'an 300 av. J.-C, et
même un peu plus tôt, Pétra nous apparaît donc tout à
coup comme la capitale des Nabuthéens, qui s'en
étaient emparés à leur tour, peut-être au V e ou au
IV e siècle. A deux reprises au moins, les Séleucides,
qui gouvernaient alors la Syrie, essayèrent de la réduire,
car ses richesses les tentaient; mais ils furent repous-
sés vigoureusement. Diodore de Sicile, xix, 95. Josèphe
169
PÉTRA
170
nous apprend que, vers l'an 70 avant notre ère, elle
servait de résidence à l'un des princes arabes nommés
Arétas, et qu'elle fournit ensuite un refuge à Hyrcan II,
siècle plus tard, 105 après J.-C, Trajan l'incorpora à
l'empire; il l'agrandit et l'embellit considérablement.
Dion Cassius, lxviii, 14. Son successeur, Adrien, la prit
roi de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIV, u, 3; Bell,
jud., I, vi, 2.
A l'époque de Pompée, Pétra devint tributaire de Rome,
comme tout le reste du territoire des Nabuthéens. Un
en affection singulière, lui donna son nom, « Hadriana »,
et tailla dans ses énormes rochers de nouveaux édi-
fices. Mais, peu de temps après, le commerce se détourna
^ers Palmyre; les Nabuthéens cessèrent d'avoir le
171
PETRA
172
monopole des transports et la décadence de Pétra
commença. Sous les empereurs byzantins, ce n'était
plus qu'une simple bourgade. Les Arabes achevèrent
sa ruine au vn c siècle, lorsqu'ils en furent devenus
maîtres, et elle devint bientôt un lieu de désolation
complète. Au moyen âge, entre les années 1260 et
1277, elle reçut la visite du sultan d'Egypte Bibars, qui
fut frappé, lui aussi, de la coloration de ses rochers et
de ses monuments taillés dans le roc. Voir Quatre-
mère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Journal
asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit
complètement de vue. Elle n'a été retrouvée qu'en 1812,
par le célèbre explorateur allemand Burckhardt. Ce
furent deux Français, L. de Laborde et Linant de Bel-
lefonds qui levèrent, en 1830, le premier plan exact
des ruines; non sans péril, car les Bédouins qui habi-
tent ou fréquentent ces parages sont agressifs, supers-
titieux et pillards. On compte les visiteurs qui s'y sont
succédé à d'assez rares intervalles. Voir leur liste dans
Libbey, The Jordan Valley, t. n, p. 325. L'antique
Séla' n'est plus habitée aujourd'hui que par quelques
misérables familles, qui vivent dans les tombes. Elle
a eu sa part de la malédiction lancée contre l'Idumée.
Cf. Jer., xlix, 14-19. — Au commencement du V e siècle
de notre ère, Pétra était un siège métropolitain, qui
dépendait du patriarcat de Jérusalem. On ignore à
quelle époque et dans quelles circonstances le christia-
nisme y avait pénétré. La tradition d'après laquelle
saint Paul serait venu à Pétra lorsqu'il se retira en
Arabie après sa conversion, cf. Gai., i, 17, pourrait
bien n'être qu'une légende.
IV. État actuel. — Bien que Pétra ne soit plus
aujourd'hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus,
loc. cit., p. 797, ses ruines comptent parmi les plus re-
marquables que nous ait léguées l'antiquité.
De la cité même, bâtie dans la vallée, il ne reste à
peu près rien. Elle a été « tellement bouleversée,
qu'en certains endroits il est difficile de retrouver les
traces des rues, des places ou des carrefours. Un grand
temple bien délabré, les débris des décorations qui
ornaient la voie triomphale sur les bords d'un oued
lesséché, des culées de ponts, quelques colonnes et
des dizaines d'hectares de pierres culbutées pêle-mêle,
sous lesquelles s'abritent des légions de serpents et
de scorpions, voilà, à l'heure présente, l'antique ville »
de Pétra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1907,
p. 824.
Dans la partie méridionale de l'emplacement de la
cité, on distingue en particulier une plate-forme qui
paraît avoir été l'agora ou le forum, les restes d'un
temple, un arc de triomphe et surtout, tout à fait à
l'ouest, le Qasr Fir'aoûn ou « Château de Pharaon »,
vaste édifice carré qui était probablement un temple.
C'est l'édifice le mieux conservé de la ville proprement
dite; mais son style n'a rien d'extraordinaire, et il date
sans doute d'une époque relativement tardive. Au sud-est
an admire, entièrement taillé dans le roc, un amphi-
théâtre qui a jusqu'à 33 rangées de gradins, et qui pou-
vait contenir 3000 spectateurs. Dans la partie septen-
trionale, au nord de la rivière, spécialement du côté
8e l'est, on voit quelques-uns des monuments les plus
somptueux de Pétra. Ce sont des tombeaux également
creusés et sculptés dans le rocher : entre autres, une
grande tombe à trois étages de colonnes — on en
compte jusqu'à dix-sept au second étage — une tombe
corinthienne, un autre tombeau muni d'une terrasse
et de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les
directions, et particulièrement au nord et à l'ouest du
parallélogramme formé par la vallée, les. montagnes
qui entourent Pétra sont remplies de tombes plus sim-
ples, taillées elles aussi dans le rocher et ne présen-
tant aucun ornement extérieur. On peut les compter
par milliers. Les tombes plus riches sont élégamment
ornées de façades, de colonnes ou de pilastres, de fron-
tons, etc. Le tout est monolithe, le grès se prêtant aisé-
ment, par la souplesse de son grain, à toutes sortes de
sculptures. L'architecture de ces divers édifices est
extrêmement variée : on y trouve les styles égyptien,
syrien, grec, romain. Les tombes sont souvent super-
posées et elles atteignent presque les sommets les plus
élevés des montagnes; on avait pratiqué des escaliers
dans le roc, pour arriver jusqu'à elles. En un endroit,
on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont
10, 15, 20 m. de hauteur. Parfois, la chambre sépulcrale
était de dimensions considérables; une entre autres,
qui a de 10 à 12 m. de haut et 18 m, de large.
Quelques-uns des monuments de Pétra sont en dehors
de son enceinte. Dans le Sik, à une certaine distance
de la ville, on aperçoit tout à coup, avec une légitime
admiration, à un tournant du défilé, le Kaznéh Fir-
32. — Kaznéh Firaoùn. D'après une photographie.
aoûn ou « trésor de Pharaon », taillé dans la paroi
rose du rocher et orné de deux rangées de colonnes
superposées, avec des bas-reliefs dans l'intervalle ; il
est dans un état de conservation remarquable, et c'est
une véritable merveille dans ce désert {fig. 32). C'est
une tombe d'ordre corinthien; les salles intérieures
sont très simples. Dans la direction opposée, au nord-
est et environ à une heure de marche de la ville, on
trouve le Deir, le « couvent », qui reproduit en grand et
avec moins de grâce le plan du Kaznéh. Ses propor-
tions sont colossales : 45 m. de développement sur 40
de hauteur; l'église de la Madeleine à Paris n'est pas
aussi grande. Ainsi qu'il a été dit plus haut, quelques-
unes des tombes remontent vraisemblablement jusqu'à
l'époque lointaine des Horréens. Deux Hauts-Lieux,
découverts récemment, l'un au sommet d'une montagne
qui domine la vallée de Pétra, l'autre à l'ouest, du
côté du mont Hor, sont pareillement très anciens. Sur
le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarlerly
Statement, octobre 1900; Mittheilungen des deutsch.
Palàstina Vereins, 1901, n. 2, p. 21, et surtout la Revue
biblique internationale, t. xn, avril 1903, p. 280-288.
La plupart des édifices proprement dits ne datent que
du dernier siècle antérieur à notre ère ou des deux
premiers siècles après J.-C.
173
PÉTRA — PETROPQLITANUS (CODEX)
174
V. Bibliographie. — Reland, Palsestina ex monu-
nienlis veteribus illtistrata, 1714; Burckardt, Reisen
in Syrien, 1823, t. n, p. 703-708; Léon de Laborde et
Linant de Bellefonds, Voyage dans l'Arabie Pétrée,
\ Paris, 1830-1834; E. Robinson, Palsestina und die sud-
lich angrenzenden Lânder, Halle, 1842, t. m, p. 60,
128, et 760; J. Wilson, The Larids of the Bible visi-
ted and described, Edimbourg, 1847, t. I, p. 291-336;
A. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1860, p. 87-98 ;
K. Ritter, The comparative geography of Palestine and
the Sinaitic Penihsula, trad. angl., Edimbourg, 1866,
t. J, p. 421-425, 434-451 ; E. H. Palmer, The Désert of
Exodus, Londres, 1871, t. n; duc de Luynes, Voyage
d'exploration à la mer Morte et sur la rive gauche du
Jourdain, à Pétra, etc., Paris, 1871, p. 274; Visconti,
Viaggio in Arabia Petrea, 1872; Ebers et Guthe,
Palsestina in Bild und Wort, nebst der Sinaihalbin-
sel..., Stuttgart, 1884, t. n, p. 233-250; V. Guérin, La
Terre Sainte, 2« partie, Paris, 1884, p. 313-323; E.Hull,
Mount Seir, Sinai and Western Palestine, dans le
Palestine Exploration Fund Quarterly Statement,
Londres, 1886; H. E. Hart, Some Account of the
Fauna and Flora of Sinai, Petra and Wady Arabah,
Londres, 1891; G. Dahnan, Petra und seine Felshei-
ligthûmer, in-8", Leipzig, 1908.; F. Buhl, Geschichte
der Edomiter,"Leipzig, 1893; A. Sargerton-Galichon,
Sinaï, Ma'ân, Pétra : sur les traces d'Israël et chez les
Nabatéens, Paris, 1904; Brunnow et von Domoszweski,
Die Provincia arabica, t. i, Strasbourg, 1904; W. Lib-
bey, The Jordan, Valley and Petra, New- York, 1905.
L.'Fillion.
PÉTREL,oiseaudemer.VoirMoBETTE, t.iv, col.1327.
PETRI, PEETERS Barthélémy, théologien belge
catholique, né vers 1547 à Op-Linter près Tirlemont,
mort à Douai le 26 février 1630. Après avoir pendant
dix ans enseigné la philosophie à Louvain, il fut forcé
en 1580 par les guerres de chercher un refuge à Douai
où il fut pourvu d'un canonicat dans l'église Saint-Amé
et d'une chaire de théologie où il enseigna jusqu'à sa
mort. Il publia : Actus Apostolorum a S. Luca con-
scripti et in eosdem Actus commentarius perpeluus,
in-4°, Douai, 1622. Il termina après la mort de Guillaume
Estius la publication des commentaires de ce théolo-
gien sur les Épitres : In omnes divi Pauli et septem
catholicas ApostolorumEpistolas comtnentarii, 2 in-f°,
Douai, 1614-1616. Les notes sur le chapitre v delà pre-
mière Épître de saint Jean et sur les deux autres Épitres
de cet Apôtre sont de Barthélémy Pétri. Voir Paquot, Mé-
moires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas,
t. vin, p. 76; Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 109.
D. Heurtebize.
PETRIN (hébreu : miS'érét), ustensile dans lequel
on pétrit la farine (fig. 33). — Les grenouilles de la
deuxième plaie d'Egypte montèrent jusque dans les fours
et les pétrins. Cf. Exod., vn,28(Vulgate, vin,3). Les Égyp-
tiens se servaient de pétrins plus longs que larges. Voir
t. iv, fig. 512, col. 32, un autre pétrin dans lequel deux
hommes à la fois pétrissaient le pain avec les pieds. Il
était facile aux grenouilles de s'introduire dans ces
pétrins posés à terre. Les Septante rendent les mots
hébreux par çvpct|x<xxa xai xli6àvoi, « les masses de
pâte et les fours », et la Vulgate par « les fours et les
restes d'aliments ». — Au départ d'Egypte, les Hébreux
emportèrent leur pâte avant qu'elle fût levée, serrèrent
dans leurs manteaux les pétrins qui la contenaient et
les mirent sur leurs épaules. Exod., xn, 34. Il s'agit
ici évidemment de ces pétrins plus petits, de forme
ronde, qu'on posait sur un support et dans lesquels un
seul homme debout pétrissait avec les mains. Voir
1. 1, fig. 590, col. 1891. Tous ces pétrins paraissent fa-
briqués en jonc ou en osier, comme les corbeilles ordi-
naires. Dans ce second passage les versions ne rendent
pas .le mot miS'érét et font envelopper directement la
pâte dans les manteaux. — Suivant la conduite des '
Israélites, Dieu bénira ou maudira leur téné' et leur
mis'éréf, c'est-à-dire leur corbeille à provisions, cf.
t. n, col. 963, et leur pétrin. Deut., xxvm, 5, 17 (dans les
Septante : « tes magasins et tes restes », et dans la
Vulgate : « tes greniers et tes restes »). Les versions
n'ont compris, dans aucun des quatre passages, la
signification du mot mis'éré{. Ce mot, d'ailleurs, ne
se retrouve plus en dehors de ces passages. Les Israé-
33. — Pétrin égyptien. Tombeau de Rekhmara.
« Au-dessus d'un vase de farine, on lit : cuisson des pains. Un
homme délaie la farine avec une pelle » dans le pétrin; c un
autre verse l'eau (?) avec une outre (?). L,a pâte est déposée
en forme de cube sur une planche épaisse. Deux hommes,
assis sur des escabeaux, la pétrissent sur des planches en
fopme de pains coniques. » Ph. Virey, Le tombeau de Rekh-
mara, p. 47.
lites ont continué sans nul doute à se servir de pétrins ;
mais les auteurs sacrés n'ont plus eu l'occasion de les
mentionner. H. Lesêtre.
PÉTRINISME. Voir Ba.ur, t. i, col. 1523.
PETROPOL1TANUS (CODEX). Deux manus-
crits, l'un de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau,
sont généralement connus sous ce nom.
1. Le premier est un palimpseste de 88 feuillets in-
octavo : les feuillets primitifs au nombre de 44 ont été
plies en deux. Il contient des fragments du Livre des
Nombres selon la version des Septante : i, 1-30; i, 40-
ii, 14; n, 30-m, 26; v, 13-23; vi, 6-vn, 7; vu, 41-78;
vm , 2-16 ; xi , 3-xm, 1 1 ; xin, 28-xrv, 34 ; xv, 3-28 ; xv, 32-xvi,
31; xvi, 44-xviu, 4; xvm, 15-26; xxi, 15-22; xxn, 30-
41; xxiii, 12-27; xxvi, 54-xxvn, 15; xxvm, 7-xxix, 36;
xxx, 9-xxxi, 48; xxxn, 7-xxxiv, 17; xxxvi, 1-13. Tis-
chendorf qui l'a édité dans ses Monutnenta sacra ined.,
nova coll., 1. 1, Leipzig, 1855, l'attribue au vi e siècle, à cause
des abréviations qu'il renferme, bien que l'écriture ait
un aspect plus archaïque. On le désigne en critique
par la lettre H.
II. L'autre Petropolitanus' consiste en un seul
feuillet arraché à la couverture de bois d'un manuscrit
syriaque. 11 est du vu 8 siècle et contient Âct., n, 45-m,
8. Tischendorf dans sa huitième édition du Nouveau
Testament l'appelle G (lettre qui désignait autrefois le
manuscrit des Actes de la Bibliothèque Angelica,
désigné maintenant par L). Von Soden lui attribue
le symbole a 1002. F. Prat.
175
PEUPLIER
PEVERELLI
176
PEUPLIER (hébreu : libnéh; Septante : pà6Soç
arvpaxivr,, Gen., xxx, 37; Aeûxij, Ose., IV, 13; Vulgate :
poputea, populus), un des grands arbres de la Palestine.
I. Description. — Les Peupliers composent avec
les Saules toute la famille des Salicinées, arbres
et arbrisseaux caractérisés par les fleurs dis-
posées en chatons dioïques. Les graines, à la maturité,
s'échappent en grand nombre d'une capsule bivalve,
emportées par le vent sous la forme de flocons blancs
grâce aux poils soyeux dont elles sont revêtues. Les
Peupliers se distinguent par leur taille franchement
arborescente, leurs feuilles à limbe élargi et porté sur
un pétiole comprimé suivant le plan médian, leurs
étamines enfin plus nombreuses dans chaque fleur.
Dans aucun autre genre, peut-être, le dimorphisme
sexuel n'est plus accentué, au point que le vulgaire
donne souvent des noms différents aux pieds mâles et
femelles de la même espèce. Les premiers sont aussi
préférés et presque exclusivement propagés par \a cul-
ture à cause de leur croissance rapide, de leur tige plus
élevée, de leur végétation de tout pointplus vigoureuse
34. — Populus alba.
Rameau, fleurs et chatons dioïques ; graines.
les feuilles paraissant plus vite au printemps, et tombant
plus tard en automne. En outre, ils n'ont pas l'inconvé-
nient passager mais très réel des plantes fructifères au
moment où se dispersent les semences cotonneuses.
Les espèces de Palestine se répartissent en trois séries
distinctes. 1° La plus commune au bord des eaux dans
toute la plaine littorale de Syrie, l'Ypreau, Populus alba
de Linnée (flg. 34), est facile à reconnaître au feutre
couleur blanc de neige qui revêt les jeunes rameaux et
le dessous des feuilles. Dans la région montagneuse du
Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula,
de la même section des Peupliers blancs, pour les
squames ciliées de ses chatons, mais à feuilles vertes
sur les deux faces, et, en plus, une race intermédiaire
entre les deux précédentes, dont elle est probablement
un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, à bois
tenace, tronc élancé, et feuillage cendré. 2° Le curieux
Peuplier de l'Euphrate, si remarquable par le polymor-
phisme de ses feuilles, tantôt larges et deltoïdes, tantôt
étroites au point de simuler un Saule, est un arbre de
la région désertique à rameaux étalés avec une cime
glauque, disséminé depuis l'Afrique septentrionale
jusqu'à l'Himalaya, mais surtout abondant dans la
dépression du Jourdain et en Mésopotamie. Il ressemble
aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus et ses
squames lanciniées, mais possède les étamines indéfinies
de la section suivante. 3° Dans les vallées du Liban le
Peuplier noir est aussi répandu, surtout sous la forme
pyramidale, que dans l'Europe moyenne, quoique de
spontanéité douteuse. Les jeunes rameaux et les feuilles
sont glabres, comme chez toutes les espèces de la sec-
tion Aigirus, avec les bourgeons visqueux et les éta-
mines au nombre de "12 à 30. F. Hy.
II. Exégèse. — Les anciens et les modernes sont
également partagés sur le sens du mot libnéh : les uns
y voient le styrax officinalis, l'aliboufier; les autres le
peuplier blanc. L'étymologie ne saurait trancher le dif-
férend. Libnéh vient de la racine Idban, « être blanc. »
Ce nom peut s'appliquer au styrax comme au peuplier.
L'aliboufier donne une sorte de lait blanchâtre qui se
coagule et forme la gomme ou résine de styrax. Cette
résine blanche aurait pu donner son nom à l'arbre lui-
même, comme en arabe où ( _j->-j£, lobna, désigne l'ali-
boufier et son produit. Le nom de libnéh convient aussi
et mieux encore au peuplier, à cause de la blancheur
de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles-
Parmi les traductions anciennes on trouve une grande
divergence à'YùtocprélalvïR. Si cour Gen., xxx, 37, les
Septante, suivis par l'arabe de Saadias et par l'éthiopien,,
traduisent par piêSo; crrupaxîvri branche d'aliboufier;
dans Ose., îv, 13, ils rendent libnéh par >sûxt), le peu-
plier. La Vulgate traduit dans les deux endroits par
populus, populea, peuplier. Les exégètes modernes
comme Gesenius, Thésaurus, p. 740 ; Michaëlis, Supplé-
ment, ad Lexica hebraica, t. u, p. 1404; E. Fr. C. Rosen-
mùller, Bandbuch der biblischen Alterthumskunde,
in-8°, Leipzig, 1830, t. îv, p. 261, préfèrent la traduction
styrax, à cause du rapprochement de l'hébreu libnéh
avec l'arabe lobna. D'autre part 0. Celsius, Hierobo-
tanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. I, p. 292; H. B. Tris-
tram, The natural History of the Bible, in-12,
Londres, 1889, p. 389, préfèrent la traduction peuplier
blanc. Le contexte est plutôt en faveur de ce dernier
sentiment. Dans Gen., xxx, 37, « Jacob prit des ba-
guettes vertes de libnéh, d'amandier et de platane. U
y pela des bandes blanches, en mettant à nu le blanc
des baguettes; puis il plaça les baguettes ainsi pelées
en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des
rameaux d'aliboufier pouvaient servir aussi bien que
des branches de peuplier à cet usage. Mais près des
deux grands arbres mentionnés, l'amandier et le pla-
tane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble
plus naturellement placé qu'un arbuste comme le
styrax officinalis. Le second passage, Ose., îv, 13, est
plus décisif encore. 11 s'agit de l'idolâtrie d'Israël.
« Ils offrent, dit le prophète, des sacrifices sur les
sommets des montagnes; ils brûlent de l'encens sur
les collines sous le chêne, le libnéh, et le térébinthe,,
parce que l'ombrage en est bon. » Le chêne et le-
térébinthe sont de grands arbres à l'ombrage épais, près
desquels on serait étonné de trouver mentionné un
arbuste comme l'aliboufier, tandis que le beau et large
peuplier blanc trouve une place naturelle. Peut-être
que les exégètes qui ont préféré traduire libnéh par
l'aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pensé sur-
tout au port élancé et peu touffu du peuplier pyramidal.
Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n'est pas
déplacé près du chêne et du térébinthe aux frais om-
brages. Aussi préférons-nous traduire libnéh par
peuplier blanc. Voir Stykax. E. Levesqtje.
PEUR. Voir Frayeur, t. u, col. 2399.
PEVERELLI Barthélemi, exégète italien, né à Vé-
rone en 1695, mort à Modène le 22 octobre 1766, entra
au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 29 octobre 1713,
enseigna d'abord les humanités puis l'Écriture Sainte à
Modène. Ses leçons sur les Actes des Apôtres : Lezioni
sacre e morali sopra il santo lïbro de gli Atti Aposto—
lia, Vérone, 1766-1777, 2 in-4°, sont tout à la fois une
œuvre de science et une œuvre de piété; elles s'adressent
à l'intelligence et au cœur. P. Blurd.
177
PEZRON — PHACÉE
178
PEZRON Paul, savant chronologiste de l'ordre de
Clteaux,'né en 1639 à Hennebont en Bretagne, mort a
Chessy le 10 octobre 1706. Il fut admis dans l'ordre de
Cîteaux à l'abbaye de Prières et y exerça les fonctions
de maître des novices. En 1677 .il fut nommé sous-
prieur du collège des Bernardins à Paris, où il se fit rece-
voir docteur. Il enseigna ensuite la théologie jusqu'en
1690 et fut alors choisi comme visiteur de son ordre.
En 1697 il fut élu abbé de la Charmoye; mais quelques
années plus tard, en 1703, il se démit de cette charge
afin de pouvoir se livrer plus facilement à la prière et
à l'étude. Il a publié : Essay d'un commentaire
littéral et historique sur les Prophètes, in-12, Paris,
1693 : l'auteur entreprend d'y expliquer les prophètes
selon l'ordre, chronologique; Histoire évangélique con-
firmée par la Judaïque et la Romaine, 2 in-12, Paris,
1696. Dom Pezron est surtout connu par son ouvrage :
L'Antiquité des temps rétablie et défendue contre les
Juifs et les nouveaux chronologistes, où l'on prouve
que le texte hébreu a été corrompu par les Juifs, avec
un canon chronologique depuis le commencement du
monde jusqu'à Jésus-Christ, in-4», Paris, 1687. Dom
Pezron y rétablit la chronologie du texte des Septante.
Ses conclusions furent attaquées par dom Martianay,
de la congrégation de Saint-Maur et par Le Quien-
Il leur répondit par la Défense de l'antiquité du temps
contre le P. Jean Martianay ; où l'on soutient la tra-
dition des Pères et des Églises contre celle du Talmud
et où l'on fait voir la corruption de l'Hébreu des Juifs,
in-4», Paris, 1691. Dom Pezron publia en outre dans
les Mémoires de Trévoux : Dissertation touchant l'an-
cienne demeure des Chananéens et de l'usurpation
qu'ils ont faite sur les enfants de Sem, 1704, p. 15;
Dissertation sur les anciennes et véritables bornes de
la terre promise, 1705, p. 1015. — Voir D. François,
Biblioth. générale des écrivains de l'Ordre de S. Be-
noit, t. il, p. 387. B. Heurtebize.
PFAFF Christophe Matthieu, exégète protestant, né
à Stuttgart le 25 décembre 1686, mort le 19 novembre
1760. Docteur et professeur de théologie à Tubingue,
il fut chancelier de l'Université de cette ville et membre
de l'Académie des sciences de Berlin. Parmi les nom-
breux écrits de cet auteur on remarque : Notas exege-
tiese in Evangelium Matthmi quibus sensus ejusdem
litteralis perspicue breviterque evolvitur, in-4», Tubin-
gue, 1721. — "Voir C. P. Leporin, Verbesserte Nachrichi
von CM. Pfaffen's Leben, Controversien und Schrif-
ten, in-4», Leipzig, 1726; Walch, Bibl. theologica, t. iv,
p. 390, 637, 915, 917. B. Heurtebize.
PFEFFINGEft Daniel, théologien protestant, n
vers 1661, mort le 24 novembre 1724. Professeur de
théologie et de langues orientales, il publia : Notes in
prophetiam Haggai, in-4», Strasbourg, 1703; Disser-
tationes in Epistolam ad Epkesios, in-8», Strasbourg,
1721. — Voir J. Wieger, Programma in J. D. Pfeffingeri
obitum, in-f», Strasbourg, 1724; Walch, Bibl. theolo-
gica, t. iv, p. 591, 702. B. Heurtebize.
PFEIFFER Auguste, théologien et orientaliste pro-
testant, né à Lauenbourg le 27 octobre 1640, mort à
Lubeck le 11 janvier 1698. Archidiacre de l'église Saint-
Thomas à Leipzig, professeur de langues orientales et
de théologie, puis surintendant des églises de Lubeck,
Auguste Pfeiffer publia un grand nombre d'ouvrages,
parmi lesquels nous devons citer : Commentarius in
Obadiam, prseter genuini sensus evolutionem et colla-
tionem, interpretum exhibens versionem latinam et
examen commentarii 1s. Abarbanelis Judsei doctis-
simi, sed christianis infensissimi et inter alia abster-
gens indignissimam Judseorum calumniam, christia-
nos esse ldumseos eosque manere pœnas Idumeeis in
sacro Codice denuntiatas, in-4», Wittenberg, 1666; Prse-
lectiones in prophetiam Jonse recognitse et in justum
commentarium redactse, quibus emphases vocum
eruuntur, verus Sacrée Scripturss sensus exponitur,
sententise varix et Judseorum et christianorum addu-
cuntur, falsœ refelluntur et qusestiones dubise resol-
vuntur, in-4», Wittenberg, 1671; Dubia vexala Scrip-
turse Sacrse, sive loca difficiliora Veteris Testamenti
succincte decisa, in-4», Dresde, 1679; Critica sacra de
sacrï Codicis partitione, editionibus variis, lingui?
orientalibus, in-8», Dresde, 1680; Theologia mystica
Veteris Testamenti per typos rariores promulgala et
ad hisloriam Novi Testamenti adplicata, in-8», Stral-
sund, 1727. — Voir J. E. Pfeiffer, Memoria A. Pfeifferi,
theologi Lubecensis, in-4», Rostock, 1700; Walch, Bibl.
theologica, t. IV, p. 233, 577, 581, 791.
B. Heurtebize.
PHACÉE (hébreu : Peqah; Septante : *<xjceé),
dix-huitième roi d'Israël (759-739, ou 750-731). Phacée
était fils de Romélie, personnage inconnu ou peut-être
décrié, comme le donnerait à supposer l'affectation avec
laquelle Isaïe, vu, 4, 5, 9; vui, 6, appelle le roi d'Israël
simplement « le fils de Romélie ». Phacée n'entra
d'ailleurs dans l'histoire que par la porte du crime. Il
était officier de Phacéia, salisô, « son officier », par
conséquent attaché à sa personne. Il ne tarda pas à
conspirer contre lui pour le faire disparaître et prendre
sa place, comme avaient fait récemment, dans ce mal-
heureux royaume d'Israël, Sellum pour Zacharie, et
Manahem, père de Phacéia, pour Sellum. Phacéia ne
régnait que depuis deux ans, quand Phacée réussit à
le frapper à Samarie, dans la tour de la maison royale. .
Avec le roi périrent deux de ses officiers fidèles, Argob-
et Arié. Pour réussir dans son entreprise criminelle,,
le meurtrier s'était assuré le concours de cinquante'
Galaadites. D'après la Vulgate, ces derniers sont au
contraire du parti de Phacéia et périssent avec lui.
Leur nombre précis indique des conjurés plutôt que
des victimes. Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 1, on ne sait
sur quelle donnée, dit que le crime eut lieu au milieu
d'un festin. IV Reg., xv, 25.
Devenu roi dans de telles conditions, Phacée ne
pouvait que favoriser en Israël les habitudes idolâtriques
mises en honneur par ses prédécesseurs. Il n'y manqua
pas. IV Reg., xv, 28. Il régnait depuis deux ans à Sa-
marie, quand, à Jérusalem, un jeune prince de vingt-
cinq ans, Joatham, succéda à son père, Ozias, qui avait
régné cinquante-deux ans. D'autre part régnait en Syrie
Rasin II, qui jadis, en même temps que Manahem,
avait été obligé de prêter hommage au roi d'Assyrie,
Téglathphalasar III, quand celui-ci avait soumis la
Syrie septentrionale. Phacée et Rasin, au lieu de
s'entendre avec le roi de Juda pour faire face ensemble
aux incursions assyriennes, préférèrent comploter tous
les deux contre leur voisin du sud. Dès le temps de
Joatham, f leurs entreprises hostiles se dessinèrent.
IV Reg., xv, 37. Cependant elles ne prirent corps que
quand un jeune roi de vingt ans, Achaz, fut monté sur
le trône de Jérusalem, la dix-septième année de Phacée.
Rasin et ce dernier se portèrent ensemble contre la
capitale de Juda pour l'attaquer. Leur projet n'allait
à rien moins qu'à détrôner Achaz pour mettre à sa
place le fils de Tabéel, personnage inconnu, peut-être
Rasin lui-même, en tous cas un prince tenu par la
Syrie dans une étroite dépendance. Is., vil, 6. Voir
Tabêel. L'armée syrienne s'avançait à travers le ter-
ritoire d'Éphraïm. A l'approche des ennemis, Achaz
et tout son peuple furent saisis d'épouvante. Le pro-
phète Isaïe s'efforça de les rassurer contre les menaces
de Rasin et du fils de Romélie, « ces deux bouts de
tisons fumants », dont le dessein ne devait pas avoir
d'effet, et sur lesquels allaient s'abattre bientôt les
fureurs de l'Assyrie. Is., vu, 1-9; viii, 1-4. Malgré leurs.
179
PHACÉE — PHADAÏA
180
efforts, les rois de Syrie et de Samarie ne purent
vaincre Achaz à Jérusalem. Ils se tournèrent alors
chacun de leur côté. Rasin alla s'emparer d'Élath, sur
la mer Rouge et fit dans le royaume de Juda un grand
nombre de prisonniers qu'il déporta à Damas. IV Reg.,
xvi, 6; II Par., xxvm, 5. Phacée, opérant pour son
compte, battit l'armée d'Achaz et lui tua cent vingt
mille hommes en un jour. Zéchri, guerrier d'Ephraïm,
mit à mort Maasias, fils du roi, Eyrica, intendant de la
maison royale, et Elcana, le premier ministre. En
toutes ces rencontres, les Israélites firent à leurs frères-
deux cent mille prisonniers, femmes, fils et filles,
qu'ils emmenèrent à Samarie avec un butin considérable.
II Par., xxvm, 6-8. Sur la valeur de ces chiffres, voir
Nombre, t. îv, col. 1682-1683.
Dieu ne permit pas cependant que des frères se
traitassent comme des étrangers. L'armée israélite
revenait à Samarie avec ses captifs et son butin, quand
un prophète de Jéhovah, nommé Oded, se présenta au-
devant d'elle et lui reprocha la fureur avec laquelle elle
avait tué tant d'hommes de Juda. On allait maintenant
réduire en esclavage des milliers de survivants. Mais
Éphraïm, lui aussi, n'était-il pas coupable envers
Jéhovah? Le prophète concluait au renvoi des prison-
niers, si l'on voulait échapper à la colère de Dieu. Son
observation était trop juste pour ne pas éveiller la pitié
dans l'âme des vainqueurs. Quelques-uns des chefs
d'Ephraïm appuyèrent énergiquement les paroles
d'Oded. L'armée abandonna ses captifs et son butin.
Par les soins des chefs, on fournit aux prisonniers des
vêtements et des chaussures; on les fit manger et boire,
on les oignit, on fit monter sur des ânes ceux qui
défaillaient et on les reconduisit tous à Jéricho, où on
les remit aux mains de leurs compatriotes. II Par.,
xxvm, 9-15. Ce jour-là, grâce à l'initiative du prophète
et à l'intelligence des chefs, un grand acte de frater-
nité fut accompli en Israël. L'intervention de Phacée
n'apparaît pas dans cet événement. Peut-être tout se
fit-il à son insu, ou du moins n'osa-t-il pas s'opposer à
un mouvement qui entraînait tout son peuple.
Les choses n'en restèrent paslà. Achaz, effrayé de la cam-
pagne menée si rudement contre lui par les deux alliés,
prit alors un parti désastreux pour l'indépendance natio-
nale. Il envoya des messagers à Téglathphalasar pour
lui dire : « Je suis ton serviteur et ton fils ; monte et
délivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main
du roi d'Israël, qui se sont levés contre moi. » IV Reg.,
xvi, 7. Il faut ajouter que les Iduméens et les Philis-
tins avaient attaqué Judaà leurtour, lui avaient emmené
des captifs et pris des villes. II Par., xxvm, 16-18. Le
roi d'Assyrie se hâta d'acquiescer à une demande qui
répondait merveilleusement à ses ambitieux projets. En
vain Isaïe chercha-t-il à faire tomber les illusions d'un
peuple qui « se réjouissait au sujet de Rasin et du
fils de Romélie », menacés par l'Assyrien. En vain
prédit-il que ce sauveur deviendrait pour Juda un
envahisseur et un conquérant. Is., vm, 6, 7. Téglath-
phalasar descendit et s'abattit d'abord sur le royaume
d'Israël, sans que le roi de Syrie osât venir au secours
de son allié. Arrivant par la vallée de l'Oronte, du
Léontès et du haut Jourdain, il prit successivement
les villes d'Ajon, d'Abel-Beth-Machaa, de Janoé, de
Cédés, d'Asor, puis Galaad, la Galilée et tout le pays de
Nephthali, c'est-à-dire toute la partie septentrionale du
royaume d'Israël, et il en déporta les habitants en
Assyrie. II Reg., xv, 29. Il est dit ailleurs, I Par., v,
26, que Téglathphalasar emmena captifs les Rubénites,
les Gadites et la demi-tribu de Manassé, et qu'il les
conduisit à Hala, à Chabor, à Ara et au fleuve de Gozan.
Après les Israélites, le roi d'Assyrie tomba sur les
Philistins, ces autres ennemis de Juda, et sur les
Syriens, contre lesquels il fit deux campagnes. Tous ces
événements se passèrent dans les années 734-732. Le
roi de Juda eut ensuite son tour, comme il fallait.s'y
attendre et comme Isaïe l'avait annoncé. II Par.,
xxvm, 20.
Une des inscriptions de Téglathphalasar, Cuneiform
Inscriptions of Western Asia, t. m, pi. x, 2 ; cf. .
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit., t. m, p. 522, 523, raconte la campagne contre
la terre de Pilasta, la Palestine. Parmi les villes prises
à l'entrée de la terre de Bêt-Ilu-wm-ri, maison d'Amri
ou d'Israël, on a cru reconnaître celles de Galaad et
d'Abel-Beth-Maacha (Abiilakka). Mais il est possible
qu'il faille lire plutôt Galza et Abilakka. Cf. Rost, Die
Keilschrifttexte Tiglat-Pilesers III, t.i, p. 78-79. L'ins-
cription ajoute, lig. 26-28 : « La terre de Bêt-Hu-um-ri...
la totalité de ses habitants, avec leurs biens, je trans-
portai en Assyrie. »
Phacée avait échappé à la déportation, probablement
en se cachant dans les montagnes. Il ne survécut
guère au désastre. Parvenu à la royauté par l'assassi-
nat, il fut assassiné à son tour par Osée, fils d'Éla, qui
régna à sa place. II Reg., xv, 30. L'inscription de Té-
glathphalasar relate le fait. Voir Osée, t. iv, col. 1905.
Ce qui se dégage de ces récits, c'est que Phacée fut un
ambitieux sans scrupule, qui ne recula pas devant l'al-
liance avec les étrangers pour l'oppression de ses frères
de Juda, mais qui ne sut et ne put rien faire pour la
défense de son propre royaume, qu'il vit le premier
très sérieusement entamer par les conquérants assyriens.
H. Lesêtre.
PH ACÉI A (hébreu : Peqafryâh ; Seplante : Q>«.v.solai) ,
dix-septième roi d'Israël (761-759, ou 752-751). 11 était
fils de Manahem, à la mort duquel il devint roi. Son
règne de deux ans se résume en ces mots, si souvent
redits au sujet des rois d'Israël : « Il fit ce qui est mal
aux yeUx de Jéhovah et ne se détourna pas des péchés
de Jéroboam, fils de Nabat, qui avait fait pécher Israël. »
II Reg., xv, 24. Il est possible que le tribut payé
naguère au roi d'Assyrie, et que Manahem avait fait
peser sur les riches, ait indisposé ces derniers contre
son fils. Un des officiers du roi le mit à mort et frappa
avec lui deux personnages dont le nom a été conservé,
Argob et Arié, fidèles à Phacéia et, à ce titre, partageant
probablement son impopularité. II Reg., xv, 25. Voir
Phacée, col. 178. H. Lesêtre.
PHADAÏA (hébreu : Pedâyàh, une fois Pedâ-
ydhu; « Jéhovah rachète ou délivre »), nom de six ou
sept Israélites. M. Bliss a trouvé au sud de la colline
■ j
35. — Cachet d'un Phadaïa.
inns bOTOW», IHma"el Pedayahu.
d'Ophel, à Jérusalem, un cachet scarabéoïde qui porte
le nom de Phadaïa écrit en hébreu ancien (fig. 35).
Voir Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
Comptes rendus, 23 juillet 1897, p. 374.
.1. PHADAÏA (Septante : $a8«i'a; Aleœandrinus :
EkSSda), père de la reine Zébida, mère du roi Joakim.
Il était originaire de Ruma. IV Reg., xxm, 36.
2. PHADAÏA (Septante : *a8ataç), fils du roi de Juda
Jéchonias et père de Zorobabel. I Par., m, 18-19. Le
Vatieanus et VAlexandrinus, I Par., m, 19, indiquent
Salathiel comme père de Zorobabel, comme le font
d'ailleurs Agg., i, 1, etc.; I Esd., m, 2, etc.; Néhé-
181
PHADAÏA
PHALEG
182
mie, II Esd., xh, i; Matth., i, 12; et Luc, m, 27; il
est ainsi le neveu, non le fils de Phadaïa. Il faut donc
ou que le texte I Par., in, 27, soit altéré ou, comme on
l'a supposé, que Zorobabel fût le fils de Phadaïa et de
la femme de Salathiel qui serait devenue son épouse
après la mort de son frère, en vertu de la loi du lévi-
rat. Voir Zorobabel. Phadaïa était probablement né à
Babylone où son père avait été emmené en captivité.
3. phadaïa (hébreu : Pedâyâhû; Septante : $a8aVa),
père de Joël. Joël fut mis par David à la tête de la
demi-tribu de Manassé cisjordanique. I Par., xxvir, 20.
4. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Pharos qui,
du temps de Néhémie, travailla à la reconstruction des
murs de Jérusalem. II Esd., m, 25.
5. PHADAÏA (Septante : $aSat«ç), Israélite qui se tint
à la gauche d'Esdras, lorsque celui-ci fit au peuple la
lecture de la loi à Jérusalem. II Esd., vm, 4. Quelques
interprètes le confondent avec Phadaïa 4, d'autres avec
Phadaïa 7.
6. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Colaïa, de la
tribu de Benjamin, ancêtre de Sellum qui habita à Jéru-
salem au retour de la captivité. II Esd-, xi, 7. Dans
I Par., ix, il ne figure pas parmi les ancêtres de Sel-
lum.
7. PHADAÏA (Septante : $a8aia), lévite à qui Néhé-
mie confia, en même temps qu'à quelques autres
Israélites, la garde des magasins qui contenaient le pro-
duit de la dlme du blé, du vin et de l'huile. II Esd.,
xiii, 13. Divers commentateurs pensent que ce Phadaïa
est le même que Phadaïa 4 ou Phadaïa 5, mais on ne
peut ni l'affirmer, ni le nier avec certitude; quoi qu'il
en soit, Néhémie avait choisi Phadaïa comme repré-
sentant des lévites et défenseur de leurs intérêts.
PHADASSUR (hébreu : Pedâkçûr, «[celui que] le
rocher délivre »; Septante : <ï>a8ix<ro\)p, Qa&aaaovp),
chef d'une famille de la tribu de Manassé et père de
Gamaliel, du temps de l'exode. Num., i, 10; h, 20; vu,
54, 59; x, 23. Voir Gamaliel 1, t. m, col. 102.
PHADON (hébreu : Pddôn, « délivrance »; Sep-
tante : $aS<!)v), chef d'une famille de Nathinéens, qui
revint en Palestine avec Zorobabel après la captivité
de Babylone. I Esd., n, 44; II Esd., vu, 47.
PHAHATH MOAB (hébreu : Pa^af Mô'ab, « gou-
verneur de Moab »; Septante : <I>aà9 Mio<£6), chef
d'une des principales familles de la tribu de Juda. On
explique ordinairement ce nom comme signifiant
« gouverneur (ou pacha) de Moab ». Pour expliquer
cette signification, on a fait toutes sortes d'hypothèses,
dont aucune. n'est pleinement satisfaisante. La plus na-
turelle, si le nom n'est pas altéré, consiste à supposer
que le chef de la famille exerça réellement un certain
pouvoir dans le pays de Moab. II est question, I Par.,
lv, 21-22, des descendants de Séla, fils de Juda, qui
« dominèrent sur Moab ». Quoi qu'il en soit, les des-
cendants de Phahath-Moab formaient une des princi-
pales familles juives au retour de la captivité de Baby-
lone : elle est nommée la quatrième dans les deux
listes de captifs qui revinrent en Palestine du temps de
Zorobabel, I Esd., h, 6; II Esd., vu, 11; et le cinquième
dans la liste des compagnons d'Esdras, I Esd., vm, 4;
son chef signa le second l'alliance du temps de Néhé-
mie parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14. Elle était
aussi très Importante par le nombre de ses membres,
la plus nombreuse après celle de Sénaa le Benjamite.
Celle-ci comptait près de 4000 membres, I Esd., n, 35;
II Esd., vu, 38; celle de Phahath Moab en avait 2818.
II Esd., vu, 11 (2812, d'après I Esd., n, 6). Elle se
composait de deux branches, celle de Josué et celle de
Joab, comme on le lit expressément, II Esd., vu, 11,
« fils de Josué et de Joab » (la conjonction et manque
dans II Esd., h, 6, mais on doit très vraisemblablement
l'y suppléer). Nous ignorons ce qu'étaient ce Josué et
ce Joab ; nous connaissons seulement un Joab descen-
dant de Juda, nommé I Par., iv, 14, cf. n, 54, sans
pouvoir dire si c'est celui dont il est parlé dans Esdras
et dans Néhémie. Esdras, à son retour en Palestine,
emmena avec lui 218 hommes « des fils de Joab »,
I Esd., vm, 9; il les énumère à part, après avoir
compté plus haut, au f. 4, deux cents hommes de
Phahath-Moab.
Tout ce que nous savons des descendants de Phahath
Moab, lorsqu'ils furent revenus dans leur patrie, se ré-
sume dans ces trois points : — 1" Esdras obligea huit
d'entre eux qui sont nommés par leurs noms, à répu-
dier les femmes étrangères qu'ils avaient épousées.
I Esd., x, 30. — 2° Hasub, qui était probablement un
des chefs de la famille, travailla à la réparation d'une
partie des murs de Jérusalem et de la tour des Four-
neaux ou des Fours (t. n, col. 2344). Quelques com-
mentateurs confondent cet Hasub avec celui qui répara
une autre partie des murs de Jérusalem, II Esd., m,
23, mais c'est sans raison. — 3° Lorsque les principaux
d'entre les Juifs signèrent avec Néhémie l'alliance que
le peuple fit avec Dieu, le représentant de la famille
de Phahath Moab signa après Pharos, le second sur
quarante-quatre parmi les chefs du peuple. II Esd., x,
14.
PHALAIA (hébreu : Pelâ'yâh, « Jéhovah fait des
choses admirables » ; Septante : 4>sXia, omis dans
II Esd., vm, 7), un des lévites qui aidèrent Esdras à
expliquer la loi au peuple, II Esd., vm, 7, et qui
signèrent plus tard, avec Néhémie, l'alliance contractée
entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 10. — Un fils
d'Élioénaï, de la race royale de David, appelé Peldydh
dans le texte hébreu, porte le nom de Phéléia dans la
Vulgate. I Par., m, 24.
PHALANGE, ordre de bataille usité chez les Grecs,
consistant en la disposition des troupes par colonnes,
en files espacées pour la marche, rapprochées pour la
charge et serrées pour l'attaque. La Vulgate a traduit par
ce mot « phalanges », I Reg., xvn, 8, l'hébreu ma'arkof
(Septante : napâtaÇiç), qui désigne l'armée d'Israël rangée
en ordre de bataille par Saûl contre les Philistins et contre
Goliath. — Sur la manière dont les Syro-Macédoniens
disposaient leur ordre de bataille, voir I Mach., vi,
35.
PHALÉA (hébreu : Pilha'; Septante : ^ayXat), un
des chefs de famille qui signèrent l'alliance entre Dieu
et son peuple au temps de Néhémie. II Esd., x, 24.
PHALEG (hébreu : Pélég, « division »; Septante :
•ÊâXêx; Josèphe, Ant. jud., I, xi, 5), descendant de
Sem, fils d'Héber, frère aîné de Jectan et père de Réiï,
un des ancêtres d'Abraham. Gen., x, 25; xi, 16, 17, 18,
19; I Par., i, 19, 25. Il fut appelé Phaleg, dit la Genèse,
x, 25, « parce qu'en ses jours la terre fut divisée. » On
a donné de cette phrase les explications les plus diverses.
Les uns l'ont entendue de la dispersion des peuples
dont parle la Genèse à propos de la construction de la
tour de Babel, xi, 9; d'autres, du partage de la terre par
Noé entre ses petits-fils ou bien de la séparation des en-
fants d'Héber dont les uns seraient allés en Arabie,
pendant que les autres demeuraient en Babylonie. Ces
explications sont peu vraisemblables, de même que l'opi-
nion de ceux qui voient dans cette division une allusion
183
PHA.LEG — PHANUEL
184
à une catastrophe terrestre, tremblement de terre, érup-
tion volcanique, au commencement de la canalisation
en Babylonie,-etc. Les expressions du texte sacré sont
si vagues qu'on ne peut aujourd'hui en préciser le sens
avec certitude : si elles semblent plutôt faire allusion à
la dispersion du peuple, Gen., XI, 9, il faut remarquer
que la Genèse, xi, 4, 8, 9, emploie le verbe pus, « dis-
perser », et non le verbe pâlag, « diviser », pour marquer
tfcWt ^ys$«s < h$^. — Divers commentateurs ont voulu
sans raison suffisante prendre le nom de Phaleg comme
un nom ethnographique ou un nom géographique et
ils l'ont rapproché de celui de la ville de Phaliga,
mentionnée par Isidore de Charax comme située au
confluent du Chaboras et de l'Euphrate, mais il n'est
nullement question de cette ville avant cet auteur, qui
vivait seulement au III e siècle avant J.-C. — Phaleg en-
gendra Réû à l'âge de 30 ans et mourut à l'âge de
239 ans, laissant des fils et des filles. Gen., xi, 18-19. Il
est nommé dans la généalogie de Notre-Seigneur en
saint Luc, m, 35.
PHALEL (hébreu : Pâldl, « [Dieu] juge »; Septante :
<&a\âx; Alexandrinus : $oXâf), fils d'Ozi. Du temps de
Néhémie, il rebâtit une partie des murs de Jérusalem,
« vis-à-vis de l'angle et de la haute tour qui fait saillie
en avant de la maison du roi, près de la cour de la
prison. » II Esd., m, 25.
PHALET (hébreu : Pélét, « délivrance, évasion »;
Septante : <£>a>ix; Alexandrinus : $«Xér, I Par., il, 47),
nom de deux Israélites, dans le texte hébreu. Dans la
Vulgate, le nom de l'un des deux est écrit Phallet,
I Par., xii, 3. Le Phalet de notre version latine était
de la tribu de Juda et de la famille de Caleb l'Hesro-
nite, le quatrième des six fils de Johaddaï.I Par., n,47.
PHALETH (hébreu : Pélét ; Septante : *a>é9), nom
de deux Israélites, dans le texte hébreu. La Vulgate
écrit le nom de l'un d'eux Phéleth, Num., xvi, 1. Celui
qu'elle écrit Phalet était de la tribu de Juda, fils de
Jonathan, de la descendance de Jéraméel. I Par., Il, 33.
PHALLET (hébreu : Pélét; Septante : 'ImcoaXÉT;
Alexandrinus: ^a).).^), fils d'Azmoth et frère de Jaziel,
de la tribu de Benjamin. Les deux frères sont comptés
parmi les gibborîni de David. Ils étaient allés se joindre
à lui à Siceleg. I Par., xii, 3.
PHALLONITE (hébreu r hap-Pelôni, I Par., xi, 27,
36; xxvil, 10; Septante : <5 «ÊeXuvî: I Par., x, 27; 6 «Êdi-
\uv(,,f. 36; ô èx $aXXouç; Vulgate: Phallonites, I Par.,
xxvn, 10; Phalonites, I Par., xi, 27; Phelonites, f. 36),
originaire de Bethphalefh, d'après un certain nombre
de commentateurs. Deux des gibborîm de David,
Hellés ou Hélés (t. m, col. 567), I Par., xi, 27; xxvii,
10, et Ahia 1 (t. i. col. 291), I Par., xi, 36, sont dits
Phallonites ou Pélonites. Cette dénomination semblerait
désigner une ville de Péloni ou Pélon, mais comme
on ne connaît aucune ville de ce nom et que dans
II Reg., xxiii, 26, Hélés est appelé hap-Paltî, « le
Phaltite » (Vulgate : de Phaltï), beaucoup de critiques
croient que la leçon de II Beg. est la meilleure et que
hap-Paltî veut dire que Hélés était originaire de
(Beth)phaleth (t. i, col. 1709), ville du Négeb au sud de
la Palestine, dans la tribu de Juda. Il y a cependant
contre cette identification une difficulté sérieuse qui
n'est pas résolue : c'est que Hélés était Éphraïmite,
d'après II Par., xxvil, 10, et que Bethphaleth était une
ville de Juda, nom d'Éphraïm. On a imaginé d'autres
hypothèses, mais toutes sont purement conjecturales.
PHALLU (hébreu : Pallû' ; Septante : *aU6«, $a\-
Xoôç), second fils de Ruben, le fils aîné de Jacob. Gen.,
xlvi, 9; Exod., vi, 14: Num., xxvi, 5; I Par., v, 3. Il
eut pour fils Éliab et devint le chef de la famille des-
Phallonites. On compte parmi ses descendants Dathan
et Abiron. Num., xxvi, 5, 8.
PHALLUITES (hébreu ; hap-Pallu'î; Septante ':
St\\loi; toO *aX).out; Vulgate : Phallwitse), descendants-
de Phallu. Num., xxvi, 5. -
PHALONITE, dans la Vulgate, I Par., si, 27. "Voir
Phallonite.
PHALTI (hébreu : Paltî; Septante : *«/.ti), nom de
deux Israélites et nom ethnique. Phalti, nom d'homme,
signifie « (Dieu) est mon libérateur ».
1. PHALTI, fils de Raphu, de la tribu de Benjamin.
Il fut l'un des douze espions que Moïse envoya dans la
terre de Chanaan pour l'explorer. Num., xm, 9.
2. PHALTI, fils de Laïs, de Gallim. Saùl lui donna en
mariage sa fille Michol qu'il avait déjà mariée avec-
David. I Reg., xxv, 44. Après la mort de Saùl, David se
fit rendre Michol par Abner. Phalti la suivit en pleu-
rant jusqu'à Bahurim où Abner l'obligea de retourner
chez lui. II Reg., m, 15. Dans ce dernier passage, Phalti
est appelé Phaltiel, ce qui est la forme complète de son;
nom, El (Dieu) étant sous-entendu dans Phalti.
3. PHALTI, pour Phaltite. II Reg.. xxm, 26. Hélés est
désigné dans ce passage comme étant « de Phalti » ,.
selon la traduction de la Vulgate. Ailleurs il est dit
Phellonite. Voir Phallonite.
PHALTIAS (hébreu : Pelatyâh, « Yah est mon libé-
rateur; » Pelatyâhû, sous une forme plus complète dans-
Ézéchiel, XI, 1, 13), nom de quatre Israélites dans le
texte hébreu. 11 ne diffère que par le nom divin, qui est
ici exprimé, de Phalti et de Phaltiel ou Phalthiel.
Dans la Vulgate, deux de ces noms sont écrits Phaltias
(dans quelques exemplaires Phalthias), le troisième est
écrit Pheltias, Ezech., xi, 1, 13, et le quatrième Pheltia.
II Esd., x, 22.
1. PHALTIAS (Septante : «ÊaXeTTi'a), descendant de
David, fils d'Hananiaset père de Jésaïas. I Par., itl,21.
2. PHALTIAS (Septante : *a).asTx£a), le premier
nommé des quatre fils de Jési, de la tribu de Siméon.
Ils se mirent à la tête de cinq cents hommes de leur
tribu, pour aller combattre dans la montagne de Séir
les restes des Amalécites qui s'y étaient réfugiés et, les
ayant vaincus, s'y établirent à leur place. I Par., iv, 42-43.
1PHALTÎEL (hébreu : PaltVêl, voir Phaltia ; Sep-
tante : *aXnv))), nom de deux Israélites.
1. PHALTIEL, fils d'Ozan, chef de la tribu d'Issa-
char, qui fut choisi par Moïse pour représenter sa tribu
dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 26.
2. phaltiel, le même que Phalti, le mari de-
Michol. II Reg., m, 15. Voir Phalti 2.
PHANUEL(hébreu : Penû'êl, « face de Dieu; » Sep-
tante: $avour É i),nom de trois Israélites et nom de lieu.
1. PHANUEL, fils d'Hur et petit-fils de Juda. Il fut le
père de Gédor. I Par., iv, 4. =
2. PHANUEL, le dernier nommé des onze fils de Sésac,
de la tribu, de Benjamin, qui s'établirent à Jérusalem-
1 Par., vin, 25.
185
PHANUEL
PHARA
186
3. PHANUEL, de la tribu d'Aser, père de la prophé-
tesse Anne. Luc, n, 36. Voir Anne, 5, t. i, col. 630.
PHANUEL (hébreu : Penî'él, « face de Dieu, »
On., xxxh, 30, 31; Penû'èl, ibid., 32; Jud., vin, 8, 17;
I (III) Reg., XH, 25; Septante : e'So? ©soû, Gen., xxxn,
30; eISo« toû ©eov, 32; <î>avouii>, partout ailleurs), lo-
calité située sur les rives du Jaboc où Jacob lutta avec
l'ange et où s'éleva une ville du même nom. Elle est
mentionnée sur les monuments égyptiens sous la forme
\ I JS Jt& , Penualu. W. M. Muller, Asien und
Europa, p. 168.
I. Identification et description. — Phanuël était à
l'est du Jourdain et de Socoth, puisque Gédéon fran-
chit le fleuve et passa par Socoth avant d'arriver à
Phanuël. Cf. Jud., vin, 4, 5, 8. Il était' sans doute en
vue et non loin du Jourdain, dont Jacob disait en arri-
vant au Jaboc : « J'ai passé ce Jourdain. » Gen., xxxn,
10. Le même arrivant de Galaad et Mahanaïm qu'il faut
chercher au nord du Jaboc, la rive opposée, où il allait
passer le lendemain et rencontrer l'ange, est néces-
sairement la rive gauche ou méridionale du Jaboc,
aujourd'hui le Nahr-Zerqâ. Cf. Gen., xxxn, 13, 21-23.
Phanuël parait être oubliée depuis longtemps, car
VOnomasticon se contente de l'indiquer « prés du Ja-
boc », et les anciens écrivains juifs n'en font plus men-
tion. Les savants anglais pensent qu'on doit chercher
ce lieu probablement sur les pentes septentrionales du
Djebel OSa\ Armstrong, Wilson et Conder, Names and
Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 138;
Conder, Heth and Moab, Londres, 1887, p. 177-179.
Rich. von Riess le croit plutôt sur la rive septentrionale
du Jaboc, c'est-à-dire du côté opposé. Bibel-AtUxs, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1887, p. 231. M. Merill, East of Jour-
dan, 2 e édition, New- York, 1883, p. 384, le suppose au
Teloul ed-dehab, au nord de la rivière et non loin de
sa sortie des montagnes. M. Gotl. Schumacher préfère
Medouar-Nôl, village situé à une heure et quart au nord-
est d'un excellent gué de la Zerqd, se trouvant au nord
de Ain es-Zerqâ. Dans Miitheilungen und Nachrichten
des deutschen Palâstina-.Vereins, 1901, p. 2. Quelques
autres auteurs ont proposé, quoique en hésitant beau-
coup, le Tell Der'alla. Cf. Buhl, Géographie des
alten Pdlâstina, Leipzig, 1896, p. 260. La similitude de
ce nom avec Tar'éldh identifiée dans les Talmuds avec
Succoth, a fait penser qu'il s'agit de la même localité.
Ibid. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris,
1860, p. 218-219; Schumacher, loc. cit., 1889, p. 21;
Armstrong, etc., loc. cit., p. 166. L'identification de
Der'alla avec Tar'elâh n'est pas sans vraisemblance,
mais celle de Tar'éldh avec Socoth est contestable.
L'itinéraire de Gédéon poursuivant les Madianites,
Jud., vin, 4-5, parait indiquer cette localité tout près
du Jourdain et Phanuël, où « il monta » de Socoth,
plus à l'est et plus près de la montagne. Il semble tou-
tefois qu'il y ait là un souvenir des faits racontés
Gen., xxxn. Cette identification, si elle n'est pas d'une
certitude absolue, parce que les données positives font
défaut pour désigner ce tell, me semble d'une très
grande probabilité. Les diverses indications bibliques
s'appliquent parfaitement à lui et on ne trouve d'autres
sites ou d'autres vestiges de villes auxquels on puisse
les rapporter de même.
Le Tell Der'alla est un grand tell au sommet aplati,
s'élevant de sept à huit mètres au-dessus de la plaine
environnante, où l'on constate des restes d'anciennes
constructions, et semblable à tous ces anciens tell que
l'on a reconnu être formés de débris d'anciennes cités.
U est à deux kilomètres et demi environ vers le sud
d'Abou 'Obeidah, où les musulmans vénèrent le tom-
beau du général de ce nom, compagnon deMahometjàla
lisière orientale du GMr, et à deux ou trois cents mètres
seulement des montagnes d'où sort le Zerqâ, sur le
chemin qui monte de la vallée aux montagnes, se
dirigeant vers Sait, Djebéhat et Amman, voie que dut
prendre Gédéon poursuivant les Madianites et les
Benê-Qédem. Ce qui parait avoir fait hésiter les pales-
tinologues, c'est que le nahr ez-Zerqâ passe à un
kilomètre au sud du tell, alors que la Bible indique
Phanuël au sud de la rivière; mais son cours actuel
est un cours nouveau que l'eau s'est frayé à travers les
siècles. L'ancien lit de la rivière, large de vingt mètres
et profond de cinq ou six, se voit au nord du tell qui
est immédiatement sur la rive méridionale. De là on
aperçoit à trois kilomètres vers l'ouest et non loin du
Jourdain un autre tell de même forme. C'est à celui-ci,
semble-t-il, qu'il faut placer Socoth.
II. Histoire. — Jàcob, venant de Mésopotamie et -
ayant quitté Mahanaïm pour s'avaûcer vers le Jourdain,
était arrivé sur la rive du Jaboc, où il avait établi son
campement. De là il envoya en avant ses serviteurs
avec les présents destinés à apaiser son frère Ésaû
qui s'avançait à sa rencontre. S'étant levé pendant la
nuit, il fit passer le gué du Jaboc à toute sa famille et à
ses troupeaux, et le passa après eux. Resté seul sur le
bord de la rivière, un personnage mystérieux, que
la Genèse appelle un homme, 'U, xxxn, 23, et le pro-
phète Osée, xn, 3-4, un ange, se présenta et se mit à
lutter avec lui jusqu'au lever de l'aurore. En quittant
Jacob, l'ange lui donna le nom d'Israël, et Jacob en
souvenir du fait appela l'endroit Phanuël, disant :
« Jai vu mon Dieu face à face et mon âme a été sauvée. »
Gen., xxxm. Levant les yeux, Jacob vit son frère Ésaû
qui s'avançait vers lui. De là, il se retira à l'endroit
qu'il appela Socoth et où il s'établit avant de monter
vers Sichem. Gen., xxxm. — Dans le partage de la Terre
Promise, Phanuël dut échoir, avec Socoth et toute la
partie orientale de la vallée du Jourdain, à la tribu de
Gad. Cf. Jos., xin, 27. — Phanuël était devenue une
ville forte au temps de Gédéon. Le libérateur d'Israël
poursuivant les Madianites, ayant franchi le Jourdain,
demanda aux habitants de Socoth du pain pour ses
hommes fatigués, afin de pouvoir continuer la pour-
suite de l'ennemi. Ceux-ci refusèrent en ajoutant à
leur refus le mépris et l'injure. Les habitants de Phanuël
firent de même. « Quand je reviendrai victorieux,
j'abattrai cette tour, » jura Gédéon. A son retour, il tint
son serment et mit à mort les principaux habitants
de la ville. Jud., vm, 4-17. — Jéroboam I er , après avoir
restauré Sichem, fit de même pour Phanuël. III Reg.,
xn, 25. D'après Josèphe, Ant. jud., VIII, vin, 4, il s'y
fit construire un palais. U n'est plus question depuis
de Phanuël. L. Heidet.
PHARA, nom d'un Israélite et d'une ville.
1. PHARA (hébreu : Purâh, « rameau »; Septante :
«fapâ), serviteur de Gédéon. Il alla pendant la nuit avec
son maître dans le camp des Madianites. Jud., vu, 10-11.
2. PHARA (Septante : <I>ap«6(i>v/), ville de Judée, for-
tifiée par Bacchide pendant la guerre contre Jonathas.
I Mach., ix, 50. Le nom de cette ville est douteux. La
Vulgate distingue deux villes, Thamnatha et Phara ; de
même Josèphe, Ant* jud., xm, i, 3, ©ct[*va6à x«t 3>a-
pa8<o; et aussi la version syriaque. Les Septante ne font
qu'une seule ville de zrp ©anvaôà *apa6wv(. Si la leçon
du grec était la véritable, ce qu'on peut contester, nous
n'aurions dans l'Écriture aucune autre trace de l'exis-
tence de Phara, mais si l'on admet la distinction de
Tamnatha et de Phara ou Pharathon, nous retrouvons
le nom de cette dernière dans le livre des Juges, xn, 13.
15, et dans l'histoire des rois. II Reg., xxm, 30; I Par.,
xi, 31; xxvn ; 14. Sur cette identification et sur la ville
même, voir Pharathon, col. 204.
187
PHARAÏ
PHARAN
188
PHARAI (hébreu : Pa'urai; Septante : 0-àpaeosp-/i,
par corruption de «Êaapai o 'Apëî), un des vaillants sol-
dats de David. II Reg., xxm, 35. Dans I Par., xi, 37, il est
appelé Naaraï. Voir Naaraï, col. i428. Il était d'Arab,
ville de la tribu de Juda, de Arbi, dit la Vulgate.
II Reg., xxni, 35. Voir Arbi, t. i, col. 886.
PHARAM (hébreu : Pir'dm; Septante : <Mwv;
Alexandrinus : $£paà[i), roi amorrhéen de Jérimoth,
du temps de Josué, qui avec trois autres rois du sud de
la Palestine répondit à l'appel d'Adonisédec roi de Jéru-
salem et marcha avec eux contre les Gabaonites qui
s'étaient soumis aux Israélites. Jos., x, 3. Ils furent tous
battus par Josué devant Gabaon et s'étant enfuis, ils se
réfugièrent dans la caverne de Macéda, mais ils y
furent pris et mis à mort, après qu'on leur eut mis le
pied sur le cou (voir Pied), par ordre du vainqueur,
puis pendus à cinq poteaux et enfin ensevelis dans la
caverne. Jos., x, 10, 20-27.
PHARAN (hébreu : Pâ'rân; Septante : 4>apâv),
nom d'un désert de l'Arabie Pétrée, d'une chaîne de
montagnes et, d'après certains commentateurs, d'une
localité.
1. PHARAN (DÉSERT de) (hébreu : midbâr-Pd'ran,
Gen., xxi, 21; Num., x, 12; xm, 1, 4, 27 (hébreu : xu,
i6; xm, 3,26);1 Reg., xxv, 1; Septante : èprijjio; $apâv,
Num,, xm, 4, 27; to-3 <t>apàv, Num., x, 12; xm, 1; Gen.,
xxi, 21; Septante : <ï>apàv AîyÛtitou), désert de l'Arabie
Pétrée, appelé aujourd'hui Badiet-et-Tih, « désert de
l'Égarement », parce que les Israélites y errèrent plu-
sieurs années. Num., xiv, 32-33.
I. Identification. — Le désert de Pharan est formé
par le large plateau de l'Arabie Pétrée qui est borné à
l'est par la partie de la vallée de PArabah, s'étendant
du sud de la mer Morte au golfe Élanitique (voir Ara-
bah, t. i, col. 821); à l'ouest par le désert de Sur, Gen.
xvi, 7 (voir Sur); au sud par le Djebel et-Tih, et au
nord par les montagnes des Amorrhéens, c'est-à-dire
par la frontière méridionale du pays de Chanaan,
Deut., i, 19-20, ou de la Palestine, aux environs de
Bersabée. Voir H. S. Palmer, Hinai from the fourlh
Egyptian dynasty to the présent day, Londres, 1878,
p. 198, 205; E. H. Palmer, The désert of the Exodus,
1831, t. n, p. 508-510.
IL Description. — Le Badiet et-Tih est un grand
plateau désert qui compte environ deux cent quarante
kilomètres de longueur, du sud au nord, et à peu près
autant de largeur. Dans sa longueur il est coupé par
l'ouadi el-AHsch, qui le divise ainsi en deux parties.
La partie orientale, plus élevée que la partie occiden-
tale, est un plateau calcaire d'une surface irrégulière,
une contrée montagneuse coupée de grands et de petits
ouadis dont beaucoup se dirigent vers le nor.d. Le côté
méridional se termine en un long escarpement, abrupt
vers le sud et s'abaissant doucement vers le sud-est.
La surface du plateau est aride, sans physionomie
marquée, et son aspect n'est relevé que par quelques
groupes isolés de montagnes. La contrée est presque
sans eau, à l'exception de quelques sources, entourées
de tamaris et d'acacias et fréquentées par les gazelles
dans les grands ouadis ; l'eau ne s'obtient souvent dans
le lit des ouadis qu'en creusant de petits puits, thémail,
et en la puisant avec la main. A peu près partout, le
terrain est très dur et recouvert de petits cailloux.
Malgré l'aridité du sol, une grande quantité d'herbes
brunes et desséchées sont éparses à la surface, et four-
nissent un combustible pour le campement. Pendant la
plus grande partie de l'année, le terrain semble brûlé
et mort; mais il arrive, avec la pluie', à une vie sou-
daine. Dans les ouadis, la végétation est beaucoup
plus abondante que dans les plaines. Là, il y a toujours
des pâturages suffisants pour les chameaux; çà et là
même, quelques endroits sont susceptibles de culture.
E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. n, p. 327-
348.
III. Histoire. — 1» Le nom de Pharan est mentionné •
pour la première fois dans la Genèse, xiv, 6. L'auteur
sacré indique dans son récit la limite septentrionale
du désert et l'extrême point sud qu'atteignit l'expédition
de Chodorlahomor et de ses alliés contre les rois de
la Pentapole et les pays voisins. Après avoir battu les
Raphaïm, les Zuzim et lesÉmim, les confédérés battirent
aussi « les Chorréens ou Horréens, dans les montagnes
de Séir, jusqu'à 'Êl-Pdrân, qui est près du désert. » La
Vulgate traduit 'Êl-Pdrdn, par campestria Pharan,
« plaine de Pharan », les Septante, par ri xepéëevOoç toû
$apdtv, « le térébinthe de Pharan ». Plusieurs savants
modernes croient que 'Êl-Pâràn désigne la ville d'Aila
ou Élath. Voir Élath, t. n, col. 1643. Le texte est trop
peu précis pour qu'on puisse trancher la question avec
certitude. D'Êl-Pdrân, les envahisseurs n'ayant rien à
piller dans le désert de Pharan, ne poussèrent pas plus
loin vers le sud; ils se dirigèrent vers la fontaine de
Masphath ('En Mispât), qui est le même lieu que Cadès,
Gen., xiv, 7, situé dans le désert de Pharan. Cadès
est placé plusieurs fois dans le désert de Sin, Num.,
xx, 1; xxvii, 14; xxxui, 36; Deut., xxxn, 51, mais Sin
était le nom particulier de la partie septentrionale du
désert de Pharan. Cf. Num., xm, 27 (26). Voir Cadès 1,
t. il, col. 21. — 2» Dans le désert de Pharan habita Is-
maël, fils d'Abraham et de sa servante Agar, que Sara
fit chasser afin qu'Isaac devînt seul héritier des biens
paternels. Gen., xxi, 10, 21.-3° Mais le désert de Pha-
ran doit sa principale renommée à ce que les Israélites
y ont erré pendant trente-huit ans : il a été ainsi le
théâtre des événements les plus remarquables de l'his-
toire du peuple de Dieu pendant cette période. Voici les
principaux. Mais tout d'abord, comme semblent l'exiger
les textes bibliques, prenons le désert de Pharan dans
un sens moins restreint et étendons-le jusqu'au massif
du Sinaï. — Le premier épisode saillant est l'incendie
d'une partie du camp d'Israël à Tab'êrâh, Num., xi, 1-3,
en punition des murmures du peuple contre Dieu et
contre Moïse. Voir Embrasement, t. n, col. 1729, et In-
cendie, t. m, col, 864. Plusieurs sont d'avis qu'on pour-
rait l'identifier avec la station Qibrôt-Hattaâvah. Cf. La-
grange, L'itinéraire des Israélites, dans la Revue bi-
blique, 1900, p. 275. — Qibrôt-Hattaâvah était en tout
cas dans le voisinage. Cette localité fut ainsi appelée,
« Sépulcres de concupiscence », comme traduit la Vul-
gate, à cause des nombreux Israélites qui y furent
frappés par la main de Dieu, à la suite de leurs mur-
mures contre la manne, lors du second envoi des
cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Voir Sépulcres de con-
GUPISCENCÉ. — De Qibrôt-Hattaâvah les Hébreux se
mirent en marche pour Haséroth, autre endroit du
désert de Pharan, pris dans un sens plus large. Voir
Haséroth, t. m, col. 445. C'est là que Marie, sœur de
Moïse, de concert avec Aaron, parla contre son frère.
Frappée de la lèpre, elle fut séquestrée sept jours hors
du camp, et le peuple dut attendre sa guérison pour se
remettre en voyage. Num., xu. — Partant d'Haséroth
les Israélites gagnèrent le sommet du plateau d'et-Tih,
et allèrent planter leurs tentes dans le désert de Pha-
ran, au sens strict du mot, c'est-à-dire dans la partie
de cette solitude qui renfermait Cadès (Aïn-Qadis). Il
ne fallut pas moins de dix-neuf étapes pour atteindre
ce terme final. Les dix-neuf stations, dont plusieurs
nous restent inconnues, sont énumérées Num., xxxih,
17-36. Cf. Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans la
Revue biblique, 1900, p. 277; L. de Laborde, Commen-
taire géographique sur l'Exode et les Nombres, in-f°,
Paris, 1841, p. 120-127. A Cadès, située dans la partie
septentrionale du désert de Pharan qu'on appelle aussi
189
PHARAN — PHARAON
190
quelquefois désert de Sin, Moïse reçut de Dieu l'ordre
d'envoyer dans la Terre Promise, les douze espions
chargés de l'explorer, Sur \a route qu'ils suivirent,
cf. E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. n,
p. 510-513, 351. Voir Espion, 2», t. n, col. 1966. A leur
retour, le rapport décourageant qu'ils firent au peuple
provogua une révolte, Dieu la punit en condamnant
tous les Israélites âgés de vingt et un ans lors de leur
sortie d'Egypte, à mourir dans le désert. Caleb et Josué
furent seuls exceptés de cette peine. Le peuple, cons-
terné de cette sentence et passant alors de l'abattement
à la présomption, voulut, malgré Moïse, envahir le pays
de Chanaan et il se Ht tailler en pièces, par les Ama-
lécites et les Chananéens dans les environs d'Horma.
"Voir Horma i, t. in, col. 755. Il fut refoulé sur Cadès.
Num., xm-xiv. Alors commença pour les enfants d'Is-
raël, du côté de la mer Rouge, cette vie errante de
trente-huit ans, dans le désert.
Les derniers incidents du séjour des Israélites dans
le désert de Pharan, depuis que la génération cou-
pable y eut semé ses ossements, eurent encore lieu à
Cadès. Marie, sœur de Moïse y mourut; Moïse donnant
suite aux plaintes amères du peuple à cause du manque
d'eau, y frappa le rocher et en fit jaillir une source
abondante d'eau, qu'on appela Mê-Merîbâh ou « Eaux
de contradiction ». Voir Eaux de contradiction, t. H,
col. 1523. De Cadès, Moïse envoya des messagers au
roi d'Édom pour obtenir la permission de traverser
son territoire, 'afin de gagner ainsi les frontières de la
Terre Promise : mais Édom refusa formellement. Quel-
que temps après, se rapprochant de la Terre Promise
dans la direction de l'est, les enfants d'Israël quittèrent
définitivement le désert de Pharan. Num., xx, 1-22.
Le nom de Pharan ne paraît plus que deux fois dans
l'histoire sainte. David, persécuté par Saûl, se réfugia
dans le désert de Pharan, après la mort de Samuel,
I Reg., xxv, 1, d'après le texte hébreu, le Codex
Alexandrinus et la Vulgate. Le Codex Vaticanus lit
Maon, à cause de la suite du récit. Voir Maon, t. îv,
col. 703. — Adad l'Iduméen, fuyant devant Joab, tra-
versa avec ses hommes le désert de Pharan et emmena
avec lui plusieurs habitants du pays qui l'accompa-
gnèrent en Egypte où il se réfugia. III Reg., m, 18.
A. Molini.
2. PHARAN (hébreu : 'Êl-Pd'rân; Septante : zspéêiv-
6o? toS *apàv; Vulgate : campestria Pharan, Gen.,
xrv, 6), l'extrême point méridional de l'expédition de
Chodorlahomor contre les rois de la Pentapole. Êl-
Pharan, d'après les Septante et la Vulgate, était dans
le désert; d'après l'hébreu, près du désert. L'appellation
de Pharan lui vient probablement du désert du même
nom, dont il aurait été dans des temps très reculés la
dernière limite orientale. D'après les Septante, 'êl dési-
gne un térébinthe qui était connu et célèbre dans le
pays. Beaucoup de commentateurs croient que cette
traduction est exacte. D'après d'autres, 'êl serait le nom
antique de la ville d'Élath, mais ce n'est qu'une con-
jecture. Voir plus haut, col. 188.
A. Molini.
3. PHARAN (MONTAGNE DE) (hébreu : har Pâ'rân;
Septante : opoç $apâv), montagne du désert de Pharan.
Elle est nommée dans deux passages de l'Écriture :
Deut., xxxm, 2; Hah., m, 3. L'un et l'autre font allusion,
en langage poétique, aux merveilles opérées par Dieu
à l'époque de la sortie d'Egypte. Dans l'exorde du can-
tique où il bénit les tribus d'Israël, Moïse s'écrie :
Jéhovah est venu du Sinaï,
Il s'est levé pour eux de Séïr,
II a resplendi des montagnes de Pharan,
Il est sorti du milieu des saintes myriades.
De sa droite jaillissaient sur eux des jets de lumière.
Habacuc, ta, 3, supplie Dieu de renouveler l'œuvre
de miséricorde et de justice acccomplie dans le passé en
se montrant de nouveau à son peuple :
Dieu vient de Théman
Et le Saint de la montagne de Pharan.
Les données de ces textes sont trop vagues pour
nous permettre d'établir avec certitude l'identité des
monts de Pharan. D'où la divergence d'opinion parmi
les savants. Les uns les identifient avec le Djebel
Moukrah (1050 mètres d'élévation) à 46 kilomètres au
sud A'Aïn-Qadis, à 80 kilomètres à l'ouest d'Édom, et à
200 kilomètres au nord du Sinaï. Le Djebel Moukrah
occupe la partie méridionale du plateau accidenté
qu'habitent aujourd'hui les Arabes AzdziméhW. Schultz,
Das Deuteronomium erklért, 1859; Palmer, The Désert
of the Exodus, p, 510, 288, 344-345. — D'autres, au
contraire, retrouvent lés montagnes de Pharan dans la
chaîne qui du Sinaï se projette vers le nord-est, tout
le long de la côte ouest du golfe Élanitique jusqu'à
Édom. Driver, Deuteronomy, Edimbourg, 1902, p. 391.
— Har-Pâ'rdn peut signifier aussi « la région monta-
gneuse et sauvage qui est située au sud de la Pales-
tine. » L.-Cl. Fillion, Bible commentée, t. vi, p. 520.
A. Molini.
I. PHARAON (hébreu : Pare'ôh; Septante : *a-
paw), titre des rois d'Egypte. — I. Signification. — Le
sens du terme pharaon n'est point douteux dans la Bible :
c'est le nom générique des rois d'Egypte, au temps d'Abra-
ham, de Moïse et de l'Exode, des rois et des prophètes.
Gen., xii, 15-20 ;Exod., vi, 41; III Reg., ix, 16; Is., xxxvi,
6, etc. Pour deux d'entre eux seulement le nom géné-
rique se rencontre à côté du nom propre : « Pharaon
Néchao » et « Pharaon Ephrée », de la XXVI e dynastie.
Quatre autres sont désignés simplement par leur nom
propre, dont deux de la XXII e dynastie, Sésac et Zara;
et deux de la XXV e , Sua et Tharaca. Voir ces noms.
Ces exceptions n'infirment en rien l'usage général et
l'on peut dire que pour les auteurs sacrés tout roi
d'Egypte s'appelait Pharaon, de la même manière que
plus tard toute reine d'Ethiopie s'appela Candace, que
dans les temps modernes tout empereur de Russie
s'appelle tsar.
II. Étymologie. — L'origine du mot pharaon est
égyptienne. 'O 3><xpa(iv koct' AiyuTCTfou; (3aot).£a ctï)[aou-
vsi. Josèphe, Ant. jud., vin, 6, 2, nous en avait déjà
prévenus. Rosellini, Monumenli storici, 1832, i, p. 116-
117; Lepsius, Die Chronologie der Aegypter, 1849,
p. 336, et Chabas, Le papyrus magique Harris, 1860,
p. 1860, p. 173, note 2, ont proposé successivement
comme origine du mot pharaon l'expression égyptienne
^Él ? \, pa râ, « le soleil, le dieu Râ ». Avec plus
d'apparence de raison, Stem, Koptische Grammatik,
1880, p. 92, et Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxii, 1884,
p. 52, a affirmé que Pharaon était identique à ^L/III'
pa our àa, « le grand prince ». Mais ce titre fréquent,
qu'on rencontre en particulier dans le traité entre
Ramsès II et les Khétas et dans une stèle du temps de
Scheschanq IV, « était celui que la chancellerie égyp-
tienne donnait aux princes asiatiques ou africains, soit
qu'ils reconnussent, soit qu'ils ne reconnussent pas la
suzeraineté des Pharaons. » Maspero, Sur deux stèles
récemment découvertes, dans Recueil des travaux re-
latifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et
assyriennes, t. xv, 1893, p. 85. De bonne heure cepen-
dant, E. de Rougé, Note sur le mot Pharaon, dans le
Bulletin archéologique de l'Athéneum français, 1856,
p. 66-68, avait indiqué l'étymologie vraie de ce mot en
le dérivant de
m
per âa, « la grande maison, le
palais ». Il se rencontrait avec l'oïxoç uiY a î de la tra-
dition grecque conservée par Horapollon, Hierogly-
phica, i, 61, édit. Leemans, 1835, p. 58. Cf. Maspero, ;
191
PHARAON
192
Histoire ancienne de l'Orient classique, t. i, 1895,
p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales,
voir Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit.
anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264.
Aujourd'hui tout le monde est d'accord que Pharaon,
Pare'ôh, est la forme hébraïsée de per àa, comme le
f-*']*— »-w.4**~-| t:i ||| e= i Pi-ir-'-w de Sargon parait
en être la forme assyrianisée. Cf. Oppert, Mémoire sur
les rapports de l'Egypte et de l'Assyrie, 1869, p. 15.
L'étude des textes égyptiens de plus en plus nombreux
nous a fourni sur l'expression per àa et sur son évolu-
tion dans la langue des données d'un haut intérêt pour
la Bible.
III. Historique. — Ici nous avons pour guide principal,
sans nous y astreindre de tous points- et sans nous dis-
penser de recourir aux sources, un remarquable article
de Griffith : Chronological value of Egyptian mords
found in the Bible, dans les Proceedings ofthe Society
of biblical archseology, t. xxm, 1901, p. 72-76. Sous
l'Ancien Empire où les inscriptions officielles sont
les seuls témoins de la langue, le mot "" _ est pris au
sens littéral de « grande maison », palais du souverain :
■h— sL , per âa n souten. Mariette, Mastabas, C 1,
p. 112. Il entre surtout en composition avec toute une
série de titres : « Ami unique dé la faveur de la
grande maison », ibid., C 25, p. 160; « connu de la
grande maison », ibid., D 51, p. 314; « médecin de la
grande maison », ibid., D 11, p. 203 ; « surintendant
du jardin » ou « domaine de la grande maison », In-
scription d'Ouni, dans E. de Rougé, Recherches sur
les monuments qu'on peut attribuer aux six pre-
mières dynasties, pi. vil, lig. 9. Dans tous ces titres
nous voyons per àa s'écarter de son sens primitif,
une métonymie s'ébauche, si bien que partout nous
pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n'en est
pas encore le synonyme adéquat, ce n'en est qu'une
paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le
Saint-Siège pour le pape, la Sublime Porte pour le
sultan. Cf. W. M. Muîler, art. Pharaoh, dans Cheyne,
Encyclopedia biblica, t. III, col. 3687. — Au moyen
empire, XII e -XVII e dynastie, avec les papyrus nous
sortons des textes officiels et de leurs artifices. Désor-
mais c'est l'idiome populaire, plus fidèle interprète de
la nature du langage et de ses particularités, qui va
nous fournir des exemples. Là encore per àa se mon-
tre tantôt avec un sens franchement littéral, tantôt
avec un sens plus vague derrière lequel se cache le
roi. Ainsi, à la XII e dynastie, il est question de taxes
sur le bétail pour « la grande maison ». Griffith, Hie-
ratic Papyri from Kahun and Gurob, 1898, pi. xvi, et
p. 30. A la XIII e dynastie on parle de « la porte de la
promenade du roi dans la grande maison ». Mariette,
Papyrus égyptiens du musée de Boulaq, t. n, 1878,
n. XVIII, pi. xxx ; de « provisions envoyées à la grande
maison », ibid., pi. xxxm. Dans un document qui est
pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons
encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die
Mârchen des Papyrus Westcar, 1890, pi. vin et p. 10.
Deux remarques sont à faire sur les textes de cette
période : 1° Le mot per âa s'y trouve ordinairement
au duel, , per(oui) àa(oui), « les deux grandes
maisons », particularité qui tient à ce que l'Egypte fut
de tout temps divisée en deux terres, la terre du Sud
et la terre du Nord. L'union des deux terres se faisait
dans la personne du roi, qui devenait ainsi le. double
roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et,
par suite, ce qui se rapportait à lui revêtait un carac-
tère de dualité pour répondre à sa double personnalité.
Ainsi « la Maison Blanche (magasin royal) » était c la
double Maison Blanche », le Palais était « la double
grande maison ». Cf. Erman, Aegypten, loc. cit., et
Maspero, Les contes populaires de l'ancienne Egypte,
3 e édit. (1905), p. 14, notel.
2° Per âa à cette époque est presque toujours suivi
du souhait royal par excellence + i II, ânk oudja senb,
« vie, santé, force! » ce qui est un signe, dans le fond,
que la métonymie prend corps de plus en plus, que le
nom du palais marche vers une personnification et va
être attribuée au maître lui-même du palais. En effet,
la personnification est un fait accompli sous le nouvel
empire. — A la XVIII e dynastie, une lettre, adressée
à Aménophis IV (Khounaton), porte en suscription
per âa ânk oudja senb Neb : « Pharaon v. s.
Ml»-
f. ! le Maître ! » tandis qu'à l'intérieur la titulature
complète du roi remplit les trois premières lignes.
Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxvm et p. 92. A la
XIX e dynastie, per àa prend le déterminatif personnel
*" J + J I, « Pharaon v. s. f ! » et devient une ex-
pression courante pour désigner le roi, comme dans le
Conte des deux frères, écrit au temps de Ramsès II.
Birch, Select papyri, t. n, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10;
pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot
« Pharaon » se présente toujours sans être accompagné
du nom royal jusqu'à la XXII e dynastie. A cette époque
seulement on commence à le faire suivre du nom du
roi. De ce fait l'un des Scheschanq (Sésac) est le premier
exemple, dans une stèle hiératique : J J T I I
imiV^V^V^lf 1 '" le P h " aon v - s - f -
Shashaka v. s. f. ». Spiegelberg, Eine Stèle aus der Oase
Dachel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A
la XXV e dynastie abondent les documents légaux et dans
les dates des papyrus de l'époque de Taharqa on trouve
per àa précédant le nom royal. Revillout, Quelques textes
démotiques archaïques, papyrus 3228 du Louvre. A
partir de ce moment jusqu'à la fin de la période païenne,
tous les rois en démotiques sont intitulés « Pharaon »,
FH) i i ou avec I e cartouche ( p^ I. — Chez
les Coptes, l'ancien per âa perdit le a'in et devint nepo,
Griffith, Stories of the high priest of Memphis, 1900,
p. 73, note 7; puis le n initial, considéré à tort comme
l'article, disparut à son tour et il resta epo, ppo, cs-pto.
Steindorff, Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxvii, 1889,
p. 107; Sethe, Das âgyptische Verbum, 1. 1, 1899, p. 22.
IV. Le mot pha.ra.on et la critique de la Bible. —
On a voulu tirer contre l'authenticité du Pentateuque
une objection de la manière dont y figure le mot Pha-
raon. Les uns ont dit: « Delà part d'un homme (Moïse)
élevé à la cour du roi, nous aurions pu nous attendre...
à des renseignements plus précis sur les noms propres. . .
Il y en a si peu que, dans toute cette histoire (l'Exode),
il est toujours question du roi Pharaon, qu'il s'agisse
de celui dont la fille recueillit l'enfant dans le fleuve,
ou de celui devant lequel le vieillard octogénaire se'
présente pour demander la liberté de son peuple. Le
rédacteur n'éprouve pas le moindre besoin de distinguer
par leurs noms des personnages si importants. La no-
tice qu'il survint un autre roi qui ne savait rien de Jo-
seph... n'est pas précisément l'indice d'un témoignage
immédiat. » Reuss, L'histoire sainte et la loi, t. n,
1879, p. 80-81. Sans nous arrêter à relever l'expression
inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres
Saints et la critique rationaliste, t. IV, 1902, 5 e édit.,
p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu'en ne dési-
gnant le roi que par son titre générique de Pharaon
Moïse est en parfait accord avec les usages d'Egypte à
son époque. Il nomme le roi comme on le nommait du
193
PHARAON D'ABRAHAM
194
temps de Ramsès II, comme faisait, par exemple, l'au-
teur du Conte des deux Frères, On ne peut donc lui
demander une meilleure mise au point. « Ce fut surtout
au temps des Ramsès, quand le peuple d'Israël était
prisonnier en Egypte, que ces mots (per àa) servirent à
dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde... Lorsque
nous donnons aujourd'hui à Ramsès le nom de Pha-
raon, nous employons l'expression même dont se ser-
vaient ses contemporains pour le désigner. » V. Loret,
L'Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18. Par
cette simple observation nous voyons aussi le cas qu'il
faut faire de cette autre affirmation, au sujet du séjour
d'Abraham en Egypte, Gen., xii, 15 sq. : « Le récit
contient une pâle représentation des choses d'Egypte;
il ne connaît ni le nom du Pharaon ni le nom de sa
capitale, » Gvmkel, Genesis, 1901, p. 156. Smis doute,
au temps d'Abraham, per àa n'était pas encore devenu
l'expression usuelle pour désigner le roi. Mais rappe-
lons-nous que Moïse vit, écrit et meurt en pleine
époque ramesside. Voudrait-on qu'il eût fait de l'ar-
chaïsme ou du style de basse époque! Et précisément,
ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le
mot Pharaon — seul point en question ici — est pour
nous l'œuvre de Moïse, c'est que le mot Pharaon reste
indéterminé sous sa plume. Le préciser par l'adjonc-
tion d'un prénom serait nous rejeter au moins à la
XXII dynastie, c'est-à-dire après l'an 1000. C'est juste-
ment pour placer la composition du Pentateuque vers
cette date que d'autres ont émis des conjectures d'ap-
parence plus scientifique. Us veulent bien que le titre
« Pharaon » soit employé familièrement dans la litté-
rature populaire du Nouvel-Empire. Mais c'est plus
tard seulement, affirment-ils, qu'il devient le mot usuel
pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions
comme honef, « sa majesté », et sotiten. Par conséquent
les Hébreux ne purent le recevoir qu'après l'an 1000
avant J.-C. W. M. Mùller, art. Pharaoh, loc. cit. M. W.
M. Mûller oublie que l'évolution du mot per àa est
complète sous la XVIII e dynastie, témoin l'adresse de
la lettre à Aménophis IV. Pharaon est donc dès lors le
mot usuel, le terme courant et à la portée de tous qu'un
historien emploiera de préférence. Et pourquoi les Hé-
breux vivant en Egypte et mêlés aux Égyptiens, pour-
quoi Moïse surtout, élevé dans le palais royal, auraient-
ils ignoré ce fait et parlé autrement que les gens qui
les entouraient? Ce raisonnement garde toute sa valeur
même dans l'hypothèse peu recevable de ceux qui
veulent faire coïncider l'Exode avec les temps troublés
d' Aménophis IV. W. M. .Mûller, loc. cit., prétend tirer
une confirmation de son dire dans le fait qu'en Asie, au
xiv« siècle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunéi-
formes de Tell Amarna adressées à Aménophis III et à
Aménophis IV de la XVIII e dynastie. Mais on ne peut
établir de parité entre les auteuus de ces lettres, des
roitelets syriens, vivant en dehors de la vie égyptienne,
et les Hébreux habitant la terre même des Pharaons,
et Moïse surtout « instruit dans toute la sagesse des
Egyptiens », Act., vu, 22, et auquel nous ramène à
chaque instant, comme à l'auteur du Pentateuque, ce
que nous révèle l'égyptologie. Cf. Heyes, Bibel und
Aegypten, i$0b, p. 24. C. Lagier.
2. PHARAON D'ABRAHAM. — 1° C'est le premier que
mentionne la Bible. Gen., xn, 15. Avec Ebers, Aegypten
und die Bûcher Mose's, t. i, p. 256-258, et d'autres, ce
Pharaon doit-il être cherché parmi les Aménémhat ou les
Osortésen de la XII e dynastie, c'est-à-dire aux environs
de l'an 2000? Il n'y aurait pas d'hésitation possible si
nous devions admettre comme certaine la récente chro-
nologie basée- parEd. Meyer, Aegyptische Chronologie,
dans les Abhandlungen der kbniglichen preussischen
Akademie, 1904, sur un lever de Sothis découvert dans
un papyrus de Kahun par Borchardt. Zeitschrift fur
DICT. DE LA BIBLE.
àg.Sprache, t. xxxvii, 1899, p. 99-101. J. H. Breasted,
A history of Egypt, in-8», New-York, 1905, et Ancient
Records of Egypt, t. I, 1906, p. 25-39, accepte de con-
fiance cette chronologie. Mais ainsi que le- remarque
Maspero, Revue critique, nouvelle série, t. I,xn, 1906,
p. 142, « lors même qu'on admettrait l'authenticité des
calculs élevés sur cette observation, la réduction systé-
matique du nombre de siècles assignés aux dynasties
antérieures à la XVIII<> n'est qu'une affaire de senti-
ment. M. Borchardt ayant à choisir pour l'époque delà'
XII e dynastie entre deux périodes sothiaques dont l'une
le reportait au début du troisième millénaire avant
J.-C;, et l'autre au début du quatrième, a choisi la
première a priori parce que l'autre ne lui convenait
pas, et Ed. Mayer s'est rangé à cette façon de penser
sur Vautorité de Borchardt : en lionne critique ils au-
raient dû se borner à poser l'alternative et à indiquer
leur opinion personnelle sans l'ériger en axiome ne
varietur. » Voir dans Archssological Report, 1904-1905,
de VEgypt Exploration Fund, p. 43-44, un résumé de
la question et des discussions qu'elle a soulevées
entre Allemands. Faut-il maintenant avec d'autres
retarder l'arrivée d'Abraham en Egypte? C'est en parti-
culier l'opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews
and Herodotos, 3 e édit., 1902, p. 16 sq. Il faut l'en
croire si l'on accepte les calculs de Flinders Pétrie,
Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xn, p. 163-
185. Celui ci reprend résolument la période sothiaque
abandonnée par Borchardt et Ed. Meyer, tâche de
l'étayer à l'aide de dates trouvées au Sinaï, et assigne
comme origine à la XII e dynastie l'an 3459. Reste alors
l'espace suffisant pour caser entre la XII e dynastie (3459-
3246) et la XVIII 6 , qu'on admet de part et d'autre com-
mencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIII e dy-
nastie et les suivantes qui comprennent la période des
Hyksos. Reste aussi pour les dynasties XIII-XVII, si
peu connues,* assez de jeu dans la chronologie relative
de l'Egypte pour que, dit Maspero, loc. cit., nous y
puissions ranger les faits nouveaux sans être obligés à
démolir et à reconstruire un système rigoureux à
chaque découverte d'un règne inconnu.» Étant données
ces incertitudes de la chronologie générale, qui
s'aggravent encore dans les détails, il n'est donc pas
possible actuellement d'identifier le Pharaon d'Abraham
ni même la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon
n'en rappelle pas moins la vallée du Nil. Quoi qu'on en
ait dit, il agit et parle en roi égyptien. L'exactitude de
l'écrivain sacré et la confiance qu'il mérite ressortént
pleinement du récit.
2° Le pharaon, dit la Genèse, xu, 16, fit bon accueil à
Abraham. Ce n'était pas la première fois que des Sémites
trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoum-
hotep à Beni-Hassan nous fournit un tableau d'immigrants
asiatiques qui peut servir d'illustration â la descente
d'Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-même
en Egypte. Voir t. il, la planche entre les colonnes
1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, en-
fants, trente-sept personnes. Quand même l'inscription
ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race à
leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs
armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbé des
hommes est noire et pointue, leurs armes sont l'arc, la
javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la
plupart des hommes n'ont pour vêtement que le pagne
bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau,
les femmes, de longues robes de bon goût et de belle
élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins
bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de
disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le
mobilier. Un autre âne est muni d'une sorte de selle à
bords relevés où sont assujettis deux enfants.. G'est le
grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amoii, le
scribe royal Khéti les a aussitôt inscrits et, en les pré-
V. - 7
195
PHARAON DE JOSEPH
196
sentant à son maître, il lui transmet la requête du chef
de la tribu, Abescha. Celui-ci demande à s'établir sur les
terres de Pharaon. En signe de soumission, il offre les
produits du désert, du feob.1, un bouquetin et une
gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec
le cérémonial usité pour les personnages de distinc-
tion. Ceci se passait sous la XII e dynastie, en l'an VI
d'Osortésen II, avant la venue d'Abraham en Egypte.
Cf. Newberrj, Beni-Hasan, part, i, pi. xxxi, xxxvm et
p. 69 (Mémoire i de YArchxological Survey).
3° Abraham avait une raison de plus d'être bien
traité : il était accompagné de Sara,'remarquable par sa
beauté, et qu'il faisait passer pour sa sœur. Les sujets
du Pharaon en préviennent aussitôt leur maître. Et
Sara enlevée est placée dans le harem royal. En Egypte,
comme dans tout l'Orient, le roi, outre l'épouse prin-
cipale, avait un harem où il s'arrogeait le droit d'in-
troduire toute femme libre à sa convenance. Un grand
officier en était le gouverneur. Il avait sous lui un
scribe et divers fonctionnaires. Cf. Erman, Aegypten
und âgyptisches Leben, édit. anglaise, p. 74. Tout ce
monde était attentif à prévenir les désirs et les passions
de leur seigneur, comme les courtisans du Conte des
deux Frères. Une boucle de cheveux parfumés a été
apportée par le Nil. Les scribes et les sorciers s'écrièrent
aussitôt : « Cette boucle de cheveux appartient à une
fille de Phra-Armachis qui a en elle l'essence de tous les
dieux! a Des messagers à la hâte se mettent en cam-
pagne et l'on amène la personne que le Pharaon salue
grande favorite. Maspero, Les contes populaires de
l'ancienne Egypte, 3» édit. (1905), p. 13-14. Mais les
préférences des Égyptiens allèrent de tout temps aux
filles de l'Asie. Dans VOstracon 2262 du Louvre nous
voyons le prince Samentou, fils de Ramsès II, accepter
dans son harem une fille sémite de basse naissance,
« suivant une ancienne coutume pratiquée par les Pha-
raons comme par les sujets. » Spiegelberg, Ostraca
hiératiques du Louvre, dans Recueil des travaux,
t. xvi, 1894, p. 64-65. Les roitelets syriens pour se faire
bien venir du Pharaon, sous la XVIII e dynastie, ne man-
quent pas de le pourvoir de femmes esclaves et se pré-
valent du présent. C'est ainsi qu'Abkhiba de Jérusalem
rappelle qu'il a envoyé au Pharaon vingt et une esclaves.
Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, n. 181,
p. 309. Aménophis II admit dans son harem au moins
trois princesses sémites, dont l'une, comme suite,
n'amena pas moins de trois cent dix-sept compagnes
choisies. Pétrie, A history of Egypt, t. n, 3 S édit.,
1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que l'on pour-
rait multiplier, suffisent à prouver que l'enlèvement de
Sara était un geste vraiment pharaonique. On sait ce
qui en résulta. « Et Pharaon appela,AJjraham et lui
dit : Qu'est-ce que tu as fait? Pourquoi ne m'as-tu pas
fait savoir que c'était ta femme ? Pour quel motif m'as-
tu dit qu'elle était ta sœur, de telle sorte que je la
prisse pour femme? » Gen., xh, 18-19. Il semble que les
grandes plaies dont Dieu frappa le Pharaon à cause de
Sara aient réveillé dans son cœur la crainte de l'adul-
tère. Tout défunt avait en effet à répondre à ses juges
sur cet article et la porte du séjour des dieux lui était
fermée s'il ne pouvait dire : « Je n'ai pas eu commerce
avec une femme mariée. » Pierret, Le Livre des morts
des anciens Égyptiens, c. cxxv, p. 374.
4° Sara fut donc rendue à Abraham et celui-ci avec
tons ses biens et les présents qu'il avait reçus remonta
« vers la région méridionale... Et il était très riche et
possédait beaucoup d'or et d'argent. » Gen., xm, 1,2.
Cet or ne lui venait pas de la terre de .Chanaan qui
n'en produisait pas, mais de la munificence du Pharaon.
De tout temps l'or abonda en Egypte apporté par les
Nomades, et le Pharaon en était l'unique dispensateur.
Il y abonda surtout à partir de la XII» dynastie lorsque
les limites de l'empire furent reportées par la conquête
à la seconde cataracte, jusqu'à Semnéh, et que les
districts de l'or furent ouverts aux expéditions annuelles.
Nous apprenons par la tombe d'Améni que cet officier
dirigea deux expéditions aux mines de l'Etbaye, suivi la
première fois d'une escorte de quatre cents, la seconde
fois de six cents hommes. A chaque fois il ramena au
Pharaon Osortésen I er tout l'or qui lui avait été
demandé. Newberry, loc. cit., pi. vm, p. 21-26. Au
retour d'une de ses campagnes en Nubie, Osortésen
III délégua à Abydos son trésorier Ichernefret pour
orner le sanctuaire d'Osiris, ses barques et tout le mobi-
lier avec l'or rapporté. Stèle 1204 de Berlin, publiée
par H. Schaefer, dans les Untersuchungen zur Ge-
schichte und Alterthumshunde Aegyptem de Sethe,
t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux trésors découverts
à Dahchour par M. de Morgan confirment cette abon-
dance de l'or sous la XII e dynastie. Fouilles à Dahehour,
1894, pi. xv-xxv et p. 60-72; Fouilles à Dahchour, 1894-
1895, pi. v-xm et p. 51-53, 58-65, 67-68.. Sous la XVIII»
dynastie cette richesse excitera Vauri sacra famés des
roitelets syriens. Il leur faut de l'or, de l'or pur, ils y
reviennent sans cesse dans leur correspondance. « Que
mon frère, écrit l'un d'eux à Aménophis III, m'envoie
de l'or en grande quantité, sans mesure; qu'il m'en
envoie plus qu'il n'a fait à mon père. Cardans la terre
de mon frère l'or est aussi commun que la poussière. »
Winckler, loc. cit., n. 25.
Quant à l'objection tirée de la présence du chameau
parmi les dons du Pharaon à Abraham, voir Chameau,
t. n, col. 524-525. Ajoutons que les études et les fouilles
récentes confirment sur ce point les données de la Bible.
Le musée de Berlin possède un vase en terre cuite re-
présentant un chameau accroupi, chargé de quatre
jarres et monté par son conducteur. Von Bissing, Zur
Geschichte des Kameels, dans la Zeilschrift fur âg.
Sprache, t. xxxvm, 1900, p. 68-69! estime que cet objet
remonte aux derniers Ramessides, 1100-1000 avant J.-C.
Plinders Pétrie, dans ses fouilles de 1907, Gizeh and
Rifeh, p. 23, a trouvé aux environs d'Assiout, dans une
tombe de la XIX e dynastie, la représentation bien au-
thentique d'un chameau. Le même Flinders Pétrie,
Abydos, part, il, 1903, pi. x, n. 224 et p. 27, 49 (Mé-
moire xxiv de VEgypt Exploration Fund) avait déjà
trouvé en Abydos une tête de chameau en terre cuite,
contemporaine des objets de la I rc dynastie.
C. Lagier.
3. PHARAON DE JOSEPH. — 1° En admettant, comme
on le fait généralement aujourd'hui, que l'Exode eut
lieu dans les premières années de Menephtah qui com-
mença de régner vers 1225, et en ajoutant à ce chiffre
les 430 ans que les Hébreux passèrent en Egypte,
Exod., XII, 40, nous obtenons la date approximative de
1655, époque de leur arrivée dans la terre de Gessen,
époque aussi des Hyksos égyptianisés, mais à leur dé-
clin. Cela concorde avec la tradition. Jean d'Antioche,
dans Hist. grœc. fragm., fragm. 30, édit. Didot, t. îv,
p. 555. Or, parmi les derniers rois Hyksos, XVI e ou
XVII e dynastie, se trouvent les Apapi, et c'est précisé-
ment sous un Apapi, d'après la tradition encore, que
Joseph devint vizir d'Egypte : Xéfoviffi tivsî... t<5 retàptc;)
era tîjç PauXeia; aO-roS TAçoçt;) tôv 'Iio<jt)9 ÈXfteïv ilç
Afy'JTtTOV 80ÛXOV. OiïOÇ XaTSOT71<Je TOV 'Ih>TT|Ç XUpCOV
AtyyTtTO'j xat tox<it|ç tîjç pa<nXe[aç avroû t<5 i£' ïzti xt\i;
àp;£T|; aû-roû. Syncelle, Chronographie, édit. Dindor/,
1829, p. 204. L'un des Apapi, peut-être le second, serait
donc le Pharaon de Joseph. Voir Joseph, t. ni, col. 1657.
Contre ce calcul on a invoqué la stèle de Menephtah.
Voir Menephtah, t. iv, col. 956-957. En l'an V de Me-
nephtah, disent quelques-uns, les Hébreux sont en
Palestine où ils se trouvent en conflit avec les Égyp-
tiens, ce qui permet à Menephtah d'affirmer qu' & Israël
est déraciné; qu'il n'y en a plus de graine » ou « de
postérité ». W. Mûller, loc. cit., col. 3688; Steindorff,
197
PHARAON DE JOSEPH
198
ZeitschriftfûrdieAlttestamentlicheWis$enschaft,t.xv,
■1896, p. 330, etc. A cela on a fait deux réponses princi-
pales : — a) Les troupes de Ménephlah, si tant est qu'elles
poussèrent jusqu'en Palestine, purent y trouver des
Israélites, mais non ceux de l'Exode. Jacob en effet des-
cendit en Egypte seulement avec ses fils et leur famille,
au nombre de soixante-dix personnes, Gen., xlvi, 27;
mais une partie de la tribu, de cette tribu qui avait
déjà fourni à Abraham trois cent dix-huit hommes pour
combattre Chodorlahomor, Gen., xiv, 14, resta au pays.
D'autres Israélites durent revenir dans l'intervalle. Tout
ce monde campait dans la région d'Hébron, autour du
tombeau d'Abraham où Joseph avait ramené le corps de
son père. Gen., l, 13. Pendant que les Israélites de
Gessén poursuivaient leur marche au désert, c'est dans
ce lieu de ralliement des groupes épars que Menephtah
put écraser les Hébreux restés dans le pays ou revenus
d'Egypte soit après la fin de la disette, soit lors du
voyage de Josepli, soit à d'autres époques. Cf. Daressy,
Bévue archéologique, 3° série, 1898, t. xxxm, p. 262-
266. — b) « Il me semble, dit Edouard Naville, que nous
avons là une allusion très courte au fait que l'Exode a
eu lieu, » que nous avons aussi « la version égyptienne,
ou plutôt le nom que les Égyptiens donnaient à cet
36. — Anneau (sceau) portant le nom d'Apapi I", le « bon roi
Aaouserra, donnant la vie ». Le chaton, en stéatite vernissée
dé vert, est taillé en forme de scarabée avec'une tête d'homme,
et sertie dans une légère monture d'or. Sur la base du chaton
est gravée en intaille et dans un cartouche le nom du roi. Un
fil d'or fixe le chaton à la monture. D'après Newbervy, Sca-
rafos, frontispice.
événement : l'anéantissement des Israélites. Je ne vois
rien là qui aille à l'encontre de l'ancienne idée qui
plaçait l'Exode au commencement du règne de Me-
nephtah, c'est-à-dire peu avant le moment où la stèle a
été gravée. Les Israélites étaient dans le désert mar-
chant vers la Terre Promise... Pour les Égyptiens ils
n'existaient plus, ils avaient disparu dans le désert et
ils n'avaient laissé derrière eux aucune postériié. Cette
explication me semble en harmonie avec le langage
habituel des Pharaons. Dans la bouche du roi d'Egypte
ou de ses écrivains officiels, la sortie des Israélites ne
pouvait être que leur destruction». Les dernières lignes
de la stèle mentionnant les Israélites, dans Recueil
des travaux, t. xx, 1898, p. 37. Cf. Revue égyptolo-
gique, t. ix, 1900, p. 111. Le Pharaon de Joseph était
donc probablement Apapi II (fig. 36). Qu'il soit égyp-
tianisé, il le montre par sa manière de faire. En
effet:
2° Ce pharaon célèbre le jour de sa naissance. Gen., xl,
20. Les théogamies des temples, expression d'une tra-
dition antique et commune à tous les Pharaons, nous
disent de reste qu'un pareil jour devait être tout à la
joie. Ne rappelait-il pas le jour où les déesses accou-
cheuses avaient reçu dans leurs bras le pharaon « dès
l'œuf», le dieu nouveau -né, et l'avaient présenté à son
père selon le sang, Ra ou Amon, tout le ciel étant
dans la jubilation ? Cf. A. Moret, Du caractère religieux
de la royauté pharaonique, 1902, p. 48-55, 66-67 ;
Prisse d'Avennes, Monuments de l'Egypte, pi. xxi,
lig. 3-4. Les Ptolémées, gardiens des croyances et des
coutumes pharaoniques, fêteront de même & le jour de
la naissance du dieu bon s Épiphane, Pierre de Ro-
sette, texte hiérogl. lig. 10, « la fête de la nouvelle'
année — tx f&tiVkia — de Sa Majesté, » le dieu Éver-
gète I CT . Décret de Canope, lig. 3. Et ces jours solennels
sont une occasion de faveurs pour leurs sujets, Pierre
de Rosette, lig. 47, comme pour l'échanson du Pha-
raon de Joseph, Gen,, xl, 21, comme pour les prison-
niers à l'avènement de Ramsés IV, Maspero, Notes sur
quelques points de grammaire el d'histoire, dans
Recueil des travaux, t. n, 1880, p. 115-117, ou ceux de
la Pierre de Rosette, lig. 1 i. Ce dernier passage semble
lj^&£i
V*
37. — Aménothès, architecte sous Aménophis III, célèbre surtout
dans la science des formules magiques et de ce chef devenu
plus tard dieu ptolémaïque. Il était à ce double titre conseiller
de son maître. — Musée du Caire. — Découvert & Karnak par
M. Legrain en 1901.
exclure des faveurs certains coupables. Le grand pane-
tier devait avoir à se reprocher un grand crime, car le
Pharaon le condamne à la décapitation, comme Horem-
heb plus tard, à côté d'autres criminels châtiés moins
sévèrement, condamnera au même supplice le receveur
qui avait enlevé à un homme de peine la barque et le
chargement qu'il convoyait pour le service d'un maître.
Revue égyptologique, t. vlit, 1898, p. 120-121. Puis,
en exemple, on suspendit à un gibet le cadavre du
panetier, Gen., xl, 19, 22, comme fera Aménophis II
pour sept chefs syriens révoltés, tués de sa main,
et suspendus l'un aux murs de Napata, les autres
aux murs de Thèbes. Maspero, Histoire ancienne,
t. n, p. 292. Cf. Capart, Note sur la décapitation
en Egypte, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache,
t. xxxvi, 1898, p. 125-126. Sur les plus anciens monu-
ments de l'Egypte se trouvent des exemples de décapita-
199
PHARAON DE JOSEPH
200
tion. Quibell, Bierakonpolis, part, i, 1900, pi. xxix.
3° Deux ans après, le pharaon eut le double songe des
sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des
sept épis pleins et des sept épis desséchés. L'esprit
« frappé », il convoque ses conseillers, comme cela
arrive dans toutes les grandes circonstances : les sages -
et les magiciens. Gen., xli, 1-8. C'est ainsi qu'Osorté-
sen I er , songeant à reconstruire le Temple d'Héliopolis,
assemble son conseil et expose son plan que tous
approuvent. L. Stem, Urkunde ûber den Bau des
Sonnentempels zu On, pi. i, lig. 1-17, dans Zeitschrift
fur àg. Sp. t. xii, 1874, p. 85 sq. C'est ainsi encore
que Ramsès II, d'après la stèle de Kouban, sollicité
d'assurer l'eau aux caravanes des mines d'or, s'inspire
de ses conseillers pour la construction de nouvelles
citernes. Prisse d'Avennes, loc. cit., pi. xxi. Si le cas
était ardu, ce n'était plus seulement les sages ou
hakamim qu'on appelait en délibération, mais aussi les
magiciens ou hartumim. Voir Divination, t. h, col. 1443-
1444; Magie, t. iv, col. 563. « La sorcellerie avait sa place
dans la vie courante aussi bien que la guerre, le com-
merce, la littérature, les métiers qu'on exerçait, les di-
vertissements qu'on prenait... Le prêtre était un magi-
cien... Pharaon en avait toujours plusieurs à côté de lui...
et qui étaient ses sorciers attitrés. » Maspero, Les contes,
préface, p. xlvi. Ils possédaient les secrets de Thot, gar-
daient soigneusement les écrits hermétiques par lesquels
ils avaient puissance sur la nature. Cf. Maspero, loc. cit.,
p. 102-103, et Histoire ancienne, 1. 1, p. 145-146, 279-280.
Ce sont ces mêmes conseillers, sages ou devins (fig. 37),
dont le prophète raillera plus tard l'impuissance à
sauver le pharaon et l'Egypte des Assyriens. Is., xix,
11-13. Le pharaon de Joseph ne lit donc, en convo-
quant les sorciers, qu'agir suivant la pratique courante.
C'est, d'après la tradition, ce même Apapi qui ayant
construit un temple à Soutek rêva d'imposer aux Thé-
bains le culte de son dieu, Les grands ou sages ne
purent lui dire quel moyen employer, tandis que le
collège des devins et des scribes trouva un expédient
qui lui plut. Maspero, Les contes, p. 238-242. Mais cet:e
fois les devins furent impuissants à résoudre le cas.
4° L'échanson rétabli dans sa charge se souvint alors
de Joseph qui expliqua le double songe. « Puisque
Dieu t'a montré tout ce que tu as dit, tu seras établi
sur ma maison et au commandement de ta bouche
tout le peuple obéira, je ne serai plus grand que toi
que par mon trône, » dit le Pharaon à Joseph. Gen., xli,
39-40, Le fait d'appeler Joseph à une si grande charge
n'a rien que de très naturel de la part d'un roi
Hyksos, puisque sous les dynasties indigènes la même
chose se présente. A la cour de Ménephta,h, le Chananéen
Ben-Matana est le premier porte-parole du Pharaon. Ma-
riette, Abydos, t. n, pi. l; Catalogue général des monu-
ments d'Abydos, p. 422, n. 1145. Nésamon et Néferka-
ram-per-Amon, sous leurs noms égyptianisés, sont deux
esclaves arrivés à être l'un, surintendant des domaines
d'Amon-Ra, l'autre, procureur du Pharaon. Papyrus Ab-
bot, pi. iv et passim. Ce qui avait lieu pour des esclaves
pouvait à plus forte raison avoir lieu pour des étrangers
de marque. A la cour de Thèbes, sous la XVIII e dynas-
tie, étaient élevés à l'égyptienne et comblés d'honneurs
les fils des princes syriens, qu'on renvoyait ensuite à
l'occasion commander dans leur pays. Mariette, Karnak,
pt. xvli. Un chef de Gaza, Yabitiri, avait été conduit
tout jeune en tgypte par un inspecteur égyptien. « Je
m'attachai au roi mon maître, écrit "Yabitiri au Pharaon
et je demeura^ à la porte du roi mon maître... Le joug
du roi mon maître est à mon cou et je le porterai. »
Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, n. 214.
Ce sera plus tard le cas de Hadad l'Iduméen qui, nous
l'avons vu, épousa la sœur de la reine et dont le fils
fut élevé parmi les princes du sang. Jéroboam sera
accueilli de même par Sésac. III Reg., xi, 40.
5° Quand la Bible fait dire à Joseph par le Pharaon :
« De ta bouche dépendra tout mon peuple, » elle ne
fait que traduire un titre égyptien "~"" Y vv , ra-heri
ou ro-heri, « bouche supérieure. » Le fonctionnaire
qui portait ce titre était le premier intermédiaire "entre
les fonctionnaires et le Pharaon : toutes les affaires
passaient par lui. Un certain Rahotep était « la bou-
che du roi de la Haute-Egypte et l'oracle du roi de
la Basse-Egypte ». Brugsch, Wôrterbuch, t. vi, p. 671.
Tenouna de la XVIII e dynastie s'intitule « grande bou-
che supérieure du pays tout entier ». Id., Recueil des-
monuments, pi. lxvi a. Avant d'être roi, Ramsès III
fut élevé par son père à la dignité de « grande bouche-
supérieure de tous les pays d'Egypte ». Chabas, JRe-
SHilSiâ^iS!!4
38. — Tradition du sceau. — Au nom de Toutankhamon, le grand
chancelier remet au prince Houi le sceau de gouverneur ou
vice-roi d'Ethiopie. XVIII* dynastie. L'inscription se traduit :
« Kemise du sceau de la dignité de royal fils par le grand
chancelier, afin que prospère la dignité du royal fils de Kousch
Houi. » (Son commandement) va de Nekhen (El-Kab) à Keri
CDjébel Barkal). — D'après Newberry, Scarabs, pi. n. — L'an-
neau et son chaton sont colorés en jaune pour indiquer qu'ils
sont en or. Les deux personnages portent la robe de fin lin.
„ Tombe de Houi à Thèbes. Colline de Kôurnet Mourai, près du
petit temple de Deir el-Medinet.
cherches sur la XIX' dynastie p. 14, 27. Mais cette
fonction n'entraînait pas nécessairement avec elle celle
de vizir. Même dans le Papyrus Hood-Wilbour, lig 14,
elle ne vient qu'après la fonction de maréchal de la
cour. Cf. Maspero, Études égyptiennes, t. n, p. 25-26.
C'est pourquoi après avoir établi Joseph sur toute sa
maison, le Pharaon qui veut faire mieux encore dit de
nouveau : « Voici que je t'ai établi sur toute la terre
d'Egypte. » Et en même temps il lui fait la tradition
du sceau royal et de la robe de fin lin que nous
voyons portée par Rekhmara, vizir de Thothmès III,
dans l'exercice de ses fonctions. Chez Newberry, The
life of Rekhmara, pi. xii, Rekhmara est assis dans
la longue robe de vizir; pi. xii et xxm, il fait scel-
ler les provisions du temple d'Amon, et il nous dit,
pi. xvu, lig. 3, que lui-même il scelle de son sceau les
portes du Trésor. Dans une tombe thébaine, Toutan-
khamon nommait Houi à la dignité de vice-roi de Chus
201
PHARAON DE JOSEPH
202
•et lui remettait en grande pompe le sceau royal sous la
forme d'un anneau d'or massif (fig. 38). Joseph reçoit
de plus un collier d'or. Voir Collier, t. n. flg. 308,
col. 837. C'était la récompense royale par excellence.
La scène se reproduit souvent dans les tombeaux des
grands fonctionnaires et les inscriptions ne manquent
pas de noter Je nombre de fois que le Pharaon gratifia
de la sorte le défunt. Ahmès d'El-Kab, le bras droit de
son homonyme Ahmès I er dans l'expulsion définitive
des Hyksos, reçut jusqu'à sept fois l'or de la vaillance.
E. de Rougé, Mémoire sur le tombeau d' Ahmès, 1849,
p. 61. Il suffira de renvoyer à Newberry, Rock Tombs
of el-Amarna, part, n, 1905, pi. xxxm et p. 36-37
(Mémoire xiv de Y Archeological Survey), où Mérira est
aujourd'hui encore les sais des équipages cairotes.
Cf. en particulier Newberry, The rock tombs of el-
Amarna, loc. cit., pi. xiii, xv, xvi, xvii, où Khounaton
sur son char est suivi de la reine et de ses filles éga-
lement sur leurs chars. — Sur abrek, du héraut de
Joseph, cf. Spiegelberg, Aegyptologische Randglossen
zum Alten Testament, 1904, p. 14-18, et voir Abrek,
t. i, col. 90; sur le nom donné à Joseph, voir Çafnat
Pa'nêah. En changeant le nom de Joseph, le Pharaon
se conformait à une coutume égyptienne. Plus haut
nous avons déjà rencontré portant des noms égyptiens
plusieurs étrangers. Un certain Sarebibina, grand-
prêtre d'Amon et prêtre de Baal et d'Astarté, sous Amé-
hophis IV, s'appelait en égyptien Abaï. Lepsius, Denk-
■39. — Triomphe d'Aménophis III. Stèle découverte dans le temple funéraire de Mënephtah. Musée du Caire 1377. — Le tableau est
double. La partie de gauche, incomplète ici, montre le pharaon sur son char marchant sur les Syriens. — La partie de droite est
complète : le pharaon foule sous son char les vils Éthiopiens dont les chefs sont liés sur les chevaux. En légende, on lit :
a (Le Dieu bon) maître du glaive, puissant à les enchaîner (ses ennemis du Sud) ; détruisant la face de la vile KouS, ame-
nant leurs chefs en prisonni ers vivants. »
accablé d'or littéralement, et à la stèle C i33 du Louvre
où Séti I er de son balcon tend les mains vers son favori
Horkhem pendant qu'on passe au cou de celui-ci le
collier d'or. Cf. Vigouroux, La Bible et les décou-
vertes modernes, 6 e édit. t. n, p. 128-129.
6» Il fallait que le peuple qui devait, obéir à Joseph
connût aussi son élévation, et c'est pourquoi Pharaon
le fait monter sur son second char. Gen., xli, 43. Ce
n'était plus la litière des anciens temps portée à épaules
d'hommes ou assujettie entre deux ânes, mais le vrai
char asiatique introduit en Egypte avec le cheval par
les Hyksos. A partir de cette époque les monuments re-
présentent partout le Pharaon paradant, combattant et
triomphant sur un char enlevé par de grands chevaux
(fig. 39). Il en est de même pour les hauts fonction-
naires. Naturellement la hiérarchie des chars suivait la
hiérarchie des personnages, et comme Joseph était
établi le premier après le roi, il devait marcher immé-
diatement après lui. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten,
ï fasc, p. 250-253. Grâce aux tombes de Tell el-Amarna,
il n'est pas difficile de reconstituer Pharaon sur son
char et son cortège, s'avançant au vent des grands éven-
tails, précédé de ses coureurs que nous rappellent
màleraus Aegypten und Aethiopien, publiés par Naville,
Sethe et Borchardt, t. ï, p. 16-17. Un chef des orfèvres,
Kertana, devint Nefer-renpit. Naville, Das âgyptische
Totenbuch der 18-30 Dynastie, 1886, Introduction
p. 64. Ben-Matana, que nous connaissons, fut pour
tous les Égyptiens Ramsès-m-per-ra, « Ramsès dans le
temple de Ra » avec le surnom de Mer-on « aimé
d'Héliopolis ». La princesse héthéenne qu'épousa Ram-
sès II ne nous est connue que par le nom égyptien
que lui imposa le Pharaon : Our-ma-neferou-ra, « la
grande qui voit les beautés de Ra ». Maspero, Histoire
ancienne, t. n, p. 405-406.
7» Quant au mariage de Joseph avec une fille d'un
prêtre d'Héliopolis, il était des plus honorables. Le
sacerdoce d'Héliopolis occupait J'undes premiers rangs
par son antiquité et parla qualité de son dieu. A défaut
de ses filles, le Pharaon alliait ses favoris à des filles
de prêtre. Lui-même ne croyait pas déroger en choisis-
sant parmi elles son épouse principale. La femme
d'Amasis, la mère de Psammétique III, était de race
sacerdotale. Wiedemann, Aegyptische Geschichte, 1880,
p. 659.
8" On ne pouvait entrer en Egypte ou en sortir sans
203
PHARAON DE JOSEPH — PHARATHON
204
l'assentiment du Pharaon. Aux immigrants autorisés à
s'y établir était. assignée la place qu'ils devaient habiter.
Nous avons vu les Amou du tombeau de Khnumhotep
demander à se fixer en Egypte. ïte^Schasou au temps
de Menephtah ne pénètrent avec leurs troupeaux dans
les pâturages laissés libres par le départ des Hébreux
qu'avec l'autorisation des gardes qui veillaient à la
frontière, et aussitôt le Pharaon en est prévenu. Anas-
tasi VI, pi. vi, 4. Dans le traité entre le roi héthéen
Khétasar et Ramsès II, les contractants s'engageaient
réciproquement à se rendre les transfuges. Lig. 22-25,
dans Records of the past, 1™ série, t. iv, p. 30. L'Égyp-
tien Sinouhit réfugié chez lès tribus voisines du Sinaï
ne peut rentrer en Egypte que sur l'invitation du Pha-
raon alors régnant. Maspero, Les contes, p. 71-73. Nous
ne sommes donc pas surpris de voir le Pharaon de
Joseph autoriser Jacob et sa famille à demeurer en
Egypte et leur désigner un territoire, Gen., xlvii, 1-6,
pas plus que nous ne serons surpris de voir Menephtah
résister au départ des Israélites jusqu'à la dixième
plaie. C. Lagier.
4. PHARAON DE L' (( OPPRESSION ». Exod., I,
10, etc. Voir Ramsès II.
5. PHARAON DE L'EXODE. Voir MENEPHTAH, t. IV,
col. 955-957.
6. PHARAON (FILLE DU). — I Par., iv, 18. Dans une
généalogie, il est question d'une fille de Pharaon : Bi
autem filii Bethiee filise Pharaonis quam accepit Me-
red. Mered avait peut-être rendu de grands services au
Pharaon. Dans l'histoire de l'Egypte, il n'est pas rare
de voir le roi récompenser ses serviteurs en les mariant
à l'une de ses nombreuses filles. Bethia serait-elle une
fille de Ramsès II ? Convertie à son mariage, elle aurait
Teçu un nom nouveau, n'ru, Bîtyah, « la fille de Jého-
vah », nom d'autant plus auguste que son rang était
plus élevé. Voir Bethia, t. i, col. 1686; Judaïa, t. m,
col. 1778; Méred, t. iv, col. 996.
7. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE DAVID. —
Quand l'armée de David battit les Iduméens, Àdad, de
la race royale d'Edom chercha un refuge auprès du
Pharaon. III Reg., xi, 15-22. Ce Pharaon était probable-
ment Psousennès II. Voir Adad 3, t. i, col. 166.
8. LE PHARAON BEAU-PÈRE DE SALOMON. — Un
Pharaon donna à Salomon sa fille en mariage. III Reg.,
m, 1 . Voir Salomon.
9. LE PHARAON DE JÉROBOAM ET DE ROBOAM.
— Voir Sésac. L'Écriture lui donne le titre de roi et
non celui de Pharaon.
10. LE PHARAON ENNEMI D'ASA. — Il est appelé
« roi d'Ethiopie », II Par., xiv, 9, mais il était sans
doute aussi roi d'Egypte. Voir Zara.
11. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'OSÉE, ROI
D'ISRAËL. — Il est appelé roi d'Egypte. IV Reg., xvn,
4. Voir Sua.
12. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'ÉZÉCHIAS,
ennemi de Sennachérib. Is., xxxvi, 6. Voir Tharaca.
13. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE JOSIAS. —
Voir Néchao, col. 1547.
14. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE SÉDÉCIAS,
dont il est question dans Jérémie et dans Ézéçhiel.
Voir Éphrée, t. », col. 1882. C. Lagier.
PHARATHON (hébreu : Pir'âfôn ; Septante : *oc-
paôeiv; Alexandrinus : «PpaaOwv), ville d'Éphraïm,
patrie du juge Àbdon, fils d'IIlel, où il fot enseveli.
Jud., xn, 13-15. De là fut aussi Banaïas, un des vaillants
chefs de l'armée de" David. II Reg., xxiii, 30; 1 Par.,
xi, 31 ; xxvii, 14. Cette ville était bâtie sur la montagne
d'Amalec. Voir Amalec, t. i, col. 427. Elle fut plus tard
fortifiée, munie de murs élevés, de portes et de serrures,
par Bacchide, général de l'armée d'Antochius. I Mach.,
ix, 50. Quelques commentateurs ont douté si la <I>«pa-
8wvc des Machabées (Alexandrinus et Sinaiticus 2 :
*apa6eûv; Vulgate : Phara; Josèphe, Ant. jud., XIII,
i, 3 : "PapaOti) était identique à la Pharathon des
Juges, parce que les villes fortifiées par le général
gréco-syrien sont attribuées à la Judée. Mais la phrase
peut s'interpréter différemment : Il bâtit des villes fortes
en Judée et [en outre] les forteresses de Jéricho, etc. ;
ou bien la Judée est prise ici dans l'acception plus géné-
rale qui lui a été souvent attribuée de « pays d'Israël ».
Thamnata et Thopo (Taphua [?]), citées en ce passage,
n'appartiennent pas non plus à la province de Judée.
Pharatha, d'après le rabbin Estôri ha-Parchi (xui 8 siècle),
était située « à environ six heures de Sichem, à l'ouest
déclinant un peu au sud et appelée Fer'a((â'. » Caflor
va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1897-1899, p. 288.
Fer'atâ' est aujourd'hui un petit village de moins de
deux cents habitants, à douze kilomètres environ à
l'ouest-sud-ouest de Naplouse, l'ancienne Sichem. On
s'y rend de cette ville par deux sentiers escarpés, dif-
ficiles et formant de nombreux détours; et ce sont sans
doute ces difficultés qui ont induit l'écrivain juif en
erreur sur la distance réelle entre ces deux localités,
car on ne peut contester qu'il ne désigne la même loca-
lité. Fer'atâ' s'élève sur une colline de 555 mètres
d'altitude au-dessus du niveau de la mer Méditerranée.
Les belles pierres, régulièrement taillées que l'on voit
dans les murs des habitations modernes ou que l'on
trouve éparses aux alentours, attestent que le village ac-
tuel, s'il s'agit de Thamna d'Éphraïm, comme permet
de le croire l'ordre des villes procédant du sud au nord,
a succédé à une localité antique de quelque importance.
On rencontre aussi des sarcophages en pierre de
style grec et des tombes antiques. A sept ou huit cents
mètres, au nord-est du village, un petit sanctuaire,
musulman dédié à Youély Abou-Djoud est en grande
vénération dans le pays. L'identification d'Estôri repro-
duite par le rabbin Jos. Schwarz, Tebuoth ha-'Arez,
édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187, a été adoptée par
Ed. Robinson, beue biblische Forschungen in Palâstina,
Berlin, 1887, p. 175; Guérin, Samarie, t. n, p. 179-180,
et la plupart des palestinologues. Cl. R. Conder cepen-
dant identifie Far'affâ' avec Éptira, Jud., vi, 11, et
propose de voir Pharathon dans Fir'aûn. The sur-
vey of Western Palestine, Memôirs, t. n, p. 162-163,
164. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 137.
Fir'aûn est un grand village de sept à huit cents habi-
tants, situé à trois kilomètres au sud de Tûl-Karem, sur
une des collines qui bordent )a plaine côtière méditer-
ranéenne. Son nom procède sans doute de la même
étymologie que Fer'atâ' ; mais tandis que celui-ci con-
serve la forme historique arabisée du nom de Fer'atôn,
comme 'Anâtâ, par exemple, celle de 'Anafôt, on
s'expliquerait difficilement comment contrairement au
fait le plus constant dans la modification des noms
anciens en Palestine, ce serait le t intermédiaire qui
aurait disparu tout en laissant subsister la syllabe
finale on. La Chronique samaritaine (XII e siècle)
connaît déjà le nom de Fer'atâ dans sa forme actuelle
et en fait remonter l'origine à l'époque des Juges.
Suivant un récit légendaire, le lieu aurait été ainsi
appelé, de la racine fâra', parce que là, à l'occident
du mont sacre de Garizim, les Israélites dissidents par
PHARATHON — PHARISIENS
206
rapport à eux, se seraient retirés et « multipliés à
l'instar des rameaux d'un arbre touffu ». Chron. sa-
marit., ch. xli, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 41.
L. Heidet.
PHARATHONITE (hébreu : ' hap-Pir'd{ônî; Sep-
tante : 6 $ocpa6n>vÎT>]s; 6 "tapotfltovj), originaire de Pha-
rathon. Un des juges d'Israël, Abdon, Jud., xm, 13, 15,
et Banaïas, un des vaillants soldats de David, II Reg.,
xxm, 30; I Par., xi, 31; cf. xxvn, 14, étaient de Phara-
thon. Voir Pharathon.
PHARES, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites
qui ont des noms différents dans le texte hébreu.
1. PHARES (hébreu : Pérès, « brèche »; Septante :
«tapé;), fils de Juda et de Thamar et frère jumeau de
Zara. Voir Thamar. Au moment de la naissance, Zara
présenta le premier la main et la sage-femme y attacha
un fil cramoisi, mais il retira la main et son frère, qui
fut appelé pour cela Phares, sortit le premier. Gen.,
xxxviu, 28-30. Ces détails sont donnés par la Genèse, à
cause de l'importance des droits d'aînesse. Ces droits pa-
raissent avoir été donnés à Phares, car il est toujours
nommé le premier dans les listes généalogiques. Gen.,
xl vi, 1-2; Num., xxvi, 20; I Par., h, 4; Matth., i, 3. Ses
descendants furent bénis de Dieu, selon le souhait des
parents de Booz, Ruth, iv, 12, ils devinrent très nom-
breux; Phares fut la tige de la mission royale de David
et l'ancêtre de Notre-Seigneur. Matth., î, 3; Luc, m, 33.
La postérité de Juda forma quatre familles principales,
et Phares fut la souche de deux d'entre elles, celle des
Hesronites et celle des Hamulites, par ses deux fils
Hesron et Hamul. Num., xxvi, 20. Les deux autres fils
de Juda ne furent chefs que d'une famille chacun, Séla
de celle des Sélaïtes, et Zaré de celle des Zaréites. Num.,
xxvi, 20. La généalogie des descendants de Phares est
donnée, Ruth, iv, 18-22, jusqu'à David, et plus en détail,
I Par., h, 5, 9-m, 24, jusqu'après la captivité de Baby-
lone. Outre les rois de Juda, tous descendants de
Phares, les livres historiques de l'Ancien Testament
nous font connaître parmi les Pharésites, les généraux
de David, Jesboam, I Par., xxvii, 3, ainsi que Joab et
ses frères, Abisaï et Azaël. fils de Sarvia, sœur de
David, I Par., h, 16, qui descendaient de Phares au
moins par leur mère; leur père n'est nommé nulle
part dans l'Écriture. Du temps de Zorobabel, 468 des
fils de Phares habitèrent Jérusalem. II Esd., xi, 4-6.
Cf. I Par., ix, 4.
2. PHARES (hébreu : Péréë ; Septante : $apsç), le
premier nommé des fils que Machir eut de Maacha. Il
était de la tribu de Manassé. I Par., vu, .16.
3. PHARES, un des mots prophétiques qui furent
écrits sur la muraille de la salle du festin de Baltassar.
Voir Baltassar 2, t. i, col. 1421-1422.
PHARÉSITES (hébreu hap-Parsî ; Septante^ : Stjiio;
ô «fcapein; Vulgate : Pharesitse), descendants de Phares,
fils de Juda. Num., xxvi, 20. Voir Phares, 1.
PHARIDA (hébreu : Perîdâ', IIEsd., ix, 57 ; Peràdâ',
I Esd. ,n, 55; Septante : *epi8â, II Esd., ix, 57; 4>a8oupâ,
I Esd., H, 55), éponyme d'une famille de « serviteurs de
Salomon » qui retournèrent de la captivité de Babylone
en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 55; II Esd., ix,
57. Dans le premier passage, ta Vulgate écrit Pharuda,
conformément à l'orthographe du texte original. Les
« serviteurs de Salomon » étaient des Nathinéens.
Voir Nathinéens. t. iv, col. 1486.
PHARISIENS. — I. Les sources. — Tout ce que
nous savons des pharisiens — ou à peu près — nous
vient de Josèphe, du Talmud et du Nouveau Testament.
Josèphe parle souvent des pharisiens et les passages
qui suivent sont surtout à étudier : Bell, jud., II.
vm, 14; Ant. jud., XIII, v, 9; XIII, x, 5-6; XVII,
h, 4; XVIII, i, 2-4; Vita, 2, 38. Le portrait qu'il nous
en trace est doublement précieux, parce qu'il est d'un
contemporain et d'un homme qui fut quelque temps
affilié au pharisaïsme. Malheureusement, l'historien
juif, désireux d'être compris de ses lecteurs païens,
nous les présente comme une école philosophique, les
assimilé aux stoïciens et les met constamment en oppo-
sition avec les sadducéens et les esséniens, qui seraient
d'après lui des sectes (a!pi<reiç) du même genre. Ces
réserves faites, les détails qu'il nous donne sont fort
instructifs et trouvent dans les faits leur confirmation.
— Le Talmud contient, de nombreux détails sur les
pharisiens, principalement dans leur contraste avec
les sadducéens et le vulgaire Çam hâ'-ârès). On trou-
vera dans Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes,
2» édit., t. il, Leipzig, 1898, p. 384-388, les textes de la
Mischna à ce sujet. Bien que la Mischna n'ait été
rédigée dans son état actuel que vers la fin du second
siècle, par Juda le Saint, beaucoup de parties sont an-
térieures et supposent l'existence du temple. Mais ce
qu'il y a dans le Talmud (Mischna, Ghemara et Mi-
drasch) de plus intéressant que les textes particuliers,
c'est l'esprit pharisaïque dont il est imprégné d'un
bout à l'autre. Non seulement le Talmud est l'œuvre
des pharisiens, mais il peut être regardé comme
l'image vivante et l'incarnation du pharisaïsme. — Les
allusions du Nouveau Testament aux pharisiens ne
sont qu'accidentelles et les informations qu'elles nous
fournissent ne sont le plus souvent qu'indirectes. Mais
les pharisiens jouent un tel rôle dans l'histoire évangé-
lique et apostolique que cette source de renseigne-
ments devient pour nous d'une très haute importance.
Les récits et les discours de l'Évangile éclairent d'un
jour très vif les données étrangères et trouvent aussi en
elles leur commentaire et leur explication.
II. Les noms des pharisiens. — Le mot « pharisiens »
est en hébreu n>tfns, en araméen ptfns, état empha-
tique nwis, d'où vient le grec «Sapiaaîot. C'est donc
le participe passif de wns, paras, « séparer » ; et la seule
question est de savoir si les pharisiens sont ainsi appelés
parce qu'ils s'éloignent des choses impures, capables
de produire une souillure légale, ou parce qu'ils se sé-
parent des personnes dont le contact et le commerce
les souilleraient. Une raison d'adopter le premier sens
pourrait être que le dérivé fvtfHs ou rwHS signifie
l'éloignement des choses impures, l'exemption de toute
impureté. Mais des raisons plus puissantes militent en
faveur du second sens. D'abord l'éloignement des choses
impures entraine nécessairement l'éloignement des
personnes impures, c'est-à-dire de celles qui n'observent
pas les prescriptions relatives aux aliments ou aux
contacts impurs. Ensuite toute l'histoire des pharisiens
nous les montre séparés du vulgaire et formant entre
eux une sorte de cercle fermé. Enfin les écrivains an-
ciens adoptent unanimement cette acception. Clémen-
tine hom., xi, 28, t. h, col. 296 (les pharisiens et les
scribes ot elaiv àjKopKT(iévot); Origène, In Matth., xxm,
2, t. xm, col. 1611 (dividunt seipsos quasi meliores a
multis... qui interpretantur divisi et segregati) ; In
Matth., xxm, 23, t. xm, col. 1626 ; lbid., xxm, 29, t. xm,
col. 1633 (recte Pharisaei sunt appellati, id est prsecisi) ;
In Joa., vi, 13, t. xiv, col. 240 (5uipr,(i£vo'. tivs-
xai araatwêsi:); lbid., xm, 54, t. x'iv, col. 504;
Pseudo-Tertullien, Contra hser., à la fin du De prse-
script., t. il, col. 61 [additamenta quœdam legi ad-
struendo a Judseis divisi sunt) ; S. Épiphane, Cant.
hœr., xvi, 1, t. xli, col. 249 (sXsfovTO lï "tapiaaîm
Stoc tô àfopc<7(tévou< eîvat aûroù; àna tôv 3).)*>v); S. Je-
207
PHARISIENS
208
rôme, Adv- Luciferian:, 23, t. ssiii, col. 178 (Pharisaei
a Judseis divisi, propter quasdam observatiohes super-
fluas, nomen quoque a dissidio susceperunt); Jn
Matth., xxn, 23, t. xxvi, col. 163 (unde et divisi vocaban-
tur a populo). Le Talmud donne de l'étymologie du
nom des pharisiens la même explication. On peut voir
les passages dans le Lexique de Buxtorf et la définition
des pharisiens dans l'Aruch. — Le sens du mot « pha-
risien » étant « séparatiste », il n'est guère probable
que les pharisiens eux-mêmes se soient donné ce nom;
ils finirent par l'accepter; mais tout porte à croire qu'il
leur fut attribué d'abord par leurs adversaires. En effet,
selon toute apparence, les pharisiens apparaissent pour
la première fois dans l'histoire sous le nom de a>TDn,
hàsîdîm, « les hommes pieux », lors du soulèvement des
Machabées, Le nom de pharisiens est encore relativement
rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux
fois), il est mis dans la bouche des sectes hostiles. En-
fin nous savons que les pharisiens s'appelaient entre
eux nnan, hâbêrîm, « associés ou compagnons ». — Un
fait très digne de remarque et trop peu remarqué, c'est la
synonymie apparente, dans le Nouveau Testament, entre
scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les
pharisiens sont très souvent nommés ensemble comme
une classe à part, mais ce qu'un Évangile attribue à
un pharisien est par un autre Évangile attribué à un
scribe ou réciproquement. C'est que, à l'époque néo-
testamentaire, les scribes appartenaient en général au
parti pharisien; aucun scribe sadducéen n'a laissé un
nom dans l'histoire et cela n'est pas pour surprendre,
car les sadducéens rejetant toute tradition, le métier de
scribe était chez eux presque réduit à rien. Tous les
pharisiens n'étaient pas scribes, puisqu'on distinguait,
même parmi les pharisiens, l'ignorant (îs'uin) et le sa-
vant (nsn), mais à peu près tous les scribes étaient
TT
pharisiens. Cependant les Evangélistes ont conscience
que les mots « scribes » et « pharisiens » ne sont pas
pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils men-
tionnent les pharisiens à côté des scribes, Matth., xn,38;
xv, 1; xxm, 2, 13, 14, 15, 23, 25, 27, 29; Marc, vn, 1,
5; Luc, v, 21, 30; vi, 7; xi, 53; xv, 2; cf. Act., v, 34.
Ils signaient même quelquefois les scribes appartenant
auparti pharisien, Marc, il, 6 (oi ypocfifiateîç t<5v <3>apt-
ffat'wv); cf. Luc, v, 30. Saint Jean ne parle pas des
scribes, sauf une fois dans l'épisode de la femme adul-
tère, vm, 3. Saint Luc emploie le mot -fpoc[j.[j.3(Teij; con-
curremment avec vo[uxô; et vofio8i8â<7xaXo;. Voir ScRI-
bes et Sadducéens.
III. Historique. — 1° Origine des pharisiens. —
L'esprit de séparation, si caractéristique des pharisiens,
commence à se manifester chez les Juifs revenus de
l'exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. Dès cette
époque, la terminologie usitée dans la suite entre en
vigueur, quoique dans un sens différent. Obéissant aux
exhortations d'Esdras et de Néhémie, les Israélites dé-
vots se séparent des habitants du pays ('am hâ'ârés),
c'est-à-dire des païens ou des Juifs infidèles qui étaient
restés en Judée après la déportation. I Esd., VI, 21;
IX, 1; x, H; II Esd., ix, 2; x, 29. Mais les pharisiens
proprement dits, qui se séparent de la masse du peuple
trop peu zélée pour l'observation rigoureuse de la loi,
ne remontent pas si haut. Leur première apparition a
lieu lors de la grande persécution entreprise par les
rois de Syrie en vue d'helléniser la Palestine. En mon-
tant sur le trône (175 avant J.-C), Antiochus Épiphane
avait juré d'exterminer la religion juive, et il fut puissam-
ment secondé dans ce dessein par la lâcheté et l'ambition
d'un certain nombre de personnages influents apparte-
nant au sacerdoce, entre autres les grands-prêtres
Jésus, surnommé Jason, etMénélas.EnlTO, lé monarque
"sacrilège avait pénétré dans le lieu saint et enlevé le
trésor du Temple. Peu de temps après il interdisait la
circoncision, la célébration du sabbat, les sacrifices, en
un mot tout le culte judaïque. Le 15 du mois de cas-
leu, un autel de Jupiter Olympien remplaça dans le
Temple l'autel de Jéhovah, et le 25 du même mois on y
immolait des victimes. Cette profanation fit éclater le
soulèvement des Machabées qui trouvèrent bientôt un
ferme appui dans un parti qui s'était formé un peu
auparavant pour résister à l'hellénisme et pour mainte-
nir intacte la religion mosaïque. Les Assidéens, amen,
oi 'AfftSaïoi, « les hommes pieux » — c'est ainsi qu'on
les nommait et qu'ils s'étaient peut-être nommés eux-
mêmes — sont les ancêtres des pharisiens ou pour
mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom près, des
pharisiens. Depuis Wellhausen, Die Pharisâer und
die Sadducâer, Greifswald, 1874, p. 78-86, l'identité est'
généralement admise. Cf. I Mach. î, 65-66; n, 42; vu,
12-13; II Mach. xiv, 6. Cohen, Les Pharisiens, t. i,
p. 106, émet l'hypothèse que les assidéens, en dispa-
raissant, donnèrent naissance aux deux sectes des pha-
risiens et des esséniens : « Une fraction (les assidéens)
restant fidèle à la tradition naziréenne, se réfugia,
contre les orages de ces temps malheureux, dans un
ascétisme obstiné. L'autre fraction (les pharisiens) — et
ce fut la plus nombreuse — se séparant de ses frères
en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en
avant d'un pas résolu, aspirant ouvertement à diriger
dans les voies nouvelles le judaïsme réformé. » Si l'ori-
gine assignée aux esséniens est très contestable, la
descendance des pharisiens du vieux parti assidéen
semble établie.
2° Les pharisiens sous les Asmonéens. — C'est sous
le roi Jean Hyrcan] (135-105) que les pharisiens appa-
raissent pour la première fois dans l'histoire sous là
dénomination de pharisiens. Voici comment Josèphe,
Ant. jud., XIII, x, 5-6, raconte l'anecdote. Dans un
festin, où les principaux d'entre les pharisiens étaient
invités, le roi pria les convives de ne pas lui ménager
leurs conseils. Pendant que les autres se récriaient,
en exaltant à l'envi les vertus du monarque, un des
assistants, nommé Éléazar, lui dit que ce qu'il aurait
de mieux à faire pour plaire à Dieu serait de se dé-
mettre du souverain pontificat. Comme ■ le roi en de-
mandait la raison : « C'est, ajouta l'autre, qu'au rap-
port des anciens ta mère a été captive. » Un saddu-
céen, présent à la scène, lui insinua alors que pour
sonder les véritables sentiments des pharisiens à son
égard il n'avait qu'à leur demander quel supplice mé-
ritait l'insolent. Tous opinèrent, non pas pour la mort,
mais poor la pfison ou la peine du fouet; et le roi
jugeant par là qu'ils lui étaient hostiles et qu'ils pre-
naient secrètement parti pour le coupable, se déclara
désormais contre eux et se jeta dans les bras des sad-
ducéens. D'après le Talmud de Babylone le fait se
serait passé sous Alexandre Jannée (104-76). Sur l'avis
d'un sadducéen du nom d'Éléazar, le roi aurait feint de
vouloir se démettre du pontificat afin de savoir ce que
les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnant
dans lefpiège, lui aurait dit : « roi, contente-toi de la
couronne royale et laisse la couronne des pontifes aux
descendants d'Aaron. » A ces mots, Alexandre Jannée
aurait fait mettre à mort tous les pharisiens. Des deux
anecdotes la dernière est certainement la plus invrai-
semblable. Voir E. Montet, Le premier conflit entre
pharisiens et sadducéens d'après trois documents
orientaux, Paris, 1887. Ces récits légendaires peuvent
contenir un fond de vérité. Les pharisiens ne pou-
vaient pas voir de bon œil les Asmonéens usurper et
retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les
visées profanes et les ambitions mondaines de Jean
Hyrcan n'étaient point pour leur plaire. Les cruautés
de ses deux fils et successeurs immédiats, Aristobule
et Alexandre, n'étaient pas non plus de nature à les
concilier et ils avaient contre ces deux princes un grief
209
PHARISIENS
210
nouveau, celui d'avoir ajouté à la qualité de pontife le
titre de roi que Jean Hyrcan n'avait pas osé prendre.
A la mort d'Alexandre Jannée, les pharisiens rentrèrent
en faveur. Ici encore il fout, dans le récit de Josèphe,
faire la j>art de la légende. Sur le conseil du monarque
expirant, sa femme Alexandra se serait livrée aux
mains des pharisiens, leur permettant de réparer à leur
gré les injustices de son mari, sans épargner sa
mémoire ni même son cadavre. Touchés de ces
avances, les pharisiens auraient accordé au roi défunt
de magnifiques funérailles et pris sous leur protection
ses deux enfants Aristobule et Hyrcan qui lui succé-
daient, celui-ci comme roi, celui-là comme pontife.
Ant. jud., XIII, xv, 5; xvi, 2 ; Bell, jud., I, v, 1-2.
Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirèrent
une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre
Jannée s'était servi pour les persécuter. Les massacres
et les exils arbitraires leur aliénèrent bientôt lescœurs
et furent pour beaucoup dans la révolution qui fit pas-
ser le sceptre des mains d'Hyrcan II à celles d'Aristo-
bule et qui amenèrent, avec l'intervention de Pompée,
la perte de l'autonomie juive. Dans les temps troublés
qui suivirent on n'entend plus parler des pharisiens.
Ils rentrent en scène à l'avènement d'Hérode auquel
six mille d'entre eux refusent le serment de fidélité.
Frappés d'une forte amende et plusieurs même punis
de mort, ils restent en défaveur durant tout ce règne;
mais leur crédit auprès du peuple n'en devenait que
plus grand. Ant. jud., XVII, n, 4. A partir d'ici les
pharisiens, grâce au Nouveau Testament et au Talmnd,
apparaissent en pleine lumière historique; mais toute'
la période précédente est fort obscure, parce que les
pharisiens, qui par leurs scribes et leurs légistes se
trouvaient maîtres de la littérature, ont enseveli dans
un silence systématique la dynastie des Asmonéens.
Judas Machabée lui-même est à peine nommé dans le
Talmud et l'on ne fait exception que pour le chef de
la famille Matathias. Voir Gaster, The Scroll of the
Hasmonseans (Megillath Bene Hashmunai), dans Trans-
actions of the ninth internat. Congress of Orienlalists,
t. il, Londres, 1893, p. 3-32.
IV. Doctrines des pharisiens. — 1» Les pharisiens
et les traditions. — Les pharisiens, dit Josèphe, se
faisaient remarquer par leur exacte interprétation de
la Loi, Bell, jud., II, vm, 14 : oî (ircà àypiëei'a? Boxoîv-
xeç é$7|Ysï<T6a! zk vô;j.t|xa. Cf. Yita, 38; Ant. jud., XVII,
II, 4. Nous le savions déjà par saint Paul qui s'ex-
prime presque dans les mêmes termes. Act., xxn, 3;
Xxvi, 5; Php., m, 5. Mais ce qui les distinguait des
sadducéens, c'était l'admission de la tradition orale qui
interprétait et au besoin complétait la Loi, tandis que
les sadducéens, en principe du moins, refusaient de
rien reconnaître en dehors de la Loi écrite. Josèphe,
Ant. jud., XIII, X, 6 : Notifia tsvoi TrapéBoaav tw frrîu.fj>
ot «tapiuafoi èx naTÉptov SiaBovJjç, âitep oùx âvaY^YP*' nTOt '
lt toîç MwuTÉwç v(S|i.oi(. Les Évangélistes mettent aussi
en relief ce caractère des pharisiens. Matth,, XV, 2;
Marc, vir, 3. Le Talmud va jusqu'à dire qu'on est moins
coupable en allant contre la Thora qu'en rejetant les
prescriptions des scribes. Sanhédrin, XI, 3; cf. Abolh,
m, 11; v, 8. Repousser ces traditions c'était rompre
ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud., XIII,
Xvi. 2. Geiger, Sadducàer und Pharisàer, dans Jud.
Zeilschrift, t. n, 1863, est donc bien mal inspiré lors-
qu'il prétend que le pharisaïsme était l'image anticipée
du protestantisme. — Les traditions se divisaient en tra-
ditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques
(llagada). Voir Midrasch, t. iv, col. 1078-1079. Sur les
unes et sur les autres on peut consulter Schûrer, Ges-
chichte des jûdischen Volkes, 3 e édit., t. m, 1898, p. 330-
350. Pour constater à quelles minuties puériles descen-
dait la casuistique des pharisiens, il n'y a qu'à parcourir
l'ouvrage de J. de.Pauly et Neviasky, Rituel du judaïsme,
Orléans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments pré-
parés par un païen. De la vaisselle d'un païen.
2° Les pharisiens et la théologie. — Les pharisiens
et les sadducéens étaient en désaccord sur trois points
principaux : l'immortalité de l'âme, la résurrection des
justes et le libre arbitre. — A) L'immortalité de l'âme.
— Les sadducéens étaient matérialistes : ils n'admet-
taient ni anges, ni esprits. Act., xxm, 8. Ils affirmaient
que l'âme périt avec le corps. Josèphe, Bell, jud., II,
vin, 14; Ant. jud., XVIII, i, 4: SaSôouxaîoiç toç ipuxàç 6
Xriyo; ouvafœvsïs! toi; ow|jiaTtv. Les pharisiens au con-
traire étaient spiritualistes : ils admettaient la survi-
vance des âmes, celles des méchants comme celles des
bons. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3: 'AOàvarov îa-xùv
zaXi <|'U)C a 'C otttc; aÙTOÏç sïvai. — B) La résurrection
des justes. — Il est évident que pour les sadducéens il
ne pouvait être question de résurrection, puisque l'âme
ne survivait pas. Matth., xxn, 23; Marc, su, 18, Luc, XX,
27; Act., xxiii, 8. Les pharisiens, de leur côté, ensei-
gnaient bien que les méchants sont punis dans l'autre
monde, mais ils réservaient aux justes seuls le privi-
lège de la résurrection. Josèphe exprime cela en
termes qui rappellent la métempsychose des platoni-
ciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell,
jud., II, Vin, 14 : 'J^CT 7 t5"*v nèv ctçOapTov (leTaêatveiv
SI sïî ÊTepov aw(i.x ttjv ifaHCiv p.ôvr)V, zhç & xwv çaiXwv
iï'Siui Tijxwpi'a xoXàÇsaôai. Mais ce texte est mis en lu-
mière par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui
présente le dogme de la résurrection sous un jour
orthodoxe, le seul qui cadrât avec les idées juives. —
C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josèphe
est des plus confuses, parce qu'il revêt les concepts
sémitiques d'une terminologie hellénique. A l'en croire,
les esséniens auraient fait tout dépendre du destin; les
sadducéens, tout rapporté au libre arbitre; les phari-
siens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud-,
XIII, V, 9 : Tivà xat où navra ttiç d[iapiiévï)ç spyov eïvai
XéYouotv Tivà 6'ètp' Ioutoî-ç iicapxeiv aujiëaiveiv ts xoù (jlti
yivca-Sat. Sans même parler de ce schématisme suspect,
la notion du destin est tellement contraire aux idées
sémitiques qu'il est difficile de deviner ce que Josèphe
a voulu dire. Peut-être se rapprocherait-on de la vérité
en remplaçant le destin par la grâce et le secours de
Dieu ou encore par la providence et la prédestination.
Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve,
Bell, jud., II, vm, 14 : sinap|jilvT) xe xal Weôi irpouàn-
Toycn TcavTJt, xal tô ^èv 7rpaTre[v rot ôt'xata xa\ ^tj *arà
zh jtXsïïxov éiti zoXç àvpOwiroiç X£îa6at, (HotiBeïv Bè elç
É'xaaxov xal t^v stjj.apjAlvi'iv. D'après cela, les esséniens
auraient été fatalistes ou mieux prédestinationistes, les
sadducéens auraient été rationalistes et précurseurs de
Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et
sauvegardé le libre arbitre de l'homme tout en recon-
naissant la nécessité du concours divin. Mais, encore
une fois, il convient de se défier de ce schématisme.
3° Les pharisiens et la politique. — Aux yeux des
pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils
jamais, à proprement parler, un parti politique. Les
assidéens, leurs ancêtres, s'étaient ralliés aux Macha-
bées aussi longtemps que l'indépendance de la patrie
fut une condition essentielle de la liberté religieuse.
Ce résultat obtenu, ils se retirèrent peu à peu de la
lutte et ne suivirent jamais les Asmonéens dans leurs
visées ambitieuses de domination et d'agrandissement.
Il n'est pourtant pas tout à fait exact de dire que les
pharisiens, par principe et comme parti religieux, fai-
saient abstraction de la politique. Il y eut toujours
parmi eux deux courants opposés : les uns acceptaient
le fait accompli et se soumettaient à la domination
étrangère, comme à un châtiment divin, aussi longtemps
que la liberté religieuse leur était accordée, n'attendant
un sort meilleur que d'un événement providentiel; les
autres, regardant le joug de l'étranger comme essentiel-
211
PHARISIENS
212
lement contraire à la théocratie judaïque et aux privi-
lèges d'Israël, épiaient toutes les occasions de révolte
et comptaient parmi les zélotes les plus ardents. On vit
ces deux tendances rivales se manifester lors de l'avè-
nement d'Hérode et au moment du grand soulèvement
national de l'an 66 de notre ère.
V. Les pharisiens et l'Évangile. — 1° Prélude aux
hostilités entre Jésus et les pharisiens. — A) Saint
Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les
pharisiens étaient les ennemis-nés de quiconque ga-
gnait l'estime ou les sympathies du peuple. Leur atti-
tude à l'égard du Baptiste fut une sourde défiance et
peut-être une hostilité déclarée. Pendant que toutes
les classes de la société accouraient en masse au Jour-
dain pour y recevoir le baptême du Précurseur, les
pharisiens et les sadducéens s'y rendaient aussi, mais
pour l'épier et le prendre en faute. C'est du moins
l'impression laissée par le récit de saint Matthieu rap-
portant les paroles sévères que leur adresse Notre-Sei-
gneur, m, 7 : « Race de vipères, qui vous a enseigné à
fuir la colère imminente? Faites donc de dignes fruits
de pénitence. » Dans saint Luc, m, 7, ces paroles sont
adressées à la foule en général ; mais le premier Évan-
gile nous montre qu'elles visaient principalement les
pharisiens et les sadducéens. Nous ne voyons pas ce-
pendant qu'ils aient trempé dans le complot contre la
vie du Baptiste : les rancunes d'Hérode Antipas et la
haine d'Hérodiade prévinrent leur vengeance.
B) Origine du conflit entre Jésus et des pharisiens.
-r Le solennel témoignage que Jean rendit à Jésus
dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens; mais il
n'était pas besoin de cela pour exciter leur antipathie.
Ils ne pouvaient manquer de s'apercevoir que la popu-
larité du nouveau thaumaturge amoindrissait leur
influence et que sa doctrine était le contrepied de leur
enseignement. Le discours sur la montagne contient
déjà la condamnation de leur formalisme, v, 20 : « Je
vous le dis, si votre justice n'est pas plus abondante
que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez
pas dans le royaume des cieux. » L'autorité avec la-
quelle Jésus enseignait faisait l'admiration des foules
qui ne pouvaient s'empêcher de la mettre en contraste
avec la manière sournoise et embarrassée des scribes
et des pharisiens. Matth., vu, 18-29; cf. Marc, i, 22.
Ceux-ci avaient dû remarquer dans tout le Sermon sur
la montagne, en particulier dans le parallèle entre
l'ancienne et la nouvelle loi, Matth., v, 17-48, un anta-
gonisme latent dirigé contre eux, et la déclaration de
Jésus qu'il n'était pas venu abolir la loi mais l'accom-
plir ou la compléter, n'était pas faite pour les rassurer.
Le conflit, désormais inévitable, éclata à l'occasion de la
guérison du paralytique. Avant de lui rendre la santé
du corps, Jésus lui avait dit : « Mon fils, tes péchés te
sont remis. » Et les pharisiens présents de s'écrier
aussitôt : « Celui-là blasphème : qui peut remettre les
péchés si ce n'est Dieu seul ?» A la vérité, saint Matthieu,
vin, 3, et saint Marc, n, 6, ne mentionnent en cet endroit
que les scribes, mais saint Luc nomme expressément les
scribes et les pharisiens, v, 21 , ou ce qui est pour lui la
même chose les pharisiens et les docteurs de la loi
(vo[Ao8i8â<Tx«Xo0t et il ajoute qu'ils étaient venus de la
Galilée, de la Judée et de Jérusalem, v, 17, sans aucun
doute dans des vues malveillantes.
2» Lutte ouverte entre Jésus et les pharisiens. —
A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs princi-
paux sont rapportés par les Synoptiques dans le même
ordre et rattachés aux mêmes circonstances extérieures ;
mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux
derniers, divers événements, il n'est pas sûr que les
Évangélistes entendent marquer une succession chro-
nologique. — a) Premier grief : rémission des péchés.
La guérison du paralytique amena le premier conflit
entre Jésus et les pharisiens. Quand Jésus dit à l'infirme :
n Confiance, mon fils, tes péchés te sont remis, » ils
s'écrièrent : « Celui-là blasphème ! » et le miracle fait in-
continent par le Sauveur ne leur dessilla point les yeux.
Matth., ix, 1-8; Marc, n, 1-12; Luc, v, 11-26. Saint Mat-
thieu et saint Marc attribuent cette réflexion aux scribes ;
-saint Luc, aux scribes et aux pharisiens : la variante
est sans importance. — 6) Deuxième grief : fréquen-
tation des pécheurs. Peu de temps après, Jésus et ses
disciples assistaient au festin donné par saint Matthieu
récemment converti. Les pharisiens se scandalisèrent
de les voir en compagnie de païens et de publicains ;
mais Jésus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce
ne sont pas les hommes. bien portants qui ont besoin
du médecin, mais les malades... Je suis venu- appeler
les pécheurs (à la pénitence) et non pas les justes. »
Matth., ix, 9-13; Marc, n, 13-17; Luc, v, 27-32. Ici
saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens; les deux
autres Synoptiques nomment les pharisiens et les
scribes. Dans la même occasion, on fit un grief à Jésus
de ne pas jeûner, lui et ses disciples. Saint Matthieu,
il est vrai, ix, 14, attribue ce reproche aux disciples de
Jean-Baptiste; mais la manière dont le grief est for-
mulé montre que ces disciples de Jean-Baptiste étaient
de connivence avec les pharisiens ou qu'ils étaient pha-
risiens eux-mêmes. En effet, Marc, n, 18, et Luc, v, 33,
mentionnent expressément les pharisiens. — c) Troi-
sième grief : violation du sabbat. Il est très vraisem-
blable que les pharisiens, si pointilleux sur l'observa-
tion exacte du sabbat, incriminèrent souvent la con-
duite de Jésus. Les Synoptiques rapportent à ce sujet
deux faits caractéristiques, qu'ils racontent dans le
même ordre et à peu près dans les mêmes termes. Un
jour de sabbat, les disciples traversant un champ de blé
presque mûr arrachaient quelques épis pour apaiser leur
faim et les mangeaient après les avoir broyés dans leurs
doigts. Aussitôt les pharisiens de crier à la violation du
repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les
disciples cueillir quelques épis dans un champ étran-
ger — car l'usage et la Loi elle-même le permettaient
— mais de les voir préparer leur nourriture un jour
de sabbat, contrairement à leur absurde interprétation
de la Loi. Jésus leur répond qu'ils ne comprennent
rien à l'esprit de la législation : Miseric'ordiam volo
et non sacriflcium ; que la Loi n'est pas faite pour les
cas de nécessité, comme le prouve l'exemple de David
consommant les pains de proposition; que d'ailleurs
le Fils de l'Homme est maître du sabbat et peut en dis-
penser qui il veut. Matth., xn,l-8; Marc,n, 23-28; Luc,,
vi,.l-6. — L'autre fait met encore plus en relief l'aveugle
prévention des pharisiens. Jésus allait guérir un para-
lytique : il lui suffisait pour cela d'une parole et
d'un acte de volonté. Or, les pharisiens s'indignaient
d'avance de cette prétendue violation du sabbat. Le Sau-
veur les confond en leur rappelant qu'ils n'hésitent
pas eux-mêmes à relever une brebis tombée dans un
fossé. Combien plus est-il permis de soulager un
malheureux. Matth., xii, 9-14; Marc, m, 1-6; Luc, vi,
6-11.
B) Les embûches des pharisiens. — Plusieurs fois les
pharisiens, soit seuls soit unisaux sadducéens, essayèrent
de prendre Jésus en défaut et de le faire tomber dans
un piège. Après le miracle de la multiplication des sept
pains, ils lui demandent « un signe dû ciel ». Marc et
Matthieu notent expressément que c'était pour le
« tenter ». Marc, vm, 11 (îtsipdtïovTeî aîiriv); Matth.,
xvi, 1. Jésus, qui accomplissait sous leurs yeux prodige
sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosité malveil-
lante et mit aussitôt en garde ses disciples contre « le
levain des pharisiens et d'Hérode », comme parle Marc,
vin, 15, ou contre « le levain des pharisiens et des
sadducéens », comme s'exprime Matthieu, xvi, 6, ce
qui montre que les ennemis du Sauveur s'étaient déjà
coalisés. Ils espéraient, si Jésus ne faisait pas droit à
213
PHARISIENS
214
leur requête, persuader aux foules que c'était un faux
prophète^incapable de prouver sa mission divine. — La
seconde embûche fut encore mieux tendue . Ils lui deman-
dèrent s'il était possible de renvoyer sa femme pour
n'importe quel motif. Ils étaient sûrs de sa réponse né-
gative et par conséquent assurés de le mettre en con-
tradiction avec la loi de Moïse qui avait autorisé le
divorce, Marc, x, 2-11 ; Matth.. xix, 1-9; Jésus répéta
ce qu'il avait dit dans son sermon sur la montagne,
Matth., v, 31-32; cf. Luc, xvi, 18, rejetant la tolérance
du divorce sur l'imperfection de la loi mosaïque et sur
la dureté de cœur des Juifs. — La conspiration la mieux
ourdie fut cependant la troisième. Fallait-il ou non
payer le tribut à César? Matth., xxu, 15-22; Marc, xn,
13-17; Luc, xx, 20-26. En disant non, Jésus se posait
en adversaire de l'ordre de choses établi et devenait
criminel politique ; en disant oui, il s'aliénait les sym-
pathies d'un grand nombre de ses auditeurs. On pourrait
deviner, alors même que saint Matthieu, xxu, 16, et
saint Marc, xn, 13, n'en feraient pas mention expresse,
que les partisans d'Hérode étaient ici de concert
avec les pharisiens. Mais les sadducéens eux-mêmes
n'étaient pas loin; car ils vinrent à la rescousse dès
que Jésus eut fermé la bouche à ses autres adversaires
et essayèrent de l'embarrasser sur le dogme de la ré-
surrection en lui posant le cas d'une femme qui aurait
eu successivement sept maris. Matth., xxu, 34-40; Marc,
xn, 28-34; Luc, xx, 39-40. Presque aussitôt après, un
scribe ou légiste voulut savoir quel était le plus grand
des commandements. Le récit de saint Marc, xn, 28, 34,
ne fait pas supposer d'intentions malveillantes, mais
celui de saint Matthieu, xxu, 35-40, note le dessein de
prendre Jésus en défaut (raipdtÇwv aiktfv). A partir de
ce jour les scribes et les pharisiens cessèrent de « ten-
ter » Jésus. Matth., xxu, 46. Mais la mesure de leurs
iniquités était comble et leur condamnation était prête
à fondre sur eux. Cf. Luc, xvni, 10-14.
3° Le dénouement de la lutte. — A) Le grand dis-
cours contre les pharisiens. — Ce fut seulement deux
ou trois jours avant sa passion, que Jésus prononça le
terrible réquisitoire enregistré par les Évangélistes. Ce
discours est placé par les trois Sypnoptiques en con-
nexion avant la dernière tentative des pharisiens; mais
tandis que saint Marc et saint Luc se contentent de
l'indiquer sans le reproduire, Marc, xn, 38-40, Luc,
xx, 45-57, saint Matthieu lui donne un développement
et une forme schématique, où l'on ne peut nier le des-
sein de résumer et de coordonner les principales ac-
cusations du Sauveur contre ses perfides ennemis. Sept
fois Jésus renouvelle ses objurgations en commençant
toujours par la formule : « Malheur à vous, scribes et
pharisiens hypocrites. » Matth., xxm, 13, 15, 23, 25, 27,
29. Une seule fois, f. 16, la formule change : Vse vobis
duces cseci. Le huitième vas qui se trouve dans la Vul-
gate et dans un certain nombre de manuscrits grecs,
j>. 14, est très probablement interpolé d'après Marc, xn,
20, et Luc, xx, 47; en effet, non seulement il fait défaut
dans les meilleurs manuscrits, mais il interrompt évi-
demment la suite des idées. — Jésus-Christ reproche
aux Pharisiens : 1» de fermer aux autres le royaume
des cieux, c'est-à-dire l'accès de l'Église, sans y entrer
eux-mêmes; 2° de parcourir la terre et les mers à la
recherche d'un prosélyte pour en faire un fils de per-
dition; 3° d'enseigner que le serment fait par le
Temple ou par l'autel est invalide et que le serment
fait par l'or du Temple ou par la victime posée sur
l'autel est valide; 4» de payer exactement la dime de la
menthe, de l'anis et du cumin et de négliger la justice
et la miséricorde ; 5° de laver soigneusement les vases
et les ustensiles et de compter pour rien l'impureté de
l'âme; 6" de ne faire attention qu'à l'extérieur et aux
dehors et d'être, au fond du cœur, comme des sépul-
cres blanchis; 7° d'élever aux prophètes de ma-
gnifiques tombeaux et de les persécuter ou de les
mettre à mort. Il termine par cette accablante apos-
trophe : « Serpents, race de vipères, comment échap-
perez-vous à la condamnation de la géhenne? » On
peut lire dans les commentaires de Knabenbauer, de
Schegg ou de Schanz, les textes rabbiniques justifiant et
expliquant ces imputations du Sauveur. Voir M c Klin-
tock, Cyclopsedia of biblical... Literature, t. vm, 1889,
p. 69-70, des détails curieux sur les cas d'impureté lé-
gale et le payement des dîmes.
B) La revanche des pharisiens. — Une circonstance
assez significative c'est que, dans les jours qui précèdent
immédiatement la passion, les pharisiens cessent de se
montrer. Dans le récit même de la passion, les Évangé-
listes ne les nomment plus (sauf Jean, xvm, 3, pour
l'expédition nocturne de Gethsémani et Matthieu, xxvn,
62, quand il s'agit de faire garder le sépulcre). Il les
remplacent par -, les scribes, c'est-à-dire par les repré-
sentants des pharisiens au sein du sanhédrin. U est
remarquable que les sadducéens s'effacent aussi et que
les princes des prêtres, c'est-à-dire les chefs du parti
sadducéen, qui entraient dans le sanhédrin, prennent leur
place. Maintenant les scribes et les princes des prêtres
sont pleinement d'accord contre leur commun adversaire.
Ils ont su gagner les anciens, les notables qui ne sont
ni scribes ni prêtres et qui forment un tiers du san-
hédrin. La coalition des adversaires de Jésus datait de
loin. Dès le début du ministère public, les pharisiens
s'étaient concertés avec les hérodiens sur les moyens de
le perdre. Matth., xxu, 16; Marc, m, 6; cf. xn, 13. Pour
atteindre ce but, les pharisiens et les sadducéens ou-
bliaient leurs rivalités et leurs querelles. Matth., xvi,
1, 6, 11, 12; xxu, 34. Mais, en ce moment, leur entente
est parfaite et leur plan arrêté. « Les princes des prê-
tres, dit saint Luc, xix, 47-48, et les scribes et les pre-
miers du peuple cherchaient à le perdre ; mais ils ne
savaient comment faire, car tout le peuple était sus-
pendu à ses lèvres. » Désormais les trois fractions du
sanhédrin marchent toujours ensemble. Luc, xx, 1;
xxu, 66; Marc, xiv, 43, 53; Matth., xxvn, 41. Mais on
voit que l'aristocratie sacerdotale joue le rôle principal
et dirige l'action.
4° Les pharisiens et l'Eglise naissante. — La mort
de Jésus semble avoir assouvi les rancunes des phari-
siens, tandis que la haine des sadducéens, loin de
s'apaiser, ne cessait de croître. Ceux-ci, vivant du temple
el de l'autel, étajent profondément remués, nonobstant
l'indifférentisme religieux d'un grand nombre d'entre
eux, par tout ce qui menaçait la religion nationale. Les
disciples n'eurent pas d'ennemis plus irréconciliables.
Dans le contlit qui ne tarda pas à se produire, ce fut un
pharisien, Gamaliel, qui prit publiquement la défense
des Apôtres et fit entendre raison à leurs persécuteurs :
au contraire, l'aristocratie sacerdotale, composée de
sadducéens (Act., v, 17 : Princeps sacerdotum et omnes
qui cum Mo erant; quse est hxresis Sadducœorum ; cf.
v, 24), avait pris l'initiative des mesures de rigueur.
Act., v, 17-42. Plus tard saint Paul, poursuivi pour in-
fraction à la Loi qui interdisait d'introduire des étran-
gers dans le Temple, s'appuya résolument sur le parti
des pharisiens et se fit gloire d'avoir été jadis pharisien
lui-même. Act., xxm, 6-10; cf. xxu, 3. Il ne faut pas
méconnaître ce qu'il y avait de sérieux dans le phari-
saïsme. Si le zèle des pharisiens était souvent aveugle
ou mal éclairé, il n'en était pas moins sincère. Les con-
victions fortes au service de la passion sont plus faciles
à tourner au bien qu'un scepticisme armé d'indifférence.
Saint Paul dépassait tous ses compatriotes par l'ardeur
de son pharisaïsme : malgré cela — ou plutôt à cause
de cela — la grâce divine eut vite raison de lui. Il est
à croire qu'une partie de l'église-mère de Jérusalem
se recruta au sein des pharisiens. Ainsi s'explique l'at-
tachement aux pratiques de l'ancienne Loi qui la carac-
215
PHARISIENS
216
. térisa si longtemps. Act., n, 46-47; ni, 1 ; xxi, 20, etc.
Ce fut un 1res grand danger pour l'Église au berceau.
On s'aperçut bientôt que les pharisiens, en embrassant
la religion du Christ, n'avaient pas dépouillé le parti-
cularisme qui était leur caractère dominant. L'assem-
blée des Apôtres à Jérusalem fut rendue nécessaire grâce
à. leurs agissements; tout fait penser que le conflit
d'Antioche fut provoqué par eux, et l'on peut sans té-
mérité les soupçonner d'être entrés dans les complots
qui essayèrent d'entraver l'œuvre de Paul et l'admission
des Gentils dans l'Église. Act., xv, 5. Cf. J. Thomas,
L'Eglise et les judaïsants à Vd'ge apostolique, dans les
Mélanges d'histoire et de littérature religieuse, in-8°,
Paris, 1899, p. 1-196.
VI. Traits caractéristiques du pharisien. — « En-
veloppée comme d'un étroit réseau par les six cent
treize prescriptions du code mosaïque renforcées de
traditions sans nombre, la vie du pharisien était une
intolérable servitude. Les purifications rituelles pres-
crites à la suite des souillures que causait le seul con-
tact d'objets impurs, remplissent plusieurs traités du
Talmud : par exemple tout le sixième et dernier seder
de la Mischna intitulé Teharôth et comprenant douze
traités. Impossible de quitter sa maison, de prendre de
la nourriture, de faire une action quelconque, sans
s'exposer à mille infractions. La peur d'y tomber para-
lysait l'esprit et oblitérait le sens supérieur de la mo-
ralité naturelle. Toute la religion dégénérait en un
formalisme mesquin. L'homme était tenté de se croire
l'artisan de sa propre justice; il ne devait rien qu'à
lui-même; il devenait le créancier de Dieu. A quoi bon
le repentir, la prière ardente et humble, les soupirs
vers le ciel du pécheur et du publicain? N'était-il pas,
lui, le juste qui jeûnait deux fois par semaine, le lundi
et le jeudi, selon la coutume de sa secte, qui payait
exactement la dîme de la menthe, de l'anis et du cumin,
qui n'oubliait jamais aucun rite traditionnel? Le pha-
risaïsme nourrissait l'amour-propre, la présomption et
l'orgueil. Il fomentait aussi l'hypocrisie. L'idéal du pha-
risien était élevé, mais il n'avait pour l'atteindre que son
orgueil. Ce mobile ne suffisant pas, sa seule ressource
était dedissimuler ses défaillances et de les tourner
en vertus devant le vulgaire ('am hâ-ârés), objet de ses
craintes et de ses mépris. Quels stratagèmes decasuiste
retors pour tempérer la rigueur du jeûne, pour modérer
l'incommodité du repos sabbatique ! Ainsi le traité Eru-
bin permet de placer un domicile fictif au terme du
voyage autorisé un jour de sabbat pour le prolonger
d'autant et d'unir fictivement plusieurs domiciles pour
porter des aliments de l'un dans l'autre, sans enfreindre
la loi du repos. » Voir F. Prat, Théologie de saint Paul,
t.jtP- 33-34, et comparer Bousset, Die Religion des Juden-
l tums, Berlin, 1903, Vie Frommen, p. 161-168. Les pré-
tentions exclusives des pharisiens à la justice légale,
leur suffisance, leur présomption, leur ostentation, leur
orgueil en un mot, ne sont guère contestés. Sur ce
point, les accusations de l'Évangile et le réquisitoire de
saint Paul (surtou t Rom . , IX, 31-32 ; x, 1-4) se tro uvent plei-
nement justifiés. Mais il s'est trouvé des auteurs pour
nier la sincérité du portrait que l'Évangile nous trace de
leur hypocrisie. Il ne sera donc pas hors de propos d'en
appeler à l'autorité du TalmUd qui est, comme nous
l'avons dit, l'œuvre de pharisiens. Le Talmud de Jéru-
salem, aussi bien que celui de Babylone, distingue sept
espèces de pharisiens dont la dernière seulement, ou
tout au plus les deux dernières, sont exemptes de du-
plicité. Voici d'abord le passage du Talmud de Jérusa-
lem, d'après M. Schwab, Traité des Berakholh, Paris,
1871, p. 171 : « Il y a sept pharisiens : 1° celui qui
accepte la loi comme un fardeau ; 2° celui qui agit par
intérêt; 3° celui qui se frappe la tête contre le'murpour
éviter la vue d'une femme; 4° celui qui agit par osten-
tation; 5» celui qui prie de lui indiquer une bonne
action à accomplir; 6° celui qui agit par crainte et
7» celui qui agit par amour.' En voici une explication
plus détaillée : le premier ressemble à quelqu'un qui
chargerait les commandements divins sur les épaules
pour les transporter; le deuxième à celui qui dirait:
prêtez-moi de l'argent pour que j'accomplisse le pré-
cepte; le troisième : je vais accomplir ce dévoir reli-
gieux, puis me permettre une transgression légale et
les contrebalancer l'un par l'autre; le quatrième semble
dire : je me rends compte de tout ce que j'ai et c'est
par bonne volonté que j'obéis à la religion :. le cin-
quième qui a conscience de ses devoirs, tâche d'effacer
ses péchés par sa bonne conduite ; le sixième agit par
crainte comme Job; le septième paramour comme Abra-
ham et ce dernier degré est le meilleur de tous. » Les
explications du Talmud de Babylone, Sota, 22 6 et les
définitions de l'Aruch diffèrent très sensiblement. Voir
Lightfoot, Horse hebraicse et talmudicee, sur Matth., m,
7, Works, Londres, 1684, t. n, p. 125. Les énonciations
sibyllines des deux Talmuds sont diversement inter-
prétées. Le nom de la première classe, par exemple,
>D2îf tus, est dérivé par le Talmud de Babylone de osir,
« Sichem », et non de ddit, sekéni, « épaule », et expliqué :
« qui accomplit la loi à contre-cœur,;comme les Sichémi-
tes, Gen., xxxiv, 10, reçurent la circoncision. » La se-
conde »spa whs, « le pharisien qui hésite », désignerait
le pharisien qui dirait à celui qui demande un ser-
vice : « Attendez un peu; je suis occupé à faire une bonne
action. » La cinquième classe voudrait dire d'après
YAnich : « Personne ne peut me montrer que j'ai mal
agi. » Quoi qu'il en soit de ces commentaires, nous pou-
vons conclure de ces textes que beaucoup de ceux qui
se disaient pharisiens obéissaient à des mobiles peu
avouables.
Les jugements des auteurs sur les pharisiens sont
assez divergents. Pour certains, le pharisaïsme aurait
représenté l'orthodoxie juive. « Les Pharisiens reflé-
taient fidèlement les aspirations, les idées du peuple,
et d'un autre côté ils exerçaient, par leur enseignement
et leur autorité, sur ces mêmes idées une influence
très grande. Toutes les faces du caractère national,
favorables et défavorables, toutes les nuances de l'es-
prit public se retrouvaient en eux. » Dôllinger, Paga-
nisme et judaïsme, trad. franc., Bruxelles, 1858, t. iv,
p. 130. Selon d'autres, les sadducéens auraient été les
conservateurs tandis que les pharisiens auraient incarné
l'idée de progrès. Kohler, dans The Jewish Encyclopœ-
dia, t. ix, 1905, p. 662-665, Ces vues en apparence con-
tradictoires ne sont pas inconciliables. Sur beaucoup
de points, les sadducéens, s'attachant à la lettre de la
Loi, pouvaient passer pour plus conservateurs; tandis
que les traditions pharisiennes, entendues au sens large
comme enseignement ou opinion des sages, avaient l'air
d'innovations. Dans le droit criminel par exemple, les
sadducéens étaient plus rigoristes; ils appliquaient,
sans distinction et sans miséricorde, la peine du talion :
les pharisiens tempéraient cette rigueur et admettaient
des compensations pécuniaires. Comparez Josèphe,
Ant. jud., Xlll, X, 6 : "AXito; te xa\ çiioei Ttpbç ià; xo-
Xà<T£t; â7netxwç e^ouatv ot 4»aptaaîot. Bell, jud., II, vin,
14 (les sadducéens sont moins sociables et plus rudes
dans leurs rapports); Ant. jud., XX, ix,l : sîui (oîSao-
Suxaîot) itep\ rà; xpt'aôi'c liaoi raxpà Ttâvxas tous 'IouSaîouç.
— D'un autre côté, les pharisiens faisaient appel à leurs
traditions pour atténuer l'incommodité du repos sab-
batique et pour écarter l'obligation des visites au Temple
prescrites par la Loi. Leur but était de transformer
le jour du Seigneur en jour de fête et en jour de joie.
Les fictions dont nous avons parlé plus haut étaient
destinées à les y aider. En tout cela, les sadducéens,
préoccupés surtout de la fréquentation et du service
du Temple, voulaient qu'on s'en tint à la lettre de la
Thora.
217
PHARISIENS — PHAROS
218
VII. Bibliographie. — Ugolini, Trihatresium sive
dissertatw de tribus sectis Judœorum (dans Thésaurus
ântiq. sacr., t. xxil), et Triglandius, Trium scriptorum
illustriwm de tribus Judseorum sectis syntagma,
1703, ont recueilli un certain nombre d'anciennes dis-
sertations sur les pharisiens; Carpzov, Apparatus hi-
storico-çriticus antiquitatum sacri Codicis, Helmstedt,
1748, p. 173-215, en donne la bibliographie. Parmi les
monographies plus récentes on peut citer : Grossmann,
De Pharisxismo Judseorum Alexandrino, Leipzig,
1816-1850; De collegio Pharisœorum, Leipzig, 1851;
Biedermann, Pharisâer und Sadducâer, Zurich, 1854;
Wellhausen, Die Pharisâer und Sadducâer, Greifs-
wald, 1874; Cohen, Les Pharisiens, 2 in-8», Paris, 1877;
Montet, Essai sur les origines des partis sadducéen et
pharisien et leur histoire jusqu'à la naissance de
Jésus-Christ, Paris, 1883; Narbel, Étude sur le parti
pharisien, son origine et son histoire, Paris, 1891 ;
Elbogen, Die Religionsanschauung der Pharisâer,
Encyclopsedia, t. IX, 1905, p. 661-666. — Comme ar-
ticles de revues, nous devons nous .borner à signaler:
Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Saddu-
céens, dans le Journal asiatique, 1887, p. 415-423;
Hanne, Die Pharisâer und Sadducâer als politische
Parteien^dans Zeitschrift fur wissensch. Theol., Halle,
1867 ; Mûller, Pharisâer und Sadducâer oder Judais-
mus und Mosaistnus, dans les comptes'rendus de l'Acad.
de Vienne, philos, et hist., t. xxx\, 1860, p. 95-164; Gei-
ger, Sadducâer und Pharisâer, dans Jud, Zeitschrift,
t. n, 1863, p. 11-54; Krùger, Beitràge zur Kenntniss
der Pharisâer und Essener, dans Theolog. Quartal-
schrift, Tubingue, 1894, p. 431-496. F. Prat.
PHARMACIEN (hébreu : rôqêah; Septante : ô
u.upsty6ç; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les
remèdes (fig. 40). Le nom est le même que celui du
parfumeur, à cause des préparations à l'huile dont l'un
et l'autre s'occupaient principalement. Le mot rôqêah
40. — Préparation et administration des remèdes. — Une peinture découverte dans la maison des Vettii à Pompéi représente
sous la forme à'Amorini, le medicus qui chez les anciens préparait et administrait les remèdes. — A droite est un pres-
soir d'où jaillit l'huile médicinale dans un petit bassin circulaire. De chaque côté deux Amorini tiennent un gros marteau
dont ils frappent des coins de bois qui, en pénétrant au dedans, font descendre les planches mobiles du pressoir, lequel écrase
les matières d'où est extraite l'huile médicinale. — Plus loin, une Psyché assise remue avec une longue cuiller l'huile posée sur
un trépied dans un petit bassin. Deux Amorini debout en font autant. — A gauche un petit Amorino est au comptoir et tient une
grosse bouteille. Sur le comptoir est placée une balance. Sur le côté postérieur du comptoir est un rouleau de papyrus contenant
le formulaire. A côté est une armoire avec des vases de verre et une. statuette d'Apollon, dieu de la santé. — A gauche est une
Psyché dont le maintien indique une malade. Un Amorino, tenant un vase et une cuiller, va lui administrer le remède qui y
est contenu. Derrière Psyché est la servante de la malade. Voir Domus Vettiorum, in-f", Naples, 1898, p. 6, pi. xiii.
Berlin, 1904. — En dehors des monographies, les
quatre ouvrages suivants donnent des renseignements
précieux : Geiger, Urschrift und Uebersetzungen der
Bibel, Breslau, 1857, p. 101-158; Weber, Jûdische
Théologie auf Grund des Talmud und verwandten
Schriften, Leipzig, 1890, p. 10-14, 44-46 (seconde édition
d'un ouvrage publié d'abord sous un autre titre);
Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeitalter
Jesu Chris ti, 3« édit., t. n, Leipzig, 1892, p. 380-419;
Bousset, Die Religion des Judenthums, Berlin, 1903,
•p. 161-168. — Toutes les encyclopédies bibliques ont sur
les pharisiens des articles d'importance et de valeur
inégale : Twisleton, dans le Dictionary of the Bible de
Smith; Ginsburg, dans Cyclopxdia of biblical Litera-
ture de Kitto; Reuss, dans Real-Encyclop. de Herzog,
1™ édit.; Sieffert, lbid., 2 e et 3° édit.; Daniel dans
Allgemeine Encyclop. de Ersch et Gruber; Hamburger,
dans Realencycl. fur Bibel und Talmud; Kaulen, dans
Kirchenleocieon, l re et 2 e édit. ; Hausrath, dans Bibel-
lexikon de Schenkel; J. Strong, dans Cijclopsedia of
biblical, theological and ecclesiastical Litefature,
New- York, t. vin, 1894, p. 68-76; Eaton, dans Hastings,
Dictionary of the Bible, Edimbourg, t. m, 1900,
p. 821-829; Prince, article Scribes and Pharisees,
dans Encyclopmdia biblica, Londres, t. iv, 1903,
col. 4321-4329; Kaufmann Kohler, dans The Jewish
ne se trouve que dans le texte hébreu de l'Ecclésias-
tique, xxxvin, 8, avec le sens de pharmacien. On lit
en effet dans ce passage :
Le Seigneur fait produire à la terre ses remèdes,
Et l'homme sensé ne les dédaigne pas...
H a donné aux hommes la science
Pour qu'ils se fissent un nom par ses dons merveilleux.
Par eux l'homme procure la guérîson
Et il parvient à enlever la douleur.
Le pharmacien en fait des médicaments,
Et son œuvre est à peine achevée
Que par lui la santé se répand sur la terre.
Eccli., xxxvm, 4-8.
Cf. Ezech., xxx, 21. Le pharmacien n'était pas d'ordi-
naire distinct du médecin. — Sur les remèdes employés
par les pharmaciens israélites et cités dans Ja Sainte
Écriture, voir Médecine, t. iv, col. 912, 913.
H. Lesêtre.
PHARNACH (hébreu : Parnâh; Septante : #ocpvax),
zabulonite, père d'Élisaphan. Celui-ci était le chef de
la tribu de Zabulon du temps de Moïse, un des douze
Israélites qui furent chargés de présider au partage de
là Terre Promise. Num., xxxiv, 25.
PHAROS (hébreu : Par'ôë, « mouche » ; Septante :
<&op6<;; dans I Esd., n, 3, *apé;), chef d'une famille dont
219
PHAROS — PHASËLIDE
220
4i. — Pierre gra-
vée au nom de
Pharos.
les descendants au nombre de 2172, IEsd., u, 3; II Esd.,
vu, 8, retournèrent de Babylonie en Palestine avec
ZoroJbabel. Un autre groupe, comprenant 150 hommes,
sous leur chef Zacharie, revint plus tard en Judée avec
Esdras. I Esd., vin, 3. Sept des « fils
de Pharos » avaient épousé des fem-
mes étrangères et Esdras les obligea
à les répudier. I Esd., x, 25. — Pha-
daïa « fils de Pharos », répara une
partie des murs de Jérusalem . II Esd . ,
m, 25. — Parmi les chefs du peuple
qui signèrent l'alliance que Nëhémie
fit renouveler entre Dieu et les
Israélites, le premier nommé est
Pharos, probablement le représen-
tant de la famille de ce nom. II Esd.,
x, 14. Un sceau antique en cornaline porte le nom de
Pharos gravé en lettres phéniciennes (fig. 41). Voir
W. von Landau, Beitrâge zur Altertumskunde des
Orients, t. îv, in-8°, Leipzig, 1905, p. 43.
PHARPHAR (hébreu : Parpar; Septante : ifapçâp;
Alexandrinus : «tapçapà), la seconde des rivières qui
arrosent la ville de Damas. Elle est mentionnée par
Naaman, qui, dans IV Reg., v, 12, répond au prophète
Elisée, lorsque celui-ci lui conseille d'aller se laver
dans le Jourdain pour se guérir de la lèpre : « L'Abana
et le Pharphar, les rivières de Damas, ne sont-ils pas
meilleurs que toutes les eaux d'Israël? » — Le Phar-
phar s'appelle aujourd'hui Nahr el-Aouadj, voir Aba-
na, t. I, col. 14, et un de ses affluents porte encore
le nom de Barbar. Il a deux sources principales,
l'une sur la pente orientale de l'Hermon, au-dessous
du pic central; l'autre, à quelques kilomètres au sud,
près du village de Beit Djann. Les deux cours d'eau
se réunissent près de Sasa et, par un lit profond
creusé au milieu des rochers, vont se jeter dans la direc-
tion de l'est dans un lac marécageux, le Bahret Hidja-
néh, à six kilomètres environ au sud du lac où débouche
le Barada, l'ancien Abana. L'Aouadj ne passe pas à Da-
mas même, mais à douze kilomètres de la ville ; il mérite
néanmoins le nom de fleuve de Damas, parce qu'il
arrose toute la plaine qui porte le nom de la ville, et,
par d'anciens canaux, ses eaux en arrosent les champs
et les jardins presque jusqu'aux murailles de la cité.
Le cours du Nahr el-Aouadj est d'une soixantaine de
kilomètres et son volume- d'eau est à peu près le quart
de celui du Barada. — Voir J. L. Porter, Five years in
Ddmascus, 3 in-12, Londres, 1855, t. i, p. 299, 311-312,
318-321, 389; t. n, p. 12-14, 247-248; Id., The Rivers
of Damascus, dans le Journal of sacred Literatvre,
t. v, octobre 1853, p. 45-57; Ed. Robinson, Notes on
biblical Geography, the A'waj, dans la Bibliolheca
sacra, t. vi, 1849, p. 366-371. F. Vigouroux.
' PHARSANDATHA (hébreu : Parsandâtd' ; Sep-
tante : «Êapiravvé;; Alexandrinus : 4>apaavEaTÔv), le
premier nommé des dix fils d'Aman qui furent mis à
mort à Suse par les Juifs le 13 du douzième mois
appelé Adar après la chute et l'exécution de leur père.
Esther, ix, 7. Le nom de Pharsandatha est en perse,
d'après certains philologues, Fraçna-data, « donné par
prière ». Cf. J. Oppert, Commentaire du livre d'Esther,
1864, p. 21.
PHARUDA. I Esd., n, 55. Voir Piiarida, col. 205.
PHARUÉ (hébreu : Pavùah; Septante : *ouauoOS;
Alexandrinus : "Êappou; Lucien : Bapottovy), père de
Josaphat. Salomon chargea Josaphat de la levée des
tributs sur la tribu d'Issachar. III Reg., rv, 17.
PHARURIM (hébreu : Parvdrim; Septante : *aipou-
pifi), partie des dépendances du Temple. IV Reg., xxiii,
11. L'auteur sacré raconte dans ce passage que le roi
Josias « fit disparaître les chevaux que les rois de Juda
avaient dédiés au soleil à l'entrée de la maison de
Jéhovah, près de la chambre de Nathanmélech, l'eunuque
qui était à Parvarîm ». Au premier livre des Parali-
pomènes, xxvi, 16-18, nous lisons au sujet des portiers
du sanctuaire : « A Séphim et à Hosa [échut la garde
du] côté de l'occident, avec la porte Salléhéf sur Je
chemin montant (Vulgate : juxta portant quse ducit ad
viam ascensionis)... Il y avait... au Parbâr, à l'occi-
dent quatre [lévites] sur le chemin, deux au Parbâr. »
(Virlgate : In cellulis quoque janitorum ad occidenlem
quatuqr in via, binique per cellulas.) Le Parbâr dont
il est question ici, d'après le contexte, était situé à
l'ouest du Temple, près de la porte appelée Sallékéf
(dejectio), à l'endroit peut-être où est la Bab Silsilis
actuelle. Le chemin mentionné conduisait du Temple
à la colline appelée aujourd'hui le mont Sion, en tra-
versant la vallée du Tyropœon. — On ne s'entend pas
sur la signification précise du mot parbâr. La plupart
croient que ce mot est le même que celui de parvarîm
(au singulier parvâr), les deux ne différent entre eux
que par une lettre, 3, 6, et i, v. La Vulgate a traduit
parbâr par « cellules ». Gesenius, Thésaurus, p. 1123,
entend par parvarîm des portiques ou des colonnades
ouvertes qui entouraient le Temple; il rapproche ce
mot du perse farouar, « maison d'été, kiosque ».
D'autres ont traduit parbâr par « faubourgs », parce
que c'est le sens donné par les Targuens et le Talmud
aux mots paryârin et parvilîn. Buxtorf, Lexicon chal-
daicum, 1640, p. 1804, 1805. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XV, xi, 5, qui dit que deux des portes du Temple
d'Hérode débouchaient à l'ouest eîç tô îipodcinretov, dans
le faubourg de la ville. Voir Temple. — Les six portiers
dont parle I Par., xxvi, 16, avaient leur poste, quatre
probablement en dehors de la porte, du côté du chemin,
et deux à l'intérieur de la porte. — Pour les chevaux du
soleil qui étaient à Pharurim, voir Nathanmélech,
col. 1485.
PHASE, nom donné à la Pâque, dans la Vulgate,
dans tous les livres de l'Ancien Testament, Exod., xii,
11, etc., excepté Ezech., xlv, 21, et I Esd., VI, 19, 20, où
cette fête est appelée Pascha, comme dans tout le Nou-
veau Testament, lorsqu'elle n'est pas désignée par son
autre nom de « fête des Azymes ». Voir PaQDE, t. iv,
col. 2094, et Azymes, 2», t. i, col. 1313.
PHASÉA (hébreu : Paséah, « boiteux »; Septante :
^aarj), chef d'une famille de nathinéens qui retourna
de captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 49;
III Esd., vu, 51. Un des membres de cette famille
appelé Joîada restaura avec Mosollam la porte Ancienne
de Jérusalem. II Esd., m, 6. Certains commentateurs
font cependant de Phaséa « père de Joîada » un per-,
sonnage distinct du chef de la famille nathinéenne. —
Le texte hébreu mentionne un descendant de Juda qui
porte le même nom, mais la Vulgate l'a écrit Phessé.
I Par., n% 12.
PHASËLIDE (grec : $a<n\\lç), ville de l'Asie Mineure,
située sur les confins de la Lycie et de la Pamphylie
(fig. 42). C'était une colonie dorienne. Hérodote, n,
178. Sa position était tros favorable pour le commerce.
Bâtie dans un isthme, elle n'avait pas moins de trois
ports. C'était la première terre qui apparaissait au na-
vigateur dans le voyage de Cilicie à Rhodes. Tï.te Live,
xxxvji, 23; Cicéron, Verr., iv, 10 (22). Dès le II e siècle
avant J.-C, sous le règne d'Amasis, elle avait à Naucra-
tis, en Egypte, une part dans PHellénium, qui était une
sorte de bonrse de commerce pour les Grecs. Hérodote,
221
PHASÉLIDE — PHASGA
222
il, 178. Son trafic était très considérable. Straion, XIV,
m, 9; Thucydide, h, 69; vm, 88; Polybe, xxx, 9. Le
mont Solyme, au-dessous duquel elle était située, ser-
vait comme de phare aux navires qui se dirigeaient
vers Phasélide. « Sur la côte orientale de Lycie, dit
Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. v,
1884, p. 480, se dresse, à 2375 mètres, la montagne de
Takh talou, le Solyma des anciens, à la base entaillée
de gorges, aux pentes moyennes couvertes d'arbrisseaux;
c'est sur le versant méridional de ce pic superbe que
brûle jour et nuit la Chimère dont parlent les géogra-
phes grecs et romains et qui adonné lieu à tant de fables
La source du feu, le Yanar ou Yanar-tach, jaillit d'une
ouverture profonde d'un mètre environ, au-dessus de
laquelle s'élèvent les débris d'un temple. Aucune fumée
n'accompagne la flamme; à quelques mèlrës de dis-
tance, la roche serpentineuse d'où s'élance le feu
mystérieux n'a pas une température supérieure à celle
42. — Monnaie de Phasélide.
Poupe de galère; dans le champ *AEH. — Éj. Minerve Proma-
chos. A droite un monogramme dans un cercle, à gauche <ï>.
des terrains environnants; des arbres croissent dans
le voisinage et un ruisseau serpente sous l'ombrage...
Une autre ouverture du rocher, semblable à celle du
Yanar, est maintenant éteinte. » — Phasélide à l'époque
des Romains, devint un repaire de pirates. P. Servilius
les attaqua et détruisit la ville. Cicéron, Verr., iv, 10 :
Elle perdit son indépendance en 72-75 avant J.-C. Elle
fut restaurée, mais elle ne recouvra jamais sa première
prospérité. On y voit encore des ruines de ses anciens
monuments; son port est devenu un marais d'où s'exha-
lent des miasmes délétères. Elle porte aujourd'hui le
nom de Tekrova.
C'est à l'époque où la piraterie ne prédominait pas
encore à Phasélide que les Romains écrivirent aux habi-
tants de cette ville et de quelques autres, situées la plu-
part sur la route que suivait le commerce maritime de
la Lycie en Italie, pour leur demander de porter aide
et appui à Simon Machabée et aux Juifs. I Mach., xv,
23. Phasélide avait donc une colonie juive vers 139 avant
notre ère. — Voir Fr. Beaufort, Karamania or descrip-
tion of the south Coast of Asia minor, in-8», Londres,
1817, p. 53-65; Ch. Texier, Asie Mineure, in-12, Paris,
1862, p. 697-699; G. F. Hill, Catalogue of Greek, Coins
in the Brit. Muséum, Lycia, 1897, p. lxvii.
F. Vigourotjx.
PHASÉRON (grec : "Êamptôv), nom d'une tribu na-
buthéenne, « les fils de Phaséron, » qui fut battue par
Jonathas Machabée, I Mach., ix, 66, dans les environs
de Bethbessen. Cette tribu est inconnue.
PHASGA (hébreu : Pisgdh), montagne du pays de
Moab. Dans le texte hébreu, ce nom est toujours pré-
cédé de l'article : hap- Pisgâh. Il n'est jamais employé
seul, mais précédé tantôt de rô'S,a. sommet duPhasga»,
tantôt de 'asdôf, mot qui est diversement interprété.
On n'est pas d'accord sur le point de savoir si Pisgâh
est un nom propre ou un nom commun; les deux opi-
nions ont des partisans. La Vulgate l'a toujours consi-
déré comme un nom propre; les Septante l'ont rendu
tantôt comme an nom propre et tantôt comme un nom
commun : $a<r{â dans Deut., m, 67; xxxiv, 1; Jos.,
XII, 3; xiii, 20; et xopuçri toO Xe>aÇeu|iévou, « sommet
du (mont) taillé », escarpé, dans Num., xxi, 20; xxiii.
14. Saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow, 1862, p. 73
et 227, explique aussi le sens de Phasga par abscissum
et eœcisum. On peut l'interpréter par « section, partie ».
Gesenius, Thésaurus, p. 1114. — Sur les 'asdôf Pisgdh,
mentionnées Deut., m, 17; iv, 49; Jos., xii, 3; xm,20,
voir Asédoth, t. i, col. 1076.
1° L'Écriture dit expressément que le Phasga est dans
le pays de Moab, Num., xxi, 20; vis-à-vis de Jéricho,
Deut., xxxiv, 1, et du désert de Jésimoth, Num., xxi,
20, à l'est de la pointe septentrionale de la mer Morte.
Deut., iv, 49; Jos., xii, 3. — Le mont Phasga fait partie
de la chaîne des Abarim. Deut., xxxn, 19, comparé avec
xxxiv, 1. Les monts Abarim s'étendent du nord au sud,
à l'est de la mer Morte, depuis l'ouadi Hesban jusqu'au
Zerka Maïn. Voir Abarim, t. i, col. 17. Le mont Nebo
était un des pics des Abarim. Voir Nébo 2, t. iv, col. 1544.
Phasga est-il un autre nom de la chaîne ou d'une partie
de la chaîne des Abarim, ou bien un des pics du mont
Nébo ou bien enfin simplement un nom commun,
désignant le sommet du mont Nébo? Dans ce der-
nier cas, la phrase du Deutéronome, xxxiv, 1, « Moïse
monta sur le mont Nébo, au sommet du Phasga, »
devrait se traduire : « Moïse monta sur le mont
Nébo, au sommet de la hauteur. » On peut alléguer
en faveur de cette version, outre les passages des
Septante rapportés plus haut, le Targum de Jéru-
salem et celui du Pseudo-Jonathan qui rendent inva-
riablement Pisgâh par ramafa, « colline, élévation »,
et ne le regardent pas comme un nom propre. Cette
explication est difficile à concilier avec les textes qui
représentent le Phasga comme une montagne au pied
de laquelle campèrent les Israélites, cf. Num., xxm, 14
et xxiv, 2, et d'où jaillissaient des sources d'eau. Deut.,
m, 17; îv, 49; Jos., xii, 3; xm, 26. Les divers passages
dans lesquels l'Ecriture nomme le mont Phasga semblent
s'expliquer plus commodément en admettant que c'était
une montagne de la chaîne des Abarim distinguée, par
ce nom propre, des autres parties de la chaîne. C'est du
mont Nébo que Moïse, Deut., xxxn, 49, contemple la
Terre Promise avant de mourir. Or nous lisons, Deut.,
xxxiv, 1, « Moïse monta des plaines de Moab sur le
mont Nébo, au sommet du Phasga ; » ce dernier som-
met paraît donc bien n'être qu'un pic du Nébo, mais,
à cause de son élévation, il désignait sans doute aussi
toute la montagne. — Les voyageurs modernes n'ont pas
trouvé de traces du nom de Phasga dans la Moabitide.
Quelques-uns d'entreeux identifient le Phasga avecie Dje-
bel ou Rds Siaghah, C. R. Condër, Palestine, 1889, p. 259,
mais le Djebel Neba, à l'est du Siaghah est plus élevé.
2° Le mont Phasga est nommé pour la première fois
dans les Nombres, xxi, 20. En s'approcha nt de la Terre
Promise pouren faire la conquête, les Israélites allèrent
camper « de Bamoth (voir Bamoïh-Baal, 1. 1, col. 1423)
à la vallée qui est dans le pays de Moab au sommet du
Phasga, en vue du désert (de Jésimon) ». De là, Moïse
fit demander à Séhon, roi des Amorrhéens, qui régnait
à Hésébon, dans le voisinage, l'autorisation de traverser
pacifiquement son territoire. Séhon ne l'accorda point,
mais, au contraire, attaqua Israël. Il fut battu et les
Israélites allèrent camper sur la rive orientale du Jour-
dain vis-à-vis de Jéricho. — Balac, roi de Moab, ne se
sentant pas de force à les arrêter, eut recours à Balaatn,
et lui demanda de maudire ses ennemis, afin qu'il pût
ainsi les mettre en fuite. Balaam prononça son second
oracle, au sujet d'Israël, du champ de ?ofim (Vul-
gate : « d'un lieu élevé, » in locum sublimem), au som-
met du Phasga. Num., xxm, 11-24. — Le Phasga est
nommé ensuite plusieurs fois comme marquant la fron-
tière orientale de la Terre Promise qui doit s'étendre à
Test « jusqu'à la mer de sel ou mer Morte » au pied de
'Asdof hap-Pisgdh. Deut., ni, 17; iv, 49; Jos., xii, 3.
— Moïse donna 'Asdôf hap-Pisgdh à la tribu de Ruben.
Jos., xm, 20. — Enfin Moïse, sur l'ordre de Dieu,
223
PHASGA. — PHATURÈS
224
« monta des plaines de Moab sur le mont Nébo, au
sommet du Phasga. » Deut., xxxiv, 1. C'est là qu'il
contempla la Terre Promise et qu'il mourut. — Quant
à la vue dont on jouit de cette montagne sur la Pales-
tine, voir Nébo, t. iv, col. 1544.
PHASHUR (hébreu : Pashûr; Septante : $aa-so-jp),
chef d'une famille sacerdotale. II Esd., vu, 41. Son
nom est écrit Pheshur I Esd., il, 38; x, 22; II Esd.,
x, 3, dans la Vulgate. « Les fils de Phashur » retour-
nèrent de Babylonie en Palestine avec Zorobabel au
nombre de 1247. I Esd., il, 38; II Esd., vu, 41. Six
d'entre eux sont nommés par leur nom dans I Esd., x,
22, comme ayant épousé des femmes étrangères,
qu'Esdras les obligea à répudier. —Phashur (Pheshur),
ou le chef de la famille de ce nom, signa du temps de
Néhémie l'alliance contractée entre Dieu et son peuple.
II Esd., x, 3. — Dans le texte hébreu, plusieurs autres
Ismaélites sont nommés aussi Pashûr. La Vulgate écrit
les noms de trois d'entre eux qui furent contemporains
de Jérémie Phassur (voir ce mot) et Pheshur, dans
II Esd., xi, 12, celui qu'elle appelle Phassur dans I Par.,
ix, 12. — Certains commentaires identifient le Phashur
dont les fils revinrent à la captivité avec un des Phas-
sur nommés par Jérémie : ce n'est pas impossible, mais
peu probable. Voir Phassur 2.
PHASPHA (hébreu : Pispâh; Septante : $oc<Ttpà),
second fils de Jéther, un des principaux chefs de
famille de la tribu d'Aser. I Par., vu, 38.
PHASSUR (hébreu : PaShûr), nom de six Israélites.
La Vulgate écrit le nom de deux d'entre eux Phashur
et Pheshur. Voir ces deux noms.
1. PHASSUR (Septante : llaax^?), prêtre, fils d'Em-
mer. Un des oracles de Jérémie, xx, 1-6, est dirigé
contre lui. Phassur était inspecteur en chef (hébreu :
pâqû nàgîd; Vulgate : princeps) ou intendant du temple
de Jérusalem. Ayant entendu Jérémie prophétiser la
ruine de Jérusalem et du Temple, il le frappa et le fit
mettre aux ceps dans le Temple à la porte Haute de
Benjamin. Il ne le délivra que le lendemain. Jérémie
lui dit alors : « Jéhovah ne t'appelle plus Phassur
(étymologie incertaine; Gesenius, Thésaurus, p. 1135,
l'explique par « sécurité tout autour »), mais Mâgôr
Missâbîb (terreur tout autour), parce que voici ce que
dit Jéhovah. « Je te livrerai à la terreur toi et tous tes
amis. » Tous ses amis seront frappés par l'ennemi,
Juda sera livré au roi de Babylone, et Phassur et les
siens seront emmenés en captivité. Jérémie, f. o\ ter-
mine sa prophétie en reprochant au fils d'Emmer
d'avoir prophétisé des mensonges. Il devait donc avoir
prédit que Juda serait délivré des attaques des Chal-
déens. Le texte sacré ne nous dit rien de plus sur le
sort de Phassur et de sa famille, mais on ne saurait
douter que la prophétie qu'il avait faite contre eux n'ait
été réalisée. — Phassur, fils d'Emmer, peut être le
même que Phassur, père de Gédélias. Voir Phassur 3.
2. PHASSUR (Septante : IlaaxtSp), Aïs de Melehias,
contemporain de Jérémie comme le précédent, prêtre
selon les uns, cf. I Par., îx, 12, prince du peuple, selon
les autres. Il fut mêlé à deux événements de la vie de
Jérémie. Le roi Sédécias l'envoya auprès du prophète
avec le prêtre Sophonie pour lui demander de consulter
Jéhovah au sujet de la guerre que lui faisait les Chal-
déens, dans l'espoir d'en obtenir une prédiction favo-
rable, mais Jérémie annonça la prise de Jérusalem.
Jer., xxi, 1. — Plus tard, nous retrouvons le fils de
Melehias, Jer., xxxvni, 1, parmi les grands de la cour
qui, ayant entendu Jérémie prophétiser la ruine de
Jérusalem, pendant qu'il était dans la cour de la prison,
pressèrent le roi de le faire mettre à mort et obtinrent
_de lui de le jeter dans la citerne boueuse de Melehias
d'où il fut retiré par l'eunuque éthiopien Abdémélech.
Jer., xxxviii, 1-13. — Ce Phassur est peut-être le même
que le « Phassur, fils de Melehias », qui est nommé
I Par., ix, 12, et II Esd., xi, 12, comme aïeul d'Adaïas,
lequel figure parmi les prêtres qui habitèrent Jéru-
salem au retour de la captivité, mais on ne peut établir
qu'il soit le chef éponyme des « fils de Phashur » qui
revinrent de captivité avec Zorobabel. Voir Phashur,
col. 223. — Quelques commentateurs croient aussi que
le fils de Melehias est le père de Gédélias, Jer., xxxvm,
1, mais ce n'est guère vraisemblable, Gédélias « fils de
Phassur » étant nommé dans ce f. 31, avant « Phassur,
fils de Melehias », et sans l'indication d'aucun lien de
parenté. Le nom de « Phassur, fils de Melehias »,
manque, il est vrai, dans les Septante, mais il se lit
dans l'hébreu comme dans la Vulgate.
3. PHASSUR (Septante : Tlaaxûp), père de Gédélias.
Gédélias fut un des ennemis de Jérémie. Jer., xxxvili f
1. Certains commentateurs confondent ce Phassur avec
l'un des précédents. Voir Phassur 1 et 2.
4. PHASSUR (Septante : «fcasxwp), père de Jéroham,
aïeul d'Adaïas et fils de Melehias. I Par., ix, 12. Quelques
commentateurs le prennent pour un personnage diffé-
rent de Phassur 2, mais la distinction des deux n'est
pas certaine. Le livre de Néhémie, II Esd., xi, 12,
mentionne aussi Phassur (dont elle écrit le nom Peshur),
fils de Melehias, comme ancêtre du prêtre Adaïa, fils
de Jéroham. Seulement dans ce passage la généalogie
est plus complète; elle contient quelques noms qui
sont omis dans I Par., ix, 12.
PHATAÏA (hébreu : Petahyâh, « Jéhovah délivre »;
Septante : ieéeîa), un des Lévites qui avaient épousé
une femme étrangère. Esdras l'obligea à la répudier.
I Esd., x, 23. Nous le retrouvons dans II Esd., IX, 5, le
dernier de ceux des Lévites qui du temps de Néhémie
adressèrent à Dieu une longue prière pour le renou-
vellement de l'alliance entre lui et son peuple. Dans ce
passage, les Septante omettent son nom et la Vulgate
l'écrit Phathahia. — Le texte hébreu mentionne deux
autres Petahyâh qui sont appelés dans notre version
latine Phétéia, I Par., xxiv, 16, et Phathahia, Il Esd.,
xi, 24.
PHATHAHIA (hébreu : Petahyâh), nom de deux
Israélites dans la Vulgate. Voir Phataïa.
1. PHATHAHIA (Septante omettent son nom), lévite.
II Esd., ix, 5. C'est le même que la Vulgate appelle
Phataïa. I Esd., x, 23.
2. PHATHAHIA (*a6ai'a), fils de Mesézebel, descen-
dant de Zara, de la tribu de Juda, contemporain de
Néhémie. Il était « sous la main du roi » Ârtaxerxès,
c'est-à-dire son représentant ou son mandataire ou son
conseiller pour toutes les affaires qui concernaient les
Juifs. II Esd., XI, 24.
PHATHUEL (hébreu : Pefiïêl; Septante : B*6owiX),
père du prophète. Joël Joël. I, 1 . On ne connaît que
son nom, et encore ce nom est-il diversement écrit dans
les manuscrits grecs et dans les versions. Voir Joël 15,
t. m, col. 1582.
PHATURÈS, PHATHURÈS, PHÉTROS (hébreu :
Patrôs; Septante : yï| IlaGoup^; et y 5 ! $a8oup^;; Vul-
gate : Phatures, dans Jérémie, xuv, 1, 15; Phat hures,
dans Ézéchiel, xxix, 14; xxx, 14; Phetros, ls., xi, 11),
la Haute Egypte.
225
PHATURÈS
226
I. Étymologie et signification. — Phathurès ou Phé-
tros est un mot égyptien hébraïsé. Il se décompose de
l'avis généra], enpo ta risi, it 7TT JL Y ,ou P-to-res,
« la terre du sud », et il désigne la Haute Egypte, la
Thébaïde des Grecs, le Sàïd des Arabes, par opposition
à pa ta mehit, X. * * * \\ > ou P-to-mehet, « la terre
du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et
leurs variantes, voir Brugsch, Dictionnaire géogra-
phique de l'ancienne Egypte, Supplément, 1880,
p. 1399. La plus ancienne histoire de l'Egypte est una-
nime à nous montrer la division du pays en deux
terres et en même temps son union dans les mains
d'un seul chef. Déjà les rois des premières dynasties
font l'union des deux terres et la figurent par le sam-tooui,
c'est-à-dire la ligature du lotus, emblème de la Haute
Egypte, et du papyrus, emblème de la Basse Égvpte.
Quibell, Hierakonpblis, part. I, 1900, pi. xxxvii-xxxviii
et p. 11. Chaque région avait sa couronne propre, cou-
ronne blanche pour la Haute Egypte, couronne rouge
pour la Basse Egypte. Les deux couronnes réunies for-
maient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com-
43. — Couronnes d'Egypte.
1. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent.
mençait plus ou moins loin de Memphis, suivant les
époques, et se terminait à Bigeh et à Philse. Dès l'An-
cien Empire, il eut ses gouverneurs dont la résidence
ne paraît pas avoir été fixe. Ouni, que Mérenra de la
VI» dynastie nomma à la dignité de — V * == ' 4>, 1)atj-
à mer res, « chef gouverneur du midi », résidait à la
cour. Le territoire de la province méridionale descen-
dait alors jusqu'à Memphis. E. de Rongé, Recherches
sur les monuments qu'on peut attribuer aux six pre-
mières dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le même
honneur après Ouni était gouverneur d'ÉIéphantine.
J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscrip-
tions de l'Egypte antique, t. i, p. 172. Quand plus tard
Thèbes eut obtenu la suprématie et fut devenue Nout-
Risit, « la ville par excellence du sud », la grande
capitale, c'est là que résida le gouverneur du midi. A
une époque où les Hébreux vivaient encore tranquilles
en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thèbes, vizir de
Thotmès III, etc., joignait à ses autres charges celle de
gouverneur du midi. Mais alors 2. , Besit, la région
du -midi, si elle allait toujours jusqu'à Bigen, ne
descendait plus que jusqu'à Siout, puisque c'est dans
ces limites que Rekhmara perçoit les taxes de son
commandement. Newberry, The life of Rekhmara,
1900, pi. v-vi et p. 26. Après les Ramessides et la
disparition des rois prêtres, les Bubastites de la
XXII 8 dynastie firent de la Thébaïde déchue un apa-
nage royal et la maintinrent de la sorte sous leur dé-
pendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero,
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 6 e édit.,
1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains
des Éthiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du
vm e siècle, puis sous les Saïtes, vn e et vr= siècles, elle
devint une principauté théocratique régie par des
femmes de sang royal. Toutes ces péripéties contribuè-
DICT. DE LA BIBLE.
rent politiquement à rendre réelle, de nominale qu'elle
était auparavant, la démarcation déjà si tranchée par la
nature elle-même, entre la Haute et la Basse Egypte.
Le nom d'Egypte ou Mesraîm se restreignit à la dernière.
II. La terre du sud chez les prophètes. — 1" Isaïe,
xi, 11, prophétisant la venue du Messie, annonce qu'il
apportera au inonde le règne de la justice, et spéciale-
ment qu'« il éteudra de nouveau sa main », comme il
avait déjà fait pour la sortie d'Egypte, et qu'« il rappel-
lera le reste de son peuple » dispersé aux quatre points
cardinaux. Il le rappellera en particulier du sud, c'est-
à-dire de l'Egypte, de Phétros et de l'Ethiopie. On ne
s'explique pas que les Septante lisent ici àm> Baguî.wvt'a;
pour a Phetros, contrairement au texte hébreu suivi
par la Vulgate. Quoi qu'il en soit, Phétros est le même
mot que Phaturès. Jer., xliv, 1, 15. Isaïe est pleinement
d'accord avec l'état de choses existant en Egypte de son
temps, lorsqu'il distingue la terre du sud de Mesraîm
devenue au sens restreint l'Egypte proprement dite. De
plus il suit l'ordre géographique, allant du nord au sud
jusqu'à l'ithiopie, jadis soumise à l'Egypte, maintenant
indépendante d'elle et parfois la dominant. Asarhadon
ne fait pas autrement quand il se déclare « le roi des
rois d'Egypte (Musur), de la Haute Egypte (Paturisi) et
de l'Ethiopie (Kusi). » Budge, The hislory of Esarad-
don, n° 5, p. 16 19. — 2» Jérémie, xliv, 1 : « Parole
qui fut transmise par Jérémie à tous les Juifs qui habi-
taient le pays d'Egypte, à Magdal, à Taphnès et dans
Memphis, et dans la terre de Phaturès. » il. 15 : « Et,
'tout le peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) à
Phaturès, répondirent à Jérémie... » Jérémie suit aussi
l'ordre géographique et met en parallèle Mesraîm et
Phaturès, soit qu'il annonce aux Juifs réfugiés et dis-
persés en Egypte le châtiment de leur idolâtrie par la
main de Nabuchodonosor, soit qu'il cite la réponse de
ces mêmes Juifs opiniâtres dans leur incrédulité. Tous
ceux de Mesraîm et ceux de Phaturès (f. 15), Dieu les
atteindra en Mesraîm où ils occupent trois villes, Mag-
dal à la frontière orientale, Taphnis un peu plus haut
dans les terres et enfin Memphis à la pointe de Delta ;
il les atteindra pareillement en Haute Egypte (f. 1) ; d'un
mot, dans les deux régions distinctes où s'étend la dis-
persion. Cf. Ézéchiel, xxx, 13-14, où l'on voit la même
opposition entre Mesraîm et Phaturès. — 3° Dans Ézé-
chiel, xxx, 14, le Seigneur prédit la dispersion de la
terre de Phaturès. Au chap. xxix, 12-13, le Seigneur vient
de dire : « Je disperserai les Égyptiens parmi les na-
tions, et je les séparerai dans tousles pays... Après qua-
rante ans je rassemblerai les Égyptiens du milieu des
peuples parmi lesquels ils avaient été dispersés. » Il
ajoute, f. 14 : « Je ramènerai les captifs d'Egypte; je les
placerai dans la terre de Phaturès, dans la terre de leur
naissance, et ils y feront un royaume humilié. » Dans
l'état actuel de nos connaissances, la réalisation de cette
prophétie reste obscure par plus d'un côté. Ni les docu-
ments assyriens et égyptiens, ni Josèphe et les autres
écrivains ne font la lumière sur ces quarante années
suivies du rétablissement de l'Egypte dans un royaume
limité à la terre du sud. Cf. W. M. Mùller, art. Pathros,
dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. m, p. 693.
Une seule chose est certaine : après les invasions des
Assyriens, l'Egypte était frappée à mort, et malgré son
renouveau sous Amasis, elle était bien « un royaume
humilié ». Les Perses allaient venir. Peut-être est-ce
dans la période qui va d' Amasis aux Perses (570-525)
qu'il faudra placer la restauration signalée par le pro-
phète? Il y eut là, semble-t-il, un moment d'accalmie
et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte déli-
vrée des Éthiopiens. Mais il est un point de la prophétie
où nos connaissances nous permettent de vérifier l'exac-
titude d'Ézéchiel. Il dit expressément que Phaturès est
la terre d'origine des Égyptiens, terra nativilatis
suse. En cela il est d'accord avec la tradition égyptienne
V. -8
227
PHATURÈS — PHÉNIGIE
228
consignée par Hérodote n, 4, 15, et Diodore n, 50,
Thinis, ^~ ] , Theni, dans la Haute-Egypte, fut en
effet le berceau et la première capitale de l'Egypte, Menés,
le premier roi historique, en était originaire, les deux
premières dynasties sont appelées thinites. Brugsch,
Histoire d'Egypte, i™ partie, 2» édit., Leipzig, 1875,
p. 29-30. De plus, les inscriptions attestent la priorité
du sud en le plaçant toujours avant le nord ; ainsi, par
exemple, le Pharaon est constamment en premier lieu
roi de la Haute Egypte. Enfin Amélineau a découvert
(1895-1898) les tombes des plus anciens rois à Abydos,
nécropole de Thinis, et cette découverte est venue
donner à la tradition la plus éclatante confirmation.
Cf. Pétrie, The royal Tombs, 2 in-8», 1900-1901 (Mé-
moires XVIII et XXI de l'Egypt Exploration Fund).
Venus d'Asie par la mer Rouge et l'ouadi Hammâmât,
suivant l'opinion la plus probable, les Égyptiens s'éta-
blirent donc dans les environs d'Abydos. Ce fut là
qu'ils naquirent en quelque sorte comme peuple et
d'où ils s'étendirent au sud et au nord sur toute la
vallée du Nil._ Cf. J. de Morgan, Recherches sur les
origines de VÉgypte, t. u, 1897, p, 214 sq.
C. Lagier.
PHAÙ (hébreu: ws, Pâ'û, Gen.,xxxvi,39; >7B, Pâ'i,
I Par., i, 50; Septante : "^(ofiip), ville d'Idumée où
résidait Àdar (appelé Âdad I Par., i, 50), roi d'Édom.
Le site de cette ville est inconnu. U. J. Seetzen, Reisen
jiurch Syrien, Palàstina, t. ni, Lund, 1835, p. 18, pro-
pose de reconnaître Phaû dans Phau'ara. F. Buhl, '
Geschichle der Edomiter, 1893, p. 38, combat cette
identification.
PHÉ, lettre hébraïque. Voir Pé, col. 1.
PHEDAEL (hébreu : Pedâh'êl « Dieu délivre »;
Septante : $aSa-ri>.), fils d'Ammiud, de la tribu de Neph-
thali. II fut chef de sa tribu et Moïse le chargea de la
représenter dans le partage de la Palestine, avec les
chefs des autres tribus israéVites. ÏVvim., raxw, Î.8.
PHEGIEL (hébreu : Pag'î'êl, Septante : $o-(ct.i-r{>.,
«Êa-fe-r^), fils d'Ochran, chef de la tribu d'Aser, du
temps de Moïse. Il oiîrit au Tabernacle les mêmes pré-
sents et les mêmes sacrifices que les autres chefs de
tribus. Num., i, 13; h, 27; vu, 72, 77. Il marchait à la
tête des Asérites. Num., x, 26.
PHELDAS (Pildâs; Septante : «SctASé;), le sixième
des huit fils de Nachor, frère d'Abraham et de Melcha,
sa nièce. Gen., xxn, 22. Le nom îurrbs a été trouvé
dans les inscriptions nabuthéennes. M. A. Levy, Ueber
die nabatâischen lnschriften, dans la Zeitschrift der
deutschen movgenlàndischen Gesellschaft, t. xiv, 1860,
p. 440.
PHÉLÉIA (hébreu : .Prfd'yâfcfvoirPHALAïA, col. 182];
Septante : $a8ats; A lexandrinus : QoXvda.), troisième
fils d'Elioénaï, de la race royale de David. I Par., m,
24.
PHÉLELIA (hébreu : Pelalyâh, « Jéhovah juge »;
Septante : «JaXaXîâ), prêtre, fils d'Amsi et père de
Jéroham qui était lui-même père d'Adaïa, contempo-
rain de Néhémie. II Esd., xi, 12. C'était un des des-
cendants de Pheshur ou Phassur, fils de Melchias.
PHÉLETH (hébreu : Pélét; Septante : $aXI6), père
de Hon, de la tribu de Ruben. Hon prit part à la ré-
volte de Coré et des deux autres Rubénites Dathan et
Abiron contre Moïse et Aaron, Num., xvi, 1. Les Sep-
tante et le texte samaritain appellent Phéleth fils de
Ruben. — Un descendant de Jéranjéel de la tribu de
Juda, qui est aussi appelé Pélét dans le texte hébreu,
est appelé Phaleth, dans la Vulgate. I Par., u, 33.
PHÉLÉTHIENS (hébreu : hap-Pelêti; Septante :
ô $e).£80> gardes du corps du roi David. II Reg., vm,
18; xv, 18; III Reg., i, 38, 44; IPar., xvin, 17. La Vul-
gate nomme aussi les Phéléthiens, IV Reg., xi, 19,
parmi les gardes qui accompagnèrent le roiJoas lors de
son intronisation, mais l'hébreu et les Septante n'en
font pas mention et parlent seulement des Céréthiens.
Dans tous les autres passages cités plus haut, les Phé-
léthiens sont toujours joints aux Céréthiens et nommés
à leur suite. On croit communément que leur nom
n'est qu'une variante de celui de Philistin. Cf.
Ezech., xxv, 15; Soph., n, 5. Voir Céréthiens, t. n,
col. 441.
PHÉLONITE. I Par., xi, 36: Voir Phallonite,
col. 183.
PHELT1 (hébreu : Pillai; Septante : ^eltu), repré-
sentant de la famille sacerdotale de Miaminet Moadiadu
temps du grand-prêtre Joacim. II Esd., xii, 17. Voir
Miamjn 3, col. 1058.
PHELTIA (hébreu : Pelatyâh [voir Phaltias,
col. 184]; Septante : ^aX-cid), un dés chefs du peuple
qui du temps de Néhémie signèrent l'alliance entre
Dieu et les Israélites. II Esd., x, 22.
PHELTIAS (hébreu : Pelatyâh et Pelatyâhû [voir
Phaltias, col. 184]; Septante : ^aXxtâç), fils de Banaïas,
contemporain d'Ézéchiel, un des chefs du peuple. Le
prophète, dans une vision, xi, 1-13, fut transporté à la
porte orientale du Temple de Jérusalem et il vit là
vingt-cinq hommes au milieu desquels étaient Jézonias,
fils d'Azur, et Pheltias. Dieu lui ordonna de prophétiser
contre eux et comme il prophétisait, Pheltias mourut.
PHENENNA (hébreu : Peninnâh,n corail ou perle; »
Septante : $evvava), seconde femme d'EIcana, père de
Samuel. Elle avait des enfants et Anne, la première
femme et la femme préférée d'EIcana, n'en avait point.
Phénenna, jalouse sans doute de la préférence que mon-
trait son mari, reprochait sa stérilité à Anne qui était
humiliée et blessée de ses reproches. I Reg., i, 1-8.
Quand ses prières lui eurent obtenu de Dieu un fils qui
fat Samuel, Anne s'écria dans son cantique, à l'adresse
de Phénenna, I Reg., h, 5 :
La stérile enfante sept fois,
Et celle qui avait beaucoup de fils est flétrie.
PHÉNICE (grec : <J>oïvt£; Vulgate : Phœnice), port
de Crète. Act., xxvn, 12. Voir Phœnice.
PHÉNIC1E, nom donné à la cote de Syrie et au terri-
toire compris entre le mont Liban à l'est et la mer Mé-
diterranée à l'ouest. Sa longueur a été très différente
selon les diverses époques. Elle s'étendait depuis Gébal
ou Byblos jusqu'à Dor ou Tantourah, mais on l'a pro-
longée aussi jusqu'à Joppé et même Rhinocolure, à la
frontière de l'Egypte, avant l'établissement des Philistins
dans la Séphélah. Jamais elle n'a désigné un État unique,
gouverné par un même chef; elle fut toujours divisée en
un certain nombre de villes possédant chacune un terri-
toire particulier et une domination pi us ou moins étendue .
I. Nom. — 1° Le nom de Phénieie nous vient des Grecs
et non des Phéniciens eux-mêmes. La forme grecque
est <E>otv:Vr], Odys., iv, 83; Hérodote, m, 5; Thucy-
dide, n, 69; Strabon, XVI, n, 21; Ptolémee, v, 15, 21,
et la forme latine, Phœnice. Cicéron, Acad., ir, 20;
Tacite, Rist., v, 6; Pomponius Mêla, i, 12; Pline,
H. N., v, 13. Les auteurs latins plus récents écrivirent le
229
PHÉNICIE
230
nom Phœnicia et cette forme a prévalu parmi les mo-
dernes, mais elle ne se trouve pas dans l'Écriture. Ce
nom ne se lit que dans les livres écrits en grec,
puisqu'il est d'origine grecque, c'est-à-dire dans le se-
cond livre des Machabées, m, 5, 8; iv, 4, 22; vin, 8; x,
11, et dans les Actes, xi, 19; xv, 3; xxi, 2; xxvn, 12 :
«Êoivnai etPhœnice. Saint Marc, vu, 26, mentionne une
Syro-phénicienne Evpotpofvtffda, Syrophœnissa.
2° L'Ancien Testament, en dehors de II Mach., ne
désigne pas autrement la Phénicie que par le nom
général de terre de Chanaan. Gen., x, 19; Is, , xxm,
11; Abd., 20. Cf. Matth., xv, 22, appelant « Chana-
néenne » la femme que saint Marc, vu, 26, appela
Syro-phénicienne, et les Septante rendant (quelquefois
à tort), Jos., v, 12, la locution « terre de Chanaan » par
?! $oivîxt] ou t( -/wpa twv $otvi'xwv. Exod., xvi, 3, 5; Jos.,
v, 1; Is., xxm, 2; Job, XL, 15 (30). Cf. Deut., m, 9.
Voir Chanaan 2, t. h, col. 537. Mais il faut observer
que ce nom de Chanaan n'est pas réservé seulement à
la Phénicie; il est plus étendu et s'applique à des ter-
ritoires et à des peuples qui n'étaient pas phéniciens.
L'absence d'un nom général pour la Phénicie provient
de ce que les cités phéniciennes étaient indépendantes
les unes des autres et n'étaient unies par aucun lien
politique. La table ethnographique de la Genèse, x, 15-
44. — Monnaie de Laodicée du Liban.
Tête diadémée et radiée d'Antiochus, à droite. — R). BAEIAEQ5
ANTioxor. Zjo/,44 fi &> &'W%''-i'-i' Neptune, de-
bout, de face, drapé aux trois quarte dans sa chlamyde, tenant
une patère de la main droite et le trident de la main gauche.
Dans le champ à gauche, A. A (pour Laodicée); à droite, un
monogramme.
18, énumère séparément Sidon, l'Aracéen, l'Aradien, le
Samaréen, et les écrivains hébreux ne désignent jamais
les Phéniciens par un nom ethnique spécial, mais par
les noms des villes auxquelles ils appartiennent : les
gens de Sidon, les gens de Tyr, I Esd., ni, 7; les
Giblites, III Reg., v, 18; les gens d'Arad, Ezech., xxvn,
11; les Aracéens, les Sinéens, les Samaréens, Gen., x,
17, 18; les habitants d'Acho, d'Achzib et d'Aphec. Jud.,
i, 31. En englobant d'ailleurs la Phénicie dans la terre
de Chanaan, les écrivains hébreux parlaient comme les
Phéniciens eux-mêmes. Une monnaie de Laodicée du
Liban (fig. 44), frappée au nom d'Antiochus IV Épi-
phane, nous montre que, à cette époque encore (175-
164 avant J.-C), on donnait au pays le nom de Cha-
naan. On y lit en effet ^yjsa ™ xs-mbb, « De Laodicée,
mère (métropole) de Chanaan. » Gesenius, Phœnicise
monumenta, t. il, p. 267. Etienne de Byzance, De
urbibus, édit. Dindorf, Leipzig, 1835, t. i, p. 464, dit
formellement ; Xvà, ovtok ■?; "foivi'xï] ÊxaXeïTo. Cf. la
citation de Philon de Byblbs dans Eusèbe, Prmp.
evang., I, 10, t. xxi, col. 84 : 'ASeXço; Xvà toû rcptito-j
u.tTovop.acr9ÉVTOc <&ocvixo;. Chna est une forme apocopée
de Chanaan. Dans le papyrus Harris, i, 9, lig. 1 et suiv., la
Phénicie est appelée aussi Kanaan. Voir W. M. Mùller,
Asien und Europa, 1893, p. 181. Saint Augustin nous
apprend que de son temps les paysans carthaginois, en
latin, Pœni, dénomination qui n'est pas différente de
Phœnices, s'appelaient eux-mêmes Chanani : Interro-
gati rustici nostri quid sinl, dit-il, In Rom, inch.
Expos., 13, t. xxxv, col. 2096, punice respondentes
Chanani... Cf. Gesenius,' Thésaurus, p. 696; Schrô-
der, Die phônizische Sprache, in-8°, Halle, 1869, p. 6
(et les citations, ibid.). Sur le nom Chanaan-Phénicie,
voir W. M. Mùller, Asien und Europa, p. 205-208.
Le nom géographique de Chanaan ne désigne pas direc-
tement le peuple qui habitait sur la côte, mais le pays
lui-même d'après son caractère physique. Chanaan
signifie « le pays bas », qui longeait la Méditerranée,
par opposition au pays haut, Aram ou la Syrie, formée
par les montagnes qui s'élevaient à l'ouest. Cur
dicta sit terra Chanaan interpretatio hujus nominis
aperit. Chanaan quippe interpretatur Humilis,
dit saint Augustin, Enarr. in Ps. cir, 7, t. xxxvn,
col. 1394.
3° L'étymologie du mot grec d>oîvi£ est controversée.
Le nom de la Phénicie paraît tiré, d'après les uns, du
nom de ses habitants. Les Grecs les appelèrent djoïvixeç,
d'où les Latins tirèrent Phœnices et Pœni, à cause de la
couleur rouge-brun de leur peau (çoivôj). R. Pietsch-
mann, Geschichte der Phônizier, Berlin, 1889, p. 13.
D'après d'autres, les Hellènes antérieurs à Homère
donnèrent au pays situé à l'ouest du Liban le nom de
«Êoivtxr], parce que ce qui les frappa le plus, quand ils
le visitèrent, ce fut le palmier qui y est indigène et
élève sa couronne de palmes au-dessus de l'olivier, du
45. — Monnaie de Tyr.
Tête diadémée d'Antiochus IV, adroite. -
ANTioxor. Un palmier.
R). BAEIAEflE
figuier et du grenadier; Phénicie veut dire le pays des
palmiers, <poïvi? signifiant « palmier » en grec. G. Raw-
linson, History of Phœnicia, 1889, p. 1. Cet arbre
figure sur des monnaies de Tyr (fig. 45) et de plu-
sieurs autres villes phéniciennes. Babelon, Les rois de
Syrie, Paris, 1890, p. xcix, 75 (n° 577, 578), pi. xm,
n» 12. Voir, pour d'autres monnaies phéniciennes re-
produisant le palmier, Schrôder, Phônizische Sprache,
pi. xvm, fig. 11, 12, 14.
II. Origine des Phéniciens. — La table ethnogra-
phique de la Genèse, x, 15-18, fait descendre les Phé-
niciens de Chanaan, fils de Noé. Elle énumère parmi
les fils de Chanaan, Sidon, son premier-né, l'Aracéen,
le Sinéen, l'Aradien et le Samaréen, c'est-à-dire que
Sidon, Arca (voir Aracéen, t. i, col. 866), Arad ou
Arvad et Simira, qui comptaient parmi les principales
villes de Phénicie, furent fondées et habitées par les
descendants de Chanaan. Sidon fut en effet tout d'abord
la ville la plus florissante du pays, et Tyr, qui n'est pas
nommée dans le Pentateuque et n'apparaît que dans le
livre de Josué, xix, 29, n'acquit que plus tard la préé-
minence. Voir Tyr, Sidon.
On croit généralement que les Phéniciens ont émi-
gré des bords du golfe Persique sur les rives de la
Méditerranée environ 3000 ans avant notre ère. Héro-
dote, i, 1 ; vu, 89; Strabon, XVI, m, 2; Justin, XVIII,
m, 2. Ce dernier, abréviateur de Trajan Pompée, dit :
te La nation syrienne fut fondée par les Phéniciens, qui
étant troublés par un tremblement de terre, quittèrent
leur pays d'origine et s'établirent d'abord sur les bords
du lac Assyrien (probablement le Bahr Nedjif, dans le
voisinage de Babylone) et puis sur les bords dé la
Méditerranée, où ils bâtirent une ville qu'ils appelèrent
Sidon, à cause de l'abondance du poisson, car les Phé-
niciens appellent le poisson sidon », Ces affirmations
231
PHENIGIE
232
ont été contestées, mais le fond paraît exact. G. Rawlin-
soft, History of Phœriicia, p. 54. Quel a été leur ber-
ceau primitif? Nous l'ignorons. On en fait assez générale-
ment aujourd'hui un peuple sémitique, surtout à cause
de sa langue, qui diffère très peu de l'hébreu et est
apparentée aux autres langues sémitiques, mais il ne_
résulte pas de là nécessairement que les Phéniciens
fassent des descendants de Sem et que l'origine chami-
tique qui leur est attribuée par la Genèse soit controu-
46. — Carte de la Phénicie.
vée. Les Phéniciens, commerçants par goût et par tem-
pérament, ont pu adopter la langue des nations et des
tribus avec lesquelles ils étaient en affaires. Il est pos-
sible aussi que Sémites et Chamites aient parlé long-
temps la même langue et que les Phéniciens vivant au
milieu des Sémites aient toujours parlé un idiome
semblable à celui de leurs plus proches voisins. Cf. Th.
J. Ditmar, Ueber das Vaterland der Phônizier, in-12,
Berlin (1889).
III. Le pays. — 1° Etendue. — La longueur de la
Phénicie a varié aux diverses époques et les anciens
géographes n'ont eu qu'une idée assez vague de ses di-
mensions. Si on l'étend du cap Possidi à Rhinocolure,
elle eut en ligne droite, environ 610 kilomètres de lon-
gueur, mais, en général, les Phéniciens n'ont pas de
beaucoup dépassé le mont Carmel. Pomponius Mêla,
Chorogr., t, 11-12, édit. Teubner, p. 15-16, en remon-
tant du sud au nord la fait commencer à Joppé (fig. 46).
De la frontière d'Egypte au mont Carmel, sur une
longueur de 240 kilomètres, on ne rencontre aucun
promontoire, aucune baie digne de ce nom. Du Carmel
qui s'avance assez avant dans la mer et offre un refuge
aux navires, jusqu'à Beyrouth, pendant 146 kilomètres,
la côte est presque régulière. Ce n'est qu'au nord de
Beyrouth que la ligne de côtes devient accidentée. De
cette ville à Tripoli, elle est coupée par plusieurs pro-
montoires et plusieurs baies. A partir de là, de Tripoli
à Tortose (Antaradus), la mer fait une forte échancrure
dans les terres. J usqu'au delà de Gabala, la côte remonte
vers le nord avec peu de sinuosités, mais ensuite, jus-
qu'au cap Possidi, elle est très irréguliére; les monts
Bargylus et Casius se prolongent dans (a mer et forment
des promontoires dont le cap Possidi est le plus remar-
quable.
La largeur du territoire occupé par les Phéniciens
sur le rivage de la Méditerranée variait de 12 à 15 kilo-
mètres à 50. La frontière orientale était l'arête monta-
gneuse qui sépare les eaux qui se déversent dans la
mer à l'ouest,, de celles qui se déversent à l'est dans
l'Oronte, le Litany et le Jourdain. Entre ces montagnes
et la mer, on trouve des plaines d'alluvion et sur le
rivage même une bande de sable blanc, plus ou moins
large, qui se distingue par sa finesse et par son excel-
lente qualité siliceuse, spécialement dans le voisinage
de Sidon et au pied du mont Carmel.
2° Plaines et montagnes. — Les plaines les plus
remarquables sont celles de Saron, d'Accho, de Tyr, de
Sidon el de Marathus. Les montagnes qui appartiennent
ou se rattachent à la Phénicie sont le Carmel, le Casius,
le Bargylus et le Liban. Voir Carmel 2, t. u, col. 290, et
Liban, t. iv, col. 1277. Le Bargylus des anciens, Ansay-
riéh ou Nasariyéh des modernes s'étend de l'Oronte
près d'Antioche à la vallée de l'Éleuthérus. L'eau y
abonde et là prennent naissance le Nahr-el-Kebir qui
a son embouchure près de Latakiéh, le Nahr-el-Melk,
le Nahr-Amrit, le Nahr-Kublé, le Nahr-el-Abratb, etc.
Le Liban était la chaîne la plus importante, la défense
naturelle la plus forte de la Phénicie ; les armées étran-
gères n'osaient guère s'aventurer à l'ouest de ses cimes.
3° Climat. — Le climat de la Phénicie est très varié,
à cause de l'étendue de ses côles et de la diversité des
altitudes. Pendant l'hiver, les tempêtes sont nombreuses
et la pluie abondante, la navigation, interrompue et
même impossible, mais de mai à octobre, le baromètre
varie fort peu, le ciel est sans nuage et sans pluie.
4» Productions. — Le sol produit le palmier qui,
autrefois surtout, était très abondant, le sycomore, le
pin maritime, le platane, sur la côte; et dans les mon-
tagnes le cèdre, « la gloire du Liban », le pin d'Alep, le
cyprès, etc., le chêne, le noyer, le peuplier et le ca-
roubier. Les arbres fruitiers indigènes dans le pays
sont l'olivier, la vigne, le dattier, le noyer et le figuier.
Voir ces mots. On trouve sur la côte les coquillages
dont les Phéniciens tiraient la couleur pourpre. Voir
Pourpre.
5° Villes principales. — Les principales villes de
Phénicie, depuis Laodicée au nord jusqu'à Joppé au
sud, étaient au nombre de vingt-cinq : Laodicée,
Gabala, Balança, Paltos; Arad on Arvad, Gen., x, 18;
Ezech., xxvn, 8, avec Antaradus, Marathus, Simyra,
Orthosiade et Arca; Tripoli, Calamus, Triéris et Botrys;
Gébal (Byblos), Ezech., xxvn, 9; III Reg., v, 18 (32);
Aphaca; Béryte, voir Béroth, t. i, col. 1625; Sidon,
Sarepta et Ornithopolis ; Tyr et Ecdippe ; Accho et Por-
phyrîon; Dor et Joppé. Sarepta est nommée dans
l'Écriture, III Reg., xvn, 9-24; Abd., 20; Luc, IV, 26,
ainsi qu'Orthosiade, IMach., xv, 37, Accho, Dor, Joppé
et surtout Tyr et Sidon. Voir ces mots. La plaine de
la Phénicie dans le sens strict s'étendait du Promonto-
233
PHÉNIGIE
234
rium Album des anciens (Rds el-Beyad ou Abyad des
modernes), à huit kilomètres environ au sud de Tyr
jusqu'à l'ancien Bostrenus (Nahr el-Auly des modernes)
à deux kilomètres au nord de Sidon, Robinson, JBibli-
cal researches, 2 e édit., 1856, t. n, p. 473, occupant une
plaine ondulée de 450 kilomètres de longueur.
IV. Le commerce. — Les Phéniciens sont surtout cé-
lèbres par leur commerce, leur industrie et leurs navi-
gations. Doués du génie du négoce, leur trafic nous
explique toute leur histoire. Il leur avait procuré de
grandes richesses qui les avaient rendus célèbres.
Cf. Ps. xliv (xlv), 13; lxxxvi (lxxxvii), 4; Ezech.,
xxvii; Ose., ix, 13;Zach., ix, 2-3.
« Ce petit peuple, attaché à la frange d'un littoral,
possédait le monopole des grandes navigations dans la
Méditerranée et fournissait à
tous ses voisins les objets pré-
cieux importés des extrémités
du monde, aussi bien par les
voies de terre où cheminaient
les caravanes, que par les voies
de mer, pratiquées des navi-
res. Les Phéniciens avaient
acquis des ports sur la mer
Rouge, afin de s'élancer vers
l'océan des Indes et de visiter
les côtes de l'Afrique, de l'A-
sie, même de l'Insulinde,
=^. r -_ s^ki ainsi qu-'en témoignent nom-
pi--- i^ïï^Et ^re d'inscriptions phénicien-
feî" * "-^SWs: nés trouvées à Rejang, dans
l'île de Sumatra, et datant de
vingt-deux à vingt-trois siè-
cles... Pour aller chercher
l'étain qu'ils vendirent d'abord
aux Égyptiens, puis aux Hel-
lènes, de la Petite et de la
Grande Grèce, les Phéniciens
avaient même osé franchir les
portes d'Hercule, et s'aventu-
rer sur la « mer Ténébreuse ».
Enfin, devançant de vingt siè-
cles les Diaz et les Vasco de
Gama, n'avaient-ils pas, par
ordre du roi d'Lgypte, Né-
chao II, accompli la circum-
navigation complète du con-
tinent d'Afrique ? Lé récit des
navigateurs affirmant qu'ils
avaient vu le soleil d'abord à
leur droite, puis à leur gau-
che, pendant ce long périple,
entraîne Hérodote à douter de l'authenticité de ce voyage
et c'est précisément ce dire sur lequel s'appuient main-
tenant les géographes pour conclure à la réalité de
l'événement. » Elisée Reclus, LaPhénicie et les Phéni-
ciens, in-8°, Neuchatel, 4900, p. 15-16.
Les Phéniciens firent leur apprentissage de la navi-
gation lorsqu'ils habitaient sur les bords du golfe Per-
sique, en voyageant au moyen de radeaux d'une île à
l'autre, selon la tradition antique. Pline, H. N., VII,
lvi, 206, édit. Teubner, 1870, t. n, p. 52. Quand ils se
furent établis sur le territoire qu'on a appelé de leur
nom, ils perfectionnèrent peu à peu leurs moyens de
transport. La situation du pays le rendait très favorable
pour le commerce. Pomponius Mêla, I, 12; J. Kenrick,
Phœnicia, Londres, 1855, p. 186-187. Le Liban leur
fournissait en abondance mi excellent bois de construc-
tion pour les navires; Chypre, tous les matériaux néces-
saires pour le grément du vaisseau, de la quille jusqu'aux
voiles. Nous ne connaissons pas en détail le navire
phénicien, mais nous savons qu'il faisait l'admiration
des Grecs. DansXénopbon,i£ , cono)i! v vin, Ischomachos
47. — Flacon de verre phé-
nicien, à parfums, trouvé
à Gamiros, dans l'île de
Hhodes. — D'après Perrot
et Chipiez, Histoire de
l'art, t. m, fig. 522, p. 741.
dit qu'il n'avait jamais vu de navire mieux disposé qu'un
vaisseau phénicien. Voir Navire, t. iv, fig. 405, col. 2427.
Ézéchiel, xxvii, a tracé un tableau célèbre du commerce
de Tyr, qui était celui de tous les Phéniciens. Cf. Is..
xsiii, 2-8. Ils fournissaient à l'ancien monde des pro-
duits textiles renommés. Damas et l'Arabie lui ven-
daient la laine à tisser. Ezech., xxvii, 18, 21. Leurs
8Eïï3 EE^EiœiBŒ
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48. — Peigne phénicien en ivoire, trouvé en Espagne.
Musée du Louvre.
tissus étaient estimés par-dessus tous les autres, lliad.,
vi, 290, à cause de la beauté et de l'éclat de leurs cou-
leurs et aussi, souvent, à cause de la délicatesse et de la
richesse de leurs broderies. Voir Perrot, Histoire de
l'art, t. in, p. 877. Leurs étoffes de pourpre jouissaient
d'une grande réputation. Voir Pourpre.
Le verre était avec les tissus un des principaux objets
49. — Buste de femme ornée de ses bijoux. Sculpture gréco-
phénicienne, trouvée à Elché (ancienne Ilici) en Espagne
Musée du Louvre.
du commerce des Phéniciens. Voir Verre. Les Égyp-
tiens le connaissaient avant eux, mais quoiqu'ils n'aient
pas été les premiers à le connaître, ils l'exploitèrent
sur une large échelle et avec le plus grand succès. Sidon,
Tyr et Sarepta se distinguèrent par leurs manufactures.
Il fut exporté dans tout le monde ancien et l'on en a
retrouvé de très beaux échantillons, transparents ou
demi-transparents et diversement colorés (fig. 47).
L'art céramique en Phénicie fut loin d'égaler celui
du verre, mais ils fabriquaient de. la poterie à bon
marché et la répandirent ainsi très loin. Strabon, III, y,
235
PHÉNICIE
236
11 ; Scylax, Periplus, 112, dans Geogr. min., édit. Di-
dot, t. r, p. 94. Ils fabriquaient aussi des objets de toi-
lette, comme le peigne en ivoire qui a été retrouvé en
Espagne (fig. 48), et des bijoux de toute sorte (%. 49).
Les ouvriers phéniciens étaient aussi habiles en mé-
tallurgie, comme ils le montrèrent dans la fabrication
des deux colonnes du temple de Salomon, voir III Reg.,
vu, 21 ; et des ustensiles en bronze destinés au service,
du même temple, III Reg., vu, 14; II Par., h, 14. Ils
l'Assyrie, la Mésopotamie (Haran), l'Arménie (Thogor-
mah), l'Asie Mineure, l'Ionie, Cypre, l'Hellade (Javan),
l'Espagne (Tharsis). Avec les uns, les Phéniciens fai-
sant leur commerce par terre; avec les autres, par mer.
Grâce à leurs découvertes géographiques et à leurs dé-
couvertes astronomiques qui leur permirent de navi-
guer en pleine mer, sans s'astreindre à longer seule-
ment les côtes, ils élargirent sans cesse le cercle de
leur commerce. Ils établirent un peu partout des
50. — Coupe de travail phénicien, trouvée dans l'Ile de Chypre. Musée du Louvre.
fabriquaient pour l'exportation de nombreux objets en
métal, statuettes, coupes, patères, etc., et les vendaient à
l'étranger (fig. 50). ZKad.,xxm, 740-744; Odys., iv, 615;
xv, 115. Leur art est de qualité inférieure; c'est une
imitation un peu gauche et maladroite de l'art assyrien
et surtout de l'art égyptien, mais ces œuvres n'en fai-
saient pas moins leur chemin à travers le monde qui,
en dehors des bords de l'Euphrate et du Nil, ne con-
naissaient rien de mieux dans ces temps antiques. Voir
G. Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. m,
p. 403-439, 518-535; Clermont-Ganneau, - L'imagerie
phénicienne, Paris, 1880, p. 2.
Ézéchiel, dans son chapitre xxvn, énumère une partie
des pays avec lesquels trafiquait la ville de Tyr : la Syrie
Damas, la Palestine, l'Egypte, l'Arabie, la Babylonie,
comptoirs qui facilitèrent leur négoce. Voir A. Daux,
Recherches sur les emporta phéniciens, dans le Zeugir
et le Bysacium, in-8», Paris, 1869.
Les Phéniciens achetaient en Palestine les chênes de
Basan, pour en faire des rames, Ézech., xxvn, 6, le
froment de Mennith (voir Mennith, t. iv, col. 972), le
baume, le miel, l'huile et la résine, f. 17, les ceintures
fabriquées par les femmes israélites, Prov., xxxi, 24, et
sans doute toutes les productions du pays. Cf. Joël,
in, 3-6, En échange, ils donnaient les étoffes et les
bijoux de leurs artistes (fig. 51); les Tyriens allaient
vendre leur poisson jusqu'à Jérusalem, avec toute espèce
de marchandises, omnia venalia, et ce ne fut pas sans
peine que Néhémie les obligea à respecter le repos du
sabbat. II Esd., xih, 16-21. .
237
PHÉNICIE
238
Les Phéniciens n'exercèrent pas toujours leur com-
merce sans violer les lois de la justice. Ils s'étaient
souvent rendus odieux par leurs pirateries et par leurs
rapines. Ils enlevaient par la ruse et la violence tous
ceux qu'ils pouvaient surprendre, hommes, femmes,
enfants, pour les vendre comme esclaves. La fraude,
«7tan)}.ia, Odyss., xiv, 883, était pour eux, en même
51. — Bijoux phéniciens sur une statue de femme drapée, trou-
vée dans les ruines du temple de Gurium en Chypre. Pierre
calcaire. Le vêtement forme des plis très marqués. La tête
manque. Autour du cou, une petite chaîne à laquelle était sus-
pendu un objet brisé. Au-dessous un collier à gros grains;
plus bas, deux autres grands colliers auxquels sont suspendus
des ornements en forme de glands; enfin, traces d'un qua-
trième collier qui paraît porter un ornement en forme de tête
de taureau. Une longue chaîne, travaillée avec beaucoup d'art,
descend du cou jusqu'au-dessous de la main droite; quatre
anneaux sont attachés à l'ornement en forme de lyre que deux
têtes d'aspic nouent à la chaîne. Aux bras, un bracelet. —
D'après di Cesnola, Atlas, in-f", part. 2, pi. ex, fig. 588.
temps que la vente de leurs marchandises, un moyen
de s'enrichir. Hérodote, II, 56; v, 58; Odyss., xiv, 290;
xv, 415-484; Cicéron, De Rep., m, 36; Thucydide, i, 8.
Le mensonge leur était familier pour dissimuler leurs
voyages et las sources de leurs profits. Le ^£û<tu;«
<{>oiv!xtx6v "était devenu proverbial. Strabon, III, v, 5,
Étymologic. Magn., édit. Craisford, Oxford, 8, 48,
p. 797. Gf. Hérodote, m, 107, HO, 111, 115. Un capi-
taine phénicien, qui allait de Cadix au pays de l'étain
(Cassitérides), s'étant aperçu qu'il était suivi par uu
navire romain, n'hésita pas à aller briser le sien sur la
côle pour ne pas révéler le pays où il allait s'approvi-
sionner. L'État le dédommagea de sa perte volontaire.
Les Phéniciens réussirent ainsi à conserver longtemps
l'empire de la mer. On comprend sans doute que ce
52. — Buste supposé de Melkarth. Musée du Louvre.
peuple de marchands ne négligeât rien pour cacher à
ceux qui seraient devenus leurs conçu rrents les routes
qui leur servaient à faire fortune, mais il eût été dési-
rable pour leur honneur qu'ils n'eussent employé que
des moyens honnêtes dans leur trafic. Il faut d'ailleurs
reconnaître qu'ils rendirent aussi de véritables services.
Malgré leur rapacité et leurs pillages trop fréquents,
les marchands phéniciens étaient ordinairement reçus
avec bienveillance par les pays qu'ils visitaient et à qui ils
vendaient des objets estimés, qu'ils étaient seuls à four-
nir. Ils méritaient ce bon accueil, parce qu'ils achetaient
53. — Autel phénicien de Hagiar Kim. Malte.
D'après Perrot, Histoire de l'art, t. m, p. 304, fig. 229.
aux indigènes leurs produits, qu'ils les intéressaient et les
instruisaient par les récits plus ou moins fabuleux de
leurs voyages et leur apportaient un luxe et des élé-
ments de bien-être inconnus. Le premier vaisseau, a-t-
on dit, qui partit du port de Sidon pour aller trafiquer
à l'étranger, emportait dans ses flancs la civilisation et
le progrès. Progrès très relatif, il est vrai, mais progrès
239
PHENICIE
240
cependant, quoique matériel surtout. Quand ils inven^
tèrent l'écriture alphabétique et la communiquèrent aux
Grecs, ils devinrent les bienfaiteurs de l'humanité et
ils supplantèrent peu à peu toutes les écritures impar-
faites imaginées jusque-là. "Voir Alphabet, 1. 1, col. 402.
Ils ne nous ont guère laissé d'ailleurs que quelques
inscriptions, la plupart religieuses, et point de littéra-
ture, absorbés qu'ils étaient par leurs opérations mer-
cantiles. L'existence de Sanchoniaton est révoquée en
doute, Philon de Byblos et les autres écrivains anciens
qu'a produits la Phénicie ne sont pas antérieurs au
commencement de notre ère.
V. Religion. — La religion des Phéniciens eut une
54. — Prêtre carthaginois. Musée Lavigerie à Carthage.
grande influence sur les Israélites, à toutes les époques de
leur histoire et particulièrement à l'époque d'Achab, où
la reine Jézabel, Phénicienne d'origine, et fille d'Ithobal,
grand-prêtre d'Astarthé (Ménandre d'Éphèse, fragm. 1,
dans les Hist. grssc. fragm., édit. Didot, t. iv, p. 446), vou-
lut la faire dominer par la force dans le royaume des
dix tribus. Le voisinage et la prospérité de la Phénicie
ne pouvaient manquer d'exercer une fâcheuse influence
sur les Israélites, déjà enclins par eux-mêmes à l'ido-
lâtrie. Aussi adorèrent-ils les dieux de Tyr et de Sidon
et pratiquèrent-ils les rites de leur religion. Jud., x, 6.
A la tête du panthéon phénicien étaient le dieu Baal
et sa compagne, la déesse Astarthé ou Astoreth. Voir
Baal, t. î, col. 1315, et Astarthé, col. 1180. Chaque
ville eut son Baal; de là les Baalim, Jud., il, 11 ; m, 7;
x, 6, etc., Baal-samin ou des cieux, Baal des mouches,
voir Béelzébub, t. i, col. 1547, etc. Les autres prin-
cipales divinités phéniciennes furent El, Melkarth
(fig. 52), Dagon, t. n, col. 1204; Hadad, t. m, col. 391.
Adonis, voir Thammuz, Sydik, Eschmûn, les Cabires.
Onca, Tanith, Tanata ou Anaïtis, Baalith, Baaltis ou
Beltis. On honorait ces divinités par des sacrifices et
par des hymnes, des processions et des offrandes votives.
On élevait des temples et des autels en leur honneur
(fig. 53). Des prêtres (fig. 54) et des prêtresses (fig. 55)
étaient attachés à leur service. Leur culte était désho-
noré par des sacrifices humains, Porphyre, De abstin.,
i-j
55. — Prêtresse carthaginoise. Musée Lavigerie à Carthage.
il, 56; Quinte Curce, rv, 15; cf. ,1er., xix, 4-5; Mich., vi,
7; IV Eeg., m, 27; xvi, 3; xxi, 6, et par des pratiques
licencieuses. Ovide, Metam., x, 240; Hérodote, I, 199;
Justin, xvm, 5; Eusèbe, Vita Const., m, 55, 3, t xx,
col. 1120; Lucien, De Dea Syra, 50-52; Corpus inscript,
semit., t. i, fasc. 1, p. 92. Les Phéniciens n'avaient
qu'une idée vague de l'immortalité de l'àme, mais ils fai-
saient des provisions pour la vie d'outre-tombe. « Après
la pluie le soleil brille de nouveau, » lit-on sur une in-
scription funéraire. Gesenius, Monum., p. 147. Us
étaient très religieux à leur façon et ils faisaient fré-
quemment des vœux à leurs dieux, comme le prouvent
spécialement les nombreuses stèles votives trouvées à
Carthage, voir Corpus inscript, semit., part, i, t. i, et
les ex-votos trouvés en grande quantité en Chypre, où
le temple de Golgi a fourni à ceux qui l'ont fouillé 228
241
PHENIGIE
242
statues votives, et une seule chambre du trésor de Cu-
rium plus de trois eents^ objets consacrés, en argentou
argentés. Di Gesnola, Cyprus, p. 146, 325, 306-334.
VI. Histoire. — i. caractère de leur gouverne-
ment.— Les villes phéniciennes étaient autonomes, lors-~
qu'elles apparaissent dans l'histoire, et sous le gouver-
nement d'un roi; pendant la période de la prépondé-
rance égyptienne, de 1600 à 1350 environ, aucune d'elles
ne paraît avoir prédominé sur les autres. Elles tenaient
surtout à la liberté de leur commerce; le reste semble
leur avoir importé peu; elles n'ont jamais eu le goût
des conquêtes; elles se soumettaient même sans trop
de difficulté aux rois d'Egypte et d'Assyrie plus forts
qu'elles et leur payaient tribut, quand ils faisaient cam-
pagne contre leur territoire. Une inscription égyptienne
antérieure à Moïse est à ce sujet très significative.
Sur le tombeau de Rekhmara qui fut préfet de Thèbes
sous Thothmès III (XVIII e dynastie), on voit le défunt
recevant au nom du Pharaon les hommages des nations
tributaires. Parmi elles sont représentés les Phéniciens
(fig. 56). « Viennent, dit l'inscription, et sont les bien-
venus les princes de Phénicie et des îles qui sont au
und Europa, p. 208-212, nie que les Fenh = Fenkhu des
textes hiéroglyphiques soient lesPhéniciens mais, quoi
qu'il en soit de ce nom, les guerres des Pharaons contre
le pays sont historiques.
m. suprémat[e de siBON. — Ce qu'ils faisaient à
l'égard des Égyptiens, auxquels ils payaient tribut dans
l'intérêt de leur commerce, les Phéniciens le firent à
l'égard de presque tous leurs vainqueurs, à toutes les
périodes de leur histoire. Après avoir été à peu près
égales entre elles, les cités phéniciennes acquirent ce-
pendant plus ou moins d'importance. Aradus (Arvad)
et surtout Sidon exercèrent d'abord une certaine supré-
matie. Du temps d'Homère, tous les marchands de Phé-
nicie n'étaient connus que comme Sidoniens. Itiad.,
xxhi, 743-748; mi, 290-295; Odys., iv, 613-619; xv, 460.
Avec le déclin de la puissance égyptienne, après
Ramsès II, du temps de Moïse, Sidon se fit connaître
comme « Sidon la grande ». Jos., xi, 8; xix, 28. Son
territoire s'étendit jusqu'à Laïs (Dan). Jud., xvm,
7-8. Ce fut sans doute la crainte qu'inspirait son pou-
voir qui empêcha les Hébreux, lors de la conquête de la
Terre Promise, de s'emparer de villes qui n'auraient
56. — Phéniciens apportant leur tribut en Egypte. Tombeau de Rekhmara.
Mémoires de la mission du Caire, t. v, fasc. i, pi. v.
milieu de la Grande Verte (la mer), à l'état de courbés
et d'inclinés pour les volontés de sa majesté le roi du
midi et du nord, Ramenkheper, vivificateur éternelle-
ment. Ses victoires sur tous les pays [ont porté] chez
eux le dégoût [de combattre (?)]. Leurs apports sur leur
dos, ils présentent l'hommage [pour que leur soient
donnés] les souffles de vie, comme désireux de subsister
par l'émanation de sa majesté... » Ph. Virey, Le tom-
beau de Rekhmara, dans les Mémoires de la mission
du Caire, t. v, fasc. 1, p. 38. Les Égyptiens avaient de
bonne heure envahi la Phénicie.
u. la phénicie sous les ÉGYPTIENS. — La plus an-
cienne inscription égyptienne qui mentionne la Phé-
nicie la nomme Dahé ou Zahi. W. Max Mûller, Asien
und Europa, p. 176-182. D'après ses calculs, entre 1587
et 1562 avant notre ère, Aahmés atteignit son territoire.
Il nomme des Fenkhu qui travaillaient dans des car-
rières. Thothmès I er , vers 1541-1516, envahit toute la
Syrie jusqu'à l'Eupbrate. Thothmès III, vers 1503-1449,
mentionne la 23 e année de son règne une victoire sur
les Fenkhu et les autres habitants de la Syrie ; la 29 e an-
née, il fait une campagne contre les Rutennu, Tunep,
Arvad et Zahi et s'empare d'un riche butin ; sa 30 e an-
née, il prend Cédés, Simyra et Arvad; sa 34 e année, il
fait payer tribut au pays de Zahi, de Rutennou et d'Asi
(Cypre). Aménophis III, vers 1414-1379, tient sous sa
domination la Phénicie et la Syrie tout entière. Les let-
tres de Tell el-Amarna nomment les gouverneurs de Tyr,
de Béryte, de Simyra, de Gebal, d'Accho, de Sidon, etc.,
qui représentaient le Pharaon dans ces villes à cette
époque. Voir Keilinschrifiliche Bibliothek, t. v, 1896,
p. 131, 133, 151, 267, 271, etc. Ramsès II envahit à son
tour le pays et une inscription de lui se voit encore près
du Nahr-el-Kelb (le Lycus). — M. W. M. Mûller, Asien
pu leur résister par leurs propres forces, Accho, Acha-
zib, Aphec, Jud., I, 31; cf. Eccli.,XLVi, 21, et qui avaient
été attribuées à Aser, lors du partage de la Terre
Sainte. Cf. Jos., xix, 26.
Les cités du voisinage de Sidon, Sarepta, Heldun,
peut-être Béryte (Beyrouth), Ecdippe et Accho acceptèrent
sa suzeraineté. Elle se distingua particulièrement pen-
dant cette période par ses progrès dans les arts, dans la
guerre et dans la navigation. Les premiers navigateurs
grecs les rencontrèrent dans toutes les parties de la
Méditerranée où ils s'aventuraient, et l'on savait qu'ils
fréquentaient de plus des régions inconnues à l'Héllade.
Une guerre qu'ils eurent à soutenir contre les Philis-
tins, qui s'étaient établis au sud de leur pays sur les
rives de la Méditerranée, leur mérita une grande répu-
tation d'audace, mais elle fut pour eux un échec fatal
à leur puissance. Les Philistins, conduits par le chef
des Ascalonites, assiégèrent Sidon par terre, la bloqués
rent et voulurent la forcer à se rendre, mais ses habi-
tants se sauvèrent par mer et se réfugièrent à Tyr, Jus-
tin, Hist.P/uHpp., xvm, 3. Avant cette défaite, à l'époque
des Juges et antérieurement à la judicature de Jephté,
les Sidoniens avaient opprimé les Israélites, Jud., x,
12, mais nous n'avons aucun détail à ce sujet.
iv. suprématie de tyr. — L'hégémonie passa alors
à Tyr. C'était vers 1250 avant notre ère. Voir J. Kenrick,
Phœnicia, p. 343. Elle dura jusqu'en 877. Du temps de
Josué, Tyr est appelée « une ville forte », Jos., XIX, 29
et elle ne le cédait probablement alors qu'à Sidon en
importance. L'arrivée dans ses murs des Sidoniens
vaincus lui assura la suprématie. Dans le Voyage d'un
Égyptien, trad. Chabas, 1866, p. 169, vers 1350, elle est
mentionnée comme un port « plus riche en poissons
qu'en sable ». Vers 1130, la colonisation de Gadés
243
PHÉNIGIE
244
(flg. 57), au delà des colonnes d'Hercule, sur le rivage
de l'Atlantique, marque un nouvel élan et une hardiesse
plus grande qu'auparavant dans les entreprises commer-
ciales et dans le rayon d'action de la Phénicie. Ce fu-
rent les Tyriens qui effectuèrent les plus longs voyages,
Hérodote, i, 1, et qui cherchèrent à nouer le plus de
relations pour ouvrir à leur commerce toute espèce de
débouchés. L'histoire sainte nous en fournit des exem-
ples remarquables. Lorsque David fut acclamé roi à
Hébron, Abi-Baal occupait le trône de Tyr (flg. 58). Dius,
57. — Monnaie de Gadès.
Tête d'Alexandre le Grand. — S|. Meba'alé Agadir.
« Des citoyens de Gadès ». Deux poissons.
Fragm. n; Ménandre, Fragm. i, dans Histor. Grœc.
fragm., édit. Didot, t. iv, p. 398, 446. Cf. Josèphe,
Cont. Apion., I, 17, 18. Il eut pour successeur son
fils Hiram, âgé de dix-neuf ans. lbid. Celui-ci semble
avoir discerné promptement les hautes qualités de Da-
vid et le profit qu'il pourrait tirer de son alliance, Peu
après la prise de Jébus par le jeune roi, il lui envoya
des ambassadeurs avec des cèdres du Liban, des maçons
et des charpentiers pour lui bâtir un palais. I Par., xiv,
1. Cf. II Reg., Vil, 2. Les bonnes relations durèrent
58. — Sceau en sardoine ayant appartenu bï3 >3!<S à « Abi-Baal. »
Musée de Florence. Grossi au double.
pendant tout leur règne. III Reg., v, 1. Lorsque David
prépara les matériaux pour la construction du temple
de Jérusalem, les sujets d'Hiram, Sidoniens et Tyriens,
« lui apportèrent beaucoup de cèdres. » I Par., xxn, 4.
Sous son fils Salomon, les rapports devinrent encore
plus étroits. A la mort de David, Hiram lui envoya une
ambassade. III Reg., v, 1; Josèphe, Ant. jud., VIII,
n, 6, et Salomon en profita pour lui demander son
concours dans l'œuvre de la construction du Temple.
Josèphe reproduit les lettres qu'il dit avoir été échan-
gées entre les deux monarques en cette circonstance; il
assure qu'elles étaient conservées dans les archives de
Tyr et de Jérusalem. Ant. jud., VIII, n, 7-8. Il leur
fut facile de s'entendre. Les Phéniciens avaient tout in-
térêt à vendre leur bois du Liban et à recevoir en
x échange les denrées qui abondaient en Palestine, et dont
la -Phénicie avait besoin pour sa nombreuse popula-
tion. L'accord fut conclu à ces conditions : Salomon
fournirait annuellement ,pendant la durée du contrat,
20000 cors d'orge, autant de froment, 20000 baths
d'huile et la même quantité de vin. III Reg., v, 3-12.
Les Phéniciens donneraient en échange les bois néces-
saires et les ouvriers qui dirigeraient et exécuteraient
les travaux de construction et de décoration. Hiram
avait fait élever lui-même des temples à ses dieux,
Melkarth et Astoreth, Ménandre, Fragm. i, p. 44<5; il
envoya au roi d'Israël un excellent architecte qui s'ap-
pelait aussi Hiram.
La construction du temple de Jérusalem et au palais
royal dura vingt ans. III Reg., vi, 38; vu, 1; cf. ix, 10.
Quand tout fut achevé, Salomon, pour reconnaître les
services que lui avait rendus Hiram, lui céda de son
propre gré vingt villes de Galilée, dans le voisinage
d'Acho, qui faisait probablement partie du royaume de
Tyr. A cause de ce voisinage, elles semblaient donc
devoir être à la convenance du roi phénicienn, mais
elles étaient placées sur un plateau nu et désolé, qui
déplut au prince tyrien; il exprima son mécontente-
ment en donnant au territoire le nom de Chabul, « re-
but, balayures. » III Reg., ix, 10-13. Voir Chabul, t. n,
col. 473. Leur amitié mutuelle n'en fut pas d'ailleurs
rompue pour cela. Saint Justin, Dial. curn Tryph., 34,
t. xi, col. 549, reproche â Salomon d'avoir adoré les
idoles à Sidon. Ménandre, Fragm. Il, p. 447 (dans
Clément d'Alexandrie, Strom. i, 21, t. vin, col. 840),
raconte que le roi de Tyr lui donna une de ses filles en
mariage. Cf. III Reg., xi, 1 (Sidoniennes). Quoi qu'il
en soit de ces faits, il est certain que les deux rois
s'entendirent pour aller faire un commerce fructueux à
Ophir. Voir Ophir 2, col. 1289. Les Phéniciens étaient
les maîtres de la Méditerranée, mais il ne l'étaient pas
de la mer Rouge. Ils fournirent des matelots au roi de
Juda qui mit à profit leur habileté dans le golfe Per-
sique, III Reg., ix, 26, ce qui les enrichit les uns et les
autres.
Hiram mourut à l'âge de 53 ans, après un règne de
33 ans. Il eut pour successeur son fils Baléazar. Ménandre
Fragm. i, p. 446. Après lui, le trône fut occupé par
Abd.-Asboreth, qui périt de mort violente. Dans l'espace
de 34 ans, trois rois moururent assassinés et la dy-
nastie régnante fut changée trois fois, Ithobal ou Eth-
Baal, en montant sur le trône, y ramena la tranquil-
lité. Il était en môme temps grand-prêtre d'Astoreth.
Il fit alliance avec Achab, roi d'Israël, et lui donna sa
fille Jézabel en mariage. III Reg., xvi, 31. Ménandre lui
attribue la fondation de Botrys, sur la côte, au nord de
Gebal. Fragm. iv, p. 447. En fondant cette ville, Ithobal
avait peut-être pour but de se défendre contre l'Assy-
rie qui était alors pour la Phénicie une menace per-
pétuelle.
Ithobal eut pour successeur son fils Balezor ou
Baal-asar, et celui-ci, son fils Matgen ou Mattan. Tyr
était alors divisée entre le parti aristocratique et le
parti populaire. Justin, Hist. Phil., xviu, 5. Mattan
craignait que le parti populaire ne l'emportât. Pour
l'empêcher, il donna sa fille Élisa à son frère Si-
charbas, grand-prêtre de Melkarth, qui épousa ainsi
sa nièce et de la sorte devint l'héritier présomptif du
royaume. A sa mort, Mattan laissait un fils appelé
Pygmalion, âgé de 8 ou 9 ans. Le parti populaire le
choisit pour son roi, et Sicharbas et Élisa rentrèrent
dans la vie privée. Au bout de sept ans, le jeune Pyg-
malion fit tuer son beau-frère, qui était en même temps
son oncle. Élisa (Didon), sa sœur, réussit à lui échap-
per et se sauva avec une flotte d'abord en Chypre, puis en
Afrique où elle bâtit la ville devenue si célèbre sous le
nom de Carthage, 143 ans après la construction du
temple de Jérusalem, raconte Josèphe, "pont, Apion., i,
18. Sur ce récit, cf. la critique de O. Meltzer, Gesckichte
der Karthager, 1870, p. 111-141; G. Rawlinson, Phœni-
cia, p. 122-126.
Voici la liste des rois de Tyr depuis Hiram jusqu'à
Pygmalion, avec les années de leur règne, d'après Piet-
schmann, Geschichte der Phônizier, p. 299. Ménandre,
245
PHÉNIGIE
246
d'où sont tirés ces chiffres, loc. cit., ne les donne que
jusqu'à Pygmalion.
Avant J.-C.
Hiram 969-936
Baalbazer 935-919
Abdastart 918-910
Metuastart 909-898
Astharymos . 897-889
Phellés (8 mois) — 888
Ithobaal 887-856
Baalazar. . • 855-850
Mettenos 849-821
Pygmalion 820-774
v. la phénicie sous les AssrRiENS. — Quand les
Phéniciens avaient été affranchis des invasions égyp-
tiennes, ils n'avaient pas tardé longtemps à avoir à re-
douter celles des Assyriens. Il est possible que vers l'an
1140, Nabuchodonosor I er , roi de Babylone, ait fait déjà
une incursion en Phénicie. Cf. Winckler, Geschichte
Babyloniens und Assyriens, 1892, p. 95 et notel8,p. 329,
mais les Assyriens devaient être pour ce pays un ennemi
bien plus à craindre. Théglathphalasar I er , vers 1100,
poussa ses troupes jusqu'à la Méditerranée près d'Arvad.
Au IX e siècle, vers 877, sous le règne d'Ithobal, Assurbani-
pal pilla le pays. Eb. Schrader, Keilinschriftliche Biblio-
thek, t. i, 1889, p. 122. La Phénicie n'eut pas moins à
souffrir qu'Israël sôus les successeurs de ce prince.
Parmi les tributaires de Salmahazar II figurent Tyr,
Sidon, Gebal, et Arvad, de même que Jéhu d'Israël.
Mattanbaal d'Arvad combattit contre les Assyriens avec
Achab d'Israël à la bataillé de Karkar (854 avant J.-C).
Au vm e siècle, Théglathphalasar III, qui ravagea Israël,
reçut aussi le tribut d'Arvad, de Tyr et de Gébal, à qui
il fit plusieurs fois la guerre. Voir Pietschmann, Ge-
schichte der Phônizier, p. 299 sq., Salmanasar IV,
d'après un fragment de Ménandre, dans Joséphe, Ant.
jud., IX, xiv, 2, assiégea Tyr pendant cinq ans. Les
ennemis les plus redoutables d'Israël et puis de Juda.
Sargon, Sennachérib, Asarhaddon, Assurbanipal tinrent
la Phénicie sous leur joug. Au vi e siècle, le vainqueur
de Jérusalem, Nabuchodonosor^H, assiégea Tyr et Sidon.
Sidon fut prise après avoir perdu par la peste la moi-
tié de ses défenseurs. Ezech., xxvm, 21-23. Tyr résista
pendant treize ans. Ménandre, loc. cit. Cf. Ezechiel, xxvi,
2, 8-12, 17-18, vers 585. Les prophéties contre la grande
ville phénicienne commençaient ainsi à s'accomplir.
Les habitants de la Palestine avaient eu plus d'une fois
à se plaindre de la cupidité et des violences des Phéni-
ciens. Ps. lxxxii (lxxxhi), 8; Ezech., xxvi, 2; Joël, m,
3-6; Amos, i, 9; I Mach., v, 15; II Mach., vin, 10. Les
prophètes avaient prédit le châtiment que Dieu infligerait
à Tyr et à Sidon. Is., xxm, 1-17; Jer., xxv, 22; xxvii,
3; xlvii, 4; Ezech., xxvi-xxvm; Ose., ix, 13-15; Joël, m,
4-8; Amos, i, 9-10; Zach., ix, 3-7. Ces menaces ne de-
vaient cependant s'exécuter complètement que plus tard.
— La Phénicie passa du joug de Babylone sous celui de
Cyrus, vainqueur de Nabonide et de Baltassar.
VI. LA PHÉNICIE SOUS LA DOMINATION PERSE ET
grecque. — Les Phéniciens n'eurent pas alors à se
plaindre de la domination perse. Cyrus ne les inquiéta
pas. Cf. Hérodote, m, 19, 44. Vers cette époque ils
purent fournir des matériaux aux Juifs pour la recon-
struction du temple de Jérusalem, I Esd., m, 7, et ils
furent payés en blé et en vin. Cambyze les comprit
dans la même satrapie que la Palestine, la Syrie
et Cypre, et il eut recours à leur marine. Héro-
dote, m, 19. Il n'essaya pas de les forcer à le
servir contre Carthage. Leurs marins aidèrent les
Perses contre les Grecs, jusqu'en 351 où Sidon se ré-
volta. Ochus les soumit bientôt. — Ils conservèrent leurs
rois jusqu'après la bataille d'Issus (333), où ils furent
asservis par Alexandre le Grand, qui infligea un long
siège et un dur châtiment à Tyr. Voir Tyr. Après la
mort d'Alexandre, la Phénicie échut à Laomédon, en
320 à Ptolémée Lagus, en 314 à Antigone. En 287, elle
fut de nouveau soumise à Ptolémée Lagus, et elle de-
meura pendant près de. 70 ans sous la domination des
Lagides qui les gouvernèrent avec sagesse, jusqu'au
règne de Philopator. Ce roi monta sur le trône en 222, et
se montra faible et mauvais administrateur. Antiochus III
en profita. En 219, il chassa les Égyptiens de Séleucie,
le port d'Antioche, et prit possession de Tyr et d'Accho
qui avait reçu alors le nom de Ptolémaïde. En 198, à la
suite de la victoire d'Antiochus sur Scopas, Polybe, xvi,
18; Joséphe, Ant. jud., XII, m, 3, la Phénicie devint
définitivement la possesion des Séleucides. La fonda-
tion d'Alexandrie l'avait rendue jalouse de l'Egypte ;
elle s'accommoda fort bien du gouvernement des rois de
Syrie, qui la traitèrent avec faveur, participèrent à ses
fêtes, Il Mach., iv, 18, visitèrent ses principales villes,
II Mach., iv, 44-50. Elle les paya de retour. Tite
Live, xxvu, 30. Pendant le règne d'Antiochus Épiphane,
ce prince, ayant condamné injustement à la mort, à Tyr
même, les Juifs qui avaient dénoncé les crimes de Mé-
nélas, voir t. iv, col. 964, les Tyriens touchés de leur
sort, leur donnèrent une sépulture honorable, II Mach.,
iv, 49, mais il n'en avait pas toujours été ainsi. Ils
s'étaient joints aux ennemis des Juifs au commencement
de la persécution. I Mach., v, 15. Plus tard, entraînés
par leur avidité mercantile, ils acceptèrent les propo-
sitions des généraux d'Antiochus, quand ils leur offrirent
de leur vendre à bas prix les prisonniers qu'ils espé-
raient faire dans la guerre contre Judas Machabée, ce qui
leur assurerait, en les revendant, un gain considérable.
_ II Mach., vin, 11. Ils accoururent en foule à la suite de
l'armée syrienne, I Mach., ni, 41, apportant avec eux
une grande quantité d'or et d'argent. Nicanor avait
compté payer avec le bénéfice de la vente des esclaves
juifs les deux mille talents d'argent que son maître
Antiochus devait payer aux Romains. II Mach., vin, 10.
Voir Antiochus IV, t. i, col. 698. Il fut complètement
battu par Judas Machabée. Les cupides marchands
phéniciens eurent la vie sauve, mais il leur fallut don-
ner au vainqueur l'argent qu'ils avaient apporté.
II Mach., vin., 25; Joséphe, Ant. jud., XII, vu, 4.
C'est le dernier événement dans lequel les Phéniciens
se trouvent mêlés à l'histoire juive. — Ils s'hellénisèrent
de plus en plus sous le gouvernement des Séleucides.
Leurs monnaies portèrent des légendes grecques à côté
des légendes phéniciennes, les noms grecs devinrent à
la mode. Antipater et Apollonius, philosophes stoïciens
de Tyr, Strabon XVII, n, 22, Philon de Byblos, Dius,
Théodo.te, Philostrate, Boëthus et Diodote, péripatéci-
ciens de Tyr, Hermippe de Béryte étudièrent la phi-
losophie grecque, Strabon, XVII, n, 22; leurs littéra-
teurs écrivirent leurs ouvrages en grec.
Vil. LA PHÉNICIE EST SOUMISE AUX ROMAINS. —
Le royaume des Séleucides prit fin l'an 83 avant J.-C.
et la Phénicie dut alors se soumettre à Tigrane, le roi
d'Arménie contemporain de Lucullus et de Pompée. Ce
ne fut pas pour longtemps. Les Romains attaquèrent
Tigrane en 69 et ne tardèrent pas à le déposséder de
la Syrie et de la Phénicie. Ce fut alors la fin pour tou-
jours de son indépendance. La Phénicie fit partie de la
province de Syrie sous un proconsul ou un propréteur.
Cependant Tyr, Sidon et Tripoli restèrent cités libres.
Les Actes, xn, 20-23, supposent cette autonomie relative.
Ils nous apprennent qu'Hérode Agrippa était en dis-
cussion l'an 44 avec Tyr et Sidon et que ces deux villes
lui envoyèrent une ambassade à Césarée pour calmer sa
colère. Hérode ne leur aurait point cherché querelle, si
ces cités avaient été complètement gouvernées par Rome,
car autrement il aurait eu sur les bras les Romains
eux-mêmes, ce à quoi il n'aurait eu garde de s'exposer.
vin. le christianisme en phénicie. — Le chris-
tianisme ne tarda pas à s'implanter en Phénicie, comme
247
PHENICIE
PHERATH
248
l'avaient prédit les prophètes. Ps. lxxxvi (lxxxvii), 4;
cf. Zach., ix, 4. Notre-Seigneur avait daigné visiter le
pays deTyr et de Sidon, dont il avait déclaré l'incrédu-
lité moins coupable que celle des Juifs, Matth., xi, 21-22 ;
Luc, x, 13-14, et il avait guéri la fille de la Ghananéenne
qui était possédée. Matth., xv, 21 ; Marc, vu, 24-31. Des
Phéniciens avaient été témoins de ses miracles, Luc, vi,
17. Quelques-uns des nouveaux chrétiens qui avaient
quitté Jérusalem après le martyre de saint Etienne se
dispersèrent en Phénicie et y prêchèrent la foi aux
3uiîs qui habitaient le pays. Âct., xi, 19. Quand
saint Paul, lors de son troisième voyage de mission
(an 58), se rendant en Palestine à son retour de Grèce
et d'Asie Mineure, débarqua à Tyr, il y trouva une église
déjà établie et y séjourna pendant sept jours, bien ac-
cueilli par les nouveaux, chrétiens, hommes, femmes
et enfants. Act., xxi, 3-6. Le christianisme fut florissant
dans cette ville pendant les deux premiers siècles.
Origéne s'y retira vers 250 et c'est là qu'il mourut.
VII. Bibliographie. — Corpus inscriptionum semiti-
carum, in-f°, part. I, t. i, Paris, 1881-1889; Scylax, Peri-
plus, dans C. Mùller, Geographi minores, édit. Didot,
in -4°, Paris, 1855-1861, t. i;Falconer, Voyage of Hanno,
Londres, 1797; F. C. Movers, Die Phbnizier, 2 tomes en
4in-8°, Bonn, 1841-1856; Walpole, Ansayrii, in-8», Lon-
dres, 1851; John Kenrick, Phœnicia, in-8°, Londres,
1855 ;W. Gesenius, Scripturse linguseque Phœnicim mo-
numenla, 3 in-4°, Leipzig, 1857; E. Benan, Mission de
Phénicie, in-4 , Paris, 1864; Voyage d'un Egyptien
en Syrie, en Phénicie, traduit par Chabas, in-4°, Paris,
1866; Hans Prutz, Aus Phônizien. Geographische
Skizzen und historische Studien, in-8°, Leipzig, 1876;
di Cesnola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877 ; !d., Salanxi-
nia, in-8», Londres, 1882; G. Perrot et Chipiez, Bistoire
de l'art dans l'antiquité, t. m, 1885; G. Rawlinson,
History of Phœnicia, in-8°, Londres, 1889; Id., Phœ-
nicia, dans Story of the Nations, in-8°, Londres, 1889;
B. Pietschmann, Geschichteder Phônizier,'\xi-% a y Berlin,
1889; A. Mayr, Aus den phônischen Nekropolen von
Malta, in-4°, Munich,1905'; W. von] Landau, Die Beden-
tttng der Phônizierim Vôlkerleben, in-8", Leipzig, 1906.
F. Vigouroux.
PHÉNIX, oiseau fabuleux, dont les auteurs anciens
font souvent mention. Cf. Métrai, Le Phénix, Paris,
i82i. D'après Hérodote, n, 73, le phénix arrivait d'Ara-
bie, tous les cinq cents ans, apportait avec lui le corps
de son père, enveloppé de myrrhe, et le déposait dans
le temple du soleil. Lucien, Hermot-, 53; Pline, B. N.,
x, 2; Ovide, Amor., n, 6, 54; Metam., xv, 391; Clau-
dien, Laud. Stil, il, 417; Horapollon, H, 57, etc., font
aussi mention du phénix. Tacite, Annal., vi, 28, rap-
porte différentes traditions à son sujet, en concluant que
<t tout est incertain et augmenté de fables », mais que
du moins « il est sûr qu'on voit quelquefois cet oiseau
en Egypte. » On a voulu reconnaître le phénix dans
l'oiseau d'Osiris, le bonau; mais cet oiseau est un van-
neau ou une espèce de héron. Cf. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient, t. i, p. 131, note 2.
Les premiers écrivains ecclésiastiques ont fait grand
état de la fable du phénix, parce qu'ils y voyaient un
symbole de la résurrection. "Voici la forme que prend la
fable dans la Dicfascalie, 20, trad. >!au, Paris, 1902,
p. 108 : Le phénix se est unique, car s'il avait une fe-
melle, les hommes en verraient bientôt beaucoup,
tandis que maintenant on n'en voit qu'un qui entre en
ngypte tous les cinq cents ans, et va à l'autel qui est
appelé du Soleil. Il rassemble du cinnamome, puis,
priant vers l'orient, le feu s'allume de lui-même, le
brûle et le réduit en cendre; puis, de cette cendre, il
se forme un ver, qui croit semblable à lui et devient un
phénix parfait; puis il s'éloigne et retourne d'où il est
venu. » Cf. lbid., p. 166. La même légende se retrouve
dans S. Clément, / Cor., 25, t. i, col. 261; les
Constitutions apostoliques, v, 7, t. i, col. 846 ; Tertul-
lien, De resur. carn., 13, t. n, col. 811; S. Ambroise,
De excès, fralr., h, 59, t. xvi, col. 1331, etc. Ces au-
teurs font séjourner le phénix en Arabie ou dans l'Inde;
il n'apparaît en Egypte que pour y périr et y renaître.
— Dans un passage où il parle de ses espérances de
longue et heureuse vie, Job, xxix, 18, s'exprime ainsi :
Je disais : Je mourrai dans mon nid,
J'aurai des jours nombreux comme le hôl.
Le mot hôl, fréquemment employé dans la Bible
hébraïque, y a toujours le sens de « sable », et la com-
paraison du sable est usitée pour donner l'idée d'un
peuple nombreux, Gen., xxn, 17; Jos., xi, 4; I Reg-,
xm, 5; I*, x, 22, etc., et aussi d'un petit nombre
d'années que l'on assimile à un grain de sable. Eccli.,
xvn, 8, 9. Dans ce dernier passage, cent ans sont com-
parés à un grain de sable ; Job, au contraire, se pro-
mettait des jours nombreux comme le sable. Cependant
les massorètes ont noté ici le mot h.ôl d'un signe indi-
quant qu'il n'a pas le même sens que dans les autres
passages. Les Septante l'on traduit primitivement par
çoîviE, qui veut dire à la fois« palmier» et « phénix ».
Comme le palmier se nomme en hébreu tdmâr et non
pas })ôl, les Septante avaient donc eu en vue tout d'abord
le phénix. Pour corriger l'amphibologie du mot grec, on
substitua ensuite l'expression are/e^oç çbfvcxoç, « trône
de palmier ». Les talmudistes assurent que dans ce
passage de Job il est question du phénix, Sanhédrin,
fol. 108, 2, et les commentateurs rabbiniques affirment
la même chose. D'après eux, le phénix serait le seul
de tous les animaux qui aurait refusé de partager le
fruit défendu avec Eve, et plus tard Noé aurait souhaité
au phénix une vie sans fin. Cf. Buxtorf, Lexic. lalmud.,
col. 720. Le phénix aurait été appelé holi par les Égyp-
tiens, si l'on en croit les hiéroglyphes interprétés par
G. Seyffarth, dans la Zeilschrift der deulsch. morgenl.
Gesellsch, t. m, p. 64, et lés mots allôê ou alloê, repro-
duisant Ifôl, sont traduits dans les glossaires coptes-
arabes par semendel ou semendar, noms communs
aux deux animaux qui échappent à l'action du feu, la
salamandre et le phénix. L'idée d'oiseau parait appelée
dans le texte de Job par celle du nid, mentionné au
vers précédent, et le phénix était dans l'antiquité le
symbole de la longue vie; on disait proverbialement :
cpofvtxoi; ety) pioOv, « vivre les années du phénix ».
Lucien, Hermot., 53. Il faut observer cependant qu'au
lieu de qinnî, « mon nid », les Septante, Saint Éphrem
et Barhebrseus ont lu qdnai pour qânéh, « roseau »,
dans le premier vers, ce qui rendrait moins probable
la mention d'un oiseau dans le second. Rosenmûller,
Jobus, Leipzig, 1806, t. H, p. 694; Welte, Das Buch Job,
Fribourg-en-B., 1849, p. 288; Delitzsch, Das Buch lob,
Leipzig, 1876, p. 381-383; Knabenbauer, In Job, Paris,
1886, p. 342, etc., regardent comme possible ou même
probable la désignation du phénix par le mot hôl. Elle
ne peut étonner de la part d'un auteur familier avec les
choses de l'Egypte et de l'Arabie. La mention d'un
mythe, pris comme simple terme de comparaison par
un écrivain sacré, ne soulève pas non plus de difficulté,
cette mention n'impliquant à aucun degré la réalité du
mythe allégué. Cependant cette explication ne s'impose
pas. D'autres interprètes se contentent d'entendre le
mot hôl dans son sens habituel de « sablé», adopté
par la Vulgate. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 454; Le
Hir, Le livre de Job, Paris, 1873, p. 354.
H. Lesêtre.
PHERATH (hébreu : Peràfâh, avec le hé local ;
Septante : EOippomriç; Vulgate : Euphrates),' lieu ou
Jérémie, sur l'ordre de Dieu, alla cacher dans le creux
d'un rocher la ceinture neuve qu'il venait d'acheter, où
il la trouva ensuite toute pourrie. Jer., xm, 1-7. Les
anciens interprètes et commentateurs ont généralement
249
PHERA.TH
250
cru qu'U était là question du fleuve de l'Euphrate.
Bochart cependant, Geographia sacra, 3" édit., Opéra,
1692, t. i, col. 956, et quelques autres après lui, y ont
vu plutôt la petite ville d'Éphrata. Cf. Knabenbauer, In
Jer., 1889, p. 183-186. Les palestinologues modernes
contes'ent l'ancienne identification et voient le Pherath
ou plutôt Phârah (le n, f, n'étant que le n transformé
par la présence du n local) de Jérémie dans VOuadi
Fdrak, ou vallée de Phârah, avec l'article haf-Fârah
(Septante: *apc<; Vulgate, Aphara). Jos., xvm, 23. Voir
Aphara, t. I, col. 721._Sur une trentaine de fois que les
auteurs nomment l'Euphrate, à l'e.xception de deux ou
trois cas isolés, c'est presque toujours « le fleuve d'Eu-
phrate », où sa nature est déterminée par le contexte :
I Reg., xm, 6, et auxquelles faisaient allusion ces en-
nemis d'Israël, xrv, 11, en voyant Jonathas monter de
la vallée qui est sous Machinas, c'est-à-dire de l'Ouadi-
Soueinît, l'un des affluents de YOuadi-Fârah, qu'il re-
joint un peu plus bas. C'est probablement dans l'une
d'elles que Jérémie cacha sa ceinture. Les juifs fidèles,
au temps de la persécution d'Antiochus, durent cher-
cher avec Mathathias et ses fils un refuge dans cette
même vallée et les circonvoisines. Cf. I Mach., i, 56;
n, 26, 31. Au temps de la guerre de Judée, Simon ben
Gioras ne trouvait pas de cachette plus sûre que ces
grottes, pour y renfermer ses trésors, et que la vallée
pour y séjourner avec ses partisans. Bell, jud., IV, IX,
4. Josèphe appelle l'endroit Pharan, mais le n est sans
59. — Vue de l'ouadi Far&h, au nord-est de Jérusalem, non loin d'Anatoth. D'après une photographie de M. L. Heidet .
en Jérémie, xm, sur quatre fois que le nom est répété
de suite, non seulement cet appositif ne lui est pas ad-
joint, mais c'est celui de « rocher » ou « région ro-
cheuse ». « Prends la ceinture que tu as achetée et qui
ceint tes reins; lève-toi et va à Perâtha et cache-la dans
un creux du rocher, » binqîq has-sâla'. Jer., xm, 4.
Quand le Seigneur veut instruire le peuple par un
symbole prophétique, pour frapper davantage- son atten-
tion, c'est toujours sous ses yeux qu'il le fait exposer; il
serait étrange, en ce cas, qu'il envoyât Jérémie à une
distance de près de trente jours de marche.
Formé par la jonction de l'ouâd' er-Redeiddh et de
l'ouad' ibn 'Idd, appelé encore ouâdi-Anâtâ, parce
qu'il passe sous cette localité qui est l'antique Ana-
thoth, patrie de Jérémie, Vouadi-Fârah commence à
trois kilomètres au nord-est de 'Anâtâ (fig. 59). De
chaque côté de la vallée s'élèvent, à une hauteur de
plus de cent mètres, de gigantesques rochers percés
d'innombrables grottes, les unes naturelles, les autres
artificielles. Plusieurs d'entre elles sont sans doute de
celles où se cachèrent les Israélites fuyant devant
les Philistins, aux premiers temps du règne de Saûl,
doute le signe de l'accusatif. En ces mêmes lieux, où
les Assidéens avaient accueilli les Machabées et les
fugitifs d'Israël plutôt qu'ils ne s'étaient joints à eux,
I Mach., n, 42, et II Mach., xiv, 67, les âmes redoutant
les dangers du monde vinrent, au V e siècle de l'ère
chrétienne, y reprendre la vie de mortification des
Esséniens, comme sous l'ancienne loi. C'est à Fàrah, à
six milles à l'ouest de Jérusalem, que les Chariton, les
Euthyme, les Théoctiste, les pères de la vie cénobitique,
l'inaugurèrent en Palestine. Cf. Cyrille Scyth., Vita
S. Euthijmii, n. 12, 41, 114, 184; Acta sanct., ja-
nuarii t. n, p. 668, 672, 688, 691; Vita S. Charitonis,
ibid., septembris t. vu, p. 576.
A cette époque, la ville de Phara, qui avait vraisem-
blablement pris son nom de la vallée, le portait encore,
à quelques stades en aval des grottes qui formaient la
Laure de Phara ou Pharan; ses ruines sont connues
aujourd'hui sous le nom seulement de Khirbet el-
Qoreini. Au pied des grands rochers, jaillit une source
pure et abondante qui se déverse dans des bassins
naturels où se jouent de nombreux petits poissons, des
crabes et des grenouilles et forme un ruisseau qui va
251
PHERATH — PHICOL
252
s'unir, environ six kilomètres plus bas, au Nahr el-
Kelt. Au-dessus de la fontaine, des moines russes ont jeté
en 1905, là où se voient les restes de l'ancienne église, les
fondements d'un nouveau monastère et occupent les an-
ciennes grottes. —Voir Schick, dans Zeitschrift des deut-
schen Palàstina Vereins, t. m, p . 6 ; Buhl , Géographie des
alten Palàstina, in-8», 1896, p. 99-100.
L. Heidet.
PHÉRÉZÉEN (hébreu : ha-p-Perizzi ; Septante :
^speÇaïot, dans la Genèse en général et en quelques
endroits; plus communément $tpiZatt>i, au sing. ;
correspondant à l'hébreu qui conserve partout ce
nombre. La Vulgate emploie quatorze fois Pherezseus
et huit fois Pheressei), peuplade du pays de Chanaan
dont le territoire fut promis à Abraham et conquis par
les Israélites. Le Phérézéen est nommé seul avec le
Ghananéen, Gen., xm, 7; xxxrv, 30, et Jud., i, 4, pour
désigner avec ce dernier toutes les populations du pays.
Serait-ce pour spécifier une classe particulière d'entre
elles? Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1126, Perizzi a la
même signification que Perâzi, « campagnard, paysan ».
Ce nom serait ainsi l'équivalent de celui de fellah, fel-
lahin, employé aujourd'hui pour désigner la classe des
cultivateurs par opposition à toutes les autres classes.
Quelle que soit la signification étymologique du nom, on
ne peut cependant admettre que dans les cas précités
le Phérézéen désigne ainsi une catégorie, tandis que
le Ghananéen représenterait la population des villes ou
celle exerçant les professions industrielles et libérales.
Dans la plupart des cas le Phérézéen est cité parmi
toutes les autres populations comme une d'entre elles,
c'est-à-dire comme une tribu ou une nation. De plus,
s'il désignait ainsi toute une catégorie, il devrait repré-
senter les « campagnards » de toute la Terre Promise,
ceux de la plaine comme ceux de la montagne, ceux
de la région septentrionale comme ceux du midi,
tandis qu'il est expressément donné pour une des
peuplades de la montagne seulement, in montants,
Jos., XI, 3, et de la partie méridionale, in meridie,
ibid., xii, 8. L'opposition du Phérézéen au Ghananéen
ne l'indiquerait-elle pas plutôt comme le représentant
des populations autochtones, tandis que le Chananéen
représenterait la race conquérante et dominatrice,
comme le fellah représente aujourd'hui la race abori-
gène et le turc l'étranger dominateur? Si aucune indi-
cation positive n'appuie cette conjecture, on peut re-
marquer toutefois que le Phérézéen n'est pas nommé
dans la table ethnographique de la Genèse, x, 6-20,
parmi les tribus descendant de Chanaan ou de Cham.
La population phérézéenne parait avoir été concentrée
dans la partie montagneuse qui devint le partage des
fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, c'est-à-dire dans la
contrée qui forma plus tard la province de Samarie.
Jacob étant encore à Sichem, disait à Siméon et à Lévï,
ses fils, qui venaient de massacrer les habitants de la
ville : « Vous me mettez dans le plus grand embarras, en
me rendant odieux aux habitants de ce pays, aux Cha-
nanéens et aux Phérézéens. » Gen., xxxiv, 30. Quand
les fils de Joseph, d'Éphraïm et de Manassé se plai-
gnaient de manquer d'espace pour s'établir, Josué leur
répondait : « Puisque vous êtes un peuple nombreux,
montez à la forêt et faites-vous là de l'espace dans le
pays des Phérézéens et des Raphaïm, puisque la mon-
tagne d'Éphraïm est étroite pour vous. Jos., xvii, 14-
16. Abraham les avait trouvés établis jusqu'aux alentours
de Béthel. En parlant de la rixe survenue entre les
pasteurs du patriarche et de Lot son neveu, alors
établi entre Béthel et Haï : « En ce temps, fait remar-
quer l'auteur sacré, le Ghananéen et le Phérézéen ha-
bitèrent ce pays. Gen., xm, 7. Les fils de Juda et de
Siméon, trouvèrent les Ghananéens et les Phérézéens
devant eux quand ils faisaient la conquête de leur ter-
ritoire particulier. Jud,, i, 4-5. Il est possible toutefois
qu'en ce passage le nom de Phérézéen ait une signifi-
cation générique pour désigner les autres habitants de
la contrée, distincts des Chananéens proprement dits,
car ce sont ordinairement les Amorrhéens qui sont pré-
sentés comme les habitants du territoire qui deviendra
celui de Juda et dé Siméon. Cf. Gen., xrv, 7, 13; Deut.,
i, 7, 19, 27, 44; Jos., x, 5, 6, 12; Jud., i, 36. — Les
Phérézéens furent vaincus avec les autres peuplades
de Chanaan et en partie exterminés par Josué et les
Israélites. Jos., m, 10; ix, 1; xi, 3, 8; xn, 8; xxiv, 11;
Judith, v, 20. Ce qui en resta fut soumis au tribut et à
la corvée ; on les retrouve dans cette condition sous le
règne de Salomon, travaillant aux constructions élevées
par ce roi. III Reg., ix, 20; II Par., vm, 7. Ils sont
signalés encore en général avec les éléments chana-
néens, après la captivité, et on reproche aux Juifs peu
fidèles à la loi de prendre de leurs filles en mariage-
I Esd., îx, i. L. Heidet.
PHERMESTA (hébreu : Parmastâ'; Septante : Map-
Haomâ), le septième des fils d'Aman, qui fut mis à mort
par les Juifs de Suse. Esther, ix, 9. D'après J. Oppert,
ParmaSta' est le perse Paramaistâ, « celui qui se met
au premier rang. » Commentaire du livre d'Esther,
1864, p. 22.
PHESDOMIM (hébreu : Pas Dammîm; Septante :
$aaoSa(jn'v; Alexandrinus : $a<ro8oiit), localité de Juda.
IPar.,xv,13. Le nom complet est'Éfés Dammîm, comme
il se lit I Sam. (I Reg.), xvn, 1 (Vulgate : in finibus Dom-
mim). L'aleph initial de ce nom propre paraît avoir
disparu devant l'article dans I Par., xi, 13 : D23, bap-
Paz, pour be-hap-Paz. Voir Dommim, t. n, col. 1483.
PHESHUR. I Esd., n, 38; x, 22; II Esd., x, 3. Voir
Phashur, col. 223. — II Esd., xi, 12. Voir Phassur 4,
col. 224.
PHESSÉ (hébreu ; Paséah [voir Phaséa, col. 220];
Septante : Beaaîje; Alexandrinus : Qccari), second fils
d'Esthon, de la tribu de Juda et de la famille de CaJeb.
I Par., IV, 12.
PHÉTÉI A (hébreu -.Petahydh [voir Phataïa, col. 224J ;
Septante : ■Ssxaîa), prêtre, contemporain de David, chef
de la dix-neuvième famille sacerdotale. I Par., xxiv, 16.
PHÉTHROS (hébreu : Patrôs), la Haute Egypte.
Is., xi, 11. Les Septante traduisent dans ce passage Ba-
ëuXwvia, mais ils ont rendu ailleurs le mot hébreu par
«ÊaOcopîJ!;, de même que la Vulgate l'a rendu par Pha-
turès. Voir Phaturès, col. 224.
PHÉTRUSIM (hébreu : Patrusîm; Septante : Haipo-
<rwvi£in), descendants de Mesraïm. Gen., x, 13-14;
I Par., i, 12. La forme plurielle du mot indique qu'il
s'agit ici d'un nom ethnique désignant une collectivité
d'hommes. Phetrusim « est évidemment formé avec le
mot Patros où l'on a reconnu depuis longtemps p-to-
res, « le pays du midi », la Thébaïde. » E. de Rougé.
Recherches sur les monuments qu'on peut attribuer
aux six premières dynasties, p. 8. Les Phetrusim sont
donc les habitants de Phaturès ou Phetros, la terre du
sud, la Haute Egypte. Voir Phaturès.
C. Lagier.
PHICOL (hébreu : Pvkôl; Septante : $ix6X et $txwX),
chef de l'armée d'Abimélecn, roi de Gérare. L'étymolo-
gie de ce nom est inconnue ; il est probablement chana-
néen. On ne sait si c'est un nom propre ou un titre de
dignité. Si l'on admet avec beaucoup de commentateurs
que la Genèse parle de deux Phicol, et non d'un seul,
il est plus naturel de supposer que ce mot est simple-
ment le titre du général qui commandait les soldats d'Abi-
253
PHIGOL — PHIHAHIROTH
254
mélech. La Genèse, xxv, 22, dit que Phicol ou le Phicol
accompagna le roi de Gérare, lorsqu'il alla trouver Abra-
ham pour faire alliance avec lui. Nous retrouvons les
deux mêmes personnages ou deux personnages dési-
gnés par le même nom, Gen., xxvi, 26, qui vont faire
alliance avec Isaac. Si PAbimélech du temps d'Isaac
était le fils de celui qui avait fait alliance avec Abraham,
il est vraisemblable que le Phicol de Gen., xxvi, 26,
était le successeur de celui de Gen.; xxi, 22, et c'est le
sentiment le plus vraisemblable. Voir Abimélech 1 et 2,
t. i, col. 58, 54.
PHIGELLE, chrétien d'Asie. II Tim., i, 15. Voir
Phygelle.
PHIHAHIROTH (hébreu, Pi Hah,îrô\ t; Hahirôt;
Septante : 'Eiupwfl, ÉJpiifl, gitoevAiç), localité d'Egypte.
I. De Ramessès a Phihahiroth. — Réunis à Rames-
sès, quelque part à l'entrée de l'Ouadi Toumilat, les
Israélites s'engagèrent dans l'Ouadi le long du canal
et vinrent camper à Socoth dans les environs de Phi-
thom. Voir Phithom. Exod., xn, 37. Là ils touchaient
à l'extrémité nord du lac Timsah et au désert. Deux
routes s'ouvraient devant eux : la route du nord, la
plus courte, longeant d'abord les terres cultivées, puis
le bord de la Méditerranée, et de là, courant en droiture
au pays des Philistins et à la côte syrienne, la route du
sud, plus longue et plus difficile, à cause des montagnes
qu'il faut traverser, route que suivaient encore les Bé-
douins avant le percement de l'isthme. C'est par cette
seconde route que les Hébreux devaient marcher. « Par-
tis de Socoth, ils campèrent à Etham, aux confins
extrêmes du désert. » Exod., xm, 17, 18, 20. Voir
Etham, t. h, col. 2002-2003. Maintenant, comme l'armée
de Pharaon approche, et que Dieu veut sauver son
peuple, et le sauver par un prodige capital dans l'his-
toire des Juifs, il lui fait abandonner la route d'Etham
qui contournait vraisemblablement le lac Timsah par
son extrémité septentrionale, et le ramène en arrière
sur le bord occidental et vers le sud pour placer la mer
entre lui et le désert. Il le fit camper à Phihahiroth, entre
Magdala et la mer, vis-à-vis de Béelsephon. Exod., xiv,
1-2. C'était une folie au point de vue humain, puisque
les Hébreux allaient être pris entre la mer, les mon-
tagnes et l'armée de Pharaon. Mais Dieu avait ses vues.
II. Le nom et le site. — 1° On a cherché l'étymolo-
gie de Phihahiroth du côté de l'hébreu. Le Targum et
la Peschito regardent 's, pi, dans ce nom comme l'état
construit de ns, péh, << bouche », tandis que pour le
premier mm, hirôt, signifie montagne ou rocher, et pour
le second, « fossé » ou « canal ». Cf. S. Jérôme, Epist.
lxxviu, ad Fabiolam, t. xxn, col. 702. Mais Phihahiroth
étant unnom égyptien,il faut nous en tenir à l'égyptien.
Dans ses fouilles de Tell el-Maskhouta, Na ville a ren-
contré sur une stèle de Ptolémée Philadelphe le nom de
>©
serpent sacré ». Store-City of Pithom, 4 e édit., 1903,
pi. vin, IX, lig. 7, x lig. 26. Pikeheret était un sanctuaire
d'Osiris dans la terre de Socoth. Il joue un rôle impor-
tant dans la stèle. Les listes géographiques des temples
donnent aussi Pikeheret sous la forme Askeheret,
I S . E.-J. de Rougé, Inscriptions et notices re-
cueillies à Edfou (Haute Egypte), t. u, pi. cxlv. Elles
la nomment alternativement avec Pi-tum et parlent de
son serpent sacré, Dûmichen, Geographische Inschrif-
ten, t. m, pi. xxxin, et, comme la stèle de Philadelphe,
la placent dans la région de Socoth. Il y avait donc
deux temples dans le VIII e nome", proches l'un de
l'autre, Pi-tum et Pikeheret, ce dernier dans le voisi-
nage de la mer. Sans doute Pikeheret ne se rencontre
8 K , Pikeheret ou Pikerehet, « la demeure du
que sur des monuments ptolémaïques. Mais on peut
croire que, là comme ailleurs, les Grecs n'innovèrent
pas; ils restaurèrent un ancien culte, agrandirent ou
reconstruisirent le temple, respectant une tradition
locale et antique. Par suite, il reste probable qu'Osiris,
dès la plus ancienne époque, eut un sanctuaire à Pike-
heret, Store-City of Pithom, p. 30. Et Pikeheret sem-
blerait être le même mot que la Phihahiroth de la
Bible.
2° Mais où placer Phihahiroth? Ici la Bible ne nous
fournit qu'un point de repère : la retraite des Hébreux
vers le sud par le bord occidental du golfe arabique.
Mais dans l'Exode station et jour de marche n'étant
pas synonymes, nous ne savons combien ils marchèrent
dans cette direction. De plus, nous ne savons pas da-
vantage la position de Magdala et de Béelsephon. Les
théories sur l'étendue de la mer à l'époque de la
XIX e dynastie viennent encore compliquer la question.
Certains savants veulent que la mer ait alors commu-
niqué non seulement avec les lacs Amers, mais aussi
avec le lac Timsah, au moins par intermittences, ce
qui permettrait de chercher Phihahiroth sur les bords
de ce dernier lac et Béelsephon en face sur le bord
oriental où se trouve la colline actuelle de Toussoum :
c'est la théorie de Naville. D'autres, et c'est le grand
nombre, nient qu'on puisse attribuer cette extension
aux temps historiques; ce serait dans la pré-histoire
que la mer en se retirant aurait laissé derrière elle le
lac Timsah, peut-être même les lacs Amers, suivant
quelques-uns. Par conséquent, Phihahiroth serait à
reculer vers le sud, jusqu'au seuil de Chalouf, Lecoin-
tre, La campagne de Moïse pour la sortie d'Egypte
(1882); et même jusqu'à Adjroud qui n'est pas sans
rappeler vaguement Phihahiroth. Ebers, Durch Gosen
zum Sinai, 2 e édit., 1881, p. 509.
III. Hypothèse de M. Naville. — 1» Le savant égypto-
logue regarde comme difficile de ne pas admettre qu'au
temps de Ramsès II, le golfe s'étendît beaucoup plus au
nord qu'aujourd'hui. La mer Rouge ne comprenait pas
seulement les lacs Amers, mais aussi le lac Timsah. Il
appuie son dire du témoignage des anciens, confirmé
suivant lui par les études géologiques des modernes.
En conséquence, l'ancien canal aurait été borné à
l'ouadi Toumilat, ou à peu près. Tout d'abord Strabon,
xvn,3, 20, place Héroopolis à l'extrémité du golfe ara-
bique. Pline, H. N., VI, xxxm, 2, dit que sur le golfe
d'^Eant (arabique) se trouve Héroum. Tous les écri-
vains de l'antiquité, même les plus récents d'entre eux,
parlant d'Héroopolis, semblent supposer le voisinage
de la mer. Agathémère fait commencer le golfe ara-
bique à Héroopolis : 'Apafit'oç xôXtioî.., apxeTat àirô
'Hptiuv TtoXétoç. Muller, Geographi grxci minores,
édit. Didot, t. il, p. 465. Artémidore affirme que les
navires partaient d'Héroopolis pour la terre des Troglo-
dytes, dans Strabon XVI, rv, 5. D'où l'on peut sûre-
ment conclure que non seulement au temps de l'Exode,
mais même sous les Romains, le golfe s'étendait jusque
dans le voisinage d'Héroopolis, à l'ouest d'Ismaïliah.
Store-City of Pithom, p. 10, 25-26. Nous verrons tout
à l'heure ce qu'il faut penser de ces textes.
Ce point lui semblant acquis, M. Naville cherche à si-
tuer en conséquence Pikeheret-Phihahiroth. Parla stèle
de Philadelphe et par les textes géographiques, on a vu
que Pikeheret était un sanctuaire d'Osiris. Les Grecs,
par suite, durent l'appeler Sérapéum, Or, l'Itinéraire
d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, mentionne un
Sérapiu ou Sérapéum à dix-huit milles d'Ero ou Héroo-
polis, et ce ne peut être que Pikeheret, puisque c'est
le seul sanctuaire d'Osiris que l'on connaisse dans le
voisinage d'Héroopolis. Si l'on cherche maintenant la
place qu'il a dû occuper, elle nous est indiquée au pied
du Djebel Maryam, falaise plate qui forme comme le
fond du lac Timsah sur la rive occidentale. A sa base
255
PHIHAHIROTH
' • 256
et sur les bords du canal se trouve un vaste emplace-
ment romain, en partie recouvert par les lagunes. Il
ne concorde pas tout à fait avec la distance de l'Itiné-
raire, mais l'Itinéraire ne mérite 'pas une confiance
absolue. Là seulement put être le Sérapéum, et non à
huit kilomètres plus loin, endroit que les ingénieurs
français ont appelé de ce nom. Ce dernier endroit por-
tait bien une stèle de Darius, mais s'il y a place pour
une tour de garde, un migdol, il n'y a pas trace d'ha-
bitations. Store-City of Pithom, p. 25. Que ce soit bien
là la situation de Pikeheret, les textes égyptiens et la
version des Septante le confirment. La stèle de Phila-
delphe parle de taxes annuelles en chevaux ou en bé-
tail affectées au sanctuaire de Pikeheret, pi. x, lig.17-20.
D'autre part, le Papyrus Anastasi VI, pi. iv, nous a
appris que sous Ménephtah les Shasou d'Atuma deman-
dèrent à conduire leurs troupeaux dans les pâturages
qui appartenaient au domaine ou à la ferme I 8 C3
ah, de Pharaon, dans la terre de Socoth. Ce mot ah
désigne un domaine avec pâturages où l'on élève et
nourrit les chevaux et tout bétail. Si nous passons
maintenanl à l'Exode, nous trouvons que les Septante
ont rendu vis-à-vis de Phihahiroth, de l'hébreu et de
la Vulgate, par ânevàvti ttjç litauXéo);, c< devant le do-
maine, la ferme », l'équivalent exact de l'égyptien ah.
Ainsi, tandis que l'hébreu donne le nom propre du
sanctuaire d'Osiris, les Septante nous parlent du do-
maine que le Papyrus Anastasi VI nous a fait connaî-
tre comme étant dans la terre de Socoth où se trouve
Pikeheret. Nous avons ainsi le cadre du campement des
Israélites : au nord-ouest, Phihahiroth-Pikeheret sur
le lac Timsah, non loin de Phithom, proche de l'actuel
Djebel Maryam ; au sud-est, Migdol ou Magdala, la butte
marquée par la stèle des Perses, à peu de distance de
l'actuelle station du Sérapéum sur le canal ; à l'est, la
mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelsephon,
l'actuelle colline de Toussoum. Voilà ce qui semble
probable à M. Naville. Store-City of Pithom, p. 31.
2° La géographie de l'isthme, selon M. Naville, a
contre elle le témoignage d'Hérodote qui vit l'Egypte
sous les Perses. A lui tout seul cet auteur suffit à
ruiner la thèse que nous venons d'exposer. Il dit du
canal qu'il avait « quatre journées de navigation... On
commença à le creuser, poursuit-il, dans cette partie
de la plaine d'Egypte qui est du côté de l'Arabie. La
montagne qui s'étend vers Memphis, et dans laquelle
sont les carrières, est au-dessus de cette plaine et lui
est contiguë. Le canal commence donc au pied de
la montagne; il va d'abord pendant un long espace,
d'occident en orient, il passe ensuite par les gorges
de cette montagne et se porte au midi dans le golfe
d'Arabie. » n, 158. « La signification du passage et
l'intention de l'auteur sont visibles : Hérodote décrit
les deux directions du canal, l'une de l'ouest à l'est
dans le sens de l'Ouadi Toumilat, l'autre de l'est au sud,
dans le sens des lacs Amers. La montagne dont il parle
est le versant méridional delà chaîne qui longe l'Ouadi,
et la gorge de cette montagne correspond à l'ouverture
septentrionale du bassin qui contient les lacs Amers.
La topographie de l'historien ne s'accorde en aucune
façon avec la carte de M. Naville qui place l'ancien ri-
vage de la mer Rouge entre Pikeheret et le lac Timsah,
ne laissant ainsi aucun moyen de tracer le coude dé-
crit par le canal de l'est au sud, ni de comprendre en
outre, comment les vingt lieues de l'Ouadi Toumilat
auraient exigé quatre jours de voyage, quand la journée
de navigation, en Egypte, était de treize à quatorze
lieues. — On remarquera que la description d'Hérodote
est confirmée de plusieurs manières, et notamment
par les traces du canal creusé ou recreusé par les
Perses depuis les lacs Amers jusqu'aux environs de
Suez. Entre ces deux points la Commission d'Egypte a
découvert des ruines et des inscriptions, surtout dans
le voisinage de Chalouf, près de l'ancien canal (appelé
aujourd'hui canal des Pharaons), qui fut retrouvé par
le général Bonaparte. » E. Lefébure, Les fouilles de
M. Naville à Pithom, dans la Revue des religions, t. xi,
1885, p. 322. Les traces de ce dernier canal semblent
montrer que cinq cents ans avant J.-C. les lacs Amers et
le lac Timsah étaient séparés et ne différaient guère de
ce qu'ils sont aujourd'hui. — Strabon, XVII, i, 26, fait
franchir au canal les lacs Amers : êtappet il y-où Sià twv
urapôiv xaXou|iév<i)v Xifivwv. Et il nous k représente ces
lacs comme dessalés par le canal soit qu'il prenne
quelque partie pour le tout, soit qu'il confonde les lacs
avec le canal lui-même, qui était large et poissonneux. »
E. Lefébure, loc. cit., p. 323. — Pline, qui suit Strabon
et d'autres auteurs, compile sans bien comprendre et
semble même faire partir le canal de la mer Rouge
pour venir aboutir aux lacs, usque ad fontes amaros.
H. N., vi, 33. Quoi qu'il en soit, Strabon et Pline nous
montrent le canal se prolongeant bien plus loin que
l'Ouadi Toumilat à travers des lacs qu'ils distinguent
de la mer Rouge. Philadelphe, dans la stèle de Phi-
thom, parle du « Grand lac noir », Kemour,et du « lac
du Scorpion » (Timsah actuel) comme étant navigables et
communiquant par le canal avec la mer Rouge, ce
qui permettait aux marchandises du pays des Troglo-
dytes de venir débarquer dans le lac Timsah, pi. x.
On ne peut donc accorder à M. Naville que le canal
se soit borné à l'ouadi Toumilat. Les lacs Amers de
Pline et de Strabon ne peuvent se placer que dans le
site actuel de ce nom et ils correspondent, semble-t-il,
au grand lac noir de Ptolémée II. Par conséquent, si
plus loin Strabon, XVII, m, 20, dit qu'Héroopolis est
sur le golfe arabique, si Pline le répète avec lui, loc.
cit., nous ne devons pas les prendre à la lettre, pas
plus que nous ne prenons à la lettre Josèphe disant
que la mer Rouge s'étend jusqu'à Coptos, qui est sur
le Nil. De Bell, jud., IV, x, 5. « Les Anciens, qui
appelaient nier toute grande étendue d'eau, ont regardé
les lacs Amers et leur canal tantôt comme faisant
partie et tantôt comme ne faisant pas partie de la mer
Rouge. On ne peut même comprendre autrement le
passage où Aristote dit que Sésostris, le premier, essaya
de canaliser la mer Rouge, T-qv ÊpuSpàv Qâlavzav 2nsi-
piôri Siopijttîiv. Metereolog. i, 14. Les lacs Amers
étaient une mer intérieure à peine séparée de l'autre,
si bien que l'on pouvait les réunir toutes les deux sous
un même nom, quand le sujet n'exigeait pas une pré-
cision d'ailleurs peu conforme aux habitudes de l'anti-
quité. » E. Lefébure, loc. cit., p. 324. Quant aux auteurs
qui avec Artémidore font partir les navires d'Héroo-
polis pour la terre des Troglodytes, cela ne préjuge en
rien la question des lacs. Héroopolis était la dernière
ville d'Egypte, la plus connue, que l'on rencontrait
avant de s'engager dans les lacs reliés à la mer Rouge.
On pouvait donc dire que la navigation commençait à
cette place. Il n'y a pas d'autre conséquence à en tirer.
On ne peut rien tirer non plus du Clysma que la se-
conde inscription latine de Phithom place à neuf
milles d'Ero. Clysma signifie port et pouvait convenir
à bien des localités différentes, comme les mots Migdol
et Sérapéum. Ce Clysma était quelque part sur le lac
Timsah et différait de l'autre Clysma que l'Itinéraire
d'Antonin place sur la mer Rouge à soixante huit
milles d'Héroopolis. Reste le texte d'Agathémère qui
pourrait recevoir la même explication que les autres
textes. Mais il faut remarquer de plus que cet auteur
copie Eratosthène. Celui-ci, dans Strabon, XVI, iv, 4,
dit que l'on a à sa droite la Troglodytique quand on
longe la côte depuis Héroopolis : oirsp !<rtiv âv 8eEi3
.aTroiiXéo'jffiv àno 'Hpwwv uôXeoiç. 11 fait donc simple-
ment Héroopolis le point de départ de la navigation,
tandis qu'Agathémère change les mots concernant
257
PHIHAHIROTH — PHILADELPHIE
258
Héroopolis dont il fait le commencement du golfe
arabique. Son témoignage en perd toute sa valeur.
Mais peut-être que la géologie donnera raison à M. Na-
ville? Linant de Eellefonds lui est tout entier favorable
et il s'en prévaut à plusieurs reprises. Store-City of
Pithom, p. 25, 26, etc. Partant d'un point communé-
ment admis, savoir que la mer Rouge et la mer Médi-
terranée ont communiqué dans lestempspréhistoriques,
il signale trois atterrissements successifs intervenus
entre les deux mers. Le premier est antérieur à l'his-
toire, c'est celui qui existe entre les lagunes les plus
au sud du lac Menzaleh et le lac Timsah, nommé seuil
de Gisr. Le second se trouve entre le lac Timsah et les
lacs Amers, c'est le seuil du Sérapéum. Le troisième
est situé entre les lacs Amers et le fond du golfe actuel,
c'est le seuil de Chalouf. Selon l'auteur, l'atterrissement
du Sérapéum s'est produit après Moïse, à plus forte
raison celui de Chalouf, et il explique dans ce sens les
textes des anciens. Linant, Mémoires sur les princi-
paux travaux d'utilité publique exécutés en Egypte
depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours,
Paris, 1872-1873, p. 178-194, surtout p. 195-197, où l'au-
teur se résume. Les autres géologues sont moins affir-
malifs. Ils s'accordent en général pour dire que la
mer Ronge n'a pas dû dépasser le Sérapéum depuis les
temps historiques. Mais ils admettent par contre que
les lacs Amers, à une époque récente, n'ont fait qu'un
avec la mer Rouge. Cf. Lecointre, La campagne de
Moïse pour la sortie d'Egypte (1882), p. 37-38. La dif-
ficulté glt donc tout entière dans le seuil de Chalouf,
Par sa nature, il est hors de doute qu'il est bien an-
térieur à Moïse, puisqu'il est d'origine tertiaire. Cf.
0. Fraas, -4ms dern Orient : geologische Beobachtun-
gen am Nil, auf der Sinai-Halbinsel und in Syrien,
1867, p. 170-173; O.Ritt, Histoire de l'Isthme de Suez,
p. 5. Mais ce seuil a pu être soulevé par les modernes
tremblements de terre ou les mouvements du sol.
C'est l'opinion de M. Ritt, loc. cit., p. 4-5. Il n'insiste
pas et passe à des preuves d'un autre ordre, aux
mesures données par les anciens sur la largeur de
l'isthme. « Hérodote, dit-il, rapporte que la dislance
du mont Casius, formant cap sur la Méditerranée, à la
mer Erythrée était de mille stades, c'est-à-dire d'envi-
ron cent kilomètres, ie stade unitaire employé par le
savant historien dans toutes ses observations équivalant
à peu près à cent mètres. Or, d'après l'examen de la
carte, la distance du cap Casius à la mer Rouge est un
peu supérieure à la plus petite largeur de l'isthme. Il
résulte donc de l'assertion d'Hérodote, que l'isthme de
Suez n'avait pas plus de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-
quinze kilomètres de large, il y a deux mille ans," c'est-
à-dire que la mer Rouge devait faire, à cette époque,
une pointe d'environ cinquante kilomètres dans l'inté-
rieur de l'isthme. Loc. cit., p. 5. Cf. Linant, loc. cit.,
p. 161-165. M. Vigouroux répond que M. Ritt « suppose
que le stade d'Hérodote n'était que de trois cents pieds;
en réalité, il était du double, c'est-à-dire de six cents,
comme nous le lisons formellement dans la description
du lac Moeris, où il est dit que le stade équivaut à
cent oryges et l'oryge à six pieds. Hérodote, n, 149. Le
stade était donc de six cents pieds. Par conséquent la
distance du mont Casius au golfe de Suez, était, non
pas de quatre-vingt-quinze, mais de cent quatre-vingt-
cinq kilomètres : c'est plus que la distance actuelle, la-
quelle ne dépasse pas cent treize kilomètres environ, s
La Bible et les découvertes modernes, t. n, 6 e édit.,
1896, p. 397-398 et p. 390-396, utilisées ci-dessus. C'est
même, trop, et nous restons perplexes sur la nature du
stade employé ici par un auteur qui change à ce sujet
d'une page à l'autre. Lecointre, loc. cit., p. 93-99. Les
chiffres d'Hérodote, répond-on, confirmés par ceux de
Strabon, XI, i, 5, 6; XVII, 1, 21, de Pline, H. N., v,
2, de l'Itinéraire, s'appliquent sans doute à la route
DICT. DE LA BIBLE.
suivie, et c ette route avait ses circuits et ses détours
Nous aurions ainsi l'explication dé la différence entre
ces distances et celles des modernes qui mesurent en
ligne droite. Vigouroux, loc. cit., p. 399.
V. Conclusion. — Que conclure maintenant par rap-
port à Phihahiroth? Évidemment, il faut reculer cette
station plus au sud que ne le fait Naville, que ne le
suppose Linant. Mais combien plus au sud la reporter?
En admettant qu'au temps d'Hérodote, c'est-à-dire au
v s siècle avant J.-C, la largeur de l'isthme ait répondu
à peu près à ce qu'elle est aujourd'hui, s'ensnit-il qu'au
temps de l'Exode, c'est-à-dire au XIII e siècle avant J.-C,
il en ait été de même? Le seuil de Chalouf, par son
origine tertiaire, semble nous l'assurer. Mais ce seuil
est un soulèvement, de l'avis de tous les géologues ; et,
suivant l'ingénieur Lecointe, ce soulèvement qui corres-
pond à un affaissement du côté de la Méditerranée, se
poursuit toujours, puisque le fond du canal recreusé
par Amrou est resté par places, à Chalouf spécialement,
« dans un état de conservation vraiment merveilleux ;
les talus sont réguliers, les arêtes vives, le fond de
cailloux et d'argile parfaitement plat et sans trace d'en-
sablement... Sa cote est de 17 m 76, tandis que celle de la
hauteur de la mer Rouge est de 18<J6 : il n'aurait
donc plus aujourd'hui que soixante centimètres à demi
marée, et resterait toujours à sec à marée basse : par
suite le canal serait hors de service. » Loc. cit., p. 38.
Le même auteur en déduit que le seuil a dû se relever,
au minimum, de quatre mètres vingt depuis Ptolémée
Philadelphie et « qu'à l'époque de Moïse, il devait être
profondément submergé ». Loc. cit., p. 39. Il s'en faut
que tous se soient ralliés à cette opinion. Le dernier
mot sur la question, controversée entré savants qui ne
cherchent pas à supprimer le caractère miraculeux du
passage de la mer Rouge, le dernier mot est aux fouilles
nouvelles et à leurs révélations. En attendant, on peut
penser avec les uns que Phihahirot se trouvait en face
des lacs Amers, avec les autres, qu'elle était vers
Adjroud, en face de la mer Rouge proprement dite.
Cette dernière opinion repose sur la tradition juive
alexandrine, acceptée par les premiers chrétiens, et
qui peut n'être qu'une accommodation aux conditions
géographiques de l'époque. Peut-être encore nous
forcerait-elle à reporter trop haut Phihahiroth pour
que son identification si séduisante avec Pikeheret n'en
souffrît pas. Pourtant, qui sait? L'innombrable multi-
tude des Hébreux avec leurs troupeaux et leurs bagages
occupait une immense place et le « vis-à-vis de Phiha-
hiroth » peut nous donner de la marge.
C. Lagier.
PHILADELPHIE (grec : $0Mnl<?la), ville ancienne
de Lydie, en Asie Mineure, sur la rive méridionale du
Kogamos, affluent de l'Hermus, actuellement Alachehr,
£0. — Monnaie de Philadelphie (dernière partie du i" siècle de
notre ère). => Tête de Diane, à gauche, avec un carquois. —
H). Apollon jouant de la lyre : *L\AAEA*EaN EPMinnoC
APXIEPEÏC.
c'est-à-dire « la bigarrée », dans le vilayet d'Aïdîn,
dans le pachalik d'Anatolie, à 118 kil. de Smjrne, qui
lui est reliée par une ligne de chemin de fer. Elle était
bâtie sur les derniers contreforts du mont Tmolus, au
bord du haut plateau central de l'Asie Mineure
(fig. 60). Voir la carte de Lydie, t. iv, col. 448. Elle est
mentionnée deux fois dans le Nouveau Testament :
Apoc, i, 11, dans la liste des sept Églises de l'Asie
V. - 9
259
PHILADELPHIE
260
proconsulaire auxquelles saint Jean devait envoyer le
livre de ses visions; Apoc, m, 7, en tête de la lettre
adressée à l'ange, c'est-à-dire à l'évêque de la ville. Elle
fut fondée par Attale HPhiladelphe (voir Attale II, 1. 1,
col. 1227-1228), roi de Pergame entre les années 159-
138 avant J.-C., auquel appartenait son territoire et
dont le surnom servit à la désigner. En 133 avant J.-C,
elle passa sous -la domination romaine, avec tout le
royaume de Pergame. Voir Pergame, t. rv, col. 137.
Située tout auprès de la région volcanique nommée
Katakékauméné, « district brûlé, » qui est très exposé
aux tremblements de terre, elle eut beaucoup à souf-
frir de ce fléau ; elle était presque en ruines à l'époque
de Strabon, XIII, iv, 10. Mais elle ne tarda pas à se
sur laquelle elle se dresse est couverte de jardins et
d'arbres; la plaine est un champ immense, bien cul-
tivé, que traversent de nombreux canaux d'irrigation.
La population s'occupe beaucoup d'agriculture, comme
au temps de Strabon, qui comparait son sol à celui de
Catane, en Sicile, sous le rapport de la fertilité.
Cf. Strabon, xn, 8; xm, 4. Son vin était déjà très
renommé dans les temps anciens, Virgile, Georg., n, 98,
et elle en exportait de grandes quantités ; ses monnaies
portaient souvent, pour ce motif, la tête de Bacchus ou
celle d'une bacchante. Les ruines de l'ancienne cité
sont peu nombreuses; elles consistent dans les restes
d'un théâtre, d'un stade, de deux enceintes, etc. Mais
nous devons à Philadelphie une lettre de l'Apocalypse
61. — Vue d'Alachehr. D'après une photographie.
relever. Elle porta pendant quelque temps, au i« siècle
de l'ère chrétienne, le nom de Néocésarée, qu'on lit
sur des monnaies contemporaines des règnes de
Tibère, de Caligula et de Claude. Sous Vespasien, elle
reçut l'épithète de Flavia. On lui donna aussi , à l'époque
de sa plus grande prospérité, le titre de « petite
Athènes », à cause du grand nombre de ses temples
et de ses fêtes. Cf. J. G. Droysen, Geschichte des Hel-
lenismus, 2 e édit., 3 vol., in-8°, Gotha, 1878, t. m,
2 e partie, p. 276. A l'époque byzantine, c'était encore
une ville grande et peuplée, qui faisait un commerce
considérable. Philadelphie eut la gloire de ne tomber
au pouvoir des Turcs qu'en 1390, après huit années de
vigoureuse résistance, alors que toutes les autres villes
d'Asie Mineure étaient déjà entre leurs mains.
Alachehr (fig. 61), qui a succédé à la cité antique,
est à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et domine
une vaste et fertile plaine. De loin, elle a un aspect
imposant; mais elle est mal bâtie et très malpropre,
comme la plupart, des villes orientales. Son activité
commerciale est encore très importante. La terrasse
III, 7-13, qui ne mourra jamais. Son évêque y reçoit
de grands éloges, comme celui de Smyrne, Apoc, n, 8-
11, et pas un seul reproche. La communauté chrétienne-
qu'elle abritait était peu considérable encore, Apoc.
m, 8, et les Juifs essayaient de la troubler, Apoc, m,
9; mais pasteurs et fidèles résistaient vaillamment à
cette « synagogue de Satan ». Notre-Seigneur n'a
donc qu'à les louer, à leur promettre une brillante
récompense et à leur recommander de conserver avec
soin le don précieux qu'ils ont reçu. Apoc, m, 10-11.
Dans l'épître intéressante qu'il leur écrivit quelques
années plus tard, saint Ignace d'Antioche met égale-
ment les chrétiens de Philadelphie en garde contre
les juifs. Cf. Funk, Die apostolischen Vàler, in-8°,
Tubingue, 1901, p. 98-102. Aujourd'hui encore, l'élé-
ment chrétien est de beaucoup prépondérant parmi
la population d'Alachehr; la bénédition du Christ
a porté bonheur à cette Église comme à celle de
Smyrne.
Nous ne savons pas dans quelles circonstances spé-
ciales le christianisme avait pénétré à Philadelphie.
261
PHILADELPHIE — PHILÉMON (ÉPITRE A)
262
D'après les Constitut. Apost., vu, 46, t. i, col. 1053, son
premier évêque, nommé Démétrius, aurait été institué
par saint Pierre lui-même. L'apologiste saint Miltiade,
dans Eusèbe, H. E., v, 17, t. xx, col. 473, mentionne
une prophétesse, nommée Ammia, qui aurait appar-
tenu à l'Église primitive de Philadelphie. Durant la
période byzantine, cette ville était le siège d'un évêché
qui dépendait du centre métropolitain de Sardes. —
Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, in-8°, t. i,
p. 34; Curtius, Nachtrag zu den Beitràgen zur Ge-
schichte und Topographie Kleinasiens, dans les
Abhandlungen der Berliner Akademie, 1873; Ramsay,
Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres,
1890, p. 86; Id., Cities and Bishoprics of Phrygia,
2 in*, t. i, p. 196; t. n, p. 353; Mot Le Camus, Les
sept Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896, p. 203-
216. L. Fillion.
PHILARQUE (grec : à çuXâpxis; Vulgate : Philar-
ches), chef de tribu, chef de troupes comme çuXâp xoç.
Cf. £ïpt8ctf>x'"]Ç> I Mach., x, 65. Nos éditions de la Vul-
gate donnent ce mot comme un nom propre, et beaucoup
de commentateurs acceptent cette interprétation, mais
la phrase grecque : rèv Se ipuXâpxijv t&v Ttepi TijidOeov,
s'entend plus naturellement du « commandant ou chef
de ceux qui étaient avec Timothée », c'est-à-dire de ses
soldats. II Mach., vm, 32; cf. f. 30. Le texte sacré nous
dit que Judas Machabée ayant battu Timothée et Bac-
chide, les vainqueurs mirent à mort le philarque,
« homme très pervers, qui avait fait aux Juifs beaucoup
de mal. »
1. PHILÉMON (grec, ^iX^mm), riche chrétien de
Colosses à qui saint Paul écrivit une de ses lettres.
Le nom qu'il portait était très répandu en Phrygie,
comme le témoignent Ovide, Metam., vm, 631 ; Aristo-
phane, Aves, 762, et de nombreuses inscriptions.
Wieseler, Chron. des Apost. Zeitalt., 1884, p. 452,
a prétendu conclure d'un passage de l'Épître aux
Golossiens, iv, 7, que Philémon était originaire de
Laodicée, et que la lettre qui lui est adressée était celle
que l'Apôtre envoya, par les soins de Tychique, à cette
dernière Église, Col. iv, 16. Mais il est plus naturel de
supposer que Philémon habitait, comme son esclave
Onésime, Col., iv, 9, « l'un d'entre vous, » la ville de
Colosses. On y montrait encore sa maison au temps de
Théodoret, InEpist. adP hi lem.,Procem.,t. xxvi, col. 601,
et les Constitutions apostoliques, Iv, 46, t. i, col. 1053,
en font l'évêque de cette cité. D'après les Menées
grecques du 22 novembre, il aurait subi là le martyre
en compagnie d'Appia, d'Archippe et d'Onésime. J.-B.
Lightfoot, The Apostolic Fathers, lgnatius, Londres,
1884, t. n, p. 535. Saint Paul n'ayant jamais été à Co-
losses, il est probable que Philémon et les siens l'avaient
connu dans un voyage à Éphèse. Act., xix, 26; I Cor.,
xvi, 19. En tout cas, c'est à l'Apôtre lui-même, qu'il
devait sa conversion, f. 19.
Philémon parait avoir joui d'une certaine fortune :
il a des esclaves; il reçoit de nombreux amis dans sa
maison, f. 22; il est connu par sa libéralité envers les
pauvres, f. 5-7; la communauté chrétienne se réunit
chez lui, % 2. L'épithète de cruvEpyrfç, que lui donne
Paul, % 1, laisse entendre qu'il servait avec zèle la
cause de l'Évangile parmi ses compatriotes. C'était une
âme généreuse, droite, loyale, toute dévouée à la per-
sonne de l'Apôtre, f. 13, 17, 22. — Les traditions le
présentent tantôt comme prêtre, tantôt comme évêque
ou comme diacre; les martyrologes grecs l'appellent
simplement « un saint apôtre' ». Lightfoot, lgnatius,
il, p. 535. Philémon semble avoir été marié : sa femme
est sans doute cette Appie qui figure avec lui, dans
l'adresse de l'Épître à côté d'Archippe lequel, vraisem-
blablement, était leur fils. C. Toussaint.
2. PHILÉMON (ÉPITRE A). — Cette lettre se distin-
gue des autres Épitres de l'Apôtre par des caractères
tout particuliers. C'est d'abord la plus courte : elle n'a
que quelques lignes. Elle semble, de plus, avoir été
écrite tout entière de la main de Paul, f. 19, cas fort
rare pour les Épitres de saint Paul. Enfin elle n'est
adressée ni à une église, ni à un chef d'église comme
les lettres pastorales, mais à une famille, plus exacte-
ment encore, à un ami personnel, pour une affaire
d'ordre' privé.
I. Contenu de l'Épître. — Malgré son peu d'étendue,
ce billet présente les divisions habituelles des grandes
épîtres : préambule, corps du sujet, épilogue.— \« Préam-
bule, f 17. — Il se compose de l'adresse et de l'action de
grâces. L'adresse mentionne en première ligne Philé-
mon, le chef de famille, à qui la lettre est principa-
lement destinée. Elle y ajoute les noms d'Appia sa
femme et d'Archippe son fils. Les autres membres de
la famille du riche Colossien sont désignés par ces
mots « l'église qui se réunit dans ta maison ». L'action
de grâces, en louant, d'une façon délicate, la foi et la
charité de Philémon, prépare la requête que l'Apôtre
va lui présenter, f 1-7.
2° Corps de l'Epître, f. 8-21. — Saint Paul y sollicite
le pardon d'Onésime, avec un art consommé. L'Apôtre
n'aborde son sujet qu'avec mille précautions. 11 n'é-
nonce pas de suite l'objet de sa demande. Il rappelle
d'abord à Philémon quel est celui qui la lui adresse,
f 8-9, c'est Paul lui-même. Au besoin, il pourrait
commander, il aime mieux, par amour, le supplier
et demander, comme service personnel, ce qu'il pour-
rait exiger comme apôtre. Comment Philémon pour-
rait-il refuser cette grâce à celui qui passe sa vie
au service des gentils, qui endure, en ce moment
même, toutes les souffrances de la captivité, et qui est
arrivé à l'âge de la vieillesse ? A ces motifs, Paul joint
ceux qu'il trouve dans la personne de son client, f 10-
16. Celui en faveur de qui il intercède est son « fils
spirituel », qu'il a enfanté dans sa prison; c'est cet
Onésime qui, jusqu'ici, il est vrai, n'a guère justifié la
signification de son nom (Onésime, en grec, signifie
« utile » ) mais qui, désormais, en est tellement digne,
que Paul l'aurait volontiers gardé auprès de lui pour
l'aider dans l'œuvre de l'Évangile et faire pour lui tout
ce que Philémon ferait lui-même s'il était.'présent, mais
Paul n'a voulu devoir cette précieuse assistance qu'à la
bonne volonté de Philémon lui-même. De plus, celui
pour qui parle l'Apôtre n'est plus un simple esclave,
c'est « un frère »et un frère pour l'éternité, frère aimé
de Paul et, à plus forte raison, de Philémon qui l'avait
aimé autrefois comme maître, en sorte que si Onésime
a été séparé de Philémon pour un temps, c'est afin
qu'il le recouvre pour l'éternité, non plus comme un
esclave, mais comme un frère bien-aimé. L'Apôtre pro-
nonce alors le mot décisif : «Reçois-le, f. 17-21, comme
tu me recevrais moi-même < » Il est vrai qu'Onésime ne
s'est pas enfui seulement de chez son maître, mais qu'il
lui a causé quelque grave dommage. Mais Paul s'offre
pour le réparer. Il s'engage, par écrit, à indemniser
Philémon, bien qu'au fond celui-ci soit son débiteur
puisqu'il lui doit son salut. Cette idée remplit l'âme de
Paul de confiance. Il reproduit sa prière, au f. 20, sur
un ton qui écarte jusqu'à la possibilité d'un refus. Bien
plus, au verset suivant, il attend de Philémon quelque
chose de mieux encore. Quoi donc ? Le tour de phrase
est général et laisse aux interprètes la place à diverses
hypothèses. Les uns supposent un bienfait quelconque
en plus du bon accueil réservé à Onésime, d'autres
(De Wette, Oltramare, Reuss, Godet), l'affranchissement
pur et simple.
3» Épilogue, 22-25. — L'Apôtre prie Philémon de lui
préparer un logement, car il espère suivre de près
Onésime à Colosses. Les autres versets contiennent les
263
PHILÉMON (ÉPÎTRE. A)
264
salutations des compagnons de Paul, ce sont les mêmes
noms que dans l'Épltre aux Colossiens, à part celui de
Jésus Justus qui probablement n'était pas connu de
Philémon. Par contre, Êpaphras est mentionné le pre-
mier de tous, étant l'ami personnel de Philémon. Il
était alors à Rome et partageait l'appartement que le
prisonnier Paul avait loué. Col., îv, 10-12.
II. LlEK ET DATE DE LA COMPOSITION DE L'ÉPÎTRE. —
De l'aveu de presque tous les critiques, l'Épltre à Phi-
lémon a été rédigée en même temps que les Épîtres aux
Colossiens et aux Éphésiens. «. Ces trois lettres, dit
Sabatier, forment un groupe distinct dans l'ensemble
des Épîtres de la captivité et ne doivent point être
séparées. Écrites en même temps, portées en Asie
Mineure par les mêmes messagers, elles gardent des
traces frappantes de cette parenté d'origine. Philem.,
10, et Col., iv, 9; Philem., 23, 24, et Col., rv, 10, 12, 14;
Philem., 2, et Col., iv, 17. Ces Épîtres, en effet, se sup-
posent l'une l'autre. A. Sabatier, L'Apôtre Paul, 3« édit.,
1896, p. 233. D'après leur contenu, elles ont été certai-
nement écrites durant une des deux captivités de Paul.
Mais est-ce celle de Rome ou celle de Césarêe? Les
exégètes modernes ne sont point d'accord sur ce point.
Voir leurs arguments, pour ou contre, à l'article Co-
lossiens (ÉpItre aux), t. il, col. 867.
III. Authenticité. — On ne trouve pas de traces cer-
taines de l'Épltre à Philémon chez les Pères aposto-
liques. Br. F. Westcott, Canon of the N. T., 1884,
p. 48. Les premières citations formelles de l'Épître à
Philémon viennent d'Origène qui l'attribue à Paul et
en extrait plusieurs passages. In Jerem., nom. xix, 2;
Comm. séries in Matth., § 66, 72, t. xin, col. 501, 1707,
1715. Tertullien, Adv. Marc, v, 11, t. n, col. 254, re-
marque que la brièveté de cet écrit l'a mis à l'abri
des falsifications de Marcion. D'après saint Épiphane,
Hser., xlii, 9, t. xli, col. 708, la lettre à Philémon occu-
pait dans le recueil de Marcion l'avant-dernière place,
après les Épîtres aux Colossiens et aux Laodicéens et
avant celle aux Philippiens, tandis que, d'après Tertul-
lien, elle venait après celle-ci, comme la dernière. On
la trouve mentionnée dans le canon de Muratori, à côté
des trois Épîtres pastorales. Voir t. n, col. 170. Les
deux anciennes versions syriaque et latine la conte-
naient. Saint Jérôme, Comm. in Epist. Philem.,
Proœm., t. xxvr, col. 601, observe pourtant que plu-
sieurs ne la croyaient pas écrite par saint Paul ou que,
si elle était de luj, elle n'était pas inspirée, car elle ne
contenait rien pour l'édification : c'était plutôt Une
lettre de recommandation qu'une lettre doctrinale. A
quoi l'illustre exégète répondait : on trouve, dans toutes
les lettres de Paul, des détails se rapportant aux choses
de la vie, par exemple, II Tim., îv, 13, où l'Apôtre
donne l'ordre de lui rapporter son manteau et ses livres,
et d'ailleurs jamais cette lettre n'aurait été reçue par
toute l'Église, si l'on n'avait pas cru qu'elle fût de Paul.
Saint Chrysostome, In Philem. Prol., t. lxh, col. 702,
reproduit à peu près les mêmes raisons contre ceux qui
considéraient cette Épître au-dessous de la dignité du
grand Apôtre. A partir de ce moment, l'authenticité de
notre Épître n'a laissé aucun doute dans les esprits.
Elle n'a été mise en question que par Christian Baur
qui lui dénia son origine paulinienne, opinion plus ou
moins adoptée par "Weizsàcker, Pfleiderer, Steck, von
Manen. Pour ces critiques, l'Épltre à Philémon est l'em-
bryon d'un roman chrétien analogue à celui des Réco-
gnitions clémentines, destinées à mettre en exemple la
telle idée chrétienne que chaque fidèle se retrouve lui-
même dans chacun de ses frères- Cette hypothèse n'a
aucun fondement.
La lettre à Philémon est d'une telle originalité et l'âme
de Paul l'a si bien marquée de son empreinte ineffaça-
ble, qu'on ne peut douter de son authenticité. Voir
P. Sabatier, L'Apôtre Paul, 3 e édit., p. 235, 236; Re-
nan, Saint Paul, 4869, introd., p. xi. Von Soden, dans
le Hand-Commentar z-um N. T., t. m, part, i, Fribourg-
en-B., 1893, p. 73, admire, dans cette lettre, un témoi-
gnage charmant de la délicatesse et de l'humour de
l'Apôtre, et tout à la fois de l'élévation de sentiment et
de langage avec laquelle il savait traiter les choses con-
crètes de la vie. Les objections tirées du vocabulaire
de l'Épltre méritent à peine de retenir l'attention. Les
sept âiraS AeY<5[<.eva qu'on y signale, âva7i![i.7ieiv, dtitOTÎ-
veiv,a)y»)crTOç, iitniaaeii, ijevt'ot, ôvivaurôoti, itpocrotpe&eiv,
n'enlèvent pas l'impression générale que le style de
l'Épître ne soit celui de Paul, en particulier celui des
autres Épîtres de la captivité. On retrouve, en effet,
plusieurs des expressions favorites de Paul :è7ti'-fvw<"î>
itappiimoi, 7tapâxX?)<nc. La belle métaphore 8v èy£vvr|<Toc
èv toi; Ssiriioiç, jt. 10, rappelle I Cor., i\, 15, l'adverbe
Tà^a, f. 15, l'Épître aux Romains, v, 7. Il y a, en outre,
nombre de coïncidences verbales avec les Épîtres aux
Colossiens, aux Éphésiens, aux Philippiens, par exem-
ple, 8é<T|iioç Xpio-coO 'Ir|<ToO,ll, 1, 9; Eph.,ni, 1; iruvep-fiSî
et (nj<rrpaTiMTr|Ç, v, 1, 2; Phil., n, 25; dtvrixov, v, 8;
Eph., v, 4; Col., m, 18; (ruvaixndcXuTo;, v, 23; Col.,rv,
10; àStlfoç àYa7niT<îç, v, 16; Eph., vi, 21; Col., iv, 7.
IV. Mérite littéraire. — Tous les critiques s'accor-
dent à reconnaître, dans l'Épître à Philémon, un vrai
petit chef-d'œuvre de l'art épistolaire. Érasme, In Phi-
lem., 20, défie même Cicéron de dépasser l'éloquence
de ces quelques lignes. On ne sait ce qu'il faut le plus
admirer dans cette page, unique en son genre parmi
les écrits de Paul, la finesse, la grâce, la délicatesse de
sentiment et de langage, les tournures heureuses, les in-
sinuations habiles, les sous-entendus pleins de tact et
d'à-propos. Cette Épître nous révèle la souplesse du
génie de Paul. « Ce ne sont, dit Sabatier, que quelques
lignes familières, mais si pleines de grâce, de sel, d'affec-
tion sérieuse et confiante, que cette courte Épître
brille, comme une perle de la plus exquise finesse,
dans le riche trésor du Nouveau Testament. Jamais
n'a mieux été réalisé le précepte que Paul lui-même
donnait à la fin de sa lettre aux Colossiens : « Que votre
« parole sorte toujours revêtue de grâce, assaisonnée de
« sel, de manière à savoir comment vous devez répondre
« à chacun. Col., rv,6 .» L'Apôtre Paul, 3 e édit., p. 234,
236. La conservation de cette Épître est due sans doute
au respect, à l'affection, au culte de la famille de Phi-
lémon pour tout ce qui émanait de J'Apôtre Paul.
V. La question de l'esclavage. — On a parfois re-
proché à Paul d'avoir renvoyé Onésime à son maître
au lieu de prendre occasion de cet incident pour pro-
clamer, au nom de l'Évangile, l'émancipation des
esclaves. Il faut, au contraire, louer l'Apôtre de ne
s'être point posé en Spartacus imprudent et d'avoir
traité avec une si grande sagesse un point de doctrine
si grave et si délicat. On doit lui savoir gré d'avoir
tracé la ligne de conduite que le christianisme devait
prendre à l'égard d'une institution qui tenait, par tant
de liens intimes, à la vie politique, sociale, économique,
des sociétés anciennes. En renvoyant l'esclave à son
maître, Paul reconnaît, respecte l'institution existante
mais il ne lui donne pas, comme on l'a prétendu, une
sorte de consécration qui la rende intangible. Il pose,
au contraire, les principes qui doivent, dans un avenir
plus ou moins rapprochera faire disparaître du monde
civilisé. Par le fait qu'il fait de l'esclave chrétien le
frère de son maître et qu'il efface dans le Christ toutes
les différences sociales, il ruine, par la base, cette
oppression de l'homme par l'homme. Voir Onésime,
t. iv, col. 1812.
VI. Bibliographie. — J.-B. Lightfoot, S. Paul's
Epistles to the Colossians and to Philémon, in-8",
Londres, 1892; H. K. von Soden, Die Briefe an die
Kolosser, Epheser, Philémon, Fribourg, 1893, p. 73;
Meyer, Comment, ùber die Briefe an die Kolos. und
265
PHILÉMON (ÉPITRE A) — PHILIPPE II HÉRODE
266
Phil., t. vin, ix; H. Oltramare, Comment.^ sur les
Ëpîtres de saint Paul axix Colossiens, aux Éphésiens
et à Philémon, ia-8», Paris, 1891; Vincent, dans
Intem. Critic. Commentary, Epist. io the Philip, and
to Philémon, p. 157, Edimbourg, 1897; Holtzmann,
Der Brief an Philémon, kritisch untersucht dans
Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1873,
p. 428-441. C. Toussaint.
PHILÈTE (grec : ^iX^toç, « aimé »), chrétien" infi-
dèle à sa foi qui partagea l'hérésie d'Hyménée, en disant
que la résurrection était déjà accomplie. II Tim., h,
17-18. Voir Hyménée, t. m, col. 391. On ne sait rien
autre chose de certain sur sa vie. Ce qu'on lit dans le
Pseudo-Abdias, Apostolicx historiée, iv, 2-3, dans J. A.
Fabricius, Codex apocrypJius Novi Testamenli, 1719,
t. Il, p. 517-520, sur ses rapports avec l'apôtre saint
Jacques, fils de Zébédée, est fabuleux. On trouve sépa-
rément les noms d'Hyménée et de Philète parmi ceux de
la maison de César dont les cendres avaient été dépo-
sées dans des Columbaria de Rome. Voir J. G. Walch,
De Hymenseo et Philelo, dans ses Miscellanea sacra,
Amsterdam, 1744, p. 81-121; J. Ellicott, The Pastoral
Epistles of St. Paul, 4« édit., Londres, 1860, p. 133-134.
PHILIPPE (grec : «SD.nraoç, « ami des chevaux »), nom
de deux rois de Macédoine, d'un oncle d'Antiochus
Épiphane, de deux Hérodes, d'un apôtre et d'un diacre.
1. PHILIPPE II, fils d'Amyntas (fig. 62) roi de Macé-
doine (350-336 avant J.-C), et père d'Alexandre le Grand.
62. — Monnaie de Philippe II, roi de Macédoine.
Tète de Jupiter laurée, à droite. — i^. *IAinnor. Cavalier
marchant à droite et portant une palme.
C'est seulement en cette dernière qualité qu'il est
nommé I Mach., i, 1; VI, 2.
2. PHILIPPE V, roi de Macédoine (220-179 avant
J.-C.) (fig. 63). Il était fils de Démétrius II, et lui ;suc-
céda sur le trône. Voulant agrandir son royaume, il
entra en conflit avec les Romains pendant qu'ils
étaient en guerre avec Carthage et profita de la cir-
63. — Statère de Philippe V, roi de Macédoine.
Tête de Philippe V, diadémée, à droite. — tf. BASlAEQ[r]
■MAinnOï. Hercule debout, à gauche, portant sa massue et
une corne d'abondance.
constance pour consolider son pouvoir. Mais lorsque
la victoire de Zama -eut permis aux Romains de
l'attaquer à. leur gré, en 200, il ne put leur résister
longtemps, malgré sa bravoure. Il lutta contre eux
""jusqu'en 198, où l'arrivée de T. Q. Flaminius lui fut
filiale. Celui-ci le battit en 197 à Cynoscéphale en
Thessalie et lui imposa uue paix humiliante. Philippe
termina sa vie en vains efforts pour regagner une partie
de sa puissance perdue. Le premier livre des Macha-
bées, vin, 5, rappelle la défaite de Philippe V et celle
de Persée comme une preuve de la grande force des
Romains.
3. PHILIPPE, « Phrygien d'origine, » et par caractère
plus cruel qu' Antiochus IV Épiphane lui-même qui
l'avait nommé gouverneur de Jérusalem, 170 avant J.-C.
II Mach., v, 22. Il fit brûler dans les cavernes des en-
virons de Jérusalem les Juifs qui s'y étaient réfugiés
pour célébrer le sabbat et qui ne se défendirent point
pour respecter le repos de ce jour. II Mach., vi, 11.
Plus tard, effrayé de la résistance et des progrès de
Judas Machabée qui avait battu Apollonius et Séron,
généraux d'Antiochus, Philippe demanda des secours
contre lui à Ptolémée, gouverneur syrien de la Cœlé-
syrie et de la Phénicie, qui lui envoya Nicanor, fils de
■Patrocle et Gorgias. Voir Nicanor, t. iv, col. 1613, et
Gorgias, t. m, col. 277. II Mach., vin, 8-9.
Philippe était frère de lait, (rjvTpotpoi;, collactaneus,
d'Antiochus IV Épiphane. II Mach., ix, 29. Le pre-
mier livre des Machabées, vi> 14, l'appelle s un des
amis » du roi. Sur ce titre, voir Ami 2, 7», t. i, col. 480.
Quand Antiochus IV entreprit sa campagne en Perse,
il voulut emmener son familier avec lui. Là, sentant sa
fin approcher, il le chargea de la régence et lui remit
son diadème, ses insignes royaux et son anneau, afin
qu'il les transmît à son fils, Antiochus, encore mineur
(163 avant J.-C). I Mach., vi, 14-15. Mais à la nouvelle
de la mort d'Épiphane, Lysias qui était en Syrie s'em-
para du pouvoir au nom du jeune Antiochus qui n'était
qu'un enfant et dont il était le tuteur (voir Antiochus V,
t. I, col. 700) et lui donna le nom d'Eupator. IMach., vi,
17. Philippe, qui ne se sentait pas le plus fort, n'osa
pas revenir aussitôt à Antioche. Il se rendit en Egypte,
emportant avec lui le corps d'Antiochus IV, auprès de
Ptolémée Philométor, afin de lui demander appui contre
Lysias. II Mach., IX, 29. Il réussit sans doute dans ses
démarches et pendant que Lysias faisait la guerre en
Judée contre Judas Machabée, Philippe, avec l'aide des
troupes syriennes qui étaient revenues de Perse "et de
Médie, occupa Antioche. I Mach., vi, 56; II Mach., xm,
23. Lysias, informé de cet événement, s'empressa de
faire la paix avec les Juifs (voir Lysias 1, t. iv, col. 458) et
de retourner avec son armée en Syrie"; il reprit Antioche,
I Mach., vi, 63, et d'après Josèphe, Ant. jud., XII, IX,
7, s'empara de la personne de Philippe et le fit mettre
à mort. — Un certain nombre d'historiens distinguent
le frère de lait d'Antiochus Épiphane de Philippe le
Phrygien, mais plus communément on admet que c'est
un seul et même personnage. Quelques critiques veu-
lent révoquer en doute le voyage de Philippe en Egypte,
II Mach., ix, 29, parce qu'il n'est pas mentionné
I Mach., vi, 56. La prétérition de I Mach., vi, 56, ne
prouve nullement que le voyage n'ait pas eu lieu. — Tite
Live, xxxvii, 41, mentionne un Philippe qui avait le
commandement des éléphants dans l'armée syrienne à
la bataille de Magnésie (190 avant J.-C), mais rien
n'autorise à l'identifier avec celui dont parient les livres
des Machabées.
4. PHILIPPE I er HÉRODE, premier mari d'Hérodiade
et père de Salomé. Les Évangélistes ne le désignent que
sous le nom de Philippe. Matth., xiv, 3; Marc, vi, 17;
Luc, m, 19. Voir Hérode 4, t. m, col. 6i9.
5. PHILIPPE il HÉRODE, tétrarque de Trachonitide
et d'Iturée. Luc, m, 1. Il rebâtit l'ancienne Panéas,
qui prit de lui son nom de Césarée de Philippe.
Matth., xvi, 13; Marc, vm, 27. Voir Hérode 5, t. m,
col. 649-650.
267
PHILIPPE (SAINT) APÔTRE
268
6. PHILIPPE (saint), un des douze Apôtres (fig.6i).
I. Saint Philippe d'après les Évangiles. — Il était
originaire de Bethsaïde en Galilée, comme Simon Pierre
et André, Joa., i, 44; xii, 21. Cette communauté d'ori-
gine explique comment il était particulièrement lié
avec saint André. Joa., xii, 22; vi, 5-8. C'était aussi un
ami de Nathanaël ou Barthélémy. Joa., i, 45-46. Saint
Philippe est nommé le cinquième dans toutes les listes
des Apôtres et les trois Évangélistes nomment immé-
diatement après lui son ami Barthélémy. Matth., x, 3;
Marc, m, 18; Luc., vi, 14; cf. Açt., i, 13. Cet apôtre
est donc placé immédiatement après les deux frères
Pierre et André et les deux fils de Zébédée, et ce rang lui
revient historiquement, parce qu'il fut un des premiers
disciples du Sauveur. Lorsque saint Jean-Baptiste eut
64. — L'apôtre saint Philippe. Type traditionnel.
D'après Albert Durer.
révélé à André, qui était son disciple, ce qu'était Jésus,
André s'empressa de communiquer la grande nouvelle
à son frère Simon et il l'annonça aussi sans doute à
son ami Philippe qui était probablement comme lui
disciple de Jean-Baptiste. Ces faits se passaient à Bétha-
nie au delà du Jourdain. Joa., i, 28. Le lendemain Jésus,
ayant rencontré Philippe, lui dit : « Suis-moi, » Joa.,i,
43, et l'heureux élu se mit aussitôt à sa suite, ayant été
appelé directement le premier de tous les Apôtres. Il ne
tarda pas à faire part de son bonheur à son ami Na-
thanaël et l'amena à son nouveau Maître. Joa., i, 45,48.
La manière dont Philippe parle à Nathanaël du « pro-
phète » qu'avait prédit Moïse et qu'il venait de rencon-
trer semble indiquer que la venue du Messie avait été
déjà auparavant un sujet d'entretien entre les deux
amis. Comme Nathanaël était de Cana, Joa., xxt, 2, on
est porté à croire que c'est à son arrivée dans cette
ville que Philippe rencontra Nathanaël. Cf. Joa., n, 1.
Celui-ci ne put croire d'abord que quelque chose de
bon pût venir de Nazareth : « Viens et vois, » lui dit
Philippe, et son ami fut bientôt convaincu. Joa., i, 46-
49. Philippe avait d'ailleurs mal renseigné, son ami,
n'étant pas encore bien instruit lui-même, eu lui par-
lant de Jésus comme fils de Joseph et originaire de
Nazareth. Joa., i, 45.
Les trois synoptiques se contentent de nommer Phi-
lippe dans leur catalogue des Apôtres, mais saint Jean,
né comme lui sur les bords du lac de Tibériade, nous
fournit sur sa personne, outre le récit de sa vocation,
quelques renseignements particuliers propres à inté-
resser ses lecteursjl'Asie Mineure. Philippe assista aux
noces de Cana, car il doit être compris parmi « les
disciples » qui y avaient été invités avec Jésus. Joa., n,
2. Clément d'Alexandrie, dans ses Stromates, m, 4,
t. vin, col. 1129,£le nomme [comme étant le disciple à
qui Jésus aurait dit : « Laisse les morts ensevelir leurs
morls », Matth., vin, 22, quand ce disciple, que l'Évan-
géliste ne désigne pas par son nom, lui aurait demandé
d'aller ensevelir son père. Le Maître aurait voulu le
former ainsi au détachement nécessaire à un apôtre,
mais nous ignorons sur quel fondement Clément
d'Alexandrie appuie son identification.
Ce qui est certain, c'est que Notre-Seigneur voulut
lui inspirer pleine confiance en lui, lors du miracle de la
multiplication des pains. A la vue de la foule qui l'en-
tourait, Jésus lui demanda ; « Ou achèterons-nouc du
pain, pour que ce monde puisse manger? » Jésus, ajoute
l'Évangéliste, « disait cela pour l'éprouver, car il savait
ce qu'il allait faire. » Philippe s'attendait si peu à un mi-
racle, qu'il lui répondit : « Deux cents deniers de pain
ne suffiraient pas pour que chacun en eût un mor-
ceau. » Joa., VI, 5-7. Saint Jean Chrysostome conclut
de là que Philippe avait particulièrement besoin des
instructions du Sauveur. Hom. xlii, 1, in Joa., t. lix,
col. 239. Tentât /idem Philippi, consilium petere mi-
nime indigens, dit J. Corluy, Comment, in Ev. Joan-
nis, 2 e édit, Grand, 1880, p. 135. Des commentateurs
modernes ont supposé, en se plaçant à un point de vue
plus positif, que si Philippe avait été interrogé directe-
ment, c'est parce qu'il était chargé des provisions et
que s'il avait parlé de deux cents deniers, c'est parce
que c'était la somme qui était alors dans la possession
des Apôtres. Cl, Fillion, Évangile selon saint Jean,
1887, p. 118.
Saint Jean nous a conservé dans son Évangile deux
autres épisodes où l'apôtre Philippe joua un rôle. Parmi
les pèlerins qui s'étaient rendus à Jérusalem à l'occa-
sion de la fête de Pâques, il y avait des prosélytes grecs
qui désiraient voir Jésus. Attirés peut-être par le nom
grec de Philippe ou hien le connaissant auparavant, ils
s'adressèrent à lui afin qu'il les présentât au Maître.
Philippe semble n'avoir pas osé le faire lui seul. Il
appela son ami André qui était moins timide et les
deux ensemble prévinrent Notre-Seigneur qui adressa
à la foule un discours, confirmé par une voix du ciel.
Joa., xii, 20-30. — Une autre fois, et c'est la quatrième
où saint Jean parle nommément de saint Philippe, dans
le discours après la Cène, Jésus dit à ses Apôtres
qu'ils avaient vu son Père. Philippe ne comprit pas ce
que le Maître entendait par là, qu'ils avaient vu le Père
dans le Fils qui est un avec lui, et attachant à ces
paroles un sens matériel, il répondit à Jésus dans l'es-
poir de voir quelque théophanie comme les patriarches.
ce Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit. »
« 11 y a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as
pas connu? » répliqua le Sauveur (d'après le texte grec).
«Philippe, celui qui m'a vu a vu aussi le Père. Comment
peux-tu dire : Montrez-nous le Père. Ne crois-tu pas que
je suis dans le Père et que le Père est en moi? »
Joa., xiv, 7-10. La demande faite par Philippe avec la
simplicité de son caractère fournit ainsi à Jésus-Christ
l'occasion de donner à ses Apôtres sur son union avec
son Père céleste une leçon profonde qui resta profon-
dément gravée dans la mémoire de saint Jean.
Philippe étant natif de Bethsaïde et, lié comme il
l'était avec les fils de Zébedée et Nathanaël, dut être l'un
des deux disciples anonymes, Joa., xxi, 2, à qui Jésus
ressuscité apparut sur les bords de la mer de Galilée ;.
ce n'est toutefois qu'une hypothèse. — Cet apôtre n'est
269
PHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE
270
nommé qu'une autre fois dans le Nouveau Testament,
avec les dix autres qui étaient rassemblés dans le Cé-
nacle, après l'Ascension, Act., i, 13, et il reçut avec eux le
Saint-Esprit le jour dé la Pentecôte. Act., ir, 1-3.
II. Saint Philippe d'après la tradition. — A partir
de ce moment nous ne savons plus rien sur cet apôtre
que par les témoignages de la tradition qui ne sont
pas en tout concordants. Les plus anciens écrivains
ecclésiastiques ne l'ont pas toujours distingué exacte-
ment de l'Evangéliste Philippe, un des sept diacres.
Voir Philippe 7. Eusèbe lui-même, H. E., m, 31,
t. xxi, col., 281, les confond ensemble.
Ce qui se dégage avec le plus de certitude des tradi-
tions anciennes, c'est que saint Philippe évangélisa la
Phrygie. D'après le Bréviaire romain et plusieurs marty-
rologes, il avait évangélisé d'abord la Scythie et la Lydie.
Tous les monuments sont d'accord pour lui faire passer
les dernières années de sa vie à Hiérapolis en Phrygie,
Polycrate, évêque d'Éphèse dans la dernière partie du
II e siècle, qui avait tous les moyens d'être bien informé,
dit dans sa lettre au pape Victor dont un fragment
nous a été conservé par Eusèbe, H. E., m, 31, t. xx.
col. 280 : « ...Philippe, qui fut'un des douze Apôtres, et
mourut à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui
avaient vieilli dans la virginité. Son autre fille... fut
enterrée àtphèse. » Cf. Théodoret de Cyr, InPs. cxvi,
i, t. lxxx, col. 1808; Nicéphore, H. E., h, 44, t. cxlv,
col. 880; dans les œuvres de S. Jérôme, De vitis
apost., t. xxiii, col. 721. D'après tous ces auteurs à
rencontre de Cai'us, voir Philippe 6, l'apôtre saint Phi-
lippe fut marié et eut trois filles, dont deux restèrent
vierges et dont la troisième mourut à Éphèsé où elle
était probablement mariée. Papias, qui fut évêque
d'Hiérapolis, connut les filles de l'apôtre et apprit d'elles,
au rapport d'Eusèbe, qu'un mort avait été ressuscité de
son temps, par leur père sans doute. Eusèbe, H. E., m,
39, t. xx, col. 297; Nicéphore, H. E., m, 2, t. cxlv,
col. 937. Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. vm,
col. 1156. L'antique nécropole d'Hiérapolis, dont les
nombreux tombeaux ont été conservés par les eaux pé-
trifiantes de la ville, au milieu desquelles ils sont in-
crustés, contient une inscription où il est fait allusion à
une église dédiée à saint Philippe, en souvenir de son
apostolat : toC eùSôfjou 'AitomiXou ti'i ^€o\6yo\j «PtXmrou.
W. M. Ramsay, The Cities und Bishoprics of Phrygia,
Londres, 1895-1897, p. 552. Les restes de l'Église qu'on
voit encore à Hiérapolis, au nord à l'entrée de la grande
nécropole, près des anciens tombeaux, sont peut-être
ceux de l'Eglise qui avait été consacrée à la mémoire
du saint apôtre. Voir E. Le Camus, Voyage aux sept
Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896, p. 189-190.
Cf., dans le Dictionnaire, le plan d'Hiérapolis, fig. 147,
t. m, col. 705.
La mort de saint Philippe est racontée de façons très
diverses. Clément d'Alexandrie, Strom., rv, 9, t. vm,
col. 1281, dit faussement que les apôtres Matthieu,
Philippe et Thomas moururent de mort naturelle. Le
Pseudo-Hippolyte, De duodecim Apostolis, t. x, col. 952,
et la plupart des documents anciens disent que
saint Philippe fut martyrisé sousDomitien à Hiérapolis,
et qu'il fut crucifié la tête en bas. Il devait avoir envi-
ron 87 ans. Voir Acta sanctorum, maii t. i, p. 10.
Sa sœur Marianne et ses deux filles qui étaient avec lui
à Hiérapolis furent enterrées plus tard à côté de lui,
d'après les Ménologes grecs. Dans un sermon attribué
à saint Jean Chrysostome, Hom. de XII Apost., t. lis,
col. 495, on lit que « Philippe conserve Hiérapolis par
ses miracles ». Les reliques du saint ont été depuis
transportées à Rome dans l'église des Saints-Apôtres,
où elles sont placées avec celles de saint Jacques le
Mineur," fils d'Alphée, sous le grand autel. L'Église
latine célèbre la fête de ces deux Apôtres le 1 er mai. —
Il existe des Actes apocryphes de saint Philippe qui ne
contiennent guère que des fables. Voir Actes apocryphes
des apôtres, vu, Acta S. Philippi, 1. 1, p. 164. Sur un
prétendu Évangile de saint Philippe, voir Évangiles
apocryphes, ii, 50, t. m, col. 2117.
F. Vigouroux.
7. PHILIPPE (SAINT) L'EVANGÉLISTE (grec : $0urc-
ito; ô EîJavve).i<irTi«), un des sept premiers diacres. Il
est nommé pour la première fois dans les Actes, vi, 5,
le second des sept diacres que les Apôtres chargèrent
de s'occuper des veuves des juifs hellénistes convertis à
la foi. Il est distingué de l'apôtre du même nom, dans
le livre des Actes, xxi, 8, par le titre d'évangéliste.
Voir Évangéliste, t. il, col. 2057. Ce fut, après
saint Etienne, celui des sept diacres qui joua le rôle le
plus important. Il annonça le premier l'Évangile aux
Samaritains et baptisa le premier Gentil.
La persécution qui suivit la lapidation de saint Etienne
l'obligea à quitter Jérusalem. Act., vu, 1. Il se rendit à
la ville de Samarie, y prêcha Jésus-Christ et y opéra
de nombreux miracles. Il fit de nombreuses conver-
sions et conféra le baptême à beaucoup de Samaritains,
hommes et femmes, et aussi à Simon le Magicien. Les
Apôtres, ayant appris à Jérusalem qne Samarie avait
reçu la parole de Dieu, Pierre et Jean s'empressèrent
d'aller administrer aux nouveaux fidèles le sacrement
de confirmation. Simon le Magicien toutefois se montra
indigne de la grâce en offrant à saint Pierre d'acheter
pour de l'argent le pouvoir de conférer le Saint-Esprit.
Act., vm. 5-24.
2° Un ange du Seigneur commanda alors au diacre
Philippe de se diriger vers le midi de la Judée, sur la
route de Jérusalem à Gaza. Là, il rencontra l'eunuque
de Candace, reine d'Ethiopie. Voir Candace, t. h,
col. 131. Tous les détails de la rencontre sont donnés
par les Actes, vm, 26-29. Saint Luc avait pu les appren-
dre de la bouche même du diacre évangéliste, pendant
le séjour qu'il fit plus tard dans sa maison avec
saint Paul à Césarée, et il les dépeint au vif. L'Éthio-
pien, assis sur son char, lisait le chapitre lui d'Isaïe,
mais il ne le comprenait pas. Philippe l'accoste, monte
avec lui sur le char, lui explique le sens messianique
de la prophétie, l'évangélise, et arrivé auprès d'une
fontaine, sur la demande du néophyte, lui confère le
baptême. Une tradition identifie celte fontaine avec
celle A'él-Haniéh, entre Aïn Karîm et Bethléhem; et on
l'appelle la Fontaine de saint Philippe. Liévin, Guide
Indicateur de la Terre Sainte, 4 e édit., 1897, t. il,
p. 29-30. Cf. V. Guérin, Judée, t. I, p. 109. «. La tradi-
tion qui rattache à l'Aïn-el-Haniéh les souvenirs (de
saint Philippe) est, je l'avoue, dit V. Guérin, Judée,
t. m, p. 293-294, depuis longtemps consacrée, en quel-
que sorte, par les témoignages presque unanimes de
tous les pèlerins qui l'ont visitée... Mais cette tradi-
tion, qui ne paraît pas remonter à une époque anté-
rieure à celle des Croisades, doit évidemment céder le
pas, pour tout esprit impartial, à la tradition primitive,
telle qu'elle est consignée dans le Pèlerin de Bordeaux,
dans Eusèbe et dans saint Jérôme (qui placent la fon-
taine de saint Philippe à l'Ai» ed-Dirouéh) au-dessous
de Bethsur, Onomast., édit., Larsow et Parthey, 1862,
p. 104, 105, (et qui sont)... les plus sérieuses autorités
que l'on puisse consulter en pareille matière... En outre,
les circonstances elles-mêmes du récit des Actes des
Apôtres relativement à ce baptême semblent s'opposer
matériellement à l'hypothèse qui .place à l'Aïn el-Ha-
niéh le lieu de cet événement. Le texte sacré nous dit
que l'eunuque de la reine d'Ethiopie étaitsur un char...
Or la route qui passe près de l'Aïn el- Haniéh ne pa-
rait pas avoir été jamais carrossable. Au contraire,
la route à côté de laquelle coule l'Ain ed-Dirrouéh
conserve encore çà et là, les traces d'un ancien passage. »
Saint Jérôme, dans l'Épitaphe de sainte Paule, t. xxii,
col. 886, dit qu'elle visita la fontaine sur la fc vieille
271
PHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE — PHILIPPES
272
route » qui mène à Gaza. « L'épifhète de vêtus, vieille,
donnée par saint Jérôme à la route conduisant à Gaza
par Hébron explique très bien, ditV. Guérin, p. 293,1e
sens que l'on doit donner à celle de déserta, déserte,
employée dans les Actes'pour désigner la même voie. Il
ne faut pas prendre ce dernier mot à la lettre et croire
que cette route était réellement déserte, puisqu'elle
traversait des villes et des villages; elle était seulement
abandonnée alors par la plupart de ceux qui se ren-
daient à Gaza, lesquels en prenaient une autre plus
occidentale, comme le font encore les caravanes
d'aujourd'hui. »
La fontaine d'Ain ed-Dirrouéh est sur le bord de la
route actuelle de Jérusalem à Hébron, au bas de la
colline sur laquelle sont les restes de l'antique Bethsur.
L'eau de la fontaine s'écoule à un mètre environ au-
dessus de la chaussée, à l'est, par un bloc de marbre
rouge cannelé, dans un réservoir fait en partie de sar-
cophages. Le filet d'eau est assez abondant. Les femmes
des environs vont y puiser de l'eau dans des outres et
laver leur linge dans le réservoir. Les ruines d'une
vieille église bâtie au-dessus de la source conservent le
souvenir du baptême de l'eunuque éthiopien. L'eau
est absorbée sur place dans la terre comme l'observe
saint Jérôme. Onomast., p. 105 (Notes prises sur les lieux
en mars 1888). Après que l'eunuque eut été baptisé, le
nouveau converti et l'apôtre se séparèrent. Les fonctions
que l'Éthiopien remplissait à la cour de la reine Can-
dace font croire qu'il était réellement eunuque. Le
langage des Actes ne permet pas de supposer que c'était
un juif né en Ethiopie ; il devait être un prosélyte de
la porte, Is., li, 4-5, son état l'empêchant d'être un
prosélyte de justice. Deut., xx.ui, 1. Ce fut, comme le
remarque Eusèbe, H. E., n, 1, t. xx, col., 137, itpwro?
è? êOvôv, « le premier des gentils converti » et à ce
titre l'acte de saint Philippe est particulièrement mé-
morable. Il remplit bien en cette circonstance ses
fonctions d'évangéliste. En conférant le baptême à un
descendant de Cham, à un homme de cette race mé-
prisée, à un eunuque et à un Éthiopien, cf. Amos, ix,
7, il montrait que Jésus-Christ était le Sauveur de tous
les hommes et qu'il n'excluait personne de son royaume.
Cet événement accompli sans témoins, et en faveur d'un
prosélyte qui quitta aussitôt la Palestine, eut moins
d'éclat que plus tard la conversion du centurion Cor-
neille, mais elle en était comme le prélude. De retour
en Ethiopie, le néophyte, d'après la tradition, y prêcha
l'Évangile et convertit la reine elle-même. Eusèbe,
H. E., il, 2, t. xx, col. 137; S. Jérôme, In. Is., lui,
t. xxiv, col. 509; Nicéphore, H. E.,\i, 6, t. cxlv, col. 769.
Quant à Philippe, « l'Esprit du Seigneur le ravit à la vue
de l'eunuque, » Act., vin, 39, et il prêcha l'Évangile à
Azot, dans les villes philislines et sur toute sa route
jusqu'à Césarée, f. 40, où habitait probablement sa
famille.
3° Saint Philippe reçoit, saint Paul à Césarée. —
Nous ne retrouvons le diacre Philippe que plusieurs
années plus tard, et c'est la dernière fois qu'il est nom-
mé dans les Actes, xxi, 8. Saint Paul venant de Ptolé-
maïde et allant à Jérusalem, à la fin de sa troisième
mission, reçut chez lui l'hospitalité comme chez une
ancienne connaissance. L'apôtre des gentils devait
s'entendre pleinement avec celui qui avait baptisé le
premier gentil.. Il demeura plusieurs jours à Césarée
avec ses compagnons .dans la maison du diacre Philippe
et c'est là que le prophète Agabus annonça à saint Paul
sa prochaine captivité. Saint Luc nous apprend, Act., xxi,
9, que leur hôte avait quatre filles « qui prophéti-
saient », et qui instruisaient sans doute ceux qui vou-
laient se convertir au christianisme, aidant leur père
dans son œuvre d'évangéliste. C'est la mention de ces
quatre filles qui a amené la confusion des traditions
relatives à Philippe l'apôtre et à Philippe l'évangé-
liste. Les témoignages anciens qui attribuent trois filles
à l'apôtre et le font évêque d'Hiérapolis, ont été rap-
portés plus haut. Voir Philippe 6, col. 269. Un passage
de Caïus, cité par Eusèbe, H. E., ni, 31, t. xx,
col. 281, attribue au diacre Philippe ce qui regarde en
réalité l'Apôtre du même nom. Cet écrivain ecclésias-
tique était contemporain du pape Zéphyrin (202-219).
Eusèbe, H. E., n, 25, col. 208. D'après l'Histoire litté-
raire de la France, t. i, 1, p. 356, il était originaire de
la Gaule. Il eut à Rome'une discussion publique avec
le montaniste Proclus. qu'il publia plus tard sous le
titre de AiâXoyoç T.pbz Hç>6x\ov; c'est dans ce dialogue
que nous lisons : « Après cela les quatre filles de Phi-
lippe furent prophétesses à Hiérapolis en Asie, où l'on
voit leur tombeau et celui de leur père Philippe. » Ce
nombre de quatre et le titre de prophétesses montrent
qu'il faut entendre par là Philippe l'Évangéliste.
Act., xxi, 8. Caïus est la seule autorité ancienne qu'on
puisse citer en faveur de cette opinion, qui compte en-
core aujourd'hui des défenseurs. Cependant la plupart
des critiques reconnaissent que le témoignage de Caïus
n'a pas la valeur de celui de Polycrate qui écrivait avant
lui et vivait non loin d'Hiérapolis. Voir J.-B. Lightfoot,
St. Paul's Epistles to the Colossians and to Philemon,
Londres, 1875, p. 45.
Un Ménologe grec, dans Lipsius, Die apokryphen
Apostelgeschichten, 1889-1890, t. in, p. 3, appelle les
quatre filles de saint Philippe Hermione, Charitine,
Irais et Eutychiane. D'après les traditions les plus an-
ciennes, leur père devint évêque de Tralles et il y mou-
rut de mort naturelle. Acta Sanctorum, junii 1. 1, p. 609-
Des martyrologes plus récents le font mourir à Césarée.
Du temps de saint Jérôme, on montrait encore dans
cette dernière ville, la maison où le diacre Philippe
avait reçu saint Paul et les chambres de ses quatre filles.
Le saint docteur raconte que sainte Paule y fit un
pèlerinage. Epist. cvin, 8, t. xxn, col. 82. L'Église
célèbre la fête de l'évangéliste saint Philippe le 6 juin.
F. Vigouroux.
PHILIPPES (grec : $fXnra:)i; Vulgate, Philippi),
ville très ancienne et citadelle très forte de la Macé-
doine (fig. 65). Elle était située entre les monts Hémus
65. — Monnaie de Philippes.
TICLAUDIUS CAESAR. AUG. PM. TRP. IMP. Tète de l'em-
pereur Claude, à gauche. — ^. COL AUG IUL PHILIP. Entre
deux cippes, statues de Jules César et d'Auguste, placées sur
un piédestal sur lequel on Ht DIVUS AUG.
et Pangée, à l'est du fleuve Strymon, prés de la fron-
tière de Thrace et de la rivière Gangès ou Gangitès, sur
une colline élevée (fig. 66). Cf. Appien, De bellis civ.,
iv, 106. Elle dominait une vaste plaine, d'une grande
fertilité, mais dont quelques parties sont marécageuses.
Elle n'était séparée de la mer Egée que par environ
trois heures de marche, et avait pour port la petite
ville de Néapolis Datémon, aujourd'hui Cavalla. Voir
Néapolis, t. iv, col. 1542. Ce fut d'abord une colonie
fondée par les habitants de l'île de Thasos, située non
loin de là. Elle porta en premier lieu le nom de
Krenid.es, ou « Fontaines », à cause des sources très
abondantes qui l'arrosent. En 356 avant J.-C, elle fut
conquise par Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre
273
PHILIPPES
-274
le Grand, qui l'agrandit considérablement, la fortifia
et lui donna son propre nom. Sa situation stratégique
était fort importante, car elle commandait tout à la
fois les routes de Grèce et de Thrace. De plus, on avait
découvert des gisements très riches d'or et d'argent
dans la montagne voisine, le Pangëe, et ces deux
motifs réunis avaient excité la convoitise du roi Phi-
lippe. La recherche de l'or fut la grande affaire de
toute la région pendant plusieurs siècles, et la ville
en obtint un redoublement de prospérité.
Dès l'année 168 avant J.-C, elle tomba sous la domi-
nation de Rome. C'est dans sa vaste plaine qu'en 42
avant notre ère Octave et Antoine, héritiers d'e César,
l'année 53. Appelé en Macédoine par une vision surna-
turelle, Act., xvi, 9, l'apôtre des gentils traversa la mer
Egée, et vint en droite ligne à Philippes, avec
Silas, Timothée et saint Luc. Durant un séjour rapide,
il réussit à fonder une chrétienté vaillante et généreuse,
malgré l'opposition des Juifs et des autorités romaines.
Voir Paul (Saint), t. iv, col. 2209. C'était la première
fois que Paul annonçait l'évangile en Europe. La per-
sécution qui éclata après son départ contre les néophytes
ne fit qu'exciter davantage leur zèle. I Thess., Il, 2.
Saint Paul fit à Philippes une seconde visite plus pro-
longée, pendant son troisième voyage, vers l'année 58,
après avoir quitté Éphèse. Act., xx, 1-2. Cette fois, la
66. — Vue de la plaine de Philippes. D'après une photographie de M. H. Cambournac.
remportèrent une victoire décisive sur Brutus et Cassius,
les derniers défenseurs de la république. Devenu em-
pereur, Octave établit à Philippes une colonie de vété-
rans, et lui donna le nom de Colonia Augusta Julia
Philippensium. Cf. Pline, H. N., îv, 18; Act., xvi,
12. Ce fut un quatrième élément apporté à la popula-
tion, qui se composait déjà de Macédoniens, de Grecs
et de Thraces. Après la bataille d'Actium, 31 avant
J.-'C, d'autres vétérans furent envoyés à Philippes.
Cf. Dion Cassius, LI, iv, 6. Il n'est donc pas étonnant
qu'on ait trouvé sur l'emplacement de la ville de nom-
breuses monnaies et inscriptions latines (fig. 66). Phi-
lippe reçut alors le « jus italicum », qui accordait à ses
habitants des droits et des privilèges presque égaux à
ceux des citoyens de Rome. Voir Marquardt, Rômische
Staatsverwaltung, 2 in-8°, Leipzig, t. i, 1873, p. 187.
Les débuts du christianisme à Philippes sont ra-
contés tout au long, dans les termes les plus drama-
tiques, au" livre des Actes, xvi, 12-40. Rien de plus
modeste, et aussi rien de plus touchant. C'était pen-
dant le second voyage apostolique de saint Paul, vers
ville n'est pas mentionnée nommément par l'historien
sacré ; mais le texte suppose de la façon la plus évi-
dente que Paul vit alors toutes les chrétientés de Ma-
cédoine. Il y revint encore une troisième fois, de
Corinthe, pendant ce même voyage, Act., xx, 3-6, vers
la Pâque de l'année 59. De Rome, à la fin de sa pre-
mière captivité, il écrivit aux Philippiens une de ses
lettres les plus intimes, voir Philippiens (ÉpIthe aux),
qui montre à quel degré il leur était attaché et combien
il était payé de retour. Cf. Phil., i, 1 ; u, 12; iv, 3, 10;
II Cor., xi, 8-9.
Un passage des Actes, xvi, 12, relatif à la ville de
Philippes, a de tout temps créé quelque difficulté aux
interprètes. Le texte présente en cet endroit plusieurs
variantes, qui prouvent qu'on ne le comprenait pas
très bien et que les copistes cherchaient à le rendre
plus clair. On lit, d'après la leçon la plus commune,
qui est vraisemblablement la meilleure : eîç $[),itctcouc,
■îjTt; êutVv xpion) ttjç (ispiSo; TrjçMaxsSovîaç tuoXiç, xoXo>-
vta. Vulgate : Philippos, quse est prima partis Hac&-
doniœ civitas, colonia. Le Codex B supprime l'article
275
PHILIPPES
276
devant (tspiêoç; le Codex D substitue xEfaXiij, « capitale, »
aux mots irpii-n) -riji (iepî5o<. Cf. E. Nestlé, Novi Testa-
ments supplementum, in-8°, Leipzig, 1896, p. 60. Ce
passage peut avoir deux sens, auxquels se ramènent
les principales interprétations des commentateurs :
1° Philippes était une ville macédonienne de premier
rang; 2" c'est la première des villes de Macédoine
qu'atteignit saint Paul. Le premier sens serait contraire
à l'histoire, si l'on prétendait, avec quelques auteurs,
que Philippes était alors la capitale de la province de
Macédoine : c'est Thessalonique qui possédait ce privi-
lège. D'autres interprètes se sont souvenus que, dès l'an-
née 167 avant J.-C, la Macédoine avait été distribuée en
quatre districts, dont les inscriptions mentionnent clai-
1895, h. h, lit rcpÛTrjc au lieu de itp<iT»i rij; : « Ville de
la première région de la Macédoine. » MM. Westcott et
Hort, The New Testament in the original Greek, Cam-
bridge, 2 in-12, 1882, t. h, p. 96-97, transforment
jiapfôo; en IlsepiSoç : « Ville chef-lieu de la Macédoine
Piéride. » On nommait ainsi la région à laquelle appar-
tenait Philippes. Cf. Hérodote, vu, 212; Thucydide, n,
99. Mais ce ne sont là que de simples conjectures.
D'autres, spécialement W. Meyer dans son commen-
taire de ce passage, Kritisch-exegetisch. Commentai*
ûber dos Neue Test., part, in, Die Apostelgeschichte,
8° édit., in-8°, Gœttingue, 1899, p. 278, 280, rattachent
le mot tcoXi'ç à xoXom'a, et traduisent : « La première
ville colonie fondée dans ce district. » Mais cette asso •
67. — Ruines du Direkeir à Philippes. D'après une photographie.
rement l'existence, voir Macédoine, t. iv, col. 475 —
MaxéêovMV ■kpârm, M. Seu-rÉpa;, M. texâpTuc, c'est-à-dire
(monnaie) des Macédoniens de la première, de la
seconde, de la quatrième (division) — et ils ont dit
que Philippes était la première ville, le chef-lieu de
la Macedonia prima, dont elle faisait partie. Mais
cela aussi est inexact, car la métropole officielle de ce
district était Amphipolis. Cf. Tite-Live, xlv, 29-30. Peut-
être pourrait-on, avec quelques commentateurs, regarder
les mots itp<irï) rift iJiEpîêoç... comme un de ces titres
d'honneur que les villes grecques convoitaient alors
si ardemment et qu'elles aimaient à se faire octroyer
par les Romains; dans ce cas, le sens serait : Philippes
était une ville importante, jouissant de grands privi-
lèges, etc. Cf. C. T. Kuinoel, Acta Apostolorum, 2 e édit.,
in-8°, Leipzig, 1827, p. 542. On trouve, en effet, d'an-
ciennes monnaies sur lesquelles la cité porte le titre
de irpÛTi). Voir Rettig, Qusestiones Philippenses, in-8°,
Giessen, 183t, p. 5. On a proposé aussi quelques modi-
fications au texte, en vue de le rendre plus clair.
M. Frd. Blass, Acta Apostolorum, in-8°, Gœttingue,
ciation ne saurait être justifiée sous le rapport de la
syntaxe. Il resterait à dire que la proposition aurait
une signification locale : pour saint Paul, arrivant du
côté de la mer Egée et de l'île de Samothrace, Phi-
lippes était la première ville proprement dite de Macé-
doine placée sur sa route ; car le port de Néapolis , ajoute-
t-on, aurait appartenu à la Thrace,non à la Macédoine.
Voir van Steenkiste, Actus Apostolorum breviter expli-
catif in-8», 4<= édit., Bruges, 1882, p. 246; J. Felten, Die
Apostelgeschichte ûberselzt und erklàrt, in-8°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1892, p. 311-312. Cf. Néapolis, t. rv,
col. 1542. Cette interprétation supprime la difficulté;
mais elle est difficile à justifier.
La chrétienté de Philippes a eu aussi l'honneur de
recevoir une lettre de saint Polycarpe. Cf. Funk, Die
apostolischen Vâter, in-8°, Tubingue, 1901, p. 110-116.
La ville s'est maintenue durant tout le moyen âge; elle
est souvent mentionnée dans l'histoire deà guerres du
xiv e siècle. Plus tard, elle fut détruite par les Turcs.
Les ruines, complètement inhabitées, portent le nom
de Filibedjik. Elles consistent dans les substructions
277
PHILIPPES — PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX)
278
d'un amphithéâtre et dans les restes d'un stade, d'un
tempte de Claude, etc. Elles ont fourni des inscrip-
tions très intéressantes. — Voir Leake, Travels in nor-
thern Greece, 1835, t. m, p. 214-225; Heuzey, Explora-
tion archéologique de Macédoine, Paris, 1864-1876;
W. Ramsay, St. Paul the Traveller and the Roman
Citizen, in-8», 5' édit.,1900, p. 206-226; Id., The Church
in the Roman Empire, in-8», 1896, p. 156-158; F. Vi-
goureux, Le Nouveau Testament et les découvertes
archéologiques modernes, 2 e édit., p. 211-229; Corpus
inscriptionum latinarum, t. m, i"> partie, p. 633-707,
et le Supplementum, 7337-7358.
L. Fillion.
PHILIPPI Henri, chronologiste, né aux environs
de Saint-Hubert (grand-duché de Luxembourg) le
30 mars 1575, mort à Ratisbonne le 30 novembre 1636.
Admis le 26 août 1597 dans la Compagnie de Jésus, il
professa plusieurs années les belles-lettres, la théologie
et l'Écriture Sainte aux universités de Gratz, Vienne et
Prague. Le P. Philippi s'occupa surtout de chronologie.
Ses travaux en cette matière, qui se rapportent à l'exé-
gèse, peuvent encore, même à notre époque, être con-
sultés avec profit. Ce sont d'abord des ouvrages géné-
raux : 1° Generalis synopsis sacrorum temporum...
intelligentise sacrarum litterarum accommodata, in-4»,
Cologne, 1624; 2° Manuale chronologicum veteris Te-
stamenti, in-8°, Anvers, 1635 ; 3° Chronologies veteris Te-
stamenti accuratum examen, Cologne, 1637. — On peut
signaler ensuite, comme traités plus particuliers :
Notes et qussstiones chronologies^ in Pentateuchum
Moysis, in-4», Vienne, 1633; — lnlibros Josue,Judicum,
Ruth, Regum, Paralipomenon, Esdrse, Nehemise, in-4°,
Cologne, 1637; — In libros Tobise, Judith, Ésther,
Prophetarum, in-4 , Cologne, 1637; — In duos libros
Machabxorum, in-4", Cologne, 1637. P. Bliard.
PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). - I. Importance.
— Cette lettre, la plus épistolaire entre les Épîtres, est
une de celles qui offrent, à divers points de vue, le
plus d'intérêt parmi les écrits de saint Paul. Ce qui
charme d'abord le lecteur, c'est le ton intime et fami-
lier, l'abandon touchant avec lequel l'Apôtre épanche
ses joies, ses tristesses, ses espérances. L'épltreaux
Philippiens est une lettre d'ami. Aucune discussion ni
argumentation théologique. Si l'Apôtre parle des judaï-
sants, ce n'est pas avec une intention de polémique,
mais pour prémunir son troupeau, i, 17; m, 2, 18. De
même le beau passage sur la kénose (exinanivit) du
Christ, il, 7, si riche en conclusions dogmatiques, n'est
là que pour appuyer une exhortation pratique à l'abné-
gation et au dévouement. L'âme de Paul se reflète donc
ici dans ce qu'elle avait de merveilleusement tendre, dé-
licat, affectueux, reconnaissant, pour une communauté
répondant à peu près à son idéal. On s'attend à ce qu'une
lettre écrite dans de pareils sentiments exprime mieux
que toute autre la situation personnelle de l'auteur.
Les Philippiens tenaient à être mis au courant de
tout ce qui concernait leur apôtre bien-aimé. De fait,
la présente Épître est le meilleur document pour com-
bler les lacunes de la fin du livre des Actes. L'his-
torien y peut recueillir des données certaines sur les
derniers mois de la captivité de Paul à Rome. Il con-
state les progrès de l'Evangile dans la cité et jusque
dans la maison des Césars, l'effet produit, dans les
prétoires, par les chaînes du vaillant prisonnier, les
luttes qu'il soutient contre des ennemis envieux et
jaloux qui essaient d'exciter les Juifs contre lui et
d'aggraver une position déjà si pénible, les espoirs
mêlés d'inquiétudes qui traversent l'esprit de Paul et
donnent à sa lettre un fond de mélancolie qui con-
traste avec les autres sentiments exprimés dans la
lettre, enfin les projets qu'il nourrissait dans le cas où
il serait rendu à la liberté. Mais tout cela n'est rien
auprès de la valeur qui s'attache, pour la théologie,, au
chap. il de cette lettre, encore qu'il ait été écrit sans
aucune préoccupation dogmatique, dans le seul but de
proposer en exemple le renoncement du Verbe fait
chair. La conception christologique de l'Apôtre a su
trouver, à cet endroit, des expressions qui surpassent
en clarté et en précision toutes celles des autres
Épttres. A' ce point de vue seul PÉpttre aux Philippiens
sérail déjà hors de pair.
II. Les relations de saint Paul avec l'Église de
Philippes. — Aucune Église n'a été en rapports aussi
étroits et aussi suivis avec l'Apôtre; aucune ne lui a
donné autant de consolations. Il l'appelle lui-même
« sa joie et sa couronne ». rv, 1. C'est vers l'automne
de l'an 52, dans son second voyage, que saint Paul
prêcha l'évangile à Philippes et y fonda la. première
communauté chrétienne de Macédoine en compagnie
de Silas, de Timothée et de l'auteur des Actes. Voir
Act., xvi. Les premières et les plus nombreuses conver-
sions paraissent s'être produites parmi les femmes
d'un certain rang, déjà affiliées au judaïsme. La plus
connue est Lydie, riche marchande de pourpre, origi-
naire d'Asie Mineure, qui fut baptisée par Paul avec
toute sa maison et doDna l'hospitalité à la troupe apos-
tolique. Voir Lydie, col, 447. Ce fut là le commence-
ment de l'Église de Philippes. On sait à la suite de quels
événements Paul et Silas durent quitter la commu-
nauté naissante. Act., xvi, 16-40. Voir Paul, t. îv, col. 2208,
La nouvelle Église devait compter peu de Juifs; elle
était surtout composée de gentils, les femmes paraissent
y avoir tenu une place considérable. Leur influence s'y
maintint longtemps, puisque dans cette lettre l'Apôtre
regarde la mésintelligence de deux d'entre elles,
Evodie et Syntyque, comme un sérieux danger pour
l'Église de Philippes tout entière, iv, 2, 3.
Il paraît qu'en Macédoine les femmes jouèrent, de
tous temps, un rôle social plus considérable que par-
tout ailleurs. C'est ce qu'attestent, en grand nombre,
les inscriptions de ce pays. La jeune Eglise, après le
départ précipité de l'Apôtre, ne cessa de croître et de
prospérer. Saint Luc, que plusieurs critiques supposent
originaire de cette ville, voir Luc, col. 376, y continua
pendant près de cinq ans l'œuvre de son maître. Les
persécutions ne parvinrent pas à ébranler les généreux
néophytes, II Cor., vin, 2 : ils restèrent fidèles à Paul
et à son Évangile. L'Apôtre ne revit probablement ses
chers Philippiens qu'à son départ d'Éphèse vers l'an 58,
lors de son troisième voyage à Corinthe, Il se rendit
alors en Macédoine pour l'œuvre des collectes. On croit
qu'il écrivit à Philippes sa seconde lettre aux Corin-
thiens, II Cor., n, 13; vu, 5; vin, 1; ix, 2, 4. Il avait
sous les yeux le spectacle de leur foi, de leur généro-
sité, de leur ardeur. Ils étaient prêts, dit-il, non seule-
ment à donner leurs biens, mais à se donner eux-
mêmes, II Cor., vin, 1-5, pour l'œuvre du Seigneur. Au
printemps de l'année suivante, en se rendant à Jérusa-
lem pour y porter la collecte, saint Paul passa la se-
maine de Pâques à Philippes, Act., xx, 5, 6; il y retrouva
saint Luc. Les Épîtres pastorales surtout, I Tim., 13,
laissent entendre que l'Apôtre réalisa le vœu qu'il énon-
çait dans sa lettre aux Philippiens, i, 26 ; il, 24, et qu'après
sa première captivité il revit sa chère Église. Durant les
intervalles plus ou moins longs qui séparèrent ces di-
vers séjours, les relations les plus amicales ne cessèrent
jamais entre la communauté de Philippes et son fonda-
teur. A diverses reprises, les Philippiens envoyèrent
des secours d'argent à leur père bien-aimé, deux fois à
Thessalonique, iv, 16; une fois, à Corinthe, II Cor., xi,
9, et à Rome, Phil., iv, 18. Cette dernière fois, ils ne se
contentèrent pas de secours matériels, ils envoyèrent
Épaphrodite, le chef de leur église, auprès du prison-
nier. Paul, qui connaissait les sentiments élevés de
ces âmes généreuses, ne craignait pas d'accepter d'eux
279
PHILIPPIENS (EPITRE AUX)
280
un service qu'il aurait refusé de la part d'autres Églises.
Il trouvait aussi là, chaque fois, l'occasion de leur en-
voyer des remerciements et des nouvelles de . ses tra-
vaux. Aussi a-t-on supposé, avec quelque vraisemblance,
qu'il leur écrivit d'autres lettres que celles que nous
possédons. Dans son Épître aux Philippiens, Polycarpe
semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux
et glorieux Paul leur écrivit « des lettres s>, émaroXat.
Ad Phil., m, t. v, col. 1008. Il se peut toutefois, comme le
remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant l'usage des
Grecs et des Latins, puisse être circonscrit à une lettre
unique. Quoi qu'il en soit, un passage de la présente
Épître de Paul, m, 1, paraît sous-entendre d'autres
lettres antérieures.
III. Lieu et date de composition. — La lettre aux
Philippiens a été écrite en prison, i, 7, 13, 14, 17.
Est-ce à Rome ou à Césarée? L'opinion générale des
critiques, même de ceux qui datent de Césarée les
Épîtres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon,
penche pour la première hypothèse. On a définitivement
abandonné celle dePaulus (1799), Bôttger (1837), Rilliet
(1841), Thiersch (1879), qui plaçaientà Césarée la rédac-
tion de cette Épître. Les termes mêmes de la lettre
lui sont défavorables. Le prétoire tout court, i, 13, s'en-
tend mieux de la cour impériale que du palais d'Hérode
à Césarée, Act, xxm, 35; la maison de César, iv, 22, ne
peut s'appliquer à la maison du gouverneur Félix ; les
prédicateurs envieux et jaloux dont se plaint l'Apôtre,
I, 17, supposent une église bien plus considérable que
celle de Césarée. Son espoir d'être bientôt rendu à la
liberté, i, 25, 27; n, 24, son projet de revenir à Phi-
lippes, se conçoivent mieux à Rome qu'après l'appel à
César, Le point difficile est de savoir si- cette, lettre a
précédé ou suivi les Épltres aux Colossiens, aux Ephé-
siens, à Philémon, ou, en d'autres termes, si elle a été
écrite au commencement ou à la fin des deux ans de
captivité dont parlent les Actes, xxvm, 30. Ici les opi-
nions se partagent. La majorité des critiques (Meyer,
Weiss, Godet, [Lipsius, Holtzmann, Zahn, Jùlicher,
Ramsay) penchent vers la seconde manière de voir. Us
font remarquer qu'on ne peut expliquer sans un long
séjour à Rome les succès de la prédication de Paul
dans le prétoire, i, 12, dans la maison de César, iv, 22.
Il faut, de plus, un temps suffisant pour les deux
voyages, aller et retour,'entre Rome et Philippes, indi-
qués dans l'Épître ; message de Rome à Philippes pour
annoncer la captivité de l'Apôtre, voyage d'jipaphrodite
de Philippes à Rome, annonce de sa maladie en Macé-
donie, lettre au messager qui apprend à Épaphrodite
et à Paul l'inquiétude des Philippiens au sujet de cette
maladie; toutes ces allées et venues, ces échanges de
nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un
intervalle assez long. Qu'on ajoute à cela le fond de
tritesse, presque de découragement, qui se détache de
la lettre, l'absence de Luc et d'Aristarque, n, 20, en-
voyés sans doute en mission par l'Apôtre, l'isolement
où se trouve le prisonnier, l'attente imminente de son
procès, l'incertitude de plus en plus grande sur l'issue
de, son appel à César, la possibilité d'une condamna-
tion à mort, on trouvera là tous les indices d'une cap-
tivité déjà longue qui touche à sa fin. Aces arguments,
Lightfoot répond qu'il n'y a pas de verset décisif, pas
même, i, 12, en faveur d'une longue détention; que
les succès de Paul dans Rome, i, 13-17, peuvent avoir
eu lieu dès les premiers mois de son arrivée dans la
Ville éternelle, que l'absence de salutations, de la part
de Luc et d'Aristarque ne prouve rien, les arguments a si-
lentio étant, par eux-mêmes, toujours très précaires ;
que le ton général de la lettre est celui de la jpie et de
la confiance, non celui de la tristesse et de l'abatte-
ment; enfin, que les 1 200 kilomètres entre Rome et
Philippes, par la voie Egnatienne, peuvent être par-
courus dans l'espace d'un mois. Farrar insiste, à son
tour sur les analogies entre cette épître et celle aux
Romains, comme si, remarque von Soden, il n'y en
avait pas de plus frappante encore avec l'Épître aux
Corinthiens. Le même auteur allègue encore l'absence
de toute controverse avec le judaïsme semi-gnostique
combattu dans l'Épître aux Colossiens, prétendant qu'il
est contraire à toute psychologie de ne pas prolonger
jusque dans l'Épître aux Philippiens, une préoccupation
aussi envahissante, si cette Epître avait été écrite, en
réalité, après l'Épître aux Colossiens. Or, remarque
excellemment Rarasay, Paul n'avait pas à envoyer à
Philippes un traité contre des hérésies qui ne s'y étaient
jamais montrées. Aussi l'opinion de Lightfoot et de Farrar
qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de
moins en moins acceptée des exégètes. Il semble donc,
d'après la chronologie la plus reçue, que l'Épître aux
Philippiens date de la fin de l'an 63, tout au plus des
premiers mois de l'an 64.
IV. Authenticité. — Les témoignages en faveur de
de l'origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont
à peu près les mêmes que pour les grandes Épîtres.
Dès la fin du I er siècle, Clément de Rome parait s'être
inspiré du passage christologique déjà cité, Phil., n, 6-8,
quand il écrit : « Le Christ appartient à ceux qui ont
des sentiments humbles et qui ne s'élèvent pas au-
dessus de son troupeau. Le sceptre de la majesté de
Dieu, le Seigneur Jésus-Christ n'est pas venu avec la
jactance de l'orgueil, l'arrogance, quoiqu'il l'ait pu,
Phil., n, 6-8, mais avec des sentiments humbles.
Voyez, frères bien-aimés, quel exemple nous est pro-
posé, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d'humi-
lité, que ferons-nous, nous qu'il a amenés sous le joug
de sa grâce? » I Cor., xvi, 1. On trouverait encore
d'autres réminiscences en comparant entre eux :
I Cor., xl vu, = Phil., rv,15;ifc.,xxi = Phil., i, 27; ib,, n
= Phil., i, 40; n, 15. Diverses expressions des épîtres
de saint Ignace offrent des ressemblances caractéristi-
que avec l'Épître aux Philippiens, Rom., il = Phil., Il,
17; Philad., vin =Phil., n, 3; Smyrn.,i\ = Phil., iv,
18; ib., xi = Phil., ni, 15; et surtout :ii».,n, 3 = Phil., m,
15, 16, « Etant parfaits, aspirez aussi aux choses par-
faites. » — L'épltre de Polycarpe aux mêmes Philip-
piens, il, 1, est encore plus explicite: «Le glorieux Paul
qui, étant personnellement parmi vous, vous a enseigné
exactement. et sûrement la parole de la vérité; lequel
aussi étant absent vous a écrit des lettres (ou une lettre)
que vous n'avez qu'à étudier pour être édifiés dans la
foi qui vous a été donnée, » Or une de ces lettres est
certainement celle-ci, car le même Polycarpe semble
y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10; n =
Phil., h, 10; ix= Phil., ii, 16; x = Phil., ii,2,5;xii =
Phil., m, 18. On rencontre des réminiscences sembla-
bles dans le Pasteur d'Hermas, dans les Testaments
des douze patriarches, dans l'épitre à Diognête, t. n,
col. 1168; dans Théophile d'Antioche, cité par S. Jé-
rôme, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxn, col. 1020, enfin
dans la belle lettre des Églises de Vienne et de Lyon,
Eusèbe, H. E., v, 1, 2, t. xx, col. 433, où se trouvé
reproduit le passage sur les abaissements du Christ, il, 6.
II parait, d'après les Philosophumena, x, 11, t. xvi, 3,
col. 3426, que les Séthiens, se servaient de Phil., Il,
6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des écrits du Va-
lenlinien Théodote, Clément d'Alexandrie, Strom., m,
4, t. vui, col. 1196, a conservé deux citations de l'Épître
aux Philippiens, n, 7. Elle a saplace, avec toutes les au-
tres, dans les versions syriaque et latine et elle se trou-
vait dans le recueil de Marcion. Mentionnée par le canon
de Muratori, voir Canon, t. n, col. 170, elle est attribuée
à saint Paul, à la fin du ir* siècle, par saint Irénée, Cont.
hxr., iv, 18; v, 13, t. vu, col. 1026, 1158. Tertullien, De
resur., 23; Cont. Marc, v, 20; De prxscr., 26, t. n,
col. 826, 843, 522, 557; Clément d'Alexandrie, Psedag., I,
524, t. vin, col. 312, 408; Strom, iv, 12, 13, 94, t. vm,
281
PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX)
282
col. 1196. Origène et Eusèbe reconnaissent aussi son ori-
gine paulinienne qui a été admise par toute l'antiquité.
Les premiers doutes, à ce sujet, ne commencent qu'avec
Schrader qui attaque l'authenticité d'une partie de la
présente Épitre, m, 1-iv, 9. En 1845, Baur et ses dis-
ciples la rejettent complètement. Voici leurs griefs. Cet
écrit, disent-ils, est dépourvu de toute originalité :
c'est une imitation des autres Épîtres. On y trouve, de
plus, des idées semi-gnostiques, une doctrine sur la
justification qui n'est pas celle de Paul, des anachro-
nismes évidents comme l'existence de l'épiscopat et du
diaconat, autant d'indices de l'époque réelle où ce pas-
tiche aurait été composé, c'est-à-dire au second siècle,
quand s'opère la réconciliation des deux partis en lutte
dans l'Église, partis symbolisés ici par les deux diaco-
nesses, Èvodie et Sjntyque, IV, 2. Le nom de Clément
dont la tradition faisait un ami de Pierre et que l'au-
teur de l'Épître présente comme un collaborateur de
Paul, n'est qu'un mythe destiné à concourir à cette
œuvre de conciliation.
Ces difficultés de Baur ne présentent guère plus qu'un
intérêt purement historique depuis les travaux de Lû-
nemann, Pauli ad Phil. Ep. contra Baurium défen-
dit, 1847; B. Brûckner, Ep. ad Phil. Paulo auctori
vindicata contra Baurium, 1848; Ernesti, dans les Stu-
dien und Kritiken, 1848, p. 858-924; Schenkel, Bibel-
leœicon, 1872, t, îv, p. 531. Cependant, après plusieurs
années, l'Épître aux Philippiens fut de nouveau com-
battue par llitzig, 1870; Kneucker, 1881; Huisch, 1873;
Hœkstra, 1875; Bindermann, 1885, et surtont par
Holsten qui reprit l'attaque avec plus d'ardeur; aban-
donnant les arguments ruineux de son maître, les rap-
prochements imaginaires avec le gnosticisme et les
allusions aux légendes du second siècle, il prétendit
prouver que la langue et les doctrines de l'Épître aux
Philippiens n'étaient pas celles des autres écrits de
l'Apôtre. Il dressa un catalogue très minutieux des ex-
pressions propres à cette Épitre et les mit en regard
des locutions habituelles aux grandes Épîtres de saint
Paul, Voir Lightfoot, dans le Speaker's Conimentary
on Phil., p. 43. On y trouve une quarantaine d'hapaxle-
gomena, mais cela ne prouve rien. On en compte plus
de cent dans l'Épître aux Romains et plus de deux cents
dans la première Épître aux Corinthiens. « Toutes les
raisons avancées dans ce domaine contre l'authenticité
n'ont de valeur que pour celui qui'fait de l'apôtre Paul,
cet esprit le plus vivant et le plus mobile de tous ceux
que le monde a jamais vus, un homme d'habitude
et de routine, qui devait écrire chacune de ses lettres
comme toutes les autres, ne faire que répéter dans les
suivantes ce qu'il avait dit dans les précédentes, et le
redire toujours de la même manière et dans les mêmes
termes. Dès que l'on a renoncé à cette manière de
voir, toutes les objections contre l'authenticité de la
lettre aux Philippiens tombent d'elles-mêmes. » Schû-
rer, dans la Litteratur Zeitung, 1877. D'ailleurs, la
terminologie paulinienne n'est pas absente de notre
Épître. On y relève une vingtaine de mots exclu-
sivement employés par saint Paul, tels que fîpaëeîov,
SoxtpiTi, gvSeiÇtç, xevoOv, etc., étrangers aux autres
livres du Nouveau Testament. De plus, nombre de
tournures de phrases, de figures, de procédés de style,
certaines répétitions de mots rappellent les grandes
Épîtres les plus authentiques. « Cette lettre, dit Schen-
kel, dans Bib. Lexïk., 1872, t. iv, p. 531, porte la ga-
rantie de son authenticité dans son style et ses expres-
sions mêmes, dans la fraîcheur du sentiment intime
qui l'a dictée, dans la sérénité d'esprit et la tendresse
de cœur qui s'y expriment de la manière la plus natu-
relle, et sans la moindre trace d'affectation. »
Quant aux divergences de doctrine, Holsten, dans
Jahrb. fur prot. Theol, t. î, p. 125; t. n, p. 58, 282, en
allègue deux principales. 1° La christologie. — Holsten
trouve une opposition entre le Christ de l'Épître aux
Philippiens et celui de la première Épitre aux Corin-
thiens, xv, 45. D'après celle-ci, dit-il, saint Paul conçoit
le Christ dans sa préexistence, comme un homme
céleste, avOpwnoi; ênoôpavtoç, alors que dans l'autre
Épître, il en fait un être purement divin, èv (iopiif, 9eoG
ûnap^uv, qui ne devient homme que par l'Incarnation,
appartenant, par suite, à un ordre d'êtres plus élevé
que l'humanité, même céleste. — Il suffit, pour lever
la contradiction, de replacer, dans son contexte, le
passage allégué de l'Épître aux Corinthiens, où l'Apô-
tre parle, non de la préexistence du Christ, comme
dans l'Épître aux Philippiens, mais du Christ après
sa résurrection, revêtu du corps spirituel, incorrup-
tible et lumineux qu'est celui des justes qui ressus-
citent. La doctrine christologique de cette 'Épître n'est
pas davantage en opposition avec celle des autres Épî-
tres pauliniennes. Seulement elle reproduit, sous une
forme peut-être plus philosophique, ce qu'avait ensei-
gné l'Épître aux Galates, îv, 4 : « Or, quand le temps
est venu, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme ; »
l'Épître aux Romains, vm, 3 : « Dieu a envoyé son
propre Fils dans une chair semblable à la chair du
péché;» la II e Épitre aux Corinthiens, vm, 9: « Jésus-
Christ, lui qui, étant riche, s'est fait pauvre à cause de
nous. »
2° La justification. — On a encore objecté que celui
qui, dans les Épîtres aux Galates et aux Romains, a si
énergiquement opposé entre elles la justification par
Dieu, Sixatoaw/i t| ex 6eo-3, et la justification par la foi,
StxacoCTTjvvi ztzï ttj 7u'<ttee, n'a pu dire, comme le fait
l'Épître aux Philippiens, in, 6, que sa justice légale
était apis|jijiTo:, « irréprochable. » Mais il est facile de
voir que l'Apôtre se place, en cet endroit, au point de
vue juif, extérieur, charnel qu'il combat lui-même. Ra-
contant son passé, il veut rappeler son zèle pour le
judaïsme et montrer qu'il n'était, sur ce point, inférieur
à aucun de ses contemporains. Il a donc recherché avec
ardeur la justice légale, mais c'est pour en avoir expé-
rimenté l'impuissance qu'il l'a plus tard rejetée avec
tant d'énergie. Aussi, même les auteurs qui tiennent en
défiance les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens
(Jûlicher, Hilgenfeld, Pfleiderer, Lipsius, Holtzmann)
sont unanimes à défendre celle-ci. L'authenticité de
l'Épître aux Philippiens est donc un résultat défini-
tivement acquis dans le domaine de la critique scien-
tifique. Voir Knowling, The witness of the Epistles,
p. 63.
V. Intégrité. — L'expression ro Xotràv, au reste,
qui ouvre le c. m de l'Epître, a donné lieu à divers
doutes sur l'unité de l'Épître tout entière. Clemen sou-
tient que l'épître actuelle se compose de deux lettres
de l'Apôtre à l'église de Philippes, la seconde compre-
nant H, 19-24; m, 2-iv, 3; IV, 8, 9. Seulement c'est
l'éditeur et non Paul lui-même, qui aura fondu les
deux lettres en une seule. Die Einheil d. paulin.
Briefe, 1894. Pour Spitta, Zur Geschichte und Litt.
d. Vrchrislenthums, 1893, l'Épître actuelle est inter-
polée : il n'y verrait de la main de l'Apôtre que les
passages suivants : i, 1-7, 12-14, 18-26; il, 17-29; iv,
10-21, 23; tous les autres auraient été ajoutés par une
main étrangère. — Toutes ces hypothèses n'arrivent
pas à expliquer pourquoi saint Paul n'a pas encore
remercié les Philippiens de leur envoi d'argent, auquel
il a déjà fait allusion, i, 5, 11; il, 30. La lettre ne
doit donc pas se terminer au ch. m. La locution t'o
Xotoôv n'est pas, en soi, la conclusion obligée de toute
lettre de Paul; elle lui sert assez souvent de transition
pour passer d'un sujet à un autre; 1 Cor., vu, 29;
Phil., iv, 8; I Thés., iv, 1; Il Thés., m, 1. Voir Jacquier,
Histoire des livres du N. T. t. i, p. 352, 1903; Light-
foot, St. Paul's Epistle to the Philippians, 4 e édit., 1885,
p. 69.
283
PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX)
284
VI. Occasion et but de l'Épitre. — La lettre aux
Philippiens est, avant tout, une lettre de remerciement.
Si l'Apôtre réserve pour la fin sa dette de reconnais-
sance, c'est pour mieux marquer combien elle lui tient
à cœur. Quand on écrit pour un objet déterminé, on
peut le traiter soit en commençant, soit en finissant.
Comme il s'agissait, d'autre part, d'une affaire d'argent,
Paul aura préféré débuter par les nouvelles et les
exhortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois,
i, 5-11 ; il, 30, dans le courant de la lettre, aux secours
que les Philippiens lui avaient envoyés, n, 25; iv, 18,
comme on l'a vu plus haut, col. 278. Épaphrodite
s'acquitta de sa mission avec le plus grand dévouement.
En même temps qu'il remettait à l'Apôtre l'offrande
des fidèles, il lui donnait les nouvelles les plus conso-
lantes de l'Église de Philippes. A part quelques rivali-
tés de peu d'importance, rien n'était venu troubler la
paix. Là persécution n'avait fait que montrer la patience
des fidèles. Les judaïsants essayaient en vain de les
surprendre : l'autorité de Paul était là trop vénérée
pour qu'on pût oser quelque chose contre lui. S'il y
avait des scandales de chrétiens relâchés, c'était assu-
rément en dehors de Philippes. L'état de l'Église était
donc des plus satisfaisants. L'Apôtre dut en ressentir
une grande joie. Mais une nouvelle épreuve vint obscur-
cir cette éclaircie. Épaphrodite qui s'était associé aux
travaux de l'Apôtre captif tomba dangereusement malade
et faillit mourir, n, 26. On l'apprit à Philippes avec un
vif chagrin et l'on souhaita son retour. Épaphrodite dési-
rait lui-même revoir sa patrie pour calmer les inquié-
tudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de
forces pour pouvoir se remettre en route, l'Apôtre vou-
lant faire cesser au plus tôt les craintes de tous, s'em-
pressa de congédier le convalescent, lui remettant, pour
les Philippiens, cette Épître pleine de tendresse, écrite
de la main de Timothée, il, 25, 28, lettre toute intime
d'un père qui écrit à sa famille ponr la remercier d'une
marque d'affection, lui donner de ses nouvelles, lui
adresser des exhortations et des conseils, lui faire espé-
rer son prochain retour, n, 24. Telle est la situation
d'où est sortie cette Épître.
VII, Analvse de l'Épure. — Bien que l'unité de
cette lettre vienne plutôt de la logique des sentiments
que de celle des idées, on peut cependant y trouver les
trois grandes divisions des autres Épîtres.
1» Prologue, i, 1-11. — Il renferme l'adresse, l'action
de grâces et les vœux de l'Apôtre pour sa chère com-
munauté de Philippes. L'adresse, f. 1-2, a ceci de spé-
cial qu'elle mentionne les èm'axoiioi et les Siàxovoi
comme les deux éléments essentiels de l'organisation
ecclésiastique à Philippes. L'action de grâces, f. 3-8,
prend les tons les plus délicats, les plus affectueux
pour exprimer aux Philippiens la joie que Paul éprouve
de leur zèle pour la prédication de l'Évangile, depuis
le jour de leur conversion jusqu'à cette heure où ils
viennent de prêter leur concours à l'œuvre apostolique.
Aussi l'Apôtre demande-t-il à Dieu, 9-11, pour eux, les
dons surnaturels les plus excellents en charité, en
science, en pureté morale.
2» Corps de l'Épilre, I, 12-lv, 9 Les nouvelles y
alternent avec les exhortations. On ne peut donc songer
à un ordre méthodique. Mais comme les nouvelles pré-
dominent au début de la lettre et ses exhortations
vers la fin, on la divise généralement en deux parts à
peu près égales. — A) Partie historique, i, 12-n, 30. Elle
comprend divers morceaux . — a) Nouvelles personnelles,
î, 12-26. L'Apôtre s'empresse de rassurer les Philippiens ;
sa situation présente tourne de plus en plus aux intérêts
et au progrès de l'Évangile. Son arrivée à Ronre a été le
point de départ d'un redoublement de zèle dans la pré-
dication de l'Évangile. La prison de Paul est, en un sens,
plus féconde que ne l'avait été sa libre activité. Ses chaî-
nes, traînées au prétoire, sont à elles seules comme une
prédication. A son exemple, et animés par la façon
dont il supportait sa captivité, ses disciples et les autres
chrétiens de Rome prêchaient. Il n'y a pas jusqu'à la ja-
lousie de ses ennemis, sans doute les judaïsants, qui n'ai-
dât au progrès de l'Évangile. Car cette émulation aboutit,
à la fin, à étendre la connaissance du Christ. Aussi Paul
s'en réjouit-il sincèrement. Pour lui, le Christ est tout.
Que lui importe l'avenir 1 II est sûr que de toute façon
le Christ sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort,
f. 19-21. Il s en remet donc au choix de Dieu. Il attend
avec confiance l'issue de son procès, car, en toute hy-
pothèse, il est sûr d'y trouver son profit. En effet, s'il
est condamné} à mort, il sera réuni" au Christ; s'il
recouvre la liberté, il en profitera pour de nouvelles
conquêtes apostoliques. Il croit pourtant que cette
seconde alternative est la plus probable, qu'il pourra
revoir les Philippiens, travailler à leur perfectionne-
ment et se procurer ainsi un surcroît d'honneur, au
jour de la Parousie, f. 21-26.
b) Exhortation à l'union, à la concorde, à la fidé-
lité dans toute leur conduite, i, 27-n, 18. — Après ces
premiers épanchements d'amitié, l'Apôtre en vient au
seul reproche que méritât l'Église de Philippes ou, plus
exactement, une portion minime de cette Église. Il
s'était récemment passé une querelle d'amour-propre
entre deux personnes de qualité, Évodie et Syntyque —
peut-être deux diaconesses — qui avait quelque temps
troublé les esprits et divisé les cœurs. Le cas avait été
de peu d'importance. Aussi l'Apôtre n'y fait-il qu'une
légère allusion. Il va droit à l'obstacle de l'union fra-
ternelle : Pégoïsme qu'il faut combattre par l'humilité
et le renoncement. Il faut entrer dans l'esprit d'abné-
gation dont le Christ nous a donné un exemple si
sublime. Lui qui jouissait d'un état divin et qui eût pu,
par conséquent, paraître ici-bas dans une gloire égale
à celle de Dieu, il n'a pas jugé opportun de s'approprier
un tel honneur, mais, au contraire, il s'est dépouillé de
cet état divin en entrant dans l'état de serviteur, vivant
en tout à la manière humaine et poussant même
l'abaissement jusqu'à mourir sur une croix. Mais plus
il s'est abaissé, plus il a été élevé, n, 5-11. A celte ex-
hortation spéciale à l'abnégation volontaire, saint Paul
ajoute trois recommandations qui se rapportent à la
fidélité chrétienne en général, la première en vue du
salut des lecteurs eux-mêmes, f. 12, 13, la seconde,
pour l'édification du monde extérieur, 5^. 14, 15; la troi-
sième, en vue de leur Apôtre, f. 17-18.
c) Nouvelles de Timothée et d'Épaphrodite, n, 19-
30. — Après l'exhortation d'autres nouvelles. Elles con-
cernent les deux compagnons d' œuvre de saint Paul, qui
sont actuellement avec lui : Timothée qui avait travaillé
avec lui à la fondation de leur église et qu'il se propose
de leur envoyer sous peu, puis Épaphrodite leur mes-
sager auprès de lui. Il enverra Timothée dès qu'il
aura vu la tournure que prendra son procès, il espère
le suivre sans retard, f. 19-24. Quant à Épaphrodite, il
ne veut pas tarder un instant à le leur rendre. Il ra-
conte la grave maladie qu'il a contractée à Rome, sa
convalescence inespérée, l'accueil empressé qu'ils de-
vront faire à un homme qui lui a été si utile ! il. 25-30.
B) Partie morale, m, 1-iv, 9. — Au dernier moment,
Paul, qui peut-être songeait à abréger sa lettre, revient
aux divers avis qu'il juge utiles aux Philippiens. Il les
met en garde : — o) Contre les judaïsants qu'il traite avec
la plus grande sévérité et une énergie d'expressions
toute sémitique, m, 2-14. Il montre, par son propre
exemple, le cas qu'il faut faire de la justice légale : elle
n'est que poussière et ordure auprès de la vraie justice,
qui est celle du Christ. — b) Contre les mauvais exem-
ples de chrétiens mondains et sensuels dont l'Apôtre
parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pas de
leur Église. Ces ennemis de la croix du Christ qui dés-
honorent, par leur vie sensuelle, sans doute par l'ivro-
285
PHILirPIENS (ÉPITRE AUX) — PHILISTINS
286
gnerie, le nom chrétien, étaient étrangers à la commu-
nauté, 18, 19. — c) Contre les dissensions, rv, 29.
L'Apôtre touche d'un mot le cas qu'il visait plus haut,
d'une manière générale, n, 2-11, celui des deux femmes,
Évodie et Syntyque, qui, sans doute, avaient joué
un rôle important dans la fondation de l'Église de Phi-
lippes.
3° Épilogue, iv, 10-23. — Saint Paul remercie, dans
les termes les plus délicats, !a générosité des Philip-
piens. Suivent quelques salutations. Il charge l'assem-
blée de saluer elle-même tous ses membres et il la sa-
lue de Ja part des collaborateurs qui l'entourent ainsi
que de la part des membres de l'Église de Rome, sur-
tout de ceux de la maison de l'empereur.
. VIII. Texte. — Cette Épître ne présente pas de dif-
ficultés spéciales au point de vue du texte. Elle se
trouve dans les manuscrits suivants : N, A, B, C, D, F,
G, K, L, P, 17, 31, 37, 47, 67, 80, 137, et dans les ver-
sions latines, égyptiennes (copte, memphitique, sahi-
Agar Beet, A commentary on St. Paul's Epistles to the
Philippians, 1891 ; * R. A. Lipsius, Briefe an die GaUt-
ter, Borner, Philipper, dans le Handcommentar zum
Neuen Testament, bearbeitet von Holtzmann, Lipsius,
Schmiedel, von Soden, 2 e édit., t. n, part. 2, Fribourg-
en-B., 1892. C. Toussaint.
PHILISTIE, pays des Philistins. La Vulgate appelle
exceptionnellement Philisthœa le territoire occupé par
les Philistins, Is., xiv, 29, 31, comme elle appelle aussi
quelquefois ses habitants Palsestini, Gen., xxi, 33, etc.
Dans le passage d'Isaïe, saint Jérôme a rendu par Phi-
listhœa le nom hébreu PeléSép qui là et ailleurs, Ps. lx,
10; Lxxxm, 8; lxxxvii, 4; cvm, 10, etc., désigne pro-
prement le pays des Philistins.' Voir Philistins, i.
PHILISTINS, peuple qui habitait le sud-ouest de la
Palestine (fig. 68).
I. Nom. — Les Philistins sont appelés en hébreu or-
68. — Types philistins sur les monuments égyptiens de Médmet-Abou.
dique), syriaque, arménienne, gothique, éthiopienne.
Voir Weiss, Kritische Text Vntersuchungen und Text
Herstellung, 1896.
IX. Bibliogeaphie. — S. Jean Chrysostome, In Phi-
lipp. hom., t. lxii, col. 205-298; Théodore de Mop-
sueste, In Epist. B. Pauli commentaria, t. lxvi,
col. 922-926; Théodoret, Opéra, t. lxxxii, col. 557-589;
Pseudo-Athanase, Synops., t. xxvm, col. 420; CEcumé-
nius, t. CX.VHI, col. 1256-1325; Théophylacte, t. cxxiv,
col. 1140-1204; S. Thomas d'Aquin, In omnes divi
Pauli Apostoli Epistolas commentaria; Estius, In
omnes Pauli Apostoli Epistolas commenlarii. — Com-
mentateurs modernes: 'Henry Alford, Greek Testa-
ment, 1849-1861; *de Wette, Kurzgefasstes exegetisches
Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848; *H. A.
Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch ûber die
Briefe an die Philipper, 5 e édit., 1886; J. Beelen,
Commenlarius in Epislolam ad Philippenses, in-4»,
Louvain, 1852; *C. J. Ellicott, A critical and gram-
matical Commentary on St. Pauls' Epistles to the Phi-
lippians, 1888; *H. von Soden, Der Brief des Apostels
Paulus an die Philipper, 1889 ;*J.-B. Lightfoot, St. Paul's
Epistle to the Philippians, 12« édit., 1896; *B. Weiss,
Der Philipperbrief ausgesetzt, 1859; *A. Klôpper, Der
Brief des Apostels Paulus an die Philipper, 1893; *J.
dinairement Pelistîm; quelquefois Pelistiyim; au sin-
gulier, Pelispî. Ces mots désignent les habitants du
pays lui-même, lequel est appelé aussi PeléSé{. Les
Septanle appellent les Philistins $u).torisf|i (variante :
*iXtuxicc'(i) dans le Pentateuque, Josué et l'Ecclésias-
tique, xlvi,18; XLvn,7; l,26; IMach., m, 24; 'AXXoçuXot,
« étrangers, » dans les autres livres de l'Ancien Testa-
ment. Ils ne sont pas nommés dans le Nouveau. La
Vulgate les appelle Philistseus, Philistiim, Philistini,
Palsestini. Les documents égyptiens, d'après l'opinion
la plus répandue parmi les égyptologues, les appellent
_ M _ ■ || lâ-t, Purusati = Pulusati (les Égyptiens
transcrivaient la lettre l par un r, parce qu'ils ne dis-
tinguaient pas les deux sons l'un de l'autre dans leur
langue et dans leur prononciation).
II. Origine des Philistins. — Elle a été longtemps
très controversée et aujourd'hui encore on ne peut la
déterminer avec une entière certitude. L'Écriture ne
l'indique nulle part d'une manière explicite, mais elle
les fait venir de Caphtor. Nous lisons dans le Deuté-
ronome, n, 23 : « Les Hévéens, qui habitaient dans des
villages jusqu'à Gaza (c'est-à-dire dans le pays qui de-
vint celui des Philistins) furent détruits par les Caph-
torim, qui, étant sortis de Caphtor, s'établirent à leur
287
PHILISTINS
288
place, » La Vulgate appelle les Caphtorim Cappadociens
et Caphtor, la Cappadoce. Amos, ix, 6, met à son tour
dans la bouche de Dieu ces paroles; « N'ai-je pas fait
venir les Philistins de Caphtor (Vulgate : Palsestinos de
Cappadocia) ? » Jérémie, xlvi, 4, appelle aussi les
Philistins « les restes de l'île de Caphtor » (Vulgate :
Palmsthinos reliquias insulœ Cappadocise). Mais l'Écri-
ture ne précise pas la situation de Caphtor. La table
ethnographique, Gen., x, 13-14, nous apprend seule-
ment que les Caphtorim étaient des descendants de
Mesraïm. Cf. I Par., i, 12. Le texte de la Genèse, dans
sa forme actuelle, représente les Philistins comme issus
des Casluim et ne signale aucun rapport de pa-
renté directe entre eux et les Caphtorim : Chasluim,
de quibus egressi sunl Philisthiim et Caphtorim,
comme traduit la Vulgate. D'après les autres textes
scripturaires qui ont été rapportés, il est très vraisem-
blable qu'il y a une transposition dans le f. 14 de
Gen., x, et que c'est après le mot Caphtorim et non
avant, qu'il faut lire l'incidente : « et d'où sont sortis les
Philistins. » Quoi qu'il en soit, et de quelque manière
<ru.'on interprète le passage de la table ethnographique,
Les Septante et la Vulgate ont traduit le nom de
Caphtor par « Cappadoce ». Sur l'identification du nom
hébreu, voir Caphtorim, t. il, col. 211. D'après les ren-
seignements fournis par les documents égyptiens, les
Philistins, ou au>moins une partie d'entre eux, durent
donc venir de la côte méridionale de l'Asie Mineure, en
longeant les côtés de Syrie, peut-être avec les Héthéens,
et s'établir finalement dans la Séphéla.
Des savants modernes ont voulu identifier Caphtor
avec l'île de Crète et considèrent les Philistins comme
des Cretois d'origine. Ils s'appuient principalement
sur le nom de Céréthéens donné a une tribu philis-
tine et à une partie des gardes du corps de David. Voir
Céréthéens, t. n, col. 441. De la distinction qu'établit
plusieurs fois le texte sacré entre 2e Céréthéen et le
Phéléthien = Pbilistin, I Reg., xxx, 14; II Reg., vin,
18; xv, 18; xx, 3, 7, 23; III Reg., i, 38, 44; IV Reg.,
XI, 19; I Par., xvill, 17, et du parallélisme ou de la
synonymie qu'établissent entre les Céréthéens et les
Philistins, Sophonie, II, 5 (hébreu : gôï Kerêtîm; Sep-
tante : nipoixoi Kpiitôv, Vulgate : gens perditorum) et
Ézéchiel, xxv, 16 (hébreu: Kerêfîm; Septante : Kçr^a;',
Chars des Philistins. D'après Champoilion, Monuments de l'Egypte, pi. ccxx.
l'origine chamitique des Philistins n'en demeure pas
moins établie par son témoignage.
Les documents égyptiens ont fourni de nouvelles lu-
mières sur ce peuple. Le nom de Purusati donné par les
Égyptiens aux Philistins porte à croire que c'était là leur
nom national et qu'on ne doit pas en chercher l'étymo-
logie, comme on l'a fait souvent jusqu'à nos jours, dans
une racine sémitique. La manière dont ils sont représen-
tés sur les monuments, leur costume, leur armure, leur
type sont ceux que les documents égyptiens attribuent
aux peuples de la côte méridionale de l'Asie Mineure et
des îles de la mer Egée. W. M. Mûller, Asien und Eu-
ropa, p. 3i2, 362. Les inscriptions égyptiennes appellent
la côte méridionale de l'Asie Mineure Kefto et même
Kptâr, W. M. Mûller, Die Urheimath der Philistâer,
dans Stud. zur vorderas. Geschichte, 1900, p. 5; H. Sayce,
The higher Criticism and the verdict of the Monu-
ments, 2 e édit., p. 13, et ce nùm rappelle le Caphtor
biblique. De tout cela on peut conclure que les Phéni-
ciens n'étaient pas de race sémitique, à rencontre de
plusieurs savants, tels que SchwaÛey, Die Rasse der
Philistâer, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche
Théologie, 1891, p. 103-108. On a voulu, sans autre
preuve qu'une coïncidence fortuite, expliquer le nom
des Philistins dans le sens d'« émigrants », en le déri-
vant de la racine wbs, pis, « émigrer, » qui existe
encore en éthiopien, mais cette étymologie suppose
que c'est un nom qui leur a été donné par les habi-
tants du pays où ils ont émigré et nous avons vu qu'il
est probable que c'est au contraire leur nom primitif.
II est vrai que les Septante, dans quelques - livres de
l'Écriture, col. 286, ont traduit leur nom par àMoçuXoc,
mais ce nom qu'on peut rendre par <c étrangers » n'est
pas nécessairement la traduction du mot « Philistins».
Vulgate : interfectores), on doit conclure qu'il y avait
en effet des Philistins d'origine Cretoise et des Phi-
listins venus d'autres contrées. Les découvertes de
M. Arthur J. Evans en Crète ont montré' que cette île
était un ancien foyer de civilisation très avancé. Evans,
Cretan Pictograph and prse-Phœnician Script, in-8°,
Londres, 1895; Id., The Mycenœan Ti-ee and Pillar
EnltanditsMediten'anean Relations, with illustrations
from récent Cretan ftnds, in -4°, Londres, 1901; Id.,
Theprehistoric Tombs of Knossos, in-4°, Londres, 1906.
La présence de diverses tribus philistines dans la Sé-
phéla s'explique facilement par l'arrivée successive dans
cette contrée de divers émigrants qui se sont ensuite
plus ou moins unis ou fondus ensemble par suite de la
communauté d'intérêts. Les Céréthéens semblent avoir
habité l'extrémité méridionale de la Palestine. I Reg.
(Sam.), xxx, 14. Mais les détails nous font défaut sur
l'histoire de ces diverses émigrations. Nous savons ce-
pendant qu'une des invasions principales eut lieu sous
le règne du pharaon Ramsès III. Les monuments
(fig. 69) de ce roi nous les montrent emmenant avec
eux, sur des chars traînés par des bœufs, leurs femmes
et leurs enfants. W. M. Mûller, Asien und Europa,
p. 366.
On a essayé de faire des inductions sur l'origine
des Philistins d'après leur langage. Malheureusement
la langue que parlaient primitivement les Philistins
ne nous est pas connue. On sait que le roi de Geth, du
temps de David et de Salomon, s'appelait Achis (hébreu :
'Akis); les inscriptions assyriennes d'Asarhaddon et
d'Assurbanipal nomment un Ikausu, roi d'Accaron, qui
rappelle le nom d'Achis (cf. W. M. Mûller, Die Urhei-
math der Philister, dans Studien zur vorderasiati-
schen Geschichte, 1900, p. 9) ; un roi de Dor est nommé
289
PHILISTINS
290
Bidir dans le papyrus Golénischeff, ibid., p. 37. On
peut supposer que le titre de sêïén (seranîm) donné
dans l'Écriture aux chefs des cinq principales villes des
Philistins est un mot de leur langage primitif. Mais ces
données sont trop maigres pour en tirer quelque con-
clusion sur la nature de leur langue originelle. Après
leur arrivée en Palestine, ils semblent avoir adopté
assez vite le langage du pays ; leurs noms dans l'Ancien
Testament et dans les documents cunéiformes, sont
pour la plupart sémitiques ou chananéens.
II. Géographie. — L'étendue du pays occupé par les
Philistins n'a pas été la même aux diverses époques de
leur histoire. Leur territoire, après l'occupation de la
Terre Promise par les Hébreux, embrassait surtout la
plaine maritime de la Sêphélah qui s'étendait d'Ascalon
au nord jusqu'au désert de Gaza au sud et des posses-
sions de la tribu de Juda à l'est à la mer Méditerranée
à l'ouest. Jos., xiii, 2-3; I Reg. (Sam.), VI, 12; Is., IX,
42 (hébreu, II). C'était la Philistie propre. Les Grecs
employaient ce nom, dont nous avons fait Palestine,
dans un sens imprécis et il s'étendit peu à peu jusqu'au
Jourdain. Reland, Palssstina, 1714, p. 38. Les Philis-
tins, malgré les conquêtes qu'ils firent à diverses
époques, demeurèrent toujours eux-mêmes renfermés
dans leur territoire, qui comprenait cinq villes princi-
pales, leur servant de centre : Gaza, Azot, Ascalon,
Geth et Accaron, I Reg. (Sam.), vi, 17; Jos., xm, 3;
Jer., xxv, 20; Soph., n, 4-7, etc. (voir ces noms), et
quelques autres bourgs ou villages fortifiés ou non
murés, Jabné ou Jamnia, II Par., xxvi, 6; Siceleg,
I Reg. (Sam.), xxvn, 5, et autres. Deut., n, 23; I Reg.
(Sam.), vi, 18.
La plaine de la Sêphélah est plate et unie, avec de lé-
gères ondulations; suffisamment arrosée, fertile et
presque partout cultivable. Voir Sêphélah. La côte, de-
puis le Carmel jusqu'à Gaza, formée de dunes et de col-
lines de sablepeu élevées, ne possède pas de grands ports
naturels. Les villes maritimes, Azot, Ascalon, Gaza,
avaient de petits ports (y.a.ia\iy.ïç), mais peu sûrs, et les
Philistins ne purent jamais rivaliser pour leur com-
merce avec les Phéniciens. En revanche, la route qui
longeait la mer avait une importance capitale pour les
caravanes qui devaient passer à Gaza pour se rendre
en Egypte, ou en Phénicie, et pour remonter en Syrie,
en Babylonie et en Assyrie. Les conquérants égyptiens
étaient obligés de suivre cette voie pour porter leurs
armes au nord et sur les bords de l'Euphrate et du
Tigre ; les rois de Ninive et de Babylone devaient faire
de même, en sens contraire, pour soumettre la vallée
du Nil. Les invasions égyptiennes dans l'Asie antérieure
et les invasions babyloniennes en Egypte remontent à
une antiquité reculée.
III. Organisation politique. — 1° Gouvernement. —
Les Philistins étaient un peuple assez avancé en civi-
lisation. Ils avaient une organisation supérieure à celle
des tribus qui habitaient à leur arrivée la terre de
Chanaan, et leur supériorité militaire les mit en état de
s'établir avec solidité sur le territoire dont ils s'empa-
rèrent. Voir W. M. Mûller, Asien und Europa, p. 364-
366.
Les Philistins avaient cinq seranîm ou chefs parti-
culiers. On peut supposer que c'était parce qu'ils appar-
tenaient à cinq tribus différentes d'origine. Toutes ces
tribus avaient sans doute des liens de parenté et elles
avaient pu être attirées, à la même époque ou à des
époques différentes, par les besoins de l'émigration, sur
la côte occidentale de la Palestine. Les Pulusati étaient
peut-être venus les premiers, les Cérèthéens ensuite.
Cf. W. M. Mûller, Die Chronologie der Philisterein-
wanderung, loc. cit., p. 30-42. — Le nom général de se-
ranîm donné à leurs chefs leur est particulier et doit être
un reste de leur langue primitive. Il n'est jamais em-
ployé qu'au pluriel. On n'en a pas encore découvert
DICT. DE LA BIBLE.
d'étymologie satisfaisante. Les^ Septante [traduisent ce
nom le plus souvent par atxzpinai, I Reg. (Sam.), v, 8,
11; vi, 4, 12, 16, 18; vu, 7; tuux, î, 6,T;et carpoméia,
Jos., xm, 3; Jud., iii,3; aussi par apxov-cs;, Jud., xvi,
5, 8, 18, 23, 27, et par <jT ? xzrna(, I Par., xn, 19. La
Vuhjate a repuli, Jos., xw, 3; sœtrœpctr, Jud., m, 3; xrc,
8; I Reg., v, 8, 11; vi, 12,16; vu, 7; XXIX, 2, 6, 7, prin-
cipes, Jud., xvi, 5, 18, 23, 27; I Par., xn,Ç19; provinciss,
I Reg., vi, 5, 18. Seranîm désigne donc certainement
le chef de chacune des cinq grandes villes philistines,
Gaza, Azot, Ascalon, Geth et Accaron. Jos., xm, 3.
Ces chefs avaient tout à la fois une autorité militaire
et civile. Ils avaient sous leurs ordres des sarîm ou
commandants de troupes, I Reg. (Sam.), xvm, 30 (man-
que dans les Septante; Vulgate : principes); xxix, 3
(o-arpàitac, trcpTtYiY oi ; principes), en temps de guerre. Les .
textes parlent tantôt « des armées »,IReg. (Sam.), xxm,
3; xxix, 1, et tantôt « de l'armée », xxvni, 1. Chacun des
seranîm avait sans doute ses troupes personnelles, cf.
I Reg. (Sam.), xxvm, i; xxix, 2, mais ils agissaient
toujours ensemble et d'un commun accord. Leurs forces
étaient divisées par groupes de mille, subdivisés en
centaines. I Reg. (Sam.), xxix, 2. C'est tantôt le chef
de Gaza, nommé le premier, Jos., xm, 3; Amos, i, 6-7,
tantôt le chef d'Azot, tantôt celui de Geth ou d'une autre
des cinq villes qui parait avoir été à la tête des Philis-
tins. I Reg. (Sam.), v, 1; vi, 17; I Par., xx, 6. Chaque
sére'n, gouvernait outre sa ville capitale, les dépen-
dances du voisinage. I Par., xvm, 1 ; I Reg. (Sam.), v, 6|;
Jos., xv, 4547.
On ne sait si la dignité des seranîm était héréditaire
ou élective et si le titre de roi, donné quelquefois aux
chefs philistins, implique une fonction particulière. Ce
n'est pas probable. Aucun des rois nommés dans l'Écri-
ture ne régnait sur toutes les villes de la Philistie et
ceux qui sont nommés dans les documents cunéiformes
sont à la tête des villes où nous savons qu'il y avait des
seranîm. Jer., xxv, 20; Zaeh., ix, 5. La division du
pays en cinq districts, qu'on retrouve dès le commen-
cement, peut avoir été le résultat de la manière dont
les émigrants avaient fait la conquête du pays, peut-être
successivement. Leur politique semble avoir consisté
surtout, dans leurs rapporls avec les Israélites, non
pas à s'emparer de leur territoire, mais aies empêcher
de former un tout compact dont ils auraient eu à re-
douter la puissance. Dés que les Israélites veulent
s'unifier sous Héli et Samuel, il les attaquent. I Reg.
(Sam.), vu, 7; de même du temps de Saul, xin-xrv;
quand David ne règne que sur le sud de la Palestine,
ils le laissent en paix; dés que les douze tribus se sou-
mettent à lui, ils lui font la guerre. II Reg., v, 17. Pour
dominer plus sûrement les Israélites, au moment où ils
faisaient effort pour s'unir entre eux, les Philistins leur
imposèrent le désarmement et leur interdirent la fabri-
cation des armes, au commencement du règne de Saûl.
I Reg. (Sam.), xm, 19-23. La supériorité de leur orga-
nisation militaire les mettait d'ailleurs en état d'imposer
leur volonté à leurs voisins.
2» L'armée philistine. — Les Philistins se distin-
guaient par leur valeur guerrière. On comptait parmi
eux des soldats redoutables, surtout par leur force
exceptionnelle. Voir Goliath, t. m, col. 268. L'histoire
de David, II Reg. (Sam.), xv, 18, 19, 22, et ce qui nous
est raconté des Cérèthéens et des Phélétiens (voir ces
mots), attestent qu'ils avaient le goût des armes et qu'ils
en faisaient métier. Ils étaient divisés et groupés d'une
manière régulière, I Reg., xxix, 2, armés de l'arc, xxxi,
3; I Par., x, 3, mais ce qui faisait surtout leur force
et mettait Israël dans l'impossibilité de leur résister
en plaine, c'étaient leurs chars. I Reg. (Sam.), xiii, 5;
II Reg. (Sam.), i, 6; cf. Jud., i, 19. Leurs fantassins
avaient des armes défensives comme des armes offen-
sives, le bouclier, le casque, la cuirasse, l'arc, la lance,
V. - 10
291
PHILISTINS
292
la pique et l'épée large et courte (fig. 69). 1 Reg., xvii,
5-7. Ils étaient aussi marins et l'histoire enregistre
quelques-unes de leurs campagnes navales. Des navires
partis d'Ascalon, au commencement de leur séjour dans
la Séphélah, battirent les vaisseaux de Sidon et sacca-
gèrent la ville pendant les pre mières années du XII e siècle
avant notre ère. Justin, XVIII, m, 5. Les monuments
de Ramsès III nous ont conservé la forme de leurs
navires (voir iig. 230, t. rv, col. 861) et aussi le souvenir
de leur défaite par ce pharaon qui les battit sur terre et
sur mer avec leurs confédérés. Soit que cette défaite eût
ralenti leur ardeur, soit surtout qu'ils trouvassent plus
de profit, avec moins de danger, à rester tranquilles dans
leur riche plaine, et à se contenter du commerce intérieur
ou côtier, ils semblent avoir renoncé, d'ailleurs d'assez
bonne heure, aux expéditions aventureuses sur mer.
3° Agriculture et commerce. — Les Philistins, tout
en s'exerçant à la guerre, ne négligeaient pas l'agri-
culture, lis cultivaient le blé, dans leur riche plaine de
la Séphélah, qui l'a toujours produit en abondance. Jud.,
xv, 5; cf. IV Reg., vin, 2. Ils s'adonnaient aussi sans
doute au commerce, la situation de leur territoire,
comme nous l'avons vu col. 289, le rendait un lieu
de passage pour les caravanes qui trafiquaient entre
l'Éypte et les pays asiatiques et ils devaient mettre à
profit cette circonstance si avantageuse.
4° Religion. — En s'établissant sur la côte occiden-
tale de la Méditerranée, les Philistins y apportèrent
avec eux la religion de leurs pères. Le
culte de Dagon, Jud., xvi, 23; I Reg.
(Sam.), v,2; I Par., x, 10; IMach.,x,84;
xi, 4; voir Dagon, t. n, col. 1204, et
celui de Béelzébub, IV Reg., i, 2, 3, 6,
16; voir Béelzébub, t. i, col. 1547, leur
était propre, comme celui de Derkéto,
connu par Diodore de Sicile, n, 4 (fig. 70).
Mais selon la coutume de la plupart des
anciens peuples, à leur culte national
ils durent joindre dans la Séphélah le
culte des dieux déjà adorés dans le
pays. Peut-être Astoreth ou les Astarthés
furent-elles du nombre des divinités
adoptées; peut-être aussi vénéraient-ils déjà ces déesses,
compagnes de leurs dieux, avant leur émigration.
I Reg. (Sam.), xxxi, 10; Hérodote, i, 105. Ils avaient
des temples consacrés à Dagon et l'on y vénérait sa
statue, I Reg., v, 2-5; xxxi, 9-10; I Par., x, 10; I Mach.,
x, 83-84; on lui offrait des sacrifices zébah,. Jud., xvi,
2-3. Des prêtres, kohànîm, étaient voués à son culte.
I Reg. (Sam.), vi, 2. On lui demandait conseil dans
les circonstances difficiles. I Reg. (Sam.), m, 2. On
consultait aussi les devins {gôsmim; Vulgate : divini),
qui paraissent avoir joui d'un grand crédit, vi, 2. Leurs
'ônenim (Vulgate : augures) étaient renommés. Is.,
n, 6. Les Philistins avaient une coutume religieuse
singulière à Azot. A la suite de la chute de la statue de
Dagon, dans le temple fameux de cette ville, quand
l'arche y avait été déposée, ils ne marchaient pas sur
le seuil de la porte, mais le franchissaient d'un bond.
I Reg. (Sam.), v, 4. Cf. Soph., i, 9. Ils emportaient
avec eux dans leurs guerres les statues de leurs dieux
Çâsabêhém; Septante : Uoi; Vulgate : sculptilia sua).
II Reg. (Sam.), v, 21. Voir Idole, 20°, t. m, col. 821.
Ils attribuaient leurs victoires à la protection de leurs
divinités et consacraient leurs trophées dans leurs
temples. I Reg. (Sam.), v, 1-2; xxxi, 9. Ils ne prati-
quaient pas la circoncision, ce qui les distinguait des
autres habitants de la Palestine et des Égyptiens, et
les faisait mépriser par les Israélites qui les appelaient
avec dédain « incirconcis ». Jud., XIV, 3; xv, 18; I Reg.
(Sam.), xiv, 6; xvu, 26, 36; xxxi, 4; II Reg. (Sam.), i,
20.
IV. Histoire. — 1» Avant l'établissement des Israé-
70, — Derkéto
Calcédoine
gravée du
Musée' du
Louvre.
lites en Palestine. — Nous ne savons rien de l'histoire
des Philistins avant leur arrivée en Palestine. Nous
ignorons aussi l'époque de cette arrivée. Du temps
d'Abraham, il y avait déjà des Philistins (Palœstini dans
la Vulgate) dans la terre de Chanaan, Gen., xxi, 33, 34,
mais ils paraissent avoir habité alors plus au sud que les
émigrants du même nom qui s'établirent plus tard
dans la Séphélah. Ils avaient â leur tête un chef qui
portait le titre de roi, mélék, et s'appelait Abimélech.
Il demeurait à Gérare, Gen., xxxvi, 1, an sud de Gaza.
Sur les rapports du roi de Géràre avec Abraham et
Isaac, voir Abimélech, 1. 1, col. 53, 54, et Gérabe, t. m,
col. 200. Il faut observer que quelques savants ne
croient pas qu' Abimélech fût un véritable Philistin; ils
supposent que le titre de « roi des Philistins i> lui est
attribué, non pas parce qu'il était de leur race, mais
parce qu'il habitait dans la contrée qui reçut plus tard
le nom de Philistie. Quoi qu'il en soit, tout le monde
admet que des Philistins étaient en possession de la
Séphélah du temps de Moïse, et les Israélites, sur l'ordre
de Dieu, évitèrent de se rendre dans la Terre Promise,
« par le chemin du pays des Philistins, » quoiqu'il fût
le plus court, parce qu'ils n'étaient pas capables de forcer
le passage et de lutter contre des hommes aguerris tels
que les habitants du pays. Exod., xm, 17. Les Caph-
torim (Philistins) avaient déjà chassé auparavant les
llévéens de Gaza, à une époque de date inconnue. Deut.,
n, 23.
L'histoire antérieure du pays ne nous est connue que
très imparfaitement et d'une manière tout à fait frag-
mentaire, an moyen des rares renseignements épars
dans les documents cunéiformes et hiéroglyphiques.
Depuis longtemps déjà les plaines qui s'étendent sur
le rivage occidental de la Méditerranée avaient été té-
moins des grands conflits qui avaient mis aux prises
l'Afrique septentrionale avec l'Asie occidentale.
Les lettres de Tell el-Amarna fournissent la preuve
qu'antérieurement au xv e siècle avant notre ère la civili-
sation babylonienne et probablement sa domination
s'étaient implantées sur la côte palestinienne et dans
toute la Palestine. Sous la xviii» dynastie égyptienne,
le pays de Chanaan faisait partie de l'empire pharao-
nique sous le nom de Haru. Les noms des villes philis-
tines et de nombreuses villes palestiniennes reviennent
constamment dans les lettres de Tell el-Amama, Gaza,
Ascalon, Joppé, Lachis, Geth, Gazer, Aïalon, Jérusalem,
etc. Thothmès III, Séti I er , Ramsès II, Ménephtah
avaient cherché à s'assurer la possession du pays
et entretenu des soldats à Gaza. Maspero, Histoire an-
cienne des peuples de l'Orient, ¥ édit., 1884, p. 313;
H. Brugscb, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 529, 581.
Ramsès II fit le siège d'Ascalon. Il nous en a laissé la
représentation sur les murs du grand temple de Karnak,
voir t. i, fig. 286, col. 1061, et elle nous montre que les
Philistins n'y étaient pas encore établis; du moins les
hommes que combat le pharaon ne ressemblent-ils en
aucune façon à ceux que va nous faire connaître
Ramsès III. — C'est du temps de ce derner roi qu'eut
lieu la plus grande invasion philistine. Ramsès III nous
a conservé sur les bas-reliefs de Médinet-Abou les
principaux épisodes de la grande campagne que les
Pwlv.satietd'autres peuples de la mer entreprirent contre
l'Egypte sous son règne. Le texte qui accompagne les
tableaux de la guerre est peu explicite et très incom-
plet, mais nous voyons par l'ensemble que les confé-
dérés furent battus sur terre (fig. 71) et sur mer (voir
col. 291), et il leur fit des prisonniers (fig. 72). Néan-
moins pour se débarrasser d'eux, le roi d'Egypte leur
fit des concessions et il accorda aux Pulusati la plaine
de la Séphélah pour s'y établir. Les nouveaux venus
trouvèrent des émigrants déjà établis dans le pays;,
ils s'unirent à eux et apportèrent aux anciens occu-
pants un accroissement de force considérable dont les
293
PHILISTINS
294
conséquence ne tardèrent pas à se faire sentir pour les
Israélites.
2° Histoire des Philistins depuis l'époque de Josué
jusqu'au règne de Saûl — Lorsque les douze tribus
avaientconquis la Terre Promise, elles avaient dû renon-
cer à s'emparer de la plaine des Philistins, n'étant ni
assez fortes ni assez bien armées pour en chasser les
possesseurs. Cette plaine faisait partie de leur héritage,
Jos., xv, 4, 45-47, mais au moment du partage du pays
le gouvernement d'Héli que les Philistins commencèrent
à attaquer, et de façon redoutable, les Israélites dont
ils furent dès lors les ennemis acharnés pendant des
siècles. Ils avaient peu redouté les descendants de Jacob,
tant que ceux-ci étaient restés divisés en tribus séparées
et indépendantes, mais quand elles travaillèrent à former
un seul peuple uni et fort, dont la cohésion devenait
un péril pour les habitants de la Séphélah, les Philistins
les combattirent avec acharnement. Ils remportèrent
71. — Pulusati battus sur terre par le pharaon Ramsès III. Bas-relief de Médinet-Abou.
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. 120.
elle n'était pas encore entre leurs mains. Jos., xm, 2-3;
Jud., ni, 3. La tribu de Juda, à qui elle avait été
attribuée, fit quelques tentatives pour s'y établir, et rem-
porta quelques succès contre Gaza, Ascalon et Accaron,
Jud., i, 18, mais elle ne put s'y maintenir. Les Philis-
tins, qui ne se sentaient pas sans doute encore assez
forts à cette époque, ne semblent d'ailleurs avoir rien
fait en ce moment pour s'opposer à l'établissement des
Israélites dans la terre de Chanaan. Ils eurent même
d'abord des relations de bon voisinage, Jud., xiv, 1, 7, 10,
11. Ce ne fut que lorsque l'arrivée de nouveaux émigrants
du temps de Ramsès III eut augmenté leur puissance,
qu'ils se mirent à harceler les Hébreux. Jud., x, 6, 7,
11. Samgar frappa six cents d'entre eux. Jud., m, 31.
Samson eut à lutter contre eux pendant toute sa vie.
Jud., xiv-xvi. Voir Samson. Mais ce fut surtout sous
contre Israël d'éclatantes victoires à Aphec à la fin de la
judicature d'Héli et s'emparèrent de l'arche sainte.
I Reg. (Sam.), iv, 1-11. Voir Aphec 3, t. i, col. 728;
Arche d'allia.nce, 1. 1, col. 920. Les châtiments divins
obligèrent les vainqueurs à renvoyer l'arche à Israël.
1 Reg. (Sam.), v-vi. Samuel ayant succédé à Héli comme
juge d'Israël rassembla tout le peuple à Masphath. Les
Philistins en prirent ombrage et marchèrent de nouveau
en armes contre eux, mais cette fois, ils furent battus à
Ében-Ézer (La Pierre du Secours). Le succès des
Israélites fut tel qu'ils recouvrèrent les places qu'ils
avaient perdues et que leurs ennemis les laissèrent en
paix jusqu'à l'avènement de Saûl, vu, 5-13.
3° Guerres des Philistins contre Saûl. — L'élection
d'un roi qui réunit sous son pouvoir les douze- tribos
d'Israël était propre à inspirer des inquiétudes anx
295
PHILISTINS
296
Philistins pour leur indépendance. C'était spécialement
contre eux que la royauté avait été établie, vm, 20. Aussi
luttèrent-ils avec acharnement contre Saûl pendant
toute sa vie et ne furent-ils satisfaits qu'après avoir
anéanti sa puissance à Gelboé et l'avoir réduit à se
donner la mort. Pendant cette longue guerre 'qui dura
tout le règne de Saûl, c'est-à-dire pendant quarante ans,
il y eut des deux côtés alternatives de succès et de
revers, mais, quoique Saûl eût fait de grands efforts pour
former une armée, les Philistins furent le plus souvent
vainqueurs. Saûl entreprit d'abord de les chasser des
environs de sa ville natale, Gabaa, qui lui servait de
résidence et où ses ennemis s'étaient établis, x, 5 ; xn, 9 ;
ira, 3. Grâce à la bravoure de Jonathas, fils aine de Saûl,
les Philistins furent battus à Gabaa, et Saûl appela aus-
la tribu de Juda et campèrent à Éphès Dommim, entre
Socho et Azéca. Saûl, pour les arrêter, se porta ayèc
son armée dans la vallée duTérébinthe, à une vingtaine
de kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Là le géant
Goliath défia les Israélites. Le jeune David releva le
défi, le tua. et entraîna ainsi la défaite de toute l'armée
philistine, xvn. Voir Goliath, t. m, col. 268. Les
Israélites poursuivirent leurs ennemis jusqu'à Geth et
à Âccaron, mais ils les laissèrent en paix dans leur
territoire, xvm. David put se réfugier chez Àehis, le
roi de Geth, pendant la persécution de Saûl et il y fut,
ainsi qu'ensuite à Siceleg, à l'abri des poursuites de
son ennemi, xxi, 10-15; xxvu. La paix n'était pas
cependant établie entre Israël et la Philistie. Il y avait
sans doute de temps en temps des incidents de fron-
72. — Pulusati prisonniers deTtarnsèsYn. "Bas-iëùeft aeTftéHma\-ïù»^.^^Vv^%^^'3j«$sâR..
sitôt tout le peuple à prendre les armes contre les Phi-
listins, XHI, 2-4. Ces derniers né perdirent pas de temps
pour répondre à ces menaces. Avec trois mille chars
(nombre marqué par une note de la Massore, quoique
le texte porte trente mille, chiffre trop élevé, par erreur,
et en contradiction avec le chiffre suivant qui porte
six mille cavaliers, c'est-à-dire six mille soldats montés
sur des chars) et de nombreux fantassins, ils allèrent
camper à Machmas et remplirent de terreur les
Israélites qui coururent en foule se cacher dans les envi-
rons et même se réfugier au delà du Jourdain, xm, 5-
7. Cependant les Philistins, après qu'un de leurs avant-
postes eût été battu par la vaillance de Jonathas et eût
porté la frayeur dans tout leur camp, furent défaits
depuis Machmas jusqu'à Aîalon, xm, 16-xiv, 21.
Ce ne fut qu'au bout de plus de vingt ans que les
Philistins purent reprendre l'offensive. Saûl, après sa
victoire, avait aussi battu les Amalécites, mais à cause
de sa désobéissance aux ordres de Dieu, ' il avait été
rejeté et David avait été sacré secrètement à sa place.
Ce dernier événement Venait de s'accomplir, lorsque
les Philistins rassemblèrent leurs troupes à Socho dans
tière et des escarmouches comme dans l'épisode de
Céilah, xxiii, 1-5, mais ce ne fut qu'à la lin du régne
de Saûl que la guerre entre les deux peuples recom-
mença avec violence. Cette fois le théâtre de la bataille
fut le nord de la Palestine, à l'extrémité occidentale de
la plaine d'Esdrelon. Les Philistins avaient-ils été
attirés en cet endroit par le désir de faire une razzia
fructueuse dans la riche plaine, comme autrefois les
Madianites au temps de Gédéon, ou par l'espoir d'y battre
plus facilement les ennemis en terrain plat avec le
secours de leurs chars, ou pour couper en deux le terri-
toire du royaume et en briser la force, on est réduit aux
conjectures. Quoi qu'il en soit, Saûl avait cherché à se
protéger contre eux en s'adossant au. mont Gelboé,
tandis que les Philistins campaient à Sunam, mais ce
fut en vain, la défaite d'Israël fut complète, Saûl et
Jonathas périrent dans la bataille, les vainqueurs s'em-
parèrent des villes qu'abandonnèrent leurs habitants
et pénétrèrent jusgu'au delà du Jourdain, xxvm, 1-
xxix, 1-2; xxxi, 1-10. Si les Philistins avaient voulu
diviser les douze tribus pour briser leur force, ils
avaient pleinement réussi. Les luttes intestines qu'a-
297
PHILISTINS
298
mena Ja mort de Saûl ne pouvaient que îorliBer )a
suprématie des Philistins. Ils cherchèrent à la mainte-
nir en attaquant David sans retard.
4° Du règne de David à celui d'Achaz. — Dès
que David eut été reconnu comme roi par les douze
tribus et que l'unité du royaume eut été ainsi recon-
stituée, ils s'avancèrent en armes dans la vallée de
Raphaïm au sud-ouest de Jérusalem et établirent
même un poste à Bethléhem. I Par., XI, 16. Les
Israélites réunis pouvaient lutter avantageusement
contre eux, et avec un chef comme David, ils battirent
deux fois leurs ennemis à Raphaïm et, dans la seconde
rencontre, les poursuivirent depuis Gabaa jusqu'à Gé-
zer. II Reg. (Sam.), v, 17-25; I Par., xiv, 8-16.
Sept ans plus tard environ, la situation des belligé-
rants était tellement changée que ce fut David qui prit
l'offensive et s'empara de Geth. I Par., xvm, 1. La
puissance des Philistins était désormais brisée. L'Écri-
ture mentionne encore quatre combats contre les Phi-
listins, qui eurent lieu vers la fin du règne de David ou
à des dates inconnues, II Reg. (Sam.), xxi, 15-22, mais
ils furent sans grande importance et servirent surtout
à faire éclater la bravoure de quelques-uns des soldats
d'Israël.
Sous le règne de Salomon, les villes philistines,
en conservant leur autonomie, III Reg., il, 39, lui
payèrent sans doute tribut, III Reg., iv, 21, 24; II Par.,
ix, 26, mais le schisme des dix tribus leur permit de
relever la tête. Roboam pour les arrêter fortifia contre
eux Geth et les villes limitrophes de leur territoire.
II Par., XI, 8. Ils réussirent à prendre Gebbéthon et à
s'y établir. Cette place commandait les défilés qui me-
naient delà plaine de Saron à Samarie. Voir Gebbéthon,
t. m, col. 142. Les rois d'Israël Nadab et Baasa firent
donc de longs efforts pour la leur reprendre. III Reg.,
xv, 27; xvi, 15, 17. Du temps de Josaphat, roi de
Juda, quelques Philistins lui payaient encore tribut,
II Par., xvii, 11, mais sous son fils Joram, s'étant joints
à des pillards arabes, ils saccagèrent le palais du roi,
XXI, 16-17. Du temps de Joas, Hazaèl, roi de Damas,
prit la ville de Geth. IV Reg., xn, 17. Les Philistins
parvinrent sans doute à la reprendre après son départ,
car Ozias, en leur faisant la guerre, détruisit les murs
de cette ville avec ceux de Jamnia et d'Azot. II Par.,
xxvi, 6. Cf. Amos, vi, 2. La haine des habitants de la
Séphélah contre les Israélites s'en augmentait toujours.
Nous apprenons par les prophètes, Joël, m, 4-6;
A,mos, i, 6-10, que, unis aux lduméens et aux Phéni-
ciens, ils avaient fait la traite des esclaves et vendu les
Juifs dont ils s'étaient emparés. Pendant le règne
d'Achaz, ils mirent à profit les embarras que les ldu-
méens et les Syriens causaient à ce roi pour s'emparer
des villes de Juda qui étaient dans leur voisinage. II Par.,
xxvni, 18. Cf. Is., ix, 11. Mais le moment approchait
où les habitants de la Séphélah allaient avoir affaire à
des ennemis plus redoutables que Juda, aux Assyriens,
selon la prophétie d'Isaïe, xiv, 28-31. Ils avaient eu
déjà à souffrir de leur part lors de leurs premières
invasions contre le royaume du nord de la Palestine.
5" Les Philistins aux prises avec les Assyriens. —
Le pays des Philistins avait été soumis au tribut par
les rois d'Assyrie en même temps qu'Israël et l'Idumée
par Rammannirar III. Téglathphalasar III comptait,
vers 734, parmi ses vassaux, Mitinti d'Ascalon et
Hanon de Gaza, qui avaient pris part avec Rasin de
Damas et Phacée d'Israël à la révolte contre Ninive
(734-732). Rukipti succéda à son père Mitinli comme roi
d'Ascalon et fit sans doute sa soumission au roi d'Assy-
rie. A l'approche des Assyriens, Hanon de Gaza s'en-
fuit en Egypte, et sa capitale fut prise et pillée. Après
le départ des vainqueurs, il y revint, et en 720 nous le
trouvons parmi les alliés de Sô ou Sévé, le Schabak
égyptien, qui avait promis son appui à Osée d'Israël,
IV JReg., xvir, é, mais ne l'avait pas sauvé. Il fut battu
et fait prisonnier à Raphia par Sargon, le vainqueur de
Samarie. Sargon déposa aussi Azuri, roi d'Azot, et le
remplaça par son frère Ahimiti; mais quand Sargon
se fut éloigné, les habitants d'Azot chassèrent Ahimiti
et le remplacèrent par Yamani. Le roi de Ninive
marcha en 711 contre les rebelles et s'empara d'Azot,
Is., XX, 1, de Geth, etc., déporta les habitants du pays,
les remplaça par des colons qu'il fit venir de l'est de
l'Assyrie et les plaça sous le gouvernement d'un Assy-
rien. Ce fut pour peu de temps. Sous le règne de
Sennachérib, Mitinti d'Azot figure parmi les tributaires
de Sennachérib. Ezéchias, qui avait secoué le joug des
Assyriens, avait battu les Philistins, IV Reg., xvm, 8,
et les avait entraînés en partie dans sa révolte.
Quand Sennachérib porta la guerre en Palestine,
Sidqa d'Ascalon, l'un des chefs philistins, fut défait par
ce roi et envoyé captif en Assyrie; Sarludari, fils d'un
ancien roi d'Ascalon, fut mis sur le trône à sa place. Le
roi d'Accaron, Padi, avait refusé de se révolter contre le
roi de Ninive. Ses sujets l'avaient saisi et envoyé captif
à Ezéchias roi de Juda. Sennachérib obligea le roi de
Juda à le lui rendre et le rétablit sur le trône. Il sac-
cagea en même temps plusieurs villes des Philistins.
Depuis lors ces derniers semblent être restés fidèles
aux Assyriens. Asarhaddon et Assurbanipal énumèrent
parmi leurs tributaires Silbel de Gaza, Mitinti d'As-
calon, Ikausu d'Accaron, Ahimilki d'Azot. Quand l'Egypte
voulut secouer le joug de l'Assyrie sous le règne de
Tharaka, les Philistins restèrent fidèles aux Assyriens.
Hérodote, il, 157, raconte que le roi d'Egypte Psammé-
tique assiégea Azot pendant 29 ans. Cf. Jer., xxv, 20.
Le temple d'Ascalon, dédié à « Aphrodite Urania », dit
Hérodote, i, 105, fut pillé par les Scythes.
6° Les Philistins tributaires des Chaldéens et des
Perses. — Après la chute de l'empire assyrien, lorsque
Néchao II porta la guerre sur l'Euphrate (608), il prit
Gaza à son passage. Hérodote, H, 159. Sa défaite à
Carchamis ne tarda pas à amener Nabuchodonosor en
Egypte et il semhle n'avoir rencontré aucune résistance
dans le pays des Philistins, fort maltraité pendant toutes
ces guerres. Soph., n, 4-7; Jer., xvii, 1-7; Ezech., xxv,
15-17. Nabonide fit lever des tributs jusqu'à Gaza pour
la construction du grand temple de Sin à Harran. Keil-
inschriftliehe Bibliotheh, t. ni, 2, p. 98.
Lorsque Babylone fut tombée au pouvoir des Perses
et que Cambyse marcha contre l'Egypte, Gaza fut la
seule ville philistine qui s'opposa à son passage,
Polybe, xvi, 40. Quand Darius organisa son empire, les
Philistins, avec la Palestine, firent partie de la cin-
quième satrapie. Hérodote, m, 91. Ils fournirent leur
contingent à la flotte de Xerxès. Hérodote, vu, 89.
Pendant quelque temps, Ascalon parait avoir été sou-
mise à Tyr, du moins, Scylax, dans son Périple,
l'appelle « une ville tyrienne. » Geographi min., édit.
Didot, t. i, p. 79. Gaza jouit alors d'une grande pros-
périté. Hérodote, m, 15. On ne sait rien de précis sur
les villes philistines pendant les dernières années de la
monarchie perse. Mais le livre deNéhémie, IIEsd.,xin,
23-24, nous apprend que, de son temps, la commu-
nauté de malheurs ayanl atténué sans doute la haine
qui divisait Philistins et Israélites, plusieurs Juifs
avaient épousé des femmes philistines, originaires
d'Azot, qui avaient appris à leurs enfants à parler la
langue de cetle ville, de sorte qu'ils ne connaissaient
même pas la langue juive.
7» Les Philistins à l'époque des Lagides et des Sé-
leucides. — Sous Alexandre le Grand et ses successeurs,
la Philistie soutint de fréquentes guerres. Alexandre
assiégea Gaza, qui lui refusait le passage, quand il se
rendait de Tyr en Egypte, et la traita durement (332).
Diodore de Sicile, XVII, xlviii, 7; Arrien, n, 265;
Q. Curce, rv, 67. — Après sa mort, la Syrie échut à
299
PHILISTINS
PHILON
300
Laomédon. En 320, Ptolémée I er s'empara de Gaza et
de Joppé. Antigone les prit en 315. Ptolémée les reprit
en 315, Diodore de Sicile, xix, 80, mais il en fut chassé
l'automne suivant par Démétrius et Antigone. Diodore,
xix, 93. Ptolémée fit une nouvelle tentative en 302 et
elle fut en partie couronnée de succès. La Philistie
resta à ses successeurs, Antiochus le Grand, en 219,
entreprit de la reprendre. Il s'empara de Gaza et c'est
dans cette ville, en 218, qu'il prépara l'invasion de
l'Egypte. Une grande bataille fut livrée à Raphia en 217,
le roi de Syrie fut battu et Ptolémée recouvra les villes
philistines. Polybe, v, 82-86. Un nouvel effort d'An-
tiochus en 201 le rendit maître de Gaza, les Égyptiens
furent battus à Phanéion en 200 et toute la Syrie
tomba ainsi au pouvoir des Séleucides.
La domination des successeurs d'Alexandre contribua
beaucoup à la diffusion de la civilisation grecque en
Philistie. Déjà auparavant, sous les rois perses, les
rapports commerciaux des Philistins avec les Grecs
avaient introduit dans les villes philistines des mon-
naies du type athénien. E. Schùrer, Geschichte desjûd.
Volhes im Zeitalt. J. C, 3 e édit. , t. n, 1898, p. 84;
E. Babelon, Les Perses Achéménides, 1893, p. lv-lxiv,
47-52, pi. vin. Sous les Séleucides, on se mit à parler
grec, on donna aux dieux les noms des dieux grecs,
on imita les institutions grecques. Antiochus Épiphane,
qui chercha à helléniser les Juifs, ne dutéprouver aucune
difficulté à établir les mœurs grecques dans la Séphélah.
8° Histoire des Philistins à l'époque des Machabées.
Leur assujettissement par les Romains. — 1. Du temps
des Machabées, les Syriens eurent d'ordinaire les Phi-
listins comme auxiliaires dans leur lutte contre les
Juifs; ils en avaient dans leurs armées, ils partaient
souvent de la Séphëlah pour attaquer les fils de Matha-
tias; les Philistins achetaient comme esclaves les pri-
sonniers juifs. I Mach., m, 41. Les Hasmonéens eurent
ainsi souvent à les combattre. Judas Machabée prit
Azot et la pilla. I Maeh., v, 68. Bacchide fut obligé, pour
éviter ces incursions, de fortifier Emmaûs, Béthoron,
Thamnatha, Pharathon, Gézer.I Mach., IX, 50-52. Jona-
thas, ayant pris le parti d'Alexandre Balas contre Dé-
métrius, essaya en 147 de s'emparer de Joppé, mais sans
succès; il battit cependant Apollonius près d'Azot et
brûla le temple de Dagon. I Mach., x, 75-85; cf. xi, 4.
Ascalon lui ouvrit ses portes. I Mach., x, 86. Il reçut
en don Accaron d'Alexandre Balas. I Mach., x, 89. Plus
tard, Jonathas soumit Ascalon et obligea Gaza à traiter
avec lui (145-143). I Mach., xi, 60-62. Simon Machabée
prit à son tour Joppé et y établit ensuite des Juifs,
ainsi qu'à Gaza. I Mach., xii, 33; xn, 11, 43-48.
Jean Hyrcan semble avoir perdu ces villes qui lui
furent enlevées par Antiochus Sidètes, mais ce dernier
dut les lui rendre à cause de l'intervention de Rome.
Alexandre Jannée se rendit maître de Raphia, d'Anthé-
don et de Gaza. Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 3; Bel.
jud., I, îv, 2. — 2. Pompée rendit leur autonomie aux
villes philistines, mais il les incorpora dans la province
de Syrie (63 avant J. C). Josèphe, Bell, jud., I, vu, 7.
Gabinius (57-55 avant J. C.) rebâtit les villes détruites ou
maltraitées par les Juifs. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiv,
53; Bell, jud; I, vin, 4. César rendit Joppé aux Juifs.
Ant. jud., XIV, x, 6. Antoine donna à Cléopâtre toute la
côte de la Méditerranée depuis 1'n.gypte jusqu'au fleuve
Éleuthère, à l'exception de Tyr et de Sidon (36 avant
J. C.). Plutarque, Anton., 36; Josèphe, Bell, jud., I,
xvm, 5. Auguste (30 avant J. C.) donna à Hérode Gaza,
Anthédon, Joppé et la tour de Straton dont Hérode fit
Césarée. — 3. Quand le royaume d'Hérode fut divisé, Gaza
fut sous la dépendance directe du gouverneur de Syrie ; il
en fut de même pour Joppé et Césarée à la déposition
d'Archélaûs (6 de notre ère). Azot et Jamnia furent don-
nées à Salomé; leurs revenus, après la mort de Salomé,
furent attribués à l'impératrice Livie et plus tard à Ti-
bère. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 4-5; XVIII, n, 2;
vi, 3; Bell, jud., II, vi, 3; ix, 1; E. Sçhurer, Gesch.
desjûd. Volkes im Zeitalt. J. C, 3» édit., t. n, 1898,
p. 78. — Pendant toutes ces révolutions, Ascalon conserva
ses franchises, conquises en 104 avant J. C. — 4. En 66
de notre ère, au commencement de la révolte des Juifs
contre Rome, les Juifs de Césarée furent égorgés par
les autres habitants de la ville, avec la connivence du
procurateur Gessius Florus. Des massacres eurent lieu
aussi à Ascalon. Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 5. Les
Juifs révoltés brûlèrent de leur côté Ascalon, détruisirent
Anthédon et Gaza. Bell, jud., II, xvm, 1. Cestius Gallus
prit Joppé et en massacra la population juive, mais les
Juifs la reprirent et s'y tinrent jusqu'à ce qu'elle fût
détruite par Vespasien. Bell, jud., II, xvm, 10; xx, 4;
III, IX, 2. Ainsi s'était accomplie peu à peu la ruine de
la Philistie. Cf. Zach., x, 5-7. Le nom des Philistins
n'apparaît plus dans le Nouveau Testament.
V. Bibliographie. — Frisch, Le origine, diis et terra
Palœstinorum, Tubingue, 1696; VVolf, Apparatus
Philistseorum bellicorum, Wittenberg, 1711; F. Hitzig,
Vrgeschichte und Mythologie der Philistàer, Leipzig,
1845; Bertheau, Zur Geschichte der lsrealiten, Gœt-
tingue, 1842, p. 186-200, 280-285, 306-308; G. Bour, Der
Prophet Amos, Giessen, 1847, p. 76-94; fûiobel, Die
Vôlkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 215-225; Fr.
W. Schultz, dans Herzog, Real-Encyklopàdie, 2° édit.,
t. xi, 1883, p. 618-636; Kneucker, dans Schenkel, Bibel-
Lexicon, t. îv, 1872, p. 541-559; Ritter, Erdkunde, t. xvn,
Berlin, 1852, p. 168-192; Stark, Gaza und die philis-
tàische Kûste, Iéna, 1852 ; Hanneker, Die Philistâea,
Eichslâdt, 1872; V. Guérin, Judée, t. n, 1869, p. 45-51;
Schwally, Die Rasse der Philistàer, dans Hilgenfeld,
Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, t. xxxiv,
1890, p. 103, 265; W. M. Mûller, Asien und Europa
nach altàgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 386-390.
F. Vigouroux.
PHILOLOGUE (grec: 3>[X6Xoyoç)ï chrétien de Rome,
salué par saint Paul. Rom., xvi, 15. Ce nom était
commun parmi les esclaves et les affranchis de la
maison impériale. Corpus inscript, lat., t. vi, 4116;
Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen,
3 e édit., t. il, coi. 1626. Origène suppose qu'il pouvait
être le mari de Julie, nommée avec lui. Voir Julie,
t. m, col. 1866. Le pseudo-Dorothée. De septuaginta
discip., 41, Patr. Gr., t. xm, col. 1063, dit qu'il était
un des soixante-dix disciples et que saint André le fit
évêque de Sinope dans le Pont, Cf. Pseudo-Hippolyte,
De septuaginta Apostolis, 41, t. x, col. 955, qui répète
les mêmes choses. On célèbre sa fête le 4 novembre.
Voir Acta sanctorum, novembris t. n, 1894, p. 222-224.
PHILOMÉTOR, « aimant sa mère, » surnom donné
par antiphrase à Ptolémée VI, roi d'Egypte, qui détes-
tait sa mère. II Mach., iv, 21; ix, 29; x, 13. Voir Pto-
lémée VI.
PHILON, écrivain juif, contemporain de Jésus-
Christ.
I. Sa vie. — On n'a que fort peu de renseignements
sur la vie de Philon. D'après Josèphe, Ant. jud., XVIII,
vin, 1; cf. Eusèbe, H. E., n, 4, t. xx, col. 148, il appar-
tenait à une famille distinguée; son frère Alexandre (ou
plutôt le fils de son frère, Ewald, Geschichte des Volkes
Israels, 3 e édit., Gœttingue, 1868, t. vi, p. 259) exerçait
en Egypte les fonctions d'alabarque, probablement de
fermier général des impôts sur la rive droite du Nil,
fonctions qui furent plusieurs fois confiées à de riches
Juifs. Saint Jérôme, De vir. ill., 11, t. xxin, col. 625, dit
que Philon était de famille sacerdotale ; mais cette indi-
cation ne trouve sa confirmation chez aucun historien,
pas même chez Eusèbe, et les écrits de Philon ne font
aucune allusion à ce point. Ils sont d'ailleurs très sobres
301
PHILON
302
de détails concernant leur auteur. Celui-ci y mentionne
seulement ses fréquentes retraites dans le désert pour y
jouir de la comtémplation, sans un grand résultat, Leg.
allegor., n, 21, édit. Mangey, t. I, p. 81; la part qu'il
prenait aux festins des fêtes, Leg. allegor., m, 53, t. i,
p. 118; le soin avec lequel il s'adonnait à la philosophie,
De spécial, leg., n, 1, t. n, p. 299, et son voyage pour les
fêtes à Jérusalem. Fragm. de Provident., t. n, p. 646.
Le seul événement historique auquel ait été mêlé Philon
est l'ambassade à Caligula, en l'an 40 après J.-C. On sait
que quand Caligula se mit en tête de se faire rendre
partout les honneurs divins, et même d'installer sa sta-
tue dans le Temple de Jérusalem, les Juifs s'abstinrent
partout de participer à ce culte. Malmenés à cette occa-
sion par leurs concitoyens gréco-égyptiens, les Juifs
d'Alexandrie envoyèrent à Rome une députation à la
tête de laquelle fut placé Philon; une députation con-
traire 'suivit la première, sous la conduite d'Apion,
ennemi déclaré des Juifs. Philon et ses collègues trou-
vèrent l'empereur à Pouzzoles et ne purent l'aborder.
A Rome, ils furent reçus par Caligula dans la maison
de Mécènes, eurent à y subir toutes sortes d'affronts et
finalement se virent congédier sans avoir rien obtenu.
Peu de temps après, l'assassinat de l'empereur résolut
la difficulté. Philon a fait lui-même le récit de son
ambassade, De légat, ad Caium, t. n, p. 545-600. Cf.
Beurlièr, Le culte impérial, Paris, 1891, p. 264-271. Au
début de cet écrit, Philon dit de lui-même qu'il était
alors un vieillard, répwv. On en conclut que sa nais-
sance remontait à une vingtaine d'années avant Jésus-
Christ. D'après Eusèbe, H. E., n, 17, t. xx, col. 173,
que saint Jérôme reproduit dans sa notice, t. xxui,
col. 627, Philon se serait rendu une seconde fois à
Rome, sous Claude, et y aurait connu saint Pierre; à
Alexandrie, il aurait été en rapport [avec les chrétiens
de saint Marc. Ces derniers renseignements sont re-
gardés comme sujets à caution. On ignore la date de la
mort de Philon, A la lecture de ses écrits, on voit que
Philon n'avait rien de Pétroitesse du pharisien, attaché
principalement à la lettre de la Loi. Il était au contraire
homme de mysticisme et de culte intérieur. Cf. De che-
rub., 27. t. i, p. 155, 156; De plantât., 30, t. i, p. 348;
Desomn., t, 42, t. i, p. 657. II avait un sentiment très
élevé de piété et d'obéissance envers Dieu et il profes-
sait que délaisser son service, c'était renoncer au
bonheur. Cf. Ritler, Philo und die Halacha, Leipzig,
1879.
II. Ses écrits. — Philon a laissé de nombreux écrits,
dont quelques-uns se sont perdus. Eusèbe, H. E., il,
18, t. xx, col. 183, et saint Jérôme, De vit: ill., 11,
t. xxiii, col. 628, donnent le catalogue de ceux qu'ils
connaissaient. On peut les classer comme il suit :
i. questions et solutions. — Dans le projet de
Philon, elles devaient porter sur tout le Pentateuque.
Eusèbe ne connaît que ce qui concerne la Genèse et
l'Exode. Une version arménienne a conservé la plus
grande partie des questions sur la Genèse et l'Exode;
une ancienne version latine, ignorée des premiers édi-
teurs du texte grec de Philon, reproduit les questions
sur la Genèse; en grec, on ne possède qu'un très grand
nombre de fragments épars dans les Pères, les Chaînes
et les anciens recueils de commentaires.
II. COMMENTAIRES ALLÉGORIQUES SUR LA GENÈSE. —
Us se composent de différents traités : 1° Allégories des
lois, trois livres sur Gen., n, 1-17; n, 18-m 1; m, 8-19,
édit. Mangey, t. i, p. 43-137. — 2. Des chérubins et du
glaive de flamme, sur Gen., m, 24; rv, 1, t. i, p. 138-
162. — 3. Des sacrifices d'Abel et de Caïn, sur Gen., iv,
2-4, t. l, p. 163-190. Saint Ambroise s'est beaucoup servi
de ce traité dans son De Caïn et Abel, t. xiv, col. 315-
360. — 4. Que le pire cherche à nuire au mieux, sur
Gen., iv, 8-15, t. i, p. 191-225. — 5. De la postérité de
Caïn qui se croit sage et de son changement de de-
meure, sur Gen., IV, 16-25, t. i, p. 226-261. — 6. Des
géants, sur Gen., vi, 1-4, t. î, p. 272-299. — 7. De l'agri-
culture, sur Gen., ix, 20, 1. 1, p. 300-328, avec un second
livre intitulé : De la plantation de Noë, sur Gen., ix, 20,
t.i, p. 329-356. — 8. De l'ivresse, sur Gen., ix, 21, t. i,
p. 357-391. Eusèbe et saint Jérôme indiquent deux
livres ; il n'en reste qu'un, probablement le premier. —
9. De la sobriété, sur Gen., rx, 24-27, t. i, p. 392403,
intitulé dans Eusèbe et saint Jérôme : De ce qu'un esprit
sobre souhaite et maudit. — 10. De la confusion des
langues, sur Gen., xi, 1-9, t. i, p. 404435. — 11. De la
migration d'Abraham, sur Gen., xn, 1-6, t. i, p. 436-
472. — 12. De l'héritier des choses divines, sur Gen.,
xv, 2-18, t. I, p. 473-518. — 13. De l'union à contracter
pour s'instruire, sur Gen., xvi, 1-6, t. i, p. 519-545. —
14. Des exilés, sur Gen., xvi, 6-14, t. i, p. 546-577.
Saint Ambroise utilise ce traité dans son De fuga sx-
culi, t. xiv, col. 569-596. — 15. Du changement de noms,
sur Gen., xvn, 1-22, t. i, p. 578-619. — 16. Des songes,
sur Gen., xxvm, 12; xxxi, 11, et xxxvn, 40, 41, t. i,
p. 620-699. Eusèbe et saint Jérôme indiquent cinq livres
sur ce sujet; il y en aurait donc trois de perdus et
ceux qui restent sont probablement le 'troisième et le
quatrième.
III. EXPOSITION DE LA LÉGISLATION MOSAÏQUE."— 1. De
la création du monde, t. i, p. 1-42, comme base natu-
relle de toute la législation. — 2. Sur Abraham, t. n,
1-40, la vie des patriarches montrant en action la loi
non écrite. — 3. Sur Joseph, t. n, p. 41-79. Philon
avait écrit sur Isaac et Jacob des livres qui sont perdus
et auxquels il fait allusion au début du traité sur Joseph.
— 4. Du décalogue, t. n, p. 180-209. —. 5. Des lois spé-
ciales, en quatre livres comprenant plusieurs traités :
I. De la circoncision, t. il, p. 210-212 ; De la monarchie,
eh deux livres, traitant de l'unité de Dieu, t. n, p. 213-
232; Des honoraires des prêtres, t. n, p. 232-237; Des
victimes, t. n, p. 237-250; De ceux qui offrent les vic-
times, t. il, p. 251-264. — TI. Sur les troisième, qua-
trième et cinquième préceptes, t. n, p. 270-277, et
spécialement Du septennaire, t. n, p. 277-298. Le traité
Des devoirs envers les parents manque. La plus grande
partie en a été éditée par Mai, De cophini festo et de
colendis parentibus, Milan, 1818; tout le texte l'a été
par Tischendorf, Philonea, Leipzig, 1868, p. 1-83. —
III. Sur les sixième et septième préceptes, t. il, p. 299-
334. — IV. Sur les trois derniers préceptes, t. n,
p. 335-358, et De la justice, t. n, p. 358-374. — 6. Des
trois vertus, De la force, t. n, p. 375-383; De la cha-
rité, t. n, p. 383-405; De la pénitence, t. n, p. 405-
407 ; il faut y joindre le morceau Sur la"noblesse, dont
la source est la vertu, non la naissance, t. n, p. 437444.
Les vertus se rapportent au décalogue parce qu'elles
aident à en accomplir les préceptes. — 7. Des récom-
penses et des peines, t. n, p. 408428, et Des exécra-
tions, t. n, p. 429437, formant un seul traité.
ir. écrits spéciaux. — 1. Vie de Moïse, en trois
livres, t. n, p. 80-133, 134-144, 145-179. Eusèbe ne cite
pas cet écrit, mais seulement un traité Sur le taber-
nacle, qui n'en est qu'une partie. — 2. Que tout homme
de bien est libre, t. n, p. 445470. — 3. Contre Flaccus,
t. il, p. 517-544, et De l'ambassade à Caïus, t. n, p. 545-
600, deux livres qui se rapportent aux persécutions
auxquelles furent en butte les Juifs d'Alexandrie, sur-
tout sous Caligula. — 4. De la Providence, seulement
en arménien et traduit en latin par Aucher, Philonis
Judeei sermones très, Venise, 1822, p. 1-121. — 5. Sur
Alexandre et que les animaux ont une raison à eux,
également en arménien, cf. Aucher, p. 123-172. —
6. Hypothétiques, apologie des Juifs, qu'on a tout lieu
de croire identique au traité suivant. — 7. Sur les Juifs,
ou apologie des Juifs. On n'en a que des fragments dans
Eusèbe, Prœpar. evang., vm, 6, 7, t. xxi, col. 606-614.
— 8. De la vie contemplative, t. u, p. 471486. C'est
303
PHILON
304
une description de la vie des thérapeutes, qui avaient
transporté l'essénisme aux environs d'Alexandrie. Eusèbe
pensait que ces contemplatifs étaient des chrétiens, dis-
ciples de saint Marc. Saint Jérôme le croit aussi, et à
leur suite, beaucoup d'auteurs l'ont admis. Cf. Mont-
faucon, Le livre de Philon de la vie contemplative,
Paris, 1709. On fait valoir contre l'authenticité de l'ou-
vrage que Philon ne fait allusion à cette colonie de
thérapeutes dans aucun autre endroit de ses écrits, que
le persiflage du Banquet de Platon qu'on y rencontre,
De vit. contempl., 7, ne concorde guère avec l'admi-
ration professée par Philon pour le grand philosophe
grec, que l'ascétisme décrit dans cet ouvrage n'est, à
proprement parler, ni juif, ni chrétien, etc. Néanmoins,
ces raisons ne sont pas absolument convaincantes, et
l'authenticité du traité a encore, parmi les modernes,
de nombreux partisans, tels que Delaunay, dans la
Revue archéologique, t. xxn, 1870, p. 268-282; t. xxvi,
1873, p. 12-22; Renan, dans le Journal des savants,
1892, p. 83-93; Massebieau, dans la Revue de l'histoire
des religions, t. xvi, 1887, p. 170-198, 284-319; Conybeare,
Philo about the contemplative Life, Oxford, 1895 ;
Wendland, Die Therapeuten und die philonische
Schrift, dans le Jahrb. fur class. philol., 1896, p. 695-
772, etc. On remarque surtout l'analogie que présente
ce traité avec les autres écrits de Philon au point de
vue de la langue et des idées, de sorte que la thèse de
l'authenticité paraît en somme mieux établie que la
thèse contraire.
v. œuvres apocryphes. — Sont considérés comme
inauthëntiques les ouvrages suivants, ordinairement
attribués à Philon : 1. De l'incorruptibilité du monde,
t. H, p. 487-516, qui soutient la thèse de l'éternité du
monde. — 2. Du monde, t. il, p. C01-624, compilation
tirée des autres écrits de Philon. — 3. Sur Samson et
sur Jonas, seulement en arménien et en latin. — 4. In-
terprétation des noms hébreux, œuvre probablement
anonyme attribuée à Philon par Origène, au témoignage
de saint Jérôme, Lib. de nomin. hebraic., t. xxih,
col. 771, qui juge à propos de la refondre totalement et
de la compléter. — 5. Livre des antiquités bibliques,
qui raconte l'histoire biblique d'Adam à Saûl. Le texte
latin suppose un texte grec, qui lui-même suppose un
original hébreu. Cf. Massebieau, Le classement des
œuvres de Philon, dans la Bibliothèque des hautes
études, Scienc. relig., t. I, 1889, p. 1-91. — 6. Abrégé
des temps, postérieur à Philon. — En outre, sont perdus
vingt et un livres mentionnés par Philon lui-même ou
cités par des auteurs postérieurs. — La meilleure édi-
tion complète des œuvres de Philon était celle de Man-
gey, Londres, 1742, 2 in-f°; elle sera désormais rem-
placée par l'édition critique, en cours de publication,
de Cohn et Wendland, Berlin, 1896-1906, t. i-v. La
traduction latine a été faite par Sigismond jGelenius,
Bâle, 1554; une traduction française a été publiée par
Bellier, Paris, 1588, et revue par Morel, Paris, 1612.
Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit.
J. C, Leipzig, t. m, 1898, p. 487-542, qui donne toute
la bibliographie concernant Philon. On voit que l'écri-
vain juif s'occupe surtout du Pentateuque. On peut dire
que les trois quarts de son œuvre s'y rapportent. Il ne
cite d'ailleurs que fort peu les autres Livres sacrés. —
Dans la plupart de ses écrits, Philon est assez médiocre
écrivain. Sa composition est lâche, avec des longueurs
et des répétitions; les idées sont souvent confuses, for-
mulées sans clarté ou imparfaitement exposées; l'abus
des métaphores contribue à rendre la pensée plus indé-
cise. Philon n'est pas un écrivain châtié; c'est un pen-
seur assez superficiel qui se contente d'écrire comme
il parle.
III. Ses doctrines. — /. leur source. — La forma-
tion intellectuelle de Philon se montre à la fois juive et
grecque; mais c'est surtout le philosophisme grec qui
dirige sa pensée. Il connaît et cite les grands poètes,
Homère, Euripide et les autres. Platon est pour lui 1&
maître « sacré » par excellence, hpiitaioi, cf. Quod
omnis probus liber, t. n, p. 447, et saint Jérôme, De
vir. ill., 11, t. xxih, col. 629, transcrit le dicton qui
courait à ce propos parmi les Grecs : « C'est ou Platon
qui philonise ou Philon qui platonise. » Il appelle-
Philon un « Platon juif », Epist. lxx, 3, t. xxn f
col. 666. Cf. Epist. xxn, 35, col. 421. Aux yeux de Phi-
lon, Parménide, Empédocle, Zenon, Cléanthe sont des-
hommes divins. Cf. De Provid., h, 48. Il est également
pythagoricien, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., i, 15 r
72; il, 19,100, t. vin,, col. 767, 1039; Eusèbe, H. E., h,
4, 3, t. xx, col. 148. Les récentes études sur la philo-
sophie stoïcienne démontrent que Philon a emprunté
à Zenon et à son école la théorie de la nature à la fois
providence, juge, cité universelle, dont Moïse et le
grand-prêtre sont les citoyens par excellence. De sep-
temar., t. il, p. 279; De monarch., t. Il, ç. 227. Cf. Hans
von Arnim, Quellensludien zu Philo von Alexandria,
Berlin, 1880, p. 10i-140; Massebieau, Le classement,
p. 11-12. « Philon doit à sa foi juive les croyances
religieuses qui orientent sa pensée : la transcendance
divine, la nécessité d'un intermédiaire par qui Dieu
agit et se manifeste; il a reçu de Platon les spécula-
tions brillantes qui la dominent ; la théorie des idées,
l'exemplarisme , mais c'est aux stoïciens qu'il emprunte
toute la charpente qui la soutient, c'est-à-dire toute sa
théorie sur le monde, sur sa constitution intrinsèque
sur le rôle qu'y jouent la raison et la loi. » J. Lebreton ;
Les théories du Logos au début de l'ère chrétienne,
Paris, 1906, p. 70. Cependant, au-dessus de tous les
philosophes, il place Moïse, auquel tous, d'après lui,
ont emprunté ce qu'ils ont de vrai. Cette idée avait été
formulée, avant Philon, par Âristobule, 170-150 avant
J.-C, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., v, 14, 97, t. ix,
col. 145, voir Aristobule, t. i, col. 964, et même par
Hermippe Callimaque, 246-204 av. J.-C, cf. Origène,
Cont. Cels., i, 15, t. xi, col. 682. Philon la reproduit,
Vit. Mosis, t. H, p. 163, et Josèphe, Cont. Apion., I, 22
init., la reprend à son tour. Pour Philon, la Loi de
Moïse est l'expression parfaite de la sagesse divine; elle
est la seule source de toute philosophie,' c'est à cette
source qu'ont puisé tous les grands penseurs grecs. Pour
justifier ce système, Philon voit surtout dans l'Écriture
des allégories, ce qui lui permet d'y retrouver les doc-
trines les plus variées de la philosophie grecque. En
réalité, il prête à l'Écriture les idées que sa culture
grecque lui suggère. C'est le triomphe de l'hellénisme,
dont il croit faire une doctrine essentiellement mosaïque.
Juif et Grec à la fois, Philon s'imagine réaliser ainsi
l'unité de deux civilisations et de deux peuples. Pour
lui, comme bientôt après pour saint Paul, « il n'y a pas
de différence entre le Juif et le Grec. » Rom., x, 12.
Seulement l'Apôtre parle ainsi parce que le même Christ
est devenu le Seigneur de tous, tandis que Philon, qui
ignore totalement l'enseignement et l'action du Christ,
pourtant son contemporain, n'a réalisé qu'une vaine et
superficielle tentative. Les éléments si divers qu'il
combine ensemble n'arrivent à former qu'une unité
factice. Voici quelles sont ses idées principales :
u. DIEU. — Dieu est l'absolu par essence; il est éter-
nel, immuable, simple, libre, se suffisant à lui-même.
Il est le souverain bien, la souveraine beauté, la souve-
raine unité. Il est àirotoc, sans propriété particulière,
sans itoiôTYic, c'est-à-dire sans qualité positive qui le
détermine ou le limite. On peut dire qu'il est, mais
non ce qu'il est. Il n'est cependant pas une abstraction ;
il jouit d'une personnalité absolue, qui réunit en elle
toute perfection. '
m. les êtres intermédiaires. — Dieu, étant l'être
absolu et immuable, ne peut entrer en rapport avec le
monde changeant et imparfait. Il y a donc des êtres
305
PHILON
306
intermédiaires qui agissent sur ce monde sans que
Dieu ait à se commettre avec lui. Philon prend ces
êtres intermédiaires là où il les trouve; il emprunte
les « idées » à Platon, les « énergies » aux stoïciens,
les « anges » à la théologie juive et les « démons ou gé-
nies » à la mythologie grecque. Ces forces spirituelles,
identiques -malgré la diversité des noms, sont les agents
de Dieu en ce monde; c'est par elles qu'il le gouverne.
Les intermédiaires ainsi supposés sont en nombre illi-
mité; quelquefois Philon les réduit à trois, quatre ou
cinq, ou même à deux, l'énergie créatrice appelée Dieu,
et l'énergie royale appelée Seigneur. Philon leur accorde
la personnalité, mais parfois la leur refuse. Il les place
si avant dans l'essence divine qu'on a peine à les en
' distinguer; et cependant, il faut bien qu'ils en soient
distincts, pour éviter à Dieu ce contact avec le monde
que l'écrivain déclare impossible. Cf. Zeller, Die Phi-
losophie der Griechen, Leipzig, 1881, t. m, 2, p. 365.
IV. LE logos. — Pour Philon, le Logos est à la tête
de tous ces êtres. Il est l'agent par excellence de la
puissance divine. Il n'est ni incréé, comme Dieu, ni
créé comme les autres êtres. Il est parole créatrice, et
non-seulement l'organe de Dieu vis-à-vis du monde,
mais encore le médiateur entre le monde et Dieu. On
ne peut savoir cependant si, dans la pensée de Philon,
il se confond avec Dieu ou s'il constitue une personne
distincte de lui. Il est certain que les idées juives ne
permettaient pas d'admettre une seconde personnalité
divine qui eût paru inconciliable avec le dogme de
l'unité absolue de Dieu. Voir Logos, 1 IV, col. 325-327,
Le Logos exerce surtout son activité dans le monde
moral; il est l'inspirateur de tout bien, l'initiateur de
toute vie supérieure, le guide du salut, le législateur,
le grand-prêtre, l'intercesseur, l'introducteur dans la
vie éternelle. Philon a certainement connu le livre de
la Sagesse, composé au moins un demi-siècle avant
lui, dans le milieu helléniste et alexandrin où il vécut
lui-même. Cf. Sap., xni, 8, 9, et De profug., 38, t. i.
p. 577. Dans sa description du Logos, il s'en est inspiré
d'autant plus volontiers que l'auteur du livre sacré
s'inspirait lui-même de Platon. Voir Sagesse (Livre de
la). « Il est incontestable qu'il y a entre les doctrines
platoniciennes et philoniennes d'une part, et les en-
droits du livre de la Sagesse de l'autre part, un accord
frappant, affectant non seulement le fond des pensées,
mais encore l'expression. Il n'est pas possible que pa-
reille concordance soit l'effet du hasard. Nous avouons
donc volontiers que, dans sa description de la Sagesse,
l'auteur sacré a fait des emprunts au platonisme et
qu'il a, en suivant Platon, marché dans une voie à peu
près parallèle à celle où .entra plus tard l'alexandrin
Philon. » J. Corluy, La Sagesse dans l'A. T., dans le
Congrès scient, internat, des cathol., 1889, t. I, p. 81.
Aujourd'hui, on admet assez généralement le caractère
stoïcien du Logos de Philon. Cf. Zeller, Die Philoso-
phie der Griechen, p. 385; Schûrer, Geschichte, t. m,
p. 557; Bousset, Die Religion des Judentums in neu-
test. Zeitalter, Berlin, 1903, p. 346. Pour Philon, le
Logos est encore l'âme du monde, idée qu'il emprunte
à Platon. « Ce que l'âme est dans l'homme, le ciel, je
pense, l'est dans le monde... Il y a donc deux natures
indivisibles, la raison qui est en nous, et cette autre
raison divine. » Quis rer. divin, hser., 48, t. i, p. 506.
« Le Logos très ancien de Celui qui est, est entouré du
monde comme d'un vêtement... Comme il est le lien de
toutes choses, il tient ensemble et resserre toutes les
parties, ne les laissant ni se dissoudre ni se disperser. »
De profug., 20, t. i, p. 562 ; cf. De migr. Abrah., 1,
t. i, p. 436. Cf. J. Lebreton, Les théories du Logos au
début de l'ère chrétienne, p. 63-90; Hackspill, Etude
sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau
Testament, dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383.
r. le xoifDE. — Dans bon nombre de passages, Phi-
lon affirme nettement l'idée de création. Dieu a tout
tiré du néant, Leg. alleg., ni, 3, 1. 1, p. 89; il a appelé
du néant à l'être. De justit., 9. t. h, p. 367, etc. Philon
reproche aux philosophes d'avoir ignoré la création.
De opif. mund., i, 61, t. i, p. 2, 41. D'autres fois, par
une singulière inconséquence, il la nie. De plantât., 1,
t. i, p. 329; De profug., 2, t. i, p. 547. Ailleurs, De
somn., il, 6, t. i, p. 665, il suppose comme préexis-
tante une matière informe, indéterminée, sans qualité,
à laquelle Dieu donne la forme, la détermination, la
qualité et une âme. Cf. De opif. mund., 5, t. I, p. 5.
En tous cas, Dieu n'agit sur la matière que par son
Logos et les êtres intermédiaires. Ceux-ci continuent
l'œuvre première en veillant à la conservation et au
gouvernement du monde. Les astres sont des êtres
intelligents, composés d'une âme et d'un corps, mais
dont la volonté toujours droite ne pèche jamais. De opif.
mund., 24, t. i, p. 17.
vi. l'homme. — Toutes les âmes préexistent à l'union
avec le corps. Elles habitent les régions aériennes. Il
en est qui s'approchent de la terre et finissent par
s'unir à des corps mortels. Si elles le font pour se
livrer à la philosophie, elles retournent ensuite à la
demeure céleste; mais elles sont perdues si elles se
laissent absorber par le corps. De gigant., 3, t. I,
p. 263, 264. « L'homme est mortel selon le corps, et
immortel selon l'âme. » De opif. mund., 46, t. i, p. 32.
Mais Philon ne sait affirmer l'immortalité que pour les
justes. Il parle des Juifs persécutés qui « se précipitent
volontiers vers la mort, comme vers l'immortalité. »
Leg. alleg., 16, t. h, p. 562. Il ne dit rien de la sanction
réservée aux méchants, ni rien de la résurrection,
malgré ce qu'il pouvait lire à ce sujet dans les livres
de Daniel, des Machabées et de la Sagesse.
vu. la religion. — Elle consiste à connaître et à
honorer le Dieu unique. Le vrai prêtre est aussi un
prophète, illuminé de Dieu. De justit., 8, t. n, p. 367,
368. Le Juif doit exercer le prosélytisme, De victim.,
12, t. n, p. 260, 261, mais avec douceur, parce que les
idolâtres sont victimes de leur éducation et de leur
ignorance. De monarch., i, 7, t. n, p. 220. Quant
aux apostats, ils sont dignes de toutes les poursuites
et de tous les châtiments, Aux Juifs qui seraient tentés
d'innover, en matière de religion, il rappelle qu' « il
n'est pas avantageux d'ébranler les coutumes des an-
cêtres. » Adv. Flacc, 6, t. n, p. 523.
vin. la morale. — Le grand principe de la morale
philonienne est le dégagement de la matière, source de
tout mal. Comme les stoïciens, Philon impose l'obli-
gation de combattre et de contenir les passions, les
besoins et les affections sensuelles. Il se distingue
d'eux, cependant, en ce qu'ils estimaient cette lutte à la
portée des forces humaines, tandis que, pour lui, on
ne peut la mener à bien qu'avec le secours de Dieu.
Seul, Dieu peut faire croître la vertu dans l'âme, et
cette vertu consiste à tout faire en vue de Dieu. Il suit
de là que la foi en Dieu est le premier des devoirs,
tandis que l'incrédulité est le pire des crimes. La ré-
compense de la vertu sera la vue même de Dieu dans
''autre monde. Mais, dès ici-bas, on peut s'élever
jusqu'à cette vue de Dieu par l'extase. En état d'extase,
l'âme s'élève au-dessus de tous les êtres, même du Lo-
gos, et plonge dans l'essence divine elle-même. On
arrive à l'extase en se dépouillant de soi-même pour
s'abandonner passivement à l'action de Dieu. On est
alors animé, comme les cordes d'un instrument, par le
souffle d'en haut et, de fils du Logos, on devient fils de
Dieu et presque l'égal du Logos. Philon prétend avoir
atteint plusieurs fois cet état extatique. Cf. Quis rerum
divin, hseres, t. i, p. 482, 508, 511. Le règne messia-
nique, tel qu'il le conçoit, n'est guère que l'extension
de cet état d'extase à toute la nation juive. Les Juifs
pratiqueront alors de si sublimes vertus que les na-
307
PHILON
308
tions, frappées d'admiration, les renverront tous dans
leur pays, où le sol se couvrira de moissons spontanées,
pour que les saints ne soient pas détournés de leur
contemplation. Une nombreuse postérité et une longue
vie leur seront alors accordées. On reconnaît ici les
idées millénaristes familières aux coreligionnaires de
Philon. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 249-262; Drummond,
Philo Judseus or the Jewish-Alexandrian Philosophy,
Londres, 1888; Schûrer, Geschichte, t, ni, p. 542-562,
et les auteurs qu'il cite; Ed. Herriot, Philon le Juif,
Paris, 1898; J. Martin, Philon, Paris, 1907.
On voit comment Philon, qui se pique de philoso-
phie et de littérature, utilise les philosophes grecs avec
un parfait éclectisme. « 11 emprunta, sans choix, à
chaque philosophe, les théories purement physiques...
Mais comme Philon vénérait les philosophes et que son
orthodoxie n'était pas toujours assez avisée, il n'arri-
vait pas à bien discerner chez les philosophes leur
réelle doctrine. Il lisait le Timée, et c'était avec une
admiration et un respect presque aussi absolu que s'il
s'était agi de la Genèse. Donc, dans ses ouvrages, il
mêle au hasard l'enseignement de la Bible avec celui
des philosophes; il garde avec une parfaite quiétude
toute son orthodoxie; et lorsque, à propos de Dieu, de
la création et de la providence, l'enseignement des
philosophes ruinerait celui de la Bible, Philon n'aper-
çoit pas la contradiction; il n'a jamais conscience que
le Timée ne s'accorde pas avec la Genèse; il n'a jamais
songé ;à se demander si l'accord existe. Il a passé sa
vie à lire les philosophes, et on peut bien affirmer qu'il
ne les a jamais compris, et que jamais non plus le
souci de choisir dans leurs œuvres les vérités qui s'y
trouvent, et de faire servir toutes ces vérités à l'éclair-
cissement du dogme, n'a guidé son étude. » J. Martin,
Philon, p. 42, 43. « La philosophie de Philon est si
fuyante et si incertaine, que l'on hésite toujours à en
trop presser les maximes. » Lebreton, Les théories du
Logos, p. 88. A l'égard des doctrines bibliques, il prend
des libertés bien autrement répréhensibles. Ses théo-
ries sur les êtres intermédiaires et sur le Logos, sur
l'existence de la matière indépendamment de Dieu, sur
l'impossibilité où est Dieu d'agir directement sur elle,
sur sa nature essentiellement mauvaise, sur l'origine
des âmes et la formation de l'homme, sur l'extase et
l'obtention sur terre de la vue de Dieu, sont en contra-
diction formelle avec la doctrine des Livres Saints.
« Philon ne voit pas comment la doctrine enseignée dans
la Bible montre, dans des faits concrets, très différents
de vaines allégories, la toute-puissance absolue d'un
Dieu maître et père de l'homme. Il ne voit pas que l'in-
tervention de Dieu au début de l'histoire présage une
autre intervention encore : il ne voit pas le dogme de
la chute et la promesse du Rédempteur. Le messianisme
est l'aboutissement du judaïsme; le messianisme ne
tient aucune place dans la pensée de Philon. Si son
âme est restée religieuse, l'idée grecque a dissous en
lui la foi juive. » A. Dufourcq, L'avenir du christia-
nisme, Paris, 1904, p. 87. Il esta croire que la plupart
des écrits de Philon étaient composés quand Jésus-
Christ prêcha son Évangile. On ne peut donc dire si le
silence qu'il garde à son sujet provient d'un parti-pris
ou d'une inattention assez explicable de sa part. On
sait que Josèphe, écrivant un demi-siècle après lui, a
probablement gardé le même silence. Voir t. m,
col. 1516.
IV. Son exégèse. — 1° Son texte biblique. — Phi-
lon interprête la Bible exclusivement d'après la traduc-
tion des Septante. Il avait certainement la connaissance
de l'hébreu, comme le montrent ses étymologies des
noms ; celles-ci sont souvent fort arbitraires, mais Philon
ne dépasse pas sur ce point ce que se permettaient les
docteurs palestiniens. Pour lui, l'Écriture est inspirée ;
les oracles que contient le Pentateuque ont pour au-
teur, les uns Dieu lui-même immédiatement, les autres
le prophète qui est l'instrument de Dieu. Dieu d'ail-
leurs ne parlait pas lui-même; il se contentait de
former dans l'air les syllabes. Philon considère la ver-
sion des Septante comme reproduisant l'hébreu avec
une exactitude rigoureuse, au point qu'on peut regarder
les traducteurs comme de vrais prophètes. C'est lui
qui prétend que les traducteurs, comme s'ils eussent
été inspirés, rendirent tous l'hébreu par des expres-
sions identiques, bien qu'ils travaillassent séparément.
Il ajoute qu'en mémoire de ce fait, on célébrait chaque
année, dans l'île de Pharos, une fête qui attirait à la
fois les Juifs et les Grecs, Cf. Vit. Mosis, n, 5-7, t. n,
p. 139-140. Cependant, il n'indique pas le nombre des
traducteurs, et laisse entendre que ces derniers n'ont
travaillé que sur le Pentateuque. On comprend que,
dans ces conditions, il ne fasse pas de différence, au
point de vue de l'inspiration, entre le texte de la ver-
sion grecque et le texte hébreu. Il y a lieu toutefois de
se demander comment il a pu, s'il savait l'hébreu,
affirmer une exactitude de traduction qui n'existe pas.
Sur le texte des Septante dont se sert Philon, cf. Schû-
rer, Geschichte, t. m, p. 489. — 2° Son allégorisme.
— Philon avait eu des devanciers dans l'emploi de la
méthode allégorique. Plus de quatre siècles avant lui,
les philosophes grecs avaient commencé à réduire leurs
mythes religieux à de simples allégories, afin d'en
pouvoir fournir une explication plus rationnelle et
d'empêcher le peuple de se prévaloir des exemples
scandaleux des dieux. Théogène de Rhegium, Heraclite,
Métrodore de Lampsaque s'appliquèrent à donner aux
légendes de la mythologie grecque des interprétations
physico-allégoriques. Cf. Tatien, Orat., 27, t. vi,
col. 864. Les stoïciens Zenon, Cléanthe, Chrysippe,
adoptèrent les mêmes procédés d'interprétation, cf.
Cicéron, De nat. deor., ni, 24, malgré les protestations
de Platon et d'Isocrate. Cf. Dôllinger, Paganisme et
judaïsme, t. n, p. 48-50, 141, "142; Decharme, La cri-
tique des traditions religieuses chez les Grecs, Paris,
1904, p. 270-355. A Alexandrie même, la mythologie
égyptienne avait été l'objet de semblables interpréta-
tions de la part des philosophes grecs. On voit, au dé-
but du traité de Plutarque sur Isis et Osiris, comment
chaque école prétendait retrouver dans les légendes
égyptiennes ses principes et sa doctrine. Les Juifs eux-
mêmes y voyaient quelque chose de leurs croyances et
de leur histoire. Cf. De 1s. et Osir., 3i. L'idée d'imiter
ce procédé d'interprétation devait venir naturellement
aux Juifs hellénistes, désireux de faire accepter par le
monde grec les récits merveilleux de la Bible. Sans
nier la valeur historique de ces récits, qu'on ne pou-
vait assimiler aux mythes grecs, ils s'efforcèrent de
les interpréter comme des allégories scientifiques ou
morales. Ainsi Aristobule allégorisa, à l'usage de
Ptolémée VI, les anthropomorphismes du Penta-
teuque, et Aristée faisait remonter à Moïse lui-
même les principes de l'allégorisme. Cf. Eusèbe,
Preepar. evang., vm, 9, t. xxi, col. 636. Voir Aristo-
bule, 1, t. r, col. 964; Alexandrie (École exégétique
d'), t. i, col. 360. Les thérapeutes étaient des allégo-
ristes. « Ils interprètent la loi mosaïque allégorique-
ment, persuadés que les mots de cette loi ne sont que
les signes et les symboles de vérités cachées. De plus,
ils possèdent des écrits d'anciens sages, fondateurs de
leur secle, qui leur ont laissé beaucoup de monuments
de la sagesse allégorique dont ils font leurs modèles...
La loi entière leur apparaît comme un être organique,
qui aurait pour corps le sens littéral, et pour âme le
sens caché ». Philon, De vit. contempl., 3, t. n, p. 475,
476. Cf. Karppe, Étude sur les origines et la nature de
Zohar, Paris, 1901, p. 15-17. Les Juifs palestiniens culti-
vaient eux-mêmes le genre allégorique dans leurs Mi-
309
PHILON
310
draschim. Voir Midbasch, t. iv, col. 1079, 1080. Philon,
avec son estime pour les philosophes grecs et son désir
de faire accepter les écrits bibliques comme les trésors
de la parfaite sagesse, ne pouvait manquer de faire ap-
pel à toutes les ressources de l'allégorisme et de trans-
porter ainsi dans le domaine de l'hellénisme une mé-
thode déjà en faveur auprès des rédacteurs delà Hagada
palestinienne. Cf. Frankel, Ueber den Einfluss der pa-
làsliniscken Exégèse auf die alexandrinische Herme-
neutik, 1851, p. 190-200. Il n'était donc pas le premier
à se servir de l'allégorisme pour expliquer les Livres
Saints; mais il faut reconnaître qu'avant lui personne,
dans le monde juif, n'avait encore employé cette mé-
thode d'une manière aussi étendue et aussi systéma-
tique. Cf. R. Simon, Hist, crit. du Vieux Testament,
Rotterdam. 1685, p. 92, 97, 98, 371, 373. - Toutefois,
Philon ne néglige pas le sens littéral du texte sacré;
mais il le traite comme secondaire et uniquement des-
tiné à ceux qui ne sont pas capables de s'élever à une
sagesse supérieure. C'est un corps dont le sens allégo-
rique est l'âme, et l'intérêt de l'âme demande qu'on
prenne soin du corps. 11 dit, en s'inspirant des idées
qu'il a prêtées aux thérapeutes : « Quelques-uns, bien
assurés que le texte des lois symbolise des réalités in-
telligibles, s'appliquent avec grand soin à ces réalités
et ne font plus aucun cas de la lettre. Je blâme leur
parti-pris; il fallait, en effet, avoir souci de l'un et de
l'autre, rechercher avec grand zèle [les choses invisi-
bles, et conserver comme un précieux trésor l'élément
visible... Il faut assimiler la lettre au corps, et le sens
mystique à l'âme. De même donc que l'on doit veiller
sur le corps, parce qu'il est la demeure de l'âme, ainsi
l'on doit tenir compte de la lettre. » De migr. Abrah.,
16, t. i, p. 450451. « La lettre des Saintes Écritures
ressemble à l'ombre des corps, les sens mystérieux dé-
gagés des Écritures sont la vraie réalité. » De confus,
ling., 38, t. i, p. 434. Cf. Col., h, 17; Heb., x, 1. Phi-
lon tient surtout à écarter du texte sacré les concep-
tions anthropomorphiques. Il dit à leur sujet : « Pour
ce qui est de la propre interprétation, l'esprit le plus
lent ne manquera pas de concevoir qu'ici, il faut saisir,
en dehors de la lettre, une autre chose. » De somn.,
16, t. i, p. 635, 636. La lettre ainsi reléguée à Parrière-
plan, Philon allégorise en toute liberté. Il se refuse à
entendre littéralement les six jours de la création, Leg.
alleg., i, 2, t. i, p. 44; le récit de la formation d'Eve,
Leg. alleg., n, 7, t. i, p. 70; le paradis terrestre, De
mund. opif., 54, t. i, p. 37; la tentation d'Eve, De
mund. opif., 56, t. i, p. 38, etc. Abraham reçoit l'ordre
de sortir de son pays, de sa parenté, de la maison de
son père. Gen., xn, 1-3. Dieu indique par là ce qu'il faut
faire pour purifier l'âme : l'éloigner du corps, de la
sensibilité et de la conversation. De migr. Abrah., 1,
t. i, p. 436. Le traité De congressu explique le texte
où il est dit que Sara envoya Abraham à sa servante
pour en avoir des enfants. Gen., xvi, 1-6. Sur ce thèmev
Philon explique que, désirant épouser la philosophie, il
commença par entrer successivement en rapport avec
trois servantes de celle-ci, la grammaire, la géométrie
et la musique, et qu'il en apporta les fruits à l'épouse
légitime. De congress., 14, t. i, p. 530. Certaines lois
même ne peuvent se prendre dans le sens littéral, par
exemple, celle qui exempte les fiancés du service mili-
taire. Deut., xx, 5. Cette loi signifie simplement que
ceux qui n'ont pas fait grand progrès dans la vertu ne
doivent pas s'exposer à la tentation. De agricult., t. i,
p. 322. Ces exemples montrent comment Philon traite
les récits bibliques. Les personnages ont aussi leur si-
gnification allégorique. Adam est l'homme inférieur,
Caïn Pégoïsme, Noé la justice, Sara la vertu féminine,
Rébecca la sagesse, Abraham la vertu acquise par la
science, Isaac la vertu produite par la nature, Jacob la
vertu qui résulte de la pratique et de la méditation, etc.
L'Egypte symbolise le corps, Chanaan la piété, la
tourterelle la sagesse divine, la colombe la sagesse hu-
maine, etc. En un mot, tout dans la Bible, hommes,
choses, événements, devient sujet d'allégorie et même
n'est mentionné que dans ce but. Sans doute, il y a
des allégories dans la Sainte Écriture. Voir Allégorie,
t. I, col. 368. Mais encore faut-il qu'il existe un rap-
port naturel et justifiable entre le sens littéral et le
sens allégorique ou mystique. Voir Mystique (Sens),
t. jv, col. 1371-1374. Philon ne doutait pas de la valeur
objective de ses interprétations; il s'imaginait que,
dans l'extase, c'était Dieu même qui l'inspirait. « J'ai
appris plus d'une fois une merveilleuse doctrine;
c'était mon âme qui me l'enseignait. Il lui arriva en
effet d'être soulevée par Dieu et de prophétiser cela
même qu'elle ne savait pas. » De cherub.,9,t. I,p.l43.
Cf. De migr. Abrah., 7, t. i, p. 441. Son système n'en
est pas moins, dans son application, subjectif et arbi-
traire. Il a porté au delà des limites permises l'exagéra-
tion d'un principe vrai. Aussi, bien qu'elle soit presque
complètement exégétique, son œuvre n'apporte-t-elle
qu'une contribution insignifiante à l'intelligence des
Livres Saints. Cf. Cornely, Introd. in U. T. libros sa-
cros, Paris, t. i, 1885, p. 598-599.
' V. Son influence. — 1» Nouveau Testament. — On a
signalé un certain nombre de resemblances de pensée
ou d'expression entre Matth., ni, 10; vu, 18, 19, et De
agricult., 2, 3, t. i, p. 301; Mattb., vu, 13,14, et Leg.
alleg., n, 24, t. i, p. 84; Matth., xxm, 23-28, et De
ckerub., 27, 28, t. i, p. 155, 156; Joa., v, 3, et De vi-
ctirn., 8, t. n, p. 257; Rom., i, 25, et De sacrif. Abel,
20, t. i, p. 177; I Cor., xv, 47-49, et Leg. allegor., i, 29,
t. 1, p. 62; II Cor., v, 6, et De agricult., 29, t. i, p. 310,
etc. Dans l'Épltre aux Colossiens, les rapprochements
possibles seraient au nombre de plus de vingt-cinq.
Ces analogies prouvent seulement que la terminologie
et les idées de l'école d'Alexandrie étaient assez répan-
dues au temps des Apôtres pour que ceux-ci pussent
y faire des allusions plus ou moins formelles. Dans
l'Épître aux Hébreux, les ressemblances sont d'un
autre ordre. Elles portent sur les points suivants :
1. Caractère et mission du grand-prêtre, Heb., v, 1,2,
et De monarch., n, 12, t.'ii, p. 230; De prœm., 9, t. n,
p. 417. — 2. Le vrai grand-prêtre est le Logos, Heb., v,
5-10; vu, 25, et De profug., 20, 1. 1, p. 562; De leg. spec,
m, 24, t. n, p. 322; De somn., I, 37, t. i, p. 653; Vit.
Mos., m, 14. — 3. Le Temple et la liturgie, Heb., IX, x,
et De somn., i, 37, t. i, p. 653; Vit. Mos., m, 1-18;
Légat, ad Caj., 39, t. n, 591. — 4. Difficulté du pardon,
Heb., vi, 4-6, et De prœm., i, t. ir, p. 409. — 5. Le
serment de Dieu, Heb., vi, 13, et Leg. alleg., m, 72,
t. i, p. 127; De sacrif. Abel, 28, t. i, p. 181. — 6. Le
pontife Melchisédech, Heb., vu, 1, et Leg. alleg., m,
25, t. i, p. 102, 103, etc. D'autres ressemblances sont
purement verbales, Heb., iv, 12, et Quis rer. divin,
hœres, 48, 1. 1, p. 506 ; Heb., m, 5, et Leg. alleg., m, 81, 1. 1,
p. 132; Heb., v, 8, et De agricult., 23, t. i, p. 315, etc.
Rien n'autorise à supposer un document antérieur
auquel les deux auteurs auraient puisé chacun de leur
côté. Plusieurs savants en concluent que le rédacteur
de VÉpitre aux Hébreux connaissait plusieurs traités
de Philon. Quoi qu'il en soit, il ne dépend de lui en au-
cune manière pour le fond même des idées. Pour éviter
toute confusion entre sa doctrine et celle de Philon, il
s'abstient même d'employer le nom de Logos et fait du
Christ le Fils même de Dieu. Voir Hébreux (Épitre
aux), t. ni, col. 543, 544. Cf. Petau, De incarn. Verbi,
XII, xi, 1, 2; Siegfried, Philo von Alexandria ah Au$-
leger des Alten Testaments, Iéna, 1875, p. 321-330. Il
faut de plus observer que la plupart des ressemblances
entre les écrits de Philon et des Epîtres de saint Paul
s'expliquent par le livre de la Sagesse et parce que ces
idées étaient devenues courantes dans les milieux juifs.
311
PHILON
PHILOSOPHIE
312
2° Exégètes postérieurs. — Le système allégorique de
Philon inspira ceux qui après lui étudièrent ou ensei-
gnèrent dans l'école d'Alexandrie. 11 est presque exact
de dire qu'il « avait absorbé, comme un immense réser-
voir, tous les petits ruisseaux de l'exégèse biblique à
Alexandrie, pour déverser ensuite ses eaux dans les ri-
vières et les canaux à mille bras de l'interprétation
juive et chrétienne des Saintes Ecritures. » Siegfried,'
Philo von Alexandria, p. 27, Il eut à Alexandrie même
d'illustres imitateurs, Clément d'Alexandrie, qui admet-
tait la création instantanée et tendait à introduire
l'allégorie dans l'explication du paradis terrestre,
Strom., V, 11; vi, 16, t. ix, col. 109, 370, 376; voir
Clément d'Alexandrie, t. n, col. 803; Origène qui,
comme Philon, distinguait dans l'Ecriture un corps et
une âme, Periarchon, iv, 11, t. xi, col. 365; In Levit.,
homil. v, 5, t. xu, col. 456, excluait l'anthropomorphisme
et appliquait avec grande hardiesse le système de l'in-
terprétation allégorique; voir Origène, t. iv, col. 1874-
1878; saint Athanase, Orat. u cont. Arian., 49, 60,
t. xxvi, col. 249, 276, et saint Cyrille, Glaphyr. in Gen.,
1, t. lxix, col. 13, 16, qui, en beaucoup de points,
suivent la tradition alexandrine. Voir Athanase (Saint),
t. i, col. 1209; Cyrille d'Alexandrie (Saint), t. n,
col. 1185. A la même tradition se rattache, au vn e siècle,
Anastase le Sinaïtique, In Hexaemer., 7, t. lxxxix,
col. 961,968, qui blâme cependant l'abus du sens allé-
gorique chez Origène, et dit que Philon, Papias, Iré-
née, Justin, Pantène, Clément et les deux Grégoire de
Cappadoce entendaient dans un sens mystique les six
jours et le paradis terrestre. Voir Alexandrie (École
exégÉtique d'), 1. 1, col. 358. La réaction contre Pallégo-
gisme se produisit à Antioche de Syrie. Voir Antioche
(École exégétique d'), t. i, col. 683. Cf. Vigouroux, La
cosmogonie mosaïque, Paris, 1882, p. 20-57. — L'idée
de Philon sur la dépendance des philosophes grecs par
rapport à Moïse est adoptée par saint Justin, Apol., i,
59 ; Dial. cum Tryph., 1 , K. s\, col. 416, 491, par Tatien,
Orat., 36-41, t. vi, col. 880-888, Clément d'Alexandrie,
Strom., i, 21, t. vm, col. 819; v, 3, t. ix, col. 31, Théo-
doret, Grsec. Affect., H, t. lxxx, col. 810, et presque
tous les Pères des cinq premiers siècles. Cependant
Origène, Cont. Cels., i, 16; vu, 27,t. xi, col. 687, 1459,
et saint Augustin, De civ.Dei, xvm, 27, t. xli, col. 583.
sont moins affirmatifs. — Eusèbe et saint Jérôme con-
sidèrent Philon comme un écrivain important et lui
consacrent une notice. Deux autres Pères lui emprun-
tent fréquemment ses pensées, Clément d'Alexandrie,
cf. la préface de Potter, Oxford, 1715, reproduite dans
Migne, t. vm, et saint Ambroise, dans ceux de ses
livres où il traite les mêmes sujets que Philon, In
Hexaemer., De paradis-, De Gain et Abel, De Noe et
arca, De Abrah., De fug. ssec, De Jacob. Cf. Siegfried,
Philo von Alexandria, p. 371-391. — En appliquant à
leurs explications des textes sacrés l'allégorisme philo-
nien, les Pères alexandrins, même Origène, n'avaient
pas dépassé certaines limites, imposées par la nécessité
de sauvegarder le sens littéral de la Sainte Écriture.
L'opposition que rencontra de bonne heure l'exégèse
allégorique empêcha d'ailleurs leur méthode de faire loi
dans l'Église. Il n'en fut pas de même pour l'exégèse
juive. Obligée de se dérober à l'explication littérale
d'un bon nombre de passages bibliques, elle recourut
de plus en plus à l'allégorisme pour se tirer d'embarras.
A l'allégorie des choses, elle ajouta celle des mots, des
chiffres, des lettres elles-mêmes, pour aboutir à la kab-
bale. Philon, sans doute, n'y fut pour rien; le Talmud
même l'ignore absolument. Néanmoins « il existe entre
la kabbale et le nouveau platonisme d'Alexandrie de
telles ressemblances, qu'il est impossible de les expli-
quer autrement que par une origine commune. »
A. Franck, La kabbale ou la philosophie religieuse
des Juifs, Paris, 1889, p. 213. Partis des mêmes prin-
cipes, obéissant aux mêmes besoins, Philon et les kab-
balistes aboutirent aux mêmes résultats, et rien ne
ressemble mieux à l'œuvre du premier que le Zohar,
qui renchérit encore sur l'allégorisme de l'écrivain
d'Alexandrie. Cf. Sepher ha-Zohar, édit. Lafuma-Giraud,
Paris, 1906.
VI. Bibliographie. — Fabricius, Dissertatio de Pla-
tonismo Philonis, in-4°, Leipzig, 1693; Stahl, dans
YAllgemeine Bibliothek der Biblischen Literatur
d'Eichhorn, t. iv, fasc. v, p. 770-890; Plank, Commen-
tatio de principiis et causis interpretationis Philo-
nianiB allegoricse, 1807; Grossmann, Qumstiones phi-
lonianse, part, i, De théologies. Philonis fontibus et
auctoritate, 1829; Gfrôrer, Philo und die alexandri-
nische Theosophie, 2 in-8°, Stuttgart, 1831-1835; Dàhne,
Geschichtliche Darstellung der jùdisch-alexandrini-
schen Religionsphilosophie, 2 in-8°, 1834; Creuzer,
Kritik der Schriften des Juden Philo, dans les
Theologische Studien und Kritiken, 1832 ; Kirchbaum,
Der jûdische Alexandrinismus, Leipzig, 1841 ; Bûcher,
Philonische Studien, 1848; M. Wolf, Die Philonische
Philosophie, Leipzig, 1849; 2" édit., Gothenbourg, 1858;
J. Biet, Essai historique et critique sur l'école juive
d'Alexandrie, in-8°, Paris, 1854; F. Delaunay, Philon
d'Alexandrie, m-8 , Paris, 1867; C. Siegfried, Philo
von Alexandria als Ausleger des Alten Testaments,
in-8», Iéna, 1875; Ed. Ryle, Philo and Holy Scrip-
ture, in-16, Londres, 1895 ; Ed. Herriot, Philon le Juif,
in-8», Paris, 1898; J. Martin, Philon,' Paris, 1907.
H. Lesêtre.
PHILOSOPHIE (grec : tpiXocrocpCa; Vulgate : philoso-
phia), ensemble d'idées fondamentales et rationnelles
sur Dieu, l'homme, le monde et leurs relations.
I. Philosophie hébraïque — 1° Les Hébreux avaient
reçu de leurs ancêtres chaldéens un certain nombre de
notions théoriques et pratiques sur les êtres qui font
l'objet des connaissances fondamentales de l'esprit hu-
main. Ces notions, conservées et approfondies par le
bon sens des générations successives, avaient cependant
subi l'influence des croyances religieuses, issues elles-
mêmes des traditions primitives, mais défigurées et
matérialisées par le long travail de l'erreur et des pas-
sions. Les révélations faites à Abraham et aux patri-
arches et surtout la législation donnée par Dieu " à
Moïse remirent toutes choses au point pour les Hébreux.
Dès lors furent fixés pour eux les grands principes
méconnus ou à peine soupçonnés par les penseurs
privés des lumières de la révélation : existence, unité,
spiritualité, puissance créatrice et providence de Dieu,
contingence et infériorité du monde et de tous les
êtres qui le composent, double nature corporelle et
spirituelle de l'homme, sa liberté et «sa responsabilité.
C'est donc de la révélation que procédait la philosophie
hébraïque, c'est sur elle qu'elle s'appuyait, c'est par
elle qu'elle corrigeait ses écarts, quand les tendances
naturelles des Israélites les poussaient au polythéisme ou
au matérialisme. A cet égard, il était juste de dire :
« La crainte de Jéhovah (c'est-à-dire la religion) est
le commencement de la sagesse. » Prov., i, 7. Celui-là
était sage et savant, il s'élevait même à un niveau très
supérieur à celui des philosophes de l'antiquité, parce
qu'il connaissait Dieu, l'homme et le monde par les
inspirations de sa foi. Pour les sages hébreux, « la divi-
nité n'est pas le résultat d'une suite de syllogismes; il
n'existe dans leurs livres aucune trace de ces spécula-
tions métaphysiques que nous trouvons chez les Hindous
et chez les Grecs: il n'y a chez eux ni théologie savante,
ni philosophie dans le sens que nous attachons à ce
mot, et, pour faire connaître Dieu, ils s'adressent au
cœur de l'homme, à son sentiment moral, à son ima-
gination. L'Hébreu croyait au Dieu créateur qui s'était
révélé à ses pères et dont l'existence est au-dessus du
raisonnement des hommes. La morale des Hébreux est
313
PHILOSOPHIE
314
celle de la conviction, du sentiment intime d'un Dieu
juste et bon ; les maximes de leurs sages et de leurs
prophètes ont jailli d'une source divine, elles se sont
manifestées tout à coup par un sublime élan et ne sont
pas les résultats d'une froide réflexion et d'un orgueil-
leux stoïcisme. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 418.
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de philoso-
phie hébraïque; les Hébreux reçoivent de la révélation
leurs idées toutes faites; tout au plus en tirent-ils les
conséquences immédiates ; l'observation leur est fami-
lière, comme à tous les Orientaux, mais la spéculation
leur demeure à peu près étrangère. Leur sagesse a un
caractère positif et traditionnel; ils reçoivent la vérité
de leurs prophètes et de leurs sages ; ils l'admettent ou
la repoussent pratiquement, suivant les dispositions du
moment; ils ne songent guère à justifier par le raison-
nement déductif leurs conclusions vraies ou fausses.
— 2° Bien que renseignés authentiquement par la révé-
lation sur les thèses capitales de la vraie philosophie,
les Hébreux ne laissent pas de garder, sur les points
secondaires, les théories qui sont celles de leur temps
et de leur milieu, ou qui même leur sont particulières.
La révélation respecte chez eux ces manières impar-
faites de penser, pour autant qu'elles ne sont pas en
contradiction avec les données essentielles de leur foi.
Ainsi la nature spirituelle et transcendante de Dieu est
affirmée avec la plus parfaite netteté. Néanmoins, les
Hébreux tiennent à concevoir Dieu d'une certaine
manière; de là les anthropomorphismes si fréquents
dans la Bible, surtout dans les anciens livres. Voir An-
thropomorphismes, t. i, col. 662. Dieu a interdit toute
représentation de la divinité et personne ne l'a vu,
même parmi les plus privilégiés. Exod., m, 6; xxiv, 10,
11; xxxiii, 18-23; Joa., î, 18. Néanmoins les Israélites
s'imaginent qu'un veau d'or peut être une image de
Jéhovah, Exod., xxxn, 1, 4; III Reg., xn, 28, et les
prophètes sont obligés de leur rappeler que Dieu ne se
nourrit pas de la chair de leurs sacrifices. Ps. L (xltx),
12, 13. Ces tendances grossières ne se corrigent com-
plètement qu'après le retour de la captivité, et les con-
quérants romains conduits par Pompée sont singu-
lièrement étonnés, avec leurs idées polythéistes, de
constater dans le temple de Jérusalem, nulla intus
deûm effigie, vacaani sedeni et inanià arcana, « aucune
image de divinités à l'intérieur, un sanctuaire vide etde
vains mystères. » Tacite, Hist., v, 9. Voir Elohim, t. il,
col. 1701; Jéhovah, t. m, col. 1235. Cf. de Broglie,
L'idée de Dieu dans l'Ancien Testament, Paris, 1892,
p. 45-194. — 3° Les notions nécessaires sur la nature,
la destinée et les devoirs de l'homme sont également
fournies aux Hébreux par la révélation. Voir Adam,
t. i, col. 171; Ame, col. 453; Morale, t. rv, col. 1260.
Mais comme celle-ci n'a pas à intervenir dans la
manière dont on conçoit le fonctionnement de l'être
intelligent, la psychologie des Hébreux est purement
humaine et spécialement sémitique. Ils comprennent
les opérations de l'âme et ses rapports avec le corps
•comme on pouvait le faire de leur temps et dans leur
milieu, prêtant au souffle, au sang, au cœur, aux reins,
aux entrailles, aux os, une action dans la vie de
l'âme, dans ses pensées, ses volontés et ses sentiments.
Cf. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie,
Leipzig, 1861, p. 149-285. Les termes qu'ils emploient
reflètent ces conceptions. La substance spirituelle et
pensante prend chez eux le nom de ruâh, « soufflé »,
nvEÛ[x.a, spiritus. Le corps est appelé bâ&âr, « chair »,
<ràpÇ, caro, le mot râpa, corpus, étant plus habituel-
lement réservé pour désigner le cadavre. Matth., xiv,
12; xix, 5; xxvn, 58; Marc, x, 8; xv, 43; Luc, xvn,
37; xxm, 52, 55'; Joa., xix, 31, 38, 40; Act., ix, 40, etc.
Le néfeir hébreu, •Ivx'hi anima, est le nom du com-
posé humain et par conséquent de la vie. Matth., h,
20; vi, 25; x, 39; Marc, m, 4; x, 45; Luc, vi, 9; xn,
20, 23; Joa., x, 11; xn, 25; Act., xx, 24; Rom., xvi,
4, etc. Il remplace même le pronom personnel pour
désigner la personne elle-même. Matth., vi, 25; xxvi,
38; Luc, i, 46, 47; Act., n, 43, etc. La sensibilité y a
parfois son siège. Matth., xi, 29; xxvi, 38; Marc, xiv,
34; Luc, il, 35; xii, 19, 20; Apoc, xvm, li, etc. Les
termes abstraits pour désigner la sensibilité et les sens
n'existent pas. Des verbes servent à indiquer les opé-
rations de ces derniers, sans qu'on se soucie toujours
d'établir un rapport logique entre l'idée et l'expression.
Ainsi on . « voit >: la chaleur, Is., xliv, 16, le bruit,
Marc, v, 38, la vie, Joa., m, 36, la corruption, Luc, n,
26; Joa., vin, 51; Act., n, 27, au lieu de les « sentir »;
on « goûte » la mort, Matth., xxvi, 28 ; Joa., vin, 52, etc.,
au lieu de la « souffrir ». Rien ne marque explicitement
la distinction entre la sensation et le sentiment. Les
nuances manquent pour l'expression des sentiments
intermédiaires; pour dire « aimer moins », on est
obligé d'avoir recours au verbe « haïr ». Luc, xiv, 26.
Les passions ne sont pas distinguées des désirs. L'in-
telligence est habituellement nommée lêb, « cœur »,
xapSc'a, cor. Voir Cœur, t. n, col. 823. La raison, la
conscience' n'ont pas de nom spécial; la loi est écrite
dans le cœur, Rom., n, 15, et non dans la conscience.
L'imagination n'est pas mentionnée; l'intention ne se
distingue pas du cœur où elle se forme. Le nom abs- 1
trait de la vertu se rencontre à peine. Cf. Vigouroux,
Le Nouveau Testament et les découv. archéol. mod.,
Paris, 1896, p. 61-76. Cette psychologie était donc assez
rudimentaire et ne comportait pas une analyse très
profonde des facultés de l'âme et de leur exercice. —
Pareillement, les Hébreux ne se font qu'une idée
imparfaite de la nature de l'âme, de sa distinction
d'avec le corps et des conditions de sa vie séparée. De
là peut-être leur embarras pour concevoir clairement sa
survivance après la mort, quand le corps lui-même
n'était plus là pour la servir et tombait en dissolution.
Voir Schéol. Ainsi s'explique en partie leur lenteur à
dégager complètement la notion de son immortalité,
comme aussi à trouver la solution du problème de
l'épreuve des bons et de la prospérité des méchants sur
la terre. Voir Mal, t. iv, col. 601-604. Les révélations
et les bienfaits divins dont ils ont été l'objet, les pré-
cautions qui ont été prises. pour les isoler des autres
peuples, les persécutions et la haine dont ils finissent
par devenir les victimes, enfin les prophéties qu'ils
entendent dans un sens temporel et exclusivement
favorable à leur nation, deviennent pour les Israélites
le prétexte à une appréciation très exagérée de leur su-
périorité par rapport aux autres hommes. Ils oublient
que, s'ils ont été les premiers bénéficiaires de la révéla-
tion, c'est afin de la conserver et de la transmettre au
reste de l'humanité, et non de la monopoliser comme
un bien qui leur est dû. Il y a là une méconnaissance
de l'égalité originelle des hommes et de l'indépendance
de Dieu dans la répartition de ses dons, que saint Paul
est obligé de redresser. Rom., n, 1-ni, 20. — 4° La révé-
lation ne faisait connaître aux Hébreux que deux idées
fondamentales au sujet du monde : la création de toutes
choses par Dieu et l'action de sa providence sur tous
les êtres créés. A elles seules, ces deux idées font
dé la cosmogonie mosaïque une œuvre philosophique
qui n'a été dépassée par aucun système. Voir Cosmo-
gonie mosaïque, t. n, col. 1034. Quant aux explications
de détail, les Hébreux sont restés tributaires de la
science de leur époque, science des apparences au-
dessus de laquelle ils n'ont eu ni le désir ni le moyen
de s'élever. Seulement leurs idées religieuses, se com-
binant avec leur connaissance fort restreinte des lois
de la nature, les ont portés à supposer très fréquem-
ment une action directe de Dieu là où nous ne voyons
que le jeu normal des forces créées et réglées par lui.
II. La philosophie des auteurs sacrés. — 1° Moïse
315
PHILOSOPHIE
31&
et les prophètes sont des philosophes en ce sens que
leurs écrits enseignent la vraie sagesse, beaucoup moins
par le côté théorique que par le côté pratique. Ils règlent
les rapports de l'homme avec Dieu et avec ses sem-
blables : vis-à-vis de Dieu, respect, obéissance, amour,
culte conforme à la loi, mais sincère et exempt de for-
malisme; vis-à-vis du prochain, justice sous toutes ses
formes et bienveillance. Il n'y a pas de meilleure phi-
losophie que celle qui conduit à de pareilles conclu-
sions et aide à en faire des règles pratiques et obéies.
— 2° D'autres écrivains sacrés ont traité plus directe-
ment et plus exclusivement les questions philosophiques,
telles que les concevaient les Hébreux. Ce sont d'abord
certains Psalmistes, qui se sont occupés des questions
de morale. Ps. (Vulgate) 1, xxxvi, lxxii, cxi, cxxxvm,
Cxliv, etc. Le livre de Job est le type d'une large dis-
cussion philosophique. Le problème posé est celui de
la relation de cause à effet qu'il faut supposer entre le
mal moral et le mal physique. Plusieurs interlocuteurs
défendent des solutions diverses en faisant appel tantôt
au raisonnement, tantôt et beaucoup plus fréquemment,
à l'expérience. La discussion n'est pas menée avec une
logique serrée, comparable à celle des dialogues de
Platon. Elle se poursuit cependant majestueuse, vivante,
incisive, avec une allure tout orientale, pour aboutir à
une double solution : une solution de principe, la sou-
mission à la toute-puissante et insondable volonté de
Dieu, et une solution de fait, le retour du juste à la
prospérité après son épreuve momentanée. Voir Job
(Livre de), t. m, col. 1570-1576. L'Ecclésiaste est une
sorte de traité de la béatitude, consistant sur la terre à
servir Dieu tout en jouissant avec modération des biens
qu'il accorde à l'homme. Le raisonnement y tient peu
de place ; l'auteur procède surtout par aphorismes qui
s'inspirent du bon sens et par des appels à sa propre
expérience et à celle des autres. Voir Ecclésiaste (Le
livre de l'), t. Il, col. 1584. Le livre des Proverbes est
par excellence le livre de la sagesse hébraïque. Il con-
tient l'éloge de la sagesse, dont il cherche l'origine en
Dieu même, et traite des devoirs de la vie morale, de
la vie domestique et de la vie civile. C'est un De officiis,
mais composé suivant la méthode orientale. On n'y voit
ni. déductions logiques, ni développements suivis, mais
seulement de brèves sentences, des observations, des
conseils, des tableaux de mœurs, le tout tendant à
rendre la vie vertueuse et en même temps aussi suppor-
table que possible, pour soi et pour les autres. Les
plus hautes leçons de morale s'y mêlent aux préceptes
les plus élémentaires de la prudence et de la civilité. Le
même genre de philosophie pratique se retrouve dans
le livre de l'Ecclésiastique. Seulement le groupement
logique des pensées y est beaucoup plus sensible. D'après
le fils de Sirach, la vraie sagesse vient toujours de Dieu
et se manifeste surtout par l'accomplissement des devoirs
envers lui. Mais elle préside également à tons les actes
et à toutes lès relations des hommes, afin de rendre la
vie bonne et heureuse ici-bas. Voir Ecclésiastique (Le
livre de l'), t. il, col. 1551-1553. La morale de ces livres
est inférieure à celle de l'Évangile; mais, en général,
elle s'élève fort au dessus de la morale des sages du
paganisme. — L'un des traités de la Mischna, Pirke
Aboth, « sentence des pères, » contient, en cinq cha-
pitres, une collection analogue de conseils pratiques,
parmi lesquels plusieurs insistent sur la nécessité d'étu-
dier la loi. Ce recueil est d'une date postérieure à l'ère
chrétienne (70-170), mais se réfère parfois à des autori-
tés plus anciennes. Sa philosophie ne dépasse pas celle
des livres précédents, si tant est qu'elle l'égale.
III. Influence de la philosophie grecque. — 1» Elle
se fait sentir dans un des livres de l'Ancien Testament,
la Sagesse, œuvre dont l'auteur appartenait à la com-
munauté judéo-hellénique d'Alexandrie. Il est naturel
que Ce livre inspiré reflète les manières de penser des
Juifs hellénistes, tout en restant conforme à la doctrine
révélée. On sait que les Juifs de la Palestine voyaient
de fort mauvais œil cette sorte de décentralisation de I»
pensée hébraïque et cette intrusion de la culture grecque,
justement suspecte à bien des égards. Josèphe, Ant.
jud., XX, xi, 2, se fait l'interprète de cette antipathie :
« On n'estime pas chez nous, dit-il, ceux qui apprennent
à parler la langue de beaucoup de nations et qui
recherchent dans leurs discours l'élégance et les orne-
ments du langage, parce qu'on regarde cette recherche
comme à la portée des esclaves aussi bien que des
hommes libres. On ne tient pour sages que ceux qui
ont acquis la science des lois et savent interpréter avec
compétence la valeur des choses et des paroles dans les
saintes Lettres. » Le livre de la Sagesse, par sa manière
de présenter les idées hébraïques et de les exprimer,
sort évidemment du cadre traditionnel et se rapproche
de l'hellénisme. La sagesse n'y apparaît plus seulement
sous la forme poétique usitée dans les livres précé-
dents; elle y prend une allure plus philosophique. Elle
est un «. souffle de Dieu », une « émanation de sa
gloire », un « éclat de la lumière éternelle », vu, 25,
26; elle s cohabite avec Dieu »,elle «initie à la science
de Dieu », elle « choisit parmi ses œuvres » celles qu'il
doit réaliser, vin, 3, 4; elle est « assise près du trône
de Dieu », îx, 4, et s'identifie avec le Logos tout-puis-
sant qui a son trône royal dans le ciel, xvm, 15. C'est
déjà un acheminement vers le Logos de saint Jean.
Voir Logos, t. iv, col. 323. L'auteur sacré ne s'écarte
pourtant point des données antérieures sur la sagesse ;
il veut surtout montrer en elle un attribut divin à la
communication duquel sont appelés les hommes de
bien. Cette sagesse se meut et pénètre l'univers, vu,
24; vm, 1, comme ce que les stoïciens appelaient l'âme
du monde. Elle est la source de la tempérance, de la
prudence, de la justice et de la force, vm, 7. Ce sont
là les quatre vertus cardinales de Platon. L'auteur
s'inspire aussi de la psychologie platonicienne dans sa
conception de l'âme, vm, 20, dont le corps n'est que
la « tente terrestre ». ix, 15. Il ne procède plus par
courtes sentences, comme les écrivains palestiniens;
sa pensée se déroule en assez longs développements,
dans lesquels le raisonnement prédomine. L'idée elle-
même perd sa forme concrète et imagée d'autrefois
pour prendre un tour abstrait et philosophique. Là où
l'auteur dit : « Qui tient des discours impies ne saurait
rester caché... Facilement on la trouve (la sagesse)
quand on la cherche, » Sap., I, 8; VI, 13, ses prédéces-
seurs avaient écrit : « L'oreille qui entend et l'œil qui
voit, c'est le Seigneur qui a fait l'un et l'autre... La
sagesse crie dans les rues, elle élève sa voix sur les
places. » Prov., xx, 12; i, 20. Un sorite en règle est
même employé pour prouver que le désir de la sagesse
conduit à la royauté éternelle. Sap., vi, 17-20. Les dix
derniers chapitres sont une philosophie de l'histoire
des égyptiens, au moment de l'exode des Hébreux,
tendant à montrer l'infériorité de l'idolâtrie par rap-
port au culte du vrai Dieu. D'ailleurs les grandes
erreurs des philosophes grecs sont présentes à l'esprit
de l'écrivain sacré. Par sa théodicée si claire et si
ferme, il prémunit à la fois contre le panthéisme des
stoïciens, l'abstraction rationaliste des péripatéticiens
et le nihilisme des sceptiques. — 2° Platon a exercé
une large influence sur les idées du juif Philon; mais
cette influence est demeurée étrangère aux écrivains
sacrés, puisque le Logos de saint Jean n'emprunte
rien à celui du disciple de Platon. Voir Logos, t. iv,
col. 323. — 3° Par contre, quelques écrivains juifs ont
cru que les philosophes grecs, Pythagore, Socrate,
Platon, avaient puisé dans les livres de Moïse. Cette
idée a été mise en avant par Aristobule, vers 170-150
avant Jésus-Christ. Philon l'a également soutenue. Cf.
Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit.
317
PHILOSOPHIE — PHILOXÈNE
318
J. C, Leipzig, t. m, 1898, p. 386, 547. Josèphe, Cont.
Apion., u, 16, prétend que les philosophes grecs ont
eu Moïse pour maître et pour guide dans tout ce qu'ils
ont dit de juste sur Dieu. Les livres de Moïse n'ont pu
exercer d'influence directe sur les penseurs grecs
avant leur traduction par les Septante, sous Ptolémée
Philadelphe, 284-246 avant Jésus-Christ, Il se peut que
dans leurs voyages, surtout en Egypte, Pythagore et
Platon aient eu quelque connaissance des enseigne-
ments mosaïques. Mais on ne saurait dire en quelle
mesure et rien n'est prouvé à cet égard. Dans les re-
proches qu'il adresse aux philosophes du paganisme,
saint Paul ne fait aucune allusion à une transmission
de la doctrine mosaïque sur Dieu. Il suppose au con-
traire que ces philosophes ont parfaitement pu connaître
Dieu par ses œuvres, et que la raison suffisait à les
instruire de son existence et de sa nature. Rom., I,
18-20. Si l'enseignement de la révélation était arrivé
jusqu'à eux, ils auraient été beaucoup plus coupables.
IV. La philosophie du Nouveau Testament. — 1° Les
écrivains du Nouveau Testament se rattachent à leurs
ancêtres hébraïques quand ils touchent aux questions
qui peuvent se rapporter à la philosophie. Les ensei-
gnements évangéliques, avec leur impeccable rectitude,
apportent la solution définitive aux principaux pro-
blèmes qui tourmentent la raison humaine, dans la
mesure où cette solution intéresse la vie chrétienne.
Pour le reste, Notre-Seigneur ne dit rien dont puissent
profiter soit la philosophie spéculative, soit les sciences
profanes, abandonnées à la libre activité des hommes.
Ce sont surtout des idées de bon sens que le Sauveur
met en relief : « La vie est plus que la nourriture et
le corps plus que le vêtement. » Matth., vi, 25. « Le
sabbat est fait pour l'homme, non l'homme pour le
sabbat. » Marc, n, 27. « Celui à qui on remet moins,
aime moins. » Luc, vu, 47. s Ce qui souille l'homme
n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en
sort. » Matth., xv, 11> etc. D'autres fois, ce sont des
traits de vive lumière projetés sur les questions de
théodicée ou de morale : « Mon Père est sans cesse en
action. » Joa., v, 17. « Dieu est esprit et ceux qui
l'adorent doivent le faire en esprit et en vérité. »
Joa., IV, 24. « Qui fait le mal hait la lumière, qui pra-
tique la vérité vient à la lumière. » Joa., m, 20, 21, etc.
La seule doctrine philosophique que Notre-Seigneur
ait rencontrée sur son chemin est celle des sadducéens,
qui niaient la résurrection des corps et l'immortalité
de l'âme, Matth., xxn, 23; Marc,xn, 18; Luc, xx, 27;
Act., iv, 1, 2, et aussi l'existence des anges. Act., xxm,
8. 11 y avait là une sorte de matérialisme, qui allait
même jusqu'à révoquer en doute l'action de Dieu sur ses
créatures. Le Sauveur les réfuta en leur rappelant que,
d'après l'Écriture, Dieu est le Dieu des patriarches et le
Dieu des vivants, c'est-à-dire celui pour qui tous sont
vivants, Luc, xx, 38, d'où il suit que les patriarches son
encore vivants par leur âme. — 2° A Athènes, saint Paul
eut à conférer avec des philosophes épicuriens et stoï-
ciens. Act., xvii, 18. Voir épicuriens, t. n, col. 1894;
Stoïciens. A l'Aréopage, l'Apôtre traite la question des
attributs de Dieu et de ses rapports avec l'homme dans
les termes les plus philosophiques. Mais l'affirmation
de la résurrection des morts lui aliène son auditoire.
Act., xvn, 23-32. Dans ses jipîtres, il fait allusion à cette
sagesse qu'estiment tant les Grecs, I Cor., I, 22-25; il est
obligé de recommander aux Colossiens, n, 8, de se tenir
en garde contre une certaine philosophie qui est con-
traire aux enseignements de l'Évangile. Col., n, 16-23.
Souvent il rencontra dans ses missions des docteurs
dont les rêveries empruntaient une certaine forme
philosophique pour s'opposer avec plus de succès aux
doctrines évangéliques. Act., xx, 30; I Tim., iv, 1-7;
vi, 20; II Tim., n, 16-18; m, 13, etc. S'inspirant sur-
tout de fables judaïques, ceux-ci préconisaient un culte
particulier des anges, avec des généalogies intermi-
nables, des mythes, des questions subtiles et ridicules,
le tout pour aboutir à des pratiques immorales et
condamnables, à une science de mauvais aloi, I Tim.,
vi, 20, que les systèmes gnostiques devaient plus tard
développer et répandre. Saint Paul combat ces doctrines
avec énergie, sans cependant leur opposer d'arguments
précis : il n'y a pas d'argumentation philosophique
contre le vague et l'insaisissable. Cf. Duchesne,
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, t. I, p. 66-75.
L'Apôtre a sa dialectique particulière pour établir les
thèses dont il a besoin. Cette dialectique n'est pas
toujours conforme aux règles de la logique classique ;
mais elle constitue une argumentation ad honùnem
contre laquelle ses adversaires demeuraient impuissants.
Ainsi, d'après saint Paul, Abraham fut justifié par sa
foi avant d'être circoncis; donc la justification ne peut
venir de la circoncision. Rom., IV, 9-22. Abraham eut
deux fils, l'un de la servante, l'autre de la femme libre.
Or la servante venait du Sinaï, et c'est au Sinaï que les
Israélites ont reçu la loi. Donc cette loi était une loi de
servitude et en conséquence les Juifs ne sont pas les
fils de la femme libre. Gai., iv, 22-28. L'Épître aux
Hébreux présente des arguments de même nature.
Melchisédech a béni Abraham, donc il lui est supé-
rieur, donc le sacerdoce de Melchisédech est supérieur
lui-même au sacerdoce des descendants d'Abraham,
par conséquent au sacerdoce aaronique. Heb., vu, 1-10.
En réalité, saint Paul s'en tient aux procédés de rai-
sonnement qu'il a appris des docteurs juifs. Quand il
s'adresse à des chrétiens venus du paganisme, il fait
même profession de répudier la sagesse humaine, avec
sa dialectique subtile et son beau langage, afin de laisser
à la puissance de la croix de Jésus- Christ toute la gloire
de la prédication évangélique. 1 Cor., n, 1-5. Comme
la philosophie humaine n'a pas su arriver à la con-
naissance de Dieu, l'Apôtre veut faire accepter par les
Grecs la croix du Sauveur, mais sans se servir « des
paroles qu'enseigne la sagesse humaine ». I Cor.,l, 21;
il, 13. C'est là l'esprit même de l'Évangile. La doctrine
du Sauveur domine de haut toutes les philosophies, elle
éclaire beaucoup de leurs obscurités et rectifie beaucoup
de leurs erreurs. Mais elle ne les met pas directement
à contribution, parce que les systèmes philosophiques
ne durent pas toujours et n'atteignent qu'un petit nom-
bre d'esprits, tandis que l'Évangile est destiné à tous
les hommes et à tous les temps, et ne fait appel qu'au
bon sens pour gagner la raison et à la grâce pour pro-
duire la foi. — Voir Philon, col. 300; H. L. Mansel,
Philosophy, dans Kitto, Cyclopsedia of Biblical Lite-
rature, 3= édit., t. m, 1866, p. 517-531; B. F. Westcott,
dans Smith, Dictionary of the Bible, t. n, 1863, p. 849-
858; Frz. Delitzsch, System, der biblischen Psycholo-
gie, 2 e édit., Leipzig, 1861; Buch, Weisheitlehre der
Hebrâer, Strasbourg, 1851; M. Nicolas, Les doctrines
religieuses des Juifs, Paris, 1860. H. Lesêtre.
PHILOXÈNE, évêque de Mabboug, un des écri-
vains syriens jacobites les plus féconds. H naquit à
Tahal dans le Beit-Garmaï, contrée sise entre le Tigre
et les montagnes du Kurdistan au sud du petit Zab. Il
étudia à Édesse sous Ibas (435 à 457), et fut chassé
d'Antioche par le patriarche Calendion (482 à 485)
parce qu'il corrompait la doctrine de l'Église. Il se
consacra dès lors à la défense de la doctrine condam-
née au concile de Chalcédoine, fut nommé évêque de
Mabboug (Hiéropolis), par Pierre le Foulon, en 485, et
changea alors son nom, qui était Aksénaya, contre ce-
lui de Philoxène. Il alla plusieurs fois à Constantinople
et décida enfin l'empereur Anastase à réunir à Sidon
un concile qui déposa Flavien d'Antioche et le rem-
plaça par Sévère. Mais Justin I« suivit une politique
religieuse opposée à celle d'Anastase, il rétablit, le
319
PHILOXENE
PHINON
320
24 mars 519, la communion avec Rome, exila les évê-
ques jacobites et déporta Philoxène à Philippopolis en
Thrace, puis à Gangres en Paphlagonie où il mourut
vers 523.
Parmi ses nombreux ouvrages, dont une petite partie
seulement est publiée, nous citerons son commentaire
sur les Évangiles conservé en partie dans deux manus-
crits du British Muséum, à Londres. L'un de ces ma-
nuscrits est daté de l'an 511 et renferme des fragments
du commentaire sur saintMatthieu et saint Luc. Quelques
années plus tôt, en 505 ou 508, Philoxène avait chargé
le chorévêque Polycarpe de faire sur le grec une ver-
sion littérale de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Cette version, nommée « Philoxénienne », jouit d'un
certain crédit durant le vi e siècle, niais ne tarda pas à
être supplantée par d'autres et il n'en reste que des
fragments dans quelques manuscrits. Cf. Wright, Sy-
riac Literature, London, 1894, p. 13-14; Rubens Duval,
La littérature syriaque, Paris, 3 e édit., 1907, p. 50, 64.
F. Nau.
PHINÉE, PHINÉES (hébreu : Pînelfâs, « bouche
d'airain éclatante; » Septante : <£>tvéec), nom de trois
Israélites. D'après certains commentateurs, le nom est
d'origine égyptienne et peut signifier en cette langue
«le nègre ». Voir E. Nestlé, Die israelitischen Eigen-
namen, in-8°, Haarlem, 1876, 112. Cf. Zeitschrift der
deutschen morgenl. Gesellschaft, t. xxv, p. 139.
1. PHINÉES, fils d'Éléazar et petit-fils d'Aaron. Sa
mère était une fille de Phutiel, que le Targum du
pseudo-Jonathan, Exod., \i, 25, identifie avec Jéthro
le Madianite, mais qui est en réalité un inconnu dont
on ne sait que le nom. Phinées fut le troisième grand-
prêtre d'Israël. Encore jeune, il se rendit célèbre par
son zèle à châtier les Juifs infidèles qui participèrent
à Settim au culte licencieux de Béelphégor et commi-
rent le mal avec les filles de Moab. Moïse, au nom de
Dieu, commanda à son peuple de mettre à mort les cou-
pables. Il s'agissait de préserver la religion judaïque
dans sa pureté et de combattre Baal qui devait pendant
plusieurs siècles lutter contre Jéhovah. Phinées se dis-
tingua entre tous les vrais Israélites. Il pénétra dans la
tente de Gozbi, fille d'un prince madianite appelé Sur,
où Zambri, fils de Salu, chef de la tribu de Siméon, au
grand scandale des Israélites, était entré publiquement,
et il frappa à mort les deux complices de sa lance dans
le ventre. En récompense de cette action d'éclat, Dieu
lui promit pour lui et aa race le souverain sacerdoce.
Num., xxv. Son zèle fut fécond : il fut glorifié d'âge en
àg&,ïs. CT ^cmi), 3ft-3\; EceU., tilv, 23-25, et, lorsque
Matathias, le père des Machabées, commença la guerre
sainte contre le persécuteur Antiochus Épiphane, ce
fut j'exempte de Phinées, qui enflamma son ardeur.
I Mach., il, 26, 54.
Afin d'imprimer l'horreur la plus vive dans le cœur
des Israélites pour le culte abominable de Béelphégor,
Dieu voulut que Moïse châtiât les Madianites qui avaient
faitprévariquer tant de coupables. Douze mille hommes
furent envoyés contre eux et Phinées fut chargé de les
accompagner en emportant avec lui les instruments
sacrés dont la nature n'est pas précisée et les trom-
pettes (bâ?ô$erôf hat-terû'àh. Num.,xxxi, 6; cf. x, 8-9;
II Par., xiii, 12. La défaite des Madianites fut com-
plète et Balaam, qui avait donné le conseil perfide de
séduire les Israélites, en les initiant au culte de Béel-
phégor, fut au nombre des tués.
Phinées fut, sans doute pendant la vie d'Éléazar, son
père, chef des Corites chargés de la garde .des portes
du Tabernacle et de l'entrée du camp d'israél. I Par.,
ix, 19-20. Quand les tribus transjordaniennes construi-
sirent un autel sur les bords du Jourdain, Phinées
reçut à Silo, de la part des tribus cisjordaniennes, la
mission d'aller à la. tête de ,dix princes, leur faire des
remontrances; ils lui répondirent de manière à le satis-
faire ainsi que tout Israël. Jos., xxn, 13-14, 30-33.
Phinées succéda comme grand-prêtre à son père
Éléazar. Il remplissait ses fonctions lorsque les onze
tribus déclarèrent la guerre à celle de Benjamin pour
venger le crime commis à Gabaon contre la femme du
Lévite de la montagne d'Éphraïm. Jud., XX, 28. D'après'
le texte hébreu, l'arche d'alliance semble avoir été à ce
moment à Béthel, }. 26-27, et non à Silo, comme avant
et après cette époque. Dans le partage de la Terre Pro-
mise, Phinées avait reçu pour héritage dans la mon-
tagne d'Éphraïm, la ville de Gabaa, ou, comme l'appelle
laVulgate, Gabaath, qui fut surnommé « de Phinées »,
pour la distinguer des autres localités du même nom.
Voir Gabaath de Phinées, t. m, col. 14. C'est là qu'avait
été enseveli le grand-prêtre Éléazar, Jos., xxiv, 32, et
c'est là, d'après une addition des Septante, que fut aussi
enseveli Phinées. « Phinées, dit le texte grec, remplit
les fonctions de grand-prêtre jusqu'à sa mort, à la place
d'Éléazar, son père, et il fut enterré dans la ville de
Gabaath. » Le lieu traditionnel de sou tombeau (fig. 73)
est très fréquenté par les pèlerins juifs et samaritains.
73. — Tombeau traditionnel de Phinées.
D'après Conder, Tentivork in Palestine, t. i, p. 77.
Le souverain pontificat se conserva dans la descen-
dance de Phinées, comme Dieu le lui avait promis, en
récompense de son zèle, contre les Israélites idolâtres,
Num., xxv, 13, sauf une interruption, dont la cause
est inconnue. Du temps du grand-prêtre Héli, il était
passé dans la branche d'Ithamar, quatrième fils d'Aaron,
I Reg., H, 23, mais il rentra dans la famille d'Éléazar, en
la personne de Sadoc, à l'époque de Salomon, III Reg.,
Il, 35, et il se perpétua dans la même ligne jusqu'à
Notre-Seigneur. Voir Grand-prêtre, t. m, col. 304. Le
grand-prêtre des Samaritains se vante de descendre des
Phinées par Ménélas, fils de Johanan et frère de Jeddoa,
II Esd., XII, 22, ou Jaddus. Voir la Lettre des Samari-
tains à Scaliger, dans J. G. Eichhorn, Reperlorium
fur biblische Literatur, t. xn, p. 262.
2. PHINÉES, second fils du grand-prêtre Héli. I Reg..
i, 3; il, 34. Il commit les mêmes fautes que son frère
Ophni et périt avec lui dans la défaite que les Philis-
tins infligèrent aux Israélites. I Reg., îv, 4, 11, 17. Voir
Ophni 1, t. iv, col. 1833. Sa femme, à la nouvelle de sa
mort, mourut elle-même en donnant prématurément
naissance à un fils qu'elle appela Ichabod. Elle avait un
fils aine appelé Achitob, lequel eut à son tour deux fils,
Achias et Achimélech, qui furent grands-prêtres à Silo
et à Nobé sous le règne de Saûl. I Reg., iv, 19; xiv, 3;
xxii, 9.
3. PHINÉES, lévite, père d'Éléazar. Cet Éléazar fut
un de ceux qui furent chargés par Esdras de vérifier le
poids des vases sacrés rapportés de Babylone. I Esd.,
vm, 33.
PHINON (hébreu : Pinôn; Septante : «Êetvtov), un
des 'allûf d'Édom, ainsi appelé du nom de la ville où il
321
PHINON — PHITHOM
322
résidait. Gen., xxxvi, 41 ; I Par., i, 52, Eusébe et saint
Jérôme, Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862,
p. 360-363, mentionnent une ville de Phinon entre Pétra
et Zoar; ils disent que c'est là, Num., xxxm, 42 (Vul-
gate : Phunon), que fut établi un des campements d'Israël
pendant l'exode et qu'il y avait en cet endroit des mines
(de cuivre) exploitées par les Romains, ^oir Phunon.
. PHISON (hébreu : Pîsôn; Septante : «Êtcrâv), un des
quatre fleuves du Paradis terrestre. Il entourait le pays
d'Hévilath. Gen., n, 11-12. Sur son identification, voir
Paradis terrestre, t. îv, col. 212. L'auteur de l'Ecclésias-
tique, xxiv, 35, compare la loi de Moïse qui fait débor-
der la sagesse avec le Phison qui fait déborder ses eaux.
PHITHOM (hébreu : Pifôm; Septante : Ilsrôti,
ILOwn), ville d'Egypte.
I. Conjectures sur le site de 1766 k 1883. — Sous
le pharaon oppresseur, les Hébreux, surveillés par
d'impitoyables maîtres des travaux, bâtirent deux villes
fortes contenant des magasins, Phithom et Ramessès.
Exod., i, 10-11. Longtemps on s'est demandé dans
quelle partie du Delta oriental se trouvaient ces deux
villes. On se le demande encore pour Ramessès, bien
que le cercle où il faut la chercher se soit singulière-
ment resserré. Quand les premiers chrétiens se préoc-
cupèrent de la géographie de l'Exode, la plupart des
stations bibliques d'Egypte étaient disparues ou se
cachaient sous des noms nouveaux. On les localisa au
hasard. Des modernes seulement datent les recherches
précise^. Pour Phithom, d'Anville avait déjà remarqué,
Mémoires sur l'Egypte ancienne et moderne, 1766,
p. 122-124, qu'elle devait être identique à l'Héroopolis
de l'Itinéraire d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, et
qu'il fallait la placer, non vers le fond du golfe de
Suez, mais sur le canal de Néchao, devenu plus tard
le Trajanus amnis, à l'endroit même de la IlàTupio;
d'Hérodote, il, 158, à l'aboutissement de la route de
Palestine en Egypte. C'est en effet dans la terre de
Gessen, Gen., xlvi, 28, et à ce point même de la terre de
Gessen dans la terre de Ramessès que Joseph rencontra
Jacob venant de Chanaan et de Bersabée. Josèphe,
Ant. jud., II, vu, 15. D'autre part, les Septante, qui
devaient connaître la géographie du Delta, ont rendu
par 'HptowM IIôXiv le Phithom du texte hébreu; et la
version copte, faite d'après le texte grec, a substitué
Phithom, n&»(OAJ./ à Héroopolis. Sur ces témoignages il
n'était donc pas téméraire de tirer l'équation Phithom
= Patumos = Héroopolis. Mais quelle était au juste
la situation de Phithom- Héroopolis? Par son Mé-
moire sur le canal des deux mers, dans la Description
de l'Egypte, t. xi, 2« édit., 1822, p. 291-298, poussant
plus loin les observations de d'Anville, Le Père situait
Héroopolis à Abou-Keycheyd où l'on voyait un vaste
amas de décombres. Dubois-Aymé, Sur les anciennes
limites de la mer Rouge, loc. cit., p. 377-379, corro-
borait la même opinion, suivi en cela par Quatremère,
Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte,
t. n, p. 166 sq., et Champollion, L'Egypte sous les
Pharaons, t. n, p. 89. Or, Abou-Keycheyd n'est pas
autre chose que l'ancien nom de Tell-el-Maskhouta, « le
monticule de la statue ». Ce dernier nom, qui nous est
plus connu, était dû à un monolithe en granit rouge re-
présentant un roi assis entre deux dieux et dominant les
ruines. Précisons la place. Au sortir de Zagazig,
quand on prend la direction d'Ismaïliah, le chemin de
fer ne tarde pas d'atteindre Tell el-Kébir. On est alors
en plein Ouadi Toumilat jusqu'à Ismaïliah, sur une
longueur de cinquante kilomètres. L'Ouadi relie à
travers le désert »rabique le Delta aux lacs Amers. Le
chemin de fer et le canal d'eau douce qui va alimenter
Suez y ont pris la place de deux canaux plus anciens
dont les traces sont encore reconnaissables, l'un qu'on
DICT. DE LA BIBLE.
appelle « le canal de l'Ouadi », l'autre, « le canal des
pharaons », qui depuis Néchao et Darius joignit le Nil
à la mer Rouge. Le canal de l'Ouadi était probablement
un canal plus moderne destiné à l'arrosage de la région.
Déjà Ramsès II dut conduire l'eau jusqu'à Phithom
et dans toute la région de Socoth, qui n'auraient pu
subsister sans eau, et c'est peut-être ce qui lui a valu
la réputation d'avoir tenté de faire communiquer le Nil
avec la mer Rouge, suivant la tradition mentionnée
par Strabon, i, 2, 31. C'est du canal des pharaons
qu'Hérodote a dit : « Son eau procède un petit au-des-
sus de la ville Bubastis, et passant par Patume, ville
d'Arabie, va rencontrer la mer Rouge. » n, 158,
trad. Saliat, édit. Talbot, p. 189. Si l'on est dans
l'Ouadi Toumilat, on est aussi en terre de Gessen,
voir Gessen, t. m, col. 218-220, et dans la partie la
plus orientale de la terre de Ramessès, qui paraît avoir
compris non seulement la terre de Gessen, mais encore
toute la partie du Delta située à l'est de la branche
tanitique. Ed. Naville, Goshen and Shrine of Saft el-
Henneh, 1887, p. 18 (Mémoire iv de YEgypt Explora-
tion Fund). Sur cette partie ainsi délimitée de la terre
de Gessen dans la terre de Ramessès, Tell el-Maskhouta
occupe le point central, à égale distance de Tell el-
Kébir et d'Ismaïliah. L'égyptologie, à qui était réservée
le dernier mot sur son identification, s'égara d'abord et
même se dispersa. — Mû par la lecture du nom de
Ramsès sur le monolithe qui avait donné son nom à la
butte, Lepsius proposa d'y voir la ville de Ramessès,
Chronologie der Aegypter, 1849, p. 348, tandis qu'il
plaçait Phithom quatre ou cinq kilomètres plus à l'est,
à Magfar. Loc, cit., p. 345. Pendant les derniers tra-
vaux nécessités par le percement de l'Isthme, en 1876,
les ingénieurs français entamèrent les ruines de Tell el-
Maskhouta. Entre autres monuments, un monolithe
semblable à celui qui était visible, deux sphinx, un
naos et une grande stèle parurent au jour.- Ils ornent
aujourd'hui le jardin public d'Ismaïliah. Maspero les
étudia, Sur deux nouveaux monuments de Ramsès II,
dans Revue archéologique, nouvelle série, t. xxxiv,
1877, p. 320-332. Les inscriptions ne contenaient au-
cune indication géographique, mais on y lisait les car-
touches de Ramsès II et les hommages de ce roi au
dieu Tum. Maspero ne conclut pas autrement que
Lepsius et l'on parut s'en contenter. La station du
chemin de fer qui s'arrêtait alors en cet endroit porta
même le nom de Ramessès. — Brugsch avait d'abord
admis l'identité de Phithom et d'Héroopolis, mais en
1874 il fit sienne une théorie de Schleiden. Celui-ci,
dès 1858, dans son livre Die Landenge von Sues zur
Beurtheilung des Canalsprojects und des Auszugsder
lsraeliten aus Aegypten, p. 120 sq., fut le promoteur
d'un Exode à travers les fondrières du lacSirbonet par
les bords de la Jitéditerranée. Brugsch reprit l'idée de
Schleiden et, pour le besoin de sa cause, plaça Ramessès
à Tanis et Phithom près du lac Menzaleh, à mi-chemin
entre Tanis et Péluse. La sortie des Hébreux d'Egypte
et les monuments égyptiens, Alexandrie, 1874. Après
les fouilles de Naville, il renonça loyalement à l'idée
de Schleiden. Naville, Store-City of Pithom and Route
of Exodus, 4» édit. 1903, p. 9, n. 8. — Chabas, lui aussi,
en 1864, avait d'abord supposé qu'un jour on retrouve-
rait la biblique Phithom en égyptien sous la forme
*-p ^n=i <kk "] ~. « la demeure du dieu Tum », et que
Tell el-Maskhouta pouvait bien en recouvrir les ruines.
Mélanges égyptologiques, 2 e série, p. 162. Mais en 1873,
Recherches pour servir à l'histoire de la XIX' dynas-
tie et spécialement à celle du temps de l'Exode, p. 109,
oubliant sa conjecture, il inclina à chercher Phithom
aux environs de l'ancienne Thmuis. — La question de
Phithom depuis d'Anville et les savants de l'expédition
française s'était donc compliquée au lieu de s'éclaircir
V.
11
323
PHITHOM
324
II. M. Na ville a Tell el-Maskhouta, 1883. — VJSgypt
Exploration Fund venait de s'organiser. Elle confia à
M. Ed. Naville le soin d'explorer les raines de Tell el-Mas-
khouta. Celui-ci commença par étudier les monuments
transportés à Ismaïliah. Il se convainquit que le dieu
d'Héliopolis sous sa double forme de Tum, le soleil
couchant, et d'Horemkhou (Harmachis), le soleil levant,
avait été le dieu de la cité à identifier, et il en augura
que ce n'était pas Ramessès mais Phithom, la ville ou
la demeure de Tum, qu'il découvrirait à Tell el-Mas-
khouta. Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les
fouilles au point où avaient eu lieu celles de 1876,
M. Naville trouva d'abord qu'il était à l'angle sud-ouest
d'une énorme enceinte rectangulaire, encore visible
par places, faite de briques crues et enfermant toute la
butte, soit une surface de quatre hectares environ.
Immédiatement devant lui il reconnut un temple. Les
monolithes et les sphinx enlevés par ses devanciers en
marquaient l'entrée. Le naos trouvé plus loin corres-
pondait au sanctuaire. Ce temple une fois délimité,
Naville poussa ses recherches vers l'angle nord-est de
la grande enceinte. Il rencontra sous le sable de sin-
gulières constructions rectangulaires, nombreuses, aux
dimensions inégales, sans communication entre elles,
solidement bâties en murs de briques, d'au moins deux
mètres d'épaisseur. C'était évidemment une série de
greniers enfermés avec le temple dans la grande en-
ceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces
greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser,
une porte était réservée à mi-hauteur ou vers le bas.
Le signe hiéroglyphique i.1, shenut, « grenier », re-
présente deux de ces chambres isolées l'une de l'autre
et reposant sur une large assise de terre battue. Au
cours de ces découvertes, déjà si précieuses, quelques
monuments et des inscriptions sortirent des décom-
bres : une vieille cité livrait quelques feuillets de son
histoire,- et non les moins intéressants.
III. Le fondateur de la ville. — Le nom de
Ramsès II se lisait déjà, avons-nous dit, sur tous les
monuments transportés à Ismaïliah. Naville le ren-
contra encore sur un faucon de granit noir, emblème
d'Horus, et sur un fragment retrouvé du naos. Il n'est
sorti des fouilles aucun monument antérieur à ce
prince, ni aucun de Ménephtah. A supposer même que
Tum ait reçu là un culte plus ancien, il n'en demeure
pas moins certain que Ramsès II est l'unique construc-
teur de la grande enceinte et des édifices qu'elle con-
tenait. Il doit être regardé comme le véritable fonda-
teur de la ville. D'où il suit que si cette ville est Phi-
thom, Ramsès II est à n'en pas douter le pharaon de
l'oppression, et ce furent bien les Hébreux, au milieu
des plus cruelles vexations, qui la bâtirent avec son
temple, ses greniers et son enceinte, en même temps
qu'ils bâtissaient Ramessès. Ce qu'ils eurent à souffrir,
l'Exode, v, 7-19, nous l'apprend et nous pouvons en
juger par l'énorme quantité de briques amoncelées à
Phithom, pendant qu'à Ramessès et ailleurs se pour-
suivait la même besogne, dans les mêmes conditions.
Voir Brique, 1. 1, col. 1931-1934. Naville a observé que
les murs des greniers étaient remarquablement bien
bâtis, avec du mortier entre les couches de briques
crues. Celles-ci ont quarante-quatre centimètres de
long, sur vingt-quatre de large, et douze d'épaisseur.
Tout y indiquait une œuvre de la bonne époque, faite,
pour durer. Store-City of Pithom, p. 11. Villiers
Stuart qui vint le visiter pendant les fouilles a écrit
(citation de M. Naville) : « J'examinai avec le plus grand
soin les murs des chambres, et je remarquai que cer-
taines parties étaient faites de briques sans, aucun mé-
lange de paille [ou de roseaux]. Je ne me souyiens
pas d'avoir vu en Egypte des briques de cette sorte.
Dans un climat sec comme celui d'Egypte, il n'est pas
nécessaire de cuire les briques : on les fabrique avec
le limon du Nil et on les fait sécher au soleil. Pour
leur donner de la cohésion, on y mélange de la paille, s
Egypt after the War, p. 81. Ceci paraît nous indiquer
deux choses : à un moment la paille fut supprimée
aux Hébreux sans que leur tâche en fut diminuée,
comme le rapporte l'Exode, v, 11; et, bien qu'ils se
répandissent dans toute l'Egypte pour y ramasser des
roseaux au lieu de paille, v, 12, il leur arriva parfois
de ne pouvoir en réunir en quantité suffisante pour
toutes les briques à fournir. S'il en était besoin, le
récit de Moïse trouverait là une confirmation. Ramessès
et Phithom étaient des forteresses autant que des ma-
gasins, comme cela convenait à un pays frontière,
toujours menacé par les nomades que les riches plaines
de l'Egypte sollicitaient aux razzias; comme cela con-
venait surtout au débouché des routes vers la Syrie, à
l'entrée du désert où se réunissaient les armées et les
caravanes, où des soldats devaient se tenir toujours
prêts à marcher pour sauvegarder la Palestine, la
seule contrée qui restât aux Égyptiens des anciennes
conquêtes de Thoutmès III. Les Septante ont donc pu
rendre l'hébreu misknôt, « magasins », par it<5Xei{ 4j(vj-
pàç, villes fortifiées, cf. II Par., vin, 4; xvn, 12; ail-
leurs encore simplement par udXeiç où le contexte
indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit
le même hébraïsme par urbes munitissimas, II Par.,
vin, 4; urbes muratas, xvi, 4; xvn, 12, et ici par urbes
tabernaculorum, villes où l'on dresse pavillon, cam-
pement. Toutes ces expressions sont également vraies.
IV. Les noms de la ville. — Tell el-Maskhouta repré-
senterait vraiment le site de Phithom, suivant M. Naville.
Cela résulte des monuments trouvés par lui. Les plus
intéressants sont : — 1° Un fragment de grès rouge ap-
partenant au naos d'Ismaïliah : il porte le titre divin de
« maître de la région de Thuku » ou « Thukut ». Store-
City of Pithom, pi. ni B.— 2° Une statue en granit rouge,
figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, « lieutenant
d'Osorkon II, le bon commémorateur de la demeure
de Tum, Cp kj, maître de An (Héliopolis). » Frontis-
pice et pi. iv. — 3° Un fragment de statue du prophète
Pamès-Isis, « chef des greniers, scribe du temple de
Tum; » il supplie la dame de An, Hathor, que la statue
qui porte son nom soit à jamais fixée dans « la de-
meure de Tum, le gTand dieu vivant de la ville de
Thukut », '^. PI. vu a. — 4° Une statue en granit
noir, un homme assis, Aak, « chef des prophètes de
Tum, premier prophète de la ville de Thukut. » Il
s'adresse aux prêtres : « Vous tous, prêtres, qui entrer
dans cette demeure sacrée de Tum, le grand dieu de
la ville de Thukut, dites : Le roi donne l'offrande, etc. »
PI. v. — 5° Une grande stèle de Ptolémée Philadelphie,
pièce capitale. Elle fut trouvée non loin de l'endroit
où était le naos. Philadelphie y est représenté trois
fois en adoration, dont deux fois devant Tum, « le
grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vtn. Dans le
corps de l'inscription, « il aime Tum, le grand dieu
vivant de la région de Thukut, » pi. IX, lig. 1, x, Iig. 28,
« de la ville de Thukut. » PL ix lig. 2. « En l'an VI,
quand on lui eut appris qu'était achevée la restauration
du sanctuaire de son père Tum, le grand dieu de la
ville de Thukut, Sa Majesté vint à Thukut, le trône de
son père Tum. » PI. ix, lig. 7, etc. — Les cinq monu-
ments énuméréssontou dédiés à Tum ou appartiennent
à un prêtre attaché au culte de ce dieu. Le nom géo-
graphique de Thukut se présente sur quatre d'entre eux.
Sous Ramsès II il porte le signe d'une terre frontière ;
plus tard il est donné comme le nom de la capitale
d'une région du même nom. Ce nom est généralement
associé à celui du dieu Tum, « le grand dieu de Thukut,
qui réside dans Thukut, le grand dieu vivant de Thu-
kut. » La seule stèle de Philadelphe le contient au
325
PHITHOM
326
moins douze fois tantôt avec le déterminatif des
villes ©, tantôt avec celui d'une région de quelque
étendue ç\ . Il s'agit donc bien de Thukut, soit comme
ville soit comme région, et du culte de Tum dieu de la
ville et de la région de Thukut. De plus le nom de Pi-
tum se lit trois fois sur la statue de Ankh-renp-nefer,
deux fois dans la grande stèle ptolémaïque avec le déter-
minatif des villes ©, pi. ix lig. 10, 13, où il est parlé des
revenus affectés au temple, des statues et des prêtres pla-
cés deva nt « les dieux de Pi-tum-Thukut ». Pi-tum y a la
yariante H I . , Ra-tum,« la divine demeure de
Tum, le grand dieu qui réside dans Thukut. i> PI. v a,
vu A, lig. 2, 3. Il s'agit donc bien aussi de Phithoni.
Tout ce qu'on peut dire c'est que Pi-tum désignait plus
spécialement l'enceinte avec son temple et sesgreniers,
tandis que Thukut, désignait, en outre, la ville grou-
pée autour de l'enceinte sacrée. En résumé, les textes
de Tell el-Maskhouta nous apprennent que la ville située
en cet endroit s'appelait Pi-tum, qu'elle était dans la
la région de Thukut dont elle prit aussi le nom dans
la suite. Si nous joignons ces données à ce que nous
apprennent les Papyrus de la XIX e dynastie, nous
voyons qu'à cette époque il n'est pas question de la
ville de Thukut, mais uniquement de la région de
Thukut, le plus souvent écrite V ~\,'Anastasi, v,
pi. xix, lig. 2, 3, 8; xxv, lig. 2. Une lettre de l'an VIII
de Ménephtah parle de nomades voisins de cette région
qui furent autorisés à passer la frontière « à la forte-
resse de Ménephtah dans la terre de Thukut, vers les
lacs de Pi-tum de Ménephtah dans la terre de Thukut,
pour y vivre en faisant paître leurs troupeaux dans le
grand état ou domaine de Pharaon. » Anaslasi, iv, 4.
Cf. Brugsch, Dictionnaire géographique de l'ancienne'
Egypte, 1889, p. 642; Chabas, Recherches pour servir
à l'histoire de la XIX e dynastie, p. 107. A rencontre
des papyrus de la XIX e dynastie, les textes géogra-
phiques de Denderah, Edfou et Philae, tous d'époque
ptolémaïque, nous montrent Thukut comme étant, sans
perdre son nom de région, le nom vulgaire ou civil de
la capitale du VIII e nome de la Basse-jigypte. Dùmichen,
Geographische Inschriften, t. I, pi. lx.ii, lxiv. Le nom
sacré de cette même ville était Ha-tum, loc. cit., t. m,
pi. cxlvi, etc., « la demeure de Tum », le dieu principal
du nome; il était aussi Pi-tum, loc. cit., t. n, pi. lxxxvui;
t. m, pi. xxix, « qui est à la porte orientale ». Il y a
donc pleine correspondance entre les textes de Naville
et les textes déjà connus par les papyrus et les temples.
De ce que Pi-tum nous paraît n'avoir emprunté que
plus tard le nom de la région qui dépendait d'elle,
nous devons conclure qu'au temps de l'Exode la Socoth
de la Bible, Exod., xii, 37; xm, 20; Num., xxxm, 5, 6,
est prise dans le sens de région. On ne peut supposer
d'ailleurs qu'une aussi grande multitude que celle des
Israélites en route pour la Palestine ait pu s'arrêter,
dans la ville même, ville fortifiée dont les portes ne se
seraient pas ouvertes pour elle, et, se fussent-elles
ouvertes, qui n'aurait pu la contenir. Que n'DD,
Sucoth ou Socoth, soit le mot égyptien Thukut, cela
est clair. Le s=> égyptien se prononçait th et on le
transcrit souvent en grec par a et en hébreu par d.
Brugsch, Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xm,
1875, p. 7. Pour n'en citer qu'un exemple, pris entre
beaucoup d'autres, la | s=> J©, Thebneter ou Theb-
nuter des Égyptiens, est devenue la Seëevvuioç, Seben-
nytus, des Grecs. Store-City of Pithom p. 7. — Il reste
à nous demander pourquoi Hérodote appelle Pi-tum
« ville d'Arabie» : n«ruji.o« r\'Apccë{-r\. Les Septante
nomment aussi la terre de Gessen Teuét). 'Ap«êîaç.
Gen., xxxvl, 34. Arabie, Arabique signifient ici Orient,
oriental, et c'est la traduction de l'expression égyp-
tienne I T ffi ) Ro-ab, « porte orientale», que les
textes de Denderah accolent au nom de Pi-tum,
Dùmichen, loc. cit., 1. 1, pi. xcvm, lig. 12; t. ri, pi. xxix,
lig. 3, et que nous retrouvons dans la grande stèle de
Philadelphe, pi. Vm, 3 e tableau où, derrière Tum, se
tient Osiris « le maître de la porte orientale », comme
ayant son sanctuaire ou sérapéum à l'extrémité de la
région de Thukut. Pour l'Egypte, l'Orient c'était l'Arabie,
les Grecs donnèrent ce nom aux contrées qui touchaient
directement au désert de l'est. Outre Gessen d'Arabie,
il y eut le nome d'Arabie, le XX e , situé entre la branche
pélusiaque et le désert, tout de même <ju'à l'autre
extrémité du Delta il y avait le nome libyque. — Nous
avons vu plus haut la correspondance entre les textes de
Naville et ceux des papyrus et des temples au sujet de
Thukut région etThukut-Pi-tum. Cette correspondance
va plus loin qu'il n'était nécessaire de l'établir pour
notre sujet. Elle s'étend d'abord aux noms des principales
divisions du nome, son territoire, son canal, ses ter-
rains inondés. Elle s'étend encore au nom du nome
lui-même et à celui d'une de ses localités, As-kéhéret
ou Pi-keheret (Pi-hahiroth ?), le sanctuaire 'osirien du
nome. En effet, tous ces noms que les temples donnaient
déjà se sont retrouvés à Tell el-Maskhouta. Store-City
of Pithom, p. 5-8. Mais ce que les temples ne disaient
pas, c'était la situation précise du VIII e nome de la
Basse-Egypte dont Pi-tum-Thukut était le chef-lieu.
Désormais « tout change grâce aux fouilles de Naville.
Le huitième nome ne peut plus côtoyer le lac Menza-
leh, comme le croyait Brugsch, et une grande découpure
de la topographie encore flottante du Delta se fixe et se
précise immédiatement, sur la carte, autour de Tell
el-Maskouta. » E. Lefébure, Les fouilles de M. Naville à
Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 1885, p. 310.
Cf. J. de Rougé, Géographie ancienne de la Basse-
Egypte, 1891, p. 45-55. — Si Tell el-Maskouta était
Pbithom, elle était aussi Héroopolis. Quand Naville
découvrit les greniers de Phithom, il s'aperçut qu'à la
basse époque on avait nivelé le sol au-dessus et rempli
toutes les chambres avec des briques, du sable, de la
terre, des débris de calcaire, au grand détriment du
temple de Tum. Le but avait été d'y asseoir un camp, et
deux inscriptions révélèrent que ce camp était l'œuvre
des Romains. La première inscription fragmentaire,
qui avait dû faire partie d'une porte, finit après cinq
signes peu lisibles par
POLIS
ERO
CASTRA
mots tout à fait distincts et pour lesquels le doute
n'est pas possible. L'autre inscription est datée (306 ou
307), car elle contient les noms des empereurs Maxi-
mien et Sévère, des césars Maximin et Constantin.
Elle donne une distance de neuf milles entre Éro et
Clysma :
ABEROINCLUSMA
M Vtlll ©
PI. xi. Le nombre des milles est en latin et en grec.
C'est un cas fréquent dans les pays où le grec était
parlé. Cf. Corpus inscr. latin., m, 1, n. 205, 309,
312-315, 347, 464. Phithom sous les Grecs avait donc
échangé son nom contre Héroopolis, HPOT, comme
l'a lu Naville sur un petit fragment trouvé en place.
'Hpw, dit Etienne de Byzance, De urbibus et populis,
Amsterdam, 1678, p. 298-299, est une ville égyptienne
que Strabon appelle 'Hpti»v iroXiv. Nous l'avons vu, les
Septante avaient déjà rendu Phithom par Héroopolis, et
Josèphe, marquant à cet endroit la rencontre de Jacob
et de Joseph, lui donna le nom même que Phithom por-
tait de son temps. Les Romains en firent ii.ro. A la fin du
iv e siècle de notre ère (vers 385), sainte Silvie suivit la
327
PHITHOM — PHŒBE
328
route de l'Exode, le texte des Septante en mains, de la
mer Rouge à Ramessès. Sur tous les noms bibliques elle
questionne les moines et les clercs qui l'accompagnent.
Ceux-ci localisent sans le moindre embarras les villes
mortes et nous rappellent les drogmans du temps
d'Hérodote et du nôtre. Il en résulte que les Israélites,
pour une part égale, avançaient et reculaient, allaient
â droite, puis à gauche : nam mihi credat volo affectio
vestra, quantum tamenpervidere potui, (ilios Israhel
sic ambulasse, ut quantum irent dextra, lantum re-
verlerentur sinistra, quantum denuo inante ibanl,
lantum denuo rétro revertebantur. Cependant elle ne
put être induite en erreur sur le site d'Ero, car cette
ville subsistait encore. Il n'est pas certain toutefois
qu'elle n'en fasse pas une ville distincte de Phithom.
Mais l'important pour ce qui nous touche ici, c'est
qu'elle en donne le nom romain : Heroum autem civi-
tas... nunc est corne (xioiir,), sed grandis, quod nos
dicimus vicus... Ipse viens nunc appellatur Hero.
ïtinera hierosolymitana sseculi ir-Yin, p. 47-48, dans
Corpus scriptorum ecclesiasticoruni latinorwm ,
t. xxxvm, Vienne, 1898. — D'où vient ce nom de
'Hpto? M. Naville avait d'abord pensé qu'il venait de
C*3 , àr, pluriel àru, « magasins », ce qui aurait
très bien convenu aux 'are misknôt de Phithom.
Exod., i, 11; Store-City of Pithom, p. 10. Mais il est
revenu sur cette interprétation et l'a corrigée dans une
note, loc. cil., et dans le Sphinx d'Upsala, t. v,p. 197.
« Puisque le sphinx est un lion, il doit porter les dif-
férents noms qui sont donnés à cet animal. Nous en
connaissons plusieurs, en particulier un qui est peut-
être d'origine sémitique, __^ _»■&, àr. La transcription
grecque en serait HP et de là vient le nom de 'Hpco
qui est donné à Tum, dans la traduction de l'obélisque
d'Hermapion. Ammien Marcellin, xvn, 4. Ero c'est
Tum représenté par un lion, un sphinx; Eropolis,
Ero castra, c'est la ville, le camp du sphinx, de Tum. »
Quoi qu'il en soit, la pénétration de d'Anville n'avait
pas été en défaut, ni celle des savants français, depuis
Le Père, en passant par Dubois-Aymé et Quatremère,
jusqu'à Champollion. Le premier avait vu Héroopolis
dans Phithom et délimité l'espace où il fallait la cher-
cher, les autres en devinèrent l'emplacement. Elle ne
devait pas être confondue, comme le voulut d'abord
Lepsius, Chronologie, p. 357, avec le Thohu, Thou ou
Thoum de l'Itinéraire d'Antonin, loc. cit., dont la
situation à quarante-deux milles d'Héliopolis et à
vingt-quatre milles avant d'atteindre Héroopolis ne
s'accorde pas avec notre Phithom.
V. Conclusion. — Les fouilles de Phithom ont donné
Heu à des conclusions secondaires, dont les unes
atteignent la plus grande vraisemblance, comme l'iden-
tification du pharaon de l'oppression et, par suite, du
pharaon dé l'Exode. « Ramsés II construisant Pithom
correspond bien au puissant roi de l'oppression, tandis
que Ménephtah I er négligeant Pithom rappelle bien le
pharaon malheureux de la Fuite. » E. Lefébure, loc.
cit., p. 320. Les autres conclusions sont moins certaines,
impossibles même, comme celle qui veut que le golfe
de la mer Rouge, même au temps des Romains, se soit
étendu jusqu'à neuf milles d'Héroopolis, c'est-à-dire
jusqu'à Clysma qui aurait été située à l'extrémité du lac
Tirosah. On en devine les conséquences pour déterminer
le point où les Hébreux passèrent la mer Rouge. Store-
City of Pithom, p. 24-27. Mais ce sujet a été traité.
"Voir Phihahiroth. Le point capital ici était de voir que
la plus importante ville de l'Exode est à peu près sûre-
ment identifiée; que tout le début de ce même Exode
s'explique, bien qu'on ne sache encore avec certitude
où prendre Ramessès; que Socoth, la seconde station
des Hébreux, est au voisinage de Phithom. Toutefois
quelque ïive que soit la lumière que les fouilles de
Tell el-MasHiouta ont projeté sur l'authentique récit
de Moïse, nous n'oserions pas affirmer de façon absolue
que tous les doutes prudents sont levés. Il faut encore
compter avec "les surprises possibles des recherches
entre Ismaïliah et Suez, sur la rive occidentale du canal.
C. Lagier.
PHITHON (hébreu : Piton; Septante : '*i6»v), le
premier nommé des fils de Micha, petit-fils de Jonathas
et arrière-petit-fils du roi Saûl. I Par., vm, 35; ix, 41.
PHLÉGON (grec : 4>Xéy(ov, « ardent, brûlant >;),
chrétien de Rome, salué par saint Paul. Rom., xvi, 14.
Le Pseudo-Dorothée, Patr.gr., t. xm, col. 1060, et le
Pseudo-Hippolyte, Pair, gr., t. x, col. 160, le comptent
parmi les soixante-douze disciples de Notre-Seigneur
et disent qu'il devint évêque de Marathon dans l'Attique.
Les Grecs et les Latins l'honorent comme martyr le
8 avril. Acta sanctorum, édit. Palmé, aprilis 1. 1, p. 739.
PHOCHÉRETH (hébreu : Pokérét, « prenant au
filet »), chef ou ancêtre d'une famille de Nathinéens,
« fils des serviteurs de Salomon », qui retourna de
captivité en Palestine avec Zorobabel. Le texte hébreu
porte : Benê Pokérét has-sebaïm, dans les deux pas-
sages où il est nommé, I Esd., n, 57; II Esd., vu,
59, et à en juger par les listes des Nathinéens, que
donnent les deux livres et dans lesquelles le mot
« fils » est suivi exclusivement du nom seul du père
ou chef, sans autre indication, on doit conclure que
Pokérét has-sebaïm ne forme qu'un nom propre, à
moins qu'on ne suppose que le mot benê, « fils >), est
tombé devant has-sebaïm. Les deux opinions ont leurs
partisans. Les uns pensent qu'il faut lire en effet :
« les fils de Pokéréf-Has-sebaïm », nom ou surnom
qui signifie « celui qui prend au piège des gazelles,
chasseur de gazelles ». D'autres lisent : « les fils de
Phochéreth; les fils d'Asebaïm. » Les Septante ont
traduit : uitù Qayephiï, \>\o\ 'A.<u6o£t\>., I Esd., H, 57, et ;
•jîoi ■fcaxstpàB, yiot Satratjx, II Esd., vu, 59. La Vulgate
a pris has-sebaïm pour un nom de lieu : filii Phochc-
reth, qui eranl de Asebaim; I Esd., n, 57; filii Pho-
chéreth, qui erat ortus ex Sebaim, mais cette inter-
prétation n'est pas facile à justifier. Voir'AsEBAïM, t. i,
col. 1075.
PHŒBÉ (grec : *oig-/], « radieuse » ou « lune »),
diaconesse de Cenchrées, recommandée par saint Paul
aux chrétiens de Rome et placée en tête des recom-
mandations. Rom., xvl, 1-2, On admet généralement
que ce fut Phœbé qui porta aux fidèles de Rome l'Épître
écrite à leur adresse par saint Paul. L'Apôtre fait d'elle
un grand éloge. Il l'appelle « notre sœur, qui sert (Siâxo-
voç) l'Église qui est à Cenchrées » un des deux ports de
Corinthe. Ce titre de èiocxÔMo; tî é ç èxxXrjfft'aç semble in-
diquer une fonction spéciale et déterminée, quoiqu'il
ne soit pas possible de préciser en quoi elle consistait.
S. Jean Chrysostome, Hom., xxx, 2, ira Boni., t. i,x,
col. 663. Voir Diaconesse, 3°, t. n, col. 1401. C'est le
seul passage du Nouveau Testament où il soit question
d'une femme 8iax<5voç, mais on peut y voir comme
l'origine des diaconesses, de ces ministre, que Pline
le Jeune, Epist., X, xevi, 8, dit avoir existé dans
l'Église chrétienne. Cf. Diaconesse, t. n, col. 1400. Saint
Paul ajoute qu'elle a été nposTâ-riç, « aide », c'est-à-
dire qu'elle a rendu de grands services « à lui-même et
à beaucoup d'autres. » Elle devait être riche et, habi-
tant Cenchrées, le port où débarquaient les voyageurs
qui venaient d'Éphèse en Grèce, elle avait eu souvent
l'occasion d'être utile aux nouveaux chrétiens qui pas-
saient par là. L'insistance avec laquelle l'Apôtre appuie
sa recommandation montre quelle importance il y
attachait et combien il tenait à ce qu'on fit bon accueil
à la messagère de son Épttre. Nous ignorons quelles
329
PHŒBE — PHOGOR
33G
affaires particulières Phœbé pouvait avoir à Rome.
Saint Paul, sans s'expliquer autrement, demande seule-
ment aux chrétiens de la capitale de l'empire de lui
prêter leur concours en tout ce dont elle aura besoin.
On croit communément que Phœbé était une veuve, et
«on une vierge. Voir Acta sanctorum, t. I septem-
bris, édit. Palmé, p. 605, n. 18. L'Église célèbre sa
fête le 3 septembre. Les martyrologes ne savent de sa
vie que ce que nous en apprend saint Paul.
PHŒNICE (grec : (foîviÇ), port de mer mentionné
Ad., xxvil, 12, à l'occasion du voyage maritime de
saint Paul, comme un excellent hivernage, situé sur
la côte méridionale de l'île de Crète, à l'est de. Bons-
Ports et de Laséa. Cf. Act., xxvn, 9. Son nom lui
venait sans doute des palmiers (en grec, ço:vi|) qui,
comme nous l'apprend Théophraste, Eist. plantai 1 .,
il, S, croissaient en nombre dans ces parages. Mis
en danger par le mauvais temps, le vaisseau qui con-
duisait saint Paul à Rome se dirigeait vers ce port,
pour y passer l'hiver, lorsqu'une terrible tempête le
rejeta en pleine mer. Ptolémée, III, xvn, 3, et Slrabon,
X, iv, 3, parlent l'un et l'autre d'un port crétois du nom
de « Phoinix ». Strabon en fait un village florissant,
xaxoixia, et le place sur « l'isthme » de Crète, c'est-à-
dire dans la partie la plus étroite de l'île, entre le mont
Ida et les montagnes de l'extrémité occidentale, sur le
territoire de Lampa ou Lappa, ville d'une certaine im-
portance. Voir Crète, carte, fig. 404, t. H, col. 1113. Le
passage de Ptolémée est plus obscur, et semble dési-
gner tout à la fois un port nommé « Phoinikoi », et une
ville appelée « Phoinix », également situés sur la côte
méridionale.
D'après MM. James Smith et le commandant Spratt,
qui ont tout particulièrement étudié les détails relatifs
au voyage et au naufrage de saint Paul dans la Médi-
terranée, il n'y a pas de doute que Phœnice ne corres-
ponde au port actuel de Loulro, qui est « la seule baie
de la côte sud dans laquelle un bâtiment puisse mouil-
ler en toute sécurité durant l'hiver, parce que les
vents du sud, repoussés par les hautes montagnes qui
la dominent, ne viennent jamais à terre, et parce que
la mer qu'ils soulèvent arrive presque morte à la côte,
de sorte que les bâtiments roulent, mais les amarres
ne fatiguent pas. » Spratt, Instructions sur l'ile de
Crète, trad. franc., Paris, 1861, p. 44. Cf. J. Smith, The
Voyage and Sliipwreck of St. Paul, 4 e édit., in-8°,
Londres, 1888, p. 261. Loutro, située à l'est du cap Plaka,
qui correspond au cap Herma:a des anciens, est pré-
cisément sur le territoire de l'antique cité de Lappa.
Il est vrai que, d'après le texte des Actes, « Phœnice
est un port de Crète qui regarde du côté du Libs, i>
ou vent du sud-ouest, vent africain, « et du côté du Kho-
rus » ou vent du nord-ouest, tandis que la baie de Loulro
est au contraire ouverte dans la direction du sud-est et du
nord-est. La difficulté est très réelle. On a essayé de la
résoudre de plusieurs manières : 1° Il est possible que
l'ancien port de Phœnice ait consisté en un double
bassin, dont l'un aurait été abrité contre les vents du
sud, et l'autre contre les vents du nord. Voir Ramsay,
dans Hastings, Diction, of tlie Bible, in-4°, t. m, p. 863;
J. Belser, Die Apostelgeschichte ûberselzt und erklsert,
in-8», Vienne, 1905, p. 317. — 2° Comme l'ont fait re-
marquer de nombreux commentateurs, à la suite de
M. J. Smith, les mots « qui regarde du côté du Libs... »
ne sauraient signifier que le port était ouvert aux vents du
sud-ouest et du nord-ouest, c'est-à-dire aux vents occi-
dentaux, si dangereux dans ces régions, mais plutôt, que
les côtes qui entouraient la baie se dressaient dans cette
double direction, et, par suite, la garantissaient contre
eux. Presque tous les exégètes récents adoptent ce senti-
ment; entre autres MM. Vigouroux, Fouard, Felten,
Cook dans la Speaker's Bible, Wendt dans la 8« édit. du
commentaire de W. Meyer, etc. Cela revient à dire que
le port de Phœnice était ouvert, non pas du côté d'où
venait le vent, mais dans la direction opposée, du côté
où le vent soufflait. Si le port avait été exposé au Libs
et au Khorus, il n'aurait nullement répondu aux con-
ditions requises pour un hivernage. — 3° Comme il a
été dit plus haut, aucun autre- port de la côte méridio-
dionale de l'île de Crète ne paraît avoir convenu à
la situation décrite. C'est bien à tort qu'on a parfois
accusé saint Luc de n'awir pas exactement rendu le
langage des marins qui l'auraient renseigné sur Phœ-
nice. Les habitants affirment que l'ancien nom de la
ville était Phœniki. — Voir Hœck, Kreta, Gœltingue,
1823-1824, t. i, p. 387-388; C. Bursian, Géographie von
Griecheriland, t. il, Leipzig, 1870, in S , p. 545-516.;
-5^K
i^ i
— ■ t-
74, — Côte sud de l'ile de Crète.
Spratt, TraveU and Rescarches in Crela, t. n, p. 247;
Conybeare and Howson, The _Life and Epistles of
St. Paul, in-12, Londres, 1875, p. 641-642; A. Breu-
sing, Die Nautik der Allen, in-8°, Brème, 1886, p. 186^;
A. Trêve, Une traversée de Cësarée... à Putéoles, in-8°,
Lyon, 1887, p. 25-26; H. Balmer, Die Ronifahrt des
Apostcls Paul und die Seefahrtskunde im rômischen
Kaiserzeitalter, Leipzig, 1906, 3 e partie, chap. I.
L. FlLLION.
1. PHOGOR (hébreu: hap-Pe'or; Septante :«!> m y <>>;>)-,
montagne de Moab, mentionnée seulement dans Num,,
xxin, 28. Balac, roi de Moab, conduisit Balaam sur son
sommet afin qu'il pût voir de là le camp des Israélites
et le maudire. Cette montagne était située en face de
Jesimon, c'est-à-dire du désert au nord est de la mer
Morte, dans le voisinage de l'embouchure du Jourdain.
Son emplacement n'est pas rigoureusement déterminé;
elle devait se trouver près de Belhphogor. Voir Beth-
phogor, t. I, col. 1710. C'est là qu'on rendait un culte
impur à Béelphégor. Voir Béelphégor, t. i, col. 1543.
— Phogor, Num., xxv, 18 (Vulgate : idolum Phogor)^
est pour Béelphégor.
2. PHOGOR (Septante : <Paywp), une des onze villes
de la tribu de Juda ajoutées par les traducteurs grecs
au texte hébreu. Elle était située entre Bethléhem et
Élham. Jos., sv, 60. Eusèbe et saint Jérôme en font
mention. « Il y a un autre village de Fogor, dit saint
Jérôme, qu'on voit non loin de Bethléhem; il s'appelle
maintenant Phaora. « Onomastic, édit. Larsow et Par-
they, 1862, p. 363. On identifie généralement aujourd'hui
ce Phogor avec le Khirbet Beit-Foghour, qui a con-
servé le nom antique, à huit kilomètres au sud-ouest
de Bethléhem. C'est un amas de ruines situées sur une
331
PHOGOR — PHRYGIE
332
colline. M. V. Guérin, Judée, t. m, p. 314, y a trouvé
encore une vingtaine de maisons, d'apparence arabe,
en partie debout, mais abandonnées, ainsi que les
jardins qui les avoisinent. Dans les environs est la
source appelée Ain Faghour, qui coule dans un ancien
canal dégradé; sur les flancs de la colline, qui limite
au sud la vallée arrosée' par l'Aï» Faghour, sont d'an-
ciennes chambres sépulcrales creusées dans le roc;
quelques-unes d'entre elles servent de refuge à des
bergers. Béelphégor avait-il'été honoré autrefois en ce
lieu ? C'est ce que plusieurs supposent, mais on ne peut
donner là d'autre indice de son culte que le nom.
PHOLLATHI (hébreu : Pe'ulfaï; Septante : * o Mia80,
le huitième et dernier nommé des fils d'Obédédom
qui avait gardé l'arche d'alliance dans sa maison. Phol-
lathi était un descendant d'Asaph, de la tribu de Lévi
et un des portiers du Tabernacle du temps de David.
I Par., xxvi, 5.
PHORATHI (hébreu : Pôrâtà'; Septante : «ÊapaSâSa;
Alexandrinus : B«pS;i6a; Sinaiticus : <I>apaâ8s<), le
quatrième des •
dix
qui
fils d'Amon
fut mis à
mort par les
Juifs. Esth., ix,
8. Le nom doit
être perse et si
l'on adopte la le-
çon grecquePAà-
radatha, peut si-
gnifier « donné
par la destinée ».
PHOSECH
(hébreu : Pdsak;
Septante : 4>a-
aéx), le premier
nommé des trois
fils de Jéphlat,
de la tribu d'A-
ser. IPar.,vn,33.
75. — La Phrygie personnifiée.
Tête'laurée de Caracalla, à droite, épaule drapée, poitrine cuirassée. n). En haut : 1 nH.
En exergue : AAOAIKEON NEQXOPS1N. A gauche : *PVriA ; à droite : KAPIA. Au
milieu, la déesse urbaine « Laodicée », assise sur un trône, tourrelée, tenant de sa main
droite étendue une statuette de Zeus Laodicien et de la gauche une.corne d'abondance ;
devant elle, la Phrygié debout portant sur la tête le kalathos; dans sa main droite
sont deux épis, et dans la gauche un sceptre appuyé sur son épaule. Derrière le trône
est la « Carie » portant le kalathos et tenant un rameau et une corne d'abondance.
PHOTINE,
nom donné à la
femme samaritaine convertie par Notre-Seigneur, Joa.,
rv, 6-32, sans doute parce qu'elle avait reçu la lumière
d'en haut, ;<pwTsivri, de.çûç, «lumière». Voir S. Nil,
Epist., il, 31, t. lxxix, col. 212; Etymolog. magnum,
édit. Craisford, in-f>, Oxford, 1848, p. 276, 53. Le mar-
tyrologe marque sa fête comme martyre au 20 mars.
Voir Acta sanctorum, martii t. m, p. 80.
PHRYGIE (grec : *puY''a), province d'Asie Mineure,
mentionnée une fois dans l'Ancien Testament, II Mach.,
v, 22, et trois fois dans le Nouveau, Act., n, 10; xvi, 6;
xvui, 23. Son nom lui venait de ses anciens habitants,
les $pûysç — on trouve aussi les variantes Bpûyeç,
Bpsiysî et BptYe; — c'est-à-dire les « hommes libres »,
suivant l'interprétation donnée à ce mot par Hésychius,
au mot BptTfeç. Lexicon, édit. M. Schmidt, 5 in-4», Iéna,
1858, t. i, p. 398.
I. Limites du territoire phrygien. — Elles demeu-
rèrent toujours assez vagues, et peut-être n'existe-t-il
pas, en Asie Mineure, d'expression géographique dont
il soit plus difficile de déterminer le sens d'une manière
précise. En effet, l'étendue de la Phrygie varia beaucoup
aux différentes époques de son histoire, ainsi qu'il sera
dit plus bas. Pour savoir au juste ce que signifie ce
nom, lorsqu'on le rencontre dans un ancien auteur, on
doit donc se demander tout d'abord de quelle période
il s'agit et quelles étaient alors, au moins en gros, les
bornes de la Phrygie. Aux temps les plus anciens, les
Phrygiens paraissent avoir occupé une partie considé-
rable de la péninsule asiatique. Leur domaine allait
jusqu'à la mer Egée et à l'Hellespont. Cf. Diodore, vn>
11, d'après lequel, pendant vingt-cinq ans, au début du
ix» siècle avant J.-C, ils furent maîtres de la mer. Troie
est souvent appelée phrygienne par les vieux classiques,
ainsi que la Lydie méridionale. Néanmoins, lorsqu'on
parle de la Phrygie proprement dite, ou de la Grande
Phrygie, 7) u.s-fâXr) <S?p\jyi3, par opposition à la Petite
Phrygie, nommée aussi Phrygie hellespontide, Strabon,
X, m, 6, on désigne surtout l'extrémité occidentale du
grand plateau qui occupe le centre de l'Anatolie actuelle,
avec les montagnes avoisinantes, jusque vers le fleuve
Halys, aujourd'hui Kizil-Irmak, à l'est. Au nord, elle
confinait à la Bithynie; au sud, à la Pisidie. On peut
dire aussi, d'une manière plus spéciale, qu'au premier
siècle de notre ère, la Phrygie était limitée au nord par
la Bithynie; au sud par la Lycie, la Pisidie et l'Isaurie;
à l'est par la Galatie et la Lycaonie ; à l'ouest par la
Carie, la Lydie et la Mysie (fig. 76).
II. Géographie physique. — Sous ce rapport, la Phry-
gie présentait
beaucoup de va-
riété, selon les
régions dont elle
était composée.
Dans son ensem-
ble, la Phrygia
magna consis-
tait en un vaste
plateau, dont l'al-
titude moyenne
est de 900 à 1000
mètres. Ce pla-
teau est coupé en
divers endroits
par des vallées
profondes , en-
tre autres celles
du Méandre et
de l'Hermos à
l'ouest,du Thym-
brios au nord-
est, du Sangarios
au nord, du Ly-
cus, etc. Çà et là se dressent des groupes isolés de mon-
tagnes, parmi lesquelles on peut citer le Dindymos,
aujourd'hui Mourad-Dagh. Les cours d'eau sont plus
rares au nord et au sud, plus fréquents au centre et au
sud-ouest. Les parties de la contrée qu'arrosent des ri-
vières étaient fertiles, et produisaient en abondance du
blé, des fruits et du vin. Cf. Homère, II., n, 862j m,
.184; xh, 719. Les autres districts étaient arides et peu
productifs, notamment là région méridionale qui avoi-
sine la Pisidie; du moins, très riches en sel — ils con-
tiennent plusieurs lacs salés — ils convenaient fort bien
à l'élevage des moutons : aussi la race des brebis phry-
giennes à laine noire était-elle renommée au loin. La
Phrygie était aussi un pays de commerce, grâce aux deux
routes qui la traversaient et qui la mettaient en com-
munication soit avec l'Occident, soit avec l'Orient. L'une
allait de Byzance en Arménie, par Ancyre et Tavia ; l'autre
partait de la côte, à l'ouest, et se dirigeait vers les passes
du Taurus, par Sardes, Synnade et Icône, saint Paul
dut les utiliser l'une et l'autre, la seconde surtout, du-
rant ses courses apostoliques. — Les carrières de
marbre n'étaient pas rares en Phrygie, non plus que
les mines d'or, comme le témoigne la légende de son
ancien roi, Midas. L'art phrygien fut florissant au
IX e et au viii« siècle avant J.-C. ; il consistait surtout en
broderies, en tapis, dans la fabrication des voitures, etc.
— Les villes du pays étaient bâties pour la plupart dans
333
PHRYGIE
334
les vallées creusées par les fleuves; Homère vantait
déjà leur beauté. Les principales étaient : au nord,
Dorylseon et Kotyseon; à l'est, Amorion, Sjnnade et
Ipsos; dans la vallée du Méandre, Kélése ou Apamée
Kibôtos, ancienne résidence des rois phrygiens; puis
Laodicée, t. m. col. 82; Hîérapolis, t. m, col. 702;
Colosses, t. h, col. 860, célèbres dans l'histoire des ori-
gines chrétiennes.
III. Les habitants. — 1» Les Phrygiens étaient un
peuple très ancien. D'après la tradition grecque, ils
appartenaient à diverses tribus originaires de Macé-
doine et de Thrace, qui avaient émigré en Asie Mineure.
Cf. Hérodote, vu, 73; Strabon, X, m, 16; Pline, H. N.,
v, 41. Mais Hérodote, vu, 73, signale aussi leur parenté
avec les Arméniens, et il est fort possible, comme
l'admettent de nombreux auteurs, qu'ils aient formé
dans la péninsule asiatique une race un peu mélangée.
C'était un peuple doux et pacifique, efféminé même et
passif, qui demeura sans vigueur pour résister aux
influences étrangères; aussi fut-il débordé de toutes
76. — Carte de la Phrygie.
parts, aux différentes époques de son histoire, et jamais
il n'exerça un rôle important, sous le rapport poli-
tique, parmi les peuples anciens.
2° Les rochers abondent sur le territoire phrygien ;
aussi les habitants en profitèrent-ils de bonne heure,
pour y creuser des habitations, des sanctuaires, des
tombeaux, dont on a retrouvé de nombreux restes,
spécialement dans le district montagneux du Sanga-
rios supérieur. Il y a là des échantillons très intéres-
sants de l'architecture et de la sculpture phrygiennes.
Voir W. M. Ramsay, The Rock Necropolis of Phrygia,
dans le Journal of Hellenic Studies, t. m, p. 1-68,156-
263; t. v, p. 241-262.
3» La langue des Phrygiens, autant qu'on peut en
juger par les rares spécimens qui sont parvenus jusqu'à
nous, appartenait à la famille indo-germanique. Voir
de Lagarde, Gesammelte Abhandïungen, Leipzig,
1866, p. 276-280; Lassen, dans la Zeitschrift der
deutsch. morgenlàndischen Gesellschaft, t. x, p. 369-
375. Elle passait pour remonter jusqu'à l'époque des
premiers humains. Hérodote, H, 2; Pausanias, I, xiv,
12.
4° Les Phrygiens avaient aussi, à l'origine, leur reli-
gion à part, dont maint détail passa dans celle des Hel-
lènes. Leurs divinités principales étaient Men ou Manès,
Cybèle et Attis. Au culte qu'ils leur rendaient se mê-
laient les plus honteuses orgies. La légende religieuse
ilorissait en Phrygie, et elle a fourni des traits abon-
dants à la mythologie grecque, entre autres l'histoire
de Philémon et Baucis.
IV. Histoire de la Phrygie. — Sous le rapport
historique et politique, cette province a passé par des
vicissitudes multiples, dont nous n'avons à relever ici
que les points les plus saillants. Suivant les anciens
auteurs, cf. Hérodote, il, 2; Pausanias, I, xiv 12; Claû-
dien, In Eutrop., n, 251, etc., il exista d'assez bonne
heure, dans la vallée du Sangarios, un royaume auto-
nome. Toutefois, la Phrygie ne forma que pendant une-
période assez restreinte un État indépendant. On en-
tend dans Homère, Iliad., u, 862 et m, 187, des échos
de son ancienne grandeur. Parmi ses premiers rois,
on cite Gordios, et surtout Midas, dont on a retrouvé
naguère le tombeau, avec l'inscription « Midas, le roi ».
Mais, entre les années 680 et 670 avant J.-C, à partir
de l'invasion formidable des Cimmériens, l'histoire de
la Phrygie devint « une histoire d'esclavage, de dégra-
dation et de décomposition ». Encycl. britannica,
9 e édit., t. xvm, p. 851. Lorsque ces terribles envahis-
seurs eurent été expulsés d'Asie Mineure, vers la fin
du vi e siècle ou au commencement du v e , la Phrygie
tomba au pouvoir de Crésus, -roi des Lydiens. Un peu
plus tard, vers 546, les Perses s'en emparèrent à leur
tour; elle fut ensuite conquise par Alexandre le Grand,
qui la légua à ses successeurs. Les Galates l'envahi-
rent aussi en 278; mais, refoulés par Attale I er de
Pergame, ils ne réussirent à garder définitivement que
la partie nord-est du territoire.
Lorsque les Romains furent devenus maîtres de la
région qui avait formé la Grande Phrygie, ils en ratta-
chèrent les districts occidentaux à la province d'Asie
proconsulaire, sous le nom de Phrygia asiana (49
avant J.-C), tandis que les districts orientaux et méri-
dionaux étaient joints à la province de Galatie, sous le
titre de Phrygia galatica (36 avant J.-C). Elle cessa
par là-même d'avoir une existence politique séparée.
Son nom ne reparut officiellement, comme désigna-
tion d'une province, que vers la fin du m e siècle après
J.-C, lors de la nouvelle division de l'empire ro-
main. Voir J. Marquardt, Organisation de l'empire
romain, trad. franc., t. n, Paris, 1892, p. 237-239, 313-
314.
V. La Phrygie et les Juifs. — Favorisés par les
successeurs d'Alexandre le Grand, qui leur accordèrent
en Asie Mineure des droits égaux à ceux des Grecs et
des Macédoniens, de nombreux Israélites ne tardèrent
pas à s'établir dans les régions phrygiennes. Josèphe,
Ant. jud., XII, m, 4, raconte expressément qu'An-
tiochus le Grand, roi de Syrie (224-187 avant J.-C.),
transporta 2000 familles juives, de Mésopotamie et de
Babylonie, en Phrygie et en Lydie. Le Talmud range ces
Juifs de Phrygie parmi les descendants des dix tribus
qui avaient formé le royaume schismatique du nord,
sans doute parce qu'ils venaient de la Babylonie. Il les
juge assez sévèrement, car il va jusqu'à dire que « les
bains et le vin phrygiens les avaient séparés de leurs
frères. » Ce langage figuré signifie qu'ils étaient devenus
très relâchés sous le rapport religieux, et qu'ils avaient
adopté sur plusieurs points les mœurs des païens. Voir
Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris,
1868, p. 315; Talmud Babli, Sabbath, 147 6. Cf. Act.,
xvi, 1. D'autre part, ils exercèrent eux-mêmes une
influence salutaire sur les Gentils parmi lesquels ils
vivaient, et ils les préparèrent ainsi à recevoir la foi
chrétienne. Saint Luc nous apprend que, de leur côté,
ils se convertirent en grand nombre à la religion de
Jésus dans ces parages. Cf. Act., xm, 14, 43, 49-50;
xiv, 19, etc.
VI. La Phrygie dans l'Ancien et le Nouveau
Testament. — 1» Nous ne nous arrêterons pas au pas-
sage II Mach., v, 22, où il est simplement affirmé que
Philippe, qui avait été nommé gouverneur de Jéru-
salem par Antiochus Épiphane, vers l'an 170 avant
J.-C, appartenait à la race phrygienne, tô iièv ïivoi
335
PHRYGIE — PHUA
336
2» Au premier des trois endroits où elle est mention-
née dans le Nouveau Testament, Act., H, 10, la Phrygie
est prise aussi dans un sens assez général. Elle y apparaît
comme une des nombreuses contrées de la Diaspora
d'où il était venu des pèlerins juifs à Jérusalem, pour
assister à la fêtç de la Pentecôte : «... Ceux qui habitent
la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, F Asie,
la Phrygie, la Pamphilie, l'Egypte... » Dans cette énu-
mération extraordinaire, dont on a vainement cherché
le principe directeur, le mot « Phrygie » doit repré-
senter tout le territoire de cette contrée, tel qu'il exis-
tait à l'époque de saint Paul, c'est-à-dire, aussi bien la
P/irygia galatica que la Phrygia asiana. — Les deux
autres passages du livre des Actes où il est question de
]a Phrygie se rapportent, l'un au second voyage aposto-
lique de Paul et l'autre à son troisième voyage. Ils mé-
-ritent d'être étudiés simultanément. Act., xvi, 6 : ce Ils
(Paul et Ximothée) traversèrent la Phrygie et le pays de
Galatie, » Tî|v ^pu-ftav xat [tt|v] ra>aTixT|v y_(ipav. Act.,
xvm, 23 : « (Paul) ayant traversé successivement le
pays de Galatie et la Phrygie, » ttiv raXartXYjv ywpav
xai $puf îav. Dans les deux textes, le narrateur emploie
les mêmes termes géographiques, mais avec une
inversion occasionnée par la direction différente que
suivait l'Apôtre. Dans \e, premier cas, Act., xvi, 6,
saint Paul venait de Lycaonie, et, empêché par l'Esprit-
Saint d'annoncer l'Évangile dans l'Asie procomsulaire,
il se dirigea vers la Bithynie, après avoir traversé une
partie de la Phrygie et de la Galatie. Dans le second
cas, Act., xvm, 23, l'Apôtre se proposait expressément
de parcourir la Galatie et la Phrygie, pour se rendre de
là à j^phèse. Si nous nous reportons à ce qui a été dit
plus haut de l'histoire de la Phrygie, il n'est pas éton-
nant qu'à deux reprises cette province soit ainsi associée
à la Galatie. En effet, nous avons vu qu'avant l'époque
de saint Paul, la Phrygie avait été démembrée par les
.Romains et rattachée aux provinces de Galatie et d'Asie.
Dans nos deux textes, le mot Phrygie désigne donc
plus particulièrement la Phrygia asiana. — Selon
d'autres, l'expression t^v <&puYÏav xil [typ'] Vcù.a-mr^
yâpav, ou vice versa, désignerait un seul et même
district, qui était tout à la fois phrygien et galate :
phrygien 'sous le rapport ethnologique, et galate sous
le rapport politique, depuis son annexion à la Galatie.
— Les interprètes discutent aussi sur la nature du mot
«rpuytav dans les deux passages en question. Suivant
les uns, il serait de part et d'autre un adjectif, de sorte
qu'on devrait traduire, Act., xvi, 6 : « Ils - traversèrent
la région phrygienne et galate; » Act., xvm, 13, «Ayant
traversé la région galate et phrygienne. » .Selon d'autres,
'fpuYcav serait au contraire un substantif, Act., xvi, 6 :
« Ils traversèrent la Phrygie et la région galate; s
Act., xvm, 23 : « Ayant traversé la région galate et la
Phrygie. » D'après une troisième opinion, <I>puftcxv
serait pris adjectivement dans le premier passage,
Act., xvi, 6, et substantivement dans le second. Act.,
xvm, 23. L'emploi d'un seul article, du moins d'après
la leçon la plus accréditée, semble favoriser le premier
sentiment. Il est aussi question implicitement de la
Phrygie au passage Act., xix, 1, peragratis superiori-
bus partibus. En effet, d'après le contexte, les « parties
supérieures », ainsi nommées à cause de leur altitude
élevée, ne sont autres que les régions centrales de
l'Asie Mineure, c'est-à-dire la Galatie et la Phrygie,
que saint Paul venait de parcourir.
Ainsi donc, la Phrygie eut le grand honneur de re-
cevoir [au moins à deux reprises la visite de l'apôtre
des Gentils, qui y jeta les premières semences de la foi
chrétienne. On ignore cependant si c'est par lui direc-
tement, ou par ses discipies, que furent fondées les
Églises, si brillantes peu de temps après, de Colosses,
de Laodicée et de Hiérapolis, situées dans la vallée du
Lycus. En ce qui concerne celle de Colosses, il parait
plus "vraisemblable, d'après l'épltre qui lui fut adres-
sée par saint Paul, que l'Apôtre n'eut pas une part
immédiate à sa fondation. Voir L.-CI. Fillion, La
Sainte Bible commentée, t. vm, Paris, 1905, p. 395.
Selon d'anciennes traditions, saint Jean l'évangé-
liste aurait exercé plus tard un ministère person-
nel dans, la même vallée du Lycus. — La Phrygie a
joué un rôle important dans l'histoire de l'Église pri-
mitive, et on y voit encore les restes nombreux de
monuments chrétiens, antérieurs à l'époque de Cons-
tantin.
VII. Bibliographie. — Bergmann, De Asia Roma-
norum provincia, in-8°, Berlin, 1846; l'article Phry-
gien, dans la Realencyklopssdie der classischen Al-
terthumswissenschaft, t. v, p. 1569-1580; Becker-Mar-
quardt, Handbuch der rômischen Alterthûmer, Leipzig,
1843-1867, t. m, p. 136-139, 155-162; K. Ritter, Ver-
gleichende Erdkunde des Halbinselland.es Klein-Asien,
Berlin, 1859-1860, t. i, p. 520-680; Ch. Texier, Descrip-
tion de l'Asie Mineure, in-8°, Paris, 1863, p. 153-175;
W. M. Ramsay, Cities and bishoprics of Phrygia,
2 in-8°, Londres, .1895-1897 ; Id., Historiçal geogra-
phy of Asia Minor, in-8», Londres, -1890; Id., The
Church in the roman empire, in-8°, Londres, 1893;
Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité,
in-4», Paris, 1890; t. v, La Phrygie, p. 1-235, A. Torp,
Zu den phrygischen Inschriften aus rômischer Zeit,
in-4°, Christiania, 1894; Id., Zum Phrygischen, Chris-
tiania, in-4°, 18S6; G. Radet, En Phrygie : Rapport
stir une mission scientifique en Asie Mineure, in-8°,
Paris, 1895 (extrait des Nouvelles archives scienti-
fiques, t. vi); K. Ouvré, Un mois en Phrygie, in-18,
Paris, 1896; Reber, Die phrygischen Felsendenk-
màler, in-8°, Munich, 1897; V. H. Barclay, Cata-
logue of the greek coins of Phrygia, in-8°, Londres,
1906. L. Fillion.
PHRYGIEN (grec : $pû$), 'originaire de Phrygie.
II Mach., v, 22. Un officier d'Antiochus Épiphane,
appelé Philippe, était Phrygien d'origine. Voir Phi-
lippe 3, col. 266.
PHUA, nom dans la Vulgate d'une Égyptienne et de
deux Israélites qui portent tous des noms différents en
hébreu.
1. PHUA (hébreu : Pùvvdh; Septante : *o-ji), le
second des quatre fils d'Issachar. Gen., xlvi, 13;
Num., xxvi, 33; I Par., vu, \. Ses descendants furent
nommés les Phuaïtes. Num., xxvi, 23.
2. PHUA (hébreu : Pû'âh ; Septante : 4>oud), une des
deux sages-femmes égyptiennes que le pharaon char-
gea de faire périr tous les enfants mâles qui naîtraient
aux Hébreux. Exod., I, 15. Elle n'exécuta pas, ainsi que
l'autre sage-femme Sèphora, les ordres du roi et lui ré-
pondit, pour lui expliquer comment les nouveau-nés des
Hébreux n'avaient point péri, que les femmes des Hé-
breux n'avaient pas besoin de leur ministère. Les uns
pensent que Sèphora et Phua étaient Égyptiennes,
d'autres qu'elles étaient israélites. Josèphe, Ant.jud., II,
IX, 2, est de la première opinion; la plupart des com-
mentateurs juifs, saint Augustin, Cont. mend., xv,
t. XL, col. 539, et beaucoup d'autres sont de la seconde.
Les premiers allèguent que le roi d'Egypte ne pouvait
compter que sur des Égyptiennes pour en obtenir ce
qu'il voulait d'elles ; les seconds disent que les femme»
israélites n'auraient pas accepté les services des femmes
égyptiennes, et que celles-ci n'auraient pas consenti à
servir celles-là. L'origine égyptienne de Sépliora et de
Phua paraît plus vraisemblable. — Le nom de Phua,
2jT % \k .1 , Poua, se lit sur une stèle du musée-
337
PHUA — PHURIM (FÊTE DES)
338
du Caire. Voir Mariette, Catalogue général des monu-
ments d'Abydos, 882. C'était le nom d'une femme
égyptienne qui -vivait sous la XIII e ou la XIV e dynastie.
Voir Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques,
supplém.,'in-8°, Leipzig, 1892, p. 704, n. 1798. Quoique
deux sages-femmes seulement soient nommées, il
deyait y en avoir un plus grand nombre, mais comme
l'observe Aben-Esra, elles étaient les deux principales.
— Dieu, pour les récompenser de leur conduite,
« leur fit des maisons. » Exod., i, 21, c'est-à-dire fit
prospérer leur famille.
3. PHUA'fhébreu : Pà'âh; Septante : <ï>ouâ), de la
tribu d'Issachar, père du juge d'Israël Thola. Jud.,x,l.
Phua est, d'après le texte hébreu, bén-Dodô, ce que la
Vulgate traduit « Phua, oncle d'Abimélech », et les
Septante : « Phua, fils de son oncle. » Le plus probable
est que Dôdô est un nom propre. Voir Dodo 1, t. H,
col. 1459.
PHUAITES (hébreu : hap-Puni; Septante : Srjfioç 6
«Po-jat; Vulgate : P huait as), descendants de Phua, fils
d'Issachar. Num., xxvi, 23.
PHUD (Septante : $o-jS), la Pisidie, dans le texte grec
de Judith, n, 23 (13). D'après les Septante, Holopherne
ravagea Phud (la Pisidie) et Lud (la Lydie), etc. Voir
Pisidie.
1. PHUL (hébreu : Pûl; Septante : *oùX, "I>oua,
<ï>a),(ix, «ÊcAti;; assyrien : Pulu), roi d'Assyrie, le même
que Théglathphalasar. IV Reg., xv, 19; I Par., v, 26;
Voir Théglathphalasar.
2. PHUL, Pûl, dans 1* texte hébreu d'Isaïe, lxvi, 29.
Voir Afrique, t. i, col. 256.
PHUNON (hébreu- Pûnôn ; Septante : <f>iva>), campe-
meut des Israélites dans le désert, entre celui de Sal-
mona et celui d'Oboth. Num., xxm, 42-43. Eusèbe et
saint Jérôme, Onomaslic, édit. Larsow et Partbey,
p. 360-363, disent que $ivwv, «fouvwv, Fenon, était situé
entre Pétra et Zoar et qu'on y exploitait des mines de
cuivre. Saint Épiphane, flasr., lxviii, 3, t. xlii, col. 188,
parle des ^atvïjaLa pi-raMa, de même que Thèodoret
de Cyr, H. E., iv. 19, t. lxxxii, col. 1177, qui les ap-
pelle «fevvrjcria piiaX).a, xottà $£vvov (et non : xaia;pév-
v-f[i), et ils nous apprennent l'un et l'autre que beaucoup
de chrétiens avaient été condamnés à y travailler. Cf. Ni-
céphore, H. E., xi, 28, t. cxlvi, col. 665. Eusèbe, H. E.,
vin, 13, t. xx, col. 775, nomme quelques-uns de ces
martyrs. Cf. aussi Eusèbe, Hist. de martyr. Palsest., 7,
t. xx, col. 1484. Saint Atlianase, Hist. Arian. ad mon.,
60, t. xxv, col. 765, parle aussi de ces mines et dit
qu'on y trouve prompte ment la mort.
Le site de Phunon était donc bien connu des anciens,
mais le souvenir s'en était complètement perdu. Il a
été retrouvé en 1897 par le P. Lagrange. Phunon con-
serve encore aujourd'hui son nom sous la forme à
peine modifiée de Fendn. Le Khirbel Fendn est au
nord-ouest de Pétra, dans l'ouadi el-Arabah, à l'est,
voir la carte de l'Idumée, t. ni, col. 830. « Voici, dit le
P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1898, p. 114,
deux croupes massives qui ont l'aspect des mines de
cuivre de Maghâra, sur la route de Suez au Sinaï. C'est
bien le même grès d'un noir verdâtre. Au bas de la
montagne, une ruine immense (fig. 77), dominée par
une colline tout entière couverte de constructions.
C'était comme l'acropole. Sur ses flancs, à l'ouest,
deux églises orientées, partout des tas de scories,
toutes les traces d'une puissante installation indus-
trielle. Cet endroit n'est pas dépourvu d'un certain
charme. Avec un peu de soin, on pouvait avoir là le
confluent de deux ruisseaux perpétuels, l'ouadi Thana...
et l'ouadi Fenan qui remonte vers Chaubak. L'eau était
donc abondante; un aqueduc à peine rompu la condui-
sait dans un grand réservoir, et la situation, un peu
au-dessus de l'Araba, était meilleure que celle de Jéri-
cho et de Ségor... Aujourd'hui trois bergers gardent
(ces mines), en répétant sans le comprendre, le nom
de la vieille tribu édomite : Kharbet Fenân. Voir Phi-
non, col. 320. L'homophonie des noms est parfaite,
elle a résisté aux transformations des hellénistes, le
site est caractérisé par la présence des mines; nul
doute que nous ne soyons à Phunon. » Cette identifi-
cation est d'une extrême importance pour la détermi-
nation de la route suivie par les Israélites dans cette
partie de leur exode. Moïse put tirer des mines de
Phunon le cuivre nécessaire pour la fabrication du ser-
pent d'airain. Num., xxi, 8-9. Cet épisode miraculeux
eut lieu dans cette région, et c'est là que le place la
carte mosaïque de Madaba. — Phunon devint un siège
épiscopal pendant les premiers siècles du christia-
77. — Ruines de Fenân.
D'après un croquis de la Revue biblique, 1900, p. 285.
nisme. On trouve la suscription de quelques-uns dé ses
évêques dans les conciles orientaux, B. Gams, Séries
episcoporum, Ratisbonne, 1873, p. 454, et le P. La-
grange a découvert dans les ruines de Fenân, sur un
bloc de grès, Revue biblique, 1898, p. 449, le nom d'un
évêque Théodore. F. Vigouroux.
PHUR, singulier de Phurim. Esth., vin, 7; IX, 24
26. Voir Phurim.
PHURIM (FÊTE DES) (hébreu : yîmê hap-pûrîm,
pûrîm ; Septante : r\\i.ipcti t<ûv «fpoupotc, $poupat; Vul-
gate : dies phurim, phurim), fête instituée en mémoire
de la délivrance des Juifs du temps d'Esther.
1» Son origine. — 1. Lorsque Aman, ministre
d'AsSuérus, voulut se venger de Mardochée en faisant
exterminer tous les Juifs du royaume, il obtint du roi
un édit conforme à ses désirs. Mais il restait à déter-
miner le jour de l'extermination. Les Perses aimaienj-
à s'en remettre au sort quand ils avaient une décision
à prendre. Cf. Hérodote, m, 128. Au premier mois de
l'année, qui est celui de nisan, on jeta donc le pûr r
c'est-à-dire le sort, gôrâl, Esth., m, 7, « pour chaque
jour et pour chaque mois, jusqu'au douzième mois, qui
est celui d'Adar. » Le sort désigna le treizième jour du
douzième mois, ce qui laissait aux Juifs un répit d'urte-
année presque entière. Les Perses ne revenaient jamais
sur une décision du sort, si peu conforme qu'elle fût
à leurs désirs. Le 13 nisan, les secrétaires du roi expé-
dièrent des lettres à toutes les autorités du royaume,
pour qu'il fût procédé, le 13 adar, au massacre de
tous les Juifs. Esth., m, 7,13. - 2. « Pour, d'où pour-
rîm.... est une des racines les mieux connues et les
plus fixes des langues aryennes. Par en sanscrit, por-
339
PHURIM (FÊTE DES)
340
en persan; plere en latin, plein en français, répondent
à la même idée et communiquent le même sens à leurs
dérivés... Il s'agit d'un instrument fatidique, nommé
pour en langue perse, qu'on jetait devant toute personne
désireuse de prendre l'avis du destin. Le pour rendait
sans doute ses oracles par oui et par non... Il devait
répondre à une question bien déterminée, posée d'une
façon dichotomique : « Les Juifs seront-ils massacrés
« le premier jour du mois? » Nous savons que, consulté
jour par jour, mois par mois, le pour donna d'abord
un avis négatif, puis, quand on appela le treizième
jour et le douzième mois, il répondit : oui, c'est-à-dire:
tuez. » On a découvert à Suse un prisme quadrangu-
laire sur les faces duquel sont gravés des points, comme
jur nos dés. Voir t. n, fig. 484, col. 1325. « Les Perses
aimaient les jeux de hasard autant que le vin ; le petit
monument susien ne serait-il pas un de leurs dés; et
leurs dés, sous le nom de pour, n'auraient-ils pas
servi à consulter le sort et à tenter la fortune? Pour,
pas plus que cartes, urne ou dés, n'a le sens propre de
sort, mais tous ces mots entrent dans des phrases sem-
blables : jeter le pour, tirer les cartes, mettre la main
dans l'urne, agiter les dés, qui éveillent toutes quatre la
même idée : consulter le sort. L'expression perse
pour, littéralement « plein, solide », répond même
dans une certaine mesure à la forme du dé achéménide .»
Dieulafoy, L'acropole de Suse, Paris, 1892, p. 362-363.
Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit. , t. iv, p. 646-652. — 3. A la prière d'Esther,
Aman fut condamné, et des courriers furent expédiés
dans les provinces pour permettre aux Juifs de se
défendre le 13 adar. A Suse, dans toutes les villes et
dans toutes les provinces, le nouvel édit royal produi-
sit un revirement total de l'opinion en faveur du
peuple voué à la mort; « il y eut parmi les Juifs de la
joie et de l'allégresse, des festins et des fêtes, et beau-
coup de gens d'entre les peuples du pays se firent
Juifs, parce que la crainte des Juifs les avait saisis. »
Esth., vin, 9-17. Le 13 adar, les Juifs prirent les armes
contre leurs ennemis et en firent périr un grand
nombre. Esther obtint même qu'à Suse le massacre se
renouvelât le 14. A trois reprises, le texte sacré
remarque que les Juifs « ne mirent pas la main au
pillage ». Eslh., ix, 1-16. — 4. Après cette exécution
les Juifs se reposèrent le 14 adar, à Suse le 15 seule-
ment, et ils en firent un jour de joie et de festin. Mardo-
chée écrivit le récit de ce qui s'était passé et ordonna
que, chaque année, le 14 et le 15 adar fussent célébrés
par des festins, des échanges gracieux et des distribu-
tions aux indigents. Esther et Mardochée écrivirent par
deux fois, afin d'établir cette fête à perpétuité, en la
faisant précéder déjeunes et de lamentations, à l'exemple
de ce qu'Esther avait elle-même pratiqué. Esth., IV,
16; ix, 17-32. La part prise par Mardochée à tous ces
événements et à l'institution de la fête fit donner à
.chacun de ces deux jours le nom de Map8ox<*Vxri ^Épa,
Mardochsei dies, « jour de Mardochée ». II Mach.,
xv, 37.
2» Sa célébration. — 1. La fête se célébrait pendant
deux jours, le 14 et le 15 adar, en mémoire des deux
jours accordés aux Juifs de Suse pour se défendre.
Dans les années auxquelles on ajoutait un mois inter-
calaire, le veadar (voir t. n, col. 66), on célébrait deux
fois la fête des Phurim, qu'on appelait petit Phurim en
adar, et grand Phurim en veadar. La veille de la fête,
13 adar, était un jour de jeûne appelé «jeûne d'Esther».
Mais si le 14 adar tombait un jour de sabbat, le jeûne
du 13 était avancé d'un jour. Les règles du jeûne chez
les Juifs eussent été trop difficiles à observer la veille
d'un jour où était défendue même la préparation des ali-
ments. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. Il va de soi que le
jeûne était également avancé quand le 13 adar était
un jour de sabbat. Du reste, on évitait que la fête
tombât le second, le quatrième ou le septième jour de
la semaine. — 2. La fête des Phurim ne s'introduisit
pas sans quelque difficulté en Palestine, si l'on en croit la
Gem. Jerus. Megilla, 70, 4. C'était une nouveauté contre
laquelle un bon nombre protestaient. Elle finit cependant
par être acceptée, et la mention qu'en fait le second
livre des Machabées, xv, 37, prouve qu'en 162 avant
Jésus-Christ, on la célébrait à Jérusalem. Elle ne com-
portait pas de service liturgique. Aucun sacrifice
n'était donc prescrit à cette occasion, ce qui s'explique
par ce fait que la fête avait eu son origine en pays
étranger. Le livre d'Esther ne prévoit d'ailleurs aucun
exercice religieux, pas même des actions de grâces au
Seigneur. A une époque qu'on ne peut déterminer, on
institua des réunions dans les synagogues. Dans la
réunion de la veille, on lisait deux passages de la Genèse,
xxxii-xxxiv. Ce même jour, on envoyait de l'argent ou
des dons en nature aux pauvres, afin qu'ils pussent se
réjouir le lendemain. — 3. L'acte le plus important du
14 était la lecture de la megillâh. Ce nom, qui signifie
« rouleau, volume », était commun à cinq livres sacrés.
Voir Megii.loth, t. iv, col. 932. Mais on le donnait par
excellence et sans autre désignation au livre d'Esther,
à cause de l'importance que lui faisait attribuer la fête
des Phurim. Les Juifs disaient proverbialement que le
Temple et les prophètes pourraient disparaître, mais
jamais les Phurim ni la Megillâh, et ils croyaient que
le Messie n'abrogerait ni la loi de Moïse ni le livre
d'Esther. La lecture solennelle de la Megillâh se faisait
dans les synagogues, à la lueur des flambeaux, le soir
ou la nuit, mais à des jours différents suivant les lieux,
le 15 adar dans les kârakîm, ou villes enceintes de
murailles au temps de Josué, le 14 dans les autres
villes ou 'ârim, et enfin, dans les bourgs ou kefârim,
le second ou le cinquième jour de la semaine le plus
voisin de la fête. Si celle-ci tombait le jour du sabbat,
la lecture se faisait Pavant-veille. Les années où l'on
célébrait la fête des Phurim en adar et en veadar, la
lecture n'avaitlieu que la première fois. Cf. Megilla, i, 4.
Le matin de la fête, on lisait le passage de l'Exode,
xvii, 8-16, qui raconte la victoire sur lés Amalécites,
parce qu'on supposait qu'Aman avait eu pour ancêtre
le roi amalécite Agag, Cf. I Reg., xv, 8; Esth., m, I.
— 4._Le traité Megilla de la Mischna a pour objet
la manière de lire le livre d'Esther à la fête des Phu-
rim. Cette lecture donnait lieu à des manifestations
bruyantes, qui étaient probablement la cause de son
interdiction le jour du sabbat, autant que l'absence du
nom de Dieu dans le livre. Voir Esther (Livre d'),
t. il, col. 1980. Ces manifestations, introduites à une
époque où la fête prit un caractère de plus en plus
profane, furent probablement la raison pour laquelle
on fit une rédaction abrégée du livre d'Esther, dans
laquelle n'apparaissait plus le nom de Jéhovah.
Cf. Cornely, lntroduct. specialis in hist. V. T. libr.,
Paris, 1887, t. n, p. 436; Zschokke, Historia sacra,
Vienne, 1888, p. 343. Quand le nom d'Aman se pré-
sentait au cours de la lecture, on s'écriait : immah
semô, « que son nom soit détruit ! » ou sêm resà'îm
irqâb, « que le nom des méchants pourrisse]! » Les
enfants battaient des mains, frappaient les bancs ou
heurtaient à grand bruit l'un contre Vautre des mor-
ceaux de bois ou de pierre sur lesquels ils avaient
écrit le nom d'Aman. A la fin de la lecture, toute l'as-
semblée poussait des acclamations : « Maudit Aman!
Béni Mardochée ! Maudite Zarès (femme d'Aman) ! Bénie
Esther! Maudits idolâtres! Bénis tous les Israélites!
Béni Harbona qui a pendu Aman! » Esth., vu, 9. Dans
leurs imprécations, les Juifs visèrent par la suite tous
ceux qu'ils regardaient comme leurs ennemis. Parfois,
sans doute, il leur arrivait de faire des aumônes même
aux chrétiens pauvres, à l'occasion de la fête des Phu-
rim. Mais d'autre fois, ils brûlaient l'effigie d'Aman
341
PHURIM (FÊTE DES) — PHUTH
342
et en même temps une croix, en haine de la foi chré-
tienne. Théodose fut obligé de leur défendre ce sacri-
lège. Cod. Theod., XVI, vin, 18. — 5. Les festins qui
accompagnaient la fête des Phurim étaient joyeux et
copieux. D'après la Gem. Megilla, vu, 2, chacun de-
vait boire, à la fête des Phurim, de manière à ne plus
pouvoir distinguer entre « maudit Aman » et « béni
Mardochée ». — 6. Un certain nombre d'auteurs ont
pensé que la fête mentionnée par saint Jean, v, 1,
éopTT„ « une fête, » ou d'après plusieurs manuscrits
tj êoptr), « la fête, » n'était autre que celle des Phurim.
Mais cette fête n'obligeait pas à se rendre à Jérusalem
«t il serait étonnant que saint Jean se fût arrêté à signa-
ler une solennité d'un caractère si profane. Il parle
manifestement d'une fête qui attirait à Jérusalem un
grand concours de peuple. A la suite de saint Irénée,
Adv. hœr., n, 22, 3, t. vu, col. 783, et conformément
aux conclusions d'Eusèbe, Chronic., et Demonstr.
evang-, t. xix, col. 536; t. xxn, col. 625, on croit assez
généralement que cette fête était la Pàque. Cf. Fillion,
Évang. selon S. Jean, Paris, 1887, p. 92, 93; Knaben-
bauer, Evang^ sec. Joan., Paris, 1898, p. 187. — 7. Enfin,
on a cherché à ratlacher la fête juive des Phurim à cer-
tains usages en honneur chez les Perses. La fête ne se-
rait qu'une adaptation, par les Juifs de Suse, d'une fête
de printemps que les Perses célébraient annuellement.
Selon d'autres, elle devrait son origine aux festins que
les Perses faisaient en l'honneur des morts pendant
dix jours, les cinq derniers jours du douzième mois
d'abân et les cinq jours intercalaires qui suivaient. Ces
solennités gastronomiques s'appelaient Fôrdigdn ou
Pôrdigân, termes que reproduiraient approximative-
ment les mots des textes grecs ^poupaî et <J>poupaïa, et
les festins du 14 et du 15 adar n'en seraient que l'imi-
tation. On a prétendu aussi que cette fête n'était qu'un
prélude de la fête de la Pâque, qui tombe juste un
mois plus tard. Cf. Riehm, HandwôHerbuch des
biblisch. AUertums, Leipzig, 1894, t. n, p. 1264.
Toutes ces allégations se heurtent au récit du livre
d'Esther qui ne fait pas la moindre allusion, à propos
de la fête des Phurim, ni à une solennité printanière,
ni au souvenir des morts, ni à une préparation anti-
cipée à la Pâque. Les festins sont de tous les temps et
de tous les pays et il était naturel d'y recourir pour
célébrer une délivrance. Ils étaient déjà prescrits aux
Israélites dans leurs autres fêtes. Deut., xvi, 11, 14. En
somme, l'historique de la fête des Phurim est aussi
incontestable que celle des autres fêtes instituées après
la captivité, celle de la Dédicace, II Mach., x, 1-8, et
celle du 13 adar en souvenir de la mort de Nicanor.
II Mach., xv, 36-37. — Cf. Reland, Antiquitates sacrse,
Utrecht, 1741, p. 268-269; lken, Antiquitates hebraicx,
Brème, 1741, p. 141-142, 336-338; W. Schickard,
Purim sive Bacchanalia Judseorum, dans les Critici
sacri, t. m, col. 1184; B. L. Eskuche, De festo Judseo-
rum Purim, Marbourg, 1734. H. Lesêtre.
PHUTH (hébreu : Pût; Septante : *oû8, Afêus«; Vul-
gate : Phuth, Phut, Libyes, Libya, Africa), pays.
I. Les textes. — Isaïe, lxvi, 19, sous le règne et
vers la tin de la vie d'Ézéchias, vers 698 avant J.-C, parle
du royaume messianique et des Juifs incrédules. Tou-
tefois, parmi ces derniers, quelques-uns resteront
fidèles et Dieu les enverra prêcher sa gloire aux Gentils,
aux « Pûl » entre autres et aux « Lûd qui tirent de
l'arc », ce que la Vulgate rend par in Africain et Ly-
diam tendentes sagittam. Pûl est un mot qui ne se
rencontre nulle part ailleurs et qui semble une cor-
ruption pour Pût. Ainsi l'ont compris les Septante qui
le traduisent par $oj6. Leur lecture a été généralement
acceptée/ à commencer par saint Jérôme, comme
l'insinue le mot Africa. — Nahnm, ni, 9, nous
montre Pût et Lûbim parmi les auxiliaires de l'ar-
mée égyptienne, tandis que KûS et 'Misraîm sont la
force de Thèbes : Mthiopia fortiludo ejus et JEgy$>-
tus...; Africa (Pût) et Libyes (Lûbim) fuerunt in
auxilio tuo. Rien n'est plus exact, puisque, avant le sac
de Thèbes (664) par Assurbanipal, l'Ethiopie dominait
l'Egypte et ne faisait qu'un avec elle. Les Ethiopiens ne
pouvaient donc alors être considérés comme les auxi-
liaires de l'Egypte. Cf. No-Amon, t. iv, col. 1647. —
Jérémie, xlvi, 9, nous apprend que dans l'armée que
Néchao II conduit au désastre de Carchamis, 606 avant
J.-C, se trouvent des Éthiopiens (Kûs) et des Libyens
(Pût) armés du bouclier, et des Lydiens (Lûdîm) sai-
sissant et lançant des flèches. Ici les Éthiopiens ne sont
plus que les auxiliaires de l'Egypte et sur le même pied
que Pût et Lûdim. En effet les Éthiopiens, à cette date,
se sont retirés à Napata, et l'Egypte possède un gouver-
nement indépendant. — Ézéchiel, xxvn, 10, place, avec
les Perses Lûd et Pût, des Lydiens et des Libyens,
parmi les auxiliaires de Tyr qui doit tomber, ou du
moins se soumettre, après treize ans de siège, à Nabu-
chodonosor, 574 avant J.-C. Cf. Maspero, Histoire de
l'Orient classique, t. m, 1899, p. 549. Chez le même
prophète, xxx, 5, Kûs, Pût et Lûd, l'Ethiopie, la
Libye et les Lydiens, servent dans l'armée de Pharaon
que Nabuchodonosor heurtera en 568, dans sa deuxième
campagne contre l'Egypte. Cf. No-Amon, t. iv, col. 1652,
3°. — Enfin, chez Ézéchiel, xxxvm, 5, nous trouvons
dans l'armée de Gog, roi de Magog, avec d'autres peu-
ples Kûs et Pût, les Éthiopiens et les Libyens. — Dans
un passage de Judith, Septante, n, 23, Holopherne
vient d'arriver au nord de la Cilicie; il s'engage alors
dans les montagnes et ravage Pût et Lûd.
II. Phuth, peuple africain. — 1° Pour Nahum, m,
9, il n'y a pas de doute, Phuth est en Afrique. A Thè-
bes, dont l'Ethiopie et l'Egypte sont la force, puisqu'à
ce moment l'éthiopien Tanoutamen a succédé à son
père, l'éthiopien Tharaca, dans le gouvernement de
l'empire éthiopico-égyptien, Phuth fournit des auxi-
liaires au même titre que la Libye. Les gens de Phuth
sont donc comme les Lûdim des voisins de l'empire
éthiopico-égyptien. — 2° Isaïe, lxvi, 19, unit les Pût
aux Lûd, si vraiment, après les Septante, nous devons
lire Pût au lieu de Pûl. Mais comme Lûd représente
ici, nous dit-on, les Lydiens de l'Asie Mineure, il en
résulte que Pût paraît être aussi un peuple delà même
région. « Isaïe... comprend dans une énumération
Tarsis, Phoul (Phut), Loud, Thubal, Javan, leur ap-
pliquant la désignation commune A'iles, sous la-
quelle l'usage biblique entend l'Asie Mineure, les
îles de la Méditerranée, la Grèce et les îles plus
éloignées à l'ouest. Le texte d'Isaïe nous ramène donc
à l'Asie Mineure pour Loud en particulier et probable-
ment aussi pour Phout. » A. Delattre, Le peuple et
l'empire des Mèdes, Bruxelles, 1883, p. 159, note 1. A
cela on peut répondre : le texte en question, le mot
îles en particulier, ont-ils bien ce sens restreint?
« Et je ferai un prodige au milieu d'eux, dit le texte
hébreu, et j'enverrai de leurs réchappes vers les na-
tions, àTharsis (Tartessus, port phénicien d'Espagne),
à Pûl (Pût) et à Lûd qui tirent de l'arc, à Thubal (Ti-
baréniens du Pont-Euxin) et à Iavan (Ioniens, Grecs)
vers les îles lointaines, qui n'ont jamais entendu par-
ler de moi, et ils publieront ma gloire parmi les na-
tions. » De ceux qui auront échappé au jugement de
Dieu, il en est donc qui iront annoncer la bonne nou-
velle jusque chez les peuples reculés et peu connus,
chez toutes les nations, dont quelques-unes sont nom-
mées. Aucune limite ne leursera assignée que les limites
des îles « les plus lointaines », c'est-à-dire de l'uni-
vers. L'énumération d'Isaïe est si peu restrictive qu'elle
a pour but principal de montrer que le royaume de
Dieu sera prêché à tous. D'où il ne suit pas néces-
sairement que les peuples réunis par l'énumération
343
PHUTH
344
soient aussi réunis par la race ou par la géographie et
qu'il faille placer Put à côté de Lûd. Cf. Knabenbauer,
In lsaiàm, t. h, p. 515, 517. En accordant même que
ces deux peuples aient été voisins, rien ne nous garan-
tit que Lûd ait eu son habitat en Lydie. Sans vouloir
avec Ébers, Aegyplen und die Bûcher Mose's, 1868,
p. 91, en faire des Egyptiens, Lutu, ce qui est très
douteux comme lecture puisque le mot t=> "Se se lit
aujourd'hui plutôt romitou; ce qui est exclu par le fait
même que Lûd et Lûdim comptent ailleurs, .1er., xlyi,
9; Ezech., xxx, 5, parmi les auxiliaires des Égyptiens;
sans donc aller jusque-là, il est à propos de noter que
si dans la Genèse, x, 22, Lûd est le quatrième fils
ou la quatrième famille issue de Sem, Lûdim, x, 13,
est la première famille issue de Misraïm. Il y eut donc
à l'origine deux peuples de ce nom, l'un asiatique, les
Lûd, l'autre africain, les Lûdim. Malheureusement, la
(UstiafiXuyo. 4e. os.?, Aenx. ççuçV&s xxe se conserve-ças
chez les prophètes qui emploient indifféremment et
l'un pour l'autre Lûd et Lûdim. Cf. les passages paral-
lèles, ,1er., xl vi, 9, et Ezech., xxx, 5. On ne peut donc
rien conclure contre l'origine africaine des Lûd tels
qu'ils apparaissent dans le texte de Jtrémie, à plus
forte raison des Pût que rien n'autorise à dédoubler et
à sortir de l'Afrique où les met clairement Nahum. On
pourrait objecter le texte des Septante dans Judith, il,
23.' Mais nous ne possédons pas le texte original de ce
livre. Les noms propres surtout, dans les manuscrits
des différentes versions, sont profondément altérés et
divers. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, t. n, 12 e édit.,
1906, p. 186-188. Si bien, qu'étant donnée la marche
d'Holopherne, qui ravage la Cappadoce, puis entre
dans la région des montagnes, c'est-à-dire la Pisidie,
le plus probable est de déduire avec Robiou, Deux
questions de chronologie et d'histoire éclaircies par
les Annales d ' Assurbanipal, 1875, p. 16, que « Phut » "
est ici pour « Phust », par suite de la chute de la
sifflante. « En effet, en suivant cette direction, les
massifs de la- Pisidie se présentaient devant eux (les
Assyriens,). L'omission de la sifflante par les copistes
suffit pour transformer en Phut le nom de cette
contrée. » — 3° Jérémie, xlvi, 9, et Ézéchiel, xxx, 5,
nous retiennent en Afrique avec Kus et Pût qui ma-
nient le bouclier, quoi qu'il en soit de Lûdim et Lûd.
Ces derniers pourraient bien être des Lydiens à
l'époque de Néchao et d'Amasis. Les Grecs et leurs
voisins de l'Asie Mineure sont nombreux alors dans
l'armée égyptienne, et, peu après la seconde campagne
de Nabuchodonosov, Amasis resserra ses liens avec eux
en s'alliant à Polycrate de Samos et à Crésus de Lydie,
Hérodote, ni, 39, i, 77. — 4° Ézéchiel, xxvn, 10, ne
nous parle plus de l'armée égyptienne, mais de l'armée
qui défend Tyr, et cette armée comprend des Perses,
des Lûd et des Pût. A première vue, un tel groupement
dans un tel endroit peut surprendre, et on a voulu y voir
une « simple paranomase ». Cf. Frd. Delitzsch, Wo
lug das Paradies, 1881, p. 252. Mais si nous nous rappe-
lons qu'à ce moment la mer Rouge est reliée au Nit et
à la Méditerranée, que les colonies phéniciennes sont
disséminées en Syrie, en Mésopotamie, au golfe Per-
sique, en Egypte, sur les différents rivages de l'Alrique,
dans la plupart des iles de la Méditerranée, sur la mer
Noire et en Espagne, cf. Movers, Die Phônizier, 1841-
1856, t. il, 2, nous ne serons pas étonnés de voir Tyr
recruter ses mercenaires jusque chez les nations les
plus éloignées. D'ailleurs, à le bien regarder, le texte
sacré ne nous force nullement à faire coudoyer dans
Tyr même les gens de Pûtpar les Perses et les Lydiens.
Ézéchiel ne borne pas sa vue à la ville de Tyr, mais il
embrasse Tyr et tout l'ensemble de ses colonies et, pour
ainsi dire, son rayonnement entier : « Les Perses et
les Lydiens et Pût combattaient dans ton armée; ils
suspendaient chez toi le casque et le bouclier et te
donnaient de la splendeur. » Il peut très bien n'être
question que de mercenaires soudoyés sur place pour-
la défense des colonies phéniciennes où Tyr, métropole-
des nations, était encore chez elle, et alors rien de
plus naturel que les gens de Pût lui aient servi de mi-
lice dans ses postes africains de la mer Rouge^ pendant
que les Perses et les Lydiens jouaient ailleurs le même
rôle, tous contribuant à la gloire et à la force de Tyr»
Cf. Knabenbauer, In Ezechielem, p. 270-271. — 5» Ézé-
chieî, xxxvm, 5 : Que Gog, roi de Magog, soit un per-
sonnage historique ou non, il est ici une figure. Il
incarne la lutte générale, et peut-être la grande et
suprême lutte contre le royame de Dieu. Tel sera son
prestige qu'il recrutera ses partisans dans le monde
entier. Afin de rendre sa description plus saisissante,
le prophète ne se contente pas de parler en général, il
s'accommode à l'esprit de ses contemporains et il leur
cite des peuples aux noms et aux caractères connus,
pour leur montrer que ces adversaires seront impla-
cables autant qu'innombrables. Il nous faut donc gar-
der le symbole, mais en en distinguant la chose signi-
fiée, et nous comprendrons sans peine pourquoi les
nations africaines de Kûs et de Pût sont contenues dans
cette énumération des contingents de l'armée de Gog,
géographie vivante au moment où l'auteur parle, bien
qu'elle ne doive plus l'être probablement quand se
produiront les événements. Cf. Knabenbauer, loc. cil.,
p. 388-391. — En résumé, de l'examen de nos textes, if
ressort qu'il n'y a qu'un peuple de Pût et qu'il est
africain. C'est ainsi d'ailleurs que l'avaient compris les
Septante et la "Vulgate puisqu'ils rendent toujours ce
nom chez les Prophètes par Libyens.
III. Pût et Pont. — Où les Septante se sont trompés,
et, après eux, la Vulgate, c'est en identifiant Pût avec
les Libyens. Ils ne faisaient, du reste, que suivre une
tradition. Cf. Josèphe, Ant. jud. I, vi, 2. Cf. Pline,
H. N., v, 13 et Ptolémce, IV, i, 3. Jusqu'à notre
époque les interprèles de l'Écriture s'en sont tenus à
la tradition mentionnée dans Josèphe et plusieurs s'y
tiennent encore. Cf. Riehm, Ilandivôrterbûch des bibl.
Allertums, 2« édit., t. il, p. 1268. Mais elle ne mérite
aucune attention, car les anciens Égyptiens ne connu-
rent jamais la Mauritanie marocaine. De plus, elle ne
lient aucun compte de ce fait que l'Écriture dislingue
à plusieurs reprises les Pût des Libyens : Lehabim et
Lubim. Gen., x, 13; Nahum, m, 9; Ezech., xxx, 5. —
Pour justifier la traduction de Pût par Libyes, quelques
commentaleurs, cf. Dillmann, Genesis, 4» édit., 1882,
p. 169, ont fait appel au mot cJ>i.ii.T, désignant la Li-
bye et surtout la partie occidenlale du Délia. Mais on
ne connaît pas encore en égyptien le correspondant de
ce mot et l'on ne voit pas d'après quelles règles de
linguistique il serait représentatif d'un terme égyptien
équivalent à Pût et qui aurait influencé les traducteurs.
D'autre part, des égyptologues ont comparé PûtàTy^
qu'ils lisent peti, pâte, « guerriers étrangers, merce-
naires ». Cette expression vient de ^, , padit, pedet,
», en copte nrre au masculin, fb^rr au féminin;
« arc
écrile
III
■«> llll'l' e " e désigne les « neuf arcs » que les
statues royales foulent aux pieds et qui représentent
les ennemis de l'Égyple. Étant donnée la lecture peti,
pâte, elle ne serait pas sans analogie avec Pût que la
Bible accole de l'épithète « maniant l'arc ». Par suite,
Pût désignerait en général tous les contingents étran-
gers, tant africains qu'asiatiques, à la solde de l'Egypte
et même d'autres nations. Nous les trouvons, en effet,
dans les forteresses du Delta oriental, Papyrus Anas-
iasi, m, 6, lig. 4; 7, lig. 6; gardant les puits de la Pa-
lestine orientale, ib., v, 11, lig. 7; à Héliopolis, ib., I,
10, lig. 1 ; en Ethiopie, Papyrus judiciaire de Turin,
345
PHUTH
346
pi. v, lig. 3; dans l'armée fédérale des. Chétas se bat-
tant contre Ramsès II. Lepsius, Denkmâler, Abth. in,
165. Cf. Delattre, Lettres de Tell el-Amarna, 7 e série,
dans Proceedings of the Society of Biblical Archse-
ology, t. xv, 1892-1893, p. 347-34S, note de Wiedmann.
Allant plus loin ; comme au temps des Prophètes les
mercenaires de l'armée égyptienne étaient surtout des
Libyens, on pourrait avancer qu'il n'était pas dérai-
sonnable de rendre Pût par Ai6veç. A cela il n'y a
qu'une difficulté, mais elle est capitale, c'est que la
lecture peti, pâte est fautive, comme le prouvent les
transcriptions assyriennes des Lettres de Tell el-
Amarna : bitati, n. 72 de Berlin, lig. 27, pidati, n.102,
verso lig. 59, bi-it-ta ti, n. 37 du British Muséum,
lig. 47. Cf. Delattre, loc. cit. Or pidati et variantes
nous donnent en égyptien pedate, pedati qui, comme
formation, ne concorde pas avec Pût. Cf. W. M. Millier,
art. Put, dans Cheyne-Black, Encyclopedia biblica,
t. IV, col. 177. Il est donc nécessaire de nous tourner
ailleurs. — Le premier, E. de Rougé attira l'attention
sur un peuple que nous rencontrons dans les docu-
ments égyptiens de toutes les époques : | aa .'T. .
Punt. Recherches sur les monuments qu'on peut
attribuer aux six premières dynasties, 1866, p. 4-5.
Il déduisait qu'on pouvait reconnaître Phuth dans le
nom de Punt. Cf. Ebers, Aegypten und die Bûcher
Mose's, 1868, p. 64; Brugsch, Die altaegyptische Voel-
kertafel, p. 38, 45, 51, 59, 66, dans V e Congrès inter-
national des Orientalistes, Berlin, 1882, w partie,
1 er fasc, section africaine; Weisbach-Beng, Die Alt-
persisehen Keilinschriften, 1893, p. 36-37; W. M.
Mùller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denk-
nwlern, 1893, p. 115. Ce dernier auteur, art. Put, loc,
cit., ajoute : « Les Égyptiens prononçaient le t après m
avec un son que les Grecs rendirent par 6 (cf. $oû5
rendu constamment, non d'après l'hébreu, mais d'après
la prononciation égyptienne), les Sémites par teth.
Ainsi Pût est pour Pu(n)t, et cela très régulièrement. »
L'opinion d'E. de Rougé est de plus en plus générale-
ment admise aujourd'hui.
IV. Race de Punt. — Le portrait des indigènes de
Punt nous a été conservé, entre autres, par le temple
de Deir el-Bahari, Mariette, Deir el-Bahari, 1877,
pi. 5, 13-16; Naville, Deir el-Bahari, t. m, 1898,
pi. lxix, lxxiv, lxxvi (XVI e Mémoire de VEgypt Explo-
ration iund); par le Tombeau de Rekhmara, publié
par Ph. Virey, dans Mémoires de la mission archéolo-
gique française au Caire, t. v, fasc. î, 1889, pi. îv; par
les constructions d'Horemheb à Karnak (muraille est
de la Cour qui précède le dixième pylône, section com-
prise entre le temple d'Aménophis II et le pylône lui-
même). Cf. No-Amon, t. iv, col. 1643-1644, fig. 445 a. De
cette dernière représentation nous lisons, Lettre de
M. Bouriant à M. Max Mûller, dans Recueil des tra-
vaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyp-
tiennes et assyriennes, t. xvn, 1895, p. 41-43 : « Le
mur (section de mur en question) se divise en deux
parties, séparées par une porte donnant à l'extérieur
de la Cour. La partie la plus méridionale, celle, par
conséquent, qui est soudée directement au pylône,
portait un grand tableau représentant le roi amenant
à la triade thébaine un certain nombre de captifs...
Sur la partie du mur située au delà de la porte, un seul
peuple est représenté, mais traité en ami; il n'est ni
enchaîné ni même relié au roi par la corde tradition-
nelle. C'est celui de Punt, dont les chefs apportent l'or,
la gomme et les plumes d'autruche. Le type de ces
individus se rapproche assez du type égyptien pour
faire croire à une commune origine ; dans tous les cas
les chairs sont rouges, on peut encore le constater, et
le vêtement n'est pas autre chose que celui des Égyp-
tiens. Détail curieux à signaler : les chefs ne portent
pas l'épifhète de ;
W
-w__ (khesi, « vils ») dont on est si
prodigue envers les autres. » Sur la représentation du
tombeau de Rekhmara, il faut faire les mêmes re-
marques : les gens de Punt viennent en amis, leurs
traits sont ceux des Égyptiens, leurs produits, or,
gommes résineuses, œufs et plumes d'autruche, ivoire,
arbre à encens, la boswellia Carteri, singes et guépard,
« presque tout ce que l'on y voit rappelle l'Afrique
bien plus que l'Arabie; et si quelques traits peuvent
s'appliquer à cette dernière contrée, ils lui sont com-
muns avec les terres extrêmes du continent africain. »
Hamy, Etude sur les peintures ethniques d'un tombeau
thébain de la XVIII e dynastie, p. 21, tirage à part du
Bulletin de la Société anthropologique de Paris, X. x.
La représentation de Deir el-Bahari est de toutes la plus
caractéristique, malgré ses mutilations. Il s'agit d'une
expédition pacifique envoyée à Punt par la reine Hat-
chepsou. Cf. Naville, loc. cit., p. 11-21. En substance,
Naville observe que la flottille égyptienne débarque sur
une terre africaine. Les huttes des indigènes, arrondies
et surmontées d'un toit conique, sont bâties sur pilotis,
crainte des fauves et peut-être de l'inondation. Une
échelle y donne accès. Elles ne diffèrent point des
huttes qu'on retrouve aujourd'hui dans l'Afrique cen-
trale. La faune du pays ne comporte que des espèces
africaines : bœufs à cornes courtes, bœufs à cornes
longues et recourbées, que de nos jours encore on
exporte du Soudan en Egypte; girafes, chiens blancs aux
longues oreilles pendantes, cynocéphales, singes verts,
peaux de panthère, hippopotames. Bien africains aussi
sont les arbres à encens ou à myrrhe, les ébéniers,
l'or et l'antimoine. Les habitants sont plus significatifs
encore. On remarque parmi eux trois types : deux
sortes de nègres et les gens de Punt proprement dits.
Des nègres, les uns ont la peau noire, et sont probable-
. ment venus de l'intérieur pour leur commerce; les
autres ont la peau bronzée ou rougeâtre, différents des
premiers par leur visage ovale, leur nez fin et droit ou
d'une courbe légère, leurs attaches délicates, leurs che-
veux frisés, tenant le milieu entre les boucles des
Arabes et la laine crépue des Noirs, tous traits que
Deniker, The races of Man, p. 438, regarde comme le
lot de la race éthiopienne, dont les Gallas, avec leurs
épaules larges et leur tronc en forme de cône ren-
versé sur des hanches peu développées, sont le meilleur
spécimen. Quant aux gens de Punt, ils ont la peau
carminée, la taille élancée et bien prise, le nez aquilin,
la barbe longue et terminée en pointe, la chevelure
blonde qui s'étage en petites mèches ou se divise en
nattes soignées. Leur costume est fait d'un simple
pagne. Si la femme du chef est difforme, si la fille est
en voie de le devenir, c'est un genre de beauté toujours
apprécié dans les régions du Haut-Nil. Cf. Speke, Les
sources du Nil, édition française, 1865, p. 183; Schwein-
furth, Au cœur de l'Afrique, édition française, 1875,
t. i, p. 282. En tout, les gens de Punt apparaissent
comme des Chamites, appartenant à la race rouge dont
les Égyptiens sont une autre branche. C'est donc à tort
que Lepsius, Xubische Grammatik, £inleitung,p. xcvi,
et, après lui, Glaser, Punt und die sudarabische Race,
p. 66, ont voulu en faire des Phéniciens qui fondèrent
plus tard la colonie de Carthage. On rapproche ainsi
les noms : Puna, Phuna, Phœnix (<t><jcvilj), Posni, Puni.
Mais Puna, pour Punt, est une lecture incorrecte. En
outre, l'adjectif latin punicus est dérivé du nom
Pœnus, qui est l'équivalent exact de *oïvt£. Or, entre
"ÊoïviÇ et Punt, il n'y a ni ressemblance ni rapport
d'aucune sorte. La vocalisation gréco-romaine «Êoivtxsi;-
Pœni repousse toute équivalence entre Vu ou plutôt
le xv de Punt et Vu de Puni. Cf. Ed. Meyer, Geschichte
des Alterthums, 1884-1902, t. i, p. 216; Bissing, Ge-
schichte Aegyplens in Vmriss, 1904, p. 45.
347
PHUTH
348
V. Le pays de Punt. — Il est avant tout « les Échelles
de l'encens », khetiou nou dntiou, ®~ \^ ^ i *
S^^ ,|,, Naville, loc. cit., pi. lxxxiv, lig. 13, la
terre des parfums par excellence, ceux que les dieux
préfèrent et qu'à respirer les hommes éprouvent une
joie céleste. « Je t'ai donné, dit Amon à Hatchepsou,
tout le pays de Punt, y compris les terres des dieux de
la Terre divine... Les Échelles de l'encens, c'est en
vérité le lieu de mes délices. Je l'ai créé pour (y trou-
ver) le bien de mon cœur, dans la compagnie de Moût,
d'Hathor, d'Ourrit, dame de Punt. » Naville, loc. cit.,
lig. 10-13. Nous voyons par ce texte que Puni s'appelait
aussi la Terre divine H ~y^~ , ta neter. Punt et Taneter
sont d'ordinaire synonymes. Toutefois le second sem-
ble avoir un sens plus vague et plus étendu que le pre-
mier et l'on comprend dés lors que parfois on le place
au nord relativement à Punt. Cf. Maspero, De quelques
navigations des Égyptiens, 1878, p. 6. Par delà Punt
et la Terre divine s'étendaient les régions fabuleuses,
l'Ile des Doubles, la Terre des Esprits. — De ce qui a
été dit, il ressort déjà que le Punt connu des Égyptiens
. était en Afrique et l'on a pu soupçonner qu'il se trouvait
à l'est du Nil. Les documents hiéroglyphiques vont
nous permettre de préciser davantage. « Je suis venu,
dit Amon à Thoutmès III, et je t'accorde d'écraser la
terre d'Orient, de fouler aux pieds les habitants des
contrées divines. » Mariette, Karriak, 1875, pi. xi, lig. 15.
De même à Ramsès III : « Je tourne ma face vers
l'Orient... : je te l'assujettis en son entier...; je réunis
pour toi les produits de Punt, gommes odorantes, en-
cens, cinnamome..., l'odeur agréable en est devant toi. »
Champollion, Monuments de l'Egypte et de la Nubie,
Notices descriptives, t. i, p. 727. Tous les matins le
soleil arrivait de Punt chez les Mazaiou, c'est-à-dire
d'Orient en Occident. Mariette, Papyrus de Boulaq,
t. n. pi. xr, p. 2, lig, 4; cf. p. 1, lig. 4-5. C'est donc bien à
l'Orient de l'Egypte que se trouvait le pays de Punt. On
pouvait s'y rendre par les routes de terre et de mer.
C'est par les routes de terre que Hirkhouf, prince
d'Éléphantine, y parvint sous la VI e dynastie et en ramena
un pygmée, comme avait fait quatre-vingts ans plus
tôt un autre fonctionnaire de la V e dynastie. Maspero,
Histoire de l'Orient classique, t. I, 1895, p. 396-397.
432-433, pense que c'est par les vallées qui s'ouvrent
vers la mer Rouge un peu avant la seconde cataracte
que Hirkhouf toucha au pays de Punt. E. Schiaparelli,
Ùna tomba egiziana inedita- délia VJ 1 dinastia, dans
Atti délia R. Ace. dei Lincei, séria 4 a , t. x, 1893,
part. 1*, Memorie, p. 22, estime que ce fut plus au
sud encore que remonta Hirkhouf pour aller prendre
contact avec la Terre divine, p. 48-53. Dans la suite, on
préféra la route de Coptos par l'Ouadi Hammamat, jus-
qu'à Qoçéyr sur. la mer Rouge. De là, des chalands ayant
été construits sur place, on filait en course le long des
côtes vers le sud, on percevait les tributs des terres divi-
nes, surtout l'encens dont on avait besoin pour le culte
des dieux. Ainsi fit Hounou, l'ami unique de Sankhara
Mentouhotep, le dernier roi de la XI e dynastie. Lepsius,
Denkmàler, Abth.n, pi. 150a; Maspero, loc. cit., p. 494-
495. Ainsi fit un certain Khentkhétouer, en l'an XX VIII
d'Aménemhat II et, il consigna son heureuse croisière
sur une stèle de l'Ouadi Gasous. Erman, Slelen aus
Vddi Gasûs bei Qosêr, dans Zeitschrift fur àgyptische
Sprache, t. xx; 1882, p. 203-205. Ainsi feront tous les
rois aux époques prospères. On n'oubliera plus le
chemin de Punt que plus tard rendra plus abordable le
canal du Nil à la mer Rouge. Cf. Maspero, De quelques
navigations, p. 27-32; Naville, The Store-City'of Pi-
thom, 4 e édit., 1903, p. 21, 33. — Jusqu'à la XII» dynas-
tie, il semble que les Égyptiens n'aient connu de ce
pays que la partie située à la hauteur de Souakim et
de Massaouah, et pour cette époque seulement valent
les conclusions documentées de Krall, Studien zur
Geschichte des aiten Aegyptens, iv, ûas Land Punt,
dans les Sitzungsberichte de l'Académie impériale de
Vienne, t. cxxi, 1890, . p. 1-87; voir en particulier,
p. 21-22. En effet, Maspero, Notes sur quelques points
degrammaire et d'histoire, dans Recueil des travaux,
t. xvn, 1895, p. 76-78, a montré qu'à la XII e dynastie
l'on croyait que le Nil débouchait par là dans la mer
Rouge, vers l'île du roi des Serpents, qui répondrait à
l'île des Topazes des Anciens, dans la région moyenne
du golfe Arabique. Mais sous la XVIII e dynastie, la flot-
tille de la reine Hatchepsou parait avoir dépassé ces
limites. Ce n'est pas sur la côte même, mais dans l'es-
tuaire d'un fleuve que les Égyptiens débarquent, comme
cela résulte de l'examen des représentations de Deir el-
Bahari. Partant de ce fait, Maspero, De quelques navi-
gations, p. 20-22, a cherché le point d'arrivée de la
flottille dans l'une des rades accessibles, que signale le
Périple de la mer Erythrée, § 8-11, dans Mùller, Geo-
graphi Grseci minores, t. i, édit. Didot, p. 265-266, et
il a songé à la rivière de l'Eléphant dont l'Ouadi, « situé
entre le Ras el-Fil (cap Elephas) et le cap Guardafui,
paraît avoir été assez considérable pour que des navires
d'un faible tirant d'eau pussent y pénétrer et même y
évoluer à leur aise. C'était là, et là seulement, qu'à
l'époque romaine on recueillait la meilleure qualité
d'encens; c'est là probablement que les Égyptiens d'Hat-
chopsitou atterrirent. Ils remontèrent le fleuve jusqu'à
l'endroit où le flux et le reflux ne se faisaient plus sen-
tir, et ils mouillèrent en face d'un village épars sur la
rive, au milieu des sycomores et des palmiers. » His-
toire de l'Orient classique, t. Il, 1897, p. 245-248 et
notes. Ils auraient donc été en pleine côte des Somalis,
dans la région des Aromates des Anciens. Cf. Geograph.
Grseci minores, Tabulée, pars prima, tab. xn. Naville
ne pense pas autrement que Maspero. Cf. The tomb
of Hatchopsîtû, Londres, 1906, p. 26, 27, 30, 31. Le
même auteur, p. 25, fait une remarque qui vaut d'être
notée : « J'estime une erreur, dit-il, de considérer le
nom de Punt comme s'appliquant à un territoire aux
limites définies, soit à un État ou royaume, soit à un
groupe d'États. C'était une vague appellation géogra-
phique embrassant un pays d'une vaste étendue, le res-
sort de plusieurs nations de races diverses, sans aucun
lien entre elles. » Il juge même, loc. cit., p. 26, que
l'appellation s'étendait à la côte Arabique de la mer
Rouge. Aux gens de Punt vivaient plus ou moins mê-
lées les tribus chamitiques du désert, celles princi-
palement qu'on appela plus tard les Troglodytes et
les Ichtyophages (les Ababdéhs et les Bicharis de nos
jours), les Bedjas qu'on dit les descendants des Ble-
myes, les Sahos et les Afars de la côte Abyssine, les
Somalis et les Gallas. Plus avancés dans les terres,
touchant même au Nil et occupant les vallées de l'est
à la hauteur de la deuxième cataracte, disséminés vrai-
semblablement jusqu'à l'Atbara, étaient contigus au pays
de Punt les Mazaiou qui fournirent de tout temps à
l'Egypte de solides et nombreux contingents et dont le
nom finit par devenir synonyme de soldats. Cf. le copte
AA&.TOI. Le nom de Punt couvrit vaguement toutes ces
régions. C'est pourquoi, sous le nom de Pût-Punt, les
Prophètes purent désigner les mercenaires que plu-
sieurs de ces contrées envoyaient à l'Egypte. — D'autre
part, les Égyptiens ne connaissaient de Punt que quel-
ques points, surtout les stations côtières qui étaient des
entrepôts pour les produits de l'intérieur. Sur cet inté-
rieur, ils n'avaient que de vagues idées, et l'on s'ex-
plique que d'après leurs données obscures les savants
aient d'abord divergé beaucoup dans la maniéré de si-
tuer la Terre divine, qu'ils l'aient même étendue à la côte
asiatique de la mer Rouge, à l'Yémen et à l'Hadramaut.
Pour la bibliographie des opinions diverses ou succès-
349
PHUTH — PHYLACTÈRES
350
sives sur ce sujet, voir Maspero, loc. cit., p. 247, note 3.
Nous devons retenir une chose surtout, c'est que les gens
de Punt étaient de purs Africains, qu'entre eux et les
Égyptiens il n'y eut jamais que des rapports amicaux.
C'est en volontaires qu'ils livrent leurs tributs aux
envoyés de Pharaon ou qu'ils les apportent en Egypte.
Les Egyptiens, de leur côté, les traitent en frères plus
qu'en alliés et écrivent d'ordinaire le. nom de Punt
sans le déterminatif des peuples étrangers. Pour eux,
Bès, Hath'or, et d'autres dieux de la vallée du Nil étaient
originaires de Punt. Tout semble donc indiquer qu'entre
les Égyptiens et les gens de Punt il y avait des affini-
tés de sang et comme le souvenir d'un habitat com-
mun : c'était apparemment les deux branches d'un
même tronc. Et l'on est en droit de penser que les
habitants de Punt ne sont qu'une portion des conqué-
rants venus primitivement de l'Orient vers l'Egypte.
Cette portion s'arrêta en route, se fixa sur la côte afri-
caine de la mer Rouge, la dépassa même et s'enfonça
plus ou moins dans l'intérieur, pendant que la grande
masse des immigrants, suivant l'Ouadi Hammamat, abor-
dait par infiltrations successives à Coptos où Pétrie a mis
au jour les statues du dieu Min qu'il regarde comme
les plus anciens monuments dynastiques, Coptos, 1896,
p. 7. 9, et s'établissait dans les environs d'Abydos où se
trouvent les tombes des premiers rois. Cf. J. Capart, Les
débuts de l'art en Egypte, 1904, p. 278-280. Naville, La
religion des anciens Égyptiens, 1906, p. 9-12, pense que
les immigrants suivirent une route plus méridionale.
Pour récapituler, les textes de l'Écriture pris dans
leur ensemble nous obligent à situer en Afrique le
peuple de Phuth-Pût. Or, précisément, les textes hié-
roglyphiques nous donnent le nom d'un peuple et d'un
pays, Punt, qui est l'équivalent exact de Pût. Ce peuple
de Punt, d'après les produits de son sol et ses caractères
ethnographiques est purement africain, mais africain
étroitement apparenté aux Égyptiens avec lesquels il est
en rapports d'amitié constants, Il couvre de son nom
tout un groupe de tribus, chamitiques comme lui,
qui lui sont mêlées ou contiguës, s'étendent dans la
partie orientale du Nil, au-dessus de la première ca
taracte jusque vers l'Atbara, pépinière de soldats pour
l'Egypte. Quant à lui, il habite principalement les
côtes de l'Etbaye, de l'Abyssinie, des Somalis, pénétre
même les Gallas, faisant le commerce de ses produits
et servant d'intermédiaire pour les produits de l'inté-
rieur. Il marque probablement, à l'origine, la dernière
station des futurs conquérants de la vallée du Nil dont
il se détacha pour se fixer aux Échelles de l'encens.
C. Lagier.
PHUTIEL (hébreu : Pûti'êl; Septante : <£outtT)X),
père de la femme du grand-prêtre Éléazar, fils d'Aaron
et grand-père de Phinées. Exod., VI, 25. Voir Phinèes 1,
col. 319.
PHYGELLE (grec : §{ifzï\o<;, « fugitif [?] »), chré-
tien d'Asie qui, se trouvant à Rome pendant que saint
Paul y était prisonnier, l'abandonna, de même qu'Her-
mogène. II Tim., i, 15. Nous ne savons pas en quoi
consista l'abandon de Phygelle, s'il refusa simplement
de venir en aide à saint Paul ou s'il alla jusqu'à l'apos-
tasie. Voir Hermogène, t. m, col. 633. Ce qu'ont dit les
anciens à son sujet, et en particulier l'Ambrosiaster, In
Tim., i, 15, t. xvn, col. 487, est purement conjectural.
PHYLACTÈRES (grec : çpuXaxTrjpia; Vulgate :
phylacteria), inscriptions que les Juifs portaient à
leur front, au bras ou à la main.
, I. Leur origine. — l«Dans quatre passages du Pen-
tateuque, Exod., xm, 9)16; Deut., vi,8; xi, 18, le légis-
lateur, pour inculquer aux Israélites la nécessité de
l'obéissance aux préceptes divins, dit que ces préceptes
doivent être pour eux 'ôt, ^[teiov, signum, un signe
dans la main, un zikkarôn, « mémorial, » ou des tôtâfôt
devant les yeux. Le sens du mot tôtâfôt n'est pas bien dé-
terminé; on ignore de quel radical il provient. Cf. Buhl,
Gesenius' Handwôrterb., p. 295. Les Septante le tradui-
sent par «lâXsjTOv, « quelque chose de fixe, » la Vulgate
par appensum quid, « quelque chose de suspendu, » et
par les verbes niovebuntvr, « seront agités, » collocate,
«. placez. » La signification de tôtâfôt est vraisemblable-
ment analogue à celle de 'ô{. Il s'agit de part et d'autre
d'un signe, d'un mémorial, d'un zikkarôn, [jlvy)[i<So"Jvov,
monumentum, objet destiné à rappeler une idée, comme
il est dit dans' le premier de ces textes. Exod., xm, 9. —
2° Les Juifs de l'époque évangélique pensaient que les
recommandations du législateur devaient se prendre
dans le sens le plus littéral. En conséquence, ils écri-
vaient les passages indiqués par le législateur et se les
mettaient sur le front et dans la main, au moins pen-
dant la prière. Il est à croire que cette pratique, basée
sur l'interprétation servile du texte sacré, n'entra en
vigueur qu'après la captivité, quand le formalisme pha-
risien commença à exercer son influence et à substi-
tuer peu à peu la lettre de la loi à son esprit, les tra-
ditions humaines aux prescriptions divines. On a un
exemple analogue d'interprétation dans la mezuza. Voir
Mezuza, t. iv, col. 1057. Du temps de Notre-Seigneur,
les tôtâfôt étaient en honneur sous le nom de « phy-
lactères ». Le divin Maître en parle sans en réprouver
l'usage, mais seulement pour en blâmer l'abus. Josèphe,
Ant. jud., IV, vin, 13, les mentionne sans leur donner
de nom; il dit seulement que les Israélites écrivent et
portent sur leur front et leur bras ce qui rappelle la
puissance de Dieu et sa bonté envers eux. Saint Justin,
Dial. cum Tryph., 46, t. vi, col. 576, reconnaît dans
cet usage une prescription de la Loi. Un certain nom-
bre d'auteurs, anciens ou modernes, sont du même
avis; la Loi, selon eux, prescrivait réellement de porter
- par écrit, sur le front et à la main, plusieurs de ses
préceptes. Rosenmùller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 471,
dit que Dieu commanda cette pratique aux Israélites
afin de faire tourner au profit de la Loi le penchant
qu'ils avaient pour les amulettes, à l'exemple de tous
les peuples anciens. Il est probable que l'interpréta-
tion littérale des recommandations sur les tôtâfôt s'ins-
pira de la loi très positive qui concerne le sîsif. Voir
Frange, t. h, col. 2394. On crut que les 'ôf et les tôtâ-
fôt devaient être des objets matériels, comme les fran-
ges. — 3° 11 n'est pas possible cependant de faire re-
monter l'usage des phylactères au delà des siècles qui
précèdent immédiatement l'ère chrétienne. Cf. Frz. ûe-
litzsch, dans le Handwôrterb. des bibl. Altert. de
Riehm, t. i, p. 310. Parmi les Juifs eux-mêmes, les
Caraïtes ne les admettaient pas, convaincus que les
textes allégués devaient s'entendre dans le sens figuré.
Saint Jérôme, Ep. lu, 13, t. xxh, col. 537; In Matth.,
iv, 23, t. xxvi, col. 168, tout en affirmant par erreur que
c'était le Décalogue que l'on écrivait sur les phylactères,
dit que les pharisiens interprétaient mal la Loi et qu'il
s'agissait de la porter dans le cœur et non extérieure-
ment. De fait, dans les temps antérieurs à la captivité,
on ne trouve aucune trace de l'usage des^hylactères.
Saint Matthieu est le premier à en faire mention, sans
cependant les supposer récents. Il est certain que si
l'auteur sacré avait voulu que ses paroles fussent en-
tendues dans un sens matériel, il s'en serait expliqué
plus nettement, comme il le fait quand il s'agit de
prescriptions de ce genre, à propos des franges, par
exemple. Pour dire qu'il ne faudra jamais oublier les
commandements divins, le législateur ajoute : « Tu les
inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras
dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te
coucheras et quand tu te lèveras. » Deut., vi, 7. Ces
recommandations n'ont pas été prises, et avec raison,
selon la rigueur de la lettre. Pourquoi celles qui sui-
351
PHYLACTÈRES
352
vent, et qui se rapportent aux tôtâfôt, auraient-elles dû
l'être ? Bon nombre d'expressions équivalentes se ren-
contrent d'ailleurs dans les Livres sacrés, sans qu'on
ait songé à leur donner une interprétation matérielle.
Il est dit, par exemple, qu'il faut « attacher à son cou »
la miséricorde et la vérité, Prov., m, 3, ainsi que l'en-
seignement du père et de la mère, « lier sur ses doigts
et écrire sur la table de son cœur » les leçons du sage.
Prov., vil, 3, etc.; cf. Cant., vm, 6. Ces expressions
figurées ont toujours été comprises dans le sens d'une
grande attention, d'un soin vigilant, pour ne rien ou-
blier de ce qu'il faut retenir et pratiquer. Les anciens
Héhreux entendaient de même les recommandations
relatives â la Loi.
II. La. pratique juive. — 1° Les tôtâfôt prennent,
dans l'Évangile, le nom de ç-jXaxrripia. Matth., xxiu,
6. Le mot <ç>uXaxTT|piov vient de ouXoktiteiv, « garder, »
et signifie « moyen de garder, préservatif, amulette ».
Bien que le verbe o-jXaa-treiv ait quelquefois le sens
78. — Phylactère pour la tête. D'après L. Cl. Fillion, Atlas
archéologique de la Bible, 2' édit., pi. cix v
■d' « observer une loi », cf. Bailly, Dict. gr. franc.,
p. 2104, ce sens n'a point passé au substantif et il
n'est pas probable que l'évangéliste ou son traducteur
le lui aient prêté, contrairement à l'usage de la langue
grecque. D'ailleurs, le Targum sur Cant., vm, 3, voit
dans les phylactères des amulettes contre les démons.
Voir Amulkcte, t. i, col. 531. Il est donc à croire qu'à
l'époque évangélique le mot tôtâfôt avait pris ce sens.
On ne peut être étonné que les pharisiens aient re-
gardé le port des phylactères comme l'expression par-
faite de l'accomplissement de la Loi et comme un
préservatif assuré contre les malédictions qui mena-
çaient ses transgresseurs. Les rabbins ont substitué
au terme hébreu celui de tefillîn, qui vient de tefillâh,
« prière, a parce que les phylactères se portaient pen-
dant la prière et qu'ils constituaient eux-mêmes une
sorte de prière.
2» Les Juifs attachaient la plus grande importance
•aux phylactères. Il en est question dans quinze des
traités de la Miscima, cf. Berachotfi, m, 1, 3; Scliab-
-bath, VI, 2; vm, 3; xvi, 1, etc., et dans plusieurs
Targums. Un petit traité talmudique intitulé Massecheth
Tephillin ou simplement Tephillin, résume tout ce
que les docteurs ont décidé sur le sujet. Maimonide
s'en occupe dans Hilchoth Tephillin. On avait réglé
jusque dans les détails les plus minutieux ce qui con-
cerne les Tephillin. On en distinguait de deux sortes,
la {efillah Sél r'os, ou phylactère pour la tête (fig. 78),
et la (efillâh Sél yàd, phylactère pour la main, cf. Me-
nachoih, iv, 1, ou Sél zerôa', pour le bras (fig. 79
et 80), cf. Mikvaoth, x, 3. La tefillâh du front se"
composait d'une petite cassette de basane, divisée en
quatre compartiments, dans chacun desquels on enfer-
mait l'un des quatre passages prescrits, soigneusement
écrits sur parchemin. La cassette, appliquée sur le
- Phylactère pour le bras. D'après Kitto, Cyclopsedia
ofBiblical Literature, 1866, t. m, fig. 433.
front, y était retenue par deux courroies qui se nouaient
derrière la tête et venaient retomber sur la poitrine
par-dessus les épaules. La tefillâh de la main ou du
bras se composait également d'une cassette de basane,
mais à un seul compartiment dans lequel -un même
parchemin portait écrits les quatre passages sacrés.
La cassette devait, selon les pharisiens, s'attacher au
bras gauche par des courroies qui s'enroulaient ensuite
autour de l'avant-bras, de la main et des trois doigts
du milieu. Les sadducéens se contentaient de l'attacher
à la main gauche, interprétant ainsi le texte plus litté-
ralement. Les quatre passages à écrire sur les parche-
80. — Bras avec phylactère. D'après Kitto, fig. 435.
mins étaient les suivants : Exod., xm, 1-10, sur la fête
des Azymes; Exod., xm, 11-16, sur la consécration des
premiers-nés à Jéhovah; Deut., vi, 4-9, sur les com-
mandements et principalement le premier; Deut., xi,
13-21, sur les promesses et les menaces de Dieu au su-
jet de l'observation ou de la transgression de la Loi.
Comme on le voit, les deux derniers passages conte-
naient seuls des prescriptions d'un usage quotidien, et
l'on est en droit de trouver quelque peu singulière une
interprétation en vertu de laquelle on était censé avoir
devant les yeux et dans la main des préceptes dont le
tente, écrit s\ir parchemin, était soigneusement en-
fermé dans des cassettes. On avait autant de vénération
pour les Tephillin que pour la Sainte Écriture, cf. Ya-
dayim, m, 3, et l'on était autorisé à les arracher à un
353
PHYLACTERES — PIED
354
incendie, le jour du sabbat, au même titre que les
écrits sacrés. Cf. Schabbath, xvi, 1.
3" On prenait les phylactères pour la prière quoti-
dienne, composée des trois passages bibliques, Dent.,
vt, 4-9; xi, 13-21, et Num., xv, 37-41. Les hommes
seuls y étaient obligés; il n'est pas prouvé cependant
que cette obligation ait été regardée comme stricte.
Rien ne donne à penser que Notre-Seigneur se soit
jamais servi des phylactères, qu'il mettait sans nul
doute au rang des institutions humaines, et cependant
les pharisiens, qui lui reprochèrent tant de choses, ne
paraissent pas l'avoir blâmé de cette abstention. Sans
y être tenues, les femmes pouvaient les porter. On ne
les prenait pas les jours de sabbat ou de fête, parce que
ces jours rappelaient suffisamment par eux-mêmes le
souvenir de la loi du Seigneur. Cf. Midr. Mechïlta,\l,
2. On s'en abstenait aussi le premier jqur d'un deuil.
Un homme qui portait des téphillim ne devait pas
s'approcher à plus de quatre coudées d'une sépulture.
Il fallait se servir des deux mains, autant que possible
pour écrire les textes qu'ils contenaient. Ces textes
devaient toujours, même à l'étranger, être écrits en
hébreu. Cf. Megilla, i, 8.
4° Malgré le soin avec lequel les docteurs avaient
réglé tout ce qui se rapportait aux phylactères, rien
n'était déterminé, quant à la dimension des cassettes
et des courroies. &\re&\ \&s ptamsA&tis, \o\5JoiaTS portés
à exagérer les marques extérieures de religion, élargis-
saient-ils à plaisir les cassettes et les courroies de leurs
téphillim, comme pour faire entendre que la Loi tenait
une aussi large place dans leur pensée et dans leur
conduite que ses signes extérieurs en tenaient sur leur
front et dans leurs mains. En réalité, ils agissaient
ainsi « pour être vus des hommes », et, en dépit de
cette ostentation de piété, « ils négligeaient les points
les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et
la bonne foi », c'est-à-dire précisément les grands
devoirs rappelés dans les inscriptions des phylactères.
C'est ce que Notre-Seigneur leur reproche sévèrement.
.Matth., xxiii, 5, 23. 11 ne dit rien pourtant de l'usage
même des phylactères, le jugeant sans doute inoffensif,
quand on évitait d'en faire parade ou d'y attacher une
valeur superstitieuse.
5° Saint Jérôme, In Matlh., îv, 23, t. xxvi, col. 168,
atteste que, de son temps, les Juifs des Indes, de Perse
et de Babylonie se servaient encore de phylactères
pour se donner aux yeux du peuple un air de piété, de
même qu'ils fixaient des épines à leurs franges, pour
faire croire qu'en les piquant, ces épines leur rappe-
laient la Loi. 11 donne aux inscriptions des phylactères
le nom de pictatiola ou pitlatiola, de m-z-tdyuov,
« feuille de tablette », et il reproche à des femmes su-
perstitieuses d'imiter les pharisiens, en portant sur
elles de petits évangiles en guise d'amulettes. Sur ce
genre de phylactères, voir Amulettes, dans le Dict.
d'arch. chrét., t. i, col. 1788. Ils furent prohibés par
le synode de Laodicée, can. 30. Cf. Hefele, Hist. des
conciles, trad. nouvelle, Paris, 1907, t. I, p. 1018.
Sur les phylactères juifs, voir Ugolini, De phylacteriis
Hebrseorum, dans le Thésaurus, t. xxi; Spencer, De
nat. et origin. P hylacteriorum, dans le De leg. Be-
brxor. ritual., Tubingue, 1432, p. 1201-1232; Reland,
Antiquitates hebr aicse, Brème, 1741, p. 546-547; Schû-
rer, Geschichte des jùd. Volkes im Zeit. ) . C, Leipzig,
t. h, 1898, p. 484-486. H. Lesëtre.
PIANCIAN! Jean-Baptiste, savant jésuite italien, né
à Spolète, le 27 octobre 1784, mort le 23 mars 1862. Il
professa avec grande réputation les sciences physiques
et mathématiques au Collège romain. Son ouvrage In
historiam creationis mosaicam commenlatio, paru à
Naples en 1851, in-S", a été réimprimé d'abord à
Louvain, en 1853, puis à Paris, 1861. P. Bliard.
DICT. DE TA BJBLE.
PIED (hébreu : regel; Septante : _icouç; Vulgrite :
pes), organe s'articulant à l'extrémité de la jambe de
l'homme et posant à terre pour supporter le corps à .
l'état de station, ou de marche.
I. Au sens propre. — 1° Se tenir sur ses pieds, c'est
être valide et vivant, IV Reg., xm, 21; Ezech., xxxvn,
10; Zach., xiv, 12; I Mach., x, 72; Act., xrv, 9; xxvr,
16; Apoc, xi, 11. — Les pieds peuvent être atteints de
différents maux, la fracture, qui rendait inhabile au
sacerdoce, Lev., xxi, 19; la difformité, II Reg., îv, 4;
ix, 3, 13; la claudication, "Act., xrv, 7, etc. Chez les
anciens, un pied votif placé dans un sanctuaire indi~
quait que l'on avait été guéri. Un pied votif en marbre
blanc, mais mutilé, a été trouvé à Jérusalem, dans là
fontaine Probatique. Il est aujourd'hui au musée ju-
daïque du Louvre. Voir t. r, fig. 526, col. 1731. — Les
pieds du Messie durent être percés. Ps. xxn (xxs),
81. — Fellah conduisant avec le pied l'eau d'arrosage d'un
jardin dans la Haute Egypte. — D'après une photographie
prise à Miniéh et envoyée par le R. P. Jullien, S. J.
17; Luc, xxiv, 39, 40. — A la guerre, on coupait les
pieds et les mains des ennemis vaincus. II Reg.,
iv, 12; II Mach., vu, 4. — On liait les pieds et les
mains de ceux qu'on voulait réduire à l'impuissance.
Dan., m, 20; Matth., xxil, 13; Joa., xi, 44. — Le
vainqueur mettait le pied sur le cou du vaincu, pour
marquer sa domination et comme pour l'écraser. Jos.,
x, 24; Lam., m, 34; Rom., xvi, 20 (voir t. i, fig. 35,
col. 227). Les êtres inférieurs servent d'escabeau aux
pieds du supérieur, particulièrement de Dieu. Voir
Escabeau, t. h, col. 1912. Cf. Apoc., xn, 1.-2° On
embrassait les pieds de quelqu'un en manière de sup-
plication ou de vénération. IV Reg., rv, 27; Matth.,
xxviii, 9; Luc, vu, 38. — On faisait des onctions sur
les pieds du grand-prêtre, pour les consacrer. Exod.,
xxix, 20; Lev., vin, 23, et sur ceux du lépreux, pour
lui rendre le droit à la vie sociale. Lev., xiv, 14. Voir
Onction, t. iv, col. 1806. — 3 3 II est souvent question
de laver les pieds. Exod., xxx, 19, etc. Voir Lavement
des pieds, t. iv, col. 132. Il fallait avoir les pieds chaus-
sés pour manger la Pàque, Exod., xil, 11, et les pieds
nus dans un endroit consacré par la présence de Dieu.
Exod., m, 5; Jos., v, 16, etc. Les prêtres servaient
pieds nus dans le Temple. Cf. Middoth, i, 6; Schab-
bath, i, 11. Voir t. iv, col. 910. — En certaines circon-
V. -- 12
355
PIED — PIERRE (SAINT)
356
stances, on secouait là poussière de ses pieds. Matth.,
x, 14; Luc, x, 11, etc. Voir Poussière. En Egypte, on
dirige aujourd'hui avec une binette l'eau dans les
rigoles, mais autrefois on se servait aussi des pieds.
Deut., xi, 10 (fig. 81). Voir Irrigation,' t. m, col. 927-
929. — Au désert, par suite de la protection divine, les
pieds des Israélites ne s'enflèrent pas, malgré la durée
du voyage. Deut., vin, 4. — Sur Exod., iv, 25, voir
t. iv, col. 1195.
II. Au sens figuré. — 1° Être assis aux pieds de
quelqu'un, c'est être placé sous sa dépendance ou sa
protection. Deut., xxxm, 3; Ruth, m, 8. — Se jeter
aux pieds d'un autre, c'est s'adresser à lui en humble
esclave ou en suppliant. I Reg., xxv, 24; IV Reg., îv,
37; Judith, xm, 20; Esth., vin, 3; Marc, v, 22; vu,
25; Luc, vin, 41, 47; xvn, 16; Joa., xi, 32; Act, xvi.
29, etc. Voir t. i, fig. 37, col. 236; t. h, %. 541,
col. 1637. — Baiser les traces des pieds de quelqu'un,
Is., lx, 14; Esth., xm, 13, ou lécher la poussière de
ses pieds, Is., xlix, 23, c'est lui témoigner soumission
et respect. — Mettre sous les pieds de quelqu'un, c'est
placer sous sa domination. III Reg., v, 3; Ps. vin, 8;
ex (cix), 1 ; Eph. , I, 22; Hebr. , H, 8. — 2° Tremper ses pieds
dans l'huile, Deut., xxxm, 24, ou dans le beurre,
Job, xxix, 6, c'est posséder en abondance les biens de
la terre. Les tremper dans le sang, Ps. Lxvm
(lxvii), 24, c'est triompher de ses ennemis. — Job,
xxix, 15, dit qu'il a été le pied du boiteux, pour
indiquer qu'il a exercé la charité envers les malheu-
reux, quelle que fût leur infirmité. — 3° Les pieds qui
trébuchent, Deut., xxxn, 35, qui errent, IV Reg., xxi,
8; II Par., xxxm, 8, signifient l'épreuve et le malheur;
les pieds menacés ou saisis par les lacets supposent la
persécution. Ps. ix, 16; xxv (xxiv), 15; lvii (lvi), 7;
cv (civ), 18; Jer., xvm, 22; Lam., i, 13, etc. Les pieds
au large, Ps. xxxi (xxx), 9, ou sur le roc, Ps. XL (xxxix),
3, indiquent la prospérité et la stabilité. — 4° Les pieds,
avec lesquels on marche, sont souvent pris comme le
symbole de la conduite, c'est-à-dire de ta manière dont
on marche dans le chemin du devoir. Job, xm, 27;
xxiii, 11; Ps. xiv (xm), 3; xxxvi (xxxv), 12; cxix
(cxvni), 59, 101; Prov., i, 15; iv, 27; Eccle., iv, 17;
îlebv., m, 13, etc. Les pieds du méchant courent vers
le mal. Ps. xiv (xm), 3; Prov., i, 16; vi, 18; Is., lix,
7; Rom., m, 15, etc.
III. Locutions diverses. — Ne « lever la main et le
pied » qu'avec la permission de quelqu'un, c'est dé-
pendre totalement de lui. Gen., xli, 44. — « Poser la
plante des pieds » sur un territoire, c'est l'occuper ou
le posséder. Deut., h, 5; xi, 24; Jos., i, 3; xiv, 9. Le
« lieu des pieds » de Jéhovah est le Temple. Is. , lx, 13;
Ezech., xliii, 7. — « De la plante des pieds au sommet
de la tête » désigne le corps tout entier. II Reg., xiv,
25; Job, II, 7; Is., i, 6. — Comme on comptait souvent
en frappant du pied, le pluriel regdlim est pris avec le
sens de « fois » après un nombre. Exod., xxm, 14 :
sâlos regdlim, « trois (coups de) pieds », c'est-à-dire
« trois fois l'an tu me fêteras ». Cf. Num., xxn, 28. —
La « voix des pieds s est le bruit que font les pieds en
marchant. III Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32. — « Être sur
les pieds» de quelqu'un, c'est le suivre. Exod., xi, 8;
Deut., xi, 6; etc. — Isaïe, vu, 20; xxxvi, 12, emploie Je
mot « pieds » pour éviter un terme grossier. L'expres-
sion « d'entre les pieds » signifie de la descendance de
quelqu'un. Gèn., xlix, 10;. Deut., xxvni, 57. « Couvrir
ses pieds », Jud., ni, 24; I Reg., xxiv, 4, veut dire
satisfaire aux besoins de la nature. Voir Latrines, t. iv,
col. 125. H. Lesètre.
PIEGE, engin disposé pour prendre des animaux.
On utilise dans ce but des lacets, des filets, des fosses,
des trappes, etc. Voir Chasse, t. n, col. 621 ; Crocodile,
t. il, col. 1123; Filet, t. m, col. 2245; Fosse, t. m,
col. 2329; Lacet, t.. iv, col. 11; Lion, t. iv, col. 269;
Oiseaux, t. rv, col. 1765; Oiseleur, t. iv, col. 1774;
Pèche, col. 4; Poissons. — Le plus souvent, les écri-
vains mentionnent les pièges dans le sens figuré, à
propos des embûches de toutes sortes que les méchants
dressent contre les serviteurs de Dieu. Ps. xxxvm
(xxxvn), 13; cxl (cxxxix), 6; Is., xxix, 21. Les prêtres
d'Israël, en sacrifiant aux idoles, ont été pour le peuple
comme un piège et un filet tendu. Ose., v, 1. Voir
Scandale. Le malheur et le châtiment sont comme des
pièges dans lesquels les hommes sont inévitablement
pris. Eccle., ix, 12; Is., xxiv, 18; Jer., xlviii, 44;
L, 24, etc. Il arrive que le méchant est comme pris au
piège par ses propres iniquités. Prov., v, 22.
H. Lesètre.
PICQUIGNY (BERNARDIN DE). Voir Bernardin
DE PICQUIGNY, t. I, Col. 1620.
PIERRE (SAINT) (grec néxpoc), apôtre et chef du
collège apostolique (fig. 82).
I. Pierre dans les récits évangéliques. — C'est la
période de préparation ou de formation de l'apôtre.
Elle s'étend depuis sa vocation jusqu'à l'Ascension du
Sauveur.
/. PIERRE AYANT L'APPEL DE JÉSUS. — 1» Son nom. —
Il reçut â la circoncision celui de Simon, qui, dans les
manuscrits grecs du Nouveau Testament, apparaît sous
la forme de Euiictiv, cf. Act., xv, 14; II Pet., i, 1, etc., ou
de 2£[amv. Cf. Matth., x, 2 ; Marc, i, 16; Luc, v, 3 ; Joa ,
i, 41, 52, etc. La première est employée par les Septante
comme l'équivalent du nom hébreu |iïDiir (Sim'ôri),
qui se présente pour la première fois Gen., xxix, 33,
pour désigner le second fils de Jacob. La seconde, qui
se rapproche davantage de l'usage grec, est employée
Eccli., L, 1; I Mach., Il, 1; Luc, il, 25, et souvent
ailleurs. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., IV, m, 9. Dans
l'idiome araméen, elle est devenue |io>D (Simon).
Voir Dalman, Die Worte Jesu, in-8», 1898, p. 41, n. 1;
Blass, Grammatik des neutestam. Griechisch, in-8°,
1896, p. 30. La Vulgate dit toujours Simon. Le nom de
Simon était très commun chez les Juifs au temps de
Jésus-Christ. Cf. Matth., x, 4; xm, 55; xxvt, 6; xxvn,
32; Luc, xxvn, 40; Act., x, 6. — Plus tard, Matth., xvi,
18; cf. Joa., I, 42, Simon reçut de Jésus la dénomi-
nation symbolique de NS'2, Kêfâ', mot araméen,
dont on a fait en grec Kricpotç, et qui, comme l'hébreu
*p, kêf, Job, xxx, 6; Jer., iv, 29, a la signification de
« pierre, rocher »; en grec, néxpo;, qui, transcrit en
latin, est devenu Petrus (masculin de petra), Pierre en
français. Rien ne prouve que les substantifs h'êphâ' et
lUtpot aient jamais été employés comme noms propres
avant d'être appliqués à saint Pierre. Néanmoins, d'après
Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah,
t. i, p. 475, note, d'autres Juifs auraient été pareille-
ment appelés Pétros. — On a fait les remarques sui-
vantes au sujet de l'emploi de ces deux noms dans les
écrits du Nouveau Testament : 1° Dans le quatrième
évangile, la double appellation, Simon-Pierre, est la
plus fréquente; on l'y rencontre jusqu'à dix-sept fois;
2° dans les autres Évangiles, les deux noms n'appa-
raissent combinés ensemble qu'à deux reprises, en des
circonstances très importantes pour l'apôtre, Matth., xvi,
16; Luc, v, 8; 3° après la résurrection et l'ascension,
le titre d'honneur, Céphas ou Pierre, remplaça peu à
peu le nom primitif Simon, comme le montre son
emploi très fréquent (dix-neuf fois dans saint Matth.,
dix-huit dans saint Marc, seize dans saint Luc, quinze
dans saint Jean et trèssouventau livre des Actes); 4» le
Sauveur lui-même revient à l'ancien nom, lorsqu'il
adresse à l'apôtre un reproche, cf. Marc, xiv, 37, ou
un avertissement, Luc, xxii, 31 ; 5» saint Paul emploie
357
PIERRE (SAINT)
358
volontiers le nom araméen Céphas. Cf. I Cor., i, 12;
lll,22; Gai., i, 10; h, 9,11,14.
2» Sa patrie. — Simon était originaire de «Bethsaïde,
la ville d'André et de Pierre », comme aussi de l'apôtre
Philippe. Joa., i, 44. Elle était située en Galilée, non
loin de Capharnaûm, sur la rive droite du lac de Tibé-
riade. Plus tard, cependant, Pierre abandonna Beth-
saïde, pour s'établir à Capharnaûm, car plusieurs textes
évangéliques, cf; Matth., vin, 5, 14; Marc, i, 21, 29;
Luc, îv, 31, 38, parlent de la maison qu'il possédait, ou
du moins qu'il habitait dans cette dernière ville.
3° Sa famille. — Les Évangiles nous fournissent
aussi quelques renseignements intéressants sur la fa-
82. — Statue de saint Pierre, îv* siècle, dans les cryptes
vaticanes. D'après une photographie. Voir D. Dufresne,
Les cryptes vaticanes, 1902, p. 14.
mille de saint Pierre. — 1. Son père s'appelait 'Imvîj,
d'après Matth., xvi, 17; Joa., i, 42; xxi, 15, 16,17 [textus
receptus). Voir Jona ; t. m, col. 1603. — 2. L'Évangile
nous apprend aussi que Simon avait un frère nommé
André, lequel eut également l'honneur de compter
parmi les amis privilégiés de Notre-Seigneur. 11 n'est
pas possible de dire avec certitude lequel des deux
frères était l'ainé; ce serait Simon, d'après la plupart
des auteurs qui se sont occupés de cette question. —
3. Simon s'était marié avant de recevoir l'appel de
Jésus. Il est parlé expressément de sa belle-mère.
Matth., vin, 14; Marc, i, 30; Luc, iv, 38. Saint Paul
mentionne sa femme. I Cor., ix, 5.
4° Son éducation intellectuelle et morale. — Nous
sommes réduits sur ces deux points à de simples con-
jectures. — 1. La vie de Simon-Pierre montre qu'il pos-
sédait une intelligence peu commune. D'autre part, les
membres du sanhédrin portèrent sur lui et sur son ami
saint Jean un jugement sévère sous le rapport de l'ins-
truction, les regardant tous deux comme « des hommes
illettrés et des gens du peuple ». Act., iv, 13 r
av6p<07iO! àYpâiijjLotTot... xad ÏStôTat, homines sine lit-
teris et idiotes. Cf. S. Jean Chrysostome, Hom. xxxu,
3, In Matth., t. lvii, col. 381. Mais il faut prendre ces
expressions dans le sens que leur donnaient alors les
Juifs; ainsi comprises, ^lles signifient seulement que
les deux apôtres n'avaient pas étudié dans les écoles
rabbiniques et qu'ils n'étaient que des hommes ordi-
naires, sans influence, par contraste avec les docteurs
de la loi, les prêtres, etc. Néanmoins, Simon n'était pas
dénué de toute instruction. Depuis longtemps, en effet,
des écoles avaient été établies dans les communautés
juives de toute la Palestine, et les pharisiens veillaient
à ce que l'enseignement des maîtres fût sérieux et
solide. Voir J. Simon, L'éducation et l'instruction des
enfants chez les anciens Juifs, d'après la Bible et le
Talmud, in-8°, Leipzig, 3 e édit., 1879. LJidiome en usage
dans la contrée était Paraméen occidental, dont les
Évangélistes nous ont conservé quelques échantillons.
Cf. Matth., xxvii, 46; Marc, v, 41; Joa., xx, 16, etc.
Nous apprenons, Matth., xxvi, 13, que c'était la langue
maternelle de saint Pierre ; mais de très bonne heure
il dut comprendre et parler plus ou moins parfaite-
ment le grec dit hellénistique (voir plus bas, col. 392;,
qui, dans la région du lac, était connu de la plupart
des habitants, comme l'affirment les anciens auteurs.
De nombreux païens s'étant fixés dans ces parages,
ce grec vulgaire servait de moyen de communication
entre eux et les Juifs. — 2. La formation religieuse de
Simon avait-eu lieu d'abord sous l'influence de la fa-
mille, puis sous celle de la synagogue. Ses relations
intimes avec Jean-Baptiste, cf. Joa., i, 35, attestent sa
grjnle piété et la foi très vive avec laquelle il atten-
dait le Messie. Ses discours et ses Épîtres prouvent
qu'il connaissait la Bible, si chère à tous ses coreli-
gionnaires; il la cite assez fréquemment, et son lan-
gage en est tout coloré, comme il sera démontré plus
loin (col. 393).
5° Sa profession. — Avant d'être appelé par Notre-
Seigneur, Simon exerçait sur la mer de Galilée le mé-
tier de pêcheur. Matth., IV, 18; Marc, i, 16; Luc, v, 2;
Joa., xxi, 3. Le bateau dont il se servait était sa pro-
priété personnelle. Luc, v, 3. Les pêcheurs du lac de
Tibériade formaient alors une classe nombreuse, car
les poissons abondaient dans ses eaux (c'est encore le
cas aujourd'hui), et il s'en faisait un commerce consi-
dérable dans la Palestine entière. C'était une profession
assez rémunératrice; aussi rien ne donne à penser que
Pierre ait été pauvre avant de s'attacher au Sauveur;
iien plus, nous l'entendrons lui-même affirmer plus
tard qu'il avait conscience d'avoir abandonné, pour
suivre Jésus, des biens qui n'étaient pas sans valeur.
Cf. Marc, x, 28. Si les beaux horizons du lac durent
exercer une impression durable sur l'âme sensible et
ardente de Pierre, il est très juste aussi de dire que
son rude métier, accompagné de tant de privations, de
fatigues et de périls, ne contribua pas peu à développer
son énergie, sa persévérance, son activité et son habi-
leté pratique.
II. LES APPELS SUCCESSIFS DE SIMON PIERRE. —
Nous devons en distinguer trois, d'après les récits très
nets et très formels des Évangélistes. Le premier, seu-
lement préliminaire, établit entre Jésus et Simon de
simples relations d'amitié. Le second fut décisif : il fit
du pêcheur de Galilée un disciple du Sauveur dans le
sens strict. Le troisième fut d'un ordre encore plus
relevé, puisqu'il transforma Pierre en apôtre du
Christ.
1° Première rencontre de Jésus et de Simon, et pre-
mier appel de ce dernier. — C'était sur la rive orien-
tale du Jourdain, à Béthanie ou Bethabara. Joa., i, 28.
André et celui qui fut plus tard le disciple bien-aimé
359
PIERRE (SAINT)
360
(par conséquent, le narrateur lui-même) s'étaient mis
à la suite de Jésus, que le précurseur, dont ils étaient
les" fervents disciples, leur avait désigné comme
l'Agneau de Dieu. En revenant, tout ému, d'auprès de
celui en qui il avait reconnu le Messie, André trouva
son frère, qu'il se hâta de conduire au Sauveur. Re-
gard pénétrant du Christ sur Simon (è[iëXé^a;), accom-
pagné de cette parole, qui révélait tout l'avenir du futur
chef de l'Église : « Tu es Simon, le fils de Jean; tu
seras appelé Pierre. » C'est-à-dire : jusqu'à ce jour tu
n'as été qu'un homme ordinaire; bientôt tu seras trans-
formé, et tu deviendras un rocher inébranlable, sur
lequel je bâtirai un glorieux édifice. Toutefois, ici, le
nom de Céphas ou de Pierre est seulement promis à
Simon; il ne le recevra d'une manière proprement dite
qu'après sa noble confession. Cf. Matth., xvi, 18. 11 est
probable que Simon avait alors un peu plus de trente
ans, car on suppose qu'il était un peu plus âgé que
Notre-Seigneur. Après cet appel, il demeura pendant
quelque temps auprès de son nouveau Maître, qu'il
accompagna, avec son frère André, ses amis Jacques
et Jean, Philippe et Nathanaël, d'abord en Galilée, où
il fut témoin du changement de l'eau en vin à Cana,
puis à Jérusalem pour la fête de Pâque, et de nouveau
en Galilée, après avoir traversé la Samarie. Le petit
groupe se dispersa alors pour un temps. Cf.
Joa., n-rv.
2° Second appel. — 11 fit de Simon le disciple pro-
prement dit du Sauveur, et eut lieu après la première
Pâque de la vie publique de Jésus. 11 est raconté par
les trois synoptiques. Cf. Matth., iv, 18-22; Marc, I,
16-20; Luc, v, 1-11. Les récits de saint Matthieu et de
saint Marc sont presque identiques; celui de saint Luc
en diffère notablement pour les détails, à tel point que
divers commentateurs ont supposé qu'il y est question
d'un épisode distinct. Mais la ressemblance générale est
trop grande entre les trois narrations, pour qu'elles se
rapportent à des faits différents. Tout s'explique, si
l'on admet que saint Luc raconte plus explicitement
les circonstances de l'appel, et met en un plus saisis-
sant relief la personnalité de Pierre. D'ailleurs, de
part et d'autre nous apprenons que Simon fut appelé
par Notre-Seigneur tandis qu'il exerçait ses fonctions
de pêcheur, et que ces mêmes fonctions lui furent
présentées comme un symbole de son rôle futur :
« Ne crains point; désormais, ce sont des hommes
que tu prendras vivants. » Une pêche miraculeuse fut
associée à sa vocation. André, Jacques et Jean devinrent
en même temps que lui les disciples de Jésus, et,
comme lui, ils quittèrent tout sans hésiter, pour s'atta-
cher définitivement à Notre-Seigneur. Depuis ce mo-
ment, Simon vécut auprès du divin Maître, recevant de
lui chaque jour, avec, les autres disciples, la formation
nécessaire pour la haute destinée qui lui était réservée.
Les Évangélistes ne mentionnent, à cette époque, que
d'assez rares incidents auxquels il fut personnellement
mêlé. Il eut l'honneur de donner l'hospitalité au
Sauveur dans sa maison de Capharnaùm, durant l'après-
midi d'un jour de sabbat, et Jésus l'en récompensa en
guérissant sa belle-mère, malade de la lièvre. Cf. Matth.,
vm, 14-15; Marc, i, 29-31; Luc, rv, 38-39. Le lende-
main, comme le Sauveur était sorti de grand matin pour
prier, la foule, que ses nombreux miracles avaient jetée
dans l'enthousiasme, le cherchait avec anxiété; « Pierre
et ceux qui étaient avec lui » (Marc, 1, 36 : formule
remarquable, dans laquelle les exégètes reconnaissent
à bon droit « la primauté par anticipation ») allèrent
dans toutes les directions pour le retrouver. Il leur fit
alors évangéliser une partie de la Galilée. Marc, i, 39;
Luc, rv, 43-44.
3° L'appel à l'apostolat et les divers incidents qui
le suivirent. — Cet appel, le plus solennel de tous, eut
pour thrâtre probable le sommetdela montagne nommée
Kouroûn-Hattîn, qui se dresse à peu près en face de
Tibériade7 à environ trois heures du lac de Génésareth.
Dans la région, c'est vraiment « la montagne » par
excellence Ixo ô'poç, avec l'article). Voir Stanley, Sinai
and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent
aussi cet! événement, qui fut d'une gravité exception-
nelle dans la vie de Jésus. Cf. Matth., x, 1-4; Marc, tu,
13-19; Luc, vi, 12-16. Saint Marc et saint Luc en font
ressortir l'importance par les formules solennelles qui
introduisent leurs narrations. Un trait spécial est à
noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois
listes du corps apostolique citées à cette occasion,
comme aussi dans la quatrième, que nous fournit le
livre des Actes, i, 13, il est toujours mentionné le pre-
mier, quoique la plupart des autres Apôtres n'obtiennent
pas constamment la même place. Saint Matthieu appuie
sur cette circonstance d'une façon particulière, car,
après avoir ouvert sa liste en ces termes : « Voici les
noms des douze apôtres : le premier Simon, qui est
appelé Pierre, » il cesse tout à coup de signaler d'autres
numéros d'ordre, et continue en disant : « Et André,
son frère; Jacques... et Jean... » Les Pères, les doc-
teurs et les commentateurs catholiques, et même d'assez.
nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait
la preuve de la primauté très réelle que saint Pierre
exerçait sur ses collègues lorsque l'Évangéliste com-
posa son récit. D'ailleurs, cette primauté sera bientôt
confiée à Simon par Notre-Seigneur en un langage
encore plus saisissant. Et puis, « ce n'est pas seule-
ment en cet endroit que Pierre occupe le premier rang
dans le collège apostolique ; l'histoire évangélique lui
fait jouer presque à chaque page un rôle prééminent.
Tantôt il parle au nom de tous les autres disciples,
Matth., xix, 27; Luc, xn, 41; tantôt il répond lorsque
les Apôtres sont interpellés en commun par leur Maître,
Matth., xvi, 16, etc; quelquefois Jésus s'adresse à lui
comme au personnage principal, même parmi les dis-
ciples privilégiés. Matth., xxvi, 40; Luc, xxn, 31. Ces
détails, sans parler d'autres traits plus frappants encore,
auxquels nous arriverons bientôt, forment le meilleur
commentaire des mots Primus Petrus. » L.-Cl. Fillion,
Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. 24.
4° Entre l'appel de saint Pierre à l'apostolat et la con-
fession glorieuse qui lui méritera d'être élevé à une
dignité encore plus haute, nous ne connaissons qu'un
très petit nombre d'incidents auxquels il ait pris une
part directe. — 1. Saint Luc, vm, 45, cite une réflexion
familière qu'il fit à Jésus au moment de la guérison de
l'hémorrhoïsse : « Maître, les foules vous pressent et
vous accablent, et vous dites : Qui m'a touché ? » Comme
précédemment, saint Marc se sert à cette occasion de
la formule remarquable « Pierre et ceux qui étaient
avec lui ». Quelques instants après, Simon était choisi,
avec les fils de Zébédée, à l'exclusion des autres Apôtres,
pour être témoin de la résurrection de la fille de Jaïre,.
Marc, v, 37; Luc, vm, 51. C'est grâce à lui sans doute
que saint Marc, son fils spirituel et son « interprète »,
nous a conservé la parole principale du Sauveur sous
sa forme primitive : Talitha coumi, Marc, v, 41. —
2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint
Matthieu, xiv, 28-32, raconte immédiatement après la
première multiplication des pains. Pierre nous appa-
raît dans cet épisode avec tous les traits distinctifs de
son caractère : il est tout d'abord ardent, plein d'entrain
et de courage, puis il se laisse tout à coup abattre
par la difficulté : « Maître, si c'est vous, ordonnez que
j'aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et
Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau
pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il
eut peur; et comme il commençait à enfoncer, ibs'écria i
Seigneur, sauvez-moi. Et aussitôt Jésus, étendant 1»
main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi,
pourquoi as-tu douté? » — Quelques heures se passent,
361
PIERRE (SAINT)
362
et c'est une foi très vive, comme aussi un amour géné-
reux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maître.
Jésus venait de prononcer dans la synagogue de Caphar-
naum, le discours où il promet la sainte Eucharistie.
Joa., vi, 22-59. D'assez nombreux disciples furent
choqués de ses paroles, qu'ils interprétaient d'une
manière toute charnelle. Resté seul avec les Douze, le
Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous
voulez aussi me quitter? » Aussitôt, Pierre répondit au
nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction :
« Seigneur, à qui irions-nous? Vous avez les paroles
de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous
avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu »
(ou, d'après une variante qui pourrait bien avoir été
la leçon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c'est-à-
dire, celui que Dieu a consacré, mis à part, pour accom-
plir le rôle qui lui a été destiné). Cf. joa., VI, 60-72.
L'apôtre regardait donc alors Jésus comme le vrai Messie.
— 3. Vers cette époque, les scribes et les pharisiens re-
prochèrent aux disciples de se dispenser des ablutions
traditionnelles qui précédaient les repas. Jésus prit
énergiquement la défense des siens, et prononça à cette
occasion la parole célèbre : « Ce n'est pas ce qui entre
dans la bouche qui souille l'homme. » Pierre, qui ne
le comprit point, en demanda l'explication : « Inter-
prétez-nous cette parabole. » Matth., xv, 1-20.
M. LA PROFESSION DE FOI SE SIMON PIERRE ET SA
récompense. — 1° L'occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15;
Marc, vin, 27-29 ; Luc, ix, 18-19. — Jésus a commencé
de rassembler les brebis dispersées d'Israël, et il a
institué des pasteurs pour les nourrir et les diriger;
mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu'il aura
quitté cette terre, un pasteur suprême des âmes, et il
va maintenant l'établir. Ce fait mémorable eut lieu
dans la Galilée du nord, au pied de l'Hermon, non
loin de Césarée de Philippe. Jésus approchait de la
ville; tout à coup, au sortir d'une prière solitaire, il
posa aux Douze, dont il était entouré, cette question,
destinée à préparer les révélations qui suivent : « Que
disent les hommes qu'est le Fils de l'homme? » C'est-
à-dire : Quel jugement porte-t-on à mon sujet? La réponse
des Apôtres fournit un compte rendu très exact des dif-
férentes opinions qui avaient cours en Israël au sujet
de leur Maître : « Les uns, qu'il est Jean-Baptiste ; les
autres, Élie; les autres, Jérémie ou quelqu'un des
prophètes. » La masse du peuple considérait donc
Jésus, à cette époque de sa vie publique, comme un
personnage extraordinaire; mais beaucoup avaient cessé
de le regarder comme le Messie, parce qu'il s'était
refusé à flatter leurs préjugés grossiers. Jésus reprit :
« Et vous (vous, mes disciples privilégiés, qui me con-
naissez mieux que personne), qui dites-vous que je
suis? » La crise terrible de sa passion approche, et il
veut savoir s'il pourra compter, pour continuer son
œuvre, sur ceux qu'il avait le plus aimés.
2» Confession de Pierre. — 11 répondit au nom de
tous. Saint Marc, vin, 29, et saint Luc, îx, 20, ne donnent
qu'un résumé de sa profession de foi; mais saint
Matthieu, xvi, 16, l'a conservée plus complètement : 2ù
et ô XpioToç, ô vi'oç toû 6)îoî toO Çôj'/toç. La définition
que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'éner-
gique (notez l'emploi de l'article devant tous les mots
capables de le recevoir) ; la nature et le rôle uniques de
Jésus y sont nettement marqués. Simon reconnaissait
en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais
le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. Il n'est
pas douteux que telle est ici la signification des mots
Filius I)ei viventis, comme l'ont toujours affirmé, à la
suite des Pères, les exégètes et les théologiens catho-
liques, et même de nombreux écrivains protestants. Si,
dans la pensée de Pierre, ce second titre était un simple
synonyme du premier, comme le prétendent les com-
mentateurs rationalistes, Jésus n'aurait pas pu le félici-
ter et lui dire qu'il avait parlé en vertu d'une révéla-
tion spéciale; en effet, les Apôtres savaient depuis
longtemps que leur Maître était le Christ. Le second
titre explique donc et développe le premier : le Messie,
tel que Pierre se le représentait, était réellement le
Fils de Dieu.
3° Récompense de Pierre. — Ce passage est propre
à saint Matthieu, xvi, 17-19. Jésus répondit à l'apôtre :
«Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâ-
tirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront
point contre elle; et je te donnerai les clefs du royaume
des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié
aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la
terre sera aussi délié dans les cieux. » Dès sa première
rencontre avec le fils de Jonas, Jésus lui avait prédit
qu'il serait appelé Kêfa'. Cf. Joa., i, 43. Voir plus haut,
col. 356. Il lui donne maintenant ce nom symbolique;
et part de là pour l'instituer chef de son Église, com-
parée à un édifice spirituel. « Sur cette pierre », c'est-
à-dire, comme il ressort évidemment du texte, sur
Simon lui-même, en tant qu'il était Kêfa', rocher
mystique. C'est à tort qu'on a interprété parfois ces
mots comme il suit : sur Jésus en personne; ou bien,
sur cette confession de Pierre; ou encore : sur le collège
apostolique uni à Pierre. Bâtie sur ce roc d'une soli-
dité à toute épreuve, l'Église de Jésus sera elle-même
à jamais inébranlable; les portes (la partie pour le
tout) de l'enfer, ou plus exactement, du séjour des
morts (iriiai ïfiou) envisagé comme une citadelle dont
les portes ont une solidité extraordinaire, seront im-
puissantes contre elle. Ce sombre séjour, à la puissance
duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera
donc pas de l'Église du Christ. — Les images suivantes
expliquent la première. Celle des clefs se rattache très
naturellement à celle de la construction mystique qui
est l'Église. Elle fait de Pierre l'intendant suprême, le
chef visible de ce bel édifice, puisque celui qui possède
les clefs d'une maison, et qui a le droit de s'en servir
pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble,
jouit par là même d'une autorité sans limite sur la mai-
son. Cf. Is., xxii, 22; Apoc, i, 18 et m, 7. La figure :
<c Tout ce que tu lieras... » est encore plus expressive
pour marquer une puissance absolue; en effet, le Sau-
veur affirme ainsi que toutes les décisions de Pierre se-
ront ratifiées par Dieu lui-même. Les rabbins emploient
souvent les verbes lier et délier dans le sens d'inter-
dire et de permettre. Voir Edersheim, Life and Times
of Jésus the Messiah, t. n, p. 84; Dalman, Worte Jesu,
p. 174-178. Ils signifient plutôt dans ce passage : con-
damner et acquitter. — Sans doute, Jésus devait dire
plus tard à tous les Apôtres, presque dans les mêmes
termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié
aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la
terre sera délié aussi dans le ciel. » Cf. Matth., Xvm, 18.
Mais, comme le remarque très bien Bossuet, Discours
sur l'unité de l'Église, 1" point, « cette parole ■. Tout
ce que tu lieras,... dite à un seul, a déjà rangé sous sa
puissance chacun de ceux à qui on dira : Tout ce que
vous remettrez... Il y a donc dans la chaire de Pierre
la plénitude de la puissance. » La primauté de Pierre
et l'indéfectibilité de l'Église, telles sont donc les pro-
messes faites ici par Jésus.
IV. DEPUIS LA PROMESSE DE LA PRIMAUTÉ JUSQU'A
LA passion SU SAUVEUR. — • 1° Le fils de Jonas se fait
le tentateur de Jésus. Matth., xvi, 21-23; Marc, vin,
31-33. — Cet épisode, qui eut lieu aussitôt après la
confession de Simon-Pierre, ne nous présente pas
l'apôtre sous un jour aussi favorable. « La chair et le
sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme
Jésus, pour préparer de plus en plus ses amis les plus
intimes à l'épreuve redoutable qui les attendait, venait
de leur annoncer pour, la première fois, en termes
très clairs, la proximité de sa passion, le cœur aimant
363
PIERRE (SAINT)
364
de Pierre en fut terrifié; il ne pouvait comprendre en-
core que le Christ dût subir une telle humiliation. Le
prenant donc à part, il s'écria : « A Dieu ne plaise,
Seigneur! cela ne vous arrivera pas. » Se détournant
de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jésus lui dit :
« Va-t-en derrière moi, Satan; tu m'es un objet de
scandale, car lu n'as pas le goût des choses de Dieu,
mais des choses des hommes. » C'est par le même lan-
gage que le Christ avait autrefois chassé loin de lui le
démon en personne, à la suite de sa tentation dans
le désert. Matth., iv, 10. En çffet, Pierre, guidé en ce
moment par des pensées et des sentiments tout humains,
ne tendait à rien moins qu'à empêcher Jésus d'accom-
plir la volonté de Dieu.
2° Pierre sur la montagne de la Transfiguration.
Matth., xvii, 1-8; Marc, ix, 1-7; Luc, ix, 28-36. — Ce
grand miracle, qui tient une place si importante dans
la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seule-
ment après les faits qui précèdent. Simon-Pierre eut
le grand honneur d'être choisi par son Maître pour en
être témoin, avec les deux fils de Zébédée. Ici encore,
il joua un rôle spécial, très conforme à son tempéra-
ment ardent et à sa tendre affection pour Notre-
Seigneur. Au moment le plus solennel du mystère,
lorsqu'il vit que Moïse et Èlie étaient sur le point de se
retirer, il s'écria : « Seigneur, il est bon pour nous
d'être ici; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une
pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne
respirait que bonheur et suavité sur la sainte mon-
tagne, et il aurait voulu que ces instants délicieux
fussent à jamais prolongés. « Il ne savait ce qu'il
disait, » fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son
extase, il oubliait que de telles joies ne sauraient durer
indéfiniment ici-bas. Un passage de sa II 8 Épître, î, 16-
18, composée environ trente-cinq ans plus tard, décrit,
en quelques traits pleins de vie, le mystère de la
Transfiguration, le citant comme une preuve incontes-
table de la certitude parfaite des vérités prêchées par
les apôtres.
3» Le miracle du didrachme. — Il est placé un peu
plus tard dans le récit de saint Matthieu, xvn, 23-26.
Un jour que Jésus et ses apôtres revenaient à Caphar-
naûm, les collecteurs de l'impôt du Temple, n'osant
peut-être pas s'adresser directement à Notre-Seigneur,
demandèrent à Pierre, qui était connu dans la ville :
« Votre Maître ne paie-t-il pas le didrachme? » c'est-à-
dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon ré-
pondit affirmativement; mais il s'était trop avancé, en
engageant son Maître sans le consulter. Celui-ci lui
démontra donc qu'en tant que Messie il n'était pas tenu
de payer ce genre d'imposition. Toutefois, pour ne pas
être une occasion de scandale, il consentit à acquitter
le tribut; mais, voulant en même temps attester ses
droits, il se procura par un prodige la somme qu'exi-
geait la loi.
4° La suite du récit évangélique mentionne encore,
vers cette époque, trois questions du prince des
apôtres. Elles manifestent son esprit pratique, et aussi
l'attention intelligente avec laquelle il écoutait les le-
çons du Sauveur. — La première concerne le pardon des
injures, vertu toute chrétienne que Jésus venait de re-
commander instamment : « Seigneur, combien de fois
pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il aura péché contre
moi? Jusqu'à sept fois? » Non, ce n'était pas assez :
« Jusqu'à soixante-dix-sept fois, » sans fin. Cf. Matth.,
xviii, 21-22. Dans une autre circonstance, Luc, xxn,
41-43, Jésus venait d'exhorter ses auditeurs à une
vigilance de tous les instants, pour qu'ils fussent bien
préparés à son second avènement. Pierre demanda :
« Seigneur, est-ce à nous (à nous, vos Apôtres) que
vous dites cette parabole, ou est-ce aussi à tous ( à tous
les chrétiens)? s — Pierre adressa sa troisième ques-
tion à Notre-Seigneur après le départ du jeune homme
riphe, qui avait refusé de vendre ses biens pour suivre
Jésus. Le « bon Maître » s'était écrié avec tristesse :
« En vérité, je vous le dis, un riche entrera difficile-
ment dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda :
« Nous, voici que nous avons tout quitté et que nous
vous avons suivi; qu'y aura-t-il donc pour nous? » Il
reçut pour lui-même et ses collègues dans l'apostolat
une promesse magnifique. Cf. Matth., xix, 27-30; Marc,
x, 28-31; Luc, xvm, 28-30.
V. SAINT PIERRE DURANT LA SEMAINE DE LA PASSION.
— Ici encore, il a sa place à part et joue un rôle pré-
pondérant parmi les membres du collège apostolique.
1° Saint Marc nous a conservé deux paroles pronon-
cées par Simon-Pierre dans la journée du mardi. La
première fut proférée dans la matinée, lorsque les
Apôtres constatèrent l'effet produit sur le figuier stérile
par la malédiction de Jésus. Pierre, « se ressouvenant,
dit à Jésus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez
maudit s'est desséché. » Marc, xi, 20-21. — Il prononça
la seconde dans l'après-midi. Comme Jésus venait de
prophétiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean
et André lui demandèrent en particulier : « Dites-nous
quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de
votre avènement et de la consommation du siècle. »
Marc, xin, 1; Matth., xxrv, 3; Luc, xxi, 7. C'est pro-
bablement saint Pierre qui fut le. porte-parole, selon
sa coutume.
2° Le jour du jeudi-saint, il fut chargé par Jésus,
avec saint Jean, de préparer tout ce qui était requis
pour le festin pascal et de découvrir, au moyen d'un
signe particulier, le cénacle où le Maître devait faire
la Pâque avec ses disciples. Cf. Luc, xxn, 8. Le soir,
lorsque Jésus et les Apôtres se trouvèrent réunis,
Notre-Seigneur, Joa., xm, 1-10, voulut laver les pieds
des Douze, pour marquer symboliquement les disposi-
tions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eu-
charistie. Dans le dialogue qui s'engagea alors entre Jésus
et Pierre, l'apôtre se peint tout entier avec sa foi, son
enthousiasme, son amour. Peu d'instants après, lorsque
le Sauveur eut prédit qu'un de ses Apôtres le trahirait,
Pierre sut obtenir, par l'intermédiaire de son ami
saint Jean, la désignation du traître. Joa., xm, 22-26.
— La prédiction de la chute prochaine de Pierre est
mentionnée par les quatre Évangélistes, Matth., xxvi,
30-35; Marc, xrv, 26-31; Luc, xxh, 31-34; Joa., xm,
33-38; mais ils ne la combinent pas de la même ma-
nière avec les incidents voisins; du moins, ils la placent
tous à la suite de la cène. Il ne parait guère vraisem-
blable que Jésus l'ait réitérée à plusieurs 'reprises,
comme l'ont supposé quelques interprètes. Saint Luc
l'associe à une prophétie consolante, qu'il est seul à
signaler, xxh, 31-32, et qui rappelle la magnifique
promesse faite autrefois près de Césarée de Philippe :
« Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé, pour
vous cribler comme le froment; mais j'ai prié pour toi,
afin que ta foi ne défaille pas, et lorsque tu seras con-
verti, affermis tes frères. »
3' A Gethsémani, Pierre fut de nouveau choisi, avec
Jacques et Jean, pour assister à l'une des scènes les
plus douloureuses de la vie de son Maître. Matth., xxvi,
37; Marc, xrv, 33. D'après saint Marc, xiv, 37, jc'est à
lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reproche,,
après la première phase de son agonie : « Simon, tu
n'as pas pu veiller une heure! » Mais, un peu plus
tard, Pierre essaya, au péril de sa propre vie, de dé-
fendre le Sauveur, lorsque les émissaires du sanhédrin-
seprésentèrentpour l'arrêter. Avant de quitter le cénacle,
il s'était muni d'un glaive, dont il voulut asséner un
coup sur la tête de Malchus; mais il ne l'atteignit qu'à
l'oreille. Matth., xxvi, 51; Marc, xiv, 47; Luc, xxn,
50; Joa., xvm, 10-11. Jésus blâma cet acte de violence^
4° Au moment de l'arrestation du Christ, Pierre prit
la fuite avec les dix autres Apôtres; mais bientôt, devenu
365
PIERRE (SAINT)
366
plus calme, et oubliant son propre péril pour ne songer
qu'à la triste situation de son Maître, « il suivit Jésus
de loin, jusque dans la cour du grand prêtre. » Matth.,
xxvi, 58; Marc, xiv, 54; Luc, xxh, 54; Joa., xvm, 15.
Le quatrième Évangile nous apprend formellement que
c'est grâce à son ami, le disciple bien-aimé, que Pierre
réussit à pénétrer dans la cour du palais pontifical.
Désireux de « voir la fin », Matth., xxvi, 58, c'est-à-
dire, l'issue du procès de Notre-Seigneur, il s'assit au
milieu des serviteurs du grand prêtre, auprès du feu
de braise qu'ils avaient allumé dans la cour, à cause du
froid.
5? Là, un autre danger, auquel il ne pensait pas,
l'atteignit et le renversa tristement. Les quatre Évangé-
listes racontent le douloureux épisode de son triple
reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75; Marc, xrv, 66-
72; Luc, xxii, 55-62; Joa., xvm, 16-18, 25-27. Chacune
des narrations présente un certain nombre de diver-
gences, qui ne vont jamais jusqu'à la contradiction,
quoi qu'on ait prétendu en sens contraire. La meil-
leure explication qu'on puisse donner de ces variantes
consiste à dire qu'il y eut, dans ce petit drame, trois
actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs
scènes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix
parmi ces scènes particulières, l'essentiel consistant
pour eux dans les trois actes, à cause de la prophétie
récente de Jésus. Voir Fouard, Vie de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, in-8», 2= édit., Paris, 1882, t. H, p. 350-352;
L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon saint Jean, in-8°, Paris,
1887, p. 334-335. Le chant du coq rappela le malheu-
reux apôtre à la réalité. Sortant aussitôt du palais, il se
mit à pleurer en sanglotant (j'xXauffev). Sa faute avait
été grande, assurément; mais c'était seulement une
faute de surprise, de faiblesse, qui n'atteignit ni sa foi,
ni son dévouement. Il la répara du reste, par un pro-
fond et perpétuel repentir-.
vi. après la résurrection he jésvs. — Pierre
continua de recevoir alors des marques de la prédilec-
tion du divin Maître, soit à Jérusalem, soit un peu plus
tard en Galilée. — Lorsque les saintes femmes, averties
par un ange que Jésus était ressuscité, eurent annoncé
à leur tour « aux disciples et à Pierre », Marc, xvi,
7, les faits dont elles avaient été témoins, Pierre et le
disciple bien-aimé firent ensemble au sépulcre la visite
que saint Luc se contente de mentionner brièvement,
xxiv, 12, mais que saint Jean raconte d'une manière
dramatique, xx, 2-10. D'après le troisième Évangile,
Pierre s'en alla, « admirant en lui-même ce qui était
arrivé. » Bientôt son admiration se changea en une
complète certitude, car Jésus daigna lui apparaître
en ce même jour. Luc, xxrv, 34; cf. I Cor., xv, 5. —
Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les détails
d'une autre apparition que le Sauveur ressuscité fit,
quelque temps après, à sept apôtres réunis sur les
bords du lac de Tibériade, et dont saint Pierre eut,
pour ainsi dire, tous les honneurs. A la suite d'une
pêche miraculeuse, analogue à celle qui avait accom-
pagné son appel au rôle de disciple, cf. Luc, v, 1-11,
Jésus exigea de lui une triple protestation d'amour, en
réparation de son triple reniement; puis il lui confirma
solennellement son titre de chef du corps apostolique
et de l'Église entière, en lui disant : « Pais mes agneaux,
pais mes brebis. » Voir L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon
saint Jean, 1887, p. 384. Il lui prédit ensuite une mort
tragique, par ce langage figuré : « Lorsque tu auras-
vieilli, un autre te ceindra et te conduira où tu ne
voudras pas. »
II. Saint Pierre dans les Actes des Apôtres. —
C'est le début de la période d'action pour notre héros,
après la période de préparation dont les Évangiles con-
tiennent le très riche exposé. Le livre des Actes renferme
dans sa première partie, <;bap.l-xi, des détails si nom-
breux sur le ministère du prince des Apôtres, qu'on a
souvent donné à cette section le nom d'Actes de Pierre.
Il est encore question de Simon au chap. xv. Partout
l'historien sacré nous le montre, selon le mot de Bossuet,
« à la tête de tout, menant pour ainsi dire ses frères
les Apôtres au combat, » occupant le premier rang et
exerçant une supériorité très réelle, que personne ne
songe à contester. .
1° Part très grande qu'il prend à la fondation de
l'Eglise de Jérusalem. — 1. Au cénacle, immédiatement
après l'ascension de Notre-Seigneur, il se mit, même
en présence de Marie, Act., 1, 14, à la tête des «frères»,
et il présida au remplacement de Judas. Act., i, 12-26. Il
prononça, à cette occasion, le premier des huit discours
que saint Luc nous a conservés de lui. Cf. Act., i, 15-22.
2. Le jour de la Pentecôte, lorsqu'une foule énorme,
composée d'Israélites qui habitaient toutes les régions
de l'empire romain, eut entouré le cénacle, attirée par
le bruit violent qui avait accompagné la descente de
l'Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour
expliquer la nature de ce mystère qu'avait prédit le
prophète Joël, et pour prêcher hautement Jésus-Christ.
Act., n, 1-41. Une transformation admirable s'était
produite en lui, naguère si timide. Trois mille con-
versions furent le résultat de ce qu'on a très jus-
tement appelé «le premier coup de filet du pêcheur
d'hommes. »
3. Quelque temps après, il guérit miraculeusement un
paralytique, qui mendiait depuis de longues années à
la Belle-Porte du temple. Un grand concours de peu-
ple s'étant formé autour de lui et de saint Jean, qui
l'accompagnait, il prononça sa troisième allocution,
dans laquelle il attribue nettement la guérison à son
véritable auteur, Jésus-Christ, dont elle attestait le ca-
ractère messianique. Cinq mille conversions nouvelles
eurent lieu en cet instant. Act., ni, 1-26. Mais ce fut
l'occasion d'un premier conflitdes autorités juivesavec
l'Église naissante. Irrités de voir que les deux apôtres
proclamaient publiquement la résurrection de Jésus et
sa toute-puissance, quelques prêtres et sadducéens les
firent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean com-
parurent devant le sanhédrin tout entier, pour donner
des explications sur leur conduite. Dans son quatrième
discours, Pierre rendit un éclatant témoignage à Jésus-
Christ en face du tribunal suprême des Juifs. Comme
le miracle avait eu de nombreux témoins, on n'osa pas
condamner les accusés'; mais on les relâcha, après leur
avoir interdit sévèrement de prêcher au nom de Jésuc-
Christ. C'est alors que Pierre^ prononça son célèbre
Non possumus. Act., iv, 1-22.
4. Malgré la sainteté de vie des premiers chrétiens,
signalée à deux reprises par l'auteur des Actes, n,
42-47; iv, 32-35, un douloureux épisode ne tarda pas
à prouver que l'imperfection et le mal se glissent promp-
tement au sein des sociétés les meilleures : Ananie et
Saphire « mentirent à l'Esprit-Saint et fraudèrent sur
le prix de leur champ », pour se donner l'apparence
d'une libéralité généreuse. Pierre, en sa qualité de chef
de l'Église, eut à châtier cet orgueil doublement cri-
minel. Act., v, 1-11. Son autorité suprême, mise en un
très vif relief par cet événement, fut encore rehaussée
par les éclatants prodiges que Dieu lui donna d'accom-
plir : son ombre même guérissait les malades sur les-
quels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collègues
dans l'apostolat accomplissaient aussi des miracles nom-
breux, il se produisit des conversions multiples. Alors la
colère du grand-prêtre et du sanhédrin ne connut pas
de bornes : les Douze, arrêtés tous ensemble, furent
conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquième
allocution, protesta avec un courage inébranlable et
rendit témoignage à la résurrection de son Maître.
Leurs juges iniques les auraient infailliblement con-
damnés à mort, sans l'intervention du sage Gamaliel,
qui les sauva. Ils furent donc remis en liberté, non
367
PIERRE (SAINT)
368
sans de nouvelles menaces, dont ils continuèrent de
ne tenir aucun compte. Act., v, 17-42.
2» Avec le concours de Pierre, l'Eglise se développe
en Saniarie et en Judée. Act., vm, £25. — 1. En Sa-
marie. — Le livre des Acles ne fait aucune mention
directe de Pierre pendant la persécution violente qui
éclata bientôt contre l'Église; nous y apprenons seu-
lement que les apôtres demeurèrent alors à Jérusalem,
où leur présence était nécessaire pour confirmer les
chrétiens dans la foi. Act., vm, 1. Lorsqu'il est de
nouveau question de lui, nous le trouvons, d'après le
texte grec, à Sébaste, en Samarie, où le saint et vail-
lant diacre Philippe avait opéré de nombreuses conver-
sions, entre autres celle de Simon le magicien. Sur le
désir des Apôtres, Pierre, en compagnie de saint Jean,
se rendit en Samarie, pour affermir les fidèles dans
leurs bonnes dispositions. C'est alors que le magicien
osa lui offrir de l'argent pour obtenir le pouvoir de
faire descendre, comme lui, l'Esprit-Saint parla simple
imposition des mains. L'apôtre rejeta cette offre avec
indignation, et revint à Jérusalem, en annonçant avec
succès la bonne ,nouvelle dans les bourgades samari-
taines situées sur son chemin.
2. En Judée. — Lorsque la paix eut été complètement
rendue à l'Église, le prince des apôtres en profita pour
visiter officiellement les chrétientés qui s'étaient for-
mées, pendant la persécution, sur divers points de la
Judée, grâce au zèle des fidèles de Jérusalem, obligés
de se disperser. Saint Luc raconte deux grands prodiges
accomplis par saint Pierre durant cette première de
toutes les visites pastorales : la guérison d'un paraly-
tique à Lydda, Act., ix, 32-35, et la résurrection de
Tabitha à Joppé. Act., ix, 36-43. Voir Paralytique, t. iv,
col. 2153, et Tabitha.
3° Saint Pierre, sur l'ordre de Dieu, ouvre aussi les
portes de l'Eglise aux païens. — 1. Conversion du
centurion Corneille. — Avant de remonter au ciel,
Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous me servirez de
témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie,
et jusqu'aux extrémités de la terre. » Act, I, 8. Pierre a
déjà réalisé les deux premières parties de cet. ordre; voici
qu'il va maintenant rendre témoignage à Jésus devant
les païens, et les introduire à leur tour dans le divin
bercail. Quoiqu'il fût réservé à saint Paul d'être l'apôtre
des Gentils par excellence, il convenait que le vicaire
du Sauveur fût choisi de préférence à tous les autres
Apôtres pour recevoir d'une manière officielle dans
l'Église les premiers convertis du paganisme. Cet épi-
sode est raconté longuement par saint Luc, Act., x, 1-
48, à cause de son importance extraordinaire. L'écri-
vain sacré expose tour à tour les deux visions par les-
quelles Corneille et Pierre furent divinement avertis,
chacun de son côté; le voyage de Simon-Pierre à Cé-
sarée de Palestine, ville où le centurion était alors en
garnison; l'entrevue des deux héros de la narration,
qu'entouraient plusieurs amis de part et d'autre; l'élo-
quent discours prononcé à cette occasion par l'apôtre
(le sixième du livre des Actes); enfin la descente de
l'Esprit-Saint sur les nouveaux convertis et leur bap-
tême. Voir Corneille, t. n, col. 1012.
2. Lorsqu'il revint à Jérusalem, Pierre eut à justifier
sa conduite devant les chrétiens assemblés. On lui re-
prochait d' « être entré chez des païens et d'avoir mangé
avec eux », et beaucoup plus encore, quoiqu'on ne mit
pas cette raison en avant, d'avoir participé à leur con-
version. En vertu d'antiques préjugés, la plupart des
fidèles d'origine israélite étaient demeurés hostiles aux
convertis du paganisme, et, malgré les oracles si clairs
des ' prophètes, ils avaient de la peine à croire que
l'Église de Jésus dût être ouverte à tous les hommes
sans exception. Pierre expliqua sa conduite dans son
septième discours, et elle fut approuvée de tous. Act.,
xi, 1-18.
4° Saint Pierre est emprisonne par Ilérode et dé-
livré miraculeusement. Act., xh, 1-17. — Ce double
incident eut lieu vers l'an 43 de notre ère, quelque
temps avant la mort du roi Hérode Agrippa I er , petit-
fils d'Hérode le Grand. Ce prince, après avoir fait dé-
capiter saint Jacques le Majeur par haine du chris-
tianisme, donna l'ordre, pour plaire davantage encore
aux Juifs, que cet acte cruel avait comblés de joie,
d'incarcérer saint Pierre, en attendant qu'on le condui-
sît à son tour au supplice. Mais, la nuit même qui
précéda le jour où il devait être exécuté, un ange le
délivra en des circonstances merveilleuses. Sorti de sa
prison, Pierre alla directement dans la maison de Marie,
mère de Jean-Marc, le futur évangéliste, chez laquelle
il trouva de nombreux chrétiens assemblés. Après leur
avoir raconté l'histoire de sa délivrance, « il s'en alla
dans un autre lieu, » que nous essaierons de fixer
ultérieurement, d'après les données de la tradition. Voir
col. 373-374.
5° Pierre au concile de Jérusalem. Act., xv, 1-27. —
Quelques années se passent. Lorsque Pierre est de
nouveau mentionné au livre des Actes, il est à Jérusa-
lem (vers l'an 50, 51 ou 52) et préside l'assemblée des
Apôtres et des Anciens, qui allait trancher définitive-
ment la controverse soulevée avec tant de violence par
les judaïsants, sur divers points de la chrétienté. Paul
et Barnabe étaient venus tout exprès d'Antioche, pour
consulter l'autorité suprême sur cette question. Les
débats furent très vifs, car les partisans de l'erreur
exigeaient avec un acharnement extraordinaire le
maintien de la circoncision et des autres principaux
rites du judaïsme. Lorsque les deux partis eurent ex-
posé leurs arguments, Pierre prit la parole avec toute
l'autorité que lui conférait sa charge. Le petit discours
qu'il prononça (le huitième et dernier de ceux que
nous lisons dans les Actes), proclame hautement la
liberté pleine et entière des chrétiens issus du paga-
nisme, par rapport aux observances judaïques. Le
prince des Apôtres disparaît du récit des Actes, après
cette conduite si digne de lui.
III. Saint Pierre dans I'Épître de saint Paul aux
Galates. — l°Paul, dans les chap. 1 et n de cette lettre,
signale coup sur coup deux faits nouveaux relatifs à
Céphas, c'est-à-dire à saint Pierre. Esquissant d'abord
en quelques lignes les incidents qui suivirent de très
près sa propre conversion, il raconte en ces termes sa
première entrevue avec le prince des Apôtres : « Je
vins à Jérusalem pour voir Pierre. » Gai., I, 18-20. Le
verbe îaTopf,<rai signifie toujours que la personne ou la
chose contemplée est digne d'un intérêt particulier;
en l'employant, saint Paul met en un vif relief l'auguste
dignité qu'il reconnaissait et qu'il venait honorer dans
Céphas.
2° Quelques lignes plus bas, Gai., n, 11-21, Paul si-
gnale un fait plus surprenant encore,. dont les protes-
tants ont souvent exagéré la portée, pour amoindrir
l'autorité de saint Pierre. Il s'agit de ce qu'on nomme
habituellement « le conflit d'Antioche ». C'était, ce
semble, peu de temps après l'assemblée de Jérusalem,
et Pierre se trouvait avec l'apôtre des Gentils dans la
métropole de la Syrie. Voici les faits, tels que les ex-
pose saint Paul : « Lorsque Céphas vint à Antioche, je
lui résistai en face, parce qu'il était blâmable /xaTe^vu-
o(tévo;). En effet, avant l'arrivée de quelques personnes
envoyées (de Jérusalem) par Jacques, il mangeait avec
les païens (c'est-à-dire, les chrétiens d'origine païenne) ;
mais, quand elles furent venues, il se retira et se mit à
l'écart, craignant ceux de la circoncision (les Juifs con-
vertis). Elles autres Juifs usèrent de la même dissimu-
lation que lui, de sorte que Barnabe aussi fut entraîné
dans cette dissimulation. Mais, quand je vis qu'ils ne
marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je
dis à Céphas, en présence de tous : Si toi, qui es Juif,
369
PIERRE (SAINT)
370
tu vis à la manière des païens, et non comme les Juifs,
pourquoi forces-tu les païens de judaïser?... »
Souvent, dans les temps anciens, on a essayé d'échap-
per, par des hypothèses assez étranges, aux consé-
quences fâcheuses que l'on croyait devoir découler de
cet épisode pour la dignité de saint Pierre. — 1. On a
prétendu qu'il s'agit d'un autre Céphas que Simon
Pierre. Voir Clément d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E.,
I, 12, t. xx, col. 117. Mais cela est inadmissible, puisque,
d'une part, quelques lignes plus haut, Gai., £, 18, Paul
a déjà mentionné le prince des Apôtres sous le nom de
Céphas, et que, d'autre part, tout son récit suppose
que celui avec lequel il entra en discussion était un
personnage jouissant d'une autorité supérieure. Aussi,
presque tous les Pères et les anciens auteurs ecclésias-
tiques; comme la plupart des commentateurs modernes
et contemporains, ont-ils identifié ce Céphas et saint
Pierre. Voir Céphas, t. h, col. 429. — 2. On a supposé
(Origène, d'après S. Jérôme,Epist. exil, ad August.,
4, t. xxn, col. 918; S. Jean Chrysostome, Honi. in
illud : In faciem ei restili, 15, t. li, col. 384; S. Jé-
rôme lui-même, In Episl. ad Gai., h, 11, t. xxvi,
col. 341) que, si saint Pierre et saint Paul ont agi comme
le raconte ce dernier, c'était en vertu d'une entente
préalable, afin de donner une leçon très forte aux ju-
daïsants dans la personne du prince des Apôtres. Cette
conjecture s'appuie sur une fausse interprétation du
mot ùitoxpîii;, « dissimulation. » En effet, en employant
ce terme, saint Paul a seulement voulu dire que Cé-
phas, Barnabe et leurs imitateurs avaient changé de
conduite par de simples motifs de circonstance, par
timidité et faiblesse, et non par suite d'une convicti on
intime. Voir à ce sujet S. Augustin, Epist. xxvin et
lxxxii, ad Hieronym., t. xxm, col. 112, 276. Pour in-
terpréter les faits, il faut les envisager de la façon la
plus simple et la plus naturelle. Pierre, en arrivant à
Antioche, partagea sans la moindre hésitation la vie et
les repas des chrétiens d'origine païenne, ainsi qu'il
avait déjà fait autrefois chez le centurion Corneille,
Act., xi, 3; mais, plusieurs chrétiens issus du judaïsme
étant venus à leur tour dans cette même ville, comme
il les savait très attachés aux observances légales, il se
trouva dans une situation fort délicate : s'il continuait
de vivre avec les Gentils, il froissait les chrétiens de
Jérusalem ; s'il se séparait des fidèles d'origine païenne,
il les offensait eux-mêmes. Il lui parut cependant qu'il
valait mieux, dans l'intérêt de son ministère, exercé sur-
tout auprès des judéo-chrétiens, de se décider en faveur
de la seconde alternative. Il en avait certainement le
droit, puisque les Juifs convertis étaient libres encore
d'observer la loi. Mais son exemple suscitait deux grands
périls : d'un côté, quelques esprits exagérés pouvaient
en conclure que les pratiques légales continuaient d'être
strictement obligatoires pour les chrétiens issus du
judaïsme, et pas seulement facultatives; d'autre part, les
païens convertis eux-mêmes pouvaient craindre qu'on
ne les assujettît à. ces pratiques. Paul réclama au nom
de ces derniers. Il ne dit pas en termes exprès ce que fit
saint Pierre; mais il n'est pas douteux que celui-ci ne se
soit humblement soumis aux observations très justes de
son c< bien-aimé frère Paul ». II Petr., m, 15. Sur cette
question, voir Pesch, Veberdie Person des Kephas,dans
la Zeitschriftfùrkathol. Théologie, t. vu, 1883, p. 456-
490; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ra-
tionaliste, 5» édit., t. v, p. 456-476 (ils donnent la liste
des principaux auteurs qui ont cru, dans le cours des
temps, que le Céphas d' Antioche est distinct du prince
des Apôtres).
. IV. Saint Pierre d'après la tradition. — Ici, une
distinction est nécessaire, car les documents sont loin
de posséder tous la même valeur historique. Il en est
que nous pouvons suivre en toute sécurité ; tels sont en
général les renseignements fournis par les Pères de
l'Église, surtout par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme.
D'autres sont plus ou moins associés à des détails mer-
veilleux, légendaires, dont il est nécessaire de se défier;
dans cette catégorie se placent les Actes apocryphes de
saint Pierre, les écrits connus sous le nom de littérature
clémentine, etc. Néanmoins, ces sources de second
ordre contiennent elles-mêmes quelques faits histori-
ques, qui se dégagent assez facilement, grâce à la tra-
dition sérieuse et à la critique, des fables dont ils sont
entourés. Il faut noter encore que la tradition propre-
ment dite nous fournit des données assez restreintes
sur la vie et le ministère apostolique de saint Pierre. Du
moins, elle nous renseigne très clairement sur les points
essentiels
I. LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LA VIE DE SAINT PIERBB.
— A ce sujet, la tradition se borne à quelques points
d'importance très secondaire. La mère de Simon se
serait nommée Johanna. Cf. Cotelier, Constit. apost., n,
63, t. i, col. 755. Sa femme aurait porté le nom de Per-
pétue ou celui de Concordia qui ne conviennent pas à
une Juive, Patr. gr., t. I, col. 1365, note 43. D'après
saint Jérôme, Adv. Jovinian., i, 26, t. xxm, col. 245,
elle serait morte d'assez bonne heure, avant que Pierre
ne devînt le disciple de Jésus. Au contraire, au dire de
Clément d'Alexandrie, Stroni., vu, 11, t. ix, col. 488, elle
aurait subi le martyre à Rome, peu de temps avant lui.
Il l'aurait accompagnée au lieu du supplice, en l'encou-
rageant par ces paroles : « O toi, souviens-toi du Sei-
gneur. >. Plusieurs adoptent ce dernier sentiment en
concluant de I Cor., ix, 5, que saint Pierre, comme
d'autres apôtres, se faisait accompagner, durant ses
courses apostoliques, par sa femme, traitée comme une
sœur. Saint Jérôme, loc. cit., mentionne une tradition
d'après laquelle Pierre aurait eu plusieurs enfants.
Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. vu, col. 1156.
On lui a longtemps attribué une fille du nom de Pétro-
nille, que mentionnent les Acta Nerei et Achillei, 15,
et les Acta Philippi. Tischendorf, Apocal. apocr., p. 149,
155. Mais on reconnaît généralement aujourd'hui que
cette attribution provient simplement d'une fausse éty-
mologie. En effet, le nom « Petronilla » ne dérive pas de
« Petrus », mais de « Petronius ». Par son père, sainte
Pétronille appartenait à la célèbre « gens Flavià », c'est
pour ce motif qu'elle fut enterrée dans la catacombe de
Domitilla. Voir Lightfoot, St. Clément of Rome, t. i,p.37;
F. X. Kraus, Real-Encyclopxdia der christl. Alterlhû-
mer, t. n, p. 607 ; Acta sanctorum, maii t. vu, p. 420.
II. QUELQUES VOYAGES DU PBINCE DES APOTRES. —
1° Nous venons de le voir, saint Paul fait une allusion
très claire aux courses apostoliques de saint Pierre.
Notre héros serait-il allé à Corinthe? Saint Denys,
évêque de cette ville vers'le milieu du m e siécle, l'affirme
comme une chose très connue. Voir Eusèbe, H. E., H,
25, t. xx, col. 209. S'adressant aux Romains, il leur dit:
« (Pierre et Paul,) étant entrés dans notre Corinthe,
nous ont instruits; puis, partis ensemble pour l'Italie,
après nous avoir enseignés, ils ont subi le martyre en
même temps. » Saint Clément pape, I Cor., xlvii, 1. 1,
col. 308, semble admettre aussi ce séjour de saint Pierre
à Corinthe. Néanmoins, la plupart des critiques con-
temporains le mettent au rang des hypothèses.
2° On regarde aussi, d'une manière assez générale,
comme peu fondé le sentiment, d'ailleurs très ancien,
d'après lequel saint Pierre aurait évangélisé les cinq
provinces d'Asie Mineure auxquelles est adressée sa
première Épître : le Pont, la Galatie, la Cappadoce,
l'Asie proconsulaire et la Bithynie. I Pet., i, 1. Ori-
gène, qui est le premier à mentionner cette opinion, In
Gen., m, t. xn, col. 92; cf. Eusèbe, H. E., m, 1, t. xx,
col. 216, en parle comme d'une simple conjecture, basée
seulement sur ce que saint Pierre a écrit aux chrétiens
de ces provinces : « Pierre paraît (iOtxev) avoir prêché
dans le Pont, la Galatie... «Eusèbe fait de même, iï. £.,
371
PIERRE (SAINT)
372
m, 4, t. xx, col. 220: « Que Pierreait prêché le Christ...
dans ces provinces, cela ressort ouvertement de l'Épî-
tre. » Saint Épiphane, Hser., xxvii, 6, t. xn, col. 374,
saint Jérôme, De Vir Ul., 1, t. xxrn, col. 138, et saint
Léon, In Nat. apost. Pétri et Pauli serm., lxxxii, 5,
t. liv, col. 425, présentent le fait en termes positifs;
mais ils ne paraissent pas avoir eux-mêmes appuyé leur
sentiment sur d'autre preuve que la mention des cinq
provinces dans l'Épître. Du reste, cette lettre ne contient
aucun détail duquel on puisse conclure que l'auteur
connaissait personnellement les destinataires; elle sup-
pose plutôt, I Pet., i, 12, 25; v, 12; cf. II Pet., m, 2, que
ceux-ci avaient été évangélisés par d'autres prédicateurs
que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un
séjour du prince des Apôtres en Asie Mineure n'est pas
impossible en soi, il ne parait pas avoir été démontré
historiquement. Voir Gornely, Introd., t. Il, 3 e part.,
p. 619; Lipsius, Apokr. Apostelgesch., t. n, I e part.,
p. 4 6. M. Hundhausen, Das ente Pontificalschreiben
des... Petrus, 1873, p. 96, croit à la prédication de saint
Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que l'apôtre
ne fit que traverser rapidement les provinces en
question.
3° On a prétendu aussi, mais seulement à partir du
xvi e siècle, que saint Pierre serait allé et aurait séjourné
à Babylone, vers la fin de sa vie. Le motif allégué, c'est
que la i a Pétri, v. 13, transmet aux chrétientés d'Asie
Mineure les salutations de l'Église de Babylone (r\ iv'
BotSuXfâvi auvexXexrri) ; d'où il suit, disent les partisans
de cette opinion, que l'apôtre résidait à Babylone lors-
qu'il composa son écrit. C'est Érasme, In 1 Pet., xv,
13, qui inventa le premier cette explication. De nom-
breux protestants l'adoptèrent aussitôt, pour enlever à
la théorie de la venue et du séjour de saint Pierre à
Rome un de ses principaux arguments. Mais il n'est
pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici
dans un sens métaphorique. En effet, — 1. telle a été
l'opinion unanime des écrivains ecclésiastiques des
premiers siècles : entre autres, de Papias et de Clément
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., n, 15, t. xx, col. 73,
d'Eusèbe lui-même, ibid., de saint Jérôme, De vir. Ul., 8,
t. xxiii, col. 655, du Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xcm,
coi. 6*3, d'CEcuménius et de Théophylacte, et les com-
mentateurs catholiques les ont suivis, à part de très rares
exceptions. On est surpris de compter parmi ces excep-
tions les savants et judicieux écrivains Hug, Einleitung
in die Schriften des N. T., 3 e édit., t. n, p. 550, et
A. Maier, Einleit. in die Schrift. des N. T., p. 413. —
2. Ce nom symbolique convenait fort bien pour désigner
Rome, qui n'avait que trop parfaitement remplacé l'an-
tique Babylone sous le rapport du paganisme, de l'am-
bition et de l'immoralité. — 3. Les Juifs l'employaient
couramment dans ce sens. "Voir Schœltgen, Hor. hebr. et
talmud., p. 1050 et 1125; les Oracles sibyllins, v, 143,
158, etc. — 4. Saint Jean fait de même dans son Apoca-
lypse, xiv, 8, et xvni, 2, 10, et personne n'a jamais songé
à prendre à la lettre, dans cet écrit, le nom de Baby-
lone. — 5. Il n'existe aucune tradition proprement dite
au sujet d'un voyage de saint Pierre à Babylone, et ce
silence est difficile à expliquer, si l'apôtre avait réelle-
ment entrepris ce voyage. Voir P. Martin, Saint Pierre,
sa venue et son martyre à Rome, dans la Revue des
Questions historiques, t. xm, 1873 (article très docu-
menté et rempli de témoignages empruntés à des écri-
vains orientaux). Lipsius, il est vrai, (oc. cit., t. H,
2« part., p. 145-146, 175, mentionne, d'après Assemani,
Bibliotheca orientalis, t. ut, 2 e part., p. vi, des écri-
vains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita
Babylone; mais ces auteurs sont relativement récents,
et leur assertion n'a pas d'autre base que le passage
I Pet., v, i3, interprêté à la lettre. Voir Farrar, The
early Days of Christianity, 1884, p. 595-596; Cornely,
Introd., t. n, 3» part., p. 621-623; Hundhausen, loc. cit.,
p. 82-90; Th. £ahn, Einleitung in das N. T., t. il,
p. 17; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698. —
Mais laissons de côté le faux et le douteux, pour nous
occuper de faits réels et certains. Or, il en est deux
qu'une tradition très nette et très ancienne, dont nous
avons des témoignages multiples, a rendus indubitables.
C'est l'installation successive de la chaire de saint Pierre
à Antioche et à Rome : deux événements d'une impor-
tance capitale.
111. LA CHAIRE D~E SAINT PIERRE A ANTIOCHE DE SV-
rie. — 1» Ce fait est parfaitement garanti par Eusèbe
et par saint Jérôme. « Pierre fonda la première Église
d' Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d'Eusèbe,
t. xix, col. 539. Il s'agit sans aucun doute, de la chré-
tienté mentionnée Act.,xi, 19, et composée uniquement
de Juifs convertis, par contraste avec la deuxième Église
de la même ville, en grande partie formée de chrétiens
issus du paganisme, et développée grâce au zèle de
Paul et de Barnabe. Act.,XI, 20-26. Dans sa traduction
du Chronicon, saint Jérôme n'a pas donné le sens exact
de ce passage, car il dit : « Petrus, cum primum An-
tiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte
porte, avec la nuance que nous venons d'expliquer :
TÎ|v Iv 'AvxtojreiaicpwTriv... èxxXr|(Ttav. Ailleurs, R.E.,\Xl,
xxxvi, 2, t. xx, col. 288, Eusèbe suppose aussi la trans-
lation de la chaire de saint Pierre à Antioche, car il
affirme qu'Évodius succéda en 42 au prince des Apô-
tres comme évêque de cette ville. Saint Jérôme, de son
côté, est très formel sur ce même point: Simon Pe-
trus..., princeps Apostolorum. . . , post episcopatum
Antiochensis ecclesise... Romam pergit. De vir. Ul.,
1, t. xxiii, col. 608. Nous pouvons citer encore le témoi-
gnage de saint Léon le Grand, In Nat. apost. Pétri et
Pauli Serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425 : Jam Antio-
chenam ecclesiam, ubi primum christiani nominis di-
gnitas est orla, fundaveras. Cf. Epis t., cvi et CXlx, t. liv,
col. 1007, 1042; Origène, Rom . ri inLuc.,t. xm, col. 1815 ;
S. Jean Chrysostome, liomilia. in Ignalium martyr.,
t. L, col. 591; Théodoret, Dial. Immut., t. Lxxxnr,
p. 81; le Chronic. Pasch., t. xcn, col. 557; les Constit.
apost., vu, 46, t. i, col. 1049; le Liber pontif., édit. Dur
chesne, p. 51-55, 118; la littérature dite clémentine,
dont les sources remontent au moins au commence-
ment du m e siècle, notamment Recognit., x, 68, t. I,
col. 468; Hom., xx, 23, t. n, col. 1452.
2° L'époque et la durée du séjour de saint Pierre à
Antioche ne sauraient être déterminées avec certitude.
Il est possible, nous venons de le voir d'après Eusèbe,
que Pierre ait pris en mains le gouvernement de l'Église
d'Antioche dès l'année 36 de notre ère. Évodius lui
ayant succédé en 42, 1'épiscopat du prince des Apôtres
dans la métropole de la Syrie aurait par là-même duré
sept ans, comme Eusèbe l'affirme en propres termes. Cf.
S. Grégoire le Grand, Epist., vu, 40, t. lxxvii, col . 899.
Une autre tradition, qui parait moins digne de foi, lui
attribue une durée de dix ans. Voir Duchesne, Liber
pontif., p. 50. Quoi qu'il en soit, il est certain que saint
Pierre, même après s'être fixé à Antioche, ne lit pas de
cette ville sa résidence exclusive; rien ne s'opposait à
ce que, de ce centre, il allât visiter les chrétientés
auxquelles sa présence était utile ou nécessaire. Divers
auteurs ont supposé que Pierre ne transporta sa chaire
à Antioche qu'après avoir été miraculeusement délivré
de la prison où Hérode Agrippa l'avait enfermé, Act.,
xn, 1-11, par conséquent, après l'année 43. Mais,
sans compter qu'Eusèbe signale une date de beaucoup
antérieure, ce sentiment a contre lui le récit des Actes,
qui suppose que, vers l'an 43 ou 44, saint Paul et saint
Barnabe avaient la direction de l'Église d'Antioche. Sur
les relations de saint Pierre avec la capitale de la Syrie,
voir H. Kellner, Die Feste Cathedra Pétri und der an-
tiochenische Epkkopal Pétri, dans la Zeitschrift fur
kathol. Théologie, Inspruck, 1889, p. 566-575; W. Esser,
373
PIERRE (SAINT)
374
Der antiochenische Episkopat Pétri und die Feste
Cathedra Pétri, dans le Katholik, 1890, t. i, p. 321-335,
449459. '
IV. LA CHAIRE DE SAINT PIERRE A ROME, — 1° Pierre
lui-même, nous l'avons vu, col. 371, date de Rome, la
Babylone mystique, sa première Épître. I Pet., v, 13-
Plusieurs Pères apostoliques supposent ou affirment,
dans un langage très formel, sa venue et son apostolat
à Rome : saint Clément, l'un de ses premiers succes-
seurs (vers 96), 1 ad Cor., 5, t. I, col. 217; saint Ignace
(vers 115), ad Rom., iv, 3, t. v, col. 808; Papias (vers
130), dans Eusèbe, H. E., h, 15, t. xx, col. 172. Plus
tard, nous avons, dans le même sens, les témoignages
de saint Denys de Corinthe (vers 170), ibid., h, 25, 7-8,
col. 209; de saint Irénée, venu à Rome en 177, Cont.
heer., III, T, 1 et 2, t. vit, col. 845; des Philosophou-
mena, v, 20, t. xvi, col. 3226, part. 3; de Clément
d'Alexandrie (vers l'an 200), dans Eusèbe, H. E., II, xv,
2, et "VI, xiv, 5, t. xx, col. 172, 552; du prêtre romain
Caïus (même date), ibid., h, 25, 7-8; deTertullien (même
date), De Prœscript., xxxvi, t. Il, col. 49 ; Scoripac.,
15, t. ii, col. 15; Adv. Marc, iv, 5, t. n, col. 366; plus
tard encore, d'Origène (vers 250), Expos, in Gen., t. m,
dans Eusèbe, H. E., m, 1, t. xx, col.216; de saint Cy-
prien, Epist. LIX ad Cornel., t. m, col. 806; au IV e
siècle, d'Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172; De-
monstr. evang., III, v, 65, t. xxil, col. 209; de Lactance,
Institut, div., iv, 21, t. vi, col. 516; de saint Jérôme, De
vir. ill., i, 8, t. xxm, col. 654, et In Gai. n, 11-13, t. xxvi,
col. 341, etc. Voir sur cette question Baronius, Annal.,
ad ann. 44 et suiv. ; Tillemont, Mémoires pour servir à
l'histoire ecclésiastique, édit. de 1701, t. i, p. 162;
Nat. Alexander, Hist. ecclesiastica, t. m, dissert. XIII,
p. 168; Dôllinger, ChristenthumundKirche, Ratisbonne,
1860, p. 95-105; Windischmann, Vindicise Petrinse,
Ratisbonne, 1836; Ginzel, Neue Vntersusch. ûber den
Episkopat und Martyrtod des heil. Petrus in Rom, dans
la Œsterreich. Vierteljahrschrift fur kathol. Théologie,
1877, p. 469; C. Fouard, Saint Pierre et les premières
années du christianisme, p. 535-545; Hundhausen, Das
erste Ponlificalschreiben des Petrus, p. 35-60 ; Lecler,
De Romano sancli Pétri episcopalu, Louvain, 1888
(p. 9 l'auteur donne une liste complète des écrivains
catholiques qui ont défendu la même thèse) ; Schmid,
Petrus in Rom, oder Novse vindicise Petrinse, Lu-
cerne, 1892; Felten, die Apostelgeschichte, Fribourg-
en-Brisgau, 1892, p. 240-244; T. Livius, St. Peter,
Bishop of Rome, or the Roman Episcopate of the
Prince of the Apostles, Londres, s. d. ; Me Giffert, A
History of C hristianily in the apostolical Age, 1897,
p. 591-597.
2° La date du premier voyage de saint Pierre à Rome
demeurera probablement toujours incertaine. Nous
avons cependant, pour essayer de la fixer, les docu-
ments suivants. — 1. Suivant Eusèbe, H. E., II, xiv, 6,
t. xx, col. 172, saint Pierre serait allé à Rome sous le
règne, de Claude (41-54). Orose, .Hist., vu, 6, t. xxxi,
col. 1078, est un peu plus précis : Exordio regni Clau-
dii. D'après la traduction du Chronicon d'Eusèbe par
saint Jérôme, n, 153, t. xxvn, col. 577, ce voyage aurait
eu lieu la seconde année du même règne (42-43). Saint
Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608, adopte la même
date pour son propre compte. La traduction armé-
nienne du Chronicon, n, t. xix, col. 539, déclare aussi
qu'Évodius succéda en cette même année à saint Pierre
sur le siège épiscopal d'Antioche. Il est vrai qu'un peu
plus haut, n, 150, la même traduction arménienne as-
signe à l'an 39 l'arrivée de saint Pierre à Rome ; mais
il y a en cela une erreur évidente. La date très nette-
ment fixée par saint Jérôme est selon toute probabilité
la véritable. — 2. Si nous parcourons la première partie
du livre des Actes, i, 1 ; xn, 25, nous voyons qu'il n'y a
pas de place pour un voyage et un séjour de saint
Pierre à Rome avant sa délivrance miraculeuse de pri-
son, xii, 1 sq. Or, ce dernier fait ne saurait s'être passé
antérieurement à la Pâque de l'année :42; puisque Hé-
rode Agrippa I" fut institué roi de Judée par l'empe-
reur Claude, lequel monta sur le trône le 25 janvier 41.
Le même fait n'est certainement pas postérieur à l'an
44, durant lequel mourut Agrippa. Il est donc très pos-
sible que le trait du récit des Actes, xn, 17, ce Il s'en
alla dans un autre lieu, » se rapporte au départ de
saint Pierre pour Rome. Voir P. Allard, Histoire des
persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris,
1885, p. 15; Hundhausen, Dos erste Pontificalschreiben
...Petrus, p. 16; Felten, Die Apostelgeschichte ûber-
setzt und erklàrt, 1892, p. 240, etc. — 3. Alors
même que cette date n'a pas le caractère d'une entière
certitude, et qu'elle n'est pas mathématiquement dé-
montrable, elle nous paraît du moins très vraisem-
blable. Des historiens catholiques assez nombreux l'ont
adoptée de nos jours. Voir, entre autres, Funk, article
Petrus dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte f
2» édition, t. ix, col. 1861. Elle coïncide d'ailleurs assez
bien avec l'assertion d'Apollonius (vers 200; dans Eu-
sèbe, H. E., V, xvin, 14, t. xx, col. 480) et de Clément
d'Alexandrie, Slrom., vi, 15, t. IX, col. 264, d'après la-
quelle Notre-Seigneur aurait enjoint à ses disciples de
demeurer à Jérusalem pendant les deux premières
années qui suivraient son ascension. Si Lactance, De
morte persecut., 2, t. vu, col. 195, fixe une date beau-
coup plus tardive (après l'année 64), c'est sans doute
parce qu'il fait allusion, au dernier voyage de saint
Pierre à Rome.
3° La durée du séjour de Pierre dans la capitale du
monde romain ne saurait être non plus déterminée
avec certitude; les bases chronologiques ne sont pas
assez sûres pour cela. Voici les faits principaux. Dans
la version arménienne du Chronicon d'Eusèbe, t. xix,
col. 539, on doit lire : « Le chef de l'Église demeura là
(à Rome) pendant vingt-cinq ans. » C'est ce que porte la
version latine de saint Jérôme, t. xxvn, col. 571 : Viginti
quinque annis ejusdem urbis episcopus persévérât. Le
saint docteur nous fait connaître en ces termes son
sentiment personnel, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607 L
Romani pergit, ibique viginti quinque annis cathë-
dram sacerdotalem tenuit, usque ad ultimurq annum
Neronis, id est, quartum decimum (l'an 67 de notre
ère). Cette durée de vingt-cinq ans pour le pontificat
romain de Pierre est aussi mentionnée dans les diffé-
rentes éditions du Liber pontificalis . Voir celle de
Ma r Duchesne, p. xx, 2, 50, 118. Toutefois, les détails
par lesquels le fait est développé dans cet écrit célèbre
varient au point d'être contradictoires. 11 n'en demeure
pas moins frappant de constater que, de très bonne
heure (dès le y e siècle, d'après Funk, l. c, col. 1864),.
on mentionne cette durée de vingt-cinq ans. Nous pou-
vons donc fort bien admettre, en nous conformant
aux données d'Eusèbe et de saint Jérôme, qui parais-
sent résumer les anciens témoignages sur ce point, que
saint Pierre fut évêque de Rome entre les années 42
et 67.
4° De son activité apostolique dans la capitale des Cé-
sars, il ne nous est parvenu que trois détails. D'abord,
comme il fallait s'y attendre, les épreuves ne lui man-
quèrent pas, ainsi que l'affirme saint Clément, / ad Cor.,
v, 4, t. i, col. 217. En second lieu, sa prédication
obtint un merveilleux succès. Comme nous l'apprend
Eusèbe, H. E., n, 15, t. xx, col. 172, en s'appuyant sur-
les témoignages de Papias et de Clément d'Alexandrie
(voir, de ce dernier, Hypotypos., vi, dans Eusèbe,.
H. E., VI, xiv, t. xx, col. 552), les fidèles de Rome de-
meurèrent toujours avides de l'entendre, et ils for-
cèrent instamment son disciple saint Marc de la mettre-
par écrit, pour qu'ils n'en perdissent jamais le souve-
nir. C'est ce qui occasionna la composition du second
375
PIERRE (SAINT)
376
Évangile. En troisième lieu, il .eut probablement, tout
é fait à la fin de sa vie, une nouvelle rencontre avec
Simon le magicien. Bien que les détails qui entourent
-cet épisode dans la littérature clémentine et dans les
autres écrits apocryphes soient légendaires en grande
partie, le fait même est attesté et regardé comme his-
torique par des écrivains ecclésiastiques aussi anciens
que judicieux, tels que saint Irénée, Tertullien, saint
Hippolyte, Eusèbe, etc. ; c'est pourquoi divers critiques
contemporains en parlent comme d'un événement cer-
tain, tout en le dégageant des fables dont il est envi-
ronné ; d'autres, il est vrai, le rejettent totalement.
Voir C. Fouard, Saint Pierre, p. 551 , L. Duchesne,
Les Origines chrétiennes, p. 87-113, etc. En tout cas,
il est. bien évident que le prince des Apôtres, même
après s'être installé à Rome, n'y séjournait pas per-
pétuellement; il s'en allait parfois, lorsque les besoins
de l'Église réclamaient ailleurs sa présence. C'est
ainsi que nous le trouvons à Jérusalem, pour l'assem-
blée qui s'y tint vers l'an 50, Act., i, 15 et à Antioche
un peu plus tard. Gai., n, 11.
V. LES DERNIERS INCIDENTS DE SA VIE ; SON MARTYRE
et son tombeau. — 1° Rien n'est complètement cer-
tain lion plus sur les faits qui précédèrent immédiate-
ment la mort de saint Pierre. Arrêté par l'ordre de
Néron, il tut, d'après une tradition longtemps en hon-
neur, mais aujourd'hui battue en brèche (voir Kraus,
Real-Encyklopâdie der chrisll. Alterthûmer, t. Il,
p. 611), jeté dans le cachot nommé Tullianum, dans
d'obscur caveau de la prison Mamertine, au pied du
Capitule. Voir H. Grisar, Histoire de Rome, trad. Ledos,
1906, t. I, p. 207-210.
2» Le théâtre de sa mort fut Rome : il n'y pas le
moindre doute sur ce point. Nous en avons pour ga-
rants saint Clément pape, / ad Cor., v et vi, 1. 1, col. 217,
220; Cafus dans Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209;
S. Denys de Corinthe, ibid., Il, xxv, 8; Origène, ibid.,
III, i, 1, col. 216; Tertullien, Adv. Marc, iv, 5, t. il,
■col. 375; Eusèbe, Demonstr. evang., III, v, 65, t. xxn,
col. 209; saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608;
de même les Acta Pétri et Pauli (Tischendorf, Acia
Aposlolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 35), la lit-
térature clémentine. Voir Clementinse, édit. de Lagarde,
Leipzig, 1865, p. 6. Le témoignage des Clémentines
•est remarquable; en effet, les hérétiques qui les ont
composées auraient difficilement songé d'eux-mêmes à
faire mourir saint Pierre à Rome, si le fait n'avait pas
été réel. 11 est frappant aussi de voir que «si plusieurs
Églises revendiquent l'honneur d'avoir été fondées par
Pierre, aucune, sauf Rome, n'a revendiqué la gloire
de son martyre.» A. Brun, L'Apôtre Pierre, p. 63, note 1.
L'endroit spécial de Rome où le vicaire du Christ subit
le martyre ne fut probablement pas l'emplacement
actuel de l'Église San Pietro in Montorio, sur le Janicule,
mais celui de la basilique de saint Pierre, sur la col-
line vaticane. Voir. Marucchi, Éléments d'archéologie
chrétienne, t. i, p. 11.
3° Pierre subit le martyre pour son Maître, comme ce-
lui-ci le lui avait prédit (Joa., xxi, 22. Voir Denys de
•Corinthe et Caïus, l. c. ; Tertullien, Adv. Marc, rv, 5,
t. il, col. 375. Son genre de mort fut le crucifiement,
ainsi que nous l'apprennent Origène, dans Eusèbe,
H. E., III, I, 2, t. xx, col. 216 ; Tertullien, De prœscript.,
56, t. i, col. 461, et Scorpiac, 15, t. n, col. 151; saint
Jérôme, De vir. ill., 15, t. xxm, col. 631; Eusèbe, Dem.
evang., III, v, 65, t. XXII, col. 209, etc. Origène et saint
Jérôme ajoutent que, sur sa demande, le prince des
Apôtres fut crucifié la tête en bas, pour n'être pas égalé
à son-Maître. Sénèque, Consol. ad Marc, 20, mentionne
en termes formels cette aggravation du crucifiement,
•comme étant usitée de son temps. D'après l'explication
la plus naturelle, c'est bien le supplice de la croix qui
■est désigné dans la prophétie du Sauveur, Joa., xxi, 22 :
« Tu étendras tes bras... » C'est ce que reconnaissait
déjà Tertullien, Scorpiac, 15, t. i, col. 151 : Tune
Petrus ab altero cingitur, cum cruci adslringitur.
4° La date de sa mort. — Suivant M^ Duchesne,
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, t. i, p. 64,
« c'est... en 64 qu'il convient de placer son martyre. »
Le savant historien ajoute dans une note : « Eusèbe le
met en 67 ou 68; cependant, comme il indique en
même temps la persécution de Néron, son attribution
n'est pas sans ambiguïté. La persécution de Néron...
commença à l'été de 64. » Nous préférons nous en
tenir à la date d'Eusèbe, et tout spécialement à l'année
67, la quatorzième du règne de Néron, qui est adoptée
par saint Jérôme et par la plupart des historiens mo-
dernes et contemporains. Voir Gams, Das Jahr des
Martyrtodes der Apostel Petrus und Paulus, Ratis-
bonne, 1867; A. Rartolini, Sopra Vanno 67 dell' era
volgare, se fosse quel del martirio de' gloriosi apostoli,
Rome, 1868. D'après saint Épiphane, Béer., xxvii, 6,
t. xli, col. 373, c'est dès la douzième année de
Néron (en 66), qu'aurait eu lieu le martyre de saint Pierre.
Déjà le catalogue libérien cite le 29 juin comme le jour
de cette glorieuse mort. Les Acta Pétri et Pauli font
de même. Cf. Tischendorf, Acta Apostol. apocr., p. 39.
On ne saurait faire rigoureusement la preuve; mais
d'assez nombreux critiques acceptent cette ancienne
donnée comme véritable. Voir Erbes, Die Todestage
der Apostel Paulus und Petrus, dans les Texte und
Untersuchungen, nouvelle série, t. îv, I re partie, 1899.
5" Saint Pierre subit-il le martyre en même temps
que saint Paul? Plusieurs anciens auteurs le disent
formellement; entre autres, Denys de Corinthe, dans
Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209 : « Ils ont rendu
témoignage à la même époque, » y.axà tôv aÙTÔv xatpôv.
Cf. Eusèbe, Chronic, traduction armén., t. xix, col. 524,
et traduct. de saint Jérôme, t. xxvn, col. 589. Saint
Jérôme, De vir. ill., 5, t. xxin, col. 617, dit, en
parlant de Paul : Eodem die guo Petrus Romœ pro
Christo capite truncatur. Les traditions romaines s'ex-
priment dans le même sens. D'autres anciens écri-
vains, sans affirmer directement ce fait, le supposent :
tels saint Clément pape, Caïus, Origène, Tertullien, l. c
De nombreux historiens contemporains se rangent à cette
opinion. Voir Funck, dans le Kirchenlexikon de Wet-
zer et Welte, édit. Kaulen, t. ix. col. 1863. Le poète
Prudence, Peristeph., 12, t. lx, col. 556-557, 560, fait
mourir saint Paul un an après saint Pierre. Cf. aussi
saint Augustin, Serm., ccxcv, 7, et Serai., ccclxxxi,
t. xxxviii-xxxix, col. 1352, 1683, qui ajoute cependant
que le jour du martyre fut le même.
6° Le prince des Apôtres fut enseveli tout près du
lieu de son supplice, sur la colline Vaticane, comme le
disait déjà le prêtre romain Caïus, dans Eusèbe,
H. E., il, 25, t. xx, col. 207 : « Si tu veux aller sur
le Vatican ou sur \a voûte d'Ostie, tu trouveras les
trophées (ra TpÔ7iaia) de ceux qui ont fondé cette Égli-
se, y> c'est-à-dire les tombeaux glorieux de sjint Pierre,
enterré au Vatican, et de saint Paul, enseveli près de la
« via Ostiensis ». Saint Jérôme signale le même fait,
De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607. Une tradition identique
a été conservée par le Liber pontificalis, édit. Duchesne,
p. 52-53, 158-159, et les Acta Pétri et Pauli, 84, édit.
Lipsius, p. 216. C'est là que le pape Anaclet construisit
la Memoria beali Pétri (Lib. pontif., édit. Duchesne,
p. 55 et 125) ; là que Constantin bâtit une basilique, sur
l'emplacement de laquelle s'élève aujourd'hui l'œuvre
admirable du Bramante et de Michel-Ange.
V. Portrait moral et physique de saint Pierre;
SON ENSEIGNEMENT D'APRÈS LES DISCOURS DU LIVRE DES
Actes. — /. caractère du prince des apôtres. — Il
n'a pas toujours été décrit exactement. C'est ainsi que
divers écrivains, soit catholiques, soit protestants,
attribuent à l'apôtre trop de défauts naturels : les uns,
377
PIERRE (SAINT)
378-
pour relever la puissance de la grâce; les autres, pour
amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral
est cependant aisé à reproduire, car ses grandes lignes
sont esquissées aussi clairement que possible dans les
récits évangéliques et au livre des Actes. La fougue,
l'ardeur impétueuse en étaient le trait le plus saillant : ses
paroles ne le démontrent pas moins bien que ses actes.
Voir Matth., xvi, 22; xvn, 4; Marc, xiv, 29; Luc, v,
8; Joa., vi, 69; xm, 9, 37, etc. A cet entrain véhément,
qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des
autres Apôtres, cf. Matth., xv, 15; xvi, 16; xvm, 21;
Marc, i, 36; xi, 21; Luc, vin, 45; Ooa., vi, 69-70,
etc., se joignaient la mobilité et l'impressionnabilité,
cf. Matth., xiv, 30; Luc, v, 8, l'enthousiasme,
Matth., xiv, 28-29, la candeur, Matth., xvi, 22; xvii, 4,
la franchise et la loyauté, Matth., xix, 27; Luc, v, 5,
la générosité et la vaillance, Matth., iv, 18-20;
Joa., xvm, 10; Act., il, 14; ni, 12-26, iv, 8; v, 29,
etc., parfois la présomption et l'obstination, Matth., xxvi,
33, la timidité, Gai., n, 11-12, et même la faiblesse.
Matth., xxvi, 40, 69. A ces divers points de vue, la na-
ture de Pierre reflétait celle dés Galiléens, ses compa-
triotes, telle que l'historien Josèphe nous l'a décrite.
Voir Ant. jud., xvi, 17; Bell. jud.. III, ni, 2. Il était
avant tout un homme d'action, comme il sut le montrer
de la façon la plus admirable après la mort de Jésus-
Christ. Son cœur était chaud, généreux, dévoué, ainsi
qu'on le voit par de nombreux passages du Nouveau
Testament. Voir L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 182-185.
II. SA REPRÉSENTATION SUR LES MONUMENTS FIGURÉS.
— Le portrait physique de saint Pierre est très souvent
reproduit sur les anciens monuments (sarcophages,
mosaïques, fonds de verres, fresques des Catacombes).
Voir Smith, Dictionarij of Christian Bibliography , t. n,
p. 1621 ; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte und
Apostellegenden, t. n, I e partie, p. 213; F. X. Kraus,
Realencyklopâdie der chrisll. Alterthùmer, t. n,p.67;
O. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo in Roma, 1900,
p. 161-169.
« Saint Jérôme In Gai., i, 18, t. xxvi, col. 329,
rapporte, d'après un ancien livre apocryphe, que
saint Pierre aurait été chauve ; et parfois il est figuré
comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens,
il porte la barbe, des cheveux courts et frisés; son
visage est rond; ses traits sont ordinaires, comme
ceux de la plupart des gens du peuple; toutefois, quoi-
qu'il ne soit nulle part idéalisé, sa physionomie respire
toujours l'intelligence et la bonté. Plus tard, on le re-
présente avec une tonsure : c'est le fruit d'une légende
signalée par plusieurs écrivains du vi e ou du vif siècle,
et suivant laquelle saint Pierre aurait été ignominieuse-
ment tondu par les ennemis de l'Évangile. » L.-Cl.
Fillion, Saint Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188,
lig. 579, la figure à droite.
III. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE
SAINT pierbe. — Plus loin, nous aurons à spécifier la
doctrine que le prince des Apôtres enseigne dans cha-
cune de ses Épitres. Il est bon d'indiquer ici celle qui
se dégage de ses huit discours du livre des Actes. No-
tons cependant qu'on aurait tort de vouloir déterminer
.rigoureusement par ces discours, comme on l'a fait
parfois, quel était l'enseignement caractéristique soit
de saint Pierre, soit des autres Apôtres, au début de
l'histoire de l'Église. On ne doit pas oublier que ces
allocutions furent des improvisations rapides, dictées
par les circonstances, qu'elles furent nécessairement
brèves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement
d'y développer le symbole chrétien, soit en général,
soit même sur tel ou tel point particulier. Il serait donc
inutile d'y chercher, et de prétendre y trouver, un sys-
tème dogmatique, parce que c'est avant tout une pré-
dication apostolique, dont nous n'avons d'ailleurs qu'un
écho nécessairement affaibli, quelque fidèle qu'il soit.
Cette réserve faite, il est très intéressant de les par-
courir, pour les envisager sous le rapport doctrinal.
Voir *B. Weiss, Lehrbuch der bibl. Théologie des N.
T., i» édit., Berlin, 1884, p. 114-116, 123-144; *Lechler r
Bas apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3 e éd. r
Leipzig, 1885, p. 225-241; *Mc Giffert, A History of
Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63,
482-486; *Bovon, Théologie du Nouv. Test., 2 e éd.,
1905, t. il, p. 51-70.
Les discours les plus importants au point de vue qufr
nous étudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa
au peuple le jour de la Pentecôte, Act., n, 14-40;
2° celui qu'il prononça dans la cour du Temple, après-
la guérison du paralytique, Act., m, 12-26; 3° celui
qu'il adressa au centurion Corneille et à ses amis.
Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour
but direct de gagner les auditeurs à la foi chrétienne.
Néanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act., i r
16-22; iv, 8-12; v, 29-32; xi, 4-17; xv, 7-11, et la prière-
des fidèles, iv, 24-30, sont aussi très instructifs sous ce
rapport. Des idées dogmatiques, morales, apologétiques
et polémiques très variées y sont exprimées. On a dit très
justement (B. Weiss, l. c, p. 116) qu'on n'a pas suffi-
samment apprécié ces discours au point de vue théolo-
gique. Ce sont les documents les plus anciens que
nous ayons pour nous renseigner sur la prédication
apostolique au début de l'histoire de l'Église. Sur leur
authenticité, voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152..
On peut les résumer tous en un mot très exact : ils
sont un témoignage rendu à N.-S. Jésus-Christ. La>
doctrine en est très simple, comme le demandaient les=
circonstances; elle est cependant très riche aussi.
1° Rapports de la religion nouvelle avec celle de-
V Ancien Testament. — Ces rapports sont très intimes ;
les deux religions sont étroitement alliées. La seconde
se rattache à la première comme à sa racine, à sa pré-
paration. Saint Pierre est très formel sur ce point, et
il y revient fréquemment. Dans ses discours, comme-
plus tard dans ses écrits, il répète sans se lasser que
le christianisme s'appuie de toutes manières sur les=
oracles prophétiques, qui l'ont annoncé d'avance, et
dont il est la réalisation parfaite. Cf. Act., il, 14-21,
24-36; iv, 11; x, 43. Il cite en ce sens Moïse, Act., m,
22-23, les Psaumes, Act., n, 25-36; iv, 11, les grands-
et les petits prophètes, en particulier Joël, Act., n, 17-
21; Jérémie, xxxi, 34, tous les oracles de l'Ancien-
Testament ire globo. Act, m, 24. Ce fait ne pouvait
qu'intéresser et frapper vivement les auditeurs juifs de
l'apôtre.
2° La christologie. — C'est le point de départ, le
point central et aussi le terme de la prédication de-
saint Pierre, Jésus est le Messie prédit par Dieu à son-
peuple, impatiemment attendu -et désiré par les Juifs
aux différentes époques de leur histoire. Act., m, 22.
Dieu l'a en quelque sorte légitimé, accrédité par des
miracles et des signes nombreux, Act., n, 22, 36; x,
38; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38;
cf. Marc, i, 10. Jésus est le prophète annoncé par
Moïse, le serviteur de Jéhovah prédit par lsaïe. Act., m,.
13, 26; iv, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait elle-
même dans le plan divin. Act., n, 23; m, 18; iv, 11,
25-28; v, 30; x, 39. La preuve la plus frappante de son»
caractère messianique consiste dans sa résurrection,,
dans son ascension et dans sa glorification sublime
auprès de son père. Act., il, 33-35; v, 31, etc. Saint
Pierre ne manque jamais d'opposer ces faits glorieux
à la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., n, 36;
m, 15; iv, 10; v, 30; x, 40. En effet, humainement'
parlant, la croix de Jésus était la négation de son carac-
tère messianique, tandis que sa résurrection en est la-
preuve la plus convaincante; aussi l'apôtre fait-il de-
ce dernier mystère le centre de toute sa prédication..
Cf. Act., i, 8,"22; n, 2-32, 36; m, 15; îv, 10; v, 30; x,.
379
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
380
42, etc. Vivant et triomphant dans le ciel, il demeure
toujours uni à son Église et lui envoie sans cesse de
précieux secours. Act., Il, 33; m, 16; IV, 10. Il reviendra
un jour, puissant et glorieux, pour juger tous les
hommes, Act., in, 26; x, 42, et alors commencera une
ère de consommation pour son Église. Il est la pierre
angulaire sur laquelle repose tout l'édifice chrétien.
Act., iv, 11. — Les discours de Pierre n'affirment pas
explicitement et directement la divinité de Jésus-Christ,
mais ils la supposent constamment. Le point essentiel
consistait à démontrer d'abord aux Juifs que Jésus
«tait le Messie depuis longtemps promis. Il est le Saint
■de Dieu par excellence, ô Sotôç trou, Act., Il, 27, le
saint et le juste, Act., m, 14, le prince de la vie, Act., m,
15, le Seigneur de toutes choses. Act., x, 36. Il est le
Seigneur par antonomase (4 xvpioç), comme Dieu lui-
même, Act., i, 24; il, 20, 21, 36; m, 20; vn, 59-61;
XI, 23, 24, etc., ou le Seigneur Jésus. Act., i, 31; iv, 33;
XV, 11, etc. Dieu était avec lui d'une manière toute
spéciale, Act., x, 38; en lui seul est placé le salut du
monde. Act., iv, 12; v, 31. Assis sur le trône de Dieu,
il est évidemment son égal. De grands miracles s'accom-
plissent en son nom. Act., m, 6, 16; iv, 30, etc. A tous
ces points de vue, il est un être unique, d'une dignité
et d'une puissance extraordinaires. Mais il est homme
aussi : c'est Jésus de Nazareth, « homme approuvé de
Dieu, » Act., il, 22, et, à ce titre, descendant royal de
David. Act., n, 30.
3° La sotériologie. — Avec Jésus-Christ a commencé
l'ère de rédemption annoncée par les prophètes. Act., n,
7; m, 24; x, 43. Les moyens de s'approprier le salut
apporté par lui consistent : — 1. Sous le rapport négatif,
à faire pénitence et à rompre avec le péché, Act., n,
•38; ht, 26; — 2. Sous le rapport positif, à accepter sans
hésitation la prédication apostolique, qui est la parole
de Dieu lui-même, Act., iv, 29; v, 32; x, 41-42, etc., à
croire en Jésus-Christ comme au Sauveur depuis
longtemps prédit, Act., n, 36; x, 43, et à recevoir le
baptême en son nom, de manière à faire .partie de la
société des élus. Act., n, 38. En échange de cette foi en
sa personne et pour rendre plus certaine l'acceptation
individuelle du salut, Jésus remet les péchés des croyants
sincères, Act., n, 38; m, 19; x, 43; il leur commu-
nique son Esprit, selon les antiques promesses, Act., n,
16, etc.; il leur accorde le salut éternel. Act., m,
15; IV, 11-12; v, 31, etc. Israël, en tant que peuple de
l'alliance, avait un droit spécial à la rédemption mes-
sianique, cf. Act., ii, 39; m, 26; v, 31; x,,36, 42, etc.;
mais tous les peuples du monde, sans exception,
devaient y participer aussi. Act., it, 17, 39; m, 25; x,
34-35; xv, 7. — On le voit par ce simple sommaire, rien
n'est plus précis que l'enseignement doctrinal du prince
des Apôtres, malgré son caractère élémentaire. Les
Épîtres nous le présentent sous une forme plus large
et plus complète.
VI. Bibliographie. — Voir C. Pouard, Saint Pierre et
les premières années du christianisme, Paris, 1886;
Ma" Le Camus, L'œuvre des Apôtres, t. i, Fondation de
l'Église chrétienne, Paris, 1891; Xavier, Historia S.
Pétri, 1639; P. Scheuren, Petrus der Apostelfùrst u.
Statthalter Christi, nach der h, Schrift, den Vâtern...
dargestellt, Aix-la-Chapelle, 1846 ; Janvier, Hist. de saint
Pierre, Tours, 1875; *J. S. Howson, Studiesin theLife
of St. Peter, Londres, 1883; * A. Birks, Studies in the
Life and Character of St. Peter, Londres, 1887;
* Couard, Simon Petrus der Apostel des Herrn,i88Q;
Henriot, Saint Pierre, son apostolat, son pontificat, son
épiscopat; histoire, traditions et légendes, Lille, 1891 ;
* H. G. Thomas, The Apostle Peter, outline Studies
in his Life, Character and Writings, Londres, 1904;
L.-CI. Fillion, Saint Pierre, Paris, 1906; * A. Brun, Essai
sur l'apôtre Pierre, Montauban, 1905.
L. Fillion.
2. PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT). — I. La
question d'authenticité. — Nous étudierons successi-
vement les preuves extrinsèques et les arguments
intrinsèques; puis, nous réfuterons les principales
objections des néo-critiques.
/. preuve extrinsèque. — Les témoignages ren-
dus à notre Épitre par les écrivains ecclésiastiques
abondent depuis les temps les plus reculés. Aucun de
ces anciens auteurs « n'a douté de son authenticité,
ni même entendu parler de doute la concernant »
(Olshausen). Si l'on se place au iv e siècle et que l'on
remonte en arrière, on est tout d'abord frappé de ce
fait que, dans toutes les listes qui énumèrent les livres
canoniques du Nouveau Testament, à part une seule,
la lettre est citée et attribuée à saint Pierre. C'est le
canon de Muratori qui fait exception : ce qu'il dit
des écrits de saint Pierre est d'ailleurs très obscur; il
porte en cet endroit des traces visibles de corruption,
et il est possible que la l a Pétri ait été mentionnée
dans le texte primitif, comme le pensent des critiques
de premier ordre. VoirTh.Zahn, Gesch. des neutestam.
Kanons, t. il, 1" part., p. 11U. Eusèbe, H. E., m, 25,
t. xx, col. 268, mentionne expressément l'Épitre parmi
les livres admis d'une manière incontestable, et il affirme,
m, 3, t. xx, col. 217, que « les anciens prêtres l'ont
citée dans leurs écrits comme étant très authentique. »
Au commencement du m 6 siècle et dès la fin du ir 3 ,
nous pouvons constater l'état de choses suivant. Pour
l'Église d'Alexandrie, nous avons, d'une part, le témoi-
gnage du docte Clément, qui, non seulement cite la
lettre et l'attribue à Pierre, Strom., m, 18, t. vm,
col. 1213; Pœdagog., î, 6, t. vin, col. 301 (cf. I Pet., i,
6-9; il, 2-3), mais en a donné une brève explication
dans ses Hypotyposeis (cf. Eusèbe, H. E-, vi, 14, 1,
t. xx, col. 549), et, d'autre part, l'attestation non
moins claire d'Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25,
8, t. xx, col. 481; — pour les Églises d'Afrique, le
témoignage soit deTertullien, qui, s'il omet de la men-
tionner dans son énumération des Instrumenta apos-
tolica, c'est-à-dire des écrits composés par les apôtres,
lui emprunte, plusieurs passages (cf. De orat., 20, t, i,
col. 1182, et I Pet., m, 3; Scorpiace, xiv, t. u, col. 150,
et I Pet., n, 17; voir Rô,nsch, das Neue Testament Ter-
tullian's, p. 556-563], et la donne expressément comme
l'œuvre du prince des Apôtres, soit de saint Cyprien
(cf. De bono patientise, 9, t. IV, p. 628; Contr. jud., m,
36, t. iv, col. 756); — pour les Églises de Syrie, celui de
la Peschito, dont notre lettre a toujours fait partie; —
pour les Églises des Gaules, celui de saint Irénée, qui
lui emprunte plusieurs citations, en déclarant qu'elle
a été composée par saint Pierre (cf. Adv. hser., IV,
ix, 2, t. vu, col. 998, et I Pet., i, 8; ibid., xvi, 5,
col. 1019, et I Pet., ïv, 16); — pour l'Église de Rome,
le témoignage de l'Itala, qui a toujours contenu la
i a Pétri, comme le prouvent les citations de Tertul-
lien et de saint Cyprien, et celui de saint Hippolyte
(cf. Fragm. in Dan., xn, 7, édit. Lagarde, 185, 20, et
I Pet., i, 12).
La première Épitre de saint Pierre est aussi très
fréquemment citée dans le cours du n» siècle, et à
l'époque des Pères apostoliques. Voir la lettre des
Églises de Lyon et de Vienne, en 177, dans Eusèbe,
H. E., v, 1 et 2, t. xx, col. 436; comp. I Pet., v, 6
et 8; S. Justin, Dial. c. Tryph., 103, t. vi, col. 717
(cf. I Pet., v, 8); S. Irénée, Adv. hser., i, 18, 3, t. vn,
col. 645, cf. I Pet., m, 20; Clément d'Alexandrie,
Strom., IV, xn, 83, et 1 Pet., i, 12; t. vin, col. 1108;
Hermas, Vis., iv, 3, 4, et Pet., i, 7; Sim., ix, 21, 3,
xxvin, 4-7, et Pet., ïv, 14-16; Sim., ix, 16, et 1 Pet.,
m, 19-20; Papias, dans Eusèbe, H. E., III, xxxix, 1,
t 'xx, col. 500; Polycarpe, Philipp., i, 2, et I Pet., i, 8;
„ 1, et I Petr., i, 13, 21; n, 2, et I Pet., m, 9; vin, 1,
et I Pet., n, 22, 24. Cf. Eusèbe, H. E., ïv, 14, t. xx,
381
PIERRE (PREMIÈRE ÉPIïRE DE SAINT)
382
col. 350; S. Clément de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et
33, t. i, col. 240, 244, 273, et I Pet., n, 21; xxn, 2,
et I Pet., m, 10; xlix, 5, et I Pet., iv, 8. Les témoi-
gnages de Papias et de saint Polycarpe ont d'autant
plus de force, que les Églises gouvernées par eux
(Hiérapolis et Smyrne) faisaient partie de la région à
laquelle est adressée l'Épître. Celui de saint Clément
a aussi une grande autorité, la lettre ayant été composée
à Rome même, comme il sera dit plus loin. — Le témoi-
gnage le plus ancien de tous, et par suite l'un des plus
importants, est celui de la 7J a Pétri, laquelle se pré-
sente, in, 1, comme étant la seconde lettre de l'apôtre
Pierre. Il est vrai qu'il a existé autrefois des doutes au
sujet de son authenticité, et qu'un grand nombre de
critiques hétérodoxes la rejettent comme apocryphe (voir
ci-dessous, col. 402-410); mais elle est très ancienne
aux yeux de ces critiques eux-mêmes, car ils placent
généralement sa composition entre les années 88 et 90.
Son témoignage demeure donc ferme en toute hypothèse.
Telle est la preuve extrinsèque, qui démontre l'authen-
ticité de l'Épitre de saint Pierre. Ces deux faits s'en
dégagent : 1° l'Épître a été connue de très bonne heure
dans toute l'Église ; dès que celle-ci a possédé un re-
cueil de littérature qui lui fût propre, la Z a Pétri y est
citée comme un écrit qui exerce une influence consi-
dérable; 2° à partir de saint Irénée, c'est directement
et nommément à saint Pierre que tous les auteurs ec-
clésiastiques attribuent l'Épître.
Pour éluder un si puissant argument, les adversaires
de l'authenticité éprouvent, on le conçoit, un très grand
embarras, et il ne peuventlui opposer que de très pauvres
raisons. Voir Jùlicher, Einleitung in das N. T., 1894,
p. 131. 1° L'objection qu'ils tirent du silence du canon
de Muratori a été brièvement réfutée plus haut. 2° Ils
s'appuient aussi sur une double allégation de Pierre de
Sicile (vers 870), Historia Manichœor., c. xvii. D'après
cet auteur, d'une part, les « pauliniens », qui vou-
laient établir un christianisme purement basé sur la
doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la i a Pétri;
d'autre part, Théodore de Mopsueste, suivant une
donnée fournie par Léonce de Byzance dans son
écrit Contra Nestor, et Eutych., 1. IV (entre 560 et
600), t. lxxxvi, col. 1650, aurait abrégé et rejeté les
Épîlres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du
tout », comme l'a fort bien dit Credner, Einleit., t. n,
p. 648; car les faits en question sont d'une date très
tardive. D'ailleurs, le second de ces faits n'est pas
même certain, puisque aujourd'hui encore les Nes-
toriens, qui ont conservé le canon biblique de Théo-
dore de Mopsueste, regardent la I re Épître de saint
Pierre comme canonique. Voir Kihn, Tlieodor von
Mops., in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 64. 3° En troi-
sième lieu, les néo-critiques s'appliquent à affaiblir la
force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi,
d'après Harnack, Chronologie, p. 463, saint Polycarpe
n'aurait pas regardé notre Épître comme l'œuvre de
saint Pierre, puisqu'il ne la lui attribue pas nom-
mément, tandis qu'il mentionne expressément saint
Paul en lui empruntant des citations. Mais la con-
clusion est illégitime; en effet, saint Polycarpe ne
cite pas davantage les noms de saint Jean, des synop-
tiques, de saint Clément pape et des auteurs de
l'Ancien Testament, lorsqu'il leur fait quelque em-
prunt. Si l'évèque de Smyrne fait une exception en
faveur de l'apôtre des Gentils, c'est simplement parce
qu'il s'adressait à une Église fondée par lui.
il. arguments INTRINSEQUES. — Ils confirment la
preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle-
même, i, 1, comme ayant été composée par « Pierre,
apôtre de Jésus-Christ ». Or, de nombreux détails
qu'elle renferme sont en parfait accord avec ce ren-
seignernent.Entre autres : — a) la mention de Silvain, v,
12, personnage important qui avait eu des relations
étroites avec l'Église de Jérusalem et avec le prince des
Apôtres, Act., xv, 22; — b) la mention de saint Marc,
v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps
la mère, Act., xii, 12, et qu'il avait alors auprès de lui
comme un fils spirituel et un compagnon dévoué,
voir Eusèbe, H. E., m, 36, t. xx, col. 300 ; — c) la
mention de Babylone, v, 13, c'est-à-dire de Rome,
où le prince des Apôtres se trouvait à la fin de sa
vie. — d) v, 1 sq., l'auteur désigne certainement par
le mot itpeuëijTEpoi les prêtres-évêques préposés aux
chrétientés d'Asie Mineure auxquelles la lettre est
adressée. Il se présente lui-même comme leur o-uvrcpeff-
êÛTepo;. Or, tout le ton de la lettre montre qu'il est
de beaucoup leur supérieur à tous ; ce qui est bien ,
évident, puisqu'il est le chef de l'Église entière. Un
faussaire, bien loin de parler avec une telle humilité,
aurait fait valoir hautement le titre du prince des apô-
tres. — e) Nous avons à signaler aussi des allusions
assez fréquentes aux paroles de Jésus-Christ. Cf. i, 10,
etLuc.,x,24-25;i,13,etLuc.,xn,35;i,17,-etMatth.,vi,9;
H,17, et Marc, xii, 17; in,14,etiv, 14, avecMatth., v,10-ll ;
iv, 13, et Matth., v, 12; v, 3, et Marc, x, 42-43; v, 6, et
Matth., xxiir, 12. Comp. aussi n, 6-8, avec Matth., xxi, 42,
et Luc, xx, 17. Cf. Act., iv, 11. Ce dernier rapproche-
ment est particulièrement frappant, car la combinaison
de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se
trouve qu'en ces quatre passages, dont deux citent les
paroles de Jésus et les deux autres les paroles de saint
Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21;
n, 21-25; m, 18-19; iv, 1, etc., l'auteur fait allusion â
divers événements de la vie du Sauveur, et même, ce
qui est encore plus significatif, aux relations person-
nelles qu'il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 :
« (Jésus-Christ) que vous aimez quoique vous ne l'ayez
pas vu, » semble établir sous ce rapport une distinction
spéciale entre l'auteur de la lettre et les lecteurs :
ceux-ci ne connaissaient le Christ que par ouï dire;
lui, il l'a vu de ses propres yeux. C'est bien à tort, on
le voit, qu'on a accusé la 1" Pétri de « manquer de
souvenirs directs du ministère et de l'enseignement de
Jésus. » J. Monnier, La l re Épître de l'apôtre Pierre,
Mâcon, 1900, p. 515. Celui qui l'a composée a été réel-
lement témoin de la vie publique, de la passion et de
la résurrection de Notre-Seigneur. S'il parle plus sou-
vent de la passion, c'est à cause de l'importance spé-
ciale qu'avait ce mystère pour les lecteurs, plongés
alors dans l'épreuve. Voir Westcott, An introduction
to the Study of tke Gospels, 5» édit,, Londres, 1875,
p. 174-175. — g) Une preuve intrinsèque qui mérite
toute notre attention, c'est la ressemblance qui existe,
soit pour le fond, soit pour la forme, entre l'Épître et
les discours de saint Pierre contenus dans le livre des
Actes. Des deux côtés, peu de pensées abstraites et
spéculatives, mais les faits principaux de la vie du
Sauveur, présentés d'une manière concrète comme la
base de notre salut. Cf. en particulier I Pet., I, 10-12,
et Act., m, 18-25 et x, 43; I Pet., i, 20, et Act., n, 23, et
m, 20; 1 Pet., n, 4, et Act., x, 11; I Pet., n, 24, et Act.,
v, 30, et x, 39; I Pet., m, 22, et Act, n, 33-34, et v, 31, etc.
De part et d'autre aussi, l'auteur aime à rattacher sa
doctrine aux oracles de l'Ancien Testament. Ce trait
est vraiment caractéristique. De nombreuses pensées
de l'Épître, comme celles des discours, ont un vête-
ment biblique. « On sent que l'auteur se meut dans un
domaine familier, et que sa piété plonge ses racines
dans la terre nourricière de l'ancienne Alliance. Il en
parle la langue, il en reflète la pensée. » A. Brun, Essai
sur l'apôtre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, Apost. und
nachapost. Zeitalter, 3» éd., p. 440-443; K. Burger,
dans le Kurzgefassler Komment. de Strack et Zôckler,
N. Test., 4« Abth., p. 153 de la 2= édit. Voir en par-
ticulier les passages, i, 16, 17, 24-25; n, 4, 6, 7, 9,
10, 22, 24; m, 6, 9, 10, 11, 20; iv, 8, 18, etc. -
383
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
384
h) L'Épître reflète véritablement le caractère de saint
Pierre, tel que nous le révèlent les récits des Évangiles
et des Actes des Apôtres. Sa personnalité y apparaît
tout entière, comme fait celle de saint Paul dans ses
propres lettres. Nous y contemplons l'homme pratique,
l'homme d'action, l'homme au tempérament ardent et
généreux, l'homme qui exhorte avec bonté, en em-
ployant des expressions et des images pittoresques.
C'est donc d'une maniéré très injuste que divers cri-
tiques regardent notre Épitre comme un produit litté-
raire dénué d'originalité. Voir en sens contraire Scharfe,
Die Petrinische Strômung der neutestam. Litteratitr,
1893. Les images concrètes et frappantes y abondent;
cf. i, 7,13,18, 23, 24; il, 2, 4, 5, etc. L'auteur drama-
tise son exposition au moyen d'épithètes vigoureuses,
I, 4, 7, 8, 19; v, 10, etc. ; il emploie des verbes compo-
sés et varie les prépositions pour mieux exprimer les
nuances de sa pensée,], 2, 3, 5, 12, 13, etc.; il a recours
aux contrastes pour mieux insister sur l'idée, i, 6, 8,
11; il, 4, 7, etc. Tout cela manifeste un esprit original,
puissant, ardent, comme l'était celui de Simon-Pierre.
Voir Belser, Einleit., p. 701.
OT. OBJECTIONS VES CBITIQUES CONTRE h' AUTHEN-
TICITÉ. — 1° Histoire de leurs attaques. — Sans
doute, ces différentes preuves intrinsèques n'ont pas
la même valeur- que les témoignages cités plus haut;
mais elles les corroborent singulièrement. Néanmoins,
quoique si bien .accréditée de toutes manières, la
J a Pétri ne pouvait pas plus échapper que les autres
parties du N. T. aux procédés dissolvants de la critique
rationaliste. Déjà Semler, en 1784, avait émis des doutes
sérieux sur l'authenticité, que Gludius, un peu plus tard,
a été le premier à nier franchement, dans son livre
Uransichtende$Christentkums,Altowi, 1808, p. 296-300.
Eichhorn, en 1818, a marché sur ses traces. F. Baur,
Theol. Jahrbïtcher, 1856, t. h, p. 193-198, et ses disciples
(notamment Schwegler, Das nachapostol. Zeitalter,
Tubingue, 1846, t. Il, p. 2-16; H. Holtzmann, dans
Schenkel, Tlibel-Lexikon, t. iv, p. 495-498. ; Hilgenfeld,
Einleit. in das N. T., p. 625-630) se sont particulière-
ment distingués par la violence de leurs attaques, mais
sans pouvoir se mettre d'accord entre eux pour les
détails de leurs théories, ni pour la date de l'Épître, etc.
Celle-ci serait, comme tant d'autres parties du Nouveau
Testament, un écrit de conciliation, Unionsschrift,
destiné à célébrer l'harmonie finalement établie entre
les deux grands partis hostiles, le Pétrinisme et le
Paulinisme. Elle démontrerait, en même temps, com-
ment les idées pauliniennes peuvent être mises à profit
dans l'intérêt du parti judéo-chrétien. Baur, loc. cit.,
p. 219-222. De là ces réminiscences perpétuelles des
épîtres de saint Paul qu'on prétend découvrir dans la
/ a Pétri (voir plus bas, col. 385) et qui donneraient,
assure-t-on, « l'impression que la lettre provient d'un
disciple de Paul. » Mais, comme on l'admet universel-
lement aujourd'hui, « cette théorie (de l'école de Tu-
bingue), qui est profondément ébranlée d'une manière
générale, est réfutée en particulier dans l'application
qui en a été faite à I Pet. » Harnack, Chronologie,
t. i, p. 456. D'après Jùlicher, Einleit., p. 134-136, de la
l re édit., la lettre, à cause de ses relations avec l'Épître
aux Romains, aurait été composée par un chrétien qui
résidait alors à Rome, mais qui était originaire d'Asie
Mineure. Selon von Soden, Hand-Comment. zum
N. T., t. m, 2 e part., p. 117, la lettre aurait Silvain pour
auteur. Cf. v, 12. Me Gilfert, History of Christianity in
the aposlolical Age, p. 598, l'attribue à saint Barnabe.
D'autres critiques s'en sont tenus à l'opinion tradi-
tionnelle, mais en admettant que l'tpitre est dans un
état d'infériorité et de dépendance par rapport aux
écrits de saint Paul; ce qu"on explique en disant que
Pierre, pratique avant tout, n'avait pas une grande
originalité littéraire (Bleek, etc.), que c'était un théolo-
gien médiocre (Renan), ou du moins une nature « ré-
ceptive, impressionnable » (Salmon). Suivant Harnack,
Lettre der zivôlf Apostel, t. il, p. 106-109, et Chrono-
logie, t. i, p. 455-465, les premières et les dernières
lignes de l'Épître, i, 1-2; v, 12-14, n'appartiendraient
pas au texte primitif; elles auraient été ajoutées à la
lettre, lorsque celle-ci fut officiellement déclarée cano-
nique. Le document primitif, i, 3-v, 11, que ce fût une
lettre ou non (ce que M. Harnack avoue ne pouvoir dé-
terminer), serait l'œuvre de « quelque docteur ou pro-
fesseur distingué », qui l'aurait peut-être composé à
Rome, entre les années 83-93, ou même vingt ans plus
tôt. Toutefois, d'une part, l'adresse de la lettre, qui est
si concrète et caractéristique, et, d'autre part, la con-
clusion, dont les détails conviennent si bien à saint
Pierre, protestent contre cette hypothèse ; et puis,
qu'aurait été ce document original, comme nous l'avons
vu, et attribué au prince des apôtres dès la plus haute
antiquité? Le D r Harnack sent si bien la faiblesse de
sa conjecture, qu'il se déclare prêt, au cas où on la
trouverait inexacte, à « regarder l'improbable (c'est-à-
dire, ce qui est improbable à ses propres yeux) comme
possible, et à revendiquer l'épi tre pour Pierre lui-
même, plutôt que de supposer qu'elle a été écrite par
un pseudo-Petrus. » Chronolog., t. i, p. 464.
2° Première objection. — L'argument tiré des affinités
de la i 3 Pétri avec les Épîtres pauliniennes et l'Épître
de saint Jacques, est mis fréquemment en avant par les
critiques contemporains. D'après eux, cette affinité serait
telle, que la lettre ne pourrait pas avoir été composée
par saint Pierre, mais seulement par un disciple de saint
Paul. Voir McGiffert, l. c, p. 593-595; Jùlicher, Einleit.,
p. 132-133; H. Holtzmann, Einleit., p, 313-316. Cette as-
sertion remonte aux dernières années du xvnr 3 siècle;
mais elle a été surtout développée a u débu t du xix e siècle,
par Scholz, Der schriftstell. Werlh und Charakter
des Johannes, 1811, p. 12, par Eichhorn, Einleit. in
das N. T., 1814, t. m, § 284-286. Ce dernier rattache pres-
que toutes les pensées et les expressions de la /» Pétri
aux Épîtres de saint Paul. Le savant catholique Hug,
Einleit. in die Schrift. des N. T., te édit., t. n, §166,
les protestants Scholt, Isagoge, 1830, § 96, de Wette,
Lehrbuch der Einleit., 5 e édit., 1848, § 172, et d'autres
reconnurent aussi, mais avec plus de mesure, qu'il
existe un certain nombre de ressemblances préméditées
entre notre Épître et celles de saint Paul : saint Pierre
aurait fait ces emprunts à dessein, parce qu'il écrivait
à des chrétientés fondées par saint Paul (Hug); ou bien,
il aurait voulu manifester sa conformité de pensées
avec l'Apôtre des Gentils, soit contre les hérétiques
(Schott), soit sur l'ensemble de la doctrine chrétienne
(de Welte). Voir aussi la Zeitschrift fur wissenschaftl.
Théologie, 1874, p. 360-375; 1881, p. 178-186, 332-342.
D'assez bonne heure on protesta contre cette affirma-
tion, spécialement contre sa forme la plus exagérée, et
on essaya de démontrer, tantôt dans les articles de Re-
vues, — Ransch, dans le Krit. Journal de Winer et En-
gelhardt, t. vm, 1828, p. 396; Liicke, dans les Theol.
Studien und Kritik., 1833, p. 528, — tantôt dans les
ouvrages proprement dits (Mayerhoff, Hist. krit. Ein-
leit. in die pétrin. Schriften, 1835, p. 104; B. Brûck-
ner, édition remaniée du commentaire de L. de
"Wette, 1853, Introd., § rv; B. Weiss, Der pétrin. Lehr-
begriff, p. 381, que saint Pierre n'a utilisé nulle
part les lettres de saint Paul, ou du moins que le fait
est très douteux et ne saurait être prouvé avec certitude,
ou enfin que les prétendus emprunts se bornent à des
réminiscences et à des échos plus ou moins conscients.
L'ouvrage du D r B. Weiss est particulièrement remar-
quable sur ce point. Sans nier que saint Pierre ait
connu les écrits de saint Paul et qu'il ait pu s'en appro-
prier quelques pensées ou expressions, lorsqu'elles ca-
draient avec le thème qu'il avait à traiter, l'auteur
385
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
386
relève en détail les exagérations dans lesquelles on est
tombé; puis il restreint le débat à l'Épltre auxÉphé-
siens et à celle aux Romains (chap. xh-xiii), avec les-
quelles, dit-il, la J» Pétri présente des ressemblances
très réelles. Ce sentiment est admis de nos jours par
un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns
ajoutent l'Épltre de saint Jacques à celles de saint Paul
aux Romains et aux Êphésiens. Voir Th. Zahn, Einleit.
in das N. T., t. h, p. 30; Cornely, Inirod., t. in, p. 626-'
627; Belser, Einleit., p. 694.
a) Relations de la I" Pétri avec l'Epltre aux Ro-
mains. — M. B. Weiss reconnaît qu'il existe des points
de contact évidents entre divers passages de I Pet., et
les chap. xii-xm de la lettre aux Romains. De même
Kûhl, Die Sriefe Pétri, p. 40. Hofmann, dans son com-
mentaire de notre Épltre, Die keilig. Schriflen des N.
T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des réminis-
cences de l'un ou de l'autre des deux écrivains, 1» le
verbe avax'nv-a-zZt^ai (il n'est pas employé ailleurs
dans le N. T.), associé dans I Pet., i, 14, à raîç irpÔTepov
im0u[juat{, et dans Rom., xii, 2, à-rû atûvt toÙtm; 2° l'ad-
jectif XoyixcSç, employé dans I Pet., il, 2, à propos du
lait de la divine parole, et Rom., xir, 2, à propos du
service de Dieu ; 3° la locution xaxbv àvrt xay.oO âitoSs-
Bovtçç, qu'on trouve identiquement dans I Pet., m, 9, el
Rom., xii, 17. Les critiques établissent encore les rap-
prochements suivants : I Pet., n, 5, et Rom., xn, 1;
I Pet., n, 13-14, et Rom., xm, 1-6; I Pet., m, 8-9, et
Rom., xn, 9-10; 1 Pet., iv, 7, et Rom., xm, 12; I Pet.,
iv, 10-11, et Rom., xn, 6-8. Ils allèguent encore I Pet.,
n, 24, et Rom., vi, 2, 6, 18; 1 Pet., n, 6-7, et Rom., ix,
33; I Pet., iv, 1, et Rom., vi, 6. 11 règne certainement
quelque ressemblance entre ces divers passages; mais,
des deux côtés aussi, il y a une indépendance très
réelle. Comme le dit fort bien le D r Kûhl, l. c., p. 18,
les ressemblances signalées permettent seulement de
supposer que saint Pierre, qui a écrit en dernier lieu,
avait lu l'épltre aux Romains, et qu'il s'en est appro-
prié, tout en demeurant très original, des pensées et
des expressions qui s'harmonisaient avec le but de sa
lettre.
b) La I a Pétri et l'Épître aux Êphésiens. — « On a
souvent attiré l'attention sur une certaine ressemblance
de notre lettre avec l'Épître de saint Paul aux Êphé-
siens. Si l'on n'entend pas cela d'un emprunt propre-
ment dit des pensées, mais d'un certain accord dans les
expressions, les concepts et les constructions, nous
l'admettons aussi. » Belser, Einleit., p. 694. De même
le D' Zahn, Einleit., t. n, p. 30 et 36, qui tire simple-
ment de ce fait la conclusion que saint Pierre connais-
sait l'épître aux Êphésiens, et que la I* Pétri est au-
thentique, attendu qu'un faussaire de la première
partie du second siècle n'aurait eu aucune raison de
faire des emprunts proprement dits à saint Paul. On a
rapproché les uns des autres les passages suivants :
I Pet., i, 3, et Eph., r, 3 (début identique, mais qu'on
retrouve dans la II e aux Cor.; d'ailleurs, la suite diffère
totalement des deux parts; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv,
17-18 (exhortation à mener une vie toute chrétienne) ;
I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 4; m, 6-11; I Pet., n, 4-
7, et Eph., Il, 20-22; I Pet., ni, 4 (xpuicTC.; tîjç xapêiaç
ov9p&vno;), et Eph., in, 16 (ïau> av9ptù7to;); I Pet., m, 18
("va f|(iâç Tcçoaayàyri tô 6sw), et Eph., n, 18 (8i' au-roï
exofiEv T7]v iïpo(TaywYY|V rcpoç tov rcaTlpa); I Pet., III, 22,
et Eph., I, 20-22, etc. Quelques néo-critiques, entre
autres Sieffert, Hilgenfeld's Zeitschrift, 1881, p. 179,
trouvent les ressemblances si nombreuses entre les
deux écrits, qu'ils leur attribuent le même auteur, le-
quel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Voir aussi
Gunkel, Die Schriften des N. T. neu ûbersetzt, 1907,
t. n, 3" partie, p. 27. Mais cela est tout à fait inadmis-
sible. Voir T. Zahn, Einleit., t. h, p. 36; Kûhl, I. c;
Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 12-14;
DICT. DE LA BIBLE.
B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le D r von Soden, loc. vit., va
même jusqu'à regarder comme douteux le point de
contact de Ja 7» Pétri avec l'Épître aux Êphésiens. Le
même auteur, Hand-Commentar zum N. T., t. iir,
2 e partie, p. 97-98, remarque que l'auteur de la 1* Pétri,
tout en utilisant les œuvres de saint Paul, a complète-
ment laissé de côté la terminologie de l'apôtre des Gen-
tils, et qu'il ne mentionne pas même les idées spécifi-
quement pauliniennes. En résumé, on compte dans la
7 a Pétri environ soixante expressions qu'on ne ren-
contre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du
Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alléguées,
plusieurs proviennent d'un fonds commun de pensées
et d'expressions qu'aucun auteur chrétien ne pouvait
éviter (tels les mots luu-rtç, èXirsç, Zf>At X*P" 7 l Jla > etc.).
Dans sa II e Épltre, m, 15, saint Pierre affirme avoir
lu les Épitres de son « frère bien-aimé » Paul ; il est
donc difficile de ne pas admettre l'existence, dans son
écrit, de quelques réminiscences très réelles ; mais
il demeure toujours indépendant, original, et n'imite
ni de près ni de loin d'une manière proprement
dite.
c) La I a Pétri et l'Épître de saint Jacques. — Ici
encore, on signale un certain nombre de ressemblances.
Les deux Épitres sont adressées aux fidèles de la Sia-
aitopâ, I Pet., I, 1, et Jac, i, 1; mais avec de grandes
différences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a
beaucoup d'analogie avec Jac, i, 2-3 (noter en particu-
lier l'expression xb êoxijuov ûpiûv xrjç nfotewç, qu'on ne
trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., Il, 1,
et Jac, i, 21 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20; 1 Pet., v, 5-9,
et Jac, iv, 6, 10. Mais, dans ces divers passages, les di-
vergences sont plus grandes que les ressemblances. Il
en est de même par rapport à la régénération chré-
tienne, I Pet., i, 23, et Jac, i, 18, et aux désirs de la
chair, I Pet., n, 11, et Jac, iv, 1. La citation de trois
passages identiques de l'Ancien Testament dans les
deux écrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac, iv, 7; I Pet.,
iv, 8, et Jac, v, 20; I Pet., i, 24-25, et Jac, iv, 10-11, ne
prouve pas davantage qu'il existe une dépendance pro-
prement dite entre leurs auteurs.
3° Seconde objection. — Les adversaires de l'authen-
ticité font une autre objection, à laquelle ils attachent
aussi une grande importance. La lettre suppose, disent-
ils, qu'à l'époque même où elle fut publiée, les chré-
tiens étaient sous le coup d'une persécution générale
et officielle dans l'empire; ce qui ne saurait convenir
qu'au règne de Trajan, puisque la persécution de Néron
ne dépassa guère les limites de Rome. 11 suit de là que
saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas être
l'auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit.,
3 e édit., p. 494; Jûlicher, Einleit., p. 135; McGiffert,
Hislory of the apostol. Age, p. 596-597. Mais cette ob-
jection a pour base une fausse interprétation de 1 Pet.,
iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6; n, 12; m, 9,
15-16; iv, 4, 12-14. Aucun de ces textes n'exige l'exis-
tence d'une persécution sanglante et officiellement or-
ganisée par l'empereur, ou par ses représentants dans
les provinces, soit sous Trajan, soit même antérieure-
ment sous Néron. Il n'y est question ni de juges et de
tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confisca-
tions. Ce n'est point de la part des autorités constituées
que les fidèles avaient alors à souffrir, mais de leurs
anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur
mécontentement et leur haine de mille manières, dans
les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess.,
où saint Paul mentionne quelque chose de semblable
pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xn, 14-16;
Eph., iv, 27; v, 15-16; Heb., x, 32-34; Jac, n, 13-17.
L'auteur, dans ce passage, en parlant des autorités ci-
viles, n'a pas de reproche spécial à leur adresser; il
les caractérise même comme punissant les méchants
et réconfortant les bons. 11 aurait difficilement agi de
V. - 13
387
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
388
la sorte, si elles avaient persécuté ouvertement les
chrétiens. — Les arguments par lesquels les néo-cri-
tiques s'efforcent de démontrer que la I* Pétri n'est
pas l'œuvre du prince des Apôtres n'ont donc rien de
solide.
II. Occasion et But de l'Épître. — Ils ressortent assez
clairement du fond même de l'écrit, qui les rattache
aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les des-
tinataires. — 1» Les Églises d'Asie Mineure auxquelles
il est adressé, sans être, comme il a été démontré
plus haut (col. 386), sous le coup d'une persécution
violente et officiellement organisée, avaient néan-
moins beaucoup à souffrir. Les païens et les Juifs
au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient
toutes sortes de vexations pénibles. Ce fait n'a rien
d'étonnant, quand on se place dans la situation des
membres de la primitive Eglise : les nouveaux conver-
tis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur
culte, leurs superstitions, cf. I Pet., r, 18, mais en
grande partie aussi leur manière antérieure de penser
et leur genre de vie; et leurs anciens coreligionnaires
ne leur pardonnaient pas ce qu'ils regardaient comme
une apostasie tout à la fois religieuse, nationale et
sociale. Voir Tacite, Ann., 44; Suétone, Nero, 16. On
leur reprochait aussi leur vie simple, qui était comme
un reproche perpétuel pour leurs compatriotes païens,
I Pet., iv, 4, et l'on ne comprenait pas qu'ils ne retom-
bassent point dans leurs excès d'autrefois. On les con-
tristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de
crimes divers, n, 12, et m, 16 : tout cela, soit par suite
de l'ignorance et des préjugés, soit par mauvais vou-
loir et méchanceté proprement dite. D'après iv, 1 2, un
mouvement particulier de haine et d'hostilité venait
d'éclater contre les chrétientés d'Asie. Ces vexations
étaient récentes, et les fidèles n'y étaient pas encore
habitués; de là, pour eux, le trouble et le danger du
découragement, et, par suite, de l'apostasie, car le dé-
mon ne manquerait pas de mettre à profit cette situation
pour les tenter, cf. I Pet., v, 8. Le prince des Apôtres
leur écrivit donc pour les consoler au milieu de leurs
épreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il
leur montre que la souffrance est comme la vocation
du chrétien, et qu'elle leur procurera plus tard une
grande gloire, de même qu'elle est dès ici-bas pour
eux une grande grâce. Il les engage en même temps à
bien remplir, malgré tout, leurs devoirs envers la
société, envers eux-mêmes et envers l'Église.
1« Comme on le voit, le but de PÉpltre est tout pra-
tique, nullement dogmatique ou polémique. L'auteur
l'expose lui-même à la fin de la lettre, v, 12 : « Je
vous ai brièvement écrit, pour vous exhorter et pour
vous attester que cette grâce de Dieu à laquelle vous
êtes attachés est la véritable (c'est-à-dire, que votre reli-
gion est la seule vraie). Obsecrans et contestans
(itapaxa).ôv xal. èm^apTupàiv) : ces deux participes
résument tout le contenu de l'Épître, où l'exhortation
alterne avec l'enseignement proprement dit. Comme
exemples de ces « attestations » ou témoignages, qui
donnent plus de poids à l'exhortation, voir i, 3-12, 18-
21, 23, 25; n, 3-10, 19-20; m, 14-16; iv, 12-14; v, 7, 10,
12. L'apôtre exhorte ses lecteurs, en pensant à la situa-
tion douloureuse où ils se trouvaient; il atteste et il
témoigne qu'en dépit des adversités qu'elle occasionne,
la religion chrétienue est la grâce des grâces pour ses
adeptes sincères et généreux, et qu'il faut y persévérer
avec courage. C'est l'exhortation qui domine; elle va
d'un bout à l'autre de l'Épître, sous des formes variées.
Elle porte sur la sainteté, l'obéissance, la charité fra-
ternelle et le support du prochain, les devoirs envers
la société et la famille, la vigilance, et surtout 'la pa-
tience dans l'épreuve. Le témoignage a pour objet, tan-
tôt direct, tantôt indirect, les bienfaits paternels de
Dieu, la splendeur de l'héritage réservé aux fidèles, la
force que procure l'union à Jésus-Christ, et spécialement
les exemples du divin Crucifié. L'auteur jette souvent
sur Jésus en croix un regard plein d'amour. — Une
occasion plus spéciale fut le départ de Silvanus pour
l'Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon
de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes
des chrétientés de cette région. Cf. Act., xvi, 19; xvii,
4, 15;'xvm, 5; II Cor., r, 19; iv, 7-14; 1 Thess., I, 1,
etc. C'est lui, d'après v, 13, qui fut chargé de porter
la lettre.
III. Sujet. — L'auteur a précisé lui-même le sujet en
indiquant son but, v, 12. Voir aussi i, 13; v, 9-10.
Aucune pensée dogmatique ou polémique ne domine
la lettre et ne lui communique une forme spéciale,
comme cela a lieu pour la plupart des Épltres de
saint Paul. L'opinion contraire, soutenue par l'école
de Tubingue, est aujourd'hui complètement abandonnée.
Si quelques concepts ont plus d'importance que les
autres, c'est, d'une part, celui de la sainteté que
doivent pratiquer les chrétiens, par suite de leur voca-
tion même; d'autre part, celui de la souffrance bien
supportée, à l'exemple de Jésus-Christ (« le vrai chré-
tien dans la souffrance, » dit Jûlicher, Einleit., I e édit.,
p. 132); enfin, celui de l'espérance, car les amis du
Christ seront récompensés éternellement comme lui,
après avoir mené une vie sainte, et supporté comme
lui patiemment les peines de la vie. L'auteur ne s'at-
tache nullement à exposer les principes ; ses intentions
sont avant tout pratiques, en conformité avec le but
qui vient d'être marqué. Avant toutes choses, il se
propose d'exhorter ses lecteurs à demeurer fermes
dans la foi, malgré les souffrances qu'ils endurent
pour elle. S'il signale de nombreux points de doctrine
(voir plus bas, col. 394), s'il « témoigne », comme il dit,
c'est une manière transitoire et secondaire, en tant que
son témoignage pouvait servir de base à ses exhorta-
tions. Saint Paul sépare d'ordinaire très nettement la
partie pratique de ses Épîtres de la partie dogmatique;
il n'en est pas de même de saint Pierre dans cette
lettre, où l'exhortation et l'instruction se tiennent per-
pétuellement et s'appuient l'nne sur l'autre. Le manque
de caractère dogmatique n'empêche pas cet écrit de
former un tout bien compact, et jamais encore on n'a
songé à attaquer son unité.
IV. Division et analyse dé l'Épître. — Il n'y a pas
de plan précis, tant la pensée est spontanée et pour
ainsi dire sans préméditation. Le ton est presque
toujours celui de l'exhortation paternelle ; ce qui exclut
une marche systématique des pensées. L'auteur passe
d'une recommandation générale à des recommanda-
tions particulières, et vice versa, sans s'occuper de
mettre un ordre très logique dans ses idées. Elles ne
sont pas cependant dépourvues de tout enchaînement.
Les groupes plus ou moins considérables de versets
qui développent une même pensée se rattachent les
uns aux autres, de manière à former trois séries d'ex-
hortations, encadrées entre un courtîpréambule, 1, 1-2,
et une conclusion très brève aussi, v, 12-14. La saluta-
tion initiale, i, 1-2, se compose des trois éléments ac-
coutumés : le nom de l'auteur, la désignation des
destinataires, un souhait pieux et affectueux.
1° La première.des trois sections, i, 3-n, 10, peut s'inti-
tuler : Privilèges accordés par Dieu aux chrétiens et
sainteté qu'ils exigent. Elle s'ouvre par une action de
grâces à Dieu, pour les dons entièrement gratuits de la
régénération spirituelle et du céleste héritage, que
Jésus-Christ a mérités pour les chrétiens, i, 3-5; dons
tellement précieux, qu'ils doivent être une cause perpé-
tuelle d'allégresse, même parmi les épreuves,de la vie,
i, 6-9. Les prophètes avaient annoncé depuis longtemps
ce salut apporté aux hommes par le Christ, et les
anges sont désireux de le connaître à fond, i, 10-12.
Après ce beau début, l'apôtre exhorte ses lecteurs à
389
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
390
mener une vie digne de l'immense bienfait qu'ils ont
reçu de Dieu, il signale tour à tour la nécessité géné-
rale d'une vie sainte, quelques-uns des devoirs spé-
ciaux qui en découlent et le grand modèle de perfec-
tion que nous devons suivre. Appelés au salut, les chré-
tiens doivent être pleins d'espérance en Dieu, qui
leur a accordé cette grande faveur, et lui devenir
semblables, en pratiquant la sainteté,l, 13-16. L'exhor-
tation à la sainteté est motivée aussi par la justice di-
vine et par notre rédemption, qui a coûté la vie à
Jésus-Christ, I, 17-21; puis la charité mutuelle des
chrétiens est envisagée comme un élément de leur
perfection, i, 22-25. La sainteté chrétienne étant la
conséquence de la régénération, il faut travailler à
l'accroître sans cesse, n, 1-3, et c'est en s'approchant
du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et
en adhérant intimement à lui, qu'on peut réaliser cet
idéal, il, 4-10.
2° La seconde série d'exhortations, u, 11-iv, 6, envi-
sage les chrétiens au milieu du monde, et leur rappelle
quelques-uns de leurs devoirs généraux et particuliers.
C'est un petit traité de morale pratique, dont voici les
principaux détails. Dans une courte introduction, il,
11-12, l'auteur formule une pensée importante : il faut
que les fidèles aient une conduite très sainte, capable
d'édifier même les païens. De cette recommandation
générale, il passe à plusieurs domaines spéciaux, sur
lesquels les vrais disciples de Jésus sont tenus de ma-
nifester leur perfection. Il traite successivement des
obligations des chrétiens envers le pouvoir civil, n, 13-
17, des devoirs des esclaves, auxquels il présente comme
modèle Jésus-Christ humilié et outragé, II, 18-25; les
relations réciproques des époux, m, 1-7. Saint Pierre
revient ensuite à l'exhortation générale, qu'il fait por-
ter sur les points suivants : sommaire des devoirs du
chrétien à l'égard du prochain, m, 8-12; la fidélité à
Dieu malgré les épreuves, qui, bien supportées, sont
par elles-mêmes une récompense pour le chrétien, ni,
13-17; encore l'exemple du Christ, qui a souffert pour
nous, tout innocent qu'il fût, et qui a prêché l'Évan-
gile, non seulement aux vivants, mais aussi aux âmes
détenues dans les limbes, m, 18-22; idéal du chrétien,
qui consiste à mener une vie tout exempte de péché,
iv, 1-6.
3° La troisième série d'exhortations, iv, 7-v, 11, ren-
ferme des recommandations qui concernent la vie in-
time des chrétientés particulières. Introduite par cette
transition, « Le jugement de Dieu approche et réclame
des dispositions parfaites, » elle entre en d'assez nom-
breux détails pratiques, que l'on peut grouper sous ces
divers chefs : vertus à pratiquer en vue de la proximité
du jugement divin, iv, 7-11; confiance en Dieu parmi
les épreuves, car, si l'on participe aux souffrances du
Christ, on aura également part à sa gloire, iv, 12-15;
obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles,
v, 1-5"; autres vertus que tous les chrétiens sont tenus de
pratiquer, v, 5M1 . — La lettre se termine par un épilogue
assez court, v, 12-14, composé d'une petite réflexion de
l'auteur à propos de son écrit, et de quelques salu-
tations.
V. Destinataires de l'Épître. — Ils sont désignés
de la façon la plus nette dans le premier verset, i,
1 : « Aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la
Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie. » Les cinq
provinces mentionnées faisaient partie de l'Asie Mineure,
dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie),
l'ouest (l'Asie proconsulaire), la partie centrale et orien-
tale (la Galatie et la Cappadoce). Comme la province
du Pont est nommée la première, notre Épître a porté
aussi, aux temps anciens, dans l'Église latine, le nom
de Epislola ad Ponticos. Cf. Tertullien, Scorpiac,
12, t. n, col. 146 ; S. Cyprien, Testim., m, 36-37,
t. iv, col. 756. L'Évangile, d'après certains commenta-
teurs, avait été annoncé dans ces différentes régions
par saint Paul, et par ses collaborateurs Barnabe, Épa-
phras, Silvain, etc., soit directement, comme en Gala-
tie, Act., xv, 40; xvi, 6; Gai., iv, 13; en Asie, Act.,
xix, 1, soit indirectement (des chrétiens de l'Asie pro-
consulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en
Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu
pour la Phrygie, d'après Col., H, 1). Nous avons vu
plus haut (col. 371) ;que saint Pierre lui-même a pu
exercer son ministère apostolique dans l'une ou l'autre
de ces provinces, mais que le fait est loin d'être cer-
tain, et que l'hypothèse contraire est même de beau-
coup la plus vraisemblable.
Les membres des Eglises ainsi fondées avaient ap-
partenu en grande partie au paganisme. Voir S. Jé-
rôme, Adv. Jovin., i, 39, et n, 3, t. xxm, col. 275, 300,
quoique ailleurs il soit d'un autre avis, et S. Augus-
tin, Cont. Faust., xxii, 8%, t. xlii, col. 460, Plusieurs
passages de l'Épître rendent cette opinion tout à fait
certaine. D'après i, 14, les lecteurs avaient vécu autre-
fois dans une complète ignorance religieuse ; d'après i,
18, leurs ancêtres avaient vécu dans l'idolâtrie;
d'après n, 9-10, Dieu les avait appelés à sa merveil-
leuse lumière et avait fait d'eux son peuple privilégié,
eux qui n'étaient rien auparavant; d'après m, 6, leurs
femmes étaient devenues des filles de Sara, ce qui
prouve qu'elles ne l'étaient point par la naissance;
d'après iv, 2-4, avant leur conversion, ils s'étaient livrés
au culte des faux dieux et à toutes les immoralités du
paganisme. Ces détails ne sauraient convenir à des
judéo-chrétiens, mais seulement à des païens d'origine,
comme l'ont admis et l'admettent encore de nos jours
la plupart des interprètes et des critiques. Voir Hund-
hausen,\Das erste Pontiftcalschreiben des Petrus, p. 45,
note n. Il n'est donc pas étonnant que Cassiodore,
Instit. div., 14, t. lxx, col. 1125; Junilius Africanus, De
•part, leg., i, 6, t. lxviii, col. 16, et le Codex Fuldensis
aient intitulé notre Épltre : « ad Gentes ». Cependant
Origène, dans Eusèbe, H. E,. m, 1, t. xx, col. 216,
Didyme d'Alexandrie, ibid., m, 4; t. xx, col. 220; le
pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxvm, col. 40,
saint Jérôme, De vit: UL, 1, t. xxm, col. 638, etc.,
croyaient au contraire que l'Épître avait été principa-
lement composée pour des chrétiens issus du judaïsme.
Leur raison principale consistait dans une interpréta-
tion inexacte du mot SiaawopSç \dispersionis), qu'on,
lit à la première ligne. Comme ce mot désignait d'ordi-
naire les Juifs « dispersés » plus ou moins loin de la
Palestine, à travers l'empire romain, cf. II Mach., i, 27 ;
Joa., vu, 35; Jac, i, 1, on a supposé qu'il doit rece-
voir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre l'a
déterminé et précisé par les expressions èxXexToi
itapE7iior||ioi, electi advense,^ dont la première était
alors une appellation spécifique des chrétiens, choisis
et mis à part en vue du salut futur, I Pet., n, 9;
Rom., vm, 33; Col., m, 12; II Tim., H, 10; Tit., i, 1,
etc., tandis que la seconde, d'après l'usage biblique, a
pour but de rappeler aux destinataires de l'Epître
qu'ils devaient se regarder, à la manière d'Abraham,
Gen., xxm, 3, de Jacob, Gen., lvii, 3, comme des
étrangers sur cette terre d'exil, et avoir constamment
à la pensée le souvenir de la céleste patrie. Cf. i, 17;
H, 11; Heb., xi, 9. Le mot Sixanopi est donc pris
ici, non pas dans le sens technique qu'il avait autre-
fois, mais dans un sens métaphorique, pour désigner
le nouveau peuple de Dieu.
Le livre des Actes montre qu'il y avait des éléments
juifs considérables dans plusieurs des contrées énumé-
rées ci-dessus. Cf. Act., xvm, 24-28; xix, 8-10, etc. Il
est donc vraisemblable qu'un certain nombre des des-
tinataires de la i» Pétri étaient Israélites de naissance;
mais ils formaient certainement une minorité. Aussi
est-il surprenant que divers critiques contemporains,
39J
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)
392
B. Weiss, Krit. Unlersuch. zu den kathol. Briefen,
1892, et Der Pétrin. Lehrbegriff, 1855, p. 99; Kûhl,
Die Briefe Pétri, p. 22; Nôsgen, Geschichte der neu-
testam. Offenbarung, t. n, p. 37, aient repris à leur
compte le sentiment d'Origène, de Didyme, etc., qui
méritait d'être à tout jamais abandonné. Voir Keil,
Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 20-24. Voici
leurs principales raisons : 1» Ils s'appuient sur la res-
semblance qui existe entre l'adresse de la i a Pétri et
celle de l'Épître de saint Jacques, I, 1. Il est vrai que,
dans cette dernière, il est aussi question de la Siao-mjpâ;
mais ce mot y est déterminé par l'addition « les douze
tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs con-
vertis. — 2° Ils allèguent que les pensées et le style de
notre Épître sont vraiment des échos de l'Ancien Tes-
tament; ce qui conviendrait fort peu à des lecteurs
d'origine païenne, mais seulement à des destinataires
judéo-chrétiens, familiarisés avec la loi, les prophètes
et les Psaumes. Nous répondons que saint Paul cite
assez souvent aussi les livres de l'Ancien Testament dans
plusieurs de ses lettres adressées à des païens convertis,
tout spécialement dans I Cor., II Cor. 'et Gai. Nous
dirons encore, sur ce même point, que les citations ou
allusions de saint Pierre expriment des pensées claires
par elles-mêmes ; il n'était donc pas nécessaire que les
lecteurs comprissent qu'elles étaient empruntées à la
Bible juive. D'ailleurs, l'Ancien Testament n'était-il pas
lu en grec dans les assemblées religieuses des premiers
chrétiens? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans
succès, de démontrer que les passages énumérés plus
haut, i, 14, 18; n, 9-10; m, 6; iv, 3, ne conviennent
qu'en apparence aux païens et s'appliquent en réalité à
des Juifs convertis. Mais il faut faire violence à ces di-
vers textes, pour obtenir d'eux un tel résultat. Voir
Belser, Einleit. in-das N. T., p. 695-696. — Dans leur
ensemble, les lecteurs avaient été convertis depuis assez
longtemps, puisqu'ils avaient leurs prêtres et leur orga-
nisation ecclésiastique régulière. Cf. v, 1-5. Les mots
sicut modo geniti infantes.. ., n, 2, ne prouvent pas
qu'ils venaient de passer tout récemment au christia-
nisme, car c'est là une figure qui peut s'appliquer à la
vie entière de la plupart des chrétiens. Ils formaient
un corps parfaitement constitué parmi leurs voisins de-
meurés païens.
VI. Le lieu de la composition. — Nous lisons à la fin
de l'Épître, v, 13 : « L'église qui est à Babylone vous
salue. » D'où il suit que la lettre a été écrite de la ville
qui est appelée ici Babylone. Mais nous avons démontré
plus haut (col. 371), que ce nom doit être interprété
d'une manière symbolique. Il ne saurait en aucune
façon désigner l'antique capitale des Babyloniens, à la-
quelle la tradition n'a jamais rattaché un séjour de
saint Pierre. Il ne saurait non plus se rapporter,
comme on l'a parfois supposé, à la cité égyptienne de
Babylone, située près du Caire. Cette opinion est dénuée
de tout fondement. Ce n'est point au prince des Apôtres,
mais à son disciple saint Marc, que les Églises d'Egypte,
et en particulier celle d'Alexandrie, ont toujours attribué
leur origine. La Babylone mystique mentionnée par
l'auteur de l'épitre n'est autre que Borne même, comme
le dit saint Jérôme, De vir. ill., 8, t. xxm, col. 621.
C'est très exactement que, malgré les mots èv Ba6uXûvi,
de nombreux manuscrits grecs ont cette suscription
finale : ef paçi] àito 'Punîjc. Voir Tischendorf, N. Test.,
édit. vin, t. il, p. 300, et aussi H. Ewald, Sieben Send-
schreiben, 1890, p. 2; F. Baur, Dos Christenthum und
die christl. Kirche, p. 130; Schwegler, Nachapostolich.es
Zeitalter, t. n, p. 16; E. Renan, L'Antéchrist, p. 122;
Hilgenfeld, Einleit., p. 632; H. J. Holtzmann, Einleit.,
2« édit., p. 521; Jûlicher, Einleit., 1814, p. 132; von
Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. m^ 2 e part.,
3« édit., p. 115; Me Giffert, Eistory of ' ttie oépastolical
Age, p. 598.
VII. Date de l'Épître. — 1° D'après les critiques qui
ne croient pas à l'authenticité, la lettre aurait été com-
posée : a) sous Domitien, 81-96 après J.-C. (von Soden,
entre 92 et 96; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-être
dés 73, ou même dès 63); 6) sous Trajan, 96-117 (Baur,
Keim, Lipsius, Pfleiderer, Jûlicher); c) sous Adrien,
117-138 (Zeller) ; d) entre les années 140 et 147 (Volkmar).
Ces divers sentiments ont été réfutés d'avance par ce
qui a été dit au sujet de l'authenticité (col. 380). —
2» Parmi les auteurs qui regardent l'Épître comme
l'œuvre de saint Pierre, il en est qui fixent une date
trop avancée : entre autres, le Vén. Bède, In Petr., v,
13, t. xiii, col. 68, sous le règne de Claude, 41-54; Ba-
ronius, Annal., ad. ann. 45, 16, en 45; Foggini, De Ro-
mano D. Pétri itinere, 1742, p. 196-198, entre 42 et 49;
B. Weiss, Pétrin. Lehrbegriff, p. 365-367; Einleit.,
3» édit., p. 427-430, et Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 50,
à une époque antérieure aux Épilres de saint Paul-
— D'après l'opinion la plus vraisemblable, qui a tou-
jours eu des adhérents très nombreux, la I a Pétri
fut composée vers la fin de l'année 63, ou au commen-
cement de 64. On arrive à cette conclusion grâce aux
données suivantes : — a) La lettre suppose que le chris-
tianisme avait fait de grands progrès dans l'Asie Mi-
neure; or, un tel développement n'a eu lieu qu'à la
suite du séjour de trois ans que Paul fit à Éphèse du-
rant son troisième voyage apostolique, entre 54 et 57.
Cf. Act., xvm, 23; xix, 1, 10. L'Épître n'a donc pas été
écrite avant cette dernière année. — 6) L'Apôtre des
Gentils avait été délivré de sa prison en 63, et était parti
pour l'Espagne ou pour l'Orient; de là probablement
le silence de la lettre à son sujet. — c) La persécution
de Néron n'avait pas encore éclaté lorsque l'Épître fut
composée (elle ne commença que vers la fin de 64);
mais on en voyait déjà les signes précurseurs. —
d) Saint Marc, mentionné à la fin de la lettre, v, 13,
était encore à Rome, où saint Paul l'avait appelé na-
guère, durant sa première incarcération, Col., iv, 10
(l'Épître aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre
a réellement connu l'Épître aux Éphésiens (voir la
col. 385), il n'a pu composer sa lettre qu'après l'époque
où saint Paul écrivit lui-même à l'Eglise d'Éphèse,
c'est-à-dire en 63. — Sur toute cette question voir en-
core H. Holtzmann, Einleitung, 3" édit., p. 318-320;
E. Scherfe, Die petrinische Strômung der neutestam.
Literatur, 1893, p. 633; Ramsay, The Church in the
Roman Empire, 1893, p. 279-295.
VIII. Idiome et style de l'Épître. — 1» La J a Pétri
a été composée en grec; il ne saurait exister aucun
doute à ce sujet. Seul, saint Jérôme a supposé, Epist.
cxx, ad Hedib., 11, t. xxii, col. 1002, que la langue
primitive aurait été l'araméen. Ainsi qu'il a été dit plus
haut (col. 358), Simon-Pierre, originaire des bords du
lac de Tibériade, avait pu apprendre de bonne heure à
parler le grec, qui était d'un usage fréquent dans ces
parages; il se développa dans la connaissance de cette
langue, durant ses courses apostoliques à travers des
contrées habitées par des races helléniques. Saint Jean,
saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient, comme
lui, Juifs d'origine, et pourtant il est certain qu'ils ont
écrit en grec. Si saint Marc est appelé, depuis les
temps les plus anciens, 1' « interprète » (kp^r^sv-c^) de
Pierre, cela vient, soit de ce qu'au début de ses voyages
(vers 43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exercé
pour parler à des Grecs proprement dits, se faisait aider
par son disciple de prédilection, soit plutôt de ce que
Jean-Marc « a rédigé son Évangile d'après les prédica-
tions de saint Pierre ». Voir t. iv, col. 717.
2« La lettre est écrite en un grec correct, assez bon
même, mais qui n'a pas l'élégance de celui de saint
Jacques. L'agencement des phrases présente parfois
quelque rudesse ; par exemple, lorsqu'elles sont pro-
longées au moyen de participes ou de pronoms relatifs
393
PIERRE {PREMIÈRE É PITRE DE SAINT)
394
accumulés. L'emploi des synonymes, le maniement assez
habile des verbes (surtout des verbes composés), des
temps et des prépositions, la structure rythmique des
phrases dénotent aussi une connaissance suffisante de
la langue grecque. Les hébraïsmes ne sont ni fréquents
ni choquants. On peut citer, parmi les principaux :
Staernopô, I, 1; fils d'obéissance, i, 14; l'acception des
personnes, i, 17; la parole du Seigneur, i, 25; un peuple
d'acquisition, n, 9; le mot « vase » pour désigner le
corps humain, ni, 7. Le style est généralement simple,
comme la pensée ; par moments, il est plein de gran-
deur. Cf. I, 3-9, 17-21; n, 21-25; v, 6-10, etc. L'auteur
aime à exprimer la même pensée en termes tour à tour
négatifs et positifs, cf. i, 14, 18, 23; n, 16; m, 3, 9, 21;
iv, 2; v, 2 r 3; il fait çà et là un usage intelligent des
épithètes, cf. i, 3, 18, 22 ; n, 2, etc. ; il oppose d'une
manière caractéristique le pluriel au singulier, par
exemple, IV, 2 : âvOpciirav Èmôuiitaiî et 8eXr,[jt.aTi ôeoî, etc.
11 a recours à des images vivantes, dramatiques, qu'il
emprunte à la vie de famille, i, 3, 14, 17, 22-23; n, 2;
à la vie des champs, i, 4; v, 2, 8; à la vie militaire, i,
5; il, 11; iv, 1; à la vie nomade, i, 1, 17; n, 11; au culte
sacré, h, 5; m, 15; à la métallurgie, i, 7; iv, 12, etc. Le
vocabulaire de l'Épître renferme un nombre assez con-
sidérable de termes qui ne sont employés dans aucun
autre livre du Nouveau Testament. On en a compté
jusqu'à soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent
dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions,
il en est de très classiques; àvaYxaarûç, àvâ/uui;, àv-u-
XoiSopEtv, ônto-fEV^JÛai, à7tt5Geo-tç, (koûv, Èp.7tXoxYj, èmxâ-
Xu[i.(ia, oivo^UY^ci, 6[i(5<ppt>)v, ÔTtXîÇe'v, 7t«Tpoitapà8oTo;, etc.
D'autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas
avoir été employées avant saint Pierre ; néanmoins, leur
formation est très régulière et leur signification est géné-
ralement très nette (à part celle du premier terme) :
àÀXoTptoeitîtrxoitoç, àjjiàpavTivo?, àva^ewàv, àvExXâXr)-
toç, «npo<T»iroXri(JiTu)ç, ifxofji6o0<76at, itepî6eeriç, itpo-
[iœpTupsoôai, a-fUvo&v, a-\iv7rpe<TëÛTCpo;, etc. D'autres
locutions, comme xàpurp-a, quXaSeXçia; faisaient par-
tie du langage chrétien. La dépendance des Septante
est très frappante, sous le rapport soit des réminis-
cences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce
qui n'a rien de trop surprenant, car il était aisé
à Pierre d'avoir cette traduction avec lui durant ses
voyages.
3° Le texte grec de l'Épître ne présente au critique
aucun problème sérieux. Les principaux manuscrits
qui nous l'ont transmis sont les suivants : N, A, B, C,
KZ, L2, P2, puis 13, 40, 44, 137. Gomme il a été dit ci-
dessus (col. 380), l'Épître est contenue dans la Pes-
chilto. On possède des fragments de l'ancienne version
latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv,
17-v, 14, dans le palimpseste Fleury (h); i, 8-19; n,
20-m, 7; îv, 10-v, 14, dans le ms. de Munich (g); i, 1-
12 ; H, 4-10, dans le Codex Eobbiensis (s). Voir Old Latin
Biblical Texts, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D' B. Weiss
a soigneusement revisé t le texte grec, Die kathol.
Briefe, Texikrit. Untersuchungen uni Textherstel-
lung, 1892.
IX. Caractère général de l'Épître. — L'espérance
est une de ses notes dominantes. Cf. i, 3, 21; m, 15;
iv, 13; v, 1, 4. Elle atteste dans son auteur une nature
très personnelle et indépendante, mais aussi un tempé-
rament tout pratique, qui n'a pas l'intérêt spéculatif,
ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint
Jean. Voir von Soden, loç. cit., p. 121. Elle renferme
quelques belles pensées originales. On peut mentionner,
entre beaucoup d'autres : la désignation des chrétiens
comme des advense et perigrini sur cette terre, il, 11;
le rapprochement établi entre le baptême et le déluge,
m, 21; le titre d'àpx"toi(iY)v donné à Notre-Seigneur, v,
4; la passion de Jésus souvent représentée comme un
modèle pour les chrétiens éprouvés, n, 12 ; m, 16, etc.
— Un point particulièrement frappant, c'est l'emploi
que saint Pierre fait sans cesse de l'Ancien Testament.
Tantôt il montre que le salut apporté par le Christ est
la réalisation intégrale des promesses que Dieu avait
faites aux anciens prophètes, i, 10-12; tantôt il s'appro-
prie dans le détail, comme il a été marqué plus haut,
col. 900, les pensées et les expressions même de l'an-
cienne Alliance. Fait remarquable : ce petit écrit, qui
ne contient que deux citations proprement dites de
l'Ancien Testament, i, 16, et h, 6, renferme un nombre
considérable de réminiscences ou d'échos bibliques.
Cf. i, 14, 15; il, 3. 4, 7, 9, 10, 22-24; in, 10-12, 13, 14;
iv, 8, 17, 18; v, 5, 7, etc.
X. L'enseignement doctrinal de l'ÊpItre. — On doit
se souvenir, lorsqu'on cherche à déterminer l'enseigne-
ment d'un écrit avant tout pratique, comme ï'esl
celui-ci, qu'on tomberait dans une exagération singu-
lière, si l'on concluait que tel ou tel point doctrinal qui
y est omis était inconnu de l'auteur, ou n'avait pour
lui qu'une importance secondaire. On a donc eu tort
de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la
doctrine chrétienne durant la période apostolique, soit
(c'estle cas pourM. B.Weiss)un christianisme juifanté-
rieur à saint Paul, soit une théologie de saint Pierre
en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d'autres
(tant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce
point) ayant pour but de la confirmer. Nous l'avons
déjà dit, le dogme "n'apparaît dans cette lettre que par
accident et d'une manière secondaire, pour appuyer
les exhortations pratiques. Saint Pierre n'a nullement
songé à insérer ici son Credo, ou un système doc-
trinal complet; il nous fait seulement connaître un
côté spécial de sa prédication. Et pourtant, en grou-
pant sous divers chefs les principaux enseignements
positifs qui sont épars dans la I a Pétri, on trouve un
sommaire assez riche du dogme chrétien. — On est
frappé d'abord de la grande ressemblance qui existe
entre cet enseignement et celui des discours de saint
Pierre, tels que les Actes des Apôtres nous les ont
transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fon-
damental nous avons, de part et d'autre, cette grande
idée : le christianisme a l'Ancien Testament pour base;
il a réalisé, grâce à la mort et à la résurrection de
Jésus-Christ, les oracles prophétiques de l'ancienne
Alliance relatifs au salut promis à l'humanité coupable.
Toutefois les discours de saint Pierre ne nous révè-
lent qu'une face de son enseignement, tel qu'il était
tout à l'origine de l'Église, tandis que sa première
Épître est adressée à des chrétientés qui existaient
déjà depuis assez longtemps, et auxquelles, par con-
séquent, l'apôtre présente des conseils plus variés et
plus développés qu'aux premiers chrétiens, d'origine
juive ou païenne. Il est remarquable qu'il ne men-
tionne nulle part ici la loi judaïque, ni la justification
par la foi.
Voici les principaux points de l'enseignement doctri-
nal de la 1» Petm. — 1° Sur Dieu. — Naturellement, une
place souveraine lui est accordée, et son nom revient à
tout instant. Dès le début de la lettre, i, 2, nous ren-
controns la formule trinitaire. Non content de nommer
en passant les trois personnes divines, l'auteur signale
le rôle spécial de chacune d'elles dans le mystère de
la rédemption. A plusieurs reprises, il est parlé de
Dieu, du Père, qui est le « Créateur fidèle », iv, 19,
le Dieu vivant, i, 23, l'auteur de notre salut par l'in-
termédiaire du Christ, i, 3, 23; de Jésus, son divin
Fils, i, 13, etc.; de l'Esprit-Saint, qui est tout à la fois
l'Esprit de Dieu, iv, 14, et celui de Notre-Seigneur, i,
11. L'Esprit-Saint vient de Dieu; il a reçu de lui une
mission temporelle à remplir, i, 12. Il assiste les prédi-
cateurs de l'Évangile, I, 12; il opère la sanctification
des âmes, i, 2, 22; il atteste la réalité de l'héritage
futur, rv, 14.
395
PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DÉ SAINT)
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2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jésus
est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L'apôlre le nomme à côté
du Père et du Saint-Esprit, comme leur égal, i, 2; il
l'élève au niveau de Dieu et nous le montre assis à la
droite du Père, m, 22. Jésus -Christ s'est incarné pour
nous sauver et a pris toute notre nature, composée
d'une âme et d'un corps, m, 18. Il possède une par-
faite sainteté, i, 19; n, 22-23; m, 18. Il est le Messie
prédestiné de toute éternité, i, 20, promis par les pro-
phètes, qui avaient annoncé longtemps d'avance ses
souffrances et sa gloire, i, 10-12; n, 4-6. Aussi Pierre
lui attribue-t-il les titres de Christ, i, 11, 19; n, 21;
m, 16, 18; iv, 1, 13, etc., de Jésus-Christ, i, 1, 2, 3, 7,
13; n, 5, etc, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 3. —
b) L'œuvre rédemptrice du Christ a pour point de départ
la mort et la passion du Sauveur, m, 18; rv, 1. Cette
mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractère d'un
sacrifice proprement dit, par lequel Jésus a expié les
péchés des hommes, comme Isaïe l'avait prophétisé, n,
21-24; m, 18; son sang divin nous a servi de rançon et
de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les
souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous
racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur moraie
et les présente comme un exemple pour les chrétiens,
h, 21; m, 17-18; iv, 1, 13. La conséquence du sacrifice
expiatoire de Jésus-Christ, c'est le pardon des péchés,
i, 2, la régénération chrétienne, i, 3, la liberté chré-
tienne, n, 16, l'héritage impérissable qui nous attend
dans le ciel, i, 4. — c) Entre sa mort et sa résurrection,
Jésus est descendu dans les limbes, où il a annoncé la
bonne nouvelle aux âmes des justes, m, 19-rv, 6. Ce
dogme est tout spécialement intéressant à noter ici, car,
parmi les écrivains inspirés, saint Pierre est seul à le
mentionner en termes explicites. Il est vrai que Jésus
lui-même avait dit au bon larron : « Aujourd'hui, tu
seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxm, 43. Or,
cette parole ne saurait s'appliquer au ciel, où l'âme de
Jésus-Christ ne monta pas ce jour-lé, non plus que
celle du bon larron ; elle désigne donc le « limbùs jus-
torum », auquel il est peut-être encore fait une triple
allusion par saint Paul, Rom., x, 7; xiv, 19; Eph.,
iv, 9. Le passage I Pet., m, 19-22, ne manque pas
d'obscurité; mais l'opinion commune a toujours été,
depuis les temps les plus anciens, qu'il décrit le des-
census ad inferos de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Telle était déjà l'interprétation de saint Justin, Dial. c.
Tryph., 82, t. vi, col. 669, de saint Irénée, Adv. hser.,
IV, Xxvii, 2; v, 1, t. vu, col. 1058, de Tertullien, De ani-
ma, vn, 55, t. il, col. 657, etc. Voici la partie principale
de ce passage, m, 18-20 : « Le Christ aussi est mort une
fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin
de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la
chair, mais rendu à la vie quant à l'esprit; par lequel
aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison,
qui autrefois avaient été incrédules, lorsque, au temps
de Noé, ils s'attendaient à la patience de Dieu, pendant
qu'était préparée l'arche, dans laquelle peu de personnes,
à savoir huit seulement, furent sauvées à travers l'eau. »
Les âmes emprisonnées sont évidemment celles des
justes, et non celles des damnés, qui ne pouvaient
tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportée par le
Christ. Parmi les auditeurs de Jésus dans les limbes,
il se trouvait des contemporains de Noé, qui, d'abord
incrédules, s'étaient convertis avant de périr dans les
eaux du déluge ; ils sont cités comme type de tous les
pécheurs venus à résipiscence antérieurement à l'ap-
parition du Messie. On retrouve cet enseignement dans
VÉvangile (apocryphe) de Pierre, 41-42, et dans YEvan-
gile de Nicodème, n, 10. D'après l'enseignement de
saint Pierre, c'est entre la mort de Jésus et sa résur-
rection qu'à eu lieu sa descente mystérieuse dans les
limbes. En effet, le Christ meurt quant à sa chair,
mais il est vivifié quant à son esprit; c'est donc dans
cet état spirituel qu'il est descendu aux enfers. Ensuite
il est ressuscité et monté au ciel. La prédication
(xïlpÛTTEiv) qu'il a portée dans les limbes n'a pas con-
sisté, comme on l'a parfois affirmé, dans une sentence de
condamnation lancée par lui contre les pécheurs. Son
message est tout d'amour, ainsi qu'il est dit rv, 6 :
« L'Évangile a été annoncé aux morts. » Or, 1'ÉvangHe
est la bonne nouvelle par excellence; d'où il suit que
Notre-Seigneur a dû annoncer aux âmes des justes
retenues dans les limbes sa mort rédemptrice, sa ré-
surrection et son ascension prochaines, et leur propre
délivrance. — Qu'il suffise de signaler deux interpréta-
tions inexactes données à la prédication de Jésus : d'après
saint Augustin, c'est par la bouche de Noé que le
Christ aurait prêché l'Évangile aux pécheurs qui vi-
vaient à l'époque du déluge; selon d'autres, Jésus
aurait apporté la bonne nouvelle aux morts, c'est-à-dire
aux pécheurs, par l'entremise des Apôtres. Sur cette
question importante, voir Dietelmaier, Hisl. dogma-
tica de descensu Chrisli ad inferos, 1741 et 1762;
Gûder, Die Lehre von der Erscheinung Christi unter
den Todten, 1853; 2ezschwitz, De Christi ad inferos
descensu, i8ôl; Schweitier, Hinabgefahren zvrÈôïle,
1886; Spiltà, Christi Predigt an die Geister, 1893;
Bruston, La descente du Christ aux enfers, 1897;
Stevens, Theology of the New Test., 1899,' p. 304;
C. Clemen, Niederge fahren zu den Toten, ein Beitrag
zur Wùrdigung des Apostolikums, Giessen, 1900;
Turmel, article dans les Annales de philosophie chré-
tienne, n° de février 1703, p. 508-533; Id., La
descente du Christ aux enfers, Paris, 1904; 2« édit.,
1905. — d) Jésus est ressuscité d'entre les morts, con-
formément aux anciens oracles; la foi et l'espérance
des chrétiens s'appuient sur ce fait capital. Cf. i, 3-5,
18-21, etc. C'est Dieu lui-même qui a ressuscité et glo-
rifié son Fils, i, 21 ; m, 21-22. Le Christ est monté au
ciel, où il est élevé au-dessus de toutes les créatures,
i, 21; m, 18, 22. Dans cet état, il est encore actif pour
glorifier son Père, iv, 11 ; car tout ce qui se fait de bon
dans l'Église est opéré par lui. — e) II reviendra à la
fin du monde, I, 4, 5, 7, 8, 13, 21; rv, 13; v, 4, 10. Son
second avènement est désigné par le mot àiioxaXu^iç,
« révélation », i, 7, 13; iv, 13. Ce retour sera terrible
pour les méchants, iv, 17, mais il apportera aux bons
le salut définitif, le ciel, qui est l'objet suprême de notre
espérance i, 4, etc.
3° L'eschatologie. — L'auteur mentionne la fin du
monde iv, 6, et le second avènement de Jésus-Christ
i, 13; iv, 13. Pour mieux encourager les chrétiens
d'Asie Mineure à supporter avec patience les épreuves
auxquelles ils étaient en butte, il leur propose plusieurs
fois la pensée du glorieux et éternel héritage qui les
attend dans le ciel cf. i, 4-9; iv, 18; v, 10-11, etc. Mais
le D r B. Weiss exagère, lorsqu'il prétend, Lehrbuch der
bibl. Théologie, § n, p. 172, que cette idée était, pour
saint Pierre, l'idée centrale de la vie chrétienne. — Le
prince des Apôtres croyait-il que le retour de Jésus-
Christ serait prochain? On l'a souvent répété parmi les
protestants, en se basant sur le texte : « La fin de toutes
choses approche, » iv, 7, et aussi sur v, 1, autre.' passage
dans lequel on a prétendu trouver la persuasion où
était Simon Pierre qu'il serait bientôt témoin de
l'avènement de Jésus-Christ. Mais comment l'apôtre,
après avoir entendu son Maître affirmer, Matth., xxtv,
36, que l'époque de la fin du monde est un secret
réservé au Père céleste, se serait-il hasardé à faire une
prédiction sur ce point? Le second texte allégué revient
simplement à dire : J'espère qu'un jour je serai avec
vous dans le ciel. Quant au premier, il doit s'interpré-
ter d'une manière générale, car il ne signifie nulle T
ment que Pierre regardait le retour de Jésus comme
imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., rv, 12-17;
II Thess, n, 2-11; I Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques,
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Ja'c, v, 7-9, et saint Jean, cf. I Joa,, n, 18, il savait que
ce grand jour pouvait arriver d'un moment à l'autre,
puisque désormais le mystère de la rédemption était ac-
compli. Mais à quelle date précise Jésus reviendrait-il
juger les vivants et les morts? Il l'ignorait. Cf. II Pet.,
m, 8-9, où il dit qu'il peut s'écouler encore mille ans
et plus avant la fin du monde. Voir Estius, Cornélius a
Lapide, Hundhausen, etc., Inl Pet., iv, 7. De nombreux
commentateurs protestants n'interprètent pas autrement
ce passage. — Les chrétiens doivent souvent penser au
jugement de Dieu et le redouter, i, 17; m, 9-10; rv, 7,
17-19. Cette crainte est pour eux le commencement de
la sagesse.
4° L'Église. — Formée de tous ceux qui ont été rache-
tés par Jésus-Christ, elle est une société très auguste, que
l'auteur désigne par plusieurs titres magnifiques, em-
pruntés à l'Ancien Testament. Cf. h, 9-10. Ses membres
sont comme des prêtres, qui offrent perpétuellement
à Dieu des victimes spirituelles, n, 5, 9. Elle est un édi-
fice pareillement mystique, dont chaque fidèle est une
pierre vivante, et dont Jésus-Christ et la pierre angu-
laire, il, 8. Elle est un troupeau symbolique dont
Notre-Seigneur est le pasteur suprême,, iv, 10-11; v, 1-
4. Quant à son organisation, rien de plus simple : à
la tête de chaque Église particulière étaient les anciens
(itpscîgÛTepoi), les prêtres, chargés de nourrir et de diri-
ger leurs ouailles; celles-ci devaient l'obéissance.
5° Les devoirs des chrétiens. — a) D'abord il faut
croire, ou, comme dit notre auteur, i, 2, 21-22, il faut
obéir à la vérité, à l'Évangile. Les chrétiens sont, en ce
sens, « des fils d'obéissance », i, 14, tandis que les
incrédules sont des rebelles, n, 8; m, 1, etc. La prédi-
dication de l'Évangile est la source de la foi, i, 12. La
foi même est un sentiment de confiance inébranlable,
i, 8; en nous attachant à Jésus-Christ, elle est pour
nous le principe d'une force irrésistible, v, 9. Elle com-
munique la vraie connaissance, i, 14, la connaissance
de Dieu et de Jésus-Christ, i, 2, 8 ; ni, 18. Elle est la
condition indispensable du salut, i, 9. L'épreuve bien
supportée l'épure et la fortifie, i, 7; v, 9. — b) Il faut
aussi recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, m, 21 .
Si la foi et le baptême sont nécessaires au salut, rien
ne se fait sans la grâce, qui est un don gratuit du
« Dieu de toute grâce », v, 10. La grâce suprême est
celle du salut éternel, m, 7. — c) Il faut mener une
vie très sainte, puisque Dieu lui-même est la sainteté
parfaite, i, 15. De là, la nécessité de se purifier sans
cesse, i, 22, d'avoir une « bonne conscience », comme
l'apôtre aime à le répéter, cf.' m, 16, 21, de lutter contre
la chair, n, 11, que saint Pierre oppose à l'esprit, comme
saint Paul, m, 18; iv, 6, de remplacer l'homme exté-
rieur par l'homme intérieur, ni, 3-4. Comme moyen de
parvenir à cette sainteté, l'auteur allègue l'union intime
et vitale avec Jésus-Christ, qui en est à la fois la source
et le modèle, n, 4-5. — d) Parmi les vertus spéciales
que le chrétien doit pratiquer, saint Pierre cite : 1° la
charité fraternelle, sur laquelle il insiste spécialement,
d'une manière soit positive soit négative, i, 32; u, 1,
15, 17; m, 8-11, 15; rv, 8-10; 2» les devoirs d'état, en
particulier ceux des chrétiens en tant que Citoyens, n,
13-17, ceux des esclaves, u, 18-25, ceux des époux, m, 1-7.
Sur ces trois points, il existe une grande ressemblance
entre les règles tracées par saint Pierre et les recom-
mandations antérieures de saint Paul, Rom., xm, 1-7;
Eph., v, 22-vi, 9; Col., m, 22-25, etc. 3" L'apôtre recom-
mande encore la sobriété, la vigilance, iv, 7; v, 8,
la pratique des bonnes œuvres, n, 12; m, 11, et, avec
une insistance particulière, la patience, la résignation
et même la joie dans les souffrances, H, 19-25; m, 9;
rv, 12-14,
Sur l'enseignement doctrinal de la I' Pétri, voir
Poelmann, Theologia Petrina, 1850; C. F. Schmid,
Bibl. Théologie des N. T., herausgegeben von Weiz-
âcker, Stuttgart, 1853 ; 4* édit. par A. Keller, Gotha, 1868;
B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Berlin, 1855;
du même, Lehrbuch der Théologie des N. T., 3 e éd.,
p. 144 sq.; Lechler, Das apostol. und das nacha-
postol. Zeitalter, 2 e édit., p. 421-439; A. Krawutzky
(catholique), Petrinische Studien, 2 in-8°, Dresde, 1872-
1873; Bovon, Théologie du Nouv. Test., 1893, t. n,
p. 430445; Briggs, The Messiah of the Aposlles, 1895,
p. 21-35; McGiffert, Hùtory of the apostolical Age,
p. 482487; Stevens, Theology of the N. T., 1899, p. 293-
311. L. Fillion.
3. PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT). —
I. Destinataires. — Dès ses premières lignes, i, 1,
l'auteur les désigne lui-même, en s'exprimant ainsi :
« A ceux qui ont obtenu avec nous une foi du même
prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-
Christ. » Avec nous : cela signifie, d'après le contexte,
avec les apôtres; d'où il suit que la lettre s'adresse
aux coreligionnaires de ces derniers, aux chrétiens.
L'expression ayant, à première vue, un caractère géné-
ral, on en a conclu parfois que l'Épître a été composée
pour toute la chrétienté. Mais le passage m, 1, où l'au-
teur dit expressément à ses lecteurs que cette lettre est
la seconde qu'il leur envoie, est directement contraire à
ce sentiment; en effet, il. en résulte de la manière la
plus claire que les destinataires sont les mêmes que
ceux de la première Épltre. Il s'agit donc de nouveau
des chrétiens qui vivaient alors dans les cinq provin-
ces d'Asie Mineure énumérées I Pet., i, 1 (voir la
col. 389). — On ne trouvé dans le cours de l'écrit aucun
détail dont on puisse conclure que les lecteurs primi-
tifs diffèrent de ceux de la 7 a Pétri. Au contraire, le
texte m, 15, où il est parlé d'une lettre qui leur avait
été adressée par saint Paul, désigne selon toute vrai-
semblance l'Épitre aux Éphésiens; or, Éphèse était la
capitale de l'Asie proconsulaire, l'une des cinq provinces
en question, et il est possible que cette Épître aux
Éphésiens ait été une lettre circulaire adressée par
l'Apôtre des Gentils à d'autres chrétientés d'Asie Mi-
neure.
II. Temps et lieu de la composition. — Aucun de
ces deux points n'est déterminé en termes directs dans
l'Épître. On peut cependant les préciser avec une cer-
titude morale, au moyen de la réflexion faite par l'au-
teur, i, 14, au sujet de la révélation qu'il avait reçue,
naguère de Jésus-Christ relativement à sa mort pro-
chaine. Selon toute probabilité, cette révélation ne doit
pas être confondue avec l'oracle mentionné Joa., xxt,
18-19. En effet, celui-ci ne désigne que d'une façon très
générale l'époque de la mort de Pierre, cum senueris;
ce qu'il annonce, c'est le genre même de cette mort, le
crucifiement. Il s'agit donc plutôt d'une révélation ré-
cente. Voir Spitta, Der zweite Brief Petrus, 1885, p. 88-
89 ; Hundhausen, Bas zweite Pontificalschreiben des Pe-
trus, p. 207-209; Belser, Einleit., p. 716, etc. — Simon-
Pierre sent donc que sa fin est imminente. Or, comme
il est démontré qu'il subit le martyre à Rome, en 67
d'après^l'opinion la plus probable (voir col. 376), nous
pouvons conclure de là qu'il a composé cette seconde
Épitre dans la capitale de l'empire, durant la première
partie de l'année 67, ou â la fin de 66. Telle est l'opi-
nion de presque tous les critiques qui croient à l'au-
thenticité de la lettre. Il semble résulter de II Pet., m,.
1, qu'il ne s'écoula pas un temps très considérable en-
tre les deux lettres du prince des Apôtres. Si l'auteur de
la J/ a Pelri, comme nous le pensons (voir col. 410, et
t. ni, col. 1811), a eu sous les yeux l'Épître de saint
Jude et lui a fait des emprunts, son œuvre est natu-
rellement d'une date plus récente que celte dernière
composition, que l'on suppose avoir été écrite elle-
même vers l'année 65. Les exégètes qui, tout en admet-
tant l'authenticité de notre Épltre, placent la mort de
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400
saint Pierre en 64, adoptent cette même date pour sa
secondé lettre. Quant à ceux qui rejettent l'authenticité,
ils lui assignent les dates les plus variées, et cette di-
versité de sentiments manifeste à elle seule la faiblesse
de leurs preuves. Credner et Bleek, à la fin du I er siè-
cle; Schvregler et Volkmar, à la fin du II» siècle; Jûli-
ctier, en Egypte, entre 158 et 175 (d'après cet auteur,
Einleit., p. 152, « la 11* Pétri est certainement la
partie la plus récente du Nouveau Testament, et aussi
celle qui méritait le moins d'entrer dans le canon ») ;
Chase (dans Hastings, Dict. of the Bible, t. m, col. 817),
pas plus tard que 175, probablement vers 150,en Egypte,
peut-être à Alexandrie.
III. Occasion et but de l'Épître. — 1» a) Dans l'in-
tervalle qui s'était écoulé depuis l'envoi de lal re Épître,
un fait très grave s'était produit dans les chrétientés
d'Asie Mineure. Des hérétiques, dont la doctrine et la
conduite étaient également perverses, s'y étaient intro-
duits, et menaçaient de les corrompre tout à fait. Ce sont
eux qui furent vraiment l'occasion de l'Épître. Ils sont
déjà mentionnés au chap tre I", 16, 19-21 ; le chapitre n
s'occupe d'eux uniquement; on les retrouve au cha-
pitre ni, 3-7, 16-17. Ces hommes, qui avaient été d'abord
païens et qui s'étaient convertis à la religion du Christ,
avaient repris les mœurs du paganisme et se livraient
sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. il, 2-3, 10,
13-14, 18-20. Non contents de s'abandonner eux-mêmes
à la licence, ils exerçaient autour d'eux un ardent pro-
sélytisme, s'efforçant de séduire, par leurs discours et
leurs exemples, les chrétiens parmi lesquels ils vivaient.
Cf. n, 1-3, 14, 18-19. Ils faisaient aussi de l'antino-
misme, vantant la liberté apportée par Jésus-Christ,
comme si elle avait autorisé toutes sortes d'excès. Cf.
i, 18-19. A l'immoralité de leur vie se joignaientde graves
erreurs doctrinales. Ils se permettaient de traiter cer-
tains faits de l'histoire sacrée comme s des fables sage-
ment inventées », i, 16. Ils avaient cessé de croire que
le monde est dirigé par une intelligence supérieure, et
qu'il y aura un second avènement du Christ, suivi du
châtiment éternel des impies. Cf. m, 9. Ils donnaient à
la sainte Écriture de fausses interprétations, afin de
pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines perni-
cieuses, m, 16. Il est même possible qu'ils allassent
jusqu'à nier la divinité de Notre-Seigneur. Cf. n, 1, et
Judas, 4. Comme beaucoup d'autres hérétiques, ils ai-
maient l'argent, et s'en faisaient donner en échange de
la communication de leurs erreurs, H, 3, 13. L'auteur
nous les présente comme des apostats véritables, II,
20-22. Le tableau qu'il en trace au chapitre n est d'une
vigueur remarquable.
6) Quels étaient les hérétiques que saint Pierre stig-
matise avec tant d'énergie? Certains critiques con-
temporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i,
p. 466-470; Jùlicher, Einleit., p. 151-152; von Soden,
Band-Commentar zum. N. T., t. ni, part. 2, p. 171, ont
prétendu qu'ils étaient identiques aux gnostiques du
II e siècle; puis ils se sont servis de ce fait comme d'un
argument pour attaquer l'authenticité de l'Épître. Il est
vrai que, dès le début de la lettre, II Pet., i, 2, saint
Pierre mentionne la « vraie connaissance (èmYvweri;)
de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ » comme
une bénédiction spéciale qu'il souhaite à ses lecteurs,
par opposition à la fausse science (fv&mi) des docteurs
hérétiques, et qu'il revient plusieurs fois sur cette pen-
sée. Cf. i, 3, 18; n, 20; m, 18. Mais saint Paul le fait
pareillement. Col., i, 6, 9, 10, etc. Il.est certain de même,
que « les germes de la Gnose apparurent dès le com-
mencement de l'ère chrétienne, et qu'il n'exista, dans
les premiers temps de l'Église, aucun hérétique qui
n'ait eu plus ou moins de traits communs avec' les
gnostiques des temps plus rapprochés. » Kaulen, Ein-
leit., p. 515. Il est également vrai que saint Irénée
accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens
des Écritures. Cf. Hser., m, 4; t. vu, col. 882. Néan-
moins, maigre tout cela, ce ne sont pas les gnostiques-
proprement dits qui sont décrits dans cette lettre,
mais seulement leurs premiers précur seurs; car le
portrait que notre Épître trace des faux docteurs ne
coïncide qu'à la surface avec le système gnostique,
tel qu'il se développa plus tard. Quoi que prétendent
nos adversaires, les expressions aipéaet; ômia>et'aç,.
II Pet., n, 2, itXaarotç î.ffyotc, II, 3, et {ncÉpoyxa [xa-
TatôTrjToç, n, 18, sont trop vagues pour représenter le
système en question. La première ne désigne point
un corps de doctrine, mais un choix, une hérésie ; les
deux autres font allusion à ce qu'il y avait de nul et de
vaia dans les discours des docteurs hérétiques. Quant
aux éons, que M. von Soden a cru découvrir dans le
passage n, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou
les mauvais anges, d'après le sentiment commun. Voir
B. Weiss, Einleit. in das N. T., 3» édit., 1897, p. 451;
Kaulen, Einleit., p.565;Hundhausen, Der zweite Pon-
tificalbrief, p. 1-10; K. Henkel, Der zweite Brief des
Apostelfûrsten,p. 21-37, etc.S'ilya ici quelque chose de
la gnose, c'estla gnose à ses premiers débuts, telle qu'elle
commença à se^manifester environ vingt ans après l'as-
cension du Sauveur, comme on le voit par les Épîtres
de saint Paul aux Philippiens, aux Éphésiens, aux
Colossiens, par la première à Timothée, par les Épîtres
de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi donc, « pour
éclaircir par d'autres données historiques le portrait
des faux docteurs que nous présentent l'Épître de Jude
et la 1P Pétri, il n'est pas nécessaire de descendre
dans le second siècle. Nous en trouvons déjà les traits
essentiels dans la chrétienté primitive ». Th. Zahn,
Einl. iri das N. T., t. n, p. 101 ; voir aussi le t. i r
p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du
christianisme, tels que les décrivent ces différentes
Épîtres, on reconnaît une grande ressemblance : ils
ont des tendances antinomistes et refusent de se plier
entièrement sous la loi chrétienne, ils se livrentà toutes
sortes d'excès, ils en viennent jusqu'à mépriser la per-
sonne du Christ et à l'abaisser pour devenir plus
libres par là-même.
c) A quel groupe spécial des premiers hérétiques
devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels
s'élève la 1P Pétri? On les a identifiés tantôt aux Ni-
colaïtes de l'Apocalypse (dans les temps anciens, Œcu-
ménius, In II Pet., n, 1, t. cxix, col. 592; dpns les
temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8;
de nos jours, Hug, Einleit., 3 e édit., t. n, p. 572; Win-
dischmann, Vindicise Petrinse,p. 34; Reithmayr, Ein-
leit., p. 743; Cornely, Introd., t. m, p. 636; T. Zahn,
Enleit. in dasN. T., t. n, p. 101), tantôt avec les disci-
ples et successeurs de Simon le magicien, etc. Il est
difficile de se prononcer là-dessus avec certitude. Toutes
ces hypothèses ont du vrai, car les hérétiques décrits
dans la IP Pétri présentent certaines ressemblances
avec ces autres docteurs de mensonge; mais elles pa-
raissent toutes plus ou moins exagérées, attendu qu'au-
cune d'elles ne correspond absolument au portraittracé
par saint Pierre. Il est probable que le prince des
Apôtres généralise, et qu'il stigmatise en même temps
toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, loc. cit., p. 32-
37. — On a eu tort parfois, Fronmùller, In II Pet., m,
3, p. 96; B. Weiss, Der Pétrin. Lehrbegriff, p. 283;
Huther, Die Brief e Pétri, p. 286; Bisping, Èrklârung
der kathol. Briefe, p. 257, etc., d'établir une distinc-
tion entre les ieuSo8i8â<rxa),oe* magistri mendaces,
que décrit le chap. n, f. 2-3, et les êu-iratxTat, illu-
sores, du chap. m, ji. 3-4, comme s'ils avaient formé
deux classes distinctes d'hérétiques. Il s'agit en ,réa-
lité d'une seule et même catégorie de faux docteurs,
qui prêchaient simultanément la licence morale et des
doctrines erronées sur la nature et sur le retour de
Jésus-Christ. Après les avoir décrits en termes gêné-
401
PIERRE (DEUXIÈME ÉPÎTRE DE SAINT)
402
raux dans le chap. n, l'auteur revient, dans le chap.m,
sur un trait spécial de leur doctrine perverse, la néga-
tion du second avènement de Jésus-Christ.Cf. n,10 et m,
3, où le même trait caractéristique, qui post carnem
in concupiscentia immunditix ambulant, eïjuxta pro-
prias concupiscentix ambulantes, appliqué de part et
d'autre, montre qu'il est vraiment question des mêmes
personnes. Le texte m, 17, ne insipientium (ùftéay.o>v,
« des hommes sans loi ») errore traducti excidatis...,
prouve aussi que les èjjuraïitTa! étaient antinomistes
comme les t|/suSoSi8i<maXoi. Rejetant toute loi, ils se
livraient à la débauche, et niaient le retour gênant du
Christ. Comme l'auteur emploie plusieurs fois le futur
à propos de ces faux docteurs, n, 1, « erunt magistri
mendaces; » in, 3, « ventent in novissimis diebus illu-
sores, » quelques interprètes ont supposé que sa des-
cription concerne l'avenir et non le temps présent. Ce
sentiment est inexact, car il est évident, d'après le sens
de l'Épître, que saint Pierre écrit pour prémunir ses
lecteurs contre un péril actuel. D'ailleurs, dans les ver-
sets 10-15 du chap. II (cf. Il, 20, yérovev ; n,22, auu.ês'6ï)XEv),
il parle des hérétiques comme existant déjà réellement.
Cf. II Tim., m, 1-8, où saint Paul s'exprime d'une fa-
çon identique. Cette manière de faire devait montrer
que le danger, déjà présent, deviendrait plus grand
encore, parce que le mal irait en se développant.
2° Le but que se proposait l'auteur est indiqué parles
détails qui précèdent. Il est même énoncé tout au long
dans les dernières lignes de l'Épître, m, 17-18, en termes
tour à tour négatifs et positifs : « Vous donc, frères,
avertis d'avance, soyez sur vos gardes, de peur qu'en-
traînés par l'erreur de ces insensés, vous ne veniez à
déchoir de votre fermeté; mais croissez dans la grâce
et dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ. » Saint Pierre voulait donc prémunir ses
lecteurs contre le nouveau danger qui les menaçait;
danger beaucoup plus grave que celui qui avait servi
d'occasion et de but à sa première Épître. Voir col. 387.
Nous ignorons de quelle manière il avait été averti du
fait désolant qui a été signalé plus haut. Les relations
entre Rome et l'Asie Mineure étaient d'ailleurs faciles
et fréquentes à cette époque. Certain qu'il ne tarderait
pas à mourir, cf. i, 14, Pierre se ,hâta d'écrire cette
seconde lettre, qui est avant tout, comme la précédente,
une exhortation essentiellement pratique.
IV. Analyse. — La JJ a Pétri se fait remarquer,
comme la première Épître, par son unité, et par une
marche simple et claire. Voir Keil, Comment, ùber die
Briefe des Petrus, p. 179-182.
1» Voici d'abord, en général, le sujet traité par
l'apôtre. Dans les circonstances qui ont été décrites, il
importait de rappeler dès le début aux chrétiens d'Asie
Mineure la stricte obligation où ils étaient de mener
une vie très sainte, et aussi la certitude parfaite de
l'objet de leur foi. Il fallait ensuite les mettre directe-
ment et nettement en garde contre les séductions qui
les menaçaient de la part des docteurs hérétiques.
C'est ce thème qui est traité ici par saint Pierre. Il
presse ses lecteurs d'organiser leur vie d'une manière
conforme à la foi chrétienne, de se préserver des doc-
trines malsaines et des mauvais exemples de l'hérésie,
enfin de se tenir prêts en vue du second avènement de
Jésus-Christ. Il insiste aussi, dès la première ligne, sur
la divinité de Jésus-Christ, cf. i, 1, dont il ne cite
ensuite jamais le nom sans y ajouter le titre « Notre-
Seigneur ». Cf. i, 2, 8, 11, 14, 16; m, 18.
2» Il y a trois parties dans la lettre : a) Nécessité et
motifs de croître dans la pratique de la vertu, i, 1-21;
b) Description des mœurs et des maximes des faux
docteurs, n, 1-22; c) Réalité du second avènement de
Jésus-Christ et instruction relative à la fin du monde,
m, 1-18. La première partie est. morale; la seconde polé-
mique; la troisième, tout ensemble pratique et doctrinale.
a) Après avoir brièvement salué ses lecteurs, i, 1-2,
l'auteur les invite à grandir sans cesse dans les vertus
chrétiennes : les bienfaits dont Dieu les a gratuitement
comblés et les magnifiques promesses qu'il leur a
faites sont pour eux de pressants motifs de vivre sain-
tement. En agissant ainsi, ils réaliseront de la façon la
plus sûre le but de leur vocation, qui consiste, d'une
part, à connaître de plus en plus Notre-Seigneur Jésus-
Christ, et, de l'autre, à conquérir la place qui leur est
préparée dans le ciel, i, 3-11. Pierre se sent pressé de
leur adresser cette recommandation, car Jésus lui a ré-
vélé que sa fin est proche; c'est donc pour ainsi dire
son testament qu'il fait en leur écrivant, i, 12-15.
Comme raison spéciale de vivre très saintement, il leur
signale la certitude de l'enseignement qui leur a été
prêché, et il démontre successivement cette certitude
par la prédication des apôtres et par les oracles des
anciens prophètes.
6) Dans la seconde partie, dirigée ouvertement contre
les docteurs hérétiques, l'auteur commence par affirmer
avec énergie le châtiment futur de ces hommes per-
vers : Dieu, qui est fidèle à délivrer les justes, sera
fidèle aussi à punir ces misérables, de même qu'il
avait autrefois châtié les anges déchus, les contempo-
rains impies de Noé, les infâmes habitants de Sodome
et de Gomorrhe, n, 1-9. Saint Pierre trace ensuite une
peinture vivante, hardie, de leur conduite ignoble;
surtout de leur orgueil, de leur esprit de révolte, de
leurs débauches. Il les montre comme les prédicateurs
d'une fausse liberté, qui produit forcément l'esclavage,
et il assure qu'il aurait été meilleur pour eux de ne
pas connaître Jésus-Christ, il, 10-22.
c) Dans la troisième partie, l'auteur réfute deux
erreurs dogmatiques de ces docteurs de mensonge.
Ils tournaient en ridicule la croyance au second avè-
nement du Christ et à la fin du monde. L'apôtre ré-
pond avec vigueur que ces deux événements se
passeront à l'heure voulue par Dieu, et que, s'ils sont
retardés, c'est par un effet de la bonté du Seigneur,
qui veut donner pleinement aux pécheurs le temps de
se. repentir. Mais le jour du Seigneur viendra infailli-
blement; les deux et la terre actuels seront dissous
par le feu, non toutefois pour disparaître, mais pour
faire place à de nouveaux cieux et à une nouvelle
terre où habitera la justice, m, 1-10. Pierre conclut en
engageant ses lecteurs à se tenir toujours prêts, en vue
du jugement divin, qui éclatera à l'improviste ; il en
appelle sur ce point au témoignage de son bien-aimé frère
Paul, m, 11-16. Enfin, il exhorte les fidèles à se tenir
en garde contre les faux docteurs, et à croître dans la
connaissance et dans la grâce du Sauveur Jésus, m, 17-18.
V. Authenticité. — /. preuves extrinsèques (voir
Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben:.., p. 19-
100; Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 184,
Th. Zahn, Einleit., t. n, p. 89 sq.; Cornely, Introd.;
Henkel, Der zweite Brief des Apostelfûrsten Petrus
geprûft auf seine Echtheit, p. 47-89). — a) Si nous
interrogeons la tradition sur ce point important, nous
n'aurons pas à signaler la même unanimité de témoi-
gnages que pour la I re Épître; nous trouverons cepen-
dant des preuves satisfaisantes. De nombreux faits his-
toriques, regardés très justement comme indiscutables,
sont beaucoup moins accrédités. Remarquons d'ailleurs
que la II' Pétri est, dans son ensemble, moins pratique
que la première lettre, qu'elle traite de sujets moins
généraux, et qu'elle est née de circonstances plus spé-
ciales. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ne soit pas
mentionnée et citée aussi fréquemment dans les temps
anciens.
b) Néanmoins, elle était connue de très bonne heure
dans l'Église comme un écrit inspiré et canonique. Au
premier siècle, le pape saint Clément y fait plusieurs
allusions très probables. Cf. surtout 1 ad Cor., vu, 5;
403
PIERRE (DEUXIÈME. ÉPITRE DE SAINT)
404
ix, 4, et II Pet., il, 5-7 : de part et d'autre, les
exemples de Noé et de Lot sont cités conjointement, et,
dans les deux écrits, à propos de Lot, il est dit que
Dieu n'abandonne pas les siens, mais qu'il châtie leurs
ennemis; ce double rapprochement est frappant.
Cf. aussi I ad Cor., vu, 9, et II Pet., i, 12-13; I ad
Cor., ix, 2, et II Pet., i, 17; I ad Cor., xi, 1, et
II Pet., h, 6-8; 1 ad Cor., xxin, 2, et II Pet., i, 4;
I ad Cor., xxv, 5, et II Pet., h, 2. Au second siècle,
on entend très vraisemblablement aussi des échos de
notre Épître dans le Pasteur d'Hermas (cf. Simil., 6,
et II Pet., il, 1-3; plusieurs critiques sérieux croient
qu'ici l'emprunt est indéniable), dans la Didaché, cf. m,
6-8; IV, 1, et II Pet., il, 10 (il règne une grande ana-
logie de pensées et d'expressions entre les deux au-
teurs); dans l'Épitre de Barnabe, cf. n, t. n, col. 729, et
II Pet., i, 5-6; xv, 4, et II Pet., m, 8; dans l'Épitre de
saint Polycarpe Ad Philipp., 7, t. v, col. 1012, cf. II Pet.,
m, 3; dans l'écrit de saint Théophile d'Antioche Ad
A\itol v h, $, \. \î, eo\. 1064 (iï e*\ste mm grande res-
semblance entre le passage n, 9, et II Pet., i, 21 ; cf. aussi
il, 3, et II Pet., 1, 19); dans le Dial. c. Tryph., de
saint Justin, cf. t. vi, col. 669, et II Pet., i, 21 ; t. m,
8; dans saint Irénée, Adv. hœr., cf. iv, 36, 3, t. vu,
col. 1224, et II Pet., n, 4-7; v, 23, 2; 28, 3, col. 1185,
1200, et II Pet., ni, 8. Au troisième siècle, Firmilius de
Césarée en Cappadoce parle, Ep. ad Cypr., 75, t. m,
col. 1159, d'avertissements donnés aux fidèles par saint
Pierre et par saint Paul, afin de les mettre en garde
contre les docteurs hérétiques; or, cette réflexion ne
saurait s'appliquer qu'à la 1 J a Pétri, car il n'est nulle-
ment question des faux docteurs dans la première lettre
du prince des Apôtres. L'auteur des Philosophoumena,
ix, 7, t. xvi, col. 3371, fait allusion à II Pet., n, 22.
Au dire d'Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, Clé-
ment d'Alexandrie avait commenté l'Épitre de saint
Jude et « les autres Épîtres catholiques » ; or, Eusèbe
range la II e - Pétri dans cette catégorie d'écrits. Cf. H.
E., il, 23, t. xx, col. 205. Ce commentaire de Clément
d'Alexandrie suppose que notre Épître était alors très
estimée et répandue. Origène est le premier à la citer
nommément comme l'œuvre de saint Pierre. Voir
surtout Hom. ir in Lev., t. n, col. 437, où il cite
II Pet., i, 4; Hom. xiu in Num., t. n, col. 676, où il
cite II Pet., n, 16; Hom. vu in Jos., t. n, col. 857,
où il dit : Petrus duabus Epistolorum suarum Per-
sonal tubis; Comm. in Matth., 15, t. ni, col. 692, et
Comm. in Rom., i, 8, t. iv, col. 1178, où il cite
II Pet., i, 2. Didyme d'Alexandrie, mort en 384,
attribue plusieurs fois notre lettre à saint Pierre, dans
son traité De Trinit., i, 15, 28, 29, etc., t. xxxix,
col. 304, 409, 416. Saint Athanase, Ex Epist. festal.,
39, t. xxvi, col. 1176, la range, avec les autres livres du
Nouveau Testament, parmi « les sources du salut ».
Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 36, t. xxxni,
col. 500, énumère les sept Épîlres catholiques telles que
nous les connaissons. L'historien Eusèbe accepte per-
sonnellement la JI a Pétri comme authentique et cano-
nique. H. E., n, 23,- 1. xx, col. 205. Ailleurs, H. E., m, 3,
col. 217, il établit une distinction essentielle entre elle
et trois écrits (les Actes, la Prédication et l'Apocalypse
de Pierre), qui circulaient sous le nom du prince des
^àpôtres; ces derniers n'ont pas été transmis parmi les
livres généralement reçus par l'Église, tandis que la
SeuTÉpoc êjri<jTo).iiî est lue officiellement comme les autres
écrits inspirés. Saint Jérôme est, en ce qui le concerne
personnellement, un partisan très décidé de l'authenti-
cité : Scripsit (Petrus) duas Epistolas, aux catholicse
nominantur. De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607. Il dit
ailleurs, Epist. cxx, ad Hedib.,H,t. xxii, col. 1002;
cf. Ep. ad Paulin., lui, 8, t. xxii, col. 548, qu'il y a
septÉpitres catholiques, composées par Jacques, Pierre,
Jean et Jude.
c) Il est vrai que plusieurs de ces anciens écrivains
signalent des doutes qui existaient çà et là, de leur
temps, touchant l'authenticité et la canonicité de la
i/ a Pétri. C'est ainsi qu'Origène a dit (dans Eusèbe,
H. E., vi, 25, t. xx, col. 585) : « Pierre n'a laissé
qu'une Épitre universellement reconnue, peut-être
aussi une seconde, mais on n'est pas d'accord sur ce
point. » Didyme d'Alexandrie l'accepte et l'a commen-
tée, comme il a été indiqué ci-dessus, col. 403; mais
un fragment latin de son interprétation contient ce
trait : Non igitur ignorandum prmsentem EpistoJam
esse falsatam, qum licet publicetur, non tamen in ca-
none est. Mais il est assez communément admis, même
par des adversaires de l'authenticité, que ces mots ne
sont pas de Didyme lui-même, ou bien que esse falsa-
tam est Une traduction fautive du verbe voôeveTai, qui
signifie : « Elle est déclarée non authentique. » Eusèbe,
dont nous avons vu plus haut le sentiment personnel,
très favorable à notre Épître, la range ailleurs parmi
les livres qui n'étaient pas universellement admis
comme canoniques, ià avzu.ty6y.eva, bien qu'elle fût
connue de la plupart des chrétiens (toîç noMoï;) et
qu'elle fût étudiée par un grand nombre (jroXXoîç) avec
les autres écritures, parce qu'elle leur paraissait utile.
H. E., vi, 25, t. xx, col. 584; voir aussi m, 26, 3;
m, 3, 1. Saint Jérôme fait une observation semblable :
Secundam (epistolam) a plerisque ejus (Pétri) esse
negari propter styli cum priore dissonantiam. De
vir. ill, 1, t. xxiii, col. 638. Cf. Epist. ad Hedib.,
cxx, t. xxn, col. 1002. Nous ferons remarquer, à la
suite du P. Cornely, Introd., t. ni, 2 8 part., p. 643, et
d'autres auteurs, en particulier A. Schœfer, Einleit.
in das N. T., p. 333, n. 3, que l'expression a ple-
risque dépasse la mesure, car, à l'époque du saint
docteur (fin du iv 8 siècle), il est certain que notre
Épître était communément regardée [comme un livre
inspiré.
d) Les doutes en question sont très probablement la
cause du silence gardé au sujet de cette Épitre par le
Canon de Muratori (vers 175), par Tertullien et par
saint Cyprien, qui cependant connaissent et citent la
précédente lettre. L'omission de la II 1 Pétri par la
version syriaque primitive est pareillement surpre-
nante; mais elle est compensée par la présence de cet
écrit dans Vl\a\a, au second siècle. Nous savonB d'ail-
leurs par saint Éphrem, Opéra syriaca, t. n, p. 342,
que les Syriens admettaient la canonicité de Pupitre
au IV e siècle. Les doutes en question portèrent surtout
sur la différence de style avec la J» Pétri (voir plus
bas, col. 407), ou bien, comme c'est le cas pour le moine
Cosmas 'Indicopleuste (au xi 8 siècle), ils durent leur
origine à la prophétie relative à la destruction^du monde
par le feu. Cf. II Pet., ni, 7, 10-13. Peu à peu ces doutes
disparurent, de même que pour les autres parties deù-
térocanoniques du Nouveau Testament; aussi, à partir
de la fin du iv e siècle, on n'en voit plus de trace
sérieuse. Les onze ou douze listes authentiques des
écrits inspirés que nous a léguées le même siècle con-
tiennent l'Épitre (voir Gaussen, Canon des Écritures,
t. i, p. 505), et les conciles de Laodicée en 364, de
Rome en 375, d'Hippone en 393, de Carthage en 397;
comptent officiellement notre lettre parmi les livres
inspirés; ce qui signifie, en même temps, qu'on en attri-
buait alors généralement la composition à saint Pierre.
Voilà, certes, des témoignages plus que suffisants pour
croire à son authenticité. — Il n'y a pas eu la moindre
hésitation durant le moyen âge jusqu'à Érasme (voir la
fin de son commentaire sur II Pet.), Calvin (In
11 Pet., Prolog.), et plus tard Grotius (Adnotat. in
11 Pet., 1, 1), etc., qui firent revivre les anciens doutes.
Les protestants eux-mêmes refusèrent d'abord de les
suivre; mais, à partir du xix e siècle, ils se sont mis à
regarder assez généralement l'Épitre comme l'œuvre
405
PIERRE (DEUXIÈME ËPITRE DE SAINT)
406
d'un faussaire. On compte, aujourd'hui, ceux qui l'attri-
buent encore au prince des apôtres. Voir leur énu-
mération dans Hundhausen, Da$ zweite Pontifiçal-
schreiben des Petrus, p. 19; ajouter Spitta, Der
zweite Srief Petrus, p. 175.
il. preuves intrinsèques. — Olshausen, l'un de ces
exégètes protestants qui, assurent-ils, n'ont pas réussi
à se former une opinion certaine au moyen des seuls
témoignages de l'antiquité, ajoute : Ràtionibus... sub-
jectivis fultus authentiam Epistolee persuasum habeo.
Dans Salmon, Introd. to the Study of the Books o(
the N. T., 7 e édit., p. 498. Interrogeons donc maintenant
l'Épitre elle-même, et voyons ce qu'elle nous dit au
sujet de son authenticité.
Elle se donne dés le début, i, 1, comme l'œuvre de
« Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ ».
Plusieurs passages de la lettre confirment cette asser-
tion. L'auteur se range, i, 16-18, parmi les témoins ocu-
laires de la transfiguration de Notre-Seigneur, et le
récit qu'il fait de ce prodige montre qu'il était vraiment
sur la « sainte montagne ». Cf. Matth., xvn, 1-4; Marc., ix,
1-5; Luc, ix, 28-33. Or, ce prodige éclatant n'eut que
trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, et personne n'a
jamais songé à attribuer la lettre aux deux fils de Zé«-
bédée. Plus loin, ni, 15, l'auteur nomme saint Paul son
« frère bien-aimé », c'est-à-dire son collègue dans l'apos-
tolat. Ces deux témoignages sont très explicites. Il faut
en rapprocher aussi la déclaration II Pet., ni, 1, qui
identifie clairement l'auteur de la première Épître et
celui de la seconde, et le passage m, 2, où celui qui a
écrit la lettre affirme de nouveau qu'il faisait partie du
collège apostolique. En rapprochant n, 20, de Matth., xn,
45, et n, 14, de Matth., v, 27, on voit qu'il connaissait
fort bien les paroles du Sauveur. Ce n'est pas qu'il
« fasse des efforts surprenants pour jouer le rôle d'apô-
tre », comme le prétendent E. Reuss, Die Geschichte
der heil. Schriften des N. T., p. 256 de la 3 e édit., 1860,
et H. Holtzmann, Einl. in das N. T., 3° édit.", p. 321, dans
le but d'enlever toute force à l'argument qui précède.
Il ne joue jamais un rôle, mais il se présente simple-
ment tel qu'il était en réalité. On a aussi affirmé que,
m, 2, il sort de ce même rôle par mégarde, et qu'il
s'exclut lui-même du corps apostolique; mais, pour ob-
tenir ce résultat on suit la leçon à;to<7T<5)i<ov ■f\\t.âv, « de
nos apôtres », tandis que le texte le mieux garanti
porte i[iwv, vestrorum.
Autre preuve très forte. Non seulement cette seconde
Épltre ne renferme absolument rien que saint Pierre
n'ait pu écrire; elle contient en outre des pensées iden-
tiques à celles de la première. Voir Hundhausen, Das
zweite Pontificalschreiben, p. 62-90; Kaulen, Einleit.,
p. 567; Belser, Einleit., p. 718 sq.; Krawutzcky, Pe-
trinische Studien, Breslau, 1877, t. n, p. 64-72. —
a) Les deux écrits mettent singulièrement en relief la
personne de Notre-Seigneur, qui est leur centre per-
pétuel, et auquel tout se rapporte en vérité. Relevons
en particulier l'importance attachée à son second avè-
nement et à l'obligation qu'ont les fidèles de se préparer
à cet acte suprême par une 'vie très simple. Cf. I Pet.,
i, 7-8, 13-14; iv, 7-8, 13-14; v, 1-3; II Pet., i, 16,
19; ni, 10-12. — 6) De part et d'autre, l'auteur insiste
sut la pensée que Jésus-Christ nous a rachetés au prix
de son sang divin, et qu'il nous a ainsi purifiés de nos
péchés. Cf. 1 Pet., i, 2, 18-19; m, 21; II Pet., i, 9; n,
20-22. — c) Dans les deux lettres, la religion chrétienne
est présentée comme la réalisation des anciennes pro-
phéties, de sorte que le ministère des prophètes et ce-
lui des Apôtres sont mis en relations intimes. Cf.
I Pet., i, 10-12; II Pet., i, 16-19; m, 2. - d) La
seconde Épltre suppose, comme la première, une con-
naissance très grande de l'Ancien Testament. Il est vrai
qu'il n'y est cité qu'une fois] explicitement, II Pet., u,
28; cf. Prov., xxvi, 11; mais les allusions, les réminis-
cences, les citations indirectes y abondent partout. Cf.
i, 19-21; il, 1, 4-8, 15-16; m, 2, 5-8, 10, 13, 16, etc. -
e) Voici encore quelques traits communs aux deux Épî-
tres ; l'idée que les chrétiens ont été régénérés et qu'ils
participent à la nature divine, 1 Pet., i, 23; II Pet., i,
4; l'existence d'une vraie et d'une fausse liberté, I Pet.,
i, 22; II Pet., n, 19; la mention du déluge, I Pet., m,
20; II Pet., ni, 6; le fait que sept personnes seulement
échappèrent à cette catastrophe, I Pet., m, 20; II Pet.,
Il, 5; plusieurs ressemblances frappantes sous le rap-
port eschatologique. I Pet., I, 4, et II Pet., I, 11;
I Pet., i, 7, et II Pet., î, 16; I Pet., i, 20, et II Pet., m,
3. — f) Notons aussi les analogies qui existent entre
le commencement et la fin des deux lettres. Elles men-
tionnent l'une et l'autre, dès leurs premières lignes,
l'espérance du ciel comme un puissant encouragement
pour les chrétiens. Cf. I Pet., i,, 4-6; II Pet., i, 11.
Elles s'ouvrent par le même souhait, qui n'apparaît
nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. L'une
et l'autre elles s'achèvent par l'indication très précise
du but que se proposait leur auteur, I Pet., v, 12;
II Pet., m, 17-18. — g) La seconde Épître rappelle
partout le caractère ardent, l'autorité et le zèle aposto-
lique, la vigueur et l'originalité du prince des Apôtres,
de sorte qu'elle respire constamment, comme la pre-
mière, « l'esprit de Pierre ».
m. objections des CRITIQUES. —Dans ces conditions,
on conçoit que les adversaires de l'authenticité « n'aient
pas essayé de proposer, avec quelque vraisemblance^
un auteur différent » de saint Pierre.Burger, dans Strack
etZôckler, Kurzgefasster Komment.,N. Test. ,i'îascic,
p. 181. Néanmoins, malgré tant de preuves extrinsè^
ques et intrinsèques, ils ont combattu notre Épître avec
un acharnement extraordinaire. Voir E. Renan, V Anté-
christ, p. vi ; E. Reuss, Gesch. der heilig. Schriften des
N. Test., 3« édit., p. 256; Jùlicher, Einleit., p. 152.
B.Weiss lui-même, quiadmettaitautrefois l'authenticité,
pense maintenant qu'on ne peut rien décider à ce sujet.
Cf. Einleit., 3 e édit., p. 450. Le D' Kiihl, Die Briefe
Pétri, édit. de 1897, p. 370, affirme très justement qu'on
a abusé des arguments intrinsèques contre l'Épitre, et
que plusieurs détails qui, dans l'hypothèse de l'authen-
ticité, paraissent tout à fait inoffensifs, ont été bien à
tort regardés comme des motifs de soupçon et de doute.
Parmi les exégètes protestants qui l'admettent, nous
pouvons citer Nietzsche, Epistola Pétri posterior, au-
ctori suo... vindicata, 1785; C. Flatt, Genuina secunda
Pétri epistolee origo... defenditur, 1806; W. Dahl, De
Authentia epistolee Pétri posterioris atque Judse, 1807,
Bertholdt, Olshausen (il a aussi composé un ouvrage spé-
cial sur la question, De integritate et authentia poste-
rioris Pétri epistolee, 1823), Guericke, Thiersch, Stier,
Dietlein, Hofmann, Schulze, F. Keil, Brùckner, Spitta,
A. Bruce, etc., qui appartiennent aux écoles exégéti-
ques les plus diverses. Voir J. H. Holtzmann, Einleit ,
p. 325; Grosch, Die Echtheit des zweiten Briefes Pé-
tri, 1889, et surtout l'excellent ouvrage du D T Henkel
(catholique), Der zweite Brief des Apostelfûrsten
Petrus geprûft auf seine Echtheit, Fribourg-en-Bris-
gau, 1904.
Les objections alléguées sont de deux sortes : il y a
celles qui concernent les pensées et celles qui regar-
dent la forme. —1° Objections concernant les pensées.
— On a prétendu que le fond des deux écrits est trop
différent pour qu'ils puissent provenir d'un seul et
même auteur. H. Holtzmann, Einleit-, p. 321-322. Mais
nous avons déjà démontré indirectement, col. 405, que
cette allégation porte entièrement à faux; aussi Reuss
lui-même, Geschichte der heil. Schriften des N. T.,
p. 70, ne lui attache-t-il « aucune force décisive ». Comp.
Hofmann, Heil. Schriften des N. T., t. n, p. 128; t. îx,
p. 208. Nos adversaires insistent en particulier sur le fait
suivant : la J7 a Pétri parle de la destruction ou plutôt
407
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
408
de la rénovation du monde actuel par le feu, m, 7, 10,
12, tandis que cette doctrine est tout à fait étrangère à
la première Épitre. Nous répondons que cet enseigne-
ment n'est pas nouveau, mais très conforme à celui
des prophètes de l'Ancien Testament et de Jésus-
Christ lui-même. Cf. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22; Matth., xxrv,
29, etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionné
dans la I" Épître la descente de Jésus-Christ aux en-
fers, dogme qui n'est qu'insinué rapidement ailleurs
dans les écrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il
pas, dans la II e , d'un fait qu'il laisse de côté dans la
lettre précédente ? Les autres divergences s'expliquent
suffisamment par la différence du thème traité de part
et d'autre. Par exemple, dans la I" Épître, l'auteur
insiste sur l'espérance, voir la col. 396, afin de mieux
consoler et encourager, par la promesse de l'héritage
céleste, les chrétiens d'Asie Mineure, qui enduraient la
persécution pour la justice; dans la II 8 , il appuie da-
vantage sur la connaissance (êitfYvwinç) de Jésus-Christ,
qu'il oppose à la fausse science (yvôucç) des docteurs
hérétiques. Mais la première Épîfre, tout en insistant
davantage sur l'espérance, ne manque pas de mention-
ner aussi la vraie Yv&xrtc, cf. I Pet., ni, 7, et la II e ,
tien qu'elle ne contienne pas expressément le mot
ÈXizlç (espérance), exprime à plusieurs reprises l'idée
de l'espérance chrétienne. Cf. II Pet., i, 11, 19; m, 9,
12-15. Dans la première lettre, le retour de Jésus-
Christ à la fin des temps est appelé ànoxâXuifuç, « révé-
lation », et TtapoWa, « présence », dans la seconde.
Mais est-ce là une différence? Voir la réfutation de
cette objection générale dans B. Weiss, Die Petrinische
Frage, p. 293; F. Keil, Comment, ùber die Briefe
des Petrus, p. 194.
2» Objections tirées du style. — On a objecté très
souvent aussi la différence de style entre la première
et la seconde Épitre, comme une preuve manifeste que
les deux écrits ne peuvent pas avoir été composés par
le même auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322.
La différence alléguée est très réelle. Cf. von Soden,
Hand- Comment, zum N. Test., t. m, 2 e partie, p. 211;
Henkel, Der zweile Brief des Apostelfùrsten Petrus,
p. 56. Mais elle n'est nullement de nature à permettre de
nier l'authenticité; sans compter que nous possédons
trop peu de produits littéraires de saint Pierre, pour
porter un jugement convenable sur son style. Déjà saint
Jérôme signalait cette difficulté, Epist. cxx, ad Bedib.,
11, t. xxn, col. 1002; cf. De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609.
Il essayait. en même temps d'en marquer la cause : Ex
quo intelligimus pro diversilate rerum diversis eum
usum esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exégètes con-
temporains pensent que telle est, en effet, la meilleure
solution; entre autres, Cornely, Inlrod., t. n, 3 e part.,
p. 648; A. Schsefer, Einleit. in das N. T., p. 335; Kûhl,
Die Briefe Pétri, p. 367. Saint Marc ou Silvain auraient
aidé saint Pierre pour la composition de la première
Épître, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait
n'a rien d'invraisemblable en lui-même; toutefois, il
est loin d'être certain, et il n'est pas nécessaire de
recourir à lui pour expliquer le petit problème lin-
guistique que nous étudions. D'ailleurs, on peut dire
que saint ;Jérôme exagère à propos de la différence de
style et que beaucoup de critiques contemporains font
comme lui. Cf. Henkel, loc. cit., p. 58-59.
Il est bon de noter ici, avant toute autre ré-
ponse, que, en ce qui concerne le style et la diction
en général, « la divergence des opinions est la règle
parmi les savants, » comme le dit fort bien M. Belser,
Einleit., p. 705. Et pour justifier cette réflexion, le
savant auteur cite les jugements contradictoires de
deux exégètes protestants sur, le chap. n de la II* Pétri :
tandis que Hofmann, Die Briefe Pétri, Judse, etc.,
p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme
unique en son genre parmi les écrits du Nouveau
Testament, Mayerhoff, Hist. krit. Einleit. in die Pétrin.
Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat.
Il est aussi très important, pour apprécier équitable-
ment la divergence indiquée, de se rappeler la diffé-
rence considérable des sujets traités et du but que se
proposait l'auteur. En outre, l'emploi que saint Pierre
a fait, selon toute probabilité, de la lettre de saint
Jude, col. 410, n'a pas manqué d'exercer une certaine
influence sur son propre style.
Examinons maintenant quelques-unes des objections
de détail proposées sur ce point par les néo-critiques.
— o) On a noté en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit.,
p. 322, une certaine monotonie que présente la II' Pétri
dans l'usage des prépositions, tandis que l'auteur de la
Ire Épitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans
le passage II Pet., i, 3-5, ôt'a revient quatre fois; £v
jusqu'à sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. Il est
vrai que, dans la première lettre, les prépositions sont
plus variées; ce qui n'empêche pas eîç, èv et 8îa d'y
dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet.,
qui viennent d'être cités, les répétitions ont eu lieu
évidemment à dessein, et elles donnent beaucoup de
force à la pensée. — 6) Il y a dans II Pet. ce qu'on a
appelé à tort des « répétitions traînantes », des mêmes
termes, à des intervalles très rapprochés. Holtzmann,
loc. cit., p. 322. Par exemple : i, 2-3, SsBupmnévo; e *
8s8iipY)tai; i. 1-10, trois fois Taina; il, 1, deux fois
àirioXeia. Voir aussi i, 17, etc. Mais comment n'a-t-on
pas remarqué que ces répétitions sont voulues, et
qu'elles ont pour, but évident de fortifier la pensée?
Du reste, il en existe de semblables dans la I re Épitre.
Cf. I Pet., i, 5-10, où les mots « foi, croire, salut »
sont employés coup sur coup; i, 5-18 et m, 1-2, à pro-
pos des expressions àvaJTpoçri et àvastpéçs^at. — c) On
met en avant un nombre assez considérable de termes
(environ cinquante) qu'on ne trouve pas ailleurs dans
le Nouveau Testament (entre autres àÔEffiioç, àxaTcuca'j-
<rroç, àfi<ï>[ir;Toç, aùxp-ipoç, |SXé[i.[i,a, pôpéopoç, Siauyôïstv,
8u<rvdï]-uoç, EyxaTotxetv, slaxoXouÔeiv, ê7uXuaiç, X^Ô7)v
Xaêeiv, ^ia<r^a, ôp.t);X7), 7rap£[<raY£cv, •rcXaa-udç, trrpeéXoOv,
t«x îv< ^! re<ppo0v, cptddçôpo;), et dont plusieurs semblent
avoir été inventés par l'auteur lui-même (notamment
Tapxccpouv, H, 4; napacppovta, n, 16; èl;épa[ia etxuXc<7[iôç).
Mais, selon la remarque très juste de Reuss, Épitres ca-
tholiq., p. 223, qui rejette pourtant l'authenticité, « qu'est-
ce que cela prouve? Est-il juste que chaque auteur
écrive toujours de la même manière? » Les Apôtres
étaient souvent obligés de créer un langage nouveau
pour exprimer les idées chrétiennes; saint Pierre l'a
fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi donc,
« on ne saurait déduire de ces particularités de lan-
gage une nécessité absolue d'affirmer que l'auteur de-
la I™ Épître diffère de celui de la II e . » Burger, Kurz-
gefasst. Comment., p. 182, N. T., 4 e fasc.
Nous, de notre côté, nous pouvons signaler des points
de contact très nombreux entre les deux JB.pitres sous
le rapport de la diction. Nous n'indiquerons que les
plus caractéristiques. Voir des listes plus complètes
dans Lumby, dans le Speaker's Commentary, t. rv
du N. T., p. 228; Davidson, Introd. to the New Test.,.
t. il, p. 462; Hundhausen, Das zweite Pontificalschrei-
ben, p. 86-88; Keil, 'loc. cit., p. 199-202; Kûhl, Die
Briefe Pétri, p. 336; Henkel, Der zweite Brief des
Apostelfùrsten, p. 47. — a) Les deux .lettres ren-
ferment un certain nombre d'expressions qui leur sont
communes et qui ne sont pas employées dans les autres
livres du Nouveau Testament : ap.rû|ji.o; et aumXoç, I Pet.,,
i, 19; cf. II Pet., m, 14; Èicoirreûeiv, I Pet., n, 19, et
ni, 2; cf. II Pet., i, 16; sônôSsaiç, I Pet., m, 21;
cf. II Pet., I, 14; nljtauTœi ànspcfac, I Pet., IV, 1;
cf. II Pet., n, 14. — b) Des deux côtés, on rencontre
des expressions et des tournures identiques, rares ou
relativement rares. Par exemple : I Pet., n, 9, t«ç.
409
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
410
ôperà; xoO... xaXéaavToc ; II Pet., I, 3, toû xaXéaavros
ïj[wï5 5'' àpETfjî (il est à remarquer que le mot àpeTTj,
« vertu », indépendamment de ces deux passages, n'est
employé dans le Nouveau Testament que par saint
Paul, Phil., iv, 8, où il est appliqué au* hommes; saint
Pierre seul l'applique à Dieu); à6é|«To«, I Pet., iv, 3,
et à8e<T(J-oc, II Pet., n, 7; 8ï|Xo0v, pour marquer la ré-
vélation divine, I Pet., i, 11, et II Pet., i, 14; âva-
aTpof^ (le « mot favori » de saint Pierre), 1 Pet., i, 15,
18; il, 23; m, 1, 2, 16, et II Pet., n, 7; m, 11;
lîti6u(jit'o aapxixa, I Pet., il, 11, et II Pet., il, 10;
<TTr)p£Çeiv, I Pet., v, 10, et II Pet., i, 12, etc.; tftXx-
5e.\<pi<x, I Pet., 1,22, et II Pet., i, 7; -/opyjYEÏv, I Pet.,
iv, 11, et II Pet., i, 5,'ll, etc., — c) On signale encore
l'usage très spécial du participe £/ovteç (I Pet., h, 12,
ayant une bonne manière d'agir; m, 16j ayant une
bonne conscience; iv, 8, ayant une charité conti-
nuelle; II Pet., n, 14, ayant les yeux pleins d'adul-
tère), la construction avec le datif, I Pet., i, 12; n, 7;
m, 15; iv, 2, 12; v, 9; II Pet., i, 1, 17; n, 1, 3, 5, 8,
17, 19, 20; m, 7; l'emploi fréquent du participe passif.
Cf. I Pet.,, i, 4, 8, 20, 22, 23; il, 1; iv, 3; II Pet., i, 3,
12, 16; n, 12, 14; m,2, 7. — d) Notons aussi des mots
ordinaires, mais qui reviennent souvent dans les deux
lettres : tyvm, I Pet., i, 9, 22; h, 11, 25; m, 21; iv,
19; II Pet., n, 8, 14; eî8<i;, I Pet., I, 8, 18; il, 9;
II Pet., i, 12, 14; tic, cinq fois dans I Pet., quatre
fois dans II Pet. — e) On trouve dans les deux Épltres
l'emploi des substantifs abstraits, au pluriel : I Pet.,
I, 11, les gloires; voir aussi h, 19, et iv, 3; II Pet., n,
2, 13, 18; m, 11. Et rien, dans toutes ces coïncidences,
n'indique qu'elles aient été voulues et recherchées
par un faussaire qui se serait proposé d'imiter le
style du prince des Apôtres : elles n'ont rien de trop
saillant, qui puisse exciter la méfiance; elles ne sont
pas la répétition de pensées formulées dans la I"> Épître.
En somme, la comparaison du style des deux lettres
aboutit plutôt à une très forte présomption en fa-
veur de l'authenticité de la II e . — f) On peut citer
pareillement des coïncidences assez frappantes, tou-
jours au point de vue du style, entre notre Épître et
les discours de saint Pierre dans le livre des Actes.
Voir Lumby, loc. cit., p. 226 ; Salmon, Introd. to the
N. T., p. 495; Henkel, loc. cit., p. 75-76. Voici quelques-
unes des principales : ipvéojj.ai, Act., m, 13-14, et
II Pet., 11,1; YvwpiÇetv, Act., n, 28, et II Pet., I, 16;
st8i>c oti, Act., Il, 30, et II Pet., I, 14; ripipa xupfov,
Act., n, 20, et II Pet., m, 10; ica-raoniy/tirai, Act., n,
26, et axT|V<i>ii.a, Il Pet., i, 13, 14; evaiëeia, Act., m,
12, et II Pet., i, 7; Seot^tyk, Act., iv, 24, et II Pet., n,
1; ipépou.ai, Act., n, 2, et II Pet., i, 7, 17.
3° Objection tirée de la prétendue ressemblance qui
existe entre la II a Pétri et les écrits de l'historien Jo-
sèphe. — M. Edwin Abbott a développé dans The Ex-
positor, II e série, t. ni, 1882, p. 49-60, un nouvel argu-
ment contre l'authenticité de l'Épître, en prétendant
que l'auteur aurait fait de nombreux emprunts à l'his-
torien juif Josèphe et imité son langage. Si le fait était
exact, comme les écrits de Josèphe datent de la fin du
I er siècle, la II* Pétri ne saurait être l'œuvre de saint
Pierre. Le D r Farrar admet comme un fait certain que
l'un des deux écrivains a fait des emprunts à l'autre.
Cf. The Expositor, ibid., p. 403. Voir aussi von So-
den, Hand-Commentar zum N. T., t. m, 2 e part.,
p. 210. — Remarquons d'abord que les ressemblances
alléguées ne portent que sur les expressions, jamais
sur les pensées : Josèphe et le chrétien qui a composé
Il Pet. expriment 'des idées tout à fait différentes,
bien qu'ils aient parfois recours à des expressions
identiques. De plus, les expressions de ce genre
sont espacées les unes des autres dans les écrits de
l'historien juif; elles n'ont pas été empruntées à des
passages qui se suivent: ce qui diminue singulièrement
la force de l'objection. Ajoutons qu'un grand nombre
d'entre elles (notamment ggoSo; dans le sens de mort,
cf. Luc, ix, 31; 8eïo«, adjectif plusieurs fois employé
parles Septante; ne-raXciÔTlÇj cf. Luc.,_ix, 43, etc.;
(iv6o;, qu'on trouve quatre fois dans les Épltres pasto-
rales, etc.) existent dans le vocabulaire des Septante ou
du Nouveau Testament ; par conséquent, dans le grec
avec lequel saint Pierre était familier. Enfin, les termes
en question n'ont rien de rare ou d'extraordinaire.
Ainsi on signale, comme une coïncidence remarquable,
l'usage fait de pari et d'autre du verbe àvaxé^Xw, pour
désigner le lever d'un astre; l'emploi du substantif
80vap,tç, pour exprimer la puissance divine, et de locu-
tions aussi ordinaires que £Ùaéëe!a,xaTafpoviw, wapaiv,
ytvtiiraeiv Sti, Sûtatov riyettrOai, etc. Or, dans une argu-
mentation de ce genre, la plus grande partie de la
preuve consiste dans la rareté des mots employés. Le
raisonnement porte donc absolument à faux : l'auteur
de II Pet. n'a fait aucun emprunt à Josèphe, auquel il
n'a rien prêté lui-même; ils ont écrit l'un et l'autre en
grec, et c'est tout. Voir la réfutation détaillée dans
Salmon, Introd. to theN. T., p. 498-501, et dans l'ou-
vrage spécial de B. Warlield, D' E. A. Abbott on the
genuineness of II Pet., 1883.
VI. Intégrité de l'Épître. — Divers critiques protes-
tants, ont nié l'unité et l'intégrité de la i7 a Pétri. Voir
F. Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 170.
Le plus récent est le D r Kûhl. D'après ce savant, Die
Briefe Pétri und Judas, 1897, p. 346-356, le chap. H
tout entier serait une interpolation. De plus, les versets
1 et 2 du chap. m, auraient été remaniés, de manière
à s'adapter à ce qui précède. A l'origine, immédiate-
ment après i, 21, on lisait, selon M. Kûhl, l'exhortation
suivante : « Pour vous, bien-aimés, souvenez-vous des
paroles prédites par les saints prophètes, sachant
d'abord cela... » etc. Cf. m, 1-3. Cette théorie, qui ne
s'appuie sur aucune preuve, n'a trouvé aucun succès. Il
règne une parfaite unité dans notre Épître : le passage
que l'on prétend avoir été interpolé se rattache de la
façon la plus naturelle, d'une part, à i, 21, de l'autre à
m, 2. Il n'y a, du reste, aucune différence sous le
rapport du style entre ce passage et ceux qui l'en-
tourent.
VII. Relations de la II* Pétri avec l'Épître de
saint Jude. — Sur ce point important, voir le t. m,
col. 1811-1812. Aux ouvrages mentionnés, on peut
ajouter : *Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus,
p. 202-208; *£ûhl, die Briefe Pétri, p. 336-346; Cornely,
Introd., t. n, 3 e part., p. 645-647; *H. Holtzmann, Ein-
leit., 3 e édit., p. 322-324; Belser, Einleit., p. 707-709,
719-721; *J., Bovon, Théologie du Nouv. l'est., t. h,
2° édit., p. 446-448; *A. Brun, L'Apôtre Pierre, 1905,
p. 126-136.
VIII. Le texte primitif et sa transmission. — Nous
possédons le texte grec de la II 3 - Pétri dans les ma-
nuscrits onciaux (i A B C K' L' P r . Les Pères grecs
fournissent çà et là des indications précieuses pour le
critique. Voir le texte grec amélioré par B. Weiss, Das
Neue Testament, Textkrilische Untersuchungen und
Textherstellung, t. m, et aussi les éditions critiques
de Tischendorf, Gebhardt, "Westcott et Hort, Nestlé, etc.
Le texte syriaque que nous avons est beaucoup moins
ancien que la Peschito, qui ne contenait pas notre
Épitre, comme il a été dit plus haut. On possède quel-
ques fragments assez rares des versions latines anté-
rieures à saint Jérôme, dans les manuscrits h, g, etc.
IX. Enseignement doctrinal de l'ÉpItre (voir les
ouvrages mentionnés à propos de la I"- Pétri; en par-
ticulier, B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Ber-
lin, 1855, et Lehrbuch der bibl. Théologie des fV. T.,
4« édit., Berlin, 1884, p. 536-546). — 1» Sur Dieu. Dieu
est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 17. II est
éternel, m, 8; c'-est lui qui a tout créé et qui gouverne
411
PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT)
412
le monde acluel, m, 5-7. Il est infiniment miséricor-
dieux, et il désire le salut de tous les hommes, m, 5,
15. C'est de lui que vient la vocation au salut, i, 3. —
2° Les idées christologiques sont moins abondantes que
dans la I re Épitre. La lettre est d'ailleurs plus brève ;
en outre, la description et la réfutation des hérétiques
y tiennent une large place. Mais, ici encore, Jésus-
Christ, i, 1, ou Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 2,8, 16,
ou le Seigneur et Sauveur, i, 11; m, 2, 18, ou Notre-
Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, i, 14; n, 20, m, 2,
ainsi qu'il est appelé, occupe la place principale. Il y
est aussi désigné, à propos du récit de la transfigura-
tion, par le nom de « Fils bien-aimé » de Dieu, i, 17.
Dans la doxologie finale, m, 18, l'apôtre lui souhaite,
comme il le ferait pour Dieu lui-même, la gloire dans
les siècles des siècles. Le but auquel doit tendre tout
chrétien, c'est de le connaître toujours davantage, i, 2,
8; m,18. SaintPierren'apas, comme dans sa I re Épître,
l'occasion d'insister sur la passion et sur la mort ré-
demptrice du Christ. Il signale du moins, en passant,
ce fait capital : Jésus est le Maître qui nous a rachetés,
n, 1 ; cf. i, 9. Il mentionne aussi deux de ses mystères
glorieux : d'un côté, au centre de sa vie publique, la
transfiguration, i, 16; de l'autre, son retour à la fois
glorieux, consolantet terrible, au jour du Seigneur ou
au jour de Dieu, m, 10, 12. Ce second avènement est
appelé itapoutn'a, « la présence », m, 4, 12. Quelques
hérétiques osaient en nier la réalité : l'apôtre réfute
leur objection principale, à laquelle ils affectaient de
donner une forme scientifique, m, 2-10. Au retour du
Christ est rattachée la transformation du monde par le
feu, en vue de créer « de nouveaux cieux et une nou-
velle terre, où la justice habitera », m, 13. Déjà saint
Pierre avait annoncé ce fait dans un de ses discours
des Actes, m, 19-21. Cette grande catastrophe amènera
la consommation du royaume de Dieu, selon ce que
Jésus-Christ lui-même avait prédit. Cf. Matth., xxrv,
29-42; Marc, xm, 24-35; Luc, xxi, 25-35. Le prince des
Apôtres mentionne aussi, mais seulement d'une ma-
nière rapide, le royaume de Jésus-Christ, c'est-à-dire le
ciel et son bonheur éternel, i, 11. — 3° L'Esprit-Saint.
Dans la II e Épître, comme dans la I re , il est question de
l'Esprit-Saint. C'est lui qui a inspiré les prophètes, i,
21, dont les oracles sont une lumière très précieuse,
indispensable même, pour arriver à la connaissance
du Sauveur, i, 19. — 4° La sotériologie. Le salut est
offert à tous; mais, pour l'obtenir, il faut croire en
Jésus-Christ, n, 1,17. Ceux qui ne croient pas sont des
« enfants de malédiction », n, 14. La foi est aussi la
base de toute la vie morale et spirituelle, i, 5, 6. Le
christianisme est la voie de la vérité, n, 2; cf. i, 12. La
grâce nous aide puissamment à nous sauver; mais il
est nécessaire d'y faire des progrès perpétuels, de
marcher constamment vers la perfection, ni, 18. C'est
seulement à la fin du monde, au dernier jour, que le
salut sera proclamé d'une manière générale et défini-
tive, m, 15. Comme adversaires du salut, il yaau-dedans
de nous la chair et ses convoitises coupables, il, 18, et,
en dehors de nous, le monde avec sa corruption dan-
gereuse, l, 4; il, 20. Par les mérites de Jésus-Christ,
les chrétiens deviennent « participants de la nature di-
vine », l, 4. La connaissance de Notre-Seigneur ne doit
pas demeurer oisive en nous; mais il faut qu'elle pro-
duise des fruits pour la vie éternelle. A ce point de vue
pratique, saint Pierre nomme la religion chrétienne
« la voie de la justice », n, 21. L'arbre mystique de la
foi doit de même faire mûrir en nous sept fruits déli-
cieux, i, 5-7. Une des sources de la foi consiste dans
les Saintes Écritures, dont Dieu est l'auteur et dont il
fournit l'interprétation authentique, i, 20-21. Instam-
ment, l'apôtre recommande « les bonnes œuvres, les
œuvres de piété », î, 3; m, 11. Les hérétiques sont des
ennemis dangereux; il faut les fuir, si l'on ne veut pas
se laisser entraîner par eux, car le châtiment éternel
de l'enfer leur est réservé, n, 1-20.
X. Bibliographie. — Pour la I a et la II a Pétri. —
1° L. Mayerhoff, Hist.-krit. Einleitung in die petri-
nischen Schriften, Hambourg, 1835; Harnack, Die
Chronologie, 1897, t. i, p. 450.
2» Commentaires sur les deux Epîtres. — a) Catho-
liques. Didyme d'Alexandrie (on n'en possède que des
fragments latins ou grecs, t. xxxix, col. 1750-1818),
Œcuménius, t. cix, col. 451-722, Théophylacte, t. cxxv,
col. 1131-t. cxxvi, col. 104; Bède, Expositio super ca-
thol. Epistolas, t. xcm, col. 9-130. Cramer, Catena in
Epistolas catholicas, Oxford, 1840; Lorin, In cathol.
Joannis et Pétri epistolas, Lyon, 1609; Bisping, Er-
klàrung der katholischen Briefe, Miinster, 1871 ; Drach,
Les Épîtres catholiques, Paris, 1873; Hundhausen, Die
beiden Pontificalschreiben des Apostelfûrsten Petrus,
Mayence, 1873-1878; Van Steenkiste, Epistolas catholicm
breviter explicatee, Bruges, 1876; Maunoury, Commen-
taires sur les Épîtres catholiques, Bar-le-Duc, 1888;
L.-Cl. Pillion, La Sainte Bible commentée, t. vm,
p. 658-715, Paris, 1904. — b) Commentateurs protes-
tants ou rationalistes : De Wette, Kurze Erklàrung der
Briefe des Petrus, Judée und Jakobus, 1847, 2 e édit.,
en 1853, revue par B. Brùckner,3 e édit. en 1865; Hu-
ther, Krit. exeget. Handbuch ûber den ersten Brief
des Petrus, den Brief des Judas und den zweiten
Brief des Petrus, 1"> édit., 1852; 5 e édit., 1887, revue
par Kùhl; 6 e édit., 1897; Wiesinger, Der erste Brief
des Apostels Petrus (continuation du commentaire
de Olshausen sur le N. T.), Kœnigsberg, 1856, et Der
zweite Brief Pelri des Apost. Petrus und der Brief des
Judas, 1862; Schott, Der erste Brief Pétri erklàrt,
Erlangen, 1861, et Der zweite Brief Pétri und der Brief
Judà, 1862; Fronmûller, Die Briefe Pétri, dans le
Bibelwerk de J. P. Lange, 1862, 4 e édit., par Fûller, en
1890; Ewald, Die sieben Sendschreiben des Neuen
Bundes, Gœttingue, 1870; Wordsworth, The New Tes-
tament, with introduction and notes, t. iv, 2 e édit.,
1872; Plumptre, dans la Cambridge Bible for schools
and collèges, Cambridge, 1880 ; K. Hofmann, Die Briefe
Petn, Judx und Jacobi, Nôrdlingen, 1875; F. Keil,
Kommentar ûber die Briefe des Petrus und Judas,
Leipzig, 1883; von Soden, dans le Hand-Commenlar
zum N. T., 3 e édit., 1899; Burger, Die Briefe des Ja-
kobus, Petrus und Judas, dans le Kurzgefasst. Kom-
ment. de Strack et Zôckler, 2 e édit., 1895; S. Gœbel,
Die Briefe des Petrus mit kurzer Erklàrung, 1893;
F. W. Bugge, Commentaire (en langue danoise) sur les
deux Épîtres de saint Pierre et l' Épître de saint Jude,
1892; J. T. Beck, Erklàrung der Briefe Pétri, 1895-;
J. H. Jowett, Epistles of St. Peter, Londres, 1905.
3° Sur la I™ Epître seulement : Usteri, Wissenschaftl.
und praktischer Commentar ûber den ersten Petrus-
brief, Zurich, 1887; Rob. Johnston, T,he first Epistle
of Peter, Edimbourg, 1888; A. J. Mason, dans le Com-
mentary for English Readers de Ellicott, Londres,
1889; L. Monnier, La I" Épître de l'apôtre Pierre,
Paris, 1902; Abbé L. Gontard, Essai critique et histo-
rique sur la I" Épître de saint Pierre, in-8°, Lyon,
1905; D. Vôlter, Der erste Petersbrief, seine Entstehung
und Stellung in der Geschichte des Urchristentums,
Strasbourg, 1906; H. Gunkel, dans Die Schriften des
N. Test, ûbersetzt; und fur die Gegenwart [erklàrt,
Gœttingue, t. n, 1906, p. 25; B. Weiss, Der erste
Petrusbrief und die neuere Kritik, in-8°, Berlin,
1906.
4° Sur la II e Épître : W. O. Dietlein, Der zweite
Brief Petrus, 1851 ; F. Steinfass, Der zweite Bjrief des
heil. Petrus, 1863; Plummer, dans le Commentary
for English Readers de Ellicott, Londres, 1883 ; Spitta,
Der zweite Brief des Petrus und der Brief des Judas,
Halle, 1885 ; G. Hollmann, dans l'ouvrage Die Schrif-
413
PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT)
414
ten des N. Test., neuûbersetzt und fur die Gegenwart
erklsert, t. n, 1906, p. 61; J. B. Mayor, Epistle of
St. Jude and the second Epistle of St. Peter, in-8°,
Londres, 1907. L. Fillion.
4. PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT). —
On en distingue quatre principaux : les Actes de Pierre,
voir t. i, col. 161-163; l'Apocalypse de Pierre, t. i,
col. 765; l'Évangile de Pierre et la Prédication de
Pierre. Nous n'avons à parler ici que des deux der-
nières compositions.
a) L'Évangile de Pierre. — 1° Origène le mentionne
In Matth., tom. x, 17, t. xm, col. 876. Eusèbe le signale
aussi, H. E., m, 3, t. xx, col. 217, en même temps
que les Actes, la Prédication et l'Apocalypse; puis il
ajoute : « Nous ne les reconnaissons pas comme trans-
mis jusqu'à nous parmi les écrits catholiques ; car aucun
écrivain ecclésiastique, soit dans les anciens temps,
soit de nos jours, n'a jamais fait usage des témoignages
qu'ils fournissent, v Voir aussi, m, 25, et S. Jérôme,
De vir. ill., 1, t. xxm, col. 609, qui le classe égale-
ment parmi les apocryphes, comme fait encore le Decre-
tum Gelasianum. Dans un autre endroit de son H. E.,
vi, 12, t. xx, col. 545, Eusèbe a conservé une lettre écrite
par Sérapion, évêque d'Antioche à la fin du II e siècle,
et relative à cet Évangile. Le saint évêque nous apprend
qu'il avait trouvé l'Évangile en question à Rhésus, loca-
lité située sur la baie d'Issus, en Asie Mineure, et qu'il
l'avait d'abord approuvé ; mais, qu'après l'avoir étudié de
plus près, il le condamna, parce qu'il était l'œuvre des
Docètes, et qu'il ajoutait différentes choses « à la véri-
table doctrine par rapport au Sauveur ». Cette œuvre
apocryphe ne devait pas jouir d'une circulation consi-
dérable, car il est rarement parlé d'elle dans l'antiquité.
2° Un Français, M. U. Bouriant, découvrit à Akmim
(Haute Egypte), dans un tombeau durant l'hiver 1886-
1887, et publia en 1892 un fragment en langue grecque,
que les critiques sont d'accord pour regarder comme
un reste de l'Évangile de Pierre. Voir les Mémoires pu-
bliés par les membres de la Mission archéologique au
Caire, t, ix, Paris, 1892, p. 137-142. L'auteur parle à la
première personne (comp. chap. vu et xn), et s'iden-
tifie avec le prince des Apôtres : « Moi, Simon Pierre,
et André mon frère » (c. xiv). Le fragment se rap-
porte au jugement de Notre-Seigneur devant Pilate et
Hérode (il s'ouvre au moment où Pilate se lave les
mains), aux outrages dont il fut l'objet, à son crucifie-
ment, à sa sépulture, à sa résurrection. On l'a divisé en
quatorze petits chapitres et en soixante versets. On en
a donné plusieurs (éditions : J. A. Robinson, The Gos-
pel according lo Peter and the Révélation of Peter,
Londres, 1892; Lods, L'Évangile et l'Apocalypse de
Pierre, 1893; Th. Zahn, Bruchstûcke des Evangel. und
der Apokalypse Petrus, 1893; A. Harnack, Evangelium
des Petrus, Leipzig, 1893; Swete,' The Akmîm frag-
ments of the apocryphal Gospel of Peter, 1732; 0. von
Gebhardt, Dos Evangelium and die Apokalypse des
Petrus, Leipzig, 1893; Klostermann, Reste des Petrus-
evangelium, der Petrusapokalypse und des Kerygma
Pétri, Bonn, 1894.
3° Jésus-Christ y est toujours appelé « le Seigneur » ;
le dimanche y est nommé i\ x>jpto(x7i le (jour) domini-
cal. L'auteur fait successivement des emprunts aux
quatre Évangiles canoniques : c'est ainsi qu'il prend te
lavement des mains de Pilate dans le récit de saint
Matthieu, l'histoire du bon larron dans celui de saint
Luc, la transfixio lateris dans celui de saint Jean, et
qu'il raconte la visite des saintes femmes au sépulcre
dans les mêmes termes que saint Marc. On voit, d'an
bout à l'autre, qu'il les connaît à fond; mais il les trans-
forme et lesenjolive à sa façon, en multipliant les détails
légendaires, en grossissant les miracles, etc. Il rend
témoins de la résurrection de Jésus les soldats romains
et de nombreux Juifs, prêtres et laïques. Il manifeste
une grande sévérité à l'égard des Juifs, dont il fait les
bourreaux immédiats du Sauveur; il innocente au con-
traire le plus possible Pilate et les Romains. Son docér
lisme apparaît en plusieurs endroits de la passion ; par
exemple, dans la suppression de l'angoisse de Jésus sur
la croix. En somme, son écrit n'enrichit en rien notre
connaissance de la vie de Jésus,
4" Les critiques sont loin d'être d'accord sur la date
de la composition de cet écrit. Ce serait le commence-
ment du II e siècle, d'après Harnack, qui croit que saint
Justin a commenté l'Évangile de Pierre (fait d'ailleurs
très contestable et probablement inexact; voir V. H.
Stanton, The Gospels as historical Documents, Impart.,
Cambridge, 1903, p. 93 sq.); l'année 130 d'après le
D r Zahn; l'an 150, selon Swete, etc. En tout cas, l'écrit
existait un certain temps avant la fin du n e siècle, puis-
qu'il était connu de Sérapion et d'Ûrigène.
5° Auteurs à consulter. Outre ceux qui ont été indi-
qués plus haut, voir H. von Schubert, Die Composition
des pseudopetrin. Evangelienfragmentes, Berlin, 1893;
D. Vôlter, Petrusevangelium oder Aegypterevange-
lium? Tubingue, 1893; A. Sabatier, L'Évangile de
saint Pierre et les Évangiles canoniques, Paris, 1893;
Salmon, Introduction to the Study of the Books of
the New Testant., 8° édit., 1897, p. 581-591 ; O. Bar-
denhewer, Geschichte der altchristlichen Litteratur,
1. 1, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 392-397; L. Hennecke,
Neutestam. Apokryphen, in deutscher Ubersetzung
und mit Erlàuterungen, Tubingue, 1904, p. 27-32; et
aussi les articles suivants, insérés en diverses revues ;
Funk, Fragmente des Evangeliums und der Apoka-
lypse des Petrus, dans la Theolog. Quartalschrift,
t. lxxv (1893), p. 255-288; H. von Soden, Das Petrus-
evangelium und die kanonischen Evangelien, dans la
Zeitschrift fur Théologie u. Kirche, t. m, 1893, p. 52-
92 ; A. Hilgenfeld, Das Petrusevangelium ûber Leiden
und Auferstehung Jesu, dans la Zeitschrift fur wis-
senschatfl. Théologie, année 1893, t. i, p. 439-454; J.-B.
Semeria, L'Évangile de Pierre, dans la Revue biblique,
t. m (1894), p. 522-560; A.-C. McGiflert, The Gospel
of Peter, dans les Papers of the American Society of
Church History, t. vi, 1894, p. 99-130; E. Koch, Das
Petrusevangelium und unsere kanonischen Evange-
lien, dans la Kirchliche Monatsschrift, t. xv (1896),
p. 311-338; V. H. Stanton, The Gospel of Peter, its
early history and character considered in relation to
the history of the récognition in the Church of the
canonical Gospels, dans le Journal of Theological Stu-
dies, t. u, 1901, p. 1-25,
b) La Prédication de Pierre (xopuypioi LUrpou), qu'il
ne faut pas probablement confondre avec la « Doctrine
de Pierre » (5i5a<rxaMa fléxpou), mentionnée par des
écrivains moins anciens, a exercé une influence assez
grande dans l'antiquité chrétienne. 1» Elle semble avoir
été connue dès la fin du second siècle par Apollo-
nius ,'d'Asie Mineure (cf. Eusèbe, H. E., v, 18, t. xx,
col. 480), par le gnostique Héracléon, par l'auteur de
l'Épitre à Diognète, les apologistes saint Justin et Aris-
tide. Voir Robinson, Texts and Studies, t. i, le partie,
p. 86-90. Clément d'Alexandrie s'en est servi certaine-
ment, et c'est à lui que nous sommes redevables de plu-
sieurs des fragments qui sont parvenus jusqu'à nous.
Voir Strom., i, 29; n, 15; vi, 5, etc., t. vin, col. 929,
1008 ; t. îx, col. 264. Elle remonte donc évidemment
plus haut que tous ces écrivains : aux années 110-
130 d'après Harnack, Chronologie, t. i, p. 472-474;
aux années 90-100 d'après Th. Zahn, Gesch. des neu-
testam Kanons, t. n, h" partie, p. 820-832; vers
l'an 110 d'après le D r von Dobschûtz, Texte und Vnter-
suchungen zur Geschichte der altchristl. Litteratur,
xi, 1. Ce dernier auteur et M. Harnack regardent
l'Egypte comme le pays d'origine de ce document, sur-
415 PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT) — PIERRE LOMBARD 416
tout à cause des allusions qu'on y trouve au culte des
animaux par les Égyptiens. C'est très probablement le
XTIpvYHa lui es * ci^ P ar Origène, De princ. (Prol.), i,
8, t. xi, col. 119, sous le titre de Pétri doctrina.
2» Les fragments que nous en possédons ont été réu-
nis par A. Hilgenfeld, Nov. Text. extra canonem recep.
tum, 2« édit., 1884, fasc. iv, p. 51-65, par von Dobschûtz,
Dos Kerygma Pétri kritisch untersucht, 1893, dans les
Texte und Vnlersuch,, xi, 1, et Preuschen, Antilego-
mena, die Reste der ausserkanon. Evangelien und
urchristl. Vberlieferungen, Giessen, 1901, p. 52-54, 143-
145. Voir aussi E. Hennecke, Neutestamentlichen Apo-
cryphen in deutscher Uberselzung,... mit Einleitungen,
Tubingue, 1904, p. 168-171. L'écrit, autant qu'on peut en
juger par ces fragments, se composait de discours pro-
noncés par un personnage qui parle toujours à la pre-
mière personne du pluriel, au nom des douze apôtres.
Clément d'Alexandrie dans Origène, In Evang. Joa.,
tom. xm, 17, t. xiv, col. 424, suppose que ce personnage
n'est autre que saint Pierre; bien plus, que le livre lui-
même l'identifiait avec Pierre. Strom., vi, 7 : ô Uétpoi;
Ypi<p£i, t. ix, col. 280. Origène, (. c, doute à bon
droit de l'authenticité, et Eusèbe, H. E., m, 3, t. xx,
col. 217, range explicitement l'écrit parmi les apo-
cryphes.
3" Quant au sujet traité, c'est le pur monothéisme
que doivent pratiquer les chrétiens, par opposition aux
erreurs du judaïsme et du polythéisme. Les fidèles sont
précisément nommés un Tpciov yévoç entre les Juifs et
les païens. Le livre renferme aussi des ordres de Notre-
Seigneur en vue de la prédication de l'Évangile chez
les païens. En somme, l'écrit renferme une sorte d'apo-
logie du christianisme, ou un programme pour les
missionnaires chrétiens.
L. FlLLION.
5. PIERRE dans les noms de lieux. Le mot pierre,
'ébén, ou rocher entre dans un certain nombre de
noms géographiques :
1° Pierre, ville principale d'Idumée, connue sous son
nom latin de Pétra. Voir Pétra, col. 166.
2» Pierre de Boen. Jos., xv, 6; xvm, 17. Voir Aben-
Bohen, 1. 1, col. 34.
3» Pierre de division (Vulgate : P.etra dividens).
I Reg., xxiii, 28. Rocher du désert de Maon où se retira
David pendant la persécution de Saûl. Son ennemi ne
put l'y poursuivre, ayant été obligé de marcher contre
les Philistins. En souvenir de cet événement, le rocher
fut appelé Séla' ham mahleqôf, « Rocher de la déli-
vrance. » Il n'est pas identifié. Voir Bachila, t. m, 2°,
col. 391.
4° Pierre du désert (Vulgate : Petra deserti).Is.,xvi,
1. C'est la ville de Pétra, col. 166.
5° Pierre d'Ëtam (Vulgate : Petra Etant). Jud., xv,
8. Voir Étam 3, t, n, col. 1996.
6" Pierre d'Ezel (Vulgate : Lapis cui nomen est
Ezel). Rocher auprès duquel David devait attendre son
ami Jonathas au commencement de la persécution de
Saûl. I Reg., xx, 19. Voir Ézel, t. n, col. 1062.
7» Pierre d'Horeb (Vulgate : Petra Horeb), rocher
d'où Moïse fit jaillir miraculeusement de l'eau.
Exod., xvn, 6. Voir Majssah, t. rv, col. 853-854.
8° Pierre d'Oreb (Vulgate : Petra Oreb). Jud., vu,
25. Voir Oreb 2, t. iv, col. 1857.
9» Pierre du secours (Vulgate : Lapis adjutorii).
1 Reg., iv, 1 ; v, 1 ; vu, 12. Voir Ében-Ézer, t. n, col. 1526.
10» Pierre de Zohéleth (Vulgate : Lapis Zoheleth).
III Reg., i, 9. Voir Zoheleth.
6. pierre angulaire. Voir Angulaire (Pierre),
t. i, col. 601.
7. PIERRE DE JACOB. Gen., xxviii, 18, 22; xxxi, 45.
Voir Bétïle, 1. 1, col. 1766.
8. PIERRE COMESTOR, théologien catholique fran-
çais du XII e siècle, né à Troyes, mort à Paris, le 21 oc-
tobre 1179 (d'après certains auteurs, en 1198). Il fut
surnommé Comestor ou le Mangeur, à cause, croit-on,
de la grande quantité de livres qu'il dévora. D'abord
chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes (1147), il
devint, en 1464, chancelier de l'Église de Paris et y occupa
jusqu'en 1169 la chaire de théologie. 11 se démit de ses
dignités dans les dernières années de sa vie et se retira
à l'abbaye de Saint-Victor de Paris où il mourut. Il
laissa des sermons qui furent publiés d'abord sous le
nom de Pierre de Blois, Pair, lat., t. cxcvm,
col. 1721-1844, mais il fut surtout célèbre à cause de sa
Scholastica Historia super Novum Testamentum, cutn
additionibuS alque incidentiis, qui fut considérée pen-
dant plus de trois siècles comme l'ouvrage de ce genre le
plus parfait. Son Histoire s'étend depuis le commence-
ment du monde jusqu'au martyre de saint Pierre et de
saint Paul à Rome. L'auteur résume ou bien développe
et explique les livres historiques de l'Ancien et du Nou-
veau Testament, dont il cite souvent les propres ex-
pressions. Son commentaire ou sa paraphrase est tantôt
littérale et tantôt allégorique, entremêlée de considé-
rations théologiques et philosophiques et de citations
d'auteurs profanes. Le livre de Pierre Comestor eut
dans les écoles un succès semblable à celui du Maître
des Sentences, et c'est son autorité qui parait être ordi-
nairement alléguée par les auteurs du moyen âge quand
ils emploient la formule : dicit magister in historiis.
C'est à cause de l'usage qu'on en fit dans les écoles
qu'elle reçut le nom de Historia scholastica. « Il n'y
avait en ce temps-là, dit Richard Simon, Histoire cri-
tique du Nouveau Testament, t, n, p, 320, de plus
grand et de plus estimé pour l'Écriture Sainte que ie
Pierre Comestor... On ne lisait la Bible que de la
manière qu'elle était dans ce compilateur, et avec ses
gloses. Cet usage a duré longtemps en France. »
L'Historia sckolastica fut imprimée, in-f», Rèutling,
1471; Utrecht, 1473; Augsbourg, 1473; Strasbourg,
1483 et 1502; Bâle, i486; in-4», Paris, 1513; in-f»,
Haguenau, 1519; in-4», Lyon, 1526; in-8», Lyon, 1543;
Venise, 1728; in-4°, Madrid, 1699. Cette dernière édi-
tion a été reproduite par Migne, dans la Patrologie
latine, t. cxcvm, [col. 1053-1722. La Bible historiale,
de Guyart-Desmoulins (voir t. m, col. 369), est une tra-
duction libre de V Historia scholastica. Voir aussi t. n,
col. 2355. — Voir les notices d'Oudin, de Fabricius,
etc., dans Patr. lat., t. cxcvm, col. 1045-1054; dom
Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, Paris,
1868, t. xiv, p. 744; Brial, dans Histoire littéraire de
la France, t. xiv, Paris, 1817, p. 12; U. Chevalier, Ré-
pertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-
bibliographie, et Supplément, col. 1813, 2778.
9. PIERRE LOMBARD, surnommé le Maître des
Sentences, né probablement à Lumellogno, petite ville
de Lombardie, vers la fin du xi e siècle, mort à Paris,
le 20 juillet 1164. Après avoir étudié la théologie à
Bologne, à Reims et à Paris, où il fut auditeur d'Abé-
lard, il devint lui-même professeur de théologie dans
cette dernière ville et fut élu en 1159 évêque de Paris;
il renonça à cette dignité dès l'année suivante et
Maurice de Sully lui succéda en 1160. Il s'est rendu
surtout célèbre par ses Sententiarum libri quatuor,
qu'il rédigea entre 1145-1150 (Denitle, dans VArchiv
fàr Literatur und Kirchengeschichte, 1. 1, 1885, p. 611);
mais on a aussi de lui des commentaires de l'Écriture
qui montrent avec quel soin il avait étudié les Livres
Saints : Commentarius in Psalmos davidicos, Patr. lat.,
t. cxci, col. 55-1296; Collectanea ih omnes D. Pauli
Epistolas, col. 1297-1696; t. cxcai, col. 9-520. Le Com-
mentaire sur les Psaumes emploie et développe la
Glossa ordinaria (t. m, col. 246); il reçut le nom de
417
PIERRE LOMBARD
PIERRE
418
Magna Glossatura. Le Commentaire sur saint Paul
est tiré principalement des Pères. « Cet ouvrage, dit
dom Rivet, dans VHistoire littéraire de la France,
est clair, méthodique, et renferme, outre les pensées
des Pères, de fort bonnes vues propres à l'auteur. »
La Glossa in Jobum et la Concordia evangelica,
qu'on a attribuées à Pierre Lombard ne sont pas pro-
bablement authentiques. — Voir Histoire littéraire de
la France, t. xn,1763, p. 585-609; Â. Stôchl, Geschichte
der Philosophie des Mitlelalters, Mayence, 1864, t. I,
p. 390-411; J. Bach, Dogmengeschichte des Mitlelal-
ters, Vienne, 1875, Th. n, p. 194307, 727-739; F. Protois,
Pierre Lombard, son époque, sa vie, ses écrits, son
influence, Paris, 1881; U. Chevalier, Répertoire des
sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie,
2» édit., 1905-1907, p. 3722.
PIERRE (hébreu : 'ébén, serôr, «le petit caillou »;
Septante : W6oç; Vulgate : lapis, petra, calculus,
saxum), substance minérale qui compose la plus
grande partie des couches géologiques du sol. — Quand
la pierre forme de grandes masses continues, enfouies
dans le sol ou en émergeant, on l'appelle rocher. Voir
Rocher. De ces masses, on extrait des matériaux de
divers volumes pour les constructions. Voir Carrière,
t. u, col. 318. On réserve le nom de pierres aux parties
rocheuses qui sont meubles, par nature ou par suite
du travail de l'homme. Ces pierres peuvent être de
toutes tailles, depuis le grain de sable ou de gravier jus-
qu'aux blocs qu'on employait aux grandes construc-
tions. Voir t. il, col. 320; Maçon, t. iv, col. 513. Les
pierres de médiocre volume, amassées ensemble,
forment un monceau, margêmdh, acervus, Prov.,
xxvi, 8, à moins que le mot hébreu ne désigne la
fronde, comme le pensent les Septante. — Le sol de la
Palestine renferme des pierres de beaucoup d'espèces,
surtout des calcaires et des grès. Les roches éruptives
y fournissent aussi, en quelques endroits, le basalte, le
granit et le porphyre. Voir Palestine, t. iv, col. 2005.
Quand les pierres sont calcaires, il est relativement
facile de les tailler. Plus elles sont siliceuses, plus
elles sont dures. Les silex fournissent la pierre que
les chocs peuvent transformer en couteaux assez aigus
pour opérer la circoncision. Exod., iv, 25; voir t. n,
col. 775.
1» Pierres à l'état naturel. — Là pierre est lourde,
Prov., xxvn, 3, et résistante. Job, vi, 12. Les eaux
creusent la pierre, grâce aux matières solides qu'elles
entraînent avec elles. Job, xry, 19. Les racines des
plantes s'enfoncent entre les pierres. Job, vu, 17. Il
est dit des pierres du pays de Chanaan qu'elles sont
comme du fer. Deut., vin, 9; cf. ls., lx, 17. Voir Fer,
t. il, col. 2207. Les pierres d'une maison pouvaient
subir un effritement que l'on considérait comme une
sorte de lèpre. Lev.,xiv,20. Voir Lèpre, t. iv, col. 186.
^J Certaines pierres, plus remarquables par leur cou-
leur et leur éclat, étaient aptes à servir d'ornements.
Voir Pierres précieuses.
2° Pierres utilisées à l'état brut. — 1. Usages do-
mestiques. — On se sert d'une pierre comme de siège.
Exod., xvn, 12. Pour dormir, on met une pierre sous
sa tête. Gen., xxviii, 11; Luc, ix, 58. « Les Arabes du
commun n'ont pour tout meuble dans leurs maisons
que des nattes, sur lesquelles ils couchent, quelques
couvertures et rarement des coussins; ils se servent
d'une pierre pour chevet, qu'ils mettent par-dessus la
natte. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Ams-
terdam, 1718, p. 176. Cette pierre n'était guère plus
dure que le chevet de bois dont se servaient les Égyp-
tiens. Voir t. iv, fig. 93, col. 826. On pesait à l'aide de
pierres. Prov., xvi, 11. Voir Poids. On cachait son
argent sous une pierre. Eccli., xxix, 13. On faisait cer-
tains exercices physiques à l'aide de pierres. Eccli., vi,
DICT. DE LA BIBLE.
22; Zach., xn, 3. Voir Fardeau, t. u, col. 2178. Un jet
de pierre constituait une sorte de mesure pour les
distances. Luc; xxn, 41. — 2. Manipulation. — Il y
avait temps pour ramasser les pierres et temps pour
les disperser. Eccle., m, 5. On enlevait les pierres des
vignes, pour qu'elles ne gênassent pas la culture, ls.,
V, 2; on les répandait au contraire sur un champ,
quand on voulait le rendre stérile, IV Reg., m, 19, 25.
On enlevait les pierres d'une route pour qu'elle devînt
plus praticable, Jer., i, 26; mais ce sens, adopté par la
Vulgate, est tout autre en hébreu. On pouvait être
blessé par une pierre quand elle retombait pendant
qu'on la roulait, Prov., xxvi, 27, quand on la détachait
à la carrière, Eccle., x, 9, ou quand elle redescendait
sur le tête de celui qui l'avait jetée. Eccli., xxvn, 28.
— 3. Usages religieux. — L'autel devait être fait de
pierres non taillées. Exod., xx, 25. Élie bâtit ainsi un
autel avec douze pierres sur le Carmel. III Reg., xvm,
31. Saûl fit rouler une grande pierre, afin qu'on égor-
geât sur elle les victimes destinées au sacrifice. I Reg.,
xiv, 33. Cf. Jud., ix, 5, 18. La Loi ordonnait aux
Hébreux de dresser de grandes pierres dans le pays de
Chanaan, de les enduire de chaux, et d'y écrire les
commandements divins. L'ordre fut exécuté sur le
mont Hébal, et un autel de pierres brutes y fut dressé.
Deut., XX\si, 2-5. — 4. Monuments de souvenir. — Les
habitants de la Palestine antérieurs aux Hébreux
avaient, comme tous les anciens peuples, dressé ou
utilisé d'énormes pierres afin de perpétuer certains
souvenirs. La Palestine transjordane compte par cen-
taines les monuments mégalithiques, dolmens, voir t.i,
fig. 120, col. 491, menhirs et cromlechs, connus depuis
longtemps. Plus récemment, on en a découvert un
certain nombre d'autres dans la Palestine occidentale,
tels un dolmen aux environs du Nébo, encore à l'est
du Jourdain, le double dolmen d'el-Hosn, au nord-
ouest de la Syrie, etc. Cf. H. Vincent, Monuments en
pierres brutes dans la Palestine occidentale, dans la
Revue biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907,
p. 414-423. Jacob dresse ainsi une pierre comme mo-
nument de son entente avec Laban, et il fait amasser
des pierres en monceau en signe d'alliance. Gen.,
xxxi, 45-52. En mémoire du passage du Jourdain,
Josué ordonne de prendre douze pierres dans le lit du
fleuve et ensuite de les dresser à Galgala. Jos., iv,
3, 20-24. Pour marquer la tombe d'Absalom, dans la
forêt d'Éphraïm, on élève au-dessus d'elle un monceau
de pierres. II Reg., xvm, 17.. Les pierres sont bien
indiquées pour servir ainsi de mémorial. Elles ont
pour elles la durée, et la disposition particulière qu'on
leur impose indique assez qu'on a eu une intention en
les plaçant ainsi. A ce même titre, elles fournissent
aussi des bornes pour les champs. Voir Bornes, t. i,
col. 1854. — 5. Hostilités. — Les pierres peuvent servir
d'armes offensives. On mettait à mort certains cou-
pables à l'aide de pierres. Exod., vin, 26. Voir Lapi-
dation, t, IV, col. 90. On jetait des pierres à quelqu'un
pour le blesser, II Reg., xvi, 6, 13; Eccli., XXII, 25, ou
l'on saisissait la pierre en main pour le frapper,
Exod., XXI, 18, ou se frapper soi-même. Marc, v, 5. On
donnait plus de portée à la pierre en la projetant au
moyen d'une fronde. Jud., xx, 16, etc. Voir Fronde,
t. n, col. 2408. Dans la suite, on eut des machines
pour lancer de grosses pierres contre les ennemis.
I Mach., il, 36; vi, 51. Voir Baliste, t. I, col. 1414;
Catapulte, t. n, col. 346. Les pierres contribuaient à
l'attaque ou à la défense en obstruant des portes. Jos.,
x, 18; I Mach., v, 47. La pierre devenait dangereuse
par elle-même quand elle était placée sur le chemin
pour faire tomber le passant. Ps. xci (xc), 12; Eccli.,
xxvli, 29; xxxil, 25; ls., vin, 14; Matth., IV, 6; Luc,
iv, 11. — Sur la pierre de scandale, Rom., ix, 23;
I Pet., il, 8, voir Scandale. — 6. Autres usages. — Les
V. - 14
419
PIERRE — PIERRE PRECIEUSE
420
pierres servaient à fermer des puits ou des excava-
tions diverses. Gen., xxix, 2, 3, 8, 10; Dan., vi, 17.
Jetée dans l'eau, la pierre va au fond, à cause de son
poids, et entraine avec elle ceux qui y sont attachés.
Exod., xv, 5; Jer., L7, 63; II Esd., ix, 11; Apoc,xvin,
21. Voir Meule, t. iv, col. 1054. — La pierre à feu est
mentionnée II Mach., x, 3. — Certaines pierres re-
marquables, soit par leur grandeur naturelle, soit par
le souvenir qu'on y attachait, ont donné leur nom à
plusieurs localités. Voir Pierre 5, col. 415; Ében,
Ében-Ézer, t. h, col. 1525, 1526.
3° Pierres travaillées. — flans les plus anciens
temps, les habitants de la Palestine ont commencé à
tailler la pierre. Des dolmens subissent déjà un travail
reconnaissable, comme celui de Tell el-Mataba, qui est
régulièrement troué. On taille ensuite des pierres pour
les consacrer à des usages religieux, voir Betyle, t. I,
col. 1765, funéraires ou profanes. Voir Stèle. Au Sinaï,
la Loi est donnée sur des tables de pierre, Exod., xxiv,
12, que Moïse brise, Exod., xxxïi, 19, et remplace en-
suite. Exod., xxxiv, 1; II Cor., m, 7. Souvent, le nom
de « pierre » sert à désigner les idoles, à cause de la
matière dont elles sont faites. Deut., iv, 28; xxvm, 36;
Sap.,xm, 10; Jer., h, 27; Act., xvn, 29, etc. On fabrique
en pierre divers objets îliles, meules, voir Meule,
t. 17, col. 1052, portes, voir Porte, surtout pour les
tombeaux, Matth., xxvit, 66; Marc, xv, 46; Joa., xi, 38,
voir t. il, col. 1478, pressoirs, voir Pressoir, etc. On
utilise la pierre à la construction des murs, des maisons,
des palais, du Temple, ainsi qu'au dallage de certains
espaces. Voir Pavé, t. iv, col. 2237. Les Gibliens étaient
renommés pour leur habileté à mettre la pierre en
œuvre, voir Gébal, t. m, col. 139, et on les employa
pour les grandes constructions salomoniennes. On tail-
lait la pierre, IV Reg., xn, 12; Am., v, 11; I Mach.,
xi, 10; on la polissait, quand il était besoin, I Mach.,
xiii, 27; on l'appareillait pour que toutes ses faces fussent
à angle droit les unes des autres. III Reg., v, 17 ; Is., ix,
10; Lam., m, 9; Ezech., xl, 42; Am., v, 11. On plaçait
d'énormes pierres pour servir de fondements à l'édi-
fice, III Reg., v, 17; Jer., xliii, 9, 10, ou de pierres
angulaires à l'intersection des murs. Voir Angulaire
(Pierre), 1. 1, col. 601. Les belles pierres de leur Temple
ont toujours émerveillé les Hébreux, qui prenaient
grand soin de les réparer à l'occasion. III Reg., vi, 7-
vu, 12 ; IV Reg., xn, 12; xxn, 6. Ils aimaient les pierres
de leur Temple. Ps. eu (ci), 15. Les Apôtres se firent
un jour l'écho de cette admiration et de cet amour,
auprès de Notre-Seigneur. Marc, xm, 1; Luc, xxt, 5.
— Mais les plus solides amas de pierres n'étaient pas
à l'abri de la destruction. Une ville pouvait être si bien
ruinée qu'il n'en restât pas un caillou, c'est-à-dire pas
la plus petite pierre informe. II Reg., xvn, 12. Des
monceaux de pierres représentent seuls les cités rui-
nées. Is., xvn, 1; 1er., xxvi, 18; Mich., i, 6; m, 12. Du
Temple d'Hérode, qui semblait si solidement assis sur
ses fondations, le Sauveur prédit qu'il ne resterait pas
pierre sur pierre. Matth., xxiv, 2. — La pierre, soit
isolée, soit enclavée dans des constructions, pouvait
recevoir des inscriptions, voir Stèle, ou une décoration
sculpturale. Voir Sculpture.
4" Autres mentions de la pierre. — 1. Comparai-
sons. — L'eau gelée devient comme de la pierre. Job,
xxxvni, 30. Être comme une pierre signifie qu'on est
sous le coup de la stupéfaction. I Reg., xxv, 37. Un
cœur de pierre est un cœur dur, insensible et inintelli-
gent. Ezech., xi, 19; xxxvi, 26. Certaines pierres ont
quelque ressemblance avec le pain; le démon en prend
occasion de proposer à Notre-Seigneur le changement
des pierres en pain, Matth., rv, 3; Luc, iv, -3, et le
Sauveur lui-même, faisant allusion à la même ressem-
blance, dit qu'un père ne donnerait pas une pierre à
son enfant qui réclame du pain. Matth., vu, 9; Luc,
xi, 11. Dans les déserts rocheux, les pierres plus ou
moins hautes se dressent à perte de vue et ont l'air
d'êtres immobiles : Dieu, par sa puissance, pourrait
changer ces pierres en fils d'Abraham. Matth., m, 19;
Luc, m, 8. Le paresseux est comparé à une pierre
, souillée d'ordure et qu'on ne peut toucher. Eccli., xxn,
1. Voir t. il, col. 2136. Rien de plus commun que les
pierres; l'argent était aussi commun à Jérusalem sous
Salomon. III Reg., x, 27. — 2. Métaphores. — Avoir
une alliance avec les pierres des champs, c'est vivre .en
paix sur le sol où l'on a sa tente. Job, v, 23. Quand on
bâtit sa maison avec des gains iniques, la pierre crie
delà muraille, c'est-à-dire les êtres inanimés protestent
eux-mêmes contre l'injustice. Hab., u, 11. A défaut
des enfants acclamant le Sauveur, les pierres elles-
mêmes auraient crié pour saluer en lui le Messie. Luc,
xix, 40. — 3. Symboles. — Dans un songe, Nabucho-
donosor vit une haute statue qu'une pierre vint briser
et dont elle ne laissa pas trace; la pierre devint ensuite
une grande montagne. Cette pierre représentait le
Messie et son royaume, devant lequel devaient dispa-
raître toutes les autres puissances de la terre. Dan.,
il, 34-45. — Le Sauveur traite saint Pierre comme la
pierre sur laquelle il doit asseoir inébranlablement
l'édifice de son Église. Matth., xrv, 18. Les fidèles sont
eux aussi des pierres vivantes et spirituelles appelées à
entrer dans la construction. Eph., u, 20-22; I Pet., u,
4-8. — Au vainqueur, Dieu donnera une pierre blanche,
postant un nom écrit, que connaît seul celui qui la
reçoit. Apoc, H, 17. Le caillou blanc marquait, chez les
anciens, les jours heureux et les votes favorables.
Cf. Martial, ix, 53; Perse, u, 1; Ovide, Metam., xv,
41. Pour saint Jean, il désigne le sort heureux attribué
dans le ciel à celui qui a bien combattu sur la terre.
H. Les être.
PIERRE PRÉCIEUSE, pierre remarquable par sa
couleur, son éclat ou sa rareté. Les pierres précieuses
étaient recherchées des Orientaux qui les faisaient entrer
dans la composition de leurs bijoux, anneaux, bracelets,
colliers, pendants d'oreille, dans l'ornementation des
vêtements, couronnes de rois, voiles, etc. II Reg., xn,
30; I Par., xx, 2; Judith, x, 19; xv, 14; Cant., x, 14, etc.
Voir Bijoux, 1. 1, col. 1794.
I. Nom général. — On les appelle habituellement en
hébreu 'ébén yeqâràh, « pierre de prix » (cf. l'assyrien
ubnu aqartu, pierres précieuses, Frd. Delitzsch, Assy-
risches llandwôrlerbuch, in-8°, Leipzig, 1896, p. 8).
II Reg., xn, 30; III Reg., x, 2; I Par., xx, 2; II Par., ix,
1, 9, 10;xxx\i,27;Ezech., xxvii, 22; xxviii, 13; Dan.,xi,
38. Quelquefois 'ébén yeqâràh est employé non pour des
pierres précieuses proprement dites, mais pour des pier-
res de construction, comme le marbre, etc. L'expression
'ébén yeqâràh, pierre précieuse, est parfois remplacée
par une locution équivalente, comme 'ébén héfés, Is., Liy,
12, mot à mot « pierre de désir », pierre qui excite le dé-
sir, la convoitise 'par sa beauté; ou comme 'ébnê hên,
Prov. xvit, 8, « pierres de grâce, de beauté, » c'est-à-
dire belles pierres. On rencontre aussi le mot 'ébén
accompagné du nom d'une espèce particulière de pierres
précieuses, par exemple 'ébén sôham, pierre de soham,
ou onyx ; 'ébén sappir, pierre de saphir; 'ébén éqdah,
pierre d'éclat, Is., liv, 12, escarboucle ou rubis. Le
mot 'ébén « pierre » sans addition ne se trouve dans
le sens de pierre précieuse, que lorsque le contexte,
comme une énumération de pierres précieuses, vient
préciser la signification et écarter toute amphibologie.
Les Septante traduisent ces diverses expressions par
Xt'6o; Ttutb; ou XiGoç yprjcrro;, Xîôo; èxXexTÔç, >.i9o; TioXu-
teXtiç; et la Vulgate par lapis pretiosus ou gemma.
II. Provenance. — L'Egypte, l'Arabie, PIndé fourni-
rent aux Hébreux les 17 ou 18 pierres précieuses men-
tionnées dans les textes bibliques. Elles leur arrivaient
par les caravanes de marchands qui.de l'Inde où de
421
PIERRE PRÉCIEUSE
422
l'Arabie venaient en Phénicie apporter leurs richesses,
ou par leurs relations avec l'Egypte et la Phénicie.
A certaines époques même ils allèrent eux-mêmes en
chercher jusque dans l'Inde. « On ne saurait parcourir
une galerie égyptienne sans être surpris du nombre
prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont
parvenues jusqu'à nous. On n'y voit pas encore le
diamant, le rubis ni le saphir; mais à cela près, le
domaine du lapidaire était aussi étendu qu'il l'est aujour-
d'hui et comprenait l'améthyste, l'émeraude, le grenat,
l'aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les mille
variétés de l'agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le felds-
path, l'obsidienne... Le plus grand nombre de ces sub-
stances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales,
allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et
disposées sur plusieurs rangs, on en fabriquait des
colliers, et c'est par myriades qu'on les ramasse dans le
sable des nécropoles... La perfection avec laquelle beau-
coup d'entre elles sont calibrées, la netteté de la perce,
la beauté du poli font honneur aux ouvriers, t G. Mas-
pero, L'archéologie égyptienne, in-8°, Paris, 1887, p. 234.
Ces pierres précieuses, les Égyptiens les trouvaient ou
chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de
Pount, dans la presqu'île du Sinaï et en Arabie. Les
documents de la XVIII e dynaslie les signalent parmi les
présents que les rois de Babylone, les princes de Mitani
ou des Hethéens envoyaient au Pharaon. G. Maspero,
Hist. ancienne des peuples de l'Orient classique, in-8°,
Paris, 1897, t. H, p. 284. L'Egypte pouvait donc fournir
aux Hébreux, dès le temps de l'Exode, toutes les pierres
nécessaires à la confection du pectoral du grand-prêtre.
Plus tard, fixés en Palestine, ils voyaient passer par
leur pays les marchands qui, de Babylonie ou de Perse,
allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation
avec les marchands de Saba et de Rééma qui appor-
taient à Tyr toutes espèces de pierres précieuses,
Ezech., xxvn, 22. Sur les marchés de cette grande ville
commerçante, il leur était facile d'acquérir les pierres
précieuses apportées par les Syriens. Ezech., xxvii, 16.
Nous voyons aussi à l'époque de Salomon la reine de
Saba apporter au monarque une grande quantité de
pierres précieuses. III Reg., x, 2,10. Salomon lui-même
équipait des flottes pour le pays d'Ophir, qui avec d'au-
tres produits de l'Inde revenaient chargées de pierres
précieuses. III Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sait
combien les anciens ont vanté la beauté et l'abondance
des pierres précieuses de ce dernier pays. S. Jérôme,
Epist., cxxxv,3, t. xxil, col. 1073-1074; Lassen, lndische
Alterthumskunde, in-8°, 1866, 1. 1, p. 364; Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit. , Paris, 1896,
t. m, p. 390. Il y avait en Israël des artisans habiles à
travailler ces pierres, à les tailler, à les enchâsser, à les
graver. Ainsi Béséléel à l'époque de l'Exode était re-
nommé en cet art, Exod., xxxv, 33; et son travail était
resté célèbre. Eccli., xlv, 13.
III. Détermination des espèces de pierres pré-
cieuses. — Pour classer et dénommer ces pierres pré-
cieuses, les Hébreux ne pouvaient, comme aujourd'hui,
s'arrêter à l'analyse de leur composition chimique et à
leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les
anciens, on tenait compte de la couleur surtout, des
autres qualités extérieures, de l'usage, etc., et ainsi sou-
vent on comprenait sous un même nom des pierres de
couleur identique ou approchante, mais de composition
très différente. De plus, avec le temps les dénominations
ont changé; ainsi par exemple on admet généralement
que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre
topaze, et que le saphir n'était qu'un lapis-lazuli, etc.
De là la difficulté de déterminer exactement l'espèce
de pierre comprise sous les noms qu'ils employaient. On
peut aboutir cependant à des déterminations certaines
ou du moins probables, en tenant compte des divers élé-
ments de solution suivants : l'étymologie des noms hé-
breux et la comparaison de ces noms avec les termes des
différentes langues sémitiques, ou avec la langue du pays
d'origine de ces gemmes; les différentes versions an-
ciennes comme les Septante, l'Itala et la Vulgate, la ver-
sion syriaque et les Targums, et les interprétations de
Josèphe ou des Rabbins; les qualités ou les usages que
les textes sacrés attribuent à ces pierres et leur groupe-
ment en séries disposées avec art, permettant de mieux
préciser les couleurs et les nuances; enfin les descrip-
tions des mêmes pierres dans les auteurs anciens, comme
Strabon, Diodore de Sicile, Théophraste, Pline l'ancien,
et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s'occupent
davantage du sens mystique et des propriétés occultes
des pierres précieuses.
Ces ressources ont été utilisées dans les articles con-
sacrés à chacune de ces pierres. Il reste ici à donner les
principaux groupements que l'on rencontre dans là
Sainte Écriture, et dont l'observation peut être utile à
la détermination de chacune des pierres ainsi artiste-
ment rangées.
Trois groupements principaux méritent de fixer l'at-
tention : les pierres du rational, Exod., xxvm, 17-20, et
xxxix, 10-13; les pierreries du roi de Tyr, Ezech., xxvm,
13; et les pierres des fondements de la Jérusalem céleste.
Apoc, xxi, 18. Et'il est à remarquer que les deux der-
niers groupements 'dépendent étroitement du premier.
1° Pierres du rational. — Les 12 pierres du pectoral
ou rational sont disposées 3 par 3 sur 4 rangées, et
placées selon le texte massorétique de la façon sui-
vante. Les rangées commencent de haut en bas, et les
pierres dans chaque rangée vont suivant la coutume
hébraïque de droite à gauche. Nous les disposons dans
le même ordre pour la comparaison qui sera faite plus
bas avec le texte de l'Apocalypse.
1 er rang : 3. Bâréqèt 2. Pitddh 1. 'Ôdém
2 e rang : 6. Yahâlôm 5. Sappîr 4. Nôfék
3 e rang : g. 'Ahlâmâh 8. Sebô 7. LéSéni
4 e rang^; 12. YaSféh il. Sôham 10. Tarsis
Les Septante dans Exod., xxvm, 17-20 et xxxix, 10-13,
les traduisent et les rangent ainsi :
3. a[tâpa-f5o; 2.. ToitâÇiov 1. erctpStov
(12) 6. foccraiç 5. a&Tzyeiçioi; 4. av6p«Ç
9. àfiiOuaioç 8. â/irci]; 7. lifvpiov
(11)12. ôvi^iav (6)11. firipûXXiov 10. -/puffdXiâoç
On peut remarquer que dans le manuscrit hébreu
qu'ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le
jaspe à la 12 e place, mais à la sixième, t. m, col. 1143.
Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transcrit
l'un pour l'autre deux noms qui ont une certaine res-
semblance dans le texte hébreu naroi et nbn>, les deux
mots commençant par un t, yod, et l'ensemble des
lettres ayant, surtout dans l'ancienne écriture, grande
analogie, ^^3^) yahâlom, et H^W^, yasfeh.
De même les copistes des Septante ont dû intervertir
l'ordre des deux dernières pierres, le Sôham à la
11 e place de l'hébreu étant l'onyx, qui se trouve dans
la leçon actuelle des Septante rejeté en 12 e lieu, t. iv,
col. 1824. Nous avons indiqué la correspondance avec
le texte hébreu massorétique par des chiffres entre
parenthèses. La Vulgate suit la traduction des Septante,
et, comme elle, place le jaspe eu 6 e lieu au lieu du 12*.
Mais cette version latine n'intervertit pas la 11» et la
12 e pierre.
3. Smaragdui, 2. Topazius 1. Sardius
(12) 6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbunculii-S
9. Amethystus 8. Achates] 7. Ligurius
(6) 12. Beryllus ,11. Onychinus 10. Chrysolithus
Nous trouvons dans Josèphe en deux passages de
ses ouvrages, Bell, jud., V, v, 7, et Ant. jud., III, vu,
423
PIERRE PRÉCIEUSE
424
5, l'énumération des pierres du rational. On voit qu'il
suit les Septante : il conserve les mots employés par
cette version pour rendre les termes hébreux, et l'ordre
des rangées ; mais il intervertit plusieurs fois la place
des pierres dans les rangées, sans doute parce qu'il
cite de mémoire. Et dans les deux passages indiqués,
sur ce dernier point, il ne s'arrête pas à la même dis-
position. Nous mettrons entre parenthèses le numéro
de la place des mêmes pierres dans le texte hébreu ac-
tuel.
1. accpSiov
4. ôfvOpa^
(8)1. àxâtYjç
(11)10. ovu$
1. <jap86vui;
4. avépai;
"I. XÊ-pjpoç
10. xP U0 ^'^°î
Dans Bell, jud., V, v, 7.
3. 17(1.3 pa-fSo; 2. T(5naÇo«
(5) 6. uàitiçsipoç (12) 5. ïaamç
(1) 9. iiY'iptov (9)8. àné&u<"o;
(10)12. xpu<rMi8oç (6)11. ^puUo;
DansÀnf. jud., III, vu, 5.
3. (7(iapafSo{ [2. tôitaÇos
. (5) 6. oœTtçsipo; (12) 5. ïa<7ni;
(8)9. àxoroiç (9)8. à;ji8u<rt<;
6(12). pTipuXXoc U. o'iii,
2° Pierres précieuses du roi de Tyr dans Ezéchiel,
xxvih^ 13.
1. 'Odém, 2. Pildâh, 3. Yakâlôm, 4. Tarsis, 5. $ô-
ham, 6. yâsfêh, T. sapph; 8. nôfék, 9. bâréqéj. Cette
énumération de 9 pierres se termine par vezâhâb, « et
de l'or. »
Les Septante ou bien lisaient un teste plus complet
et différent en plusieurs points; ou bien plus proba-
blement, leurs copistes ont ajouté trois pierres et
modifié l'ordre afin de se rapprocher de l'énumération
du rational. On lit en effet :
1. irâpSio;, 2. TOnâÇioç, 8. ffjiàpœfSoç, 4. avOpaE,
5. oaTcçsipoç, 6. faaiuç.
Après ces six premières pierres le texte ajoute ici
àpf lipioç xai xpuffoç, « l'argent et l'or, » et il reprend :
(7. Xifûptoi;, 8. àxàTïjç, 9. àneOuaToç, 10. "/P uo ''U t ( K'
11. [ÎTIplSXXtOÇ, 12. ÔVU)(10Ç.
C'est, on le voit, absolument la disposition des
Septante pour les 12 pierres du rational, tandis que
dans le texte hébreu d'Ézéchiel il n'y a que 9 pierres
et elles sont disposées dans un ordre différent des
pierres du rational, soit selon l'hébreu, soit selon la
version grecque. Les pierres du texte hébreu d'Ézé-
chiel répondent, dans ;la traduction des Septante ]de
la description du rational, aux numéros 1, 2, 11, 10,
12, 6, 5, 4, 3. Saint Jérôme sur ce passage d'Ézéchiel
avait remarqué la différence de l'hébreu et des Sep-
tante, et il ajoutait qu'Aquila, Symmaque etThéodotion
en cet endroit différaient totalement entre eux, et
avec les Septante, pour l'ordre, le nombre et même
les noms. La Vulgate comme l'hébreu n'énumère que
9 pierres et suitle même ordre, sauf qu'il y a interver-
sion entre le jaspe et le béryl. Le syriaque et le chal-
déen n'ont que huit pierres.
3» Les pierres de la Jérusalem céleste. — Nous trou-
vons déjà dans Tobie, xm, 16-17 (texte grec), un essai
de description de la Jérusalem céleste, où entrent les
pierres précieuses, mais moins développé que dans
l'Apocalypse. « Les murs de Jérusalem sont de saphir et
d'émeraude et de diverses pierres précieuses; les rues
sont pavées de béryl et d'escarboucle. » Dans l'Apoca-
lypse, xxi, 18-20, les pierres sont au nombre de 12 que
saint Jean rie range pas par séries, mais que nous
disposons en 4 rangées pour les comparer plus facile-
ment avec les pierres du rational. Nous Élisons pré-
céder chaque pierre d'un chiffre indiquant le numéro
d'ordre dans le texte de l'Apocalypse. Le chiffre placé
entre parenthèses indique la place correspondante
dans la traduction grecque de la description du ra-
tional.
(5)2. <râitçetpo5 (4)3. x a ^X e ^ v
(12) 5. «rapSôvuÇ (1) 6. (TapStov
(11)8. pàpuUo; (2)9. tonâÇio»
(7)11. uàxivôoi; (9)12. àui<h><ri:oç
(6)1. laaiciç
(3) 4. <T[jLâpay5o;
(10)7. xpotfôXtOo;
(8)10. xpwoitpatJtç
On peut remarquer que des manuscrits portent
-/apXï|8<ov au lieu de x a ^*s8civ ou ■^où.Tt.r l Sc!>v ; ce qui
donnerait, au lieu de la calcédoine, l'escarboucle et
répondrait alors exactement au nôfék du rational,traduit
av8pa? par les Septante, t. n, col. 56. La chrysoprase
de saint Jean n'est peut-être pas la chrysoprase mo-
derne et ne serait qu'une des variétés de l'agate, le Seba
du rational, t. n, col. 742. L'hyacinthe ne serait autre
chose que le ligure, léSem du rational, t. m, col. 789-
et t. iv, col. 254.
A l'exception du oapêôvu? et du ToirâÇiOT) qui devraient
échanger leur place, les pierres de l'Apocalypse con-
servent la disposition générale des 4 rangées du ra-
tional, tout en variant l'ordre des rangées et la dispo-
sition des pierres dans chaque rangée. Ainsi les
3 premières pierres de saint Jean sont les pierres de
la 2« rangée du rational selon le texte lu par les Sep-
tante, mais énumérées à rebours. Avec la transposition
indiquée tout à l'heure, la 2 e et la 3 e rangée de saint
Jean répondraient à la l r » et à la 4 e du rational. Les
trois dernières pierres de saint Jean sont les pierres de
la 3" rangée, dans un ordre ni semblable, ni inverse,
mais différent. En somme donc l'énumération de l'Apo-
calypse est visiblement inspirée du rational, sans en
être cependant la copie. Les 12 pierres du rational
représentaient pour les Hébreux tout ce qu'il y avait de
plus beau en pierreries. Aussi Ezéchiel s'eu inspire
pour joindre la richesse du roi de Tyr. Et saint Jean
qui ne pouvait manquer de voir et d'indiquer le carac-
tère typique de la loi ancienne à l'égard de la nouvelle
et d'Israël avec le peuple chrétien, signale ainsi le
rapport entre les 12 patriarches et les 12 tribus avec
les 12 Apôtres et le peuple nouveau. Apoc, xxi, 12, 14.
Les noms des 12 enfants de Jacob étaient, comme on
sait, gravés par ordre sur chacune des 12 pierres. On
croit généralement que cet ordre est celui de la nais-
sance. 1. Ruben, 2. Siméoh, 3. Lévi, 4. Juda, 5. Dan,
6. Nephthali, 7. Gad, 8. Aser, 9. Issachar, 10. Zabulon,
11. Joseph, 12. Benjamin, — Joseph qui donna nais-
sance aux deux tribus d'Éphraim et de Manassé, occu-
perait la onzième place, où se trouve l'onyx ou sardo-
nyx aux deux couleurs.
Avec les .divers moyens d'information indiqués plus
haut et la comparaison des pierres dans les différents
groupements qui tous dépendent du rational, on peut
établir le tableau suivant (fig. 83 A) :
3. Emeraude
(Vert pur)
6. Béryl ou
aigue-marine
(Vert bleuâtre)
9. Améthyste
(Violet pttr)
[12. Jaspe.
(Vert foncé)
2. Topaze des anciens
(Vert jaune)
5. Sapbir des anciens
Lapis-Lazuli
(Bleu ciel)
8. Agate ou
Chrysoprase
(Grisâtre clair)
11. Onyx ou variété
de Sardoine
(Blanc et rouge)
1. Sarde ou Cornaline
(Rouge-sang clair)
4. Escarboucle
ou Grenat syrien
(Rouge lie de vin)
7. Ligure ou hyacinthe
(Rouge orangé
foncé)
10. Chrysolylhe' des
anciens (notre topaze)
(Jaune d'or)
L'arrangement harmonieux des couleurs demande
que le béryl soit à la sixième place et non à la douzième.
Le jaspe fait moins bien,; placé sous l'émeraude, qu'à la
douzième place. La disposition donnée dans le texte
hébreu est donc plus heureuse que celle des Septante.
IV, Liste alphabétique des pierres précieuses de
la Bible. — En dehors des pierres du rational qui for-
ment comme l'écrin des plus belles pierres connues
des Hébreux, aux^temps anciens, il j a quelques gemmes
DICT. DE LA BIBLE
LETOUZEY & ANE EDIT.
I. PIERRES DU RATIONAL
EMERAI'DE
topaze (des Anciens)
SARDF.=CORNALINE
beryl = ai<;t -k-marine
J, APIS- I.AZ1I.I SAPHIR
RSCARBOI 'il
S-y
A.Minn 8TK
\c;\n:
1,1(11 HK HYACINTHE
.lAsi'K, ONTS :SARI)01NE 0HRY3OMTHE (des Anciens)
II. AUTRES PIERRES PRÉCIEUSES DE LA BIBLE
ÎJ
diamant -corindon i.impidk
corail
liriil- [di - '
i HBYSOPKASE
SAPHIR
TURQUOISE
PIERRES PRÉCIEUSES BIBLIQUES
Reproduction d'après nature, suivant les indications de M . MELLERIO dit MELLER.
425
PIERRE PRECIEUSE
426
mentionnées isolément,' comme le diamant et peut-être
le rubis, du moins les pierres entendues autrefois sous
ces noms. On peut ranger aussi parmi les pierres pré-
cieuses, bien que leur origine soit différente, le corail
et la perle (flg. 83 B).
Voici l'énumération alphabétique des unes et des
autres :
1. Agate (sebô, Septante : àx<i'»)Ç> Vulgate : achates),
la seconde pierre de la troisième série des pierres pré-
cieuses du rational, Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; Voir
t. i, col. 264. C'est la chrysoprase de Saint Jean.
Apoc.,xxi, 20, t. if, col. 742. Omise dans le texte hébreu
d'Ezéchiel, xxviii, 13; mais mentionnée dans la traduc-
tion des Septante.
2. Améthyste (hébreu : 'ahlàmâli, Septante : à[iEÔv<r-
toç; Vulgate : amethystus), la 3 me pierre du 3 m « rang
■dans le rational, Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; et la
12 8 pierre fondamentale de la nouvelle Jérusalem.
Apoc, xxi, 20. Omise dans le texte hébreu, mais rétablie
par la version des Septante dans Ezech., xxvm, 13.
Voir t. i, col. 478.
3. Béryl (hébreu : yahàlôm; Septante : BrjpuWoç;
Vulgate : beryllus), la 3 e pierre du second rang dans le
rational d'après le texte hébreu, Exod., xxvm, 19;
xxxix, 12, la 2 e du 4 e rang d'après le texte reçu des
Septante; et la 3 e du 4 8 rang dans la Vulgate. C'est la
3 e pierre dans Ézéchiel, xxvm, 13. Elle figure dans le
texte grec de Tobie, xm, 17, mais manque dans la Vul-
gate. Bans V apocalypse, xxi, 20, c'est la 8 e pierre fon-
damentale. Voir t. i, col. 1637.
4. Calcédoine (grec : xa^zcSciv et xaXx^Stov et d'après
quelques mss. xap^îiiv; Vulgate : chalcedonius). La
calcédoine est une variété d'agate; mais toute l'anti-
quité a souvent confondu le chalcedonius avec le char-
chedonius, l'escarboucle. Elle occupe la 3 e place parmi
les pierres de la Jérusalem céleste, Apoc, xxi, 19, et
ne serait autre que le nôfék ou av6pa$ du rational.
Exod., xxvm, 17. Voir t. h, col. 55.
5. Chrysolythe (hébreu : tarHS; Septante : yjiuab-
Xi6o;; Vulgate : chrysolythus), la dixième pierre du
rational, Exod., xxvm, 20; xxxix, 13; la 4 e dans l'énu-
mération d'Ezéchiel, xxvm, 13; la 7 e des pierres de la
Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 20. Dans Ezech., 16,
Cant., v, 4; Dan., x, 6, les traducteurs grecs gardent le
mot sans le traduire : 6apm«, 8ap<r£i;. La chrysolithe
des anciens serait notre topaze actuelle. Voir t. n,
col. 740.
6. Chrysoprase (grec: xpu^upairoç; Vulgate : chry-
sopraws), la dixième pierre de la Jérusalem céleste.
Apoc. , xxi, 20. Ce ne serait probablement pas la chry-
soprase moderne, mais une sorte ^d'agate et elle cor-
respondrait à la 8 e pierre du rational. Voir t. h, col. 742.
7. Corail (hébreu: ra'mof; Septante: ns-réwpa, poi|jto6;
Vulgate : excelsa, sericum), matière calcaire sécrétée par
certains polypes, le corail rouge, f Job, xxvm, 18;
Prov., xxiv, 7; Ezech., xxvii, 16. Voir t. h, col. 955.
8. Cornaline (hébreu : ôdem; Septante : dâpSiov;
Vulgate : sardius), pierre qui varie' du rouge sang foncé
au rouge chair, nuancé de jaunâtre, était confondue
avec la sardoine. C'est la l re pierre du rational;
Exod., xxvm, 17; xxxix, 10; la première des pierres du
roi de Tyr, Ezech., xxvin, 13; la sixième pierre de la
cité céleste, Apoc, xxi, 19. Voir. t. h, col. 1007.
9. Cristal (hébreu : gâbiS, Job, xxxm, 18, et qérah,
Ezech., i, 22, mots qui ont d'abord le sens de glace,
mais qui s'entendent aussi du cristal de roche, comme
le mot grec xpûcxaXXoc). Voir t. n, col. 1119.
10. Diamant (hébreu :$âmîr; Septante: à8a[juxvTÉvo;;
Vulgate : adamas, adamanttnus). Ezech., m, 9;
Zach., vn, 12; Jér., xvn, 1. Ce ne serait pas le vrai
diamant que les anciens ne savaient pas tailler et
polir; mais le yaqout blanc des arabes, appelé <j[uptç,
la pierre asmir des Égyptiens, c'est-à-dire une pierre
dure et brillante, le corindon limpide. Voir t. n,
col. 1403.
11. Émeraude (hébreu : bârèqét; Septante -r a\t.â-
payBoç; Vulgate : smaragdus), la 3" pierre du rational,
Exod., xxvni, 17; xxxix, 10, la9°pierre d'Ezéchiel, xxvm,
13; la 4 e pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19.
Elle figure parmi les pierres de la Jérusalem nouvelle de
Tobie., xm, 16 (Vulg. 21). Elle ornait le pavillon d'Holo-
pherne. Judith, x, 21 (Vulgate, 19). ;Le texte grec de l'Ec-
clésiastique, xxxii, 8, mentionne un cachet d'émeraude
enchâssé dans l'or; mais le texte hébreu récemment
découvert n'a pas le mot émeraude ni l'indication d'une
pierre particulière pour le cachet. Voir. t. n, col. 1729,
12. Escarboucle (hébreu : nôfék; Septante: av9p«5;
Vulgate : carbunculus), la l re pierre du second rang
dans le rational; Exod., xxvm, 18; xxx, 11; la8 8 pierre
du roi de Tyr, Ezech., xxvm, 13; une pierre qu'on
apportait à Tyr, Ezech., xxvii, 16 ; peut-être la
3» pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19.
L'Ecclésiastique, xxxii, 7, parle de joyau fait d'une
escarboucle enchâssée dans l'or; et dans le texte hébreu
retrouvé on constate en effet le mot nôfék (xxxn, 5).
Voir t. il, col. 1907.
13. Hyacinthe (Apocalypse : uixivSoc; Vulgate : Hya~
cinthus), la onzième pierre de la cité céleste. Apoc, xxi,
20. Elle paraît n'être autre chose que le ligure, lésem,
la 7 e pierre du rational. Voir t. m, col. 787.
14. Jaspe (hébreu : yaSfeh; laann; Vulgate ; jaspis),
la 12e pierre du rational selon le texte massorétique, la
6 e selon la version grecque et la Vulgate, Exod., xxvm,
20; xxxix, 13; la 6 e pierre d'Ezéchiel, xxvm, 13; la
l re pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. Voir
t. m, col. 1142.
15. Ligure (hébreu : lésém; Septante : Xtyvpiov;
Vulgate : Ugurius). la l rB pierre du 3 e rang dans le
rational. Exod., xxvm, 19; xxxix, 12. Ce serait la
pierre hyacinthe de l'Apocalypse, xxi, 20, d'après saint
Épiphane et de nombreux exégètes. Elle manque dans
l'énumération d'Ezéchiel, xxvm, 13, d'après le texte
hébreu, mais figure dans la traduction grecque. Voir
t. IV; col. 254.
16. Onyx (hébreu : Sôham; Septante : ôvûxiov;
Vulgate : onychinus) la 11 e pierre du rational, Exod.,
xxvm, 20 ; xxxix, 13, mise au 12 e rang par les Sep-
tante. C'est la 5 e pierre de l'énumération d'Ezéchiel,
xxvm. 13, d'après l'hébreu, rejetée la 12 e dans la tra-
duction grecque. C'est le sardonyx de l'Apoc, xxi, 19.
Voir t. iv, col. 1823.
17. Perle (grec : (japYapmi; Vulgate : margarita),
substance brillante qui se forme dans l'intérieur de
certaines coquilles marines. Voir t. v, col. 144. — Sur
les peninim que les uns regardent comme du corail,
d'autres comme des perles, voir t. n, col. 957.
18. Rubis. Quelques auteurs voient dans le kadkod
d'Is., liv, 12, et d'Ezéchiel, xxvii, 16, une pierre rouge
éclatante qu'ils identifient avec le rubis. Pour d'autres
c'est le 'éqdâb,, pierre étincelante, Is., liv, 12, qui serait
le rubis. Voir Rubis.
19. Saphir (hébreu: sappîr; Septante : <rârfç£ipov;
Vulgate : sapphirus), la 5 e pierre du rational, Exod.,
xxxm, 19; xxxix, 13; la 7 e pierre d'Ezéchiel, xxvm,
14, selon l'hébreu',; placée la 5 e dans le grec. La 2 e pierre
fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. On sait
que le saphir des anciens est plutôt le lapis-lazuli.
Quelques auteurs croient que la turquoise serait dési-
gnée par ce nom.
20. Sardoine (hébreu: 'ôdêm; Septante : mipSiov;
Vulgate : sardius), la première pierre du rational,
Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; la première des pierres
précieuses du roi de Tyr, Ézech., xxvm, 13; la sixième
pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19.
21. Topaze (hébreu : pitddh; Septante : TomiÇiov,
Vulgate : topazius), la seconde pierre du rational, Exod.,
427
PIERRE PRÉCIEUSE — PIETON
428
xxvm, 17; xxxix, 19; Ja seconde aussi de l'énumération
d'Ézéchiel, xxvm, 13; la 9 e pierre fondamenlale de la
nouvelle Jérusalem. Apoc, xxi, 20. Ce n'est pas la
belle pierre 'jaune d'or que nous nommons aujour-
d'hui topaze et que les anciens appelaient chrysolithe.
C'est une pierre d'Ethiopie, Job, xxvm, 19, qui pourrait
n'être qu'un péridot, ou une pierre vert olive, ou vert
jaune. Voir Topaze.
V. Comparaisons. — Les pierres précieuses en géné-
ral, ou telle pierre déterminée, servent de terme de
comparaison pour marquer une chose de grand prix.
Ainsi l'attente de celui qui espère est une pierre pré-
cieuse. Prov., xvu, 8. Les lèvres savantes ont plus de
valeur que les pierres précieuses. Prov., xxii, 5. La
sagesse est supérieure à la topaze d'Ethiopie. Job., xxvm,
19. — Dans Ps. cxix, 127, où le Psalmiste aime la loi de
Dieu plus que l'or fin, pâz, les Septante et la Vulgate
ont vu à tort une pierre précieuse, la topaze.
VI. Bibliographie. — Théophraste, De lapidibus;
Pline, U. N., xxxvn; S. Épiphane, De duodecim gem-
mis (t. xliii, col. 294-304) et son ancienne version
latine (loc. cit., col. 322-366); S. Isidore, Etymolog.,
xvi, 6-15, De lapidibus, t. lxxxii, col. 570-580 ; J.Braunius,
Vestitus Sacerdotum hebreeorum, in-8°, Leyde, 1680,
1. II, c. viii-xix, p. 627-745; E. Fr. R. Rosenmullcr,
Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leip-
zig, t. iv, I re partie; G. B. Winer, Biblisches Realwôr-
terbuch, in-8°, Leipzig, 1847, 1. 1, p. 281-284, Edelsteine;
Ch. William King, Antique Gems, in-8°, Londres, 1860;
2 e édit., 2 in-8°, 1872; The natural history of gems or
décorative stones, in-12, Londres, 1867; 2 e édit., 1870;
de Saulcy, dans la Revue archéologique, août 1869,
p. 91; Ch. de Linas, Les origines de l'orfèvrerie cloison-
née, 3 in-8», Paris, 1877, 1878, 1887; Clément Mullet,
Essai sur la minéralogie arabe, extrait du Journal
asiatique, 1868; E. Jannetaz et E. Fontenay, Diamant
et pierres précieuses, in-8», Paris, 1881 ; Ch. Barbot et
Baye, Guide pratique du joaillier, in-8, Paris, s. de-
dans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités
grecques et romaines, t. ir, 2« partie, in-4°, 1896, article
Gemmai par E. Babelon, p. 1460-1488 ; dans Hastings,
Dictionary of the Bible, t. iv, in-4°, 1902, p. 619-621,
article Precious Stones de W. M. Flinders-Petrie. —
On peut consulter aussi les divers lapidaires et les au-
tres ouvrages cités aux articles spéciaux sur chaque
espèce de pierres précieuses. E. Levesque.
PIERRERIES,'pierres précieuses. Voir Pierres pré-
cieuses.
PIÉTÉ (grec : eùoigEia; Vulgate : pietas), applica-
tion de toute sa volonté et de tout son cœur au service
de Dieu. — 1. Dans l'Ancien Testament, l'idée de piété
est représentée par les mots héséd, « zèle, dévoue-
ment » envers Dieu, Eccli., xlix, 4, d'où les noms de
'anSê héséd, « hommes de piété », et hâsîdîm, donnés
aux hommes pieux, Is., lvii, 1; îrd'h, « crainte »,
voir Crainte de Dieu, t. u, col. 1099; sédéq, « justice ».
Voir Justice, t. m, col. 1875. Dans Isaïe, xi, 2, 3, il
est dit que sur le rameau de Jessé reposera
L'esprit de science et de crainte de Jéhovah,
Et il respirera dans la crainte de Jéhovah.
Dans les deux vers, le même mot îr'âh est employé;
il s'agit donc, de part et d'autre, de la même crainte de
Dieu, c'est-à-dire de la religion envers lui. Les versions,
pour ne pas répéter deux fois le même mot, l'ont tra-
duit une première fois par eitréêeta, pietas, et la se-
conde par ipdëoç, timor, « crainte ». Les deux mots
ont ici exactement le même sens, comme le montre la
double traduction grecque d'un même verset des Pro-
verbes, i, 7, par les Septante qui y rendent successive-
ment îr'af Yehovâh parçôgo; Kupi'ov et par eùséësia
eîç ©siv. La piété et la crainte de Dieu ne sont donc,
dans le passage d'Isaïe, qu'une seule et mêmp chose.
Cf. Touzard, lsaïe, xi, 2-3, et les sept dons du Saint-
Esprit, dans la Revue bibUque, 1899, p. 249-252.
Après la restauration messianique, Jérusalem sera ap-
pelée « Splendeur de la piété ». Bar., v, 4. Les auteurs
sacrés célèbrent la piété de Josias, Eccli., xlix, 4,
et celle d'Onias III. II Mach., m, 1. Les premiers an-
cêtres d'Israël n'ont pas laissé faiblir fiqôfam, « leurs
obéissances » ou « leurs espérances », SiKaiotrûvat,
« leurs justices », pietates, « leurs témoignages de
piété ». Eccli., xltv, 10. Une récompense est réservée
à ceux qui s'endorment dans la piété, c'est-à-dire dans
la fidélité au service de Dieu. II Mach., xn, 45.
2° Dans le Nouveau Testament, la piété ne se con-
fond plus simplement avec la crainte de Dieu ou la
religion en général; elle suppose quelque chose de plus
généreux et de plus affectueux dans le service de Dieu,
en réponse à la bonté et à l'amour du Sauveur pour
les hommes, Tit., m, 4, et comme effet de la grâce
plus puissante de la Loi nouvelle. Car l'incarnation est
« un grand mystère de piété », c'est-à-dire de l'amour
de Dieu envers l'homme, provoquant l'amour de
l'homme envers Dieu. I Tim., m, 16. Une c doctrine
conforme à la piété » est celle qui s'inspire des grands
mystères de la foi. I Tim., vi, 3. Les chrétiens doivent
vivre « en toute piété et honnêteté », par conséquent
fidèles à tous les devoirs de la vie surnaturelle et à ceux
delà vie naturelle. I Tim., ri, 2. Les femmes chré-
tiennes font profession de piété, 6sooiê£!a, pietas, au
moyen des bonnes œuvres. I Tim., n, 10. Saint Paul
recommande vivement â son disciple de s'exercer à
la piété, comme à quelque chose qui peut et doit
toujours grandir. I Tim., IV, 7. Il veut qu'il recherche
« la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la
douceur. » I Tim,, VI, 11, La piété est donc d'un degré
supérieur à la justice. « Elle est utile à tout : elle a
des promesses pour la vie présente et pour la vie à
venir, » par conséquent est profitable même à la vie
du temps, loin de lui nuire. I Tim., iv, 8. « C'est une
grande richesse que la piété contente du nécessaire »
et ne s'embarrassant pas des biens inutiles de ce
monde. I Tim., vi, 6. U y a des hommes' vicieux,
« ayant les dehors de la piété sans en avoir la réalité. »
II Tim., m, 5. « Ils ne voient dans la piété qu'un
moyen de lucre, » parce qu'eux-mêmes sont privés de
la vérité, I Tim., vi, 5, et que c'est « la vérité qui
conduit à la piété ». Tit., i, 1. La vraie foi est donc
seule la source de la piété sincère. La grâce enseigne
à renoncer à l'impiété et aux convoitises mondaines,
pour vivre dans le siècle présent avec tempérance,
justice et piété. Tit., n, 12. Mais le monde ne s'accom-
mode pas de la piété, et « tous ceux qui veulent vivre
avec piété dans le Christ Jésus, auront à souffrir persé-
cution. » II Tim., m, 12. — Saint Pierre veut aussi
qu'à leur foi les chrétiens ajoutent la vertu, le discer-
nement, la tempérance, la patience, la piété, l'amour
fraternel, la charité, autant de dons qui viennent de
Dieu. II Pet., i, 3, 6, 7. Ils doivent veiller à la sainteté
de leur conduite et à leur piété, en attendant le jour
du Seigneur, II Pet., m, 11, qui « sait délivrer de
l'épreuve les hommes pieux ». II Pet., n, 9.
H. Lesètre.
PIÉTON (hébreu : ragli; Septante : neÇd;; Vulgate :
pedes), homme de pied. Ce terme ne s'emploie que
dans les dénombrements de troupes, Exod., xn, 37;
Num., xi, 21; Jud., xx, 2; I Reg., iv, 10; xv, 4;
II Reg., x, 6; III Reg., xx, 29, et l'on oppose le piéton
au cavalier ou au soldat monté sur un char. IV Reg.,
xiii, 7; I Par., xvm, 4; xix, 18. On lit dans Jêrémie,
xn, 5 : « Si lu cours avec des piétons et qu'ils te
fatiguent, pourras-tu lutter avec des cavaliers? » Le
prophète s'applique à lui-même cette remarque : il est
429
PIÉTON — PILATE (PONCE)
430
haï et persécuté par ses propres concitoyens; comment
pourra-t-il tenir devant des ennemis plus forts, les
étrangers? H. Lesétre.
PIGEON (Vulgate : columba). Voir Colombe, t. w,
col. 846.
PILA, « mortier ». La Vulgate, Soph., i, 11, a
traduit par Pila le nom propre hébreu Maktés, loca-
lité des environs de Jérusalem ou quartier de cette ville.
Voir Macthesch, t. rv, col. 531.
1. PILATE (PONCE) (grec : IldvTio; lifta™;), pro-
curateur romain de la Judée au temps de Jésus-Christ,
Indépendamment des récits évangéliques relatifs à la
passion de Notre-Seigneur, Matth., xxvn, Marc, xv,
Luc, xxiii, Joa., xvm-xix, il est nommé plusieurs fois
dans le Nouveau Testament : Luc, m, 1, pour fixer
l'époque à laquelle saint Jean-Baptiste inaugura son
ministère; Luc, xm, 1, à propos d'un acte particulière-
ment cruel de son gouvernement, Act., m, 13; IV, 27;
xm, 28, et I Tim., vr, 13, comme responsable de
la mort du Sauveur. Parmi les auteurs classiques,
Tacite est seul à le mentionner. Ann., xv, 44. Philon
et Joséphe parlent souvent de lui, le premier dans sa
Legatio ad Caium, xxxviii, le second dans ses Anti-
quités et dans le Bellum judaicum. Voir plus bas,
col. 430 et 431.
1» Son nom et son origine. — Son nom complet,
qui n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Tes-
tament, Luc, m, 1, est Pontius Piîatus. Il est possible
qu'il ait appartenu, soit par son ascendance propre-
ment dite, soit par adoption, à la gens Ponlia, d'origine
samnite et célèbre dès le début de l'histoire romaine.
Voir le P. Ollivier, Ponce Pilate et les Pontii, dans la
Revue biblique internationale, t. v, Paris, 1896, p. 247.
254, 594-600. Pilatus n'était qu'un surnom, un cogno-
men, dont il est difficile d'expliquer la provenance.
C'est à tort qu'on l'a rattaché parfois à pileus, bonnet
de laine dont on coiffait les esclaves lorsqu'on les
affranchissait; en effet, dans ce cas, on eût dit pileatus.
La véritable étymologie semble être plutôt pilum ou
pila, « javelot, » de sorte que pilatus signifierait :
« armé du javelot. » Cf. Virgile, &n., xn, 121-122.
D'après sa fonction, Pilate devait appartenir à l'ordre
des chevaliers romains.
2° Son titre et la durée de son administration. —
Pilate porte, dans le texte grec de saint Matth., xxvu,
2, 11, 14, etc., et de saint Luc, xx, 20, comme aussi
dans Josèphe, Ant., XVIII, m, 1, le titre moins exact de
f.yeiKûv. Cf. Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, 1, 10; xxvi, 30.
En latin, son titre officiel était, non pas prœses, comme
nous lisons habituellement dans la Vulgate aux pas-
sages qui s'occupent de lui et d'autres gouverneurs de
la Judée, mais procurator, dont l'équivalent grec était
éitiTpoTtoç. Voir Tacite, Ann., xv, 44; Philon, Légat, ad
Caium, xxxviii; Josèphe, Bell, jud., II, ix, 2. Avant lui
à partir de la déposition d'Archélaûs, par Auguste, l'an 6
de notre ère, quatre procurateurs s'étaient succédé en
Judée et en Samarie, — car leur juridiction s'étendait
aussi à cette seconde province. C'étaient : Coponius
(6-9 après J.-C), Marcus Ambivius (9-12), Annius Rufus
(12-15), Valerius Gratus (15-26). 11 fut donc le cinquième,
et il exerça ses fonctions entre les années 26 et 36 de
l'ère chrétienne; par conséquent pendant dix ans,
comme le dit Josèphe en termes exprès, Ant. jud.,
XVIII, iv, 2. 11 entra en fonction la douzième année de
Tibère, Eusèbe, H. E., i, 9, t. xx, col. 107, laquelle
correspond, non pas à l'an 27 après J.-C, comme on l'a
dit parfois, mais à l'an 26. Cf. Ewald, Geschichte Christi
und seiner Zeit, in-8», 2 e édit., Gœttingue, 1857, p. 36;
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, in-8°, 1. 1, Zurich,
1867; E. Schûrer, Geschichte des pidischen Volkes,in-8<>,
4 e édit., Leipzig, 1904, p. 487; pour l'an 2 7, J. Belser
Geschichte des Leidens und Sterbens des Herrn, in-8",
Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 332. Le gouvernement de
Pilate eut donc, comme celui de Valerius Gratus, une
assez longue durée, et c'est uniquement sous le règne
de Tibère qu'il fut exercé. Or, Tacite, Ann., i, 80; iv,
6, et Josèphe, Ant. jud., XVIII, VI, 5, font remarquer
que, par principe, ce monarque laissait longtemps ses
magistrats en fonction dans les provinces.
3° Caractère général et quelques épisodes de son
administration. — Ce qu'en racontent les auteurs sa-
crés et profanes montre, d'un côté, à quel point était
pénible et difficile, à cette époque, la tâche d'un gou-
verneur de Judée, et, d'un autre côté, combien Pilate
fit peu d'eflorts pour rendre son administration conci-
liante à l'égard des Juifs. La lettre d' Agrippa à Caligula,
citée par Philon dans sa Legatio ad Caium, xxxviii,
trace de lui un portrait peu flatteur, dans lequel il y a
certainement quelque exagération, puisqu'il provient
d'un ennemi juré, mais dont l'histoire ne constate que
trop bien l'exactitude générale. Cette lettre dit de lui
qu'il était « inflexible de caractère et dur avec arro-
gance ». Elle lui reproche ;< la corruption, les vio-
lences, la rapine, les mauvais traitements, les vexations,
de perpétuelles exécutions sans jugement préalable, des
cruautés sans nombre et insupportables ». Détestant
les Juifs et ne comprenant rien à leur tempérament ni
à leurs sentiments religieux, il prétendit les gouverner
d'après sa propre volonté, et les faire fléchir en tout et
malgré tout. Mais, aussi faible et irrésolu par moments
qu'il était d'ordinaire intraitable, il contribuait lui-
même à amoindrir son autorité; aussi £ut-ii vaincu à
plusieurs reprises par ceux dont il croyait pouvoir aisé-
ment triompher, et il finit même par être tout à fait
brisé par eux. Son opiniâtreté et sa maladresse occa-
sionnèrent plus d'une fois des mouvements de rébel-
lion, qu'il dut ensuite étouffer dans le sang.
Dès les premiers mois qui suivirent son installation,
il froissa jusqu'au vif les habitants de Jérusalem, et
tous les Juifs de Judée par là même. Ses prédécesseurs,
fidèles à la politique d'après laquelle Rome accordait
habituellement une grande liberté aux provinces con-
quises, lorsqu'il ne s'agissait que de leurs affaires in-
térieures, s'étaient montrés fort accommodants sur
certains points qui touchaient aux idées religieuses des
Juifs. C'est ainsi qu'ils avaient fait enlever, sur les éten-
dards du détachement militaire qui tenait garnison à
Jérusalem, toutes les images et effigies qui présen-
taient un caractère idolàtrique. Pilate, au contraire,
voulut que les soldats envoyés par lui dans la ville
sainte y entrassent avec leurs enseignes munies de
tous leurs emblèmes, Il ne prit d'autre précaution que
de faire pénétrer hommes et drapeaux pendant la nuit.
La colère des Juifs fut grande, lorsqu'ils s'aperçurent,
le lendemain matin, de l'outrage qui leur avait été fait.
En nombre considérable ils se rendirent à Césarée, où
le procurateur avait sa résidence ordinaire, et, pendant
cinq jours, ils protestèrent avec une telle énergie, que
Pilate, qui avait d'abord pris le parti de les faire mas-
sacrer, dut céder, en voyant qu'ils étaient prêts à
mourir tous, plutôt que de supporter cet affront. Cf.
Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 1-2 ; Bell, jud., II, ix,
2-4. — Plus tard, malgré cette leçon humiliante, H
commit une faute toute semblable, en faisant suspendre
dans le palais qui lui servait d'habitation lorsqu'il sé-
journait à Jérusalem, des boucliers d'or dédiés à Tibère
et munis aussi d'inscriptions ou de symboles idolâ-
triques. Une insurrection faillit éclater. Averti par les
Juifs, l'empereur ordonna lui-même d'enlever au plus
tôt la cause du désordre. Voir Philon, Légat, ad
Caium, xxxviii, édit. Mangey, t. n, p. 590; Eusèbe
H. E., ii, 6, t. xx, col. 154. — Plus tard encore, Pilate
se permit de puiser dans le trésor sacré du temple de
m
P1LATE (PONCE)
432
Jérusalem, sous prétexte de se procurer ainsi les fonds
-nécessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui
amènerait dans la capitale l'eau des réservoirs de Sa-
lomon, situés à environ 15 kilomètres au sud-ouest de
Bethléhem. Des troubles violents s'ensuivirent et le
sang coula encore abondamment. Cf. Josèphe, Ant.
jud., XVIII, m, 2; Bell, jud., II, ix, 4; Eusèbe, H. E.,
II, vi, 6-7, t. xx, col. 114; E. Schûrer, Geschichte des
iûd. Volkes,¥ édit, t-. i, p. 490-491.
Saint Luc, xm, 1, signale brièvement un épisode
également tragique de l'administration de Pilate : « Il
y avait là (près de Jésus, à certain jour de sa vie pu-
blique) quelques hommes qui lui annoncèrent ce qui
était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang
avec celui de leurs sacrifices. » Nous ne connaissons
cet incident que par le récit du troisième Évangile ; mais
il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle
de Pilate, comme aussi avec le caractère belliqueux
des Galiléens, qu'on était sûr de trouver parmi les
Zélotes les plus exaltés, les plus remuants. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XVIII, ix, 3, etc. Il s'agit sans doute d'une
tentative de révolte, qui fut aussitôt réprimée par le
gouverneur avec une implacable sévérité. Les rebelles
furent assaillis par les soldats de Pilate et égorgés dans
les parvis mêmes du temple, au moment où les prêtres
immolaient les animaux que ces malheureux offraient
en sacrifice, de sorte que leur propre sang se mêla à
celui de leurs victimes.
4° Son rôle dans la passion du Sauveur est fort bien
résumé dans ces mots de Tacite, Ann., xv, 44 : Christus,
Tiberio imperitanle, per procuratorem Ponliurn Pi-
latum supplicio adfectus fuerat. Malgré la parole si
miséricordieuse et si délicate de la divine victime :
« Celui qui m'a livré à toi commet un plus grand
péché, » Joa., xix, 11, Pilate demeure à tout jamais
couvert d'infamie par l'attitude lâche, égoïste, inique
qu'il prit à l'égard de Jésus-Christ, en n'osant pas ré-
sister jusqu'au bout au fanatisme cruel des Juifs. Tou-
tefois, dans le Credo, les mots Passus sub Pontio
Pilato ont été insérés, moins pour mettre en relief
l'odieuse injustice du procurateur, que pour fixer la date
officielle de ,1a mort de Jésus-Christ, et ponr montrer,
par là-même, que le christianisme repose sur une base
historique certaine. Cf. S. Augustin, De fide et sym-
bolo, c. v, t. xl, col. 187.
Les membres du Sanhédrin, privés par Rome du jus
gladii, et n'ayant pas le droit d'exécuter la sentence de
mort qu'ils avaient portée contre Jésus, conduisirent
Notre-Seigneur au prétoire, pour obtenir du procura-
teur la ratification de leur jugement. C'est donc devant
le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du
procès du Sauveur, celle qu'on nomme le procès civil,
par opposition au procès ecclésiastique, qui avait eu
lieu chez Caïphe. Pilate se trouvait alors à Jérusalem, à
- l'occasion de la fête de la Pàque, selon la coutume des
gouverneurs romains, pour prévenir par sa présence,
et au besoin pour châtier aussitôt le moindre mouve-
ment insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance
solennelle, assez brièvement esquissée par saint Mat-
thieu,- xxvn, 1-25, et par saint Marc, xv, 1-15, est dé-
crite d'une manière plus complète, au point de vue
psychologique, soit par saint Luc, xxm, 1-25, soit sur-
tout par saint Jean, xviii, 28-xix, 16, dont l'admirable
analyse jette de vives clartés sur les narrations des
synoptiques. Voir J. Belser, Geschichte des Leidens
des Herrn, p, 337-338; L.-CI. Fïllion, Évangile selon
saint Luc, introd. critique et commentaires, Paris,
1882, p. 381-388; Évangile selon saint Jean, introd.
critiq. et commentaires, Paris, 1887, p. 335-349. Le
quatrième Évangile nous rend vraiment témoins île ce
drame auguste et douloureux, partageant le récit en
petites scènes très vivantes, qui nous font contempler
Pilate, tantôt faisant l'in.terrogatoire de Jésus dans
l'intérieur du prétoire, tantôt discutant avec les Juifs,
qui étaient demeurés en dehors. Les réflexions de l'évan-
géliste et eelles du gouverneur nous permettent de lire
jusqu'au fond de l'âme de ce dernier.
Le procurateur ne pouvait guère ne pas connaître,
au moins de nom et depuis quelque temps, Jésus-Christ,
qui avait excité \me si vive émotion dans Jérusalem
durant les derniers jours. Quoi qu'il en soit, les évan-
gélistes sont unanimes à affirmerque, malgré la gravité
des crimes reprochés à l'accusé par les princes des
prêtres, Pilate fut promptement convaincu de sa par-
faite innocence. Dès le premier instant, il avait percé
à jour la futilité de leurs accusations, et reconnu qu'ils
le lui avaient livré « par jalousie », par haine. Cf.
Matth., xxvn, 18; Marc, xv, 10. Aussi refusa-t-il long-
temps d'acquiescer à leur demande, dont l'injustice
était flagrante. Cf. Matth., xxvn, 23-24; Luc, xxm, 4,
14, 22; Joa., xvut, 38; xix, 4, 6. Le récit sacré nous le
présente même comme prenant un grand intérêt à
Jésus, d'abord à cause de son majestueux silence,
Matth., xxvn, 14; Marc, xv, 4-5, puis à cause de ses
graves et sublimes réponses, Luc, xxm, 3; Joa., xvin,
33-38; xxix, 9-11. De là ses efforts multipliés pour le
sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son
innocence (voir ci-dessus); il le renvoie à Hérode,qui,
lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc, xxm,
6-15; il propose de le faire flageller, pour apitoyer le
peuple, Luc, xxm, 16; il essaie d'user du droit de
grâce en sa faveur, Matth., xxvn, 15-23 ; Marc, xv,6-15;
Luc, xxnr, 17-25; Joa., xvra, 39-40; il le montre à la
foule, couronné d'épines et tout ensanglanté, Joa., xix,
4-5; enfin, il dégage sa responsabilité par un acte sym-
bolique. Matth., xxvn, 24.
Les Évangélistes mettent ainsi à nu sa conscience
impressionnée, qu'ébranlait, mais trop superficielle-
ment, le désir d'arracher à la mort ce juste, qui ne
ressemblait à aucun des accusés conduits jusque-là
devant son tribunal. Son âme superstitieuse, quoique
incrédule, fut tout particulièrement frappée, lorsqu'il
entendit les Juifs reprocher à Jésus de s'être fait Fils
de Dieu. Joa., xix,7. Il craignait que Notre-Seigneur ne
fût quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, aux
représailles duquel il redoutait de s'exposer. Aussi
s'empressa-t-il de le questionner sur son origine : Vnde
es tu? La réponse de Jésus le rassura. Cf, Joa., xix,
9-12.
Finalement il céda, « pour donner satisfaction au
peuple, » Marc, xv, 15; « il livra (Jésus) à leur volonté, »
Luc, xxm, 24, surtout lorsque les Juifs l'eurent me-
nacé très ouvertement de la disgrâce de César. Joa.,
xix, 12. Il monta donc sur son tribunal et proclama la
sentence du Sauveur. Joa.,xix, 15. Il avait mis à profit
les rudes leçons que lui avaient données les Juifs. Pour
ce magistrat égoïste, sans principes moraux, guidé
seulement par les considérations mondaines et poli-
tiques, qu'étaient les droits les plus sacrés 'd'un inno-
cent, dès lors que son intérêt personnel était en jeu?
La conservation de son emploi si lucratif et si hono-
rable l'emportait sur tout le reste. C'est ainsi que, mal-
gré sa vaine protestation, il prit une très grande part
au crime le plus affreux qu'aient jamais enregistré les
annales de l'histoire. Les Constitutions apostoliques, v,
14, t. I, col. 877, lui reprochent à bon droit sa lâcheté
(îvavSpîa). Quant à la question célèbre qu'il adressa au
Sauveur. « Qu'est-ce que la vérité? » Joa., xvm, 38,
c'était simplement la parole d'un dilettante, d'un scep-
tique, qui regardait la vérité comme une chose indiffé-
rente et comme un mot sans portée. Aussi n'attendit-il
même pas la réponse de Jésus. — Semblable à lui-même
jusqu'au bout, après avoir été battu, celte fois encore,
par les Juifs, il les traita avec dédain, en refusant opi-
niâtrement de modifier l'inscription qu'il avait fait
placer au-dessus de la Jcroix, Joa., xix, 19-22,' [et en
433
PILATE (PONCE) — PILATE (FEMME DE)
434
permettant à Joseph d'Arimathie de donner au- corps
sacré de Notre-Seigneur une sépulture honorable. Cf.
Luc, xx.ni, 50-52; Joa., xix, 38.
5° Sa révocation et sa mort. — Un dernier acte de
cruauté, dont Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous
a conservé les détails, ne tarda pas à renverser les
calculs de cet homme politique et à amener sa chute.
Un certain nombre de Samaritains, séduits par un im-
posteur, s'étant mis à faire des fouilles sur le mont
Garizim, près de Sichem, dans l'espoir d'y trouver des
vases sacrés que Moïse y aurait cachés avant sa mort,
le gouverneur les fit massacrersans pitié. Leurs parents
et amis, exaspérés, allèrent se plaindre à Vitellius, qui
était alors légat de Syrie. Celui-ci, voyant que Pilate
était devenu insupportable à ses administrés, l'envoya
à Rome pour qu'il essayât de se justifier devant l'empe-
reur; mais il n'arriva qu'après la mort de Tibère.
Les derniers faits de sa vie sont enveloppés d'ombre
et de mystère; du reste, ils furent de bonne heure
défigurés par la légende. On ignore même en quel lieu
et de quelle manière il mourut. Suivant Eusèbe, H. E.,
II, vu, t. xx, col. 155, et Chronicon, 1™ année de Caïus,
t. xix, col. 538, il aurait été banni à Vienne dans les
Gaules, où, accablé par l'infortune, il aurait péri de sa
propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. xcn,
col. 557-559, et Orose, Hist., vu, 5, t. xxxi, col. 1071.
On voit encore dans cette ville un monument de forme
singulière, une pyramide sur une base carrée, qu'on
nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n'a rien
pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une
montagne voisine de la ville de Saint-Étienne, se rat-
tache sans doute aussi à ce souvenir. D'après l'histo-
rien grec Malalas, Ghronographia, x, t. xcvn, col. 390,
Pilate aurait été décapité par Néron. Comp. Jean d'An-
tioche, dans Mûller, Fragmenta hisloricorum grseco-
rum, t. IV, p. 574, édit. Didot, et Suidas, au motNépwv.
Il semble du moins probable qu'en toute hypothèse il
mourut de mort violente. Voir E. Schûrer, Geschichte
des jùd. Volkes, 4 e édit., t. i, p. 493-494, On trouve de
curieux détails sur ses derniers moments dans le traité
apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius, Apocryph., t. m,
p. 505; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832,
t. i, p. 796-798; Tischendorf, Evangelia apocrypha,
\" édit., 1851, p. 432-435; 2« édit., 1876, p. 456-458.
Plus tard, la légende continua à se développer. Jeté à
Borne dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occa-
sionné des tempêtes et des inondations. Dans le Rhône,
où on l'emporta ensuite, les mêmes phénomènes terri-
bles se reproduisirent. Enfin, on le précipita dans un
petit lac, situé près de Lucerne, au sommet du mont
Pilate, dont le nom viendrait précisément de cel épi-
sode. Ou bien, après avoir erré au loin, poursuivi par
le remords, l'ancien procurateur serait allé de lui-même
cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et
aurait fini par se noyer de désespoir dans le lac qu'on
y voit encore. Cf. A. Lùtolf, Sagen, Branche und Le-
genden an den fûnf Orten, Lucerne, 1865; Creizenach,
Pilatus-Legenden, 1894; James, Apocrypha anecdota,
dans les Texts and Studies, édités par Robinson, t. v,
fasc. i, 1897, p. xlv-l, 65-81.
Fait surprenant : cette triste figure a excité de bonne
heure une certaine sympathie. Il est vrai que c'était à
une époque où l'on aimait à disculper Pilate et les Ro-
mains, pour aggraver le crime des Juifs déicides. Comp.
VEvangel. Pétri, dans E. Preuschen, Antilegomena,
die Reste der ausserkcmonisc/ien Evangelien, Giessen,
1901, in-12, p. 13-18. C'est ainsi que, d'après la Para-
dosis Pilati, le gouverneur, condamné â mort par
Tibère et sur le point d'être exécuté, conjure Notre-
Seigneur de ne pas permettre qu'il soit châtié avec
les Juifs, et allègue son ignorance pour excuser en
partie sa conduite. Une voix lui répond du ciel, et
l'assure que toutes les générations le proclameront
bienheureux, et qu'il sera un témoin du Christ lors de
son second avènement, pour juger avec lui les douze
tribus d'Israël. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426-
431. Les Abyssins vont même jusqu'à l'honorer comme
un martyr, et célèbrent sa fête le 25 juin. Cf. Stanley,
Lectures on the History of the Eastern Church, in-8»,
Londres, 1865, 3 e édit., p. 13. Le mot de Tertullien au
sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus,
Apolog., 21, t. j, coi. 12, provient d'un sentiment ana-
logue, qu'on retrouve dans l'évangile de Nicodème, i, 2,
où Pilate est désigné comme « incirconcis dans la chair,
mais circoncis de cœur ». Voir Tischendorf, Evang.
apocr., p. 236; Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. xm,
col. 1773. On savait gré au gouverneur de la Judée des
tentatives, pourtant si molles, qu'il avait faites pour
arracher Jésus-Christ à la mort.
6° Bibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5 e édit.,
in-12, Leipzig, 1865, p. 248-249, cite une littérature
considérable composée sur PiWle. Voir aussi. ï.\tt\vatd,
Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung
von i884-1900, l re partie, p. 144-146. Parmi les livres
les plus récents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage
Jesu, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-294;
Mommsen, Rômische Geschichte, in-8», t. v, 4 e édit.,
Berlin, 1894, p. 508 sq. ; P. Waltjer, Pilatus, eene
Studie, in-8», Amsterdam, 1888; G. A. Mùller, Pontius
Pilatus, der fûnfte Procurator von Judàa, Stuttgart,
1888; Grâtz, historien juif, Geschichte der Juden, t. m,
p. 253-271; A. E. Innés, The Trial of Jésus Christ, a
légal monograph, Edimbourg, 1899, in-8°, p. 61-123;
E. Schùrer, Gesch. des jùdischen Volkes im. ZeitaUer
Christi, in-8», t. i, 4« édit., Leipzig, 1904, p. 487-492;
J. Belser, Die Geschichte des Leidens und Sterbens,
der Auferstehung und Himmelfahrt des Herrn, in-8°,
Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372.
L. E'iLLION.
2. PILATE (ACTES DE), livre apocryphe Voir Évan-
giles APOCRYPHES, t. II, Col. 2116.
3. PILATE (FEMME DE). — Elle n'est mentionnée
dans les Évangiles que par saint Matthieu, xxvh, 19 :
« Pendant qu'il (Pilate) était sur son tribunal, sa femme
lui envoya dire : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste
(Jésus-Christ), car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en-
songe à son sujet. » A part ce trait touchant, qui mani-
feste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie
pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s'em-
barrassât dans de graves difficultés, s'il ne se dégageait
immédiatement de ce procès, nous ne savons rien de
bien certain sur elle. — Une ancienne tradition l'appelle
Procla, Up6%la, ou Claudia Procula, et fait d'elle une
femme pieuse, bien plus, une « prosélyte de la porte ».
Voir Prosélyte. Dans l'Évangile de Nicodème, chap. n,
Pilate dit d'elle : 6eoae|3r)ç ê<m xai |i5Mov iouBatCec.
Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8», 1832,
t. I, p. 523; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8»,
Leipzig, 1851 , p. 332 ; Nicéphore, Historiée, 1, 30, t. cxlv,
col. 720. Or, nous savons par Josèphe, Ant., XVIII, m,
5; Bell, jud., xx, 2, et par Juvénal, Sat., vi, 543, que
les femmes romaines, même celles qui appartenaient
aux classes supérieures, étaient attirées par la religion
judaïque, qui parlait beaucoup plus à leur âme que le
paganisme si vide d'alors. Il est probable que la femme
du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur,
et qu'elle avait conçu une grande admiration pour sa
conduite et son enseignement.
Les interprètes discutent sur la nature du songe au-
quel fait allusion son message à Pilate. Plusieurs au-
teurs contemporains le regardent comme un fait pure-
ment naturel, provoqué par l'arrestation et le procès
ecclésiastique de Jésus, dont elle aurait été informée
avant de s'endormir. Voir Langen, Die letzten Lebens-
tage Jesu, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 274-275-
435
PILATE (FEMME DE) — PIN
436
Mais nous croyons, à la suile des Pères et de la grande
majorité des commentateurs, qu'il est difficile de ne
pas reconnaître à ce songe un caractère non seulement
providentiel, mais vraiment surnaturel. Toutefois, les
anciens écrivains ecclésiastiques n'apprécient pas tous
de la même manière cette intervention surnaturelle.
Il en est qui l'attribuent au démon. La plupart des
exégètes lui donnent une origine céleste. Voir Origène,
Hom. in Matth., xxxv, t. xni, col. 1773; S. Jean Chry-
sostome, Hom. lxxxvi in Matth., 1, t. Lvnr, col. 764;
Schanz, Commentai ûber das Evangel. des heilig.
Matthâus. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 540;
Ma' Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 2 e édit.,
in-8», t. ni, Paris, 1887, p. 315.
On a essayé, il est vrai, d'attaquer la valeur histo-
rique de cet épisode, en rappelant la loi romaine qui
interdisait aux proconsuls, et aussi aux autres magis-
trats délégués dans les provinces, de se faire accompa-
guer par leurs femmes; mais cette loi, observée avec
rigueur sous la république, tomba en désuétude à
l'époque de l'empire, comme nous l'apprennent for-
mellement Tacite, Ann., m, 33-34, et Suétone, Au-
gust., 24. Voir aussi Josèphe, Ant., XX, x, 1; Ulpien,
iv, 2.
D'après une tradition qui remonte au moins jusqu'au
temps d'Origène, a femme de Pilate aurait été récom-
pensée de son dévouement pour Notre-Seigneur en
acceptant la foi chrétienne. Voir Origène, Hom. in
Matth., xxxv, t. XIII, col. 1773, et les lettres apocryphes
qu'auraient échangées Pilate et Hérode, dans M. R. Ja-
mes, Apocrypha anecdota, 2 e série, Cambridge, 1897,
in-8°, p. 66-75. Le ménologe grec va même jusqu'à la
ranger parmi les saints et place sa fête le 27 octobre.
Cf. Calmet, Dictionn. de la Bible, au mot Procla,
édit. Migne, t. m, col. 1268. L. Fillion.
PILON (hébreu : 'ëlî; Vulgate : pilus), masse de
bois, de métal (fîg. 84) ou de pierre (fig. 85) destinée à
un mortier, comme on broie le grain, avec le pilon, sa
85. — Pierres de quartz pour piler le grain, trouvées à Tell-
Yehudiyéh (XVIII' dynastie). D'après W. M. Flinders Patrie,
Hyksos and Israélite Cities, in-4", Londres, 1906, pi. xv et
p. 17.
folie ne se séparera pas de lui, » comme l'huile se sé-
pare des olives. H. Lesètre.
'PIN (hébreu : 'orén; Septante : tuîtuç; Vulgate :
pinus), arbre vert assez abondant en Palestine.
I. Description. — Les arbres résineux de la famille
des Conifères doivent ce nom à leur appareil fructifère
ou cône formé d'écaillés servant à protéger les graines.
Mais entre tous leurs congénères les Pins se distinguent
par la forme de ces écailles pourvues sur le dos d'une
proéminence ou apophyse. Leur feuillage n'est pas
moins caractéristique, car les aiguilles foliaires, sur
l'arbre adulte, sont réunies par petits groupes, de
84.
' Égyptiens pilant dans un mortier. Thèbes. L'inscription porte : k « Dépêchez-vous tous à l'ouvrage en prenant soin
de tout ce qui vous est donné ; faites le pain. » ( « On pile le grain dans les greniers de... »
D'après Wilkinson, Manners of ancient Egygtians, 2- édit., t. n, p. 204.
concasser et à écraser les objets placés dans un mortier.
Voir Mortier, t. iv, col. 1311. — La manne est com-
parée à « quelque chose de menu comme des grains »,
et, d'après la Vulgate, à « quelque chose d'écrasé au
pilon ». Exod., xvi, 14. Les grains peuvent être écrasés
au pilon; mais, si la manne se prêtait au travail de la
meule ou du pilon, elle n'apparaissait pas à l'état concassé
quand elle tombait. Voir Manne, t. iv, col. 657. — Les
enfants d'Israël doivent apporter, pour le luminaire du
sanctuaire, de l'huile « d'olives concassées », Septante :
xîvtofiuivov, « martelées », et équivalemment, d'après
la Vulgate, « martelées au pilon ». Exod., xxvn, 20. —
Le mot « pilon » ne se lit en hébreu que dans ce texte
des Proverbes, xxvn, 22 : « Qu'on pile l'insensé dans
deux ordinairement, protégés chacun par un involucre
de folioles scarieuses. La floraison a lieu au printemps,
au lieu d'être automnale comme chez les Cèdres; les
fleurs mâles émettent alors en extrême abondance la
poussière pollinique qui emportée par le vent simule
une pluie de soufre. Les cônes mettent parfois 3 ans
avant d'atteindre leur maturité. Il en est ainsi, par
exemple, dans le Pin-Pignon (Pinus Pinea L.), bel
arbre de la région méditerranéenne que la disposition
étalée de ses branches au sommet de la tige a fait nom-
mer aussi Pin-Parasol. Son cône est ovoïde obtus avec
des écaillesluisantes; ses graines deviennentdes amandes
comestibles et volumineuses revêtues d'une coque noi-
râtre, très dure, à aile presque nulle. Le Pin d'Alep,
437
PIN — PINACLE DU TEMPLE
438
P. Halepensis Miller (fig. 86), est l'espèce la plus
répandue en Syrie, où elle remplace le Pin maritime
des rivages occidentaux; ses feuilles sont grêles et
flexueuses ; ses cônes, plus allongés et penchés à
l'extrémité d'un court pédoncule, mettent 2 ans à mûrir ;
Pinus Halepensis. Branche, cône, fleur, graine.
les graines petites, couvertes d'un tégument mou, sont
prolongées en aile roussàtre. Enfin dans la région éle-
vée du Liban on observe un Pin très voisin du précé-
dent, P. Brutia Tenore, distinct toutefois par ses
feuilles plus épaisses, rigides, ainsi que par ses cônes
sessiles non pendants. F. Hy.
II. Exégèse. — L'arbre appelé 'orén n'est mentionné
qu'une seule fois dans la Bible, Is., xnv, 14, dans un
passage où le prophète se moque de l'idolâtre qui est à
la recherche de bois dont il prend une partie pour se
tailler des idoles, et dont il brûle le reste.
Un homme va couper des cèdres,
Il prend des rouvres et des chênes,
Il fait un choix parmi les arbres de la forêt
Et même il plante le 'orén que la pluie fait croître .
Il s'agit d'un arbre dont le bois est bon à brûler et
peut être utilisé pour sculpter des idoles, un arbre
qu'on peut mettre en parallèle avec le cèdre ou le chêne,
qui s'en distingue cependant sous certains rapports.
Le cèdre, le rouvre et le chêne sont placés ici parmi
les arbres des forêts qu'on n'a pas besoin de planter et
qu'on ne cultive pas. Le 'orén est signalé comme un
arbre qu'on plante, mais cependant ce n'est pas un arbre
qu'on soigne et qu'on arrose selon les procédés habi-
tuels de la Palestine pour les plantes et les arbres culti-
vés. On laisse à la pluie du ciel le soin de l'arroser.
Tous ces caractères paraissent bien convenir à diverses
espèces de pin qu'on rencontre abondamment en
Palestine, surtout dans les terrains sablonneux, comme
le Pin d'Alep, Pinus Halepensis, le Pin-Pignon ou Pa-
rasol, Pinus Pinea, et le Pinus Brutia. C'est ainsi du
reste que l'entendent les Septante et la Vulgate qui
traduisent 'orén par iu'tv;, et pinus. Bien qu'il y ait
grande divergence parmi les rabbins sur la nature
de cet arbre, beaucoup cependant s'arrêtent au pin, et
l'identifient avec l'arbre que les arabes appellent -j*X*a,
snaubar, et qui n'est autre que le pin; ou bien ils le
rangent dans la même famille que les arazim, « cèdres, n
et les beroSîm, les cyprès: ce qui convient bien au pin.
Cependant il est des critiques qui croient que le mot
'orén, pj«, dont le nun final n'est pas régulièrement
formé dans les anciens manuscrits et pourrait bien
être un zaïn mal écrit, n'est autre que tin, 'éréz, le
cèdre. Ils pensent aussi que la suite logique du sens
demande qu'on lise à rebours les stiques de ce verset :
car il est naturel de planter le cèdre avant de le couper.
Ils ont ainsi :
On a planté des cèdres et la pluie les fait croître,
On laisse grandir les arbres de la forêt,
Puis on prend le rouvre et le chêne,
Et l'on coupe les cèdres.
C'est le sens auquel s'arrête A. Condamin, Le livre
d'Isaîe, 1905, p. 269. Cette leçon et ces transpositions sont
loin toutefois d'être certaines, et pourraient bien n'être
qu'une interprétation de ce passage, inspirée d'un point
de vue trop subjectif. Les anciennes versions tiennent
pour un mot différent de 'éréz, c'est-à-dire pour 'orén,
« pin. » Et on peut trouver une suite logique à la pensée
sans rien bouleverser. L'idolâtre cherche d'abord parmi
les arbres des forêts, le cèdre, le rouvre et le chêne; il
en vient même à planter des pins afin d'avoir du bois
à sa convenance pour se tailler des idoles. Rien ne pa-
raît donc exiger de transposition; et la lecture 'orén et
sa traduction par « pin » sont suffisamment justifiées.
Cette traduction d'ailleurs trouve une certaine confir-
mation dans un texte égyptien du Papyrus Anastasi,
i, 19, 3. Dans une description d'un site de Palestine,
se lit le nom I . . . | t II, anourna, arrouna, qui
rappelle l'hébreu 'orén, pin. Le rapprochement est
d'autant plus vraisemblable que ce mot est placé entre
deux noms de conifères, le cyprès et le cèdre, et que
ces trois arbres sont dits « atteindre jusqu'au ciel ».
Tous ces caractères semblent bien viser le pin-pinier.
J. Lauth, dans la Zeitschrift der deutsch. morgenlànd.
Gesellsch., 1871, p. 620; V. Loret, Études de botanique
égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la
philol. et archéol. égypt., in-4°, 1895, p. 187.
E. Levesqde.
PINA (Jean de), commentateur espagnol, né à Ma-
drid en 1582, mort dans la même ville en 1657. Entré
au noviciat des Jésuites d'Alcala en 1603, il remplit
divers offices dans son Ordre. Son volumineux commen-
taire sur l'Ecclésiastique, Commentariorum in Eccle-
siasticum tomi quinque, parut à Lyon de 1638 à 1648,
5 in-f°. On y rencontre des idées élevées, ingénieuses,
des aperçus nouveaux, mais aussi parfois des longueurs
et du remplissage. P. Bliard.
PINACLE DU TEMPLE, partie du Temple de
Jérusalem sur laquelle le diable transporta Notre-Sei-
gneur pour le tenter. Le récit de la tentation est le
seul endroit du Nouveau Testament où nous rencon-
trons ce terme : tb UTepûyiov toû EepoO, pinnaculum
templi,N[3\t\i.,vi,§;pinnatempli, Luc, tv,9. IlTepuycov
est le diminutif de icTépuS, « aile », comme pinnacu-
lum l'est de pinna, qui désigne en latin une grosse
plume d'oiseau, ou une nageoire de poisson, cf. Lev.,
xi, 9, 10, 12; Deut., xiv, 9, 10, ou des créneaux de mu-
raille. Les Septante emploient le mot utépuyiov — 1. pour
traduire l'hébreu kànâf, signifiant la partie du vête-
ment, le bord qui pend comme une aile, Num-, xv, 38;
Ruth., m, 9; I Sam. (Reg.), xv, 27; xxiv, 5; — 2. l'hé-
breu senappir, désignant l'aileron, la nageoire des
poissons, Lev., xi, 9-12; Deut., xiv, 9, 10; — 3. l'hébreu
qâsâh, qui s'entend de « l'extrémité » du rational ou
pectoral. — Que signifie exactement uTépuyiov dans
l'Évangile? Tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un
endroit élevé, ressemblant en quelque manière à une
aile ou à une pointe, mais on ne s'accorde pas sur sa
situation précise. Le nom étant précédé de l'article en
439
PINACfeE DU TEMPLE — PINTO RAMIREZ
440
grec, il en résulte que la partie du temple désignée
par là était bien connue et déterminée, du temps de
Jésus-Christ; aujourd'hui on ne peut faire que des con-
jectures. Selon les uns, le pinacle faisait partie de la
maison de Dieu, ou du sanctuaire proprement dit;
selon les autres, il était dans les dépendances du
temple. Les partisans de cette seconde opinion s'appuient
sur ce que le sanctuaire est appelé dans le Nouveau
Testament & va<5ç et que le pinacle est appelé pinacle toû
îepoû, non toû vaoû. Ceux qui soutiennent la première
opinion reconnaissent que le mot vatfç s'applique ex-
clusivement à « la maison de Dieu », mais ils allèguent
que le mot îspov, quoiqu'il puisse s'entendre quelquefois
seulementdes dépendances du temple, Matth., xxi, 12, 14;
xxvi, 55; Marc, xiv, 49; Luc, xix, 47; xxi, 37; xxii, 53;
xxiv, 53, etc., comprend en réalité le vaô; avec ses dépen-
dances, Matth., xn, 6; xxiv, 1; Marc, xm, 3; Luc,
xxl, 5; xxii, 52; par conséquent le pinacle pourrait avoir
été à la rigueur une partie du vao"ç. Ce n'est donc pas
sur le mot ieptfv seul qu'on peut s'appuyer pour fixer
la position du pinacle.
1° Ceux qui le placent sur le sanctuaire proprement
dit sont loin d'être d'accord entre eux. — 1. Grotius
entend par ifrepû-ftov le parapet qui entourait le toit
de la maison de Dieu, conformément à l'usage juif. Voir
Parapet, t. iy, col. 2153. Ce parapet, d'après le Talmud,
Middoth, iv, 6, avait trois coudées de hauteur, un peu
plus d'un mètre et demi. — 2. D'autres commentateurs
pensent que le pinacle est le faite du toit, ce qui
s'accorde mal avec ce que nous apprend Josèphe,
Bell, jud., V, v, 6, à savoir que le faîte était hérissé
de pointes d'or afin que les oiseaux ne pussent pas s'y
reposer. —3. D'après Ligthfoot, Horx hebraicx, Matth.,
iv, 5, Works, 1684, t. n, p. 130, le pinacle peut être le
nom donné au portique de la maison de Dieu, abttt,
'ùldm, parce qu'il débordait comme des ailes à droite
et à gauche l'édifice de la maison de Dieu. On peut allé-
guer contre cette opinion, de même que contre les deux
précédentes, que les termes itTspOfiov TO îepoû s'enten-
dent plus naturellement des dépendances du temple que
de la maison de Dieu, mais surtout que Jésus-Christ,
n'étant pas de la tribu de Lévi, se trouvait empêché par
la Loi de pénétrer dans le sanctuaire. Le roi Hérode,
même pendant qu'il fit reconstruire la maison de Dieu,
ne put jamais y entrer. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5.
2° Le pinacle, d'après ceux qui le placent dans les
dépendances du Temple, faisait partie du grand por-
tique qui fermait l'aire sacrée à l'est et au sud. Josèphe,
Ant. jud., XV, xi, 5, décrit ce portique en ces termes :
« Au sud (de la cour des Gentils) était le portique royal
(ttjv padî'Xetov crroâv), qui était triple et s'étendait de la
vallée orientale jusqu'à la vallée occidentale; il était
impossible d'aller au delà. C'est le plus remar-
quable des travaux qu'ait éclairés le soleil. La vallée
est tellement profonde, que les yeux de celui qui re-
garde en, bas en sont troublés. [Hérode] y éleva un
portique [soutenu par un mur de terrassement] d'une
immense hauteur.Si quelqu'un voulait du haut voir
jusqu'au fond, il s'exposerait à être pris de vertige. »
La muraille surplombe en effet la vallée du Cédron
qui forme au-dessous un affreux précipice. Josèphe,
Ant. jud., XX, îx, 7. Quand on cherche sur les lieux
mêmes à se rendre compte de la scène décrite par
l'Évangile, on est amené naturellement à cette conclu-
sion : c'est au-dessus de la haute muraille qui soutient
la terrasse du temple du côté de la vallée, que
le démon a dû transporter Notre-Seigneur, car en
aucun autre endroit, il ne pouvait le tenter avec autant
de force, en lui disant : « Si tu es le Fils de Dieu, pré-
cipite-toi en bas. » Matth., iv, 6. — Ajoutons que,
d'après le témoignage d'Hégésippe et de Clément
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., n, 1, 23, t. xx, col. 136,
196, 200, l'apôtre saint Jacques le Mineur, le premier
évêque de Jérusalem, fut précipité du pinacle du Temple,
itTspuT'ov, dit Clément, TtïépuY'ov toû ieooû, dit d'abord
Hégésippe, et puis irrépimov toû vaoO, col. 200, mais le
mot vho'ï, dans son sens précis, ne peut être exact, parce
que ni saint Jacques ni le peuple auquel il parlait ne
pouvaient pénétrer dans le vaoç. Ce n'est que dans le
parvis que l'Apôtre a pu adresser un discours aux Israé-
lites et ce n'est que du portique extérieur qu'il a pu être
jeté en bas. Le pinacle était donc une partie du por-
tique. Lorsque l'Apôtre eut été achevé par le bâton d'un
foulon, il fut enseveli à l'endroit même où il avait con-
sommé son martyre, ajoute Hégésippe, ce qui ne peut
être vrai que s'il était mort en dehors de l'enceinte du
Temple, c'est-à-dire dans la vallée de Cédron où l'on
enterrait en effet les défunts, tandis qu'il était impos-
sible d'enterrer dans le Temple même. La tradition locale
place le tombeau de saint Jacques à l'angle sud-est de
l'esplanade du Temple, voir Jacques 2, t. m, col. 1088,
dans la vallée de Josaphat. Ces divers détails s'accordent
très bien avec l'opinion qui place le pinacle au-dessus
de la vallée du Cédron et la confirment par là même.
F. VlGOUROUX.
PINCETTES (hébreu : mahtâh, mélqâhtayîm,
malqâhayim ; Septante : laêk; Vulgate : forceps),
instrument de métal composé de deux tiges qu'on peut
rapprocher pour saisir un objet (flg. 87). — Il n'est
87. — Pincettes romaines antiques.
D'après Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités,
t. n, flg. 3163, p. 1240.
question de pincettes que dans la description du mobi-
lier du sanctuaire que Moïse fit exécuter. Exod., xxv,
38; xxvn 3; xxxvn, 23; xxxvm, 3. Elles servaient à
mettre du feu dans les encensoirs, Num., xvi, 6, 7, et
à disposer les mèches des lampes. Num., IV, 9. Salo-
mon fit fabriquer en or les pincettes du Temple.
III Reg., vu, 49; II Par., iv, 21. Dans une de ses vi-
sions, Isaïe, vi, 6, vit un ange prendre un charbon ar-
dent sur l'autel avec des pincettes, afin de lui purifier
les lèvres. H. Lesêtre.
PINEDA (Jean de), commentateur espagnol, né à
Séville en 1558, mourut dans cette ville le 27 janvier
1637. Reçu dans la Compagnie de Jésus en 1572, il
s'appliqua à l'étude de l'Écriture Sainte qu'il enseigna
ensuite pendant 18 ans à Cordoue, Séville et Madrid.
Le premier ouvrage d'exégèse dû à la plume de P. Pi-
neda est le Commentarionmi in Job libri tredecim;
il parut à Madrid en 1597-1601, 2 in-f°. Des rééditions
de cette œuvre capitale se succédèrent à intervalles
rapprochés dans diverses villes de l'Europe, Madrid,
Cologne, Séville, Venise, Paris. — Ses travaux sur Sa-
lomon, Ad suos comtnentarios Salomon prsevius, id
est, de rébus Salomonis régis libri octo, quoique
moins considérables, eurent également beaucoup de
vogue à son époque; ce travail qui parut à Lyon en
1609, fut réimprimé à Venise en 1611 et à Mayence en
1613. Il donna enfin des Commentarii in Ecclesiasten,
in-4°, Séville, 1619, Paris, 1620, et Prselectio sacra in
Cantica Canticorum , in-4°, Séville, 1602. Ces ouvrages
témoignent d'une science aussi vaste que sûre.
P. Bliard.
PINTO RAMIREZ André, commentateur portugais,
né à Lisbonne en 1595, mourut le 23 mai 1654. Admis
dans la Compagnie de Jésus en 1617, il enseigna long-
temps la rhétorique, puis l'Écriture Sainte à Salanianque;
son Canticum Canticorum Salomonis dratnatico te-
nore, litterali allegoria, tropologicis notis explicatum,
in-8", Lyon, 1642, est curieux et original plutôt que sûr.
441
PINTO RAMIREZ
PIS1DIE
442
Son explication de l'Apocalypse qui contient les aver-
tissements aux sept évêques d'Asie, offre de précieux
enseignements moraux. Conimentarius in Epistolas
Christi Domini ad septetn Episcopos Asise quse in
Apocalypsi continentur. Lyon, 1652, in-fol.
P. Bliard.
PIOCHE (hébreu : ma'edêr"; Vulgate : sarculuni),
instrument destiné à défricher le sol. Notre fer de
pioche se termine d'un côté en pic et de l'autre en
houe. Pline, H. N., xvm, 49, 2, dit que le sarculuni
servait surtout à la petite culture dans les régions mon-
tagneuses. Le ma'edêr dont parle Isaïe, vu, 25, est
précisément employé dans les mêmes conditions. Le
même mot désignait sans doute des instruments ana-
logues, constituant des houes plus ou moins étroites.
Voir Houe, t. m, col. 766. H. Lesêtre.
PIRES Jacques, commentateur flamand, né à Anvers
le 22 janvier 1680, mort à Bruxelles le 3 janvier 1750,
entra au noviciat de Ja Compagnie de Jésus à Malines
en septembre 1698 et professa la théologie et l'Écriture
sainte. Dans son Commentarius in sanctwm Jesu
Christi evangelium secundum Matthseum, necnon se-
cundum Marcum, Lucam et Joanriem, Louvain, 1747,
in-8», Malines, 1823, il s'applique plus particulièrement à
montrer l'accord des quatre écrivains sacrés d'après
saint Augustin, Maldonat et Cornélius a Lapide; puisa
fournir des armes contre les hérétiques, à mettre en
relief les idées mystiques auxquelles le texte peut se
prêter sans effort. P. Bliard.
1. PISCINE (hébreu : berêkâh; Septante : xp^rj,
xoXu(/,ëïj8pot; Vulgate : piscina, natatoria), bassin arti-
ficiel à ciel ouvert, construit pour garder l'eau des
sources, des pluies ou des aqueducs. Il diffère de la
citerne, ordinairement couverte, moins vaste et alimentée
seulement par l'eau de pluie. Voir Citerne, t. n,
col. 787. — Différentes piscines sont mentionnées dans
la Bible, la piscine de Gabaon, II Reg., n, 13, voir t. m,
col. 19; les piscines d'Hésébon, Cant., vu, 5, voir t. m,
col. 659; la piscine de Samarie, III Reg., xxii, 38; les
piscines attribuées à Salomon, Eccle., n, 6, voir t. i,
col. 799, et les piscines de Jérusalem ; la piscine supé-
rieure, sur le chemin du champ du Foulon, IV Reg.,
xvm, 17; Is., vu, 3; xxxvi, 2; la piscine inférieure,
Is., xxii, 9, 11; la piscine attribuée à Ézéchias, IV Reg.,
xx, 20; II Ksd., m, 16; la piscine du roi, II Esd., n,
14; la piscine de Siloé, II Esd., m, 15; Joa., ix, 7, 11,
et la piscine probatique ou de Bethesda. Joa., v, 2, 4,
7. Sur les piscines actuelles de la ville, voir Jérusalem,
t. m, fig. 245, 246, col. 1347, 1350. Cf. C. Mommert,
Topographie des alten Jerusalems, 3 in-8°, Leipzig,
1900-1905, t. m, p. 76-102. Pour la piscine supérieure
voir Piscine 2. Ézéchias fit déverser par un aqueduc
la fontaine de Gihon dans la piscine de Siloé (voir
Ajueduc, t. i, col. 804), appelée pour cette raison pis-
cine inférieure. L'attribution de piscines à l'initiative
de ce roi ne vise pas autre chose que ce travail, qui
eut pour résultat d'alimenter la fontaine de Siloé. Voir
Siloé. Quant à la piscine du roi, c'était sans doute celle
que Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, appelle piscine de
Salomon et qu'il place à l'est de Siloé. Voir son empla-
cement, t. m, fig. 249, col. 1356. Sur la piscine Proba-
tique, voir Bethsaïde, t. i, col. 1723. — Nahum, n, 8,
compare Ninive, au temps de sa prospérité, à une pis-
cine d'eaux; ni les habitants, ni les ressources ne man-
quaient alors à la cité. — Les piscines servaient à
recueillir l'eau pour différents usages. La piscine de
Siloé recevait par un aqueduc creusé dans le roc l'eau
de la source de Gihon, que l'on tenait à soustraire aux
atteintes d'un ennemi assiégeant la ville. On puisait
aux piscines l'eau à boire, Luc, sxii, 10; on y lavait
des objets divers et l'on s'y baignait, comme à la pis-
cine de Samarie, III Reg., xxii, 38, à la piscine de Beth-
esda, Joa., v, 4, et très probablement dans les autres.
Voir Bain, 1. 1, col. 1387. C'est- encore ce qui se pratique
aujourd'hui aux piscines de Siloé et de la Vierge.
Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris,
1894, 1. 1, p. 376-379. " H. Lesêtre.
2. PISCINE SUPÉRIEURE (hébreu : berêkâh hd-'élyô-
ndh, Septante :^xoXu[i6i^9paTi avw), piscine située près de
Jérusalem, où conduisait une route appelée chemin du
champ du Foulon. Elle est mentionnée en deux occa-
sions : 1° C'est en cet endroit que fut faite la prophétie
d'Emmanuel, Is., vu, 3;s2° C'est là que le Rabsacès et
les envoyés de Sennachérib s'adressèrent au peuple
qui était sur les murs de la ville pour le presser de se
soumettre au roi d'Assyrie. IV Reg., xvm, 17; Is.,
xxxvi, 22. Il résulte des détails de cette dernière scène
que la piscine était en dehors de la ville. Pendant
longtemps on a cru que la piscine supérieure se trou-
vait à l'ouest de Jérusalem à l'emplacement du Birket
Mamillah actuel. Voir Jérusalem, t. in, col. 1349;
Champ du Foulon, t. n, col. 529. Cf. C. Mommert,
Topographie des alteri Jérusalem, m Th., Leipzig
(1905), p. 76-79, 132. Plusieurs savants contestent
aujourd'hui cette identification et identifient la piscine
supérieure avec une des piscines de Siloé. Voir J. Ben-
ziger, Hebrâische Archàologie, 1894, p. 52.
PISIDIE (grec : RimS(a), contrée située dans la
partie sud-ouest de l'Asie Mineure, et mentionnée deux
"s -I "- £} r
«v.-. I
88. — Carte de la Pisidie.i
fois dans le Nouveau Testament : Act., xin, 14, et
xiv, 24.
1° Limites. — Elle était enclavée entre le haut pla-
teau phrygien et la vaste plaine de Pamphylie. Ses
limites précises ne peuvent pas plus être déterminées
que celles d'autres nombreuses provinces de la pénin-
sule asiatique, car elles varièrent aux différentes
époques de l'histoire. On peut dire du moins avec assez
d'exactitude, qu'à l'époque qui nous intéresse, la Pisidie
était bornée au nord par la Phrygie; au sud, parla
Pamphylie, qui la séparait de la Méditerranée; à l'est,
par le territoire isaurien et la Lycaonie ; à l'ouest et au
sud-ouest, par la Carie et la Lycie (fig. 88).
2° Géographie physique. — La Pisidie était un dis-
trict rocheux, montagneux, formé par la chaîne du
Taurus occidental, qui a, dans ces parages, quelques-
uns de ses pics les plus élevés. C'est une des contrées
les plus sauvages, les plus accidentées et les plus pitto-
resques de l'Asie Mineure. Çà et là s'ouvrent de larges
vallées, où coulent des cours d'eau dont plusieurs, tels
que le Kestros, PEurymédon et le Mêlas, sont considé-
rables et vont se jeter dans le golfe de Pamphylie. Dans
la partie septentrionale du pays se trouvent plusieurs
lacs salés, et aussi le grand lac d'eau douce qui porte
443
PISIDIE — PISTACHE
le nom- A'Egherdîn Gœl. Au sud, les montagnes des-
cendent d'une manière assez abrupte dans la plaine
pamphylienne et, sur la partie inférieure de leurs pentes
fort bien exposées, croissent l'olivier, le styrax et plu-
sieurs autres plantes aromatiques.
3» Population et histoire de la Pisidie. — Les
Pisidiens formaient une race montagnarde âpre et
belliqueuse, passionnée pour la liberté et ardemment
hostile à tout ce qui pouvait gêner son indépendance.
Strabon, XII, vi, 7; Pline, H. N., v, 24. On ignore
quelles étaient leurs origines ethnologiques. Ils furent
d'abord gouvernés par des chefs héréditaires; puis
Amyntas, le dernier roi des Galates, réunit tout le pays
sous sa domination, en 36 avant J.-C. C'est Xénophon,
dans son Anabasis, I, i, 11; II, i, 4, etc., qui fait la
première mention historique des Pisidiens. Ne re-
doutant rien, ils troublaient fréquemment le repos des
contrées voisines, par des invasions soudaines et ter-
ribles, dont ils revenaient chargés de butin. Cf. Stra-
bon, l. c; Tite Live, xxxv, 13. On comprend donc
qu'ainsi exercés à la guerre et au brigandage, ils aient
fait, à l'occasion, d'excellents soldats. Voir Josèphe,
Ant. jud., XIII, xm, 5; Bell.jud., xliii, 3. Aussi, ni
les Perses, ni Alexandre le Grand, ni les Séleucides,
ni même les Romains ne réussirent-ils à les subjuguer
complètement. Si le général romain Quirinius parvint
à s'emparer de la citadelle de Cremna, après de longs
efforts, et à y installer une colonie de vétérans, et si
d'autres colonies furent également établies à Antioche
et en d'autres localités, Pline, B. N., v, 24, le cœur de
la contrée ne fut jamais dompté. Après cette conquête
imparfaite de Rome, la Pisidie fut rattachée à la pro-
vince de Galatie (25 avant J.-C.) et puis de Pamphylie.
Cf. Ptolémée, v, 4 et 5; J. Marquardt, Organisation de
l'empire romain, t. h, trad. franc., Paris, 1892, p. 238,
278, 313. Ce n'est qu'en 297 de notre ère, durant le
règne de Dioclétien, qu'elle devint une province à part,
gouvernée par un prisses. — On conçoit aisément,
d'après les détails qui précèdent, que les Pisidiens
soient demeurés à peu près totalement rebelles à la
civilisation hellénique. Cependant, le langage et l'art
grecs pénétrèrent à la longue dans la contrée, comme
le montrent, d'une part, les inscriptions récemment
découvertes, et, de l'autre, les restes assez bien conser-
vés des anciens monuments. On ne possède que de
rares fragments de la langue propre aux Pisidiens.
Voir W. M. Ramsay, Inscriptions en langue pisi-
dienne, dans la Revue des Universités du Midi, 1895,
p. 353-360. — Les villes principales de la Pisidie, vraies
forteresses au milieu des montagnes, étaient Sagalassos,
Selgé, Cremna, Termessos, Pednalissos. Les ruines de
plusieurs d'entre elles ont été retrouvées de nos jours.
4° La Pisidie et le Nouveau Testament, -x La Pisidie
reçut plusieurs fois la visite de saint Paul. Durant son
premier voyage apostolique, il la traversa du sud au
nord, avec Barnabe, en venant de Chypre et de Pam-
phylie. Act., xm, 13-14. Puis il la parcourut de nou-
veau en sens inverse, du nord au sud, lorsqu'il revint
de Lystres et d'Icône à Antioche (de Pisidie), et re-
descendit en Pamphylie. Act., xiv, 20-23. Il est pro-
bable qu'il visita aussi la partie septentrionale de la
province au début de son second voyage apostolique,
en compagnie de Silas et de Timothée, Act., xvi, 6;
mais cela n'est pas dit explicitement. Saint Luc décrit
tout au long, Act., xm, 14-52, le ministère et le beau
succès de l'Apôtre à Antioche. Notons, à ce sujet, une
double leçon du texte sacré, au passage Act., xm, 14.
Pour distinguer cette ville importante de plusieurs
autres cités homonymes, spécialement d'Antioche de
Syrie, le narrateur emploie, d'après le « textus r'ecep-
tus », l'expression 'AvttôjrEtav ttJç tliffifiiaç, « Antioche
de Pisidie »; mais il est vraisemblable, d'après les ma-
nuscrits N, A, B, C, etc., que la leçon primitive était
'AvudxE'av tïjv rito-iSfav, « Antioche la Pisidienné. »
Dans l'énumération des nombreux périls auxquels il
fut exposé durant son long ministère, saint Paul
signale en particulier, Il Cor., xi, 26, ceux qu'il courut
en passant les fleuves et de la part des brigands. Il fit
sans doute très spécialement l'expérience de ces deux
sortes de dangers en voyageant sur les routes pisi-
diennes. D'une part, en effet, il eut à franchir plus
d'un torrent de montagne, aux eaux gonflées par les
pluies. D'autre part, ce que nous avons dit plus haut
du caractère des habitants de la Pisidie montre que les
« périls des brigands » n'étaient pas rares dans
cette région. D'ailleurs, les inscriptions anciennes
qu'on y a trouvées mentionnent en propres termes cette
espèce de péril. Plusieurs d'entre elles signalent l'exis-
tence d'un corps de gardiens, qui avaient pour fonction
principale de protéger les voyageurs et les propriétés
contre les bandits : ôpoç-jXaxeç, îiapatp'jXaxtaî. Une
autre est dédiée par des parents éplorés « à Sousou,
leur fils, gardien des montagnes, égorgé par. des
brigands. » Voir W. M. Ramsay, Hislorical Geography
of AsiaMinor, p. 174; Id., The Church in the Roman
Empire, p. 23-25.
Il semble qu'il existe encore un vestige du passage
de saint Paul en Pisidie, dans le nom de Kara Bavlo
(c'est-à-dire IlaûXo) que portent les ruines de l'ancienne
ville d'Adada, située autrefois sur la route qui condui-
sait directement de la côte de Pamphylie à Antioche
de Pisidie. Cf. Ramsay, The Church in the Roman
Epipire, p. 20-23.
Voir Strabon, XII, vi, 7 et 8; Pline, H. N., v, 24;
Kiepert, Aile Géographie, in-8», p. 127; Conybeare
et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, Londres,
1875, in-12, p. 129-134; C. Fouard, Saint Paul, ses
missions, in-8°, Paris, 1872, p. 28-32; le comte Lan-
ckoronsiti, Stâdte Pamphyliens und Pisidiens, in-8°,
t. n, Vienne, 1892. L. Fillion.
PISTACHE (hébreu : botnîm : Septante : rspéêtvOo;;
Vulgate : terebinthus), fruit du Pistachier.
I. Description. — Le Pistacia vera (vulgairement
Pistachier), fig. 89 est un arbrisseau de la famille des
Térébinthacées. Les feuilles pennées avec 1 ou 2 paires
de folioles, rarement réduites à la foliole terminale,
sont d'abord velues sur toute leur surface, puis à la fin
seulement aux bords, très amples, coriaces, obtuses
ou mucronulées, luisantes en dessus, avec des ner-
vures saillantes. Les fleurs dioïques et apétales, en
panicules dressées, ont les caractères de celles du
Lentisque. Mais le fruit devient beaucoup plus gros,
rouge, oblong, prolongé en apïcule à son sommet.
Originaire des montagnes du Liban, il s'est répandu
par la culture dans toute la région méditerranéenne et
orientale, pour son fruit dont la pulpe est aigrelette
et comestible. L'amande est oléagineuse, et le bois
fournit un combustible excellent. Enfin son écorce
astringente peut servir au tannage, et secrète la résine
connue sous le nom de Térébenthine de Chio. F. Hy.
II. Exégèse. — Les botnîm figurent parmi les meil-
leures productions du pays de Canaan, que les enfants
de Jacob doivent porter en présent au premier ministre
du pharaon d'Egypte. Gen., xliii, 11. Que sont ces
botnîm? A s'en tenir aux seules versions anciennes, il
serait difficile de décider, puisque les unes, comme
la version samaritaine, la version arabe des Samaritains
et celle d'Erpenius voient dans les botnîm les noix du
pistachier, et les autres plus anciennes et plus nom-
breuses traduisent par térébinthe, comme les Sep-
tante, TEpégtv6oç, la Vulgate, terebinthus, le syriaque,
betmo, le chaldéen, butma', l'arabe, butin. Les Arabes
appellent actuellement le térébinthe butm, tandis
qu'ils donnent au pistachier le nom de fistûq. Et les
noms employés par le syriaque et le chaldéen, betmo,
445
PISTACHE
PLA.CE D'HONNEUR
446
butmâ désignent également dans ces langues le téré-
binthe. Il y a lieu de remarquer cependant que le
Pistacia vera et le Pistacia terebinthus sont deux
arbres de la même famille, des plantes ayant entre elles
de grandes analogies; c'est ce qui a amené les Grecs
à les confondre. Théophraste, Bisi. pi., iv, 5. Il est
fort possible que les peuples orientaux aient aussi
compris sous la même dénomination les deux espèces
du Pistacia et que tout en traduisant par térébinthe,
les versions sémitiques aient eu en vue cependant le
Pistacia vera. Les fruits du térébinthe ne sauraient
guère être offerts en présent comme une des meilleures
productions de la Palestine, tandis que la noix du
pistachier était et est encore très appréciée. C'est ce
qu'ont bien vu d'anciens commentateurs juifs : ainsi
le botnah du Tr. Schebi, 7, est regardé par la glose de
89. — Pistacia vera.
Bartenora et par Maimonide comme une espèce de
noix, appelée piDDNS, p'istuq. On sait du reste que le
pistachier était très répandu en Palestine. La ville de
Betonim, Job, xm, 26, au pays de Gad, paraît tirer son
nom de l'abondance de cet arbre. Pline, H. N., xm,
10, y reconnaît une spécialité de la Syrie, qu'on ne
trouvait pas en Egypte : ce qui est conforme au texte
de la Genèse, xliii, 11. Pour ces diverses raisons l'iden-
tification des botnîm avec les pistaches est très vraisem-
blable : c'est le sentiment de Bochart, Geograph., t. n,
1. 1, ch. x; de Celsius, Hierobotanic, in-8°, Amsterdam,
t. I, p. 24; de Michaelis, Supplementa ad lexica he-
braica, in-8, Gœttingue, 1792, t. i, p. 171. Cf. I. Low,
Aramaïsche Pflanzennamen, in-8», p. 420.
E. Levesque.
PLACE D'HONNEUR, place attribuée à un per-
sonnage considérable, -r 1» La droite est ordinaire-
ment attribuée, dans la Sainte Écriture, à celui qu'on
veut particulièrement honorer. Dieu fait siéger à sa
droite le Messie, son Fils incarné. Ps. ex (cix), 1;
Matth., xxii, 44; Marc, xil, 36; Luc, xx, 42; Act., n,
34; Heb., I, 13. Devant le sanhédrin, Notre- Seigneur
annonce, qu'on le verra un jour occuper cette place.
Matth., xxvi, 64; Marc, xiv, 62; Luc, xxn, 69. Il en
prend possession au jour de son ascension. Marc, xvi,
19. Saint Etienne le voit à cette place. Act., vu, 55.
Les Apôtres parlent souvent du Christ à la droite de
Dieu. Rom., vin, 44; Col., m, 1; Heb., i, 3; vm, 1; x,
12; xn, 2; î Pet., m, 22. Au dernier jour, le Fils de
l'homme occupera le siège de sa majesté pour exercer
sa fonction déjuge suprême. Matth., xxv, 31.
2° Le roi Salomon fait asseoir la reine Bethsabée a
sa droite. III Reg., n, 19. Dans l'épithalame du Psaume
XLV (xliv), 10, la reine est aussi â la droite du roi. Le
peuple d'Israël est appelé « l'homme de la droite » de
Jéhovah, Ps. lxxx (lxxix), 18, à cause de la place
d'honneur que Dieu lui a assignée parmi les autres
peuples. Au dernier jugement, les brebis, c'est-à-dire
les âmes des justes, seront placées à droite. Matth.,
xxv, 33. 11 ne faut pas mettre son ennemi à côté de soi,
le faire asseoir à sa droite, si l'on ne veut pas être
supplanté par lui. Eccli., xn, 12.
3° La place attribuée à quelqu ! un marque sa dignité
et l'autorité qu'il exerce. Job, xxix, 25, dit que quand
il se rendait dans l'assemblée de ses concitoyens, on
lui donnait la première place et il siégeait comme un
roi. La mère des fils de Zébédée demande à Notre-
Seigneur que, dans son royaume, ses deux fils soient
assis l'un à sa droite et l'autre à sa gauche. Matth., xx,
21. C'était réclamer pour eux les deux premières di-
gnités dans ce royaume temporel dont on croyait l'éta-
blissement imminent. La seconde place est attribuée
au premier ministre du roi. Joseph occupe le second
char après le pharaon. Gen., xli, 43. Jonathas sera le
second après David, I Reg., xxm, 27; Elcana est le
second après Achaz, II Par., xxvm, 7; Aman et Mar-
dochée occupent la même place auprès d'Assuérus.
Esth., x, 3; xm, 3, 6. Daniel, v, 7, 16, 29, n'est que le
troisième dans le royaume, parce que le roi Nabonide
avait associé au gouvernement son fils Balthasar.
A Malte, le gouverneur Publius portait le titre de
irpMTOç, « premier ». Act., xxvm, 7. On regardait
comme un honneur de siéger au milieu des premiers.
I Reg., n, 8; III Reg., xxi, 9; Prov., xxxi, 23. Les rois
mettent leur plaisir dans les trônes et les sceptres,
Sap., vi, 22; la sagesse vaut mieux que ces choses.
Sap., vu, 8. Les pharisiens aimaient à occuper les
premières places dans les festins et dans les syna
gogues. Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 46
Quand un riche se présentait dans certaines réunions,
on lui offrait une place d'honneur en lui disant :
<jù -/.dcSou 58e xaXw;, « à toi cette belle place ».
Jacob., ii, 3, — Au jour du jugement, les Apôtres
siégeront sur douze sièges d'honneur, pour juger avec
le Fils de l'homme. Matth., xix, 28. Alors celui qui
aura vaincu sera assis avec le Fils de Dieu sur son
trône, de même que le Fils est assis sur le trône du
Père. Apoc.,m, 21. Mais bien des rôles seront changés;
beaucoup de ceux qui étaient les premiers sur la terre
seront alors les derniers et réciproquement. Matth., XIX,
30; xx, 16; Marc, x, 31.
4° La place occupée à table était en rapport avec la
dignité de chaque convive. La reine, épouse d'Artaxer-
xès, est assise auprès du roi pendant le repas,
II Esd., n, 6, sans doute dans l'attitude iigurçe t. iv,
flg. 97, col. 290. A l'époque de Notre-Seigneur, on
recherchait avec avidité les premières places à table.
Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 46. Un jour,
le divin Maître fut témoin de cet empressement. Il en
prit occasion pour donner aux convives une leçon de
savoir-vivre, dont il fit en même temps une leçon d'hu-
milité. Luc, xiv, 7-11. L'hôte en effet ne respectait pas
toujours le choix de chaque convive; il faisait monter
l'un et descendre l'autre, ce qui était une source d'hu-
miliations pénibles, bien que méritées. Les Apôtres ne
profitèrent pas de la leçon. Avant la dernière Cène, au
moment sans doute où il s'agissait de prendre place à
table, on les voit se disputer sur la préséance.
447
PLAGE D'HONNEUR
PLAIDEUR
448
Luc, xxn, 24-30. En leur lavant les pieds lui-même,
Notre-Seigneur leur montra en quoi consisteraient les
dignités dans son royaume. Joa., xiii, 4, 5, 13-17. —
Sur la place occupée par les convives à l'époque évan-
gélique, voir Lit, t. rv, col. 290-291.
H. Lesêire.
PLACE PUBLIQUE (hébreu : hàs,«. le dehors »,
refyob, « ce qui est large », Sûq, « là où -l'on court »;
Septante : TcÀixteia, nXâxoç, âfopà j Vulgate : platea,
forum), espace découvert, à proximité des habitations.
— Dans les villes d'Orient, il n'y avait pas de places
proprement dites comme dans les nôtres. Les maisons
étaient resserrées les unes près des autres, les rues
étroites, souvent tortueuses et encombrées. On se gar-
dait d'y ménager des emplacements vides, où l'on n'au-
rait pu s'abriter contre le soleil et qui, dans les villes
entourées de murs, auraient rendu l'enceinte plus éten-
due et plus difficile à défendre. Les places n'étaient
ordinairement que l'espace maintenu libre à l'entrée
des villes ou des villages. De là les noms qui leur sont
donnés; ce sont des endroits en dehors de l'agglomé-
ration, ils sont larges, on peut y courir, ce qui n'était
pas possible dans les rues. Les places étaient les lieux
naturellement indiqués pour servir à toutes les mani-
festations de la vie publique. La Sainte Écriture y fait
assez souvent allusion.
1» Quand des étrangers arrivaient, ils se tenaient sur
la place, jusqu'à ce que quelqu'un leur offrît l'hospita-
lité. Jud., xix, 16, 17, 20. Parfois, ils préféraient s'y éta-
blir pour passer la nuit. Gen., xix, 2. Comme la place
était le lieu de passage de tous les arrivants et de tous
les sortants, on y cherchait ceux qu'on voulait rencon-
trer, Cant., m, 2; on y faisait les proclamations publiques,
Prov., i, 20; Luc, x, 10, les vieillards venaient y devi-
ser à l'aise, quand la chaleur était tombée, I Mach.,
xiv, 9; on y trouvait les ouvriers à louer, Matth., xx, 3,
et les convives à inviter. Luc, xiv, 21. Les gens d'im-
portance aimaient à s'y rendre pour être salués, Matth.,
xxiii, 7; Marc, xn, 38; Luc, xi, 43; xx, 46; mais,
comme on y rencontrait toutes sortes de personnes et
d'objets plus ou moins impurs, les pharisiens ne man-
quaient pas de se laver en revenant de la place publique.
Marc, vil, 4. Notre-Seigneur voulut bien enseigner sou-
vent sur les places publiques, Luc, xm, 26, mais sans
y faire retentir sa voix comme ceux qui veulent im-
poser à la foule. Matth., xii, 19. Dans les villes et les
villages, on rassemblait les malades sur les places pu-
bliques, pour qu'il les guérît. Marc, vi, 56.
2° Les places étaient le théâtre des événements qui
intéressaient toute la population. En cas de danger, c'est
là que retentissaient les cris d'alarme. Ps. cxliv (cxliii),
14. Les ennemis lès occupaient tout d'abord. Lam., iv,
18. 'Les Hébreux devaient y brûler tout le butin des
villes adonnées à l'idolâtrie. Deut, xm, 16. Les Philis-
tins avaient suspendu les os de Saùl et de Jonathas sur
la place de Bethsan. II Reg., xxi, 12. Après la défaite,
la place publique devenait le siège de la désolation
populaire. Is., xv, 3; Am., v, 16. Menacé par Senna-
chérib, Ézéchias réunit les chefs militaires sur une
place, hors de la ville, et les exhorta au courage et à la
confiance. II Par., xxxn, 6. Esdras lut la loi au peuple
assemblé sur la place, devant la porte des Eaux, et en-
suite, sur cette place et sur celle d'aphraïm, on dressa
des tentes pour célébrer la fête des Tabernacles. II Esd.,
m, 8, 16. Voir Jérusalem, t. m, col. 1364, 1365. Parfois
aussi, sur les places, on installa les cultes idolâtriques,
Ezech., xvi, 24, 31, assimilés à la fornication. Cf. Prov.,
vu, 12.
3° La place publique était le rendez-vous de la jeu-
nesse, qui y prenait ses ébats. Les jeunes garçons et les
jeunes filles y venaient jouer. Zach., vm, 5; Matth., xi,
■U5; Luc, vu, 32. Dans les temps de calamités, la mort
frappait les jeunes gens des places publiques. Jer., Kj
21 ; xlix, 26; l, 30; les enfants et les nourrissons y tom-
baient en défaillance. Lam., n, 11.
4° Sur la place publique, par laquelle tous les hommes
passaient pour se rendre aux champs ou en revenir, la
justice tenait ses séances. Job, xxrx, 7; cf. Act.., xvi, 19.
Mais souvent la vérité et la justice trébuchaient sur la
place publique, Is., ux, 14, l'oppression et l'astuce s'y
installaient à demeure. Ps. lv (liv), 12. Voir Jugement,
t. m, col. 1843; Porte. Les places publiques servaient
aussi pour les marchés. Voir Marché, t. iv, col. 748. —
Daniel, ix, 25, prédit la restauration de Jérusalem, avec
ses places et son enceinte; Tobie, Xin, 22, souhaitait
que le pavé de ces places fût de pierres d'une blancheur
sans tache.
5° Il est aussi question d'autres places : la place orien-
tale du Temple, c'est-à-dire le grand parvis, dans lequel
Ézéchias réunit les prêtres et les lévites, II Par., xxix,
4; Esdras y rassembla aussi tout le peuple, I Esd., x,
9, et Judas Machabée y détruisit les autels idolâtriques
que les étrangers y avaient élevés, U Mach., x, 2; la
place du palais de Suse, à travers laquelle Mardochée
fut promené en triomphe, Esth., iv, 6; vi, 9, 11, et les
places que voit saint Jean dans la Jérusalem déicide.
Apoc, xxi, 21; xxn, 2. Voir Agora, t. i, col. 275;
Forum, t. n, col. 2328. — Souvent les versions parlent
de places là où le texte hébreu mentionne un emplace-
ment quelconque, une contrée, Job, xvin, 17, et sur-
tout des rues. II Reg., xxn, 43; III Reg., xx, 34; Tob.,
il, 3; Esth., iv, 1; Ps. xvin (xvu), 43; Prov., vu, 8;
xxii, 13; Eccle., xn, 4, 5; Eccli., ix, 7; Is., v, 25; x, 6;
xxiv, 11; Jer., v, 1 ; vu, 17, 34; xliv, 6, 17^21 ; Lam.,
n, 12; iv, 1, 8, 14; Ezech., xxvi, 11; xxvin, 23; Mich.,
vu, 10; Nah., n, 4; Zach., vin, 4; ix, 3; I Mach., i, 58;
u, 9; II Mach., m, 19; Matth., vi, 5; Act., v, 15. Voir
Rue.
6° En dehors des villes, certains croisements de
routes forment des sortes de places ou carrefours.
Ainsi, pour tirer ses présages, le roi de Babylone
s'arrête à 'ëm had-dérék, « la mère du chemin », à la
tête de deux chemins, ânt-c-îiv àp^ai'av ôêov, « à l'antique
chemin », probablement pour èrci tï|v àpyrp ôSoù, « au
commencement du chemin », in bivio, « au carrefour ».
Ezech., xxi, 21 (26). — La Vulgate appelle bivium, car-
refour, ce que l'hébreu et les Septante nomment « porte
d'Énaïm ». Gen., xxxvm, 14, 21. Voir Enaim, t. n,
col. 1766. Elle donne encore le nom de bivium à l'a[xço-
Sov, « la rue », de Bethphagé. Marc, xi, 4. Enfin, elle
appelle trivia, « carrefours des trois chemins », les
places des villes de Moab. Is., xv, 3.
H. Lesêtre.
PLAGIAIRE (grec : àvSpaTCoStcTTrj?; Vulgate: plagia-
rius), celui qui vend ou qui achète comme esclave
un homme libre, dont on s'est emparé par vol. Saint
Paul, I Tim., i, 10, énumère les plagiaires avec les ha-
micides et les autres criminels dignes de toute la rigueur
des lois. Le plagiat ainsi entendu était puni de mort
chez les Hébreux, Exod., xxi, -16; Deut., xxiv, 7; chez
les Grecs, Xénophon, Memorab., I, H, 62, et chez les
Romains. Lex Fabia, Digest., xlviii, tit. xv. La loi mo-
saïque condamnait à mort non seulement celui qui
avait vendu comme esclave un homme ou une femme
volée, mais aussi celui qui, sans les vendre, les retenait
entre ses mains. Exod., xxi, 16.
PLAIDEUR, celui qui, devant le juge, défend ce
qu'il croit être son droit. — Chez les Hébreux, chacun
plaidait lui-même sa cause devant les juges. A défaut
de témoins pour appuyer sa revendication ou sa dé-
fense, il prétait serment afin de donner plus de poids à
sa parole. Exod., xxn, 11; Heb., vi, 16. Voir Jugement,
t. m, col. 1844; Procédure. Booz et le proche parent
de Ruth font valoir chacun leurs raisons devant dix
anciens pour épouser ou ne pas épouser la jeune^fille.
449
PLAIDEUR
PLAIE
450
Ruth, iv, 1-6. Deux femmes viennent ainsi plaider de-
vant Salomon, au sujet de l'enfant que chacune prétend
être le sien. III Reg., m, 16-28. Déjà, du temps de David,
Absalom cherchait à attirer à lui les plaideurs, sous
prétexte que justice ne leur était pas rendue au tribunal
royal, II Reg., xv, 2-4, bien que lui-même fût rentré
en grâce sur l'intervention d'une femme de Thécué,
venue pour plaider auprès de David la cause d'un fils
soi-disant menacé de mort par sa parenté. II Reg., xiv,
4-20. Les plaideurs usaient parfois de moyens indélicats
pour capter la bienveillance des juges. Prov., xvn, 15,
23; xviii, 5; xxiv, 23; xxvm, 21. — Notre-Seigneur re-
commande au plaideur de s'accorder avec son adversaire
pendant qu'ils sont tous les deux ensemble en route pour
Je tribunal; car, une fois entre les mains de la justice,
L'affaire suivra son cours et le plaideur imprudent ou
opiniâtre en subira les dures conséquences. Matlh., v, 25.
En parlant ainsi, le divin Maître entend donner un
conseil pratique non seulement pour la vie présente, mais
encore pour l'autre vie. On a intérêt à donner satisfac-
tion en ce monde à tous ceux qu'on a lésés de quelque
manière; car, si l'affaire vient en état au tribunal du
souverain Juge, la sentence sera redoutable, et le cou-
pable ne sortira de prison qu'après avoir payé jusqu'à
la dernière obole. Voir Purgatoire. — Saint Paul ne
veut pas que les chrétiens qui ont à plaider quelque
affaire l'un contre l'autre en appellent aux tribunaux
des païens. « Quand vous avez des jugements à faire
rendre sur les affaires de cette vie, dit-il, établissez
pour les juger ceux qui sont les moins considérés
dans l'Église. » I Cor., vi, 4. Les plus humbles fidèles,
avec leur simple bon sens, seront aptes à juger ces
différends à l'amiable, et l'on évitera ainsi de porter à
ia connaissance d'adversaires des discussions qui leur
donneraient occasion de se moquer d'hommes faisant
profession de vivre en paix les uns avec les au très- et
de n'attacher qu'une médiocre importance aux intérêts
matériels. D'autre part, le conseil de l'Apôtre montre
que, sur certaines questions temporelles, il peut
exister des dissentiments légitimes, même entre les
chrétiens. Mais le chrétien ne doit pas être un homme
à procès. L'Apôtre s'inspire du conseil donné par
Notre-Seigneur : « Si l'on t'appelle en justice pour
avoir ta tunique, abandonne encore ton manteau. »
Matth., v, 40; Luc, vi, 29, 30. Il est évident qu'il n'y a
pas ici de précepte. Ainsi l'a compris saint Paul qui,
en plusieurs circonstances, a revendiqué ses droits,
à Philippes, Act., xvi, 37-38; à Jérusalem, xxii, 25-26;
xxiii, 1 ; devant les procurateurs Félix, xxiv, 1.0, et Fes-
tus, xxv, 8-12. Si le chrétien abandonnait toujours tous
les siens, les adversaires l'accuseraient de pusillanimité,
son abnégation encouragerait tous les attentats et il
finirait lui-même par ne plus compter dans la société
des hommes. La charité, autant que la justice, com-
mande de se défendre légalement en certains cas, pour
ne pas laisser les méchants maîtres absolus de tous les
biens d'ordre temporel. Cf. S. Augustin, Epist. 138, h,
9-15, t. xxxiii, col. 528-532; De serni. Dotn. in mont.,
i, 18, 63, t. xxxiv, col. 1261-1262. H. Lesêtre.
PLAIE, résultat d'un coup, d'une blessure, d'un mal
quelconque qui entame partiellement le corps, et, par
extension, calamité de tout ordre qui atteint une per-
sonne ou une collectivité. Ce mot représente donc plu-
sieurs idées, auxquelles correspondent, dans l'hébreu et
dans les versions, des termes tantôt identiques et tantôt
différents.
1° Coups (hébreu : tnakkdh, de nâkdh, « frapper »;
Septante : hXy)Yt| ; Vulgate : plaga). 1. Les coups sont
assez souvent mentionnés dans la Sainte Écriture. Exod.,
il, 11; Prov., xvii. 10; xix, 29; xxm, 13, 14; II Mach.,
m, 26; vi, 30; Matth., v, 39; xxiv, 49; xxvi, 51, 68; xxvn,
30; Act., xxm, 2, etc. Voir Soufflet. — 2. La loi pré-
DICT. DE LA BIBLE.
voyait le châtiment ou le dédommagement qu'entraî-
nent les coups donnés. Qui frappait son père ou sa mère
encourait la mort. Exod., xxi, 18. Frapper son esclave
à coups de bâton jusqu'à lui ôter la vie méritait châti-
ment; si l'esclave survivait, ne fût-ce qu'un jour ou deux,
le maître restait indemne. Exod., xxi, 20. Ceux qui, en
se battant, heurtaient une femme enceinte, devaient une
amende si l'accouchement n'était que prématuré. Au cas
contraire, on appliquait la peine du talion, qui concer-
nait également les cas de blessure, de mutilation ou de
meurtrissure. Exod., xxi, 22-25. Voir Talion. Celui qui,
en donnant un coup à son esclave, lui faisait perdre un
œil ou même une dent, lui devait en retour la liberté.
Exod., xxi, 26. — 3. La loi réglait enfin le nombre de
coups qui pouvaient être infligés par sentence juridique.
Ils devaient être proportionnés à la faute et ne jamais
dépasser quarante. Deut., xxv, 2, 3. On les infligeait
anciennement sous forme de bastonnade. Voir Baston-
nade, t. i, col. 1500. Après la captivité, on y substitua la
flagellation. Voir Flagellation, t. n, col. 2281. Cf. Act.,
xvi, 23, 33; II Cor., vi, 5 ; xi, 23.
2° Blessure (tnakkdh, 71X7,-^. plaga; pesa', de pdsa',
« blesser », Tpaûjia, vulnus; dakké', de dâkd', « être
broyé », itXrjYij, infirmitas; mafyas, de mâhas, « frap-
per », itXïiYï), plaga; Jjês, «blessure de flèche », de hêç,
« flèche », 3éXo;, sagitta; néga' de nàga', « frapper »,
«çï), n<%<TTt5, plaga, lepra, flagellum; éébér, de Sabar-
9 briser », ovizpimiaL, fractura). 1. La première men-
tion de blessure se lit dans le chant de Lamech. Gen., iv,
23. Voir Lamech, t. iv, col. 41. On trouve ensuite mention-
nées les blessures de Job, xxxiv, 6; d'Achab, III Reg.,
xxu, 35; de Joram, IV Reg., ix, 15; II Par., xxn, 6; de
Notre-Seigneur, Joa., xix, 18; xx, 27; cf. Is., lui, 10;
de saint Paul, Act., xvi, 33, etc. Au désert, les Hébreux
sont blessés par les morsures des serpents. Num., xxi,
6. Il n'y a que plaies et blessures, par Conséquent vio-
lences de toutes sortes, dans Jérusalem, au temps de
Jérémie, vi, 7. Les faux prophètes font passer les inci-
sions qu'ils pratiquaient sur eux-mêmes pour des bles-
sures qu'ils auraient reçues dans des rixes avec leurs
amis. Zach., xm, 6. Voir Incision, t. m, col. 868. Le
voyageur de la parabole du bon Samaritain est couvert
de blessures par les voleurs. Luc, x, 30. Les ivrognes
encourent souvent des blessures. Prov., xxm, 29. Les
verges causent des blessures qui contribuent à corriger
le vice. Prov., xx, 30; Eccli., xxvm, 21; xxx, 7. L'hu-
manité sera sauvée par les blessures et les meurtrissu-
res du Rédempteur. Is., lui, 5,10. —2. Au sens figuré,
Jéhovah bandera les blessures et guérira les plaies de
son peuple. Is., xxx, 26. Les blessures que fait un ami
sont inspirées par sa fidélité. Prov., xxvn, 6. — 3. La
législation s'occupait des blessures. Elle réglait que celui
qui blesse subit la loi du talion. Exod., xxi, 25; Lev.,
xxiv, 20. Quand le cas était difficile à décider, on allait
trouver les prêtres et le juge en fonction à ce moment
et l'on s'en remettait à leur sentence. Deut., xvn, 8; xxi,
5. Voir Juge, t. m, col. 1834.
3° Maladie (néga\ à<pVj, tcXt^ti, hc<<tti$, plaga). La lèpre
est appelée une plaie; elle entame en effet la peau et les
chairs. Lev., xm, 3-42; Deut., xxiv, 8. Voir Lèpre, t. iv,
col. 175. Après la prise de l'Arche, les Philistins sont
frappés de plaies consistant en tumeurs malignes. I Reg.,
v, 6, 9; vi, 5. Voir Ofalim, t. iv, col. 1757. Le roiAntio-
chus IV Épiphane fut atteint d'une plaie incurable, qui
avait le caractère d'un châtiment divin, Ôsia [idé<rr<$, divina
plaga. II Mach., ix, 5, 11. Notre-Seigneur guérissait
les malheureux qui souffraient de plaies. Marc, m, 10,
v, 29, 31; Luc, vu, 21.
4" Épreuve (yâd, « main », x e 'P Papeûx, « main
lourde», mamis plagse; [i<z<m£, plaga, flagellum). Job;
xix, 21, se plaint que la main de Dieu l'a frappé comme
d'une plaie. Cette main est lourde. Job, xxm, 2. Le juste
éprouvé et repentant constate que ses amis s'éloignent
V. - 15
45Ï
PLAIE
PLAIES DE N.-S. JESUS-CHRIST
452
de lui à cause de sa plaie. Ps. xxxvm (xxxvn), 4, 12. Il
demande que Dieu détourne de lui cette plaie. Ps. xxxix
(Xxxvm), 11. Celui qui a confiance en Dieu n'a pas à
subir de plaie. Ps. xci (xc), 10.
5° Châtiment (ydd, àvayiu], dolor; maggëfâh, de
nâgaf, « frapper », nXrjrh; plaga ; néga', 68vv»i, turpi-
tudo; négéf, icTtôm;, plaga; makkâh, it>7)Y*|, plaga;
vésa', Spaûeiv, plaga; Sébér, de Sâbar, « briser i>,izl^r{,
plaga). 1. Tous les coups du malheur fondent sur l'im-
pie. Job, xx, 22. L'impudique ne recueille que plaie et
honte. Prov., vi, 33. La maison du parjure est pleine de
plaies. Eccli., xxm, 12. —2. La plaie atteindra ceux qui
n'acquitteront pas leur rançon au moment du recense-
ment dans le désert. Exod., xxx, 12. Les lévites servent
le Seigneur dans le sanctuaire, afin que les Israélites ne
soient frappés d'aucune plaie quand eux-mêmes s'y pré-
senteront. Num., vm, 19. Ceux-ci cependant s'attirent
la plaie par leurs murmures. Num., xvii, 13. Dieu frap-
pera de plaies les Israélites rebelles et infidèles. Lev.,
xxvi, 21, 28; Deut., xxvm, 59, 61; xxix, 21. — 3. Il a
frappé de la sorte les envoyés qui sont allés visiter le
pays de Chanaan et ensuite ont découragé le peuple.
Num., xiv, 37; Coré, Dathan et Abiron, Num., xvi, 46;
les Hébreux qui ont murmuré au désert pour avoir de
la viande, Num., xi, 33; ceux qui se sont laissé séduire à
Béelphégor, Num., xxv, 8, 18; xxxi, 16; la nation cou-
pable au temps de Joram, II Par., xxi, 14, et de Jéré-
mie, x, 19; xiv, 17. Par moquerie, on siffle sur la plaie
qui atteint Jérusalem coupable, Jer,, xix, 8; l'Idumée,
.1er., xlix, 17, Babylone, Jer,, l, 13; Ninive, Nah., m,
19, et les peuples conjurés contre Jérusalem. Zach.,
xiv, 12.
6» Fléau public (maggëfâh, (ruvaM-truxa, « accident »,
plaga; iChr^n; 6pa-j(«;, interfectio; nêga\ izaa\i.6ç,
« recherche », plaga; négéf, it\rfch, plaga; makkâh,
n"Xï|fïi, plaga). l.Le pharaon d'Egypte et sa maison sont
frappés de grandes plaies à cause de Sara, femme d'Abra-
ham. Gen., xii, 17. Les fléaux se déchaînent contre les
Égyptiens, quand le pharaon refuse la liberté aux
Hébreux. Exod., ix, 14; Judith, v, 10,11. Mais ceux-ci
en sont indemnes. Exod., xn, 13. La plaie sévit sur les
Philistins, qui se sont emparés de l'Arche, IReg., v, 12;
VI, 5, 9; sur les gens de Bethsamès, qui ont regardé
l'Arche irrespectueusement, I Reg., vi, 19; sur tout le
peuple israélite, à l'époque de David, sous forme de
peste. II Reg., xxiv, 21; I Par., xxi, 22. —2. Dieu châ-
tiera son peuple «avec une verge d'homme et des plaies
de fils des hommes », c'est-à-dire par des fléaux pro-
portionnés à la fois à la faiblesse et à la malice des
coupables. II Reg., vu, 14. On priera dans le Temple
pour obtenir la délivrance de ces fléaux. III Reg., vm,
37, 38; II Par., vi, 28, 29.
7° Les plaies d'Egypte (maggâfôf, <ruvavT7)uara,
plagie, Exod., ix, 14). Elles sont au nombre de dix :
1. L'eau changée en sang. Exod., vu, 17, 21. Voir Eau,
t. ii, col. 1520; Sang. Les magiciens imitèrent ce fléau.
Exod., vil, 22. — 2. Les grenouilles. Exod., vm, 3-6.
Voir Grenouilles, t. m, col, 347. Les magiciens imi-
tèrent de nouveau ce fléau. Exod., vin, 7. — 3. Les
moustiques. Exod., vm, 16-19. Voir Cousin, t. H, col. 1093.
Les magiciens furent impuissants à imiter cette plaie
ainsi que les suivantes, et ils dirent au pharaon : « C'est
le doigt d'un dieu! » Exod., vm, 18, 19. — 4. Les mou-
ches. Exod., vm, 21-24. Voir Mouche, t. iv, col. 1324. —
5. La peste du bétail. Exod., ix, 2-7. Voir Peste, col. 164.
— 6. Les pustules. Exod., ix, 9, 10. Voir Pustules. —
7. La grêle. Exod., ix, 18,26. Voir Grêle, t. m, col. 336.
— 8. Les sauterelles. Exod., x, 4-15. Voir Sauterelle.
—9. Les ténèbres. Exod.,x, 21-23. Voir Ouragan, t. iv,
col. 1930. — 10. La mort des premiers-nés. Exod., xii,
29-30. Voir Paque, t. iv, col. 2094; Prehier-né. — Ces
plaies ont un côté naturel, en ce sens que les phéno-
mènes qui les constituent se produisent naturellement
en certaines circonstances. Mais ce qui leur donne «un
caractère miraculeux, évident et incontestable, c'est
qu'elles arrivent à point nommé, comme sanction de la
parole de Dieu, dans des circonstances annoncées à
l'avance, précises, et avec une intensité qui révèle mani-
festement une intervention surnaturelle : elles se pro-
duisent par l'ordre de Moïse, au moment qu'il a prédit,
de la manière qu'il a déclarée; elles cessent quand il
l'ordonne et, plusieurs fois, au moment qui lui a été
Jixé par le pharaon; le pays de Gessen est toujours
exempt; les Égyptiens n'en contestent jamais le carac-
tère extraordinaire; ils en sont au contraire consternés
et ils acceptent ces signes comme une preuve de la
mission divine de Moïse. » "Vigouroux, La Bible et les
découvertes modernes, 6 e édit., t. Il, p. 312. Sur les dix
plaies, voir lbid., p. 315-349. La dixième plaie, en par-
ticulier, en faisant périr dans une même nuit tous les
premiers-nés, tant des hommes que des animaux, fit
éclater de la manière la plus convaincante et la plus
douloureuse le dessein que Dieu avait d'arracher son
peuple aux mains de ses persécuteurs. Cette dernière
plaie, plus terrible que toutes les autres, ne pouvait ces-
ser comme les précédentes et était sans remède. Dieu
exerça cette sévérité contre toute une nation pour abais-
ser l'orgueil et vaincre l'obstination du pharaon, pour
châtier les Égyptiens de la part qu'ils avaient prise à
l'oppression des Hébreux et pour graver profondément,
dans le cœur de ces derniers, l'idée de sa puissance, de
sa domination absolue sur toute la nature, de sa supé-
riorité sur tous les dieux qu'adoraient les nations et de la
bonté qu'il entendait témoigner au peuple qu'il s'atta-
chait particulièrement. Voir Moïse, t. iv, col. 1196-1198.
8° Défaite (makkâh, truvTpc^ts, tt^yyj, plaga). La
défaite d une armée est habituellement désignée sous le
nom de « grande plaie ». Jos., x, 10, 20; Jud., xi, 33;
xv, 8; I Reg., iv, 10; xiv, 14, 30; xxm, 5; II Reg., xvii,
9; ïviii, 7; III Reg., xx, 21; II Par., xm, 17; xxvm, 5;
Tob., i, 21; Esth., ix, 5;IMach., i, 22; v, 3, 34; vu, 22;
vin, 4, etc.
9° État moral (makkâh, icXr^r,, plaga). La misère mo-
rale d'un individu ou d'un peuple est représentée sous
la figure d'une plaie. « Toute transgression est comme
une épée à deux tranchants, la- plaie qu'elle fait est
incurable. » Eccli., xxi, 4. Les infidélités continuelles du
peuple de Dieu constituent pour lui un état maladif dans
lequel on ne constate que blessures, meurtrissures,
plaies purulentes, qui ne sont ni nettoyées, ni bandées,
ni soignées d'aucune manière. Is., 1, 5, 6. La plaie de la
nation est inguérissable et mortelle. Jer., xv, 18; xxx,
12, 14; Mich., i, 9. Cependant Dieu pansera les plaies de
Sion, Jer., xxx, 17, et un jour le Rédempteur se char-
gera des plaies de l'humanité. Is., lui, 4.
10° Plaies symboliques (tcXiîyïÎ, plaga). Ce sont les
fléaux que saint Jean énumère dans l'Apocalypse : le feu,
la fumée et le soufre, ix, 18; les plaies dont les deux
témoins de Dieu peuvent frapper la terre, xi, 6; la plaie
mortelle dont guérit la première bête, xm, 3, 12, 14; les
sept plaies déchaînées par les anges, xv, i, 6, 8; xvi, 9,
21; la plaie qui frappe la grande Babylone, xvm, 4, 8;
les plaies dont sont menacés ceux qui ajouteront ou
retrancheront aux paroles de l'Apocalypse, xxn, 18.
H. Lesêtre.'
PLAIES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-
CHRIST, blessures qui lui ont été faites pendant sa
passion. 1° Les prophéties faisaient clairement entendre
que des plaies seraient infligées au Messie souffrant.
Ils ont percé mes mains et mes pieds,
Je pourrais compter (Vutgate : ils ont compté) tous mes os,
fait dire au Messie souffrant le Psaume xxn (xxj), 17-
18. Sur ce texte, voir Lios, t. rv, col. 277-279.
Il a été transpercé à cause de nos péchés...
Et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris.
453
PLAIES DE N.-S. JÉSUS-CHRIST
PLAINE
454
I§., lui, 5. Les mots employés par le prophète,
meholàl, « il a été transpercé, ouvert », èrpai^a-tiffôn,
vulneratus est, « il a été blessé », et bahâburâtô,
« par sa meurtrissure », cf. Gen., iv, 23, pu>).a>TCt,
livore, la trace que laissent les coups reçus, supposent
des blessures et des coups attaquant la chair même.
Je répandrai sur la maison de David
Et sur les habitants de Jérusalem
Un esprit de grâce et de supplication,
Et ils regarderont vers moi qu'ils ont percé.
Zach., xil, 10. Le mot ddqârù signifie « ils ont
percé », confùcentnt. Par une transposition de lettres,
les Septante ont lu rdqddù, xaTiopxïiTavîo, « ils ont
insulté ». Saint Jean, XIX, 37, qui cite ce texte, lit con-
formément à l'hébreu i|sx£vTf,(jav, « ils ont transpercé »,
transftxerunt. Ce texte ne s'applique pas directement
à Judas Machabée, tué par. les ennemis, comme le
pense saint Ephrem, qui le rapporte du resle aussi
dans le « sens mystique et très vrai » à Notre-
Seigneur. Cf. Bévue biblique, 1898, p. 91. Ce dernier
sens est seul possible; il est reconnu et consacré par
saint Jean, xix, 37. Les regrets dont parle ensuite le
prophète de la part de ceux qui ont commis le crime,
Zach., xil, 10, se sont produits effectivement après la
mort du Sauveur. Luc, xxm, 48; Act., n, 37. — Un
autre texte de Zacharie, xiii,. 6 : « Qu'est-ce que ces
blessures à tes mains ? — J'ai reçu ces coups dans
la. maison de mes amis, » ne peut être appliqué à
Notre-Seigneur que par accommodation. Il s'agit en
effet d'un faux prophète qui a pratiqué sur lui-même
des incisions idolâtriques et qui, pour se disculper,
feint d'avoir été blessé par ses amis.
2° Quand Notre-Seigneur annonce sa mort, il dit
qu'il sera crucifié. Matth., xx, 19; xxvi, 2. La cruci-
fixion était un supplice romain, et saint Jean, xvni, 32,
remarque que quand les Juifs avouèrent qu'ils ne pou-
vaient eux-mêmes mettre Jésus à mort, ils procuraient
l'accomplissement de la prédiction qu'il avait faite.
Joa., XH, 33. Les Juifs l'auraient lapidé, les Romains
devaient le crucifier. Les Évangélistes se contentent de
dire qu'on le crucifia, sans donner aucun détail. Matth.,
xxvii, 31, 35; Marc, xv, 24, 25; Luc, xxm, 33; Joa.,
xix, 18. Quelquefois, les criminels étaient attachés à la
croix avec des cordes. Cf. Rich, Dict. des antiq.
grecques et romaines, trad, Chéruel, Paris, 1873, p. 206.
Le plus souvent, on les fixait avec das clous. Cf. Plaute,
MostellaHa, n, 1, 13. Tertullien, Adv.jud., 10, t. n,
col. 629, fréquemment témoin de ce spectacle, dit que
la perforation des mains et des pieds était « l'atrocité
propre de la croix ». En certains cas, on liait le sup-
plicié avec des cordes avant de le clouer. Cf. Pline,
H. N., xxvm, 11; S. Hilaire, De Trinit., x, 13, t. x,
col. 352. Les Pères sont unanimes à expliquer les ver-
sets 17-18 du Psaume xxi, en supposant que le Sau-
veur a eu les mains et les pieds percés par les clous.
On lit aussi dans VEpîtrede Barnabe, 12, dont l'auteur
se réfère à IV Esd., xiv, 33; v, 5 : « Quand ces choses
s'accompliront-elles ? Lorsque le bois, dit le Seigneur,
aura été étendu par terre puis redressé, et que du bois
le sang tombera goutte à goutte, paroles qui se rappor-
tent à la croix et à celui qui devait y être crucifié. »
Cf. Hemnier-Lejay, Textes et documents, les Pères
apost., Paris, 1907, t. I, p. cxn, 74-75. Pour que le
sang tombât du bois goutte à goutte, il fallait que le
Supplicié y fût blessé, qu'il eût par conséquent les
mains et les pieds percés. Voir Clou, t. n, coi. 810.
Cf. Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin,
Paris, 1897, p. 181-184; Ollivier, La Passion, Paris,
1891, p. 334-338. Le -Sauveur avait reçu d'autres bles-
sures à la flagellation, au couronnement d'épines, et
probablement même, d'après certaines traditions, pen-
dant le portement, de la croix et par suite de diverses,
chutes. Cf. Thurston, Étude historique sur le chemin
de la Croix, trad. Boudinhon, Paris, 1907, p. 87-109.
Mais ces blessures n'étaient qu'accessoires à côté des
quatre plaies qui lui furent faites pendant le crucifie-
ment. Une cinquième fut ajoutée après la mort. Au lieu
de briser les jambes du crucifié, comme c'était la règle,
un soldat lui transperça le côté de sa lance, et il en
sortit du sang et de l'eau. Joa., xix, 32-34. L'apôtre voit
dans cette plaie l'accomplissement de la prophétie de
Zacharie, su, 10.
3° Après sa résurrection, Jésus apparaît dans le
cénacle aux onze et à leur? compagnons, et, en preuve
de sa résurrection et de la réalité de sa présence, il
leur montre ses mains et ses pieds. Luc, xxiv, 39, 40;
Joa., xx, 20. Pourquoi? Parce que cette vue devait
constituer pour eux un témoignage irrécusable, ce qui
suppose nécessairement que ses extrémités n'avaient
pas seulement été attachées à la croix, mais qu'elles
avaient été transpercées et qu'elles gardaient encore la
trace de ses blessures. Le Sauveur explique ensuite
qu'il fallait que s'accomplit en lui tout ce qui avait été
prédit par Moïse, les prophètes et les Psaumes, Luc, xxiv,
44, ce qui, entre autres prophéties, vise les passages se
rapportant aux plaies du Messie souffrant. Thomas,
absent au moment de cette première apparition, déclara
que, pour croire, il voulait mettre son doigt dans le
trou des clous et sa main dans le côté du Sauveur.
Notre-Seigneur accéda au désir de l'apôtre incrédule;
huit jours après, il lui montra les plaies de ses mains
et de son côté et l'invita à en constater la réalité. Tho j
mas se rendit alors. Joa., xx, 24-29. Ce récit rend indu-
bitable la perforation des mains et des pieds, que les
Évangélistes permettaient de supposer, mais n'affir-
maient pas positivement. — Saint Jean, parlant du
dernier avènement du Christ, dit qu'alors « tout œil le
verra, même ceux qui l'ont percé», èîe-/ÉvtTi<ïav, pupu-
qerunt. Apoc., i, 7. Saint Jérôme, Epist. xiv, 11,
t. xxn, col. 354, en faisant allusion à cette apparition,
du Christ souverain Juge, s'exprime ainsi : « Regarde,
Juif, les mains que tu as clouées; regarde, Romain,
le côté que tu as percé. » Saint Jean représente dans
le ciel, «au milieu du trône, l'Agneau debout, et parais-
sant avoir été immolé. » Apoc, v, 6. L'Agneau est
vivant, puisqu'il est debout, et pour paraître c avoir été.
immolé », il faut qu'il porte encore les traces des
blessures mortelles qu'il a reçues. L'Église a consacré
celte pensée, dans l'hymne qui se récite aux premières
vêpres de la fête de la Lance et des Clous de N.-S. J.-C. :
Te, Jesu, superi laudibus efferant,
Qui clavorum adilu signaque lancese
In caelo rétines, vivus ubi imperas.
Dans la séquence Solemnis hsec festivitas, pour le
jour de l'Ascension, on lisait aussi :
Patri monstrat assidue
Quae dura tuliL vulnera,
Et sic pacis perpetuœ
Nobis exorat fœdeva.
Ces idées s'inspirent de ce qui est dit Heb., ix, 11, 12,
24; x, 11-14, et Apoc, i, 7;v, 6. H. Lesêtre.
PLAINE, étendue de pays plat. — Les Hébreux ont
plusieurs expressions pour rendre ce mot :
1» Biq'âh, de la racine bdqa', qui veut dire : « fendre, »
et par là même : « ouvrir. » Le substantif indique donc
comme une « fissure » ou une « ouverture » entre les :
montagnes ou les collines; voilà pourquoi il rend aussi
bien le sens de valle'e. Cependant il ne s'applique qu'à
une large étendue de terrain, à la différence de gè', qui
désigne plutôt des ravins ou des gorges étroites. C'est
ainsi que la grande plaine de Cœlésyrie, qui s'étend
entre le Liban et l'Antiliban, porte encore en arabe le
nom A'El Beqd'a. Les Septante traduisent généralement .
455-
PLAINE — PLAISIR
456
ce mot par rceSiov. Gen., xi, 2; .los., xi, 8, 17; xn, 7;
Ezech., m, 22, 23, etc. La "Vulgate le rend par campus,
Gen., xi, 2; Jos., xu, 7; II Par., xxxv, 22; Is.,xli, 18;
lxiii, 14, etc.; campestris [terra], Dent., xi, 11; pla-
nities, Jos., xi, 17; vise planée, la., xl, 4. Il est employé
dans un sens indéterminé Gen., xi, 2; Ps. cm (hébreu,
crv),-6; Is., xl, 4; xu, 18; lxiii, 14; Ezech., ni, 22, 23,
vin, 4; xxxvii, 1, 2. Ajouté à des noms propres, il dé-
signe les plaines suivantes :
1. La plaine de. Jéricho (hébreu : biq'af Ierêhô),
partie, de la vallée du Jourdain qui s'étend aux envi-
rons de Jéricho. Deut., xxxiv, 3.
2. La plaine de Masphé (hébreu : biq'at Mispék),
Jos., xi, 8, territoire appelé « terre de Maspha » au
it. 3 du même chapitre, ou région située au pied de
l'Hermon. Voir Maspha 2, col. 834.
3. La plaine du Liban (hébreu : biq'at hal-Lebdnôn),
Jos., xr, 17; xn, 7, est, non pas la Cœlésyrie, mais
plutôt la plaine qui se trouve au sud et au sud-ouest
de Banias, « sous l'Hermon. » "Voir Baalgad, t. i,
col. 1336.
4. La plaine de Mageddo (hébreu : biq'at Megiddô,
II Par., xxxv, 22; biq'af Megiddôn, Zach., xn, 11)
n'est autre que la plaine d'Esdrelon ou de Jezraël,
entre les monts de Samarie au sud et ceux de Galilée
au nord. Voir Mageddo 3, col. 560.
5. La plaine d'Ono (hébreu : biq'at 'Ônô), II Esd.,
vi, 2, dans laquelle était situé le village d'Ono, aujour;
d'hui Kefr 'Ana, au sud-est de Jaffa. Voir Ono 2,
col. 1821.
6. La plaine d'Aven (hébreu : biq'af 'Âvèn; Sep-
tante : toSïov t Qv; Vulgate : campus idoli, « la plaine
de l'idole »), Am., i, 5, serait, d'après un certain nombre
d'auteurs, la plaine de Cœlésyrie, ce qui n'a rien de
sûr. Voir Aven, t. i, col. 1286.
7. La plaine de Dura (hébreu : biq'at Dura'),
Ban., m, 1, aux environs de Babylone. Voir Dura, t. h,
col. 1517.
ty Kikkar. Ce mot, qui signifie « rond, cercle, » et
par extension, « district, » est plusieurs fois appliqué
à la plaine du Jourdain. Il désigne, en particulier,
l'oasis fertile qui existait autrefois près de la partie
inférieure du fleuve et où florissaient les villes de la
plaine. On trouve ainsi les expressions : kikkar hay-
Yardên; Septante : rj rcepfywpoç TO y 'lopSâvov; Vulgate :
regio Jordanis, Gen., xiii, 10, 11, etc., ou simplement
kak-kikkar, Gen., xix, 17, 25, 28, 29. Cf. Matth., m,
5. Voir Jourdain, t. m, col. 1712.
3° 'Ardbâh, avec l'article défini, hâ 'Arâbâh, dont
l'idée générale est celle de « région déserte, stérile ».
C'est une des expressions caractéristiques que l'Écri-
ture emploie pour désigner dans son ensemble la
plaine ou dépression remarquable qui s'étend des
pentes méridionales de l'Hermon au golfe d'Akabah.
Voir Arabah, t. i, col. 820. Le pluriel 'Arbôt, souvent
uni à Mô'âb, Num., xxii, 1; xxvi, 3, 63; xxxi, 12, etc.,
et à Yerîhô, «Jéricho », Jos., iv, 13; v, 10; IV Reg.,
xxv, 5, etc., il indique la partie de la plaine du Jour-
dain qui, au nord de la mer Morte, se développe sur
les deux rives du fleuve, à l'ouest aux environs de
Jéricho, à l'est dans le Ghôr es-$eisbân, jusqu'aux
premières hauteurs de Moab. Voir Moab, La plaine
inférieure, col. 1148.
4" Mîsôr, plus souvent avec l'article, ham-Mîsôr. Ce
mot, de la racine ydSar, « être droit », est appliqué
au plateau de Moab, Deut., m, 10; iv, 43; Jos., xiii,9,
etc., par contraste avec les inégalités de la partie occi-
dentale de la même contrée et les montagnes de Galaad
au nord. Voir Misor 1, col. 1132.
5° Sefêldh, haf-aefêlâh: Cette expression, qui signifie
« : le pays bas », désigne là partie de la plaine côtiére
qui s'étend entre les montagnes de Juda et la Méditer-
ranée, et dont les Philistins formèrent leur territoire.
Les Septante la rendent ordinairement par neStov,
Deut,, i, 7; Jos., xi, 2, xn, 8; r\ toSwi r-pij, Jos., x, 40;
xi, 16, etc. la Vulgate, par campestris, campestria,
Jos., x, 40; xv, 33; Jud., i, 9, etc.; planities, Jos. r xi,
16, etc.. Voir Séphêlah. La partie supérieure de cette
plaine, celle qui va de Jaffa au Carmel, porte le nom
de baron. Voir Saron.
6° On trouve dans saint Luc, vi, 17, à propos du lieu où
Notre-Seigneur prononça le discours sur les Béatitudes,
l'expression tôjio; jieStvôç, « plateau »; Vulgate : locus
campestris. Voir Béatitudes (Mont des), 1. 1, col. 1528.
On voit que chacun des mots hébreux dont nous
venons de parler a, par lui-même, une signification
distincte. C'est ainsi que les environs de Jéricho, sui-
vant les divers points de vue sous lesquels on les con-
temple, sont dits faire partie du kikkar, de la biq'âh
ou des 'arabôf. Mais le misôr ne saurait, être appelé
une biq'âh, ni la biq'dh une 'ârâbàh. De même encore
le misôr moabite était tout à fait distinct des 'arbôt
Mô'âb. Ce mot mîsôr est en définitive, étymologique-
ment, celui qui correspond le mieux à celui de
« plaine ». — Voir Vallées. Sur le sens et la distinction
des différents mots employés pour « plaines » et
« vallées », cf. Stanley, Sinai and Palestine, Londres,
1866, Appendix, p. 481-489. A. Legendre.
PLAISIR (hébreu : 'édndh, 'êdén, 'onég, Hmfyâh,
fa'ânug', Septante : ffBovrjjE^Tpyç-r^cx, £\>9po<T\>vq, tp'jçtj",
Vulgate : voluptas, delicise, luxuria), satisfaction plus
ou moins vive que l'on éprouve à jouir des biens de ce
monde.
1° Plaisirs permis. — Dieu a attaché le plaisir à
l'accomplissement de certains devoirs, comme ceux de
ta vie conjugale, Gen., xvm, 12; Cant., vit, 7, du travail,
Eccle., il, 10, de l'observation du sabbat, Is., lviii, 13,
de la fidélité à son service, Ps. xxxvi (xxxv), 9, de la
célébration des fêtes. II Par., xxx, 23; II Esd., vm, 12;
xn, 27, etc. La jouissance des biens de la vie cause un
plaisir légitime. II Esd., ix, 25. L'Ecclésiaste, h, 1, 8,
24, 25; v, 18, a usé de tous les plaisirs en pensant qu'ils
lui venaient de Dieu. Certains plaisirs se trouvent sur-
tout auprès des rois. II Reg., i, 24; Luc, vu, 25, et,
d'après les versions, II Par., x, 10. Ces plaisirs présen-
tent cependant des inconvénients. A (es aimer trop, on
tombe dans l'indigence. Prov., xxi, 17. Il ne sied pas à
l'insensé de s'y livrer, Prov., xix, 10, sans doute parce
qu'il ne saura pas se modérer. Un moment d'affliction
les fait vite oublier. Èccli., xi, 29. L'avare, qui s'est
privé, laisse ses biens à d'autres, qui vivront dans les
délices. Eccli., xiv, 4. — La veuve chrétienne qui vit
dans les plaisirs, est morte, bien qu'elle paraisse
vivante, I Tim., v, 6, l'usage immodéré du plaisir,
même légitime, ne convenant pas à son état. Voir Joie,
t. m, col. 1597.
2» Plaisirs coupables. — Les impies cherchent par-
tout le plaisir et s'y livrent sans retenue. Sap., n, 6-9;
Luc, xv, 13; I Cor., xv, 32; I Pet., îv, 3, 4. A Babylone,
châtiée par Dieu, les chiens sauvages devaient hurler
dans les « maisons de plaisir ». Is., xm, 22. Pendant
la persécution d'Antiochus Épiphane, le Temple était
devenu un lieu de plaisirs infâmes. II Mach,, VI, 4. Les
riches vivent sur la terre dans les délices et les festins,
comme la victime qui se repaît le jour où l'on doit
l'égorger. Jacob., v, 5. Saint Pierre accuse les faux .
docteurs de passer toutes les journées dans les délices ■
et, par leurs théories pompeuses et vides, d'attirer les
nouveaux convertis dans les convoitises de la chair.
II Pet., ii, 13, 18. Saint Paul signala également ces
mêmes faux docteurs, « amis des voluptés plus que de
Dieu. » II Tim., m, 4. Les fidèles de Jésus-Christ, autre-
fois « esclaves de toutes sortes de convoitises et: de
jouissances », ont su y renoncer pour devenir héritiers
de la vie éternelle. Tit., m, 3, 7. Car Notre-Seigneur a
457
PLAISIR
PLANÈTE
458
déclaré que « tes plaisirs de la vie », soit ceux qui sont
coupables, soit même ceux qui sont légitimes, mais
dont on abuse, sont les épines qui empêchent la bonne
semence de croître dans les âmes. Luc, vm, 14. Saint
Jean rapporte la sentence portée contre la grande Baby-
lone et contre tous ceux qui ont partagé son genre de
vie : « Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe,
autant donnez-lui de tourment et de deuil. »Apoc.,xvm,
7. Voir Gourmandise, t. m, col. 281; Ivresse, col. 1048;
Luxe, t. rv, col. 435; Luxure, ibid., col. 436.
H. Lesêtre.
PLANCK Heinrich Ludwig, théologien prolestant,
né à Gœttingue le 19 juillet 1785, mort dans cette ville
le 23 septembre 1831. En 1806, il devint répétiteur à
IHiniversité de Gœttingue, en même temps que Gese-
nius, et y enseigna l'exégèse et l'hébreu. Il s'occupa
principalement de la critique et de la langue originale
du Nouveau Testament. On a de lui : Bemerkungen
ùber den ersten Paulinischen Brief an Timotheus,
Gœttingue, 1808 (défense del'authenticilédecelteÉpître
planètes, qui sont, dans l'ordre de leur distance du
soleil, Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne,
Uranus, Neptune. Ces deux dernières ont été décou-
vertes l'une en 1781 , l'autre en 1846. On a de plus observé
une multitude de petites planètes, dont le nombre at-
teint plusieurs centaines et s'accroit avec les années. —
Les anciens ont très bien reconnu les planètes à leurs
signes distinctifs. Dans le système cosmogonique
babylonien, Mardouk avait tracé la route des planètes
dans le ciel, et avait confié à des dieux la garde de
quatre d'entre elles, se réservant lui-même de veiller
sur celle que nous appelons Jupiter. Cf. Jensen, Die
Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 288-
291. Les Babyloniens ne connaissaient naturellement
que cinq planètes, confiées, Jupiter à Mardouk, Vénus
à Istar, Saturne à Ninib, Mars à Nergal, Mercure à Nébo.
Ces attributions ne sont pas absolument certaines.
Cf. Jensen, Die Kosmologie, p. 95-133; Oppert, Un
annuaire astronomique babylonien, dans le Journal
asiatique, 1891; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 669.
90. — Les planètes, d'après les Babyloniens, représentées sur une borne, sous le règne de Nabuchodonosor I",
roi de Babylone, vers 1300 avant J.-C. — D'après Jeremîas, Bas alte Testament, 19C4, lîg. 5, p. 11.
contre Schleiermacher) ; Entwurf einer neuen synop-
tischen Zusammenstellung der drei ersten Evangelien,
m-8°, Gœttingue, 1809; De vera natura atque indole
orationis grœcse Novi Testamenti commentatio, in-4°,
Gœttingue, 1810; cet essai, qu'il publia comme pro-
gramme de son cours, quand il fut nommé professeur
«xlraordinaire de théologie en 1810, lui acquit une
grande réputation. Il travailla les dernières années do
sa vie à un Lexique du Nouveau Testament, mais la mort
l'empêcha de l'achever. — Voir Fr. Lucke, Fr. G. J .
Ptançk, ein biographischer Versuch, Gœttingue, 1835.
Dans cette biographie du père d'Henri Louis, in-8°;
Lucke a réimprimé, p. 135 sq., ce qu'il avait écrit du
fils en 1831 au moment de sa mort, Zum Andenken an
D. K. L. Planck, eine biographische Mittheilung. Voir
Allgemeine deutsche Biographie, t. xxvr, 1888, p. 227.
PLANÈTE, corps céleste dont la révolution est
commandée par le soleil et dont l'orbite décrit une
ellipse autour de cet astre. Les planètes se distinguent
des étoiles fixes par leur absence de scintillation et par
leur déplacement au milieu des étoiles. C'est par suite
d'une simple illusion d'optique que les planètes parais-
sent se mouvoir à travers les étoiles, car elles sont à
une distance effroyable de la plus rapprochée de ces
dernières. Les planètes n'ont pas de lumière propre;
ellesréfléehissent celle qu'elles reçoivent du soleil et,
en conséquence, présentent des phases régulières,
comme la lune. On distingue aujourd'hui huit grandes
Si à ces planètes on ajoute le soleil ou Samas et la
lune ou Sin, on a les sept planètes des anciens (fig. 90).
On a retranché depuis de ce nombre le soleil, qui n'est
pas une planète, et la lune, qui est un satellite de la
terre, et l'on y a ajouté la terre elle-même, qui est une ■
planète. — Les Égyptiens connaissaient aussi les cinq
planètes, Ouapshetatooui ou Jupiter, Kahiri ou Saturne,
Sobkou ou Mercure, Doshiri, « le rouge », ou Mars, et
Bonou, « l'oiseau », ou Vénus, ayant double figure,
Ouàiti, ou étoile du soir, et Tiou-noutiri, ou étoile du
matin. Cf. E. de Rougé, Noie sur les noms égyptiens
des planètes, dans le Bulletin archéologique de l'Athe-
nseum français, t. u, p. 18-21, 25-28. Sur un plafond
du tombeau de Séli l<*, sont .représentées trois planètes
debout sur leurs barques et cheminant lentement sous
la conduite de Sâhou ou Orion et de Sothis ou Sirius
(fig. 91). — Les écrivains sacrés ne mentionnent qu'in-
cidemment quelques planètes : hêlêl, Vénus,voir Luci-
fer, t. îv, col. 407; hag-Gad, probablement Jupiter,
voir Gad, t. m, col. 24; kîyyûn, correspondant à l'as-
syrien kaivanû, Saturne, cf. Jensen, Kosmologie,
p. 111-116; Oppert, Tablettes assyriennes dans le
Journal asiatique, 6 e sér., t. xvm, 1861, p. 445;
voir R.EMPHA.M. Saint Jude, 13, assimile les docteurs de
mensonge à des nXâvritsç àfftépeç, « astres errants ». Il
est probable que l'apôtre songe plutôt aux comètes.
Voir Comète, t. n, col. 877. Les Chaldéens cependant
comparaient les planètes à des moutons capricieux,
libbon, échappés au troupeau des étoiles pour s'en
459
PLANÈTE — PLAT
460
aller paitre à leur guise. Cf. Jensen, Die Kosmologie,
p. 95-99; Jeremias, Das aile Testament, in-8», Leipzig,
1904, p. 9-16. H. Lesêtre.
PLANT AVIT DE LA PAUSE Jean, évéque fran-
çais, né en 1576 au château de Marcassargues, dans le
Gévàudan (aujourd'hui le département de la Lozère),
mort au château de Margon, près de Béziers, en 1651.
Élevé dans le calvinisme, que professaient ses parents,
il y resta jusqu'à l'âge de 29 ans. Il remplissait même
les fonctions de ministre à Béziers, lorsqu'il se conver-
tit au catholicisme et fit son abjuration dans celte
ville (1605). Par la suite il devint prêtre, et après avoir
été, successivement, grand vicaire du cardinal de
La Rochefoucauld, aumônier d'Elisabeth de France,
reine d'Espagne, il fut promu, en 1625, par l'interven-
hebraico-latini loco, sacrm linguse studiosis inservire
possit, in-f°, Lodève, 1644. Son second ouvrage est inti-
tulé : Florilegium rabbinicum, ordine alphabelieo
digeslum, compleclens hebraicas et chaldaicas vete-
rum rabbinorum sententias duplici charactere rabbi-
nico et quadrato exaratas, versione latina, brevibus-
que, ubï opus est, scholiis in gratiam studiosorum
linguse sanctse illustratas, in-f°, Lodève, 1644. A la fin
une table donne les noms de tous les rabbins dont les
maximes sont citées. Dans cet ouvrage l'auteur fait de
nombreux rapprochements avec les maximes de l'An-
cien et du Nouveau Testament.
Cet ouvrage appelait comme complément le suivant :
Florilegium biblicum, complectens omnes utriusque
Teslamenti sententias hebraice et grsece cum versione
latina et brevi juœta literdlem sensum commenlario
91. — Planètes et constellations représentées en Egypte sur le tombeau de Séti I".
D'après E. Lefébure, Les hypogées royaux de Thèbes, i' part., pi. xxxvi.
tion de celte princesse, à l'évêché de Lodève. Ses
infirmités l'obligèrent à résigner ce siège, en 1648,
pour se retirer, dans le diocèse de Béziers, au château
de Margon. Il avait étudié l'hébreu avec le plus grand
soin, et l'on a de lui sous un titre qui rappelle le nom
de l'auteur : jsan 7BJ, néta' haggéfén, Planta vitis, scu
Thésaurus synonymicus-hebraico-chaldaico-rabbini-
cus, in quo omnes totius hebraicae linguse voces una
cum plerisque rabbinicis, talmudicis, chaldaicis, ea-
rumque significationes, etymon, synonymia, usus,
elegantiœ, paraphrases, idiotismi, ex hebraicorum
Bibliorum contextu, horum chaldaicis paraptirasibus ,
ex immensa codicum Babylonici et Hierosolymitani
Talmudica farragine, ex Rabbinorum commentalori-
bus, grammaticis expositoribus, cabbalistis, philoso-
pha et theologis, aliisque reconduis Hebrœorum
monumentis, nova et exacta methodo, per hexapla
7rapaXX/|)iMç demxmstrantur, ac una cum auctoritatibus
e sacrarum Utterarum corpore depromptis energiam
et emphasim vocum perhibentibus ample ac dilucide
explicantur : nonnullorum quoque vocabulorum grsc-
corum, latinorum, gallicorum, ilalicorum, hispani-
corum, germanicorum, anglicorum, belgicorum, po-
lonicorum, ex etymologia ab hebrseo seu chaldaico
idiomate petita passim ubique indicatur; Quibus ac-
cessit duplex Index locupletissimus qui justi lexici
illustratas. L'ouvrage est divisé en deux parties. La
l ie contient les maximes tirées des livres de l'Ancien
Testament écrits en hébreu. La seconde renferme les
maximes du Nouveau Testament et des livres écrits en
grec de l'Ancien Testament. Les maximes sont dispo-
sées par ordre alphabétique du 1 er mot de la sentence
biblique en hébreu, ou en grec. In-f°, Lodève, 1645. A
la fin un index donne toutes les sentences d'après la
Vulgate selon l'ordre alphabétique. Une table des prin-
cipales matières termine le volume. Un exemplaire de
ces trois volumes se trouve à la Bibliothèque nationale
A 2718, 2719 et 2720. — Sur le mouvement d'études
bibliques auquel se rattache la composition du premier
de ces ouvrages, voir t. n, col. 1415, 1416; pour la bio-
graphie, cf. Poitevin-Peltavi : Notice sur Jean Planta-
vit de la Pause, iu-8", Béziers, 1817. 0. Rey.
PLANTES DE PALESTINE. Voir Botanique sa-
crée, t. i, col. 1867-1869; Palestine, t.iv, col. 2035-2041;
Arbres, 1. 1, col. 888-894; Herhes et Herbacées (plantes),
t. m, col. 599 et 596-599 ; Fleur, t. n, col. 2287 ; Légumes,
t. iv, col. 160, et l'article consacré à chaque plante.
PLAT (hébreu : sallafrat, selôhit; grec : irt'vaf, rpu-
ëXeov, irapodu'; ; Vulgate : «os, catinus, paropsis), usten-
sile servant à contenir certains aliments. Cet ustensile
461
PLAT — PLATANE
462
a le fond plat et est muni de bords plus ou moins élevés.
Il ne sert pas ordinairement à la cuisson; celle-ci se fait
au four ou dans des marmites. Voir Chaudière, t. n,
col. 628. — 1° Afin d'assainir des eaux, Elisée y jeta du
sel qu'on lui avait apporté dans un plat neuf, ùSpurxr,,
« vase à eau », vas. IV Reg., u, 20. — Pourdonnerune
idée des malheurs que l'impiété de Manassé attirera sur
Jérusalem, le Seigneur dit qu'il nettoiera la ville comme
le plat qu'on nettoie et qu'on retourne ensuite, c'est-à-
dire qu'il y fera place nette et bouleversera tout de
fond en comble. IV Reg., xxi, 43. Les versions appellent
ici le plat âXetéauTpoç, « vase d'albâtre », tabulas, «tablet-
tes », plateaux. — Sous Josias, on fit cuire les victimes de
la Pâque dans des chaudrons et des plats, ollœ. II Par.,
xxxv, 13. — Il est dit du paresseux qu'il plonge la main
dans le plat et ensuite a de la peine à la ramener jus-
qu'à sa bouche. Prov., xix, 24; xxvi, 15. Les versions,
qui n'ont compris nulle part le sens du mot sallafyat,
le traduisent ici par « sein » et « aisselle ». — 2° Notre-
Seigneur reproche aux scribes et aux pharisiens de
nettoyer le dehors de la coupe et du plat en laissant à
l'intérieur la rapine et l'intempérance. Matth., xxm,
25, 26; Luc, si, 39. Le Tu'vaÇ, dont parle ici saint Luc,
était originairement une planche; le nom est passé suc-
cessivement au plateau de bois, puis au plat de terre ou
de métal. — Judas met la main au plat en même temps
que le Sauveur, c'est-à-dire, comme l'indique le con-
texte, prend part au même repas que lui. Matth., xxvi,
23; Marc, xiv, 20. Le catinus de la Vulgate était un
92. — Le sacro catino.
D'après Ricta, Dictionnaire des antiquités, p. 128.
plat assez profond dans lequel on servait des légumes,
de la volaille et du poisson. Cf. Horace, Sat., I, vi, 115;
II, u, 39; w, 17. On conserve à Gènes, dans le trésor
de la cathédrale, le sacro calino (fig. 92), vase précieux
apporté de Césarée de Palestine en 1101, qu'on dit avoir
servi à Notre-Seigneur pendant la dernière Cène et à
Josèphe d'Arimathie pour recueillir le sang des bles-
sures du Sauveur. lombé au pouvoir des Génois, après
la première croisade, il fut prodigieusement célèbre
au moyen âge sous le nom de Saint-Graal. On le croyait
en émeraude; mais il fut brisé quand Napoléon I" le
fit transportera Paris, et l'on reconnut qu'il n'était
qu'en pâte de verre orientale ancienne. Ses faibles di-
mensions ne permettent pas de croire qu'il ait jamais
pu servir de plat dans un festin pascal. Cf. A. de La-
borde, Notice des émaux, bijoux, etc., conservés au
Louvre, Paris, 1853, p. 333. H. Lesètre.
PLATANE (hébreu :'armôn; Septante : Trt.àTotvo;,
Gen., xxx, 37, et iXitr), Ezech., XXI, 8; Vulgate : plata-
nus), un des grands arbres de Palestine.
I. Description. — Les arbres de cette famille se
rapportent à un genre unique et même, selon Spach,
à une seule espèce, ce qui est incontestable au moins
pour l'ancien monde. Par ailleurs leur structure est si
spéciale qu'ils ne peuvent être confondus avec aucun
autre type végétal, et que leurs affinités même restent
douteuses. Les fleurs petites et unisexuées sont grou-
pées en capitules monoïques, globuleux et espacés sur
de longs pédoncules terminaux et pendants. Les étami-
nes, comme les pistils, y sont entremêlés de poils écail-
leux considérés comme des bractées t des périanthes ru-
dimentaires et des organes sexuels avortés. Chaque fruit
isolé est un achaine claviforme, avec style terminal
persistant, et entouré à sa base de poils raides articulés.
Le Platanus orîentalis, de Linné (fig. 93), d'origine
méditerranéenne et surtout asiatique, a été répandu
par la culture dans toutes les régions tempérées 1 ,
parce qu'il supporte des froids très rigoureux, et
prospère également sous les climats chauds, surtout
au voisinage des eaux. Il devient alors un arbre dé
première grandeur, à cime large et régulière, donnant
un ombrage très épais et ainsi très propre à orner les
places publiques. Ses larges feuilles alternes et paliiia-
tilobées sont munies de stipules concrescentes en
forme de manchette, et la base de leur pétiole se di-
late en une poche qui protège le bourgeon axillaire.
Il se distingue surtout de tous les autres arbres d'ave-
nue par l'exfoliation de ses couches corticales externes,
qui tombent par grandes loques, laissant le tronc lisse
et nu. Roissier dit bien que le vrai platane d'Orient
93. — Platanus orientalis.
aurait son écorce persistante et rugueuse (Flora orien-
talis, t. rv, p. 1162), mais c'est sans doute une manière
un peu exagérée d'exprimer la différence entre les
écailles petites, alignées longitudinalement et plus
longtemps persistantes du type Platanus orientalis, et
les larges plaques irrégulières, promptement caduques,
de sa variété acerifolia, de beaucoup la plus répandue,
et qui se distingue en outre par ses feuilles à lobes
moins profonds. Cette même variété acerifolia a plus
souvent encore été confondue avec le type américain
des platanes, Platanus occidentalis L., qui a le limbe
foliaire superficiellement lobé, plus large que long, avec
un duvet persistant plus longtemps sur les nervures de
la page inférieure, et un seul capitule fructifère pen-
dant à l'extrémité de chaque pédoncule. F. Hy.
II. Exégèse. — Varniôn est mentionné deux fois
dans le texte hébreu de l'Ancien Testament. Dans
Gen., xxx, 37, nous voyons Jacob prendre des baguettes
de peuplier, d'amandier et à."armôn, y peler des .
bandes blanches et les placer ainsi en face des brebis
qui venaient s'abreuver. Dans Ézéchiel, xxxi, 8, Assur
est comparé à un cèdre du Liban dont les rameaux
sont si puissants qu'ils égalent des cyprès et des
'armôn. L'étymologie Çarman, « dépouiller », 'armôn,
l'arbre qui se dépouille de son écorce), la place que
463
PLATANE — PLÉIADES
464
les deux textes lui donnent au milieu des grands
arbres, la traduction généralement adoptée par les an-
ciennes versions, ne laissent guère place au doute dans
l'identification de 'armôn considéré comme le platane.
— Dans l'éloge delà Sagesse, Eccli.,xxiv, 19, le platane
est également présenté comme un bel et grand arbre.
Aussi les exégètes sont-ils presque tous d'accord pour
rejeter le châtaignier (que les rabbins voient habituel-
lement dans 'armôn, bien que cet arbre ne croisse pas
~en Palestine) et pour rejeter aussi l'érable, reconnais-
sant dans 'armôn, le Platanus orientalis. — Le platane
est répandu dans toute la Palestine et s'y montre comme
un très grand arbre, aux larges rameaux et épais om-
brages. Et ce qui est conforme à nos deux textes hé-
breux qui nous transportent en Syrie, en Assyrie et en
Mésopotamie, les platanes de ces dernières régions dé-
passent en général la hauteur et les proportions que
cet arbre atteint en Palestine. Belon, Observations de
plusieurs singularités, in-8», 1588, 1. I, c. cv; Jean
de la Roque, Voyage de Syrie et du mont Liban, Paris,
1722, p. 197, 199. Une constatation de ce dernier ou-
vrage, p. 68, semble être le commentaire du passage
d'Ézéchiel, xxxi, 8. Parlant des cèdres groupés au
sommet du Liban et qui forment comme une petite
forêt, cet auteur ajoute : « Elle est composée de vingt
cèdres d'une grosseur prodigieuse, et telle qu'il n'y a
aucune comparaison à faire avec les plus beaux pla-
tanes, sycomores, et autres gros arbres que nous avons
vus jusqu'alors. » Voir 0. Celsius, Bierobotanicon,
in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 512; I. Lôw, Ararnâische
Pflanzennamen, in-8», Leipzig, 1881, p. 107.
E. Levesque.
PLATRE, produit de la calcination du gypse. Le
gypse est un sulfate de chaux hydraté, qui perd son
eau quand on le calcine au four. Le produit de cette
opération, réduit en poudre, est le plâtre. Délayé avec
de l'eau, le plâtre devient -une pâte molle qui prend
toutes les formes que l'on désire et les garde en dur-
cissant peu à peu. — Le plâtre n'est pas directement
mentionné dans la Bible. Mais le gypse ne manquait pas
en Palestine; les couches gypseuses du cénomanien
affleuraient en particulier au bord de la mer Morte.
Voir Palestine, t. iv, col. 2010, 2014, 2022. Il n'était pas
plus difficile à uliliser pour faire du plâtre, que le cal-
caire pour faire de la chaux. Voir Chaux, Lu, col. 642.
Les Hébreux n'ont guère dû. s'en servir dans leurs con-
structions; les pierres y étaient simplement superposées
ou le mortier y agglutinait les matériaux sans consis-
tance. Voir Mortier, t. iv, col. 1312. Le plâtre ne pou-
vait être utilisé que pour faire des enduits dans des
endroits à l'abri de l'humidité. Voir Enduit, t. h,
col. 1783. Les Hébreux durent apprendre des Phéniciens
à fabriquer et à utiliser le plâtre, à supposer que les
Chananéens ne l'aient pas connu avant leur arrivée.
On a trouvé en Espagne la trace du passage des Phé-
niciens dans les objets que renfermaient d'anciennes
sépultures. Ge sont des débris de vases phéniciens en
plâtre, des fonds de pots troués et bouchés avec du
plâtre, des cols de plâtre ajoutés à des vases de terre
cuite et peints en rouge, des crépissages de mu-
raille, etc. Cf. L. Siret, Orientaux et Occidentaux en
Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue des
Questions scientifiques de Bruxelles, oct. 1906, p. 558,
559. Les Phéniciens ne faisaient ainsi qu'importer au
loin une industrie bien connue dans leur pays d'origine.
H. Lesêtre.
PLECTRE. Le pleclre (w/.TîxTpov, de irt.r.TTeiv, « pin-
cer, frapper » les cordes, en latin plecto; on disait
aussi xpoiietv. Le terme technique était xp£xgtv) était
un bâtonnet, pointe ou crochet, de bois, d'ivoire ou
de métal, droit ou recourbé, dont on se servait pour
faire vibrer les cordes des instruments, au lieu de les
toucher directement avec les doigts. On employait
aussi pour le même usage un crochet de corne ou un
bec de plume. Les Orientaux modernes fixent souvent
le plectre à un anneau tenu au doigt et peuvent ainsi
en employer plusieurs simultanément. L'usage du
plectre, moins ancien que le procédé de percussion
manuelle, est peut-être d'origine grecque. La Bible ne
le mentionne pas, non plus qu'Homère. Il est repré-
senté cependant en Egypte entre les mains de musiciens
bédouins ou Amou du temps de la XII e dynastie,
voir t. ii, fig. 304, col. 1068, et l'espèce de harpe dont
ces musiciens se servaient a dû être connue des
Hébreux. On rapporte à Sapho l'invention du plectre,
mais Athénée remarque qu'Épigone d'Ambracie, au
vu e siècle, dédaignait de s'en servir : |iou<T!xwTato? 8'<î>v
xœTa X £ 'P a ^'X a iXïixTpou ii/aXktv. Deipnos., iv, 25,
p. 183. C'était une exception. Il est évident que les
Grecs apprécièrent un procédé d'exécution qui augmen-
tait l'émission du son et sa résonnance et multipliait
l'effet musical en diminuant la fatigue du joueur. Ils
l'appliquèrent à la cithare, à la lyre, au psaltérion,
même aux instruments à manche, mais non exclusive-
ment ; les deux procédés de percussion étaient employés
concurremment. Les monuments représentent en effet
des musiciens jouant avec le plectre de la main droite
pendant que la main gauche nue pince les cordes.
C'était, à peu près comme dans le jeu actuel de la
Zither, le moyen de faire ressortir le chant; et l'on
disait, sans doute d'après la manière dont le musicien
tenait son instrument, foris canere, pour « jouer (de la
main droite) avec le plectre », et intus canere, « toucher
les cordes avec les doigts (de la main gauche) ». Cicéron,
Verr., i, 20, 53, qui nous rapporte ces expressions mu-
sicales, mentionne le cithariste Aspendius, qui pouvait
exécuter à la fois l'accompagnement et le chant de la
main gauche seule, lbid. Chez les Grecs même, les
instruments asiatiques proprement dits se jouaient sans
plectre, mais cet accessoire fut importé de Grèce chez
les Asiatiques avec les instruments nouveaux, ainsi que
l'attestent les monuments assyriens, et les Hébreux
durent s'en servir pareillement, après la captivité. Du
moins Josèphe l'exprime-t-il indirectement en mention-
nant e nable antique qui se jouait sans plectre.
Ant. jud., VII, su, 3. Mais les rares indications musi-
cales de cette période ne nous fournissent aucun texte
qui démontre l'usage du plectre dans la musique du
second temple ou dans l'usage privé. J. Parisot.
PLÉIADES (hébreu : kîmâh; Septante : UXciàSe;;
Vulgate • Pléiades), constellation de l'hémisphère boréal,
voisine de la tête du Taureau (fig. 94). Voir Hyades,
Astérope a m' . Tuyg'te
mSs. /uêrope
***<*£$£■ .
94. — Les Pléiades.
*»--.
t. m, col. 789. Elle compte plus de 2500 étoiles, dont
64 principales, parmi lesquelles cependant sept ou huit
seulement sont visibles à l'œil nu. D'après qoelques
auteurs modernes, himdh désignerait Sirius ou le
Scorpion. Mais un passage de lob, XXXVIII, 31, <s Est-Cft
toi qui serres les liens de kinidh? » suppose clairement
465
PLÉIADES — PLEUREUSES
qu'il s'agit d'un groupe d'étoiles, et, d'après les an-
ciennes versions, ce groupe n'est autre que celui des
Pléiades. L'Iliade, xvm, 486, signale également ce
groupe parmi les constellations les plus remarquables.
Deux autres passages bibliques mentionnent kimâh
parmi les œuvres importantes du Créateur. Dans le
premier, Job, ix, 9, les Septante traduisent par Pléiades
et la Vulgate par Hyades; dans le second, Amos, v,
8, les Septante rendent le mot par navra, « foutes
choses s, et la Vulgate par Arcturus. Voir Arcturus,
t. i, col. 937. H. Lesètre.
PLEURANTS (LIEU DES), Locus Flentium, dans
la Vulgate, Jud., h, 1,5. Voir Bokim, t. i, col. 1843.
PLEUREUSES (hébreu : meqônenô(, de qin, au
pilel qénên,n chanter des chants lugubres »; Septante:
95. — Pleureuses égyptiennes dans le cortège funèbre.
D'après Wilkinson, Manners and Custons, t. m, pi. lxvi.
8pï)voûnai; Vulgate : latnentatrices), femmes qui pous-
saient des cris lugubres dans les funérailles. — Chez
l'extrême du désespoir, mais les parents et les amis ne
craignaient pas de se donner en spectacle, ni de trou-
bler l'indifférence des passants par l'intempérance de
leur deuil. » Maspero, Histoire ancienne, t. n, 1897,
p. 511. Cf. Lectures historiques, Paris, 1890, p. 144-
152. Les pleureuses accompagnaient le convoi funèbre
(flg. 95), en poussant des exclamations pour répondre
à celles de la parenté : « A l'occident, demeure d'Osiris,
à l'occident, toi, le meilleur des hommes ! » Sur le Nil,
elles montaient dans une barque et y continuaient leurs
gestes éplorés et leurs cris de douleur (flg. 96). Enfin,
à la tombe même, elles faisaient au mort les adieux
suprêmes : « Plaintes ! plaintes ! Faites, faites des
lamentations sans cesse, aussi haut que vous le pouvez !
voyageur excellent, qui chemines vers la terre d'éter-
nité, tu nous as été arraché! toi qui avais tant de
monde autour de toi, te voici dans la terre qui impose
l'isolement! » Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m,
p. 516, 518. Voir t. h, fig. 705, col. 2417; t. iv, fig. 459,
col. 1749; Funérailles, t. n, col. 2416-2420. — La mode
de ces bruyantes démonstrations ne s'est point perdue.
Chez les Arabes, quand quelqu'un est mort, « les fem-
mes crient de toutes leurs forces, s'égratignant les bras,
les mains et le visage, arrachant leurs cheveux et se
prosternant de temps en temps, comme si elles étaient
pâmées de douleur. » De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. En Palestine, aux
enterrements des musulmans actuels, on voit en tête du
cortège « une troupe de gamins affublés ou plutôt dé-
guenillés à l'orientale, guidés par un gamin chef qui
n'arrive jamais à les faire mettre en rang, ni à leur
faire comprendre la mesure de la cantilène criarde
qu'ils ont mission de chanter... La marche est fermée
par une troupe de femmes enveloppées de longues robes
et drapées de manteaux de toile indigo; elles poussent,
en signe de douleur, de petits cris stridents; chacune
tient à la main un mouchoir de couleur sombre qu'elle
tortille avec toute espèce de contorsions et agite dans
WïWiŒlMJMfflŒ
96. — Pleureuses égyptiennes sur la barque funéraire. D'après Wilkinson, Ibid., pi. Lxvn.
les Orientaux, la douleur a toujours été fort démonstra-
tive. En Egypte, par exemple, « les enterrements
n'étaient pas, comme chez nous, de ces processions
muettes où la douleur se trahit à peine par quelques
larmes furtives; il leur fallait du bruit, des sanglots,
des gestes désordonnés. Non seulement on louait des
pleureuses à gages qui s'arrachaient les cheveux,
chantaient des complaintes et simulaient par métier
la direction du corps, comme si elle voulait l'asperger
des larmes que le tissu est censé avoir essuyées. Ce
sont des pleureuses de profession, louées pour la cir-
constance ». Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris,
1890, p. 165-166. — Les pleureuses n'étaient pas incon-
nues chez les anciens Israélites. On s'y lamentait sur
les morts. III Reg., xm, 30. Voir Deuil, t. h, col. 1397.
Les chanteurs et les chanteuses firent entendre leurs
467
PLEUREUSES
PLOMB
lamentations sur Josias. II Par., xxxv, 25. Dans sa pro-
phétie sur la ruine de Jérusalem, Jérémie, ix,17-20, écrit :
Pensez à commander les pleureuses, qu'elles viennent !
Envoyez chez les plus habiles, qu'elles viennent !
Qu'elles se hâtent, qu'elles entonnent sur nous des lamenta-
Que les larmes coulent de nos yeux.... [tions,
Enseignez à vos tilles une lamentation,
Que chacune apprenne à sa compagne un chant de deuil,
Car la mort est montée par nos fenêtres...
■aoXli, (lentes et ejulantes mutlum, des pleureuses qui
se lamentaient beaucoup. Malth., ix, 23; Marc, v, 38;
Luc, vm, 52. Quand Notre-Seigneur dit que la jeune
fille dormait et n'était pas morte, toutes ces personnes
à gages, musiciens et pleureuses, se moquèrent de lui,
en comptant bien que le salaire attendu ne leur ferait
pas défaut. Ces manifestations bruyantes de la douleur
frappaient les enfants, qui les imitaient dans leurs jeux
et disaient à leurs camarades : « Nous avons chanté
97. — Pleureuses égyptiennes dans une scène de sépulture. D'après Wilkinson, op. cit., t. in, pi. 69.
Cf. Eccle., xiii, 5; Eccli., xxxvni, 16; Jer., xxn, 18;
xxxi, 15; xxxiv, 5; Am., v, 16. Sur les complaintes des
98. — Pleureuses gagées. Sarcophage représentant les funérailles
de Méléagre. D'après Rich, Dict. des anliq., p. 501.
pleureuses, voir t. n, col. 1397. Sur la ruine de l'Egypte,
les filles des nations chanteront une lamentation.
une lamentation et vous ne vous êtes pas frappé la poi-
trine, vous n'avez pas pleuré! » Malth., xi, 17; Luc,
vu, 32. Cf. Ketuboth, iv, 6 ; Baba Metsia, vi, 1 ; Josèphe,
Bell, jud., III, ix, 5. — Il ne convenait pas aux chré-
tiens de donner à leur deuil une expression aussi
exagérée; saint Paul leur recommande de ne pas
s'affliger comme les autres hommes qui n'ont pas
d'espérance. I Thes.,rv, 13. L'Église a toujours réprouvé
les excès du deuil funèbre. Les Romains avaient adopté
l'usage des pleureuses gagées (fig. 98), appelées prse-
ficœ, parce qu'elles étaient placées entête des cortèges
funéraires. Cf. Aulu-Gelle, xvm, 7, 3. Les chrétiens
occidentaux répudièrent toujours le service de ces
pleureuses, comme entaché d'idolâtrie. Les Orientaux
le conservèreut dans une certaine mesure; mais les
Pères ne manquaient pas de combattre -cet usage.
Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., Paris, 1877,
p. 241, 280. Une curieuse inscription chrétienne
(fig. 99) réprouve les cris poussés sur la tombe des
morts. L'inscription grecque est ainsi conçue : « Spe-
rantius, aie bon courage, doux, excellent; » à gauche
de la seconde ligne, on voit un canard portant le mot
ANATEC, qui joue sur le latin anates, « canards »; à
droite est un bœuf avec le mot BOYÀEIN. En réunissant
les deux mots, on a en grec : ava6îç goieiv, « cesse de
beugler », de crier. Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét.,
p. 241. C'est la condamnation des pleureuses et de ceux
qui seraient tentés de les imiter. H. Lesêtre.
CJTH PANTI€ÏWJ
r\YkYc xpHcre
99. — Inscription de la custode des reliques de saint Apollinaire.
D'après Perret, Catacombes de Rome, m-i; Paris, t. vi, 1851, pi. lxiii, u. 33.
Ezech., xxxn, 16. — Lorsque le Sauveur arriva chez
Jaïre, dont la fille venait de mourir, il y trouva grand
tumulte de gens accourus pour les funérailles, entre
autres des joueurs de flûte et yWov™: x«l à).»*irovTmc
PLEURS. Voir Larmes, t. iv, col. 92. '
PLOMB (hébreu : 'oférëf, en assyrien abâru;
Se tante : aiXiëoc, u.o'),iê8oc; Vulgate : plumbum),
469
PLOMB — PLUIE
470
métal d'un blanc bleuâtre qui se ternit facilement,
assez malléable, si mou qu'on peut le rayer avec
l'ongle, fusible à la température peu élevée de 330" et
onze fois et demie lourd comme l'eau. — 1° Le plomb
est très commun dans la nature ; mais il ne se pré-
sente pas à l'état natif. Le minerai qui le contient en
plus grande quantité est la galène, ou sulfure de plomb
naturel. On en dégage le métal par divers procédés de
calcination. La presqu'île Sinaïtique renferme de nom-
breux gisements de minerai de plomb; on en trouvait
aussi en Egypte. On s'explique ainsi que, dès le séjour
au désert, les Hébreux possédaient différents objets ou
ustensiles de plomb. Num., xxxi, 22. Les Phéniciens
en recueillaient en Espagne, où abondent les filons de
plomb argentifère. Voir Argent, 1. 1, col. 945. Cf. Pline,
H. N., m, 7; L. Siret, Orientaux et Occidentaux en
Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue
des questions scientifiques, Bruxelles, octobre 1906,
p. 544-545. Ézécbiel, xxvii, 12, dit que Tharsis échan-
geait le plomb avec Tyr. Le plomb n'avait pas grande
valeur, mais était assez usuel en Palestine pour
qu'on pût dire que Salomon amassait de l'argent
comme du plomb, Eccli., xlvii, 20. Jérémie, vi, 29, 30,
pour indiquer que la méchanceté est inséparable de
ses compatriotes, fait allusion à l'opération du fondeur
de métaux : « Le soufflet est devenu la proie du feu
(ou : a soufflé violemment), le plomb est épuisé, on
épure, on épure, les méchants ne se détachent pas.
Argent de rebut! dira-t-on. » Le prophète décrit ici
l'opération au moyen de laquelle on sépare l'argent
des métaux inférieurs auxquels il est mélangé. On fait
fondre du plomb dans le creuset et, quand il est fondu,
on y ajoute le minerai d'argent. Sous l'influence de la
chaleur, au contact de l'air, le plomb se transforme
en litharge, qui s'absorbe peu à peu, tandis que l'argent
se sépare de toute autre substance et se rassemble au
fond du creuset. Voir Creuset, t. n, col. 1116. Jérémie
suppose que, contrairement à l'ordinaire, le plomb a
été complètement . transformé et absorbé, sans que
l'argent soit sorti de la gangue. Ézéchiel, xxn, 18, 20,
compare les Israélites infidèles à des scories et à des
métaux communs, fer, cuivre, étain et plomb, que
Dieu fera fondre dans le fourneau allumé par sa colère.
Ces passages montrent que les Israélites possédaient la
science pratique des procédés nécessaires pour le trai-
tement des métaux usuels. Zacharie, v, 7, 8, parle d'un
disque de plomb, servant de couvercle à un épha assez
large pour contenir une femme. On a trouvé en Pales-
tine des poupées de plomb qui servaient aux pratiques
magiques. Voir t. iv, fig. 173, col. 568. — 2° La pesan-
teur de ce métal fait dire que les Égyptiens se sont
enfoncés dans les eaux de la mer Rouge comme le
plomb. Exod., xv, 10. Les anciens ne connaissaient
pas de métal plus lourd. Eccli., xxn, 17. — 3° Job, xix,
24, parlant de ses paroles d'espérance, fait ce souhait :
Je voudrais qu'avec un burin de fer et du plomb
Elles fussent pour toujours gravées dans le roc !
L'auteur sacré fait probablement allusion à une inscrip-
tion creusée dans le roc avec le burin de fer et dans les
lettres de laquelle on a ensuite coulé du plomb. Grâce
à ce procédé, l'inscription était plus visible et les lettres
sculptées se conservaient mieux. Cf. Renan, Le livre
de Job, Paris, 1859, p. 81 ; Frz. Delitzsch, Das Buch Job,
Leipzig, 1876, p. 246. Il ne peut évidemment être ques-
tion d'un burin de plomb, ce métal étant beaucoup
trop mou pour servir à cet usage. La Vulgate suppose
l'inscription gravée « avec un stylet de fer et une lame
de plomb, ou sculptée au burin sur le roc. » Les an-
ciens écrivaient parfois sur des lames de plomb, même
des inscriptions assez longues. Cf. Pausanias, ix, 31, 4;
Pline, H. N., xm, 21 ; Tacite, Annal., n, 69, etc. Voir
t. il, fig. 491, col. 1366. Mais le texte hébreu et les Sep-
tante parlent de plomb, 'eférét, i/oXiëw, et non de lames
de plomb, et la contexture même de la phrase exige
que le plomb soit ici, non la matière sur laquelle on
écrit, mais celle au moyen de laquelle on constitue
l'inscription, barzél ve'oférét, avec « le fer et le plomb ».
Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 246. On n'a pas
retrouvé d'inscription ancienne ayant du plomb coulé
dans le creux des lettres. Mais le procédé n'était pas
d'invention si difficile qu'il ne pût être employé en cer-
tains cas. — 5» Le plomb est encore désigné en hébreu
par le mot 'ânâk, l'assyrien anaku. Mais ce mot n'est
utilisé qu'une fois, Am., vu, 7, 8, pour désigner le fil à
plomb. Voir Fil a plomb, t. il, col. 2244.
H. Lesêtre.
PLONGEURS, oiseaux de l'ordre des palmipèdes,
surtout remarquables par leur facilité à plonger
pour chercher leur proie dans l'eau. Imparfaitement
organisés pour le vol ou la marche, ils mènent une vie
presque exclusivement aquatique. Les plongeurs pro-
prement dits ne se rencontrent guère que dans les mers
des climats froids. Aussi n'en est-il pas fait mention
dans la Sainte Écriture. — Mais on trouve en Pales-
tine d'autres oiseaux qui se nourrissent de poissons et
plongent adroitement pour saisir leur proie. Tels sont
les martins-pêcheurs, passereaux de l'espèce ceryle
rudii, qui pèchent de petits poissons dans les lagunes
d'eau douce, ou de l'espèce alcyon smyrnensis, qui
plongent dans le Jourdain avec un agilité surprenante.
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 429,
448, 463. A la mer Morte et surtout au lac de Tibériade
vivent par myriades des échassiers macrodactyles
appelés grèbes huppés, podiceps cristatus. Ces oiseaux,
longs d'environ m 50, portent au sommet de la tête
une double huppe qui leur donne un aspect très gra-
cieux, avec leur cou long et mince. Ils nagent presque
complètement plongés dans l'eau et ne peuvent être
atteints qu'à la tête. Extrêmement sauvages, ils s'enfon-
cent à la moindre alerte. De leur long bec, ils aiment à
enlever les yeux des poissons, surtout des chromis,
dont beaucoup errent ensuite aveugles à travers les
eaux du lac. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 432,
510. Ces oiseaux ont été sûrement connus des anciens
Hébreux; mais ils étaient beaucoup trop inaccessibles
pour que le législateur songeât à parler d'eux au point
de vue de l'alimentation. Peut-être les assimilait-on au
porphyrion. Voir Porphyrion. H. Lesêtre.
P LUIE, eau qui se déverse des nuages sur la terre
en globules plus ou moins volumineux. La pluie tombe
quand les gouttelettes liquides qui composent un nuage
deviennent trop lourdes pour rester en suspension
dans l'atmosphère. C'est ce qui arrive quand, par suite
du refroidissement de l'air ou du transport du nuage
dans des régions à plus basse température, de nouvelles
quantités de vapeur viennent se condenser à la surface
des gouttelettes déjà formées. D'autres fois, un fort
ébranlement de l'air, comme celui qui résulte des dé-
charges de la foudre, suffit pour déterminer la résolu-
tion d'un nuage en pluie. Voir Nuage, t. iv, col. 1710.
I. Les noms de la pluie. — La pluie est désignée en
hébreu par treize noms différents, ce qui indique l'impor-
tance qu'on attachait en Palestine à ce phénomène mété-
orologique. Ces noms sont les suivants : mâtàr, ieiô;,
pluvia; — ge'Sétn, Ctté;, pluvia, « averse »; — gosém,
ûetôç, compluta est; — metar-géSém, ûst<î« yeipiepivô?,
« p\uie d'hiver », pluvia imbrà, « grosse p\uVe«; —
géséni-mitrôt, -/etpwv ûtré;, hiemis pluvia, « pluie d'hi-
ver »; — zérém, vctôc, pluvia; — sagrîr, mayâve;,
« gouttes », perstillantia; — zarzîf, oxa-fâtsç, stillicidia;
— sâfîah, OSata Oîrua, « eaux inférieures », alluvio; —
rebibim, viçetoi;, « pluie », stillse; — se'irim, 6V6pos,
imber; — yôréh, istiç irpciïjioç, pluvia temporanea,
« première pluie »; — môréh, veto? Kpt£ïy.oç, pluvia
471
PLUIE
472
matutina, « première pluie »; — nialqôs, -jetôç o<]/iu.oç,
pluvia serotina, « arrière-pluie »; — sefàv, « temps de
pluie », ûstii;, imber. Dans le Nouveau Testament, les
mots qui désignent la pluie sont 'jtzàt, pluvia, et 6po-/r\,
seulement dans Matth., vu, 25, 27.
II. La pluie en général. — 1° la pluie est beaucoup
plus appréciée dans les climats très chauds que dans
les nôtres; elle l'est encore davantage dans les régions
où font défaut, les rivières et les moyens naturels ou
artificiels d'irrigation. Aussi les auteurs sacrés parlent-
ils de la pluie comme d'un grand bienfait de Dieu.
Qui a ouvert des canaux aux ODdëes...
Afin que la phiie tombe sur une terre inhabitée,
Sur le désert où il n'y a point d'hommes,
Pour qu'elle arrose la plaine vaste et vide,
Et y fasse germer l'herbe verte !
La pluie a-t-elle un père ?
Job, xxxvm, 25-28. C'est Dieu qui verse la pluie sur la
terre, Job, v, 10, par le moyen des nuées qui se
vident, Eccle., xi, 3. C'est lui qui commande aux
ondées et aux averses, Job, xxxvn, 6; Jer., x, 13; li,
16, qui fait les éclairs et la pluie, Ps. cxxxv (cxxxiv),
7, qui donne des lois à la pluie, Job, xxvm, 26, de
manière qu'elle vienne en temps propice. Act., xiv, 16.
IVattire les gouttes d'eau
Qui se répandent en pluie par leur propre poids ;
Les nuées la laissent couler,
Et en versent les ondées sur le3 hommes.
Job, xxxvi, 27, 28. Et qui peut compter les gouttes de
pluie? Eccli., i, 2. Dieu accorde la pluie à tous sans
distinction, bons et mauvais. Matth., v, 45. Mais les
idoles seraient bien incapables d'en donner. Jer., xiv,
22; Bar., vi, 52. Aussi la pluie est-elle invitée, comme
toutes les autres créatures, à bénir le Seigneur.
Dan., vi, 64. — 2' La pluie est un élément de fécon-
dité pour le sol. ;< La pluie et la neige descendent du
ciel et n'y retournent pas, qu'elles n'aient abreuvé et
fécondé la terre et ne l'aient couverte de verdure,
qu'elles n'aient donné la semence au semeur et le pain
à celui qui mange. » ls., lv, 10; cf. xxx, 23. Après la
pluie, le soleil vient et l'herbe sort de terre. Gen., n,
5; II Reg., xxm, 4. Cf. Ps. cxlvii (cxlvi), 8. La pluie
fait aussi croître les arbres. Is., xliv, 14. « Lorsqu'une
terre, abreuvée par la pluie qui tombe souvent sur elle,
produit une herbe utile à ceux pour qui on la cultive,
elle a part à la bénédiction de Dieu. » Heb., vi, 7. —
3° Quelquefois la pluie a des effets désagréables ou
nuisibles. A travers la couverture mal close, elle forme
des gouttières qui coulent dans la maison. Prov., xxvn,
15. Au dehors, il faut une tente pour s'abriter contre
elle. Is., tv, 6. Il y a des malheureux qui passent la
nuit sans vêtement; la pluie des montagnes les pé-
nètre, alors même qu'ils cherchent à se blottir contre
un rocher. Job, xxiv, 8. La pluie fait écrouler les murs
mal bâtis. Ezech., xm, 11, 13; Matth., vu, 25, 27. Elle
peut tomber en torrents dévastateurs. Ezech., xxxvni,
22. C'est ce qui arriva en particulier au déluge. Gen.,
vu, 12; vin, 2.
III. Le régime pluvial en Palestine. — 1° Le pays
que Dieu donna aux Israélites était un « pays de mon-
tagnes et de vallées, qui est arrosé par la pluie du
ciel ». Deut., xi, 11. En cela, il différait totalement de
l'Egypte. La Palestine, en effet, n'a pas à compter sur les
rivières pour arroser le sol. Les torrents qui descen-
dent des collines vers le Jourdain ou vers la Méditer-
ranée sont eux-mêmes taris pendant la saison sèche.
C'est donc de la pluie seule qu'il faut attendre l'irriga-
tion des terres. Elle tombe d'ailleurs en Palestine avec
une régularité remarquable. Elle commence à appa-
raître ea octobre et cesse tout à fait avec le mois de
mai. A Jérusalem, les jours de pluie sont en moyenne
de 1 */g en octobre, 5 !/2 en novembre, 9 en décembre,
10 en janvier, 10 1/2 en février, 8 l /t en mars, 5 ï/j en
avril, 1 1/2 en mai. Cf. Socin, Pàlâstina und Syrien,
.Leipzig, 1891, p. 35;. Palestine Exploration Fund,
Quarterly Statement, 1883, p. 8-40; 1892, p. 50-71;
Zeitschrift des deutschen Palàslina-Vereins, t. xiv,
1891, p. 93-112. Il ne se produit que des variations
légères daus la distribution de ces jours pluvieux. La
même règle s'applique à peu près à tout l'ensemble du
pays. Il tombe moins de pluie cependant du côté de
Gaza, et surtout dans la vallée encaissée du Jourdain.
La hauteur de pluie qui tombe dans l'année et de 1M0 à
2 ra 12, en moyenne de l m 60, alors que la moyenne est
del m 50 à la surface du globe. Cette pluie alimente les
sources et servait autrefois à remplir les citernes. Il
est probable que, quand la Palestine était plus boisée
et plus cultivée qu'aujourd'hui, les pluies étaient
encore plus abondantes. La fraîcheur entretenue par
la végétation déterminait la précipitation de nuages qui
passent maintenant sans rien donner ou dont la pluie
s'évapore dans une atmosphère desséchée, avant d'avoir
touché le sol. La dénudation du pays a un autre incon-
vénient. Au lieu d'être arrêtée par les cultures et de
pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un sol ameubli, la pluie
ruisselle à la surface et les trois quarts en sont perdus,
ne produisant d'autres effets que des ravinements
dévastateurs. Ce sont les vents d'ouest et de sud-ouest
qui amènent la pluie en Palestine. III Reg., xvm, 44;
Luc, xii, 54. Le vent du nord souffle assez rarement;
il se sature d'humidité sur les sommets du Liban et de
l'Anti-Liban et amène aussi de la pluie. Prov., xxv, 23.
2° Les Israélites distinguaient deux pluies, la pre-
mière pluie, yôréh ou môréh, pluvia temporanea, et
l'arrière ou dernière pluie, malqôs, pluvia serotina.
Deut., xi, 14; Jer., m, 3; v, 24; Joël., 11, 23; Jacob., v,
7. Cf. Schebiith, ix, 7; Nedarim, vin, 5, etc. La pre-
mière pluie commençait à tomber en octobre et deve-
nait plus fréquente en novembre. C'est elle qui ameu-
blissait le sol et permettait le travail préparatoire aux
semailles. A son défaut, « à cause du sol crevassé,
parce qu'il n'y a pas eu de pluie sur la terre, les labou-
reurs sont confondus. » Jer., xiv, 4. Cette première
pluie manquait rarement; il fallait des sécheresses ex-
ceptionnelles pour qu'on - en fût totalement privé.
III Reg., xvn, 1. Dans les derniers temps avant l'ère
chrétienne, le sanhédrin ordonnait des jeûnes répétés,
quand cette pluie tardait encore en novembre et sur-
tout en décembre. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. — La
période qui va du commencement àe décembre à la îin
de février est la saison des pluies. Elle compte une
trentaine de jours pluvieux, sur les cinquante-deux
jours de pluie habituels à la Palestine, Le neuvième
mois, correspondant à décembre, est signalé pour son
caractère pluvieux. I Esd., x, 9, 13. Pendant ce mois,
à la fête de la Dédicace, Notre-Seigneur était obligé de
s'abriter dans le Temple sous le portique de Salomon,
à cause des intempéries. Joa., x, 22, 23. Cette saison
n'avait pas d'importance spéciale au point de vue agri-
cole. Cependant des pluies trop continues empêchaient
la, maturation de l'orge ou mettaient les chemins hors
de service. Cf. Matth., xxiv, 30; Josèphe, Ant. jud.,
XIV, xv, 12. En pareil cas, on retardait la Pàque d'un
mois, en ajoutant au douzième mois de l'année. le mois
intercalaire de veadar. Voir. PIque, t. iv, col. 2098. — La
seconde pluie venait en mars et en avril. C'est elle
qui arrosait les céréales déjà en herbe et facilitait leur
croissance. De son abondance dépendaient la quantité
et la [qualité de la moisson. Aussi était-elle attendue
avec anxiété. Job, xxix, 23; Prov., xvi, 15; Jer., m, 3;
Ezech., xxxiv, 26; Ose., vi, 3; Zach., x, 1. M. Yigouroux,
dans la Revue biblique, 1894, p. 440, raconte comment
il fut, en Palestine, « témoin des souhaits que tout le
monde répétait sans cesse, pour obtenir cette « pluie
« tardive » qui avait fait jusque-là défaut. Et, en effet,
473
PLUIE — PLUME
474
les récoltes commençaient à sécher dans les champs,
les citernes tarissaient et les accapareurs cachaient le
blé. Aussi, quand la pluie est tombée en abondance,
la joie a été universelle ; ceux-là même dont les projets
de voyage étaient ainsi renversés, ou qui rentraient
chez eux trempés jusqu'aux os, bénissaient ce don de
Dieu, qui apportait avec la fertilité la seule eau qu'on
ait pour boire dans la plus grande partie du pays. »
Cette pluie n'était pas toujours régulière. « Je vous ai
retenu la pluie alors qu'il y avait encore trois mois
avant la moisson... ; une terre était arrosée par la pluie,
et une autre, sur laquelle il ne pleuvait pas, se dessé-
chait. » Am., iv, 7. Il ne fallait pas pourtant que cette
pluie fût trop violente ; car alors elle renversait les
épis et causait la disette. Prov., xxviii, 3. — En mai,
la pluie cessait complètement. Cant., h, 11. Elle était
aussi insolite pendant la moisson, c'est-à-dire à partir
de la seconde quinzaine de mai, que la neige en été.
Prov., xxvi, 1. C'est pourquoi Samuel donne comme
une marque certaine de l'intervention divine la pluie
qu'il obtient à l'époque de la moisson. 1 Beg., xn, 17,
18. — Cf. Tristram, The natural History af Ihe Bible,
Londres, 1889, p. 31-33. — Du milieu de mai au mi-
lieu d'octobre, la pluie ne tombe plus en Palestine. Ed.
Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2 e édit.,
1856, 1. 1, p. 428 T 431.
IV. Caractère providentiel de la pluie pour les
Hébreux. — 1» « Si vous gardez mes commandements
et les mettez en pratique, j'enverrai vos pluies en leur
saison ; la terre donnera ses produits et les arbres des
champs donneront leurs fruits. » Lev., xxvi, 3, 4.
Telle est la convention établie dès l'origine entre Dieu
et son peuple. Elle est rappelée dans le Deutéronome,
xi, 14, 17 : Que les Israélites soient fidèles, la première
et la seconde pluie viendront à leur heure, et, en con-
séquence, le blé, le vin, l'huile et le fourrage abonde-
ront. Qu'ils soient infidèles, Dieu « fermera le ciel et
il n'y aura plus de pluie », par conséquent, plus de
récoltes. Dieu leur enverra de la poussière au lieu de
pluie. Deut., xxvm, 24. II n'est point dit que Dieu ait
toujours appliqué à la rigueur les termes de la con-
vention et proportionné le bienfait de la pluie au degré
de fidélité des Israélites. Dans leur histoire, en effet,
il est beaucoup plus souvent question de transgressions
et d'apostasies que de sécheresse et de disettes. Néan-
moins, en plusieurs circonstances, le châtiment annoncé
suivit les fautes. — 2° A la consécration du Temple,
Salomon demanda au Seigueur d'oublier les péchés
àe .set» çe\yfA«. et. de lui accorder la pluie, III Reg.;
vni, 36, quand ce peuple se repentirait sincèrement et
viendrait dans le Temple implorer son Dieu. II Par., vi,
26, 27. Le Seigneur daigna répondre qu'il en serait ainsi.
IIPar.,vu, 13, 14. —3° Le prophète Élie fut chargé d'aller
dire à l'impie Achab, roi d'Israël : « Il n'y aura ces
années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole. »
III Reg., xvii, 1. La prophétie s'accomplit, et la famine
fut la conséquence de la sécheresse. Nulle part même
on ne trouvait d'herbe pour la nourriture des animaux,
qu'on était obligé d'abattre. III Reg., xvm, 5. Sur
l'ordre du Seigneur, Éiie se présenta de nouveau
devant . Achab, et, après avoir confondu et fait périr
les prophètes de Baal, il annonça la pluie, qui en effet
fut amenée par des nuages venus du côté de la mer
et tomba abondamment. III Reg., xvm, 41-45; Jacob.,
v, 18. — 4° Isaïe, v, 6, comparant Israël à une vigne
stérile, dit que le Seigneur commandera aux nuées de
ne plus laisser tomber la pluie sur elle. David avait
déjà appelé la même malédiction sur les monts de
Gelboé, témoins de la mort de Saûl. II Reg., i, 21.
Jérémie, v, 24, 25, s'adresse en ces termes à ses com-
patriotes impies : « Ils ne disent, pas dans leur cœur :
Craignons Jéhovah notre Dieu, lui qui donne ia pluie,
celle de la première saison et celle de l'arrière-saison,
et qui nous garde les semaines destinées à la moisson. ;
Ce sont vos iniquités qui ont dérangé cet ordre, ce
sont vos péchés qui vous privent de ces biens. »
Amos, iv, 7, 8, fait une remarque analogue. Zacharie, ;
xiv, 17, 18, annonce que la pluie fera défaut en Pales-
tine et en Egypte, si les familles de ces pays ne sont:
pas représentéesà Jérusalem pour la fête desTabernacles. :
Cette fête se célébrait les derniers jours de septembre
et les premiers jours d'octobre, par conséquent à la
veille de la première pluie. La pluie est tout à fait
exceptionnelle en Egypte. Deut., xi, 10, 11. Cr. Héro-
dote, m, 10. Mais les pluies abondantes des régions
qui alimentent le Nil peuvent faire plus ou moins défaut,
et l'inondation du fleuve n'être plus suffisante pour
arroser et féconder le pays. "Voir Irrigation, t. m,
col. 926. Les Septante ont supprimé dans ce passage
la mention de la pluie et ne parlent que d'un tléau,
itTùot;. — 5° Les deux témoins que Dieu envoie sur la
terre pour parler et agir en son nom « ont la puissance
de fermer le ciel pour empêcher la pluie de tomber
durant les jours de leur prédication ». Apoc, xi, 6.
VI. Comparaisons. — 1° A cause de son rôle si bien-
faisant en Palestine, les écrivains sacrés comparent à
la pluie l'enseignement de la loi et de la sagesse.
Deut., xxxn, 2; Job, xxix, 23; la miséricorde divine,
Eccli., xxxv, 26 (19), et la faveur du roi. Prov., xvi,
15. — 2° La venue du Messie sera pour le monde
comme une pluie bienfaisante et féconde.
Qu'il descende comme la pluie sur le gazon,
Comme l'ondée qui arrose la terre 1
Qu'en ses jours le juste fleurisse,
Avec l'abondance de la paix !
Ps. lxxii (lxxi), 6. Isaïe, xlv, 8, dit aussi :
Cieux, répandez d'en haut votre rosée,
Et que les nuées fassent pleuvoir la justice!
Que la terre s'ouvre et produise le salut,
Qu'elle fasse germer la justice en même temps !
Israël espère que Dieu viendra à lui, « comme la pluie
tardive qui arrose la terre. » Os., vi, 3. — 3» Par assi-
milation, on dit que Dieu fait pleuvoir la grêle, Exod., IX,
18, 23; le feu du ciel, Gen., xix, 24; Ezech., xxxvm,
22; Luc, xvii, 29; sa colère, Job, xx, 23; les pièges
sur les pécheurs, Ps. xi (x), 7; la manne et les cailles
du désert. Exod., xvi, 4; Ps. lxxv (lxxiv), 24, 27.
H. Lesêtkb.
1. PLUME (hébreu : nôçâh, sis; Septante : xrspév;
"Vulgate : pluma), produit épidermique, de nature plus
compliquée que le poil des mammifères, et qui sert à
recouvrir le corps des oiseaux. — Quand le prêtre offrait
un sacrifice d'oiseaux, il devait jeter de côté le jabot et
nosatdh. Lev., i, 16. On fait ordinairement venir nosdh
de î/â{râ', « sortir », et on lui donne le sens d' « impu-
reté, excrément ». Mais en s'en tenant à la leçon du
Samaritain, et à la traduction des Septante, de Sym-
maque, de Théodotion et de la Vulgate, on doit traduire
par « plume ». Nô§âh a le sens de plume, Job, xxxix,
13; Ezech., xvii, 3, 7. Il est certain d'ailleurs qu'avant
de porter un oiseau sur l'autel, on le déplumait.
Cf. Sebachim, vi,2; Siphra, f. 67, 1. — Jérémie, xlviii,
9, dit à propos de Moab :
Donnez la plume à Moab, car en s' envolant il fuira,
Ses villes seront dévastées et dépeuplées.
Ici, le mot qui désigne la plume, prise pour les ailes,
est sss. Or, ce mot a plusieurs significations. C'est d'abord
le nom de la lame d'or du grand-prêtre, ce qui fait que
les Septante le traduisent par <rrçu.sïa, « signes », et le
Chaldéen par « couronne », la lame d'or étant comme
la couronne du grand-prêtre et le signe de sa dignité.
Exod., xxvm, 36-38. Le mot gif veut aussi dire «Jleur»,
Job, xiv, 2, traduction admise par Aquila et la Vulgate,
tandis que Symmaque le rend par « germe ». Pour ,■
475
PLUME — POÊLE
476
continuer la métaphore, la Vulgate fait venir le verbe
suivant nâjo' de nus, « fleurir », et traduit : « Donnez
une fleur à Moab, car il sortira florissant, » ce qui con-
corde peu avec le vers suivant. En réalité, nâso' vient
de nâsâ', «voler », etyiya ici le sens déplume. Jérémie
semble s'inspirer d'un passage d'Isaïe, xvi, 2, également
contre Moab :
Comme des ofseaux fugitifs,
Comme une nichée que l'on disperse,
Telles seront les filles de Moab.
Voir Aile, t. i, col. 311. — Ézéchiel, xvn, 3, 7, repré-
sente le roi de Babylone comme un grand aigle, « cou-
vert d'un plumage, nosâh, aux couleurs variées, » et, le
roi d'Egypte comme un aigle aux « nombreuses plumes » .
Dans ces deux passages, les Septante traduisent par
ovules, « serres ». Ici le sens du mot nôsah-, correspon-
dant à l'assyrien nâsu, n'est point douteux. Dans Job,
xxxix, 13, il est dit que l'aile de l'autruche n'est ni
(celle de) la cigogne, ni nosâh, « la plume » qui vole.
Les Septante reproduisent le mot sans le traduire :
véa-oo. La Vulgate traduit par « épervler », en faisant
probablement venir nosâh du miphal nissâh, « se
disputer », d'où oiseau de proie. H. Lesètre.
2. PLUME A ÉCRIRE. Voir CA.LAMK, t. Il, col. 50.
PLUVIER (Septante : x«pao"p«>;; Vulgate : chara-
drion, charadrius), oiseau de l'ordre des échassiers, à
bec long et renflé à l'extrémité, habitant le voisinage
des eaux et se nourrissant d'insectes aquatiques et d'an-
nélides. Les pluviers vivent en troupes et voyagent
ensemble quand ils émigrent d'Afrique usque dans le
nord de l'Europe (fig. 100). Ils sont nombreux dans la
100. — Le pluvier.
Basse Egypte. — Les Septante et la Vulgate, Lev,, xi, 19;
Deut., xiv, 18, traduisent par « pluvier » le mot'ândfâh,
qni désigne beaucoup plus probablement le héron.
Voir Héron, t. m, col. 654. Les pluviers ne sont pas
nommés parmi les échassiers qui fréquentent les bords
des lacs palestiniens. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
Paris, 1884, p. 526, 543. Le législateur hébreu n'a donc
pas eu à s'occuper d'eux. H. Lesêtre.
POCOCKE Edward, théologien anglican, l'un des
plus célèbres orientalistes de la Grande Bretagne, né
le 8 novembre 1604 à Oxford, mort dans cette ville le
10 septembre 1691 . Après avoir fait ses études dans sa
ville natale, où il étudia surtout les langues orientales
et reçut les ordres anglicans, il fut nommé, en 1630,
chapelain de la factorerie anglaise à Alep et y séjourna
six ans. En 1636, Land, archevêque de Cantorbéry,
fonda en sa faveur une chaire d'arabe à l'université
d'Oxford. Il ne put professer qu'en 1647, après de nom-
breuses difficultés. Pocock se servit de ses études
orientales principalement pour l'intelligence des Écri-
tures. Il fut un des principaux collaborateurs de la
Polyglotte deWalton.En 1655, il publia, in-4», à Oxford,
sa Porta Mosis, contenant six discours arabes, impri-
més en caractères hébreux, des commentaires de Moïse
Maimonide sur laMischna,avec une traduction anglaise
et des notes. Ce fut le premier ouvrage publié par la
presse hébraïque d'Oxford. Outre plusieurs autres pu-
blications orientales, on lui doit Commentary on the
Prophéties of Micah and Malachi, 1677; Horea, 1685;
Joël, 1691. Ces divers ouvrages ont été réunis dans ses
Theological Works, 2 ih-8», Londres, 1740, en tête
desquelles on trouve une biographie de l'auteur. Voir
W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 352; S. Lee, Oic-
tionary of national Biography, t. xlvi, 1896, p. 7-12.
PODAGRE, maladie de la goutte, affectant spéciale-
ment les pieds. — La goutte est une maladie qui en-
vahit l'organisme entier et se présentée l'état tantôt
aigu et tantôt chronique. Elle se déclare d'ordinaire
entre 25 et 55 ans et atteint plus souvent les hommes
que les femmes. Ses causes les plus fréquentes sont les
excès de table, la vie molle et sédentaire, le défaut
d'exercice, quelquefois l'impression d'un froid humide,
la suppression de la transpiration, etc. La goutte se
manifeste par une douleur subite et très vive au gros
orteil, ou plus rarement au cou de pied, au genou, à
la main. La douleur augmente et finit par devenir
intolérable. L'accès dure plusieurs jours et se renou-
velle à intervalles irréguliers; puis, les périodes de
souffrance se multiplient et se prolongent; des nodosi-
tés et des concrétions d'urates et de phosphates cal-
caires se forment dans les articulations et en rendent
les mouvements difficiles ou même impossibles. On
appelle podagre la goutte qui s'attaque aux pieds,
chiragre celle qui atteint les mains, etc. La goutte se
traite surtout par des soins hygiéniques, exercice,
sobriété, régularité de vie, frictions, séjour dans les
climats chaudset secs, etc. — Il est racontédu roi Asa
que hàlâh 'ét-raglâv, È7rov,e<7£ toùj TtôSaç oûtoî, doluit
pedes, III Reg., xv, 23; yéhélé' beraglâv, èu.aXaxi<rây]
toùç TiôSaç, cegrotavit dolore pedum. II Par., xvi, 12.
Il fut malade des pieds, et, suivant ce qu'ajoute ce
dernier texte, il en arriva à éprouver de grandes souf-
frances. Le mal se déclara la trente-neuvième année du
règne d'Asa; il dura par conséquent de deux à trois
ans, puisque le roi mourut la quarante et unième
année. II Par., xvi, 12, 13. Le texte sacré ajoute qu'au
lieu de chercher Jéhovah, sans doute pour en obtenir
sa guérison, il s'adressa aux médecins. Ceux-ci n'arri-
vèrent ni à le guérir ni à le soulager beaucoup. On
s'accorde généralement à reconnaître la goutte dans la
maladie si succinctement décrite; sa localisation, les
souffrances qu'elle occasionna, son prolongement sont
des caractères propres à la goutte. Il est probable qu'à
un moment elle remonta jusqu'à un organe essentiel,
le cœur ou le cerveau, et entraîna ainsi la mort. L'an-
cienne médecine ne possédait pas de spécifiques
sérieux contre ce mal. Lucien, Tragopodagra, 173,
indique comme remède contre la podagre un exorcisme
fait par un Juif. — Il y a peut-être, dans plusieurs autres
textes, quelque allusion à la goutte qui paralyse les
genoux, Job, IV, 4, et à celle qui atteint à la fois les
genoux et les mains. Eccli., xxv, 32; Is., xxxv, 3;
Heb., xn, 12. — Cf. W. Ebstein, Die Medizin im
Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 148.
H. Lesêtre.
POÊLE (hébreu : maliâbaf, masrêf; Septante :
T)JYavov> Vulgate : sartago), instrument qui sert à faire
477
POÊLE — POÉSIE HÉBRAÏQUE
478
frire sur le feu des gâteaux ou des mets analogues.
La poêle était en métal et ne consistait guère que
dans une simple plaque avec ou sans rebords (fig. 101).
— On faisait frire sur la poêle des gâteaux de fleur
de farine destinés aux oblations. Lev., u, 5; vi, 21 ;
vif, 9. Ces gâteaux étaient ordinairement mélangés
d'huile, ce qui leur permettait de se détacher facile-
ment du métal. Dans le Temple, il y avait des lévites
chargés de veiller sur les gâteaux cuils à la poêle,
I Par., ix, 31; xxm, 29. — Chez son frère Amnon-
Thamar fit cuire des gâteaux, puis prit la poêle et
les versa. II Reg., xm, 9. Le mot mairêÇ n'ap-
paraît que dans ce passage. Le mot mafyâbaf n'est
pourtant pas réservé pour les poêles du Temple. —
Ezéchiel, iv, 1-3, reçut l'ordre de tracer sur une brique
un plan de Jérusalem et de construire autour l'appareil
d'un siège, puis de prendre une poêle de fer et de la
placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont
il figurait l'assiégeant. Cette poêle de fer, ainsi inter-
posée, signifiait que Dieu, le véritable assiégeant, ne
voulait plus ni voir ni entendre Jérusale m, dont le
101. — Poêle à frire, trouvée à Pompéi.
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 556.
sort était irrévocablement fixé et la ruine décidée. Dans
la réalité, la poêle de fer représentait ici les péchés
d'un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible.
Isaïe, lix, 2, avait en effet déjà dit : « Ce sont vos ini-
quités qui ont mis une séparation entre vous et votre
Dieu, ce sont vos péchés qui vous ont caché sa face
pour qu'il ne vous entendît pas. » Cf. Lam., m, 44. —
Pendant la persécution d'Antiochus Épiphane, le pre-
mier des sept frères, d'abord affreusement mutilé, fut
placé sur une poêle pour y être rôti, et la vapeur de
la poêle se répandit au loin. II Mach., vu, 3-5.
H. Lesêtre.
POÉSIE HÉBRAÏQUE. Sur le caractère général
de la poésie hébraïque et sur les caractères particuiiers
qui la distinguent, parallélisme, vers, strophe, voir Hé-
braïque (Langue), t. tu, col. 487-492
1° Origine babylonienne de la poésie hébraïque. —
Le parallélisme n'est pas une invention des Hébreux,
on le trouve dans de très anciens poèmes babyloniens
et même égyptiens, quoique moins régulier dans ces
derniers. Eb. Schrader, Semilismus und Babylonismus,
dans les Jahrbucher fur proteslantische Théologie,
1. 1, 1875, p. 121 ; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur As-
syriologie, t. vin, p. 121 ; t. x, p. 1 ; W. Max Mùller, Die
Liebespoesie der alten Aegyyler, 1899, p. 10. La littéra-
ture assyrienne offre même des exemples de poèmes
alphabétiques. Proceedings of the Society of Biblical
Archseology, t. vu, 1895, p. 135-151. C'est donc de leur
patrie primitive que les Hébreux avaient emporté, pour
ainsi dire, leur moule poétique. Leurs ancêtres avaient
connu, là aussi, leur principal genre poétique, la poésie
lyrique, et l'on a pu donner le nom de psaumes à des
poèmes babyloniens qui par leur ton, leur tour et
leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux
chants du Psautier, dont ils diffèrent peu pour la forme,
quoiqu'ils en différent totalement par la doctrine théolo-
gique. — Ni les Assyriens ni les Hébreux n'eurent l'idée
du draine proprement dit. — L'antique Babylonie eut des
poèmes épiques, tels que le poème de Gilgamès, mais
les Israélites n'ont jamais utilisé cette forme de poésie.
L'Écriture contient snrtout des poèmes lyriques. Pour
les différents noms qu'on leur donnait, voir Psaumes.
— Avec la poésie lyrique,, la poésie gnomique ou didac-
tique, mâîal, fut la plus cultivée chez les Hébreux. Voir
Proverbes.
2° Usage de la poésie chez les Hébreux. — Comme
chez tous les peuples, dès la plus haute antiquité, les
Hébreux eurent recours à la poésie pour exprimer leurs
joies et leurs peines, les événements heureux et les
deuils de la vie privée ou de la vie publique. Le plus
ancien morceau poétique que renferme la Bible est re-
latif à l'histoire de Lamech. Gen., rv, 23-24. Moïse chante
le passage de la mer Rouge, Exod.,xv, 1-21; Débora, la
victoire de Barac et la défaite de Sisara, Jud., v, etc.
Cf. I Reg., xvm, 7; Jud., xv, 16; Num., xxi, 27-30;
Jos., x, 12. Noé, Gen., ix, 25-27; Jacob, Gen., xlix;
Moïse, Deut., xxxnr, bénissent leurs enfants ou leur
peuple en un teslament poétique. David déplore dans
une élégie d'un lyrisme achevé la mort de Saùl et de
Jonathas, II Reg., i, 18-27; Jérémie, dans ses touchantes'
Lamentations, les malheurs de son peuple emmené en
captivité. Cf. II Reg., m, 33; Jud., xi, 40. La poésie
comme la musique égayait lès festins. Is., v, 12; xxtv,
9; Amos, vj, 5; Jud., xrv, 14, 18, etc. La découverte
d'une source fournissait matière à un chant. Num., xxi,
17-18. On célébrait aussi par des chants poétiques la
moisson et les vendanges. Jud., rx, 27. Voir Chanson,
t. il, col. 551. Mais les Hébreux composaient surtout des
chants religieux et leur poésie est avant tout religieuse.
Le Psautier en est la preuve; aucun autre recueil poé-
tique ne peut lui être comparé pour l'élévation des sen-
timents, la profondeur de la piété, l'éclat du lyrisme,
l'union intime du poète avec Dieu, Les livres des pro-
phètes nous offrent une plus grande variété de formes
poétiques que les Psaumes, mais c'est le même senti-
ment religieux qui s'y manifeste.
Les chants sacrés, avec accompagnement de musique,
furent un des éléments principaux du culte rendu à
Dieu par les Israélites. Voir Chant sacré, t. n, col. 553;
Chantres du temple, col. 556; Musique, m, t. iv,
col. 13i9. C'est aux Hébreux que l'Église chrétienne a
emprunté avec les Psaumes, l'usage de la psalmodie et
du chant liturgique.
3» Technique de la poésie hébraïque. — 1. La poésie
hébraïque, comme toutes les poésies, se distingue de
la prose par l'assujettissement à des règles spéciales
qui consistent surtout dans le rythme et dans la me-
sure. Un poème doit briller par !e choix des pensées,
la beauté des figures, le mouvement, la couleur et
l'éclat du style, mais toutes ces qualités peuvent exister
dans la prose; ce qui constitue proprement te poème
en tant qu'œuvre d'art, c'est en général, la métrique;
en hébreu, c'est en particulier le parallélisme, qui
par lui-même n'exige pas une mesure rigoureuse et
peut se rencontrer à la vérité dans des morceaux qui
ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister
avec le vers, lequel caractérise par excellence les mor-
ceaux poétiques. Les règles de la versification hébraïque
ne nous sont pas bien connues, mais l'existence du
vers hébreu n'en est pas moins certaine. Les poèmes
hébreux sont aussi souvent divisés en strophes.
2. Outre ces caractères généraux, on peut signaler
dans la poésie hébraïque, a) l'emploi de mots, de
formes grammaticales et de tournures qui lui sont
propres, comme dans toutes les langues; — b) les
poèmes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque
série parallèle commence par une lettre de l'alphabet,
selon son ordre alphabétique. Voir Alphabétique
(Poème), t. i, col. 416; — c) la rime ou répétition du
même son à une place déterminée du vers. L'emploi
de la rime dans la poésie rabbinique est fréquent,
mais son usage régulier ne paraît pas antérieur au
479 poésie hébraïque — poétiques (livres) de la bible 480
vu» siècle de notre ère. On ne la rencontre donc qu'acci-
dentellement dans l'ancienne poésie hébraïque. La
langue des Hébreux, par la sonorité des finales de ses
mots et de ses flexions, fournit à la rime des ressources
abondantes et le poète est amené tout naturellement à
s'en servir et à répéter, sans les chercher, les mêmes ter-
minaisons qu'il emploie nécessairement pour exprimer
sa pensée. Il y a donc dans ce qu'il écrit des rimes in-
conscientes, mais elles sont aussi quelquefois un effet
de l'art comme on n'en saurait douter lorsqu'elles ré-
viennent d'une manière régulière et suivie et par con-
séquent voulue. Ainsi, par exemple, dans les vers sui-
vants de Job, x, 9-18.
Zekor-na kî kahômèr 'âêîtânî
Ve'él l dfâr leUbênî.
Hâlô" kékàlâb (afikênî
Vekagbinâh (aqpVèni.
_ 'Ôr ûbdiâr {albisêni
Uba'àsdmôt vegidîm (eiôkkênî.
Jfayîm vdhéséd 'àêîlâ' immâdî
Ûfquddatkâ sâmrâh rûhi.
Ve'élléh sàfantâ bilbâbèka
Yâda'etî kî zô( 'immâk,
'Im hâfa'ti usemartànî
Umê'âvôni l'ô penaqqênî.
'Im rdsaefi 'alelai li
Veiddaqlî l'ô 'éssd' r'ôsî
Seba' qâlôn ure'êh 'onyî.
Ve-ig'éh kassahal (esûdènî
Vefasob (ilpalld' bi.
TehaddêS 'èdêka negdî
Veféréb ka'askâ 'immâdî
Biàlifôf vesdbd' 'immî.
Velâmmâh mêréljiém hôs'êlànî
'Egeva ve'ain l'ô-(ir'êni.
Voir aussi le Ps. vi, dont une grande partie des vers
sont rimes.
d) L'assonance, c'est-à-dire la reproduction fréquente
du même son, est recherchée par les poètes hébreux.
Elle se distingue.de la rime en ce qu'elle n'est pas placée
régulièrement à la fin du vers mais arbitrairement à
des endroits différents. Dans les 44 vers que contient
le chap. v des Lamentations, la syllabe nû est répétée
trente-cinq fois; elle l'est douze fois dans les seize vers
de Ps. cxxiv. Elle est autant un artifice de rhétorique
qu'un procédé poétique, de même que l'allitération et
les jeux de mots, mais tous ces moyens qui piquent
l'attention et aident la mémoire du lecteur ou de l'au-
diteur sont familiers aux poètes d'Israël.
e) L'allitération est la répétition des mêmes lettres
ou des mêmes syllabes. Les exemples en sont nom-
breux : èo'âh umeès'âh, « solitude et désert », qui se lit
deux fois dans Job, xxx, 3, et xxxvm, 27, etc. — L'an-
nomination est la répétition des mêmes mots sous des
formes différentes; Isaïe l'affectionne particulièrement.
Hinnèh Yahvéh metaltélqâ.
Taltêlâh gâber ve'ôtkâ 'atôh
Çanôf isnofkd senêfdh. Is., xxii, 17-18.
Quant aux paronomases et aux jeux de mots, les poètes
hébreux s'y complaisent, lreû rabbîm veîrâ'û. Ps. xl,
4. Veire'û saddiqim veîrd'û. Ps. LU, 8. Vehdyetah
td&niyàh vëâniyâh. ls.,xxix, 1, etc. 'Voir Jevs ce mots,
U III, col. 1525. Cf. aussi G. W. Hopf, Allitération,
Assonanz, Reim in. der Bibel, in-8°, Erlangen, 1883;
J. M. Casanowicz, Paronomasia in the old Testament,
in-8°, Boston, 1894.
Sur la poésie hébraïque en général, voir l'historique
et l'exposé des systèmes anciens et modernes sur la
métrique hébraïque dans J. Dôller, Rythmus', Metrik
und Strophik in der biblisch-hebrâischen Poésie, in-8°,
Paderborn, 1899; Ed. Konig, Stilistik, Rhetorik, Poe-
tik im Bezug auf die biblische Literatur, in-8", Leip-
zig, 1900, p. 346 sq. Sur les strophes en particulier,
voir D. H. Mùller, Die Prophetên in ihrer ursprûngli-
chen Form, 2 in-8", Vienne, 1896; F. Perles, Zur
hebraïschen Strophik, Vienne, 1896; J. K. Zenner, S. J.,
Die Chorgesânge im Bûche der Psalmen, 2 in-4°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1896 ; D. H. Muller, Strophenbau
und Besponsion, in-8», Vienne, 1898. Voir aussi
H. Grimme, Psalmenprobleme, Vntersuchungen ûber
Metrik, Strophen und Pasekdes Psalmenbuches, in-4°,
Fribourg (Suisse), 1902. F. Vigouroux.
POÈTE (grec : 7co!7|Tr,s). Ce mot, désignant un écri-
vain qui a composé des vers, ne se lit qu'une fois dans
l'Écriture. Saint Paul, dans son discours de l'Aréopage,
cite littéralement à ses auditeurs un vers d'Aratus qui
était comme lui originaire de Cilicie. Voir ARATUS,t.l,
col. 882. II ne le lui attribue pas d'ailleurs nommé-
ment, mais il s'exprime ainsi : «comme l'ont dit quel-
ques-uns de vos poètes. » Act., xvii, 28. Cette manière
de parler pourrait ne pas être prise à la rigueur de la
lettre et s'entendre d'un seul poète, mais il est vrai
que deux autres poètes grecs sont connus comme ayant
écrit un vers semblable : 'Ex aov yàp flvo; lir(ilv, dit
Cléanthe, Hynm. in Jov., 15. "Ev àvSpûv, h 6ewv févoç,
dit Pindare, Nem., 6. Voir Wetstein, In Act., xvii, 28,
Novum Testam. gr., t. il, 1752, p. 570.
Saint Paul cite aussi un poète Cretois, Tit. , I, 12, éga-
lement sans le nommer; il l'appelle « un prophète »
des Cretois. Voir Epiménide, t. il, col. 1894. Dans
I Cor., xv, 33, il reproduit un vers de la Thaïs de Mé-
nandre, mais sans aucune indication. Voir Ménandre,
t. iv, col. 960. Ce sont là les seuls poètes profanes cités
dans le Nouveau Testament. — Dans l'Ancien Testa-
ment, on ne trouve qu'un mot qui, en hébreu, dé-
signe les poètes en général, et encore ne s'applique-t-il
directement qu'à ceux qui composent des mâSâl, poèmes
gnomiques, didactiques et satiriques. Les Nombres,
XXI, 27, rapportent les vers contre Moab, f. 27-30, en
les attribuant aux môHîm ou poètes. La Vulgate n'a
pas traduit ce mot; les Septante l'ont rendu par oî
a'tvtYJJiaiTKTTai'. — Il est possible que le mot nâbî', « pro-
phète », eut accessoirement le sens de poète, parce
que les prophètes écrivaient souvent ou s'exprimaient
en vers, mais ce n'était certainement, en tout cas, qu'une
signification secondaire et dérivée. Ben Sirach fait
l'éloge des poètes sacrés (bwn >Nin:i). Eccli., XLIV, 5.
F. Vigouroux.
POETIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE. -
1° L'Écriture contient un certain nombre de livres écrits
en vers et des morceaux poétiques se trouvent aussi
dans plusieurs des livres écrits en prose. Voir t. m,
col. 487. Les grammairiens hébreux n'ont noté que
trois livres avec les accents poétiques, Job, les Psaumes
et les Proverbes, mais on range aussi aujourd'hui parmi
les livres poétiques le Cantique des Cantiques et les La-
mentations. Plusieurs y ajoutent l'Ecclésiaste et l'Ecclé-
siastique dont une partie a été retrouvée dans le texte
original. — Deux recueils de poésies qui contenaient
des morceaux profanes avec des morceaux religieux,
le Livre des Guerres du Seigneur, Num., XXI, 14, et le
Livre des Justes ou du YdSâr (Jos., IX, 13, etc. Voir
Justes (Livre des), t. m, col. 1873. Cf. Livres perdus,
1°, 2», t. rv, col. 317), ne nous sont plus connus que par
des citations. Il paraît avoir existé aussi un recueil
d'élégies ou lamentions funèbres, qinôf. II Par., xxxv,
25.
On pourrait considérer également comme livres poé-
tiques les écrits de plusieurs prophètes, qui se con-
forment en général aux règles de la poésie hébraïque,
tels que Isaïe, Osée, Joël, Amos, Abdias, Michée,,
Nahum, Habacuc, Sophonie, etc. Cependant ils s'as-
treignent d'ordinaire moins rigoureusement aux exi-
481
POÉTIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE — POIDS
482
gences de la poétique hébraïque, de sorte qu'il n'est
pas toujours facile de distinguer ce qui est vers de ce
qui n'est que style oratoire, et de tracer une ligne
exacte de démarcation entre les deux. Si nombre de
morceaux renferment des chants, des psaumes ou des
cantiques en vers réguliers, Is., xn, 1-6, etc., qu'on re-
connaît sans peine, il en est autrement ailleurs. Néan-
moins même quand ils ne s'expriment pas en vers pro-
prement dits, les prophètes, souvent, ne parlent pas en
prose simple; ils se servent d'un langage mesuré, plus
soigné, plus artificiel et plus rare, afin qu'il soit plus,
digne des oracles divins qu'il transmet aux hommes et
afin qu'il frappe davantage l'imagination et l'esprit des
auditeurs et des lecteurs. Il est, du reste, malaisé d'en
fixer les règles précises. Tandis que, parfois, ils s'ex-
priment de la manière la plus ordinaire, sans aucun
effort et sans aucun artifice, ls., vu, 1-3; Jer., xxi, 1-10,
d'autres fois, prose et poésie sont entremêlées, Is., vi;
Jer., i, etc., et ailleurs, entre l'une et l'autre, apparaît
un langage rythmé, qui n'est ni la simple prose ni le
vers de Job ou des Psaumes, et qui est caractérisé sur-
tout par le parallélisme, mais avec des nuances et des
variations infinies. F. Vigouroux.
POIDS, morceaux de pierre ou de métal d'une pesan-
teur déterminée, qu'on a employés, dès les temps les
plus reculés, pour peser les objets de toute nature.
Comme l'or et l'argent ne furent monnayés qu'à une
époque relativement tardive et qu'il fallait les peser
pour connaître leur valeur, chez les Hébreux, comme
chez les Babyloniens et les Assyriens, les mêmes noms,
talent, mine, sicle, etc., servent à désigner soit des
poids, soit des monnaies. Voir Monnaie, t. iv, col. 1235.
I. Les poids a l'okigine. — 1» Poids primitifs. —
De même que les membres du corps humain fourni-
rent les premières mesures de longueur, par exemple,
la coudée, le pied, l'empan, le palme, le doigt, voir
Mesures, t. rv, col. 1041-1042, de même la nature pro-
cura aux hommes, sous la forme des graines de cer-
taines plantes communes, telles que le blé, l'orge, les
haricots, etc., les premiers poids dont ils firent usage.
Voir Ridgeway, Origin of nietallic Currency and
standard Weigths, in-8», Cambridge, 1892, p. 387.
Divers passages du Talmud mentionnent encore ces
poids primitifs. Voir le traité Scheqâlim. Maimonide
dit aussi, Constitut. de Siclis, Leyde, 1718, p. 1-2, que,
sous les rois hébreux, le sicle pesait 320 grains d'orge.
Néanmoins, il exista de très bonne heure, en Egypte et
spécialement chez les Babyloniens, un système com-
plet, fort bien agencé, en ce qui concerne cette partie
de la métrologie.
2° Noms. — Le mot « poids » se dit en hébreu :
niisqdl, bptfD, ou Séqél, Vpp, de la racine sâqal,
T ï "
« peser ». Cf. Gen., xliii, 21; Ex., xxx, 14; Lev., v,
15; xxix, 35, etc. Les poids des anciens Israélites
furent tout d'abord de simples pierres, et c'est pour
ce motif qu'on les nommait habituellement Q'jax,
* T-:
'âbânîm, « pierres ». Cf. Lev., xix, 36; Deut., xxv, 13;
II Reg., xiv, 26; Prov., xi, 1; xvi, 11; xx, 10, 23, etc.
En fait, on a retrouvé, à Jérusalem et en d'autres
endroits de la Palestine, plusieurs poids en pierre
ordinaire, en hématite, etc. Voir Talent. Plus tard, ils
paraissent avoir été aussi quelquefois en plomb, cf. Zach. ,
v, 7, et sans doute aussi en d'autres métaux.
3° Formes. — Les Égyptiens, les Assyriens et les
Babyloniens donnaient à leurs poids des formes d'ani-
maux : notamment celle d'un lion accroupi, muni
d'une anse qui le rendait plus maniable (fig. 102), celle
d'un canard (fig. 103), celle d'une gazelle ou d'autres
animaux. Voir Balance, t. ï, fig. 420, col. 1403. C'est
peut-être pour ce motif que le mot hébreu ms'Dp,
qesitàh, Gen.,[xxxm, 19, cf. Jos., xxiv, 32, et Job, xlii,
DICT. DE LA BIBLE.
11, est traduit par « agneau » dans les Septante et dans
la plupart des autres versions anciennes. Voir Gese-
nius, Thésaurus, t. m, p. 1241. Mais on ne peut rien
dire de certain à ce sujet. Les poids hébreux, assy-
riens et babyloniens portaient d'ordinaire une ou deux
inscriptions, qui marquaient leur valeur et le nom
du roi qui les avait fait fabriquer. C'est ainsi que, sur
un poids assyrien en forme de lion, on lit ces mots
gravés en araméen : « deux mines du pays », et cette
102. — Poids assyrien en forme de lion. British Muséum.
autre inscription en caractères cunéiformes : « Palais
de Sennachérib; deux mines du roi. » Sur un poids
babylonien en basalte vert, en forme de canard, on lit
en caractères cunéiformes : « Trente mines de poids
justifié. Palais d'Irba-Mérodach, roi de Babylone. »
4» Poids hébreux. — On ne pouvait pas manquer de
retrouver quelques anciens poids hébreux en Pales-
tine; mais ils ne forment encore qu'une série très
incomplète. Toutefois, il ne faut pas oublier que les
sicles juifs qui sont parvenus jusqu'à nous sous forme
de monnaie comptent aussi sous ce rapport, puisque, à
103. — Poids assyrien en forme de canard.
la façon de nos monnaies courantes, ils correspon-
daient à des poids fixes. — 1° M. Clermont-Ganneau a
étudié dans son Recueil d'archéologie orientale, t. iv,
1900, p. 24-35, quelques-uns de ces poids. Un tout petit
poids de 2» r 54 seulement, a été découvert en Samarie;
il porte deux inscriptions en hébreu : réba' nésef,
njwa-i, « quart d'une moitié » (?), et réba' sel, Stfjo-,,
« quart d'un sicle » (?) (fig. 104). Trois autres poids sont
l'un en pierre rougeâtre, l'autre rouge clair et le troi-
sième en calcaire blanc; ,ils ont été trouvés à Tell-
Zacharîya; ils pèsent 10u r 21, 9»"05 et 9 grammes (fig. 105).
Sur chacun d'eux on a cru lire le mot hébreu nésef,
*]2M, qu'on a traduit ordinairement par « moitié ». Un
autre poids, également de petites dimensions, a la
forme d'un grain de chapelet percé et est en pierre
d'un jaune rougeâtre ; il provient d'Anâtà, l'ancienne
Anathoth, près de Jérusalem, et correspond à 89 r 61.
Les hébraïsants ont beaucoup discuté au sujet de ces
inscriptions, sans pouvoir se mettre entièrement
d'accord. Quelques-uns d'entre eux ont lu néség, xti,
ou késéf, IDd, « argent », au lieu de néséf. En tout
V. — 16
483
POIDS
484
cas, le mut reba' désigne certainement un quart. Voir
Ed. Kcenig, EMeit&ng indnsttltè Testam. y in*8», Eton%,
1893, p. 485, h. 1 ; Driver, Introd. ta Ike Mteratwv
of the Otd Test., in-8», 6« édil., p. 449, note; Pales-
tine Escplor. Fund, Quarterly Stâitemênt, iâ-8», 1890,
p> 267-288; 1891, p. €9; 1893, p. 22; 1894, p. 220, $86-
287; 1895, p. 187-190. - 2» Dans la ."même revue, 1892,
l^0j4
104. — Poids en hématite, en forme de navette, découvert à
Samarîe. D'après Palestine Expl. Fund, Quart. Stat.,
1890, p. 267; 1894, p. 287.
p. 114, M. FI. Pétrie analysé d'autres poids qu'on a
aussi découverts en Palestine, Mais rien de tout cela
ne conduit à des résultats définitifs.
11. Anciens systèmes métrologiques de l'Orient
biblique en ce qui concerne les poids. — i. ob-
SERVATIONS générales. ■*- Les Hébreux paraissent
avoir eu assez tôt un système de poids bien complet.
Ce système était le même, dans son ensemble, que
celui de la plupart des peuples de l'Asie antérieure, en
particulier des Phéniciens, des Syriens, de plusieurs
provinces d'Asie Mineure, et tout spécialement le même
que celui des Babyloniens. — Où avait d'abord simple-
105. — Quatre poids israélites à inscriptions.
D'après Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale,
t.'fv, 1" et 2' livr., 1900, p. 25, 26, 18.
ment conjecturé, puis on a démontré de la manière
la plus certaine qu'en ce qui regarde les poids., comme
les mesuTes de longueur et de capacité, tous les sys-
tèmes métrologiques de l'antiquité, y compris ceux de
l'Egypte, de la Grèce, de la Sicile, de l'Italie, etc., ont
entre eux une ressemblance frappante, et que Babylone
en est le centre, ou plutôt le lieu d'origine. Voir Bôckh,
Metrolùgische Untersuchungen ùber Gewichte, Mwnz-
fûise tmd Maasse des Alterlkwms in ihreni Zusàrn-
menkatige, in-8°, Berlin, 1838. Bertheau, ZurGesckichte
der leraeliten, in-8°, Gœttingue, 1842, a développé
eette idée et cette démonstration pat rapport aux an-
ciens Hébreux; M. Brandis l'a reprise plus "en grand,
dams son ouvrage intitulé Dos Munît- , Mttss- tmâ Ge-
wichtswëeen in Vorderusien bis auf Klexan&er den
Grosse», ia-8°, Berlin, 1866. La preuve est devenue
péremptoire à la suite des ^vanls travaux de M. G. P.
Lehmann, Voirsurtout Dm altbabytonièehé Mttss* tind
Gewichtssystem aïs Gfundiwge der ttntifcen 'Gèwichl-,
Mûnz- und Maassystefne, dans les Actes en vin» Congrès
international des Orientalistes, Section sémitique Ï3,
iïi-8», Leyde, 1893, p. 166-2Î6. CL V. Buruy, Histoire
dés Grecs, t. î, Paris, 1887, p. 608. Nâturellemeut, le
système bàbytaM'en a subi des modifications et des
trahsfor'maliioûs multiples thez les divers peuples qui
l'ont emprunté, tout en demeurant an fond le même.
On peut regarder comme un point ittcontêstable que,
dès te xvr 3 siècle avant J.-C, la partie du Système
Hiétrôtogique des Babyloniens qui se rapporte aux poids
avait péwélfré daWs les régions syriennes. Cela ressort
de la façon te plus évidente du fait suivant : dans les
iascriptioïis de TeH j el-A«ïarna, les tributs payés att roi
d'ugypte Ttootbmès 111 par ses vasslaux de Syrie sont
énumérés en pcMs assyriens, cW-à-dire, en talents
et eft mines, et non pas en poids égyptiens. Voir Leh-
mann, datis faZeitaChHft fur Assyriok/gie, t. itt, 1888,
p, 392. Il est vrai que, sur l'inscription du temple de
Kara'ak, les mêmes tributs sont ênoïrcës d'après le
système métroiogique égyptien. Mais il est visible, par
la seule inspection des chiffres marqués, que ces chif-
fres eut été obtenus au moyen de Calculs, et traduits
pouf ainsi dire en langue «égyptienne ; éar ils sont sou-
vent impairs, et même accompagnés de fractions, tandis
que d'ordinaire les tributs étaient comptés par centaines
et par milliers de talents, de mines, de sïcles, etc. Cf.
Nowack, Bandb'uch der hebr. Àrckâotogie, t. î, p. 206 ;
Benringer, >Mëbr. Afvhâologie, p. 186. Suivant Héro-
dote, in, 91, l'Egypte elle-même payait le tribut aux
Perses d'après les poids babyloniens.
il. les poids BABmomENS. — Quelques indications
à ce sujet sont ici à leur place, puisque c'est au sys-
tème babylonien 'que les Hébreux ont emprunte leurs
propres poids. Cette branche a été en quelque sorte
révolutienïiée de ïi®s jours, non seulement par l'élude
des textes assyriens et babyloniens, mais surtout par
la découverte d'un nombre assez considérable de poids
de Babylone 'et de Ninive. — Le principe sur lequel
s'appuie tout 'ce système métrolog'ique est le principe
sexagésittfal, ainsi nommé parce que lé chiffre 60
joue chèà les Babylewtens le même rôle que le chiffre
10 chez nous. Leur unité de poids était la mine,
MA'NA des inscriptions, qui correspond à màneh des
Hébreux, au grec fivâ et au latin mna ou mina. Au
dessus de la mine était le talent, appelé gaggarou dans
les -lettres de Teîl-et-ÂmaTtta, kikkaren hébreu, TaXavTov,
c'est-à-dire « poids », en grec, taientum en latin; il
valait 60 mines. Au dessous de la mine était le sicle, en
assyrien siklu, sègél en hébreu, aUXa en grec, ou
»T«TV|p, siclus eh latin; elle formait la soixantième partie
de la mine. Il fallait dottc, en ChaMee et en Assyrie,
60 sicles pour làire «ne mine, 60 mines pour faire un
talent. [Les monuments découverts à Îeil-Loh, dans la
Bahylonie méridioJiasle, montrent que les ChaldéeJis se
servaient aussi d'un poids inférieur, nommé chi, qui
correspondait à 180 grains de blé (60x3).
On a remaYqué qu'à Babylone et à Ninive il existait
un double système de poids, et, dans chaque Système,
une double série, la série lourde et la série légère.
Voir'C. P. Léhmann, Sikungsberïchte der archàolog.
GesèltSChaft £ù Berlin, 1888, p. 27-42; j5os altbabylo-
nische Muas- unà Gewichtssystem, 1893, p. 6-20. La série
lourde pesait exactement le double de la série légère. Le
premier système a été surnommé royal, parce que les
poids qui le représentent ont été trouvés dans les palais
royaux et qu'il portent tous cette inscription : « Tant
et tant de mines du roi. » La mine royale lourde a été
évaluée, d'après ces modèles, à 1010 gr. (c'est le poids
de la fig. 102), et la mine légère à 505 gr. (poids de la
Kg. 103). D'après cela, le talent royal de la série lourd
485
POIDS
486
correspondait à 1010 gr. x 60, c'est-à-dire à 60 600 gr.,
et le talent royal de la série faible, à 505 gr. X 60, .
c'est-à-dire 30 300 gr. Le sicle royal lourd, qui était la
60 e partie de la mine, valait 16s r 83, et le sicle royal
léger pesait 8a r 41. Voir Lehmann, dans Zeitschrift fur
Ethnologie, 1889, p. 372-373. A côté de ce système de
poids royaux, les Babyloniens en avaient un autre, dit
commun ou usuel, dont on a également retrouvé des
échantillons, marqués « une 1/2 mine, un 1/3 de mine,
1/6 de mine ». Ces poids étaient un peu plus faibles
que les poids royaux. D'après les évaluations de M. Leh-
mann, la mine lourde y valait en moyenne 989*24; la
mine légère, 491s r 2.
m. s rsrSME des poids hébreux. — Il était en réa-
lité, ainsi qu'il a été dit plus haut, la reproduction de
celui des Babyloniens. A Jérusalem comme à Babylone,
les poids principaux étaient le sicle, la mine et le
talent. Le talent valait 60 mines, et tel était aussi le cas
en Asie Mineure, en Grèce, en Syrie, en Perse. Mais
le sicle avait cessé d'être la 60 e partie de la mine; par
un compromis entre le système sexagésimal et le sys-
tème décimal, elle en était devenue la 50 e partie. Nous
ignorons à quelle époque précise et en quel endroit se
fit tout d'abord cette transformation. Chez les Israélites,
elle nous apparaît dès l'Exode, xxxvm, 24-25, où nous
voyons que leurs talents d'argent n'équivalaient pas à
3 600 sicles, comme à Babylone, mais seulement à 3000.
Les principaux poids des Hébreux sont mentionnés
très souvent dans la Bible, mais toujours d'une manière
indirecte, par conséquent sommaire et incomplète, car
les écrivains sacrés supposaient à bon droit que ce sujet
était familier à leurs lecteurs. Çà et là cependant, les
rapports réciproques de plusieurs poids ou mesures
sont indiqués en termes explicites. Cf. Exod,, xv, 36;
Ezech,, xlv, 12.
1° Le sicle. — L'unité de poids des Israélites était le
sicle, séqél, qui valait, à l'époque des Machabées, et
probablement aussi dès celle de Moïse, 149'200. Les
subdivisions du sicle envisagé comme poids, étaient :
— 1. le 1/2 sicle ou béqa,', ypn, de la racine biqiï, « divi-
ser ». Cf. Gen.. xxiv, 22; Ex., xxx, 13 et xxxvm, 26,
dans le texte hébreu. Voir Béka, t. 1, col. 1555; — 2. Le
gérâh, mi, « grain », qui était la dixième partie du
T"
béqa', la vingtième partie du sicle. Cf. Exod., xxx, 13;
Lev., xxvu, 25; Num., in, 47; xvnr, 16; Ez., xi.v, 12.
Voir Obole, t. m, col. 197. C'était le plus petit de tous
les poids hébreux . — 3. L'Ancien Testament signale aussi
le 1/3 de sicle, Neh., x, 32, et le 1/4 de sicle, appelé
rèba', « quart », Gen., xxiv, 22; 1 Beg., ix, 8. Plus
tard, les Juifs donnèrent au réba' le nom de zouz, ni.
Voir Réba'.
2" La mine. — Au-dessus du sicle, il y avait la mine,
en hébreu, màneh, rua. Cf. III Reg., ix, 17; I Esd., n,
9; II Esd., vh, 71-72. Son poids était de 50 sicles,
comme il a été dit plus haut. Il est vrai que, d'après
Ézéchiel, xlv, 12, elle paraît avoir correspondu à
60 sicles, car on lit dans le texte hébreu de ce passage,
et aussi dans la Vulgate : «c Le sicle a 20 gérafi; la
mine doit avoir 20 sicles, 25 sicles, 15 sicles. » Or, 20
■+- 25 ■+- 15 = 60. Mais, généralement, on préfère à
cette leçon celle de la traduction grecque des Septante
d'après le Codex Alexandrinus et le Codex Vaticanus :
« Cinq (sicles) doivent élre cinq (sicles), et dix sicles,
dix, et (de) cinquante sicles sera votre mine. » Manière
de dire que les poids doivent avoir leur valeur rigou-
reusement exacte, ni plus ni moins. Il est très possible,
en effet, que le texte primitif ait été altéré en cet en-
droit. Voir F. Keil, Bibl, Commentar àber den Pro-
plielen Ezéchiel, in-8°, Leipzig, 1868, p. 460-461. Les
mines mentionnées au I er livre des Machabées, xiv, 24
et xv, 18, sont des mines attiques, qui avaient un poids
distinct. Voir Mine, t. iv, col. 1102-1105.
3" Le talent. — Le poids le plus élevé, chez les
Hébreux comme chez les Babyloniens, les Perses, etc.,
était le talent. Son nom hébreu, kikkar, iss, a le sens
de « rond, objet rond », sans doute parce que telle était
sa forme primitive. Voir Talent. Il équivalait à 60 mines,
à 3000 sicles. Cela ressort très évidemment du passage
Exod., xxxvm, 24-25, où nous voyons que 603550 demi-
sicles correspondaient en poids à 100 talents 1775 sicles.
Comp. aussi Exod., xxv, 39; II Reg., xn, 30; III Reg.,
ix, 14; x, 10, 14; II Par., xxv, 9, etc.
4» Poids dans le Nouveau Testament. — Le Nouveau
Testament ne mentionne qu'une nouvelle espèce de
poids, la Xt'tpa, Vulgate, libra, la livre, Joa., xn, 3;
xix, 139 : poids romain qu'on évalue à 326sr327, et
qui se subdivisait en 12 onces. — Dans l'Apocalypse, xvi,
21, nous trouvons aussi la mention du talent en tant
que poids : des grêlons pesant un talent. Cf. Josèphe,
Bell, jud., V, vj, 3. — On a trouvé à Jérusalem, en
1891, une grosse pierre ayant servi de poids et pesant
41 Lil 900 grammes. Voir Palestine Exploration Fund,
Quarterly Statement, 1892, p. 289-290; F. Vigouroux,
Manuel biblique, 12* edit., t. i, p. 310.
5° Les balances. — Pour peser, on se servait de ba-
lances. Cf. Gen., xxiii, 16; xxiv, 22; Deut., xxv, 13;
Prov., xi, 1; xx, 10; Is., xxtv, 6; Am., vin, 5, etc. Voir
Balance, t. i, col. 1400-1405. Les marchands les por-
taient avec eux, en même temps que les poids les plus
usuels, placés dans une pochette. Cf. Deut., xxiH, 3;
Prov., xvi, 4;Mich., vi, 11. Cela était d'autant plus né-
cessaire que, pendant longtemps, l'argent et l'or n'étaient
pas monnayés, et qu'il fallait les peser chaque fois qu'ils
étaient donnés en paiement. Cf. Jer., xxxn, \0. Voir
Monnaie, t. iv, col. 1235.
III. Rapport des poids hébreux avec noire système
décimal. — Il est très difficile, pour ne pas dire impos-
sible, de déterminer cette relation avec certitude,
comme on le voit par les divergences qui existent entre
les évaluations des savants qui se sont le plus occupés
de ce problème. Les modèles qu'on a récemment décou-
verts nous sont parvenus en trop petite quantité et dans
un état de préservation trop incomplète, pour nous
fournir autre chose que d'assez vagues indications. Du
moins, nous pourrons établir l'équivalence d'une façon
approximative. Pour fixer le rapport qui existe entre
notre système décimal et les poids des anciens Israélites,
les savants ont pris pour base le sicle d'argent de
l'époque des Machabées, qu'ils ont supposé être de même
pesanteur que celui des anciens Hébreux. Les deux ta-
bleaux qui suivent indiquent les résultats ainsi obtenus.
h~q%< fierait gr.
1 Talent ^ 60 mines 3 O00 sicles 6000 60000= 42 533,100
1 Mine = 50— 100 1000— 708,850
1 Sicle = 2 20=. 14,200
1 Béqa' =- 10 = 7,t00
1 Gérah*= =- 0,108
Ou bien :
Gérah
1 —
10 =
20 =
1000 =
2= i —
100 = 50 «= 1 raine.
0,708
7,100
14,200
708,850
42 533,100
60000 « 6000 ^ 3000 — 60 — = 1 Talent =
IV. Le poids du sanctuaire et le poids du roi. —
1° On rencontre fréquemment dans le Pentateuque
l'expression sêqel haq-qôdés, iff-r^n "jptf, « poids tjjj
sanctuaire », au sujet de laquelle on a fait des conjec-
tures plus ou moins heureuses. Cf. Ex., xxx, 13, 24;
xxxvm, 24, 26; Lev., v, 15; xxvu, 3, 25; Num., m,
47, 50; vu, 13-14; xvm, 16. Les rabbins l'expliquaient
en ce sens qu'à côté du poids du sanctuaire, ou poids
sacré, les Hébreux en auraient eu d'ordinaires, en
quelque sorte civils, dont la valeur aurait été moindre
487
POIDS — POIL
488
de moitié. Voir Maimonide, Constitut. de siclis, éd. de
Leyde, 1718, p. 19 ; Bertheau, Zur Gesch. derhraeliten,
Gœttingue, 1842, p. 26-27. Cette hypothèse rappellerait
aussi le système babylonien; mais elle est sans fonde-
ment, car il n'est parlé nulle part d'un tel arrangement
chez les Hébreux. D'autres ont supposé que le système
de poids ainsi nommé dépassait au contraire les poids
ordinaires. Voir Nowack, Handbuck der hebr. Archéo-
logie, 1. 1, p. 209. — Il est plus simple et beaucoup plus
naturel de dire, avec la plupart des interprètes, que la
locution « poids du sanctuaire » indiquait des poids
légaux, d'une exactitude rigoureuse, conformes aux éta-
lons qui avaient été déposés, d'abord dans le tabernacle,
puis dans le temple, pour servir de norme régulière.
Le Talmud, Kélim, 17, 9, constate que c'est près de la
porte orientale du temple que se trouvait ce dépôt.
Cette hypothèse explique aussi pourquoi, d'après I Par.,
xxm, 29, les fils d'Aaron paraissent avoir été préposés
aux poids et mesures. Voir Keil et Delitzsch, Bibl. Com-
mentar ûber die nachexilischen Geschichtsbûcher, in-
8», Leipzig, 1870, p. 194; Josèphe, Ant. jud., VIII, m,
8; Michaelis, Mosaisches Recht, Francfort-sur-le-Main,
1775-1780, t. îv, § 227. Les Romains conservaient ainsi
au Capitule, et les Athéniens dans les bâtiments de la
monnaie, les étalons de leurs divers poids. Cf. V. Duruy,
Histoire des Grecs, 1. 1, Paris, 1887, p. 390-391 ; Histoire
des Romains, t. v, Paris, 1883, p. 504.
2° Nous lisons aussi dans l'Ancien Testament, mais
une seule fois, II Reg., xiv, 26, l'expression « poids du
roi », 'ébén hani-mêlék, littéralement « pierre du roi »,
Septante, irô aîxXw x& (3aTiXucw;Vulgate, pondère publico.
Il est dit, dans ce passage, que la chevelure d'Absalom,
lorsqu'il la coupait une fois par an, pesait 200 sicles
d'après le poids du roi. Les avis des commentateurs
sont également très divisés sur ce point, d'autant
plus qu'une chevelure d'homme pesant 2 kil 840 gr.
(14si , 200 X 200) parait chose impossible. Peut-être y
aura-t-il eu ici une corruption du texte en ce qui regarde
les chiffres. Du moins, d'après la plupart des auteurs,
le poids du roi aurait été exactement le même que le
pbiàs du sanctuaire. "Voir BcêcVlVv, Metrologische Ûnter.
suchungen Mer Geivichte..., p. 61; Bertheau, l. c.
p. 28. D'autres ont pensé, à la suite de Josèphe, Ant.,
VII, vin, 5, que le poids du roi aurait dépassé en pesan-
teur le poids commun, de sorte qu'il n'aurait fallu
que 40 sicles royaux au lieu de 50, pour valoir une mine.
D'autres, au contraire, ont regardé le poids royal comme
inférieur de moitié au poids ordinaire. On est dans l'in-
certitude sur ce point. Le plus vraisemblable est que le
poids royal signifie poids juste et exact.
V» Les poids envisagés dans la Bible au point de
vue moral. — La scrupuleuse fidélité par le manie-
ment des poids est fréquemment exigée dans les livres
les plus divers de l'Ancien Testament. Les auteurs
inspirés insistent à ce sujet, soit à cause du caractère
sacré de la propriété individuelle, soit en vue de la
loyauté et de la paix des relations commerciales ou
sociales. Lev.,xix, 35-36 : « Vous ne commettrez d'ini-
quité ni dans les jugements, ...ni dans les poids... Vous
aurez des balances justes, des poids justes, » 'abné
sédeq. Deut., xxv, 13-16 : « Tu n'auras pas dans ton
sac (dans ta pochette) un poids et un poids, un gros
et un petit...; tu auras un poids exact et juste (à la
lettre, une pierre de perfection et de justice), afin que
tes jours se prolongent dans le pays que le Seigneur
ton Dieu te donne. » Prov., xi, 1 : « La balance fausse
est en abomination au Seigneur; mais le poids juste
lui est agréable. » Prov., xx, 10 : « Deux sortes de poids
sont une abomination an Seigneur. » Eccli>, xlii, 14,
le fils de Sirach recommande instamment « la justesse
de la balance et des poids », c'est-à-dire l'honnêteté dans
tous les rapports commerciaux. Mich., vi, 11 : « Est-on
puravec des balances fausses et avec de faux poids dans
le sae ? » C'est en conformité avec ces conseils que les
..rabbins exigeaient, Baba bathra, v, 10 f, qu'on nettoyât
soigneusement les poids et les balances, de crainte que
les matières étrangères, en y adhérant, n'en dimi-
nuassent la parfaite justesse, aux dépens de l'acheteur.
VI. Bibliographie. — Liber de mensuris et ponderi-
bus, Migne, t. xliii, col. 271-274; Eisenschmidt, De
ponderibus et mensuris veterum Bomanorum, Grssco-
rum et Hebrœorum, Strasbourg, 1737; Paucton,
Métrologie ou traité des Mesures, Poids et Monnaies
des anciens peuples et des modernes, in-4°, Paris, 1780;
X. Bôckh, Metrologische Unter suchungen uber Ge-
wichte, Mûnzfûsse und Maasse des Alterthums, in-8°,
Berlin, 1838; V. Vasquez Queipo, Essai sur les systèmes
métriques et monétaires des anciens peuples, 3 vol.
in-8°, Paris, 1859; L. Herzfeld, Metrologische Vorunter-
suchungen zu einer Geschichte des ibràischen résp.
altjûdischen Handels, Leipzig, 1863-1865; de Wette,
Lehrbuch der hebrâisch-jûdischen Archâologie, in-8»,
4° édit., Leipzig, 1864, § 182-184; J. Brandis, Das
Mûnz-, Mass-und Gewichtswesenin Vorderasien, in-£°,
Berlin, 1866, p. 43-45, 95, 102-103, 158; F. Hultsch, Metro-
logicorum scriptorum reliquias, 2 in-4°, 1864-1866 ;
B. Zuckermann, Das jûdische Maassyslem in seinen
Beziehungen zum griechischen und rômischen, in 8°,
Breslau, 1867; J. Oppert, L'étalon des mesures assy-
riennes, in-8°, Paris, 1875; F. Hultsch, Griechische
und rômische Métrologie, in-8», 2 e édit., Berlin, 1882;
M. C. Soutzo, Étalons pondéraux primitifs, 1884;
C. F. Lehmann, Altbabylonisch.es Maas und Gewicht,
dans les Verhandlungen der Berliner Gesellschaft fur
Anthropologie, Berlin, 1889; W. Ridgeway, The Origin
of Metallic Currency and Weigth Standards, in-8°,
Cambridge, 1892; C. F. Lehmann, Das Altbabylon.
Maas- und Gewichtssystem (VIII e Congrès des orienta-
listes, 1889), Leyde, 1893; W. Nowack, Lehrbuch der
hebrâischen Archâologie, in-8°, Leipzig, 1894, p. 208-
209; J. Benzinger, Hebrâische Archâologie, in-8", Fri-
bourg-en-Br., 1894, p. 182-189; R. Klimpert, Lexikon
der Mûnzen, Maasse, Geivichte sowie der Zàhlarten und
Zeitgrossen aller Lànder der Erde, in-12, Berlin, 1896 ;
F. Hultsch, Die Gewichte des Altertums.nach ihrem
Zusamtnenhang dargestellt, dans les Abhandlungen
der philolog.-histor. Classe der kônigl. sàchsischen
Gesellschaft derWissenschaften,in-A°,t.iv,Leipzig,iB89.
L. Fillion.
POIL (hébreu : se'âr; Septante : 6pfÇ ; Vulgate :
pilus), production épidermique, composée d'une racine
bulbeuse enfermée dansla peau, et d'une tige extérieure
qui s'élève plus ou moins au dessus de la surface cuta-
née. Cette tige est creuse et imbibée d'un liquide colo-
rant qui détermine la nuance du poil. — Le système
pileux de l'homme comprend les cheveux (voir t. h,
col. 684), les sourcils, les cils, la barbe (voir 1. 1, col. 1450;
t. iv, col. 1330), les poils et les poils follets. Chez les
animaux, le système pileux couvre à peu près tout le
corps. Voir Laine, t. iv, col. 34, et, pour les poils de
chèvre, ou 'izzîm, Exod., xxvi, 7; xxxvi, 14; I Reg.,
xix, 13, et de chameau, Cilice, t. n, col. 759.
1° Ésaû était velu, sâ'îr, SaaJç, pilosus, « comme un
manteau de poil. » Gen., xxv, 26; xxvn, 11. La même
particularité se remarquait chez le prophète Élie.
IV Reg., i, 8. — Le poil de l'homme a la propriété de se
hérisser sous l'empire de la frayeur : les cheveux se
dressent sur la tête de celui qui a grand' peur. Job, i\,
15, dit qu'au passage d'un esprit, tous les poils de sa chair
se hérissèrent. — 2° Pour leur purification, les lévites
eurent à passer le rasoir sur tout leur corps, à cause
des impuretés dont le système pileux peutêfre le siège.
Num., vin, 7. Cette prescription ne s'étendait pas aux
prêtres. Lev., xxi, 5. On pense, du reste, qu'elle ne fut
en vigueur qu'au désert. Cf. Negaim, xiv, 4. Chez /es
Égyptiens, pour raison de pureté, les prêtres se. rasaient
489
POIL — POIREAU
490
le corps entier tous les trois jours. Hérodote, h, 37. —
3° Des indications minutieuses sur l'examen des poils
sont consignées dans la loi sur les lépreux. Le poil
devenu tout blanc est un signe de contagion. Lev., xm,
3, 10, 20, 25. Le poil devenu jaunâtre indique une
autre espèce de mal. Lev., xm, 30. Les poils noirs cons-
tituent au contraire un signe favorable. Lev., xm, 37.
On comprend que le liquide qui remplit le canal pileux
et le colore soit lui-même altéré et décoloré dans le
cas où la contagion a atteint le tissu épidermique. Le
lépreux que l'on jugeait guéri devait raser tout son poil
le premier et le septièmejour de sa purification légale.
Lev., xiv, 8, 9. — 4" Pour faire périr le dragon vénéré
des Babyloniens, Daniel lui fit avaler des boules com-
posées de poix, de -graisse et de poils. L'animal dut
étouffer à la suite d'une absorption si indigeste.
Dan., xiv, 26. — Sur Is., vu, 20, voir Pied, col. 355.
H. Lesètee.
POING (hébreu : 'egrôf; Septante : nuy^ ; Vulgate :
pugnus). main dont les doigts sont repliés en dedans,
de manière à former une sorte de masse offensive ou
défensive. — Celui qui frappait un autre avec le
poing et le rendait malade, avait la charge de le faire
soigner et de l'indemniser de son chômage. Exod., xxi,
18. Isaïe, lviii, 4, observe qu'un jeûne accompagné de
querelles et de coups de poings ne saurait plaire à Dieu.
— Sur la coutume de se laver les mains «vy^, « avec
le poing », voir Laver (se) les mains, t. iv, col. 137.
H. Lesêtre.
POINTS-VOYELLES, nom donné aux signes mas-
sorétiques marquant les voyelles dans les Bibles hé-
braïques qu'on appelle pour cette raison ponctuées. Leur
nom provient de ce que ces signes sont des points ou
des petits traits. Voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 467,
pour leur forme et leur valeur; col. 504, pour leur ori-
gine. "Voir aussi Ponctuation.
POIREAU (hébreu : hâfir; Septante : itpâaa; Vul-
gate : porri), un des légumes appréciés des Israélites.
I. Description. — Diverses espèces i'Allium sont
cultivées comme condiment à cause de leur saveur acre,
mais agréable ; d'autres chez qui l'arôme est moins péné-
trant comptent parmi les herbes potagères, ainsi l'Oi-
gnon. Voir t. iv, col. 1762. C'est aussi le cas du Poireau,
A. Porriim, L. (iig. 106). Dans la nombreuse série des
aulx, cette espèce se distingue par son bulbe simple et
allongé et surtout par ses feuilles planes, jamais creuses,
garnissant dans sa moitié inférieure la tige épaisse et
cylindrique, qui peut atteindre la taille d'un mètre au
moment de la floraison. L'inflorescence globuleuse très
. ample naît d'une spathe herbacée terminée par une
pointe 4 fois plus longue qu'elle. Les pièces du périanthe,
de couleur blanchâtre ou carnée, sont rapprochées en
cloche d'où font saillie les étamines au nombre de 6;
les 3 filets inférieurs portent de chaque côté une longue
pointe stipulaire dépassant au début les anthères rou-
geâtres. Le style reste inclus ; la capsule trigone-arrondie
s'ouvre en 3 valves à la maturité, pour laisser échapper
les nombreuses graines noires aplaties, ridées.
On ne connaît pas la plante à l'état sauvage, mais
Vilmorin regarde comme très probable son origine déri-
vée de I'Allium Ampeloprasum, vulgairement appelé
Ail d'Orient, qui croît spontanément dans la région
méditerranéenne, et n'en diffère guère que par la
production de caïeux abondants, la brièveté et la cadu-
cité de la spathe, enfin par la substitution fréquente
de bulbilles aux graines. F. Hy.
II. Exégèse. —A s'en tenir à la signification ordinaire
de b,â?ir on n'entendrait par ce mot que l'herbe, le
gazon. Mais dans Num., xi, 5, ce terme semble bien
désigner une plante particulière, une herbe potagère,
comme les oignons et les aulx près desquels elle figure.
Il nous souvient, disent les Israélites au désert, des
poissons que nous mangions pour rien en Egypte, des
concombres, des melons, héfyafir, des oignons et des
aulx. » Ici toutes les versions, les Septante, la Vulgate,
le syriaque, le chaldéen, l'arabe, le samaritain, toutes
ont traduit Aayir par poireau. Comme les hébreux dési-
gnaient par le terme très général yéréq, verdure, les
légumes verts, ils pouvaient également appeler du nom
d'herbe verte, }ia}ir, le poireau, sa couleur verte lui
méritant bien cette dénomination. Cependant en lisant
ce verset du livre des Nombres on peut être étonné de
voir après haqqiSSuim, les concombres, et 'âbattifrim
les melons, et avant besalim les oignons et sûmîm les
aulx, le mot hidçir mis au singulier. Sans doute ce pour-
rait être un collectif. Mais ne pourrait-on avancer une
106. — AUium porrum.
conjecture? -|>ïn, hâfîr, ne serait-il pas une faute de
copiste pour n>sn, hêsîm? (Dans l'ancienne écriture
surtout le m et le r, rapidement écrits, peuvent avoir
une grande ressemblance.) jÇTéjîm serait le pluriel de
hés, nom emprunté aux Égyptiens pour désigner le
poireau, qui se dit en effet arasi, hedji, en copte et qui
rappelle l'hiéroglyphe S ^"ï T, hedj, hets. Le nom des
oignons bé$él, be$dlim, n'est-il pas déjà un mot égyp-
tien, badjar, avec la même lettre hébraïque ï, ?, pour
rendre le ctj égyptien? T. iv, col. 1765. ' Abatlihim, les
melons ou pastèques, dans le même texte est aussi un
nom d'origine égyptienne. T. iv, col. 951. La faute d'un
copiste, introduisant au lieu de ha$im, nom d'origine
égyptienne, un nom hébreu hasîr bien connu, aurai
été l'origine de la leçoa actuelle du texte hébreu.
Le poireau était très apprécié, et il l'est encore en
Egypte et en Palestine. On connaît la satire de Juvé-
nal,xv, 9, sur les Égyptiens :
Porrum et cèpe nefas violare, ac frangere morsu.
O sasctas gentes, quibus hœc nascuntur in hortis
Numina !
491
POIREAU
POIS
492
Les Égyptiens n'ont jamais adoré les poireaux. Tout ce
qu'il y a de vrai dans ce texte c'est que le poireau était
cultivé dans les jardins. Il entrait fréquemment dans
l'alimentation. E. Levesque.
POIRIER. C'est par ce mot que les Septante tradui-
sent beka'im dans I Par., xrv, 14, Stiiov, et que la Vul-
gate rend le même terme hébreu, dans I Par., xiv, 14,
et dans l'endroit parallèle, II Reg., v, 23, pyrus. Bien
que le poirier, dont deux espèces sont indigènes, ait
été connu et cultivé en Palestine, aucune raison ne per-
met cette identification. Les beka'im sont plutôt des
mûriers. Voir t. iv, col. 1344.
POIS, légume cultivé en Palestine.
I. Description. — Le nom de pois a été attribué à
plusieurs plantes annuelles de la famille des Légumi-
neuses, tribu des Viciées, fournissant des graines ali-
mentaires riches en fécule, sucre et gluten. Le genre
Cicer se distingue aisément à ses gousses courtes et
gonflées, renfermant chacune 2 graines bossuées et
-107.
Cicer Arietinum.
ridées, et surtout à ses feuilles formées de 6 à 8 paires
de folioles, terminées par une foliole impaire, sans vrille.
L'espèce principale est le C. Arietinum L. (lig. 107),
vulgairement pois-chiche. Les vrais Pisum ODt de très
larges stipules foliaires, plus développées même que
les folioles, dont le nombre est réduit de 1 à 3 paires avec
une vrille terminale et ramifiée. Les gousses longues
et comprimées renferment des graines nombreuses.
L'espèce cultivée communément dans les jardins sous
le nom de petit pois est le P.. sativum L. (fig. 108) à
fleurs blanches ou bleuâtres, et à graines rondes. Elle
n'est, sans doute, pas distincte spécifiquement du
P. arvense à corolle plus teintée, surtout sur les ailes
qui sont d'un pourpre noir, et à graines anguleuses par
compression réciproque. Cette dernière forme, plus
robuste et aussi plus résistante aux froids, se cultive en
pleins champs comme plante fourragère. A l'heure
actuelle on ne connaît à l'état spontané ni l'une ni
l'antre, mais seulement échappées des cultures. Aussi
pense-t-on communément qu'elles sont dérivées de
certains Pisum croissant dans les bois de la région
méditerranéenne et de l'Asie centrale, et ayant pour
type le P. eiatiusde Bieberstein. Les différences tirées
de la dimension du pédoncule etdesgousses paraissent
insignifiantes. Celles même de la graine légèrement
granuleuse chez la plante des broussailles, tandis qu'elle
est lisse dans les races cultivées, ne dépassent pas non
plus la limite des variations provoquées artificielle-
ment. Or c'est de temps immémorial que les pois sont
introduits dans la culture pour la nourriture de
l'homme ou des animaux domestiques. F. Hy.
II. Exégèse. — Le pois se rencontre dans 1a Vulgate
pour traduire le mot hébreu >bp, qdli, qui est répété
une seconde fois dans II Reg., xvii, 28. Lorsque David
arriva à Mahanaïm, on .vint lui offrir du froment, de
l'orge, de la farine, et qâli (Seplante : à'Xttov; Vulgate :
polentam), « du grain grillé » ; puis des fèves, des len-
tilles, et qàlî (omis dans Septante; Vulgate : frixum
cicer), « des pois grillés ». Dans le premier cas, qâli
est regardé généralement comme étant du grain grillé.
On vient apporter à David du froment et de l'orge,
c'est-à-dire des grains de ces deux céréales en nature,
et aussi en farine et en grains grillés. Les grains grillés
sont une nourriture très usitée dans les pays orientaux.
W. Thomson, The Landand the Book,.in-S°, Londres,
1885, p. 648. Mais quand le mot qâli revient pour la
seconde fois dans le même verset, certains auteurs pen-
sent que c'est le fait d'une dislraction de copiste qui
108. - Pisum sativum.
l'aurait répété à tort : aussi les Septante n'ont rien en
cet endroit. D'autres au contraire croient que cette
répétition est justifiée. Après avoir offert à David des
céréales en nature et préparées, on lui présente aussi
des graines légumineuses en nature et grillées : « des
fèves, des lentilles et des pois grillés. » Rabbi Isaîe
cité par 0. Celsius, Hierobolamcon, in-8°, Amsterdam,
1748, t. n, p. 233 et aussi Rabbi Salomon, AbodaZarah,
(.38, 2, admettent deux espècesde qâli, ou grain grillé,
l'une faite de blé ou d'orge, l'autre de graines légumi-
neuses. On aurait ainsi une explication suffisante de
qâli dans le même verset. Pour J. Kitto, Cyclopcedia,
in-8°, Edimbourg, 1864, t. n, p. 607, qâli à la seconde
fois, serait un mot différent du premier, mais par
une ponctuation fautive, ramené à la même forme, et
serait à rapprocher du sanscrit kallse, kullse, qui signi-
fie graines de légumineuses, et spécialement pois, soit
pois-chiche, soit pois gris et petit pois. Le pois qui
était certainement cultivé en Palestine, serait ainsi
mentionné à côté de la fève et de la lentille, et se serait
nommé peut-être qalli. La conjecture est bien hasardée.
O- Celsius, Bierûbotanieon, t. a, p. 231-234, — Les pois
étaient vraisemblablement compris dans les espèces
diverses de têr'ônim, « graines légumineuses » dont se
nourrissaient Daniel et ses trois compagnons à la cour
de Mabuchodonosgr. — Quelques auteurs, comme Rey-
nier, Economie des Arabes et des Juifs, p. 430,
493
POIS ™- POISSON
494
cherchent à identifier de qésatjk d'Isaïe, xxv^i, 24-27,
avec le pois-çhiche; mais ce nom désigne la nielle
(Nigella sativa) ou cumin nojr. VoirGithit. ni, col. 2l44.
A. de Gandolle, Origine des plantes cultivées, in-8",
Paris, 1886, p. 259. E, Levesqub.
POISON (hébreu : hêmàh, « ce qui brûle; » r'ôs, ce
qui vient de la pla,nte vénéneuse; mevarâh; Septante :
Ùi', Vulgate : vençnum), suhstançe d'origine animale ou
végétais, qui est nuisible qu mortelle pour l'organisme
humain. — II n'est guère parlé de poison qu'une seule
fois dans le sens propre ; Ptolémée Macron se donna la
mort par le poison, çapsuaixsvoai;, veneno. II Maqh., x,
13. Le mot çapuaxsi'a, employé dans le grec biblique,
Exod., vu, 11; vhi, 7, 18, etc.; Gai., v, 10; Apoc, ix,
21, et traduit par veneficium, ne suppose pas l'usage
des poisons, mais seulement les sortilèges et les pra-
tiques magiques, tandis que le verbe çapy-Me^u des
Machahées y signifie « empoisonner ». — Notre-Seigneur,
en envoyant ses Apôtres, leur promet que s'ils prennent
quelque breuvage mortel, 6avi<7it»o;, Us n'en éprouve-
ront aucun mal. Marc, xvi, 18. — Au figuré, le venin
des reptiles, hêmâh, ûviw, fnror, fera périr les enne-
mis de Dieu. Deut., xxxii, 24. Une peste venimeuse,
mertrî, les frappera. Beut., xxxii, 24. Leur raisin de-
viendra vénéneux et leur vin se changera en venin,
r'ôS, Svitiô?, x ^» venenum, fel. Deut., xxxn, 32, 33.
Pour r'ôs, dans le sens de venin, voir Pavot, t. iv,
col. 2239. Le pain du méchant se change en venin,
nierorâh, ^o^, fel, Job, xx, 14, car lui-même a sueé
le venin de l'aspic, Septante : « la langue du serpent le
tera périr », Vulgate : capui, « tête, » sens ordinaire de
r'os, qui ne convient pas ici. Job, xx, 16. Le vin mord
comme un serpent, Prov.,xxni,32; d'après les versions,
il répandra le venin, Cô?, venena. Dieu fait boire à son
peuple infidèle et aux faux prophètes l'eau de poison,
r'os, x»Wï, fel. 1er., vm, 14; ix, 14; xxin, 15. Les riches
d'Israël ont changé le droit en poison, c'est-à-dire qu'ils
en font un moyen de nuire au peuple. Am., vi, 13. Le
venin des impies, hêmâh, Oojiô;, furor, est semblable à
celui des serpents, Ps. lviii (lyu), 5; ils ont sous les
lèvres le venin de l'aspic. Ps. cxl (cxxxix), 4 ; Rom., nr,
13. La langue, si l'on n'y prend garde, répand un poison
mortel. Jacob., m, 8. L'apôtre compare ainsi à la langue
du serpent venimeux celle de l'homme aux paroles
impies et méchantes. H. Lesétre.
1. POISSON (hébreu : ddg, dag, dâgâh, (ânnîn,
« le monstre marin»; Septante : lybbi, xf,To;; Vulgate:
piscis, cete, cetus), animal vertébré, vivant dans l'eau
et y respirant au moyen de branchies, organes qui em-
pruntent à l'eau même l'oxygène nécessaire à la vie.
Sur les mammifères qui vivent aussi au sein des eaux
et sont généralement désignés par les mots pannm,
xt|to<, cete. Voir Cétacés, t. n, col. 405. Les poissons
forment de très nombreuses espèces, que les natura-
listes divisent plus communément en cinq ordres. Ils
ont l'Intelligence nulle, la vue très courte, mais l'odo-
rat très développé. Leur conformation et leur système
musculaire leur permettent de se mouvoir très rapide-
ment dans l'eau. Leur appétit est très vorace; ils se
dévorent les uns les autres et sont doués d'une prodi-
gieuse fécondité qui aide chaque espèce à survivre à
toutes les exterminations.
I. Remabques générales. — 1» La Sainte Écriture
n'entre dans aucun détail caractéristique sur les pois-
sons. Elle se contente de les mentionner d'une manière
générale. Après avoir créé tout ce qui se meut dans les
eaux, selon son espèee, Gen., i, 21, Dieu soumit les
poissons à la domination de l'homme, Gen., i, 26, 28;
ix, 2, v Ps. vui, 9, domination qui se borne pratiquement
pour l'homme à s'emparer des poissons, quand il le
peut, pour en faire sa nourriture. Œuvre de Dieu,
comme tous les autres êtres, les poissons de la mer
rendent témoignage à la puissance du Créateur. Job, xir,
8. Us tremblent devant lui, c'est-à-dire ne sont que de
pauvres créatures en face de sa majesté. Ezeoh.,xxxvni,
20. Leur abondance marque la bénédiction, Ezech.,XLvn,
9, 10, et leur destruction, la colère de Dieu. Is., h, 2;
Os., iv, 3; Soph., i, 'A, -- 2» Il était permis aux Israé-
lites de manger des poissons, mais seulement ceux qui
sont pourvus de nageoires et d'écaillés. Les poissons
sans nageoires oU sans, éeailles devaient leur être en
abomination. Lev., xi, 9-12. La restriction n'était pas
considérable. Elle comprenait les silures, par consé-
quent le silurus aurilus du Nil, et d'autres de la même
espèce qui sont très communs dans les eaux douces en
Orient; les raies, qui habitent exclusivement la mer;
les lamproies, qui au printemps remontent les fleuves
et les rivières pour frayer; les squales, poissons marins
très voraces qui forment plusieurs espèces. Les doc-
teurs y joignirent par la suite les murénidés ou an-
guilles, dont les écailles sont petites et peu visibles.
La plupart de ces poissons ont une chair agréable,
mais parfois un peu indigeste. La principale raison de
leur prohibition provenait donc uniquement de la vo-
lonté divine, qui s'affirmait en imposant aux Israélites
109.— Poisson en bronze trouvé dans une nécropole punique.
D'après un dessin de M. J- d'Anselme (Delattre, La nécropole
punique de Ddu'imès, fouilles de !S93-iS9i, fig. 3, p. i).
une privation d'ailleurs assez légère. Saint Paul signale
la différence qu'il y a entre la chair du poisson et celle
des autres animaux. I Cor-, xv, 39. — 3» Il est dit de Salo-
naon qu'il disserta sur les poissons. III Reg., iv, 33. II
est à croire que le roi avait des connaissances assez
étendues sur le grand nombre des espèces qui peuplent
les eaux palestiniennes. Toutefois, il est remarquable,
observe Tristram, The natural History of the Bible,
Londres, 1889, p. 284, qu'on ne trouve en hébreu au-
cun nom particulier de poisson, alors que la langue
grecque en possède plus de quatre cents. — 4" La Loi
défendait formellement « toute image de poisson qui
vit dans les eaux au-dessous, de la terre ». Deut., iv,
18. La prohibition n'était pas restreinte aux seuls pois-
sons. Elle avait pour but de détourner les Israélites
d'une forme d'idolâtrie commune aux peuples qui les
entouraient. Les Philistins avaient leur dieu-poisson,
Dagon, dàgôn, dont le nom vient de ddg. Voir Dagon,
t. n, col. 1204. Les Phéniciens et les Carthaginois vé-
néraient les poissons; ils en portaient les images sur
eux comme amulettes et se faisaient enterrer avec elles
après leur mort. Le P, Delattre, dans ses fouilles des
nécropoles puniques, en a trouvé un grand nombre en
bronze (fig. 109), en os, en ivoire, en lapis-lazuli (fig. 110).
D'après Hérodote, H, 72, les Égyptiens regardaient
comme sacrés un gros poisson du Nil, appelé lépidote,
et l'anguille. Les Chaldéens honoraient aussi un dieu-
poisson, Oannès (t. i, fig. 316», eol, 1154), qui passait
pour avoir instruit les premiers hommes, Cf. Fr. Lenor-
mant, Les origines de Vkisloire, Paris, 1880, t. i, p. 585.
Il n'était donc pas inutile de prémunir sévèrement les
Israélites eontre tout danger d'imitation de ces cultes
grossiers. Aujourd'hui encore, dans la Syrie occidentale,
l'ancien eulte rendu à Dagon se perpétue sous forme
de vénération envers certains poissons qu'il est défendu
de pêcher. Tel est le capoeta fratercula (fig. 111), nourri
avec sollicitude dans des bassins spéciaux à Tripoli.
495
porssoN
496
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 58;
Élien, Hist. animal. ,x, 46; xn, 2; Xénophon, Anabas.,
i, 4, 9; Strabon, xvn, 812; Diodore de Sicile, u, 4.
II. Les poissons d'Égïpte. — 1° En bénissant les fils
de Joseph, Jacob dit : « Qu'ils multiplient (idgû, qu'ils
poissonnent) en abondance au milieu du pays ».
Gen., xlviii, 16. Il y a là une allusion à la grande fé-
condité des poissons et à leur abondance particulière
dans le Nil et ses canaux. Au désert, les Israélites se
souvenaient des poissons qu'ils mangeaient pour rien
110. — Poissons en os, ivoire et lapis-lazuli, trouvés dans les
nécropoles de r.arthage. Celui qui est figuré au milieu en noir
est gravé sur une pastille de verre. D'après le P. Delattre.
en Egypte, Num M XI, 5, 1ant ils étaient abondants et
faciles à prendre. Ce sont ces poissons qui, pendant la
première plaie, moururent à cause de l'infection du
fleuve. Exod., vu, 18, 21 ; Ps. cv (crv), 29. Quand les
Israélites se plaignirent de leur nourriture près du
Sinaï, Moïse fit cette réflexion : « Leur ramassera-t-on
tous les poissons de la mer, pour qu'ils en aient assez ? »
Num., xi, 22. — 2° Les poissons marins des côtes
d'Egypte et de la Palestine sont ceux qu'on trouve
dans toute la Méditerranée. Quelques, espèces, les mu-
lets par exemple, y abondent particulièrement. Certains
111. — Capoeta fratercula. D'après Lortet, La Syrie, p. 58.
cétacés, marsouins et dauphins, y sont aussi très com-
muns, mais ne pouvaient servir à la nourriture des
Israélites. — 3° De nombreuses espèces peuplent le Nil
et les divers canaux qui en dérivent. « Beaucoup de pois-
sons de mer montent frayer en eau douce, les dupées,
les mugils, les perches, le labre, et poussent leurs ex-
cursions très haut dans le Saïd. Les espèces qui ne
sortent pas de la Méditerranée sont arrivées du fond de
l'Ethiopie, et en arrivent encore chaque année avec la
crue, le raschal, le raï, la tortue molle, le docmac, les
■mormyres. Plusieurs atteignent une taille gigantesque,
le bayad et la tortue près de 1 mètre, le latus jusqu'à
3 mètres; d'autres se distinguent par leurs propriétés
électriques, comme le silure trembleur. Le fahaka
(fig. 112) est un poisson allongé, qui naît au delà des
cataractes. Le Nil l'entraîne d'autant plus aisément
qu'il a la faculté de s'emplir d'air et de se gonfler à
volonté : quand il est tendu outre mesure, il bascule et
file à la dérive, le ventre au vent et tout semé d'épines
qui lui prêtent l'apparence d'un hérisson. Pendant
l'inondation, il roule de canal en canal au gré du cou-
rant; les eaux en se retirant l'abandonnent dans les
champs limoneux, où il devient la proie des oiseaux
ou chacals, et sert de jouet aux enfants. » Maspero,
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, Paris, 1895,
t. i, p. 35, 36. Cf. J. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire
naturelle des poissons du Nil, dans la Description de
l'Egypte, t. xxrv, p. 176-217. Tous ces poissons sont en
quantité prodigieuse. Si, même avant la promulgation
de la loi sur les animaux impurs, les Israélites s'abste-
naient de plusieurs d'entre eux par raison d'hygiène,
112. — Fahaka du Nil.
D'après Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 36.
particulièrement des silures, ils en avaient à leur dis-
position beaucoup d'autres appartenant aux genres
brème, spare, perche, labre, carpe, chromis, etc. Voir
t. ir, fig. 622, col. 2044, un eunuque apportant à une
Égyptienne des poissons dans un panier. — 4° Dans sa
prophétie contre l'Egypte, Isaïe, xix, 8, prédit le des-
sèchement du fleuve et des canaux, l'infection des eaux
et la pertedespoissons, au grand désespoir des pêcheurs.
Ezéchiel, xxix, 4, 5, annonce également la destruction
des poissons, en punition de l'orgueil égyptien.
III. Les poissons de Palestine. — 1» Au lac de Ti-
bériade. — Les poissons sont prodigieusement abondants
dans ce lac. Comme ceux du Jourdain et de ses affluents,
ils présentent une grande ressemblance avec les pois-
sons du Nil, au point qu'autrefois on croyait à une
113, — Chromis Simonis. D'après Lortet, La Syrie, p. 507.
communication souterraine entre le fleuve égyptien et
les eaux palestiniennes. Cf. Josèphe, Bell, jud., m, x,
8. Ces poissons forment parfois des bancs étendus et
épais, qui agitent l'eau à la surface comme le ferait
une violente averse. Ils appartiennent aux genres chro-
mis, clarias, capoeta, barbus, blennius, discognathus
et nemachilus. Les chromis sont représentés par de
nombreuses espèces. Ces poissons, longs d'une ving-
taine de centimètres à peine, ont la spécialité de garder
leurs alevins dans leur gueule durant plusieurs se-
maines, jusqu'à ce que ceux-ci soient de taille à se
suffire à eux-mêmes. « Une de ces espèces, le chromis
Simonis (fig. 113), a une gueule énorme, comparée
aux dimensions du corps; au printemps, les joues du
mâle sont toujours gonflées par les œufs, oa le fretin,
qu'il transporte ainsi partout avec lui... J'ai vu maintes
497
POISSON
498
fois la femelle en pondre une quantité considérable,
deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux,
dans une petite excavation qu'elle creuse en se frottant
dans la vase... Quelques minutes plus tard, le mâle
prend avec ses lèvres les œufs, les uns après les autres,
et les fait glisser dans l'intérieur de sa gueule, contre
ses joues qui se gonflent alors d'une manière étrange...
Au sein de cette cavité incubatrice d'un nouveau genre,
les œufs subissent en quelques jours toutes leurs méta-
morphoses. Les petits, qui prennent rapidement un
volume considérable, paraissent bien gênés dans leur-
étroite prison... et ne quittent cette demeure que
lorsqu'ils sont longs de dix millimètres, et alors assez
forts et agiles pour échapper facilement à leurs nom-
breux ennemis. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
p. 506. L' hemichromis sacra se rencontre, au mois de
juin, avec la gueule pleine d'œufs et d'alevins, atteignant
parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis
Tiberiadis, niloticus et microstomus, de plus grande
taille que les précédents, sont préférés par les pê-
cheurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des
chromis ont une couleur argentée et tombent sur le
sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut très
probablement dans la gueule d'un chromis que, sur
l'ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non
plus des alevins, mais le statère destiné à payer le
114. — Clarias macracanthus des rives vaseuses et herlieuses
du lac de Tibériade. D'après Lortet, La Syrie, p. 509.
tribut. Matth., XVII, 26. Le poisson, malgré la présence
du statère dans sa bouche, n'eut pas plus de difficulté
à saisir l'hameçon, que n'en avaient ses semblables
pour saisir la proie destinée à les nourrir, dans le
temps que leur bouche était encombrée par leurs ale-
vins. Un des poissons les plus curieux du lac est un
siluridé, le clarias macracanthus (fig. 114), analogue
au clarias anginllaris d'Egypte, le coracinus de Josè-
phe, Bell, jud., III, x, 8. Il atteint plus d'un mètre de
longueur, peut vivre plusieurs jours hors de l'eau, et
fait entendre, quand on le prend ou qu'on le frappe,
des espèces de miaulements comme ceux d'un chat. Il
a une vessie natatoire qu'il peut remplir d'air, qui lui
permet de respirer hors de l'eau comme les dipneustes,
et qui, en se contractant, imite le bruit d'un miaule-
ment. Ce poisson, dépourvu d'écaillés, ne pouvait être
mangé par les Israélites. Les poissons du lac servent
de proie aux pélicans et aux grèbes huppés, échassiers
qui fréquentent la Palestine en très grand nombre. Ces
derniers s'attaquent aux chromis pour les dévorer;
mais, quand ils les trouvent trop gros, ils se conten-
tent de leur enlever les yeux avec leur long bec. Aussi
prend-on souvent des poissons aveugles dans le lac.
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 508-510.
2° Dans le Jourdain et ses affluents. — Le Jourdain
nourrit une grande quantité de poissons que chassent
les martins-pêcheurs, mais qui se multiplient d'autant
plus aisément que, par suite d'un préjugé, les Arabes
n'y touchent jamais. Les espèces ne différent pas de
celles qui peuplent le lac de Tibériade. On pêche le
plus fréquemment les capoeta Syriaca, socialis et Da-
mascina, poissons argentés comme les truites de mon-
tagne; les barbus canis et longiceps, d'assez grande
taille et pourvus de tentacules de chaque côté du mu-
seau; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq cen-
timètres de long, et quelquefois le claHas macracan-
thus. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont
les mêmes espèces que le fleuve. Les petits ruisseaux
du Kelt, aux environs de Jéricho, nourrissent le ca-
poeta Damascina, le Discognathus lamta et le cypri-
nodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtout dans
le Jaboc. Le lac Houléh a les mêmes habitants que le
lac de Tibériade. Mais tous les poissons qu'entraîne le
violent courant du Jourdain périssent dès qu'ils attei-
gnent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezéch., xlvii, 9,
10. Voir Jourdain, t. m, col. 1739; Morte (Mer), t. iv,
col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans
des sources même salées ou chaudes, de petits pois-
sons argentés, le cyprinodon Sophiw, le 'cyprinodon
dispar, et d'autres analogues. Le cyprinodon dispar
(fig. 115), long de cinq centimètres à peine, est d'un
gris argenté et verdàtre sur le dos. Des points pigmen-
taires d'un noir intense sont semés sur les flancs, le
ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources
chaudes, fortement salées et parfois quelque peu sulfu-
reuses. Mais, comme tous les autres, il périt sitôt qu'on
le plonge dans l'eau de la mer Morte. La source Aïn
Sghaïr, salée, sulfureuse et d'une température de 20°,
renferme des myriades de cyprinodon Sophiœ, longs
H5. — Cyprinodon dispar de Palestine.
D'après Lortet, La Syrie, p. 439.
de trois ou quatre centimètres à peine. Ces poissons
sont d'un brun verdàtre, avec des raies argentées ver-
ticales sur les flancs. Ils se meuvent avec grande agi-
lité et se nourrissent surtout de larves de moustiques.
Près du lac Houléh, la source Aïn Mellâhâh nourrit des
cyprinodon dispar et des capoeta fratercula. Cf. Lor-
tet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 438, 439, 444, 540. Il
arrivait parfois que les torrents aboutissant au Jourdain
se tarissaient. Alors se réalisait ce que dit Isaïe, L, 2 :
« Je changerai les fleuves en désert, leurs poissons
pourriront faute d'eau et ils périront de soif. »
IV. Le poisson de Jonas. — Le texte sacré dit que
« Jéhovah lit venir un grand poisson, dàg gâdôl, pour
engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson
trois jours et trois nuits. » Jon., il, 1. Dans saint Mat-
thieu, xn, 40, le poisson est appelé un monstre marin,
xïjto;, cetus. Tout d'abord, il n'est nullement néces-
saire de supposer que Dieu ait créé un poisson spécial
pour engloutir le prophète. Il « fit venir », c'est-à-dire
prit soin que le monstre se trouvât là au moment
voulu. Notre-Seigneur lui-même fait allusion à l'évé-
nement et le présente comme un signe, c'est-à-dire
comme un fait miraculeux destiné à prouver ou à fi-
gurer quelque chose. Matth., xn, 39; Luc, xi, 29. Les
mots dâg gâdôl, « grand poisson », x^toc, employés par
les Septante et par saint Matthieu, piscis grandis de la
Vulgate, ne préjugent absolument rien quant à la na-
ture de l'animal en question. Il ne saurait être la
baleine dont- le pharynx est beaucoup trop étroit pour
avaler une proie considérable. Voir Baleine, t, i,
col. 1413. Mais dans la Méditerranée se trouvent
d'autres monstres capables d'engloutir un homme tout
entier. Tels sont par exemple le pristis ou scie, dont la
499
POISSON
500
taille peut atteindre de trois à einq mètres; le squale,
poisson de grande taille dont la voracité est prodi-
gieuse; la lamie, de dimension extraordinaire et dqnt
le poids peut atteindre 15000 kilogrammes, et surtout
le requin ou careharias, d'une force et d'une voracité
étonnantes et dont la taille, peut aller jusqu'à neuf et
dix mètres. Tous ces poissons appartiennent à la
famille des sélaciens ou plagiostomes, dont la bouche
est placée transversalement au-dessous du museau.
Dans leur mythe d'Hercule englouti par un monstre
marin qu'avait envoyé Neptune, puis rejeté sain et sauf,
les Grecs faisaient intervenir un carcliarias, xdtpx'fws
xûwv, csmis cm'charias ou requin. Cf. Lycophron, Cas-
sandr., 34. On cite plusieurs cas d'hommes engloutis
tout entiers par des requins, entre autres celui d'un
matelot qui, en 1759, tomba à la mer dans la gueule
d'un requin qui suivait le navire. Le monstre, blessé à
coups de fusil, rendit aussitôt le matelot un peu contu-
sionné. Cf. S. Muller, Des Bitt. von Linné volst. Natw
system., Nuremberg, 1774, p. 268, 269. Le cas d'un
homme englouti par un poisson, comme le fut Jonas,
est donc naturellement possible. Il est dit que le pro-
phète resta trois jours et trois nuits dans le ventre
du monstre. Jon., h, 2, Cette expression doit s'entendre,
à la manière hébraïque, non de 72 heures, mais de
beaucoup moins, peut-être de 30 ou 4Q. Ce séjour de
Jonas au sein du poisson, sa survivance dans un pareil
milieu et ensuite sa délivrance sur te rivage ne sont
pas présentés par le texte sacré comme des faits natu-
rels. On ne peut donc leur opposer d'autres objections
que celles qu'on fait contre tous les miracles. Voir Jo-
nas 2, t. m, col. 1608-1609. Cf. F. Baringius, De ceto
Jonse, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732,
t. n, p. 217-219; Rosenmùller, Prophétie minores,
Leipzig, p. 354-356, 374; T. J. Lamy, Jonas, dans le
Diction, apologétique de Jaugey, p. 1705-1714. Sur les
représentations de Jonas et du poisson dans l'iconogra-
phie chrétienne primitive, voir Martigny, Diction, des
antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 398.
V. Le poisson de Tobie. — Le jeune Tobie descendait
sur la rive du Tigre pour se laver les pieds, quand un
poisson énorme, tx9ù? (h'y«Ç) piscis immanis, sortit pour
le dévorer, ou, d'après le Sinaïticus, chercha à lui
happer le pied. Tobie fut épouvanté, mais, sur l'ordre
de l'ange, il tira le poisson par les ouïes jusque sur la
rive. Tob., vi, 2.4. Le texte sacré ne dit rien sur la na-
ture de ce poisson. L'Euphrate et le Tigre sont très
poissonneux. Les riverains n'ont longtemps vécu que
de poisson, qu'ils mangeaient frais, salé ou fumé. Ils le
séchaient au soleil, le pilaient dans un mortier, tami-
saient la poudre et en faisaient des sortes de pains ou
de gâteaux. Hérodote, i, 200. Le barbeau, la carpe, l'an-
guille, la murène, le silure prospèrent et prennent de
fortes dimensions dans ces eaux lentes. On y trouve
aussi une curieuse espèce de grondin. « Il séjourne dans
l'eau à l'ordinaire, mais l'air libre ne l'effraie point :
il saute sur les berges, grimpe aux arbres sans trop de
peine, s'oublie volontiers sur les bancs de boue que la
marée découvre et s'y vautre au soleil, sauf à s'enlizer
en un clin d'œil si quelque oiseau l'avise de trop près. »
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
t. i, p. 556. On a conjecturé que le poisson de Tobie
était un silure, mais on a contesté qu'il ait pu s'élancer
pour attaquer l'homme. Cf. Tristram, The natural His-
tory of the Bible, p. 293. Le Sinaïticus et la Vulgate
parlent d'un grand poisson. Le texte grec de la Sixtine
dit seulement qu' « un poisson s'élança du fleuve ». Il
ne serait pas impossible que ce poisson non qualifié,
qui sauta du fleuve, ne fût autre que le grondin. Il
devait, en tous cas, être à la fois de taille assez faible
pour que le jeune homme pût le tirer à lui, et pourtant
assez volumineux pour fournir les provisions qui suf-
firent aux deux voyageurs jusqu'à Rages. Tob., vi, 6.
Une fresque du cimetière de Thrason représente Tcsbie
offrant à l'ange le, poisson qu'il vient de prendre
(fig. 116). Cf. Marùechi, Éléments d'archéologie chré-
tienne, Paris, t. i, 1899, p. 303. Sur l'emploi du flel de
poisson pour la guérisqn des yeux, voir Fiel, t. n,
col. 2234. "Voir aussi Tobie.
VI. Le marché aux poissons. — Dans l'ancienne Jé-
rusalem, H y avait une parte des Poissons, ainsi nommée
parce que les provisions de poisson arrivaient par là,
de la mer et du lac de Tibériade. II Par., xxxm, 14;
H Esd., ni, 3; xii, 38; Soph-, i, Î0. Des [marchands
tyriens vendaient le poisson dans la ville; Néhémie fut
même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour
les empêcher d'exercer leur commerce le jour du sab-
bat. II Esd,, xiii, 16. Le poisson qu'ils vendaient n'était
pas frais, à cause de la distance à parcourir, mais salé
ou séché au soleil. Voir le marchand de poisson d'un an-
cien bazar égyptien, t. h, fig. 512, çql. 1555. Le poisson
de mer frais ne pouvait guère venir à Jérusalem, que de
Jqppé. Les Phéniciens avaient de grandes pêcheries
maritimes et exportaient en Palestine une partie de leur
116. — Tobie offrant à l'ange, le poisson.
Peinture de la catacombe des Saints-Thrason-et-Saturnin.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 760.
poisson. Les habitants de plusieurs bourgs de la côte ne
vivaient que de leur pêche. Le lac de Tibériade four-
nissait les poissons d'eau douce. Un grand nombre de
bateaux y péchaient au temps de Notre-Seigneur. Cf.
Josèphe, Bell, jud., III, x,9. Des poissons salés arri-
vaient aussi d'Egypte. Le zâç. ijçoç qu salaison s'y prépa-
rait en un grand nombre d'endroits, d'où la fréquence
du nom de lieu Tapissai. Machschirin, vi, 3. Cf. Héro-
dote, n, 149. Le thon salé ou holias provenait d'Espa-
gne, dont les salaisons étaient renommées. Schabbath,
xxil, 2; Machschirin, vi, 3. Cf. Pline, H, N., xxxil,
146; Sehûrer, Géschichte des jïidischen Vol/tes, Leipzig,
t. Il, 1898, p. 57, 58. Sauf au bord de la mer et du lac
tous les poissons n'étaient transpertés et utilisés
qu'après avoir été sales ou séchés au soleil. Le peuple
se contentait de cette nourriture.
VII. Les poissons dans l'Évangile. — Les évangé-
listes mentionnent les poissons à propos des pêches
ordinaires, Matth., xm, 47, ou miraculeuses. Luc, v,
6; Joa., xxi, 6-13. Voir Pêche, col. 6. Ils en parlent
surtoutau point de vue de la nourriture. Notre-Seigneur
dit qu'un père ne donnerait pas un serpent à son en-
fant qui lui demande un poissqn. Matth., vu, 10; Luc,
XI, 11. Le poisson et le serpent ont une certaine res-
semblance; mais l'un est comestible et l'autre nuisible.
A la première multiplication des pains, un enfant a deux
poissons, assez petits, sans doute, puisqu'il peut les
porter en chemin avec einq pains. Matth., xiv, 17;
Marc, vi, 38, 41; Luc, ix, 13; Joa., vi, 9. A la seconde
multiplication, on trouve parmi les assistants quelques
501
POISSON — POLICE
502
petits poissons. Matth., sv, 34. Ces poissons, salés ou
sèches, faisaient partie des provisions de route dont se
munissait ordinairement l'Israélite. — Après la résur-
rection, au cénacle, les Apôtres offrent à Notre-Seigneur
un morceau de poisson rôti. Luc, xsiv, 42. A son tour,
sur les bords du lac de Tibériade, le Sauveur a disposé
117. — Poisson, personnifiant Notre-Seigneur,
portant une corbeille de pains.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 291.
pour eux du poisson qui rôtit sur des charbons ardents.
Joa., xxi, 9. — Les miracles de la multiplication des
pains suggérèrent aux premiers chrétiens l'idée d'un
symbole eucharistique qu'on trouve représenté dans les
catacombes. C'est un poisson portant une corbeille de
pains (Dg. 117). Voir Martigny, Dictionnaire des anti-
quités chrétiennes, 3 e édit., p, 291. Cf. Marucchi, Élé'
nients d'archéologie cln'étienne, Paris, 1900, t. n, p. 170.
118. — Poisson de bronze, figure de Notre-Seigneur.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 655.
A cause de son nom grec, le poisson devint lui-même le
symbole du Christ. On observa de bonne heure que les
cinq lettres du mot t%6jc fournissaient les initiales des
cinq mots 'Ir,<roJî Xpto-ioç OsoO vî'o« ctwt^p, « Jésus-
Christ, de Dieu Fils, Sauveur. » Des poissons de verre
ou de métal étaient portés comme objets de piété, au
moyen desquels les chrétiens se reconnaissaient entre
eux. On gravait des poissons sur* des anneaux, sur
H9. — Ancre debout, figurant une croix, d'où descend une ligne
à laquelle est pris un poisson, image du chrétien.
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 657.
l'ivoire, les pierres précieuses, etc. Parfois des inscrip-
tions étaient tracées sur le poisson lui-même, pour
accuser davantage sa signification. On lit sur un pois-
son de bronze (flg. 118) le mot CCOCAIC, « sauve », ce
qui fait que l'ensemble constitue celle invocation :
« Jesus-Cbrist, Fils de Dieu, Sauveur, sauve-nous, s Le
poisson pris à l'hameçon (fig. 119) figure le chrétien
converti par la prédication évangélique. Cf. Martigny,
Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 653-659.
H. Lesêtre.
2. POISSONS (PORTE DES) à Jérusalem. Voir Jé-
rusalem, 2», t. m, col. 1364.
POITRINE (hébreu : fiazéh; chaldéen : hddin; Sep-
tante : arf^oç, <ttï)6vv un ; Vulgate :pectus, pectuscuZum),
partie antérieure du corps, située entre le ventre et le
cou. — 1° Le mot hazéh n'est employé que pour dé-
signer la poitrine des victimes offertes dans les sacri-
fices pacifiques. Cette poitrine était détachée, balancée
devant le Seigneur et ensuite appartenait ordinaire-
ment aux prêtres. Exod., xxix, 26, 27 ; Lev., vu, 30, 31 ;
ix, 20, 21 ; x, 1. — 2° Dans plusieurs passages, les
versions prennent la poitrine pour désigner le ventre,
Gen., i», 14, et surtout les organes du sentiment, tels
que les concevaient les auteurs sacrés, le cœur, Ju-
dith, ni, 11, les reins, les entrailles, le sein, etc. La
statue vue en songe par Nabuchodonosor avait la poi-
trine et les bras d'argent. Dan., h, 32- Au moment de
l'attentat d'Héliodore, les femmes de Jérusalem se
couvrirent la poitrine d'un cilice, en signe de deuil.
II Mach., m, 19. Les sept anges de l'Apocalypse, xv, 6,
portaient des ceintures d'or autour de la poitrine. — -
3° Dans le deuil ou le repentir, on se frappe la poitrine.
Nah., h, 7; Luc, xvm, 13; xxm, 48. Ce geste est na-
turel ; c'est la révélation publique de ce qui est caché au
fond du cœur, douleur ou regret. Cf. S. Augustin,
Serm., 67, t. xxxvm, col. 433. — A la dernière Cène,
saint Jean reposa sa tête sur la poitrine de Jésus,
Joa., XIII, 25; XXI, 20, ce qui marquait l'amour du
Sauveur pour le disciple, et celui du disciple pour son
divin Maître . H , Lesëtke.
POIVRETTE COMMUNE, nom vulgaire de la ni-
gelle ou nielle cultivée, dont la graine servait de condi-
ment dans l'Orient et qui était appelée gith en latin.
Voir Gith, t. m, col. 244.
POIX (hébreu : zéfe'f; Septante : kIggoi; Vulgate :.
pix), substance résineuse ou bitumineuse, extraite des
pins et des sapins. Celte substance est de la térében-
thine qui se fond à chaud dans l'eau; d'aspect jaunâtre,
elle est grasse au toucher, tient aux mains et est im-
perméable à l'eau; elle se ramollit seulement à la
chaleur. — La corbeille de jonc dans laquelle Moïse
fut exposé sur le Nil était enduite de bitume et de poix,
pour que l'eau n'y pénétrât pas. Exod., h, 3. — Dans
sa prophétie contre Édom, Isaïe, xxxiv, 9, dit que les
torrents de son territoire seront changés en poix et
que la terre elle-même deviendra de la poix brûlante.
Le prophète fait allusion à la configuration du pays qui,
situé au sud-ouest de la mer Morte, a vu les éruptions
de matières bitumineuses dans lesquelles ont péri
Sodome et les villes coupables. Voir t. m, col. 830.
Les phénomènes qu'il prédit ne sont que des images du
châtiment qui menace l'Idumée. — Celui qui touche de
la poix souille sa main, à cause de la nature adhésive
de cette substance ; de même, celui qui fréquente l'or-
gueilleux devient vicieux à son contact. Eccli., xm, 1.
— Pour augmenter la combustion de la fournaise baby-
lonienne, on y jetait de la poix, matière résineuse qui
activait le feu. Dan., m, 46. Pour tuer le dragon
qu'adoraient les Babylonie'ns, Daniel lui fit avaler des
boulettes composées de poix, de graisse et de poils.
Dan., xiv, 26. La graisse devait allécher l'animal, la
poix, retenue par les poils, s'arrêter dans sa gorge et
l'étouffer. C'est ce qui se produisit.
H. Lesêtre.
POLE Matthieu. Voir Poole.
POLICE, institution chargée de maintenir l'ordre
public. — 1" Police civile. — On a fort peu de rensei-
gnements sur ce sujet. Les choses devaient d'ailleurs
se passer très simplement chez les Hébreux. La police
rentrait naturellement dans les attributions des anciens,
placés à la tête de chaque agglomération. Voir Anciens,
1. 1, col. 555-556. Dans les affaires criminelles, les pa-
rents, le lésé lui-même ou les témoins amenaient le
coupable devant les juges. Voir Jugement, t. m, col. 1844.
503
POLICE
504
Les rois exerçaient le droit de police sur tout le pays
soumis à leur juridiction. III Reg., xvm, 10; IV Reg.,
1,9, 11, 13; Jer., xxxvn, 12-14; Matth., xiv, 3; Act.,
xii, 1-3. Dans certains cas de flagrant délit, on voit les
juges prendre l'initiative des poursuites et citer ou
saisir eux-mêmes le coupable. Dan., xui, 27, 29; Joa.,
vin, 3.
2° Police religieuse. — Le blasphème et les crimes
contre la religion appelaient la surveillance des juges
locaux, III Reg., xxi, 10-13, et surtout des prêtres de
Jérusalem. Jer., xxvi, 8, 9. Le grand sanhédrin exerça
plus tard cette surveillance sur tout le pays juif et
même sur les communautés juives vivant hors de la
Palestine. Les hommes qu'il employait pour sa police
sont appelés ûmipé-rai, ministri, «serviteurs». Il en est
question dans le Nouveau Testament. Matth., xxvi, 58;
Marc, xiv, 54; Joa., vu, 32, 45; xvm, 3, 12, 22; xix, 6;
Act., v, 22, 26. La police du sanhédrin fut mise en mou-
vement pour suivre partout Notre-Seigneur pendant sa
vie publique et espionner ses paroles et ses démarches.
Le soin de cet espionnage ne fut pas confié aux simples
serviteurs; des scribes et des pharisiens envoyés de Jé-
rusalem s'y employèrent. Matth., xv, 1-6; xvi, 1; Luc,
v, 17; xi, 53, 54. A Jérusalem, le sanhédrin chercha à
faire arrêter Jésus par les serviteurs. Joa., vu, 30, 32,
44. Ceux-ci n'osèrent pas une première fois et furent
réprimandés par leurs maîtres. Joa., vu, 45-47. Peu
avant la dernière Pâque, le sanhédrin donna ordre à
quiconque le savait de dénoncer le séjour de Jésus,
afin qu'on pût l'arrêter. Joa., xi, 56. Pour plus de sû-
reté, il voulait agir par ruse. Matth., xxvi, 4. Maisi
grâce à la trahison de Judas, on put trouver une occa-
sion favorable pour s'emparer de la victime. Matth.,
xxvi, 16. La troupe qui fut envoyée à Gethsémani com-
prenait une cohorte, mais aussi des agents dépendant
du sanhédrin. Matth., xxvi, 47; Marc, xiv, 43; Joa.,
xvm, 3. Ces derniers appartenaient à la police des
grands-prêtres. L'un d'eux se permit de souffleter le
Sauveur en plein tribunal. Joa., xvm, 22. Cf. A. Lémann,
La police autour de la personne de Jésus-Christ, Paris,
1895. Les mêmes agents se saisirent plus tard des apô-
tres, les mirent en prison, mais se gardèrent ensuite
de les maltraiter, quand ils constatèrent leur délivrance
miraculeuse. Act., vu, 18, 22, 26. Lorsque Saul s'en
allait à Damas, pour ramener à Jérusalem les chrétiens
enchaînés, il disposait évidemment d'une force de
police à la solde du sanhédrin. Act., ix, 2.
3» Police du Temple. — Dans le premier Temple, la
police était confiée à des lévites. Voir Portier; I Par.,
ix, 17, 24-27; xxvi, 12-18. Dans le second, les lévites
occupaient la nuit vingt et un postes, à savoir : les cinq
portes de la montagne du Temple, les quatre angles
intérieurs, les cinq portes du parvis intérieur, les qua-
tre angles extérieurs de ce parvis, la chambre de l'obla-
tion, celle du voile, la partie postérieure du Saint des
Saints, la porte Nitzotz au nord, la chambre Aftines au-
dessus de la porte des Eaux et l'endroit appelé Beth mo-
ked, dans lequel dormaient les prêtres. Dix lévites
veillaient à chaque poste, et avec eux dix prêtres dans
chacun des trois derniers. Cf. Num., xvm, 4; Ps. cxxiv
(cxxiu), 1, 2. Tamid, i, 1; Middoth, i, 1. L T n préfet du
Temple, nommé 'ïs har hab-baî{, « homme de la mon-
tagne de la maison », faisait des rondes pendant la
nuit pour s'assurer que chacun veillait à son poste.
S'il trouvait quelque gardien à dormir, il pouvait le
frapper de verges et même mettre le feu à ses vêtements.
Cf. Middoth, 1, % L' Apocalypse, xn, 15, fait peut-être
allusion à cet usage. On renforça cette garde de nuit,
après l'attentat commis, sous le procurateur Coponius,
par des Samaritains, qui profitèrent de l'ouverture du
Temple après minuit durant les fêtes de la Pâque pour
semer des ossements de morts dans le lieu saint. Cf. Jo-
sèphe, Ant. jud., XVIII, h, 2. Pendant le jour, la police
du Temple veillait également pour interdire l'entrée du
périboie à ceux qui n'avaient pas le droit de le franchir.
Voir Péribole, col. 142; Philon, De prœm. sacerdot.,
6, édit. Mangey, t. n, p. 236. Le préfet du Temple avait
la police des parvis extérieurs; un autre fonctionnaire,
appelé 'U hab-birâh, « homme de l'édifice », surveillait le
Temple lui-même. Cf. Orla, H, 12. Le mot bîrâh désigne
certainement ici le Temple, comme I Par., xxix, 1, 19;
Pesachim, m, 8; vu, 8, etc. Cf. Schûrer, Geschichte
des jûdischen Volkes ini Zeit. J.-C, Leipzig, t. Il, 1898,
p. 273, 274. Dans le Nouveau Testament, le préfet du
Temple porte le nom de <jtp«ttiyô;, magistratus. Judas
s'aboucha avec les princes des prêtres et les magistrats,
vraisemblablement les deux préfets mentionnés plus
haut et commandant la police du Temple. Luc, xxn, 4.
Les forces policières qui procédèrent à l'arrestation du
Sauveur à Gethsémani étaient d'ailleurs accompagnées
de princes des prêtres, d'anciens et des préfets du
Temple, nxçiax^oi xo\> lepoû, magistratus templi. Luc,
xxn, 52. L'un des deux préfets intervint à plusieurs
reprises au sujet des Apôtres. Act., îv, 1; v, 24, 26.
C'est plutôt le préfet des parvis dont il est question
dans ces derniers passages.
4° Police romaine, — Les procurateurs romains
exerçaient en Judée le droit de haute police. De l'an 6
à l'an 41 après J.-C, ils surveillèrent même les finances
du Temple. Ce droit passa ensuite, jusqu'en 66, aux
princes juifs, Hérode de Chalcis et Agrippa II, qui d'ail-
leurs nommaient le grand-prêtre. Cf. Josèphe, Ant.
jud,., XX, i, 3; IX, 7. Jusqu'à l'an 36, le procurateur-
garda, dans la citadelle Antonia, les ornements du
grand-prêtre, ne les remettant au titulaire qu'aux trois
grandes fêtes et au jour de l'Expiation. Vitellius en ren-
dit alors aux Juifs le libre usage, que le procurateur
Cuspius Fadus chercha en vain à restreindre de nou-
veau en 44. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 3; XX,
i, 1, 2. Les Romains s'en emparèrent définitivement à
la prise de Jérusalem. Cf. Josèphe; Bell, jud., VI, vin,
3. A l'époque des grandes fêtes, qui attiraient à Jérusa-
lem une population nombreuse et très remuante, le
procurateur quittait sa résidence ordinaire de Césarée
pour venir dans la capitale juive, afin de parer à tout
événement imprévu. Il habitait alors soit la citadelle
Antonia, soit l'ancien palais d'Hérode. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, xiv, 8 ; xv, 5. La garnison de Jérusalem
se composait habituellement d'une cohorte. Voir t. n,
col. 827. Celle-ci était commandée par un x'd a PX ot ->
tribunus. Act., xxi, 31; xxn, 24; xxm, 10, 15; xxiv, 7,
22. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8, parle d'un Tif[i.a de
Romains en garnison à l'Antonia; mais pour lui, cf. Ant.
jud., XX, VI, 1; Bell, jud., II, xn, 5, le zi-(\La est la
(meîpoj la cohorte, cf. Act., xxi, 31, et non la légion.
La cohorte romaine prêtait main forte aux autorités
juives dans certains cas. Elle fournit les soldats qui
prirent part à l'arrestation du Sauveur, Joa., xvm, 3,
et à son crucifiement, Joa., xix, 23, 24, sous la conduite
d'un àxaTtSvTapyoç, centurio. Matth., xxvn, 54; Marc,
xv, 39; Luc, XXHi, 47. La garde, xoucrrwSîa, custodia,
apostée au sépulcre, Matth., xxvii, 65, se composait aussi
de soldats romains, comme le prouve ce qui se passa
après la résurrection. Matth., xxvm, 14. De l'Antonia,
deux escaliers donnaient accès dans le Temple et per-
mettaient d'y faire pénétrer des soldats en cas de trou-
bles. Aux jours de fête, des postes étaient établis sous
les portiques qui entouraient le parvis des gentils.
Cf. Josèphe Ant. jud., XX, v, 3; vm, 11; Bell, jud., II,
xn, 1 ; V, v, 8. Le tribun de la cohorte intervenait pour
maintenir l'ordre, Act., xxi, 31-40; xxhi, 10, et il expé-
diait des détachements composés de piétons et de ca-
valiers, pour conduire des prisonniers jusqu'à Césarée,
Act., xxiii, 23, 24. Le centurion qui conduisait des pri-
sonniers, même par mer, en était responsable. Act.,.
xx'vii, 4243. H. Lesêtre.
505
POLITA.RQUE — POLITESSE
506
POLITARQUE (grec : iw\tTipx i lc> Vulgate ; princeps
civitatis), nom local des chefs de la ville de Thessalo-
nique. Act., xvii, 6, 8. On a retrouvé un certain nombre
de leurs inscriptions. Voir Vigouroux, Le Nouveau
Testament et les découvertes archéologiques modernes,
2 8 édit., p. 237-256. Leur nombre parait avoir varié
selon les époques. Une inscription en mentionne deux,
une autre six, une autre sept, etc. On trouve des poli-
tarques dans d'autres villes de la Macédoine. Quand
saint Paul prêcha l'Évangile à Thessalonique, les Juifs
irrités voulurent s'emparer de sa personne et, ne l'ayant
pas trouvé, ils traînèrent Jason chez qui il logeait
devant les politarques; ceux-ci ne laissèrent en liberté
Jason et les frères qu'on avait arrêtés avec lui que
contre caution. Act., xvn, 1-9.
POLITESSE, ensemble d'usages qui président aux
bonnes relations des hommes entre eux. — Ces usages
varient suivant les pays et suivant les temps; mais la
dignité extérieure a toujours été en grande estime chez
les Orientaux, ce qui fait que parmi eux, même
l'homme du peuple, le pauvre, le nomade, ne sont
jamais vulgaires. Les Israélites avaient des règles de
politesse auxquelles la Sainte Écriture fait assez sou-
vent allusion.
1° En se rencontrant, on échangeait des salutations
très expressives et parfois très cérémonieuses. Voir
Salutation. En certaines circonstances, on donnait un
baiser. Voir Baiser, t. i, col. 1383. On voit Joab saisir
de la main droite la barbe d'Amasa pour le baiser.
II Reg., xx, 9. Pour marquer un plus grand respect,
on se prosternait, voir Adoration, t. i, col. 233, et
Prosternement. A la rencontre d'un supérieur, celui
qui était sur sa monture en descendait et se proster-
nait. I Reg., xxv, 23.
2° L'inférieur donnait à son supérieur le nom de
seigneur et lui-même se déclarait son esclave, Gen.,
xvni, 3; xix, 2; xxxiu, 14; Jud., xix, 19; I Reg., xxvr,
18, etc. ; il parlait de lui à la troisième personne. Gen.,
xliv, 18, 19, etc. Une femme prenait aussi le nom
d'esclave devant son supérieur, I Reg., i, 16; xxv, 24;
IV Reg., iv, 2, 16, etc., cependant même un serviteur
pouvait parler à sa maltresse sans qu'aucun terme spé-
cial de respect fût mentionné. I Reg , xxv, 14, 17.
3° On avait des égards particuliers pour les vieillards.
La loi faisait une obligation de se lever devant eux.
Lev., xix, 32. Le jeune homme devait garder une atti-
tude modeste et réservée :
Parle, jeune homme, s'il y a utilité pour toi,
A peine deux fois, si l'on t'interroge.
Abrège ton discours, dis beaucoup en peu de mots.
Sois comme quelqu'un qui a la science et sait se taire.
Au milieu des grands, ne te fais pas leur égal,
Et, où il y a des vieillards, sois sobre de paroles...
L'heure venue, lève-toi sans tarder.
Eccli., xxxu, 7-10.
4° Quand on allait chez quelqu'un, on commençait
par se tenir hors de la maison, et, si Ton arrivait chez
un grand personnage, on se faisait annoncer. III Reg.,
1, 23. Il eût été impoli d'entrer rapidement dans la
maison, de se courber à l'entrée pour voir à l'intérieur
•et d'écouter à la porte. Eccli., xxi, 25-27. Voir Visite.
Les visites comportaient différentes attentions mu-
tuelles. Le nouvel arrivant pouvait apporter des pré-
sents, voir Présent; son hôte lui donnait le baiser,
lui lavait les pieds, voir Lavement des pieds, t. iv,
col. 132, et le parfumait. Voir Onction, t. iv, col. 1810;
Parfum, col. 2163. S'il y avait quelque festin ou quelques
autres réjouissances, il fallait éviter de s'attribuer la
première place, voir Première pla.ce, et ensuite prendre
•soin de se comporter convenablement. Voir Festin,
■t. m, col. 2212; Repas. Quand le visiteur venait de
loin, le devoir de l'hospitalité s'imposait envers lui.
Voir Hospitalité, t. m, col 760.
5o La conversation était fort dans le goût des Israé-
lites, comme de tous les Orientaux. Job, xxix, 9-11, etc.
Mais elle devait respecter la convenance des assistants.
Aussi était-il dit à l'adresse du vieillard qui assistait à
un repas, Eccli., xxxii, 3-4 :
Parle, vieillard, avec justesse et doctrine, c'est ton rôle,
Mais sans faire obstacle à la musique.
Lorsqu'on (F)écoute, ne te répands pas en paroles,
Et n'étale pas ta sagesse à contre-temps.
Il y a en effet « un temps pour se taire et un temps
pour parler. i> Eccle., m, 7. Fleury, Mœurs des Israé-
lites, I, xii, fait les remarques suivantes au sujet du
langage des Hébreux : « Ils usaient volontiers, dans leurs
discours, d'allégories et d'énigmes ingénieuses. Leur
langage était modeste et conforme à la pudeur, mais
d'une manière différente de la nôtre : ils disaient l'eau
des pieds pour dire l'urine; couvrir les pieds, pour sa-
tisfaire aux autres besoins, parce qu'en cette action, ils
se couvraient de leurs manteaux, après avoir creusé la
terre, Deut., xxm, 14; ils nommaient la cuisse pour les
parties voisines que la pudeur défend de nommer.
D'ailleurs, ils ont des expressions qui nous paraissent
fort dures, quand ils parlent de la conception et de la
naissance des enfants, de la fécondité et de la stérilité
des femmes; et ils nomment sans façon certaines infir-
mités secrètes de l'un et l'autre sexe, que nous enve-
loppons par des circonlocutions éloignées. Toutes ces
différences ne viennent que de la distance des temps et
des lieux. La plupart des mots qui sont déshonnètes,
suivant l'usage présent de notre langue, étaient hon-
nêtes autrefois, parce qu'ils donnaient d'autres idées...
Les livres de l'Écriture parlent plus librement que nous
ne ferions de ce qui regarde le matériel du mariage,
parce qu'il n'y avait personne parmi les Israélites qui
y renonçât, et que ceux qui écrivaient étaient des
hommes graves et des vieillards pour l'ordinaire. » Les
récits que font parfois les historiens sacrés et le lan-
gage que tiennent certains prophètes ne doivent donc
pas étonner. Ils n'accusent nullement un manque de
savoir-vivre et de délicatesse; ils portent seulement la
marque d'un temps et d'un pays où les choses ne s'ap-
préciaient pas comme dans les nôtres, où la grâce de
l'Évangile n'avait pas encore fait sentir son influence et
où la politesse ignorait certains raffinements dont des
civilisations plus avancées couvrent leurs vices. La
simplicité des mœurs autorisait d'ailleurs celle du lan-
gage en bien des circonstances. — Il était considéré
comme malséant de rire bruyamment. Eccli., xxi, 23.
6° Dans l'Évangile, on rencontre un bon nombre de
formules de politesse très simples, mais d'autant plus
expressives que souvent les interlocuteurs s'adressent
l'un à l'autre sans se donner aucune appellation spé-
ciale. Ceux qui parlent au Sauveur lui disent ordi-
nairement « Seigneur », Matth., vin, 6, 8, 25; ix, 28;
xv, 22; Luc, v, 8, 12; Joa., iv, 49; v, 7;xi, 21, 27, etc.,
ou « Maître, Rabbi, Rabboni », Malth., xxn, 16; xxvr,
49; Marc, iv, 38; ix, 16; x. 51; Luc, vu, 40; vm, 24;
x, 25; xvn, 13; xvm, 18; xix, 39; Joa., vin, 4; ix, 2;
xi, 8, etc. Lui-même, suivant les personnes auxquelles
il s'adresse, dit ci mon fils », Matth., ix, 2; Marc, n,
5; « homme », Luc.,-v, 20; « jeune homme », Luc,
vu, 14; « femme », Matth., xv, 28; Luc, xm, 12; Joa.,
vm, 10, même quand il parle à sa mère, Joa., n, 4;
xix, 26; « ma fille. » Marc, v, 34; Luc, vm, 48. Par-
fois, il interpelle directement quelqu'un par son nom.
Matth., xvn, 24; Luc, vu, 40; x, 41; xix, 5; Joa,, xrv,
9; xxi, 15, 17. Dans les paraboles, le fils dit « mon
père », Matth., xxi, 28; Luc, xv, 12, 21; le père dit
« mon fils », 1a\c, tlv, 31; le serviteur dit à son maître
« seigneur ». Matth., xxv, 20; Luc, xm, 8; xrv, 22;
507
POLITESSE — POLYGAMIE
508
xix, 16, 25, etc. On dit « ami » même à des hommes
répréhensibles ou méchants. Matth., xx, 13; xxii, 12;
xxvi, 50; Luc, xiv, 10. Abraham dit même « mon fils »
au mauvais riche de l'enfer. Luc, xvi, 25. La femme
qui pousse une acclamation au milieu d'un discours de
Notre-Seigneur, Luc, xi, 27, fait preuve à son égard
d'une courtoisie très délicate. Le Sauveur veut que ses
disciples, en entrant dans une maison, y souhaitent la
paix, Matth., x, 12; Luc, x, 5, et, quand on a à répri-
mander quelqu'un, il recommande de le faire tout
d'abord seul à seul. Matth., xvm, 15. Le convive malap-
pris auquel le maître dit sèchement : « Cède la place
à cet autre, » Luc, xiv, 9, a bien mérité cette leçon de
politesse. — Après sa résurrection, Notre-Seigneur
salue gracieusement ceux auxquels il se montre, Matth. ,
xxvm, 9; Luc, xxiv, 36; Joa., xx, 21, 26, et il appelle
ses Apôtres « enfants ». Joa., xxi, 5.
7° Saint Paul réprouve la vaine politesse ; il prescrit
aux chrétiens d'avoir « une chariié sans hypocrisie »,
par conséquent, une politesse extérieure qui s'inspire
des sentiments d'une charité sincère, et il veut qu'ils
soient remplis d'affection les uns pour les autres, se
« prévenant d'honneur les uns les autres ». Rom., xn,
9, 10. Jl rappelle à Timothée qu'il doit avoir des égards
pour tous et de l'honneur pour les vraies veuves.
H. Lesêtre.
POLONAISES (VERSIONS) DÉ LA BIBLE. Voir
Slaves (Versions) ce la Bible.
POLYCARPE, chorévêque syrien jacobite, du v> au
VI e siècle. Philoxène, évéque de Mabboug, le chargea,
en l'an 508, de traduire toute la Bible du grec en sy-
riaque. Cette version est appelée philoxénienne et il
n'en reste que des fragments. La version philoxé-
nienne du Nouveau Testament fut corrigée par Thomas
d'Harkel (ou d'Héraclée) et constitua ainsi la revision
héracléenne dont nous possédons encore de nombreux
manuscrits. Il n'est pas facile, à l'aide de la revision
héracléenne, de reconstituer la traduction faite par
Polycarpe, car les astérisques et les obèles qu'elle
porte peuvent avoir déjà été introduits par Polycarpe
lui-même, comme l'a montré M. D*. Gottlob Christian
Storr. C'est donc à tort sans doute que MM. Wetstein
et White croyaient pouvoir formuler la règle suivante ;
« Lorsque Thomas a trouvé dans ses manuscrits grecs
des choses différentes de celles qui étaient dans la ver-
sion de Polycarpe, il les a écrites en marge ; il a marqué
d'un obèle les mots qui manquaient dans ses manus-
crits, et il a introduit dans le texte, en les marquant
d'une astérisque, les mots qui manquaient dans la tra-
duction philoxénienne », Repertorium fur Biblische
und M<rrgenlàndi$che LiUeratur, Leipzig, 1780, t. vu,
p. 48-74. Cf. Rubens-Duval, La littérature syriaque,
3* édition, p. 50. F. Nau.
POLYCHRONIUS, écrivain ecclésiastique du
v e siècle. Tout ce que l'on connaît de la vie de cet
exégète tient dans le maigre renseignement fourni par
Théodoret, H. E., v, 39, t. lxxxii, col. 1277. L'histoire
nous apprend que Polychronius était le frère cadet du
fameux Théodore de Mopsueste, et qu'en 428, il occu-
pait le siège d'Apamée en Syrie, qu'il illustra par son
éloquence et l'éclat de ses vertus. Il ne semble pas
qu'il ait survécu longtemps à son frère, mort en 428,
car, au concile d'Ephèse, ce n'est plus son nom qui
figure comme titulaire d'Apamée. On a cru pouvoir
appliquer à l'évêque d'Apamée les nombreux détails
que Théodoret, Hellgiosa historia, xxiv, t. lxxxii,
col. 1457-1464, rapporte d'un saint ermite du nom de
Polychronius. Mais il n'y a nulle identité entre ces
deux personnages qui doivent demeurer distincts. C'est
sur l'exégèse de l'Ancien Testament que s'est portée
toute l'activité littéraire de Polychronius, et lui aussi
est un des principaux compilateurs de Chaînes. Voici
l'indication de ses œuvres aujourd'hui connues. —
1" Scolies sur le livre de Job. Elles furent publiées
d'abord sous le nom d'OIympiodore, diacre d'Alexan-
drie, en traduction latine, par Paul Comitolus, S. J.,
à Lyon, en 1586; l'année suivante, en 1587, une seconde
édition parut à Venise, avec deux additions. Le texte
grec fut édité à Londres en 1637 par Patrice Junius,
et c'est cette dernière édition que Migne a reproduite.
Pair. Gr., t. xcm, col. 13-470. — 2" On trouve, dans la
seconde édition des Scolies sur Job, celle de Venise, 1587,
le prologue d'un commentaire sur le livre de Job. En
1738, D. 0. Wahrendorf en publie le texte grec origi-
nal, dans ses Meditationes de resurrectùme prseser^
tim Jobi, Gôttingen. — 3° La même édition de Venise
dont nous avons parlé, donne aussi en latin, p. 38-38,
un petit traité sur les causes de Vobscurité de VÉcri-
ture Tî èijuv r\ àudcyeia ttjç rpaçîjî. Toutefois, on pos-
sédait depuis longtemps le texte grec de ce fragment
dans les Questions à Amphiloque de Photius, Quxst.,
clii, t. ci, col. 815-816. — 4» Des Scolies sur le livre
de Daniel ont été découvertes et publiées par le cardinal
Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. i, part. 2,
Rome, 1825, p. 105-160. Le savant éditeur accompagne
le texte grec d'une version latine. Toutefois, celle-ci,
ainsi que bon nombre de notes, a été supprimée dans
la seconde publication que le cardinal Mai fit de ce
travail de Polychronius dans Scriptorum veterum nova
collectio, t. i, part. 3, p. 1-27. — 5° Enfin des Scolies sur
Ézéchiel ont été également trouvées et éditées par Mai
dans sa Nova Patrum Bibliotheca, t. vu, part. 2, Rome,
1854, p. 92-127. Au tome clxii de la Patrologie grecque,
Migne a repris les éditions des Scolies sur Daniel et
Ézéchiel faites par Mai. En 1617, J. Meuvsius publia à
Leyde son Eusebii, Polyckronii , Pselli in Canticum
Canticorum expositiones grœcx. Ces commentaires
sur le Cantique des Cantiques ne sont pas de l'évêque
d'Apamée, comme l'a démontré O. Bardenhewer, Po-
lychronius, Bruder Theodors von Mopsuestia und
Bischof von Apamea. Ein Beitrag zur Geschichte der
Exégèse, Fribourg-en-Brisgau, 1879. M. Bardenhewer,
dans le même travail, défend aussi Polychronius,
contre toute suspicion de nestorianisme, qui du reste
ne repose que sur le fait de sa parenté avec Théo-
dore de Mopsueste. Alors que celui-ci, par exemple,
mettait en doute le caractère canonique du livre de Job,
Polychronius, au contraire, insiste sur la canonicitéde
cette partie de l'Écriture Sainte. Polychronius se révèle
comme un des plus grands exégètes de la célèbre école
d'Antioche, dont il pratique tous les principes. Il s'at-
tache surtout à épuiser l'explication du texte qu'il a
sous les yeux et à l'occasion il s'élève fortement contre
la méthode allégorique d'Origène.
J. Van dek Gheyn.
POLYGAMIE, mariage d'un seul homme avec plu-
sieurs femmes à la fois.
I. A l'époque patriarcale. — 1° Du récit de la créa-
tion du premier homme et de la première femme ressort
nettement cette idée que, dans l'intention du Créateur,
l'union constitutive de la famille doit exister entre un
seul homme et une seule femme. Gen., Il, 21-24. La
suite du récit ne suppose toujours qu'une seule femme
à Adam. Gen., iv, 25. Dans la postérité de Caïn, le
cinquième patriarche, Lamech, est noté comme ayant
pris deux femmes, Ada et Sella. Gen., rv, 19. Le fait
est enregistré comme digne de remarque. Il introduit
en effet une modification notable dans la constitution
de la famille humaine. Rien ne laisse supposer que
Lamech ait été autorisé à agir ainsi ; il n'est pas blâmé,
sans doute, mais il suffit que l'usage s'introduise par
un descendant de Caïn pour qu'il soit suspect. Les
autres patriarches des deux lignées de Caïn et de Seth
509
POLYGAMIE
510
paraissent n'avoir eu qu'âne seule femme. La chose
n'est pourtant dite assez clairement que pour Noé.
Gen., vm, 18. — Avec Abraham, la polygamie appa-
raît comme chose normale. Le patriarche a une pre-
mière femme, Sara. Gen., xti, 5. Comme celle-ci ne
lui donne pas d'enfant, il prend une seconde femme,
Agar. Gen., xvi, 1. Il faut remarquer toutefois que cette
dernière n'a pas la même situation que Sara, Cest
une épouse de rang inférieur, une de celles que l'on
appelle concubines dans un sens particulier à la
Sainte Écriture, c'est-à-dire des femmes légitimes,
mais de second rang, et quelquefois dès esclaves que
le mari prend ou reçoit quand la première femme est
stérile. Ce fut le cas pour Abraham. Le patriarche
épouse Cétura, après la mort de Sara, Cen., xxv, 1, et
il est ensuite fait mention de concubines. Gen., xxv,6.
Il n'est question que de Rébecea pour Isaae. Gen., xxtv,
51. En principe, semble-t-il, Jacob ne pensé qu'à RaChel.
Lia est substituée frauuuleusemeïit à la crémière, et,
comme Jacob ne veut pas renoncer à l'épouse de son
choix, il se trouve en avoir deux. Or Rachel est d'abord
stérile. Elle fait agréer par le patriarche Bala, son
esclave; puis Lia, de son côté, agit de même et pré-
sente à Jacob son esclave Zelpha. Gen., xxlx, 25, 29;
xxx, "2, 9. Ésaù a trois femmes. Gen., xxxvi, 1, 2. U
n'est plus parlé de plusieurs femmes à l'occasion des
personnages bibliques jusqu'à Moïse, soit qu'en effet
ils n'en aient pris qu'une, soit que les auteurs sacrés
n'aient eu ni occasion ni motif pour mentionner une
circonstance qui paraissait toute naturelle. On voit
en effet que Rachel considère Bala comme une autre
elle-même auprès de Jacob. « Qu'elle enfante sur mes
genoux, dit-elle, et par elle j'aurai, moi aussi, une
famille. » Quand Bala a enfanté, Rachel s'en félicite
en disant : « Dieu m'a rendu justice, et même il a
entendu ma voix et m'a donné un fils. » Elle ajoute,
après la naissance du second enfant de Bala : « J'ai
lutté auprès de Dieu à l'encontre de ma sœur et je l'ai
emporté. » Gen., xxx, 3-8. Comme Bala appartient à
Rachel, les enfants de Bala sont regardés comme lui
appartenant aussi. De fait, on ne voit aucune différence
de traitement entre les douze fils de Jacob: enfants des
deux femmes libres, enfants des deux esclaves, tous
sont au même titre enfants de Jacob.
ï" L'attribution à Lamech du premier exemple de
polygamie et l'absence totale de scrupule qui caracté-
rise les multiples unions d'Abraham, indiquent assez
qu'à l'époque du patriarche la tolérance de la polyga-
mie était tout à fait entrée dans les mœurs. De fait, le
code d Hammourabi, art. 144-146, voir t. rv, col. 336,
prévoit, à côté de l'épouse de premier rang, l'exis-
tence légale d'une concubine ou d'une esclave présentée
au mari par l'épouse. Les rois babyloniens avaient
dans leurs harems de nombreuses femmes de condi-
tion variée. Dans la classe bourgeoise et dans le peu-
ple, le nombre des épouses dépendait des ressources
du mari. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 741-
742. lien était de même en Egypte. Le pharaon possé-
dait de nombreuses femmes, filles de grands seigneurs
ou de hauts fonctionnaires, ou étrangères, filles de pe-
tits princes des pays soumis à l'Egypte, venues à la
cour en qualité d'otages, La plupart de ces femmes dé-
mettraient simples concubines, quelques-unes pre-
naient rang d'épouses royales, et une au moins recevait
le titre de grande épouse ou de reine. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, 1. 1, p. 276. Les seigneurs possédaient
aussi leur harem, proportionné à leur situation de
fortune ; les hommes de moindre condition constituaient
leur famille selon leurs moyens. Ce que 'Pou sait des
Babyloniens, des Égyptiens, et plus tard des Perses,
cf. Hérodote, i, 135, donne l'idée de ce qu'était la
polygamie des anciens temps. Le nombre des femmes
était le signe d'un luxe proportionnel aux ressources
des riches et des puissants. Comme d'autre part on
estimait à très haut prix l'avantage d'une descendance
multiple et assurée, on Faisait normalement appel à
une seconde femme quand la première n'avait pas
donné d'enfants. Abraham et Jacob ne firent donc que
se conformer aux usages de leur temps et de leur pays,
Jacob avec moins de réserve que son grand-père, il est
vrai, mais sous la pression jle circonstances indépen-
dantes de sa volonté.
IL Chez les Israélites. — 1" Lu législation mo-
saïque. — 1. Les traditipns reçues des ancêtres chaldéens
sur l'usage de la polygamie et le spectacle de ce que les
Hébreux eurent devant les yeux, sous ce rapport, en
Egypte, He permettaient pas à Moïse de passer la ques-
tion sous silence. La loi mosaïque n'approuve ni ne
blâme la polygamie; elle tend seulement à la ramener
à la bigamie, telle qae la prévoyait le code babylonien.
Elle examine le cas "où un homme a donttëàsonnls une
esclave Israélite pour épouse ; si le fils prend une autre
épouse, il doit cependant garder la première et ne rien
lui ôter de ce qui lui est dû pour la nourriture, le vê-
tement et l'habitation. Exod., xxi, 9, 1©. Des entraves
considérables sont ensuite apportées à la pratique de
la polygamie. Les rapports sexuels entraînent une
impureté légale qui nécessite des ablutions et met, pour
ainsi dire, hors de la société jusqu'au soir. Lev., xv,18.
On ne peut prendre pour seconde épouse la sœur de
sa femme. Lev., xvm, 18. Les eunuques ne sont pas
admis dans la société israèlite, Deut., xxm, I, et sans
eux la tenue d'un harem est pratiquement impossible.
La loi prévoit qu'un homme puisse avoir deux femmes.
Deut., xxi, 15. Elle n'indique pas dans quelles condi-
tions. Le code babylonien est plus précis et plus res-
trictif. Ii règle que celai auquel son épouse n'a pas
donné d'enfants peut prendre une concubine; maiscelui-
ci n'en peut prendre une seconde, s'il a déjà reçu de sa
femme une esclave dont il a eu des enfants. Art. 144,
145, t. IV, col. 336. Le cas d'Abraham est, dans le prin-
cipe, conforme à cette législation; il ne prend Agar
qu'à cause de la stérilité de Sara. Le cas de Jacob
n'est pas conforme à la littéralité du code babylonien;
car le patriarche a déjà des enfants de Lia, quand il
s'unit à l'esclave Zelpba, sans parler de ses deux autres
unions. Les rois s'autorisaient de leur situation pour
s'accorder de nombreuses épouses. Le législateur
hébreu songe à ce qui pourra un jour se passer en
Israël, et il recommande expressément au roi futur
de ne pas prendre un grand nombre de femmes,
de petir que son cœur ne se détourne de Dieu.
Deut., xvti, 17. — 2. Les concessions faites par la loi
mosaïque furent considérées plus tard comme un pis-
aller. Dans plusieurs passages, Prov., v, 18, 1*9; su,
4; xix, 14; xxxi, 10-31; Ps. çxxviii (cxxvn), 3;
Eceli., xxvi, 1-4, les auteurs sacrés semblent supposer
la présence d'une seule femme au foyer domestique.
Cependant on ne peut tirer de leurs paroles une con-
clusion rigoureuse, à cause de l'étroite subordination
dans laquelle vivaient l'esclave ou la concubine et leurs
enfants vis-à-vis de l'épouse principale. Les prophètes
envisagent aussi sous la figure d'une union conjugale
les rapports de Dieu avec son peuple choisi. Voir Ma-
riage, t. rv, col 769. Ce symbolisme n'avait de sens
qu'autant que la monogamie était la règle du mariage.
Mais il n'y a là encore qu'une ïmprobation lointaine de
la polygamie. Ce sont les mœurs qui peu à peu réagirent
contre l'usage toléré par la loi.
H« La coutume Israélite. — 1. On ne peut pas in-
terpréter de îa polygamie ce qui est dit des fils d'Issa-
char. I Par., ■vn, 4. "Mais Saharaïm, de la tribu de
Benjamin, eut d'ahord deux femmes moabites qu'il
renvoya, puis une troisième. I Ttnt.,^fm,l, 8. A l'époque
des Juges, la polygamie est pratiquée sans mesure par
certains personnages que les événements mettent en
511
POLYGAMIE
512
lumière, mais qui devaient vivre comme ceux de leur
condition. Gédéon a 70 fils et beaucoup de femmes et
de concubines. Jud., vm, 30, 31. Jaïr a 30 fils. Jud., x,
4. Abesan a 30 fils et 30 filles. Jud., xil, 9. Abdon a
40 fils. Jud., su, 14. Elcana, père de Samuel, a deux
femmes qui paraissent de même condition, Anne et
Phénenna. La seconde prenait plaisir à affliger sa rivale
à cause de sa stérilité. I Reg., i, 2, 6. La situation de
la famille d'Elcana représente ce qu'étaient les familles
moyennes en Israël. La bigamie y régnait. Peut-être
même Elcana n'avait-il pris Phénenna qu'à raison de
la stérilité d'Anne, qu'il préférait à l'autre et traitait en
conséquence. I Reg., i, 5. De là des dissentiments, des
jalousies et des propos amers, conséquences inévitables
de la polygamie déjà constatées dans les familles
d'Abraham et de Jacob. — 2. Sous les rois, les recom-
mandations du Deutéronome, xvii, 17, sont interprétées
avec une largeur excessive. A Saiil ne sont attribuées
qu'une femme et une concubine. II Reg., m, 7. Mais
déjà David prend Michol, I Reg., xvm, 27, Abigaïl,
I Reg., xxv, 42, Bethsabée, II Reg., xi, 5, et un certain
nombre de femmes et de concubines, II Reg., xn, 8,
en possession desquelles se met publiquement Absalom,
le jour où il veut s'emparer de la royauté paternelle.
II Reg., xvi, 21, 22. Salomon dépasse toutes les bornes
avec son innombrable harem. III Reg., xr, 3. Cf. Cant.,
vi, 8-9, Roboam a 18 femmes et 60 concubines; il
établit ses fils dans les différentes places du royaume
et leur donne beaucoup de femmes. II Par., xi, 21,
23. Abia a 14 femmes. II Par., xm, 21. Joram en a un
nombre qui n'est pas indiqué. II Par., xxi, 17. Quand
le grand-prêtre Joïada veut établir le jeune roi Joas, il
lui fait prendre deux femmes. II Par., xxrv, 3. Les
renseignements font défaut au sujet des autres rois de
Juda; mais c'est probablement parce qu'ils ont plu-
sieurs épouses que l'historien sacré prend soin de
nommer la mère de chaque nouveau roi. III Reg., xxii,
42; IV Reg., xn, 1; xiv, 2; xv, 2, 33; xvm, 2; xxi, 1,
19; xxii, 1; xxm, 31, 36; xxiv, 8. Par ce que l'on sait
des rois de Juda, on peut juger de ce que dut être la po-
lygamie parmi les rois d'Israël. — 3. Après la captivité,
on ne trouve plus mention de polygamie chez les écri-
vains sacrés.. Il est seulement question de l'admission
d'Esther dans le harem d'Assuérus. Esth., h, 8. A cette
occasion, l'historien fournit de curieux détails sur le
recrutement et le fonctionnement du harem royal de
Suse. On commence par chercher dans tout l'empire
des jeunes filles, « vierges et belles de figure », qu'on
rassemble à Suse. L'eunuque Egée a pour fonction de
faire un choix, d'enfermer les élues dans la maison
des femmes, sous une surveillance rigoureuse, et de
leur assurer des soins appropriés pendant de longs
mois. Au bout d'un an, chacune était présentée au roi,
passait une nuit dans son palais, puis était reléguée
dans une seconde maison des femmes, où elle restait
désormais confinée sous la garde d'un autre eunuque,
à moins que le roi ne la fit rappeler. Esth., u, 2-14.
Esther eut la faveur de plaire à Assuérus plus que
toutes les 'autres, et elle fut élevée à la dignité de
reine, ce qui lui permettait d'avoir ses entrées auprès
du roi, et d'habiter dans un palais particulier où elle
pouvait donner des festins même au roi et à son
ministre. Esth., n, 16, 17; v, 1-8. La polygamie était
en vigueur chez les Perses, cf. Strabon, xv, 733;
Hérodote, I, 135, chez les Mèdes et chez les Indiens.
Cf. Strabon, xi, 526; xv, 714. — 4. On a pu»remar-
quer que, pour la période royale, la Sainte Écriture
parle de polygamie à propos des rois, mais se tait en
ce qui concerne les particuliers. Même silence pour
la période qui s'étend de la captivité à Jésus-Christ.
Faut-il en conclure que la coutume était totalement
tombée en désuétude, en dehors des cours? On
ne doit pas se hâter de tirer cette conclusion. Le roi
Hérode eut en tout dix femmes, dont plusieurs à la fois.
A ce propos, Josèphe, Bell, jud., I, xxiv, 2, observe que
cette pluralité était permise aux Juifs en vertu de leurs
usages particuliers, et que d'ailleurs le roi aimait avoir
plusieurs femmes. En un autre endroit, Ant. jud., XVIL,
I, 2, il dit: « C'est pour nous une coutume nationale
d'avoir en même temps plusieurs femmes. » Il adresse
cette remarque à ses lecteurs grecs et romains, chez
lesquels la polygamie était mal vue. D'après la Mischna,
Sanhédrin, li, 4, un roi pouvait se permettre dix-huit
femmes. Quant aux particuliers, ils avaient droit d'aller
jusqu'à quatre, cf. Yebamoth, iv, 11; Kethuboth, x,
1-6, ou cinq. Cf. Kerithoth, ni, 7; Kidduschin, u, 7;
Bechoroth, vin, 4. Saint Justin, Dial. cum. Tryphon.,
134, t. vi, col. 785, confirme ces indications de la Mi-
schna, quand il déclare que les docteurs juifs « en sont
encore à permettre à chacun d'avoir quatre ou cinq
femmes. » La polygamie s'est, paralt-il, perpétuée chez
les Juifs allemands jusqu'au moyen âge. Cf. Schûrer,
Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J.-C, Leip-
zig, t. i, 1901, p. 407.
III. Dans le Nouveau Testament. — Les écrivains
du Nouveau Testament ne font nulle part mention
expresse de la polygamie. Par deux fois, saint Paul
exige bien que l'évêque soit (icSç yuvaixô; avujp, « mari
d'une seule femme ». I Tim., m, 2; Tit., i, 6. Mais ce
qu'il exclut ici, ce n'est pas la polygamie simultanée,
étrangère aux mœurs des Grecs et des Romains, c'est
la polygamie successive. Il veut de même que la veuve
admise au service de l'Église soit évb; àvêpôç fuvr,
« femme d'un seul homme », c'est-à-dire évidemment
« n'ayant eu qu'un seul mari ». Le silence des écrivains
du Nouveau Testament démontre qu'à leur époque
malgré les concessions des docteurs juifs, la polygamie
était assez exceptionnelle et assez décriée pour qu'il fût
inutile de la réprouver. C'était donc un abus qui tom-
bait totalement en désuétude, surtout au contact du
monde gréco-romain, qui avait bien d'autres vices,
mais ignorait celui-là. S'il en eût été autrement, Notre-
Seigneur en aurait parlé, comme il a fait pour le
divorce. — 2. D'ailleurs la condamnation de la polyga-
mie est nécessairement renfermée dans celle du divorce.
Notre-Seigneur déclare que « quitter sa femme pour
en prendre une autre, c'est commettre l'adultère. »
Matth., xix, 9; Marc, x, 11; Luc, xvi, 18. Le mal ne
consiste pas nécessairement à se séparer de sa femme,
puisque dans certains cas la séparation est permise,
mais à prendre une seconde femme du vivant de la
première. Au regard de la loi évangélique, la bigamie a
donc le caractère de l'adultère ; à plus forte raison en
est-il ainsi de la polygamie. Le divin Maître attribue à
la dureté de cœur des Hébreux, c'est-à-dire à leur
manque d'intelligence, de délicatesse et de sens moral,
l'autorisation du divorce que Moïse a dû leur accorder.
Matth., xix, 8. La même cause a certainement inspiré
le législateur quand il a toléré tacitement la polygamie.
Les Hébreux d'autrefois n'auraient pu se passer de cette
tolérance, au milieu de peuples qui en jouissaient à
leur aise. Une défense portée par fa loi n'eût servi qu'à
multiplier les transgressions. Rom., vu, 7-11. La loi
ancienne a donc toléré un abus qui ne se heurtait à
aucun article essentiel de la loi naturelle et qui respec-
tait suffisamment les fins principales du mariage, l'union
mutuelle de l'homme et de la femme et la propagation
de la race. Mais la loi nouvelle, plus parfaite et d'ail-
leurs universelle, ne pouvait laisser se perpétuer cette
tolérance. « Au commencement, il n'en fut pas ainsi. »
Matth., xix, 8. Notre-Seigneur le disait du divorce;
c'était également vrai de la polygamie. Adam n'avait
reçu de Dieu qu'une seule femme et n'en avait qu'une,
ainsi que ses descendants pendant plusieurs générations.
— 3. Quels qu'aient pu être les avantages résultant de
la tolérance de la polygamie pour les anciens Hébreux,
513
POLYGAMIE — POLYGLOTTES
514
il est incontestable que ces avantages étaient secon-
daires, locaux et prêtant à de nombreux et graves abus,
tels que la mésentente entre les femmes dans les familles
d'Abraham, de Jacob et d'Elcana, la discorde entre les
enfants dans la famille de David, la multiplication
scandaleuse des épouses et des concubines autour de
Salomon et de plusieurs rois. La loi évangélique réta-
blissait les choses à l'état primitif, qui était conforme
au plan providentiel. L'expérience a d'ailleurs prouvé
que la polygamie n'était favorable ni à l'union des
époux, ni à la dignité de la femme, ni au bonheur des
enfants, ni à la multiplication de la population. Cf.
Bergier, Œuvres complètes, Paris, 1859, t. iv, p. 1529-
1534. On a la démonstration de cette vérité chez les
peuples qui ont conservé la polygamie, spécialement
chez les Musulmans. Avant Mahomet, les Arabes avaient
huit ou dix femmes. Mahomet crut devoir restreindre
ce nombre : « N'en épousez que deux, trois ou quatre.
Choisissez celles qui vous auront plu. Si vous ne pou-
vez les maintenir avec équité, n'en prenez qu'une,
ou bornez-vous à vos esclaves. Cette conduite sage
vous facilitera les moyens d'être justes et de doter vos
femmes. » Koran, iv, 3. La restriction de la polygamie
n'est ici qu'une question de ressources ; l'intérêt social
et la cause de la morale n'ont rien à gagner à la règle
ainsi formulée. On sait comment quelques protestants
du xvi» siècle crurent pouvoir autoriser ou pratiquer la
polygamie. En 1540, Luther, Mélanchton et Bucer accor-
dèrent même au landgrave Philippe de Hesse la per-
mission d'adjoindre une seconde épouse à celle qu'il
avait déjà. Cf. Bossuet, Histoire des variations, yi,
Œuvres, Bar-le-Duc, 1870, t. m, p. 239-242. La loi
évangélique n'en subsiste pas moins dans sa rigueur
salutaire. H. Lesêtre.
POLYGLOTTES. — I. Définition. — Sous le nom
abrégé de « Polyglottes » ou sous la dénomination plus
complète de « Bibles polyglottes. », on désigne, con-
formément à la signification étymologique : tcoXuç,
« plusieurs », yX&rra, « langue », des recueils conte-
nant, en tout où en partie, le texte original de la Bible
accompagné de deux versions, au moins, en langues
différentes. Ces textes doivent être reproduits dans le
même volume et sur des colonnes parallèles ou super-
posées. Faute d'avoir dans l'esprit cette notion suffi-
samment précise, des bibliographes mal avisés ont ap-
pelé Polyglottes des éditions de la Bible, contenant
auprès de l'original une seule traduction soit en latin
soit dans une langue vulgaire. Généralement toutefois
on exige pour une Polyglotte trois textes bibliques au
minimum : l'original et deux versions, sans compter
les traductions littérales qui les accompagnent. Cette
notion écarte donc de la catégorie des Polyglottes les
manuscrits bilingues du Nouveau Testament, grecs et
latins, Di,D2,W% A (Évangiles), E, G" (Actes et Épîtres ca-
tholiques), grecs et coptes, T% T f , T h , V, T k , T 1 , T», T°,
T°, Te, T'i, T-, .T-, grec et arabe, ©\ les Psautiers bi-
lingues, trilingues ou quadruples, manuscrits qui ré-
produisaient plusieurs versions latines des .Psaumes et
parfois le texte grec, aussi bien que le Quintuplex
Psalteriutn, que Le Fèvre d'Ataples fit imprimer en
1509, les éditions du Nouveau Testament avec une
version interlinéaire ou avec une traduction latine,
récente ou ancienne, les éditions de plusieurs versions
sans le texte original, telles que celle du Cantique et
des Épitres catholiques en éthiopien, en arabe et en
latin, faite en 1654 et 1655 par Nissel et Petrâus, et la
Biblia pentapla de Wansbeck, 1711, comprenant
quatre versions allemandes et une néerlandaise, enfin
les éditions reproduisant le texte original, une ancienne
version et la traduction de celle-ci en langue étrangère,
telle que le Nouveau Testament.de Le Fèvre de la Bode-
rie, publié à Paris en 1584 et contenant le grec, la Pe-
DICT. DE LA BIBLE.
schito et une traduction latine de cette version syriaque.
Ainsi limitée, la notion de Polyglotte exclut toute
édition de la Bible en plusieurs langues faite dans un
but pratique d'édification. La Polyglotte, en effet, est
un ouvrage destiné à favoriser l'étude et les travaux
scientifiques sur la Bible. Son but principal est de
faciliter la comparaison du texte original des Livres
Saints avec les anciennes versions, en présentant ces
textes, non pas en des volumes différents, mais dans
un seul, et sur la même page en des colonnes parallèles
ou superposées. Les Polyglottes sont donc un instru-
ment d'étude presque nécessaire aux mains de ceux
qui veulent se livrer à la critique textuelle, à la re-
constitution et à l'interprétation du texte et de la pensée
des écrivains sacrés. Aussi, dans l'encyclique Providen-
tissimus Deus, Léon XIII a-t-il déclaré les Polyglottes
d'Anvers et de Paris sincères invesligandx sententiœ
peraptas. Voir t. i, p. xvi. Les Polyglottes présentent
encore un autre avantage : elles facilitent aux étudiants
l'étude des langues sacrées, si vivement recommandée
par le même pape. Voir ibid., p. xxvn. La juxtaposi-
tion des textes permet les comparaisons et rend le
même service qu'une version interlinéaire, et le manie-
ment fréquent des textes parallèles ainsi groupés est
une condition de progrès à réaliser dans la connaissance
de ces langues.
II. Les quatre grandes Polyglottes. — Dans l'an-
tiquité chrétienne, \es ïtaapYes d'Ongè^è (^oiï t. ui,
col. 689-701) sont le seul travail qui soit une véritable
Polyglotte. Ce n'est qu'au xvi 6 siècle que la renaissance
des études bibliques provoqua la publication de recueils
des textes originaux et des anciennes versions de la
Bible. Les quatre Polyglottes d'Alcala, d'Anvers, de
Paris et de Londres méritent par leur ampleur et leur
importance d'être signalées les premières.
1° LaPolyglotle d'Alcala. — 1. Histoire. — On ladoit
à l'initiative et à la magnificence du grand cardinal
François Ximénès de Cisneros, archevêque de Tolède
et ministre du roi de Castille. C'est pendant l'été
de 1502, durant son séjour à Tolède, qu'il conçut
le projet d'une Polyglotte pour raviver l'étude
scientifique de la Bible et permettre aux théolo-
giens, par la comparaison des textes, de remonter
aux originaux. Il confia le travail à des philologues, qui
étaient professeurs à son université d'Alcala : Antoine
de Lebrija (voir t. i, col. 709), Démétrius Ducas, Lopez
de Zuniga, Nunez de Guzman, à qui il associa trois sa-
vants juifs convertis : Alphonse d'Alcala, Paul Coronell
et Alphonse de Zamora. Le cardinal acheta des manus-
crits hébreux et rassembla de divers côtés des manus-
crits grecs et latins. Nous indiquerons ceux qu'on a pu
identifier. Quoique le cardinal pressât les travailleurs,
ce ne fut qu'au mois de janvier 1514 qu'un premier
volume, contenant le Nouveau Testament, sortit des
presses d'Arnold Guillaume de Brocario. C'est le tome v
dans le plan général de l'ouvrage. Quelques mois plus
tard, à la fin de mai 1514, fut achevé un second volume,
le t. VI ; il contient deux dictionnaires, hébreu et chal-
daïque, et une grammaire hébraïque, œuvres d'Alphonse
de Zamora et devant servir d'introduction à l'Ancien
Testament. Les quatre autres volumes, t. hv, sont
consacrés à l'Ancien Testament; le dernier sortit des
presses le 10 juillet 1517. Le cardinal mourut quatre
mois plus tard, le 8 novembre 1517. Toutefois, son
grand ouvrage ne fut mis en vente qu'en 1520, après
que Léon X, à qui il avait été dédié, l'eût approuvé par
bref en date du 22 mars 1520. Il n'en avait été tiré que
600 exemplaires, et quoique la dépense totale s'élevât
à plus de 50 000 ducats, le prix de chaque exemplaire
fut fixé à six ducats et demi seulement. La Polyglotte
d'Alcala ne fut guère connue qu'en 1521. Elle est d'une
extrême rareté; aussi le prix des exemplaires, qui
reparaissent sur le marché, est très élevé. ,
V. - 17
515
POLYGLOTTES
516
2. Description. — Le titre général de l'ouvrage, qui
forme 6 in-f», est : Biblia sacra Polyglotta, etc. Celui
de l'Ancien Testament est : Vêtus Testamentum multi-
plia lingua nunc primo impressum. Dans le t. i,
consacré tout entier au Pentateuque, à la suite des pro-
logues et de divers traités, viennent les textes repro-
duits . hébreu, latin, grec, disposés sur trois colonnes
dans la partie supérieure de chaque page, sans que les
lignes correspondent, en raison de la différence des
caractères. Le texte hébreu est ponctué et le texte grec
est accentué. Dans la colonne, toujours la plus rappro-
chée de la marge intérieure, le grec des Septante est
surmonté d'une version latine, littérale et interlinéaire,
faite par les éditeurs; les mots latins sont exactement
au-dessus des mots grecs correspondants. De petits ca-
ractères latins indiquent le rapportde la Vulgate avec le
texte hébreu. La partie inférieure de la page est divisée
en deux colonnes inégales, dont la plus large contient
le texte chaldéen ponctué du targum d'Onkelos, et la
moins large une version latine de ce texte. A la marge
extérieure, sont indiquées les racines des mots et des
formes hébraïques et chaldaïques, imprimées dans la
colonne voisine. Le t. n comprend les livres de Josuo
jusqu'aux Paralipomènes inclusivement. Comme les
targunis, bien que traduits en latin par ordre de Ximé-
nès, n'y sont pas reproduits, la page entière est divisée
en trois colonnes, dans lesquelles les textes sont dispo-
sés comme dans le volume précédent. La prière, de
Manassé, à la fin du t. n, n'est éditée qu'en latin. Le
t. m renferme les deux livres d'Esdras, Tobie, Judith,
Esther, Job, le Psautier, les Proverbes, l'Ecclésiaste,
le Cantique, la Sagesse et l'Ecclésiastique. La disposi-
tion générale est la même que dans les volumes précé-
dents, sauf quelques particularités. Dans le Psautier,
la version latine ordinaire ouïe PsalteHum gallicanuni
sert de version interlinéaire au texte grec, et le Psalte-
rium hebraicum de saint Jérôme occupe la colonne du
milieu. Pour les livres deutérocanoniques, bien, que
le texte hébreu fasse défaut, on a maintenu la division
en trois colonnes : la version interlinéaire du grec des
Septante est imprimée à part dans la colonne réservée
ailleurs à l'hébreu. Le t, jv contient tous les prophètes
et les trois livres des Machabées. Pour le troisième de
ces livres, il n'y a que deux colonnes, contenant sépa-
rément le texte grec et une version latine. Dans le t. v,
consacré au Nouveau Testament, après diverses pièces
qui servent d'introduction, les quatre Évangiles sont
imprimés sur deux colonnes, dont la plus large contient
le texte grec et la moins large la Vulgate. Les passages
parallèles et les citations bibliques sont notés en
marge. Chaque Évangile est suivi d'un prologue. Deux
dissertations grecques, dont la seconde est d'Euthalius,
précèdent les Épîtres de saint Paul, reproduites sur
deux colonnes. Chaque Épltre est précédée d'un prologue
et d'un sommaire. Deux prologues précèdent aussi les
Actes, qui sont suivis des Épîtres catholiques et de l'Apo-
calypse. Cinq pièces de poésie, deux en grec. et trois
en latin, à la louange de Ximénès et de son œuvre,
terminent le volume, avec une liste des noms propres,
une petite grammaire grecque et un court lpxique grec-
latin. Le texte grec n'est pas accentué, parce que les
autographes ne l'étaient pas, afin de se rapprocher
ainsi le plus possible de l'original. Le rapport du texte
grec avec la Vulgate est indiqué par de petites lettres
latines, inscrites au-dessus des mots correspondants.
Cf. Van Praet, Catalogue des livres imprimés sur vélin
gui se trouvent dans des bibliothèques tant publiques
que particulières, Paris, 1824, t. i, p. 1-4.
3. Valeur et influence. — a) Texte hébreu. — Bien
que n'appartenant pas aux incunables hébreux, son
édition a fait époque et elle est la première édition
catholique de ce texte. Elle a été considérée comme
-Use .œuvre scientifique. Ses inexactitudes et ses nom-
breuses fautes d'impression ne diminuent pas la valeur
critique du texte. D'après les travaux de Baer, ses
variantes sont meilleures que les leçons traditionnelles
massorétiques. Ximénès avait fait acheter sept manus-
crits hébreux, qui lui avaient coûté à eux seuls 4000 du-
cats. Us provenaient des synagogues de Tolède et de
Maquéda. Ils sont conservés à la bibliothèque de l'uni-
versité de Madrid. Cinq ne sont que des Pentateuques
avec des commentaires ordinairement défectueux et cor-
rigés par Zamora. Deux sur parchemin contiennent la
Bible hébraïque en entier. Ils ont appartenu au collège
de Saint-Ildefonse d'Alcala. L'un est du xm c siècle et a
été acheté à Tolède en 1280 par deux médecins juifs,
l'autre a été transcrit l'an 6242 depuis la création à
Tarazona en Aragon. Les collations que Franz Delitzsch,
ComplutensischeVarianten zu dem alttestamentlichen
Text, in-i», Leipzig, 1878, p. 6-38, a faites de quelques
passages avec d'autres documents, lui ont permis de
conclure que les éditeurs avaient utilisé au moins un
manuscrit hébreu, différent des deux Bibles hébraïques
conservées, que le texte édité, malgré ses fautes, a une
haute valeur critiqué et surpasse souvent les autres
éditions du texte hébreu. Cette édition a été reproduite
dans la Polyglotte d'Heidelberg et utilisée dans celle
d'Anvers.
b) Texte des Septante. — Les éditeurs de la Polyglotte,
pour cette édit on princeps des Septante, eurent à leur
disposition deux manuscrits de la bibliothèque vaticane:
346 (Holmes 248) contenant les livres sapientiaux, Esdras,
Tobie, Judith, Esther, et 330 (Holmes 108) contenant les
livres historiques depuis le Pentateuque jusqu'à Esther
avec un fragment de Tobie. Voir t. iv, col. 682. Ces manus-
crits, qui paraissent être du xm e siècle, furent envoyés
à Alcala par Léon Xla première année de son pontificat;
prêtés pour un an, ils ne furent rendus que le 9 juil-
let 1519. Les éditeurs eurent aussi la copie faite avec grand
soin, envoyée par le sénat de Venise et conservée à la
bibliothèque de Madnid comme provenant du collège
Saint-Ildefonse d'Alcala, d'une partie d'un manuscrit
grec très correct copié par ie crétois Jean Rhosos pour
le cardinal Bessarion et conservé à la bibliothèque
Saint-Marc de Venise (Marc V; Holmes 68). La copie
comprend les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois,
les deux livres des Paralipomènes, les Proverbes, l'Ecclé-
siaste, le Cantique, le I er livre d'Esdras (apocryphe),
Esdras et Néhémie, Esther, la Sagesse, Judith, Tobie,
les trois livres des Machabées. Les collations de ces
manuscrits avec le texte des Septante de la Polyglotte,
que Franz Delitzsch a faites, Fortgesetzte Studien zur
Èntstehimgsgeschichte der Complutensischen Poly-
glotte, in-4°, Leipzig, 1886, p. 4-28, ont permis de déter-
miner l'usage que les éditeurs ont fait des manuscrits
mis à leur disposition. Ils n'ont pas reproduit textuelle-
ment les manuscrits 330 et 346. Les nombreuses diffé-
rences de leur texte avec celui du premier manifestent
des corrections arbitraires, faites d'après l'hébreu qu'ils
préféraient, non pas, comme dit Richard Simon, « en
une infinité d'endroits, » Catalogue des principales
éditions de -la Bible, dans Histoire critique du Vieux
Testament, Amsterdam, 1685, p. 516, ou « en un assez
grand nombre d'endroits », Bibliothèque critique,
Amsterdam, 1708, t. ni, p. 485, mais seulement pour
une petite part, ou plus souvent des emprunts à la
copie du manuscrit de Bessarion ou au Vatican 346,
dont ils corrigeaient les fautes de transcription. Pour
le Psautier, qui n'est pas dans les trois manuscrits
précédents, ils ont utilisé un manuscrit spécial en cur-
sive, du xm c ou XIV e siècle, qui est à la bibliothèque de
Madrid. On ignore de quels manuscrits ils disposaient
pour leslivres prophétiques. A défaut de renseignements
précis, on a recherché à quelle recension appartenait
le texte de leur édition et on a constaté qu'il ressemblait
à celui des manuscrits I, V et VI de Saint-Marc de
517
POLYGLOTTES
518
Venise (Holmes 23, 68, 122), qui ont servi à l'édition
Aldine de 1518. Ibid., p. 53-57. Le, texte des Septante
de la Polyglotte de Complute a été reproduit dans les
Polyglottes d'Anvers et de Paris, dans la Bible de "Vala-
ble ou de Bertratn, Genève, 1586-1587, 1599, 1616, et
dans celle de D. Wolder, Hambourg, 1596. Cf. Swete,
An introduction to the Old Testament in Grëek, Cam-
bridge, 1900, p. 171-173.
c) Texte grec du Nouveau Testament. — L'édition
de Complute est aussi l'édition princeps du texte ori-
ginal du Nouveau Testament. On ignore sur quels ma-
nuscrits elle a été faite. Lopez de Zuniga (Stunica),
qui, sans avoir eu la part principale à cette édition,
comme on le pensait, a travaillé au moins au texte des
Actes et des Épitres, parle de manuscrits grecs corrigés,
mais il n'en nomme qu'un, le Rhodiensis, vraisem-
blablement envoyé de Rhodes au cardinal Ximénès et
contenant les npîtres. On ne l'a pas encore retrouvé.
On ne sait si, pour le Nouveau Testament, des manus-
crits grecs du Vatican furent envoyés à Alcala. La com-
paraison du texte édité avec les manuscrits du Vatican,
1158 (Ev. 140 et 366, Act. 72, Paul 79, Apoc. 37), les
seuls dont il puisse être question, ne permet pas de
conclure à leur emploi. Franz Delitzsch estime que le
texte des Actes et des Épîtres est apparenté à celui du
Hafniensis 1 (Ev. 234, Act. 57, Paul 72), qui est à
Copenhague, mais qui était encore à Venise en 1699,
et qui a été copié par Théodore d'Hagios Petros, et à
celui du Laudianus 2 (Ev. 51, Act. 32, Paul 38), qui
est à la Bodléienne à Oxford et qui est une copie du
précédent, i orlgesetzte Studien, p. 30-51. Wettstein
et Semler avaient prétendu que les éditeurs de la Poly-
glotte d'Alcala avaient altéré le texte grec, en y insé-
rant des leçons de la Vulgate. Gœze, Vertheidigung
der Complut. Bibel, Hambourg, 1765; Ausfûhtïichere
Vertheidigung des Compl. N. T., ibid., 1766; Fort-
setzung der ausfùhrl. Vertheidigung des Compl.
N. T., Halle,. 1769, a surabondamment prouvé la faus-
seté de ce sentiment. Seul, le verset, I Joa., v, 7, a été
certainement emprunté à !a Vulgate; les passages,Rom.,
xvi, 5; II Cor., v, 10; vi, 15; Gai., ni, 19, en proviennent
peut-être. En résumé, bien que les manuscrits consultés
aient été probablement récents, le texte édité comprend
beaucoup de bonnes leçons que les critiques postérieurs
ont admises, surtout pour l'Apocalypse, moins pour
les Évangiles et très rarement dans les autres livres.
11 diffère beaucoup de celui qu'Érasme éditait à la
même époque; il est moins incorrect, malgré ses
fautes évidentes. Franz Delitzsch, Studien zur Enste-
hungsgeschichte der Polygloltenbibel des Cardinals
Ximenes, Leipzig, 1871 ; Ed. Reuss, Bibliotheca N. T.
grœci, Brunswick, 1872, p. 15-26; S. Berger, La Bible
au seizième siècle, Paris, 1879, p. 49-54; Gregory,
Textkrilik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. n,
p. 924-928; A. Bludau, dans Der Katholik, 1902, t. n,
p. 27 sq.
Le texte grec du Nouveau Testament d'Alcala n'a
pas eu au xvi« siècle l'influence qu'Hefele lui a attri-
buée. Aucune édition ne l'a reproduit exactement. Les
éditeurs des Polyglottes d'Anvers et de Paris et ceux
qui dépendent de ces Bibles lui ont emprunté un plus
ou moins grand nombre de leçons. Ed. Reuss, op. cit.,
p. 74-83. Au xix e siècle, il a été fidèlement réédité par
Gratz dans son édition du Nouveau Testament, 2 in-8°,
Tubingue, 1821; Mayence, 1827, 1851. Van Ess, dans
son édition, in-8°, Tubingue, 1827, a mêlé les leçons de
Complute avec celles d'Érasme. Ed. Reuss, op. cit.,
p. 45.
d) Texte latin de la Vulgate. — L'édition d'Alcala a
précédé la Bible clémentine. Son origine est peu con-
nue. Ximénès dit bien qu'il a rassemblé des manuscrits
latins, mais sans plus d'explication. La bibliothèque de
l'université de Madrid a trois Bibles latines qui vien-
nent d'Alcala et qui contiennent le verset des trois
témoins célestes. Elles ont dû servir aux éditeurs de la
Vulgate. Franz Delitzsch, Fortgesetzte Studien, p. 51-
52. De l'examen du texte édité, on a conclu que ces
éditeurs ont corrigé des exemplaires courants de leur
époque d'après les manuscrits plus anciens et plus cor-
rects, dont ils rapportaient quelques-uns, écrits en lettres
gothiques, au vif ou au vtn e siècle, mais parfois aussi
sur l'hébreu et le grec, en particulier pour supprimer
ce qui n'avait pas de termes correspondants dans les
originaux. R. Simon, Histoire critique du Vieux Tes-
tament, Amsterdam, 1685, p. 313, 516. — Sur la Poly-
glotte de Complute, voir encore Hefele, Der Cardinal
Ximenes, 2 e édit., Tubingue, 1851, p. 113-147; trad.
franc., Tournai, 1856, p. 141-177; Vercellone, Disserla-
zioni academiche di vario argument o, Rome, 1864,
p. 407; Hurter, Nomenclator literarius, 3« édit., Ins-
pruck, 1906, t. n, col. 1132-1134;
2° La Polyglotte d'Anvers. — 1. Histoire. — Dès
1566, l'imprimeur Christophe Plantin, établi à Anvers,
avait formé le projet de publier une Polyglotte. Par
l'intermédiaire du cardinal de Granvelle, son protec-
teur, il s'assura l'intervention de Philippe II, roi d'Es-
pagne. Ce prince donna un subside de 12000 florins à
rembourser en exemplaires de la nouvelle Bible et
envoya Arias Montanus pour surveiller le travail et
corriger les épreuves. Ce savant espagnol arriva à
Anvers le 15 mai 1568. Il apportait d'Alcala la version
latine des targums sur les prophètes, et un très ancien
manuscrit hébreu qui lui appartenait. Pendant que
Plantin faisait fondre les caractères nécessaires, gravés
par Robert Granjon et Guillaume Le Bée (on se servit
pour l'hébreu des caractères employés pour la Bible de'
Bomberg), Arias Montanus préparait les matériaux. 11
fut aidé par André Maes, François Luc de Bruges,
Guy Le Fèvre de la Boderie et son frère Nicolas,
François Ravlenghien, plus tard gendre de Plantin, et
son frère Nicolas-Guy, le jésuite Jean Willem (Harle-
mius), etc. Voir t. i, col. 954-955. Les caractères et le
papier étaient plus beaux que ceux de la Polyglotte
d'Alcala. L'impression commença au mois de juillet
1568 et fut terminée le 31 mai 1572. Le t. îv est daté de
1570, le t. v de 1571 et les Apparatus de 1572. On tira
960 exemplaires ordinaires, 200 meilleurs, 30 fins,
10 extra-fins et 13 sur parchemin. Arias Montanus avait
demandé à Pie V son approbation. Le pape hésita à
cause de la version latine de Pagnino et de quelques
traités de YApparatus qui paraissaient suspects. Le
Talmud et Sébastien Munster y étaient trop souvent
cités. On consulta des théologiens belges et espagnols.
Montanus alla à Rome s'expliquer et présenta un mé-
moire. Pie V était mort te Y" \ûïi\. < Jv&ço\ï& XYll, i\a
le 12 du même mois, se montra plus favorable et adressa
à Philippe II, le 20 octobre 1572, un bref, dans lequel
il appelle la Polyglotte d'Anvers opus vert regium..
D'ailleurs, YApparatus fut réimprimé du 2 août 1572
au 14 août 1573 avec des modifications, faisant droit
aux critiques précédentes/ Max Rooses, Christophe
Plantin, imprimeur Anversois, 1882, p. 123. Cepen-
dant Léon de Castro, professeur de langues orientales
à Salamanque, dénonça Arias Montanus à l'Inquisition
espagnole. Il lui reprochait d'avoir présenté la traduc-
tion de Pagnino comme la version la plus exacte des
textes hébreu et grec et d'avoir recommandé de recourir
aux sources originales, contrairement, prétendait-il,
au décret du concile de Trente sur la Vulgate. Arias
Montanus se défendit en 1576. Mariana, comme inqui-
siteur, signala des fautes très réelles, mais déclara
qu'elles n'étaient pas suffisante? pour faire condamner
la Polyglotte du roi d'Espagne. L'affaire ne fut terminée
qu'en 1580. H. Reusch, Der Indec der verbotenen
Bûcher, Bonn, 1883, t. i, p. 575 576. La Polyglotte
« royale » reçut bon accueil du public et elle fut ap-
519
POLYGLOTTES
520
prouvée par plusieurs universités, notamment par
celle de Paris. L'empereur et le roi de France autori-
sèrent sa vente dans leurs États. Les exemplaires furent
vite distribués et devinrent rares et recherchés. On les
a vendus chez les antiquaires 120, 150 et 180 marks.
2. Description. — La Polyglotte de Plantin est inti-
tulée : Biblia hebraice, chaldaice, graece et latine,
et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes
contiennent l'Ancien Testament. Pour les livres pro-
tocanoniques, chaque page a deux colonnes, reprodui-
sant, au verso, le texte hébreu sans version interlinéaire
et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante à
droite avec sa traduction latine à gauche. Au bas des pages,
on trouve, pour tous les livres gui en ont, les targums
ou paraphrases chaldaîques et leur version latine.
Celle-ci était celle que le cardinal Ximénès avait fait
faire et qu'Arias Montanus avait apportée d'Espagne.
Le texte chaldaïque avait été emprunté à des manuscrits
espagnols et vénitiens. On en avait retranché les fables
les plus grossières. Les livres deutérocanoniques n'ont
que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant
de gauche à droite la version latine du texte grec, ce
texte lui-même et la Vulgate. Dans le t. m, on a imprimé,
sans pagination, le seul texte latin des III e et IV e livres
d'Esdras. Le t. v contient le Nouveau Testament, Les
textes y sont disposés dans cet ordre. La page de gauche
présente dans une première colonne la Peschito, qui
n'a que les livres protocanoniques, en caractères
syriaques, et dans une seconde colonne, sa version latine,
œuvre de Guy Le Fèvre de la Boderie. La page de
droite reproduit d'abord la Vulgate latine, puis le texte
grec. Sous ces quatre colonnes, et par conséquent sur
les deux pages, le texte syriaque est transcrit en carac-
tères hébraïques avec points-voyelles pour les lecteurs
qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers
volumes ont le titre A'Apparalus. Le t. vi contient une
grammaire hébraïque et un abrégé du Thésaurus de
Pagnino par François Ravlenghien, une grammaire
chaldaïque et un dictionnaire syro-chaldaïque par Guy
Le Fèvre de la Boderie, une grammaire syriaque et un
vocabulaire intitulé : Peculium Syrorum par Maes,
une grammaire et un dictionnaire grecs, dont l'auteur
est inconnu. Le t. vn renferme plusieurs dissertations
d'archéologie biblique par Arias Montanus, et des re-
cueils de variantes ou de notes philologiques et critiques
de divers auteurs. Ces dissertations et recueils forment
un total de 18 traités distincts. Le t. vm comprend la
version latine des livres de la Bible hébraïque, faite
par Pagnino et revisée par Arias Montanus; elle a été
examinée par les censeurs de Louvain. Il contient en-
suite le texte grec du Nouveau Testament, la version
latine interlinéaire, correspondant aux mots grecs; les
différences du grec et du latin sont imprimées en marge
avec des caractères spéciaux. Enfin, viennent les Com-
munes et familiares hebraiese linguse idiotismi
d'Arias Montanus. Mais l'ordre de ces volumes et des
matières qu'ils contiennent est divergent selon les
exemplaires qui sont d'éditions différentes. Van Praet,
Catalogue des livres imprimés sur vélin de la biblio-
thèque du Roi, Paris, 1821, t. I, p. 1-5; C. Ruelens et
A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866,
p. 128-135. La version interlinéaire a été souvent réim-
primée à part. Voir t. !, col. 954-955. Richard Simon l'a
jugée très sévèrement. Histoire critique du Vieux
Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 316-318;
Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques,
Paris, 1730, t. il, p. 213-216.
3. Valeur et influence. — Les textes, hébreu et grec,
ont été empruntés à la Polyglotte de. Complute, et
celui des Septante sans modifications; mais l'hébreu a
été collationné avec la Bible de Bomberg. Quant à
l'édition grecque du Nouveau Testament, elle diffère
de celle de Complute par un certain nombre de leçons
qui se trouvent dans l'édition de Robert Estienne de
1550. Sur les mille passages que Reuss a étudiés, elle
est 709 fois d'accord avec les deux éditions précédentes.
Dans les 291 autres, 39 sont d'accord avec R. Estienne,
3 avec Érasme, 1 est tout spécial et les 249 dernières
sont exclusivement conformes à la Bible de Complute.
Le texte grec du t. vm diffère de celui du t. v en 14
passages dans lesquels la leçon de Complute est aban-
donnée pour celle d'Estienne, sauf Apoc, î, 6, dont le
texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la leçon
d'Estienne est remplacée par celle de Complute, enfin,
I Pet., il, 3, la leçon Érasmienne est remplacée par le
texte ordinaire. L'édition d'Arias Montanus suit donc
une voie spéciale et elle a plus de valeur que les cri-
tiques le disaient. Elle a été souvent reproduite exac-
tement ou avec quelques corrections, dans ses deux
états. On trouvera le détail de ces rééditions dans
Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 74-83. Cf. Gregory,
Textkritik des N. T., t. n, p. 936. La Vulgate latine est
de même nature que celle de la Polyglotte d'Alcala.
Finalement, les travaux préparatoires de la Bible
d'Anvers ont laissé beaucoup à désirer. Les éditions ne
sont pas en progrès notables sur celles de Complute,
et les recueils de variantes, dans YApparatus, sont
parfois peu considérables.
3° La Polyglotte de Paris. — 1. Histoire. — Le car-
dinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothécaire du
roi, avaient conçu le projet de rééditer la Polyglotte
d'Anvers avec l'aide de deux maronites, Gabriel Sionite
et Jean Hesronite, ramenés d'Orient par Savary de
Brèves. Ils avaient obtenu le privilège royal en 1615.
Mais la mort du premier en 1617 et du second en 1618
arrêta l'entreprise, qui pourtant fut louée, en 1619, par
l'Assemblée du clergé réunie à Blois. Guy-Michel Le Jay,
avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de
Bérulle lui conseilla, en 1626, d'y ajouter le Pentateu-
que samaritain et la version samaritaine. L'édition de
ces textes fut confiée à l'oratorien Jean Morin. Philippe
d'Aquin fut chargé de l'hébreu, Gabriel Sionite et Jean
Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham
Echellensis et d'autres érudits collaborèrent à l'entre-
prise. L'impression fut remise à Antoine Vitré, qui fit
graver des caractères hébreux, chaldéens, grecs et
latins par le fils de Le Bée. Jacques de Sanlecque
grava les caractères samaritains et syriaques, dont
Sionite avait fourni le modèle. Il prépara aussi des
matrices nouvelles d'arabe sur les poinçons de
M. de Brèves. On fit fabriquer un papier spécial, si
beau qu'on l'a appelé carta imperialis. A. Bernard,
Antoine Vitré et les caractères orientaux de la Bible
polyglotte de Paris, in-8°, Paris, 1857; ld., Histoire
de l'imprimerie royale du Louvre, in-8», Paris, 1867,
p. 55-64. L'impression fut commencée au mois de
mars 1628. Les quatre premiers volumes étaient ache-
vés en 1629, et le t. vi en 1632; la première partie du
t. v est datée de 1630, et la seconde de 1633. Le t. vin
fut terminé vers la fin de 1635. L'impression du t. vu,
qui était commencée à cette date, fut interrompue par
suite du refus de Sionite de remettre la copie néces-
saire. Il ne voulait pas non plus se dessaisir des ma-
nuscrits orientaux, ayant appartenu à Savary de Brèves.
Au mois de janvier 1640 il fut enfermé au château de
Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis à
Vitré. Libéré le 12 juillet, Sionite reprit sa traduction
latine de la version syriaque, et le t. vu fut achevé en
1642. Son travail traîna en longueur, et le t. ix sortit
des presses au mois de mai 1655 seulement. La Poly-
glotte entière parut enfin, avec une préface, datée du
I e ' octobre 1645, en tête du premier volume. L'Assemblée
du clergé l'avait approuvée, le 24 janvier 1636. Le Jay
avait emprunté 100000 écus que Richelieu s'offrit de
payer. L'éditeur refusa cette offre aussi bien que la
proposition des éditeurs anglais de lui racheter
521
POLYGLOTTES
522
600 exemplaires. La Polyglotte de Walton empêcha la
vente de celle de Paris, dont le prix était de 200 francs.
Beaucoup d'exemplaires furent vendus au poids du
papier, et Le Jay, entièrement ruiné, ne put payer
ses dettes. La Polyglotte fut présentée au public, en
1666, par trois libraires hollandais sous un nouveau
titre : Biblia alexandrina heptaglotta, comme étant
publiée sous les auspices d'Alexandre VII, mais leur ruse
fut déjouée. Mabillon, Musseum italicum, Paris, 1687,
1. 1, p. 95-96. Elle est magnifique par la beauté du papier
et l'exécution typographique; mais la grandeur du
format rend son emploi fort difficile. Elle présente
■enfin le désavantage de n'avoir pas publié dans le
même volume tous les textes, puisqu'il faut recourir à
deux volumes pour les avoir ensemble sous les yeux.
2. Description. — Elle comprend 9 tomes en 15 vo-
lumes grand in-folio et est intitulée : Biblia. 1. hebraica.
2. swmaritana. 3. chaldaica. 4. grxca. 6. latina. 7. ara-
bica, quibus textus originales totius Scripturse Sacrx,
quorum pars in editione Complutensi, deinde in
Antuerpiensi regiis sumptibus extat, nunc integris ex
manuscriptis toto fere orbe quxsitis exemplaribus
exhibentur. En raison de son contenu, elle comprend
deux parties bien distinctes. Les cinq premiers volumes,
sauf une préface non paginée de Le Jay : Institua
operis ratio, et une autre préface de J. Morin sur le
Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, en
tête du premier volume, ne sont guère que la reproduc-
tion intégrale des cinq premiers volumes de la Polyglotte
d'Anvers. La disposition typographique est la même,
ainsi que les textes. Les seules différences notables
consistent en ce que le t. v, au lieu du syriaque en lettres
hébraïques, contient une version arabe du Nouveau
Testament et sa traduction latine, et aussi le texte
syriaque desquatreÉpîtres-catholiques et de l'Apocalypse
qui manquaient dans la Peschito. La seconde partie, for-
mant les quatre derniers tomes, est seule nouvelle. Le
t. vi contient le Pentateuque syriaque et arabe avec
leurs traductions latines, puis le Pentateuque samari-
tain et sa version samaritaine, qui n'ont qu'une seule
traduction latine. Ces deux textes étaient imprimés
pour la première fois. Les t. vii-ix ont les versions
syriaque et arabe, avec leurs traductions latines, de
tout le reste de l'Ancien Testament, sauf que poiir Job
il n'y a qu'une seule traduction latine des deux textes.
3. Valeur. — Quant à la première partie, qui n'est
presque que la reproduction de la Polyglotte d'Anvers,
la Polyglotte de Paris n'a pas réalisé les progrès que
pourtant il eût été facile d'accomplir. Le texte hébreu
est mal reproduit et fort incorrect; il aurait pu aisément
^reconstitué d'après les bons manuscrits massorétiques
qui se trouvaient à Paris à la bibliothèque du roi.
Pour les targums, le texte d'Anvers est mêlé à celui de
la Bible de Bomberg. Il eut été à propos d'imprimer,
pour les Septante, l'édition .romaine faite d'après le
Vaticanus, et. pour la Vulgate, la Bible clémentine.
Pour le texte grec du Nouveau Testament, Reuss, Bi-
bliotheca N. T. grseci, p. 75, n'a remarqué que neuf
différences d'avec le prototype. Cf. Gregory, Textkritik
des N. T., t. n, p. 940-941. Relativement aux textes
nouveaux, l'absence de préfaces et i'Apparatus critique
prive de renseignements sur leur origine, si l'on excepte
le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine.
Ils provenaient des manuscrits achetés à Damas par le
voyageur Pietro délia Valle pour le compte de M. de
Sancy, ambassadeur de France à Constantinople, et
■donnés par ce dernier, qui était devenu oratorien, à la
bibliothèque de l'Oratoire (n. 1 et 2 du fonds samari-
tain de la Bibliothèque nationale). Le manuscrit de
Peiresc, demandé dès 1630 par Vitré, avec des manus-
•crits arabes, ne futapporté à Paris qu'en 1632 par Denis
Guillemin et ne put être utilisé. L. Dorez, Notes et
documents sur la Bible polyglotte de Paris, dans le
Bulletin de la Société d'Histoire de Paris et de l'Ile-
de-France, 17 e année, 1890, p. 84-94. La version arabe
des Évangiles a été éditée d'après le texte arabe, publié
à Rome en 1591, et la traduction latine est celle de
J.-B. Raymond, revue par Gabriel Sionite. Pour le reste
du Nouveau Testament, on avait quelques manuscrits
arabes, venus d'Alep, entre autres un seul sur l'Apoca-
lypse, provenant de S. de Brèves. On a reproché à Gabriel
Sionite d'en avoir modifié le texte. Les versions, syriaque
et arabe, de l'Ancien Testament, furent éditées à l'aide
d'éditions antérieures (le Pentateuque arabe, publié à
Constantinople, en 1546 ; un Psautier syriaque et arabe
édité au Mont-Liban, en 1610;. un Psautier syriaque,
Paris, 1625; un Psautier arabe, Genève, 1516; Rome,
1613), et de six ou sept manuscrits seulement. En 1640,
Sionite avait rapporté de Rome un manuscrit syriaque,
légué par Risius. La Polyglotte de Paris, supérieure à
celle d'Anvers par les nouveaux textes qu'elle contenait,
n'eut guère d'influence, supplantée qu'elle fut bientôt
par la Polyglotte de Londres.
4° Polyglotte de Londres. — i. Histoire. — Comme
la Bible de Le Jay était incommode à manier et très
chère, les Anglais décidèrent de publier une Polyglotte
plus commode et moins coûteuse. Brian Walton, qui
fut plus tard évêque anglican de Chester, s'en chargea
avec de savants collaborateurs. Edmond Castle surveilla
l'édition des textes samaritains, syriaques, arabes et
éthiopiens; il fit la traduction latine de la version éthio-
pienne du Cantique et composa le Lexicon heptaglatton,
annexé à la Polyglotte. Samuel Clarke s'occupa du
texte hébreu et des targums, et traduisit en latin la
version persane des Évangiles. Thomas Hyde transcri-
vit le Pentateuque persan et en fit la traduction latine.
Alexandre Huish surveilla l'impression des textes grecs
et latins, et recueillit les variantes du Codex Alexan-
drinus.ha nouvelle Polyglotte fut publiée par souscrip-
tion sous le patronage de Cromwell, qui lui accorda
l'exemption des droits sur le papier. Le premier volume
parut en septembre 1654 ; il sortait, comme les suivants,
des presses de Thomas Roycroft, à Londres. Il contient
une dédicace au Protecteur. Après la restauration des
Stuarts, on remplaça cette dédicace par une autre à
Charles II. On distingue par suite les exemplaires
royaux et les exemplaires républicains; ceux-ci, qui
sont les plus rares, sont les plus recherchés. Le t. il
est daté de 1655. Le t. vi et dernier parut en 1657. En
1669, on y joignit le Lexicon heptaglotton de Castle en
deux in-folio. La Polyglotte de Londres, qui avait été
mise à l'Index par décret du 29 novembre 1663, à
cause de ses prolégomènes (voir H. Reusch, Der In-
dex der verbotenen Bâcher, Bonn, 1885, t. H, p. 124-
125), ne figure plus dans l'édition officielle du cata-
logue des livres prohibés, publiée en 1900.
2. Description. — Cette Bible, qui forme 6 in-f», est
intitulée : S&\ Biblia polyglotta complectens textus
originales hebraicos cum Pentateucho Samarilano,
chaldaicos, grsecos versionumque antiquarum sama-
ritanse, chaldaicse, latinse Vulgatse, œthiopicse, grascse
Sept., syriocse, arabicse, persicse, quicquid comparari
poterat ex tnss. antiquis undique conquisitis opti-
misque exemplaribus impressis summa /ide collatis.
Les quatre premiers tomes sont remplis par l'Ancien
Testament. Le i", à la suite de la préface et de prolé-
gomènes, dans lesquels Walton parle des langues
sacrées, des éditions et des versions de la Bible, et qui
constituent une véritable introduction critique, repro-
duit le Pentateuque en huit langues. Les textes sont
disposés sur deux pages en cet ordre : au verso, en
haut de la page sur quatre colonnes parallèles, le texte
hébreu avec la version interlinéaire de Santé Pagnino
revue par Arias Montanus, la Vulgate latine de la Bible
clémentine, le grec des Septante d'après l'édition ro-
maine du Vaticanus avec les variantes de VAlexan-
523
POLYGLOTTES
524
drinus, placées au-dessous, la version latine de ce
texte grec, empruntée à l'édition de Flaminius Nobi-
lius; la version syriaque, accompagnée de sa traduction
latine est dans le bas de cette page; au recto, le haut
de la page contient parallèlement le targum d'Onkelos
selon l'édition de Bâle, sa version latine, le texte
hébreu samaritain et sa version latine; la version arabe
et sa traduction latine occupent le bas de la page. Le
t. n contient les livres historiques, de Josué à Esther.
La disposition est à peu près la même que dans le 1. 1,
sauf qu'au recto, il n'y a que le targum du pseudo-
Jonathan pour les livres qui en sont dotés, avec sa
traduction latine, et la version arabe (qui manque pour
Esther). Le t. m renferme Job, les Psaumes, les Pro-
verbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, les grands et les
petits prophètes. La disposition typographique varie
suivant les livres. Sans entrer dans plus de détails,
signalons seulement un texte nouveau : la version
éthiopienne des Psaumes et du Cantique. Le t. iv débute
par la Prière de Manassé, en grec et en latin, le
III e livre d'Esdras (latin, grec, syriaque, avec traduc-
tion latine du grec et du syriaque), le IV e livre d'Esdras,
en latin seulement. On trouve ensuite Tobie (le texte
hébreu selon les deux éditions de Fage et de Sébastien
Munster avec leurs traductions latines correspondantes,
la Vulgate, le grec et la version syriaque). Pour Judith,
les parties deutérocanoniques de Jérémie et de Daniel
et les deux livres canoniques des Machabées, il n'y a
que trois grands textes (latin, grec et syriaque); une
version arabe est en plus pour la Sagesse, l'Ecclésias-
tique, Èaruch. Les passages deutérocanoniques d'Esther
ne sont qu'en grec et en latin. Après les textes grec et
syriaque de III Mach., on trouve la version arabe de
II Mach. La seconde partie de ce t. iv contient les deux
targums du Pentateuque, dits du pseudo-Jonathan et
de Jérusalem, intercalés l'un dans l'autre et accom-
pagnés de leurs traductions latines, la version persane
des mêmes livres avec traduction latine. Le t. v est
consacré au Nouveau Testament. Il contient superposés,
au verso, le texte grec (édition Robert Estienne) avec
la version latine interlinéaire d'Arias Montanus, les
versions syriaque et éthiopienne avec leurs traductions
latines, au recto, la Vulgate et les versions arabe et
perse (celle-ci pour les Évangiles seulement), avec
leurs traductions latines. Le t. vi sert d'Appendice et
renferme des notes de divers auteurs et des recueils de
variantes, avec l'Index de l'ouvrage entier. Le Lexicon
heptaglotton de Castle, 2 in-f°, Londres, 1669, est sou-
vent ajouté à la Polyglotte de Walton.
3. Valeur, — La Polyglotte de Londres est la plus
complète et la meilleure qui ait été publiée. Elle est
loin cependant d'être parfaite. Les Prolégomènes de
Walton, qui ont été réédités à part, in-f°, Zurich, 1673,
et par Dathe, Leipzig, 1777, ont été critiqués en
plusieurs points par Richard Simon, Histoire cri-
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 481-
510. Cf. Réponse de Pierre Ambrun, ministre du
saint Évangile, à l'Histoire critique du Vieux Tes-
tament, ibid., p. 46-48; Lettres choisies, Paris, 1730,
t. n, p. 275; t. m, p. 122. Les éditeurs ont emprunté
aux Polyglottes d'Anvers et de Paris la version inter-
linêaire de l'hébreu, le Pentateuque samaritain et sa
version samaritaine, la version syriaque de l'Ancien
Testament et la version arabe du Nouveau. Au lieu de
rééditer ces versions, prises à la Polyglotte de Paris
«par un larcin public », comme dit R. Simon, on aurait
pu reproduire de meilleurs textes ou, au moins, revoir
les traductions latines correspondantes, qui sont mal
faites. Elle a, en progrés sur les précédentes, reproduit
l'édition romaine des Septante, l'édition de l'Italique
par Flaminius Nobilius et la Vulgate clémentine. Elle
a produit aussi des textes nouveaux : un Psautier
éthiopien, déjà imprimé à Cologne et à Rome, la
version éthiopienne du Cantique et du Nouveau Tes-
tament, publiée pour la première fois, et la version
persane des Évangiles, tirée d'un manuscrit de Poco'cke.
Les trois targums du Pentateuque étaient empruntés
à l'édition de Buxtorf, et la version persane de ce livre
à l'édition de Constantinople. Le texte grec du Nouveau
Testament provenait de l'édition d'Estienne de 1550,
dont le texte n'est modifié qu'en trois passages.
Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grmci, p. 56. A la marge,
on lit les variantes du codex, Aleœandrinus, recueillies
par Huish. Les notes et les variantes, éditées dans l'ap-
pendice ont généralement peu de valeur. Gregory,
Textkritik des N. T., t. n, p. 941-942. Nonobstant ces
défauts, la Polyglotte d'Angleterre reste un instrument
très utile pour l'étude critique de la Bible.
III. Polyglottes partielles ou moins importantes
faites aux xvi e , xvii 8 et xviii c siècles. — 1° Le Psautier
de Justiniani. — Bien qu'imprimé après le Nouveau
Testament d'Alcala, il a été publié en 1516, avant la
Polyglotte de Ximénès. Son éditeur, Augustin Justiniani,
religieux dominicain et évêque de Nebbio, avait projeté
la publication d'une polyglotte qu'il ne put exécuter. Il
n'a donné que le psautier en cinq langues : Psalterium
hebrteum, grsecum, arabicum et chaldaicum cum
tribus latinis interpretationibus et glossis, in-f°,
Gênes, 1516. Chaque page comprend quatre colonnes,
qui contiennent, au verso, l'hébreu, sa traduction
latine, la Vulgate et le texte grec, au recto, la version
arabe, le targum, la version latine du targum et des
scolies et remarques.
2» Le Psautier de Polhen. — Jean Polken, prévôt
de la collégiale Saint-Georges de Cologne, a fait impri-
mer, en 1518, un Psautier en quatre langues : hébreu,
grec, latin et éthiopien (qu'il appelle chaldéen). Cette
version éthiopienne a été reproduite dans la Polyglotte
de Londres.
3° Les deux Pentateuques polyglottes des Juifs de
Constantinople. — En 1546, les Juifs de Constantinople
firent imprimer le Pentateuque en plusieurs langues.
Au milieu de la page se trouve le texte hébreu en gros
caractères, il est accompagné d'un côté du targum
d'Onkelos en caractères médiocres et de l'autre de la
paraphrase persane. En dehors de ces trois colonnes, il y
a en haut de la page la version arabe de Saadias Gaon,
et au bas le commentaire de Rabbi Isaac Iarchi. Les
textes arabe et persan sont imprimés en caractères
hébreux. L'année suivante, 1547, parut dans la même
ville un autre Pentateuque polyglotte avec la même
disposition des textes. Le texte hébreu, qui est aussi au
milieu, est aceompagné d'une traduction en grec vul-
gaire et d'une version espagnole; ces deux traductions
sont imprimées en caractères hébreux avec points-
voyelles. Au haut de )a page, court le targum d'Onkelos
et au bas, le commentaire de Jarchi.
4° Essais de Draconitès. — Jean Draconitès (1494-
1566) avait entrepris une Biblia pentapla. Il n'en a pu-
blié que de courts fragments ou spécimens : les six
premiers chapitres de la Genèse, in-f°, Wittemberg,
1563; les deux premiers Psaumes, ibid., 1563; les sept
premiers chapitres d'Isaïe, Leipzig, 1563; les Proverbes,
Wittenberg, 1564; Malachie, Leipzig, 1564; Joël, Wit-
temberg, 1565; Zacharie, ibid., 1565; Michée, ibid., 1565 T
Ces textes étaient imprimés en cinq langues : hébreu,
chaldéen, grec, latin, version allemande de Luther. Par
une disposition bizarre, ces cinq textes sont superposés
ligne par ligne. Les Septante, la Vulgate et la traduction
allemande sont corrigés d'après l'hébreu. Les passages
messianiques sont en encre rouge. Un commentaire est
encore au-dessous de ces cinq lignes du texte, dont la
suite est de la sorte maladroitement interrompue.
5° La Polyglotte de Bertram, ou de Heidelberg. — Un
calviniste d'origine française, Corneille-Bonaventure
Bertram, professeur d'hébreu à Genève (1566-1584), puis
525
POLYGLOTTES
526
prédicateur à Frankenlhal, mort en 1594, publia une
Biblia sacra, hebraice, grssce et latine, 2 in-f°, Heidel-
berg, 1587. Elle ne contenait que l'Ancien Testament en
hébreu, en grec, avec la Vulgate et la version de Pa-
gnino. Bien que le titre ajoute : Omnia cum editione
Complutensi diligenter collata, l'édition n'est qu'une
reproduction de la Polyglotte d'Anvers ; elle lui a em-
prunté aussi les deutérocanoniques de l'Ancien Testa-
ment. Une deuxième édition parut en'1599. La troisième,
faite chez Commelin, en 1616, comprend en outre le
Nouveau Testament avec la version latine d'Arias Mon-
tanus, le tout emprunté encore à la Polyglotte d'Anvers.
Voir Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grœci, p. 78-79. Ce
n'est donc pas une Polyglotte pour le Nouveau Testa-
ment. Comme cette Bible contenait des notes de Vatable,
on l'appelle parfois la Bible de Vatable.
6" La Polyglotte d'Hambourg. — Ou la rencontre
rarement complète. Elle comprend : 1. le texte hébreu
de la Bible hébraïque d'Élie Hutter, in-f», 1587, dont
la date est remplacée par celle de 1596, et dans laquelle
les lettres de la racine sont typographiquement distin-
guées des autres caractères; 2. l'édition de David
Wolder qui contient en 6 in-f° et sur quatre colonnes
le texte grec de l'Ancien et du Nouveau Testament, la
Vulgate, la traduction latine de l'Ancien Testament par
Pagnino et celle du Nouveau par Théodore de Bèze,
enfin la version allemande de Luther. Les deux ouvrages
sortent des presses de Jacques Lucius, à Hambourg, 1596.
Le texte grec du Nouveau Testament est emprunté, sauf
de rares modifications, à l'édition de Samuel Selfisch,
in-8», Wittenberg, lo83. Cf. Ed. Beuss, Bibliotheca N. T.
grsecifp. 63-64. Cette Polyglotte, qui est très imparfaite,
ruina son éditeur, bien que le gouvernement danois
ait obligé toutes les églises du Schleswig à l'acheter.
7° Les Bibles de Hutter. — Élie Hutter, ancien pro-
fesseur d'hébreu de l'électeur de Saxe et imprimeur à
Nuremberg, avait la passion des Polyglottes. Il en pu-
blia plusieurs qui sont toutes imparfaites. — 1.11 avait
Commencé un Ancien Testament en six langues et en
quatre éditions différentes. Le seul volume paru, in-f°,
Nuremberg, 1599, comprend six textes en six colonnes.
Sur la page de gauche, on trouve l'hébreu entre le tar-
gum et le grec, le tout d'après la Polyglotte d'Anvers;
sur la page de droite, il y a la version allemande de
Luther entre la Vulgate et une autre version récente,
qui diffère selon les exemplaires, destinés à des nations
différentes. La sixième colonne, en effet, reproduit, ou
bien la version slavonne de l'édition de Wittemberg,
ou bien la traduction française de Genève, ou bien la
version italienne de Genève, ou bien la version saxonne
faite sur la traduction allemande de Luther. Ce volume
ne dépasse pas le livre de Ruth. — 2. Un Psautier hé-
breu, grec, latin et allemand, in-8°, Nuremberg, 1602.
— 3. Un Nouveau Testament en douze langues, 2 in-f»,
Nuremberg, 1599. Les douze textes sont disposés sur six
colonnes de la manière suivante : Au verso, dans la
l re colonne, la version syriaque de l'édition de Trémé-
lius, 1569 (l'auteur a suppléé les passages manquants i
le récit de la femme adultère, le verset des témoins cé-
lestes, les quatre Épltres catholiques et l'Apocalypse,
qu'il a traduits en syriaque d'après le grec), avec la
version italienne, de Bruccioli, 1526, l'une sous l'autre,
verset par verset; dans la 2 e colonne, un texte hébreu
que l'éditeur avait fabriqué, imprimé en caractères de
deux sortes, et la traduction espagnole de Cassiodore
Reina, 1569; dans la 3 e , le grec et la version française
de Genève, de 1588. Au recto, la l re colonne contient
la Vulgate et la version anglaise de 1562, la 2 e , la ver-
sion de Luther et la traduction danoise de 1589, et la
3 e , la version bohémienne de 1693 et la version polo-
naise de 1596. Hutter reproduisit l'Épître aux Laodicéens
qu'il avait lui-même traduite en grec sur le texte latin.
Cette œuvre n'a 'aucun caractère scientifique, et rien
n'égale l'audace et l'arbitraire avec lesquels l'éditeur
constitue ses textes. Pour le grec du Nouveau Testa-
ment, il n'a pas tenu compte des règles critiques, mê-
lant les leçons anciennes à sa guise et en fabriquant
impudemment en conformité avec les doctrines luthé-
riennes. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 105-
106. — 4. Un autre Nouveau Testament en quatre lan-
gues : hébreu, grec, latin et allemand, emprunté au
précédent sans grandes modifications, in-4°, Nurem-
berg, 1602. On en fit un nouveau titre en 1615, pour
représenter une soi-disant édition d'Amsterdam, chez
J. Walschaert. Ed. .Reuss, op. cit., p. 106. — 5. Hutter
a édité aussi quelques prophéties et les quatre Évan-,
giles en douze langues.
8° La Polyglotte de Reineccius ou de Leipzig. —
Chr. Reineccius, curé de Weissenfels, prépara une
nouvelle Polyglotte en quatre langues, qui parut à
deux époques assez éloignées l'une de l'autre. Le Nou-
veau Testament fut édité, in-f°, à Leipzig, en 1713,
sous ce titre : Biblia sacra quadrilinguia N. T. A la
suite d'une préface de Reineccius et de prolégomènes
en allemand, tirés de Luther, les textes sont imprimés
sur cinq colonnes parallèles. Sur la page de gauche,
se trouve le texte grec entre la version syriaque et une
traduction en néo-grec; sur la page de droite, on lit la
version latine de Sébastien Schmid et la version alle-
mande de Luther. Les passages parallèles sont indiqués
à la marge extérieure; des variantes grecques et alle-
mandes, celles-ci prises à la première édition de Lu-
ther avec des notes marginales de Luther et des anno-
tations de Reineccius, sont au bas de la page. En
appendice, se trouvent des additions critiques et exé-
gétiques de diverse nature. Le texte grec, qui ressemble
souvent à celui de Pritius, mêle les leçons de Robert
Estienne et des Elzévier. Il a été souvent réédité à part.
Ed. Reuss, op. cit., p. 157-159. L'impression de l'An-
cien Testament était déjà commencée en 1713, mais
elle subit de longs retards. Quand elle fut fort avancée,
en 1747, l'imprimeur fit un nouveau titre au Nouveau
Testament, et enfin, trois et quatre ans plus tard, en
1750 et 1751, parut l'Ancien Testament en 2 in-f°. Ces
volumes contiennent le texte hébreu, le texte grec des
Septante, la version latine de Schmid et la version
allemande de Luther.
IV. Projet d'une nouvelle Polyglotte par Richard
Simon. — En 1678, dans son Histoire critique du Vieux
Testament, édit. de Rotterdam, 1685, p. 521-522, Ri-
chard Simon avait esquissé le projet d'une nouvelle
Polyglotte, qui ne serait qu'un abrégé de la Polyglotte
de Londres. Au lieu d'imprimer, dans des volumes
lourds, difficiles à manier et chers, toutes les anciennes
versions, il ne reproduirait que les variantes de celles
qui sont dérivées. Par conséquent, la nouvelle Po-
lyglotte ne devait être composée que de trois textes
complets :^ le texte hébreu, la version des Septante et
la Vulgate latine. Le P. Simon avait d'abord pensé y
joindre l'Jtala d'après l'édition de Flaminius Nobi-
lius. Il ne voulait éditer ni le Pentateuque samaritain,
ni la version samaritaine, ni les targums; leurs va-
riantes auraient seulement été indiquées à la marge en
face de l'hébreu. Les autres targums, qui sont plutôt
des commentaires que des versions, pourraient être
négligés, sauf à noter à \a marge leurs leçons propres.
Quant aux autres versions, leurs variantes seraient
signalées en face de l'hébreu pour celles qui dérivent
de ce texte, ou en face des Septante pour celles qui en
suivent le texte. De celles qui sont mixtes, comme la
version syriaque remaniée d'après les Septante, on ne
noterait que les leçons vraiment spéciales. Les variantes
latines accompagneraient aussi la Bible clémentine.
Retiré à Dieppe, dès 1681, Simon avait préparé l'An-
cfen Testament conformément à ce plan. Il avait pris
un exemplaire de la Polyglotte de Walton, et au moyen
527
POLYGLOTTES
528
de bandes de papier collées, H avait couvert ce qu'il
voulait omettre, et écrit ce qu'il désirait ajouter ou
substituer. En 1684, sous forme de lettre adressée à
Ambroise par Origène, il développait son projet : No-
vnrum Bibliorwn polyglottorum synopsis, in-8°,
Utrecht, datée du 20 août 1684. Il aurait mis aussi au
bas des pages les passages conservés des versions
d'Aquila et de Symmaque et différents des Septante.
Dans une réponse d'Ambroise à Origène : Ambrosii ad
Origenem epistola de novis Bibliis polyglottis, datée
du 1 er décembre 1684, in-8», Utrecht, 1685, il annonce
que sa Polyglotte serait heureusement complétée par
, un dictionnaire et une grammaire hébraïque, dont il
dressait le plan. Cf. Bayle, Nouvelles de la République
des lettres, octobre 1684, art. 13, t. i, p. 153-155; jan-
vier 1685, art. 9, t. î, p. 209-211 ; Journal des Sçavans,
30 juillet 1685. Voir aussi R. Simon, Réponse de Pierre
Ambrun, ministre du saint Évangile, à l'Histoire cri-
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 48.
Ce projet fut loué par Le Clerc et blâmé par Jurieu.
Au premier, qui sous le pseudonyme de Cristobulus
Hierapolitanus, écrivit à Origène une longue lettre
latine, datée du 4 novembre 1684, publiée partielle-
ment par R. Simon, Réponse au livre intitulé ; Sen-
timens de quelques théologiens de Hollande sur l'His-
toire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1686,
p. 2-5, et intégralement par Le Clerc, Défense des Sen-
timens, etc., 1686, p. 421 sq., Simon demanda des
conseils et des renseignements dans un billet en fla-
mand, traduit en français dans la Réponse au livre, etc.,
p. 5-6. Jurieu, de son côté, avait attaqué le projet de
Simon dans son livre sur V Accomplissement des pro-
phéties. Simon répliqua violemment. Réponse à la
Défense des Sentimens, etc., Rotterdam, 1687, p. 194-
198. 11 continua la préparation de cette Polyglotte, qui
devait être complète en un seul volume. Si elle n'a pas
été imprimée, ce ne fut pas, comme l'a dit le Père Le-
long, parce qu'aucun imprimeur n'a voulu en faire la
dépense; ce fut seulement parce qu'il ne s'en trouva
aucun assez habile pour imprimer un ouvrage qui exi-
geait, sur la même page, tant de caractères différents.
La première feuille fut imprimée; elle fourmillait de
tant de fautes qu'il fut impossible de les corriger. R.
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclé-
siastiques, Paris, 1730, t. h, p. 449-450. Quand R. Si-
mon écrivait ce dernier ouvrage, la meilleure partie de
la copie de sa polyglotte était prête. Son travail passa,
après sa mort, à la bibliothèque du chapitre cathedra!
de Rouen, à qui il avait légué ses manuscrits, L. Bat-
terel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire
de l'Oratoire, édit. Ingold et Bonnardet, Paris, 1905,
t. iv, p. 273-275; Saas, Notice des manuscrits de la bi-
bliothèque de l'Église métropolitaine de Rouen, in-12,
Rouen, 1746, p. 41 sq.; A. Bernus, Richard Simon
et son Histoire critique du Vieux Testament, Lausanne,
1869, p. 29, 107. Le manuscrit dont des parties man-
quaient déjà en 1746, ne se trouve pas à la bibliothèque
municipale de Rouen, qui a hérité des autres manus-
crits de Richard Simon.
V. Polyglottes manuelles publiées au xix» et au
XX e siècle. — 1» La Polyglotte de Bagster. — L'édi-
teur anglais Bagster a donné au public : Biblia sacra
Polyglotta textus archetypos versionesque prsecipuas
ab Ecclesia antiquitus receptas necnon versiones re-
centiores, 2 in-f°, Londres, 1831. Après des prolégo-
mènes dus à S. Lee, cette Polyglotte reproduit en petits
caractères l'hébreu de Vander Hooght, le Pentateuque
samaritain de Kennicott, les Septante, la Vulgate, la
Peschito, le texte grec du Nouveau Testament (édition
de Mill), les traductions, allemande de Luther, italienne
deDiodati, française d'Osterwald, espagnole de Scio et
la version anglaise dite autorisée. Elle a été rééditée
sous ce titre : Bagsler's Polyglot Bible in eight lan-
guages, 2 in-f", Londres, 1874. Elle ne comprend que
les livres protocanoniques. Bagster a aussi publié :
Hexapla Psalter, in-4°, 1843, contenant les Psaumes
en hébreu, en grec, en latin, Psalterium l.ebraicum et
gallicanum, de saint Jérôme et deux divisions anglaises.
2° La Polyglotte de Stier et de Theile. — Stier et
Theile ont publié une Polyglotte manuelle : Polyglot-
ten-Bibel zum praktischen Handgebrauch, 4 in-8" en
6 parties, Bielefeld, 1846-1855. Elle contient, pourl'An-
cien Testament, l'hébreu, les Septante, la Vulgate et la
version allemande de Luther, et pour le Nouveau, le
grec, avec quelques variantes, le latin et l'allemand.
Elle a eu plusieurs éditions dont la dernière date de
1890. Dans les trois premières qui ont été stéréotypées,
la quatrième colonne, pour le Nouveau Testament, est
remplie de variantes de diverses traductions allemandes.
Dans la quatrième (1855) et la cinquième (1858), cette
colonne est occupée par une version anglaise. Dans
l'édition de 1875, on a ajouté en appendice les princi-
pales variantes du Sinaiticus. Sur la constitution du
texte grec du Nouveau Testament, voir Éd. Reuss, Bi-
bliotheca N. T. grxci, p. 265. Ce texte diffère peu du
texte reçu. L'hébreu, revu par Bôckel et Landschrei-
ber, n'est pas très bon . Les deutérocanoniques manquent.
3° Biblia tetraglotta de Bunsen, 1859, sous la direc-
tion de Lagarde, est demeurée à l'état de projet.
4° Ed. de Levante a publié une Hexaglotte et une
Triglotte : Hexaglott Bible, comprising the holy Scri-
ptures of the Oldand New Testament, &m-¥, Londres,
1876, qui contient l'hébreu, les Septante, la version sy-
riaque du Nouveau Testament, la Vulgate, la version
anglaise autorisée, une version allemande et une ver-
sion française; Biblia Triglotta continens Scripturas
sacras Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4°, Londres,
1890, qui est un extrait de l'Hexaglotte et qui contient,
pour l'Ancien Testament, l'hébreu, les Septante et la
Vulgate, pour le Nouveau, le grec, la Peschito et la
Vulgate. Les livres deutérocanoniques en sont absents.
5» M. Vigouroux a entrepris la publication d'une Po-
lyglotte catholique et française : La sainte Bible Poly-
glotte contenant le texte hébreu original, le texte grec
des Septante, le texte latin de la Vulgate et la tra-
duction française de M. l'abbé Glaire, avec les diffé-
rences de l'hébreu, des Septante et de la Vulgate,
des introductions, des notes, des cartes et des illustra-
tions. Elle formera 8 in-8° dont six, contenant tout
l'Ancien Testament, et le septième comprenant les Evan-
giles et les Actes, ont déjà paru, Paris, 1898-1908. Les
textes sont disposés sur quatre colonnes, avec notes et
variantes au bas des pages. Le texte hébreu a été em-'
prunté à l'édition stéréotypée de Stier et de Theile (texte
de Van der Hcoght, revu par Hahn et Theile). Le texte
des Septante est celui de l'édition romaine de 1587, avec
quelques additions tirées de la Polyglotte d'Alcala. Des
signes, introduits dans le texte, indiquent les lacunes,
les additions et les divergences les plus notables rela-
tivement à l'hébreu. Au bas de la colonne sont les prin-
cipales variantes de YAlexandrinus, du Sinaiticus, de
l' Ephrœmiticus, etc. La Vulgate clémentine est conforme
à la réimpression officielle, faite à Turin en 1881. La
traduction française de Glaire est accompagnée de notes.
A partir du t. n, les variantes grecques sont plus nom-
breuses, on trouve en plus celles de YAmbrosianus et
du Parisinus, n. 8, du Coislinianus VIII pour Tobie,
du Marchalianus pour les prophètes; un double texte
grec pour certains passages de Tobie et de Judith, avec
les variantes pour le reste de Tobie et pour Esther; les
parties, récemment retrouvées, du texte hébreu de l'Ec-
clésiastique. Les Épitres et l'Apocalypse seront conte-
nues dans le t. vm.
6° Indiquons enfin quelques Polyglottes partielles :
Tischendorf, Novum Testamentum triglottum, in-8",
Leipzig, 1854; 2« édit., ibid-, 1865, a publié le texte
529
POLYGLOTTES — POMMIER
530
grec avec des variantes, la revision de saint Jérôme
d'après les manuscrits avec les leçons diftérentes delà
Vuîgate clémentine et la version allemande de Luther,
revue sur les premières éditions; Hexaglott Bible de
Cohn, 1856-1859, jusqu'aux Nombres; 1868, tout lePen-
tateuque; Hexaglot Pentateuch de Robert Young,
Edimbourg, 1851 : textes samaritain, chaldéen, syriaque
«t arabe des cinq premiers chapitres de la Genèse ;
Parabola' de seminatore ex Evangelio Matthœi, in
lxxii Europeas linguas ac dialectos versa, ac Boma-
nis characteribus expressa, Londres, 1857 (édition pri-
vée du prince L.-C. Bonaparte).
Sur ^es PoYy glottes, \ovr Richard Simon, Histoire
critique du Vieux Testament, in-8°, Rotterdam, 1685,
p. 514-522; P. Lelong, Discours historique sur les
principales éditions des Bibles polyglottes, in-12, Pa-
ris, 1713; Id., Bibliotheca sacra, in-fol., Paris, 1723,
t. i, p. 1-47; dom Cathelinot, Bibliothèque sacrée,
part. III, a. 1, dans le Dictionnaire de la Bible de dom
Calmet, Paris, 1730, t. iv, p. 297-302; G. Outhuys,
Geschiedkundig verslàg der voornaamste uitgavenvan
het Biblia Polyglolta, in-8°, FraneJser, 1822; Brunet,
Manuel dulibraire, Paris, 1860, t. I, col. 849-854; En^
cyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger,
t. x, p. 676 sq. (art. Polyglottes de S. Berger); F. Vi-
gouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. I,
p. 260-264; Ch. Trochon, Introduction générale, Paris,
1886, t. i,p. 449-455; R. Cornely, Introductio generalis,
2 e édit., Paris, 1894, p. 527-532; Bealencyclopâdie fur
prolestanlische Théologie und Kirche,t.xv, p. 528-535.
E. Mangenot.
POLYPE, zoophyte à longs filaments mobiles. Voir
Corail, t. n, col. 955.
POIMARIUS. Voir Baumgarten 2, t. i, col. 1518.
1. POMME. Voir Pommier.
2. POMME DE SODOME. Voir JÉRICHO, t. III,
col. 1291 et fig. 226, col. 1290.
POMMIER (hébreu : fappûah; Septante : u^Xov;
Vulgate : malum), arbre fruitier de Palestine.
I. Description. — Cet arbre a donné son nom à une
tribu de Rosacées dont il est le type, les Pomacées, à
120. ■ — Malus communis.
fruit comprenant," outre les carpelles soudés à son
centre, une enveloppe charnue formée en partie par le
réceptacle ou le tube du calice. Son sommet porte une
dépression ouœii limité par les sépales ou par l'a trace
de leurs cicatrices. Bans les vrais Malus chacune des
5 loges de l'ovaire renferme seulement deux ovules,
alors qu'ils sont nombreux dans les Cognassiers. Au-
tour de la graine ou pépin l'endocarpe est cartilagi-
neux au lieu d'être osseux comme dans les Néfliers,
ou totalement charnus comme dans les Poiriers. Enfin
le pédoncule s'insère dans une cavité basilaire de ce
fruit qui est ainsi ombiliqué, avec une forme généra-
lement déprimée.
Les Pommiers sont originaires de toute la région
silvatique de l'Ancien Monde. Mais l'espèce la plus ré-
pandue en Europe à l'état spontané, le Malus acerba t
semble manquer dans la région orientale, où l'on ne
trouve que le M. Communis (6g. 120) [M. mitis de
Wallroth) caractérisé par ses feuilles cotonneuses
en dessous, ainsi que les sépales. Ces deux types croi-
sés entre eux et améliorés par la culture ont donné
naissance à toutes les nombreuses races de nos ">
vergers, F. Hy.
IL Exégèse. — Le fappûah se présente plusieursfois
dans la Bible, trois fois comme arbre, Cant., n, 3;
vin, 5; Joël, 1,12, et trois fois comme fruit de cetarbre,
Cant., ii, 5; vu, 9 (Vulgate, 8); Prov., xxv, 11. Ce mot se
rencontre aussi comme nom de ville, fappûah, Jos.,xn,
17; xv, 34; xvr, 8; xvn, 8, ou sous la forme Bel fap-
pûah, Jos., xv, 53. Dans les textes cités, le fappûah est
un arbre à l'ombre duquel on peut se reposer, Cant. ir,
3; vin, 5; un arbre rangé à côté du figuier, du grena-
dier, du palmier, de ces arbres cultivés qui se des-
sèchent au jour des calamités. Joël., i, 12. Son fruit est
doux à la bouche, Cant., n, 3; et répand une suave
odeur (d'où lui vient son nom, racine nafah). Cant., vu,
9. Ce fruit réconforte et rafraîchit. Cant., n, 5. Ces
différents caractères conviennent bien au pommier,
qu'on rencontre en Palestine dans les vergers, près des
habitations, et dont le fruit est toujours très apprécié
pour son goût et son odeur. D'autre part les Septante
et la Vulgate ont toujours traduit par jiîiXov oamalum.
L'arabe _UL>, tiffah, qui évidemment rappelle étroite-
ment le fappûah hébreu, signifie toujours la pomme,
et rien que la pomme. Pour désigner un autre fruit,
il faut ajouter une épithète, par exemple, tifjâh ar-
miny, pomme d'Arménie, l'abricot; liffahparsy, pomme
de Perse, la pêche; tiffah mahi, pomme de Mah, lr
citron. Du reste les abricotiers et les pêchers ne fureat
implantés qu'assez tard en Palestine, sous la domina-
tion grecque. Or certainement, d'après Joël, i, 12, et
les noms de lieux chananéens où entre le tappûah, cet
arbre était connu en Palestine beaucoup plus ancien-
nement. Le pommier avait été importé en Egypte à
une époque reculée, et probablement du pays de Cha-.
naan. Ramsès II fit planter des pommiers dans ses
jardins du Delta. V. Loret, Recherches sur plusieurs
plantes connues des anciens Égyptiens, V. le Pom-
mier, dans Recueil de travaux relatifs à la philo-
logie et archéologie égyptiennes, t. vu, p. 113. Ram-
sès 111, pour les offrandes journalières des prêtres de
Thèbes, leur fit présent de 848 paniers de pommes.
La culture de cet arbre était alors très répandue en
Egypte et encore maintenant on le rencontre aux envi-
rons de Miniéh. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit.,
p. 83. Le nom égyptien d'aillleurs a probablement été
emprunté aux peuples de Syrie en même temps que
l'arbre et il rappelle le fappûah hébreu et le fiffah.
arabe : ■ 8 4, Dapih, pommier, et ■ f i i i < Dapih,
pomme, nom qui est devenu •xeiïHf» ou -XHiieg,
ûjepeh en copte; et dans les anciens lexiques coptico-
arabes, ce mot est rendu par tiffah, f*îjXov. La traduc-
tion fappûah, « pomme, pommier, » paraît donc bien
établie; et il n'y a pas de raison de chercher une au-
tre identification, lorsque toutes sont sujettes à plus
de difficultés. Aussi la tappûafy n'est pas l'abricot
comme le veut H. Tristram, The natural History of
the Bible, 8' édit., in-8°, Londres, 1889, p. 335 ; ce
531
POMMIER — PONCTUATION HÉBRAÏQUE
532
fruit est du reste d'importation plus récente, et ne
répond pas parfaitement aux caractères du tappûah.
Cf. t. i, col. 91. Ce n'est pas davantage le coing, comme
le voudraient 0. Celsius, Hierobotanicon, in-12, Ams-
terdam. 1848, p. 254, 267 et E. F. K. Rosenmûller, Hand-
buch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, p. 308-
312, cf. t. il, col. 826 : ce fruit acerbe et acide au goût
ne répond pas parfaitement à la description du tappûah
dans les textes bibliques. C'est encore moins l'orange,
qui ne fut connue dans la région méditerranéenne que
postérieurement à l'ère chrétienne. Bien que plus an-
ciennement eonnus en Palestine, le cédratier et le ci-
tronnier ne paraissent avoir été importés qu'à l'époque
de la captivité de Babylone; du reste leurs qualités ne
permettent guère de les identifier avec le tappûal.i
biblique. Cf. t. il, col. 374, 793. Reste donc le pom-
mier, comme l'arbre le plus anciennement connu
(même avant l'introduction des Hébreux en Palestine)
de tous ceux qu'on veut identifier au tappûah et son
fruit a bien les caractères marqués dans les textes.
On peut cependant mettre à part le (appùah des
Proverbes, xxv, 11.
Comme des pommes d'or sur des ciselures d'argent
Ainsi une parole dite à propos.
L'épithète d'or pourrait changer la signification et
marquer qu'il ne s'agit pas d'un simple tappûah, mais
d'un fruit qui lui ressemble, aux couleurs plus dorées,
par exemple le citron, le cédrat, l'orange . Il n'est pas
nécessaire alors que les caractères du (appûah ordi-
naire lui conviennent. Mais reste la difficulté de l'époque
tardive pour l'introduction de ces plantes en Palestine
surtout relativement à l'oranger. Il est vrai qu'il n'est
pas nécessaire alors d'admettre que les arbres eux-
mêmes y aient été transplantés, il peut s'agir de la
simple importation du fruit. Il faut dire aussi que
dans ce (appûah d'or on peut encore voir la pomme.
E. Levesque.
PONCE (grec : IIôvtio; ; Vulgate : Pontius), nom de
famille de Pilate, qui le rattache par origine ou par
adoption â la gens Pontia, très connue dans l'histoire
romaine. Matth., xxvn, 2; Luc, m, 1; Act., iv, 27;
I Tim., vi, 13. Voir Pilate, col. 429.
PONCTUATION HÉBRAÏQUE. - I. Sa nature
et ses différentes espèces. — On traitera, sous ce
nom, de l'ensemble des points ou signes que les anciens-
rabbins ont inventés pour transmettre d'une manière
plus certaine la prononciation du texte hébreu de la
Bible, et aussi pour aider à mieux comprendre le sens
des Saints Livres, en indiquant les relations des mots
entre eux. Ayant cette invention, les consonnes étaient
seules tracées sur les manuscrits; il fallait donc possé-
der une connaissance parfaite de la langue hébraïque
pour lire aisément le texte sacré et pour suppléer exac-
tement les voyelles. Lorsque l'hébreu fut devenu une
langue morte, on sentit peu à peu le besoin de faciliter
cette lecture, et aussi de fixer la signification d'un
grand nombre de mots, en joignant aax consonnes des
signes qui représenteraient soit les voyelles, soit la
ponctuation. Ceux qni ont créé ce système très com-
plexe, composé de signes multiples, n'ont pas touché
au texte même de la Bible, tel qu'il s'était transmis
avant eux de génération en génération. Ils n'ont rien
changé aux consonnes, qui, jusqu'alors, avaient été
seules reproduites par l'écriture : tous les signes nou-
veaux ont été insérés soit dans l'intérieur des lettres
primitives, soit au-dessus d'elles, soit au-dessous, soit à
côté, parfois aussi dans la ligne même, entre les mots.
Ces signes sont de plusieurs sortes. On distingue :
1° ceux qui sont destinés à marquer les voyelles, les
points-voyelles, comme on disait autrefois, ainsi
nommés parce que beaucoup d'entre eux — c'était
même le cas pour la plupart, à l'origine — consistent
en un ou plusieurs points groupés de différentes ma-
nières : par exemple, Itéré, ou e long, ~ . Les anciens
grammairiens juifs les appelaient pour ce motif niqqûd,
de la racine niqqêd, ponctuer ; par conséquent, ponc-
tuation. De là vint aussi, pour leurs inventeurs, le nom
de punetatores, ponctuateurs. — 2» 11 existe une autre
série de signes, qui servent à des fins diverses, et qu'on
désigne parfois en général par le nom de points dia-
critiques. Ce sont : — a) le daguesch, point dans l'inté-
rieur de la lettre, pour montrer que celle-ci doit être
redoublée ou fortifiée dans la prononciation; — b) le
point qui sert à différencier le Sîra, w, d'avec le sîn, ïr,
suivant qu'il est placé à droite ou à gauche de la lettre;
— c) le ràphêh, trait horizontal qu'on met au-dessous
d'une consonne, pour marquer qu'elle n'a pas le son
fort; — d) le mappîq, semblable au daguesch, mais qui
ne se place guère que dans le hé final, h, pour indi-
quer que cette lettre doit alors se prononcer comme
un h aspiré; — e) les signes 2. ou *, puncla extraordi-
naria qu'on rencontre fréquemment à travers le
texte biblique original et qui correspondent à des notes
placées soit au bas de la page, soit eu marge, les-
quelles marquent le qerî et le hefîb. — 3° Il y a enfin
les signes qui représentent la ponctuation proprement
dite. Comme il a été déjà traité, t. m, col. 467-469,
504-507, des signes relatifs à la vocalisation, c'est-à-dire
de ceux qui ont été mentionnés au 1° et au 2°, il ne
sera question ici que de la ponctuation dans le sens
strict de l'expression.
II. La ponctuation hébraïque proprement dite et
ses divers BUTS. — Ici encore, il est nécessaire d'éta-
blir une distinction, car les signes ou accents spéciaux
dont nous allons parler servent tout à la fois à trois
fins différentes. — a) Pour la lecture ordinaire, ils
marquent l'accent tonique, c'est-à-dire la syllabe qui
doit être mise en relief dans la prononciation. C'est
toujours la dernière ou l'avant-dernière, le plus sou-
vent la dernière. Voir t. m, col. 472. — 6) Pour la lec-
ture modulée de la Bible, cantillalio, telle qu'elle a
lieu dans les synagogues, ces accents indiquent les élé-
vations et les chutes de la voix, chacun d'eux équiva-
lant à une sorte de neume, qui se compose de plusieurs
notes de musique toujours les mêmes. — c) Ils mar-
quent enfin la ponctuation des phrases, sujet que nous
avons seul à traiter ici. En hébreu, les accents, en tant
qu'ils servent à cette fin, portent le nom expressif de
ta'am, « goût, » au pluriel te'àrtiim, parce qu'ils donnent
pour ainsi dire du goût à la phrase.
III. Origine des accents destinés a la ponctuation
en hébreu. — Ce système de signes, avec les régies
multiples qui le dirigent, suppose, comme celui de la
vocalisation auquel il se rattache de très près, un travail
de longue haleine. De nombreux savants israélites y
prirent part, car il se prolongea pendant plusieurs
siècles. — Au moyen âge, les Juifs croyaient générale-
ment que l'accentuation et la vocalisation du texte
hébreu de la Bible remontaient jusqu'à Esdras et à ce
qu'on appelait la « Grande Synagogue ». Cette opinion
avait encore des adhérents au xvn c siècle, parmi les
hébraïsants chrétiens, comme on le voit parla discus-
sion très vive qui eut lieu sur ce point entre Louis Cap-
pel, qui la rejetait, et les deux Buxtorf, qui l'acceptaient.
Voir t. i, col. 1982, t. h, col. 219; j. Schnedermann,
Die Controverse des Ludovicus Cappellus mil den
Buxtorfen ûber die hebr. Punctation, in-8", Leipzig,
1879. Quelques rabbins allaient même jusqu'à affirmer
que les accents avaient été introduits par les prophètes
de l'exil, et qu'ils portaient ainsi le sceau de l'inspira-
tion divine. Bien plus, plusieurs d'entre eux, entre
autres Judas Hadassi, l'un des chefs de l'école caraïte,
supposaient que les tables de la Loi, lorsque Moïse les
reçut au sommet de Sinaï, auraient été munies de
533
PONCTUATION HEBRAÏQUE
534
points-voyelles et d'accents. "Voir H. Gràtz, Geschichte
der Juden von den âlteslen Zeiten bis auf die Gegen-
wart, t. v, p. 503. Au xvi« siècle, le savant juif Elias
Levita protesta de toutes ses forces contre ces théories;
Louis Gappel fit de même cent ans après.
On ne saurait dire avec certitude si la vocalisation
et l'accentuation du texte sacré, c'est-à-dire l'invention
des points-voyelles et celle des accents destinés à
marquer la ponctuation, furent contemporaines. Celle-
ci est peut-être un peu moins ancienne que celle-là.
Le grammairien juif Ben-Ascher, dans son traité Dikduké
ha-Teamîm, réédité en 1879 par Baer etStrack, f. 9, fait
en prose riniée l'éloge de la ponctuation biblique et men-
tionne les « points sans nombre » dont elle se composait,
mais sans dire à quelle époque il en fixait l'origine.
Il est certain du moins, et communément admis de nos
jours, que la ponctuation hébraïque proprement dite
est plus récente que saint Jérôme (f 420), et que le
Talmud, achevé vers l'an 500 après Jésus-Christ. En
effet, ni l'un ni l'autre ne la connaissent encore, ainsi
qu'on l'a démontré par des arguments irréfutables.
Voir la dissertation de H. Hupfeld, dans les Theolo-
gische Studien und Kritihen. 1830, p. 549-590, 785-810.
Le traité Soferim, m, 7, où il est parlé pour la première
fois de points destinés à marquer la séparation des
versets, est postérieur au Talmud.
C'est probablement au vi e siècle de notre ère qu'il
faut placer les débuts du système de la vocalisation et
de .la ponctuation hébraïques. Il se développa lente-
ment, car il ne semble avoir été complet qu'au milieu
du viil" siècle. Voir The Jewish Encyclopedia, in-4°,
New- York, t. x, 1905, p. 269. Les plus anciens manus-
crits, qui datent du ix 9 et du x° siècle, sont pourvus
d'accents; il en est de même, jusqu'à un certain point,
des fragments hébreux de l'Ecclésiastique, récemment
découverts en Egypte. Cf. la Revue des Éludes juives,
Paris, t. SL, n. 79, année 1900, p. 1-36; A. E. Cowley et
A. Neubauer, The original Hebrew ofa Portion of Ec-
clesiasticus, in-f", Oxford, 1897.
D'après une hypothèse ingénieuse, mais peu vrai-
semblable, de M. Joseph Derenbourg, dans la Revue
critique, nouvelle série, t. vu, 1879, p. 453-461, le sys-
tème de la ponctuation hébraïque se serait élaboré tout
entier dans les écoles primaires juives, à l'époque in-
diquée plus haut, et serait l'œuvre des maîtres d'école,
qui auraient inventé ces divers signes pour faciliter
aux enfants la lecture du texte hébreu de la Bible. Ce
système a une origine plus scientifique. Les hébraï-
sants s'accordent de plus en plus pour le rattacher à
celui des Syriens, inventé dès la fin du v e siècle, avec
lequel il présente de grandes analogies, et dont il pro-
vient au moins en partie. Voir P, Martin, Histoire de
la ponctuation et de la Massora chez les Syriens, in-8°,
Paris, 1875, dans le Journal asiatique, 7 e série, t. v,
p. 81-208; A. Wright, A short History of Syriac Lite-
rature, in-8°, Londres, 1894, p. 115-116. Les Syriens
avaient eux-mêmes emprunté leurs accents aux Grecs.
D'après une autre théorie, dont H. Prcetorius s'est fait
l'ardent et savant défenseur, dans son livre Die Her-
kunftder hebràischenAccente, in-8°, Berlin, 1901, la plu-
part des accents hébreux auraient pour modèles directs
la ponctuation et la neumation des Évangéliaires grecs.
En toute hypothèse, le système emprunté, soit grec,
soit syrien, ne fut pas adopté tel quel, mais remanié
et considérablement développé par les écoles juives de
Babylonie et de Palestine, qui prirent en main, de très
bonne heure, la vocalisation et la ponctuation du texte
biblique. Il existait des divergences assez grandes entre
les signes adoptés par les écoles orientales et les écoles
occidentales (celles de Palestine). Voir Babyloniens
(Petropolitanus Codex) et le fac-similé, fig. 409, t. i,
col. 1359. Nos éditions imprimées contiennent l'accen-
tuation palestinienne. — Les massorètes veillèrent sur
les signes des voyelles et des accents, avec le même soin
religieux et méticuleux que sur les consonnes, comme
on le voit par les notes nombreuses des éditions cri-
tiques delà Bible hébraïque publiées par S. Baer etFrz.
Delitzsch, in-8», Leipzig, 1869-1896, et par R. Kittel,
in-8°, Leipzig, 1905-1906.
IV. Importance du verset dans la ponctuation
hébraïque. — Cette ponctuation a pour but principal, en
effet, de déterminer les rapports réciproques des mots
et des propositions, non pas précisément dans une même
phrase, comme c'est le cas pour nos langues euro-
péennes, mais dans un même verset. D'où il suit que le
verset joue un rôle essentiel dans cette sorte d'accen-
tuation, car c'est par rapport à lui qu'elle est invaria-
blement déterminée. Les punctatores ont donc commencé
par séparer les versets tant bien que mal, d'après le
sens, s'efforçant d'en faire un tout à peu près complet.
Ils l'ont ensuite divisé en deux parties, qui ne sont pas
nécessairement égales. Chacune de ces parties a été à
son tour subdivisée en deux sections plus petites, et ainsi
de suite, jusqu'à ce qu'on eût atteint des groupes
minuscules et inséparables de mots. Ainsi donc, sous
le rapport de la ponctuation, chaque verset biblique —
et notons de nouveau qu'il ne forme pas toujours ni
obligatoirement une phrase complète — est considéré,
d'après le langage imagé des anciens grammairiens,
comme un territoire, ditio, qui est dominé par le double
point final (voir plus bas), et que d'autres accents, de
valeur décroissante, coupent de façon à former d'autres
petits domaines secondaires, selon qu'il est plus ou
moins long.
Nous aussi, nous avons des signes disjonctifs, qui
partagent la phrase en ses différents membres; mais,
tandis qu'il nous suffit d'en posséder quatre, le point,
les deux points, le point et virgule, la simple virgule
— nous laissons de côté le point d'interrogation, le
point d'exclamation et la parenthèse, qui manquent tota-
lement en hébreu — on en rencontre près de trente
dans l'ensemble de la Bible hébraïque, sans parler du
système de ponctuation qui est propre à quelques livres
poétiques. Voir col. 535. Et non contents de séparer
ainsi par le menu les propositions et les mots, au moyen
de signes divers, les ponctualeurs en ont inventé une
seconde classe, qui, à une exception près, le trait
d'union, fait complètement défaut dans les langues indo-
germaniques : il s'agit des accents conjonctifs, assez
nombreux aussi, qui sont destinés à unir entre eux
certains mots d'une manière plus étroite. En somme,
il n'est pas un seul mot hébreu qui ne soit muni d'un
accent quelconque, lequel le sépare du mot précédent
ou l'y rattache. — Parmi les accents qui servent à la
ponctuation, les uns sont placés sur la première con-
sonne du mot, les autres sur la dernière; pour ce mo-
tif, on donne aux premiers le surnom de prépositifs, et
aux seconds celui de postpositifs.
V. Désignation des signes de la ponctuation hé-
braïque. — On distingue, ainsi qu'il vient d'être dit,
deux grandes catégories d'accents, servant à la ponc-
tuation dans la Bible hébraïque : les distinctivi ou
disjonctifs, appelés aussi domini, « maîtres », c'est-à-dire
principaux, à cause de leur importance considérable;
les conjunclivi ou conjonctifs, qu'on appelait encore
servi, « serviteurs », subalternes, à cause de leur
moindre utilité. D'après la savante grammaire de Kônig,
Lehrgebàude der hebràischen Sprache, 1881, t. i,
p. 75-81, que nous avons prise pour guide principal
dans l'énumération qui suit, on en compte jusqu'à 27.
Leurs noms hébreux ou araméens se rapportent tantôt
à leur forme, tantôt aux fonctions qu'ils remplissent
soit pour rendre plus aisée l'intelligence de la phrase,
soit en vue de la canlillatio des synagogues. Nous n'en
avons donné la traduction que lorsqu'elle est morale-
ment certaine, ou de quelque utilité.
535
PONCTUATION HEBRAÏQUE
536
Il y a d'abord les accents ordinaires, pu prosaïques,
qui sont employés dans la plupart des livres de la Bible,
écrits habituellement en simple prose; puis les accents
poétiques, qui forment un système particulier, réservé
pourles trois livres de Job, des Psaumes et des Proverbes,
écrits en vers. Il paraît singulier, à première vue, que
ce système n'ait pas été adopté aussi pour le Cantique
des cantiques; mais les rabbins ont rangé de bonne
heure ce petit livre dans une catégorie spéciale. De
part et d'autre, nous trouverons la double classe des
accents disjonctifs et des accents conjonctifs.
A) Accents ordinaires ou prosaïques. — 1° Dans ce
groupe, les signes disjonctifs de la ponctuation sont
rangés sous quatre chefs distincts, dont les noms sym-
boliques, relativement récents, marquent la valeur tou-
jours décroissante. On distingue : — o) les impera-
tores, au nombre de deux seulement : 1° le sôf pâsûk,
« fin du verset », : , toujours précédé du sillûq, « ces-
sation », T, qui l'annonce, placé qu'il est sous la syllabe
du dernier mot du verset; 2° V'atnal}, a. respiration,
pause », 7, situé habituellement vers le milieu du ver-
set; — b) les reges, au nombre de cinq : 1» le zâqêf
qâtôn ou petit zâqêf, X, dont le nom signifie « éléva-
tion » ; 2° le zâqêf gâdôl ou grand zâqêf, -il ; 3° le rebia-,
« qui repose », ^. ; 4° le segolfa', « grappe », i ; 5° le sal-
sélet, « chaîne « , L ; — c) les duces, au nombre de cinq :
1° le paStâ', « inclinatio » Z; 2» le yetîb, « sessio »,
— ;3° le tifhâ', (s. largeur de la main s, ~ ; 4° le {ebîr' , x ',
5° lezarqâ', -; — d) les. comités au nombre de six :1° le
géreS, L; 2° le gersaïm ou gérés double, A ; le legarmêh,
1 ; 4° le pâzêr, e ; 5° le qarnépàrâh, « cornes de vache »,
îf ; 6° le feliSâ' gedolâh ou grand felîsd' 3., qui n'est
employé que seize fois dans la Bible.
Cela fait donc en tout, dans le système prosaïque,
dix-huit accents disjonctifs. Les « empereurs » mar-
quent toujours la fin et habituellement le milieu du
verset; les « rois » servent à diviser les deux sections
ainsi obtenues, lorsqu'elles ont une certaine étendue.
Cf. Gen., I, 22, où la première moitié du verset, qui est
fort courte, n'a aucun accent de celte espèce, tandis
que la seconde en contient, parce qu'elle est plus
longue; le contraire a lieu au verset 24. Les « ducs »
séparent les divers groupes de la phrase; par
exemple, le sujet de ses attributs, le complément et les
mots qui en dépendent. Les « comtes » ont encore un
rôle plus spécial, puisqu'ils séparent simplement les
petits groupes de mots.
2° On compte d'ordinaire neuf accents prosaïques
conjonctifs. Ce sont : 1» le merkd', « prolongement »,
1 ; 2° le merkd' kefîilâ' ou double merkd', -g- ; 3° le mû-
nah, T, semblable au legarmêh; 4° le dargâ', ~; 5° le
rnâhpâk, — ; 6» le qadmâ', appelé aussi 'azld', X; 7« le
feUSâ' qetanndh ou petit telisâ', X ; 8° le gérah, nommé
aussi galgal, 7, qui précède toujours le pâzêr gâdôl
et qui, comme cet accent disjonctif, n'est employé que
seize fois dans la Bible; 9» le ma'yelâ', ~ . Seuls, les
mots étroitement unis par le sens, comme le nominatif
et le génitif qui en dépend, le substantif et l'adjectif
qui lui sert d'épitbète, sont reliés l'un à l'autre par
un acccent conjonctif.
B) Les accents dits poétiques sont en partie les
mêmes que les accents ordinaires, dont on vient de
parcourir la liste, et ils en diffèrent en partie. La dis-
semblance entre les deux systèmes d'accentuation se
rattache moins à la ponctuation proprement dite
qu'aux modulations différentes de la voix, lorsque les
livres de Job, des Psaumes et des Proverbes sont lus
comme partie intégrante du culte dans les synagogues.
On en compte 20, qui se divisent aussi ep deux classes
principales. — 1. Les accents disjonctifs sont : 1° le
sillûq avec le sôf pâsûq, : et T,' 2° le 'oleh veyôred,
« montant et descendant », que l'on nomme aussi
mêrkâ' mâhpàk,' parce que les deux signes dont il se
compose sont ceux qui représentent ces deux accents,
j?; 3° V'afnâh, —, qui a une valeur moindre que dans le
système ordinaire; 4° le rebîa' gâdôl ou grand rebîâ',
j. ; 5» le rebîa' qdtôn ou petit rebîa, •-, semblable au
précédent, mais formé d'un point plus petit; 6° le
rebia' mugrâé, c'est-à-dire le rebiâ' précédé du gères,
; .1; 7« le saUélet gedôlâh ou grand salsëlef, — ; 8° le
%,arqâ' ou Hnnôr, - ; 9° le dehi, auquel on donne encore
le nom de tifhâ' initial ou prépositif, i; 10° le pâzêr,
H.;i\ l >lemahpdklegarmêh,\T;i { 2<>\e'azlâ' legarmêh,! y.
— 2. Les accents conjonctifs sont : 1° le mêrkâ', T ; 2° le
niûnâh, ~ ; 3° le 'illûy ou mûnah supérieur, ± ; 4° le
tarhd, identique au dehî non prépositif, ~ ; 5° le gérâh
ou galgal, 7 ; 6° le mahpâk, — ; 7» le 'azlâ', J.; 8° le
Salsélet qetanndh ou petit salsélet, _L.
C) Le maqqêf et le méteg. — A ces divers signes de
la ponctuation hébraïque, il faut joindre le maqqêf et
le méteg, qui s'y rattachent de très près. Le maqqêf,
« lien », consiste en un gros trait horizontal, — , placé
en haut de la ligne, entre deux ou plusieurs mots
qu'il associe très étroitement, de sorte qu'ils sont cen-
sés ne plus former qu'une seule expression. Par ex. :
Dirt, kôl-âdâm, « tout homme »; ib-iï/N-bs-rN,
'e(-kôl~'âser-lô, « tout ce qui est à lui ». Certaines par-
ticules, entreautres iw, signe de l'accusatif, bx, «vers»,
Sy, « sur », en sont presque toujours accompagnées.
Le maqqêf, faisant refluer l'accent tonique vers la fin
du mot qu'il sert à créer, modifie par là-même, en les
abrégeant, les voyelles des premières syllabes de ce
mot nouveau. — Le méteg, « frein », a la forme d'un
petit trait vertical, placé en bas de la ligne, T, et à la
gauche d'une voyelle. Comme son nom l'indique, il
arrête l'attention du lecteur, qu'il avertit de ne pas
glisser trop rapidement sur la syllabe ainsi notée. Il
marque aussi un accent tonique secondaire. Il a par-
fois une importance spéciale pour la prononciation de
certaines voyelles; par exemple, pour distinguer a de 0,
i long de i bref, etc.
VI. Quelques remarques sur ces divers accents. —
1. Ce double système de ponctuation est, on le voit,
assez compliqué, non seulement à cause du grand
nombre des signes employés, mais encore parce que
plusieurs de ces signes sont identiques, ou presque
identiques entre eux, et aussi parce que, insérés à
travers les voyelles, ils rendent tout d'abord la lec-
ture plus difficile. Heureusement, il n'est pas néces-
saire d'en avoir une connaissance approfondie pour
bien comprendre le texte original de l'Ancien Testa-
ment. Pour l'hébraïsant ordinaire, il suffit d'être
familiarisé avec les accents principaux. Leur multipli-
cité même montre, à elle seule, que plusieurs d'entre
eux ne peuvent avoir qu'une infime valeur; souvent
ils n'équivalent pas même au quart d'une de nos vir-
gules.
2. Lorsqu'on étudie la ponctuation hébraïque dans le
détail, on est forcé d'admettre qu'elle est réellement
ingénieuse, tout en demeurant subtile et complexe.
Le choix des accents, soit disjonctifs, soit conjonctifs,
a été déterminé d'avance par les ponctuateurs et les
grammairiens ; tel accent conjonctif ne peut s'employer
qu'avec tel accent disjonctif, à l'exclusion de tout autre,
et réciproquement.
3. Si quelques-uns de ces signes ont la même forme
ou ressemblent à une voyelle — c'est le cas pour le
rebia, qui est identique au cholem, c'est-à-dire à \'o
— leurs inventeurs ont pris soin qu'on ne pût pas
aisément les confondre. C'est ainsi que, dans le sys-
tème ordinaire ou prosaïque, le paltâ, J_, est placé au-
dessus de la consonne qui termine le mot, tandis que
le qadmâ', qui lui est identique, est mis sur la pre-
mière consonne de la syllabe accentuée. De même, le
yetîb, ~, est placé à droiteet au-dessus de la première
537
PONCTUATION HEBRAÏQUE — PONT
538
consonne, tandis que le mahpâk, qui lui est entière-
ment semblable, est mis à gauche de la syllabe qui
porte l'accent tonique, etc.
4. Les principaux signes de ponctuation entraînent
souvent des changements dans les voyelles auprès
desquelles ils sont placés. Tantôt ils les allongent,
tantôt ils les abrègent, suivant les circonstances. Les
grammaires un peu complètes donnent les règles de
ces changements. — Il arrive çà et là que le même
accent est employé plusieurs fois de suite dans un
membre de phrase. Cf. Gen., i, 20, dans la première
moitié du verset. Il perd alors graduellement de sa
force, au fur et à mesure qu'on avance dans la phrase.
VII. Utilité de ce système de ponctuation. — Elle
est indéniable, car cet ensemble de signes a d'abord
contribué à fixer de bonne heure le sens traditionnel
du texte original de l'Ancien Testament, en joignant et
en séparant les mots d'une manière logique; puis,
grâce à la vigilance minutieuse des massorètes, qui
n'ont pas moins surveillé la ponctuation que les con-
sonnes et les voyelles, elle a servi aussi à maintenir ce
texte dans une assez grande pureté. Le travail des ponc-
tuateurs se conforme bien, d'ordinaire, à la significa-
tion naturelle de la parole divine. Il représente l'inter-
prétation courante de la Bible hébraïque par les anciens
Juifs, à l'époque où il fut accompli.
La ponctuation hébraïque parut, pendant longtemps,
si excellente aux commentateurs israélites, qu'Abraham
Aben Esra, au xn e siècle, alla jusqu'à édicter cette règle :
« Aucune interprétation d'un passage biblique ne de-
vrait être acceptée, si elle n'est pas conforme à l'accen-
tuation. » Néanmoins, dans la pratique, presque
aucun exégète juif ne s'est conformé rigoureusement à
ce principe, pas même Aben Esra; et ils ont eu raison,
car le système a des imperfections manifestes, et il est
évident que ses créateurs n'ont eu ni le désir, ni le
droit d'imposer des liens perpétuels à ceux qui de-
vaient interpréter après eux les saintes Écritures. Un
autre savant juif très illustre, Kimchi, a donc pu dire
en toute justesse, In Ose., xn 17 : « En interprétant
l'Écriture, nous ne sommes pas liés par les accents. »
Il y a quelques endroits, cependant, où la ponctuation
rabbinique est préférable à celle des Septante et de la
Vulgate; par exemple, au passage célèbre Is., xl, 3,
où on lit, d'après l'accentuation de l'hébreu : « Une
voix crie : Dans le désert préparez le chemin du Sei-
gneur; » d'après les Septante et notre version latine
officielle, comme aussi d'après les passages du Nouveau
Testament qui reproduisent ce texte, Matth., m, 3;
Marc, I, 3; Luc, m, 4; Joa., i. 23 : « Une voix crie
dans le désert : Préparez... »
VIII. Bibliographie. — 1» Dans les temps plus éloi-
gnés de nous. Le plus ancien traité que nous ayons
sur la ponctuation hébraïque est celui du grammairien
juif Ben Ascher, qui vivait dans la première moitié du
X e siècle; il a été réédité sous ce titre : Diqduqé ha-
Teamim des Ben-Ascher von Tiberias, herausgegeben
von S. Baer und H. L. Strack, in-8», Leipzig, 1879. On
a aussi, dans le même sens, J. Derenbourg, Manuel
du Lecteur, traduction d'un traité arabe sur les ac-
cents el la Massora, in-8°, Paris, 1871 ; voir aussi Jour-
nal asiatique, juillet-décembre, 1870, VI e série, t. xvi,
p. 309-550. — 2° Ouvrages spéciaux, contemporains :
A. B. Davidson, Outlines of hebr. Accentuation, in-8°,
Londres, 1861 ; A. Geiger, Zur Kakdanim (= Punkta-
toren) Literatur, dans la Jûdische Zeitschrift fur Wis-
senschaft und Leben, 1872, t. x, p. 10-35; L. Segond,
Traité élémentaire des accents hébreux, in 8°, Genève,
2 e édit., 1874; E. Kônig, Gedanke, Laut und Accent als
die drei Faktoren der Sprachbildung, in-8°, Weimar,
1874; H. Strack, Beitrag zur Geschichte des hebrài-
schen Bibeltextes, dans les Theolog. Studien und Kriti-
ken, 1875, p. 736-747; M. Schwab, Des points-voyelles
dans les langues sémitiques, dans les Actes de la So-
ciété philologique, t. vu, in-8°, Paris, 1875; Frz. De-
litzsch, Elementa accentuationis metricse, dans l'ou-
vrage Liber Psalmorum, textum massoreticum accu-
ratissitne expressit... S. Baer, in-8°, Leipzig, 1880,
p. vin-xii; S. Wejnkoop, Leges de accent, hebr. linguse
ascensione, in-8°, Leyde, 1881 ; H. Gràtz, Étude sur la
ponctuation hébraïque, dans la Monatschrift fur Ge-
schichte und Wissenschaft des Judenthums, 1882,
p. 389-409; W. Wickes, A treatise on hebr. Accentua-
tion, in-8», Oxford, 1881-1887, ouvrage très solide; Iler-
mann, Zur Geschichte des Streites liber die Entstehuny
der hebràischen Punktation, in-8», Ruhrort, 1885 ;
A. Bùchler, Untersuchungen zur Entstehung und
Enlwickelung der hebr. Accente, in-8», Vienne, 1891 ;
A. Ackermann, Das hernienéutische Elément in der
biblischen Accentuation, in-8», Berlin, 1893; Nathan,
Die Tonzeichen in der Bibel, in^8», Hambourg, 1893;
S. Bachrach, Das Alter der hebr. Vocalisation und Ac-
centuation, in-8», Varsovie, 1895 ; H. Grimme, Grund-
zùge der hebràischen Akzente und Vokallehre, in-8»,
Fribourg (Suisse), 1896; J. M. Japhet, Die Accente der
heiligen Schriften, in-8», Francfort-sur-le-Mein, 1896 ;
F. Praetorius, Ueber dem zuruckweichenden Accent im
Hebràischen, in-8», Halle, 1897; Id., Die Herkunft der
hebr. Accente, in-8», Berlin, 1901; P. Kahle, Zur Ge-
schichte der hebràischen Accente, dans la Zeitschrift
der morgenlàndischen Gesellschaft, 1901, t. lv, p. 167-
194; The Jewish Encyclopedia, New-York, 1900-1905,
t. i, au mot « Accents », p. 149-158, et t. x, au mot
« Punctuation », p. 268-273. Voir aussi E.Kônig, Historisc/i-
kritischer Lehrgebàude der hebràischen Sprache, t. I,
Leipzig, 1881, p. 52-90; t. n, l re partie, Leipzig, 1895,
p. 349-362. L. Fillion.
i. PONT (grec : llo-no;), nom qui a désigné, à diffé-
rentes époques de l'histoire, un territoire du nord-est
de l'Asie Mineure, dont les limites ont beaucoup varié.
Directement il représente la mer, -jiôvtq;, et en parti-
culier la mer Noire, le Pont Euxin des anciens, Ilov-
to{ etfÇeivoç, « mer hospitalière. » Puis on l'employa
comme une dénomination appliquée aux côtes sud-est
de cette mer. Xénophon, Anabasis, V, vi, 15, est le
plus ancien auteur qui en ait usé en ce sens. Ailleurs,
nous apprenons que c'est une abréviation pour Ka-jiTia-
êoxi'a t| itepi tô Eû'leivov, « la Cappadoce qui est près
de l'Euxin, »Polybe, v, 43, ou K. tj -jipôç tw ittfv'rw, « la
Cappadoce qui est près de la mer. » Strabon, XII, i, 4.
I. Situation géographique. — A l'origine, le pays
qui portait ce nom n'était donc qu'une bande de terri-
toire qui s'étendait le long de la côte de l'Euxin, entre
la Colcbide, à l'est, et le fleuve Halys, à l'ouest. Il faisait
partie du vaste domaine de la Cappadoce, qui allait de
la Cilicie au Pont Euxin. Sous la domination persane,
il fut divisé en deux satrapies ou gouvernements, dont
le plus septentrional, borné au nord par la mer et au
sud par le mont Paryadrès, fut appelé, comme nous
venons de le voir, Cappadoce sur le Pont, puis simple-
ment le Pont. Du côté de l'ouest, son territoire s'avan-
çait davantage dans les terres. Les contrées limitrophes
étaient : au sud-ouest, la Galatie; au sud la Cappadoce
proprement dite et la Petite Arménie ; à l'est, la Colchide
et l'Arménie; à l'ouest, la Paphlagonie. Voir fig. 121.
Néanmoins, comme, nous l'apprendra le résumé de
l'histoire du Pont, ces limites ne furent pas les mêmes
à toutes les époques.
Sous le rapport de la géographie physique, la région
qui forma toujours le noyau principal du Pont est acci-
dentée à l'extrême, comme le sont peu de contrées
de notre globe. C'est essentiellement un pays de mon-
tagnes. Les monts principaux sont, à l'est, le Paryadrès
et le Scydisès, qui se dressent comme des remparts
gigantesques : le premier, tout le long du littoral, en
539
PONT
540
face du Caucase, tandis que l'autre s'avance à l'inté-
rieur, comme un prolongement de l'Antitaurus. Quel-
ques-uns de leurs sommets atteignent plus de 3000 mè-
tres. Les montagnes du sud donnent naissance à de
nombreuses rivières, qui sillonnent tout le pays; on
en a compté jusqu'à vingt-huit. Les principales sont le
Halys, aujourd'hui Kisil-lrmack, l'Iris et le Lycos. Les
vallées étaient très fertiles, surtout celle qui borde le
Pont Euxin; elles produisaient, spécialement dans la
partie occidentale, toutes sortes de céréales et d'arbres
fruitiers, Cf. Strabon, XII, 1, 15; Pline, H. N., xiv, 19;
Théophraste, Hist. planlar., rv, 5; vin, 4; ix, 16. Les
abeilles y abondaient; aussi faisait-on un commerce
considérable de miel et de cire. Voir Xénophon, Anab.,
IV, vm, 16, 20; Pline, H. N., xxi, 45. Les eaux des
rivières étaient très poissonneuses, et l'on trouvait des
minerais variés dans les montagnes. On rencontrait
partout, suivant les zones et les altitudes, des pâturages,
des champs cultivés, des vignobles, des vergers, des
forêts. La situation commerciale était excellente aussi,
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121. — Carte du Pont.
grâce aux ports de l'Euxin et aux vallées fluviales. Le
climat est généralement tempéré, doux et agréable,
comme celui de la région méditerranéenne. Cf. Strabon,
II, l, 15; XII, n,10.
Les habitants appartenaient par leur origine, les uns
à la Colchide, les autres à la Grèce, d'autres à de nom-
breuses tribus dont la parenté ethnologique est très
obscure} parmi elles, on mentionne les Tibareni, les
Macrones, les Mocynœci, les Chalybes, etc. Quel-
ques-unesappartenaient à la race sémitique, notamment
les Leucosyri, ou Syriens blancs, qui semblent être
descendus des Assyriens. A eux tous, ils formaient une
vraie mosaïque de nations, et parlaient, au dire des
anciens auteurs, 22 ou 25 langues distinctes. Voir Valère-
Maxime, VIII, vu, 16; Quintilien, I, il, 50; Pline, H. N.,
xxv, 2; Aulu-lielle, xvil, 17. Le long de la côte, des
colonies grecques, venues en partie de Sinope, en par-
tie de Milet, s'étaient établies depuis le xvn e siècle
avant J.-C. et étaient parvenues à une grande prospé-
rité. Les peuplades de l'intérieur, surtout à l'est, étaient
très sauvages, à demi barbares. Voir Strabon, loc. cit.;
R. Hansen, De gentibus in Ponto orientali habitanti-
bus, Kiel, 1876.
Plus de cent villes, dont plusieurs riches et peuplées,
étaient un signede la prospérité du pays; quelques-unes
d'entre elles sont encore pleines de vie. Les plus
célèbres, étaient 1" sur le rivage de l'Euxin : Sinope,
actuellement Sinoub, Amisus ou Sanisoûn, Trapezus ou
Trébizonde, Pharnacéia, Side; 2» dans l'intérieur :
Amaséia, qui devint, l'an 7 avant J.-C, l'a capitale delà
province romaine du Pont; Çomana Pontica, Lycopolis,
Sébastia ou SiudsyCabira, appelée plus tard Néocésarée.
II. Histoire du Pont. — Elle est assez difficile à
résumer, tant elle a eu de vicissitudes. Tel est d'ailleurs
le cas pour la plupart des provinces d'Asie Mineure.
Après l'époque de Cyrus, le Pont demeura sous la
domination au moins nominale de la Perse, et fut
gouverné par des satrapes. Cf. Hérodote, m, 94; vu, 77,
etc. Ses annales proprement dites ne s'ouvrent qu'avec
la famille des Mithridate, qui lui procura tant de
gloire et aussi tant de revers. Un premier Mithridate,
qu'on dit avoir appartenu à la noblesse perse, fut le
fondateur de cette dynastie. Ariobazane, son fils, 363-
337 avant J.-C, subjugua quelques tribus du Pont, qui
avaient été jusqu'alors plus ou moins indépendantes, et
jeta ainsi les bases d'un territoire à part. Voir Diodore
de Sicile, xv, 90. Son fils et successeur, Mithridate II,
poursuivit son œuvre. Mais c'est surtout Mithridate III,
301-266, qui fonda vraiment le royaume du Pont, en
profitant, pour s'établir solidement, des guerres intes-
tines que se livraient alors les Diadoques ou succes-
seurs d'Alexandre le Grand. On le désigna plus tard
par le surnom de ktistès, « fondateur n. Il prit le titre
de roi en 296. Son domaine, qui s'étendait d'abord sur
les districts paphlagonien et cappadocien situés près du
cours inférieur du fleuve Halys, ne tarda pas à embras-
ser aussi les régions pontiques proprement dites.
Durant deux siècles ce royaume continua de grandir,
presque en silence, éclipsé par les deux dynasties
des Séleucides et des Ptolémées, et même aussi par
les deux petits royaumes de Bithynie et de Pergame,
nés en même temps que lui.
C'est sous son dernier roi, Mithridate VI Eupator,
dit le Grand (120-63), qu'il s'éleva tout à coup à une
grandeur prodigieuse. Ce prince fut presque perpétuelle-
ment en guerre, en premier lieu avec ses voisins du nord-
est de l'Asie, auxquels il enleva tour à tour la Chersonèse
taurique, la Colchide, la Petite Arménie et une grande
partie de l'Asie Mineure, puis avec les Romains, dont il
avait d'abord recherché l'amitié. Sa lutte avec Rome se
prolongea, à part quelques intervalles de trêve, durant de
longues années, 92-65 avant J.-C. La grande république
n'eut guère d'adversaires plus terribles. Cicéron disait
de lui, Pro Mànl., xv, 32, que c'était « le plus grand
des rois auxquels le peuple romain eût jamais fait la
guerre. » Sylla lui-même, envoyé contre lui, n'arriva
pas à remporter des avantages décisifs. Finalement,
Mithridate fut défait par Pompée en 65, et son territoire
fut divisé en plusieurs morceaux. La région septen-
trionale, voisine de la mer Noire, et la région occi-
dentale furent incorporées à la province de Bithynie,
établie depuis l'an 74, et la nouvelle province ainsi for-
mée reçut le nom de Bithynia et Pontus. Les districts
•méridionaux furent partagés entre un certain nombre
de petits dynastes du pays. Cf. Dion Cassius, xlii,
45; Strabon, XII, î, 4. C'est ainsi que Polémon reçut
d'Antoine, l'an 36 avant J.-C, le territoire situé prés du
Lycos, qui fut nommé Pontus polemoniacus. De son
côté, Déjotare, roi de Galatie, recevait la partie située
entre les rivières Iris et Halys, qui forma le Ponlus
galaticus. Enfin, la partie orientale échut au roi de
Cappadoce, et devint le Pontus cappadocicus. On
trouve ces trois contrées ainsi désignées, non seulement
par les historiens, mais aussi sur d'anciennes inscrip-
tions. A Polémon I er succéda Polémon II, qui, en 63
après J.-C, se désista en faveur de Néron. Suétone, Nero,
8. Il avait épousé en secondes noces Bérénice, fille
d'Hérode Agrippa I er et sœur d'Hérode Agrippa II. Josè-
phe, Ant., XX, vu, 3. Voir Bérénice 2, t. i, col. 1012.
III. Le Pont et le Nouveau Testament. — Le Pont
est mentionné à trois reprises dans les écrits du Nou-
veau Testament : deux fois au livre des Actes, n, 9, et
xvin, 2, et une fois au début de la I re Épître de saint
Pierre, I Pet., i, 1. Dans le premier de ces passages,
Act., il, 9, le Pont est cité avec plusieurs autres pro-
vinces d'Asie Mineure, la Cappadoce, l'Asie procon-
sulaire, la Phrygie et la Pamphilie, dans la longue liste
541
PONT — POOLE
542
des contrées d'où un certain nombre de Juifs étaient
venus à Jérusalem, pour célébrer la première Pentecôte
qui suivit la mort de Notre-Seigneur et qui fut témoin
de la descente du Saint-Esprit sur l'Église naissante.
Dans le second texte, Act., xvm, 2, nous apprenons
qu'Aquila, le célèbre ami et collaborateur de saint Paul,
était originaire de cette contrée. Enfin, la première
Épitre de saint Pierre est adressée simultanément aux
chrétiens « du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de
l'Asie et de la Bithynie ». D'après le sentiment général
des critiques, le livre des Actes et la i a Pétri furent
composés vers l'an 63 de notre ère ; mais le premier
des trois textes signalés se rapporte à peu près à l'an 30,
et le second, relatif au décret par lequel Claude exila
les Juifs de Rome vers 50, nous ramènent quelques an-
nées plus haut. Or, le résumé historique qui précède a
montré qu'au I er siècle de notre ère le mot Pont pouvait
recevoir deux significations distinctes, selon qu'on l'ap-
pliquait au royaume de Polémon II, ou à la province
d'après le Nouveau Testament, il y fut introduit beau-
coup plus tôt.
Voir Marquardt, i?omisc/ie Staatsvenvallung, 2 in-8»,
Leipzig, 1873, p. 192-216; E. Meyer, Geschichle des
Kônigreichs Pontus, in- 8°, Leipzig, 1879; E. Reclus,
Nouvelle géographie universelle, t. ix, L'Asie anté-
rieure, in-4°, Paris, 1884, p. 555-562; Rollin etFeuardent,
Trois royaumes de l'Asie Mineure : Cappadoce, Bithy-
nie, Pont, in-8», Paris, 1888; Th. Reinach, Mithridate
Eupator, roi du Pont, in-8», Paris, 1890; W. Ramsay,
Historical geography of Asia Minor, in-8°, Londres,
1890; Id., The Church in the Roman Empire, in-8",
Londres, 1893. L. Fili.ion.
. 2. PONT (grec : ysçupoûv; Vulgate : pons), construc-
tion jetée au-dessus d'un cours d'eau, pour permettre
de le traverser (fig. 122). Il n'en est question que dans un
seul passage, II Mach., xn, 13, et encore ne s'y agit-il pas
\ de pont propremenV àW.NoVc Ç*se«\!&, X. w, w\. '?5>\.
122. — Construction d'un pont par les Assyriens pour passer une rivière. D'après Gates of Balawat, pi. 74.
romaine Bithynia et Pontus. Mais la plupart des com-
mentateurs supposent à bon droit que, dans nos trois
passages, le nom du Pont semble avoir été. employé
d'une manière toute générale, sans allusion aux diverses
péripéties de l'histoire du pays et aux vicissitudes de
son territoire.
Nous manquons de détails sur l'évangélisation du
Pont. Elle eut lieu sans doute sous l'influence de saint
Paul et de ses disciples. Le pays n'était pas directement
sur la route des premiers prédicateurs. Le fait que saint
Pierre compte le Pont parmi les destinataires de sa
I« Épître suppose qu'il y avait alors dans cette contrée
des Églises ferventes, entièrement constituées. Voir
surtout I Pet., v, 1-7. D'après quelques auteurs, le
prince des Apôtres les aurait connues personnellement ;
mais, selon l'opinion générale, il parait peu probable
qu'il soit allé jusque-là. Voir Pierre (Saint), t. iv,
col. 370. Dans sa lettre si célèbre à Trajan, qui date de
l'année 112, Pline le jeune atteste, Epist., 96, qu'il y
avait alors un nombre considérable de chrétiens dans la
province Bythinia et Pontus, dont il était le gouver-
neur : à tel point, dit-il, que les temples païens étaient
déserts et les sacrifices interrompus en divers lieux.
Quelques apostats prétendaient même avoir abandonné
la religion chrétienne 25 ans auparavant. Ce dernier
traitfsuppose que le christianisme avait pénétré dans la
région au moins vers l'an 87; mais nous avons vu que,
PONTIFE, grand-prêtre des Juifs. La Vulgate appelle
souvent le grand-prêtre pontifex dans les livres histo-
riques de l'Ancien Testament et dans l'Évangile de
saint Jean. Voir Grand-Prêtre, t. in, col. 295. Dans
l'Épitre aux Hébreux, v, 5, etc., Jésus-Christ est appelé
le pontife, âpxiepev?, de la loi nouvelle.
POOLE ou POLE (en lalin Polus) Matthew, né à
York en 1624, mort à Amsterdam le 12 octobre 1679. Il
se rattachait par son père aux Pôles ou Pools de
Spinkhill en Derbyshire. Après avoir pris ses degrés
universitaires à Cambridge, il exerça le ministère pas-
toral dans la paroisse presbytérienne de S. Michael-le-
Querne, mais il démissionna en 1662 aussitôt après le
vote de VUniforniity Act. Ce fut alors que, plus libre
de son temps, et à l'instigation de William Lloyd qui
devait être plus tard évêque anglican de Worcester, il
écrivit la Synopsis Criticorum. aliorumque Sacrx
Scriptural lnterpretum, le travail le plus important
d'une active carrière. Il puisa largement aux sources
rabbiniques et catholiques, affirment ses biographies;
il emprunta peu de chose à Calvin et rien à Luther.
Le premier volume parut, in-f°, en 1669, le 2 e en 1671,
le 3 e en 1673, le 4« en 1674, le 5* en 1676. — A l'époque
de ce que les protestants appellent le Popish Plot,
comme son nom fut mêlé incidemment aux déclara-
tions ultra-fantaisistes de Titus Oates, Poole crut devoir
543
POOLE
PORC
544
se réfugier â Amsterdam on il mourut. — Une 2 e édi-
tion de la' Synopsis, 5 in-f°, fut publiée à Francfort en
1679; une 3 e édition à Utrecht en 1684; une 4» à Franc-
fort en 1694 (toujours en 5 in-f°), augmentée d'une vie
de l'auteur, une 5 e à Francfort en 1709, 6 in-f°, grossie
d'un commentaire sur les Apocryphes (deutérocanoni-
ques). L'ouvrage fut mis à l'Index le 21 avril 1693. —
Poole mourut avant d'avoir pu terminer ses Annota-
tions on the Holy Bible qu'il n'eut le temps de pousser
que jusqu'au chapitre lviii d'Isaïe. Le travail fut achevé
par d'autres presbytériens et publié en 2 in-f°, 1683. Il
a été souvent réimprimé. La dernière édition, 3 in-8°,
a paru en 1840. — Voir S. Lee, Dictionary of national
Biography, t. xlvi, 1896, p. 99. J. Montagne.
PORC (bébreu : hâzïr, le humsiru assyrien ; Sep-
tante : x°4>°!> 3î; Vulgate : porcus, sus), mammifère de
l'ordre des bisulques, à pied fourchu et à doigts pairs;
c'est le type des porcins (%. 123). — Le porc est surtout
remarquable par sa voracité, qu'on exploite pour l'en-
graisser. Il se nourrit de glands et de fruits sauvages.
Guidé par son odorat très tin, il fouille la terre de son
._Si^
123. — Le porc.
boutoir pour y chercher les larves d'insectes, les ra-
cines et les tubercules. Tous lesdétritus lui sont bons,
et, pour les trouver, il se vautre dans toutes les fanges.
Il lui arrive de dévorer ses petits et même parfois de
jeunes enfants. 11 vit jusqu'à 20 ans, et, chaque année,
la truie a deux portées de 12 à 15 petits chacune. La
chair du porc fournit un aliment substantiel, mais de
digestion un peu difficile. Dans les pays chauds, elle
devient aisément malsaine.
1° L'usage de la viande de porc était interdit aux
Israélites. Lev., xi, 7; Deut. r xiv, 8. Cf. Tacite, Hist., v,
4; Juvénal, Sat., xiv, 98; Macrobe, il, 4. Cette prohibi-
tion ne leur était pas spéciale. En Egypte, le simple
contact du pourceau rendait impur. Cependant, à la
pleine iune, il était permis d'immoler des porcs à
Osiris et à la Lune, et ensuite d'en manger, mais seule-
ment ce jour-là. Hérodote, il, 47. Les Égyptiens ne lais-
saient pas d'élever des porcs en grand nombre' (fig. 124);
quand les eaux du Nil se retiraient, ils lâchaient les
porcs dans les champs avant de les ensemencer; le pié-
tinement de ces animaux suffisait à tenir lieu de labour.
Hérodote, n, 14. Cf. Élien, Hist. animal, x, 16; Plu-
tarque, De hid., 8; Josèphe, Cont. Apion., h, 13.
L'abstention du porc était encore en vigueur chez les
Indiens, Élien, Hist. animal., xvr, 37; cf. 1. 1, col. 615;
chez les Arabes. Pline, H. N., vm, 78, dont la coutume
a été consacrée par le Coran, il, 168; v, 4; vi, 146;
xvi, 116; chez les Éthiopiens, Porphyre, De abstin., i,
14; chez les Phéniciens, Hérodien, v, 6, 21 ; voir ce-
pendant Lampride, Vil. Hêliogabal., 31, qui est d'un
avis contraire. Les Cretois s'en abstenaient également,
mais parce qu'ils considéraient le porc comme sacré.
Athénée, ix, 375. Les troglodytes ou les Chananéens qui
précédèrent les Hébreux en Palestine mangeaient le
porc ou l'offraient en sacrifice. On a retrouvé dans les
cavernes de l'époque néolithique, à Gazer, les ossements
de ces animaux. Cf. Revue biblique, 1904, p. 428. Les
ossements de porcs qui abondent dans le haut -lieu néo-
lithique de Gazer, donnent même à penser que le porc
était une victime préférée dans l'ancien culte chana-
néen, ce qui expliquerait encore la prohibition absolue
de l'usage du porc par la loi mosaïque. Cf. Vincent,
Canaan, Paris, 1907, p. 188, 202. Tacite, Hist., v, 4, se
fait l'écho d'une fable, quand il prétend que les Israé-
lites s'abstenaient du porc à cause d'une lèpre dont ils
auraient été atteints et à laquelle le porc est sujet. Por-
phyre, De abstin., i, 14, prend l'effet pour la cause,
quand il dit que les Phéniciens et les Juifs ne man-
geaient pas de porc parce qu'il ne s'en trouvait pas
dans leurs pays. Les raisons qui avaient déterminé le
législateur des Hébreux étaient à la fois d'ordre moral
et d'ordre hygiénique. Voir t. i, col. 617, 620. Cf. S. Jé-
rôme, Adv. Jovin., n, 6, t. xxm, col. 291. L'abstention
de la chair de porc demeura l'une des caractéristiques
du peuple juif. Cf. Philon, De concupiscent., 4-9, édit.
Mangey, t. il, p. 352-355; Juvénal, Sat., vi, 160; xrv,
124. — Porcher et troupeau de porcs en Egypte.
D'après Wilkinson, Manners, t. n , p. 100.
98; Cassel, De Judœorum odio et abstinenlia a por-
cina ejusque causis, Magdebourg, 1740.
2° Les prescriptions de la loi ne furent pas toujours
suivies par les Israélites. Isaïe, lxv, 4, parle de ceux
qui, de son temps, mangeaient de la chair de porc et
des mets impurs, dans des cachettes où ils se retiraient
la nuit. Il décrit ce que se passait dans les jardins ido-
lâtriques, où, à l'exemple de celui qui présidait l'assem-
blée, chacun mangeait de la chair de porc et d'autres
choses abominables. Is., lxvi, 17. — A l'époque macha-
béenne, les persécuteurs des Juifs entreprirent de leur
imposer la transgression de la loi mosaïque au sujet
du porc. Pour profaner le sanctuaire, le roi Antiochus
Epiphane ordonna, sous peine de mort, d'y offrir en
sacrifice des pourceaux et d'autres animaux impurs.
Beaucoup de Juifs se soumirent à cet ordre. I Mach., i,
50, 55. Il voulut anssi obliger les Juifs fidèles à man-
ger la viande de porc, et il la taisait introduire de force
dans la bouche de ceux qui résistaient. Il Mach., vi, 18.
Le docteur Éléazar donna à cette occasion un admirable
exemple de droiture de conscience et de fermeté.
II Mach., vx, 18-31; voir Eléazar, t. h, col. 1652. Sept
frères et leur mère subirent ensuite courageusement Je
martyre, plutôt que de manger de la chair de porc.
II Mach., vu, 1-41. Sous Caligula, le préfet d'Egypte,
Flaccus, obligeait les femmes juives à manger de la
chair de porc en plein théâtre. Philon, In Flacc, 11,
t. n, p. 529-531. Par la suite, les Juifs ne furent pas
toujours aussi intransigeants dans leur répulsion pour
la chair de porc. Cf. Drach, De l'harmonie entre
l'Église et la synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 265, 266.
3» L'horreur dont le porc était l'objet parmi les Israé-
lites se manifeste en plusieurs passages de la Sainte
545
PORC — PORC-ÉPIC
546
Écriture. Pour marquer le mépris de Dieu à l'égard du
culte purement extérieur, Isaïe, lxvi, .3, dit : « Celui
qui présente une oblalion offre du sang de porc, » c'est-
à-dire celui qui présente à Dieu une oblation sans
l'accompagner de sentiments intérieurs lui est aussi
odieux que s'il offrait du sang de porc. La femme qui
a le don de la beauté, mais est dépourvue de sens, est
comparée à un anneau d'or au nez d'un pourceau. Prov.,
xi, 22. Anneau et beauté sont également mal placés.
Notre-Seigneur dit : « Ne jetez pas vos perles devant les
pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds. »
Matth., vu, 6. Les pourceaux désignent ici les hommes
grossiers, uniquement préoccupés de plaisirs immondes
et de pensées terrestres. Ils n'apprécieraient pas, ils
mépriseraient, ils profaneraient la doctrine évangé-
lique et les biens spirituels, représentés par les perles.
Inutile donc de les leur offrir. Pour indiquer le degré
d'abaissement où est tombé le tils prodigue, Notre-
Séigneur dit qu'on l'envoya garder les pourceaux. Luc,
xv, 15. Les docteurs interdisaient aux Juifs d'être gar-
diens de pourceaux. Baba kama, vu, 7; Jerus. Scheka-
125. — Tuile de la Legio X' avec l'emblème du sanglier.
lirn, f. 47, 3. Mais le fils prodigue n'est plus dans son
pays; il est tombé si bas qu'il est devenu étranger à sa
famille et à sa nation. Enfin, saint Pierre, parlant des
faux docteurs qui, après avoir connu la vérité, enseignent
le mensonge, leur applique le proverbe : « La truie vau-
trée s'est lavée dans le bourbier. » II Pet., Il, 22.
Horace, Ep., I, il, 26, dit de même, en unissant ensemble,
comme l'Apôtre, le chien et la truie :
Vixisset canis immundus, vel arnica luto sus.
Sur le hâzir de Ps. lxxx (lxxxix), 14, voir Sanglier.
4° Lorsque le Sauveur vint aux pays des Géraséniens
(voir t. m, col. 204), et qu'il eut guéri un possédé dont
le démon disait s'appeler « légion » (voir t. m, col. 159),
pour indiquer que les esprits mauvais se trouvaient là
en grand nombre, ces esprits demandèrent à être envoyés
dans un troupeau de deux mille pourceaux qu'on fai-
sait paître dans le voisinage. Le Sauveur le leur permit.
Aussitôt les pourceaux, sous l'influence des démons, se
précipitèrent du haut de la colline à pic dans le lac de
Tibériade et y périrent tous. Matth., vm, 30-34; Marc,
v, 9-20; Luc, vm, 30-39. Les évangélistes ne disent pas
à qui appartenait ce nombreux troupeau. Que, contrai-
rement à l'esprit de la Loi, il ait appartenu à un
Juif, qu'il ait été gardé par des porchers juifs, ou bien
qu'il ait eu pour propriétaire et pour gardien des étran-
DICT. DE LA BIBLE.
gers, Notre-Seigneur, qui commandait aux démons,
n'en était pas moins le maître d'agir comme il le fit.
Le troupeau, il est vrai, n'était pas en terre juive. Son
voisinage n'en constituait pas moins une tentation ou
une sorte de défi à l'égard des Israélites de l'autre rive
du lac. Du reste, la perte était compensée par la sécu-
rité rendue à la localité; car auparavant la fureur des
possédés rendait le chemin impraticable. Matth., vin,
28. — On a retrouvé à Jérusalem des tuiles portant
l'estampille de la Legio X» Fretensis, qui, sous l'empe-
reur Hadrien, campa à Gadara, non loin du pays des
Géraséniens. Plusieurs de ces tuiles portent comme
emblème un porc ou plutôt un sanglier (fig. 125). Cette
représentation ne constitue pas, comme on l'a cru un
moment, cf. Revue archéologique, 1869, t. xx, p. 259,
une insulte à la nation juive ; car l'emblème du san-
glier appartenait à plusieurs légions. Encore moins
faut-il songer à chercher une relation quelconque entre
la a légion » des démons se précipitant dans les porcs,
et la Legio Fretensis ayant le porc ou le sanglier pour
emblème. A l'époque évangélique, la X a légion campait
en Espagne; elle ne vint en Judée que pour la cam-
pagne de Vespasien. Tacite, Hist., v, 1. Cf. Revue
biblique, 1900, p. 101-105. H. Lesêtre.
PORC-ÉPIC, mammifère de l'ordre des rongeurs,
qui, en dépit de son nom, n'a rien de commun avec le
126. — Le porc-épic.
porc, et se rapproche plutôt des lapins par sa taille et
ses habitudes (fig. 126). Il est très inoffensif, malgré les
piquants raides et aigus dont son corps est couvert. Ces
piquants sont creux comme les tuyaux d'une plume,
clairsemés et assez peu adhérents à la peau pour tomber
souvent quand l'animal fait des mouvements brusques.
Le porc-épic vit dans des terriers profonds. Il en sort
la nuit pour chercher les graines, les racines, et même
parfois les œufs et les petits oiseaux dont il se nourrit.
— Le porc-épic n'est pas nommé dans la Sainte Écri-
ture, bien que certains auteurs le croient désigné par
le mot qippôd, comme le hérisson, avec lequel ses
piquants lui donnent quelque ressemblance. Voir
Hérisson, t. m, col. 609. Pourtant l'espèce hystrix
cristata est fort commune en Palestine, dans les régions
rocheuses et dans les gorges des montagnes. Elle
abonde dans le voisinage de la mer Morte, dans la
vallée du Jourdain et dans tous les endroits où les
fentes des rochers peuvent lui ménager un abri. Le
porc-épic n'a pas besoin d'eau; il peut vivre par con-
séquent là où presque aucun autre mammifère serait
incapable de résider. Il reste à dormir pendant l'hiver,
et, le reste du temps, ne sort que la nuit. Aussi ne le
rencontre-t-on pas vivant, excepté quand les Arabes
réussissent à s'emparer de lui dans sa retraite. Celle-ci
se reconnaît aux empreintes de pattes et au grand
■V. - 18
547
PORC-EPIC
PORTE
548
nombre de piquants qui jonchent le sol ; mais elle est
bien trop enfoncée dans les fissures du rocher et bien
trop étroite pour être accessible. Les Arabes n'ont pas
trouvé le moyen de faire sortir le porc-épic de sa for-
teresse. Sa chair est très estimée pour sa délicatesse, et
ses piquants sont un objet de commerce à Jérusalem.
Pour s'en emparer, on chasse l'animal pendant la nuit,
au moment où il regagne son gîte avant le lever du
soleil et on le met dans l'impuissance de s'échapper
en le frappant à coups de bâton. D'autres fois, on dis-
pose à l'entrée de son refuge des nasses de fil de fer.
Pour se défendre, le porc-épic se roule en boule et
darde ses piquants contre les assaillants qui ne peuvent
l'atteindre sans se blesser cruellement. Cf. Tristram, The
natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 125.
Y\ r pcÈ'T'Rir
PORFlRIANUSouPORPHYRIANUS(CODEX).
Ce manuscrit, ainsi appelé du nom de son ancien
possesseur, fut d'abord étudié et publié par Tischendorf
dans ses Monumenta sacra inedita, t. v et VI, Leipzig,
1865 et 1869. Il se trouve maintenant à la Bibliothèque
impériale de Saint-Pétersbourg sous le numéro 225.
C'est un palimpseste en écriture onciale du ix" siècle;
il contient des fragments notables des Actes, desÉpîtres
de saint Paul et de l'Apocalypse, mais une assez grande
partie est à peu près illisible. L'écriture supérieure,
datant de l'année 1301, comprend les Actes des Apôtres
(315 act) et les Épîtres pauliniennes (474 paul); von
Soden lui attribue le symbole a 463. — A cause de son
état fragmentaire et de sa lecture difficile, le Porfiria-
nus n'a été que peu utilisé par les critiques; son texte
est d'ailleurs, au jugement de Hort, d'un type relative-
ment récent. Le Porfirianus est désigné en critique
par la lettre P, par le sigle a 3 dans la notation nou-
velle de von Soden. — Voir Scrivener, Introduction,
¥ édil., Londres, 1894, t. i, p. 172-173; Gregory,
Textkritik des neuen Testaments, Leipzig, t. i, 1900,
p. 102-103; von Soden, Die Schriften des neuen Tes-
taments, Berlin, t. i, 1902, p. 216. F. Phat.
PORPHYRION, oiseau de l'ordre des échassiers
macrodactyles, appelé aussi poule sultane. Peu différent
127. — Le porphyrion.
delà poule d'eau, le' porphyrion est originaire d'Afrique
et se fait remarquer par la belle couleur bleue de son
plumage, sur lequel se détachent un bec rouge et des
pattes rougeâtres (ftg. 127). — Les Septante ont traduit
une fois par îtopçupiMv le mot tinSémét, qui désigne
tantôt le caméléon, voir t. h, col. 90, tantôt un oiseau
impur, le phorphyrion, d'après les Septante, le cygne,
d'après la Vulgate, Lev., xi, 18, l'ibis, d'après les deux
versions. Deut., xiv, 16. Voir Ibis, t. m, col. 801. Il est
impossible de déterminer quelle est l'espèce visée par
le législateur. Le porphyrion est commun sur le Nil
et près des marais de la Palestine. Il se nourrit de
toutes sortes de proies et, à ce titre, méritait de prendre
place parmi les oiseaux impurs. Cf. Tristram, The na-
tural history of the Bible, Londres, 1889, p. 250.
H. Lesêtre.
PORREAU. Voir Poireau, col. 489.
PORTE (hébreu : dâldh, délét,môsd,pé(ah, tôUd'ôt,
sa'ar; chaldeen : tera'; Septante : 6-jpa, itilr\, itvXiov,
128. — Porle antique. Ptolémaïue. Musée judaïque du Louvre.
èEiôo;; Vulgate : janua, porta, valva, ostium, fores),
ouverture ménagée pour pénétrer dans une enceinte.
Cette ouverture se compose d'une partie fixe, compre-
nant le seuil, les montants et le linteau, et d'uneparlie
mobile pivotant sur des gonds. Voir Gonds, t. 711,
col. 275. La partie mobile peut être d'une seule pièce,
s'articulant sur l'un des montants de la porte (%. 128),
ou de deux pièces dont chacune s'articule sur un
montant et dont la réunion clôt l'ouverture. Dans ce
second cas, la porte est désignée par un mot au duel,
delâtayim, ou au pluriel, deldfôf, fores, à cause de ses
deux battants (fig. 131). Le nom de porte convient d'ail-
leurs soit à la partie fixe de l'ouverture, soit à la partie
mobile, soit à l'ensemble.
I. Dans le sens propre. — 1° Différentes espèces
de portes. — Les écrivains sacrés font mention des
portes : 1. du Tabernacle, Exod., xxxv, 17 ; XL, 12, etc. ;
— 2. du Temple, III Reg., vi, 31; IV Reg., ïii, 9;
II Par., xxvm, 24; Ezech., vm, 5;x, 19; xli, 24;xliii,
549
PORTE
550
11; Mal., i, 10; Ps. xxiv (xxm), 7; cxvni (cxvn), 19,
20; II Mach., vm, 33; Act., xxi, 30; etc.; voir Temple,
— 3. des chambres du Temple, Ezech., xl. 38; xlii,
11; I Mach., iv, 57; — 4. des temples païens, Bar., vi,
17; Dan., xiv, 10; — 5. du camp Israélite, Exod.,
xxxn, 26, 27; — 6. des villes, Deut., m, 5; Jos., u, 5,
^m
129. — Porte avec g' ii 1^ il i rmeture d'un modèle de maison
égyptienne. Brltish Muséum. D'après Wilkinson, Manners and
customs of the anc. Egyptians, t. i, flg. 117, n. 2, p. 351.
7; vi, 26; Jud., xvi, 3; I Reg., xxm, 7; III Reg., xxn,
10; IV Reg., vu, 1; Judith, x, 6; Jer., xlix,31; Ezech.,
xlviii, 30; I Mach., xn, 38;'xin, 33; Act., xiv, 12, etc.;
— 7. de Jérusalem, Ezech., xxvi, 2;IIEsd.,xni,19, etc.;
voir Jérusalem, t. m, fig. 240-242, col. 1364-1365; —
— 8. des maisons, Jud., xi, 21; Prov., v, 8; Marc, h,
2; Luc, xvi, 20; Act., x, 17, etc.; — 9. des chambres,
Jud., m, 23-25; — 10. des palais de Joseph en Egypte,
Gen., xliii, 19, de David à Jérusalem, II Reg., xi, 9;
xv, 2; du roi de Babylone, Dan., n, 49; du roi des
Perses à Suse, Esth., n, 19; 21 ; iv, 2; v, 9, 13; vi, 10;
de Caïphe, Matth., xxvi, 71; — 11. des lours, Jud., ix,
130. — Porte égyptienne.
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 123, p. 355.
51; II Mach., xiv, 41; — 12. des prisons, Bar., vi, 17;
Act., v, 19, 23; xvi,26, 27; — 13. des tombeaux, Matth.,
xxvii, 60; Marc, xv, 46; — 14. du jardin, Dan., xm,
17; — 15. delà bergerie, Joa., 3, 1; — 16. de la four-
naise, Dan., m, 93. — 17. de la ferme, Marc, xi, 4.
2» Agencement des portes. — 1. Les portes des villes
étaient de bois et formées de deux battants assujettis
à l'intérieur par des barres. Voir t. i, fig. 453, col. 1468.
La porte de Gaza, que Samson enleva pendant la nuit,
avait chaque battant fixé à un poteau, jud., xvi, 3. Les
villes qui possédaient des portes et des barres pouvaient
se défendre et garder des prisonniers. 1 Reg., xxm, 7.
Celles qui n'avaient ni portes ni barres étaient à la
merci des assaillants. Jer., xlix, 31. Quand la ville
était entourée de murailles assez épaisses, on pouvait
ménager au-dessus de la porte une chambre de garde.
131.
— Portes égyptiennes fermées. Celle de gauche est close
avec des verrous.
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 121, p. 353.
II Reg., xviii, 24, 33. Dans les sièges, on attaquait les
portes parla cognée et par le feu et ensuite on renver-
sait les montants qui les soutenaient. Lam., i, 4. — 2.
Les portes du Temple de Salomon étaient fixées à des
poteaux en bois d'olivier sauvage engagés dans la mu-
raille; les battants se composaient de deux panneaux
i ^^^i-^AtXni J1ZW&, ■> ',i
?£Am.-,gilûi S'-vg^F
132. — Porte égyptienne avec ornements et inscriptions.
D'après Wilkinson, Manners, 1. 1, flg. 124, p. 356.
en bois de cyprès, qui pouvaient se replier l'un sur
l'autre. III Reg., VI, 34; Ezech., xli, 24. Les Chaldéens
brûlèrent ces portes. IV Reg., xxv, 9. Cf. Ps. lxxiv
(lxxiii), 3-7. Les portes du second Temple eurent le
même sort. II Mach., vm, 33. — 3. Les portes des mai-
sons et des chambres étaient aussi de bois, quelque-
551
PORTE
552
fois de bois de cèdre. Cant., vm, 9. Les monuments
égyptiens nous ont conservé la représentation d'un
grand nombre de portes. Le British Muséum possède
le modèle d'une petite maison avec sa porte roulant
sur des gonds (fig. 129). Voir Wilkinson, Manners,
2° édit., 1. 1, fig. 117, p. 351. Les portes avaient naturelle-
ment différentes formes (fig. 130), ibid., fig. 123, p. 355,
et fermaient de diverses manières (fig. 131 ). Ibid., fig. 121,
p. 353. Quelques-unes étaient très ornées (fig. 132).
Ibid., fig. 124, p. 356. Quelquefois elles portaient un
nom (fig. 133), ibid., fig. 115, n° 1, p. 346) ou Une ins-
cription (fig. 134). Ibid., fig. 134, p. 362. Cf. Deut., xx,
5. Les portes des maisons de Pompéi avaient générale-
ment plusieurs battants, deux, trois et même quatre.
Elles étaient divisées en panneaux et ornées de clous
à grosse tête. Cf. H. Thédenat, Pompéi, Paris, 1906,
t. i, p. 58. — 4. Les portes des tombeaux étaient souvent
de pierre plus ou moins ornée. Voir t. m, fig. 41,
c
133. — Porte égyptienne, avec le nom de Remenkoprou
(Thotmès III).
D'après 'Wilkinson, Manners, 1. 1, fig. 115, p. 346.
col. 205; fig. 56, col. 275. Cf. t. îv, fig. 392, 393, col. 1449,
1450. D'autres fois, une simple, dalle fermait la porte.
Voir t. m, fig. 268, col. 1478. — 5. Les portes de ber-
gerie ne consistaient guère que dans une sorte de
clayonnage suffisant pour arrêter les bêtes fauves. Voir
t. il, fig. 611, col. 1987. — 6. Les portes de métal
étaient plus rares. Il est probable qu'on s'en servait
pour fermer les fournaises. Dan., ni, 93. Dans les pri-
sons, où il fallait des fermetures particulièrement so-
lides, on mettait des portes très épaisses. A Jérusalem,
la porte extérieure était de fer. Act., xn, 10. — 7. La
partie fixe des portes de temple, de palais ou de ville
recevait une ornementation particulière en rapport
avec sa destination. Voir t. i, fig. 68, col. 312 (égyp-
tienne); t. h, fig. 246, col. 668 (assyrienne); fig. 587,
col. 1845 (grecque), etc.
3° Usage des portes. — 1. La porte tourne sur ses
gonds, Prov.,xxvi,14. On l'ouvre, Jud., xix, 27; IV Reg.,
ix, 3; Act., xii, 14; Apoc., m, 20, ou on la ferme. Gen.,
xix, 10; Il Reg., xm, 17, 18; IV Reg., rv, 4, 5, 21, 33;
Matth., xxv, 10, etc. Pour la fermer, on la fixe avec des
barres, voir Babre, t. i, col. 1468, ou avec une clef qui
peut être manœuvrée du dehors. Voir Clef, t. n,
col. 800. Quant on veut être seul, à l'abri des dangers
extérieurs, Is., xxvi, 20, pour prier, .Matth., vi, 6, ou
pour se reposer, Luc, xi, 7; xm, 25, on ferme la porte
sur soi; car d'ordinaire, elle restait ouverte, parce que
c'était seulement par la porte qu'entrait la lumière
dans les maisons les plus communes. Pour se faire
ouvrir du dedans, on frappe à la porte. Jud., xix, 22;
Act., xn, 13; Apoc, m, 20. — 2. Chez le roi Achis, à
Geth, David, contrefaisant le fou, se heurtait contre les
battants des portes, d'après la Vulgate (hébreu) : « il
faisait des marques. » I Reg., xxi, 13. La porte était
souvent assez légère ; écouter à la porte ce qui se disait
à l'intérieur était une grossièreté. Eccli., xxi, 17.
L'homme bien élevé s'arrêtait à la porte, même quand
elle était ouverte; l'insensé entrait rapidement et se
courbait dès la porte pour voir à l'intérieur. Eccli.,
xxi, 15, 16. — 3. La Loi ordonnait de placer sur la
porte de la maison certains textes sacrés. Deut., vi, 9;
xi, 20. Voir Mezdza, t. rv, col. 1057. Isaïe, lvii, 8, re-
proche à celle qui veut _se conduire mal de reléguer
derrière la porte et les poteaux son zikkarôn, « mé-
morial », c'est-à-dire probablement sa mézuza, qui lui
rappelle la loi de Dieu, ou, selon d'autres, ses amu-
lettes idolâtriques, qu'elle veut dérober aux regards. —
4. Quand un esclave voulait rester pour toujours au
Porte égyptienne avec l'inscription
r Belle maison. »
D'après Wiliinson, Manners, t. i
Pinofir,
fig. 134, p. 362.
service de son maître, celui-ci devait lui percer l'oreille
contre la porte de la maison. Deut., xv, 17. Voir
Oreille, t. iv, col. 1857. C'est devant la maison de son
père qu'on lapidait la jeune femme que son époux
n'avait pas trouvée vierge. Deut., xxn, 21. L'exécution
ainsi faite entraînait une sorte d'infamie pour le père
qui n'avait pas su garder sa fille et l'avait accordée en
mariage sans savoir son état ou sans vouloir en tenir
compte. — 5. A l'époque des Machabées, on brûlait de
l'encens aux portes des maisons, en signe d'adhésion
au culte idolâtrique. I Mach., l, 58.
3° Les portes de la ville (fig. 135). — 1. EIIés étaient
le lieu le plus passager à cause des entrants et des sor-
tants. De plus, il était rare que les villes anciennes
eussent des places spacieuses. Dans les villes entourées
de murs, on utilisait pour les constructions tout l'es-
pace disponible, afin de réduire au minimum la lon-
gueur de l'enceinte à défendre. Le lieu de réunion le
plus commode et le plus fréquenté était donc la porte
de la ville. Là se tenaient les oisifs et les curieux, qui
voulaient se distraire ou s'informer. Lot était assis à la
porte de la ville de Sodome quand les deux anges y arri-
vèrent. Gen., xix, 1. C'est là qu'on devisait sur le compte
des uns et des autres. Ps. lxix (lxviii), 13. Jérémie,
xvii, 19, reçoit l'ordre d'aller faire entendre ses oracles
à la porte de la ville, pour qu'ils soient entendus des
rois et des fils du peuple. On y tenait des marchés,
IV Reg., v, 1, et, dans les temps d'idolâtrie, des hauts-
lieux, c'est-à-dire de petits sanctuaires d'idoles, sur-
montaient les portes, pour rappeler à tous le culte en
honneur. IV Reg., xxiii, 8. La sagesse est représentée
553
PORTE
554
comme instruisant et invitant les hommes à la porte
de la ville, Prov., i, 21; vm, 3; ix, 14, tandis que l'in-
sensé était incapable de s'y faire entendre. Prov., xxiv,
7. On amenait les malades à Notre-Seigneur à la porte
des villes. Marc, i, 33. — 2. La porte de la ville cor-
respondant en Orient à l'àfopdc grecque et au forum
romain, on y passait les contrats, Gen., xxm, 18, et là
se réunissaient les anciens auxquels on soumettait les
affaires litigieuses. Deut., xxn, 15. On y faisait la re-
nonciation 'publique au droit du lévirat. Deut.,xxv, 7;
Ruth, iv, 11. Voir Lévirat, t. iv, col. 214. Dans le pays
de Job, on écrasait à la porte, sans que personne les
défendit, les fils de l'insensé, c'est-à-dire qu'on laissait
à l'abandon et que l'on vouait au mépris la race de
l'impie. Job, v, 4. Job lui-même venait siéger à la porte
de la ville, sur la place publique, et se faisait vénérer
de tous, parce qu'il prenait en main la cause de tous
les infortunés, n'avait d'autre règle que celle de la jus-
tice et réduisait l'injuste au silence et à l'impuissance.
Job, xxix, 7-17. Il n'eût jamais profité de la faveur d'un
juge pour accabler le faible. JoB, xxxi, 21. Il est re-
commandé de ne pas opprimer le malheureux à la
royale, parce que la porte donne accès au siège de cette
puissance. Chez les Perses, al 8jpas, « les portes, » dési-
gnaient la cour, Xénophon, Cyroped,, I, m, 2, et dans
l'inscription de Behistoun, col. n, 13, Darius emploie
le terme duvarayâmai, « dans ma porte ». L'usage du
mot « porte », pour parler de la puissance souveraine,
s'est conservé en Turquie, « la Porte », comme ailleurs
l'usage des mots « cour, chambre, cabinet », etc., qui
indiquent une autorité par le nom de l'endroit où elle
s'exerçait jadis. En ce sens doivent s'entendre les pa-
roles de Notre-Seigneur, déclarant que « les portes de
l'enfer ne prévaudront pas contre son Église». Matth.,
xvi, 18. Ces portes de l'enfer ne sont autre chose que
la puissance satanique qui sans cesse attaquera l'Église
sans jamais pouvoir triompher d'elle.
II. Dans le sens figuré. — 1° Les écrivains sacrés
assimilent à une porte tout ce qui peut permettre ou
empêcher un accès. Le» portes du pays sont les endroits
par lesquels les ennemis peuvent l'envahir. Jér., xv, 1;
Nah., m, 13. Le Seigneur ouvre devant Cyrus toutes les
portes des nations, afin qu'il s'en rende maître. Is.,xlv,
4. — Le rivage est comme une porte qui enferme la
ixyïv. îob v xxxvui, 8, 10. Le ciel s'ouvre comme une
135. — Portes assyriennes.
D'après Smith, Dict. of the Bible, t. r, au mot Gâte, et Layard, The Monuments of Nineveh, part. I, p.
l'époux de la femme forte siège avec honneur parmi
les anciens du pays. Prov., xxxi, 23. Isaïe, xxix, 21,
s'élève contre ceux qui tendent des pièges à l'homme
juste qui les confond à la porte et le perdent par leurs
mensonges. Amos, v, 10, 12, 15, constate la haine dont
les oppresseurs du peuple poursuivent les hommes in-
tègres à la porte, et le tort qu'ils y font aux justes et
aux pauvres; il veut que le droit y règne. Après la
prise de Jérusalem, les vieillards ne purent continuer
de se réunir à la porte. Lam., v, 14. — 3. Quand les
jugements étaient rendus, c'est encore à la porte de
la ville qu'on exécutait les sentences. On y lapidait.
Deut., xvii, 5; xxn, 24. Le Sauveur fut mis en croix à
la porte de Jérusalem. Heb., xm, 12. A Suse même,
Aman fut pendu à la porte de la ville. Esth., xvi, 18.
— 4. Par extension, les portes sont prises pour les
villes elles-mêmes. L'expression « dans tes portes »,
qui revient si souvent, surtout dans le Pentateuque,
.signifie « dans tes villes ». Deut., xii, 12; xiv, 27;xvn,
2, etc,; III Reg., vin, 37; II Par., vi, 28. Dieu affermit
les verrous des portes de Jérusalem, c'est-à-dire for-
tifie et protège la ville. Ps. cxlvh, 13. Les portes de
Sion gémiront, c'est-à-dire la ville sera plongée dans le
deuil. Is., m, 26. Rendre la justice dans ses portes,
c'est la rendre dans ses villes. Zach., vin, 16. II est
promis à Abraham que sa postérité possédera « la
porte de ses ennemis ». Gen., xxn, 17. La porte repré-
sente ici la puissance des ennemis, de même qu'elle
représente la fore; d'une ville, l'autorité qui s'exerce
à Ta porte et la ville elle-même. La « porte du roi »,
■dans Daniel, n, 49, fera' malkd', et dans Esther, m, 2,
3; rv, 2; v, 9, Sa'ar ham-mâlék, désigne la puissance
porte pour laisser tomber la pluie. Ps. lxxviii (lxxvii),
23. Jérusalem est la porte des peuples, Ezech., xxvi, 2,
toujours ouverte afin qu'on puisse par là arriver au sa-
lut promis. Is., lx, H, 18. Les portes du Liban sont
l'endroit par où l'incendie viendra dévorer les cèdres.
Zach., xi, 1. On appelle « porte du ciel » un lieu sanc-
tifié par une communication divine, Gen., xxvin, 17,
et l'accès même du ciel aperçu en vision, Apoc.,iv, l,et
« porte de la mort » ou « du schéol » toutes les causes
qui acheminent vers le tombeau. Job, xxxviir, 17;
Ps. ix, 15; cvii (evi), 16, 18; Is., xxxvm, 10; Sap., xvi,
3. — Par une figure plus hardie, on parle de la porte
du sein maternel, Job, m, 10, de la porte que forme la
gueule du crocodile, Job, xu, 6, et de la porte de? lè-
vres, à laquelle il faut mettre une garde sévère. Ps. cxli
(cxl), 3; Eccli., xxvm, 28. Dans le Cantique, vin, 9,
l'Épouse est comparée à une porte qu'on fermera avec
des panneaux de cèdre, c'est-à-dire qu'on défendra
contre toute tentative.
2» Différentes locutions proverbiales empruntent l'idée
de porte. Être à la porte de quelqu'un, c'est être tout
près de lui pour le menacer ou l'assister. Gen., iv, 7;
Matth., xxiv, 33; Marc, xm, 29; Apoc, m, 20. Veiller
ou écouter à la porte de la sagesse, c'est se montrer
attentif à ses enseignements. Prov., vm, 34; Eccli., xiv ,
24. User le seuil de la porte d'un homme sage, c'est
aimer à le fréquenter pour profiter de ses leçons et de
ses exemples. Eccli., vi, 36. Devant une pareille porte,
les impies eux-mêmes s'inclinent, c'est-à-dire sont forcés
de rendre quelque hommage à la vertu. Prov., xiv, 19.
Par contre, faire le guet à la porte du prochain indique
parfois des projets criminels. Job, xxxi, 9.
555
PORTE
PORTIER
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3° La « porte de la foi » est la facilité que Dieu mé-
nage aux hommes pour qu'ils se convertissent à l'Évan-
gile. Act., xiv, 26. Saint Paul aime à appeler « porte
ouverte » toute occasion favorable qui se présente à lui
d'annoncer Jésus-Christ. I Cor., xvi, 9; II Cor.,n, 12;
Col., iv, 3; cf. Apoc, m, 8. La « porte du salut », celle
qui mène à la vie éternelle, est une porte étroite par la-
quelle on ne passe pas sans de sérieux efforts. Matth., vu,
13; Luc, xiii, 24. — Notre -Seigneur déclare qu'il est
lui-même la porte qui donne accès dans la bergerie ; si
on entre par cette porte, on est sauvé. Joa., x, 9. Le
divin Maître, en effet, aide les âmes par sa grâce à
entrer dans l'Église et par l'Église dans le ciel. — 4° La
Jérusalem régénérée, image de la Jérusalem céleste, a
aussi des portes. Isaïe, liv, 12, dit qu'elles sont d'escar-
boucles. Voir t. n, col. 1907. Tobie, xiii, 21, les voit
« bâties de saphirs et d'émeraudes ». Saint Jean les dé-
crit avec détail. La Jérusalem céleste a douze portes,
portant chacune le nom d'une des douze tribus. Cha-
que porte est formée par une seule perle, enchâssée
dans les pierres précieuses qui forment la muraille.
Comme il n'y a point de nuit, il n'est pas nécessaire de
fermer ces portes. Apoc, xxi, 12, 21, 25. Sous ces
figures de pierres précieuses et de perles, les auteurs
sacrés veulent décrire les merveilles que Dieu opérera
dans son Église par la grâce et dans le ciel par la
gloire dont il environnera les saints.
H. Lesêtre.
2. PORTES DE JÉRUSALEM. Voir JÉRUSALEM, t. III,
col. 1364.
PORTIER (hébreu : sô'êr; chaldéen : tard' ; Sep-
tante : mjXtagôç, tlvpwpd;; Vulgate : janitor, ostiarius,
portarius), préposé à la surveillance d'une porte.
I. Portiers du Temple. — 1° Des prêtres et des lévites
avaient été chargés autrefois de tout ce qui concernait
le service du Tabernacle. Num., xvm, 4. Il y en avait
donc nalurellement parmi eux qui devaient veiller sur
la porte. Ce service, d'après l'institution de Samuel et
de David, comprenait 212 lévites. Ceux-ci se tenaient
aux quatre côtés du Tabernacle et avaient à l'ouvrir
chaque matin. La surveillance des chambres et des tré-
sors de la maison de Dieu rentrait dans leurs attribu-
tions. Quatre chefs les commandaient. Les portiers ré-
sidaient dans les villages environnants; mais un roule-
ment était établi entre eux pour faire à tour de rôle un
service hebdomadaire. Les portiers de semaine logeaient
auprès du Tabernacle. I Par., ix, 17-27. — Quand l'Arche
eut été transférée à Jérusalem, David adjoignit à Bara-
chias et Elcana, qui étaient portiers de l'Arche, deux
autres portiers, Obedédom et Jéhias. A ces fonction-
naires incombait la surveillance de l'entrée de la tente
qui abritait l'Arche. I Par., xv, 23, 24. Obedédom et
Hosa furent ensuite chargés de ce service avec 68 lévites.
I Par., xvi, 38. En vue du service du Temple projeté,
David régla que, sur les 24000 lévites chargés de rem-
plir les différents offices, 4000 seraient portiers. I Par.,
xxiii, 5. Ils étaient partagés en différentes classes, sous
les ordres de chefs appartenant à la descendance de
Coré et de Mérari. Le sort désigna les portes qu'ils
auraient à surveiller. A Obedédom échut le côté du
midi, et à ses fils la maison des magasins; à Séphim et
à Hosa le côté de l'occident; à Sélémias, le côté de
l'orient et à Zacharie le côté du nord. Quatre portiers
devaient être de garde chaque jour au midi, à l'occident
et au nord, six à l'orient, quatre aux magasins et deux
aux dépendances à l'occident, soit en tout vingt-quatre
pour chaque journée. I Par., xxvi, 1-19. Les 4000 lé-
vites chargés des portes se relayaient poiir ce service.
Ils passaient la nuit à leur poste et, pendant le jour,
surveillaient les entrées et les sorties. Chacun des
vingt-quatre postes occupait naturellement plusieurs
gardiens dans le cours d'une même journée, et il est
probable, quoique les textes ne le disent pas, que
chaque semaine l'effectif des portiers était changé.
Quand le Temple fût bâti, Salomon, se conformant aux
dispositions prises par son père, « distribua les por-
tiers à chaque porte d'après leurs classes, » c'est-à-
dire d'après l'attribution que le sort avait assignée à
chaque famille. II Par., vm, 14.
2» Sous Joas, le grand-prêtre Joïada eut à réorganiser
le service du Temple, en partie supprimé sous les
règnes précédents. Il rétablit des portiers aux entrées
du Temple, avec ordre de ne laisser entrer personne
qui eût quelque souillure. II Par., xxm, 19. — Sous
Ézéchias, le lévite Coré, gardien de la porte orientale,
était en même temps préposé aux dons volontaires et
chargé de distribuer aux prêtres, même en dehors de
Jérusalem, ce qui était offert au Seigneur. II Par., xxxi,
14. Les chefs des portiers étaient donc des personnages
considérables, ayant la responsabilité de services assez
délicats. — Sous Josias, les portiers recueillaient l'ar-
gent qu'on apportait pour la restauration du Temple
et le remettaient aux intendants. II Par., xxxiv, 9, 13;
IV Reg., xxn, 4. Ils furent chargés aussi de rejeter
hors du Temple tout le mobilier idolâtrique dont on
l'avait souillé. IV Reg., xxm, 4. A la Pâque solennelle
que Josias fit célébrer, il fut enjoint aux portiers de ne
pas quitter leur poste et des lévites furent chargés de
préparer pour eux la Pâque. II Par., xxxv, 15. — A la
prise de Jérusalem par les Chaldéens, le général vain-
queur prit un certain nombre de notables de la ville,
entre autres trois portiers, que Jérémie, xxxv, 4 ; lu,
24, appelle « gardes du seuil » ; il les conduisit à Nabu-
chodonosor, qui les fit mourir à Réblatha. IV Reg.,
xxxv, 18.
3° Après la captivité, 139 lévites portiers revinrent
avec Zorobabel. I Esd., n, 42, 70; II Esd., va, 46.
D'autres accompagnèrent Esdras un peu plus tard.
I Esd., vu, 7, 24. Trois d'entre eux avaient pris des
femmes étrangères et durent s'en séparer. I Esd., x,
24; II Esd., x, 28. Quand il fallut repeupler Jérusalem,
on compta 172 portiers qui s'y établirent. II Esd., xi,
19. A cette époque, les chefs des portiers du Temple
étaient au nombre de six. II Esd., xn,25. Les portiers
avaient part aux distributions des dîmes qui étaient
versées par les Israélites, et remplissaient leurs fonc-
tions conformément au règlement établi par David.
II Esd., xii, 44, 46 ; xm, 5. — Ézéchiel, xliv, 11, prévoit
aussi, dans son Temple idéal, des lévites chargés des
portes.
4° Dans le second Temple, il n'y avait plus que vingt
et un postes de gardiens, au lieu de vingt-quatre. Mais,
à chaque poste, dix lévites étaient de garde, et, chaque
nuit, 240 lévites et 30 prêtres veillaient sur le Temple.
Cf. Ps. cxxxin (cxxxiv); Tamid, i, 1; Middoth, i, 1;
Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 118. Un
fonctionnaire supérieur faisait des rondes nocturnes dans
le Temple, sous la surveillance d'un intendant spécial.
Cf. Schekalim, v, 1. D'après Josèphe, Cont. Apion., h;
9, vingt hommes étaient employés à la fermeture, et il fal-
lait les efforts de ces vingt hommes réunis pour ouvrir la
porte orientale du sanctuaire, qui était toute de bronze
et d'un poids énorme. Cf. Bell, jud., VI, v, 3. Les Juifs
prétendaient que la porte principale du Temple grin-
çait si fort quand on l'ouvrait, que le bruit s'en enten-
dait jusqu'à Jéricho. Cf. Tamid, m, 8. On ouvrait les
portes à la pointe du jour et on les fermait le soir à
son déclin. Pendant les fêtes de la Pâque, on les ou-
vrait dès le milieu de la nuit, cf, Josèphe, Ant. jud. r
XVIII, il, 2, et à la Pentecôte les prêtres venaient la
nuit pour remplir leurs fonctions. Cf. Bell, jud., VI,
v, 3; Yoma, i, 8. — Les portiers surveillaient aussi
ceux qui pénétraient dans le Temple et dans ses par-
vis. Ils laissaient pénétrer dans le premier parvis tous
ceux qui se présentaient, même les étrangers, mais non
557
PORTIER — PORTIQUE
558
les femmes en état d'impureté légale. Le parvis des
femmes n'était ouvert qu'aux Israélites et le parvis
d'Israël qu'aux hommes seuls, à l'exclusion de ceux et
celles qui n'étaient pas légalement purifiés. Cf.Josèphe,
Cont. Apion., n, 8. Les portiers ne remplissaient pas
toujours leur office avec le soin requis et beaucoup d'Is-
raélites trouvaient plus commode de traverser le grand
parvis que de contourner l'enceinte du Temple pour al-
ler du nord au sud de la ville. Notre-Seigneur intervint
pour défendre de transporter différents objets à travers
le Temple. Marc, xi, 16.
5° L'importance des portiers dans l'ancien Temple et
la nécessité de leur fonction ont déterminé l'Église à
instituer aussi des portiers parmi ses ministres. L'ordre
d'ostiarius est le moins élevé des ordres mineurs. Les
portiers avaient à veiller sur ceux qui entraient pour
assister aux réunions liturgiques et à prendre soin^de
l'ordre dans l'église, de la garde de différents objets, etc.
137. — Soldats égyptiens gardant la porte d'un campement.
D'après Lepsiua, DenkmàUr, Abth. III, Blatt. 154.
Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes, Paris,
1877, p. 659.
IL Autres portiers. — 1" Ii est plusieurs fois question
de portiers veillant sur les portes d'une ville. Mais ces
portiers étaient plutôt des gardes postés en cet endroit
en cas d'alerte ou de guerre (fig. 137). Tels étaient les
gardes des portes de Sa marie assiégée, IV Reg., vu, 10, 11,
et ceux de Jérusalem, à l'approche des Chaldéens. Jer.,
xxxvii, 12. — Pour assurer le respect de la Loi, Néhémie
posta des gardes aux portes de Jérusalem, avec ordre de
les tenir fermées le jour du sabbat, pour empêcher les
marchands tyriens d'entrer et de vendre. II Esd., xm, 19.
— 2° Des portiers gardaient la porte des palais. Mardo-
chée surprit le complot que tramaient deux gardiens de
la porte du palais de Suse. Esth., n, 21 ; su, 1. A l'en-
trée de la cour du palais de Caïphe, il y avait une por-
tière qui, par ses propos, contribua à la chute de saint
Pierre. Joa., xvm, 16, 17. — 3° Les maisons de quel-
que importance avaient des portiers. En quittant sa
maison, le maître commande au portier de veiller. Marc,
xm, 35. A la maison de Marie, mère de Jean Marc, une
servante, du nom de Rhodé, entendit saint Pierre frap-
per à la porte du vestibule et ne songea pas à lui ouvrir.
Act., xn, 13, 14. — 4» Le portier de la bergerie est le
gardien qui veille sur le troupeau pendant la nuit et
ouvre au vrai pasteur, quand celui-ci se présente. Joa.,
x, 2, 3-50. On lit dans Job, xxxvii, 17 :
Les portes de la mort ont-elles été ouvertes devant toi?
As-tu vu les portes des ténèbres?
Il est question de portes dans les deux vers. Dans le
second, les Septante lisent iruXtopoî, ce qui donne au
parallélisme une forme bien préférable :
Les portiers de l'Hadès ont-ils eu peur à ta vue?
Cf. Dhorme, Le séjour des morts chez les Babyloniens
et les Hébreux, dans la Revue biblique, 1907, p. 68.
Dans le poème babylonien de lu Descente d'Istar aux
enfers, il y a aussi un portier, pêtû, préposé à la garde
des différentes portes. Sur la menace que fait Istar
d'enfoncer la première porte si on ne la lui ouvré,
le portier va avertir la déesse infernale et ensuite
ouvre à Istar les sept portes successives de l'enfer.
Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907,
p. 327-333. — Sur les portiers de prison, voir Geôlier,
t. m, col. 193. H. Lesètre.
PORTIQUE (hébreu : 'ûlâm, ou 'uldm, mûsâk,
parbâr; Septante : aîXâfi, vao;, <7Toâ; Vulgate : porïi-
cus, vestibulum), construction ordinairement composée
de colonnes et d'un toit servant d'abri, destinée à orner
l'entrée d'un édifice, le pourtour d'une cour où il sert
contre la pluie et le soleil, etc. — 1» La première
mention d'une sorte de portique se trouve dans les
Juges, m, 23.' Il y est dit qu'Aod, après avoir tué Églon,
roi de Moab, sortit par le misderôn. On fait venir le
mot de sâdâr, « série » ; il désigne probablement une
série de colonnes formant vestibule à la maison. Les
Septante traduisent par npootâç, « vestibule » ; la Vul-
gate ne rend pas le mot hébreu. Le portique de la mai-
son d'Églon était sans nul doute fort simple. — 2° Le
Temple de Salomon avait des portiques dont David
avait laissé le plan. I Par., xxvm, 11. Sur les mots par-
bâr et parvàrîm, pharurim, que plusieurs expliquent
comme signifiant portiques, voir Pharurim, col. 220.
— 3° Le portique du Temple porte ordinairement le
nom de 'ûlâm, que les Septante reproduisent à peu
près sans le traduire : aîXâjx. Le portique avait 20 cou-
dées de largeur, 10 de profondeur et 120 de haut.
III Reg., vi, 3; II Par., m, 4. Ce dernier chiffre est
manifestement fautif, car le Temple lui-même n'avait
que 30 coudées de haut. III Reg., vi, 1. D'après la des-
cription qui en est fournie, ce portique occupait la façade
même de l'édifice sacré. L'autel s'élevait en face de ce
portique. II Par., vm, 12; xv, 8. Les rois impies le fer-
mèrent; Ézéchias le purifia et le rendit à sa destination
primitive. II Par., xxix, 7. Les prêtres se tenaient entre
le portique et l'autel pour prier et demander pardon
au nom du peuple. Joël, h, 17. Ézéchiel, XL, 7-17, pré-
voit également des portiques dans son Temple idéal. —
Sur l'espèce de portique construit par Achaz et appelé
mûsak, IV Reg., xvi, 18, voir Musach, t. iv, col. 1345.
— 4° Salomon orna aussi son palais de portiques : por-
tique à colonnes, long de 50 coudées et large de 30,
ayant en avant un autre portique avec des degrés, por-
tique du trône, portique du jugement, portique de sa
maison d'habitation et portique de la maison de la
reine. III Reg., vu, 6-8. Voir Maison du Bois-Liban,
t. iv, col. 597. — 5° Dans le Temple d'Hérode, des por-
tiques occupaient les côtés du grand parvis des gentils,
et en faisaient le tour, à l'exception de la partie occu-
pée par la forteresse Antonia. Ces portiques formaient
deux allées parallèles, au moyen de trois rangées de
colonnes, dont la troisième était engagée dans la mu-
raille même de l'enceinte. Le portique du midi, ou por-
tique royal, avait une rangée de colonnes de plus et
formait par conséquent trois allées. Les colonnes étaient
de marbre blanc et avaient 25 coudées de haut. Des lam-
bris de cèdre recouvraient les portiques. L'espace ainsi
protégé contre la pluie et le soleil était de 30 coudées de
large. Dans le portique royal, les deux allées latérales
avaient 30 pieds de large et 50 de haut, celle du milieu
45 pieds de large et 100 de hauteur. Cf. Josèphe, Ant.
jud., XV, xi, 5 ; Bell, jud.,- V, v, 2. Ces portiques furent
559
PORTIQUE — PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
560
incendiés à l'époque d'Archélaûs, pendant une sédition
des Juifs contre les Romains. Cf. Joséphe, Ant. jud.,
XVII, x, 2. On les reconstruisit ensuite. Le portique situé
à l'est et faisant face au Temple proprement dit s'appe-
lait portique de Salomon.On se réunissait sous ces por-
tiques pour converser, les docteurs y entretenaient
leurs disciples. Un jour d'hiver, Jésus se promenait
sous le portique de Salomon et les Juifs se rassemblèrent
autour de lui. Joa., x, 23. Sous ce même portique, le
peuple se réunissait plus tard autour de Pierre et de
Jean, pour écouter leur prédication, Act., m, II, et les
premiers fidèles se tenaient ensemble pour prier et
entendre les Apôtres. Act., v, 12. — Sur la piscine Pro-
batique et ses cinq portiques, Joa., v, 2, voir Bethsaïde,
t. i, col. 1723. H. Lesêtre.
fJPORTIUS (grec : FUpxioç; Vulgate : Portius), no-
men gentilitium de Festus, procurateur de Judée.
Act., xxxiv, 27. Voir Festus, t. n, col. 2116.
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
La nationalité, portugaise commença à se constituer
à la fin du XI e siècle et, quoique le peuple eût déjà
depuis longtemps son idiome particulier, formé des
langues parlées par ceux dont il tirait son origine, les
recherches les plus anciennes attestent que, même
parmi les Portugais, jusqu'au commencement du
xiv e siècle, les versions connues ou usitées des
Saintes Écritures étaient en espagnol ou en une autre
langue étrangère.
I. Premières versions portugaises. — On doit au
savant archevêque d'Évora (Portugal), D. Fr. Fortunato
de S. Boaventura (f 1844), deux importantes publica-
tions qui nous fournissent des renseignements et des
documents sur les origines des versions portugaises
des Écritures. Le premier de ces travaux a pour titre :
Memoria sobre o começo, progressa e decadencia da
litteratura hebraica entre os portugueses catholicos
romanos et a paru dans le t. ix des Mémoires de l'Aca-,
demie royale des sciences de Lisbonne. Un écrivain
du xvi e siècle, Jacob Flavio d'Evora, suivi au xvm e siècle
par Diogo Barbosa Machado, dans sa Bibliotheca Lusi-
tana, et par d'autres savants, avait raconté qu'un évêque,
supposé ou douteux, d'Evora, appelé Gaston de Fox,
avait traduit la Bible en langue arabe et que le roi
D. Diniz l'avait fait traduire de l'arabe en portugais.
Fortuné de Saint-Bonaventure a démontré par des
raisons si solides la fausseté de ce récit que le
célèbre bibliographe du siècle dernier, Innocencio
Francisco da Silva, dont l'autorité est universellement
reconnue," déclare dans son Diccionario bibliographico,
articles P e Francisco Recreio et Gastào de Fox, que
l'existence de cette prétendue version est inadmissible
au tribunal de la critique.
La seconde publication de Fortuné de Saint-Bona-
venture est une Collecçâo de Inédites Portuguezes dos
seeufos xiv et sv, 3 in-8°, Coimbre, 1829, imprimerie
de l'Université. Cette collection est la reproduction
fidèle de Manuscriptos do Mosteiro de Alcobaça. Dans
le tome I er (de 317 p.) on trouve entre autres, une
Traducçâo do livro dos Actos dos Apostolos; dans le
t. n (de xv-299 p.), Historias d'abreviado Testamento
Velho, segundx) o Meestre das Historias scolasticas, e
segundo outros que as abreviarom, e com dizeres
à"artyeœf <?&et<?r&r e sabedores (depuis Je commence-
ment de la Genèse jusqu'à la fin du second livre des
Rois); dans le t. m (de 232 p.), sous le même titre,
l'histoire se continue depuis le troisième livre des Rois
jusqu'au secondlivre des Machabées, aveedes additions
tirées de l'historien Josèphe. Le manuscrit des Histo-
rias est de l'an 1320 et du règne du roi de Portugal
D. Diniz. Fortuné de Saint-Bonaventure, dans son
Historia chronologica e [critica da Real Abbadia de
Alcobaça, a fait ressortir le mérite et l'utilité de cette
œuvre, et Innocent da Silva, dans son Diccionario,
notice sur la Collecçâo, les avantages qu'on peut en
lirer pour l'étude archéologique et philologique de la
langue. Comme on ne peut constater l'existence d'au-
cune version portugaise d'un livre biblique antérieure
au règne de D. Diniz, comme on n'a non plus aucune
preuve que ce roi ait fait faire awcune autre traduction,
même abrégée, c'est aux moines d'Alcobaça, auteurs
de la version des Actes des Apôtres et de l'histoire
abrégée de l'Ancien Testament, que revient l'honneur
d'avoir été chronologiquement les premiers traducteurs
de la Bible en langue portugaise.
Fernào Lopes, surnommé le patriarche des histo-
riens portugais, rapporte dans le prologue de la se-
conde partie de sa Chronica d'el Rei D. Joâo h, qui
régna de 1385 à 1433, que ce monarque « fit traduire
par de grands lettrés, en langue (portugaise), les Évan-
giles, les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul,
ainsi que d'autres livres spirituels des saints ». Quels
furent les « lettrés » qui exécutèrent ce travail, de
quelle manière ils accomplirent leur tâche, où se
trouvent ces versions, Fernand Lopes ne le dit pas et
ceux qui sur son témoignage ont reproduit cette notice
ne le disent pas davantage. D. Fr. Manuel do Cenaculo
Villas-Boas, dans son livre Cuidados Utterarios do
Prelado de Beja em graça de seu bispado, p. 64, dé-
clare seulement qu'il a eu en sa possession une tra-
ducçào historiada do Antigo Testamento manuscrite,
faite au xv e siècle en portugais de l'époque par un
théologien savant et versé dans la connaissance de la
langue hébraïque, et il ajoute qu'à la date à laquelle
il écrit (son livre fut imprimé en 1788) il ne sait pas
autre chose sur cette traduction.
Il convient de mentionner ici la version faite par le
jurisconsulte Gonçalo Garcia de Santa Maria. Diogo
Barbosa, dans le t. n de la Bibliotheca Lusitana, dit
qu'elle a pour titre Epistolas e Evangelhos que se can-
tam no decurso do anno, et qu'elle fut imprimée
in-folio, en lettres gothiques, en 1479, sans indication
de lieu. Antonio Bibeiro dos Santos, qui vivait de 1745 à
1818, en parle aussi dans Memoria de algumas traduc-
çôes biblicas menas vulgares em lingua portugueza,
qui a paru dans le t. vu des Memorias de Litteratura
Portugueza, publié par l'Académie royale des sciences
de Lisbonne. Il est vrai que le bénéficier Francisco
Leitào Ferreira (1667-1735), dans ses Noticïas Chrono-
logicas da Universidade de Coimbra, dit que Gonçalo
Garcia était originaire de Saragosse (Espagne) et qu'on
ne connait de lui qu'une version en castillan de 138
pages, imprimée en caractères gothiques. Barbosa et
Bibeiro dos Santos, s'en rapportant à cette information,
ont rétracté ce qu'ils avaient écrit avant de la connaî-
tre. Toutefois leur rétractation a été trop prompte
et elle n'est pas fondée sur des raisons suffisantes. Les
langues parlées dans les deux pays ont une source com-
mune et elles ont entre elles grande affinité et ressem-,
blance ; Portugais et Espagnols des classes instruites
cultivaient l'une et l'autre, la leur et celle de la nation
voisine, de sorte qu'il y avait des Portugais qui
écrivaient en espagnol, comme le rabbin Duarte Pinhel,
qui, de concert avec le castillan Jacques de Vargas et
d'autres, composa en cette langue une version de la
Bible (Ancien Testament) éditée par Abraham Usque
et connue sous le nom de Bible de Ferrare, parce
qu'elle fut imprimée dans cette ville en 1553. Il y eut
aussi des Espagnols qui écrivirent en portugais et de
ce nombre fut Gonçalo Garcia de Santa-Maria. Innoc ent
da Silva, dans son Diccionario, article Gonçalo Garcia,
rapporte que le 21 mai 1866 le libraire Bertrand lui
montra un livre in-folio, en caractères gothiques, où
manquaient le frontispice et le dernier ou les der-
niers feuillets, mais où, au haut du premier feuillet, le
561
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
562
titre constatait que c'étaient les Epistolas e Evangëlhos
em portuguez par Gonçalo Garcia de Santa Maria,
Da Silva n'affirme point que c'était l'édition de 1479,
citée dans Je tome n de la Bibliotheca Lusitana,
puisque le livre ne contenait ni frontispice ni suscrip-
tion finale avec la date de l'impression, mais il dit qu'il
n'a pas de doute que, s'il n'était du xv e siècle, il doit
être au moins du commencement du xvi e . Pour se rendre
compte que c'était un livre différent de celui dont
parle Ferreira Leitào, il suffit à Da Silva de constater
que celui que mentionne Leitâo avait 138 pages, tan-
dis que celui que vendit le libraire Bertrand en avait
plus de 400, sans compter celles qui étaient perdues- à
la fin.
A peu près contemporaine de la version de Gonçalo
Garcia fut celle de D. Philippa de Lancastre, fille de
l'infant D. Pedro et petite-fille de D. Joào I". Elle vécut
de 1435 à 1497 et acheva ses jours dans le couvent des
religieuses cisterciennes d'Odivellas. Le premier qui
mentionne cette traduction est Jorge Cardoso (1606-
1669) dans VAgiologio Lusitano, au 11 février, la lettre
A. Elle a été citée depuis par le théatin D. Antonio
Caetano de Sousa (1674-1759) dans le t. il de VHistoria
Genealogica da Casa Real, et par Diogo Barbosa dans
le t. il de la Bibliotheca Lusitana. D'après ces auteurs
cette version, faite sur une traduction française, ren-
ferme les Evangelhos e Homilias de todo o anno. Les
deux premiers, et Antonio de Figueiredo, dans la Pré-
face générale de sa traduction de la Bible, nous
apprennent que, de leur temps, cette œuvre se conser-
vait encore dans le monastère des Cisterciennes d'Odi-
vellas. Augusto Soares d'Azevedo Barbosa de Pinho
Leal, parle aussi de ce travail, en 1875, dans le t. vi de
son Portugal Antigo e Moderno, au mot Odivellas.
« D. Philippa, dit-il, écrivit un manuscrit et l'orna de
belles miniatures; c'est un ouvrage de grand mérite,
qu'elle donna au monastère ; il existe encore. » Sur le
degré d'instruction de la princesse, le même auteur
ajoute : « Dirigée par son père dans son éducation, elle
connaissait à fond le latin et le français et elle a laissé
des œuvres écrites de sa main. »
Dans la Resposta â Consulta que o Deputado (da
Real Mesa censoria) Antonio Pereira de Figueiredo
fez aô Sr. Bispo de Beja sobre versôes partidas da
Biblia em vulgar, em Fevereiro de 4794 (manuscrit
qui, selon l'auteur de la Préface à la seconde édition
de la Bible traduite par Figueiredo, appartient au-
jourd'hui à l'Académie des sciences de Lisbonne), D.
Fr. Manuel do Cenaculo rapporte que la reine D.
Leonor, femme de D. Joào If, fit imprimer la traduc-
tion des Actos dos Apostolos, as duas Epistolas de S.
Pedro, as ires de S. Joâo e a de S. Judas, mais il ne
dit pas par qui elle avait été faite et s'il en existe des
exemplaires.
Si ce n'est pas la même version, c'est au moins une
version de la même époque, celle des Actos dos
Apostolos, dont nous avons parlé plus haut, qui a
été publiée dans le t. I de la Collecçào de Ineditos
Porluguezes, éditée par D. Fr. Fortunato. D'après ce
prélat, cette version fut faite, peut-être d'après une
autre version plus ancienne, par Fr. Bernardo de Alco-
baça, qui vivait sous le règne de D. Joào II. C'est à ce
Fr. Bernardo de Alcobaça qu'on attribue généralement
et avec raison la traduction portugaise de la Grande
vida de Jésus Christo, écrite en latin par Ludolphe le
Chartreux. Cette traduction fut imprimée à Lisbonne
en 1495, par ordre du roi D. Joào II et de sa femme
D. Leonor.
Il est inutile d'énumérer ici en détail diverses ver-
sions de moindre importance, qui sont de la même
époque ou peu postérieures, des traductions d'un cer-
tain nombre de Psaumes ou de chapitres d'autres
livres de la Bible, intercalés occasionnellement dans
des biographies ou dans des livres d'histoire ou de lit-
térature profane.
II. Versions portugaises depuis le xvi» siècle
jusqu'au milieu du xvm e siècle. — Dans le cours du
xvi« siècle, avec l'apparition du protestantisme et la
propagation de sa fausse doctrine du libre examen et
de l'interprétation privée des Écritures, la lecture de la
Bible devint, dans une certaine mesure, un danger
pour ceux qui n'étaient pas familiers avec les règles
de l'herméneutique sacrée et qui ne connaissaient pas
la véritable interprétation donnée aux Livres Saints
par l'Église qui en a le dépôt. Pour ce motif, Pie IV,
le 24 mars 1564, en publiant par la Bulle. Doniinici
Gregis l'Index des livres défendus, établit dans la
règle 4, que l'usage des versions de la Sainte Écriture
n'est pas permis à tous sans discernement, mais que
la permission de les lire n'est accordée qu'à ceux
qui, au jugement de l'évéque ou de l'inquisiteur, peuvent
le faire sans péril et au profit de leur foi et de leur
piété. En Portugal, la religion des rois très fidèles et
le zèle des évêques avaient déjà prévenu ce décret du
Saint-Siège en adoptant à l'avance des mesures analo-
gues. Les exemplaires de tout livre de la Bible traduit
en langue vulgaire devaient porter à la première page
la permission accordée à celui qui pouvait s'en servir,
et les versions, quelquefois même dans les manuscrits
originaux, portaient le nom de celui à qui elles
étaient destinées. On possède des documents histo-
riques qui en témoignent. Ribeiro dos Sanctos, dans
sa Memoria da Litteratura Sagrada, publiée dans le
t. il des Memorias de Litteratura Portugueza, de
l'Académie des sciences de Lisbonne, cite un exem-
plaire de la Bible où était incorporée à la première
page la permission donnée par Fr. Francisco Foreiro
pour autoriser Francisco de Sa de Miranda (f 1558) à
en faire usage. Barbosa dans la Bibliotheca Lusitana et
Figueiredo dans la Préface de sa traduction de la Bible,
parlent d'une version manuscrite des Psaumes de la
pénitence, faite par D. Fr. Antonio de Sousa (f 1597),
évêque de Viseu, pour l'usage de sa sœur la comtesse
de Monsanto.
Ces défenses restrictives furent cause que les ver-
sions devinrent de plus en plus rares et que les savants
s'appliquèrent surtout dès lors à commenter en latin
le texte latin de la Vulgate, chaque écrivain choisis-^
sant le livre de l'Écriture pour lequel il se sentait le
plus d'attrait. L'auteur de la Préface générale de la
version de la Bible par Figueiredo, éditée à Lisbonne
en 1854, énumère un grand nombre de ces commen-
tateurs, parmi lesquels figurent des noms de grande
autorité dans les lettres portugaises, comme ceux de
Bartholomeu dos Martyres, Bernardo de Brito, Fran-
cisco Foreiro, Heitor Pinto, Joào de Lucena, Manuel
de Sa, Antonio Vieira, Francisco de Mendonça, etc.
De leur côté, les protestants, interprétant maligne-
ment la défense faite par Pie IV, accusèrent l'Église
d'interdire aux fidèles la lecture des Livres Saints afin
qu'ils ne pussent pas connaître ce qui la condamnait
dans les écrits sacrés, et ils se mirent avec une grande
activité à composer et à publier des versions de la
Bible, en supprimant une partie des livres du canon,
en altérant parfois les textes comme il leur convenait
et en proclamant surtout qu'il était libre à chacun de
les interpréter à son gré. Ils trouvèrent un collabora-
teur pour la langue portugaise dans la personne d'nn
prêtre apostat du xvn e siècle qui était devenu mi-
nistre calviniste en Hollande; il publia : Novo Testa-
ment!), isto é, todos os sacrosantos livros de escriptos
evangelicos e aposlolicos, do novo concerto de nosso
fiel senhor, Salvador e redemptor Jesu Christo ; agora
Iraduzidos em portuguez pelo Padre Joào Ferreira
A. de Almeida, ministro prégador do Sancto Evan-
gelho. Comtodasas licenças- necessaria . Em Amster-
563
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
564
dam. Por a Viuva de J. V. Someren. Anno 1681.
Em 4°. La Bibliothèque nationale de Lisbonne en
possède un exemplaire. Comme le fait remarquer le
bibliographe da Silva, Diecionario, article Joâo Fer-
reira A. de Almeida, cette traduction est remplie
d'erreurs et de fautes typographiques provenant de ce
que le correcteur était peu versé dans la langue portu-
gaise, ainsi que le fait remarquer l'auteur lui-même
dans un avertissement publié à Batavia le 1 er janvier
1683 et où sont énumérées plus de mille erreurs à cor-
riger, avec cette observation qu'il a été impossible de
les relever toutes.
Une seconde édition fut faite par les Hollandais éta-
blis en Asie pour l'usage des protestants portugais de
Batavia, sous ce titre modifié : Novo Testamento,
isto é, todos os livros do novo concerto do nosso fiel
senhor e redemptor Jesu Christo, traduzido na lingua
portugueza pelo reverendo padre Joâo Ferreira A. de
A Imeida, ministro prégadordo Sancto Evangelho n'esla
cidade de Batavia em Java Maior. Em Batavia, por
Joâode Vîtes, impressor da Illustre Companhia, e desta
nobre cidade. Anno 1693. Sur le verso de la feuille où
se lit le titre se trouve la déclaration que l'ouvrage a
été imprimé por ordem do Supremo Governo da
illustre Companhia das Vnidas Provincias na lndia
Oriental, revista, com approvaçâo da congregaçào
ecclesiastica da cidade de Batavia, pelos ministros
prégadores do Sancto Evangelho na Igreja da mesma
cidade Theodorus Zas, Jacobus Opden Akker. Cette
édition est sur papier de Hollande, grand in-4°, et a
vin-597 pages. Elle a de plus que la première la con-
cordance des textes de l'Écriture. I. da Silva observe
qu'on y a corrigé peu ou point des fautes de la pre-
mière édition, mais qu'on y a fait des changements
considérables, plaçant, par exemple, la plupart des
verbes à la fin des propositions, « ce qui rend parfois
le sens obscur, fait violence à la phrase et affecte la
construction des périodes. » Da Silva possédait un
exemplaire de cette édition. J.-Ch. Brunet, dans le Ma-
nuel du libraire et de l'Amateur de livres, en signale
une autre qualifiée de « rarissime » dans le catalogue
de Meerman.
En 1712 parut une troisième édition in-8°, à Ams-
terdam, chez Joào Creliluz, par ordre de la même
compagnie des Provinces-Unies, pour l'instruction
des Indiens. Elle est encore plus fautive que les
précédentes. Une quatrième édition fut publiée en
1760 en deux grands in 8°, à Tramgambar, par l'of-
fice de la mission royale du Danemark et au béné-
fice de cette mission, aux frais de la Société (angli-
cane) de la Propagation de la foi de Londres. Une
cinquième édition fut donnée à Batavia par Egbert
Humen, in-8°, 1773. Da Silva dit qu'elle fut comparée
de nouveau avec le texte original et avec d'autres ver-
sions et ainsi améliorée, les verbes furent remis à
leur place naturelle et beaucoup de mots et de fautes
corrigés.
La traduction de Ferreira de Almeida, dit Ribeiro dos
Santos, dans sa Memoria sobre versôes Biblicas, fut
faite sur le texte grec qu'elle suit dans les points où il
diffère de la Vulgate. En sa qualité de calviniste, l'au-
teur n'en a pas exclu les livres deutérocanoniques que
rejette le luthéranisme. D'après Antonio Pereira de
Figueiredo, dans sa préface au Nouveau Testament,
1. 1, 2» édit., on n'y trouve rien qui sente le calviniste,
et il la regarde comme très servile. Mais d'autres écri-
vains sont d'un avis tout à fait contraire el la préface
que nous venons de citer ne fut pas reproduite dans
les éditions de Figueiredo qui furent publiées en 1794
et après, sous la surveillance de l'autorité ecclésias-
tique qui y fit supprimer aussi des notes. Quant à sa
servilité, la traduction, par exemple, de Luc, I, 28,
prouve le contraire; au lieu de traduire par cheia de
graça, elle traduit par em graça acceita dans quelques
éditions et par agraciada dans d'autres.
Le même traducteur publia en 1738, in-4°, à Tran-
gambar, Livros Eistoricos do Velho Testamento, et
en 1740, in-8° dans la même ville et, comme le précé-
dent, par l'office de la mission royale de Danemark
Livro dos Psalmos. En 1748 parut à Batavia, in-8 1 ",
imprimé à l'office des séminaires par M. Mulder, Do
Velho Testamento o primeiro tomo que contem os
SS. Livros de Moysés, Josué, Juizes e Ruth, Samuel,
Reys, Chronicas, Esra. Nehemias e Esther. Tradu-
zidos emportuguez por Joâo Ferreira A. de Almeida,
Ministro prêgador, etc. Eu 1753, G. H. Heusler impri-
ma au même office du séminaire à Batavia, in-8°, Do
Velho Testamento o segundo tomo que contem os
SS. Livros de Job, os Psalmos, os Proverbios, o Prê-
gador, os Cantares, com os Prophetas Mayores e me-
nores. Traduzidos em portuguez por Joâo Ferreira
A. de Almeida, e Jacob Opden Akker, Ministros pré-
gadores do Santo Evangelho, etc. Entre la publication
du t. i et du t. n de cette version parut en 1749 une
nouvelle édition du Livro dos Psalmos, in-8°, à la
même imprimerie, qui donna aussi plus tard, en 1757,
dans une édition séparée, Û3 Livros de Moysés.
La traduction de l'Ancien Testament fut faite aux
frais de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales.
Elle ne contient pas les livres deutérocanoniques. Au
témoignage de da Silva, Almeida fit sa version sur l'ori-
ginal hébreu, en se servant de la version hollandaise
imprimée en 1618 et de la version castillane de Cypria-
no Valera, édition de 1602; il la poursuivit jusqu'aux
derniers chapitres d'Ézéchiel ; elle fut achevée par
Jacob Opden Akker, un de ceux qui avaient été chargés
de revoir la traduction du Nouveau Testament éditée
par Almeida en 1693.
Depuis sa publication, la version d 7 Almeida a été si
souvent réimprimée soit totalement, soit partiellement,
pour les sociétés bibliques d'Angleterre et d'Amérique,
qu' « il est ^difficile, dit da Silva, de donner une énu-
mération exacte x de toutes ses éditions. Ce bibliographe
mentionne deux éditions complètes dont il possède
des exemplaires, l'un grand in-8°, imprimé par R. et
A. Taylor, à Londres, 1819, l'autre grand in-8°, impri-
mé à New-York en 1850. Nous avons entre les mains
deux éditions complètes plus récentes, l'une in-8",
publiée à New York en 1883, par la Société biblique
Américaine, et où il est dit que le Nouveau Testament
est une Reimpresso da ediçâode 1693, revista e emen-
dada; l'autre, in-4°, imprimée à Lisbonne, en 1897,
revista e correcta, com referencias e na margem
algumas palabras segundo o hebraico e grego. Se
vend au Deposito das Escripturas Sagradas. — En
1862, l'archevêque de Bahia, D. Manuel Joaquim da
Silveira, publia une Lettre pastorale pour prémunir ses
diocésains contra adulteraçôes emu tilaçôes da Biblia
traduzidaem portuguez pelo Padre J.F.A. de Almeida.
Il y examine l'édition de New York que les protestants
répandaient dans le Brésil et après l'avoir confrontée
avec le texte reconnu authentique dès les premiers
siècles, il montre qu'elle contient des altérations,
changements, mutilations, additions, par exemple,
Luc, 1, 28; Act., xiv, 23; Eph., v, 32; II Tim., iv, 5;
II Joa., v, 6, 10, 13, 15, 17-20. Ces altérations se trou-
vent .dans les éditions de New York, 1882, et de Us-
bonne, 1897.
Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria de algumas
traducçôes biblicas (voir col. 560), appréciant la valeur
philologique pt littéraire du travail de Ferreira de
Almeida, dit que sa langue est a3sez riche et renferme
un trésor de mots pour le vocabulaire portugais, mais
que sa grammaire est défectueuse, parce qu'il emploie
des phrases et des constructions qui n'ont pas la saveur
du langage national et parce qu'il serre de trop près
565
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
566
le texte original ou fait usage de locutions et d'idio-
tismes propres au pays où il vivait,
III. Versions portugaises depuis le milieu du
xvnr 3 siècle jusqu'à nos jours. — Au milieu du
xviiJ e siècle, à peu près au moment où apparaissait la
version complète faite par Almeida et son auxiliaire
(1748-1753), s'ouvre une période nouvelle pour la mul-
tiplication des traductions de la Bible. L'Église qui
avait interdit la lecture de l'Écriture en langue vulgaire
au commencement du [protestantisme pour entraver
les progrès de l'hérésie naissante parmi le peuple,
permit, dans la seconde moitié du xvn 8 siècle, pour
détourner les fidèles de la lecture des versions pro-
testantes, de publier des traductions en langue vul-
gaire à la condition qu'elles fussent accompagnées de
notes et d'éclaircissements tirés des saints Pères et des
savants catholiques, et approuvées par le Siège aposto-
lique. Benoît XIV modifia en ce sens en 1757 la qua-
trième règle de l'Index formulée par Pie IV en 1564. Le
résultat fut la publication de versions nouvelles parmi
les catholiques : au Portugal, il parut presque simul-
tanément deux traductions complètes de l'Ecriture.
1° Version de Figueiredo. — La première fut celle
de P. Antonio Pereira de Figueiredo (né en 1725, mort
en 1797). Il commença par le Nouveau Testament,
lequel étaitprêt dès 1772, comme on le voit dans l'Épltre
dédicatoire au cardinal D. Joào da Cunha (f 1773),
mais le premier volume ne fut imprimé qu'en 1778,
nâopor culpa do auctor, dit le Prologue, daté du 8 jan-
vier 1778, mas por infelicidade. La version de l'Ancien
Testament commença par les Psaumes imprimés en
2 volumes en 1782, elle se continua par la Genèse et
les autres livres, imprimés par l'imprimerie royale à
lisbonne de 1783 â 1790. La traduction complète forme
23 in-8°. Dès 1781, on réimprima les deux premiers
volumes du Nouveau Testament, corrigés pour le texte
et augmentés pour les notes.
Peu de temps après parut la seconde édition de la
Bible entière : Eiblia Sagrada, traduzida em porlu-
guez segundo a Vulgata latina, illuslrada com pré-
facées, notas eliçôes variantes. Segunda ediçào revista
e retocada pelo auctor. Les 17 volumes in-8°, que com-
prend l'Ancien Testament, furent imprimés par l'impri-
merie royale de Lisbonne de 1791 à 1803 et les 6 du
Nouveau Testament par Simào Thaddeo Ferreira de 1803
à 1805.
En 1794, commença à paraître une troisième édition,
en deux colonnes, contenant l'une le texte latin et
l'autre la traduction portugaise, texte et notes retou-
chés par l'auteur. Elle est dédiée au prince du Brésil
D. Joào, dont elle reproduit en tête le portrait. Le tome
pre mier contient une Prefacio gérai à toda a Sagrada
Siblia, de xcv pages, dans laquelle il est dit que cette édi-
tion « est incomparablement plus correcte et augmen-
tée, de telle sorte qu'on peut dire avec raison que c'est
une version nouvelle ». Outre cette Préface générale,
chaque livre est précédé d'une Préface spéciale plus
ou moins courte dans laquelle Figueiredo indique les
traductions en langues diverses dont il s'est servi pour
la version de ce livre. Cette édition, imprimée à Lis-
bonne, par S. Th. Ferreira et terminée en 1819, com-
prend sept tomes in-folio.
Une réédition delà traduction de Figueiredo, avec le
texte latin, en 2 in-f°, fut publiée en 1852-1853, par la
Sibliotheca Economica,soas la direction d'Eduardo de
Faria, auteur d'un Dictionnaire portugais, avec ce titre :
A Biblia Sagrada contendo oVelho e Novo Testamento.
Traducçào do Padre Antonio Pereira de Figueiredo.
Enriquecida com varias notas pelo mesnio traductor
(excepto aquellas que foram condemnadas cm Ronia)
e por D. Felippe Scio de S. Miguel, Bispo de Segovia,
Bossuet, etc. Ornado com gravuras. Lisboa. Typogra-
phia de José Carlos de Aguiar Vianna, 1852. Appro-
vada pelo Cardeal Patriarcha de Lisboa em 9 de Ja-
neiro de 1852. Cette Bible fut critiquée lors de son
apparition à cause des fautes typographiques nom-
breuses, de la suppression des indications chronolo-
giques et d'une partie des préfaces et aussi de l'insuf-
fisance des notes.
Une nouvelle édition parut en 1854, avec le texte
-latin à la librairie populaire et historique de Lisbonne,
sous les auspices du cardinal patriarche. Le Patriarche
en autorisa la publication le 4 juin 1852, à condition
qu'elle reproduirait la seconde édition, in-4°, faite à
Lisbonne en 1794, par Simào Thaddeo Ferreira, avec
ses préfaces et ses notes, lesquelles avaient été expur-
gées, et qu'elle serait revue et corrigée par un savant
ecclésiastique, aidé au besoin de deux autres réviseurs.
Une préface nouvelle à l'Ancien Testament et une autre
au Nouveau sont l'œuvre de l'un des censeurs, P. Fran-
cisco Recreio. Elle comprend trois volumes in-folio.
Le troisième contenant le Novo Testamento. Vida de
Nosso Senhor Jésus Chrislo, paru* en 1857. La vie de
Notre-Seigneur forme un supplément publié en 1858,
avec ce titre spécial : Vida de Nosso Senhor Jésus
Christo, redïgida pelo Reverendo Abbade Brispot, e
vertida em vulgar por Luis Filippe Leite, Director
da Escola Normal Primaria de Lisboa.
La traduction de Figueiredo, sans le texte latin, fut
éditée au Brésil, en 1864, en 2 in-4°, à Rio de Janeiro,
par la librairie 0. B. L. Garnier. Elle contient peu de
notes de Figueiredo et seulement dans les livres du
Pentateuque, Josué, Esther, Daniel et Amos. Plusieurs
livres n'ont aucune note. Celles qui sont relatives aux
prophètes et au Nouveau Testament, œuvre du chanoine
Delaunay, curé de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, sont
placées à la fin de la Bible, sans aucun renvoi dans le
texte sacré. Cette édition, avec les notes explicatives de
Delaunay, est approuvée par un mandement de l'arche-
vêque de Bahia, alors métropolitain du Brésil, daté de
1863. — La Société biblique de Londres a publié di-
verses éditions de la version de Figueiredo, sans pré~
faces et sans notes, 1821, 1866, etc. La lecture en fut
permise aux catholiques du Portugal par un acte du
ministère du royaume, du 17 octobre 1842, reproduit
dans la Revista universal Lisbonense, 1™ série, t. H,
p. 521. Francisco Recreio, un des censeurs de l'édition
de la Librairie populaire de 1854, déclare à la fin de la
préface que c'est « pour le bien de l'Église qu'est pu-
bliée avec le plus grand soin cette traduction, parce
que la propagande protestante l'a fâcheusementintro-
duite dans le Portugal et les pays de sa domination, en
la faisant imprimer à sa manière par ses presses im-
pures et falsificatrices ».
Au point de vue philologique et littéraire, la traduc-
tion de la Bible par Figueiredo a justement la réputa-
tion d'une œuvre de valeur. Il avait toutes les qualités
requises pour ce travail, fait sur la Vulgate latine, étant
lui-même un excellent latiniste, « connu comme tel
même à l'étranger, » dit Innocencio da Silva, auteur
d'études historiques et théologiques en latin, ainsi que
d'ouvrages classiques pour l'enseignement élémentaire,
moyen et supérieur de cette langue, adoptés universelle-
ment pendant près d'un siècle au Portugal et au Brésil;
sa compétence l'avait fait nommer rédacteur pour
les lettres latines de la secrétairerie d'État. Quant à
sa composition en langue portugaise, voici ce qu'en
dit Fr. Recreio, dans la première préface de l'édi-
tion 'de la Librairie populaire : « Dans le catalogue
des livres à consulter pour la continuation du Diction-
naire de la langue portugaise, publié par ordre de l'Aca ■
demie royale des sciences de Lisbonne, figure la traduc-
tion de l'Ancien et du Nouveau Testament, édition in-8%
d'Antonio Pereira de Figueiredo. Cette mention est la
preuve authentique de son caractère classique. » On ne
peut donner de semblables éloges aux notes que Figuei-
567
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA. BIBLE
568
redo a jointes lui-même à sa version. « On ne saurait
nier, dit Recreio, dans la préface déjà citée, l'utilité et
l'étendue de l'érudition qui fait le mérite (des notes de
Figueiredo) sous le rapport critique, dogmatique et
moral. A ceux qui ne sont pas d'accord avec quelques-
unes de ses opinions particulières, nous répondrons
par les paroles de l'Apôtre, prises dans leur sens vul-
gaire : Unusquisque in suo sensu abundet. » Sans
contester ce jugement, nous devons observer que
Figueiredo, tout en possédant une instruction variée et
étant très versé dans les sciences ecclésiastiques et pro-
fanes, souffrit néanmoins de l'influence des doctrines
régalistes auxquelles ne surent pas alors résister même
des membres notables de l'épiscopat; il les défendit
dans les livres qu'il publia, tels que la Tentativa theo-
logica et Y Analyse da Profisâo de Fé do santo Padre
Pio IV, laquelle fut mise à l'index par décret du 26 jan-
vier 1795, et il s'y montra tellement attaché qu'il refusa
de se rétracter même à ses derniers moments, ainsi que
l'affirme un de ses nsveux, dans une lettre adressée à la
presse, et qu'il est rapporté par V Encyclopédie Portu-
gueza illustrada (publication qui a commencé au
xx« siècle, sous la direction de Maximiano Lemos),
article sur Antonio Perdra de Figueiredo. Si l'on
tient compte de ces circonstances, on comprend que
ses notes aient été condamnées, quoiqu'un grand
nombre d'entre elles témoignent de ses connaissances
linguistiques, historiques et littéraires ; il n'y a pas
d'injustice à affirmer qu'on n'y voit prédominer ni l'es-
prit sacerdotal, ni la piété chrétienne qui animent les
commentaires d'autres versions portugaises.
De 1902 à 1904, la traduction de Figueiredo a été réé-
ditée en Portugal sous ce titre : Biblia Sagrada con-
tendo o Velho e Novo Testamento. Versâo do Padre
Antonio Pereira de Figueiredo. — Commentarios e
annotaçôes segundo os modernos trabalhos de Glaire,
Knabenbauer, Lesêtre, Lestrade, Poels, Vigouroux, etc.
— Pelo Rev. Santos Farinha. — Ediçào popular e
illustrada, approvada pelo Emmo-Cardeal Patriar-
cha, 3 in-8°, Lisbonne, 1902-1904. Les préfaces de Fi-
gueiredo sont remplacées par des préfaces nouvelles,
les archaïsmes et les inexactitudes sont corrigés. Les
corrections ne sont pas toujours heureuses. Le com-
mentaire est presque certainement nouveau. Cette édi-
tion n'est pas accompagnée du texte latin.
2» Versionde Sarmento. — Une autre traduction por-
tugaise de la Bible fut faite en même temps que celle
de Figueiredo par Francisco de Jésus Maria Sarmento
qui vécut de 1713 à 1790. Le Nouveau Testament pa-
rut d'abord sous le titre de Historia Evangelica,8 in-8°,
Lisbonne, 1777-1778. Avant le texte sacré on trouve une
Goncordia Evangelica, à imitaçâo da de Joào Buisson,
impressa etn Savreux no anno de 1554. L'ancien Tes-
tament parut à Lisbonne de 1778 à 1785 en 44 in-4»,
sous le titre de Historia biblica. Le traducteur ne s'est
pas astreint à une traduction rigoureuse, comme il le
déclare dans le prologue du premier livre, et il ajoute
souvent des explications au texte.
La traduction de Sarmento fut rééditée sans le texte
latin à Porto. L'Ancien Testament parut sous ce titre :
Historia Biblica e Doutrina Moral da Religiâo Catho-
lica, extrahida dos Livros Santos do Anligo Testa-
mento com fréquentes Paraphrases et Varias Notas
Litterarias e Reflexôes Moraes, para sua maior e
mais proveitosa intelligencia : 27 in-8°, Porto, 1864-
1867. Le Nouveau Testament dans un premier volume
la Concordia Evangelica, et les suivants : VHistoria
Evangelica, apostolica e doutrinal, deduzida dos Livros
Santos do Novo Testamento, com fréquentes para-
phrases introduzidas no Texto, sobre algumas Notas
Litteraes em certos lugares maisdifficeis, tudo extra-
hido dos Antigos Padres e Modernos Expositores,
para melhor e' mais facil intelligencia da Sagrada
Escriptura, 11 in-8°, Porto, 1867-1869. Le troisième et le
quatrième livre d'Esdras, également traduit par Sar-
mento, avec la prière de Manassé, etc., sont contenus
dans un 12 e volume paru en 1868.
Le bibliographe Innocencio mentionne deux ver-
sions partielles du Nouveau Testament, composées au
xviii 6 siècle et restées manuscrites : Versâo das Epis-
tolas e Evangelhos, que se recitam em todo o anno.
acompanhada de illustraçôes, par Joaquim José da
Costa Sa (f 1803), et O Evangelho de Jésus Christo
segundo S. Matheus et S. Marcos, traduzido e illus-
trado em largos commentarios, 3 in-4°, par Antonio
Ribeiro dos Santos (f 1818), donnés par l'auteur à la
Bibliothèque de Lisbonne.
3° Versions du xix" et du XX e siècles. — D. Fr. Joa-
quim de Nossa Senhora de Nazareth, qui [fut d'abord
évêque de Maranhào et puis de Coimbra et acheva sa
vie à Maranhào (Brésil), en 1851, publia : O Novo Tes-
tamento de Nosso Senhor Jésus Christo, conforme a
Vulgata Latina, traduzido em portuguez, e annotado
segundo o sentido dos Santos Padres e Expositores
Catholicos, pelo quai se esclarece a verdadeira dou-
trina do texto sagrado, e se refutam os erros subver-
sivos dos novadores antigos e modernos, 3 in-f°, Ma-
ranhào, 1845-1847. Version estimée et accompagnée du
texte latin. Une nouvelle édition fut imprimée, sans le
texte latin, ia-12, à Lisbonne, 1875, em conformidade
da Versâo France.za annotada porJ.-B. Glaire.
En 1879, fut publié au Brésil une autre version :
O Novo Testamento de Nosso Senhor e Redemptor
Jésus Christo, traduzido do original grego. Primeira
ediçào brazileira, in-8°, Rio de Janeiro. Elle paraît
être une retouche de la version de Ferreira de Almeida
et ne contient aucune note.
En 1895, a paru à Porto une Biblia popular illustrada
pelo abbade Drioux. Traducçào de Paiva Pona. Pu-
blicada com permissâo do Cardeal Bispo do Porto.
Velho e Novo Testamento, in-4°, avec gravures. Ce
n'est pas proprement une version, mais un récit dans
lequel le commentaire est mêlé au texte.
Le premier congrès catholique brésilien, réuni à
Bahia en 1900, résolut le 9 juin la publication d'une
nouvelle édition de la Bible, pour combattre la propa-
gande protestante. Le travail fut confié aux Francis-
cains. Ils ont publié à Bahia, en février 1902 : O Santo
Evangelho de Jésus Christo segundo S. Matheus, tra-
duzido em Portug)iez segundo a Vulgata latina. Com
annotaçôes extrahidas dos SS. Padres et de theologos
eminentes, antigos e modernos. Editado pelos Religio-
sos Franciscanos. — En avril de la même "année : O
Santo Evangelho de Jésus Christo segundo S. Marcos.
Une nouvelle édition de ces deux Évangiles parut en
juin 1902.
En août 1903 : O Santo Evangelho segundo S. Lucas;
en décembre 1903 : U Santo Evangelho segundo
S. Joào; en mai 1904 : Os Actos dos Apostolos; de
mai 1905 à janvier 1906 ont été publiées : Epistola de
S. Paulo aos Romanos ; l a et 2 a Epistola aos Corin-
thios. La version des Évangiles et des Actes, avec les'
notes, destinées surtout à combattre les erreurs des
protestants, pour une nouvelle édition, qui est sous
presse, ont été revues par le P. J. Knabenbauer, S. J.
En 1903, le chanoine Duartè Leopoldo e Silva, de-
venu successivement depuis évêque de Corytiba et au-
jourd'hui de S. Paulo, publia une Concordancia dos
Santos Evangelhos reunidos em um sô, in-8°, avec com-
mentaire. Le texte des quatre Évangiles est fondu en-
semble de manière à former un seul récit suivi.
Le Brésil a vu paraître en 1905 une ( traduction por-
tugaise : Os Santos Evangelhos de N. S. Jésus Christo
e os Actos dos Apostolos, Au titre général des Évan-
giles, on lit en plus : Traducçào portugueza segundo a
Vulgata latina. Por um Padre da Missâo. Com notas
569
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — POTERIE
570
da ediçâo [ranceza dos PP. da Assumpçâo, in-4°, Rio
de Janeiro. Le traducteur est le P. Pedro Maria Booz,
sa version est approuvée par l'archevêque de cette ville,
M" Arcoverde, aujourd'hui cardinal.
4° L'histoire des versions portugaises embrasse, comme
on le voit, six siècles, et peut se partager en trois périodes,
la première d'essais, la seconde de suspension, la troi-
sième d'activité. La première va du commencement du
xiv siècle au milieu du xvi e ; elle ne voit paraître que
des traductions partielles dont les unes ont été impri-
mées et les autres sont restées manuscrites. La seconde
période s'étend jusqu'au milieu du xvm» siècle et corres-
pond au temps où les erreurs protestantes qui regardent
l'Écriture comme l'unique règle de foi et qui enseignent
que chacun peut l'interpréter comme il l'entend, obligent
les souverains Pontifes à interdire la lecture des ver-
sions en langue vulgaire à ceux qui ne sont pas autori-
sés à le faire par leurs supérieurs ecclésiastiques. Cette
époque n'a guère vu paraître que la traduction protes-
138. — Jarre archaïque, de Tell es-Safy.
D'après Vincent, Canaan, p. 307.
tante de J. Ferreira de Almeida, accommodée aux
erreurs dont il faisait profession. La période finale
s'ouvre avec le décret de Benoît XIV, autorisant la lec-
ture des versions en langue vulgaire approuvées par
le Saint-Siège et annotées d'après les saints Pères et
les savants catholiques. Les traductions se sont alors
multipliées et les éditions augmentent continuelle-
ment. J. Pereira.
POSIDONIUS (grec : LToueiSoûvioç), un des trois
envoyés du général syrien Nicanor, chargés de porter à
Judas Macchabée des propositions d'alliance qui furent
acceptées. II Mach., xiv, 19.
POSSÉDÉS DU DÉMON. POSSESSION. Voir
Démonuques, t. n, col. 1374.
POTEAU. Voir Mat, t. iv, col. 861-862; Pal, ïbid.,
col. 1961; Potence.
POTENCE (hébreu : 'es; Septante : ?ûXov; Vulgate :
lignum,patibulum, crux), pièce de bois servant pour la
pendaison des criminels. Voir Pendaison, t. îv, col. 34.
En général, l'hébreu emploie, pour désigner cet instru-
ment, le mot 'ê$, « bois », qui ne préjuge rien quant à
sa forme, et peut convenir au pal, voir Pal, t. iv, col. 1961.
à la croix, voir CROfx, t. H, col. 1129, au simple poteau
ou à un agencement de plusieurs pièces de bois. Gen.,
xl, 22; Num., xxv, 4; Deut., xxi, 22; Jos., vin, 29; x,
27; Esth., il, 23; vi, 4; vn, 10; ix, 13. En hébreu, atta-
cher à la potence se dit {âlâh 'al hâ-'ês, « suspendre au
bois », Septante : sxpé|xa<x£, « il suspendit », Deut., xxi,
22; ou simplement hôqîya', « pendre », Septante :
itapix6eiYM-an<7ov, « on fit un exemple », on exposa en
139. — Lamçe-canard, de Gazer.
D'après Vincent, Canaan, p. 315.
exemple, Num., xxv, 4, et ê^Xidcaav, «on exposa au so-
leil ». II Reg., xxi, 6, 9. Une autre fois, les Septante
supposent une potence en forme de croix: èstaupâdiai,
«. être mis en croix »,en parlant de la potence d'Aman.
Esth., xvi, 18. Cette potence avait cinquante coudées,
près de vingt-cinq mètres de haut. C'était donc comme
un grand mît au sommet duquel fut hissé le corps du
condamné. H. Lesètre.
140. — Oiseau peint, à Lachis.
D'après Bliss, A mound of many cities, Londres, 1894, fig. 106.
POTERIE, fabrication d'ustensiles et d'objets divers
en terre cuite. — 1» Poterie chananéenne. L'argile se
rencontrait assez communément en Palestine. Voir
Argile, t. i, col. 949; Palestine, t. iv, col. 2013. Les
plus anciens habitants du pays surent l'utiliser.
Jusqu'en ces dernières années, les débris de poterie
retrouvés dans le sol palestinien étaient assez rares.
Depuis les fouilles de MM. Bliss et Macalister, Excava-
571
POTERIE
572
lions in Palestine dunng the yearsi898-î900, Londres,
1902, part, n, The pottery, p. 74-141, les documents
céramiques sont devenus beaucoup plus nombreux.
141. — Jarre chananéenne.
D'après Vincent, Canaan, pi. x, 8.
Les plus anciens spécimens chananéens sont grossiers
et simplement durcis au soleil. Puis, les potiers
apprennent à cuire et perfectionnent leur art. Les vases
d'animaux, comme la lampe-canard trouvée à Gœzer
(fig. 139). Ensuite on décore les objets en noir sur
143. — Cruche chananéenne décorée.
D'après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 44.
fond jaune, en y représentant divers ornements et
surtout des animaux (fig. 140).
A partir du xvi« siècle avant J.-C, l'emploi du tour
142. — Marmites ehananéennes. D'après Vincent, Canaan, pi. x, 1, 15, 16.
sont modelés à la main avec une assez grande habileté
et à l'aide de silex pour aplanir les surfaces; mais le
tour n'est pas encore utilisé. Des stries et des hachures
se généralise, la technique devient plus habile et les
pièces beaucoup mieux réussies. Les jarres sont pour-
vues d'anses (fig. 141), les marmites prennent une forme
144. — Lampe chananéenne. D'après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 47.
commencent à décorer les pièces. On ne se contente
pas de fabriquer des vases à forme régulière (fig. 138),
on s'essaie à faire des récipients affectant des formes
élégante (fig. 142), les cruches reçoivent une déco-
ration pittoresque (fig. 143), les lampes reproduisent
plus artistiquement les types d'animaux (fig. 144), la
573
POTERIE
574
peinture rouge foncé sur fond jaune ou gris et même
une sorte de vernis émaillé donnent aux pièces une
physionomie plus agréable. On a retrouvé à Gazer des
jarres à fond pointu qui servaient à la sépulture des
enfants. Parfois ces jarres se rencontrent sous un mur,
sous un seuil de porte, sous une maison; les cadavres
qu'elles contiennent sont ceux des enfants qui ont été
145. — Ancienne cruche à huile phénicienne. Nécropole de Tyr.
D'après Lortet, La Syrie, p. -143.
immolés selon le rite chananéen. Voir Sacrifice. —
On a été tenté de reconnaître l'influence phénicienne
dans la céramique chananéenne. Mais les Phéniciens
n'ont jamais eu de céramique originale (fig. 145). La po-
terie mise au jour à Tyr, à Tell-el-Rachédiéh, en 1903,
est d'imitation cypriote. Cf. Revue biblique, 1904, p. 564-
566. Les Phéniciens cherchaient avant tout â débiter
les articles les plus capables d'exciter l'envie de leur
clientèle; les légendes gravées ou peintes par eux sur les
objets n'impliquaient nullement une origine tyrienne.
146. — Cruche décorée, de style cypriote.
D'après Sellin, Tell Ta'annek, Vienne, 1904, fig. 44^
Cf. Babelon, Manuel d'archéologie orientale, Paris,
1888, p. 292-299; Maspero, L'archéologie égyptienne,
Paris, 1887, p. 242-247.
2» Poterie israélite. — Après leur installation en Pa-
lestine les Hébreux imitèrent naturellement les procédés
de la céranique chananéenne. Mais ils donnèrent des
formes quelque peu originales à leurs produits, cruches
décorées à la manière cypriote (fig. 146), ou à panse
étroite, comme des gourdes (fig. 147). A partir de la
monarchie, l'autonomie des potiers Israélites s'accentue,
tout en subissant l'influence phénicienne, à laquelle la
construction et l'ornementation du Temple avaient
donné grand crédit. Les produits de la Grèce arrivaient
aussi sur les marchés palestiniens et contribuaient à
affiner le goût des artistes israélites. Néanmoins, leurs
produits ne parviennent pas à rivaliser avec ceux de la
147. — Cruche en forme de gourde.
D'après Sellin, ibid., pi. v, a.
dernière période chananéenne. Presque toute la vaisselle
est fabriquée au tour; mais bien des vases domestiques
sont grossièrement modelés à la main et à peine
dégrossis au polissoir. Ils font des jarres larges et mas-
sives (fig. 148). 11 n'y a pas de types absolument origi-
naux; les ouvriers imitent l'ancienne poterie indigène
ou s'inspirent des modèles mycéniens ou cypriotes
(fig. 149). Voir. t. n, flg. 416, col. 1135. La décoration
148. — Jarre juive. D'après Vincent, Canaan, p. 356.
est purement linéaire ou empruntée au règne végétal.
Le ton jaune ou noirâtre de la terre cuite reçoit des
traits en noir ou en rouge. Les figurines de l'époque se
rattachent aux productions grecques (fig. 150), quelque-
fois avec des types sémitiques (fig. 151). Un certain
nombre de pièces portent des estampilles. Parfois,
c'est un nom de potier. Souvent, ce sont des estampilles
royales, caractérisées par le mot -\bah et par le nom
d'une localité (fig. 152). Quatre localités palestiniennes
575
POTERIE — POTHIER
576
sont nommées, Hébron, Ziph, Soccoth et Marésa. Il
faudrait donc lire : « Au roi, Hébron; au roi, Ziph, »
etc. Les ateliers royaux auraient ainsi fabriqué certaines
catégories de vases; ces ateliers se trouvent précisément
dans des régions où abonde l'argile apte au moulage.
Les potiers d'Hébron et de Beit-Djebrin, au voisinage
noms de la plante çétaç, le Poteriutn épineux. Mais le
na'àsus est le jujubier ou, Zizyphus Spina-Christi.
Voir' t.' m, col. 1861.
POTHIER Rémi, théologien français, né à Reims en
1727, mort dans cette ville le 23 juin 1812. Il fut suc-
149. — Poterie israélite. D'après Vincent, Canaan, pi. xi.
de l'antique Marésa, approvisionnent encore aujourd'hui
les marchés de Jérusalem. Cf. H. Vincent, Canaan,
Paris, 1907, p. 297-360. Les potiers israélites fabriquaient
des récipients de toute nature, des lampes, voir
cessivement curé de Béthenville et chanoine de Laon
avant la Révolution. Esprit singulier, il croyait que per-
sonne avant lui n'avait parfaitement compris le sens
de l'Écriture. Il publia en 1773 le plan d'une Explica-
150. — Figurines de style cypriote. D'après Vincent, Canaan, p. 356.
Lampe, t. iv, fig. 14, col. 54, des ustensiles que
la rareté du bois obligeait à faire en terre cuite, comme
des mangeoires d'animaux, voir Crèche, t. h, col. 1108,
des téraphim, des statuettes d'idoles. Cf. Sap., xv, 8, etc.
H. Lesètre.
POTERIUM ÉPINEUX. Les Septante traduisent
le mot hébreu na'âsus, Is., lv, 13, par <rroi6ri, un des
cation de l'Apocalypse, qui fut brûlé par le bourreau
par ordre du Parlement de Paris, sur la réquisition de
l'avocat général Seguier. Pothier n'en fit pas moins pa-
raître son Explication, imprimée clandestinement à
Douai, 2 in-8», 1773, et il en donna plus tard une tra-
duction latine, 2 in-12, Augsbourg, 1797 et 1798. Il fit
paraître à part un extrait intitulé Les trois dernière»
577
POTHIER — POTIER
578
plaies, in-12, Augsbourg, 1798, dans lequel il appelle
Bonaparte précurseur de l'Antéchrist. En 1802, il publia,
in-8°, à Augsbourg, une explication des Psaumes en
latin. Voir Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. xl,
151. — Figurines à profils de Sémites.
D'après Vincent, Canaan, p. 357.
1862, col. 895; Michaud, Biographie universelle, nouv.
<5dlt., t. xxxiv, p, 190.
POTIER (hébreu : yô? s r, de yâçar, « façonner »;
chaldéen : péhâr; Septante : xspap.î-j<;; Vulgate : figu-
lus), artisan qui fait des vases et des ustensiles de terre
cuite. — 1° A une époque reculée, il y eut des potiers
à Nétaïra et à Gédéra, qui travaillaient pour le compte
du roi. I Par., iv, 23. D'autres sont signalés auprès de
2» Pour exécuter son travail, le potier commençait
par pétrir la terre avec les pieds. Is., su, .25. Puis, s il
s'agissait d'un vase, il se servait de la roue (flg. 155)
pour le façonner. La forme de l'instrument n'a guère
JJ>.
153. — Le dieu Phtah façonnant l'œuf du monde (peint en jaune)
sur un tour à potier, dont il met la roue en mouvement avec
les pieds. British Muséum. Cf. E. A. W. Budge, The Gods of
the Egyptians, 2 in-4% Londres, 1904, t. i, p. 500.
varié depuis les anciens temps. Il se compose essentielle-
ment de deux roues pleines, fixées horizontalement aux
extrémités d'un axe vertical. L'appareil est agencé sur
un pivot, de telle manière que la roue inférieure puisse
être mise en mouvement par les pieds d'un ouvrier
assis. La roue inférieure, ainsi conduite par les pieds,
152. — Estampilles royales. D'après Vincent, Canaan, p. 358.
Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnom, où Jérémie,
xix, 2, mentionne une porte des Tessons ou du Potier,
m'ar ha-harsùt, miXri ttjî ^apuetfi, porta fictilis, qu'il
faut peut-être identifier avec la porte Sterquiline ou du
Fumier. Voir Jérusalem, t. m, col. 1365. De ce même
côté se trouvait le champ du potier que les Juifs ache-
tèrent avec les deniers de Judas pour y inhumer les
étrangers. Matth., xxvn, 8. Voir Haceldama, t. m, col . 386.
DICT. DE LA BIBLE.
entraîne dans son mouvement la roue supérieure, qui
fait partie d'un même système. Les objets posés sur
cette roue seront donc entraînés dans son mouvement
giratoire, et, comme dans un tour à façonner le bois,
auront leurs surfaces usées par les objets résistants
qu'on tiendra à frottement auprès d'eux. Pourvu d'un
appareil de cette nature, le potier s'assied, prend dans
ses mains de l'argile suffisamment humide, lui donne
V. - 19
579
POTIER
580
«ne première forme générale, accusant le relief exté-
rieur et ménageant une cavité à l'intérieur de la masse.
Puis il la pose sur la roue supérieure, maintient le vase
avec une de ses mains placée à l'intérieur, met la roue
154. — Tambourin en terre cuite
D'après Lortet, La Syrie, p. 336.
en mouvement, et de l'autre main, avec une pièce
plate à échancrures appropriées, comprime doucement
la masse d'argile, jusqu'à ce qu'elle ait été réduite à
les tours sont mis en mouvement. Cf. 1. 1, fig. 22, col. 179.
Il fallait au potier une certaine habileté pour réussir
dans sa tâche. Parfois, pour une raison ou pour une
autre, le vase se brisait avant d'être terminé. « Je des-
cendis à la maison du potier, raconte Jérémie, xxrn, 3,
4; or, il faisait son ouvrage sur des roues. Le vase qu'il
faisait manqua, comme il arrive à l'argile dans la main
du potier, et il refit un autre vase, comme il plut au po-
tier de le faire. » L'Ecclésiastique, xxxvni, 32, 33,
décrit avec plus de détails le travail du potier :
Le potier assis à son ouvrage
Et tournant la roue avec ses pieds,
Constamment est en souci de son travail,
Et fait effort pour fournir la quantité.
Avec son bras il façonne l'argile,
Et devant ses pieds il fait tourner la masse.
Il met tout son cœur à parfaire le vernis,
Un soin vigilant à nettoyer son four.
En effet, le vase une fois séché à l'air, est mis au
four pour y cuire. Le four doit être bien propre, pour
que la pâte encore molle ne se déforme pas au contact
d'objets étrangers. Le vernis, xptau-a, linitio, est un
composé de divers oxydes, colorés ou non, qui se vitri-
fie par la fusion et constitue une sorte d'émail à la
surface du vase. C'est dans le four que les vases du
potier prennent leur forme définitive; ils en sortent
réussis ou manques. Eccli., xxvn, 6. Le potier peut
faire ainsi des ouvrages de toutes sortes, à son choix.
Sap., xv, 7.
3° Comme, pour créer l'homme, Dieu prit de la
poussière de la terre et en forma, yàçar, son corps,
Gen., il, 7-8, les auteurs sacrés aiment à assimiler
5 6 r <f 7 ( u 8 » 9
155. — Potiers égyptiens. D'après Wilkinson, Manners and Customs, 2 e édit., t. u, fig. 397, p. 192.
a, e, l, p, roues sur lesquelles est placée l'argile ; 1. Ouvrier façonnant l'intérieur d'une coupe qui tourne sur la roue a. —
b, c, d, g, h, m, n, représentent des vases déjà faits. — 2. Autre ouvrier façonnant l'extérieur d'une coupe et se préparant à la
séparer du bloc d'argile. — 3 vient de séparer la coupe k du bloc d'argile (. — 4 met sur la roue p l'argile qu'il va travailler.
— 5 façonne avec les deux mains un disque d'argile. — 6 entretienne four q d'où l'on voit sortir les flammes s. — 7 fait passer
à 8 les vases que celui-ci fait cuire au haut du four. — 9 emporte les vases déjà cuits. Beni-Hassan (Moyen Empire).
l'épaisseur voulue et ait pris une forme circulaire bien
régulière. On obtient ainsi toutes sortes de formes
(fig. 154). S'il faut ajouter des anses au vase, élargir
ou rétrécir quelque partie de ses bords, on le fait pen-
dant que l'argile est encore fraîche. Des peintures
égyptiennes représentent ce travail des potiers fabri-
quant au tour des vases d'argile (fig. 155), sans qu'on
puisse cependant se rendre compte de la manière dont
son œuvre à celle du potier. Cf. t. i, fig. 22, col, 179,
le dieu égyptien Khnoum façonnant l'homme. L'homme
est donc, par rapport à Dieu, ce que l'argile est par
rapport au potier.
Comme l'argile est dans la main du potier,
Et qu'il en dispose selon son bon plaisir,
Ainsi tes hommes sont dans la main de celui qui les a faits,
Et il leur donne selon son jugement. Eccli., xxxm, 13-14.
581
POTIER — POULE
582
En conséquence, l'homme n'a pas plus droit de se
révolter contre Dieu que l'argile contre le potier.
Folie ! Le potier sera-t-il pris pour de l'argile,
De sorte que l'œuvre dise à l'ouvrier : H ne m'a point faite !
Et le vase au potier : II n'y entend rien ! Is., xxix, 16.
Malheur à qui conteste avec celui qui l'a formé,
Vase parmi des vases de terre,
L'argile dira-t-elle à celât qui la façonne : Que fais-tu?
Ton œuvre dira-t-elle : Il n'a pas de mains !...
Oserez-vous m'interroger sur l'avenir,
Me commander au sujet de mes enfants
Et de l'ouvrage de mes mains !
C'est moi qui ai fait la terre,
Et qui ai créé l'homme qui est sur elle. Is,, xlv, 9, 11, 12'
Après avoir montré le potier mettant sur la roue un
vase qui ne se moule pas bien, et le remplaçant par un
autre, Jérémie, xviu, 3-6, ajoute de la part de Dieu :
Est-ce que je ne puis pas vous faire
Gomme a fait ce potier, maison d'Israël?
Ce que l'argile est dans la main du potier,
Vous l'êtes dans ma main, maison d'Israël.
Saint Paul reprend la même comparaison et assimile
Dieu au potier qui prend son argile et en fait ce qu'il
veut, tirant de la même masse un vase d'honneur et
un vase commun. Rom., ix, 20, 21. Cf. Sap., xv, 7.
4° Quand l'ouvrage du potier a passé au four, on le
brise aisément, mais on ne peut pas le réparer. Les
auteurs sacrés tirent de là d'autres comparaisons. Dieu
mettra en pièces les nations rebelles comme le vase du
potier. Ps. n, 9; Apoc, h, 27. Isaïe, xxx, 14, compare
l'alliance égyptienne à un ouvrage qui tombe subite-
ment en morceaux, comme un vase de potier. Jérémie
reçoit l'ordre d'acheter une cruche de potier, de la
briser hors de Jérusalem sous les yeux des anciens et
de leur dire :
Ainsi parle Jéhovah des armées :
Je briserai ce peuple et cette ville,
Gomme on brise le vase du potier
Qui ne peut plus être réparé. Jer., xix, 1, 11.
Après la prise de la ville, les nobles filles de Sion,
jadis estimées au poids de l'or, se plaignent d'être
traitées comme de simples vases de terre, œuvre du
potier. Lam., rv, 2. La statue du songe de Nabuchodo-
nosor avait une partie des pieds en argile de potier, ce
qui indiquait la fragilité de l'œuvre. Dan., H, 41.
H. Lesètre.
POU, insecte aptère, vivant sur le corps de l'homme
et des animaux. Le pou est pourvu d'un suçoir qui lui
156. — Pou et ses œufs. Grossis de 20 diamètres.
permet de pomper le sang, après qu'à l'aide d'un ai-
guillon corné il a percé la peau (iîg. 156). Ses pattes
sont terminées par des crochets au moyen desquels il
adhère fortement aux poils ou aux cheveux. — Josèphe,
Ant. jud.,11, xiv, 3, suivi par beaucoup de commenta-
teurs juifs, prétend que les kinnîm de la troisième plaie
d'Egypte étaient des poux : « Une innombrable quantité
de poux fourmillait des corps des Égyptiens, et il n'y
avait ni lavages ni application de remèdes qui pût les
détruire. » Les Égyptiens prenaient d'ordinaire de
grandes précautions pour éviter ces insectes. Hérodote,
II, 37. Mais ici Josèphe paraphrase le texte biblique.
Les kinnîm ne sont pas des poux, tpôeipéç, pediculi,
mais des cousins ou moustiques. Voir Cousin, t. n,
col. 1093. Les poux n'en sont pas moins une vermine
qui laisse assez indifférents les Bédouins, les Arabes,
les Fellahs et la plupart des Orientaux. Cf. E. Pierolti,
La Palestine actuelle, in-8°, Paris, 1865, p. 122, 169.
Les anciens Juifs la connaissaient. Les Talmudistes
disent qu'il y a autant de péché à tuer un pou le jour
du sabbat qu'à tuer un chameau. Jerus. Schabbath,
f. 107. — La multiplication des poux peut engendrer
une maladie qui, dans quelques cas, devient mortelle,
la phliriase ou maladie pédiculaire. Antiochus Épi-
phane et Hérodote Agrippa moururent d'une maladie
analogue. Voir Helminthiase, t. m, col. 585. Quelques
auteurs ont pensé que la maladie dont mourut Hérodte
le Grand, et que mentionne Josèphe, Ant. jud., XVII,
vu; Bell, jud., I, xxxm, 5, n'était autre que la maladie
pédiculaire. H. Lesètre.
POUCE (hébreu : bohén; Septante : axpov ; Vulgate :
pollex), doigt de la main ou du pied, occupant l'extré-
mité intérieure du membre, et, dans la main, opposa-
ble aux autres doigts. — Des lustrations de sang doivent
être faites aux pouces des mains et des pieds dans la
consécration du grand-prêtre, Exod., xxix,20; Lev., vin,
23, et dans la purification du lépreux, pour lequel des
lustrations d'huile sontajoutées aux premières. Lev., xvi,
14, 17, 25, 28. Sur la signification de ces rites, voir
Lustration, t. iv, col. 427, 428. — Le roi chinanéen
Adonibésec, qui avait fait couper les pouces des mains
et des pieds à soixante-dix rois, subit à son tour la
même mutilation, après sa défaite par les hommes de
la tribu de Juda. Jud., i, 6, 7. H. Lesètre.
POULE (Grec : opviç; Vulgate : gallina), oiseau de
l'ordre des gallinacés (fig. 157) et femelle du coq, dont
elle difière par une taille plus petite, une queue plus
courte et un plumage moins éclatant. Voir Coq, t. n,
col. 951. Les poules pondent d'ordinaire un œuf par
jour, sauf à l'époque de la mue. Quand elles en ont
pondu une vingtaine, elles manifestent le besoin de
couver. Les petits sortent de leur coquille au bout de
vingt et un jours d'incubation. La poule remplit avec
grande sollicitude et grand dévouement ses devoirs
maternels. Elle suit ses poussins, les rappelle quand
ils s'écartent, veille à leur nourriture avant de penser
à la sienne, les réunit sous ses ailes pour les réchauffer
et les protéger, et les défend résolument même contre
les oiseaux de proie. — Les poules ne paraissent pas
avoir été connues des anciens Israélites. Il n'en est
jamais question expressément dans l'Ancien Testament,
et les volailles engraissées qu'on servait à la table de
Salomon, III Reg.,' iv, 23, pouvaient comprendre
toute espèce d'autres oiseaux. Voir Barburim, t. i,
col. 1458. On ne sait pas à quelle époque les poules
furent introduites en Syrie. Elles ne sont jamais repré-
sentées sur les monuments égyptiens. Dans l'Inde, on
les trouve à l'état domestique dès les plus anciens
temps. De là elles ont passé, par l'intermédiaire de la
Perse, en Palestine, puis en Grèce. Il est peu probable
que leur introduction soit due à Salomon; car les paons
et les singes sont seuls mentionnés parmi les animaux
que ses navigateurs lui rapportèrent d'Ophir. III Reg.,
x, 22. Cette introduction doit cependant être voisine du
retour de la captivité, car déjà Pindare (520-450 avant
583
POULE — POURPRE
584
J.-C), Olynip., xn, 20, fait mention du coq. — Quoi
qu'on ait dit sur la défense qui aurait été faite aux
Juifs d'élever des coqs ou des poules (voir t. n, col. 953),
ils ne font pas difficulté d'en nourrir en grande quan-
tité même dans leurs maisons de Jérusalem, où il les
laissent percher pendant la nuit. Les poulets et les
œufs entrent pour beaucoup dans leur alimentation,
surtout pour les personnes que les infirmités ou l'âge
ont rendues plus délicates. Cf. Tristram, The natural
Hiitory of the Bible, Londres, 1889, p, 221-223. — Il
en était à peu près ainsi déjà à l'époque de Notre-Sei-
gneur. De là cette comparaison que le divin Maître
emprunte à la poule qui rassemble ses poussins sous
ses ailes. Matth., xxm, 37. Il a voulu faire de même
pour les fils de Jérusalem, mais ceux-ci n'y ont pas
consenti. La Vulgate traduit .avec raison par gallina,
1E>7. — La poule.
« poule, » le mot grec ô'pvn, qui veut habituellement
dire « oiseau », en général, mais qui désigne aussi la
poule en particulier. Cf. Eschyle, Eumen., 866;
Xénophon, Anab., rv, 5,25; Théocrite, xxiv, 63, etc.
H. Lesêtre.
POUPE (grec : irpù^w, ; Vulgate : puppis), arrière
d'un navire. Voir Navire, t. rv, col. 1513. Au moment
où une tempête s'éleva sur le lac de Tibériade, Notre-
Seigneur dormait, appuyé sur un coussin, à la poupe
d'une barque. Marc, iv, 38. C'est à la poupe qu'on fai-
sait asseoir les passagers d'une embarcation; ils y
étaient plus à l'aise et y gênaient moins la manœuvre
des rames ou des voiles. Voir Proue.
H. Lesêtre.
POURCEAU. Voir Porc, col. 543,
POURPIER DE MER, nom vulgaire de Varroche
halime, plante vivace que nombre d'auteurs identifient
au mallûath de Job, xxx, 4. Voir Arroche halime, t. i,
col. 1032.
POURPRE (hébreu : 'argâmân; assyrien : arga~
mannu ; chaldéen : 'ârigvdn ; Septante : rcopçiipa; Vul-
gate : purpura), matière colorante extraite d'un mol-
lusque et étoffe teinte avec cette couleur. L'étymologie
du mot 'ârgdman n'est point certaine. Il est assez
probable cependant qu'elle doit être tirée du sanscrit,
dans lequel on trouve les mots râga; « couleur rouge, »
ràgamanetrâgavan, « coloré en rouge. » Cf. Gesenius,
Thésaurus, Addenda, p. 111.
I. L'a pourpre dans l'antiquité. — 1° La pourpre.est
une matière colorante que les anciens extrayaient de
plusieurs mollusques, connus sous le nom de murex
ou « rocher ». Ces mollusques sont gastéropodes et
pectinibrancb.es, à coquille ovale ou oblongue, pourvue
antérieurement d'un canal respiratoire, et dont chaque
spire présente des bourrelets saillants en rangées lon-
gitudinales et irrégulières. Ces bourrelets sont les restes
des anciennes bouches de l'animal. Le murex truncu-
lus ou rocher fascié (Hg. 158) fournissait la pourpre
améthyste ou violette, dite de Tarente. Du murexbran-
daris ou rocher droite-épine (fig. 159), on tirait la
pourpre roùge foncé, dite pourpre de Tyr. On imitait
cette dernière à l'aide de certaines coquilles univalves
158. — Murex trunculus.
ou buccins, le purpura hœmastoma (fig. 160), le pur-
pura lapillus, le janthina, etc. La matière colorante
du murex se trouve dans une poche située à la partie
supérieure du corps, entre la tête et le foie. Incolore
dans l'animal, elle passe par diverses nuances, quand
elle est exposée à l'air et à la lumière, et part du
vert pour se fixer à la couleur pourpre. Le produit
du murex trunculus se compose de deux radicaux,
une substance azurée analogue au bleu d'indigo, l'oxyde
cyanique, et une substance d'un rouge ardent, l'oxyde
purpurique. Le murex brandaris ne contient qu'un
seul radical, l'oxyde lyrien. Cf. Grimaud de Caux, Sur
la pourpre des anciens, dans la Revue de zoologie,
1856, p. 34, et Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la pour~
pre, dans les Annales des sciences naturelles, 1859,
t. xn, p. 1-92. — 2° Les coquilles à pourpre se trouvent
159, — Murex brandaris.
en grande quantité sur les bords de la Méditerranée.
Les anciens les recueillaient sur les côtes de Phénicie,
Strabon, xvi,-757; sur celles du Péloponèse, Pausanias,
m, 21, 6; sur celles du nord de l'Afrique, Strabon,
xvn, 834, etc. Vitruve, De architect., vu, 12, remarque
que la pourpre recueillie au nord de la Méditerranée
était plus sombre, qu'elle passait au violet dans les
régions moyennes, pour arriver au rouge sur les côtes
méridionales. La nature du mollusque employé était
aussi pour beaucoup dans ces colorations. Pouf extraire
la matière colorante, on ouvrait la coquille sur les
premiers tours de spire, soitfd'un coup de hachette,
soit à l'aide d'une meule qui. l'usait par le frottement.
Les Phéniciens se livraient en grand à l'exploitation de
585
POURPRE
586
la pourpre. Au dessus du port de Sidon, on rencontre
des amoncellements de murex ouverts artificiellement,
sur plusieurs mètres d'épaisseur et quelques centaines
de mètres de largeur. Le long de l'isthme de Tyr, on
constate des dépôts analogues (Hg. 161). A Pompéi, on
a trouvé de semblables amas, indiquant l'existence
d'anciens ateliers de teinture. Pour préparer la teinture,
après avoir ouvert le sommet de la coquille, « on re-
cueillait avec soin le suc un peu jaunâtre qui suintait
de la blessure, on le laissait macérer trois jours avec
du sel, on faisait bouillir dans des vases de plomb et
l'on réduisait à feu doux; on filtrait la liqueur au
tamis, pour la débarrasser des résidus de chair qui y
baignaient, et l'on trempait l'étoffe. La nuance la plus
fréquente était lin sang frais poussant au noir par ré-
flexion; mais des manipulations graduées permettaient
d'obtenir des tons rouges, violet sombre, améthyste. »
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
Paris, t. il, 1897, p. 203, 204. Cf. Aristote, Hist. anim.,
v, 13; Pline, H. N., ix, 36, 37. Aujourd'hui, « les ga-
mins de Tyr savent encore parfaitement bien teindre
des chiffons de laine en fixant la couleur sécrétée par
le mollusque avec un peu de carbonate de soude et du
jus de citron employés comme mordants. Ces guenilles
colorées en rouge violacé leur servent de drapeaux
lorsqu'ils jouent au soldat comme les enfants de nos
160. — Murex hœmastoma.
pays. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884,
p. 127. — 3° « La pourpre était considérée comme la
plus précieuse des teintures, à cause de son éclat et de
sa durée. Un des plus grands avantages de cette cou-
leur est, en effet, de résister indéfiniment à l'influence
de la lumière, qui, au lieu de détruire ou affaiblir les
principes colorants, en augmente au contraire l'éclat.
Elle présente de plus à un très haut degré ces reflets
chatoyants et changeants si appréciés des anciens. »
Lortet, ibid., p. 202. Le prix de revient de la pourpre
était fort élevé, à raison de la faible quantité de matière
colorante que contient chaque murex, du grand nombre
de mollusques qu'il fallait recueillir et de la manipula-
tion qu'il fallait faire subir au produit. D'après les
estimations de Pline, H. N., ix, 36, 61, le poids des
mollusques employés représentait plus de six fois celui
de la laine à teindre. A Rome, la laine teinte en pourpre
se vendait au poids de l'argent, et la laine deux fois
teinte, en écarlate puis en pourpre, ou dibapha, Pline,
H. N., n, 39, 63; xxi, 8, 22, valait dix fois plus, soit
2300 francs le kilogramme. Cf. Guignet, Les couleurs,
Paris, 1889, p. 139. — i° Le haut prix de la pourpre
n'en rendait l'acquisition possible qu'à des personnages
très riches. Cf. Hérodote, îx, 22. Elle était l'emblème
de la royauté et plus tard de la puissance impériale.
Cf. Udyss., xix, 225; Lucain, Pharsal., vu, 228; Eu-
trope, Breviar., îx, 8; Ammien Marcellin, xxi, 9; Cod.
Theod., VI, xxiv, 3. Cod. Justin., n, 8; vi, 12, etc. A
Byzance, on appelait itopcpupoYévvTv™;, « né dans la
pourpre », le fils du prince. Des ordonnances impériales
restreignirent l'usage de la pourpre à certains digni-
taires. Cf. Suétone, Cses., 43; Ner., 32; Philostrate,
Beroic, xix, 15; Cod. theod., IV, XL. Les Phéniciens
restèrent toujours les principaux fabricants et les four-
nisseurs des teintures de pourpre. Cf. Virgile, Georg,,
m, 307; Tibulle, n, 3, 58; 4, 28; Ovide, Ars amat., m t -
170. Cependant les Lydiens parvinrent à leur faire une
concurrence appréciée. Cf. Élien, Nat. animal., IV, 46;
Valer. Flaccus, Argonaut., iv, 369, etc. On cherchait
naturellement à imiter la pourpre. Ctésias, lndic, 21,
dit que dans l'Inde ou se servait d'une fleur couleur
de pourpre pour obtenir un produit de même qualité
que ceux de Grèce et encore plus brillant. La fabrica-
tion de la pourpre au moyen du murex est délaissée
depuis longtemps. Grâce aux progrès de la chimie, on
obtient beaucoup mieux et surtout à meilleur marché.
Cf. A. Schmidt, Ueber die Purpurfârberei und den
Purpurhandel im Altertum, Berlin, 1842; Von Mar-
tens, Purpur und Perlen, Berlin, 1874.
II, La pourpre dans la Sainte Écriture. — 1» Moïse
reçut l'ordre de recevoir des Israélites, au désert, la
pourpre nécessaire à la confection des objets du culte.
Exod., xxv, 4. On lui en apporta en effet, Exod., xxxv,
6, 23, 25, 35, ce qui suppose que le fil de pourpre était
161. — Conglomérat de débris de murex truncuîus trouvés à
Tyr. — D'après W. R. Wilde, Narrative of a voyage to Ma-
deira, Teneriffe, along the shores of the Mediterranean,
2 in-8", Dublin, 1840, t. n, p. 482.
assez commun en Egypte et que les Israélites en avaient
emporté en quittant ce pays. Les fils de pourpre furent
employés à confectionner les tentures du Tabernacle,
le voile du Saint des Saints, Exod., xxvi, 1, 31, 36, les
tentures de la porte du parvis, Exod., xxvn, 16, l'éphod,
la ceinture, le pectoral, les grenades de la robe du
grand-prêtre. Exod., xxvm, 5, 6, 8, 15, 33; xxxvi, 8,
35, 37; xxxviii, 18, 23; xxxix, 1, 2, 8, 22, 28. Dans la
confection de ces travaux entrent trois éléments : le ra-
kêlél, hyacinthe ou pourpre bleue-violette, tirée, d'après
le Talmud, du hilzôn, mollusque à pourpre , voir Cou-
leurs, t. il, col. 1066; Y'argdmàn, ou pourpre rouge,
et le tôld' ou cramoisi. Voir Cochenille, t. u, col. 818;
Eccli., xlv, 12. — Quand Salomon voulut bâtir le Temple,
il demanda à Hiram un ouvrier habile à teindre en
pourpre. II Par., n, 7, 14. Pour fabriquer le voile du
Temple, on employa le byssus, le bleu, le pourpre et le .
cramoisi, II Par., m, 14, c'est-à-dire qu'à l'étoffe de
bûs, voir Lin, t. iv, col. 264, furent joints des fils de
laine bleue, pourpre et cramoisie. — Dans toute l'anti-
quité, l'étoffe de pourpre fut considérée comme la plus
riche et la plus magnifique de toutes. Aussi on en
revêtait les statues des dieux. Jer., x, 9; Bar., vi, 71.
On disait que l'Héraclès phénicien avait offert à Astarté
la première tunique teinte avec la pourpre tyrienne.
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 127. La statue
de Jupiter Capitolin, à Rome, celle des Dioscures, à
Sparte et à Messine, portaient des manteaux de pourpre
587
POURPRE — POUSSIÈRE
588
précieuse. Le vêtement de pourpre éveillant ainsi la
double idée de royauté et de divinité, il convenait que
la pourpre fût employée dans le culte de Jéhovah, pour
marquer sa divinité unique et sa suprême royauté.
Cf. Bâhr, Symbolikdes mosaischen Cullus, Heidelberg,
1837, t. i, p. 330-332.
2° La pourpre est signalée dans les dépouilles du roi
de Madian, dont s'empara Gédéon, Jud., vm, 26; dans
le siège de la litière de Salomon, Cant., m, 10; dans le
conopée d'Holopherne, Judith., x, 19; dans les vête-
ments de la femme forte, qui ordonne si bien sa riche
maison, Prov., xxxi, 20; dans la parure de Daniel,
après qu'il a expliqué le songe de Baltassar, Dan., v, 7,
16, 29 ; dans celle dont est revêtu Mardochée pour son
triomphe, Esth., vm, 15; dans les vêtements du mauvais
riche à Jérusalem. Luc, xvi, 19. A l'époque des Macha-
bées, les royautés orientales attachaient grande impor-
tance au port de la pourpre. Quand Judas pilla le camp
des Syriens, il y trouva beaucoup de pourpre. I Mach.,
îv, 23. Par contre, l'auteur sacré remarque qu'à Rome,
à cette époque, personne ne prenait la pourpre pour
se faire roi. I Mach., vm, 14. Antiochus Épiphane ôta
le droit de pourpre à Andronique, le meurtrier du
grand-prêtre Onias. II Mach., iv, 38. Alexandre Bala
l'accorda à Jonathas, et le revêtit lui-même à Ptolémaïde,
I Mach., x, 20, 62, 64; Antiochus VI lui confirma ce
droit. 1 Mach., xi, 58. Après lui, le grand-prêtre Simon
eut seul, parmi les Juifs, le droit de se revêtir de
pourpre. I Mach., xiv, 43, 44.
3° Ézéchiel, xxvn, 7, 16, dit que les Tyriens faisaient
venir la pourpre des îles d'Élisa, c'est-à-dire de Laconie
dans le Péloponèse, voir Élisa, t. h, col. 1686-1688; il
ajoute qu'ils en échangeaient contre les marchandises
des Syriens. — A l'époque de^aint Paul, une fervente et
généreuse chrétienne,Lydie, était marchande de pourpre,
jtop9upo7rwÀi{, purpuraria, à Thyalire. Act., xvi, 14.
4° D'après saint Marc, xv, 17, Notre-Seigneur fut
revêtu de pourpre par les soldats du prétoire. Saint
Matthieu, xxvn, 28, dit que ce fut d'un manteau cra-
moisi, xXet|jLtc xoxxi'vr]. Il y avait donc équivalence entre
les deux couleurs, et, quand on parlait de pourpre sans
autre explication, il s'agissait de pourpre rouge.
5» Les cheveux de l'Épouse sont comparés à la pourpre.
Cant., vu, 5. La comparaison porte moins sur la couleur
que sur le brillant, la splendeur et les tons chatoyants
de la pourpre. Les poètes appellent « cheveux de
pourpre » ceux qui sont d'un brillant brun-noirâtre.
Cf. Virgile, Georg.. i, 405; Tibulle, I, iv, 63.
6° Enfin saint Jean représente Babylone comme une
reine vêtue de pourpre et faisant le commerce de la
pourpre. Apoc, xvn, 4; xvm, 12, 16.
H. Lesètbe.
POURRITURE (hébreu : maq, ràqâb, sahânâh,
sâlia{, tam'âh; Septante : 8iaç8opâ, qpôopà, «janpi'a;
Vulgate : putredo, corruptio), résultat de la décompo-
sition des corps organiques. — 1° Job, xvii, 14, en
proie à sa terrible maladie, en vient à dire à la pour-
riture : « Tu es mon père ». Isaïe, m, 24, annonce aux
filles de Sion que la pourriture remplacera pour elles
l'odeur des parfums. Joël, il, 20, prédit que l'infection
de la pourriture s'élèvera dans le camp des Assyriens.
Dieu l'a fait déjà monter dans le camp des Israélites.
Am., iv, 10. — 2° La pourriture est surtout la caracté-
ristique du tombeau. Dieu ne permettra pas que son
bien-aimé, son Messie, voie la corruption. Ps. xvi (xv),
10; Act., il, 27; xm, 35. Par la mort, le corps de
• l'homme tombe en pourriture, mais pour ressusciter
ensuite : « Semé dans la corruption, le corps ressus-
cite incorruptible; semé dans l'ignominie, il ressuscite
glorieux. » I Cor., xv, 42, 43. Il est comme une se-
mence qui d'abord pourrit en terre avant de revivre.
— 3° La pourriture ou carie des os représente, dans les
comparaisons, la femme acariâtre, Prov., xn, 4; l'en-
vie, Prov., xiv, 30; la crainte des ennemis, Hab., m,
16. Le pécheur repentant, en proie au remords, dit
que l'infection et la purulence ont envahi ses meur-
trissures, marquant ainsi combien est malheureux et
répugnant l'état de son âme, Ps. xxxvm (xxxvn), 6.
La racine des méchants est semblable à la pourriture,
Is., v, 24, elle ne peut rien produire de bon. Leur nom
aussi tombe en pourriture. Prov., x, 7. Les riches
impies succomberont un jour à la pourriture d'une
cruelle destruction, Mich., n, 10; leurs richesses sont
pourries. Jacob., v, 2. Celui qui sème dans la chair en
moissonnera la corruption, Gai., vi, 8, c'est-à-dire que
celui qui vit au gré des convoitises mauvaises de sa
nature n'en recueillera que péché et misère. Dieu est
comme la pourriture pour la maison de Juda, Ose., v,
12, il l'attaque et la consume lentement dans sa justice,
afin de lui ménager le temps de la pénitence.
H. Lesêtre.
POUSSIÈRE (hébreu : 'àfâr, et une ou deux fois seu-
lement : 'àbâq, 'âbâqàh, dahkâ', daq, Salfaq, neko'(;
Septante : a|i^.oç, yrj, xoviopTÔs, xovz; Vulgate : pulvis),
éléments solides réduits en particules très ténues.
I. Au sens propre. — 1° Dans son corps, l'homme a
été tiré de la poussière et il retournera en poussière.
Gen.,m, 19; Job, x, 9; Ps. xc (lxxxix), 3; cm (en), 14;
Eccle., xii, 7. Il en est de même des animaux. Ps. civ
(cm), 29. — 2° La poussière du sol s'élève sous les pieds
des chevaux, Ezech., xxvi, 10; elle couvre les statues
des faux dieux. Bar., vi, 12, 16. Dans la poussière, un
arbre meurt, Job, xiv, 8; mais la pluie fait de la pous-
sière une masse consistante. Job, xxxvm, 38. La pous-
sière joue un grand rôle dans les plaies d'Egypte. D'elle
sortent les moustiques de la troisième plaie, Exod.,
vin, 16, 17, et les pustules de la sixième. Exod., ix, 9.
Mise en mouvement par le khamsin de la neuvième
plaie, elle empêche la lumière d'éclairer le pays pen-
dant trois jours. Exod., x, 21-23. Voir Ourà.gah, t. rv,
col. 1931. — 3° La loi sur l'épreuve de la femme accusée
d'infidélité l'obligeait à boire une eau dans laquelle le
prêtre avait mis de la poussière prise sur le sol du sanc-
tuaire. Num., v, 17, 24. C'était une manière de marquer
que le sanctuaire lui-même devait prendre parti contre
la femme, si elle était vraiment coupable. Les Assyriens
avaient un rite analogue. Ils versaient dans de l'eau du
fleuve de la poussière du sanctuaire du dieu et d'autres
poussières ramassées à différentes portes, et ils se ser-
vaient de ce mélange, non pour le faire boire, mais
pour arroser la porte de la maison que l'on voulait
sans doute préserver. Cf. Fr. Martin, Textes religieux et
babyloniens, I™ série, Paris, 1903, p. 243-245. — 4» La
poussière résulte de l'écrasement ou de la décomposition
de certains solides. Ainsi le veau d'or est réduit en pous-
sière. Exod., xxxii,20; Deut., ix, 21. Voir Or, col. 1840,
Quand les murs sont atteints de lèpre, on les racle et
l'on jette la poussière au loin. Lev.,xiv, 41. Voir Lèpre,
t. iv, col. 186. Josias fit enlever du Temple tous les
objets idolâtriques et réduire en poussière les idoles;
puis il ordonna de porter cette poussière à Béthel, cen-
tre idolàtrique, et sur les tombes du peuple. IV Reg.,
xxiii, 4, 6, 15. — 5° En signe de deuil, on se jetait de la
poussière sur la tête. Jos., vu, 6; I Reg., rv, 12; Job, u,
12; Etech., xxvn, 30; Am., n, 7; Apoc, xvm, 19. Le pro-
phète Michée, i, 10, annonçant le châtiment de Juda,
joue sur le nom de la ville de Beth-Aphra, « maison
de poussière », et dit d'elle : « A Beth-Aphra, je me
roule dans la poussière, » c'est-à-dire je suis au comble
de la désolation. Voir Aphra, t. i, col. 735. Cf. Jer.,xxv,
34. En .Egypte, une des marques les plus fréquentes de
douleur consistait à se barbouiller le visage de pous-
sière et de boue (fig.162). Cf. Wilkinson, Manners and
Customs, 2 e édit., t. m, pi. lxvh; Maspero, Les contes
populaires de l'Egypte ancienne, 3" édit., p. 10. Les
Hébreux employaient dans l'expression de leur deuil la
589
POUSSIÈRE
590
cendre et la poussière. Voir Cendre, t. n, col. 407. La
poussière implique l'idée de fragilité et surtout celle de
mort. Elle convenait donc bien à l'expression d'un cha-
grin qui entamait la vie. Aux funérailles, chez les Ara-
bes, « les femmes crient de toutes leurs forces, s'égra-
tignent les bras, les mains et le visage, arrachant leurs
cheveux, et se prosternant de temps en temps, comme
si elles étaient pâmées de douleur ; elles prennent des
poignées de terre ou de sable, et le jettent sur leur
tête et sur leur visage. » De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. — 5° Pour marquer
la colère et l'indignation, on lançait de la poussière en
l'air. C'est ce que fait Séméï, en accompagnant David de
ses imprécations. II Reg., xvi, 13. A Jérusalem, les Juifs,
en fureur contre Paul, lançaient de la poussière en
l'air. Act., xxn, 23. Cette expression de l'indignation
parait être instinctive en Orient. Un fellah ayant été
battu sur l'ordre d'un effendi, jusqu'à ce qu'il eût perdu
connaissance, « il y eut une grande lamentation. Le
malheureux fut apporté tout près de ma maison, au
rv, 10; Job, xvi, 18; Is., xxvi, 21. — 3° Secouer la pous-
sière de ses pieds sur quelqu'un ou sur un pays, c'est mar-
quer qu'on regarde comme maudite la poussière de ce
pays, qu'on ne veut rien emporter d'un pareil endroit, et
qu'on cesse tout rapport avec des hommes qui n'ont su
ni comprendre ni remplir leur devoir. Cette expression
ne se lit que dans le Nouveau Testament. Matth., x, 14;
Marc, vi, 11 ; Luc, îx, 5; x, 11 ; Act., xm, 51. « Aujour-
d'hui, il n'est pas rare de voir un Égyptien, un Syrien,
à la suite d'une discussion, ou au sortir d'une maison
où il a été mal reçu, quitter ses babouches etles battre
deux ou trois fois, semelle contre semelle, en face de
son adversaire. Cela veut dire : Je ne veux plus avoir
affaire avec toi. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 257.
— 4° A raison de la sentence originelle, Gen., m, 19, la
poussière éveille naturellement l'idée du tombeau. Aussi
est-elle prise parfois pour la mort elle-même. Job, vu,
11; xx, 11; xxi, 26; xl, 8 (13); Ps. vn, ~6; Is., xxvi,
19; Dan., xn, 2. La poussière du tombeau, c'est-à-dire
la mort ne chante pas la louange de Dieu. Ps. xxx
d62. — Égyptiennes répandant de la poussière sur leur tête en signe de deuil.
D'après Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, 1' édit., t. i, p. 167.
milieu d'une foule de femmes qui hurlaient comme des
possédées; la sienne surtout criait et se frappait la tête
et jetait de la poussière en l'air, moremajorum, comme
vous pouvez le voir dans les tombes. » Lady Gordon,
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 273.
II. Au sens figuré. — 1° La poussière du sol est
l'image de ce qui est petit, faible, méprisable. Abraham
parle au Seigneur, bien qu'étant poussière et cendre.
Gen., xvm, 27. Dieu tire le pauvre de la poussière, c'est-
à-dire de l'abaissement. I Reg., u, 8 ; III Reg., xvi, 2.
Les nations ne sont devant lui que poussière. Is., xl, 15.
Il réduit en poussière ou renverse dans la poussière,
c'est-à-dire humilie, abaisse et ruine, Moab, Is-, xxv, 12;
xxvi, 5; Babylone, Is., xlvii, 1; Tyr, Ezech., xxvi,4, 12;
les ennemis. Is., xxix, 5. Il fait voler en poussière l'épée
des puissants. Is., xli, 2. Dans l'épreuve, on est affaissé
jusqu'à la poussière. Ps. xliv (xliii), 25. Jérusalem régé-
nérée secoue sa poussière. Is., m, 2. Après la captivité,
les Juifs sauront tirer de leur poussière les pierres
de leurs murs. II Esd., iv, 2. — 2° Mettre sa bouche
dans la poussière, c'est se prosterner très humblement.
Lam., m, 29. Voir t. i, col. 541. Lécher la poussière des
pieds de quelqu'un, c'est lui marquer sa complète sou-
mission. Ps. lxxi (lxxii), 9; Is., xlix, 23. Ezéchiel, xxrv, 7,
accusant Jérusalem de ses crimes, dit qu'elle a versé le
sang sur la roche nue, et non sur la terre pour le re-
couvrir de poussière. Le prophète veut signifier que les
crimes de Jérusalem ont été commis impudemment, au
grand jour, et que tes traces en sont visibles. Cf. Gen.,
(xxix), 10. Le supplicié attaché à la croix est réduit à la
poussière de mort, c'est-à-dire dévoré, après la perte
de son sang, par une fièvre brûlante qui le dessèche
comme une poussière et le conduit à la mort. Ps. xxn
(xxi), 16. — 5° Les nuages sont comme la poussière des
pieds de Dieu. Nah., i, 3. A Israël infidèle, la poussière,
c'est-à-dire la sécheresse, sera envoyée au lieu de pluie.
Deut., xxviii, 24.
III. Comparaisons tirées de la poussière. — 1» La
poussière se compose d'une multitude innombrable de
particules. La race d'Abraham deviendra aussi nom-
breuseque la poussière. Gen., xih, 16; xxvm, 14; Num.,
xxiii, 10; II Par., i, 9. A la voix de Dieu, les cailles
tombèrent comme la poussière dans le camp des Israé-
lites. Ps. lxxviii (lxxvii), 27. Dans un sens analogue,
Benadad, pour donner l'idée du grand nombre de ses
soldats, prétend que la poussière de Samarie ne suf-
firait pas à remplir le creux de toutes leurs mains.
III Reg., xx, 10. — 2» La poussière est le résultat d'un
broiement d'éléments solides. Les ennemis sont broyés
comme la poussière. II Reg., xxn, 43. — 3° La pous-
sière légère est emportée par le vent. Les nations enne-
mies, Is., xvii, 13, les armées vaincues, IV Reg., xm, 17,
la fleur des méchants, «'est-à-dire leur prospérité, les
méchants eux-mêmes sont emportés par le vent comme
la poussière. Ps. xvm (xvn), 43; xxxv (xxxiv), 5; Is., :
xxix, 5. — 4° Le serpent rampe à terre- et semble lécher
et manger la poussière. Gen., m, 14; Is., lxv, 25. En
face d'Israël régénéré, les nations lécheront la poussière
591
POUSSIÈRE — POUZZOLES
592
comme le serpent, c'est-à-dire se feront humbles et
soumises. Mich., vu, 17. — Sur la poussière aromati-
que, Exod., xxx, 36; Cant., m, 6, voir Parfum, t. iv,
col. 2163. H. Lesêtre.
POUSSINES Pierre, érudit français né le 28 oc-
tobre 1609,àLaurac (Aude), novice de la Compagnie de
Jésus le 7 juillet 1624, fut, 19 ans durant, chargé du
cours d'Écriture Sainte et d'hébreu au Collège romain.
Revenu à Toulouse en 1682, il y mourut 4 ans plus
tard, le 2 février 1686. Sa vaste et sûre érudition ne se
porta pas seulement sur les Pères grecs, elle s'exerça
sur l'Écriture Sainte et nous a valu notamment deux
ouvrages fort importants. C'esl d'abord Catena Grseco-
rum Patrum in Evangelium secundum Marcum,
in-f", Rome, 1673. Cette œuvre est suivie de commen-
taires sur des passages spéciaux des quatre Evan-
giles; de collations du texte grec de tous les livres du
Nouveau Testament avec 22 manuscrits; d'observations
montants, colonnes, poteaux, etc. — Baruch, vi, 13,
54, dit que les idoles sont dans leurs temples comme
des poutres et qu'elles y brûleront comme ces der-
nières. — Notre-Seigneur compare à une poutre dans
l'œil les défauts de celui qui, oublieux ou inconscient
de ses torts graves, ne songe qu'à remarquer les tra-
vers beaucoup moindres du prochain. Matth., vu, 3-5;
Luc., vi, 41, 42. La poutre dans l'œil est une hyper-
bole orientale de même ordre que le chameau dans le
trou d'une aiguille, Matth., xix, 24, le chameau avalé.
Matth., xxm, 24, etc. La comparaison se retrouve dans
la Mischna, Arackin, 16 b, à propos des réprimandes
qu'on refuse d'accepter : « A qui dirait à son prochain :
Ote la paille qui est dans ton œil, on ne manquerait
pas de répondre : Ote la poutre qui est dans le tien. »
H. Lesêtre.
POUZZOLES (grec : IWoXoi; Vulgate : Puteoli),
aujourd'hui Pozzuoli, port autrefois célèbre, situé vers
l'extrémité septentrionale du golfe de Naples, ou du
163. — Port de Pouzzoles ; ruines de l'ancien môle.
sur divers endroits du Nouveau Testament. Son second
ouvrage, plus remarquable, est Apocalypsis ènarra-
tiones, in-4», Toulouse, 1685. On doit signaler encore deux
Dissertations sur l' Assuérus d'Esther, le Darius de Daniel
et le Zacharie de Barachie, deux autres Dissertations
sur les prophéties concernant Notre-Seigneur, enfin
une étude De adventu Christi nonnisi post prxvisum
Adami lapsum décréta. P. Bliard.
POUTRE (hébreu : krutôt, mehabbrôf, ?êl'ôt,
éequfîm, qôrâh; Septante : 6ox6«; Vulgate : trabes),
pièce de bois, longue et forte, employée dans les cons-
tructions. — Il est question de poutres à propos de la
construction des parvis du Temple, III Reg., vi, 36;
vu, 12, du Temple lui-même, sous Salomon, II Par.,
ni, 7, et sous Josias, II Par., xxxrv, 11; des palais et
autres édifices de Salomon, III Reg., vi, 15, 16; vu, 3,
4, et de maisons riches, Cant., i, 16, ou communes.
IV Reg., vi, 2, 5. Les termes hébreux, presque tous au
pluriel, indiquent probablement des variétés de pou-
tres, différentes quant à la forme ou quant à l'usage,
poutres Droprement dites, poutrelles, fermes, solives,
Sinus Puteolanus, comme on disait alors, à l'ouest et
à 10 kilomètres de l'ancienne « Néapolis », entre le cap
du Pausilippe et le cap Misène. L'origine de son nom
est douteuse. On l'a rattaché tantôt aux exhalaisons
putrides des sources sulfureuses de la région, pu~
tere; tantôt directement à ces puits sulfureux,, putei.
Saint Paul y arriva de Malte en peu de jours, poussé
par un vent favorable. Act., xxvm, 13. Puteoli était le
grand port commercial de l'Italie. Pline, H. N., xxxvi,
14, rapporte que les marchands de soixante-dix nations
diverses s'y rencontraient, occupés à y entreposer pour
Rome les produits de tout l'univers, spécialement le
blé d'Egypte. Voir aussi Suétone, August.,98, et Titus*
5; Silius Italicus, Silv., m, 2. Cicéron, comme saint
Paul, y aborda en venant de Sicile. Cf. Pro Plane, 26.
L'historien juif Josèphe y vint également à la suite
d'un naufrage, Vita, 3. On nommait Pouzzoles «• la
petite Délos », parce que cette île de la mer Egée avait
été elle-même le grand marché de l'univers. Il existe
encore des restes de l'ancien môle sur lequel saint Paul
dut débarquer (fig. 163). Fondée par les Ioniens, Pouz-
zoles portait primitivement, lorsque toute la rive cam-
593
POUZZOLES
PRÉDESTINATION
594
panienne était beaucoup plus grecque que latine, le
nom de Dikéarkhia, que lui donne encore Josèphe,
Ant. jud., XVII, xu, 1. C'est pendant la seconde guerre
punique qu'elle fut occupée par les Romains.
En sa qualité de port marchand fréquenté du monde
entier, Pouzzoles ne pouvait manquer de posséder une
colonie de juifs, cf. Josèphe, l. c, et aussi d'entendre
de très bonne heure la prédication chrétienne. Voir
Ramsay, St. Paul the Traveller, 5 e édit., in-8°, Londres,
1900, p. 346. C'est probablement parmi ces habitants
israélites que germèrent les premières semences de la
foi en Jésus-Christ. Paul, en y débarquant, y trouva
des « frères », Act., xxvm, 14, qui le prièrent de de-
meurer quelques jours auprès d'eux. Le centurion Ju-
lius, sous la garde duquel était l'Apôtre, lui accorda
cette faveur, comme précédemment à Césarée, Act.,
xxvn, 3, de sorte que saint Paul put passer une semaine
entière à Pouzzoles. Une variante du texte grec, dans
Act., xxvm, 13, mérite d'être signalée : au lieu de
îrapsxX7i6^[isv nap'aÙToî; ini|».EÏvai, qui est la leçon la
plus autorisée et celle qu'a suivie la Vulgate, le cod. D
et d'autres manuscrits portent : TcapEx),. iit'aÛToïç é[i|j.st-
vavreç, « Nous fûmes consolés, étant demeurés auprès
d'eux ». L. Fillion,
PRADO (Joronime de), exégète espagnol, né à
Baeza en 1547, mort à Rome le 13 janvier 1595. Il
entra en 1572 au noviciat de la Compagnie de Jésus et
devint ensuite professeur à Cordoue où il enseigna
d'abord les humanités, puis, pendant 16 ans, l'Écriture
Sainte. Il est surtout Connu à cause de son grand ou-
vrage sur Ézéchiel. Étant allé à Rome pour y chercher
des artistes capables de faire les illustrations qu'il
voulait joindre à son Commentaire, il y mourut, lais-
sant inachevée son œuvre qui fut terminée par son con-
frère Villalpaud : Hieronymi Pradi etJoannis Baptistse
Villalpandi e Societate Jesu in Ezechielem Explora-
tiones et Apparatus Vrbis ac Templi Eierosolymi-
tani Cotnmentariis et Imaginibus illustratus. Opus
tribus tomis distinctum, 3 in-f°, Rome, 1596-1604. Le
tome i,part. I, renferme le commentaire des 26 premiers
chapitres, le tome n est consacré au Temple et le tome ni
à la ville de Jérusalem . La première partie seule du tome i
est l'œuvre de Prado; la seconde partie du tome i
(Èzech., xxvii-xxviii) et les tomes n et m sont l'œuvre
de Villalpand.
PRÉCURSEUR (grec : icpoTpÉ X cov, np<S5po[ioç; Vul-
gate : prsecursor), celui qui court devant un person-
nage pour préparer son passage. — Les précurseurs
étaient employés chez les Égyptiens. Us sont représen-
tés courant à pied devant le char du pharaon. Voir t. h,
fig. 193, col. 566. L'un d'eux précédait le char de Jo-
seph en criant 'abrek! Gen., xli, 43. Voir Abrek, t. i,
col. 90; Main, t. iv, col. 584. Samuel prévit que les
rois israélites voudraient aussi avoir des hommes pour
courir « devant la face de leur char », à la mode égyp-
tienne. I Reg., vin, 11. L'usage du précurseur existe
encore en Egypte. « Il court devant notre landau, écar-
tant de ses cris et menaçant de sa baguette les pares-
seux ou les affairés qui sont sur la route. Les sais des
grands seigneurs , mieux costumés que lui, portent des
vestes brodées d'argent et d'or. Leurs manches larges
et leur jupe volumineuse flottent au vent, tandis qu'ils
crieirï, qu'i\s -<io\6ïrt, qw'ïis ftappetA. -i> Le Cawwvs, Notre
voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 97.
Cf. Landrieux, Aux pays du Christ, Paris, 1897, p. 65.
— Le Seigneur promit à Moïse d'envoyer devant lui
un ange pour précéder le peuple dans le pays de Cha-
naan et ainsi lui frayer la voie. Exod., xxxm, 2. Plus
tard, Dieu fit annoncer par Malachie, m, 1, qu'il enver-
rait son messager pour préparer le chemin devant lui.
Saint Jean-Baptiste remplit cet office à l'égard de
Notre-Seigneur, Marc, i, 2, 4, ce qui lui a fait donner
le nom de précurseur. — Jésus-Christ est entré dans
le sanctuaire du ciel en qualité de précurseur. Heb.,
vi, 20. Il nous y précède et, par sa rédemption, nous
mérite la grâce de le suivre. H. Lesêtke.
PRÉDESTINATION, acte de volonté divine déter-
minant à l'avance la fin surnaturelle que doit atteindre
une âme.
1» Il y a une prédestination à la grâce pour la vie
présente. Des témoins choisis d'avance ont eu la faveur
de voir Jésus ressuscité, et sont ainsi devenus capables
de transmettre à d'autres la foi en cette résurrection.
Act., x, 41. Saint Paul a été prédestiné à connaître la
volonté de Dieu, à voir le Juste et à entendre les paroles
de sa bouche. Act., xxn, 14. Les chrétiens sont prédes-
tinés à être les fils adoptifs de Dieu par Jésus-Christ,
selon sa libre volonté, en faisant ainsi éclater en eux la
gloire de sa grâce, Eph., i, 5, prédestination qui est
toute gratuite et ne suppose aucun mérite préalable de
la part de l'homme, puisqu'elle ne dépend que de « la
résolution de celui qui opère toutes choses d'après le
conseil de sa volonté. » Eph., i, 11. Les chrétiens par-
viennent à cette adoption divine parla grâce de Jésus-
Christ, qui veut que nous accomplissions « les bonnes
œuvres que Dieu a préparées d'avance afin que nous
les pratiquions. » Eph., n, 10. Tout, dans la vie chré-
tienne, est donc prévu et voulu à l'avance par Dieu,
dont la volonté toute-puissante respecte cependant la
liberté de l'homme. Rom., ix, 18.
2° Il y a surtout une prédestination au salut et à la
gloire éternelle. Saint Luc dit qu'à la prédication de
Paul et de Barnabe, à Antioche de Pisidie, :< tous ceux-
là crurent qui étaient prédestinés à la vie éternelle, s
Act., xin, 48. Saint Paul formule en ces termes la doc-
trine complète de la prédestination : « Toutes choses
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux
qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu'il a
connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être con-
formes à l'image de son Fils, afin que son Fils soit le
premier-né d'un grand nombre de frères. Et ceux qu'il
a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a
appelés, il les a justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les
a glorifiés. » Rom., vm, 28-30. Voilà donc quatre
termes qui marquent l'action de la volonté divine sur
une âme : prédestination ou détermination antécédente
de Dieu; vocation ou appel adressé à l'âme; justifica-
tion ou effet de la grâce sur l'âme; glorification ou
entrée de l'âme dans la vie éternelle. L'Apôtre compare
ensuite les âmes à l'argile dont le potier est le maître
absolu, et dont il peut tirer, à son choix, un vase pré-
cieux ou un vase commun. Ainsi fait Dieu, qui sup-
porte avec patience « des vases de colère, formés pour
la perdition », et qui exerce sa libre munificence « à
l'égard des vases de miséricorde qu'il a d'avance pré-
parés pour la gloire. » Rom., ix, 21-23. L'Évangile que
prêche l'Apôtre est une sagesse « que Dieu, avant les
siècles, avait destinée pour notre glorification. »I Cor.,
il, 7. Cette sagesse a été révélée « selon le dessein éter-
nel qu'il a réalisé par Jésus-Christ. » Eph., ni, 11. Voir
F. Prat, La théologie de saint Paul, 1. 1, 1908, p. 342-352.
3° La prédestination ne peut en aucune manière être
assimilée au destin, àuâfx-*], fatum, des anciens, qui
déterminait aveuglément à l'avance le sort de chacun.
Elle ne çréjudicie en rien à la libre activité de
l'homme. Au dernier jugement, le sort de chacun
est décidé, non d'après une détermination antécédente
et nécessitante de Dieu, mais selon les œuvres bonnes
ou mauvaises que l'homme a accomplies. Matth., xxv,
34, 35,41, 42. D'après les paraboles du Sauveur, l'homme
est lui-même l'artisan de son bonheur ou de son
malheur éternels. Matth., xx, 10; xxn, 12, 13; xxv,
3-12, 21, 23, 30, etc. « Si tu veux entrer dans la vie,
595
PRÉDESTINATION
PRÉDICATION
596
garde les commandements », dit formellement le Sau-
veur. Matth., xix, 17. Cf. Luc, xm, 23. D'après saint
Paul, il faut courir et se donner de la peine pour
atteindre le but final, I Cor., ix, 24; la récompense est
une couronne due en justice à celui qui a bien tra-
vaillé pour Dieu sur la terre, II Tim., iv, 7, et cette ré-
compense est en rapport avec le labeur de chacun.
Rom., il, 5; I Cor., m, 8. Saint Pierre déclare que les
bonnes mœurs sont nécessaires pour fixer chacun dans
sa vocation et son élection. II Pet., i, 10. La récom-
pense promise demeure toujours incertaine tant qu'on
ne la tient pas, car on peut la perdre par sa négligence
ou son infidélité. Rom., xi, 22; I Cor.,x, 12; Phil., n,
12; Apoc, m, 11, etc. Voir Justification, t. m,
col. 1878; Œuvres, t. iv, col. 1756. De tous ces textes
résulte cette conclusion, que par la prédestination Dieu
prévoit le sort éternel de chaque âme, mais en tenant
compte de la manière dont cette âme utilisera libre-
ment ses grâces. Autrement l'obéissance aux comman-
dements et les efforts pour la pratique de la vertu ne
seraient pas de précepte pour le salut. Si, avant de
venir au monde, on était prédestiné au bonheur ou au
malheur par une volonté inéluctable de Dieu, indépen-
damment de tout acte d'obéissance ou de désobéissance
personnelle, il serait dès lors impossible, quoi qu'on
fit, de manquer ce bonheur ou de se dérober à ce
malheur. Pareille théorie est contraire à toutes les as-
surances et à tous les conseils de l'Évangile. Dieu «veut
que tous les hommes soient sauvés », I Tim., n, 4, et
il a envoyé son Fils dans le monde « pour que le
monde soit sauvé par lui ». Joa., m, 17. Telle est la pré-
destination universelle ante mérita; c'est seulement la
prédestination post mérita prmvisa qui assigne aux
uns le bonheur et aux autres le malheur. Sur la
théorie thomiste et sur les discussions auxquelles a
donné lieu la doctrine de la prédestination, voir Turmel,
Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p.' 276-
282, 401-409.
4° Il y a une prédestination spéciale pour Notre-Sei-
gneur, dont saint Paul dit, d'après la Vulgate, qu'il « a
été prédestiné Fils de Dieu miraculeusement, selon
l'Esprit de sainteté, par une résurrection d'entre les
morts ». Rom., i, 3. La prédestination ne peut porter
sur le Fils de Dieu dans sa nature divine, mais seule-
ment sur ce qu'il est devenu dans le temps par son in-
carnation, et sur la gloire dont sa nature humaine a
ensuite été comblée dans le ciel après son ascension.
Dans le texte grec, au lieu de prœdeslinatus, on lit
ôpiudrvToc, qui veut dire « défini, fixé, établi ». La
pensée de l'Apôtre est donc que Jésus-Christ a été
défini, déclaré, manifesté Fils de Dieu par sa résurrec-
tion. H. Lesêtre.
PRÉDICATION (hébreu : qeryâh ; Septante :
x^puf|ia; Vulgate : prsedicatio), exposition et propa-
gation par la parole d'un enseignement dogmatique
ou moral.
I. Dans I'Ancien Testament. — En plusieurs circon-
stances, Moïse adressa au peuple qu'il avait à former
des exhortations publiques à la fidélité envers Jéhovah.
Elles sont consignées dans le Deutéronome, x, xi, xxix.
Après lui, ce ne furent pas les prêtres, dont les fonc-
tions étaient presque exclusivement liturgiques, mais
les prophètes qui eurent à rappeler au peuple les
prescriptions de la loi divine. Ainsi firent Samuel,
Élie, Elisée, et ceux qui les suivirent. Josaphat envoya
de ses chefs et des lévites dans les villes dejuda, avec
le livre de la loi, pour enseigner le peuple. II Par., xvn,
7-9. Plus tard, le roi Jtzéchias envoya de même à
travers le pays d'Israël des messagers remplissant les
fonctions de missionnaires, pour prêcher aux tribus
séparées le retour au service de Jéhovah, sans grand
succès d'ailleurs. II Par., xxx, 6-11. Sous Josias, la
découverte du livre de la Loi fut l'occasion d'une sorte
de prédication solennelle. II Par., xxxiv, 29-33. L'obéis-
sance à la Loi fut de nouveau prêchée au temps d'Esdras.
I Esd., ix, 6-x, 14; II Esd., vm, 1-ix, 38. Les oracles
des prophètes sont souvent des prédications mises par
écrit. Jer., vu, 2; xix, 2, etc. C'est par eux surtout
que la sagesse prêchait sur les places publiques.
Prov., i, 20. Jonas, i, 2; m, 2, fut envoyé à Ninive
pour y prêcher la pénitence. Luc, xi, 32. Isaïe, lu,
7, salue à l'avance celui qui doit venir prêcher à Israël
la bonne nouvelle, la paix, le bonheur et le salut. Il
annonce que le Messie prêchera la bonne nouvelle, le
retour à la lumière et l'année de grâce. Is., lxi, 1 ;
Luc, iv, 19. Quand les synagogues furent instituées,
le service religieux y comprit une explication des
textes sacrés et une exhortation morale. Voir Lecteur,
t. rv, col. 147; Sïnagogue. Saint Jacques atteste que
depuis bien des générations, Moïse avait dans chaque
ville des hommes qui le prêchaient. Act., xv, 21.
Néanmoins, sous l'ancienne loi, la prédication n'avait
qu'un rôle secondaire, parce que le Livre sacré était
la base de la religion et renfermait tout ce qui s'impo-
sait à la croyance et à la pratique de l'Israélite.
II. Dans le Nouveau Testament. — 1» Par sa pré-
dication sur les bords du Jourdain, saint Jean-Baptiste
prépare les foules à l'apparition du Messie. Il exhorte
à la pénitence et à l'accomplissement des devoirs d'état;
il interpelle sévèrement les pécheurs orgueilleux pour
les obliger à rentrer en eux-mêmes. Mais sa mission
se borne à annoncer le Messie, à disposer les âmes à
le recevoir, et enfin à le montrer. Matth., m, 1; Marc, i,
4, 6; Luc, m, 3; Act., xiii, 24. Cette prédication fit
grand effet. Le précurseur eut beaucoup de disciples
qui s'attachèrent à lui. Matth., îx, 4; Marc, h, 18;
Luc, v, 33; vu, 18, 19; xi, 1; Joa., m, 25; iv, i. Plus
tard, il s'en trouva même un, Apollos, à Éphése, qui
prêchait la doctrine de Jésus tout en ne connaissant
que le baptême de Jean. Act., xvm, 25. — 2° Le Sau-
veur prêcha lui-même sa doctrine pendant tout le cours
de sa vie publique. Cette doctrine constituait la « bonne
nouvelle » ou l'Évangile, d'où l'emploi du mot eûoefyt-
Xi(ra<iôaeou eiixT(tll&txQoii,evangeliza,re, « évangéliser, »
pour désigner cette prédication. Le Sauveur prêchait
donc le royaume de Dieu, Luc, iv, 43; vm, 1; il l'an-
nonçait aux pauvres, Matth., vu, 22; xi, 5; Luc, iy,
18, alors que les docteurs juifs se bornaient à enseigner
leurs disciples. Il prêchait partout, Matth., iv, 17, 23;
ix, 35; xi, 1; Marc, i, 14, 45; Luc, vm, 1; Marc, i,
14, 45; Luc, vm, 1 ; dans les bourgs, Marc, i, 38; en
pleine campagne, Matth., v, 1, 2; dans la Décapole,
Marc, v, 20; dans les synagogues, Marc, i, 39;
Luc, iv, 44; sur les bords du lac, Matth., xm,J-2, 3;
dans le Temple, Joa., v, 18; vu, 14, etc. Sur la pré-
dication du Sauveur, voir Jésus-Christ, t. m, col. 1480»
1497. — 3" Notre- Seigneur chargea ses disciples et
particulièrement ses apôtres de prêcher son Évangile.
Matth., x, 7; Marc, m, 14; vi, 12; xvi, 15, 20; Luc, ix,
2; xxiv, 47; Act., x, 42; I Pet., i, 12; etc. Il leur
recommanda de le prêcher sur les toits, Matth., x, 27;
Luc, xn, 3, c'est-à-dire de manière à être vus et enten-
dus pas tous. — 4° L'ordre du Sauveur fut exécuté avec
zèle. Dès le jour de la Pentecôte, saint Pierre se met
à prêcher. Act,, n, 14; il a pour imitateurs le diacre
Etienne à Jérusalem, Act., vi, 14; vu, 1-53, le diacre
Philippe en Samarie, Act., vm, 5, 12, 40, tous les
autres Apôtres à travers le monde. Act., v, 42; vm, 4,
25; xiv, 6, 20; xv, 35, etc. — 5° Mais le prédicateur de
l'Évangile par excellence est saint Paul, que le Sauveur
lui-même a choisi pour porter son nom devant les na-
tions, devant les rois et devant les enfants d'Israël.
Act., ix, 15. Il s'en va prêcher partout daus le monde
romain, en commençant par les synagogues des Juifs,
Act., ix, 20; xiii, 5, etc., et en s'adressant ensuite aux
597
PRÉDICATION — PRÉMICES
598
gentils partout où il les rencontre. Act., xv, 36; xvh,
13; xix, 13; xx, 25; xxvm, 31; I Cor., n, 4; xv, 1, 2,
11, 14; II Cor., i, 19; xi, 4; Col., i, 23; I Thés., n, 9;
I Tim., n,7, IITim ,i, 11; iv, 17;Tit.,i, 3, etc. Cepen-
dant il se sait particulièrement chargé de la prédication
aux gentils, Gai., i, 16; n, 2; Eph., m, 8; mais il s'ap-
plique à prêcher l'Évangile là où il n'a pas encore été
annoncé. Rom., xv, 20; II Cor., x, 16. Son rôle spécial
n'est pas de baptiser, mais de prêcher, I Cor., i, 17, et
malheur à lui s'il ne prêche pas. I Cor., IX, 16. —
6° Les Épîtres de saint Paul énoncent un certain nombre
de réflexions qui montrent quelle idée l'Apôtre se faisait
de la prédication. Tout d'abord, dans la religion de
Jésus-Christ, la prédication est indispensable. «Comment
invoquer celui en qui on ne croit pas ? Comment croire
en celui dont on n'a pas entendu parler? Comment en
entendre parler sans prédication? Et comment y aura-
t-il des prédicateurs s'ils ne sont envoyés? » Rom., x,
14-15. La prédication est donc nécessaire, puisque
Notre-Seigneur a donné pour base à sa religion non
plus un livre, comme dans la loi ancienne, mais la
parole de ses envoyés. Matth., xxvm, 19. Pourtant n'est
pas prédicateur qui veut; il faut avoir reçu mission de
Jésus-Christ, ou de ceux qui le représentent. Saint Paul
ne se prêche pas lui-même, c'est-à-dire qu'il ne met
en avant ni sa personne ni ses idées. II Cor., iv, 5. Il
prêche Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, c'est-à-
dire le Sauveur dans ses humiliations aussi bien que
dans ses gloires. I Cor., i, 23. Il ne le prêche
pas en faisant appel aux ressources de la sagesse
et de l'éloquence humaines, I Cor., i, 17-25, mais
simplement et en dépit de ses infirmités person-
nelles, Gai., iv, 13, aQn qu'il soit bien constant que
cette prédication agit par sa propre vertu, indépen-
damment de la valeur du prédicateur. I Cor., i, 17. Il
y en a qui se font prédicateurs de l'Évangile par envie
et par esprit d'opposition. Phil., I, 15. Saint Paul prêche
avec un parfait désintéressement, I Cor., ix, 18;
II Cor., xi, 7, et il s'applique à pratiquer la doctrine
qu'il prêche, afin de n'être pas réprouvé. I Cor., îx, 27.
Il veut que son disciple Timothée « prêche la parole,
insiste à temps et à contre-temps, reprenne, menace,
exhorte, avec une entière patience et toujours en ins-
truisant. » II Tim., iv, 2. Tels sont en effet les devoirs
qui s'imposent au prédicateur de l'Évangile.
H Lfsêtrf
PRÉFETS DE SALOMON. III Reg., îv, 7-19.
Voir Gouverneur, 12», t. m, col. 285.
PRÉFIXES, terme grammatical par lequel on dé-
signe dans la langue hébraïque les particules qui sont
placées au commencement de certains mots. Voir Hé-
braïque (Langue), t. m, col. 473.
1 . PRÉMICES, prélèvements opérés sur les premiers
fruits produits par la terre, destinés à être offerts au Sei-
gneur, comme les premiers-nés de l'homme et des
animaux. Ces prélèvements étaient de deux sortes, les
prémices des fruits naturels et les prémices des
fruits préparés.
I. Prémices des fruits naturels. — 1° Ces prémices
portent le nom de bikkûrîm, nçia>s<}yiwr\]>.ara., YsvvVjfj.aTa,
fruges, et sont ordinairement désignées par l'expres-
sion r'êsîp bikkàrê hà-'âdâmâh, àitap-/ai t<5v itpwTOYsv-
vyiikxtwv Tri; fT|C> primitim frugum terrte, « les pré-
mices des fruits de la terre », Exod., xxm, 19, ou
r'èsît perî ha-âdâmâh, àitapxiî wv ffnruiâiiav xrj;yîic,
primitise frugum terrée. Deut., xxvi, 10. — 2» La Loi
ordonnait d'apporter les prémices des fruits de la
terre dans la maison du Seigneur. Exod., xxui, 19;
xxxiv, 26. Elle indiquait ensuite avec plus de détail la
manière dont on devait procéder. Une fois dans la
Terre Promise, l'Israélite prendra les prémices de tous
ses fruits, les mettra dans une corbeille, s'en ira au
lieu choisi par le Seigneur pour y être honoré et se
présentera au prêtre en fonction en lui disant : « Je
déclare aujourd'hui à Jéhovah, ton Dieu, que je suis
entré dans le pays que Jéhovah a juré à nos pères de
nous donner. » Le prêtre prendra la corbeille et la
déposera devant l'autel. L'Israélite prononcera une
formule rappelant tout ce que Dieu a fait pour ses
pères et conclura en ces termes : « Et maintenant,
voici que j'apporte les prémices des produits du sol
que vous m'avez donné, ô Jéhovah! » Ensuite il se
livrera à des réjouissances avec le lévite et l'étranger
qui réside auprès de lui. Deut., xxvi, 1-11. — 3° Le
traité Bikkurim de la Mischna a pour objet l'offrande
des prémices. — Quelques docteurs ont prétendu que
la loi sur les prémices ne fut obligatoire que quand le
Temple exista, parce que le texte sacré dit de les
apporter dans la « maison >> du Seigneur. Deut., xxvi,
2. Cf. Schekalim, vin, 8. Mais cette assertion est inad-
missible, puisque le Tabernacle lui-même est souvent
appelé « maison ». Exod., xxnr, i9; Jos., vi, 24; I Reg.,
i, 7, 24, etc. — 3° Bien que la Loi parlât de tous les
fruits de la terre, on restreignait l'obligation des pré-
mices aux sept fruits qui sont indiqués. Deut., vm, 8,
comme caractéristiques de la Palestine, le froment,
l'orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l'olivier et le
miel. Cf. Bikkurim, I, 2; Gem. Bekoroth, 35, 1. —
4° La Loi ne portait que sur les produits de la terre
d'Israël, à laquelle on ajoutait les anciens territoires
de Séhon, Deut., n, 32-37, d'Og, Deut., m, 8-10, et
plus tard la partie de la Syrie conquise par David.
D'après Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 7, on apportait
aussi les prémices d'Asie Mineure. — 5° Les fruits
offerts en prémices devaient être de premier choix et
tout frais, sauf les raisins et les figues qui pouvaient
être secs quand on les apportait de loin. — La quan-
tité de fruits à offrir en n^émices n'était pas déter-
minée. On pouvait même offrir à ce titre ceux d'un
champ tout entier. Cf. Bikhurim il, 4; Siphra, f. 25,
1. Les prémices faisaient partie des six ou dix choses
dont la Loi ne réglait pas la mesure. Cf. Pea,i,l; Gem.
Jerus., Pea, 16, 1. Mais les docteurs avaient décidé que
l'offrande devait être au moins d'un soixantième. Le
mot téni', « corbeille », dont les trois lettres td, s, s,
représentent les chiffres 9, 50 et 1, au total 60, servait
à rappeler cette règle à la mémoire. Cf. Gem. Jerus.
Bikkurim, 65, 3; Siphra, f. 202, 2. — 6° La sépara-
tion des fruits constituant les prémices pouvait se
faire soit sur l'arbre, avant maturité, au moyen d'un
signe, soit après la récolte, à condition toutefois que
les bikkûrîm, fussent mis à part avant toutes les autres
redevances. Cf. Terumoth, m, 7. On était obligé de
remplacer ce qui s'était pourri ©u avait été volé. —
7° Quand le Temple eut été construit l'offrande de
ces prémices se faisait à Jérusalem, mais pas avant la
Pentecôte, Exod., xxm, 16; Lev., xxru, 17, ni après la
Dédicace, le 25 casleu, les fruits plus tardifs n'ayant
pas grande valeur. Cf. Bikkurim, i, 6; Challa, IV, 10.
— 8° Par la suite des temps, l'offrande des prémices
fut réglée dans tous les détails. Les fruits se plaçaient
dans des corbeilles dorées, argentées ou en bois de
saule. Si tous les fruits devaient être contenus dans
la même corbeille, on mettait au fond l'orge, puis le
blé, ensuite les olives, au-dessus le miel, les grenades,
les figues et enfin les raisins. Ordinairement on atta-
chait à la corbeille des tourterelles ou des colombes
destinées à être offertes en holocauste. — La corbeille
ainsi disposée était portée à Jérusalem par celui qui
faisait l'offrande ou par son réprésentant. Le voyage
était entrepris en grande pompe. De plusieurs loca-
lités, on se réunissait à un rendez-vous commun. Le
chef de la bande criait les paroles de Jérémie, xxxi, 6;
cf. Mich., iv, 2 : « Levez-vous et montons à Sion, vers
599
PRÉMICES
600
Jéhovah notre Dieu! » et l'on se mettait en route,
avec un bœuf à cornes dorées et couronné d'olivier, et
un joueur de flûte. Chemin faisant, on répétait les
paroles du Psaume CXXii (cxxi), 1 : « J'ai été dans la
joie quand on m'a dit : Allons à la maison de Jéhovah ! »
— Aux approches de Jérusalem, de hauts fonction-
naires du Temple allaient au devant des arrivants et
leur faisaient accueil. A l'entrée du Temple, chacun,
même le roi, devait prendre sa corbeille sur ses
épaules, et la porter à l'intérieur en chantant le
Psaume CL, auquel les lévites répondaient par le
Psaume xxx (xxix). Au parvis des prêtres, il la déchar-
geait et l'agitait, avec l'aide d'un prêtre, en proférant
les paroles prescrites. Deut., xxvi, 3-10. Cette formule
n'obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves,
ni ceux qui présentaient des prémices après la fêle
des Tabernacles. Cf. Bikkurim, i, 5, 6. La corbeille
était portée près de l'autel, sans qu'on pût mettre sur
l'autel même ce qui contenait du levain ou du miel,
Lev., n,ll, 12, et le sacrifice était offert. Si la corbeille
était de métal, oh la rendait à l'Israélite porteur des
prémices; les prêtres gardaient pour eux les corbeilles
de saule ou de jonc. — Après l'offrande des prémices,
l'Israélite était obligé de passer la nuit à Jérusalem; il
ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bik-
kurim, II, 2, 3, i. — Les prémices appartenaient aux
prêtres, ce qui explique l'empressement avec lequel
ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les prêtres
de service pendant la semaine se les partageaient et les
mangeaient à Jérusalem même, eux, leurs femmes,
leurs esclaves et leurs bêtes, pendant le séjour en
ville de celui qui avait présenté ces différents fruits.
Num., xvm, 13; II Esd., x, 37. — Cf. Josèphe, Ant.
jud., IV, vin, 22. Philon a écrit au sujet de la pré-
sentation des prémices un petit traité De festo co-
phini, publié par Mai et par Tischendorf, Philonea,
1868, p. 69-71. •
II. Prémices des fruits préparés. — 1° Ces prémices
portent le nom de terùmâh, âçafpeu.a, cmaPx*), primi-
tise. Elles font l'objet du traité Terumoth de la Mischna.
— Outre les prémices des fruits à l'état naturel, la Loi
ordonnait encore de donner aux prêtres les prémices
des produifs tirés des fruits, Exod., xxn, 29, nommé-
ment de la farine, Num., xv, 19, 21, du vin nouveau,
de l'huile, même de la toison des brebis, Deut., xvm,
4, et en général de tous les produits de la terre ou des
arbres. Cf. Terumoth, n, 5, 6. Cette redevance devait
être acquittée chaque année envers les prêtres par les
Israélites non seulement de Palestine, mais aussi, après
la captivité, de Babylone, d'Egypte, du pays d'Ammon
et de Moab, et de Syrie. Toutefois les prémices de ces
pays étrangers ne devaient pas êtres introduites en Terre
Sainte. Cf. Te-umoth, i, 1. Les prémices des toisons
étaient fidèlement offertes par Tobie, i, 6, qui, du
royaume d'Israël, avant d'être emmené en captivité, se
rendait régulièrement au Temple de Jérusalem et y pré-
sentait « les prémices » et ses « premières tontes »,
icptDToxovpiaç. Les prémices de la farine et des aliments
dont elle formait la base étaient l'objet de prescriptions
spéciales contenues dans le traité Challa de la Mischna.
Saint Paul y fait allusion quand il dit que « si les pré-
mices, àirapxij, sont saintes, la masse de la pâte, yjpa-
|ia, l'est aussi. » Rom., xi, 16. Était soumis à l'obliga-
tion des prémices tout ce qui provenait du froment, de
l'orge, de l'épeautre, de l'avoine et du seigle. Cf. Challa,
i, 1. Ces prémices ne s'acquittaient pas en farine, mais
en pâte et en pain tout préparé. Cf. Challa, n, 5. — La
quantité de prémices à fournir n'était pas déterminée. •
Ézéchiel, xlv, 13, 14, suppose une proportion d'un
soixantième pour le froment et l'orge, et d'un centième
pour l'huile. On estimait généralement qu'il était dû un
cinquantième; les disciples d'Hillel opinaient pour un
quarantième, ceux de Schammaïpourun trentième ; les
moins généreux se contentaient d'un soixantième. Sur
les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulan-
gers 1/48. Cf. Challa, H, 7; Eduyoth, i, 2. Saint Jérôme,
In Eiech., xiv, 45, t. xxv, col. 451, dit que, selon la
tradition juive, on pouvait s'en tenir à une quantité in-
termédiaire quelconque entre le quarantième et le
soixantième. Cf. Philon, De.primitiis sacêrdotum, i,
édit. Mangey, t. n, p. 233.
2° L'usage de ces prémices n'était pas réglé. Chacun
les attribuait au prêtre qu'il voulait. Ces prémices
n'avaient donc pas un caractère sacré, comme les pré-
cédentes qu'il fallait aller présenter au Temple. C'étaient
de simples redevances au bénéfice de l'ordre sacerdotal.
La liberté que chacun avait de les distribuer à son gré
ne laissait pas que d'aider les prêtres à se rendre ai-
mables et serviables à tous. Sous Ézéchias, des prémices
abondantes de vin nouveau et d'huile furent ainsi pré-
sentées, avec les autres prémices, par les habitants de
Jérusalem aux prêtres et aux lévites, « afin qu'il s'atta-
chassent fortement à la loi de Jéhovah, » c'est-à-dire
au service du Temple. Il Par., xxxi, 4-10. Après la cap-
tivité, les Israélites s'engagèrent à porter au Temple
leurs prémices de farine, de vin et d'huile; mais ce fut
dans le but d'attirer et de fixer les prêtres, alors peu
nombreux, dans la maison de Dieu. Il Esd., x, 35-39;
xii, 43; xiii, 5. Pour l'ordinaire, la redevance était
acquittée partout où vivaient des prêtres. — Les pré-
mices devaient être consommées en Terre Sainte par les
prêtres en état de pureté et tous ceux de leur maison
qui satisfaisaient à la même condition, Num., xvm, 11,
leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs
animaux même pouvaient manger des prémices. Cf.
Terumoth, ix, 3; xi, 9. La fille d'un prêtre mariée à un
simple Israélite n'avait pas le droit d'en manger, pas
plus que ceux de sa maison. Lev., xxn, 11-13. Cf. Ye-
bamoth, vu, 2; ix, 6. Une simple fille israélite mariée
à un prêtre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison,
cf. Yebamoth, vu, 2; IX, 5, mais seulement du vivant
de son mari. Cf. Gittin, m, 4. — Cf. Reland, Antiqui-
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 200-205; Iken, Antiqui-
lates hebraicse, Brème, 1741, p. 210-218; Schûrer, Ge-
schichte des judischen Volkes itn Zeït. J. C, Leipzig,
t. n, 1898, p. 249-250.
III. Remarques diverses sur les prémices. — 1° La
pratique. — A toutes les époques de l'histoire d'Israël,
il est question des prémices. Pour maudire les monts
de Gelboé, David souhaite qu'ils n'aient aucun champ
de prémices, c'est-à-dire qu'ils soient frappés de stéri-
lité. II Reg., i, 21. Un homme de Baalsalisa apporte à
Elisée vingt pains d'orge de prémices et du froment
nouveau. IV Reg., îv, 42. Pareille offrande ne pouvait
se faire qu'aux prêtres; mais il n'y en avait plus de lé-
gitimes dans le royaume d'Israël, III Reg., xin, 33, et
le présent fait à Elisée ne procédait que de la généro-
sité du donateur. Ézéchias remit en honneur l'offrande
de prémices abondantes. II Par., xxxi, 4-10. Il est re-
commandé de faire honneur à Dieu des prémices de
tout son revenu. Prov., m, 9. Cf. Eccli., xxxv, 10. Ezé-
chiel, xx, 40; xliv, 30; xlviii, 14, rappelle que les pré-
mices appartiennent au Seigneur et que celles des pre-
miers produits de toutes sortes sont pour les prêtres.
Les captifs de Babylone se plaignent qu'il n'y a plus
d'endroit pour présenter les prémices au Seigneur.
Dan., m, 38. Après la captivité, cette institution fut
restaurée. II Esd., x, 35-39; xii, 43; xin, 5. Elle était
en pleine vigueur à l'époque évangélique, comme le
donne à supposer la composition des traités Bikkurim
et Terumoth. — Deux offrandes de prémices étaient
particulièrement solennelles, celle dés prémices de
l'orge, à la Pâque, Lev.,xxin, 10, 11, voir Pâque, t. iv,
col. 2094, et celle des prémices du froment et des deux
pains, à la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22; Lev., xxm, 17.
Voir Pentecôte, col. 119.
601
PRÉMICES — PREMIER-NÉ
602
2° Signification des prémices. — L'offrande des pré-
mices, prescrite par le Seigneur, constituait à son égard
un acte de reconnaissance, de soumission et de suppli-
cation. En s'acquittant de ce devoir, l'Israélite faisait
profession de reconnaître en Jéhovah le créateur de
toutes choses, le maître de la nature et le dispensateur
libéral de tous les biens. Il lui obéissait en sacrifiant
une partie, la première et la meilleure, de ce qu'il avait
reçu de sa munificence. En même temps, il se le ren-
dait propice et s'assurait les mêmes bienfaits pour l'ave-
nir. Ces idées étaient si naturelles qu'on trouve chez un
bon nombre de peuples l'usage d'offrir à la divinité les
prémices des fruits de la terre. Gf. lliad., ix, 529; Cal-
limaque, In Cerer., 19; Théocrite, vu, 31 ; Aristophane,
Ran., 4272; Pausanias, i, 43; Porphyre, De abstin., Il,
5, 6, 27, 32; Épictète, 38; Ovide, Metam., vm, 273; x,
431; Fasl., h, 519; Tibulle, i, 1, 13; Pline, H. N., iv,
26, etc. En Egypte, les donations analogues de pains, de
liqueurs, de quartiers de victimes, même de terres avec
tout ce qu'elles contenaient, étaient faites aux dieux,
pour se les rendre favorables, et laissées à la jouissance
des prêtres. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu-
ples de l'Orient, 1895, t. i, p. 303. Les mêmes usages
régnaient en Chaldée. Ibid., p. 676, 677.
3° Leur destination. — Les prémices constituaient
une partie de la dotation des prêtres et des lévites. Il
était juste que ceux qui, au nom de la nation, consa-
craient leur vie au service du Seigneur, reçussent du
peuple les choses nécessaires à la vie. On comprenait
également le droit supérieur de Dieu qui, en donnant
aux Hébreux la terre fertile de Chanaan, avait établi
une réserve en faveur de ceux qu'il prenait à son ser-
vice. Cf. Eccli., xlv, 25. Aux prémices s'ajoutaient, pour
les prêtres et les lévites, les dîmes, voir Dîme, t. n,
col. 1431; une part d'un centième sur le butin de
guerre pour le grand-prêtre, et d'un cinquantième pour
les lévites, Num., xxxi, 28-30; une part plus ou moins
considérable des victimes offertes pour les sacrifices
autres que l'holocauste, voir Sacrifice; différentes
sommes d'argent ou divers biens en nature provenant
de vœux, de restitutions, d'amendes, de rachats, etc.;
l'épaule droite, l'estomac et la mâchoire de tous les
animaux tués pour l'usage des particuliers, redevance
qui était comme une extension des prémices. Cf. Iken,
Antiquitates hebraicx, p. 217; Munk, Palestine, Paris,
1881, p. 177. La vie des prêtres et des lévites était ainsi
assurée dans des conditions suffisamment larges, mais
qui ne permettaient pas l'accumulation de grandes
richesses, comme il arrivait pour les castes sacer-
dotales des autres pays de l'antiquité. Cf. Hérodote,
ii, 37; Diodore de Sicile, i, 73; Munk, Palestine,
p. 178-179.
4° Les prémices au sens figuré. — Pour marquer que
le peuple d'Israël appartenait spécialement au Seigneur
et que le Seigneur le protégeait en conséquence, Jéré-
mie, il, 3, dit : « Israël était consacré à Jéhovah, comme
les prémices de son revenu; quiconque en mangeait se
rendait coupable, le malheur fondait sur lui. » — Saint
Paul salue en Jésus-Christ les prémices de la résurrec-
tion et de la vie,, c'est-à-dire celui qui le premier est
ressuscité glorieusement pour ne plus mourir et com-
muniquer la vie aux âmes. I Cor., xv, 20, 23. — Les
chrétiens ont ici-bas « les prémices de l'Esprit », c'est-
à-dire le commencement d'une vie qui se développera
un jour dans la gloire. Rom., vm, 23. Cf. S. Irénée,
Adv. hmres., v, 8, 1, t. vu, col. 1142. — La famille de
Stéphanas représente les prémices de l'Achaïe, c'est-à-
dire qu'elle est la première qui se soit convertie dans
cette province. I Cor., xvi, 15. Les âmes vierges sont
des prémices pour Dieu et l'Agneau, c'est-à-dire qu'elles
occupent une place privilégiée dans l'Église et dans le
ciel. Apoc, xiv, 4.
H. Lesëtre.
2. PRÉMICES (FÊTE DES), un des noms de la fête de
la Pentecôte. Exod., xxm, 16. Voir Pentecôte, col. 119.
PREMIER (grec : jrpiôraç; Vulgate : princeps), titre
que portait le magistrat qui gouvernait l'île de Malte,
Act,, xxvni, 7. H s'appelait Publius, lorsque saint Paul
y aborda après son naufrage. Voir Publius. L'île de
Malte, pendant la seconde guerre punique, était passée
en 342 avant J.-C. de la domination carthaginoise sous
celle de Rome. Les Romains laissèrent aux Maltais une
grande liberté, ils firent de Malte un municipe et per-
mirent aux habitants de se gouverner d'après leurs
propres lois. Malte dépendait du préteur de Sicile,
mais celui-ci étaitreprésenté dans l'île par un propréteurj,
à qui l'on donnait le titre de np&zot MeXsTatav, Primus
Melitensium, comme l'atteste l'inscription suivante
qui confirme l'exactitude de saint Luc : Aac.xtoç Kup.
IIpo03ï]v; lirrceù; 'PtoiifacW] itprâxo; Me),irauiiv xaï
irotTpwv. Kaibel, Inscript, greec. Italim et Sicilias, Ber-
lin, 1890, p. 142, n. 601. Cf. Boeck, Corpus inscriptio-
num grsecarum, n. 5754, t. m, p. 682; Une inscription
latine porte : Mel. Primus. Smith, Voyage and ship-
wreck of St. Paul, 3= édit., Londres, 1866, p. 150-151.
Voir Schœffer, Dissertatio de Publio, xpiàxtù Meliten-
sium, in-â», Iéna, 1755.
PREMIER- NÉ (héhreu : bekôr, de bâkar, « être le
premier »; Septante : itpwTÔroxoç; Vulgate : primogeni-
tus), le premier qui vient au monde dans une famille.
Il est aussi désigné par l'expression pétér réfyém, « ou-
verture du sein », ou simplement pétér, Siocvoïyov [xv]t-
pav, quod aperit vulvam. Exod., xni, 2, 12, 13, 15;
xxxiv, 20. Ces désignations s'appliquent à la fois au
premier-né de l'homme et à celui des animaux.
I. Les premiers-nés des hommes. — 1° Dans les an-
ciennes familles israélites, les premiers-nés jouissaient
de certains droits. Voir Aînesse (Droit d'), 1. 1, col. 317-
322. — 2° Le premier-né était naturellement l'objet
d'une affection plus grande et d'attentions plus marquées
de la part de son père dont il devait continuer la des-
cendance. Si ce père mourait sans premier-né, on lui
en procurait un en vertu de l'institution du lévirat.
Voir Lévirat, t. iv, col. 213. On pleurait plus amèrement
que celle des autres la mort du premier-né. Zach.,
xn, 10. Gette mort était le plus grand malheur qui
pût arrivera une famille, Jos., vi, 26, et le plus grand
sacrifice qu'un père pût s'imposer. Gen., xxn, 2, 12, 16 ;
IV Reg., ni, 27; Mich., vi, 7. — 3° Dans un sens méta-
phorique, Dieu appelle le peuple d'Israël son premier-
né, c'est-à-dire son peuple de prédilection, celui auquel
il accorde plus de bénédictions qu'aux autres et qu'il a
chargé de garder son nom sur la terre, comme le pre-
mier-né perpétue celui de son père. Exod., iv, 22, 23;
Eccli., xxxvi, 14. Si Jérémie, xxxi, 9, appelle Éphraïm
le premier-né de Dieu, c'est pour marquer qu'après la
captivité le royaume d'Israël représenté par Éphraïm,
retrouvera, aussi bien que Juda, le titre et les préro-
gatives de premier-né de Jéhovah. Le titre de premier-
né, donné par Dieu à Israël, est devenu comme l'idée
maîtresse qui commande, historiquement et légalement,
tout ce qui se rapporte aux premiers-nés. — 4° Moïse
reçoit l'ordre de dire au pharaon d'Egypte que s'il re-
fuse, de laisser aller le premier-né de Jéhovah, Israël,
Jéhovah fera périr son fils premier-né, par conséquent
l'atteindra dans son affection la plus chère. Exod., iv,
23. Le pharaon s'obstine à refuser et la sentence divine
s'exécute. Le premier-né du pharaon et les premiers^
nés des Égyptiens périssent en une nuit, et même les
premiers-nés du bétail ne sont pas épargnés. Exod., xi,
5; XH, 29, 30; xiii, 15; Ps. lxxvih (lxxvii), 51; cv (civ),
36; cxxxv (cxxxiv), 8; cxxxvi (cxxxv), 10; Sap., xvin,
13. Par contre, tous les Hébreux demeurent indemnes,
y compris leurs premiers-nés. Exod. 3, 27, —
603
PREMIER-NE
604
5» En conséquence de cette préservation, Dieu veut que
tous les premiers-nés lui soient consacrés, comme lui
appartenant. Exod., xm, 2, 12; xxn, 29. Il indique lui-
même la raison de cette consécration. Le père doit en
effet dire à son fils : » Comme le pharaon s'obstinait à
ne point nous laisser aller, Jéhovah fit mourir tous les
premiers-nés dans le pays d'Egypte, depuis les pre-
miers-nés des hommes jusqu'aux premiers-nés des ani-
maux. Voilà pourquoi j'oflïe en sacrifice à Jéhovah tout
mâle premier-né et je rachète tout premier-né de mes
fils. » Exod., xm, 15-16. Le texte sacré ajoute que l'Is-
raélite ne devra jamais perdre de vue le sens de cette
consécration et que ce souvenir sera pour lui comme
un signe sur la main et un bandeau entre les yeux. —
6° En principe, les premiers-nés étaient ainsi réservés
pour le service de Dieu. C'était en effet, dans les an-
ciens temps, la prérogative du chef de famille et, après
lui, de son premier-né, d'exercer le sacerdoce. Voir 1. 1,
col. 318. Mais il plut à Dieu d'organiser le culte autre-
ment chez le peuple qu'il se choisissait. 11 formula
ainsi sa volonté : « J'ai pris les lévites du milieu des
enfants d'Israël, à la place de chaque premier-né qui
ouvre le sein de sa mère parmi les enfants d'Israël, et
les lévites sont à moi ; le jour où j'ai frappé tous les
premiers-nés dans le pays d'Egypte, je me suis consa-
cré tout premier-né en Israël. » Num., m, 12, 13, 40-50;
vin, 16. Les lévites sont donc désignés par Dieu pour
remplir auprès de lui les fonctions cultuelles précédem-
ment dévolues au père et à l'aîné de la famille. —
7° Comme les premiers-nés appartiennent à Dieu et
que cependant Dieu n'a pas le dessein de les utiliser
pour son service particulier, la liberté leur sera laissée
moyennant rachat. Tout premier-né doit donc être ra-
cheté, et l'Israélite qui le reprend au Seigneur ne doit
pas se présenter les mains vides. Exod., xxxiv, 20. Un
mois après sa naissance, le premier-né tombe sous la
loi du rachat fixé à cinq sicles d'argent. Num., m, 47;
xviii, 15-16. — 8° Pour qu'un premier-né fût soumis à
la loi, il devait être à la fois un garçon et le premier
enfant de sa mère. Un garçon né après une ou plusieurs
sœurs n'était pas pétér réftém, « ouvrant le sein » de
la mère. Exod., xm, 2. Cette expression du texte sacré
montre qu'il s'agit bien du premier fils de la mère, et
non du premier fils du père. Ce premier-né pouvait
n'avoir pas le droit d'aînesse, si le père avait eu déjà
d'autres enfants d'une autre épouse. Réciproquement,
un père pouvait avoir plusieurs premiers-nés d'épouses
différentes. Voir t. i, col. 317. 11 n'y avait pourtant pas
de premier-né dans toutes les familles. Dans le recen-
sement que Moïse fit au désert, on trouva 22273 pre-
miers-nés d'un mois et au-dessus, sur 603550 Israélites
de vingt-ans et au-dessus, Num., i, 45; in, 43, soit un
premier-né sur 27 hommes, et encore parmi ces der-
niers ne sont pas comptés ceux qui ont d'un mois à
vingt ans. Il s'agissait alors de substituer les lévites aux
premiers-nés. Comme il n'y avait que 20000 lévites, les
273 premiers-nés qui ne pouvaient être remplacés
furent rachetés chacun au prix de cinq sicles. Num., m,
40-50. Le rachat fut ensuite imposé à tous les premiers-
nés, sans qu'il fût tenu compte de leur remplacement
par les lévites. Num., xvni, 15. Les prêtres et les lé-
vites n'étaient pas assujettis à cette loi, puisque tous
ils devaient consacrer leur vie au service du Seigneur.
— 9° Le prix du^ rachat était uniformément de cinq
sicles, pour les riches comme pour les pauvres.
Cf. Philon, De prœmiis sacerdotum, 1, édit. Mangey,
t. il, p. 233. Ce prix appartenait au prêtre, Num,, xvm,
15, sans doute en tant que remplaçant du premier-né.
La loi n'obligeait nullement à présenter le premier-né
au Temple. Cependant, après la captivité, on paraît
avoir pris l'habitude de cette démarche. II Esd., x,
36. On profitait pour cela de la visite que la mère
avait à y faire après la naissance d'un enfant, Lev.,
xn, 2-8; mais rien de particulier n'était prescrit au sujet
de ce dernier. La Sainte Vierge se conforma à l'usage
des pieux Israélites en ce qui concernait la présenta-
tion du divin Enfant. Le trentième jour après la nais-
sance, elle avait remis ou fait remettre au prêtre les
cinq sicles d'argent (environ 17 fr. 50, voir t. iv,
col. 1254) imposés par la Loi. Num., xvm, 16. Quand
elle vint au Temple, après les quarante jours de réclu-
sion qui lui étaient prescrits, Lev., xn, 2-4, elle et
Joseph eurent l'intention de présenter l'Enfant au Sei-
gneur. Luc, il, 22. Les deux oiseaux offerts à cette
occasion étaient destinés au sacrifice de purification
pour la mère, et non au rachat de l'Enfant, comme
on le dit quelquefois à tort. Cf. Bossuet, Serm. pour
la Purification, 1658, 2 e part. ; Elév. sur les myst.,
xvm e serm., iv, Bar-le-Duc, 1870, t. vu, p. 233; t. viii,
p. 508. Bossuet peut s'appuyer sur la liturgie de la fête
de la Purification, qui répète plusieurs fois : obtulerunt
pro eo par turlurum. Cette allégation liturgique est
conforme à l'interprétation du texte du Lévitique, xn,
6, par saint Augustin, In Heptat., m, 40, t. xxxiv,
col. 695-696. Mais le saint Docteur n'explique ainsi le
texte que par suite d'une ponctuation défectueuse. —
10° Les juifs restèrent fidèles à l'accomplissement de
cette loi, même après la destruction du Temple. Le
trente-et-unième jour après la naissance du premier-
né, ils invitaient le prêtre à un festin et lui versaient
les cinq sicles. Ce festin se célébrait même un jour de
jeûne, mais se remettait au lendemain si le trente-et-
unième jour coïncidait avec le sabbat. Si le père mou-
rait avant cette date, la mère n'était pas obligée de ra-
cheter l'enfant. Elle lui mettait au cou une petite
plaque portant les mots : bekôr sélô' nipdàh, « premier-
né non racheté », et lui-même se rachetait une fois
adulte. Les filles de prêtres et de lévites, mariées à de
simples Israélites, étaient, comme leurs pères, exemptes
de l'obligation du rachat. Cf. Iken, Antiquitateshebraicm,
Brème, 1741, p. 516. — 11° Jésus est appelé le « pre-
mier-né » de Marie. Matth., i, 25; Luc, u, 17; Heb., i,
6. L'enfant premier-né était en effet bekôr tout en res-
tant fils unique. Zacharie, xn, 10, met en parallèle le
yâlyid, « fils unique », et le bekôr. — La Sagesse est
« première-née avant toute créature, » d'après une ad-
dition de la Vulgate, Eccli., xxiv, 5, et le Verbe incarné
est « né avant toute créature, » Col., i, 15, le premier-
né d'un grand nombre de frères, Rom., vin, 29, en-
fants par adoption d'un Père dont il est fils par nature,
et, par sa résurrection glorieuse, « premier-né d'entre
les morts. » Apoc, i, 5.
II. Les premiers-nés des animaux. — l°Dès l'origine,
les premiers-nés des animaux ont été considérés comme
ayant une valeur plus grande. Deut., xxxiii, 17. Déjà
Abel offrait au Seigneur les premiers-nés de son trou-
peau. Gen., iv, 4. — 2° A la dixième plaie d'Egypte, les
premiers-nés du bétail furent frappés comme ceux des
hommes. Exod., xi, 5; xu, 29. Aussi, en retour, Dieu
voulut-il que les premiers-nés des animaux lui fussent
réservés. Exod., xm, 2; Num., ni, 13. — 3° Les mâles
premiers-nés des animaux devaient être immolés, comme
appartenant à Jéhovah. Le premier-né de l'âne pouvait
cependant être racheté pour un agneau et à défaut de
rachat, on devait lui briser la nuque. Exod., xm, 13;
xxxiv, 20. L'âne était l'objet de cette exception à cause
de sa grande utilité pour les Israélites. Voir Ane, t. i,
col. 566. On rachetait également les premiers-nés des
animaux impurs et le prix en revenait aux prêtres; mais
on immolait les premiers nés du bœuf, de la brebis et
de la chèvre. Num., xvm, 15-18. Ces derniers devaient
être amenés au sanctuaire, Deut., xu, 6, et c'est là seu-
lement que les prêtres et les lévites pouvaient manger
la part qui leur en revenait. Deut., xn, 17, 18; xiv,23.
Il était défendu de faire travailler le premier-né du
bœuf et de tondre le premier-né de la brebis. Si le pre-
605
PREMIER-NÉ — PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES)
606
mier-né était aveugle, boiteux, atteint d'un défaut ou
d'une difformité quelconque, on ne l'offrait pas en sacri-
fice et on pouvait le manger là où l'on résidait, sans
aucune condition. Deut., xv, 19-23. — 4° La tradition
juive a interprété ces différentes lois dans le traité Be-
choroth de la Misçhna. Les prêtres et les lévites étaient
tenus à l'offrande des premiers-nés, mais seulement des
animaux purs. Cf. Beckoroth, n, 1 ; Midr. Mechilta, 15,
2. Les premiers-nés, comme les prémices, devaient être
amenés de toute la terre d'Israël. Cf. Themura, m, 5.
On devait également offrir ceux qu'on introduisait dans
le pays. — Si l'on n'avait pas d'agneau pour racheter le
premier-né de l'âne, on en donnait le prix, fixé d'après
^Tosèphe, Ant. jnd., IV, iv, 4, à un sicle et demi. A
défaut de rachat, on frappait l'animal et on l'enterrait.
D'après Philon, De prasm. sacerdot., 1, les premiers-
nés des animaux impurs, cheval, âne, chameau, se ra-
chetaient à prix d'argent, sur l'estimation du prêtre,
avec majoration d'un cinquième. — Les premiers-nés
des animaux purs devaient être amenés aux prêtres de
service dans le Temple, au cours de leur première
année, comptée cependant à partir du huitième jour
après la naissance. L'animal était égorgé dans le par-
vis, son sang versé aux pieds de l'autel, les parties in-
térieures brûlées sur l'autel après addition dé sel, et
le reste cuit au gré des prêtres et mangé par eux à
l'intérieur de Jérusalem. Cf. Sebachim, v, 8. — Le
premier-né atteint d'un défaut congénital, ou contracté
ensuite, ne pouvait servir de victime. Mais il était sacré
à raison de sa naissance, et on le remettait aux prêtres
qui pouvaient en manger partout, ou le vendre à d'autres
qui le mangeraient à condition de ne pas le mettre dans
le commerce. Cf. Maaser caheni, i, 2. — Les défauts du
premier-né pouvaient être manifestes ou douteux, passa-
gers ou permanents. Des mandataires du sanhédrin
étaient chargés de faire des inspections à ce sujet.
Cf. Reland, Antiquitates sacrai, Utrecht, 1741, p. 185-
188; Schûrer, Geschichte des jùdischen Volhes imZeit.
J.-C, Leipzig, t. n, 1898, p. 253-254. — 5» Dans Job,
xvm, 13, le « premier-né de la mort » est la maladie
très cruelle qui conduit infailliblement à la mort. En
arabe, les fièvres mortelles sont aussi appelées « filles de
la mort». Cf. Frz. Delitzsch, DasBuch Job, Leipzig, 1876,
p. 231. Un Targum traduit l'expression hébraïque par
mal'ak môtâ', « ange de la mort », un autre par Sêrûy
môtâ', « prémices de la mort », les Septante par ôpaïa
Oivoacir, « le temps convenable de la mort » et la Vul-
gate par primogenita mors, « mort première-née »,
sans doute dans le sens de « mort prématurée ». Dans
Isaïe, xiv, 30, les « premiers-nés des pauvres » sont les
plus pauvres de tous. H. Lesètre.
PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES) SUR LES
SAINTES ÉCRITURES. L'ordre des Prémontrés a
été fondé par saint Norbert de Gennep, né à Xanten
(duché de Clèves) en 1080 (1085), mort le 6 juin 1134.
Il fut chanoine régulier de Xanten et. fonda un ordre
de chanoines réguliers à Prémontré, dans le diocèse de
Laon (1120). Il devint archevêque de Magdebourg en
1126. Il fut canonisé en 1582. — Nous donnons ici, d'après
l'ordre chronologique, les principaux ouvrages des
Erémontrés relatifs aux Saintes Écritures.
I. Introductions aux saintes Écritures. — 1. Ulin,ou
Ulinus Guillaume (date ?), De studio linguas sanclœ,
lngolstadt, 1543. — 2. Mansuy Nicolas (1690), Disser-
tation sur les années et époques de V Ancien Testa-
ment, pour redresser les erreurs de certains chro-
nologistes, Clef du Cabinet de Luxembourg, novem-
bre 1749. — 3. Nauwens Corneille (•{• 1774), Antilogise
aliasque difficultatesscripturisticseampiificatse, 5 in-8»
ms. „— 4. Kips Jean Baptiste (1716-1793), Compendiosum
Sacrx Scripturm Dictionarium ad scripturisticarum
historiarum notitiam. Ex ipsa Sacra Scriptura, Flavio
Josepho, aliisque sacris historicis deductum et concin-
natum, in-8°, Louvain, 1779; Synopsis Sawx Scripturm,
3 vol. ms. — 5. Zasio André Maximilien (1741-1816),
Hermeneuticx seu ratio interpretandi Sacram Scrip-
turam Antiqui Fcederis, 1796, in-8»; Hermeneuticx
Yeteris Testamenti partes du», in-8», Pesth, 1796-1797;
Hermeneutica, seu ratio interpretandi Sacram Scrip-
turam Novi Fcederis, Mu Tomi, Pesth, 1796; editio
2<">, Vacii-Waitzen, 1801-1802. — 6. Jahn Martin Jean
(1750-1806), Einleitung in die gôttlichen Schriften des
alten Bundes, in-8», Vienne, 1792. Cette première édi-
tion fut suivie d'une nouvelle : Zweyte ganz umgearbei-
tete Auflage, 4 in-8°, Vienne, 1802; Bibtische Archâo-
logie, trois parties en 5 in-8", Vienne, 1797-1804 ; lntro-
ductio in libros sacros Veteris Fcederis. In epitomen
redacta a Johanne Jahn. Editio secunda emendata,
in-8», Vienne, 1814; Archseologitt Biblica in compen-
dium redacta a Johanne Jahn, in-8", Vienne, 1805;
Editio altéra emendata, in-8», Vienne, 1814; 3» édit., 1826,
par Ackermann; 4= édit., 2 in-8°, Vilna, 1829-36; Biblia
Hebraica digessit et graviores lectionum varietates ad-
jecit JohantiesJahn, 4 in-8», Vienne, 1806; Enchiridion
Hermeneuticee generalis tabularum Veteris et Novi
Fcederis, in-8°, Vienne, 1812 ; Appendice Hermeneuticœ-
seu exercitationes exegetiese. Vaticinia de Messia,
Fasciculi duo, in-8», Vienne, 1813 et 1815; Jeremias,
MS. latin, in-4". — 6. Stoppani Charles Antoine Jean-Bap-
tiste (1778-1836), Sâtze aus der biblischen Auslegungs-
kunde, den biblischen Alterthùmem und der Einlei-
tung in die gôttlichen Bûcher, in-8°, Prague, K-S05-1812 ;
Dissertatio de sludii biblici Veteris Testamenti, quan-
tum ad christiarios theologos attinet, necéssitate ac
preestantia, Prague, 1809; Einige ldeen zur Beurthei-
lung des moralischen Theiles des alten Bundes, dans
Frints' theol. Zeitschrift, 2 êf Jahrg., 2" Band, l« s Heft.
— 8. Koppmann Adolphe Jean (1781-1835), Hermeneu-
tica biblica, a Cl. Altmanno Arigler édita (Viennae,
1813), fuit ab eximio D re Adolpho Koppmann scriptote-
nus emendata. — 9. Gûntner Gabriel Jean Baptiste (1804-
1867), Hermeneutica biblica generalis juxta principia
catholica, in-8», Prague, 1848; 2" édit., 1851; 3° édit.,
Prague, 1863; Introductio in sacros Novi Testamenti
libros historico-critica et apologetica, in-8», Prague,
1863. — 10. Dallos, Szekeres et Wentko ont publié une
revue, qui a pour titre : A Biblia es a Tudomàny (La
Bible et la Science), depuis 1896, in-4», à Budapest.
— 11. Crets Gommaire Joseph (né en 1858), De divina
Bibliorum inspiratione ; dissertatio..., in-8», Louvain,
1886. — 12. Kortleitner François-Xavier Joseph (né en
1863), Archœologix Biblicse Summarium, in-8», Ins-
pruck, 1906; De polytheismo universo... apud HebrsROS
finifimasque gentes usitatis, in-8», Inspruck, 1908.
II. Traductions des saintes Écritures. —1. Gebhard
(f 1191), Psalmen Verdeutschung, 1174. — 2. Carré Ré-
mi (1706-1773), Psaumes dans l'ordre historique, nouvel-
lement traduits sur l'hébreu. — 3. Klimesch Philippe
Mathieu (1809-1886), Codex Teplensis, enthaltend die
Schrift des neuen Gezeuges. 1 Theil : Die vier heili-
gen Evangelien. II" Theil : Die Briefe S. Pauli,
111" Theil: Die Briefe S. Jacobi, S. Pétri, S. Johannis,
S. Judée, das Botenbuch, und S. Johannis Offenba-
rung, nebsl drei Anhângen, in-4«, Augsbourg-Munich,
1884.
III. Commentaires sur les saintes Écritures. — 1.
S.Norbert (f 1134), archevêque de Magdebourg. On lui
attribue: Commentarii sive Interpretaiiones in aliquot
libros S. Scripturm. — 2. Luc du Mont-Cornillon
(f 1179), In Evangelium Matthaei liber unus ; In Evan-
gelium Joannis liber unus; In Apocalypsin. — 3. Phi-
lippe de Harvengt (-J-1182) Commentarius mysiieus et
moralis in Cantica canticorum Salomonis, in-f°,
mdcxxi. — 4. Gebhard (f 1191), Commentaria in S. Pau-
lum (1160); Interpretatio Apocalypseos (1156); Expo-
607 RRÉMONTRÉS (TRAV. DES) SUR LES SS. ÉCRIT. — PRÉSENT 608
sitioin Genesim,Exodum, Leviticum, librum Nume-
rorum, Deuteronomium et Josue (1164) ; Explanatio
Psalmorum (1170); VocabulariumS. Scripturse (1189).
— 5. Zacharias Chrysopolitanus (xn e siècle), In unum
ex quatuor sive de concordia Evangelistarum, libri
quatuor, 1"> édit,, in-f°, 1473; 2 e édit., in-f», 1535;
3« édit., Cologne, 1618. — 6. Jean d'Abbeville (vers
VfcW),Glossa in Genesim; Commentaria in lïbros Exo-
di et LeuUici; Conmientaria in Numéros, Deuterono-
mium; in Canlica canticorum, et in Isaiam; Contmen-
taria in Danielem, Tobiam, Judith et Esther; Glossa
in Psalterium, 3 in-f"; Comnientaria in Acta Apostolo-
rum. — 7. Lensius ou de Lens (Eustache) (né vers 1170,
vivait encore en 1226), Seminarium verbi Dei (diction-
naire biblique) ; Detropis et schematibus S. Scriplurse :
De mysteriis S. Scripturœ; Cosmographie Moysis Li-
bri III ; on lui attribue encore des Commentaires
sur la Genèse, l'Exode, le Lévitique, le. Deutéronome,
et sur les Paralipomènes. — 8. Jacques d'Arras (Jaco-
bus Atrebas, 1227), In ultimam visionem Ezechielis,
liber unus. — 9. Gervais (f 1228), Commentarii litté-
rales in Psalmos ; Commentarii littérales in minores
Prophetas (ces deux ouvrages n'existent qu'en manus-
crit). — 10. Jaricns (f 1240), Commentaria in Genesim
et Commentariain Ùantiea canticorum, (ms). — 11. Hay-
tho, vel Haythonus (commencement du xiv c siècle),
Commentarius in Apocalypsin (inédit). — 12. Pierre de
Lutra, ou de Kayserslauter (vivait dans la 1™ moitié
du xiv" siècle), In Evangelium S. Joannis, liber unus.
— 13. Pierre de Herenthals (1322-1391), Collectarius
Evangeliorum, 1364, 2 in-f»; Collectarius super
librum Psalmorum, in-f», 1480, 1483, 1487, 1488, 1494,
1498, 1504, etc. ; In septem Psalmos pxnitentiales Com-
mentarius (ms.); In XV Cantica graduum liber 1 (ms).
— 14. Thomas de Vicogne (vers 1308); on lui attribue;
Commentarii in Cantica canticorum, liber unus;
In librum Job. — 15. Lheureux, ou Félix Thomas
(f 1420) : Annotationes in Psalmos Davidicos (ms).
— 16. Ulin, ou Ulinus Guillaume (vers le milieu du
XVI e siècle), Commentationes in Epistolam sancti Pauli
ad Romanos, ms. in-4°. Le manuscrit n" 15333 de la
bibliothèque royale de Munich a pour titre : G. Ulini
Commentationes in sancti Pauli Epistolas et in Vil
Epistolas canonicas, in-8», 1533. — 17. Motzhart An-
toine (-{-1544), Annotationes in Evangelium sancti Joan-
nis. — 18. De Quixada Thomas (1588), Sermones exege-
tici in Sacram Scripturam. — 19. Manar (ou Mannaert)
Jean (1583-1633), Annotationes in Novum Testamentum
(ms). — 20. Fabri Christophe (f 1645). On lui attribue
les ouvrages suivants : Commentaires sur les livres
de Moyse; Commentaires sur Tobie; Commentaires
sur les Psaumes de David. — 21. Hempfer Georges
(f 1648), Exegesis Psalmorum. — 22. Balavenus Augus-
tin, ou Balavoine (vivait vers le milieu du xvn e siècle),
Paraphrasis mystica in Canticum canticorum.il tra-
duisit ce même ouvrage en français. (Rien ne fut im-
primé, pour autant que nous le savons du moins.)
— 23. Tineo de Morales Louis (1660), Bexameron com-
mentario litterali ac morali illustratum. — 24. Noizet
Henri (f 1670), Annotationes in Epistolas B. Pauli.
Manuscrit de 1578, in-f", biblioth. d'Averbode. — 25. De
Estrada Gijon Jean (f vers 1679), In Exodum. — 26. Ma-
clot Edmont (1639-1711), Histoire de l'Ancien Testament,
Nancy, 1705, in-8°; Histoire du Nouveau Testament ou
du sixième âge du monde, divisé en deux parties. Avec
des réflexions théologiques, morales, critiques et chro-
nologiques, in-8°, Paris, 1712. —27. Œrtle Eusèbe (1654-
1721), CommentariusinPsalterium Davidis. — 28. Reif-
fenberger Norbert (1694-1764), Varies Qusestione» in
Historias Genesis et Judicurn, cum Resolutionibus.
— 29. Béraneck Hugues (f 1771), Catechesis scripturi-
stica in Pentateuchum. — 30. Caenen Candide Jean
Joseph Mathiàs Antoine (1749-1811), Commentaria in
Actus Apostolorum, ms. in-f°; Commentaria in Psal-
mos, 3 in-4» ms; Breviarium historicum Veteris ac
Novi Teslamenti, 1775, ms. in-4» (Bibliothèque d'Aver-
bode). — 31. L'Ecuy Jean-Baptiste (1740-1834), auteur du
8» et dernier volume de l'ouvrage de Bassinet : His-
toire sacrée de l'Ancien et 9,u Nouveau Testament,
Paris, 1804-1806. Ce dernier volume contient les Actes
des Apôtres et l'Apocalypse, in-8»; La Bible de la
jeunesse (96 figures), 2 in-8», Paris, 1819; 2 e édit.;
Abrégé de l'Histoire de la Bible (24 figures), in-12»,
Paris, 1812. — A cet ouvrage est ajouté un Nouvel
Attas de la Bible, pour servir à l'intelligence des
livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament,
Paris, 1809, grand in-f»; La Bible de la jeunesse, par
l'Écuy, reçut de grands éloges lors de sa publication.
— 32. Seerwart Herman-Joseph (1752-1828), Thèses sacrée
ex septem Epistolis catholicis, et Apocalypsi S. Joan-
nis, in-4», Anvers, 1777; Thèses sacrée ex prioribus
capitibus Evangelii secundum Joannem, Louvain, 1778.
— 33. Gûntner Gabriel Jean-Baptiste (1804-1867), Com-
mentarius in Evangelium S. Matthgei (cet ouvrage,
annoncé dans la préface des 2 e et 3 e éditions de
l'Hermeneutica du même auteur, est peut-être resté
manuscrit). — 34. Wentko Justin François (né en 1848),
Exegesis in Libros sacros (Hongrie), 1881. — 35. Ma-
gashazy Antoine Adalbert (né en 1861), À négy evange-
lium hasonlôsâga es Eùlônbôrôsège {Die Einheit und
Verschiedenheit der vier Evangeliën), in-8», Keszthely,
1896. — 36. Kortleitner François Xavier Joseph (né en
1863), Canticum canticorum explicatum et prascipue
ad historiam Ecctesim applicatum, in-8», Inspruck,
1892. — 37. Daniel (dates inconnues), In Apocalypsin
B. Joannis Commentariorum liber.
IV. Bibliographie. — Dupré (Maur.), Annales brèves
ordinis Prsemonstratensis,^ édit., in-8», Namur, 1886;
Kohel Sigismond, Prœmonstratensis ordinis rionnul-
lorum patrum viles ex variis aulhoribus collectes,
in-4», 1608; Le Paige, Bibliotheca Prœmonstratensis
ordinis, 2 in-f», Paris, 1633; Lienhart Georges, Spiritus
literarius Norbertinus... seu sylloge viros ex ordine
Prxmonstratensi, scriptis et doctrina célèbres necnon
eorumdem vitas, res gestas, opéra et scripta tum ine-
dita perspicue exhibens..., in-4», Augsbourg, 1771;
Miraeus (4ub.), Chronicon ordinis Preemonslratensiç,
in-8», Cologne, 1613; Ulysse Chevalier, Répertoire des
sources historiques du moyen âge, Topo-Bibliographie,
in-8», Montbéliard, 1894-1903, p. 2455; Léon Goovaerts,
Écrivains, artistes et savants de l'ordre des Pré-
montrés, Dictionnaire bio-bibliographique, 2 in-4».
Bruxelles, 1899-1908. J. J. Feyen.
PRÉPUCE. Voir Circoncision, t. u, col. 772.
PRÉSENT (hébreu : berâkâh, « bénédiction » ;
matfân, ma(tanâh, mattat, de nâfan, « donner »;
Sohad, de Sâhad, « donner »; maSèa', mas'êf, de nàsd'
« porter » ; minhâh, nedâbdh, nêdéh, terûmâh, tesû-
râh, Salmonîm; chaldéen : mafton, nebizbâh; Sep-
tante : Séy.a, Sûpov ; Vulgate : donum, donarium, dona-
tio, munus, munusculum), chose que l'on donne à
quelqu'un sans y être obligé en justice. On peut distin-
guer les présents en trois sortes, suivant la pensée qui
les inspire.
1° Présents gracieux. — Ce sont ceux qui sont faits
par amitié, par reconnaissance, par charité ou par
respect. 1. Tels sont les présents d'Abraham à ses con-
cubines, Gen., xxv, 6; d'Éliézer à Rebecca, à son frère
et à sa mère, Gen., xxiv, 53; de Jacob à Ésaù, Gen., xxxn,
14, 19, 21 ; xxxm, 11 ; d'Abigaïl à David, I Reg., xxv, 27 ;
de David aux anciens de Juda, I Reg., xxx, 26; de
Salomon à la reine de Saba, III Reg., x, 13; de ses sujets
et de ses voisins à Salomon, III Reg., iv, 21; x, 25;
II Par., ix, 24; de tout Juda à Josaphat, II Par., rvn,
609
PRÉSENT
PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE
610
5; de Josaphat à ses enfants, II Par-, xxi, 3; de Méro-
dach Baladan à Ézéchias, IV Reg., xx, 12; la., xxxix,
t; de ses sujets à Ézéchias, II Par., xxxn, 23; du chef
chaldéen à Jérémie, Jer., xl, 5; de Nabuchodonosor à
Daniel, Dan., H, 6, 48; d'Assuérus à ses invités,
Esth., il, 18, et à Mardochée, Esth., xn, 5; de Cyrus
aux captifs israélites qu'il délivre, Is., xlv, 13;
I Esd., i, 4; du roi de Perse aux Juifs, II Mach., i, 35;
des Juifs à leurs frères indigents, Esth., ix, 22; des
mages à Notre- Seigneur, Matth., n, 11; voir Mages,
t. rv,.col. 551; des rois à leur médecin, Eccli., xxxviii,
2; des hommes entre eux en signe d'allégresse, Apoc,
xi, 10, etc. Parmi les présents, il faut ranger les dons
qui sont faits par charité aux malheureux. Voir Au-
mône, t. i, col. 1244. — 2. 11 est prédit qu'un jour, à
l'époque du Messie, les rois et les nations apporteront
leurs présents à Jérusalem. Ps. xlv (xliv), 13; lxxii
(lvxi), 20; Tob., xill, 14. Il s'agit ici surtout des dons
destinés à honorer le Seigneur. Sur ces présents, voir
Oblation, Offrande, t. iv, col. 1725, 1758. — 3. Quel-
quefois les présents gracieux sont refusés par ceux qui
devraient les faire, I Reg., x, 27, ou par ceux qui pour-
raient les accepter. Dan., v, 17. — 4. Les présents ont
leurs raisons d'être : ils font plaisir à tous, Prov., xvn,
8, procurent à celui qui les fait des amis, Prov., xix,
6, et même des bénédictions temporelles, Prov., xi, 25,
et sont parfois utiles pour calmer la colère. Prov., xxi,
14.
2» Présents intéressés. — 1. On les fait en vue d'un
intérêt légitime. Hémor offre de grands présents afin
d'obtenir que Dina soit accordée pour épouse à son
fils Sichem. Gen., xxxiv, 12, Sur le présent ou niohar
que l'époux doit offrir aux parents de l'épouse, voir Dot,
t. il, col. 1496. Jacob envoie des présents à Joseph, pour
gagner ses bonnes grâces. Gen., xliii, 11, 25, 26. Quand
Saùl, à la recherche de ses ânesses, songe à consulter
le voyant, il se prépare à lui offrir un présent. I Reg.,
ix, 7. Ainsi procèdent, vis-à-vis d'hommes de Dieu,
Jéroboam, III Reg., xm, 7; Naaman, IV Reg., v, 15, et
Hazaël, IV Reg., vm, 8-9. — 2. Des présents sont offerts
à des rois dont on veut se ménager la faveur. Aod est
chargé de porter des présents à Églon, roi de Moab.
Jud., m, 15, 18. De cette espèce sont les tributs plus
ou moins volontaires, mais décorés du nom de pré-
sents, qui sont payés par les Moabites à David, II Reg.,
vm, 2, 6; par les Philistins à Salomon, III Reg., iv,
21; par Asa à Benadad, III Reg., xv, 19; par Achaz au
roi d'Assyrie, IV Reg., xvi, 8; II Par., xxvm, 21; par
les Philistins à Josaphat, II Par., xvn, 11 ; par les
Ammonites à Ozias, II Pari, xxvi, 8; par Éphraïm aux
nations voisines, Os., vm, 9; par Tryphon à Jonathas,
I Mach., xii, 43, etc. Le roi Osée se déroba à l'obliga-
tion d'offrir des présents au roi d'Assyrie. IV Reg.,
xvn, 4. — 3. On offre des présents à quelqu'un pour le
gagner ou l'adoucir. David, pour pallier son crime, en-
voie des présents à Urie. II Reg., xi, 8. Antiochus Épi-
phane en ofire à Matathias et aux Juifs de son parti
pour qu'ils se soumettent. I Mach., n, 18. L'homme
outragé dans son honneur de famille demeure inflexible
et n'accepte pas les présents. Prov., vi, 35. — Ces
sortes de présents frayent la voie à un homme et lui
donnent accès auprès des grands. Prov., xvm, 16. Mais
ils engendrent facilement des abus. Le roi qui en est
avide ruine son pays. Prov., xxix, 4. Le présent injus-
tement acquis périra. Eccli., XL, 12. Celui qui se glo-
rifie de présents trompeurs, c'est-à-dire, comme traduit
la Vulgate, qui en promet mais ne les donne pas, est
un nuage ou un vent sans pluie. Prov., xxv, 14. En
somme, celui qui hait les présents, vivra. Prov., xv, 27.
3» Présents corrupteurs. — 1. Il y a des présents in-
fâmes, qui sont le salaire de la prostitution. Ezech.,
xvi, 33. — 2. Bien plus fréquemment, il est question
dans la Sainte Écriture de la corruption introduite par
DICT. DE LA BIBLE.
les présents dans l'exercice de la justice publique. La
Loi recommande aux juges de ne pas accepter de pré-
sents. Exod., xïiii, 8. Il est dit que Jéhovah ne reçoit
pas de présents pour rendre justice, Deut., x, 17;
II Par., xix, 7; que les jugés n'en doivent pas rece-
voir, parce que les présents aveuglent, Deut., xvi, 19, et
que maudit est celui qui, pour un présent, verse le
sang innocent. Deut., xxvn, 25. Les auteurs sacrés
rappellent que les présents corrompent le cœur, Eccli.,
vu, 7; qu'ils aveuglent les sages et les empêchent de
blâmer ce qui est mauvais, Eccli., xx, 31; qu'il ne faut
pas chercher à tromper le Seigneur par des dons, parce
qu'il juge sans tenir compte de la qualité des per-
sonnes. Eccli., xxxv, 14. — 3. Le juste n'accepte pas »
de présents au préjudice de l'innocent. Ps. xv (xiv),
5. Samuel a pu se rendre ce témoignage qu'il n'a jamais
reçu de présents pour fermer les yeux à la justice.
I Reg., xu, 3. En général, l'homme juste se défie des
présents, et il secoue ses mains pour n'en pas recevoir
et n'en pas garder. Is., xxxm, 15. — 4. Mais le méchant
a la droite pleine de présents, soit de ceux qu'il a
reçus pour mal faire, soit de ceux qu'il veut donner
pour corrompre. Ps. xxvi (xxv), 10. Les fils de Samuel
recevaient des présents au détriment de la justice.
I Reg., vm, 3. D'autres cachaient des présents dans le
pli de leur manteau pour gagner les juges. Prov.,
xvn, 23. Ceux-ci se laissaient facilement corrompre.
Des plaintes sont formulées à ce sujet par Isaïe, i, 23;
v, 23; Méchiel, xxii, 12; Amos, v, 12, et Michée,
ni, 11. H. Lesètre.
1. PRÉSENTATION de la Sainte Vierge au Temple
de Jérusalem. "Voir Marie, t. iv, col. 778-780.
2. PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE. —
1° Saint Luc raconte que, quand les jours de sa (ou de
leur) purification furent accomplis, « Marie et Joseph
portèrent l'Enfant à Jérusalem pour le présenter au
Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la loi du Sei-
gneur. «Luc, n,22-24. L'Évangéliste vise deux lois, celle
qui ordonnait de consacrer au Seigneur tout mâle pre-
mier-né, Num., vu, 17; xvm, 16-17, et celle qui pres-
crivait le sacrifice à offrir pour la purification de sa mère
quarante jours après la naissance de l'enfant. Lev., xu,
2-4. La Sainte Vierge ayant seule à être purifiée légale-
ment, on comprend que la Vulgate parle des jours de
« sa purification ». Mais la plupart des manuscrits grecs
portent ici le pluriel, « leur purification ». D'après ce
texte, il faut comprendre sous le nom de purification
la présentation de l'Enfant et le sacrifice de la mère, et
le pronom au pluriel concerne Marie et Jésus, présenté
lui-même à son Père. Selon la loi, Num., xvm, 16, le
premier-né appartenait au Seigneur. Mais, comme le
service direct du Seigneur avait été réservé à la tribu
de Lévi, les premiers-nés qui s'en trouvaient ainsi
exemptés devaient être rachetés, au prix de cinq sicles
d'argent, à l'âge d'un mois. La loi ne prescrit pas en
termes exprès la présentation du premier-né au Sei-
gneur, mais l'usage avait ainsi interprété la loi qui
ordonnait de le « sanctifier » (consacrer dans le texte
hébreu) à Dieu. Exod., xm, 2; Num., vm, 17. « Quand
les jours de sa (ou de leur) purification (les quarante
jours) furent accomplis, dit saint Luc, n, 22-23, selon
la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusa-
lem pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit
dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera
consacré au Seigneur. » Plus que toute autre mère, la
Sainte Vierge devait être portée à offrir au Seigneur son
divin Enfant. Elle savait qne cet Enfant, destiné au seul
véritable et efficace sacrifice pour le genre humain,
avait hâte défaire précéder sa future immolation d'une
offrande officielle de lui-même dans le Temple. D'autre
part, elle n'ignorait pas les prophéties, et, sans nul
V.- 20
611
PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE — PRESSOIR
612
doute, comprenait que Jésus les réalisait par sa pré-
sence : « Je remplirai de gloire cette maison;... grande
sera la gloire de cette maison, la dernière plus que la
première. » Agg., u, 7, 9. « Soudain viendra dans son
Temple le Seigneur que vous cherchez, l'ange de
l'alliance que vous désirez. Voici, il vient, dit Jéhovah
des armées. » Mal., m, 1. Pendant sa vie publique, le
Sauveur devait accomplir ces prophéties dans toute
leur plénitude. Mais il ne pouvait attendre jusqu'à celle
époque pour paraître dans la maison de son Père. Car
la volonté de ce Père était qu'il y fût apporté peu après
sa naissance. Le saint vieillard Siméon avait reçu la
promesse « qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le
Christ du Seigneur », et il fut envoyé dans le Temple
pour le saluer, pendant que, de son côté, la prophétesse
Anne, sur le déclin de sa vie, lui rendait hommage et
parlait de lui « à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient
la rédemption. » Luc, u, '26-38. Comme cette présen-
tation n'était pas spécialement réglée par la loi, les
prêtres n'eurent pas à intervenir pour la faire, et il se
trouva que Marie, la plus pure et la plus sainte des créa-
tures, eut à remplir cet office extérieurement, pendant
qu'intérieurement le Verbe incarné renouvelait l'of-
frande qu'il avait faite de son humanité dès le. premier
instant de son union hypostatique. Heb., x, 5.
2° La présentation du Sauveur, racontée par l'Évan-
gile même, fut de bonne heure l'objet d'une fête chré-
tienne. A la fin du IV e siècle, la JPeregrinalio SilvisR, 60,
l'a mentionne comme célébrée à Jérusalem quadrage-
simse de epiphania, « le quarantième jour de l'épipha-
nie », c'est-à-dire de la naissance du Sauveur, selon le
langage oriental. Justinien en prescrivit la célébration
dans son empire en 542, à l'occasion d'une peste. Les
Grecs appelaient cette fête ÛTcanâvr»), « rencontre », à
cause de la rencontre au Temple de Jésus et ses parents
avec Siméon et Anne. A Rome, elle est mentionnée par
le sacramentaire de saint Gélase, h, 8, t. lxxiv, col. 1158,
entre 492 et 496, sous le nom de purificalio. La litur-
gie latine appelle cette fête la « Purification de la
B. V. Marie » ; mais les souvenirs évangéliques y
tiennent une très grande place et, en conséquence, s'il
y est question de la très sainte Vierge, il y est encore
plus parlé du divin Enfant, des prophéties qui annoncent
son apparition et des circonstances qui accompagnèrent
sa présentation. Cf. Kellner, Heortologie, Fribourg-en-
Brisgau, 1901, p. 116-118. H. Lesètre.
PRESLES (Raoul de), traducteur de la Bible en
français, mort en 1382. Il fut avocat général au parle-
ment de Paris et puis maître des requêtes de l'hôtel
de Charles V, roi de France. 11 traduisit et composa
plusieurs ouvrages. Nous n'avons à mentionner ici que
sa traduction française des Saintes Écritures. Voir
Françaises (Versions) de la Bible, iv, 3, t. in,
col. 2960.
PRESSENSÉ (Edmond de), théologien protestant,
né à Paris le 3 juin 1824, mort dans cette ville le 8 avril
1891. Au terme de ses études théologiques, commencées
à Lausanne (1842-1845) sous la direction de Vinet, et
poursuivies à Halle et à Berlin avecTholuck et Néander
pour maîtres, Pressensé fut nommé pasteur de l'église
Taitbout à Paris (1847). En 1870 il résigna ses, fonc-
tions, pour remplir celles d'aumônier des ambulances à
la frontière. De retour à Paris il partagea son activité
entre la politique, la Revue chrétienne, fondée par
lui en 1854 et qu'il dirigea pendant 37 ans, et la publi-
cation de nombreux ouvrages. Le 11 janvier 1890, l'Aca-
démie des sciences morales et politiques lui ouvrit ses
portes, une année avant sa mort. — Sans parler des
nombreux articles de la Revue chrétienne, relatifs aux
études bibliques, on a de lui : Histoire des trois pre-
miers siècles de l'Église chrétienne, 6 in-8°, Paris,
1858-1877; L'école critique et Jésus-Christ, in-8», Paris,
1863; Le pays de l'Évangile, in-12, Paris, 1864; Jésus-
Christ, son temps, sa vie, son œuvre, in-8» et in-12,
Paris, 1866 (plusieurs éditions); Éludes évangéUq&è»,
1 in-12, Paris, 1867; Saint Paul jugé par Renan,
in-8", Paris, 1869. — Cf. Théophile Roussel, Notice sur
la vie et les œuvres de M. de Pressensé, in-8°, Paris,
1894. 0. Rey.
PRESSOIR (hébreu :gat, yéqéb, pùrâh; Septante:
).»)v6c, iupoXT,viov, inoX^viov; Vulgate : torcular), appa-
reil servant à faire sortir le jus contenu dans les
raisins, les olives, etc.
1» Le pressoir se compose essentiellement d'une
cuve dans laquelle on fait arriver le jus des fruits.
Cette cuve s'appelle gat, Xïivô?. Le yéqéb désigne la
même cuve, en tant que placée au-dessous de l'appareil
à pression, ïnroXïjviov. Le irpoXriviov est la cuve placée
non plus au-dessous, mais en avant. La pûràh, de
pur, « broyer », est l'appareil à pression. Le torcular,
de torqueo, « tordre », a le même sens que pûràh.
Tous ces mots d'ailleurs désignent l'ensemble de
l'appareil, bien qu'ils n'en nomment qu'une des par-
ties. Parmi les pressoirs anciens, il y en a qui sont à
torsion. Tel est un pressoir égyptien se composant d'un
164. — Pressoir égyptien à torsion. Béni Hassan.
D'après Wilkinson, Manners and custutns of the ancient
Egyptians, t édit., 1. 1, fig. 160, p. 383.
sac oblong et perméable, fixé par ses exlrémités à deux
poteaux (fig. 164). Quand le raisin est enfermé dans le
sac, on soumet celui-ci à une forte torsion, et le raisin
comprimé laisse échapper son jus dans une cuve, qui
est un {iiuoXtiviov. C'est là un torcular proprement dit.
D'autres fois le raisin est foulé aux pieds (tig. 165).
Un autre pressoir égygtien (fig. 166) consiste en un
grand récipient dans lequel on a versé le raisin. Sept
hommes le foulent aux pieds, en se tenant par les
mains à des cordes qui pendent d'un châssis supérieur.
Sur deux côtés du récipient, des cuves, qui sont des
7cpo).T|Vta, reçoivent le jus. Beaucoup de monuments
anciens représentent des vendangeurs qui foulent aux
pieds le raisin ou d'autres fruits dans des cuves.
Cf.Dicf. cJ'arc/i«'ol.c/irt>t.,t.i,fig.385,col.l616; fig.387,
col. 1617; fig. 411, col. 1643; fig. 973, col. 2871, etc.
Dans le pressoir à levier (flg. 167), primitivement
employé en Grèce et en Italie, une lourde pierre
pèse sur les raisins ou les olives. Ces fruits sont
retenus par un panier ou par des lattes. Une longue
poutrelle, articulée à l'une de ses extrémités, sert à
soulever la pierre pour placer le panier, et ensuite à
augmenter la pression par la pesée que des hommes
exercent à l'extrémité libre. Ce pressoir parvenait à
extraire ce qui restait de jus dans les raisins déjà fou-
lés, ou l'huile dans les olives déjà écrasées. D'autres
pressoirs moins encombrants furent inventés par la
suite. Cf. Rich, Dicl. des antiquités romaines et
grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873 s p. 655-659. — Les
pressoirs à huile de Palestine ressemblaient un peu à
des meules à blé. Voir t. m, fig. 157, col. 773. Sur
une pierre creusée en cuvette, une meulp pouvait tour-
ner, soit à la main, soit à l'aide d'une traverse de bois
613
PRESSOIR
614
passant à travers la meule et mise en mouvement par
des hommes ou des animaux. — « Encore aujourd'hui,
en Palestine et en Syrie, on creuse le pressoir dans là
vigne. Le raisin est entassé sur une aire de fortes
dans la Bible. Le pressoir ou la cuve sont nommés
pour désigner leurs produits. Num., xvm, 27, 30;
Deut., xv, 14; xvi, 13; IV Reg., vi, 27. Gédéon battait
son froment sur son pressoir, c'est-à-dire sur l'aire
165. — Pressoir égyptien dans lequel le raisin est foulé aux pieds.-
fD'après Wukinson, Manners and customs of anc. Egyptians, 2" édit., t. H, p. 192.
dalles, entourée d'une bordure en pierres et adossée à
une muraille. Là il est foulé aux pieds, puis fortement
pressé à l'aide de poutres engagées dans le mur. Le
moût s'écoule dans des fosses, profondes d'un mètre,
' ym\\\\\\\\\\\\mii//iun/i//tfn/r//f
166. — Grand pressoir égyptien. Thèbes.
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 162, p. 385.
enduites avec soin. Quand il y a déposé ses impuretés,
on le porte dans une chaudière établie tout auprès, où
il reçoit une légère cuisson avant d'être mis en barils
pour fermenter. On rencontre quelquefois des pressoirs
dallée qui servait d'ordinaire à presser le raisin. Jud.,
vi, H. Des pressoirs sont signalés près du Jourdain,
Jud., vu, 25, et dans le voisinage de Sichem. Jud., ix,
27. Job, xxiv, 11, parle des pauvres gens que le riche
occupe à exprimer l'huile dans ses celliers et à fouler la
vendange au pressoir. Dans une vigne, on bâtissait
d'ordinaire une tour et un pressoir, Is., v, 2;Matth.,xxi,
33; Marc,, xn, 1, le pressoir pour faire le vin sur place,
la tour pour y poster un veilleur chargé d'écarter les
maraudeurs. Voir Tour. Zacharie, xiv, 10, parle de
« pressoirs du roi » attenant à l'enceinte même de Jéru-
salem, et probablement voisins des jardins royaux, au
sud de la ville. Voir t. m, col. 1132. Gethsémani marque
l'emplacement d'un pressoir à huile. Voir t. m, col. 230.
Les villes de Geth, « pressoir », Géthaïm, « les deux
pressoirs », Gethhépher, «le pressoir de l'excavation »,
ont dû leur origine à des pressoirs. Voir t. m, col. 223,
227, 228. On trouve encore en Palestine de nombreux
restes d'anciens pressoirs (flg. 169), plus ou moins dé-
formés et enfouis sous la terre et les broussailles, dans
les collines du sud de la Judée, entre Hébron et Ber-
sabée ; il y en a beaucoup au mont Carmel et aux en-
virons de Caïffa, en Galilée et spécialement près de
Cédés. Cf. Tristram, The natural History of tke Bible,
Londres, 1889, p. 409. — Néhémie rappela à l'ordre
des hommes qu'il vit fouler au pressoir un jour de
sabbat. II Esd., xm, 15. A l'Israélite fidèle, il était
promis que sa cuve déborderait de vin nouveau. Prov.,
m, 10. Par contre, en Moab, châiié par le Seigneur, le
167. — Pressoir romain. D'après Rich, Dict. des antiquités, p. 656.
de ce genre tout entiers taillés dans le roc. » Jullien,
L'Egypte, Lille, 1891, p. 261.
2° La Palestine était un pays de vignes. Aussi les
pressoirs sont-ils l'objet d'assez nombreuses mentions
vendangeur ne foule plus le vin dans les cuves, Is.,
xvi, 10, et, chez les Israélites infidèles, quand on venait
au pressoir pour y puiser cinquante mesures, il n'y en
avait que vingt, Agg., n, 17, ou bien on pressait l'olive
615
PRESSOIR
616
et le raisin, mais on n'en jouissait pas. Mich., vi, 15.
Cf. Ose., ix, 2. — Oh chantait et on ponssait des cris
de joie en foulant le raisin au pressoir. Le Seigneur
fait dire de Moab, Jer., xlviii, 33 :
J'ai fait tarir le vin des cuves ;
On ne le foule plus au bruit des cris de joie :
Ce sont des cris de guerre et non des cris de joie.
3» Le pressoir fournit matière à des comparaisons
expressives. L'auteur de l'Ecclésiastique, xxxm, 16, 17,
après avoir consacré ses veilles à la sagesse, se dit sem-
ïrcfie
Ww-
168. — Pressoir à vin, antique, taillé dans le roc, à Aïn Karim-
— On foule le raisin en a, d'où il s'écoule dans le bassin b,
qui est de 1 mètre plus profond et plus large. Dans sa partie
méridionale, qui est moins profonde, il y a trois niches, dont
les deux latérales sont percées de trous, devant lesquels il y
avait sans doute un clou qui devait servir à fixer des le-
viers pour presser. Voir fig. 167. Les raisins foulés en a pas-
saient donc, comme le montre la section, en b, où on les pres-
sait encore davantage au moyen de pièces de bois et de leviers.
Le liquide s'écoulait alors par les trous en e et d; c est beau-
coup plus étroit et n'a que 1"40 de profondeur, tandis que d
a environ 2 mètres de large et 2"30 de profondeur. De e à d
il y a un trou rond par où le liquide peut passer du premier
dans le second. Ce dernier a des marches au nord et à l'est.
Sur le roc, près de la marche à l'est et au coin nord-est, il y a
un creux en forme de coupe où l'on peut poser une jarre de
terre sans qu'elle soit exposée à se renverser. — D'après Schick,
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1899,
p. 41.
blable à celui qui grapille les raisins après la vendange
et qui pourtant, comme le vendangeur, remplit le
pressoir. Au temps messianique, les cuves regorge-
ront de vin nouveau et d'huile, Joël, rt, 24, symboles de
l'abondance des biens spirituels. — Le pressoir est la
figure de l'épreuve et du châtiment qui écrasent. Les
Chaldéens ont écrasé les jeunes hommes de Juda et le
Seigneur a foulé au pressoir les jeunes filles. Lam., i,
15. A la même idée se rapporte la pression, ffttyiç,
pressura, de la femme qui enfante, Joa., xvi, 21, et
celle qu'endure le chrétien de la part des persécuteurs.
Joa., xvi, 33; II Cor., i, 4; Phil., i, 17. — Dieu, dans
l'exercice de sa puissance ou de sa justice, est comparé
au vendangeur qui travaille au pressoir. Isaïe, lxiii, 2-6,
représente en ces termes le jugement exercé contre
Édom, figure des ennemis des serviteurs de Dieu :
Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement,
Et tes habits sont-ils comme quand on foule au pressoir?
J'ai été seul à fouler au pressoir,
Et parmi les peuples personne n'a été avec moi;
Je les ai foulés dans ma colère,
Écrasés sous mes pieds dans ma fureur;
Le jus a jailli sur mes habits
Et j'ai souillé tout mon vêtement...
J'ai écrasé les peuples dans ma colère...
Et j'ai fait couler leur sang à terre.
169. — Pressoir à huile, trouvé à Taanach.
D'après E. Sellin, Eine Nachlese aus dem Tell Ta'annak,
dans les Denkschriften der K. Akademie der Wissenschaften
Ph. hist. XL, Vienne, 1906, fig. 43, p. 27.
On voit ici le vendangeur, se plaignant d'être seul
à l'ouvrage quand d'ordinaire plusieurs foulent sur la
même aire. Il se met cependant à la tâche avec ardeur;
le jus du raisin jaillit sur ses habits qu'il rougit et.
tombe en bas de la cuve. Jérémie, xxv, 30, montre le
Seigneur sur le point de châtier Jérusalem par le glaive
des Chaldéens : il fait entendre à tous les habitants de
la terre le cri des vendangeurs qui foulent le raisin.
Joël, m, 13, parlant de la vengeance qui va fondre sur
les ennemis du peuple de Dieu, s'écrie :
Venez, foulez, car le pressoir est plein,
Les cuves regorgent, tant est grande leur malice.
Saint Jean se sert des mêmes figures pour décrire
le jugement du monde. « L'ange vendangea la vigne de
la terre et il en jeta les grappes dans la grande cuve
de la colère de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ville,
et il en sortit du sang jusqu'à la hauteur du mors des
chevaux. » Apoc, xrv, 19, 20. C'est le Roi des rois et
le Seigneur des seigneurs « qui foulera la cuve du vi»
617
PRESSOIR — PRÊT
618
de l'ardente colère du Dieu tout-puissant. » Apoc, xix, 15.
Plusieurs Psaumes ont en titre dans les versions :
ûiràptûv >ï)viSv, pro torcularibus, «pour les pressoirs ».
Ps. tiii, 1; lxxx, 1; lxxxiii, 1. Il y a en hébreu 'al
hag-giftit, « sur la gittît ». Ce mot est le nom d'un
instrument. Voir Giïtith, t. m, col. 245.
E. Lesêtre.
PRÊT, mise d'une somme d'argent ou d'un objet à
la disposition de quelqu'un qui doit les rendre. En
hébreu, le verbe lâvdh signifie « emprunter » au kal,
■et « prêter » à l'hiphil causatif; Septante : Saveffciv,
xty_p«vai; Vulgate : commodare. Le verbe nâSâh a le
même sens.
I. La loi. — 1° La loi mosaïque considérait le prêt
■comme un service essentiellement désintéressé qu'il
fallait rendre au prochain dans le besoin. « Si tu
prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au
pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard
comme un créancier, tu n'exigeras pas de lui d'intérêt. »
Exod., xxii, 25. La prescription est répétée dans le
Lévitique, xxv, 35-37 : « Si ton frère devient pauvre et
que sa main s'affaiblisse près de toi, tu le soutiendras,
fût-il étranger, afin qu'il vive auprès de toi. Ne tire de
lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que
ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton
argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes
vivres pour en tirer profit. » L'étranger est ici le gêr,
admis à vivre- au milieu des Israélites en respectant
leurs lois religieuses et sociales. Voir Prosélyte. Le
Deutéronome, xxm, 19, 20, revient une troisième fois
sur le même objet : « Tu n'exigeras de ton frère
aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour
aucune chose qui se prête à intérêt. » — L'intérêt
porte en hébreu différents noms. On l'appelle d'abord
néSék, du verbe nâSak, « mordre », parce que c'est
mordre et dévorer le débiteur pauvre que de l'obliger
à rendre quelque chose de plus que ce qu'on lui a
prêté. L'araméen nekat, « mordre » donne de même
nûktâ', « intérêt »; l'arabe qras signifie à la fois
«ronger» et « tirer intérêt » ; Aristophane, Nub., I,
i% emploie l'expression Sixvs(76a: ûitô twv x.pswv, «être
mordu par les dettes », et Lucain, I, 181, qualifie
l'usure de vorax, « dévorante ». Cf. Gesenius, The-
saurus,p. 922. Les versions traduisent né$ék par tôxoç
et uswa. Du verbe râbâh, « augmenter, multiplier »,
sont tirés deux autres noms de l'intérêt : marbît et
farbîf, que les versions rendent par uXcovctandc, « sur-
plus », super abundantia. L'intérêt d'un prêt se pré-
sentait donc aux Hébreux sous un double aspect : celui
d'une dureté à l'égard d'un homme déjà pauvre; et
celui d'un profit en faveur d'un homme déjà riche. On
comprend qu'à ces titres il ait été prohibé par une loi
qui visait à resserrer les liens de fraternité entre tous
les membres de la famille israélite.
2° S'il ne pouvait exiger d'intérêt, du moins le prê-
teur avait le droit de prendre un gage sur son débi-
teur. S'il en eût été autrement, certains débiteurs au-
jaient abusé de la situation pour se faire prêter sans
intention de rendre, et bien des riches auraient refusé
-de prêter, à cause des risques à courir; et, en défini-
tive, c'eût été au détriment du pauvre. Mais la loi im-
posait certaines conditions à celui qui se nantissait
-d'un gage prélevé sur les biens de son débiteur. Voir
Dette, t. n, col. 1394, 1395. Plus tard, la solvabilité du
débiteur fut garantie par des cautions. Voir t. n,
•col. 1395. — L'institution des années jubilaires et sab-
batiques apportait certaines restrictions aux droits na-
iûrels du prêteur. A l'année jubilaire, chaque famille
devait rentrer dans sa propriété foncière. Dès lors, le
gage pris sur cette propriété devenait caduc. Il ne s'en-
suit nullement, comme le prétend Josèphe, Ant. jud.,
III, xii, 3, que les dettes s'éteignaient par le fait
même. Rien dans les textes sacrés n'autorise à l'ad-
mettre. Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1752-1753.
L'effet de l'année sabbatique était purement suspensif.
Comme, cette année-là, le sol n'était pas cultivé et ne
rapportait rien, celui qui avait fait un prêt ne pouvait
en exiger la restitution d'un Israélite. L'approche de
l'année sabbatique ne devait même pas empêcher de
prêter au pauvre, sous prétexte qu'on ne rentrerait pas
dans ses fonds toute la durée de cette année. Le Sei-
gneur voulait que l'Israélite lise eût le cœur mieux
placé et n'hésitât pas à proroger d'une année entière
l'échéance de la dette. Deut., xv, 1-3, 7-11. Ce précepte
n'était pas d'une observation très onéreuse dans un
pays et dans un temps où l'argent n'avait qu'une valeur
représentative et n'était pas considéré comme portant
profit par lui-même.
3° Vis à vis de l'étranger, nokrî, àXXi-rptoç, de celui
qui n'était pas agrégé à la nation comme le gêr, les
droits de l'Israélite avaient plus d'extension. On pou-
vait exiger de lui le paiement de la dette même l'année
sabbatique. Deut., xv, 3. De plus, il était permis de
lui prêter à intérêt. Deut. , xxm, 20. Cette faculté com-
ptait parmi les faveurs accordées par Jéhovah à son
peuple : « Tu feras des prêts à beaucoup de nations et
toi tu n'emprunteras pas. » Deut., xv, 6; xxvm, 12.
Or ces prêts comportaient intérêt; autrement les Israé-
lites ne les eussent jamais consentis à des peuples vis-
à-vis desquels aucune obligation ne les liait, ni en jus-
tice, ni en charité. Chez les Babyloniens, on prêtait à
intérêt. Le code d'Hammourabi prévoit plusieurs fois le
paiement d'un capital et des intérêts, kaspu u sibat-su.
Scheil, Textes élamitiques-sétnitiques, Paris, 1902,
p. 49; art. 48-51, p. 41-43. Cf. Buhl, La société israé-
lite d'après l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904,
p. 155-160. L'intérêt était de 20 et parfois même de
25 pour 100. Cf. Rawlinson, Cun. Insc. W. As., t. n,
pi. 12, col. 1, 20, 21; t. m, pi. 47, 9. Les prêtres ba-
byloniens faisaient fructifier les immenses ressources
accumulées dans les temples, trafiquaient sur l'argent
et servaient d'intermédiaires entre prêteurs et em-
prunteurs, avec intervention de scribe public et usage
du gage, de la caution, de l'amortissement et de la
saisie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 679, 750.
Les Israélites ne faisaient donc que suivre un usage
commun en tirant intérêt de ce qu'ils prêtaient aux
étrangers. — Par contre, si l'Israélite devenait infidèle
à son Dieu, les malédictions devaient tomber sur lui,
celle-ci entre autres : « L'étranger qui vit au milieu de
toi s'élèvera de plus en plus au-dessus de toi, tandis
que toi, tu descendras toujours plus bas; il te prêtera,
et tu île lui prêteras pas; il sera en tête, et tu seras à
la queue. » Deut., xxvm, 43, 44. L'étranger en ques-
tion est le gêr, admis à vivre au milieu d'Israël et astreint
à ses lois. Par conséquent, s'il prêtait à un Israélite, il
ne devait pas réclamer d'intérêt, et c'était déjà une
humiliation pour l'Israélite que d'en être réduit à em-
prunter sans avoir le moyen de prêter. Mais, pour la
suite, on ne prêta guère sans intérêt dans de pareilles
conditions.
II. La pratique. — 1° Les prescriptions de la loi sur
les prêts n'ont pas toujours été strictement observées.
La femme dont Elisée multiplia l'huile pour l'aider à
payer sa dette avait vu ses deux enfants réduits en escla-
vage par un créancier impitoyable. IV Reg., rv, 1. Le
texte ne dit pas si ce créancier était Israélite ou étran-
ger. S'il était Israélite, il avait outrepassé ses droits;
car la loi permettait à l'Israélite pauvre de se vendre
comme esclave jusqu'à l'année jubilaire, Exod., xxv,
39 ; elle n'autorisait pas un créancier à le réduire de
force en esclavage. Il est assez probable que le créancier
était étranger, car le fait se passait dans le royaume du
nord ; on est alors en droit d'incriminer les compatriotes
de cette veuve « d'entre les femmes des fils des pro-
phètes »,qui avaient laissé cette violence s'exercer sans
619
PRÊT
620
venir au secours de la malheureuse famille. — Après
la captivité, les gens du peuple se virent obligés, pour
se nourrir et pour payer le tribut, d'emprunter de
l'argent en engageant tous leurs biens et même de
mettre leurs enfants en esclavage. II Esd., v, 2-5. Les
créanciers étaient des Juifs. Néhémie les réprimanda
sévèrement en leur disant : « Vous prêtez donc à inté-
rêt à vos frères! » Et, prêchant lui-même d'exemple, il
décida les riches à faire abandon des biens qu'on leur
avait engagés et de l'intérêt qu'ils avaient exigé. Cet
intérêt se montait à un centième de l'argent, du vin et
de l'huile. II Esd., v, 7-12. Bien que peu élevé, il ne
laissait pas cependant d'être contraire à la loi et oné-
reux pour les pauvres gens. — Dans une des para-
boles de Notre-Seigneur, un débiteur est condamné à
être vendu, avec sa femme, ses enfants et tous ses
biens, afin d'acquitter la dette. Matth., xvni, 25. Ici le
divin Maître se réfère sans doute à la législation ro-
maine, qui était très dure pour les débiteurs insol-
vables et permettait de les mettre à mort ou de les
vendre hors de Rome. Cf. Aulu-Gelle, xx, 1, 47.
2° Les prophètes ont quelques allusions aux prêts
qui se faisaient de leur temps. Isaïe, ),, 1, suppose des
débiteurs vendus à des créanciers. Jérémie, xv, 10,
dit en parlant des antipathies dont il est l'objet : « Je
n'ai rien prêté, et tous me maudissent. » Celui qui
prêtait pétait donc habituellement maudit, soit à cause
de sa dureté, soit par suite de l'ingratitude de son dé-
biteur. Le même prophète constate que de son temps,
et même bien avant son époque, on n'obéissait plus à
la loi qui ordonnait de libérer, à l'année sabbatique,
les esclaves israélites qui avaient dû se vendre par
pauvreté ou pour acquitter des dettes. Jer., xxxiv, 9-16.
— Amos, h, 8, accuse les riches d'Israël de s'étendre
près de chaque autel sur des vêtements reçus en
gage, et de boire dans les maisons de leur Dieu le vin
de ceux qu'ils ont condamné à l'amende. Ce passage
fait allusion à la loi qui permettait au prêteur de
prendre en gage le manteau du prochain, à condition
de le lui rendre pour la nuit. Exod., xxn, 26. Les
riches faisaient ainsi un étalage scandaleux et un usage
déshonorant des manteaux qui constituaient la preuve
de leurs prêts. Probablement, ils ne songeaient nul-
lement à les rendre au temps prescrit. Le vin prove-
nant des amendes avait peut-être aussi été prélevé sur
des débiteurs. — Ézéchiel, xvin, 8,13, dit que le juste
rend au débiteur son gage, ne prête pas à usure et ne
prend pas d'intérêt, tandis que le méchant fait tout le
contraire. Mais il constate qu'à Jérusalem le prêt à
intérêt s'était généralisé contrairement à la loi. Ezech.,
xxii, 12.
3» Les autres écrivains de l'Ancien Testament ont
aussi quelques traits relatifs à la question du prêt.
Dans Job, xxii, 6, on voit le méchant prendre sans
motif des gages à ses frères et enlever les vêtements au
misérable; il pousse devant lui l'âne de l'orphelin et
retient en gage le bœuf de la veuve, tandis que, par sa
faute, le pauvre est sans couverture contre le froid et
passe la nuit sans vêtement. Job, xxiv, 3, 7. — Au
maudit, on souhaite que le créancier s'empare de ce
qui est à lui. Ps. cix (cvm), 11. Quant au juste, on lui
fait honneur, comme d'une chose qui est loin de se
pratiquer généralement, d'être compatissant et de prê-
ter sans intérêt. Ps. xv (xiv), 5; xxxvn (xxxvi), 26; exil
(cxi), 5. — Pour l'auteur des Proverbes, xxii, 7, em-
prunter, c'est se faire l'esclave de celui qui prête. Par
contre, avoir pitié du pauvre, c'est prêter à Jéhovah.
Prov., xix, 17. — L'Ecclésiastique renferme des remar-
ques intéressantes sur le prêt et ses' conséquences
diverses :
Ne prête pas à plus puissant que toi,
Et si tu lui as prêté, tiens-le pour perdu.
Eccli., vm, 15 (12).
Les puissants n'avaient donc guère l'habitude de
rendre. L'insensé « prête aujourd'hui et redemandera
demain ». Eccli., xx, 16 (14). On ne peut se fier à lui.
C'est faire acte de miséricorde que de prêter au pro-
chain qui est dans le besoin. Eccli., xxix, 1, 2. Mal-
heureusement, l'emprunteur n'est pas toujours délicat.
Beaucoup regardentcomme une trouvaille ce qu'on leur a prêté,
Et causent de l'ennui à ceux qui les ont aidés...
Quand vient le moment de rendre, on prend des délais,
On exprime tout son chagrin, on accuse la dureté des temps.
Peut-on payer, le prêteur recevra la moitié à peine
Et encorccroira à une bonne aubaine.
Si on ne le peut, on le frustre de son argent,
Et celui-ci se tait malgré lui de son obligé un ennemi
Qui le paie en malédictions et en injures,
Et qui, au lieu d'honneur, ne lui rend qu'outrage.
Eccli., xxix, 4-6.
L'auteur observe que, pour ces raisons, beaucoup se
refusent à prêter; il les exhorte cependant à le faire
par charité pour leurs frères. Eccli., xxix, 7-11. — De
ces différents passages résulte cette conclusion que chez
les Israélites, surtout aux époques d'affaissement reli-
gieux, l'amour du gain se manifestait chez ceux qui
empruntaient et surtout chez ceux qui prêtaient. La
loi était d'autant plus aisément violée qu'on prétendait
par là se mettre d'accord avec la pratique des étrangers .
4» A l'époque évangélique, la situation n'est plus la
même. On admet que l'argent prêté peut produire un
intérêt. Notre-Seigneur, dans une parabole, fait allu-
sion, sans un mot de blâme, aux opérations de banque
qui rendaient l'argent productif. Matth., xxv, 27;
Luc, xix, 23. Chez les Romains, l'intérêt légal était de
12 pour 100 par an, et il s'accumulait d'année en année.
Cf. Cicéron, Attic, vi, 3, 5. A son disciple cependant,
le Sauveur recommande de ne pas chercher à éviter celui
qui veut lui emprunter. Matth., v, 42. Il ajoute même :
« Si vous ne prêtez qu'à ceux dont vous espérez resti-
tution, quel mérite avez-vous ? Car les pécheurs prê-
tent aux pécheurs afin de recevoir l'équivalent, t« ïo-a...
Prêtez sans rien espérer, et votre récompense sera
grande. » Luc, vi, 34, 35. Ces pécheurs sont sans doute
des Juifs, car ils se contentent de recevoir l'équivalent
du prêt, conformément à la loi mosaïque. Il y a dans
le texte grec : u^Sèv à7t£),iit;ovT£«, ce que beaucoup
d'anciens manuscrits latins traduisent: nihil despe-
rantes, « sans désespérer de rien, » conformément au
sens habituel du verbe grec, même dans les Septante.
Is., xxix, 19; Judith, ix, 11; Eccli., xxii, 26; xxvn, 24;
II Mach., ix, 18. Notre-Seigneur voudrait donc dire qu'il
faut prêter sans désespérer de rien, car, à défaut du
débiteur, Dieu sera là pour récompenser le bienfaiteur.
Mais le verbs grec peut aussi avoir, comme d'autres
verbes de composition semblable, le sens « d'espérer en
retour ». Ce sens s'accorde mieux avec l'ensemble du
passage, dans lequel Notre-Seigneur préconise la pra-
tique d'une charité absolument désintéressée; aussi
est-il le plus généralement admis. Le mot àm\izit;ov:ec
équivaudrait à àvTsXm'CovTsç, « espérant en retour. »
Cf. Bulletin critique, 15 juin 1894, p. 238; Knaben-
bauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 239, 240. Cette
sentence de Notre-Seigneur représente, de l'aveu de
tous, non pas un précepte, mais un conseil à l'usage
des parfaits. — Il y avait à Jérusalem un dépôt public
dans lequel se conservaient les titres des créances. Au
début du siège, les sicaires s'empressèrent d'y mettre le
feu, afin de se concilier la faveur de la multitude ainsi
libérée de ses dettes. Josèphe, Bell, jud., II, xvn, 6. —
L'Évangile ne mentionne qu'un seul prêt effectif, celui
de trois pains. Luc, xi, 5. <
5° La loi mosaïque autorisait les spéculations d'argent
avec les étrangers, mais non avec les compatriotes.
Cette disposition ne laissa pas que de devenir gênante
quand les Israélites commencèrent à se lancer dans les
621
PRÊT — PRÉTOIRE
622
affaires et à exercer en grand le commerce de l'argent,
qui ne permettait pas de différer le paiement des
dettes à la septième année. Les prêtres eux-mêmes
participaient à ces opérations financières. Cf. Josèphe,
Ant.jud., XX, ix, 2. Pour éluder la difficulté, le créan-
cier acceptait l'argent de son débiteur à titre de cadeau,
ou bien l'on excluait de l'ordonnance légale les dettes
pour lesquelles le créancier avait un gage. Hillel ima-
gina un autre moyen, la Kpoaoolr), qui consistait à lire
à haute voix, devant le juge, une formule par laquelle
on se réservait d'exiger son argent en tout temps. De la
sorte, l'intérêt du commerce était sauf, mais non le
texte de la loi. Cette déclaration prend le nom hébraïsé
de prôz-bôl dans la Mischna. Cf. Schebiith, x, 3-7;
Gittin, tv, 3; Pea, m, 6; Moed Katan, m, 3; Kethu-
both, ix, 9; Vkzin, m, 10. Les titres déposés dans les
archives publiques de Jérusalem étaient vraisemblable-
ment accompagnés de cette déclaration. Cf. Schûrer,
Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leip-
zig, t, h, 1898, p. 45, 363; F. Buhl, La société Israélite
d'après l'A. T., trad. B. de Cintré, Paris, 1904, p.173, 174.
H. Lesêtre.
PRÊTEUR (hébreu : nôsëk, de nâsâh, « prêter » ;
Septante : SavsKjTrjç; Vulgate : creditor, fœnerator),
celui qui prête. — Voir Dette, t. n, col. 1394. Le prê-
teur met de l'argent ou un objet quelconque à la dispo-
sition de quelqu'un qui, tant qu'il n'a pas rendu ce qui
lui a été prêté, demeure son débiteur, lôvéh, SavsiWptE-
vo? iuô'/pswç, xp£<oç£0,éTj];, debitor. Il y a des prêteurs
impitoyables, IV Reg., iv, 1, d'autres qui sont miséri-
cordieux. Luc, vu, 41. Ils sont les uns et les autres
sous le regard de'Dieu. Prov., xxix, 13. On vendait au
prêteur des esclaves pour acquitter ses dettes, Is., L, 1,
ou lui-même prenait tout dans la maison de son débi-
teur. Ps. cix (cviu), 11. Au jour du grand jugement de
Dieu, tous les hommes se trouveront dans la même si-
tuation, le prêteur comme l'emprunteur, le débiteur
comme le créancier. Is., xxiv, 2. Voir Emprunt, t. n,
col. 1764; Prêt, col. 617. H. Lesëtre.
PRÉTOIRE (grec : zo npatitôptov), mot dérivé du
latin prsetorium, lequel est passé en grec. Il désignait
primitivement, chez les Romains, dans les camps de
marche, la tente du général en chef (prsetor): Cf. Tite-
Live, vu, 12; x, 33. Il s'appliqua ensuite au conseil de
guerre ou réunion des officiers supérieurs qui se
tenait dans cette tente, Tite Live, xxvi, 15; XXX, 5;
xxxvii, 5, et, dans les camps permanents, au quartier
général du commandant en chef. Lorsque l'empereur
devint théoriquement le général par excellence, l'iwi-
perator, sa résidence prit le nom de prsetorium, et,
comme d'habitude il demeurait à Rome, il y eut, à
côté de preetoria changeant avec ses déplacements, un
prœtorium fixe dans la capitale. A la tête de ce der-
nier étaient les préfets du prétoire, prxfecti prsetorio,
et les prœtoriani étaient spécialement chargés de
le garder. Tacite, Ann., i, 20; n, 11, 24; iv, 46. Mais,
même alors, le mot continua à être employé, comme
auparavant, dans le sens de « résidence du gouver-
neur » et particulièrement de « logement réservé au
gouverneur dans ses déplacements ,•>. Cicéron,/n Verr.,
II, iv, 28; v, 35. Par une dernière extension, il devint
synonyme de maison riche, palais, et même de maison
d'habitation opposée aux constructions agricoles.
Cf. R. Cagnat, Prsetorium, dans le Dictionnaire des
antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio, Paris, t. vu, p. 640. — Ce nom ne se trouve que
dans le Nouveau Testament. Dans les Évangiles, Matth.,
sxvii, 27; Marc, xv, 16; Joa., xvm, 28, 33; xix, 9, et
dans les Actes des Apôtres, xxm, 35, il désigne la
résidence du gouverneur romain. Dans PÉpltre aux
Philippiens, i, 13, il a un sens que nous aurons à dé-
terminer.
I. Dans les Évangiles. — Le prétoire, dans les
Évangiles, soulève une question fort débattue de nos
jours, à savoir l'emplacement qu'il occupait à Jéru-
salem au moment de la Passion du Sauveur. Commen-
çons par examiner les données scripturaires.
i° Données évangéliques. — C'est de chez Caïphe
que les Juifs conduisirent Jésus au prétoire, chez
Pilate. Matth., xxvn, 2; Marc, xv, 1; Luc,, xxm, 1;
Joa., xvm, 28. « C'était le matin, et ils n'entrèrent pas
eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller
et de pouvoir manger la Pàque. Pilate sortit donc au
devant d'eux, c^XOev... ë£w; Vulgate : exivit... foras. »
Joa., xvm, 28-29. Après leur avoir demandé quelle
accusation ils portaient contre cet homme et entendu
leur réponse, il « rentra dans le prétoire, et appela
Jésus », qu'il interrogea sur sa royauté. Joa., xvm, 33-
37. « Il sortit de nouveau au devant des Juifs » et leur
proposa de relâcher le prisonnier à l'occasion de la
fête de Pâque; mais ceux-ci réclamèrent Barabbas.
Joa., xvm, 38-40. « Alors donc Pilate ordonna de saisir
Jésus et de le flageller. Et les soldats (le conduisant
dans la cour, qui est le prétoire, ïaa> t/jç a-ûÀîjç, fi àdTiv
jrpaiTfipiov, Marc, xv, 16) tressèrent une couronne
d'épines qu'ils lui mirent sur la tête, et le revêtirent
d'un manteau de pourpre; puis ils s'avançaient vers
lui en disant : <i Salut, roi des Juifs! » et ils lui don-
naient des coups de verge. Pilate sortit de nouveau et
leur dit : « Voici, je vous l'amène pour que vous
« sachiez que je ne lui trouve aucun crime."» Jésus
sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau
de pourpre, et il leur dit : « Voici l'homme ! » Joa.,
xix, 1-5. Devant les cris de mort poussés par les Juifs,
Pilate « rentra de nouveau dans le prétoire » et fit
subir un nouvel interrogatoire à Jésus. Joa., xix, 7-11.
Accusé de n'être pas l'ami de l'empereur, « Pilate fit
sortir Jésus, ^aft'i ËSto, et s'assit sur le tribunal, êiul
flrijjiaToç, à l'endroit appelé Lithostrotos, en hébreu
Gabbatha. » Enfin « il le leur livra chargé de liens
pour être crucifié. » Joa., xix, 12-16. — Voilà tout ce
que nous apprend l'Évangile : le prétoire où demeurait
Pilate, d'où il sortit, et où il rentra plusieurs fois au
cours de ces différentes scènes, le lieu témoin de l'in-
terrogatoire, de la tlagellation, du couronnement d'épi-
nes et de la condamnation de Jésus, était précédé d'une
place où la foule des Juifs put se rassembler et d'un
lieu « élevé » (Gabbatha) et « pavé en pierre » (Lithos-
trotos) où le gouverneur établit son tribunal. Saint Marc
nous parle d'une cour intérieure ou atrium, qur était le
prétoire. Mais dans quel endroit de la ville se trouvait-il?
Le texte sacré ne nous le dit pas. Interrogeons l'histoire.
2° L'histoire. — Le prétoire, chez les Romains,
n'était pas un édifice spécial, semblable à nos palais de.
justice, affecté aux audiences et aux jugements du
tribunal; c'était, nous l'avons dit, la résidence du gou-
verneur de province, qui y jugeait cependant les cas
soumis à sa juridiction et y rendait ses sentences,
puisqu'il était non seulement le chef de l'armée, mais
encore le chef du gouvernement. Les procurateurs de
Judée n'habitaient pas ordinairement Jérusalem, mais
Césarée maritime, où ils occupaient le palais d'Hérode,
qui est appelé itpatrwptov toû 'HpwSou, Act., xxm, 35,
à propos de la comparution de saint Paul devant Félix.
Ils venaient dans la ville sainte à l'époque des grandes
fêtes de l'année, lorsque la multitude des Juifs rassem-
blés à ces occasions pouvait amener et amenait sou-
vent des émeutes. Pilate s'y trouvait donc à cause de la
fête de Pâque. Mais où habitait-il? L'histoire nous
éclaire un peu en nous apprenant qu'il devait, comme
à Césarée, occuper un des palais d'Hérode, mais elle
ne nous dit pas lequel. Nous savons, en effet, qu'Hérode
le Grand agrandit et embellit la citadelle Antonia,
située à l'angle nord-ouest de l'enceinte du Temple. Il
en fit non seulement une forteresse remarquable, mais
623
PRETOIRE
624
encore un palais, renfermant des galeries et de somp-
tueux appartements. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi,
4; XVÎII, iv, 3; Bell, jud., I, m, 1; V, iv, 2; v, 8.
Voir Antonia., t. i, col. 712. Elle est appelée 7tape[iëo).»î
Vulgate : castra), Act., xxi, 34, 37; xxn, 24; xxm, 10,
16, 32; elle servait, en effet, de caserne à la garnison
romaine, mais elle offrait en même temps au gouver-
neur une résidence agréable. Hérode cependant fit con-
struire un autre palais, plus splendide encore, à l'angle
nord-ouest de la ville, sur l'emplacement actuel de la
citadelle. Flanqué* de trois tours énormes, appelées
Hippicus, Phasaël et Mariamne, cette maison royale
était, à l'intérieur, d'une richesse extraordinaire. Cf. Jo-
sèphe, Bell, jud., V, iv, 4. Voir Jérusalem, t. m,
col. 1373. Il est certain qu'elle offrait plus d'attraits
encore que l'Antonia. Le procurateur Gessius Florus
s'y installa, et nous le voyons un jour établir devant
le palais son tribunal, près duquel se rassemblent les
princes des prêtres et les principaux de la ville. Jo-
sèphe, Bell, jud., II, xiv, 8. Le contexte, II, xv, 5, 6,
montre bien qu'il s'agit ici d'une demeure royale dis-
tincte de l'Antonia. Cependant on peut dire que, pen-
dant les fêtes de Pâque, le gouverneur avait tout
intérêt à occuper la citadelle, d'où il pouvait mieux
surveiller les agissements des Juifs dans le Temple et
parer plus vite à toute éventualité. Cherchons un peu
plus de lumière dans la tradition.
3° La tradition. — Le premier témoin est le Pèlerin
de Bordeaux. Dans son itinéraire de l'an 333, après
avoir parlé de la maison de Caïphe, qu'il visita sur le
mont Sion, c'est-à-dire sur la eolline occidentale, et
de l'endroit où fut le « palais de David », il ajoute :
« De là, en sortant de l'enceinte de Sion et en se ren-
dant à la porte napolitaine (aujourd'hui bâb el-'Amûd,
appelée aussi porte de Naplouse et de. Damas), on a,
à droite, en bas, dans la vallée les murs où fut la
maison ou le prétoire de Ponce Pilate. Là, le Seigneur
fut entendu avant sa passion. A gauche, est le monti-
cule du Golgotha où le Seigneur fut crucifié. » Cf. Iti-
nera Terrai Sanctœ, edit. T. Tobler, Genève 1877, t. i,
p. 18. Ce texte, comme les autres, sera discuté plus
loin. — Un passage de la Vie de Pierre l'Ibère nous
apprend que, au v e siècle, il y avait une église de Pi-
late. Quelle que soit la valeur intrinsèque de la vision
qu'il relate, l'itinéraire dont il est question est claire-
ment tracé : parti du Martyrium de saint Etienne, Pierre
« courut au saint Golgotha et au tombeau; puis il des-
cendit à l'église qui est dite de Pilate et de là à celle
du paralytique (Sainte-Anne) et ensuite à Gethsémani. »
Cf. J.-B. Chabot, Pierre l'Ibérien, dans la Revue de
l'Orient latin, Paris, t. m, 1895, p. 381-382. — A cette
église succéda un peu plus tard la basilique de Sainte
Sophie. Nous lisons dans le Breviarius de Bierosolyma
(vers 530) : « De là, vous allez à la maison de Caïphe,
où saint Pierre renia [le Sauveur] et où une grande basi-
lique est dédiée à saint Pierre. Vous vous rendez ensuite
à la maison de Pilate, où celui-ci livra aux Juifs le
Seigneur flagellé, et où il y a une grande basilique,
appelée Sainte Sophie, avec une chambre où le Sau-
veur fut dépouillé de ses vêtements et flagellé. »
Cf. Itinera Terne Sanctx, p. 59. — Théodose, De
Terra Sancta (vers 530), dit de son côté : « De la
maison de Caïphe jusqu'au prétoire de Pilate, il y a
cent pas. Là est l'église de Sainte-Sophie ; tout auprès,
saint Jérémie fut jeté dans une citerne. De la citerne où
fut jeté le prophète Jérémie jusqu'à la piscine de Siloé,
il y a cent pas. Delà maison de Pilate jusqu'à la piscine
probatique, il y a plus ou moins cent pas; là le Sei-
gneur guérit le paralytique. » Cf. Itinern Terrx San-
ctœ, p. 65. — En l'année 570 environ, nous avons le
témoignage d'Antonin le Martyr, De Locis Sanctis :
« Nous avons prié dans le prétoire où le Seigneur fut
entendu et où est actuellement la basilique de Sainte-
Sophie. Devant les ruines du Temple de Salomon,
l'eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique
de Salomon. Dans la même basilique, il y a le siège
sur lequel s'assit Pilate quand il écouta le Seigneur,
et une pierre quadrangulaire qui se trouvait au milieu
du prétoire. C'est sur celle-ci que le Seigneur fut élevé
quand il fut interrogé par Pilate, afin qu'il fût entendu
et vu de tout le peuple; et il y laissa l'empreinte de
ses pieds. » Cf. Itinera Terrse Sancta;, p. 104. L'église
de Sainte-Sophie disparut sous le fléau de l'invasion
persane, en 614, et près de 400 chrétiens arrosèrent
de leur sang le sol de l'antique prétoire, s'il faut en
croire une relation arabe. Cf. Clermont-Ganneau, Re-
cueil d'archéologie orientale, Paris, t. il, 1896, p. 148.
— Il faut arriver au commencement du IX e siècle pour
retrouver mention du prétoire. L'auteur du Comme-
moratorium de casis Dei, vers 808, dans le recense-
ment qu'il fait des prêtres et clercs desservant les
sanctuaires de Jérusalem en compte cinq dans Je Pré-
toire. Cf. Itinera hierosolymitana, édit. Tobler et Mo-
linier, Genève, 1880, t. i, p. 301. On pourrait croire
d'après le contexte qu'il place ce lieu saint sur le
mont Sion, avec l'église de Saint-Pierre; il ne faut peut-
être pas trop presser celte conclusion.
Nous verrons cependant s'accréditer, au temps des
croisades, la tradition qui place le prétoire sur le
mont Sion. Un des premiers historiens de cette époque,
l'auteur des Gesta Francorum expugnantium Jérusa-
lem, déclare que, au moment où les croisés entrèrent
pour la première fois dans la ville sainte, il était dif-
ficile de reconnaître certains sanctuaires, en particu-
lier ceux qui marquaient le théâtre des diverses scènes
du procès de Notre-Seigneur. Après avoir visité l'église
de Sainte-Anne et la piscine Probatique, il ajoute :
«r La flagellation de Jésus-Christ, le couronnement, la
dérision et d'autres souffrances qu'il a endurées pour
nous : mais il n'est pas facile à présent de reconnaître
les endroits où ces faits s'accomplirent, surtout parce
que la ville a été trop souvent depuis bouleversée et
détruite. » Cf. J . Bongars, Gesta Dei per Francos, Ha-
nau, 1611, p. 573. Cependant, en 1112 ou 1113,
Phigoumène russe Daniel mentionne le prétoire à peu
près dans la même direction que les pèlerins dont
nous avons parlé. Cf. Itinéraires russes en Orient, trad.
B. de Khitrowo, Genève, 1889, p. 18-19. Un petit traité
des Lieux Saints intitulé : De situ urbis Jérusalem, et
qui fut écrit entre 1130 et 1150, dit au sujet du prétoire :
« [Jésus], étant retourné de là à Gethsémani, fut livré
par Judas aux Juifs. Celui-ci le présenta lié à Anne et
à Caïphe près du portique de Salomon, ensuite à Sion,
au lieu qui est appelé Lithostrotos et qu'on montre à
présent devant la porte de l'église. » Cf. M. de Vogué,
Les églises de la Terre Sainte, Paris, 1860, p. 427.
C'est le commencement de la confusion. Plusieurs
écrivains anonymes, que l'on ne croit pas antérieurs
à 1145 ni postérieurs à 1170, placent le prétoire sur le
mont Sion. Ainsi, pour n'en citer qu'un, l'Innomina-
tus vin dit : « Nous vînmes ensuite au mont Sion, où
est la chapelle du Sauveur, appelée le prétoire de Pi-
late. Là, Notre-Seigneur fut couronné, lié, exposé aux
dérisions et condamné par Pilate. » Cf. Descriptiones
Terrœ Sanctx a seec. viu-xv, édit. Tobler, Leipzig,
1874, p. 194. — Vers 1165, Jean de Wurzbourg s'ex-
prime de même. Cf. Descriptiones T. S., p. 139. —
Théodoric (1172) mêle les deux traditions. D'un côté,
il parle de la maison de Pilate près de l'église Sainte-
Anne; de l'autre, il montre le tribunal de Pilate sur le
mont Sion. Cf. Theodorici Libellus, édit. Tobler, Paris,
1865, p. 10, 62-63. — Il est à remarquer cependant que,
même à cette époque, la tradition maintient le lieu de
la condamnation de Jésus du côté de l'église de Sainte-
Anne et de la piscine probatique. C'est ainsi que, sur
une carte topographique de Jérusalem, tracée vers l'an
625
PRETOIRE
626
1180, on lit, à gauche du chemin qui conduit ad por-
tant vallis Josaphat, ces mots : Hic flagellatus est
Jh'esus. Cf. Rôhricht, Kàrten und Plane zur Palàsti-
nakunde aus dem 7 bis 16 Jahrhundert, dans la Zeit-
schrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. XV,
1892, p. 34-39, pi. i. On trouve de même dans Ernoul,
L'estatdela citez de Iherusalem (vers 1231) : « A main
destre de celle rue de Josaffas, avait un moustier c'on
apeloit le Repos. Là dist on que Jhesu Cris reposa,
quant on le mena cruceflier; et là estoit li prisons u il
fù mis la nuit que il fu pris en Gessemani. Un poi
avant, à main senestre de celle rue, estoit li Maisons
Pilate. Devant celle maison avoit une porte par u on
aloit al Temple. » Cf. Itinéraires à Jérusalem publiés
par H. Michelant et G. Raynaud, Genève, 1882, p. 49.
Parmi les ouvrages du xm« siècle, il en est quelques-
uns qui parlent vaguement du prétoire au mont Sion.
Ainsi nous lisons dans Les pelerinaiges por aler en
Iherusalem (vers 1231) : « Vers midi sur la cité de
Iherusalem est Monte Syon : là fu la grant yglise qui
est abatue, où Notre-Dame trespassa, et d'ilueques
l'emportèrent li apostre à Josaphas, et iluec devant
est une chapele où Nostre Sire fu iugiés et batus et
flacillez et d'espines tormentés et coronés; ce fu le
Prétoire Cayfas et sa maison. » Cf. Michelant et Ray-
naud, Itinéraires à Jérusalem, p. 96. Il en est de
même dans Les sains pèlerinages que l'en doit re-
querre en la Terre Sainte, et Pèlerinages et pardouns
de Acre. Cf. Itinéraires à Jérusalem, p. 104, 231.
Ces descriptions, tout en ne parlant que du prétoire de
Caïphe, placent néanmoins implicitement le tribunal
de Pilate au mont Sion, puisqu'elles y localisent le
couronnement d'épines. Cependant, vers la fin du même
siècle, Riccoldo da Monte Croce s'exprime en ces termes
au sujet du prétoire : s Et nous arrivâmes à l'église de
Sainte- Anne... Tout près de là, nous trouvâmes la
piscine probatique. En montant, nous rencontrâmes la
maison d'Hérode et, tout près, la maison de Pilate, où
nous vîmes le lithostrotos et le lieu où fut jugé le
Seigneur, ainsi que l'endroit où se tint le peuple, sur
la place, devant le palais, lorsque Pilate sortit au-
devant des Juifs. » llinerarius, édit. Laurent, Pere-
grinatores medii sévi quatuor, Leipzig, 1864, p. 111-
112. — Au xiv e siècle, Marino Sanuto (1310), après
avoir mentionné l'église de Sainte-Anne et la piscine
probatique, l'une en face de l'autre, la première à droite,
et la seconde à gauche d'une des portes de la ville,
ajoute que, en allant directement vers la porte opposée
ou porte Judiciaire, on trouve « la maison de Pilate »,
où l'Agneau de Dieu fut flagellé, couronné d'épines et
enfin condamné à mort. Près de la maison de Pilate, il
place « la maison d'Aline, à laquelle le Christ, pris par
les Juifs à Gethsémani, fut d'abord conduit. » Près de
la maison d'Anne, il signale « l'église de Sainte-Marie
de Pamason (Pasmus Virginis sur le plan), où cette
bienheureuse vierge tomba en syncope de douleur, en
voyant son fils innocent porter sa croix. » Cf. Rongars,
{iesta Dei per Francos, cap. x, p. 257. C'est ce qui est
nettement marqué sur un plan du même auteur, tiré
■d'un manuscrit de Londres. Cf. Rôhricht, Marino Sa-
nudo sen. als Kartograph Palàstinas, dans la Zeit-
schrift des Deutsclien Palàstina-Vereins, t. xxi, 1898,
p. 84, pi. 4. A remarquer que la maison de Pilate est
placée en face de Notre-Dame du Spasme, du côté op-
posé de la rue, à l'angle de celle qui conduit à la porte
•de Saint-Etienne. — Au xvi e siècle, un pèlerin manceau,
•Greffln Affagart (1533-1534), décrit ainsi le Prétoire :
-« Plus loing un peu (an delà du carrefour où il place
N.-D. du Spasme) est le prétoire de Pillate et aussi sa
•maison en laquelle Jésus fut flagellé et couronné d'es-
pines. Mays il est à noter que la mayson estoyt telle-
ment située que l'une partie estoyt d'un costé de la rue
•et l'autre part de l'autre, en faczon qu'on povoyt aller
de l'une à l'autre par dessus une arche de pierre qui
traversoyt la rue, faicte en manière degallerye... Après,
l'on va à la maison de saincte Anne. » Cf. J. Chavanon,
Relation déterre Sainte par Greffin Affagart, Paris,
1902, p. 95. Ici il n'y a plus de doute, l'emplacement du
prétoire est bien marqué par l'arc de YEcce Homo. —
Au xvii e siècle, Quaresmius (1616) le montre au nord-
ouest de l'enceinte du Temple, près de la tour Antonia,
et décrit longuement l'état des lieux. Cf. Quaresmius,
Elucidalio Terrse Sanctse, Anvers, 1639, t. H, lib. IV,
cap. u. La tradition a continué sans interruption jus-
qu'à nos jours, et c'est là que les pèlerins cherchent le
commencement de la Voie douloureuse.
Si nous résumons, en dehors de toute hypothèse, les
enseignements de la tradition, nous arrivons donc aux
résultats suivants. Le prétoire, que saint Cyrille de Jéru-
salem, Catech., xm, t. xxxm, col. 820, déclare, au rv e siè-
cle, « réduit en solitude, par la puissance de celui qui
fut alors attaché à la Croix, » a, dès 333, son emplace-
ment marqué à droite de la voie qui "conduit de Sion
à la porte de Naplouse, c'est-à-dire du sud au nord, et
en bas, dans la vallée (du Tyropœon). Plus tard, il est
indiqué par une église dite de Pilate, à laquelle on
descend en venant du saint Sépulcre, et qui se trouve sur
une ligne allant de l'ouest à l'est, vers la piscine Proba-
tique. A cette église succède la basilique de Sainte-
Sophie, que Théodose, (vers 530) place à peu près à
moitié chemin (quelle que soit la valeur de ses pas)
entre la maison de Caïphe, sur le mont Sion, et la pis-
cine probatique, et qu'Antonin le Martyr montre devant
les ruines du Temple de Salomon, à un endroit où l'eau
coule vers la fontaine de Siloé, c'est-à-dire le long de
la vallée du Tyropœon. Après la destruction de la basi-
lique, en 614, la tradition devient plus difficile à suivre;
elle s'égare même au moment des croisades. Dès
le début de la guerre sainte, on constate la difficulté
de retrouver l'emplacement du prétoire. Trompés peut-
être par une fausse lecture du texte évangélique : Ad
Caipham principeni sacerdotum in prsetorium, au
lieu de a Caipha in prsetorium, Joa., xvm,28 (cf. Tis-
chendorf, Novum Testamentum grsece, édit. oct.,
Leipzig, 1869-1894, t. i, p. 932), et par certaines reliques
transportées de l'ancien prétoire sur le mont Sion, les
pèlerins des XII e et xm e siècles ont souvent cherché sur
celte dernière colline le lieu de la flagellation, du
couronnement d'épines et de la condamnation de Jésus.
Il est cependant juste de remarquer que, même au mi-
lieu de ces fluctuations, les anciens jalons ne dispa-
raissent pas complètement. Nous le voyons d'après
l'hégoumène russe, Daniel (1112 ou 1113), Théodoric
(1172), certaines cartes topographiques de Jérusalem
(1180) et Ernoul (vers 1231). Au xiv e siècle, Marino
Sanuto maintient les mêmes lignes. Enfin la tradition
se précise et se fixe à l'ancienne citadelle Antonia. Mais,
il faut l'avouer, ce n'est qu'en des temps assez éloignés
des origines qu'elle se localise d'une façon aussi posi-
tive ; les premiers témoins laissent le champ libre à
des recherches qui peuvent se poursuivre le long de
l'enceinte occidentale et septentrionale du Temple. Il
nous reste donc à voir si l'archéologie peut nous ap-
porter quelque lumière, et à examiner les diverses théo-
ries émises sur la question.
4° Les hypothèses. — D'après les données de l'his-
toire et de la tradition que nous venons d'exposer,
nous sommes en face de deux hypothèses générales :
le Prétoire se trouvait ou à l'ouest, sur le mont Sion,
ou à l'est, sur ou vers la colline du Temple. Cette .
dernière, la plus importante, se subdivise en trois
opinions, que nous aurons à étudier séparément.
a) lb prétoire au moxt swx. — Cette théorie, long-
temps abandonnée, a été reprise de nos jours par
Kreyenbûhl, dans la Zeitschrift fur die neutestament-
liche Wissenschaft , Giessen, t. m, 1902.. p. 16 sq^L'au-
627
PRÉTOIRE
628
teur s'appuie principalement sur l'histoire, rappelant
l'exemple de Sabinus, gouverneur de Syrie, qui, pen-
dant un séjour à Jérusalem, occupa le palais d'Hérode,
et celui de Gessius Florus, dont nous avons parlé plus
haut. Cf. Josèphe, Bell.jud., II, h, 2; Ant. jud., XVII,
ix, 3; Bell, jud., II, xrv, 8. Il cherche une confirma-
tion de sa thèse dans le fait suivant, rapporté par l'his-
torien juif, Bell, jud.f II, ix, 4; Ant. jud., XVIII, m,
2. Pilate, ayant employé l'argent du trésor sacré à la
construction d'un aqueduc, souleva contre lui le peuple,
qui, profitant de la venue du procurateur dans la ville
sainte, assiégea son tribunal, t'o j3f;|«.a, en poussant de
grands cris. Prévoyant le tumulte, le gouverneur avait eu
soin de mêler à la foule des soldats armés, mais vêtus à
la manière du peuple, et leur avait enjoint de frapper
les séditieux non avec le glaive, mais avec des bâtons.
Sur un ordre qu'il donna du haut de son tribunal, la
consigne fut exécutée, et un grand nombre de Juifs
tombèrent sous les coups. Josèphe ne dit pas quel palais
habitait Pilate à ce moment-là, mais il paraît clair à
notre auteur que l'émeute ne put avoir lieu à PAntonia,
où les soldats romains n'eussent pas laissé pénétrer la
jnasse populaire; on ne saurait non plus placer le
Pt) [xx du procurateur sur la place du Temple, au-dessous
de l'Antonia, d'où l'on descendait par des degrés. Il est
vrai que la sédition soulevée à propos de saint Paul,
Act., xxi-xxiii, éclata en cet endroit, et que le tribun
mit l'Apôtre en sûreté dans la citadelle. Act., xxr, 34,
37; xxii, 24; xxm, "10, 16, 32. Mais il n'est pas ques-
tion ici du procurateur, qui à ce moment était à Césa-
rée, et le théâtre de l'émeute est nettement caractérisé
par la mention du Temple, du « camp », raips;j.6oXï],
c'est-à-dire de la partie de la citadelle qui servait de
caserne à la garnison romaine, et des degrés, «votêaS-
(not, par lesquels on y montait. Act., XXI, 35, 40. Dans
le récit de Josèphe, au contraire, le soulèvement est
dirigé contre le gouverneur. Il va sans dire que le
palais d'Hérode avait sa garnison comme l'Antonia, et
que le procurateur y avait au moins sa garde du corps.
Lors donc que saint Marc, xv, 16, parle de la cohorte
convoquée dans la cour du prétoire, pour prodiguer
les outrages à Jésus, il ne saurait être question de la
garnison de l'Antonia, mais de celle du palais d'Hérode
ou d'une partie de celle-ci, la garde du procurateur.
Aussi les Synoptiques, dans l'exécution de la sentence
capitale, ne mentionnent-ils pas un -/iXi'ap-/oç ou tribun,
comme les Actes, xxi-xxm, mais seulement un xïvtu-
piwv, centurion. Marc, xv, 39. La présence d'une gar-
nison dans le palais royal explique peut-être l'expres-
sion de saint Marc, xv, 16, i\ tt\ù.r\, ô ètrriv irpatTtopiov;
aùXi) seul ne pourrait s'appliquer à l'Antonia, qui était
une forteresse. Sans doute celle-ci, avec ses magni-
ficences, pouvait être assimilée à un château royal,
mais, par destination, elle était surtout une forteresse,
le çpouptov du Temple, comme le Temple était le çpoù-
piov de la ville, suivant le mot de Josèphe, Bell, jud.,
V, v, 8; aussi l'historien juif la désigne-t-il régulière-
ment SOUS les noms de itOpyo;, Trup-josiÇ^;, tppoûpeov,
non sous celui de a-JX^. Une ocjXyJ, c'est le palais du
grand-prêtre, Marc,, xiv, 54, ou de l'empereur, (jaat-
Xtxï) aûXvj. Eusèbe, H. E., V, XX, 5. Josèphe lui-même,
Bell, jud., Y, iv, 4, appelle le palais d'Hérode ^ toO
(JaaiXéwç aOXrç. Contre cette théorie on a cherché à faire
valoir l'expression à'ie.Tie.\itysi, employée par saint Luc,
xxm, 7, à propos du renvoi de Jésus devant Hérode.
Comme àvaTOinteo signifie « envoyer en haut, faire
monter », on en conclut que le palais d'Hérode Antipas
était à un niveau plus élevé que la demeure actuelle
de Pilate. Or, Antipas, pendant son séjour à Jérusalem,
habitait le palais des Asmonéens, situé plus bas du
côté de la vallée de Tyropœon. Donc Pilate ne pouvait
occuper le palais d'Hérode le Grand. M. Kreyenbùh
répond que le verbe àvansiiitEtv n'indique pas seule-
ment la direction vers un lieu plus élevé, mais 'encore
vers une personne supérieure en dignité et en puis-
sance. Cf. Act., xxv, 21, et que, Luc, xxm, 11, 15, il a
même le sens de « renvoyer ».
Tels sont les arguments par lesquels on cherche à
prouver que le Prétoire devait se trouver sur la colline
occidentale. Cette théorie a le grand inconvénient d'être
absolument contraire à la tradition. Nous avons vu, en
effet, que les témoignages les plus anciens et les plus
authentiques, jusqu'à l'époque des croisades, fixent nos
regards du côté de la colline orientale, Le silence des
premiers siècles jusqu'à l'an 333 n'est pas un obstacle,
car, malgré les bouleversements subis par Jérusalem,
les chrétiens n'avaient pas perdu de vue les principaux
points de la ville sanctifiés par Notre-Seigneur et de-
venus l'objet de leur vénération, et cette tradition
s'était transmise de génération en génération. Nous
disons les principaux points, parmi lesquels il faut
bien compter le Prétoire de Pilate, sans vouloir approu-
ver pour cela la précision rigoureuse que la tradition
a donnée plus tard et donne encore aujourd'hui à cer-
tains détails des scènes évangéliques. Si, au moment
des croisades, les recherches se sont égarées du côté
du mont Sion, cette fausse piste est due à certaines
méprises et," du reste, n'a pas fait oublier la vraie.
Quant aux arguments historiques qu'on apporte, ils ne
sont pas suffisants pour prouver que tous les procura-
teurs, et Pilate en particulier, aient habité le palais
d'Hérode. Pilate aurait sans doute pu l'occuper, et
l'exemple de Gessius Florus rendrait ce séjour vrai-
semblable, s'il n'y avait plus de vraisemblance encore
à ce que, pendant les fêtes de la Pâque, en prévision des
troubles, il n'eût choisi l'Antonia pour demeure. Les
soldats romains d'ailleurs n'eussent pas plus laissé la
foule envahir le palais de Sion que la citadelle, et la
place sur laquelle le procurateur établit son tribunal,
sans être celle du Temple, pouvait être au-dessous de
l'Antonia, du côté de la ville. D'autre part, s'il n'est
question que d'un centurion, Marc, xv, 39, il n'est pas
nécessaire de ne voir dans la troupe qu'il commandait
que la petite garnison du palais occidental, ou la garde
de Pilate; c'était un simple détachement de l'effectif
plus nombreux de la citadelle. L'argument tiré de aiXïj
est de nature à frapper davantage, mais le mot ne veut
pas seulement dire « palais », il signifie également
« cour ». S'il a le premier sens dans certains passages,
comme Matth., xxvi, 3, 58; Marc, xiv, 54, etc., il a le
second dans d'autres, comme Matth., xxvi, 69; Marc,
xiv, 66; Luc, xxii, 55. L'expression de Marc, xv, 16 :
ï| a-JXV), S èo-tiv Ttpauioptov, pourrait donc désigner la
cour intérieure qui servait de prétoire. Cependant,
M. van Vebber, Theologische Quartalsckrift, 1905,
Heft II, « arrive, à la suite d'un raisonnement objectif
et très serré, à ces deux équations : ta 'HptiSou (3a<xi-
Xeia = oîxc'a twv êmTpÔTtwv dans Philon, et tj aùXVî, S
iattv itpatîfipiov de saint Marc = »| aûXi) 3a<nXot>î ou sim-
plement «ûXioi que Josèphe applique uniquement au
palais d'Hérode élevé dans la ville haute, tandis que
pour lui la forteresse du Temple n'est que l'Antonia,
le çpti-jpiov ou le itûp-fo;. La distinction du Prétoire et
de l'Antonia est d'ailleurs confirmée par d'autres pas-
sages de Josèphe. » Cf. Revue biblique, 1905, p. 650. Il
y aurait donc là un argument sérieux en faveur de
cette première théorie, si elle n'avait toute la tradition
contre elle. Quant à l'objection tirée de àvéire(«}'£ v i nous
sommes d'avis qu'il ne faut pas trop presser la signi-
fication étymologique du mot. Cette opinion est admise
par un certain nombre d'auteurs, entre autres par
E. Schûrer, Geschichte des jùdischenyolkes im Zeital-
ter Jesu Christi, Leipzig, 1901, t. i, p. 458, et dans
Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums,
Leipzig, 1884, t. u, p. 1293. Elle est regardée comme
probable par G. T. Purves, dans le Dictionary of the
629
PRETOIRE
630
Bible de J. Hastings, Edimbourg, 1902, t. iv, p. 32, qui
cite en sa faveur Meyer, Winer, Alford, Edersheim et
d'autres.
b) le prétoire et la colline orientale. — La tra-
dition nous conduit plutôt du côté de la colline du
Temple. Mais là, les opinions se partagent actuellement
et cherchent le prétoire en trois points distincts.
1. L'Antonia. —C'est là, nous l'avons vu, que, depuis
le xni e siècle, les pèlerins ont coutume de vénérer le
lieu sanctifié par les souffrances du Christ chez Pilate.
On a même localisé en des points précis les différentes
scènes: le couronnement d'épines, la flagellation, YEcce
qui le rendait facilement accessible à l'ennemi. Il fallut
donc, non seulement élever une tour de défense, mais
encore séparer les deux collines par une tranchée. Or,
voici ce que nous révèle l'exploration du terrain. Voir
flg. 170. Au nord de l'ancienne enceinte, existait une
vaste tranchée, taillée dans le- roc (c), au fond de la-
quelle avait été creusé en outre un fossé large d'envi-
ron dix mètres (d), destiné sans doute à défendre les
approches d'un rempart élevé au nord du hiéron. La
communication entre le mont Bézétha et le montMoriah
n'étant pas jugée suffisamment interrompue par cette
coupure, on en pratiqua une nouvelle vers le nord(E),
ÉcMIe
lin Mit.
Les chiffres indiquent les hauteurs en mètres
au-dessus du niveau de /a mer.
t70. — Configuration du terrain au nord-ouest du Temple à l'avènement d'Hérode I".
D'après le P. Barnabe, Le Prétoire de Pilote, p. 5.
Homo, la condamnation à mort. La caserne turque ac-
tuelle étant regardée comme l'emplacement du Prétoire,
c'est de là que part la Voie douloureuse. Cette opinion,
attaquée de nos jours par plusieurs savants catholiques,
a été défendue en particulier, avec ampleur et ardeur,
par le P. Barnabe d'Alsace, Le Prétoire de Pilate et la
forteresse Antonia, in-8», Paris, 1902. II étudie la
question au point de vue archéologique, historique et
traditionnel; cette question est trop importante pour
que nous ne donnions un résumé des considérations
de l'auteur.
Au moyen de l'archéologie et de l'histoire, le P. Bar-
nabe a cherché d'abord à reconstituer le Prétoire, c'est
à-dire la forteresse Antonia, telle qu'elle devait être au
temps de Notre-Seigneur. On sait que cette forteresse
se trouvait à l'angle nord-ouest de l'esplanade du Temple
et avait succédé à l'antique Baris. Cf. Josèphe,Anf. jud.,
XV, xi, 4; XVIII, iv, 3. Elle était destinée à protéger de
ce côté l'enceinte sacrée; le mont Moriah, en effet, en-
touré partout ailleurs de ravins profonds, se rattachait
au nord à la masse rocheuse appelée mont Bézétha,
et on ne laissa subsister que le massif rocheux qui sup-
portait la tour Baris. Par suite de ce travail, le rocher
sur lequel est assise la caserne turque fut taillé à pic
sur toutes ses faces. Il forme, dans son ensemble, un
banc trapézoïde, long de 110 mètres, large de 40 en
moyenne, et, à l'ouest, une équerre dont la branche qui
va du nord au sud n'a que 9 mètres de largeur. Du côté
sud, l'escarpe de ce bloc immense a une hauteur maxima
de 10 mètres, tandis que, au nord, la taille perpendi-
culaire n'a guère plus de 5 mètres. La contrescarpe,
c'est-à-dire la coupure du mont Bézétha, a été retrou-
vée à 70 mètres au nord du rocher Baris; elle se dirige
de l'ouest à l'est, mais, à l'ouest, elle fait un coude
comme pour contourner en lignes parallèles le massif
de la citadelle, et, dans l'église de YEcce Homo, on voit
le rocher taillé verticalement sur une hauteur de
4 mètres. Cette coupure a en réalité 5 à 6 mètres de
hauteur au-dessus du sol rocheux qui s'étend sous
l'église, tandis que, au nord, la différence de niveau
atteint environ 9 mètres. En creusant les premiers fon-
dements du monastère des Daines de Sion, on a dé-
631
PRÉTOIRE
632
couvert également une ancienne piscine, taillée dans
le roc, divisée en deux branches parallèles, qui se
dirigent du nord-ouest au sud-est; elle s'enfonce légè-
rement sous le rocher Baris, à l'angle nord-ouest.
Tel était le terrain sur lequel Hérode bâtit l'Antonia.
Mais il n'en fit pas seulement une forteresse, il voulut
aussi s'y ménager un palais, avec péristyles, salles de
bains et vastes cours. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8.
Pour cela, il dut nécessairement élargir la citadelle de
Baris, trop étroite pour porter les nouveaux monu-
ments. Ne pouvant, d'après le P. Barnabe, l'agrandir
du côté du sud, il l'étendit des autres côtés, et prin-
cipalement sur le plateau artificiel taillé au nord.
L'Antonia formait ainsi un vasle quadrilatère, enfer-
mant dans son enceinte le rocher de Baris, qu'il dépas-
sait. Voir fig. 171. Quatre grosses tours, reliées par des
où se rendait la justice, lorsque le procurateur y habi-
tait, en un mot le prétoire, r| aux*), 8 iaxiv jrpatT<ipiov,
suivant l'expression de Marc, xv, 16. Le Lithostrotos
formait la cour inférieure et extérieure. Quoique situé
à cinq mètres en contre-bas de la cour intérieure, il
n'en justifierait pas moins son autre nom de Gabbatha
ou « élevé » par sa position dominante ; car il est placé
au sommet d'une crête rocheuse, à laquelle montent
deux chemins, l'un de l'est, l'autre de l'ouest. La fla-
gellation, d'après le P. Barnabe, p. 93, aurait eu lieu
en dehors du Prétoire, comme aussi en dehors du Li-
thostrotos, dans le lieu spécialement destiné à ce genre
de supplice. Ajoutons enfin que deux escaliers des-
cendaient, du côté du sud, sur l'esplanade du Temple,
pour permettre à la troupe de réprimer les premiers
mouvements séditieux. D'autre part, le P. Barnabe,
l-^-^J: ManirS/
171. - La citadelle Antonia. D'après le P. Barnabe, Le Prétoire, p. 29.
portiques, le flanquaient aux quatre coins; un fossé,
dont le Birket Israil est considéré comme le terminus,
le séparait du mont Bézétha. Une porte monumentale
à trois baies s'ouvrait vers la ville, du côté de l'ouest.
Cette porte ne serait autre que l'arc de YEcce Homo,
qui, comme on le sait, se compose d'un grand arc en
plein cintre, à cheval sur la rue, et d'une arcade plus
petite, qui se trouve dans l'église des Dames de Sion,
et dont le pendant ou collatéral sud a complètement
disparu. Voir Jérusalem, t. ni, col. 1342. Le P. Barnabe
le compare à la porte monumentale d'un camp préto-
rien. En avant et au delà, s'étendait un beau pavement,
qu'on a mis à découvert à un ou deux mètres au-dessous
du niveau de la rue, et qui se continue jusque dans
l'enclos de la Flagellation. Il est formé de grandes
dalles de pierre très dure, dont l'épaisseur varie entre
35 et 45 centimètres; devant et derrière l'arc, elles sont
striées par des cannelures transversales. Ce serait le
Lithostrotos. Trois escaliers descendent au fond de la
piscine. La résidence royale, par là même le palais du
procurateur se trouvait sur le rocher Baris, dominant
toute l'enceinte dn Temple; on y accédait du Lithos-
trotos par un escalier, la Scala Santa de Borne. C'est
là, an milieu des bâtiments qui constituaient le palais,
que devait être l'atrium intérieur, la cour principale
p. 56-77, au lieu de rattacher la seconde enceinte de
Jérusalem à l'angle nord-ouest de l'esplanade du
Temple, la fait passer au nord des constructions dont
nous venons de parler et la ramène à l'angle nord-est
(fig. 5, p. 16). Après avoir ainsi reconstitué l'Antonia,
il avoue, p. 85, que l'histoire ne fournit aucun argu-
ment péremptoire pour y placer le Prétoire de Pilate ;
il y a simplement une très grande probabilité pour
que, pendant les fêtes de la Pâque, le procurateur ait
préféré la citadelle au palais du mont Sion. Ce dernier
se trouvait éloigné du Temple et de la caserne princi-
pale où les troupes se tenaient concentrées, ce qui
devait paralyser tout commandement prompt et rapide,
qu'auraient nécessité les circonstances (p. 84).
Le P. Barnabe cherche à faire valoir en sa faveur les
premiers témoignages traditionnels. Ainsi, en ce qui
concerne le pèlerin de Bordeaux, il reconnaît bien (p. 141)
que « les mots en bas, dans la vallée, désignent évi-
demment ce qu'on appelle aujourd'hui VEl-Wad, la rue
du Vallon, rue qui suit un moment la Voie doulou-
reuse ». Mais on aurait mauvaise grâce à demander aux
anciens pèlerins une précision mathématique. Et puis,
d'après M. de Vogué, il ne faut pas prendre à la lettre
les expressions deorsum in valle, et conclure que, pour
le pèlerin de Bordeaux, le Prétoire était dans le val du
633
PRETOIRE
634
Tyropœon; le mont Sion domine beaucoup le Sérail
actuel, qui, vu du haut, est sur un plan inférieur et
parait, pour ainsi dire, dans une vallée. Au iv e siècle,
du reste, le fond du vallon s'étendait vers la forteresse
Antonia un peu plus qu'aujourd'hui, comme l'indique
la mosaïque trouvée dans l'église de Notre-Dame du
Spasme, et qui est à une centaine de pas seulement de
l'arc Ecce Homo, à six ou sept mètres au-dessous du
pied de l'arc. L'expression « descendit », qu'on ren-
contre dans l'itinéraire de Pierre l'Ibère, est parfaite-
ment justifiée, au dire de M. Clermont-Ganneau, Recueil
d'archéologie orientale, Paris, 1900, t. m, p. 229, la
cote d'altitude du parvis de l'église du Saint-Sépulcre
étant de 2479 pieds anglais (755 mètres) et celle de la
Voie douloureuse, à l'angle nord-ouest de la caserne,
étant de 2448 (745 mètres). Quant aux chiffres de Théo-
dose, il faut absolument s'en passer, tant ils sont sujets
à caution. Les deux points suivants seuls sont à consi-
dérer : 1» Le pèlerin nous conduit au Prétoire en se
rendant à la piscine probatique et à l'église de Sainte-
Marie; 2° près du Prétoire, est creusée la fosse dans
laquelle fut jeté le prophète Jérémie; or la tradition a
persisté à placer cette fosse au nord-est du Temple,
dans le quartier qui renferme l'église de Sainte-Marie
ou Sainte-Anne ; donc le Prétoire était non loin de ce
dernier édifice. Enfin Antonin de Plaisance rencontre
le Prétoire près du portique de ZSalomon, au-devant
•des ruines du Temple. « Or, comme Ponce Pilate n'a
absolument pas pu établir sa résidence et celle de sa
cohorte païenne, ni sur la plate-forme du Temple, ni
au pied du mur de l'enceinte sacrée, saint Antonin ne
put trouver la basilique de Sainte-Sophie qu'à l'autre
extrémité du hiéron, au nord, à l'emplacement de la
forteresse Antonia. ï Et en effet « les ruines du temple
de Salomon ne furent jamais montrées au pied du mur
d'enceinte, qui a une hauteur énorme sur trois de ses
côtés, mais bien sur la plate-forme elle-même, et ce
n'est qu'au nord qu e le rocher de Baris se dressait en
avant des ruines du temple. Quant au portique de Salo-
mon, nous avons déjà vu que saint Willibald en indique
les ruines non loin de la piscine probatique ». Barnabe,
op. cit., p. 153, 154. Inutile d'aller plus loin; tout le
monde concède que dans les sept derniers siècles la
tradition de l' Antonia l'emporte.
Il est certain que l'opinion qui vient d'être exposée a
quelque chose de séduisant; elle semble reconstruire
l'antique Prétoire d'une manière si naturelle, si con-
formé en apparence à l'histoire et à l'archéologie, que
les scènes évangéliques y revivent d'elles-mêmes. Elle
donne tant de satisfaction à la piété traditionnelle, qui
depuis longtemps cherche à l' Antonia et dans les envi-
rons l'émotion des plus douloureux souvenirs, qu'on la
voudrait absolument certaine. Et pourtant, il faut
l'avouer, elle souflre bien des difficultés. Autant le Gol-
gotha et le Saint-Sépulcre, malgré quelques attaques
sans importance, sont des points absolument acquis
dans la topographie de la Passion, autant le Prétoire
reste encore soumis à des incertitudes^ Le P. Barnabe
lui-même, p. 132, ne donne à sa conclusion qu'un sens
négatif, lorsqu'il dit : « Par l'étude du terrain, nous
croyons avoir bien clairement démontré que ni l'Écri-
ture Sainte, ni l'histoire, ni l'archéologie ou les décou-
vertes modernes ne s'opposent d'aucune façon à l'exis-
tence du prétoire de Pilate dans la forteresse Antonia :
bien au contraire. » Est-il bien vrai même que la vieille
citadelle a pu servir de Prétoire? Plusieurs en doutent.
On nous dit d'abord qu'Hérode ne pouvait étendre
l' Antonia du côté du sud, parce qu'il avait déjà prolongé
le hiéron jusqu'au rocher de Baris. C'est une assertion
que n'admettent pas de bons archéologues, etM. deVogué,
en" particulier, ne l'a pas compris ainsi. Voir Temple.
Mais le plus grave est de porter les agrandissements
jusque dans la coupure artificielle qui séparait le Bézéthà
du Moriah. Il semble de prime abord qu'elle était des-
tinée à servir de fossé, à rendre la citadelle plus inac-
cessible de ce côté. Josèphe lui-même rapporte, Bell. ■
jud., V, v, 8, que l'Antonia était assise sur un rocher
« escarpé de tous côtés, ropcxprinvou Si. nâarn, revêtu
du haut en bas de pierres polies, pour l'embellissement
de l'édifice, mais aussi pour faire glisser quiconque
aurait voulu monter ou descendre ». Quelle eût 'été
l'utilité de cette muraille septentrionale, si on la suppose
précédée d'autres constructions et munie d'un escalier
qui eût relié les appartements supérieurs aux cours
inférieures? Cette coupure n'est-elle pas le fossé pro-
fond dont parle Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, « creusé
à dessein » pour que les fondements de l'Antonia fussent
moins accessibles et plus hauts ' Même en admettant la
reconstitution proposée par l'auteur, on se demande
comment la concilier avec la direction de la seconde
enceinte de Jérusalem. Nofus reconnaissons que cette
seconde ligne de fortifications est hypothétique en plu-
sieurs points, mais ses deux points d'attache sont cer-
tains, puisque Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous dit
qu'elle partait de la porte Gennath et se prolongeait
« jusqu'à l'Antonia ». Voir Jérusalem, t. m, col. 1360.
Il est donc tout naturel de croire que, venant de l'ouest,
elle allait buter contre la paroi occidentale de la forte-
resse, c'est-à-dire contre son angle nord-ouest. Ce qui
confirme cette supposition, c'est la direction même de
la contrescarpe, qui, descendant du nord au sud, fait,
en face de l'arc de VEcce Homo, un détour à angle
droit et s'en va du côté de l'ouest, le long de la Voie
douloureuse. Cette dernière ligne semble donc bien
indiquer celle que suivait le fossé et, par conséquent,
le mur de la seconde enceinte. Mais, s'il en est ainsi,
la porte monumentale dont on décore l'Antonia se trou-
vait en dehors des murs et donnait sur le fossé, ce qui
est inadmissible. Le P. Barnabe (fig. 5, p. 16) remédie
à cet inconvénient en conduisant « la ligne supposée
de la deuxième enceinte » par-dessus le mont Bézétha
et la faisant aboutir à l'angle nord-est de l'enceinte du
Temple. C'est se mettre en opposition absolue avec
Josèphe, puis à quoi aurait servi cette muraille bâtie
en plein sur le mont Bézétha? Il eût donc fallu un
second fossé pour la défendre. D'autre part, le même
auteur (p. 41) avoue que des archéologues distingués,
comme MM. de Vogué et de Saulcy, après avoir cru
reconnaître dans l'arc Ecce Homo un monument héro-
dien, un débris du palais de Pilate, ont fini par émettre
des doutes et lui assigner une date postérieure à la
Passion de Notre-Seigneur. D'ailleurs, si ses débris
avaient subsisté, ils eussent été des indices suffisants
de l'emplacement de l'antique Prétoire. Comment se
fait-il alors que la plus ancienne tradition n'en parle
pas? Il va sans dire que le pavement de pierres ou
Lithostrotos doit subir les incertitudes qui se rattachent
à l'arc. Il y aurait encore bien des objections de détail ;
celles que nous venons de faire montrent assez les
défauts de la reconstitution archéologique. Au point de
vue historique, nous avons vu qu'il est très difficile,
sinon impossible, d'avoir des données certaines, per-
mettant d'affirmer qu'un des procurateurs ait résidé à
l'Antonia.
La tradition elle-même fait bien entendre quelques
protestations contre l'usage qu'on en fait. Sans exiger
trop de précision des anciens pèlerins, et, en donnant
à ces mots : deorsum in valle toute la latitude possible,
il est difficile de les appliquer à l'Antonia, même vue
de Sion, puisqu'elle se trouvait sur la partie la plus
élevée du mont Moriah. Il en est de même de l'expres-
sion « descendit » de Pierre l'Ibère; sans rechercher
l'endroit précis où sont prises les cotes, il est peu
naturel de dire, en partant du Saint-Sépulcre, qu'on
« descend » à la caserne turque. Quant à Théodose, il
est sans doute inutile dediscuter la valeur de ses pas;
635
PRETOIRE
636
mais ce qui ressort de son témoignage; c'est que le
Prétoire était à peu près à égale distance de Siloé et
de la pis.cine probatique. Or, l'Antonia est de beaucoup
plus près de celte dernière. Antonin le Martyr place le
Prétoire « devant les ruines du Temple de Salomon »,
à l'endroit où « l'eau coule vers la fontaine de Siloé,
près du portique de Salomon. » Cette eau qui coule
dans la direction de Siloé semble bien être celle qui
suit la pente naturelle duTyropœon, le long de l'enceinte
du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n'est
donc pas à prendre ici dans son sens historique, comme
indiquant l'est du Temple, mais dans un sens général
que le pèlerin donne aux restes salomoniens de l'édifice
sacré.
2. Le Terrain des Arménien» catholiques. — Une
seconde opinion, qui s'appuie également sur les données
évangélîques, traditionnelles et archéologiques, se rap-
proche de la précédente en ce sens qu'elle place le
172. — Plan de l'église inférieure de Notre-Dame du Spasme.
D'après Macalister, dans le Palestine Exploration
Fund, Quarterly Statement, 1902, p. 122.
Prétoire dans une certaine dépendance de l'Antonia,
mais elle s'en écarte en le mettant à l'ouest, du côté
de la vallée du Tyropœon. Le terrain de cet emplace-
ment est situé entre la Voie douloureuse au nord,
la rue de la Vallée à l'ouest, une rue qui va vers
l'esplanade du Temple au sud, et le couvent des
derviches à l'est; il appartient aux Arméniens catho-
liques. On y a découvert les ruines d'un sanctuaire
byzantin, (fig. 172) dont l'abside méridionale conserve
une curieuse mosaïque, représentant deux sandales
(fig. 173). Cette figure, d'après l'interprétation courante,
marque l'endroit où se tenait la Sainte Vierge lorsqu'elle
rencontra son divin, Fils marchant au supplice; d'où
Notre-Dame du Spasme, signalée par d'anciens pèle-
rins. Une autre explication y voit le lieu où Jésus se
reposa sur le chemin du Calvaire; d'où « le moustier
c'on apeloit le Repos », dont parle Ernoul. Mais les
partisans de cette seconde hypothèse veulent y re-
trouver la place qu'occupait Notre-Seigneur, la Sagesse
incréée, lorsqu'il fut condamné par Pilate. Nous aurions
ainsi l'emplacement exact de l'ancienne église de
Sainte-Sophie, et par conséquent du Prétoire. Les
raisons mises en avant sont les suivantes. La mosaïque
est très ancienne, comme le prouvent les monnaies
byzantines, les seules trouvées dans les environs au
moment des fouilles en 1883. D'après M. Macalister,
Palestine Exploration Fund, Quart. St. t 1902, p. 123,
elle est plus ancienne que l'église elle-même. Elle n'a
pas été faite pour servir d'ornement à l'église, mais
pour consacrer un culte religieux, car elle était ren-
fermée dans une partie de l'édifice où elle ne pouvait
être profanée. Elle fixe donc un souvenir relatif à bj
Sainte Vierge ou à Notre-Seigneur. Or, il n'est pas ques-
tion d'un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le
xm e siècle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas
la mosaïque aux deux sandales. L'endroit d'ailleurs est
trop éloigné de la Voie douloureuse pour avoir pu être
le point de rencontre de Jésus avec sa Mère. Dès l'an
570, au contraire, Antonin de Plaisance déclare avoir
vénéré l'empreinte des pieds du Sauveur dans la basi-
lique de Sainte Sophie. C'est donc bien la même basi-
lique, tombée dans l'oubli depuis l'invasion persane,
qu'on aurait retrouvée sur- le terrain arménien, « en
bas, dans la vallée, s selon les indications du Pèlerin
de Bordeaux concernant le Prétoire, « devant les ruines
du Temple de Salomon », à l'endroit où « l'eau coule
vers la fontaine de Siloé, » selon Antonin de Plaisance,
173. — La mosaïque de N.-D. du Spasine, ibid., p. 124.
Le Prétoire se trouvait ainsi au pied de l'Antonia, du
côté de l'ouest, près d'une porte conduisant de la forte-
resse à la ville. Ces données semblent confirmées par
le plan de Jérusalem, tel qu'il apparaît sur la mosaïque
de Madaba. En suivant, en effet, comme le Pèlerin de
Bordeaux, la grande colonnade qui va du sud au nord
et aboutit à la porte napolitaine, marquée par une
belle place, avec une colonne, on rencontre à droite,
presque en face de la basilique du Saint-Sépulcre à
gauche, un peu plus loin cependant vers le nord-est,
une église placée dans la direction de la r^e qui con-
duit à la porte de l'est. La rue qui la borde à l'est n'a
de colonnes que d'un côté; c'est un portique, et l'on
peut y voir le portique de Salomon dont parle Antonin
et le long duquel les eaux descendent à Siloé. Plus
loin, près de la porte de l'est, se trouve une autre église,
qui est celle du paralytique ou de Sainte-Marie,
aujourd'hui Sainte-Anne, Cf. M. J. Lagrange, Jérusalem
d'après la mosaïque de Madaba, dans la Revue bibli-
que, Paris, 1897, p. 455-457. — Cette seconde opinion a
été défendue de nos jours par E. Zaccaria, dans le Nuovo
bullettino di archeologia mstiana, Rome, mars 1900 et
mars 1901 ; et C. Mommert, Dos Prâtorium des Pilatus,
Leipzig, 1903. Il est sûr qu'elle répond bien à la tradi-
tion des plus anciens pèlerins, à la situation présumée
de l'antique basilique de Sainte-Sophie; Mais on peut se
demander comment elle rattache le Prétoire à la forte-
resse Antonia, comment elle concilie cet emplacement
avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem.
637
PRÉTOIRE
638
3. Le Mehhéméh. — Le Mehkéméh, qui servait
autrefois de tribunal, est une grande salle que l'on
rencontre près d'une des portes occidentales du Haram
esch-Schérif, appelée Bâb es- Silsilék ou « Porte de la
Chaîne ». Voir le plan de Jérusalem moderne, t. ni,
col. 1344. Etabli sur de vieilles substructions, cet édi-
fice n'est pas antérieur au xv e siècle. C'est là qu'une
troisième opinion cherche le Prétoire. Au temps de
Notre-Seigneur, l'emplacement était occupé par la
Curie ou salle du Conseil, PouXti, que Josèphe,
Bell, jud., V, iv, 2, nous montre contiguë au mur de
la première enceinte, qui, descendant du palais d'Hérode,
venait en cet endroit rejoindre l'esplanade du Temple.
Voir le plan de Jérusalem ancienne, t. m, col. 1355.
Au sud, se trouvait le Xyste, large place entourée de
portiques, qui était reliée au Temple par un pont à
arcades superposées. Un palais le surplombait à l'ouest,
celui des Asmonéens, alors la propriété .des Hérode.
« Les données de l'Evangile, disent les Professeurs de
Noire-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, p. 103,
s'adaptent parfaitement à ce cadre : La place du Xyste
était le lieu des rassemblements publics, une sorte
d'agora ou de forum comme on le constate particuliè-
rement lors de la révolte juive en 66. Rien de plus
vraisemblable que de voir Pilate y dresser son tribu-
nal devant la foule assemblée. Il faisait ainsi à Césarée.
Le palais où eut lieu l'instruction secrète du procès
serait assez naturellement la Curie. Les accusateurs de
Notre-Seigneur n'y enlrent pas pour ne pas se souiller
la veille de la Pâque, et Pilate vient dehors entendre
leurs dépositions. Les sanhédrites répondent du milieu
de la foule qui se tenait sur la place. Celte place était
sans doute dallée et peut-être surélevée à l'endroit où
s'élevait l'estrade du tribunal; c'est le sens des deux
mots Lithostrotos et Gabatha de saint Jean, xix, 13.
La résidence d'Hérode Antipas, ancien palais des
Asmonéens, était toute voisine, et explique parfaitement
le rapide envoi de Jésus du Prétoire à Hérode en cette
lugubre matinée. Quant au chemin suivi pour aller au
Calvaire, on dut, en partant du Xysle, franchir tout
d'abord la première enceinte à la porte dite de l'Angle,
voisine de la Curie; puis entrer dans le faubourg neuf
enclavé entre les deux murs, et enfin, du fond de la
vallée,'gravir la pente de la colline occidentale jusqu'à
la porte qui s'ouvrait près du Golgotha, dans le quar-
tier où s'élève l'hospice des Nobles russes. La Voie
douloureuse, ainsi reconstituée, monterait donc de la
vallée parallèlement au tronçon du chemin de croix
actuel qui va de la V e à la IX e station. Elle se tiendrait
conslamment plus au sud. Mais ce parcours du Prétoire
au Calvaire ne fut pas vénéré parla dévotion du chemin
de la Croix tant que dura la tradition primitive; du
moins, rien nel'indique. » C'est donc sur l'emplacement
du Mehkéméh qu'aurait été l'antique basilique de
Sainte-Sophie. Aujourd'hui, il est vrai, rien n'atteste
matériellement dans l'endroit présumé l'existence an-
térieure de cet édifice. On y a cependant découvert,
il y a quelques années, dans le mur d'une maison, une
pierre sur laquelle on a pu lire, gravé au-dessous d'une
croix grecque, le mot 2]oçia;. Cette pierre, bien que
déplacée, parait avoir appartenu à l'église dédiée à la
divine Sagesse. Cf. Germer-Durand, Epigraphie chré-
tienne de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892,
p. 584. Cette hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée par
la tradition, qui est avant tout celle des premiers siècles.
Elle place, en effet, le palais de Pilate « en bas, dans la
vallée » du Tyropœon, près c des ruines du Temple »; au
point où « la vallée commence à s'abaisser vers Siloé » ;
dans le « voisinage de l'église Sainte-Marie-la Neuve »
(la Présentation) et des « hotelleries^bâties au centre de la
ville" »; enfin à « égale distance de Sainle-Anne et de la
piscine de Siloé, » distance qui est « double pour aller du
prétoire à Saint-Élienne. » Telle est l'opinion adoptée
par les Professeurs de Notre-Dame de France dans leur
guide de La Palestine, p. 99-103, et par le P. Zanecchia,
La Palestine d'aujourd'hui, trad. Dorangeon, Paris,
1899, t. i, p, 349-359. 11 est certain que la tradition pri-
mitive, dans son ensemble, peut s'appliquer au point
en question; il serait cependant permis d'hésiter sur
le texle du Pèlerin de Bordeaux, pris à la rigueur.
D'autre part, on avouera que la pierre portant le mot
So^iaç est, à elle seule, un faible indice archéologique,
puisqu'on ne sait d'où elle provient; il en serait tout
autrement si elle avait été trouvée in situ dans quelque
vieux pan de muraille. Au point de vue historique, on
se demande pourquoi Pilate choisit la Curie pour pré-
toire. A cause du Xyste, lieu des rassemblements
publics, répond-on. Mais ce n'est pas Pilate qui suivit
la foule, c'est la foule qui vint le trouver à sa demeure
officielle, et il y avait devant les palais qu'il pouvait
occuper des places suffisantes pour contenir la populace
juive et ses meneurs acharnés contre Jésus. La proxi-
mité du palais des Asmonéens n'est pas non plus une
raison bien déterminante. Les données évangéliques
peuvent donc, croyons-nous, s'adapter aussi parfaite-
ment à un autre cadre. M. Léonide Guyo, Le Prétoire,
dans la Revue auguslinienne, 15 décembre 1903, p. 501-
513, combat bien cette théorie du Mehhéméh; mais il
a tort, croyons-nous, de placer le Prétoire au palais des
Asmonéens, ce qu'il est difficile d'accorder avec la
tradition primitive.
5» Conclusion. — Tels sont les éléments essentiels
du problème. Complexe et difficile., il n'a pas encore,
on le voit, reçu de solution définitive. L'histoire seule
laisse le choix entre le palais d'Hérode et l'Antonia.
L'archéologie n'a que des indices insuffisants. La tradi-
tion reste donc notre guide principal, mais un guide
dont les fils conducteurs ont besoin d'être démêlés et
ramenés à certaine unité de direction. Or, nous avons
à distinguer ici entre la tradition primitive et la tradi-
tion récente. Cette dernière dirige incontestablement
nos pas du côté de l'Antonia. Mais quelle est son ori-
gine? En remontant son cours, on finit par perdre ses
traces. On aura beau accumuler les textes et les auto-
rités, on ne pourra lui donner la force qui s'atlache à
un témoignage primordial, authentique, que l'on suit
sans interruption à travers les siècles. La tradition pri-
milive, moins riche, est, on le conçoit, bien autrement
importante; c'est la seule qui ait une valeur historique.
"Mais là encore, les textes ont leur latitude; il est sout-
ient facile de les étendre à tel ou tel point, dans une
direction déterminée, et c'est ainsi, nous l'avons vu,
que chacune des opinions exposées cherche à les reven-
diquer en sa faveur. Chaque texte n'est qu'une voix de
la tradition; écouter l'une plutôt que I'aulre serait s'ex-
poser à faire fausse- route. La vraie méthode scientifique
consiste à suivre, autant qu'on le peul, la résultante
harmonique de ces voix, ou, si l'on aime mieux, l'orien-
tation générale tracée par les fils conducteurs. Or, on
peut remarquer chez les plus anciens témoins une
double tendance : celle de placer le Prétoire dans un
lieu bas, et celle de le mettre en relation avec la Piscine
probatique. S'il n'est pas à l'Antonia, c'est donc au-des-
sous, le long de la vallée du Tyropœon qu'il faudrait le
chercher. Il serait sans doute plus consolant pour notre
piété de reconnaître avec certitude dans les sanctuaires
actuels, depuis longtemps en vénération à Jérusalem,
les lieux témoins des souffrances de Notre-Seigneur au
début de la Voie douloureuse. Mais la vérité scientifique
a des droits que la piété bien entendue ne peut mécon-
naître. Le débat dont il s'agit n'est ni une affaire de
sentiment ni une question de rivalité entre sanctuaires.
Mettre en doute l'authenticité de tel ou tel d'entre ceux-
ci n'est poinl faire œuvre de démolition sacrilège. C'est,
au contraire, rendre service à la foi chrétienne que de
chercher en toute sincérité, sans parti pris ni animo-
639
PRÉTOIRE — PRÊTRE
640
site contre personne, la vérité sur nos Lieux Saints.
Attendons que quelque heureuse trouvaille historique,
épigraphique ou archéologique, la fasse éclater à nos
yeux.
6" Bibliographie, — Sans remonter jusqu'à T. Tobler,
Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. i, p. 220-
230, nous nous contentons de rappeler ici les derniers
travaux sur la question : Barnabe d'Alsace, Le Prétoire
de Pilate et la forteresse Antonia, in-8°, Paris, 1902;
C. Mommert, Das Prâtorium des Pilatus, in-8°, Leipzig,
1903; G. Marta, La questione del Pretorio di Pilato,
in-8 , Jérusalem, 1905; D. Zanecchia, La Palestine
d'aujourd'hui, Paris, 1899, t. i, p. 349-359; Professeurs
de Notre-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904,
p. 99-107. Outre les articles de revues, comme ceux de
Kreyenbûhl et de Zaccaria, mentionnés dans notre étude,
nous signalerons : J. Arb-Arétas, Question de topo-
graphie palestinienne : l'authenticité du Prétoire et
du Chemin delà Croiœ, dans L'Université catholique,
Lyon, 15 septembre 1903, p. 52-74 ; Léonide Guyo, Le
Prétoire, dans la Revue augustinienne, Louvain et Pa-
ris, 15 décembre 1903, p. 501-513.
II. Dans les Actes des Apôtres, — Les Actes, xxm,
35, nous apprennent que saint Paul fut amené de Jéru-
salem à Césarée, devant le gouverneur Félix. Celui-ci,
en attendant l'arrivée des accusateurs de l'apôtre, « or-
donna de le garder dans le prétoire d'Hérode, ■:» ev x<à
ixpatTwpt'o) toû 'HpwSou. Il s'agit évidemment ici du pa-
lais bâti par Hérode le Grand et qui servait alors de
résidence aux procurateurs romains. Voir Césarée du
BORD DE LA MER, t. II, Col. 456.
III. Dans l'épItre aux Philippiens. — Il n'est pas si
facile de préciser le sens du mot « prétoire » dans ce
passage de l'Épître aux Philippiens, i, 13, où saint Paul
dit que « ses chaînes sont devenues manifestes dans le
Christ dans tout le prétoire », i-jHlti> t» npauioséu),
^;'est-à-dire que là on le regarde non comme un prison-
nier vulgaire, mais comme un chrétien, un apôtre in-
carcéré pour Jésus-Christ. Quelques commentateurs
anciens et modernes ont voulu voir ici le palais de Cé-
sar, à Rome, parce que plus loin, iv, 22, il est question
des chrétiens qui sont « de la maison de César ». Mais
il n'y a pas d'exemple de l'application de ce terme
« prétoire » à la résidence de l'empereur à Rome. Aussi,
plus communément, on l'entend de la caserne des pré-
toriens, castra prsetorianorvm, bâtie par Tibère. Sous
Auguste, trois cohortes prétoriennes seulement, sur les
neuf qui furent alors créées, étaient logées à Rome dans
différents quartiers, mais sans campement fixe; les
autres étaient disséminées en Italie, dans les diverses
résidences impériales. Tibère les réunit toutes dans un
seul camp, au nord-est de la ville Cf. R. Cagnat, Prse-
torise cohortes, dans le Dictionnaire des antiquités
grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. vu,
p. 632. Cependant Conybeare et Howson, The Life and
Epistles of St. Paul, Londres, 1853, t. h, p. 428, pen-
sent, à la suite de Wieseler, qu'il s'agit plutôt de la ca-
serne de cette partie de la garde prétorienne qui était
au service immédiat de l'empereur, sur le Palatin.
D'autre part, il faut remarquer que icpaiTcoptov désigne
ici les personnes, c'est-à-dire la garde prétorienne,
plutôt que le local lui-même. C'est ce qui ressort du
contexte et du membre de phrase suivant : xa\ toî;
Xofiioïç TtStriv, Xotiré;, dans le Nouveau Testament, ne
s'appliquant jamais à un lieu. C'est donc auprès des
prétoriens et de beaucoup d'autres personnes que les
chaînes de Paul étaient une sorte de prédication et ren-
daient célèbre le prisonnier du Christ. Telle est l'inter-
prétation présentée par la plupart des commentateurs,
an sujet du mot i prétoire », depuis la fameuse contre-.
verse à laquelle il donna lieu, à la fin du xni 6 siècle,
entre Huber et Perizonius. Mais, de nos jours, une
nouvelle explication a été proposée par Mommsen, Sit-
zungber. der kônig. prevss. Acad. der Wissensch., 1895,
p. 495 et suiv. Ce savant regarde comme peu probable
que saint Paul ait été confié à la garde prétorienne. Il
croit plutôt que le centurion Jules, qui amena l'apôtre
à Rome, appartenait au corps des milites frumentarii
ou peregrini. On nommait ainsi les soldats chargés d'as-
surer l'alimentation en blé des troupes, particulière-
ment ceux qui composaient ou escortaient les convois.
Mais ce terme prit, à l'époque impériale, une valeur
toute différente, par suite du changement ou plutôt de
l'extension des fonctions réservées aux frumentarii.
Le service des vivres légionnaires était le moindre de
leurs emplois. De tous les textes que l'on possède, il
semble bien résulter que ces soldats étaient, avant tout,
des agents de police, aussi bien à Rome qu'en Italie et
dans les provinces. On voit, en effet, que le préfet du
prétoire s'adresse à eux pour opérer des arrestations
et l'empereur pour faire surveiller ceux qu'il juge dan-
gereux. Dans les légions, outre leurs fonctions de fru-
mentarii ou approvisionneurs, ils devaient avoir un
rôle de policiers, analogue à celui qui est réservé à la
gendarmerie dans nos corps d'armée. Le nom de pere-
grini leur vint de ce que, appartenant à différentes lé-
gions provinciales, ils pouvaient être et étaient regardés
comme des pérégrins, non point à cause de leur état
civil, puisqu'ils étaient citoyens romains, mais à cause
de leur origine extra-italique. On trouve à la tête de ce
corps, et sous le commandement suprême du préfet du
prétoire, un princeps peregrinorum et des centuriones
frumentarii ou frumentariorum. Cf. R. Cagnat, Fru-
mentarius, dans le Dict, des antiquités grecques et
romaines, t. iv, p. 1348. Il est donc probable que Jules
livra son prisonnier au princeps peregrinorum, dont
la caserne, castra peregrinorum, était déjà sans doute,
comme elle le fut plus tard, sur le mont Cœlius. Mais
c'est devant le préfet du prétoire et ses assistants que
l'apôtre comparut, et c'est ce tribunal qu'il mentionne
dans l'Épître aux Philippiens. A. Legendre.
PRÊTRE (hébreu : kohên, kômér, Septante : îepeijç;
Vulgate : sacerdos), celui qui est spécialement consacré
à l'exercice du culte divin. Deut., x, 8; xvm, 7. Le mot
kômér (kdmiru dans les lettres de Tell-el-Amarna), se
prend dans un sens méprisant pour désigner les prêtres
des idoles. IV Reg., xxin, 5; Ose.,,x, 5; Soph., i, 4. Le
prêtre est appelé mal'âk, « envoyé » ou « ange », dans
deux passages. Eccle., v, 5;Mal.,n, 7. Le nom de mdg
est celui des prêtres de Perse et de Médie. Voir Mage,
t. iv, col. 543.
I. Sacerdoce patriarcal. — A l'origine, le chef de
famille remplit lui-même les fonctions sacerdotales et,
au nom de tous ceux qui dépendent de lui, offre à Dieu
ses hommages et ses sacrifices. Ainsi agissent Noé,
Gen., vm, 20, Abraham, Gen., xn, 8; xv, 8-17 ; xvm,
23; Isaac, Gen., xxvi, 25; Jacob, xxxni, 20, etc. An temps
d'Abraham, Melchisédech, roi de Salem, est prêtre du
Très-Haut. Gen., xiv, 18, Jéthro, beau-père de Moïse,
est prêtre deMadian et adore le vrai Dieu. Exod., n,16;
m, 1. Voir Jéthro, t. m, col. 1522. Job offre lui-même
ses holocaustes au Seigneur pour la purification de ses
fils. Job, i, 5. Les Hébreux, pendant leur séjour en
Egypte, ne connurent que ce sacerdoce patriarcal. Eux-
mêmes demandent à aller offrir leurs sacrifices au désert,
Exod., v, 1-3, ce qui peut faire supposer qu'ils n'en ont
guère offert dans la terre de Gessen, mais en tous cas à
l'aide de ceux qui parmi eux remplissaient l'office de
prêtres. « Les prêtres qui s'approchent de Jéhovah » sent
mentionnés à l'occasion de la promulgation de la loi; il
leur- est commandé de se sanctifier, mais défendu de
franchir les limites posées autour du Sinaï ; ils doivent
rester avec le peuple. Exod., xix, 22-24. Plus tard, quand
il s'agit de conclure l'alliance, les prêtres ne sont pas.
chargés d'offrir les sacrifices ; Moïse envoie des jeunes.
641
PRÊTRE
642
gens, enfants d'Israël, pour offrir des holocaustes à
Jéhovah et immoler des taureaux en actions de grâces.
Exod., ssiv, 4-5. Puis les anciens d'Israël, et non les
prêtres, sont admis à monter sur la montagne. Exod.,
xxiv, 9. On a pensé que ces prêtres n'étaient autres que
les premiers-nés, cf. S. Jérôme, Epist. lxxiii, 6, t. xxn,
col. 680, que Jéhovah avait commandé de lui consacrer,
Exod., xm, 2, et qui furent ensuite remplacés par les
lévites. Mais rien ne prouve ojueles premiers-nés aient
été appelés à remplir des fonctions sacerdotales si peu
de temps avant l'institution du sacerdoce aaronique, et,
d'autre part, les Hébreux devaient avoir depuis long-
temps des hommes marqués pour offrir les sacrifices.
D'après de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris,
4897, p. 6, le sacerdoce aurait été exercé en première
ligne par les chefs de famille, sans préjudice du droit
qui appartenait aux fils, comme Caïn etAbel, Jacob, etc.,
d'offrir des sacrifices en certains cas. Jacob, chef
de famille et prêtre, aurait transmis ses droits, non à
son aîné, Ruben, mais à Joseph, qu'il appelle « prince
de ses frères ». Gen., xlix, 26. Manassé, l'aîné de Joseph,
aurait hérité de la charge sacerdotale de son père, et
après lui les prêtres des Hébreux auraient été choisis
dans sa tribu. Mais ensuite cette tribu serait devenue
indigne de son mandat ; aussi Moïse tint-il ses prêtres
à l'écart au moment de la promulgation de la loi et fit-
il offrir les sacrifices par des jeunes gens choisis ailleurs.
Les prêtres manasséens auraient été les instigateurs
du culte rendu au veau d'or, et trois mille d'entre eux
auraient été mis à mort par les fils deLévi.Exod.,xxxm,
28. Plus tard, afin de briser davantage l'orgueil de la
tribu et couper court à ses prétentions, Moïse l'aurait
divisée en deux, pour qu'une partie fût établie à l'est
du Jourdain et l'autre à l'ouest. Ces conjectures sont
spécieuses; mais on ne peut démontrer historiquement
ni la transmission exclusive du droit sacerdotal de
Jacob à Joseph, ni la fixation du sacerdoce dans la tribu
de Manassé. Pendant le séjour des Hébreux en Egypte,
le sacerdoce continua à être exercé parmi eux dans des
conditions sur lesquelles les renseignements nous font
défaut. Quand Dieu voulut instituer les cérémonies de
son culte, il était naturel qu'il mit de côté l'ancien
sacerdoce, quel qu'il fût, pour en créer un nouveau.
II. Sacerdoces idolatriques. — Les coutumes primi-
tives étaient passées à tous les peuples, mais elles
s'étaient transformées suivant les conditions particu-
lières à chacun d'eux. Quand ceux-ci se créèrent de mul-
tiples divinités, ils ne manquèrent pas de mettre à leur
service des hommes ou même des femmes ayant les
attributions sacerdotales.
1° Chez les Égyptiens. — Le pharaon exerçait la
haute maîtrise sur tous les cultes de son empire; il
officiait devant tous les dieux, sans être spécialement
prêtre d'aucun, et mettait à la tête des temples les plus
richement dotés, comme ceux de Pthah Memphite ou
de Rà Héliopolitain, les princes de sa famille ou ses
serviteurs les plus fidèles. Le seigneur féodal exerçait
sa juridiction sur les temples de son territoire et il y
«xerçait le sacerdoce. Toute une hiérarchie, de prêtres
remplissaient les autres fonctions, lis étaient de toute
origine et il n'y avait pas de règles spéciales pour leur
recrutement; mais ils tendaient à rendre leur situation
■ héréditaire et leurs enfants occupaient presque toujours
leur place, de sorte que les prêtres égyptiens finirent
par constituer une sorte de caste sacrée. Les temples
les logeaient, les nourrissaient du produit des sacrifices
et leur assuraient des revenus en rapport avec leur
rang; de plus, ils étaient exempts des impôts ordinai-
res, du service militaire et des corvées. Les nombreux
serviteurs et scribes qni les entouraient partageaient en
fait les mêmes privilèges. Il y avait là tout un monde
qui échappait aux charges communes. Le prêtre égyp-
tien avait à veiller aux mille formalités que comportait
DICT. DE LA BIBLE.
le culte de la divinité à laquelle if était voué. Tous les
prêtres étaient assujettis à de multiples purifications
et devaient avoir la « voix juste » pour réciter correcte-
ment les formules de prière. Ils formaient une hiérar-
chie savamment ordonnée. Cf. Brugsch, Die Aegyptolo-
gie, Lepzig, 1891, p. 275-291. A chaque culte était pré-
posé un souverain pontife, appelé premier prophète
quand il servait une divinité secondaire: Au temple de
Râ, à Héliopolis, et dans ceux du même rite, il se nom-
mait Oirou maou, « maître des visions »,parcequeseul,
avec le pharaon et le seigneur du nome, il avait le droit
d' « entrer au ciel et d'y contempler le dieu », c'est-à-
dire de pénétrer dans le plus intime du sanctuaire.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 123-125, 303-305.
Putiphar, « consacré à Rà », dont la fille Aseneth fut
donnée en mariage à Joseph, était prêtre à On ou Hélio-
polis, là même où Râ, le soleil, avait son temple. Gen.,
xli, 45. La fonction de Putiphar devait être la première
du temple ou l'une des principales. Le philosophe stoï-
cien Chœrémon, qui vivait au milieu du I er siècle,
écrivit une histoire d'Egypte dont il ne reste que des
fragments. Cf. Josèphe, Cont. Apion., i, 32-33. L'un
d'eux, conservé par Porphyre, et cité par saint Jérôme,
Adv. Jovin., n, 13, t. xxm, col. 302, décrit'en ces termes
la vie des prêtres égyptiens : « Ils mettent de côté toutes
les affaires et les préoccupations du monde, pour être
toujours dans le temple. Ils observent les natures des
êtres, les causes et les lois des astres. Ils ne se mêlent
jamais aux femmes, et ne voient plus leurs parents,
leurs alliés ni même leurs enfants, du jour où ils com-
mencent à se consacrer au culte divin. Ils s'abstiennent
absolument de viande et de vin, à cause de l'affaiblisse-
ment des sens et du vertige de tête qu'ils éprouvent
même après en avoir pris très peu, et surtout à cause
des appétits désordonnés qu'engendrent cette nourriture
et cette boisson. Ils mangent rarement du pain, pour ne
pas se charger l'estomac; et quand ils mangent, ils
prennent avec leurs aliments de l'hysope pilé, pour
que sa chaleur fasse digérer une nourriture trop lourde.
... Au même titre que la viande, ils s'abstiennent d'oeufs
et de lait... Leur couche est faite avec des branches de
palmiers; un escabeau incliné et posé à terre sert de
coussin à leur tête; ils supportent des jeûnes de deux,
trois jours. » Cf. Porphyre, De abstin., iv, 6-8. Ce por-
trait ne s'appliquait qu'à une élite des prêtres égyptiens,
ceux qu'on appelait prophètes, kposToXiirraf, « chargés
des habits sacrés des dieux », scribes, et <opoX<Syoi,
« ceux qui disent l'heure », et encore n'est-il pas certain
que ces coutumes ascétiques remontent très haut. On
voit cependant que certaines pratiques sont communes
aux prêtres égyptiens et à ceux d'Israël.
2° Chez les Babyloniens. — En Chaldée, comme en
Egypte, le roi était le prêtre par excellence; il pre-
nait le titre de patési ou « vicaire » de la divinité.
Les fonctions journalières du sacerdoce étaient remplies
par des prêtres, soit héréditaires, soit recrutés, for-
mant une hiérarchie sous la conduite du grand-prêtre
de chaque temple. Les grands-prêtres des divinités
principales, Bel-Mardouk, Sin et Schamascb, partici-
paient à la suprématie de leur dieu. Parmi les prêtres,
les issakku présidaient aux libations, les sangu gouver-
naient les différentes parties du domaine de la divinité,
les kipu et les Satammû veillaient à ses intérêts finan-
ciers, les pasiSu s'occupaient des détails du culte; au-
dessous d'eux venaient les sacrificateurs et leurs aides,
les devins, les augures, les prophètes, les hiérodules
de toute espèce. Tous vivaient des revenus du dieu
et des offrandes qui lui étaient apportées. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. I, p. 675-679. Le grand-prêtre s'ap-
pelait Sangamahhu; sous ses ordres agissaient VaSipu
et le bâru. UaSipu ou «c enchanteur » était une sorte
d'exorciste chargé de conjurer les mauvais esprits, causes
des maladies et de tous les maux qui affligent l'huma-
V. - 21
643
PRÊTRE
644
nité; il consacrait les idoles destinées aux temples et
présidait certaines cérémonies expiatoires. Le bâru ou
« voyant », dont la fonction était héréditaire, interpré-
tait la volonté des dieux et rendait des oracles en leur
nom; il exerçait tous les genres de divination et pré-
sidait aux sacrifices de caractère pacifique et eucharis-
tique. Le bâru devait réaliser certaines conditions pour
pouvoir se présenter dans le sanctuaire de l'oracle,
être « issu d'un prêtre, d'un père pur », et être « lui-
même accompli dans sa forme et dans ses propor-
tions » . Il ne pouvait exercer sa charge si ces conditions
faisaient défaut, et de plus s'il était « aigu quant aux
yeux », c'est-à-dire louche ou borgne ou avec un oeil
crevé, <* brisé quant aux dents », avec une ou plusieurs
dents de moins, ayant « un doigt mutilé, la chair noi-
râtre, des abcès, de la lèpre, un ulcère purulent », ou
d'autres infirmités analogues. Il devait posséder une
doctrine solide et savoir à fond ce qui était nécessaire
dour ne pas commettre la moindre infraction à un
rituel compliqué. Le bâru et Vasipu avaient aussi à
revêtir des « vêtements purs », réservés pour leurs
fonctions liturgiques. Cf. Zimmern, Beitràge zur
Kerinlniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901 ;
Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens,
Paris, 1903, p. xiv-xvii, 235; Lagrange, Études sur les
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 221-246; Dborme,
Textes religieux, Paris, 1907, p. 141-147. Daniel déjoua
la fourberie des prêtres de Bel, qui venaient enlever
de nuit les offrandes du temple et prétendaient que
leur dieu les avait mangées. Dan., xiv, 1-27. Cf. Bar.,
vi, 9-54. — Sur le sacerdoce des Perses et des Mèdes,
voir Mages, t. iv, col. 543.
3° Chez les autres peuples sémites. — Chez les
Arabes nomades, la fonction de sacrificateur n'était
pas réservée au prêtre; celui-ci n'était qu'un sddin,
« gardien » du sanctuaire ; il restait à son poste pen-
dant que la tribu se déplaçait. Il rendait des oracles au
moyen de flèches ou de bâtons, selon le procédé de la
rhabdomancie. Cf. Ezech., xxi, 21. A côté de lui opé-
rait le devin, kâhin, véritable sorcier, dont le rôle
n'est nullement le prototype, mais la déformation de
celui du kohên. Chez les Arabes civilisés du sud, le
sâdin était réellement le sacrificateur, et le grand-
prêtre, kabir, le « grand », servait d'éponyme pour le
calcul des années. — Le prêtre araméen se nommait
komér; il était prêtre de tel ou tel dieu. Josias chassa
les prêtres de cette espèce que ses prédécesseurs avaient
établis en Juda. IV Reg., xxm, 5. Osée, x, 5, signale
leur présence en Samarie, et Sophonie, I, 4, annonce
leur extermination. — Le temple phénicien avait ses
sacrificateurs, ses résidents' occupés à la liturgie, ses
barbiers pour raser les chevelures consacrées à la divi-
nité et pratiquer les incisions-rituelles, ses scribes, ses
hiérodules, ses portiers et ses esclaves, recevant tous
un salaire. Cf. Lagrange, Éludes, p. 217-221, 478-481.
A Sidon, le roi portait le titre de prêtre d'Astarthé,
comme le prouve l'inscription d'un sarcophage trouvé
en 1887 : « Tabnith, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon,
fils d'Eschmunazar, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon. »
Cf. Revue archéologique, m e série, t. x, 1887, p. 2.
4» Chez les Chananéens. — On constate chez les
Chananéens la pratique des libations, l'érection et l'onc-
tion des bétyles, celle des autels et des lieux sacrés,
l'immolation des victimes et même fréquemment les
sacrifices humains. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 1907,
p. 201-203. Toutes ces choses supposent un sacerdoce.
On n'a point de renseignements sur sa hiérarchie et
son fonctionnement. Mais les deux grandes divinités
chananéennes, Baal et Astarthé, survécurent à la prise
de possession du pays par les Israélites. Elles avaient
leurs prêtres qui perpétuaient leur culte et réusirent
souvent à le faire adopter par le peuple conquérant. A
ce titre, les prêtres chananéens se signalent de temps
en temps dans l'histoire d'Israël. Voir Astarthé, Baal>
1. 1, col. 1180, 1315.
5° Chez les Gréco-Romains. — Les prêtres des cultes
gréco-romains apparaissent dans les derniers récits de
l'histoire israélite et dans ceux du Nouveau Testament.
Voir Bacchus, t. i, col. 1374; Diane, t. n, col. 1405;
Hercule, Jupiter, t. m, col. 602, 1866; Mercure, t. iv,
col. 991. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, 1858, 1. 1, p. 280-287, t. m, p. 93-109.
III. Sacerdoce mosaïque. — /. son institution. —
Au Sinaï, Dieu donna l'ordre à Moïse de prendre son
frère Aaron et les fils de celui-ci, Nadab, Abiu, Éléazar
et Ithamar, pour qu'ils devinssent prêtres à son service.
Exod., xxviii, 1. Il prescrivit ensuite tout ce qui con-
cernait leurs vêtements et" leur consécration. Exod.,
xxviii, xxix. Lorsque tous les objets nécessaires au
culte furent préparés et que Jéhovah eut pris possession
du Tabernacle, Exod., xl, 34-38, Moïse procéda à la
consécration d' Aaron et de ses fils, Lev., vin, 1-36, et
huit jours après, leur fit inaugurer leurs fonctions par
l'offrande de sacrifices, d'abord pour eux-mêmes, et
ensuite pour le peuple. Lev., ix, 1-24. Mais bientôt, une
sanction sévère fut exercée contré deux des nouveaux
prêtres. Nadab et Abiu apportèrent devant Jéhovah
des encensoirs contenant du feu profane, qui n'avait
pas été pris sur l'autel. Ils furent immédiatement frap-
pés de mort. Moïse défendit à Aaron et à ses deux fils
survivants de prendre le deuil, et Jéhovah leur interdit
l'usage du vin et des boissons enivrantes, chaque fois
qu'ils auraient à exercer leur ministère dans le Taber-
nacle. Lev,, x, 1-11. Le châtiment si rigoureusement
iniligé aux deux coupables devait inculquer à tous cette
idée qu'aucune négligence n'était tolérable dans le
culte de Jéhovah. La prescription relative aux boissons
enivrantes autorise à penser que, si Nadab et Abiu
s'étaient si gravement trompés, leur manque d'atten-
tion venait de quelque abus dans l'usage de ces bois-
sons. Toute la tribu de Lévi, à laquelle appartenaient
Moïse et Aaron, fut substituée aux premiers-nés pour
être à Jéhovah et se consacrer à son service. Num.,m,
45. Un membre de cette tribu, Coré, et deux de la
tribu de Ruben, Dathan et Abiron,, jaloux de l'autorité
qu'exerçaient Moïse et Aaron, se concertèrent avec
deux cent cinquante autres Israélites, prétendant que
dans Israël tous étaient saints et avaient les mêmes
droits à l'exercice de l'autorité et du sacerdoce. Moïse
en appela au jugement de Jéhovah. Il convoqua les mé-
contents et leurs deux cent cinquante partisans, chacun
avec un encensoir, devant le Tabernacle. Tous s'y ren-
dirent; mais là, à la vue de tout le peuple, la terre
s'entr'ouvrit et engloutit Coré, Dathan, Abiron et leurs
familles, et un feu consuma les deux cent cinquante
autres. Le peuple ayant murmuré le lendemain contre
Moïse et Aaron, le Seigneur déchaîna une plaie qui fît
mourir quatorze mille sept cents personnes et ne s'ar-
rêta que quand Aaron exerça son rôle d'intercesseur,
dont la légitimité fut ainsi démontrée. Num., xvi, 1-50.
Dieu voulut encore confirmer son choix par un nouveau
miracle. Il fit déposer dans le Tabernacle douze verges,
au nom des douze tribus d'Israël; le lendemain, la
verge d'Aaron, représentant Lévi, fut trouvée fleurie, et
Dieu ordonna de la conserver en témoignage. Num.,
xvn, 1-11. Il décida en outre que les lévites feraient
le service du Tabernacle, mais que seuls Aaron et ses
fils rempliraient les' fonctions sacerdotales à l'autel et
au dedans du voile. Il ajouta : « Comme un service en
pur don, je vous confère votre sacerdoce. L'étranger
qui approchera sera mis à mort. » Num., xvm, 1-7. A
la mort d'Aaron, Éléazar fut investi du pontificat.
Num., xx, 25-28. A Phinées, fils d'Éléazar, qui se
montra plein de zèle contre l'idolâtrie, Dieu promit
« pour lui, et pour sa postérité après lui, l'alliance
d'un sacerdoce perpétuel ».Num., xxv, 13.
645
PRÊTRE
646
n. sa descendance d'aaron. — La volonté du
Seigneur était manifeste; ne pouvaient être prêtres que
les descendants d'Aaron. « Nul ne s'arroge cette dignité;
il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron. » Heb.,
v, 4. Quand Jéroboam établit son culte schismatique
et « fit des prêtres pris dans tous les rangs du peuple
et n'étant pas enfants de Léyi », III Reg., xil, 31, ces
derniers n'eurent donc de prêtres que le nom ; leur
sacerdoce était criminel et sans valeur. Au retour de
la captivité, on exclut du sacerdoce ceux qui ne purent
produire leur généalogie pour justifier de leur descen-
dance aaronique. I Esd., n, 62, 63; II Esd., vm, 63-65.
Josèphe, Gant. Apion., I, 7, dit qu'on prenait le plus
grand soin de maintenir dans toute sa pureté la des-
cendance sacerdotale, et que les prêtres qui résidaient
à l'étranger, à Babylone ou en Egypte, avaient pour
règle d'envoyer à Jérusalem leur généalogie, avec le
nom des témoins. Il ajoute qu'étant lui-même de race
sacerdotale, il a trouvé sa généalogie dans les archives
publiques. Vit., 1. Ces généalogies étaient en effet
d'intérêt général ; il importait donc de veiller officiel-
lement sur elles. — Pour maintenir la pureté de la
race sacerdotale, le prêtre ne pouvait épouser ni une
femme prostituée ou deshonorée, ni une femme répu-
diée. Lev., xxi, 7. Il n'était pas obligé d'épouser la fille
d'un prêtre, mais pouvait choisir une vierge ou une
veuve quelconque, pourvu qu'elle fût Israélite. Cf. Jo-
sèphe, Cont, Apion., I, 7; Ant. jud., III, XII, 2. Il lui
fut aussi interdit d'épouser celle que son beau-frère
refusait en mariage, cf. Sota, iv, 1; vm, 3; Makkoth,
m, 1, celle qui avait été prisonnière de guerre, cf. Jo-
sèphe, Ant. jud., III, xii, 2; XIII. x,5; Cont. Apion.,
i, 7, une prosélyte ou une esclave affranchie; la fille de
la prosélyte ou celle de l'esclave affranchie ne lui
étaient permises que si elles avaient une mère Israélite.
Cf. Yebamolh, vi, 5. Aussi le prêtre qui voulait se ma-
rier faisait-il l'enquête la plus sérieuse sur la condition
de celle qu'il désirait épouser. Cf. Kidduschin, rv, 4, 5.
Ézéchiel, xliv, 22, veut que le prêtre n'épouse ni une
veuve, sauf celle d'un prêtre, ni une répudiée, mais
seulement une vierge de la maison d'Israël. Cette res-
triction n'est pas entrée dans la pratique.
///. ses cowDiriox'S physiques. — Comme le bdru
babylonien, le prêtre israélite devait être exempt de
toute difformité corporelle. Il ne pouvait remplir les
fonctions sacerdotales si, malgré sa descendance aaro-
nique, il était aveugle ou boiteux, avait une mutilation
ou une excroissance, une fracture au pied ou à la
main, une bosse, une taille de nain, une tache à l'œil,
la gale, une dartr.e, une hernie. La Loi insiste pour
exclure de l'approche de l'autel ceux qui ont quel-
qu'une de ces difformités. Lev., xxi, 17-23. Ces diffor-
mités étaient en effet de nature à empêcher les prêtres
d'accomplir les actes liturgiques ou de conserver la
pureté légale et la dignité nécessaires à leur ministère.
Dans la suite, les docteurs juifs étudièrent ces cas
d'exclusion et, en spécialisant chacun d'eux par le dé-
tail, les portèrent à 142. Cf. Bechoj-oth, vu; Selden, De
successionein pontif. Ebr., n,5; Ugolini, Thés., t. xm,
p. 897. L'intégrité du corps devait être le symbole du
parfait état de l'âme, cf. Philon, De monarch., H, 5;
il était d'ailleurs de la plus haute convenance, pour
l'honneur de Dieu et l'édification du peuple, que les
ministres du culte eussent une attitude corporelle
irréprochable. Les cultes païens avaient souvent les
mêmes exigences, cf. Aulu-Gelle, i, 12; la difformité
corporelle-était de mauvais augure, et l'on écartait le
sacrificateur qui en était atteint. Cf. M. Sénèque, Con-
trov., rv, 2; Bâhr, Symbolik des rnosaischen Cultus,
Heidelberg, 1839, t. n, p. 42-61. — Il était interdit aux
prêtres en exercice de se raser complètement, d'enlever
les côtés de leur barbe, de se faire des incisions, Lev.,
XXI, 5, de laisser flotter leurs cheveux en désordre,
d'avoir des vêtements déchirés. Lev., x, 6. Il ne leur
était pas permis de couper leurs cheveux ou de laver
leurs vêtements la semaine où ils étaient de service,
afin que tous ces soins fussent pris à l'avance. Les doc-
teurs comptaient dix-huit cas empêchant le prêtre
d'exercer son ministère : l'idolâtrie, la naissance d'une
famille étrangère à celle d'Aaron, la difformité corpo-
relle, l'incirconcision, l'impureté, la nécessité d'attendre
au soir pour redevenir pur, l'obligation de se soumettre
à l'expiation, le deuil, l'ivresse, le manque de vête-
ments, leur trop grand nombre, leur déchirure, le
manque de coiffure, les pieds ou les mains non lavés,
s'asseoir pour remplir le ministère sacré ou se laver,
ne pas toucher directement de la main les objets sa-,
crés, ne pas tenir les pieds immédiatement sur le sol,
faire les actions sacrées de la main gauche. Cf. Seba-
chim, H,l; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741,
p. 96, 97.
iv. entrée en fonction. — 1» Age. — La loi ne
prescrivait rien quant à l'âge requis pour commencer
le service sacerdotal. Pour les lévites, on ne comprit
dans le premier dénombrement que ceux qui avaient
trente ans, Num., iv,3, 23, 47; I Par., xxin, 3; un peu
plus tard, cet âge fut abaissé à vingt-cinq, Num., vm,
23-26, et David le réduisit à vingt, lorsque les lévites
n'eurent plus à porter le tabernacle. I Par., xxm, 24-
27; cf. II Par., xxxi, 17; I Esd., m, 8. On s'en tint dans
la suite à cette règle qu'on pouvait entrer en fonction
dès qu'apparaissaient les signes de la virilité, pratique-
ment à la vingtième année. Cf. Babyl. Chullin, 24 b. —
Avant d'être admis au sacerdoce, il fallait, dans les der-
niers temps, subir un examen devant le sanhédrin ou
devant d'autres prêtres. Cf. Middoth, v.
2° Consécration. — Le jeune prêtre était consacré par
un bain de purification, l'imposition des vêtements
sacrés, l'onction et une série de sacrifices accompagnés
de cérémonies particulières, destinées à lui rappeler
ses droits et ses devoirs sacerdotaux. Exod.,xxix, 4-37;
xl, 13-15; Lev., vm, 2-36. Les textes ne disent pas si
le bain de purification était pour tout le corps, ou seu-
lement pour les pieds et les mains, comme dans le
service quotidien. Exod., xxx, 19.
3° Vêtements. — Les vêtements sacrés, imposés au
nouveau prêtre, étaient au nombre de quatre (fig. 172) :
le caleçon de lin, voir Caleçon, t. h, col. 60; la tunique
de lin, voir Tunique; la ceinture brodée, voir Abnêt,
t. i, col. 66; Ceinture, t. n, col. 389, et la mitre de lin,
voir Mitre, t. iv, col. 1135. Les prêtres pouvaient porter
ces vêtements tant qu'ils étaient dans le Temple, hormis
la ceinture qu'ils devaient quitter sitôt leur ministère
accompli. Cf. Gem. Tarnid, 61, 2; Geni. Yoma, 69,
1. L'usage des vêtements sacrés était prohibé hors du
Temple; les prêtres les y déposaient dans une chambre
spéciale. Quand ils étaient usés, ces vêtements servaient
à fabriquer des mèches pour les lampes. Cf. Gem.
Schabbath,?,l,\;l%,%
4° Onction. — Des onctions furent certainement faites
aux fils d'Aaron. Exod., xxx, 30; xi,, 14; Lev., x, 7.
D'autres textes ne semblent parler d'onction qu'à pro-
pos d'Aaron, Exod., xxix, 5-8; Lev., vm, 7-13,de sorte
que le grand-prêtre est appelé par excellence le « prêtre
oint ». Lev., xvi, 32; xxi 12; Num., xxxv, 25, etc. La
contradiction disparaît si l'on observe que le grand-
prêtre recevait sur la tête une onction abondante, cf.
Ps. cxxxii, 2, tandis que les simples prêtres étaient seu-
lement aspergés d'huile. Exod., xxix, 21; Lev.,vm,30.
Ils étaient oints comme le pontife, Exod., xl, 15, mais
d'une manière plus sommaire. Cf. Fr. de Hummelauer,
In Exod. et Lev., p. 290-291. Voir Onction, t. iv,
col. 1805, 1806. — On emplissait ensuite les mains des
prêtres, ce qui signifie qu'on leur conférait les pou-
voirs nécessaires à leur ministère, et l'on offrait les
sacrifices prescrits, le veau pour le péché, Exod., xxix,
647
PRÊTRE
10-14, le bélier en holocauste, Exod., xxn, 15-18, et le
bélier de consécration. Exod., xxix, 19-28. Voir Grand-
prêtre, t. ni, col. 297. Ct.H'Ahr,Symbolik, t. H, p. 166-
168. Toutes ces cérémonies duraient sept jours.
Exod., xxix, 35; Lev., vin, 33. — On s'est demandé si
les cérémonies de la consécration sacerdotale n'avaient
pas été accomplies une fois pour toutes dans la per-
sonne des fils d'Aaron. Philon, Vit. Mosis, m, 16-18,
et Josèphe, Ant. jud., III, vin, 6, se contentent de re-
produire les passages bibliques, sans rien ajouter à ce
sujet. Plusieurs auteurs pensent que la première con-
sécration a suffi pour toute la suite des générations
sacerdotales, et que le nouveau prêtre n'avait qu'à pré-
senter l'offrande indiquée. Lev., vi, 15. Cf. Iken, Anti-
quitates hebraicœ, Brème, 1741, p. 112; Munk, Pales-
172. — Prêtre hébreu revêtu de ses vêtements sacerdotaux.
D'après Galmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Prêtre.
Une, Paris, 1881, p. 174; Zschokke, Historia sacra,
Vienne, 1888, p. 114. Mais, d'après Schûrer, Geschiehte
des jùd. Volkes, t. H, p. 232, cette opinion ne s'appuie-
rait que sur l'interprétation défectueuse des textes rab-
biniques qui rappellent au nouveau prêtre l'obligation
de présenter l'offrande en question avant toute autre.
Le silence des auteurs sacrés postérieurs ne peut
d'ailleurs permettre de nier la consécration particulière
des prêtres dans le cours des âges.
5° Symbolisme. — Toutes les prescriptions relatives
à la consécration des prêtres avaient leur sens symbo-
lique. Les cérémonies duraient sept jours pour leur
faire entendre qu'ils entraient au service de celui qui
avait créé le monde en six jours suivis d'un septième
jour de repos. Cf. Rosenmûlïer, Intewt., Leipzig, 1798,
p. 51. Parmi les difformités qui excluaient du sacerdoce
figuraient aussi des défauts de l'ordre moral. La blan-
cheur des vêtements sacerdotaux rappelait la gloire
et la sainteté divines, au service desquelles les prêtres
étaient appelés. Le caleçon marquait 'la chasteté du
prêtre, la tunique de lin sa pureté de vie, la ceinture sa
discrétion, la mitre sa droiture d'intention. Cf. S.Tho-
mas, Summ. t'heol., 1' II*, Cil, 5 ad 10. Sur le symbo-
lisme de l'onction, voir t. rvcol. 1806.
v. classement. — Quand les fils d'Eléazar et d'Itha-
niar se furent multipliés, il ne leur fut plus possible
d'être tous employés en même temps au service du
culte. A l'époque de David, il se trouvait seize chefs de
famille parmi les descendants d'Eléazar, et huit seule-
ment parmi les descendants d'Ithamar. On tira au sort
le rang que devaient occuper ces vingt-quatre chefs,
afin qu'ils prissent à tour de rôle le service du culte
avec les prêtres de leur famille. I Par., xxiv, 3-19;
II Par., vin, 14. Cette organisation fonctionna jusqu'à
la captivité de Babylone. Au retour, il ne se trouvra plus
que quatre chefs de familles sacerdotales, Jadaïa, avec
973 prêtres, Emmer, avec 1052, Pheshur, avec 1247, et
Harim, avec 1017. I Esd., h, 36-38; II Esd., vu, 39-
42. Avec Zorobabel, il y eut 22 chefs de familles sacer-
dotales, II Esd., x, 2-8; xn, 1-7, et 21 seulement dans
une autre liste. Il Esd., xii, 12-21. Tous les noms ne
sont d'ailleurs pas identiques, ce qui indique des chan-
gements dans l'organisation. Plus tard, on cite encore
comme chefs de classes sacerdotales Joarib, IMach., h,
1; xiv, 29, et Abia. Luc, i, 5. Josèphe, dans un passage
dont nous n'avons que la traduction latine, et où le
nombre 20 manque, d'après plusieurs critiques, Cont.
Apion., h, 7, ne mentionne que quatre classes de cinq
mille prêtres chacune. Mais ailleurs, Ant. jud., VII, xiv,
7; Vit., l,il parle de vingt-quatre classes qui se sont
maintenues jusqu'à son époque. Ce dernier nombre est
celui que reproduit toute la tradition juive. Cf. Taa-
nith., iv, 2; Sukka, v, 6-8; Jer. Taanith., iv, 68a; To-
sephta Taanith., Il ; Ugolini, Thésaurus, t. xm, p. 876.
— Les classes sacerdotales s'appelaient niahleqôf,
ÈÇYiiiÊpi'ai, divisiones, I Par., xxvm, 13, 21; II Par.,
vin, 14; xxm, 8; xxxi, 2, 15, 16, vices, Luc, i, 8; bê(
'âbôt, oïxot Tcaxpifiv, « maisons des pères », familix et
domus, I Par., xxiv, 4, 6, ou mismârôt, « gardes »,
XsiToupfefaL, observationes, II Par., xxxi; 16, ècp-r)u,Epi'ai,
ordines, II Esd. xm, 30. Dans la pratique, on réservait
le nom de mUmâr pour la ciasse, et celui de bêt 'âb
pour ses subdivisions. Cf. Taanith, n, 8, 7. Josèphe ap-
pelle la classe ita-cpla, Ant. jud., VII, xiv, 7, ou if-r^zoiç,
Vit., 1, et la subdivision ç-jXt]. Vit., 1; Bell, jud., IV,
m, 8. Les subdivisions de chaque classe variaient de
cinq â neuf. Cf. Jer. Taanith, îv, 68a. A la tète des
classes étaient des sârîm, « princes », apx«vT-£ç, prin-
cipes, I Par., xxiv, 5; II Par., xxxvi, 14; I Esd., vm,
24, 29; ,x, 5, ou des rd'sîm, « chefs ». I Par., xxiv, 4,
6; II Esd., xn, 12. Par la suite, ee dernier titre désigna
spécialement les chefs des subdivisions. Le nom de
zdqên, « ancien », a aussi quelquefois le même sens.
Cf. Yonia, i, 5; Tamid, i, 1; Middoth, i, 8. Au-dessus
de toutes les classes s'exerçait naturellement l'autorité
du grand-prêtre.
vi. fonctions BANS le temple. — 1° Service hebdo-
madaire. — Chaque classe faisait le service du temple
pendant une semaine. C'est ce qu'on appelait «l ^uip«i
Tfj; XstTouyfaç» Aies officii, « les jours de service ».
Luc, i, 23. Le service se prenait le jour du sabbat,
IV Reg., xi, 6; II Par., xxni, 4; la classe sortante
offrait encore le sacrifice du matin, et la classe sui-
vante le sacrifice du soir. Cf. Tosephta Sukka, iv, 24-
25; Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 7; Cont. Apion., n,
8. Pendant les semaines de la Pâque, de la Pentecôte
et des Tabernacles, les vingt-quatre classes étaient de
service en même temps. Cf. Sukka, v, 6-8. On n'a au-
cune donnée certaine sur l'ordre dans lequel les
vingt-quatre classés se succédaient pour le service
hebdomadaire. C'est donc sans aucun résultat qu'on a
cherché à déduire l'année de la naissance de Jésus-
Christ d'après la semaine de service attribuée- à la
classe d'Abia. Luc, i, 5. On lit bien dans le Bdbyl.
Taanith, 29a, que la classe de Joarib était de service au
moment delà destruction du Temple; mais cette in-
formation est tardive et peu sûre, et encore, pour en
649
PRÊTRE
650
tirer parti, faudrait-il savoir exactement quel rang
occupaient les deux classes et à quelle époque de l'an-
née eut lieu l'annonciation de Jean-Baptiste. Quand
une classe prenait le service, chaque jour de la semaine
était attribué à une ou plusieurs de ses subdivisions.
2° Interdictions. — 11 était interdit aux prêtres du
service hebdomadaire de se raser, sauf le sixième jour
à cause du sabbat, d'avoir commerce avec leurs femmes
et de boire du vin durant le jour; ceux qui étaient de
service un jour déterminé ne pouvaient même en boire
ni ce jour-là, ni la nuit, parce que c'était de nuit qu'on
brûlait les graisses sur l'autel. Cf. Taanith, H, 7. Ces
prohibitions s'inspiraient de la défense portée par le
Seigneur, Num., x, 9, et aussi de la nécessité, pour le
prêtre, d'être totalement et exclusivement à la fonction
sainte qui lui était confiée, Elles lui rappelaient en
même temps les dispositions morales de dévouement,
de pureté et de pénitence que réclamait de lui le service
du Seigneur.
3° Tirage au sort. — Chaque jour on faisait désigner
par le sort les prêtres qui devaient remplir les différents
offices. Luc, i, 9. Ce tirage au sort se répétait quatre
fois. Le premier sort désignait celui qui devait porter
les charbons de l'autel extérieur usque dans le parvis
intérieur. Le second sort pourvoyait aux treize fonc-
tions suivantes : 1. égorger l'agneau; 2. en répandre le
sang; 3. enlever la cendre de l'autel intérieur; 4. dis-
poser les lampes; 5. porter à la montée de l'autel la
tête et une jambe postérieure de l'agneau; 6. les deux
épaules. 7. la croupe avec la queue, l'autre jambe et les
reins; 8. la poitrine et la gorge;9. les deux côtés; 10. les
intestins sur un plateau et les pieds; 11. l'offrande de
farine; 12. le gâteau du grand-prêtre; 13. la libation de
vin. Le troisième sort portait sur le prêtre qui devait
brûler l'encens; on le choisissait parmi ceux qui
n'avaient pas encore exercé cette fonction, à laquelle on
ne pouvait être appelé qu'une fois dans sa vie. Enfin le
quatrième sort désignait celui qui devait porter les
membres de la victime de la montée de l'autel jusqu'à
l'autel même.
4" Cérémonies. — Le détail de toutes les cérémonies
quotidiennes est donné par le traité Tamid. On y voit
que les prêtres de service, qui couchaient dans une
chambre du parvis intérieur, se mettaient à l'œuvre
avant même le lever du jour. Avant de procéder à
l'exercice de sa fonction, chacun se lavait les mains et
les pieds au bassin d'airain qui se trouvait entre le
Temple et l'autel. Dès que le jour paraissait, on prenait
un agneau dans la chambre des agneaux et les 93 usten-
siles qui servaient cKàque jour dans la chambre des
ustensiles. Pendant ce temps, les deux prêtres chargés
de nettoyer l'autel des parfums et les lampes arrivaient,
l'un avec une clef d'or, l'autre avec un vase d'or, ou-
vraient la grande porte du Temple et remplissaient leur
office, en disposant d'abord les cinq lampes qui étaient
au couchant, puis les deux autres, à moins que ces
dernières ne fussent éteintes, car alors on commençait
• par elles. C'est seulement à l'ouverture de la porte qu'il
était permis d'immoler l'agneau. Sur les cérémonies du
sacrifice lui-même, voir Sagrifice, Libation, t. iv,
col. 234; Obiation, col. 1727; Parfum, col. 2164.
Quand tout était disposé pour le sacrifice, les prêtres
se rendaient dans la chambre ha-gasith pour y réciter
le schéma du matin. Voir Prière. Cf. Tamid, iv, 1-3.
Ensuite, les prêtres que le sort n'avait désignés pour
aucune fonction quittaient leurs vêtements sacres. On
procédait alors à l'offrande de l'encens et on brûlait
l'holocauste sur l'autel. Enfin, les cinq prêtres qui
avaient été employés à l'offrande de l'encens se ren-
daient à l'entrée du Temple et prononçaient sur le peuple
la formule de bénédiction prescrite, Num., vi, 24-26, en
élevant les mains et en remplaçant le nom de Jéhovah
par Adonaï. Cf. Tamid, vu, 2; Sota, vu, 6. Les mêmes
cérémonies se répétaient pour le sacrifice du soir, qui
avait lieu vers trois heures de l'après-midi. Mais on ne
tirait au sort que le nom de celui qui devait offrir l'en-
cens. Cf. Gem. Yoma, 26, 1. L'encens était offert
avant le sacrifice, et les prêtres n'y donnaient pas la
bénédiction au peuple.
5° Fêtes. — Outre les sacrifices quotidiens, les
prêtres en avaient d'autres à offrir à l'occasion des
néoménies et des fêtes, à la Pâque, à la Pentecôte, à
la fête des Tabernacles, à la nouvelle année et au jour
de l'Expiation. Voir ces mots. Ils avaient aussi à s'oc-
cuper des nombreux sacrifices de toute nature que fai-
saient offrir les particuliers.
6» Garde du Temple. — Ils avaient également à
garder le Temple. Les portes en étaient fermées à la
tombée de la nuit et ouvertes au point du jour. Les
prêtres qui couchaient dans le parvis antérieur et à qui
incombait le service du jour suivant, gardaient les
clefs et les transmettaient à ceux qui devaient servir
après eux. Le matin, le préfet du Temple les recevait
pour l'ouverture des portes. Cf. Middoth, i, 8, 9;
Tamid, i, 1.
7» Trompettes. — Enfin, les prêtres avaient à sonner
de la trompette dans le Temple. Num., x, 8-10; II Esd.,
xn, 41. Chaque jour ils sonnaient vingt et one fois,
trois fois à l'ouverture des portes, neuf fois à la liba-
tion du matin et neuf fois à celle du soir. Cf. Sukka,
v, 5. Voir Trompette.
8° Dignitaires. — Un certain nombre de prêtres rem-
plissaient, sous l'autorité du grand-prêtre, les charges
qui réclamaient des titulaires permanents. Les gisbd-
rim, YaÏQcpuXaxeç, « gardiens du trésor », veillaientsur
tous les biens du Temple, mobilier et apports. Les
fonctions principales de ce service après ta captivité
de Babylone, étaient confiées à des prêtres, II Esd.,
xin, 13, les autres à des lévites. I Par., ix, 28, 29;
xxvi, 20-28; II Par., xxxi, 11-19. Il fallait surtout des
prêtres préposés au bon ordre du culte quotidien,
puisque ceux qui s'acquittaient des fonctions de ce culte
n'avaient en général à s'en occuper que deux jours par
an, ce qui ne leur permettait guère de s'en rappeler
tous les détails. Il y avait donc, au moins dans les der-
niers temps, quinze prêtres préposés aux services sut-
vants : le sceau, les libations, les sorts, l'argent pour
l'achat des victimes, la santé des prêtres malades des
entrailles (voir t. iv, col. 910), les eaux, les temps, les
portes, la discipline, les cymbales, la direction du chant,
les pains de proposition, le parfum, les voiles, les vête-
ments. Cf. Schekalim, v, 1. Le préposé aux sorts prési-
dait aux tirages au sort au moyen desquels on désignait"
chaque jour les prêtres chargés d'un office. Le préposé
au sceau délivrait des cachets pour se procurer les liba-
tions auprès du préposé aux libations. Le préposé à l'ar-
gent pour l'achatdes victimes recueillait l'argent déposé
dans le tronc destiné à cet usage et prenait soin de four-
nir en échange les victimes convenables. Le préposé aux
temps était le héraut chargé le matin d'appeler chacun
à son poste. Le préposé à la discipline avait à réveiller
et même à corriger les lévites trop lents à se mettre
sur pied. Le Talmud parle encore d'autres fonction-
naires : le sagan, voir Sagan, les amarkelin, cf. Sche-
kalim, v, 2, probablement chargés de la caisse et des
comptes, et des xaBoXtxo!, cf. Jer. Schekalim, v, 49 a,
probablement des trésoriers ou des subordonnés du
sagan .Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 88-91 ; Schûrer,
Geschichtè des jûdischen Volkes im Zeitalter Christi,
t. n, p. 269-299.
vu. autres fonctions. — 1° A la guerre. — Avant le
combat, un prêtre était chargé de parler au peuple
pour l'exhorter au courage et à la confiance en Dieu.
Deut., xx, 2-4. Cf. Num., xxxi, 6; I Reg., iv, 4; II Par.,
xm, 12. On appelait ce prêtre 1' « oint du combat », et
L'onction qu'il recevait l'assimilait au grand-prêtre sur
651
PRÊTRE
652
plusieurs points, mais ne conférait pas l'hérédité de la
charge. Cf. Sota, vjii, 1; Gem. Yoma, 73, 1. Judas
Machabée parait avoir rempli la fonction d' « oint du
combat ». I Mach., m, 55, 56.
2° Lois de pureté. — Les prêtres étaient chargés de
l'application des lois concernant la pureté légale. Ils
devaient savoir discerner le saint du profane, le pur de
l'impur. Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., xxn, 26; xliv, 23.
Agg., h, 11-14. Ces lois étaient devenues très compli-
quées, grâce aux décisions de détail portées par les
docteurs. Voir Impureté légale, t. m, col. 857-860;
cf. Reland, Antiquitates sacrœ, p. 105-112. Dans les
cas ordinaires, les prêtres constataient l'impureté, s'il
était nécessaire, indiquaient sa durée et le moyen de la
taire disparaître; dans les cas douteux, ils éclairaient
celui qui les consultait. Us intervenaient nécessaire-
ment dans le cas de la femme soupçonnée d'adultère,
Num., v, 11-31, voir Eau de jalousie, t. n, col. 1522;
dans l'examen et la purification du lépreux, Lev., xm,
xiv, voir Lèpre, t. iv, col. 180-184; dans l'examen delà
lèpre des vêtements et des maisons, Lev., xm, 53-59;
xiv, 34-53, voir t. iv, col. 186, 187, et dans tous les cas
analogues d'impureté légale. Lev., xv, 1-33. Le juge-
ment d'un seul prêtre suffisait pour la constatation
de la lèpre. Cf. Gem. tfidda, 50, 1; Siphra, 100, 1.
3° Estimations. — Certains rachats s'opéraient
moyennant un prix laissé à l'estimation du prêtre,
pour les personnes, Lev., xxvn, 3-8, pour les animaux,
Lev., xxviij 12, 13, 27, pour les maisons. Lev., xxvii,
14, 15. Voir Rachat.
4» Jugements. — Quand une affaire relative à un
meurtre, à une contestation, à une blessure, était trop
difficile à juger, on la soumettait à la décision des
prêtres. Deut., xvn, 8-12. Ils intervenaient spéciale-
ment dans le cas d'un meurtre dont l'auteur était
inconnu. Deut., XXI, 5. Josaphat mit des prêtres au
nombre des juges, II Par., xix, 8-10; cf. Ezech., xliv,
24, bien que la fonction de juge fût habituellement
confiée aux anciens. Voir Juge, t. m, col. 1835. Quand
commença à fonctionner le tribunal suprême appelé
sanhédrin, des prêtres en firent partie.
5° Enseignement. — La Loi ordonnait aux prêtres
d' « enseigner aux enfants d'Israël toutes les lois que
Jéhovah leur a données par Moïse ». Lev., x, 11 ;
cf. Deut., xxxiii, 10. Ils s'acquittèrent de cette tâche
d'une manière qui fut loin d'être toujours parfaite. La
foi au vrai Dieu disparaissait quand cessait l'enseigne-
ment du prêtre. II Par., xv, 3. Josaphat envoya dans
Juâa, pour y prêcher la loi de Jéhovah, cinq de ses
chefs, neuf lévites et seulement deux prêtres. II Par.,
xvn, 7-9. Ézéchiel, xxn, 26, se plaint que les prêtres
n'enseignent plus à distinguer entre le saint et le pro-
fane, le pur et l'impur; il annonce que, chez le peuple
régénéré, ils enseigneront ces choses. Ezech., xliv, 23:
Michée, m, 11, les accuse de prendre un salaire pour
enseigner. Aggée, n, 12, constate que les prêtres de
son temps ne savent pas faire la distinction dont parle
Ézéchiel. Malachie, n, 7, 8, leur adresse les mêmes
reproches : « Les lèvres du prêtre sont les gardiennes
de la science, et c'est de sa bouche qu'on demande
l'enseignement, parce qu'il est l'ange de Jéhovah des
armées. Mais vous, vous vous êtes écartés de la voie,
vous en avez fait trébucher plusieurs contre la loi, vous
avez perverti l'alliance de Lévi. » Il est probable que
le texte du Lévitique se rapportait beaucoup plus à la
loi rituelle qu'à la loi morale. La connaissance de
cette dernière venait de la conscience même, et, chaque
année sabbatique, les prêtres devaient donner au
peuple lecture du livre qui la rappelait. Deut., xxxi,
9-13. En fait, l'enseignement moral et religieux donné
par les prêtres semble avoir été assez restreint. Voir
Enseignement, t-. il, col. 1813. Les prophètes s'en char-
gèrent pendant un temps ; puis, après la captivité, les
docteurs ou scribes, avec moins d'autorité et de sûreté
dans la doctrine, prirent la tâche de l'enseignement.
Les prêtres, uniquement occupés de leurs fonctions
rituelles, s'en désintéressèrent à peu près complète-
ment, sauf ceux d'entre eux qui devinrent docteurs de
la loi. C'est ce qui fait que les prêtres d'Israël n'exer-
cèrent qu'une influence médiocre sur le développement
et la garde des idées morales et religieuses dans leur
nation.
vni. résidence. — Quand les Israélites occupèrent
la Palestine, quarante-huit villes furent assignées aux
membres de la tribu de Lévi, pour servir d'habitation
aux prêtres et aux lévites. Num., xxxv, 1-8. Voir LÉvi-
tiques (Villes), t. iv, col. 216. Parmi ces villes, treize
étaient spécialement destinées aux prêtres dans les
tribus de Juda, de Siméonet de Denjamin, par consé-
quent dans le voisinage de Jérusalem. Jos., xxi, 4. Voir
l'énumération de ces villes, t. iv, col. 217. Pourtant les
prêtres n'étaient pas confinés dans ces seules villes.
Partout ailleurs, ils pouvaient s'établir à leur gré, mais
en s'achelant eux-mêmes des maisons et des champs.
Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 373.
C'est pourquoi, à l'époque du schisme de Jéroboam,
les prêtres et les lévites « qui se trouvaient dans tout
Israël », voyant qu'on les empêchait de remplir leurs
fonctions en l'honneur de Jéhovah, abandonnèrentleurs
champs et leurs propriétés pour passer en Juda et à
Jérusalem. II Par., xi, 13, 14. Après la captivité, les
prêtres et les lévites s'établirent dans leurs villes, ce
qui s'entend seulement du pays mis à la disposition
des nouveaux arrivants, c'est-à-dire de Jérusalem et
de Juda. II Esd., vif, 6, 73. A Jérusalem même se fixèrent
1192 prêtres, II Esd., xi, 4, 10-14, 1760 d'après II Par.,
rx, 13. Les villes et bourgades de Juda en reçurent
aussi. I Esd., n, 70; II Esd., vu, 73; xi, 3, 20, 36.
Le voisinage de Jérusalem était certainement préféré,
parce qu'il rendait plus faciles les voyages au Temple. Le
prêtre Zacharie demeurait dans la montagne de Juda.
Luc, i, 39.
ix. ressources. — Les prêtres, comme tous les
lévites, n'avaient pas de domaine territorial; ils appar-
tenaient exclusivement au service de Dieu, et Dieu de-
vait être lui-même leur part et leur héritage au milieu
d'Israël. Num., xvm, 20; Jos., xm, 14. Voici parquels
moyens Dieu assurait leur subsistance et celle de leur
famille. Il y a quelques divergences de détail à ce
sujet entre le Lévitique et le Deutéronome; mais elles
se concilient assez aisément, ou parfois accusent une
modification dans la législation.
1» Sacrifices. — Dans le sacrifice pour le péché, tout
revenait au prêtre, Num., xvm, 9, 10, sauf l'un des
deux oiseaux qu'offraient les pauvres, Lev., v, 7, et tout
ce qui était offert pour le péché d'un prêtre. Lev., vi,
23. —Dans le sacrifice pour le délit, tout revenait égale-
ment au prêtre. Lev., vu, 7; Num., xvm, 9,10.— Dans les
oblations, tout était pour le prêtre, sauf la poignée de
farine prélevée pour l'autel. Lev., n, 3, 10; vi, 9-11;
vu, 9, 10, 14; x, 12, 13; Num., xvm, 9, 10; Ezech.,
xliv, 29. — Les prêtres avaient encore pour eux les
douze pains de proposition. Lev., xxiv, 5-9. —Dans les
sacrifices pacifiques, la poitrine et la cuisse droite de
la victime étaient pour le prêtre. Lev., vu, 30-34; x,
14, 15. — Dans les holocaustes, les prêtres n'avaient
pour eux que la peau de la victime ; mais le revenu ne
laissait pas que d'être fort appréciable, à cause du grand
nombre des victimes. Cf. Philon, De prœmiis sacer-
dot., 4, édit. Mangey, t. n, p. 235. Le rituel babylo-
nien assignait aussi, aux prêtres et aux serviteurs des
temples, la part des victimes qui devait leur revenir
après les sacrifices de bœufs et de moutons, ainsi que
les poissons, légume's, vêtements, etc., auxquels ils
avaient droit. Cf. Dhorme, Textes religieux, Paris,
1907, p. 391-393.
653
PRETRE
654
2° Prémices. — Elles portaient sur le froment, l'orge,
les raisins, les figues, les grenades, les olives et le
miel. Deut., vin, 8; xxyi, 5-10; Num., xvm, 13;
II Esd., x, ;36. Voir Prémices, col. 598. On y joignait
ce qu'on appelait la (erûmdh, « offrande », prélevée
sur le meilleur des champs et des arbres fruitiers, et
consistant surtout en grains, vin et huile. On donnait
de 1/40 à 1/60 de la récolte, suivant la générosité de
chacun. Num., xyhi, 12; II Esd., x, 38. Cf. Terumoth,
i, 7; iv, 3; etc.
3° Dîme. — Elle portait sur tout ce qui croît de la
terre et sert à la nourriture. Elle servait à alimenter
non seulement les prêtres, mais aussi les lévites, qui
d'ailleurs versaient encore aux prêtres la dîme de la
dîme. Num., xvm, 20-32; II Esd., x, 38-40. Voir Dîme,
t. il, col. 1434.
4» Pain. — On devait aux prêtres une partie du
pain préparé, Num., xv, 17-21; II Esd., x, 28, ce que
saint Paul appelle àirapx*! xo " ù «pupi|JiaTo;, « prémices
de la masse », Rom., xi, 16, et ce qui fait l'objet du
traité Challa de la Mischna. La redevance portail sur
1/24 pour les particuliers et sur 1/48 pour les boulan-
gers. Challa, h, 7.
5» Premiers-nés. — Exod., xni, 11-16; xxii, 29, 30;
xxxiv, 19, 20; Deut., xv, 19-23. Le premier-né de la
femme était racheté au prix de cinq sicles d'argent,
qu} appartenaient aux prêtres. Num., xvm, 15, 16;
II Esd., x, 37. Le premier-né des animaux purs leur
était aussi destiné, sauf la graisse et le sang, qui
allaient à l'autel. Num., xvm, 17-18; Deut., xv, 19, 20;
II Esd., x, 37. S'il avait quelque défaut, sa destination
était la même, mais on ne l'offrait pas à l'autel. Deut.,
xv, 19-23. Le premier-né des animaux impurs se rache-
tait à prix d'argent, sauf celui de l'âne, qui se rache-
tait pour un agneau, toujours au profit des prêtres.
Exod., xm, 13; xxxiv, 20; Num., xvm, 15; II Esd-, x,
37. Voir Premier-né, col. 603; Rachat.
6° Viande. — Sur tout animal de gros ou menu bé-
tail que l'on abattait, les prêtres avaient droit à trois
morceaux, l'épaule, les mâchoires et l'estomac. Deut.,
xvm, 3. Cf. Chullin, x.
7° Toisons. — Deut., xvm, 4; Tob., i, 6. Cf. Chullin,
xi, 1, 2. La redevance n'était due que par celui qui
avait plusieurs brebis, deux d'après l'école de Scham-
maï, cinq d'après celle de Hillel.
8° Vœux. — Le produit des vœux de toute nature de-
vait être versé aux prêtres, soit sous forme réelle, soit
sous forme de rachat, Lev., xxvji, 2-33; Deut., xxm, 21-
23; Matth., xv, 5; Marc, vu, 11; mais il était probable-
ment employé aux besoins du culte. Cf. Schekalim, iv,
6-8. Voir Rachat, Vœu.
9° Anathèmes. — Tout ce qui était voué à Jéhovah
par anathème, sauf les personnes, allait aux prêtres sans
pouvoir être racheté. Lev., xxvn, 28; Num., xvm, 14;
Ezech., xliv, 19.
10° Restitutions. — Quand un coupable voulait réparer
le préjudice causé au prochain, il rendait le bien mal
acquis avec majoration d'an cinquième, et si le lésé
n'était plus là et n'avait plus de représentant, la resti-
tution profitait aux prêtres. Num., v, 6-10. Cf. Schûrer,
Geschichte, t. u,p. 243-257; F. Buhl, La société Israélite
d'après l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 135-139.
X. USAGE des RESSOURCES. — 1° Centralisation. — Cer-
taines ressources, à raison de leur nature même, comme
le pain, la viande, etc., ne pouvaient être portées au
loin. On les remettait donc au prêtre là où il se trou-
vait. Cf. Terumoth, II, 4. D'après Challa, IV, 8, 9, on
pouvait remettre à tout prêtre le pain, le produit de
l'anathème, les animaux premiers-nés, l'argent du ra-
chat du fils prem}er-né, celui du premier-né de l'âne,
les morceaux de l'animal abattu, la toison. Tout le reste
était centralisé à Jérusalem. II Par., xxxr, 11, 12;
II Esd., xii, 43; xm, 5; Mal., m, 10.
2° Répartition. — Les ressources sacerdotales, au
moins celles qui étaient apportées à Jérusalem, se ré-
partissaient entre tous les prêtres. Sous Ézéchias, les
distributions se faisaient dans les villes sacerdotales par
des lévites préposés à ce service. II Par., xxxi, 15-19.
Les prêtres qu'une difformité corporelle écartait du ser-
vice de l'autel avaient part aux distributions au même
titre que lesautres. Lev., xxi, 22. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
III, xii, 2; Bell, jud., V, v, 7; Sebachim, xii, 1.
3" Consommation. — Les choses très saintes ne pou-
vaient être consommées que par les prêtres seuls dans
le Temple; on en comptait dix : les quadrupèdes du
sacrifice expiatoire, les oiseaux du même sacrifice, les
victimes pour le délit certain, celles pour le délit dou-
teux, celles des sacrifices pacifiques publics, le log
d'huile du lépreux, les deux pains de la Pentecôte, les
pains de proposition, les restes des oblations et la gerbe
pascale. On en comptait quatre autres qui devaient être
utilisées à Jérusalem même : les premiers-nés des ani-
maux, les prémices, ce qu'on réservait dans le sacrifice
du nazaréen et les peaux des victimes très saintes. En-
fin, il y en avait dix dont on pouvait faire usage hors de
Jérusalem : la terumah, la dîme des dîmes, le pain de
la challa, ce qui provenait des animaux abattus, le prix
du rachat du fils premier-né, celui du premier-né de
l'âne, le champ voué à Jéhovah, le champ de l'anathème
et le produit de la restitution dévolue aux prêtres.
Cf. Reland, Antiquitates sacrx, p. 97, 98. Tous ces
biens, à l'exception des dix premiers qualifiés de « choses
très saintes », pouvaient être utilisés par le prêtre et sa
famille, femmes, filles et esclaves; mais elles étaient
interdites au mercenaire et à la fille mariée à un homme
qui n'était pas prêtre. Lev.,xxn, 1-16. Dans tous les cas,
il fallait être en état de pureté légale pour participer à
l'usage de ces biens.
4° Condition économique des prêtres. — La législa-
tion assurait ainsi, d'une manière assez large, la subsi-
stance des prêtres. Car, ce n'étaient pas seulement •
leurs compatriotes de Palestine qui leur versaient de
multiples redevances; ceux de la dispersion ne man-
quaient pas de remplir leur devoir à cet égard. Cf. Cha l-
la, iv, 7-11 ; Chullin, x, 1 ; Philon, De monarch., n, 3;
Leg. ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, t. n, p. 224, 568,
592; Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2; XVI, vi, 2-7; Ci-
céron, Pro Flacco, 28, etc. D'autre part, les prêtres
n'avaient pas à s'occuper des besoins du culte, puisque
des redevances spéciales y pourvoyaient. Rien ne les
empêchait d'acquérir des propriétés en dehors de leurs
villes, et, à ce point de vue, ils étaient assimilés aux
autres Israélites. III Reg., n, 26; Jer., i, 1; etc. Mais,
en tant que prêtres, ils n'avaient pas d'autre propriété
territoriale que celle qui leur était assignée par la Loi,
et comme les redevances qui leur étaient servies étaient
à peu près toutes de nature mobilière, il n'y avait pas
à craindre que la propriété foncière s'accumulât entre
leurs mains. Au retour de la captivité, Artaxerxès ne
voulut pas que les prêtres et les autres ministres du
Temple fussent soumis aux impôts communs. I Esd., vu,
24. Sans doute, le nombre des prêtres avait augmenté
avec le temps ; mais les autres familles israélites s'ac-
croissaient dans la même proportion que celle d'Aaron,
et, avec la population, augmentaient les sacrifices, les
dîmes et les autres sources de revenus. Dieu avait ainsi
voulu assurer à ses prêtres une situation honorable aux
yeux d'un peuple qui regardait l'aisance et la prospé-
rité temporelle comme les marques habituelles de la
faveur divine. H ne fallait pas non plus que les prêtres
de Jéhovah fissent trop mauvaise figure à côté de ceux
des dieux égyptiens et babyloniens, et des prêtres schis-
matiques ou idolâtriques de leur voisinage immédiat.
Tous auraient donc pu vivre à l'aise si les redevances
recueillies leur avaient toujours été équitablement ré-
parties.
655
PRÊTRE
656
XI.'LES PBÉ1RBS DANS L'HISTOIRE. — 1° De Moïse aux
rois. — Le sacerdoce aaronique établi par Moïse ne fut
pas installé sans opposition, comme le montre la ré-
volte des rubénites Dathan et Abiron, qu'appuya le lé-
vite Coré et à laquelle prirent part deux cent cinquante
Israélites, « princes de l'assemblée, appelés au conseil
et hommes de renom. t> Num., xvi, 1-2. Il fallut un
châtiment terrible pour faire prévaloir la volonté de
Jéhovah, et encore les Israélites ne se soumirent-ils pas
de bon gré à la leçon qui leur était donnée, de sorte
qu'il fallut que le châtiment recommençât pour les
mettre à la raison. Num., xvi, 41-49. Une loi nouvelle
rappela ensuite à tous le respect qu'ils devaient au prêtre
et au juge : « Tu les consulteras, et ils te feront con-
naître ce qui est conforme au droit... Tu agiras selon
la loi qu'ils enseigneront et selon la sentence qu'ils au-
ront prononcée, sans te détourner ni à droite ni à gau-
che de ce qu'ils t'auront fait connaître. Celui qui, se
laissant aller à l'orgueil, n'écoutera pas le prêtre qui se
tient là pour servir Jéhovah, ton Dieu, ou qui n'écou-
tera pas le juge, sera puni de mort. » Deut., xvii, 942.
Dès lors, on ne vit plus se produire de protestation sé-
rieuse contre le sacerdoce issu d'Aaron. Les prêtres
exercèrent la fonction qui leur était dévolue dans les
marches et dans les combats, Num., x, 5-10; au passage
du Jourdain, Jos., m, 13-17, et à la prise de Jéricho.
Jos., vi, 12-16. — Du temps des Juges, on Vit un simple
lévite entrer comme prêtre au service d'un Éphraïmite,
du nom de Michas, moyennant dix sicles d'argent par
an, une provision de vêtements et la nourriture.
Jud., xvii, 10. Il fut ensuite enlevé par les Danites qui
le prirent à leur service, puis installèrent à Lais, comme
prêtres, des descendants de- Gersam, fils de Moïse.
Jud., xviii, 19, 20, 30. Ces prêtres, bien que lévites,
étaient aussi illégitimes que le culte qu'ils exerçaient.
Leur tentative demeura isolée. — La faiblesse du grand-
prêtre Héli fut cause que ses fils deshonorèrent le sa-
cerdoce par leur rapacité, attirèrent le mépris des Israé-
lites sur les sacrifices et provoquèrent de terribles châ-
timents, la défaite d'Israël par les Philistins, la prise
de l'Arche, la mort d'Héli et leur propre mort. I Reg., n,
12-17; iv, 1-18. Samuel fut suscité par Dieu pour réta-
blir l'honneur du sacerdoce et du culte divin. Il était
de la tribu de Lévi, mais non de la famille d'Aaron,
puisqu'il descendait de Lévi par Coré. I Par., vf, 34-38.
« Moïse et Aaron parmi ses prêtres, et Samuel parmi
ceux qui invoquent son nom, » dit le Ps. xcix (xcvm),
6. Un homme de Dieu dit à Héli, de la part du Sei-
gneur : « Je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira
selon mon cœur et selon mon âme; je lui bâtirai une
maison stable et il marchera toujours devant mon oint.
Et quiconque restera de ta maison viendra se prosterner
devant lui pour avoir une pièce d'argent et un morceau
de pain, et il dira : Mets-moi, je te prie, à quelqu'une
des fonctions du sacerdoce, afin que j'aie un morceau
de pain à manger. » I Reg., n, 35, 36. La prophétie se
réalisa quand le pontificat fut enlevé à Abiathar, qua-
trième successeur d'Héli, de la descendance d'Éléazar,
pour être conféré à Sadoc, de la descendance d'Ithamar,
quatrième fils d'Aaron. III Reg., il, 26, 27, 35. Les petits-
fils et descendants d'Héli en furent alors réduits à exer-
cer les fonctions de simples prêtres. Il est bien dit,
dans un commentaire faussement attribué à saint
Jérôme, In I ad Cor., i, 1, t. xxx, col. 717, que le « prê-
tre fidèle » n'était autre que Samuel. Mais saint Jérôme
lui-même, Queest, hebr. in I Reg., t. xxx, col. 1333,
n'exprime nullement cet avis, et enregistre seulenient
l'opinion de ceux qui pensent que tout le passage IReg.,
Il, 27-36, se rapporte à une époque antérieure et a été
inséré ici pour l'honneur de Samuel. Saint Augustin,
De Civ. Dei, xvii, 5, 2, dit également qu'il ne peut pas
s'agir ici de Samuel, qui était lévite, mais non de la
famille d'Aaron. Cf. Cont. Faustum, xh, 33, t. xlii,
col. 271. Les fonctions déjuge et de prophète n'exigeaient
nullement le sacerdoce, et si Samuel conféra l'onction
royale à Saûl, IReg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13,
il ne paraît pas qu'il fallût être prêtre pour cet office.
IV Reg., ix, 6. Mais Samuel offrait des sacrifices, IReg.,
vu, 9, 10; ix, 8;EccH.,xlvi, 19(16): « Il offrit un agneau
encore à la mamelle. » Aucun reproche n'est adressé
au prophète à ce sujet. C'est donc qu'il agissait en vertu
d'une inspiration divine, ou qu'il n'offrait de sacrifices
que par le ministère habituel des prêtres. Voir Samuel.
2° Sous les rois. — Le transport définitif de l'Arche
à Jérusalem fixa dans la nouvelle capitale le culte de
Jéhovah, et David offrit des sacrifices d'actions de-
grâces et des holocaustes. II Reg., VI, 17. Il le fit,
bien entendu, par le ministère des prêtres, pour ne
pas encourir la réprobation qui avait frappé Saûl.
I Reg., xiii, 9-14. En Egypte, les pharaons étaient les
souverains sacrificateurs. Dieu ne voulait pas qu'il en
fût ainsi en Israël ; il y maintint toujours très formel-
lement la prérogative qu'il avait attribuée à la descen-
dance d'Aaron. David s'occupa de l'organisation du
culte à Jérusalem; il divisa les prêtres en vingt-quatre
classes, de concert avec Sadoc et Achimélech, afin
d'assigner à chaque classe son tour de service.
I Par., xxiv, 1-19. Les prêtres figuraient aussi dans
l'armée et y exerçaient même des commandements.
I Par., xh, 27, 28; xxvii, 5, 6. Avec Salomon, l'organi-
sation préparée par David commença à fonctionner
dans le nouveau Temple. II Par., vm, 14, 15. Après lui,
les choses changèrent de face. Les prêtres avaient leurs
villes sacerdotales ; mais un bon nombre d'entre eux
s'étaient établis dans tout le pays. Ils y avaient avan-
tage, parce que, tout en restant assurés des ressources
générales de leur ordre, ils pouvaient profiter en plus
des redevances locales qu'il était impossible ou qu'il
n'était pas nécessaire de centraliser à Jérusalem. Le
schisme de Jéroboam les obligea à se replier sur le
territoire du royaume de Juda et à abandonner ainsi
la plus grande partie du pays précédemment occupé.
II Par,, xi, 13, 14. Il dut en résulter une certaine gêne
pendant quelque temps; car le nombre des prêtres res-
tait à peu près tel qu'à l'époque de David et de Salo-
mon, alors que le royaume de Juda était seul désor-
mais à assurer leur subsistance, et rares furent ceux
d'Israël qui continuèrent à s'acquitter des redevances
légales. Tob., i, 6-8. La situation fut souvent aggravée
par l'idolâtrie des rois et celle du peuple, ce qui com-
mença dès le règne de Roboam. II Par., XII, 1. Il est
évident que ceux qui se détournaient de Jéhovah pour
passer au culte des idoles ne se préoccupaient guère
d'acquitter leurs redevances envers le sacerdoce aaro-
nique. Beaucoup de prêtres durent être souvent ré-
duits, comme les descendants d'Héli, à solliciter une
fonction active dans le service du culte, afin d'avoir un
morceau de pain à manger. I Reg., n, 36. — Sous les
ordres du grand-prêtre Joïada, les prêtres et les lévites
furent les agents actifs de la révolution qui détrôna
Athalie, pour mettre à sa place le roi légitime, Joas.
IV Reg., xi, 4-16; II Par., xxm, 1-15. Quelques années
plus tard, Joas blâma la négligence des prêtres qui
n'avaient pas dignement entretenu la maison du Sei-
gneur, et prit des mesures pour faire tout remettre en
état. IV Reg., xu, 6-16; II Par., xxrv, 4-14. Le roi
Ozias, qui eut la témérité d'imiter Saûl et de s'ingérer
dans une fonction qui n'appartenait qu'aux prêtres,,
fut frappé de Dieu, toujours jaloux de faire respecter
les prérogatives de son sacerdoce. IV Reg., xv, 5;
II Par., xxvi, 16, 21. Ézéchias rouvrit les portes du
Temple fermées par Achaz, y rétablit' les prêtres dans
leurs fonctions, restaura le culte de Jéhovah, fit re-
prendre par le peuple l'habitude de s'acquitter deff
redevances sacrées et en assura l'équitabte répartition..
II Par., xxix, 3-xxxi, 21. — Pendant son long règne-
657
PRÊTRE
658
de cinquante-cinq ans, Manassé installa le culte
idolâtrique dans le Temple même, sans que les prêtres
paraissent avoir fait une sérieuse opposition à un tel
attentat. II Par., xxxm, 2-10; IV Reg., xxi, 2-9. Les
prophètes seuls protestèrent, bien qu'inutilement.
IV Reg., xxi, 10-15. Une dernière restauration du culte
eut lieu sous Josias, avec le concours du grand-prêtre
Helcias. IV Reg., xxn, 3-xxui, 28; II Par., xxxiv, 8-
xxxv, 19. — A travers toutes ces vicissitudes de la re-
ligion, selon le caprice des rois infidèles, on ne voit
guère les prêtres prendre un parti décisif en faveur
du culte de Jéhovah. Les prophètes nous donnent le se-
cret de cette apathie. Il n'y avait évidemment pas à
compter, pour maintenir le peuple dans la fidélité, sur
les prêtres d'Israël, qui n'avaient qu'un sacerdoce fictif
et dont Osée décrit l'ignorance, la scélératesse et le
châtiment prochain. Ose., iv, 6-9; v, 1-9; vi, 6-10. En
Juda même, les prêtres se laissaient entraîner au mal.
Déjà Isaïe, xxvm, 7, 8, reproche leurs ignobles ivresses
aux prêtres qui ont à rendre la justice. Cf. Is., lvi,
10-12. Sophonie, m, 4, accuse les prêtres de profaner
les choses saintes et de violer la loi. Jérémie, prêtre
lui-même, donne des détails significatifs sur la con-
duite des autres prêtres. Ils ne s'inquiètent pas de
Jéhovah et n'ont de pensée et de culte que pour les
idoles et pour 1' « armée des cieux ». Jer., h, 8, 26;
vni; 1, 2; cf. Ezech., xliv, 12. Les faux prophètes sont
leurs oracles, Jer., v, 31, le mensonge est leur loi.
Jer., vi, 13; vin, 10. « Prophètes et prêtres sont des
profanes, et dans ma maison même, j'ai trouvé leur
méchanceté, dit Jéhovah. » Jer., xxm, 11. Comme les
rois, les chefs et le peuple, les prêtres ont tourné le
dos à Dieu. Jer., xxxii, 32. 11 n'est donc pas étonnant
que le châtiment terrible soit tombé sur Jérusalem et
tout le pays, « à cause des péchés de ses prophètes,
des iniquités de ses prêtres qui répandaient dans son
enceinte le sang des justes. » Lam., iv, 13. Ézéchiel,
prêtre lui aussi, formule les mêmes accusations :
« Les prêtres ont violé ma loi et profané mon sanc-
tuaire ; ils ne distinguent pas entre le saint et le pro-
fane, ils n'enseignent pas la différence entre celui qui
est souillé et celui qui est pur, ils détournent les
yeux de mes sabbats et je suis profané au milieu d'eux. »
Ezech., xxn, 26. Les chefs des prêtres eux-mêmes mul-
tipliaient les transgressions et profanaient la maison de
Jéhovah. Il Par., xxxvi, 14. Aussi devinrent-ils vic-
times de la captivité, avec le peuple qu'ils n'avaient pas
su maintenir dans le devoir. Tous les prêtres ne furent
pas transportés, sans doute; les pauvres furent laissés
fn Palestine. Mais au milieu d'une population amoin-
rie et ruinée, sans Temple et sans culte, ils ne pou-
vaient que végéter misérablement. Il ne resta plus
en fonction dans le pays que ces prêtres improvisés
en Samarie après la première déportation, et qui
alliaient sacrilègement le culte de Jéhovah à celui des
dieux étrangers. IV Reg., xvn, 27-41.
3° Après la captivité. — Avec Zorobabel revinrent
en Palestine quelques milliers de prêtres, 4289 d'après
I Esd., il, 36-39, et II Esd., vu, 39-42. On dut écarter,
au moins provisoirement, ceux qui ne furent pas à
même de fournir la preuve de leur descendance aaro-
nique. II Esd., u, 61-63. Les prêtres reprirent l'exer-
cice de leurs fonctions, selon la loi de Moïse, 1 Esd.,
m, 2; vi, 18; H Esd., vin, 14; x, 29, 34, et partici-
pèrent à tout ce qui se fit pour la reconstruction du
Temple et des murs de la ville. Les prêtres revenus de
l'exil appartenaient à quatre familles, I Esd., n, 36-38;
II Esd., vu, 39-42. Ces quatre familles comprenaient
vingt-deux chefs au temps du grand -prêtre Josué,
Il Esd., xn, l-7 r et du grand-prêtre Joakim, II Esd.,
xii, 12-21. A l'époque d'Esdras, des Israélites, et même
des prêtres et des lévites prirent pour épouses des
étrangères, contrairement à la Loi. I Esd., ix, 1, 2.
Dix-sept prêtres, dont les noms sont cités, s'étaient
rendus coupables de cette infraction; ils jurèrent de
renvoyer leurs femmes et d'expier leur faute. I Esd.,
x, 18-22. Plus tard, Néhémie chassa le fils même du
grand-prêtre, qui s'était allié à une étrangère. II Esd.,
xiii, 28. Il s'en faut que tout fût parfait parmi les
prêtres de ce temps. Malachie, i, 6-14, leur reproche
sévèrement d'offrir à l'autel des victimes indignes de
Dieu. Il leur annonce le châtiment qui les frappera,
Mal., il, 1-9; m, 2-3, et prédit à cette occasion l'obla-
tion pure qu'un jour Dieu substituera aux anciennes
victimes. Mal., i, 10, 11. On comprend que, dans ces
conditions, l'influence religieuse qu'auraient pu exercer
les prêtres ait passé peu à peu aux mains des scribes.
Voir Scribes. — Les devoirs envers le prêtre étaient
néanmoins rappelés au peuple. Osée, iv, 4, avait com-
paré les Israélites impies à « celui qui aurait un pro-
cès avec le prêtre », c'est-à-dire qui contesterait ses
droits légitimes au vrai prêtre de Jéhovah et mérite-
rait ainsi les plus graves châtiments. Deut., xvn, 12.
Le fils de Sirach recommande de rendre aux ministres
du Seigneur ce qui leur est dû :
Crains le Seigneur de toute ton âme,
Et tiens ses prêtres en grand honneur.
Aime de toutes tes forces celui qui t'a fait,
Et ne délaisse pas ses ministres.
Crains le Seigneur et honore le prêtre,
Donne-lui sa part, comme il est prescrit :
La victime pour le délit avec le don des épaules,
La sainte obîation et les prémices dues aux saints.
Eccli., vir, 31-34.
Il fait ensuite l'éloge du grand-prêtre Simon, qui
officiait si majestueusement et autour duquel les autres
prêtres remplissaient leurs fonctions saintes. Eccli., l,
1-21. — Sous la domination des rois de Syrie, le prêtre
Matathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Judas, Éléazar
et Jonathas, prirent l'initiative d'un soulèvement na-
tional pour délivrer le pays du joug étranger et réta-
blir le culte de Jéhovah dans sa splendeur. I Mach.,
n, 1-5. Ils réussirent dans leur double entreprise. Us
donnèrent eux-mêmes l'exemple de l'obéissance à
toutes les prescriptions de la loi mosaïque. Ils gouver-
nèrent le peuple juif avec une indépendance complète
à partir de Simon, en l'an 142, jusqu'à la prise de
Jérusalem par Pompée, en l'an 63. Jonathas, en 161,
fut même investi du souverain pontificat, qui resta
dans la famille machabéenne jusqu'en l'an 37 et passa
successivement à huit grands-prêtres après Jonathas.
Voir Grand-prêtre, t. m, col. 306; Machabées, t. iv,
col. 480-487. Il est probable qu'un certain nombre de
prêtres se laissèrent entraîner aux pratiques idolâ-
triques mises à la mode par les rois de Syrie; car il
est noté que, pour purifier le sanctuaire, Judas Macha-
bée « choisit des prêtres sans défauts, attachés à la
loi de Dieu ». I Mach., iv, 42. Les prêtres prenaient
part aux luttes soutenues par leurs chefs, et plusieurs
périrent dans les combats, parfois par leur propre
imprudence. I Mach., v, 67. Quand Nicanor menaça les
prêtres de détruira le Temple s'ils ne lui livraient
Judas Machabée, ceux-ci en appelèrent à Dieu pour les
secourir et ils furent exaucés; II Mach., xiv, 31-34. —
Vers l'an 160, Onias IV, fils du grand-prètre Onias III,
éleva un temple à Léontopolis, en Egypte, et, sous sa
direction, des prêtres aaroniques y célébrèrent le -culte
suivant les règles mosaïques, tout en se maintenant
en relations avec le sacerdoce de Jérusalem. Cette en-
treprise ne fut pas bien vue des Juifs de Palestine.
Voir Onias IV, t. iv, col. 1818-1819.
4° A partir de Jésus-Christ. — Quand Jean-Baptiste
commença sa prédication, on envoya de Jérusalem des
prêtres et des lévites pharisiens pour lui demander ce
qu'il était. Joa., i, 19, 24. C'étaient des représentants
du sanhédrin, exerçant ainsi le droit qu'il avait de sur-
659
PRÊTRE
660
veiller les manifestations religieuses qui se produi-
saient dans le pays. — Notre-Seigneur lui-même
semble avoir eu peu de rapports avec les prêtres. Il
reconnaît cependant la légitimité de leur ministère
dans le Temple, Matth., xn, 4, 5, et renvoie à leur
examen le lépreux qu'il a guéri. Matth., vin, 4; Marc,
i, 44; Luc, v, 14. — Depuis que le pontificat suprême
était tombé sous la dépendance absolue du pouvoir
civil, qui se réservait la nomination du grand-prêtre,
c'est-à-dire depuis Hérode, le haut sacerdoce se recru-
tait dans la secte des sadducéens, qui ne croyaient pas
à Ja vie future et ne songeaient qu'aux honneurs, aux
richesses et à la jouissance. Parmi les descendants
d'Aaron, les riches seuls étaient admis à exercer leurs
fonctions dans le Temple, avec la faculté de les exploi-
ter conformément à leurs intérêts. Les autres prêtres
vivaient dans l'abandon, la pauvreté et l'ignorance.
Des grands-prêtres en vinrent à faire piller par leurs
serviteurs les greniers contenant des dîmes destinées
aux prêtres, si bien que ceux-ci mouraient de misère.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vm, 8; ix, 2. Ceux qui
jouissaient de la faveur des grands n'en avaient pas
plus d'influence morale pour cela. Ils ne se préoccu-
paient plus que de la forme matérielle du culte, surtout
dans ce qu'il avait d'honorifique et de lucratif. Il n'est
pas surprenant que, dans ces conditions, leur influence
morale fût à peu près nulle sur le peuple. Déjà même
les meilleurs prêtres aaroniques eussent été impuis-
sants à procurer le salut de leur nation et à travailler
à celui de l'humanité, parce que la religion qu'ils re-
présentaient n'avait pas grâce pour assurer ce bien et
d'ailleurs touchait à sa fin. Notre-Seigneur le donne à
comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui
représente le prêtre de l'ancienne loi passant auprès
du malheureux blessé et ne faisant rien pour lui, par
impuissance plus encore que par mauvais vouloir,
Luc, x, 31. Beaucoup de ces pauvres prêtres s'en ren-
dirent compte; la grâce aidant, une multitude d'entre
eux obéirent à la foi chrétienne. Act., vi, 7. — Bien
que les prêtres influents au point de vue politique
appartinssent à la secte sadducéenne, Act., v, 17;
cf. Josèphe, Ant. jud., XX, îx, 1, il s'en faut cepen-
dant qu'on ait le droit d'identifier le sacerdoce avec le
sadducéisme. Les principaux seuls se rattachaient à la
secte; beaucoup d'autres étaient pharisiens, et les pha-
risiens défendaient avec zèle les droits légitimes du
sacerdoce et lui reconnaissaient la première place dans
la théocratie. Cf. Ckagiga, n, 7; Horayoth, m, 8;
Gitlin, v, 8. Leur opposition ne visait que les prêtres
inféodés au sadducéisme et au pouvoir civil, étranger
à la nation. Au temps des Machabées, la hiérarchie
sociale se composait de quatre éléments : le grand-
prêtre, le sénat ou le conseil des anciens, les prêtres
et le peuple. I Mach., xn, 6; xiv, 20. A l'époque évan-
gélique, les prêtres n'étaient pas déchus de ce rang.
Un certain nombre d'entre eux faisaient même partie
du sanhédrin, soit dans la classe des grands-prêtres,
soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes.
Voir Sanhédrin. Dans les synagogues, les prêtres
avaient la préséance; ils étaient appelés les premiers
à faire la lecture. Cf. Gittin, v, 8. — Le sacerdoce
judaïque, aboli en droit par la mort de Jésus-Christ,
le fut en fait par la ruine définitive du Temple. On
voulut croire d'abord que le désastre n'était que pro-
visoire, comme au temps des Chaldéens. Les doc- ■•
teurs suspendirent donc le paiement des redevances
qui avaient pour objet l'entretien du Temple et l'exer-
cice public du culte; mais les autres furent maintenues
et on les acquitta, en général, là où se trouvaient des
prêtres. Cf. Schekalim, vin, 8. Mais il fallut ensuite
se rendre à l'évidence. Les prêtres avaient perdu leur
raison d'être, puisqu'il n'y avait plus de fonctions ri-
tuelles à remplir. Ils furent remplacés par les docteurs
ou rabbins, qui n'avaient pas besoin de temple pour
une religion privée de sacrifice et réduite au service
des synagogues.
IV. Sacerdoce chrétien. — 1» Sacerdoce de Jésus-
Christ. — 1 . Jésus-Christ a été le prêtre par excellence
de la loi nouvelle. Il a été appelé à cette fonction par
Dieu même, qui déjà s'était réservé d'appeler, en la
personne d'Aaron, les prêtres de la loi ancienne, Heb.,
v, 4, 5. Cet appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : « Tu
es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui, » Ps. n, 7,
et encore : « Tu es prêtre pour toujours selon l'ordre
de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. — Notre-Seigneur
n'est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda.
Son sacerdoce ne se rattache donc pas à celui d'Aaron.
11 est prêtre selon l'ordre de Melchisédech, c'est-à-dire
à la manière de ce « roi de justice » et « roi de paix »,
dont l'Écriture n'indique pas la généalogie, mais auquel
Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-
même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de
Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d'Aaron; il a
sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs
qu'Abraham a rendus à Melchisédech. Heb., vu, 1-7. —
Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu
ne lui ayanj; jamais promis l'exercice perpétuel de ses
fonctions; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns
aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce
de Jésus-Christ a été établi avec serment : « Le Sei-
gneur l'a juré, il ne s'en repentira pas : Tu es prêtre
pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et
ne se transmet point, parce que celui qui le possède
est toujours vivant. Heb., vu, 20-25. — Les prêtres lévi-
tiques étaient sujets au péché; se souvenant de leur
faiblesse, ils étaient capables de se montrer indulgents
envers les autres, mais devaient nécessairement com-
mencer par offrir des sacrifices pour eux-mêmes. Jésus-
Christ est un grand-prêtre « saint, innocent, sans
tache, séparé des pécheurs, élevé au-dessus des cieux ».
Il n'a donc pas besoin d'offrir de victimes pour lui-
même; mais il s'est offert pour les péchés du peuple
et a été exaucé pour sa piété. Heb., v, 1-9; vit, 26-28.
— Les prêtres anciens exerçaient leur ministère dans,
des sanctuaires faits de main d'homme, le Tabernacle
et le Temple; il y avait là un Saint des saints caché
par un voile, et de multiples prescriptions charnelles
auxquelles les prêtres étaient assujettis. Le ministère
sacerdotal de Jésus-Christ, après avoir commencé sur
terre, s'exerce maintenant « à la droite du trône de la
majesté, dans les cieux », où est assis Jésus-Christ,
« comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle,
qui a été dressé parle Seigneur, et non par un homme, »
et il y est « toujours vivant pour intercéder » en faveur
des hommes. Heb., vu, 25; vm, 1, 2; ix, 1-11. — Les
sacrifices des anciens prêtres se multipliaient indéfini-
ment, parce qu'ils étaient inefficaces et ne pouvaient
procurer que la pureté de la chair. Le sacrifice de
Jésus-Christ est unique, parce qu'il purifie les âmes
elles-mêmes, abolit le péché une fois pour toutes, a une
vertu toute puissante et assure le salut éternel à ceux
qui veulent en profiter. Heb., v, 9; vu, 25; ix, 12-14.
Jésus-Christ a donc été revêtu d'un véritable sacer-
doce, supérieur au sacerdoce lévitique par son origine,
son unité, sa sainteté et son efficacité. — 2. « Tout
grand-prêtre, pris d'entre les hommes, est établi pour
les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin
d'offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés. »
Heb., v, 1. Jésus-Christ n'a offert qu'un seul sacrifice
« par lequel il a procuré la perfection pour toujours à
ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 14. Ce sacrifice est
celui de la croix, que le sacrifice eucharistique repré-
sente et continue. Voir Sacrifice. Cf. De Condren,
Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, Paris, 1858,
p. 19-45. — 3. Les Pères appliquent à Jésus-Christ les
paroles du Psaume xlv (xliv), 8 : « Le Seigneur t'a
661
PRÊTRE — PRIAPE
662
oint d'une huile d'allégresse. » Plusieurs ont pensé
que cette onction s'éfait faite au jour du baptême; il
est plus exact de dire, avec d'autres, que cette onction
remonte au moment même de l'incarnation et que
Jésus-Christ a été fait prêtre en même temps que fait
homme. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XI, ix, 3-14;
XII, xi, 1-11.
2» Les prêtres de l'Église. — 1. Le sacerdoce de
Jésus-Christ étant un sacerdoce éternel, qui ne se trans-
met.pas parce que celui qui le possède est toujours
vivant, il suit de là que les prêtres de la loi nouvelle
ne peuvent être que les organes du prêtre éternel, mais
invisible. Cf. S. Optât, De schismate Donatist., v, 3,
4, t. xi, col. 1051 ; S. Augustin, In Joa., v, 17, 18, 20,
t. xxxv, col. 1423, etc. Jésus-Christ les prend où il
veut, en les appelant lui-même par une vocation inté-
rieure, contrôlée extérieurement par le jugement de
l'Église. I Tim., v, 22. Comme sa religion et son
Église sont établies pour tous les peuples et pour
tous les temps, il ne s'astreint pas à prendre ses
prêtres dans une race spéciale; il les choisit partout.
Le prophète l'avait prédit : « Le temps est venu de ras-
sembler toutes les nations et toutes les langues...
J'enverrai... vers les îles lointaines qui n'ont jamais
entendu parler de moi et qui n'ont pas vu ma gloire,
et ils publieront ma gloire parmi les nations... Et j'en
prendrai même parmi eux pour prêtres et pour lévites,
dit Jëhovah. » Is., lxvi, 18-21. Ainsi devait être pro-
curé l'accomplissement de la prophétie de Malachie, i,
11, annonçant l'offrande de l'encens, des sacrifices et
de l'oblation pure, en tous lieux parmi les nations. —
2. Jésus-Christ lui-même a institué le sacerdoce de la
loi nouvelle. Il a confié à ses Apôtres le pouvoir de
gouverner l'Église, Matth., xvi, 19; xvm, 18, de célé-
brer le sacrifice eucharistique, Luc, xxn, 19; 1 Cor.,
xi, 25, de remettre les péchés, Joa., xx, 23, d'enseigner
et de baptiser, Matth., xxxvm, 19,20; Marc, xvr, 15;
Luc, xxiv, 47, etc. Les Apôtres ont exercé ces pouvoirs
et les ont transmis à d'autres par l'imposition des mains.
I Tim., iv, 14; II Tim., i, 6. Voir Ordination, t. iv,
col. 1853. De très bonne heure, il y eut comme un dé-
doublement du sacerdoce. Les Apôtres eux-mêmes,
qui en étaient revêtus dans sa plénitude, instituèrent
les diacres, Act., vi, 1-6, chargés de certains minis-
tères qu'eux-mêmes remplissaient tout d'abord. Voir
Diacre, t. n, col. 1401. Les ministres institués par les
Apôtres pour leur succéder et administrer les églises
étaient appelés indifféremment ÉniaxÔTtoc, « surveil-
lants », Phil., i, 1, et itpes6vTipot, « anciens ». L'an-
cien nom hébraïque, kohên, était donc abandonné
et remplacé par des noms grecs plus intelligibles pour
les convertis du monde gréco-rdinain. On laissait égale-
ment de côté le nom grec t'sps'j;, que portaient les
prêtres païens et que gardaient aussi les prêtres juifs.
Saint Paul disait encore de son temps aux « prêtres »
d'Éphèse, tov; TipsuëutÉpou; (majores natu dans la Vul-
gate), que Dieu les avait constitués « évêques », imayr.6-
7iouç, pour régir l'Église de Dieu. Act., xx, 17, 28. Ces
ministres gouvernaient collectivement les églises qui
leur avaient été confiées par les fondateurs. Act, xiv,
22; xx, 17; TU., I, 5; I Pet., v, 1-5; Jacob., v, 14;
Doclr. Apost., xv, 1. Mais cet ordre supérieur ne
tarda pas à être dédoublé à son tour. Dès le commen-
cement du second siècle, d'importantes églises sont gou-
vernées par un chef unique, qui est appelé évêque. Voir
Ëvéoue, t. n, col. 2121-2126. On peut affirmer que cet
épiscopat unitaire a fonctionné dès l'organisation des
églises de Jérusalem, de Rome, probablement d'An-
lioche, etc. Cf. Duchesne, Hist. ancienne de l'Église,
Paris, 1. 1, 1906, p. 84-95; Pourrat, La théologie sacra-
meniaire, Paris, 1907, p. 283-286. Le sacerdoce chrétien
se trouva ainsi, presque à l'origine, partagé entre trois
ordres, l'épiscopat, qui en avait la plénitude, le pres-
bytérat, qui en exerçait presque tous les pouvoirs, mais
sous l'autorité de t'évêque, et le diaconat, qui ne jouissait
que de pouvoirs inférieurs et restreints. Cf. Conc. Trid.,
Sess. xxm, can. 6, 7; D. A. Gréa, De l'Église et de sa
divine constitution, Paris, 1885, p. 271-306. —
3. Saint Paul recommande à son disciple Timothée de
n'imposer trop vite les mains à personne. I Tim., v, 22.
11 faut en effet que le sujet qui désire exercer le minis-
tère sacré et ses fonctions excellentes soit examiné et
éprouvé au préalable, parce que le ministre du Sei-
gneur doit se « montrer, dans le service de Dieu,
comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'ait point
à rougir, dispensant avec droiture la parole de vérité. »
II Tim.,. n, 15. L'Apôtre indique donc les qualités
exigées du candidat à l'épiscopat ou au sacerdoce. Il
faut qu'il soit irréprochable, qu'il n'ait été marié qu'une
fois; le célibat n'était pas encore requis pour le sa-
cerdoce, que cette exigence eût alors rendu impossible
à recruter, mais les secondes noces constituaient un
obstacle au ministère sacré. Il doit encore être
vï)ipâ>,io;, sobrius, sobre ou modéré dans ses désirs,
prudent, x6<t[moî, omatus, bien ordonné (pudique ajoute
la Vulgate), hospitalier, capable d'enseigner. Il ne doit
pas être adonné au vin, ni violent, mais doux, paci-
fique (non querelleur, ajoute la Vulgate), désinté-
ressé, gouvernant bien sa maison, maintenant ses en-
fants dans la soumission en toute gravité, o-£[/,vôt»)ç,
castitas. Car celui qui ne sait pas gouverner sa maison
serait incapable de prendre soin de l'Église de Dieu.
11 ne faut pas non plus qu'il soit un nouveau converti,
de peur que la dignité si vite obtenue ne le porte à un
damnable orgueil. Il est enfin nécessaire qu'il jouisse
de la considération de ceux du dehors, afin de ne pas
tomber dans l'opprobre et de là dans les pièges du
diable. 1 Tim., m, 1-7. Saint Paul reproduit un pro-
gramme analogue à l'usage de Tite. Il appelle l'évêque
ou le prêtre ®eoû oîxovô^oç, « administrateur de la
maison de Dieu », Dei dispensator. Il veut surtout
qu'il soit « fermement attaché à la doctrine, afin d'être
en état d'exhorter selon la saine doctrine et de réfuter
ceux qui la contredisent ». Tit., i, 6-9. — L'Apôtre
supplie Timothée de faire l'œuvre d'un prédicateur de
l'Évangile et d'être tout entier à son ministère, Siaxo-
via. II Tim., iv, 5. La même recommandation est
adressée à Archippe, de Colosses. Col., iv, 17. — Le
prêtre de la loi nouvelle, comme celui de l'ancienne, a
le droit de vivre de son ministère. 1 Cor., ix, 4-12;
1 Tim., v, 17, 18. — Il se peut qu'il ne soit pas^toujours
à son devoir. On ne doit accueillir d'accusation contre
lui que sur la déposition de deux ou trois témoins.
S'il est coupable, on le reprendra publiquement, afin
d'inspirer de la crainte aux autres, mais on ne devra
agir ni par prévention, ni par faveur. I Tim., v, 19-21.
— Saint Jean, III Joa., 9, signale un certain Diotré-
phès qui exerçait dans une église une orgueilleuse et
intolérante autorité. Il écrit aussi aux « anges » des
sept églises, c'est-à-dire à leurs chefs spirituels, pour
leur rappeler leurs devoirs, les féliciter ou les blâmer,
selon qu'ils le méritent. Apoc, H, l-m, 22.
Sur le sacerdoce attribué par certains textes aux
simples fidèles, voir Ordre, t. iv, col. 1855.
H. Lesêtre.
PRIAPE, dieu de la fécondité des champs dans la
mythologie grecque et latine. On le faisait naître de Bac-
chus et de Vénus et l'on plaçait ses statues de forme
indécente dans les jardins. On lui sacrifiait des boucs
et des ânes. Ses fêtes s'appelaient priapées. On l'hono-
rait particulièrement à Lampsaque. Il n'est pas nommé
dans Je texte original des Écritures, mais saint Jérôme
a traduit par son nom le mot hébreu miflêsét,
III Reg., xv, 13; II Par., xv, 16, voir Idole, m, 35°,
t. m, col. 825, parce que miflését désigne, d'après le
contexte, un objet idolâtrique obscène en l'honneur
663
PRIAPE — PRIÈRE
664
d'Aslarthé que la reine Maacha honorait et faisait ho-
norer par un culte impur. Saint Jérôme l'a rendu par
Priape pour donner à ses lecteurs latins l'idée de ce
qu'était cette sorte d'idole. Elle était en bois et le roi
Asa, fils ou plutôt petit-fils de Maacha, la fit brûler
dans le torrent de Cédron, Voir Maacha, t. iv, col. 465.
PRICE John, en latin Pricœus, savant anglais, né
vers 1600, mort à Rome en 1676. Il était né de parents
protestants et fut élevé à Oxford. Après avoir achevé
ses études, il se convertit au catholicisme et fut obligé
de quitter l'Angleterre pendant les guerres civiles.
Après avoir vécu quelque temps à Paris, il alla s'éta-
blir à Florence et devint ensuite professeur de grec à
Pise. Il se retira finalement à Rome au couvent des
Auguslins où il mourut. Il avait une connaissance
étendue des littératures classiques et il en fit un usage
utile pour l'explication des Saintes Écritures par des
notes courtes mais judicieuses. On a de lui : Matthxus
ex Sacra Pagina, sanctis Patribus, etc., illustratus,
in-8°, Paris, 1646; Adnolationes in Epistolam Jacobi,
in-8», 1646; Acta Apostolorum ex Sacra Pagina, San-
ctis Patribus, etc., illwtrata, in-8°, Paris, 16i7; Com-
mentarii in varios Nevi Teslamenti libros; his acces-
serunt Adnolationes in Psalmorum librum, in-f°,
Londres, 1660, et dans les Critici sacri, t. v, 824,
p. 362. Voir Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 362;
S. Lee, Dictionary of national Biography, t. xlvi,
1896, p. 330.
1. PRIÈRE (hébreu : fefillâh, (el.iinnâh; chaldéen :
bâ'û; Septante: t\>x~r\, 8éï)trt;, itpo<xeuj(''i > Vulgate :
oratio, supplicatio, preces), acte par lequel l'homme
s'adresse à Dieu pour lui rendre hommage ou solliciter
sa bienveillance. — Pour les Hébreux, prier c'est sur-
tout « invoquer le nom de Jéhovah », qdrâ' beSém
yehovdh, lm*.a\eXaf)'aii tô ovo|iaxupfou toO 6eoû, invocare
nomen Domini. Gomme habituellement le nom de
Dieu se prend pour Dieu lui-même, l'expression hé-
braïque revient à signifier « invoquer Dieu », l'appeler
à son aide ou le nommer pour le louer. Gen., iv, 26;
xii, 8; Deut., xxxn, 3; Ps. lxxix (lxxviii), 6; xcix
(xcv(u), 6; cv (civ), 1; Is., lxiv, 7; Jer., x, 25; Lam.,
m, 55; Soph., m, 9; etc.
I. Nature de la prière. — 1° Son caractère instinctif.
Rien ne paraît plus naturel à l'homme que de tourner
les- yeux vers une puissance supérieure pour l'appeler
à son aide. De quelque nom qu'il désigne cette puis-
sance, il l'invoque, parce que d'elle il attend des biens
ou redoute des maux. C'est là un fait qui a été constaté
chez tous les peuples de tous les temps. Cf. A. Bros,
La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907,
p. 276-304. Au commencement de la Bible, la prière n'est
pas mentionnée dans l'histoire des premiers parents.
Ce silence semble indiquer qu'elle a gravement manqué,
soit immédiatement avant la chute, pour appeler le se-
cours de Dieu contre le tentateur, soit immédiatement
après, pour exprimer le repentir. Mais les rapports dans
lesquels Adam et Eve ont tout d'abord été avec Dieu ne
se conçoivent pas sans la prière, c'est-à-dire sans l'ex-
pression de pensées, de sentiments et de désirs ma-
nifestés- à Dieu dans le langage de l'homme. Cette
expression est même si impérieusement commandée à
l'homme par la conscience qu'il a de sa dépendance
vis-à-vis d'un auteur et d'un maître, qu'elle jaillit ins-
tinctivement de son âme. Dès lors, la prière ne résulte
pas d'une institution positive; elle est d'ordre naturel,
et la Bible n'avait pas à en enregistrer le précepte.
A la seconde génération après Adam, Énos commence à
invoquer le nom de Jéhovah. Gen., iv, 26. Quel que
soit le sens véritable de ces paroles, elles n'en
marquent pas moins une accentuation et un progrès
dans l'idée et dans la pratique de la prière. Celle-ci
est en pleine vigueur sous Noé, puisque ce patriarche
offre un sacrifice avec un rite déjà ancien, et que le
sacrifice n'est qu'une prière en action. Gen-, vm, 20.
Par la suite, si haut qu'on remonte vers les origines
des anciens peuples, on rencontre toujours des dieux,
un culte, des sacrifices, institutions inséparables de la
prière. Cf. Sap., xm, 2, 10, 17-19. La prière se trompe
souvent dans la désignation de l'être auquel elle
s'adresse, mais elle répond à un besoin instinctif que
ressent chaque conscience et qui se constate chez tous
les hommes.
2» Sa dépendance de Vidée de Dieu. — L'idée que
chaque peuple se fait de Dieu détermine nécessaire-
ment la manière dont il le prie. A mesure que cette
idée se déforme chez les peuples de l'antiquité, la
prière passe de plus en plus au pur formalisme. De
même que les dieux sont soumis à une sorte de néces-
sité inéluctable qui limite leur bon plaisir, ainsi la
prière doit s'accommoder servilement à des règles exté-
rieures dont la négligence ruine toute possibilité de
crédit auprès de divinités plus ou moins soumises à la
volonté aveugle du destin. 11 en est ainsi chez les
Égyptiens. De multiples et impérieuses formalités
s'imposaient, comme condition indispensable, à celui
qui voulait obtenir la faveur du dieu. De plus, « les
formules qui accompagnaient chacun des actes du sa-
crificateur comprenaient un nombre déterminé de
mots, dont les séquences et les harmonies ne pouvaient
être modifiées en quoi que ce soit, ni par le dieu lui-
même, sous peine de perdre leur efficacité... Une note
fausse, un désaccord entre la succession des gestes et
l'émission des paroles sacramentelles, une hésitation,
une gaucherie dans l'accomplissement d'un seul rite
et le sacrifice était nul. » Maspero, Histoire ancienne,
t. i, p. 124. En Babylonie se faisait sentir le même
asservissement aux rites. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
t. i, p. 704, 705; Fr. Martin, Textes religieux assyriens
et babyloniens, Paris, 1903, p. xx-xxvii. Le formalisme
n'est pas moins outré dans la religion de la Grèce et
surtout de Rome. « Il ne suffit pas de connaître les
attributs du dieu qu'on veut prier, il est bon de lui
donner son nom véritable, sans, quoi il serait capable
de ne pas entendre... Même quand on invoque le plus
grand d'entre eux, on lui dit : Puissant Jupiter ou
quel que soit le nom que tu préières. Le nom du dieu
trouvé, il faut savoir les termes exacts de la prière
qu'il convient de réciter... Ces prières sont souvent
très prolixes. Le Romain qui prie a toujours peur de
mal exprimer sa pensée; il a soin de répéter plusieurs
fois les choses pour être parfaitement compris... Quant
aux disposilions de l'âme qu'il faut apporter à la
prière, la religion romaine ne s'en occupe pas; elle
s'arrête aux pratiques. Pour elle, les gens les plus reli-
gieux sont ceux qui connaissent le mieux les rites. »
G. Boissier, La religion romaine, 1884, t. i, p. 12-15;
Dbllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P.,
Bruxelles, 1858, t. i, p. 306-311; t. m, p. 112, 113;
Fustel de Coulanges, La cité antique, Paris, 7 e édit.*
p. 194-197. — Il y a un abîme entre cette conception
mécanique de la prière et l'idée que nous en donne la
Bible. Le premier exemple de prière un peu étendue
qu'elle nous fournit est le dialogue qu'Abraham engage
avec Dieu au sujet de Sodome. Gen., xvm, 16-32. Le
Dieu d'Abraham n'est pas une entité rigide, inaccessible
à tout sentiment désintéressé de bonté et de compas-
sion et liée d'ailleurs par un inéluctable destin. C'est
un père du genre humain, qui traite Abraham en ami,
ne lui révèle les desseins de sa justice que pour pro-
voquer son intercession, et exauce ses prières succes-
sives avec une telle condescendance que celui qui sup-
plie s'arrête plus tôt que celui qui exauce. Les autres
prières bibliques procèdent toutes de ce même esprit.
L'Israélite sait qu'il parle à un Dieu attentif, bon, mi-
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PRIÈRE
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séricordieux, généreux, patient, indifférent aux for-
mules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments
du cœur. Sans doute, un jour, les pharisiens étendront
leur formalisme aux règles de la prière elle-même;
mais Notre-Seigneur viendra bientôt pour détruire
leur œuvre néfaste et rendre à la prière de l'homme
son caractère d'appel simple, naturel, cordial et con-
fiant de la créature au Créateur bon et puissant, de
l'enfant à son Père des cieux. Aussi n'est-il pas éton-
nant que les prières bibliques, les Psaumes en parti-
culier, s'inspirant de sentiments si vrais et en même
temps si élevés, aient pu traverser les âges et soient
devenues, même après le passage du Sauveur, les
prières de l'humanité.
3° Ses fins. — Chez les anciens peuples polythéistes,
la prière, à peu d'exceptions près, était devenue une
formalité destinée à procurer les biens ou à écarter les
maux d'ordre temporel. Cicéron, Sat. deor., m, 36, pou-
vait dire : « Jamais personne n'a considéré la vertu
comme un présent de la divinité. On appelle Jupiter le
dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu'il nous
rend justes, sobres et sages, mais parce qu'il nous
donne la santé, le bonheur, la fortune et l'abondance. »
Sans doute, les Israélites, comme tous les autres
hommes, ont été plus sensibles aux biens temporels
qu'aux avantages spirituels, et les premiers ont été
fréquemment appelés par leurs prières. Mais, chez eux,
la prière intéressée n'a pas été exclusive des autres. La
Sainte Écriture renferme un grand nombre de prières
qui ont des fins plus relevées : 1. La prière latreutique
ou d'adoration. Ce genre de prière se reconnaît dans
les Psaumes vm, xxrv (xxm),xcxiii (xcxii), xcv (xcrv),
xcvii (xcvr), xcix (xcvm), cxm (cxii), etc. ; dans le
cantique des trois jeunes gens, Dan., ni, 52-90; dans
les acclamations d'îsaïe, vi, 3, et de saint Jean, Apoc,
vu, 12; xi, 17-18; xv, 3-4; xvi, 5-7, etc. — 2. La
prière eucharistique ou d'actions de grâces. Elle est
fréquente dans la Bible. A ce genre appartiennent le
cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; le cantique
d'Anne, I Reg., n, 1-10; celui de David, II Reg., xxn,
2-51^]les Psaumes xxxiv (xxxiii), xl (xxxix), lxx (lxix),
cxxiv (cxxm), etc.; les cantiques de Tobie, xra, 1-23,
et de Judith, xvi, 2-21; ceux de Marie, Luc, i, 46-55,
et de Zacharie, Luc, i, 68-79, etc. — 3. La prière
impétratoire ou de demande. La prière pour demander
les biens d'ordre temporel se rencontre continuelle-
ment, surtout dans l'Ancien Testament. L'Évangile lui-
même enregistre les nombreuses requêtes de malheu-
reux qui réclament leur guérison ou celle de, leurs
proches. Ces demandes sont conformes à l'ordre de la
Providence, et la meilleure preuve en est qu'elles sont
très souvent exaucées. Mais les biens spirituels sont
aussi l'objet de la prière. Ainsi Salomon demande la
sagesse et l'intelligence, II Par., i, 10; des Psalmistes
prient pour « connaître le sentier de la vie », Ps. xvi
{xv), 11, pour revoir bientôt le sanctuaire du Dieu
qu'ils aiment, Ps. xlh (xli), 2, 3, pour obtenir « un
cœur pur» et « un esprit ferme », Ps. m (li), 12, pour
que Dieu donne au roi l'esprit de justice et d'équité,
Ps. lxxii (lxxi), 1, 2, pour qu'il accorde la connais-
sance et l'amour de sa loi, Ps. cxix (cxvm), etc.; on
prie Dieu d'envoyer du ciel sa sagesse, afin que l'on
connaisse ce qui lui est agréable. Sap., ix, 4, 10. Quand
ils conjurent si souvent le Seigneur d'envoyer le Messie,
les prophètes demandent le bien spirituel par excel-
lence, celui qui doit être pour l'humanité la source de
tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en
requêtes spirituelles, celles du don de Dieu, Joa., iv,
10-15, du pain de vie, Joa., vi, 34, de l'accroissement
de la foi, Marc, ix,23; Luc, xvn, 5, de la vue du Père,
Joa., -xiv, 8, et toutes celles qui sont formulées dans
les Actes des Apôtres ou dans leurs Épîtres. Ces re-
quêtes répondent à l'invitation si formelle du divin
Maître qui a recommandé de « chercher d'abord le
royaume de Dieu et sa justice ». Matth., vi, 33. —
4. La prière propitiatoire ou de repentir. Elle est re-
présentée par les Psaumes de pénitence, vi, xxxii
(xxxi), xxxvin (xxxvn), li (l), cil (ci), cxxx (cxxix),
cxliii (cxm), les prières de saint Pierre, Luc, v, 8, et
du publicain, Luc, xvm, i'à, etc.
4» La prière type. — 1. Le Sauveur a daigné lui
même l'enseigner à ses Apôtres. C'est le Pater, qui
donne une si haute et si complète idée de ce que doit
être la prière. Matth., vi, 9-13; Luc, x, 2-4. Cette prière
ne renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement
caractéristique de la religion chrétienne et qui ne puisse
convenir qu'aux enfants de l'Église du Christ. Notre-
Seigneur a voulu qu'elle fût par excellence la prière de
l'humanité. Dieu y est présenté comme Père, par consé-
quent comme celui auquel les hommes peuvent s'adres-
ser en toute confiance, Père qu'on ne doit pas s'étonner
de ne pas voir, puisqu'il est dans les cieux, mais dont
la puissance et la bonté s'exercent de là-haut sur les
enfants qu'il a sur la terre. Les trois premières
demandes : « Que. votre nom soit sanctifié, que votre
règne arrive, que votre volonté soit faite sur la
terre comme au ciel », se rapportent à la gloire de
Dieu, que l'homme souhaite et qu'il doit travailler à
procurer par son obéissance. Ainsi l'homme satisfait
au double devoir de l'adoration et de l'action de grâces.
Sa prière passe ensuite à la demandé, quand elle
détermine les biens qui sont attendus de la munifi-
cence divine, pour le corps, le pain de chaque jour,
pour l'âme, la préservation de la tentation, pour les
deux ensemble, la délivrance du mal. Enfin le repen-
tir a son expression dans les paroles : « Pardonnez-
nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux
qui nous ont offensés, » paroles qui font de t la charité
fraternelle la preuve du repentir sincère. Ces choses
sont exprimées en peu de mots, pour indiquer que
Dieu tient plus aux sentiments du cœur qu'à la lon-
gueur des formules. C'est la prière par excellence, tant
par son origine que par sa simplicité et la perfection de
ses demandes. — 2. Avec la leçon, Notre-Seigneur a
tenu à donner l'exemple de la prière. Nul doute que la
prière n'ait consacré le temps de sa- vie cachée. Pen-
dant sa vie publique, aussitôt après son baptême, il est
en prière quand le Père le fait connaître comme son
Fils. Luc, m, 21. Au cours de ses tournées évangé-
liques, il se lève de grand matin et va prier dans la
solitude. Marc, i, 35. Après la guérison du lépreux,
pour échapper à l'empressement indiscret des foules,
il se retire dans le désert et y prie. Luc, v, 16. Avant
de choisir ses Apôtres, il passe la nuit en prière sur la
montagne. Luc, vi, 12. Après la multiplication des
pains, il se retire seul sur la montagne pour prier.
Matth., xiv, 23; Marc, vi, 46. Il était encore seul à
prier, avant de demander à ses Apôtres ce qu'on pensait
de lui. Luc, ix, 18. Sur la montagne de la transfigura-
tion, il prie, et c'est pendant sa prière que son visage
se met à resplendir. Luc, ix, 28, 29. A la suite d'une
de ses prières, les Apôtres lui demandent de leur ap-
prendre à prier. Luc, xi, 1. Ces quelques indications
des Évangélistes montrent que la prière tenait la plus
grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de
toutes les occasions pour s'isoler et prier, sans parler
des prières qu'il faisait publiquement avec ses Apôtres,
sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple.
La prière sanctifie surtout la dernière journée de
Notre-Seigneur, au cénacle, Matth., xxvi, 30; Marc.,xiv,
26; Joa., xvn, 1-26, à Gethsémani, Matth., xxvi, 36;
Marc, xiv, 32; Luc, xxn, 41, et sur la croix. Luc, xxm,
34; Matth., xxvn, 46; Marc, xv, 34; Luc, xxm, 46.
L'Épître aux Hébreux, v, 7,'dit que, « dans les jours de
sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes
des prières et des supplications à celui qui pouvait le
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PRIERE
668
sauver de la mort, et fut exaucé pour sa piété. » Cet
exemple montre déjà quelle importance a la prière
dans la religion et, en général, dans les relations de
l'homme avec Dieu.
II. Sa. nécessité. — Il y a, surtout dans l'ordre natu-
rel, une foule de biens que Dieu accorde même à ceux
qui ne le prient pas. « Il fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les
justes et sur les injustes. » Matth., v, 45. Mais beaucoup
de biens, principalement dans l'ordre spirituel, ne
peuvent être accordés qu'à ceux qui les demandent par
la prière. « Sachant que je ne pouvais obtenir la sagesse
si Dieu ne me la donnait, et c'était déjà de la prudence
que savoir de qui vient ce don, je m'adre ssai au Sei-
gneur et je l'invoquai. » Sap., vin, 21. Pour faire com-
prendre cette nécessité de la prière, Notre-Seigneur se
sert de deux exemples. Un ami déjà couché ne se lève
que quand son voisin vient avec insistance le solliciter
pour lui emprunter du pain. Autrement, il ne se lèverait
pas et n'irait pas au-devant de ses désirs. En consé-
quence, « demandez et l'on vous donnera, cherchez et
vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. Qui de-
mande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on
ouvre... Si vous, qui êtes méchants, vous savez donner
ce qui est bon à vos enfants, combien plus votre Père
du haut du ciel donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le
lui demandent! » Luc, xi, 5-13. Pour montrer « qu'il
faut toujours prier sans se lasser », le Sauveur met
encore en scène une pauvre veuve qui n'obtient gain
de cause auprès d'un juge inique qu'à force d'instances.
Puis, comparant Dieu à ce juge inique, il conclut qu'à
plus forte raison ceux qui s'adressent à lui seront
exaucés. Luc, xvm, 1-8. Le Sauveur prescrit à ses
Apôtres de veiller et de prier, afin de ne pas entrer en
tentation. Matth., xxvi, 41. Saint Jacques, iv, 2, dit aux
chrétiens que, s'ils n'obtiennent pas, c'est qu'ils ne
demandent pas. — De là les exhortations pressantes à
la prière fréquente, Luc, xvm,l ; « Priez sans cesse, »
I Thés., v, 17; Soyez « assidus à la prière, » Rom., xn;
12; « persévérez dans la prière, » Col., iv, 2; s soyez
prudents et sobres, pour vaquer à la prière. » I Pet., iv,
7. Dans les circonstances graves, les Apôtres et les
chrétiens avaient recours à la prière continue. Act., i,
14; xn, 5. La vraie veuve « persévère nuit et jour dans
les supplications et les prières. » I Tim., x, 5. Ces
exhortations et ces exemples s'inspirent de la recom-
mandation du Seigneur : « Veillez et priez sans cesse,
afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous
ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout
devant Je Fils de l'homme. » Luc, xxi, 36.
III. Son efficacité. — Du commencement à la fin,
la Sainte Ecriture témoigne de l'accueil bienveillant
que Dieu fait à la prière. Gen., xxx, 17; Num., xxm,
1; Deut, ix, 19; I Reg., vu, 9; III Reg., xvn, 22;
II Esd., ix, 28; Ps. iv, 2; xvm (xvn), 7; xxxiv (xxxin),
5; Is., xlix, 8; Dan., xm, 44; II Mach., i, 8; Luc, i,
13, etc. Notre-Seigneur exauce presque tous ceux qui
l'implorent. ILdonne les assurances les plus formelles
sur l'efficacité de la prière. Matth., vu, 7-12; Luc, xi,
1-13. « Je vous le dis de nouveau, si deux d'entre vous
s'entendent sur la terre, quoi qu'ils demandent, ce leur
sera accordé par mon Père qui est dans les cieux. »
Matth., xvm, 19. « Tout ce que vous demanderez avec
foi dans la prière, vous l'obtiendrez. » Matth., xxi, 22 ;
Marc, xi, 2i. « Tout ce que vous demanderez à mon
Père en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit
glorifié dans le Fils. » Joa., xiv, 13-14. « Si vous de-
meurez en moi, et si mes paroles demeurent en vous,
vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous
arrivera. » Joa., xv, 1, 16. « Ce que vous demanderez à
mon Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'à
présent vous n'avez rien demandé en mon nom :
demandez et vous recevrez. » Joa., xvi, 23, 26. En
mettant au cœur de l'homme l'instinct naturel de la
prière, Dieu s'était engagé à lui donner satifaction, el,
par conséquent, à accueillir et à exaucer les prières
qui lui seraient adressées. Notre-Seigneur corrobore
puissamment la confiance de l'homme, en multipliant
lui-même les promesses. « Nous avons auprès de Dieu
cette pleine confiance que, si nous demandons quelque
chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous
savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous lui
demandions, nous savons que nous obtenons ce que
nous avons demandé. » I Joa., v, 14-15. La mort volon-
taire de Jésus-Christ nous est un infaillible garant des
promesses de Dieu. « Lui qui n'a pas épargné son
propre Fils, mais qui l'a livré à la mort pour nous tous,
comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes
choses? » Rom., vm, 32. — Pour figurer l'efficacité de
la prière, les auteurs sacrés se servent de métaphores
expressives. La prière monte jusqu'au ciel, à la sainte
demeure de Jéhovah, II Par., xxx, 27, devant la gloire
du Dieu souverain, Tob., m, 25, en sa présence.
Ps. lxxxviii (lxxxvii), 3. Elle s'élève comme l'encens.
Ps. cxli (cxl), 2. Elle pénètre les nues. Eccli., xxxv,
21. Quand il ne veut pas exaucer, Dieu se couvre d'une
nuée, « afin que la prière ne passe point. » Lam., m,
44. — Ce n'est pas à dire pourtant que la prière soit
toujours efficace, au moins dans les termes où elle a
été formulée. Dieu voit plus loin que celui qui le prie
et sa sagesse règle l'action de sa bonté. Aussi saint
Jean dit-il que Dieu nous écoute, si ce que nous lui
demandons est « selon sa volonté ». I Joa., v, 14.
Autrement, au bien demandé, il substitue un bien
préférable. Il y a donc, dans la Sainte Écriture, des
prières bonnes en elles-mêmes qui, pour ce motif, ne
sont pas exaucées. Telles sont celle du possédé guéri
qui demande à suivre Jésus, Marc, v, 18, 19; Luc, vm,
38, 39, celle des fils de Zébédée et de leur mère,
Matth., xx, 20-23; Marc, x, 35-40, et surtout celle du
Sauveur à Gethsémani. Matth., xxvi, 39-44; Marc, xiv,
36-40; Luc, xxn, 42.
IV. Ses conditions. — Saint Jacques, iv, 3, écrit :
« Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que
vous demandez mal, avec l'intention de satisfaire
vos passions. » Il y a donc des conditions à remplir
pour être exaucé. La Sainte Écriture indique les sui-
vantes: — 1° Conditions essentielles. — 1. La foi et la
confiance. Comme il est impossible de plaire à Dieu sans
la foi, il est de toute nécessité de croire pour s'approcher
de Dieu utilement. Heb., xi, 6. Notre-Seigneur exige
absolument cette foi. Matth., xxi, 22. Il la réclame or-
dinairement de ceux qui le prient et les traite en con-
séquence de leur fol. Matth., vm, 13; IX, 28; Marc,
v, 36; ix, 22; xi, 23; Luc, vm, 50; etc. C'est la prière
avec la foi qui soulage le malade. Jacob., v, 15. — 2. L'hu-
milité. Dieu s'incline à la prière du petit. Ps. en (ci),
18. C'est aux humbles qu'il accorde sa grâce. Jacob.,
iv, 6; I Pet., v, 5. La parabole du pharisien et du pu-
blicain a pour but de faire comprendre la nécessité de
l'humilité quand on parle à Dieu. Luc, xvm, 9-14. —
3. La loyauté. Dieu veut que ceux qui lui demandent
de faire leur volonté commencent par faire la sienne.
« Jéhovah est près de tous ceux qui l'invoquent d'un
cœur sincère. » Ps. cxlv (exuv), 18. « Il écoute la
prière des justes. » Prov., xv, 29. Par conséquent, pour
prier devant la face du Seigneur, il faut quitter ses
péchés, diminuer ses offenses, détester le mal. Eccli.,
xvn, 24, 25. La prière de celui qui n'écoute pas la loi
est une abomination. Prov., xxvm, 9. Elle est même
réputée péché, c'est-à-dire qu'elle est offensante pour
Dieu. Ps. cix (cvni), 7. « Quand-vous multipliez les
prières, dit Jéhovah, je n'écoute pas... Lavez-vous, puri-
fiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos
actions. » Is., i, 15. — 4. La charité fraternelle. Le
Sauveur en insère la condition dans le Pater même, et
669
PRIERE
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il n'admet à prier devant l'autel que celui qui n'a aucun
mauvais sentiment envers son frère. Matth., v, 23, 24.
Il fait de l'union fraternelle un moyen d'être plus sûre-
ment exaucé. Matth., xviii, 19,20. — 5. L'union à Dieu.
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire, » dit le Sauveur.
Joa., xv, 5. Cf. I Cor., xn, 3; II Cor., m, 5. Ceci s'ap-
plique également à la prière. C'est pourquoi « l'Esp rit
vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas
ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans
nos prières. Mais l'Esprit lui-même prie pour nous par
des gémissements ineffables. » Rom., vm, 26.
2° Conditions favorables. — Certaines pratiques ajou-
tées à la prière peuvent la rendre plus efficace, com me
le jeûne, Judith, îv, 8, 12; Bar., i, 5; II Esd., i, 4;
Matth., xvii, 20; Marc, IX, 28; Act., Xiv, 22; l'aumône,
Tob., xn, 8; Act., x, 4, et les larmes. I Reg., i, 10; Is.,
xxxvin, 5; Judith, xw, 6; Tob., m, H; vu, 13; xn, 12.
La prière est d'ailleurs elle-même un remède à la tris-
tesse. Jacob., v, 13.
V. La prière pour les autres. — On ne prie pas seu-
lement pour soi; l'intention de Dieu est que les hommes
prient les uns pour les autres. Ainsi, 1» Abraham prie
pour Abimélech, Gen., xx, 7, 17; le pharaon d'Egypte
demande à Moïse et à Aaron de prier pour sa déli-
vrance, Exod., vm, 8, 29, 30; ix, 28; x, 18; sur l'ordre
de Dieu, Job prie pour ses amis, Job, xlii, 8, 10; Judith
prie pour ses concitoyens, Judith, vm, 29; Sédécias
demandée Jérémie de prier pour le peuple, Jer.,xxxvn,
3, et le peuple renouvelle cette demande, Jer., xlii, 2,
20; les exilés de Babylone sollicitent les prières de leur s
frères de Jérusalem, Bar., i, 13; les Juifs de Jérusalem
prient pour ceux d'Egypte. II Mach., i, 6. Le grand-
prêtre Onias apparaît priant pour toute la nation, et
disant de Jérémie : « Celui-ci est l'ami de ses frères,
qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. »
II Mach., xv, 12. — Dans la pensée de Notre-Seigneu r,
la prière doit habituellement avoir un caractère collec-
tif. Voilà pourquoi les demandes du Pater sont formu-
lées au pluriel. En conséquence de cette indication et
de la grande loi de la charité, les premiers chrétiens
prient beaucoup les uns pour les autres. Saint Jacques,
v, 16, le recommande à ses fidèles. Saint Paul réclame
les ^prières de ses enfants dans la foi, Rom., xv, 30 ;
II Cor., i, 11; Phil., i, 19; I Thés., v, 25, et il leur
assure les siennes. Eph., i, 16; Phil., i, 3; I Thés., i,
2; II Tim., i, 3; Philem., 4. Épaphras prie pour les
Colossiens, rv, 12. — L'obligation de prier pour les
autres s'impose plus spécialement aux pasteurs spiri-
tuels, I Reg^ vu, 5; xn, 9, 23; II Mach., xv, 14; Col.,
i, 3, 9; II Thés., i, 11, etc. Notre-Seigneur prie pour
ses disciples. Joa., xvn, 9,13, 20, 21. — 2° On prie pour
les rois et les princes, même idolâtres, Bar., i, 11;
I Esd., vi, 10, même persécuteurs. I Tim., H, 1-2. —
Jérémie, xxix, 7, prescrit aux Israélites déportés à
Babylone de prier Jéhovah pour cette ville dont la pros-
périté leur profitera. — 3° On prie pour les persécuteurs.
C'est une des lois les plus formelles de l'Évangile.
Matth., v, 44; Luc, vi, 28; Rom., xn, 14. Elle a été
consacrée par les exemples de Notre-Seigneur, Luc,
xxm,34, et de saint Etienne. Act., vu, 60. — 4° On prie
pous les morts. II Mach., xn, 44. Saint Paul prie pour
Onésiphore, qui lui a rendu service à Rome et qui est
mort depuis. II Tim., i, 15-18. Voir Onésiphore, t. iv,
col. 1813. — 5° Dans le ciel, les prières des saints sont
présentes devant le trône de Dieu. Ces prières sont
celles des saintes âmes de la terre, offertes à Dieu par
celles qui sont déjà au ciel. Apoc, v, 8; vm, 3, 4.
VI. Les prières bibliques. — La Sainte Écriture
renferme une foule de prières plus ou moins longues,
par lesquelles les hommes s'adressent au Seigneur avec
des Intentions diverses. Les plus caractéristiques sont
les suivantes : 1» Dans V Ancien Testament : Abraham
intercède en faveur de Sodome et poursuit sa requête,
malgré la diminution progressive des chances de par-
don. Gen., xviii, 23-32. — Jacob prie pour échapper à
la colère d'Ésaû. Gen., xxxn, 9-12. — Moïse s'adresse
souvent à Jéhovah, pour lui demander de l'eau douce,
Exod., xv, 25; le pardon de son peuple, Exod., xxxn,
11-13; la cessation d'un fléau, Num., xi, 2; l'éloigne-
ment des serpents, Num., xxi, 8, etc. — David adresse
ses louanges et ses actions de grâces au Seigneur,
II Reg., vu, 18-29, et, dans les Psaumes dont il est
l'auteur, il en renouvelle l'expression, en y joignant
d'humbles demandes et des sentiments de repentir. —
Salomon, à l'occasion de la dédicace du Temple, fait à
Dieu une prière solennelle pour le remercier et implo-
rer son assistance en faveur de ceux qui viendront
l'implorer dans l'édifice sacré. III Reg., vm, 15-53;
II Par., v, 4-42. Il avait d'ailleurs commencé son règne
en demandant la sagesse. II Par., i, 8-iO. — Ézéchias
prie pour que Dieu délivre son peuple de l'invasion
assyrienne. IV Reg., xix, 15-19; II Par., xxxiji, 20. —
Manassé en exil implore Jéhovah avec humilité et
repentir. II Par., xxxn, 12. — Dans les écrits des pro-
phètes, on trouve un bon nombre de prières : les can-
tiques des rachetés, Is., xn, 1-6; xxvi, 1-19; la prière
pour les captifs, Is., lxiv, 7-lxv, 12; les prières de
Jérémie pour son peuple coupable, Jer., xiv, 7-22; ses
plaintes à Jéhovah, Jer., xx, 7-18; Lam., m, 55-66; sa
prière après la ruine de Jérusalem, Lam., v, 1-22; la
prière de Baruch en faveur des exilés, Bar., n, 11-in,
8; la prière d'Azarias dans la fournaise, Dan., m, 26-
45, et le cantique d'actions de grâces qui la suivit,
Dan., m, 52-90; la prière de Susanne, Dan., xm, 42,
43; celle de Jonas, H, 3-10; le cantique de louanges
de Michée, vu, 18-20; la prière d'Habacuc, m, 2-19, etc.
— La plupart des Psaumes sont aussi des prières expri-
mant les divers sentiments de l'âme bénie de Dieu,
éprouvée ou' repentante. — Job interpelle Dieu fré-
quemment et finit par une humble protestation de
repentir. Job, xlii, 2-6. — Sara, fille de Raguel, de-
mande la protection divine, Tob., m, 13-23, etTobie cé-
lèbre la louange du Seigneur dans un cantique d'actions
de grâces. Tob., xiii, 1-23. — Judith implore le secours
de Dieu en faveur de son peuple, Judith, îx, 2-19,
et ensuite exprime sa reconnaissance au Seigneur.
Judith, xvi, 2-21. — Mardochée et Esther prient pour
leur peuple menacé. Esth., xm, 9-17; xiv, 3-19. —
Néhémie prie pour les enfants d'Israël, II Esdr., I, 5-11,
et tout le peuple demande pardon et protection à Jéhovah.
II Esdr., ix, 5-38. — L'auteur de la Sagesse, ix, 1-18,
prêle à Salomon une prière pour demander la sagesse.
— Celui de l'Ecclésiastique, xxm, 1-6, prie pour être
préservé des péchés de langue, pour la délivrance
d'Israël, Eccli., xxxvi, 1-17, et pour remercier le Sei-
gneur de l'avoir tiré du péril. Eccli., li, 1-12. — On
prie avant de livrer bataille. 1 Mach., 5, 33; xi, 71;
II Mach., vm, 29; xv, 26, etc.
2° Dans le Nouveau Testament. — Les cantiques de
Marie, Luc, i, 46-55, de Zacharie, Luc, i, 68-79, et de
Siméon, Luc, n, 29-32, sont des prières d'actions de
grâces. — JJn grand nombre de prières, toutes très
courtes, sont adressées à Notre-Seigneur par toutes
sortes de personnes. Lui-même remercie son Père de
la manière dont est répartie la grâce de la lumière,
Matth., xi, 25, 26; il le prie à la dernière Cène, Joa.,
xvii, 1-26; au jardin des Olives, Matth., xxvi, 39-44;
Marc, xiv, 36-39; Luc, xxn, 42, et sur la croix. Luc,
xxm, 34, 46; Matth., xxvn, 46; Marc, xv, 34. —Au
livre des Actes, des prières sont mentionnées en diverses
occasions solennelles : pour l'élection de saint Mathias,
1,24, 25; pour demander secours après la comparution
des apôtres Pierre et Jean devant le sanhédrin, iv, 24-
30; pour la délivrance de Pierre emprisonné, xn, 5.
— Saint Jean termine son Apocalypse, xxn, 20, par un
appel au Seigneur Jésus.
671
PRIÈRE
672
3° Prières sacramentelles. — Les Apôtres se consacrè-
rent plus particulièrement à la prière et au ministère
de la parole. Act., vi, 4. La prière devait accompagner
nécessairement les actes par lesquels ils conféraient
la grâce aux fidèles. Elle était inséparable de la fraction
du pain, Matth., xxvi, 26; Act., n, 42, de l'imposition
des mains, Act., vi, 6; xm, 3; xxviii, 8, de l'onction
des malades, Jacob., v, 14, etc.
VII. Usages concernant la prière. — i°Les formules.
— Dans l'Ancien Testament, aucune formule spéciale de
prière n'est indiquée comme devant être d'usage habi-
tuel. Mais il y a un certain nombre de prières toutes
préparées dans le recueil des Psaumes ; elles servaient
surtout dans les cérémonies liturgiques. Des formules
spéciales étaient imposées pour l'offrande des dîmes et
des prémices. Deut., xxvi, 3-15. Pour l'ordinaire, il est
probable qu'on s'inspirait des besoins du moment dans
les prières que l'on adressait à Dieu. L'Oriental a d'ail-
leurs une particulière facilité pour exprimer ses désirs
et ses sentiments. La prière n'était pas toujours vocale.
Anne parle à Dieu en son cœur et remue seulement les
lèvres, sans que sa voix se fasse entendre. I Reg.,i, 13.
Judith prie en silence et se contente de remuer les lèvres.
Judith, xnr, G. Bien souvent, sans doute, des âmes
pieuses et méditatives priaient intérieurement et don-
naient un libre cours, sous le regard de Dieu seul, à
l'expression de leurs pensées et de leurs sentiments.
— A l'époque évangélique, la prière juive avait une for-
mule bien déterminée, comprenant deux thèmes prin-
cipaux, le Schéma et le Schemoné-Esré. Le Schéma se
composait de trois passages bibliques : Deut., vi, 4-9 ;xi,
13-21; Nom., xv, 37-41. Le premier morceau commence
par le mot sema', « écoute, » d'où le nom donné à l'en-
semble de la formule. Ces trois passages contiennent
seulement des préceptes mosaïques et non des prières
proprement dites. On les récitait comme nous récitons
nous-mêmes soit notre symbole, soit les commande-
ments de Dieu et de l'Église. On les accompagnait de
bénédictions dites avant et après chacun de ces mor-
ceaux. Le Schéma devait être récité le matin et le soir,
en hébreu ou en une autre langue, par tous les Israé-
lites, mais non par les femmes, les esclaves et les enfants.
Berachoth, i, 1-4; m, 3; Sola, vu, 1. Les deux passages
du Deutéronome, vi, 4-9; xi, 13-21, étaient écrits sur
la mezuza, voir Mezuza, t. îv, col. 1057, et sur les phy-
lactères. Voir Phylactères, col 350.Le Schemoné-Esré,
semônéh 'ésrêh, s dix-huit », se composait de formules
de bénédictions et de louanges en l'honneur de Dieu,
presqu' entièrement empruntées aux Psaumes et aux
prophètes. C'était pour les Israélites la fefillâh par excel-
lence. Ces formules sont assez développées, mais, à
l'époque évangélique, la rédaction actuelle n'était pas
encore arrêtée. Le nombre en a été porté à dix-neuf.
Tous les Israélites sans exception avaient à les réciter
trois fois le jour, le matin, l'après-midi et le soir. Bera-
choth, m, 3; IV, 1. Elles sont reproduites dans Scbûrer,
Geschichte des jûd. Volkes ini Zeit. J. C, t. u, p. 461,
462, et dans Stapfer, La Palestine au temps de J.-C-,
Paris, 1885, p. 372-376. Les docteurs examinèrent une
foule de cas concernant la récitation de ces formules.
— Les plus dévots parmi les Juifs, ou du moins ceux
qui tenaient à le paraître, ne manquèrent pas de mul-
tiplier et d'allonger les formules de la prière. C'est déjà
sans doute pour protester contre ces longueurs que
Jean-Baptiste enseigna à ses disciples à prier. Luc, xi,
1. Notre-Seigneur ne veut pas qu'on multiplie les pa-
roles, comme les païens, et qu'on s'imagine qu'on sera
esaucé à force de parler. Matth., vi, 7. Il reproche aux
pharisiens hypocrites d'aller faire d'interminables priè-
res chez les veuves, afin de tout dévorer chez elles.
Matth., xxni, 14; Marc, xn, 40, Luc, xx, 47. La for-
mule de prière qu'il enseigne à ses disciples est courte.
Elle représente à peine en longueur la vingtième partie
du Schemoné-Esré. Le Sauveur donne la raison de
cette brièveté. Le Père céleste sait parfaitement ce dont
nous avons besoin. Matth., vi, 32. Nous n'avons pas à
le renseigner, mais seulement à lui témoigner notre
confiance, notre soumission et notre amour. « Vous
demanderez en mon nom, dit Notre-Seigneur, et je ne
vous dis point que je prierai le Père pour vous, car le
Père lui-même vous aime. » Joa., xvi, 26. 11 n'est donc
pas nécessaire de lui exposer longuement un besoin.
Ce n'est pas en répétant : « Seigneur, Seigneur! »
qu'on est exaucé, c'est avant tout en faisant la volonté
du Père. Matth., vu, 21. — En dehors du Pater, lés
premiers chrétiens n'avaient guère d'autres formules
de prières que les Psaumes et les Cantiques inspirés
de l'Ancien et du Nouveau Testament. C'est peu à peu
que d'autres formules entrèrent en usage parmi eux.
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903,
p. 46-55.
2° Les temps. — Les Israélites avaient l'habitude de
prier trois fois le jour, le soir, le matin et au milieu
du jour. Ps. lv (liv), 18. Trois fois par jour, Daniel se
mettait à genoux et louait Dieu. Dan., vi, 10. La pra-
173. — Égyptiens priant les mains étendues.
D'après Wilkinson, Manners, t. n, p. 324.
tique du Psalmiste qui, sept fois le jour, redisait les
louanges du Seigneur, Ps. cxix (cxvni), 164, paraît
avoir été exceptionnelle, bien qu'elle ait inspiré plus
tard celle des sept heures canoniales du jour. Cf. Ba-
cuez, Du Saint-Office, Paris, 1872, p. 284. Les Israé-
lites récitaient le Schemoné-Esré le matin, l'après-
midi, à l'heure de l'oblation, c'est-à-dire vers trois
heures et le soir. Ils priaient également avant et après
les repas. Voir Repas. Des prières spéciales étaient en
outre prescrites pour le sabbat et les différentes fêtes
de l'année. La prière avant le jour ou dès l'aurore est
plusieurs fois mentionnée. Ps. lxxxvhi (lxxxvii), 14;
Judith, xn, 5; Sap., xvi, 28, etc. La prière de la neu-
vième heure ou de trois heures du soir, Act., m, 1,
était celle qui accompagnait le sacrifice de l'après-
midi. Saint Pierre priait également vers la sixième
heure. Act., x, 9. Ces différentes indications bibliques
ont déterminé le choix des heures auxquelles l'Église
a fixé ses prières publiques, prime, au lever du jour, à
l'heure de la prière du matin, tierce, à l'heure où se
terminaient les sacrifices du matin, sexte, à l'heure
consacrée par saint Pierre, none, à l'heure du sacri-
fice du soir, vêpres, à l'heure de la prière du soir,
c'est-à-dire à la chute du jour. '
3° Les lieux. — L'ancien sanctuaire, cf. I Mach., m,
46, et plus tard le Temple ont été les rendez-vous in-
diqués de la prière. Salomon suppose que l'on viendra
«73
PRIÈRE
674
fréquemment prier dans le Temple qu'il vient de con-
sacrer. III Reg., vin, 28, 31, 33, 35, etc. Xe Temple
était par excellence la « mai-
son de la prière». Is., lvi,
7; I Mach., vu, 37. Là, en
effet, Dieu manifestait plus
qu'ailleurs sa présence et
sa grâce. C'est pourquoi
Notre-Seigneur tint à inter-
venir avec autorité pour
faire respecter la destina-
tion de cet édifice. Matth.,
xxi, 13; Marc, xi, 17;Luc,
xix, 46. On se rendait donc
au Temple pourprier. IReg.,
ï, 10-12; Luc, i, 10; xvm,
10; Act., il, 46; m, 1, etc.
En dehors du Temple, on
priait en commun dans les
synagogues,voirSïNAGOGUE,
et dans de simples oratoi-
res. Voir Oratoire, t. iv,
col. 1850. Les particuliers
priaient ensemble dans leur
maison, ou bien, pour être
seuls, ils se retiraient dans
une chambre haute. III Reg.,
xvn, 19-23; IVReg.,iv, 10,33; Judith, ix,l; Dan.,vi,10;
Act., x, 9, etc. Le Sauveur recommande à celui qui
veut prier d'entrer dans sa chambre, d'en fermer la
1174. — Carthaginois offrant
un sacrifice, la main droite
levée dans l'attitude de la
prière. Chaton de bague
sigiltaire en or. Musée La-
vigerie à Carthage.
175. — Personnage tenant la main droite levée dans
l'attitude de l'adoration. Rasoir carthaginois (iv siècle
avant J.-C). Musée Lavigerie à Carthage. Voir Delat-
tre, La nécropole de Rabs, 3* année de fouilles,
flg. 25, p. 22.
porte et là, seul à seul, de s'adresser au Père qui est
-présent dans le secret. Il blâme les hypocrites qui
aiment à prier debout dans les synagogues et au coin
des rues afin d'être vus des hommes. Matth., vi, 5-
•6. Les chrétiens suivirent la recommandation du Sau-
DICT. DE LA BIBLE.
veur. I Cor., vu, 5. Les pharisiens avaient été amenés
à prier dans les rues par une conséquence de leur
casuistique. Les docteurs avaient réglé les heures aux-
quelles devaient se réciter le Schéma et le Schemoné-
Esré. Le bon pharisien sacrifiait le recueillement à la
ponctualité servile. Il récitait la prière là où l'heure
fixée le surprenait. Des règles spéciales déterminaient
les cas dans lesquels il était alors permis de saluer ou
du rendre un salut. Berachotk, H, 1-2. Sous prétexte
de régularité, les pharisiens faisaient dégénérer en
ostentation coupable ces prières en public, qui eussent
été bien mieux dites dans la solitude et le recueille-
ment, fût-ce avec plus ou moins de retard sur une
heure arbitrairement fixée. Les docteurs permettaient
176. •
- Stèle funéraire. Attitude de la prière.
Musée Lavigerie à Carlhage.
aux ouvriers de faire la prière sur un arbre ou sur un
mur, ce qui parfois pouvait avoir quelque raison d'être.
Berachoth, h, 3, 4. Le principe que fait prévaloir, ici
comme partout, Notre-Seigneur, c'est que les vaines
réglementations des hommes sont à mettre de côté,
quand elles sont un obstacle au vrai culte en esprit et
en vérité.
4° Les attitudes. — On priait ordinairement debout.
1 Reg., i, 26; III Reg., vni, 22; Matth., vi, 5; Marc,
xi, 25; Luc, xvnr, 11; Berachotk, v, 1; Taanith, n, 2
(fig. 173-175). Quand on voulait témoigner d'une plus
grande humilité ou prier avec plus d'instance, on se
mettait à genoux. III Reg., vin, 54; II Par., vi, 13;
xxix, 29; I Esd.,.ix, 10; Dan., vi, 10; Act., ix, 40; xx,
36; xxi, 5, etc., ou même on se prosternait. Judith,
ix, 1; II Esd., vm, 6; Matth., xxvi, 39; Marc, xiv,
35, etc. On baissait parfois la tête. Ps. xxxv (xxxiv),
13; Luc, xviii, 13. On étendait les mains, Is., i, 15,
selon l'usage commun en Orient (fig. 176), on en frap-
pait sa poitrine, Luc, xrai, 13, et surtout on les le-
vait vers le ciel. III Reg., vm, 22; Lam., n, 19; m,
V. — S2
675
PRIERE — PRIMAISE
676
41; I Esd., ix, 10; II Mach., m, 20; I Tim., H, 8, etc.
(Bg. 177). Les Juifs tenaient beaucoup à ce qu'on les
lavât avant de prier. Judith, xu, 7, 8. Le Zohar, Deul.,
f. 101, déclarait plus tard digne de mort quiconque
priait les mains sales. Saint Paul fait allusion à cette
exigence, mais il lui donne un sens moral. I Tim., n, 8.
Cf. Tertullien, De oratione, 13, t. i, col. 1168. Le ca-
non 241 d'Hippolyte dit cependant encore : « Qu'en tout
temps le chrétien lave ses mains quand il prie. » Die
Canànes Hippolyti, édit. H. Achelis, Leipzig, 1891,
p. 130. Le lavement des mains subsiste toujours avant et
pendant la célébration delà messe. — Pendant la prière,
les Juifs se voilaient la tête; ils ont conservé depuis
177. — Figurine carthaginoise (IV e siècle avant J.-C).
Attitude de la prière. Musée Lavigerie à Carthage.
Voir Delattre, La nécropole de Rabs, S' année de
fouilles, flg. lût, p. 42.
l'habitude de prier la tête couverte. Saint Paul déclare
qu'il y a déshonneur pour un homme à prier la tête
couverte, et déshonneur pour une femme à prier sans
voile. I Cor., xi, 4, 5. Il ne vise que la prière publique.
Les esclaves avaient habituellement la tête couverte;
c'est pourquoi l'Apôtre veut que les chrétiens gardent, la
tête nue, comme des hommes libres. La modestie com-
mandait le contraire aux femmes. — Dieu avait fait
du sanctuaire le centre de toute la vie religieuse de son
peuple. Deut., XII, 5-7. Quand les .Israélites furent
établis en Palestine, il ne leur fut possible de se rendre
au sanctuaire et plus tard au Temple que de loin en
loin. Ils prirent l'habitude de se tourner du côté du
Temple pour prier. Salomon suppose cet usage en vi-
igueur, III Reg., vin, 48; II Par., -vi, 34; Daniel, vi,
11, et tous les Israélites s'y conforment. Cf. Beracholh,
v, 5, 6; Siphre, 71 b; S. Jérôme, 7n Ezech., ni, 9,
t. xxv, col. 83. Quand des prévaricateurs veulent se
livrer à un culte idolàtrique, ils tournent le dos au
Temple. Ezech., vm, 16. Toutefois, on a remarqué que
la plupart des synagogues galiléennes dont il reste
des ruines sont orientées du sud au nord. Pour prier
selon la coutume, il aurait donc fallu se tourner du
côté de la porte, ce qui paraît assez anormal, cf. Scliû-
rer, Geschichte, t. II, p. 446, 453, à moins qu'on eût
disposé les constructions tout exprès pour que, la porte
étant ouverte, la prière pût se diriger vers Jérusalem
sans se heurter à une muraille. — Les chrétiens adop-
tèrent l'usage de prier tantôt debout, tantôt à genoux,
et souvent les mains étendues (fig. 178). Il cessèrent
naturellement de se tourner vers l'ancien Temple,
pour prier de préférence vers l'orient, sans pourtant se
faire une règle invariable de tourner leurs églises de
178. — Orante chrétienne, à gauche.
D'après Bullettino di archeol. cristiana, 1875, pi. 1.
ce côté. Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes?
Paris, 1877, p. 554, 666-669. Saint Paul veut qu'on prie
en tout lieu. I Tim., n, 8. — Cf. Saubert, De precibus
Hebreeorum, et Polemann, De ritu precandi veterum
Hebrseorum, dans Ugolini, Thés., t. xxi; Voulliéme,
Quoniodo veteres adoraverint, Halle, 1887.
H. Lesêtre.
2. PRIÈRE DE JOSEPH, écrit apocryphe. Voir Apo-
cryphes (Livres), 7, t. î, col. 771.
3. prière DE MANASSÉ, écrit apocryphe. Voir Me-
nasse 8, t. iv, col. 651.
PRIMAISE, en latin Primasius, écrivain ecclésias-
tique, mort vers 560. -La date de sa naissance est in
connue. Il fut évêque d'Adrumète, dans la province de-
Byzacène en Afrique. Il apparaît pour la première fois
au concile provincial tenu en 541 . On le retrouve en-
suite, de 550 à 554, à Constantinopleoù il fut mêlé aux
discussions théologiques de son temps. A la mort de
Boèce, primat de Byzacène, il lui succéda dans celte
dignité qui, dans cette province, n'était pas attachée à
un siège v fixe. Il nous reste de lui : Commentario)~um
677
PRIMAISE — PRISON
678
super Apocalypsim libri quinque, t. lxviii, col. 793-936,
composés vers 540. Il y a mis à contribution, d'après
son témoignage, saint Augustin et Ticonius, et
s'attacha surtout à expliquer le sens mystique. On lui
a attribué des Commentaria in Epistolas sancli Pauli,
col. 415-794, tirés en grande partie de saint Jérôme,
de saint Ambroise, de saint Augustin, etc., mais ils ne
paraissent pas être de lui. Le commentaire de l'Épître
aux Hébreux, col. 685-794, en particulier, doit être
f œuvre d'Haymon de Halberstadt.
PRIMAT9CE1 Grégoire, en latin Primaticius ou
De Primaticiis, exégète italien, mort en 1518. Il était
docteur de Padoue et il enseigna dans cette ville la
philosophie et la théologie. L'archevêque de Sienne,
François Bondini, l'emmena, en qualité de théologien,
au Concile de Trente. On a de lui : Expositio litteralis
omnium Epistolarum Divi Pauli, in-4°, Venise, 1564.
PRINCE, mot fréquemment employé dans la Vul-
gate pour désigner un chef ou un personnage. C'est un
terme générique qui traduit des mots divers de l'hé-
breu et du grec : hôqêq, môSêl, nàdîb, nâgid, nàiî f
nesîb, nissab, pâqîd, ro's, rôznîm, sar, sdrak, oipxarj,
è6vap/r]ç, etc. Voir Gouverneur, t. m, col. 284-287.
PRINTEMPS (Septante : é'ap; Vulgate :ver, tempus
vernum), la saison de l'année qui succède à l'hiver.
— En Palestine, les saisons n'ont pas la même grada-
tion que dans nos climats. Aux pluies de l'hiver succède
presque sans transition, en avril, la chaleur de l'été.
Aussi le printemps proprement dit est-il très court.
On en lit, dans le Cantique ri, 11-13, la description
suivante :
Voici que l'hiver est fini,
La pluie a cessé, elle a disparu,
Les fleurs se montrent sur la terre,
Le temps des chants est arrivé ;
La voix de la tourterelle s'entend dans nos campagnes,
Le figuier développe ses fruits naissants,
La vigne en fleur exhale son parfum.
Les impies comparent la vie à un printemps dont il
faut jouir : « Que la fleur de la saison, flos temporis,
ne nous échappe point. » Sap., n, 7. Dans le texte grec,
avôo; âspoç, « la ileur de l'air, » est une leçon fautive
pour ot'vôo; Ëapoç, « la fleur du printemps, » que porte
l'Alexandrin. L'Ecclésiastique, l, 8, compare le grand-
prêtre Simon à « la Heur des roses aux jours du prin-
temps », in diebus vernis, Septante : lv rjuipai; v£a>v,
« aux jours des choses nouvelles, » du renouveau. Dans
l'original hébreu, on peut lire : kenês be'anfê beyemê
mô'êd, « comme la fleur sur les branches aux jours de
fête. » — Au Psaume lxxiv (lxxiii), 17, il est dit que
Dieu a fait l'été et le printemps, é'ap, ver. Au lieu de
k'ap, l'édition de Venise lit ûpaïa, « les temps conve-
nables. » En hébreu, le terme employé est horéf,
« l'automne, » opposé à qayîs, « l'été; » ainsi sont
désignées les deux saisons qui se partagent l'année en
Palestine. Cf. Gen., vm, 22; Zach., xiv, 8. — Dans un
passage où la Vulgate parle de printemps, il est ra-
conté, Gen., xxxv, 16; xlviii, 7, que Jacob et Rachel
avaient encore kibrat-hâ-'drés pour arriver à Éphrata.
Le mot kibrat, analogue au kibrâli assyrien, qui
désigne une portion du monde ou de la terre, indique
en hébreu une distance, probablement celle de l'hori-
zon. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig,
1899, p. 358. Le sens du texte est donc que les voya-
geurs étaient arrivés à un kibrat de terre d'Éphrata,
autrement dit qu'Éphrata était à l'horizon ou en vue.
De fait, l'endroit où se trouvaient alors les voyageurs
et auprès duquel Rachel fut inhumée n'est guère à
plus d'un kilomètre de Bethléhem. Le Syriaque traduit
par « parasange », mesure de longueur quatre fois plus
grande. Les Septante ne traduisent pas le mot hébreu
et disent que les voyageurs approchaient de Chabratha,
gtç Xa6pa8â; Gen., xlyiii, 7 : xatà tôv ïu7tôSpou.av
Xa6pa8à, « vers l'hippodrome de Chabratha, » le mot
hippodrome doublant ici celui de Chabratha pour
exprimer une idée de distance; IV Reg., v, 19: d;
Asgpaôiou Xaâpaôâ. Aux deux passages de la Genèse,
la Vulgate traduit kibraf par vemum tempus, « prin-
temps. » On ne saurait dire comment saint Jérôme est
arrivé â cette traduction, si, au livre des Rois, il n'avait
rendu le même mot par eleclum tempus, « un temps
de choix, » par extension « le printemps ». Il est pro-
bable que le traducteur a rattaché kibrat à bârâh ou
bârar, « choisir. » En tons cas, dans ces trois passages,
il n'est pas question de printemps, mais d'une mesure
itinéraire dont on ne peut préciser la longueur. —
Dans l'Exode, xxxiv, 18, il est noté que les Hébreux
sont sortis d'Egypte èv nr]vt tûv véwv, « au mois du
renouveau, » même verni temporis, « au mois du
printemps. » L'indication est exacte, mais donnée par
équivalence. Dans l'hébreu il y a : « au mois a"abib, »
c'est-à-dire « des épis ». La même expression et les
mêmes traductions se retrouvent Deut., xvi, 1.
H. Lesêtre.
PRISCILLE (grec : iIptrTxiXÀa), diminutif de Pn$-
ca, femme d'Aquila. Rom., xvr, 3; II Tim., IV, 19.
Voir Prisque, col. 680, et Aquila, t. i, col. 809.
PRISON (hébreu : bôr, « fosse », bêt hab-bôr,
« maison de la fosse, » bêt hâ'êsûr, « maison du lien, »
bêt hâ'sûrim, « maison des liés, » bê( hap-pequddôt,
« maison des surveillances, » hélé', kelû', kêW, de
kâlâ', « enfermer, » mattdràh, de ndtar, « garder, »
masgêr, de sdgar, « enfermer, » mismâr, de sâmar,
« garder; » Septante : çuXaxrj, Xâxxo;, oïxoç toû Sectjim-
TïipEou; Vulgate : carcer, custodia, lacus), lieu dans
lequel on enferme les hommes qu'on veut châtier.
I" Prisons égyptiennes. — Injustement accusé par
la femme de Putiphar, Joseph fut jeté dans une prison
où étaient détenus les prisonniers du roi. Gen., xxxix,
20. Cette prison est appelée bêt has-sohar, <c maison de
la tour, » ôyjpwua. Elle était donc située dans une sorte
de forteresse, probablement dans celle qui est appelée
« Muraille blanche » par Thucydide, i, 104, et Hérodote,
m, 13, 91, et qui se trouvait dans la « ville de la Muraille
blanche », Pa-sebti-het, c'est-à-dire Memphis. La prison
était gouvernée par un sar bêt has-sohar, « chef de la
maison de la tour, » àpxeSeCTfiospiXay.o;, princeps car-
ceris, dont Joseph ne tarda par à gagner les bonnes
grâces. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes, 6» édit., t. il, p. 67-69. Deux officiers du pharaon,
le grand panetier et le grand échanson furent aussi
enfermés dans cette prison. Au bout d'un certain temps,
ils en sortirent tous les deux, le premier pour être
pendu, le second pour être rétabli dans ses fonctions.
Ce dernier avait promis à Joseph de penser à lui
auprès du pharaon, mais il n'en fit rien et le jeune
Hébreu resta encore deux ans en prison. Il en fut tiré
pour expliquer le songe du prince. Toutefois avant de
paraître à la cour, il dut.se raser et changer de vête-
ments. Gen., xli, 14, 15. Cette double précaution
n'implique rien quant au régime intérieur de la prison,
dans laquelle Joseph était sans doute bien traité;
mais on comprend qu'une tenue spéciale fût obliga-
toire pour ceux qui étaient admis à l'audience du pha-
raon. — Pour éprouver ses frères, Joseph à son tour
les fit mettre en prison pendant trois jours, à leur
premier voyage en Egypte. Ensuite, il commanda de
tenir Siméon sous bonne garde et ne lui rendit la
liberté que quand les autres revinrent avec Benjamin.
Gen., xlii, 17, 24; xlih, 23.
2° Prison philisline. — Après s'être emparés de
Samson, les Philistins le menèrent à Gaza, lui cre-
679
PRISON — PROCEDURE
680
vèrent les yeux, le lièrent d'une double chaîne d'airain
et le mirent dans une prison où il avait à tourner la
meule. C'était une dure réclusion, compliquée des
travaux forcés. Us l'en tirèrent an jour de la fête de
leur dieu Dagon et Samson en profita pour renverser
le temple où se tenait l'assemblée. ,(ud., xvi, 21, 25.
3° Prisons assyriennes. — Pour punir la révolte
d'Osée, roi d'Israël, Salmanasar, roi d'Assyrie, le fit
saisir, enchaîner et jeter dans une prison. IV Reg.,
xvn, 4. Cette mesure suppose la relégation d'Osée en
Assyrie, où le peuple d'Israël allait bientôt rejoindre
son dernier roi. Voir Osée, t. iv, col. 1906. — L'avant-
dernier roi de Juda, Joachin ou Jéchonias, subit le
même sort. Nabuchodonosor le. tint en prison en Assyrie
pendant trente-six ans. IV Reg., xxv, 9, 27. Au bout
de ce temps, le nouveau roi, Évilmérodach, dès le
début de son règne, le tira de son humiliation et le traita
avec une faveur marquée. IV Reg., xxv, 27-30; Jer., lu,
31-33. Voir Jéchonias, t. m, col. 1211. — Le dernier
roi de Juda, Sédécias, pris et conduit à Nabuchodono-
sor, alors à Rébla, eut les yeux crevés, fut chargé de
deux chaînes d'airain et jeté dans une prison de Baby-
lone, où il demeura jusqu'à sa mort. IV Reg., xxv, 6,
7; Jer., lii, 11. Plus tard, Arsace, roi de Perse, fit
mettre en prison le roi de Syrie, Démétrius, qui avait
violé son territoire. I Mach., xiv, 2, 3.
4° Prisons Israélites. — 1. Dans les premiers temps,
les Israélites n'avaient pas de prisons. On se conten-
tait d'exercer une surveillance étroite sur les coupables
qui devaient être jugés et punis. Lev., xxiv, 12; Num.,
xv, 34. La première mention d'une prison se rencontre
dans l'histoire d'Achab, roi d'Israël. Un prophète, du
nom de Michée, ayant prédit l'insuccès de l'expédition
qu'Achab et Josaphat allaient entreprendre ensemble
contre les Syriens, le roi d'Israël le fit mettre en
prison, avec ordre de le nourrir du pain et de l'eau
d'afiliction. III Reg., xxii, 27. Voir Michée, t. rv,
col. 1063. — Le prophète Jérémie subit plusieurs fois
la prison. Enfermé d'abord dans la cour des gardes,
Jer., xxxil, 2, 8, 12; xxxm, 1, il fut ensuite accusé de
vouloir passer aux Chaldéens, saisi, battu, et jeté dans
une basse-fosse, sous les voûtes, dans la maison du
secrétaire Jonathan, dont on avait fait une prison.
Après bien des jours, le roi Sédécias le fit tirer
de là et garder dans la cour de la prison, avec
ordre de lui fournir chaque jour une miche de pain,
dont il était privé précédemment. Jer., xxxvn, 14-
16, 20. Ses ennemis ne l'en firent pas moins descendre
ensuite dans une citerne qui ne contenait que de la
boue. Le prophète y enfonça . On l'en tira avec des cordes
et on le relégua de nouveau dans la cour des gardes,
où il demeura jusqu'à la prise de la ville. Jer., xxxvm,
6, 13, 28; xxxix, 14, 15. — 2. Après la captivité, le roi
Artaxerxès donna à Esdras des instructions en vertu
desquelles les transgresseurs de la loi juive devaient
être punis de mort, de bannissement, d'amende ou de
prison. I Esd., vu, 26. Il y eut un peu plus tard une
prison à Jérusalem. II Esd., irr, 25; xii, 38. Au temps
des Machabées, le général syrien Bacchidès prit en
otages les fils des principaux Juifs et les retint
prisonniers dans la citadelle de Jérusalem. IMach., IX,
53. — 3. A l'époque cvangélique, saint Jean-Baptiste
est mis en prison à Machéronte par le roi Hérçode
Antipas et y est décapité. Matth., xiv, 3, 10; Marc, vi,
17, 27; Luc, m, 20; Joa., m, 24. Dans l'Évangile, il
est fait mention de la prison dans laquelle le juge fait
enfermer les accusés, Matth., v, 25; Luc, xn, 58; de
celle où l'on met les débiteurs infidèles, Matth., xvm,
30 ; de celle où était détenu Barabbas. Luc, xxiir, 19,
25. Saint Pierre proteste qu'il est prêt à suivre Jésus
en prison et à la mort. Luc, xxii, 33. On pouvait visiter
les prisonniers et leur venir en aide. Act., xxv, 23.
Notre-Seigneur dit qu'au jour du j ugement il considérera
ce bon office comme rendu à lui-même en personne.
Matth., xxv, 36. — 4. Les deux apôtres Pierre et Jean
sont mis en prison par l'ordre du sanhédrin. Act., iv,
3. Tous les autres Apôtres y sont enfermés à leur tour,
mais un ange les en fait sortir pendant la nuit. Act., v,
18-25. Saint Paul, avant sa conversion, faisait mettre
en prison les disciples du Sauveur. Act., vin, 3; xxii,
19; xxvi, 10. Lui-même y alla à son tour. II Cor., vi,
5; xi, 23. A Philippes, il fut enfermé avec Silas dans
un des cachots intérieurs de la prison, et aurait pu
s'échapper s'il avait voulu. Act., xvi, 23-34. Les premiers
chrétiens étaient souvent jetés en prison par leurs
persécuteurs. Heb., xi, 36; Apoc.,n, 10.
5° Au sens figuré. — La plaie des ténèbres enchaînait
les Égyptiens comme dans une prison. Sap., xvii, 15;
xvm, 4. — Satan est dans son enfer comme dans une
prison. Apoc, XX, 7. — Avant la rédemption, les rois
et les peuples étaient comme en prison, dans les
ténèbres de leur ignorance et pour l'expiation de leurs
méfaits. Is., xxiv, 22; xlii, 22. Le Messie devait venir
pour faire sortir les captifs de prison. Is., xlii, 7. —
Le sage, même pauvre et sortant de prison, est capable
de régner. Eccle., iv, 14. H. Lesêtre.
PRISONNIER. Voir Captif, t.n, col. 222; Prison,
col. 678.
PRISQUE (grec : Ilptaxa; Vulgate : Prtsca, « an-
cienne, «nom de la femme du juif converti Aquila. Act.,
xvin,2, 18, 26; I Cor.,xvi, 19. On l'appelait aussi Pris-
cilla, diminutif de Prisca, selon l'usage romain qui em-
ployait souvent les deux formes. Suétone appelle Clau-
dilla et Livilla celles que Tacite appelle Claudia et
Livia. Cf. Drusa et Drusilla, Quinta et Quintilla,
Secunda et S ecundilla. Voir Aquila, t. i, col. 809.
PROBATIQUE (PISCINE) à Jérusalem. Joa.,
v, 2. La Vulgate a appelé probatica piscina, la piscine
(xoXu[iêT)6pa), qui, d'après le texte grec, est située èjt\ ttj
Tzpo$aïïAîj (sous entendu icjXti), c'est-à-dire près de la
porte des Brebis ou du Troupeau, cf. II Esd., m,l, 32;
xii, 38, où la Vulgate appelle cette porte porta Gregis.
Voir Jérusalem, t. m, 1°, col. 1364. On donnait en hé-
breu à cette piscine le nom de B-»)9Etr8à; Vulgate : Beth-
saida. Voir Bethsaïde 3, t. I, col. 1723.
PROCÉDURE, manière dont s'exerce la justice
publique. — Chez les Hébreux, comme en général chez
les Orientaux, la procédure était assez sommaire. La
justice se rendait aux portes des villes, où les juges
s'asseyaient. Prov., xxxi, 23. Voir Porte, i, 3°, col. 553.
La justice était rendue par les anciens, puis, à partir de
la domination grecque, par des tribunaux appelés sanhé-
drins, formant trois juridictions graduées. Voir Juge,
t. m, col. 1833-1836. Les rois jugeaient naturellement
dans leur palais, III Reg., vil, 7, et le grand sanhédrin
dans un local du temple. Voir t. m, col. 1843. Sur la
comparution devant le tribunal, l'instruction de l'affaire,
ia sentence et son exécution, voir Jugement judiciaire,
t. m, col. 1844, 1845. Quand la cause en litige ne pou-
vait être élucidée ni par la déposition des témoins, ni
par le serment de l'accusé, on l'abandonnait au juge-
ment de Dieu. La cause entendue, les juges donnaient
chacun leur suffrage, soit pour absoudre, soit pour
condamner, soit pour déclarer que la question ne leur
paraissait pas claire. La sentence était rendue d'après
le nombre des suffrages. S'il s'agissait d'une affaire
grave, les juges ne pouvaient rendre leur sentence que
le lendemain des débats. Ne prenant que peu de nour-
riture et s'abstenant de vin, ils passaient la nuit à con-
férer deux à deux sur la cause. Le matin, ils rendaient
leur sentence définitive, et ne pouvaient d'ailleurs
changer leur avis de la veille que dans un sens favo—
681
PROCÉDURE — PROCÈS
682
rable. Le nombre des juges étant toujours impair, il
pouvait arriver que l'un d'eux déclarât que la question
ne lui paraissait pas élucidée, et que les autres juges se
partageassent à voix égales pour ou contre. En pareil
cas, on adjoignait d'autres juges aux premiers, jusqu'à
ce que la sentence pût être portée à la pluralité des
voix. S'il y avait au grand sanhédrin trente-six voix
pour condamner et trente-cinq pour absoudre, on con-
tinuait les débats jusqu'à ce qu'un des juges qui con-
damnaient se ralliât à la sentence opposée. Cf. Iken,
Antiquitates hebraicse, Brème, 1741,. p. 410, 411. Ces
complications de procédure ne furent instituées qu'assez
tard après la captivité. Elles montrent le souci que
l'on avait d'éviter une sentence erronée dans les affaires
graves. Ce souci était d'autant plus justiQé qu'il n'exis-
tait pas de tribunal d'appel et que la sentence était
exécutée immédiatement. Cf. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5.
Sur la procédure suivie au grand sanhédrin de Jérusa-
lem, voir Sanhédrin. — Comme il était interdit aux
Juifs de prendre part à une affaire judiciaire le jour du
sabbat, cf. Beza (Yom tob), v, 2, l'empereur Auguste
exempta les Juifs de tout l'empire de l'obligation de
témoigner en justice ce jour-là. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XVI, vi, 2, 4. Par le même décret, il voulut que le
vol de l'argent ou des livres sacrés fût considéré
comme sacrilège et puni en conséquence. La loi mo-
saïque réglant à la fois les affaires religieuses et les
affaires civiles, les Juifs avaient obtenu le privilège
d'être jugés selon le droit mosaïque. Ils dirimaient
d'après ce droit les contestations qui s'élevaient dans
leurs communautés de la dispersion. C'est ainsi que
Saûl reçut pleins pouvoirs du sanhédrin de Jérusalem
pour aller poursuivre juridiquement à Damas les Juifs
passés à la foi chrétienne. Act., ix, 2; xxn, 19; xxvi,
11, 12. A Corinthe, les Juifs traduisirent saint Paul
devant le tribunal du proconsul Gai lion, sons prétexte
qu'il prêchait une religion contraire à leur loi. Les
Juifs attaquaient ainsi saint Paul en qualité de Juif;
mais ne se sentant pas en force pour porter contre lui
une sentence exécutoire, ils en appelaient à l'autorité
romaine, qui d'ailleurs se récusa. Act., xvm, 12-16. Le
sanhédrin le poursuivit plus tard à Jérusalem, mais
devant le procurateur, à cause de l'amoindrissement de
ses pouvoirs en matière criminelle. Act., xxiv, 1 ; xxv,
7. Il l'accusait surtout d'actes contraires à la loi reli-
gieuse, et les procurateurs de Judée étaient obligés d'en
connaître, sans pouvoir se dérober comme Gallion,
parce que les attributions du sanhédrin en matière
criminelle étaient passées entre leurs mains. Du reste,
il en avait été déjà ainsi au temps de Notre-Seigneur.
C'est bien la loi. mosaïque que l'on invoqua devant
Pilate, Joa., xix, 7; les Juifs avaient la prétention de
la faire triompher dans le sens qu'ils lui prêtaient, et
ils y réussirent au moins par intimidation. Saint Paul
fut plus d'une fois cité devant les tribunaux juifs de la
dispersion; il atteste que cinq fois il reçut des Juifs
trente-neuf coups de fouet, châtiment que les commu-
nautés de Palestine et de la dispersion avaient le droit
d'infliger à leurs coreligionnaires. H Cor., xi, 24. A
Sardes, avec l'autorisation du pouvoir de Rome, les
Juifs avaient un tribunal dans lequel ils jugeaient les
contestations qui s'élevaient entre eux. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XIV, x, 17. Presque toutes leurs commu-
nautés exerçaient ce droit. Cf. Schûrer, Geschichte des
jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. m, 1898,
p. 71, 72. H. Lesétre.
PROCÈS (hébreu : rib, mddôn; Septante : y.p(oiç,
%çi\La, àvTiXoyfa; Vulgate : judicium, lis, disceptatio),
action intentée devant les juges. L'objet même du pro-
cès s'appelle ddbâY, « parole, affaire, s xp:'<Tt?, causa,
Exod., xvm, 16, 22; xxii, 9, et celui qui a un procès
est un ba'al debârîm, « ayant des affaires, * xpfaic> quid
natum quœstionis. Exod., xxiv, 14. Sur les questions
se rapportant aux procès, voir Jugement judiciaire,
t. m, col. 1843; Plaideur, col. 448; Procédure, col. 680.
— 1° La loi mosaïque s'occupe des procès que rendent
inévitables les différentes manières d'envisager une
même question, surtout quand il s'agit d'intérêts ma-
tériels. Dans le principe, au désert, Moïse lui-même
prenait la peine de juger tous les procès, et cette occu-
pation l'accaparait du matin au soir; Sur le conseil de
Jéthro, il se dessaisit de sa fonction de juge et la con-
fia à des hommes chargés chacun des affaires d'une
partie du peuple. Exod., xvm, 13-26. Voir Juges, t. m,
col. 1834. Dans sa législation, il détermina la juridiction
devant laquelle devaient être portés les différents pro-
cès. Exod., xxn, 9, 14; xxiv, 14; Deut., xvn, 8; xix, 17;
xxv, 1. Il défendit soit de se ranger dans un procès à
l'avis du grand nombre contre la justice, soit de favori-
ser le pauvre au détriment du droit, soit de l'accabler.
Exod., xxiii, , 2, 3, 6. Son organisation judiciaire pour
l'examen des procès fut plus tard renouvelée par Josa-
phat. II Par., xvm, 9, 10. — Job, xxix, 16, dit qu'il
examinait avec grand soin la cause de l'inconnu. — Les
querelles et les procès sont fréquemment suscités par
l'homme violent, Prov., xv, 18, ou l'homme faux.
Prov., xvi, 28. 11 est permis de défendre sa cause con-
tre l'insulteur, mais en veillant à ne pas compromettre
des tiers. Prov., xxv, 9. Commencer un procès ou
soulever une querelle, c'estouvrirune digue, Prov. ,xvn,
14, car on ne sait ni quand ni comment la chose finira.
Il est conseillé d'éviter les procès avec un riche, car
celui-ci peut aisément gagner les juges à sa cause avec
son argent. Eccli., vin, 2. — Notre-Seigneur recom-
mande d'éviter les procès et de s'arranger à l'amiable,
Matth., v, 25, et il désire que son disciple souffre le
dommage plutôt que d'en exiger la réparation. Matth., v,
38-41. Saint Paul blâme les chrétiens qui ont des pro-
cès les uns avec les autres; il préférerait qu'on sup-
portât l'injustice. I Cor., vi, 7, 8. Un chrétien et, à
plus forte raison, un ministre de l'Église doit être
afM<X '> * non combatif, » non liligiosus, ennemi des
querelles et des procès. I Tim., ni, 3; II Tim., n, 24;
Tit., m, 2. — Ponce Pilate proclama plusieurs fois
qu'il n'y avait pas matière à procès dans ce que les
Juifs reprochaient à Notre-Seigneur. Luc, xxiii, 4, 14;
Joa., xvm, 38; xix, 4, 6. Sur les irrégularités dont le
sanhédrin se rendit coupable dans la conduite de ce
procès, voir t. m, col. 1845; Chauvin, Le Procès de
Jésus-Christ, Paris, 1901.
2° Au sens figuré, on compare à un procès dont Dieu
est le juge les difficultés qui s'élèvent entre les bons et
leurs persécuteurs, entre le juste éprouvé et Dieu lui-
même. Ainsi Dieu juge entre Davbd et Saûl, I Reg., xxiv,
16, entre David et Nabal. I Reg., xxv, 39. En butte à
l'épreuve, à cause de laquelle on incrimine sa vertu,
Job, xxxi, 35-37, s'écrie :
Qui me fera trouver quelqu'un qui m'écoute !
Voilà mon thav : que le Tout-Puissant me réponde ;
Que mon adversaire écrive aussi sa cédule !
On verra si je ne la mets pas sur mon épaule,
Si je n'en ceins pas mon front comme d'un diadème .
Job a écrit sa cédule d'accusation ou de défense et il l'a
signée, comme on faisait d'habitude, avec le thav, la
dernière lettre de l'alphabet hébraïque, qui avait dans
l'ancienne écriture la forme d'une croix. Il veut que son
adversaire, l'ami qui l'accuse, en fasse autant. Il est si
sûr de son innocence et de la sentence du Tout-Puis-
sant, qu'il traitera les pièces du procès comme si elles
étaient pour lui un titre de gloire et les attachera osten-
siblement à son épaule et à son front, — Dieu estjuge
et défenseur dans la cause de l'orphelin contre l'oppres-
seur. Prov., xxm, 11. Les justes éprouvés lui confient
leur cause. Ps. ix, 5; xliii (xlii), 1; ïs., li, 22. — Le
683
PROCÈS
PROCHAIN
684
Seigneur lui-même, en procès contre sa vigne, c'est-à-
dire contre son peuple, défère le jugement aux habi-
tants de Jérusalem et aux hommes de Juda, c'est-à-dire
aux coupables eux-mêmes, dont l'infidélité est si évi-
dente qu'ils seront bien obligés de se condamner.
Is., v, 3. H. Lesêtee.
PROCHAIN (hébreu : 'ah, « frère », rê'a, « compa-
gnon; » Septante : à n^ui'ov (sous-entendu : wv), « ce-
lui qui est auprès ; » Vulgate : proximus), tout homme
vis-à-vis d'un autre homme.
I. Devoirs envers le prochain dans l'Ancien Tes-
tament. — 1» La loi ancienne prescrit différents devoirs
à l'égard du prochain. Il faut respecter sa vie, Exod.,
xx, 13, sous peine de mort, Gen., ix, 5; Exod., xxi, 14;
respecter ses biens, Exod., xx, 15, sous peine d'avoir à
restituer le double, Exod., xxn, 9; ne convoiter ni sa
femme, ni ses biens, Exod., xx, 17; ne pas le frapper,
à peine d'avoir à réparer le tort causé, Exod., xxi, 18;
le traiter humainement quand on prend un gage sur
lui, Exod., xxjj, 26; ne pas l'opprimer, Lev., xix, 13;
le juger selon la justice, Lev., xix, 15; ne pas l'accuser
méchamment, Lev., xix, 16; le reprendre, Lev., xix, 17;
l'aider dans sa pauvreté, Lev., xxv, 35, 36; respecter
les limites de son champ. Deut., xix, 14, etc. Tous ces
devoirs se résument en ces deux prescriptions : « Tu
ne haïras point ton frère dans ton cœur, tu aimeras
ton prochain comme toi-même. » Lev., xix,17, 18. Des
recommandations spéciales visent certaines catégories
de prochain, les esclaves, voir t. n, col. 1925, les
étrangers, voir t. h, col. 2040, les mercenaires, voir
t. iv, col. 990, les pauvres, voir t. iv, col. 2234, les
pères, voir col. 128, et mères, voir t. iv, col. 995, etc.
2° Les auteurs sacrés rappellent les différentes pres-
criptions imposées par Dieu à l'égard du prochain.
Eccli., xvn, 12. On doit s'abstenir de faire du mal au
prochain ni croire celui que l'on dit de lui. Ps. xv
(xiv), 3, 4. Celui qui méprise son prochain se rend
coupable. Prov., xiv, 21. Il ne faut pas lui garder
rancune de ses injustices, Eccli., x, 6, ni refuser de
lui pardonner, si l'on veut être pardonné soi-même,
Eccli., xxviti, 2, ni forger des mensonges contre lui,
Eccli., vu, 13., On lui prêtera s'il est dans le besoin.
Eccli., xxix, 2. On ne lui ravira pas sa subsistance, ce
qui serait lui donner la mort. Eccli., xxxiv, 26. On lui
dira la vérité. Zach., vm, 16. On n'imitera pas les faux
témoins, qui sèment la discorde entre les frères.
Prov., vi, 19. On évitera même de trop fréquentes
visites dans la maison du prochain, Prov., xxv, 17, et
les salutations intempestives. Prov., xxvn, 14. Si on
juge des désirs du prochain d'après les siens propres,
Eccli., xxxi, 18, on «aura comment régler sa conduite
envers lui, et alors il sera bon et doux pour des frères
d'habiter ensemble. Ps. cxxxm (cxxxn), 1.
II. La notion de prochain chez les Juifs. — 1° Il
faut observer que dans ces textes de l'Ancien Testa-
ment, les devoirs prescrits envers celui que nous
appelons le prochain concernent celui qui, pour les
Hébreux, pouvait porter le nom de 'ah, « frère, » ou
rê'a, « compagnon. » Or ces noms ne se donnaient en
général qu'aux compatriotes. La loi interdisait toute
amitié avec les Amalécites, Exod., xvn, 16; Deut., xxv,
19; les Ammonites et les Moabites, Deut., xxm, 3-6;
les Madianites, Num-, xxv, 17, 18, et sept peuples du
pays de Chanaan. Deut., vu, 1, 2. Le Seigneur avait
promis à Israël, s'il était fidèle, d'être l'ennemi de ses
ennemis et l'adversaire de ses adversaires. Exod., xxm,
22. Seuls, les Iduméens et les Égyptiens étaient mis à
part et ne devaient pas être des objets d'abomination.
Deut., xxm, 7. Ces mesures étaient prises pour inter-
dire toute union et même tout contact entre les
Hébreux et des populations immorales 'et idolâtres.
Mais en Israël, comme généralement chez les autres
peuples de l'antiquité, on en vint aisément à confondre
ensemble l'étranger et l'ennemi. Chez les Grecs,
àXAîÎTpio;, « autrui, l'étranger, » était devenu le nom
de l'ennemi. Cf. Iliad., v, 214; Odys , xvi, 102, etc.
Chez les Romains, la loi des xii Tables donnait encore
à l'étranger le nom d'hoslis, qui par la suite fut celui
de l'ennemi. Cf. Cicéron, De offic, i, 12, 37. De
même, chez les Hébreux, on s'habitua à regarder
comme ennemis, par conséquent comme exclus des
préceptes de l'amour et de la bienveillance, tous ceux
qui n'appartenaient pas à la nation choisie. On est
obligé de convenir que les hostilités dont les Israélites
furent fréquemment l'objet de la part des peuples
voisins, n'étaient pas faites pour les incliner à une
grande amitié pour les étrangers.
2» Avec le temps, les sentiments d'antipathie s'accen-
tuèrent et devinrent une véritable haine pour tout ce
qui n'était pas Juif. Déjà à Suse, d'après Josèphe,
Ant.jud., XI, vi, 5, Aman accusait le peuple juif d'être,
par ses mœurs et ses lois, « ennemi du peuple perse et
de tous les hommes. » Plus tard, Apollonius Molon
représentait les Juifs comme « athées et misanthropes »,
Josèphe, Cont. Apion., n, 14; il leur reprochait de ne
pas recevoir ceux qui avaient d'autres idées qu'eux sur
la divinité et de refuser tout commerce avec ceux qui
ne partageaient pas leur genre de vie. Il est vrai que
Josèphe, Cont. Apion., il, 36, 37, lui renvoie le reproche
en lui faisant observer que les autres peuples, spéciale-
ment les Grecs, Lacédémoniens, Athéniens et autres,
en faisaient tout autant. Lysimaque prétendait que
Moïse avait ordonné à son peuple de n'avoir de bien-
veillance pour aucun autre homme et de toujours
conseiller aux autres non le meilleur, mais le pire,
Josèphe, Cont. Apion., i, 34, et l'un des conseillers
d'Antiochus Sidétès dissuadait ce prince de ne rien
accorder aux Juifs à cause de leur àjjLtÇtœ, leur habitude
de ne pas se mêler aux autres peuples. Josèphe,
Ant. jud., XIII, vm, 3. Tacite, Hist., v, 5, leur attribue
adversus omnes alios hostile odium, « une inimitié
haineuse à l'égard de tous les autres, » et Juvénal,
Sat., xiv, 103, 104, les accuse de ne vouloir montrer le
chemin et indiquer les fontaines qu'à leurs coreligion-
naires. Cf. Justin, xxxvi, 2, 15. Ces accusations étaient
justifiées en grande partie. Un docteur de la loi en est
encore à demander à Notre-Seigneur : « Qui donc est
mon prochain ?» Luc, x, 29. Du reste, les écrivains du
Talmud déclarent formellement qu'on ne doit exercer
envers les gentils ni bienveillance ni miséricorde, que
le païen n'est pas le prochain, que les gentils sont com-
parables aux chiens, etc. Cf. Lightfoot, Horœ hebraic»
et talm., in Matth, v, 43, et in Luc, IX, 60. Saint Paul
résume tout, d'un mot qui confirme ce qu'on dit les
autres auteurs, quand il dénonce l'hostilité des Juifs,
©sa fir) àpeffx(5vT(i)v, xai Tiâaiv àv9p(jù7to[c EvavTfœv,
« déplaisant à Dieu et ennemis de tous les hommes. »
I Thés., n, 15.
3» Dans le discours sur la montagne, Notre-Seigneur
dit à ses disciples : « Vous avez appris qu'il a été dit :
Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. »
Matlh., v, 44. Le Sauveur n'entend pas ici faire allusion
à l'interprétation des Juifs, mais, comme dans les
autres passages du discours, Matth., v, 21, 27, 31, 33,
38, il se réfère aux termes de la loi ancienne. Or nulle
part celle-ci ne commande la haine des ennemis. Aussi
le mot « haïr » doit-il s'entendre ici dans un sens
relatif. Il signifie seulement « aimer moins » ou « ne
pas aimer », comme dans les textes où il est opposé à
« aimer ». Gen., xxix, 31; Deut., xxi, 15, 16; Mal., i,
2; Matth., vi, 24; Luc, xiv, 26; xvr; 13; Joa., xn, 25;
Rom., ix, 13. La pensée du divin Maître doit donc être
que la loi ancienne ne prescrivait pas d'aimer les
ennemis comme on aime les amis, le prochain; lui-
même va corriger cette loi ainsi entendue. Sans doute,
€85
PROCHAIN — PROGOPE DE GAZA
la législation mosaïque suggérait parfois la haine envers
les ennemis, non en tant qu'hommes, mais en tant que
peuples pervers, malfaisants et idolâtres, dont il fallait
se défier et se tenir à l'écart. En prescrivant d'aimer
le rê'a comme soi-même, Lev., xix, 18, elle désignait
tout d'abord l'Israélite, il est vrai ; rien ne prouve cepen-
dant qu'elle excluait le prochain en général; le contraire
résulte certainement de la manière [dont les auteurs
sacrés parlent des autres hommes, de l'étranger inoffen-
sif et même des ennemis personnels. Cf. Job, xxxi,
•29, 30; Prov., xxiv, 17, ,29; xxv, 21; Rom., xn, 20.
Aussi faut-il tenir pour fausse et contraire à la loi
l'interprétation des Juifs qui, opposant le rê'a au nokrî,
le compatriote à l'étranger, se croyaient permis d'avoir
pour l'un l'amour et pour l'autre l'opposé de l'amour,
la haine.
III. Devoirs envers le prochain dans le Nouveau
Testament. — 1° Notre- Seigneur parle beaucoup plus
explicitement de ces devoirs que ne l'avait fait la loi
ancienne. Tout d'abord, il donne au mot « prochain"»
l'extension qu'il comporte. Le prochain, ce n'est pas
seulement l'ami, le compatriote, c'est encore l'étranger
et même l'ennemi. Notre-Seigneur le déclare avec
insistance : « Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis,
bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à
ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous
maltraitent et qui vous persécutent. » Matth., v, 44. Il
veut qu'en cela on imite le Père céleste, qui fait lever
son soleil et descendre sa pluie sur les méchants tout
comme sur les bons. Matth., v, 45. Dans la parabole du
bon Samaritain, il explique quel est celui qui se con-
duit vraiment en prochain vis-à-vis d'un autre homme.
Le prochain du malheureux Juif blessé n'a été ni le
prêtre, ni le lévite, ses compatriotes, mais le Samari-
tain, abhorré des Juifs, et pourtant miséricordieux
envers quelqu'un qui le détestait. Le docteur de la loi
est forcé d'en convenir. Luc, x, 30-37.
2» Le Sauveur aime à rappeler le précepte de
l'amour envers le prochain. A un autre docteur, il
enseigne que le plus grand commandement de la loi
concerne l'amour de Dieu, mais que « le second lui
est semblable » et concerne l'amour du prochain. Matth.,
xxn, 36-39. Il appelle ce commandement un « com-
mandement nouveau a, Joa., XIII, 31, parce que la loi de
l'amour du prochain n'avait jamais été formulée avec
tant d'instance, de précision et d'extension. Matth., v,
44; xix, 19; xxvi, 39; Marc, xn, 31, 33; Luc, x, 27;
Rom., xin, 9; Gai., v, 14; Jacob., n, 8.
3° En conséquence du précepte, il ne faut pas s'irriter
contre son frère, Matth., v, 22, ni juger le prochain,
Rom., xiv, 10; Jacob., iv,13, ni chercher la paille
<lans son œil, Matth., vu, 3; Luc, vi, 41, ni le scanda-
liser. I Cor., vm, 13. On doit au contraire se réconci-
lier avec lui, Matth., v, 24, le reprendre quand il fait
mal, Matth., xvm, 15, lui pardonner ses torts, Matth.,
■xviri) 35, prier pour lui quand il pèche, I Joa., v, 16,
l'aider dans, son indigence, Jacob., n, 15, chercher à
-lui plaire pour le bien, Rom., xv, 2, faire de la vérité
ùa règle des rapports qu'on a avec lui. Eph., iv, 25. Le
véritable amour ne fait jamais de mal au prochain.
Boni., xin, 10. Aimer le prochain, c'est accomplir la
loi, Rom., xiii, 8, et vivre dans la lumière. I Joa., Il,
10. Ne pas l'aimer, c'est vivre dans les ténèbres, I Joa.,
h, 9, 11, n'être pas de Dieu et se faire homicide.
I Joa., ni, 10, 15. On ne peut pas vraiment aimer Dieu
si l'on n'aime pas son frère. I Joa., iv, 20.
4° Le divin Maître indique la raison fondamentale des
devoirs envers le prochain quand il ordonne à tous de
s'adresser à Dieu en disant : « Notre Père qui êtes aux
çieux, » quand il fait ajouter : « Pardonnez-nous nos
offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés, » Matth., vi, 10, 12, et qu'il dit : « Vous êtes
tous frères,., vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est
dans les cieux. » Matth., xxm, 8, 9. Saint Paul reprend
la même idée sous cette autre forme : « Nous sommes
membres les uns des autres. » Eph., iv, 25.
H. Lesêtre.
PROCHORE (grec : Hp4x°poç),un des sept diacres
institués par les Apôtres à Jérusalem. Il est nommé le
troisième de la liste, après saint Etienne et saint Phi-
lippe. Act., vi, 5. Son nom ne paraît nulle autre part
dans le Nouveau Testament. D'après une tradition, il
fut institué par saint Pierre, évêque de Nicomédie en
Bithynie. On trouve dans la Magna Bibliotheca
Patrum, Cologne, 1618, t. i, p. 49-69, une Historia
Prochori Christi discipuli, de vita B. Joannis apostoli,
livre apocryphe, rempli de fables et d'erreurs. Le mar-
tyrologe romain place la fête de saint Prochore au
6 avril. Voir Acta sanctorum, aprilis t. i, p. 818.
PROCONSUL (grec : àveû-jioao?), gouverneur d'une
province sénatoriale. Le nom grec du proconsul, àv-
6iimxToc (àvt( « à la place de, » u7taxoî « celui qui est au
sommet, le consul ») se trouve dans deux endroits du
livre des Actes, xm, 7, 8, 12, et xix, 38. On y rencontre
aussi une fois le verbe àv8vnraT£'i<j),xvin, 12, « être pro-
consul », faire l'office de proconsul. — On sait que les
provinces de l'Empire romain étaient divisées en séna-
toriales et en impériales. Les provinces sénatoriales
étaient celles qui étant pacifiées n'avaient pas besoin
de forces militaires. On en confiait l'administration à
un magistrat qui exerçait les fonctions civiles de gou-
verneur de la province et portait !e titre de proconsul.
— 1» L'île de Cypre, après labataille d'Actium, était deve-
nue 'province impériale; mais [cinq ans après, elle [fut
donnée au Sénat et administrée par un proconsul. Dion
Cassius, liv, 4; Corpus incript. latin., t. ix, 2845; J. Mar-
quardt, Organisation de l'empire romain (Manuel des
antiquités romaines de Mommsen et Marquardt), t. H,
p. 328. Comme ce proconsul était de rang prétorien,
Strabon, xiv, vi, 6, quelques exégètes ont cru, bien à
tort, que saint Luc, xm, 7, s'était trompé eu mettant
un proconsul en Cypre. Mais l'historien des Actes des
Apôtres donne à Sergius Paulus son vrai titre. Une in-
scription découverte dans cette ile en 1677, est datée de
son proconsulat: iSv èm LlauXou àv6uîtâTou. Cf. F. Vi-
gouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes
modernes, 2° édit., p. 200-206. Voir aussi la monnaie
proconsulaire de Cominius Proclus, Cypre, t. n, fig. 443,
col. 1166. — 2° L'Achaïe d'abord province impériale, Ta-
cite, Ann., i, 76, fut rendue au Sénat par Claude. Suétone ,
Claudius, 26. Saint Luc a donc donné au gouverneur
résidant à Corinthe le titre précis qui lui convenait.
Ce proconsul, au moment ou saint Paul vint évangéliser
cette ville, était Gallion, frère de Sénèque. J. Mar-
quardt, loc. cit., p. 220. Voir Gallion, t. m, col. 93. —
Au moment du partage des provinces l'Asie fut donnée
au Sénat et administrée par un proconsul à 12 faisceaux
qui résidait à Éphèse. Voir ÉPHÈse, t. H, fig. 582,
col. 1831. Dans la sédition soulevée contre saint Paul
par l'orfèvre Démétrius, le secrétaire de la ville dit au
peuple, Act., xix, 38 : « Si Démétrius et ses ouvriers
ont à se plaindre de quelqu'un, il y a des jours d'au-
dience et des proconsuls. » En mettant le nom pro-
consuls au pluriel, il ne veut pas indiquer qu'il y avait
plusieurs proconsuls à la tête de la province d'Asie;
mais il se sert d'un pluriel de catégorie, marquant qu'il
y a toujours des proconsuls auxquels on peut recourir.
Saglio et Daremberg, Dictionnaire des antiquités
grecques et romaines, t. iv, 1, p. 661, 719.
E. Levesque.
PROCOPE DE GAZA (Ilpoxomos), écrivain ecclé-
siastique qui tlorissait sous les empereurs Anastase I er
(491-518) et\Tustin I« (518-527). — t L'école palestinienne
des rhéteurs de la ville de Gaza a compté, parmi ses
représentants les plus illustres, Procope. On ignore la
687
PROCOPE DE GAZA
688
date précise de sa naissance et de sa mort. Son disciple
et son successeur, le sophiste Choricius, a écrit son
éloge dans un discours intitulé Xopixt'ou uofioroO
ÈKiTiiçio; citï Ilpoxoiti'ii) <Toç'.<rrrj YâXftib lôyoc, et publié,
avec une traduction latine de Joseph Chrétien Wolff,
par Fabricius, Bibliotheca greeca, édit. H»rless, V,
xxxi, t. vin, p. 840-851, et aussi par Boissonade, Cho-
ricii Gazaei orationes, declamationes, fragmenta,
Paris, 1844, p. i-24. Avec les lettres de Procope
(voir Pat. Gr., t. lxxxvii, col. 2717-92, Fabricius-Har-
less, Bibliotheca grœca, t. ix, p. 296 et R. Hercher,
Epistolograpki grxci, Paris, 1873, p. 533-598), le
panégyrique de Choricius est la principate source pour
la biographie, d'ailleurs peu fournie, de Procope. Sauf
quelques courts séjours à Alexandrie, à Césarée, en
Pamphylie, et peut-être à Constantinople, sa paisible
carrière s'est toute entière écoulée dans sa ville natale.
Étranger aux agitations qui, de son temps, boulever-
sèrent l'Église et l'État, Procope se voua complètement
et uniquement à des travaux littéraires et théologiques.
Nous n'avons à nous occuper ici que de ces derniers.
La majeure partie de l'œuvre de Procope est con-
sacrée à l'Écriture Sainte. Il est, parmi les commenta-
teurs de la Bible, un des principaux exégètes de ceux
qui ont pratiqué la méthode dite de la Chaîne (ueipâ,
Catena). Lui-même caractérise nettement son procédé,
au début d'un commentaire sur la Genèse, t. lxxxvii,
col. 21. « Nous avons réuni les explications sur l'Octa-
teuque fournies par les Pères et d'autres écrivains, les
recherchant dans les documents et divers discours...
lorsqu'une explication est commune à tous, nous ne la
donnons qu'une fois. S'il y a quelque divergence, nous
l'exposons sommairement pour faire de toutes les opi-
nions un seul corps, qui renfermera pour nous les
sentiments de tous. » Les commentaires de Procope,
qui tous portent sur l'Ancien Testament, sont les sui-
vants. 1» Celui que Photius, -Bibl., ccvi, t. cm, col. 676,
intitule IIpoxoTC(o'j coçkttou è^Yquxat ayjilcù éiç xe xr,v
'Qxtocteuxov tûv IlaXaiwv Tpa^iiâTtov xai eïç ta; Ba<rt-
Xeca; xal 8ï| sï; ta LTapaXe!ir<S|jisv<i. Il fut publié pour la
première fois en 1553 à Zurich par André Gesner, mais
seulement en traduction latine, peu correcte de Conrad
Clauses, qui porte aussi le nom de Claude Thrasybule.
Toutefois Conrad Clauser ne traduisit que le commen-
taire sur la Genèse, l'Exode et le Lévitique ; le reste de la
traduction, soit la partie concernant le Deutéronome, le
livre de Josué, celui des Juges, ceux des Rois et les Pa-
ralipomènes furent l'œuvre d'Hartman Hamberger.
En 1620, J. Meursius publia à Lyon, une traduction de
Louis Lavater, ou plutôt aussi, prétend-on, d'Hart-
man Hamberger, le texte grec des scolies sur les livres
des Rois. J. Meursius, Opéra, t. vm, p. 1 et suiv. Le
cardinal Auguste Mai, au xix e siècle, retrouva le texte
grec de la partie du commentaire qui se rapporte à la
Genèse et l'édita à Rome en 1834, dans ses Classici
auctores, t. vi, p. 1-18. Migne, t. lxxxvii, a reproduit
le texte grec de Mai et la traduction de Gesnert, d'Ham-
berger, on y ajoutant, pour certaines parties, le texte
grec de la Catena Lipsiensis éditée à Leipzig en 1772,
par Nicéphore Hiéromonachos, et que l'on a tout lieu de
croire l'œuvre de Procope. — 2° Commentaire sur le livre
des Proverbes; signalé par Montfaucon, Palœographia
grœca, p. 278 et suiv., et Turrianus, Defensio epistola-
rum Pontificum, t. iv, p. 4, 6, 17, le texte grec en a été
publié par le cardinal Mai, Classici auctores, t. ix,
p. 1-256, et il a été reproduit avec une traduction la-
tine dans Migne, t. lxxxvii, col. 1221-1514. Dans un ma-
nuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique, n° 3895-
96 (cf. J. Van den Gheyn, Catalogue des. manuscrits de
la Bibliothèque royale de Belgique, t. Il, p. 221-222),
oh trouve p. 1-247, le texte grec de IIpoxoTrtou TaÇat'oy
XptCTTtavoû uotpioToy TtSv £tç *uàç îcapot|xtaç SaXofjLwvroç
^YITtxôiv êxloYiôv ÊTttTOtiVî, accompagné d'une traduc-
tion latine faite au xvnr siècle par Balthazar'Cordier,.
S. J. Migne, t. lxxxvii, col. 1779-1800, en donne quel-
ques extraits. — 3° Dans les Auctores classici, t. ix f
p. 257-430, le cardinal Mai et Migne, t. lxxxvii, col. 1541-
1754, ont publié Ilpoxomou TaÇaiou -/ptatiavovi «roiptaxoû
e!c ta otaiiaTà twv àufiâtuv l$tiY1~tx<5v ÈxXofâJv èmTO(iVi r
Procopii Gazsei christiani sophistse in Cantica Can-
ticorum selectarum expositionum epitome. Migne
a ajouté à son édition les variantes du mss. n» 3895-96-
de la Bibliothèque royale de Belgique. En outre, Mai,
Classici auctores, t. vi, p. 348, et Migne, t. cité, col. 1755-
1779, ont publié des fragments d'un autre commentaire
de Procope sur le Cantique des Cantiques. — 4° En 1579,
Jean Curterius publia le texte grec et la version latine
d'un long commentaire de Procope sur Isaïe, reproduit
dans Migne, t. lxxxvii, col. 1801-2718. Cave, Historia-
litteraria, 1740, p. 327, attribue à Procope un commen-
taire sur les douze petits prophètes, mais cette opinion-
n'est guère appuyée. Toutefois, il n'est pas impossible
qu'un examen plus approfondi des manuscrits fasse
retrouver encore un certain nombre d'ouvrages du
sophiste de Gaza, ou du moins des exemplaires de
traités de Procope connus seulement par un texte unique.
Ainsi M. E. Bratke, Handschriftliches zu Procopio»
von Gaza, dans Zeitschrift fur wissenschaftliche
Théologie, t. xxxix, 1896, p. 303-12, croit avoir recon-
nu une Chaîne de Procope sur le Cantique des Cantiques
dans le manuscrit grec n» 131 de la bibliothèque de
Munich et il signale également de nouveaux exem-
plaires du commentaire sur le livre des Proverbes.
Les travaux scriptùristiques de Procope ont de tout
temps, chez ceux qui les ont édités ou connus, excité
une vive admiration. Ernesti loue sa vaste érudition et sa
profonde connaissance des anciens exégètes. Patr. Gr~,.
t. lxxxvii, col. 15. Le cardinal Mai relève l'importance-
des commentaires et qualifie la méthode de Procope
« d'herméneutique solide et de doctrine authentique »,
et il constate que l'on retrouve chez lui d'intéressantes
variantes des Hexaples d'Origène. Patr. Gr., t. IX,
col. 17. Jacques Gesner, un des éditeurs de Procope, émet
un jugement semblable. Ibid., col. 11. On s'est récem-
ment surtout préoccupé, en ce qui concerne Procope de
Gaza, de démarquer le fond même de ses commentaires
sur l'Écriture, si riches en extraits d'auteurs anciens,
dont quelques-uns sont en partie perdus ou incomplè-
tement conservés. En d'autres termes, on s'est efforcé
de reconnaître les sources auxquelles Procope a puisé;
s'il nomme parfois les écrivains auxquels il emprunte,
le plus souvent il fond les opinions d'autrui dans son
propre texte. M. Rendel Harris, Fragmenta of Philo-,
Cambridge, 1886, a constaté que Procope s'est plus d'une
fois inspiré des écrits du juif Philon, dans son commen-
taire sur l'Octateuque. Des constatations analogues ont
été faites par MM.P. Windland, Neuentdeckte Fragmente
Philo's, Berlin, 1891, p. 19, note 17, et L. Cohn, Zwr
indirecten Uberlieferung Philo's und der àlteren Kir-
chenschriftsteller, dans Jahrbuch fur protestantische
Théologie, 1812, p. 475-492. Mais ils signalèrent en
même temps l'influence d'Origène, toutefois en bornant
leurs observations aux textes parallèles d'Origène et de
Procope pour le commentaire sur la Genèse et suip-
l'Exode et ne renseignant pas les homélies d'Origène
comme ayant été utilisées par Procope. Cette dernière
constatation était réservée à M. Éric Klostermann, qui a
nettement indiqué que les ,homélies d'Origène ont été
mises à contribution par Procope dans son commen-
taire sur le livre de Josué; mais seulement les quatre
premières et les onze dernières des vingt-six homélies-
d'Origène sur Josué. Griechische Excerpte ans Homi-
lien des Origenes, dans Texte und Untersuchungen
zur altchrisllichen Literalur, t. xu, Heft 3, 1894,
p. 1-12. Toutes les recherches sur l'œuvre de Procope
et ses sources ont été complétées de façon notable par
689
PROCOPE DE GAZA
PROCURATEURS ROMAINS
690
l'étude de M. Louis Eisenhofer, Procopius von Gaza.
Eine UterarhistoHsche Studie, in-8°, Fribourg-en-Bris-
gau, 1897. Par l'examen approfondi du commentaire
sur l'Octateuque, comparé avec la Catena Lipsiensis,
il a singulièrement augmenté la liste des auteurs con-
sultés par Procope et réussi à reconstituer pour une
bonne partie ses emprunts et ses citations. Ainsi, il
démontre que l'utilisation des homélies d'Origène
va au-delà de ce qu'a signalé M. Klostermann. Pour le
commentaire sur la Genèse, M. Eisenhofer nomme
Basile, Théodoret, Sévère de Gabales, Grégoire de
Nysse, Cyrille d'Alexandrie, Méthode, etc., les mêmes
ont été mis à contribution pour le commentaire sur
l'Exode et en outre Grégoire de Nazianze; pour le
commentaire sur le Lévitique, outre les écrits des
Pères ayant servi aux deux premiers commentaires, à
citer en outre Apollinaire de Laodicée; comme sources
du commentaire sur le livre des Nombres, il y a Cyrille
d'Alexandrie, Apollinaire, Grégoire de Nysse, pour celui
sur le Deutéronome, Josué et les Juges, Cyrille d'Alexan-
drie et les scolies anonymes de la Catena Lipsiensis.
Théodoret a servi pour le commentaire sur les livres
des Rois et les Paralipomènes; Cyrille d'Alexandrie;
Eusèbe de Césarée et Théodore d'Héraclée pour celui
sur Isaïe. Cf. J. Stiglmayr, t. i, dans Stimmen aus
Maria Laach, t. lui (1897), p. 79-82, et Cari Weyman,
dans Byzantinische Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 457-458.
Procope eut avec le néoplatonicien Proclus une polémi-
que théologique, dont on s'est beaucoup occupé en ces
derniers temps. En 1831, le cardinal Mai en publia un
fragment 'Ex xwv d; rà IIpôxXou 9eoXo-ftxâ xeçiXcua
àvxtpoTiffewv, dans ses Classici auctores, t. rv, p. 274.
Cf. Migne,Patr. Gr., t. lxxxvii, col. 2792. Démosthène
Russos, Tpetç PaÇalot, ffuixëoXaî etç tï|v tffTopcav tt|;
<fù.oao(flai tîiï FaÇaîtov, Constantinople et Leipzig,
1893, constata que cet écrit polémique de Procope ser-
vit de base à celui de Nicolas de Méthone dirigé aussi
contre Proclus. J. Dràseke dénie toute paternité pour
cette œuvre à Nicolas de Méthone et cherche à établir
que c'est Procope qui en est l'auteur. Byzantinische
Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 55-91. Mais ses conclusions
ont été fortement battues en brèche parle P. J. Stigl-
mayr, S. J. Ibid., t. toi, 1899, p. 263-301. Nous n'avons
rien à dire ici des travaux purement littéraires du rhé-
teur de l'école de Gaza.
Bibliographie. — Outre les ouvrages cités au cours de
l'article, voir Sainjore (R. Simon), Bibliotheca critica,
1710, t. îv, p. 143-55; Bardenhewer, Patrologie, 1895,
p. 303; Legrand, Bibliothèque hellénique, t. n, 1894,
p. 230; A. Ehrard, Procopius von Gaza, dans Kirchen-
lexicon, t. x, 1897, col. 453-55; K. Krumbacher, Ges-
chichte der byzantinischen Citteratur, 2« éd., 1897,
p. 125-127; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des
neutestamentlichen Kanons und der allkirchlichen Lit-
teratur, t. n, Erlangen, 1883, p. 239-253; J. Dràseke,
dans Theologische Studien und Kritiken, 1895, fasc. 3,
p. 371 sq. ; L. Eisenhofer, Procopius von Gaza, Fribourg
(Bade), 1897; Kil. Seitz, Die Schule von Gaza, Heidel-
berg, 1892, p. 9-21 ; C. Kirsten, Quœstiones Choricianse,
Breslau, 1894, p. 8-13 ; ErnstLindi, Die Oktateuchkatene
des Prokop von Gaza und die Septuagintaforschung,
Munich, 1902. J. Van den Gheyn.
PROCURATEURS ROMAINS (Nouveau Testa-
ment : TiYe[iévEç), gouverneurs de certaines provinces
impériales, en particulier de la Judée et de la Palestine.
Matth., xxvii, 2, 11, 14, 15, 21, 27; Act., xxm, 24, 26,
33, etc.
I. Nom. — Le mot procurator, comme l'indique sa
formation, s'applique à toute personne chargée de veil-
ler , au [nom d'une autre, sur quelque affaire : manda-
taire qui surveilje les biens d'un ami, intendant mis à
la tête d'une propriété, conseil et fondé de pouvoirs, etc.
C'est ainsi qu'il vint à désigner plusieurs hauts fonc-
tionnaires de l'Empire romain : intendants de la mai-
son impériale, chefs de la chancellerie, directeurs de
divers services à Rome, administrateurs du fisc et
agents financiers dans les provinces impériales ou sé-
natoriales, enfin gouverneurs des provinces dites pro-
curatoriennes qui avaient le jus gladii. Cf. Mommsen.
et Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad.
franc., t. ix, 1892, p. 581. Son véritable correspondant
en grec est êiurponoç. Cependant les écrivains du Nou-
veau Testament n'emploient régulièrement que le mot
Tiye(jniv. Cf. Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15, 21, 27; xxviii,
14; Luc, m, 1; xx, 20; Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, l r
10; xxvr, 30. Ce terme T|Y£(j.civ n'est pas un titre spécial,
mais une appellation générale qui s'applique à tout per-
sonnage investi d'un haut commandement : presses,
« président. » Aussi, dans la langue des auteurs sacrés,
les mots -fiYe^oveûio, r,YS[iov['a, riye^wv, sont-ils unifor-
mément employés, qu'il s'agisse de Tibère, Luc, m,
1, du légat de Syrie, Cyrinus, Luc, n, 2, ou de
Ponce Pilate, Luc, m, 1; Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15,
21, 27, et de Félix. Act., xxm, 24, 26. Josèphe lui-même
varie ses expressions. Il appelle généralement le gou-
verneur de Judée, JittTpojtoç, Ant. jud., XX, vi, 2; Bell,
jud., II, vm, 1; ix, 2; xi, 6 (dans le passage parallèle-
Ant. jud., XIX, ix, 2, lirapxo?); XII, 8; ÈTtirpoirsùiovi
Ant. jud., XX, v, 1. Mais il le nomme aussi : É'irapx"?
= prsefectus, Ant. jud., XVIH, n, 2; XIX, ix, 2; XX,
IX, 1; Bell, jud., VI, v, 3; rjY^l^ixevoç, Ant. jud., XVIII,
i, 1; r l i£.y.<&'j, Ant. jud., XVIII, ni, 1 : EUXâ-roç, ô xf,t
'IouSaiaç rifzy.ûv ( c £ Matth., xxvn, 2 : IIiXiït» ta
T|YE|J-évi); £7tt|xsXï)Tr]Ç, Ant. jud., XVIII, rv, 2. Il semble
qu'Auguste avait plutôt choisi le titre de prsefectus,
ïïtapxoç. Mais bien vile, au moins depuis Claude, et à
l'exception de l'Egypte, le titre de procurator, éirrépottoc,
devint prédominant. Dans une lettre aux Juifs, citée par
Josèphe, Ant. jud-, XX, i, 2, l'empereur Claude dit lui-
même : « J'en ai écrit à Cuspius Fadus mon procura-
teur, t» èfiw ÊTUTpôirw. » On connaît aussi la parole de
Tacite, Annal., XV, 44 : Christus Tiberio imperitante
per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfe-
ctus erat. Quant à la qualification de prseses, ^yeij.cuv, qui
tire son origine de l'administration de la justice, où l'on
opposait le président aux assessores ou au consilium,
elle fut tardivement réservée aux gouverneurs de pro-
vinces. On rencontre parfois, chez les auteurs du I er eS
du II e siècle, dans un sens général, le terme pr&ses-
provincise, qui devint officiel au début du m e siècle.
Cf. Tacite, Annal., vr, 41 ; xii, 45; Plin. jun., Paneg.,
70 ; V. Chapot, art. Prœses, dans le Dictionnaire des
antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio, Paris, t. vu, p. 627.
II. Attributions. — Les procurateurs, étant en même-
temps chargés d'un commandement militaire, apparte-
naient à l'ordre équestre, et ce fut une innovation ex-
traordinaire lorsque, sous Claude, le gouvernement de-
la Judée fut confié à un affranchi, Félix. Jusqu'à quel
point étaient-ils soumis au légat de Syrie? Il semble
que celui-ci avait le droit et le devoir d'intervenir, avec
sa haute autorité, dans les cas de nécessité. Les écrivains,
cependant ne s'expriment pas toujours d'une manière
constante sur les relations de la Judée avec la province-
de Syrie : tantôt ils les représentent comme deux
provinces distinctes, et par là même indépendantes, tan-
tôt ils donnent la première comme « ajoutée » à la se-
conde : HP0CT87JX.T1 ttj; Supiaç, Josèphe, Ant. jud., XVIII,
i, 1; cf. XVII, xm, 5; Bell, jud., SI, vm, 1; Judsei...
provincise Suriae additi, Tacite, Annal., xn, 23; cf. il,
42. Quoi qu'il en soit, le commandement militaire et la
juridiction indépendante que possédait le procurateur
de Judée lui créaient, en temps ordinaire, une situation
analogue à celle des gouverneurs des autres provinces.
Mais le légat de Syrie avait à juger l'opportunité de son.
691
PROCURATEURS ROMAINS
692
intervention, lorsque des troubles étaient à craindre ou
qu'il surgissait de sérieuses difficultés. Il agissait alors
en Judée avec pleine autorité, comme le firent Petro-
nius, Ant. jud., XVIII, vrn, 2-9; Cassius Longinus, Ant.
jud., XX, î, 1; Cestius Gallus, Bell, jud., II, xiv, 3.
Les procurateurs résidaient habituellement à Césarée,
sur le bord de la mer; ils n'allaient à Jérusalem qu'à
l'époque des grandes fêtes, pour surveiller les mouve-
ments du peuple. Au commandement des troupes ils
joignaient l'administration de la justice et des finances.
1° Pouvoir militaire. — Les procurateurs étaient
commandants de corps d'armée, comme les légats des
provinces impériales, avec cette différence toutefois que
les troupes rangées sous leurs ordres étaient des auxi-
liaires et non des légionnaires. Voir Auxiliaires, t. i,
col. 1282; Armée romaine, t. i, col. 994. Alors que, sous
Auguste, il y avait trois légions en Syrie, et quatre
depuis Tibère, la Judée ne posséda, jusqu'à Vespasien,
que des troupes auxiliaires, pour la plupart levées dans
le pays même, et recrutées dans la population non
juive. C'est ainsi que nous trouvons mentionnés les
SE6oKTTr]vot, Sebasteni, ou soldats pris sur le territoire
de Sébaste, l'ancienne Samarie, aujourd'hui Sebastiyéh.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIX, ix, 1-2; XX, vi, 1 ; vin,
7; Bell, jud., Il, m, 4; îv, 2-3. Ce corps est sans doute
identique à celui que nous montrent plus tard les ins-
criptions. Cf. Corpus inscriptionum latinarum,t.vm,
n.9358,_9359. Un diplôme militaire de l'armée de Judée
nous apprend que, en l'an 139 après J.-C, les corps
auxiliaires (trois ailes et douze cohortes), placés sous
les ordres du légat P. Calpurnius Atilianus, compre-
naient entre autres une Cohors l Sebastenorum milia-
ria. Cf. Héron de Villefosse, Revue biblique, 1897,
p. 598-604. Aux 2sëa<jTr)voî Josèphe associe plusieurs
fois les KotKTOtpeïç, Csesarenses. Cf. Ant. jud.,, XIX, IX,
1-2; XX, vin, 7. Il ne faut pas confondre avec ces vo-
lontaires de Sébaste la a-ïtsîpa Ssôokttti, à laquelle appar-
tenait le centurion Julius, qui fut chargé de conduire
saint Paul à Rome. Act., xxvii, 1. Le mot Eeëa<rrT|, Au-
gusta, n'est qu'un titre honorifique donné à cette co-
horte. Voir Augusta (Cohorte), t. i, col. 1235. Au temps
•des Apôtres, il y avait à Césarée une cohorte italique,
(TTisîpa 'ÏTaXtxTi, dont faisait partie le centurion Cor-
neille, qui fut baptisé par saint Pierre., Act., x, 1. Voir
Italique (Cohorte), t. ni, col. 1038. D'autres villes et
d'autres postes possédaient également de petites garni-
sons : ainsi Jéricho et Machéronte. Bell, jud., II, xvm,
6. On les trouvait éparses dans la Samarie, Bell, jud.,
III, vu, 32, et la plaine d'Esdrelon était gardée par un
décurion. Josèpbe, Vita, 24. Jérusalem avait une co-
horte, commandée par un ^iXs'apxo; ( ou tr i DUn i d'après
la Vulgate). Act., xxi, 31-37; xxn, 24-29; xxm, 10, 15-22;
xxiv, 7, 22. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4;. XVIII, iv, 3,
appelle le commandant de l'Antonia <ppoypapxo;.. La
garnison comprenait aussi des cavaliers. Act., xxjii, 23,
32. Après la grande guerre de 66-73 après J.-C, la situa-
tion militaire changea en Palestine, le gouverneur
«l'étant plus un procurateur d'ordre équestre, mais un
légat d'ordre sénatorial; une légion, la legio X Freten-
sis, vint s'établir sur les ruines de Jérusalem.
2° Pouvoir judiciaire. — Comme les gouverneurs
d'ordre sénatorial, les procurateurs avaient également
droit de haute justice dans leur province; mais ceux
de Judée ne l'exercèrent que dans les cas extraordi-
naires. La justice ordinaire, en effet, aussi bien dans
les causes criminelles que dans les causes civiles,
était restée entre les mains des Juifs. Le pouvoir du
procurateur comprenait le droit de vie et de mort, le
jus gladii. Josèphe, Bell, jud., II, vw, 1, nous dit que
Coponius avait reçu |iéxpt T0 ^ xTsfvetv èïoWoiv, la
puissance de condamner même à la peine de mort.
Cependant le citoyen romain, sous le coup d'une ac-
cusation capitale, gardait, au commencement et au
cours du procès, le droit d'en appeler à César. Act.,
xxv, 10-12, 21 ; xxvi, 32. Le pouvoir coercitif du gou-
verneur ne s'étendait donc qu'aux gens de la province,
qu'il pouvait néanmoins renvoyer à Rome, pour un ju-
gement définitif, lorsqu'en raison de la difficulté du
cas il aimait mieux laisser la décision à l'empereur.
Ainsi fit Félix pour Éléazar et un grand nombre de
ses compagnons. Ant. jud., XX, vin, 5; Bell, jud., Il,
xiii, 2. Bien que le procurateur fût seul juge, il pre-
nait cependant assez souvent l'avis de son « conseil »,
u'jjjiëoijXtov, Act., xxv, 12, composé en partie des hauts
fonctionnaires de sa suite, en partie des jeunes gens
qui l'accompagnaient pour leur propre formation. L'exé-
cution de la sentence capitale revenait régulièrement
aux soldats. Voir Bourreau, t. i, col. 1895.
3» Pouvoir financier. — Les procurateurs avaient
encore pour fonction de veiller à la perception des
impôts; c'est même de là que leur venait leur titre. La
Judée étant province impériale, son tribut allait au
trésor de l'empereur, et non à celui du sénat.
Cf. Matth., xxn, 17-21; Marc, vu, 14-17; Luc, xx, 22-
25. Pour les impôts en usage dans la fiscalité impé-
riale et la manière de les lever, voir Cens, t. n,
col. 422; Impôts, t. m, col. 851; Publicains.
III. Liste. — On compte quatorze procurateurs ro-
mains en Palestine, sept de l'an 6 à l'an 41, avant le
règne d' Agrippa I er (41-44), et sept après, de 44 à 66.
Nous n'avons que peu de renseignements sur plusieurs
d'entre eux.
1° Coponius, 6-9 ap. J. C. Il vint en Judée avec Qui-
rinius. Ant. jud., XVIII, 1, 1. C'est sous son administra-
tion que quelques Samaritains, entrés furtivement à
Jérusalem, vinrent, une nuit, pendant la fête de Pâque,
jeter des ossements humains dans le temple, pour le
souiller et ainsi en empêcher l'accès au peuple. Ant.
jud., XVIII, II, 2. C'est aussi dans cette période que
Judas le Gaulonite fomenta une sédition, en proclamant
qu'on ne devait ni payer l'impôt aux Romains, ni re-
connaître d'autre maître que Dieu. Bell, jud., II, vin, 1.
S" Marcus Ambivius ou Ambibulus; on lit dans Jo-
sèphe, Ant. jud., XVIII, n, 2 : 'Afiëioû'ioç, dans cer-
tains manuscrits : 'A[xgiëouxoç; le nom d'Ambibulus
se retrouve ailleurs, par exemple celui des consuls
C. Eggius Ambibulus et Varius Ambibulus. Cf. Corpus
Inscript, lat., t. x, n. 3864. Ce procurateur fut en
Judée de l'an 9 à l'an 12. De son temps, Salomé, sœur
du roi Hérode, légua en mourant à Livie, épouse d'Au-
guste, différentes villes, comme Jamnia, Phasaélis et
Archélaïs. Ant. jud., XVIII, n, 2; Bell, jud., II, ix, 1.
3" Annius Rufus, 12-15. Ant. jud., XVIII, n, 2.
4° Valerius Grdtus, 15-26. Envoyé par Tibère, il
déposa et nomma successivement plusieurs grands
prêtres : Anne (6-15); Ismaël, fils de Phabi; Eléazar,
fils d'Anne; Simon, filsdeCamith; et Caïphe. Ant. jud.,
XVIII, n, 2.
5" Pontius Pilatus, 26-36. Voir Pilate, col. 429.
6° Marcellus, 36-37, ami de Vitellius, légat de Syrie,
et envoyé par lui. Ant. jud., XVIII, îv, 2;
7» Marullus, 37-41. Ant. jud., XVIII, vi, 10.
8° Cuspius Fadus, 44-?. Envoyé par Claude, après la
mort du roi Agrippa I, il gouverna, comme ses succes-
seurs, non plus seulement la Judée, mais toute la Pa-
lestine, Ant. jud., XIX, îx, 2. Il eutà arrêter un conflit
entre les Juifs de la Pérée et les habitants de Phila-
delphie, délivra la Judée des brigandages qui s'y com-
mettaient; mais il souleva maladroitement une diffi-
culté à propos des vêtements du grand-prêtre, qu'il
voulait faire garder dans l'Antonia, afin qu'ils fussent
au pouvoir des Romains. Ant. ;tctf v <XX, i, 1, 2. 11 mit
également à mort l'imposteur Theudas et un grand
nombre de ses partisans. Ant. jud., XX, v, 1.
9° Tiberius Alexander, jusqu'à 48. Issu d'une des
plus grandes familles juives d'Alexandrie, neveu de
693
PROCURATEURS ROMAINS
694
Philon, il avait abandonné la religion de ses pères,
pour se mettre au service des Romains. De son temps,
la Palestine fut éprouvée par une grande famine. Il fit
crucifier les fils de Judas le Galiléen, Jacques et Simon.
Ant. jud., XX, v, 2.
10° Ventidius Cumanus, 48-52. Il eut d'abord à ré-
primer un soulèvement du peuple, à Jérusalem, pen-
dant les fêtes de Pâque, soulèvement provoqué par la
faute d'un des soldats romains qui gardaient le temple.
La foule, effrayée au premier aspect de la troupe, s'en-
fuit, mais, dans la précipitation et vu l'étroitesse des
issues, beaucoup trouvèrent la mort. Ce deuil à peine
terminé, un autre conflit s'éleva, mais dont la cause
venait cette fois du côté des Juifs. Un serviteur de
l'empereur, nommé Etienne, ayant été, à quelque dis-
tance de Jérusalem, attaqué et dépouillé sur la voie
publique, Cumanus envoya des soldats pour tirer ven-
geance des villages voisins du théâtre du crime. Mais
un de ces soldats ayant lui-même gravement offensé
les Juifs dans leurs sentiments religieux, ceux-ci
allèrent à Césarée demander satisfaction au procura-
teur, qui, dans la crainte de nouvelles complications,
et sur le conseil de ses amis, se décida à punir le cou-
pable, et apaisa ainsi un tumulte qu'il aurait pu rallu-
mer. Enfin un troisième événement valut à Cumanus
la déposition et l'exil. Des Galiléens qui passaient par
la Samarie pour aller à Jérusalem furent assaillis et
mis à mort. Les principaux personnages de la région
galiléenne se rendirent près du procurateur pour
crier vengeance. Mais celui-ci, acheté par l'or des Sa-
maritains, ne voulut rien entendre. Alors les Galiléens
se firent justice en pillant et incendiant, malgré les
supplications de leurs chefs, plusieurs villages sama-
ritains. A cette nouvelle, Cumanus marcha contre eux,
en tua un grand nombre et en prit d'autres vivants.
La sédition apaisée, grâce à l'intervention des princi-
paux Juifs de Jérusalem, la cause fut portée devant
Ummidius Quadratus, légat de Syrie, alors à Tyr. En
présence des deux partis, qui s'accusaient mutuelle-
ment, celui-ci différa le jugement et finalement les
renvoya devant Claude. Il ordonna en même temps à
Cumanus de les suivre en Italie. L'empereur, recon-
naissant dans les Samaritains les auteurs de tout le
mal, fit mettre à mort ceux qui avaient comparu devant
son tribunal, et envoya Cumanus en exil. Cf. Ant.
jud., XX, v, 2, 3, 4; vi, 1-3; Bell, jud., II, xn, 1-7.
11° Félix, 52-60. Voir Félix, t. n, col. 2186.
12° Porcius Festus, 60-62. Voir Festus, t. n, col. 2216.
13° Albinus, 62-64. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 1,
lui rend ce témoignage peu flatteur qu'il n'omit au-
cune sorte de méchancetés. Homme d'argent avant
tout, il pillait aussi bien le trésor public que les biens
particuliers ; tout en accablant le peuple d'impôts, il
relâchait, pour certaines sommes, les brigands qu'on
avait jetés en prison. Avec de pareilles dispositions, il
se laissait gagner par les ennemis comme par les amis
de Rome. Cf. Ant. jud., XX, ix, 1-4.
14° Gessius Florus, 64-66. Son gouvernement fut
tellement odieux qu'Albinus auprès de lui pouvait
passer pour un homme très juste, selon Josèphe, Bell,
jud., II, xiv, 2. Celui-ci, en effet, cherchait encore à
cacher ses méfaits, tandis que Gessius se glorifiait de
ses sévices à l'égard des Juifs. C'était le pillage par-
tout, au point de faire déserter les habitants. Il se
plut, pour ainsi dire, à fomenter la sédition parmi les
Juifs; il réussit si bien qu'il finit par allumer la
grande guerre qui amena la ruine de Jérusalem et de
la nation juive. Cf. Ant. jud., XX, xi, 1; Bell, jud.,
II, xiv, 2-9 sq.
IV. La Palestine sous les Romains. — 1» Au point
de vue politique. — Après la conquête de Jérusalem
par Pompée, la Palestine perdit son indépendance et
devint tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv, 4;
Bell, jud., I, vu, 6. Fut-elle immédiatement incorporée
à la province de Syrie? Ce n'est pas sûr. Les villes
conquises par les Juifs en Cœlé-Syrie leur furent enle-
vées et la nation se vit condamnée à vivre désormais
dans les limites de son territoire. Hyrcan II (63-40)
resta à la tête du gouvernement, mais sous la haute
surveillance du légat romain. Plus tardGabinius (57-55)
lui retira son pouvoir politique, pour ne lui laisser que
le souverain pontificat. En même temps il divisa le pays
en cinq districts, uùvoSoi, «rovÉSpta, dont les chefs-lieux
furent : Jérusalem, Gazara, Amalhus, Jéricho et Sep-
phoris. Ant. jud., XIV, v, 4; Bell, jud., I, vm, 5. On
ne sait au juste ce qu'ils représentent, mais on peut y
voir ou des circonscriptions territoriales établies en
vue des impôts, ou des ressorts judiciaires, conventus
juridici, peut-être les deux à la fois. Ces dispositions
ne furent cependant pas de longue durée. César rendit
à Hyrcan le pouvoir que lui avait enlevé Gabinius et
le nomma ethnarque des Juifs. Il nomma aussi Anti-
pater procurateur, èitt'tpoiioî, de Judée, ou plutôt il le
confirma dans celte charge, car, déjà avant cette
époque, Josèphe le présente comme ô twv 'Iouoai'wv
è7ri|As)ii]TiQç. Ant. jud., XIV, vm, 1. Il est possible que
Gabinius lui-même lui eût confié une certaine part
dans l'administration des finances, comme l'indique le
titre d'èmusXYjTTjç. Le faible Hyrcan n'eut guère du
gouverneur que le nom. En réalité, ce fut Antipater
qui exerça l'autorité. Il eut soin de donner à son fils
aîné Phasaël le gouvernement de Jérusalem et des
environs, et à son second fils Hérode celui de la Ga-
lilée. Ant. jud., XIV, IX, 2 ; Bell, jud., I, x, 4. Plus tard,
Antoine leur conféra à tous deux le titre de tétrarque,
et, par un décret en forme, remit entre leurs mains
l'administration de la Judée. Ant. jud., XIV, xm, 1;
Bell, jud., I, xn, 5. Cependant la race des Asmonéens
reparut sur le trône avec Anligone (40-37), qui fut ra-
mené par les Parthes. Mais, trois ans après, avec
l'appui des Romains, Hérode le Grand reparaissait avec
le titre de roi. Voir Hérode le Grand, t. m, col. 638.
Après sa mort, le territoire fut partagé entre ses fils :
Archélaùs reçut la Judée, la Samarie et l'Idumée, avec
le titre d'éthnarque ; Antipas, la Galilée et la Pérée;
Philippe, la Gaulânitide, la Batanée, la Trachonitide et
l'Auranitide, tous deux avec le titre de tétrarque. Cf.
Luc, m, 1. Voir Archélaùs, t. i, col. 927; Hérode An-
tipas, t. m, col. 647;Hérode Philippe II, t. m, col. 649.
Après la déposition d'Archélaùs, ce furent les procura-
teurs romains qui gouvernèrent son territoire. L'an 37
après J.-C, Caligula donna la tétrarchie de Philippe
et l'Abilène à Hérode Agrippa I er , avec le titre de roi.
Ant. jud., XVIII, vi, 10; Bell, jud., II, ix, 6. En 39, il
y ajouta celle d'Antipas, et, en 41, Claude réunit au
tout la Judée et la Samarie. Ant. jud., XVIII, vir, 2;
XIX, v, 1; Bell, jud., II, ix, 6; xi, 5. C'est ainsi
" qu'Agrippa I posséda tout le royaume de son grand-
père et que la Palestine se trouva de nouveau sous le
même sceptre. Voir Hérode Agrippa l", t. m, col. 650.
Mais bientôt après, en 44, le roi mourait et la province
retombait sous les procurateurs romains. Cependant,
en 53, son fils, Hérode Agrippa II, recevait de Claude,
en échange de la principauté de Chalcis, et avec le
titre de roi, la tétrarchie de Philippe et l'Abilène.
Ant. jud., XX, vu, 1. Voir Agrippa II, t. i, col. 286.
Après la ruine de Jérusalem, la Palestine fut confiée à
des gouverneurs de rang sénatorial.
2° Au point de vue géographique. — Telles sont les
vicissitudes par lesquelles passèrent, dans l'espace
d'un siècle, les différentes provinces de la Palestine.
Pour les limites, divisions, description et histoire de
chacune d'elles, voir les articles qui leur sont consa-
crés. Nous devons nous borner ici à un aperçu géné-
ral du pays et à ses particularités les plus remarquables
pendant la période romaine. Voir la carte, fig. 179.
695
PROCURATEURS ROMAINS
68&
Josèphe décrit sommairement, Bell, jud., III, m,
1-5, l'ensemble de la Palestine telle qu'elle était de
son temps. L'historien juif est notre première source
dans cette étude. Mais il n'est pas la seule. Pour avoir
une idée plus complète de la région, il est utile de dé-
passer les bornes de l'histoire auxquelles la Bible nous
limite strictement, et d'étendre nos recherches géogra-
phiques jusque vers le IV e siècle de notre ère. Après
A) Sur la côte méditerranéenne, nous renconlrons,
en allant du nord au sud : 'ExSticitot, Ptol., V, 15; Ec~
dippa, Pline, V. 17 ; 'Ex2t7t7t<ov, 'ExSfaouc, Josèphe,
Bell, jud., I, xm, 4; Kezîb ou Gezîb, Talm.; 'A-/?' 1 ?,
Achzif-Onom., p. 65, 224; aujourd'hui Ez-Zib. Voir
Achazib 1, t. i, col. 136.
IPcoXefj.aî'ç, Acl., xxi, 7; Bell, jud., I, xxi, 11; Ptolo-
maide, Tab. Peut. : Ptolomais, dans Onom., 95; 'Akko r
179. — Carte de Palestine sons le gouvernement des procurateurs romains.
Josèphe, les sources seront donc : les Taltnuds (nous
renvoyons à Neubauer, La géographie du Talmud,
Paris, 1868, pour les détails), VOnomasticon d'Eu-
sèbe et de S. Jérôme (édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870),
la carte mosaïque de Mâdaba (voir fig. 180), auxquels
on peut joindre : Ptolémée, la Table de Peutinger, la
Notifia dignitatum, etc. Nous retrouvons ainsi un cer-
tain nombre de noms connus dans l'Ancien Testament.
Mais il en est d'autres qui viennent s'y ajouter: plusieurs
villes, en effet, furent bâties à celte époque ; d'autres
furent rebâties ou prirent une plus grande impor-
tance. Une simple esquisse nous suffira.
Talm. ; aujourd'hui 'Akka. Voir Accho, t. i, col. 108.
Heifa, nsm, Talm., probablement la ville de Taêi.,
que Josèphe, Bell, jud., III, m, 1, place près du Car-
mel; auj. Haïfa ou Khaïfa, Cf. Neubauer, p. 197. Elle
est appelée Epha, 'Hœâ, dans l'Onom. p. 134, 267,
qui l'identifie avec la suivante.
Suxà(itvwv, Ptol.; Siqmônah, ruiDpnr, Talm., Neu-
bauer, p. 197; Ewijitvo;, Sycamii^um, Onom., p. 133,
267; aujourd'hui Haifa el 'atiqa ou Tell es-Semak.
Castra, NTODp, Talm., Neubauer, p. 196, que
R. Schwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main,
1852, p. 129, identifie avec A MU, le Castrum peregri-
Cette carte, découverte en 1896, est une mosaïque datant du V e ou du vi" siècle de l'ère chrétienne;
elle formait la plus grande partie du pavement d'une église située au nord-est de la ville de Mâdaha, au
pays de Moab. Avec ce dernier pays, elle comprenait primitivement tout le territoire des douze tribus
d'Israël, le désert du Sinaï, la Basse^Égypte et probablement une bande de l'Idomée, de l'Ammonitide
et de la Syrie. Le fragment qui subsiste aujourd'hui, et qui a de nombreuses lacunes, s'étend depuis
Naplouse jusqu'aux bouches du Nil. L'église étant orientée de l'est à l'ouest, la carte était dessinée
dans le même sens, et les noms étaient écrits de manière à être lus à mesure qu'on avançait vers le
chœur. Six tribus seulement figurent en tout ou en partie sur ce qui reste : Siméon, Juda, Dan, Ben-
jamin, Ephraïm et Ruben. Les montagnes sont représentées par des combinaisons de lignes et de cou-
leurs qut les distinguent nettement de la plaine. Les fleuves sont striés de bandes étroites et sinueuses;
des poissons se jouent dans les eaux. La Mer Morte a sur ses flots deux navires qui manquent de pro-
portions, mais sont d'un effet pittoresque. Au désert, les palmiers marquent les oasis; la gazelle fuit
devant le lion. Dans les grandes villes, comme Ascalon, Gaza, Jérusalem, on distingue les colonnades,
les principaux monuments, les églises, les rues. Les cités moins importantes sont figurées par des murs
flanqués de tours carrées. Les plans des villes principales sont malheureusement plus ou moins enta-
més; mais celui de Jérusalem est presque en entier et présente le plus haut intérêt. Les localités
sont désignées, s'il y a lieu, par le nom ancien et le nom usité à l'époque où la carte a été cons-
truite; souvent des renseignements historiques ou géographiques y sont ajoutés. Les indications sont
en grande partie tirées de YOnomasticon d'Eusèbe. La mosaïque originale est en couleurs.
180. — CARTE GÉOGRAPHIQUE DE MADABA EN MOSAÏQUE
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PROCURATEURS ROMAINS
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norum du moyen âge. Il est possible que, dès l'époque
f omaine, cet endroit très bien situé ait été une localité
fortifiée, une sorte de camp. V. Guérin, Samarie, t. ii t
p. 290, est disposé à y reconnaître, avec Ritter, la mu-
tatio Certa, que le Pèlerin de Bordeaux (333) mentionne
-entre Sycaminos et Césarée de Palestine, cf. ltinera
Terrée Sanctx, édit. T. Tobler, Genève, 1877, t.'i, p. 15.
C'est probablement aussi la Magdihel, MayStriA, que
VOnomasticon, p. 139, 280, signale entre Dora et Pto-
iémaïde.
Awpa, Ptol. ; Thora, Tabl. de Peut.; aujourd'hui
Tantûrah. Voir Dor, t. n, col. 1487.
Kanràpsta 2tp<xto>voç, Ptol. ; primitivement la « Tour
■de Straton, » Plin., H. N., v, 14, qui devint, sous
Hérode le Grand, Césarée maritime, aujourd'hui Qai-
sariyéh. Voir Césarée du bord de la mer, t. n,
col. 456.
Apollonia, AttoXXmvkx, Ptol. ; Apolloniade, Tab. Peut.
Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 4, et Pline, v, 14, la
placent entre Césarée et Joppé. C'est aujourd'hui Arsûf.
lo-K-f), Ptol.; Joppe, Tab. Peut.; aujourd'hui Jafla.
Voir Joppé, t. m, col. 1631.
'Iafi.vEt<x, Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 6 ; Yabnéh,
Talm., Neubauer, p. 73, était une petite ville, 7roXfyvT|,
au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme, Onom., p. 132,
276; cependant, la carte mosaïque de Mâdaha repré-
sente Iaëv7]> ?) xat Iajj-vta comme une ville considéra-
ble, mais sans colonnades ; aujourd'hui Yebna. Mais le
port de Jamnia, lajivttwv A^v, Ptol., correspond à
Minet Rabin. Voir Jamnia, t. m, col. 1115.
"AÇwtoî, Ptol.; Azolon, Tab. Peut. ; aujourd'hui Esdûd.
"AÇtotoç itapàXios ou Azot maritime : Mînet-el-Qal'a.
La mosaïque de Mâdaba distingue bien Ao8m[S] de
AÇmtoç itapaXo[çj, et montre l'importance de la cité
maritime. Voir Azot 1, 1. i, col. 1307.
'A<rxâ)wv, Ptol.; Ascalone, Tab. Peut.; 'A<TxaXw[v],
carte de Mâdaba, sur laquelle on remarque une im-
mense place rectangulaire entourée de colonnes, au
milieu de laquelle se dressent trois obélisques; aujour-
d'hui Asqûlân. Voir Ascalon, t. i, col. 1060.
'AvOr]S<iv, Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 3; Arithe-
don, Plin., v, 13, 68, dont le nom fut changé par
Hérode en 'celui A'Agrippias, Josèphe, loc. cit., se
trouvait au nord de Gaza. On l'identifie aujourd'hui
avec les ruines d'el-Blachiyéh, appelées aussi Teda, à
une heure au nord-ouest de Gaza. Cf. G. Gatt, Bemer-
kungen ûber Gaza und seine Vmgebung, dans la Zeit-
schrift des deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. vu,
1884, p. 5-7; voir ibid., p. 140-142, les remarques de
Noldeke et Gildemeister.
TâÇa, Gaza, aujourd'hui Ghazzéh; Tafaioiv Xijiviv, le
port de Gaza = el-Minéh. Voir Gaza, t. m, col. ^118. La
mosaïque de Mâdaba fait ressortir la grandeur et la
beauté de la ville de [r] aï<x avec ses édifices, sa grande
rue à colonnades et sa superbe basilique.
Raphia, 'Potç/ot, Strabon, xyi, p. 522;. Josèphe, Ant.
jud., XIII, xv, 4; Raphea, Pline, v, 14; Talm. : mm,
Neubauer, p. 20; aujourd'hui Khirbet bir Refah, au
sud de Gaza. C'était la première ville syrienne que l'on
rencontrait en venant d'Egypte,
B) En Galilée :• — Giscala, Tid^aXa, Josèphe, Bell,
jud., 11, xx, 6; IV, n, 1; Vita, 10; Gûstfalab, shv. \mi,
Talm., Neubauer, p. 230; aujourd'hui el-Djisch. Voir
Ahalab, t. i, col. 289.
MT|pw6, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6; Vita, 37;
Merôn, pna, Talm., Neubauer, p. 228; aujourd'hui
Meirûn, au sud d'El-Djisch.
Ackabara, 'Ax<x6âpr\, Josèphe, Vita, 37; 'Axaêâpoiv
nétpa, « rocher d'Achabara, » Bell, jud., II, xx, 6;
Akbarah, ni33ï, Talm., Neubauer, 226; aujourd'hui
Akbara, au sud-est de Meirûn.
Kefar Jfananiyah. r«2n -iS2,Talm.,Neubauer,p.226;
aujourd'hui Kefr'Anân. Voir Hanathon, t. m, col. 415.
Séldmis, SeXapn'c, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6;
Vita, 37; aujourd'hui Khirbet Sellaméh, au sud-ouest
de Kefr'Anân.
Gabara, ràëapa, Josèphe, Vita, 25, 45; une des
trois grandes villes de la Galilée, avec Tibériade et
Sepphoris, d'après l'historien juif, loc. cit.; on l'a
identifiée avec Khirbet Kabra, au nord-ouest de
Kh. Sellaméh, voir cependant W. Oehler, Die Ort-
schaften und Grenzen Galilâas nach Josephus, dans la
Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. xxvm,
1905, p. 56.
Sogane, SwyavVi, Josèphe, Vita, 51; Siknin ou Sî-
knî, j»j3»d »>33>d, Talm., Neubauer, p. 204; aujourd'hui
Sakhnîn, au sud de Kh. Kabra.
Chabolo, X«g(oX(i, Josèphe, Vita, 43; Kabûl. h\&,
Talm., Neubauer, p. 205; aujourd'hui Kabûl, à l'ouest
de Sakhnîn. Voir Chabul (Terre de), t. H, col. 473.
lotapata, 'I(oxâ7taTa, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6;
Vita, 37; sans doute la Yôdafat, nsTi>, des Talmuds,
Neubauer, p. 203; aujourd'hui Kh. Djéfdt, au sud-est
de Kabûl.
Schefar'àm, ny.sw, Talm., Neubauer, p. 198; au-
jourd'hui Schéfa 'Amr, au sud-ouest de Kh. Djéfdt.
Uscha, tnrm, Talm., Neubauer, 199; aujourd'hui
Kh. Hûschéh, au sud de Schéfa Amr.
'PoufiS, Josèphe, Bell, jud., III, vu, 21; probablement
la Rùma', ndh, des Talmuds, Neubauer, p. 203; au-
jourd'hui Kh. Rûméh, au sud de Kh. Djéfât.
Sepphoris, Séuçoiptç, Josèphe, Vita, 65; Sarcçoupst,
Ptol. ; Sippôrî ou Sippôrîn, mss, jmss, Talm., Neu-
bauer, p. 191; aujourd'hui Sejfuriyéh, au sud de
Khi Rûméh.
Tibériade, TiéEptiç, Josèphe, Bell, jud., II, xm,
2, etc.; Ptol. ; Onom., p. 88, 215; Tyberias, Tab. Peut.;
Tabarîa, woo, Talm., Neubauer, p. 208; aujourd'hui
Tabariyéh. Voir Tibériade.
Bi]9(iaoûç, Jos., Vita, 12, 62; Beth Maon, pro no,
Talm., Neubauer, p. 218; aujourd'hui Tell Ma'ûn, à
l'ouest de Tibériade.
Sennabris, Eswaêpi'î, Josèphe, Bell, jud., III, IX, 7;
Senabrî, >naas, Talm., Neubauer, p, 215; Sinn en-
Nabra, au sud de Tibériade. Pour les difficultés d'iden-
tification, en ce qui concerne Josèphe, cf. J. B. van Kas-
teren, Am See Genezaret, dans la Zeitschrift des
deutschen Palâstina-Vereins, t. xi, 1888. p. 242, 243;
F. Buhl, Bemerkungen zu einigen frûheren Aufsât-
zen der Palastina-Zeitschrift, dans la même revue,
t. xm, 1890, p. 38-39.
Tapirai ou Tapira, Josèphe, Bell, jud., III, x, t.
Vita, 32; Tarichea, Plin., R. N., v, 15, 71; probable-
ment la Beth Yerah, rn> n>a, du Talmud, Neubauer,
p. 215. On la place généralement à Kh. el-Kérak, à la
pointe sud du lac de Tibériade. D'autres cependant la
cherchent au nord de la ville de Tibériade, à el-Medjdel.
Pour les partisans des deux opinions, voir E. Schûrer,
Geschichte des jûdischen Volkes, t. i, p. 614, note 44.
Kefar Sobtî, >ravv iss, Talm., Neubauer, p. 218;
aujourd'hui Kefr Sabt, au nord-ouest de Sinn en-
Nabra.
Simonias, Sijiwnotç, Josèphe, Vita, 24; Sitnânîa',
N»ïia»D, Talm., Neubauer, p. 189; aujourd'hui Semû-
niyéh, à l'ouest de Nazareth.
Scythopolis, Sxu86itoXcç, sur les confins de la Galilée,
appartenait à la Décapole, au temps de Josèphe, Bell,
jud., III, ix, 7; Scytopoli, Tab. Peut., Beth Sche'ân,
Talm., Neubauer, p. 174. C'est la Bethsan de l'Écriture,
aujourd'hui Béisàn. Voir Bethsan, t. i, col. 1738.
C) En Samarie : Ginsea, Tivaîa, Josèphe, Bell, jud.,
III, m, 4 ; l'ancienne Engannim, aujourd'hui Djénîn, à
l'entrée de la Samarie, au sud de la grande plaine
d'Esdrelon. Voir Engannim 2, t. n, col. 1802.
Caparcotia, Ka7rapy.ÔTta ou KaitapxÔTvei, Ptol.; Ca-
porcotani, Tab. Peut., localité que Ptolémée marque
699
PROCURATEURS ROMAINS
700
comme appartenant à la Galilée; aujourd'hui Kefr Qûd,
près de Djénîn, à l'ouest.
Aefeiov, Legio, est un nom qu'on rencontre plusieurs
fois dans VOnomasticon, p. 88, 94, 107, 214, 223,239, etc.,
et qui sert comme de point central pour déterminer la
position de certaines autres localités. Il atteste sans
doute que les Romains avaient établi en ce point stra-
tégique important un camp pour une légion. Il a sub-
sisté jusqu'à nos jours sous celui de Ledjdjûn, au
nord-ouest de Kefr Qûd, et représente l'ancienne Ma-
geddo. Voir Mageddo 1, t. iv, col. 553. ..
Sébaste, Eegocar/i, Josèphe, Bell. ]ud., I, xxi, 2, nom
donné à l'ancienne ville de Samarie par Hérode le
Grand, qui la restaura et i'embellit. Elle porte encore
le même nom de Sébastiyéh. Voir Samarie.
Néapolis, NeiiroXtç, Josèphe, Bell, jud., ÏV, vm, 1 ;
Ptol.; Neapoli, Tab. Peut.; appelée par les indigènes
Ma6op8â, selon Josèphe, loc. cit. ; Mamortha, selon
Pline, H. N., v, 14. C'est l'ancienne ville de Sichem,
qui, rebâtie presque complètement à l'époque de Ves-
pasien, reçut alors une colonie romaine, avec le nou-
veau nom de Flavia Néapolis, qui subsiste encore en
celui de Nablus chez les Arabes, Naplouse pour les
Européens. Voir Sichem.
D) En Judée. — Acrabbi, 'AxpaëSsiv, Onom., p. 87,
214, localité donnée par Eusèbe et saint Jérôme comme
« limite de la Judée vers l'orient », ['AxpJïSîji, Mad.;
'Aqrabah, rrnpy, Talm., Neubauer, p. 159. C'est 1' 'Ax-
paëarrâ de Josèphe, Bell, jud., III, m, 5, capitale de la
toparchie d'Acrabatène, Bell, jud., Il, xx, 4; IV, ix, 3,
9, aujourd'hui Aqrabéh, au sud-est de Naplouse.
Antipatris, 'AvTtrcctTpi'ç, Josèphe, Ant. jud., XIII, xv,
1; Bell, jud., I, iv, 7; Act., xxm, 31; Ptol., Onom.,
p. 127, 245; dti3S>-djs<, Talm., Neubauer, p. 86, aujour-
d'hui Qala'at Râsel-'Aïn, au nord-est de Jaffa, suivant
les uns; Medjdel Yaba, au sud-est de Qala'at Râs el-
'Aïn, selon les autres. Josèphe semble l'identifier avec
la localité suivante. Voir Antipatris, t. î, col. 706.
Capharsaba, XocëapÇocëà, Josèphe, Ant. jud., XIII,
xv, 1 : Km.fa.ciaa.ea., Ant. jud., XVI, v, 2; Kefar Saba',
N3D isr, Talm., Neubauer, p. 87; aujourd'hui Kefr
Sâbâ, au nord de Qala'at Rds el-'Aïn. Les Talmuds
semblent distinguer cet endroit du précédent. Cf. V.
Guérin, Samarie, t. n, p. 357-367.
Capharsalama, Kaçp«p<ra),a(ic«, Josèphe, Ant. jud.,
XII, x, 4; Xonfxp<rala.\i.i., I Mach., vu, 31. Le Talmud
connaît aussi un village appelé Kefar Salem, nbw ibd,
Neubauer, p. 173. Capharsalama devait se trouver
dans le voisinage de Jérusalem, mais l'identification
exacte n'est pas connue. Voir Capharsalama, t. n
col. 210.
Beit Rimah, finn no, Talm., Neubauer, p. 82; au
jourd'hui Beit Rima.
Tôrmasia, NtDmin,Talm., Neubauer, p. 279; aujour-
d'hui Turrnus Aya, au sud-ouest à.' Aqrabéh.
Gophna, Tôjva, Josèphe, Ant. jud., XIV, XI, 2; ville
importante, chef-lieu d'une toparchie, Bell, jud., III,
m,5; routpvâ,Ptol. ; Cofna, Tab. Peut.; Gophna, miSTi :
très populeuse, selon les Talmuds, Neubauer, p. 157;
To^vâ. Onom., p. 300; Mâdaba; aujourd'hui Djifnéh,Au
nord de Jérusalem. Voir Ophni 2, t. iv, col. 1833.
Éphrem, 'E<ppa'ï[j.i Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 9 ;
'Açsps([ia, Ant. jud., XIII, IV, 9; Efrem, Efrsea;
'Eçpaejji, Onom., p. 94, 118, 257; Eopptov r) Eçpctta sv6a
t)X8ev o *?, « Ephron ou Ephrata, où vint le Seigneur »
(cf. Joa., xi, 5i), Mâdaba; aujourd'hui Et-Tayibéh, à
l'est de Djifnéh, identification justifiée par la carte de
Mâdaba, Voir jcphremI, t. il, col. 1885.
Lydda, AOSôa, Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 2, chef-
lieu d'une toparchie, Bell, jud., III,' m, 5; AuôSa,
Ptol.; Luddis, Tab. Peut.; Lôd ou Lùd. -rh, Talm.,
Neubauer, p. 76; Diospolis, Aio<ntôXiç, Onom., p. 107,
128, 219, 226, etc. ; Ato8 i^toi AuSsoc n xae Aeoa-itoXtç,
carte de Mâdaba, qui représente la ville avec des édi-
fices imposants, entre autres une colonnade circulaire
autour d'une grande place, au fond de laquelle est une
grande église. C'est aujourd'hui Ludd, au sud-est de
Jaffa. Voir Lydda, t. iv, col. 444.
Modin, Mtoôièt'ii, Josèphe, Ant. jud., XII, vi, 1;
Môdî'im ou Môdî'îf, nvira, numo, Talm., Neubauer,
p. 99; Modeim, Mï]ôee:(i, « bourg près de Diospolis
d'où étaient les Machabées, » Onom., p. 140, 281 ;
MmSeei^. ï] vuv Mb)6cQa ex t<xutï]ç rjaav oi Maxxaëaioi,
Mâdaba; aujourd'hui El-Mediyéh, à l'est de Ludd. Voir
Modin, t. rv, col. 1180.
Bethoannaba, Be-roocwâg, bourg signalé par Y Onom.,
p. 90, 218, dans le voisinage de Diospolis, comme
représentant l'ancien Anob, 'Avwë; Avwë r\ vuv Byjtooiv-
vaêa, Mâdaba; aujourd'hui Annâbéh, au sud de Ludd;
mais nous ne croyons pas que ce soit YAnab assiégé
par Josué, XI, 21. Voir Anab, t. ï, col. 533.
\Axx«p(iv, Josèphe, Ant. jud., V, n, 11, etc.; Acca-
ron, était encore un très gros bourg au temps d'Eusèbe
et de saint Jérôme, Onom., p. 91, 218; Axxap[wv] ri vuv
Ax..., Mâdaba; aujourd'hui 'Aqîr, au sud-ouest d' Annâ-
béh. Voir Accaron, t. ï, col. 105.
Emmaûs, 'E\>.\i.a.o\)ç ou Annaoys, Josèphe, Ant. jud.,
XII, vu, 3; Bell, jud., II, xx, 4, était le chef-lieu d'une
toparchie, Bell, jud., III, nr, 5; Pline, H. N., v, 14;
'Eniiaoûi;, Ptol., Amavanle, Tab. Peut., dindn ou dind?
dans les Talmuds, Neubauer, p. 100; appelée aussi
Nicopolis, NtxorcoXtç, Onom., p. 121, 257; NixotcoXiî,
Mâdaba, où la ville est figurée dans une petite plaine
déjà dans la montagne, mais cependant en avant du
grand massif judéen ; beaucoup plus étendue que les
simples bourgs, elle n'a pas de colonnade. C'est au-
jourd'hui 'Amuâs, à l'est d"Aqîr. Voir Emmaus 1, t. n,
col. 1735.
Jérusalem, appelée par Hadrien JElia Capitolina ; le
nom & JElia, ADia, est habituellement employé par
Eusèbe et saint Jérôme dans VOnomasticon. Elle est
indiquée sur la carte de Mâdaba avec l'inscription :
»! ocyia itoXiç Iepovo-a[Xï]ixl et y occupe une place très
importante; à remarquer : les principales portes, entre
autres celle qui est précédée, à l'intérieur de la ville,
d'une colonne monumentale, d'où le nom de bâb el-
'Amûd, « porte de la colonne, » qu'a conservé la porte
de Damas; les deux colonnades, dont l'une traverse la
cité du nord au sud, et qui est coupée à l'ouest par un
grand édifice, dans lequel onreconnaîtle Saint-Sépulcre.
Voir Prétoire, col. 621 ; Sépulcre (Saint-).
Bethléhem, BrjOXéEfji, marquée sur la carte de Mâdaba
par quelques édifices, dont le plus important est une
église, celle de la Nativité. Voir Bethléhem 1, t. ï,
col. 1688.
Hérodium, 'HpwSia, 'HpwSsto'v, Josèphe, Ant. jud.,
XIV, xiii, 9; Bell, jud., I, xm, 8, ville et acropole bâties
par Hérode le Grand à l'endroit même où il avait vaincu
les Juifs partisans d!Antigone qui le poursuivaient;
aujourd'hui djebel Furéidis, au sud-est de Bethléhem.
Kefar Dikrîn, ï*m 123, Talm., Neubauer, p. 71;
aujourd'hui Dhikrîn, au nord ouest de Beit Djibrîn;
pour l'identification de ce lieu avec Geth, voir Geth,
t. m, col. 223.
'EXsuOspoTcôXti;, Eleutheropolis, ville souvent citée
dans VOnomasticon, p. 92, 103, 106, 109, etc., comme
point central ou point de départ auquel il rapporte les
distances de plusieurs localités. C'est la BaiToyaëpet de
Ptolémée, la Betogabri de la Table de Peutinger, la
Beth Gùbrîn, fnmi n»3, des Talmuds, Neubauer,
p. 122, et le nom subsiste encore aujourd'hui sous
celui de Beit-Djibrîn. La mosaïque de Mâdaba ne la
nomme pas, il est facile de la reconnaître dans la
grande cité, avec place entourée de colonnes, qui se
trouve au sud-ouest de Mopotofli, « d'où était le pro-
phète Michée. » VOnomasticon, p. 141, 282, auquel la
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carte emprunte ce3 paroles, place Morasthi à l'est
d'Éleuthéropolis.
Hébron, Xeëpwv, Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 9, dé-
truite par l'un des généraux de Vespasien, quelque
temps avant la ruine de Jérusalem, elle était, au temps
d'Eusèbe, Onom., p. 209, un gros bourg, -/<à|iri vvv
jj,eyf(nv, aujourd'hui El-Khalil. Voir Hébron 3, t. m,
col. 554.
Bersabée, Bvipffouëa', Josèphe, Ant. jud., I, xil, 1;
Bepsana, Ptol. Au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme,
Onom., p. 103, 234, c'était un bourg considérable, où
était établie une garnison romaine. La mosaïque de
Mâdaba la mentionne sous le titre de Bïip<ra6£e i\ vuv
Brjpoo-ffaëa, et la représente, en effet, comme une lo-
calité importante. C'est aujourd'hui Bîr es-Sébâ. Voir
Bersabée, 1. 1, col. 1629.
Malatha, MocXiOa, Josèphe, Ant. jud., XVIII, vi, 2;
Maleaha (var. Maleathia), dans la Kotitia dignitatum;
MwXaSâ, Onom., [p. 279; aujourd'hui Kh. el Milh., à
l'est de Bersabée. Voir Molada, t. iv, col. 1222.
E) Le long de la mer Morte et de la vallée du Jour-
dain, en remontant du sud au nord. — Masada, Ma-
ffàSa, Josèphe, Bell, jud., VII, vin, 2-3, etc., célèbre
forteresse que les Machabées construisirent, qu'Hérode
le Grand rendit imprenable; aujourd'hui Sebbéh.
Engaddi, 'EyyocSï, Josèphe, Ant. jud,, IX, i, 2;
'EvyeSai'v, Ant. jud., VI, xrn, 1; 'Eyya35ai', une des
toparchies, Bell, jud., III, m, 5; EvyaâSa, Ptol.; était
encore « un gros bourg des Juifs », au temps d'Eusèbe
et de saint Jérôme, Onom., p. 119, 254; aujourd'hui
'Aïn Djidi, sur les bords de la mer Morte, presque à
mi-chemin entre les deux extrémités nord et sud. Voir
Engaddi, t. h, col. 1796.
Jéricho, 'Iep^oûç, un e des toparchies, Josèphe, Bell,
jud., III, m, 5; Iepixou;, Ptol. ; Herichonte, Tab. Peut. ;
Jéricho, 'Ispr/ti, Onom., p. 131, 265, qui compte trois
Jéricho successives. La mosaïque de Mâdaba la repré-
sente comme une ville importante, flanquée de tours
carrées et environnée de palmiers. Elle s'appelle au-
jourd'hui Er-Rîhà. Voir Jéricho, t. ni, col. 1282.
Archélaïs, 'Ap^sXacç, Josèphe, Ant. jud., XVII, xm,
i, ville fondée par Archélaûs, fils d'Hérode le Grand;
'ApxeXour, Ptol. ; Arcelais, Tab. Peut. Son emplace-
ment exact n'est pas connu. D'après Josèphe, Anl.
jud.., XVIII, il, 2, elle était dans la plaine du Jourdain
et dans le voisinage de Phasaélis, mais les uns la
cherchent au nord, les autres au sud de cette dernière
ville. La carte de Mâdaba la place au sud. Cf. V. Gué-
rin, Samane, t. i, p. 236-237; E. Schûrer, Geschichte
des jùdischen Volkes, t. i, p. 452, note 12.
Phasaélis, $£<ja-t\liç, Josèphe, Ant. jud., XXI, v, 2,
ville fondée par Hérode le Grand, en l'honneur de son
frère Phasaël, au nord de Jéricho; «fccerariXiç, Ptol. Les
dernières lettres seulement du nom, [<f»a<ri-ii]>.iç, sont
conservées sur la mosaïque de Mâdaba. Aujourd'hui
Kh. Fasdïl.
Corese, Kopsaf, Josèphe, Ant. jud., XIV, m, 4; Ko-
peovç, Mâdaba ; aujourd'hui Kurâua, à l'embouchure,
de Vouadi Fdri'a, au nord de Qarn Sartabéh.
F) A l'est du Jourdain, du nord au sud. — Césarée
de Philippe, Kattrapeia t| «ÊtXfcuo'j, Matth., xvi, 13;
Marc, vin, 27; Josèphe, Ant. jud., XVIII, h, 1, etc. ;
Kaio-âpEia Ilavidéî, Ptol.; Csesarea paneas, Tab. Peut.;
aujourd'hui Bânias. 'Voir Césarée de Philippe, t. n,
col. 450.
Bethsaïda-Julias, Josèphe, Ant. jud., XVIII, ir, 1,
nous dit que « le village de Bethsaïde, situé sur le
lac de Génésareth », fut agrandi et fortifié par le
tétrarque Philippe, qui lui donna alors le nom- de la
fille d'Auguste, Julias. C'est la IoyXta; de Ptolémée,
longtemps cherchée à Et-Tell, au nord du lac de
Tibériade, plus probablement à El-'Aradj, ou El-Mes'a-
diyéh, un peu plus bas. Voir Bethsaïde 1, t, i, col. 1713.
Hippus, "Iîiîwk, Josèphe, XIV, rv, 4; Ptol.; Plin., v, 15;
Onom., p, 116, 251. C'est la Sûsîtd, wvdid, des Tal-
muds, Neubauer, p. 238; aujourd'hui Sûsiyéh, à l'est
du lac de Tibériade.
Gadara, TaSapi, une des places les plus importantes
de la Pérée, Josèphe, Ant. jud., XII, ni, 3; PaSâpa,
Ptol.; Cadara, Tab. Peut.; Gadar, "ni, Neubauer,
p. 243; aujourd'hui Umm Qéis, au sud-est de la
pointe méridionale du lac de Tibériade. Voir Gérasé-
niens (Pais des), t. m, col. 200. Quelques auteurs dis-
tinguent de cette Gadara celle que mentionne Josèphe,
Bell, jud., IV, vu, 3, et la TaSoipa de Ptolémée, qu'ils,
cherchent à Es-Salt. Cf. F. Buhl, Géographie des alten
Pal&stina, Leipzig, 1896, p. 255, 263.
Capitolias, KomiTwXia;, Ptol.; Capitoliade, Tab.
Peut.; est souvent identifiée avec Beit er-Rds, au sud-
est A' Umm Qéis, mais il faudrait plutôt peut-être la
chercher à l'est ou au nord-est de cette localité.
Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. i,
p. 651, note 15.
Pellà, IlfXXr), Josèphe, Bell, jud., III, m, 3; une des
toparchies, Bell, jud., III, m, 5; IléXXa, Ptol.; Fahil,
bns, Talm., Neubauer, p. 274; aujourd'hui Kh. Fahil,
au sud d'Utnm Qéis.
Dium, Afov, Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 3; Bell,
jud., I, vi, 4; Ptol.; Plin., v, 18; aujourd'hui 'Eidûn
ou El-Hosn, à l'est de Kh. Fahil.
Gérasa, rèpaaot, Josèphe, Bell, jud., I, rv, 8; Ptol.;
Onom., p. 130, 263; aujourd'hui Djérasch, au sud-est
de Kh. Fahil, avec de magnifiques ruines. Voir Géra-
séniens (Pays des), t. m, col. 200.
Philadélphia, <J>[Xa5éXçeca, Josèphe, Bell, jud., I,
xix, 5; Philadelfia, Tab. Peut.; est l'ancienne Rabbath
Ammon, capitale des Ammonites, Deut., m, 11; Jos.,
xm, 25; Onom., p. 88, 215; elle reçut ce nom de Pto-
lémée II Philadelphe, roi d'Egypte, qui la recon-
struisit. C'est aujourd'hui 'Amman, au sud de Djé-
rasch, avec des ruines importantes. Voir Rabbath
Ammon.
Tyrus, Tupo;, Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 11, place
forte dont Josèphe attribue la fondation à un prince
nommé Hyrcan; auj. 'Arâq el-Emir, avec des ruines
intéressantes, à l'ouest d'Amman.
Livias, Aiêi'a?, Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 4; Ptol. ;
Onom., p. 103, 234; aujourd'hui Tell er-Raméh, au
sud-ouest A'Arâq el-Emir. Voir Bétharan, 1. 1, coi. 1664.
Callirrhoé, KaXXtppôï|, sources d'eaux thermales,
situées à l'est de la mer Morte, célèbres dans l'anti-
quité, Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 5; Plin., v, 16;
Ptol. ; Ospfia KaXXiporj;, sur la carte de Mâdaba, qui
représente trois fontaines : une plus petite au nord;
une autre sur le cours d'un petit torrent, qui prend
naissance au pied de la montagne ; entre les deux, la
fontaine principale avec une construction en forme
d'abside. D'après ce plan, Callirrhoé répond plutôt à
Sâra, situé au sud-ouest d'Hammam ez-Zerqa, ce
dernier endroit étant le [Bjaapo-j de la mosaïque.
Cf. J. Manfredi, Callirhoé et Baarou dans la mo-
saïque géographique de Mâdaba, dans la Revue bi-
blique, 1903, p. 266-271. Voir Callirrhoé, t. n, col. 69.
Machxrus, Ma^atpovs, Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 2;
Bell, jud., VII, vi, 1, etc.; Plin., H. N., v, 16, célèbre
forteresse, construite par Alexandre Jannée, recon-
struite par Hétode le Grand, et qui servit de prison à
saint Jean-Baptiste, Ant. jud., XVIII, v, 2; aujourd'hui
M'kaur, au sud-est de Sara.
La Batanée, la Trachonitide et l'Auranitide renfer-
maient aussi de nombreuses villes, dont les noms nous
sont connus ou par les auteurs anciens ou par les ins-
criptions, et qui ont laissé des ruines encore impo-
santes. Citons seulement : Bostra, aujourd'hui Bosra;
voir Bosra 2, t. i, col. 1860; Dionysias, Es-Suéidéh,
qui portait probablement un nom différent pendant la
703
PROCURATEURS ROMAINS — PROMESSE
704
période romaine; Athila, Atîl; Canatha, El-Qanauât,
voir Canath, t. h, col. 121; Philippopolis, Schoubba;
Saccoea, Schaqqa; Phœna, El-Musmiyéh ; Aéra, Es.
Sanaméin; Dorea, Ed-Dûr. Voir Argob 2, t- i,
col. 950; Auran, t. i, col. 1233; Basan, t. i, col. 1486.
Comme on le constate d'après cette énumération, la
Palestine, à l'époque romaine, vit s'élever plusieurs
villes nouvelles, fondées par Hérode et ses fils : Césarée
maritime, Césarée de Philippe, Anlipatris, Pharaélis,
Archélaïs, Julias, Sepphoris, Livias, Tibériade. D'autres
furent relevées de leurs ruines par Gabinius : Raphia,
Gaza, Anthédon, Azot, Jamnia, Apollonia, Dora, Sa-
marie, Scythopolis. Cf. Josèphe, Ant.Jud., XIV, v, 3;
Bell, jud., I, vin, 4. Un certain nombre, et des plus
importantes, furent déclarées libres par Pompée, tout
•en reconnaissant la suprématie romaine. Ant. jud.,
XIV, iv, 4; Bell, jud., I, vu, 7. Outre celles qui sont
citées par Josèphe, d'autres sont connues comme ayant
gardé l'ère de Pompée. C'étaient des villes hellénistes.
Voir Hellénisme, t. ni, col. 575. Elles se trouvaient
principalement sur la côte : Raphia, Gaza, Anthédon,
Ascalon^ Azot, Jamnia, Joppé, Apollonia, Césarée mari-
time, Dor, Ptolémaïs, et à l'est du Jourdain : Hippus,
Gadara, Abila, Canatha, Pella, Dium, Gérasa, Philadel-
phie. Dans l'intérieur étaient : Antipatris, ISébaste,
Sepphoris, Julias, Tibériade, Scythopolis, Phasaélis.
Voir Décapole, t. H, col. 1333. Pour l'histoire de ces
villes â l'époque romaine, cf. E. Schûrer, Geschichte
des jûdischen Volkes, t. Il, p. 82-175. Pour les villes
juives, voir Villes.
V. Bibliographie. — E. Schûrer, Geschichte des
jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig,
1901, t. î, p. 454-507, 564-585; t. n, p. 72-188; G. Bœtt-
ger, Lexicon zu den Schviften des Flavius Josephus,
Leipzig, i879; W. Oehler, Die Ortschaften und Gren-
zen Galilâas nach Josephus, dans la Zeitschrift des
deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxvm, 1905,
p. 1-26, 49-74, avec carte, 48; P. Thomsen, Palàstina
nach dem Onomasticon des Eusebius, dans la même
revue, t. xxvi, 1903, p. 97-141, 145-188, avec carte,
144; Id., Unlersuchungen zur cilteren Palàstina-Lite-
ratur, même revue, t. xxix, 1906, p. 101-132, avec carte,
pi. 3; M.-J. Lagrange, La mosaïque géographique de
Mddaba, daus la Revue biblique, 1897, p. 165-184;
A. Jacoby, Das geographische Mosaik von Mddaba, dans
les Siudien ïiber christliche Denkmàler, Leipzig, 1905.
A. Legendre.
PRODIGUE, celui qui dépense son bien à tort et à
travers. — Il est fait allusion au prodigue dans quelques
passages. « L'homme aux nombreux amis les a pour sa
perte. >■ Prov., xvm, 24. « Celui qui nourrit les débau-
chés fait honte à son père. » Prov., xxvm, 7. « De pré-
cieux trésors, de l'huile sont dans la maison du sage,
mais l'insensé les engloutit. » Prov., xxr, 20. — Dans
une de ses paraboles, Notre-Seigneur met en scène un
intendant dissipateur, SticrxopmÇtûv. Luc, xvi, 1. Cet
intendant n'a pas fraudé pour se faire une fortune à lui-
même, puisque, privé de son intendance, il en sera
réduit soit à travailler, soit à mendier. Mais il a usé
largement des biens de son maître comme s'ils étaient
à lui et il a tout dissipé. — Dans la parabole de l'en-
fant prodigue, un fils demande à son père la part d'hé-
ritage qui lui revient, et, dans un pays éloigné, « il
dissipe son bien en vivant dans la débauche. » Luc, xv,
13. L'indigence absolue et la famine sont la conséquen-
ce de sa conduite imprévoyante. II expérimente alors la
vérité de ce qui est écrit :
La richesse procure un grand nombre d'amis,
Mais le pauvre voit s'éloigner l'ami qu'il possédait.
Prov., xix, 4. — Dans un sens très différent, Dieu a été
prodigue de ses biens envers l'homme dans l'incarna-
tion et la rédemption. Joa., m, 16; iv, 10; Rom., vin,
32; II Cor., ix, 15; II Pet., I, 4. Cette prodigalité a
paru tenir de la folie aux yeux des gentils. I Cor., i,
18, 23. H. Lesêtre.
PROIE (hébreu : téréf, 'ad, 'okél; Septante : ÛTJpa,
popâ, àpratY[ia;Vulgate : prœda, esca), ce que les ani-
maux carnassiers chassent et prennent pour se nourrir.
Sur les captures que les hommes font à la guerre, voir
Butin, t. i, col. 1975. — Les auteurs sacrés font surtout
allusion à la proie des lions. Le lion chasse et dévore
sa proie en rugissant. Num., xxili, 24; Is., v, 29; xxxi,
4; Ezech., xxii, 25; Am., m, 4; Ps. civ(cm), 21; IPet.,
v, 8. Il remplit de proie ses cavernes, Nah., n, 12, et
apprend aux jeunes lionceaux à saisir et à déchirer leur
proie. Ezech., xix, 3, 6. Faute de proie, il périt, Job, IV,
11; aussi Dieu la lui procure. Job, xxxvm, 39. — Les
loups chassent aussi et déchirent leur proie. Gen., xlix,
27; Ezech., xxii, 27. — L'aigle vole pour atteindre sa
proie. Job, ix, 26. Parfois, les cadavres des hommes
sont abandonnés en proie aux oiseaux, ce qui est con-
sidéré comme un châtiment redoutable, Deut., xxvm,
26; Ps. lxxix (lxxvih), 2; Jer., xvi, 4; xix, 7; xxxiv, .
20. Voir Oiseau, t. iv, col. 1772. H. Lesêtre
PROMESSE (grec : èiiafYeXia ; Vulgate : pollici-
tatio, promissio, promissum, repromis sio), annonce
d'un bien futur que l'on s'engage à donner.
I. Promesses humaines. — Les hommes promettent
des choses plus ou moins bonnes, qu'ils n'ont pas tou-
jours le pouvoir ni l'intention de donner. Sur les pro-
messes faites à Dieu, voir Vœu. Sur les promesses
faites avec serment, voir Jurement, t. m, col, 1870.
Ozias promit de livrer Belhulie au bout de cinq jours.
Judith, vin, 9. Tobie fit promettre à Raguel de lui
donner sa fille Sara en mariage. Tob., vu, 10. Aman
promit de verser une somme d'argent au trésor du rof
en retour du massacre des Juifs. Esth., iv, 7. Bon
nombre de promesses sont faites à l'époque des Ma-
chabées. I Mach., x, 15; xi, 28; II Mach., m, 35; iv,
8, 9, 27, 45; vu, 26; vin, 11, 36; xi, 14; xn, 11, 12.
Hérode promit à la fille d'Hérodiade de lui accorder
tout ce qu'elle demanderait. Matth., xiv, 7. Les princes
des prêtres promirent de l'argent à Judas. Marc, xiv,
11. Les faux docteurs promettaient la liberté à ceux
qui les écoulaient. II Pet., n, 19. Les Corinthiens
avaient promis leurs aumônes pour les pauvres de
Jérusalem. II Cor., ix, 5.
II. Promesses divines. — 1° Temporelles. — l.Dieu
promit aux patriarches de leur donner le pays de Cha-
naan et une nombreuse postérité. Gen., xv, 5,
6, 18; xvii, 16; xxvi, 3, 4; Act., vu, 5, etc. Ces
promesses sont fréquemment rappelées à Israël.
Exod., xn, 25; Num., x, 29, xxxii, 11; Deut., vr, 3;
xix, 8; xxxi, 21, 23; Heb., vi, 15; xi, 9, 11, 17, etc.,
et l'accomplissement en est demandé ou signalé. Jos.,
xxii, 4; Judith, xm, 18; Act., vu, 17; Rom., ix, 4;
Heb., vi, 15, etc. — 2. Dieu promit encore à Israël les
biens temporels. Tout d'abord, une promesse de longue
vie fut attachée au commandement qui concerne le
respect dû aux parents. Eph., vi, 2. Puis les prospé-
rités de la terre furent promises aux Israélites, s'ils
étaient fidèles à Dieu. Lev., xxvi, 3-13; Deut., vm, 7-
14; xi, 13-17; xxvm, 9-14. Les Israélites s'appliquèrent
trop exclusivement à la recherche de ces bénédictions
temporelles. Longtemps après la rédemption, ils di-
saient encore : « La bénédiction sur la terre consiste
dans la richesse. » Zohar, i, 87 6; édit. Lafuma, Paris,
1906, t. i, p. 507. — 3. Dieu promit à David que quel-
qu'un de sa descendance occuperait toujours son
trône. II Par., i, 9; vu, 18; xxi, 7; IV Reg., vm, 19;
Ps. cxxxn (cxxxi), 11-13. — 4. Les Israélites comptèrent
sur l'effet de ces promesses, Judith, xm, 7; Dan., m,
705
PROMESSE
PROPHETE
706
36; Sap., xil, 21; II Mach., xi, 18, etc., à cause de
la fidélité de Dieu. Heb., x, 24.
2» Spirituelles. — 1. Notre-Seigneur promet que la
prière adressée à son Père sera toujours exaucée.
Voir Prière, col. 667. — 2. Les anciennes promesses
temporelles avaient un sens spirituel concernant la nou-
velle alliance et excellemment réalisé par Jésus-Christ.
En lui s'accomplit pleinement ce qui a été promis aux
anciens patriarches, Act., xxvi, 6; Kom., xv, 8; Gai.,
m, 22; II Cor., i, 20; II Pet., I, 4, spécialement par
sa naissance, Act., xin, 23, et par sa résurrection.
Act., xiri, 32. — 3. Lui-même a promis d'envoyer le
Saint-Esprit, Luc, xxiv, 29; Act., i. 4, il l'a envoyé,
Act., u, 33; Eph., i, 13, et on participe à cet Esprit par
la foi. Gai., IX, 14. — 4. Les promesses de l'ancienne
alliance ne concernaient que les Juifs; aussi ces der-
niers sont-ils . appelés tout d'abord à bénéficier de
l'effet spirituel compris dans les promesses anciennes.
Rom., ix, 4; Act., n, 39. Les justes de l'Ancien Testa-
ment n'ont vu que de loin l'accomplissement des pro-
messes faites à leurs pères et ils y ont cru. assurant
ainsi leur salut par la foi. Heh., xi, 13, 33, 39. Les
gentils, étrangers aux promesses de l'ancienne alliance,
Eph., il, 10, participent par Jésus-Christ à celles de la
nouvelle. Eph., m, 6. En promettant d'ébranler la
terre, Dieu promettait une nouvelle alliance, Heb.,
xn, 26, l'Évangile, promis par les prophètes. Rom., i,
2. C'est par cette alliance nouvelle et par la grâce
qu'elle apporte que se réalisent, dans un sens com-
plet, définitif et spirituel, les promesses faites jadis à
Abraham. Rom., iv, 13, 14, 16; Gai., m, 16; Heb., vi,
13. Les vrais enfants de la promesse ne sont donc pas
les Juifs, mais les descendants spirituels d'Abraham,
Rom., ix, 8; Gai., iv, 28; Heb., vi, 17, et cette descen-
dance spirituelle, qui donne droit aux bienfaits de la
promesse, ne vient pas de la naissance naturelle ni de
la loi ancienne, mais uniquement de la foi en Jésus-
Christ. Gal.,_ m, 18; lv, 23; Heb., vi, 12, 13. —
5. Jésus-Christ, Pontife de la loi nouvelle, établit cette
loi sur des promesses bien supérieures à celles de la
loi ancienne. Heb., vm, 6. Il promet à ses disciples le
titre de fils de Dieu, II Cor., vu, 1, la vie surnaturelle,
H Tim., i, 1, les biens de la vie présente et ceux de la
vie future, I Tim., iv, 8, le repos de Dieu, Heb., rv, 1,
la récompense et la couronne célestes, Heb., x, 36;
Jacoty., i, 12; il, 5, la vie éternelle. Tit., i, 2; Heb., ix,
15; I Joa., il, 25. Les incrédules doutent de la venue du
royaume promis. II Pet., m, 4. Les croyants attendent
de nouveaux cieux, c'est-à-dire la vie éternelle à l'avène-
ment du Fils de Dieu, selon sa promesse. II Pet., m, 13.
H. Lesêtre.
PROPHÈTE, homme inspiré à qui Dieu manifeste
ses volontés pour les communiquer aux autres. Les
prophètes ont joué un rôle important dans l'histoire
d'Israël, et Dieu s'est servi d'eux pour instruire son
peuple choisi. Il n'a pas manqué non plus de prophètes
dans les premiers temps du christianisme et les deux
Testaments parlent fréquemment des prophètes de Dieu.
I. Notion. — Le prophète, tel qu'il apparaît dans les
Livres Saints, diffère de la conception vulgaire qui ne
voit en lui que celui qui prédit l'avenir. La Bible lui
donne une signification plus large et elle le reconnaît
comme un homme à qui Dieu manifeste spécialement
ses volontés, quelles qu'elles soient, présentes oufutures,
pour qu'il les fasse connaître aux autres. Comme elle
n'en donne nulle part une définition expresse et for-
melle, il faut en dégager la notion des nombreux ren-
seignements que l'Ancien Testament fournit sur les
prophètes d'Israël. Les noms différents par lesquels
ceux-ci sont désignés et la manière dont les prophètes
agissaient de la part de Dieu nous serviront à préciser
l'idée que la Bible nous en donne.
/. d'après leurs noms. — Trois noms hébreux,
DICT. DE LA BIBLE,
rro'-t, mil, «'33, rô'éh, fyôzéh, nâbï, indiquent la nature
du prophète Israélite. Comme, d'après une note que
le rédacteur de I Sam., ix, 9, a insérée dans son récit,
hni est le nom le plus ancien ou au moins le plus
répandu dans l'antiquité, nous l'étudierons le premier
nous y ajouterons son synonyme rnfi, avant d'examiner
les noms techniques, n>33, ndbi', en hébreu, et npoç-rç-
• T
ttiç, en grec.
1° Le rô'éhou voyant. — Étymologiquement, ce non»
dérive de la racine nui, rtfâh, qui signifie originaire-
T T
ment « voir » des yeux du corps ou de l'esprit. Ce verbe
a servi à exprimer les visions divines des prophètes.
Is., xxix, 10; xxx, 10. Rô'éh en est le participe actif. De
soi, il pourrait désigner un voyant quelconque; mai»
l'usage biblique l'a réservé à dénommer une catégorie
spéciale de voyants, d'hommes qui voient des yeux de
l'esprit ce que les autres hommes ne voient pas.
Ce nom est donné à Samuel, pour la première fois
dans la Bible, par Saùl et son serviteur, I Sam., ix T
11, 18, qui l'avaient d'abord appelé « homme de Dieu »,
6, 7, 8, 10.<La glose du verset 9, dans les deux rédac-
tions différentes de l'hébreu et du grec, indique que ce
nom était usité à l'époque de l'événement et désignait
ceux qu'au temps du rédacteur on appelait ndbi'. Le
voyant était donc l'homme qu'on allait interroger
quand on voulait consulter Dieu. Il voyait ce qu'on
voulait apprendre de Dieu et ce que Dieu répondait à
"la consultation faite. Sa réponse était considérée comme
la réponse de Dieu. Si l'objet de la consultation, rap-
portée dans cette anecdote, est un intérêt temporel et
privé, la découverte d'ânesses perdues, Dieu toutefois
manifestait à Samuel des desseins plus importants et
tout secrets. La veille, il lui avait révélé à l'oreille la
venue de Saùl et ses vues sur lui, et quand Saùl parut
devant lui, Dieu réitéra ses déclarations, 15-17. Samuel
promit à Saùl de lui indiquer le lendemain tout ce
qui était dans son cœur, après lui avoir annoncé que le»
ânesses étaient retrouvées, 19, 20. Le lendemain, en
effet, il fit connaître au fils de Cis la parole du Sei-
gneur, 27, l'élection divine à la royanté, x, 1, et il lnï
donna trois signes pour confirmer la vérité de cette
déclaration, 2-11. Ce n'était pas, d'ailleurs, la première
révélation faite par Dieu à Samuel. Celui-ci, encore
enfant, avait entendu à Silo la voix divine. La première
fois qu'elle se fit entendre, l'enfant ne savait de qui
.elle provenait, I Sam., ni, 7, parce que la parole de
Dieu ne lui avait pas encore été manifestée. Du reste,
elle était rare à cette époque, et les visions n'avaient
pas lieu, 1. Au troisième appel, Héli comprit que Je
Seigneur parlait à Samuel, 2. Au quatrième, l'enfant,
obéissant aux recommandations du prêtre, dit ;
« Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute, » 10, et le
Seigneur lui annonça le sort qu'il réservait à la famille
d'Héli, 11-14. Samuel craignait de rapporter au prêtre
la vision, nNisn, 15. Interrogé, il répéta les paroles
divines, 16-18. Samuel fut dès lors connu dans tout
Israël comme un prophète, 20, 21. Cf. II Par.,
xxxv, 18. Il porte spécialement dans l'Écriture le nom
de voyant. I Par., ix, 22; II Par., xxvi, 28; xxix, 29.
Quelques autres personnages cependant sont .dits
voyants. David appelle ainsi le prêtre Sadoc. II Sam.,
xv, 27. Le prophète Hanani, qui vivait sous le règne
d'Asa, porte aussi ce nom. II Par., xvi, 7, 10. Isaïe,
xxx, 10; xxxn, 3, emploie poétiquement le pluriel
rô'tni. On en a conclu que le nom de voyant a cessé
d'être usité après le règne d'Asa. Quoi qu'il en soit,
ces simples attributs ou ces substantifs absolus ne non?
apprennent rien sur la signification du nom. Toutefois,
de l'histoire de Samuel il ressort que le voyant recevait
la vision et entendait la parole de Dieu pour les mani-
fester aux autres.
V.
23
707
PROPHETE
708
2° Le Jfôzéh ou voyant. — Étymologiquement, ce nom
a la même signification que ro'éh. Il vient, en effet
de la racine mn, hâzâh, « voir ». Il en est le participe
ii
kal, pris substantivement, et dans l'usage, il désigne,
comme ro'éh, le prophète voyant. Il est plus fréquem-
ment employé que le précédent, surtout à partir d'Amos.
Il désigne cependant des prophètes antérieurs. Gad
est le hôzéh de David^ II Sam., xxiv, 11; I Par., xxi,
9, ainsi que Héman, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par.,
xxix, 30, etldithun. [I Par., xxxv, 15. Addo, qui a écrit
l'histoire de Salomonet de Roboam, est dit aussi hôzéh
II Par., IX, 29; xii, 15. Quelques critiques en ont conclu
que le hôzéh était le prophète attaché à la famille
royale, tandis que le rô'éh était un voyant s'occupant
des affaires des simples particuliers. Mais le hôzéh
Jéhu, fils d'Hanani, avait fait des reproches à Josaphat.
II Par., xix, 2. L'histoire d'Amos à Béthel, vu, 12-17,
est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias
interdit à Amos, qu'il appelle hôzéh, de prophétiser à
Béthel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale.
Si le hôzéh avait été le voyant de la cour royale, Amos
n'aurait pas reçu ce nom de la bouche d' Amasias. Des
hôzîm avaient parlé à Manassé au nom du Seigneur.
Il Par., xxxill, 18. Il y avait eu, d'ailleurs, en Israël et
en Juda des hôzîm qui avaient manifesté les ordres du
Seigneur. II (IV) Reg., xvii, 13. Ils avaient vu les visions
de Dieu, hâzôn, et reçu ses révélations pour les com-
muniquer aux hommes. Voir Prophétie.
Cependant, le pluriel, hôzîm, a spécialement dési-.
gné les faux prophètes. Michée, m, 7, les nomme avec
les devins et il annonce leur confusion : ils n'auront
pas de « réponse de Dieu ». La nuit leur servira de
vision et les ténèbres de divination, 6. Le prophète
lui-même, au contraire, est rempli de la force de l'es-
prit du Seigneur, 9. lsaïe, xxix, 10, parle aussi des
faux prophètes de Juda, qui voient des visions, mais
que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les
paupières, de sorte que la vision sera pour eux comme
un livre scellé, dans lequel ils ne pourront lire, 11, 12.
Les Juifs incrédules refusaient de croire les vrais
•voyants et demandaient aux faux prophètes de leur an-
noncer ce qui leur plaisait et d'avoir des visions
fausses et erronées. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xm, 9,
16; xxn, 28.
Bien que le nom de hôzéh ait servi en dernier lieu
à nommer les faux prophètes, primitivement ii dési-
gnait le vrai prophète considéré comme un homme
dont les yeux ne sont pas fermés aux visions divines,
qui les voit, qui lit la réponse de Dieu et qui la com-
munique aux autres. Il était donc synonyme de rô'éh.
La seule différence entre ces deux dénominations est
que la seconde a été appliquée aux faux prophètes et
la première pas.
3° Le ndbî' ou interprète de Dieu. — a)Etymologie.
— L'origine de ce nom est incertaine et sa signification
étymologique douteuse. On l'a recherchée dans l'hébreu
ou dans d'autres langues sémitiques. Si nàbï. ne peut
venir de toa, ndbâ, qu'il est impossible de décompo-
ser en une racine inconnue N3, ba', « parler », et en la
préposition a, ayant le sens de xari nâbà' signifierait
alors « convaincre par la parole », et le ndbî' serait un
homme puissant en discours), on a cherché plus ou
moins heureusement à le rattacher à d'autres racines :
ou bien à ix, ndbâ', signifiant « bouillonner » et par
TT
suite « répandre abondamment des paroles i>, et dont
N33 nâbâ", est la forme adoucie par le changement de
TT
aîn en aleph; ou bien à aw, nûb, « sortir, pousser,
germer », ou à sa racine bilittère 33, nb, exprimant
un mouvement quelconque du dedans au dehors,
quels qu'en soient le point de départ et le moteur,
de sorte que le nâbV serait l'homme qui émet des pa-
roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui
soutiennent que le mot ne dérive pas d'une racine
hébraïque ou au moins n'a pas de racine dans l'hébreu
de la période historique, le font provenir d'autres
langues sémitiques, soit de l'arabe nabaa, « annoncsr »
une nouvelle, porter un ordre, soit de l'assyrien nabù,
qui signifie « crier, publier, annoncer » et d'où dérive
le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse
et de la science, de la parole et de l'écriture, voir
t. iv, col. 143H436, de sorte que nâbi' signifierait
celui qui parle de la part de Dieu, l'orateur divinement
inspiré.
6) Forme grammaticale. — Les hébraïsants ont
reconnu au mot hébreu nâbf une forme passive ou
active et ont précisé en conséquence la signification
passive ou active du nom. Si on considère le mot ndbî'
comme un participe passif qâlîl, le nâbi' est un homme
à qui il est parlé, qui entend une voix intérieure,
mystérieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle
que sous l'action d'un révélateur, un homme qui est
donc inspiré. C'est pourquoi les actes des prophètes
sont toujours exprimés dans la Bible par des verbes au
niphal et à Vhithpahel, qui sont deux formes passives.
Mais même en admettant la justesse de ces observations,
des grammairiens plus récents ont remarqué que les
participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la
signification passive et ont un sens actif; ainsi Tps,
pdqîd, surveillant, -|tïF, qasîr, moissonneur, 3>-n, nd-
•7 ' H
dîb, noble, prince, -pu, nâgîd, chef, b>ai, rdkîl, ca-
•T * T
lomniateur, etc. D'ailleurs, le niphal est plutôt la forme
réfléchie du gai ell'hithpahel la forme réfléchie du phel.
Par suite N3: et N3^nn, qui sont souvent employés l'un
pour l'autre, ont la signification réfléchie et veulent dire :
ce se montrer prophète. » N'33, a donc plutôt une forme
* T
active et désigne « celui qui parle », non pas sans doute
en son nom propre, mais bien au nom d'un autre.
c) Signification d'après l'usage biblique. — Du reste,
l'usage a fixé le sens du mot, et l'usage a, pour détermi-
ner le sens, plus de valeur que l'étymologie et la forme
grammaticale. Or, le passage classique qui détermine
le sens usuel du mot, est le récit de l'Exode, vu, 1, 2.
Moïse avait été chargé par Dieu de transmettre à Pha-
raon ses volontés au sujet des Israélites opprimés. Il
objecta que ses lèvres étaient incirconcises, Exod., iv,
10; vi, 10-12, 29-30, et qu'il éprouvait de la difficulté
à parler. Or, Dieu lui donna Aaron pour nâbi'; il
parlera à sa place. Moïse dira à son frère tout ce que
Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra à
Pharaon, non pas comme truchement, mais comme
porte-parole. De même, à l'égard des Israélites, Aaron
sera « la bouche de Moïse ». Exod., iv, 14-16. Voir t. îv,
col. 1194. Le nâbi' de Dieu était pour Dieu ce qu'Aaron
était pour Moïse. Dieu mettait dans sa bouche les
paroles qu'il voulait lui faire dire; lui-même, il ne
disait que ce que Dieu voulait lui faire dire. Il était
donc le porte-parole de Dieu, non pas seulement un
inspiré, qui reçoit une révélation, mais un représentant
officiel, chargé de parler au nom et à la place de Dieu,
un orateur, un prédicateur qui dit aux hommes ce que
Dieu veut leur faire savoir.
La manière dont Jérémie reçut la mission prophétique
confirme cette interprétation. Dieu lui révèle qu'il
l'avait choisi dès le sein de sa mère pour être son nâbi'
auprès des nations. Jer., i, 4,5. Le fils d'Helcias répond
qu'il ne sait ou ne peut parler avec l'autorité nécessaire,
parce qu'il n'est encore qu'un enfant. Dieu l'encourage,
confirme sa mission prophétique, lui promet sa protec-
tion, touche ses lèvres sur lesquelles il mettra les
paroles que le prophète aura à prononcer, 7-10. Cf. v,
14. Jérémie dit les paroles divines qu'il a entendues, I,
11-.13, etc. Il parle donc par délégation divine et il est
709
PROPHÈTE
710
l'interprète des volontés de Dieu auprès des hommes.
Le nom de nâbï, ayant cette signification, a remplacé
l'ancien nom de rô'êh et est devenu d'un emploi uni-
versel pour désigner les représentants de Dieu en
Israël. I Sam., IX, 9. II a toujours caractérisé un homme
qui parle au nom de Dieu et qui répand des oracles di-
vins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication.
4° Le npotpr ( TTn; des Septante. — Ce mot grec traduit
régulièrement, dans la version grecque dite des Septante,
le nom nâbi' appliqué aux vrais prophètes, et quelque-
fois rô'éh, I Par., xxvi, 28; II Par., xvi, 7, 10, et hàzéh.
II Par., ix, 2; xxix, 30; xxxv, -15. Il faut exposer la
■véritable signification de ce nom, duquel viennent le
mot latin propheta et le nom français prophète.
a) Étymologie. — Les Pères et les théologiens ont
donné diverses explications de ce nom. Eusèbe de Césa-
rée, Demonsl. ev., I. V, prolog., t. xxn, col. 345, le faisait
dériver de itpo:pocîveiv et lui donnait la signification de
communication par le Saiut-Esprit des choses futures et
cachées. Saint Thomas a adopté une dérivation analogue,
puisqu'il séparait upô, procul, et tpavo:, apparitio, et il
en a conclu que la prophétie consistait principalement
dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues.
Sum. theol., II a II 85 , q. clxxi, a. 1. Suarez, De fide,
disp. VIII, sect. ni, n. 1, Opéra, Paris, 1858, t. xil,
p. 227, l'a rejetée à juste titre comme n'ayant aucun
fondement dans la langue grecque. Ce théologien
préférait une autre étymologie, communément admise,
qui fait venir ce mot de itpocpâvai, « dire à l'avance, » et
qui considère la prophétie comme une prédiction de
l'avenir. Cette interprétation était déjà acceptée par
saint Irénée, Cont. hser., 1. IV, c. xx, n. 4, t. vu,
col. 1034; par saint Ambroise, De benedictione patri-
archarum, 1. II, n. 7, t. xiv, col. 676; par saint Basile,
In Isa., proœm., n. 3; 1. III, t. xxx, col. 224,
284 ; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, hom. Il,
d. 2, t. lvi, col. 111 ; et par saint Grégoire le Grand,
In Ezech., 1. I, hom. i, n. 1, t. lxxvi, col. 786. Elle a
donné naissance à l'opinion vulgaire, qui ne reconnaît
■dans les prophètes que des prédiseurs de l'avenir. Mais
tout en admettant cette dérivation, on peut et on doit,
semble-t-il, lui donner une meilleure explication. Dans
TtpoçTyrric, la préposition itp<5 n'est pas une particule de
temps. Comme dans les mots composés analogues,
itpièoaxoç, vice-pasteur, itpi6ouXoç, qui prend conseil
pour un autre, irpiStxoç, qui traite l'affaire d'autrui,
■TrporiTopsîv, parler à la place d'autres, etc., et en latin,
proconsul, procurator, proprietor, propugnator, etc.,
«Ile signifie « à la place de ». Le irpoçrJT/iï est donc
celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi très bien
le sens de nâbi'.
b) Signification. — Du reste, upo^r/jc, chez les
écrivains grecs profanes, signifie interprèle, et non
prédiseur de l'avenir. Denys d'Halicarnasse appelle les
prêtres Ttpotpîirat ifiv Seîtov, c'est-à-dire les interprètes
des choses divines. Platon dit que les poètes sont
Mo'Jdûv 7tpoçï]Tai. Thémistius, Orat., xxm, nomme
xpocpïJTr,;, celui qui explique Aristote. Philon aplusieurs
fois présenté les prophètes d'Israël comme les inter-
prètes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait
dire. Les Pères, même ceux qui admettaient, l'étymolo-
gie tirée de upocpâvoti, ont donné cette signification.
-S. Chrysostome, In Act., hom. xix, 5, t. lx, col. 156;
In I Cor., hom. xxxvi, 4, t. lxi, col. 311; S. Augus-
tin, Qusest, in Heptateuch., n, 17, t. xxxiv, col. 601 ;
Synopsis Sac. Script, (attribuée à saint Chrysostome),
t. lvi, col. 317. Les commentateurs catholiques, à partir
du xvn e siècle, ont généralement adopté cette interpré-
tation, qui n'est pas, comme on le prétend quelquefois,
«ne découverte de l'exégèse moderne.
il. d'après leur manière d'agir. — Tout ce que
disent et font les prophètes, ils le disent et ils le font,
non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu.
Beaucoup de leurs oracles oraux ou écrits débutent par
ces mots : « Ainsi parle le Seigneur. » I Sam., x, 18;
xv, 2; I (III) Reg., xm, 2; xxn, 11; II (IV) Reg., vu, 1;
Is., vu, 7; Jer., n, 2; xix, 1; Ezech., v, 5, 8; vi, 11;
vu, 5; xi, 2, 7, 16; Amos, i, 2, 3, 6, 11, 13; n, 1, 4, 6;
Abdias, 1; Agg., i, 2, 5, 7; Zach., i, 3, etc. Dieu lui
ordonne de parler ainsi : «Le Seigneur dit ceci. » Jer.,
IX, 24; Ezech., xi, 17; xil, 23. Le prophète a entendu
de la bouche de Dieu les paroles qu'il proclame. Ezech,,
ni, 17; xxxiii, 7; Hab., m, 2. Il annonce la parole de
Dieu. Is., i, 10; xxvni, 14; Jer., n, 4, 31; vu, 2; IX,
20; Ezech., vi, 3; xm, 2; xx, 47; Ose., iv, 1; Amos,
vu, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu'il lui
a dit. Jer., xix, 2; Ezech., m, 4. C'est Dieu qui parle
par sa bouche. Is., m, 6; Ezech., xvii. 21. La parole du
Seigneur lui a été dite. Ezech., vi, 1; vu, 1; xi, 14;
xn, 1, 5,17, 21, 26; xm, "1, etc. Bref, ce que le prophète
dit n'est pas le produit de son esprit, et toutes ses
paroles sont des paroles divines. Or, rien n'est plus
varié que leur objet. Elles ne concernent pas toutes
l'avenir. Elles font connaître les résolutions que Dieu
a prises, ses desseins. Elles sont généralement accom-
pagnées d'avertissements et d'exhortations, de reproches,
de menaces, de consolations. Elles forment parfois un
discours entier. Le prophète manifeste donc toutes les
volontés de Dieu, présentes et futures. Il est le porte-
parole de Dieu, le médiateur de la révélation divine,
l'organe de Jéhovah, l'interprète humain de la pensée
divine, un orateur divinement inspiré. Philon en
donnait déjà cette définition, et saint Pierre l'a déclaré :
« Les saints hommes de Dieu ont parlé sous l'inspira-
tion du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21.
II. Vocation et inspiration divine des prophètes.
— Les prophètes d'Israël ne se sont pas introduits
d'eux-mêmes dans le ministère qu'ils remplissaient.
Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xvm, 18.
Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont di-
vines; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rap-
portaient à Dieu.
1» Vocation et mission. — Ce n'est ni de leur propre
choix et de leur initiative privée ni par une éducation
spéciale que les prophètes d'Israël ont commencé et
rempli leur ministère. Amos était un simple berger de
Thécué, i, 1; Dieu l'a pris derrière son troupeau et l'a
envoyé prophétiser à Israël, vu, 14-15. Il est donc
devenu prophète par vocation expresse et personne ne
saurait aller à l'encontre de cet appel divin, ni les
prêtres de Béthel ni les rois d'Israël. Ce n'est pas pour
remplir un métier et gagner son pain qu'il prophétise
comme le supposait Amasias, vu, 12; c'est pour obéir
à l'ordre de Dieu. L'appel divin a été pour lui d'une
clarté irrésistible; il a quitté son métier de berger et
s'est exposé aux dénonciations et aux menaces d' Ama-
sias. La parole divine l'a saisi et subjugué : « Dieu
parle; qui ne prophétiserait? » m, 8. Dans une vision,
Isaïe a entendu Dieu demander qui il enverrait; il s'est
offert généreusement et il a reçu l'ordre d'annoncer à
Juda les volontés divines, vi, 8, 9. Jérémie a été choisi
par Dieu comme prophète dès le sein de sa mère.
Comme Moïse, il veut repousser la mission qui lui est
confiée. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la
rendre éloquente et le charge d'une mission pénible, I,
4-10. Plus tard, quand l'accomplissement de sa mission
lui attire le mépris de ses contemporains, il se plaint
amèrement que Dieu l'ait fait prophète par force. IJ
avait voulu garder le silence; mais il a senti brûler
dans ses entrailles et dans ses os un feu dévorant et il
a été contraint de céder et de parler, xx, 7-9. Cf. îv,
19-26; xv, 10, 15. Ézéchiel a reçu de Dieu, lui aussi, la
mission de parler aux Israélites coupables et de ne pas
craindre leur opposition, n, 1-6. Les autres prophètes,
bien qu'ils ne nous aient fait connaître ni l'époque ni
le mode de leur vocation, étaient cependant choisis par
711
PROPHÈTE
712
Dieu comme ses représentants et envoyés vers ceux à
qui le Seigneur voulait révéler ses volontés, ordres ou
menaces. Dieu lui-même l'affirme par la bouche de Jé-
rémie, xx.iv, 4.
2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas à envoyer
ses prophètes et à les charger de parler en son nom ; il
met sur leurs lèvres ce qu'ils doivent prêcher et annon-
cer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et
ioutes leurs démarches. L'action de Dieu sur ses en-
voyés est exprimée dans les Livres Saints en des for-
mules nombreuses, variées et très expressives. Les
unes la décrivent d'une façon générale, d'autres en
précisent la nature, tout en la laissant cependant en-
core dans une mystérieuse obscurité qu'il est impos-
sible de dissiper.
La main du Seigneur est sur son prophète, Ezech.,
I, 3; m, 22; xxxm, 22, avant qu'il ne lui parle; elle
tombe sur lui et il a une vision, Ezech., vin, 1; elle le
conduit dans l'Esprit de Dieu. Ezech., xxxvn, 1; XL, 1.
Elle faisait courir Élie devant le char d'Achab. I (III)
Reg., xviii, 46. L'Esprit du Seigneur est sur Isaïe,
lxi, 11. Michée, m, 8, a été rempli de sa force, de son
jugement et de sa puissance. Cet Esprit se précipite
sur Ézéchiel pour lui parler, xi, 5; il l'enlève et l'em-
porte au lieu où il doit porter son message, ni, 12, 14;
il pénètre en lui, le fait tenir debout et lui parle, m,
24. Dieu a inspiré par son Espritles paroles desanciens
prophètes. Zach., vu, 12. Aussi le prophète est-il
l'homme de l'esprit, n=nn ut>n, qu'Israël coupable tient
pour un insensé, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir.
Mich., il, 11. Cette action de l'Esprit divin s'était pro-
duite aussi sur les prophètes d'action. L'Esprit de Dieu
s'était précipité sur Balaam, Num., xxrv, 2; il était
venu sur Azarias, fils d'Oded, II Par., xv, 1, sur Jaha-
ziel, II Par., xx, 14; il avait revêtu Zacharie, flls de
Joïada. II Par., xxrv, 20. L'annonce de la multiplicité
des prophètes aux temps messianiques est faite sous
l'image d'une effusion de l'Esprit divin sur toute chair.
Joël, H, 28, 29. Cet esprit qui animait les prophètes
d'Israël, venait donc du dehors; il était étranger à
leurs personnes ; il dirigeait leurs actes et il les pous-
sait eux-mêmes à parler.
Son action est précisée ailleurs et présentée comme
une révélation divine. Dieu lui-même met ses propres
paroles sur les lèvres des prophètes, Deut., xvm, 18,
qu'il a purifiées. Is., VI, 5-7; Jer., i, 9. Il parle aux
prophètes pour leur révéler ses secrets. Amos, m, 7. Il
montre l'objet des visions. Amos, vu, 1,4, 7; vin, 1.
Consulté et interrogé, il ne répond que s'il le veut.
Ezech., xiv, 3. Le prophète doit attendre que Dieu lui
réponde. Hab., n, 1. Quand le peuple demande une
consultation, il prie le Seigneur de donner une ré-
ponse qui n'est accordée qu'au bout de dix jours. Jer.,
XLH, 4, 7. En vain le prophète voudrait-il devancer
l'heure et apprendre de force la parole de Dieu. Il
n'obtient de révélation que si Dieu veut la lui accorder.
Pour punir son peuple, Dieu ne donne plus de visions
à ses prophètes. Lament, h, 9. Mais quand Dieu a
ouvert la bouche de son prophète, celui-ci ne peut
plus se taire. Ezech., xxxm, 22. Les prophètes ne
parlent donc pas d'eux-mêmes et par leur propre vo-
lonté; c'est l'Esprit qui les inspire. II Pet., i, 21. Leurs
paroles ne sont pas le fruit de leurs réflexions person-
nelles, ni la conséquence de leurs raisonnements. Elles
leur viennent du dehors, sont mises par Dieu sur leurs
lèvres, ou au moins leurs pensées sont produites dans
leur esprit par une force supérieure, l'Esprit de Dieu,
qui les fait agir et parler et qui anime toute leur con-
duite. Sur la manière dont Dieu agissait sur les pro-
phètes et leur communiquait ses volontés, voir Pro-
phétie.
Les prophètes n'ont pas décrit leur état psycholo-
gique, tandis qu'ils recevaient les communications di-
vines. Ils avaient le sentiment intime de posséder la
vérité communiquée par Dieu. Toutefois, quelle qu'ait
été la façon dont l'Esprit divin agissait sur l'intelli-
gence des prophètes, il laissait leur personnalité in-
tacte; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs
actes et n'apportait aucun trouble ni aucune modifica-
tion dans l'exercice régulier et normal de. leur intelli-
gence et de leur liberté. Quoique inspiré, le prophète
agissait, pensait et parlait comme les autres hommes.
Ses pensées et ses paroles étaient celles de Dieu ; il
avait compris la révélation qui lui avait été faite, et il
la publiait comme il eût fait pour ses propres idées.
En parlant et en agissant, il parlait et agissait au nom
de Dieu, parfois comme s'il était revêtu de la person-
nalité de Dieu qui parlait par sa bouche; il n'avait
néanmoins rien perdu de son activité personnelle.
Quand les prophètes s'exprimaient comme s'ils avaient
été Dieu lui-même, quand ils lui attribuaient leurs dis-
cours, ils formulaient la pensée divine dans leur lan-
gage propre, avec les couleurs de leur imagination et
la chaleur de leurs sentiments. Ils empruntaient leurs
images à leur milieu social, et ils donnaient parfois
l'empreinte de leur esprit à la pensée de Dieu. Ils avaient
reçu de Dieu les ordres à communiquer, les vérités à
manifester, l'impulsion pour agir et parler; mais dans
l'exercice de la communication des pensées divines
aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultés,
Ils n'ont pas laissé d'indice que, même dans la vision,
ils aient été ravis en extase. Ils ne disent pas que, tandis
que leur esprit percevait la vérité que Dieu leur mani-
festait, ils avaient perdu conscience des choses exté-
rieures. Il n'y a donc pas lieu, d'ordinaire, de parler
d'extase prophétique, au moins dans le sens antique
d'hommes qui parlent étant hors d'eux-mêmes et sans
l'usage de leurs facultés naturelles. Leur esprit avait dû
parfois, peut-être, se fixer si attentivement sur la vérité
révélée par Dieu, surtout lorsqu'elle était présentée à
leur imagination sous des images, qu'au moment de sa
manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement
ou totalement, conscience des choses extérieures. Mais
cette abstraction d'esprit ne durait que pendant la per-
ception de - l'objet révélé; elle n'avait pas fait cesser la
pleine conscience intérieure, et l'acte de perception
accompli, le prophète gardait le souvenir distinct de
ce qu'il avait vu ou de ce qu'il avait éprouvé, et il le
manifestait avec l'usage plénier de sa liberté et de ses
autres facultés naturelles. L'extase prophétique, quand
elle s'est produite, différait donc de la jjav:« des devins
antiques et n'avait rien de commun avec leur délire ou
leur démence. Le prophète savait toujours ce qu'il
prophétisait, quoiqu'il pût cependant ne pas saisir tou-
jours toute la portée de ses oracles. Sur les prophètes
exaltés et hors d'eux-mêmes, voir Prophétisme.
Il est clair enfin que les prophètes d'Israël ne sen-
taient pas constamment en eux ni toujours au même
degré, quand elles se produisaient, l'influence et
l'action de Dieu. Leur inspiration n'était pas continue
ni habituelle. Quoique leur mission ait été ordinaire-
ment perpétuelle, tout ce qu'ils faisaient et disaient
n'y avait pas un rapport nécessaire. Quand ils remplis-
saient leur mission, ils étaient poussés par l'Esprit de
Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes étaient ins-
pirés, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles
révélations. L'inspiration divine avait donc lieu pour
eux par intermittence. Le prophète Nathan avait de lui-
même encouragé le roi David dans son projet de bâtir
un temple au Seigneur; mais, la nuit suivante, Dieu
lui révéla que David ne réaliserait pas son dessein qui
serait accompli par son fils. II Sain., vu, 3-13. Dieu,
ne parlait à Élie que dans des cas particuliers et à de
longs intervalles. I (III) Reg., xvii* 2, 8; xvm, 1. Si
Elisée reçoit une double part de l'esprit d'Élie, II (IV)l
Reg., il, 9, 10. 15, Dieu lui avait caché la douleur de la.
713
PROPHÈTE
714
Sunamite privée de son fils unique, Il (IV) Reg., rv,27;
et le prophète irrité a besoin d'un harpiste pour calmer
•sa colère et le prédisposer à recevoir la révélation
divine. II (IV) Reg., m, 11-20. Les oracles des pro-
phètes écrivains n'étaient pas proférés à jet continu.
■Chacun a eu son occasion propre et le prophète ne re-
cevait les révélations divines que lorsque Dieu le vou-
lait et dans la mesuré même où il le voulait.
III. Manière dont les prophètes manifestaient
les volontés divines. — 1° De vive voix et par la
parole. — Les prophètes, étant essentiellement des ora-
teurs et des prédicateurs qui parlaient au nom de Dieu
et sous son inspiration, ont exercé leur mission sur-
tout par la parole. Tous les anciens prophètes, qu'on
appelle prophètes d'action ou non-écrivains, n'ont agi
sur leurs contemporains que par leurs oracles promul-
gués de vive voix et par leurs discours. Élie, Elisée et
d'autres n'ont laissé aucun recueil de leurs prophéties.
Ce n'est que vers le milieu du vm e siècle que commence
la prophétie écrite et encore les prophètes de cette
époque, avant de faire eux-mêmes ou de laisser faire
la collection de leurs oracles, les avaient prononcés de
vive voix en public. Amos, le plus ancien peut-être des
prophètes écrivains, lorsqu'il paraît pour la première
fois à Béthel, parle au peuple et au prêtre Amasias.On
peut légitimement supposer qu'il a communiqué les
autres messages de Dieu par la parole avant de les ré-
digor par écrit. Jérémie a prophétisé pendant 23 ans
sans écrire, et ce ne fut qu'après ce long laps de temps
que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d'y
consigner ses précédents oracles, xxxvi, 1, 2. Il avait,
du reste, prononcé quelques-uns d'entre eux dans la
cour du Temple de Jérusalem, xxvi, 2. Beaucoup de
prophéties ont la forme de discours qui ont sans doute
été dits avant d'être couchés par écrit. La parole était
certainement à cette époque le moyen le plus efficace
de faire connaître et de propager les oracles divins.
On peut donc penser que la plupart des prophètes
écrivains ont été orateurs avant de devenir écrivains.
Ce n'est qu'après avpir fait entendre aux oreilles de
leurs contemporains les volontés divines qu'ils les ont
consignées par écrit. Leurs écrits ne sont donc qu'une
reproduction de leur prédication. Vraisemblablement,
les discours des prophètes n'étaient pas reproduits par
eux intégralement, textuellement, sténographiquement.
 moins qu'il ne s'agisse d'oracles écrits pour être lus,
la reproduction n'est pas faite ira extenso, mais seule-
ment sous forme de citations partielles ou même de
simples résumés. Jérémie, commençant à dicter ses pro-
phéties après 23 ans de ministère, ne se souvenait plus
textuellement des paroles qu'il avait prononcées, et il
n'a pu les reproduire littéralement. Les écrits de
beaucoup de prophètes sont donc des recueils d'ex-
traits ou de spécimens de leur prédication. Ils y ont
résumé et condensé eux-mêmes la substance de leur
enseignement, les thèmes qu'ils avaient vraisemblable-
ment traités et développés à diverses reprises. Parfois
cependant, le texte primitif a été reproduit intégrale-
ment. On peut penser qu'il en a été ainsi de ces discours
rédigés sous forme poétique, en strophes régulières et
avec refrain répété.
2° Par écrit. — Toutefois, certaines parties des
livres prophétiques n'ont probablement pas été pronon-
cées de vive voix, mais ont été publiées seulement par
écrit. Ainsi les prophéties d'Osée paraissent être moins
des discours que des oracles écrits pour être répan-
dus parmi le peuple et communiqués par la lecture.
Isaïe, qui avait été à la rencontre d'Achaz pour lui dire
les menaces divines, vn, 3-25, voulut, parce que sa mis-
. sion était mal vue du peuple, lire la révélation et fer-
mer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, vin,
16; ce qui signifie qu'il résolut de ne plus la répandre
«n public, et de la réserver à un petit groupe de fidèles.
S'il n'avait pas pensé alors à la laisser par écrit, il
reçut plus tard de Dieu l'ordre d'écrire les instructions
du Seigneur, xxx, 8. II est possible que toute la seconde
partie de son livre, xl-lxvi, dont la composition est si
régulière, n'a été publiée que par écrit. Quand Jérémie
eut dicté à Baruch ses oracles antérieurs et les eut
réunis en un volume, il en fit lire publiquement une
partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On
les lut aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25.
Jérémie dicta à son secrétaire un volume plus complet
que le précédent, 27-32. Le livre de Baruch a été écrit
tout entier pour être lu aux Juifs exilés à Babylone,
Bar., I, 1-4, ainsi que la lettre que Jérémie adressa
aux mêmes captifs. Bar., vi. L'ordre et la disposition du
livre d'Ézéchiel font penser que le prophète l'a écrit
d'un seul jet, quoique quelques parties soient la repro-
duction de discours précédents, in, 10-15; XX, 2-44;
xxiv, 18-27; xl, 4. On estime que le plan de restaura-
tion religieuse, dressé par lui, xl-xlvhi, n'a pas été des-
tiné à être lu en public. Toutefois, Ézéchiel n'a pas été
seulement un prophète de cabinet, comme on l'a dit,
il a été aussi bien que ses devanciers un orateur en con-
tact immédiat avec les exilés ; mais il a composé lui-
même le recueil de ses prophéties. On a donc eu tort de
prétendre que, pour lui, la vision prophétique n'était
plus une expérience réellement éprouvée et qu'elle était
devenue un genre littéraire, une simple forme dont se
revêtait la pensée de l'écrivain. Le livre de Daniel a été
composé pour être lu, et ses oracles ne semblent pas
avoir été publiés de vive voix, avant leur publication
littéraire.
Les recueils d'oracles prophétiques ont vraisembla-
blement été formés pour la plupart par les prophètes
eux-mêmes qui réunissaient ainsi, groupaient l'ensem-
ble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-être avaient
primitivement été rédigés sur des feuilles volantes. Il
n'est pas certain toutefois que tous aient fait la collection
de leurs prophéties, Quelques-uns ont pu laisser ce
soin à leurs disciples. Les oracles d'Isaïe et de Jérémie
ne semblent pas avoir eu, dès le début, une destina-
tion publique. Ces prophètes les avaient gardés dans le
cercle étroit de leurs disciples. Plus tard, les livres
prophétiques furent communiqués au peuple, et tous
finirent par être reconnus officiellement et publique-
ment comme la parole de Dieu. La prophétie écrite a
ainsi exercé une plus grande influence que la prophétie
simplement orale. Après avoir produit son effet immé-
diat dans les milieux auxquels elle était destinée, elle a
transmis aux siècles suivants et à toutes les généra-
tions juives et chrétiennes la révélation divine.
3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontés
divines étaient manifestées au peuple et rendues tan-
gibles en quelque sorte par des actions symboliques,
accomplies par les prophètes et racontées dans les Livres
Saints. Les prophètes d'action en ont accompli aussi
bien que les prophètes écrivains, En coupant son man-
teau en douze parts et en en donnant dix à Jéroboam,
le prophète Ahias annonçait symboliquement le schisme
de dix tribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophète,
qui se fait battre et blesser et qui se présente au roi
Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer
l'attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort
qu'il avait eu de s'allier avec Bénadad. I (III) Reg., xx,
35-43. Les mariages d'Osée avec Gomer et avec une
femme débauchée ne sont, probablement,- ni une
fiction allégorique, ni une simple parabole, ni des
actes accomplis en vision, mais des histoires vraies,
symbolisant la conduite d'Israël è l'égard de Dieu: Voir
t. iv, col. 1909-1912. Isaïe, 1-4, écrit sur une grande ta-
blette en grands caractères et devant témoins le nom
prophétique qu'il donnera au fils qui lui naîtra bientôt.
Ce prophète, nu et déchaussé, parcourt Jérusalem,comme
s'il était un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs
715
PROPHÈTE
71&
que le roi d'Assyrie, dans la campagne commencée,
emmènera d'Egypte etd'Éthiopie, xx,1-6. Jérémie cache
sa ceinture de lin au bord d'un cours d'eau et va la re-
prendre plus tard, toute pourrie et impropre à aucun
usage, pour annoncer le châtiment que Dieu tirera de
.Tuda, auquel il s'est attaché comme la ceinture s'attache
aux reins d un homme, xm, 1-21. Un potier, sous les
yeux du prophète, change la destination du vase qu'il
façonne : ce qui signifie que Dieu, lui aussi, peut mo-
difier ses plans, xvm, 1-10. Jérémie brise ensuite
devant témoins un vase acheté chez ce potier pour figu-
rer la destruction prochaine de Jérusalem, xix, 1-13.
Il met un joug sur ses épaules en vue de représenter
l'asservissement de Juda par Dabylone et d'annoncer
au roi que Dieu lui commande de se soumettre à ses
vainqueurs, xxvn, 2-13, malgré les prédictions trom-
peuses des faux prophètes. Hananias, l'un d'eux, brise
le joug symbolique porté par Jérémie, et ce prophète
contredit son adversaire et prédit sa mort prochaine,
xxvm. 1-17. Il achète un champ à Anathoth, et cet achat,
fait sous l'impulsion divine, est l'emblème et le gage
des bénédictions que Dieu réserve aux captifs après
leur retour, xxxii, 6-44. Réfugié en Egypte, il cache de
grandes pierres pour prédire l'invasion du pays par
Nabuchodonosor, xliii, 8-13. Après avoir écrit sa pro-
phétie annonçant la ruine de Babylone, il remet le rou-
leau à Sarias, qu'il envoie à Babylone pour le lire,
l'attacher ensuite à une pierre et le jeter au milieu de
l'Euphrate, afin de symboliser la submersion de la
grande ville, Li, 59-64. Ezéchiel mange un rouleau d'écri-
ture qui lui est présenté, et ce symbole ligure le message
dont il est porteur, n, 8-m, 3. Il reçoit l'ordre de s'en-
fermer dans sa maison et d'y garder un silence absolu
pour montrer que les Israélites exaspèrent Dieu, qui ne
veut plus leur parler, m, 24-27. Il trace sur une brique
un plan de Jérusalem assiégée et représente lui-même
les assaillants, iv, 1-3. Couché sur le côté gauche pen-
dant 390 'jours, il représente la durée des iniquités
d'Israël; couché ensuite sur le côté droit durant 40 jours,
il figure celle des péchés de Juda, un jour étant pour
une année; après quoi, il prophétise contre Jérusalem
assiégée, iv, 4-8. Sa nourriture répugnante, malgré
l'adoucissement obtenu, et sa boisson seront mesurées
comme le signe du: sort misérable auquel seront ré-
duits les assiégeants, iv, 9-17. Il coupe enfin sa cheve-
lure, la livre au feu, au rasoir et au vent, pour signifier
qu'un petit nombre seulement des habitants de Jérusa-
lem survivra, v, 1-17. En présence des exilés, il simule
un départ hâtif pour un voyage, et il explique que cette
scène représente le roi Sédécias et les habitants de
Jérusalem qui devront émigrer au milieu des nations,
xii, 1-16. La manière dont le prophète mange son pain
et boit de l'eau, signifie la condition misérable à la-
quelle seront réduits les habitants de Jérusalem, xii,
17-20. Sa femme étant morte, il reçoit de Dieu l'ordre
de ne pas en porter le deuil, afin de servir de signe à
ses compatriotes, en prévision de la ruine prochaine de
Jérusalem, xxiv, 15-24. Le livre de Zacharie raconte
une seule action symbolique. Trois exilés, revenus de
Babylone, avaient rapporté de l'or et de l'argent; le
prophète doit en faire des couronnes qu'il placera sur
la tête du grand-prêtre Josué et qui seront déposées
dans le Temple de Jérusalem comme des mémoriaux de
la reconstruction de ce Temple, ainsi prédite, vi, 6-16.
Bien que quelques-unes de ces actions symboliques
présentent des difficultés au point de vue de leur
réalité historique, ce ne sont pas de simples figures de
rhétorique comme le prétendait Reuss, mais plutôt des
faits réels, accomplis sous les yeux des spectateurs afin
de les impressionner plus vivement et de leur donner
une saisissante leçon de choses.
IV. Preuves que les prophètes donnaient de la
VÉRITÉ DE LEUR MISSION ET DE LEUR INSPIRATION. —
1° Les miracles. —Les envoyés de Dieu justifiaient par-
fois leur mission divine, en accomplissant des prodiges.
Ainsi, Dieu accorda à Moïse le pouvoir de faire des pro-
diges avec la verge qu'il tenait à la main ou de changer
l'eau en sang pour l'accréditer auprès des Hébreux,.
Exod., IV, 1-19, 29-21, aussi bien qu'auprès de Pharaon.
Exod., vu, 3-5, etc. L'autel de Béthel fut brisé et la
main de Jéroboam desséchée pour confirmer la pré-
diction d'un prophète de Juda, réalisée plus tard dans-
la personne du roi Josias. I (III) Reg., xm, 1-6. La ré-
surrection de son fils fut pour la veuve de Sarephta»
une preuve certaine qu'Élie était un homme de Dieu,
et que la parole de Dieu était vraiment dans sa bouche.
I (III) Reg., xvn, 23, 24. Le même prophète confondit:
les prophètes de Baal qui ne purent faire dévorer par-
le feu du ciel leurs victimes, et quand sa prière à Jého-
vah eut été exaucée, le peuple entier proclama la puis-
sance de son Dieu. Ibid., xvm, 20-30. Dieu lui-même
fait proposer à Achaz par Isaïe un signe en preuve de-
la vérité d'un oracle précédent. Is., vin, 7-12. La rétro-
gradation de l'ombre sur le cadran d'Ézéchias devait
être pour ce roi une assurance divine de la vérité des
promesses qui venaient de lui être faites de la part du
Seigneur. Is., xxxvih, 5-8. Toutefois, les prophètes-
d'Israël ne se donnaient pas ordinairement comme
thaumaturges, et l'accomplissement de signes et de-
prodiges semble n'avoir été qu'accidentel pour autoriser,,
de par Dieu, la mission de ces prophètes, en Israël.
2° La réalisation de leurs oracles. — La véritable-
marque distinctive des faux et des vrais prophètes était
la réalisation ou la non- réalisation de leurs prédictions..
Dieu lui-même avait révélé ce critère à Moïse. Deut.,xvm,.
20-22. Élie, au début de sa mission, prédit une séche-
resse, qui se réalise aussitôt et cesse sur sa parole au<
bout de trois ans. I (III) Reg., xvm, 1-45. Dans sa
lutte avec les faux prophètes d'Israël, Michée, fils dfr
Jemla, prédit à Sédécias et au roi le sort qui les attend
en confirmation de la vérité de sa prédiction. I (III) Reg.,.
xxn, 25, 28. Elisée annonce aux vieillards qui l'entou-
rent que le roi envoie quelqu'un pour le tuer, et à peine-
avait-il fini de parler que l'envoyé arrivait. II (IV) Reg.,.
vi, 31-33. L'Israélite qui avait refusé de croire à l'abon-
dance prédite par le même prophète, vit le fait réalisé,
mais n'en profita pas, ainsi que l'homme de Dieu le lui
avait déclaré. 111 Reg., vu, 1, 2, 16-20. L'événement jus-
tifia promptement la prédiction d'Elisée à Hazaël, qui
devint roi de Syrie après le meurtre de Benadad-
III Reg., vin, 13-15. Il en fut de même pour celle que ce-
prophète fit à Joas qui fut trois fois victorieux des-
Syriens, III Reg,, xii, 14-19, 25, et pour celle qu'Isaïe fit
à Ézéchias contre Sennachérib. III Reg., XIX, 20-35. Les
incursions des Chaldéens, des Syriens, des Moabites et
des Ammonites dans le royaume de Juda sous le règne
de Joachim réalisaient les paroles que Dieu avait fait
prédire parles prophètes, ses serviteurs. III Reg., xxiv,2.
Amos, vu, 17, annonce au prêtre Amasias un châtiment;
personnel, qui a dû avoir une prompte réalisation.
Dans sa discussion avec le faux prophète Hananie,.
Jérémie rappelait à son adversaire que les prophètes
antérieurs avaient prédit des guerres, des dévastationsi
et des famines, alors que lui annonçait la paix. L'évé-
nement devait vérifier leurs oracles. Jer., xxvm, 8, 9.
II donna tort à Hananie qui, lui-même, mourut dans
l'année en punition de ses prédictions mensongères, 15-
17. La réalisation des prophéties, faites ainsi à brève
échéance, confirmait évidemment la mission divine de
ceux qui les avaient faites. Mais toutes les prédictions,
ne devaient pas se réaliser sous les yeux des auditeurs.
Aussi les incrédules reprochaient-ils fréquemment avec
dérision [aux prophètes ;le retard de leurs prédictions.
Amos, v, 18; ix, 10; Is., v, 19; Ezech., xn, 21-28. De-
même, parce que les prophètes annonçaient aux Israé-
lites prévaricateurs des châtiments, ont-ils été persécu-
717
PROPHÈTE
718
tés. Matth., v, 12; Àct., vu, 52; Heb., xi, 35-40.
3° Le caractère moral de leur prédication. — Le
plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux
prophètes, les voyants d'Israël, pour justifier leur mis-
sion, en appellent à leur droiture, à la conscience
intime et profonde qu'ils ont de parler au nom de Dieu,
au caractère moral de leur prédication dirigée exclusi-
vement, malgré des obstacles sans nombre, à maintenir
ou à ramener Israël dans la vraie religion, dans la
bonne voie et dans la pratique du bien. Michée repro-
che à la maison de Jacob son impiété. S'il n'était un
homme inspiré, il dirait des paroles mensongères, il
verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait,
il, 11. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans
des visions vaines et trompeuses. Is., lvi, 10. Du temps
de Jérémie, ils trompaient le peuple, vi, 13, parce qu'ils
disaient la vision de leurs cœurs et non ce qui sortait
de la bouche du Seigneur, xxm, 16. Ils empêchaient
la conversion de Juda, xxm, 22. Au temps de la capti-
vité, les fausses prophétesses cousaient des coussins et
altéraient la vérité pour tromper les âmes. Ezech., xm,
17-23. Les faux prophètes séduisaient le peuple pour
lui plaire et par amour du lucre. Mich., m, 5, 11; Ezech.,
xm, 19, 21. Du reste, ils étaient adonnés au vin. Is.,
xxviii, 7. Leurs pensées étaient exécrables et leur con-
duite mauvaise. Jer., xxm, 12, 11, 22; xxix,23; Soph.,
m, 4. Celte dépravation morale trahissait la fausseté
de leur inspiration feinte, et les distinguait des vérita-
bles prophètes, prédicateurs attitrés et officiels du culte
moral de Jéhovah.
V. Rôle et influence des prophètes en Israël. —
Puisque les prophètes étaient, en Israël, les représen-
tants de Dieu, ses envoyés directs, leur intervention
s'est manifestée dans tous les domaines dans lesquels
Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi.
Elle était éminemment religieuse et morale ; mais comme
le gouvernement d'Israël était théocratique, elle a néces-
sairement débordé sur la politique. Enfin, comme à
partir du vin" siècle elle s'est exercée par des écrits,
elle est devenue littéraire. Nous étudierons donc suc-
cessivement le rôle religieux et moral, politique et
littéraire des prophètes israélites.
1» Rôle religieux et moral, — Les prophètes n'ont
pas été les créateurs du monothéisme, mais seulement
ses ardents propagateurs. Voir t. m, col. 1235-1237.
S'ils luttaient contre les rois, c'est que ceux-ci pour la
plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs
exemples et leurs actes de gouvernement à l'idolâtrie
et que le peuple se laissait facilement séduire. Les pro-
phètes étaient les adversaires de l'idolâtrie et des cultes
impurs des Philistins et des Syriens. Déjà, sous Samuel,
les disciples des prophètes, à l'époque de la lutte contre
les Philistins, propageaient par leurs réunions, leurs
chants et leurs prières en commun le culte de Jéhovah ;
ils allaient par bandes errantes à travers le pays pour
entraîner le peuple à leur suite. Sous Jéroboam I er , les
prophètes luttèrent contre le culte du veau d'or, établi
à Béthel. Pendant le règne d'Achab, de ce roi qui avait
introduit en Israël les idoles tyriennes, ils voulaient
avant tout sauver la foi monothéiste. L'extermination
des prophètes de Baal par Élie s'explique par la gran-
deur du danger (il était nécessaire de frapper un grand
coup) et par les mœurs du temps. (C'étaient des repré-
sailles : n'avait-on pas exterminé les prophètes de
Jéhovah?) C'était un combat de vie et de mort entre le
culte du vrai Dieu et celui des fausses divinités. Les
prophètes suivants repoussent tout mélange des pra-
tiques idolâtriques avec la religion nationale. Voir
t. m, col. 810-813.
S'ils n'ont pas créé le monothéisme, ils l'ont cepen-
dant épuré et développé au moins dans les masses popu-
laires. Ils travaillaient à répandre une connaissance, non
pas spéculative et métaphysique, mais simple et pratique.
de Dieu. Jéhovah, le Dieu des pères, était le seul Dieu
du ciel et de la terre, supérieur à tous les êtres qu'il a
créés, gouvernant le monde avec sagesse et puissance,
d'une justice inflexible à punir les coupables, d'une
bonté sans mesure pour ses fidèles adorateurs, enfin
d'une sainteté si parfaite qu'il ne supportait aucune
souillure. Ce Dieu unique et universel, souverainement
bon et juste, quoique sévère et terrible, imposait un
culte moral en esprit et en vérité et ne se contentait
pas des sacrifices et des pratiques extérieures, auxquelles
ne se joignaient pas les dispositions intérieures et les
œuvres de justice. On a dit, à cause de cela, que la pré-
dication des prophètes était antisacerdotale. Ils n'étaient
pas les adversaires du culte mosaïque; ils défendaient,
au contraire, sa spiritualité comme son intégrité contre
les prêtres qui favorisaient avec l'idolâtrie la dévotion
purement extérieure. Ils devenaient donc les guides
religieux du peuple, et ils maintenaient la pureté des
mœurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs
reproches et leurs menaces autant que par leurs exhor-
tations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans
cesse à la nation juive son idéal religieux, jugeaient le
passé et le présent d'après cet idéal dont ils annonçaient
et préparaient la réalisation dans l'avenir. Ils se disaient
des sentinelles, Is., lu, 8; Jer., vi, 17; Ezech., m, 17;
xxxiii, 6-7, et des gardiens, Is., xxi, II, 12; lxh, 6,
parce qu'ils veillaient à la sûreté de leur peuple. Cf. Ose.,
v, 1; ix, 8; Mich., vu, 4.
Les prophètes ont aussi fait progresser les idées mo-
rales en Israël. Ils ont tous été les protecteurs des
pauvres et des opprimés et ils ont défendu les faibles
contre les injustices et les tyrannies des puissants. Tout
en prêchant la rétribution des actes, ils ont reconnu
que le juste peut souffrir sans être coupable. Pour plus
de détails, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. J. Brucker,
L'enseignement des prophètes, dans les Etudes, août
1892, p. 554-580; Id., L'Église et la critique biblique,
Paris (1908), p. 244-262.]
2» Rôle politique. — Il a été souvent mal compris et
mal jugé, sinon travesti : on a fait des prophètes
d'Israël des ambitieux voulant tout dominer, le trône
et l'autel; on les a représentés comme des tribuns et
des révoltés. En réalité, ils ont simplement tenu la place
que la constitution théocratique de leur nation leur
assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur
imposait. Dans la constitution mosaïque, le prophète
était, de par Dieu, une sorte de modérateur suprême,
semblable à Moïse, un surveillant des rois comme des
prêtres. Deut., xvm, 15-19. C'est le voyant Samuel qui,
par révélation divine, oint Saûl, le premier roi, I Sam.,
IX, 15-17; x, 1, et quand Saûl «ut été infidèle à sa mis-
sion, le même prophète fut chargé par Dieu d'oindre
David, le chef d'une nouvelle dynastie. I Sam., xvi,
1-13. Pendant la révolte d'Adonias, Nathan avertit
Bersabée et lui conseille de faire sacrer Salomon.
I (III) Reg., i, 11-14. Il intervient lui-même et fait agréer
à David les propositions de Belhsabée, 22-27; il concourt
à l'onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas
que Nathan ne remplisse en cette circonstance son rôle
de prophète. Du vivant de Salomon, Ahias se présente
à Jéroboam et lui annonce qu'il régnera sur dix tri-
bus, détachées de la dynastie salomonienne. I (III) Reg.,
xi, 29-39. Dès que Jéroboam élève un autel à Béthel
et organise le culte des veaux d'or pour empêcher les
Juifs d'aller adorer Jéhovah à Jérusalem, ibid., xn, 26-
33, un homme de Dieu vient de Juda prophétiser contre
le nouvel autel. Ibid., xm, 1-10, Parce que ce roi a été
idolâtre, Dieu, par la bouche d' Ahias, lui prédit la chute
de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Cette prophétie fut
réalisée par la révolte de Baasa et l'extermination de
tous les descendants de Jéroboam. Ibid., xv, 27-30.
L'usurpateur, ayant suivi les voies impies de son pré-
décesseur, apprit du prophète Jéhu sa mort prochaine:
719
PROPHÈTE
720
et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, 1-4, 7. Après deux
ans de règne, Éla, fils deBaasa, fut détrôné par Zambri,
8-13. Amri fut la tête d'une nouvelle dynastie, qui fut
idolâtre. Cependant, c'est en punition de l'usurpation
•de Sa vigne de Naboth par Achab qu'Élie prédit la chute
de sa maison. Ibid., xxt, 17-24. Seule, la pénitence
d' Achab fit retarder la menace de ruine à la génération
suivante, 27-29. Elisée envoya un fils de prophète sacrer
Jéhu, II (IV) Rég., ix, 1-10, qui extermina la maison
d' Achab. Ibid., x, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut
idolâtre, lui aussi, ses fils ne régnèrent que jusqu'à la
quatrième génération, 30. Zacharie, en effet, périt
assassiné. Ibid., xv, 12. Les prophètes faisaient donc et
défaisaient les rois d'Israël. Us n'étaient pas pour cela
desadversaires de la royauté par principes républicains.
Aucun d'eux n'a prêché le renversement du trône au
profit d'une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu,
ils substituaient roi à roi, maison à maison, et ils pro-
clamaient le principe de la légitimité dynastique, tant
que la dynastie était elle-même fidèle à sa mission.
S'ils prenaient fait et cause pour un prétendant et favo-
risaient les usurpateurs, ce n'est pas par républica-
nisme, mais simplement par application rigoureuse du
régime théocratique. Dès que le roi, donné par Dieu à
Israël, manquait à son devoir et introduisait ou mainte-
nait l'idolâtrie, il cessait d'être le monarque que Dieu
voulait à la tête de son peuple, et les prophètes, après
avoir protesté contre les rois coupables, annonçaient
leur chute sans toutefois les renverser directement du
trône.
Dans le royaume de Juda, comme Dieu avait promis
la pérennité à la dynastie davidique, II Sam., vu, 13,
les prophètes n'interviennent pas au sujet de la succes-
sion au trône et ils se bornent à réclamer contre les
infiltrations idolâtriques, favorisées par quelques rois.
Leur action politique s'exerce sur un autre terrain.
Après la scission des dix tribus, Séméias empêche
Roboam de faire )a guerre aux Israélites. I (III) Reg.,
xii, 22-24. Azarias félicite Asa de sa victoire sur le roi
d'Ethiopie et s'appuie sur cette protection divine ponr
l'exciter à veiller à la pureté du culte. II Par., xv, 1-7.
Dans les deux royaumes, les prophètes s'opposent
spécialement aux alliances avec les peuples voisins,
lorsqu'elles devaient servir à la lutte fratricide de Juda
•et d'Israël et lorsqu'elles étaient dangereuses pour la
religion. Hanani reproche à Asa sa confiance en Renadad,
roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Quand Achab victorieux
a épargné un autre Benadad, roi de Syrie, et a fait
alliance avec lui, un fils de prophète, par une action
symbolique, lui reproche cette conduite et le menace
du châtiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des pro-
phètes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13, 14, 22,
28. Quand Achab et Josaphat se sont alliés contre les
Syriens, tandis que les faux prophètes prédisent le
succès, Michée, fifs de Jemla, annonce la défaite. Ibid.,
XXJi, 5-28. Et Josaphat fut repris par Jéhu, fils d'Hanani,
pour avoir donné son concours à Achab en cette occur-
rence. II Par., xix, 1-3. Le lévite Jahaziel est suscité
par Dieu pour annoncer à ce roi la victoire dans la
guerre contre les Ammonites et les Moabites. Ibid., xx,
14-17. Elisée dévoile à Joram, roi d'Israël, les desseins
du roi de Syrie. II (IV) Reg., ti, 8-23. Il promet à Joas
trois victoires sur les Syriens. Ibid., xm, 14-21. Quand
les rois d'Israël et de Juda voulurent jouer un rôle
dans la politique générale en s'appuyant tantôt sur
l'empire de Ninive, tantôt sur celui d'Egypte, les pro-
phètes blâmèrent cette politique de bascule et furent
constamment les adversaires des alliances étrangères.
Osée, vu, 8-16, prédit aux Israélites qu'ils seront vic-
times de leur confiance dans l'Egypte et que les Assy-
riens les accableront, lorsqu'ils seront en guerre avec
les Égyptiens. Isaïe qui a prédit à Achaz la défaite des
peuples alliés contre Juda, vu, 1-17, est violemment
opposé aux Judéens qui comptent sur l'Egypte. Le
seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens
est dans le Seigneur, xxx, l-7;xxxi, 1-9. Il réconforte
Ézéchias et l'empêche d'accepter les propositions
d'alliance avec les Assyriens, faites par Rabsacès, xxxvi,
xxxvn. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda,
un homme de Dieu prédit la défaite des Iduméens.
II Par., xxv, 7-9.
Les prophètes hébreux ont donc fait de la politique,
mais c'a été pour réformer l'esprit de gouvernement
des rois, pour faire prévaloir les principes du droit, de
la justice, de la morale, les appareils exagérés de
guerre et les alliances dangereuses. Us reprochaient
aux rois leurs fautes, à David son aduJtère, à Achab
l'usurpation de la vigne de Naboth. Ils s'opposaient à
leurs projets de guerre, et loin de s'appuyer sur le
peuple, même fidèle, pour combattre la fausse politique
des monarques, ils bravaient parfois l'opinion, quand
le peuple suivait ses princes infidèles à la théocratie ;
ils annonçaient l'insuccès, la défaite et ils subissaient
la persécution. Leur politique a donc toujours été une
politique religieuse, théocratique, imposée et sanc-
tionnée par Dieu.
3° Rôle littéraire. — S'il ne nous reste rien ou à peu
prés des discours enflammés des anciens prophètes
d'Israël, nous avons toute une littérature prophétique,
qui va du IX e siècle jusque après le retour des- Juifs
captifs à Babylone. Les prophètes ont don créé, sous
l'inspiration divine, un genre spécial de productions
littéraires, dont la plupart sont des chefs-d'œuvre de
la littérature hébraïque. Les premiers prophètes écri-
vains ont composé et publié leurs écrits à l'âge d'or de
cette littérature. La forme oratoire de leurs oracles
parlés avant d'être rédigés, se rapproche à des degrés
divers du lyrisme des poètes. Us sont des orateurs
poètes, et leurs œuvres, qui sont les classiques hébreux,
renferment des beautés littéraires de premier ordre.
La vivacité, le coloris de leurs peintures, la véhémence
de leurs apostrophes, l'originalité et le naturel de leurs
comparaisons, la force, la franchise, la puissance et
l'audace de leurs paroles inspirées donnent à leurs
discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se
sont pas élevés à ces hauteurs et, au cours des siècles,
le genre prophétique a évolué au point de vue litté-
raire. La lyre prophétique perd parfois de sa fraîcheur.
Après la fin de la captivité, la forme est moins parfaite,
et la poésie cède la place à la prose. La langue elle-
même est moins pure; elle exprime pourtant encore
de bien nobles accents.
VI. Suite chronologique des prophètes. — Les
prophètes d'action ont précédé les prophètes écrivains,
— 1» Prophètes d'action. — Sans parler d'Abraham
qui a été appelé nâbi', Gen., xx, 7, au sens large du
mot, parce qu'il avait reçu de Dieu des révélations et
des confidences, Moïse est le premier et le plus grand
prophète hébreu. Au Sinaï, il avait parlé avec Dieu
bouche à bouche, et il avait promulgué la loi religieuse
qui devait régir le peuple choisi. Deut., xxxiv, 10.
Voir t. iv, col. 1200-1202. Il était, en outre, l'interprète
autorisé de la législation, dont il avait été l'intermé-
diaire, et il avait en Israël la fonction d'oracle attitré
de Dieu : il répondait aux consultations du peuple.
Exod., xvni, 13-16. Sur le conseil de Jéthro, il choisit
des chefs, qui le suppléèrent dans cette charge, 17-27,
et sur lesquels Dieu répandit une part de l'Esprit qui
était en Moïse. Ces hommes et d'autres, sur lesquels
l'Esprit de Dieu s'était reposé, prophétisèrent et par-
lèrent au nom du Seigneur. Num., xi, 24-29. Après le
passage de la mer Rouge et le cantique de Moïse,Marie,
la sœur du guide des Hébreux^ était devenue prophé-
tesse et, sous l'inspiration divine, avait chanté le can-
tique de son frère. Exod., xv, 20; cf. Num., xn, 2. Voir
t. iv, col. 776. Ralaam, un devin païen, fut obligé de
721
PROPHÈTE
722
répéter les paroles que Jéhovah mit dans sa bouche,
JNum., xxil, 25, 38; xxm, 3-12, et de bénir Israël, xxm,
16-26; xxiv, 2-23. Voir t. i, col. 1392-1397. Dieu, qui
voulait exclure à jamais d'Israël les devins et les au-
gures, promit à son peuple, par la bouche de Moïse,
une série de prophètes, semblables à Moïse, qui seraient
les intermédiaires autorisés entre lui et les siens et les
organes vivants de ses révélations. Deut., xvm, 15-19.
VoirPENTATEUQUE, col. 116. La série, en effet, fut dès lors
à peu près ininterrompue. Josué succéda à Moïse
comme prophète. Eccli., xlvi, 1.
Sous les Juges, Débora est dite « prophétesse »,
Jud., iv, 4; elle communiquait à Barac les ordres de
Dieu, 6. Voir t. n, col. 1331-1333. Un prophète vint de
la part de Dieu annoncer la délivrance aux Hébreux
opprimés par les Madianites. Jud., vi, 8-10. F. de Hum-
melauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris,
1886, p. 53; Commentarius in librum Judicum et
Ruth, Paris, 1888, p. 138. L'homme de Dieu, qui
annonce au père de Samson la naissance d'un fils,
Jud., xin, 6, bien qu'il soit un ange apparaissant sous
forme humaine, est regardé par Manué et sa femme
comme un prophète. Leur erreur, bientôt corrigée,
prouve l'existence de prophètes à cette époque. F. de
Hummelauer, Commentarius in librum Judicum et
Ruth, p. 249, 253-254; J. Lagrange, Le livre des Juges,
Paris, 1903, p. 227. Un homme de Dieu vint aussi
adresser à Héli des reproches au nom du Seigneur.
I Sam., n, 27. En ces jours, la parole de Dieu était rare,
et les visions n'étaient pas fréquentes. I Sam., m, 1.
Samuel entend la parole de Dieu, qui lui révèle le sort
d'Héli et de sa famille, 2-21. C'est un « voyant », à qui
Dieu manifeste ses desseins sur Saùl. I Sam.,ix,6-x,16.
A côté de lui on voit des troupes de prophètes qui
reconnaissent son autorité et parmi lesquels Saùl se
mêle pour prophétiser, I Sam., x, 5, 6, 10-13; xix, 20-
24, c'est-à-dire, pour chanter les louanges de Dieu.
Voir t. il, col. 1567-1568. Samuel en mourant ne laissa
aucun successeur de son autorité spirituelle. Il y avait
cependant d'autres prophètes, puisque Saûl, avant de
consulter la pythonisse d'Endor, avait interrogé les
prêtres et les prophètes. I Sam., xxvm, 6. Sur la nature
de ces anciens prophètes d'Israël, voir Prophétisme.
Auprès de David interviennent les prophètes Gad et
Nathan. Voir t. m, col. 23-24, t. iv, col. 1481-1482.
Leurs interventions, à la fois politiques, religieuses et
morales, sont relativement rares. Ces deux voyants
s'étaient occupés de l'organisation de la musique sa-
crée. II Par., xxix, 25. Ils écrivirent l'histoire de Da-
vid, I Par., xxix, 29, et Nathan celle de Salomon. .
II Par., îx, 29. On n'a signalé l'intervention directe
d'aucun prophète sous le long règne de ce prince. Tou-
tefois, Ahia vint prédire à Jéroboam son règne sur
dix trftus détachées de la dynastie davidique.
I (III) Reg., xi, 29-39; xn, 15; xiv, 2. Quand Jéroboam
fut devenu roi d'Israël, sa femme alla consulter Ahia sur
le sort de leur enfant malade. Le vieux prophète annonça
la mort de cet enfant et prononça de terribles menaces
contre la maison de Jéroboam. I (III) Reg., xiv, 1-18. Voir
t. i, col. 291-292. Lors de l'organisation schismatique
du culte à Béthel, un homme deDieu vint de Juda pro-
phétiser contre l'autel élevé en ce lieu, et refusa les
présents que le roi lui fît offrir pour le gagner à sa
cause. I (III) Reg., xii, 26-33; xm, 1-10. Un vieux pro-
phète de Béthel réussit à tromper l'homme de Dieu et
à le ramener à sa maison. Il lui prédit une mort vio-
lente, qui ne tarda pas à se réaliser; il l'ensevelit dans
son propre sépulcre et demanda à sesfils de l'ensevelir
lui-même à sa mort auprès de ce prophète dont les
menaces contre l'autel de Béthel se réaliseront.
1.(111) Reg., xm, H-32. Voir t. i, col. 1629; t. m,
col. 1302.
Des prophètes exercent leur action dans les deux
royaumes de Juda et d'Israël. Séméias avait empêché
Roboam, après la scission des dix tribus, de faire la
guerre aux Israélites. I (III) Reg., xn, 22-24. Ce pro-
phète écrivit l'histoire de Roboam, ainsi que le voyant
Addo. II Par., xn, 15. Jéhu reproche à Baasa, roi d'Is-
raël, ses crimes et lui annonce les châtiments divins.
I (III) Reg., xvi, 1-4, 7, 12. Voir t. m, col. 1244-1245.
Son père Hanani, ou lui-même désigné sous un autre
nom, reproche à Asa la confiance qu'il avait dans le
roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Voir t. m, col. 414.
Azarias avait harangué ce roi victorieux et il exerça
sur lui une heureuse influence. II Par., xv, 1-8. Cepen-
dant Asa, dans sa dernière maladie, consulta les méde-
cins plutôt que les prophètes. II Par., xvi, 12. Voir
t. i, col. 1053-1054, 1300. Sous Achab, apparaît soudain
Élie le Thesbite. I (III) Reg., xvii, 1-7. Sur sa mission,
voir t. n, col. 1670-1676. Pendant la persécution de ce
roi et de sa femme Jézabel contre les prophètes,
Abdias avait caché cent d'entre eux. I (III) Reg., xvm,
4, 13. Un prophète annonça la première victoire
d' Achab sur Benadad, roi de Syrie. I (III) Reg., xx, 13,
14. Le même prédit une reprise des hostilités pour
l'année suivante, 22. Quand elle eut lieu, un prophète,
qui, selon les rabbins, serait Michée, fils de Jemla,
prédit la victoire, 28. Par une action symholique, un
fils de prophète reproche au roi d'Israël d'avoir laissé
la vie sauve au roi vaincu de Syrie, 35-40. Trois ans
plus tard, avant de marcher avec Achab contre Ramoth-
Galaad, Josaphat, roi de Juda, voulut consulter Dieu.
Achab lit venir environ 400 faux prophètes qui annon-
çaient la victoire. Mais Josaphat désira interroger un
véritable prophète. Il restait Michée, fils de Jemla,
prophète de malheur pour Achab. On l'appela. Il an-
nonça la défaite; il fut souffleté par Sédécias, le chef
des prophètes de mensonge, et mourut en prison.
I (III) Reg., xxii, 1-28. Voir t. iv, col. 1062-1063. Josa-
phat fut repris par Jéhu pour avoir donné son concours
à Achab. II Par., xix, 1-3. Jéhu écrivit l'histoire de
Josaphat. II Par., xx, 34. Le lévite Jahaziel avait été
suscité par Dieu pour prédire à ce roi la victoire sur
les peuples voisins. II Par., xx, 14-17. Voir t. m,
col. 1106. Êliézer, fils de Dodau, avait aussi reproché à
ce prince son alliance avec Ochozias, roi d'Israël, 37.
Ochozias reçut les reproches d'Élie, parce qu'il consul-
tait le dieu d'Accaron. II (IV) Reg., i, 1-16. Elisée fut le
disciple et le successeur d'Élie. Voir t. n, col. 1690-
1696. Il intervient auprès de Joram, roi d'Israël, et de
Bénadad, roi de Syrie, et fait oindre Jéhu par un de
ses disciples. Dans sa dernière maladie, il annonce à
Joas de Juda la victoire sur les Syriens. Un homme
de Dieu prédit à Amasias de Juda la défaite des Idu-
méens et reproche au roi son idolâtrie. II Par., xxv,
7-16.
Quand parurent les prophètes écrivains, les prophètes
d'action ne disparurent pas, et les deux classes d'en-
voyés divins agirent simultanément par des moyens
différents. Ceux-ci semblent toutefois avoir été moins
nombreux qu'auparavant, ou, du moins, un plus petit
nombre est mentionné dans l'Écriture. Le prophète
Oded fait mettre en liberté par les Israélites les habi-
tants de Juda, qu'ils avaient fait captifs. II Par.,xxvm,
9-11. Des prophètes prédisent les châtiments que l'im-
piété de Manassé, roi de Juda, devait attirer sur son
peuple. II (IV) Reg., xxi, 10-15. Après la découverte du
livre de la loi au Temple, Josias fit consulter la pro-
phétesse Holda sur la conduite à tenir en cette circon-
stance. II (IV) Reg., xxn, 12-20; II Par., xxxiv, 21-28.
Voir t. ni, col. 727. Au milieu des faux prophètes qui
trompaient Juda,Urie, fils de Séméi, s'associa aux prédic-
tions de malheur de Jérémie, et fut mis à mort par
ordre deJoakim. Jer., xxvi, 20-23. Baruch remplit les
fonctions de secrétaire de Jérémie, Jer., xxxvi, 1-7,
27-32; xl v, avant de devenir prophète lui-même. Parmi
723
PROPHÈTE
724
les captifs, emmenés de Jérusalem en Babylonie par
Nabuchodonosor, se trouvaient des prophètes, à qui
Jérémie adressait son livre, Jer., xxix, dans lequel il
les mettait en garde contre les faux prophètes, qui
avaient surgi à Babylone, 15-32.
2° Prophètes écrivains. — 1. Leur nombre, leur divi-
sion et leur disposition dans la Bible. — Les Bibles
grecques et latines contiennent les écrits de seize pro-
phètes, quatre grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel,
et douze petits, Osée, Joël, Amos,Abdias,Jonas,Michée,
Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Mala-
chie. La prophétie de Baruch est jointe à celle de
Jérémie, dont ce prophète avait été le secrétaire. Dans
la Bible hébraïque, il n'y a que trois grands prophètes;
Daniel est rangé parmi les hagiographes, ainsi que les
Lamentations de Jérémie. Le livre de Baruch et la
lettre de Jérémie ne sont pas au canon hébraïque. Les
douze petits prophètes n'y sont considérés que comme
un seul livre. Ils sont déjà mentionnés ensemble par
l'auteur de l'Ecclésiastique, xlix, 12 (10, dans le texte
grec), et cette mention, considérée par quelques cri-
tiques comme une interpolation, est dans le texte hé-
breu, récemment retrouvé. Josèphe en parle dans le
même sens, Cont. Apion., i, 8, et les rabbins les te-
naient pour un seul livre, recueilli par les hommes de
la Grande Synagogue,voir t. n, col. 140, et formé ainsi,
en un seul recueil, « de peur que, s'ils étaient demeurés
séparés, l'un ou l'autre ne se perdît à cause de leurs
petites dimensions, » dit Kimchi, Comment, in Ps.,
praef., d'après la tradition rabbinique. Les Pères de
l'Église en parlaient aussi comme d'un seul volume :
SiiSsxa h (iovoëc'ë),u),ditMélitonde Sardes, dans Eusèbe,
H. E., iv, 26, t. xx,'col. 397. Cf. S. Grégoire de Nazianze,
t. xxxvii, col. 473; S. Athanase, t. xxvi, col. 1177; Rufln,
t. xxi, col. 374, etc. Saint Épiphane l'appelait d'un
mot: to ôa>§exajrp6çr|Tov,t. xliii, col. 244. Ce sont les La-
tins qui ont nommé ces prophètes minores, par opposi-
tion aux majores, non en raison de leur importance et
de leur valeur, mais seulement à cause de la moindre
étendue de leurs oracles. Cf. S. Augustin, De civitate
Dei, XVIII, xxix, 1, t. xli, col. 585. Si l'ordre du
canon hébraïque et chrétien ne varie pas pour les trois
ou quatre grands prophètes, il est différent pour les
petits. Partout uniformes pour les six derniers : Nahum,
Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et iWalachie, il
varie pour les six premiers. Dans les Bibles hébraïques,
latines et en langues modernes, ceux-ci sont placés
dans cet ordre : .Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Mi-
chée; mais dans la Bible grecque, on trouve la disposi-
tion suivante : Osée, Amos, Michée, Joël, Abdias, Jonas»
On pense généralement que la disposition de la Bible
hébraïque a été déterminée par une préoccupation
d'ordre chronologique, et saint Jérôme croyait que les
écrits des petits prophètes, qui ne portent pas leur date
dans le titre, sont de la même époque que les précé-
dents, dont la date est connue. Prœfat. in prophetas,
t. xxvin, col. 1016; Comment, in Joelem, i, 1, t. xxv,
col. 950. Quoi qu'il en soit de cette règle qui n'est pas
rigoureusement exacte, il reste vrai que les prophètes
du vm e siècle, Osée, Amos et Michée, sont dans la pre-
mière partie de la liste, que les prophètes du vll e siècle,
Nahum, Habacuc et Sophonie, puis ceux d'après la fin
de la captivité, Aggée, Zacharie et Malachie, ont été
mis dans la seconde partie. D'ailleurs, la date de quel-
ques-uns de cesécrits a été diversement déterminée par
les critiques.
2. Leur ordre chronologique. — Il n'est pas facile à
fixer, parce que tous ne sont pas datés et que les rensei-
gnements qu'ils contiennent ne suffisent pas à l'indi-
quer avec certitude. Toutes les dates proposées ne sont
pas certaines, et les critiques modernes ont émis à ce
sujet des opinions divergentes de celles qui avaient
cours autrefois. Ils prétendent même que plusieurs des
livres prophétiques ne sont pas homogènes et renfer-
ment des éléments de provenance d'époques différentes.
Ainsi ils partagent couramment le livre d'Isaïe en deux
ou trois recueils distincts, et celai de Zacharie en deux
parties d'origine diverse. Comme la date de chaque
prophète est discutée à son article, le tableau suivant
résumera les dates proposées dans ce Dictionnaire et
par les critiques libéraux et rationalistes.
NOMS
DATES
DATES
des
du
des
PROPHÈTES.
DICTIONNAIRE.
CRITIQUES AVANCES.
Abdias. . . .
Vers 865
vr ou V" siècle.
837-801
v* ou iv* siècle. |
Jonas ....
Sous Jéroboam II.
V e ou IV e siècle. [
Amos ....
804-779
760-750
789-706
750-735
Isaïe
755-712
I", 740; II', vers
540; IIP, V siècle.
Michée. . . .
Contemporain d'Isaïe.
740-701
Nahum . . .
Mil. du vil' s. (663-608J.
650, 624, 610.
Sophonie . .
Vers 665 ■
630, 627, 625.
Habacuc. . .
645-630
607, 605-600.
Jérémie . . .
639-586
626-586
Baruch . . .
583
Ep. machabéenne.
Ézéchiel . . .
592-570
593-573
Daniel. . . .
538
168-167; 164-163
Aggée. . . .
520-516
520
Zacharie. . .
520
I", 520; IP, 300
Malachie. . .
Après la 32- année d'Ar-
taxerxès Longuemain.
440
Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes,
Paris, 1908, p. vn-x.
La série des prophètes israélites se termina par Ma-
lachie. Au temps des Machabées, on attendait la venue
d'un prophète, pareil aux anciens, pour décider ce
qu'il fallait faire des pierres de l'autel des holocaustes
profané. I Mach., iv, 46. Cf. I Mach., ix, 27 ; xiv, 41. Ce
ne fut qu'à l'aurore des temps messianiques que Jean-
Baptiste put être appelé prophète du Très Haut eu
raison de sa mission de précurseur. Luc, i, 76. 11
vint dans la puissance et l'esprit d'Élie. Voir t. n r
col. 1676. Jésus le déclara prophète et plus que pro-
phète, parce qu'il avait préparé les voies au Messie.
Matth., xi, 9,10; Luc, vu, 26-28. Voir t. m, col. 1157.
VII. Faux prophètes. — Les livres de l'Ancien
Testament signalent deux catégories de faux prophètes :
ceux qui prophétisaient au nom des dieux étrangers,
et ceux qui se donnaient mensongèrement pour des-
envoyés du vrai Dieu d'Israël. — l" Prophétisant au
nom des. dieux étrangers. — En dehors de Balaam,
qui fut un devin plutôt qu'un prophète, voir t. i,
col. 1398, les prophètes, qui étaient prêtres de Baal,.
apparurent dans le royaume d'Israël sous le régne
d'Achab. Élie en provoqua 450 sur le Carmel, et après-
leur échec, il les fit massacrer sur les bords du Cison.
I (III) Keg., xviii, 19-40; xix, 1. Voir t. n, col. 292-293>
1671-1672. Sur les incisions qu'ils se faisaient, voir
t. m, col. 868-870. Ils prophétisaient au nom de Baal
et trompaient Israël. Jer., xxm, 13. Le Dieu chananéen
eut aussi des prophètes en Juda jusqu'à la captivité de
Babylone. Jer., ji, 8. Voir t. i, col. 1319-1320. —
2» P?-ophétisant mensongèrement au nom de Jéhovah*
— A côté des vrais prophètes, inspirés de Dieu, se
levaient des personnages, qui se comportaient comme
s'ils étaient de véritables prophètes. Dieu les avait
annoncés et avait indiqué les signes auxquels on les
reconnaîtrait, et le sort qu'ils méritaient. Deut., xm,.
1-5; xvin, 20-22. Ils sont parfois explicitement dési-
gnés comme faux prophètes. Souvent cependant ils
sont dits simplement prophètes, mais le contexte per-
met alors de les distinguer suffisamment des vrais
725
PROPHÈTE
726-
prophètes. Ils apparurent encore en Israël sous le
règne d'Achab, au nombre de 400 environ. Parce que
Josaphat, roi de Juda, veut consulter Dieu, Achab les
interroge. Par une action symbolique, leur chef Sédé-
cias prédit la victoire sur Bamoth-Galaad, et tous les
autres confirment cette prédiction. Michée, fils de
Jemla, tenté par l'envoyé du roi, refuse de s'associer
à ce mensonge et annonce la mauvaise issue de l'expé-
dition. Il a vu Jéhovah, assis sur son trône et envoyant
un esprit menteur pour inspirer les faux prophètes
et tromper Achab. Sédécias se prétend véritablement
inspiré par Jéhovah et il frappe Michée qui en appelle
à la prochaine réalisation de son oracle. I (III) Beg-., xxn,
5-28. Dans le royaume de Juda, les faux prophètes
furent nombreux au temps d'Isaïe et de Jérémie. Isaïe
leur reproche leurs excès et leurs erreurs, causés par
l'ivrognerie, xxvm, 7. Michée, son contemporain, leur
adresse les mêmes reproches, il, 11, et les accuse de
prophétiser pour de l'argent, m, 5, 11. Jérémie les
accuse de mensonge, v, 13, 14; vin, 10; xiv, 13-18, et
il les maudit, xxni,9-40. Il entre en conflit direct avec
eux. Tandis qu'il prédit la ruine prochaine de Jérusa-
lem et du royaume de Juda, les faux prophètes s'unis-
sent aux prêtres et au peuple pour le contredire et
l'amener en jugement, xxvi, 7-19. Il les contredit pu-
bliquement et exhorte le peuple à ne pas ajouter foi à
leurs oracles trompeurs, xxvh, 14-18. Il eut un conflit
personnel avec Hanani, prophète de Gabaon, xxvm, 1-
17. Il poursuivait les faux prophètes jusqu'au lieu de
leur exil. Comme ils continuaient à tromper les pre-
miers captifs, il les confond, et il prédit des châti-
ments spéciaux à Achab, à Sédécias et à Séméias, x-xix,
1-32. Le prophète de l'exil, Ézéchiel, eut à lutter aussi
en Chaldée contre les faux prophètes d'Israël, hommes
et femmes, qui trompaient les captifs, xnr, 1-23. Après
le retour à Jérusalem, Gossem accusait Néhémie d'avoir
suscité des prophètes pour favoriser ses projets. II Esd.,
vi, 7. Loin de là, Néhémie allant consulter Séméias vit
que ce soi-disant prophète n'était pas envoyé par Dieu,
pas plus que Noadias et les autres prophètes qui vou-
laient l'épouvanter et le détourner de son dessein.
lbid., 10-14.
Ces prophètes prétendaient posséder, eux aussi, la
parole de Dieu; mais leur parole n'était que du vent;
elle ne contenait pas la parole d« Dieu. Jer., v, 13.
Ils parlaient faussement au nom de Jéhovah, et ils
mettaient en sa bouche leurs propres discours. Dieu ne
les avait pas envoyés, ne leur avait pas ordonné de
parler. Leur vision était mensongère; ils trompaient
et séduisaient le peuple. Jer., xiv, 14, 15. Ils disaient
la vision de leur cœur et non celle qui vient de la
bouche de Dieu. Jer., xxm, 16. Dieu ne les envoyait
pas, et ils couraient d'eux-mêmes ; il ne leur parlait
pas, et ils prophétisaient d'eux-mêmes, 21. Ils préten-
daient avoir eu des songes prophétiques, 25 ; mais ils
annonçaient le mensonge et les séductions de leurs
cœurs. Us volaient les paroles de Dieu, 30, et ils pre-
naient leurs langues pour dire : « Le Seigneur a dit. »
Ils rêvaient des mensonges, 31, 32. Ils n'avaient donc
ni mission ni révélation divine. Us prétendaient avoir
des visions, Jer., xw, 14; xxm, 16 : visions vaines,
songes creux. Is., lvi, 10; Mien., m, 6, 7; Ezech., xm,
3,6-9; xxii, 28. C'étaient des trompeurs et des séduc-
teurs, Jer., xxix, 21, 23, 31 ; des chiens muets incapables
d'aboyer. Is., lvi, 10. Loin de reprendre le peuple, ils
le confirmaient dans le mal et empêchaient sa con-
version. Jer., xxm, 14, 15, 17, 22; Ezech., xm, 5, 22.
Ils faisaient avoir confiance dans le mensonge. Jer.,
xxix, 31. Us attendaient vainement la confirmation de
leurs oracles, Ezech., xm, 6; leurs prédictions ne
s'accomplissaient pas, ce qui était le signe de leur
fausseté conformément à la prédiction de Moïse. Deut.,
xvin, 22. Us seront couverts de confusion, lorsque
l'événement aura montré la fausseté de leurs prophé-
ties. Jer., xiv, 13-15; xxvm, 9, 16-17. Leur caractère-
moral était peu élevé, Soph., m, 4; ils s'adonnaient au»
vin, Is., xxvm, 7; Jer., xm, 13, et prophétisaient poui-
de l'argent et pour gagner la faveur des hommes. Mich.,
m, 5, 11; Ezech., xm, 18, 19. Us n'avaient donc rien
de commun avec les véritables prophètes, et leur-
inspiration était feinte. Us avaient cependant de l'in-
fluence sur les prêtres, sur les chefs et sur le peuple,
et ils contrecarraient souvent la mission des véritables-
prophètes.
VIII. Les prophètes du Nouveau Testament. —
1° Jésus-Christ prophète. — Si, avec la plupart des
Pères, on pense que Moïse prédisait, sous le nom de-
prophète semblable à lui, que Dieu devait susciter au»
milieu de son peuple, Deut., xvin, 15, le Messie seul et
sa mission prophétique, voir col. 116, il n'est pas-
étonnant que Jésus, le véritable Messie, ait été pro-
phète. Luc, xxiv, 19; Joa., iv, 19; vu, 40; îx, 17;:
Act., m, 22; vu, 37. Sa doctrine dogmatique et morale,.-
voir t. m, col. 1480-1487, complétait et surpassait celle
des prophètes, qu'il n'était pas venu renverser ni abo-
lir. Matth., v, 17. Comme ses devanciers, il a connu efa
prédit l'avenir. Ses prédictions ont été exposées, t. m,
col. 1499-1501. — 2° Il y eut aussi des prophètes dans-
le Nouveau Testament. D'abord, des prédiseurs de
l'avenir. Quand l'Église d'Antioche eut été fondée, il y
vint de Jérusalem des prophètes, dont l'un, nommé
Agabus, prédit une famine qui se produisit sous le-
règne de Claude. Act., xi, 27-28. Seize ans plus tard, à.
Césarée, le même Agabus annonça par une action
symbolique la prochaine captivité de saint Paul. Act,,
xxi, 10-11. Voir t. i, col. 259. Ce fait se passa dans la
maison de l'évangéliste Philippe, qui avait quatre filles,
vierges et prophétesses. Act., xxi, 9. Ces prophètes-
coexistaient à Antioche avec des docteurs. Act., xm, 1..
Deux prophètes de Jérusalem, Judas, surnommé Barsa-
bas, et Silas, furent envoyés à Antioche. Act., xv, 32.
Leur ministère prophétique comprenait sans doute la,
prédication et l'enseignement, puisqu'ils consolèrent
les frères et les confirmèrent dans la foi. Voir t. m,
col. 1807. Parmi les charismes, qui se manifestèrent)
dans l'Église de Corinlhe, saint Paul nomme la pro-
phétie, I Cor., xii, 10, et il range ceux qui en étaient;
dotés entre les Apôtres et les docteurs, 28-29. Le don
de prophétie était supérieur au don des langues, car le-
prophète parle aux autres et les édifie, les exhorte et
les console, tandis que le glossolale n'édifie pas l'Église^
de Dieu, à moins que ses paroles ne soient interpré-
tées. I Cor., xiv, 1-5. Le ministère de ces prophètes estj
utile surtout aux fidèles, 22; il convertit cependant les -
infidèles qui pénètrent dans les assemblées, en les-
convainquant par la parole et en manifestant les se-
crets de leurs cœurs, 24-25. Tous ceux que l'Espriti
animait avaient le droit de prophétiser. Cependant,
pour éviter les abus, saint Paul règle l'exercice de ce
charisme. Il suffisait qu'à chaque assemblée deux ou
trois seulement prennent la parole et exhortent les;
fidèles; les autres devaient être juges de ces manifes-
tations de l'Esprit. Us devaient parler successivement,,
et dès qu'un nouveau prophète prenait la parole, le pré-
cédent devait se taire, chacun enseignant et exhortant,
l'assistance à son tour, car les prophètes sont soumis;
les uns aux autres. Dieu qui les inspire est le Dieu de
la paix et non pas de la discussion, 29-32. Et ces-
règles l'Apôtre les enseignait dans toutes les Églises. Il*
impose donc cette loiaux prophètes de Corinthe, comme-
un ordre du Seigneur, 37, non pour étouffer l'espritu
de prophétie, sinon celui des faux prophètes qui déso-
béiraient^puisqu'il tient la prophétie pour le meilleur-
des charismes divins, 38. Les prophètes, placés entre
les Apôtres et les évangélistes, travaillent, comme eux,_
au service des saints et des fidèles. Eph., iv, 11. Ils*
727
PROPHETE
PROPHETIE
728
sont avec les Apôtres les fondements de l'Église. Eph.,
H, 20. Ils sont nommés encore après les Apôtres. Eph.,
m, 5; Àpoc, xvm, 28. Ils n'ont pas disparu avec l'âge
apostolique. La Didaché, x, 7; xi, 7-12, dans Funk,
Patres apostolici, 2« édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 24,
28-30, et le Pasteur d'Hermas, Mand., xi, ibid.,
p. 502-510, les signalent encore et les distinguent des
faux prophètes. Ces prophètes, possédés, dirigés et
conduits par le Saint-Esprit, étaient des prédicateurs
inspirés, qui prêchaient et exhortaient les fidèles;
c'étaient parfois des missionnaires qui, poussés par
l'Esprit, répandaient comme les Apôtres l'Évangile.
Mais leur prophétie était un charisme, ' une grâce
•d'exception, qui se manifestait quand et comme vou-
lait l'Esprit. Cf. Cornely, Prior Epistola ad Corintkios,
Paris, 1890, p. 414 sq. — 3° Jésus avait mis ses dis-
ciples en garde contre les faux prophètes. Matth., vu,
15. Deux faux prophètes sont mentionnés dans le Nou-
veau Testament : Barjésu, Act., xm, 6-12, voir t. i,
■coi. 1461, et une femme de Thyatire, Jézabel. Apoc,
•h, 20. Voir t. m, col. 1536.
IX. Bibliographie. — Plusieurs anciens écrivains
ecclésiastiques ont réuni les données bibliques à beau-
coup de détails légendaires pour composer des notices
sur tous les prophètes de l'Ancien Testament. On
possède en grec les fragments d'Eusèbe de Césarée,
Devitis prophetarum, t. xxn, col. 1261-1272; deux re-
-censions du Liber de vitis prophetarum, attribué à
^aint Épiphane, t. xlhi, col. 393-414, 415-428 ; un livre
analogue, publié sous le nom de Dorothée de Tyr,
dans le Chronicon pascale, t. xcn, col. 360-397. Sur
ces textes, voir Th. Schermann, Propheten- und Apos-
tellegenden, dans Texte und Vntersuchungen, de
Harnack et de Schmidt, Leipzig, 1907, t. xxxi, fasc. 3,
p. 1-133, qui en donne une édition plus complète et
•plus critique. Dans le recueil de saint Isidore de Sé-
ville : De vita et obitu patrum qui in Seriptura lau-
dibus efferuntur, édité par Fabricius, De vita et morte
Mosis libri très, Hambourg, 1714, p. 512-551, et par
Migne, Patr. Lat., t. lxxxih, col. 131-156, il y a des
notices 'sur les prophètes. Les légendes syriaques sur
les prophètes ont été rassemblées par le nestorien
Théodore bar Kôni, au IX e siècle, dans son Livre des
-scholies, et par Michel le Syrien, Chronique, édit.
Chabot, Paris, 1899, t. i, p. 63-101.
Sur les prophètes, on pourra consulter toutes les
introductions aux livres de l'Ancien Testament. Citons
•seulement F. Vigouroux, Manuel biblique,' 12" édit.,
Paris, 1906, t. H, p. 566-591; Trochon, Introduction
-générale aux prophètes, Paris, 1883; R. Cornely,
Jntroductio speciafts in didacticos et propheticos
V. T. libros, Paris, 1887, p. 267-305; card. Meignan,
Les prophètes d'Israël. Quatre siècles de lutte contre
l'idolâtrie, Paris, 1892, p. 1-48; Id., Les prophètes
d'Israël. et le Messie depuis Salomon jusqu'à Daniel,
Paris, 1893, p. 17; J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien
Testament, 3» édit., Paris, 1902, t. n, p. 138 sq.;
"E. Laur, Die Prophetennamen des alten Testamentes,
Fribourg, 1903; *L. Gautier, Die Berufung der Propher
ten, 1903. E. Mangenot.
PROPHÉTESSE (hébreu : nebï'âh; Septante :
TtpotpfJTi;; Vulgate : prophetis, prophetissa), nom donné
■dans l'Ecriture 1° à des femmes douées de l'esprit de
Dieu ; 2° à Marie, sœur de Moïse, considérée comme poète
ou chantant au son des instruments le cantique de Moïse,
. après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 20 (sans avoir
aucun don de prophétie, cf. Num., xn, 6); 3° à la
femme du prophète Isaîe, ainsi appelée parce que son
mari était prophète. — Les femmes' à qui les auteurs
-sacrés donnent le titre de prophétesses dans la pre-
.mière acception du mot sont : Débora, qui rendait la
.justice aux tribus d'Israël avec le secours divin, Jud.,
iv, 4; Holda, contemporaine du roi Josias, IV Reg., xxn,
1-4; II Par-, xxxiv, 22; Noadias, fausse prophétesse,
d'après l'hébreu, t. iv, col. 1635 (faux prophète d'après
les Septante et la Vulgate), II Esd., vi, 14; et, dans
le Nouveau Testament, Anne, fille de Phanuel. Luc,
II, 36. Voir ces" noms. — La Vulgate, dans l'Ancien
Testament, n'a employé le mot prophetissa que pour
Marie, sœur de Moïse, et pour la femme d'Isaïe ;
elle a donné à Débora et à Holda le titre de prophe-
tis. En saint Luc, n, 36, Anne est appelée prophe-
tissa.
PROPHÉTIE. — I. Notion. — La notion biblique
de la prophétie correspond à la définition du prophète
d'Israël, donnée précédemment, col. 705. La prophétie
dans la Bible n'est donc pas une simple prévision de
l'avenir, quoique l'historien juif Josèphe, Ant. jud.,
XIII, x, 7, l'ait définie : r\ zû>\ sieXXôvtwv itpdfvuutç, et
que plusieurs Pères de l'Église aient adopté cette défi-
nition. Voir col. 709. Elle a, en réalité, une significa-
tion plus large, et elle désigne toute manifestation de
la volonté divine à un prophète et, par l'intermédiaire
de celui-ci, aux autres hommes.
Les noms qu'elle porte dans la Bible correspondent
aux différents noms des prophètes. Si le prophète est
un nsi, « voyant », la prophétie est une « vision », rwnB-,
I Sam., ix, 15, et une vision de Dieu, communiquée
par Dieu. Ezech., i, 1; vm, 3; xl, 2. Ce nom ne
désigne pas seulement ce que Dieu fait voir aux yeux
du corps ou de l'esprit, mais encore ce qu'il fait
entendre aux oreilles. La vision est donc synonyme de
la parole de Dieu. I Sam., m, 1, 15; IX, 10-18. Elle
désigne par suite toute révélation divine. Ezech., i, 9;
», 2; m, 5; v, 6; vi, 4, etc. Le verbe rvn est souvent
T T
employé dans les phrases dans lesquelles les prophètes
rapportent les révélations qu'ils ont reçues de Dieu.
Is., vl, 1; xxi, 6; Jer., i, 11-13; Ezech., i, 15; m,
23, etc.; Joël, ni, 1; Amos, vu, 8; vm, 2; Hab., n, 1;
Zach., i, 8; n, 4, etc. Partout, c'est Dieu qui fait voir
(le verbe est à l'hiphil). Jer., xxiv, 1; Ezech., xl, 4;
Amos, vu, 1 sq.; vm, 1; Zach., n, 3; m, 1. Le voyant
ne voit que ce que Dieu lui fait voir. La vision est
donc une révélation divine. Cf. S. Isidore de Séville,
Etym., 1. VII, c vm, t. lxxxn, col. 283; S. Thomas,
Sum. theol., II a II», q. clxxi, a. 1. — Si le voyant est
dit rrrn, sa vision se nomme alors ^tn. Ce nom dé-
signe la parole révélée par Dieu, II Sam., vu, 17;
I Par., xvii, 5, ou la'chose elle-même. Hab., Il, 2, 3. La
révélation est dite « vision », Ezeeh., vu, 13; vm, 22;
x, 1, 9; xn, 13, 24, 27, ou « parole de vision ». Ezech.,
xn, 23. On parle une vision, Jer., xxm, 16 (faux pro-
phète), comme on voit une parole. I (III) Reg., xxn, 19;
Is., i, 1 ; n, 1 ; xm, 1 ; Amos, i, 1, etc.; Abdias, i, 1 ; Mich.,
i, 1; Nahum, i, 1; Hab., i, 1; Jer., i, 11-13. Jérémie a
eu une vision de la bouche de Dieu. Jer., xxiir, 16. La
vision ainsi nommée est donc encore une révélation
divine, une manifestation de la parole de Dieu. — 3» Le
substantif nN',32, nebû'dh, correspondant à N'33, dé-
t : t
signe un oracle, I Esd., vi, 14;)II Esd., vi, 12; II Par.,
xv, 8, ou même un écrit prophétique. II Par., ix, 29. —
Dans les Septante, le mot grec npoç7)Tê('a répond soit à
jïrn, hdzôn, II Par., xxxii, 32, soit à -[■m:. I Esd., vi,
T T
14; II Esd., vi, 12. — La prophétie consiste donc en
une action extraordinaire ou surnaturelle, par laquelle
Dieu communique à son prophète certaines lumières
ou connaissances avec mission de les transmettre aux
autres hommes.
II. Manières dont Dieu communiquait aux pro-
phètes ses volontés. — Pour connaître les vérités
qu'ils devaient manifester de la part de Dieu, les pro-
phètes d'Israël n'employaient aucun des procédés
729
PROPHÉTIE
73a
artificiels ou appris de la divination, voir t. n, col. 1443-
1448, pas plus que des moyens naturels de se mettre
en rapport avec Dieu. C'était Dieu lui-même qui leur
révélait ou leur inspirait directement ce qu'ils devaient
dire. Les moyens dont il se servait sont désignés dans
l'Écriture par trois expressions différentes : la parole,
la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de
communication prophétique devaient être les plus
ordinaires, puisqu'ils sont distingués de la parole
articulée, employée régulièrement par Dieu pour ré-
véler à Moïse ses volontés. Num., xn, 6-8.
1° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sûre-
ment de son peuple les devins, Deut., xvm, 9-14, pro-
mit de susciter en Israël une série de prophètes,
semblables à Moïse, il déclara qu'il placerait ses
propres paroles dans leur bouche et qu'ils diraient
tout ce qu'il leur ordonnerait de dire. Comme Moïse au
Sinaï servit d'intermédiaire entre Jéhovah et son
peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait
d'entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21,
ainsi les prophètes parleront au nom du Seigneur au
peuple, qui devra écouter leurs paroles. Deut., xvni,
15-19. Les prophètes entendirent donc parfois la parole
articulée par Dieu lui-même, comme il arriva à Moïse
au buisson ardent, Exod., m, 4-22, et au Sinaï. Samuel
entendit à Silo la voix divine qui l'appelait, I Sam.,
m, 4-14, et Dieu parlait à son oreille. I Sam., ix, 15-
17.. Cf. I(III)Reg., xvn, 2, 8; xvm, l;xxn,17; Amos, m,
7; Ose., i, 2, 4, 6; m, 1; Is., xvm, 4; Jer., H, 1; xxm,
28; Dan., vin, 1-27; x, 1, 5; Agg., n, 1, 21; Zach., i,
1, 7. Il s'établissait parfois un véritable dialogue entre
Dieu et le voyant, ainsi avec Élie, I (III) Reg., xix, 9-18,
et avec Jérémie. Jer., xiv, 11-14. Mais le plus souvent,
semble-t-il, les prophètes n'entendaient qu'une voix
intérieure. Job, iv, 12, 16. C'est ainsi qu'on peut expli-
quer les révélations faites aux oreilles des prophètes.
Is., xxi, 10; xxii, 14; xxvm, 22; Abdias, i, 1. Ils trans-
mettaient de vive voix ou par écrit les paroles qu'ils
avaient entendues au fond de leurs cœurs. Aussi leurs
oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos,
ni, 1, et plusieurs recueils ont pour titre : « Paroles
que Dieu a dites par le prophète. » Ose., i, 1; Joël., I,
1; Soph., i, 1; Jer., i, 1, 2.
2° La vision. — Les mentions de visions sont nom-
breuses dans les écrits des prophètes. Amos a eu cinq
visions, groupées à la fin de son livre, vu, l-ix, 15.
Isaïe reçoit la mission prophétique dans une vision,
vi. Il voit un oracle, xnr, 1. Jérémie, peu après sa
vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une série
de visions, i, 8, 18; n, 1; m, 1; iv, 1; v, 1, 5; vi, 1.
Ézéchiel aussi en a fréquemment, i, 4; H, 1; vin, 2;
x, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophétiques sont inti-
tulés : « Vision ». Is., i; Abdias, I, 1; Nahum, i, 1.
Quelques-unes de ces visions étaient extérieures, Dan.,
v, 25, et corporelles et formaient de véritables appari-
tions. Dan., vin, 16-27. Mais le plus souvent, elles se
produisaient dans l'imagination du voyant. Dieu
avait annoncé à Aaron et à Marie qu'elles auraient lieu
per senigmata et figuras. Num., xn, 8. On a remarqué
qu'elles se présentaient sous des traits connus du pro-
phète et empruntés au milieu où il vivait. Les images
de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes
ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la
Palestine, i'Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient
lieu à l'état de veille (autrement, elles auraient été des
songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle à Samuel de
nuit. 1 Sam., ni, 3, 10; vu, 4; xv, 11, 16; Zach., i, 8;
Job, iv, 13. Si le voyant était endormi, Dieu le tirait de
son sommeil, ou d'un état semblable au sommeil. Jer.,
xxxi, 26; Zach., iv, 1.
"3° Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonté
aux prophètes endormis, c'était en songe. Ce mode de
manifestation divine, annoncé par Dieu, Num., xn, 6;
Deut., xni, 1, 3, 5, est rarement attesté dans l'Écriture.
Il est mentionné comme un moyen que Saùl aurait
tenté inutilement pour consulter Dieu. I Sam., xxvin,
6, 15. Joël, n, 28, annonce que, dans l'avenir messia-
nique, les vieillards d'Israël auront des songes. Le
seul exemple cité est celui de Daniel, vil, 1. Les faux
prophètes aimaient les songes. Is., lvi, 10; Jer., xxm,
25, 28, 32; xxvn, 9; Zach., n, 2. — Sur l'état psycho-
logique des prophètes pendant les visions, voir Pro-
phète, col. 712.
III. Réalité des prophéties. — Qu'il y ait dans la
Bible des prophéties véritables, c'est-à-dire des mani-
festations surnaturelles de ses volontés, faites par Dieu>
aux hommes par l'intermédiaire d'individus inspirés,
c'est tout à la fois un fait constaté et un dogme de la
foi catholique, — 1° Preuves scripturaires . —
1. L'affirmation des prophètes eux-mêmes. — Tous
les prophètes israélites déclarent qu'ils parlent au
nom de Jéhovah, que Jéhovah parle par leur bouche-
et qu'ils annoncent en son nom ce qu'il faut faire et
ne pas faire et ce qui arrivera. Voir Prophète, col. 711.
Ils croyaient donc être et ils se sont donnés comme
les organes de la divinité, parce qu'ils avaient con-
science de leur inspiration divine. Ils en fournissaient
des preuves à leurs contemporains, qui ont cru à leur
mission et à leur inspiration, en voyant plusieurs de
leurs prédictions accomplies à brève échéance et les
miracles qui les autorisaient. On peut chercher à>
expliquer naturellement ces faits; on ne peut les nier,
et le témoignage d'hommes probes, sincères, désinté-
ressés, en faveur de leur propre inspiration est rece-
vable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des
expériences réelles qu'ils avaient éprouvées, et on ne
peut prétendre qu'ils employaient un procédé littéraire
pour exprimer leurs propres pensées et les faire
passer auprès d'une foule crédule pour celles de Dieu.
Leur parole n'a pas toujours été crue, Amos, n, 12,"
Is., xxxvm, 7; Jer., vi, 17; vu, 25-28; xi, 8, 21, etc.,
et ils . ont été persécutés, parce que leurs oracles
inspirés étaient la plupart du temps à l'encontre des
idées de leurs contemporains, des chefs de la nation
aussi bien que du peuple tout entier. Matth., v, 12;
xxm, 29-37; Luc, vi, 23; XI, 47-50; xm, 34; Act., vu,.
52; Rom., xi, 3; I Thés., n, 15; Heb., xi, 32-40; Jac,
v, 10. Seul, le sentiment intime de la réalité de leur
inspiration divine a pu leur donner à tous l'énergie et
le courage nécessaires pour supporter les persécutions
dont ils étaient l'objet, et remplir, malgré tout, la mis-
sion que Dieu leur avait confiée. — 2. L'affirmation
de Jésus et de ses Apôtres. — Ils en ont appelé aux
écrits des prophètes comme au témoignage de Dieu
même, et ils ont signalé la réalisation des prophéties-
messianiques. Voir t. m, col. 888-889. L'inspiration
des prophètes a été explicitement affirmée par saint-
Paul, Heb., I, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet.,
i, 10-12; II Pet., i, 16-21. Voir t. m, col. 889-890. —
2° Preuves traditionnelles. — Les Pères, appuyés sur
le double témoignage de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment, ont affirmé et enseigné l'inspiration divine des-
prophètes d'Israël. Voir t. m, col. 891-897. Cf. Leitner r
Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau,
1896, p. 98-190. — 3° Preuves dogmatiques. — Après
avoir été cru, affirmé et prouvé, le dogme de l'inspira-
tion des prophètes a été explicitement défini par
l'Église. Voir t. m, col. 897-898; Leitner, op. cit.,.
p. 191-195. Le fait de l'inspiration divine des prophètes-
est donc un dogme de la foi catholique. — 4° Réponse-
aux objections des critiques. — La plupart des cri-
tiques rationalistes ont opposé à la réalité divine des
prophéties une fin de non-reeevoir, fondée sur des
raisons philosophiques et sur l'impossibilité d'une in-
tervention surnaturelle de Dieu et de la prédiction de-
l'avenir. Kuenen a discuté à fond la doctrine tradi—
731
PROPHÉTIE
732
tionnelle sur les prophéties; il a prétendu que cette
•conception était contraire à l'histoire et à la critique
loyale des textes scripturaires. Il rejette d'abord le
témoignage des prophètes sur leur, propre inspiration
■divine. Si ce témoignage était valable, celui des faux
prophètes serait recevable au même titre, puisqu'ils
avaient, eux aussi, conscience de leur inspiration sur-
naturelle et qu'ils l'affirmaient expressément. Tous
tirent leur inspiration d'eux-mêmes; c'est leur convic-
tion qui les inspire. La distinction entre les vrais et
les faux prophètes a été inventée après coup. En fait,
il y avait seulement des prophètes opposés les uns aux
autres, et tous étaient considérés comme inspirés par
Jéhovah. Ils étaient en conflit et dans le peuple chacun
prenait parti pour ceux dont les idées lui agréaient.
Cependant il finit par s'établir une ligne de démarca-
tion plus nette entre les prophètes. Il y eut ceux dont
la pensée religieuse avait fait plus_ de progrès et qui
avaient sur Dieu des idées plus précises, et les autres
plus retardataires et moins avancés au point de vue
religieux. Les premiers ont écrit l'histoire sainte et
traité de faux prophètes leurs adversaires. Toutefois
l'élévation morale des uns, leur opposition avec les
idées des grands et de la foule, la persistance de leur
croyance à leur inspiration malgré les persécutions
qu'elle leur attirait, tout cela, que Kuenen reconnaît,
prouve la sincérité de leur prédication. Les faux pro-
phètes flattaient les passions des rois et de la nation;
ils avaient des idées moins élevées; leur moralité est
discutée par leurs adversaires; tout cela constitue un
préjugé contre la sincérité de leurs affirmations et la
vérité de leur inspiration. D'ailleurs, pour assurer la
permanence de la mission des vrais prophètes, leur
crédit auprès de la portion saine de la nation et leur
triomphe définitif, il a bien fallu qu'ils aient fourni des
signes de leur mission divine. On les exigeait d'eux, et
ils les donnaient. C'étaient ces prédictions claires et à
court terme, relatées dans les livres historiques, l'an-
nonce d'une défaite ou d'une victoire immédiate, du
succès ou de l'échec d'une invasion. Voir col. 716.
Supposer avec Kuenen que ces prédictions ne se soient
jamais réalisées ou n'aient été que des prévisions
purement naturelles, c'est se mettre dans l'impossibi-
lité d'expliquer la permanence et le triomphe de pro-
phètes, haïs du peuple, qui auraient été traités d'im-
posteurs, s'ils s'étaient trompés, aussi bien que la non-
réalisation des soi-disant oracles des faux prophètes,
qui favorisaient les idées du peuple et élaient en oppo-
sition directe avec les prédictions précises des vrais
prophètes. Il a bien fallu que ces prédictions fussent
vérifiées pour que les prophètes pussent continuer
leur mission avec quelque chance d'être écoutés. Le
non-accomplissement des oracles des faux prophètes
devait diminuer leur crédit auprès de la foule qu'ils
trompaient. L'œuvre des prophètes eut-elle simplement
consisté, comme on le prétend, dans la destruction de
l'idolâtrie et l'établissement du monothéisme en Israël,
elle n'a pu aboutir que s'ils ont eu auprès d'un peuple
grossier et idolâtre une réelle autorité et une autorité
divine.
Kuenen a prétendu, en second lieu, que si les pro-
phètes d'Israël étaient véritablement inspirés par Dieu,
il est nécessaire que toutes leurs prédictions se soient
accomplies. Si elles ne se sont pas accomplies, c'est
que les prophètes ne parlaient qu'en leur nom et pas
au nom du Dieu de vérité. Cet argument, qu'il avait
indiqué dans son Histoire critique des livres de l'An-
cien, Testament, trad. franc., Paris, 1879, p. 15, 19-
26, a été longuement développé. The Prophets and
Prophecy in Israël, trad. anglaise, Londres, 1877, c. v-
vn, p. 98-275. Le critique hollandais parcourt la série
des prédictions contenues dans les livres canoniques
et relatives soit aux peuples voisins d'Israël soit aux
destinées du peuple élu (les prophéties messianiques) et
il prétend démontrer que le plus grand nombre de ces
prophéties n'a jamais été accompli. Au c. vm, p. 276,
il examine un petit nombre de prophéties qui se
sont réalisées ; mais il soutient ou bien qu'elles ont été
vérifiées par l'événement d'une manière vague et ine-
xacte, ou bien qu'elles ne sont pas authentiques et ont
pu être écrites après l'événement, ou enfin qu'elles ne
dépassent pas les limites de la prévision naturelle. Cet
argument avait été énoncé par Munk, La Palestine,
Paris, 1881, p. 420-421; A. Réville, dans la Revue des
deux mondes, juin 1867, p. 836-840. Il a été repris par
Paul Schwàrtzkopff, Die prophetische Offenbanmg
nach Wesen, Inhalt und Grenzen, Giessen, 1896,
p. 100-166. Ce n'est pas le lieu de reprendre une à une
les objections de Kuenen. Voir, pour la réfutation de
quelques-unes, F. Vigouroux, Manuel biblique, 12« édit.,
Paris, 1906, t. Il, p. 570-572. L'abbé de Broglie a observé
que la plupart avaient été présentées auparavant et dis-
cutées. La force de l'argumentation ne pourrait venir que
de l'accumulation des objections. Mais cette argumen-
tation part de principes faux, comme si le sens d'un
texte prophétique devait être exclusivement déterminé
d'après les idées du prophète lui-même et de ses con-
temporains, comme si la réalisation avait dû s'accom-
plir d'une façon absolument conforme à la prévision du
prophète ainsi fixée, comme si enfin chaque fragment
d'une prophétie devait être la prédiction d'un seul et
même événement. En réalité, la prophétie a pu ne pas
être parfaitement comprise des contemporains et du
prophète lui-même, si elle avait un sens énigmatique
que l'événement seul pouvait faire découvrir pleine-
ment. N'étant pas claire et complète, elle ne cadre pas
nécessairement avec l'événement d'une façon absolue,
et l'accord ne peut pas être plus clair ni plus complet
que la prévision elle-même. Enfin, toutes les parties d'un
oracle prophétique ne s'appliquent pas à un même événe-
ment. La vue de l'avenir en perspective a souvent réuni
sur le même plan des événements analogues, dont la
réalisation devait avoir lieu à des époques différentes. Voir
P. de Broglie, Les prophéties et les prophètes d'après
les travaux du. D r Kuenen, da^s. Compte rendu du
III' Congrès scientifique international des catholiques,
Bruxelles, 1895,11 e section, Sciences religieuses, p. 139-
151 ; Id., Questions bibliques, édit. Piat, Paris, p. 346-
380; J. Brucker, Les prédictions des prophètes, dans
les Études, août 1893, p. 586-615; F. Vigouroux, Manuel
biblique, t. n, p. 578-580.
IV. Cycle des prédictions prophétiques. — Rien de
plus varié que l'objet des prophéties bibliques. Cepen-
dant, malgré leur grande variété, les oracles des pro-
phètes écrivains ont des thèmes communs plus où
moins développés et diversement appliqués selon les
temps et les milieux, et se déroulent dans le même
cercle d'idées, qu'il est bon d'indiquer.
1» Les péchés d'Israël et de Juda. — Pour ramener
leurs contemporains dans la voie droite, dont la plupart
étaient sortis, les prophètes leur reprochent leurs fautes
et font des tableaux éloquents de la perversité morale,
qui attire sur eux la colère divine et de terribles châti-
ments. Amos décrit avec véhémence les iniquités
d'Israël, i, 6-8; m, 2, 9, 10; iv, 1-5; vi, 1-7. Les actions
symboliques d'Osée et ses mariages figurent l'infidélité
et l'idolâtrie du royaume schismatique, i, 2-ni, 5. Ses
discours directs exposent en détail les crimes du peu-
ple et de ses chefs, iv, 1-v, 7; vu, 1-7. Isaïe, dès le
début de ses oracles, résume les fautes de Juda, dont
il prédit les châtiments, 1, 2-31. Il y revient sans cesse,
et signale celles que chacune des classes de la nation
a commises, n, 5-9; m, 12, 16 f 17; v, 8-23; x, 1,2, etc.
C'était sa mission et il devait la remplir avec force et
constance, lviii, 1. Michée décrit les crimes de Samarie
et de Juda, i, 5; n, 1, 2; m, 2; 3, 5, 9-11; vu, 1-4. Juda
733
PROPHÉTIE — PROPHÉTIQUES (LIVRES)
734
n'a pas tiré profit du sort d Israël: il imite son idolâtrie.
Jer., m, 6-10; XI, 9-10; xvi, 11, 12. La corruption est
profonde et universelle à Jérusalem. Jer., v, 1-9, etc.
Ézéchiel voit les abominations commises dans le Temple
de Jérusalem, 7111, 1-16. 1\ dénonce \es faux prophètes,
qui trompent et séduisent les exilés, xm, 3-7, 18, 19. Il
retrace les crimes des habitants de Jérusalem, xxli, 1-
16, 24-31. Après le retour en Palestine, Aggée reprend
les rapatriés qui négligent de relever le Temple, I, 2-6,
et plus tard Malachie adresse des reproches aux prêtres,
I, 6-8, 12, 13, et aux Juifs qui épousent des femmes
étrangères, 11, 11. Les prophètes apparaissent donc
tous comme des correcteurs de vices et des redresseurs
de torts, et leurs prophéties sont remplies de plaintes
contre les prévaricateurs.
2° Le châtiment des coupables. — Comme les cou-
pables s'endurcissaient et refusaient de profiter des
reproches et de changer dévie, Jer.,xxxn, 33;Ezech.,
111, .7, si même ils ne se moquaient des menaces des
prophètes, Amos, v, 18; Is., v, 19, la punition divine
devait les frapper. Toutes les descriptions de crimes,
précédemment rappelées, sont immédiatement suivies
de l'annonce de châtiments. Plus souvent encore, la
menace est directe, qu'elle soit adressée sous forme
de plainte ou d'élégie, Amos, v, 1-14, ou d'exhortation
ou de reproche. Ose., vin, îx; Is., ix, 8-x, 34. Elle tourne
parfois en malédiction. Is., xxvm, 1-xxxill, 12. Elle
vise tous les coupables. Tous seront punis, et la puni-
tion répondra à la culpabilité. Chacune des classes de
la société aura son châtiment propre et proportionné.
Puisque la dépravation est générale et que tout espoir
de conversion est perdu, la nation entière périra. Israël,
qui est le plus coupable, disparaîtra le premier. Amos,
1, 9-16; Ose., xm, î-xiv, 1; Mich., 1, 2-7. Juda, qui n'a
pas compris la leçon, Jer., m, 6-10, aura le même sort.
Jer., iv, 5-vi, 30; Ezech., xxm. Le châtiment sera gra-
dué, Jer., iv, 27; v, 18, et la ruine définitive ne viendra
pas frapper un peuple, capable encore d'amendement.
Des coups isolés avertiront les coupables et tenteront
de les ramener à résipiscence. La patience divine se
lassera enfin, et la perte des deux royaumes sera tour
à tour décidée. L'instrument des vengeances divines
est ordinairement l'épée des nations voisines d'Israël et
de Juda. La ruiue du royaume du nord sera l'œuvre de
l'empire assyrien, Ose., x, 6; xi, 5; Is., vu, 17-25; celle
du royaume du sud sera accomplie par les Babylo-
niens. Is., xxxix, 3-7; Mich., îv, 10; Hab., 1, 6-11;
Jer., ix, 10-16; xxi, 3-14; Ezech., xxiv, etc.
3° Les oracles contre les nations. — Bien que les
nations païennes soient la verge dont Dieu frappe Israël
et Juda, elles ne seront pas toutefois épargnées, parce
qu'elles sont coupables, elles aussi, et plusieurs livres
prophétiques contiennent des recueils spéciaux d'ora-
cles contre elles. Amos, 1, 3-n, 3; Is., xiv, 28-xxi, 17;
Soph.,n,4-15;Zach.,ix,l-7; Jer.,XLVi, 1-xlix, 39; Ezech.,
xxv, 1-xxxn, 32. La prophétie d'Abdias est tout entière
contre l'Idumée. Mais les deux grandes puissances
vengeresses ont leurs menaces particulières, souvent
répétées. Elles sont idolâtres ; elles ont dépassé la mesure
en exécutant les jugements de Dieu contre Israël et
Juda; elles ont tenté d'exterminer des peuples, que
Dieu ne voulait que châtier; elles ont commis des in-
justices dans la répression juste; elles seront donc
punies à leur tour, et elles seront détruites comme
nations. On lit des oracles contre l'Assyrie dans Isaïe
x, 5-26; xxx, 27-33; xxxvil, 21-38; Nahum, 1, 2-m, 19;
Sophonie, 11, 13-15, et contre la Chaldée ou Babylone
dans Isaïe, xm, 1-xiv, 23; xxi, 1-10; xxxix, 3-7; xliii, 14-
21; XLVI, 1-XLvn, 15; Jérémie, xxv, 12-14; L, 1-li, 64;
Habacuc, n, 2-20. Cf. Rohart, De oneribus biblicis con-
tra gentes, Lille, 1893.
4° La conversion d'Israël et de Juda et leur restau-
ration. — Quels qu'aient été les crimes dé son peuple
choisi, quelque durs qu'aient été les châtiments infligés,
Dieu faisait annoncer par ses prophètes la conversion
finale d'Israël et de Juda sous le coup de l'adversité. Il
ne se bornait pas à promettre des bienfaits, si les
coupables quittaient les voies de l'iniquité, Ose., 11, 14-
24, il déclarait que les Israélites, emmenés en captivité
en Assyrie, reviendraient en Palestine, Ose., xi, 8-11.
Abdias prédit le salut, 17-21. Israël se repentira et ob-
tiendra miséricorde. Mich., vu, 1-20. Les Israélites dis-
persés seront réunis de nouveau. Is., xi, 10-16 ; Jer., xxxi,
1-14. Juda surtout trouvera grâce aux yeux du Seigneur.
Is., 1, 26-31. Il sera restauré, is., xxvi, 1-xxvn, 13;
xxxii, 1-20; xxxiii, 13-24; xxxv, 1-10; xl, 1-31; xli,
8-20; xliii, 1-13; xlix, 14-26; lu, 1-12. Jérémie prédit
la libération des exilés après 70 ans de captivité, xxix,
8-14. Il décrit la conversion, le retour et la restaura-
tion, xxx, 2-24; xxxn, 37-xxxin, 26. Baruch répète aux
exilés la même promesse, 11, 30-m, 8; v, 1-9. Ézéchiel
annonce aussi le salut, xxxvi, 8-xxxvti, 28. Il trace
même tout un plan de restauration, xl-xlviii. Voir 1. 11,
col. 2156.
5° Le royaume messianique. — Le rétablissement de
Juda comme royaume temporel de Dieu en Palestine
amène les prophètes à annoncer la rédemption spiri-
tuelle des Israélites et de tous les hommes et l'établis-
sement d'un royaume nouveau, idéal, réunissant tous
les peuples sous la loi du vrai Dieu, et gouverné par un
rejeton de David, roi d'Israël et des nations. Michée a
décrit ce nouveau royaume comme la glorification et
l'exaltation de Sion, rv, 1-13. Isaïe a repris le même,
thème, 11, 2-4. Il décrit la gloire de cette nouvelle Jéru-
salem, liv, 1-lvi, 8; lx, 1-22; lxvi, 1-24. Jérémie en
parle comme d'une alliance conclue entre Dieu et
Juda sous de nouvelles conditions, xxxi, 31-40. Bref,
les prophètes prédisent le royaume messianique et son
roi, le Messie, et ils en décrivent les caractères. Leurs
oracles messianiques sont exposés dans les articles de
ce Dictionnaire, qui concernent chaque prophète en
particulier. Celles qui ont trait à la personne du Messie
ont été résumées, t. ni, col. 1431-1434, et leur signifi-
cation en faveur de la divinité de Jésus indiquée un
peu plus loin, col. 1497-1499. Pour la bibliographie,
voir ibid., col. 1436.
Sur les prédictions des prophètes en général, voir
J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien Testament, 3 e édit.,
Paris, 1902, t. 11, p. 153-179; * Davidson, Old Testament
prophecy, 1903. Sur la doctrine des prophètes, on
pourra consulter *Zschokke, Théologie der Propheten
desalten Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1877; Tro-
chon, Introduction générale aux prophètes, Paris,
1883, p. xlix-lix; Selbst, Die Kirche Jesu Christi
nach den Weissagungen der Propheten, Mayence,
1883; "Duhm, Die Théologie der Propheten, Bonn,
1875; "Kirkpatrick, Doctrine of the Prophets, 1892. On
peut consulter aussi les théologies de l'Ancien Testa-
ment : Scholz, Handbuch der Théologie des alten
Bundes xm Lichte des Neuen, Ratisbonne, 1862; 'Franz
Delitszch, Die biblisch-prophetische Théologie, Leipzig,
1845; 'Schultz, Alttestamentliche Théologie, 2 in-8°,
Francfort, 1869; 5» édit., 1896; *Œhler, Théologie des
alten Testaments, Tubingue, 1873; 3 a édit., 1891;
trad. anglaise, 2 in-8°, Edimbourg, 1874; trad. franc.,
2 in-8»; "Hitzig, Biblische Théologie des A. T., 1880;
*Riehm,j4 Utestamentliche Theologie,i889; *Dillmann,
Handbuch der alttestament. Théologie, 1895.
E. Mangenot.
PROPHÉTIQUES (LIVRES). Dans l'usage ecclé-
siastique on donne spécialement ce nom aux livres qui
contiennent les oracles des quatre grands prophètes
et des douze petits prophètes dans l'Ancien Testament,
et a l'Apocalypse dans le Nouveau. Dans la Bible hé-
braïque, outre les œuvres des prophètes proprement
dits qui sont appelés prophètes postérieurs, on distingue
735
PROPHETIQUES (LIVRES)
PROPHETISME
736>
celles des prophètes antérieurs ou premiers, c'est-à-dire
des auteurs du livre de Josué, des Juges, des deux livres
de Samuel (nos deux premiers livres des Rois) et des
deux livres des Rois (le troisième et le quatrième livre
des Rois de la Vulgate).
PROPHETISME. On désigne sous ce nom, dans le
langage des rationalistes, l'explication naturelle de l'in-
tervention, dans l'histoire d'Israël, des prophètes, hom-
mes extraordinaires, doués d'une très grande intelli-
gence et d'une très rare perspicacité, qui ont enseigné
une doctrine religieuse très élevée et exercé sur leur
peuple une très forte influence au point de vue reli-
gieux, moral, social, politique et littéraire. Loin d'être
un miracle vivant, une série presque ininterrompue
d'interventions directes de Dieu en Israël, comme on
l'a cru longtemps, le prophétisme hébreu est un phéno-
mène purement naturel, unique en son genre, il est
vrai, quoiqu'il ne soit pas absolument distinct d'autres
actes religieux ni sans aucune analogie avec des faits
de même nature dans les autres religions. A force d'étu-
des, la critique moderne l'a enfin compris etl'aramené,
sans le rabaisser, aux conditions et aux lois de l'his-
toire positive. Avant d'exposer la nouvelle idée qu'on
s'est faite des prophètes d'Israël, il sera bon d'indiquer
brièvement les principes qui ont seryi de point de dé-
part et la méthode suivie pour aboutir à de tels résultats.
I. Principes et méthode. — Pour expliquer l'origine,
la nature, le rôle historique du prophétisme hébraïque
et son influence sur les destinées religieuses et politi-
ques d'Israël, les critiques rationalistes ont écarté toute
intervention surnaturelle de Dieu; ils se sont placés
uniquement sur le terrain rationnel et ils n'ont eu re-
cours qu'à la loi historique du développement de l'huma-
nité. Le prophétisme hébreu leur est apparu comme un
phénomène religieux et se présentant avec les mêmes
caractères et les mêmes traits que le prophétisme des
autres religions. L'unique différence entre le prophète
hébreu et les prophètes païens, c'est qu'il a atteint une
hauteur à laquelle les autres ne sont pas parvenus. Les
prophètes d'Israël excellent; ils sont incontestablement
et de beaucoup les premiers, les types du genre; mais
leur supériorité ne les élève pas à l'ordre surnaturel et
divin; ils restent dans l'ordre naturel de l'histoire des
anciennes religions, surtout des religions sémitiques.
En effet, le prophétisme n'est pas un phénomène
particulier au peuple d'Israël. Il n'est pas de société
humaine qui, à un moment donné de son existence,
n'ait eu, sous un nom ou sous un autre, ses interprètes
de la divinité, ses hommes de Dieu. Chez tous les peuples
de l'antiquité et aujourd'hui encore parmi les nations
qui n'ont pas dépassé un certain degré de culture et
qui sont très rapprochées de la situation sociale des
âges primitifs, il s'est rencontré et on rencontre des
hommes qui se sont attribué ou s'attribuent, avec une
entière bonne foi, le pouvoir surnaturel de lire dans
l'avenir et de communiquer à ceux qui les entourent
les décisions de la volonté divine, dont ils sont ou dont
ils croient être les organes. Tous les peuples sémitiques,
notamment ceux qui touchent de plus près à Israël,
ont eu leurs prophètes. Les Arabes n'ont pas cessé d'en
avoir. Le prophétisme caractérise en quelque sorte la
race sémitique. Toutefois, il s'est produit aussi dans
les races indo-européennes. La Grèce eut ses navreiç, ses
devins possédés de la [iavia ou fureur prophétique, et
cet ordre de faits donna lieu à une science spéciale, la
mantique. La Gaule et la Germanie eurent leurs inspi-
"rées, leurs prophétesses. Dans la plupart des cas, le
prophétisme ne s'éleva pas très haut et ne dépassa guère
les modes ordinaires de la divination. Si chez les Hé-
breux il fut supérieur à ce qu'il apparaît ailleurs, il" ne
faut pas cependant changer sa supériorité relative en
singularité absolue.
Il présente, en effet, dans ses manifestations exté-
rieures, des ressemblances avec le prophétisme des-
autres peuples. Ce que la Bible rapporte des prophètes
d'Israël, de leur genre de vie, de leur mode d'action,,
ressemble étonnamment à ce que nous savons des
devins païens. On constate, chez les uns et chez les-
autres, la révélation par les songes, une violente exal-
tation de l'imagination dans l'exercice même de la
prophétie, l'union de la vaticination avec l'art de la
médecine et la poésie. Leur histoire a été embellie par
la légende, et leur existence n'est signalée qu'à l'âgé
héroïque des peuples anciens. On est ainsi ramené à
une loi historique générale. Le prophétisme est com-
mun à tous les peuples, et il est une manifestation
propre aux temps héroïques. Le peuple d'Israël n'est
donc pas, sous ce rapport, une exception dans le monde,
et son prophétisme rentre dans les analogies de l'his-
toire. D'ailleurs les récits bibliques, dépouillés de leur
caractère légendaire et de leur interprétation surnatu-
relle des faits prophétiques, se ramènent très facile-
ment aux conditions ordinaires du développement des
idées religieuses.
Que penser de ces principes et de cette méthode? Il
n'est pas exact, d'abord, que le prophétisme n'ait existé
qu'aux âges héroïques de l'histoire, puisque les peuples
païens ont eu leurs devins aux époques de la plus
grande civilisation et en pleine histoire. Quant à la
méthode employée pour ramener le prophétisme hé-
breu aux lois et aux conditions ordinaires, elle n'est
qu'une application spéciale de l'étude comparée des
religions, comme si les ressemblances constatées prou-
vaient l'identité de nature et de conditions. Mais ces
ressemblances sont purement extérieures, partielles
et isolées, et elles ne constituent souvent que de simples
analogies. On ne peut donc sans paralogisme conclure
à l'identité de cause, d'autant qu'à côté des ressem-
blances, si multiples qu'elles soient, il y a de très
grandes différences, et la supériorité du prophétisme
hébreu sur les autres n'est niée par aucun critique.
Ces différences et cette transcendance exigent donc
une autre origine, des causes différentes et supérieures
aux causes naturelles, par suite une cause surnaturelle
qui est précisément l'inspiration divine, attestée dans
la Bible. Voir Prophète et Prophétie. Les ressem-
blances purement extérieures s'expliquent par l'iden-
tité de quelques moyens, employés par Dieu même
pour produire parmi son peuple de choix, les mêmes
effets que la divination produisait chez les peuples
païens, pour s'adapter aux mêmes dispositions du cœur
humain et donner satisfaction aux mêmes aspirations.
Cf. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l'his-
toire des religions, Paris, 1885, p. 244-260, 321-326, 412-
414. L'interprétation naturaliste des récits bibliques,
faite en vue de leur enlever tout caractère surnaturel
et divin, repose sur un principe a priori, étranger à
la science véritable, et n'est pas capable de faire im-
pression sur un esprit exempt du préjugé rationaliste.
II. Développement prétendu du prophétisme hé-
breu. — Le prophétisme a passé en Israël par trois
périodes distinctes et caractéristiques : 1° celle des
débuts sous Samuel; 2° une période de transition jus-
qu'à Élie et Elisée, sous Achab ; 3° celle des prophètes
écrivains, qui va du vm e siècle au iv= avant Jésus-
Christ.
r. période des débuts sous samvel. — Tous les cri-
tiques soi-disant indépendants sont actuellement d'ac-
cord pour placer l'apparition du prophétisme propre-
ment dit en Israël vers la fin de la période des Juges,
sous Samuel, qui est lui-même un des premiers pro-
phètes, sinon même le premier des prophètes au moins
d'une catégorie particulière-. En effet, si quelques-uns
confondent encore tous les prophètes de cette époque
dans une seule classe d'hommes divinement inspirés et
737
PROPHETISME
738
exaltés, groupés autour de Samuel, leur chef, la plu-
part distinguent, à l'origine, deux catégories de pro-
phètes, de nature et d'esprit fort différents, celle des
voyants et celle des nebi 'im enthousiastes et extatiques.
1° Les voyants. — Dans les parties anciennes de la
légende de Samuel, celui-ci est appelé rô'éh, « voyant».
Il tient du devin et du prêtre. C'était un simple sor-
cier, que, dit-on, l'on consultait sur des ânesses per-
dues et qu'on n'abordait qu'un cadeau à la main,
I Sam., ix, 6-9, comme Balaam. Num., xxn, 17, 18;
xxiv, 11-13. Il fondait son autorité sur des signes, I Sam.,
x,l-8, et il jetait les sorts pour savoir qui serait roi,
20-22. Il s'occupait donc déjà de politique. Parfois ce-
pendant, sa fonction se rehaussait, et il annonçait l'ave-
nir. Tous les critiques ne sont pas d'accord sur la nature
des voyants, selon qu'ils tiennent les détails de la vie de
Samuel pour historiques ou légendaires. Kraetzschmar,
Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et Leip-
zig, 1901, p. 6-12, tient le voyant pour une personne
que l'on consulte au sujet des affaires ordinaires de la
vie privée, et qui ne s'en occupe que selon sa science
et «a sagesse naturelles. Il ne se considère pas comme
un représentant de la divinité. Il ne recourt qu'à des
moyens naturels pour découvrir les forces secrètes de
la nature. 11 voit ce que les autres ne voient pas, mais
sans agitation ni extase, et il dit clairement ce qu'il
voit d'après certains indices ou même une illumination
intérieure. Il n'a aucun rapport avec le jahvéisme, et
il est peut-être antérieur au jahvéisme. D'autres peuples
avaient des voyants de même nature; ainsi Balaam en
Mésopotamie. La profession de voyant n'a aucune rela-
tion ni avec la nationalité ni avec la religion, et les
premiers voyants d'Israël n'ont exercé aucune influence
sur la religion de leurpeuple. Pour Smend, au contraire,
le voyant et le prêtre étaient primitivement apparentés ;
tous deux rendaient des oracles divins. Chez les Sé-
mites, ils avaient élé d'abord identiques. Le mot hé-
breu kôhen, « prêtre », signifie « voyant », kâhin, dans
l'ancien arabe. Avant d'être voyant, Samuel avait été
prêtre à Silo avec Héli La principale différence a con-
sisté en ce que le charisme du voyant a un caractère
plus personnel que celui du prêtre, qui est social. Il
se rapproche ainsi du ndbï. Lehrbuch der altlestd-
mentlichen lieligionsgeschichte, 2 e édit., Fribourg-
en-Brisgau, 1899, p. 92-93. Cette dernière théorie est
démentie par les faits, et au lieu que le prêtre soit ori-
ginairement un devin, le devin n'est chez les Sémites
qu'un prêtre dégradé. Cf. J. Lagrange, Éludes sur les
religions sémitiques, 2 B édit., Paris, 1905, p. 218. Si les
anciens rationalistes regardaient les voyanls d'Israël
comme les successeurs de Moïse et les continuateurs
de son oeuvre religieuse et morale, la plupart des ra-
tionalistes récents pensent que Samuel a inauguré la
série et que le peuple d'Israël n'avait pas eu dévoyants,
ni au désert, ni au commencement de son installation
au pays de Chanaan. M. Loisy cependant estime que les
voyants d'Israël, Débora et Samuel, ont fait suite à
Moïse et ont rendu, comme lui, des oracles au nom de
Jéhovah, tout en s'occupant d'ordinaire d'intérêts pri-
vés. La religion d'Israël, Paris, 1901, p. 60. Organes de
Jéhovah, les voyants ne sont pas les prédicateurs de leur
Dieu, parce qu'ils n'avaient pas besoin de le prêcher.
2° Les nebî'îm. — A la même époque apparaissent
des prophètes enthousiastes et possédés de la divinité.
Ils sont mentionnés pour la première fois dans la lé-
gende de Samuel, et les personnages antérieurs, Abra-
ham, Moïse, Marie, Débora, sont nommés prophètes ou
prophétesses par projection des notions du temps de
l'écrivain dans le passé qu'il raconte. Les premiers
nebi 'îm, contemporains de Samuel, n'étaient ni des
devins, ni des prêtres. Ils ne rendaient pas d'oracles
et, à plus forte raison, n'instruisaient pas le peuple.
C'étaient des exaltés, des corybanles extatiques, réunis
DICf. DE LA BIBLE.
en groupes et formant des associations. Ils prophéti-
saient par leurs cris et leurs attitudes, au son des ins-
truments de musique. Saiil qui les rencontra en reve-
nant de chez Samuel, fut saisi par l'esprit du Seigneur
et prophétisa avec eux; il devint un autre homme, de
telle sorte que ceux qui" l'apprirent disaient : « Saûl
est-il donc du nombre des prophètes? » I Sam., x, 5,
6, 10-12. C'étaient des hommes obscurs, dont personne
ne connaissait l'origine, ou des gens mal famés, sans
naissance, ni bonne renommée. Saiil, seul et isolé, eut
dès lors des accès particuliers, qu'on attribuait à l'es-
prit mauvais de Dieu. 11 prophétisait, c'est-à-dire faisait
l'insensé dans sa maison, et on était obligé de recourir
à un harpiste pour le calmer. I Sam,, xvi, 14-16, 23;
xviii, 10; xix, 9. Les soldats envoyés par lui pour
prendre David, qui s'était réfugié à fiamatha, rencon-
trèrent une troupe de ces nebi 'im qui prophétisaient
et, saisis par la contagion, se mirent à prophétiser eux
aussi. D'autres émissaires, envoyés après eux, furent
encore gagnés par l'exemple et le même fait se pro-
duisit une troisième fois. Saùl enfin se mit en route et,
chemin faisant, il fut saisi par l'esprit prophétique, et
se dépouillant de ses vêtements, il tomba par terre et
prophétisa tout nu ce jour-là et la nuit suivante, de
sorte qu'il passa dès lors en proverbe de dire : « Saûl
est-il donc du nombre des prophètes? » I Sam., xix,
20-24. Ces nebi'im, auxquels Saiil se mêla à deux re-
prises, étaient donc de véritables corybantes, qui se
procuraient une ivresse orgiastique, et dans leur enthou-
siasme extatique se livraient à des actes de folie sacrée.
Selon M. Loisy, op. cil., p. 60, ces inspirés « n'étaient
censés les organes de Jahvéh qu'à raison des phénomènes
extraordinaires qui se manifestaient en eux ». Toute-
fois, selon Smend, op. cit., p. 79, ils rendaient des ora-
cles durant leur extase.
Les critiques rapportent généralement leur origine à
l'époque de leur première mention dans l'histoire d'Is-
raël. Le nabisme parait alors nouveau, extraordinaire,
mal défini encore. Budde, Die Religion des Volkes
Israël bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 90. Il est
donc, selon ce critique, d'origine palestinienne. Cornill,
Der israelitische Prophelismus,b e édit., Strasbourg,1903,
p. 12, qui fait dériver le mot nâbV d'une racine arabe,
en conclut que l'Arabie a été la patrie du prophétisme.
Cf. Cheyne, Encyclopsedia biblica, Londres, 1902, t. m,
col. 3857. Mais la plupart des critiques lui reconnaissent
une origine chananéenne. « Baal avait de ces confréries
et cette forme inférieure du prophétisme aura passé
des Chananéens aux Israélites. » A Loisy, op. cit., p. 60.
Kraetzschmar, op. cit., p. 10, a cherché à expliquer leur
apparition en la rattachant à l'oppression des Israé-
lites par les Philistins à la fin de l'époque des Juges.
Des fanatiques de Jahvéïî se levèrent alors pour soute-
nir la supériorité de leur dieu national sur l'idole
Dagon des Philistins et pour maintenir en Israël le culte
de Jahvéh. Leur enthousiasme religieux produisit les
accès de folie religieuse, qu'on remarque chez eux, qui
frappèrent l'attention des foules et les rattachèrent plus
fermement ou même les ramenèrent au culte de leur
dieu. Ils continuèrent leurs manifestations religieuses
sous le règne de Saùl, qu'ils avaient entraîné dans leur
parti. Leur exaltation religieuse se compliquait d'une
exaltation psychique, maladive, qui les poussait à l'ac-
tion et qui développa une piété plus ardente envers le
dieu national. Budde, op. cit., p. 90-94. Toutefois, pense
ce critique, loc. cit., p. 90, il reste toujours possible
que le nabisme ait existé déjà auparavant en Israël, au
moins dans une partie du peuple, et que, après un long
assoupissement, il ait pris sous l'oppression philisline
une signification et une ampleur, jusque-là. inconnues.
II. PÉRIODE DE TRANSITION JUSQU'A ÉLIE EV ELISÉE
sous AcHAB. ~~ Durant cette période, les voyants et les
prophètes se sont rapprochés au point de se confondre
V. - 24
739
PROPHETISME
740
enfin dans la personne d'Elisée. L'enthousiasme des
nebî'tm s'alténue fortement; les prophètes cessent d'être
hors de raison; ils deviennent voyants et reçoivent des
communications de Jéhovah. D'autre part, les voyants
prennent quelques allures extraordinaires des anciens
prophètes exaltés et font des actes plus singuliers que
ceux qui sont attribués à Samuel dans les anciens ré-
cits. Élie et Elisée inaugurent un ministère, qui est
une sorte d'apostolat par protestation contre l'introduc-
tion de Baal et des dieux étrangers en Israël. Autour
d'Elisée, qui était un voyant, se groupent des troupes
d'inspirés; ils devinrent ses disciples, et ils ont des ré-
vélations. Les voyants prenaient alors le nom de pro-
phètes, et les inspirés sont appelés fils de prophètes.
Suivant la remarque de Kraetzschmar, op. cit., p. 23,
il n'est pas toujours facile de discerner dans l'histoire
de cette période de transition, à quelle catégorie des
voyants ou des prophètes il faut ranger certains per-
sonnages, et il se peut que, dans les anciens récits, le
nom d'un groupe ait été attribué à des individus de
l'autre groupe. Par suite, les critiques ne sont pas d'ac-
cord sur le classement pas plus que sur certains dé-
tails, dont ils admettent ou contestent l'historicité.
Ils relèvent cependant, même chez les prophètes
Élie et Elisée, qui paraissent être les successeurs des
voyants, des traces du caractère extatique des anciens
neb'îîm. Ainsi Élie courut au galop devant le char
d'Achab durant tout le trajet du Carmel à Jesraël.
I (III) Reg., xviii, 44-46. Elisée irrité eut besoin d'ap-
peler un harpiste pour calmer son courroux et se
procurer à l'aide de la musique l'inspiration prophéti-
que. II (IV) Reg., m, 15. Quand ce prophète envoya un
de ses disciples pour oindre .léhu, ce fils de prophète
remplit sa mission, seul, sans témoin, dans la chambre
de Jéhu, et dès qu'il eut fini, il ouvrit aussitôt la porte
et s'enfuit. Les soldats demandèrent à leur chef :
« Pourquoi ce fou est-il venu te trouver?» II (IV) Reg.,ix,
1-11. Ce terme de jjjm, « fou, insensé », servait à dési-
gner les prophètes. Cf. Ose., îx, 7, 8; Jer., xxix, 26.
La conduite du fils de prophète, qui se fait frapper par
un passant, et qui, couvert de son turban, se présente
au roi Achab et lui propose un cas de conscience, paraît
bien extravagante. Aussi, lorsqu'il eut enlevé le linge
qui couvrait son visage, le roi le reconnut pour un
prophète, pour un homme exalté et singulier. I (III) Reg.,
xx, 35-41. Kraetzschmar, op. cit., p. 9, après Stade, a
même cru reconnaître dans cet épisode une preuve
que les fils de prophètes portaient sur le front entre
les yeux des cicatrices sacrées, que ce critique a appe-
lées des « marques de Jahvéh », tatouage qui distinguait
ceux qui appartenaient à ce dieu et qui se plaçaient
sous sa protection spéciale. Un nabi' ne voulait-il pas
être reconnu, il couvrait son front d'un linge et cachait
ses cicatrices caractéristiques. Achab reconnut à ce
signe le fils de prophète, qui s'était présenté à lui ainsi
voilé. Pour les mêmes signes aux mains, on renvoie à
Zach., xui, 3-6. Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits
prophètes, Paris, 1908, p. 686-687. C'est parce que le
ndbî' et le fils de nâbî' étaient encore mal considérés
et passaient pour des insensés qu'Amos, le premier
prophète écrivain, déclare qu'il n'est ni ndbi' ni fils
de nâbï, vu, 14.
Élie, dans la légende et dans l'histoire, apparaît comme
la personnification idéale du prophète puritain de Jého-
vah. Il est isolé. Une vraie pensée religieuse l'anime,
quoiqu'elle soit empoisonnée par un sombre fanatisme.
C'est un jéhoviste intégral, c'est-à-dire un adorateur de
Jéhovah, dieu bon, juste, quoique sévère, exigeant un
culte moral, en esprit et en vérité, Sous le règne
d'Achab, qui favorisait le culte de Baal, la religion
nationale* courait de grands risques. Le prophète se fit
l'apôtre de son Dieu; mais c'était un apôtre ardent,
fougueux, exalté, qui ne recula pas devant l'emploi de
moyens violents pour faire triompher ses idées ieli-
gieuses et morales. Il est entré en lutte ouverte avec
Achab et a fait égorger les prêtres de Baal. Mais la
légende l'a peut-être fait plus fanatique qu'il n'était en
réalité. Son disciple, Elisée, continuateur de son esprit,
est entouré de fils de prophètes, c'est-à-dire de nebî'im
proprement dits, qui étaient de la même catégorie que
les nebî'tm exaltés du temps de Samuel. C'étaient des
adorateurs fervents de Jahvéh qui s'élevèrent, à cette
époque de crise nationale et religieuse, pour l'honneur
d'Israël et de son Dieu. Ils protestaient contre l'intrusion
du culte étranger et polythéiste de Baal. Budde, op. cit.,
p. 94. Elisée les avait organisés en corporations, sur la
nature et le but desquelles on est loin d'être d'accord.
Généralement, on admet qu'on s'y exerçait à l'art pro-
phétique et qu'on y recourait à des moyens naturels,
à des recettes, à des procédés pour exciter l'inspiration.
« La plupart d'entre eux, dit M. Maspero, Histoire des
peuples de l'Orient classique, Paris, 1897, t. h, p. 749,
étaient installés auprès des temples, et ils y vivaient en
termes excellents avec les membres du sacerdoce
régulier. Ils y répétaient au son des instruments les
chants où les poètes d'autrefois avaient exalté les
exploits de Jahvéh, et ils en extrayaient la matière des
histoires semi- religieuses qu'ils racontaient sur l'origine
du peuple, ou hienils s'en allaient prêcher à l'aventure
dès que l'esprit les saisissait, isolés, ou le maître avec
son disciple, ou par bandes inégales. Le peuple se pres-
sait autour d'eux, écoutant leurs hymnes ou leurs his-
toires de l'âge héroïque; les grands, les rois mêmes
subissaient leurs visites et enduraient leurs reproches
ou leurs exhortations avec un respect mêlé de terreur. »
Et M. Loisy, op. cit., p. 61, conclut : « L'institution
semble décliner après la mort d'Elisée, et elle n'a pas
dû, en tout cas, survivre au royaume d'Israël. Amos,
Osée, Isaïe ne sortent pas de ce milieu. »
lll. PÉRIODE DES PROPHÈTES ÉCRIVAINS, DU VIW AU
IV SIÈCLE. — Ces prophètes sont en progrès notable
sur les précédents. Ils tiennent encore du devin, mais
ils n'ont plus rien du prêtre. Ils sont les héritiers de
Samuel et des voyants et non des nebi'îm exaltés, dont
pourtant ils portent le nom, mais avec une autre signi-
fication. Ons les consultait encore, comme on avait
consulté Samuel, sur toutes sortes de sujets, et ils ré*
pondaient à toutes les questions. « Les rois d'Israël et
de Juda, avant de partir en guerre, interrogent les pro-
phètes sur le succès de leurs expéditions. Beaucoup
d'individus faisaient métier d'annoncer l'avenir et de
fournir des renseignements sur les choses cachées, le
tout au nom de Jahvéh, mais comme ils l'auraient fait
au nom de Camos en Moab : ce sont ceux que l'Écriture
appelle faux prophètes, et qui pratiquaient, en quelque
façon, la divination pour elle-même. Les vrais pro-
phètes exercent aussi la divination, mais en vue d'une
fin supérieure, et les réponses qu'ils donnent au nom
de Jahvéh sont en rapport avec le caractère moral de
leur Dieu. Dans le temps et le milieu où ils vivaient, un
enseignement dogmatique n'aurait eu aucune prise sur
le commun des hommes. On eût mieux aimé recourir
aux sorciers que de se passer d'oracles. Les vrais pro-
phètes en ont donc rendu, et beaucoup, selon que
l'Esprit les leur suggérait; mais nous les voyons de
bonne heure subordonner leurs réponses à un principe
général, à une condition religieuse et morale qui peut
se résumer en ces termes : Jahvéh vous protégera si
vous lui êtes fidèles; il vous abandonnera si vous
l'abandonnez. Et comme ils en viennent de plus en
plus à s'occuper des intérêts généraux de la nation,
leurs prédictions se transforment progressivement en
véritables prédications sur la^providence de Jahvéh, ses
desseins, sa justice, les moyens de prévenir ses châti-
ments et d'avoir part à sa miséricorde. » A. Loisy,
op. cit., p. 61-62.
741
PROPHÉTISME
742
Ces prophètes ne se bornaient donc pas à prédire
l'avenir; ils enseignaient une doctrine complète, qu'ils
prêchèrent d'abori et qu'ils écrivirent ensuite, pour
que leurs successeurs et la postérité en tirent profit.
Sous ce rapport même, les critiques rationalistes
exagèrent et faussent l'influence des prophètes du vm e
siècle, quand ils en font les créateurs du monothéisme
et les fondateurs de la théocratie. A l'époque d'Élie et
d'Elisée, la religion d'Israël n'avait pas encore rompu
complètement avec l'idolâtrie. Ces prophètes, qui com-
battent avec la dernière énergie le culte de Baal, ne
disent rien contre l'adoration du veau d'or à Béthel.
Leur jéhovisme cependant est déjà monolâtre, puisqu'il
n'est jamais fait mention d'un autre dieu, pas même
d'une déesse compagne et épouse. Les prophètes du
vm e siècle sont monothéistes. Jéhovah, pour eux, est le
vrai Dieu, Je Dieu universel, maître du monde entier,
unique par nature, invisible et spirituel, saint, juste et
miséricordieux. Une fois en possession de cette idée
monothéiste, obtenue par la comparaison du dieu na-
tional avec les dieux des peuples voisins, par la consta-
tation de sa supériorité et finalement par la conclusion
de son unicité et de sa supériorité universelle, ils s'en
firent les apôtres et les prédicateurs. Ils travaillèrent à
la faire accepter par les rois, les prêtres et le peuple
lui-même. La lutte fut longue et le triomphe ne fut défi-
nitif qu'après le retour de la captivité de Babylone.
Ils furent aussi les créateurs du culte moral. Aupara-
vant, Jéhovah n'était honoré que par des actes extérieurs
et par des sacrifices. Les prophètes découvrent que le
Dieu unique et véritable demande le culte du cœur, la
justice, la vertu, l'obéissance à sa loi, supérieure aux
victimes et aux sacrifices. Ainsi donc, c< la critique
historique ne s'est pas bornée à détruire les croyances
traditionnelles, ainsi qu'on l'en accuse trop souvent.
Elle a reconstruit après avoir démoli. En replaçant les
prophètes d'Israël dans leur véritable milieu historique,
elle a fait ressortir leur incomparable originalité, la
haute valeur de leurs prédications enflammées; elle a
reconnu en eux de véritables ancêtres de la conscience
moderne, et s'ils ont perdu leur caractère miraculeux,
ils y ont infiniment gagné en grandeur morale. »
i. Réville, Le prophétisme hébreu, Paris, 1906, p. 2.
Mais enfin, en quoi consistait donc, au sentiment de
ces critiques, l'inspiration des prophètes, hommes
d'action et écrivains? L'ancien rationalisme, celui de
Voltaire et des encyclopédistes, ne voyait dans les pro-
phéties que de pures conjectures sur l'avenir religieux
et politique, capables de séduire les simples et d'en-
flammer les fanatiques, ou bien des prédictions post
eventum, c'est-à-dire l'histoire du passé écrite sous
forme de prophétie, donc un procédé littéraire employé
pour attirer l'attention, frapper l'imagination et aider
la mémoire. Les rationalistes plus récents ont rejeté
cette fausse conception et réduit les oracles post even-
tum à un minimum de prédictions trop claires. Pour
eux, l'inspiration des prophètes d'Israël, sans
être surnaturelle et directement divine, est cependant
réelle et religieuse. Ils y sont allés par degrés. Les
prophètes d'Israël ont d'abord été des prédicateurs
d'une doctrine élevée, des hommes d'une foi profonde,
des orateurs inspirés par de grandes pensées, qui attri-
buaient à Jahvéh leur propre inspiration. Mais cette
inspiration provenait de leur exaltation religieuse; ils
la puisaient dans leur enthousiasme pour la vraie reli-
gion. Ils se mettaient constamment en rapport avec
Dieu, et ils se regardaient comme ses serviteurs et ses
messagers. Dieu, la religion, la morale étaient l'objet
de leurs principaux discours. Ils rattachaient toutes
leurs paroles à un ordre d'idées purement religieux;
mais ils s'inspiraient toutefois réellement de leurs
propres convictions, qu'ils attribuaient à Dieu. Des
critiques plus récents ont reconnu cependant dans ce
sentiment religieux une action de Dieu, réellement
exercée dans l'âme des prophètes. La prophétie ne
vient pas de Dieu en ce sens seulement qu'elle est,
comme toutes les œuvres humaines, produite par les
facultés que Dieu a données à l'humanité. Il y a plus.
Le prophète a conscience que la pensée qui lui vient,
que la conviction qui s'empare de son esprit, n'est pas
de lui, qu'elle ne lui est pas arrivée par la voie ordi-
naire du raisonnement, et il l'attribue à Dieu. Pour-
quoi? Parce qu'il n'en trouve pas la source en lui. Il
se sent inspiré, il le déclare, et nous ne pouvons douter
de sa parole. Bien que les idées prophétiques ne lui
aient pas été communiquées par révélation surnatu-
relle, elles sont de Dieu, parce que la disposition qui
les a produites dans l'esprit du prophète est l'œuvre de
Dieu en lui. L'esprit de Jéhovah est entré et a agi dans
l'esprit de l'homme. Les prophètes expliquaient ainsi
l'obsession intérieure d'une grande pensée qui rem-
plissait leur âme et dont l'origine psychologique échap-
pait à leur conscience. Ils étaient sincères, et leur
inspiration venait de Dieu en quelque manière.
Voir "Knobel, Der Prophetismus der Hebràer, 1837;
*M. Nicolas, Du prophétisme hébreu, dans Éludes cri-
tiques sur la Bible, Ancien Testament, Paris, 1862,
p. 301-442; *A. Kêville, dans la Revue desdeux mondes,
juin 1867, t. lxix, p. 823; "Dillmann, Veber die
Propheten des alten Bundes, 1868; "Kuenen, Histoire
critique des livres de l'Ancien Testament, trad. franc.,
Paris, 1879, t. n, p. 1-52; Id., De profeten en de
profetie onder Israël, 1875; trad. anglaise, Londres,
1877; 'Robertson Smith, The prophets of Israël and
their place in history, Edimbourg, 1882;* Darmesteter,
Les prophètes d'Israël, Paris, 1895; "Cornill, Der
israelitische Prophetismus, 1894; 4» édit., Strasbourg,
1906; * Giesebrechl, Die Berufsbegabung der altlesta-
mentlichen Propheten, 1897; *S. Michelet, Israels
Propheten als Trager der Offenbarung, trad, alle-
mande, Fribourg-en-Brisgau, 1898; *Smend, Alttesta-
rnentliche Religions geschichte, 2 e édit., Fribourg-en-
Brisgau, 1899, p. 78-93, 187-200, 253-264; 'Kraelzschmar,
Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et
Leipzig, 1901; *A. Sabatier, Esquisse d'une philosophie
de la religion, 7» édit., Paris, 1903, p. 154-162;
*B. Stade, Biblische Théologie des Alten Testaments,
Tubingue, 1905, t. i, p. 124-126, 131-132, 204-212;
M. Réville, Le prophétisme hébreu. Esquisse de son
histoire et de ses destinées, Paris, 1906.
III. Critique. — Les preuves, précédemment données
aux articles Prophète, col. 711, et Prophétie, col. 730,
de l'inspiration divine des prophètes d'Israël rendent
inadmissible \e prophétisme, qui n'est qu'un essat
d'explication naturelle d'un phénomène surnaturel et
divin. Par conséquent, nous pourrions nous borner à
conclure que l'institution prophétique en Israël et que
son développement séculaire ne se justifient pas par
les seuls agents de l'histoire, et qu'ils dépendent d'une
vertu surnaturelle, que les prophètes eux-mêmes ont
nommé l'Esprit de Dieu. Cependant, comme cet Esprit
divin a pu se servir des causes secondes agir et se
manifester diversement suivant les temps et les milieux,
il se pourrait qu'il y ait quelque vérité dans ses mani-
festations extérieures, telles que les critiques les dé-
crivent, en ne tenant pas suffisamment compte de la
puissance surnaturelle qui agit. Il y a donc lieu de se
demander si les conclusions des critiques sur le déve-
loppement de la prophétie en Israël ne sont pas cer-
taines et conciliables avec l'action divine sur les pro-
phètes.
1° La distinction entre les voyants et les prophètes
au temps de Samuel, si elle était démontrée, pourrait
se concilier avec l'enseignement catholique, et elle
prouverait seulement la diversité des dons divins et
des manifestations prophétiques. Mais elle est loin
743
PROPHÉ.TISME
744
d'être certaine, et les raisons invoquées pour prouvera
la séparation complète de ces deux catégories d'hommes
inspirés ont paru insuffisantes à M. Jean Réville lui-
même, Le prophétisme hébreu, p. 9. On recourt à des
traditions différentes, qu'on prétend discerner dans les
récits actuels des livres dits de Samuel. Mais la ré-
flexion du rédacteur, I Sam., îx, 9, montre qu'il n'y
avait pas, dans les documents qu'il connaissait, de
différence bien tranchée entre le rô'éh et le nâbV.
D'ailleurs, Samuel, que Saûl va consulter, n'ignore
pas les nebi'îm, dont il annonce la rencontre au futur
roi comme^signe de la vérité de la communication
divine et de la voeation à la royauté. I Sam., x, 5-7.
Quand David s'est réfugié auprès de Samuel à Ra-
matha, Je voyant préside tes scènes prophétiques des
nebi'îm. I Sam., xix, 18-20, 24. Ainsi donc, dans les
deux seules circonstances dans lesquelles il est ques-
tion de ces nebi'îm, Samuel, le voyant, est en rela-
tions avec eux. C'est un indice certain que la distinc-
tion des deux catégories de prophètes n'est pas aussi
évidente qu'on le prétend, et pour l'introduire il faut
attribuer au rédacteur du livre un travail de concilia-
tion de deux traditions dont la diversité n'est pas dé-
montrée. M. Van Hoonacker distingue les prophètes
de vocation personnelle, tels que Amos, etc., des pro-
phètes par état et consécration volontaire. Ceux-ci ont
été groupés à l'époque de Samuel et de Saûl, puis,
dans le royaume du nord, autour d'Élie et d'Elisée.
Du sein de ces corporations sortaient parfois de véri-
tables « hommes de Dieu », distingués par une voca-
liùn personneïïe. Mais aussi de ces prophètes par état
provenaient les faux prophètes, qui se prétendaient
investis d'une mission d'en haut. Les douze petits pro-
phètes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-être
admise.
Quant à la nature des fonctions du voyant, on ne
peut les réduire à celles de devin et de sorcier qu'en
ne prenant dans les récits actuels que ce qui va à la
théorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des
Vtà&t&& ^revj&s,, \feYs> qw'w %\ijfeV à'àtiesses égarées,
I Sam., ix, 8, 9, Samuel avait reçu la veille une révé-
lation divine concernant Saûl et sa vocation à la
royauté, 15, 16; et Dieu lui en donne confirmation,
quand Saûl se présente, 17. I! n'a pas besoin d'être
mis au courant de l'affaire, et avant d'avoir été inter-
rogé, il renseigne sur le sort des ânesses, 20, et il
s'engage à révéler le lendemain à Saûl ses pensées les
plus intimes, 19. Si Saûl se préoccupe du cadeau à
offrir, c'est qu'il ne connaissait pas Samuel et que, sur
les renseignements de son serviteur, il le prenait pour
un devin ordinaire, 7. En fait, on ne raconte pas qu'il
lui ait offert la pièce d'argent, dont parle le serviteur,
8. Les événements furent tout autres que ceux qu'il
attendait, et le lendemain, Samuel le traita royale-
ment, 22-24. Plus tard, devant tout le peuple réuni,
Samuel déclara qu'il n'avait jamais reçu de présents
dans sa judicature, et le peuple le reconnut hautement.
I Sam., xil, 3-5. Si le sort est jeté pour le choix du
roi, c'est devant la face de Jéhovah, c'est-à-dire proba-
blement auprès de l'arche. I Sam., IX, 19. On n'en
peut conclure que Samuel était un vulgaire sorcier. En
outre, le voyant est appelé « homme de Dieu », I Sam.,
IX, 6, 7, 8, 10, nom donné à d'autres prophètes, qui
n'étaient pas des devins. J (III) Reg., xii, 22; xvn, 18;
II (IV) Reg., iv, 9. La prévision des signes donnés du
choix divin, I Sam., x, 3-7, n'a pu avoir lieu qu'en
vertu du don prophétique. Donc, le récit tout entier, le
seul sur lequel s'appuie la théorie du voyant, sorcier
ou devin, nous montre en Samuel, le premier voyant
connu, un véritable prophète. Donc, il d'est pas prouvé
que la prophétie hébraïque a tiré son origine de la
divination. Et s'il y a, entre quelques formes de la
prophétie primitive et la divination superstitieuse, des
nalogies extérieures, elles ne permettent pas de con-
clure à l'identité du fond. Elles indiquent seulement
que les premières manifestations de l'esprit prophé-
tique se produisirent sous des formes imparfaites,
adaptées aux usages de ces temps reculés et aux idées-
encore peu élevées du peuple juif. Pour le détourner
des pratiques superstitieuses des Chananéens, Dieu
daignait condescendre à la faiblesse humaine et donner
aux Israélites des moyens de communiquer avec lui et
de connaître ses volontés, même en des choses de-
moindre intérêt, par l'intermédiaire de ses prophètes,
comme il l'avait promis. Deut., xvm, 9-22.
Le soi-disant délire prophétique des nebi'îm exaltés
ne repose que sur quelques textes qu'on interprété
dans un sens défavorable. Saûl devait rencontrer une-
troupe de prophètes, qui descendaient du haut-lieu,
précédés d'instruments de musique et « prophétisant».
L'esprit du Seigneur devait se saisir de lui; lui-même
devait « prophétiser » et devenir un autre homme. Les
faits se passèrent comme Samuel l'avait annoncé. Saûl
rencontra les prophètes; l'esprit divin s'empara de lui,
et au grand étonnement des assistants, Saûl « prophé-
tisa » avec eux. I Sam., x, 5j 6, 10-13. Rien dans ce-
récit ne décèle des extatiques, et il n'est rien dit de la
nature de l'acte prophétique accompli. L'étonnemen
des assistants ne porte ni sur les qualités des nebî'im
ou la singularité de leurs actes, mais seulement sur le
fait que Saûl se mêle à eux et est saisi lui-même par
l'esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par
ces prophètes, voir t. n, col. 1569-1570. Si, dans sa
maison, Saûl commet plus tard des actes de fureur et
de folie, c'est qu'il était sous l'influence d'un esprit
mauvais, qui s'était emparé de lui et qui n'avait rien de
commun avec les actes prophétiques des nebî'inl. Une
seconde fois, I Sam. , xix, 18-24, il prit part aux actes des
nebi'îm, ainsi que les trois troupes de soldats qu'il avait
envoyées pour prendre David. Ici encore, les prophètes
« prophétisaient ». L'esprit du Seigneur saisit les sol-
dats, et ils prophétisent à leur tour. On parle de con-
tagion communiquant le dé\ire prophétique. Rien dan&
le texte ne l'indique. Il y a seulement une action de-
l'esprit divin, qui fait participer les soldats aux exer-
cices des prophètes, quels que soient d'ailleurs ces
exercices. Le cas de Saûl est plus compliqué. En che-
min et avant d'arriver à Ramatha, il est déjà sous
l'action de l'esprit et il se met à « prophétiser ». S'il
y a eu contagion, ça été contagion à distance. Arrivé à
Ramatha, il se dépouille de ses vêtements et il prophé-
tise avec les autres. « Et il tomba nu ce jour-là
et la nuit suivante. » On voit ici la chute cataleptique
de l'extase, en se référant à Balaam. Num., xxiv, 4,
16. Plusieurs commentateurs catholiques l'admettent,,
quoique von Gall, Zusammentsetzung und Herkunft
der Bileaviperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie la>
parité avec Balaam, et justement, semble-t-il, puisque
ce devin a des visions, que n'ont pas les nebi'îm de-
Saûl. Ce détail, joint à la nudité et à la longue durée
de l'extase, rend le cas de Saûl fort singulier et extraor-
dinaire. Ainsi entendu, il ne peut être généralisé et
appliqué à tous les nebi'îm. Il semble plutôt que c'est
un cas unique, qui s'explique, dans les circonstances
spéciales, par les mauvaises dispositions de Saûl contre
David, que Dieu voulait changer par une action plus
énergique. Quoi qu'il en soit, ce sont là les seuls ren-
seignements que nous ayons sur les nebî'îm exaltés,
contemporains de Samuel. Suffisent-ils réellement à.
justifier la théorie qu'on échafaude sur eux? Aussi-
n'est-on pas fondé à traduire mifnabbé'îm par « faisant
les fous, les insensés », ou bien « étant dans le délire
prophétique ». On n'a pas de raison non plus d'attri-
buer l'occasion de leur exaltation religieuse à l'oppres-
sion des Israélites par les Philistins. Quand ils appa-
raissent dans les récits bibliques, les nebi'îm n'ont
"745
PROPHÉTISME
liff
.aucune relation avec cette situation politique. On ne la
suppose que par comparaison avec les betiê han-
nebi'îm, qui entourent Elisée et qui luttent avec lui
■contre Achab. On conjecture qu'une cause analogue a
provoqué l'élan prophétique du temps de Samuel. Tout
-cela ne sort pas du champ des hypothèses, et l'existence
des prophètes exaltés, véritables corybantes de Jahvé,
«'est pas prouvée.
D'autre part, nous sommes trop peu renseignés sur
^es actes des nebïim de cette époque pour nous faire
une idée juste de leur nature et de leur influence re-
ligieuse. En particulier, le côté extraordinaire de leurs
manifestations collectives nous échappe complètement,
■et c'est abuser de quelques ressemblances générales
que de les assimiler entièrement aux phénomènes con-
vulsifs d'autres mouvements analogues plus récents. On
■ne peut, en tout cas, leur enlever tout caractère reli-
gieux et il est légitime de penser que ces bandes orga-
nisées de dévots serviteurs de Jéhovah, courant le pays
au son des instruments de musique, priant et peut-être
prêchant, ont, en un temps de marasme religieux, pro-
duit une grande impression. Ils étaient une preuve
manifeste de l'action de Jéhovah en Israël et ils ont pu
-aboutir à relever le niveau religieux et moral de la
foule. L'Esprit de Dieu, qui agit différemment suivant
les époques et les milieux, a suscité un mouvement
■extraordinaire, capable d'exciter alors dans le peuple
la piété, l'espérance en Dieu et la confiance en l'avenir»
2° Si, comme nous le pensons, la première période
•du prophétisme en Israël n'a pas présenté les caractères
imaginés par les critiques rationalistes, la seconde pé-
riode, dite de transition, perd déjà par le fait même sa
caractéristique générale, car il ne peut y avoir transi-
tion d'un état qui n'a pas existé à un état futur. Élie
■diffère beaucoup moins de Samuel qu'on ne le pré-
tend, et c'est un indice assuré que la série des
voyants se continue sans modification essentielle, et
que, s'il y a progrès, il n'est pas aussi sensible qu'on
le dit. Ce qu'on appelle le « galop » d'Élie devant le
char d'Achab, accompli sous l'action divine, I (III)Reg.,
xvin, 46, avait sans doute pour but de frapper par sa
singularité l'esprit. du roi, au début de l'activité pro-
phétique d'Élie. Si Elisée demande un harpiste avant
de répondre à la consultation de .Tosaphat, II (IV) Reg.,
m, 15, ce n'était pas pour se préparer directement à
l'inspiration prophétique qui ne dépendait pas de
moyens extérieurs, mais de la seule volonté de Dieu;
c'étaitpour calmer l'irritation dont il s'était animé lui-
même en parlant au roi d'Israël. Il n'y a pas à s'étonner
que des soldats, ayant remarqué la fuite précipitée du
fils de prophète qui était venu sacrer Jéhu, l'aient
traité d'insensé. II (IV) Reg., IX, 11. Si l'épithète a le
sens injurieux ou méprisant qu'on lui donne, cela
viendrait du peu d'estime que ces soldats avaient pour
les prophètes. On ne doit pas faire grand fond sur une
injure ou une simple moquerie de caserne. Osée, IX,
dit seulement que le peuple traite d'insensé le pro-
phète dont les avertissements l'importunent et qu'à ses
.autres crimes il ajoute celui de persécuter ceux que
Dieu lui envoie. Dans sa lettre au prêtre Sophonie, le
faux prophète Séméias ne parle, selon son sentiment,
que des faux prophètes, des personnes qui feignent
être saisies de l'esprit de Dieu. Jer., xxix, 26. Si l'ex-
pression est injurieuse, elle vient d'un adversaire et
elle vise Jérémie, 27. Vraiment, on ne peut conclure
de ces faits que y&wa ait jamais été un nom ordinaire-
ment donné aux prophètes. Cf. Laur, Die Propheten-
namen des alten Testamentes, Fribourg, 1903, p. 38-40.
L'acte de ce fils de prophète qui se présente devant
Achab, la face voilée, n'est qu'une de ces actions sym-
boliques que les prophètes accomplissaient pourannon-
cer la volonté divine d'une manière plus expressive et
saisissante. Il se fait blesser pour paraître revenir du
combat. I (III) Reg., xx, 35-41. Quant aux prétendus
signes de Jéhovah que les prophètes auraient portés au
front et aux mains, c'est une de ces hypothèses singu-
lières qui ne résistent pas à un examen attentif.
On suppose gratuitement qu'il voile son tatouage qui,
découvert, le fait reconnaître par le roi pour un pro-
phète. C'est au symbolisme de son action que le roi
reconnaît son caractère prophétique. Zacharie. parle de
coups reçus par le faux prophète qu'il met en scène,
et le terme qu'il emploie ne peut s'entendre d'un ta-
touage antérieur de ses mains. Cf. Laur, op. cit., p. 54-
59. Si Amos, vu, 14, déclare à Amasias qu'il n'est ni
prophète ni fils de prophète, c'est qu'il est peut-être au
début de sa vocation et qu'il ne fait pas partie d'une
communauté de fils de prophètes. 11 n'en affirme pas
moins sa mission divine et il ne rejette pas un titre
qu'il regarderait comme injurieux, ne voulant avoir
rien de commun, pas même le nom, avec ces insensés
de prophètes. Il répond à l'insinuation malveillante
d'Amasias et il déclare qu'il ne fait pas profession de
prophète dans un but de lucre. Cf. Laur, op. cit., p. 39-
41, 50-51; A. Van Hoonacker, Les douze petits pro-
phètes, p. 269.
Quant aux benê han-nebYïm, on a pu les distinguer du
nâbi' de Jéhovah. Voir Laur, op. cit., p. 59-63. Les pre-
miers ne seraient pas des prophètes proprement dits
(quoique leur désignation biblique semble équivaloir à
celle de nebVîm), mais des hommes menant, sous la
direction d'un nâbï, un genre de vie déterminé, sans
être généralement doués de l'esprit prophétique. Sur
leurs associations, voir ÉCOLES DE prophètes, t. n,
col. 1567-1570. Quoi qu'il en soit, ces fils de prophètes,
groupés autour d'Elisée, ne présentent aucun de ces
caractères excentriques et violents qu'on a voulu attri-
buer aux prophètes exaltés du temps de Samuel. S'ils
en sont les successeurs, ils en ont continué, avec des
différences conformes aux temps, les fonctions et l'es-
prit. Leur organisation parait plus régulière et leur
action non moins efficace. Disciples des grands pro-
phètes, ils faisaient connaître au peuple leur doctrine
et ils ont contribué à arrêter l'invasion du polythéisme
en Israël. Ils étaient, dans cette œuvré, personnelle-
ment animés de l'Esprit de Dieu ; cet Esprit les inspi-
rait, les dirigeait et favorisait leur succès : ce qui appa-
raît tout à fait digne de l'action directe de Dieu sur son
peuple choisi.
3° Les prophètes de la troisième période ne diffèrent
donc pas essentiellement de ceux des périodes antécé-
dentes. Us continuent leur œuvre de direction et
d'enseignement par des moyens nouveaux, plus parfaits
en eux-mêmes peut-être ou selon notre mode d'appré-
ciation, mieux adaptés aux besoins de leur temps et
produisant, par l'écriture, des effets plus durables de
leur ministère prophétique. Distinguer des formes in-
férieures et des formes supérieures de l'inspiration
divine, c'est mesurer l'action de Dieu aux idées hu-
maines. Il reste cependant conforme aux lois de la
providence que, puisque Israël avançait progressive-
ment dans la civilisation, qu'il était plus directement
en rapport avec les grands empires polythéistes et qu'il
avait besoin de mieux comprendre la religion et le
culte spirituels, Dieu ait choisi de nouveaux moyens
d'entrer en communication avec lui était, si l'on veut,
recouru à des formes plus parfaites d'inspiration pour
éclairer ses prophètes. Ce développement et ce progrès
de l'esprit prophétique se comprennent très bien et se
justifient logiquement. Tls diffèrent, il est vrai, de ceux
que les critiques ont créés d'après leurs vues naturelles
et leurs idées rationalistes.
La seule remarque à ajouter est que les prophètes
du viii" siècle ne sont pas les créateurs du monothéisme.
La foi monothéiste d'Israël remontait aux origines de
ce peuple, constitué précisément pour en être le gar-.
747
PROPHÉTISME — PROPRIÉTÉ
748
dien dans l'humanité. Voir t. m, col. 1235-1237. Les
prophètes, nous l'avons dit plus haut, col. 717, ont été
assurément les apôtres et les propagateurs du mono-
théisme; mais ils ne l'ont pas fondé. La création du
monothéisme par les prophètes du vm e siècle, non seu-
lement n'est pas démontrée, mais encore elle se heurte
à des difficultés insurmontables qu'a bien fait valoir
l'abbé de Broglie, Questions bibliques, 2 e édit., Paris,
1904, p. 243-320. Leur rôle historique et l'influence des
prophètes d'Israël, tels que nous les avons exposés
précédemment, col. 717, ne sont pas pour cela amoin-
dris. De ce qu'ils les ont remplis et exercés sous l'in-
spiration divine, leur gloire n'en est pas diminuée. C'est
un honneur pour un homme d'avoir été l'instrument
intelligent, libre et docile de l'Esprit inspirateur. L'in-
spiration prophétique n'est pas une action mécanique
qui fait mouvoir des agents inconscients. Elle a sauve-
gardé, nous l'avons dit, avec la doctrine catholique, la
conscience, l'intelligence et la liberté des prophètes.
Tout en maintenant leur inspiration surnaturelle, nous
pouvons les saluer comme les plus grands hommes
d'Israël et les plus dignes représentants de Dieu dans
l'histoire du peuple choisi. La grandeur de l'œuvre
qu'ils ont accomplie est la marque la plus certaine que
Dieu a parlé par leur bouche. E. Mangenot.
PROPITIATOIRE (hébreu : kappôrét; Septante :
Uaurripiov, èîtiOena, ou seulement UaaT-^ptov; Vulgate :
propitiatorium), plaque d'or qui couvrait l'Arche d'al-
liance et portait les deux chérubins. Voir Arche d'al-
liance, t. i, col. 913-919.
1° Description, — Le propitiatoire était une plaque
d'or pur, longue de deux coudées et demie (l m 31) et
large d'une coudée et demie (0 m 78). Aux deux extré-
mités étaient placés les chérubins d'or battu, qui fai-
saient corps avec le propitiatoire. Les chérubins se fai-
saient face, et leurs ailes déployées vers le haut
couvraient le propitiatoire, en laisant vide l'espace du
milieu. Le propitiatoire était posé au-dessus de
l'Arche. Exod., xxv, 17-21 ; xxvi, 34; xxx, 6; xxxi, 7;
xxxv, 12; xxxvn, 6-9; xxxix, 35; xl, 20.
2° Destination. — 1. Le propitiatoire servait 1out
d'abord à couvrir l'Arche. Celle-ci, étant un coffre ou-
vrant par le haut et contenant différents objets, avait
naturellement besoin d'un couvercle. Exod., xxv, 21.
— 2. Le propitiatoire était de plus l'endroit où le Sei-
gneur communiquait avec Moïse. « Là je me rencon-
trerai avec toi et je te communiquerai, de dessus le propi-
tiatoire, du milieu des deux chérubins,tous les ordres que
je te donnerai pour les enfants d'Israël. » Exod., xxv,22.
« Lorsque Moïse entrait dans le Tabernacle de l'alliance
pour parler avec Jéhovah, il entendait la voix qui lui
parlait de dessus le propitiatoire placé sur l'Arche du
témoignage, entre les deux chérubins, et il lui parlait. »
Nnm., vu, 89. C'était là comme le trône de Dieu,
l'endroit où il manifestait sa présence et rendait ses
oracles. C'est cette présence ainsi manifestée que plus
tard les Juifs ont appelée sekînâh, « habitation ». Voir
Gloire de Dieu, t. m, col. 252; Oracle, t. iv, col. 1846.
On comprend dès lors pourquoi ce dessus du propitia-
toire restait vide, pour servir de résidence au Dieu
invisible et dont toute représentation était interdite.
Les arches égyptiennes, au contraire, portaient toujours
une image quelconque de divinité. Voir t. i, fig. 241,
242, 245, col. 913, 915, 918. - 3. Le jour de la fête de l'Ex-
piation, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint des
saints; là, prenant avec son doigt du sang du taureau
immolé, il aspergeait la face orientale du propitiatoire
et faisait sept autres aspersions devant le propitiatoire.
Il recommençait ensuite le même rite avec le sang du
bouc immolé. Lev., xvi, 14-15. Ces aspersions avaient
pour but de présenter à Jéhovah le sang des victimes
égorgées pour se le rendre propice.
3° Signification. — 1. Le mot kappôrét vient, d'après
quelques anciens auteurs juifs et quelques modernes,
de kâfar, « couvrir » ; il désignerait donc le propitia-
toire uniquement comme im§ï\j.a, « couvercle » de
l'Arche. Il est peu probable que les Hébreux aient at-
taché un sens aussi restreint au mot kappôrét, qui
n'est d'ailleurs employé qu'à propos de l'Arche. L'idée
de « couvrir » était tout à fait secondaire dans un
objet qui portait les deux chérubins et servait de trône
à la majesté divine. Puis, aurait-on appelé le Saint des
saints bel hak-kappôréf , « maison du couvercle »?
I Par., xxviii, 11. — 2. Les anciennes versions ont fait
dériver le mot du piel kippér, qui veut dire « par-
donner » et « expier ». Cf. Deut., xxi, 8; Ps. lxv, 4;
Jer., xvm, 23; Exod., xxx, 15; Lev., i, 4, etc. L'assy-
rien kuppuru ou kapdru a aussi le sens de « purifier,
essuyer ». Les takpirdli sont des purifications que
VûHpu applique à des personnes ou à des objets
divers. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens et
babyloniens, Paris, 1903, p. xxii-xxiii; Zimmern, Die
Keilinsckr. und dàs A. T., Berlin, 1903, p. 601. L'arabe
kaffdrah, dans le Coran, désigne une « expiation » ou
un « moyen d'expiation ». Cf. Hughes, Dicl. of Islam,
Londres, 1896, p. 259. Le sens de kappôrét comporte
donc certainement l'idée d'expiation. Les Septante
le rendent par î).a<7T^piov,du verbe llà<r»t.o\i.ixi, «expier,
rendre propice. » Dans l'Épître aux Hébreux, ix, 5, le
même mot désigne le kappôrét. La Vulgate l'appelle
propitiatorium, l'endroit de la propitiation. Le sens
du mot est donc surtout emprunté au rite de la fête de
l'Expiation. C'est invisiblement présent sur le kap-
pore'f que Dieu recevait les marques authentiques du
repentir d'Israël, c'est là qu'il accordait au peuple son
pardon. Là aussi Dieu communiquait ses volontés à
Moïse. Mais ces communications divines se firent après
Moïse par l'Urim et le Thummin et le texte de I Reg.,
Xiv, 18, à supposer qu'il n'ait pas été altéré, n'indique
nullement que L'Arche ait servi pour faire connaître
au grand-prêtre Achias la volonté divine. Tous les ans,
au contraire, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint
des saints pour y implorer le pardon divin. Il était
donc naturel que l'historien sacré parlât de la « maison
de la propitiation », bêt hak-kappôrét . I Par., xxvm,
11. Le propitiatoire d'or était en réalité le siège de la
royauté de Jéhovah sur Israël ; c'est de là qu'il comman-
dait, c'est là qu'il pardonnait. Au lieu d'être comme
un accessoire destiné à couvrir l'Arche, le propitiatoire
constituait au contraire la pièce principale, dont l'Arche
était comme la base. Aussi les écrivains sacrés aiment-
ils à appeler Jéhovah « celui qui siège entre les ché-
rubins ». I Reg., iv, 4; 11 Reg., vi, 2; IV Reg., xix,
15; I Par., xm, 6: Ps. lxxx (lxxix), 2; xctx (xcxvin),
1; Is., xxxvn, 16; Dan., m, 55. Cf. Bkhr, Symbolik
des tnosaischen Cultus, Heidelberg, 1837» t. i, p. 379-
382, 387-395. — 3. Saint Paul dit que Jésus-Christ a
été montré « comme Uaa-nîpiov, propitiatio, dans son
sang parla foi. » Rom., m, 25. Le mot D.ajTÎiptov a été
retrouvé dans un certain nombre d'inscriptions; il y
désigne un « moyen » ou un « objet d'expiation » ou de
« propitiation ». C'est bien le sens de l'hébreu kappo-
rêt. Quant à Notre-Seigneur, il est présenté par
saint Paul comme « moyen » ou « instrument d'expia-
tion »; il expie « dans son sang >> et on s'applique
cette expiation « par la foi. » Cf. F. Prat, La théologie
de saint Paul, Paris, 1908, p. 282, 287-289.
PROPOSITION (PAINS DE). Voir Pains de pro-
position, ii, 2°, t. iv, col. 1957.
PROPRIÉTÉ, droit en vertu duquel une chose ap-
partient en propre à quelqu'un.
I. A l'époque patriarcale. — 1» Dans le principe,
Dieu avait placé l'homme sur la terre en lui disant, à
749
PROPRIÉTÉ
750
lut et à tous ses descendants : kibsuhd, xaTaxvpie-jrxaxs
<vjt7|ç, subjicite eam, « soyez-en les maîtres. » Gen., i,
28. L'homme était ainsi constitué le propriétaire de la
terre, c'est-à-dire de tout ce qu'il pouvait en atteindre
par l'exercice de son activité. Les animaux furent
également mis à sa disposition. Gen., i, 28; ix, 2, 3.
Celte propriété devait-elle rester indivise ou se partager?
Dieu ne l'indiqua point. 11 laissa à l'homme la liberté
de disposer de sa propriété comme il le jugerait bon.
De fait, ceux d'entre les hommes qui menèrent la vie
nomade exercèrent leur droit de propriété sur le sol
en l'occupant transitai rement et en exploitant ses pro-
duits spontanés pour leur usage et celui de leurs trou-
peaux. Mais déjà les pasteurs nomades possédaient une
propriété personnelle, celle de leur troupeau. Abel
offrait à Dieu les premiers-nés de « son troupeau »,
c'est-à-dire les prémices d'un bien qui était à lai.
Gen., iv, 4. D'autres s'établirent à demeure fixe sur une
partie du sol. Un fils de Caïn, Hénoch, bâtit une ville.
Gen., iv, 17. Le terrain occupé et les demeures élevées
sur son emplacement devenaient, de droit naturel, la
propriété des bâtisseurs. De plus, pour subsister, il
leur fallait aussi posséder des terres environnantes,
soit pour les cultiver, Gen., IV, 12, soit pour y élever
des troupeaux. La propriété se trouva ainsi constituée
naturellement sous diverses formes, engendrées par
des manifestations différentes de l'activité humaine.
2° En arrivant dans le pays de Chanaan, Abraham
amenait avec lui les biens qu'il possédait. Ces biens
consistaient surtout en troupeaux. Les Chananéens et
les Phérézéens étaient alors établis dans le pays. Gen.,
xili, 7, Abraham et Lot n'en faisaient pas moins paître
leurs troupeaux ici et là sans être inquiétés. Ayant
constaté qu'ils ne pouvaient rester ensemble, Lot s'en
alla dans la plaine du Jourdain tandis qu'Abraham
demeurait en Chanaan. Il existait donc alors des espaces
considérables, sur lesquels les habitants du pays ne
songeaient à revendiquer aucun droit de prepriété, ou
dont, tout au moins, ils laissaient le libre usage aux
nomades. Dieu toutefois se réservait le droit de dispo-
ser de la propriété du sol, puisqu'il dit à Abraham :
« Tout le pays que tu vois, je le donnerai â toi et à tes
descendants pour toujours. » Gen., xm, 15. Sur ce sol
occupé d'une manière générale par des peuples séden-
taires, il y avait des propriétés particulières. A Hébron,
Éphron, fils de Séor, possédait un champ, et, au bout
de ce champ, la caverne de Macpélah. Abraham dési-
rait cette caverne pour y inhumer Sara et en faire un
lieu de sépulture à lui. 11 fit marché avec Éphron et,
pour quatre cents sicles d'argent, il acquit en toute
propriété le champ et la caverne, avec les arbres qui
se trouvaient dans le champ et tout autour. Gen., xxm,
16-18. Dans les pays inoccupés, les nomades creusaient
des puits pour les besoins de leurs troupeaux, et, bien
que disputés par les populations sédentaires du voisi-
nage, ces puits demeuraient leur propriété. Gen., xxvi,
15, 18-22, 32. A Gérare, en pays philistin, lsaac put
même faire des semailles et récolter abondamment.
Gen., xxvi, 12. Les fils de Jacob allaient paître leurs
troupeaux jusqu'à Sichem et Dothaïn, pendant que leur
père résidait à Hébron, où Abraham avait acquis une
propriété. Gen., xxxvn, 1, 14, 17. En somme, au point
de vue de la constitution de la propriété, le pays de
Chanaan apparaît déjà à peu près tel que les Hébreux
le trouveront au moment de la conquête. La population
forme des agglomérations qui possèdent les villes et les
bourgs épars à travers le pays. Les membres de ces
agglomérations comptent parmi eux des hommes qui
sont propriétaires de champs situés dans les alentours.
Puis, entre ces agglomérations, qui ont le haut domaine
sur les habitations et la campagne environnante,
s'étendent des espaces plus ou moins vastes, stériles
ou inoccupés, sur lesquels les nomades. peuvent s'éta-
blir transitoirement, mais toujours à leurs risques et
périls, comme le montre l'histoire de Lot, Gen., xiv,
12-16, et celle d'Isaac. Gen., xxvi, 16, 17, 20.
II. Chez les Babyloniens. — 1° Le roi possédait de
vastes domaines, à la tête desquels il plaçait des
administrateurs. On trouve mentionnés les ministres
du blé, les chefs des vignes, les chefs des troupeaux
de bœufs, etc. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. W. As., t. n,
pi. 31, col. h, 2; m, 22; vi, 4. Aux temples des dieux
étaient attribués des territoires, des troupeaux, des
biens de toute nature, qui allaient sans cesse en s'accu-
mulant et que se chargeaient d'amoindrir de temps à
autre des voisins pillards ou des rois à court de res-
sources. En principe, la terre était le domaine impres-
criptible des dieux; il convenait donc que les déten-
teurs particuliers tinssent' compte de ce droit. Cf. Mas-
pero, Histoire ancienne, t. i, p. 676-678. Le roi accor-
dait à ses officiers. des apanages comprenant maison,
champ et jardin. Ces domaines restaient inaliénables
et la vente en était frappée de nullité. Le concession-
naire ne pouvait les transmettre â sa femme ni à sa
fille, qui n'avaient droit qu'aux biens propres de l'époux
et du père. Celui-ci devait pourtant pouvoir transmettre
à son fils les biens reçus du roi, à moins qu'ils ne fissent
relour au donateur, ce sur quoi les textes ne s'expliquent
pas. Cf. Seheil, Textes élamites-sémitiques, Code de
Rammurabi, art. 35-41, p. 137. Les articles suivants,
42-65, p. 138-140, se rapportent à la gestion des pro-
priétés particulières. Les contrats chaldéens démontrent
que, dans la classe moyenne, chaque famille avait sa
propriété qu'elle s'efforçait de conserver. La maison
était léguée à la veuve ou au fils aine, à moins qu'elle
restât indivise. Les terres, fermes, jardins et autres
biens se partageaient entre les frères ou les descendants
naturels. Au temple, à la porte du dieu, un arbitre
présidait à la répartition, et quand celle-ci était acceptée,
il n'y avait plus à y revenir. Ces partages amoindrissaient
graduellement les fortunes; au bout de quelques géné-
rations, l'avoir des héritiers devenait trop médiocre
pour les faire vivre, et ceux-ci servaient de proie à des
usuriers, s'ils ne parvenaient à relever leur situation.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 748-749. Les
terres étaient limitées par des bornes. Voir Borne, t. i,
col. 1854.
2° En Mésopotamie, Bathuel, père de Hébecca, était
riche et possédait de grands troupeaux. Gen., xxiv,
25, 32. Laban, frère de Rébecca, élevait au même
endroit de nombreux troupeaux, dont Jacob prit la garde
pendant vingt ans. Gen., xxxi, 38. Mais Laban ne vivait
pas en nomade; il avait une maison, Gen., xxxix, 13,
probablement avec des terres alentour, ce qui n'empê-
chait pas de conduire les troupeaux jusqu'à trois jours
de marche, Gen., xxx, 36, dans des endroits dont
l'usage restait libre à tous.
3° Quelques siècles plus tard, les Israélites furent
transportés dans ce même pays. Pendant que leurs
terres de Palestine étaient attribuées à des colons
étrangers, eux-mêmes occupèrent celles qu'on leur
assigna en pays chaldéen. II fieg., xvn, 6, -24. La
propriété ne leur fut ni interdite, ni inaccessible.
Voir Captivité, t. n, col. 234, 235, 239. Aussi Jérémie,
xxix, 4, pouvait-il dire aux exilés : « Bâtissez des
maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en
les fruits. »
III. Chez les Égyptiens. — 1° En Egypte, comme en
Babylonie, une grande partie du territoire était la
propriété des temples. Diodore de Sicile, i, 21, 73, dit
que le tiers du pays appartenait aux prêtres. Son affir-
mation a été reconnue conforme â la réalité. Le roi et
les seigneurs se chargeaient d'arrêter l'extension de
ces biens en mettant la main de temps en temps sur
les revenus des dieux. Il était de principe que, mise à
part la propriété des dieux, le sol entier appartenait
<?51
PROPRIÉTÉ
752
au pharaon. Mais celui-ci avait à faire de nombreuses
largesses à ses favoris et aux seigneurs héréditaires.
Son domaine immédiat ne s'étendait pratiquement que
sur la moitié du pays; ce domaine se rétrécissait quand
les concessions devenaient trop nombreuses, et il se
reconstituait quand de grands fiefs lui faisaient retour par
confiscation ou par quelque autre voie. Le pharaon exploi-
tait directement une petite partie de ce domaine au
moyen de ses esclaves royaux; le reste était confié àdes
fonctionnaires qui payaient une redevance annuelle. Les
seigneurs n'avaient droit qu'à l'usufruit de leurs fiefs,
dont la propriété appartenait an pharaon. Cela ne les
empêchait pas de s'y comporter en maîtres absolus
et de les administrer pour leur compte personnel,
soit directement, soit par des fermiers. Quelques
181. — Borne égyptienne.
D'après Mariette, Monuments divers, pi. 47 a.
cultivateurs libres réussissaient à acheter des domaines
sur les territoires concédés par le pharaon, et dont, par
fiction légale, celui-ci restait toujours propriétaire. Ces
cultivateurs pouvaient d'ailleurs, sans nulle opposition,
non seulement faire valoir leur domaine, mais encore
Je liguer, le donner, le vendre ou en acheter de nou-
veaux. Ils payaient pour cela une taxe personnelle et
l'impôt foncier. Les modifications apportées fréquem-
ment à la configuration du terrain par les inondations
du Nil obligeaient à reviser continuellement le cadastre
et à limiter exactement chaque propriété par une ligne
de stèles (fig. 18t), portant souvent le nom dn proprié-
taire actuel avec la date du dernier bornage. Cf. Mas-
pero, Histoire ancienne, t. r, p. 283, 296, 303, 328. La
constitution de la propriété en Egypte tenait à la nature
même du sol producteur. « Ici tout vient du Nil, et les
terres avec leurs riches productions, pour nous servir
d'une expression d'Hérodote, il, 5, sont un véritable
présent du fleuve. Toutefois, pour répandre ses bienfaits
sur l'Egypte, le Nil avait besoin d'une main puissante
qui lui creusât des canaux et qui pût diriger ses eaux
fécondantes; la distribution des eaux du fleuve exigeait
le concours de la puissance publique et de l'autorité
souveraine; il fallait que le pouvoir des gouvernements
intervînt, et la nécessité de cette intervention dut
changer en quelque sorte et modifier les droits de la
propriété foncière. » Michaud, Correspondance d'Orient,
Paris, t. vin, 1835, p. 64. '
2° Joseph connaissait bien la situation, quand il
profita de la famine pour reconstituer le domaine royal.
Il commença par vendre du blé aux Égyptiens, Gen.,
xli, 56, puis, après leur argent, il reçut en paiement
leurs troupeaux. Gen., xlvii, 13-17. La famine se pro-
longeant, les Égyptiens eux-mêmes offrirent leurs
terres et se firent serfs du pharaon, afin d'obtenir du
blé pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint
ainsi la propriété du pharaon, à l'exception des terres
des prêtres, c'est-à-dire des temples, qui étaient inalié-
nables. Les Égyptiens continuèrent naturellement à
occuper et à cultiver leurs champs, quoique passés
dans le domaine royal; mais Joseph leur imposa une
redevance d'un cinquième sur leurs récoltes. Gen.,
xlvii, 18-26. Ordinairement, l'impôt montait à un
dixième. Cf. Revue des deux mondes, 15 février 1875,
p. 815; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 330, 331.
La mesure imposée par Joseph équivalait à une éléva-
tion d'impôt, justifiée par les circonstances. Cependant,
grâce à lui, le pharaon était devenu le seul propriétaire
du pays, mis à part les dieux dont les propriétés fon-
cières durent être respectées. L'auteur de la Genèse,
xlvii, 26, dit que la loi imposée par Joseph était encore
en vigueur de son temps. Hérodote, n, 108, 109, attribue
à Sésostris le creusement des canaux égyptiens et le
partage des terres entre tous les habitants, moyennant
le paiement d'une certaine redevance sur le revenu.
On sait que le nom de Sésostris, Sésoustouri, est un
sobriquet désignant Ramsès II, et que la légende
attribuait à ce prince bien des travaux et des exploits
qui remontaient à ses prédécesseurs. Toujours est-il que,
pour faire le partage des terres, il fallait que Ramsès II
ou un pharaon plus ancien les eût en sa possession, ce
qui confirme le récit de la Bible sur l'administration
de Joseph. Ce partage n'empêcha pas Ramsès III de
se donner comme le propriétaire du sol de l'Egypte.
Cf. Grand Papyrus Harris. Plus tard, d'après Diodore
de Sicile, i, 73, le territoire était divisé en trois parts,
celle des prêtres, celle du pharaon et celle des soldats.
Cf. Hérodote, il, 168. En somme, dans les anciens temps
comme aujourd'hui, il importait peu à l'Égyptien d'être
propriétaire ou locataire du sol. Toute la question se
résumait pour lui à pouvoir le cultiver, à sauvegarder
sa récolte contre les déprédations et à en abandonner
le moins possible aux collecteurs d'impôts. Cf. Vigou-
reux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit.,
t. il, p. 165-189.
IV. Chez les Israélites. — 1° La législation mosaïque
commence par consacrer le principe même de la pro-
priété, en rappelant le droit naturel qui défend de dé-
rober, et en interdisant même de convoiter la maison,
les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appar-
tient. Exod., xx, 15, 17. Cette convoitise est prohibée en
tant qu'elle prend le caractère d'un acheminement à
l'appropriation illégitime du bien du prochain. La loi
protège la propriété dans les différentes circonstances
où elle peut être menacée. Voir Borkes, 1. 1, col. 1854>
Dette, t. n, col. 1393; Dommage, t. u, col. 1482; Objets
trouvés, t. îv, col. 1723; Vol.
2° Le Seigneur, en vertu de son droit souverain,
Lev., xxv, 23, donne à son peuple le pays des Chana-
néens, pour qu'il en occupe les villes et les maisons.
Deut., xix, 1. Il en prescrit le partage suivant certaines
753
PROPRIÉTÉ
754
règles. A chaque tribu, à chaque famille est attribué un
lot inaliénable. Ce lot devait primitivement se tirer au
«ort et être proportionné au nombre des membres de
la famille. Num., xxxm, 51. Des précautions étaient
prises pour que ce lot ne sortit ni de la tribu, ni de la
famille, voir Goël, t. m, col. 260; Héritage, t. m,
■col. 610, et pour qu'en cas d'aliénation il revint à la fa-
mille au moins à l'année jubilaire. Voir Jubilaire
(Année), t. m, col. 1752. Cette disposition s'appliquait
même au champ voué à Jéhovah et faisant partie d'un
patrimoine. Lev., xxvn, 22-25. Aux lévites étaient attri-
buées des villes spéciales et des pâturages autour de ces
villes. Num., xxxv, 2-5. Il est à croire qu'il en était de
même dans les autres villes, autour desquelles la cam-
pagne, sur une étendue variable, était réservée aux
habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce
terrain était probablement morcelé à proximité de la
ville ou du village; il restait, à une certaine distance,
propriété indivise. Le sol se trouvait ainsi loti à peu
près comme du temps des Chananéens : autour des
villes et des villages, des terrains attribués à chaque
famille comme jardins ou champs destinés à la culture;
au delà, un territoire plus ou moins étendu servant en
commun au pâturage ; enfin, entre ces territoires appar-
tenant aux villes ou aux villages, des espaces libres,
incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait.
L'existence d'un territoire indivis ou communal autour
des villages parait supposée par quelques textes. Mi-
chée, H, 5, dit au faux prophète : « Tu n'auras personne
qui étende chez toi le cordeau sur une part d'héritage
dans l'assemblée de Jéhovah. » Jérémie, xxxvn, 11,
sort de Jérusalem pour aller au pays de Benjamin, afin
de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-être
s'agit-il dans les deux cas d'un terrain communal, qu'on
divisait en portions tirées au sort chaque année par les
familles du village. A cet usage se rapporterait l'allusion
faite par le Psalmîste :
Jéhovah est la part de mon héritage et de ma coupe ;
C'est toi qui m'assures mon lot,
Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse,
Oui, un splendide héritage m'est échu.
Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. Buhl, La société Israélite d'après
l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 94-95. En tous
cas, la propriété devenait collective, au moins quant à
l'usage, durant l'année sabbatique. Exod., xxm, 11;
Lev., xxv, 6, 7. A la même idée de propriété commune
se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix, 9; xxm,
22, Deut., xxiv, 19, de grapillage, Lev., xix, 10;
Deut., xxiv, 21, et celui d'entrer dans un champ ou
dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou
des épis. Deut., xxm, 24-25.
3° La propriété privée n'en était pas moins solidement
constituée. Elle pouvait comprendre d'autres possessions
que celles qui constituaient le domaine patrimonial.
Lev., xxvn, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la pro-
priété de la montagne d'Hébron, à condition d'en
chasser les Énacim. Jos., xiv, 11-14. Après avoir donné
à sa fille Axa un domaine peu arrosé, il lui en accorda
un autre qui possédait des sources d'eau.- Jud., 1,14,15.
Par la culture de leurs terres, l'élevage de leurs trou-
peaux et l'extension de leurs domaines sur des terri-
toires inoccupés, certains Israélites devinrent très riches,
tels Nabal, I Reg.,xxv, 2; Berzellaï, IIReg., xix,32, etc.
Les rois eurent naturellement des propriétés fort éten-
dues. II Reg., IX, 7. David possédait des champs, des
vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en
déférents endroits du pays, avec des préposés chargés
défaire valoir tous ces biens. I Par., xxvn, 25-31. Sa-
lomon faisait administrer les siens par douze intendants,
assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun
d'eux pourvoyait pendant un mois à l'entretien du roi
et de sa maison. III Reg., iv, 7. Josaphat possédait de
grands biens dans les différentes villes de Juda. II Par.,
xvil, 13. D'autres, comme Achab, ne craignaient pas
de recourir au crime pour agrandir leur domaine.
III Reg., xxi, 15, 16. Les gros propriétaires israélites
sont désignés sous le nom de gibbôrê harhayîl, les
« grands en force », 7tïv 8uva-ôv iayyï, potentes et di-
vites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents
d'argent (8500000 fr.) versés au roi d'Assyrie, Manahem
imposa de cinquante sicles d'argent (141 fr. 50) les
propriétaires du royaume. IV Reg., 19, 20. Il en fallut
donc 60000 pour fournir la contribution. Pour qu'un
si grand nombre de propriétaires notables existât en
Israël, la propriété foncière devait être assez morcelée.
En Juda, il y avait une tendance abusive à étendre les
propriétés. Isaïe, v, 8, le constate en ces termes :
Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison,
Qui joignent champ à champ,
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace,
Et qu'ils habitent seuls au milieu du pays.
Cf. Mich., il, 2. Cet accaparement ne pouvait guère se
produire qu'au mépris de la loi sur Finaliénabilité des
héritages familiaux. Il avait pour effet de détruire cette
égalité que la loi avait établie, de créer de grandes pro-
priétés foncières et, par là même, de réduire à l'indi-
gence et d'éliminer peu à peu les petites gens, ceux qui
font la force d'une nation, Aussi le prophète ajoutait-il
que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passées
aux mains de quelques propriétaires, n'auraient bientôt
plus d'habitants. Is.. v, 9.
4° L'Israélite tenait pourtant avec une singulière
énergie à son domaine familial. On aimait à habiter en
sécurité « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg.,
IV, 25, c'est-à-dire dans sa propre maison et sous les
ombrages de son propre jardin. Michée, iv, 4, promet-
tait la même chose pour l'époque de la restauration
spirituelle. Le vieux Berzellaï, invité par David à le
suivre à Jérusalem, préférait s'en retourner dans sa
ville pour y mourir près du sépulcre de son père et de
sa mère. II Reg., xix, 37. Quand Achab offrit à Naboth
d'acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure,
celui-ci lui répondit sans hésiter : « Que Jéhovah me
garde de donner l'héritage de mes pères !» III Reg., xxi,
3. Le châtiment annoncé par Élie à Achab et à Jézabel,
après le meurtre de Naboth, se rapportait à deux crimes :
« N'as-tu pas tué et pris un héritage ? » III Reg., xxi,
19. Le verbe hébreu yâra's signifie « prendre un bien
héréditaire », Septante : ÈxXripavô(i.r,!Ja;, « tu as hérité, »
tu as pris un bien d'héritage. Sous les patriarches,
l'héritage pouvait passer à un esclave, quand le maître
demeurait sans postérité. Gen., xv, 2, 3. Plus tard,
l'esclave intelligent arrivait à recevoir une part dans
l'héritage. Prov., xvn, 2. Mais le cas ne devait pas se
produire assez fréquemment pour modifier sensible-
ment l'assiette de la propriété. L'Israélite pouvait pour-
tant vouer à Jéhovah sa maison ou son champ, lesquels
devenaient propriétés des prêtres, si on ne les rachetait
pas. Lev., xxvn, 14-21. Sur la vente des maisons, voir
Maison, t. iv, col. 590.
5° Dans sa description idéale de la nouvelle Terre
Sainte, Ézéchiel fournit de curieux renseignements, en
s'inspirant de l'état de choses antérieur, pour le consa-
crer ou pour le corriger. Tout d'abord, le pays est par-
tagé et tiré au sort. Le prophète prévoit trois grandes
parts. La première part est pour Jéhovah ; son sanctuaire
y est élevé, et le reste du territoire est occupé par les
lévites. Une seconde part est attribuée à la maison
d'Israël et une troisième au prince. Mais ce dernier
devra se contenter de son lot et ne pins empiéter sur
celui du peuple. « Ce sera son domaine, sa possession
en Israël, et mes princes n'opprimeront plus mon
peuple et ils laisseront le pays à la maison d'Israël. »
Ezech., xlv, 1-8. A meilleur droit que les dieux
755
PROPRIÉTÉ
756
d'Egypte, Jéhovah étail considéré comme le souverain
propriétaire du sol. Ps. xxiv(xxm), 1,2. Israël rendait
hommage à son droit en payant les redevances exigées,
dîmes, prémices, etc. Le prince pouvait faire des dons,
à condition de les prendre sur son propre domaine»
sans expulser personne de sa propriété, et avec cette
clause que le don revenait au domaine royal à l'année
jubiliaire si d'autres que les fils du roi en avaient
bénéficié. Ezech., xlvi, 16-18. Nul du peuple ne courait
donc le péril d'être dépouillé de son bien, comme
l'avait été Naboth. Chaque tribu doit avoir une part
égale de territoire, et ce territoire forme une bande
allant de la mer à la vallée du Jourdain. Dans chaque
tribu, une portion est attribuée non seulement à
l'Israélite, mais aussi au gêr, à l'étranger qui vit au
milieu d'Israël en respectant ses lois. Ezech., XL vu, 13,
14, 21, 23. La capitale est comme une réduction de
tout le pays. Il y a là encore la part des lévites, là part
du prince et celle des habitants, pris d'ailleurs dans
toutes les tribus. La ville n'est pas isolée; elle a une
banlieue composée de champs et de pâturages. Les
artisans s'y livrent à la culture et pourvoient ainsi à la
subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans
la ville. Ezech., xlviii, 8-22. On le voit, c'est pour le
fond l'organisation antérieure, "mais idéalisée et visant
à une égalité sociale qui n'a pas été réalisée.
6° Au retour de la captivité, les Israélites trouvèrent
les anciennes propriétés occupées ou à l'abandon.
Assez peu nombreux eux-mêmes, victimes de calamités
et de vexations multiples, ils eurent peine à vivre de
leurs biens et beaucoup des moins aisés en furent
réduits à engager leur avoir et à vendre leurs enfants
comme esclaves. II Esd., v, 1-13. Néhémie parvint à
relever momentanément la situation. La prospérité
matérielle ne parait guère avoir repris que sous la
domination des Ptolémées.
V. A l'époque évangéliql'e. — 1° Du temps de Notre-
Seigneur, la propriété ne reposait plus sur les mêmes
bases qu'aux époques antérieures à la captivité. Les
tribus étaient plus ou moins confondues et seules les
généalogies en gardaient fidèlement le souvenir. De
plus, beaucoup d'étrangers s'étaient établis en Palestine
et y possédaient. Aussi, quand il fait quelque allusion
à la propriété, le Sauveur ne s'en occupe-t-il qu'au point
de vue moral ou ne la constate-t-il que comme un fait.
Il parle du petit propriélaire, qui sème dans son
champ, Matth., xm, 4, 2i, 31, et du grand propriétaire,
qui a de nombreux esclaves, Matth., xvni, 23; Luc, xn,
37; xvii, 7, qui possède de riches exploitations agri-
coles, Matth., xx, t; xxi, 33; Luc, xvi, 1, qui amasse
d'abondantes récoltes, Luc, xii, 17, et fait valoir sa
fortune. Matth., xxv, 14; Luc, xix, 13. Il mentionne,
sans apprécier sa conduite, celui qui réalise tout son
avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu'un
trésor est caché. Matth., xm, 44. Le père du prodigue,
Luc, xv, 12, et Joseph d'Arimathie sont des riches.
Matth., xxvn, 57. Le mauvais riche est condamné, non
pour sa richesse, mais pour le mauvais usage qu'il en
a fait. Luc, xvi, 19. Le Sauveur rappelle le commande-
ment qui protège la propriété légitime contre le vol,
Matth., xix, 18, mais il se met fort au-dessus de toute
question d'intérêt temporel. Lui-même n'a pas la pro-
priété d'un gîte, Matth., vm, 20; Luc, ix, 58; il refuse
de s'occuper d'une question d'héritage, Luc, xii, 14,
et présente les richesses comme un obstable à l'entrée
dans le royaume de Dieu. Matth., xm, 22; xix, 23. A
tous, il ordonne de chercher avant tout le royaume de
Dieu et sa justice, Matth., vi, 23; Luc, xii, 31, et à
ceux qui veulent devenir parfaits, il conseille de renon-
cer à toute propriété, Matth., xix, 21. En somme, Notre-
Seigneur laissa en l'état la question de la propriété.
Il suppose formellement sa légitimité, mais il aban-
donne à la liberté humaine le soin de la répartir et de
l'utiliser. Il demande seulement aux plus aisés de
s'intéresser à leurs frères pauvres, et à tous ses disci-
ples de faire passer en première ligne les biens spiri-
tuels.
2» Après la Pentecôte, les chrétiens de Jérusalem
établirent entre eux la communauté des biens. « Tous
ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient
tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs
biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon
les besoins de chacun. » Acl., u, 44, 45. Trois mille
Juifs environ s'étaient convertis à la parole de saint
Pierre. Act., n, 41. Parmi eux se trouvaient bon nom-
bre de pauvres, de Juifs arrivés de l'étranger et de pro-
sélytes sans grandes ressources. D'autre part, ceux qui
demeuraient attachés au judaïsme se montraient fort
peu sympathiques à ceux de leur famille qui embras-
saient la foi nouvelle. Il était donc convenable que,
parmi les convertis, les plus riches vinssent en aide
aux moins fortunés. Leurs revenus ne suffisant pas à
cette œuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens
pour en utiliser le prix. Rien ne s'opposait à la vente
et à l'achat des terrains. Naguère le sanhédrin avait
acheté auprès de Jérusalem le champ d'un potier, avec
les trente deniers de Judas. Matlh., xxvii, 7; cf. xm,
44. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches
faisaient grand acte de charité; en même temps, ils se
dégageaient de toute attache terrestre et se rendaient
libres pour le service de l'apostolat, comme il arriva
pour Barnabe. Act., iv, 37, Quand la chrétienté de
Jérusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de
communauté fraternelle. « Nul n'appelait sien ce qu'il
possédait, mais tout était commun entre eux... Il n'y
avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui possé-
daient des terres et des maisons les vendaient et en
apportaient le prix aux pieds des Apôtres; on le dis-
tribuait ensuite à chacun, selon ses besoins. » Act., w,
32, 34, 35. Les choses se passaient ainsi sous la seule
action de la grâce divine; on ne voit nulle part que les
chefs de l'Église naissante aient imposé un renonce-
ment si désintéressé. L'Esprit du Seigneur portait les
fidèles à mettre en pratique ce que le Sauveur avait
présenté comme un conseil de perfection, Matth., xix,
21, et nullement comme une condition nécessaire à la
vie chrétienne. L'épisode d'Ananie etSaphire le prouve
surabondamment. Ces deux chrétiens avaient vendu
une propriété pour en apporter le prix aux Apôtres, en
se réservant cependant une partie du produit de la
vente. Saint Pierre leur reprocha de mentir au Saint-
Esprit en retenant quelque chose du prix de leur
champ et il dit à Ananie : c< Ne pouvais-tu pas, sans le
vendre, en rester possesseur? Et après l'avoir vendu,
n'étais-tu pas maître de l'argent? i> Act., v, 4. Il suit de
là que les nouveaux fidèles n'étaient obligés ni de ven-
dre leurs propriétés, ni d'en donner le prix à la com-
munauté. La faute d'Ananie et de Saphire consista donc
surtout dans une dissimulation accompagnée d'orgueil
et de défiance envers la Providence. Ils voulurent se
procurer, aux yeux de l'Église, la gloire de tout aban-
donner au bien commun, comme le faisaient leurs
frères; mais en secret ils tinrent à garder en partie le
bénéfice de leur vente, comme si Dieu n'était pas là
pour leur assurer le nécessaire. Plusieurs Pères, se
référant sans doute à Lev., xxvil, 16-21, supposent que
l'offrande totale des biens résultait d'une promesse ou
d'un vœu qu'il était criminel de ne pas accomplir inté-
gralement. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxx, t. xxii,
col. 1118; S. Augustin, Serm. cxlviii, 2, t. xxxvhi,
col. 799; S. Grégoire, Epist. i, 34, t. lxxvii, col. 488.
3° A cette même époque vivaient à part, sur le bord
de la mer Morte et dans l'oasis d'Engaddi, les esséniens,
totalement séparés du reste de la société juive. Une de
leurs lois fondamentales était la communauté des biens.
Pour faire partie de leur association, il fallait mettre
757
PROPRIÉTÉ — PROSELYTE
758
son patrimoine à la disposition de tous, ne rien con-
server en propre, ne rien vendre et ne rien acheter au
sein de la communauté, vivre dans la pauvreté en rece-
vant d'une caisse commune ce qui était strictement
nécessaire pour la nourriture, le vêtement, les soins en
cas de maladie, verser à cette caisse le produit de son
travail, ne rien emporter en voyage, etc. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, vin, 3, 4, 8, 9; Philon, Quod omnis
probus liber, 12, 13, édit. Mangey, t. ir, p. 457, 458,
632, 633. Les écrivains du Nouveau Testament ne
font aucune mention des esséniens et les laissent can-
tonnés dans leur orgueilleux et stérile particularisme.
Les pharisiens les avaient en horreur, à cause de leur
prétention à être des Juifs parfaits. Ils disaient à pro-
pos de leur communisme : « Celui qui dit : le mien est
à toi et le tien est à moi, est un niais. » Pirké aboth
v, 14. Les doctrines singulières des esséniens, leur fidé-
lité servile à la loi, leur éloignement systématique du
Temple, l'étrangeté de leur manière de vivre ne per-
metttent pas de dire que les premiers chrétiens aient
voulu les imiter. Ceux-ci avaient pour se guider les
exemples de la vie menée en commun par les Apôtres,
les exemples et les conseils du Sauveur; et si le divin
Maître voulut mener une vie qui, au regard des biens
de ce monde, avait quelque analogie avec celle des essé-
niens, il ne lui était pas nécessaire de recourir à eux
pour en avoir l'inspiration. L'esprit et la pratique du
détachement et de la charité fraternelle résultaient,
comme une conséquence toute naturelle, des ensei-
gnements qu'il apportait au monde. D'ailleurs celte vie
d'obéissance et de pauvreté en commun n'était pas
totalement étrangère aux anciens Israélites; elle avait
dû être la vie de ces « fils de prophètes » qui se grou-
paient autour de Samuel, d'Élie, d'Elisée et d'autres
pieux personnages. I Reg., x, 10; III Reg., xx, 35;
IV Reg., il, 3; iv, 38, etc.
4° Le système inauguré par l'Église de Jérusalem ne
pouvait être que transitoire. Les esséniens excitaient
l'admiration du peuple par leur pauvreté volontaire et
leur charité. Il était bon de montrer que la doctrine
nouvelle avait la puissance de faire pratiquer ces
grandes vertus par tous ses adhérents. Mais vint le
jour où toutes les propriétés furent vendues et où il
devint fort difficile d'entretenir une société nombreuse,
incapable de se suffire par son seul travail et n'ayant
rien à espérer de ses anciens coreligionnaires. Quand
saint Paul vint à Jérusalem après ses premières mis-
sions, les trois apôtres qui se trouvaient alors dans la
capitale durent le prier de se souvenir des pauvres.
Gai., h, 10. Il fut fidèle à cette recommandation. Voir
Aumône, t. i. col. 1251. L'expérience montrait qu'au
point de vue de la propriété, la pratique du con-
seil ne pouvait devenir la règle générale parmi les
chrétiens.
5° Les Apôtres, dans leurs Épîtres, ne disent rien
qui ait trait directement à la propriété. Saint Jacques,
qui avait sous les yeux le contraste existant entre
les pauvres de son église chrétienne et les riches pro-
priétaires du judaïsme sadducéen, maudit ces derniers
et les compare à la victime qui se repaît encore le jour
où on va l'égorger. Jacob., v, 1-6. Saint Paul recom-
mande de ne pas attacher son 'cœur à ce que l'on pos-
sède. I Cor., vu, 30. Il veut que les ministres de Dieu,
qui possèdent tout dans l'ordre spirituel, II Cor., vi,
10, se contentent, pour toute propriété, de ce qui est
indispensable à la nourriture et au vêtement. ITim., vi,
8. Dans le cours de ses missions, l'Apôtre fut mis en
rapport avec des personnes qui disposaient de pro-
priétés considérables, Priscille et Aquila, qui entre-
tenaient une communauté chrétienne dans leur maison,
à Corinthe, I Cor., xvr, 19, et à Rome, Rom. , xvi, 5, Phi-
lémon, auquel il demande l'hospitalité, Philem., 22, etc.
Des patriciens de Rome ne tardèrent pas à suivre les
exemples de ces premiers chrétiens et à mettre à la dis-
position de leurs frères dans la foi leurs maisons, pour
y célébrer leur culte, leurs domaines ruraux, pour y
creuser leurs sépultures. H. Lesètre.
PROSÉLYTE (Septante : TtpoariXvro;; "Vulgate ;
proselytus), étranger qui adhère plus ou moins com-
plètement à la religion juive.
I. Dans l'Ancien Testament. — Le mot ^po^Xu™;
est particulier au grec de l'Ancien Testament et ne se
trouve pas chez les classiques. Dans la Genèse, xlvii,
9, Aquila traduit màgûr, « séjour à l'étranger », rçjiipat
âç jrapoixw, peregrinatio, par TrpoCTYiX-JTeurji;. Dans
l'Exode, xn,40, les Septante traduisentsrë>\,« étranger »,
par 7rpo<rr)VuTo;, colonus. Dans Ézéchiel, xiv, 7, les mots
hag-gêr 'âsér ydgûr beysrâ'êl, « l'étranger qui réside
en Israël », sont rendus dans les Septante par npo<77)XiJT0t
oE'TtpourjX'jTsuôvTsç h t<S 'I<rpï.r|X, et dans la Vulgate par de
proselytis quicumque advena fuerit in Israël, « qui-
conque des étrangers se sera établi en Israël. » Le
mot prosélyte est encore employé pour désigner les
étrangers, gérîm, qui habitent parmi les Israélites,
I Par., xxn, 2; II Par., il, 17; xxx, 25; Tob., i, 8 (7).
En somme, dans les versions de l'Ancien Testament,
ce mot signifie simplement « étranger ».
II. A l'époque du Nouveau Testament. — 1° Signifi-
cation du mot. — Notre-Seigneur accuse les scribes et
les pharisiens de courir les mers et la terre pour faire
un prosélyte qu'ils conduisent ensuite à la perdition.
Matth., xxm, 15. Le mot ne signifie plus seulement
« étranger » ; car alors la remarque du Sauveur ne se
comprendrait pas. Il s'agit d'un étranger conquis à la
croyance et à la pratique religieuse des Israélites. A ta
Pentecôte, l'écrivain sacré signale la présence à Jéru-
salem d'« hommes pieux de toutes les nations », tant
juifs que prosélytes. Act., H, 5, 11. Ici encore les pro-
sélytes sont autre chose que de simples étrangers.
D'autres noms éclairent la signification du précédent.
Des étrangers sont appelés çoëoOjisvoi tôv Ôeôv, tinientys
Deum, les « craignant Dieu », Act., x, 2, 22; xni, 16,
26; <xeêp|jievo! tôv 9e<5v, colentes Deum, les « servant
Dieu », Act., xvi, 14; xvni,7, ou simplement <re66u.evot,
colentes, Act., xm, 50; xvn, 4, 17, et une fois «ëô(iEvot
itpo<jr|X\jTo!, colentes advenœ,«. étrangers servant »Dieu.
Act., xm, 43. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2. Ces
noms différents désignent les gêrim ou « étrangers »
qui ont adhéré de quelque façon à la religion juive.
Dans la Mischna, le mot gêr, traduit par itpo<n)XvToç,
dans les versions, prend souvent ce sens spécial d'étran-
ger converti. Cf. Bikkurim, 1, 4, 5; Schekalim, i, 3,
6; vu, 6, etc. De gêr, les talmudistes ont même tiré
le verbe nifgayyêr, « se convertir ». Cf. Pea,iv, 6;
Challa, m, 6; Pesachim, vin, 8, etc. Comme en
araméen gêr devient giyyorâ", les Septante ont créé le
mot ys»ipaç, Exod., xii, 19; Is., xiv, 1, pour désigner
les réunions d'étrangers qui se joignent aux Israélites.
Ainsi, les deux mots gêr et Tipo^Xuio; ont perdu, dans
la littérature juive,leur sens primitif pour en prendre
un autre plus spécial. Philon, De monarch., i, 7, édit.
Mangey, t. Il, p. 219, définit les TtpoirrjXurouc àtô toû
itpoîeXïiXuôévat xaivrj xa\ çiXo6la> TreXitsia, « de ce qu'ils
s'approchent d'un genre de vie nouvelle dans laquelle
on aime Dieu. » Dans l'Évangile de Nicodème, 2, il
est dit : « Que sont les prosélytes? On lui dit : Ce sont
ceux qui sont nés enfants des Hellènes et maintenant
sont devenus Juifs. » Les Pères parlent des prosélytes
dans le même sens ; ainsi saint Justin. Dial . cum Tryph. f
23, 122, t. vi, col. 525, 560, qui emploie le terme yrjiS-
paç pour désigner la réunion des prosélytes; saint Iré-
née, Adv. hxres., III, xxi, 1, t. vu, col. 946, qui appelle
Théodotion et Aquila des « Juifs prosélytes s; Tertul-
lien, Adv. jud., 1, t. n, col. 597, etc. Philon emploie
parfois, comme synonymes de 7tpoor,XuTO{, les mots
759
PROSELYTE
760
iitT\\\nos, qu'on retrouve dans les Septante, Job, xx, 26,
inriXuT!];' et ëhtjXv;.
2° La propagande juive. — 1. Les Juifs ne jouis-
saient pas d'une grande faveur dans l'ancien monde
gréco-romain. Les écrivains classiques les traitent sou-
vent avec mépris, haine et injustice. Cf. Tacite, Hisl.,
v, 4, 5, 8; Plutarque, Sympos., IV, 5; Juvénal, Sat.,\i,
160; xiv, 97,98,103-106; AmmienMarcellin,xxn,5, etc.
D'autre part les Juifs, par leur particularisme outré,
leur antipathie pour les étrangers, le caractère de leur
dogme et de leur morale, si surprenants pour des païens,
semblaient destinés à rester confinés dans leur isole-
ment. Mais la Providence avait ici très manifestement
■des vues en contradiction avec les prévisions humaines.
Les prosélytes juifs devaient fournir à la propagande
•chrétienne des âmes toutes préparées. La loi mosaïque
devenait ainsi le vestibule de l'Évangile, non seulement
parson action préparatoire à la rédemption et au règne
messianique, mais encore par une influence directe
Bur les âmes des Juifs et sur celles que conquéraient
les Juifs. C'en fut assez pour que ce peuple longtemps
jaloux de ses prérogatives, qu'il tenait pour incommu-
nicables, travaillât à y associer des étrangers, et pour
que ces derniers, malgré leurs préjugés contre une
religion d'assez mauvais renom parmi eux, se missent
à l'étudier et à l'embrasser en grand nombre. Il y a là
■un phénomème dont les explications naturelles ne suf-
fisent pas à rendre compte d'une manière adéquate. —
2. A vrai dire, cette adoption des étrangers dans le sein
d'Israël, inaugurée à la sortie d'Egypte, Exod., xn, 38,
n'avait ensuite pris quelque développement que dans
les pays de l'exil, où le contact immédiat des Juifs per-
mettait de mieux apprécier leur religion. Tob., I, 7;
Esth., vin, 17. Mais la propagande ne devint vraiment
•active et systématique que dans l'empire romain. Notre-
Seigneur constate ce zèle, parfois exclusif et funeste
dans ses résultats. Matth., xxm, 15. Saint Paul l'attri-
bue à la conviction qu'avait le Juif d'être « le guide des
-aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres,
le docteur des ignorants, le maître des enfants, ayant
■dans la Loi la règle de la science et de la vérité », et
jl lui reproche de ne pas pousser son zèle jusqu'à
s'instruire lui-même. Rom., n, 19-21. — 2. La propa-
gande eut tant de succès, dans le monde gréco-romain,
que seuls, parmi les adeptes des cultes orientaux, ceux
du culte d'Isis et de Mithra l'emportaient sur ceux du
judaïsme. Josèphe, Cont. Apion., n, 10, constate que
les Juifs étaient plus éloignés des Grecs par la distance
que par les idées, et que beaucoup d'entre ces derniers
avaient adhéré au judaïsme, bien que tous n'y eussent
pas persévéré. Il ajoute, Cont. Apion., H, 39 : « Depuis
longtemps beaucoup désirent s'associer à notre ma-
nière de servir Dieu. Il n'y a pas de ville grecque ou
barbare, pas de nation chez laquelle lie se soit intro-
duite la coutume de célébrer le septième jour, que
nous passons dans le repos, et où l'on n'observe les
jeûnes, les allumages de lampes et les abstinences de
mets qui nous sont défendus. On s'efforce d'imiter
notre mutuelle entente, notre libéralité, notre applica-
tion aux métiers, notre patience dans les tourments que
nous endurons pour nos lois. » Des témoignages ana-
logues sont fournis par Tertullien, Ad. nation., i, 13,
t. i, col. 579; Sénèque, dans S. Augustin, De civ. Dei,
vi, 11, t. xli, col. 192; Dion Cassius, xxxvn, 17. Les
prosélytes étaient en nombre à Antioche, cf. Josèphe,
Jiell. jud., Vil, m, 3; à Antioche de Pisidie, Act., xm,
16,26, 43, 50; à Thessalonique, Act., xvil, 4; à Athènes,
Act., xvii, 17, et à Rome. Cf. Horace, Sat., I, ix, 68-72;
Sénèque, Epis t. xcv; Perse, v, 179-183; Ovide, De art.
am.,\, 75, 415; Tibulle, i, 3; v, 18; Juvénal, Sa£.,xiv,
.96-106, etc. Les femmes étaient plus nombreuses et
pins empressées que les hommes à embrasser le judaïsme .
-Act., xm, 50; xvil, 4. Certains Juifs faisaient profession
de les initier à la connaissance et à la pratique de la
loi mosaïque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5. A
Damas, la majorité des femmes étaient prosélytes. Cf.
Josèphe, Bell, jud., II, xx, 2. A Rome, des femmes
célèbres, comme Fulvie, pratiquaient le judaïsme, et
d'autres, comme Poppée, femme de Néron, lui étaient
favorables. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5; XX,vm,
11. Non contents de s'affilier au judaïsme, de nobles
étrangers venaient faire acte de religion à Jérusalem
même, comme le ministre de la reine Candace, Act.,vm,
27, et la reine Hélène d'Adiabène, qui se fit construire
un palais dans la Ville sainte et se montra si généreuse
envers les Juifs dans des circonstances difficiles. Cf.
Josèphe, Ant. jud., XX, n-rv.
3° Causes du succès de cette propagande. — l.Dieu
favorisait, sans nul doute, une œuvre dont la réalisation
rentrait dans ses plans; mais il la laissait s'exécuter
par des moyens humains. De leur côté, les Juifs avaient
été saisis par un zèle véritable pour la propagation de
leurs idées religieuses. Plusieurs adhérents devenaient
nombreux dans les villes étrangères, plus leurinttuence
se consolidait. Les hommes vraiment sincères et reli-
gieux y voyaient un gain pour la cause de la vérité et
aussi pour la gloire de leur nation, Luc, n, 32; les
autres regardaient cette extension comme un achemi-
nement vers cette conquête du monde et cette domina-
tion universelle sur les peuples, que les prophéties
semblaient promettre à Israël. Dans ce but, on employait
des moyens divers. Pour convertir les Idumeens et en-
suite les Ituréens, Jean Hyrcan et Aristobule leur don-
nèrent à choisir entre la mort, l'exil ou la circoncision.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, ix, 3; xi, 3. Parfois, des
fanatiques imposaient la circoncision par violence. Cf.
Josèphe, Vit., 23. D'autres faisaient de la propagande
par des moyens ou pour des motifs peu avouables. Cf.
Josèphe. Ant. jud., XVIII, m, 5. Les procédés employés
étaient le plus souvent de toute autre nature ; mais les
instances ne faisaient jamais défaut pour déterminer
une adhésion. De là le mol d'Horace, Sat., I, iv, 142 :
Veluti te Judsei, cogemus in hanc concedere turbam,
« nous te forcerons, comme font les Juifs à prendre
rang dans cette foule. » — 2. La doctrine israélite exer-
çait une forte attraction sur- les esprits sérieux qui,
fatigués des hontes du paganisme et des pauvretés in-
tellectuelles du scepticisme, cherchaient une base solide
à la croyance, un appui à l'espérance d'un avenir meil-
leur et une satisfaction à la fois digne et positive au
besoin de Dieu qui torture le cœur humain. Les
âmes ainsi disposées apprenaient que les Juifs possé-
daient des traditions merveilleuses et des données in-
comparables sur les questions qui intéressent la vie de
l'âme; qu'ils avaient en main des livres sacrés du plus
haut intérêt; que ces livres sacrés, sur le désir
d'un Ptolémée d'Egypte, avaient été traduits en grec,
pour être misa la portée de tous les penseurs du monde
gréco-romain; que ces livres étaient interprétés par des
docteurs compétents et que plusieurs d'entre ces der-
niers, formés dans les célèbres écoles d'Alexandrie,
cherchaient à montrer que ce qu'il y avait de meilleur
et de plus élevé chez les grands philosophes delà Grèce
ne différait guère de l'enseignement que professaient
les livres juifs. En fallait-il davantage pour pousser
beaucoup d'âmes à une étude qui promettait de leur
donner satisfaction? L'expérience leur en montrait
d'ailleurs l'à-propos. — 3. Les motifs qui déterminaient
les prosélytes n'avaient pas toujours la même noblesse.
Ceux du temps d'Esther, vin, 17, désiraient surtout,
sans doute, échapper à des représailles ou partager la
faveur dont jouissaient alors les Juifs. Les étrangers
transportés en Samarie pendant' la captivité ne devin-
rent juifs que par peur. IV Reg., xvil, 26-29. D'autres, à
l'époque romaine, tendaient surtout à partager les pri-
vilèges accordés aux Juifs par l'autorité, l'exemption
76i
PROSELYTE
762
du service militaire, par exemple. Cf. Josèphe, Ant.
jud., XIV, x, 13. Ceux qui voulaient profiter de l'in-
fluence, du crédit, de l'assistance des Juifs dans une
ville, embrassaient le judaïsme. On en faisait autant en
vue d'un mariage, cf. Josèphe. Ant. jud., XVI, vu, 6,
ou d'intérêts qui n'avaient rien de religieux. Toutefois
le nombre de ceux qui devenaient prosélytes sans vraie
conviction se tenait dans des limites relativement res-
treintes, à raison des sarcasmes dont les Juifs étaient
l'objet de la part de la populace païenne, cf. Horace,
Soi., I, iv, 142; Martial, vi, 29, 34, 81; xr, 95; xu, 37,
et des mesures sévères que le gouvernement prenait
contre eux de temps à autre. Cf. Tacite, Ann., il, 85;
Suétone, Claud., 25; Domit., 12. — 4. Tout en tenant
compte des ahus qui se produisirent naturellement, il
est juste de reconnaître le succès de la propagande
juive, le zèle qui portait des scribes et des pharisiens
à traverser les mers et à parcourir la terre pour y tra-
vailler, Matth., xxni, 15, et aussi le réel dévouement
des nouveaux prosélytes qui adhéraient à une doctrine
élevée, sans doute, mais qui en même temps s'assujettis-
saient à des pratiques assez onéreuses. Il est à regretter
cependant que les missionnaires juifs aient trop sou-
vent communiqué à leurs prosélytes l'esprit d'orgueil
et de formalisme qui les caractérisait eux-mêmes, de
manière à faire de leurs nouveaux disciples, ainsi que
Notre-Seigneur le leur reproche, « des lils de géhenne,
deux fois plus qu'eux-mêmes. » Même convertis au
christianisme, ces prosélytes seront pour l'Église nais-
sante une cause de grandes difficultés. Voir Judaïsants,
t. in, col. 1778.
4° Les prosélytes juifs. — 1. Ainsi qu'il fallait s'y
attendre, il y avait parmi ces prosélytes des convertis
inconstants, comme l'avoue Josèphe, Cont. Apion., n,
10, et d'autres qui n'acceptaient la loi juive qu'en par-
tie. C'est à eux que saint Paul écrivait : « Je déclare
encore une fois à tout homme qui se fait circoncire,
qu'il est tenu d'accepter la loi tout entière. » Gai., v. 3.
Cependant, on passait outre quelquefois. Ainsi, quand
Izate, fils d'Hélène et roi d'Àdiabène, voulut se faire
circoncire pour devenir juif parfait, sa mère s'y opposa,
pour ne pas causer de troubles dans le royaume; mais
un marchand juif, du nom d'Ananias, déclara au roi
« qu'on pouvait parfaitement servir la divinité sans la
circoncision, pourvu (qu'on fût résolu à adopter les
antiques coutumes des Juifs, qui importaient bien
davantage que la circoncision ». Josèphe, Ant. jud.,
XX, n, 4. Un autre Juif, nommé Éléazar, meilleur
interprète de la Loi, donna ensuite une décision con-
traire à lzate, qui se fit circoncire. Il n'en est pas
moins à penser que beaucoup partageaient les idées
d'Ananias. Ils croyaient au Dieu unique, dont aucune
représentation n'était permise; ils l'honoraient, fré-
quentaient les synagogues et observaient la loi mo-
saïque, mais en se bornant aux points principaux. Ce
sont ces hommes que l'on désignait sous le nom de
deëisievot ou <po6oij[i£vot tôv 6êôv, colentes ou timentes
Deum, « ceux qui servent » ou « craignent Dieu ».
Act., xiii, 43; x, 2, etc. Les anciennes inscriptions
latines enregistrent de temps en temps quelque me-
tuens ou observateur de3 coutumes juives. Cf. Corp.
insc. lai., t. v, 1, 88; t. vr, 29759, 29760, 29763; t. vin,
4321, etc. — 2. Or, ces hommes vivant à la juive ne
sont pas de véritables prosélytes. On les appelle ordi-
nairement gêrë has-Sa'ar, « prosélytes de la porte »,
tandis que les autres sont nommés gère has-sédéq,
« prosélytes de justice ». Mais l'identification des
« hommes craignant Dieu » et des « prosélytes de la
porte » est arbitraire; la Mischna ne la connaît pas.
Celle-ci distingue seulement entre le gêr, l'étranger
proprement dit, et le gêr (ôsdb, l'étranger colon, qui
habite au milieu du peuple d'Israël. Le gêr has-Sa'ar
ne serait pas autre chose que ce dernier, l'étranger
qui habite dans les portes ou le pays d'Israël, la porte
étant prise souvent pour la ville elle-même. Deut, xn P
12; xiv, 27 ; III Reg., vm, 37, etc. Voir Porte, col. 548.
Cet étranger devait se soumettre aux lois imposées à
tous les hommes qui n'étaient pas juifs, c'est-à-dire à
ce que l'on appelait les sept commandements des fils
de Noé concernant : 1° l'obéissance aux juges; 2° lt
blasphème; 3° le culte des idoles; 4° l'impureté; 5° le-
meurtre; 6° le vol ; 7° la chair avec le sang. Gen., ix, 4.
Cf. Sanhédrin, 56 b. Il va de soi que, depuis la con-
quête romaine surtout, les Grecs, Romains et autre»
étrangers établis en Palestine se mettaient fort peu en.
peine d'observer ces sept lois noachiques, de telle fa-
çon qu'aucune différence pratique ne subsistait plus
entre l'étranger vivant au milieu des juifs et l'étranger
résidanthors de Palestine. Les noms de gêr,degêr fôsâb
et de gêr has-sa'ar ne représentaient donc plus de»
situations différentes. — 3. Les hommes « craignant »
ou « servant Dieu » sont ainsi en dehors des deux
autres classes. Corneille, par exemple, « religieux et
craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, faisait beau-
coup d'aumônes au peuple et priait Dieu sans cesse. »
Act., x, 2. Mais il n'était pas circoncis; saint Pierre
craignait de se commettre avec quelqu'un qui n'appar-
tenait pas au judaïsme, Act., x, 10-16, et les fidèles
s'étonnèrent beaucoup que le Saint-Esprit descendît
sur des gentils. Act., x, 45; xt, 3. Les hommes tels que
Corneille n'étaient pas regardés comme juifs, parce-
qu'ils n'avaient pas reçu la circoncision; et cependant,
par leurs croyances et leurs pratiques, ils étaient aussi
proches des Juifs sincèrement pieux qu'éloignés du
commun des païens. Les convertis de cette espèce-
s'étaient multipliés autour des juiveries officielles, et
l'appoint qu'ils fournirent au christianisme naissant
dépassa probablement celui qui lui vint des Juifs propre-
ment dits. Ce judaïsme incomplet ne comptait pas aux
yeux des Juifs de stricte observance, comme le montre
l'appréciation des judéo-chrétiens de Jérusalem au su-
jet du baptême de Corneille. Beaucoup s'en conten-
taient cependant, n'attachant qu'une importance secon-
daire au rite de la circoncision, qui, d'ailleurs, les-
décelait et leur attirait des sarcasmes dans les thermes
publics. Voir Circoncision, t. n, col. 778. Aussi est-il
probable que, parmi les Juifs de la dispersion, la pro-
pagande religieuse n'obtenait pas toujours tout son
effet; beaucoup se décidaient à vivre à la juive; les
vrais prosélytes allant jusqu'à recevoir la circoncision
étaient beaucoup moins nombreux. On le conclut des
mentions fréquentes qui sont faites dans les Actes des
hommes «craignant Dieu ». Il n'y a donc pas de valeur-
à attacher à la division des prosélytes adoptée par cer-
tains auteurs, qui distinguent les prosélytes « de la
porte » et les prosélytes « de justice ». Les Juifs ne
reconnaissaient d'autres prosélytes que ces derniers..
Depuis la conquête grecque, la Palestine ne comptait
plus guère de prosélytes « de la porte », ou étrangers-
soumis aux lois noachiques. Quant aux hommes
« craignant Dieu », sans aller jusqu'à l'adoption com-
plète de la loi mosaïque, ils avaient une religion bien
supérieure à celle des prosélytes « de la porte »,
anciens ou nouveaux.
5° Obligations et droits des prosélytes. — 1. Pour
devenir prosélyte de justice, c'est-à-dire prosélyte com-
plet et véritable, cf. Matth., m, 15, il fallait tout d'abord
se soumettre à trois conditions, la circoncision, le
baptême ou ablution conférant la pureté légale et un
sacrifice. Lesfemmes se contentaient des deux dernières-
conditions. Cf. Keritkoth, 81 a; Yebamoth, 46 a; Pe-
sachim, vm, 8; Eduyoth, v, 2; etc. La circoncision
incorporait le gentil au peuple juif, l'ablution le puri-
fiait selon la loi lévitique et le sacrifice expiait ses-
péchés. Après la destruction du Temple, la troisième
condition devint naturellement impossible à remplir-
763
PROSELYTE
PROSTERNEMENT
764
— 2. Les prosélytes devaient se conformer à toute la loi
mosaïque et acquitter toutes les redevances sacrées.
Cf. Gai., v, 3; Bikkurim, i, 4; Schekalim, i, 3, 6; Pea,
iv, 6; Challa, m, 6, etc. Cependant ils n'étaient tenus
à ces redevances que pour les biens acquis postérieure-
ment à leur conversion. Cf. Pea, iv, 6; Challa, m, 6;
Chullin, x, 4. Les frères nés avant la conversion de
leur mère n'étaient pas obligés au lévirat. Cf. Yeba-
moth, xi, 2. Aux filles nées avant la conversion de
leur mère ne s'appliquait pas non plus la loi du Deu-
téronome, xxu, 13-21. Cf. Kelhubolh, iv, 3. Les jeunes
filles prosélytes ne pouvaient épouser un prêtre; les
filles de prosélytes ne le pouvaient que si elles descen-
daient d'un côté d'ancêtres israélites, à Va dixième gé-
nération au plus. Cf. Yebamoth, vi, 5; Kidduschin,
iv, 7 ; Bikkurim, i, 5. Les jeunes filles prosélytes pou-
vaient épouser ceux que le Deutéronome, xxm, 1, 2,
interdit aux juives de prendre pour époux. Cf. Yeba-
moth, vin, 2. Elles n'avaient pas le bénéfice de la loi
de l'Exode, xxi, 22. Cf. Baba kamma, v, 4. Elles
étaient cependant obligées par celle des Nombres, v, 11-
28. Cf. Eduyoth, v, 6. — 3. En principe, les prosélytes
étaient assimilés aux Juifs de naissance; en réalité, il
subsistait entre les uns et les autres une distinction
notable. Au prosélyte, en effet, manquait toujours la
descendance d'ancêtres juifs. « Quand un prosélyte
apporte ses prémices, il ne récite pas la confession
indiquée Deut., xxvi, 3, parce qu'il ne peut pas dire :
Que tu as juré de nous donner. Si sa mère était israé-
lite, il peut réciter la confession. Si le prosélyte prie
à part, il doit dire : Dieu des pères d'Israël. S'il prie
dans la synagogue, il doit dire : Dieu de vos pères. Si
sa mère était israélite, il doit dire: Dieu de nos pères. »
Bikkurim, i, 4. Il y avait là comme une ligne de dé-
marcation que le prosélyte ne pouvait franchir et qui
lui rappelait sans cesse son origine. D'ailleurs le rang
qu'il devait occuper dans la société juive lui était ainsi
assigné : « Le prêtre a le pas sur le lévite, le lévite sur
l'Israélite, l'Israélite sur le bâtard, le bâtard sur le
nalhinéen, le nathinéen sur le prosélyte, le prosélyte
sur l'esclave affranchi. » Horayoth, m, 8.
6° Les interdictions. — D'après la loi du Deutéro-
nome, xxm, 2, 3, il était interdit de recevoir dans
l'assemblée de Jéhovah, c'est-à-dire dans la société des
Israélites, même à la dixième génération, par consé-
quent à jamais, comme l'explique le texte, le mamzer,
l'Ammonite et le Moabite. Voir Mamzer, col. 637. On
rie pouvait donc recevoir de prosélytes ayant cette ori-
gine. Mais, avec le temps, il devint impossible de
remonter très haut dans la généalogie des étrangers
qui demandaient à faire profession de judaïsme. Aussi
les docteurs se montrèrent-ils faciles sur ce point,
pour la raison que les Ammonites et les Moabites visés
par la Loi n'existaient plus depuis longtemps. Cf. Ya-
dayim, îv, 4. Les Iduméens et les Égyptiens pouvaient
être reçus à la troisième génération. Deut., xxm, 7, 8.
Vers l'époque évangélique, cette troisième génération
datait de fort loin. Il ne subsistait donc aucune
difficulté pour recevoir au prosélytisme ceux de ces
nations qui le sollicitaient. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XIII, IX, 1; xi, 3; xv, 4, 7, 9. Pratiquement, la porte
était ouverte à tous; les conditions imposées étaient
par elles-mêmes assez onéreuses pour qu'on n'exigeât
pas de celui qui les acceptait volontairement des ga-
ranties trop difficiles à fournir. Le prosélytisme juif
put donc ainsi se donner libre carrière, et préparer
inconsciemment à l'Évangile de dévoués disciples et
un certain nombre d'adversaires acharnés.
Voir Slevogt, De proselytis Judxorum, Iéna, 1651,
et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxu, p. 841; Mùller,
De proselytis, dans le même volume d'Ugolini; Wâhner,
De Ebrxonim proselytis, Gœtlingue, 1743; Danz, Cura
Judœorum in conquirendis proselytis, ad Matt., xxm,
15, dans Nov. Test, ex Talmude illuslratum de Meu-
schen, 1736, p. 649-676; Lûbkert, Die Proselyten der
Juden, dans Stud. und Krit., 1835, p. 681-700; Weill,
Le prosélytisme chez les Juifs selon la Bible et le
Talmud, Strasbourg, 1880; Friedlaender, La propa-
gande religieuse des Juifs grecs avant l'ère chré-
tienne, dans la Bévue des études juives, t. xxx, 1895,
p. 161-181 ; et surtout Schùrer, Geschichte des jùdis-
chen Volkes im Zeil. J.-C, Leipzig, t. m, 1898, p. 102-
135, qui donne tous les textes et toutes les références
sur le sujet. H. Lesêtre.
PROSTERNEMENT, attitude qu'on prend en se
mettant à genoux devant quelqu'un et en inclinant la
tête vers le sol. — En prenant cette posture, on témoigne
qu'on se fait humble et petit devant celui auquel on
veut rendre hommage, qu'on remercie ou dont on
attend quelque faveur. Les hommes se prosternent en
diverses circonstances : — 1° Devant Dieu. Ainsi font
Éliézer, Gen., xxiv, 52; Moïse, pendant quarante jours
et quarante nuits, Deut., ix, 18; Tobie et sa famille,
pendant trois heures, Tob., xn, 22; Judith et les Israélites
ses compatriotes, Judith, vu, 4; ix, 1 ; x, 1, 20; les
Machabées, II Mach., x, 4, une fois pendant trois jours.
II Mach., xin, 12. Le Psalmiste invite son peuple à se
prosterner devant Jéhovah pour l'adorer. Ps. xcv (xciv),
6, et il annonce que les nations se prosterneront devant
lui. Ps. lxviii (lxvii), 31; lxxii (lxxi), 9. Le Sauveur
182. — Serviteurs prosternés devant leur maître.
D'après Champollion-Figeac, L'Egypte ancienne, dans
l'Univers pittoresque, de Didot, 1839, pi. 38.
se prosterna trois fois devant son Père pendant son
agonie. Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 35. Les vingt-quatre
vieillards sont proslernés devant le trône de Dieu dans
le ciel. Apoc, rv, 10. — 2° Devant les idoles. La Loi
défendait de se prosterner devant des images taillées.
Lev., xxvi, 1. C'est ce que faisaient les idolâtres. Is.,
xuv, 19; xwr, 6. Voir t. i, fig. 36, col. 234. Naaman
était obligé, par son service auprès du roi de Syrie,
de se prosterner devant le dieu Remmon. IV Reg.,
v, 18. A Babylone, on se prosterne pour adorer la
statue de Nabuchodonosor. Dan., ni, 6, 10, 15. —
3° Devant les anges. Lot se prosternait le visage contre
terre pour accueillir les anges qui le visitent à Sodome.
Gen., xix; 1. — 4» Devant le roi. On voit se prosterner
devant David Abigaïl, I Reg., xxv, 23, Miphiboseth,
II Reg., ix, 8, et Séméï, II Reg., xix, 18. Esther se
prosterna devant Assuérus. Esth.,vm, 3. Les subalternes
n'approchaient d'un roi qu'en rampant ou en se proster-
nant. Voir t. ii, fig.541, col. 1637. Sur l'obélisque de Sal-
manasarII,on voitJéhu prosterné devantleroi assyrien.
Voirt. i, fig. 37, col. 235, — 5° Devant un grand. Joseph
voit en songe les gerbes de ses frères se prosterner
devant la sienne, le soleil, la lune et onze étoiles se
prosterner devant lui, et son père se demande si les
parents et les frères de Joseph auront à se prosterner
de même. Gen., xxxvii, 7, 9, 10. C'est pourtant ce qui
arriva plus tard. Gen., xlii, 6. En Egypte, on se pros-
ternait ainsi devant un dignitaire (fig. 182). Joseph à
765
PROSTERNEMENT — PROSTITUTION
766
son tour, se prosterne devant son père. Gen., xlviii, 12.
Achior se prosterne devant Judith, xm, 30. Plus tard,
le centurion Corneille se prosterne devant saint Pierre,
Act., x, 25, et le geôlier de Philippes devant Paul et
Silas. Act., xvi, 29. — 6" Devant celui qu'on sollicite.
Il faut se prosterner devant celui pour lequel on a
répondu, afin d'être délivré delà caution. Prov., vi, 3.
On se prosterne devant le créancier pour obtenir remise
de la dette. Matth., xvm, 26, 29. Abraham se prosterne
devant le peuple d'Hébron afin d'obtenir qu'on lui vende
la caverne de Macpelah. Gen., xxm, 7. — Devant Jésus-
Christ. Les Mages se prosternent pour l'adorer. Matth.,
u, 11. Saint Jean-Baptiste se reconnaît indigne de se
prosterner devant lui pour détacher les cordons de ses
sandales. Marc, i, 7. Devant lui se prosternent ceux
qui demandent une faveur, le chef de la synagogue,
Marc, v,22; l'hémorrhoïsse,Marc.,v, 33; Luc, vm, 47 ;
la Chananéenne, Marc, vu, 25; le père du possédé,
Matth., xvn, 14; le lépreux, Luc, v, 12; le démoniaque,
Luc, vin, 28, et ceux qui veulent adorer et témoigner
leur reconnaissance, Pierre, après la pêche miracu-
leuse, Luc, v, 8, et l'aveugle-né après sa guérison.
Joa., ix, 38. H. Lesêtre.
PROSTITUTION (hébreu : zenût,zenûnîm, laznût ;
Septante : itopvsia; Vulgate : fornicatio, prostitutio),
genre dévie dans lequel on s'abandonne et on provoque
à l'impudicité.
I. En Egypte et en Chanaan. — 1° Le climat égyp-
tien et le caractère sensuel du culte rendu à une mul-
titude de dieux et de déesses ne pouvaient que favoriser
l'immoralité sur les bords du Nil. La Bible cite les
exemples du pharaon contemporain d'Abraham, Gen.,
xn, 15, 16, et de la femme de Putiphar, Gen., xxxix,
7-12, dont la honteuse entreprise se trouve reproduite
dans le conte des deux frères. Cf. Maspero, Les Contes
populaires de l'Egypte ancienne, Paris, 3 e édit-, p. 6.
On sait quelles coutumes incestueuses présidaient aux
mariages égyptiens. Voir Inceste, t. m, col. 865. Hé-
rodote, u, 48, 60, 64, parle de l'immoralité qui régnait
en Egypte ; mais il déclare que la prostitution ne s'y
pratiquait pas dans les lieux sacrés, comme cela se
faisait dans la plupart des autres pays. Cependant,
dans les temples des dieux mâles, un véritable harem
de femmes fournissait à la divinité des épouses, des
concubines, des servantes, des musiciennes et des dan-
seuses. Dans les temples des déesses, les femmes occu-
paient les premiers postes. Cf. Erman, Aegyplen und
âgyptisches Leben, Tubingue, 1887, p. 399-401.
2° Chez les Chananéens, le culte d'Astarthé comportait
partout la prostitution. Voir Astarthé, t. i, col. 1187.
Non seulement des femmes, mais aussi des hommes
exerçaient ce commerce infâme. Cf. Eusèbe, Vit.
Constant., m, 55, t. xx, col. 1120. Ce sont ces derniers
que le Deutéronome, xxm, 18, désigne sous le nom de
kelâbîm, s chiens ». Les pires impudicités se com-
mettaient en l'honneur de la déesse, à Byblos,à Aphéca,
dans le Lihan, voir t. i, col. 734, et dans toute la Syrie,
d'où son culte se propagea ensuite dans le monde grec
Cf. Lucien, De dea Syra; Dœllinger, Paganisme et
judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. u, p. 241-
244; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit., t. m, p. 84-92. On trouve dans la Genèse les
traces de l'influence exercée sur les mœurs des habi-
tants par les exemples qui venaient des temples chana-
néens. A Sodome, ce sont tous les hommes de la ville,
des enfants aux vieillards, qui se livrent au vice infâme
et attirent sur eux la vengeance divine. Gen., xix, 4-9;
II Pet., u, 7. L'odieux inceste des deux filles de Lot avec
leur père indique jusqu'à quel point le sens moral était
oblitéré, même chez des femmes appartenant à la fa-
mille d'Abraham. Gen. , xix, 30-38. Un peu plus tard, on
voit Thamar, belle-fille de Juda, jouer le rôle de prostituée
auprès de son beau-père. Elle s'assied au bord du che-
min et se voile le visage. A ce signe, Juda la prend
pour ce qu'elle n'est pas, fait marché avec elle et con-
vient de lui payer un chevreau. Celle-ci demande des
gages qui lui sont accordés, et c'est à ces marques que
Juda reconnaît ensuite celle à qui il s'est si facilement
abandonné. L'acte qu'il s'est permis ne semble pas lui
causer beaucoup de honte, car il en parle à un ami
qu'il charge de porter le chevreau convenu. Il n'en
songe pas moins à faire brûler Thamar, quand on lui
dit que celle-ci s'est livrée à la prostitution. Gen.,
xxxviif, 14-25. La peine portée contre Thamar ne visait
pourtant pas la prostitution elle-même, mais la préva-
rication que Juda, en tant que chef de famille, avait à
reprocher à la femme veuve d'un de ses fils et promise
à un autre. La courtisane Rahab avait sa maison à Jé-
richo. Jos., u, 1. Samson alla chez une autre courti-
sane dans la ville philistine de Gaza. Jud., xvi, 1.
II. La législation mosaïque. — 1» Moïse devait pré-
munir les Hébreux contre les dangers qu'ils courraient
dans la terre de Chanaan, au point de vue des mœurs.
Aussi commence-t-il en ces termes les articles de sa
législation du mariage : « Vous ne ferez pas ce qui se
fait dans le pays d'Egypte où vous avez habité, et vbus
ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Chanaan où
je vous conduis. >> Lev., xvm, 3. Puis il défend le ma-
riage entre frère et sœur, usité en Egypte, Lev., xvm, 9,
les unions incestueuses et les actes contre nature que
se permettaient les Chananéens, et parfois aussi les
Égyptiens. Lev., xvm, 22, 23; xx, 16; cf. Hérodote, n,
46. Ces abominations ont souillé le pays, ont rendu ses
habitants dignes d'être chassés, et attireraient sur
l'Israélite la peine du retranchement. Lev., xvm, 24-30 ;
xx, 23. Il dit ensuite formellement : « Ne profane pas
ta fille en la prostituant, de peur que le pays ne se livre
à la prostitution et ne se remplisse de crimes. » Lev.,
xix, 29. Aucune pénalité n'est pourtant assignée contre
les coupables. Quand il s'agit de la fille d'un prêtre, il
en est autrement; à cause du déshonneur qui rejaillit
9ur son père, la coupable est livrée au feu. Lev,, xxi, 9.
La défense de la prostitution est répétée avec plus d'in-
sistance et de détail dans le Deutéronome, xxm, 17,18:
« Il n'y aura pas de prostituée (qedèsâh, nôpvr„ mere-
trix) parmi les filles d'Israël, et il n'y aura pas de
prostitué {qâdês, iropve'jwv, scortator) parmi les fils
d'Israël. Tu n'apporteras pas dans la maison de Jéhovah,
ton Dieu, le salaire d'une prostituée (zônâh, îripvrj,
prostibulum), ni le salaire d'un chien (héléb, xûwv,
canis) pour l'accomplissement d'un vœu; car l'un et
l'autre sont en abomination à Jéhovah, ton Dieu. » Les
prostitués sont désignés par les mots qâdês, qedèsâh,
« consacré, saint », qui étaient probablement en usage
dans la langue d'un pays où la prostitution passaitpour
une fonction sacrée. Les Grecs donnaient aux mêmes
individus le nom de ÎEpiEouXot, « serviteurs sacrés »,
hiérodules. Le mot kélêb, « chien », désigne ici le
qâdês. Dans l'Apocalypse, xxn, 15, les chiens sont éga-
lement des impudiques. Parmi les fonctionnaires des
temples phéniciens, l'inscription de Larnaca signale des
kalabu, qui sont vraisemblablement les prostitués,
scorta virilia, comme ont traduit les éditeurs du Corp.
inscr. semit., t. I, p. 92-99. Cf. Lagrange, Etudes sur
les religions sémitiques,Psivis,i90ô, p. 220. Le chevreau
promis par Juda à Thamar, Gen., xxxvm, 17, était un
de ces salaires de la prostitution qu'il n'eût pas été per-
mis d'offrir en sacrifice.
2° Non contente d'interdire directement la prostitu-
tion, la loi la poursuivait encore dans ses moyens et
dans ses effets. Il était défendu à l'homme et à la femme
de prendre les habits l'un de l'autre. Deut., xxn, 5. Ce
changement de costume favorisait les pires désordres;
souvent, dans les temples idolâtriques, les hommes et
surtout les prostitués s'affublaient de costumes ferai-
767
PROSTITUTION
76»
nins. Cf. Macrobe, Saturnal., m, 8. Un prêtre ne pou-
vait épouser une zonâh (ndpvr], scorlum) ni une t}âld-
lâh (peër,X(i)(ilvv), prostibulum). Lev., xxi, 7, 14. Ces
deux termes désignent la courtisane. Voir Courtisane,
t. il, col. 1091. D'après Josèphe, Ant. jud., IV, vm,23,
la défense d'épouser une prostituée s'étendait à tout
Israélite. Enfin, la descendance de la prostitution ne
pouvait jamais entrer dans la société israélité. Deut.,
xxm, 2. Ce jtexte qui se rapporte au mamzer, voir
Mamzer, t. iv, col. 637, comprend aussi très vraisem-
blablement le fruit de la prostitution.
III. La prostitution en Israël. — La Loi la con-
damne sévèrement, mais ses prescriptions ne furent
pas toujours observées. — 1° Dès le désert, les filles
de Moab entraînèrent des Israélites à, là débauche et
à l'idolâtrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent
punis de mort. Un Hébreu osa amener avec lui une
Madianite jusque sous les yeux de ses frères. Pbi-
nées les perça tous les deux de la lance dans la qub-
bdh, xâpuvo;, lupanar. Le mot hébreu qui, par
l'arabe a donné « alcôve t>, a dans la Mischna le sens
que lui assigne la Vulgate. C'est un rendez-vous de
prostitution. Num., xxv, 1-9. Sous les Juges, Jepbté est
le fils d'une courtisane; chassé plus tard de la maison
paternelle, comme « fils d'une autre femme », il [n'en
devient pas moins chef du peuple. Jud., xi, 1, 2, 11.
Samson se rend chez une prostituée de Gaza. Jud.,
xvi, 1. A Gabaa de Benjamin, les habitants veulent re-
nouveler sur un lévite le crime de Sodome, abusent
de sa concubine et la font mourir. Jud., XIX, 22-26.
Les fils du grand-prêtre Héli commettent le mal avec
les femmes qui servent à l'entrée du Tabernacle.
IReg., n,22, 25.
2° Des prostituées étaient tolérées, peut-être à Jéru-
salem même, du temps de Salomon. Deux d'entre elles,
des zônôf, itôpvat, meretrices, furent admises au tribu-
nal de ce roi et provoquèrent son fameux jugement au
sujet de leur enfaut. III Reg., m, 16. Sous le roi Ro-
boam, des prostituées se répandent dans le pays de
Juda et les anciennes abominations chananéennes se
reproduisent. 111 Reg.,xiv, 24. Asa, petit-fils deRoboam,
fait disparaître les prostituées du pays. 111 Reg., XV, 12.
Mais il en demeure encore, et son fils Josaphat achève
de les supprimer. III Reg., xxn, 47. Le roi Manassé
installe dans le Temple même l'idole d'Astarthé,
IV Reg., xxi, 7, et avec l'idole s'introduisent naturelle-
ment les hiérodules qui forment le cortège obligé de la
déesse. Ces femmes habitaient des maisons qu'on leur
avait bâties dans l'enceinte sacrée et elles s'occupaient
à tisser des tentes pour la déesse. Josias chasse les
prostituées et démolit leurs maisons. IV Reg., xxm, 7.
Le règne de Manassé fut la seule période durant
laquelle la prostitution prit un caractère officiel et pé-
nétra dans le Temple même comme élément constitutif
d'un culte idolâtrique. Il est donc inexact et souverai-
nement injuste d'affirmer, contrairement à tous les
textes, qu'elle servait en partie à payer les frais du
culte à Jérusalem. Le Deutéronome, xxxm, 18, interdit
formellement toute offrande souillée par une pareille
origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, t. iv, p. 506-516.
3° Les livres historiques ne font qu'une allusion à ce
qui se passait dans le royaume d'Israël. Quand le ca-
davre du roi Achab fut ramené à Samarie, on lava le
char ensanglanté qui l'avait porté dans une piscine où
les prostituées se baignèrent. III Reg., xxn, 38. La
Vulgate ne parle pas de prostituées, zonôt, et les Sep-
tante les remplacent par des porcs, usç. Il est présu-
mable que dans le royaume du nord la prostitution
avait pris beaucoup plus de développement que dans
celui de Juda. Elle suivait naturellement le progrès de
l'idolâtrie. De plus elle trouvait des exemples et des
encouragements en Phénicie et en Syrie, où le culte
des Astarthés avait à son service des foules d'hommes
et de femmes voués à tous les genres d'impudicité.
Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27; Movers, Die PhônU
zier, Berlin, 1841, t. I, p. 677-681. Jéhu reproche pu-
bliquement à Jézabel, la Sidonienne, ses prostitutions
et ses sortilèges. IV Reg., ix, 22.
4° Si les historiens fournissent peu de renseigne-
ments sur la prostitution parmi les Israélites, les
autres écrivains sacrés reviennent assez fréquemment
sur ce sujet. Dans les Proverbes, v, 20; vi, 24; vu, 5,
la prostituée est appelée « étrangère », nokriyâh,
ài),oTpia, aliéna, extranea. Le parallélisme ne permet
pas de s'y tromper :
La prostituée (zônâh) est une fosse profonde,
Et l'étrangère (noknyâh) un puits étroit. Prov., xxm, 27.
11 en faut conclure que, très souvent du moins,
c'étaient des étrangères, des Syriennes, des Phéni-
ciennes, qui se livraient à ce vice en Palestine, où l'on
avait tort de tolérer leur présence. Néanmoins des filles
d'Israël se laissaient aussi pervertir, comme l'indiquent
clairement les prophètes. De vives exhortations sont
adressées dans le livre des Proverbes à ceux qui
seraient tentés de succomber à la provocation des sé-
ductrices. Prov., v, 3-6, 20; vi, 24-26; vil, 5-23; xxn,
14; xxm, 27-85, etc. L'auteur de l'Ecclésiastique, IX,
3-9; xix, 2, 3; xxvi, 8-12, etc., s'exprime de même.
Job, xxxi, 1, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour
n'être pas séduit. Amos, n, 7, dit qu'en Israël le père
et le fils vont vers la même fille, profanant ainsi le
nom de Dieu aux yeux des étrangers. Osée revient sans
cesse sur les allusions à la prostitution, à laquelle il
compare l'idolâtrie d'Israël comme à une chose fami-
lière. Il déclare que Dieu ne punira pas les filles et les
femmes de leurs adultères et de leurs prostitutions, car
les hommes eux-mêmes « vont à l'écart avec les pros-
tituées et sacrifient avec les courtisanes. Dès qu'ils ont
fini de boire, ils se livrent à la prostitulion. » Ose., iv,
13,14, 18. Isaïe, m, 9, appelle Jérusalem une Sodome;
on y commet le mal en plein jour, sans se cacher. Jé-
rémie, v, 7, montre les hommes de Jérusalem allantpar
troupes dans la maison de la prostituée, et il les com-
pare à des animaux. Ezéchiel; xlih, 7, 9, rappelle les
prostitutions dont le Temple a été le théâtre, probable-
ment à l'époque de Manassé. De ces textes il faut con-
clure que la prostitution exerçait de grands ravages
parmi les Israélites, surtout dans le royaume du nord,
où la loi religieuse n'était plus capable de la réfréner,
et dans les villes, comme Jérusalem, où se donnaient
rendez-vous un grand nombre d'étrangères et où l'im-
piété des rois et des grands favorisait souvent la
propagation du mal. II ne s'ensuit nullement toutefois
que la masse de la nation ait été atteinte, spécialement
en Juda. La loi morale et les prescriptions mosaïques
gardaient encore assez de vigueur pour tenir la géné-
ralité des Israélites éloignée des excès auxquels se
livraient leurs voisins. C'était un déshonneur, pour une
fille de Juda, de devenir une prostituée. Am., vu, 17.
IV. Descriptions bibliques. — Pour inspirer plus-
grande horreur du vice, les auteurs sacrés ne reculent
pas devant des descriptions très réalistes. L'histoire de-
Thamar et de Juda en est un premier exemple. Gen.,.
xxxvm, 14-26. L'auteur des Proverbes, vu, 10-23,
montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison,
dans la rue, sur les places, à tous les angles, abordant
sa victime, lui vantant les charmes de sa demeure, la
sécurité de la rencontre.
D'autres fois, la provocatrice s'assied devant chaque-
poteau. Eccli., xxvi, 15. Elle se construit un gdb, un-
lieu élevé et visible, oî-nr^a icopvikov, lupanar, elle se
fait un rdmâh, un tertre,'&x8eij.a, prostibulum; il y en
a un à chaque carrefour, et là se multiplient les pros-
titutions. Ezech., xvi, 24, 25. Non contente d'attendre-
"769
PROSTITUTION
770
-et de provoquer, la. courtisane chante et s'accompagne
-d'instruments pour attirer l'attention. Eccli., ix, 4.
lsaïe, xxiii, 16, parle de la chanson de la courtisane.
Elle a des paroles doucereuses, comme le miel et
J'huile, Prov., v, 3 ; vi, 24, la démarche agitée, Prov., vu»
11, 12, un visage effronté, Prov., vu, 11, 13; Jer., m,
-3, une mise qui la fait reconnaître. Prov., vu, 10. Il
lui faut son salaire, Ezech,, xvi, 33, son pain et son
eau, sa laine et son lin, son huile et sa boisson. Ose.,
H, 5; cf. IX, 1; Mich., i, 7. Pour elle, on se réduit à
•un morceau de pain, Prov., vi, 26; on dissipe son
bien. Prov., xxix, 3. -Cependant ce salaire était sou-
vent mesquin. Joël, in, 3, dit que les ennemis d'Israël
-donnaient un enfant pour le salaire d'une courtisane,
c'est-à-dire le vendaient à vil prix. L'auteur de Job,
xxxvi, 14, ajoute un trait au tableau, en disant que les
pécheurs endurcis meurent dans leur jeunesse et
voient leur vie se flétrir comme celle des qedêsîm,
effeminati, les hommes qui font métier d'impudicité.
Les Septante traduisent ici à tort le mot hébreu par
-« anges ».
V. En Babylonie. — 1» Toutes les monstruosités
que comportaient le culte d'Astarthé en Chanaan se
retrouvent en Babylonie dans le culte d'Istar. Les
temples babyloniens ont leurs courtisanes sacrées,
leurs qadistu ou hiérodules, leurs istaritu ou « con-
sacrées à Istar », leurs harimtu ou prostituées. Héro-
-dote, i, 199, exagère probablement quand il prétend
que toute femme était obligée de s'offrir une fois dans
sa vie au temple de la déesse. Cf. Strabon, vm, 378;
xn, 559; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 639, 640 ;
676. Mais tous les temples babyloniens avaient leurs
bandes d'hommes et de femmes qui abusaient et lais-
saient abuser d'eux-mêmes. Érech était comme la capi-
tale de la prostitution en ce pays. Voir Arach, t. I,
col. 868. Une inscription cunéiforme caractérise ainsi
cette ville : « Érech, la demeure d'Anou et d'Istar, la
ville des filles, des courtisanes et des prostituées,
auxquelles Istar vend et livre l'homme; ...eunuques...
■dont Istar, pour effrayer les gens, a changé la virilité
•en hermaphroditisme, porteurs d'épées, de rasoirs, de
stilets et de silex... » Cf. Jensen, Mythe d'Iura, col. Il,
9. 5-12, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schra-
•der, t. vi, p. 62. Ces instruments servaient aux inci-
sions et aux mutilations que s'imposaient les serviteurs
•de la déesse. Voir Eunuque, t. ir, col. 2044; Incisions,
t. m, col. 869. La prostitution babylonienne, partie
intégrante du culte des idoles, est signalée par Jérémie
■dans sa lettre aux captifs israélites. Bar., vi, 42-44.
Hérodote, I, 199, mentionne la couronne que portaient
les prostituées. La farine qu'elles brûlent rappelle le
■kavvân, gâteau offert aux Astarfhés, Jer., vu, 18; xliv,
19, et sert d'encens à la déesse. La prostitution ne se
•confinait pas dans les enceintes sacrées; aucun frein
n'arrêtait son débordement. Quand les Perses occupèrent
le pays, ils ne tentèrent vraisemblablement pas, malgré
la pureté relative de leur culte, d'opposer une digue à
'l'immoralité de la race conquise. D'ailleurs la faveur
avec laquelle ils considéraient, à l'exemple des Égyp-
tiens, les unions les plus incestueuses, (cf. Darmstetier,
Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. I, p. 126-134), les dispo-
sait peu à corriger l'immoralité des autres.
2° Quand Sargon eut déporté en Assyrie les habitants
de Samarie, il envoya pour les remplacer des colons
'tirés de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Émath et de
Sépharyaïm. Ces colons établirent leurs divinités par-
ticulières dans les anciens hauts-lieux des Samaritains.
« Les gens de Babylone firent Sochoth-Benolh (sukkôt
benùf), ceux de Cutha firent Nergal, ceux d'Émath
firent Asima, etc. » IV Reg., xvil, 30. Les mots sukkôt
benôf, à s'en tenir à la transcription massoréiique,
signifient « tentes des filles ». De ces simples mots
-ainsi compris, on a tiré cette conclusion qu'il existait
DICT. DE LA BIBLE.
chez les Israélites une fête, que les colons de Babylone
auraient adoptée, et dans laquelle les filles se tenaient
sous des tentes pour des prostitutions sacrées.
Cf. J. Soury, Revue des deux mondes, avril 1876,
p. 599-600. Mais il est de toute évidence que, dans le
texte des Rois, l'éuumération ne comprend que des
noms de divinités. Il faut donc que Sukkôt Benôt ait
un sens analogue à celui des autres noms. Déjà Gese-
nius, Thésaurus, p. 952, se rendant compte que le sens
obvie n'était pas le véritable, proposait de. lire sukkôt
banôt, '< tentes sur les hauteurs ». Mais on reconnaît
aujourd'hui qu'il y a ici un nom de divinité assyrienne.
Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterb., p. 566. Sukkôfbenot
serait une transcription hébraïque, peut-être altérée à
dessein, du nom de la déesse assyrienne appelée Zir-
banit, Zarpanit ou Sarpanit, « celle qui donne la pos-
térité », la même qui est appelée Mylitta par Héro-
dote, i, 131, 199. Cf. Halévy, dans la Revue critique,
19 déc. 1881, p. 483, note; Vigoureux, La Bible et les
découvertes modernes, t. m, p. 575-577; t. iv, p. 509-
511. Toutefois l'hébreu rroD, que les versions tradui-
sent ordinairement par « tentes », est dans Amos, v,
26, le nom d'une divinité assyro-babylonienne, Sakkut,
qu'on a trouvé joint au nom d'une autre divinité, Kaï-
van, dans une incantation. Cf. Revue biblique, 1901,
p. 358. Ce sont deux divinités sidérales. Il es't fort pro-
bable que le Sakkut nommé dans Amos est aussi le
dieu qu'honoraient les Babyloniens de Samarie. En
toute hypothèse, il ne peut être question de « tentes de
filles » érigées en vue de prostitutions sacrées, à
l'exemple de ce qui se serait fait dans le pays. Les
textes ne permettent pas cette interprétation, et il est
incontestable qu'en Palestine la prostitution ne fut
jamais qu'au service des cultes idolâtriques.
VI. Prostitution et idolâtrie. — 1° La Sagesse,
xiv, 23-27, déclare que « le culte des viles idoles est
le principe, la cause et la fin de tout mal »; et parmi
les manifestations du mal, elle signale les mystères
clandestins, les débauches effrénées de rites étranges,
l'impudeur dans la vie et dans les mariages, les crimes
contre nature. Saint Paul constate aussi que les pré-
tendus sages du paganisme, pour avoir substitué l'ado-
ration de la créature à celle du Créateur, ont été livrés
à l'impureté et en sont arrivés à << déshonorer entre
eux leurs propres corps. » Rom., i, 24, — 2° Mais la
relation de cause à effet entre l'idolâtrie et la prostitu-
tion n'est pas \a seu\e qui existe. Les awtewïs sacrés v.
ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en
effet, la nation israélite appartient à Jéhovah ; quand
elle se détourne de lui pour se livrer aux faux dieux,
elle se rend donc coupable de fornication, voir Forni-
cation, t. n, col. 2316, et de prostitution. Ainsi Moïse
défend aux Israélites d'entrer en contact avec les Cha-
nanéens, de peur qu'ils n'en viennent à se prostituer à
leurs dieux. Exod., xxxiv, 15, 16. Dans le Pentateuque
et les plus anciens livres, le culte des idoles et des faux
dieux est habituellement appelé une prostitution.
Lev., xvn, 7; xx, 5, 6; Deut., xxxi, 16; Jud., n, 17;
vjii, 33, etc. Plus tard, toute la prophétie d'Osée roule
sur l'idée de l'idolâtrie d'Israël représentée sous la
forme d'une prostitution. « Va, prends une femme de
prostitution et des enfants de prostitution, carie pays ne
fait que se prostituer en abandonnant Jéhovah. » Ose.,i,
2; cf. n, 2, 5; iv, 12-14; v, 3; vi, 10; îx, 1, 10. Jérémie
emploie la même image pour décrire l'idolâtrie de Juda,
et celle d'Israël. Jer., ni, 1-8. Ézécbiel, xvi, 17; xxm,
30, se sert d'expressions identiques. — 3° Les auteurs
sacrés qualifient aussi de prostitution les relations du
peuple de Dieu avec les nations idolâtres dSns l'appui
desquelles il met sa confiance. Israël s'est prostitué aux
nations. Ose., vm, 9. Jérusalem surtout s'est prostituée
à l'Egypte et à l'Assyrie. Eiech., xvi. 25-34; xxm,,8,
27, 30. — 4° Enfin la conduite même de certaines na-
V. - 25
771
PROSTITUTION
772
tions idolâtres est assimilée à la prostitution. Ainsi
Tyr se prostitue à toutes les nations de la terre.
Is., xxin, 17. Ninive est châtiée « à cause du grand
nombre de prostitutions, de la prostituée pleine d'at-
traits, de l'habile magicienne, qui vendait les nations
par ses prostitutions et les peuples par ses enchante-
ments. » Nah., m, 4.
VII. Dans le monde gréco-romain. — De la Syrie et
de la Phénicie, l'usage de la prostitution avait aisément
passé en Asie-Mineure, en Grèce et en Italie. Dans l'île
de Chypre régnait une immoralité analogue à celle de la
Babylonie. Cf. Hérodote, i, 199. En Phrygie et en Bi-
thynie, le culte de Cybèle comportait l'orgie et la pros-
titution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, con-
fondue avec Artémis par les Grecs. La déesse avait à
Gomana un temple qui abritait six mille hiérodules,
hommes et femmes. Analtis en comptait autant à
Sarus, et Zeus trois mille à "Venasa. Cf. Dbllinger,
Paganisme et Judaïsme, t. n, p. 169-173. En pays grec,
les prostitutions sacrées n'étaient point en usage, si ce
n'est peut-être à Corinthe et à Éryx, en Sicile. Cf. Jus-
tin, xviii, 5; Strabon, vi, 2; Lagrange, Études sur les
religions sémitiques, p. 445. Voir Corinthe, t. n,
col. 975. Mais l'impudicité trouvait des excitations per-
manentes dans les exemples des dieux, dans les fêtes
célébrées en leur honneur et dans les mille facilités
qu'une vie voluptueuse pouvait se ménager dans le
monde antique et sous des climats qui la favorisaient.
Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. m, p. 265-
272; de Champagny, Les Césars, Paris, 1876, t. m,
p. 303-306. A Rome, la prostitution avait pris, sous les
premiers empereurs, un tel développement, que les
courtisanes seules étaient considérées; pour attirer
l'attention, les plus nobles matrones en venaient à se
faire courtisanes, au point que Tibère même se crut
ohligé de réprimer ce honteux désordre. Cf. Suétone.,
Tib., 35; Tacite, Annal., Il, 85; xiv, 16; xv, 37, etc.
Des courtisanes syriennes, du plus bas étage, se ren-
daient dans la capitale, où on les connaissait sous
le nom A'ambubaiœ, «joueuses de flûte, » parce qu'elles
attiraient l'attention à l'aide de cet instrument. Cf. Ho-
race, Sat., 1, 2, 1 ; Suétone, Ner., 27; Pétrone,
Sat., lxxvi, 13. — La Palestine ne fut pas à l'abri
de la contagion. Le progrès de la prostitution y sui-
vit l'introduction des mœurs grecques, mais en pre-
nant les formes de la corruption asiatique. Par l'ordre
d'Antiochus Épiphane, « le Temple fut rempli d'orgies
et de débauches par des Gentils dissolus et des cour-
tisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes
dans les saints parvis. » II Mach., vi,4. Dans un autre
passage, II Mach., iv, 12, il est dit, d'après la Vulgate,
que Jason établit un gymnase et exposa les jeunes gens
dans les lieux infâmes, in lupanaribus. Il y a dans le
texte grec : \iith ■Kirxaoi ^-jev, « il les mena sous le
chapeau », c'est-à-dire il les conduisit aux exercices
de la palestre pour lesquels on se coiffait du néTano;,
chapeau à larges bords. Voir t. n, col. 829.
VIII. A l'époque évangélique. — 1» Il est plusieurs
fois question de prostituées dans l'Évangile. C'est avec
elles que le fils prodigue dissipa son bien. Luc, xv,30.
La femme qui se présenta chez Simon le pharisien,
et qui était Marie-Madeleine, est qualifiée de « péche-
resse dans la ville », àuapTWÀô;, peccatrix. Luc, vil,
37, 39. Ce terme adouci désigne une femme de mœurs
légères. Les Juifs talmudistes ont bâti tout un roman
sur son compte, pour diffamer, à son occasion, la mère
du Sauveur. Voir t. IV, col. 808, 810. Les courtisanes,
Ttôpvoti, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du
royaume dé Dieu, si elles font pénitence. Il en est qui
ont cru à la prédication de Jean.-Baptiste et ont fait
pénitence. Elles précèdent, irpoctyoucrt, les prêtres et les
anciens dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire qu'elles y
entrent plus rapidement et plus sûrement que les
orgueilleux du sanhédrin. Mattb., xxi, 31, 32. Le Sau-
veur en donne l'assurance à Marie-Madeleine, Luc,vn T
50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient
entendu les exhortations du précurseur. — Dans une
discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche
de ne pas faire les œuvres d'Abraham, dont ils se pré-
tendent les fils, mais de faire les œuvres d'un autre
père, c'est-à-dire de montrer par leur conduite qu'ils
descendent d'un autre père, le diable. Ils lui répondent :
« Nous ne sommes pas nés de la prostitution, èx itop-
vet'ac, ex fomicatione ; nous n'avons qu'un père, qui
est Dieu. » Joa., vin, 41. Ils abandonnent la paternité
d'Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont
compris l'allusion et ont été piqués au vif.
2° Au cours de leurs prédications évangéliques, les
Apôtres eurent à réprimer la prostitution, qu'ils ren-
contrèrent à chaque pas sur leur chemin. Par leur
décret de Jérusalem, ils proscrivent rigoureusement ce
qu'ils appellent iîopv£Lct, fornicatio. Act., xv, 20, 29;
xxi, 25. Le mot grec désigne toute liaison en dehors du
mariage, non seulement quand elle est passagère, mais
encore et surtout quand le vice devient une profession
comme dans la prostitution. On sait que, pour les
païens, c'était là une chose qui parfois revêtait un
caractère religieux et qui, en tous cas, demeurait indif-
férente et licite. Cf. Térence, Adelph., I, 2, 21; Cicé-
ron, Pro Cœlio, 20; Horace, Sat., I, 2, 31, etc. Quel-
ques auteurs pensent que le mot rcopves'a désigne les
unions contractées dans des conditions de consangui-
nité ou d'affinité prohibées par le Lévitique, xvni, 7-
18. Ces unions sont indiquées par l'expression gallôt
'érvdh, « découvrir la nudité », qui se retrouve Sanhé-
drin, 56 b, pour formuler un précepte noachite, anté-
rieur au Lévitique. Il est difficile d'admettre que les
Apôtres n'aient eu en vue que des unions prohibées
par une législation dont les Gentils ne pouvaient avoir
connaissance. Ils doivent donc viser bien plutôt la for-
nication en général, telle que les idolâtres la prati-
quaient sans grand scrupule. Cf. Knabenbauer, Acius
Apost., Paris, 1899, p. 266-267; Coppieters, Le décret
des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 48. Pour
la simple prohibition de certains mariages, cf. Cor-
ne! y, Prior Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121;
Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 76. —
Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si déplorables
exemples, saint Paul rappelle que les membres du.
chrétien sont les membres du Christ, que son corps-
est le temple du Saint-Esprit, et qu'il y aurait crime
et honte à faire de ces membres ceux d'une prostituée,,
et de ce corps un même corps avec le sien. I Cor., vi,
1519. Seront d'ailleurs exclus du royaume de Dieu r
entre autres criminels, r.ôpvot, fornicarii, les fornica-
teurs; [(.otyoi, adulteri, les adultères; podaxof, molles,
les mous, les efféminés qui servent à la débauche d'ins-
truments passifs; àpjrevoxoîxat, masculorum concu-
bitores, ceux qui se livrent au vice contre nature
châtié àSodome; El8w7.o),aTpa!, idolis servientes, ceux
qui rendent un culte aux idoles, particulièrement sous
forme de prostitution sacrée, telle qu'on la pratiquait
dans le temple d'Aphrodite à Corinthe. I Cor., vi, 9 f
10. Tous les excès qu'entraîne la prostitution sont
ainsi stigmatisés. Mais les séductions du mal étaient
terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux
chrétiens se laissaient entraîner. En leur écrivant un&
seconde fois, l'Apôtre craint d'avoir à pleurer sur ceux
qui n'ont pas fait pénitence après avoir succombé à
l'ix«6apcjîa, immunditia, l'impureté en général, la
itopvet'a, fornicatio, la prostitution, et râcj£),yeta, impu-
dicitia, la dissolution des mœurs dans ce qu'elle a d&
plus grossier. II Cor., xii, 21. Aux Thessaloniciens,
dont la ville était un lieu de plaisir et de dépravation,
cf. Lucien, Asin., 46, saint Paul rappelle l'obligation,
de fuir la prostitution et ses conséquences. 1 Thess., IV,
773 PROSTITUTION — PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 774
3. A Timothée, évêque de cette ville d'Éphèse dans
laquelle le culte de Diane attirait les courtisanes et les
débauchés, il ordonne de condamner, au nom de
l'Évangile, les icôpvot et les àpusvoxoîtai, ceux qui
vivent dans la prostitution et les vices contre nature.
I Tim., i, 10. Aux Éphésiens eux-mêmes, il recommande
de ne plus se conduire comme les païens, qui, « ayant
perdu tout sens, se sont livrés aux désordres, à toute
espèce d'impureté, avec une ardeur insatiable.» Eph., IV,
17-19. Cf. I Pet., iv, 3.
3° Enfin, dans l'Apocalypse, n, 14, 20-21, saint Jean
signale la prostitution à Pergame et à Thyatire. Il
décrit la ruine de la cité du mal, de Babylone, tîjç
ttipvf,? ttjç y.i~(i\rj<;, meretricis magna, « la grande
prostituée, qui a abreuvé les nations du vin de sa
furieuse impudicité. » Apoc, xiv, 8; xvn, 1, 2, 4;
xvin, 3, 9; six, 2. Il annonce le châtiment qui est ré-
servé aux impudiques, la seconde mort. Apoc, xxi, 8.
II exclut à jamais de la cité bienheureuse les chiens et
les débauchés, en compagnie des idolâtres, par consé-
quent tous ceux qui vivent dans les hontes de la pros-
titution et des vices qu'abritent les temples des faux
dieux. Apoc, xxn, 15. H. Lesêtre.
PROTÉVANGILE (premier évangile), nom donné
1° à la première prophétie messianique, Gen.,'m, 15,
annonçant que le Sauveur futur, de la race de la femme,
écrasera la tête du serpent tentateur (voir Marie 2,
t. IV, col. 778); 2° à un Évangile primitif supposé
par divers critiques pour rendre compte des ressem-
blances des Évangiles synoptiques (voir Évangiles,
t. m, col. 2094); 3° à un Évangile apocryphe dit
de saint Jacques. Voir Évangiles apocryphes, t. Il,
col. 2115.
PROTOCANONIQUES (LIVRES), livres de l'É-
criture dont l'autorité n'a été l'objet d'aucune contesta-
tion. Voir Canon, t. n, col. 137.
PROUE (grec : itptipa; Vulgate : prora), avant d'un
navire. Voir Navire, t. iv, col. 1513. Quand le navire
qui portait saint Paul fut poussé par la tempête
vers Ftle de Malte, les marins, craignant d'être portés
sur les récifs au milieu de la nuit, jetèrent quatre ancres
de la poupe, afin d'arrêter la marche du navire. Puis,
pour échapper eux-mêmes au danger, ils mirent une
chaloupe à flot du côté de la proue, sous prétexte d'y
jeter une autre ancre. C'est de ce côté, en effet, qu'ils
comptaient trouver un rivage. Quand le jour fut venu,
on coupa les amarres des ancres et on échoua le navire
sur une plage. La proue s'enfonça dans le sable et
y resta fixée, tandis que la poupe se disloquait
sous la violence des vagues. Act., xxvn, 29, 30, 41.
C'est à la proue qu'on sculptait les figures symboliques
qui servaient d'enseigne au navire. Voir Castors, t. n,
col. 342. H. Lesètre.
PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
Leur histoire n'est connue exactement que depuis peu
de temps seulement. Leurs manuscrits ont été long-
temps confondus avec ceux des traductions bibliques
faites dans le dialecte des vallées vaudoises. Cf. Ri-
chard Simon, Nouvelles observations sur le texte et
les versions du Nouveau Testament, II e partie, c. n,
in-4°, Paris, 1695, p. 141-142 ; J. Le Long, Bibliotheca
sacra, in-f», Paris, 1723, t. i, p. 368-369. Ed. Reuss
a distingué le premier les versions albigeoises ou ca-
thares en provençal des traductions vaudoises. Frag-
mentslitléraires et critiques relatifs à l'histoire de la
Bible française, dans la Revue de théologie de Stras-
bourg, 1852, t. v, p. 321-349; 1853, t. vi, p. 65-96.
Depuis lors, on a découvert et étudié des manuscrits
nouveaux; on a confronté les textes, et de cette compa-
raison Samuel Berger et Paul Meyer ont tiré des
conclusions scientifiques, que nous exposerons
brièvement.
1° La plus ancienne traduction provençale a été re-
trouvée dans un manuscrit unique du xit e siècle, conser-
vé à Londres au British Muséum, Harleian 2928,
fol. 187 v». 11 comprend cinq chapitres de l'Évangile de
saint Jean, xm, 1-xvn, 26, dont le texte provençal est
précédé de cette rubrique latine : Incipit sermoDomi-
ni nostri Jhesu Christi quem fecit in cena sua quan-
du pedes lavit discipulissuis. Il a été copié à Limoges,
peut-être à l'abbaye Saint-Martial. Le texte est un
morceau liturgique et on n'a pas de raison de penser
qu'il ait fait partie d'une version plus étendue. Il est
de la même époque que le manuscrit, par conséquent
du xn e siècle. Il a été publié par Fr. Michel, par
C. Hofmann, Gelehrte Anzeigen der kônigl. bayer.
Akademie der Wissenschaften, juillet 1858, par Paul
Meyer, Recueil d'anciens textes bas-latins, provençaux
etfrançais, Paris, 1874, t. I,p. 32-39, etparK. Bartsch,
Chrestomathie provençale, 4 e édit., Elberfeld, 1880,
col. 9-18.
2° Environ cent ans plus tard, au xm e siècle, on
fit une version provençale de tout le Nouveau Testa-
ment. Elle existe dans un seul manuscrit d'une écri-
ture méridionale paraissant de la fin du xm e siècle
(1250-1280), à la bibliothèque du Palais des arts à
Lyon, n»36. Il a été apporté de Nimes à Lyon en 1815,
et donné à la ville de Lyon par J.-J. Trélis. Le texte
présente deux lacunes notables, provenant de la perte
de quelques feuillets : les passages, Luc, xxi, 38-xxiil,
13; Rom., vu, 8 6-Vm, 28, manquent. La version pro-
vençale est suivie d'un rituel qu'Edouard Cunitz a
reconnu le premier pour le rituel cathare ou albigeois,
contenant la liturgie du consolament : Ein katharisches
Ritual, dans les Beitrâge fur den theol. Wissenschaf-
ten, Iéna, 1852, t. îv, p. 1-88. Il a été réédité par M. Léon
Clédat avec le Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1888
(le texte en a été transcrit en caractères ordinaires et
traduit en français dans l'Introduction, p. ix-xxvi), et
spécialement : Vieux provençal. I. Rituel provençal,
manuscrit 36 de la bibliothèque municipale du palait
Saint-Pierre, à Lyon, in-8°, Lyon, 1890. Les citations
du Nouveau Testament de ce rituel appartiennent à la
version provençale, dont le texte précède, quoiqu'elles
n'en -soient pas extraites textuellement. Ed. Reuss,
loc. cit., avait péremptoirement démontré, par la com-
paraison avec les textes vaudois, que cette version
n'avait rien de vaudois, et qu'elle avait été la traduction
officielle des cathares ou albigeois. Samuel Berger, Les
Bibles provençales et vaudoises, dans la Romania, Pa-
ris, 1889, t. xviii, p. 354 sq., a constaté que la version
provençale du manuscrit de Lyon avait été faite sur
un texte latin de la Vulgate tout à fait caractéristique
et usité dans le Languedoc pendant la première moitié
d"u xm e siècle. Cf. son Histoire de la Vulgate pendant
les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 72-
82. Elle y correspond de tous points pour le fond
(aussi bien que les corrections marginales) et lui res-
semble même dans ses formes extérieures, et en par-
ticulier pour la division en chapitres. Bien plus,
comme un certain nombre de passages, tant du début
de la plupart des livres que de quelques endroits du
texte, sont restés en lalin sans traduction, il faut en
conclure que le copiste transcrivait la version proven-
çale interlinéaire d'un manuscrit latin glosé. Non
seulement il a copié parfois, par inadvertance sans
doute, le texte latin, mais l'ordre dès mots vulgaires
est presque exactement celui du texte original. Cette
copie semble avoir été prise directement sur le manus-
crit latin glosé, car, si elle n'est pas un manuscrit
d'auteur, elle n'est pas très éloignée du manuscrit de
l'auteur. M. Paul Meyer, dans la Romania, loc. cit.,
775
PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE
776
p. 423-426, par une étude comparée de la langue de
cette version, a déterminé la région à laquelle appar-
tenaient l'auteur et !e copiste du manuscrit. Toutes les
particularités linguistiques se retrouvent à l'époque
indiquée, dans les documents qui proviennent du pays
correspondant au département actuel de l'Aude et
même, pour plus de précision, à la partie orientale de
ce département. Des fac-similés du manuscrit ont été
reproduits par W. S. Gilly, The romaunt Version of
the Gospel according to St. John, Londres, 1848,
p. lvii; par Reuss, loc. cil.; dans le Recueil des fac-si-
milés à l'usage de l'École des chartes, pi. 129. "W.Foers-
ter a édité l'Évangile selon saint Jean, dans la Revue
des langues romanes, 2 e série, 1878, t. v, p. 105 sq.
M. Léon Çlédat a publié une reproduction photolitho-
graphique du manuscrit entier : Le Nouveau Testa-
ment traduit au xni* siècle en langue provençale,
dans la Bibliothèque de la faculté des lettres de Lyon,
Paris, 1888, t. iv. Cette version provençale a exercé,
nous le verrons, une grande influence, directement ou
par ses dérivés, sur les versions vaudoises, catalanes et
italiennes du NouveauTestament.-
3° Un autre état de cette traduction provençale du
Nouveau Testament a été conservé dans le manuscrit
français 2425 qui provient de Peiresc. Il est malheureu-
sement mutilé en plusieurs endroits, et l'Évangile de
saint Matthieu est perdu tout entier. L'écriture est de
la première moitié du xiv e siècle. D'autre part, le texte
lui-même est abrégé. Il a été écourté soit pour éviter
des répétitions, soit par recherche de la brièveté. Au
lieu de donner la traduction complète du texte, l'auteur
n'en fait souvent qu'un résumé; parfois Cependant, il
a ajouté quelques mots de paraphrase. La version est
donc plutôt libre que littérale, et en beaucoup d'en-
droits, elle est très négligée. D'ailleurs, la copie est
souvent défectueuse. Or, elle ressemble en bien des
points à celle du manuscrit de Lyon. La division en
chapitres est en grande partie identique à celle de ce
manuscrit. Le texte lui-même est si ressemblant que
vraisemblablement on ne se trouve pas en présence de
deux traductions différentes; les contresens sont les
mêmes. Les divergences se ramènent à peu près à une
traduction plus littérale de quelques mots; la diversité
de l'ordre des mots et de la disposition des phrases
provient de ce que la version interlinéaire du manuscrit
de Lyon suit l'ordre du texte latin, tandis que celle du
manuscrit de Paris à remis les phrases sur ses pieds.
La communauté d'origine admise, le manuscrit de Lyon
représenterait la première édition; celui de Paris en
serait le redressement, et le texte provençal primitif
aurait simplement été transcrit dans un langage plus
moderne et, au jugement du transcripteur, plus con-
forme au latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit.,
cette transcription a été faite dans le dialecte de la
Provence, et plus probablement du sud ou du sud-est
de cette province. Au point de vue doctrinal, cette vei--
sion est neutre, comme la précédente. La copie semble
avoir été faite pour l'usage d'un catholique, qui y
lisait les évangiles et les épltres des dimanches et des
fêtes. Un grand nombre d'index, dus à plusieurs
mains et qui paraissent remonter au xv« siècle, in-
diquent en quelles mains ce manuscrit a passé. Ils at-
tirent l'attention sur des textes de morale et sur des
passages qui ont un rapport direct avec l'enseignement
spécial des Vaudois, et ils semblent être le résumé de
la prédication d'un « barde » et le témoignage de sa
carrière errante et persécutée. S. Berger, ïbid.,
p. 365-371.
Le texte de l'Évangile de saint Jean a été publié en
entier par Gilly, The romaunt Version of the Gospel
according to St. John, Londres, 1848, et par J. Wollen-
berg, L'Évangile selon saint Jean en vieux provençal
(Programme du Collège royal français de Berlin), 1868.
P. Meyer a reproduit Joa., xm, dans Recueil d'anciens
textes bas-latins, provençaux et français, Paris, 1874,
t. i, p. 32-39. 1. Wollenberg avait publié déjà l'Épître
aux Èphésiens, dans VArchiv fur das Studium der
neueren Sprachen, 1862, t. xxxvm, p. 75 sq., et Karl
Bartsch en a extrait Éph., i, 1-23, pour l'insérer dans
sa Chreslomathie provençale, 4 e édit., Elberfeld, 1888,
col. 331-332.
Ces textes provençaux du Nouveau Testament ont
exercé une influence notable sur les versions vau-
doises, qui ont avec eux un grand nombre de points
communs. Les divergences ne permettent pas d'ad
mettre la communauté d'origine ; mais la dépendance
de celles-ci relativement à ceux-là est certaine. S. Ber-
ger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont influé aussi, comme les
versions vaudoises elles-mêmes, sur la première traduc-
tion italienne des Épitres de saint Paul, des Épîtres catho-
liques et de l'Apocalypse. S. Berger, La Bible italienne
au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiv, p. 45,
47, 50. Voir Italiennes (Versions), t. m, col. 1020-1021.
Ils ont même influé sur une Bible allemande, repré-
sentée par les manuscrits de Tepl et de Freiberg
(xiv e siècle) et par dix-huit édilions imprimées. Son
texte se rattache surtout au manuscrit de Lyon; mais
certaines de ses leçons ne se retrouvent que dans le
manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. Il
faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous
les yeux un original intermédiaire entre les différentes
versions. Voir la bibliographie du sujet, citée t. i,
col. 376, et les articles de la Revue historique, janvier
1886, t. xxx, p. 167; septembre 1886, t. xxxn, p. 184,
et 1891, t. xlv, p. 148 (les deux premiers ont été repro-
duits avec additions dans le Bulletin de la Société
d'histoire vaudoise, n° 3, décembre 1887).
4° Une version toute nouvelle ^du Nouveau Testa-
ment a été découverte plus récemment encore dans
deux manuscrits. Le premier, qui n'en contient qu'un
fragment, a été trouvé par M. Mireur, archiviste du
Var, dans les archives de Puget, où il servait de cou-
verture à un registre de comptes. C'est un débris
de deux feuillets, dont l'écriture est du milieu du
xiv« siècle environ. Le texte reproduit est Matth.,
xxvm, 8-Marc, i, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet
précédent se sont imprimées à l'envers sur le suivant
et ont fourni Matth., xxvi, 1-4, 17-21. M. P. Meyer a
édité ce texte et l'a étudié. Fragment d'une version
provençale inconnue du Nouveau, Testament, dans la
Romania, t. xvm, p. 430-438. Cette version est bien
plus libre d'allures que la précédente; elle ne suit pas
littéralement le texte latin, et elle vise à être claire et
intelligible pour tous, parfois même en forçant un peu
le sens. Tous les mots et toutes les locutions sont de
bonne langue populaire, et on ne trouve pas de termes
latins passés en provençal. La traduction ne paraît pas
notablement plus ancienne que le manuscrit; elle serait
donc de la première moitié du xrv e siècle. Les règles
de l'ancienne déclinaison sont tombées en désuétude,
et elles ne semblent pas être des corrections du copiste.
La langue appartient à la partie méridionale de la
Provence, en sorte que la version est du même pays
que le manuscrit qui la contient.
Samuel Berger a étudié plus tard un manuscrit nou-
veau, qui reproduit la plus grande partie des Évangiles,
à la suite d'un « livre de Genèse », dont il sera parlé
plus loin. C'est le manuscrit français 6261 de la Biblio-
thèque nationale de Paris. Écrit au xv e siècle, il a
appartenu à Jean de Chastel, évoque de Carcassonne
(f 1475), et au célèbre Tristan l'Ermite. Chaque Évan-
gile est précédé de son argument, La division en para-
graphes, à peu près semblable à celle des manuscrits
de la version précédente, semble indiquer que la tra-
duction est antérieure, sinon au milieu, du moins à la
fin du xiu e siècle. Le texte latin, sur lequel elle a été
777
PROVENÇALES (VERSIONS) — PROVERBES (LIVRE DES)
778
faite, n'a presque rien du texte languedocien; c'est, à
peu de chose près, celui qui a été en usage dans toute
la France depuis le ix« siècle jusqu'au milieu du XIII e .
La version est libre, souvent abrégée, parfois paraphra-
sée ou accompagnée de gloses. Elle est, à certains en-
droits, la même que celle du fragment du Puget.
L'origine commune, au moins partielle, des deux textes
est évidente. Le fragment est plus ancien et plus
rapproché, à certains égards, de l'original. Cette tra-
duction a certainement été en partie l'original de la
plus ancienne des versions catalanes des Évangiles,
qui se trouve dans le manuscrit de Peiresc, Bibliothèque
nationale, fonds espagnol, 2-4, du xv« siècle. Voir t. il,
col. 346. Il y a ressemblance en certains passages, et
identité en beaucoup d'autres. Certains indices pour-
raient faire croire que cette version provençale est
d'origine cathare. Elle parle des « bons hommes » et
des « parfaits ». Moins littérale que la précédente, elle
est bien supérieure au point de vue du goût, et elle est
faite pour le peuple. Certains contresens, dont quel-
ques-uns sont peut-être le fait des copistes, nous
apprennent comment l'auteur entendait l'original. Le
texte n'en a pas encore été publié. S. Berger, Nouvelles
recherches sur les Bibles provençales et catalanes,
dans la Romania, 1890, t. xix, p. 535-548. La traduction
toscane des Évangiles, du xnp siècle, a été faite, à cer-
tains endroits, sons l'influence d'un te-tte pïoveuçal,
parent de celui qui avait été traduit en catalan, mais
plus ancien et plus rapproché de la source commune
de tous les textes provençaux. S. Berger, La Bible ita-
lienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxm,
p. 30-32.
5» Le « livre de Genèse », que contient le manus-
crit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes,
qui complète l'histoire sainte par des légendes évangé-
liques. 11 paraît être du xiv a siècle. Il est conservé
aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque de Sainte-
Geneviève à Paris, Af 4, fol. 79, du xiv 8 siècle.
M. Bartsch. l'a reproduit, Chrestomathie provençale,
¥ édit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a été
traduit en catalan. La version catalane, conservée dans
les manuscrits : Bibliothèque nationale de Paris, esp. 46,
du xv ! siècle; Barcelone, daté de 1451, a été publiée
par M, V. Amer, Genesi de Scripturn, Barcelone,
1873. Le même livre a été traduit en béarnais. V. Les-
pey et P.Raymond, Récits aVhist. sainte, 2 vol., Pau,
1876, 1877.
6» Les livres historiques de l'Ancien Testament ont
enfin été traduits en provençal au xv e siècle. Le texte
en a été conservé dans un seul manuscrit du xv" siècle,
à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds français 2426.
Aux feuillets 152 et 366, il y a une signature qui pourrait
bien être celle du copiste et qu'on peut lire « Johannes
Convel » ou « Conveli ». Quelques parties en ont été
éditées par M. J. Wollenberg, dans VArchiv fur das
Studium der neueren Sprachen, à savoir: l'histoire de
Susanne. 1860, t. xxvm, p. 85-88; Eslher, 1861, t. xxx,
p. 159-169; Tobie, 1862, t. xxxu, p. 337-352. Elle a été
pour une partie traduite littéralement sur une Bible
historiale française, dont il existe trois manuscrits
plus ou moins complets : Bibliothèque de l'Arsenal à
Paris, manuscrit 5211, du milieudu XIII e siècle ; Biblio-
thèque nationale, nouvellesacquisitionsfrançaises,1404,
de la seconde moitié du xm 8 siècle; fonds français
6447, copié entre le xm e et le xiv« siècle. Voir t. ir,
col. 2353-2354. Cette version a les caractères de son
original français, qui est une compilation et une œuvre
mêlée due à plusieurs traducteurs. S. Berger, Nou-
velles recherches, etc., p. 548-557. Elle a été faite peut-
être pour servir de complément au Nouveau Testament
provençal.
La littérature provençale n'a jamais produit une
BiWe complète. "E. SUè^gïkot.
PROVERBES < LIVRE DES), un des livres sa-
pientiaux de l'Ancien Testament.
I. Titres du livre. — Ce livre a pour titre dans la
Bible hébraïque les premiers mots du texte Mislê
Se.lômôh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages
juifs plus récents, il est assez souvent désigné par le
seul mot Mislê; dans le Talmud également on le trouve
aussi mentionné sous le titre de séfér hokmdh, « livre
de la sagesse », Tosephot in Baba balhra, 14. — Dans
les Septante il est intitulé llapoifu'at ou ITapoiiuai
Sa>w(x.iovToç. — La Vulgate, au titre, de Liber Provsr-
biorum, ajoute : gueni Hebraei Misle appellant. —
L'antiquité chrétienne indique assez souvent les cita-
tions empruntées à ce livre par ces seuls mots : Sala-
mon a dit; cependant on le rencontre encore désigné,
explicitement ou implicitement par le terme de Eoift'i
ou Soçfot Sa)>ù)|j.MVToç, Sapientia Salomonis, S. Justin,
Adv. Tryph., 129, t. vi, col. 771; Méliton de Sardes,
cité dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397; Clé-
ment d'Alexandrie, Psedag., n, 2, t. vm, col. 421; Ori-
gène, In Gen., hom. xiv, t. xn, col. 237; S. Cyprien,
l'estim. adv. Jud., m, 56, t. iv, col. 761; r| mxvâpsToc
ao?U, S. Clément, 1 Cor., lvii, 3, édit. Gebhart et Har-
nack, 1876, p. 94. Eusèbe nous apprend que cette épi-
thète était en usage parmi les auteurs ecclésiastiques du
II e siècle, H. E., iv, 36, t. xx, col. 397. — Dans la litur-
gie, l'Église le désigne, ainsi que les autres livres sapien-
tiaux, sous le titre général de « Livre de la Sagesse ».
H. Pla.ce du livre dans la. Bible. — Le livre des
Proverbes, dans la Bible hébraïque, fait partie des
Hagiographes, et, par suite, il se trouve placé après la
Loi et les Prophètes, le plus ordinairement à la suite
des Psaumes et de Job; dans la Vulgate comme dans les
Septante, il est placé à la suite de Job et des Psaumes.
III. Canonicité du livre. — Le livre des Proverbes
fait partie des protocanoniques ; il a toujours été con-
sidéré comme livre canonique par les Juifs et par
l'Église chrétienne. Dans les écrits du Nouveau Tes-
tament, les passages de ce livre qui y sont cités
sont rapportés avec les formules ordinairement em-
ployées pour les citations scripturaires. Dans l'Épitre
aux Romains, xu, 19-20, une citation des Proverbes,
xxv, 21-22, est jointe à une autre du Deutéro-
nome, xxxu, 25, et toutes les deux sont introduites
avec la formule « car il est écrit ». Voir aussi II Cor.,
vjii, 21, et Prov., ni, 4; Heb., xn, 5-6, et Prov., m, 11-
12; Jac, iv, 6; I Pet. v, 5, et Prov., ni, 34; I Pet., iv,
18, et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxn,
8 (Septante); Héb., xn, 13, et Prov., iv, 26 (Septante).
Quelques anciens rabbins juifs soulevèrent des diffi-
cultés relativement à la canonicité des Proverbes, mais
ils visaient l'usage public du livre et non pas son auto-
rité religieuse. Elles consistèrent principalement dans
les contradictions que l'on pensait trouver entre ces
deux passages, xxvi, 4, et xxvi, 5, ainsi que dans les
descriptions de vu, 7-20, jugées inconvenantes comme
trop réalistes et trop suggestives; celte question fut en-
core soulevée au synode de Jamnia (vers 100 après
J.-C). Une distinction mit fin à la première difficulté
en rapportant xxvi, 4, aux choses de la terre et xxvi, 5,
aux choses religieuses. Quant aux descriptions du
chap. vu, elles furent interprétées d'une manière allé-
gorique. Après cette date, aucun doute n'est plus signalé
sur ce livre dans le milieu juif. — Parmi les chrétiens,
le second concile général de Constantinople (553),
Labbe, Conc, t. v, col. 451, condamna la doctrine
de Théodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est
vrai, que Salomon était l'auteur de ce livre, fait en
vue de l'utilité d'aulrui, mais prétendait qu'il l'avait
composé de lui-même, parce que pour ce travail
il n'avait pas été favorisé, disait-il, des dons de pro-
phétie. — Dans les temps modernes, cette attaque
fut reprise par le juif B. Spinoza. Tractatus theologico-
779
PROVERBES (LIVRE DES)
780
polit., il, et par ,1. le Clerc, Sentiments de quelques
théologiens de Hollande sur l'histoire critique du
V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne
pouvaient comprendre que « le Saint-Esprit eût inspiré
des choses aussi simples que celles qu'on rencontre
en plusieurs passages de ce livre et que des paysans
sans instruction apprennent et connaissent sans le
secours d'aucune révélation. » Raisonnement absolu-
ment faux, parce qu'il confond la révélation et l'ins-
piration et donne comme critère- de l'inspiration d'un
livre son contenu, et qui, s'il était poussé logique-
ment, aboutirait, comme le remarquait justement
R. Simon, Réponse aux sentiments de quelques théo-
logiens de Hollande, c. xm, Rotterdam, 1686, p. 138,
à la négation de l'inspiration d'un bon nombre d'autres
livres de la Bible.
IV. Le sens du mot Proverbes. — Màsâl, dont
Proverbe est la traduction, vient de la racine Vtfo,
- T
qui répond à l'idée de comparaison, de similitude,
d'où parabole, sentence. Kautasch, dans The sacred
Books of the Uld Testant. : The Book of Proverbs,
i, 6, p. Ï52, préfère, pour fixer ce sens, recourir à un
rapprochement avec l'assyrien mislu, qui veut dire
« moitié », confirmé par l'arabe jfJ— ao, dont la signi-
fication revient à ceci : « brisé en deux » ou « divisé
par le milieu ». Pour lui, l'idée première de mâsâl ne
serait donc point celle de similitude, au moins d'une
façon directe, mais impliquerait immédiatement l'idée
de stiques poétiques, c'est-à-dire de membres paral-
lèles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot
mâsâl est traduit ainsi : c< proverbe parabole, se dit
de sentences disposées en parallélisme. » On peut dire,
en général, que mâiâl signifie tout d'abord similitude,
comparaison, et ensuite, similitude exprimée sous forme
de parallélisme, avec diverses nuances de sens. En
dehors du livre des Proverbes où il est employé 6 fois
i, 1, 6; x, 1; xxv, 1: xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois
dans l'Ancien Testament. 11 signifie : dicton populaire,
I Sam., xxiv, 14; Ezech., XII, 22; oracles prophétiques
fde Balaam), Num., xxm etxxiv; énigmes, Eiech., xxi,
5f xxiv, 3; chant où domine l'ironie, Is., xiv, 4;
Mich., H, 4; objet de risée, Deut., xxvm, 37; II Par,, vu,
20, mais on peut retrouver dans ces diverses accep-
tions une signification commune : celle d'une compo-
sition littéraire plus ou moins longue, en langage figu-
ré et suivant le rythme poétique, basée sur un rappro-
chement ou une comparaison. Mais il y a encore une
autre acception du mot màsâl qui le rapproche du
mot yvm|jly) des Grecs, celle de maximes, de sentences,
exprimées sous la forme poétique et ayant une portée
morale, et c'est le sens qui convient à ce mot dans le
livre des Proverbes.
V. Objet du livre des Proverbes. — Ce recueil est,
avant tout, le livre de la Sagesse, et on a vu comment
les Pères lui ont donné ce titre. Cette désignation
convient excellemment au contenu de ce livre, car,
dans tout son ensemble, c'est la Sagesse qu'on y entend,
soit que, personnifiée, elle instruise directement elle-
même, soit qu'elle communique aux hommes ses
enseignements par « les sages », ses représentants.
Mais ce livre n'est point une œuvre abstraite, un re-
cueil de considérations Ihéologiques sur la sagesse,
c'est un livre pratique et l'enseignement qui y est
donné, les préceptes et les leçons qu'on y trouve, pré-
sentés par la Sagesse ou en son nom, convergent tous
vers un même but et donnent ainsi sa véritable unité
à ce recueil de sentences : rendre meilleur l'homme qui
suivra ces conseils en le rendant participant de la sa-
gesse. L'objet du livre des Proverbes, c'est donc, ainsi
que l'exprime le prologue du livre I, 1-6, l'enseigne-
ment donné par la sagesse pour rendre l'homme sage.
Qu'est-ce donc que la sagesse? qu'est-ce qu'un sage?
Dans la Bible, le nom de sage sert à désigner diverses
catégories de personnages, mais si variées que puissent
être les conditions sociales dans lesquelles ils sont
placés, ou la nationalité à laquelle ils appartiennent, une
idée commune se retrouve toujours dans cette appella-
tion; celle d'une science plus parfaite. C'est ainsi
que dans l'Exode Dieu déclare avoir rempli de sagesse,
d'intelligence et de savoir Béséléelet Ooliab pour qu'ils
puissent exécuter ses prescriptions relativement à la
construction du Tabernacle. Exod., xxxi, 3-6; xxxv, 31,
34. Hiram, à l'habilité de qui Salomon fait appel lors de
la construction du Temple, est mentionné lui aussi
comme « rempli de sagesse, d' intelligence et de savoir
pour faire toutes sortes d'ouvrages d'airain. » I Reg.,
vu, 14. Au témoignage de Jérémie, xliv, 7, et d'Abdias,
8, les Edomites étaient réputés pour leur sagesse, et,
quand il s'agira de faire ressortir l'excellence de la sa-
gesse de Salomon, l'historien sacré dira qu'il « élait
plus sage... qu'Élhan l'Ezrahite, qu'Héman, Chalcol et
Dorda, les fils deMahol. » I Reg., iv, 30-31. Et la sagesse
de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclamée
dans le jugement qu'il rend entre les deux mères qui
viennent le consulter, I Reg., ni, 28, que lorsqu'il ré-
pond aux questions de la reine de Saba et résout ses
difficultés, I Reg., x, 3; 6, ou qu'il prononce de nom-
breuses maximes. I Reg., iv, 32, 34.
Si l'on examine maintenant les diverses acceptions
du mot hokmdh, ordinairement traduit par Sagesse,
on verra qu'une large part y est faite au côté intellec-
tuel et qu'il implique une science plus parfaite en
celui qui possède celte sagesse. Et cette connaissance
supérieure n'est point restreinte dans son objet, elle
est toujours susceptible de perfection, elle comprend
tout aussi bien les choses divines que les choses hu-
maines et elle embrasse les vérités pratiques et mo-
rales tout autant que les vérités spéculatives. Si elle
comprend la connaissance de la nature et des choses
de la nature, elle comprend également la science de la
pratique de la vie, et à ce titre elle est, a-t-on pu dire, le
principe du savoir vivre comme du savoir faire dans
l'homme qui la possède. Autant qu'elle se trouve en
l'homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie,
consiste donc dans la science de Dieu, de l'univers
et dé la vie,
Mais cette sagesse ou cette science éminente que
l'on peut rencontrer dans l'homme et qui le rend
supérieur à celui qui ne la possède point, ne vient pas
de lui, il la reçoit de l'extérieur, et, en dernière ana-
lyse de Dieu même en qui elle réside essentiellement,
mais qui peut en communiquer quelque chose aux
hommes, en sorte que ceux qui la posséderont seront
des bénéficiaires d'un don divin.
Si l'on se sert de ces réflexions pour apprécier les
maximes que renferme le recueil des Proverbes, on
peut reconnaître que ce livre constitue un manuel
théorique et pratique de conduite morale, il a pour but
d'amener celui qui en suit les enseignements à une
science plus parfaite et au perfectionnement de sa
propre vie, ce qui constituera sa véritable sagesse.
Les Pères entendaient ainsi le but et l'objet de ce
livre quand, avec saint Basile, ils définissaient la sa-
gesse de ce recueil « une science des choses divines et
humaines..., non pas tant spéculatives que pratiques,
de nature à conduire l'homme à la pratique de toutes
les vertus et par là-même le mettre en mesure d'attein-
dre au bonheur parfait. » In princip. Proverb.,
hom. xn, 3, t. xxxi, col. 389.
A plusieurs reprises, surtout dans les premiers cha-
pitres, ceux à qui s'adresse la Sagesse sont désignés
par le nom de « fils », mais on se tromperait sur la
portée de ce terme si on ne voulait y voir que l'indica-
tion d'un âge peu avancé, il désigne, avant tout ; ceux
qui désirent mener une vie meilleure et ne font que
781
PROVERBES (LIVRE DES)
782
commencer. La sagesse prend à leur égard l'attitude
du maître qui instruit et forme un disciple.
VI. Divisions du livre des Proverbes.— Il renferme
8 sections : — 1°, i, l-ix, 18. Une série de discours
moraux qui paraissent destinés à servir d'introduction
aux Proverbes proprement dits et qui ont pour titre :
Parabolx Salomonis, Proverbes de Salomon, i, .1. —
2° x, 1-xxti, 16. Une grande collection de sentences
portant le même titre que les maximes de la section
précédente : ParaboUe Salomonis, x, 1. Ce titre man-
que dans les Septante. — 3° xxn, 17-xxiv, 22. Un
recueil de pensées qui sont données comme « paroles
des sages », xxn, 17. — 4° xxiv, 23-34. Quelques pensées
également attribuées à des sages, xxiv, 23. — 5° xxv,
1-xxix, 27. Nouvelle collection'de proverbes 'attribués à
Salomon, mais réunis seulement au temps d'Ézéchias,
xxv, 1. — 6° xxx. Recueil de maximes intitulé : Pa-
roles d'Agur, xxxi,l. — 7 »xxxi, 1-9. Quelques réflexions
de la mère du roi Lamuel, xxxi, 1. — 8° xxxi, 10-31.
Poème alphabétique, sans titre, contenant le portrait
de la femme forte,
VII. Origine des différentes parties du livre. —
Sept de ces sections portent donc le nom de person-
nages déterminés : Trois sont attribuées à Salomon :
1, 2, 5; deux le sont à des auteurs autres que Salomon
et dont les noms sont indiqués : 6, 7; deux à des au-
teurs désignés seulement par le titre de « sages », 3,4.
On peut donc distinguer deux groupements dansle livre
des Proverbes : les sections attribuées à Salomon et
celles qui ne portent pas son nom. Cette distinction est
aujourd'hui généralement admise.
/. ORIGINE SAWMONIENNE DES PREMIÈRE, DEUXIÈME
et cinquième sections. — Il s'agit ici de l'origine des
trois principales sections du livre, celles qui renferment
le nom de Salomon dans leurs titres respectifs i, 1; x,
i ; xxv, 1. — 1» Preuves. — Les auteurs anciens et la
plupart des auteurs modernes catholiques reconnaît
dans ces sections une œuvre vraiment salomonienne.
M. Vigoureux, Manuel biblique, t. n, 12 e édit., 1906,
p. 482; Cornely, Introd. specialis, t. u, Paris, 1887,
p. 143 sq.; Card. Meignan, Salomon, Paris, 1890,
p. 328. La thèse est ainsi exposée : Salomon a composé
un très grand nombre de maximes gnomiques, toutes
ne nous sont pas parvenues, mais il en existe au
moins deux recueils qui furent faits à deux reprises
différentes. A ces sentences ainsi choisies on a ajouté
des maximes provenant de divers auteurs, et de l'en-
semble est résulté le livre des Proverbes que nous
possédons.
La preuve principale de l'origine salomonienne des
trois grandes sections du livre repose sur la tradition
qui lès attribue à Salomon. Les Pères et les auteurs
ecclésiastiques, héritiers en cela des docteurs juifs, sont
unanimes à reconnaître ce livre comme une œuvre
vraiment salomonienne. Leur témoignage s'appuie sur
les titres de ces trois sections, titres qui sont très an-
ciens et antérieurs aux Septante. Il est vrai que la ver-
sion grecque et la Peschitto n'ont point de titre, au
début de la deuxième section, x, 1, mais quelle que soit
l'explication de cette omission, on peut dire que le
titre I, 1, devait, sans doute, servir à désigner tout le
contenu i, 1-xxn, 16. Et même le titre général, 1, 1-6,
ne peut avoir toute sa portée que s'il désigne les sen-
tences de la deuxième section tout autant que les
exhortations morales de la première. — Le troisième
livre des Rois, iv, 29-32, nous apprend expressément
que Salomon, doué par Dieu d'une sagesse particulière,
« prononça trois mille maximes. » Le terme hébreu
traduit par maximes est précisément ce mot niâsâl
que l'on retrouve dans les titres du livre des Proverbes,
i, 1; x, 1; xxv, 1.
L'histoire de Salomon nous atteste encore que le
règne de ce prince fut, dans son ensemble, une période
de tranquillité, durant laquelle la civilisation pénétra
de plus en plus dans la société Israélite, entraînant
avec elle l'abondance des richesses, la puissance, le
luxe et de nombreux abus. Elle nous permet de suppo-
ser à cette époque, sinon dans toutes lesvilles.au moins
à Jérusalem, par suite des exemples de Salomon et de
sa cour, un cadre de vie sociale analogue à celui que
supposent certaines descriptions des chap. l-ix. On pour-
rait même signaler quelques rapprochements assez
significatifs; c'est ainsi, par exemple, que l'abondance
de parfums et d'aromates, que les tapis d'Egypte, que
les lointains voyages, qui sont mentionnés, vu, 16-19,
s'accorderaient bien avec ce que nous savons du luxe
et du commerce d'Israël à l'époque de Salomon.
III Reg., ix, 26-28; x, 2, 10, 14-15, 25.
2» Objections contre l'authenticité des Proverbes. —
L'authenticité salomonienne des sections 1, 2, 5, n'est
pas admise par tous les auteurs modernes. Pour beau-
coup de critiques, le livre des Proverbes n'est qu'une
compilation de petites collections de sentences qui
ont existé d'abord indépendantes les unes des autres,
car elles sont et d'époques et d'auteurs différents.
Plusieurs des sections du livre actuel renfermeraient
même des sous-sections, aux caractères particuliers
assez accentués pour qu'on pût considérer les sections
actuelles comme étant elles-mêmes des résultantes de
collections moins étendues: notamment x-xv et xvi-xxn,
16, dans la 2 a section, et xxv-xxvu et xxvin-xxix, dans
la 5 e section. Les caractéristiques de ces sous-sections
se reconnaîtraient en particulier : aux répétitions de
proverbes identiques, à l'emploi presque exclusifde tel
genre de parallélismes, à la préférence pour certaines
idées et à la manière de les apprécier. Toy, Pro-
verbs, dans The internat, critical Comment., 1899,
p. xix sq.
Des dates sont proposées par ces auteurs, soit pour
la composition, soit pour la compilation de ces sections
et l'on peut constater une progression constante depuis
une vingtaine d'années dans l'abaissement de ces dates
par rapport à l'histoire d'Israël. Les critiques les plus
récents ne recherchent même plus s'il y a des maxi-
mes qui peuvent être de Salomon, mais ils voient
uniquement en lui l'initiateur du genre gnomique
en Israëlcomme David l'avait été de la poésie lyrique.
Frz. Delitzsch, Bas Salom. Spruchbuch, 1873, p. 25,
n'hésitait que pour les chap. i-ix qu'il plaçait à l'époque
de Josaphat; Cheyne, Job and Solomon, 1883, p. 183,
affirme qu'on ne peut reconnaître l'authenticité sa-
lomonienne du livre, mais qu'il y a des proverbes
remontaut au ix c siècle. Loisy, Les Proverbes de Salo-
mon, 1889, p. 32, reconnaît que des sentences de Salo-
mon avaient pu être conservées par la tradition orale,
chez les sages; et que la partie du recueil qui paraissait
la plus ancienne et qui reproduisait sans doute le plus
exactement le fond et la forme des pensées authentiques
de Salomon était la collection faite à l'époque d'Ezé-
chias ; pour Bicfeelî, Krit. Bearbeilung der Proverbien,
1891, la partie la plus ancienne du livre consiste dans
la collection faite au temps d'Ézéchias; laquelle ne de-
vait comprendre que xxv, 11-xxvn, 22; les discours sur
la sagesse, i-ix, pourraient remonter au temps de Jé-
rémie ; Driver, Introduction to the Literat.of the Old
Test., I e édit., 1898, p. 407, considère comme histori-
que la donnée de Prov. , xxv, 1 , et y voit la preuve qu'au
temps d'Ézéchias les Proverbes qui suivent ce titre
étaient regardés comme anciens; il ne conclut pas
cependant à l'authenticité salomonienne de toute la
section, mais seulement à l'existence certaine d'un
noyau de proverbes salomoniens dans la 5 e comme dans
la 3 e section, sans qu'on puisse en déterminer exacte-
ment l'étendue; i-ix serait de peu antérieur à l'exil.
Nowack, Kurzgef. exegetisches Handbuch, 1883, et
Kuenen, Histor.-crit. onderzoek, 1865, partagent à peu
783
PROVERBES (LIVRE DES)
784-
près le même sentiment et placent la composition de ce
livre avant l'exil, à partir du vm e siècle, sauf peut-être
en ce qui. concerne les chap. xxx-xxxi; mais pour
Reuss, Philos, mor. et relig. des Héb.,i81S, p. 151 sq,,
on ne peut savoir ce qu'il y a de Salomon dans le livre
des Proverbes, dont la partie la plus ancienne est la
collection faite au vin e siècle au temps d'Ézéchias.
Avec les auteurs plus récents, les conclusions sont
assez différentes; pour Wildeboer, Die Sprûche, dans
Kurzer Hand-Commentar de Marti, 1897, adoptant
les conclusions de Cornill, Einleitung, 2 e édit., tout
le livre des Proverbes est post-exilien et nullement
antérieur au IV e siècle ; pour Frankenberg, Die Sprûche,
dans Se Hand-Commentar de Nowack, 1898, et pour
Toy, op. cit., p. xxx, et art. Proverbs, dans VEncyc.
Bibl., t. m, 1902, col. 3917, les deux grandes sections x-
xxn, 16, et xxv-xxix, proviennent de milieux différents,
mais ne sont pas antérieures au iv e siècle, la 1™ section
i-ix, appartient au milieu du m» siècle. L. Gautier,
Introduction à l'Ane. Test., Lausanne, 1906, t. n,
p. 89-90, tout en admettant la possibilité d'une collection
de Proverbes faite au temps d'Ézéchias, ne voit aucune
preuve permettant d'affirmer qu'ils nous auraient été
conservés; et bien que le style ne s'oppose pas à une
composition du VI e siècle, il place au iv e la composition
de notre livre des Proverbes.
Certains auteurs ont même modifié leur propre sen-
timent sur ce sujet : ainsi Nov/ack dans son Commen-
taire, 1883, plaçait les Proverbes avant l'exil; dans l'art.
Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142,
tout le contenu du livre lui semble post-exilien; Cheyne
dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissait que
non seulement les grandes sections du livre étaient pré-
exiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient
raisonnablement pas être placés après l'exil, et dans
Jewish religions Life after ihe Exile, 1898, p. 128, il dé-
clare qu'une littérature de la sagesse a pu exister avant
l'exil, mais qu'il est impossible de dire dans quelle
mesure il y a relation entre cette ancienne littérature
plus ou moins hypothétique, et les œuvres des sages
post-exiliens conservées dans nos livres sapientiaux
actuels; Kuenen, dans la l re édit., 1865, de son Histor.-
crit. Onderzoek, soutenait la composition pré-exilienne
du livre des Proverbes; dans la 2« édit., 1893, § 97,
note 15, il prétend que placer à l'époque contempo-
raine des prophètes l'ensemble des idées morales
religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait
un véritable anachronisme.
Quant à l'usage du nom de Salomon il s'expliquerait
par ce fait que de bonne heure on songea à utiliser la
réputation de sagesse que la tradition lui avait con-
servée, en plaçant sous son nom et en couvrant de son
patronage des recueils de sentences provenant d'au-
teurs dont le nom n'était point connu. Les meilleurs
témoignages de la haute antiquité de cette réputation
de Salomon se trouvent et dans le titre de xxv, 1, qui
repose sur une base historique et dans la mention des
Prov. comme œuvre de Salomon par l'auteur de l'Eccli.,
XLVH, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de
cette réputation traditionnelle, ces critiques récusent,
au point de vue historique, la valeur des titres salo-
moniens i, 1; x, 1; xxv, 1, pour eux ils n'ont pas plus
de valeur que les titres des Psaumes pour en détermi-
ner les auteurs. Le témoignage du livre des Rois, même
considéré comme document strictement historique et
non comme l'expression d'un sentiment traditionnel,
n'autoriserait pas à conclure que les maximes con-
tenues dans le livre des Proverbes sont une sélection
des 3000 sentences dont il fait mention. Bien plus
même la nature des sentences telle qu'elle est expliquée.
III Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutôt
que leur objet n'était pas le même que celui des sen-
tences du livre des Proverbes.
Les principaux arguments présentés par ces auteurs^
peuvent se résumer ainsi. Au point de vue religieux —
c'est, à l'encontre de ce qui est constaté chez tous les
auteurs pré-exiliens, l'absence de toute polémique-
contre le polythéisme : le monothéisme est supposé
admis par tous sans aucune difficulté; — c'est l'absence
de cette préoccupation nationale dans l'emploi des
expressions religieuses telle qu'on la constatait avant
l'exil ; sans doute Dieu est bien encore désigné sous le
vocable particulier (mn*) qui le caractérisait durant la
période pré-exilienne, mais on ne rencontre jamais
l'expression si fréquente chez les prophètes, de « Dieu-
d'Israël », Toy. Proverbs, p. xxi, et de toute allusion à-
la tendance des Israélites à se porter vers leurs sanc-
tuaires les plus vénérés comme le leur reprochaient
souvent les prophètes; — c'est encore l'élévation de
pensée sur la divinité, en particulier sur la sagesse
divine (vin) qui suppose, dit-on, un milieu religieux
plus cultivé que n'était Israël avant la captivité (milieu
grec) Toy, Proverbs, p. xxn; Cheyne, op. cit.; (milieu,
persan) Kuenen, op. cit., Baudissin, Die allt.
Sprïtch., 1893; enfin ce sont des réminiscences du
Deutéronome qui ne permettent pas de reporter les
maximes qui les renferment à une date antérieure
à la réforme de Josias.
Au point de vue social, les Proverbes supposent cons-
tamment des habitudes et un état de choses qui n'exis-
tèrent pas en Israël avant la captivité ou même avant
le début de la période grecque; — dans la famille, la<
monogamie comme règle générale et la place impor-
tante occupée par la femme; par exemple : x, l;xv, 20;.
xix, 14, et surtout xxxl, 10-21 ; — dans les habitudes
sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite),
spécialement mentionnés dans i-ix. Toy, art. Pro-
verbs {Book), dans Encyc. Bibl., t. ni, col. 391â;.
Nowack, dans Hastings, Dict. of the Bible, art. Pro-
verbs, t. iv, p. 141.
Enfin, au point de vue littéraire, la plupart des
auteurs cités pensent que ce recueil ne saurait appar-
tenir aux grandes époques de la littérature hébraïque.
Toutes ces raisons sont loin d'être décisives et ne
constituent pas des preuves péremptoires de la date
relativement récente de ce livre, surtout de sa date
post-exilienne.
Il est à remarquer que tous ne récusent pas indis-
tinctement la valeur des titres salomoniens, notam-
ment xxv, 1. Si Baudissin, op. cit., p. 11, déclare que
la mention de « roi de Juda » dans ce titre est une
preuve qu'il fut écrit alors que depuis longtemps il n'y
avait plus de roi de Juda, par contre Driver, op. cit.,.
p. 407, soutient qu'il n'y a pas lieu de mettre en ques-
tion la valeur de cette donnée, de même Loisy, qui,
(op. cit., p. 32 et dans le compte rendu du Commentaire
de Toy, Rev. d'Bist. et de Litt. relig., 1900, p. 384),
déclare « qu'il n'est pas démontré que la mention des
hommes « d'Ézéchias », Prov., xxv, 1, comme auteurs
de cette seconde collection, n'ait aucune valeur tradi>-
tionnelle ».
Comparer les Proverbes avec les écrits prophétiques-
au point de vue religieux et s'appuyer sur l'absence de
polémique contre le polythéisme dans les Proverbes
pour en fixer la date tardive, c'est méconnaître l'objet
complètement différent de ces divers écrits' et la diffé-
rence d'action et de ministère pour les prophètes et
pour les sages.
La prédication comme les écrits des prophètes-
devaient prémunir les Israélites contre leur tendance
naturelle à matérialiser les données de l'enseignement
religieux et prévenir Je danger d'aboutir à un syn-
crétisme religieux sous l'influence des civilisations-
étrangères; les Proverbes s'adressaient aux Israélites-
fidèles au monothéisme, et leur enseignaient la meil-
leure manière de vivre une vie moralement bonne.
785
PROVERBES (LIVRE DES)
786'.
On peut cependant établir des rapprochements
entre les données des écrits prophétiques et les Pro-
verbes : l'élévation de la pensée religieuse de ceux-ci,
dit-on, dépasse de beaucoup le milieu religieux ordi-
naire antérieur à l'exil, mais n'y a-t-il pas certains
passages bien authentiques d'Amos, d'Osée, d'Isaïe qui
dépassent, et notablement, les données religieuses de
nombreux passages de l'Ecclésiastique, ou de certains
psaumes sûrement post-exiliens ? Et précisément en ce
qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapproche-
ment de date avec l'Ecclésiastique n'est peut-être pas
aussi favorable qu'ils le veulent bien prétendre aux
conclusions de ceux qui le soutiennent. La différence
assez sensible qui sépare les données « sapientiales »
des Proverbes de celles de l'Ecclésiastiquer réclame
un laps de temps plus long qu'ils ne le reconnaissent
et un milieu religieux sensiblement différent. Dans les
Proverbes la Sagesse conserve son caractère universel
et on ne la rencontre pas encore s'identifiant avec l'en-
seignement et la pratique de la Loi, ainsi qu'on le
constate dans Eccii., xxiv. Loisy, Les Proverbes de
Salomon, p. 27.
L'absence de toute préoccupation rituelle dans l'en-
semble des conseils de la Sagesse destiné à faire l'édu-
cation d'un juste, telle qu'on la constate dans le livre
des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication
sérieuse d'ancienneté pour ce livre, spécialement pour
des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cul-
tuelles sont particulièrement indicatrices de 1 ,'poque
post-exilienne et que le culte du second Temple a eu
une nécessaire répercussion sur toute la littérature bi-
. blique du V e et du IV e siècle.
Nowack, dans Dict. of tlte Bible, art. Proverbs,
t. IV, p. 142, signale un certain nombre d'exemples pour
montrer dans les Proverbes et dans les écrits prophé-
tiques le même ton dans la louange de l'humilité et les
avertissements contre l'orgueil (Prov., xi, 2 ; xiv, 29; xv, 1,
4, 18, etc.; Is., Il, 11; Ain., vi,8; Ose., vu, 11); le même
cœur pour dénoncer la conduite de ceux qui oppriment
le pauvre et pour insister sur la sollicitude à laquelle
celui-ci a droit, Prov., xiv, 31 ; xvtr, 5; xvm, 23, et Ara.,
iv, 1 ; Ose., v, 10, et l'on ne voit pas qu'il y ait cet ana-
chronisme dont parlait Kuenen, op. cit., §97, note 15.
Plusieurs descriptions des chap. l-ix semblent bien
supposer dans le milieu social qu'elles visent, ces raffi-
nements de luxe dont la civilisation grecque a fourni de
nombreux exemples, mais, indépendamment que cette
remarque n'atteindrait en définitive que les neuf pre-
miers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu'elle
ne s'impose pas nécessairement, car on peut trouver
des situations sociales analogues, en Israël, dans la
période pré-exilienne : par exemple, dans les reproches
que les prophètes du ïlli" siècle adressaient aux femmes
de leur temps; les prophètes du Nord (Amos et Osée)
à celles de Samarie; Isaïe à celles de Jérusalem ; com-
parer en particulier Is., m, 16-23, et Prov., vit, 11 sq.,
et ne pourrait-on pas encore alléguer à ces auteurs
Gen., xxvm?
La loi, il est vrai, permettait l'usage de la polygamie,
mais on y trouvait surtout une grande facilité pour la
répudiation de l'épouse, et en fait, en dehors des rois
et des grands, la monogamie était pratiquée parle plus
grand nombre des familles israélites, bien des siècles
avant la fin de l'ère juive. Loisy, Les Proverbes de
Salomon, p. 26.
Les réminiscences du Deutéronome constatées dans
les Proverbes, ainsi que la portée sociale de quelques
sentences, comme xxn, 28, peuvent tout particulière-
ment être alléguées contre ceux qui veulent placer
après l'exil la composition de tous les Proverbes.
Quant au vocabulaire du livre, il est assez difficile
de s'en servir comme d'un argument bien rigoureux
pour fixer la date de sa composition, et en fait, la plu-
part des auteurs le reconnaissent et. par suite ne s'en*
servent que comme d'un argument purement négatif.
Cela est particulièrement vrai des deux grandes sec-
tions 2 et 5.
//. PARTIES DU LIVRE NON ATTRIBUÉES A SALOMON..
— Troisième section, xxn, 17-xxiv, 22. — L'introduc-
tion, xxii, 17-21, commence par ces mots : Prête
l'oreille et écoute les paroles des sages, que la Vulgate
a traduits littéralement de l'hébreu. Les Septante pré-
sentent une variante : Ao'yoïç aoyGrt izxpàêxhke. oov
où; xai axoye èfxbv ).ôfov. Bickell, Carmina Vet. Test. r
p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, complètent le premier
stique hébreu avec i\ù>v ).ôyov des Septante en suppléant
le mot'mDxb. Que cette correction soit admise ou non,
cette section doit être considérée comme distincte de
celle qui la précède; plusieurs raisons motivent cette
conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont
habituellement des maximes plus développées, 4 vers et
même plus; — l'autorité dans le ton, il est exhortatif
et prohibitif, le 'al hébreu prohibitif (correspondant à
la particule, ne des Latins) se rencontre 17 fois dans
ce petit recueil alors qu'on ne le trouve que 2 fois dans
les 12 chapitres précédents ; — la détermination du dis-
ciple, l'auteur s'y occupe de l'éducation d'un disciple en
particulier, de là la fréquence de l'expression « mon
fils », 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section,
et une fois seulement dans la précédente (xix, 27) ; —
la nature des maximes, très pratiques sur quelques
sujets bien déterminés. — Le mot « sages » (xxn, 16)
peut donc marquer une distinction d'auteur entre la
2 a et la 3 e section, ce qui est confirmé par l'énoncé
du titre de la 4 e section : « cela aussi vient des sages, »
car cette remarque ne peut se justifier que si les=
auteurs de la 3 e comme de la 4 e section sont distincts
de celui à qui la 2* section a été attribuée. Il faut noter
cependant que des auteurs comme Oornely, op. cit.,
p. 147-148, ne trouvent point de raisons suffisantes
pour rejeter l'origine salomonienne de la 3 e section,
comme de la 4 e .
Quatrième section, xxiv, 23, 34. — L'hébreu, xxiv,
23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient
des sages. » Le b, l, placé devant le mot hâkâmîm,
« sages, » étant interprété dans ce passage comme le b
auctoris, fréquemment employé en ce sens dans les
titres des Psaumes. Les anciennes versions n'ont pas
ainsi compris ce passage : les Septante : taura 5s Xéyto
ûjjitv toîç (rojpotç; la Peschitlo et le Targum traduisent
de même; la Vulgate seulement, Hsec quoque sapien-
libus; si l'on adoptait ce sens, il faudrait conclure que
ce passage ne renferme aucune indication d'auteur,
qu'il désigne seulement un enseignement destiné à
ceux qui aspirent à la sagessse. Cf. Cornely, Introdu-
clio specialis, t. n, 2" part., p. 118. Cette interprétation
n'est pas motivée et paraît peu vraisemblable, car « ce
ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce
genre. » M. Vigouroux, Man. bibl.,t. n, p. 490.
Quels furent ces sages à qui le contenu de la troi-
sième et de la quatrième section est attribué, à quelle-
époque ont-ils vécu et dans quel milieu se sont-ils
trouvés? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut
répondre d'une façon satisfaisante.
Pour expliquer le fait de répétitions assez nombreuses-
entre plusieurs passages de ces deux petits recueils et
les deux grandes sections 1 et 2, surtout la première,,
par exemple, xxn, 26, et vi, etc. ; xxiv, 1, et m, 31,
tout particulièrement la description du paresseux, xxiv,
33-34, et vi, ÎO-M. M. Lesêtre, Le livre des Proverbes,
1879, préf., p. 21, conclut que ces auteurs ont dû s'ins-
pirer de Salomon ou puiser à une source commune.
Sixième section, xxx. — Le titre hébreu porte :
« Paroles d'Agur, fils de Yâqéh. »Il est suivi du mot
Kii/nn, ham-masàâ', susceptible de diverses interpréta-
tions : on peut le traduire par l'oracle ou le discours,.
787
PROVERBES (LIVRE DES)
788
mais il peut être aussi considéré comme un nom de
lieu : de Massa' ou le Massaïte. C'est le sens le plus
ordinairement adopté par les auteurs modernes.
Frankenberg, Die Sprûche, 1898 ; L. Gautier, op. cit.,
p. 95; Cornely, op. cit., p. 148. La Peschito et le Targum
ont conservé exactement les noms propres. Les Sep-
tante ne les ont pas reconnus et ont traduit ce passage :
« Mon fils, crains mes paroles, et en les recevant, fais
pénitence. » Saint Jérôme, influencé peut-être par les
explications de quelques rabbins, y a trouvé des noms
symboliques de David et de Salomon. Agur (celui qui
assemble) serait à considérer comme un qualificatif
personnel désignant Salomon rassemblant le peuple
pour l'instruire, ïdqéh (celui qui répand) serait une
allusion à David faisant connaître ou répandant la vé-
rité, de là : Verba Congregantis, filii Vomentis. Voir
Agur, t. j, col. 288-289. Agur et Yâqéh doivent être
pris comme noms propres, ce sentiment communément
admis par les auteurs modernes, était déjà soutenu
par D. Calmet, Préf. des Prov., Bossuet, Proverbes,
préf., Cornélius a Lapide, Comm. in loc. ; R. Bayne,
qui s'exprimait ainsi : Nam quuni nomen viri et
nomen patris ponantur, scripturam nobis hominem
aliquem insinuare voluisse credendum est, ut omitlam
vehementer duram esse metaphoram vocari Satomo-
nem filium Vomentis. Comm., Paris, 1555, in loc.
Si à l'époque où ce chapitre fut ajouté au recueil des
Proverbes, il avait été considéré comme salomonien
on l'aurait placé, sans titre, à la suite d'une collection
attribuée explicitement à Salomon.
Septième section, xxxr, 1-9. — Le texte hébreu,
porte : « Paroles du roi Lamuel, sentence ou oracle
(ici le mot niaèsa' semble plutôt se rattacher à ce qui
suit et a an sens plus précis et plus certain que dans
xxx, 1), dont l'instruisit sa mère. Ainsi saint Jérôme
dans la Vulgate. — Les Septante (Oi k\Lo\ Xôfoi z\.prfna.<.
vizb ©eoù : ces paroles de moi ont été dites par Dieu)
n'ont pas vu qu'il s'agissait d'un nom propre. Un cer-
tain nombre d'auteurs modernes voient cependant dans
Maèsa' un nom de pays comme dans xxx, 1. Cornely,
op. cit., p. 149.
On ignore ce qu'était ce roi Lamuel. Un certain
nombre d'interprètes catholiques ont vu dans ce nom
un pseudonyme, M. Yigouroux, op. cit., p. 491; d'autres,
un roi d'Israël, peut-être Ézéchias (Grotius), Salomon
{card. Meignan, op. cit.); Lamuel (réservé à Dieu, consa-
cré à Dieu), serait ainsi l'équivalent de yeduldh (Vul-
gate : Amabilis Domino), nom donné à Salomon par
Nathan. II Reg., xh, 25. Aucune des identifications pro-
posées n'est justifiée d'une manière satisfaisante.
Huitième section, xxxi, 10-31, la seule qui ne ren-
ferme aucune indication comme titre ; les auteurs an-
ciens l'attribuaient à Salomon, comme le reste du livre,
mais la place qu'elle occupe à la fin du recueil, à la
suite de deux sections dont les auteurs sont nommé-
ment désignés semble s'opposer à cette attribution. —
L'origine non salomonienne des sections 3, 4, 6, 7, 8,
est admise par le plus grand nombre des auteurs mo-
dernes.
111. DATE DE LA FORME ACTUELLE DU LIVRE DES
proverbes. — La date de composition des différentes
sentences qui le constituent ne fixe pas, par là même, la
date du livre des Proverbes dans l'état définitif dans
lequel nous le possédons. Pour tous les auteurs, en
effet, ce livre est le résultat d'un assemblage — sélec-
tion ou collection. C'est un recueil qui a été formé de
sentences qui existaient déjà avant d'être groupées en-
semble. Mais tous ne s'accordent pas sur l'époque et les
conditions dans lesquelles ce recueil a été formé, même
ceux qui admettent l'origine salomonienne des Pro-
verbes : pour les uns, le recueil actuel ne saurait être
antérieur à l'exil, pour d'autres il remonterait au
VIII e siècle.
D. Calmet s'exprime ainsi : « De tout ce détail il
paraît que les Proverbes, tels que nous les avons, sont
une compilation des sentences ou autres ouvrages de
Salomon, faites en divers temps et par différentes per-
sonnes, et rassemblées en un corps par Esdras ou par
ceux qui revirent les Livres sacrés après la captivité de
Babylone et qui les mirent en l'état où nous les avons. »
Et il ajoute qu'une des preuves les plus évidentes que
ce livre est un assemblage fait par différentes per-
sonnes, se trouve dans la répétition d'un assez grand
nombre de versets, « ce qui ne serait pas arrivé si une
seule personne eût travaillé à cette compilation. »
Cornely, op. cit., p. 151-152, qui admet la date d'Ézé-
chias pour la formation du recueil, i-xxix, hésite re-
lativement à l'addition de xxx-xxxi qui complète le
livre actuel des Proverbes, mais en tout cas il ne voit
pas de raisons sérieuses pour l'attribuer à une date
postérieure au temps d'Esdras.
Mais le plus grand nombre parmi ces auteurs font
remonter au vin" siècle la formation définitive de ce
recueil. Les « hommes d'Ezéchias », xxv, 1, auraient
trouvé déjà réunis les chap. i-xxiv, résultat d'une col-
lection faite à la fin du règne de Salomon ou peu de
temps après. Cornely, op. cit., p. 151 ; Vigouroux, op.
cit., p. 485, etc. « Dans sa forme présente, le livre des
Proverbes est du temps d'Ezéchias, » conclut M. Vigou-
roux, faisant sienne l'affirmation de H. Reusch, Bible
polyglotte, t. rv, 1903. p. 344. D'après le card. Meignan,
Salomon, p. 329, le recueil officiel n'aurait d'abord con-
tenu que ce que Salomon avait dicté ou écrit, puis au-
tour de ce noyau se seraient successivement ajoutés
d'autres proverbes salomoniens, « depuis Salomon jus-
qu'au temps d'Ezéchias et peut-être au delà. »
Pour la plupart des critiques contemporains, les re-
cherches relatives à la fixation de la date du recueil
définitif se trouvent circonscrites à un laps de temps
relativement court par le fait de la date tardive qu'ils
adoptent pour la composition même des sentences. Un
point leur paraît définitivement acquis, c'est que la
formation du livre tel que nous l'avons ne saurait re-
monter à une période antérieure à la captivité. Cerlains,
tout en reconnaissant que plusieurs des collections
particulières qui composent le livre actuel ont pu être
formées avant l'exil, ne penseut pas pouvoir admettre
cette même date pour la formation définitive du recueil.
Loisy, Les Proverbes, p. 32-33 ; Bickell, Wiener Zeit-
schrift fur die Kunde des Morgenlandes, 1891 ; Driver,
op. cit., p. 406. Kuenen, op. cit., 2« édit., § 97, p. 14-20.
reconnaît que quelques proverbes peuvent être pré-
exiliens, mais il prétend que toutes les collections sont
post-exiliennes et que la rédaction de l'ensemble du
livre est à placer entre 350-300. La question ne se pose
même plus pour ceux qui ne reconnaissent qu'une
origine post-exilienne à tous les proverbes (Wildeboer,
Toy); pour ces derniers, le temps écoulé entre la com-
position des sentences et la formation du recueil est
même assez court; selon Wildeboer il faudrait placer
au iv e et au m e siècle le travail de composition et de
compilation.
Entre ces auteurs les divergences sont particulière-
ment accentuées en ce qui concerne la plus ou moins
grande ancienneté des diverses collections particulières
dont la réunion a formé le livre actuel des Proverbes.
En 1862 Hooykas, Geschiedenis der beoefening van de
Wijsheid onder de Hebreën, prétendait que la plus
ancienne de ces collections correspondait aux chap. i-ix :
par contre, les critiques contemporains sont à peu
près unanimes à considérer cette même section comme
la dernière en date pour la composition (notion plus
parfaite de la sagesse et forme littéraire plus développée
que dans le reste du livre) et pour la compilation géné-
rale du recueil ; elle aurait été ajoutée aux deux grandes
sections, 2 et 5, pour leur servir d'introduction.
789
PROVERBES (LIVRE DES)
790
Laquelle de ces deux dernières sections serait la plus
ancienne? Les uns (Davidson, Loisy, Bickeli), utilisant
la donnée chronologique de xxv, considèrent xxv-xxix
comme le plus ancien recueil de proverbes; d'autres
(Delitzsch,Ewald, Driver, Kautzsch), considérant plutôt
la place respective de ces sections dans le recueil défi-
nitif, regardent x-xxn, 16, comme la plus ancienne
collection. Quelques-uns parmi les auteurs les plus ré-
cents (Franckenberg, Nowack), tout en estimant qu'au
point de vue des pensées, xxv-xxix (et spécialement xxv-
xxvii), renferment les plus anciens proverbes, pensent
néanmoins que comme compilation cette section serait
postérieure à la 2 e (x-xxn, 16).
Les proverbes qui constituent ces deux sections, pro-
venant de milieux différents, auraient d'abord été réunis
en deux groupements absolument distincts et auraient
ainsi existé indépendamment l'un de l'autre vers le
milieu du rv e siècle, tous les deux portant le même
titre Proverbes de Salomon. Vers cette même époque
(Nowack), ou vers la fin de ce même siècle (Toy), ils
auraient été réunis ensemble, mais comme dès ce mo-
ment le premier groupement (x-xxn, 16), était déjà
pourvu des deux petites sections, xxn-17, xxiv, 22, et
xxiv, 23-34, on ne toucha point à ces appendices et l'on
ajouta xxv-xxix à la suite de xxrv, 34, en maintenant
dans xxv, 1, le nom de Salomon comme il était déjà
dans x, 1; et c'est ainsi que fut constituée la plus
grande partie du livre x-xxix.
Le recueil fut complété par les chap. i-ix, qui devaient
servir d'introduction générale à tout l'ensemble formé
par les précédentes collections, alors même qu'il n'au-
rait pas été composé précisément dans ce but. La date
de cette addition varie selon les auteurs car elle dépend
de l'époque admise pour la composition même de cette
section; en effet, ils admettent généralement que l'ad-
dition suivit de près la composition, si même elle ne
fut pas l'œuvre du même auteur. Davidson, Cornill,
Wildeboer. La fixation de cette date dépend de l'in-
fluence principale que l'on croit reconnaître dans ces
pages : influence persane (Cheyne, Semit. studies,1891);
influence grecque (Franckenberg, Wildeboer, Stade);
ou seulement trace des créations haggadiques de la lit-
térature rabbinique à la fin de l'ère persane (Baudissin).
Selon Friedlsender, Griech, Phil. im ait. Test., 1904,
p. 20, citant Clément d'Alexandrie, Strom., I, v,
t. vin, col. 717, la femme étrangère (n, 16 sq.), dont le
pieux Israélite doit si soigneusement se défier, serait la
culture grecque, xrjv 'EXXsviiuiv «suSeiav, Et par suite,
si le recueil est complet au début de la 2 e moitié du
IV siècle pour Kautzsch, Kuenen; pour d'autres, Nowack,
Franckenberg, Wildeboer, Toy, on ne trouvera point le
recueil i-xxix avant la 2 e moitié du m« siècle. Enfin,
avec certains de ces auteurs, Franckenberg, Toy, il faut
descendre jusqu'au II e siècle pour trouver le livre actuel
absolument complet avec l'addition de xxx-xxxi, c'est-à-
dire à l'époque de Ben-Sira (200-180) et peu de temps
avant la traduction grecque du livre des Proverbes.
Ces assertions contradictoires et arbitraires ne peu-
vent modifier le sentiment des auteurs catholiques qui
soutiennent l'authenticité des sections salomoniennes,
en s'appuyant sur les titres, Prov., i, 1; x, 1; xxv, 1,
sur certaines descriptions de leur contenu et sur le
témoignage de la tradition.
VIII. Forme littéraire du livre des Proverbes. —
I. rythme. — Par son contenu le livre des Proverbes
appartient à la série des didactiques; par sa forme, aux
livres poétiques. Les règles de la poésie hébraïque y
sont constamment observées et se manifestent par un
parallélisme très régulier. Les vers seraient uniformé-
ment de sept syllabes d'après Bickeli, Carmina Veteris
Teslctmenti metrice, p. 121; ils seraient de trois, quatre
et très rarement de cinq accents, d'après le système dé
Grimme, « et il faut s'attendre à voir changer le mètre
à chaque sentence nouvelle. >> Mètres et Strophes,
dans la Revue biblique, 1900, p. 405. Toy, Proverbs,
p. ix-x, reconnaît également cette même mesure et
désigne les stiques des Proverbes par l'appellation de
binaire, ternaire ou quaternaire selon qu'ils comptent
2, 3 ou 4 accents. Cf. N. Schlœgl, Études métriques et
critiques sur le livre des Proverbes, c. I, dans la Revue
biblique, 1900, p. 518-525.
La strophe, sous différentes formes, se rencontre dans
toutes les sections du livre, à l'exception de la 2 e , car
elle n'est pas entièrement absente de la 5 e , bien que
celle-ci renferme surtout des distiques. Toy, The Book
of Prov., p. îx; Bickeli, Kritische Bearbeitung der
Proverbien, dans la Wiener Zeitschr. fur die Kunde
des Morgenlandes, 1891, où il établit l'existence de
strophes de quatre vers chacune dans tous les poèmes de
la première section.
Toutes les pièces qui composent ce livre n'ont pas la
même longueur, on trouve dans Frz. Delitzsch, Das Sa-
lom. Spruchb., p. 7-17, le relevé des différentes formes
de sentences constatées dans notre livre. La plus fré-
quemment employée, c'est le simple distique, soit anti-
thétique, x, 1, 20; xi, 1; xm, 24; soit synonymique,
n, 3, 8, 11; soit synthétique, n, 13; xm, 14; soit para-
bolique. Ce dernier renferme une comparaison, expri-
mée ou sous-entendue par le simple rapprochement de
l'énoncé de deux idées, empruntées à la connaissance
de quelque phénomène naturel, x, 26; xxv, 14, ou à un
incident de la vie quotidienne domestique ou sociale,
xxv, 17, et qui sert à faire mieux ressortir la pensée
morale que le sage veut apprendre à son disciple. C'est
sous cette forme que se trouve pleinement réalisée la
première notion du tndsàl. D'autres fois une même
maxime dépasse les limites du simple distique et la pen-
sée qu'elle renferme s'y trouve développée pendant 4,
6, 8 vers et même davantage, m, 11-12 ; xxm, 19-21 ; vi,
12-15; xxm, 29-35.
A côté de celte catégorie de proverbes ainsi déve-
loppés il convient de signaler soit des groupements de
distiques ainsi placés parce que chacun d'eux renfer-
mait une même expression ou avait trait à un même
"objet, par exemple au roi, xvl, 12-15, soit des séries
de vers à indication numérique. Dans ces derniers,
l'auteur indique dès le premier distique la somme
totale des sujets dont il va parler, mais le fait de telle
sorte que le nombre répété dans le 2 a stique renferme
une unité de plus que dans le 1 er , ainsi xxx, 21-22 :
Trois choses troublent la terre
Ei il en est quatre qu'elle ne peut supporter.
Enfin on y rencontre un poème alphabétique très
régulier.
Toutes ces espèces de proverbes ne sont pas dispo-
sées sur un plan uniforme et ne se rencontrent point
également dans les diverses sections du livre : I re sec-
tion, i îx. Dans l'ensemble, ce sont des discours mo-
raux formant de petits poèmes plus ou moins développés,
ni, 1-10; IV, 1-9;, vu, 6-23, ordinairement en strophes
de 4 vers (Bickeli); les pensées détachées sont rares,
ni, 29, 30. On y trouve un proverbe numérique (vi, 16-
19) et l'usage du parallélisme synonymique y est à peu
près exclusif. — II e section, x-xxu, 16; uniquement
des distiques; dans x-xv presque exclusivement anti-
thétiques, sans que cependant l'antithèse soit toujours
aussi uniformément accentuée; dans xvi-xxii, 16, sur-
tout synonymique et synthétique; peu d'antithèses,
xvm, 23. — III e section, xx», 17-xxtv, 22; au début
exhortation morale de 10 vers analogue à celles de la
1" section; quelques distiques, mais surtout des tétras-
tiques, plusieurs sentences de 5, 6, 7 et 8 stiques et
même un petit poème de 16 stiques d'après Toy et
Kautzsch, de 18 d'après Bickeli. Le texte massorétique
compte 17 stiques : Toy et Kautzsch pensent qu'il y a un
191
PROVERBES (LIVRE DES)
792
stique^à retrancher, Bickell croit plutôt qu'il faudrait en
ajouter un. Ordinairement parallélisme synonymique
entre les stiques, parfois même entre Jes distiques d'un
quatrain. — IV e section, xxiv, 23-34, la plus courte et
la plus variée comme rythme: un distique, un tristique,
un téfrastique, un décastique; sauf 2 exceptions, paral-
lélisme synonymique. — V e section, xxv-xxix, au point
de vue du rythme on peut la diviser en deux : — xxv-
xxvii ; usage prédominant mais non pas exclusif du
distique car on y trouve plusieurs tristiques et tétras-
tiques, un pentasfique, un hexastique ainsi que 2 petits
poèmes, l'un de 8, l'autre, de 10 stiques. Parallélisme
parabolique et synthétique; les antithèses y sont très
rares; — xxvin-xxix : emploi exclusif du distique et
presque dans une égale proportion parallélisme anti-
thétique et parabolique. — VI e section, xxx; quelques
distiques isolés, mais ordinairement chaque sentence
renferme plusieurs distiques; c'est dans cette partie du
livre que se rencontrent (en dehors de vi, 16-19) les
proverbes numériques dans lesquels on ne trouve point
de parallélisme au point de vue de la pensée. En
dehors de ces sentences, parallélisme synonymique. —
VII e section, xxxi, 1-9. Elle renferme 3 sentences de 4,
8, 4 vers : parallélisme synonymique. — VIII e section,
xxxi, 10-31 : poème alphabétique de 22 distiques, paral-
lélisme synonymique.
//. style ET vocabulaire. — 1° Style. — Le caractère
particulier du genre gnomique rend assez difficile la
comparaison entre le style des Proverbes et celui des
autres livres de l'Ancien Testament, la plus grande par-
tie de ce recueil se composant de simples maximes dans
lesquelles une pensée déjà bien concise est exprimée
sous une forme elliptique dans un seul distique. Cepen-
dant, la variété des comparaisons, le choix des images,
la régularité de la forme rythmique, l'allure si vive de
l'expression, la psychologie si pénétrante de certains
tableaux, revêtent d'un cachet spécial les pages mêmes
du livre où les pensées sont le moins étendues, et leur
donnent un coloris tout particulier. Dans les proverbes
plus développés, tout spécialement dans les exhor-
tations de la I re section, comme aussi dans les portraits
esquissés à travers les autres seclions, on trouve des
passages dignes des plus beaux jours de la littérature
hébraïque.
2° Vocabulaire. — Il n'est point surprenant que ce re-
cueil renferme, en outre des expressions plus spéciales
aux livres sapientiaux, un certain nombre dé mots que
l'on ne rencontre pas ailleurs dans la Bible hébraïque
ou du moins que très rarement. La raison en est au su-
jet lui-même et à cette forme de littérature qui demande
une plus grande précision dans l'énoncé des pensées.
On peut signaler quelques locutions qui ne se ren-
contrent que dans ce livre ou bien s'y trouvent avec un
sens particulier qu'elles n'ont pas ailleurs.
Ne se trouvent que dans les Proverbes : rvjb, cou-
ronne, i, 9, iv, 9. — n3N, hélas! ah! (que la Vulgate a
traduit : Cujus patri vx? xxui, 29; — le verbe nn4,
employé uniquement au Hithp. Dinnhnn, morceaux
friands, xvm, 8 (le f. se retrouve identiquement répété
xxvi, 22. — fD3 >Ttn, dans le sens de entrailles, pris
au figuré, xvm, 8; xx, 27, 30 (xxvi, 22). — vb t>, assu-
rément, xi, 21; xvi, 5. — 3-- >mrn, pommes d'or, xxv,
11,
Expressions rares rencontrées plus particulièrement
dans les Proverbes : g»n yy, arbre de vie, 1 fois Gen.,
m, 24; et 4 fois Prov., m, 18; xi, 30; xm, 12; xv, 4-
— rnp, ville, 1 fois, Job, xxix, 7; 4 fois dans Prov.,
vm, 3; IX, 3, 14; xi, 11 (Brown, Driver). — d>t;:,
avec le sens de choses magnifiques, ne se rencontre
que dans Prov. vm, 6. — niNSi, sartté, ne se rencontre
que dans Prov. in, 8 et indique une forme aramaïsante-
— 13, fils, xxxi, 2 (3 fois répété), est un mot araméen.
Cependant les aramaïsmes sont rares et le livre ne ren-
ferme point d'expression persane ou grecque. Toy,
op. cit., p. xxxi. Driver, op. cit., p. 403-404, donne une
liste des principales locutions particulières au livre des
Proverbes, au moins pour la 2 e section.
IX. Texte et versions du livre des Proverbes. —
A) Texte. — Le texte hébreu de ce livre a subi quelques
altérations par suite de la facilité qu'il y avait à chan-
ger la suite des sentences en les transcrivant, à modi-
fier une locution dans l'énoncé d'une maxime difficile
à lire, le contexte ne pouvant pas, dans ces cas, servir
à indiquer sûrement quelle était la vraie lecture du
passage; le fait qu'il n'était point du nombre des
Ketubim lus dans les synagogues eut peut-être aussi
pour résultat de le faire traiter avec moins de soin que
d'autres livres. Par contre, Toy, Proverbs, p. xxxi-xxxii,
prétend que ce livre dut à cette situation de n'être
point l'objet de retouches ou de modifications sous
l'influence d'idées théologiques.
Les altérations de ce texte peuvent être constatées par
le contrôle des anciennes versions, par les moyens de
critique que fournissent les règles poétiques et aussi,
pour les plus notables transpositions, par les caractères
particuliers de chaque section. C'est ainsi que plusieurs
critiques voient une transposition dans la description
du festin de la Sagesse, Prov., IX, 1-12 ; et rapportent les
f. 7-10, à la 2» section x-xxn, 16. Bickell, Cdrnfina
V. T. metrice, p. 129; Toy, op. cit., p. 192.
Le texte actuel du livre, renferme également un cer-
tain nombre de sentences répétées. Elles se présentent
sous différentes formes, les unes sont absolument
identiques dans V expression, vi, 10-"i\, et xxw, 3â-3i,
d'autres comportent une légère modification sur un
mot ou deux du mâsdl répété, xvi, 2, et xxi, 2, d'autres
enfin sont identiques pour,la pensée et nullement dans
les mots qui l'expriment, xi, 15, et xxn, 26. Les cas les
plus difficiles à justifier sont ceux où il y a identité
absolue dans les mots; et les critiques modernes se
servent assez souvent de cette constatation pour con-
clure à la pluralité d'auteurs et à une formation indé-
pendante des différentes sections où on les rencontre ;
ainsi entre autres Nowack, art. Proverbs, dans Dict. of
the Bible, t. îv, p. 140; Cornill, Einleitung,\>. 225; Toy,
op. cit., p. vu. Il importe cependant de remarquer qu'il
y a des répétitions de distiques entièrement identiques
dans une même section, xiv, 12, et xvi, 25; x, 1, et xv,
20; xix, 5, et xix, 9.
B) Versions. — 1° La plus ancienne des versions que
nous possédons du livre des Proverbes est la version
grecque des Septante; on la trouve dans les princi-
paux manuscrits onciaux B, «, A (quelques fragments
dans C) et dans de nombreux manuscrits cursifs. On
admet communément que ce livre faisait partie des
Hagiographes déjà traduits en grec et que l'auteur du
prologue de l'Ecclésiastique désigne par les mots t«
la:nk t&v fiioXiwv; cette traduction serait donc antérieure
à 132 et aurait probablement été faite vers le milieu du
II e siècle avant J.-C. Baumgartner, Etude critique sur
l'état du texte du Livre des Proverbes, p. 8. Il est des
auteurs cependant qui la placent vers la fin du n s siècle,
Toy, Proverbs, p. xxxii; art. Proverbs, dans Encyc.
Bibl., col. 3907.
Cette traduction est plus libre que littérale et c'est
l'idée du texte original qui a été exprimée plutôt que le
mot n'a été exactement rendu. Frankenberg pense que
le traducteur n'était point très familier avec la langue
hébraïque et que d'ailleurs il n'aurait point été soucieux
de l'exactitude littérale, parce qu'il n'entreprenait pas
tant cette traduction pour l'usage de ses coreligionnaires
que pour des païens instruits à qui il voulait faire
connaître les enseignements moraux de la littérature
gnomique d'Israël. Cette préoccupation et ce but expli-
queraient la pureté relative du grec de cette version
et certaines réminiscences classiques (également consta-
793
PROVERBES (LIVRE DES)
794
tées par Baumgartner), op. cil., p. 9. Indépendamment
même de ces circonstances, il était à peu près impossible
.au traducteur grec de rendre littéralement les mots d'un
mâsâl dont l'expression portait si fortement accusée
l'empreinte du cachet sémitique; et alors, tantôt un
verbe, tantôt un qualificatif, tantôt une périphrase
-devaient être ajoutés avant que la formule hébraïque
devînt intelligible à des esprits grecs.
Les différences entre le texte massorétique et la ver-
sion grecque des Proverbes ne consistent pas unique-
ment dans des manières différentes de rendre une pen-
sée. 11 y a, entre les deux, d'autres divergences plus
notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent
que cette traduction a dû être faite sur un manuscrit
hébreu différent du texte massorétique qui nous est
parvenu (Vigouroux, Baumgartner, Toy, etc.). Il y a des
■changements dans la composition même de distiques
qui de synthétiques sont devenus antithétiques; il y a
omission de plusieurs passages contenus dans le texte
hébreu et l'on ne voit aucune raison pouvant légitimer
■cette disparition; il y a surtout des additions de pas-
sages assez nombreux, provenant plus probablement
d'un texte hébreu plutôt que d'un original grec (Vigou-
roux, Baumgartner, Toy); on y constate encore des
■changements relativement à la distribution des chapitres
■à partir dé 24. Ainsi, après xxiv, 22, de l'hébreu le grec
intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9,
«iprès xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31.
La version grecque représentant un texte hébreu plus
-ancien que le texte massorétique constituerait un
excellent moyen de critique littéraire du texte hébreu
reçu, si les particularités de sa composition et les modi-
fications qu'elle a subies avant et après les recensions
■du iri e siçcle, n'avaient un peu diminué sa valeur cri-
tique, bien qu'elle soit encore assez notable.
2° La version sahidique, éditée par Ciasca, qui com-
prend une grande partie des Proverbes, pourrait èlre
très utile pour la reconstitution du texte ancien des
Septante, en tant que cette version a été faite avant les
recensions et dans la suite n'en a subi qu'assez peu
l'influence, Hyvernat, Versions coptes, dans la Revue bi-
blique, 1896, p. 427-433, 540-569 ; 1897, p. 48-74. — Pen-
dant longtemps, la Peschitto avait été considérée comme
•dépendant du ïargum des Proverbes et indépendante
des Septante, ce sentiment est maintenant complètement
abandonné. R. Duval, Littérature syriaque, 3 e édit.,
1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito
relativement aux Septante a été particulièrement étu-
diée par H. Pinkuss, Me syrische Ubersetzimg der
Prov. textkntisch untersucht, dans la Zeitschr. fur die
alttest. Wissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222.
3° La date de composition de la Peschito, en ce qui
concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre
n'étant point de ceux dont la traduction s'imposât en
premier lieu : les uns comme R. Duval, op. cit., p. 31,
ne font terminer l'ensemble de la traduction qu'au
IV e siècle, tandis que d'autres, avec Baumgartner,
op. cit., p. 14, ne descendraient pas au delà du milieu
du II e siècle. La traduction aurait été faite sur un ma-
nuscrit hébreu à peu près identique au texte massoré-
tique, puis plus tard revision de cette traduction d'après
les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33; au vii e siècle,
au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de
Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14; à rencontre de
■cette opinion celle de Frankenberg, qui prétend que
l'influence du grec remonte au traducteur; tout en sui-
vant l'hébreu pour le fond il se serait inspiré en même
temps de l'œuvre des Septante. Comme par ailleurs la
traduction syriaque a une allure assez Jibre, qu'elle
paraphrase en certains passages, ces diverses particu-
larités diminuent sa valeur critique.
4° Le Targum des Proverbes suit de très près Ja
.Peschito et en dépend. Dalhe, De ratione consensus
versionis chald. et syr. Prov. Salom. ; R. Duval, Lit-
térature syriaque, p. 32. Les passages où il s'en écarte
proviennent probablement d'une revision faite d'après
le lexte massorétique. On ignore sa date, il peut être
très ancien; la défense de mettre par écrit les ex-
plications targumiques, si longtemps en [vigueur, ne
s'appliquant qu'aux livres bibliques lus dans la syna-
gogue.
5° La traduction des Proverbes dans la Vulgate latine
est l'œuvre de saint Jérôme; elle fut faite très rapide-
ment, en même temps que celle de l'Ecclésiaste et du
Cantique. Voir Ecclésiaste, t. h, col. 1543-1557, et Can-
tique des Cantiques, t. n, col. 185-199. D'une façon
générale elle suit assez fidèlement le texte massorétique
sur lequel elle a été faite. Elle porte cependant des
traces de l'influence des Septante, probablement par
l'intermédiaire de l'ancienne version latine, très bien
connue de saint Jérôme, Baumgartner, op. cit., p. 16;
Toy, Proverbs, p. xxxiv; Frankenberg pense plutôt
que les emprunts aux Septante constatés dans la Vul-
gate seraient postérieurs à saint Jérôme et l'oeuvre de
copistes qui ont voulu compléter la version hiérony-
mienne avec l'aide de l'ancienne version latine faite
sur le grec; de fait la comparaison entre la Vulgate
Clémentine et le Codex Amiatinus, de la fin du VII e siècle,
voir Amiatinus (Codex), t. i, col. 480, semble favoriser
cette opinion. La Vulgate renferme donc la plus grande
partie des additions des Proverbes qu'on trouve dans
les Septante, mais elle en contient aussi un certain
nombre qui lui sont propres.
X. Comparaison avec les autres livres sapientiaux.
— Le livre des Proverbes est ordinairement rapproché
des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des res-
semblances pour le fond comme pour la forme. — 1° Au
point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines ex-
pressions dont l'usage est assez fréquent dans ces livres
comme se rapportant plus particulièrement à leur objet
spécial : les mots exprimant le commandement, la loi,
l'instruction, la connaissance de la vérité, la sagesse.
Toy, Proverbs, p. xxiv, a dressé une liste comparative
de ces expressions, telles qu'on les rencontre dans les
Proverbes, Job et l'Ecclésiastique.
2° La composition littéraire de ces livres se signale
par une constante fidélité à garder les lois du parallé-
lisme. Le rapprochement est plus particulièrement re-
marquable avec l'Ecclésiastique (voir Ecclésiastique,
t. il, plus spécialement col. 1543-1557) et dans l'un et
l'autre se trouve la même préoccupation d'apporter une
grande variété dans l'emploi de cette règle fondamentale
de la poésie hébraïque. Le simple distique est cependant
plus fréquent dans les Proverbes que dans l'Ecclésias-
tique, et les chap. i-ix, malgré une certaine unité cons-
tatée dans les discours et les exhortations de la Sagesse,
ne présentent point ce caractère d'unité que revêt
1' « Éloge des anciens » dans Eccli., xliv-xlix.
3° Quant à [l'objet du livre, les Proverbes se rappro-
chent également beaucoup plus de l'Ecclésiastique que
des autres livres sapientiaux. L'étude de la Sagesse four-
nit la note caractéristique de ces deux ouvrages comme
elle donne une certaine unité à tout l'ensemble de leur
contenu : son origine divine (Prov., vin; Eccli., xxiv),
et surtout ses conseils pratiques pour l'instruction des
hommes. L'un et l'autre livre constituent un manuel
pratique pour l'instruction et la formation de ceux qui
veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L'en-
semble des vérités religieuses qu'ils renferment sur
Dieu, sur la rétribution, sur la conduite de l'homme et
sa dépendance vis-à-vis de Dieu, sont envisagées au même
point de vue; à noter cependant la perspective na-
tionale constatée dans Eccli., xxiv, qu'on ne trouve point
dans les Proverbes. Il y a aussi grande analogie dans la
description de la vie sociale que nous révèlent les Pro-
verbes et l'Ecclésiastique.
795
PROVERBES (LIVRE DES)
706
XL Analyse du livre des Proverbes. — Il est
impossible de donner une analyse bien serrée du con-
tenu de ce livre ou d'indiquer la suite de toutes les
pensées renfermées dans ce recueil, du moins dans
toutes les parties qui le composent.
7" section, i, 1-ix, 18. — i, 1-6. Introduction géné-
rale indiquant le titre, le but et l'importance de l'ou-
vrage. — i, 7-ix, 18. De petits discours moraux et
quelques distiques isolés dans lesquels la Sagesse, di-
rectement ou par l'intermédiaire du Sage, parle à son
disciple qu'elle appelle « mon fils ». Ils forment comme
une grande introduction préliminaire au recueil de ma-
ximes proprement dites qui commencera avecle chap. x.
Tout le contenu de cette section se ramène à un même
objet : l'excellence de la Sagesse, de là, des exhortations
sans cesse renouvelées d'étudier et de pratiquer la Sa-
gesse.
II» section, x, 1-xxir, 16. — C'est une longue série des
pensées morales présentées dans de simples distiques.
Dans cette section, on rencontre parfois des groupe-
ments de vers présentant une certaine affinité de pen-
sées, ou simplement contenant chacun un même mot
important, mais un classement logique n'a point présidé
à la formation de ce recueil. On a pourtant essayé de
trouver un classement méthodique pour grouper tous
ces proverbes sans obtenir un résultat tout à fait satis-
faisant. Zôckler a proposé un tableau de ce genre ; il a
été utilisé par Lesètre, Le livre des Proverbes, p. 29-
31. Toutes les sentences de cette section considèrent
l'homme dans diverses situations de la vie humaine où
il peut se rencontrer, avec des devoirs sociaux, moraux
et religieux. — On pourrait peut-être reconnaître que
dans x-xv, où le parallélisme est antithétique on insiste
plus spécialement sur les contrastes qui existent entre
les heureux effets de la justice pratiquée et les châti-
ments réservés au mal ; — que dans xvi, 1-xxu, 16,
avec le parallélisme synonymique et antithétique on
exhorte plus spécialement à la pratique du bien par la
perspective du bonheur des justes et d u malheureux sort
de l'impie.
III" section, xxn, 17-xxiv, 22 : Exhortations morales
du même genre que celles de la I re section: c'est un
corps de maximes proposées par le Sage à son disciple
comme dans 1-x. — xxn, 17-21 : Le disciple est invité à
garder soigneusement l'enseignement du Sage. — xxn,
22-xxm, 18 : Divers conseils entremêlés de formules
dans lesquelles les exhortations sont présentées avec
une insistance particulière; elles concernent tout spé-
cialement la conduite à tenir à l'égard du prochain con-
sidéré sous divers aspects de la vie sociale : pauvres,
riches, grands, enfants, -orphelins, etc. — 19-35. Caté-
gories d'individus à éviter plus spécialement : ceux qui
s'adonnent au vin et les femmes de mauvaise vie. —
xxiv, 1-14: Avantages et bienfaits de la Sagesse pour qui
la possède, les devoirs qu'elle crée à l'égard d'autrui.
— 15-22 : Vivre dans la paix et ne causer de mal à per-
sonne ni au juste, ni même à ses ennemis.
IV» section, xxiv, 23-34. — Divers conseils du Sage :
rapports avec le prochain, 24 1 29 : altitude de justice et
de charité qu'il faut prendre à son égard. — 30-34 : Évi-
ter la paresse en constatant ses tristes effets.
V e section, xxv, 1-xxix, 27. — Ce sont des maximes
d'ordre général concernant des devoirs sociaux, mais
il y a aussi de nombreuses sentences de conduite pra-
tique dans l'ordre privé et domestique. On peut y dis-
tinguer 2 parties assez nettement distinctes au point de
vue du style et de la nature despensées : — xxv-xxvn, qui
se terminent par un petit poème sur l'agriculture : les
distiques n'y sont pas exclusivement usités et la valeur
psychologique des maximes qui s'y .trouvent est parti-
culièrement remarquable; — xxvm-xxrx, exclusivement
des distiques : sentences morales avec moins de vie
dans l'expression que dans les cha'p. précédents.
VI» section, xxx, forme un tout distinct du reste du
livre, en général les pensées y ont une certaine étendue.
— 1. Titre. 2-4. Paroles d'Agur; faiblesse de l'intelligence
humaine en face des œuvres de Dieu, qui est connu
par la révélation de lui-même. — 5-6. Exhortations à la
confiance en Dieu. — 7-9. Une prière pour demander à
Dieu la loyauté de caractère et une situation qui ne
l'expose pas à être tenté par les extrêmes de la fortune.
— 10-33. Diverses maximes: descriptions de qualités ou
de caractères, sous forme de proverbes numériques,
avec prédominance du nombre 4.
VII» section, xxxi, 1-9. — Maximes de la mère du roi
Lamuel, genre homilélique; contre la fréquentation
des femmes et l'intempérance; exhortation à la justice
et au secours des faibles.
Vlll» section, xxxi, 10-31. — Éloge de la femme forte
ou description de quelques-unes des qualités que doit
posséder l'épouse parfaite, cousidérée plus spécialement
dans la direction et le soin des affaires de la vie do-
mestique.
XII. Doctrine dd livre des Proverbes. — /. géné-
BALU'ÉS. — 1. Il ne faut point chercher dans le contenu de
ce livre un exposé systématique ni un traité théorique
où seraient classées et étudiées les différentes catégories
de devoirs qui incombent à tous les hommes, même
aux Israélites en particulier, mais bien plutôt une invi-
tation à la pratique de la morale en vue de rendre la
vie morale meilleure. — 2. La vie humaine est consi-
dérée dans ces maximes sous son aspect extérieur,
comme une collection d'actes moraux, conformes ou
non à la loi, et c'est en partant de cette conformité
comme norme que les hommes sont divisés en deux
catégories dont les caractères paraissent absolument
fixés : les bons et les méchants, les sages et les in-
sensés. — 3. La vie humaine y est envisagée tout par-
ticulièrement comme une discipline à réaliser, de là
l'importance et la place prépondérante données à l'ins-
truction, à l'éducation et à la loi. Par loi, dans l'ensem-
ble du livre, on indique tout aussi bien les préceptes
de la loi naturelle que ceux de la loi positive. — 4. Bien
qu'à plusieurs reprises on y parle des devoirs sociaux
de l'homme et que toujours l'homme y soit considéré
comme faisant partie d'une collectivité sociale, domes-
tique ou nationale, néanmoins c'est avant tout à l'indi-
vidu qu'on s'adresse dans cet enseignement. Le bien
général résultera de la mise en pratique des conseils de
la sagesse par ceux qui voudront bien être ses disciples,
mais il ne sera point l'objet immédiat de cette instruc-
tion. De là le côté si fortement individualiste que pré-
senteront un grand nombre de proverbes. — 5. L'exis-
tence du mal physique et moral y est parfaitement
reconnue, mais on n'y rencontre point une préoccupa-
tion quelconque d'indiquer ou de solutionner quel-
ques-uns des problèmes que cette constatation peut
présenter à l'esprit; on indique seulement la possibi-
lité et le devoir d'éviter la violation de la loi (mal moral)
en l'observant fidèlement et la possibilité d'écarter le
mal physique en méritant les faveurs de Dieu.
//. dieu. — 1. La doctrine monothéiste est absolue
dans toutes les parties du livre ; comme dans les autres
livres de la Bible affirmée et toujours présupposée
sans aucune préoccupation de démonstration : l'idolâ-
trie n'est pas mentionnée, Dieu y est souvent désigné
sous son nom de Jéhovah. — 2. Dieu est éternel, rien
n'existait encore de tout l'univers et il était déjà vm,
22-26; indépendant du monde, c'est lui qui est le créa-
teur de tout ce qui existe, ni, 19-20; libre de créer, il
est lui-même la cause finale de son œuvre, xvi, 4 (Vul-
gate). — 3. Le livre ne renferme poin^ de données précises
sur la nature divine, néanmoins les sections de vin,
22 sq., sur la sagesse personnifiée, fournissent un ap-
port tout nouveau et important sur cet objet. — 4. L'at-
tention est surtout attirée sur les attributs de Dieu en
797
PROVERBES (LIVRE DES)
798
tant qu'ils se manifestent dans ses relations avec les
hommes; — a) Sa science parfaite qui lui permet de
suivre continuellement les actions et les intentions des
hommes : cause d'effroi pour le pécheur, source de
consolation pour le juste, v, 2î; xv, 3, il, xxiv, 12. —
6) Une puissance infinie dans l'exécution de tous ses
desseins, irrésistible dans son action même sur les
actes de l'homme tout en respectant sa liberté xvi, 4, 9;
xix, 21; xx, 24; xxr, 1. — c) Sa justice absolue, mise
tout particulièrement en relief, soit qu'on le considère
comme le principe de toute justice, xvr, 11, et ne pou-
vant supporter la moindre injustice, XI, 1, soit qu'on
envisage son activité par laquelle il se révèle toujours
essentiellement juste : en appréciant chaque action
selon sa valeur morale, m, 32, 35; xn, 2; en se consti-
tuant le protecteur des faibles contre ceux qui pou-
vaient abuser de leur force à leur égard, xxn, 23; en
poursuivant le pécheur et en rétablissant par le châti-
ment l'équilibre moral ébranlé par sa faute, xv, 25;
xvi, 5; en récompensant le juste dont il est le défenseur,
m, 5, 10. — d) Sa providence, soit au sens philosophi-
que du mot, on la constate s'exerçant dans le monde
par une action incessante à l'égard de l'homme comme
par rapport aux nations, xvi, 4; vm, 15-16; soit au
sens de protection spéciale, il est la source du bonheur
pour quiconque se confie en lui, spécialement pour le
juste, xvr, 20; xvm, 10, et pour ceux qui sont faibles et
abandonnés : orphelins, veuves, etc., xv, 25; xxm, 10-
11. — e) Sa bonté qui se manifeste même quand il
châtie celui qu'il aime, m, 12.
m. L'homme. — A) Sa constitution. — o) Consti-
tution physique. — L'homme se compose d'un corps et
d'une âme. L'âme (néfés) est le principe de la vie phy-
sique et morale; le siège de la pensée et des passions,
xxiii, 7; xi, 25. Souvent c'est le cœur qui est donné
comme agent de la connaissance, xv, 14; xvi, 1, tandis
que la vie effective de l'âme est manifestée par le tres-
saillement des entrailles, xxm, 16. — b) Constitution
morale. : il est un être libre qui a des commandements
à observer et qu'il peut ne pas garder; tout le livre
suppose cette liberté; de là la constatation de sa res-
ponsabilité et la note caractéristique de l'insensé : il a
méconnu les conseils de la sagesse, i, 24. — c) Dépen-
dance de Dieu, dans sa vie corporelle : membres, con-
servation de la vie, etc., xx, 12; dans sa vie morale :
décisions, conseils, etc., xvi, 9; xix, 21; dans son
bonheur, x, 22. — d) Destinée. Les Proverbes ensei-
gnent que tout n'est pas fini pour l'homme avec la vie
présente, ils connaissent et affirment la doctrine de la
survivance, mais ils en parlent peu et leurs expressions
sont -assez indéterminées. Ce qu'ils nous rappellent à
ce sujet, c'est que tous les morts descendent au ùe'ôl,
rendez-vous universel de tous les hommes où la vie
est transformée en une sorte de léthargie, gouffre pro-
fond situé dans les parties inférieures de la terre, 1, 12;
II, 15, séjour immense dont la science parfaite de Dieu
peut seule avoir une connaissance complète, xv, 11.
B) L'homme dans sa vie morale. — 1° Morale gé-
nérale. — 1. C'est Dieu qui est le principe et le fon-
dement absolu de toute la morale, xvi, 11; xx, 24,
comme de l'homme par la parole même de Dieu ou
par des intermédiaires : parents, sages. — 2. L'idéal
moral, c'est l'acquisition de la Sagesse qui consiste
dans la crainte de Dieu, c'est-à-dire la haine du mal et
la poursuite de la sainteté, i, 7; vm, 13. — 3. L'obser-
vation de la loi morale est obligatoire pour l'homme,
il en est le sujet et il y a mal moral pour lui à agir
autrement, xiv, 21; xvi, 17, et il n'aura même sa véri-
table vajeur d'homme que dans la mesure où il s'y
vaontvera fidèle ; d'ailleurs la sagesse est accessible â
quiconque la recherche, elle s'olfre à qui veut \a
trouver, i, 20, vm, 1 sq.; ix, 3 sq.; — i. La
méthode morale à employer (ou les dispositions inté-
rieures requises) pour l'acquisition de la Sagesse con-
siste dans une recherche sincère accompagnée de-
beaucoup d'oubli de soi-même et de détachement, n,
3 sq., iv, 7-8; vil, 4; d'humilité et de défiance de
soi-même, m, 517; d'application à la pratique de la
justice avec tendance constante à la perfection, xx, 9.
— 5. La vie morale ne consiste pas dans des obser-
vances purement extérieures, même excellentes comme-
les sacrifices, xxi, 3, mais dans la crainte de Dieu, la
pratique de toutes les vertus et l'accomplissement des
diverses prescriptions concernant Dieu, le prochain
ou soi-même. C'est une vie spéciale qui réclame même
des actions plus qu'ordinaires, par exemple, les préve-
nances à l'égard des ennemis, xxiv, 17, et où le fond
essentiel, c'est l'intention, xvi, 30; xxi, 27. Elle com-
porte une grande maîtrise de soi, manifestée surtout
au moment des difficultés, îv, 23. — 6. La Sanction de
cette vie morale se manifeste ordinairement dans la
vie présente et peut être envisagée avec ou sans une
intervention immédiate de Dieu. Dans le premier cas,
comme récompense, c'est en particulier l'amitié de
Dieu, l'intimité avec lui puisqu'il « communique ses
Secrets aux cœurs droits », m, 32; vm, 17, 35 b ; xii, 2%
c'est la santé et l'abondance des biens, m, 8, 10; c'est
la prolongation des jours et la descente au se'ôl re-
tardée le plus longtemps possible, x, 27; c'est le bon-
heur et la stabilité dans le bonheur assurés par Dieu,
m, 33 b ; xix, 23; — le châtiment se présente dans des
conditions analogues, m, 33 a ; c'est l'arrivée subite de
la ruine pour l'homme méchant, vi, 15, c'est le nombre
de ses années abrégé, c'est à la ileur de l'âge qu'il
descend au sêol, x, 27; si une affliction transitoire peut
atteindre le juste, il s'en relève, il n'en est pas ainsi
de l'impie, xxiv, 16. Sans mention de l'intervention
immédiate de Dieu; c'est la paix et le bonheur accom-
pagnant ordinairement la vertu, I, 33; h, 7; vin, 35»,
quant au péché, il se punit lui-même, car souvent
l'homme est puni par où il a péché, I, 19, 32, v, 22. —
Un autre genre de sanction souvent exprimée est celle
qui récompense ou châtie l'homme dans sa postérité,
les enfants du juste participant aux bénédictions dont
il avait bénéficié, tandis que le pécheur fait partager à
ses descendants la malédiction qu'il avait attirée sur
lui, xm, 22; xx, 7. — Les proverbes mentionnent,
bien qu'un peu obscurément, une relation entre la vie
présente et les conditions de la vie future envisagée
comme sanction, xi, 4; cf. xn, 28.
2° Morale spéciale. — o) Devoirs envers Dieu. Les
principaux sentiments qui doivent animer -l'homme
dans ses rapports avec Dieu sont : la crainte, entendue
spécialement comme exprimant l'idée de religion, i, 7,
la confiance, ni, 4, la délicatesse de conscience qui ne
présume pas trop facilement de sa perfection, xx, 9;
xxviii, 14. Ces dispositions se manifestent par une
fidèle obéissance â toutes les prescriptions de Dieu,
m, 9-10; Xix, i8, qui n'a de valeur que si elle est
accompagnée de la justice intérieure, XXI, 3, 27.
b) Devoirs envers le prochain. — Ils sont prescrits par
Dieu et fondés sur la nature des choses. Les prin-
cipaux devoirs sur lesquels on insiste spécialement
sont tout d'abord : la justice (on y revient très souvent
dans le livre) dans les transactions commerciales, xi, 1 ;
xx, 10, 23, dans les jugements, xvn, 15, 23, aussi bien
que dans le respect du bien d'autrui, xxn, 28; xxm,
10; — la charité dans ses différentes formes : aimer et
secourir les deshérités de la fortune, car Dieu a fait
le pauvre comme le riche et il veut qu'on aime les
pauvres; ainsi, donner aux pauvres c'est prêtera Dieu,
xiv, 31; xix, 17; xxn, 20; — s'intéresser à ceux qui
ignorent la Sagesse en les instruisant, XV, 7; xvi, 23;
— surtout en oubliant et en pardonnant les injures
xix, 11, car c'est à Dieu seul de faire justice, xx, 23,
ne pas même se contenter de ne se point réjouir du
799
PROVERBES (LIVRE DES)
800
malheur d'autrui, même s'il est notre ennemi, xxrv,
17, mais encore lui faire du bien.
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger.
S'il a soif, donne-lui de l'eau à boire, xxv, 21.
c) Devoirs envers soi-même. — - D'une façon générale,
•c'est d'un côté, des efforts incessants vers le bien et
l'acquisition de la Sagesse, et de l'autre une applica-
4ion continuelle à fuir le mal. Quelques vertus plus
particulièrement recommandées dont les caractères se
ramènent aisément à ces deux idées; modération et
activité : l'humilité, m, 5, 7; xxvn, 2; la chasteté, n,
16; vi, 24-29; la tempérance, xx, 1; xxm, 1-3; le déta-
chement des richesses, xxm, 4-5; la modération et la
.maîtrise de soi, xvi, 32; la droiture dans les actions,
41, 15; iv, 26; l'amour et la pratique du travail, vi, 6-
11; x, 4-5. — Quelques vices et défauts plus spéciale-
ment signalés -.l'orgueil, vi, 17; l'impiété manifestée
■dans les dispositions défectueuses de celui qui offre
•un sacrifice, xv, 8, ou qui fait des vœux précipités, xx,
25; le faux témoignage, la calomnie, la médisance, xix,
"S, 28 ; x, 18; xvm, S ; l'humeur querelleuse et la colère,
xn, 16; xvii, 19; l'impureté (on y insiste spécialement
•dans les chap. v et vu); le mensonge et l'hypocrisie,
:xn, 19; xix, 22; l'intempérance et la paresse signalées
avec une insistance particulière, xxm, 29-35; xxiv, 30-
34; xxvi, 13-16.
d) Dans l'ensemble de ces prescriptions, il en est
quelques-unes qui peuvent provenir de l'expérience,
personnelle ou acquise des anciens, ce sont surtout
■celles où l'intérêt immédiat du sujet paraît en cause,
•comme l'est par exemple le conseil d'éviter la femme
-adultère pour ne pas s'exposer à la vengeance du mari
courroucé, VI, 32-35; mais il en est d'autres qui ne
peuvent provenir de la même origine, car ils ne con-
sistent pas uniquement dans le fait d'une modification
ayant pour but d'en faire disparaître les principales
imperfections, mais bien dans une transformation ra-
dicale qui ne peut avoir que l'Esprit de Dieu comme
principe, ainsi les conseils de chasteté par rapport à
la courtisane, là où il n'y a plus les inconvénients
signalés à propos de l'adultère, v, 20; vi, 24; ainsi les
conseils concernant l'attitude à garder vis-à-vis du
pauvre, quand la tendance naturelle porte l'homme
fortuné à abuser de sa situation par rapport aux des-
hérités de la fortune si ses intérêts l'y engagent, sur-
tout vis-à-vis de l'ennemi quand la vengeance paraît
si naturelle au cœur de l'homme, xix, 17; xxv, 21.
C'est par une fidélité ponctuelle et continuelle que
l'homme deviendra juste, car si la sagesse est la con-
naissance des règles de l'activité humaine telle que
Dieu veut qu'elle l'exerce, la justice consiste dans la
mise en pratique des règles et des prescriptions élabo-
rées ou proposées par la Sagesse. Les Proverbes insis-
tent beaucoup pour montrer que cette sagesse n'est
pas innée en nous et que d'ailleurs l'homme se fait
très aisément illusion sur ses intérêts même les plus
immédiats, xvi, 25, de là, l'impérieuse nécessité de
l'éducation pour former le juste qui doit se constituer
le disciple de ceux qui sont les intermédiaires de Dieu
pour lui faire connaître la Sagesse.
iy. la famille. — Plusieurs points sur ce sujet sont
plus particulièrement intéressants à noter. — 1. Im-
portance de l'épouse vertueuse dans l'intérêt de la
maison, xu, 4; xiv, l a , aussi l'homme ne saurait-il
-apporter trop de soin dans le choix de celle qui devra
être sa compagne, xvm, 22. Le portrait de la femme
forte, xxxi, 10-31, énumèrê avec complaisance les
grands services que le mari peut attendre d'une épouse
bien choisie, en même temps qu'il indique quelles
qualités sérieuses il faut rechercher pour que ce choix
soit sage et éclairé; une épouse de ce genre doit être
.considérée comme un don de Dieu, xix, 14; — par
contraste, le Sage ne manque pas de rappeler fréquem-
ment quels maux peut attirer sur une maison l'épouse
dépourvue de ces qualités, n, 16-18; xn, 4; xiv, 1*. —
2. Le premier devoir du mari c'est la fidélité conjugale,
aussi lui est-il recommandé, avec une insistance signi-
ficative, de se garder avec soin de toute relation cou-
pable avec la femme étrangère et corrompue, en même
temps qu'on lui rappelle toute la gravité de l'adultère,
v, 15-23; vi, 25, 29, 32-33. - 3. Parmi les devoirs des
parents, l'éducation des enfants attire tout particuliè-
rement l'attention du Sage, il reconnaît l'autorité du
père et de la mère en cette matière et indique le res-
pect et ^'obéissance que les enfants doivent également
à l'un et à l'autre, i, 8; vi, 20; il signale toute l'impor-
tance, xxu, 6, 15; xxix, 17, et les principaux caractères
de cette éducation, insistant spécialement sur la fer-
meté qu'on doit y employer, xm, 24; xxiv, 13, non
toutefois sans recommander de tenir compte des ten-
dances particulières de l'enfant, xxu, 11 ; c'est d'ailleurs
l'intérêt des parents, car la conduite de leurs enfants,
résultat de l'éducation reçue, leur sera une cause de
bonheur ou de malheur, x, 1; xvii, 25; xxm, 24-25. —
4. L'enfant doit montrer une très grande docilité à
l'égard de ses parents; il leur doit un égal respect qui
ne diminue nullement avec l'âge, vi, 20; xxm, 22; il
trouvera le bonheur dans cette attitude, iv, 10, tandis
que les menaces s'accumulent contre le fils insensé et
indocile, xix, 26; xx, 20; xxx, 17.
v. lasagesse. — 1° D'une façon générale, sciencepar-
taite, propre à Dieu et communiquée par lui aux
hommes; elle se présente sous différents aspects. —
a) Une conception humaine de la sagesse, dont les traits
caractéristiques sont -, une certaine habileté, i, 5; une
grande facilité de discernement, i, 4,6; une prudence
pratique ou « expérience » qui donne la science de la vie,
m, 2 ; xiv, 8, — 6) Une conception religieuse, considérée
comme distincte de l'habileté naturelle et impliquant la
crainte de Dieu, i, 7, l'amour de Dieu, l'accomplisse-
ment du culte et l'exécution de la loi, m, 9, et comme
telle, source de bénédictions divines et principe de
l'acquisition et de la pratique de la vertu et faisant de
celui qui la possède « l'homme juste », vin, 13; xxx, 3.
— L'acquisition de la sagesse par l'homme est donnée
comme une chose ardue, elle lui serait presque impos-
sible, si elle ne s'offrait elle-même à quHa recherche, vm,
13; ix, 3, et si en définitive elle n'était communiquée
par Dieu soit indirectement par des intermédiaires,
soit surtout directement comme un don que lui seul
peut faire, car elle est plus que la simple totalité de
1' « expérience » (personnelle et des anciens); sa pos-
session est vraiment un don de Dieu, il, 6. — c) Con-
ception d'une sagesse absolue et universelle ; — elle
nous est montrée comme s'adressant à tous, i, 20-33;
vm, 2, 3; ix, 3; elle se trouve dans l'ordre général du
monde qui la manifeste, m, 19-20; on la rencontre encore
dans le gouvernement politique de l'humanité, vu.
15-16. — d) La Sagesse considérée en elle-même. — a) Son
origine; elle vient de Dieu dès l'éternité et avant
toutes choses, vin, 22-23. — 3) Sa nature; 1° attribut
de Dieu, en qui elle réside, qui la possède éternelle-
ment et dont elle fait les délices, ni, 19; vm, 22-31. —
2° hypostase : son activité coopératrice dans la création,
vm, 20: son amour pour les hommes, elle leur sert de
médiatrice auprès de. Dieu, vm, 31, c'est-à-dire qu'elle
se présente avec les trois caractères suivants : nature
transcendante, personnification nettement accentuée (la
tradition catholique y voit une personnalité réelle et
distincte), possibilité et désir de se communiquer aux
hommes, que le progrès de la révélation accentuera de
plus en plus et qui trouveront leur exposition complète
dans le prologue du IV e Évangile. Voir dans J. Corluy,
La Sagesse dans l'Ane. Test. (Congr. scient, des cath.,
1888, t. i, p. 61-91), un tableau comparatif des données
801
Pft OBEREES (^LW I\E. -BESy — PRONVûE^Cï,
802
de saint Jean, i, et des Proverbes, vm, ainsi que de l'Ecclé-
siastique, xxiv, et de la Sagesse, vii-viii). — La liturgie
catholique fait une application particulière de vm,
224)1, à la très sainte Vierge.
XIII. Bibliographie des Proverbes. — t. texte et
verswns anciennes. — * R. Grey, The Book of Proverbs
divided according lo the mètre, with Notes, Londres,
1738; *J. A. Dathe, Prolusio de ratione consensus vers .
chald. et syriacse Prov. Salom., Leipzig, 1764, étude
publiée par Rosenmùller, dans Opuscula ad crisin et
interpretationem V. T. spectantia, 1814 ; * L. Vogeb
Observât, crit., addition à Vers, integ. Prov. Salom.,
de A. Schultens,Halle,1769;*J.G. Jaeger, Observalion.es,
in Prov. Salom., versionem Alexand., Leipzig, 1788;
*J. G. Dahler, Animadversiones in cap. i-xxtv vers,
grsecm Prov. Salom., Strasbourg, 1786 ; * P. de Lagarde,
Anmerkungen zur griechischen Uebersetzung êer Pro-
verbien., 1863; *S. Baer, Liber Proverbiorum (texte
massorétique), avec préface de Frz. Delitzsch, Leipzig,
1880; * J. Dyserinck, Kritische Scholiën bij de verlaling
van het boek der Spreuken, Leyde, 1883; *IJ. Grâtz,
Exegetische Sludien zu den Satoni. Sprûchen, dans
Monatsschrift fur Gesch. und Wissenschaft, des Juden-
thums, 1884, p. 289, 337, 414, 433; et notes critiques
sur les chap. l-xxn, dans Emendationes, Breslau,
1893, p. 30; *II. Oort, Spreuken i-ix, dans Theol.
Tijdsckrift, Leyde, 1885, p. 379; *A. J. Baumgartner,
Etude critique sur Vétat du texte du livre des Pro-
verbes d'après les principales traductions anciennes,
Leipzig, 1890; ' H. P.Chajes; Proverbia-S Indien zu der
sogenannten Salomonischen Sammlung, c. x-xxm, 16,
Berlin, 1899; * E. Kautzsch, The Book of Proverbs, dans
The sacred Books of the Old Test., édit. par P. Haupt,
Leipzig, 1901; *G. Wildeboer, De Tijdbepaling van het
Boek der Spreuken dans Verslagen en Mededeelingen
der konink. Akad. van Welenschappen, Amsterdam,
1899, p. 233.
il. COUMENTAIUES. — Outre ceux qui ont été déjà
nommés dans le cours de l'article : * H. Deutsch, Die
Sprûche Salomo's nach der Auffassung im Talmud
und Midrasch dargestellt und krilisch untersucht,
1885; S. Hippolyte, In Proverbia (fragments), t. x,
col. 615-628; Origène, Eiç xà; itaposiua; SaXofuôvtoç
(fragments), t. xiu, col. 17-34; S. Basile, Hom. xu, In
Principium Proverb., t. xxxi, col. 385-424; Didyme
d'Alexandrie, fragments d'un comment, sur les Pro-
verbes, t.xxxix, col. 1621-1646; Procope de Gaza, 'Ep|j.'<]-
w.x eï; ta; îi«poi(«aî, t. Lxxxvn,l"part., col. 1221-1544;
Supplément, t. lxxxvii, 2 e part., col. 1779-1800 ; Salonius,
évêque de Vienne, In Parabolas Salomonis expositio
mystica, t. lui, col. 967-99i; Bède, Super parabolas
Salomonis allegorica expositio, t. xci, col. 937-1040, suivi
du De muliere forii libellus, col. 1040-1052, également
suivi de In Prov. Salom. allegoricse interprelationis
fragmenta (chap. vu, xxx, xxxi, xxvi), col. 1050-1060;
R. Maur, Expositio in Prov. Sal., t. cxi, col. 679-792;
R. Holkoth, Prxlect. in lib. Sap., 1481; in Proverbia,
Paris, 1515; S. Munster, Prov. Salom. juxta heb. ve-
ritatem translata et adnotat. illustrata, Bàle, 1525;
Gajetan, Parabôlie Sal. ad veritatem ebraicam casti-
gatse etenarratee, Lyon, 1545; J. Arboreus, Comm. in
Prov. Sal., Paris, 1549; K. Bayne, Comm. in Prov.
Sal., Paris, 1555; Cornel. Jansenius, de Gand, Para-
phrasis et adnotationes in Prov. Sal., Louvain, 1569,
J. Mercèrus, Comm. in Salomonis Proverbia, Genève,
1573; Th. Cartwrigbt, Comm. succincti et dilucidi in
Prov. Salom., Leyde, 1617; Fr. de Salazar, Expositio in
Prov. Salom., tam litteralis quant moralis et alle-
gorica, 2 in-f°, Paris, 1619-1621; Bohl, Ethica sacra,
sive comment, super Prov. Salom., publié par G. Witz-
leben, Rostock, 1640; J. Maldonat, Scholia in Psalmos,
Proverbia, etc., Paris, 1643; A. Agellius, Comment, in
Proverbia, Paris, 1611; Vérone, 1649; Corn. Jansenius
niCT. DE LA BIBLE.
d'Ypres, Analecta in Prov., Louvain, 1644; M. Geier,
Proverbia regum sapientissimi Salomonis cum cura
enucleata, Leipzig, 1653, 1688, 1725; Bossuet, Lïbri
Salom. Prov., Eccl., Paris, 1693; *C. B. Michaelis,
Notée uberiores in Prov. Salom., dans Annotât, uber.
inttagiogr. V. Test, libros, Halle, 1720; * A. Schultens,
Proverb. Salomonis versionem intégrant ad Hebrœum
fonlem expressif alque commenlarium adjecit, Liège,
1748; *L. Nagel, Die Sprûchivorter Salomon's um-
schrieben, Leipzig, 1767; *J. F, Hirts, Vollstândigere
Erklârung der Sprûche Salomons, léna, 1768; J. D. Mi-
chaelis, Uebersetzung der Sprûche und des Predigers
Salomons mil Anmerkungen fur Vngelehrte, Gœltin-
gue, 1778; *J. C. Dcederlein, Sprûche Salomon's. Neu
i'tbersetzt mit kwzen erlâuternden Anmerkungen,
Altdorf, 1778, 1782, 1786; "B. Hodgson, The Proverbs
ofSal. translaled front the Hebreio with notes, Oxford,
1788; *C. L. Ziegler, Neue Uebersetzung der Denk-
sprùche Sal. im Geist der Parallelen, mit einer volls-
tûndigen Einleitung, philologischen Erlàuterungen
und praktisehen Anmerkungen, Leipzig, 1791;
" C. G. Henslers, Erlàuterungen des ersten Bûches
Samuels und der Salom. Denksprûche, Hambourg et
liïel, 1796; * G; Holdens, Attempt towards an improved
translation of the Prov. of Salom. front the original
Ilebrew; with notes critical and explanatory, and a
preliminary dissert., Londres, 1819; * G. Umbreit, Phi-
lolog.-kritisch und philosoph. Commentar ûber die
Sprûche Sal., Heidelberg, 1826; "Maurer, Comment,
gram. critic. in Proverbia, 1841; * R. Noyés, New
translation of the Prov., 1846; * E. Bertheau, Die
Sprûche Salomo's, Leipzig, 1847, revu par W. Nowack,
Leipzig, 1883; *M. Stuart, Comm. on the Book of
Prov., 1852; * F. Hitzig, Die Sprûche Salomo's ûber-
selzt und ausgelegt, Zuricb, 1858; * O. Zôckler, Comm.
zu der Sprûche Salom., Leipzig, 1866; * H. F. Miihlau,
De proverbiorum quse dicuntur Aguri et Lemuelis
origine atque indole, Leipzig, 1869; A. Rohling, Das
Salom. Spruchbuch ûbersetzt und erklârt, Mayence,
1879; * L. Strack, Die Sprûche Salomo's, Nordlingue,
1888, 2» édit., 1899; G. Frankenberg, Die Sprûche,
Gœttingue, 1898. J. Marie.
2. PROVERBES (UVRE DES), apocryphe. Voir
Apocryphes (Livres), 3, t. i, col. 772.
PROVIDENCE (grec : irpôvoia; Vulgate : provi-
dentia), action par laquelle Dieu veille sur ses créatures.
— L'idée de Providence est une idée abstraite et phi-
losophique, qui était familière aux Grecs. Cf. Hérodote,
m, 108; Sophocle, (Ed. Col., 1180; Euripide, Phen.,
640; Xénophon, Memor., i, 4, 6, etc. Elle ne passa
que tardivement chez les Latins. Cf. Sénèque, Qiiœst.
nat., il, 45; Quintilien, I, x, 7; xu, 19, etc. Le livre
grec de la Sagesse est le seul livre inspiré où elle soit
exprimée. L'auteur dit,, en parlant du vaisseau qui flotte
sur les eaux : « O Père, c'est votre Providence qui le
gouverne. » Sap., xiv, 3. Il représente ailleurs les
Egyptiens, pendant la plaie des ténèbres, « fuyant eux-
mêmes votre incessante Providence. » Sap., xvn, 2. —
Les Hébreux avaient à un haut degré l'idée de la Pro-
vidence, mais ils ne possédaient pas dans leur langue
de mot spécial pour l'exprimer. Ils ne se représentaient
l'action vigilante de Dieu que sous une forme concrète.
Jéhovah est le Dieu de l'univers, mais en même temps
leur Dieu particulier, qui prend soin d'eux, les bénit
et les protège. Exod., xix, 5-6 ; xxm, 20-33; Deut.,
xxvn, 1-68, etc. Plusieurs Psaumes sont de véritables
hymnes à la Providence. Ps. iv, vm, xxm (xxn), xxvli
(xxvi), XLVI (xlv), lxv (lxiv), civ (cm), cvii (cvi), cxiii
(cxii), cxxi (cxx), etc. D'autres célèbrent l'action de la
Providence à travers l'histoire d'Israël. Es. lxxviii
(lxxvii), cv (civ); cvi (cv). Ces mêmes idées sont expri-
V. - 26
803
PROVIDENCE — PSALTÉRION
804
mées sous Néhémie. II Esd., ix, 6, 31. Dans le Nouveau
Testament, la Providence est présentée comme le
Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et
sur les méchants, Matth., v, 45, et qui prend soin de
toutes ses créatures. Matth., vi, 25-34. — La Vulgate
emploie le mot providentiel dans plusieurs passages où
il est question seulement de prévision divine, Judith,
ix, 5; xi, 16; de prévoyance, Tob., ix, 2; Sap., vi, 17;
ix, 14; de connaissance, Eccle., v, 5, ou de gouverne-
ment. II Mach., rv, 6; Act., xxiv, 2.
, H. Lesètre.
. PRUDENCE (hébreu : (ebûnâh; Septante : «riveoic,
«fovïjdiç; Vulgate : prudentia), vertu qui aide à choisir
ce qu'il y a de meilleur et de plus sage, pour y confor-
mer sa conduite. — Dans la Sainte Écriture, la pru-
dence se confond fréquemment avec l'intelligence et la
sagesse; c'est souvent en ce sens qu'il faut entendre le
mot dans les versions. Les philosophes platoniciens
faisaient de la prudence l'une des quatre vertus cardi-
nales; le livre de la Sagesse, vin, 7, se réfère à cette
classification. — La prudence vient de Dieu, Prov., n,
6; Bar., m, 14, en face duquel il n'y a en réalité ni
sagesse ni prudence, Prov., xxi, 30, les qualités hu-
maines étant insignifiantes auprès de ses perfections.
Ceux qui ont cherché la vraie prudence en dehors de
Dieu ne l'ont pas trouve. Bar., m, 23. Heureux qui a
acquis la prudence, Prov., m, 13; qui vit selon la pru-
dence aura le bonheur. Prov., xix, 8. La prudence est
aussi le fruit des années. Job, xii, 12. Elle apprend à
veiller sur ses paroles, Prov., x, 19, et à ne pas attirer
sottement l'attention sur soi. Eccli., xxi, 23 (20). Elle
aide la femme à trouver un mari. Eccli., xxii, 4.
L'homme prudent vaut mieux que l'homme robuste.
Sap., vi, 1. Il plaît aux grands, Eccli., xx, 29 (26), est
recherché dans les assemblées, Eccli., xxi, 20 (17), et,
même esclave, sait s'imposer auxhommes libres. Eccli.,
x, 28 (24). — Notre-Seigneur recommande à ses dis-
ciples d'être prudents comme des serpents. Matth., x,
16. Voir Serpent. Il fait l'éloge du serviteur prudent,
toujours à son devoir, Matth., xxiv, 45; Luc, xn, 42, et
des vierges prudentes, attentives à la venue de l'époux.
Matth., xxv, 2, 4, 9. Il remarque que les fils du siècle
ont beaucoup plus de prudence, dans leurs affaires
temporelles, que les fils de lumière dans leurs intérêts
spirituels. Luc., xvi, 18. Il remercie son Père de n'avoir
pas réservé sa révélation aux sages et aux prudents.
Matth., xi, 25; Luc, x, 21. Le Sauveur fut lui-même,
pendant toute sa vie, un admirable exemple de pru-
dence. Il la fit spécialement remarquer dans sa réserve
à manifester sa divinité. 11 défendait à ceux qui en
avaient quelque idée, pendant sa vie publique, de dire
ce qu'ils savaient ou ce qu'ils avaient vu, afin d'empê-
cher des manifestations et des oppositions qui auraient
mis obstacle à son ministère évangélique. Il ne s'expliqua
publiquement à ce sujet que dans les derniers jours de
sa vie, alors que ses déclarations devaient hâter un dé-
nouement, dont il avait lui-même fixé l'heure. Cf. Lepin,
Jésus Messie et. Fils de Dieu, Paris, 1905, p. 364-372.
— Saint Pierre demande aux fidèles de se montrer
prudents et sobres, afin de vaquer à la prière. I Pet.,
iv, 7. H. Lesètre.
PSALTÉRION, PSALTÉRIUM (chaldéen : pe-
santerln, pesanterïn; Septante : -t/aWipiov), instrument
de musique, composé d'une table d'harmonie plate, en
forme de trapèze allongé, portant un jeu de cordes
tendu horizontalement. Les Septante ont traduit nébcl
par «VaXTTJpiov exceptionnellement; la Vulgate presque
toujours par psalterium. Kinnor est rendu i|/«XTT,pitiv
dans les Septante, Ps. xlvhi, 5; cxlix, 3; Ezech., xxvi,
13; par psalterium, Vulgate, Ps. xlvhi, 5; cxlix, 3.
I. Nom. — iaXtrjptov, d'après son étymologie, tyâWw,
« tendre les cordes », J/aX[i4<;, « percussion des doigts
sur les cordes ». Voir Van Lennep, Elymologicum
linguse grasese, Utrecht, 1808, p. 851. Comparer mizmôr
de zdmar, voir Musique, t. ni, col. 1137, qui désigne
tout instrument à cordes joué par percussion manuelle.
Gevaert, Histoire et théorie de la musique dans l'an-
tiquité, Gand, 1875-1881, t. n, p. 243. Ce nom com-
prendrait par conséquent les harpes, lyres, cithares,
sambuques, et même les instruments à manches. Il est
à remarquer que Varron et Athénée appellent le nable
un psaltérion droit, orthopsallium, J/aXrirçptov opôtov,
BeifmoS; 1. IV, p. 183, par opposition sans doule aux
instruments de forme plafe, comme le psaltérion pro-
prement dit. — Cette signification générique justifierait
en quelque manière les auteurs des anciennes versions
grecques et les commentateurs ecclésiastiques latins et
grecs, jusqu'aux lexicographes de la renaissance, d'avoir
traduit par 'l/aX-ui)piov, psalterium, l'hébreu nébél et
même le nom de la harpe, kinnor. Ezech., xxvi, 13.
Cependant il est préférable d'admettre que par cette
interprélation, ils nous ont représenté, au lieu de
l'instrument hébreu, l'instrument grec en usage à
Alexandrie sous la domination hellénique et qui avait
remplacé à cette époque les anciens types d'instruments
orientaux. Telle est aussi la valeur à donner aux textes
des Pères, qui différenciaient la cithare du psaltérion
par cette particularité, que la première a sa caisse
sonore à la base; l'autre au contraire, à la partie supé-
rieure. S. Basile: iioû.Tqp'.o-i tt^v ïjyo-jaav 8'jvafuv ly. to0
avo>6ev 'i-/zn. In Ps. xxxu, t. xxix, col. 328. Le Bre-
viarium in Psalmos, publié dans les œuvres de saint
Jérôme, In Ps. cxlix, t. xxvr, col. 1266 : Psalterium
similitudinum habet citharse sed non est cithara...
Cilhara deorsum percutitur, cieterum psalterium sur-
sum percutitur, S. Augustin : Psalterium de superiori
parle habet testudinem, illud scilicet tympanum est
concavum lignum, eux chordse innitentes résonant.
Enarrat. in Ps. xni, t. xxxvi, col. 499. Voir col. 280,
671-672, 900, 1964. Cassiodore : Psalterium est, ut
Hieronymus ait, in tnodum A literx formati ligni so-
nora concavitas obesum ventrem in superioribus
habens.Prsef. in Psalt.,c. iv, t. lxx, col. 15; S. Isidore
de Séville, Etymol., m, 22, t. lxxxii, col. 168; Bède le
Vénérable, Interpretatio Psalterii, t. xcm, col. 1099.
L'assimilation que ces auteurs font du psaltérion au
nable provient de la version des Septante. Les dix cordes
du psaltérion sont une erreur prise des textes où il
est en réalité question du nable à dix cordes. Voir Na-
ble, t. 'jv, col. 1432. Le rapprochement entre la forme
de l'instrument et celle du delta grec, A, loin d'être
exclusivement propre au psaltérion, figurerait plus
exactement les harpes antiques, et tout spécialement le
trigone. Voir Harpe, t. m, col. 434. En somme, ces
textes, où les auteurs s'inspirent d'un instrument de
musique, fort éloigné de l'antiquité biblique et même
de la tradition hellénique, ne nous fournissent pas de
renseignements suffisants pour une identification. C'est
à l'aide des monuments anciens, rapprochés des types
encore en usage chez les Orientaux, que nouspourrons
connaître le psaltérion antique.
II. Description du psaltérion antique. — Le troi-
sième musicien du bas-relief de Koyoundjik, fig. 382,
t. iv, col. 1353, porte un instrument (fig. 183) dont la
forme rappelle le qanûn ou le santir des modernes
Orientaux. Cette représentation montre en effet une
Caisse plate, pourvue d'ouïes, avec un jeu de cordes
tendu horizontalement. La caisse est bombée à la partie
inférieure et se porte à plat devant la poitrine. Les
cordes au nombre de dix, si la sculpture est exacte, dé-
crivent une courbe, comme si elles étaient placées sur
un rebord arrondi et tendues par des poids. Ces cordes
étaient peut-être de métal, voir Botta, Monument de
Ninive, t. I, pi. 62, et doublées pour augmenter la réson-
nance, comme dans les instruments plus modernes. Les
805
PSALTÉRION
806
instruments de cette forme diffèrent de la harpe en ce
que les cordes ainsi disposées sont accessibles sur une
seule face, tandis que dans la harpe elles peuvent être
touchées sur deux côtés par les deux mains. Ils différent
d'autre part des instruments à manche en ce que les
cordes, bien qu'elles aient la même disposition, sont en
nombre nécessairement restreint dans ceux-ci, par suite
du manque d'espace.
Comme les autres instruments originaires d'Orient,
le psaltérion, adopté par les Hellènes (tig. 184), retourna
en Asie à la suite des conquêtes d'Alexandre; mais il y
revint perfectionné et sous un nom grec. Nous n'avons
pas le nom hébreu de l'ancien type asiatique qui devint
le tyaXTigpiov. On ne le trouve en effet que dans l'énu-
183. — Musiciens de Suse.
D'après Place, Ninive et l'Assyrie, pi. S8.
mération des instruments babyloniens de Nabuchodo-
nosor, et sous la transcription jitbjds, pesanterîn,
Dan., m, 7, ou jnsuDS, pesanferin, Dan., m, 5, 10, 15,
où le changement de consonne, l pour », n'est qu'une
particularité dialectale et où le groupe final ]> repré-
sente la terminaison grecque iov plus complètement
exprimée dans la transcription ayriaqno. Af. A \ <v> Q
pe$al{erôn. Toutefois les grammairiens ont traité jnrCDS,
pesanferin, comme un pluriel et consacré la forme du
singulier itUDS, pesanfêr. Du même mot grec les Arabes
ont fait postérieurement le mot j^aJ~^, santir, autre-
ment pisantir, sa»(our,etles Syriens modernes samtur.
Le santir arabe et son dérivé le qanûn affectent une
disposition pareille à celle de l'instrument babylonien,
mais sans doute moins primitive. Le premier, dont le
nom rappelle directement le psaltérion grec, se com-
pose d'une table d'harmonie en forme de trapèze ou de
triangle tronqué, portant trente-six cordes de métal
retenues à une extrémité par des attaches et à l'autre
par des chevilles pour régler l'accord. Ces cordes, mises
à l'unisson deux à deux, fournissent dix-huit notes.
Le qanûn, £jy*-*, xa-zcôv, « règle, type », offrant par
ordre les toniques de chacun des modes arabes, est le
développement plus complet du psaltérion. Il a de
soixante-six à soixante-quinze cordes, accordées trois
par trois, et vingl-deux, vingt-trois ou vingt-cinq notes,
En Algérie, on ne lui donne parfois que soixante-trois
cordes et vingt et une notes. La table de l'instrument
est pourvue de sillets en os, à charnière, pouvant se
lever pour régler l'accord et distinguer certaines tona-
lités. Les cordes sont en boyau, la caisse, en bois de
noyer, a 3 mètres de long sur 0,40 de large et 0,05 de
haut. Les cordes des notes élevées sont plus minces et
plus courtes, et la série tout entière va en augmentant
de longueur jusqu'aux notes graves. On accorde à partir
de la corde basse (ré-2 substitué à l'ut par les musiciens
turcs) et par succession de notes (non pas par quintes),
la deuxième corde sur le premier sillet, la troisième
sur le second et ainsi de suite. Le type ancien du
qanûn est, suivant Al Farabi, le djank ou sank. Land,
18i. — Psaltérion grec, d'après quelques archéologues.
Baumeister, Denkmàler der klassischen Altertums, t. ni,
p. 1345, fig. 1609. Peinture du jardin Farnèse.
Recherches sur l'hhtoire de la gamme arabe, Leyde,
1884, p. 52, 74.
Le joueur ne marche pas comme le musicien baby-
lonien; assis à terre ou sur un tabouret bas, et les
jambes croisées à la manière orientale, il porte l'instru-
ment sur ses genoux écartés et l'appuie contre sa poi-
trine pour avoir les deux mains libres. Il touche les
cordes au moyen de deux petits plectres, mizdrab, de
corne, de baleine ou de becs de plume, fixés dans des
anneaux portés au pouce et au médius de chaque main.
Le son du qanûn est fort, vibrant, arec une résonnance
étouffée dans les notes graves. Le santir, aux cordes de
métal, estplus aiga et rappelle la mandoline. Le joueur
oriental manie son instrument avec vivacité, en répé-
tant rapidement les notes, suivant un procédé cher de
tout temps aux exécutants orientaux. Voir Fontanes,
Les Égyptes, Paris, 1882, p. 356-357. Le qanûn a sup-
planté le santir dans presque tout l'Orient. Sauf à Mos-
soul, Bagdad, Damas, les musiciens des. villes l'aban-
donnent aux exécutants populaires. Le qanûn de Da-
mas est très grand, il a cent sept cordes quadruples,
sauf la dernière qui est triplé, et donne vingt-septnotes.
Enfin les Persans ont gardé pour la musique de chambre
le santir, qu'ils appellent ceintour. Il a soixante-douze
cordes en cuivre jaune, que l'on touche avec des
baguettes d'os ou de métal appelées mezrabe. Advielle,
La musique chez les Persans en i885, Paris, 1885,
p. 12-13.
807
PSALTÉRION — PSAUMES (LIVRE DES)
De l'Orient, le psaltérion, qui avait passé à Rome
sous les empereurs, revint en Occident après les croi-
sades. On l'appela psalt'ere, saltère, de son nom
biblique. Les sculpteurs le mirent parfois aux mains
du roi David. L'instrument oriental resta en vogue pen-
dant tout le moyen âge. On en perfectionna successi-
vement la qualité, le mécanisme, on en augmenta les
dimensions. Le Cymbel hongrois en est une dérivation.
Finalement l'adjonction de marteaux fixes dépendant
d'un clavier fit de l'ancien instrument le piano mo-
derne. Mais le psaltérion subsiste de nos jours sous la
forme de la Zither allemande. J. Parisot.
1. PSAUMES (LIVRE DES), recueil de chants sa-
crés des Hébreux. Les livres historiques et prophétiques
de la Bible en renferment un certain nombre; mais la
plus grande partie de leurs chants religieux forme un
recueil spécial désigné en hébreu sous le nom de 1SD
D'^nn, Sêfér tehillim, Walx^p^ov , Psalterium, en grec et
en latin. La désignation hébraïque est transcrite S^ap
6eXXe<|i, piëXoç <C«''[ 1 < Sv dans le Canon origénien en tête
du Commentaire d'Origène sur le Ps. i, t. xii, col. 1084,
et « Sephar thallim, quod interpretatur Volumen
Hymnorum » dans S. Jérôme, Prasf. ad Sophronium
in Ps., t. xxviii, col. 1124. Dans le Prologus galeatits,
t. xxviii, col. 553, le même Père l'appelle du nom de
David, et ajoute : quem quinque incisionibus et uno
Psalmorum volumine eomprehendunt. La désignation
du même livre est abrégée dans les références juives
sous les formes n>^n, >Spi, tillim et fillî.
I. Place des Psaumes dans la Bible. — Ce livre se
trouve communément dans la Bible hébraïque masso-
rétique en tête des Ketubim ou Hagiographes, la troi-
sième partie du recueil ; saint Jérôme, dans son Epist. ad
Paulinum, t. xxn, col. 547, le place de même; mais il
n'en a pas toujours été ainsi ; dans le Prologus galeatus,
t. xxvm, col. 555, il le fait précéder de Job; la liste tal-
mudique du traité Baba bathra le fait précéder de
Ruth ; les manuscrits hébraïques espagnols, des Chroni-
ques ou Paralipomènes. Quant au mot mnémotechnique
ton, désignant par abréviation les livres poétiques selon
les Hébreux, Job, Proverbes, Psaumes, il donne préci-
sément le renversement de l'ordre des manuscrits
d'Allemagne, suivi par l'édition imprimée actuelle. Les
Septante placent le Psautier dans la seconde partie de
la Bible, en tète des livres sapientiaux, mais là encore
on ne trouve pas d'uniformité : VAlexandrinus, par
exemple, le rejette, avec les autres livres sapientiaux,
après les prophètes, dans la troisième partie. La Vulgate
Clémentine le place au contraire dans la seconde partie
après Job. L'habitude des auteurs du Nouveau Testa-
ment de citer la Bible sous la formule in Moysi, pro-
phétie et psalmis, Luc, xxiv, 44, permet de conclure
que de leur temps ce livre était placé comme dans la
Bible massorétique, en tête de la troisième partie.
II. Division des Psaumes en cinq livres. — Le Psautier
se subdivise en cinq livres, terminés chacun par une
doxologie indépendante du Psaume final, sauf pour
le cl et dernier : XL, 14; lxxi, 18-20; lxxxviii, 53, et
dans l'hébreu par une indication massorétique. Saint
Jérôme dit dans son Epist. ad Sophronium, t. xxvm,
col. 1123 : Nos Hebrœorum auctwitalem secuti et ma-
xime Apostolorum qui seniper in Novo Testamento
Psalmorum librum nominant, unum volumen asseri-
mus. Mais parlant avec plus de précision dans son Epist.
xxvi ad Marcellam, t. xxii, col. 431, il dit : In
quinque volumina Psalterium apud Hebrseos divisum
est ; également Epist. cxl, t. xxn, col. 1168, et dans le
Prolog, galeat., t. xxvm, col; 553 : quinque inci-
sionibus. La plupart des Pères anciens mentionnent
cette division du Psautier.
Le recueil total se subdivise en 150 morceaux, d'après
l'hébreu actuel, le grec et la Vulgate : mais les anciens-
manuscrits hébreux n'étaient pas tous d'accord, certains
n'en comptant que 149 ou même 147. La séparation des
Psaumes n'étant pas indiquée dans les anciens textes
hébreux, comme en témoigne encore Origène, et un
bon nombre de Psaumes n'ayant pas de titre, les cou-
pures ont été pratiquées quelquefois très arbitrairement,
de sorte que, tout en arrivant au même total, l'hébreu
d'une part, et les Septante et la Vulgate d'autre part,
donnent des numérotations un peu différentes; l'accord
se maintient de i à vm ; ix de l'hébreu forme ix et x dans
les versions; xi à cxm de l'hébreu correspond à x-cxil
des versions; cxiv et cxv de l'hébreu à cxm dçs versions ;
cxvi de l'hébreu à cxiv et cxv des versions; cxvuàcxLvi
de l'hébreu à cxvi-cxlv des versions; cxlvii de l'hébreu
donne cxlvi et cxlvii des versions ; enfin l'accord est
rétabli de cxlviii à cl. En général donc l'hébreu l'em-
porle d'une unité sur les versions. La critique textuelle
permet de constater que les coupures sont fautives en
nombre de cas; on a souvent, dans l'original comme
dans les versions, joint des fragments qu'il fallait séparer ,
par exemple cxlih, 1-11 el 12-15; on a plus rarement
séparé des fragments qui auraient dû être réunis, par
exemple xli etxui. Les auteurs ecclésiastiques, appuyés
sur certains manuscrits et sur les variantes des Actes,
xm, 33, ont souvent cité le Ps. n : Quare fremuerunt
gentes, avec la référence èv Ttpwrai itaXn.fi. Origène,
Fragm. in Psalm., t. xn, col. 1100; S. Hilaire, In
Psalm., t. IX, col. 262, 264.
III. Noms des divers Psaumes. — Les Psaumes
portent des noms différents, qui indiquent différents
genres poétiques : celui du recueil entier est Sêfér (e-
hillîm, bien rendu parsaint Jérôme, Liber hymnorum,
exactement « Livre des louanges (de Dieu) » : le Ps. cxlv
(cxliv) est cependant le seul qui porte un pareil titre,
tehillâh, a."maiq,laudatio ; un titre plus ancien nous est
donné pour une portion du recueil dans lxxi, 20, fefillôf,
orationes; les Septante et la Vulgate ont dû lire fehil-
lot, car ils traduisent laudes (David filii Jesse); exac-
tement, « prières »!; le nom le plus courant est limn,
mizmôr, i/a\y.ôc, psalmus, c'est-à-dire : chant destiné à
être accompagné par les instruments, ou simple poème
lyrique : de là vient le terme i|;aXrr,ptov, psalterium,
détourné de sa signification première « d'instrument
à cordes », pour signifier tout le recueil, le Psautier.
En hébreu 57 Psaumes ont le titre de mizmôr, mais il
y en a davantage dans les versions. On trouve aussi le
titre de "Vu/, Ur, àspa, 4>Brj, canticum, hymnus, qui
veut dire chant, xvn, xliv etXLV, souvent préposé (5 fois)
ou postposé (8 fois) au terme mizmôr, et traduit alors
canticum psalmi ou psalmus cantici, mais apparem-
ment simple doublet provenant des variantes de diffé-
rents manuscrits ; à noter en outre spécialement la série
des Urê ham-ma'âlôt, canticum graduum, 5(7|ia t»v
àva6a6[A<bvou àvaëdtaewv, « cantique graduel ou cantique
des montées » (du pèlerinage liturgique à Jérusalem), de
cxix-cxxxiii. Les titres désignent en outre 13 maskil,
Vscd, terme traduit en grec par les Septante aivsuiç
et par Aquila iitta-Tr,[AWv, par la Vulgate intellectus et
intelligentia, parsaint Jérôme eruditio, dans le sens du
verset psallite sapienter, psaumes de forme artistique,
beaucoup ayant des strophes et des refrains; 6 miktam,
DÏ13D, en "grec a-np.oYpoKpia, dans la Vulgate tituli in-
scriptio, la plupart munis d'une indication de mélodie,
de l'air sur lequel il les faut exécuter; enfin 1 Hggayôn,
î"i>sia, le Psaume vu, traduit par les Septante simple-
ment tyaXfAÔç, par Symmaque et Aquila ifvô^y.n, àyvoia,
par la Vulgate psalmus et par saint Jérôme ignoralio,
sorte d'ode irrégulière analogue au dithyrambe avec vifs
changements de rythme et de pensée. Voir tous ces
noms. Il est à remarquer que la valeur précise de ces
809
PSAUMES (LIVRE DES)
810
termes techniques s'est vite perdue, on ne les rencontre
plus gnère dans le cinquième livre, et les Septante ne
savent plus les traduire; les Pères de l'Église 'leur don-
nent des sens mystiques. Au point de vue de la forme,
et abstraction faite des appellations anciennes, il faut
distinguer les Psaumes à simple parallélisme, les
Psaumes'avec strophes, ceux avec refrain, et les Psaumes
alphabétiques avec ou sans strophes.
IV. Origine et date des Psaumes. — 1° Collections
successives des Psaumes. — L'origine (auteur et date)
des Psaumes est assez difficile à préciser dès qu'on sort
des opinions extrêmes, attribuant l'une tous les Psaumes
à David, l'autre les renvoyant tous à l'époque qui suit
le retour de la captivité. Théodoret, Prsefat. in Ps.,
t. lxxx, col. 862, se décide pour l'attribution générale des
Psaumes à David; cette opinion, ajoute-t-il, est celle de
la majorité des auteurs ecclésiastiques : mais Origène
et toute son école sont d'avis différent; et c'est leur opi-
nion qu'exprime saint Jérôme, Epist. ad Sophron.,
t. xxviii, col. 1123 : Psalmos omnes eorum testamur
auctorum qui ponuntur in titulis, David scilicet,
Asaph et Idilhun, filiorum Core, Eman Ezrahitse,
Moisi et Salomonis et reliquorum quorum Ezras uno
volumine comprehendit (opéra). — D'autre part les
additions évidentes datant de la captivité, telles que les
deux derniers versets du Miserere et d'autres ana-
logues, montrent bien que les Psaumes qui les ont
reçues étaient d'origine notablement antérieure, et
s'opposent à la composition récente du Psautier. La
division du Psautier en cinq livres nous donne une
chronologie approximative des Psaumes, pourvu qu'on
n'oublie pas d'autre part que, pour des raisons di-
verses, les Hébreux ont pu insérer dans un recueil
ancien un Psaume ou un fragment plus récent, ou
inversement ajouter à une collection récente un poème
plus ancien. — 1. Le premier livre et une portion du
second semblent avoir formé le noyau primitif : les
Psaumes y sont, par leur titre, attribués à David, ont
généralement un caractère élégiaque ou méditatif per-
sonnel et non pas national, et trouvent une conclusion
toute naturelle dans Vexplicit ou note finale du Ps. lxxi,
20 : Defecerunt laudes David filii Jesse. Ce groupe
n'est cependant pas d'une homogénéité parfaite, il ren-
ferme des Psaumes davidiques en deux recensions,
jéhoviste et élohiste, tels que xin et lu, xxxix et
lxx, et même un groupe lévilique xli-xux ; les Psau-
mes î et II sans nom d'auteur semblent aussi avoir été
mis plus tard en tête du Psautier en guise de préface.
— 2. Un second recueil a été superposé au premier,
d'origine lévitique, formant le livre troisième : une
tranche lévitique xli-xlix a même pénétré dans le livre
deuxième, probablement par interversion des manus-
crits; ce second recueil est nettement défini par les
attributions d'auteurs, xli-xlviii les fils de Coré; xux et
lxxii-lxxxii Asaph; lxxxiii-lxxxviii les fils de Coré;
par le choix des sujets généralement nationaux, cultuels
ou dogmatiques, et par le style plus soigne, avec plus
de recherches d'ornements poétiques, strophes et re-
frains, indications techniques et musicales. — Dans ces
deux recueils composés des trois premiers livres, tout
ce qui a trait à la captivité parait sous forme d'antienne
additionnelle, la rojaulé davidique avec sa perpétuité,
l'inviolabilité du temple et de la cité sainte y sont
nettement inculquées, par conséquent la composition en
est antérieure à la première destruction de Jérusalem
et à la captivité de Nabuchodonosor. — 3. Au contraire
les quatrième et cinquième livres donnent l'impression
d'une composition ou d'une compilation plus tardive :
les allusions à la captivité paraissent non plus sous la
forme d'additions, mais comme partie intégrante ou
même sujet principal des Psaumes : le style en est
aussi très différent, on y rencontre de ces longues
énumèrations ou des répétitions multiples, alignées
souvent en groupe ternaire comme dans le cantique final
de l'Ecclésiastique dans le texte hébreu, dans la Sagesse,
dans le cantique deutérocanonique de Daniel ; les indica-
tions techniques et musicales y font très communément
défaut, la plupart des Psaumes sont anonymes, et les
emprunts aux plus anciens y sont fréquents; la langue
est plus teintée d'aramaïsme, ki pour k, pronom suf-
fixe de la 2 e personne du féminin singulier, xi pour
"ton, pronom relatif : beaucoup ne sont que des com-
positions doxologiques à l'usage du culte public et privé,
nourries de souvenirs historiques anciens, mais sans
allusion aux événements contemporains. On y distingue
même plusieurs petits recueils particuliers, les Hallel,
le recueil des cantiques du pèlerinage ou Psaumes gra-
duels, le Ps. cxviii, recueil de strophes à la louange de
la loi divine, et les séries d'Alle!«ia;Vensemb\e formai!
un groupe plus considérable que les autres livres a été
partagé en deux par une doxologie finale apposée à la
fin du Ps. cv; et l'on a obtenu ainsi cinq sections du
Psautier, analogues aux cinq sections du Pentateuque
et disposées à peu prés dans leur ordre chronologique.
L'origine du recueil remonte donc aux plus hautes
époques delà monarchie juive, les plus beaux morceaux .
lévitiques étant de la période littéraire d'Ézéchias, l'exil
et le retour correspondant au quatrième livre, le reste
s'espaçant durant deux ou trois siècle's postérieurs.
2° Psaumes dits Machabéens. — - Certains Psaumes
descendent-ils jusqu'à l'époque des Machabées? La
plupart des auteurs modernes l'admettent volontiers;
et le contexte de Psaumes tels que xliii, lxxiii,
lxxviii, lxxxii, semble leur donner raison. Toutefois
il faut se garder de trop presser la conséquence, car
en somme l'histoire juive dans ses détails nous est peu
connue; les livres historiques de la Bible ne procé-
dant que par extraits incomplets ou par référence à
des ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, il nous
est impossible de dire si les faits narrés par les Psal-
mïstes sont ceux de la persécution d'Antiochus Épi-
phane, ou ne datent pas d'une autre époque, si les
invasions égyptiennes, assyriennes et babyloniennes
n'ont pas amené de grands massacres ; nos renseigne-
ments historiques sur la période pré-exilienne tiennent
en quelques pages, ceux de la période post-exilienne
sont plus défectueux encore.
En outre, Renan a fait valoir contre les Psaumes
machabéens des raisons qui ne manquent pas de soli-
dité et que Davidson a repris dans le Dictionary ofthe
Bible de Hastings, t. iv, p. 152-153, contre les exagéra-
tions évidentes de Hitzig, Olshausen et Cheyne : « (Des
poèmes machabéens) subsistent-ils dans le recueil actuel
des Psaumes? C'est un des points sur lesquels il est le
plus difficile de se prononcer : l'âme d'Israël n'était pas
changée, mais sa langue était changée, et nous croyons
que des prières composées au temps d'Antiochus ne
seraient pas si difficiles à discerner des prières clas-
siques plus anciennes : le siècle n'était pas littéraire, la
langue était plate et abaissée... » Il ajoute en note :
« Les Ps. xliv, lxxjv, lxxix, lxxxiii surtout conviennent
parfaitement à ce temps : mais après tout rien ne
s'oppose à ce qu'ils soient plus anciens, les 'ânavîm
(fidèles) s'étant souvent trouvés dans des situations
analogues. Ces Psaumes sont de la plus belle langue
classique, du style le plus relevé, souvent pleins d'obs-
curités et de fautes de copistes. Or, la langue à l'époque
des Machabées était extrêmement abaissée, et le
génie poétique perdu, le style est plat, prolixe à la
façon araméenne, n'offrant jamais aucune difficulté
quand l'auteur ne fait pas exprès de contourner sa
pensée... Le Psautier de Salomon, peu postérieur aux
Machabéens, a-t-il jamais pu être confondu avec les
Psaumes davidiques?... Le Psaume qui parait le plus
machabaïque, le Ps. ùxrv, est cité dans le premier .
livre des Machabées, vu, 16-17, comme un vieux texte
811
PSAUMES (LIVRE DES)
812
prophétique. » Histoire d'Israël, t. iv, p. 316-317.
Driver, An introduction to the Littérature of the
O. T., Edimbourg, 1838, p. 388, bien qu'un peu moins
affirma tif, fait des constatations analogues. On peut
ajouter à ces raisons littéraires que les idées des rétri-
butions ultra-terrestres et messianiques sont en tels
progrès dans les Psaumes de Salomon qu'on ne peut
supposer qu'ils soient de la même époque que les
Psaumes canoniques. Quant à l'acrostiche Simon (Ma-
chabée) obtenu par les initiales du Psaume Cix, 1 o, 2,
3, 4, suivant les indications de G. Bickell, il est pour
le moins fort arbitraire et n'est nullement établi.
Il semble donc que nous n'avons guère de Psaumes
postérieurs au hp siècle avant J.-C. La traduction des
Septante, dont le Psautier est absolument homogène,
est déjà utilisée par I Mach., vu, 16; l'original hébreu
est déjà employé Ps. civ, 1-15; xcv; cv, 1, 47-48, par
le rédacteur des Paralipomènes avec la doxologie finale
du IV» livre, en transportant ce verset du sens original
optatif, à une application à un passé historique, I Par.,
xvi, 8-36; or les Psaumes présentés comme les plus
certainement machabéens sont antérieurs à cette doxo-
logie finale.
V. Auteurs des Psaumes. — La plupart des Psaumes
— presque invariablement ceux des trois premiers
livres, au contraire exceptionnellement ceux des deux
derniers — portent en tête un nom d'auteur, David
(73), Asaph (12), les descendants de Coré [(11), Salo-
mon (2), Héman (1), Éthan-Idithun (4), Moïse (1); la
formule fréquente dans la Vulgate, ipsi David, doit
être considérée comme un génitif, et n'est que la tra-
duction de l'hébreu le-Davîd, en grec, toO Aagîê, ipsius
David; l'hébreu laisse 50 Psaumes orphelins, c'est-à-
dire sans nom d'auteur; les versions n'en ont qu'un
nombre moindre, la Vulgate n'en compte que 35, car
elles ont mis des auteurs à de simples fragments indû-
ment séparés de leur contexte, cf. xlii, attribué à David,
quoique formant la troisième strophe du Ps. xli des fils
de Coré. — Le fait qu'un bon nombre sont restés ano-
nymes montre que les copistes n'ont pas donné des noms
d'une façon arbitraire; une seconde observation, le
style caractéristique de certains auteurs retrouvé d'une
manière courante dans la plupart des morceaux qui
leur sont attribués, par exemple le style élevé et
souvent enflé des Psaumes d'Asaph, la perfection litté-
raire et poétique de ceux des fils de Coré, montre qu'il
faut tenir compte de ces indications, Beaucoup sont
originales ou du moins ont été placées très ancienne-
ment d'après des renseignements traditionnels; il y
avait même des traditions divergentes, que l'on a re-
cueillies simultanément dans certains exemplaires;
ainsi s'expliquent les indications contradictoires trou-
vées surtout dans les versions grecques et latines, par
exemple, cxxxvi, attribué à David et à Jérêmie. Cer-
tains de ces noms doivent aussi être considérés plutôt
comme familiaux que comme individuels, ce sont des
noms de tribu ou d'école; ainsi Coré et Asaph sont-ils
appliqués à des époques très différentes, au temps des
luttes de Sennachérib et d'Ézéchias, et à celui de la
conquête de fa Palestine par Nabuchodonosor,
Ps. lxxxii, xliii, xlviii, d'une part et d'autre part xli,
xlii,.lxxiv, lxxix, lxxxiv. Dans les cas douteux, le
critique peut essayer, par les indices tirés du style, les
renseignements historiques contenus dans le Psaume,
les analogies de doctrine avec telle ou telle autre partie
de la Bible, de préciser la date de la composition.
1» David. — Le roi David est le plus célèbre des
Psalmistes et c'est pourquoi on a donné souvent son
nom à la collection entière. L'absence de préoccupa-
tions politiques, la forme plaintive et élégiaque, le ton
de pieuse mysticité d'un grand nombre de Psaumes
attribués à David, en opposition avec le caractère de ce
prince tel qu'il parait se dégager des livres des Rois ou
des Paralipomènes, sont les raisons qu'on allègue à
rencontre de la composition davidique; mais il faut se
rappeler que l'énergie, la vaillance, et même la dureté
à la guerre des Orientaux n'empêchent pas chez eux
un sentiment de soumission, d'humilité, de confiance
plus ou moins mystique vis-à-vis de la divinité : vis-à-vis
de leurs dieux, les prières ou psaumes d'Assurbanipal
et d'Asarhaddon ont également un ton plaintif des
plus accentués qui forme grand contraste avec le récit
qu'ils font ailleurs de leurs exploits. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 405 ;
Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott fur
Slaal, p. 72-82; Eb. Schrader, Keilinschriften und
Geschichtsforschung, p. 519; Records of the Past,
newser., p. xi-x.ni. Il faut en outre se rappeler que
nous n'avons des Psaumes qu'une rédaction liturgique,
par conséquent parfois généralisée ou adaptée à des cir-
constances différentes, et nullement l'édition originale :
par exemple le Psaume ix et x de l'hébreu, ix des
Septante et de la Vulgate, en strophes alphabétiques
dans la rédaction primitive, a été amalgamé avec un
autre, d'un rythme différent et non alphabétique, à peu
près par moitié : on conçoit que le caractère primitif
ait dû en souffrir, bien qu'on ait retenu le titre de
Psaume de David. Tout le monde reconnaît que les
deux versets ajoutés au Miserere en changent notable-
ment le caractère moral et historique, la finale suppo-
sant la destruction de Jérusalem et le grand prix
attaché par Dieu aux sacrifices liturgiques, tandis que
la fin primitive donne une impression différente. Le
Ps. cxliii Benedictus attribué par le titre à David,
abrégé du Ps. xvir, peut avoir un noyau davidique,
que l'addition des f. 12-15 transporte dans des condi-
tions historiques toutes différentes. Sous des réserves
analogues, si les deux premiers livres du Psautier
n'avaient pas un noyau vraiment davidique, on ne com-
prendrait pas pourquoi, à une date très ancienne, on y
aurait donné la finale: « (Ici) finissent lesprières de David,
fils d'Isaï, » Ps. lxxi, 18-19; que du recueil ainsi dé-
limité ou de tout autre analogue le rédacteur du ch. xxn
de II Reg. eût extrait le Ps. xvn comme document final,
suivi de ses novissima verba, ch. xxm, de style sem-
blable à celui de beaucoup dé Psaumes davidiques, et
l'eût nommé lui-même egregius psaltes Israël, en hé-
breu : « aimable par les chants d'Israël. » Le rédacteur
du règne de David dans les Paralipomènes I Par., xvi,
8-36, lui attribuede même les Ps. civ, xcv, cv : tandis
que le prophète Amos, vi, 5, dit des habitants de Sa-
marie et de Jérusalem : sicut David putaverunt se
habere vasa cantici, ou plus exactement d'après l'hé-
breu : sicut David excogitant sibi vasa cantici; les
deux élégies conservées de lui sur la mort de Saùl elde
Jonathas et sur celle d'Abner ne suffisent pas à justifier
toutes ces appréciations : la réputation littéraire de
Salomon n'a pas suffi à lui faire attribuer plus de deux
Psaumes, bien que les rédacteurs des Rois et des Para-
lipomèmes aient grandement glorifié son œuvre reli-
gieuse.
Ewald concluait, d'après le critérium très subjectif
du goût, de l'originalité, de la vivacité et du coloris,
de la dignité et de la noblesse des sentiments exprimés,
à l'origine davidique des.Ps. m, îv, vu, xi, XV (xiv),
xviii (xvn), xix (xvm), 1 « partie, xxiv (xxm), xxix (xxviii) ,
XX.XII (xxxi), ci (c) et d'un bon nombre de fragments.
Cette liste n'est pas définitive; d'autant moins que cer-
tains de ces Psaumes ou fragments davidiques sont ré-
pétés, ou abrégés, ou développés, dans d'autres parties
du Psautier. Renan estime ancienne et davidique par
exemple la strophe lx-lix, 8 (14), répétée dans le
Ps. cvm (cvn). Nôldeke tient pour authentique le
Ps. xvin (xvn) abrégé dans cxxxi : or, la longueur
extrême du premier Psaume, la description du secours
de Dieu sous l'allégorie d'une théophanie accompagnée
813
PSAUMES (LIVRE DES)
«14
de tempête et de tremblement de terre, sembleraient
plutôt faire incliner à un jugement contraire : mais il
ajoute, sans qu'on puisse vraiment le contredire :
« Connaissons-nous donc si exactement le style de
David? Est-ce qu'un chant de fête, composé peut-être
par un vieillard, doit reproduire le style concis et
simple d'une œuvre de jeunesse comme l'élégie sur
Saû! et Jonathan? » Th. Nôldeke, Histoire littéraire de
l'A. T., trad. H. Derenbourg et ,1. Soury, Paris, 1873,
p. 185-186; Driver, op. cit., p. 379, 385. Enfin il est
certain que le culte se développa en même temps que
la royauté, sous David et Salomon, et aussi sous l'in-
iluence extérieure égyptienne et phénicienne, peut-être
aussi dès lors assyrienne ou babylonienne; il dut donc
y avoir des chants religieux analogues à ceux de l'Egypte
et de l'Assyrie, et il n'est pas vraisemblable qu'on les
ait laissés de côté plus tard.
Il faut reconnaître par contre que ces traditions an-
ciennes de l'époque davidique ont pu occasionner plus
d'une attribution arbitraire, et même évidemment
erronée : par exemple les manuscrits utilisés par les
Septante ont attribué, comme d'ailleurs aussi la Vul-
gate, une composition davidique au Ps. xui, Judica me,
qui n'est qu'une strophe détachée du Ps. précédent non
davidique; cf. aussi Ps. cxxxvn, Super flumina Baby-
lonis. Inversement le Ps. cxxiv, Nisi quia Dominus eral
in nobis, porte dans l'hébreu une attribution davidique,
que les Septante et la Vulgate ont justement laissée de
côté, apparemment pour nous montrer ce qu'il fallait
faire en présence du caractère si évidemment post-
exilien d'un te) morceau ou de tout autre analogue.
2° Les fils de Core'. — La série attribuée aux « Fils de
Coré » comprend 11 Psaumes en deux groupes xli (xlii)
(avec xlii (xliii); xliv (xliii) jusqu'à xlviii (xlix), puis
lxxxiii (lxxxiv) jusqu'à lxxxvii (lxxxviii) à l'exception
de lxxxv (lxxxvi) ; ce sont les plus beaux morceaux du
Psautier, distingués pav \e\ir simplicité, leur délica-
tesse, leur forme à la fois étudiée et parfaite au point
de vue poétique, d'une strophique très régulière et
avec emploi fréquent et heureux du refrain : au point
de vue des sentiments on y distingue un grand amour
du Temple et de la cité sainte. La tradition T&Uaehait
l'origine de cette famille au Coré du désert; leur acti-
vité littéraire fut marquante durant la période d'Ézé-
chias et jusqu'après le retour de la captivité, comme le
montrent les allusions historiques de leurs Psaumes :
leurs idées théologiques ou messianiques sont ana-
logues à celles d'Isaïe : voir par exemple Ps. lxxxvi
(lxxxvii) et Isaïe, xix, 19 r 25 ; leurs fonctions dans le
Temple sont indiquées dans les livres historiques
depuis David jusqu'à la restauration d'Israël, gardiens
des portes du temple, I Par., ix, 19; xxvi, 1-19; puis
chantres. II Par., xx, 19.
3° Asaph. — Douze Psaumes portent l'indication
r Asaph » et sont par conséquent aussi de l'école lévi-
tique : xlix (l) et lxxii (lxxiii) jusqu'à lxxxii (lxxxiii).
Sous ce nom comme sous le précédent se cache une
famille de lévites dont l'activité littéraire s'espace sur
plusieurs siècles : par exemple lxxxii (lxxxiii) appartient
à l'époque de la lutte contre l'Assyrie; lxxiii (lxxiv) et
lxxviii (lxxix) à l'invasion babylonienne ; ce sont tou-
jours des Psaumes nationaux, et non personnels : le
style, moins parfait que ceux des Fils de Coré, est
communément d'une grande autorité et d'une grande
véhémence, qui approche souventdu sublime, mais qui
aussi le dépasse quelquefois; ils renferment beaucoup
d'allusions à l'histoire et aux vieux souvenirs d'Israël,
et d'imitations des allégories des prophètes : voir par
exemple la belle allégorie de la vigne lxxix (lxxx). Leur
langue recherchée a été souvent mal traduite par les
Septante et la Vulgate. Voir Asaph, 1. 1, col. 1056.
4» Élhan. — Éthan, auteur du Psaume lxxxviii
(lxxxix), est peut-être par une faute de transcription ou
de lecture de Yaleph initial, le même qu'Idithun auteur
de xxxviii (xxxix), lxi (lxii), lxxvi (lxxvii). Voir ces
noms. Ces Psaumes sont par conséquent aussi d'origine
lévitique, et très beaux; voir par exemple lxxxviii
(lxxxix) élégie messianique sur la dynastie de David,
en en séparant les f. 6-19, qui forment un Psaume diffé-
rent et fort beau, également inséré dans le premier.
5 D Salomon, Moïse , Psaumes anonymes. — Salomon
est donné comme auteur des Psaumes lxxi (lxxii) et
cxxvi (cxxvn) : cette dernière attribution est plus que
contestable. Le Psaume de la vieillesse lxxxix (xc) est
attribué à Moïse, mais saint Augustin, In Ps. lxxxix,
t. xxxvil, col. 1141, en disait déjà : Non enim credendum
est ab ipso omnino Moyse islum Psalmum fuisse con-
scHptum, et il en donne pour raison que s'il eût eu cette
origine, on l'eût joint au Pentateuque. Saint Jérôme,
E/Àst. cxl ad Cyprianum, t. xxn, col. 1167, admet
l'origine mosaïque de ce Psaume et des dix suivants, où
il est cependant parlé de choses bien postérieures et
même de Samuel. Ps. cxvm, 6. Les versions ajoutent
encore des noms d'auteurs à quelques Psaumes ; mais ces
additions sont généralement fort arbitraires. Il reste plu-
sieurs Psaumes anonymes, comme on l'a vu plus haut.
Quelques-uns des plus beaux du Psautier sont compris
dans cette catégorie, tels que cm-crv, tableau de la créa-
lion, et evi-cvii, action de grâces pour le retour de la
captivité; la plupart se trouvent dans les deux derniers
livres du recueil.
VI. Indications historiques, liturgiques et techni-
ques des titres. — 1° Indications historiques. — Les
titres ajoutent quelquefois au nom de l'auteur des indi-
cations de circonstances historiques, Elles semblent
n'être plusieurs fois que des conjectures du recenseur;
le contenu ne les justifie pas toujours; un mot a quel-
quefois suffi pour qu'on rattachât tout un Psaume à la
vie de David. Par exemple Ps. m, quand David fuyait
devant Absalom son fils; vu, à l'occasion des paroles
de Chusi le Benjamite; xxxm(xxxiv), quand David
contrefit l'insensé en présence d'Abimélech; li(lii),
quand Doëg l'iduméen vint dire à Saùl que David
était chez Achimélech; lui (liv) quand les Ziphéens
vinrent dire à Saûl : « David est caché parmi nous; » lv
(lvi), quand les Philistins le saisirent à Cteth; lix(lx), à
l'occasion de la guerre contre les Syriens de Mésopota-
mie et de Soba, etc. Dans ce dernier cas, par exemple,
il est question des Philistins, des lduméens comme
encore à vaincre, et nullement des Syriens; dans le
Psaume lxii (lxiii), la mention repose sur le f. 2, in terra
déserta et invia et inaquosa, qui est lui-même vraisem-
blablement pour sicut terra... inaquosa, sic in sancto ap-
parut libi, « comme » étant à restituer au lieu de « dans».
2° Indications liturgiques. — D'autres additions sont
des indications liturgiques remontant à l'emploi des
Psaumes dans le Temple, dans le culte public ou dans
le culte privé : xxix(xxx) pour la dédicace du Temple;
xci(xcii) pour le jour du sabbat; de cxix(cxx) jusqu'à
cxxxih(cxxxiv) cantique des montées ou du pèlerinage .
à Jérusalem, canticum graduum; xxxvii(xxxvin) et r
lxix(lxx) pour la commémoraison (des bienfaits), in
rememoralionem ; cxix(c), pour (le sacrifice d') action
de grâces, in confessione. Les Septante et la Vulgate en .
ont d'autres encore : xcv, pour li reconstruction du
Temple après la captivité, guando domus sedificabatur
post captivitalem ; xcn, quando fundata est terrai
xxxvn, de sabbalo ;xxm le lendemain du sabbat, prima
die sabbati; xlvii, secunda sabbati, le second jour de*
la semaine; xcn, quarto sabbati, le quatrième jour;
xcn, in die ante sabbatum, quando fundata est terra',
la veille du sabbat, le jour où fut achevée (la création)
de la terre. Les Septante, la Vulgate et aussi le Sy-
riaque contiennent également des indications de cir-
constances historiques ou une seconde série de noms
d'auteurs inconnus à l'hébreu actuel, et généralement
815
PSAUMES (LIVRE DES)
816
peu soutenues par le contexte : Septante, (Psalnius
David) filiorum Jonadab et priorum captivorum;
cxxxvi, de David et de Jérémie; lxiv, Jeremise et Eze-
chielis populo transmigrationis, cum inciperent exire:
CXI, reversionis Aggxi et Zacharise, en tête du Beatùs
vir qui n'a aucun rapport à la sortie d'exil; cxxv, Can-
ticum ad Assyrios, qui semble au contraire une note
marginale bien appropriée; xxvi, David priusquam
linirelur ; xxvm, t|/aXu.ôç ™ Aaui'5 ê£oSi'ou axr^r^, in
consummatione tabernaculi, etc.
3° Indications techniques. — Ils contiennent encore
des indications techniques, poétiques ou musicales;
par exemple l'espèce particulière de chaque Psaume :
niizmôr, sir, maskîl, niikfam, siggdyôn, {efilldh;
sir yedidôf. Voir col. 808.
Quant à la mélodie ou air connu indiqué, nous
trouvons les formules suivantes : 'alniûp labbên, ûrckp
tô>v xpuçiw toj Ycoù, pro occullis Filii, c'est-à-dire
sur l'air 'almût labben (peut-être : la pâle mort),
Ps. ix ; 'al 'ayyéle't has-sahar, {.7tip tr^ç àvTtXïjJ/ewi; t?,c
êh)9tv7iç, pro susceptione matutina, sur l'air : « la biche
de l'aurore »; Ps. xxi(xxii), 'al-yônat 'êlém rehôqîm,
Oiiàp toû Xao-j tg-j àrnh TàW àffwv {ieîiaxpu{iu.évou, pro
populo qui a sanctis longe foetus est, sur l'air : « colombe
des lointains térébinlhes »; Ps. lv(lvi), 'al-(ashêf,
(xri SiaopOsipVic ne disperdas, sur l'air : « ne détruis pas »,
Ps. lvi(lyii) jusqu'à l"VHi(lix) ; 'al-sûsan 'êdûf, toï;
àXXoiw6i)<jo[ii\ot{ ï-ci,pro iis qui immutabuntur (adhuc),
sur l'air: «lis, témoin de... »Ps.lix(lx),ou encore avec
variante sôsannîm xliv(xi.v), lxviii(lxix), lxxix(lxxx).
Il faut y ajouter quelques autres indications qui ont un
sens vraisemblablement analogue, al-'âldmôt, inzïç
T&v xpuçiwvjpro arcanis, c'est-à-dire super puellarum
(vocem ou modulum), sur (l'air): «Jeunes filles...» ou
« pour voix de jeunes filles, de soprani »,Ps. xlv (xlvi);
'al-gil(i(, ûiùp TtSv Irp&v, pro torcularibus, « sur la
Géthéenne », sur la (lyre ou le ton) de Gelh, ville phi-
listine où résida David durant la persécution de Saûl,
Ps. lxxx (lxxxi) et lxxxiii (lxxxiv); 'al-malyalat,
•juèp MasXéd, pro maeleth, sur un air ou un instru-
ment de musique dont on ignore la nature, peut-
être la flûte qui guide le chœur, ce qui s'accorde assez
bien avec la traduction d'Aquila, im xopeti, et de saint
Jérôme (su)per chorum; Ps. lii(lui) et lxxxvh(lxxxviii),
voir Maeleth, t. iv, col. 537; be-neginôf, iv]/txky.oïç,
sans doute pour èv ^aXT-^ptoïç : Vulgate : in carmini-
6us;saint Jérôme : inpsaltnis, sur les «psaltérions», sur
les « instruments à cordes », Ps. i'v ; 'él han-nehilô(, Sep-
tante îiTcèp Tri? xXï]povo|ioiKTr|ç, Vulgate : pro eaquse hrn-
reditatem consequitur, saint Jérôme: super heereditati-
bus, c'est-à-dire « sur les flûtes », Ps. v ; voir ces mots, 'al-
hus-sénùnit, ùnèp ivi; o-fSôris, pro octava, c'est-à-dire pour
« la lyre àhuit cordes » (ou peut-être « à l'octave » si l'on
admet pour les anciens orientaux une échelle musicale
semblable à la nôtre), Ps. vi. Enfin la plupart de ces
indications ou rubriques sont adressées à un lévite ou
officiant dont le nom hébreu est menasseal}, terme rendu
par les Septante : Eiç tô te'Xoç, par la Vulgate, In finem,
par saint Jérôme : Victori, et qui doit être traduit par « Au
maître de chœur ». Voir Chef des chantres, t. ii,col. 645.
On a remarqué que tous ces termes techniques étaient
déjà devenus inusités lors de la rédaction des deux der-
niers livres du Psautier; il furent même totalement in-
compris des Septante, qui les traduisirent en les décom-
posant ou en les remplaçant par des termes de pronon-
ciation semblable mais de sens très différent, pris dans
le vocabulaire qui leur était familier; de sorte que les
premiers interprètes des Psaumes et les Pères de
l'Église, ne trouvant dans ces titres que des mots in-
compréhensibles, abandonnèrent le sens littéral pour
chercher des explications allégoriques plus ou moins
étranges, telles que l'explication de saint Ambroise :
In Luc., y, c. 6, t. xv, col. 1649 : Pro octava enim
multi inscribuntur Psalmi.. . spei nostrœ octava per-
feclio est;... octava summa vir lutiim est. Tous les autres
terroesanalogues sont expliqués de même, en y cherchant
des sens dogmatiques, mystiques ou moraux. Origéne
voyait dans les titres des Psaumes « la clef pour en pé-
nétrer le sens, » mais il avouait ensuite que « les clefs
avaient été mélangées et qu'il était devenu fort difficile
de retrouver celle qui donnait entrée dans chacun des
Psaumes. » In Ps. l, n. 3, t. xii, col. 1080. D'après l'ana-
lyse que nous en avons donnée, ce sont des indications
littéraires, poétiques, musicales et liturgiques, de date
suffisamment ancienne mais qui méritent vérification ;
on peut les comparer aux rubriques du bréviaire et
du missel. Saint Thomas d'Aquin, In Psalm. ri, Opéra
omn., Parme, 1863, t. xiv, p. 163, reconnaît qu'elles ne
remontent pas aux auteurs des Psaumes : Sciendum
est quod tilvli ab Esdra facli sunt. Par conséquent on
ne peut les considérer comme nécessairement inspirées.
L'Église ne les a jamais regardées comme faisant partie
intégrante des Psaumes; dom Calmet, Sur les titres des
Psaumes, dans le Commentaire littéral, Psaumes,t. i,
p. xxxiv, 1713; Noël Alexandre, Histoire de l'Ane. Tes-
tament, diss. XXIV, a. i, q.l, ont nié leur inspiration.
Certains d'entre ces titres ont même été ajoutés aux
Septante par une main chrétienne, pour passer de là
dans la Vulgate, et même dans l'Éthiopien, comme
Ps. lxv, 'j>«X[ib; àvacTTcicTed):;, Psalmus Resurrectionis ;
enfin la Peschito les a généralement rejetés etremplacés
par des indications chrétiennes: ainsi en tête du Ps. cix,
Dixil Dominus, nous lisons : De solio Domini deque
virtute ejus gloriosa : et prophelia de Chrislo et Vi-
ctoria de hoste.
VIL Caractère des Psaumes; leur supériorité par
RAPPORT AUX CHANTS RELIGIEUX DES AUTRES PEUPLES
orientaux. — Le Psautier est évidemment un recueil
d'hymnes, de prières, de méditations et même de com-
positions didactiques, histoire, dogme, prophétie, mo-
rale; il appartient à la poésie lyrique, et les Psaumes
hébreux peuvent être comparés, quoique infiniment su-
périeurs quant au fond et généralement aussi quant à
la forme, aux psaumes assyriens ou babyloniens, con-
servés dans les textes cunéiformes ; aux chants religieux
de l'Egypte, papyrus ou monuments; aux Gâthàs de
l'Avesta et aux Vèdas de la littérature sanscrite. Bien
que les sections ou coupures pratiquées entre les Psau-
mes ne soient pas toutes certaines, les titres maintenus
dans le texte nous montrent que la plupart sont des
poèmes de peu d'étendue — à part le Ps. cxvm(cxix) qui
est plutôt un recueil de maximes de morale religieuse,
groupées en strophes alphabétiques — les uns servant
à la récitation et au culte publics, les autres à la lec-
ture ou récitation privée : les uns étaient destinés à louer
Dieu dans le Temple, dans les assemblées religieuses,
comme le Confitemini Domino, les autres à la prière
privée tels que le Miserere mei; d'autres aux cérémo-
nies religieuses, tels que VExurgat Deus, Ps. lxvhi;
d'autres à l'instruction d'Israël, comme les Confitemini,
civ et cv (cv et evi) ; beaucoup devaient leur origine à
un événement particulier et se récitaient dans des cir-
constances analogues.
D'autres instruisaient Israël de son passé et de l'ave-
nir que lui prédisaient les prophètes : il y a en outre
un grand nombre de Psaumes de caractère individuel,
relatifs à toute sorte d'épreuves, maladie, persécution,
calomnies, vieillesse, etc. C'est une exagération évi-
dente que celle de Reuss qui voit partout des Psaumes
nationaux, où Israël est toujours caché sous la per-
sonnification du Psalmiste; bien qu'il soit suivi par la
plupart des critiques contemporains, tels que Duhm,
Cheyne, Smend, il suffit" de s'en tenir au texte de
Psaumes tels que m, iv, vi,et même xxi(xxn) ou autres
semblables pour se persuader du contraire, l'auteur y
parlant de circonstances personnelles qu'on ne peut
817
PSAUMES (LIVRE DES)
818
évidemment appliquer à Israël, son « père», sa « mère », sa
« naissance », son « vêtement », etc. ; il y a cependant cer-
tains Psaumes primitivement individuels qui sont deve-
nus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple ac-
commodation, soit même grâce à des changements ou
des modifications pratiquées dans le texte primitif : le
Ps. ix(x) en est un exemple caractéristique.
VIII. Forme poétique des Psaumes. — Leur carac-
tère poétique, non seulement quant au fond, mais en-
core quant à la forme, est absolument évident, et si
les Psauliers du temps d'Origène ont pratiqué la
scriptio continua, source de mauvaises lectures et de
fausses coupures fréquentes, à l'origine et pour la psal-
modie primitive, la séparation des vers et des strophes
a dû être conservée, comme elle l'était dans la poé-
sie assyrienne et les papyrus égyptiens. Les déplace-
ments du sélah, Sià^ïAu-a, qui indique la strophique
dans beaucoup de Psaumes, et qui a été parfois copié
un vers trop haut ou un vers trop bas, ne peut avoir
d'autre origine qu'un texte hébreu où les vers étaient
séparés ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs
anciens ont tâché de reconstituer la disposition primi-
tive. Le parallélisme qui constitue l'essence de la
poésie hébraïque rendait cette reconstitution relative-
ment facile. Voir Poésie hébraïque, t. m, col. 489.
Il y a cependant dans les Psaumes des endroits dont
la forme poétique est très peu accentuée, et où le pa-
rallélisme est peu régulier, tels que le Ps. i; d'autres
où les copistes lui ont fait subir des altérations en
supprimant ou en ajoutant un membre, comme Ps. vin,
3 b. c; enfin certains Psaumes ont été composés en
rythme ternaire, et l'habitude de mettre deux membres
du parallélisme par verset, les a rendus totalement
méconnaissables, comme xcn (xcm) où il faut rétablir
ainsi les versets •
Eteuim firmavit orbem terra;...
Parata sedes tua ex tune,
A sasculo tu es.
Eievavenmt flumina, Domine,
Elevaverunt flumina vocem suam,
Elevaverunt flumina fluctus suos;
A voeibus aquaruoi multarum
Mirabiles elationes maris,
Mirabilis in altis Dominus;
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis,
- Domum tuam decet sanctitudo, Domine,
In longitudinem dierum.
Le parallélisme sous ses différentes formes, synony-
mique, antithétique, synthétique, produit naturelle-
ment en hébreu l'égalité du nombre des mots et par
conséquent un rythme facilement perceptible. Sur le
vers hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 490.
Mais il faut noter que dans les Psaumes la régularité du
vers est loin d'être constante et absolue : parce que les
règles n'en étaient pas peut-être exactement fixées, bien
connues ou bien observées, et parce que les copistes
ne nous ont pas toujours conservé fidèlement le texte.
Cf. Ps. xviu (xvn), xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam.
Reg., xx, 2-51, et I Par., xvi, 8-36. Bien qu'entre ces
passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut
constater néanmoins qu'elles n'ontqu'une influence fort
restreinte au point de vue rythmique etde la poésie. D'ail-
leurs on ne peut guère supposer dans les Psaumes des al-
térations prosodiques très nombreuses ni très graves du-
rant la période ou le Psautier demeura partie intégrante
de la liturgie juive, ou élément principal des chants
d'Israël : par conséquent toute théorie sur la poésie
hébraïque qui suppose trop d'altérations et exige de
trop fréquents remaniements du texte doit être consi-
dérée comme suspecte.
Le caractère lyrique des Psaumes, l'usage où l'on
était de les chanter couramment, amène à supposer
dans un grand nombre l'existence de strophes : il en
est cependant où l'on ne découvre aucune strophique,
tels le Psaume moral cxh (cxi), Bealus vir, les Psaumes
historiques cxi(cx), Confilebor, lxxviii (lxxvii), Atten-
due, popule meus. D'autres ont plutôt des divisions
logiques que des strophes proprement dites, l'égalité
des fragments n'étant que très approximative; mais
dans le plus grand nombre on découvre une stro-
phique très intentionnelle, reconnaissable au déve-
loppement égal attribué à chaque pensée du Psaume,
souvent même celte strophique est accusée par des
indications spéciales, l'alphabétisme en tête de chaque
strophe ou de chaque vers, le nom de Jéhovah, placé
dans chaque premier vers, ou au contraire le terme
technique seiaA, gtâ^a^u.a (voir Sélah), ou la présence
d'un refrain à la fin de chaque strophe.
La division la plus simple, et probablement la plus
ancienne, est le partage du Psaume en deux parties,
la strophe et V antistrophe, sorte de parallélisme qui
oppose non pas vers à vers ou membre à membre,
mais tamêau à YîAAw^i dans un même \>oème : ainsi
le Ps. I donne successivement le sort du juste et celui
du méchant; le Ps. xvi (xv) le choix de Jéhovah comme
Dieu unique, puis les heureuses conséquences de ce
choix; le Ps. xix (xvut) la lumière physique, puis la
lumière morale; le Ps. xxii (xxi) la souffrance du Ser-
viteur de Jéhovah, puis l'action de grâce pour sa déli-
vrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et
l'antistrophe pousse même à juxtaposer et à réunir
totalement quelquefois deux Psaumes primitivement
distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes
royaux xx (xix) et xxi (xx), Exaudiat te Dominus et
Domine in virtute tua; on réunit dans l'hébreu rxv
(exiv) Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propter
quod locutus sum. Et même dans les Psaumes d'une
strophique plus étudiée, on maintient la division géné-
rale en deux parties, Ps. xix (xvtu), Cseli enarrant glo-
riamDei; XLV (xuv), Eruclavit cor meuni. Avec ou
sans cette division binaire très fréquente, on trouve
souvent des strophes moins longues et plus nom-
breuses de diftérents modèles, quelquefois avec de
légères différences de longueur dont la responsabilité
incombe à l'auteur primitif ou bien au copiste ; il est
évident par exemple que le Ps. n, Quare fremuerunt
gentes, se subdivise en quatre strophes d'une égalité
approximative : révolte des nations, réponse de Jéhovah,
consécration du Messie, conclusion du Palmiste; au
contraire le Ps. m, Domine, quid multiplicati sunt,
se divise naturellement en quatre strophes égales mar-
quées en hébreu et en grec par les termes sélah et
êtœij'aXu.a. La strophe la plus ordinaire se compose de
quatre membre parallèles deux à deux : Ps. xxrv(xxm),
A et B; xxxm(xxxii), cxiv(cxm) In exilu jusqu'à Non .
nobis, etc. On trouve moins fréquemment la strophe de
huit membres parallèles : Ps. xvm (xvn), xxxn (xxxi),
etc. La strophe de seize membres est d'un emploi très
rare à cause de sa longueur : voirPs. cxix (cxvm) qui
est plutôt un recueil de maximes sur la loi de Dieu en-
chaînées par ordre alphabétique qu'un Psaume véri-
table. — Le rythme ternaire a donné naissance à la
petite strophe de trois membres : Ps. xcm (xcn), et
cxxxvi (cxxxv) à la strophe de six membres; Ps. xxn
(xxi); xl vi (xlv); Ps. cxv 6, Non nobis; Domine, non
nobin, dans 17» exitu; cxvm (cxvn), etc.; enfin à la
strophe de douze membres, dont le modèle le plus
achevé est le Ps. cxxxix (cxxxvni), Domine, probasti
me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une
strophe de dix membres parallèles : Ps. cxxxu (cxxxi),
Mémento Domine David.
Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destinés
au chant public, font usage du refrain. Dans les cas
les plus simples il parait seulement au commencement
et à la fin du Psaume, et alors c'est plutôt une sorte de
cadre donné au poème qu'un refrain véritable, Ps. vin ;
819
PSAUMES (LIVRE DES)
820
cm (eu), civ (cm); souvent le refrain' est répété régu-
lièrement après chaque strophe : Ps, xlii (xli) en y
joignant le suivant qui en donne la dernière strophe;
xlvI (xlv) en rétablissant le refrain supprimé après le f.
4, Dominus virtutum nobiscum; sûsceptor noster Deus
Jacob; xlix (xlviii) homo cum in honore esset non
intellexit; cvn (evi) refrain modifié après chaque
strophe : clamaverunt ad Dominum... Confiteantur
Domino misericordise ejus...; cxvi b (Credidi), vola
mea reddatii... etc. Dans le seul Psaume cxxxvi
(cxxxv) le refrain quoniam in seternum misericordise
ejus est actuellement répété après chaque vers :
comparer cxvin (cxvn) qui se chantait peut-être de
même. Le même verset servait de répons et était repris
par tout le chœur dans les solennités religieuses.
I Par., xvi, 41; I Esd., m, 11.
Enfin un certain nombre de Psaumes rentrent dans la
catégorie des poèmes alphabétiques. Voir Alphabétiques
(Psaumes), t. i, col. 416. Dans ce cas chaque vers,
chaque strophe ou chaque distique, commence successi-
vement par chacune des lettres de l'alphabet : ce genre
d'acrostiche, que la poésie dédaigne chez nous, est
hautement prisé au contraire par les poètes arabes
ou syriaques, qui recherchent en ce genre les plus
extraordinaires complications. Voir R. Duval, An-
cienne littérature syriaque, p. 26-28. On serait porté à
attribuer aux Psaumes alphabétiques une date récente :
mais la présence de ces poèmes dans Nahum et les
Lamentations prouve qu'ils étaient goûtés même des
anciens Hébreux. On pourrait supposer aussi que les
Psalmistes s'en servent pour grouper des versets qui
n'ont pas entre eux d'enchaînement logique bien étroit :
cette explication est admissible pour le Beati immaculati
in via, exix (cxvili) et d'autres semblables; mais les
Lamentations et le début de Nahum ne manquent pas
d'unité et n'avaient pas besoin de ce lien factice : dans
certains cas il brise même la suite logique ou la chro-
nologie, comme dans le Ps. exi (ex) où il bouleverse la
série régulière des événements de la sortie d'Egypte
et du séjour au désert. Saint Jérôme l'avait déjà signalé,
Epist. xxx ad Paulam, t. xxn, col. 442; suivant le goût
de son temps il voit à chaque lettre une raison mys-
tique ou allégorique qu'il explique dans Epist. xxx,
t. xxn, col. 443. Harre s'en est servi pour les études de
la poésie hébraïque, comme le rapporte Lowth, De sacra
poesi Hebrseorum, édit. Rosenmùller, 1821, p. 39, 365,
629; et Koester pour l'élude des strophes hébraïques
Die Strophen und der Parallelismus der hebràischen
Poésie, dans Studienund Krilxken, 1831, p. 40. — Dans
le Ps. lx-x, Vulgate, ix de l'hébreu, chaque strophe de
deux vers ou quatre membres commence successive-
ment par une des lettres de l'alphabet hébreu, mais
les strophes manquantes ont été remplacées par d'autres
non alphabétiques : t, n, s, d, 3, d, v, s, ï. Les Ps. xxv
(xxrv) et xxxiv (xxxm) sont semblables, une lettre par
vers, avec addition au poème d'une antienne non alpha-
bétique relative aux épreuves d'Israël; Ps. xxxvil (xxxvi)
une lettre tous les deux vers ; exi (ex) et cxii (exi) une
lettre pour chaque hémistiche ; cxix (cxvin), chaque lettre
répétée huit fois en tète des hui t vers de chaque strophe :
noter en outre que dans chaque strophe la loi de Dieu
est désignée par huit termes synonymes, que chaque
strophe ramène dans un ordre différent ; enfin Ps. cxlv
(cxliv), une lettre par vers. Les irrégularités qui se
remarquent — à part l'interversion de y et s qui est
ancienne et se 'rencontre déjà dans les Lamentations —
sont de date postérieure, et proviennent d'altérations,
de suppressions et d'additions au texte : à noter la perte
du : dans le Ps. cxlv texte hébreu, alors que le verset
correspondant est conservé dans, les Septante, la Vul-
gate et le syriaque. D'autres Psaumes ont un alphabé-
tisme incomplet, le premier mot y commence par alepfi
et le dernier commence ou finit par tliav, peut-être
pour indiquer que le poème est complet et qu'il n'y a
rien à y ajouter, qu'il comprend depuis la première
lettre jusqu'à la dernière; tels sont ï, v, lxx (lxix),
lxxix (lxxvih); cxii (cxi) commence aussi par aSré et
finit par (obed comme le Ps. ï.
Il faut enfin noter comme derniers ornements acces-
soires la rime, assonance, monorime : m, rime propre-
ment dite; cxxi (cxx) assonance en a, cxxiv (cxxm) as-
sonance en nu; cxxxn (cxxxi); cxliii (cxxlii); — le
rythme graduel ou gradation qui prend la finale d'un
vers pour en faire le commencement du vers ou de l'hé-
mistiche suivant, dont on trouve un modèle dans Isaïe,
xxvi, 1-9, et une imitation dans le début du IV e Évangile;
Exemple : Ps. exv (IVore nobis Domine).
nequando dicant gentes :
ubi est Deus eorum ?
Deus autem noster in cselo...
Benedicti vos a Domino
Qui fecit cselurti et terram
Caelum cseli Domino,
Terram autem dédit filiis hominum.
Cette construction avait pour résultat de faciliter la
mémoire : aussi la retrou ve-t-on fréquemment dans les
Psaumes de caractère'populaire, spécialement les Can-
tiques du pèlerinage cxx-cxxxrv, nommés psaumes
graduels, canticum graduum, Sir ham-ma'alôt. Les
jeux de mots, formant dans la poétique orientale un
ornement très recherché, se retrouvent naturellement
aussi dans les Psaumes; par exemple : ire'û ve-irâû,
ridebunt (mulli) et timebunt, XL (xxxix), 4lii (li),8;
videbunt (justi) et timebunt, XL (xxxix), 18; 'anî'ani,
miser (sum) ego, lxix (lxviii), 30 ; lxx (lxix), 6, etc.
Voir Jeux de mots, t. ni, col. 1525.
IX. Contenu et doctrine des Psaumes. — 1. sujet
des psaumes, — Il est impossible de donner une clas-
sification logique des Psaumes, un seul touchant sou-
vent à des sujets fort divers, ainsi le Ps. mous donne le
sort du juste et celui de l'impie; xix (xvm) la lumière
matérielle et la loi de Dieu ; xxiv (xxm) portrait du juste
et cérémonie religieuse xxxm (xxxn) invitation à louer
Diju, sa justice, sa puissance créatrice, châtiment des
nations, triomphe final du juste; lxxxix (lxxxviii)
promesses de Dieu à David, puissance infinie de Dieu,
sa fidélité à son peuple, promesses de perpétuité à la
race davidique, ses abaissements, prière en sa faveur.
Quoi qu'il en soit Dieu, son infinité, sa puissance, sa
justice, sa miséricorde, en face de Vhamme, sa dépen-
dance, sa faiblesse, ses fautes, ses épreuves, son besoin
du secours divin, les dons divins qu'il a reçus et ceux
qu'il réclame, tout cela forme le sujet général du Psau-
tier, soit comme contemplation, soit comme louange,
soit dans un but de prière, et presque toujours sous la
forme d'un entretien personnel du psalmiste avec Dieu
ou sous la forme d'un hymne liturgique. En ne tenant
compte que de l'élément principal de chaque Psaume,
on peut s'arrêter à la classification suivante :
1» Psaumes dogmatiques : Dieu créateur : vm, créa-
tion abrégée (Gen., ï); tableau développé, civjcm);
xix (xvm A); chaque créature doit louer Dieu cxlviii;
beauté des différen tes œuvres de Dieu, xxvm(xxvii), orage
(à comparer avec xvm (xvn), 8-17); grandeur du créa-
teur, xcni (xch) ; omniscience et immensité divines,
cxxxix (cxxxvm); néant des idoles ou des faux dieux,
lxxxi (lxxx), cxvft (cxiv); cxxxv (cxxxiv); sa bonté et
sa miséricorde, li : (l), jCiii (cii); cxxx (cxxix)'; cxlv
(cxliv).
2° Psaumes moraux : la loi de Dieu, xix (xvniô),
exix (cxvin); portrait du juste, xv (xiv); xxiv (xxm);
lxii (lxi); cxii (cxi); l'impie, xn (xi), xiv (xm); xlix
(xlviii) (mauvais riche).; lvih (lvii) et lxxxii (lxxxi)
mauvais juge); lii (li) (calomniateur); l (xlix) (hypo-
crite); sanctions divines, ï, xch (xci), xxxvii (xxxvi),
lxxiii (lxxii); xiv (xm) = lui (lu), lxxxi (lxxx).
821
PSAUMES (LIVRE DES)
822
3° Psaumes /iistoWçues.-Lxvnf (lxvii), lxxvii (lxxvi),
lxxviii (lxxvii), cxv (cxiv), cxi (ex), cxxxv, (cxxxiv),
cxxxvi (cxxxv) (sortie d'Egypte, désert, conquête de
Palestine); période des Juges, cv (civ), evi (cv); davi-
diqne, lx (lis), cvm (cvn); période assyrienne, xuv
(xi.hi), lxxxhi (lxxxii), xlvi (xlv), XLVI1I (xlvii), lxxvi
(lxxv); période babylonienne, lxxiv (lxxiii), lxxix
(lxxviii), lxxx (lxxix); exil, Cxxxvil (cxxxvi); retour,
lxxxv (lxxxiv), cvii (cvi), cxxvi -(cxxv).
4? Psaumes relatifs à Jérusalem au Temple : xx\i
(xxvi), xlii (xll), xliii (xlil), xlviii (xlvd), lxxxivi
(lxxxui), lxxxvii (lxxxvi), cxxii (cxxi), cxxxh (cxxxi);
cérémonies religieuses ; xxiv (xxm 6), i.xviii (lxvii),
cxviii (cxvii), cxvi, b (cxv).
5° Psaumes royaux : xsl (xix), xxi(xx), ci (c), cxxxni
(cxxxvn b); messianiques, lxxxix (lxxxviii); promesse:
cxxxn (cxxxi); son règne universel, n, lxxii (lxxi),
ex (cix) ; sa gloire xlv (xi.iv) ; le Serviteur de Jéhovah
souffrant, lxxxviii (lxxxvii), xxii(xxi); le règne de Jého-
vah sur les [nations, xlvii (xlvi), lxvii (lxvi), xcxvi
(xcxv), cxlix, etc.
6° Psaumes personnels : contre ennemis et persécu-
teurs m, v, vu, xiii (xn), xiv (xni) etc. ; pardon du péché,
li (l), cxxx (cxxix), etc.; la souffrance suite du péché,
vi, xxxviii (xxxvii), xli (xl), eu (ci) ; la vieillesse, xxxix
(xxxvm), xc (lxxxix); confiance en Dieu, xvi (xv), xxiii
(xxn), cxxi (cxx), xci (xc), CXII (cxi).
//. doctrine des psavues. — La doctrine générale
des Psaumes est l'abrégé de toute la Bible, sous la
forme la plus imagée et la plus brillante. Les Psal-
mistes nous donnent, dans leurs chants, une image
grandiose du monde et du créateur, naturellement
sous des images proportionnées à la capacité intellec-
tuelle et aux formes du langage des Hébreux. Le monde
est comme une vaste demeure bâtie par Jéhovah, créa-
teur, ordonnateur du chaos primitif, sorte d'océan im-
mense et ténébreux. Les restes de cet océan entourent
encore le monde actuel, c'est le grand fleuve, la merdes
confins du monde jusqu'où le Messie devra étendre son
règne; la terre s'élève par dessus, et ses plus hautes
montagnes soutiennent le firmament qui sépare le ciel
du monde visible. Au ciel, Dieu trône éternellement sur
sa montagne sainte, entouré de la milice des armées
célestes, et de là il gouverne le mondé matériel et le
monde humain. Au dessus du firmament sont accumu-
lés, prêts à exécuter ses ordres, les trésors des eaux, de
la neige, de la grêle, des foudres et des tempêtes. Au
firmament se balancent ou se meuvent les astres, les
étoiles, la lune, le soleil qui forment une seconde armée
céleste : c'est dans ces deux sens que Jéhovah s'appelle
le Dieu des armées, Dominus Deus Sabaoth, Deus
virtutum, Deus exerciluum ; tous ces termes ont le
même sens. — Quand Jéhovah vient juger les hom-
mes, c'est-à-dire sanctionner [ses lois par des récom-
penses et des châtiments, ou soutenir ses fidèles et
anéantir les méchants, il est représenté descendant
sur son char, traîné par les chérubins, lançant la foudre
autour de lui, caché derrière un voile de nuées, faisant
entendre sa voix qui est le tonnerre, faisant trembler
la terre et desséchant les abîmes. Le monde aune troi-
sième partie, la terre des morts, le èeôl, sorte de grand
tombeau souterrain où les défunts viennent successive-
mentprendre place : c'est l'abîme de la nuit, du silence,
et de l'oubli : Jéhovah n'y est pas loué. Les Psaumes les
plus anciens ne sont guère plus explicites sur cette exis-
tence ultra-terrestre et n'y distinguent pas le sort du
juste de celui de l'impie. Dans ces descriptions, il n'est
pas toujours facile de discerner le sens du fond d'avec
ce qui est simple formule poétique et pure métaphore,
ou bien allusion aux croyances de l'Orient ancien : les
Babyloniens, les Égyptiens employaient souvent un
langage analogue; la science du temps avait groupé sous
cette série d'images l'ensemble des phénomènes observés
par elle : les termes mêmes du dictionnaire hébreu ren-
fermaient des mots qui faisaient allusion à ces opinions,
le tonnerre ou la voix de Jéhovah, les armées célestes
ou les étoiles, etc. Les Psalmistes hébreux devaient
parler comme leurs contemporains.
Mais, le contraste est frappant quand de la forme, on
passe au fond : sans langue philosophique, sans raison-
nements métaphysiques, ils .nous donnent une telle
idée de Jéhovah que nulle part nous ne trouvons une
notion de Dieu plus élevée ni plus exacte : tandis que
les dieux des nations sont des vanités, des abominations
dépourvues de sentiment, d'intelligence et de vie, Jého-
vah est le créateur et le maître de tous les êtres célestes
et terrestres : tout change et passe, seul Jéhovah est
immuable : sa pensée pénétre l'avenir comme le passé
et le présent; son regard voit partout, jusqu'au fond des
abîmes et des ténèbres : nul ne peut fuir sa présence :
où qu'on soit, sa main nous soutient. Sa puissance est
telle que la création et ses merveilles ne lui ont coûté
qu'un mot : c'est lui qui conserve à tout la' vie et l'exis-
tence, s'il détourne sa face, tout rentre dans le néant;
sa justice est incorruptible, et rien n'y échappe : la
sainteté est sa nature, son essence : seule sa miséricorde
et sa bonté la surpassent, le pardon habite avec lui,
et il aime les enfants des hommes : sans doute il a une
affection paternelle pour Israël, mais il veut aussi le
bien de tous les peuples de la terre, il prend soin d'eux
dès maintenant, et il les amènera tous un jour à recon-
naître sa royauté. 11 aime l'homme et il prend soin de
lui, il l'a fait à son image et comme le Dieu visible
de la terre.
La loi qu'il a donnée à Israël est une lumière qui ré-
conforte l'âme, par ses enseignements et par ses pré-
ceptes : les sacrifices qu'il exige ne sont pas son aliment
à lui, il n'a besoin de rien, rien ne lui manque ; les
pratiques rituelles doivent surtout être accompagnées de
justice, de rectitude morale, de confiance en Jéhovah :
il aime mieux le cœur repentant que les holocaustes;
les sacrifices lui sont insupportables quand ils sont
accompagnés de l'homicide, de l'oppression des faibles,
du déni de justice aux opprimés : quant aux sacrifices
offerts aux idoles, surtout le sacrifice humain des cultes
chananéens et phéniciens, ils souillent la terre, Jéhovah
les abhorre, et doit les punir.
A la vérité le Psalmiste rend ces idées relevées par
toute sorte d'anthropomorphismes, mais cela tient aux
nécessités mêmes de la langue hébraïque : d'ailleurs, ils
sont très bien choisis pour nous donner une haute idée
deJéhovahtouten nous rapprochant de lui; Jéhovah est
notre salut, notre bouclier, notre citadelle, notre rocher,
tous termes du reste adoucis par les Septante et la Vul-
gate; il trône dans les cieux et la terre est l'escabeau
de ses pieds : ses yeux toujours ouverts sondent les cœurs
des hommes, sa main les soutient, ses ailes les cou-
vrent de leur ombre lutélaire, son bras châtie les impies;
ses flèches les transpercent, sa colère les anéantit.
Plusieurs points de la doctrine des Psaumes exigent
cependant des éclaircissements spéciaux : 1° Immor-
talité de l'âme. — La Providence, la justice de Dieu,
son amour du bien et sa haine du mal soulèvent dans le
Psautier le même problème que dans le livre de Job : le
pécheur est souvent heureux, etle juste dans l'épreuve :
l'auteur l'explique par la doctrine des rétributions ter-
restres : puis il suggère des moyens de justifier la provi-
dence divine : tout cela est passager, et le juste et le pé-
cheur finissent toujours par obtenir le traitement auquel
ils ont droit, en eux-mêmes et dans leur descendance :
telle est la solution commune. A d'autres endroits, le
psalmiste va plus loin et trouve une solution plus
haute : Dieu seul est une récompense suffisante, le
juste sera toujours avec Dieu, dont la main le conduira
et l'introduira dans la gloire, Dieu sera son partage à
jamais, lxxiii (lxxh), 23-26; xvi (xv), 10-11, assure
823
PSAUMES (LIVRE DES)
824
que le juste ne demeurera pas dans le sëôl, qu'il vivra
devant la face de Jéhovah y trouvant plénitude de joie
et des délices éternelles; xvn (xvi), 14-15, exprime le
même espoir presque dans les mêmes termes; le juste
se trouve plus heureux que le méchant, rassasié de ri-
chesses, comblé d'enfants et de petits-enfants; xux
(xlviii), 15, représente les impies conduits au sëôl par
la mort qui sera leur berger : tandis que le juste sera ra-
cheté par Jéhovah de l'étreinte du sëôl, et que Jéhovah
le prendra avec lui. C'est l'acheminement à la croyance
à l'immortalité de l'âme, sinon déjà une pleine pro-
fession de cet article de foi, mis par l'Évangile seul
dans toute sa lumière. Les Psaumes vi, xxx (xxix),
xxxix (xxxvm), lxxxvih (i.xxxvn), sont moins précis :
ils nous représentent le sëôl comme la terre de l'oubli,
de l'éternel silence et de l'éternelle nuit que la pensée
et la louange de Jéhovah n'interrompent jamais, sorte
d'état, non d'anéantissement total, mais d'effacement et
de semi-inconscience, analogue aux croyances baby-
loniennes, mais dont les mythes babyloniens eux-mêmes,
tels que la descente d'Istar aux enfers, nous montrent
qu'on ne doit pas prendre toutes les expressions au
pied de la lettre, pas plus qu'il ne faudrait le faire dans
les textes hébreux. Quand nous-mêmes nous disons
d'un mourant qu'il a cessé de vivre, qu'il n'est plus,
nous sommes loin de faire une profession de foi maté-
rialiste; il n'en faut pas voir davantage dans les formules
des Psaumes : et amplius non ero : .« (donne-moi un
peu de repos) avant que je cesse d'être (parmi les vi-
vants), » sans préjudice à l'existence subséquente, dont
les seules conditions d'eux connues; n'avaient à leurs
regards et avant toute révélation plus précise, rien de
particulièrement attrayant. Présentement bien des
croyants, persuadés cependant de la vie future, parlent
encore de la sorte.
2° Psaumes imprécatoires : xvm (xvn), 38-40;
xxxv (xxxiv), lu (li), lix (lviii) ; lxix (lxviii), 3-29;
cix (cvin), 6-20; cxxxvn (cxxxvi), 7-9. — La justice de
Dieu, dont le principe tient si fort à cœur aux Psalmis-
tes, s'exerce sur les nations comme sur les* individus :
par conséquent, les nations idolâtres ne peuvent pré-
valoir définitivement contre Israël croyant et fidèle à
Dieu : Effunde tram tuam in génies quse te non nove-
t runl .'Ps. Lxxxvnr, 6; bien plus les ennemis d'Israël sont
aussi les ennemis de Dieu même, puisqu'Israël est seul à
connaître et louer le vrai Dieu : leur ruine ou leur châ-
timent est donc certain à ses yeux. Ceci n'est pas
seulement une certitude de foi, c'est aussi un objet de
désir de la part d'une partie des Psalmistes, désir
d'autant plus grand que plus grand est leur amour
pour Jéhovah et son régne. C'est ce désir qui fait le
fond des Psaumes dits imprécatoires, dont la plupart sont
non des Psaumes individuels, mais des Psaumes natio-
naux : Israël est sûr que Dieu triomphera de ses ennemis;
ce jour de Jéhovah, le Psalmiste l'appelle de tous ses
vœux, dans lesquels se mêlent à la fois l'amour de
Jéhovah et le sentiment national. Quant aux formules
que révêtent ces sentiments et à ce qu'elles paraissent
avoir d'exagéré et de cruel, il ne faut pas oublier que
le style de ces morceaux est poétique ou même prophé-
tique, c'est l'hyperbole qui lui donne sa couleur, sa
vivacité et sa chaleur, et le sens réel en doit être
beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntés
au vocabulaire courant de l'époque, et aussi aux ter-
ribles droits de la guerre d'alors : ceux-là seuls s'en
étonnent qui ignorent comment les vainqueurs anciens
traitaient leurs vaincus, se faisant même gloire de
leur cruauté, comme on peut le voir dans les Annales
des rois d'Assyrie, en particulier d'Assurnasirpal et
d'Assurbanipal. Dans le Super, ftumina Babylonis,
le Psalmiste, sous une forme opta tive dictée par sa
conviction du triomphe final par son amour pour le règne
de Dieu et par son attachement à sa patrie, la Jérusalem
terrestre, ne fait que dépeindre d'une manière poétique
comment on traitait trop souvent les villes prises d'as-
saut; on traitera Babylone comme celle-ci a traité la
ville sainte : ami comme il est de la justice, Jéhovah
ne doit pas vouloir moins ! Les mêmes principes d'ex-
plication doivent prévaloir dans les Psaumes certaine-
ment individuels : le véritable Israélite se considère
comme le représentant du vrai Dieu, de la justice et de
la religion sur la terre : il est sûr de son triomphe final,
et il le décrit sous une forme optative ou prophétique :
ses ennemis lui en veulent parce qu'il est le serviteur
de Jéhovah, et à ce titre il est sûr que Dieu prendra
en main sa défense, qu'il réduira à néant les projets
de ses ennemis, qu'il châtiera tous leurs crimes. Ici,
de plus, nous devons rappeler que les sentiments de
charité que la loi chrétienne nous oblige d'avoir pour
nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant
pour ceux qui nous persécutent, sont d'origine exclusi-
vement évangélique : là aussi, comme dans la question
de la vie future, l'Evangile a mis dans notre foi et notre
conscience des données nouvelles; c'est en cela que
consiste le principal progrès de la révélation morale.
3° Psaumes messianiques. — Ils tiennent une place
particulièrement importante dans la collection : il en
faut distinguer deux espèces, les uns nationaux, les
autres personnels. Le but final des deux espèces est le
même, c'est d'annoncer et de préparer le règne de Dieu,
sur les nations infidèles jusqu'aux extrémités du monde :
les Psalmistes saluent bien souvent, spécialement de
xc (lxxxix) à ci (ci), cet avenir messianique. « Les idoles
seront renversées et les dieux du monde, c'est-à-dire
ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu
d'Abraham, ils deviendront des citoyens de Jérusalem ; »
termes et idées analogues à Isaïe xix et toute la se-
conde partie du même prophète; outre ce groupe, on
les rencontre encore dans des Psaumes isolés tels que
xl vu (xlvi), xcvn (xevi), lxviii (lxvii), 29-36, etc.
Mais la diversité commence où l'on étudie l'instru-
ment de cette conversion du monde; dans certains
Psaumes on ne mentionne qu'Israël en général, c'est
Israël qui soumettra les nations, enchaînera leurs
princes, et chantera la gloire de Jéhovah (Ps. cxlix);
c'est donc une formule de messianisme ethnique, un
royaume des Saints, analogue à celui des Visions de
DanUl, vu, 17-18, 25-27. D'autres Psaumes ^sont plus
précis. Il y est question d'un personnage particulier,
d'un roi qui étendra partout le culte de Jéhovah, qui
fera cesser l'injustice, qui donnera au monde la paix,
dont la puissance sera partout reconnue ; on en fait dif-
férents portraits, les uns le représentent surtout comme
un conquérant, d'autres accentuent davantage sa mis-
sion religieuse, l'iniquité et la violence disparaîtront à
son avènement, il sera d'une façon particulière fils de
Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les
Psaumes comme dans les prophètes; Ps. n, ex (cix);
i.xxii (lxxi) on y joint des annonces de prospérité tem-
porelle qu'il faut, également comme dans les prophètes,
Isaïe, xi, 6-9, prendre au sens allégorique: lxxh (lxxi),
16-18; cxxxti (cxxxi), 14-16; cxliv (cxliii), 12-15. Un
trait particulier du Messie qui ressort de plusieurs pas-
sages, c'est que l'établissement du royaume de Dieu sur
la terre sera le résultat de ses souffrances; l'humilia-
tion et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies
de sa glorification, amèneront le monde à croire à cette
puissance de Jéhovah; en certains endroits, comme
dans Isaïe, lin, et dans le Psaume xxn, le caractère
individuel de la victime, de ses souffrances et de celle
délivrance est précisé; et la fidélité de la peinture du
sacrifice de la Croix a frappé tous les lecteurs, au point
que les Évangélistes n'ont pas irîanqué de la souligner,
que le Christ lui-même sur la croix a voulu montrer
cette prophétie réalisée dans sa personne. Voir JÉsus-
CHRisr, prophéties, t. m, col. 1433.
825
PSAUMES (LIVRE DES)
826
Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il
faut évidemment les préciser par les textes prophé-
tiques parallèles : les Psaumes n'ont pas de cadre his-
torique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque
aucune lumière : c'est alors l'analogie des Écritures,
et l'ensemble de la révélation messianique qui doivent
servir de guide et de lumière : toutes les pensées
d'Israël, tous les battements de son cœur ont leur ré-
percussion dans le Psautier, de même que ses épreuves
et ses triomphes, en un mot toute son histoire, sa re-
ligion, sa morale, ses croyances de tout ordre : natu-
rellement aussi ses espérances et les grandes annonces
des prophètes doivent y trouver leur écho; il est donc
très logique d'éclaircir les uns par les autres; et
quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment
clairs, ou indiscutablement datés, comme c'est souvent
le cas, les textes correspondants des prophètes nous
donnent un commentaire à la fois littéraire, chronolo-
gique et exégétique sur lequel on peut s'appuyer en
tonte sécurité. On ne peut nier le caractère messiani-
que des Psaumes que si l'on nie également l'existence
de toute prophétie messianique dans la Bible. Cepen-
dant il faut bien se garder de traiter comme vraiment
messianiques certains passages détachés ordinairement
de leur contexte et expliqués indépendamment du
reste du Psaume : ce sont alors des accommodations
plus ou moins ingénieuses, mais qui n'ont pas de va-
leur rigoureusement exégétique ou théologique. Quel-
ques Pères de l'Église, pour l'instruction des fidèles,
ont appliqué à Notre-Seigneur la plupart des Psaumes,
comme on le voit dans le commentaire de saint Au-
gustin; saint Jean Chrysostome, bien que plus attaché
au sens littéral, le fait aussi quelquefois et cherche
même à s'en justifier par le style général des prophé-
ties. InPsalm. cxvn, t. i.v,col. 336.
Les Pères ne faisaient en cela que suivre l'usage des
Juifs qui avaient alors coutume d'appliquer à la venue
du Messie bien des textes qui n'ont pas d'application
directe à Jésus-Christ, mais dont on pouvait se servir
à leur égard comme d'arguments ad hominem ou
comme moyen d'édifier les chrétiens.
X. Texte des Psaumes. - 1° Texte hébreu. — Tel
que nous le connaissons par l'hébreu actuel et les ver-
sions anciennes, le texte des Psaumes n'est pas tou-
jours correct : les versions ou de simples conjectures
permettent de le corriger en certains endroits, mais le
plus grand nombre des altérations échappe à toute re-
touche. Comme plus ancien témoin du lexte, nous avons
la traduction grecque dite des Septante, deux siècles
environ avant Jésus-Christ ; nous avons au il» siècle les
versions grecques citées dans les Héxaples d'Origène,
principalement Aquila, Théodotion et Symmaque, mal-
heureusement nous n'en possédons que quelques frag-
ments; enfin vers le commencement du v» siècle,
nous trouvons la traduction de saint Jérôme adressée
ad Sophronium ou Psautier secvndum veritateni he-
braicam. Quant au texte hébreu actuel dit massorétique,
il se présente à nous avec fort peu de variantes, mais il
bénéficie d'une unité factice, les éditeurs juifs ayant
supprimé impitoyablement toutes les divergences des
manuscrits. On peut ajouter à cette liste les citations dû
psautier dans le Nouveau Testament; seulement la
plupart sont faites non d'après l'hébreu mais d'après
les Septante, et très souvent sans l'exactitude verbale
absolue que réclamerait la critique; enfin la version
syriaque, faite sur le texte hébreu mais avec des leçons
ou des retouches dans le sens des Septante, et dont
l'origine est incertaine; les Targum et le Talmud ont
peu aidé la critique textuelle.
On peut constater que lé texte dont saint Jérôme s'est
servi pour sa traduction était substantiellement identi-
que au nôtre, bien qu'il offrit quelques divergences
accidentelles : par exemple Ps. ex (Cix), 3, au lieu du
tecwii principium des Septante et de laVulgate, il traduit
populi lui 3ponta.net, ce qui correspond à l'hébreu actuel
'ammekâ nedâbôf dont il a lu le premier mot 'ammêyka,
le pluriel pour le singulier : au lieu de haderêy, in splen-
doribus, de l'hébreu et des versions, il a lu harerêy, in
montibus; avant ex utero il intercale ke, quasi (de
vulva); au lieu de mishar, aurora, lucifer, il lit izrafy,
orietur ; pour le reste il le lit comme l'hébreu actuel, de
sorte qu'il traduit tout le verset ; populi lui sponlanei
erunt in die forlitudinis tuas in montions sanctis : quasi
de vulva orietur tibi ros adolescentise tuse, conformé-
ment à l'hébreu actuel, au lieu de la traduction des
Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die
virtutis tuse in splendoribus sanctorum, ex utero ante
luciferum genui te; Ps. iv, 3, au lieu de usquequo gravi
corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit à peu près
comme notre texte hébreu : Usquequo inclyti mei igno-
miniose, avec la légère différence de kebôdî pour kabe-
daï; Ps. xi (x), 1, il lit contre l'hébreu et suivant les
Septante et la Vulgate : (Transmigra in) montent ut
(avis), fiarkemô sippôr pour harkém sippôr; Ps. xvi
(xv), 10 : {Non dabis) sanctum muni (videre corrup-
lioneni), ce qui parait du reste la leçon primitive de
l'hébreu que les massorètes n'ont pas rejeté totalement,
au lieu de sanclos tuos, hasidka pour fyasidêka; Ps.
xix-xviii, 14, il lit avec l'hébreu, mizzedim, a superbis
au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la
Vulgate; Ps. xxir (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt
(pedes meos et manus meas) au lieu de fodientes (pe-
des meos), ka'arû pour ka'arê ou ka'ari, sicut leo ;
xxix (xxvrn), 6, il lit avec l'hébreu Sariun, le mont Si-
rion, au lieu de yesûrûn, dilectum des Septante et de
la Vulgate; xux (xlviii), 13, il lit avec l'hébreu Un,
commorabilur, contre les Septante et la Vulgate bîn,
inlellexit, etc. De même pour les séparations et les ti-
tres des Psaumes, S. Jérôme confirme l'hébreu masso-
rétique; par exemple xliii (xlii) il omet avec raison
l'attribution psalmus David puisque c'est une strophe
séparée du Psaume précédent. des Fils de Coré : dans le
Cod. Amiatinus on trouve même rétablie la suscription
filiis Chore; de même encore contre les Septante et la
Vulgate, et en suivant l'hébreu il supprime au cxxxvn
(cxxxvi), le Super flumina Babylonis le litre étrange
Psalmus David, Jeremise. On doit donc conclure que
depuis saint Jérôme le texte des Psaumes n'a guère subi
d'altération.
La même conclusion s'impose quand on compare
l'hébreu actuel avec les traducteurs grecs du n e siècle
cités dans les Héxaples d'Origène : par exemple IV, 3,
ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint
Jérôme et l'hébreu massorétique, ot é'v8o?oi' [aou ou ^
Sôia |iov; iv, 8, âm> xaspoû, a tempore, pour a fructu
(frumentx) ; xi-x,l, ilslisentcependant avec les Septante,
la Vulgate et saint Jérôme (transmigra in monlem), à;
iteTstvôv, ut avis, la leçon massorétique étant une faute
évidente; xix (xvm), 14, ànô tû>v ûitepintpâviùv, a superbis
avec saint Jérôme et le texte actuel ; xxix (xxviu), 6.
EEptwv ou Sapiciv, le mont Sirion, au lieu de dilectum
(quemadmodum 'filins unicornium), etc. Voir Field,
Origenis Uexapl., 1875, t. n, p. 90, 91, 102, 115, 129 :
cx(cix),3, ex utero aurorse, aoi Spôao; iraifisÔTijTÔ; ctou
ou 7) veotïi; oou, tibi ros juventutis tuse au lieu de rcpo
êiù<7<p6pou iyéwriaâ at, ex utero ante luciferum genui
te des Septante et de la Vulgate. lbid., p. 266. En som-
me les traductions du II e siècle sont presque toujours
favorables au texte massorétique : du reste on sait que
saint Jérôme, qui lui est favorable également, n'a guère
fait que suivre presque partout Aquila, le premier de
ces traducteurs, à qui il ne trouve à reprocher que sa
littéralité exagérée et son manque de goût. On peut dire
d'une façon générale que lé Psautier hébreu était au
temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu'il est au-
jourd'hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de
827
PSAUMES (LIVRE DES)
828
ses citations du Psautier étant prises aux Septante, il
n'y a guère de conclusion spéciale à en déduire.
Le Psautier est un des livres de l'Ancien Testament le
plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs : mais
c'est aussi un de ceux dont le texte a reçu le plus grand
nombre d'altérations : les travaux critiques d'Origène,
loin de lui conserver sa pureté primitive, ont souvent
même contribué à augmenter la confusion, car on a
parfois substitué aux Septante, ou même on leur a su-
perposé les différentes traductions grecques des Hexa-
ples, supprimant les signes diacritiques, astérisques et
obèles, et mélangeant dans une rnéme phrase des ver-
sions différentes : ainsi au début de xxn (xxi) nous li-
sons à ©s'oc, 6 ©eô; (no-j, np6<r/e{ [loi, traduit dans la Vul-
gate exactement : Deus Deus meus, respice in me : or ce
sont deux traductions juxtaposées des mêmes mots hé-
breux : 'Êlî 'Êli, qu'on peut entendre Deus meus, Deus
meus, ou bien in me, in me (sous entendu respice).
Dans l'Évangile, Notre-Seigneur le cite selon l'hébreu et
la traduction qui y est jointe omet le respice in me des
Septante. Eusèbe, InPsalm., t. xxm, col. 204, fait aussi
remarquer que npôoye; jjioi n'a pas d'équivalent dans
l'hébreu. Saint Jérôme avait soigneusement indiqué ces
signes critiques dans son Psautier ex Origenis Hexaplis
ou gallican; mais là aussi les copistes les supprimèrent
comme il s'en plaint souvent, par exemple Epist., cvr,
55, t. xxn, col. 857 : Qux signa dum per scriplorum
negligenliam a plerisqae quasi superflua relinquun-
tur, magnus in legendo error exoritur. Toute cette
lettre de saint Jérôme est pleine de remarques critiques
analogues qui s'appliquent aussi bien au Psautier grec
qu'au lalin. Au Ps. cxxxn (cxxxi), 4, on lit un doublet
d'origine analogue : toi; pUtpàpot; \i.av v\j<tc«y(jiôv xa\
àvimxvaiv toï; y.poiàçoiî (iou, {si dedero) soninum oculis
mets, et palpebris nieis dornritationem, la seconde
partie étant une deuxième traduction des mêmes mots
hébreux empruntée à Théodotion . Dans le même Psaume
nous lisons, f. 15, ttjv yjipoiv (aOir,; b\i\o^ûiv tvloyr^aui)
viduam (ejus benedicam benedicam), qui est une alté-
ration subséquente pour tï|v Oïipàv : « Ubi enim nostri
legunt viduam ejus benedicens benedicam... in hebrseo
habel Seda idest cibaria ejus. » S. Jérôme, Qusest. he-
braic. in Gen., xlv, 21, t. xxm, col. 1000.
Mais les altérations les plus nombreuses et les plus
profondes sont antérieures à la traduction grecque : les
scribes d'alors transcrivaient les textes hébreux, et le
Psautier particulièrement, avec des négligences qui
contrastent vivement avec le soin dont leurs succes-
seurs commencèrent à faire preuve après l'ère chré-
tienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vul-
gate), qui est alphabétique, on n'a conservé que la moitié
des strophes primitives, les autres appartiennent à une
composition différente et sans alphabétisme : les autres
Psaumes alphabétiques sont copiés plus exactement,
mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d'un
verset final non alphabétique. Le début du Psaume vm
est évidemment altéré de même que le y. 3, lema'an
sorarêka lehasbïf 'ôyeb u-mitnaqêm, propter inimi-
cos ut destruas inimicum etultofem; le texte du
Psaume xvm (xvn) est fort différent de la reproduction
qui en est donnée dans II Sam. (Reg., xxn), où le texte
semble meilleur; le Ps. xxiv (xxm) a une finale f. 7-10
étrangère au sujet, le portrait du juste; la finale de xxxix
(xxxvm) parait écourtée: xlii-xli et xlih-xui sont sépa-
rés sans raison; xlvi (xlv) a perdu son premier refrain
après jf. 4; lui (lu) et xiv (xm) identiques offrent des
variantes multiples; lx (lix) et cvm (cvn) dans leur
partie identique présentent des variantes nombreuses;
lxxx (lxxix) a perdu son troisième refrain ; lxxxvih
(lxxxvii) a perdu sa conclusion;, cvhi (cvii) offre des
variantes inattendues de lx et lviii qu'il'copie; les deux
parties de cxvi, séparées dans les Septante et la Vul-
gate, sont réunies à tort dans l'hébreu, etc. Graetz a
raison de dire que le Psautier, précisément à cause de
son caractère populaire, est l'un des livres les plus
altérés de la Bible, Kritischer Kommentar zu den
Psalmen, Breslau, 1882, t. i, p. i45; mais il exagère
outre mesure quand il ajoute que « très peu de Psaumes
sont demeurés totalement intacts, tandis que beaucoup
fourmillent de tant de fautes qu'il sont devenus tota-
lement incompréhensibles. » Les altérations qu'a su-
bies le texte des Psaumes sont d'ailleurs sans impor-
tance grave au point de vue doctrinal. Elles intéressent
surtout les critiques et l'on en trouve d'analogues
dans tous les livres anciens qui ont été fréquemment
transcrits.
2" Traduction des Septante. — Quan t à la version grec-
que dite des Septante, elle a été faite au deuxième siè-
cle avant Jésus-Christ, en un temps où l'hébreu était
un peu moins altéré que le texte massorétique, mais où
il avait déjà perdu en très grande partie son intégrité
primitive. En outre, les interprètes à qui l'on doit la
version des Psaumes sont de beaucoup inférieurs aux
traducteurs du Pentateuque; ils connaissent l'hébreu
vulgaire de leur temps, fortement aramaïsé, mais pa-
raissent fortpeuau courant de la langue littéraire clas-
sique; ils distinguent rarement entre les différentes
significations d'un mot; et dans les passages difficiles,
fréquents dans les Psaumes à cause de leur caractère
poétique, ils se contentent de traduire isolément chaque
terme hébreu par un mot grec, sans se préoccuper du
sens, ou de l'absence de sens, qui en peut résulter
pour l'ensemble. Les relations des mots entre eux,
quand elles sont exprimées en hébreu, le sont souvent
par des particules fort différentes des conjonctions ou
prépositions grecques par lesquelles ils essaient de les
traduire, le vav conjonctif hébreu par exemple, signifiant
à lui seul suivant les cas, et, maïs, ou, alors, au contraire,
parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque
toujours par %oà, qui donne un sens fort différent; enfin
le verbe hébreu exprime la modalité, certaine et incer-
taine, absolue ou conditionnée, et nullement la division
du temps, présent, passé ou futur; or, ilsohtrendu pres-
que invariablement la modalité certaine par le passé,
l'incertaine par le futur. Il faut ajouter que le texte hé-
breu alors n'était pas ponctué de voyelles, que les mots
n'y étaient pas séparés, non plus que les phrases ni les
Psaumes eux-mêmes. S'ils n'ont pas commis plus
d'erreurs, il faut l'attribuer à une certaine connais-
sance traditionnelle qui leur restait de la signification
des Psaumes et de leur emploi dans le "culte judaïque.
C'est à eux que l'on doit faire remonter la responsa-
bilité des nombreux passages étranges que renferme la
Vulgate.
3° Traduction latine des Psaumes dans la Vulgate.
— La version latine en effet est une traduction très
littérale des Septante; sa forme primitive nous est
connue par les citations des Pères et quelques rares
manuscrits; outre les particularités de la lingua ru-
stica qu'elle partage avec tous les textes bibliques anté-
rieurs aux travaux de saint Jérôme, elle a les qualités et
les défauts de la version grecque du Psautier : texte
hébreu plus ancien que la recension massorétique, et
multiples imperfections des premiers traducteurs, aux-
quelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de co-
pistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de
base au premier travail de saint Jérôme pendant son
séjour à Rome sous le pape saint Damase; il fut fait
vraisemblablement sur Vltala, qu'il revit, non sur l'hé-
breu, mais sur la KoivtJ ou Vulgate grecque : ce fut une
revision partielle et hâtive : Psalterium Romœ dudum
positusemendaram... ;et juxta Septuaginla interprè-
tes cursim,... magna ex parte, dit-il lui-même; il
ajoute que le texte ainsi expurgé fut bientôt altéré de
nouveau : Scriptorum vitio depravatum, plusque anti-
quum errorem, quam novam emendationeni valer.e.
829
PSAUMES (LIVRE DES)
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Praef. in Psalterium sec. Septuaginla edit., t. xxix,
col. 117-118. Ce premier travail forme le Psalte-
rium romanum, employé autrefois à Rome jusqu'à
saint Pie V, maintenu dans le Missel et dans une partie
du Bréviaire, ainsi que dans l'office capitulaire de
Saint-Pierre de Rome; saint Jérôme en décrit le prin-
cipal caractère, ubiùumque sensus idem est (non dans
l'hébreu mais dans le grec), veterum interpretum con
suetudinem mulare noluimus, ne nimia novitate lec-
toris studium terreremus. Epist. cri, t. xxn, col. 844,
et plus loin : nos antiquam interpretalionem sequentes,
quod non nocebat, mulare noluimus. Il fit ce pre-
mier travail vers 384. Voir Jérôme, t. m, col. 1307. De
retour à Béthléhem, entre 386-391 selon le P. Van den
Gheyn, i&itf., sa première édition étant déjà fort corrom-
pue, il en entreprit une seconde, où il prit pour texte
i'édilion hexaplaire des Septante, avec astérisques et
obéles, les premiers destinés à indiquer ce que les
Septante omettaient de l'hébreu et dont lui-même em-
prunta la traduction à Théodotion, les autres signalant
au contraire ce qu'ils y avaient ajouté : saint Jérôme
dit lui-même qu'il avait fait cette seconde traduction
« avec beaucoup de soin, » Epist. ad Sophron., t. xxvm,
col.H26;il l'appelle « une version nouvelle» dansl'iîpist.
ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 838; c'était donc
un travail critique où l'on pouvait voir d'un seul coup
d'œil la version des Septante et sa comparaison avec le
texte hébreu dans les passages qu'elle avait en plus ou
en moins : il n'y manquait que la retouche des en-
droits où les Septante avaient traduit d'une façon in-
suffisante ou inexacte. Malheureusement la transcrip-
tion de tous ces signes critiques exigeait trop desoins;
et malgré les prières réitérées du saint docteur, on les
omit dans la plupart des mauuscrits, de sorte qu'on
cessa de distinguer ce qui venait des Septante, ou de
Théodotion, ou qui était surajouté au teiLte hébreu.
Dans cet état, et avec les altérations encore subies de-
puis, elle constitua le Psalterium gallicanum qui est
celui de l'édition officielle de la Vulgale et du Bréviaire,
et dont le nom rappelle sa diffusion rapide dans les
églises de France et de Germanie : dom Martianay re-
marque en effet que la plupart des manuscrits du Psau-
tier avec astérisques et obtles proviennent de France,
et que l'Italie n'en a conservé que très peu, t. xxvm,
col. 66. Saint Jérôme ne dit pas qui l'engagea dans sa
première retouche; il composa la seconde à la prière
de sainte Paule et d'Eustochium ; enfin, sur les instances
de Sophronius, il donna une troisième traduction.
P Traduction nouvelle de saint Jérôme. — Elle fut
faite exclusivement sur le texte hébreu vers 390-391, en
tout cas avant la lettre à Domnion, t. xxvm, col. 53-54. Il
donne les raisons de cette nouvelle traduction dans sa
lettre à Sophronius, t. xxvm, col. 1 124 : la nécessité de
donnera la controverse contre les Juirs une base solide,
ceux-ci rejetant les prophéties tirées des Septante comme
ne rendant pas l'original hébreu : ensuite la science
des Écritures qui n'est véritable que si elle est établie
sur les originaux. Autant que nous en pouvons juger
par le peu de fragments qui nous en restent, Aquila lui
servit surtout de guide pour le sens de l'original;
quant à la forme, il s'éloigna le moins possible des tra-
ductions connues jusqu'alors. Dans cette dernière
œuvre, il s'écarte quelquefois de la version qu'il avait
cru devoir donner de l'hébreu dans d'autres ouvrages;
ainsi Ps. H, il traduit adorale pure au lieu de apprehen-
dite disciplinam des autres versions et de adorate \i-
lium comme lui-même avait traduit précédemment; il
répond même aux critiques que ce changement avait
excitées, dans son Apologie contre Rufln, i, 19, t. xxm,
col. 413; en cela il s'accommode encore à la traduction
d'Aquila qui lisait xa-raçi}7i<xxre êxtecrâç, ou à Symmaque
itpo(7xuvT)<raTe xafiapûç; de même dans le titre du Psaume
xxn, il traduit d'après la plupart des manuscrits : pro
eerva malulina, tandis que dans le commentaire d'Osée,
1. II, t. xxv, col. 867, il veut qu'on lise pro cervo ma-
tutino, qu'il applique au Christ. Le nom du maître de
chœur, menasseah, est souvent traduit par victori, tan-
dis que dans le commentaire sur Daniel, Prsefat., t. xxv,
col. 492, il le rend par pro Victoria ; Ps. xlv, il rend de
domibus eburneis, ce qu'il traduit de templo dentium
dans son Epist., lxv ad Principiam, t. xxn, col. 633;
Ps. lvi, il traduit pone lacrymam meam in conspectu
luo, bien qu'il traduise ailleurs le même mot no'd par
outre, ce qui est exact; Ps. lxiii, il traduit sitivit te,
bien qu'il prétende qu'il faille traduire tibi dans l'Epi-
(re xxxv, ad Svnniam et Fretelam, t. xxn, col. 850;
Ps. xci, 1, Saddaï est traduit in umbraculo Domini,
tandis que le même mot est rendu Deum sublimem
dans Ézéchiel et robustum. et sufficientem ad omnia
dans l'Epist-, xxv, ad Mareellam, t. xx/i, col. 429;
Ps. eu, 7, il traduit quasi bubo, et dans l'Epist.
ad Sunniam et Fretelam, t. xxu, col. 859, quasi no-
ctua; Ps. civ, il traduit petra refugium herieiis, et dans
la même lettre refugium cuniculi. — . D'une façon
plus générale on doit lui reprocher d'admettre trop
facilement et trop universellement l'intégrité absolue du
texte hébreu, de Vhebraica verilas, ainsi qu'il s'exprime
après Origéne et Eusèbe : de la sorte il essaie de donner
un sens à des passages altérés qui en sont dépourvus,
comme Ps. vm, 3; cxli, 5-7; il traduit dans les titres
canticum psalnii ou psalmus cantici, les deux appel-
lations cantique, psaume, juxtaposées comme variantes .
et entre lesquelles il faut seulement choisir; il se
montre trop attaché aux traductions de ses devanciers,
surtout du juif Aquila, rendant comme lui les termes
techniques d'une façon étrange, miktam, ode, par
(David) humble et parfait, sélah, pause après les stro-
phes, par toujours, joint à la phrase précédente; beau-
coup de noms propres sont traités comme noms com-
muns, et rendant la phrase inintelligible : tels dans le
Ps. Lxvm, Saddaï, nom divin, Basan, montagne, deve-
nus robuslissimus et pinguis ; il faut enfin lui reprocher
trop de servilité dans la traduction des modes du
verbe hébreu, qu'il fait trop régulièrement correspondre
au prétérit ou au. futur latins, et trop d'uniformité dans
cei/e des particules : ainsi Ps. es, il traduit :percussit in
die furoris sui reges, judicabit in genlibus, implevit
valles, percutiet caput in terra multa; or c'est une»
description dont tous les verbes devraient être au
même temps; Ps. cxvi il traduit : credidi propter
quod locutus sum, au lieu de confidebam eliam quando
dicebam, etc. Toutefois ces critiques de détail ne doi-
vent pas faire méconnaître la valeur de cette version
du Psautier : elle est au contraire ce qu'il y a de plus
parfait comme traduction dans l'œuvre du saint doc-
teur, et même les commentateurs protestants comme
Delitzsch en font le plus juste éloge : ils en ont même
donné plusieurs éditions critiques, telles que celle de
P. de Lagarde, Leipzig, 1874, et celle de Tischeudorf,
Baer et Frz. Delitzsch, Leipzig, 1874. On la trouve aussi
dans les éditions des œuvres de saint Jérôme. Voir le
tableau col. 831-832.
XI, Canonicité. — Le Psautier est l'un des livres
bibliques dont la canonicité est la plus facile à établir :
ou plus exactement, elle n'a jamais été contestée, hor-
mis par les sectes qui ont nié la divinité de l'Ancien
Testament, guostiques ou manichéens. Les Psaumes
sont cités, exactement comme les autres textes bibliques,
dans I Machabées, iv, 24; vu, 16; dans II Machabées
on rappelle qu'ils eurent place dans la bibliothèque
sacrée de Néhémie, n, 13. Dans le prologue de l'Ecclé-
siastique, ils sont évidemment compris dans les for-
mules générales qui désignent les hagiographes ou troi-
sième partie de la Bible hébraïque, rôt Xomà -cwv (StêJutov,
et sont explicitement désignés dans le précis historique
qui forme la seconde partie de ce livre, xlvii, 8-11 . Le
831 PSAUMES (LIVRE DES) 832
TABLEAU COMPARÉ DU PS. IV DANS LES REVISIONS ET TRADUCTION DE SAINT JÉRÔME
PSALTERIUM ROMANUM.
J N FINEM^ PSALUUS DAVID , CANTICUM.
Cum invocarem te, exaudisti me, Deus
justitïae meœ :
in tribulatione dilatasti rnihi.
Miserere mihi, Domine, et exaudi ora-
tionem meam.
Filii homînum, usquequo gravi corde?
utquid diligitis vanitatem. et quae-
ritîs mendacium?
DIAPSALMA.
Scitote quonram magnilicavit Dominus
sanctum suum :
Dominus exaudiet me, dum clama-
vero ad eum.
Irascimini, et nolite peccare :
quae dicitis in cordibus vestris, et
in cuiilibus vestris corapungimini.
DIAPSALMA.
Sacriilcate sacriûcium justitiœ,
et sperate in Domino.
Multi dicunt: quisostenditnobisbona?
signatam est super nos lumen vultus
tui, Domine.
Dedisti laetitiam in corde meo :
a tempore frumenti, vint et olei suï
multiplicati sunt.
In pace in idipsum obdormiam et re-
quiescam :
quoniam tu Domine sïngulariter in
spe constituisîi me.
PSALTERIUM OALLICANUM.
IN FINEM, IN CARMINIBUS, PSALHUS DAVIIK
. Cum invocarem, exaudivit me Deus
justitiae meœ :
in tribulatione dilatasti mihi.
Miserere mei : et exaudi oiationem me
[am.
Filii hominum, usquequo gravi corde ?
^ ut quid X diligitis vanitatem, — et {
quœritis mendacium?
DIAPSALMA.
# Et J scitote quoniam miriiicavit Do-
minus sanctum suum :
Dominus exaudiet — me X cum cla-
mavero ad eum.
Irascimini et nolite peccare :
vr quae + dicitis in cordibus vestris,
in cubilibus vestris compungimini.
DIAPSALMA.
Sacriflcate sacrilîcium justitiae,
et sperate in Domino :
multi dicunt : quts ostendit nobis bona?
Signatum est super nos lumen vultus tui,
Domine.
dedisti laetitiam in corde meo.
Afructu frumenti et vini ■£- et olei % sui :
multiplicati sunt
In pace in idipsam, dormiam et requies-
cam :
Quoniam tu, Domine, sïngulariter in spe
constituisti me.
PSALTERIUM JUXTA
HEBBAICAM VERITATEM.
VICTORl IX PSALHIS, CANTICUM DAVID.
Invocantem me exaudi me, Deus justitiae
mese,
in tribulatione dilatasti mihi :
Miserere mei: et exaudi orationem meam.
Filii viri, usquequo inclyti mei ignomî-
niose
diligitis vanitatem quœrentes menda-
cium ? SEMPER
Et cognoscite quoniam mirabilem reddi-
dit Dominus sanctum suum,
Dominus exaudiet cum clamavero ad
eum.
Irascimini et nolite peccare,
loquimitii in cordibus vestris super
cubilia vestra et tacete.
SEMPER.
Sacriflcate sacrifîcium justitiae
et fidite in Domino.
Multi dicunt : quis ostendit nobis bonum ?
leva super nos lucem vultui tui, Do-
mine.
Dedisti laetitiam in corde meo
a tempore frumentum et vinum eorum
multiplicata "sunt.
In pace simul requiescam et dormiam.
quia tu, Domine, specialiter securum
habitare fecisti me.
La première colonne comprend le Ps. IV d'après la première recension hiéronymienne ; la seconde lo même psaume avec
les astérisques et obèles: les astérisques indiquentles passages que Théodotion avait déjà ajoutés aux Septante, et qui étaient
dans l'hébreu sans être dans leur version; saint Jérôme les lui emprunte et les traduit : par exemple Et scitote. Les obèles
marquent au contraire les mots qui n'ont pas d'équivalent dans l'hébreu, tels que utquid, et olei, etc., et qu'il veut faire
considérer comme non existants. Son texte de la seconde colonne correspond assez généralement au texte officiel de notre
Vulgate, avec cette notable différence qu'on en a éliminé les astérisques et les obèles dont il écrivait : Quœ diligenter emen-
davi, cum cura et diligentia tran&cribantur. Notet sibi unusquisque vel jacentem lineam vel signa radiantia : id est vel
obelos, vel astericos. Aussi cette suppression des signes critiques donne-t-elle parfois un sens tout opposé à celui qu'avait en
vue le traducteur. — La troisième est celle du Psalterium ad Sophronium ou juxta ïiebraicam verilatem, où il faut
remarquer la traduction des versets ; Filii viri, loquimini in cordibus, leva super nos, a tempore [quo] frumentum, etc.
qui sont très exactement rendus. Toutefois les termes techniques ne sont pas exactement traduits, le maître de chœur par'
victori, pause par semper. Saint Jérôme a emprunté ces traductions au Juif Aquila.
II livre des Rois (Samuel), XX, 2-31, avait déjà cité comme
davidique le Psaume xvm, en ajoutant, xxi, 2, que
«l'Esprit de Jéhovah avait parlé par [lui] et que sa parole
était sur [ses] lèvres; » I Par., xvi, 8-36, fait aussi au
Psautier un long emprunt, mais sans formuler aucune
appréciation sur sa canonicité; il témoigne seule-
ment qu'ils servaient aux usages liturgiques, Il Par.,
vu, 6, xxix, 30 : voir de même I Esd., m, 10, et IIEsd.,
xn, 45. Les Psaumes ne suscitèrent jamais chez les
Juifs les doutes qui parurent au sujet du Cantique, de
l'Ecclésiaste, etc. Quant au Nouveau Testament, il ne
fait que continuer la tradition juive : il cite souvent le
Psautier comme portion de l'Écriture et fait même du
nom des Psaumes une désignation pour tous les hagio-
graphes: in prophetis et psalmis, Luc, xxiv, 44; outre
les références générales il en est de spéciales pour Notre-
Seigneur, Luc, xx, 42; les Apôtres, saint Pierre, Act., i,
20; xm, 33; saint Jean, n, 17; saint Paul, Rom.,
in,13-18; Heb., i, 5-n, 9 etc.; filles forment plus de
la moitié des citations de l'Ancien Testament par le
Nouveau.
Aussi figurent-ils dans tous les canons, même les plus
exclusifs, de l'antiquité : Meliton de Sardes; Origène,
Athanase; ils se trouvent dans tous les Pères, cités ou
commentés; ils forment le livre de l'Ancien Testament
qu'on rencontre le plus fréquemment, et de beaucoup,
dans les manuscrits ; ils se trouvent dans toutes les listes
conciliaires et versions officielles de l'Orient, de l'Église
grecque et de l'Église latine.
Quant aux attaques dont ils ont été l'objet, elles ve-
naient de l'erreur générale des gnostiquesou des mani-
chéens qui attribuaient l'Ancien Testament en entier au
mauvais principe, créateur de la matière : c'est pourquoi
ce livre fut rejeté par eux et les nicolaites. Philastre,
Hseres., t. xu, col. 1199, 1259. Théodore de Mopsuesle
fut condamné, non parce qu'il les rejetait, mais parce
qu'il avait exagéré, au sujet de quelques Psaumes, le
littéralisme historique dont il faisait profession dans
l'explication de l'Écriture, spécialement des Ps. xxh
(xxi) et xlv (xlvi) : Codicem in prophetiam Psalmorum
conscripsit, omnès de Domino prxdictiones abnegan-
lem... Judaicse impietatis viaticum. Mansi, Collect.
concil., 1763, t. ix, 212-213. Cf. Patr. gr., t. lxvi,
col. 30, 32, 111-112, 663. C'est pourquoi il fut con-
damné par le IV" Concile de "Constantinople. .
Quant aux Psaumes^ que Paul de Samosate remplaça
par des cantiques à sa louange personnelle, ce pour
quoi il fut condamné par le concile d'Antioche, c'étaient
833
PSA.UMES (LIVRE DES)
834
des compositions liturgiques récentes, et non le Psau-
tier biblique. Eusèbe, H. E., vu, 30, t. xx, col. 713.
Dans les deux derniers documents conciliaires où l'on
affirme la canonicité de ce livre, il faut noter la diffé-
rence des désignations : le concile de Florence l'avait
désigné sous le titre de Psalterium Davidis; le Con-
cile de Trente, reproduisant le même décret, changea
ces termes en Psalterium davidicum pour éviter de
paraître enseigner l'origine exclusivement davidique du
Psautier, tandis qu'il ne voulait qu'attester sa canoni-
cité. Theiner, Acta conc. Tridentini, t. i, p. 79 sq.
XII. Usage des Psaumes dans l'Église chrétienne.
— Pour les chrétiens, le fait indubitable que les
Psaumes ont été souvent récités par le Christ donne à
ce recueil une autorité et un attrait tout particuliers :
dans sa passion il répète le Deus Deus meus, quare de-
reliquisti me? et In manus tuas commendo spiritum
meum, comme des textes absolument familiers, et pres-
que les seules paroles qu'il ait prononcées alors. Dans
sa vie mortelle, bien que l'Évangile n'en dise rien, il dut
souvent réciter les Psaumes à la synagogue, au temple,
aux fêtes juives, aux pèlerinages à Jérusalem : la narration
de la Cène nous atteste qu'il y dit VHallel de la Pàque.
11 s'en sert également dans sa prédication : le Seali
mites quoniam ipsi possidebunt terrani, est l'abrégé du
Psaume xxxvn (xxxvi); le Dixit Dominus lui sert pour
enseigner sa filiation divine; le Lapidem quem reproba-
verunt sedificantes, pour expliquer l'aveuglement des
Juifs; le Benediclus qui venit in nomine Domini est ap-
pliqué par Jésus au retour final des Juifs; le Ex ore in-
fantium et lactentium perf'ecisti laudem estappliqué à
son entrée triomphale dans le Temple. Ce livre, outre
l'inspiration qui lui est commune avec tous les livres
de l'Écriture, a donc eu le privilège d'être la prière
même du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout
imprégné des sentiments mêmes de Jésus : il n'y a que
l'Oraison dominicale à quoi on puisse le comparer.
On comprend que l'Église ait toujours cherché à s'unir
aux pensées et aux affections du Fils de Dieu, en re-
prenant le Psautier comme sa principale prière. Elle
ne faisait du reste que continuer les usages de la Sy-
nagogue. Voir Hallf.l, t. m, col. 404. Saint Paul l'y
engage instamment dans deux textes parallèles : Laquan-
tes vobisrnelipsis in psalmis et hymnis et canticis
spiritualibus, canlantes et psallentes in cordibus ve-
stris Domino, Eph., v, 19 ; Commonentes vosmetipsos
psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratia
contantes in cordibus vestris Deo. Col., m, 16. Les
psalmi idiolici ou de composition nouvelle et chré-
tienne, s'y ajoutent peu à peu sans les supplanter, ce
sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint
Paul, et il semble même qu'on en retrouve des restes
dans ses propres Épîtres. I Tim., m, 16. Tertullien, De
anima, (X, t. u, col. 660, rapporte qu'une visionnaire de
son temps dont la mention revient plusieurs fois dans
ses écrits, avait des extases en correspondance avec les
différentes parties de l'office public, selon que Scripturœ
leguntur, psalmi canuntur, alloculiones proferuntur
aut petitiones deleganlur. On constate que le peuple
prit peu à peu une place, mais généralement modérée,
à cette récitation, comme autrefois chez les Juifs où il
répondait : Quoniam in seternum misericordia ejus;
les séries de Psaumes étaient interrompues par quel-
que oraison, ou par quelque antienne ou doxologie
dite en chœur par l'assistance : dans certaines Églises
comme Alexandrie et Rome, c'était une récitation plutôt
qu'un chant; ailleurs c'était un chant véritable. Dé
même la fréquence des versets redits en chœur était
différente : soit après plusieurs Psaumes, soit après
chaque. Psaume, soit même après quelques versets.
Saint Basile emploie le terme de ôvxi+àXXeiv àXXr,Xoic,
« psalmodier en deux choeurs. » Epist., ccvu, t. xxxn,
col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie ana-
DICT. DE LA BIBLE.
logue à Milan. Notre office romain a conservé la trace
de ces trois récitations. L'alternance proprement dite,
par deux chœurs qui lisent successivement tous les
versets du Psaume, introduite d'abord en Syrie, passa
de là dans les églises d'Egypte, de Palestine, à Antioche,
à Césarée, puis à Constantinople et en Occident, en
commençant par Milan, au temps dé saint Ambroise.
Voir Batiffol, Histoire du Bréviaire romain, 1893,
p. 5, 23; Bâumer, Histoire du Bréviaire, trad. Biron,
1905, t. i, p. 12, 52, 170-178, etc.; (Bacuez,) Du saint-
Ofï.ce, Paris, 1872, p. 89-109.
Outre la récitation liturgique, l'Église, surtout daus
les siècles passés, a toujours grandement estimé, con-
seillé et pratiqué la récitation privée des Psaumes,
divins par leur origine, sanctifiés par l'usage qu'en
ont fait les saints de l'Ancien et du Nouveau Testament,
et surtout Jésus-Christ. Les lettres de saint Jérôme
nous montrent l'usage qu'on en faisait de son temps :
dans son Éloge de sainte Paute, t. xxu, col. 894-896, on
voit combien les paroles de ce livre lui étaient fami-
lières; elle s'en servait contre ses ennemis, ou pour
s'exciter à la patience, pour se consoler dans la tristesse,
pour se résigner à la perte des siens, pour exciter ses
désirs du ciel; « elle désira même d'apprendre l'hébreu,
ajoute-t-il; et elle vint tellement à bout de son dessein
qu'elle chantait les Psaumes en hébreu, et le parlait
sans y rien mêler de la prononciation latine ; ce que nous
voyons faire à sa sainte fille Eustochium. » Dans une
lettre de sainte Paule à Marcelle, t. xxn, col. 491, elle
écrit elle-même qu' « à Bethléhem il n'y a que le chant
des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur gui-
dant sa charrue chante Alléluia, le moissonneur tempère
le poids du jour et la chaleur par le chant des Psaumes ;
le vigneron en taillant la vigne a toujours à la bouche
quelque passage de David. » Saint Jérôme, écrivant à
Lseta, Epist., cvi, t. XXII, col. 871, 876, pour l'éducation
de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre
aucune chanson profane, mais seulement à chanter les
Psaumes; » il veut ensuite que « au lieu de perles et
de riches habits, elle recherche surtout les livres sacrés,
non pas les mieux enluminés, mais les plus corrects et
les plus capables de fortifier la foi; qu'elle commence
par apprendre le Psautier, qu'elle prenne plaisir à le
chanter. » Écrivant à Gaudentius sur l'éducation à
donner à Pacatule, il conseille de même : « Quand elle
sera parvenue à sa septième année, qu'elle apprenne le
Psautier par cœur. » Epist., cxxti, t. xxiï, col. 1098. Saint
Ambroise, à la même époque, écrit « qu'un homme
sensé aurait honte de terminer sa journée sans la réci-
tation de quelque Psaume; » qu'à l'église, « alors
qu'il est si difficile d'obtenir le silence pendant qu'on
lit les leçons ou que l'orateur essaye de parler, dès
qu'on lit le Psaume, cela suffit à faire faire le silence :
la psalmodie réunit les âmes divisées, réconcilie dans la
discorde, apaise le ressentiment des offenses... On
éprouve autant de joie à le chanter qu'on gagne de
science à l'apprendre. » S. Ambroise, In Psalm. I,
t. xiv, col. 925. Ce chant des Psaumes à Milan avait
produit une profonde impression sur saint Augustin
qui parait même se reprocher le plaisir qu'il prenait à
entendre les mélodies ambrosiennes. Confess., IX, vi-
vii ; X, xxxm, t. xxxn, col. 769-770, 800. Son peuple
d'Hippone était si familier avec le texte sacré qu'il ne
voulut pas corriger les fautes de latin de la version
africaine, et qu'il laissait chanter dans le Psaume cxxxii-
cxxxi : Super ipsuni autem floriet (pour efflorebit)
sanctificatio mea. De doctr. christiana, xm, t. xxxiv,
col. 45. L'Église orientale les avait en égale estime et
en faisait le même usage : le texte cité de saint Ambroise
est pris presque textuellement à saint Basile, Homil. in
Ps. I, t. xxix, col. 212, qui ajoute : « Les plus indolents,
c'est-à-dire le grand nombre, ne retiennent même pas
un verset des prophètes ou des Épîtres;; mais pour les
V. - 27
835
PSAUMES (LIVRE DES)
836
Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu'en pu-
blic. . Et quel enseignement n'y puisons-nous pas? l'éclat
de la force, la perfection de la justice, la gravité de la
tempérance, la plénitude de la prudence, la manière de
faire pénitence, la juste mesure de la patience, en un
mot toute sorte de biens ! Là se trouve une théologie
parfaite, là les prophéties de l'Incarnation, la menace
du jugement, l'espérance de la résurrection, la crainte
du supplice, les promesses de la gloire, la révélation
des mystères; tout cela se trouve dans le Psautier
comme dans un grand et riche trésor. » Théodoret
s'exprime d'une façon presque identique dans la Pré-
face de son Commentaire, t. lxxx, col. 857.
XIII. Beauté des psaumes. — Sur ce fond tout divin
fourni par l'inspiration, les auteurs du Psautier ont jeté
leur empreinte personnelle, en le colorant des pensées et
des sentiments les plus variés, les plus grandioses, les
plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-à-
vis de Dieu, de son temple, de sa cité sainte, de sa loi,
de sa création tout entière, du peuple croyant, des na-
tions infidèles, des destinées du monde ou des néces-
sités de l'existence personnelle. A la vérité la langue
hébraïque manque de nuances et de précision, elle n'a
pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les
Psaumes n'y perdent guère, ils y prennent plutôt un
caractère d'universalité et de grandeur hiératique d'où
est banni tout ce qui est trop personnel et trop étroit,
trop étudié ou trop mesquin : leur rythme poétique,
grâce au parallélisme, à la strophe ou au refrain, est
facilement traduisible en nos langues; et leur grandeur
un peu abstraite permet à chacun de se les appliquer.
Rien n'est beau, dans aucune poésie, comme les Psaumes
messianiques : Quare fremuerunt génies ; Deus judicium
tuum régi da; Misericordias Domini; Dixit Dominus;
rien n'est grandiose, recueilli, coloré et varié comme
les tableaux de la création dans Domine Dominus noster;
Cœli enarranl; Benedic anima mea Domino; comme
la peinture de la tempête dans le Diligam te et Afferte
Domino : rien n'est sublime comme la description des
attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea];
le Domine probasti me. Aucun sanctuaire vénéré, aucune
des cités du monde antique n'ont été aimés, chantés,
glorifiés et pleures comme Jérusalem et son temple dans
les Psaumes religieux, triomphants, prophétiques ou
élégiaques des fils de Coré et d'Asaph. Le groupe des
cantiques graduels (Psaumes du pèlerinage hiérosoly-
mitain) est plein de vie, de fraîcheur, de naïveté, d'en-
thousiasme; il donne les leçons de la foi la plus sublime
et de la morale la plus pure dans une langue simple,
animée et populaire. Aucune littérature n'a rien qui
égale le sentiment de confusion, de repentir, de con-
fiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la
pénitence, surtout du Miserere et du De profanais.
Aucune histoire n'a été décrire comme celle d'Israël
dans les trois Psaumes Confitemini, VExurgat, Vin
exitu Israël; nulle religion, nulle philosophie n'a été
exposée, développée, méditée et surtout exaltée et aimée
comme la loi de Jéhovah dans les Psaumes moraux
l, cxix(cxviii). Aussi saint Jérôme pouvait-il écrire dans
sa Prsef. in Chronic. Euseb., t. xxvn, col. 36 : Quid
Psallerio canorius, quod in morem nostri Flacci
et Grseci Pindari nunc iambo currit, nunc alcaïco Per-
sonal! L'impression de beauté et de perfection ne
fait que s'accroître si l'on met en face des Psaumes
hébreux les chants religieux des autres peuples, Vêdas,
Gathas, textes égyptiens, psaumes assyriens et babylo-
niens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le
plus de nos Psaumes; mais malgré des coïncidences
partielles, ils en demeurent encore séparés de toute la
distance de l'humain au divin.
XIV. Les psaumes et la récitation du bréviaire. —
La récitation du Bréviaire crée pour ceux qui y sont
obligés, une véritable nécessité de faire une étude spé-
ciale du Psautier, non seulement abstraite et purement
scientifique, mais encore au point de vue spécial de la
prière. Il est incontestable que cette étude doit être
basée sur le sens littéral des Psaumes, sur celui que
le Saint-Esprit-, leur auteur, avait en vue, et non pas
sur les accommodations plus ou moins arbitraires par
lesquelles on s'évite la peine de pénétrer jusqu'au sens
véritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans
son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave,
s'il s'appliquait aux ecclésiastiques, qu'il ne l'était
adressé aux fidèles qu'il instruisait : Vos qui ah infanlia
ad extremam usque senectutem Psalmuin hune médi-
tantes, nihil aliud quant verba tenetis, quid aliud
facitis nisi quod thesauro absconso assidetis, et obsi-
gnatam crumenam circumfertis? In Ps. ext, t. lv,
col. 427. Ce serait négliger une portion obligatoire et
principale de la science ecclésiastique, se priver du
vrai moyen de dire pieusement le saint office et re-
noncer à une véritable jouissance spirituelle non
moins qu'intellectuelle. Il faut donc, principalement
pour le nombre relativement restreint des Psaumes de
récitation fréquente, s'appliquer à en saisir le sens
général, en bien préciser le sujet, à voir surtout l'en-
chaînement des idées, souvent indiqué par la division
slrophique, sans vouloir néanmoins que dans la réci-
tation l'esprit s'attache à tous les détails, ni même
exiger que dans l'étude préalable il en approfondisse
d'abord toutes les obscurités. Il ne faut pas quitter ce
sens littéral dans la récitation des Psaumes théologiques,
messianiques ou moraux du Bréviaire. Les premiers
nous dépeignent Dieu, ses attributs, la création, son
gouvernement du monde, sa justice, sa miséricorde et
finalement sa royauté établie sur toute création; les
secondes décrivent les gloires du Messie, ses souffrances,
son empire sur les nations et nous servent à nous unir
à la prière qu'il fait lui-même à son Père : Postula a
me, et dabo libi génies hxreditalem luam. Ps. n, 8.
C'est l'accomplissement de sa loi en nous et dans les
autres que nous devons demander dans les Psaumes
moraux, tels que i, xviii (xix), et surtout cxvm (exix),
dont chaque verset est comme la répétition des de-
mandes du Pater, adveniat regnum tuum, fiât voluntas
tua. Les Psaumes relatifs à Jérusalem, à sa beauté, à
ses épreuves, à ses triomphes, aux destinées glorieuses
que Dieu lui réserve, sont des chants prophétiques qui
ont bien plus en vue l'Église et la Jérusalem céleste que
celle de la terre, comme on le voit dans lxxxvi (lxxxvii),
cxxi (cxxii), cxlvu, et autres. Les Psaumes historiques,
outre leur sens propre déjà suffisant à remplir l'esprit
des pensées de la puissance, de la bonté et de la justice
de Dieu dans la conduite d'Israël, ont en outre un sens
figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul
et de toute l'Écriture ; H sec omnia in figura conlinge-
bant illis. I Cor., x, 'II. C'est ainsi que le Psaume ex
(exi) relatif à la sortie d'Egypte, aux prodiges du désert,
à la promulgation de la loi, à la prise de possession de
la Palestine est appliqué par les Pères à la conversion
des nations, à leur évangélisation, aux biens spirituels
de l'Église, à la patrie céleste; on peut dire que c'en
est l'interprétation générale dans saint Augustin, Enar-
rationes in Psalm., t. xxxvn, col. 674966. Enfin les
Psaumes personnels sont rédigés de telle sorte que leur
texte, loin d'être particulier à David, à Asaph ou aux
autres Psalmistes, trouve une application facile à la vie
intime de chacun des lecteurs, comme déjà on en voit,
la remarque dans saint Athanase, Epist. ad Marcellin.,
t. xxvn, col. 19 : Hoc sibi proprium et admirandum
habet quod eliani uniuscujusque animi motus eorutn-
que mutatxones et castigationes in se descripta et
expressa contineat... singuhs in rébus quisque repe-
riet divina cantica ad nos nostrosque motus mo-
tnumque temperationes accommodata. Les Psaumes
de la pénitence, ceux de recours à Dieu au milieu des
837
PSAUMES (LIVRE DES) — PSAUMES APOCRYPHES
838
adversités, de la maladie, de la vieillesse, des ennemis,
des calomniateurs, conviennent merveilleusement à
l'Église, et à chaque âme chrétienne aii milieu de ses
épreuves intérieures et extérieures, péchés, tentations,
misères de toute espèce. On trouvera le développement
de ces indications générales dans Bacuez, Du Saint-
Office, 1872, p. 101-109; Vigouroux, Manuel biblique,
1895. t. il, p. 358-363; Bossuet, Explication du Psautier;
dom Martianay, Les Psaumes de David et les Canti-
ques de l'Église, 1705 ; Wolter, Psallite sapienter, 1883;
Ad. Schulte, Die Psalmen des Breviers, 1907.
XV. Bibliographie. — Une bibliographie des com-
mentaires du Psautier absolument complète serait d'une
longueur démesurée et sans utilité : nous nous borne-
rons à mentionner les principaux, et pour l'époque des
Pères d'après l'ordre de la patrologie de Migne. —
1° S. Hippolyte, In Psalmos fragmenta, t. x, col. 606-
616, 711-724; Origène, Selecta in Psalmos, t. xu,
col. 1013-1685 ; Homilize in Ps. xxxvi-xxxvm a Rufino
translates et excerpta e catenis, t. xu, col. 1319-lilO;
t. xvu, col. 105-149; ce sont les restes de ses td(i,o(,
ayo'ktai et des o(j.O,tai sur les Psaumes ; y joindre pour
le texte et sa critique Field, Origenis Hexaplorum quse
supersunt, t. H, p. 83-305. Eusébe et Théodoret chez
les Grecs, saint Hilaire et saint Ambroise chez les la-
lins, lui ont beaucoup emprunté, c'est ce qui explique
les coïncidences verbales qu'on remarque entre eux.
Eusèbe de Césarée, Commentarii in Psalmos, t. xxm,
col. 65-1396; t. xxiv, col. 9-76; commentaire utile et
nullement influencé par les idées un peu ariennes de
l'auteur; S. Alhanase, Epist. ad Marcellinum, t. xxvii,
col. 11-46; Exégèses in Psalmos, t. xxvii, col. 55-546;
De litulis Psalmorum t. xxvii, col. 645-1344; l'une
et l'autre d'authenticité douteuse; Fragments, t. xxvu,
col. 547-590; S. Basile, Homilise in Psalmos, t. xxix,
col. 209-494; Pseudo-Basile, t. xxx, col. 72-117; Apolli-
naire de Laodicée, Explication métrique des Psaumes
(fragments), t. xxxn, col. 1313-1537; S. Didyme
d'Alexandrie, Explication des Psaumes (fragments),
t. xxxrx, col. 1155-1615; Astérius d'Amasa, Homélies
sur les Psaumes v-vil, t. XL, col. 389-477; S, Grégoire
de Nysse, Sur le titre des Psaumes, t. xliv, 431-608;
Explication du Psaume VI (fragment), ibid., col. 608-
615; S. Jean Chrysostome, Expositio Psalmorum (in-
complet), long, moral, mais aussi littéral et intéres-
sant, t. lv, col. 35-528; fragments douteux, t. lv,
col. 527-784; Théodore de Mopsueste, Fragments, t. lxvi,
col.641-696; (voir aussi Batiffol, Littér. grecque, 1897,
p. 297); S. Cyrille d'Alexandrie, Interpret. Psalmo-
rum (incomplet), t. lxix, col. 699-1274; Théodoret,
lnterpretatio Psalm., t. lxxx, col. 857-1998 (le plus
ulile parmi les Grecs, avec S. Jean Chrysostome) ; Euthy-
mius de Zigabène, Comment., t. cxxvm, col. 41-1326
(formé d'extraits). — Pères latins : S. Hilaire de Poi-
tiers, Traclatus super Psalmos : c'est Origène abrégé,
traduit et expurgé, t. ix, col. 231-908 ; S. Ambroise,
Enarraliones in xu Psalmos (xxxv-xl, xliii, xlv, xlvii,
xlviii, lxi) et Expositio in Psalmum cxvm, t. xiv,
col. 921-1526; oratoire et moral plus qu'exégétique;
S. Jérôme, Liber Psalmorum juxta hebraicam verila-
lem, traduction soignée sur l 'hébreu, t. xxvm, col. 1 123-
12W); Excerpt a dePsalterio ou Enchiridion beati Hie-
ronymi in Psalmos, publié par D. Morin sous le titre :
Sancti Hieronymi, qui deperditi hactenus patabantur,
commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895; Epistolx,
t. xxii, col. 433, 441, 837; Breviarium in Psalmos (non
authentique, mais formé d'extraits de saint Jérôme et au-
tres); t. xxvi, eol. 821-1300, trop allégorique; S. Augus-
tin, Enarrationes in Psalmos, t. xxxvh, col. 67-1966
(commentaire moral et pieux : tout y est appliqué au
Christ et à l'âme chrétienne; il est abrégé dans S. Pros-
per d'Aquitaine, Expositio in Psalmos c-cl, t. li,
eol. 277-426); Cassiodore, Expositio in Psallerium,
t. lxx, col. 9-1056 ; et un inconnu placé parmi les œu-
vres de Rulin, In Lxxv Davidis Psalmos commenta-
rius, t. xxi, col. 641-960.
2° Le moyen âge ne fit que compiler les Pères,
quelques-uns en y ajoutant des raisonnements et une
forme scolastique : on peut citer Bède, Richard de
saint Victor, Pierre Lombard, saint Thomas d'Aquin,
saint Bonaventure, Denys le Chartreux; Nicolas de Lyre
et Paul de Burgos emploient des sources rabbiniques,
l'un dans ses Postillx, l'autre dans ses Additiones édi-
tées avec la BibliaMaximacumglossada moyen âge; on
y retrouve assez confusément les opinions de Raschi de
Troyes, Aben-Ezra et David Kimchi. Sur les commen-
taires des Juifs médiévaux, voir Frz. Delitzsch, Koni-
mentar iïber den Psalter, Einleilung, 1873, t. i, p. 41,
ou la traduction anglaise, 1895, t. i, p. 55-57.
3° Auteurs modernes : M. A. Flaminius : In Ubrum
Psalmorum brevis expositio, 15S5; Jansenius Ganda-
vensis, Paraphrasis in omnes Psalmos Davidicos, 1614 ;
Génébrard, Commentarius in Psalmos, 1582 (dans
Aligne, Cursus Complelus S. Sacrée, t. xiv-xv); Agelli,
Commentarius in Psalmos, 1611 ; Bellarmin, Expla-
natio in Psalmos, 1611 ; Simon de Muis, Commentarius
in omnes Psalmos cum versione nova, 1630; Bossuet,
Liber Psalmorum, 1690; Notée in Psalmos cum disser-
talione in libr. Psalmorum, Lyon, 1691 ; Supplendain
Psalmos, Paris, 1693; Bellenger, Liber Psalmorum
cum notis, 1629; Reinke, Die Messianischen Psalmen,
1857-1858; Scheg, Die Psalmen, 1857; Rohling Die
Psalmen, 1871 ; Thalhofer, Erklârung der Psalmen,
Ratisbonne, 1880; Wolter, Psallite Sapienter, 1883;
Bickell, Der Psalter, 1884; Van Steenkiste, Commenta-
rius in Ubrum Psalmorum, i810; Patrizi, Cento Salmi
tradotli e commentati, 1875; Minocchi, 1 Salmi tra-
dotti dal testo ebraico, 1895, 1902 ; H. Laurens, Job et les
Psaumes, 1839; de la Jugie, Les Psaumes d'après l'hé-
breu, 1863; Mabire, Les Psaumes traduits en français
sur le texte hébreu 1868; Le H/'r, Les Psaumes traduits
de l'hébreu en latin avec la Vulgate en regard, Paris,
1876; Lesêlre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883; Fil-
lion, J^es Psaumes commentés selon la Vulgate et
l'hébreu, 1893; Crampon, Le livre des Psaumes, tra-
duction sur la Vulgate avec sommaire et notes, 1889;
Flament, Les Psaumes traduits en français sur le
texte hébreu, 1898; Boulleret, Les Psaumes selon la
Vulgate, leur véritable sens littéral, Paris, 1902; M.-B.
d'Eyragues, Les Psaumes traduits de l'hébreu, Paris,
1904; E. Pannier, Les Psaumes d'après l'hébreu en
double traduction, Lille, 1908. — Hétérodoxes : *Ro-
senmùller, Scholia in Psalmos, 1821-1823; * de Wette,
Convmenlar ùber die Psalmen, ¥ édit., 1836; 'Hitzig,
die Psalmen, 1863-1865; * Hengstenberg, Commentar
ùber die Psalmen, 2 e édit., 1845-1852; "Ewald, Poet.
Bûcher des A. B., t. il, 2" édit., 1886; 'Hupfeld-Riehm,
Die Psalmen, ¥ édit., 1867-71 : * Hupfeld-Nowack, 1888;
* Graetz, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, 1882-
1883; *Frz. Delitzsch, Commentar ûber den Psalter,
1859-60; 5" édit., 1894; Delitzsch-Bolton, traduction an-
glaise revisée, 1895; *ûuhm, Die Psalmen erklârt, 1899,
dans le Hand-Commentarde Marti; "Perowne, TheBook
of Psalms, 1878; * Cheyne, The Book of Psalms, 1888,
E. Pannier.
2. PSAUMES APOCRYPHES. Indépendamment des
« Psaumes de Salomon » (col. 840), on connaît quel-
ques Psaumes apocryphes, peu importants. — Leur
forme extérieure est en gros celle des Psaumes cano-
niques. Les pensées sont pour la plupart littéralement
extraites des écrits, poétiques et autres, de l'Ancien
Testament. Le plus connu de ces Psaumes est. celui
qu'on trouve dans les Septante, à la fin du Psautier,
sous le chiffre eu. D'après son titre, il aurait été
composé par David, en souvenir de son combat avec
Goliath; il est désigné en propres termes, dans
839
PSAUMES APOCRYPHES — PSAUMES DE SALOMON
840
ce même titre, comme étant « en dehors du nombre s>
canonique de 150. C'est une composition pseudépigra-
phique, qui a pour base les récits de I Reg., xvi, 1-13,
et xvii, 1-51. Saint Jérôme l'a traduit en latin, comme
les autres Psaumes. Voir Psalterium juxCa Hebrœos
Hieronymï, édit. de Lagarde, 1874, p. 151-152; F. Vi-
gouroux, Manuel biblique, t. h, 12 e édit., p. 476. Le
voici traduit en français, d'après la version syriaque
publiée par M. Wright ; elle contient quelques variantes
intéressantes.
1. J'étais le plus jeune parmi mes frères
Et un jeune homme dans la maison de mon père.
2. Je faisais paître le troupeau de mon père;
Et je trouvais un lion et un loup,
Et je les tuais et les mettais en pièces.
3. Mes mains firent une flûte,
Et mes doigts fabriquèrent une harpe.
4. Qui me montrera mon Seigneur?
Lui, mon Seigneur, est devenu mon Dieu.
5. 11 m'a envoyé son ange,
Et il m'a pris derrière le troupeau de mon père,
Et il m'a oint avec l'huile d'onction.
6. Mes frères, eux, beaux et grands,
Le Seigneur ne s'est pas complu en eux.
7. Et je sortis à la rencontre du Philistin,
Et il me maudit par ses idoles.
8. Mais je tirai son épée et je coupai sa tête,
Et j'enlevai l'opprobre des fils d'Israël.
En 1887, M. William Wright, a publié dans les
Proceedinga of the Society of Biblical Archeology,
t. ix, Londres, p, 256-266, en syriaque et en anglais,
sans notes ni commentaires, cinq Psaumes apo-
cryphes, découverts par lui dans un manuscrit sy-
riaque qui appartient actuellement à la bibliothèque
de l'Université de Cambridge. A part le premier, qui
reproduit le Ps. cli, ces poèmes étaient inédits
jusqu'ici. Le manuscrit dont ils font partie contient
un traité de théologie composé par un évêque nommé
Élie, qui vivait vers l'an 920 de notre ère. Voir Asse-
mani, Bibliolheca orientalis, t. m, l re part., p. 258-
259. Ce manuscrit ne remonte guère au delà de 1700.
On trouve aussi les cinq Psaumes dans un autre ma-
nuscrit du même ouvrage, daté de l'an 1703, conservé
à la bibliothèque du Vatican. Les titres qui les précè-
dent en attribuent trois à David, y compris le premier
d'entre eux, qui correspond au Ps. eu; un autre est
attribué à Ézéchias; un autre est sans nom d'auteur.
Le second a pour titre : « Prière d'Ézéchias, lorsque
ses ennemis l'entouraient; » ce qui fait évidemment
allusion à la situation décrite IV Reg., xvm, 13-xix,
37, et Is., xxxvi, 1-xxxvn, 38. — Le troisième mor-
ceau de la petite collection syriaque publiée par
M. Wright mériterait une attention spéciale. 11 est
intitulé : « Lorsque le peuple reçut de Cyrus la per-
mission de rentrer dans la patrie. » Quoique l'auteur
parle à la première personne du singulier, c'est moins
en son nom personnel qu'en celui de toute la nation
théocratique qu'il présente à Dieu sa prière et sa re-
connaissance anticipée. Voir W. Baethgen, Die Psal-
men ûbersetzl und erklârt, Gœttingue, 1892, p. iv et
xl. C'est le plus long de tous; il a vingt versets. — Du
quatrième, il est <lit qu'il fut « prononcé par David,
lorsqu'il luttait avec le lion et le loup qui ravissaient
une brebis de son troupeau. » Il n'est pas sans
quelque couleur locale :
i . O Dieu, 6 Dieu, viens à mon secours.
Aide-moi et sauve-moi ;
Délivre mon àme de l'égorgeur.
2. lrai-je dans le séjour des morts par la gueule du lion?
Ou le loup me ccuvrîra-t-il de 'confusion?
3. N'est-ce pas assez pour eux d'avoir tendu des embûches au
[troupeau de mon père,
Et mis en pièces une brebis du troupeau de mon père?
(Faut-il) qu'ils désirent aussi détruire ma vie ?
4. Aie pitié, Seigneur, et sauve ton saint de la destruction,
Afin qu'il puisse raconter tes louanges dans tous les temps
Et qu'il puisse louer ton grand nom,
5. Lorsque tu l'auras délivré des mains du lion destructeur et
Çdu loup furieux.
Et lorsque tu auras délivré ma captivité des mains des
[bêtes fauves.
6. Vite, ô mon Seigneur, envoie devant moi un sauveur,
Et tire-moi de la fosse béante qui m'emprisonne dans ses
[profondeurs.
Le cinquième Psaume fut « prononcé par* David
lorsqu'il rendit grâces à Dieu, qui l'avait délivré du lion
et du loup, après qu'il les eut tués l'un et l'autre. » Il
a également six versets. « Toutes les nations » sont in-
vitées à louer Dieu de cette délivrance.
Personne ne s'est prononcé, que nous sachions, sur
l'origine de ces cinq Psaumes. Le premier, ou CLi e des
Septante, est assez ancien. Les quatre autres pour-
raient bien appartenir à la même époque. Mais les do-
cuments font défaut, de sorte qu'on ne saurait se pro-
noncer avec cerlitude à ce sujet.
J. A. Fabricius a publié depuis longtemps déjà,, en
latin, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli,
2 e édit., Hambourg, 1822, t. I, p. 21-26, deux pré-
tendus « Psaumes d'Adam et d'Eve. » Ces deux pièces
ne méritent guère d'attirer l'attention. Comme le dit
Fabricius, loc. cit., p. 21, c'est un franciscain portugais,
nommé Amodéus, né en 1474, qui les mit par écrit
à la suite d'une révélation qui les lui aurait fait con-
naître. Le premier aurait été composé par Adam, après
la création d'Eve. C'est un développement assez peu
poétique de Gen., il, 20 b -24; on y annonce indirecte-
ment la naissance du Messie : Filius ex maire sine
paire orietur. — Le second Psaume, qui est censé avoir
été composé après la chute de nos premiers parents,
contient sept strophes assez étendues, qui sont attri-
buées, la première à Adam, la seconde à Eve, la troi-
sième, la quatrième et la cinquième à Adam, la sixième
et la septième à Eve. Il exprime les gémissements, les
sentiments de contrition, la demande de pardon d'Adam
et d'Eve après leur péché. Chaque strophe commence
par les mots : Adonai, Domine Deus, secundum ma-
gnani misericordiam tuant miserere mei,
L. Fillion.
3. PSAUMES DE SALOMON, livre apocryphe. -
I. Histoire et nature de ce recueil. — On désigne par
ce titre (TaXu.o'i SoÀou.wvtoç) une petite collection
pseudépigraphique, qui se compose de dix-huit
poèmes rédigés sous la forme des anciens psaumes, et
qui compte parmi les meilleurs et les plus intéressants
des écrits apocryphes de l'Ancien Testament.
1» Transmission et éditions principales. — L'anti-
quité chrétienne mentionne très rarement ce psautier.-
Nous ne possédons même à son sujet aucune citation
patristique bien nette. Lactance, De divin, inslit., îv,
12, t. vi, col. 479, signale un texte emprunté, dit-il, à
la « 19" ode de Salomon, » mais qui n'a rien de commun
avec le contenu de nos dix-huit psaumes, quoiqu'il
semble supposer leur existence. Plus tard, il est ques-
tion de ce recueil d'une manière directe dans plusieurs
listes du canon chrétien de l'Ancien Testament. On le
range tantôt parmi les Anlilegomena, avec les livres des
Machabées, la Sagesse de Salomon, l'Ecclésiastique,
Judith, Tobie, etc. — c'est le cas pour la Synopsis [du
pseudô-Athanase, t. xxvm, col. 450, et pour la Sticho-
métrie de Nicéphore, cf. Kicephori opuscula, éd. de
Béer, Leipzig, 1880, p. 134, et T. Zahn, Geschichte des
neuteslamenll. Kanons, t. n, p. 299 — tantôt parmi
les apocryphes proprement dits, avec le livre d'Hénoch,
le Testament des douze patriarches, les apocalypses de
Moïse et d'Esdras, etc. Il est encore cité par deux
auteurs byzantins du xn« siècle, Zonaras et T. Balsa-
mon. Voir Beverngius, Pandeclx canonum, Oxford,
1672, t. i, p. 481, T. Zahn, loc. cit., t. n, p. 288-289.
841
PSAUMES DE SALOMON
842
Au moyen âge, il n'est plus question des Psaumes
de Salomon, et ils avaient depuis longtemps disparu,
lorsqu'ils furent publiés à Lyon, en 1626, d'après un
manuscrit de la bibliothèque de Vienne (Autriche), par
le jésuile J.-L. de la Cerda, comme appendice à son
ouvrage intitulé Adversaria sacra, in-4». Voir 0. von
Gebhardt, dans Texle und Vntersuchungen, t. xm,
fasc. 2, p. d-8. '
Il ne faut pas confondre ces psaumes avec les cinq
« odes de Salomon » que l'auteur de l'écrit gnostique
Pistis Sophia a incorporées à son livre ; elles en diffèrent
essentiellement. Voir Migne, Dictionnaire des Apo-
cryphes, t. i, col. 955-958; Mûnter, Odse gnosticss Salo-
moni tributse, Havnise, 1812; A. Harnack, Texte und
Vntersuchungen, t. vu, fasc. 2, 1891, p. 35-49; Ryle et
James, Psalms of the Pharisees, p. xxm-xxvii, 155-161.
Pendant très longtemps, on se contenta de l'édition
princeps, fort imparfaite, publiée par le P. de la Cerda,
Celle de J. A. Eabricius, imprimée en 1713 dans le
Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, in-8", 1. 1,
p. 914-999, n'en est guère que la reproduction tant soit
peu modifiée. La première édition scientifique fut celle
de A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur wissenschaft-
liche Théologie, 1868, p. 134-168, et dans le Messias
Judseorum, in-8°, Leipzig, 1869, p. 1-38; mais elle
n'avait pareillement pour base que le manuscrit de
Vienne, corrigé d'après des conjectures plus ou moins
heureuses. 11 en estde même des deux suivantes, prépa-
réesl'uneparun savant catholique, Ephrem Geiger, Der
Psaiter Salomo's herausgegeben und erkldrt, in-8°,
Augsbourg,1871, l'autre parle D'Fritzsche, Libriapocry-
phi Veteris Testamenti greece, in-8", Leipzig, 1871, p. 569-
589. Une sixième édition, par M. B. Pick, fut insérée
dans la Presbyterian Review, 1883, p. 775-812. Celle
de MM. H. E. Ryle et M. R. James, iPaXiioi 2o).ojiwvTo:,
Psalms of the Pharisees, conimonly called the Psalms
of Solomon, in-8°, Cambridge, 1891, réalise de sérieux
progrès, car ces savants purent collationner des
manuscrits nouvellement découverts. Vint ensuite celle
du D r H. B. Swete, dans l'ouvrage Old Testament in
Greek according to the Septuagint, in-12, t. m, Cam-
bridge, 1894; 2» édit., 1899, p. 765-787. La plus récente
et la meilleure de toutes est celle d'O. von Gehbardt,
qui a pu consulter des manuscrits plus nombreux en-
core, découverts au mont Athos et ailleurs; elle a paru
dans les Texle und Vntersuchungen zxtr Geschichte
der altchristlichen Lileralur, t. xm, fasc. 2, in-8°,
Leipzig, 1895, sous ce titre : Die Psalmen Salomo's zum
ersten Maie mit der Benulzung der Athoshandschrif-
tenund des Codex, Casanatensis herausgegeben.
2» Forme extérieure. — La forme de ces poèmes est
celle des Psaumes canoniques qu'ils imitent très osten-
siblement sous le rapport des pensées, du style, de la
marche générale, du genre poétique. Ils font defréquents
emprunts à l'Ancien Testament, dont on entend sans
cesse l'écho en les lisant. Ils sont très simples pour la
plupart et dépourvus d'originalité, d'élévation poétique,
bien qu'ils renferment quelques beaux passages. Voir
en particulier les psaumes n, rv, vin, xi, xvn et xvm.
Chacun d'eux a son unité, son plan bien déterminé. Le
parallélisme des membres, ce trait essentiel de la poésie
hébraïque, y apparaît avec toutes ses nuances'; mais il
manque habituellement d'art et de distinction. — A part
le 1 er , les Psaumes de Salomon sont munis, comme
^eux du Psautier canonique, d'une petite inscription,
qui en désigne l'auteur prétendu, tû 2oXm[i'Àv; le
sujet, « sur Jérusalem, contre la langue de ceux qui
sont opposés à la loi, » etc.; la nature, « psaume »,
« parmi les hymnes », « dithyrambe ». On trouve
aussi, xvn, 31, et xvm, 10, l'expression 8c<n|jaXu.a, qui,
dans les Septante, représente l'hébreu sélah et qui
parait supposer un emploi liturgique des Psaumes
qu'elle accompagne.
II. Sujet. — Le sujet traité par ces poèmes a aussi
une grande analogie, dans son ensemble, avec celui
des psaumes et des cantiques de l'Ancien Testament.
Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le sommaire de
quelques-uns d'entre eux : I, Les péchés et le châti-
ment de Jérusalem; iir, Contraste entre les justes et
les pécheurs; rv, Description et dénonciation de ceux
qui cherchent à plaire aux hommes; x, Les avantages
de l'affliction; xi, La future restauration d'Israël. Mais
il a beaucoup moins d'ampleur, puisque les psaumes
de Salomon sont si peu nombreux et qu'ils furent
composés, on le dira bientôt, en vue d'une situation
très particulière. Ils reviennent souvent sur les humi-
liations infligées au peuple juif, d'abord par un parti
national puissant, anti-théocratique, puis par un en-
vahisseur étranger qui a profané la capitale et le
temple, et ils présentent ces humiliations, ces souf-
frances, comme autant de châtiments que les Juifs
avaient mérités par leurs fautes. Sous ce rapport, ce
petit psautier rappelle les psaumes canoniques de
l'époque chaldéenne, qui décrivent les peines analogues
endurées par Israël. A ce thème douloureux est ratta-
ché l'éloge perpétuel de la justice divine, et aussi
l'ardent désir de voir luire des jours meilleurs, et sur-
tout de voir apparaître bientôt le libérateur promis, le
Messie. Voir Wittichen, Die Idée des Reich'es Gottes,
in-8», 1872, p. 155-160.
Le portrait que les psaumes xvn et xvm tracent du
rédempteur si impatiemment attendu a pour type les
oracles messianiques de l'Ancien Testament. Il est re-
marquable en maint endroit, et dépasse tout ce que
la littérature apocryphe contient en ce sens. Cf. A. Bousr
set, Die jiïdische Apokalyptik, in-8°, Berlin, 1903,
p. 12-13; H. Mon nier, La Mission historique de Jésus,
in-8°, Paris, 1906, p. 20-21. Le Christ, le Xpitn:!>; Kûptoç,
comme il est nommé à deux reprises, xvn, 36, et xvm,
8, cf. Luc, il, 11, appartiendra à la race de David; il
exercera lui-même la royauté, non-seulernent sur les
Juifs, mais aussi sur les païens, qu'il soumettra à son
sceptre très puissant. 11 viendra à l'époque fixée par
Dieu, xvn, 23, à la suite de grandes épreuves subies
parla nation choisie, qu'il délivrera et purifiera de ses
péchés. 11 rétablira les douze tribus d'Israël et rendra à
Jérusalem sa gloire antique, matériellement et spiri-
tuellement, xvn, 26-29. 11 régnera par la sainteté et la
justice, par la sagesse et par la puissance. Néanmoins,
dans ces psaumes comme au livre d'Hénoch, le Messie
ne semble pas être autre chose qu'un délégué de Dieu,
bien qu'il porte lui-même le titre de « Seigneur », Il y
a donc une différence étonnante entre ce Christ et celui
des Évangiles, qui, d'ailleurs, sauve les hommes avant
tout par ses souffrances et par sa mort. — Relativement
à Dieu, nos psaumes enseignent, le plus pur mono-
théisme. Par rapport à la vie future, leur doctrine ne
s'écarte pas non plus de l'Ancien Testament : les justes
seront à jamais récompensés ; les méchants subiront
une damnation sans fin.
Il existe une ressemblance frappante, assez souvent
littérale, entre le Ps. xi de Salomon et le chap. v de
la prophétie de Baruch. Plusieurs critiques protestants,
entre autres MM. Ryle et James, The Psaiter of thé
Pharisees, p. lxxu-lxxvii, et le D r Schûrer, Gesch. des
jùdisch. Volkes, 3 a édit.,t. m, p. 154, en ont conclu que
celui qu'ils nomment le pseudo-Baruch aurait connu et
utilisé notre recueil. C'est le contraire qui aurait plu-
tôt eu lieu, puisque le livre de Baruch est authen-
tique et contemporain des oracles de Jérémie. Voir Ba-
ruch, t. i, col. 1475; E. Geiger, Der Psaiter Salomo's,
p. 137. D'ailleurs, la ressemblance en question est de
telle nature, qu'elle peut s'expliquer fort bien aussi par
une source commune, c'est-à-dire quelque prière litur-
gique déjà en usage à l'époque de Baruch.
III. Date de la. composition. — Elle était, il y a cin-
843
PSAUMES DE SALOMON
844
quante ans, l'objet de discussions 1res vives. — 1° D'assez
nombreuses critiques, à la suite du D r H. Ewald,
Geschichte des Volkes Israël, in-8°, t. iv, 3 e édit.,
p. 392, attribuaient aux psaumes de Salomon une date
assez reculée, celle du règne d'Antiochus Épiphane
(175-164 avant .J.-C.), et plus spécialement celle delà
prise de Jérusalem par ce prince (170 avant J.-C).
Naguère encore, le D r W. Frankenberg essayait de faire
revivre ce sentiment dans l'ouvrage Die Datierung
der Psalmen Salomo's, in-8°, Giessen, 1896. Comme
preuves, ces savants allèguent en particulier les pas-
sages i, 8; h, 3; vm, 12-14, où il'est parlé de la profa-
nation du temple et de l'autel. Mais c'est à plusieurs
reprises que des profanations de ce genre eurent lieu,
à des époques très diverses, et rien n'indique que l'au-
teur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se ratta-
chent à la persécution d'Antiochus Épiphane. Tout au
contraire, il affirme que l'oppresseur sacrilège d'Israël
était venu des extrémités de l'Occident, vu, 26, .tandis
qu'Antiochus venait seulement de la Syrie pour atta-
quer les Juifs.
2° D'autres, notamment Frz. Delitzsch, Commentar
ûber den Psalter, in-8°, t. Il, Leipzig, 1860, p. 381, et
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, t. i, p. 243, retar-
daient la composition de ces poèmes jusqu'à l'époque
d'Hérode le Grand (40 avant J.-C, - 1 après J.-C), éga-
lement sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince
serait « l'homme étranger » qui s'éleva contre la dynas-
tie alors régnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c'est
Jaune erreur manifeste d'interprétation, car« l'homme
étranger » ne diffère pas en réalité de l'envahisseur en-
nemi qui s'empara de Jérusalem et emmena captifs des
Juifs nombreux, xvn, 14; ce qui ne futnullement lecas
pour Hérode.
3° L'historien juif H. Grâtz, Geschichte der Juden,
2 e édit., in-8°, Leipzig, t. m, p. 439, est allé encore
plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon
aurait eu une origine chrétienne, et en lui assignant
comme date la fin du premier siècle de notre ère ; mais
il a abandonna son opinion dans une édition subsé-
quente. On ne trouve pas, dans ce recueil, le plus léger
détail qui trahisse la main d'un chrétien.
4° On admet très généralement aujourd'hui que ces
dix-huit poèmes furent composés vers l'époque de la
conquête de Jérusalem par Pompée, en 63 avant J.-C;
quelques-uns peut-être avant cette date, quelques
autres certainement un peu plus tard, de sorte que les
années 80-40 avant notre ère peuvent servir de date
moyenne. En effet, les psaumes de Salomon, surtout
les psaumes n, vm, xvu, supposent la situation sui-
vante : Les Juifs sont gouvernés par des rois qui
n'appartiennent pas à là race de David, xvn, 5-8, mais
à une famille d'usurpateurs qui se sont emparés de la
couronne, et sous l'administration desquels toute la
nation est tombée dans le péché, xvn, 7-8, 21-22. Le
Seigneur renversera ces mauvais princes; contre eux
s'est levé un envahisseur étranger, qui, conduit par
Dieu, est arrivé des extrémités de la terre, déclarant
la guerre à Jérusalem et à la nation entière, xvn, 8-9.
Les chefs du peuple sont allés au devant de lui et lui
ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu'il y est
entré comme dans sa propre maison, vm, 15-20. Après
s'être installé dans la cité, il a massacré de nombreux
habitants, choisis parmi les plus distingués, et il a
renversé les remparts au moyen du bélier. Cf. n, 1,
20; vm, 21-24. L'autel du Seigneur n'a pas été épargné,
n, 2. En grand nombre aussi, d'autres citoyens ont été
emmenés captifs dans l'Occident, et les princes ont subi
d'odieux outrages. Cf. n, 6; vm, 24; xvn, 13-14. Mais
finalement, le « dragon » qui avait humilié Jérusalem
a péri lui-même, égorgé près des montagnes d'Egypte,
sur la mer, et son cadavre a été privé d'une sépulture
honorable, n, 29-31. Or, il est évident que ces diffé-
rentes circonstances se rapportent à la conquête de
Jérusalem par Pompée, puis à sa mort (48 avant J.-C).
« Les princes qui s'étaient arrogé la royauté en Israël
et s'étaient emparés du trône de David sont les Ilas-
monéens, qui, depuis Aristobule I«r, portaient le tilre
de rois... L'homme étranger, qui frappe avec force,
que Dieu a amené de l'extrémité de la terre, c'est
Pompée. Les princes qui vont au devant de lui sont
Aristobule II et Hyrcan 11. Les partisans de ce dernier
ouvrirent les portes de la ville à Pompée, qui s'empara
ensuite par la force du reste de la ville, où le parti
d'Àristobule s'était retranché. Tous les autres détails,
la violation du temple par les envahisseurs, le massacre
des citoyens les plus distingués, la déportation des
prisonniers en Occident, et aussi des princes pour
qu'ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces
détails correspondent à l'histoire, » telle qu'elle nous
est racontée par les anciens historiens. Schûrer, Ge-
schichte des Volkes Israël, 3 e édit., t. m, p. 152. Le
transport des prisonniers en Occident, xvu, 14, est
une circonstance décisive en cet endroit, car, indé-
pendamment de la conquête de Jérusalem par Titus,
de laquelle il ne saurait élre question ici, ce trait ne
convient à aucune autre victoire que celle de Pompée.
S'il restait encore quelque doute, il disparait dès qu'on
lit les détails relatifs à la mort du conquérant, tant ils
correspondent à la lettre avec ce que les anciens au-
teurs nous racontent de la fin tragique de Pompée.
Cf. Plutarque, Pompée, lxxx, 1-2; Tacite, Hist., v, 9;
Strabon. XVI, n, 40; Dion Cassius, xxxvm, 15-16;
xlii, 3-8. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., I, vi-xix;
Ant. jud., XIV, iii-iv; Orose, Hist. Eccl., vi, 6,
t. xxxi, col. 10O4-1U06. En somme, les Psaumes de
Salomon appartiennent à la dernière période de l'his-
toire de l'ancienne théocratie.
IV. Esprit religieux de ces psaumes. — Il con-
firme ce que nous venons de dire au sujet de l'époque
de leur composition. Il ne diffère pas de l'esprit légal,
de l'esprit pharisaïque, tel qu'il est si bien décrit dans
nos évangiles; aussi, plusieurs des savants qui se sont
occupés de ce petit psautier, entre autres MM. Ryle
et James, Font-ils nommé assez justement « le psautier
des pharisiens. » Voir col. 841. Une très grande impor-
tance y est attachée aux œuvres légales; c'est d'elles
que nos psaumes font dépendre la résurrection pour
la vie éternelle ou l'éternelle condamnation. La gjxaio-
aiivr\ 7tpo(7Tay(i(2Tii>v, c'est-à-dire l'accomplissement inté-
gral, non pas précisément de la loi divine, mais sur-
tout des prescriptions pharisaïques, y apparaît comme
le comble de la vertu. Cf. m, 16; ix, 9; xiv, 1, etc.
Les psaumes de Salomon doivent donc avoir été com-
posés dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors
de toutes ses forces contre le parti sadducéen. Ce.s
cantiques insistent fréquemment sur le contraste qui
existe entre les hommes pieux et les impies, les justes
et les pécheurs. Mais ces dénominations sont prises
surtout par le dehors : les hommes pieux sont ceux
qui pratiquent les observances pharisaïques; par contre,
les impies ne diffèrent pas des Sadducéens. — On voit
par ces détails que les Psaumes de Salomon sont d'un»
grande utilité pour nous faire connaître le judaïsme
de l'époque à laquelle ils appartiennent, avec ses senti-
ments religieux, son idéal politique et historique.
V. Auteur. — Le P. de la Cerda, qui admettait
l'authenticité du titre général, « Psaumes de Salomon »,
et des titres spéciaux placés en tête de la plupart de
ces dix-huit cantiques, « de Salomon », etc., croyait
que Salomon était réellement l'auteur de notre collec-
tion. Mais cette opinion, condamnée, nous venons de
le voir, par le contenu mêmedes poèmes, fut réfutée
de bonne heure et ne trouva dès lors aucun défenseur
sérieux. Cf. Huet, Demonstr. evangel., iv; Neumann,
De Psaltcrio Sal&monis, Wiltemberg 1687. Aucun dé-
845
PSAUMES DE SALOMON
PTOLÉMÉE
846
lail, en effet, ne contient la plus petite allusion au roi
Salomon. Peut-être est-ce le passage III Reg., jv, 32,
qui a suggéré le titre « Psaumes de Salomon », ajouté,
non par l'auteur lui-même, mais plus tard, sans qu'on
puisse dire à quelle époque.
On ne peut désigner l'auteur que d'une manière
générale et approximative. Il était Juif, et appartenait
au parti pharisaïque, comme le montre sa vive polé-
mique contre les Saddùcéens, qui sont pour lui les
« pécheurs » et les « transgresseurs » par excellence,
tandis que les Pharisiens sont les « justes » et les
« saints ». Ces derniers ont actuellement le dessous;
leurs adversaires sont au pouvoir, riches et puissants.
L'auteur devait habiter la Palestine, comme le prou-
vera ce que nous dirons de la langue primitive du
livre; peut-être résidait-il à Jérusalem. Son œuvre
donne de lui une idée favorable; c'était un homme
pieux et humble. — On a parlé quelquefois de plusieurs
auteurs distincts pour le recueil; mais cela ne paraît
pas vraisemblable, tant il y a d'unité dans le style,
l'esprit et les pensées.
VI. La langue primitive. — On ne possède aujour-
d'hui les Psaumes de Salomon qu'en grec. Auraient-ils
été composés dans cet idiome? C'est ce qu'a pensé
l'évêque d'Avranches, Huet, loc. cit. D'autres encore
l'ont fait à sa suite, spécialement le D r Hilgenfeld, qui
leur attribue l'Egypte comme lieu d'origine. Mais il est,
aujourd'hui, à peu près seul de son avis, car c'est
presque à l'unanimité que les critiques déclarent qu'on
doit regarder l'hébreu, ou tout au moins l'araméen, et
non pas le grec, comme la langue originale. Le grec
actuel n'est donc qu'une traduction, faite de très bonne
heure, ou pour les Juifs dispersés, ou pour les chré-
tiens, qui ne tardèrent pas à prendre goût à ces
psaumes. A l'appui de ce fait, on allègue plusieurs
preuves, « avec une entière certitude, » dit le D r Kittel,
dahsKautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen
des Alten Testant., Fribourg, 1899, t. n, p. 129. La pre-
mière, qui est aussi la meilleure, consiste dans un
coloris hébraïque très sensible. Le texte grec est telle-
ment « maladroit », Reuss,Gesc/i. der lieiligen Schrif-
ten des A. T., 1881, p. 652, que l'hébreu apparaît pour
ainsi dire à travers. Les temps des verbes, en parti- \
culier, ont été souvent mal rendus; parfois, dans un
seul et même passage, on trouve de curieux exemples
de cette confusion. Cf. m, 8-10; xvu, 8-12, etc. Il faut
recourir à l'hypothèse d'un texte hébreu primitif pour
expliquer ces difficultés. Voir Ryle et James, loc. cit.,
p. lxxvii-lxxxvii. Il n'est donc pas possible de dire
que nous avons ici de simples hébraïsmes, comme
dans la traduction des Septante. En second lieu, nous
avons vu que ces Psaumes avaient très probablement
une destination liturgique ; or, ce fait suppose aussi que
l'hébreu était la langue originale.
VII. Bibliographie. — Indépendamment des ouvra-
ges cités ci-dessus, voir G. Janonski, Dissertatio de
psalterio Salomonis, Wittemberg, 1687 ; Migne, Dic-
tionnaire des apocryphes, t. i, Paris, 1856, col. 939-
956; J. Langen, Das Judenthum in Palâstina zur Zeil
Chrisli, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 64-70;
A. Carrière, De Psallerio Salomonis, in-8°, Strasbourg,
1870; A. Hilgenfeld, Die Psalmen Salomo's deutsch
ùberselzt undaufs neue untersucht, dans la Zeitschrift
fur wissenschaftliche Théologie, 1871, p. 343-418;
M. "Vernes, Histoire des Idées messianiques, in-8°, Pa-
ris, 1874, p. 121-135; J. Wellhausen, Lie Pharisâerund
die Sadducâer, in-i8 , Greifswalden, 1874, p. 112-164;
J. Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, in-8°,
Toulouse, 1887; B. Stade, Geschichte des Volkes Israël,
in-8», Berlin, 1888, t. u, p. 448-466; O. Zôckler, Die Apo-
kryphen des Alten Testaments, in-8°, Munich, 1891,
p. 405-420; W. J. Deane, Pseudepigrapha, in-8», Londres,
1891 ; E. Jacquier, Les Psaumes de Salomon, dans l'Uni-
versité catholique, Lyon, 1893, p. xh, 94-131, 251-275;
Frankenberg, Die Datierung der Psalmen Salomo's,
ein Beitrag zur jûdischen Geschichte, in-£S°, Giessen,
1896; Lévi,.£es dix-huit Bénédictions et les Psaumes
de Salomon, dans la Revue des Études juives, t. xxxn,
Paris, 1896, p. 161-178; W. Baldensperger, Die mes-
sianisch-apokalyptischen Hoffnvngen des Judentums,
3« édit., Strasbourg, 1903, in-8», p. 33-36; E. Kautzsch,
Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Tes-
taments... ùbersetzt und herausgegeben, gr. in-8°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1900, p. 127-148. L. Fillion.
PTOLÉMAÏDE (n.zoU\i.a.îc), ville de Palestine,
nommée primitivement Accho et plus tard Saint-Jean
d'Acre. Elle reçut le nom de Ptolémaïde quand elle
tomba en la possession de Ptolémée II Philadelphe,
roi d'Egypte, et elle figure sous ce nom dans l'histoire
des Machabées, I Mach., v, 15, 22, 55; x, 1, 39, 56, 57,
58, 60; xi, 22, 2, 4; xh, 45, 48; xm, 12; II Mach.,
xni, 24, 25, et dans l'hisloire de saint Paul. Act., xxi,
7. Voir Accho, t. i, col. 108.
PTOLÉMAÏOIENS (grec : o{ n-coU^ei;; Vulgate :
Ptolemenses), habitants de Ptolémaïde. I Mach., XII, 48;
II Mach., xm, 25. Voir Ptolémaïde.
PTOLÉMÉE (grec : TlxaUy.xïoî; Vulgate : Ptole- ■
matus), nom de plusieurs rois d'Egypte et de quatre au-
tres personnages dans l'Écriture. Le nom grec signifie
« belliqueux », de htqXe^o;, pour noXejjiQç, « guerre ». On
le trouve déjà dans l'Iliade, lv, 228. Voir W. Pape,
Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3 e édit..
t. n, p. 1271. Il devint surtout célèbre à partir d'Alexan-
dre le Grand, lorsqu'un de ses généraux, Ptolémée, fils
de Lagus, eut fondé la dynastie à laquelle on a donné
son nom.
1" Dynastie. — Les Ptolémées ou Lagides ont régné
en Egypte depuis la mort d'Alexandre le Grand jusqu'à
la mort de Cléopàtre VI (323-30 avant J.-C), où ce
royaume devint province impériale romaine.
TABLEAU chronologique de la dynastie des lagides
Avant J. -G.
Ptolémée J" Soter, satrape 323-305
Ptolémée I" Soter, roi 305-285
Ptolémée H Philadelphe 285-247
Ptolémée III Évergète I" 247-222
Ptolémée IV Philopator 222-204
Ptolémée V Épiphane 204-181
Ptolémée VI Philométor 181-146
Ptolémée VII Évergète II 170-117
Ptolémée VIII Eupator Mort en 146
Ptolémée IX Néos Philopator .... Mort en 130
Ptolémée X Philométor Soter II (Lathyros) . . 116-108
Ptolémée XI Alexandre I" Philométor .... 108-88
Ptolémée X Soter II restauré 88-86
Ptolémée XII Alexandre II 80 (?)
Ptolémée XIII Phitopator II Philadelphe Nées
Dionysos (Aulètès) 81-58
Bérénice IV. . .„ 58-55
Ptolémée XIII restauré 55-51
Cléopàtre VI Philopator 51-30
Ptolémée XIV Philopator 51-47
Ptolémée XV Philopator 47-44
Ptolémée XVI (César Phitopator Philométor). . 44-30
L'Egypte devient province impériale sous Au-
guste , 30
2° Bibliographie des Lagides. — J. Vaillant, Historia
P lolemseorum Mgxjpti regum ad /idem numismalum
accommodata, Amsterdam, 1701; J. .T. Champollion-
Figeac, Annales des Lagides, 2 in-8°, Paris, 1819-1820;
A.-J. Lelronne, Recherches pour servir à l'histoire de
l'Egypte pendant la domination des Grecs et des Ro-
mains, in-8°, Paris, 1823; S. Sharpe, History of Egypt
under the Plolemies and the Romans, 2« édit., Londres,
847
PTOLÉMÉE I er SOTER — PTOLÉMÉE II PHILADELPHE
848
1852; R. St. Poole, The Ptolemies Kings of Egypt
(Catalogue ofthe Greek Coins ofthe Brilis h Muséum),
in-8», Londres, 1882; Max L. Strack, Die Dynastie der
Ptolemâer, in-8», Berlin, 1897; J. N. Svoronos, Ta
Non''o,u.*T2 toû Kpârovc tûv irroXEpiat'wv, 3 parties en
1 in-f°, Athènes, 1904; Paul M. Meyer, Das Heerwesen
der Ptolemâer und Rômer in Aegypten, in-8°, Leipzig,
1900; J. P. Mahafly, The Empire of the Ptolemies,
in-16, Londres, 1895; Id., A History of Egypt under
the Ptolemies (t. iv de V History of Egypt de Flinders
Pétrie), in-16, Londres, 1899; E. R. Bevan, The House
of Séleucus, 2 in-8», Londres, 1902; E. W. Budge,
History of Egypt frûm the end of the neolithic period
to the death of Cleopatra, t. vil et vm, in-16, Londres,
1901 ; À. Bouché-Leclerq, Histoire des Lagides, 2 in-8",
Paris, 1903-1904; B. Niese, Geschichle der griechischen
und makedonischen Slaaten seit der Schlacht bei
Chaeronea, 3 in-8», Gotha, 1893-1903.
F. YlGOUROUX.
1. PTOLÉMÉE I er SOTER, roi d'Egypte, n'est pas
nommé par son nom dans l'Écriture, mais Daniel pré-
dit son avènement (fig. 186). Il était né vers 367 et,
186. — Monnaie de Ptolémée I" Soter.
Tête de Ptolémée Soter, à droite. Devant le nez une contre-marque.
— ■§. nTOAEMAlor baeiaeql. Aigle debout sur un foudre, à
gauche; dansJe champ, à gauche, un monogramme.
quoiqu'il passât pour fils de Lagus, Macédonien de bonne
naissance, on le croyait fils de Philippe, roi de Macé-
doine, et d'Arsinoé. Q. Curce, IV, vm, 22; Pausanias, I
vi, 2. Il jouit d'une grande faveur auprès d'Alexandre le
Grand et il se distingua par sa bravoure et par son habi-
leté militaire, dans la campagne de l'Inde en particulier.
Arrien, Anab., iv, 24, 25, 29; v, 13, 23, 24; vi, 5, 11;
Q. Curce, VIII, x,21; xiii, 13-27; xiv, 15; IX, v, 21. Après
la mort d'Alexandre, il réussit à se faire donner le gou-
vernement de l'Egypte et chercha aussitôt à y établir
solidement son pouvoir (323).
Il gouverna au nom de Philippe Arrhidée, frère idiot
d'Alexandre le Grand, et d'Alexandre IV, fils d'Alexandre
le Grand (fig. 187), de 323 à 316 avant J.-C, et au nom
d'Alexandre IV seul de 316 à 311 ; il fut indépendantde311
à 305, mais sans prendre le titre de roi, ce qu'il ne fit
qu'en 305. Daniel avait prédit, xi, 3-4, qu'il serait un de
ceux qui recevraient une part de l'empire d'Alexandre,
quand cet empire serait divisé aux quatre vents du ciel.
% Le roi du sud (c'est ainsi qu'est désigné le roi d'Egypte)
deviendra fort, mais un de ses princes (Séleucus) sera
fort aussi et celui-ci (Séleucus) deviendra plus fort
que lui (Ptolémée I er ) et il aura la domination. » xi, 5.
Ptolémée avait été en guerre avec Antigone, dit le
Cyclope, un des généraux d'Alexandre, au sujet de la
possession de la Syrie et de la Phénicie dont il s'était
rendu maître en 320, après avoir réussi à s'emparer de
Ja plus grande partie de l'Asie. Une grande bataille
navale avait été livrée entre les troupes des deux
rivaux dans les eaux de Salamine en Cypre. Les Égyp-
tiens avaient été complètement battus (306). Antigone,
fier de sa victoire, prit à cette occasion le titre de roi.
Ptolémée, malgré sa défaite, se sentait encore fort; il
l'imita et se déclara roi à son tour (305). Une tentative
d'invasion de l'Egypte par Antigone échoua. — Quelques
années auparavant, en 316, un autre général d'Alexandre,
Séleucus, satrape de Babylone, traqué par Antigone,
s'était réfugié en Egypte auprès de Ptolémée. Profi-
tant de circonstances favorables, Séleucus avait repris,
en 322, sa satrapie de
Babylone, et son retour,
d'après l'opinion com-
mune, marque le com-
mencement de l'ère des
Séleucides (1 er octo-
bre 312). En 302, Sé-
leucus se ligua avec
Ptolémée et quelques
autres contre Antigone.
Ce dernier tut vaincu
et tué à la bataille
d'Ipsus (301). Ptolémée
n'avait pas pris part à
la bataille. Aussi les
coalisés ne lui rendi-
rent-ils ni Cypre ni la
Phénicie, et la Cœlésy-
rie fut attribuée à Sé-
leucus, qui fonda aussi-
tôt Antioche (300) et en
fit sa capitale. Strabon,
xvi, 4-5; Appien, Syr.,
57. Séleucus fut alors
« plus fort » que Pto-
K'mée. Celui-ci réussit
à reprendre Cypre en
295, mais la Phénicie
et la Cœlésyrie avec la
Judée restèrent à Séleu-
cus. En 284, Ptolémée
abdiqua en faveur de
son plus jeune fils, Pto-
lémée II Piladelphe, et
il mourut environ deux
ans après (283).
Dans une de ses ex-
péditions en Syrie, à
une date incertaine,mais
probablement vers 320,
Ptolémée avait mis à
profit le repos imposé
aux Juifs le jour du
sabbat pour s'emparer
de Jérusalem. Josèphe,
Cont. Apion., i, 21;
Ant. jud., XII, i, 1. Il
traita d'ailleurs avec bienveillance les Juifs qu'il em-
mena captifs à Alexandrie et leur accorda dans sa
capitale des privilèges avantageux qui y attirèrent
volontairement un nombre croissant d'enfants d'Israël.
F. Vigouroux.
2. PTOLÉMÉE II PHILADELPHE (284-247), le plus
jeune fils de Ptolémée I» r et son successeur (flg. 188),
avait été proclamé roi par son père deux ans avant sa
mort, afin de lui assurer ainsi sa succession. Sous son
règne, la lutte recommença entre l'Egypte et la Syrie,
par suite des intrigues de Magas, demi-frère de Pto-
lémée II par sa mère Bérénice et roi de Cyrène, avec
Antiochus I er Soter, son beau-père. Après plusieurs
années de guerre entre la Syrie et l'Egypte, une partie
des possessions d'Antiochus II Théos, petit-fils de
Séleucus I" Nicator, étaient tombées entre les mains
des Égyptiens, et le roi de Syrie avait été obligé de
faire la paix avec Ptolémée II et d'épouser sa fille
Bérénice, en répudiant sa femme et sœur Laodice et
en s'engageant à laisser le trône, non aux enfants qu'il
187. — Statue colossale gréco-
égyptienne d'Alexandre IV à
Karaak. D'après Mahaffy, 'dans
Pétrie, History of Egypt, t. iv,
p. 37.
849
PTOLÉMÉE II PHILADELPHE — PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE
850
avait eus de Laodice, mais à ceux qui naîtraient de
Bérénice, a Ptolémée Philadelphe, dit saint Jérôme,
In Dan., xt, 6, t, xxv, col. 560, voulant après plusieurs
années mettre fin à une guerre importune donna en
mariage sa fille Bérénice à Antiochus II (Théos), qui
de sa première femme Laodice avait deux fils, Séleu-
cus qui fut surnommé Callinicus, et un autre Antiochus.
(Son père) la conduisit jusqu'à Péluse et lui donna
pour dot une grande quantité d'or et d'argent, ce qui
le fît appeler çïpvtxpSpoc, c'est à dire dotalis, « qui dote ».
Antiochus déclara qu'il faisait partager son royaume à
Bérénice, et que Laodice n'avait plus que le rang de
concubine, mais longtemps après, cédant à son amour
pour Laodice, il la ramena dans le palais royal avec
188..— Monnaie de Ptolémée II Philadelphe.
AAEA<ï>îiN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée II
et d'Arsinoé. Derrière la tête du roi, un monogramme. —
H?. ©EQN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée I er
Soter et de Bérénice. Derrière la tête du roi, un fer de lance.
ses enfants. Celle-ci, redoutant l'esprit versatile de
son mari et craignant qu'il ne reprît Bérénice, le fit
empoisonner par ses serviteurs; Icadion et Gennée,
princes d'Antioche, mirent à mort par ses ordres
Bérénice et le fils qu'elle avait eu d'Antiochus, et elle
établit roi son fils aîné Séleucus Callinicus à la place
de son père. » Voir Antiochus II, t. i, col. 687. A
l'époque du meurtre de Bérénice, son père était mort.
Ptolémée II avait conservé les pays que lui avait
laissés le traité de paix, la Phénicie et la Cœlésyrie.
C'est sous son règne que fut commencée, d'après la
tradition, la version grecque de l'Ancien Testament par
les Septante. Voir Septante. F. Vigouroux.
" 3. PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE, fils aîné de Ptolémée II,
lui succéda sur le trône (fig. 189). Il était frère de
183. — Monnaie de Ptolémée III Évergète.
Buste de Ptolémée 111 Évergète, radié, à droite. — h). I1TOAE-
MAior baeiaeqs. Corne d'abondance radiée. Au bas dans le
champ AI.
Bérénice, la victime de Laodice. Il voulut venger le
meurtre de sa sœur et envahit la Syrie à la tête d'une
puissante armée. « Il sortira un rejeton (Ptolémée III)
de ses racines (de Ptolémée II), dit Daniel, xi, 7-9, il
ira avec une grande armée, il entrera dans les places
fortes du roi du nord (Antiochus II) et il en disposera
à son gré et il se rendra puissant. Il enlèvera même et
transportera en Egypte leurs dieux et leurs statues
(nesihêhém), leurs objets précieux d'or et d'argent et
pendant plusieurs années il sera plus fort que le roi
du nord. Et celui-ci marchera plus tard contre le roi
du midi (en Egypte), mais il reviendra dans son pays
(en Syrie). »
« Après le meurtre de Bérénice, dit saint Jérôme,
In Dan., xi, 7-9, t. xxv, col. 560, son père Ptolémée
Philadelphe étant mort en Egypte, son frère appelé aussi
Ptolémée et surnommé Évergète lui avait succédé, troi-
sième, dans son royaume, rejeton de sa racine... II s'en
alla avec une grande armée et il entra dans la province
du roi du nord, c'est-à-dire de Séleucus, surnommé
Callinicus, qui régnait en Syrie avec sa mère Laodice,
et il les maltraita et il s'empara de force de la Syrie, de
la Cilicie et des pays situés au delà du haut Euphrate
et de l'Asie presque entière. Mais ayant appris qu'une
sédition .venait d'éclater en Egypte (cf. Justin, xxvn,
1,9), il ravagea le royaume de Séleucus et emporta
quarante mille talents d'argent, des vases précieux,
en même temps que les statues des dieux, au nombre
190. — Antiochus 111 le Grand, roi de Syrie. Musée du Louvre.
de deux mille cinq cents, parmi lesquels se trouvait le
butin que Cambyse, après la prise de l'Egypte, avait
emporté chez les Perses. »
L'inscription d'Adulis, conservée par Cosmas Indico-
pleuste, Pair. gt\, t. uivin, col. 103-104; Corpus in~
script, grsec, n. 5127, donne des détails analogues sur
les résultats de la campagne de Ptolémée III en Syrie :
« Le grand roi Ptolémée... s'étant rendu maître de
tout le pays en deçà de l'Euphrate, et de la Cilicie, et
de la Pamphylie et de l'Ionie et de l'HeUespont et de
la Thrace..., franchit l'Euphrate, et ayant soumis la
Mésopotamie et la Babylonie et la Susiane et la Perse
et la Médie et tout le reste jusqu'à la Bactriane, et ayant
recherché tous les objets sacrés emportés d'Egypte par
les Perses et les ayant rapportés en Egypte avec tous
les autres trésors provenant de ces lieux, il expédia
des troupes parlesileuves creusés de mainsd'homme... »
Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. I, p. 261-
262. C'est en reconnaissance du recouvrement des
objets sacrés qu'avait emportés Cambyse que les Égyp-
tiens donnèrent à Ptolémée III le surnom d'Évergète,
« le Bienfaisant ». S. Jérôme, ibid. Cf. le décret de
Canope, dans Bouché-Leclercq, ibid., p. 267-272; texte
851
PTOLÉMÉE III ÉVERGÉTE — PTOLÉMÉE V ÉPIPHANE
852
grec dans Mahaffy, The Empire of the Ptolemies,
1895, p. 227 7 239.
Après le retour de Ptolémée en Egypte, Séleucus
parvint à reprendre une partie des provinces qu'il avait
perdues, pendant que son ennemi restait « quel-
ques années loin du roi du nord » Dan., xi, 8 (texte
hébreu). Séleucus s'enhardit alors à tenter de repren-
dre la Cœlésyrie. « Le roi du nord, dit Daniel, xi, 9
(texte hébreu), marchera contre le royaume du roi du
midi (l'Egypte), mais (il sera défait et) retournera dans
son royaume. » Séleucus fut complètement battu et
obligé de se retirer à Antioche. Justin, xxvu, 2, 5. Son
frère Antiochus Hiérax se fit alors proclamer roi en
Asie Mineure, et Ptolémée III, sans poursuivre son
succès, laissa les deux frères se faire la guerre entre
eux, se contentant pour son compte de travailler à
faire fleurir la paix dans son royaume. Il se montra
bienveillant envers les Juifs et fit offrir des sacrifices
dans le temple de Jérusalem. Josèphe, Cont. Apion.,
Il, 5. Cf. Ant. jud., XII, îv. Il mourut en 221 et sa mort
offrit à Antiochus III (fig. 190), qui venait de monter sur
le trône de Syrie une occasion favorable pour attaquer
l'Egypte dès le commencement du règne de Ptolémée IV.
C'est peut-être sous le règne de ce roi que le petit-
fils de l'auteur de l'Ecclésiastique, étant allé en Egypte,
comme il nous l'apprend lui-même dans le Prologue
de ce livre, traduisit en grec le livre de son grand-
çère Bea SkaeVi. Coiarae il ^ a devrx. vois d'Egypte
qui ont été surnommés Évergéte, Ptolémée III et Pto-
lémée VII, dit aussi Physcon, frère de Ptolémée Phi-
lométor, les commentateurs placent le voyage du tra-
ducteur, les uns sous Ptolémée III, les autres sous
Ptolémée VII. F. Vigouroux.
4. PTOLÉMÉE IV PHILOPATOR, roi d'Egypte, fils
aîné et successeur de Ptolémée III Évergéte (222-204),
fut un prince efféminé et dégradé, qui déploya cepen-
dant une certaine énergie en quelques circonstances
(fig. 191). Les principaux événements de son règne et
191. — Monnaie de Ptolémée IV Philopator.
Buste de Ptolémée IV, à droite, diadème. — fy nTOAEMAIOl"
•MiVOriAïPOE. Aigle debout sur un foudre à droite; devant lui,
un monogramme.
ses guerres avec la Syrie sont décrits dans Daniel, xi,
10-12. Voir Antiochus III, 1. 1, col. 688-689. Il remporta
sur Antiochus à Raphia une grande victoire qui le
remit en possession de la Cœlésyrie. Ce fut à cette
occasion qu'il put aller à Jérusalem. D'après le troi-
sième livre des Machabées, Ptolémée IV offrit des pré-
sents au vrai Dieu, mais il voulut entrer, malgré le
grand-prêtre, dans le Saint des Saints. A cette nouvelle,
toute la ville se souleva, et le roi, frappé d'une terreur
miraculeuse, fut emporté évanoui par ses gardes. De
retour à Alexandrie, irrité de ce qui était arrivé, il
voulut forcer les Juifs de la ville à honorer ses dieux,
sous peine d'être écrasés par les éléphants dans l'Hip-
podrome de la ville. Au lieu d'écraser les Juifs, les
éléphants se retournèrent contre les soldats du roi,
qui s'empressa de révoquer ses' ordres. III Mach.,i-vii.
Eusèbe parle du massacre de soixante mille Juifs par
ce prince. Le récit du troisième livre des Machabées
ne saurait être pris à la lettre, mais il doit avoir un
certain fond de vérité, puisque Josèphe, Cont. Apion.,
Il, 5, atteste que les Juifs célébraient une fête en sou-
venir de ces événements. Voir Machabées (Livres apo-
cryphes des), t. IV, col. 499. Ptolémée IV passa les
dernières années de sa vie dans l'oisiveté, occupé seu-
lement à satisfaire les plus basses et les plus honteuses
passions. Il mourut en 204. Justin, xxx, 2; S. Jérôme,
In Dan., xi, 13, t. xxv, col. 562. F. Vigouroux.
5. PTOLÉMÉE v ÉPIPHANE, roi d'Egypte, fils unique
de Ptolémée IV (204-181) (fig. 192). Il n'avait que quatre
192. — Monnaie de Ptolémée V Epit hane.
Buste de Ptolémée V, à droite, diadème et radié ; derrière le cou'
un fer de lance. — f$. nTOAEMAlor dasiaeqb. Corne d'abon"
dance. Dans le champ, deux astres et un monogramme.
ou cinq ans quand il succéda à son père. Antiochus III
voulut profiter de cette circonstance pour se venger de
l'échec que lui avaient infligé les Égyptiens. Il fut d'abord
victorieux, Dan., xi, 13-15, mais l'intervention des Ro-
193. — Ptolémée V Épiphane, en habits sacerdotaux, offrant de
l'encens aux dieux. D'après E. A. w. Budge, A History of
Egypt, t. viu, 1902, p. 19.
mains l'arrêta au milieu de ses victoires. Voir Antio-
chus, m, t. i, col. 689-690. Le roi de Syrie fit la paix
avec Ptolémée V et lui donna en mariage sa fille Cléo-
pâtre, Dan., xi, 17, qui reçut en dot la Palestine et les
autres provinces conquises sur l'Egypte. Josèphe»
853
PTOLEMÉE V ÉPIPHANE
PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR
854
Ant. jud., XII, iv, 1; Polybe, xvm, 51. Antiochus
avait compté sur elle pour exercer son influence sur le
roi d'Egypte. Ses calculs furent déjoués. Cléopâtre prit
le parti de son mari contre son père et l'encouragea à
rester fidèle aux Romains dont l'alliance paralysait
toutes les entreprises de la Syrie contre lui. Les pro-
vinces contestées restèrent néanmoins sous la domina-
tion d' Antiochus III jusqu'à sa mort (187). Ptolémée V
préparait une expédition pour les reprendre sur le
nouveau roi de Syrie, Séleucus IV Philopator, lorsqu'il
périt par le poison, d'après plusieurs historiens,
cf. S. Jérôme, Jn San., xi, 20, t. xxv, col. 565, laissant
la mémoire d'un prince impopulaire, indolent et
vicieux. La célèbre inscription trilingue connue sons
le nom de Pierre de Rosette, découverte en 1799 par un
officier français pendant l'expédition d'Egypte, et con-
servée aujourd'hui au British Muséum à Londres, qui
a donné à Champollion la clef de l'écriture hiérogly-
phique, fut gravée en l'honneur de Ptolémée V pour
célébrer la fête de son intronisation à Memphis et
ordonner qu'une statue lui serait dressée dans tous les
temples du pays (fig. 193). F. Vigouroux.
6. PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR, roi d'Egypte
(fig. 191), succéda à son père, étant encore en bas âge
194. — Monnaie de Ptolémée VI Philométor.
Tête diadémée de Ptolémée Philométor, à droite. — $. DAEIAEfiï
UTOAEMAlOr *IAOMHTOPOS OEOr. Aigle debout, à gauche,
sur un foudre et portant un épi. Dans le champ, lettre et mo-
nogramme.
(181-146). Il pouvait avoir environ six ans. Sa mère
Cléopâtre gouverna le royaume en son nom et vécut
en paix jusqu'à sa mort avec la Syrie dont elle était
originaire (173). Mais à peine eut-elle fermé les yeux
que l'eunuque Eulaeus et l'affranchi syrien Lenoeus
qui exercèrent le pouvoir au nom du jeune Ptolé-
mée VI, cherchèrent à reconquérir la Cœlésyrie et la
Judée. Polybe, XXVII, 19; Diodore de Sicile, xxx, 2;
195. — Monnaie de Ptolémée VII Physcon Évergète II.
Tête de Jupiter Ammon, à droite. — ^.baeiaeos nTOAEMAlOl"
EïEFrETOr. Aigle debout à droite sur un foudre et portant
un bâton. Dans le champ *.
16. Àntiochus IV Èpiphane était alors devenu roi de
Syrie. Voir Astiochus IV, t. i, col. 693. 11 se hâta
d'attaquer l'Egypte avant que les Égyptiens eussent
achevé leurs préparatifs, 11 Mach., lv, 21; cf. I Mach.,
l, 17, et il les délit entre Péluse et le mont Casius (171).
Le jeune Ptolémée tomba entre ses mains, Dan., xi,
22; S. Jérôme, In Dan., xi, 22, t. xxv, col. 566; Po-
lybe, xxvm, 7, 16 ; Diodore de Sicile, XXX, rv, 1 et 2,
on ne sait de quelle manière. Antiochus devenait par
là même maître de l'Egypte; il se rendit à Memphis et
s'y fit proclamer roi. Mais la population d'Alexandrie
refusa de le reconnaître comme tel; elle conféra la
dignité royale au frère cadet de Philométor qui prit le
titre d'Évergète et est connu sous le nom de Ptolémée
Physcon Évergète 11 (fig. 195).
Cet événement fournit au roi de Syrie un prétexte
pour marcher contre Alexandrie, soi-disant pour réta-
blir Philométor sur le trône. Il assiégea la ville, mais
sans succès, et il se détermina quelque temps après à
retourner en Syrie, en laissant une forte garnison à
Péluse. Quand il se fut éloigné, Philométor s'entendit
avec son frère et sa sœur Cléopâtre (fig. 196) qu'il avait
196. — Monnaie de Cléopâtre II.
Tête de Cléopâtre II, en Isis, avec de longues tresses attachées
par des épis, à droite. — ,$. nTOAEMAiOr baeiAE.QE. Aigle
aux ailes éployées, sur un foudre, à gauche. — Elle épousa
successivement ses deux frères.
épousée et ils convinrent de régner conjointement
(fig. 197). Polybe, XXXIX, vin, 4; Tite Live, xlv, 11.
Cet accord ramena Antiochus en Égyple. Au commence-
ment du printemps 168, il se mit en route, et envoya
sa flotte en Cypre; l'Ile lui fut livrée par la trahison de
Ptolémée Macron. Il Mach.,x, 13. Lui-même se dirigea
vers la vallée du Nil. Philométor envoya des ambassa-
197. — Ptolémée VI, son frère Ptolémée VII
etkur sœur Cléopâtre, rois d'Egypte. Temple de Deir-el-Medinéb-
D'après Mabaffy, dans Pétrie, t. îv, p. 170.
deurs au-devant de lui à Rhinocolure. Le roi syrien for-
mula de nouvelles demandes : la possession de Cypre,
celle de la bouche pélusiaque du Nil avec Péluse, etc.
Comme les rois égyptiens ne lui donnèrent pas de
réponse au temps qu'il avait fixé, il marcha contre
Alexandrie par Memphis. Près de six mois s'étaient
écoulés depuis son départ de Syrie quand il arriva
prés de la capitale des Lagides. Un coup de théâtre
855
PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR — PTOLÉMÉE (DE SYRIE)
856
mit fin à sa marche victorieuse. L'envoyé de Rome,
Popilius Lœnas, l'arrêta à Eleusis près d'Alexandrie et,
l'enfermant dans un cercle qu'il traça autour de lui,
l'obligea à promettre de retourner immédiatement en
Syrie, ce qu'il fit (juin 168). Il dut aussi retirer sa
flotte de Cypre. Polybe, xxix, 27; Tite Live,-XLV, xi,
8-xii, 8; Diodore; xxxi, 2; Velléius Palerculus, i, 10;
Appien, Syr., 66 ; Justin, XXXIV, m, 1-4 ; Valère Maxime,
vi, 3. En quittant l'Egypte, Antiochus IV s'arrêta à Jé-
rusalem et se vengea aux dépens des Juifs des humilia-
tions qu'il venait de subir de la part des Romains.
Ptolémée Philométor, au contraire, se montra bien-
veillant pour les Juifs de ses États et c'est sous son
règne qu'Onias IV éleva dans le nome d'Arabie, à Léon-
topolis, près d'Héliopolis (vers 154), un temple rival
198. — Portrait de Ptolémée VI, à Kom-Ombo.
D'après Mahaffy, dans Pétrie, t. îv, p. 180.
de celui de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIII, m, 1.
Les commentateurs placent communément sous le
règne de Ptolémée Philométor le voyage de Dosithée
qui apporta en Egypte la lettre des phurim, c'est-à-dire
probablement la traduction du livre d'Esther en grec.
Voir Cléopâtre 2, t. h, col. 805; Dosithée, t. h,
col. 1494.
Après la mort ignominieuse d'Antiochus Épiphane,
Ptolémée VI eut à combattre contre son propre frère
qui était devenu roi.de la Cyrénaïque, mais voulait s'em-
parer en plus de l'Ile de Cypre. Il arrêta son ambition
et songea alors à la Syrie. Pendant le règne du jeune
Antiochus Eupator, il semble avoir pris parti pour Phi-
lippe le Phrygien (voir col. 266) contre le régent du
royaume séleucide, Lysias. Cf. II Mach., ix, 29. Lorsque
Démétrius I er eut fait périr Eupator, le roi d'Egypte prit
d'abord parti pour Alexandre Balas, le rival de Démé-
trius, en haine de ce dernier .qui avait essayé de s'em-
parer de Cypre. Alexandre Balas battit et tua Démé-
trius I er . Philométor s'entendit alors avec le vainqueur
et lui/lonna sa [fille Cléopâtre en mariage à Ptotémaîde
(150). I Mach., x, 51-58. Mais il cherchait par là à faire
valoir ses droits sur la Syrie. Cf. I Mach., xi, 1, 10. Il
eut à se plaindre d'Alexandre, qui attenta à sa vie,
cf. I Mach., xi, 10, ce qui le fit tourner en faveur de
Démétrius II, le compétiteur d'Alexandre Balas; il
enleva sa fille Cléopâtre. à Alexandre et la donna à son
rival (147). La Syrie fut soumise en peu de temps par
le roi d'Egypte et il fut couronné roi d'Asie à Antioche.
I Mach., xi, 13. Mahaffy, The Empire of the Ploleniies,
1895, p. 366. Alexandre fit de vaines tentatives pour
recouvrer le royaume; il fut battu par les armées réu-
nies de Philopator et de Nicator et périt peu après en
Arabie. Voir Démétrius II Nicator, t. h, col. 1362.
Ptolémée VI devait le suivre de près dans la tombe (145),
Grièvement blessé à la tète dans la bataille, les méde-
cins essayèrent de le trépaner, mais il mourut pendant
l'opération, la 36 e année de son règne. Tite Live, Epist.,
lu. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, rv, 8.
Ptolémée Philométor (fig. 198) est, avec son frère Pto-
lémée VII Physcon, le dernier roi d'Egypte nommé
dans les Saintes Écritures. F. Vigouroux.
7. PTOLÉMÉE VII PHYSCON ÉVERGÈTE II, roi
d'Egypte (170-117). Ptolémée Physcon (fig. 195) est men-
tionné I Mach., xv, 16, comme le destinataire d'une
lettre qui lui fut adressée de la part des Romains par
le consul Lucius en faveur des Juifs. Voir Lucius, t. iv,
col. 409. C'est peut-être aussi de lui qu'il est question
dans le Prologue de l'Ecclésiastique. Voir plus haut,
col. 851. Sur son règne, voir Ptolémée VI.
F. Vigouroux.
8. PTOLÉMÉE, fils de Dorymine. I Mach., m, 38 (et
dans le texte grec de II Mach., rv, 45); cf. Polybe, v, 61.
On l'identifie communément avec le Ptolémée qui est
surnommé Macron (Macer, dans la Vulgate), Voir t. iv,
col. 479. II Mach., x, 12. Cette identification n'est pas
sans souffrir quelques difficultés. D'après Athénée, vl,
p. 246, le Ptolémée qui fut gouverneur de Cypre pendant
la minorité de Ptolémée Philométor et qu'on confond
avec le Ptolémée del Mach., m, 38, était fils d'Agésarque
et non de Dorymine. Si Athénée donne le véritable nom
de son père et si ce nom et celui de Dorymine ne dési-
gnent pas un même personnage, Ptolémée fils d'Agé-
sarque est alors le Ptolémée Macron de II Mach., x, 12,
et distinct du Ptolémée de I Mach., m, 38, mais il est
possible que Dorymine et Agésarque soient une seule et
même personne. Cf; I Mach., m, 38 et II Mach.; x, 13.
Ptolémée surnommé Macron, mégalopoiitain d'origine,
fut gouverneur de l'Ile de Cypre au nom de Ptolémée
Philométor encore mineur, et il remplit d'abord fidèle-
ment ses fonctions. Polybe, xxvii,12. Mais la lutte était
vive à cette époque entre les Séleucides et les Lagides,
et les sujets des uns et des autres passèrent quelquefois
du camp égyptien au camp syrien £t réciproquement.
Après avoirservile roi d'Egypte, le gouverneur de Cypre
se mit au service d'Antiochus IV Épiphane, il devint son
favori et en reçut le gouvernement de la Phénicie et
de la Cœlésyrie. II Mach., vin, 8; x, 11-12. Ptolémée
(fils de Dorymine) profita de son crédit auprès du roi
pour protéger le grand-prêtre juif usurpateur Menélas
(t. iv, col. 961), qui avait acheté son concours à prix
d'argent. II Mach., iv, 45-50. Il fût un des fauteurs de
la persécution syrienne contre les Juifs. II Mach., vi, 8.
(La Vulgate et plusieurs manuscrits grecs, comme le
texte de l'édition romaine des Septante, portent « les
Ptolémées » au pluriel, mais la vraie leçon parait bien
être « Ptolémée » fils de Dorymine, au singulier.
0. Fr. Fritzsche, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch
zu den Apocryphen, iv, Lief., 1857, p. 111-112.) Lorsque
Judas Machabée eut remporté ses premières victoires
contre les Syriens, Lysias choisit pour combattre
les Juifs Ptolémée fils de Dorymine, avec Nicanpr et
Gorgias. I Mach., m, 38. Ils furent battus par les Juifs
857
PTOLÉMÉE — PUBLICAINS
858
(108), mais nous ne savons rien de particulier sur la
conduite de Ptolémée dans cette guerre. Il paraît seule-
ment avoir compris l'inutilité dé la violence contre
Israël. Nous apprenons par II Mach., x, 13, qu'à
l'avènement du roi mineur Antiochus Eupator au trône
d'Antioche, Ptolémée (Macron) était animé ,de senti-
ments conciliants à l'égard des Juifs. Ce fut la cause de
sa chute. Ses ennemis en profitèrent pour le perdre: on
l'accusa de trahison et ne pouvant supporter sa disgrâce,
il s'empoisonna. « Ptolémée, surnommé Macron, dit
le texte grec, avait été le premier à observer la justice
envers les Juifs à cause des violences qu'ils avaient
subies et s'était efforcé de gouverner pacifiquement.
Mais pour cela même il fut accusé par des amis (du roi)
auprès d'Eupator et comme il s'entendait partout appeler
traître, parce qu'il avait abandonné Cypre que Philo-
métor lui avait confiée et qu'il était passé (dans le parti)
d'Antiochus Épiphane, n'ayant plus qu'un pouvoir sans
honneur, il perdit courage et prenant du poison, il
s'ôta la vie. » F. Vigouroux.
9. PTOLÉMÉE, fils d'Abobi, gendre de Simon Ma-
chabée. Il était fort riche et avait reçu le gouvernement
de Jéricho et de son territoire. Il conçut le projet de
devenir maître de la Judée et pour le réaliser, ayant
reçu son beau-père dans la petite forteresse de Doch
(t. il, col. 1454), il le mit traîtreusement à mort avec
ses deux fils Mathathias et Judas, à la fin d'un grand
festin. Un troisième fils de Simon, Jean, surnommé
Hyrcan (t. ni, col. 1154), n'avait pas accompagné son
père à Jéricho et se trouvait alors à Gazara (Gazer,
t. m, col. 126). Son beau-frère expédia des émissaires
dans cette ville pour le mettre à mort, mais heureuse-
ment prévenu à temps de la mort de son père et de ses
frères et du danger qui le menaçait, Jean fit saisir et
exécuter ses assassins à leur arrivée. Pendant ce temps,
Ptolémée demandait des secours au roi de Syrie, pour
prendre possession de la Judée et essayait de se rendre
maître de Jérusalem. I Mach., xvr, 14-22. L'auteur de
I Mach. ne nous apprend plus rien sur cet ambi-
tieux, mais Josèphe, Ant. jud., XIII, vu, 4; vin, 1,
ajoute que Jean Hyrcan alla l'assiéger dans sa forteresse
de Doch, d'où Ptolémée s'échappa finalement pendant
l'année sabbatique, et se réfugia auprès de Zenon Coti-
las, prince (tupaweûovTa) de Philadelphie. Cf. Bell, jud.,
I, il, 3-4. Contrairement au récit de I Mach., Josèphe
suppose que Ptolémée avait conservé ses deux beaux-
frères comme otages, ainsi que leur mère, et qu'il se
servit de sa belle-mère, qu'il exposait aux coups des
assaillants, pour ralentir les attaques de Jean Hyrcan ;
il explique ainsiles longueurs du siège. L'auteur sacré
ne parle point de la mère de Jean et il raconte que
ses frères avaient été tués en même temps que leur
père, comme on l'a vu plus haut, et non après que le
siège eut été levé, comme le dit le récit de Josèphe,
qui ne fait d'ailleurs jouer aucun rôle dans le siège à
Mathathias et à Judas, ce qui confirme indirectement le
récit des Machabées, qui est seul exactement historique.
F. ViGOUROUX.
PUBERTÉ, âge auquel le jeune homme ou la jeune
fille deviennent . aptes à la vie conjugale. — Cet âge
vient plus tôt dans les pays chauds que dans les autres.
Chez les Juifs, il était fixé à treize ans et un jour
pour les garçons, à douze ans et un jour pour les
filles. Si alors les signes de la puberté étaient constatés,
on déclarait les jeunes gens gedolim et gedolô}, c'est-à-
dire « grands, majeurs ». S'il en était autrement, ils
pouvaient rester mineurs jusqu'à dix-neuf ans et onze
mois; mais c'est seulement à trente-cinq ans et un jour
qu'on les déclarait, s'il y avait lieu, impropres au ma-
riage. Cf. Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741,
p. 519, 530. On se mariait, en général, à Un âge très
jeune. Le jeune homme nubile était appelé 'élém,
veavt'aç, adolescens. C'est le nom qui est attribué au
jeune David, I Reg., xvn, 56, et au jeune page de
Jonathas. I Reg., xx, 22. Sur la jeune fille nubile, voir
'Almah, t. i, col. 391, 392. — Il est plusieurs fois parlé
de la « femme de la jeunesse », 'êsét ne'ûrim. Prov.,
il, 17; v, 18; Ezech., xxm, 3, 8, 21 ; Jo., i, 18; Mal., h,
14, etc. Les Septante traduisent par -pjvri veqt.yitoî, et la
Vulgate ordinairement par uxor puberlatis, « femme
de la puberté », expression exacte quant au fond, car
il s'agit ici de la première union, de celle qui a été
contractée par les époux à un âge encore tendre, dès
qu'ils ont été nubiles. — Dans le Lévitique, xix, 20, la
Vulgate appelle simplement nubilis, « en âge d'être
mariée », une esclave néhërefef le'îë, « fiancée à un
homme », 8fane.<pj\xy\>.hi\ âvBptùroo, « réservée à un
homme ». H. Lesêtre.
PUBLICAINS (grec : «Xûvai; Vulgate : publicani),
nom qui sert à désigner, soit dans la littérature classi-
que, soit dans les trois premiers évangiles, avec la nuance
importante qui sera indiquée plus bas, ceux qui levaient
les divers genres d'impôts chez les Romains. Le nom
grec vient de téXoç, « impôt, taxe » ; le nom latin dé-
rive du mot publicum, employé comme synonyme de
vectigal, ou dans le sens de trésor public, Tite-Live,
xxxit, 7, parce que les sommes perçues par les agents
en question étaient versées dans le trésor de l'État.
1° Les publicaim en général. — A Rome, sous l'em-
pire comme au temps de la république, la perception
des impôts ne se faisait pas au moyen d'une adminis-
tration spéciale, à la solde et sous le contrôle direct de
l'État, mais au moyen d'une mise à ferme, qui trou-
vait de nombreux candidats, car l'opération permettait
presque infailliblement d'obtenir de gros bénéfices.
Voir Impôts, t. ni, col. 851-853. Les publicani étaient
donc ceux qui affermaient le droit de lever, dans une
région déterminée, la totalité des impôts, ou du moins
telle ou telle catégorie spéciale d'impositions, par
exemple, la taxe de pacage, scriptttra, la dîme, decuma,
les droits de douane, portoria, etc. Publicani...
dicuntur qui publica vectigalia habenl conducta.
DigesC, xxxix, 4. La somme à verser dans la caisse
publique étant considérable, il fallait être très riche
pour prendre les impôts à bail; aussi les publicani
appartenaient-ils généralement à l'ordre des chevaliers
Le fermage avait lieu par la voie des enchères publiques,
au profit de celui qui oftrait le prix le plus élevé.
Souvent, un seul capitaliste était incapable de verser
la somme requise; on formait alors des sociétés vecti-
galiennes, societates publicanorum , Digest., xvn, 2 ;
Cicéron, Pro Sextio, iv, 32, dont les membres, au mo-
ment où l'on partageait les bénéfices, recevaient une
quote-part proportionnée à leur cotisation. Ces sociétés
étaient présidées à Rome par un magister; en province,
par un pro magister. Cicéron, Ad Div., xm, 9; Ad
Attic, v, 15; Tite-Live, xxm, 48-59. La durée du fer-
mage était de cinq ans au temps de l'empire, et l'exé-
cution du contrat commençait le 15 mars. — On com-
prend sans peine que ce système de perception des im-
pôts était très vicieux en lui-même, et ouvert aux plus
criants abus. Aussi ne manqua-t-il pas de porter ses
fruits : la vexation, le vol, la fraude, les brutalités de
tout genre. L'État y avait un grand avantage, puisqu'il
évitait ainsi les frais de perception; mais, par contre,
les contribuables étaient livrés à l'arbitraire d'une levée
d'impôts non réglée par la loi, et organisée unique-
ment dans l'intérêt des adjudicataires. Cf. Tite Live,
XLV, xvin, 4. Les publicani devaient tout naturel-
lement songer à lever sur les particuliers des sommes
supérieures à celles qu'ils s'étaient eux-mêmes engagés
à payer, car ils étaient personnellement responsables
des contributions qui ne rentraient pas, et tenus de les
acquitter à leurs propres dépens.
859
PUBLIGAINS
860
Ce sont ces fermiers généraux qui recevaient à pro-
prement parler le titre de publicani. Ils avaient sous
leurs ordres un nombre considérable d'agents infé-
rieurs, nommés en latin portitores, exactores, qui
exerçaient à peu près les fonctions de nos douaniers,
et qui étaient attachés à des stations déterminées : sur
les ponts, aux carrefours des routes, à la porte des
villes, près des lieux de débarquement. Cf. Matth., ix,
i, 9. Ces sous-agents, qui traitaient directement avec
les contribuables, n'imitaient que trop la conduite
odieuse et tout spécialement les concussions de leurs
chefs, d'autant mieux que leur recrutement avait lieu
dans de mauvaises conditions, et que, ayant souvent
une part des profits dans les perceptions, ils ne crai-
gnaient pas de surtaxer les objets soumis à la douane.
Aussi le sentiment populaire leur était-il partout dé-
favorable; on se plaignait d'eux de tous côtés. Cf. Di-
gest., xxxix, 4. D'après Stobée, Serm., il, 34, les
•portitores étaient comme les ours et les loups de la
société humaine; cf. Théocrite, Char., 7. La locution
Ilâv-cô; -ceXûvat navreç âp7!ays;, « Tous les publicains
sont des voleurs », était devenue de bonne heure pro-
verbiale. Cicéron, dans une lettre à son frère, Ad
Quint., I, I, 11, avoue que le public se plaignait moins
encore des portoria, quoique si lourds, que des in-
iuriœ portitorum. Il dit ailleurs, De Offic, i, 42,
que la profession de publicain était la pire de toutes.
Et il n'y avait pratiquement aucun recours contre leurs
procédés vexatoires, car, dans les provinces surtout,
les autorités romaines, qui auraient dû réprimer les
abus, étaient souvent de connivence avec les publicains
pour dépouiller le public, sous le prétexte de perce-
voir les impôts. Voir Tacite, Ann., xm, 50.
2° Les publicains dans les Evangiles. — Remarquons
d'abord qu'à l'époque de Notre-Seigneur la Palestine
dépendait de trois juridictions différentes au point de
vue politique, et par conséquent sous le rapport des
impôts. La Judée et la Samarie étaient sous la domi-
nation direcle de Rome et étaient gouvernées par le
procurateur romain; la Galilée et la Pérée apparte-
naient à Hérode Antipas; la Trachonitide, l'Abilène et
l'Iturée, à son frère Philippe. Cf. Luc, m, 1. En Judée
et en Samarie, les impôts étaient donc levés pour le
compte de Rome; dans les autres districts, pour celui
des deux tétrarques. Sur ces divers territoires, il y avait
de nombreux collecteurs d'impôts. Des deux publicains
qui sont mentionnés nommément dans l'Évangile, l'un,
Lévi ou l'apôtre saint Matthieu, dont le bureau était à
Capharnaùm, près du port, Matth., ix, 1, 9, levait la
taxe au nom d'Hérode Antipas; l'autre, Zachée, à Jé-
richo, Luc, xix, au nom du gouverneur romain.
La mention fréquente des publicains par les Évangé-
listes indique quelle grande place cette catégorie
d'hommes tenait dans la vie sociale de la Palestine.
Dans le Nouveau Testament, les synoptiques sont seuls
à les mentionner, encore ne parlent-ils pas des publi-
cani proprement dits, c'est-à-dire des entrepreneurs
généraux, mais des simples portitores, auxquels la
Vulgate donne improprement le nom de « publicains » ;
le grec les nomme toujours TEÎ.wvai. Il existe tout au
plus une exception à cette règle : Luc, xix, 2, Zachée
est nommé àp-/!T€).wvï]ç, Vulgate, princeps publicano-
rum, et il est fort possible qu'il ait été lui-même adju-
dicataire des impôts pour tout le district de Jéricho.
Cette ville, en effet, était une station importante de
douanes, à cause du grand commerce de baume dont
elle était le centre.
Dans les Évangiles aussi, on trouve plusieurs allu-
sions aux extorsions injustes et à la violence des
publicains. Jean-Baptiste, interrogé par quelques-uns
d'entre eux sur la manière dont ils devaient faire péni-
tence, leur répondit : « Ne faites rien de plus que ce
qui vous a été prescrit, » Luc, m, 13, c'est-à-dire : n'exi-
gez rien au delà de la taxe légitime. Zachée, prenant en
face de Jésus de généreuses résolutions, promet, s'il a
fait tort à quelqu'un, de restituer au quadruple.
Luc, xix, 8. Dans ce second texte, l'équivalent grec de
defraudavi de la Vulgate est uuxoçaviEtv, extorquer de
l'argent au moyen de fausses accusations. Les porti-
tores recouraient donc au chantage, accusant à faux
les gens d'avoir fraudé, pour obtenir d'eux des sommes
plus considérables. Leur conduite est surtout stigma-
tisée, dans les Évangiles synoptiques, par la manière
perpétuelle dont le peuple les associait soit aux pé-
cheurs en général, cf. Matth., ix, 10, II ; xi, 19 ; Marc,
il, 15-16; Luc, v, 30; vu, 29-30; xv, 1; xvm, 11, etc.,
soit en particulier aux femmes publiques, Matth., xxi,
31-32, et aux païens, Matth., xvm, 17, c'est-à-dire aux
êtres les plus odieux d'après les principes Israélites.
C'est que, dans les divers districts de la Palestine,
les collecteurs subalternes des impôts étaient le plus
souvent Juifs eux-mêmes. Cf. Matth., ix, 9; Luc, m,
12 et xix, 2; Josèphe, Ant.,ll, xiv, 4. Or, spécialement
en Judée, ce fait les rendait doublement méprisables
aux yeux de leurs compatriotes, parce qu'ils avaient,
par leurs fonctions mêmes, indépendamment de leur
rapacité, le tort impardonnable de servir d'instruments
aux Romains, les puissants ennemis de la cause théo-
cratique. On lés regardait donc, non seulement comme
des hommes avides, qui songeaient avant tout à leurs
intérêts personnels, mais aussi comme des traîtres et
des renégats sous le rapport politique et religieux. En
effet, à ce dernier point de vue, plus d'un Israélite
se posait au fond de sa conscience, lorsqu'il s'agissait
de se mettre en règle avec les publicains, cette ques-
tion qui fut adressée un jour à N.-S. Jésus-Christ,
Matth., xxii, 17 : « Est-il permis de payer le tribut
à César? » Le payer, n'était-ce pas substituer une
royauté païenne à celle du Seigneur? Les publicains
étaient donc particulièrement abhorrés en Palestine,
comme on le voit par les écrits talmudiques. On les
bannissait impitoyablement de la société des gens hon-
nêtes, Luc, vu, 34; on regardait comme une chose in-
convenante de manger et de boire avec eux, Matth.,
ix, 11; Marc, n, 16; Luc, v, 30; ils n'avaient pas le
droit d'être juges ou témoins dans les procès. Les
rabbins allaient jusqu'à affirmer que le repentir, et par
conséquent le salut des publicains, sont impossibles,
Baba Kama, 94 b; ils les rangeaient parmi les voleurs
et les assassins. Nedar., m, 4, 1. Les publicains étaient
donc excommuniés de fait. Cf. Lightfoot, Opéra orania,
Utrecht, 1599, t. n, p. 295-296, 344, 502-503, 555. Leur
famille était regardée comme déshonorée. Il était in-
terdit d'accepter leurs aumônes et même de changer
delà monnaie chez eux, leur argent étant souvent le
produit du vol. Baba Kama, 10, 1. Au contraire, il
était permis de les tromper le plus possible; par
exemple, en déclarant que les objets soumis à la douane
étaient destinés au Temple, en faisant passer un es-
clave pour un fils, etc. Le Talmud ne se montre indul-
gent à leur égard que lorsqu'ils diminuaient les taxes
pour leurs compatriotes. Sanhedr., 25, 2. Ainsi traités
en parias, les publicains n'avaient d'autre ressource
que de s'associer étroitement entre eux ou à d'autres
parias, et c'est précisément pour ce motif qu'ils sont si
fréquemment rapprochés des pécheurs dans les Évan-
giles. On ne pouvait les fréquenter sans se compro-
mettre; aussi les Pharisiens ne pardonnaient-ils pas à
Jésus-Christ les relations qu'il avait avec eux et les
sentiments de bienveillance qu'il leur témoignait.
Cf. Matth., ix, 10-11; xi, 19; Marc, n, 15-16; Luc, v,
29-30; vu, 34; xv, 1; xix, 1-10. Bien plus, Jésus lui-
même, malgré sa bonté pour les pécheurs, employait
parfois envers les publicains le langage sévère de ses
compatriotes. Cf. Matth., xvm, 17; xxi, 31-32, etc. La
conversion de plusieurs d'entre eux, comme on le voit
861
PUBLICAINS — PUDÈNS
862
par celles de Lévi et de Zachée, fut sincère et géné-
reuse. Cf. Matth:, ix, 9-13; Marc, h, 14-17; Luc, v,
27-32; xviii, 13-14; xix, 2-10. Jésus avait une grande
influence sur beaucoup d'entre eux.
3" Bibliographie. — Struckmann, De portitoribus in
Novo Teslamento obviis, Lemgo, 1750; C. G. Muller,
De TcXcivatç et àfiapToXotc, Géra, 1779; Salkowski, Quse-
stiones de jure socielatis prxcipue pvblicanorum,
in-8°, Regiomonti Borussi, 1859; G. Friedlânder, Dar-
stellungen aus der Sitlengeschichte Roms in der Zeit
von Augusi bis zum, Ausgang der Antonine, in-8°,
Leipzig, 1865-1867, t. h, p. 25-27, G. Humbert, Les
douanes et les octrois chez les Romains, in-8°, Tou-
louse, 1867, extrait du Recueil de l'Académie de lé-
gislature; ,T. Marquardt, Rômische Staatsverwaltung,
Berlin, 1876, t. n, p. 261-269; du même auteur,
De l'organisation financière chez les Romains,
trad. franc, du t. x de T. Mommsen et J. Marquardt,
Manuel des antiquités romaines, in-8°, Paris, 1888,
p. 379-384; L. Herzfeld, flandelsgesckichte der Juden
des Alterthums, in-8", 1865, p. 160-165; A. G. Dietricb,
Beitrâge zur Kenntniss des rbmisch. Steuerpàchter-
systems, in-8°, Leipzig, 1877, p. 5-10; Id., Dierechtliche
Natur der Societas publicanorum, in-8°, Meissen, 1889 ;
Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah,
in-8°, Londres, 1883, t. i, p. 545-518; Vigie, Les douanes
dans l'empire romain, in-8°, Montpellier, 1884, p. 157-
168; F. Thibault, Les douanes chez les Romains, in-8°,
Paris, 1888; P.-Allard, Les publicains et l'organisa-
tion dans l'ancienne Rome, dans la Réforme sociale,
février 1889. L. Fillion.
PUBL1US (grec : IIôtiXio;, forme grécisée du latin
Publius), «premier», tiomto;, de l'île de Malte (voir
Premier, col. 602), à l'époque où saint Paul y aborda
après son naufrage. Il gouvernait File en qualité de
légat du proconsul de Sicile. Il possédait des terres à
l'endroit où furent jetés les naufragés : il fit bon accueil
à l'Apôlre et à ses compagnons et lui donna l'hospitalité
pendant trois jours. Saint Paul l'en récompensa; il gué-
rit son père qui était au lit malade de la fièvre et de la
dysenterie, en priant pour lui et en lui imposant les
mains. Act.,xxvtn, 6-8. Dieu lui accorda à lui-même une
grâce plus grande encore, le don de la foi. D'après la
tradition, Publius devint évèque d'Athènes après saint
Denis l'Aréopagite et reçut la couronne du martyre,
S. Jérôme, De vir. M., 19, t. xxin, col. 637; Acla
sanctorum, januarii t. n, édit. Palmé, p. 792.
PUCE (hébreu : par'os, le purSu'u assyrien ;. Sep-
tante : «J/ûXXoc; Vulgate : pulex), insecte diptère et suceur,
199. — Pulex irritans (grossi de 20 diamètres).
composé de douze segments cornés, dont la tête est ar-
mée de petites scies et d'un suçoir aigu, et dont les
longues pattes, surtout celles de derrière, sont confor-
mées pour permettre à l'animal des bonds extraordi-
naires pour sa taille (fig. 199). La puce femelle pond de
huit à douze œufs qu'elle dépose dans la poussière,
dans les fentes des boiseries ou des meubles ou dans
des linges malpropres. De ces œufs sortent de petites
larves, qui se changent en nymphes, puis en puces par-
faites. Cette transformation demande de vingt à trente
jours. La chaleur et la malpropreté sont des conditions
favorables à la multiplication de l'insecte. Le pulex irri-
tans s'attaque à l'homme; il y a d'autres espèces par-
ticulières pour les chiens, les chats, les poules, les
pigeons, etc. — Les puces trouvent en Orient tout ce
qu'il faut pour faire prospérer leur race. Tous les
voyageurs se plaignent amèrement du supplice qu'elles
leur font endurer. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la
mer Morte, Paris, 1853, t. n, p. 463; lady Gordon,
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 33; Le
Camus, Voyage aux pays bibliques, t. n, p. 170.
Aucun n'échappe à leur atteinte et les habitants de la
Palestine, ordinairement si patients, ne peuvent se
défendre de manifester leur irritation contre cet in-
secte. Parfois les Bédouins sont obligés de capituler
devant les puces et de s'en aller camper ailleurs; mais
malheur au voyageurqui s'arrête à leur ancienne place,
même s'ils l'ont quittée depuis un mois ! Des myriades
de puces sortent de la poussière et s'acharnent après
lui. Cf. Tristram, The natural history of the Bible,
Londres, 1889, p. 305; Wood, Bible animais, Londres,
1884, p. 638. '— Après avoir épargné Saùl qui le pour-
suivait injustement, David lui dit : « Qui poursuis-tu?
Un chien mort, une puce! » I Reg., xxrv, 14. Un peu
plus tard, dans une occasion analogue, il dit encore :
« Le roi d'Israël s'est mis en marche pour chercher
une puce! » I Reg., xxvi, 20. David parlait ainsi par
hyperbole; il se comparait à un insecte insignifiant,
indigne d'occuper l'attention d'un roi. — Un certain
nombre d'Israélites portèrent le nom de par'os, «puce».
I Esd., il, 3; vin, 3; x, 25; II Esd., m, 25; vu, 8; x,
15. Voir Pharos, col. 218. H. Lesëtre
PUDENS (grec : flo-JS^), chrétien de Rome, dont
l'apôtre saint Paul envoie les salutations àTimothée avec
les salutations d'Eubulus, Linus, Claudia et des au-
tres frères. II Tim., jy, 21.
Le nom de Pudens est un cognomen assez fréquent
chez les anciens Romains; et il fut porté par deux
consuls du II e siècle, c'est-à-dire « Arvrius Pudens » de
l'an 165 et « Servilius Pudens » de l'an 166. On le
trouve aussi chez un personnage de la gens Pomponia
adopté par un Flavien (P. Flavio Pudenti Pomponiano),-
Renier, Inscriptions de l'Afrique, n. 1521, et dans la
gensOctavia. C. Oclavio FI. Pudenti, ibid., n. 3893. Il .
y a aussi un L. Cassius Pudens militaire et un C. Vale-
rius Pudens et d'autres encore comme on peut le voir
dans les recueils épigraphiques. Corp. inscrip. lai.,
t. m, n. 3543, cf. aussi Willmans, Exempta Inscrip--
tïonum lalinarwr», eVc. lft^tyttv 4e ¥v\Aeus Cwt aussi
un nom servile qu'on trouve porté par des affranchis.
Ainsi pour en citer un exemple on trouve en Espagne
un Pudens affranchi de l'empereur Nerva. Corp. insc.
lai., t. n, n. 956.
On voit par là que le Pudens rappelé par saint Paul
dans sa lettre envoyée de Rome à Timothée a pu être
à la rigueur, soit un humble esclave chrétien, soit un
affranchi, soit aussi un personnage distingué et appar- *
tenant à une gens. Le plus probable, c'est qu'il a été
un personnage d'une certaine distinction comme pou-
vait être aussi une femme distinguée, Claudia, rappelée
dans la même lettre et qui porte un nom de la plus
haute aristocratie romaine. On peut donc identifier
notre personnage avec un Pudens qui, d'après un an-
cienne traditien, aurait reçu chez lui l'apôtre saint
Pierre à Rome pendant sa première venue dans la
capitale de l'empire et qui aurait été baptisé par l'apô-
tre même. On dit qu'il était fils d'un Punicus et d'une
Priscille et qu'il fut le père des deux célèbres vierges
chrétiennes Pudentienne et Praxède.
863
PUDENS
864
On parle de ce Pudens dans les Actes des saintes
Pudentienne et Praxède, mais on n'y dit rien de sa
noblesse ni de sa dignité sénatoriale. Àcta sanctorum,
maii t. rv, p. 299; Baronius, Annales, ad ann. 159;
Fiorent, Martyrol., p. 701 sq. ? Le récit du Liber pon-
tificalis dans la biographie du pape Pie I er , à ce sujet
est une interpolation d'après Mgr Duchesne, Liber pon-
iificalis, 1. 1, p. 1331. Cependant Adon, dans son martyro-
loge, appelle sainte Pudentienne illuslrissimi generis.
Adon, MariyrOl., 19 mai.
Dans ces documents, quoique apocryphes, il y a cer-
tainement un fond de vérité historique, comme J. B. De
Rossi l'a aussi reconnu, Bull, d'arch. crisliana, 1867,
p. 3. Mais on ne peut pas accepter tout ce qu'ont
imaginé à ce sujet, d'abord Bianchini et Febeo et,
depuis, plusieurs autres qui ont fait des confusions in-
croyables. Bianchini soupçonne que Pudens était de la
gens Cornelia et de famille sénatoriale, et la chose est
possible; mais on est arrivé après jusqu'à dire qu'il
jetait le même personnage que le centurion Corneille
baptisé par saint Pierre en Palestine et on lui a attri-
bué aussi des inscriptions qui sont certainement fausses.
De Rossi ne partagea jamais ces opinions qui néanmoins
lui ont été attribuées. Bull, di arch. crise, 1880, p. 53.
Enfln il y a un auteur qui a cru reconnaître le Pudens
de saint Paul dans un personnage nommé sur une
inscription de la Grande-Bretagne et en a fait un fils
de Pomponia Grsecina (!) Mais, ces rêveries ont été
justement réfutées par Hùbner, Corp. inscr. lat., vu,
p. 19, et dans le Rheinisches Muséum, t. xiv, 1859,
p. 358.
Voici ce que l'on peut établir à cet égard. Il est sûr
qu'il y a eu à Rome de nobles matrones qui ont porté
les noms de Pudenliana et de Pudentilla réunis aux
noms de famille des Cornelii et des JEmilii. De Rossi,
Borna sotterranea, t. i, p. 312. Il est certain que, au
commencement du in e siècle, demeurait à Rome sur
l'Aventin, près de l'endroit où on bâtit après l'église de
sainte Prisque, un personnage appelé C. Marins Pu-
dens Ccrnelianus, qui était originairement de la gens
Cornelia, adopté après dans la gens Flavia, et qui
devait se nommer Cornélius Pudens. Un de ses des-
cendants fut probablement ce M. Marins Pudens,
dont le nom est marqué sur quelques briques. Ma-
rini, lscrizioni doliari, 152, 6. Ce Cornélius Pudens
demeurait sur l'Aventin tout près de l'endroit où l'on
reconnaissait au moyen âge la maison d'Aquila et de
Prisque (église de Sainte-Prisque); et on sait que ces
deux célèbres personnages nommés par saint Paul
dans sa lettre aux Romains, eurent leur sépulture dans
le cimetière de Priscille sur la voie Salaria, cimetière
qui prit le nom de la mère de Pudens, le maître de la
maison sur le vicus patricius (aujourd'hui Sainte-
Pudentienne) et qui fut enseveli aussi dans le même
cimetière. Cette circonstance ne peut pas être attri-
buée au hasard; mais elle nous autorise à supposer
qu'il y eut des relations entre les deux maisons chré-
tiennes de l'Aventin et du vicus patricius et que le
centre où ces souvenirs se réunissaient, était le cime-
tière de Priscille sur la voie Salaria. J.-B. De Rossi
retrouva dans le cimetière de Priscille une inscription
d'un PUDENS FELIX et il fit remarquer que ce co-
gnomen Félix peut bien faire penser à un« Cornélius ».
Inscrip. scelle délia B. V. Maria, p. 17. On peut donc
tirer la conclusion que très probablement le Pudens
nommé par saint Paul était le fondateur du cimetière
de Priscille et qu'il pouvait très bien être un Cornélius
Pudens.
Ce rapprochement nous oblige de dire un mot sur
le célèbre cimetière de la voie Salaria dont l'histoire
et la topographie a été éclairée d'une lumière inatten-
due par les études de mon maître J.-B. De Rossi et
après aussi par les miennes.
Il est maintenant certain que ce cimetière est le
plus ancien de tous les autres cimetières chrétiens de
Rome et que ses monuments peuvent remonter jusqu'à
l'âge apostolique. A la suite des nouvelles fouilles, mon
maître a pu démontrer que le célèbre cimetière de la
voie Salaria avait été fondé par la noble famille des
Acilii Glabriones dont un membre, Manius Aciliùs
Glabrio, consul de l'an 91, fut mis à mort par ordre
de Domitien à cause de sa profession de foi chrétienne.
Bull, d'arch. crist., 1888-1889, p. 3-4. Il y retrouva
des inscriptions qui mettent en rapport les Acilii avec
quelques nobles femmes qui portent lé nom de Pri-
scilla et il en a tiré la conclusion que le Pudens de la
légende de sainte Pudentienne était lié de parenté avec
la famille même des Acilii et qu'il fut le fondateur de
ce vénérable cimetière, le plus ancien de tous, où il
fut enseveli et où furent déposées aussi ses filles Puden-
tienne et Praxède.
Priscille, la mère de Pudens, pouvait être aussi
de la gens Acilia; et en effet on trouve dans le nom
de cette famille le cognomen « Priscus ». Dans le
musée du Vatican on voit l'inscription d'un Acilhis
Priscus.
Après de longues recherches sur le cimetière de la
voie Salaria, je suis parvenu à démontrer que dans le
cimetière de Priscille on vénérait le grand souvenir de
la première prédication de saint Pierre et de la fonda-
tion de l'Église romaine; et qu'on y doit reconnaître
le célèbre cimetière Ostrien où l'Apôtre aurait admi-
nistré le baptême, c'est-à-dire le cœmeterium ad
nymphas appelé aussi cœmeterium fontis S. Pétri.
En voir les preuves développées dans plusieurs articles
publiés par moi dans le Nuovo Bullettino di archeologia
cristiana, 1901-1908. La célèbre indication du cata-
logue de Monza du vi e siècle, sedes ubi prius sedit
sanclus Pelrus, doit être considérée comme une indi-
cation topographique et être attribuée au cimetière de
Priscille. Nuovo Bullettino, 1908, n. 1-2.
Or cette identification a une grande importance pour
la question du Pudens de la légende; elle nous con-
firme que, dans cette légende, il y a un fond de vérité
quand on met saint Pierre et sa première venue à Rome
en relation avec un personnage qui avait été le fonda-
teur d'un cimetière creusé dans un endroit de la ban-
lieue romaine où l'apôtre avait inauguré son épiscopat
dans la capitale de l'empiré.
Le cimetière de Priscille peut être appelé aussi le
cimetière de Pudens car il y avait là son tombeau de
famille. D'après les dernières fouilles on pourrait
reconnaître ce monument dans la région du cimetière
qui est près de l'entrée actuelle et dans les environs de
la chambre sépulcrale que l'on appelle la « chapelle
grecque ». Mais le monument le plus important de ce
cimetière, et qui renfermait, pour ainsi dire, tous ses
grands souvenirs, était la basilique établie à la surface
du sol dans la maison même de campagne des Acilii
Glabriones qui a pu être très bien la maison de cam-
pagne de Pudens. Cette basilique (ou il y avait les tom-
beaux de sept papes) fut retrouvée et rebâtie par mon
initiative aux frais de la commission d'archéologie
sacrée, l'an 1907. Voir Nuovo Bullettino di arch. crist.,
1908 n. 1-2. Après le cimetière de la voie Salaria, un
autre souvenir de Pudens était le titulus Pudentis,
c'est à dire la maison même habitée par lui à l'intérieur
de la ville où est aujourd'hui l'église de Sainte-Puden-
tienne. Les documents qui nous fournissent des indi-
cations sur l'origine de l'église de Sainte-Pudentienne
sont les récits dits de Pasteur et de Timothée; les
lettres de Pie I er à Juste de Vienne, et le Liber ponti-
ficalis. Les deux premières classes sont apocryphes;
mais nous avons plusieurs motifs de penser qu'elles
contiennent un fond de vérité, comme j'ai déjà dit.
D'après ces documents, il y avait là primitivement la
865
PUDENS
maison dans laquelle le sénateur Pudens avait reçu
saint Pierre, et qui fut transformée en église au
11 e siècle, sous Pie I er . Elle prit le nom de titulus Pa-
storis, du nom du frère de ce Pape ; mais nous savons
par quelques inscriptions qu'elle fut appelée aussi titu-
lus Pudentis. Les Bollandistes ont admis qu'il a existé
deux personnages du nom de Pudens, celui qui donna
l'hospitalité à saint Pierre, et un autre qui aurait vécu
an 11 e siècle et qui serait un descendant du premier et
le père des saintes Praxède et Pudentienne. Cette sup-
position n'est pas nécessaire; il suffit pour justifier les
données des documents, que les deux saintes aient eu
une longue vie, et de fait la mosaïque de l'église les
représente sous les traits de personnes assez âgées.
qui est au Vatican, prise à tort par Visconti pour une
inscription mithriaque et qui dit :
MAXIMVS ■ HAS ■ OLIM - THERMAS «^
DIVINAE ■ MENTIS • DVCTV • CVM - O M^
Elle devait rappeler une restauration faite par Maxime
des Thermes déjà tranformés en église sous l'inspira-
tion divine (divinx mentis ductu). Une autre mosaïque
représentait saint Pierre assis sur une chaire et ensei-
gnant au milieu d'un troupeau d'agneaux : monument
qui nous montre dès le iv e siècle la tradition locale
relative à saint Pierre. J.-B. De Rossi mit en relation
avec ces thermes le souvenir de saint Justin, qui, d'après
ses actes, habita prope ad balneum cognomento Timo-
200. — Mosaïque de l'église Sainte-Pudentienne.
Le titre de Pudens était en relation avec le cimetière
de Priscille, sur la via Salaria dont j'ai résumé tout à
l'heure les grands souvenirs. Or tout cela s'accorde
parfaitement avec la tradition du séjour de l'Apôtre
dans la maison qui devint après l'église de Sainte-
Pudentienne. Dès le iv e siècle cette église était appelée
ecclèsia Pudentiana. C'est le nom que Pasqualini, au
xvi« siècle, a lu sur une inscription dont il n'a pas noté
la provenance. De Rossi, Bull, d'arch. crist., 1867. On
le lit aussi sur une autre inscription qui se trouve
encore au cimetière de Saint-Hippolyte, et sur la
mosaïque même de l'abside : Dominus conservator
ecclesix Pudentianœ.
Toutes ces indications sont confirmées par les notes
des archéologues du xvi e siècle qui ont pu voir l'église
avant qu'elle fût gâtée par les restaurations modernes.
Ciaeconio nous a laissé un dessin d'une mosaïque de
la chapelle de Saint-Pierre qui représentait le Sauveur
entre deux personnages, probablement No rat et Timo-
thée, avec l'inscription Maximus fecit cuwi suis. C'est
probablement un souvenir de ce Maxime et des Thermes
de Novat que nous avons dans une autre inscription
DtCT. DE LA BIBLE.
tinum. Il en tira la conclusion que près des thermes
de Novat et du titulus Pudentis on devrait recon-
naître un centre d'enseignement chrétien même au II"
et au m? siècle.
On voit qu'il y a quelque chose d'historique dans les
légendes relatives à ces titres, tandis qu'il ne faut attri-
buer aucune valeur aux relations supposées par Bian-
chini entre Pudens et le centurion Corneille ou à
l'histoire de la chaire curule donné par le sénateur
Pudens à saint Pierre qu'a imaginée Febeo. D'abord
oratoire privé, l'église de Sainte-Pudentienne devint au
IV e siècle basilique publique. Le successeur de Damase
Sirice, la restaura. Ce lait a de l'importance même par
rapport à la tradition de la venue de saint Pierre au
vicus patricius et à la via Salaria. On peut penser en
effet que Sirice avait un culte spécial pour les souvenirs
du cimetière de Priscille, où en effet il fut enterré.
L'inscription de son tombeau renferme des allusions à
une autre chaire et à une fontaine baptismale; et l'une
et l'autre étaient apparemment dans ce cimetière. Dans
cette inscription on dit qu'il mérita d'être reconnu
comme pape près d'un très célèbre baptistère, qui était
V. - 28
867
PUDENS
PUITS
très probablement celui auquel on rattachait le sou-
venir du baptême administré par saint Pierre : Fonte
sacro niagnus mentit sedere sacerdos. Pavinio a vu
près de l'autel de sainte Pudentienne l'inscription :
Satvo Siricio epiçcopo Ecclesiae sanctae, il y avait à
la suite : et Icilio Leopardo et Maximo. L'un de ces
textes est au musée de Latran, l'autre à Sainte-Puden-
tienne. La date de cette inscription nous est fournie
par "une autre inscription que copia Suarez au temps
d'Urbain VIII. Cette restauration eut donc lieu entre
387 et 398. Elle est par conséquent contemporaine d'au-
tres travaux et exécutée prés du vicus Patricius, par
les mêmes prêtres et par l'autorité publique. En effet
on a retrouvé en 1850 cette inscription qui est main-
tenant au musée de Latran.
OMNIA • QVAE • VIDENTUR
A • N\E.N\OfUA ■ SANCTl • MAR
T\ms • \ppo\.m • x/sqx/e • hvc
SVRGERE • TECTA • 1L1CIVS
PRESB • SUMPTV ■ PROPRIO ■ FECIT
Or l'église de Saint-Hippolyte se trouve précisément
sur le vicus Patricius. On l'appelle Saint Hippolyte in
fonte, parce que, suivant une tradition, ce serait la
.maison du geôlier de saint Laurent converti et baptisé
tpar le saint diacre. Il s'agit dans l'inscription d'un por-
tique construit par ce prêtre Icilius. D'autre part on a
trouvé près de Sainte-Pudentienne une inscription rap-
pelant des travaux d'embellissement ordonnés par
FI. Valerius Messala, préfet de Rome, à la fin du
IV e siècle. Corsini, Séries prœfectoium urbis, p. 304.
La reconstruction de l'ancienne église de Pudens,
commencée par le pape Sirice fut achevée par le pape
Innocent I er au commencement du V e siècle, et en effet
l'Panvinio put voir dans l'abside un fragment de l'in-
îscription commémoralive SALVO-INNOCENTIO (epis-
copo). D'autres restaurations suivirent pendant le moyen
âge jusqu'à la dernière du cardinal Gaetani, à la fin du
xvi« siècle qui changea l'ancienne forme de l'édifice et
qui détruisit aussi en partie la belle mosaïque. Cette
, mosaïque (6g. 200) est la plus importante des mosaïques
basilicales romaines, et elle appartient, comme on a dit,
à l'époque du pape Sirice. Le Sauveur assis occupe le
centre de la composition; de la main droite il semble
! bénir, de la gauche il tient un livre ouvert sur lequel
sont tracés les mots DOMINVS CONSERVATOR
ECCLESI/E PVDENTIAN/E. Et cette manière dédire
est très importante, et montre l'antiquité du monu-
ment; caràune époque postérieur&on aurait dit «église
de Sainte-Pudentienne », tandis que « église Puden-
tienne » est une dénomination primitive et qui signifie
l'église bâtie dans la maison de Pudens.
A côté du Sauveur étaient les douze Apôtres (main-
tenant on n'en voit que dix) et au-dessous de Saint
Pierre et de saint Paul il y avait leurs noms. Derrière
les deux chefs des apôtres, on voit deux femmes qui
présentent au Christ leurs couronnes, probablement
sainte Praxéde et sainte Pudentienne. Derrière la série
des Apôtres on voit un édifice formé d'un portique et,
au-dessus, une colline avec d'autres monuments, et au
milieu une grande croix gemmée. Parmi les différentes
explications qu'on a données de cette [scène, la plus
vraisemblable est qu'elle représente une reproduction
des monuments locaux; c'est-à-dire de la maison même
de Pudens et du portique qui flanquait le vicus Patri-
cius. Au-dessus on aurait représenté le Viminal avec ses
édifices, et enfin la croix pour indiquer le triomphe
définitif du christianisme sur l'idolâtrie.
En 1895 on fit des fouilles dans les souterrains de
Sainte-Pudentienne et on retrouva des ruines impo-
santes des thermes de Novat et de l'ancienne maison
de Pudens qu'on peut encore visiter et qui montre la
grande importance de cet édifice. Ce groupe monu-
mental a été dernièrement en grand danger d'être dé-
truit à cause de la construction d'une nouvelle rue de
la Rome moderne, la « via Balbo », qui devait passer
derrière l'église de Sainte-Pudentienne. Mais la Com-
mission d'archéologie qui veille sur les grands souve-
nirs de la ville éternelle a réussi à empêcher ce vanda-
lisme qui aurait été une honte ineffaçable. Cette menace
de destruction a même amené à faire de nouvelles
études sur cet ensemble imposant de monuments et à
étudier la manière de le rendre mieux visible au pu-
blic étant resté jusqu'à présent en grande partie caché
à l'intérieur du monastère de religieuses qui habitent
là. De cette manière, quand les travaux proposés par la
Commission archéologique seront terminés, on pourra
voir dans toute sa magnificence ce vénérable édifice de
l'ancienne maison de Pudens, qui peut être considéré
comme le pendant du cimetière de Priscille. En effet
dans cette maison urbaine et dans ce cimetière subur-
bain se conserve le grand souvenir de la première
prédication apostolique dans la ville des Césars.
H. MaRUCCHI. .
PUITS (hébreu : bëêr, bayîr; Septante : çpsap;
Vulgate : puteus), excavation creusée dans le sol jus-
qu'à une profondeur où l'eau puisse se trouveW/ig.'20'l.l.
201. — Un des puits de Bersabée, avec ses auges.
D'après H. van Lennep, Bible Lands, laiô, p. 47.
1° Pùils mentionnés dans la Bible. — 1. Les puits
sont en Orient, surtout dans le désert sans cours d'eau
et sans sources, d'une nécessité extrême. Sans eux, il
serait impossible d'abreuver les troupeaux et de désal-
térer les hommes, et la vie nomade et pastorale serait
impossible dans beaucoup de régions. Aussi, dans la
Genèse en particulier, est-il souvent question de puits
comme de propriétés importantes. 1. Le premier puits
dont il soit parlé est celui qu'Agar aperçoit dans le dé-
sert; elle y va, remplit son outre et désaltère son fils
Ismaël. Gen., xxi, 19. — 2. En Mésopotamie, le servi-
teur d'Abraham, Éliézer, s'arrête avec sa caravane non
loin de la ville de Nachor, auprès d'un puits. Rébecca
puise de l'eau du puits et abreuve les chameaux
d'Éliézer, qui, à ce signe, reconnaît la future épouse
d'Isaac. Gen., xxiv, 11, 20. A son arrivée en Chanaaa,
Rébecca rencontra lsaac non loin du puits de Lafjtay
rô'î, « le vivant me voit », ainsi nommé jadis par Agar
quand, maltraitée par Sara, elle avait fui au désert et
y avait entendu la voix de Jéhovah lui annonçant les
869
PUITS
870
destinées d'Ismaël. Gen., xvn, 14; xxiv, 62. — 3. Dans
là vallée de Gérare! à la frontière sud-auest de la Pa-
lestine, voir t. m, col. 197, les serviteurs d'Abraham
avaient jadis creusé des puits que les Philistins, tout
voisins de là, comblèrent ensuite. En s'établissant à
son tour dans cette vallée, Isaac fit creuser les puits à
nouveau et leur rendit les noms assignés par son père.
Quand on eut trouvé l'eau vive dans le premier puits,
les bergers de Gérare s'en prétendirent les maîtres,
d'où dispute avec les bergers d'Isaac. Alors celui-ci
appela le puits 'êèéq, <i dispute », àoiy.ioe, « injustice »,
calumnia, « calomnie ». Un second puits donna lieu à
des rixes, d'où son nom de silnâh, t hostilité »,è^8pi'a,
inimiciiix. Autour du troisième puits, le calme régna,
d'où le nom de rehobôt, « latitude », eùp-jywpi'a, lati-
tude). De là, Isaac remonta jusqu'à Bersabée, be'iir
Sâba', « puits du serment ». Gen., xxvi, 15-24. Voir
Bersabée, t. i, col. 1629. — 4. Lorsque Jacob s'en alla
en Mésopotamie, il arriva à un puits autour duquel
étaient réunis des troupeaux qu'on abreuvait. Voir
t. m, fig. 195, col. 1065-1066. Les troupeaux se rassem-
blaient autour des puits en Orient. On fermait ces puits
à l'aide d'une pierre qu'on était quand on voulait puiser
l'eau. Gen., xxix, 2, 3. — 5. Moïse, fuyant l'Egypte,
arriva au pays de Madian et s'assit près d'un puits. Là
vinrent bientôt les filles d'un prêtre pour abreuver leur
troupeau; des bergers arrivèrent à leur tour et chas-
sèrent les jeunes filles; mais Moïse protégea ces der-
nières et abreuva lui-même leur troupeau. Exod., il,
16, 17. Des scènes de violence se passaient donc quel-
quefois auprès des puits; les plus forts voulaient se ser-
vir les premiers ou accaparer l'eau à leur profit. — 6. A
l'une des dernières stations du désert, les Israélites
s'arrêtèrent à Béer, « le puits ». Num., xxi, 16-18. Voir
Béer, t. i, col. 1548. Ce puits est probablement le
même que Béer-Élim, « puits des héros » ou « des té-
rébinthes », mentionné par Isaïe, xv, 8. Voir Béer-
Elim, t. i, col. 1548. Au désert du Sinaï, les Israélites
avaient dû rencontrer un certain nombre de puits.
« Une vallée du Sinaï est appelée el-Biyar, «les puits»,
à cause des trois ou quatre puits profonds, mais va-
seux, qui existent en ce lieu. C'étaient les premiers
que nous rencontrions d'une forme semblable à celle
qui est si commune en Palestine. Un certain nombre
de grandes auges de pierre les entourent; elles sont
destinées à abreuver les troupeaux. L'orifice des puits
est fermé par une grande pierre qu'on roule, quand on
en a besoin, exactement de la façon décrite dans la
Genèse... Vis-à-vis du douar (de l'ouadi Beiran) sont
deux puits profonds, solidement bâtis en maçonnerie,
et entourés d'auges pour abreuver les troupeaux; l'un
d'eux est à sec, l'autre contient encore une eau excel-
lente; il a environ sept mètres cinquante de profon-
deur. Outre ces auges, il y a des canaux circulaires,
garantis tout autour par des pierres et destinés à servir
d'abr,euvoirs au bétail. On voyait toujours là un homme
qui, dans le costume de nos premiers parents, était
occupé à tirer de l'eau pour les chameaux venant
boire par centaines; quand les chameaux avaient fini,
les troupeaux arrivaient; c'était un spectacle. curieux
de voir les brebis et les boucs s'avançantehapun à leur
tour; un certain nombre de chèvres venaient d'abord,
puis cédaient la place à. un certain nombre de brebis,
et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le troupeau eût
fini. » E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Cam-
bridge, 1871, t. ii, p. 319-320, 362. Cf. Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. u,p.570-
571. — 7. Quand les Israélites voulurent passer à tra-
vers le territoire d'Édom, et, un peu plus tard, à
travers celui des AmorrJiéens,, ils offrirent de ae pas
boire l'eau des puits. Num., xx, 17; xxi, 22. Les puits,
en effet, étaient considérés comme une propriété parti-
culière, que l'étranger devait respecter. On pouvait
raindre aussi qu'ils fussent épuisés si une grande
multitude en faisait usage. L'engagement que prirent
les Israélites se bornait sans doute à ne pas se servir
des puits sans la permission des maîtres et sans les
indemniser. On leur refusa cependant le passage. Pour
garder la jouissance de leurs puits dans le désert, les
Bédouins souvent les récouvrent d'une pierre et en-
suite de terre, afin que personne n'en puisse recon-
naître la présence. Ils ne les retrouvent eux-mêmes
qu'à l'aide de certains signes. —8. Jonathas et Achi-
maas, pour échapper aux poursuites d'Absalom, se ré-
fugièrent à Bahurim, chez un homme qui avait un puits
dans sa cour. Ils y descendirent, puis la femme de
l'hôte étendit une couverture sur l'ouverture du puits
et répandit dessus du grain pilé, comme pour le faire,
sécher au soleil. Quand les envoyés d'Absalom arri-
vèrent, ils ne se doutèrent de rien et allèrent chercher
ailleurs les fugitifs. II Reg., xvn, 17-19. Le texte parle
ici, non d'une citerne, mais d'un puits, be'ër, que les
Septante appellent un bassin, Xix-xoç. Il faut d'ailleurs
supposer que le puits était desséché ou disposé dételle
sorte à l'intérieur que deux hommes pouvaient y trouver
refuge. — 9. Il est raconté qu'au moment de partir en
i 202. — Orifice d'un puits en Orient.
D'après une photographie.
captivité, des hommes pieux prirent le feu sacré dé
l'autel et le cachèrent dans le creux d'un puits dessé-
ché qui ensuite demeura inconnu. Après bien des
années, Néhémie le fit rechercher par les descendants
de ceux qui avaient caché le feu. On ne trouva dans le
puits qu'une eau épaisse, dont on aspergea le bois mis
sur l'autel. Alors ce bois s'enflamma spontanément.'
II Mach., i, 19-22. — 10. Notre-Seigneur s'arrêta un
jour, près de Sichar, au puits de Jacob et y convertit la
Samaritaine. Le puits était profond; il fallait une corde
et des ustensiles pour y pouvoir puiser. Joa., iv. 5-11.'
Voir, Jacob (Puits de), t. m, col. 1075. — Un assez
grand nombre de localités de Palestine ont un nom
dans la composition duquel entre le mot Bir, indiquant
la présence d'un puits. '
2° Remarques sur les puits. — 1. Les puits étaient
ordinairement maçonnés et pourvus d'un escalier' de
pierre pour descendre jusqu'à l'eau, quand ils n'étaient
pas trop profonds. Gen., xxiv, 16. On couvrait l'ouver-
ture d'une large pierre, pour éviter les accidents,
parce que l'orifice se trouvait ordinairement à ras de
terre (fig. 202). Exod., xxi, 33. Josèphe, Ant. jud., IV K
vm, 37, dit qu'on devait les entourer de sortes de toits
servant de murs pour empêcher les animaux d'y tom-
ber. Dans les jours qui précédaient les trois gràndes-
fètes, on ôtait les pierres de l'orifice des puits, afin
d'en laisser la libre disposition aux pèlerins^ Voir
Pèlerinages, col. 24. En dépit des précautions prises,
871
PUITS
PURETÉ
872
un âne ou un bœuf tombaient de temps à autre dans un
puits et l'on s'empressait de les en retirer, même le
jour du sabbat. Luc, xv, 5. Les puits dans lesquels
pouvaient tomber de si gros animaux devaient avoir
une certaine largeur, ce qui explique pourquoi ils
n'étaient pas recouverts d'une pierre. Le bois était trop
rare pour qu'on l'employât communément à couvrir
les puits. — 2. On puisait l'eau à l'aide d'ustensiles
divers, cruches, seaux, etc. Gen., xxrv, 20; Num.,
xxiv, 7; Joa., iv, 11. Il fallait évidemment des cordes
quand le puits était profond; il est probable même que
l'on utilisait les poulies. Quand l'eau ne se trouvait
qu'à deux ou trois mètres, on se servait vraisemblable-
ment du schadouf, encore en usage dans l'Egypte mo-
derne. Voir t. ii, fig. 532, col. 1609. — 3. Pour exhorter
l'homme à se contenter des joies de la famille et à ne
pas aller chercher ailleurs des jouissances coupables,
l'auteur des Proverbes, v, 15, lui dit : « Bois l'eau de ta
citerne et les ruisseaux qui sortent de ton puits. » Il
compare ailleurs la femme de mauvaise vie à un puits
profond et étroit. Prov., xxni, 27. D'un pareil puits, il
est difficile de tirer de l'eau et les cruches se brisent
aisément contre les parois.
3° Autres espèces de puits. — 1. Il y avait dans la
vallée de Siddim des puits de bitume, c'est-à-dire des
excavations au fond desquelles se trouvait du bitume à
l'état liquide. Au moment de la catastrophe de Sodome
et de Gomorrhe, plusieurs des fugitifs tombèrent dans
ces puits et y périrent. Gen., xiv, 10. Voir Bitume, 1. 1,
col. 1802. — 2. Dans deux Psaumes, lvi (lv), 24; lxix
(lxviii), 16, il est question d'un be'èr sahaf, « puits de
perdition », dans lequel le suppliant ne voudrait pas
tomber. Ce puits est le tombeau. Peut-être l'auteur
sacré fait-il allusion à un genre de tombes fréquentes
en Egypte. « Ainsi sont disposées les tombes de l'an-
cienne Egypte : un puits carré, creusé profondément
dans le sol, et au fond de ce puits des chambres sé-
pulcrales, à jamais closes quand elles ont reçu leur
dépôt funèbre : tel est l'arrangement général... Le plus
souvent le puits est comblé, le terrain nivelé tout au-
tour; rien n'annonce aux vivants la demeure des
morts... C'est dans des puits semblables qu'on a décou-
veet à Saïda, en 1887, la momie du roi de Sidon Tabnite,
et les splendides sarcophages pour lesquels le sultan
fait construire une nouvelle salle dans son musée de
Constantinople. On rencontre également en Palestine
quelques-uns de ces puits à tombeaux, moins profonds
que ceux de l'Egypte. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891,
p. 275, 276. A ces puits ressemblent assez les tombes de
famille qui s'enfoncent verticalement dans le sol de
nos cimetières de grandes villes. Pour descendre les
sarcophages dans ces profondeurs sans les endommager,
voici comment procédaient les anciens. Ils commen-
çaient par remplir de sable toute la cavité et amenaient
à l'orifice le monument à descendre. Puis, le sable
retiré latéralement petit à petit, grâce à sa fluidité,
abaissait peu à peu son niveau et le sarcophage s'en-
fonçait sans heurts jusqu'à ce qu'il eût atteint je sol
définitif. Le psalmiste compare vraisemblablement à
ces puits le séjour des morts d'où l'on ne revient
pas. — 3. Dans une de ses visions, saint Jean parle
d'une étoile tombée du ciel sur terre, c'est-à-dire d'un
ange auquel on donne la clef du puits de l'abîme. Cet
abîme est, sans doute, le séjour des démons, figuré
comme communiquant avec la terre par un puits
fermé à clef. Voir Abîme, t. i, col. 53. Du puits ouvert
s'élève une fumée épaisse et de cette fumée s'échappent
des sauterelles, figures des maux que Satan aura la
permission de déchaîner sur la terre. Apoc, ix, 1-3.
H. Lesêtre.
PUK, mot hébreu, ^s, qui désigne la poudre avec
laquelle on se peint les yeux en Orient. Voir Antimoine,
I. I, col. 670. Dans deux passages de l'écriture, Is.,
Liv, 11, et I Par., xxix, 2, pûk a une autre signification
qu'il est difficile de préciser et sur laquelle les plus
anciens traducteurs eux-mêmes ne sont pas bien ren-
seignés. — 1° lsaïe, s'adressant à Jérusalem, lui dit,
liv, 11 :
Malheureuse, battue de la tempête, sans consolation,
Voici que je poserai tes pierres dans le pûk....
Saint Jérôme a traduit pûk par per ordinem, « avec
ordre », les Septante, par âvBpaxoe, « escarboucle »,
« je prépare pour toi des escarboucles au lieu de
pierres. » Ils semblent avoir lu -\si, nôjéft, « escar-
boucle », au lieu de "]is, puk. Dans son commentaire sur
lsaïe, liv, 11, saint Jérôme, t. xxiv, col. 521, dit : Ubi
nos diximus : Sternam per ordinem lapides tuos, in
Hebraico scriptum est baphphuch, quod omnes prxter
Septuaginta similiter transtulerunt ; Sternam in sti-
bio lapides tuos. In similitudinem compta mulieris,
quee oculos pingit stibio, ut pulchritudinem signi-
ficet civitatis. Les modernes acceptent au fond cette
explication et traduisent : « Je cimenterai tes pierres
avec de l'antimoine. » J. Knabenbauer, Comment, in
ls., t. ii, p. 345.
2° Dans I Par., xxix, 2, David dit qu'il a rassemblé
pour la construction du temple de Jérusalem de l'or,
de l'argent, de l'airain, du fer, du bois, « des pierres
d'onyx, des pierres à enchâsser, des pierres de pûk,
des pierres de diverses couleurs, et toute espèce de
pierres précieuses et des pierres de marbre blanc en
abondance. » Le mot pûk désigne donc une pierre
dans ce passage. La Vulgate a traduit par lapides quasi
stibïnos, c'est-à-dire par « des pierres semblables à .
l'antimoine »; les Septante n'ont pas rendu le mot.
Les modernes entendent par là des pierres de prix et
d'ornement, mais sans pouvoir en préciser la nature.
Videntur, dit Gesenius, Thésaurus, p. 1094, lapides
pretiosiores... parietibus vestiendis et quasi fucandis
vel pavimentis faciendis adhibendi.
F. Vigouroux.
1. PUPILLE (hébreu : 'îSôn, bâbâh, 'ayin; Septante :
xôdyj; Vulgate : pupilla), ouverture ronde située dans
l'œil au milieu de la membrane de l'iris et par laquelle
passent les rayons lumineux qui vont impressionner
la rétine. Comme l'intérieur du globe de l'œil est obscur,
la pupille forme comme un petit miroir dans lequel
se reflètent en forme très réduite les images extérieures^
De là le nom de la pupille dans beaucoup de langues,
particulièrement en hébreu, 'îsôn, « petit homme », de
'îs, « homme », en grec, xop-rç, « jeune fille », en latin
pupilla, diminutif de papa, « petite fille ». Zacharie,
h, 8, appelle la pupille bâbàh 'ayin, « porte de l'œil »,
parcequ'elle est l'ouverture par laquelle entre l'image
des objets. — La pupille est chose très précieuse,
puisque l'œil et la vue dépendent d'elle; aussi figure-t-
elle ce que l'on tient beaucoup à conserver. Dieu a gardé
Israël comme la pupille de son œil, Deut., xxxn, 10;
il déclare que toucher à Sion, c'est toucher à la pupille
de son œil, Zach., n, 8; il garde comme la pupille de
son œil les œuvres de bien de l'homme charitable, Eccli.,
xvn, 18, et son serviteur lui demande de le protéger
« comme la pupille, fille de l'œil. *> Ps. xvn (xvi), 8. Le
sage recommande qu'on garde ses enseignements comme
la pupille de l'œil. Prov., vu, 2. — La pupille est prise
pour l'œil lui-même, qui verse des larmes. Lam., n,
18. — Comme la pupille est au milieu de l'œil, le mot
'ïéôn est quelquefois employé pour désigner le milieu
de la nuit, Prov., vu, 9, ou des ténèbres. Prov., xx, 20.
H. Lesêtre.
2. PUPILLE, orphelin confié à la garde d'tn tuteur.
Voir Orphelin, t. iv, col. 1897.
PURETÉ (hébreu : bôr, tdhôr, tohôrâh, niqqâyôn;
Septante : à-(vi{a, -/.aflaptôri);; Vulgate : munditia, pu-
873
PURETÉ — PURGATOIRE
874
ritas), absence de souillure. Dans le Nouveau Testa-
ment, il n'est tenu- compte que de. la pureté morale,
qui consiste dans l'absence de péché; dans l'Ancien,
on se préocupe aussi de la pureté légale, qui consiste
à éviter certaines souillures extérieures prévues par la
Loi.
I. Pureté légale. — On est en état de pureté légale
quand on est exempt de tout contact avec les choses ou
les personnes que la Loi désigne comme impures.
Voir Impuretés légales, t. m, col. 857. Les règles de
pureté légale sont consignées dans le Lévitique, xi-xv,
et les Nombres, V, 1-4; xix. Les docteurs juifs les ont
longuement développées dans les douze traités du
sixième ordre de la Miscbna. Voir Mischna, t. Iv,
col. 1121. Les prêtres étaient chargés de faire le discer-
nement entre ce qui était pur et ce qui ne l'était pas.
Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., xxii, 26; xliv, 23. La pure-
té légale était absolument requise pour toute participa-
tion aux choses saintes. Lev., vu, 21; I R'eg., xxi, 4;
I Esd., vi, 20, etc. On sait comment les pharisiens
exagérèrent le souci de la pureté légale, au point de
négliger à cause d'elle la pureté morale, ainsi que
Notre-Seigneur le leur reproche. Matth., xv, 2, 3;xxm,
25, 26; Marc, vu, 2-9; Luc, xi, 39-41. Saint Pierre se
défend lui-même de prendre des aliments déclarés
impurs par la Loi, et il faut que le Seigneur lui signifie
qu'il ne doit plus tenir compte de cette prescription
mosaïque. Act., x, 14-16. La loi nouvelle en effet mettait
fin à toutes les dispositions spéciales à la loi ancienne.
A partir de la rédemption, « tout est pur, pour ceux
qui sont purs, » c'est-à-dire que la pureté morale
importe seule. Tit., i, 15. L'homme n'est pas souillé
par ce qu'il mange, mais par le niai qu'il commet.
Matth., xv, 17-20. Bien que les choses extérieures
devinssent toutes pures, il fallait cependant apporter
certains tempéraments à leur usage, en faveur de ceux
qui attachaient encore quelque importance aux an-
ciennes prescriptions. Rom., xv, 20. Pour retrouver la
pureté légale perdue à la suite de quelque infraction
volontaire ou involontaire, il fallait se purifier. Voir
Purification.
II. Pureté morale. — 1° Les prescriptions légales
concernant la pureté n'avaient pas d'autre but que de
figurer et de favoriser la pureté morale. Dieu le signifie
à son peuple au début même de la législation sur la
pureté légale : « Vous vous sanctifierez et vous serez
saints, car je suis saint. » Lev., xi, 44, 45. Or il est
bien certain que la sainteté de Jéhovah, proposée aux
Hébreux comme raison nécessaire delà leur, comportait
tout autre chose qu'une pureté légale et extérieure.
C'est d'ailleurs ce qui ressort de toutes les exhortations
de Moïse et des prophètes à fuir le péché ou à s'en
purifier par la pénitence. — 2° Avoir les mains pures,
c'est être exempt de faute grave et de mauvaises
intentions. Gen., xx, 5; Job, ix, 30; xvn, 9; xxii, 30;
II Reg., xxii, 21, 25; Ps. xvni (xvn), 21, 25. Quand on
prie, il faut avoir les mains pures, si l'on veut être
écouté de Dieu. Job, xvi, 18; ITim., H, 8. Celui-là seul
qui a les mains et le cœur purs arrive à la montagne de
Dieu, à son Temple. Ps. xxiv (xxm), 4. — 3» Dieu étant
la sainteté par essence, « un mortel sera-t-il pur devant
son Créateur? » Job, iv, 17. « Les cieux ne sont pas
purs devant lui, i> Job, xv, 15, « les étoiles ne sont pas
pures à ses yeux, » Job, xxv, 5, « comment le fils de la
femme serait-il pur? » job, xxv, 4. s Qui peut tirer le
pur de l'impur? ?> Job, xiv, 4. L'auteur de Job parle ici
de l'imperfection morale inhérente à l'homme, à raison
même de sa qualité de créature. Ses paroles se justi-
fient davantage encore si l'on songe à la déchéance ori-
ginelle dont Adam fut la cause et dont héritent tous les
hommes. Les veux de Dieu sont trop purs pour voir le
mal et il ne peut contempler l'iniquité, Hab., i, 13,
c'est-à-dire qu'il ne peut être indifférent au mal moral.
La sagesse qui émane de lui pénètre toutes lés parties
de l'univers à cause de sa pureté, et parce que rien de
souillé ne peut tomber sur elle. Sap., vu, 24, 25. Le
juste demande à Dieu de créer en lui un cœur pur,
Ps. li (l), 12, et il fait ce qui dépend de lui pour le
conserver tel. Job, xxxm, 9; Tob., m, 16. Après la
venue du Messie, une offrande pure sera présentée à
Dieu du levant au couchant, Mal., 1,11, dans le sacri-
fice eucharistique. « Celui qui aime la pureté du cœur,
et qui a la grâce sur les lèvres, a le roi pour ami, »
Prov., xxii, 11, c'est-à-dire se concilie la faveur des puis-
sants. L'enfant montre déjà par ses inclinations si ses
oeuvres seront pures et droites. Prov., xx, 11. Ici^bas, le
sort est le même pour celui qui est bon et pur çt pour
celui qui est impur, Eccle., IX, 2, parce que les sanctions
divines ne s'exercent pas définitivement sur la terre. —
4° Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux qui ont
le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. Matth., v, 8. Par
sa grâce, les Apôtres sont purs, à l'exception du traître.
Joa., xm, 10; xv, 3. Saint Paul recommande de garder
avec soin le cœur pur, I Tim., i, 5; Il Tim., n, 22, et
la conscience pure. I Tim., m, 9; 11 Tim., i, 3.
H. Lesètre.
PURGATOIRE, lieu d'expiation temporaire, dans
lequel les âmes sauvées achèvent de se purifier avant
d'être admises au ciel.
I. Chez les anciens peuples. — 1» Les Égyptiens
avaient l'idée très nette d'un jugement subi après la
mort. Mais, dans leur croyance, l'âme n'arrivait devant
ses juges divins qu'après avoir parcouru des régions
semées de difficultés et de périls. Elle faisait alors sa
confession négative, par laquelle elle se dégageait de
toute espèce de faute ; puis elle était admise à conti-
nuer dans le séjour bienheureux ses occupations de la
terre, ou mieux à revenir dans les lieux qu'elle avait
habités pour s'y intéresser perpétuellement aux choses
qui lui plaisaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne des
peuples de l'Orient, t. I, 1895, p. 182-199. Les épreuves
subies par l'âme avant sa comparution devant les juges
ne représentent que très imparfaitement et de fort loin
l'idée d'expiation. D'ailleurs elles précèdent le jugement
et n'ont aucune relation avec les fautes commises. —
2° Chez les Babyloniens, on apportait des offrandes au
corps du défunt afin que l'âme eût de quoi subsister
sans venir tourmenter les vivants. Puis l'âme passait
dans une région ténébreuse-, l'Aralou, sous la puissance
de la déesse des enfers, Allât, qui livrait à des supplices
épouvantables les âmes qui n'avaient pas fait preuve de
piété envers les dieux et envers elle, et, laissait les
autres mener une existence morne et sans joie. On
n'était libéré de ce séjour que par exception, sur l'or-
dre des dieux d'en haut. Les Babyloniens n'en gar-
daient pas moins l'idée d'une résurrection des morts.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 684-692; La-
grange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris,
1905, p. 337-341. Un bas-relief en bronze (fig. 203),
publié par Clermont-Ganneau, Revue archéologique,
1879, t. xxxvm, p. 337-349 et pi. xxv, représente la
prise de possession de l'âme parla déesse des enfers. Au
sommet se voit la tète de Nergal, au-dessous duquel les
dieux suprêmes sont figurés par des astres ou des sym-
boles. Au-dessous sont rangés des démons protecteurs,
Shàrgés d'écarter les mauvais esprits qui tenteraient de
s'emparer du corps. Le mort est couché sur son lit
funèbre, les bras levés comme pour une dernière prière.
Éa, le dieu poisson, a deux représentants près de lui. Au
registre inférieur, Allât, avec deux lionceaux aux ma-
melles, est à demi-agenouillée sur un cheval porté par
une barque. Elle vient chercher l'âme, qui ne manquera
de rien, grâce aux offrandes placées à gauche du défunt
et à droite de la déesse. Dans cette conception chal-
déenne, il n'y a pas de place pour un purgatoire. —
3° Dans le système religieux des Perses, au moins â
875
PURGATOIRE
678
partir du ix e siècle av. J.-C, l'âme demeurait trois
jours auprès du corps, après la mort, puis, suivant la
valeur morale de ses actions, passait à travers des
contrées agréables ou horribles pour aller subir son
jugement. Au sortir du tribunal, l'âme arrivait au pont
Schinvât, qui passe par-dessus l'enfer et mène au para-
dis; condamnée, elle culbutait dans l'abîme; pure, elle
parvenaitTaisément au séjour de la divinité. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. m, p. 589, 590. Entre cet enfer et
ce ciel existait pourtant un état intermédiaire, appelé
Hamêstakdn. VAvesla postérieur ignore cet état. L'enfer
purifiait les coupables, de sorte qu'à la fih tous étaient
mk%n^
t , jp^ "' q™ 3""^ :-Y^- ~î ^ E §^î4p^
203. — Allât, déesse des enfers.
D'après la Bévue archéologique, 1879, t. xxxvni, pi. 25.
sauvés et participaient à la résurrection. « Ainsi, juge-
ment particulier, jugement 'général, paradis, enfer et
purgatoire, résurrection des corps, toute cette eschato-
logie est assez semblable à celle du christianisme,
hormis le pardon de tous. » Lagrange, La religion des
Perses, Paris, 1904, p. 30. Mais, dans cette doctrine,
l'état intermédiaire n'est pas très déterminé et l'enfer a
le caractère d'un véritable purgatoire; déplus, la date
de ces idées ne peut guère être fixée.
IL Dans l'Ancien Testament. — 1° On a cru quelque-
fois qu'il était question de sacrifices pour les morts
dans ce passage de Tobie, iv, 18 : « Fais servir ton
pain et ton vin à la sépulture des justes. » Mais il ne
s'agit ici que des repas funèbres par lesquels on célé-
brait la mémoire des morts. Cf. Jer., xvi, 7.
2» Le seul texte qui implique l'idée de purgatoire est
celui de II Mach., xn, 43-46. Après une bataille gagnée
sur Gorgias, Judas Machabée s'aperçut que ceux de ses
soldats qui gisaient sur le sol portaient sous leurs tu-
niques des objets idolâlriques provenant du pillage de
Jamnia. Ces objets étant essentiellement impurs aux
yeux de la Loi, il y avait eu faute à les garder. Judas
vit un châtiment providentiel dans la mort de ses sol-
dats. « Puis, ayant fait une collecte, où il recueillit la
somme de deux mille drachmes, il l'envoya à Jérusalem
pour être employée à un sacrifice expiatoire. Belle et
noble action inspirée par la pensée de la résurrection!
Car, s'il n'avait pas cru que les soldats tués dans la
bataille dussent ressusciter, c'eût été chose difficile et
vaina de prier pour des morts. Il considérait en outre
qu'une très belle récompense est réservée à ceux qui
s'endorment dans la piété, et c'est là une pensée sainte
et pieuse. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire
pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leurs
péchés. » La Vulgate traduit un peu différemment la
dernière phrase : « C'est donc une sainte et salutaire
pensée que de prier pour les morts, afin qu'ils soient
délivrés de leurs péchés. » Dans le fond, l'idée ex-
primée est la même. Ce texte se lit dans toutes les
versions et dans tous les plus anciens manuscrits.
C'est donc sans raison qu'on a prétendu qu'il avait été
ajouté. Voici ce qui ressort de ce passage. Les soldats
avaient commis une faute, mais cette faute n'était pas
mortelle, puisque l'auteur sacré suppose qu'elle pou-
vait être remise après la mort; ou bien, si elle était
mortelle, on est en droit de croire que les coupables
s'étaient repentis avant de mourir, comme l'avaient,
fait jadis beaucoup de ceux que le déluge avait englou-
tis. I Pet., m, 19, 20. Ces soldats devaient ressusciter
un jour, autrement la prière pour les morts serait
vaine. Ressuscites, ils auraient part à la récompense
réservée à ceux qui s'endorment dans le Seigneur.
Mais auparavant, il fallait qu'ils fussent libérés de leurs
péchés, et c'est ce résultat que procurait le sacrifice
expiatoire offert à Jérusalem. Les âmes de ces défunts
n'étaient donc pas en enfer, où il n'y a point de rémis-
sion; elles n'étaient pas au ciel, encore fermé, et dans
lequel elles ne seraient d'ailleurs pas entrées à cause
de leurs péchés. Il fallait que ces péchés fussent expiés
pour qu'elles pussent prétendre à la récompense. La
situation dans laquelle ces âmes se trouvaient est
précisément celle que nous appelons le purgatoire,
lieu où les âmes se purifient dans la souffrance, mais
où elles sont aidées dans leur purification par les
prières et les sacrifices des vivants. C'est un homme
très attaché à la religion et aux traditions de ses pères,
Judas Machabée, qui prend l'initiative de la collecte et
du sacrifice. Nullement surpris de la proposition, ses
compagnons lui répondent généreusement. Le texte ne
dit pas comment on prit la chose à Jérusalem; mais il
faut penser qu'elle ne pouvait élonner personne, puisque
Judas envoie la collecte sans autre justification que sa
demande même. Enfin, l'auteur inspiré raconte le fait
avec une visible insistance, en accompagnant le récit
de réflexions destinées à bien inculquer la légitimité
de la croyance et de la pratique.
3° On peut se demander comment Cette croyance et
cette pratique apparaissent tout d'un coup dans le texte
sacré, sans que rien semble les préparer dans les livres
antérieurs. Il faut observer tout d'abord qu'entre Esdras
et Judas Machabée, il s'est écoulé une période d'envi-
ron trois siècles, durant laquelle un silence à peu près
complet enveloppe l'histoire des Juifs. Au cours de ces
longues années, bien des points de doctrine se sont
éclaircis, qui auparavant étaient demeurés dans une
ombre plus ou moins profonde. Telle, par exemple, la
doctrine de la vie future si fortement exposée dans le
livre de la Sagesse, n-v. Il a dû en être de même pour
la doctrine du purgatoire et de la prière pour les morts.
Peu à peu, à l'heure marquée par la Providence, elle
s'est dégagée pour se manifester au grand jour quand
l'occasion en devint propice. On voit bien, d'après le
texte des Machabées, que cette doctrine est entrée dans
877
PURGATOIRE
878
la croyance des Juifs pieux, mais qu'elle a encore
besoin d'être affirmée. Elle devait, en effet, se heurter à
une -vive opposition des sectaires sadducéens qui ne
croyaient pas à la vie future, et même rencontrer quel-
ques hésitations chez ceux qui n'aimaient pas les inno-
vations et prétendaient s'en tenir à la Loi et aux pro-
phètes. On pourrait être tenté d'attribuer à l'influence
des idées perses l'introduction en Israël de la croyance
au purgatoire et à l'utilité de la prière pour les morts.
Mais les doctrines de l'Avesta, tout en présentant cer-
taines analogies avec celles que formule l'auteur des
Machabées, sont par trop indécises, et, sur des points
importants, trop différentes de ces dernières, pour qu'une
influence directe et efficace puisse être admise. Cf. de
Broglie, Cours de l'histoire des cultes non chrétiens,
Paris, 1881, p. 41, 42. Ce qu'on peut croire plus légi-
timement, c'est qu'au contact de la religion iranienne,
la doctrine juive s'est développée en vertu de sa propre
force interne et dans le sens voulu de Dieu. L'obscurité
qui enveloppe toute une période de l'histoire juive ne
permet pas de suivre avec plus de précision le travail
religieux accompli durant ce temps.
4° Les livres juifs, même assez postérieurs à la pré-
dication évangélique, ne renferment aucune mention
d'un état intermédiaire entre le. ciel et l'enfer. Par la
suite, les Juifs assignèrent comme séjour aux âmes qui
n'étaient ni justes ni impies la géhenne supérieure,
comprenant les six régions les plus élevées de l'enfer-
Les âmes s'y purifiaient pendant douze mois dans la
souffrance, avant d'être admises parmi les justes. Un
fils devait prier pour son père défunt tous les jours
pendant onze mois, et à chaque sabbat toute l'assem-
Slée récitait une prière solennelle appelée « souvenir
es âmes ». Cf. Iken, Ariliquitates hebraicm, Brème,
1741, p. 614, 615; Drach, De l'harmonie entre l'Église
et la synagogue, Paris, 1844, 1. 1, p. 16.
III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Il n'y est pas
directement question du purgatoire, mais son existence
est clairement supposée par quelques textes. Il est cer-
tain tout d'abord qu'après le jugement général, le pur-
gatoire n'existera plus; le "souverain Juge ne mentionne,
en effet, dans sa sentence que l'élernel supplice et la
vie éternelle. Matth., xxv, 46. Mais Notre-Seigneur
parle aussi d'un péché contre le Saint-Esprit qui ne
sera remis ni en ce siècle, èv toC™ rà oîûvi, ni dans
le siècle à venir, lv t<j> [liMovxt, c'est-à-dire ni en cette
vie ni en l'autre. Dans l'Évangile, le mot aîûv, seecu-
Iwn, désigne habituellement la vie présente, Matth., xiu,
22, 39; xxiv, 3; Marc, lv, 19; Luc, xvi, 8;xx, 34, etc.,
et l'expression aîûv epxojiivov^ identique à.aîûv [iéXXov,
se rapporte non au temps à venir sur la terre, mais au
temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la
vie éternelle. Marc, x, 30; Luc, xvni, 30. Il y a donc
des péchés qui, n'ayant pas été remis en cette vie, peu-
vent l'être dans l'autre. A la rigueur, on aurait droit
de croire que ces péchés remis dans l'autre vie le sont
au moment même du jugement, grâce au repentir du
pécheur et à la miséricorde de Dieu, car Notre-Sei-
gneur ne parle d'aucune peine à subir pour obtenir
cette rémission. Mais, étant donnée la croyance à l'exis-
tence du purgatoire, il paraît plus naturel de penser
■que ces péchés sont expiés par la peine temporaire,
alors que le péché contre le Saint-Esprit n'est pas
•expié même par la peine éternelle. Aussi, de ce texte,
a-t-on généralement conclu à l'expiation subie en pur-
gatoire. Cf. S. Augustin, De civ. Dex, xxt, 24, t. xli,
■col. 738; S. Grégoire, Dial., iv, 39, t. lxxvii, col. 396;
Bellarmin, De purgatorio, i, 4, etc.
2° Dans un autre endroit, le Sauveur compare le
péché à une dette pour laquelle on est mis en prison.
Il conseille donc à l'homme de s'entendre avec son
.adversaire pendant qu'il est avec lui sur le chemin,
c'est-à-dire dérégler ses comptes avec Dieu pendant la
vie présente; autrement il serait mis en prison, et,
conclut le Sauveur, « tu n'en sortiras pas que tu n'aies
payé jusqu'à la dernière obole. » Matth., v, 26. On
pourrait encore être tenté, à première vue, d'appliquer
ce texte au purgatoire, cette prison d'où l'on ne peut
sortir avant d'avoir payé sa dette complètement. Mais
la généralité des Pères et des commentateurs l'enten-
dent de l'enfer, d'où l'on ne sort jamais parce qu'on
n'y peut jamais payer sa dette. Cf. Knabenbauer,
Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 220. Cependant,
observe Jansénius, In Sancl. J. G. Evangel., Louvain,
1699, p. 56, le Sauveur n'affirme pas que la dernière
obole ne pourra pas être payée, mais il ne le nie pas non
plus. Aussi saint Cyprien, Èpist. x, ad Anton., 20, t. ni,
col. 786, entend-il le texte du purgatoire, quand.il met
en opposition ceux qui attendent leur pardon et ceux
qui sont parvenus à la gloire, ceux qui sont en prison
jusqu'à ce qu'ils aient payé la dernière obole et ceux qui
ont immédiatement reçu la récompense, ceux qui de-
meurent longtemps dans le supplice du feu pour s'y
purifier de leurs péchés et ceux qui ont tout expié par
le martyre. Il est donc possible de voir dans ce, texte
une allusion au purgatoire; mais cette interprétation
ne s'impose pas exclusivement et elle n'a pas par con-
séquent une valeur dogmatique absolue.
3» Saint Paul s'exprime ainsi, en parlant des divers
prédicateurs de l'Évangile : « Personne ne peut poser
un autre fondement que celui qui est déjà posé, c'est-à-
dire Jésus-Christ. Si l'on bâtit sur ce fondement avec
de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du
foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté,
car le jour (du Seigneur) le fera connaître, parce qu'il
va se révéler dans le feu, et le feu même éprouvera ce
qu'est l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage que l'on aura
bâti dessus subsiste, on recevra une récompense; si
l'ouvrage de quelqu'un est consumé, il perdra sa
récompense; lui pourtant sera sauvé, mais comme au
travers du feu. » I Cor., m, 11-15. L'ouvrage en ques-
tion est manifestement celui des prédicateurs qui, sur
le fondement qui est Jésus-Christ, érigent une œuvre
plus ou moins solide. Le jour du Seigneur est, selon les
interprètes, le jour de l'épreuve, le jour de la mort et
du jugement porticulier, ou, bien plus probablement, le
jour du second avènement du Seigneur et celui, du ju-
gement général. Le jugement divin est ordinairement
comparé à une conflagration, à un feu qui éprouve.
II Thess., r, 8; II Pet., m, 7. Ce jugement manifestera
la valeur de l'œuvre des différents prédicateurs de
l'Évangile. Celle-là seule méritera la récompense qui
aura été jugée digne par le Seigneur; tout le reste dis-
paraîtra à la lumière de ce jugement, comme le bois et
la paille à la chaleur du feu. Il ne peut s'agir ici du
feu du purgatoire, car le purgatoire ne peut être con-
fondu avec le « jour du Seigneur », et ce n'est pas le
feu du purgatoire qui éprouve les œuvres des hommes.
Mais l'Apôtre, I Cor., m, 15, ajoute que le prédicateur
dont l'œuvre aura été détruite « sera sauvé, oM-^u^xi,
comme au travers du feu. » Au moment du jugement
général, le prédicateur qui aura fait une œuvre fragile
et, à ce titre, aura été condamné, pourra donc cependant
être lui-même sauvé, si sa faute n'a pas été sans rémis-
sion et si lui-même a passé par le feu. Ce feu représente
spécialementle^purgatoire. Par analogie, on conclut
que tous les fidèles qui emportent avec eux des dettes
rémissibles dans l'autre monde peuvent aussi être sa u-
vés, « mais comme au travers Au. feu, » c'est-à-dire en
passant par les épreuves douloureuses et expiatriees
qui constituent le purgatoire. Cf. Cornely, I Epist. ad
Cor., Paris, 1890, p. 86-92.
4° Saint Paul prie le Seigneur de faire miséricorde
à Onésiphore, qui lui a rendu grand service à Rome et
à Éphèse. II Tim., 1, 16-18. Il est probable qu'alors
Onésiphore n'était plus de ce monde. La prière faite
879
PURGATOIRE — PURPUREUS (CODEX)
880
pour lui suppose donc qu'il peut en être aidé, et que
par conséquent il y a un purgatoire.
5° Le baptême pour les morts, auquel saint Paul fait
allusion comme à une pratique à l'usage de certaines
personnes, qu'il se gardedu reste d'approuver, I Cor., xv,
29, pourrait du moins attester cette croyance que cer-
taines œuvres accomplies par les vivants sont utiles aux
âmes des morts. "Voir Baptême des morts, 1. 1, col. 1441.
Les Pères ne s'appuient que sur les textes précédents,
sauf les deux derniers, pour établir la doctrine du pur-
gatoire. Cf. Turmel, Hist. de la théol. positive, Paris,
1904, p. 194, 363, 485. Le concile de Trente se référé en
général aux Saintes Écritures, aux Pères et aux conciles,
mais sans les citer, pour définir la doctrine du purgatoire.
Sess. xxv, 11; sess. vi, can. 30; sess. xxn, can. 2, 3.
H. Lesëtre.
1. PURIFICATION (hébreu : tôhar, lohorâh, mii'î,
tamrûq ; Septante : xaOapmsiôç, y.âûaput;; Vulgate :
purificatio, purgatio), enlèvement de l'impureté
physique,- légale ou morale.
I. Purification physique. — Le mot mi's'i, employé
une seule fois, Ezech., xvi, 4, désigne la purification
du nouveau-né au moyen du bain. Le mot tamrûq se
rapporte à .la purification que l'on faisait subir aux
jeunes filles avant de les présenter au roi de Perse.
£sth., H, 3. Les versions rendent ce mot par êmuiieia,
n. soin », et ad usus necessaria, « ce dont on a besoin ».
Sur les différents moyens de purification physique,
voir Bain, t. i, col. 1386; Lavage, t. iv, col. 130; Lave-
ment des pieds, t. iv, col. 132; Laver (Se) les mains,
t. iv, col. 136.
IL Purification légale. — A chaque cause d'impu-
reté légale correspondait une forme particulière de
purification. Voir Impureté légale, t. m, col. 857. —
1° L'ablution c'est-à-dire l'immersion dans l'eau était
une première condition imposée dans toutes les puri-
fications. Voir Lustration, t. iv, col. 423-425. —
2° Outre l'ablution, la purification exigeait en certains
cas un sacrifice : o) La femme accouchée, quarante
jours après la naissance d'un enfant mâle, et quatre-
vingts jours après celle d'une fille, devait présenter au
Temple un agneau d'un an en holocauste et un jeune
pigeon ou une tourterelle en sacrifice expiatoire. Si
elle était pauvre, elle remplaçait l'agneau par un pigeon
ou une tourterelle. Lev., xn, 1-8. C'est -ée second sacri-
fice qu'offrit la sainte Vierge pour sa purification. Luc,
h, 24. Voir Premier-né, col. 601. — b) Sur la purifica-
tion du lépreux, voir Lèpre, t. iv, col. 183. — c) Les
impuretés de l'homme et de là femme, gonorrhée pour
le premier, flux de sang anormal pour la seconde,
exigeaient, le huitième jour après la guérison, l'offrande
de deux tourterelles ou de deux jeunes pigeons, l'un
en holocauste, l'autre en sacrifice expiatoire. Lev., xv,
2, 14, 15, 25, 29, 30. — 3" Les prêtres et les lévites,
chargés des purifications du peuple, I Par., xxm, 28,
devaient commencer par se purifier eux-mêmes, quand
il était nécessaire, avant de remplir aucune de leurs
fonctions. Exod., xix, 22; Num., vm, 6-22; II Par., v,
11; I Esd., vi, 20; II Esd., xm, 22. — 4° Les Israé-
lites se purifiaient aussi quand ils avaient à s'approcher
du Seigneur pour accomplir quelque devoir religieux.
Gen., xxxv, 2; Judith, xvi, 22; II Mach., xn, 38; Act.,
xxi, 26. Ces [purifications comportaient des ablutions,
Joa.,.il, 6, et en plus des sacrifices, selon les cas. La
fête annuelle des Expiations avait pour but la purifica-
tion de tout Israël. Lev., xvi, 30. — 5° Avant de prendre
possession du pays de Chanaan, les Israélites eurent
ordre de le purifier de tout ce qui se rapportait à l'ido-
lâtrie. Num., xxxiir, 52. Ézécbiel, xxxix, 12, 16, pré-
voit une purification analogue pour le pays souillé par
Gog. A plusieurs reprises, on fut obligé de purifier le
Temple, II Par., xxix, 15; I Mach., iv, 36; II Mach., i,
18, 36; x, 7; xiv, 36; le pays israélite, II Par., xxxiv,
3, les maisons et la citadelle de Jérusalem. 1 Mach.,
xui, 47, 50. Ces purifications consistaient principale-
ment dans l'enlèvement de tous les objets idolàtriques,
II Par., xxix, 16-19, et ensuite, quand il s'agissait du
Temple, de sacrifices solennels. — Daniel, vin, 14,
avait annoncé qu'à la suite de la domination grecque
en Palestine, le Temple serait purifié.
III. Purification morale. — 1° Les prescriptions
concernant la purification légale constituaient déjà par
elles-mêmes une leçon de purification morale. L'épreuve
contribue à cette purification. Prov., xx, 30; Dan., xi,
35. On la demande par la prière, Ps. li (l), 4, 9; les
auteurs sacrés la prescrivent, Eccli., xxxv/ir, 10; Is.,
lu, 11, et les prophètes annoncent qu'elle sera surtout
l'œuvre du Messie. Ezech., xxxvi, 25; Dan., xn, 10. —
2° Les Apôtres renouvellent les recommandations an-
ciennes. Jacob, iv, 8; II Cor., vu, 1, et attribuent cette
purification à la rédemption de Jésus-Christ, Eph., v r
26; Tit., ii, 14; Ileb., ix, 22, 23, appliquée par le
Saint-Esprit. Act., xv, 9. H. Lesêtre.
2. PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE. — La
Sainte Vierge se soumit à la loi qui prescrivait à la mère
de se présenter au Temple le quarantième jour après
la naissance de son enfant. Luc, n, 22-24. Voir Marie,
III, n, t. iv, col. 789; Présentation 2, col."610. L'Église
célèbre la fête de la Purification le 2 février. Voir Acta
sanclorum, februarii t. i, édit. Palmé, 1863, p. 270-276.
PURIM, fête juive. Voir Phurim, col. 338.
PURPUREUS (CODEX). Les 227 feuillets de ce
précieux manuscrit se trouvent actuellement dispersés
en cinq endroits différents : 2 sont à Vienne, Biblio-
thèque impériale (n. 2 du catalogue Lambeck); 4 à
Londres, Musée Britannique, Cotton, Titus C. XXV; 6
à Rome, Vatican, grec 3875 ; 33 à Patmos, Couvent de
Saint-Jean; 182 à Saint-Pétersbourg, Bibliothèque impé-
riale. — Le Codex Purpureus est en parchemin très
fin, teint en pourpre et écrit en lettres d'argent que le
temps a noircies. Les noms divins 0Ç, XC, etc. sont en
lettres d'or. Les pages (0,320 x 0,265) ont deux colonnes
de seize lignes. L'écriture, très grosse et très régulière,
n'a d'autre ponctuation qu'un simple point en haut
et quelques alinéas marqués par une majuscule initiale :
il y a très peu d'esprits et pas d'accents. Les caractères
paléographiques font dater le manuscrit de la fin du
vi e siècle, mais l'aspect général semblerait plus ancien.
Le codex Purpureus est désigné en critique par la
lettre N; par le sigle e 19 dans la nouvelle notation de
von Soden. 11 contient des fragments des quatre Évan-
giles : on en trouvera le détail exact dans Gregory,
Textkritik, 1. 1, p. 57-58, ou dans von Soden, Die Schrif-
ten des N, T., t. i, p. 120-121. — Les pages du Purpu-
reus conservées à Vienne furent décrites par Lambeck,
Comment, de aug. biblioth. Csesar. Tindob., Vienne,
t. ni (1776), col. 30-32. Tischendorf, Monumenla
sacra inedila, Leipzig, 1846, p. 11-36, publia tout ce
qu'on connaissait alors du manuscrit, c'est-à-dire les
feuillets de Vienne, de Londres et du Vatican. Duchesne,
Archives des missions scientifiques et littéraires,
Paris, 1876, 3 me série, t. m, p. 386-419, a donné une
édition des feuillets de Patmos. Enfin Cronin a publié
l'ensemble du texte, y compris les feuillets de Saint-
Pétersbourg, Codex Purpureus Petropolilanus ; The
text of codex N of the Gospels edited with an intro-
duction and an appendix, Cambridge, 1899, dans
Texls and Sludies, t. v, n. 4. C'est l'étude la plus com-
plète sur ce manuscrit. — Voir Scrivener, Introduction,
4« édit. Londres, 1894, t, i,p. 439-141; Gregory, Text-
kritik des N. T., Leipzig, t. i, 1900, p. 56-59; von
Soden, Die Schriflen des iV. T., Berlin, t. i, 1902,
p. 120-121. F. Prat.
881
PUSEY — PUSTULES
882
PUSEY (Edward Bouverie), né à Pusey (Berkshire
le 22 août 1800, mort à Ascot Priory (Berkshire) le 14
septembre 1882. Il prit ses degrés à Oxford, au
Collège Oriel dont il fit bientôt partie en qualité
d'agrégé. C'est alors que commença entre lui, Keble
et Newman cette intimité faite de profond respect
et d'affection qui, quoique sous une forme moins
communicalive, survécut à la conversion de Newman.
De 1825 à 1827, il étudia dans différentes universités
d'Allemagne, surtout le syriaque et l'arabe. Quand il
revint en Angleterre, il emportait la conviction attris-
tée que le protestantisme allemand tendait et devait
fatalement aboutir au rationalisme, conviction qui le
détermina, par réaction sans doute, à se donner da-
vantage à la piété et moins aux recherches exclusive-
ment scientifiques. Suivant les termes de ses bio-
graphes anglicans, il reçut le diaconat le 1 er juin 1829,
puis, au mois de novembre suivant, fut nommé par le
duc de Wellington, alors Premier Ministre, tout à la
fois professeur royal d'hébreu et chanoine de Christ-
Church, à Oxford. L'influence considérable de Pusey
dans l'Église Anglicane tient bien plus à l'autorité de
sa personne qu'à ses écrits. C'est de lui que relèvent
ce qu'on appelait naguère encore Ritualisme (qu'on
nomme aujourd'hui plus communément Haute-Église
ou même Église anglo-catholique et qui, au début,
porta l'étiquette de Puséysme), et aussi la création de
maisons religieuses de femmes qui se sont multipliées
depuis, tant en Angleterre qu'en Amérique. Il ne sem-
ble point toutefois que la netteté de la vision intellec-
tuelle, la rigueur de la logique, nou plus que la déci-
sion du caractère aient égalé la réelle dignité de sa vie ;
aussi était-il voué à rencontrer sur sa route de mul-
tiples déconvenues, même dans l'Église anglicane,
pour ne rien dire de l'échec de ses propositions d'union,
en 1869 avec l'Église catholique et en 1874 et 1875 avec
l'Église orthodoxe grecque. Les commentaires de Pusey
sont ses ouvrages les moins célèbres. Il a publié
Daniel the prophet, in-8", Oxford, 1864,'pour défendre
l'authenticité de sa prophétie ; The Minor Prophels
with Commentary, six parties, in-4°, Oxford, 1860-1877.
Il avait eu l'intention de publier un Commentaire
populaire de la Bible et avait trouvé pour le réaliser
des collaborateurs, mais ce projet n'aboutit point. Voir
H. P. Liddon, A Life of Edward Bouverie Pusey
(commencée par Liddon, continuée par J. 0. Johnston,
R. J. Wilson et Newbolt), 4 in-8», Londres, 1893-1897;
Pusey, by the author of Charles Loivder, Londres, 1900.
J. Montagne.
PUSTULES (hébreu : 'âba'ebiïôf, de la racine
ba'ba', « gonfler s>; Septante : çXuxtsSsç; Vulgate : ve-
sicse), petites tumeurs cutanées renfermant du pus. — '
Il en est question à propos de la sixième plaie d'Egypte,
qui consista dans une « inflammation produisant des
pustules. » Dieu ordonna à Moïse et à Aaron de remplir
leurs mains de cendre de fournaise et de la jeter vers
le ciel sous les yeux du pharaon, de manière que, ré-
pandue en fine poussière sur tout le pays, elle pro-
duisît sur les hommes et sur les animaux des tu-
meurs bourgeonnant en pustules. C'est ce qui arriva.
Les magiciens, atteints comme tous les autres, ne
purent tenir en présence de Moïse. Il n'est point dit
cependant que personne soit mort de cette plaie. Exod.,
ix, 8-11. — Il faut remarquer tout d'abord que la
cendre prise dans la fournaise et répandue dans l'atmo-
sphère n'est pas la cause de la plaie. C'est un simple
symbole des principes pernicieux qui vont vicier l'air
et une indication que la plaie naîtra non plus de l'eau,
comme les grenouilles, Exod., "vin, 3, ni de la pous-
sière de la terre, comme les moustiques, Exod., vnr,
16, mais de l'air même qu'on respire. La cendre joue
ici le même rôle que la boue dans la guérison de
l'aveugie-né. Joa., ix, 6. Quant aux pustules, elles peu-
vent caractériser de- affections assez diverses, qui ne
sont pas nécessairement les mêmes pour les hommes
et pour les animaux. D'après Josèphe, Ant. jud., Il,
xiv, 4, « les corps furent atteints de terribles ulcères,
pendant que la pourriture était à l'intérieur, et ainsi
beaucoup d'Égyptiens périrent. » II y a là une exagéra-
tion du texte sacré. Rosenmûller, In Exod., Leipzig,
1795, p. 443, voit dans les pustules l'effet de l'éléphan-
tiasis, ce qui est peu probable. Voir ÉléphantiaSIS,
t. ir, col. 1662. Les maladies éruptives n'ont jamais
manqué sur les bords du Nil. Le « bouton du Nil »,
par exemple, est une maladie cutanée dans laquelle le
derme se remplit de tubercules qui peuvent couvrir
tout le corps. Cette affection, endémique sur les bords
méridionaux et orientaux de la Méditerranée, ainsi
que sur les rives du Tigre et de l'Euphrate, est appelée
ailleurs « bouton d'Alep, clou de Biskra », etc.; elle est
identique avec le lichen tropicus, inflammation cutanée,
avec éruption de petites papules, ulcérations superfi-
cielles et démangeaisons fort incommodes. Mais ces
maladies mettent quatre à cinq mois à se développer
et produisent ensuite des suppurations pendant cinq
ou six autres mois. Cf. W. Ebstein, Die Mêdizin im
Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 141-144. Les pus-
tules pourraient être aussi la conséquence d'une espèce
de peste, comme il s'en produit parfois par suite de la
stagnation des eaux sur le sol. Les calendriers égyp-
tiens, dans lesquels sont notés les jours bons ou mau-
vais, donnent cette indication pour le 19 du mois de
tybi : « L'air dans le ciel, en ce jour, mêle à lui les
aatu annuels, n Papyrus Sallier, pi. xv. Dans le
Papyrus de Leyde, des formules magiques sont four-
nies pour préserver de Yaat. Quiconque récite ces for-
mules « est sauvé de Yaat annuel, l'ennemi (la morl)
ne s'empare pas de lui,... Yaat annuel ne l'abat pas,...
la débilité ne s'empare pas de lui, Yaat annuel ne le
tue pas, Yaabu (la maladie) ne le détruit pas. » La
maladie désignée par le mot aat revenait donc annuel-
lement; c'était une sorte d'épidémie dont les effets
pouvaient être mortels, ainsi que le supposent les for-
mules magiques. Cf. Chabas, Mélanges égyptologigues,
l re sér., t. i, p. 39 ; Vigouroux, La Bible et les décou-
vertes modernes, 6 e édit. , t. n, p. 331-332. En réalité,
il n'est pas nécessaire d'identifier le mal qui constitua
la sixième plaie avec une maladie déterminée. Pour
cette plaie, comme pour les autres, Dieu se contenta
de déchaîner un mal que les Égyptiens voyaient de
temps en temps se produire dans des conditions natu-
relles; mais il le fit sévir à l'instant indiqué par Moïse,
avec une soudaineté, une universalité, une intensité
qui en rendaient le caractère absolument miraculeux.
La plaie cependant ne parait pas avoir causé la mort,
comme le font fréquemment les autres maladies épi-
démiques qui se développent en Egypte. Les pustules
étaient choses très connues sur les bords du Nil. Les
Égypliens en furent tous atteints en peu de temps et
dans des conditions qui ne permettaient pas d'attribuer
le mal à des agents naturels. Les magiciens eux-mêmes,
frappés comme les autres, ne furent plus en état de
paraître devant le pharaon pour remplir leur office
habituel ; les pustules les défiguraient et on pouvait
craindre que la, contagion s'en communiquât à la per-
sonne du prmceVLes animaux échappés à la cinquième
plaie, c'est-à-dire ceux qui, au moment de cette plaie, ne
se trouvaient pas dans les champs, Exod., îx, 3, furent
également frappés d'une épizootie éruptive, analogue à
la contagion qui atteignait les hommes. D'ordinaire,
les pustules n'ont de caractère épidémique que sur les
hommes et sur les troupeaux de moutons; le mal se
propage alors d'homme à homme, de mouton à mou-
ton. Dans les races bovine, caprine, chevaline et ca-
nine, ils n'apparaissent guère qu'à l'état sporadique.
Cf. Erbstein, Die Medizin, p. 144. A la sixième plaie,
883
PUSTULES — PUTIPHAR
884
le mal ne se répandit pas par contagion, ce qui eût ré-
clamé un délai trop considérable; tous les êtres visés
furent atteints à peu près en même temps d'un mal
qui déterminait en eux des éruptions cutanées ana-
logues à celles des hommes, et plus ou moins assimi-
lables à celles que certaines pestes occasionnent chez
les animaux. Le texte sacré ne mentionne pas de morts
parmi les animaux. Il ne dit pas non plus que les pus-
tules ne sévirent pas parmi les Hébreux, dans la terre
de Gessen; mais il faut l'inférer de ce qui est remarqué
à propos des autres plaies. Exod., vin, 22; ix, 4, 26;
xii, 23. H.Lesètre.
PUTIPHAR, nom de deux Égyptiens, l'un, le maî-
tre, et l'autre, le beau-père de Joseph. Leur nom est
écrit différemment en hébreu, Pôlifar et Pôtifera',
cependant on s'accorde généralement à regardercomme
identique^ Jes deux noms Putiphar = Pôtiphar, Gen.,
xxxvn, 36, xxxix, 1, et Putiphare = Pôtiphera', xli,
45, 50; XL vi, 20. Toutefois Brugsch, Egypt under the
Pharaohs,t. i, 2 e édit, Londres, 1881, p. 308, fut d'abord
pour leur non-identité, mais plus tard, Steininschrift
und Bibelwort, 2 e édit., 1891, p. 83, il se rallia à l'opi-
nion commune. Les versions grecque et copte sont
unanimes de leur côté à transcrire d'une façon unique
les noms de deux personnages : OsTEcppîjç et rUT,q>pfj)
iiCTetÇpH et neTt^pH. Cf. Champollion, Précis du
système hiéroglyphique, 1827-1828, p. 177; 0. von
Lemm, Kleine koptische Studien § x-xx, 1900, § xiv,
p. 61-62; A.Dillmann, Die Genesis, 6 e édit., 1892, p. 397.
Leur identité une fois admise, il est permis de discuter
du même coup la formation de Pôtiphar et de Pôti-
phera'. Le plu9 grand nombre y voit ou accepte d'y voir
la forme égyptienne t " lit 9 , P(a)-dy(dou)-pa-Râ.
« celui que Râ (le soleil) a donné, le don de Rà », en
grec 'HXiô5»po;. Cf. Sethe, De Aleph prosthetico in
lingua xgyptiacâ verbi formis prseposito, 1892, p. 31.
Nous aurions donc ici l'article ■ p, ou jfZn pa, le verbe
dou, .=— i ou A, et le nom du dieu Râ | précédé d'un
second article. Les noms déformation semblable, P-dou
plus un nom de dieu ou de déesse, ne sont pas rares
sur les monuments. Au British Muséum, deux stèles
en bois, n. 8482 et 8484, nous donnent pour la XX* dy-
nastie un certain Auserhaàroua fils de I ^ ,Pa-dou
Ast, « le don d'Isis », et ("""> Pa-dou-Amew
« le dond'Amon ».Cf. Budge, A Guide to the thirdand
fourth Egyptian Rooms, 1904. p. 78 et 75. Une ins-
cription de la XXI e dynastie fournit "Jt A \> , Pa-dou
Hor, « le don d'Horus ». Maspero, Les momies de Deif
el-Bahari, dans Mémoires de la Mission archéologique
française au Caire, t. i. 1889, p. 522. Avec la]XXII e dy-
nastie se multiplient les ~ =L , P-dou-Khonsou,
« le don de Khonsou », les H, P-dou-Ptah, « le
don de Ptah », etc. Cf. Lieblein, Dictionnaire des
noms hiéroglyphiques, 1871-1891, n. 1051, 1280, 1305.
On ne les compte plus sous les dynasties suivantes,
par exemple, jÉL .=»— i ? , Pa-dou-Bast, & le don de
Bast », transcrit Pou(oubasti par Assurbanipal, Cylin-
dre A, col. 1, lig. 98; I"**" , P-dou-Asar, «le don
d'Osiris ». Cf. Champollion, Grammaire égyptienne,
1836, p. 310. Les Grecs reçurent ces noms et nous re-
marquons qu'ils en transcrivent ordinairement les deux
premières syllables par rUre comme dans IIeTeçp9ie, avec
des exceptions pourtant : m-tsîitjiç, Ilexexôvutç, IIsto-
oïpiç, Ile-roëàcrTiç. Cf. entre autres, Grenfell etHunt, The
Hibeh Papyri, Part, i, 1906, n. 35,. 53, 112; Parthey,
Aegyptische Personennamen, 1864, p. 79-81 ; Spîegel-
berg, Aegyptische und griechische Eigennamen aus
Mumienetiketten der rômischen Kaiserzeit, 1901,
n. 198 sq. Un observera toutefois que l'article est
supprimé devant le nom du dieu ou de la déesse et
qu'au lieu de P-dou-pa-Khonsou et ïï.twitey&-vaiï, par
exemple, nous avons P-dou-Khonsou et Ùzïexùriaiç.
Mais il y a des noms égyptiens où le nom du dien
se préfixe de l'article, ^^"J^^Î^-
Pa-Amen-bouf-nefer, « la beauté d'Amon », du temps
de Ramsès II. Virey, Etude d'un parchemin rapporté
de Thèbes, dans Mémoires de la Mission, t. i, 1889,
p. 509, Le nom de Râ, en particulier, n'échappe pas à
cet usage. On rencontre plusieurs yt ^r ,Parà-
m-heb, « le soleil en fête », à la XVIII e dynastie.'. Virey,
loc. cit., p. 498. 500; Spiegelberg, The Viziers of the
New-Empire, dans Proceedings of the Society of Bibii-
cal Archseology, t. xv, 1892-1893, p. 525, 526; Daressy,
Notes et Remarques, dans Recueil des Travaux rela-
tifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et
assyriennes, t. xvr, 1894, p. 124. A côté de r "^^
Râ-holep se trouve la forme Jt ? ^^ Pa-râ-
holep, « la paix, l'union de Râ, celui que Rà s'unit. »
Lieblein, loc. cit., n. 2101, 2130, 2131; Spiegelberg,
Joe. cit., p. 523, 525. Cela nous autorisé à conclure
avec Heyes, Bibel und Aegypten, 1. 1, 1904, p. 106-107,
qu'on ne peut pas dire que Pa-dou-pa-râ s'éloigne des
formes égyptiennes. Nous devons même admettre avec
le même auteur que, si cet article n'était pas toujours
écrit, il était souvent prononcé, puisque le nom d'un
des fils de Ramsès II nous apparaît tantôt sous la forme
Râ-her-ounem-f, et tantôt sous la forme Pa-râ-her-ou-
nem-f, « Rà à sa droite ». Lepsius, Kônigsbuch der
alten JEgypter, 1858, pi. 34, n. 438; Sethe, Untersu-
chungen zur Geschichte und Altertumskunde JEgyp-
tens, t. i, 1896, p. 59. Somme loule, il reste probable
que Putiphar apparlient à la catégorie des noms pro-
pres ayant pour parties constitutives Pa-dou plus un
nom de dieu, ici le dieu Râ : Pa-dou-pa-râ. Nous
disons probable seulement. C'est ce qu'a oublié Stein-
dorif. Partant de la supposition que Putiphar était à
n'en pas douter la forme égyptienne pa-dou-pa-râ, il
a affirmé à deux reprises, Der Name Josephs, dans
Zeitsch'rift fur àgyptische Sprache, t. xxVH, 1889,
p. 41-42, et Weiteres zu Genesis, loc. cit., t. xxx, 1892,
p. 51, que les noms de cette catégorie commenceut
d'apparaître à la XXII e dynastie, qu'ils deviennent
fréquents seulement après l'an 700 avant J.-C, et que
l'écrivain de l'histoire de Joseph, qui introduit le nom
de Petephrê comme appartenant à des [personnes,
est, par suite, à placer dans le septième siècle avant
J.-C. Brugsch lui-même, Steininschrift und Bibelwort,
1891, p. 83, n'attendait pas la seconde affirmation de
Steindorff pour écrire : « Les noms propres de Pôtiphar
et de Pôtiphera', en ancien égyptien Petipherè, « le
« don du Soleil », qui tous les deux se trouvent dans la
Bible, marquent par leur constitution qu'ils sont d'une
époque postérieure au temps de Joseph. Ils sont en-
tièrement inconnus des monuments anciens quant à
leur composition o.u forme et ils n'apparaissent pour
la première fois qu'au neuvième siècle avant J.-C ,
c'est-à-dire quelque mille ans après les faits rapportés
dans l'Écriture. » La conséquence saute aux yeux : la
rédaction de l'histoire de Joseph que nous possédons
serait postérieure à Moïse, d'ailleurs Brugsch l'a dit
expressément, Deutsche Rundschau, t. xvi, 1890, p. 2't5-
246. — Mais 1» est-il certain que Putiphar, soit à ratta-
cher à Pa-dou-pa-râ ? Nous avons dit plus haut que ce
n'était que probable, c'est-à-dire qu'il y a place pour
d'autres-probabilités. Aussi Ed. Naville, The egyptian
885
PUTIPHAR
886
name of Joseph, dans Proceedings of the Society of Ihe
Biblical Archseology, t. xxv, 1903, p. 160-161, déclare,
qu'il ne ne peut être d'accord avec Steindorff et qu'il
est prématuré de vouloir échafauder sur le nom de
Putiphar une théorie concernant la date de la compo-
sition de l'histoire de Joseph. « La transcriplion
yt j , Heliodorus, pour Pôliphera' , semble
très naturelle à première vue, dit-il, et j'y ai moi-même
fait appel. Mais on petit apporter contre elle que ce
nom avec deux articles a une physionomie quelque peu
étrange. » Naville estime donc que la forme très sem-
blable JÉL j , Pa-lfotep-rd, et qui se rencontre à
plusieurs reprises, nous fournirait une meilleure inter-
prétation. « Nous savons, ajoute-t-il, parles transcrip-
tions copte et grecque qu'il y avait un ô dans le mot
, Cet ô correspondrait au cholem du nom hébreu.
Sur la fameuse statue de Méidoum (Maspero, Guide au
Musée du Caire, 1902, p. 33, n. 6) nous avons le nom
de (Rà-hotep), qui est celui d'un grand-prêtre
d'Héliopolis sous l'Ancien Empire. Il n'est pas impos-
sible qu'il fût lu (ifotep-Bâ), le nom du dieu
étant toujours écrit le premier. Ou encore les deux
formes du nom ont pu coexister, tout comme nous
trouvons Hotep-Ptah et Ptah-hotep, Jfotep-Halhor
et Uathor-lxotep. Pa-râ-fiotep existe (voir plus haut)
et je pense qu'on peut avoir pareillement Pa-hotep-râ,
Photep-râ, qui transcrirait exactement le nom du
grand-prêtre de On, Pôtiphera', et serait analogue à
celui du grand prêtre de l'Ancien Empire. » — 2" A
supposer même que Padou-pa-râ soit la vraie forme de
Putiphar, est-il bien sûr que cette forme soit aussi
récente que le veulent Brugsch et Steindorff? On in-
voque ici le silence des monuments. Mais en Egypte
silence des monuments ne dit pas absence des monu-
ments. On ne sait jamais si les fouilles de demain ne
viendront pas combler une lacune et renverser les
théories de la veille, C'est donc peu scientifique d'ad-
mettre comme un fait acquis qu'où ne peut rencontrer
de témoignages constatant l'ancienneté de la forme Pa-
dou-pa-râ et d'en déduire d'une façon absolue la non-
existence de cette forme avant telle ou telle date. Est-ce
que Héliopolis, par exemple, a livré tous ses secrets —
et les livrera-t-elle jamais? Connait-ôn, en particulier,
Ja nécropole de ses prêtres contemporains des Hyksos
et du Nouvel-Empire, nécropole qui pourrait nous
révéler la série des noms héliopolitains pour cette
époque ? Sayce, The Egypt of the Hebrews, 3 e édit.,
1903, p. 24, a dit excellemment : « Il a été avancé par
des égyptologues que le nom de Putiphar ne remonte
pas au delà de la XXII e dynastie, à laquelle apparte-
nait Scheschankh (Sésac), le contemporain de Roboam'
Mais de ce qu'aucun nom semblable n'a été trouvé
jusqu'ici pour une date plus ancienne, il ne Suit pas
qu'il n'ait pas pu exister. Aussi longtemps que nos
matériaux seront imparfaits, nous ne pouvons pas tirer
des conclusions positives simplement de l'absence de
témoignage. » "W. M. Mûller, art. Pôtiphera II, dans
Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, 1899-1902, t. iv,
col. 3814-3815, tout en admettant l'usage relativement
récent des noms de la catégorie de Putiphar, écrit de
son côté : « Nos matériaux ne spnt pas encore assez
complets pour autoriser des affirmations si précises...
La transcriplion (de Putiphar) avec teth et aln donne
d'ailleurs une bonne impression d'archaïsme et s'op-
pose à toute tentative trop extravagante d'en abaisser
la date. » Lieblein, Mots égyptiens de la Bible, dans
proceedings, t. xx, 1898. p. 208-209, va plus loin encore :
« '^Pôtiphera' et Potiphar sont généralement regardés
comme identiques. Or, Pôtiphera' a été rapproché de
Jt ? comme appartenant au groupe de noms
composés de . Cependant je veux faire observer que?
Potiphar pourrait très bien être assimilé à ' I .
pt-bar, nom d'un homme qui vivait sous les Hyksos
et qui était chef des constructions du dieu Amon. »
Louvre, stèle C 50. Cf. Pierret, Recueil d'inscriptions
inédites du Louvre, t. i, 1874, p. 50-55. Lieblein ajoute
que la dernière partie du nom nous donne probable-
ment le nom de Baal, que la première partie
joue le même rôle que et que, par conséquent, les
noms composés de remontent au temps des Hyksos.
Toutefois, pour le moment, il n'ose l'affirmer sans
réserve, par suite de doutes qu'il ne peut lever. « En
tout cas, conclut-il, il est bien certain que les noms
composés de ne peuvent être employés comme
argument chronologique quant à la rédaction du texte
biblique. » Ailleurs, L'Exode des Hébreux, loc. cit.,
t. xxi, 1899, p. 58-59, Lieblein revient sur le même sujet
de façon plus explicite : « Le nom de Potiphar... pour-»
rait très bien être identique au nom Pt-bar qui figure
en tête d'une généalogie dont j'ai donné la table dans
mon Dictionnaire des noms, n° 553. Potibar est visible-
ment une composition hybride de égyptien, proba-
blement identique à , et de I , nom du dieu
sémitique Baal... Je ne veux pas dire que Potiphar et
Potibar soient le même individu...; mais je crois que
les deux sont identiques et qu'ils remontent au même
temps. » Il y a bien le changement du b en p avec le
son /, Potibar, Potiphar. Mais ce changement se pro-
duisait souvent d'une langue à l'autre. De plus le b
égyptien se rapprochait dans le parler courant du son f
comme le prouvent certains mots coptes sortis du fonds
égyptien où b est devenu q. Cf. Loret, Manuel de la
langue égyptienne, 1889, p. 91; Sethe, Dos àgyptische
Verbum) t. i, 1899, p. 121. C'est d'après ce parler cou-
rant que Moïse aura transcrit le mot Potibar, Potiphar.
j II y a bien aussi qu'au nom de Potibar manque le déter-
minatif divin Td, Sel, mais ce déterminatif était écrit
ou omis à volonté, comme en témoigne toute une sérié
de noms propres dont (a dernière composante est Baal.
Pour de pareils noms avec le déterminatif, voir Spie-
gelberg, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xm, 1898,
p; 5i; Papyrus Golenischeff , pi. i, lig. 16-17, pi, m,
lig. 7; — sans le déterminatif, Spiebelberg, Studien
und Materialien zum Rechlswesen des Pharaonen-
reickes der Dyn. 18-21, 1892, p. 36, 37, 51; Papyrus
Anaslasi III, 6, 3, et verso.6, 1, 7. Pour toute la ques-
tion de Potibar, cf. Heyes, loc. cil., p. 110-111. —
Potiphar peut donc venir ou de Pa-dou-pa-râ ou de
Pa-hotep-râ ou de Pet-bar. Il n'est point certain que le
premier n'ait pas existé avant la XXII e dynastie. Nous
en avons apporté des exemples de la XX e . Les deux
autres datent de l 'Ancien-Empire et des Hyksos. Cela
suffit à démontrer que la conclusion chronologique de
Brugsch et de^Steindorff, dans ce qu'elle a d'absolu,
est entièrement -gratuite. Nous ajouterons : en admet-
tant même un instant que les noms propres eussent
subi des retouches de la part des copistes qui les
auraient adaptés aux noms à la mode de leur temps, il
ne s'ensuivrait pas encore que, pour le reste, le texte
de l'histoire de Joseph ne soit pas de Moïse.
C. Lagier.
1. PUTIPHAR (hébreu : Pôtifar; Septante : IIs-csçpTjç),
grand officier égyptien à qui les Madianites vendirent
Joseph, fils de Jacob. N
I. Ses titres. — Le récit biblique note que Putiphar
887
PUTIPHAR
888
était Égyptien, et non sans raison, puisque sous les Hyk-
sos, qui devaient appeler aux charges principales sur-
tout ceux de leur race, il n'en fut pas moins grand offi-
cier de la couronne, « eunuque du pharaon et chef de
l'armée, » selon la Yulgate. Gen., xxxrx, i. — 1° Eunuque
du pharaon. — L'hébreu porte sdrîs dout le premier
sens est castrat. Chez les sémites on employait le castrat
dansle service des harems. Putiphar en était-il un? C'est
possible, si nous jugeons de l'Egypte ancienne d'après
les autres peuples de l'Orient. A l'exception du peuple
juif, cf. Lev., xxn, 24; Deut., xxm, 1, tous ces peuples
polygames pratiquèrent la castration. Hérodote, vin,
105; Layard, Nineveli and its remains, t. il, 1849,
p. 324-326, 334, 340; Botta-Flandin, Monuments de Ni-
nive, t. Il, 1849, pi. 145. C'est possible encore si nous
voyons et s'il est légitime de voir cette même Egypte à
travers l'Egypte musulmane où l'eunuque est dans tout
harem de la haule classe. Les voyageurs à l'envi ont
parlé des eunuques modernes, de leur recrutement et
aussi de leur influence. Caillaud, Yoxjage à Méroé,
t. m, 1826, p. 117-118; E. Delmas, Egypte et Pales-
tine, 1896, p. 260-251. Cet argument a pari trouve-t-il
sa justification dans les monumenls antiques de la
vallée du Nil? Rosellini, Monumenli dell' Egitto e
délia Nubia, 1836, part. 11, t. nr, p. 132-134, et Monu-
menti civili, pi. 34, fig. 2; pi. 68, fig. 2; pi. 77, fig. 12;
pi. 79 et 88, fig. 3, a prétendu avoir rencontré des
eunuques et les avoir reconnus. Ebers, Aegyplen und
die Biicher Mose's, 1868, p. 298, les a distingués,
croit-il, à leur obésité et aux plis graisseux de leur
poitrine, surveillant des fileuses dans la tombe de
Khnoumhotep à Beni-llassan. Cf. Newberry, Beni-
Hasan, part. 1, 1893, pi. xxix. Mais on accordera bien
que cela ne suffit pas à la démonstration. La preuve
topique fait défaut et les inscriptions n'en révèlent
rien. 11 y a mieux. Dans cette même tombe et dans les
autres du même groupe, il n'y a pas que les surveil-
lants des fileuses qui soient ainsi, mais c'est la règle'
générale pour tous les préposés à quelque service,
comme on peut s'en convaincre à l'examen des scènes
diverses. Voir Newberry, loc cit., pi. xxx, xii, etc. On
remarque ailleurs la même loi : les directeurs des
corps de métiers, le bâton ou la courbache, ou même
l'aiguillon à la main contrastent par leurs formes re-
plètes avec la maigreur de l'entourage. On peut voir en
eux l'embonpoint de l'âge, et non les chairs boursou-
flées de l'eunuque, ou tout au plus l'application d'un
canon imposé au peintre et au sculpteur. Cf. La tombe
d'Apoui, dans Mémoires de la Mission du Caire, t. v,
I891,pl.netp.610. Voir Eunuque, t. il, col. 2044, fig 622,
où dans une scène de marché des vendeuses échangent
aux acheteurs des melons, des poissons, des concom-
bres contre du blé, une étoffe et le contenu d'un sac.
Pour le plaisir de la variété, à un seul des acheteurs
le peintre a donné une taille ramassée, un aspect vieil-
lot, un torse chargé de graisse. Le rapprocher des ti-
reurs des chadoufs, pi. i, loc. cit. Tous ces personnages
ne nous rappellent à peu près rien, par l'ensemble de
leurs traits, des eunuques que l'on rencontre à chaque
pas dans les rues du Caire. Leurs pareils, plus ou moins
âgés, ne sont pas rares au musée du Caire. Bas-reliefs
20473 et 20474. Sans s'en douter, les premiers égypto-
logues se sont laissé conduire par l'idée reçue de leur
temps que l'Egypte sur le point des eunuques devait
ressembler aux autres nations orientales. Un exemple
bien connu nous montrera quelle réserve s'impose à
juger sur la mine des gens peints ou sculptés, et com-
bien il faut tenir compte de la mode et de la fantaisie
de l'artiste. Qui plus qu'Anénophis IV Khounaten a
« dans l'ensemble de sa* personne ce type particulier
et étrange que la mutilation imprime sur la face, les
pectoraux et l'abdomen des eunuques? » Mariette, cité
par Lenormant, Bistoire ancienne de l'Orient, t. n,
9 e édit., 1882, p. 212. Qui plus que lui a été traité d'eu-
nuque? Ce prince, toutefois, non seulement était marié,
mais l'on voit avec ses années de règne le nombre de
.«es filles augmenter. Il en eut jusqu'à sept. Cf. Mas-
pero, Bistoire ancienne de l'Orient classique, t. n,
1897, p. 326, fig. p. 328.
A défaut des représentations, l'existence du harem
royal nous révélera peut-être l'existence des eunuques.
En effet, à côté de la reine, son épouse légitime, dame
de fa maison, libre de ses mouvements, commandant
à un nombreux personnel, le roi possédait un harem
flfll » m ou , hhent. Cf. Maspero, loc. cit.,
t. I, 1895, p. 270. Le Khent avait sa hiérarchie de fonc-
tionnaires : un intendant, Papyrus judiciaire de
7ur»'»,iv, 4 ; des scri bes, IV, 5 ; v,10,et Mariette, Catalogue
général des monuments d'Abydos, 1880, n. 686, 719;
des délégués, Papyr. jud. de Turin, v, 9 ; des por-
tiers, V, 1, et stèle C 6 du Louvre. Or, de plusieurs de
ces fonctionnaires, et précisément de ceux qui pas-
saient leur vie dans le harem, les portiers, nous savons
qu'ils étaient mariés. Papyr. jud. de Turin, V, 1, Celui
de la stèle C 6 du Louvre, nommé Kefenou, avait de
nombreux enfants. Sans doute les Égyptiens en contact
avec les peuples d'Orient ont dû connaître l'institution
des eunuques. Mais autre chose est connaître une ins-
titution, autre chose l'admettre chez soi. Aucune mo-
mie n'a révélé l'aspect d'une opération faite durant la
vie. On ne peut pas s'appuyer sur la légende d'Osiris
émasculé par Typhon son ennemi à qui Horus fit su-
bir la peine du talion. Texte des Pyramides, Teti,
lig. 276-277; Pepi, 1, lig. 30-31; Lefébure, Sur diffé-
rents mots et noms égyptiens, dans Proceedings, etc.,
t. xm, 1890-1891, p. 342-353; Plutarque, De Iside et
Osiride, c. lv. C'est une pure légende qui peut reflé-
ter une coutume d'ennemi à ennemi, mais aucunement
un usage de la vie sociale. Visiblement inspiré de cette
légende, dans la partie qui nous concerne, Le conte
des deux frères, que l'on a parfois invoqué, n'a pas
plus de valeur. Papyrus d'Orbiney, p. 7, lig. 9, et p. 9,
lijj. 6; Maspero, Les contes populaires de l'ancienne
Egypte, 3 e édit. (1905), p. 9-12. Il est très probable
même que le terme d'eunuque, au sens strict, n'existe
pas dans la langue égyptienne. Si on avait eu la chose,
comment le mot ne se rencontrerait-il pas et même
souvent? Lefébure, loc. cit., p. 345, a cru toutefois le
reconnaître dans S <•* %k , hem ou hemti, de J, hmt,
« femme ». Mais ce mot se traduit d'ordinaire par
« lâcbe », « poltron », et dès l'Ancien Empire, ne se
trouve jamais que comme une épithète flétrissante
jetée à la face des gens de rien. Maspero, Études égyp-
tiennes, t. il, p. 82; Champollion, Notices, t. n, p. 186;
Stèle de Pianchi, où il est dit qu'il n'y a « pas de durée
à une armée dont le chef est hemti. » Lefébure le
constate lui-même, p. 342, 456. Dès lors hemti ne
peut convenir à Putiphar, et si celui-ci était l'eunuque
du pharaon, ce ne peut être qu'exclusivement dans
un sens dérivé. Eunuque devint en effet dans les lan-
gues sémitiques synonyme d'attaché au prince, de mi-
nistre de la Cour, cf. Gesenius, loc. cit., probablement
parce que, en Asie, spécialement à Ninive et à Baby-
lone, les eunuques parvenaient aisément aux postes les
plus importants. 11 est tout naturel, par suite, que l'hé-
breu désigne par ce nom l'officier du palais du pha-
raon. C'est avec ce sens d'officier que le mot sâris péné-
tra en Egypte aux basses époques, du lemps de Cambyse,
de Darius et de Xerxès,et on le lit dans les inscriptions
rupestres de l'Ouadi Hammamat. Rosellini, Monumenti
slorici, l. n, pi. 11 c et p. 174; Golenischeff, Bamma-
mat, pi. 18. L'inscription de l'an XXXVI de Darius et
de l'an XIII de Xerxès se termine par ces mots :
« Fait par le sâris, M _~- , de Perse, prince de Coptos
PUTIPHAR
890
Ataiouhi. » Sous ce mot sârîs n il faut évidemment
comprendre ici l'officier. » W. M. Mûller, toc. cit.,
Col. 3813. Par ailleurs, Putiphar était marié, et cela
montre bien l'idée que l'écrivain sacré attachait au
mot sdrïs en le lui appliquant. Que l'on n'objecte pas
que l'on a vu des eunuques mariés et possédant même
un harem. Ebers, loc. cit., p. 299. Ce sont là chez les
musulmans des cas exceptionnels qui n'infirment pas
la règle générale et qui, du reste, ne pouvaient se
produire chez les Égyptiens, d'après ce qui a été dit
plus haut. Putiphar était donc un officier, du palais,
probablement un de ces connus du roi, de ces amis
uniques, de 'ces courtisans, en un mot, à qui le pha-
raon distribuait les emplois de confiance. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i, p. 287-281.
2° Car hat-tabbaîm. — Tel est le nom hébreu de la
charge confiée à Putiphar. Si nous consultons les Sep-
-tante, il faudrait entendre par là « le chef », sar, « des
cuisiniers », hat-tabbaîm : àf>-/mcifeîpoç. En effet,
tabbah, I Reg., IX, 23, 24, désigne un cuisinier, et la
position de chef des cuisines royales pouvait être inv
portante à la cour, si nous supposons qu'elle donnait
autorité sur l'armée des officiers de bouche. Cf. Mas-
pero, loc. cit., p. 279-280; Études égyptiennes, t. n,
p. 10-11, 61-63, où la liste de ces nombreux personnages,
d'après le Papyrus Uood, est donnée par ordre hié-
rarchique; Brugsch, Die Aegyptologie, 1897, p. 219-
221. Mais rien ne nous prouve que le surintendant des
cuisines eût un pouvoir si étendu, et cela serait-il que
la traduction des Septante n'en serait pas justifiée, car
tabbah a bien plutôt le sens de « celui qui tranche
égorge, tue », d'où satellite, garde du corps. Cf. Gese-
nius, Handw., 9 e édit. , p. 303. ?ar hal-tabbahim semble
donc désigner une fonction militaire, soit le chef de
ceux qui exécutent les ordres du maître. Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. h,
p. 33. C'est ainsi que l'a compris saint Jérôme
qui rend l'expression par magister miliium, Gen.,
xxxvu, 36; pr inceps exercitus, xxxix, 1; princepsmi-
litum, xl, 3, xli, 10; dux militum, xli, 12; cmtos
carceris, xl, 4. Et cela avec d'autant plus de raison
que le même titre devenu plus tard rab-tabbah.îm
marque une dignité militaire pour Nabuzardan,
•IV. Reg., xxv, 8, 11, 20, Jer., xxxix, 9, etc., et pour
Arioch, Dan., n, 14, quoique les Septante continuent à
le traduire par àpxijiàfsîpoç. Le Targum d'Onkelos et
la version syriaque, rendant sar hal-tabbahîm par
« chef des exécuteurs » ou « chef des gardes du corps »>
confirment la nature des fonctions de Putiphar, Pour
les Septante, « on ne peut rendre compte de leur tra-
duction qu'en supposant qu'ils ont vu une allusion
aux fonctions de Putiphar dans le passage où Moïse dit
que le maître de Joseph ne s'occupait de rien si ce
n'est de ce qu'il mangeait. » Vigouroux, loc. cit.,
p. 32; Gen., xxxvi, 9.
Si nous consultons maintenant les documents an-
térieurs à la XVIII e dynastie, c'est-à-dire les documents
qui ne dépassent pas l'époque de Joseph, nous verrons
que plusieurs titres militaires peuvent convenir à Pu-
tiphar. Il était peut-être un de ces chefs d'armée
%k - — Ul£; i , nier mSà, que nous rencontrons déjà
sous l'Ancien Empire, Sethe, Urkunden des Alten
Reichs, t. i, 1903, p. 92, lig. 1 et p. 148, lig. 3, 16, que
nous retrouvons à la XII e et à la XIII e dynastie. Breasted,
The Wadi Halfa stela of Senwosret I, dans Procee-
dings, etc., t. xxm, 1901, pi. 233 et pi. m, lig. 11, 23;
.Lepsius, Denkmâler, n, pi. 151 c. Ou bien encore avait-il
reçu le commandement des Mazaiou. Ces mercenaires
nubiens, voir Phuth, col. 348, qui, dès l'Ancien Empire,
servent dans les armées égyptiennes, Sethe, loc. cit.,
p. 10/1, lig. 14, et qu'on a chargés delà sécurité publique.
Le Papyrus xym de Boulaq, qui date de la fin du
Moyen Empire parle des Mazaiou et des capitaines ou
« grands de Mazaiou, » J^ ^~, ^ ^ ^' \ \ ) $ , ur
n Mazaiu. Borchardt, jain Reichnungsbuch des KOnig-
lichen Hofes, dans Zeitsehrift fur âg. Spr., t. xxviii,
1890, p. 94-97. Putiphar put être surtout du nombre
de ces suivants 1 V, ëemsu, qui apparaissent de
bonne heure autour des rois. Un certain Thethi, par
exemple, ne quittait pas d'un pas ses maîtres Antef I et
Antef II. Breasted, Ancient Records, t. i, 1906, p. 202-
203. Ces suivants ou gens de la suite, vrais gardes du
corps, se multiplient sous la XII 8 dynastie. Cf. Mariette,
Catalogue d'Abydos, n. 634, 649, 699, 744; Lepsius,
Denkmâler, n, 136 e, g, 138 g, 144 i, k. Le Papyrus
xvin de Boulaq contient aussi une liste de suivants
stationnant à la cour avec leurs officiers. Borchardt,
loc. cit., p. 92-94. Les officiers portent le titre de fit,
seliez setnsu, « commandant des suivants ». Cf. Ma-
riette, loc. cit., n.664, 780, 864. A ces gens de la suite
le roi donnait les charges et les missions importantes.
Témoin cet Aménémhat cumulant les titres de com-
mandant des suivants et de commandant de la milice
nationale, Lepsius, loc. cit., il, 138 a, qui formait en
Egypte une classe spéciale. Maspero, Études égyp-
tiennes, t. n, p. 34-36. Témoin encore ce Sehotepabra,
« le suivant de son maitre dans toutes ses allées et
venues, surintendant de tous les travaux du palais,
chancelier, etc., » qui demande d'être après sa mort
« un suivant de Dieu ». Maspero, Sur une stèle du
Musée de Boulaq, dans Études de mythologie et d'ar-
chéologie égyptiennes, t. îv, 1900, p. 134-137 [Biblio-
thèque égyptologique, vin). Une stèle récemment dé-
couverte, celle de Sebekhou, surnommé Zaa, nous
montre où pouvait arriver un suivant entre les mains
du roi. Zaa fit d'abord partie, en qualité de suivant, de
la troupe personnelle d'Osortésen III; puis il en de-
vint un des chefs, sehez; puis il obtint la charge de
« grand ouârtou », quelque chose comme gouverneur
de la résidence royale. Garstang, Et Arabah, 1901,
pi. rv-v, p. 32-33. Quelques années plus tard, après
l'achèvement de sa stèle, en l'an IX d'Aménémhat III,
nous retrouvons Zaa à Senméh relevant la côte du
Nil à la seconde cataracte. Il était alors « ouârtou du
souverain ». Lepsius, loc. cit., n, 136 b. — A côté des
suivants se trouvaient ceux que les textes nomment
« les hommes du cercle », les familiers de l'entourage
immédiat du pharaon : X. Il m ' Na^ ' > Senitu. Entre
ces derniers et les premiers la différence n'était peut-
être — cela soit dit sous toute réserve — qu'une question
de degré de courtisan à courtisan. Les familiers n'au-
raient été que les premiers des suivants. Ainsi le sui-
vant Sehotepabra était en même temps « le familier
du roi, se tenant derrière son maître, » pour le proté-
ger, « le véritable ami de cœur, le confident intime, etc. »
Maspero, toc. cit., p. 136-137, Plus tard, dans une liste
de charges, on signale parmi les premiers dignitaires
de la Cour un « commandant des soldats doyens des
familiers » ou vétérans de la garde. Maspero, Études
égyptiennes, t. il, p. 23-24. Il serait bien tentant de
voir dans les «^suivants » et les « familiers » ceux que
la Bible appelle les eunuques de pharaon. C'étaient là
des titres qui n'indiquaient pas une fonction définie,
semble-t-il, mais plutôt une prérogative de cour, une
aptitude à remplir les premières charges, comme celles
de grand échanson, par exemple, ou de grand panetier.
Gen., xl, 1. Putiphar lui-même, en qualité de suivant
ou de familier aurait été choisi pour être soit général
d'armée, soit capitaine des Mazaiou, soit chef de la mi-
lice, soit commandant de la garde du corps, et à tous
ces titres la prison d'État aurait été sous ses ordres,
pour une part au moins, cette prison où il lit jeter
891
P1TIPHAR
892
Joseph. Gen,, xxxix, 20; XL, 3; xli, 10. Nous en.avons
assez dit pour montrer qu'à la Cour nombreuses étaient
les fonctions militaires qui purent échoir à Putiphar.
Lés expressions vagues de la Bible, d'une part, et, de
l'autre, les mystères qui enveloppent encore la hiérar-
chie égyptienne ne permettent pas de faire un choix
entre elles. Toutefois, si l'on peut marquer une préfé-
rence, ce serait pour le commandant des vétérans de
la garde que Maspero, foc. cit., p. 24, et Brugsch, Die
Aegyptologie, p. 213, identifient avec V &pxt.ata\x<XTayùla. f ,
dont il est si souvent question à l'époque ptolémaïque.
Strack, Die Dynastie der Ptolemaër, 1897, p. 219, 246,
251,252, 256,*257, 275 ; Grenfell, Greek Papyri, 1896,
n. xxxvih, lig. 1, p. 69; n. xlii, lig. 1, p. 73.
II. Putiphar et Joseph. — Putiphar s'aperçut vite
que le Seigneur était avec Joseph et qu'aux mains de
celui-ci toutes choses prospéraient. Il le tira doncdu rang
des esclaves, le mit à la tête de sa maison et en fit l'ad-
ministrateur de tous ses biens. Maison et biens furent
bénis à cause de Joseph, au point que Putiphar lui en
abandonna la pleine direction, ne s'informant plus de
rien avec lui, et n'ayant d'autre souci que de prendre
sa nourriture. Gen.. xxxix, 3-6; cf. le texte hébreu. Moïse
ne pouvait mieux exprimer la confiance absolue de Pu-
tiphar en son serviteur devenu le surintendant — le
wakil moderne — d'une grande maison et de ses domai T
nés. Voir Joseph, t. m, col. 1657-1658; cf. Heyes, Bi-
bel und Aegypten, t. i, p. 125-128. Putiphar, d'ailleurs,
en jetant ainsi les yeux sur un, esclave étranger, restait
dans la tradition des bords du Nil. Tout nous montre
que l'Egypte ne fut jamais un pays fermé. Le mérite
d'un étranger, même esclave, y était reconnu et mis à
profit. Aux exemples déjà cités, voir Pha.ra.on, col. 202,
on peut ajouter le sémite Jsaa premier officier de bou-
che de Thothmès I er . Wiedemann, Ëgyptian monu-
ments at Dorpat, dans Proceedings, t. xvi, 1894, p. 154-
155; le juge Pa-Jmerui, « l'Amorite », dont la femme
se nommait Karouna et dont les deux fils aux noms
égyptiens étaient l'un, Ouser-min, prêtre, l'autre, Meri-
na, le suivant et le porte-carquois de Thothmès III.
Mariette, Catalogue d'Abydos, n» 1055. Et nous ne sa-
vons pas combien d'autres étrangers se cachent sous le
nom égyptien qu'ils reçurent, à l'exemple de Joseph,
Gen., xli, 45, en guise de lettres de naturalisation, au
moment de leur élévation. Tous, en effet, n'imitent pas
Ramsès-m-per-râ, le premier porte parole de Meneph-
tah, qui se vantait d'être le chananéen.Ben-Matana, Ma-
riette, loc. cit., n. 1136. On ne compte pas moins de sept
fonctionnaires d'origine étrangère dans l'affaire de la
conjuration contre Ramsès III. Cf. Deveria, Le Papy-
rus judiciaire de Turin, dans Mémoires et fragments,
t. n, 1897, p. 207, 209, 211, 213, 215, 218,221 {Biblioth.
égypt., \). Il faut y joindre un autre coupable signalé
par le Papyrus Lee n" i, lig. 4. Deveria, loc. cit.,
p. 197. — Mais voici que Joseph fut sollicité par la fem-
me de son maître et accusé du crime qu'il avait refusé
de commettre. Gen., xxxix, 7-19. Putiphar s'indigna
grandement et le fit jeter dans la prison où étaient dé-
tenus les prisonniers d'État : jï. 19-20. Ce traitement a
paru trop doux à plusieurs et ils ont cherché à l'expli-
quer par le fait que Putiphar aurait eu des doutes sur
la réalité des faits. Crellier, La Genèse, 1901,. p. 372,
n. du y. 20, dans La Sainte Bible de Lethielleux. Il se
peut que Putiphar ait eu ces doutes. Pourtant Moïse ne
nous y fait guère songer quand il nous dépeint la colère
de Putiphar devant l'accusation portée par sa femme
contre Joseph. L'effet de cette colère va tout entier con-
tre celui qu'il fait emprisonner en vertu de son droit
de maître offensé et que, par suite, il parait croire sim^
plement coupable. En tout cas, là se bornait son rôle
et l'accusé tombail dès lors sous la juridiction de lajus-
tice royale. A celle-ci revenait le soin de la procédure :
enquête préliminaire, réunion du tribunal, interroga-
toire, audition, des témoins,, puis jugement, Capart,
Esquisse d'une histoire du droit pénal égyptien, 1960,
p. 15-32, extrait de la Revue de l'Université de
Bruxelles, t. y, 1899-1900 février. Un papyrus de Bo-
logne, qui date des Ramessides, contient un cas tout
à fait semblable. Un esclave syrien s'est échappé du
temple de Thot d'Hermopolis, Le maître, le grand prê-
tre Ramessou, charge son fils de retrouver le fugitif
qui est livré à la justice. Celle-ci décidera de l'affaire
dans ses grandes assises. Revillout, Notice des papyrus
démotiques archaïques, 1896, p. 127-128; Mélanges de
métrologie, 1895, p. 437-439. L'acte de Putiphar n'a-
boutissait donc qu'à la détention préventive, il ne pré-
jugeait rien, ,et il ne faut pas le mesurer à la peine
réservée par la loi aux adultères.! Moïse n'a pas jugé
à propos de nous dire quel fut le résultat de la procé-
dure contre Joseph. Il est probable que le crime ne fut
pas établi ni son innocence complètement reconnue,
pour une cause ou pour, l'autre, car il demeura en
prispn, environ trois ans. Gen., xli, 1, 46. Gunkel, Die
Genesis, 1901, p, 382-383, a prétendu, au contraire,
qu'il, est à peine croyable qu'un esclave, sous l'accusa-
tion d'avoir attenté à l'honneur de sa maîtresse, ait
été, mis en prison. Le châtier sévèrement, ou le rendre
eunuque, ou l'appliquer à des travaux plus durs, ou le
vendre, cela se concevrait encore; mais le mettre en
prison et se priverainsi de son travail, on ne l'imagine
pas. C'est là un raisonnement en l'air. 11 ne tient pas
compte des lois égyptiennes relatives à l'adultère, à
cet adultère si redouté devant le juge des morts et qui
interdisait l'entrée du ciel, Pierret,Xe livre des morts,
1882, p,,370. Aux anciennes époques, l'adultère était un
crime capital., « Une femme dont le mari est éloigné
te remet des écrits, dit le scribe Ani, t'appelle chaque
jour si elle n'a pas de témoin. Elle se tient debout, je-
tant son filet, et cela peut être réputé crime digne de
mort, même quand elle n'a pas accompli son dessein en
réalité. » « C'est un homme qui court à la mort celui
qui va auprès de la femme ayant un mari, » dit un
papyrus du Louvre. Revillout, Notice, p. 210. Au Pa-
pyrus Weslcar, « la Majesté, du roi de la haute et de la
basse Egypte, Na.bka, à la voix juste, fit conduire la
femme (adultère) d'Ouabou-anir au côté nord du palais;
on, la brûla et on jeta ses cendres au fleuve. » Maspero,
Les contes populaires, 3° édit., p. 27. Ce n'est que bien
plus tard et sous l'influence des étrangers que s'adou-
cirent les peines contre l'adultère. Vers l'époque ro-
maine, « elles condamnaient celui qui avait fait violence
à une femme libre à la mutilation. Pour l'adultère com-
mis d'un consentement mutuel, l'homme était condamné
à recevoir mille coups de verge et la femme à avoir le
nez coupé. » Diodore, i, 78. — Le raisonnement de
Gunkel ne tient pas davantage compte de la condition
sociale de l'esclave en Egypte, Le papyrus de Bologne
cité plus haut nous a montré que, au cas de délit, on
poursuivait l'esclave en justice comme un homme libre,
et, par conséquent, il devait avoir la même prison que
les autres prévenus. « L'esclave, ainsi compris, n'était
nullement celui dont le vieux Romain nourrissait à son
gré ses poissons et qu'il pouvait brutaliser, violer ou
tuer à son gré. » Revillout, Précis du droit égyptien,
t. il, 1903, p. 885. Le même auteur dit encore :~ <t Si la
Genèse nous montre Petiphra ou Putiphar livrant à la
justice et faisant enfermer en prison son esclave Joseph,
acheté pour de l'argent, dont il avait à se plaindre, les
documents égyptiens ne sont pas moins formels pour
une multitude d'esclaves se trouvant dans les mêmes
conditions, » p. 971, n. 1. Cf. Cours de droit égyptien,
t. i, 1884, p. 89-96. — Que Putiphar fût différent du
gouverneur de la prison, sarbêf lias sohar, cela ressort
de la Genèse, xxxix, 19-21. Ce gouverneur, du chef de sa
charge, peut être dit, comme Putiphar, le maître de
Joseph prisonnier, xl, 7, texte hébreu, et celui-ci. son
PUTIPHAR — PYGARGUE
894
serviteur, xli, 12. La seule chose qui fasse difficulté,
c'est qu'il est désigné aussi sous. le titre de sar hat-
tabbahîm, et la prison elle-même est appelée la prison
du sar hat-tabbahim, xl, 3; xli, 10. Mais le gouverneur
de là prison, en vertu même de son titre et comme
ayant des gardes sous ses ordres, pouvait bien être sar
hat-tabbahim, quoique à un degré inférieur à Putiphar.
Ce que nous savons de la hiérarchie égyptienne, de l'ac-
cumulation des titres sûr un même personnage, du
nombre des titulaires pour une désignation honorifique,
ne s'oppose pas à eette explication. Une autre solution
est celle de Delïtzsch, Die Genesis, t. n, 2 e édit. p. 94 :
« Putiphar était comme sar hat tabbahîm à la tête du
pouvoir exécutif. La prison d'État était sous ses ordres
et le sar bel has sohar était ainsi son subordonné. Cette
distinction fait évanouir la difficulté imaginée par Tuch
et Knobel, d'après lesquels Joseph aurait dû avoir
deux maîtres qui 'auraient dû être l'un et l'autre chefs
des gardes du corps. »
Bibliographie. — Vigouroux, La Bible et les décou-
vertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 23-33, 68-69; Heyes,
Bibel und Aegypten, t. i, 1804, p. 105-112, 117-128.
C. Lagier.
. 2. PUTIPHAR (hébreu : Potivhera' ; Septante : Ile-
T£?pfi), prêtre d'Héliopolis. Voir Héliopolis, t. m,
col. 1571-1575. A l'époque où nous sommes, Héliopolis,
avec son temple de Rà ou du soleil, est le centre reli-
gieux le plus célèbre de l'Egypte, comme il en est le
plus ancien. Les rois de la V e dynastie se glorifiaient
déjà de tenir leur origine de Râ. Le premier d'entre
eux, Ouserkaf, aurait commencé par être grand-prêtre
d'Héliopolis. Papyrus Westcar, pi. ix, lig. 11-12;
Erman, Die Mârchen des Papyrus Westcar, t. i, 1890,
p. 20,' 55. Il introduisit dans le protocole royal le titre
de i^, sa râ, « fils du Soleil », qui désormais n'en
sortira plus, et que les rois Ryksos portent comme leurs
devanciers indigènes. Ce n'est pas seulement son dieu
qui rendit Heliopolis illustre, mais c'est aussi son col-
lège de prêtres, réputé dès l'origine pour la profondeur
de sa science et à qui l'on doit, au moins comme
inspiration, la plus grande partie de fa littérature
religieuse d'Egypte. Cf. Erman, Life in ancient Egypt,
Londres, 1894, p. 27. Le grand prêtre de l'endroit était
un des premiers personnages du royaume. Ail titre de
^|k «=- il', mer henu neleru, « administrateur des
prophètes », qui lui était commun avec tous les autres
grands-prêtres, il joignait les épithètes de *T , ur-ma,
« le grand veilleur », « celui qui voit les secrets du
ciel », « le chef des secrets célestes ». Mariette, Monu-
ments divers, 1872-1877, n° 18; Id.. Mastabas, 1881-
1887, n» 149. Il n'avait donc pas son pareil comme
astronome et astrologue. Une statue de la XVIII e
dynastie nous montre Anen, grand prêtre d'Hélio-
polis, avec la peau de panthère semée d'étoiles, pour
bien nous marquer l'objet spécial de ses études
(fig. 204). Alors même qu'Amon fut devenu sous le
second empire thébain le dieu national de l'Egypte,
voir No-Amon, t. iv, col. 1641, et quoique son grand-
prêtre se déclarât « chef des prophètes des dieux de
Thèbes et de tous les dieux du sud et du nord, »
Mariette, Catalogue d'Abydos, n. 408, Héliopolis et ses
prêtres ne perdirent rien de leur renommée. Comme
autrefois le prince Rahotep, Mariette, Monuments
divers, loc. cit., nous voyons deux autres prinees,
portant le même nom de Meri-Atoum, l'un fils de
Ramsès II, l'autre fils de Ramsés III, être grands
prêtres d'Héliopolis. A l'époque d'Hérodote, il, 3, les
prêtres du collège héliopolitain étaient toujours regardés
comme les plus savants d'entre les prêtres égyptiens,
).oYicitaTot. Bientôt Platon, Eudoxe et d'autres viendront
leur demander le dernier mot de la sagesse. — Par le
fait donc de son titré de prêtre et probablement de
grand-prêtre d'Héliopolis, Putiphar avait rang parmi
les courtisans les plus rapprochés du trône. Sa fille
pouvait aspirer à la main des plus grands, même, à une
main royale. Voir Pharaon, col. 202. Le roi la donna
204. — Anen, grand-prètre d'Héliopolis.
Statue de la XVIII e dynastie. Musée de Turin,
à Joseph. Gen., xli, 45. C'était du même coup honorer
grandement son nouveau ministre et lui assurer le
respect du peuple. C. Lagier.
PUTOIS, petit quadrupède carnassier, répandant
une odeur désagréable, et probablement confondu avec
ses analogues, la belette, voir t. i, col. 1650, et la marte.
Voir t. iv, col. 822.
PYGARGUE (hébreu : dison; Septante : ■Kv^apYoç;
Vulgate : py g argus), espèce d'antilope. Voir Antilope,
t. I, col. 669. Le mot dison ne se lit qu'une seule fois,
Deut., xiv, 5, comme nom d'un animal qu'il est permis-
se manger. Les Septante traduisent ce mot par
irjyapYOî! animal qui a l'arrière-train blanc, et qn'Hé-
rodote, rv, J&1, "place dans le nord de l'Afrique en
compagnie des chevreuils et des bubales. Le pygargus
est pour Pline, H. N., vin, 53, 79, et pour Juvénal, xi,
138, une espèce de gazelle ou d'antilope. Le nom de
pygargue est probablement commun aux antilopes à
croupe blanche, et l'on identifie communément le dîSon
avec l'antilope addax, que les Arabes appellent adas
ou akas, et qui serait celle que P.Iine, H. N., xi, 37,
45; rai, 53, 79, nomme arpeifuxspwç, strepsiceros, qui
a les cornes recourbées en forme de lyre. Voir t. i,
fig. 162, col. 669. L'antilope addax vit, en troupes peu
895
PYGARGUE — PYRAMIDE
896
nombreuses, dans le Sahara, la Nubie, PÉgypte et
l'Arabie. Elle est bien connue des Bédouins, qui la ren-
contrent au sud de la mer Morte. La forme de ses
cornes, permet de la distinguer facilement de l'oryx et
du bubale. C'est un bel animal, qui a près de trois
pieds et demi de haut aux épaules et dont les cornes
ont deux pieds et demi de long. Il est tout blanc, avec
une courte crinière noire et une nuance fauve sur les
épaules et le dos. Cf. Tristram, The natural hislory of
the Bible, Londres, 1889, p. 126. H. Lesêtre.
PYGMÉES (hébreu : Gammadîm; Septante :
ç-iXaxe;; Théodotion : rou.ta?îu.; "Vulgate : Pygmxi),
nom d'un peuple qui fournissait des archers à Tyr.
Ezech., xxvii, 11. La véritable signification de ce nom
a été problématique pour les anciens traducteurs eux-
mêmes qui l'ont rendu de manières fort différentes.
Les Septante ont traduit ç-jXaxe;, « des gardes »,
comme s'ils avaient les Sômrîm; Symmaque, divisant
le nom, a lu gâm Mâdîm, « et aussi les Mèdes; » la
paraphrase chaldaïque, dérivant le mot de Gomer, a
entendu les Cappadociens qu'elle prend pour les des-
cendants de Gomer. Cf. Ezech., xxxvm, 6. Les rabbins,
de même qu'Aquila et la Vulgate, rattachent Gam-
madimk gômèd, « coudée », cf. Gesenius, Thésaurus,
p. 292, parce qu'ils ont cru que ce mot signifiait « des
hommes d'une coudée », c'est-à-dire les Pygmé s,
dont le nom vient de tcuyM» « P°ing, coudée ». Mais
Saint Jérôme, In Ezech., xxvii, 11, t. xxv, col. 252,
donne une autre étymologie : Pygmxi sunt, dit-il, hoc
est, bellatores et ad bella promptissimi, ômb tîiç
iru-fu,^;, 9*** greeco sermone in « certamen » vertitur.
Quoi qu'il en soit de cette étymologie, les modernes
ont donné des explications encore plus diverses mais
purement conjecturales, quoique plusieurs traduisent
encore par « hommes vaillants, braves soldats ». Le
contexte d'Ézéchiel, décrivant les auxiliaires de Tyr,
semble exiger un nom de peuple, et on l'admet assez
généralement aujourd'hui, mais on ne connaît pas de
ville du nom de Gamad. Le P. Knabenbauer, Comment,
in Ezech., 1890, p. 272, pense avec Cornill que nnoi
est une altération de nnia, les Samaréens, Gen., x, 18,
qui habitaient entre Arvad et Émath (Hamath). D'autres
pensent que ce sont les Gamales de Pline, H. N., Il, 93,
édit. Lemaire, 1827, t. i, p. 418. « Pygmœi, dit Huré,
Dictionnaire de philologie sacrée, édit. Migne, 1846,
t. m, col. 649, sont des peuples de Phénicie, braves à
la guerre appelés en hébreu Gammadsei, Cubitales,
parce qu'ils habitaient près de la mer, dans une langue
de terre faite en forme de coude. Plin., n, 91 (93). » —
La découverte des lettres de Tell el-Amarna a fourni
une explication nouvelle. 11 y est question des Qamadu
= Kutnidi, peuplade voisine de PHermon. Buhl,
Gesenius' Handwbrterbuch, p. 156. Cf. Kamid el-Lauz,
dans Ed. Robinson, Biblical Researches, 2 e édit., 1856,
t. m, p. 425. Ces Qamadu peuvent être les Gamma-
dim. Voir aussi Nègres, 3°, t. iv, col. 1562. — Ézé-
chiel, xxvu, 11, dit que les Gammadîm étaient sur les
tours de Tyr, dont ils avaient la garde ; ils suspendaient
leurs boucliers à ses murs. F. ViûoUROi'x.
PYLE Thomas, théologien anglican, né en 1674 à
Stodey dans le comté de Norfolk, mort à Swaffham dans
le même comté le 31 décembre 1756. Après avoir étudié
à Cambridge, il fut chargé de la paroisse de Sainte-
Marguerite à Lynn et obtint une prébende à Salisbury.
Il a publié : A paraphrase, with short and useful notes
on the Books of the Old Testament, 4 in-8°, Londres,
1717-1725 ; A paraphrase with notes on the Révélation
of St. John, ,in-8°, Londres, Ï735; A paraphrase with
notes on the Acts of the Apostles, and upon ail the
Epistles, 2 in-8», 1725; 3« édit., 1737. —Voir W. Orme,
Biblioth. biblica, p. 365. B. Heurtebize.
PYRALE, insecte lépidoptère nocturne, dont la
chenille est particulièrement nuisible à la vigne. Cette
chenille (fig. 205) a le corps ras ou garni de poils rares
et courts. Elle s'attaque aux arbres fruitiers. Elle vit
dans les feuilles roulées en cornet, repliées sur leurs
bords ou réunies ensemble. Certaines espèces se nour-
rissent aux dépens des bourgeons de la vigne : d'autres
pénètrent à l'intérieur des tiges et des fruits. Toutes
nuisent beaucoup à la vigne et empêchent la produc-
tion du raisin. Il est dit au Deutéronome, xxvni, 39,
que, si les Israélites sont infidèles, ils planteront la
vigne et la cultiveront, mais ils n'en recueilleront rien,
205. — Pyrale.
Au bas, à droite, cocon ; au-dessus, la chenille et devant elle
la feuille de vigne à laquelle elle s'attaque. Au bas, à gauche,
le papillon du pyrale.
« parce qu'elle sera ravagée par les vers. » Sous le nom
de ver, tolâ'at, o-x<o).y]?, vermis, le texte sacré désigne
ici, comme dans plusieurs autres passages, une che-
nille. Celle qui devait ravager les vignes des Hébreux
était probablement la chenille du pyrale, indépendam-
ment des autres vers capables de nuire à la plante.
H. Lesètre.
PYRAMIDE (grec : 7rjpa[juç; Vulgate : pyramis),
construction à base quadrangulaire, dont les quatre
crêtes se rejoignent au sommet, et qui est destinée à
servir de tombeau. — On a cru trouver une allusion
aux pyramides d'Egypte, voir t. n, fig. 534, col. 1613,
dans ce passage de Job, m, 13-15 :
Je dormirais, je me reposerais
Avec les rois et les grands de la terre,
Qui se sont bâti des hôrâbûf.
Les hôrâbôf sont ordinairement des endroits déserts,
des « solitudes », quelquefois des ruines. Quelques au-
teurs ont pensé qu'il fallait lire ici hôrâmôt, des édi-
fices, des mausolées. Cf. Rosenmûller, lobus, Leipzig,
1806, t. i, p. 96. D'autres préféreraient 'armenôt,
cf. Buhl, Gesenius' Handivôrt.,p. 276, à cause de l'arabe
'ahrâtn, qui veut dire « haute construction, pyramide »,
et de l'ancien égyptien amr, qui est le nom même de
la pyramide. Le mot grec Ttupaftîç pourrait même
n'être qu'une transposition de amr, précédé de l'ar-
ticle égyptien. Cf. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig,
1876, p. 71. L'allusion aux pyramides est, sinon pro-
bable, du moins possible de la part de l'auteur de Job,
si bien informé des choses d'Egypte. — Simon Mâcha-
897
PYRAMIDE — PYTHONISSE
bée éleva sept pyramides sur les tombeaux de son père
et de ses frères à Modin. I Mach., xra, 28. Voir ModiN,
t. rv, col. 1186. Sur les pyramides d'Egypte, voir Flin-
ders Pétrie, The Pyramids and Temples of Gizeh,
in4°; Londres, 1883. H. Lesêtre.
PYRRHUS (grec : Iluppo;), père de Sopater de
Bérée, l'un des compagnons de saint Paul. Act., xx,4.
On ne connaît de lui que son nom. Il est omis dans
certains manuscrits, maïs il se lit dans un grand
nombre et dans la Vulgate latine; on admet commu-
nément l'authenticité de la leçon. C'est le seul cas du
Nouveau Testament où le nom patronymique est ajouté
à un nom propre à la manière grecque : Sopater
Pymhi. Peut-être cela indique-t-il qu'il était de famille
noble. Voir Sopater.
PYTHON (hébreu : 'ô6; Septante : iyya<iTp{[jiu9o;;
"Vulgate : pytho), esprit qui fait parler le devin, spécia-
lement le nécromancien. Voir Divination; Évocation
des MORTS, t. Il, col. 1446, 2128. — 1° Les Septante
traduisent ordinairement '6b par ÈYYa<7rp![rj6oç, « ven-
triloque ». La ventriloquie est l'art de parler sans re-
muer les lèvres et en modifiant la voix dé telle sorte
qu'elle semble venir de tout autre que de celui qui parle.
Un sujet qui a les prédispositions nécessaires et un
exercice suffisant peut arriver ainsi à faire illusion à
ceux qui l'entourent. Aujourd'hui encore des hommes
se livrent à cet art singulier et réussissent à produire
des effets surprenants. Cf. l'abbé de la Chapelle, Le
ventriloque ou V engastrimythe, Londres, 1772. Beau-
coup d'auteurs pensent que les oracles païens n'étaient
qu'un effet de la ventriloquie pratiquée par les devins
et les prêtres des dieux. Plutarque, De defect. oracul.,
9, prétend que les pythons étaient tout simplement
des ventriloques. Dans la fable, Python désignait un
serpent énorme qui gardait l'oracle de Delphes et
qu'Apollon mit à mort. 11 en prit le nom d'Apollon
Pythien, cf. Ovide, Metam., i, 438, et devint l'inspira-
teur de la pythie. Pour rendre ses oracles, la pythie
s'asseyait sur un trépied au-dessus d'une ouverture
d'où sortaient des vapeurs sulfureuses. Ces vapeurs
produisaient en elle une excitation violente qu'on pre-
nait pour l'action de l'esprit divin. Elle proférait alors
des paroles incohérentes que les prêtres d'Apollon
interprétaient et auxquelles ils donnaient la forme
d'oracle. 11 est clair que ces interprètes entendaient à
leur convenance les exclamations de la pythie et prê-
taient un sens à ce qui n'en avait pas. Cf. Fontenelle,
Histoire des oracles, Paris, 1908, p. 86, 105. Cependant
Platon, Conviv., trad. Aimé Martin, Paris, 1845, t. Il,
p. 359, et Plutarque, De defect. oracul,, 7, croient à
l'influence de démons intermédiaires entre les dieux et
les hommes dans l'inspiration de la pythie et des de-
vins en générai. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme,
trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 292-294. Plu-
tarque ayant identifié les pythons et les ventriloques,
saint Jérôme rendit habituellement le grec èYYaorp£i<,u6oç
par pytho, mot d'origine mythologique, qui a l'avan-
tage de ne pas restreindre la divination à un simple
phénomène naturel et de laisser supposer en elle une
influence démoniaque. Le pseudo-Clément, Recognit,,
iv, 20; Bomil., ix, 16, t. I, col. 1323, t. h, col. 253,
remarque en effet que « les pythons font de là divina-
tion, mais que nous les regardons comme des démons
et les mettons en fuite. » Il est incontestable, que la
supercherie n'explique pas tous les faits et que bien
souvent les démons, pour abuser les hommes, ont dû
intervenir dans la production de ces phénomènes. —
2» La loi mosaïque portait la peine de la lapidation
contre ceux-qui évoquaient les esprits ou se livraient à
la divination. Lev., xx, 27; Deut., xviii, 11. — Sur le
cas de la pythonisse d'Endor, I Reg., xxvm, 7, 8;
I Par., x, 13, voir t. n, col. 2128. — Le roi Manassé
favorisa de tout son pouvoir l'influence des devins,
IV Reg., xxi, 6, que Josias chercha ensuite à faire dis-
paraître. IV Reg., xxiii, 24. — Isaïe, vin, 19, men-
tionne les devins qui « parlent d'une voix sourde en
chuchotant. » Il dit, xxix, 4, ,de Jérusalem humiliée
et châtiée :
Ta voix viendra de terre comme un 'ôb,
Et ta parole de la poussière comme un murmure.
Ces expressions laissent soupçonner des pratiques
comme celle de la ventriloquie. Le démon n'inspirait
pas toujours les devins; il trouvait souvent son compte
dans leurs seules supercheries et dans les mensonges
au moyen desquels ils combattaient les vrais prophètes.
— A Philippes, saint Paul et Silas rencontrèrent une
jeune fille qui avait un esprit python, îivEvfioc twôwv,
spiritus pytho. Elle les poursuivit longtemps en les
proclamant serviteurs du Très-Haut venus pour en-
seigner la voie du salut. Il ne s'agissait pas là de ven-
triloquie, mais de possession véritable. La jeune fille
rapportait grand gain à ses maîtres par sa divination,
et il est à croire que le démon qui l'inspirait voulait
accaparer à son profit et faire attribuer à son influence
l'action merveilleuse des deux Apôtres.: Saint Paul
coupa court à cette obsession en commandant à l'esprit
de sortir de la jeune fille. Dès lors, celle-ci fut réduite
à l'impuissance, Act., xvi, 16-18. H.Lesetre.
PYTHONISSE. Voir Python; Évocation des morts,
t. n, col. 2129.
/
DICT. BÇ^WLE.
V. - 29
Q
Q. Voir Qoph, dix-neuvième lettre de l'alphabet
hébreu.
QADIM (hébreu : onp nn; Septante : ave[xoc v6-
toç; Sv£[noç -/tâucnov v<Jto;; Vulgate : ventus urens, spi-
ritus vehemens ; ventus auster; Q>ip; xavsuv; ardor,
«stus, tienfws urens), vent de l'est. Qâdîni seul se dit
par ellipse pour rûah qâdim. Quoiqu'il désigne le
vent d'orient, on ne doit pas toujours prendre cette
expression dans un sens rigoureux, les Orientaux dési-
gnant assez vaguement sous le nom de vent d'est tout
vent qui souffle entre le nord et l'est, et entre l'est et
le midi. Les traducteurs grecs l'ont traduit par ave[io;
xa'j<7wv, xavauv, de même que la Vulgate par ventus
urens, ardor, xstus, parce que le trait le plus carac-
téristique de ce vent en Palestine, c'est qu'il est brû-
lant. Mais les Septante ont rendu qàdîm dans six
passages, Exod., x, 13 (2 fois); xrv, 21; Job, xxxvm,
24; Ps. lxxvii, 26; Ezech., xxvn, 26, par votos, « vent
du midi », parce que, en Egypte, il y a deux vents brû-
lants; le premier, le khamsin, souffle du sud et non de
l'est, et le second, le simoun, souffle du sud-est et du
sud-sud-est. M. Lane, Manners and Customs of the mo-
dem Egyptians, 1837, 1. 1, p. 2-3. Dans la vallée du Nil,
le vent d'est est plutôt frais, à rencontre du vent du sud.
1° Au sens propre. — Le vent d'est est très violent
en Palestine et brûlant. Quand il y souffle plusieurs
jours, au mois de mai, de juin, de juillet et d'août,
il est désastreux pour les récoltes, pour les céréales
et pour les vignobles, comme pour les navigateurs
sur la Méditerranée. Job, xiv, 2; xv, 2; Ps. xlviii, 7;
cm, 5; Is., xl, 7; Ezech., xvn, 10; Ose., xm, 15;
Jon., iv, 8; cf. Gen., xli, 6, 23. Ce vent traverse avant
d'arriver en Palestine les sables de l'Arabie déserte, ce
qui lui fait donner aussi le nom de « vent du désert »,
Job, i, 19; Jer., xm, 24; il brûle et enfièvre comme le
sirocco. Ezech., xvn, 10; xix, 12, etc.'Cf. Jac, i, 11.
« Le vent d'est, privé d'ozone, dit Baedeker, Palestine et
Syrie, 1882, p. 48, absorbe toute humidité et s'il fond
sur les moissons avant l'époque de leur maturité, il
détruit parfois toutes les espérances du moissonneur.
Il dure souvent plusieurs jours de suite et élève le
thermomètre à 40 degrés et plus. De temps à autre, il
souffle par vives rafales; pendant qu'il règne, l'atmos-
phère est ordinairement voilée. 11 exerce sur l'homme
une action énervante accompagnée d'insomnies et de
maux de tête. » Cf. Palestine, t. iv, col. 2027.
2» Au sens figuré. — La violence du qâdim et les
maux qu'il produit ont donné naissance à diverses
métaphores dans les Livres Saints. Ce mot désigne un
discours véhément, plein de malice, dans Job, xv, 2 ;
il devient synonyme de calamités et de maux divers
spécialement de la guerre, Is., xxvn, 8; Jer., xvm, 17;
Ezech., xvxi, 10; xix, 12; xxvn, 26; Ose., xm, 15; du
jugement de Dieu, Job, xxvn, 21; suivre le qâdim,
c'est suivre une voie funeste. Ose., xn, 1. « Tes rameurs,
dit Ézéchiel en parlant de Tyr, xxv, 26, t'ont fait voguer
sur les grandes eaux, le qâdim t'a brisé au milieu de
la mer. »
QANAH (VALLÉE DE), ou vallée des Roseaux,
vallis Arundineti dans la Vulgate. Jos., xvi, 8; xvn,
9. Voir Cana i, t. n, col. 104.
QARQOR (Septante : Kapxâp; Alexandrinus et
Eusèbe : Kapx.i), nom d'une ville située à l'est du Jour-
dain. La Vulgate n'a pas conservé ce nom propre et
elle l'a traduit par requiescebant : « (Zébée et Salmana)
se reposaient, » au lieu de : « Zébée et Salmana (qui
s'étaient enfuis après leur défaite par Gédéon) étaient
(arrivés) à Qarqôr, avec (le reste de) leur armée, »
comme le porte le texte hébreu. Les deux chefs madia-
nites se croyaient là en sécurité, à l'abri de toute
poursuite. Mais Gédéon les atteignit à l'improviste,
battit les quinze mille hommes qui étaient avec eux
et s'empara de leur personne. La situation précise de
Qarqôr est inconnue. D'après le récit des Juges, vin,
10-11, cette localité était située à l'est du Jourdain, à
une distance inconnue- au ;delà de Socoth et de Pha-
nuel, vers le sud, à l'est de Nbbé et de Jegbaa (voir
Nobé 2, t. iv, col. 1655; Jegbaa, t. m, col. 1218),
peut-être dans le voisinage de Rabbath-Ammon. Voir
la carte de la tribu de Gad, t. m, col. 28. Eusèbe et
saint Jérôme, dans VOnomasticon, édit. Larsow et
Parthey, 1862, p. 252, 253, disent que, de leur temps,
Qarqôr (Kapxdt, Carcar) s'appelait Carcaria, petit fort
à une j ournée de distance au nord de la ville de Pétra,
qui parait être le Mons regalis, « Mont royal » des
Croisés. On objecte contre cet emplacement qu'il est
trop méridional. Le site de Qarqôr reste encore un
problème.
QEDÉSCHIM, QEDÉSCHOTH (hébreu : qedêslm,
qedêsôl), prostitués des deux sexes qui par la plus
étrange aberration morale s'imaginaient honorer As-
tarthé ou d'autres dieux infâmes en se livrant à l'impu-
dicité. Num., xxv, 1-4; I (III) Reg., xv, 12; xxii, 47;
cf. xiv, 24;'II (IV) Reg., xxm, 7; Job, xxm, 14; Ose., iv,
14. Cf. Hérodote, i, 199. Le mot hébreu signifie « consa-
cré», voué au culte. Il correspond au grec UprfSouXoç,
mais, dans les Septante, les qedêSîm.sonX appelés nop-
veJtov; <TÛv2e<T(ji.oç, I Reg., xiv, 24; zaSrjui'tJL, IV Reg., xxm,
7; ïeTeXE<T(ievoi, III Reg., xxn, 47 (Vulgate : scortator,
effeminati), et les qedêSôt, rcopvïj (Vulgate : nieretrix),
Deut., xxm, 17 (hébreu, 18). Les qedêsîm sont désignés
aussi sous le nom de « chiens » dans le texte original
et dans les versions, Deut., xxm, 18 (hébreu, 19), et
les hiérodules des deux sexes sont sévèrement condam-
nés. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes
■modernes, 6 e édit., t. iv, p. 506-512. Cf. Gesenius, Thé-
saurus, p. 1196-1197; S. Jérôme, In Ose., iv, 14, t. xxv,
col. 851. =
QERI, « lis », c'est-à-dire ce qu'il faut lire, dans les
Bibles massorétiques. Voir Keri, t. m, col. 1889.
901
QESITAH — QUADRUPÈDES
902
QESITAH (hébreu : îrettarp, Septante : àjjivôç ; Vul-
gate : agnus). Dans la Genèse, xxxm, 19, nous lisons
que Jacob acheta à Sichem un champ qu'il paya cent
qeèitâh, ce qui est répété dans Josué, xxrv, 32. — Les
amis de Job, après sa guérison, lui firent chacun pré-
sent, entre autres choses, d'un gesitâh. Ce sont les trois
seuls passages de l'Écriture où l'on rencontre ce mot.
On ne sait pas d'une manière certaine ce qu'il désigne.
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il servait à faire
des paiements comme une sorte de monnaie. Voir Mon-
naie, t. iv, col. 1235.
QIR, mot hébreu, signifiant « muraille, rempart »,
qui entre dans la composition du nom delà capitale de
Moab. Voir Km Haraseth ou Haréseth, Km Harès ou
Kir Hères, Km Moab, t. iv, col. 1895.
QIRYAT HUSOT, ville de Balac, dont le nom n'a
été conservé ni par les Septante ni par la Vulgate.
Voir Cariath Husoth, t. Il, col. 272. — Le mot qiryaf,
qui signifie « ville ». entre dans la composition de
plusieurs noms de ville. La Vulgaté l'a transcrit ;ordi-
nairement Cariath. Voir t. il, col. 268-279, cf. col. 282-
285.
QOPH, *p et i"ip, dix-neuvième lettre de l'alpha-
bet hébreu, d'où est venue par l'intermédiaire du
phénicien, du grec et du latin, notre lettre Q, q, dont
la forme ancienne est encore reconnaissable, et qui a
•conservé à peu prés la même valeur phonétique. Dans
la numération hébraïque, elle vaut le nombre cent. On
suppose que les Phéniciens l'ont emprunté à l'hiéro-
glyphe dont la forme rappelle celle d'un coin. Voir
Alphabet, t. I, col. 405. Gesenius, Thésaurus, p. 1189,
et d'autres hébraïsants, ont cru que la figuration an-
tique du caractère représentait le trou d'une aiguille ou
le trou de la hache dans laquelle on fait entrer le
manche, mais si cette explication peut convenir à l'an-
cienne forme grecque du qoppa, <p, elle convient
moins aux formes primitives sémitiques. Voir t. i,
col. 406-410. Quoi qu'il en soit, le qoph fut d'abord
(admis, dans l'alphabet grec, sous le nom de qoppa et
sous la forme <p. On le voit sur les anciennes monnaies
de Corinthe, t. n, fig. 347, 348, col. 974, 975, comme ini-
tiale du nom de cette ville, ainsi que sur les monnaies
de plusieurs autres villes grecques : Le xômra a disparu
plus tard comme lettre superflue de l'alphabet grec,
d'où il fut chassé par le k, y.&mza, mais il est resté dans
la langue sous sa forme antique comme signe numé-
rique, avec la valeur de 90. Avant d'être expulsé par les
Grecs, le qoppa avait été adopté par les Latins, Quin-
tilien, I, iv, 9, qui nous l'ont transmis. Cependant le q
n'a jamais été employé par la Vulgate dans la transcrip-
tion des noms propres hébreux où entre la lettre qoph,
sans doute parce que les Grecs les avaient toujours
transcrits par le xaTtmx et qu'ils avaient été connus
primitivement avec cette orthographe par les premiers
chrétiens de Rome et d'Italie. Ainsi Cariathsepher,
Caath, etc. — Le son de la lettre qoph est en hébreu
guttural et plus dur que le son de la lettre palatale
analogue caph. La Vulgate, quoiqu'elle transcrive les
deux lettres hébraïques également par c, marque ce-
pendant souvent une différence en transcrivant le qoph
pour un simple c, Cis, Cison, Cariath, Ceiura, etc.,
et le caph pour ch, Chqnanxus, Chelion, Cherubim,
Chidon, Chobar, Chus, etc. Mais la règle n'est pas tou-
jours suivie fidèlement. Nous avons Caleb et Carmel,
quoique, pour ce dernier cas, nous ayons Charmél,
Is., xxix, 17; xxxn, 15, 16.
QUADRANS (grec : xo8pâvxr,ç. mot latin grécisé),
petite monnaie romaine, de bronze, • qui équivalait,
comme son nom l'indique, au « quart » de l'as; par
conséquent, au quart de sept ou huit centimes, ou à
environ deux centimes. Voir As, 1. 1, col. 1051. 11 en est
question deux fois dans le Nouveau Testament :
1° Matth., v, 26. « En vérité, je te le dis, tu ne sortiras
pas de là (de prison), que tu n'aies payé jusqu'au
dernier quadrans; » 2" Marc, xn, 42, « Deux petites
pièces (XéitTa; Vulgate : minuta; voir MiNUTUM, t. IV,
col. 1108), valant le quart d'un as, quod est quadrans. »
Saint Marc ajoute cette explication pour ses lecteurs
romains. Les écrits rabbiniques mentionnent aussi le
quadrans, sous le nom un peu défiguré de qedriontos.
Ses types étaient les suivants : à l'avers, la tête d'Hercule,
protecteur des fortunes; au revers, comme pour l'as
et ses autres divisions, une proue de navire (Bg. 206).
Il avait cours en Palestine au temps de Notre-Seigneur,
avec les autres monnaies divisionnaires de Rome. A
l'origine, il pesait trois onces, et on le nommait parfois,
pour ce motif, teruncius; son poids primitif était
marqué par trois globules sur l'une de ses faces.
206, — Quadrans romain. Les trois boules indiquent que
le poids de Ja monnaie est de trois onces.
Cf. Pline, H. N., XXXIII, m, 13. A l'époque de Cicéron,
c'était la plus petite monnaie romaine. Cf. Plutarque,
Cicer., xxix, 26. Mais, aux premiers temps de la répu-
blique, les Romains avaient eu le sextans ou sixième
partie de l'as; Yuncia, sa douzième partie, et même la
semiuncia, sa vingt-quatrième partie.
L. ÉILLION.
QUADRIGE, char attelé de quatre chevaux, usité
chez les Romains. Notre Vulgate latine emploie sou-
vent le mot quadriga dans l'Ancien Testament (jamais
dans le Nouveau), pour traduire l'hébreu rékeb, « char ».
Jud., iv, 28, etc. L'expression quadriga, à l'entendre
rigoureusement, est impropre, car il n'est jamais ques-
tion dans l'Écriture d'attelage à quatre chevaux; il
faut la prendre dans le sens général de char. Voir
Char, t. n, col. 565.
QUADRUPÈDES (hébreu : hôlêk 'al-arba', « mar-
chant sur quatre » pattes; Septante : S TtopsiiEraî iiti
réuo-expa, TS-cpâicoSa; Vulgate : quadrupes, quadrupe-
dia), animaux qui marchent sur quatre pattes. — Les
quadrupèdes appartiennent en majeure partie au genre
des mammifères ou animaux pourvus de mamelles.
Cependant il y a des animaux qui vont à quatre pattes
et ne sont point des mammifères, les lacertiens, lézard,
crocodile, etc., les batraciens, grenouille, crapaud, etc;,
et les chéloniens, tortue, etc. Mais on désigne vulgai-
rement sous le nom de quadrupèdes les animaux que
l'hébreu appelle/6e/jêm.â/j, le bétail, les grands animaux
domestiques où sauvages, etc. — Parmi les quadrupèdes,
la Bible déclare impurs tous ceux qui marchent sur la
plante des pieds et qui, par conséquent, n'ont pas de
sabot, Lev., xi, 27, et tous ceux qui, avec quatre pieds,
sont des reptiles. Lev., xr, 42. Voir Animaux, t> i,
col. 603. — Baruch, m, 32, rappelle la création par Dieu
des animaux quadrupèdes. Dans la vision qui signifiait
l'admission des païens dans l'Église, saint Pierre re-
connut tous les quadrupèdes de la terre, les reptiles
terrestres et les oiseaux. Act., x, 12; xi, 6. Les idolâtres
représentaient des quadrupèdes auxquels ils rendaient
903
QUADRUPÈDES — QUARANTAINE (DÉSERT DE LA)
904
les honneurs divins. fiom., i, 23. — Les quadrupèdes
dorit parle la Bible, à part ceux qu'elle met- au rang
des reptiles, voir Reptiles, sont des mammifères mo-
nodelphes, c'est-à-dire dont les petits se développent
tout entiers dans le sein de la mère. Ils appartiennent
aux ordres suivants : 1" Quadrumanes, singe. —
2» Chéiroptères, chauve-souris. — 3° Insectivores, hé-
risson, musaraigne, taupe. — 4» Rongeurs de diffé-
rentes familles : muridés, campagnol, rat; dipodés,
gerboise; hystrïcidés, porc-épic; léporidés, lapin, liè-
vre. — 5° Carnassiers de différentes familles : ursidés,
ours ; canidés, chacal, chien, loup, renard; félidés,
chat, lion., panthère, tigre; hyénidés, hyène'; mustéli-
clés, belette, ichneumon, mangouste, marte. — 6° Pro-
ie Sauveur resta seul avec les bêtes sauvages, ïjv (jeta
t&v eript'aiv (Marc, i, 13), est le désert de Judée ou une de
ses parties. Les anciens interprètes l'ont toujours ainsi
compris. Cf. S. Jean Chrysostomè, In Matth., hom. xiv,
t. lvii, col. 217 : S. Thomas, Expositio continua seu
Catena aurea, in Matth., c. iv. D'après l'ancienne Glose
citée par le même, ibid., '« ce désert est entre Jéru-
salem et Jéricho... » « C'est le désert maintenant
appelé le désert de la Quarantaine, ajoute le dominicain
Burchard (1283), et qui s'étend jusqu'au dessus de Gai-
gala et jusqu'au désert qui fait face à Thécué et Engad-
di. » Descriptio Terrx Sanctœ, 2° édit. Laurent, Leip-
zig, 1873, p. 51; cf. 57. C'est la partie septentrionale du
désert de Judée comprise dans le territoire de l'ancienne
207. — Montagne de la Quarantaine. D'après une photographie de M. L. Heidet.
boscidiens, éléphant. — 7» Jumentés de deux familles :
équidés, âne, cheval, onagre, mulet; hyracidés, daman,
rhinocéros. — 8° Ruminants de différentes familles :
bovidés, antilope, aurochs, bison, bœuf, bouquetin,
bubale, buffle, chèvre, mouton; cervidés, cerf, che-
vreuil, daim, girafe; camélidés, chameau, dromadaire.
— 9°. Porcins, hippopotame, porc, sanglier. Voir lés
articles consacrés à chacun de ces animaux.
H Lfsêtre
QUARANTAINE (DÉSERT DE LA), désert où
Notre-Seigneur passa les quarante jours et les quarante
nuits qu'il jeûna avant de commencer. sa vie publique
et où il fut tenté par le diable. Matth., iv, 1-11; Marc,
î, 12-13; Luc, rv, 1-13 (fig. 207).
I. Identification. — Le récit des trois Évangiles
synoptiques suit immédiatement celui du baptême du
Sauveur, indirectement indiqué en Judée. Les trois
Évangélistes ajoutent, Matth., 12; Marc, 14; Luc, 14,
que Jésus retourna ensuite en Galilée. Ils laissent par
là clairement entendre que « le désert », ï| epr|[io<;, où
tribu de Benjamin et connue jadis sous le nom de dé-
sert de Béthaven. Voir Béthaven, t. i, col. 1666; Dé-
sert, t. ii, col. 1391; Juda (Désert de), t. ni, col. 1174.
Aujourd'hui et depuis le xn e siècle, le nom de Qua-
rantaine, montagne de la Quarantaine, djebel Qaranfal,
est particulièrement attribué à la montagne qui forme
la lisière orientale de l'ancien désert de Béthaven. Une
charte de 1134, délivrée par le patriarche Guillaume,
donne le lieu de la sainte Quarantaine, sanctœ Quaran-
tense locum, avec toutes ses dépendances, aux chanoi-
nes du Saint-Sépulcre. Une seconde charte du même,
donnée en 1136, accorde à ceux-ci toutes les dîmes de
Jéricho pour l'entretien de l'église et des religieux de
la très sainte Quarantaine... lé lieu glorieux où Notre-
Seigneur jeûna quarante jours et quarante nuits. » Car-
tulairedu S. Sépulcre, n.xxvu et xxvm, t. clv, col. 1119-.
1120. Il n'est point de pèlerin, de quelque rite et de
quelque langue qu'il soit, qui ne mentionne depuis, dans
sa relation, la sainte montagne de la Quarantaine et sa
chapelle où le Seigneur jeûna et fut tenté par le démon.
905
QUARANTAINE (DÉSERT DE LA) — QUENOUILLE
906
— Les Croisés toutefois, ce n'est pas douteux, avaient
trouvé le lieu en honneurparmi les Orientaux. En 1102,
«n effet, c'est-à-dire au début de l'occupation de la Terre
Sainte par les Francs, le pèlerin flamand Soewulf, après
avoir visité la fontaine d'Elisée, s'était rendu à la haute
Montagne située sur le bord de la plaine, où le Sauveur
■a jeûné quarante jours et a été tenté par Satané Dans
Recueil de voyages de la Société de géographie, t. îv,
4839, p. 848. Aux temps antérieurs, elle était recherchée
par les solitaires qui voulaient mener une vie plus
austère. Auvtii e siècle, saint Etienne le thaumaturge,
moine de la laure de Saint-Sabas, y vint expressément
pour y accomplir un jeûne de quarante jours. Vita
S. Steph.,- n. 139, Acla Sanctorum, t. m julii, Paris,
1867, p. 559. A la fin du rv e siècle, les solitaires qui à
la suite de saint Elpide, successeur de saint Chariton,
étaient venus habiter les grottes de la montagne, étaient
si nombreux qu'elle avait plutôt l'apparence d'une grande
-ville que d'un désert. Pallade, Historia Lausiaca, c; cvi,
t. xxxiv, col. 1211-1212. La montagne portait alors le
■nom de Douca (AoOxa) qui parait être l'appellation bi-
blique Doch. Voir Doch, t. n, col. 1454-1456,
Les éditeurs de la vie de saint Euthyme ont cru
reconnaître le désert delaQuarantaine dans le désert de
Ruban, souvent mentionné dans l'histoire des solitaires
de la Palestine. Ce désert se trouvait à l'orient de la
laure de Saint-Sabas et sur le côté nord-ouest de la mer
Morte. Le mont Marda ou Mardès, aujourd'hui le Mun(âr,
au-pied duquel, à cinq kilomètres au nord-est de Saint-
Sabas, est la ruine appelée Mird, serait, selon les savants
Bollandistes, le mont de la Quarantaine de l'histoire.
Acta Sanctorum; 20 julii, t. H, p, 671, note b. Cette
identification est exclusivement fondée sur une inter-
prétation inexacte d'Adrichomius et de Quaresmius.
Pour ces deux auteurs ainsi que pour Burchard, dont
Adrichomius ne fait que reproduire les paroles, la
montagne de la Quarantaine est incontestablement le
Djebel Qarantal actuel, et le désert de la Quarantaine
le désert qui s'étend à la suite vers Mukmds, 'Anafd et
Jérusalem, à l'occident.
D'après Wiesner et Ad. Neubauer, la montagne de la
■Quarantaine serait identique au mont Çouq (pis, Çuq)
■de la Mischna, Yôma, vi, 5, qui était à 96 stades ou
12 milles de Jérusalem. Le mont Çouq ne serait pas
■différent de l'Azazel de la Bible où l'on chassait le bouc
émissaire. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris,
4867, p. 44-45. Le s hébreu correspond au k (?) des
Arabes, ordinairement. prononcé Jf> (à) en Palestine, et
la distance de 12 milles (environ 18 kilomètres), conve-
nant d'autre part à la montagne de la Quarantaine, du
■moins si on l'entend dans l'acception de massif monta-
gneux comme le comporte le mot en hébreu et en
arabe, on peut considérer comme probable l'identité de
Sûq et de Dùq. — Quoi qu'il en soit, le mont de la
■Quarantaine, tant par ses caractères que par sa situation,
répond très bien à l'idée du désert habité seulement par
•les bêtes sauvages où se retira le Sauveur pour jeûner.
II. Description. — Le mont ou plutôt le rocher delà
•Quarantaine s'élève presqu'à pic en face de tell es-
Sultan formé des ruines de l'ancienne Jéricho, à douze
■cent mètres environ, à l'occident. Son altitude est,
d'après les mesures de la société anglaise d'exploration
de 492 mètres au-dessus du niveau de la mer Morte,
■de 323 au-dessus de 'aîn es-Sulfân qui sort du tell du
même nom, et de 98 au-dessus de la mer Méditerranée.
Le côté oriental complètement dénudé contraste avec le
petit vallon verdoyant arrosé par les eaux de 'aïn Dûq
■qui s'étend à sa base. De nomhreuses grottes, naturel-
les ou creusées de main d'homme, le perforent. Une d'en-
tre elles, située vers l'extrémité méridionale où la mon-
tagne fléchit vers l'ouest et à mi-hauteur, est célèbre
-entre toutes : c'est celle où l'on croit que le Sauveur
s'abrita pendant son jeûne et où Satan se présenta à lui.
Des restes de peinture du XII e siècle représentent celte
scène sur les parois de la caverne transformée en cha-
pelle. En 1870, V. Guérin la trouva occupée par des
moines abyssins. Depuis 1874 elle est devenue la pro-
priété des Grecs. Kn 1895, ceux-ci y ont annexé un cou-
vent assez spacieux, qui demeure comme suspendu au-
dessus de l'ouadi-Teisûn. On y arrive par un sentier
pratiqué dans le roc sur le flanc de la montagne, jadis
très difficile et périlleux, aujourd'hui élargi et pratica-
ble. — Un autre sentier plus difficile encore monte
du couvent au sommet de la montagne. Un petit pla-
teau actuellement environné d'un mur la couronne.
C'est là, au dire d'un grand nombre de pèlerins, que le
démon aurait transporté le Seigneur; d'autres indiquent
une autre montagne plus au nord. Au xn* siècle les
Templiers s'y étaient fortifiés pour la défense des pèle-
rins. Il y avait en outre une chapelle dont on voit les
restes et que les Grecs se proposent de relever. — La
montagne de la Quarantaine se prolonge vers l'ouest
par une suite de hauteurs reliées entre elles par des cols.
Son aspect et sa nature sont ceux des parties les plus
âpres du désert de Judée. Les failles profondes et
abruptes qui l'entourent, l'ouâà" es-Soueinît à l'ouest,
1 ! 'oudd' ' Abû-Retméh, au sud, et plus bas l'ouâd' él-Kélt,
les ouâdis Maqûq et Rummdmanéh au nord en font un
désert presque inabordable. Aussi ne paraît-il guère avoir
été. habité par d'autres que par les ermites et les bêtes
sauvages.
Voir Theodorici Libellus de Locis Sanctis editus circa
A. D. 1172, xxix, édit. Tobler, Saint Gall et Paris, 1865,
p. 70-72; Adrichomius, Theatrum TerrxSanctee,Trib.
Benjamin, n. 97 et 98, in-fo, Cologne, 1600, p. 19;
F. Quaresmius, Terrse Sanctte Elucidatio,' part, II, Pe-
regrinatio vi, cap. xn, in-f>, Anvers, 1639, p. 757-578;
Victor Guérin, Samarie, ch. n, t. n, p. 39-45; Liévin de
Hamm, Guide-Indicateur de la Terre Sainte, 3 e édit.
Jérusalem 1887, t. n, p. 305-310. ; L. Heidei\
QUARTUS (grec : KouâfToç, forme grécisée du
latin quartus, « quatrième »), chrétien résidant à Co-
rinthe, lorsque saint Paul écrivit de cette ville son
Épitre aux Romains. Son nom semble indiquer un
Romain d'origine. Aussi était-il connu à Rome et
l'Apôtre envoie ses salutations aux fidèles de cette
Église. Rom., xvi, 23. Des traditions anciennes en
font un des soixante-douze disciples et un évêque de
Béryte. L'Église latine célèbre sa fête le 3 novembre. Til-
lemont, Mémoires pourservir àl'histoire ecclésiastique,
t. i, p. 259; Acla Sanctorum, novembris t. il.
QUATRE. "Voir Nombre, vu, 4», t. , iv, col. 1688.
QUENOUILLE (hébreu : kîsôr), instrument destiné
à porter la laine à filer (flg. 208). Le mot kîsôr ne se Ut
qu'une fois, Prov., xxxi, 19, à propos de la femme forte
Elle met la main au kUôr
Et ses doigts tiennent le fuseau.
Kîsôr vient probablement de kâsar, « être droit ». Le
versions l'ont traduit par xi <ru|jupépovTo<, « les choses
utiles », et fortia, « les choses fortes ». On a pensé
qu'il désigne le neson, le poids qu'on met dans le fuseau
pour faciliteç-Sa\fttation.Yoir Fuseau, t. m, co1.2426j
La manière dont s'exprime le texte rend plus probable
le sens de « quenouille », sone de bâton droit auquel
la femme « met la main » avant de tenir le fuseau. A ce
bâton, on fixait la laine ou le lin à filer. Ce bâton
était parfois disposé à son sommet en forme de petite
corbeille dans laquelle on enfermait la matière à filer.
On le fixait à la ceinture. De la main gauche, on tirait les
fibres à travers les larges claires-voies de la corbeille
et on les rattachait au fuseau qui, tournant d'une ma-
nière continue et alimenté sans interruption par la que-
907
QUENOUILLE — QUÊTE
908
nouille, imprimait au fil la torsion convenable. Cf. Rich,
Dict. des antiquités romaines et grecques, p. 182, 426.
. — Femme fllant une quenouille. Bas-relief d'une frise
du Forum de Nerva à Rome.
Voir Fileuse, Fuseau, fig. 662, 663, 708-711, 722, t. m,
col. 2250, 2426, 2427. H. Lesëtre.
QUERELLE (hébreu : mâdôn, massâh, massât, merî-
bdh, rib; Septante : xpfoic, (iâxi» ■veïxoç, tv-p&xhl ^ u ^ _
gâte : discordia, jurgium, lis, rixa), désaccord qui se
manifeste par des paroles plus ou moins vives et même
par des voies de fait.
1° Plusieurs querelles ont été notées par les écrivains
sacrés : la querelle entre les bergers d'Abraham et ceux
de Lot, Gen., xm, 7, 8, qui se renouvela entre les ber-
gers d'Isaac et ceux du pays de Gérare, Gen., xxvi, 20;
la querelle entre les deux Hébreux que Moïse veut apai-
ser, Exod., it, 13; celle qui s'élève au désert entre un
Israélite et le fils d'un Égyptien, Lev., xxiv, 10; celle
que les Éphràïimtes cherchent à Gédéon, Jud., vin, 1;
celle que la femme de Thécué suppose entre ses deux
fils, II Reg., xiv, 6; etc. —La Loi s'occupait des querel-
les.Quand deux, hommes se querellaient et en venaient
aux coups, celui qui en avait blessé un autre devait
l'indemniser et le faire soigner. Exod., xxi, 18. La peine
devenait beaucoup plus grave si, au cours d'une que-
relle, quelqu'un heurtait une femme enceinte et lui
causait quelque mal. Exod., xxi, 22-25. En cas de que-
relle et de contestation sérieuse, les deux partis devaient
se présenter devant les juges, et celui qui était reconnu
avoir tort recevait la flagellation séance tenante. Deut.,
xxv, 1, 2. La femme qui prenait indécemment parti
dans unequerelle entre deux hommes avait la main cou-
pée, Deut., xxv, 11.
2» Les querelles paraissent avoir été fréquentes chez
les Israélites. Isaïe, lviii, 4, reproche à ceux de son
temps d'associer à leurs jeûnes, qui sont louables, des
querelles qui les rendent odieux au Seigneur. Jérémie,
xv, 10, se plaint d'être continuellement un objet de
contestations et de querelles de la part de ses conci-
toyens. Habacuc, i, 3, constate aussi l'esprit querelleur
qni régnait partout. — Les livres sapientiaux sont ins-
tructifs à ce sujet. Les querelles sont excitées par le
méchant, Prov., vi, 14, 19; le haineux, Prov., x, 12;
le violent, Prov., xv, 18; l'emporté, Prov., xm, 33;
l'orgueilleux, Prov., xm, 10; l'hypocrite, Prov., xvi,
28; le cupide, Prov., xxvm, 25; le buveur de vin, Prov. T
xxm, 29. L'insensé vient se mêler inutilement à la que-
relle, Prov., xviii, 6; mal lui en prend, car il a le sort
de ceVui qui saisit un chien par les oreilles. Prov.,xxvi T
17. Grâce au moqueur et au rapporteur, les querelles
deviennent interminables, Prov., xxii, 10; xxvi, 20, car
ils se plaisent à apporter du 'bois et du charbon pour
le feu. Prov., xxvi, 21. « Commencer une querelle, c'est
ouvrir une digue, » Prov., xvn, 14, on aura mille peines
à arrêter l'eau, il faudra qu'elle s'écoule toute entière,
La femme querelleuse passaitpour être particulièrement
insupportable. On la compare à une gouttière qui, de
la terrasse formant toiture, coule à l'intérieur de la
maison. Prov.,xix,13; xxvii, 15. Plutôt que de demeu-
rer avec elle, mieux vaut habiter à l'angle du toit, Prov.,
xxi, 9; xxv, 24, ou même au désert. Prov., xxi, 19. Le
pain sec est préférable à la bonne chère accompagnée
de querelles. Prov.. xvn, 1. Aimer les querelles, c'est
aimer le péché. Prov., xvn, 19. — L'auteur de l'Ecclé-
siastique, vin, 2, 4, recommande d'éviter les querelles
avec le riche, que son or rend puissant et redoutable,
et avec le grand parleur, auquel ce serait fournir un ali-
ment comme du bois au feu. Il donne les conseils sui-
vants au sujet des querelles :
Éloigne-toi de la dispute, tu pécheras moins,
Car l'homme irascible échauffe la querelle...
Le leu s'embrase selon le bois qui l'alimente :
Ainsi la colère d'un homme h' allume selon sa puissance...
Une querelle précipitée allume le feu,
Une dispute irréfléchie fait couler le sang.
Souffle sur une étincelle, elle s'embrase,
Crache dessus, elle s'éteint :
Les deux portent de la bouche. Eccli., xxvm, 8-12.
A l'époque évangélique, comme de tout temps en
Orient, les querelles devenaient facilement bruyantes
chez les Juifs et dégénéraient souvent en voies de fait.
On tirait l'oreille de son adversaire, on lui arrachait les
cheveux, on crachait sur lui, on le frappait à l'oreille ou
à la mâchoire. Ces actes entraînaient des compensations
pécuniaires. Cf. Baba kamma, vm, 6. « Toutes ces
peines étaient proportionnées à la dignité de la personne
lésée. Quant à l'insulte, aucune loi ne la punissait...
Deux Juifs ne pouvaient discuter froidement, et les
insultes les plus méprisantes, les injures les plus gros r
sières, faisaient partie de la conversation courante dans
toutes les classes de la société... Les discussions de la
maison d'école dégénéraient souvent en disputes... Du
reste, le Juif n'a jamais su discuter froidement... Les
accusations de folie, d'ineptie, d'imbécillité étaient fré-
quentes, le mot raca sans cesse prononcé. » Stapfer, La
Palestine au temps de J.-C, Paris, 1885, p. 111, 289,
L'exagération et l'hyperbole sont inhérentes au tempé r
rament oriental. On comprend dés lors qu'il ait été écrit
du Messie : « Il ne criera point, il n'élèvera pas la voix,
il ne la fera pas entendre dans les rues, » Is., xlii, 2,
et que lui-même ait dit : « Recevez mes leçons,
parce que je suis doux et humble de cœur. » Matth. r
xi, 29.
3° Les Apôtres condamnent les querelles, comme les-
œuvres de la chair, Gai., v, 20, et l'effet des passions
mauvaises. Jacob., iv, 1. Le fidèle doit les éviter, Tit.,
iii,2; le serviteur de Dieu ne doit pas contester. II Tim.,
n, 24. Il faut s'abstenir des questions stériles qui les
engendrent. II Tim., il, 23. Voir Procès, col. 681.
H. Lesètre.
QUÊTE, demande d'aumônes pour une œuvre cha-
ritable. La charité étant un des caractères essentiels-
du christianisme, on retrouve à son origine même
l'organisation des quêtes pour venir en aide aux pau-
vres et aux malheureux, surtout dans les calamités
publiques. Saint Paul avait établi des collectes poul-
ies pauvres de Jérusalem en Galatie et il en fit faire
909
QUÊTE — QUIRINIUS
910
également à Corinthe, le dimanche, laissant à chacun
la liberté de donner à son gré, et en demandant qu'elles
fussent faites avant son arrivée dans cette ville. 1 Cor.,
xvi, 1-3. Cf. Gai., il, 9-10; II Cor-, vm, 14; ix; Rom.,
xy,2ô, XI; Act., xxiv, 17. Voir R. Cornely, Comment,
in 1 ad Corinth., 1890, p. 518-521. Depuis lors, on n'a
jamais cessé dans l'Église de faire des quêtes pour sub-
venir aux besoins des pauvres. Le Talmud, Baba metsia,
f. 38 a, mentionne un usage analogue chez les Juifs.
Des quêteurs, appelés npis »Na:, gabbâ'ai sedâqâh ou
« collecteurs d'aumônes » recueillaient pendant la se-
maine les dons de leurs coreligionnaires charitables et
distribuaient tous les samedis aux nécessiteux l'argent
qu'ils avaient recueilli ou, si c'étaient des dons en na-
ture, tous les soirs. Voir ,T. Buxtorf, Lexicon chaldai-
cum. talmudicum, in-f°, Bàle, 1640, col. 375-376.
, QUEUE (hébreu : zânâb, 'alydh; Septante: xipxo;,
o'jpâ; Vulgate : couda), appendice postérieur des ani-
maux, ordinairement formé par un prolongement de
l'épine dorsale.
1° Au sens propre. — 1, Il est souvent question de
la queue des brebis qui élait offerte dans les sacrifices.
Le mot 'alyâh sert exclusivement à la désigner. Les
Septante l'appellent crréap, « graisse », parce que cette
queue se compose surtout d'une masse de graisse dont
le poids peut atteindre de six à dix kilogrammes. Voir
Brebis, t. i, col. 1912. La queue du bélier, de la brebis
et de l'agneau devait être brûlée sur l'autel. Exod., xxix,
22; Lev., m, 9; vu, 3; vm, 25; n, .19. Voir Graisse,
t. m, col. 293. On pouvait offrir en sacrifice volontaire
un bœuf ou une brebis avant un membre trop long ou
trop court. Lev., xxir, 23. Les versions parlent ici d'un
animal avant la queue coupée, xoXoêôx£pxoç, cauda
amputatum. — 2. Sur l'ordre du Seigneur, Moïse saisit
par la queue le^erpent en lequel s'était transformé son
bâton. Exod., iv, 4. Samson attacha par la queue, deux
à deux, les chacals qu'il envoya incendier les moissons
des Philistins. Jud., xy, 4. Voir Chacal, t. n, col. 477.
D'après Job, xl, 17, béhémoth, l'hippopotame, « fléchit
sa queue comme un cèdre. » Le verbe hébreu fyâfês a
le sens de « fléchir, incliner ». La queue de l'hipppo-
potame est courte, trapue, et n'a que de rares poils.
Elle ne peut donc être comparée au cèdre que par la
solidité; glabre et vigoureuse comme le tronc du cèdre,
elle fléchit et s'incline comme fait l'arbre sous l'action
du vent. Cf. Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, p. 526.
Quand le jeune Tobie et sa femme revinrent près de
leurs vieux parents, «le chien qui les avait accompagnés
dans le voyage courut devant eux, comme pour appor-
ter la nouvelle, caressant de la queue et tout joyeux. »
Tob., xi, 9. Ce verset ne se lit que dans la Vulgate.
5° Au sens figuré. — I. Par opposition avec la tête, la
queue marque le dernier rang, ce qu'il y a de plus
intime. Fidèles à Jéhovah, les Israélites seront à la tête
et non à la queue, en haut et non en bas; infidèles,
ils seront en bas et à la queue par rapport aux autres
peuples. Deut., xxvm, 13, 44. Dieu retranchera d'Israël
la tête, c'est-à-dire l'ancien et le noble, et la queue,
c'est-à-dire le prophète de mensonge, ce dernier plus
méprisable que tous les autres parce qu'il les entraine
au mal. Is., ix, 14, 15. La tête et la queue désignent éga-
lement en Egypte la nation et ses mauvais conseillers
Is., xix, 15. — % La queue est prise pour l'extrémité.
Le roi de Syrie et le roi d'Israël sontappelés deux queues,
c'est-à-dire deux bouts de tisons fumants, [s., vu, 4. La
queue d'une armée, oiox-fta, extremi, ce sont les traî-
nards, Deut., xxv, 18, ou l'arrière-garde. Jos., x, 19. —
3. Dans les visions de saint Jean, les sauterelles ont des
queues comme des scorpions et c'est en ces queues que
réside le pouvoir de nuire aux hommes. Apoc, ix, 10.
Des chevaux sont auasi pourvus de queues pareilles à
des serpents dont la tête fait des blessures. Apoc, ix,
i9. L'Apôtre décrit au moyen de ces images les fléaux
qui doivent fondre sur les hommes. Le grand dragon,
symbolisant Satan, entraîne avec sa queue le tiers des
étoiles, représentant les anges. Apoc, xn, 4.
H. Lesêtre.
QUINTUS MEMMIUS (grec : Kotvro; Msu^oc),
légat romain. Voir Memmius, t. rv, col. 954.
QUIRINIUS, vrai nom latin du magistrat romain
que la Vulgate écrit Cyrinus, parce que le texte grec
l'appelle Kupeîvo;. Voir Cyrinus, t. Il, col. 1186. ■
f
R
R, vingtième lettre de l'alphabet hébreu. Voir Rescii.
RAAIA (hébreu : Reâ'yâh, « (celui que) voit Jého-
vah »), nom de trois Israélites dans le texte Jiébreu. La
Vulgate appelle Raaïa celui qui est nommé, I Esd., h,
47, et II Esd., vu, 50; Raïa, le fils de Sobal,.I Par., iv,
2;_ Réia, le fils de Micha, I Par., v, 5. Voir Raïa et
Rèia. — Raaïa (Septante : 'Païi, LEsd., n, 47;
'Paotia, II Esd., vu, 50), un des chefs nathinéens
dont tes, (Jftsce.'Niwï.ts, t«X<mïiRfi.ce.ti.t. de. la. caçtivUé de
Babylone en Palestine avec Zôrobabel.
RAAMIAS {hébreu : Ra'amydh, « tonnerre de
Jéhovah », Septante : Tee'/ yi), un des chefs israé-
lites qui retournèrent de Rabylone en Palestine avec
Zôrobabel. II Esd., vu, 7. Dans I Esd., n, 2, il est
appelé Rahelaïa.
RAB, abréviation du nom de Rabbi Abba Àréka.
Voir Abba Aréka, t. i, col. 18.
RABAN M A UR, archevêque deMayence.VoirMAUR,
t. iv, col. 897.
' RABBA (hébreu : Rabbâh, « la nombreuse, la
grande»), nom 1» de la ville principale des Ammonites
dont le nom complet est Rabbath des fils d'Ammon ou
Rabbath-Ammon (Voir Rabbath-Ammon); 2" d'une
ville de Juda (hébreu : Hd-Rabbdh), Jos., xv, 60, qui
porte dans la Vulgate le nom d'Arebba (voir Arebba,
t. I, col. 938); 3° la ville principale de Moab, nom-
mée dans l'Écriture Ar et Ar-Moab (t. i, col. 814), por-
tait aussi le nom de Rabbath-Moab.
1. RABBA (hébreu : Rabbâh), capitale du royaume
des Ammonites ainsi simplement nommée, Jos., xm,
25; II Reg., xi, 1; xii, 27; I Par., xx, 1 (2 fois); .1er.,
xlix, 3; Ezech., xxv, 5; Amos, i, 14. Dans les Septante,
à ces mêmes passages, on trouve tantôt 'Paéëi, tantôt
'Paëëoie; une fois, Sinaïticus, 1 Par., xx, 2, Paëéâv; une
fois, Vaticanus : 'ApâS, par erreur de copiste. La Vulgate
écrit cinq fois Rabba et ailleurs Rabbath. Voir Rabbath,
Rabbath-Ammon.
%. RABBA (hébreu : avec l'article hâha-Rabbâh), ville
de la tribu de Juda, Jos., xv, 60. La Vulgate transcrit :
Arebba. VoirÂrtEBBA, t. i^col. 938.
S. RABBA ou RABBAH, dont le nom subsiste encore
dans le district de Kérak, l'ancien pays de Moab, est
souvent mentionnée par les écrivains ecclésiastiques et
profanes sous le nom de Rabbath-Moab ou Rabath-
moba. Voir Eusèbe et saint Jérôme, (Jnomaslicon,
édit. Larsow et Parthey, p. 292, 293. Les auteurs arabes
l'appellent ordinairement Mââb, équivalent de Moab.
Dans la Bible elle est connue seulement sous le nom
d'Arou Ar-Moab. Voir Ar, Ar-Moab, t. i, col. 814-817.
1. RABBATH, RABBATH-AMMON (hébreu :
Rabbâtâh, à l'état construit et avec le hé local, II Sam.,
xii, 29; partout ailleurs : Rabbaf benê-'Ammôn, « la
grande [ville] des fils d'Ammon »), capitale des Ammo-
nites, aujourd'hui 'Amman (fig. 210). Le nom, la situa-
tion et les conditions de cette localité ne laissent aucun
doute sur son identité avec la capitale dès Ammonites.
I. Noms. — Les trois formes Rabbâh, Ràbbât et
Rabbâf benê 'Ammôn se trouvent simultanément em-
çta^ées, U. Sam. ((U. Re.g.\, m, 2.6-29, çouc désigner la
ville. Les Septante rendent deux fois la dernière forme
par 'PaëgàO vlû>v 'A|i(iûv, II Reg.,xn, 26, et Ezech., xxi,
20 (hébreu, 25); une fois par ^ axpa t<5v -jÎôv 'Aftjjiâv,
Deut., m, 11, et une fois par ^ to5Xcî toû 'Ay.p.â'1, Ezech.,
209. — Monnaie de Rabbath-Ammon.
AYT. ylk\. M. aïpk. ahtqnehioe. MuiotunTèle et Vervjs sa don-
nant la main. — %. HPAKAHS. Buste d'Hercule jeune, de face,
la poitrine nue, avec sa. massue derrière la tête; dans le
champ *IA. — KOI AÇ?)H. — ErP.
xxv, 5. La Vulgate traduit constamment par Rabbath
flliorum Artimon.— Amman, Bit- Amman ou Ammâna,
fréquemment nommée dans les inscriptions assyriennes,
désigne sans doute la ville elle-même et indirectement
la contrée. Cf. Ammonites, t. i, col. 494, 497; F. Vigou»
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6« édit.,
t. nr, p. 461, 526; t. iv, p. 25, 34, 71, 88, 120. —Appelée
Philadelphie, *i>.aSeX<jta, par les Grecs et les Romains,
du nom de Ptolémée Philadelphe, roi d'Egypte (284-247),
elle fut souvent encore désignée de son ancien nom,
même par les écrivains grecs. Polybe, Hist., v, 71,
l'appelle 'Paëa&âjiavot. Cf. Reland, Palestina, Utrecht,
1714, p. 957-958. Eusèbe et saint Jérôme, Onomasticon,
édit. Larsow et Parthey, Rerlin, 1862, p. 306 et 307.
Procope de Gaza assure que Philadelphie était [tou-
jours] appelée Amman par les. indigènes, c'est-à-dire
par tous les Orientaux en général. In Gen., c. xii et xix,
t. lxxxvii, col. 349 et 378. — Le nom de Philadelphie
n'a jamais été employé par les auteurs bibliques. Il
disparut, avec les Grecs et les Romains, quand les Arabes
eurent conquis la contrée (635) et le nom de 'Amman
est resté jusqu'aujourd'hui le seul en usage dans le pays.
II. Situation. — Rabbath-Ammon (fig. 211) était non
loin de la limite [orientale] de Gad, au nordd'Hésébon,.et
913
RABBATH-AMMON
914
en face d'Aroër de cette tribu. Jos., xin, 25. Le site
d'Aroèr n'est pas connu. D'après les indications de
YOnomasticon, Ammon-Philadelphie se trouvait aiisud
de Gérasa dont elle était séparée par le Jabôc; elle
était distante, à l'ouest, de sept milles (=10472°")
d'Abéla, l'ancienne Abel des Vignes; de huit milles
(= 11968" 1 ) ou dix milles (16490 1 »), plus ou moins,
d'Azor ou Iazer située elle-même à quinze milles
(22440 m ) [au nord] d'Hésébon, et d'autant de Zên
(localité inconnue) et de Ramoth en Galaad. Loc. cit.
et p. 8 et 9, 200 et 201, 308 et 309. — Ptolémée, dans
sa Géographie, v, 15, place Philadelphie dans la Cœlé-
jardins bordaient la ville. Cf. El Muqaddasi, Géogra-
phie, édit. Goeje, Leyde, 1874, p, 175, 192; Yaqût, Dict.
géogr., édit. Wûstenleld, Leipzig, 1867, t. Il, p. 719-720;
Abu'1-Féda, Géogr.,- édit. Renaud et Slane, Paris, 1840,
p. 246-247. L'admiration des Arabes a été partagée par
les explorateurs européens qui, après plusieurs siècles,
sont revenus, dans le cours du dernier, visiter 'Am-
man. Ses ruines en effet, avec celles de Djérai, sont
les plus importantes et les plus belles que l'on trouve
dans la contrée au delà du Jourdain. Elles se déve-
loppent surtout an coté méridional de la colline où
se trouve la citadelle. £Iies s'étendent sur une longueur
210. — Plan de Rabbatb-Ammon.
D'après Couder, The Survey of Eastern Palestine, Mémoire, 1889, vis-à-vis de la p. 20.
Syrie, au 68° de latitude et au 3i"20' de longitude. —
'Amman est en effet, d'après les géographes moderùes,
au 31»57'30" de latitude nord et au 33°38' de longitude
-est de Paris.
III. Description. — Rabbath-Ammon, à l'époque de
David, se composait de deux villes ou deux quartiers :
« la ville des eaux, » 'îv ham-mâîm, et la ville où se
trouvait la résidence royale ou la citadelle. L'une et
l'autre avait, semble-t-il, sa muraille distincte.
Of. II Reg., xn, 26-29. — Les écrivains arabes ne parlent
qu'avec admiration des mines considérables et magni-
fiques de 'Amman. La ville basse, arrosée par d'abon-
dants cours d'eaux et des canaux, entourait la montagne
sur laquelle s'élevait le château de Djâlût (Goliath).
On remarquait le cirque de Salomon, et près de la rue
<iu marché (sûq) une élégante mosquée. Des moulins
Relevaient sur le bord de l'eau et de riants et. riches
de pivs d'un kilomètre. Non loin du point de jonction
des chemins venant de tfésbdn et de Car, prés de fa
rivière canalisée, qui amène les eaux de 'aïn-' Amman,
que l'on, peut considérer comme la source de la Zerqâ
ou du Jaboc, on rencontre des vestiges qui paraissent
une ancienne porte de ville. À cent cinquante pas au delà,
on voit, sur le bord du chemin, une construction rec-
tangulaire qui semble être un monument sépulcral.
Bientôt, c'est Une suite de grands bâtiments dont les
murailles sont souvent presque entières, basiliques,
temples, églises chrétiennes, portiques, thermes,
palais, boutiques qui se succèdent sur le parcours de
la rivière. Un pont d'une seule arche en plein ceintre
réunit les bords de celle-ci. A huit cents mètres de la
porte, on] aperçoit à la droite du ruisseau et appuyé
contre la colline qui borde au sud Vouadt-' Amman,
un théâtre d'une admirable conservation. Une grande
915
RABBATH-AMMON
916
place rectangulaire, jadis entourée de colonnes corin-
thiennes dont douze restent debout, précède l'amphi
théâtre. C'est sans doute « le cirque de Salomon »
auquel fait allusion El-Muqadassi. Six mille specta-
teurs pouvaient s'y tenir. A l'est de la place, se trouve
un petit théâtre couvert en odéon. Parmi les ornements
dont est chargée la frise de l'entablement, on remarque
la louve de Romulus et de Rémus. La plupart des cons-
tructions paraissent être romaines et de l'époque des
premiers Césars. — Plus bas, on rencontre un moulin.
En cet endroit et sur un espace d'environ trois cents
mètres, la rivière était recouverte d'une voûte et une
belle muraille se développait sur la rive. Un édifice
carré situé non loin du voisinage d'une mosquée
ruinée semble être un monument sépulcral, que l'on a
cru celui d'Urie. — La colline qui formait l'acropole
domine au nord toutes ces ruines. Son altitude au-
dessus de la mer Méditerranée est de 818 mètres-
Elle s'élève ainsi de 102 mètres au-dessus de la ville
basse dont l'altitude, près du théâtre, est de 776 mètres.
La ville haute, appelée el-Qal'ah, « la citadelle », affecte
la forme d'une équerre ou d'un L. Un fossé large et
profond, coupant la croupe méridionale, limite la ville
à l'orient. Le mur qui l'entourait, flanqué de quelques
tours, était construit avec de gros blocs posés sans
ciment, indice d'une haute antiquité. Une porte s'ou-
vrait au sud en face de la ville basse et une seconde à
l'ouest. Dans l'intérieur, on remarque les restes d'un
grand temple dont les caractères architecturaux sont
ceux de l'époque des Antonins. La ville semble avoir
été renversée par un tremblement de terre. Plus au
nord, s'élève entière parmi les ruines une construction
disposée à l'intérieur en forme de croix grecque, à
voûtes ogivales, et dont les murs sont décorés de pein-
tures orientales, comme on en voit dans un grand
nombre de châteaux du désert qui est à l'orient de
Moab. Pour les uns c'est une mosquée, pour d'autres
un édifice de la période des Sassanides; c'est, pensons-
nous, un palais de l'époque chrétienne desGhassanides.
De grandes citernes se rencontrent çà et là. — Des
habitations particulières s'élevaient sur les flancs de fa
colline, spécialement du côté de l'ouest. Les nombreux
restes de constructions épars sur la colline qui fait face
à la citadelle et sur les autres des alentours, semblent
indiquer des villas dispersées dans les vignes et les
jardins. Lesflancs des vallées dont Amman est entourée
recèlent de nombreux tombeaux : les uns avec sarco-
phages appartiennent aux temps gréco-romains, les
autres offrent des dispositions et un travail identique
aux sépultures hébraïques de la Judée. Parmi ces
sépulcres l'un d'eux, situé vers l'est, et qui se fait
remarquer par les proportions plus qu'ordinaires de sa
couche funèbre, a été pris par des voyageurs pour
« le lit » du roi Og, auquel l'Écriture fait allusion. Deut.,
iii,ll.
IV. Histoire. — Les admirables conditions dans
lesquelles se trouve le site de Amman, n'ont pu
manquer d'y attirer les premiers occupants du pays
qui étaient de la race des Raphaïm et étaient appelés
les Zomzomrniu par les Ammonites. Deut., h, 20. Les
fils d'Ammon cependant s'y étaient établis déjà et en
avaient fait leur capitale à laquelle ils avaient donné le
nom de . leur père, quand les Israélites, sortis de
l'Egypte, arrivèrent avec Moïse sur les confins du pays
de Moab. Le roi Og paraîtrait l'avoir occupé quelque
temps auparavant. Cf. lbid. et m, 11. Deux siècles plus
tard, Rabbath-Ammon, laissée par Moïse en la posses-
sion des fils de Lot, dut voir arriver les parlemen-
taires de Jephté demandant raison de l'envahissement
des terres d'Israël par les Ammonites. Jud., xi, 12-28.
Les députés de David, venus pour présenter les condo-
léances du roi d'Israël au roi Hanon à propos de la
mort de son père, y furent ignominieusement accueil-
lis. C'est pour venger cette injure que Joab, avec-
l'armée de David, vint l'assiéger l'année suivante.
Maître de la ville basse, « la ville des eaux, » et sur le
point de s'emparer de la ville haute, Joab appela Da-
vid pour assister à l'assaut. Urie était mort pendant le
siège, tué sous les murs, dans une sortie des assiégés
prévue parle général israélite. D'immenses richesses
étaient accumulées dans la ville royale, David s'en,
empara et réserva la couronne du roi, du poids ou de
la valeur d'un talent d'or, et chargée de pierres pré-
cieuses, pour son propre usage. II Reg., x, xi, xii, 26-
31 ; I Par., xx, 1-3. Rabbath devint un simple chef-lieu
d'une province de l'empire de David, jusqu'après le
schisme d'Israël. Au temps de Jérémie, Rabbath avait
recouvré son indépendance. Le prophète reprocha à
son peuple ses empiétements et lui annonça des châ-
timents célestes. Jér., xlix, 1-6. Ezéchiel le menace
du glaive du roi de Babylone. Celui-ci consultera le-
sorl pour savoir s'il doit porter l'épée contre Rabbathr
Ammon d'abord ou contre Jérusalem. Pour n'être pas-
choisie la première, Rabbath n'échappera cependant
pas à l'épée. Ezech., xxi, 19-22, 28-29. Les fils d'Ammon.
ont applaudi avec fureur aux malheurs d'Israël et de
Juda et à la profanation du sanctuaire du Seigneur,
pour cela Rabbath sera livrée aux Benê-Qédém, c'est-à-
dire aux Arabes, et deviendra la demeure de leurs-
chameaux. Ezech., xxv, 1-7. En effet, la cinquième année-
après la destruction de Jérusalem, raconte l'historien.
Josèphe, NabachodoRosor marcha contre Ammon et
Moab et les réduisit en sa puissance. Josèphe, Ant. }ud, r
X, IX, 7. Ainsi, Rabbath perdait son indépendance pour-
toujours. De la domination des Assyriens et des Chal-
déens elle passa sous celle des Perses, et des mains-
des Perses aux mains des Crées, des Romains et des^
Arabes.
C'est sans doute la présence d'une colonie grecque
installée à Rabbath aussitôt après la conquête de la.
Transjordane (332), qui porta Ptofémée II Philadel-
phe (258-247) à agrandir et à embellir la ville qui»
fut alors appelée de son nom. Etienne de Byzance,
Ethniques, au mot «ÊtXaSeXç/a. — Rabbath-Ammon-
Philadelphie apparaît, avec son général d'armée,
Timothée, comme l'adversaire le plus implacable des
Juifs, pendant la guerre soutenue par ceux-ci contre
l'hellénisme. Cf. I Mach., v; II Mach., vm-x, xn; Ant.
jud., Xll, vm, 3-4. L'assassin de Simon Machabée, de
sa femme et de ses fils, vint lui demander un refuge
pour échapper aux vengeances de Jean Hyrcan, Ant.
jud., X.111, vm, 1; Bell, jud., I, n, 4. Elle fut une
des villes qui s'unirent, quand Pompée et les Romains
se furent emparés de là Syrie (63), pour former la pe-
tite confédération hellénique de la Décapole. Pline,
H. N., v, 18. Cf. Décapole, t. n, col. 1333. Cependant
à côté de l'élément grec s'en développait un autre
mêlé à la population aborigène d'Ammon qui devait
bientôt absorber ce dernier et le supplanter, en atten-
dant qu'il restât seul maître de la ville : c'était l'élé-,
ment arabe. Il devait être assez nombreux déjà, dès les-
premiers temps de l'occupation macédonienne, pour-
que Polybe, faisant allusion à cette époque, appelât,,
loc. cit., Rabathamana une « ville d'Arabie ». Arétas,.
roi des Arabes, qui avait pris parti pour Hyrcan II,.
contre son frère Aristobule, menacé par Scaurus,,
lieutenant de Pompée, acheté par celui-ci, se réfugia à.
Philadelphie comme dans une ville qui lui appartenait.
Bell, jud., I, vi, 3. Hérode, chargé par Antoine de ré-
duire les Arabes à l'est du Jourdain, vint avec les Juifs,
mettre le siège devant Philadelphie (31), où se trouvait
le roi des Arabes. Repousses dans plusieurs sorties,,
dans lesquelles plus de douze mille hommes avaient
péri et quatre mille avaient été faits prisonniers, les-
Arabes rendirent la ville et recomiurent le roi da,
Judée pour patron (npaazixr^) de leur nation. BelL
917
RA.BBATH-AMMON
RABBI
918
jvd., I, xix, 5. Suivant la parole de Jérémie, xlix, 2,
ceux qui avaient été possédés possédaient à leur tour.
Les Romains continuèrent à tenir Philadelphie pour
une ville arabe. Pline, loc. cit. Saint Épiphane appelle
la contrée environnante 1' « Arabie de Philadelphie ».
Rabbath-Philadelphie peut être comprise parmi les villes
de la Décapole où se répandit le bruit de la délivrance
du possédé de Gérasa et qui envoyèrent des leurs en-
tendre la parole du Sauveur. Matth., iv, 25; Marc, v,
20; vu, 10. 11 est probable aussi que parmi les Arabes
qui écoutèrent le discours de Pierre, le jour de la
Pentecôte, Act., n, 11, se trouvaient des habitants de
cette ville. Elle peut être encore un des lieux de
l'Arabie où s'arrêta l'apôtre Paul, pendant les trois ans
qu'il y resta après sa fuite de Damas, avant de se rendre
à Jérusalem. Gai., i, 17. Quoiqu'il en soit, il n'est pas
douteux que Rabbath-Ammon ne fût une des pre-
mières cités évangélisées par les disciples mêmes du
Christ. Les anciennes listes ecclésiastiques mention-
nent Philadelphie la septième ville parmi les 33 sièges
épiscopaux de la province d'Arabie dont Bosra était la
métropole. Reland, Palsestina, p. 217, 219, 223, 226,
228.
Il semblerait que 'Amman était ruinée et abandonnée,
quand y arrivèrent les Arabes musulmans (635). « Sa-
luez les ruines désertes de 'Amman, dit un ancien poète
cité par Ibn Khordâdbêh (c. 860), et demandez le cam-
pement de Rab'a, s'il reviendra. » Les routes et les
royaumes, édit. Goeje, Leyde, 1866, p. 56. « La ville a
été détruite et le château et il n'y reste qu'un village
de fellahin, » dit el-Yaqûby (c. 874), Géographie, édit.
Juynboll, Leyde, 1851, p. 113. Les nouveaux conqué-
rants n'avaient cependant pas tardé à l'occuper. Dès le
principe, en effet, 'Amman est indiquée comme la ca-
pitale de la Belqd, c'est-à-dire de la province compre-
nant, avec l'ancien territoire de l'Ammonitide, toute la
région au sud de la Zerqà ou le Jaboc qui avait appar-
tenu à la tribu de Gad et à Ruben et parfois à Moab.
Abandonnée de nouveau, après les Croisades, elle
n'était plus qu'un parc où venaient parfois camper,
avec leurs chameaux, les Bédouins du désert de l'est.
C'était l'accomplissement parfait de .la prophétie
d'Ézéchielj xxv, 5. Eu 1878, le sultan de Constanti-
nople a livré les ruines de 'Amman et la contrée des
alentours aux Circassiens fanatiques qui refusaient de
demeurer dans leur pays conquis parles Russes. Ils ont
établi leurs huttes informes au milieu des temples et
des palais de l'antique Philadelphie. La présence de
ces sauvages habitants est loin-de rélever l'aspect des
ruines et d'être une protection pour elles. Une gare
portant le nom de 'Amman vient d'être construite non
loin de la ville, sur la ligne du chemin dé fer de Damas
à la Mecque.
V. Bibliographie. — N. .T. Seetzen, Reisen dure h
Syrien, Palâstina, etc., édit. Kruse et Fleischer,
4 in-8», Berlin, 1854-1859, t. i, p. 396-397; t. iv, 212-
216 ; J. Z. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy
Land, in-4», Londres, 1822, p. 356-360; V. de Saulcy,
Voyage en Terre-Sainte, 2 in-8", Paris, 1865, t. i,
p. 241-270; Cl. R. Conder, The Survey of Èastem
Palestine, Menwirs, 2 in-4°, Londres, 1889, t. i, 19-64;
Id., Heth and Moab., in-12, Londres, 1885, p. 157-161,
167; Guy le Strange, Palestine under the Moslems,
in-8», Londres, 1890, p. 391-395; 274-286; Id., A ride
through 'Ajlûn and the Belkd during the autumn Of
i884, dans G. Schumackcr, Across the Jordan, in-8%
Londres, 1886, p. 308-311. L. Heidet.
2. RABBATH MOAB, nom donné au iv e siècle par
Eusèbe à la capitale des Moabites et probablement
usité déjà à l'époque. biblique, quoiqu'on ne le ren-
contre pas dans les livres de l'Ancien Testament où
elle est appelée kt, Xrl&oaV.'SsÂî ta.,\.\,«»\.SflAu
RABBI (>3i, (Saêë! ou pa6êet)> de la racine rab,
« grand », avec le pronom suffixe de la première
personne du singulier, î. Mot hébreu, qui signifie à la
lettre « mon grand »; puis, d'après un usage spécial :
mon maître, mon professeur. C'était un titre d'honneur
et de respect, analogue à Magister, Doctor. Cf. S. Jé-
rôme, In Matth., xxm, 7, t. xxvi, col. 165. On le
donnait chez les Juifs aux docteurs de la loi, à l'époque
de Notre-Seigneur, lorsqu'on les saluait ou qu'on leur
adressait la parole. Cf. Matth., xxm, 7. Le suffixe l
perdît graduellement sa valeur pronominale, surtout
lorsqu'on plaçait le mot rabbi devant un nom propre :
Rabbi Akiba, Rabbi Samuel, etc. C'était, dans ce cas,
une expression semblable à notre « Monsieur». Peu à
peu aussi ce titre se généralisa, et on l'appliqua non
seulement aux docteurs officiels, mais à quiconque
groupait autour de lui des élèves, pour les instruire
dans la science religieuse d'Israël. Voilà pourquoi Jean-
Baptiste était appelé rabbi par ses disciples, Joa., m,
26, de même que Jésus recevait habituellement ce nom
de la part soit de ses familiers, Matth., xxvi, 25, 49;
Marc, ix, 5; xi, 21; Joa., î, 38; iv, 31; vi, 25; ix,2, etc.,
soit aussi d'autres personnes, Marc, x, 51 ; Joa., xx,
16, etc.
Il est employé une douzaine de fois sous sa forme
hébraïque dans les Évangiles selon saint Matthieu, selon
saint Marc et selon saint Jean; mais très souvent aussi,
dans ces mêmes écrits, il est remplacé par son équi-
valent grec ii5iay.ale; Vulgate: magister. Cf. Matth.,
vm, 19; xxn, 16, 24, etc.; Marc, iv, 38; ix, 17; x, 35,
etc.; Joa., 1, 39; vin, 4; xx, 16. Saint Luc ne le cite
jamais sous sa forme étrangère, conformément à un de
ses principes littéraires. Cf . L. Cl. Fillion, Évangile selon
saint Luc, Paris, 1882, p. 17. 11 dit, lui aussi, SiÔâaxaXe
(douze fois), ou bien, èiuaTâta (six fois : Luc, v, 5; vin,
24, 45; îx, 33, 49; xvn, 13; Vulgate ■prxceptor). Fré-
quemment aussi, par exemple Matth., vm, 21, 25, le
mot rabbi est traduit en grec par x-jpie; Vulgate : Do-
mine.
On ne saurait déterminer l'époque exacte à laquelle
ce titre honorifique commença à être employé avec
celte signification spéciale. Les Talmudistes étaient
déjà en désaccord sur ce point. Quelques-uns d'entre
eux, avec l'exagération dont ils sont coutumiers, en fai-
saient remonter l'origine jusqu'à Élie. Leur principal
argument consistait dans le texte IVReg. , n, 12, où Elisée,
s'adressant au prophète son maître, s'écrie, d'après la
traduction du Targum : Rabbi, rabbi (dans l'hébreu :
'Abî, 'âbi, « mon père, mon père »). D'après l'opinion
la plus vraisemblable, c'est dans le siècle qui précéda
la naissance de Notre-Seigneur que cet usage fut
introduit. Voir Schûrer, Geschichte des jûdischen
Volkes, t. n, 3» édit., p. 316. On le trouve très souvent
dans la Mischna. Cf. Nedarim, IX, 5; Beraeholh, II,
5-7; Pesachim, vi, 2; Baba kama, vm, 6, etc. Chez les
Juifs de Babylone, on disait d'ordinaire Rab au lieu de
Rabbi.
Nous savons par l'Évangile, Matth., xxm, 7, que les
docteurs de la loi tiraient beaucoup de vanité du titre
de rabbi, auquel ils attachaient un grand prix. C'était
d'ailleurs un principe^u'on ne devait jamais interpeller
un de ces savantsypar son nom personnel. Voir Chr.
Schœttgen, Horse hebr. et talmud., 1733, t. 1, p. 386.
On employait aussi, à l'époque de Jésus-Christ, mais
très rarement, les titres Rabbân ou Rabbôn, forme
intensive de rab. On ne cite que sept grands docteurs
de la loi auxquels ils aient été appliqués d'une ma-
nière officielle; le premier de tous aurait été Gama-
liel, le maître célèbre de saint Paul. On disait alors
proverbialement, pour marquer les nuances des mots
rabbân, rabbi et rab, usités comme titres de res-
pect : Major est Rabbi guam Rab, et major est Rab
\kj», qvwMw Rfl&6v Voir Nathan ben Jechiel, Aruclt,
919
RABBI — RABSACËS
920
au mot Abi; Dessauer, Aramâisches Wôrterbuch,
p. 216.
C'estdu mot rabbi que dérive le substantif « rabbin »,
qui sert à désigner actuellement les ministres princi-
paux du culte judaïque, dont les fonctions sont de
• prêcher, de célébrer les mariages, etc. De rabbi vient
aussi, d'après la prononciation ribbi ou rebbi, qu'on
rencontre sur des inscriptions juives relativement
récentes, le titre rebb, octroyé par les juifs contempo-
rains à quiconque, chez eux, possède quelque connais-
sance du Taîmud. Voir la Revue des Études juives,
t. vi, p. 205; Corpus inscript, lalin,, t. îx, n. 648 et
6220; L. Kompert, Scènes du Ghetto, trad. franc.,
Paris, 1859, p. 11, n. 1.
Bibliographie. — Buxtorf, De abbrevialuris hebrai-
cis, Bâle, 1640, p. 172-177; W. mil, De Hebrœorum
rabbinis seu magistris, léna, 1746, in-4»; ,1. A. Othon,
Lexicon rabbinico-philologicum, in-12, Altona, 1757,
p. 560-563; J. Hamburger, Real-Encyclopâdie furBi-
bel und Talmud, in-8°, t. n, Strelitz, 1883, p. 943-944;
J. Levy, Neuhebrâisches und chaldâisches Wôrterbuch
ùber die Talmudim und Midraschim, in-4», t. iv,
Leipzig, 1889, p. 409-410, 416-417; G. Dalman, Die
Worte Jesu, in-8», t. i, Leipzig, 1898, p. 267-268, 272-
280; Leopold Loew, Gesammtl. Schriften, in-8», t. iv,
1898, p. 211-216. L. Fillion.
RABBINIQUES (BIBLES). On appelle ainsi les
éditions de la Bible hébraïque qui contiennent avec le
texte original les commentaires de rabbins célèbres.
On leur donne aussi le nom de mVni mNipn, Mi-
gr'aôt gedôlôt, « grandes Bibles ». — 1» La première
Bible rabbinique est celle de Bomberg, 4 in-f» ou in-4°,
Venise, 1516-1517, dont Félix Pratensis dirigea l'im-
pression, t. n, col. 2187. Voir Bomberg, t. i, col. 1844.
— 2» Cette première édition, ayant été critiquée par les
juifs, Bomberg en publia une seconde, également à Ve-
nise, 4 in-f», 1524-1525, sous la direction de Jacob ben
Chayim (né à Tunis vers 1470, converti au christia-
nisme dans sa vieillesse et mort vers le milieu du
xvi» siècle). — 3» Une nouvelle édition de la Bible de
Bomberg, avec des modifications, fut publiée à Venise
en 1546-1548 sous la direction de Cornélius Adelkind
(t. i, col. 215). — 4° La quatrième édition de la Bible
de Bomberg, 4 in-f°, Venise, 1568, par Jean de Gara,
fut revue par Isaac ben Joseph Salam et Isaac ben
Gerson Trêves et éditée avec divers changements. —
5° La cinquième édition, publiée à Venise, 4 in-f», 1617-
1619, par Pietro et Lorenzo Bragadin, sous la direc-
tion de Léon de Modène (né à Venise, le 23 avril 1571,
mort dans cette ville en 1648) et d'Abraham Chaber-
Tob ben-Solomon Chayim Sopher. C'est à peu de
chose près une reproduction de la précédente. Elle
porte l'imprimatur du censeur René de Modène,
1626.. — 6° La sixième édition, éditée par Jean Buxtorf,
parut à Bâle., 2 in-f», 1618-1619. — 7» La septième édi-
tion, connue sous le nom de Bible d'Amsterdam, fut
éditée dans cette ville en 4 in-f°, 1724-1727, par Moses
Frankfurter. C'est la plus estimée des Bibles rabbi-
niques. Elle a pour base les éditions de Bomberg et
«lie reproduit tout ce qu'elles contiennent, ainsi que
ce qui se trouve dans la Bible de Buxtorf, avec des
additions nouvelles, Onkelos, la grande Massore, les
commentaires de Raschi, d'Abenesra, de Kimchi, etc.;
les variantes des manuscrits orientaux et occidentaux,
les différences du texte de Ben-Ascher et de Ben-Naph-
thali, recueil important pour la critique du texte
hébreu. — 8° Mentionnons une dernière Bible rabbi-
nique publiée à Varsovie par Lebenson, 12 petits in-f»,
1860-1868, qui renferme, -outre le texte hébreu, les
Targums, la grande et la petite Massore, les variantes
de Ben-Ascher et de Ben Naphthali, et divers commen-
taires dus à des rabbins.
RABBONI. C'est le mot rabbân ou rabbôn, avec le
suffixe î; plus simplement peut-être, ' d'après divers
auteurs, une autre forme de rabbi. Voir ce mot. Dans
le grec des Évangiles, paëoovî d'après le texte reçu,
Vulgate : rabboni; paëëouvi ou paëëovivei d'après de
nombreux manuscrits. Ce titre apparaît deux fois seu-
lement dans le Nouveau Testament. 1» Marc, x, 51,
l'aveugle de Jéricho s'écrie : « Rabboni, que je voie. »
2° Joa., xx, 16, Marie Madeleine interpelle par ce même
nom le Sauveur ressuscité, après l'avoir reconnu dans
le jardin. Saint Jean traduit rabboni par StSioxaXs. —
Voir J. Dalman, Die Worte Jesu, in-8», t. î, Leipzig,
1898, p. 279. L. Fillion.
RABBOTH (hébreu : hd-Rabbif; Septante : Codex
Vaticanus .•AaêeipoSv; Codex Alexandrinus : PaggtM),
ville de la tribu d'Issachar, mentionnée une seule fois
dans la Bible, Jos., xix, 20. Elle se trouve citée entre
Anaharath, aujourd'hui très probablement En-Na'urah,
sur la partie septentrionale du Djebel Dâhy, et Césion,
appelée aussi Cédés, et représentée sous ce dernier
nom par Tell Abu Qudéis, au sud-est d'El-Led/djûn.
Voir la carte d'Issachar, t. m, col. 1008.. Mais ces deux
points ne nous servent guère pour l'identification de
Rabboth. Il faut descendre jusqu'au sud-est de Djénîn
pour rencontrer un nom correspondant à celui-là. Ce
nom est Râbd, qui représente bien l'antique dénomi-
nation. Le village n'a aucune importance; on remarque,
au nord-ouest, des citernes parmi des ruines. Cf.
V. Guérin, Samarie, t- î, p. 336; Survey of Western
Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. H, p. 227-
228;'A. Buhl, Géographie des allen Palàstina, Leipzig,
1896, p. 204. Cette identification est regardée au moins
comme probable par les différents auteurs. Rabbît fut
une des villes prises par Sésac du temps de Roboam.
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
6 e édit., 1904, p. 422. A. Legendre.
RABDOMANCIE, divination au moyen de bâtons
ou d'objets analogues. — II en est question dans deux
passages bibliques. Ezech., xxi, 26; Ose., IV, 12. D'après
saint Jérôme, In Ezech., vu, 21; In Ose., î, 4, t. ,xxv,
col. 206, 850, il y est "en effet question de bélomancie
et de rabdomancie, divination par les traits ou par les
bâtons. Le bârû ou devin babylonien « levait le cèdre, »
c'est-à-dire probablement un bâton de ce bois servant
à ses présages. Cette verge divinatoire parait désignée
dans les textes par le mot gU-Hm. Cf. Martin, Textes
religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 220,
228; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques,
Paris, 1905, p. 236. Chez les Arabes nomades, le prêtre
rendait des oracles pour indiquer ce qu'il y avait à
faire, par exemple entreprendre la guerre ou y renon-
cer. La réponse était fournie au moyen de flèches ou de
• bâtons. Cf. Lagrange, Études, p. 218. Le bâton sémi-
tique a quelque analogie avec le lituus de l'augure ro-
main, bâton recourbé en crosse et servant à tracer des
lignes idéales dans le eiel pour deviner l'avenir. Cf.'Ci-
céron, Divinat., 1, 17; Tite Live, I, 18. Le bâton du
bàrû et celui de l'augure n'avaient qu'un pouvoir ma-
gique ou fictif. La rabdomancie à laquelle les pro-
phètes font allusion n'était en réalité qu'un appel au
sort. Le Prqtévangile de Jacques, 8, 9, imagine une
scène de rabdomancie compliquée de surnaturel pour
expliquer le choix de Joseph comme époux de Marie.
Le Coran, m, 39, se réfère à ce récit. Voir Divination,
t. H, col. 1444. H. Lesêtre.
RABSACÈS, hébreu : nptfai, rabsaqêh; Septante :
'PaëoixY);, Pa^âxTi;. Ce mot n'est ni un nom propre
comme l'avaient admis beaucoup de versions et d'inter-
prètes anciens, ni un composé hébreu signifiant « grand
échanson » formé de rab, « grand, chef », et saqêh
921
RABSACÈS — RACHAT
922
pour masqêh, « échanson », comme l'expliquaient jus-
qu'à maintenant les exègètes modernes (échanson,
masqêh, et prince des éehansons, sar ham-maiqîm se
trouvent dans Genèse, XL, 1 et 9) : c'est un titre assyrien
d'officier de rang supérieur, bien que placé au-dessous
du tartan ou tur-ta-nu, dans les textes cunéiformes
comme dans la Bible, IV Reg., xvm, 17; Is. xxxvi, 12.
Ce titre paraît ainsi soit dans la liste des officiers assy-
riens, The'tCuneiform Inscriptions of Western Asia,
t. il, pi. xxxi, col. i, n. 5, 1. 34, soit dans les listes chro-
nologiques des éponymes (12° éponymie de Ramman-
nirar, roi d'Assyrie, en 799), soit dansles annales rela-
tant les guerres des monarques assyriens : c'est ainsi que
Théglathphalasar, The Cun. Inscrip. of West. Asia,
-t. il, pi. lxvii, 1. 66, mentionne l'envoi d'un rab-sak
comme ambassadeur chargé de recevoir le tribut de
Metenna ou Mathon, roi de Tyr. Le premier élément du
mot signifié « grand, chef », et le second sak-(u),
synonyme.de rie-su signifie « tête, chef, officier». Dans
la sommation envoyée à Ézéchias par Sennachérib retenu
au siège de Lachis, c'est le. rab-sak qui prend la parole,
bien qu'il n'occupe dans la liste des officiers que le
troisième rang; outre l'assyrien, il est représenté
comme parlant l'araméen et l'hébreu : le3 envoyés
d'Ezéchias le prient d'employer l'araméen pour ne pas
décourager la population hiérosolymitaine qui l'écoute,
mais il persiste à employer l'hébreu, et redouble d'in-
solence : il paraît même renseigné sur les réformes reli-
gieuses d'Ezéchias qui a fait partout supprimer les
hauts-lieux et les autels érigés à Jéhovah pour ne
laisser subsister que l'autel de Jérusalem : il semble
avoir aussi connaissance des oracles d'isaïe, vin, 7, 8;
x, 5, 6, lorsqu'il affirme que c'est sur l'ordre de Jého-
vah que Sennachérib' marche contre Jérusalem, IV (II)
Reg., xvm, 25. À la "vérité il a pu dire ces choses de lui-
même pour effrayer davantage les sujets d'Ezéchias. Les
Juifs du temps de saint Jérôme, In ls., xxxvi, t. xxrv ;
col. 380, prétendaient sur ces légers indices que c'était
un fils d'isaïe, transfuge et apostat. Voir Schrader-
Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the
OU iTest., t. il, 1888, p. 34; Vigouroux, La Bible et
les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 23-24, 50;
G. (Rawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. il,
p. 165. E. Pannier.
RAB-SARIS (hébreu ono-ai, rab-sâris), dans
Jer., Septante : 'Paëuapi; (Na6ouoapt«); Vulgate : Rab-
saris, dans Jer., xxxix, 3, 13; Rabsares, dans IV Reg.,
xvm, 17, dans Daniel, i,;3, 7, 8 [avec le second élément au
plurfel rab-sarisim ; Septante : àp^isuvoûxoç; Vulgate:
prœpositus eunuchorum, voir Asphenez, 1. 1, col. 1124]),
titre analogue à rab-saces, indiquant un emploi élevé à
la cour des rois d'Assyrie ou de Babylone : l'hébreu le
traite comme signifiant « grand eunuque » ou « chef
des eunuques », et c'est le sens donné à ce mot par tous
les anciens interprètes : mais on constate en différents
passages que le terme d'eunuque perd souvent le sens
étymologique pour garder la signification plus large
d' a officier de la cour >>. Voir Eunuque, t. il, col. 2044.
— Les textes cunéiformes transcrivent ce titre en trois
éléments rubu sa riesuj riêsu ou rêsu ayant le sens de
« tête, chef prince », l'appellation complète signifie
« chef des princes », ce qui cadre avec le récit de Daniel
où il a la garde des enfants « de race royale », Dan., i, 3,
resu étant synonyme de sak, saku. Rab-saris est donc
analogue au terme rab-sacés; mais la vocalisation est
différente et, semble-t-il aussi, la fonction. Le titre se
trouve dans une inscription du Musée Britannique 82-7-
14, 3570, publiée par Pinches, The Academy, 25 juin
1892. On le trouve également dans une inscription bi-
lingue, babylonienne et araméenne, attribuée à un Nabu-
sar-ussur, limu ou éponyme en 683; mais le titre ne se
trouve que dane la partie araméenne, où il est transcrit
exactement comme dans l'hébreu, Dicai, tablette 81-2-
4, 147. Berger, Comptes rendus de l Académie des
inscriptions et belles-lettres, 1886, p. 201; Corpus ins-
cript, semiticarum, t. I, fasc. i/p. 43-44. Jusqu'à pré-
sent, il ne s'est rencontré que rarement dans les textes
cunéiformes; dans la Bible, il est mentionné plusieurs
fois; pour un officier assyrien de Sennachérib, entre
le tartan et le rabsacés; pour des officiers babyloniens,
Sarsakim et Nabusezban, Jer., xxxix, 3, 13; pour Asphe-
nez, Babylonien chargé de l'éducation des jeunes Hé-
breux à la cour ,de Nabuchodonosôr, Dan., i, 3. Voir
Vigouroux, La Bible et \les découvertes modernes,
6 e édit., t. iv, p. 23; T. G. Pinches, dans Hastings, Dic-
tionary of the Bible, t. iv, p. 191. E. Pannier.
RACA, mot adressé au prochain pour l'insulter. —
Ce mot se rattache à l'araméen rêqâ' et à l'hébreu rêq,
qui signifient « vide, vain », et, d'après saint Jérôme,
In Matth., I, 5, t. xxvi, col, 37, équivalent ici à l'in-
jure habituelle : « sans cervelle ». Les rêqîm sont sou-
vent des « gens de rien ». Jud., IX, 4; XI, 3; II Reg.,
VI, 20. Notre-Seignèur renvoie au tribunal local celui
qui s'irrite contre son frère, au tribunal suprême ou
sanhédrin celui qui lui dit : « raca !» et à la géhenne
du feu celui qui lui dit : « fou ! » Matth., v, 22. Le
mot « raca », d'après la gradation des peines, constitue
donc une injure intermédiaire entre la simple colère
et l'appellation de « fou ». La tète vide est en effet moins
responsable que la tête folle, c'est-à-dire celle qui se
sert de sa raison pour faire le mal. Fou est pris dans le
sens d'impie. Cf. Ps. xm, 1. Voir Fou, t. n, col. 2330.
H. Lesëtre.
RACHAL (hébreu : Râkâl; Septante : Codex Alexan-
drinus : 'Pax^), ville de Juda, à laquelle David en-
voya de Siceleg une part du butin qu'il avait pris sur
lés Amalécites. I Reg., xxx, 29. Elle n'est mentionnée
qu'en ce seul endroit de l'Écriture et est complètement
inconnue. Cependant les Septante, en ajoutant plusieurs
noms, placent ici une ville de Carmel. On suppose donc
que, au lieu de hzis, be-Râkdl, « à ceux qui étaient à
T7 î
Râkâl, » il faudrait lire : Sïnss, be-Karmél, toïç êv
Kap t"iX(p, « à ceux qui étaient à Carmel. » Il s'agirait
alors de la ville de ce nom, dont il est question Jos.
XII, 22; xv, 55, et qui est représentée aujourd'hui par
les ruines appelées Khirbet Kermel, à environ quinze
kilomètres au sud d'Hébron. Voir CarmélI, t. n, col. 288.
Cette hypothèse, acceptée par bon nombre d'exégètes
est plausible, malgré les obscurités du texte grec dans ce
passage. A. Legendre.
RACHAT (hébreu ; ge'ullâh; Septante : Xûipov;
Vulgate : redemptio), compensation fournie en échange
de ce que l'on veut garder ou recouvrer. Le prix du
rachat s'appelle kofêr, Exod., xxi, 30, pedûyyîm,
Num., in, 46, ou pidyôn, Num., m, 49, X^ipov, pré-
tiurn. — Sur le rachat des esclaves, voir Esclave, t. n,
col. 1923. — Sur le rachat de certains délits, voir
Amende, 1. 1, col. 476, — Le rachat pouvait porter sur les
personnes, les animaux ou les choses.
1» Rachat des peysDmn.es. — Tout fils premier-né ap-
partenait au Seigneur et devait être racheté. Exod., xm,
13; Num., m, 49, etc. Voir Premier-né, col. 602. En
dehors du premier-né, un Israélite quelconque, homme
ou femme, pouvait se consacrer ou être consacré par
vœu au Seigneur. La consécration par immolation
effective, comme la comprit Jephté, Jud., xi, 31-39,
était contraire à la Loi. D'autre part, ceux qui étaient
consacrés par vœu ne pouvaient être employés au ser-
vice du Temple, puisque ce service était réservé aux
Lévites. Quelques uns donnaient suite à leur consécra-
tion en professant le nazaréat. Voir Nazaréat, t. iv,
923
RACHAT
924
col. 1515. Le plus grand nombre profitaient de la faculté
de rachat accordée par la Loi. Ce rachat se faisait à
prix d'argent et la somme variait selon l'âge et le sexe
des personnes. On payait pour un homme de 20 à 60
ans, 50 sicles d'argent (175 francs, le sicle valant à peu
près 3 €r. 50); pour une femme, 30 sicles (105 fr.); de
5 à 20 ans, pour un garçon, 20 sicles (70 fr.), et pour
une fille, 10 sicles (35 fr.); d'un mois à cinq ans, pour
un garçon, 5 sicles (17 fr. 50), et pour une fille, 3 sicles
(10 fr. 50J; au-dessus de 60 ans, pour un homme,
15 sicles (52 fr. 50), et pour une femme, 10 sicles (35 fr.).
Suivant l'âge, les hommes payaient donc successive-
ment 5, 20, 50, et 15 sicles, et les femmes, 3, 10, 30, et
10 sicles. Cette gradation n'est pas proportionnelle au
travail qu'on peut fournir, puisque d'un mois à cinq
ans l'enfant n'est capable de rien. Elle s'inspire de la
prééminence de l'homme sur la femme et de celle de
l'âge mûr sur l'enfance et la vieillesse. Ces prix
n'étaient payés qu'une fois, le texte ne supposant au-
cune redevance périodique, à moins, sans nul doute,
que le vœu n'ait été renouvelé, rendant ainsi possible
de nouveaux rachats. Les pauvres ne pouvaient aisément
payer les taxes, relativement élevées. La Loi s'en
remettait alors à l'estimation du prêtre, qui fixait le
prix du rachat proportionnellement aux moyens de
l'intéressé. Lev., xxvm, 3-8. — En aucun cas, l'on ne
pouvait racheter les personnes frappées de hêrém,
c'està-dire vouées à l'anathème par Dieu ou ses repré-
sentants autorisés, et par conséquent condamnées à
périr. Lev., xxvn, 28, 29. Voir Anathème, t. i, col. 545-
547.
2° Rachat des animaux. — Les premiers-nés des ani-
maux domestiques, behêmâh, {JouxoXt'a, pecora, appar-
tenaient au Seigneur. On immolait, sans pouvoir les
racheter, ceux qui étaient admis dans les sacrifices,
veaux, agneaux et chevreaux. Exod., xili, 13; xxxiv, 19;
Num., xviii, 17. Si quelqu'un de ces . animaux était
impropre aux sacrifices à raison de quelque défaut, on
ne le rachetait pas davantage, quoi qu'en pensent
plusieurs auteurs, cf. De Hummelauer, In Exod. et
Levit., Paris, 1897, p. 139, 547; la Loi prescrivait de
le manger comme ou mange la gazelle ou le cerf, sans
l'offrir en sacrifice à Jéhovah. Deut., xv, 21,22. On
devait racheter le premier-né de l'animal impur.
Num., xvm, 15. Par animal impur, il faut entendre
ici le cheval, l'âne et le chameau, d'après Philon, De
prim. sacerdot., 1, édit. Mangey, t, h, p. 391. Le rachat
se taxait sur l'estimation du prêtre, avec majoration
d'un cinquième. Lev., xxvu, 27. D'après Josèphe,
Ant. jud., IV, iv, 4, la taxe était pratiquement fixée à
un sicle et demi (5 fr. 25). Si l'animal n'était pas ra-
cheté, les prêtres le vendaient sur leur estimation. On
obviait probablement à ce que l'Israélite ne fût pas
amené, par avarice, à préférer l'abandon au rachat.
Une règle spéciale concernait le rachat de l'âne; on
pouvait donnera sa place un agneau, et, faute de ra-
chat, on lui brisait la nuque. Exod., xin, 13;xxxiv, 20.
Cette exception s'inspirait de la grande utilité que pro-
curaient les ânes dans un pays comme la Palestine, où
ils constituaient à peu près la seule iranture possible et
où ils rendaient de si grands services. Voir Ane, t. i,
col. 568. De plus, l'ânesse porte onze mois et la brebis
seulement cinc^. 11 \ avait donc grand intérêt à substi-
tuer un agneau à un ânon. 11 n'est pas ici question des
animaux sauvages que l'on pouvait cependant manger,
comme le cerf, la gazelle, le chevreuil, l'antilope, etc.,
parce qu'il n'était pas au pouvoir de l'Israélite de dis-
cerner et de prendre leurs premiers-nés. Le porc est
également passé sous silence, parcequ'il ne peut servir
qu'à la nourriture, que cette "nourriture était expres-
sément prohibée et qu'en conséquence les Israélites
n'élevaient pas ce genre d'animaux. On pouvait aussi
offrir, en dehors des premiers-nés, un animal quelcon-
que à Jéhovah. S'il était de ceux qui convenaient aux
sacrifices, on n'avait le droit de le remplacer que par
un équivalent. S'il n'était pas de nature à être offert, le
prêtre en estimait le prix, et le propriétaire qui désirait
le reprendre payait ce prix majoré d'un cinquième.
Lev., xxvn, 12, 13. Cette majoration tendait sans doute
à empêcher des retours trop fréquents sur la posses-
sion de ce qu'on avait voué.
3° Rachat des choses. — 1. Champs. La propriété
qu'un Israélite, pressé par la pauvreté, cédait en tout
ou en partie, pouvait être rachetée par son parent le
plus proche, voirGôÊL, t. m, col. 260, ou par lui-même,
quand il en retrouvait le moyen. En pareil cas, le taux
du rachat se calculait d'après le nombre d'années qui
devaient s'écouler avant l'année jubilaire, époque à'
laquelle chacun rentrait en possession de son patri-
moine familial. Lev., xxv, 25-28. Voir Jubilaire (Année),
t. ni, col. 1752. — Un Israélite pouvait aussi consacrer
à Jéhovah, par vœu, une partie de ses champs. Mais
comme les propriétés étaient inaliénables, on n'en con-
sacrait en réalité que les revenus jusqu'au prochain
jubilé. La valeur du don se calculait à raison de
50 sicles d'argent par chômer de semence d'orge. En
admettant la valeur du sicle à 2 fr. 50, celle du chômer
à 388 litres 80, et le rendement moyen d'un chômer de
semence à 20 chômer de récolte, on a chaque année
7776 litres de grains pour 175 francs, soit 44 litres
pour 1 franc. A l'époque d'Elisée, le bas prix de deux
séah d'orge était d'un sicle, soit environ 26 litres pour
3 fr. 50 ou 7 litres et demi pour 1 franc. IV Reg., vu,
1. Le prix fixé par la loi concernant les vœux était donc
extraordinairement faible, ce qui devait à la fois faci-
liter la vente des grains ainsi consacrés et éviter aux
prêtres la tentation de s'enrichir à l'aide de pareils
vœux. Celui qui voulait racheter son champ payait donc
la redevance indiquée par chômer de semence pour
chaque année, c'est-à-dire, si l'on était alors à l'année
jubilaire, pour le temps qui devait s'écouler jusqu'à la
suivante année jubilaire, soit pour 43 ans, en défal-
quant les années sabbatiques, ou autrement selon le
nombre d'années qui restaient avant le prochain jubilé.
De la teneur du texte et de la faiblesse de l'évaluation
en argent, il ressort en effet avec évidence que le prix
indiqué devait être annuel. Lev., xxvn, 16-18. Pour ra-
cheter son champ voué au Seigneur, l'Israélite payait
donc la redevance, mais avec une majoration d'un cin-
quième. Si l'Israélite ne payait pas le prix du rachat et
que le prêtre fût obligé en conséquence de vendre le
champ à un autre, le champ ne revenait plus au pre-
mier propriétaire l'année du jubilé, mais il restait à
Jéhovah et passait dans le domaine du prêtre. *Lev.,
xxvn, 20, 21. Cette clause devait faire réfléchir celui
qui hésitait à payer ses redevances votives; il y allait
pour toujours de son bien patrimonial. Enfin, celui
qui avait acheté un champ à son frère pauvre pouvait
aussi consacrer ce champ à Jéhovah. Mais, en pareil
cas, le champ revenait toujours au propriétaire primi-
tif l'année du jubilé, et, pour que le vœu ne restât pas
sans exécution assurée, celui qui l'avait fait payait sur
le champ le prix total du rachat, suivant le nombre
d'années qui restaient jusqu'au jubilé. Lev., xxvn, 22-
25. — 2. Maisons. Celui qui vendait une maison entou-
rée de murs conservait le droit de rachat pendant
toute une année. Ce temps révolu, la maison apparte-
nait au nouvel acquéreur à titre définitif, et ne reve-
nait pas au propriétaire primitif à l'époque du jubilé.
Cette mesure ne troublait pas l'ordre des patrimoines,
parce que les habitants des villes murées ne vivaient
pas sur le domaine familiaL Les maisons des villages
non entourés de murs suivaient au contraire le sort des
champs environnants et revenaient au propriétaire pri-
mitif à l'époque du jubilé; aussi, n'était-il pas besoin
d'accorder à ce dernier toute une année de réflexion
925
RACHAT
RACHEL
926
avant qu'il prît sa résolution définitive. Par exception,
les lévites avaient sur leur maison un droit de rachat
perpétuel, et celles-ci leur revenaient toujours à
l'époque du jubilé. Cette disposition s'explique par le
fait que les lévites n'avaient que des propriétés assez
restreintes, mais les possédaient à perpétuité. Lev., xxv,
29-34. —On pouvait aussi consacrer par vœu sa maison
àJéhovah. Les prêtres en fixaient la valeur par une es-
timation à laquelle on devait s'en tenir. Si celui qui
avait consacré sa maison voulait la racheter, il en
payait le prix fixé avec une majoration d'un cinquième.
Lev., xxvn, 14, 15. — 3. Dîmes. Il était permis de rache-
ter une partie de la dime prélevée sur les céréales ou
sur les fruits, à condition d'en majorer le prix d'un
cinquième. Lev., xxvn, 31. Le rachat évitait les frais de
transport; sans la majoration, il eût constitué un avan-
sa servante Bala, qui eut deux fils. De son côté, Lia
donna sa servante, Zelpha, qui eut deux fils, et elle-
même en eut deux autres. Alors seulement, Rachel
connut les joies de la maternité et enfanta un fils
qu'elle appela Joseph, en souhaitant que Dieu lui accor-
dât un autre fils. Quand Jacob se fût enrichi au service
deLaban, qui se montrait peu bienveillant à son égard,
il proposa à Lia et à Rachel de retourner en Chanaan.
Celles-ci acceptèrent, et l'on se prépara au départ à
l'insu de Laban, occupé à la tonte de ses brebis. Rachel
déroba même les théraphim de son père. Laban les
atteignit cependant dix jours après, et se plaignit, entre
autres choses, qu'on lui eût emporté ses théraphim.
Jacob ignorait ce détail ; il dit à son oncle de fouiller
les tentes. Rachel cacha alors les objets réclamés dans
la selle de son chameau et s'assit dessus, en prétextant
211. — Tombeau de Ractiel. D'après une photographie.
tage pour le cultivateur exonéré de ces frais, et un
dommage pour les prêtres qui eussent eu à se les im-
poser. Ces majorations indiquaient en outre qu'il fallait
savoir consentir un sacrifice pécuniaire, quand on ne
voulait pas faire à Dieu l'abandon définitif de ce qu'on
lui avait consacré. H. Lesêtre.
RACHEL (hébreu : Râfiêl, <r brebis »; Septante :
'Pa^r;}), fille de Laban et femme de Jacob. — Quand
Jacob arriva en Mésopotamie, où il devait demander
en mariage l'une des filles de son oncle Laban, il ren-
contra auprès d'un puits les bergers de ce dernier. Il
s'entretenait avec eux, quand ceux-ci lui signalèrent
l'approche de Rachel, qui amenait au puits les brebis
de son père. Jacob abreuva les brebis de la jeune fille,
l'embrassa ensuite et se fit connaître à elle. Rachel se
hâta d'aller annoncer à Laban la présence de son neveu.
Jacob, bien accueilli par son oncle, se mit à son service,
à condition qu'au bout de sept ans il aurait le droit
d'épouser Rachel qu'il aimait. Ce temps écoulé, Laban
substitua son aînée, Lia, à Rachel que Jacob avait compté
obtenir. Celui-ci put cependant épouser cette dernière
au bout de quelques jours, à condition de s'engager à
servir encore sept années. Lia eut successivement qua-
tre fils. Rachel, qui demeurait stérile, donna à Jacob
une indisposition pour ne pas se lever. Laban ne trouva
donc rien, et Jacob put en conscience protester contre
une perquisition injurieuse pour lui. Rachel s'était
jouée de son père, en lui dérobant des objets auxquels
il attachait un grand prix et en le trompant pour l'em-
pêcher de les retrouver. Mais il faut avouer que Laban
s'était rendu coupable d'une injure bien autrement
grave envers sa fille, quand il lui avait frauduleuse-
ment substitué Lia, au lieu de l'accorder elle-même à
Jacob, ainsi que le réclamait la justice. Gen., xxix, 9-
xxx, 24; xxxi, 4-44. Quand Jacob fut arrivé dans le pays
de Chanaan, il se dirigea du côté de Mambré, pour y
retrouver son père Isàac. Parti de Béthel, il était à une
certaine distance dAÉphrata, voir Printemps, col. 677,
quand Rachel fut prise des douleurs de l'enfantement.
La sage-femme l'encouragea en lui annonçant la nais-
sance d'un fils. Rachel se mourait; elle donna à son
fils le nom de Benoni, « fils de ma douleur », que Jacob
changea en celui de Benjamin, « fils de la droite ».
Rachel expira à cet endroit, près de Bethléhem. Jacob
éleva sur sa tombe un monument qui se voyait encore
à l'époque où ce passage de la Genèse fut écrit. Gen.,
xxxv, 16-20. Le monument actuel de Rachel est « un joli
ouély carré surmonté d'un dôme (fig. 211) qui date seu-
lement de 1679, avec une allonge à l'est construite- par
927
RACHEL — RAFRAICHISSEMENT
928
sir Muses Montefiore. Le tombeau est dans l'intérieur
de l'édifice. C'est un monument en forme de double
plan incliné, comme un de nos toits; sa hauteur est de
trois à quatre mètres; sa surface est recouverte d'ara-
besques en stuc. Mais si le monument est moderne, sa
position répond parfaitement au texte de la Genèse.
Le tombeau y est mentionné comme existant au temps
de Moïse. Sept cents ans plus tard, Samuel l'indique à
Saûl. I Reg., x, 2. Saint Jérôme le cite plusieurs fois.
Epist. cvm, 10, t. xxii, col. 884; Adv. Jovin., i, 19,
t. xxiii, 'col. 237. Arçulphe (h, 7) le décrit au vn« siècle
comme surmonté d'une pyramide, et il mentionne une
stèle érigée par Jacob. Édrisi, géographe arabe du
XII e siècle, dit que sur ce tombeau sont douze pierres
placées debout en mémoire dés douze tribus. Ainsi, par
suite d'une tradition constante, juifs, chrétiens et
musulmans saluent en ce lieu la sépulture de la gra-
cieuse épouse de Jacob. » Chauvet-Isambert, Syrie,
Palestine, Paris, 1890, p. 349; cf. Josèphe, Ant. jud.,
I, XXI, 3; Socin-Benzinger, Palàstina und Syrien,
Leipzig, 1891, p. 123; Le Camus, Notre voyage aux
pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 389. — Rachel était
l'épouse de prédilection de Jacob ; de là le grand amour
qu'il porta toujours aux deux fils qu'il tenait d'elle,
Joseph et Benjamin. Aussi, dans le souvenir des Israé-
lites, Racbel prenait-elle le pas sur sa sœur Lia. Ruth,
iv, 11. — On lit dans Jérémie, xxxi, 15 :
Une voix a été entendue à Rama,
Des lamentations et des pleurs amers ;
Rachel pleurant ses enfants,
Elle refuse d'être consolée
Parce que ses enfants ne sont plus.
Le prophète fait allusion à l'exil d'Israël. Du haut de
la colline de Rama, d'où l'on domine le pays d'Éphra'im,
Rachel, mère de Joseph et par conséquent aïeule
d'fcphraïm et de Manassé, est représentée comme pleu-
rant ses enfants disparus. Saint Matthieu, n, 17, 18,
applique ces paroles au massacre des innocents, sur le
territoire de l'ancienne tribu de Benjamin, second fils
de Rachel. H. Lesètre.
RACINE (hébreu et chaldéen : soréi; Septante :
pfSct ; Vulgate : radix), organe au moyen duquel la
plante puise dans le sol l'humidité et les éléments né-
cessaires à sa nutrition.
I. Au sens propre. — La plante ne peut pas végéter
sises racines ne trouvent pas l'humidité indispensable.
Matth., xin, 6; Marc, iv, 6. Desséché jusqu'à la racine,
l'arbre meurt. Marc, xi, 20. Si, avant qu'il soit mort,
ses racines rencontrent l'eau, il peut revivre. Job, xiv,8.
Pour le faire périr sûrement, on coupe sa racine avec
la cognée. Matth., m, 10. Il y a des racines qui pos-
sèdent des propriétés nutritives ou médicinales; la
connaissance de ces propriétés a été attribuée à Salo-
mon. Sap., vu, 20. Il fallait être réduit à une bien
grande misère pour se nourrir de la racine du genêt.
Job, xxx, 4; voir Genêt, t. m, col. 185.
2° Au sens figuré, -r Les écrivains sacrés donnent
le nom de racine à tout ce qui, dans un être quel-
conque, remplit un rôle analogue à celui de la racine
dans la plante. — 1. Israël est comme une vigne
plantée parle Seigneur dans la terre de Chanaan; il y
a enfoncé et étendu ses racines, c'est-à-dire il y a fixé
sa vie matérielle et sa vie nationale et il y a prospéré.
Ps. lxxx (lxxix), 10; Ezech., xvn, 6, 7, 9. Pour lui
faire place, Dieu a détruit les racines de l'Amorrhéen.
Ara., il, 9. La racine d'Éphraïm a été complètement
desséchée. Ose., ix, 16. Juda, à son tour, sera trans-
porté ailleurs, mais ce qui- en reviendra poussera des
racines dessous et des fruits dessus, c'est-à-dire pros-
pérera de nouveau. IV Reg., xix, 30; Is., xxxvu, 31. Le
peuple juif, héritier des anciennes promesses, a été la
racine sur laquelle a vécu ensuite le peuple converti
de la gentilité. Rom.,xi, 16-18. Autrefois, Assur plon-
geait ses racines dans 1 les eaux abondantes, il était
prospère et puissant. Ezech., xxxi, 7. — 2. Le juste,
béni de Dieu, a ses racines arrosées par les eaux. Job,
xxix, 19; Jer., xvii, 8. Sa racine ne sera pas ébranlée
et elle donne son fruit. Prov., xii, 3, 12. — 3. L'impie
lui aussi étend ses racines. Job, v, 3; Jer., xii, 2. Mais
ces racines sont semblables à la pourriture, Is., v,24;
elles s'entrelacent entre les pierres, Job, vm,17; Eccli.,
xl, 15; se desséchent, Job, xvm, 16; n'ont pas de pro-
fondeur. Sap., iv, 3. Le Seigneur les arrache, Ecc)i.,ix,
18, et les fils des méchants ne poussent pas de racines,
Eccli., xxiii, 35. Le jour du Seigneur ne laissera aux
impies ni racines ni rameaux. Mal., iv, 1. Toutes ces
images signifient que la prospérité du méchant ne peut
être qu'éphémère. — 4. A une racine sont comparés
ceux qui donnent naissance à une postérité. La racine
de Jessé a produit un rejeton qui est le Christ. Is., xi,
1; Rom., xv, 12; Apoc, v, 5; xxn, 16. "Voir t. m,
fig. 185, col. 937. Des successeurs d'Alexandre sortit une
racine d'iniquité, Antiochus Épiphane. I Mach., I, 11;
cf. Dan:, xi, 7. Nabuchodonosor fut puni, mais Dieu
lui laissa sa souche avec ses racines, Dan., iv, 12, 20,
23, c'est-à-dire la possibilité de recouvrer sa royauté.
— 5. Certaines causes sont comme la racine des effets
qu'elles produisent. A qui a été révélée la racine de la
sagesse? Eccli., i, 6. Cette racine ne périt pas, Sap.,
m, 15, et elle s'est répandue au milieu du peuple élu.
Eccli., xxiv, 13. La connaissance de Dieu est la racine
de l'immortalité. Sap., xv, 3. La racine d'un procès est
le motif de condamnation. Job, xix, 28. La cupidité est
la racine de tous les maux. I Tim., vi, 10. Il y a une
racine produisant le poison et l'absinthe, Deut., xxix,
18, et une racine d'amertume. Heb., xii, 15. Sous ces
images sont signalés aux Israélites et aux chrétiens les
péchés et les vices qui attirent le malheur et sèment la
discorde. Les âmes faibles, succombant aisément à la
tentation, ne permettent pas à la parole de Dieu de
prendre racine en elles. Matth., xm, 21; Marc, iv, 17;
Luc, vin, 13. — 6. Par analogie, on donne le nom de
racine à ce qui occupe la partie inférieure d'une chose
et lui sert de soutien. Il est question de la racine des
pieds, Job, xin, 27, de la racine de la mer, Job,xxxvi,
30, de la racine d'un lieu, Gen., xxxv, 8, et surtout de
la racine des montagnes, Exod., xix, 17; xxiv, 4;
xxxii, 19; Deut., m, 17; iv, 11, 49; I Reg, xxv, 20, de
celle de l'Hermon. Jos., xi, 3. Israël restauré poussera
ses racines comme le Liban. Ose., xiv, 6. Les mineurs
ébranlent les montagnes dans leurs racines. Job,
xxvm, 9. H. Lesètre.
RADDAÏ (hébreu: Baddaï; Septante : 'PaSSai, dans
le Codex Alexandrinus ; Vaticanus : ZaBSoci [ZaëSac],
un des frères de David, le cinquième des fils de Jessé.
I Par., iv, 14. Il n'est nommé que dans ce seul pas-
sage de l'Écriture.
RAFRAICHISSEMENT (hébreu : meqêrâh, de
qdrar, « être froid », Jud., Ill, 20, non rendu par les
versions), soulagement contre la grande chaleur. —
1» On prenait le frais dans une chambre haute, Jud.,
m, 20, sous un péristyle. II Mach., iv, 46, etc. La rosée
rafraîchit les ardeurs du vent d'Orient. Eccli., xvm,16.
En enfer, le mauvais riche demande que Lazare lui
vienne rafraîchir la langue. Luc, xvi, 24. — 2° Au sens
figuré, le rafraîchissement désigne un bien moral ana-
logue au bien physique que produit la fraîcheur quand
il fait grand chaud, Saint Pierre appelle temps de ra-
fraîchissement, a.'izty\>Ze,ia<;,rrefrigerii, celui où les Juifs
convertis consentiront à recevoir la grâce de Jésus-
Christ. Act., m, 20. Notre Seigneur prédit qu'à la fin
des temps, l'iniquité croissant, la foi d'un grand
929
RAFRAICHISSEMENT — RAGES
930
nombre se refroidira. Matth., xxiv, 12. Ici le rafraî-
chissement devient excessif en une chose qui ne le
comporte pas ; en conséquence, il constitue un malheur.
— 3° La Vulgate emploie plusieurs fois les mots refri-
gerium, réfrigéra, là où il est question de repos,
Exod., xxni, 12; Ps. xxxix(xxxvm), 14; Prov., xxix,17;
Sap., iv,'7; ,1er., xlvh, 6; Rom., xvi, 32; de soulage-
ment, Eccli., xxxi, 25; Is., xxvm, 12; de remède, Sap.,
il, 1; de consolation, Eccli., m, 7; de réconfort,
II Tim., I, 16, ou d'abondance. Ps. lxvi (lxv), 12. —
4» L'figlise a retenu le mot de refrigerium, c< rafraî-
chissement », comme désignant l'état qu'elle désire
•voir succéder à l'expiation douloureuse pour les âmes
de ses défunts. Canon Missse. H. Lesètre.
RAGAU, nom d'un des ancêtres de Notre-Seigneur
et d'une localité de Médée.
1. RAGAU (grec : 'Payai), fils de Phaleg, un des an-
cêtres de Notre-Seigneur en saint Luc, m, 35. Son
nom est écrit Reù dans la Genèse, xi, 18, etc. La dif-
férence d'orthographe provient de ce qu'il y a un>,ai«,
dans la forme hébraïque du nom. La Vulgate n'a pas
rendu celle lettre dans la Genèse, tandis que le texte
grec de saint Luc l'a transcrit par un y, d'où est venu
le g dans la forme latine du nom Ragaù.
2, RAGAU (Seplante : 'Paya-j), grande plaine (Iv tô>
•neStto Tiâ uxyàXw), où Nabuchodonosor vainquit Ar-
phaxad le Mède. Elle est mentionnée seulement dans le
livre de Judith, i, 5 (texte grec), comme étant située sur
les confins de Ragaû (dans la Vulgate, 1,6, incampo ma-
gnn qui appellatur Ragau circa Euphraten et Tigrim).
Au y. 15 du texte grec, il est dit que Nabuchodonosor
prit Arphaxad 'et le perça de traits èv toï? opest 'Payaû,
in montibus Ragau, ce qui peut s'entendre des plateaux
élevés de la Médie où est situé Rages. « La campagne
de Ragaû, dit Calmet, est apparemment celle qui est
aux environs de la ville de Ragse ou Rages. Ce fut dans
ces plaines, au pays de Médie, qu'Arphaxad fut entiè-
rement défait. Il avait déjà souffert divers échecs sur
le Tigre et surl'Eupbrate.» Comment, iilt. sur Judith,
1722, p. 371. — Au lieu de Ragau, le syriaque porte Dura,
nom connu par Daniel, m, 1. Les noms propres sont
tellement altérés dans le livre de Judith et le passage
relatif à Ragaù est si différent dans le texte grec et le
texte latin qu'il est bien difficile dé résoudre le pro-
blème soulevé par Judith, i, 6 (latin), 5-6, 13-16 (grec).
. La Vulgate, i, 6, dit que Ragaû est « près de l'Euphrate,
du Tigre et du Jadason, dans la plaine d'Érioch, roi
des Éliciens. » Éliciens doit se lireÉlyméens ou Mèdes,
comme le porte le texte grec. Voir Eliciens, l. h,
col. 1670. Le Jadason est l'Ulaï, d'après le syriaque.
Voir Jadason, t. m, col. 1103. Si Ragaû est Rages, les
indications géographiques données par la Vulgate sont
très vagues et imprécises. Le texte paraît ici visible-
ment altéré dans les noms propres.
RAGE, maladie virulente qui atteint surtout le chien,
et, à sa dernière période, le rend furieux et le porte à
mordre l'homme ou d'autres animaux, auxquels se
communique le funeste virus. Les chiens de Palestine
ne sont pas exempts de cette maladie, bien qu'elle les
atteigne moins fréquemment qu'ailleurs. — Gesenius,
Thésaurus, p. 774, pense que le participe miflahelêah
vient du verbe Idhah, « avoir grand soif », et signifie
« enragé », Prov., xxvi, 18 : « Comme un enragé qui
lance des traits enflammés, des flèches et la mort,
ainsi celui qui trompe son prochain » pour plaisanter.
Septante : «i|j.evoi, tiré peut-être de i6ç, « trait » et
« venin a ; Vulgate : noxius, « funeste s. L'idée d'en-
ragé pourrait être appelée par le verset précédent, où
il est parlé de chien pris par les oreilles. Rosenmùller,
DICT. DE LA BIBLE.
Proverlia, Leipzig, 1829, p. 637, et d'autres préfèrent
rattacher le mot à l'arabe là'âh, «. jouer » : « Celui qui
joue à lancer des traits, eic. » Ce sens fournirait,
semble-t-il, une pensée plus en harmonie avec le paral-
lélisme. Cependant on s'en tient plus généralement à
l'étymologie hébraïque. Buhl, Gesenius' Handw.,
p. 403, traduit Je mot par « stupide, imprévoyant ». —
D'aprèsla Mischna, ïoma, f. 84. 29, quand un homme
avait été mordu par un chien enragé, on lui donnait à
manger le foie de ce chien. H. Lesêtre.
RAGES, ville de Médie, appelée habituellement
'Payai', par les anciens auteurs classiques, et aussi
Tob., ix, 2, 5, dans le Codex Sinailicus ; 'Payaéa par
Plolémée; Râghd dans l'ancien persan; 'Pàyoi dans
l'édition romaine des Septante. Tob., i, 14; rv, 1, 20;
v, 5, etc. (flg. 212).
1° Situation géographique. — Rages était située
dans la Médie orientale (voir Ja carte, t. rv, col. 916),
du côté de la Parthie, au pied de la chaîne de l'El-
bourz, à dix jours de marche d'Ecbatane, à une journée
des célèbres Pylss Caspiss, cf. Arrien, De expedit.
Alexandri, III, xx, 2, ce qui lui donnait une grande im-
portance stratégique; dans la province nommée d'après
elle Rhagiana, Ptolémée, VI, n, 6, ou Rhagee, Dio-
dore de Sicile, xix, 44. D'après le livre de Tobie, où
cette ville est mentionnée fréquemment, elle était le
séjour d'un grand nombre de Juifs déportés par Sal-
manasar, en particulier de Gabélus (t. ni, col. 11-
29), auquel Tobie l'ancien avait prêté dix talents d'ar-
gent. Cf. Tob:, i, 16; iv, 21,\v, 8, 14; ix, 3, 6. La
Vulgate nomme Rages deux autres fois, m, 7, et vi, 6,
mais évidemment par une erreur des copistes, comme la
demeure de Raguël. Tob., vi, 6. Elle fait partir l'ange
Raphaël de Rages, où demeurait Raguël, pour aller
à Rages, où il s'était chargé de réclamer à Gabélus
l'argent dû par celui-ci à Tobie père. Il y a là une con-
tradiction manifeste. Pour la faire disparaître, quel-
ques auteurs ont supposé faussement qu'il existait en
Médie deux villes distinctes, portant le nom de Rages.
Cf. O. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith er-
klârt, Leipzig, 1853, p. 52. Le texte grec porte exac-
tement dans ces deux passages « Ecbatane s an lieu de
Rages. Voir Ecbatane, t. n, col. 1530. Cf. H. Reusch,
Das Buch Tobias ïtbersetzt und erklârt, Fribourg-en-
Brisgau, 1857, p. 29; Gutberlet, Das Ruch Tobias, in-8»,
Munster, 1877, p. 117-119, 210.
2° Histoire et description de Rages. — L'histoire de'
la ville de Rages est peu connue, surtout dans ses débuts. '
D'après la légende persane, la cité aurait été bâtie à une
époque extrêmement reculée. En fait, le Zend-Avesta,
Vendidad, ch. i, la mentionne comme une ville d'une
haute antiquité. Il est certain qu'elle fut un des centres
les plus anciens de la civilisation dans l'Iran. Darius fils
d'Hystaspe (521-485 avant J.-G.) nomme deux fois dans
son inscription de Béhistoûn, col. il, par. 13, lignes 71-
72, le pays de Rdghd, qui ne diffère certainement pas de
celui de Rages. Il dit y avoir battu et fait prisonnier
le rebelle Mède Phraorte, qui s'y était réfugié. Voir
J. Menant, Le syllabaire assyrien, in-4°, Paris, 1869,
p. 125; J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes,
in-8», Paris, 1879, p. 512-513^,11 n'y a donc rien
d'étonnant à ce que le livre de Tobie place à Rages les
Juifs déportés sous le règne de Salmanasar. En effet,
IV Reg., xvn, 6; xrm, 11, ce roi avait exilé des Israé-
lites dans les villes mèdes. Voir F. Vigouroux, La Bible
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 561-
568. Arrien, De expedit. Alex., III, xx, 2, fait mention
de Rages, à l'occasion d'Alexandre le Grand, qui y sé-
journa pendant cinq jours en 331, lorsqu'il poursui- •
vait Darius Codoman. Tombée en ruines, peut-être à
la suite d'un tremblement de terre, elle fut reconstruite
par Séleucus I er Nicator (358-280 avant J.-C), qui lui
V. - 30
931
RAGES — RAGUEL
932
donna le nom d'Europos. Strabon, XI, jui, 6. Elle eut
beaucoup à souffrir pendant les guerres des Parthes.
Arsacès la restaura à son tour et la nomma Arsacia.
Stràbon, ibid. Elle servit de résidence d'été à ses suc-
cesseurs. Les Arabes la conquirent aussi, l'an 642 de
notre ère.
L'ancienne dénomination survécut à, toutes ces péri-
péties et à tous ces désastres; c'est ainsi que, jusqu'au
X e siècle, Rages est citée comme une ville considé-
rable encore, sous le nom de Raï ou Reï, par les his-
toriens persans et arabes. En 763, elle avait donné le
jour au célèbre Harôûn al-Raschid. Elle fut détruite
soit écroulé. L'état des ruines montre que la ville for-
mait une sorte de triangle très accentué. Partout, dans
l'enceinte, on trouve des fragments épars de poterie plus
ou moins fine. En contemplant ces restes grandioses,
on comprend qu'Isidore de Charax, Stathmi parthici,
7, dans les Geograplri grseci minores, édit. Didot,
t. i, p. 251, ait appelé Rages « la plus grande ville de
la Médie. » Clavijo, ambassadeur d'Espagne à la cour
de Tamerlan, en 1404, l'a décrite comme une cité toute
en ruines. Cf. Curzon, Persia, t. i, p. 349.
3» Bibliographie. — W. Ouseley, Travels in various
cauntrics of the East, t. m. p. 116-117, 174-170; Ker
212. — Réï, l'ancienne Rages. Tours d'Abdul Â2im. D'après W. Jackson, Persia pàst and présent, p. 428.
pour la troisième fois par les Mongols, en 1220. En
1427, elle portait encore le titre de capitale; puis elle
disparut peu à peu. Ses ruines, d'une immense étendue,
sont situées à environ 13 kilomètres au sud-est de Té-
héran; on leur donne toujours le nom de Reï. Elles
ne consistent plus actuellement qu' « en une masse de
murs croulants, en excavations, en aqueducs brisés,
avec très peu de signes de vie parmi la poussière des
âges; la désolation règne partout. » Jackson, Persia,
p. 428. Néanmoins les remparts, très épais, sont
encore assez bien marqués et flanqués de tours nom-
breuses. C'est celui du sud qui est le mieux conservé.
Le monticule de débris qui se dresse à l'angle nord-
est représente l'ancienne citadelle. En quelques en-
droits, les murs ont encore 50 pieds de haut; les
briques dont ils se compQsent sont parfois très larges
(44 centimètres sur 18). La plupart des matériaux qui
avaient servi à construire la ville consistaient égale-
ment en briques cuites ou simplement séchées au
soleil ; il n'est donc pas étonnant que presque tout se
Porter, Travels in Georgia, Persia, etc., Londres,
1820-1822, t. i, p. 356-364; L. Dubeux, La Perse, in-8° r
Paris, 1841, p. 15; Karl Iiitter, Erdkunde, t. vui,
p. 395-398; C. Barbier de Meynard, Dictionnaire géo-
graphique, historique et littéraire, de la Perse et de»
contrées adjacentes, in-4", Paris, 1861, p. 273-280, 516-
518; G. Rawlinson, The five great Monarchies of the
eastern World, in-8», 2« édit., Londres, 1870, t. n,
p. 272-273; G. H. Curzon, Persia, ^ vol. in-8», Londres,
1892, t. i, p. 345-352; F. Vigouroux, Les Livres Saints
et la critique rationaliste, in-12, 5 e édit., t. ry, Paris,
1902, p. 572-576; Dieulafoy, La Perse, p. 136 et 722;
A. V. William Jackson, Persia fast and présent, in-8",
New- York, 1906, p. 428-441. L. Fillion.
RAGUEL, nom du beau-père de Moïse et du père
de Sara qui épousa Tobie le fils.
1. RAGUEL (hébreu : Re'û'êl, « ami de Dieu )>;
Septante j: 'Vx-youriX), [prince madianite, qui ^donna à
933
RAGUËL
RAHAB
934
Moïse sa fille Séphora. Exod., il, 21. Il eut pour fils
Hobab, d'après Num., x, 29. Voir Hobab, t. m, col. 725.
Dans l'Exode, il, 18, il est nommé comme le père des
sept filles qni gardaient les troupeaux dans le désert du
Sinaï et dont Moïse prit là défense contre les bergers
qui les empêchaient d'abreuver leurs brebis. L'une de
ces sept filles était Séphora qui devint la femme de
Moïse. Or, Exod., m, 1; iv, 18, le nom du beau-père
de Moïse est Jethro et non Raguël. Cf. Exod., xvm, 1, 5,
12. Raguël et Jethro doivent donc être la même personne,
quoique nous ignorions pourquoi elle est désignée sous
deux noms diûérents et que les diverses hypothèses
émises à ce sujet offrent toutes des difficultés. Voir
Jethro, t. m, col. 1521.
2. RAGUEL ('PayooîïX, nom identique à l'hébreu
He'û'el), pieux Israélite de la tribu de Nephthali,
Tob., vr, 11 ; cf. i, 1 ; vu, 3-4, qui joue un rôle impor-
tant dans le livre de Tobié. Sa femme se nommait
Anne ou Edna. Voit" Anne 3, t. i, col. 629. Il avait
pour fille unique Sara, si cruellement éprouvée par le
démon. Voir Sara 2. Il était apparenté à ïobie l'an-
cien, Tob., vi, 11, qu'il désigne tour à tour comme son
cousin (Septante, àvc^iô;; Vulgate, consobrinus), Tob.,
vu, 2, et comme son frère dans le sens large, Tob.,
vu, 4 (deux fois son frère, d'après le Cod. Sinaitic).
Il était domicilié non pas à Rages, comme le dit inexac-
tement la Vulgate, Tob., m, 7, par suite d'une erreur
des copistes, mais à Ecbatane. Voir Rages, col. 930. II
offrit l'hospitalité au jeune Tobie et à l'ange Raphaël,
son compagnon, lorsqu'ils se présentèrent chez lui, au
cours de leur long voyage. Tob., vu, 1-9. Le jeune
homme ne l'accepta qu'à la condition que son cousin
lui accorderait la main de sa fille. Raguël donna
son consentement, mais avec une très vive angoisse,
car il craignait que Tobie n'éprouvât le sort des sept
premiers maris de Sara. Malgré les encouragements
de Raphaël, il était si peu rassuré, que le lendemain
des noces, dès l'aurore, il fit creuser une fosse par ses
serviteurs pour enterrer secrètement son gendre. C'est
avec, une grande reconnaissance envers Dieu qu'il
apprit que ses craintes n'étaient pas fondées. Tob., vir,
10-vin, 20. II donna la moitié de sa.fortune aux jeunes
époux, et les retint auprès de lui tandis que l'ange
Raphaël allait à Rages, pour recouvrer l'argent prêté
à Gabélus par Tobie l'ancien, Tob., vin, 21-ix, 6. Raguël
aurait ensuite voulu garder perpétuellement son gendre
et sa fille à Ecbatane ; mais il ne put refuser de les
laisser partir, lorsque le jeune Tobie lui eut décrit, en
termes pathétiques, l'anxiété de ses propres parents à
son sujet. Tob., x, 8-13. Après leur départ, il n'est plus
question de lui. L. FilliON.
RAHAB, nom, dans la Vulgate, d'une femme de
Jéricho et surnom de l'Egypte, mais dans le texte
hébreu l'orthographe des deux mots est différente,
2m et :m, Rdhâb et Rahab.
1 T
1. RAHAB (hébreu: Râhâb; Septante : 'Paie, de même
Heb., xi, SI, et .Tac, H, 25; 'PaxàëdansMatth.,!, 5, où la
lettre h, le cheth hébreu, a été conservée), femme dé Jé-
richo, qui reçut chez elle et sauva les deux espions israé-
lites envoyés dans cette ville par Josué, qui voulait con-
naître sa situation stratégique avant de l'attaquer. Jos.,
H, 1-21. Les deux étrangers furent bientôt reconnus et
dénoncés au roi, qui fit porter à Rahab l'ordre de les
lui livrer. Elle les cacha au contraire sous des tiges de
lin, qu'elle faisait alors sécher sur le toit plat de sa
maison, et fit croire à ceux qui les cherchaient qu'ils
avaient quitté la ville depuis peu d'instants. Après le
départ des messagers royaux, elle rejoignit ses hôtes,
leur annonça ce qui venait de se passer et leur commu-
niqua un plan de fuite très habile. Elle leur fournit
aussi des informations importantes sur la situation in
térieure de Jéricho, dont les habitants étaient livrés au
découragement et à l'effroi, depuis qu'ils avaient eu
connaissance des prodiges éclatants qui avaient accom-
pagné la marche triomphale des Hébreux après leur
sortie d'Egypte. Ne doutant pas que ceux-ci ne s'em-
parassent bientôt de la ville, elle demanda aux deux
explorateurs la vie sauve pour elle-même et ses proches
parents, lorsque leur peuple se serait rendu maître de
Jéricho. Ils firent cette promesse sans hésiter, et il
fut convenu que son père, sa mère, ses frères et ses
sœurs se réuniraient dans sa maison au moment de
l'approche des Israélites, et qu'elle suspendrait une
corde écarlate à sa fenêtre, du côté de la campagne,
pour la rendre très visible aux assaillants. Elle aida
ensuite les espions à s'échapper le long du rempart,
sur lequel sa demeure était bâtie, et ils purent rejoin-
dre leur camp sans obstacle. Josué ne manqua pas de
tenir la promesse faite par ses envoyés. Jos., vi, 22-25.
Le narrateur termine son récit en disant que Rahab et
ses proches « habitèrent dans Israël jusqu'au jour pré-
sent. » Sur tout ce passage, voir F. Keil, Josue,
2= édit., 1874, p. 19-24, 50-52.
Dès la première mention que le récit sacré fait de
Rahab, il ajoute à son nom l'épithète de zôndh (Sep-
tante, itôpvy], Vulgate, meretrix), qui marque sa triste
condition morale à l'époque de l'incident qui l'a
rendue célèbre. D'assez bonne heure, quelques écri-
vains juifs essayèrent de réhabiliter sous ce rapport
celle qu'ils regardaient justement comme la bienfai-
trice de leurs ancêtres. Ils firent donc de Rahab, non
pas une femme de mauvaise vie, mais une hôtelière,
chez laquelle les deux espions israélites seraient tout
naturellement descendus. Voir Josèphe, Ant. jud., V,
î, 2 .et 7, et les commentaires de Kimchi et de Jarchi
sur Jos., [n, 1. Néanmoins, la littérature rabbinique
reconnaît que Rabah n'avait été d'abord qu'une vul-
gaire meretrix, et c'est en ce sens que le Targum lui
donne, In Jos., n, 1, le nom de pandekîtd' , transcrip-
tion araméenne du grec pandokissa, « celle qui reçoit
tout le inonde », mais ici en mauvaise part. Divers com-
mentateurs chrétiens, mus par un scrupule analogue
à celui des anciens interprètes juifs dont il a été ques-
tion en premier lieu, ont adopté leur sentiment, et ils
n'ont pas voulu, eux non plus, voir autre chose en
Rahab qu'une hôtelière ordinaire. Pour cela, allant
encore plus loin, ils ont fait violence aux mots zôndh
etitôpvr;, dont ils ont faussé l'étyuiologie, pour les ra-
mener à la signification requise; ou bien, ils ont donné
à ces substantifs, pour la circonstance, le sens adouci
de païenne, d'étrangère à Israël ou de femme illégi-
time. Voir Schleusner, Lexicon in Septuaginta, 1820,
au mot Tt<5pvY), t. iv, p. 429; J. G. Abicht, Dissertatio
de Rahab meretrice, in-4°, Leipzig, 1714. Mais il n'y
avait pas d'hôtelleries proprement dites dans ces temps
reculés, et, lorsqu'on en trouvait l'équivalent lointain,
elles n'étaient jamais tenues par des femmes; d'autre
part, le mot hébreu zônâh ne peut pas être traduit
autrement que par meretrix dans le sens strict. Aussi
est-ce bien de la sorte qu'il est-pris dans toutes les
traductions primitives de l'Ancien Testament, comme
aussi Heb., xi, 31, et Jac, n, 25,pour désigner la pre-
mière partie de la vie de Rahab. Du reste, on a cessé
depuis longtemps, à très juste titre, de recourir à de
tels palliatifs, qui étaient inconnus aux anciens com-
mentateurs chrétiens. On conçoit fort bien que les
espions de Josué soient entrés de préférence chez une
femme de ce genre, pour mieux dissimuler le but de
leur séjour dans Jéricho et pour écarter les soupçons.
Autrefois, on aimait a discuter également, par rapport
à la conduite de Rahab, sur le fait de son mensonge aux
envoyés du roi de Jéricho, Jos., ir, 4-5, et sur celui de
sa trahison à l'égard de son peuple. Us s'expliquent
935
RAHAB
RAHABIA
936
l'un et l'autre par les circonstances extraordinaires
dans lesquelles elle se trouvait. Le mensonge était
regardé par les peuples païens comme une chose insi-
gnifiante, et Rahab croyait avoir une raison grandement
suffisante d'y recourir. Cf. S. Augustin, Cont. men-
dac, xv, t. xl, col. 540. Si elle abandonna son
peuple pour se ranger du côté des Hébreux, ce fut par
suite d'une lumière supérieure, qui lui montra que le
Dieu d'Israël était l'unique vrai Dieu. Voir P. Keil,
loc. cit.
Le motif de sa conduite si étonnante envers les en-
nemis de ses compatriotes a donc consisté dans un
mouvement de foi très vive, comme on le voit par le
langage qu'elle tint à ses hôtes, Jos., n, 9--11 : « Je
sais que le Seigneur (dans l'hébreu, « Jéhovah ») vous
a livré ce pays... Nous avons appris qu'à votre sortie
d'Egypte le Seigneur (encore « Jéhovah ») a desséché
devant vo-us les eaux de la mer Rouge..., car le Sei-
gneur (« Jéhovah ») votre Dieu est Dieu en haut dans
les cieux et en bas sur la terre. » Ce n'est donc pas en
vainque l'Épltre aux Hébreux, xi, 31,1a range parmi les
héros de la foi, et dit à son sujet : « C'est par la foi
que Rahab la prostituée ne périt point avec les re-
belles — c'est-à-dire avec les habitants de Jéricho
demeurés incrédules — parce qu'elle avait reçu les
espions avec bienveillance... » D'un autre côté, saint
Jacques, il, 25, la loue d'avoir été <s. justifiée par les
œuvres, lorsqu'elle reçut les messagers et les fit partir
par un autre chemin. » Ce langage des deux écrivains
du Nouveau Testament, comme celui de Rahab elle-
même, suppose d'une manière évidente une conversion
sincère de l'ancienne meretrix, sous le rapport reli-
gieux et moral. Aussi a-t-on supposé très souvent, et
avec raison, croyons-nous, qu'elle ne tarda pas à accep-
ter entièrement les croyances et la religion des Hé-
breux. Il n'est guère probable qu'un chef de la tribu
de Juda, Booz, l'eût épousée (voir ci-dessous), si elle
était demeurée païenne. Cf. H. Ewald, Geschichte des
Volkes Israël, in-8°, 2« édit., t. n, p. 246. Aussi les
Pères voient-ils volontiers dans cette femme le type
des nations païennes qui se convertirent plus tard au
christianisme; on l'a nommée en ce sens primitise
gentium. Cf. J. Grimm, Geschichte der Kindhêit
Christi, in-8°, 2» édit., Ratisbonne, 1890, p. 198-200. Les
anciens Docteurs de l'Église, à la suite du pape saint
Clément, I Cor.,, xu, t. I, col. 231, aiment aussi à faire
un usage allégorique de l'histoire de Rahab. Ils se
complaisent surtout à tirer parti de la corde écarlate
dont elle se servit pour rendre sa maison facile à
reconnaître, Jos., Il, 21. Cette corde représenterait
d'après eux, comme s'exprime saint Clément, loc. cit.,
« la rédemption qui aura lieu, par le sang du Sei-
gneur, pour tous ceux qui croient et qui ont confiance
en Dieu. » S. Justin, Contra Tryph., cxi, t. vi, col. 733;
S. Irénée, Adv. hwr.. iv, 20, t. vi, col. 1043; Origène,
Helecta in Jesum Nave, hom. m, t. xu, col. 820;
S. Jérôme, Adv. Jovinian., i, 23, t. xxm, col. 243, et
Epist. LU, ad Nepotian., m, t, xxn, col. 530. Voir F.
de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 118-119.
Non seulement Rahab est devenue membre de la
nation théocratique et a mérité d'être louée pour sa
foi, mais elle a eu encore l'honneur incomparable de
compter parmi les ancêtres du Messie, et d'être citée
exceptionnellement comme son aïeule, dans sa généa-
logie officielle, avec trois autres femmes qu'on est tont
d'abord surpris d'y rencontrer aussi : Thamar, Ruth et
Bethsabée. En effet, nous lisons Matth., i, 5 : « Salmon
engendra Booz, de Rahab. » Cf. Luc, m, 32. Celle-ci
avait, donc épousé, comme nous l'apprend aussi d'une
manière indirecte un passage de l'Ancien Testament,
Ruth, rv, 21, Salmon, fils de Naasson, qui était prince
de la tribu de Juda durant les pérégrinations des Hé-
breux à travers le désert, cf. Num., vu, 12, et par lui
elle devint la mère de Booz, l'aïeule de David. Peut-
être, comme on l'a souvent conjecturé, Salmon était-il
l'un des deux explorateurs sauvés par elle ; de la sorte,
on comprend qu'il ait voulu lui témoigner sa recon-
naissance, en l'épousant quelque temps après. En tout
cas, cette union n'a rien d'invraisemblable en elle-
même. C'est aussi en vertu d'une hypothèse injusti-
fiable qu'on a parfois prétendu qu'il s'agirait, dans les
trois arbres généalogiques que nous avons cités, d'une
autre Rahab que celle du livre de Josué. Voir le pro-
fesseur hollandais G. Outhov, dans l'ouvrage Bibliotheca
Bremensis litter. philolog., theolog., p. 438-439. On
affirme que la 'Pa^àê de Matth., i, 5, ne saurait être la
même que la 'Paâ6 des Septante, de l'Épltre aux Hé-
breux, et de saint Jacques; mais cette difficulté philo-
logique disparaît, lorsqu'on voit Josèphe, Ant. jud.,
V, xi, 15, appeler la Rahab du livre de Josué tantôt
'Paxiëïi, tantôt 'Pixitr,.
Rahab dans les écrits rabbiniques. — On conçoit
que les anciens écrivains juifs fassent le plus brillant
éloge de celle qui avait rendu un si éminent service
aux Hébreux, à un moment critique de leur histoire.
Quelquefois ils lui font épouser, contrairement aux
textes cités plus haut, non pas Salmon, mais Josué
lui-même. Voir Megill., f. 14, 2; Kohélelh Rabba, vin,
10, dans A. Wûnsche, Bibliotheca rabbinica, der Mi-
drasch Koheleth, in-8°, Leipzig, 1880, p. 116; Juchasin,
x, 1. Wetsteiri, Novum Testam. grsscum, in Matth., i,
5. A en croire les rabbins, il y aurait eu jusqu'à huit
prophètes parmi ses descendants, entre autres Jérémie
et Baruch,sans compter la prophétesseHolda.Cf. Light-
foot, Horse hebr. et talmud. in Matth., I, 5; Meu-
schen, Nov. Testam. ex Tàlmude illustratum, p. 40-43;
A. Wûnsche, Neue Beitràge zur Erlâulérung der
Evangelien aus Talmud und Midrasch, in-8», Gœttin-
gue, 1878, p. 3-4. Au dire de Josèphe, Ant. jud., V,
i, 7, Josué lui aurait douné un territoire qui lui appar-
tenait en propre. On lui attribuait aussi différentes
bonnes œuvres. Voir F. Weber, System der altsynago-
galen palàstinischen Théologie., in-8», Leipzig, 1880;
p. 318. L. Fillion.
2. RAHAB (hébreu : Rahab; Septante : 'P<zï6), nom
symbolique dé l'Egypte. Ps. lxxxvii (lxxxvi), 4. Comme
râhàb, Ps. XL (xxxix), 5, et rôhab, Ps. xc (lxxxix), 10,
signifie « orgueilleux, orgueil, superbe », un certain
nombre de commentateurs ont cru que ce surnom
avait été donné à l'Egypte à cause de son orgueil,
mais il est plus probable que rahab signifie un
monstre marin et en particulier le crocodile, animal
qui abonde dans le Nil et que c'est à cause de cette
circonstance que Rahab est devenu l'emblème de
l'Egypte. Rahab, dans le sens de monstre marin (« le
monstre impétueux », qui fait bouillonner les flots, de
la racine rdhab, tumultuatus est) se rencontre cinq
fois dans l'Ancien Testament, Job, ix, 13; xxvi, 12;
Ps. lxxxvu,4; lxxxix, 11; Is., xxx, 7. Quelques inter-
prètes voient dans plusieurs de ces passages une allu-
sion à l'Egypte, Job, xxvi, 12; Ps. lxxxix, 11; Is.,
xxx. 7. Certains exégètes qui découvrent volontiers
des allusions mythologiques dans les livres de l'Ancien
Testament ont cru en retrouver aussi dans le nom de
Rahab, H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, in-8°,
Gœttingue, 1895, p. 30-40, mais tout ce qu'ils disent
à ce sujet est pure hypothèse.
RAHABIA (hébreu : Rehabyah, I Par., xxm, 17;
Rehabyahû,! Par., xxiv, 21; xxvi, 25; « Yah a di-
laté, » c'est-à-dire a rendu heureux; Septante : 'Paëti;
Alexandrinus : 'Paa6câ, I Par., xxm, 17; 'Paêia,
I Par., xxiv, 21; 'Patêia;, Alex. : "Paa6ia«. 1 Par.,
xxvi, 21), fils unique d'Éliézer, de la tribu de Lévi. Il
était petit-fils de Moïse et eut une nombreuse postérité,
937
RAHABIA — RAISON
938
I Par., xxin, 17, qui forma du temps de David une
famille de Lévites, xxiv, 21. La Vulgate, qui écrit le
nom du fils d'Ëliézer sous la forme Rahabia, XXVI, 25,
l'orthographie Rohobia, xxm, 17, et xxiv, 21.
RAHAM (hébreu : Raham; Septante : 'Pa£|i)> fi' 9
de Samma, de la tribu de Juda. Il descendait de Caleb,
fils d'Hesron, et eut, un fils appelé Jercaam. I Par., n,
44. D'après les Quxst. hebr. inlib. 1 Paralip., t. .xxm,
col. 1569, Jercaam né serait pas le nom du fils de
Jaham, mais d'une ville fondée par lui.
RAHELAIA (hébreu : Réêlâyâh: Septante : 'PseXîac),
nommé le quatrième parmi les « fils de la province »
qui retournèrent de Babvlone en Palestine avec Zpro-
babel. 1 Esd., n, 2. Dans II Esd., vu, 7, il est nommé
Raamias. Voir col. 911.
RAHUEL (hébreu : Re'û'él; Septante : 'Payeur,/.),
nom, dans la Vulgate, d'un Édomite et d'un Benjamite
qui portent dans le texte hébreu le même nom que le
beau-père de Moïse, écrit Raguël par saint Jérôme.
Voir Raguel, col. 932.
1. RAHUEL, un des fils d'Ésaû, par Basemath. 11 fut
père de Nahath, de Zara, de Somma et de Méza. Gen.,
xxxvi, 4, 10, 13, 17; I Par., i, 35, 37.
2. RAHUEL, fils de Jébanias et père de Saphatias, de
la tribu de Benjamin. Il figure dans la généalogie
d'Ela, un des chefs des Benjamites qui s'établirent à
Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 8.
RAiA (hébreu : Re'âydh, « Yah voit, pourvoit »), nom
de trois Israélites dans le texte hébreu. Dans la Vulgate,
le nom de l'un d'entre eux, I Par., v, 5, est écrit Réïa.
\. RAiA (hébreu :Re'âyâli; Septante: 'Piôce; Alexan-
drinits : 'Psïà), fils de Sobal, et petit-fils de Judas. 11
eut pour fils Jahath. I Par., iv, 2.
2. RAIA (Septante : 'Païi, I Esd., Il, 47; 'Paaut,
II Esd., vu, 50), chef d'une famille de Nathinéens qui
revint de Chaldée eii Palestine avec Zorobabel. IEsd.,
n, 47: II Esd., vu, 50.
RAISIN, fruit de la vigne. Voir Vigke.
RAISON (hébreu : binâh, da'at, Ijésbôn, mezim-
mdh, sêkèl, tebùnâh; chaldéen : binâh, manda',
sokletdnû; Septante : aîsS/iiriç, 'évvo'.a, voû;,' o\ive<7iç ;
Vulgate : intellectus, intelligentia, mens, ralio, sensus),
faculté de l'âme au moven de laquelle elle connaît,
juge, dirige la volonté et préside à tous les actes cons-
cients de la vie naturelle. Les écrivains sacrés ne
distinguent pas les facultés de l'âme avec autant de
précision que nous pouvons le faire. Aussi les mots
qui correspondent à l'idée de raison ont-ils des sens
assez larges, marquant tentôt la faculté elle-même
tantôt son exercice, tantôt même Son résultat. A ces
mots il convient de joindre celui de lêb, « cœur »,
parce qu'en hébreu le cœur est considéré comme le
siège principal de la pensée et du raisonnement. Voir
Cœur, t. n, col. 823. Cf. Frz. Delitzsch, System der
biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 166-187.
1° Sa source. — En Dieu résident la sagesse, le con-
seil, l'intelligence, Job, xn, 13; il est par conséquent la
raison suprême. Lui seul peut donner l'esprit de
sagesse, d'intelligence, de conseil, de connaissance.
Is.,xi,2. « C'est l'esprit mis dans l'homme, le souffle du
Tout-Puissant qui lui donne l'intelligence. » Job, xxxn,
8. Le Verbe même dé Dieu éclaire tout homme, Joa.,
i, 9, et la raison de l'homme n'est pas autre chose que
cette illumination divine. Dieu a donné aux hommes
le discernement, un cœur pour penser; il les a remplis
de science et d'intelligence, il leur a fait connaître le
bien et le mal, il a mis son œil dans leurs cœurs pour
leur montrer la grandeur de ses œuvres. Eccli., x\\t,
5-7. La sagesse de Dieu « nourrit l'homme du pain de
l'intelligence et lui donne à boire l'eau de la sagesse. »
Eccli., xv, 3. Notre-Seigueur voulut lui-même ouvrir
le sens à ses Apôtres afin qu'ils comprissent les Écri-
tures. Luc, xxiv, 45. Saint Paulassure â son disciple
que Dieu lui donnera l'intelligence en toutes choses.
II Tim., il, 7. « Nous savons que le Fils de Dieu est
venu, et qu'il nous a donné l'intelligence pour connaître
le vrai » Dieu. I Joa., v, 20. En somme, c'est par sa
raison que l'homme est créé à l'image de Dieu.
Gen., 1, 27.
2° Son pouvoir. — La raison a été donnée à l'homme
pour le rendre capable de connaître les choses de l'ordre
naturel. Si nous sommes incapables de concevoir
quelque chose comme venant de nous-mêmes, Il Cor.,
m, 5, c'est dans l'ordre surnaturel. « L'homme naturel, »
c'est-à-dire celui qui ne pense qu'avec les seules
lumières de la raison, « ne reçoit pas les choses de
l'Esprit de Dieu, parce qu'elles sont une folie pour lui,
et il ne peut les connaître, parce que c'est par l'Esprit
qu'on en juge. » I Cor., n, 14. Il y a donc tout un
domaine dans lequel la raison est incapable de pénétrer
à l'aide de ses seuls moyens. Néanmoins, elle a sa puis-
sance propre, continuellement supposée dans toute la
Sainte Écriture, et il faut tout d'abord qu'elle entre en
exercice pour que l'homme puisse arriver à la connais-
sance des choses de Dieu et à la pratique du devoir.
Dans le Pentateuque, Moïse s'adresse sans cesse à la
raison des Hébreux, pour leur faire comprendre ce
que Dieu a fait pour eux, ce qu'ils doivent faire pour
lui, et les conséquences qui résulteront pour eux de
leur obéissance ou de leur infidélité. Il leur commande
d'aimer Dieu de tout leur cœur et de toute leur âme,
Deut., xxx, 6, ce qui, dans la langue hébraïque, implique,
toute la raison, tout l'esprit, comme dira Nôtre-Seigneur.
Matth., xxn, 37; Marc, XII, 30, 33. Les auteurs des
livres sapientiaux n'ont pour but que d'inculquer â la
raison la connaissance et l'amour du devoir. Les pro-
phètes interpellent à chaque instant la raison pour lui
faire reconnaître ses torts et la mettre à même de
prendre les décisions les plus avantageuses pour la na-
tion et pour les individus. Dans l'Évangile, le Sauveur
fait appel à la raison de ses auditeurs. Matth., xv, 17;
xvi, il; Marc, vu, sl8; vin, 21, etc.; il leur demande
s'ils ont compris, Marc, xm, 51, constate que leur
jugement a été correct. Luc, vu, 44. Il argumente
souvent avec les docteurs et excite leur raison à com-
prendre la portée de ses enseignements et de ses
miracles. C est encore à leur raison qu'il demande de
comparer ses propres actes avec les annonces des
prophètes. Joa., v, 39. Saint Paul déclare aux Romains,
i, 20, que la raison peut et doit parvenir à la connais-
sance de Dieu; « car ses perfections invisibles, son
éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la créa-
tion du monde, rendues visibles à l'intelligence par le
moven de ses œuvres. » La raison a donc un pouvoir
certain dans l'ordre des connaissances naturelles; ces
connaissances peuvent même s'élever très haut, puisque,
par sa raison, l'homme arrive à acquérir la notion
certaine de Dieu et de son existence !et une idée suffi-
sante de ses perfections. Cf. Act., xvii, 27.
3° Ses limites. — La raison est bornée, par le fait
même qu'elle est créée. L'homme ne peut donc « com-
prendre l'œuvre que Dieu fait, du commencement
jusqu'à la fin, » Eccle., m, 11; il n'en saisit qu'une
partie, et encore assez imparfaitement, bien qu'avec une
certitude suffisante. Les derniers chapitres du livre de
Job, xxxvui-XLii, ont pour but de montrer que la raison
939
RAISON — RAM
940
ignore la plupart des secrets de la nature. Job, xlii, 3,
fait à la fin cet aveu : « J'Ai parlé sans intelligence des
merveilles qui me dépassent et que j'ignore. » A plus
forte raison, « l'homme faible, à la vie courte, est-il
peu capable de comprendre les jugements et les lois »
de Dieu. Sap., îx, 5. Pour saisir quelque chose à la
conduite de la Providence, illaut à la raison le secours
d'une lumière supérieure. « C'est par la foi que nous
reconnaissons que le monde a été formé par la parole
de Dieu, en sorte que les choses que l'on voit n'ont pas
été faites de choses visibles. » Heb., XI, 3. Le passage
n'infirme pas ce qui a été dit du pouvoir de la raison
pour atteindre à la connaissance de Dieu et de ses
perfection? Rom., i, 20; il enseigne seulement que
certains pioblèmes naturels, comme celui de l'origine
du monde, ne peuvent être résolus par la raison seule,
sans le secours de la révélation. « Celui qui veut
sonder la majesté sera accablé par sa gloire, » Prov;,
xxv, 27, c'est-à-dire celui qui veut pousser trop avant
dans la connaissance de Dieu verra sa raison réduite
à l'impuissance, à cause de la disproportion inlinie qui
existe entre le Créateur et la créature. De là ces conseils
destinés à réprimer la curiosité excessive de la raison :
Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi,
Ne scrute pas ce qui est plus fort que toi.
Ce qui t'est prescrit, voilà à quoi il faut penser,
Car tu n'as que faire des choses cachées.
Ne t'applique pas à ce qui te dépasse ;
Ce qu'on t'a montré va plus loin que la raison humaine.
La conjecture en a égaré beaucoup,
Une conception blâmable a dévié leurs pensées.
Eccli., m, 20-23.
L'Ecclésiaste, i, 13-18, a reconnu par expérience que
cette recherche des choses inaccessibles est « vanité et
poursuite du vent. »
4° Ses devoirs. — La raison doit appeler Dieu à son
aide, pour qu'il l'éclairé et l'empêche de s'égarer. Sap.,
-vu, 7; Ps. cxix (cxvin), 34, 73, 125, 144, etc. Elle doit
ensuite reconnaître la souveraine sagesse de Dieu.
« Quelle folie que le vase puisse dire du potier : Il
n'y entend rien! » Is., xxix, 16. Il lui faut encore se
tourner du côté du bien, car « fuir le mal, voilà l'in-
telligence. » Job, xvm, 28.
La sagesse n'entre pas dans une âme qui médite le mal,
Et n'habite pas dans un corps esclave du péché ;
L'Esprit-Saint, qui instruit, fuit l'astuce,
II s'éloigne des pensées dépourvues d'intelligence
Et se retire de l'âme à l'approche de l'iniquité.
Sap., 1, 4-5.
La malice altère l'intelligence et le vertige de la pas-
sion pervertit un esprit sans malice. Sap., iv, 11-12.
Moïse promet aux Israélites que, s'ils sont fidèles à
ohserver les lois du Seigneur, les autres peuples diront
d'eux : « Certes, cette grande nation est un peuple
sage et intelligent ! » Deut., iv, 6. Il faut enfin que la
raison fasse effort pour s'instruire et se développer
elle-même par les leçons et les exemples des sages.
C'est à faciliter cette formation et ce progrès que ten-
dent des livres comme les Proverbes, i, 2-6, l'Ecclé-
siaste, la Sagesse et l'Ecclésiastique. Saint Paul rap-
pelle l'obligation de ce progrès de la raison quand il
écrit : « Ne soyez pas des enfants sous le rapport du
jugement, mais faites-vous enfants sous le rapport de
la malice; pour le jugement, soyez des hommes faits. »
I Cor., xiv, .20.
5° Ses écarts. — La Sainte Écriture stigmatise sou-
vent la conduite des lësînf, « moqueurs », esprits fri-
voles qui emploient leur raison à s'éloigner de Dieu et
à l'outrager. Voir Moquerie, t. rv, col. 1258. Les Israé-
lites du temps de Moïse n'ont pas voulu comprendre
la signification des merveilles opérées en leur faveur.
Jéhovah ne leur a pas donné un cœur qui comprenne,
Deut., xxix, 4; leur raison, par leur faute, a manqué
de discernement. Il a fallu dire d'eux :
C'est une nation dénuée de sens,
Et il n'y a point d'intelligence en eux. Deut., xxxil, 28.
« C'est un peuple au cœur égaré, » Ps. xcv (xciv), 10,
c'est-à-dire aux idées et à la conduite déraisonnables.
Les méchants ne prennent point garde aux œuvres de
Dieu, Ps. xxviii (xxvii), 5; ils cessent ainsi d'avoir
l'intelligence qui les conduirait au bien. Ps. xxxyi
(xxxv), 4. L'homme raisonnable, malgré sa dignité, ne
veut pas comprendre et s'assimile ainsi à la bête,
Ps. xlix (xlviii), 21, au cheval et au mulet qui n'ont
point la raison. Ps. xxxu (xxxi), 9; Tob., vi, 17. — Il
faut le dire surtout des idolâtres.
Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu,
Et qui n'ont pas su, par les biens visibles,
S'élever à la connaissance de Celui qui est,
Ni, en voyant ses œuvres, reconnaître l'Ouvrier...
D'autre part, ils ne sont pas non plus excusables ;
Car, s'ils ont acquis assez de science
Pour chercher à connaître les lois du monde,
Comment n'en ont-ils pas connu plus aisément le Seigneur?
Sap., xnr, 1, 8, 9.
Au jugement de Dieu, impies et idolâtres déploreront
en vain le mauvais usage qu'ils auront fait de leur rai-
son : « Nous avons donc erré, loin du chemin de la
vérité! » Sap., v, 6. Saint Paul ne condamne pas
moins sévèrement ceux qui n'ont pas su se servir de
leur raison pour rendre à Dieu l'hommage qui lui est
dû. « Ils sont inexcusables, puisque, ayant connu Dieu,
ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas
rendu grâces; mais ils sont devenus vains dans leurs
pensées, et leur cœur, sans intelligence s'est enveloppé
de ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus
fous, et ils ont échangé la majesté de Dieu incorrup-
tible pour des images représentant l'homme corrup-
tible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. »
Rom., i, 21-23. C'est là le pire écart de la raison,
rendre à de grossières créatures les honneurs divins.
Les conséquences de cette déraison sont lamentables.
Ceux « qui suivent la vanité de leurs pensées ont l'in-
telligence obscurcie et sont éloignés de la vie de Dieu,
par l'ignorance et l'aveuglement de leur cœur. Ayant
perdu tout sens, ils se sont livrés aux désordres. »
Eph., iv, 17-19. Cf. Tit., i, 15. — A l'enseignement
apostolique, les faux docteurs ont opposé les erreurs
de leur raison pervertie. « Us ne comprennent ni ce
qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment, » dit saint Paul.
I Tim., i, 7. Ils ont une science qui n'en mérite pas le
nom. I Tim., vi, 20. Sous des formes diverses, la rai-
son a cherché à combattre la doctrine de Jésus-Christ.
L'Apôtre s'oppose à ses prétentions : « Nous renver-
sons les raisonnements et toute hauteur qui s'élève
contre la science de Dieu, et nous assujettissons toute
pensée à l'obéissance du Christ, » II Cor., x, 5. Cet
assujettissement n'abaisse pas la raison, mais au con-
traire l'élevé et l'ennoblit, puisque le Christ est « la
vraie lumière, » Joa., i, 9, et qu'en lui « sont cachés
tous les trésors de la sagesse et de la science. »
Col., il, 3. H. Lesêtre.
RAM (hébrtL : Kâm), nom de deux ou trois person-
nages mentionnés dans l'Ancien Testament.
1. RAM (Septante : 'Apiu,), fils d'Hesron, ou Esron,
descendant de Juda, par Phares, I Par., il, 9, 10.
Comme il n'est pas nommé dans la généalogie de Juda,
Gen., xlvi, 4, on doit en conclure qu'il ne vint au
monde qu'après l'établissement de la famille de Jacob
en Egypte. Il est mentionné pour la première fois
dans la généalogie de Booz, Ruth, iv, 19, mais la Vul-
gate l'appelle en cet endroit Aram, comme les Septante.
941
RAM — RAMA
942
Ram fut le frère cadet de Jéraméel, I Par., Il, 9, 10;
il a la gloire d'avoir été un des ancêtres de Notre-
Seigneur. Matth., n, 4; Luc, m, 3. Les deux évan-
gélistes ont adopté l'orthographe des Septante et
l'appellent Aram. Voir Aram 4, t. i, col. 876.
2. RAM (Septante : 'Pâti), fils aine de Jéraméel et
neveu de Ram 1, père de Moos, de Jamin et d'Achar,
de la tribu de Juda. I Par., Il, 25, 27.
3. RAM (Septante : 'Pàn), chef d'une famille d'où
•descendait Éliu, un des interlocuteurs de Job. Job,
xxxn, 2. Ce Ram est inconnu. Certains commentateurs
ont voulu l'identifier avec le Ram de la tribu de Juda
et en faire ainsi un descendant d'Abraham, mais cette
identification est en désaccord avec la qualification de
Buzîte qui lui est donnée, car les Buzîtes ne font pas
partie de la postérité d'Abraham. Voir Buzîte, t. i,
■col. 1082; Éuu, t. n, col. 1698.
RAMA (hébreu : Ràmâh, «élévation », et plus sou-
vent hâ-Râmâh, « le lieu élevé », avec l'article; Sep-
tante 'Pa[i.ii), nom de six ou sept villes d'Israël.
1. RAMA, ville de Benjamin, aujourd'hui er-Râm. Ce
village situé un peu à droite du chemin de Jérusalem
à Ndblus et à Nazareth, est à huit kilomètres au nord
de la ville sainte, à quatre et demi de Sa'afâtet àtrois
et demi de Tell el-Fûl dont les sites occupent celui de
Gabaa de Saûl. Il est, à quatre kilomètres et demi ou
cinq kilomètres vers l'est d'el-Djib eous'Nébi-Samûel,
l'ancienne Gabaon, à trois kilomètres à l'ouest de Djéba
ou Gabaa de Benjamin, à six au sud i'El-Biréh tenue
par un grand nombre pour Béroth, à neuf et demi de
Beitîn, l'antique Béthel. La correspondance de cette
situation aux données bibliques et historiques jointe à
l'identité des noms, fait que l'identification d'Er-Râm
avec Rama de Benjamin est universellement adoptée.
1° Situation d'après la Bible et l'histoire. — Rama
est nommée dans le lût des villes attribuées à la tribu
de Benjamin entre Gabaon et Béroth. Jos., xvm, 25.
En indiquant « le palmier de Débora entre Béthel et
Rama, » Jud., rv, 5, l'écrivain sacré montre cette der-
nière localité assez rapprochée de l'autre. La parole du
lévite de Bethléhem : « nous passerons la nuit à Gabaa
ou à Rama, » ibid., xre, 13, la suppose peu éloignée de
Gabaa de Saûl et plus au nord. Le passage de I Reg.,
xxu, 6, oit il est dit de Saûl qu' « il se tenait à Gabaa,
■sous le tamaris de Rama, » en fait deux villes toutes
voisines. Il en est de même de I Esd., n, 26; II Esd.,
vu, 30; Is. x, 29, où Rama est constamment unie à Gabaa.
Elle paraît avoir été la forteresse frontière septentrionale
■du royaume de Juda. III fieg., xv, 17, 22; II Par.,
xvi, 1, 5, 6. D'après le verset cité d'Isaïe, on voit qu'elle
étaitau noiylde Gabaa de Saûl et de Jérusalem, etàl'est
de Machmas et de Gabaa de Benjamin. Josèphe qui
transcrit son nom 'Apaiiaôûv (variante : 'Pa[ia6û>-j), Ant.
jud., VIII, xn, 3, la dit éloignée de Jérusalem de 40
stades ou près de sept kilomètres et demi. D'après Eu-
sèbe et saint Jérôme elle est au VI e milliaire, c'est-à-dire
au delà de 7480 mètres, au nord d'iElia ou Jérusalem.
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862,
p. 308-309.
2° Description. — Er-Râm est assis au sommet d'un
mamelon de 792 mètres d'altitude, complètement dénudé
à l'ouest et au sud, mais planté de vignes et de figuiers
■au nord et à l'est. C'est un pauvre petit village arabe
de moins de cent habitants, tous musulmans. La petite
mosquée à coupole est bâtie dans les ruines d'une
église. On remarque dans les murs des masures actuelles
■quelques pierres de bel appareil ayant appartenu à des
constructions plus anciennes et à côté du village une
petite piscine. Des sépulcres taillés dans le roc de la
montagne attestent également l'antiquité de la localité.
3° Histoire. — La position stratégique occupée par
Rama de Benjamin en fit une des villes importantes non
seulement de la tribu de Benjamin, mais de tout Israël.
Débora s'asseyait près de Rama, sous le palmier qui
fut appelé de son nom, pour juger le peuple. Jud., iv,
5. Saûl était près de Rama, la lance à la main, entouré
de ses hommes d'armes, et leur reprochait leur sympa-
thie pour David, quand Plduméen Doëg dénonça le
grand-prêtre Achimélech pour avoir accueilli le fils
d'Isaï et lui avoir fourni des vivres et remis l'épée de
Goliath. Le roi envoya aussitôt un détachement à
Nobé pour lui amener le pontife et les prêtres. Les
guerriers refusant d'obtempérer à l'ordre criminel de
Saûl, et de tuer les prêtres du Seigneur, il en chargea
Doëg qui mit à mort les quatre-vingt-cinq prêtres qui
avaient été conduits en cet endroit. IReg., xxu, 6-18.
Sous le pieux rot Asa, Baasa, roi d'Israël, envahit le
territoire de Juda, s'empara de Rama et se mit à la
fortifier de manière à pouvoir empêcher les Juifs de
passer au delà et à arrêter ceux des Israélites qui vou-
draient aller en Juda. Asa acheta le concours duroi de
Syrie Bénadad qui attaqua le royaume d'Israël au nord.
Baasa dut retirer ses soldats pour voler au secours de
son pays attaqué. Asa reprit possession de Rama et avec
les matériaux qu'y avait apportés son adversaire, il alla
fortifier Gabaa de Benjamin et Maspha.III Reg.,xv, 17-
23; II Par., xvi, 1-6. Rama, située tout près de Gabaa
de Benjamin où l'armée assyrienne de Sennachérib
dans sa marche contre Jérusalem, tracée à l'avance par
Isaïe, x, 29, allait, après avoir franchi le passage de
Machmas, se reposer, devait être elle-même frappée
de terreur et sans doute, comme les villes ses voisines,
prise et occupée par l'ennemi. — C'est à Rama, que,
après l'incendie du temple et la destruction de Jérusa-
lem, Nabuzardan, général de l'armée chaldéenne de
Nabuchodonosor, réunit les captifs qu'il allait
conduire à Babylone et que fut délivré Jérémie. Le
prophète, suivant les commentateurs juifs et d'autres,
Jér., xl, 1-5, aurait fait allusion à la désolation des
prisonniers et à la ruine de la nation accomplie alors,
dans la célèbre parole : « Une voix s'est fait entendre
à Rama, [voix] de lamentation, de deuil et de pleurs;
[c'est] Rachel qui pleure ses enfants, parce qu'ils ne
sont plus. » Ibid., xxxi, 15. Cf. S. Jérôme, In Jer.,
t. xxv, col. 876-877. Suivant plusieurs interprètes, il
s'agirait ici d'une autre Rama située prés de Bethléhem.
Voir Rama 7. La Vulgate a pris Râmâh pour le nom
commun et le traduit par in excelso. Les Septante ont
faitde même, Ose., v, 8, où le prophète s'écrie : « Sonnez
du cor à Gabaa, de la trompette à Rama. » — Quelques
auteurs tiennent Rama de Benjamin pour identique à
Rama, ville de Samuel ou Ramathaïm-Sophim. Voir
Rama 6 et Ramathaïm-Sophim. — Les gens originaires
de Rama et de Gabaa qui se joignirent à Esdras, pour
retourner dans la terre de leurs pères, étaient ensemble
au nombre de 621. I Esd., n, 26; II Esd., vu, 30. Rama
fut habitée de nouveau par des Benjarnites probable-
ment du nombre des précédents. II Esd., xi, 33. Elle est
appelée par Josèphe, Ant. jud., VIII, xn, 3, « une ville
non sans célébrité. » Rangée parmi les cités nobles que
rebâtit Salomon, par saint Jérôme, elle n'était plus à
l'époque de ce père qu'un pauvre petit village, parvus
viculus. In Soph., i, t. xxv, col. 1354. Voir A Reland,
Palxstina, Utrecht, 1714, p. S63-964; E. Robinson,
Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. n,
p. 110, 315-316; V. Guérin, Samarie, t. n, p. 199-204;
The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres,
1889, t. m, p. 13. L. Heidet.
2. RAMA (hébreu : hâ-Râmâh; Septante : 'P^uii),
ville de la tribu d'Aser, dont le nom est transcrit,
Jos., xix, 29, Horma. Voir Horma 2, t. m, col. 756.
943
RAMA — RAMATHAÏM-SOPHIM
944
3. RAMA (hébreu : hâ-Bâmdh; Septante, Vatica-
nus : 'ApaTjX; Alexandrinus : 'Px[Li), ville de Neph-
thali, dont le nom est transcrit dans la Vulgate, Jos.,
six, 36, Arama. Voir arama 1, t. i, p. 876.
L. Heidet.
4. RAMA (hébreu, Râmâh; I Sam., xix, 22, 23; xx,
I, xxv, 1 ; Septante,'î < Pof(j.i, excepté Vaticanus: xxv, 1,
où on lit : 'Apui6a'4i; Vulgate : Ramatha), résidence
du prophète Samuel où étaient les Naïoth, où -vint le
trouver David fuyant jSaûl et où il fut enseveli. Gese-
nius, Thésaurus, p. 1276, suppose que cette Ramah est •
la même que Ramatha, mais différente de Ramathaïm-
Sophim.EUe serait encore identique à Rama de Matlh.,
II, 18, et à la Ramta' du Talmud ; Schabb., f. 26, 1 ; cette
localité doit être cherchée, suivant cet auteur, au delà du
tombeau de Rachel, par rapport à Gabaa, c'est-à dire
au sud, parceque Saûl se rendant de Rama à Gabaa, sa
patrie, trouva ce tombeau sur son chemin. I Reg., x, 2.
Le site de l'ancienne Hérodium, aujourd'hui djebel
Fereidis (à six kilomètres au sud-est de Bethléhem),
lui conviendrait très bien. Thésaurus, p. 1275-1276-
La plupart des interprètes et des critiques voient une
seule localité dans Rama, Ramatha et Ramathaïm-
Sophim, ou plutôt Rama est une des « deux Rama »
de Ramathaïm. — Quant à la Ramfa du Talmud, c'est
selon toute probabilité, Ver-Ràrnéh des Arabes ou tell
er-Raméh) la Bélharan delà Bible. — Voir Rama 7,
Ramatha et Ramathaïm-Sophim. L. Heidet.
5. RAMA (hébreu, 1 Sam., xxx, 27 : Rdmof-Négéb ;
Septante : 'Potuoc vôto-j, « Rama du midi »; Alexan-
drinus : Pap.a8; Vulgate : Ramolli ad méridien i), ville
du sud du pays d'Israël. Voir Ramoth Négeb.
L. Heidet.
6. RAMA (hébreu, II (IV) Reg., vm, 29 : Râmâh;
Septante, Vaticanus : 'Pimi.wb ; Alexandrinus : 'Pajuie,
Vulgate : Ramoth), ville de la région transjordanique,
ordinairement appelée Ramoth en Galaad. Voir Ramoth
et Ramoth-Galaad. L. Heidet.
7. RAMA, .Matth., h, 18, est, suivant certains inter-
prètes, le nom commun de « hauteur »; suivant d'au-
tres, c'est le nom propre d'une localité. — L'Évan-
géliste, en appliquant au massacre des Innocents, le
passage de Jérémie, xxxi, 15 : « Une voix a été entendue
à Rama... [c'est] Rachel qui pleure ses fils..., » attribue
sans doute à Rama la même signification que lui donne
le prophète. « Nous ne pensons pas que l'expression
in Rama, dit Jérôme, soit le nom de la localité voisine
de Gabaa, mais Rama signifie hauteur, excelsum, de
manière que le sens est : « Une voix s'est fait entendre
« sur la hauteur, in excelso, c'est-à-dire s'est répandue
« au long et au large, id est longe lateque diffusa. » In
Matth., n, 18, t. xxvi, col. 28. Les chaînes origéniennes
et les gloses l'entendent généralement de même.
Cf. iTischendorf, Kovum Testamentuni grmcum,
edit. 8"- critica major, Leipzig, 1872, t. r, p. 8. —
Eusèbe cependant l'entend d'une localité : « Il y a une
autre Rama de Benjamin, dit-il, dans le voisinage de
Bethléhem dont il est dit : Une voix a été entendue à
Rama. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin,
1862, p. 306. Le nom de Benjamin est ici une erreur ;
Bethléhem et tousses alentours appartenaient à la tribu
de Juda. Le mosaïste de Madaba a rapporté l'indica-
tion à un monument situé près de Bethléhem que l'on
peut prendre pour le sépulcre de Rachel; mais on ne
trouve nulle part que le lieu où se trouve ce sépulcre
ait jamais porté le nom de Rama, non plus qu'aucun
site des alentours. — La plupart des exégètes modernes
tiennent aussi le mot de Rama pour un nom propre.
Le grec et les versions, même la Vulgate, qui ont tous
Rama, ne permettent pas de douter qu'il n'appartienne
au texte original de saint Matthieu. Or, si l'évangéliste
eût voulu dire in excelso, il aurait fait usage de be-
marôm, en hébreu, ou be-marôma' , en araméen, non
de be-Râmâh inusité en ce cas. — Pourplusieurs de ces
interprètes, cette Rama ne serait pas différente de
Rama de Benjamin située à quinze kilomètres au nord
de Bethléhem et l'expression de l'évangéliste et du
prophète indiquerait la véhémence des cris de douleur
des méreâ qui retentirent jusque-là. Pour les autres,
comme pour Gesenius, il s'agit réellement d'une loca-
lité des alentours de Bethléhem, souvent identifiée
par eux avec Rama ou Ramatha de Samuel. Pour
Eusèbe et le mosaïste, ce sont deux localités différentes.
Voir Maldonat, In Matth., dans Migne, Cursus Scriptu-
rse, t. xxi, col. 424-426; F. Vigouroux, Manuel biblique,
12 e édit., t. h, p. 704, note 1; Polus, Synopsis critico-
rum, Math., Francfort-sur-le-Mein, 1712. Voir col. 924;
Rama 4 et Ramatha. L. Heidet.
RAMATHA (hébreu : hà-Râmâtâh ; Septante :
'ApfiaôatV, variante : 'Ap(jt,a6é,u, excepté Codex Alexan-
drinus : I Reg., xxv, 1 : 'Paiii), patrie et résidence de
Samuel. — Ramatha ou Rdmâtâh est le nom de Râma
ou Râmâh, Râmat à l'état construit avec le hé (n)
final, signe du mouvement. La Vulgate transcrit Râmâh,
de l'hébreu par Ramatba, I Reg., xix, 19, 22, 23 (2 fois) ;
xx, 1 ; xxv, 1 ; xxvm, 3. La transcription grecque 'Ap-
[iaôaffi, équivalente de hd-Rdmd(aim, porteraità indui-
re que cette leçon se lisait primitivement partout où se
lit maintenant Râmdfâh, dans le texte massorétique.
Le nom de "Pa[j.a6É[j. (variante : 'PaDa^ecv; Vulgate :
Ramathan, ace. de I Mach., xi, 34, et de Ramthis
forme gréco-romaine usitée au rv" siècle, probablement
pour Ramlhaim, comme Esbous, Marrous, Nemarias
pour Hésébon, Marom, Nemarlm (Onomasticon), et
qui l'une et l'autre semblent bien être la Ramatha de
Samuel, paraissent en même temps montrer la persis-
tance dans l'usage du duel Râmâtaîm. Ce nom devait
s'écrire et se prononcer Râmatêm, comme Oronaïm
Qariataïm, dans l'inscription de Mésa, s'écrit fforonên
ou IJoronêm Qariatên, etc., comme les Arabes bédouins
prononcent tous les duels. Ainsi, il est possible et
vraisemblable que Ramathaïm écrit diidt dans les
anciens exemplaires soit devenu rtrim, par une erreur
de transcription du scribe de la massore. Quoi qu'il en
soit, l'identité de Rama et Ramatha avec Ramathaïm,
indiquée déjà par la leçon constante des Septante, n'est
guère contestable. Voir Ramathaim-Sophim.
L. Heidet.
RAMATHAi'M-SOPHIM (hébreu, I Sam., i, I :
hâ- Râmâtaîm Sofïm-; Seplante : 'Ap|jia6tii[ji Stiâ;
Vaticanus : 2et:pdc : Alexandrinus : Stoçipi), ville d'É-
phraïm, patrie d'Elcana et du prophète Samuel, son
fils.
1° Nom. — Ramatbaïm-Sophim, « les deux Rama des
Sophim », se trouvant une fois seulement dans la Bible
hébraïque, des critiques l'ont suspecté le fait de quel-
que copiste et cru Ramatha le véritable nom. La leçon
'Ap(ia8a!(i des Seplante semble plutôt, voir Ramatha,
indiquer le contraire. Ramathaïm était employé pour
désigner la localité en général et Rama la partie par-
ticulière où étaient les naïoth et où Samuel avait
fixé son habitation au milieu des prophètes. Sophim
est apposé comme déterminatif pour distinguer ce
Rama des nombreuses autres. Ce nom a été interprété
différemment; Pour le Targum de Jonathan c'est la
« Ramatba des disciples des prophètes », pour la version
syriaque c'est « la colline des vedettes », la version
arabe y voit a la hauteur de l'exploration ». On admet
plusgénéralement qu'il faut entendre : « la double- Rama
des Suphites n on « des fils de Suph » dont descendait
Elcana et dont la région était appelée du nom de leur
père « la terre de Suph. » I Reg., i, 1; I Par., vi,
35; I Reg., ix, 5. Cf. Polus, Synopsis criticorum,
945
RAMATHAÏM-SOPHIM
946
Francfort-sur-le-Main, in-f°, 1712, t. i, col. 1152.
2° Identifications diverses. — Plus de douze localités
ont été proposées pour être identifiées avec la patrie de
Samuel (Bg..213). — Elle se trouverait « dans la mon-
tagne d'Ephraïm, -omê-har Efrâîrn, ou èv vacrtg Eçpaîu.,
«dans le district(?) d'Ephraïm. selon les Septante.'I Reg.,
1, 1. L'itinéraire de Saûl, itinéraire sans doute direct,
pour se rendre de Ramathaïm à Gabaa, sa patrie, sup-
pose le tombeau de Rachel sur cette route. I Reg., x,
2. Ce monument se trouvant près de Bethléhem de
Juda, selon Gen., xxxv, 16, et xlvhi, 7, il résulte de là,
disent plusieurs critiques, que Ramatha, habitation de
Samuel, était au sud de Gabaa et du tombeau de Rachel.
De là il faut reconnaître, ajoute Gesenius, Thésaurus,
p. 1274, que ce lieu est différent de Ramathaïm, pa-
trie d'Elcana. "Voir Rama 4. Les autres concluent, au
contraire, que la montagne d'Éphraim de I Reg., I, 1,
n'est pas différent de la région montagneuse d'Éphrata
où il faut chercher Ramathaïm, c'est-à-dire de Bethlé-
hem. Suph est en effet, disent-ils, appelé, ibid.,
l'Éphratéen et « la terre de Suph », doit être identique
au pays d'Éphrata ou Rethléhem. En conséquence, ces
critiques cherchent Ramathaïm dans le territoire de
Juda et aux alentours de Bethléhem. — Van de Velde,
Syria and Palestine, in-8», Edimbourg et Londres,
t. il, p, 50, la voit dans er-Râméh, ruine située à trois
kilomètres au nord d'Hébron et dans le voisinage de
l'ancien Mambré, W. F. Birch, l'identifie avec Beit-
Djàla' grand village situé à deux kilomètres à l'ouest du
sépulcre de Rachel. Dans Pal. Expl. Fund, Quarterly
Statement, 1883, p. 48-52. — G. Schick, Ramathaïm-
Sophim, dans Quarterly Statement, 1898, p. 7-20, la
place au moment du Rds-es-Sarféh à l'ouest et au-dessus
des vasques de Salomon, à six kilomètres, à l'ouest
sud-ouest de Bethléhem, où sont plusieurs ruines assez
considérables. — La plupart des commentateurs n'ad-
mettent pas que l'on puisse entendre « la montagne
d'Ephraïm » de la contrée de Bethléhem. Si l'ethnique
« Éphratéen » a été appliqué à des habitants de cette
ville comme il l'a été aux Jiphraïmites, et même si le
nom d'Éphrata a été pris, selon quelques interprètes,
pour synonyme de « la terre d'Ephraïm », celui-ci n'a
jamais été employé pour indiquer un autre territoire
que celui de la tribu de ce nom. La description du
voyage de Saûl. I Reg., IX, 3-6, qui nous montre, une
seconde fois, la terre de Suph et la ville de Samuel
dans « la montagne d'Ephraïm », ne permet de douter
de l'authenticité de la leçon. D'autre part, l'identité
de Rama ou Ramatha apparaît de la suite du récit de
I Reg., I. La ville d'Elcana d'où il se rendait régulièrer
ment à Silo, du verset 3, est bien certainement la
Ramathaïm du f. 1 et la Ramatha du y. 19, où le même
avait sa maison, où il retournait après sa visite à Silo et
où naquit Samuel, est indubitablement la même ville.
La leçon d"Ap|ji.x6a!{ji des Septante, donnant partout
Ramatha pour identique à Ramathaïm, ne serait-elle
pas la leçon authentique, indiquerait toujours leur
sentiment, dont on ne pourrait pas ne pas tenir compte.
II faut donc admettre que Ramathaïm était réellement
dans la montagne d'Ephraïm, sauf à conclure que le
tombeau de Rachel, dont il est parlé dans le voyage de
retour de Saûl est un autre tombeau et que probable-
ment on lisait jadis un autre nom à la place de Rachel.
La situation; en Éphraïm, de Ramathaïm n'en est pas
moins encore une des questions topographiques des
plus controversées. — D'après le juif Benjamin de
Tudèle (xn e siècle), « Ramléh est Ramah » de Samuel.
Itinéraire, édit. Lempereur, Leyde, 1633, p. 20. C'était
l'opinion de quelques savants chrétiens de l'époque
pour qui Ramléh était une variante de Rama et Rama-
tha. Gf, Guibert de Nogent, Historia hierosolymitqna,
\H, 1, édit. Bongars, p. 253. La plaine de Ramléh,
prétend Burchard (1293), appartenait à la montagne
d'Ephraïm. Descriptio, 2 e édit. Laurent, in-4» Leipzig,
1873, p. 78. — Quelques pèlerins postérieurs au
xm e siècle paraissent indiquer Sôbâ, située à 11 kilo-
mètres à l'ouest de Jérusalem, sur une montagne
élevée... C'est le sentiment défendu par Robinson qui
voit dans ce nom Eeiçà des Septante. Biblical Resear-
ches, Boston, 1841, t. h, p. 328-334. — Le rabbin Joseph
Schwarz croit avoir trouvé « Rama de la montagne
d'Ephraïm » dans er-Râméh, village situé à sept
kilomètres et demi à l'ouest de Sânur et à neuf du
nord-nord-ouest de Sébasfiéh (Samarie). Tebuoth ha-
'Aréz, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 198-193. —
M. Slant le voit au Khirbet-Marmâtâ, à un kilomètre
et demi à l'est-sud-est d'Artûf (ard Tûf ou Çûf « la
213. — Carte des sites divers attribués à Ramathaïm-Sophim.
terre de Sûf »), situé à deux kilomètres au sud-est de
Sara. Ibid., Appendice, p. 508-510. — S'il faut en
croire Mugir ed-Dîn, les Juifs de son temps (1474)
auraient vu la patrie de Samuel au village de Siléh
(â<\ «,<..>) du territoire de Nâblus, appelé par eux
Rdméh. Il y a un Sîléh à quatre kilomètres et demi
au nord de Sébasfiéh: Gf. Histoire de Jérusalem et
d'Hébron, édit., du Caire, 1283 (= 1866), p. 106. —
M. Gaston Marmier semble chercher Ramathaim à
TJmm-Sûfja, à six kilomètres et demi à l'est du
Khirbet-Tibnéh, l'ancienne Thamnay^wwe des études
juives, 1894, p. 41. — MM. Gutheet Éenziger l'identifient
avec Beît-Rima, situé à trois kilomètres an nord de la
ruine précédente. Voir Wandkarte Palâstina, Leipzig
(sans date). De même Buhl, Géographie des alten
Palâstina, 1896, p. 170-171. Ewald la plaçait à
Ramallah, grand village chrétien à quinze kilomètres
au nord de Jérusalem. Geschichte des Volkes Israël,
Gœttingue, 1843-1852, t. n, p. 550. — Quelques pèlerins
des siècles derniers paraissent l'identifier avec er-Râm,
l'ancienne Rama de Benjamin. A. de Noroff croit avoir
reconnu \e tombeau du prophète dans une « grotte
947
RAMATHAIM-SOPHIM
948
sépulcrale » incorporée au mur de l'ancienne syna-
gogue convertie plus tard en une église chrétienne.
Dans le Pèlerinage de Daniel l'higoumène, Saint-
Pétersbourg, in-4» 1864, p. 13 et 14, note. Cette identi-
fication est acceptée parquelques modernes. VoirBonar,
Land of Promise, in-8°, Londres, 1856, p. 178, 554;
P. B. Meistermann, 0. F. M., Nouveau guide'de Terre-
Sainte, in-8», Paris, 1907, p. 314-315. Cette identifica-
tion, comme les précédentes, se base seulement sur
l'identité ou la similitude onomastique. Le P. von Hunl-
melauer, In lib. Samuel, I Reg., i, 1, 1886, jp. 29-31,
reconnaît l'identité de Rama ou Ramatha avec Rama-
thaïm; il la veut cependant, comme Gesenius, au sud
de Bethléhem. Selon lui, l'expression de la montagne
d'Éphraîm se rapporte, non à Ramathaïm, mais à Elcana
et il faudrait lire : « Il était un homme de Ramathaïm-
Sophim [et cet homme était civilement de la tribu ou]
de la montagne d'Éphraîm. » Le docte commentateur
parait n'avoir pas remarqué les autres passages indi-
quant comme nous le verrons, Ramathaïm en Éphraïm.
3° Deux autres identifications. — Deux localités,
outre leur nom, se présentent avec d'autres titres : ce
sont Nebi-Samûêl etRantis. — 1. Nébi-Samûîl, «le pro-
phète Samuel », est un petit village de moins de cent
habitants, bâti sur la montagne la plus élevée des alen-
tours de Jérusalem, à sept kilomètres et demi de cette
dernière. On y voit d'anciennes habitations et des pis-
cines entièrement creusées dans le roc, des restes d'une
enceinte restaurée à différentes époques; S de belles
pierres taillées dispersées çà et là et surtout une église
ogiivale du XII e siècle, dont le transept sert aujour-
d'hui de mosquée. A l'intérieur un cénotaphe en dos
d'âne, semblable à tous ceux des personnages vénérés
dans l'islam, est désigné comme celui du prophète
Samuel. — Vers 530 déjà, le pèlerin Theodosius indi-
quait : « à cinq milles (7480 mètres) de Jérusalem
Ramatha'où repose Samuel. » De Terra Sancla, Genève,
1877, p. 71. L'église et le monastère auxquels Justinien
(527-565) apporta des améliorations portaient dès lors
le nom de « Saint-Samuel ». Procope, De œdificiis,
V, IX. Il resta célèbre et vénéré chez les Arabes mu-
sulmans. Cf. Et-Muqaddasi, 19881, Géographie, [édit.
Goeje, Leyde, 1871, ip. 188. Pendant toute la période
des croisades (xn e s. etxnr 3 ), les pèlerins francs et autres
ne cessèrent d'aller vénérer le tombeau à Saint-Samuel
de Montjoie ou Silo, souvent encore appelé de Rama
et de Ramatha. A peu près toutes les relations en font
mention. Les juifs ne l'eurent pas en moindre respect.
R. Benjamin y mentionne, loc. cit., la présence des
reliques. Le savant rabbin Estôri (xm e siècle) désignant
Nébi-Samûêl l'appelle hâ-Rdmâtâh et ajoute : « Là est
Samuel, parce que là est sa maison. » Caftor va-Phérah,
édit. Luncz, Jérusalem 1897-1999, p. 300. Les pèlerins
juifs dont on connaît les récits, y vont tous vénérer le
sépulcre. Cf. Carmoly, Pèlerinages de ta Terre Sainte
traduits de l'hébreu, Bruxelles, 1847, p. 130, 186, 387.
443. Une tradition si universelle et si constante est un
argument en faveur de la présence à Nébi-Samùêl des
restes du prophète. Or, ajoutent les auteurs qui identi-
fient cet endroit avec Ramathaïm, d'après I Reg., xxv,
1, Samuel fut enseveli « dans sa maison à Ramatha ».
Si le tombeau de Nebi-Samûêl est authentique, il faut
reconnaître que là est Ramathaïm. Les deux hauteurs
terminant le sommet delà montagne justifient d'ailleurs
ce nom. Voir |Maspha 4, t. iv, fig. 228, col. 843.
Ramathaïm, il est vrai, est indiqué dans la montagne
d'Éphraîm et Nébi-Samûêl appartient au territoire de
Benjamin; mais le palmier de Débpra qui s'élevait entre
Rama de Benjamin et Béthel était déjà dans la mon-
tagne d'Éphraîm, Jud., iv,'5, et Saûl parcourant la terre
de Jemini, synonyme de Benjamin (voir t.^iii, col. 1248),
se trouvait dans la montagne d'Éphraim, Cf. I Reg., ix,
4. Ce sentiment, qui est celui de la plupart des inter-
prètes et géographes du xvn e siècle et du xvm«, est
défendu par plusieurs savants modernes, en particulier
par F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la
Terre Sainte, in-8", Paris, 1877, p. 257, et par
Victor Guérin, Judée, t. i, p. 362-384; d'autres palesti-
nologues cependant croient plusjuste de s'en rapporter
aux témoignages d'Eusèbe et de saint Jérôme indiquant
Rantîs.
Selon ces palestinologues, 1° il n'esl aucunement cer-
tain que le nom de « mont Éphraïm » ait jamais été
donné à la plus petite partie de la montagne de Benja-
min. Le Palmier de Débora pouvait être dans la mon-
tagne d'Éphraim s'étendant au sud de Bethel, sans
qu'il soit besoin de prolonger celle-ci jusqu'à Rama et
à la montagne de Nébi-Samûêl. Le Jemini qui donna
son nom à la région parcourue par Saûl après avoir
passé par les terres de Salisa et de Salim et avant
d'entrer dans la terre de Suph, est distingué, et sans
doute avec raison, par les Septante, au codex Vatica-
nus, du Jemini qui pouvait donner son nom au terri-
toire de Benjamin. Ils appellent le premier, I Reg., ix,
4, 'laasv, nom de familles en diverses tribus (cf.
Jamin, t. m, col. 1115) et le second, verset 1, ïbid.
'iEIxivatoç. La terre de Jemini, ou Jamin, dont il
est ici question, était au-delà de « la terre des Chacals »
(oibyiir y-iN, y*) £EYa)i[ji, terra Salim, de I Reg., ix, 4),
identique selon toute probabilité à la terre des Cha-
cals (byiïf ynN, collectif équivalant au pluriel, Y7jSo)Yâ),,
terra Suai) de I Reg.,xm, 17, qui parait être aux alen-
tours d'Éphra, ville possession d'Éphraîm; à plus forte
raison lui appartenait cette terre de Jemini. — 2» La des-
cription du voyage de Saûl à la recherche des ànesses
de son père, tant à l'aller, I Reg., IX 3-6, qu'au retour,
ibid., ix, 26-x, 74, indique une longue course, tandis
que Nébi-Samûîl est à cinq kilomètres seulement du
site où l'on doit placer Gabaa de Saûl. Le mot
de Samuel, ibid., x, 2 : Vous trouverez deux hommes
sur la frontière de Benjamin, indique bien que Ra-
matha était en dehors de cette frontière. — 3° La ville
de Ramathem (Vulgate : Hamatka) de I Mach., xi, 34,
est, selon toutes les probabilités, identique à Rama-
thaïm. Or, la Samarie, à laquelle elle appartenait, était
tout entière formée du territoire d'Éphraîm. De ces
indices ne faut-il pas conclure que Ramathaïm doit
être cherchée ailleurs qu'à Nébi-Samûil et que le sé-
pulcre qu'on y vénère est, non le tombeau primitif du
prophète, mais un monument où ses restes furent
transférés d'ailleurs? C'est ce que l'on disait au
xi! e siècle. Selon le témoignage de Benjamin deTudèle,
en 1173, les chrétiens avaient. trouvé à Ramatha, à côté
de la synagogue des Juifs, le tombeau de Samuel et
avaient trausporté les reliques du prophète à Silo, c'est-
à-dire à Nebi-SamûU, où ils construisirent une grande
église. Ce rabbin, il est vrai, attribue cette invention
aux Francs, à leur arrivée en 1099, et la place à Ramléh,
tenue par lui pour Ramatha ; mais elle doit être attri-
buée, sans doute, aux Byzantins et reportée au temps
d'Arcadius (395-408), époque où, selon saint Jérôme,
Cont. Vigilant., 5, t. xxm, col. 343, une partie des
ossements du prophète furent transportés en Thrace. —
Ce Père etEusèbe attestent indirectement qu'il ne peut
en être autrement, quand ils indiquent qu'Arimathie
ou Armathem, patrie d'Elcana et de Samuel, est la lo-
calité appelée de leur temps Ramthis, certainement
différente dû Nébi-Samuel actuel. D'après ces Pères,
Remphis, Remphîtis dans le monument de Leyde,
Remphtis dans d'autres manuscrits, était de leur
temps généralement reconnue pour l'Arimathie évan-
gélique et pour l'Armathem-Sophim des Septante,
patrie de Samuel. Onomasticon, aux mots Ruma et
Armathent-Sophim , édit. Larsow et Parthey, Berlin,
1862, p. 60-61, 316, 317; éd. E. Klostermann, Leipzig,
1904, p. 32-33, 144. Elle est située « près » (jiXïioiov, juxta)
949
RAMATHAÏM-SOPHIM
950
de Diospolis (Lydda) ou « dans le territoire, i> iv ôpi'oiç,
in finibus, de cette ville. Saint Jérôme ajoute qu'elle
appartient à la Thamnitique, ittregione Thamniticâ. Les
mots « dans le territoire, près de » ne peuvent pas
être entendus dans le sens restreint que nous leur
donnons. Ainsi, avec les mêmes expressions, ils nous
indiquent Remmon à quinze milles, ou 22 kilomètres et
demi au nord d'/EIia, ibid., p. 314 et 315, ,et Bethsarisa
également à quinzemilles au nord de Diospolis et aussi
dans la Thamnitique. Ibid., p. 94, 95. Par ce dernier
passage, nous constatons que la Thamnitique était au
nord de la Diospolitaine ou toparchie de Lydda. Au
xii e siècle, les .Assises de Jérusalem, ch. 267, édit.
centreforts des monts d'Éphraïm, du côté de l'ouest.
Il occupe une partie seulement d'un plateau assez
spacieux, sur lequel se rencontrent de nombreuses
bouches de citernes antiques, et terminant une pre-
mière hauteur de 209 mètres d'altitude; celle-ci est
dominée par un ressaut de la montagne formant une
seconde hauteur couronnée d'un plateau plus vaste que
le premier et toute plantée d'oliviers. Dans l'intérieur
du village, se remarquent les restes de deux églises
paraissant de l'époque byzantine; plusieurs pans de
murs engagés dans des constructions modernes, par
leur appareil, et de nombreuses pierres taillées disper-
sées dénotent le même âge. Sur le plateau supérieur
214. — Rantis. D'après une photographie de M. L. Heidet.
Beugnot, Paris, 1841, t. i, p, 417, nomment un Rantis
où, parmi les suffragants de l'archevêque de Lydda,
est un abbé de Saint-Joseph d'Arimalhie. Ce Rantis,
est, à n'en pas douter, le Hemphlis du IV e siècle et le
Rantis ou Remis (fig. 214) que l'on trouve aujourd'hui à
moins de quinze kilomètres (environ dix milles ro-
mains), au nord-est de Lydda, à huit kilomètres à l'ouest-
nord-ouest de Tibnah, l'ancienne Thamna, qui donnait
son nom à la Thamnitique, et à quarante kilomètres au
nord-ouest de Jérusalem. Le nom de Rantîs permet de
croire que la vraie leçon d'Eusèbe était Ramphtis, forme
grecque pour Ramthis, comme Ramphta pour Ramtha,
était donnée, an iv« siècle, à BétharandeGad. Ramthis
ne diffère au fond de Ramathaïm que par la trans-
formation de la finale en s, modification fréquente,
dans les noms hébreux, à l'époque gréco-romaine. On
ne peut douter que le témoignage d'Eusèbe et de saint
Jérôme, à une époque où l'on savait où se trouvait le
tombeau de Samuel, ne soit l'expression de la tradition
locale du pays. — Rentîs est un village . d'environ 150
habitants musulmans, s'élèvant sur un des derniers
on rencontre divers débris d'anciennes constructions,
parmi lesquels des fragments d'une belle mosaïque. Les
lianes de la colline, recèlent un certain nombre de
grottes sépulcrales anciennes. — Depuis trente ans,
ceux qui, à Jérusalem, se sont occupés particulière-
ment de la topographie iiblique, admettent plus com-
munément que Rentîs est la localité correspondant le
mieux aux données de la Bible et de l'histoire.
Histoire. — Ramathaïm avait été sinon fondée du
moins occupée par une colonie de lévites de la famille
de Suph, dont descendait Eicana^pèrèsde Samuel.
I Reg., i, 1. C'est là que naquit le prophète et il y fut
élevé jusqu'au temps de son sevrage où il fut conduit
â Silo pour être présente au grand-prêtre. I Reg., i,
2-28. Il paraît être revenu en sa patrie après la mort de
Héli et la prise de l'arche par les Philistins, et il y
résida jasqu'à sa mort. Le don de prophétie dont il était
gratifié attira à Ramathaïm une multitude de gens
qui venaient le consulter. C'est ce qui engagea Saùl, cher-
chant ses ânesses, à y venir aussi. Déjà Samuel avait
été reconnu juge d'Israël et peu de temps auparavant
951
RAMATHAÏM-SOPHIM — RAMEAU
952
les anciens du peuple étaient venus le trouver pour
lui demander un roi. Le prophète avait élevé un autel
au Seigneur près de la ville. Jud., vu, 17; vm, 41; îx,
6-10. 11 sortait de la ville pomr « monter » au bâmàli,
où il devait offrir un sacrifice, quand Saûl se présenta
à lui. Il invita le fils de Cis « à y monter avant lui »
et à assister au festin qu'il y donnait; « ils descen-
dirent » de là pour passer la nuit sur la terrasse de la
maison du prophète. Le lendemain matin, celui-ci
accompagna Saûl en dehors de la ville, le sacra et lui
donna rendez-vous à Galgala. I Reg., rx, 11-x, 8. Toutes
les assemblées générales de la nation, Samuel les tenait
à Galgala, Béthel et Maspha. I Reg., vin, 16. [Rama-
thaïm située loin de la ligne de faite des montagnes
habitée par Israël par où passait la route des commu-
nications entre les tribus et dont elle était encore sépa-.
rée des vallées profondes et escarpées, était d'un abord
trop difficile pour y convoquer le peuple.] — Saûl
revint à Ramathaïm de longues années après. Il pour-
suivait alors David de sa jalousie et de sa haine. Celui-
ci s'y était enfui près de Samuel, et les deux se trou-
vaient auxA'ai'otft, du Râmâh supérieur sans doute, où
Samuel semble avoir groupé une école de prophètes
autour de l'autel de Jéhovah où il sacrifiait. Cf. I Reg.,
xix, 18-24. David s'en échappa y laissant Saûl qui y
passa la journée et la nuit suivante « prophétisant »,
XX, 1. Samuel y mourut peu d'années après et y « fut
enseveli dans sa maison, » c'est-à-dire en son domaine,
partout Israël qui vint assister à ses funérailles, xx, 1.
— Ramathaïm, qui appartenait à Éphraïm, resta au
royaume schismatique d'Israël et puis au territoire des
Guthéensou Samaritains. Jonathas Machabée en obtint
la séparation, et, avec Lydda et Éphrem, la réunit à la
Judée, car il n'y a point de raison de douter que Ra-
mathem, I Mach., xi, 34 (Vulgate : Ramatha) ne soit
Ramathaïm. Devenue ainsi « ville des Juifs », ttoXiç
tûW 'Io-uSatuv, et connue dans les.Êvangiles sous le nom
d'Ârimathie, elle fut, au témoignage d'Eusèbe, de saint
Jérôme et généralement de tout le peuple de Palestine, la
patrie de Joseph qui ensevelit le Seigneur dans son
propre sépulcre. Voir Arimathie, t. i, p. 958. — Rama-
thaïm était trop en dehors des chemins suivis par les
pèlerins pour avoir été fréquentée par eux; on la leur
indiquait comme située dans une région presque ina-
bordable. « D'jElia (Jérusalem), jusqu'à la ville de Sa-
muel, située vers le nord et appelée Ramathas, la con-
trée est rocheuse et escarpée ; on y peut Voir des ré-
gions et des vallées couvertes débroussailles épineuses,
s'étendant ainsi jusqu'au district de la Thamnitique »,
disait, vers 670, Arculfe qui ne parait pas l'avoir
visitée non plus. Adamnan, De locis sanctis, I, xx,
t. lxxxviii, col. 790. C'est sans doute pour permettre
aux pèlerins de satisfaire leur dévotion et de vénérer
les reliques du grand prophète, que l'on transporta
ses ossements sur la montagne voisine de Jérusalem
qui prit son nom.
Outre les auteurs et les ouvrages déjà indiqués, on
peut consulter encore : Quaresmius, Elucidatio Terrx
Sanctx, I. VI, § v, cap. v et vi; cf. § i, cap. u, in-f»,
Anvers, 1639, p. 6-8; The Survey of Western Palestine,
Memoirs, in-4°, Londres, 1882, 't. n, p. 286-287; t. m,
p. 12-13; Palestine Exploration Fund, Quarterly
Statement, 1879, p. 130-131, 170-172; 1883, p. 110-112,
156-159, 183-184; 1884, p. . 51-54, 144; A. R. Gonder,
Tent-Work in Palestine, in-8», Londres, 1885, p. 256-
257; Fr. Liévin de Hamm, Guide indicateur de la Terre
Sainte, 3' édit., Jérusalem, 1887, t. n, p.' 264-266.
L. Heidet.
RAMATHEM ('Pa(ia8éii), ville de la Samarie réunie
avec son district (vou.6;h à la Judée sous Jonathas
Machabée. I Mach., xi, 28, 34; cf. X, 30^ Ce nom est
sans doute identique à 'Apa[ii8£|iou 'Apatia8ai|isansla
transcription de l'article hébreu. La Vulgate l'a transcrit
Ramatha, car la finale n paraît, comme pour Lydda,
le signe de l'accusatif. Le traducteur semble aussi
l'identifier avec Ramatha identique, dans la traduc-
tion, avecRamathaïm-Sophim, comme l'est dans les Sep-
tante 'Apay.aHy.et 'Apajia6ai[i. La situation de 'Pa(ia6é(J.
indiquée par l'historique de ce passage dans la partie
méridionale de la Samarie voisine de la Judée, autorise
à croire que cette localité n ! est pas différente de la Ram-
this d'Eusèbe et de saint Jérôme, Onomasticon, édit.
Larsow et Parthey, p. 317, qu'il faut chercher dans la
même région, et qu'ils identifient avec Ramathaïm pa-
trie de Samuel. L'intérêt que Jonathas semble attacher
à l'indépendance et à la possession de Ramathem se
comprend si elle était la ville du prophète et gardait
ses cendres et ce fait est loin d'infirmer f'assertion de '
Y Onomasticon, et l'identité de Ramathem avec Rama-
thaïm-Sophim et Ramthis. Son territoire est situé entre
Lydda et Éphrem et plus au nord, et Jonathas ne pou-
vait l'avoir sans posséder aussi ceux de ces deux der-
nières villes; Voir Ramathaïm-Sophim.
L. Heidet.
RAMATHLÉCHD (hébreu : Rdmat-Léhi. Les Sep-
tante traduisent le nom : 'Avaîpeai; ataydvoç, enlève-
ment de la mâchoire, sans le transcrire ; la Vulgate
après l'avoir transcrit ajoute : qùod interpretatur ele-
valio maxillx), localité où Samson frappa mille Philis-
tins, avec une mâchoire d'âne. Jud., xv, 17. Voir Léchi,
t. iv, col. 145. L. Heidet.
RAMATH-MASPHÉ (hébreu : Râmalam-Mispéh ;
Alexandrinus : 'Paiiù; Vulgate : Ramotli). Jos., xiu,
26. Voir Ramoth-Maspiiè.
RAMATH-NÉGÉB (hébreu :Rà'mâ(-Né'géb, « Râ-
'mo/i du Midi »; Vulgate : Ramath contra auslralem
plagam; le vocable est ajouté comme complément d'un
autre nom de localité Baalath Béer). Voir Iîaalath
Béer Ramoth, t. i, col. 1324. C'est, semble-t-il, le lieu
appelé I Sam. (Reg.), xxx, 23, Ramoth-Négéb. Voir
ce nom.
RAMBAN, surnom de Nachmanide. Voir Nachita-
nide, t. iv, col. 1455. ■
RAME, voir Rameur, col. 959.
RAMEAU (hébreu : dâlyôf, zaîf, 'âbô(, 'ânâf, sôk,
zemôrâh; chaldéen : 'ànàf; Septante : x),âSoç, x^not,
tpûXXov ; Vulgate : ranius, ramusculus, palmes), branche
d'arbre ou de végétal quelconque. L'hébreu a encore
d'autres termes qui ne sont guère employés qu'une
fois : Ifôtér, Is., xi, 1; kipdh, Job, xv, 32; mattéh,
Ezech., xix, 11, 14; nésér, Is., xiv, 19; sûr, .1er., H,
21; sansinnîm, Gant., vu, 9; se'apâh, Ezech., xxxi, 6,
8; sar'âpah, Ezech., xxxi, 5; sibbélet, Zach., iv, 12. Le
verbe sê'ê/'veut dire « couper des branches », Is., x, 33.
1° Au sens propre. — 1. La colombe revient dans
l'Arche après le déluge en portant un rameau d'olivier.
Gen., vm, 11. Les explorateurs envoyés par Moïse dans
le pays de Ghanaan en rapportent une gigantesque
branche de vigne avec son raisin. Num., xm, 24. Pour
faire périr les habitants de la tour de Sichem, réfugiés
dans la forteresse du dieu Bérilh, Abimélech coupa une
branche d'arbre et dit à tout le peuple qui le suivait
d'en faire autant. Toutes ces branches furent placées
contre la forteresse, on y mit le feu et ceux qui s'étaient
réfugiés à l'intérieur trouvèrent la mort. Jud., ix, 48,
49. Les oiseaux habitent dans les branches d'arbres et
y font entendre leurs chants. Sap., xvn, 17; Matlh.,xm,
32; Marc, îv, 32; Luc, xm, 19. A l'approche de l'été,
les rameaux du figuier deviennent tendres et poussent
des feuilles. Matth., xxiv, 32; Marc, xm, 28. Dépouillés
de leur écorce par les sauterelles, les rameaux du
953
RAMEAU — RAMESSÈS
954
figuier deviennent tout blancs. Joe., i, 7. — 2. La
loi prescrivait aux Israélites, pour la fête des Taber-
nacles, de prendre des branches de palmiers et des
rameaux d'arbres touffus; puis, pendant sept jours, ils
devaient habiter sous des huttes de feuillage. Lev.,
40, 42. Sous Judas Machabée, les Juifs fidèles, après
avoir passé une fête des Tabernacles dans les montagnes,
suppléèrent ensuite à la solennité omise, en portant des
rameaux verts et des palmes, et en chantant la gloire
du Seigneur. Il Mach., x, 7. Sur le rameau qu'on por-
tait à son nez dans certains cultes idolàtriques, Ezech.,
vin, 17, voir Nez, t. iv, col. 1612. — 3. Pour décerner
le triomphe à quelqu'un, on prenait en mains des
rameaux de palmiers en lui faisant cortège. Ainsi fit-on
pour Simon Machabée, I Mach., xm, 51, et plus tard
pour Notre-Seigneur à son entrée dans Jérusalem.
Matin., xxi, 8; Joa., xii, 13.
2° Au sens figuré. — 1. Jacob, dans sa prophétie sur
ses douze fils, dit de Joseph, Gen., xlix, 22 :
Joseph est le rejeton d'un arbre fertile,
Rejeton d'un arbre fertile au bord d'une source ;
. Ses branches s'élancent au-dessus de la muraille.
Le rejeton, bien arrosé et abrité par une muraille,
pousse si vigoureusement qu'il envoie ses branches par
dessus cette muraille. C'est l'image de la tribu de
Joseph, établie à Sichem et dans le pays fertile qui
l'environne. Les branches sont ici appelées bânôt,
« filles » du rejeton. Les Septante ont rendu autrement
le dernier vers : « Mon jeune fils, reviens à moi. » La
Vulgale l'a traduit servilement : « Les filles ont couru
sur la muraille. » Celte traduction, étant donnée celle
du vers précédent, prête à un sens fort différent de
celui que présente l'hébreu. Ce dernier est d'ailleurs
beaucoup plus naturel. — La sagesse étend aussi,
comme un térébinthe, ses rameaux de gloire et de
grâce, et heureux qui s'y abrite. Eccli., xiv, 26; xxiv,
22. — Israël est la vigne du Seigneur, dont les branches
dépassent les cèdres et s'étendent jusqu'à la mer,
Ps. lxxx (lxxix), 11, 12. — Les méchants semblent
prospérer et pousser des rameaux; mais ces rameaux
ne verdissent pas, Job, xv, 32, ils sont brisés encore
tendres, Sap., iv, 4, ils ne portent pas de fruits, Eccli.,
xxm, 35, et ne se multiplient pas. Eccli., xl, 15. —
2. Les prophètes empruntent de nombreuses compa-
raisons aux rameaux. Le Messie est un rameau qui sor-
tira de Jessé. Is., xi, 1. Jéhovah abattra Assur comme
on abat avec fracas la ramure des arbres. Is., x, 33.
Babylone sera mise de côté comme un rameau méprisé.
Is., xiv, 19. L'Ethiopie, sous la vengeance de Dieu, sera
comme une vigne dont on coupe les pampres à coups
de hache. Is., xvm, 5. Atteint lui-même, Israël devien-
dra comme un olivier qui n'a plus que quatre ou cinq
olives à ses branches. Is., Xvii, 6. — Israël, la vigne
du Seigneur, n'a donné que des rameaux bâtards.
Jer., il, 21. Juda était un olivier verdoyant; à cause de
son infidélité, Jéhovah y met le feu et ses rameaux sont
brisés. Jer., xi, 16. — Dans Ézéchiel, les rameaux de
cèdre, xvii, 6, 22; xxxi, 5-14, et de vigne, xvii, 8, 23;
xix, 11, 14; xxxi, 3, figurent le peuple de Dieu et sa
destinée. Après la restauration, les montagnes d'Israël
pousseront leurs rameaux et porteront leur fruit, c'est
à dire redeviendront fertiles comme auparavant. Ezech.,
xxvi, 8, 9. Le prophète accuse les hommes de Juda de
se livrer à l'idolâtrie et de « porter le rameau à leur
nez ». Ezech., IX, 17. Chez les Perses, quand on offrait
un sacrifice, on dressait les morceaux de la victime sur
de la verdure, comme pour les offrir aux dieux.
« L'emplacement du sacrifice est orné d'une jonchée
ou d'un coussin d'herbes qui est censé le siège de la
divinité : en védique, c'est le barhis ; dans l'Avesta, le
baresman. » Oldenberg, La religion du Véda, trad.
Henry, Paris, 1903, p. 26. Plus tard, on remplaça la
jonchée de verdure par un simple bouquet de tiges, en
même temps qu'on se plaçait un voile devant la bouche.
Il se pourrait que le prophète, qui écrivait en Baby-
lonie, fit allusion à cet usage, et que le rameau porté
au nez et devant la bouche dérivât du baresman. — Au
temps de sa prospérité, Nabuchodonosor ressemblait
à un arbre puissant, abritant les oiseaux sur ses
branches. Dan., iv, 9, 11, 18, — Dans une de ses vi-
sions, Zacharie, iv, 11, 12, voit deux rameaux d'olivier
symboliques. — 3. Noire-Seigneur compare son dis-
ciple fidèle au rameau de vigne qui ne porte du fruit
que s'il est uni au cep ; le rameau qui ne porte pas de
fruit doit être rejeté, puis mis au feu où il brûlera.
Joa., xv, 2-6. Ce rameau est l'image de l'âme chrétienne,
qui ne vit de la vie surnaturelle et ne porte des fruits
de vertu que si elle est intimement unie à Jésus-Christ
par la charité. En dehors dé cette union, il n'y a que
stérilité, sécheresse et perte éternelle. — 4. D'après
saint Paul, Israël a été planté par Dieu qui a fait de
lui une racine sainte. Parmi les branches qui ont
poussé sur cette racine, plusieurs ont été retranchées;
ce sont les Juifs incrédules à l'Évangile. A leur place,
d'autres branches ont été greffées sur la racine et ont
participé à sa sanctification : ce sont les gentils con-
vertis à la foi. Rom., xi, 16-21. H. Lesêtre.
RAMESSÈS (hébreu : Ra'msès; Septante : 'Poc-
usaavj), nom, dans l'Écriture, d'un pharaon, d'une ville
et d'un district. Pour le pharaon persécuteur des Hé-
breux et constructeur de la ville de Ramessès, voir
Ramsès.
1. RAMESSÈS, ville d'Egypte. — P A plusieurs re-
prises les textes égyptiens mentionnent Ramsès comme
nom de ville ou de résidence. C'est d'abord la Grande
Inscription d'Abydos, lig. 29. Ramsès II vient de célé-
brer à Thèbes les fêtes de son père imon; il redescend
le fleuve vers « la demeure de Ramsès, la grande de la
victoire (ou de la force) » : '-| Q ffl =i= , per
Ramessu aâ nekht, marquant par là le but extrême de
son voyage, bien qu'en passant il doive visiter Abydos.
A en juger par un autre passage du même texte, lig. 93
Ramsès II fît graver l'inscription d'Abydos quand déjà
il avait mené plusieurs campagnes en Asie où l'avait
suivi l'assistance de son père divinisé. « Ramsès-
Grande-de-la-"Victoire » est donc antérieure à Van XXI.
Elle est décrite au Papurus Anastosi 1 1 J,pl. m, lig. 1-9 ;
Bâtie « d'après les plans de Thèbes, » avec des gre-
niers, des jardins, il y fait bon vivre. « Les riverains
de la mer lui apportent en hommage des congres et des
poissons, et lui paient le tribut de leurs marais. Les
habitants se mettent en vêtement de fête chaque jour,
de l'huile parfumée sur leurs têtes, et des perruques
neuves; ils se tiennent à leur porte, leurs mains char-
gées de bouquets, de rameaux verts du village de
Pihâthor, de guirlandes de Pahor, le jour que le Pha-
raon fait son entrée. i> Maspero, Hist. ancienne, t. n,
p. 288-289. Et au Papyrus Anastasi II, pi. i, lig. 2-5,
et iv, pi. VI, lig. 1-5 : « La résidence que ta Majesté a
bâtie pour elle se nomme Grande-de-la-Victoire. Elle
s'étend entre le Zahi (Phénicie) et l'Egypte... Amon y
demeure au midi dans le temple de Soutek, Astarté
au soleil couchant, Bouto au nord. » Cf. Papyrus de
Leide, I, 348. Les dieux locaux sont ici Amon associé
avec Set, Astarté et Ouadjit ou Bouto qui semblent dé-
signer la région de Tanis. De même, le nom géogra-
phique de Pahor a son correspondant dans le « Canal
d'Horus », she-Hor, qui appartenait au xiv nome dont
Tanis était la capitale. Brugsch, Dictionnaire géogra-
phique de l'Egypte ancienne, 1879, p. 416. Cf. J. de
Rougé, Géographie ancienne de la Basse-Egypte, 1891,
p. 93. L'expression « entre le Zahi et l'Egypte » se com-
955
RAMESSÈS
956
prend très bien de Tanis. C'est de Tanis, porte orientale
de l'Egypte, que partit Ramsès II pour la campagne de
l'an V contre les Hélhéens. Poème de Pantaour, lig. 9.
Setil er avait fait de même dans sa première campagne.
Lepsius, Denkmàler, m, pi. 126. L'inscription d'un
certain Za/io, dont la statue a été retrouvée à Tanis,
établirait que la Ramsès en question conserva long-
temps son nom. Zaho était à l'époque ptolémaïque ou
romaine nomarque du xiv« nome et « prêtre d'Amon-
Ramsès dans Per-Ramsès » "j { j| ^ (jj ^ *— i ^ (|j P ^
neter-l}en-anien ramsès en per-ramessès, à moins que
Per-Ramessès ne désigne simplement Je temple élevé
par ce pharaon à Tanis. Cf. de Rougé, loc. cit., p. 93-
94. C'est à l'appui de ces textes et en y pliant d'autres
textesque Brugsch, loc. cit., et La sortie des Hébreux
de V Egypte et les monuments égyptiens, 1874, en
vint à placer la Ramsès biblique à Tanis et à imagi-
ner un Exode par le lac Sirbon.
2° Brugsch allait trop loin. Tout au plus pouvait-il
conclure que Tanis ou une ville de son voisinage im-
médiat avait porté le nom de Ramsès. Mais d'autres
Ramsès avaient pu exister. Une stèle découverte à Tell
Rotab, Pétrie, Hyksosand Israélites cities, 1906, pl.xxxn
et p. 31, glorifie en effet Ramsès II « d'élever des cités
à son nom pour l'éternité : » fnJ <> — i ^k _w u " T
£=} ~" Y ked m dmiou lier ran-f r zêta. L'in-
dication d'une de ces cités, bien différente de celle de
la région de Tanis, nous est fournie par le texte du
Traité avec les Hittites, lig. 2 : « En ce jour (le 21 de
Tybi, an XXI), Sa Majesté se trouvait dans la ville de
Ramsès-Miamon, accomplissant les ordres de son père
Amon-Rà-Armachis-Atum, seigneur des deux terres
d'Héliopolis, l'Amon-de-Rarnsès-Miamon, le Ptah de
Ramsès-Miamon et Set. » C'est là que le messager de
Khétasar lui remit la tablette d'argent contenant le
traité. On voit qu'ici les dieux officiels de la ville sont
les dieux de l'ouadi Toumilat, où Tum d'Héliopolis
était le dieu principal, et que, par suite, cette ville, qui
n'est pas la « Grande-de-la- Victoire », doit être cher-
chée dans cette dernière région. Est-ce à la Ramsès de
l'ouadi Toumilat ou à celle de Tanis que fait allusion un
texte d'Ibsamboul, Naville, Le décret de Ptah Totunen
en faveur de Ramsès II et de Ramsès III, lig. 16,
dans Transactions of the'Sociely of biblical Archaeo-
logy, t. vu, 1882, p. 124, on ne saurait le décider,
Tanis et l'ouadi Toumilat, l'une au nord, l'autre au sud,
étant également situés sur la ligne de la frontière
orientale de l'Egypte. « Tu as construit, dit Ptah à
Ramsès II, une augusle résidence pour affermir les
frontières des deux terres : Demeure de Ramsès-
Miamon donnant la vie; elle est solide sur la terre
comme les quatre piliers du ciel... » Au Papyiiis Har-
ris, pi. lx, lig. 2, Lxna, lig. 3, où Ramsès III parle de
la résidence qu'il a élevée dans « la ville de Ramsès (II)-
Miàmon,» il est plus probable qu'il s'agit de la Ramsès
de l'ouadi Toumilat. 11 nomme en effet Ramsès entre
Baïlos et Athribis qui appartiennent à ce district. Na-
ville, Goshen and the shrine of Saft el-Henneh, p. 20.
Si maintenant nous consultons la Bible, nous voyons
que les Israélites furent fixés dans la terre de Ramsès.
Gen., xlvii,',11. Moïse donnant à cette région le nom
qu'elle portait de son temps. Or, la terre de Ramsès
est identique à la terre de Gessen, ou du moins approxi-
mativement la même chose. Voir Gesses, t. m, col. 218 ;
Naville, loc. cit., p. 11-20, surtout p. 20 où l'auteur se
résume. C'est là que les Hébreux bâtirent Phithom.
Voir Phithom, col. 323-327. C'est là aussi qu'ils durent
bâtir la Ramsès biblique", et non à Tanis située à cin-
quante kilomètres environ de l'ouadi Toumilat, bien
au delà de la branche pélusiaque. Le récit de Moïse est
donc d'accord avec la seconde catégorie des textes
égyptiens pour situer une Ramsès dans l'ouadi Tou-
milat.
3° Tournés vers la Terre Promise, les Hébreux par-
tent de Ramessès. Leur première slalion est à Socoth
dans la région de Phithom'. Exod., xn, 37; Num.,xxxm,
3-5. Voir Phithom, col. 325. Ramessès doit donc être
cherchée à l'ouest et dans un rayon très rapproché de
Phithom ou Tell el-Maskhouta. Or, dans cette direction,
deux sites seulement portent des ruines anciennes :
Schugafiéh et Tell Rotab, tous deux sur la rive droite
du canal, comme Phithom. Le premier site, le plus
éloigné de Phithom (vingt-cinq kilomètres environ), à
la hauteur et au sud de Tell el-Kébir, ne présente sur
une largeur d'un kilomètre et une longueur de deux
que des débris d'époque romaine, M. Naville, The Sto-
recity of Pithom, 4» édit., 1903, p. 36, est tenté d'y
voir la station de Thou ou Thohu de V Itinéraire ,
édit. Wessling, p. 170. Le deuxième site, à huit kilo-
mètres environ de Phithom, proche des traces du canal
antique, présentaiten 18851e même aspect que la butte
de Tell el-Maskhouta avant 1883. Dans l'espoir d'y trou-
ver Ramessès, Naville se mit à l'œuvre. Mais un frag-
ment de grès et un scarabée seulement lui fournirent
le nom de Ramsès II. Sa conclusion fut que Tell Ro-
tab n'avait dû être qu'une des stations militaires éche-
lonnées à l'époque romaine le long du canal. Il inclina
à chercher Ramessès du côté de Saft el Uennéh iden-
tifié par lui avec Phacusâ. Goshen, p. 24-25. En 1906,
Pétrie reprit les fouilles au même point. Le résultat fut
que, loin d'être un camp romain, le sile était le plus
ancien de ceux connus à l'est de Zagazig. Poteries de
l'Ancien Empire, scarabées de la IX e à la XII e dynastie,
plus de quatre mètres de ruines au-dessous des cons-
tructions de la XVIII e et XIX e dynastie, tout dénotait
avec évidence une ville très ancienne et très importante.
Pétrie, Hyksos and Israélites Cities, p. 28. Dans la
pensée que Ramsès II avait dû utiliser une place sacrée
remontant si haut dans l'antiquité, M. Pétrie rechercha
d'abord le temple. Il s'attaqua donc au côté est des
ruines. La masse des débris s'y élevait moins haut que
partout ailleurs, et l'on sait que d'ordinaire c'esf à cet
endroit que se trouve le temple, tandis que le corps
principal delà butte marque l'emplacement. de la ville.
Après un long travail, une moitié de la façade du
temple sortit au jour. Les blocs descellés, mais non
brisés, en gisaient à terre prêts à être utilisés comme
matériaux de construction. Pétrie, loc. cit., p. 29. Ram-
sès II y est représenté (flg. 215) brandissant la massue
au-dessus de la tête d'un Sémite qu'il a saisi par les
cheveux. Devant lui et lui offrant la harpe se tient le
dieu « Tum d'Héliopolis, maître de Thukut. » Cette
scène était à gauche du spectateur. A droite existait un
tableau semblable, mais le sacrifice humain s'accom-
plissait devant Set, comme l'ont révélé les blocs re-
trouvés de la partie supérieure. Pétrie, loc. cit.,
pi. xxix, xxx et p. 31. Une stèle de granit rouge nous
dit que Ramsès a pourchassé (es Bédouins jusque dans
leurs montagnes, « pillant leurs forteresses, massa-
crant leurs faces » et « qu'il a bâti des villes à son nom
pour l'éternité. » Pétrie, loc. cit., pi. xxvm, xxxn. Un
groupe de granit rouge où toute écriture a disparu,
rongé qu'il est dans sa partie supérieure et brisé à sa
partie inférieure, représente certainement, selon Pé-
trie, pi. xxxil et p. 31, le dieu Tum et Ramsès II. Ram-
sès III aussi travailla au temple, comme le prouve un
fragment,'pl. xxxi, qui nous a conservé de lui un fin
portrait. De plus, il enferma le sanctuaire dans un nou-
veau mur, plus fort, plus développé, dont la porte était
flanquée de bastions en briques massives. PI. xxxv. Au
coin sud-est de. cette enceinte se sont retrouvés les
dépôts de fondation. De l'ensemble de ces découvertes,
Pétrie, loc. cit., p. 2, 31, conclut que le site de Tell
Rotab remplit toutes ;ies conditions pour qu'on puisse
957
RAMESSÈS
958
y reconnaître la Ramessès biblique, la ville sœur de
Phithom, toutes les deux bâties parles Hébreux. Ram-
sès II y avait son temple. La stèle de granit rouge, par
l'allusion aux villes bâties à son nom, suggère que
nous sommes en présence d'une de ces villes, c'est-à-dire
de Ra'amsès. Le groupe de Tum et de Ramsès II est
probablement celui que sainte Silvie vit encore debout
vers 385 : Nunc ibi (au site qu'on lui indiqua comme
étant celui de Ramsès) nihil aliud est, nisi tantum
ùnus lapis ingens thebeïts in quo sunt dux slatux ex-
cisée, ingénies, quas dicunt esse sanctorum hominum,
id est Moysi et Aaron. Itinéra hierosolymitana sas-
culi iv-vni, dans Corpus scriptorum ecclesiasticovum
de Per-Ramsès, ni aucun vestige de greniers. Pétrie,
loc. cit., p. 31, nous dit bien que sur un montant de
porte tombale, remployé plus tard dans une construc-
tion de la ville, se lit l'inscription d'un préposé aux
greniers. Mais le mot qu'il traduit par « greniers » est
visiblement, d'après la pi. xxxi : , Khast, t terres
frontières, désert, pays étranger », et non , she-
nut, <t greniers ' j». Nous n'avons là qu'un surintendant
des frontières. Toutefois, en acceptant, d'un côté, qu'au-
cun autre "site non identifié à l'ouest de Phithom ne
renferme de monuments de Ramsès II; étant donné, de
l'autre, que Tell Rotab est au voisinage de Phithom,
215. — Ramsès II terrasse un Sémite devant le dieu Tum.
latinorum, t. xxxvm, Vienne, 1898, p. 48. A son tour,
nous [l'avons vu, Ramsès III s'occupa de cette localité
et justement, dans un texte de son prédécesseur qu'il
s'appropria et fit graver à Médinet Habou, Ptah le glo-
rifie d'avoir « construit une résidence grande et ma-
gnifique pour affermir les frontières de l'Egypte, la ville
de Ramsès, le grand trésor de l'Egypte... » Le dieu
ajoute : « Ta Majesté est établie dans le palais, j'y ai
bâti une enceinte qui est ma demeure... » Naville, Le
décret de Ptah Totunen, loc. cit., lig. 23, qui répond
à la lig. 16 du texte de Ramsès II, texte qu'elle pré^
cise peut-être, nous permettant de l'appliquer à Tell
Rotab. Là viendrait aussi un autre texte, Papyrus
Harris, pi. lx, lig. 2, où Ramsès III dit : « J'ai élevé
un grand temple, travaillant à l'agrandir, dans la de-
meure de Soutek de Ramsès-Miamon. » Il faut l'avouer,
toutes ces preuves restent fragiles : les textes de
Ramsès III ne s'imposent pas absolument pour Tell
Rotab; ceux de Ramsès II pourraient se lire dans n'im-
porte quel point de l'ouadi restauré par lui; à Tell
Rotab nulle part jusqu'ici ne s'est rencontré le nom
que la première station des Hébreux est dans la région-
de Socoth ou Tkukut, quelque part entre Tell el Mas-
khouta et le lac Timsah, Tell Rotab demeure l'empla-
cement le plus probable de la Ramessès biblique.
C. Lagier.
2. RAMESSÈS, district d'Egypte. La région qui est
appelée Gessen, Gen., xlv, 10; xlvi, 1, 4, 6, est aussi
appelée terre de Ramessès, xlvh, 11. Ces deux noms-
semblent donc être synonymes. La seconde appellation
n'est certainement pas contemporaine de Jacob, mais
elle est contemporaine de Moïse eVîlTï'en sert tout na-
turellement par un procédé familier auï historiens en
pareil cas. On peut se demander ici si la terre tire son-
nom de la ville. Ce n'est guère probable, car la ville de
Ramessès n'était pas le centre administratif de la pro-
vince. Il faut plutôt prendre Ramessès dans son sens-
original, comme étant sans intermédiaire le nom royal
de celui qui colonisa l'ouadi Toumilat, en fit son œuvre,
y établit sa résidence préférée, et le remplit de monu-
ments à son nom ; c'était vraiment sa terre : la terre de-
Ramsés II. Cf. Naville, Goshen, p. 18-19. On peut se
959
RAMESSES
RAMOTH-GALAAD
960
demander encore si Gessen et terre de Ranlsès sont
d'une synonymie pleinement correspondante. M. Na-
ville, loc. cit., p. 14-19, ne le pense pas. 11 borne la
terre de Gessen au triangle compris entre les villages
de Saft, Belbéis et Tell el-Kébir, ce qui fut plus tard
le XX e nome, le nome Arabia. « L'expression — terre
de Ramsès — s'applique, dit-il, p. 20, à une aire plus
vaste et couvre cette partie du Délia qui s'étend à l'est
de la branche tanitique, contrée que Ramsès II dota
d'innombrables monuments d'architecture, et qui cor-
respond à la province actuelle de Sharkieh. » Peut-être
est-ce pousser un peu loin la conjecture. Voir Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit.,
1896, t. Il, p. 215-287; W. M. Mûller, art. Rameses,
dans Cheyne-B.lack, Encyclopedia biblica, 1899-1902,
t. IV, col. 4012-4014; Brugsch, outre ses autres ouvrages
cités au cours de l'article, Steinschrift und Bibelwort,
1891, p. 154 sq.; Ebers, art. Bamses, dans Riehm,
Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 2" édit.,
1893-1894, p. 1254. C. Lagier.
RAMETH (hébreu : Bémét; Septante, Vaticanus :
Pei<.[jui«; Alexandrinus : 'PajuaB), ville de la tribu
d'Issachar. Jos., xix, 21. C'est la localité appelée
Jaramoth, Jos., xxi, 59, et Ramoth, I Par., vi, 33
(hébreu, 58). Selon le rabbin J. Schwarz, c'est Rama-
thaïm-Sophim et il l'identifie avec er-Râméh, village
situé à l'ouest de Sânour et au nord de Sébasfiéh
(Samarie), Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem,
1900, p. 191-193. Voir Ramathaïm-Sophim et Jaromoth,
t. m, col. 1128. — Er-Râméh se trouve incontesta-
blement dans le territoire de la tribu de Manassé et
Rameth d'Issachar mentionnée avec Engannim, au-
jourd'hui Djénîn, doit se chercher non loin de cette
ville et sur une des hauteurs qui bordent le Merdj
ibn 'Amer, l'ancienne plaine de Jezraël ou Esdrelon.
La seule localité dont le nom a quelque rapport,
contestable toutefois, avec Rameth est 'Arranéh. On
peut supposer, à la rigueur, que 'Ar est une transfor-
mation de l'article arabe; quant à Rdnéh, il pourrait
être une modification de Râméh ou Râmet, 'Arranéh
est un petit village, avec des citernes antiques, entouré
de plantations de figuiers et situé sur une colline
calcaire peu élevée, à droite du chemin de Djenin à
Zera'în, l'ancienne Jezraël, à six kilomètres au sud de
cette dernière et à quatre au nord de Djénîn.
L. Heidet.
RAMEUR (hébreu : Sàtim; Septante : xuTnjXxtric;
Vulgate ; rémiges), celui qui fait avancer un navire à
la rame, Le mot hébreu vient du verbe sut, « frapper
avec un morceau de bois, ramer », ÈXscjyecv, remigare;
de là vient également le nom de la rame, Sayit, masôt,
x<iir»i, remus, longue et légère pièce de bois au moyen
de laquelle le rameur appuie sur l'eau pour faire avan-
cer le bateau. Dans Jonas, l, 13, le travail du rameur
est indiqué par le verbe hâ{ar,« couper le flot, ramer ».
— Isaïe, xxxili,21, mentionne les navires à rames. Dans
sa description de la prospérité de Tyr, Ezéchiel, xxvi,
6, 8, 26, 29, dit que les rames étaient faites avec les
chênes de Basan, que les habitants de Sidon et d'Arvad
fournissaient les rameurs et que ceux qui manient la
rame ont conduit Tyr sur les grandes eaux. — L'Évan-
gile parle deux fois des apôtres ramant sur le lac de
Tibériade par un gros temps. Marc, vi, 48; Joa., vi,
19. Voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1494-1515, avec
les figures représentant, sous différentes formes et en
différentes positions, des rames et des rameurs. Sur
les rames qui servent à gouverner, voir Gouvernail,
t. m, col. 282. H. Lesêtre.
RAMOTH (hébreu : ordinairement Bâmôt, Bâ'môt,
Deut., IV, 43; Jos., xx, 8, et IPar., vi, 58 (Vulgate: 73),
pluriel de Râmâh et Râ'mdh, « lieu haut », des ra-
cines rûm et râ'rn, ayant toutes deux la même signi-
fication d' « être élevé »), nom de plusieurs localités
de la terre d'Israël, généralement distinguées les unes
des autres par un complément. On le trouve seul pour
désigner la ville d'Issachar nommée aussi Jaramoth
et Rameth. Voir tes articles qui leur sont consacrés.
Cette forme Rameth et les singuliers Râmdh, en cons-
truction Rânial, employés aussi, Jos., xrn, 26; xix, 8;
II Sam. (Reg.j, xxx, 29; II (IV) Reg., vm, 29, pour
désigner les villes appelées encore Râmôt, permettent
de supposer que ce mot est plutôt une prononciation
particulière de Râmat, qu'un pluriel.
1. RAMOTH (hébreu : Râ'môt; Septante : 'Pa|jt<o6),
nom dans I Par., vi, 73 (hébreu, 58), delà ville d'Issa-
char appelée Jaramoth dans Josué, xxi, 29. Voir Jara-
moth, t. m, col. 1128.
2. RAMOTH (hébreu : Yerâmôf; Septante : 'P/](jim6),
un u des fils de Bani » qui avait épousé une femme
étrangère et qui fut obligé de ia répudier par ordre
d'Esdras. I Esd., x, 29.
RAMOTH-GALAAD (hébreu : Râmôt-Gil'âd,
II (IV) Reg., IV, 13, etc., ordinairement; Râmôt bag-
Gil'âd, Deut., iv, 43; Jos., xx, 8; 1 Par., vi, 65; une
fois Râmâh seul, II (IV) Reg., vin, 29; Septante :
'Pa|iw6 TaXaiS; 'Pa(iw6 êv rr^ rxXaaS; variantes fré-
quentes : 'Pann-wO, 'P£(jid)8 'Pe(ji|ji(i9; parfois : 'Pa[iô6,
'Pec^oS, 'PEjiéô, 'P£[i[).d(8; deux fois 'Pa^oiô rrj; Fa-
XaaSÉTiç, II Par., xvm, 2, 3; Vaticanus, Jos., xx, 8 :
'ApTi|j.ù9 èv r?j TaXaaS; A lexanârinus, Jos., xxi, 38 :
'PajiràS iv y?, TaXotâS; la Vulgate transcrit ordinaire-
ment Ramoth Galaad et Ramoth in Galaad. Deut.,
iv, 43; Jos., xx, 8 et xxi, 37; I Par., vi, 80. Râmâh,
IV Reg., vin, 29, est rendu dans les Septante par 'Pejjt-
[iw8 seul ou 'Pa(jiw6 et par Ramoth dans la Vulgate),
ville lévitique et de refuge du pays de Galaad, au delà
du Jourdain, et de la tribu de Gad.
I. Identification. — Le Galaad où se trouvait Ramoth,
au sentiment des Septante, de la Vulgate et des autres
versions est la région de ce nom. Josèphe l'a en-
tendu de même et il rend l'expression biblique par
'Api(ii ou 'AptjjiavQV -clic PaXaS/ivôv ynç, Ant. jud.,
IV, vu, 4; 'Apau-iôi hôâi; êv Tfj TaXaS-^v^, ibid., V1I1,
xv, 3; uoliç t?,ç raXoaojTiôoc, IX, vi, 1. S'agirait-il de
la localité du même nom, comme le veulent quelques
exégètes modernes, l'indication serait équivalente,
puisque c'est de la localité et du monument appelés
Galaad, que la contrée au delà du Jourdain a été
dénommée de même. Cette dernière indication topo-
graphique « au delà du Jourdain, du côté du soleil le-
vant » est d'ailleurs ajoutée trois fois. Deut., rv, 41 et
43, et Jos., xx, 8. Quatre fois Ramoth-Galaad est for-
mellement attribuée à la tribu de Gad. Deut.. iv, 43;
Jos., xx,i8; xxi, 37 (hébreu et Septante, 38), et I Par.,
vi, 80 (hébreu, 65). La situation particulière de la ville,
précisée moins clairement, est jusqu'aujourd'hui un
sujet de controverse. — La tribu de Gad s'étendait
depuis Hésébon et la mer Morte, au sud, jusqu'au lac
de Cénéreth au nord, Deut., m, 16-17 ; Jos., xm, 25-
27, sur une longueur d'environ cent kilomètres, par-
tagée en deux par le Jaboc : les interprètes disputent
pour savoir si Ramoth doit se chercher dans la partie
méridionale ou, au contraire, dans la partie septen-
trionale.
1° Eusèbe indique « Ramoth, ville sacerdotale de
refuge, de la tribu de Gad, en Galaaditide, qui est
maintenant à environ 15 milles (22 440 m.) de Phila-
delphie ('Amman), au couchant, itpo; vuofidci;; » saint
Jérôme la place, au contraire, « du côté de l'Orient ,
contra orientem. » Onomasticon, édit. Larsow et
Parthey, Berlin, 1862, p. 308-309. Au mot Rammoth
961
RAMOTH-GALAAD
962
Galaad, tous les deux le disent « un village de la Pérée
près (xapâ, juxta) du fleuve Jaboc. » Ibid., p. 314,315. —
De ce que l'on ne peut chercher le territoire de Gad â
l'est de 'Amman et se fondant sur le texte d'Eusèbe,
les savants identifient Ramoth avec la ville actuelle d'es-
Salt. Ainsi Karl Ritter, après Burkhardt, Irby et Mangles,
Erdkunde von Asien, p. 1121, et carte de Palestine,
Berlin, 1840 ; Graetz, Schauplatz der heiligen Schrift,
in-8°, nouvelle èdit., Ratisbonne, p. 442; Van de Velde,
Map ofthe Holy Land, Gotha, 1865 ; H. Kiepert, Neue
Handkarte Palsestina's, Berlin, 1875; Tristram, The
Land of Israël, in-8°, Londres 1885, p. 550-555 ;
F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de
Zerqâ. Pour ces auteurs, Ramoth et Galaad sont deux
noms d'une même ville, dont le dernier survit dans
les localités indiquées. Quelques autres le voient à
Djébél Os'a, à six kilomètres au nord de Sait. Cf. Gese-
nius, Thésaurus, GiVad, p. 290,; Buhl, Géographie des
alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 262; J.-M. Lagrange,
Au delà du Jourdain (extrait de la Science catholique),
Paris-Lyon, 1890, p. 21-23; Galaad 5, t. m, col. 46;
Ramoth-Masphé.
2° Ces identifications et toutes les autres que l'on
pourrait proposer au sud du Jaboc, sont contestées par
d'autres interprètes et palestinologues, parce que selon
toutes les données bibliques et plusieurs extra-bibliques,
216. — Es-Salt. Vue générale. D'après une photographie de M. L. Heidet.
la Terre-Sainte, in-8», Paris 1877, p. 256; P. Séjourné,
dans Revue biblique, t. n, 1893, p. 228-232, et plu-
sieurs autres. — Es-Salt ou es-Salt, écrit encore es-
Salt par les auteurs arabes, est située à 25 kilomètres
environ au sud de la rivière ez-Zerqd, l'ancien Jaboc,
et à23 ou 24 à l'ouest-nord-ouest de 'Amman. Entourée
de montagnes et bâtie en grande partie sur les pentes
d'un mont de 835 mèlres d'altitude dont le sommet
est couronné des restes d'un ancien château-fort, nulle
localité ne mérite mieux le nom de Ràmah ou Ramoth
(fig. 216). Le nom A'es-Salt semble venir du latin saltus,
« forêt», et de l'époque de la domination romaine. Le
Sait est aujourd'hui la capitale de la Belqà qui correspond
assez exactement à la partie méridionale de l'antique
Galaad (fig. 217). La population du Sait est d'environ
douze mille habitants dont neuf mille sont mahomé-
tans et les autres chrétiens grecs et catholiques, avec
quelques protestants, la plupart de race arabe d'ori-
gine bédouine. Cependant plusieurs explorateurs mo-
dernes préfèrent chercher Ramoth à Djil'ûd ou
Djîl'dd, localités avec ruines, au nord et au nord-est
Ses-Salt, et à six ou huit kilomètres au sud de la
UCT. DE LA BIBLE.
Ramoth de Galaad doit être cherchée au nord de ce
fleuve. D'après le Talmud de Babylone, Makkoih, 96,
les villes de refuge de la Transjordane étaient oppo-
sées aux villes de refuge de la région occidentale, et
Ramoth-Galaad, faisait face à Sichem. Se fondant sur
cette indication et le mot du Midras, Samuel, xm :
« Géras c'est Galaad, » le Dr Sepp, qui voit aussi dans
Galaad et Ramoth deux noms de la même ville, la re-
connaît dans Djéras. Cf. A. Neubauer, Géographie du
Talmud, Paris, 1868, p. 55, 250 ; R. von Riess, Biblische
Géographie, Fribourg-en-Br,, 1872, p,-76. Plusieurs la
cherchent aux alentours de Géras. Ibid. \
Les membres de la Société anglaise d'exploration de
la Palestine proposent comme « probable » l'identifica-
tion de Ramoth avec Reimûn, village situé à sept ki-
lomètres â l'ouest de Djéras et à huit au nord du Jaboc.
Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres 1885, p. 158-
195; Armstrong, Names and places in the Old Testa-
ment, Londres, 1887, p. 144, etc. Le rabbin Schwarz
remonte jusqu'au Qal'at-Rabad, situé sur une haute
montagne voisine de 'Adjloûn et d'où l'on voit comme
en face le Garizim. Tebuolh ha-Arez, édit. Luncz,
V. - 31
963
RAMOTH-GALAAD
964
Jérusalem, 1900, p. 272. — Ces identifications ont le
tort, suivant d'autres, quoique moins que les précé-
dentes cherchant Ramoth au sud du .Jaboc, de ne pas
tenir compte des indications particulières de l'Écriture
sur cette ville. Ramoth, dont le nom précède, Jos v xm,
26, celui de Maspha que l'on croit assez communément
opposé au premier comme déterminatif, n'est pas diffé-
rente, suivant ces savants, de Ramolli en Galaad; or,
dans le passage cité, Ramoth est désignée comme ville
frontière nord-est de la tribu de Gad, opposée à Hésé-
hon marquant la frontière sud-est. Cf.M.Polus, Synopsis
crilicorum, t. i, col. 915. La frontière septentrionale de
Vers la lin du xii! e siècle, on plaçait Ramolli presque
à la hauteur de l'extrémité méridionale du lac de
Génézareth ouTibériadeet non loin des frontières orien-
tales du pays d'Israël. Cf. Karte Palâstina's, c. iSOO,
dansZeilschrifl des deutschen Palâslina- Vereins, t.xiv,
pi. "I. Dans cette situation, on rencontre aujourd'hui le
village A'er-Rantfêh ou Ramtah (fig. 218) dont le nom
est l'équivalent de Ràmata', forme syriaque de Râmah
et Ràrnôf. Situé sur les confins du Hauran, l'ancien
Basan et du district de 'Adjlùn, l'ancien Galaad septen-
trional, entre el-(loson et ed-Der'ah, à dix kilomètres
au nord-est du premier, et à quinze au sud-est du
217. — Vue de l'intérieur de la vitte et de la fontaine. D'après une photographie de M. L. Heidet.
Gad, indiquée Jos., xm, 27, étant la mer de Cénéreth,
Ramoth devait être à peu près à la même latitude, et .
près de la frontière méridionale de Manassj oriental,
au sud de Basan, d'Argob et des Havoth ,lair ou du Hau-
ran actuel. Cf. Jos., xm, 30. Cette situation estconiirmée,
III Reg., iv, 13 : « Bengaber [résidait] à Ramoth-Ga-
Iaad et avait les Havoth de Jaïr, fils de Manassé, en
Galaad; il était préposé à toute la contrée d'Argob, qui
est en Basan, et aux soixante cités fortes et murées
ayant des verrous d'airain. » Pour être le chef-lieu de
cette région Ramoth devait lui être contiguê : on ne
peut donc pas plus la chercher vers le sud ou au
centre de la partie septentrionale de la tribu de Gad
qu'au sud du Jaboc : ce dernier quartier dépendait de
Gaber ben-Uri et les autres, selon toute apparence,
d'Ahinadab ben-Addo qui résidait à Mahanaïm. lbid.,
14, 19. Le fait de l'occupation de Ramoth par les Sy-
riens, III Reg., xxn, et celui de Joram, blessé sous Ra-
moth allant se faire soigner à Jezraël, suppose égale-
ment cette ville au nord du Jaboc et sur la frontière
nord-est du pays de Galaad proprement dit et de Gad. —
second et à environ 25 au nord de tell Ma?fah, décou-
vert naguère par M. Gotl. Schumacher, Ramféh pa-
raît répondre pour le mieux à toutes les indications
bibliques. S'il est un peu loin pour justifier sûrement
l'appellation Ramoth-Maspha, il est à remarquer que
celle-ci n'est pas certaine elle-même et que cet éloi-
gnement justifierait la leçon de la Vulgate qui sépare les
deux noms. Voir Ramoth-Masphé. Cette identification a
été proposée, mais suivie dés signes ?? et*, c'est-à-dire
très timidement, pour Ramoth-Maspha, par Gonder et
Armstrong, tleth and Moab, p.178, etNanies and Places,
p. 143; elle a été adoptée simplement par Luncz, dans
Thebuoth ha-Arez, p. 270, note *, et par Isr. Belkind,
Sobremaennaja Paleslina, in-8°, Odessa, 1903, p. 268.
Er-Ramtéh est un grand village de près de deux mille
habitants, tous mahométans et fanatiques, établi sur
une large colline calcaire perforée de citernes antiques
et de grottes. Xes habitations, à toit plat, sont souvent
bâties avec de belles pierres en basalte qui paraissent
provenir de constructions anciennes. Les terres des
alentours sont planes et fertiles, mais sans aucun arbre.
965
RAMOTH-GALAAD — RAMOTH-MASPHÉ
96fi
Cf. G. Schumacher, Das sûdliche Basan, in-8», Leipzig,
1898, p. 66-67.
3° Histoire. — Ramoth en Galaad fut une des trois
villes de la Transjordane désignée par Moïse pour ville
de refuge. Deut., iv, 43, Jos., xx, 8; xxi, 31. Elle avait
été conquise sur le roi Og et fut assignée aux lévites
de la famille de Mérari, Jos., xxi, 37 (hébreu: 38); cf.
xiii, 30-31. — Salomon fit de Ramoth ie siège d'un des
douze préfets chargés de fournir pour un mois la mai-
son royale de vivres. III Reg., iv, 13. Le fait que Ben-
gaber chargé de cette fonction l'exerçait sur Basan et
les villes de Jaïr, c'est-à-dire sur la tribu orientale de
chargea le fils d'un des prophètes d'aller à Ramoth-
Galaad sacrer Jéhu roi, pour accomplir la vengeance du
Seigneur contre la maison d'Achab. Le jeune homme
trouva les chefs de l'armée réunis et, suivant l'ordre
reçu, appela Jéhu à part. Il répandit sur la tête de celui-
ci la fiole d'huile qu'il avait apportée, le salua roi d'Israël
au Dom du Seigneur, et s'enfuit de la ville. Instruits du
fait, les collègues de Jéhu étendirent leurs vêtements
sous ses pieds et au son des trompettes le proclamèrent
roi. Jéhu prit soin que personne ne pût sortir de la ville
pour aller annoncer l'événement, avant que lui-même
n'arrivât à Jezraël. IV Reg., ix, 1-15. Cf. F. Vigoureux,
218. — Er-Bamtéh. D'après une photographie de M. L. Heidet.
Manassé, montre que cette ville, bien qu'assignée à la
tribu de Gad, avait été occupée par les Manassites. —
Les rois araméens de Damas, profitant sans doute des
perturbations survenues en Israël après le schisme,
s'étaient emparés de Ramoth. Le roi Achab forma le
projet de la reprendre. Malgré l'avis du prophète Michée,
fils de Jemla, lui annonçant l'insuccès de l'entreprise
et sa fin» le roi d'Israël marcha contre Ramoth, accom-
pagné du roi de Juda, Josaphat, qu'il avait entraîné
en cette expédition. Blessé mortellement dans un com-
bat, dès le commencement de l'action, Achab mourut
vers le soir, sur son char, devant Ramoth. L'armée fut
dissoute et l'entreprise abandonnée. III Reg., xxn;
II Par., xvm. Joram, fils d'Achab et son second suc-
cesseur, reprit le dessein de son père. Assisté d'Ocho-
zias, roi de Juda, fils de sa sœur Athalie et petit-fils de
Josaphat, il arracha Ramoth aux Syriens. Blessé dans
un combat contre ceux-ci et leur roi Hazaë.1, Joram
descendit à Jesraël pour se faire soigner, laissant la
ville à la garde de ses officiers dont Jéhu semble avoir
été le principal. IV Reg., vm, 28-29; cf. Josèphe, Ant.
jud., IX, vi, 1. Sur ces entrefaites, le prophète Elisée
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m,
p. 479. — Ramoth de Galaad dut subir plus tard le sort
de toutes les autres villes de cette région tombée entre
les mains de Téglathphalasar, roi d'Assyrie. IV Reg,,
xv, 29. — Elle est sans doute aussi une des villes fortes
et grandes dont s'emparèrent sur leurs adversaires,
après la prise de Bosor et de Maspha, Juda Machabée et
son frère Jonathas, dans leur expédition en Galaditide.
I Mach., v, 26-36. Elle n'est cependant plus désignée
en particulier. L. Heidet.
RAMOTH-MASPHÉ (hébreu : Rânïat ham~Mis-
péh, « Rama de Masphé »; Septante, Vaticanus : 'Apa-
ëîbô xctTM zr[i Ma<rffT,?â; Alexandrinus : 'Pau.ù>8 xccrà
-rriv Maa-tpi, « Ramoth prés de Maspha »; la Vulgate
sépare les deux noms : Ramoth, Masphé), appellation
mentionnée sous celte forme une seule fois par Jos.,
xiii, 26, décrivant les limites de la tribu de Gad en Ga-
laad. Mais s'agit-il ici d'une ville à double vocable?
s'agit-il, au contraire, de deux localités différentes et
ces deux localités sont-elles directement citées ou seu-
lement Ramoth, au nom de laquelle le nom de Masphé
967
RAMOTH-MASPHÉ — RAMSÈS II
968
est apposé. pour la distinguer des autres Ramoth?
Cette Ramoth est-elle la même que Ramoth en Galaad
ou est-elle différente? Les interprètes sont partagés de
sentiment.
1° Pour plusieurs, Ramoth-Masphé est une double
appellation d'une même localité, comme Bethléhem-
Éphrata : l'identité de signification des noms et de la
situation géographique paraissent les motifs sur les-
quels se fonde cette opinion. Un grand nombre tiennent
en outre, pour une seule et même localité Ramoth-Mas-
phé et Ramoth de Galaad, à cause de l'identité de site
des villes de Masphée et de Galaad. Voir t. ni, col. 45-
47 et t. îv, col. 833 et 849. La plupart des partisans de
cette opinion identifient Ramoth-Masphé de Galaad avec
la ville actuelle i'es-Salt. Cf. Gesenius, Thésaurus,
p, 1179; F. de Saulcy, Dictionnaire topographique
abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 222 et 256;
R. von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 64, 79. —
Le rabbin Schwarz admet l'identité de Ramoth et de
Masphé, avec l'identification précédente ; mais il dis-
tingue Ramoth-Masphé de Ramoth de Galaad qu'il place
au Qala'at er-Rabad près d'Adjloun, au nord du Jaboc.
Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, 1900, p. 269-270; cf. p. 95,
272. — D'autres au contraire préfèrent chercher cette
dernière au sud du Jaboc et Ramoth-Masphé au nord
de cette rivière. Cf. Buhl, Géographie des alten Palàs-
tina, 1896, p, 261.-262.
2°. Le plus grand nombre des commentateurs, avec
la Septante, la Vulgate et la plupart des versions, tien-
nent pour distinctes, Ramoth et Masphé. D'entre ceux-
ci, les uns, se fondant sur la vocalisation des Mas-
sorètes, sur l'interprétation des Septante et d'autres
versions, considèrent ici Masphé comme un simple
complément distinctif de Ramoth. Pour d'autres, si les
Septante peuvent attester la distinction entre Ramoth
et Masphé, leur traduction, en donnant cette significa-
tion au nom en question, n'est plus qu'une interpréta-
tion. Il n'y avait dans le cas présent aucune raison de
distinguer Ramoth déjà suffisamment déterminée par
le contexte ; c'est d'ailleurs toujours par l'apposition du
nom de Galaad que les auteurs sacrés l'ont distinguée
quand il a été nécessaire. Par conséquent, d'après ces
commentateurs, il n'y a aucune relation entre Ramoth
et Masphé, et celle-ci est citée comme ville frontière de
Gad, de la même manière que Ramoth et Bétonim. —
Parmi ces interprètes il en est pour qui cette Ramoth
est elle-même distincte de Ramoth en Galaad. Une
raison, pour un certain nombre de ceux-ci, c'est la né-
cessité de chercher Ramoth nommée avec Masphé non
loin de celle-ci, laquelle, d'après l'Écriture, se trou-
vait au nord du Jaboc, tandis que Ramoth de Galaad,
d'après YOnomasticon, était au sud de cette rivière. la
principale raison pour tous ceux qui soutiennent la dis-
tinction entre Ramoth-Masphé et Ramoth en Galaad,
c'est la différence de ces appellations et celle de la voca-
lisation de l'une et de l'autre, la première étant Rânxat
et l'autre Râmôt. Cl. R. Conder suppose que Reimûn,
à cinq kilomètres au sud-ouest de Sûf, qui est pour lui
Masphé, pourrait être Ramoth de Galaad et propose
Rémthé, situé à trente-cinq kilomètres au nord-est du
même, pour Ramoth-Masphé.' Heth andMoab, Londres,
J885, p. 178-182. Cf. Armstrong, Names and Places in
the Old Testament, Londres, 1887, p. 143. Plus généra-
lement on place Ramoth de Galaad au sud de la Zerqa,
l'ancien Jaboc, au Sait à Djilad ou ailleurs, et l'on
cherche Ramoth-Masphé dans quelque localité au nord
du Jaboc, plus ou moins voisine du lieu choisi pour
Maspha. Voir Buhl, loc. cit.
3° Cependant, parmi les interprètes qui voient dans
Ramoth et Masphé deux localités complètement dis-
tinctes, plusieurs se refusent à reconnaître deux Ramoth
dans la Transjordane. Les indications de Y Onomastican,
sur ce point, sont trop contradictoires, trop obscures,
trop contestables, suivant eux, pour qu'on puisse en tenir
compte. Même en supposant qu'il faille lire Ramoth de
Masphé, les deux vocables ne prouvent pas plus deux
villes différentes que ne le feraient, par exemple, les
deux noms de Bethléhèm-Éphrata et Bethléhem de Juda,
auxquels on pourrait joindre encore Bethléhem de, ou
près de Jérusalem : une même ville peut être détermi-
née de manières diverses. La vocalisation différente
peut être le fait des copistes. Les Massorètes d'ailleurs
ont souvent ponctué différemment le nom de la même
ville ; ainsi Ramoth d'Issachar est aussi vocalisée Re-
met et Yarmût, et les Septante et le traducteur de la
Vulgate le prononcent encore tout autrement. Il n'y a
donc pas de raison solide pour soutenir la distinctton; il
y en a pour l'unité. S'il y eut dans la Transjordane ou
en Galaad deux Ramoth .que l'on eût pu confondre, ce
n'élait pas en apposant à l'une le nom de Galaad qu'on
pouvait les caractériser : il n'y en a donc qu'une seule
que l'on distingue d'avec les Ramoth de la Cisjor-
dane. Les indications topographiques données pour Ra-
moth de Galaad sont les mêmes d'ailleurs que celles
indiquées pour Ramoth nommée avec Masphé. Voir Ra-
MOTH-GiLAAD. L. KeIDET.
RAMOTH-NÉGÉB (hébreu : Ràmôt-Négéb; Sep-
tante : Tau.à v<Stou'; Alexandrinus : 'Pa^àâ; Vulgate :
Ramoth ad meridiem, « Ramoth du midi »), localité
située dans la région la plus méridionale du pays d'Israël,
où David envoya de Sicéleg une part du butin fait sur
les Amalécites. C'est sans doute la même localité appelée
dans Josué, xix, 8, Ramaf-Négéb. Voir Baalàth Béer
Ramath, t. I, col. 1324.
RAMSÈS II, roi d'Egypte ;(flg. 219; voir aussi t. i,
flg. 436, col. 1427; t. n, fig. 535, col. 1617). Le pharaon,
219. — Ramsès IT. Granit noir. Musée de Turin.
à la cour duquel fut élevé Moïse, Exod., ir, 10, est un
Ramsès. Il donne son nom à une ville que les Hé-
breux bâtissent au prix des plus dures corvées. Exod.,
1, 11. Cette ville fut lepoint de départ de l'Exode. Exod.,
xii, 37; Num., xxxm, 3, 5. Le texte des Septante la
mentionne dans Judith, i, 9. A son tour cette ville
donne son nom à la région qui en dépend, Gen., xlvii,
11; à moins que cette région ne tire directement son
969
RAMSÈS II
970
appellation de celui qui la colonisa avec prédilection
et en fit une terre administrée. Ce Ramsès est vrai-
semblablement Ramsès II, celui dont les cartouches
s'étalent à peu près sur toutes les ruines de l'Egypte,
de la seconde cataracte aux bouches du Nil :
Ramessu ou Ramsès Meri-Amon ou Mïamon, ouser
■maat rà sotep en rà « Rà l'a enfanté, l'aimé d'Amon,
riche de la vérité de Râ, l'élu de Rà. » De la première
partie de son prénom, Ouser maat rà, les Grecs firent
Osymandias. Autour d'un des surnoms de sa jeunesse,
Sesturî ou Sessuri, l'imagination populaire et surtout
la littérature grecque groupèrent plus tard les éléments
dont se compose le roman ou la (reste de Sésostris.
Cf. Maspero, La geste de SésostHs, dans le Journal des
savants, 1901, p. 593-609, 665-683. Nous ne prendrons
de sa vie, telle qu'elle ressort des monuments, que
les faits pouvant éclairer nos conclusions.
I. Ses guerres. — D'après une chronologie approxi-
mative et reçue d'un grand nombre, mais contestable,
voir Chronologie, t. h, col. 721, Ramsès II régna de
1292 à 1225 avant J.-C. Dans une stèle d'Abjdos, Ram-
sès IV de la XX e dynastie se souhaite à lui-même les
soixante-sept années de Ramsès II. Mariette, Abydos,
t. h, 1880, pi. 34-25, lig. 23-24. Et dans ces soixante-sept
années n'entrent pas les années de co-régence avec son
père Seti I er . Si, en effet, dans la Grande Inscription
d' Abydos, Mariette, loe. cit., t. i, 1870, pi. 1, lig. 47-48,
Ramsès II nous dit lui-même qu'il était encore « un
enfant dans les bras de son père » lorsque celui-ci
s'écria : « Qu'il reçoive la couronne royale pour que,
moi vivant avec lui, je le voie dans sa splendeur; » si,
d'autre part, danslaStèfe de Kouban, Prisse d'Avenues,
Monuments égyptiens, pi. xxi, lig. 16-17; cf. Chabas,
Les Inscriptions des mines d'or, 1862, p. 24-25, il se
vante d'avoir occupé une situation officielle et com-
mandé les armées dès l'âge de dix ans; toutefois il ne
date que de l'an 1 les faits qui suivirent immédiate-
ment la mort de Séli I er . Grande inscription d' Abydos,
lig. 22, 26, 72. Cf. Maspero, La grande inscription
d' Abydos et la jeunesse de Sésostris, 1869, p. 14, 17, 48.
Resté seul maître du trône,, il se trouvait à la tête
d'une Egypte tranquille au sud et au nord. Son pouvoir
s'exerçait en Asie sur la péninsule sinaïtique, les oasis
^du désert d'Arabie, la côte phénicienne proprement
dite, la Palestine, et son influence se faisait plus ou
moins sentir jusqu'aux sources du Litany et de l'Oronte.
Traité des Héthéens avec Ramsès II, dans Brugsch,
Recueil de monuments, t. i, 1862, pi. xxvm, lig. 5-7,
où il est fait allusion à un traité ancien et qu'on ne
fait que renouveler. Cf. Maspero, Histoire ancienne
des peuples de l'Orient classique, t. n, 1897, p. 372,
403. On est loin toutefois de l'époque où Thothmès III
•érigeait ses stèles au bord de l'Euphrate. Mariette,
Karnak; 1875, pi. xm, lig. 17-18; E. dé Rougé, Notice
de quelques fragments de l'inscription de Karnak,
1860, p. 17-18, 24-26. Et les Khétas, les Héthéens de la
Bible, restent à craindre. Constitués en une puissante
confédération, répandus de la Commagène à l'Oronte,
tenant les villes de Carchamis sur l'Euphrate, de
Kadesch sur le haut Oronte, de Khaloupou (Alep) et
Hamath, ils avancent sans cesse dans la Cœlésyrie et
intriguent contre les possessions égyptiennes. Aussi dès
l'an IV Ramsès II pousse une pointe jusqu'au nord de
Beyrouth, à l'embouchure du Nahr el-Kelb, le Lycus
des anciens. Il y grave sur les rochers ses stèles triom-
phales. Lepsius, Denkmâler, t. ni, pi. 197 a-c La stèle 6
porte clairement la date de l'an IV. Breasted, Ancient
Records of Egypt, t. ni, 1906, p. 125. Mais le prince
des Héthéens, Moutalou, veut l'arrêter. J. de Rougé,
Poème de Pentaour, lig. 1-3, dans Revue égyptolo-
gique, t. m, p. 149; Breasted, loc. cit., p. 136. Une
bataille décisive a lieu en l'an V sous les murs de
Kadesch. Séparé du gros de son armée et surpris par les
Héthéens, Ramsès II court un moment les plus grands
dangers, mais grâce à sa valeur personnelle il tient
tête à l'ennemi et, ses légions survenant, le jette dans
l'Oronte. Voir Cédés 2, t. n, fig. 114, col. 367. Cf. Mas-
pero, loc. cit., p. 395-398; Breasted, loc. cit., p. 135-142.
Le bulletin officiel de la bataille et les tableaux de
ses phases diverses, au Ramesseum, premier et second
pylône, à Louxor, à Ibsamboul, souvent reproduits, l'ont
été de nouveau par Breasted, The baille of Kadesh,
Chicago, 1903. Cf. Ancient records of Egypt, loc. cit.,
p. 142-157. De ce choc les deux partis restent épuisés et
il s'ensuit une trêve tacite, laissant les choses au même
point qu'avant la guerre. Peu après, et sans doute à
l'instigation des Héthéens, la Palestine est en pleine
révolte. Ramsès assiège et prend Ascalon. Voir Ascaxon,
t. i, fig. 286, col. 1061. Cf. Champollion, Notices des-
criptives, t. il, p. 195; Lepsius, Denkmâler, m, pi. 145 c.
En l'an VI11, il enlève Dapour près du Thabor et vingt-
trois autres villes de la Galilée. Lepsius, Denkmâler,
t. m, pi. 156; Mariette, Voyage dans la Haute-Egypte,
1893, t. il, pi. 59 et p, 221. Cf. W. M. Mùller, Asien
und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, 1893,
p. 220-222; Maspero, loc. cit., p. 400, n. 1. C'est peut-
être à cette occasion qu'il rétablit l'influence égyptienne
au delà du Jourdain, dans le Hauran, influence attestée
par un monument connu sous le nom de Pierre de
Job. Cette œuvre d'un représentant du pharaon se trouve
au village moderne de Sahadîéh, à l'est du lac de Géné-
sareth. Schumacher, Der Hiobstein, Sachrat Eijub, im
Hauran, dans Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
Vereins, t. XIV, 1891, p. 142; Erman, Der Hiobstein,
ib., t. XV, 1892, p. 210-211. La guerre reprit ensuite de
plus belle contre les Héthéens. Il y eut là, semble-t-il,
cinq années de lutte. Tounip, aux environs d'Alep, est
prise, Fragment du Ramesseum, dans Champollion,
Notices descriptives, t. I, p. 888, la Mésopotamie enva-
hie avec toute le vallée de l'Oronte, et Babylone,Assur
et Cypre envoient des présents au pharaon. Mariette,
Karnak, pi, 38; Abydos, t. II. pi. 2 et p. 13. Cf. Breas-
ted, Ancient records of Egypt, t. m, p. 161-162. Sur
ces entrefaites, Khétasar avait succédé à son frère Mou-
talou. De part et d'autre le besoin de la paix se faisait
sentir, et peut-être l'Hëthéen éprouvait-il la nécessité
de recueillir ses forces contre l'Assyrien menaçant. En
l'an XXI, son envoyé apporta au pharaon, dans la ville
de Ramessès, écrit sur une tablette d'argent, un traité
d'alliance offensive et défensive. Les choses en Asie
étaient remises au point où les avait trouvées Ramsès II
à son avènement : l'Egypte gardait la possession tran-
quille de la Palestine et de la Pérée transjordanienne,
delà Phénicieméridionale,Tyr et Sidon jusqu'au Nahr
el-Kelb, d'où une ligne allant couper la « Cœlésyrie en
diagonale, du nord-ouest au sud-ouest, jusqu'à la pointe
de l'Hermon, » Maspero, loc. cit., t. Il, p. 278, marquait
probablement la frontière entre les alliés. Voir Maspero,
loc. cit., p. 401-404; W. M. Mûller, Der Bùndnissvertrag
Ramsès 11 und des Chetiterkônigs, 1902; Breasted,
loc. cit., p. 163-174. Les quarante-six dernières années
de Ramsès II se passèrent dans une-çaîx profonde.
II. Ses constructions et ses travaiix"d'utilité pu-
blique. — La guerre asiatique, loin d'interrompre les
grandes coustructions, leur fournit des milliers de
bras dans la personne des captifs. Ramsès II avait
poursuivi l'achèvement des travaux commencés par son
père à Karnak, à Qournah et dans Abydos en s'y réser-
vant une place considérable ; partout ses propres mo-
numents sortaient de terre; il les multiplia encore
pendant la paix, s'appropriant dans une large mesure
colosses, obélisques, tout ce qui dans l'œuvre de ses
prédécesseurs était à sa convenance. Les temples an-
971
RAMSÈS II
972
ciens eux-mêmes servirent de carrière à ses ouvriers.
Cf. entre airtres, Quibell, The Ramesseum, 1896,
pi. xi et p. 15; pi. xin et p. 16. Voir dans Maspero,
loc. cit., p. 408-423, le tableau de ses principales en-
treprises d'Ibsamboul à Memphis, en passant par Derr,
Ès-Seboua, Kouban, Gerf-Hosséin, Bélt-Oually en
Nubie; par les deux rives de Thèbes, par Aoydos et
Heracléopolis. Jamais la lièvre des constructions co-
lossales ne fut si intense, jamais si nombreux les bras
réduits à la corvée par « le roi maçon par excellence. »
Le Delta oriental surtout attira son attention et toutes
les cités qui en faisaient partie, « Héliopolis, Bubaste,
Athribis, Patoumou, Mendès, Tell-Mokhdam... forment
comme un musée dont chaque pièce rappelle son acti-
vité... 11 fit de Tanis une troisième capitale, compa-
rable à Memphis et à Thèbes... Il releva le temple et
y ajouta des ailes qui en triplèrent l'étendue... son nom
y encombre les murailles, les stèles renversées, les
obélisques couchés dans la poussière, les images de
ses prédécesseurs qu'il usurpa. Un géant de grès sta-
tuaire, assis comme celui du Ramesseum, s'échappait
de la cour maîtresse et semblait planer haut par des-
sus le tumulte ;des [constructions. » Maspero, loc. cit.,
p. 423-424 et notes. C'est là que se trouvait la fameuse
Stèle de l'an 400 découverte par Mariette et publiée par
lui dans la Revue archéologique, nouvelle série, t. xi,
1865, pi. IV et p. 169-190. Ramsès II colonisa spéciale-
ment l'ouadi Tôumilat. Outre Pitum, voir Phithûm,
col. 323-324, tous les tells environnants, Sopt, Rotab,
Iiantir, Khataanéh, Fakous et Horbéit rendent ses sta-
tues et ses cartouches. Naville, The shrine of Saft el-
Henneh and the Land of Goshen, 1887, p. 18 (mé-
moire V de YEgypt Exploration Fund). On les a
retrouvés encore sur le bord du lac Timsah, au pied
du Djebel Maryam, là où Naville, The Store city of Pi-
thom, 4 e édit., 1903, p. 25, n'avait vu qu'un emplace-
ment romain. Au préalable, Ramsès avait canalisé
l'ouadi. C'est sur ce fait que s'appuyèrent les auteurs
classiques,' Aristote, Meteorol., î, 14, Strabon, i, 1, 31,
Pline, H. N., vi, 29, 165, pour lui prêter l'intention
d'avoir voulu établir la communication entre le Nil et
la mer Rouge, intention, disent-ils, qu'il ne put réa-
liser, comme le fit plus tard Néchao. Hérodote, n, 158.
Il releva ou agrandit les postes fortifiés qui comman-
daient à l'est du Nil les débouchés par où les nomades
menaçaient les plaines du Delta oriental. Il en cons-
truisit de nouveaux. Et c'est encore ce qui lui valut la
réputation d'avoir établi cette ligne de défense, Diodore,
I, 57, ligne qui datait de l'Ancien Empire. Cf. Maspero,
loc. cit., t. i, p. 351-352, 469; t. n, p. 122, 409.
III. Ramsès et les Hébreux. — Si le chiffre de
430 ans de l'hébreu et de la Vulgate, Exod., I, 11, doit
être accepté pour le séjour des Hébreux en Egypte ; si
leur arrivée est à placer sous les Hyksos égyptianisés;
si l'Exode s'est accompli sous Ménéphtah, ou même un
peu après lui, comme le veut Maspero, loc. cit., t. n,
p. 444, évidemment Ramsès II est à tout le moins le
principal oppresseur des Hébreux. Or, le -, chiure de
430 ans nous semble le plus naturel si nous songeons
que, « après la mort de Joseph et celle de tous ses
frères, et de toute cette génération, les enfants d'Israël
s'accrurent et se multiplièrent extraordinairement; et
étantdevenus extrêmement forts, ils remplirent toute la
contrée. » Exod., i, 6-7. Et c'est au moment de cette
multiplication accomplie que « s'éleva en Egypte un
nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph, » y. 8. Tout
cela joint au temps de la persécution suppose un laps
de temps considérable et l'on peut difficilement réduire
à 250 ans le séjour en- Egypte. "Voir Chronologie bi-
blique, t. [il, col. ,737. Cf. Lesêtre, Les Hébreux en
Egypte, dans la Revue pratique d'apologétique, t. m,
1906-1907, p, 225-228, qui est pour la réduction. Ajou-
tons que la persécution a dû commencer sous- Séti I er
et que c'est lui peut-être le <t roi nouveau qui ne con-
naissait pas Joseph, » puisque c'est sous lui, Ram-
sès II étant déjà son associé au trône, que recom-
mencent en Egypte les grands travaux, et que dès
lors la corvée devient rigoureuse. En second lieu,
l'arrivée de Jacob en Egypte à la dernière période
des Hyksos nous est attestée par une tradition cons-
tante, voir Joseph, t. m, col. 1657, Pharaon 3,
col. 196-197, et l'avis des égyptologues, quel que soit
leur sentiment sur l'oppresseur et sur l'Exode, est
unanime sur ce point. Maspero, loc. cit., t. n, p. 71
et n. 2; Erman, Zur Chronologie der Hyksos, dans
Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xviii, 1880,
p. 125-127; Lieblein, The Exodus of the Hebrews,
loc. cit., p. 217; Spiegelberg, Der Aufenthalt Jsraels
inAegypten, Strasbourg, 1904, p. 13, etc. En troisième
lieu, l'Exode dans les premières années de Ménéphtah
fut d'abord admise à peu près généralement par les
premiers égyptologues. E. de Rougé, Examen critique
de l'ouvrage de M. le chevalier de Runsen, 1846-1847,
dans Œuvres diverses, t. i, 1907, p. 165 (Rîbliothèque
égyptologique, t. xxi), et Moïse et les monuments
égyptiens, dans Annales de la philosophie chrétienne,
6 e série, t. i, p. 165-173; Chabas, Recherches pour ser-
vir à l'histoire de l'Egypte sous la XIX e dynastie et
spécialement à celle du temps de l'Exode, 1873,
p. 139 sq.; Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 581-
584; Ebers, Durch Gosen zurn Sinai, 1872, p. 139, etc.
Mais si aujourd'hui beaucoup retiennent cette opinion,
Pétrie, Egypt and Israël, dans Contemporary Review,
mai 1896, p. 617-627; Spiegelberg, (oc. cit.; Sayce,
The Egypt of the Hebrews, 3 e édit., 1902, p. 91-100, etc. ,
un certain nombre d'autres la rejettent à la suite de
Lieblein. Nous y reviendrons. Pour le moment, et quoi
qu'il en soit, il est à remarquer que les 430 ans du
Séjour des Hébreux en Egypte confirment l'opinion
traditionnelle. Cette durée remplit en effet tout l'espace
compris entre Ménéphtah et les derniers Hyksos,
1225-1655. Et ceci nous ramène pour l'oppression au
prédécesseur de Ménéphtah, à Ramsès IL La Stèle de
l'an 400 nous y ramène également. Elle nous apprend
que Ramsès II dépêcha son vizir Seti à Tanis avec
l'ordre d'y ériger une stèle en l'honneur de Séti I er .
Le vizir en prit occasioade faire sienne la stèle, y gra-
vant ses prières au-dessous du protocole de son
maître et la datant de la 400» année d'un roi Hyksos,
Aâpehetiset-Noubti. Malheureusement l'année de Ram-
sès n'y figure pas et l'on ne peut que conjecturer
d'après les 430 ans du séjour en Egypte, que l'érection de
la stèle eut lieu vers l'an XL de ce pharaon. Eh tout
cas, la période désignée par l'an 400 cadre avec nos
autres données. Par l'un de ses extrêmes elle nous con-
duit aux Hyksos égyptianisés, car on ne peut supposer
que Noubti servant de point de départ à une ère ne soit
un de ceux-là; par l'autre, elle nous fait tomber en
pleine oppression des Hébreux, précédant l'Exode d'une
trentaine d'années.
2° Le récit de l'Exode suppose un règne tranquille,
un roi grand bâtisseur, pour qui les guerres à un mo-
ment donné ne fournissent plus de captifs, un roi
inquiet du côté de l'est et d'un règne très long, un roi
qui s'appelait Ramsès, qui colonisa et fortilia d'Ouadi-
Toumilat. Or, sous Séti I er , sous Ramsès II surtout, la
paix règne à l'intérieur de l'Egypte, le pouvoir est
assez fort pour s'imposer brutalement et sans résis-
tance. Cf. Lettre d'Ameneman, dans Papyrus Salliei- 1,
pi. vi, lig. 2-8, et Papy>-us Anastasi V, pi. xv, lig. 8,
xvii, lig. 2. A l'extérieur, si du vivant de Seti, puis
durant les vingt-et-uneprernières années de Ramsès II,
la guerre est menée presque sans répit, ce ne sont
qu'excursions et rentrées triomphales dont le profit le
plus net se chiflre par des milliers de captifs qui vont
alimenter les chantiers. Cf. Hérodote, n, 108; Diodore,
973
RAMSÈS II
RAPHA
914
i, 56. Mais avec la fin'de la guerre finirent les razzias
d'hommes et la lièvre croissante des travaux publics
réclamait des bras. D'autre part, la forte cohésion de
l'empire héthéen, ses intrigues toujours à craindre en
Palestine, l'obligation de traiter avec lui sur le pied
d'égalité avaient appris à Ramsès la nécessité de se tenir
en garde contre la Syrie du Nord. En persécutant les
Hébreux, par une politique à double fin, il suppléait
donc au manque de bras pour ses entreprises, il leur
enlevait la possibilité de trop se multiplier et d'aller
renforcer ses ennemis en cas de conflit. « Et il dit à son
peuple : Vous voyez que le peuple des enfants d'Israël
est devenu très nombreux, et qu'il est plus fort que
nous. Venez, opprimons-les avec sagesse, de peur qu'ils
ne se multiplient encore davantage, et que si nous
nous trouvons surpris de quelque guerre, ils ne se
joignent à nos ennemis, et qu'après nous avoir vain-
cus, ils ne sortent d'Egypte. » Exod., I, 9-10. Et aussi-
tôt les Hébreux sont accablés de corvées par les inten-
dants des travaux et les chefs de brigade, sous l'insulte
et le mépris des Égyptiens. On leur demande toutes
sortes de travaux agricoles, du mortier, des briques,
et ils bâtissent les villes fortifiées et contenant des
magasins, Phithom et Ramsès. Exod., i, 11-14. Voir
Briques, t.i, col., 1931-1934; Phithom, col. 323-324. Ces
vexations exténuantes n'empêchant pas leur multiplica-
tion, les sages-femmes reçoivent l'ordre de tuer tous
les mâles, puis il est enjoint à tout le peuple de les
noyer dans le fleuve. Exod., i, 15-22. C'est au cours de
cette violente persécution que Moïse sauvé des eaux
quarante ans plus tôt, Act., vu, 23, et élevé à la cour,
tua un égyptien qui frappait un hébreu et s'enfuit dans
la terre de Madian, Exod., H, 15, pour échapper à la
vengeance royale. Quarante autres années s'étaient
écoulées pour lui chez le prêtre de Madian, Exod.,
vu, 7, Act., vil, 30, quand il reçut de Dieu la mission
de sauver le peuple d'Israël. Exod., m, iv, 1-19. Il avait
donc quatre-vingts ans. Cela nous fait sans aucun doute
remonter à Séti I° r ; mais Ramsès II était son bras droit
en qualité de corégent « dès le temps qu'il était dans
l'œuf, » Grande Inscription d'Abydos, lig. 44. On peut
donc en déduire, sans grand risque de se tromper,
que Ramsès II vit éclore la persécution, que, sûrement,
il en fut le principal, sinon l'unique agent, et qu'avec
ses soixante-sept ans de règne personnel c'est lui que
l'Écriture désigne par ces mots : « Après beaucoup de
temps mourut le roi d'Egypte.» Exod., n, 23. D'autant
mieux que, Exod., i, 11, une des villes bâties par les
Hébreux s'appelle Ramsès et ne peut tirer son nom
que de son fondateur, tout comme Alexandrie d'Alexan-
dre, Constantinople de Constantin, et tant d'autres.
Et ce Ramsès ne peut être l'éphémère Ramsès I er , ni
Ramsès III, d'une date tardive, 1198-1167. Reste donc
Ramsès II que la Bible nomme indirectement en nom-
mant une des villes qu'il fonda. Chabas, Mélanges
égyptologiques, II e série, 1864, p. 109; E. de Rougé,
Moïse et les Hébreux d'après les monuments égyp-
tiens, loc cit., p. 169. Nous savons par ailleurs que
l'ouadi Toumilat, où s'élevèrent Phithom et Ramsès,
ne fut colonisé qu'à partir de Seti I er . « Dans les plus
anciennes listes de nomes, qui sont du temps de Seti I er ,
Dùmiçhen, Geographische lnschriften, t. i, 1865,
pi. lxxxxii, le nome d'Arabie (Gessen) ne se rencontre
pas [et à plus forte raison le nome héroopolite]. Nous
avons seulement quinze nomes pour la Basse- Egypte,
au lieu de vingt-deux, comme sous les Ptolémées. La
liste de Séti I er finit avec le nome d'Héliopolis, et ne
mentionne ni le Bubasiite (Zagazig) ni l'Athribite
(Benha), circonstance qui montre que cette partie du
royaume n'était pas encore alors organisée en provinces
régulièrement administrées, chaque nome ayant sa
capitale et son gouvernement. Au lieu de nomes, nous
ne trouvons que des noms de marécages ou de branches
du Nil. » Naville, Goshen and the skrine of Saft
el-Henneh, 1885, p. 18 (Mémoire IV de VEgypt Explo-
ration Fund). On peut en déduire que c'est Ramsès
qui organisa la région où partout se rencontre son
nom. De cette terre inculte, mais suffisamment arrosée
pour produire de bons pâturages, de cette terre libre
qu'on avait abandonnée aux en Tants de Jacob et à leurs
troupeaux sans frustrer aucun Égyptien, il fit une terre
cultivable, répartie entre des colons, gouvernée à
l'instar des anciens nomes. « Une conjecture très
ancienne, dit Maspero, loc. cit., t. h, p. 462, n. 2,
identifie avec Ramsès II le pharaon qui n'avait pas
connu Joseph. Les fouilles récentes, en montrant que
les grands travaux ne commencèrent à l'orient du Délia
que sous ce prince, ou sous Séti I er au plus tôt, confir-
ment l'exactitude de cette tradition d'une manière
générale. » On doit même en déduire que les deux
villes nommées sont bien son œuvre, puisque l'une
d'elles, reconnue par Naville, voir Phithom, col. 321-
328, n'a livré, avec ses magasins ou greniers et son
enceinte de briques, aucun nom de roi ni aucun
monument antérieurs à Ramsès II. Par contre les car-
touches de ce pharaon l'ont révélé comme le fondateur
de Pitum-Phithom. Voir ce mot, col. 327-328; cf. Bœ-
deker (Steindorff), Egypte, édit. française, 1908, p. 174.
Nous n'ignorons pas que d'après une autre hypothèse,
qu'on base sur la chronologie, Lieblein, The exodus of
the Hebrews, dans Proceedings of the Society .of the
Biblical archœology, t. xxtx, 1907, p. 214-218; Lindl,
Cyrus, 1903, p. 11, 40, etc., Thothmès III serait l'op-
presseur et Aménophis II ou lit le pharaon de l'Exode.
On invoque à l'appui quelques faits : Stèle de Meneph-
tah, cf. Pharaon, col. 196-197; Manéthon, dans Josèphe,
Contra Apionem, i, 26; cf. Chabas, Mélanges égypto-
logiques, l re série, 1862, p. 43-44; les prétendus Hé-
breux (Khabiri) des Lettres de Tell el-Amarna.
H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna,
n. 181, p. 303-313. Cf. Delattre, Les Pseudo-Hébreux
dans les lettres de Tell el-Amarna, dans la Revue des
questions historiques, t. xxxi, 1904, p. 353-382. Mais
ces faits sont tous susceptibles de plusieurs explications
et, par suite, de nulle valeur probante. Pour la chro-
nologie, rien de plus sujet à caution. Cf. Lagrange, Le
Livre des Juges, Introduction, p. xlii-xlih. Il reste
donc préférable de s'en tenir à l'hypothèse tradition-
nelle plus conforme tout ensemble et au récit de la
Bible et à ce que nous savons de l'histoire de l'Egypte.
C. Lagier.
RAPHA, nom, dans la Vulgale,de trois Israélites et
d'un Géthéen. Dans le texte hébreu, cinq personnages
portent le nom de Refâyâh, « celui que "ïâh guérit ».
Notre version latine a transcrit sous la forme Rapha le
nom de l'Ephraïmite, I Par., vu, 25, et celui du Ben-
jamite, I Par., vm, 37. Le premier Rapha dont elle
parle, I Par., vu, 25, s'appelle en hébreu Réfâh, le
second, le troisième et le quatrième, I Par., vm, 2, 33,
et xx, 7, Râfà'. Le Refâyâh hébreu de I Par., m, 21,
devient en latin Raphaïa, de même que celui de
I Par., iv, 42 et ix, 43. Le cinquième Refâyâh de
l'hébreu, II Esd., ni, 9, est aussi appelé Raphaïa dans
notre version latine. Voir ces noms. — Le nom de
Rapha se trouve peut-être aussi dans^Bethrapha, I Par.,
iv, 12. Voir Bethrapha, t. i, col. 1712. v
1. RAPHA (hébreu : Réfâh ; Septante : Tauçr,), fils
de Béria, de la tribu d'Éphraïm, un des ancêtres de
Josué. I Par., va, 25.
2. RAPHA (hébreu : Râfâ'; Septante : 'Paq>â); le cin-
quième fils de Benjamin. I Par., vm, 2.
3. RAPHA (hébreu : Râfâ'; Septante : 'Parafa), fils
de Baana, et père d'Élasa de la tribu de Benjamin.
975
RAPHA
RAPHAIM
976
I Par., vin, 37. La Vulgate l'appelle Raphaïa. I Par.,
ix, 43. C'était un descendant de Saûl et de Jonathas.
4. RAPHA (hébreu : hâ-Râfâ' ; Septante : -'Pa<pi),
chef d'une famille de Geth, qui fut remarquable par
une taille gigantesque. I Par., xx, 6, 7 et aussi 4, dans
le texte hébreu où la Vulgate a traduit par Raphaïm.
Ce père de géants est aussi mentionné quatre fois dans
le passage parallèle de II Sam. (Reg.), xxi, "16, 18, 20,
22, mais dans ce livre son nom est écrit Hd-Râfâh, et
la Vulgate l'a rendu par Arapha. Voir Arapha, t. i,
col. 878. Le texte hébreu fait toujours précéder le nom
de Rapha de l'article hâ;la Vulgate l'a supprimé dans
les Paralipomènes et l'a conservé dans les Rois.
RAPHAËL, nom d'un lévite et de l'ange de Tobie.
1. RAPHAËL (hébreu : Refâ'êl, « [celui que] Dieu
guérit »; Septante : 'Paçs-rj).), lévite, fils de Séméias.
Ce dernier était le fils aîné d'Obédédom. Raphaël fut
un des portiers de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 4, 6-7.
2, RAPHAËL, ange qui, sous une forme humaine
et sous le nom d'Azarias, accompagna le jeune Tobie
pendant son long voyage, comme guide et conseiller.
D'après sa propre définition, Tob., XII, 15, il est « l'un
des sept anges qui se tiennent debout devant le Sei-
gneur,» cf. Apoc, vin, 2; il est aussi, selon Tob., m,
25, et l'étymologie de son nom, l'ange qui guérit les ma-
ladies des hommes. Dans la littérature sacrée, il n'est
fait mention de l'ange Raphaël qu'au livre de Tobie. 11
y intervient d'une manière toute providentielle, cf. Tob.,
xn, 14, pour guérir Tobie l'ancien de sa cécité, et pour
délivrer la jeune Sara du démon qui la tourmentait.
Nous le voyons d'abord s'offrir au jeune Tobie, puis au
père de celui-ci, pour accompagner le jeune homme, de
Ninive à Rages, chez son parent Gabélus, afin de recou-
vrer une somme importante prêtée autrefois à ce dernier.
Tob., v, 1-22. Ils partent, et, dès le premier jour, au bord
du Tigre, l'ange délivre son compagnon d'un poisson
énorme qui s'élançait sur lui; il lui recommande d'en
garder le cœur et le foie, comme des remèdes utiles,
celui-là pour chasser les démons qui s'attaquent aux
hommes, celui-ci pour rendre la vue aux aveugles.
Tob., vi, 1-9. Lorsqu'ils arrivèrent à Ecbatane, Raphaël
conseilla à Tobie de prendre l'hospitalité chez son cou-
sin Raguël (voir Raguël 2, col. 933) et de lui demander
la main de Sara, sa fille unique. Tob., vi, 10-14. Tobie
ayant objecté que la jeune fille avait été déjà mariée
sept fois, et que le démon avait aussitôt mis à mort
ceux qui l'avaient épousée, l'ange lui indiqua le moyen
de mettre en fuite l'esprit mauvais, vi, 14-22; de son
Côté, Raphaël entraîna Asmodée dans le désert d'Egypte,
où il le confina. Voir Asmodée, t. i, col. 1103-1104.
Cf. Tob., vin, 3. Ensuite, sur la demande du jeune
homme, le prétendu Azarias consentit à aller recou-
vrer sans lui l'argent prêté à Gabélus. Tob., IX, 1-12.
Après les noces, lorsque le moment fut venu de re-
partir pour Ninive, il prit les devants avec son com-
pagnon, et, dès leur arrivée, Tobie père recouvra mi-
raculeusement la vue par l'emploi du remède indiqué.
Tob., xi. 7-17. Lorsque les deux Tobie voulurent le
récompenser généreusement de ses services, il leur
lit connaître sa vraie nature, leur révéla les desseins
mystérieux de la Providence dans les épreuves qu'ils
avaient subies, les engagea à témoigner à Dieu, l'au-
teur véritable des bénédictions reçues, leur vive re-
connaissance; puis il disparut soudain. Tob., xn, 1-22.
— Pour les difficultés ,qui se rattachent au rôle de
l'ange Raphaël, voir Tobie (Livre de).
L. Filliox.
RAPHAIA (hébreu : Refàyâh), nom de cinq Israé-
lites. Voir Rapha, col. 974.
1. RAPHAIA (Septante: 'Paçâ).; A lexandrinus: 'Vot-
<paia), fils, d'après la Vulgate et les Septante, de Jéséias
et père d'Aman, de la tribu de Juda; il descendait
de Zorobabel. I Par., m, 21. Le texte hébreu est
moins précis que les versions grecque et latine, et
obscur.
2. RAPHAIA (hébreu : Refàyâh; Septante : 'Paipata),
un des chefs de la tribu de Siméon qui entreprit sous
le règne d'Ézéchias, roi de Juda, à la tête de cinq cents
hommes, une expédition contre les restes des Amalécites ;
ils les exterminèrent dans les montagnes de Séir où ils
s'établirent à leur place. I Par., iv, 42.
3. RAPHAIA (Septante : 'Poccpaîa), second fils de
Thola, fils aîné d'Issaçhar, et l'un des chefs de famille
de cette tribu. I Par., vu, 2.
4. RAPHAIA (Septante : 'Pi<poua), fils de Baana, delà
tribu de Benjamin, I Par., ix, 43, le même que Rapha 3,
col. 974.
5. RAPHAIA (Septante : 'Paçaia), fils d'Hur, qui du
temps de Néhémie était placé à la tête d'un quartier de
Jérusalem et travailla à la restauration des murs de la
ville. II Esd. m, 9.
RAPHAIM (hébreu : Refaim, employé toujours au
pluriel), désigne 1° une race de géants; 2° un ancêtre
de Judith; 3° une vallée des environs de Jérusalem. —
En hébreu, les morts qui habitent le sche'ôl sont appe-
lés refaim, mais la Vulgate n'a jamais conservé ce
mot qu'elle traduit par gigantes. Voir Sche'ôl.
1. RAPHAIM, race de géants. Leur nom est précédé
cinq fois de l'article dans le texte hébreu. Gen., xv,20;
Deut., m, 11; Jos., xn, 4; xm, 12; xvm, 15. Sur le
nom hâ-Râfâ', qui semble le nom propre d'un géant,
II Sam., xxi, 22; I Par., xx, 8, voir Arapha, t. i,
col. 878; Rapha 4, col. 975. Les anciens traducteurs de
la Bible n'ont pas conservé le plus souvent le mot Re-
fa'ïm, mais l'ont rendu par yfyavxeç, « géants », ce qu'ils
ont fait non seulement quand ïlefa'im désigne véritable-
ment des géants, mais aussi quand il désigne les morts
qui sont dans le se'ôl. — 1» Les Raphaïm semblent
avoir désigné proprement une race de Chananéens de
haute stature et d'une force redoutable, qui habitaient
à l'est du Jourdain à l'époque où les Hébreux ne
s'étaient pas encore emparés de la Terre Promise.
Gen., xiv, 5; xv, 20; Jos., xvn, 15 (Vulgate : Raphaïm).
Quand les enfants d'Israël, sous la conduite de Moïse,
arrivèrent dans le pays situé au delà du Jourdain, ils
y rencontrèrent, comme leur ennemi le plus redou-
table, Og, roi de Basan, « qui restait seul, dit le texte
sacré, de la race des Refa'ïm » (Vulgate : de stirpe gi-
gantum). Deut., ni, 11. Cf. Jos., xu, 4; xm, 12 (Vul-
gate : Rapkaim). Voir Og, t. iv, col. 1759. Si les lils
de Rapha mentionnés dans II Sam., xxi, 22; I Par., x,
8, sont de véritables Raphaïm, ils sont les derniers
mentionnés dans les Écritures. — 2° Elles nous ont
conservé le souvenir de deux autres races de géants,
les Émim (voir t. n, col. 1732) et lesÉnacites (voir t. h,
col. 1766) qui habitèrent les premiers à l'est, les se-
conds à l'ouest du Jourdain et à qui l'on donnait éga-
lement par extension le nom de Raphaïm. Deut., n, 11
(Vulgate : quasi gigantes). C'est des Énacites que la
vallée de Raphaïm, au sud-ouest de Jérusalem, a sans
doute tiré son nom. Voir Raphaïm 2.
2. RAPHAIM, fils d'Achitob et père de Gédéon, un
des ancêtres de Judith, dans la Vulgate, vm, 2. Ces
trois noms propres ne sont pas dans les Septante.
977
RAPHAÏM (VALLÉE DES)
978
3. RAPHAIM {VALLÉE DES) (hébreu : 'êméq-Refd-
'îm; Septante, Jos., xv, 8 : v5j 'Paça'i'v; xvm, 16 :
'sijièx 'Paçatv (Aleœandrinus : 'Pa(pa£su);II Reg., v, 18,
22 : ïj xo'.Xà; taSv Titôviov; xxih, 13; ï) xotXàç "Paçaiv
(Alex. : 'Payass'v); I Par., xi, 15; xrv, 9 : ^ xosXa; tûv
riyctvTuv ; Is., xvn, 5 : (pâpay? CTteped, « vallée fertile »;
Vulgate : vallis Raphaim, excepté III Reg., xxiii, 13,
où elle traduit |: vallis gigantum), large vallée ou
plaine au sud-ouest de Jérusalem, appelée aujourd'hui
el-Béq'ah.
1° Nom. — Dans la langue biblique, le mot 'êméq
désigne une vallée large et spacieuse. Gesenius, Thé-
saurus, p. 1045. Celle-ci a sans doute pris son nom de
ne peut être que l'ouâd' er-Rebdbt longeant le côté sud
de Jérusalem, et la montagne en face, la masse monta-
gneuse s'étendant à l'ouest de Jérusalem, entre cette
ville et Liftâh, au nord de la Béq'ah. La partie la plus
septentrionale de cette plaine arrive jusqu'au bord de
Youâd' er-Rebâbi et son extrémité forme le col étroit
qui relie le mont dit du Mauvais-Conseil et râs ed-
Dabbous avec le mont opposé, à l'occident, à Vouâd-
er-Rebabi et à Jérusalem : il est impossible de ne pas
reconnaître dans la Beq'ah, la vallée des Raphaïm
indiquée, au sud de la montagne frontière. Voir Jéru-
salem, t. m, flg. 235, col. 1321.
Le passage de II Reg., xxm, 13-16, montrant les trois
220. — La Béqah ou vallée des Raphaïm. Partie de la plaine située au sud-ouest de Jérusalem,
D'après une photographie de M. L. Heidet.
ses premiers propriétaires, établis sur les collines des
alentours. Yoirj Raphaïm 1.
•2» Identification. — La situation au sud de Jérusa-
lem est incontestablement assignée à cette vallée,
Jos., xv, 8; xvm, 16, où est placée la frontière des
tribus de Juda et de Benjamin. Dans le tracé de la
première, après avoir passé à la fontaine de Rogel a la
limite monte [par] la vallée du fils d'Hinnom (Vulgate:
Geennom), sur le côté Çél-kétéf) du Jébuséen, au midi,
c'est-à-dire de Jérusalem, et la limite monte au sommet
de la montagne qui est en face de la vallée du fils d'Hin-
nom, à l'occident, à l'extrémité (bi-qeséhj de la vallée
des Raphaïm, au nord. » Dans le tracé de la seconde,
après avoir passé à la fontaine de Nephtoa, « la limite
descend à la partie de la montagne qui est en face de
la vallée du fils d'Hinnom, laquelle est près de la vallée
des Raphaïm (be J êméq-Refa'im), au nord, et elle
descend la vallée du fils d'Hinnom sur le côté du Jébu-
séen, au midi, et se rend à la fontaine de Rogel. » — La
vallée du fils d'Hinnom (voir Géennom, t. m, col. 153)
braves de David, alors à Odollam, obligés, pour se ren-
dre à la porte de Bethléhem, de traverser le camp des
Philistins occupant la vallée des Raphaïm, indique par
là celle-ci au'sud de Jérusalem. C'est aussi la situation
que lui assigne l'historien Josèphe, Ant. jvd., VII, XII,
4. Parlant du même fait et de la même vallée : « Le camp
des ennemis était établi, dit-il, dans la vallée qui s'étend
jusqu'à Bethléhem distante de vingt stades de Jéru-
salem. » L'auteur a voulu dire, pensohs-nous :1a vallée
s'étend vers Bethléhem, sur une distance de vingt
stades (3700 m.), ce qui est en effet l'étendue de la
plaine de Béq'ah. — Nonobstant ces indications, Eusèbe
et saint Jérômeplacent'Kniég Refa'im, qu'ils traduisent
« la vallée des étrangers », «XXoyjXwv, dans la tribu des
Benjamin et au nord de Jérusalem. Onomasticon, 1862,
p. 186 et 187, 308 et 309. Ils se fondent sans doute sur
II Reg.,v, 25 (Septante), et I Par. xiv, 16, où, après le récit
de l'invasion de la plaine des Raphaïm par les Philistins,
on lit : « David fil ce que le Seigneur lui avait ordonné,
et il battit les Philistins depuis Gabaon jusqu'à Gézer
979
RAPHAÏM (VALLÉE DES) — RAPHIDIM
980
(Gazer)'; » ils confondaient ainsi là plaine des Râphaïm
avec la plaine prés de Gabaon danslsaïe, xxvw, 21. — S'
l'on excepte Titus Tobler qui cherche, Wanderung, m,
p. 202, la vallée des Raphaïm dans Vouâdi courant sous
Deir-Yasin, à l'ouest nord-ouest de Jérusalem, et un ou
deux modernes croyant la trouver dans la vallée de
Liflati, au nord de la précédente, l'universalité des
commentateurs et des géographes s'accordent à la voir
au sud à Jérusalem et dans là Béq'ah. La défaite des
Philistins à Gabaon, non plus que la citation simul-
tanée, par Isaïe, loc. cit., de la vallée de Gabaon et du
mont des Pharasim ou Baalpharasin, n'impliquent pas,
comme nous le verrons, la nécessité de chercher près
de cette ville la plaine ofi ils posèrent leur camp.
Gf. Reland, Palœslina, Utrecht, 1714. p. 355; Gesenius,
Thésaurus, p. 1302; E. Robinson, Biblical researches
in Palestine, Boston, 1841, t. i, p. 323-324; R. v. Riess,
/Ji6iiscAeGfeo5frapftie,Fribourg-en-Brisgau,1872, p.80;
V. Guérin, Judée, 1. 1, p. 244-248; Armstrong, Wilson
et Conder, Names and places in the Old Testament,
Londres, 1887, p, 147, etc.
3° Description. — Du pied de la montagne à l'ouest de
Jérusalem où commence au nord la Béq'ah jusqu'à la
base des collines se prolongeant vers Betléhem où elle
se termine au sud, son étendue est de quatre kilomètres;
sa largeur d'est à ouest, depuis la ligne de partage des
eaux qui la sépare des ravins courant vers le Cédron
jusqu'au pied de Qatamôn et au point où elle rejoint la
« vallée des Roses », ouâd' él-Ouard, est de trois kilo-
mètres. Elle incline d'est en ouest et appartient toute
entière au versant méditerranéen. La terre qui recouvre
le calcaire du fond, a de deux à trois mètres de profon-
deur. Elle était mêlée de nombreuses pierres de silex
qui en partie ont été amoncelées, ou rangées en
murs le long de ses chemins. Elle est brune et fertile
(flg. 220) La culture du blé, froment, orge, doura, a dû
toujours en être la principale. Le prophète Isaïe, xvm,
5, compare le peuple d'Israël en décadence au glaneur
recueillant, après la moisson, les épis oubliés dans la
plaine des Raphaïm.
Les lentilles, le kersenné, les fèves, les pois-chiches
les haricots y prospèrent également. Les oliviers plantés
sur ses confins y ont pris les plus belles proportions.
Les nombreux pressoirs antiques et les restes de vieilles
tours qui se voient sur les collines environnantes,
montrent qu'autrefois comme aujourd'hui la "Béq'ah
était entourée de vignobles. Plusieurs voies antiques,
partant toutes de Jérusalem, la traversaient dans toute sa
longueur. Deux d'entre elles se dirigeaient vers Bethlé-
hem et Hébron.
4° Histoire. — La limite tracée par Josué laissait la
plaine des Raphaïm à la tribu de Juda. Elle fut envahie
par les Philistins, sous le règne du roi Saûl, tandis
que celui-ci poursuivait David de refuge en refuge. Le
futur roi d'Israël était en ce temps cache dans la grotte
d'Odollam. Ayant manifesté le désir de boire de l'eau
de la citerne qui était prés de la porte de Bethléhem,
trois de ses compagnons ne craignirent pas de traver-
ser le camp ennemi établi dans la plaine, pour aller
chercher l'eau désirée. II Reg., xxm, 13*17; I Par. xi,
15-19. Deux autres fois les adversaires du peuple de
Dieu revinrent y dresser leurs tentes; la première fois
quand ils apprirent que tout Israël avait reconnu
David pour son roi, que celui-ci s'était emparé de la
forteresse de Sion et avait fait de Jérusalem sa capitale;
la seconde fois, quelque temps plus tard, dans le dessein
sans doute de prendre leur revanche. La première
fois David les battit à l'endroit qu'il appela Baal-Phara-
sim, situé sans doute sur les confins de la plaine,
mais dont le nom n'a pas été retrouvé. Voir t. i,
col. 1341. Les Philistins abandonnèrent là leurs idoles.
Les Israélites les brûlèrent. II Reg., v, 17-21; I Par.,
xiv, 8-12. La seconde fois, le roi reçut de Dieu l'ordre
de ne pas attaquer l'ennemi' de front, mais de le sur-
prendre par derrière. David contourna la plaine, dissi-
mulé, selon toute probabilité, par la . colline de
Qatamôn, pour tomber sur les Philistins du côté des
Békâ'im. Voir Mûrier, t. îv, col. 1344.
Par ce mouvement, l'armée israélite coupait la retraite
à l'ennemi. Mis en. déroute les Philistins durent s'en-
fuir par le côté oriental de la plaine pour gagner le
Cédron et remonter au nord de Jérusalem, puisque
nous les retrouvons près de Gabaon où David achève
leur défaite en les poursuivant de là jusqu'à Gézer.
II Reg., v, 22-25; I Par., xiv, 13-17. — La plaine des
Raphaïm a vu passer les plus illustres personnages de la
Bible : Ahraham se rendant à Hébron et revenant avec
son fils Isaac pour le conduire à la montagne Moria;
Éliézer ramenant Rébecca; Jacob fuyant son frère Ésaû
et retournant de Mésopotamie avec ses épouses et ses
fils; la Vierge Marie et saint Joseph allant se faire ins-
crire à Bethléhem et apportant le Sauveur au Temple;
les Mages s'avançant pour aller adorer le Roi des Juifs;
le trésorier de la reine Candace lisant Isaïe sur son
char, et que devait bientôt rejoindre le diacre Philippe ;
puis toute la multitude des pèlerins montant du sud
pour aller, en son Sanctuaire, adorer Jéhovah.
5° Etat actuel. — Depuis quelques années, l'ancienne
plaine de Raphaïm a subi plusieurs modifications. Une
route carrossable, construite en 1883, entre Jérusalem,
Hébron et Bethléhem, voit rouler des voitures de forme
européenne. Sur la voie ferrée de Jaffa à Jérusalem,
ouverte en 1892, la locomotive entraîne, à travers la
plaine, des wagons qui déposent les pèlerins à une
gare bâtie vers l'extrémité septentrionale de la Béq'ah*
Une colonie wurtembergeoise appartenant à une secte
protestante millénariste, s'est établie, en 1871, dans le
même quartier, donnant naissance à un faubourg formé
d'une vingtaine d'habitations couvertes de toits à tuiles
rouges, environnées de jardins, de caractère tout euro-
péen. De nombreuses autres constructions se sont éle-
vées depuis jusque vers le milieu delà plaine, menaçant
de l'envahir tout entière. L. Heidet.
RAPHIDIM (hébreu : Refîdim; Septante : 'Paçtêefv),
une des stations des Hébreux à travers la presqu'île
sinaïtique, entre le désert de Sin et le désert du Sinaî,
Exod., xvn, 1; xix, 2; ou plus précisément entre Alus
et le Sinaï. Num., xxxm, 14, 15.
I. Identification. — De l'étymologie du mot « Ra-
phidim » on ne peut pas tirer d'argument pour son
identification. Assez probablement ce mot provient de
la racine hébraïque râfad, « préparer le lieu du repos »,
d'où sa signification de « halte, lieu de repos ». Saint
Jérôme, De situ et nominibus hebraicis, t. xxm,
col. 789, semble bien donner ses préférences à cette
explication. Raphidim est spécialement « un lieu de
repos », la station de Raphidim était située, entre Alus,
dans le désert de Sin et le désert du Sinaï. Le désert
de Sin est aujourd'hui assez généralement identifié
avec la plaine d'el-Markha. Cf. Bartlett, From Egypt
to Palestine, p. 213; Vigouroux, La Bible et les dé-
couvertes modernes, & édit., t. il, p. 459-460; voir Dé-
sert, II, i, 3, t. h, col. 1390. Voir Sin. Le Sinaï désigne
dans l'Exode le noyau central du massif de montagnes
granitiques dont le Djebel Mouça, ou mont de Moïse,
forme aujourd'hui le point le plus célèbre. Cf. Vigou-
roux, La Bible, t. n, p. 490-491; Désert, IL, i, 4,
t. n, col. 1391. Voir Sinaï. On peut aller par diverses
routes principales, voir Alus, t. ij col. 424, du désert
de Sin au Sinaï. Une d'elles, la route du nord, quitte
assez vite la plaine d'el-Markha, et parcourant i'ouadi
Bâbah, le Debbetvr-Ramléh, I'ouadi Kamilêh et I'ouadi
esch-Scheikh, aboutit tout droit au Sinaï. Les parti-
sans de cet itinéraire ont mis Raphidim un peu par-
tout; et quelques-uns d'entre eux signalent l'ouâdi
981
RAPHIDIM
982
Erfayid, qui ne figure que dans la grande carte an-
glaise du Survey, une petite vallée qui débouche dans
l'ouadi Emleisah situé à proximité du Djebel Mouça.
Cf. Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans la Bévue
biblique, 1900, p. 86. Cet itinéraire a le grand incon-
vénient d'aller contre toutes les données traditionnelles;
il est dépourvu de tout souvenir local, et pour ce qui
regarde l'identification de Raphidim, elle n'a dans le
mot Erfayid qu'un équivalent arabe à peine suffisant.
Cette même route du nord, au lieu de pénétrer dans
le Debbet er-Ramléh, peut replier au sud, s'élever
jusqu'à la chaîne du Nagb-Buderah et le franchir,
pour gagner les mines égyptiennes de l'ouadi Maghâra,
et retomber ensuite dans l'ouadi Feiran, pour aboutir
plus facile, tandis que des détachements isolés, pour
éviter un détour de dix-sept kilomètres de chemin, pu-
rent quitter assez vite la plaine d'el-Markha à onze kilo-
mètres environ plus bas que Y Aïn-Dhafary , au sud;
remonter d'ouest en est l'ouadi Sidrêh; là, tourner à
droite pour aller rejoindre, du nord-ouest.au sud-est,
par l'ouadi Mokatteb, l'ouadi Feiran, à vingt-sept kilo-
mètres au-dessus de son embouchure, et ici, six kilo-
mètres environ au-dessous d' ' Hési-eUKhattaiin, at-
tendre le gros du peuple qui venait par la route plus
longue el plus facile. La seule objection que l'on puisse
faire contre l'itinéraire de ces détachements d'Israël
c'est la crainte que, en passant tout près des mines de
Maghara, ils auraient pu trouver là des Égyptiens em-
221. — Vue de l'oasis Feiran.
d'ici au Sinaï. Il s'agit cependant d'un passage difficile
qui n'a été ouvert que dans les temps modernes, et qui
par conséquent fort peu probablement peut avoir été
tenté par les Israélites.
Une deuxième route descend de la plaine d'el-Mar-
kha au midi, pénètre dans le désert d'el-Qâah, et après
l'avoir parcouru, remonte au Sinaï soit tout à fait au
sud par l'ouadi Islih soit un peu plus au nord par
l'ouadi Rebran; ou bien, sans arriver jusqu'à l'ouadi
Hebran, par l'ouadi Feiran à 46 kilomètres à' Aïn-Dha-
fary, la source d'eau douce qui devait alimenter les
Hébreux dans le désert de Sin. En remontant à ce point
l'ouadi Feiran jusqu'à Rêsi-el-Khattatin, et tournant
ensuite au sud par le même ouadi, la route va aboutir
au Sinaï. Aucune considération ne permet de prolonger
au sud jusqu'à l'extrémité de la péninsule l'itinéraire
des Israélites : nous écartons par conséquent, comme
un prolongement inutile d'itinéraire, l'opinion qui les
fait remonter au Sinaï soit par l'ouodi Islih, soit par
l'ouadi Rebran; mais nous trouvons très vraisemblable
que le gros des Israélites, avec les troupeaux, soit re-
monté au Sinaï par l'ouadi Feiran, suivant un itinéraire
ployés aux travaux des mines et la garnison qui les
surveillait; mais l'exploitation des mines de Maghara
paraît avoir cessé sous la XII e dynastie, c'est-à-dire
longtemps avant l'exode. Cf. Vigouroux, Mélanges bi-
bliques, 2 e édit., p. 265. D'après tout ce qui vient d'être
dît, Raphidim doit être placé dans l'ouadi Feiran
(fig. 221) : la tradition chrétienne, la topographie des
lieux, les monuments archéologiques chrétiens de la
tradition locale appuient cette identification.
La tradition chrétienne place Raphidim dans l'ouadi
Feiran, avant l'oasis omonime. L&/Pe) , egrinatio Syl-
viee (vers l'an 385), édit. Gamurrini, p>140, en est le
premier écho. D'après ce document, les Hébreux y
vinrent après avoir franchi l'ouadi Mokatteb ; et l'en-
droit de Raphidim y est précisé à el-Kessuéh, où des
bosquets de palmiers ombragent quelques misérables
huttes en pierre, disséminées autour d'une petite mos-
quée, elle-même construite avec les matériaux d'une
église chrétienne, à un peu plus de deux kilomètres,
avant d'arriver à l'oasis Feiran. Il semble bien que les
chrétiens de la plus haute antiquité aient attaché le
nom de Raphidim au hameau d'el-Kessuéh; mais
983
RAPHIDIM
984
d'après l'Exode, le pays de Raphidim, qui, comme
nous avons vu, veut dire « halte ou lieu de repos »,
semble bien comprendre la région où le peuple
d'Israël ne trouva point d'eau et celle où il campait
après la défaite des Amalécites. Eusèbe et saint Jé-
rôme, en effet, indiquent à Raphidim tant l'événement
de l'eau miraculeuse que la défaite infligée par Josué
à Amalec, et retendent jusqu'à Pharan, l'ancienne
ville épiscopale de l'oasis Feiran. Onomasticon, t. xxm,
col. 916. Àntonin le Martyr, Itinerarium, 40, P. L.,
t. lxxii, col. 912, est du même, avis, quoique sa descrip-
tion soit un peu confuse dans les détails. Cosmas In-
dicopleuste, Topographia christiana, v, t. lxxxvui,
col. 200, localise justement Raphidim à Pharan ; mais
après avoir fait aller Moïse avec les anciens du peuple
d'Israël jusqu'au mont Choreb, c'est-à-dire au Sinaï,
qui selon lui est distant seulement de six milles de
Pharan, pour y opérer le miracle des eaux au bénéfice
d'Israël, il localise dans ce même endroit la défaite
222. — Le rocher de Hésl el-Khattatin.
d'Amalec et la visite de Jéthro. Un pareil manque de
précision s'explique aisément dans la description de ce
marchand devenu moine, qui n'avait pas assez bien
saisi le sens de l'Exode, xvii, 6. Nous nous dispense-
rons de relater les témoignages d'autres pèlerins plus
récents, parce qu'ils sont presque tous d'accord, même
ceux qui transportent au mont Horeb le théâtre du
prodige des eaux que fit jaillir Moïse.
Les témoignages des pèlerins et des écrivains qui
placent Raphidim à Feiran sont appuyés par le témoi-
gnage des monuments archéologiques chrétiens. A
l'époque de la Peregrinatio Sylvise le Djebel Tahou-
néh, qui se dresse à l'entrée de l'oasis de Feiran, était
couronné d'une église pour perpétuer la mémoire de
l'endroit où Moïse se tenait en prière pendant la fa-
meuse bataille, Exod., xvir, 8, qui amena la défaite
d'Amalec. Antonin le Martyr, loc. cit., parle d'une ville
près de laquelle eut lieu la bataille, et où se trouvait
un oratoire dont l'autel était bâti sur les pierres qui
servirent d'appui à Moïse priant pendant le combat.
Les premiers chrétiens rattachèrent donc à la ville
épiscopale de Pharan, qui s'élevait à l'entrée occiden-
tale de l'oasis, le souvenir des mémorables événements
qui avaient eu lieu à Raphidim. On voit encore au-
jourd'hui à Pharan les ruines de nombreuses églises
et chapelles, de monastères, de cellules et de tombeaux.
Cf. S. Nil, Narratio M, t. LXXix, col. 620. La plupart
des maisons bâties dans l'oasis avec les débris de bâ-
timents plus anciens semblent remonter au xn« siècle.
Parmi les débris qui jonchent le sol, les explorateurs
anglais ont trouvé un chapiteau de grès sur lequel
on voit un homme vêtu d'une tunique et les bras
levés dans l'attitude de la prière, c'est-à-dire tel que
l'Exode, xvii, 11, nous représente Moïse pendant la
bataille de Raphidim. Cf. E. H. Palmer, The désert
of the Exodus, t. i, p. 168. Un bas-relief, placé au-
dessus d'une porte et divisé en trois compartiments,
représente aussi trois personnages dans une attitude
semblable. On comprend sans peine que les habitants
de Raphidim aient aimé à représenter par la sculpture
la principale scène du grand acte auquel ces lieux
étaient redevables de leur célébrité. De plus, la topo-
graphie des lieux concorde parfaitement avec le récit
de l'Exode, comme on le verra plus loin.
II. Description. — L'ouadi Feiran est la vallée la
plus longue et la plus importante de toute la pénin-
sule. Elle reçoit le nom de Feiran au nord-est de la
chaîne du Serbal; mais de fait, elle n'est que le pro-
longement de l'ouadi Sclieikh qui prend naissance aa
mont Sinaï, décrit une grande courbe au nord, traverse
l'oasis de Feiran, et après avoir pris la direction du
nord-ouest, elle se dirige vers le sud-ouest, et va
aboutir dans la mer Rouge à travers la plaine d'ei-
Qaah. La vallée est tantôt large comme le lit d'un
grand fleuve, tantôt resserrée entre des rochers souvent
perpendiculaires, formant d'étroits déniés, avec des
tournants brusques et inattendus qui varient l'aspect
du paysage à l'infini. Aux roches crayeuses succèdent
des calcaires plus durs, puis le grès bigarré et le gra-
nit traversé du nord au sud de filons réguliers de
porphyre rouge et de diorite noir. Le sol sablonneux
n'est couvert que d'une maigre végétation. Les flancs de
l'ouadi Feiran sont fréquemment entrecoupés par des
vallées latérales. Un peu plus d'un kilomètre à partir
d'une de ces vallées, l'ouadi Umm ïus, et après avoir
rencontré à droite des inscriptions nabatéennes, le
voyageur voit apparaître à gauche devant le Djebel
Sulldh un énorme rocher de granit détaché de la
montagne qui semble vouloir barrer le chemin. C'est le
Hési el-Khattatin, le rocher traditionnel d'Horeb ou de
Raphidim (fig.222). Les méandres de la gorge aride s'ac-
centuent de plus en plus pendant la marche d'une heure
jusqu'à l'oasis A'el-Kessuéh, le Raphidim de la Pere-
grinatio Sylvise, où le sol se couvre d'une belle végé-
tation ; partout poussent de hautes herbes au milieu de
bouquets de tamaris, de nebqs et de seyals ; et de
multiples filets d'eau claire entretiennent une fraî-
cheur délicieuse. A une heure A'el-Késsuéh on arrive
à la pittoresque vallée A'Aleyât, qui, encaissée dans
des pics de granit, débouche à droite dans l'ouadi Fei-
ran. C'est le lieu très probable de l'attaque d'Israël
contre les Amalécites qui venaient lui barrer le pas-
sage dans l'oasis de Feiran. En effet, à ce point l'ouadi
Feiran débouche, entre le Djebel Tahunéh à gauche
et le petit Djebel Meharret à droite, dans l'oasis de
Feiran, nommée à bon droit « la perle du Sinaï»,
parce que tout y est gai, riant, animé; c'est vraiment
« le paradis terrestre des Bédouins ». A l'entrée occi-
dentale de l'oasis s'élevait jadis la ville épiscopale de
Pharan dont le nom rappelle le vaste désert qui s'étend
au nord de la presqu'île sinaïtique, appelé aujourd'hui
et-Tih, Voir Pharan, col. 187. Puisque le nom de
Pharan ou Paran, Ebers, Durch Gosen zum Sinai,
2» édit., p. 414, signifie « un pays montagneux sillonné
et déchiqueté par des ravins », il convenait aussi bien
à cette localité qu'au désert A'et-Tîh. Les Arabes pour-
tant ont transformé le mot Pharan en celui de Feiran
985
RAPHIDIM — RAPHON
986
qui veut dire « fertile ». Diodore de Sicile, m, 42,
semble déjà mentionner la palmeraie de l'oasis 60 ans
avant J.-C; et des auteurs du n= siècle parlent du
« bourg de Pharan ». Mais, seulement plus tard, la
localité, devenue chrétienne, prit de l'importance.
Elle fut habitée par un grand nombre de moines et
d'anachorètes, et devint le siège d'un évêché, vers l'an
400. Ce siège était vacant à l'époque ou les musulmans,
après la conquête de l'Egypte et de la Syrie par Omar,
s'établirent en grand nombre dans la fertile oasis, en
usurpèrent les propriétés et chassèrent les moines et
Ja plupart des chrétiens. La ville, ainsi abandonnée,
tomba bientôt en ruinés; au xip siècle, sous la domi-
nation des rois latins, elle se releva un peu; mais après
leur départ déchut rapidement jusqu'à l'état de com-
plète ruine où elle se trouve à présent.
III. Histoire. — Raphidim est resté célèbre à cause
de l'eau que Moïse y fit jaillir, de la victoire sur Amalec,
et, d'après quelques interprètes, de la visite de Jéthro
à Moïse. — Les Israélites vinrent à Raphidim par l'iti-
néraire dont nous avons parlé. L'eau manque aujour-
d'hui complètement le long de ces routes. S'il en était
de même au temps de l'exode, la marche dut être pré-
cipitée; cependant nous ne savons pas combien de
temps elle dura, parce qu'Alus, la dernière station
que les Hébreux quittèrent pour venir à Raphidim est
inconnue. Cf. Alds, t. i, col. 434. Ils eurent à emporter
dans des outres une provision d'eau pour le trajet ; mais
il semble que le peuple s'attendait à trouver des sour-
ces à Raphidim. Quand on y fut arrivé, l'eau sur laquelle
on avait compté manqua. Les Israélites, qui, depuis
Elim ou au moins depuis la station dans le désert de Sin,
prés des sources de VAïn-Dhafary et de VAïn-Markha,
n'avaient eu que la quantité indispensable pour étan-
cher leur soif, éclatèrent en murmures contre Moïse :
Exod., xvn, 2-4. Dieu alors ordonna à Moïse de frapper
le rocher d'Horeb, et il en jaillit de l'eau en abondance.
Moïse donna à ce lieu le nom de Massah et Méribah,
que la Yulgate, Exod,, xvn, 7, traduit « Tentation »,
parce que les enfants d'Israël avaient contesté et tenté
le Seigneur. Cf. Num., xx, 2, 13. Voir Massah, t. iv,
col. 853.
Très probablement les Israélites, après la halte de
Raphidim, lorsqu'ils se remettaient en route pour le
Sinaï, rencontrèrent les Amalécites, qui venaient leur
barrer le passage à travers l'pasis Feiran, au point où
cet ouadi reçoit l'ouadi Aleyât et est dominé par le
Djebel el-Tahunéh. Les Amalécites, tribu belliqueuse
du désert, capable de lutter contre des forces considé-
rables, se partageaient la péninsule sinaïtique avec les
Madianites amis de Moïse, qui était, gendre de l'un
d'entre eux, c'est-à-dire de Jéthro. Ils descendaient
d'Abraham par un de ses arrière-petits-fils, Àmalec, qui
leur avait donné son nom, Gen., xxxvi, 12, 16, et occu-
paient le déserl de Pharan, c'est-à-dire une partie du
désert ûeliVi. Voir X»kLÉcsTï.s, t. i, col. 428-430; Pha-
ran, t. v, col . 187-189. Ils avaient entendu parler de l'ap-
proche de la nombreuse armée des Israélites, et ils cru-
rent sans doute qu'elle avait des projets de conquête; ils
s'assemblèrent donc au premier endroit qui leur parut
propice pour arrêter l'ennemi dans sa marche et l'em-
pêcher de s'établir solidement dans la péninsule. L'en-
droit comme désigné à l'avance c'était le défilé étroit,
sinueux de Feiran, bien approvisionné d'eau de leur
côté, sans eau du côté d'Israël, entouré de rochers
escarpés, couvert de végétation, à l'abri d'une attaque
de flanc, offrant tous les avantages désirables pour
battre en retraite, dans le cas d'une défaite. D'autres
raisons sans doute déterminèrent les Amalécites dans
leur choix. Cette belle oasis, avec ses bosquets fertiles
et ses eaux courantes devait être leur possession la
plus chère de la péninsule. Probablement aussi on
n'oublia pas que les Israélites, après un voyage telle-
ment long par une route sans eau, devaient être affai-
blis, fatigués et mourant de soif, Deut., xxv, 18; on
avait donc lieu de penser qu'une attaque contre eux.
avant qu'ils pussent atteindre les eaux de Feiran
serait couronnée de succès. Enfin, la configuration des
vallées latérales qui entouraient la position occupée par
les Israélites favorisait ce genre de guerre, qui consis-
tait à harceler l'ennemi par le flanc et par derrière, et
auquel fait allusion le Deutéronome, xxv, 17-18.
H. S. Palmer, Sinaï, p. 199-200. Josué, à la tête des
Hébreux, soutint l'assaut des Amalécites. Dieu donna
la victoire à son peuple, grâce aux prières de son ser-
viteur Moïse, qui pendant la bataille se tint, les mains
levées et soutenu par Aaron et Hur, sur le sommet du
Djebel el-Tahunéh, le gibe'âh de l'Exode, xvn, 9. Ici,
à l'abri des traits et des flèches de l'ennemi, il pouvait
aisément suivre toutes les péripéties du combat et in-
tercéder pour les siens. Quand la défaite d'Amalec fut
complète, Moïse éleva, en actions de grâces, un autel
auquel il donna le nom de Jéhovah-Nessi, « le Seigneur
est ma bannière », peut-être sur la colline voisine,
appelée' aujourd'hui Djebel Meharret. Cf. Yigouroux,
La Bible et les découvertes, t. H, p. 489.
D'après divers commentateurs, la visite de Jéthro à
Moïse, après la défaite des Amalécites, voir Jéthro,
t. m, col. 1322, eut lieu à Raphidim. Fillion, La
Sainte Bible commentée, Paris, 1899, t. i, p. 245;
Crelier, Comment, de l'Exode, Paris, 1895, p. 148;
De Hummelauer, Cpmm. in Exodum et Leviticum,
Paris, 1897, p. 183. 11 faut cependant observer que les
Israélites ne se sont pas arrêtés longtemps dans leur
campement de Raphidim. Ils étaient arrivés le 15 e jour
du second mois au désert de Sin, Exod., xvi, 1, et le
l" ou le 3 e jour du troisième mois ils avaient déjà
atteint le désert de Sinaï, Exod., xix, 1. S'il est possi-
ble que le prêtre madianite ait eu le temps de rencon-
trer Moïse à Raphidim, après avoir appris sa victoire
sur Amalec, il dut le suivre au désert de Sinaï. Cf. Cal-
met, Comment, in Exodum, Lucques, 1730, t. i, p. 467,
suivi par un assez grand nombre de critiques modernes,
entre autres Dillmann, Die Bûcher Exodus und Levi-
ticus, Leipzig, 1880. A. Molini.
RAPHON (Tatptôv), ville de la Galaaditide ou
Transjordane, près de laquelle Judas Machabée rempor-
ta une insigne victoire sur le général gréco-syrien
Timothée. I Mach., v, 37. — 1° Judas et son frère Jonathas
avaient passé le Jourdain pour aller assister les Juifs
persécutés par les païens au milieu desquels ils ha-
bitaient. Déjà Judas s'était emparé d'un grand nombre
de villes qu'il avait livrées aux flammes et avait exter-
miné ou dissipé les forces ennemies. Avec une nou-
velle armée, formée de toutes les nations environnantes
et forte de 120000 fantassins et de 2500 cavaliers,
Timothée avait établi son camp en face de Raphon,
près du torrent. Judas le cherchait, à la tête d'une
armée de 6 (100 hommes seulement. A son approche, \e
général gréco-syrien dit à ses officiers : « Si Judas tra-
verse la rivière et passe le premier de notre côté, nous
ne pourrons soutenir son choc. S'il craint, au contraire
de venir à nous et dresse son camp au delà du torrent,
passons à lui et nous serons vainqueurs. » En arrivant
Judas plaça les scribes près de la rivière avec l'ordre
de faire passer tout le monde pour prendre part au
combat. Il passa lui-même le premier et tous les sol-
dats le suivirent. Les ennemis ne purent soutenir l'im-
pétuosité de l'attaque : ijs s'enfuirent vers Carnaïm tom-
bant sur leurs propres armes ou s'écrasant les uns les
autres. Sans compter ceux qui périrent de cette ma-
nière, Judas en extermina encore trente mille. Timo-
thée tomba entre les mains de ûosithée et de Sosipater,
généraux de Judas. Sur ses supplications et sa pro-
messe de reudre tous les Juifs détenus par lui, il fut
987
RAPHON — RASIN
988
relâché. I Mach., v, 36-43; H Mach., xji, 20-25.
Cf. Ant. jud., XII, vin, 4.
2» Pline l'ancien, B. N., v, 18, compte Raphana
d'Arabie parmi les villes de la Décapole. Le nom de
Capiloliade qui se trouve, au lieu de Raphana, parmi
les villes de la Décapole énumérées par Ptolémée, Gèogr.,
v, 15, a fait supposer à quelques auteurs que Raphon
ou Raphana n'est pas différente de Capitoliade. Cf.
Rich. v. Riess, Eiblische Géographie, Fribourg-en-
Brisgau, 1872, p. 29 et 80; Buhl, Géographie des Allen
Palàstina, Leipzig, 1896, p. 249-250. Capitoliade est
communément identifiée avec le village actuel de Beit-
Râs, situé à quatre kilomètres au nord d'irbid de
'Adjlûn, et à vingt kilomètres au sud-est d'el-Mezeirxb
identifié par quelques-uns avec Carnaïm ou Camion
des Machabées et où se voient de nombreuses ruines
gréco-romaines. Cf. G. Schumacher, Northern 'Adjlûn,
Londres, 1889, p. 154-168. La plupart des auteurs n'ad-
mettent pas cette identité et il est certain que l'on n'a
pas toujours recensé les mêmes villes parmi les dix de la
confédération décapolite. Voir Décapole, t. n, col. 1334.
— Quelques uns ont proposé de voir Raphon dans
Tell es-èihdb, « la colline des Braves », grand village,
avec des ruines anciennes, situé à cinq kilomètres à
)'ouest-sud-ouest A' el-Mezeirîb et sur le bord d'un des
principaux affluents du Yarmouk. Cf. Buhl. loc. cit.,
et Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886,
p. 199-203. On ne voit pas de raison positive pour jus-
tifier ce choix. — Les géographes reconnaissent assez
généralement Raphon dans Ràféh, dont la similitude
du nom est incontestable. Râféh est un village situé à
quinze kilomètres à l'ouest de Bosr el-Hariri du Ledjà
et à treize au nord-est de Seih-Sa'ad, le chef-lieu ac-
tuel du Hauran. Ce Bosr est très probablement Bosor,
la dernière ville nommée, I Mach., v, 36, dont Judas
venait de s'emparer, et c'est autour de Seith-Sa'ad que
l'on cherche Astaroth-Camaïm et Camion où se réfu-
gièrent les débris de l'armée de Timothée après la
bataille de Raphon. Le torrent sur le bord duquel
se livra le combat pourrait être l'ouad 'el-Lebuah qui
n'est guère distant que de trois kilomètres, au nord-
est de Ràféh, L'ouadi-Qanauât qui court à la même
distance au sud-est pour aller rejoindre l'ouadi précé-
dent, n'a guère d'eau qu'au moment des grandes pluies
de l'hiver. Cf. R. C. Cpnder, Tent-Work in Palestine,
Londres, 1878, t. n, p. 344; Armstrong, Names and
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 144;
Rich. von Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Br., 1887,
p. 25. Cf.; Carnion, t. n, col. 306-308; Judas Macha-
bêe, iv, t. m, col. 1794. L. Heidet.
RAPHU (hébreu : Râfû'; Septante : 'Pacoû), fils de
Phalti, de la tribu de Benjamin. Il fut choisi au nom
de cette tribu pour aller explorer la Terre Promise, du
temps de Moïse, avec les onze autres espions israélites.
Num., xiii, 9.
RAPINE (hébreu : bésa', gâzêl, gezêlâh, péréq;
Septante : àfTzxirt, «pitaYC-ôç; Vulgate : rapina), sous-
traction du bien d'autrui à l'aidé de la violence. La
rapine s'exerce à découvert, par un plus fort au détri-
ment d'un plus faible. Elle se distingue ainsi des
atteintes au bien d'autrui exécutées en cachette ou par
ruse. Voir Fraude, t. n, col. 2398 ; Injustice, t. m,
col. 878; Vol. — La loi condamnait celui qui avait
exercé la rapine à restituer ce qu'il avait pris, avec un
cinquième en plus, sans compter le sacrifice de répa-
ration auquel il était obligé. Lev., VI, 2. — Jéthro con-
seilla à Moïse de choisir^ pour juger le peuple, des
hommes ennemis de la rapine. Exod., Xvm, 21. La
rapine est signalée de temps en temps par les écrivains
sacrés. Les fils d'Héli, I Reg., n, 12, puis ceux de
Samuel s'en rendirent coupables. I Reg., vjii, 3. (1 est
recommandé de ne pas mettre son espoir dans la ra-
pine, Ps. lxii (lxi), 11, et de longs jours sont promis
au prince qui hait la rapine. Prov., xxvm, 16. Dieu la
hait également, Is., lxi, 8, et le juste s'en détourne.
Is., xxxiii, 15. Mais il en est qui s'y adonnent. Is., m,
14; xlii, 22; Lvii, 17. Jérémie, xxii, 17, accuse les rois
de Juda d'avoir les yeux et le cœur tournés à la rapine.
Ézéchiel, xvm, 7, 12; xxn, 17, 29, signale ses progrès
parmi ses compatriotes; ceux-là seuls sont justes qui
s'en abstiennent. Ezech., xvm, 16. Amos, m, 10, re-
proche aux riches d'entasser dans leurs palais le fruit
de leurs rapines, et Malachie, i, 13, dit qu'on ose offrir
au Seigneur des victimes qui sont le fruit de la rapine.
Nahum, m, 1, annonce à Ninive le châtiment que vont
lui attirer ses rapines. Au temps de Notre-Seigneur,
les scribes et les pharisiens étaient à l'intérieur pleins
de rapine et d'intempérance. Matth., xxnr, 25; Luc,
il, 39. — Les premiers chrétiens souffraient avec joie
la rapine dont leurs biens étaient l'objet. Heb., x, 34.
Voir Proie, col. 704. H. Lesêtre.
RASCHI (Rabbi Salomon Jarchi), rabbin juif, né à
Troyes en Champagne, en 1040, mort dans cette ville,
le 13 juillet 1105. C'est le plus célèbre des rabbins
français du moyen âge. Son père s'appelait Isaac et c'est
de là que lui est venu le 'surnom d'Isaaki. Son nom
lui-même est formé par les initiales des mots Rabbi
Schelomo Isaaki. Il est souvent cité sous le nom de
Jarchi, par confusion avec un autre Salomon de Lunel,
et comme ce mot Jarchi, en hébreu, signifie « de la
lune », plusieurs en ont conclu à tort qu'il était origi-
naire de Lunel, en Languedoc. Il fit de bonne heure de
grands progrès dans l'étude de l'Écriture Sainte et du
Talmud, qu'ilétudia à Worms et dont il fut le premier
et le plus utile commentateur. Pour perfectionner ses
connaissances il alla, dit-on, visiter les écoles juives
d'Egypte, de Perse, d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie;
ses voyages sont considérés aujourd'hui comme légen-
daires. Il a semé ses écrits de fables et d'allégories ;
cependant il s'attache surtout à l'explication littérale
de l'Écriture, en rapportant dans leurs termes mêmes
les opinions des rabbins les plus accrédités. Son style
est concis, mais obscur et bariolé de termes hébreux,
chaldêens, rabbiniques et français, ce qui ne l'a pas
empêché d'être cité par les commentateurs chrétiens,
Nicolas de Lyre, Siméon de Muis, etc. — Ses principaux
écrits scripturaires sont : Commentarius in Penlateu-
chuni, en hébreu, Reggio, 1475 (sans le texte; avec le
texte à Bologne, en 1482), et souvent depuis, Francfort
a. M., 1905; Commentarius in Canticum, Ecclesiasten,
Ruth, Ester, Daniel, Esdram, Nehemian, in-4°, Naples,
1487, etc. Le. commentaire sur le Pentateuque est le pre-
mier livre hébreu daté qui ait été imprimé. Dans l'édi-
tion de Bologne de 1482, le commentaire fut placé en
marge du texte, et c'est le premier commentaire imprimé
de la sorte. Les commentaires de Raschi ont été à leur
tour l'objet de nombreux commentaires, à cause de leur
réputation. On lui a attribué beaucoup d'autres ouvrages,
dont plusieurs ne sont pas de lui. — Voir Georges, Le
Rabbin Salomon Raschi, dans V Annuaire administra-
tif du département de VAv.be, 1868, part. 2; Kronberg,
Raschi als Exeget, Halle, 1882; A. Berliner, Beitràge
zur Geschichte der Raschi-Commentare, in-8°, Berlin,
1903; Jewish Encyclopedia, t. x, New-York, 1905, p. 324-
328; Schlôssinger, Raschi, hit lif.e and his work, Bal-
timpre, 1905.
RASIN (hébreu : Resîn ; Septante : 'Pâaiv), nom
d'un roi de Damas et d'un chef de Nathinéens.
1. RASIN (hébreu : Resîn, Septante : 'Poatv, 'Paaa-
aiiv), roi de Damas, qu'on peut considérer comme le
second du nom. Voir Damas, t. u, col. 1225. D'après les
RASIN — RAT
990
inscriptions cunéiformes, son nom aurait dû être
écrit psi, Ra?ôn, au lieu de \'f\, car l'assyrien est
Ra-sun-nu. Ce prince, qui ne nous était connu
que par la Bible, l'est aussi maintenant par des docu-
ments assyriens, qui rapportent pour le fond les
mêmes événements. Le nom de Rasin se lit quatre fois
dans les fragments de l'inscription des Annales de
Théglathphalasar III, roi de Ninive, lig. 83, 150, 205,
236. P. Rost, Die Keiîschriftteocte Tiglat-Pilesers IU,
in-12, Leipzig, 1893, p. 14, 26, 34, 38. Le conquérant
assyrien le nomme comme roi de Damas (lig. 83, 150,
205); il nous dit (lig. 205) qu'il s'empara de la ville de
Jjladara, résidence du père de Rasin de Damas, où il
était né; il l'énumère parmi ses tributaires (lig. 83-84,
150) et, dans ce dernier passage, il le place entre Kus-
taspi de Qummuf,i, Mi-ni-fyi-im-mi Sa-mi-ri-na-ai,
« Manahem de Samarie », et Hirom de Tyr. Il raconte,
lig. 191, 210, sa campagne contre Rasin. Ces lignes
sont très mutilées, mais ce qui en reste nous montre
que, en 733-732 (xn e , xin e et xrv e campagnes), Théglath-
phalasar voulut en finir avec le plus puissant de ses
ennemis; il le battit, malgré une résistance longue et
opiniâtre; il l'enferma et l'assiégea dans Damas, dont
il ravagea tous les alentours, rasa 591 villes de son
territoire et en fit prisonniers les habitants; il ter-
mina la guerre par la prise de Damas. Rost, ibid.,
p. xxx, xxxiv.
Ces inscriptions confirment pleinement ce que
l'Écriture nous apprend de Rasin, roi de Damas.
D'après IV Reg., xvi, 3, et Isaïe, vu, 1-9, Rasin de Da-
mas 1 et Phacée d'Israël déjà ennemis de Juda sous
Joatharn, IV Reg., xv, 37, marchèrent contre Achaz,
son fils, roi de Juda, qui avait refusé de s'unir à eux
pour secouer le joug de Théglathphalasar auquel ils
étaient obligés de payer tribut. La nouvelle de cette
coalition remplit d'effroi les habitants de Jérusalem
et ils devinrent tremblants comme les feuilles des
arbres agitées par le vent, Is., vu, 2, lorsque les deux
alliés vinrent assiéger la capitale. Isaïe tenta en vain
de les rassurer, au nom du Seigneur, contre les me-
naces de « ces deux bouts de tisons fumants ». Is.,vn,
4. Rasin et Phacée ne purent s'emparer de Jérusalem,
mais le roi de Damas, descendant au sud du pays, alla
prendre Élath sur le golfe Élanitique, fit de nombreux
captifs dans le royaume de Juda et les déporta à Da-
mas, pendant que Phacée, de son côté, infligeait à
l'armée de Juda une sanglante défaite. IV Reg., xvi,
5-6; II Par., xxvm, 5-8. Abattu par tous ses désastres,
Achaz, jeune roi de vingt ans, compta plus sur son
habileté politique que sur le secours de Dieu, que lui
promettait Isaïe. Il résolut de réclamer l'aide du roi de
Ninive; prenant l'or et l'argent qui étaient dans les tré-
sors du Temple, il l'envoya en tribut à Théglathphala-
sar, afin d'obtenir de lui son intervention immédiate.
jt. 8-9. L'occasion était trop belle pour le roi d'Assyrie,
jl ne se fit pas prier ; il porta aussitôt la guerre dans le
royaume d'Israël. A son approche, Phacée fut mis à
mort par ses propres sujets et Théglathphalasar, dans
ses inscriptions, s'attribua à tort ou à raison d'avoir
donné le trône à Osée. Voir Osée 2, t. iv, col. 1905. — Il
ne devait pas triompher aussi facilement de son second
ennemi, Rasin, comme on l'a vu plus haut. Il ne lui
fallut pas moins de deux ans pour l'abattre, mais la
destruction fut complète. Le roi Théglathphalasar III
« prit Damas, lisons-nous IV Reg., xvi, 9, il emmena
les habitants en captivité à Kir et il fit mourir Rasin. »
Ce dernier détail ne se trouve point dans les fragments
des inscriptions de Théglathphalasar qui ont été pu-
bliées, mais Henry Rawlinson eut entre les mains une
tablette assyrienne, malheureusement égarée depuis en
Asie, qui confirme le fait rapporté par l'historien sacré.
G. Smith, The Armais of Tiglath Pileser II, dans la
Zeitsckrift fur âgyptische Sprache, 1869, p. 14. Voir
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6« édit., t. m, p. 519-526.
Dans le récit de la guerre de Rasin et de Phacée
contre Juda, il est dit, Is., vu, 6, que leur projet était
d'établir roi à Jérusalem le fils de Tabéel. Ce Tabéel est
inconnu. Quelques savants ont supposé qu'il pouvait
bien être le père de Rasin et que celui-ci était désigné par
les mots « fils de Tabéel », comme Phacée est désigné
par ceux de « fils de Romélie ». Is., vu, 4, 5, 9; vm, 6.
2. RASIN, un des chefs des Nathinéens qui retournè-
rent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zo-
robabel. I Esd., n, 48; II Esd., vu, 50. Les Septante
l'appellent 'Pao-t&v dans le premier passage et 'Poknkôv
dans le second. Le nom de ce Nathinéen n'étant pas
israélite indique sans doute une origine étrangère.
RASOIR (hébreu : môrâh, fa'ar; Septante : lupôv,
dt'Sïlpo;, « fer »; Vulgate : novacula, ferrum), lame
effilée servant à couper au ras de la peau les cheveux,
la barbe, les poils, etc. — Le rasoir ne devait pas tou-
cher celui qui avait fait le vœu de nazaréat. Num., vi,
5. Ainsi en fut-il pour Samson, Jud., xm, 5; xvi, 17, et
pour Samuel. I Reg., i, 11. Par contre, au jour de leur
purification, les lévites devaient passer le rasoir par
tout leur corps. Num., vm, 7. — Le rasoir est l'image
de ce qui ravage de fond en comble. La langue perni-
cieuse est comparée à une lame de rasoir, parce qu'elle
détruit totalement la réputation du prochain. Ps. lu
(m), 4. Pour raser la Syrie et la Judée, le Seigneur
louera un rasoirau delà du fleuve, c'est-à-dire emploiera
le roi d'Assyrie, qui n'est pas d'ordinaire à son service,
et celui-ci rasera tout, de la tête aux pieds. Is., vu, 20.
Ézéchiél, v, 1, se sert de la même figure pour annoncer
la ruine de Jérusalem; il reçoit l'ordre de prendre une
lame tranchante, ftéréb, en guise de « rasoir de bar-
bier », et de la faire passer sur sa tête et sur sa barbe,
afin de tout enlever. Voir Barbier, t. i, col. 1456 et
fig. 450. H. Lesêtre.
RASSIS (FILS DE) (grec : Tio\ Tacra(;), peuplade
mentionnée seulement dans Judith, il, 23. La Vulgate
porte : Filii Tharsis, c'est-à-dire « fils de Tarse (en Ci-
licie) », Judith, n, 13. Holoferne ravagea leur pays dans
sa campagne contre l'Asie occidentale. Voir Tarse.
RAT (hébreu : 'akbar ; Septante : (j.îç; Vulgate :
mus), petit mammifère de l'ordre des rongeurs, muni
223. — Le rat.
de deux dents incisives et tranchantes^ chaque mâ-
choire, omnivore, très vorace et d'une extraordinaire
fécondité (fig. 223). — 1" Il y a de nombreuses espèces
de rats ; on en trouve dans tous les pays. On rencontre
en Syrie le rat proprement dit, la souris, la marmotte,
la gerboise, voir t. lu, col. 209, le campagnol, voir t. n,
col. 103, le loir et le hamster. Vingt trois espèces au
moins sont représentées en Palestine, dont trois espèces
de loirs parmi lesquels le plus grand de tous, le myoxus
glis; quatre ou cinq espèces de rats à courte qneue,
dont Yarvicola arvalis ou campagnol, qui ravagea les
991
RAT
RAVISSEMENT
992
champs des Philistins, I Reg.,.vi, 4, 5, n, 18; six
espèces de rats des sables, psammomys ou gerbillus.
Ces derniers petits animaux ont le dos couleur cha-
mois clair et le ventre blanc; leur queue est longue et
touffue; ils terrent au désert dans les racines des buis-
sons, et dans les pays montagneux au creux des ro-
chers. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884,
p. 455, a,observé ces animaux aux environs de Jéricho.
« Le sol est ici entièrement miné, dit-il, par les gale-
ries profondes du psammomys obesus, espèce de gros
rat, à queue courte, à grosse lête, ressemblant à une
marmotte minuscule, et qui se tient assis sur un mon-
ticule artistement tassé non loin de l'ouverture de son
terrier. Du haut de son observatoire, il regarde avec
curiosité ce qui se passe autour de lui; mais au plus
petit bruit, à la moindre alarme, ces jolis animaux se
précipitent tête baissée et disparaissent avec rapidité
dans leurs cachettes profondes. Quelques voyageurs
ont confondu ce mammifère avec des gerboises, dont
Londres, 1889, p. 122. Au temps d'Isaïe, lxvi, 17, des
Israélites prenaient rendez-vous dans des jardins pour
y manger de la chair de porc et de 'akbàr. Ce dernier
mot désignait pour les Hébreux les différentes espèces
de rats. Quand les habitants de Béthulie sortirent de
leur ville pour attaquer les Assyriens, ceux-ci dirent :
« Ces rats sortent de leurs trous et nous provoquent au
combat. » Judith, xiv, 12. Au lieu de rats, les Septante
mettent ici des esclaves, SoO),ot, ce qui est bien moins
pittoresque et probablement moins vrai. Ils ont lu
□H3y au lieu de d'imt, avec omission du ; et change-
ment du t en -j. Une caricature égyptienne (fig. 224)-
représente une armée de rats assiégeant un fort défendu
par des chats. Ces rats figurent les soldats du pharaon
attaquant les défenseurs des villes syriennes.
3° Dans Isaïe, n, 20, il est dit, d'après la Vulgate, que
l'homme rejettera les idoles qu'il s'était faites, les taupes
et les chauves-souris qu'il adorait. Les Septante rem-
placent les taupes par des a, choses vaines », y.axat'a.
224. — Bats assiégeant une ville défendue par des chats. D'après Lepsius, Auswahl der wichtigsten Urkunden, pi. xxm B.
il diffère absolument. Ces rongeurs sont très nombreux
dams les endroits sablonneux et assez élevés pour
n'être point atteints par les inondations du fleuve. Ils
vivent en familles et se creusent des retraites placées
les uûes à côté des autres. L'entrée principale de ces
demeures souterraines se trouve ordinairement à la
base d'un arbrisseau, non loin du tumulus où l'animal
se met aux aguets lorsqu'il est inquiet. Les galeries
sont souvent multiples et communiquent les unes avec
les autres, ce qui rend très difficile la capture de leurs
habitants. Dans celles que nous avons éventrées, nous
avons trouvé, à plus de trois pieds, de profondeur, un
élargissement, une espèce de chambre plus ou moins
circulaire dans laquelle la femelle avait déposé ses
petits, au nombre de six à huit. Le nid était formé de
fines tiges de graminées desséchées. » Le hamster ou
rat des blés, cricetus auritus, exerce de grands ra-
vages dans les céréales pour s'assurer ses provisions
d'hiver. Le rat porc-épic ou acomys fréquente les
ravins et les pays arides des environs de la mer Morte
et du désert du sud. On en connaît plusieurs espèces.
C'est un joli petit animal, couleur de sable clair en
dessus et blanc en dessous. Son nom lui vient de ce
qu'il porte sur le dos des poils raides comme ceux du
hérisson.
2° La loi mosaïque range le 'akbar au nombre des
animaux qu'il n'était pas permis de manger. Lev., xi,
29. Il y a des Arabes qui mangent la gerboise, plusieurs
espèces de loirs et le rat des sables appelé psammomys
obesus. Cf. Tristram, The natural History of the Bible,
Le terme hébreu correspondant est hepor-pêrôt , qui
ne se trouve qu'en cet endroit et paraît devoir se rat-
tacher aux verbes hdfar et pd'ar qui tous deux signi-
fient « creuser ». Pour la Vulgate, il s'agit d'un animal
qui creuse, mais a quelque analogie avec la chauve-
souris, la taupe. Voir Taupe. D'autres pensent qu'il est
plutôt question du rat, qui creuse aussi et est appelé
farah par les Arabes. En tous cas, la chauve-souris, la
taupe et le rat n'étaient pas adorés comme des divinités.
Le texte hébreu doit se traduire : l'homme jettera ses
idoles « aux rats et aux chauves-souris. » Les taupes
n'attaquent que ce qui, est sous terre. Les rats convien-
nent donc mieux ici, puisqu'ils rongent ce qu'on leur
abandonne sur le sol. H. Lesêire.
RATIONAL, ornement du grand-prêtre. Voir Pec-
toral, col. 18; Pierres précieuses, col. 422.
RAVISSEMENT, état extatique dans lequel l'âme,
soudainement soustraite aux impressions externes, se
trouve mise en face d'une vision qui la subjugue par
son caractère extraordinaire, inattendu et grandiose. A
la manifestation surnaturelle qui constitue la simple
vision s'ajoute donc, dans le ravissement, une action
puissante exercée par Dieu sur l'âme pour l'abstraire
de son milieu naturel et la transporter dans un monde
tout surnaturel, df. Ribet, La mystique divine, Paris,
1879, t. i, p. 284. — Il est possible que certains pro-
phètes aient eu de véritables ravissements, comme
Isaïe, vi, 1-13; Ezéchiel, I, 28; n, 1-10, ni, 12, etc. Mais
993
RAVISSEMENT
RAZIAS
994
ils ne le disent pas d'une manière positive, de sorte
qu'on ne peut savoir si l'action dont ils étaient l'objet
allait au delà de la simple vision. Les écrivains du Nou-
veau Testament sont plus explicites. A la montagne de
la transfiguration, les trois apôtres Pierre, Jacques et
Jean sont abstraits du monde extérieur par le spectacle
qui se déroule à leurs regards, si bien que Pierre,
saisi de crainte et ne sachant pas ce qu'il disait, Marc,
[X, 5, par conséquent hors de lui, propose de dresser
des tentes, sans se douter qu'il est transporté hors du
monde naturel. Matth., xvm, 4; Marc, ix, 4, 5; Luc,
IX, 32, 33. A Joppé, saint Pierre aune extase, exrrracriî,
mentis excessus, Act., x, 10, qui se répète deux autres
fois, et dans laquelle une vision lui signifie ce que Dieu
attend de lui. Lui-même distingue très bien deux phé-
nomènes différents : « J'ai vu, dans une extase, une vi-
sion. » Act., xi, 5. — Saint Paul a été violemment en-
levé, ïpniyr,, raptus esf,jusqu'au troisième ciel, jusque
dans le paradis, et il y a vu des choses que l'homme
ne saurait exprimer. Mais il ne peut pas savoiv s\ \e
ravissement a porté sur le corps el l'âme ou bien sur
l'âme seule. Il Cor., xii, 2, 4. Il affirme deux fois de
suite le même fait, dont l'objectivité est pour lui indu-
bitable, bien qu'il n'ait pas eu pleine conscience des
conditions dans lesquelles il se produisait. Mais l'igno-
rance de ces conditions - importe peu, puisque le ravis-
sement n'est qu'un moyen qui a pour fin la révélation
que Dieu veut faire à une âme. Le « troisième ciel », le
« paradis » sont ici des expressions mal définies pour
nous, par lesquelles saint Paul indique que son ravis-
sement l'a mis en rapport immédiat et surnaturel avec
Dieu. Le livre des Secrets d'Hénoçh compte sept cieux,
dont le troisième est celui des bienheureux. Ce troi-
sième ciel est au-dessus du ciel atmosphérique et du
ciel sidéral. Rien ne prouvé que saint Paul admette
sept cieux; il ne fait qu'identifier le troisième ciel avec
le paradis, séjour dans lequel il est entré en relation
surnaturelle avec Dieu. Voir Ciel, t. n, col. 755; Cor-
nély, Altéra Epist. ad Corinthios, Paris, 1892, p, 317,
318. Le ravissement dont parle saint Paul remonte à
quatorze ans en arrière. II Cor., xir, 2. Peu de temps
après son baptême, il avait eu, dans le Temple même
de Jérusalem, une extase au cours de laquelle le Sei-
gneur lui commanda de quitter cette ville, qui ne rece-
vrait pas sa prédication. Act., xxir, 17. — A Patmos, un
dimanche, saint Jean fut âv nii.\i\i.azi, in spiritu, c'est-
à-dire ravi en esprit, pour recevoir les révélations di-
vines. Apoc, î, 10. — Les Pères expliquent que, dans
l'extase et le ravissement, l'âme est soustraite à l'in-
fluence des sens et du monde extérieur, mais qu'elle
ne cesse point d'être pleinement consciente et libre. Cf.
Origène, In Ezech., hom. ix, 1, t. xm, col. 739; S. Ba-
sile, In ls., Proœm., xm, 1, t. xxx, col. 125, 565;
S. Jean Chrysostome, In Ps. sliv, t. i,v, col. 184; In I
ad Cor., hom. xxix, 2, t. lxi, col. 242; S. Jérôme, In
ls. Prol-, t. xxiv, col. 19; In Nah., Prol., t. xxv,
col. 1292; In Eph., m, 2, t. xxvi, col. 510, etc. Cette
abstraction des sens a pour but et pour effet de rendre
l'âme plus apte à saisir les communications divines.
Cf. S. Augustin, Ad Sirnplic, n, q. I, 1, t. xl, col. 130;
In Ps. lsvii, 36, t. xxxvi, col. 834, etc. Elle ne produit
aucun désordre dans les facultés naturelles de l'homme
et n'a par conséquent rien de commun avec l'aliénation
mentale et la divagation intellectuelle. Cf. S. Thomas,
Sitm. theol-, II a II*, q. clxxui, a. 3; Sainte Thérèse,
Vie écrite par elle-même, trad. M. Bouix, Paris, 1880,
p. 151, 227, 326. H. Lesêtre.
RAYON (hébreu : qerén; Septante : àxi::; Vul-
gate : radius), lumière émise par un foyer et se propa-
geant en ligne droite. L'hébreu n'a pas de mot particu-
lier pour désigner le rayon lumineux; il se sert pour
cela du mot qérén, « corne », employé seulement au
DICT. DE LA BIBLE.
duel, qarnayîm, Hab., m, 4, parce que les rayons lu-
mineux partent de leur foyer comme les cornes de la
tête de l'animal. — Les rayons du soleil chassent le
brouillard, Sap., il, 3, et éblouissent les yeux. Eccli.,
xliii, i. Les premiers rayons faisaient fondre la manne-
Sap., xvi, 27, — Habacuc, m, 4, décrivant une théo-
phanie, dit de Dieu : « C'est un éclat comme la lu.
mière, des rayons partent de ses mains, là se cache sa
puissance. » Dieu est comparé à un soleil éclatant; de
ses mains et de toute sa . personne s'échappent des
rayons de lumière éblouissante. Comme il s'agit ici et
dans les versets suivants de la puissance de Dieu, il se
pourrait que les rayons dont parle le prophète soient
ceux de la foudre. — Quand Moïse descendit du Sinaï,
à la suite de ses communications avec Jéhovah, « la
peau de sa face rayonnait, » qâran, et il la voilait
pour parler aux enfants d'Israël. Exod., xxxiv, 29-35.
Les Septante traduisent par Zzio\mma'., « était glorifiée ».
La Vulgate rend trop servilement le verbe qâran, cor-
nuta eral, « avait des cornes ». Il s'agit ici de rayons
et non de cornes, et ces rayons ne jaillissaient pas
seulement du front, mais de « la peau de la face »,
c'est-à-dire de toute la partie du visage que ne recou-
vraient pas les cheveux ou la barbe. — Dans la descrip-
tion du crocodile, l'auteur de Job, xli, 21, dit que le
dessous de son corps ressemble à des pointes de tes-
sons, haddûdê hàrés. Les écailles qui recouvrent le
ventre de la bête sont en effet comme des tessons tran-
chants et aigus, imbriqués les uns sur les autres. Les
Septante traduisent par àêtliav.oi ô£sîç, « des pointes
aiguës ». Dans la Vulgate, ces pointes de tessons de-
viennent des « rayons de soleil ». Il faut qu'au lieu de
w-in, « tesson », le traducteur ait lu uraur, Semés, « so-
leil ». Des pointes de soleil peuvent être les traits du
soleil, ses rayons; mais alors le texte n'a plus de sens,
si on l'applique au crocodile. — Par similitude, on
donne le nom de raies ou rayons aux pièces rectilignës
qui rayonnent autour du moyeu d'une roue et s'ajus-
tent dans les jantes qu'elles maintiennent. Ces rayons
s'appellent en hébreu hiSsuqîm, de hasaq, « joindre »;
Vulgate : radii. Il en est parlé à' propos des bassins
roulants fabriqués en airain pour le service du Temple.
III Reg., vu, 33. Voir Mer d'airain, t. iv, col. 987.
H. Lesêtre.
RAZIAS (grec : 'PaÇeîî), un des anciens de Jérusa-
lem qui, pendant les guerres de Judas Machabée, se
donna lui-même la mort pour ne pas être livré à Ki-
canor. Cet ennemi des Juifs envoya cinq cents hommes
pour le prendre, à cause de l'influence qu'il exerçait
sur ses coreligionnaires, et lorsque Razias vit qu'ils
mettaient le feu à la tour (texte grec) où il était ren-
fermé et qu'il ne pouvait leur échapper, il se frappa de
son glaive, « aimant mieux mourir noblement, dit l'au-
teur sacré, que de tomber entre les mains des pécheurs
et de subir des outrages indignes de sa naissance. »
II Mach., xiv, 42. Mais le coup qu'il s'était porté préci-
pitamment n'était pas mortel. Avec un courage héroï-
que, il courut sur le mur et se précipita dans le vide;
il se releva du sol couvert de sang et de plaies, tra-
versa la foule en courant et, se tenant debout sur une
pierre escarpée, il saisit ses entrailles des deux mains
et les jeta sur la multitude, en invoquant le maître de
la vie, afin qu'il les lui rendît de nouveau. C'est en
faisant cet acte de foi à la résurrection qu'il expira.
II Mach., xiv, 37-48. Un tel acte de courage devait
remplir d'admiration ceux qui en furent les témoins.
On ne peut néanmoins approuver sa conduite en elle-
même et l'on ne peut l'excuser que par la droiture de
ses intentions ou .par une inspiration divine particulière,
comme celle des martyrs qui se sont précipités eux-
mêmes dans les bûchers. « Sa mort, dit saint Augustin,
Cont. Gaudent., I, xxxi, 57, t. xnn, col. 729, fut plus
admirable que sage, et l'Écriture, en racontant sa mort
V. — 32
995
RAZIAS — RÉBECGA
996
telle qu'elle avait eu lieu, ne l'a pas louée comme l'ac-
complissement d'un devoir. i> Voir ibid., 36-37, col. 728-
729. Magna hsec sunt, écrit le même saint docteur, au
tribun Dulcitius, Epist., cciv, 8, t. xxxm, col. 941, nec
tamen bona.
RAZON (hébreu : Rezôn; Septante: 'Pe^wv, Alexan-
drinus : 'PaÇoJv), Syrien, fils d'Éliada. Divers savants
croient que son nom est le même que celui de Rasin,
poi de Damas (col. 988), mais il faut admettre alors
que l'orthographe en est fautive, car la seconde con-
sonne du nom est un zaïn, tandis qu'elle est un tsadé
dans le nom de Rasin. Tout ce que nous savons de lui
est résumé dans quelques mots de III Reg., xi, 23-25 ;
« Dieu suscita un autre ennemi à Salomon : Razon, fils
d'Eliada, qui s'était enfui de chez son maître Adadézer,
roi de Soba. Il rassembla des hommes auprès de lui, et
il était chef de bandes, quand David massacra les troupes
de son maître. Ces hommes allèrent à Damas, ils s'y
établirent 'et ils régnèrent à Damas. Il fut ennem
d'Israël pendant toute la vie de Salomon. Il régna sur
la Syrie. » Tout ce qu'on peut dire sur son compte en
dehors de ce passage n'est qu'hypothèse. On ignore
quelle était sa situation auprès d'Adadézer et comment
il s'empara de Damas. Ce fut peut-être après la défaite
du roi de Soba et avec les débris de ses troupes. Mais
à quel moment et de quelle manière, on ne saurait le
dire. Après sa victoire sur Adadézer, David avait établi
une garnison à Damas. II Reg., vin, 6. Combien de
temps se maintint-elle dans la ville? Est-ce Razon qui
l'en chassa? Impossible de le savoir. Ce qui est certain,
c'est que Razon et ses successeurs, appartenant sans
doute à la dynastie qu'il fonda, furent les ennemis les
plus acharnés et les plus irréductibles d'Israël, et que
Salomon fut le premier à souffrir de cette haine pro-
fonde.
Bénadad, roi de Syrie, du temps d'Asa de Juda,
est appelé, III Reg., xv, 18, «fils de Tab-Remmon,
fils d'Hézion. » Plusieurs exégètes en concluent qu'il
était petit-fils de Razon, qu'ils identifient avec Hézion,
Cette identification est possible ; elle n'est pas prouvée.
Le passage de Nicolas de Damas, rapporté par Josèphe,
Ant. jud., VIII, vu, 6, qui substitue Adad à Razon, n'a
aucune autorité et paraît lêtre le résultat d'une confu-
sion occasionnée par la version des Septante mal com-
prise.
RÉBÉ (hébreu : Réba' ; Septante : 'Poëôx, dans les
Nombres; 'Poëi, dans Josué), un des cinq chefs ma-
dianiles qui furent tués par les Israélites, du temps de
Moïse, pour se venger du mal qu'ils leur avaient fait
sous l'inspiration de Balaam. Num., xxxi, 8; Jos., xm,
21. Dane le premier passage, Rébé est qualifié: mélék,
« roi »; dans le second, nâsî', « prince ».
RÉBECCA (hébreu : Rïbqâh; Septante : 'Peêéxxa),
femme d'Isaac. Abraham, devenu vieux, voulut pourvoir
au mariage d'Isaac. Il envoya donc son serviteur Éliézer
en Mésopotamie, pour lui choisir une épouse dans son
pays d'origine. Voir Éliézer, t. n, col. 1678. Le servi-
teur, arrivé près de Nachor, s'arrêta auprès d'un puits,
rendez-vous naturel des gens de la ville. 11 vit bientôt
venir une jeune fille qui offrit gracieusement à boire à
lui et à ses chameaux. C'était Rébecca, fille de Bathuel,
qui lui-même avait eu pour mère Melcha, femme de
Nachor, le propre frère d'Abraham. Rébecca était ainsi
une petite nièce de ce dernier. Éliézer donna à la jeune
fille un anneau et deux bracelets d'or. Informé de ce
qui s'était passé, Laban, frère de Rébecca, vint au
puits et ramena chez lui Éliézer. Celui-ci raconta alors
qu'il venait de la part d'Abraham, et qu'il avait demandé
au Seigneur de lui faire connaître la jeune fille qui
devait devenir l'épouse d'Isaac : ce serait la première
qui consentirait à donner à boire à lui et à ses cha-
meaux. Bathuel, père de Rébecca, et Laban reconnu-
rent qu'il y avait là une indication de la Providence.
Ils accédèrent à la requête d'Éliézer, reçurent les pré-
sents qu'il leur offrit, et laissèrent Rébecca partir avec
lui pour le pays de Chanaan. Isaac pleurait encore la
mort récente de Sara, sa mère. Il se trouvait dans le
Négéb, voir t. iv, col. 1560, aux environs d'Hébron,
quand, un soir, il aperçut la caravane d'Éliézer. Le
serviteur lui raconta ce qui était arrivé. Isaac conduisit
Rébecca dans la .tente de Sara, l'épousa et se consola
auprès d'elle de la mort de sa mère. Gen., xxiv, 1-67.
Rébecca, d'abord stérile, eut ensuite deux jumeaux,
Ésaù et Jacob. Le premier, habile chasseur et homme
des champs, fut le préféré d'Isaac; l'autre, paisible et
sédentaire, eut l'affection de Rébecca. Un jour, £saû
vendit son droit d'aînesse à Jacob pour un plat de len-
tilles. Gen., xxv, 21-34. Rébecca songea alors à rendre
ce droit d'aînesse effectif en faveur du fils qu'elle ché-
rissait, d'autant plus que les femmes épousées par Ésaù
lui causaient plus d'un chagrin. Un jour, le vieil Isaac
demanda à son fils aîné de lui servir de sa chasse, et
celui-ci partit à la recherche du gibier. Aussitôt Ré-
becca, qui avait entendu ce qu'avait dit Isaac, fit pren-
dre deux chevreaux et les assaisonna suivant le goût
du vieillard. Puis, avec la peau, elle couvrit le cou et
les mains de Jacob, pour qu'il ressemblât à son frère
qui était velu, elle le revêtit des habits de ce dernier, et
elle lui commanda de porter le plat de chasse à Isaac,
en se faisant passer lui-même pour Ésaû. Le vieillard
avait les yeux trop obscurcis pour reconnaître son
second fils; au toucher, il le prit pour son aîné, bien
que la voix qu'il entendait lui persuadât le contraire,
et il lui donna la bénédiction qu'il réservait à Ésati.
— Il est certain que Jacob était autorisé à réclamer la
bénédiction paternelle qui consacrait le droit d'aînesse
cédé par Ésaii. Mais, puisqu'il était dans les desseins de
Dieu qu'il obtînt cette bénédiction, Rébecca eût dû
laisser à la Providence le soin de la lui faire donner.
Or, pour y parvenir, elle use de toute une série de
tromperies, dont Isaac ne paraît pas être absolument
dupe, puisqu'il reconnaît Jacob à sa voix, mais dont
elle aurait dû se dispenser. Il est vrai qu'en Orientées
sortes de procédés sont considérés bien plutôt comme
des coups d'adresse que comme des fraudes. Plusieurs
Pères ont excusé Rébecca. Saint Augustin a dit à ce
sujet : Non est mendacium, sed mysterium. Cf. Cont.
mendac, x, 23, 24; De mendac, v, 7, t. xl, col. 533,
491; De Civ. Dei, xvi, 37, t. xli, col. 515; S. Thomas,
Sum. theol., II a II e , q. ex, a. 3, ad 3 am . Saint Jérôme,
Apol. adv. Rufin., i, 18, t. xxm, col. 413, reconnaît le
mensonge, mais l'excuse. Les modernes sont moins
portés que les anciens à regarder .comme bonnes et
louables toutes les actions qui sont attribuées aux per-
sonnages bibliques. D'ailleurs l'intention des écrivains
sacrés n'est nullement d'approuver tout ce qu'ils ra-
content. Voir Jacob, t. m, [col. 1061.
.Dieu ratifia la bénédiction accordée à Jacob, puisqu'il
était dans ses desseins qu'il l'obtînt, mais celui-ci la
paya cher. Devant la colère d'Jisaû, qui parlait de le
tuer après la mort de son père, Rébecca résolut de
l'éloigner. Elle persuada à Isaac de l'envoyer en Méso-
potamie, afin de s'y marier avec l'une des filles de son
oncle Laban. Jacob partit donc. Lui, qui avait trompé
son père, fut joué par Laban, qui substitua Lia à Rachel
sur laquelle Jacob comptait et l'obligea à un dur service
pendant quatorze ans. A son retour en Chanaan, Jacob
ne retrouva plus sa mère, dont il n'est plus fait men-
tion et qui sans doute c était morte. Il est seulement
raconté que Débora, nourrice de Rébecca, mourut alors
et fut enterrée près de Béthel. Gen., xxxv, 8. Il est à
croire que, Rébecca étant morte, Débora avait cherché
à aller au-devant de Jacob. Isaac mourut ensuite à Hé-
997-
RÉBECCA. — RÉBLA
998
bran et fut inhumé dans la caverne de Makpélah.
« C'est là qu'on a enterré Abraham et Sara, sa femme,
C'est là qu'on a enterré Isaac et Rébecca, sa femme. »
Gen., xlix, 31. Sara était morte avant Abraham; la
place que ce texte assigne à Rébecca ne prouve donc
nullement qu'elle ait survécu à Isaac.
H. Lesètre.
RÉBLA, nom d'une ou deux villes de Syrie.
1. RÉBLA (hébreu : hâ-Biblâh, avec l'article, «la fer-
tilité »; Vaticanus :.,. ap BrjXà; Alexandrinus :
'ApêiXi. Le traducteur syriaque a lu T pour net trans-
crit Diblat), ville de la frontière orientale de la Terre
Promise. — Moïse, après avoir décrit la frontière
septentrionale décrit ainsi, Num., xxxiv, 10-12, la
frontière orientale : « Et vous tracerez votre frontière à
l'orient depuis IIô.sar'Ênàn à Sefâmâh; et la frontière
descendra de Sefâmâh à hà-Riblâh, à l'orient de 'Ain,
et la frontière descendra et s'étendra jusqu'au côté de
la mer de KinnéreJ, à l'orient. » La Vulgate, dans un
certain nombre de manuscrits et dans les éditions offi-
cielles, porte : descendent termini in Rebla contra fon-
tem Daphnim. Dans le targum de Jérusalem et la version
arabe de Sa'adiah, Rébla est remplacée par Daphni.
Plusieurs interprètes modernes croient la Rébla ici
nommée différente de « Rébla du pays d'Émath »,
plusieurs fois mentionnée ailleurs. Voir Rébla 2. La
frontière décrite par Moïse doit, suivant eux, désigner
la frontière du pays dont Josué allait bientôt les mettre
en possession, et ne peut remonter jusqu'au pays
d'Émath. L'appellation de Rébla d'Émath suppose, selon
le rabbin Schwarz, une autre ville du même nom dans
la terre d'Israël; celle-ci serait la Daphni de Sa'adiah,
identique à laDaphné deJosèphe voisine du lac Mérom,
aujourd'hui Dafnéh, ruine sur le bord du nahar el-
Léddân, à deux kilomètres au sud-ouest du tell. el-Qddi.
febuoth ha-Arei, Jérusalem, 1900, p. 33-34 et 507-508;
cf. Daphnis, t. h, col. 1293. — Pour Furrer, le vrai
nom de cette Rébla est Harbêl, comme l'indique la
transcription des Septante, el il l'identifie avec 'Arbîn,
village situé à cinq kilomètres au nord-est de Damas.
Antike Stàdte in Libanongebiete , dans Zeitschrift des
Palâstina-Vereins, t. vin (1885), p. 29. Cf. R. von Riess,
Bibel-Atlas, 1887, p. 25. — Le P. Van Kasteren ne croit
pas nécessaire de porter la frontière septentrionale de
Moïse auidelà du nahar Qasmiêh et de la ruine appelée
Serâdâ, dont le nom pourrait représenter la Sédâd ou
Sedadâh de la Massore, écrite dans le texte samaritain,
Num.,xxxiv, 8, SeradâheX Espace*, dans les Septante.
Rébla ou harbêl devrait ainsi se chercher plus au sud.
On pourrait le reconnaître soit dans le Zôr Ramliéh ou
dans tell Abîl, la célèbre Abila, situés tous deux à l'est
de 'Ayiûn, en face de l'extrémité sud-est du lac de Tibé-
riade; ou encore dans VHalibna de la carte historique
d'Armstrong. Cf. Van Kasteren, La frontière septen-
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique,
1895, p. 31-33; Chanaan (Pays de), t. n, col. 534-535.
L. Heidet.
2. RÉBLA, RÉBLATHA (hébreu, IV Reg., xxiii, 33 :
Ribldh; partout ailleurs avec le hé locatif : Riblâfâh;
Septante, IV Reg., xxiii, 33, Vaticanus : 'PeêXaotii ;
Alexandrinus : AeëXai; partout ailleurs le premier
transcrit 'PeêXaUi, le second AeëXaSâ; les traducteurs
syriaque et arabe ont également lu i au lieu de -i),
ville de Syrie dont le nom se retrouve dans celui d'er-
Ribléh.
I. Identification et description. — Le plus grand
nombre des interprètes modernes, avec tous les an-
ciens, voir REbla 1, reconnaissent une seule Rébla
bihlique. Suivant eux, l'indication, « dans le pays
•d'Émath », ajoutée à son nom, IV Reg., xxiii, 33; xxv.
21 ; Jer., xxxix, 5; lu, 9, 27, l'est simplement pour en
faire connaître la situation géographique, sans aucune
idée de distinction par rapport à une ville du même
nom. — Les anciens ayant souvent confondu Émath
avec Antioche, ont confondu de même Rébla avec elle,
ou ont cherché celle-ci dans son voisinage. « Riblâh,
c'est Antioche, » ditleTalmud deBabylone, Sanhédrin
96, 6. Il est suivi par Raschi et la plupart des commen-
tateurs juifs. Cf. Estori ha-Parchi, Caftor va-Phérach,
édit. Luncz, Jérusalem, 1899, p. 258 et 280. A Neu-
bauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 314.
Adoptant la même opinion et corrrigeant Eusèbe faisant
de Reblatha « le pays deBabylone », x^P« (ia8u).<i>v(<ov,
saint Jérôme ajoute : « ...ou plutôt c'est la ville appelée
aujourd'hui Antioche. » Onomasticon, édit. Larsow et
Parthey, p. 313. Le Talmud de Jérusalem, Schekalim,
vi, 4, la Pesikta rabbathi, ch. 3, voient Rébla dans
Daphné d' Antioche. Cf. Neubauer, loc. cit. ; Daphné,
t. ii, col. 1295. Saint Jérôme considère Daphné comme
un faubourg d'Antioche et l'identifie également avec
Rébla, ïn Ez., xlvii, t, xxv, col. 478. Cette identifica-
tion ne paraît avoir d'autre fondement que la confu-
sion commise par les copistes qui, pour Rébla, ont lu
Dëbla ou Devla, nom que les interprètes ont cru recon-
naître dans Daphné. Celui-ci a, en effet, était trans-
crit Dijlâ ou Diflé, (_yl-i.>, par les Arabes, qui le
donnent au laurier-rose. Quoi qu'il en soit, saint Jé-
rôme semble être revenu de cette erreur et la réfute,
In Amos, VI, 2, t. xxv, col, 1050. Distinguant deux
« Émath, la grande appelée Antioche et la petite autre-
ment dite Epiphanie, encore appelée Emmas », il
ajoute : « Si son nom a été altéré, elle en conserve
encore des vestiges et son territoire est appelé Rebla-
tha. » Il semble ainsi identifier Émath-Épiphanie avec
Rébla. Reblatha, selon Théodoret, appartient à la con-
trée d'Émèse, qui, pour lui, est l'Émath biblique.
In Jer., xxxix, t, lxxxi, col. 691. Le découverte faite
par Buckingham, entre Ba'albek et ffamah, à 32 kilo-
mètres au sud-ouest de R-oms, et publiée par lui en
1825, Travels among the Arab tribes, in-4», Londres,
1825, p. 481, d'une localité du nom Riblâ ou Ribléh, la
fît généralement adopter pour la Rébla biblique de Syrie.
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1258; voir Riess, Bibli-
sche Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 81;
F.deSaulcy, Dict. topographique de la Terre Sainte,
Paris, 1877, p. 259; Armstrong, Names and Places in
the old Testament, Londres, 1887, p. 248. Robinson,
Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. m,
p. 461; Id., Neuere biblische Forschungen in Palàs-
tina, in-8°, Berlin, 1857, p. 710-711.
L'histoire n'a conservé aucun détail suç la topographie
de l'ancienne Rébla et l'on n'y signale aucune ruine
remarquable, le choix qu'en font les rois d'Egypte et
de Chaldée poury établir leur quartier général, permet
cependant de croire que cette ville n'était pas sans
importance. Ribléh est aujourd'hui un tout petit village
syrien, formé d'une douzaine de maisons. Sa situation
est toutefois des plus avantageuse : bâtie sur la rive
droite du Nahar el-'Asy, -l'Oronte des anciens, au mi-
lieu des plaines fertiles et riantes de la Béq'ah, sur
la ligne du chemin de fer qui relie Alep et la haute
Syrie, avec Hamâh, Homs (Èmèse), et Ba'albek à la
ligne de Beyrouth-Damas, Ribléh semble^destiné à pren-
dre un plus grand développement. ^
II. Histoire. — Néchao II, roi d'Egypte, vainqueur
des Assyriens et maître de la Syrie jusqu'à l'Euphrate,
s'était arrêté à Rébla. Apprenant que les Juifs, après la
mort du roiJosias, avaient mis sur le trône, à sa place,
son fils Joachaz, il se le fit amener à Rébla où il le
chargea de chaînes et le retint prisonnier jusqu'à
son départ pour Jérusalem. IV Reg., xxm, 33; cf.
II Par., xxxv, 20. — Tandis que Nabuzardan, général
des troupes babyloniennes, poursuivait le siège de
Jérusalem où le roi Sédécias, troisième fils de
Josias, se défendait, le roi Nabuchodonosor était venu
999
REBLA
RÉCHA
100O-
en attendre l'issue à Rébla. La ville avait été prise,
après une année et demie; le roi de Juda en fuite
fut arrêté près de Jéricho et conduit à Rébla avec tous
ses enfanls. Là, le roi de Babylone fit comparaître
Sédécias devant lui; il fit égorger en sa présence ses
fils et tous les grands de Juda, puis il lui creva les
yeux et le fit conduire chargé de chaînes à Babylone.
IV Reg., xxv, 1-7; Jer., xxxix, 1-7. Gf. Ant. jud., X,
vm, 2, 5. Les monuments assyriens représentent les
rois d'Assyrie traitant de la sorte leurs prisonniers.
Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes, 6 e édit., t. Tvy p. 94-97, 153. Voir Sédécus.
L. Heidet.
REBNIAG (hébreu : in-3-1, rab-mâg; Septante :
T
'Paëa(j.ây [(x,0,t]). Ce mot est, non pas un nom propre,
mais un titre babylonien porté par Neregel-Serezer
(voir ce mot), l'un des officiers de Nabuchodonosor qui
prirent d'assaut Jérusalem, Jer., xxxix, 3, sous Sédé-
cias. Il désigne évidemment une fonction supérieure,
il faut le conclure du premier élément rab, qui signifie
« grand, chef « comme dans Rabsacès, Rabsaris, voir
col. 920, 921, mais la seconde partie du mot ne peut
s'interpréter que d'une façon très incertaine, et laisse
par conséquent douteux le sens exact de ce titre ; les
termes babyloniens dont il paraît être la transcription
ne nous offrent pas d'ailleurs un sens plus précis. La
plus ancienne interprétation voit dans la seconde par-
tie du mot, Mâf(oc), l'aryen maghu, mage; elle est
encore maintenue par Schrader dans Riehm, Handwôr-
terbuch des biblischen Alterlums, t. 1, p, 937-938, et
Schrader- Whïtebouse, The Cvneiform Inscriptions and
the OU Test., 1888, 1. 11, p. 110-114, où il essaie d'établir
une sorte d'influence réciproque de la Babylonie et de
la Médie au point de vue de la civilisation et de la reli-
gion : on sait par Hérodote que les mages étaient des
prêtres mèdes formant une caste ou tribu; et l'on voit
dans Eusèbe, Chron.,i, 5, 9, t. xix, col. 119-120, 124,
que Nabuchodonosor avait épousé une princesse mède
Amyitis. Mais rien ne prouve que le inagisme eût pé-
nétré en Babylonie et qu'il y eût un « chef des mages. »
Bien que pratiquant la divination comme tous ses con-
temporains, Nabuchodonosor nous apparaît dans ses
nombreuses inscriptions comme exclusivement fidèle à
la religion babylonienne, et nullement adepte du ma-
gisme. — G. Rawlinson, The five great Monarchies,
1879, t. m, p. 62 et 63, n. 18 et 19, rapproche ce titre
des mots rubu e-im-ga, assez souvent rencontrés dans
les inscriptions babyloniennes, et spécialement dans
celles de Nergal-sar-ussur qu'il suppose identique à
Nergel-serezer : mais rubu e-im-ga n'est pas un titre de
fonction spéciale, c'est un des nombreux qualificatifs
du protocole royal babylonien, signifiant « prince puis-
sant » ou « profond » en sagesse, qu'on trouve appliqué
à Nebo-baladhsu-iqbi, père du roi Nabonide, bien qu'il
n'ait pas porté la couronne lui-même, mais qu'on ne peut
mettre en parallèle avec les titres rab-saris, etc. — Se-
lon Frd. Delitzsch, The hebrew language viewed in the
light ofassyrian research, 1883, p. 14, nous aurions ici
la transcription hébraïque du terme assyro-babylonien
mahhu, synonyme de âsipu, devin, interprète des pré-
sages ou des songes, Nérégel-sarézer serait le « chef
des devins » ce qui expliquerait ses relations bienveil-
lantes avec Jérémie,xxxix, 13-14. Toutefois il faut cons-
tater que la transcription par un j hébreu du n redoublé
assyrien est assez surprenante. Au point de vue étymo-
logique l'opinion de T. G. Pinches est plus satisfaisante ;
nous aurions dans rab-mag la transcription du titre
mentionné dans plusieurs inscriptions cunéiformes,
rab-mugi et rab-mungi :. malheureusement le sens
de mugu n'est pas non plus certain, Pinches le tra-
duit avec hésitation « prince », dans Aid. Smitb,
Keihchrifltexle Assiirbanipals, part. 2, 1687, p. 67
note à ligne 89; dans Hastings, Dictionary, t. iv, p. 190;:.
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,,
6» édit., t. iv, p. 340-341; Schrader-Whitehouse, The-
Cuneiform Inscr. and the Old Testament, 1888, t. 11,.
p. 110-115. E. Paknier.
RECCATH (hébreu : Raqqat; Septante : ['Q|ib6a]Sa-
xé6 en amalgamant R(d)eccath avec le nom d'Émath pré-
cédent) ; Alexandrinus : 'Psxxà6), une des villes forti-
fiées de la tribu de- Nephthali, mentionnée seulement
une fois, Jos., xix, 35, entre Émath et Cénéreth, et par-
conséquent très probablement située sur la rive occi-
dentale du lac de Génésareth. Émath, qui devait tirer-
son nom de ses eaux thermales, est l'actuel El-Hammam r
à une demi-heure au sud de Tibériade. Voir Émath 3,
t. 11, col. 1720. Le site précis de Cénéreth est douteux,
mais cette ville était aussi sur le lac. Voir Cénéreth \ r
t. n, col. 417. A cause de cette incertitude, on ne peut
déterminer l'emplacement précis de Reccath. On 'n'a
trouvé dans ces parages aucune trace de ce nom. Cette
localité devait être néanmoins située à l'endroit où est
actuellement Tibériade ou bien dans ses environs-
D'après le Talmud ce fut sur l'emplacement de Reccath
ou auprès que s'éleva Tibériade. Voir les passages cités
par J. Lightfoot, A chorographical Century of the Land
of Israël, lxxii, dans ses Works, t. 11, Londres, 1684,
p. 67. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 208;
F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, 1896, p. 226-
RÉCEM, nom, dans le texte hébreu, d'un Madianite r
de deux Israélites et d'une ville de Benjamin. La Vul-
gate écrit Récen, I Par., vu, 13, le nom d'un des-
Israélites.
1. RÉCEM (hébreu : Réqém; Septante : 'Pox<5|j. r
Num., xxxt, 8; 'Poêo'x, Jos.,xm,21), un dès cinq chefs
madianitès qui furent mis à mort par les Israélites,
ainsi que Balaam, à cause du mal qu'ils avaient fait
aux Israélites, du temps de Moïse. Deut., xxxi, 8; Jos. r
xin, 21.
2. RÉCEM (hébreu : Réqém; Septante : 'Pexôij.;
Alexandrinus; 'Poxôn), le troisième des quatre fils
d'Hébron, de la famille de Caleb, de la tribu de Juda. \\
fut le père de Sammaï, d'après l'hébreu et la Vulgate-
L'édition sixline des Septante donne pour père à Sam-
maï 'Uxlâv, I Par., il, 43, 44, et le Codex Alexandrinus
'Ispxaâv, par répétition fautive de ce nom mentionné-
auparavant.
3. RÉCEM (hébreu : Réqém /Septante, Alexandrinus: ■
'Psxs|i; I e nom n ' est pas reconnaissable dans le Vali-
canus), ville de la tribu de Benjamin placée entre Amosai
dont le site est incertain, t. i, col. 519, et Jaréphel, qui.
est également inconnue. Jos., xvm, 27. Aucune trace-
de Récem n'a été retrouvée.
RÉCEN (hébreu : Réqém [Râqém, à cause de la
pause]; Septante : 'Poxô[ji), fils de Sarès (?) et petit-fils
de Machir, de la tribu de Manassé. I Par., vu, 16. Son
nom devrait être écrit, dans la Vulgàte, Récem, comme
Récem 1, 2, 3.
RECENSEMENT, dénombrement des Israélites..
Voir Nombre, vi, t. iv, col. 1684-1687.
RÉCHA (hébreu: Rêkâh; Septante: Trixâë), ville de-
Palestine dont le nom seul est connu. Nous lisons,
I Par., rv, 12, que les fils d'Esthon, Bethrapha, Phessé et
Tehinna qui Tut le père (le fondateur) de la ville de
Naas, furent « les hommes de Récha, » c'est-à-dire
habitèrent la ville de Récha. C'est l'unique, passage-
de l'Écriture qui mentionne cette localité. -.' _ . .
«iooi
RECHAB
RECHABITES
1002
RÉCHAB (hébreu : Rêkâb; Septante *P»)-/i6), nom
■de trois personnages de l'Ancien Testament. On inter-
prète ce nom par « cavalier », c'est-à-dire nomade
•voyageant à chameau.
1 . RÉCHAB, fils de Remmon, de la tribu de Benjamin,
îl s'était attaché à la fortune d'Isboseth après la mort
de Saûl, avec son frère Baana.Tous les deux avaient été
-à la tête d'une bande de pillards et ils devinrent les
meurtriers du fils de Saûl qu'ils firent périr traîtreu-
sement. Ayant apporté sa tête à David, celui-ci les fit
mettre à mort. II Reg. , rv, 2. Voir Baana 1 , t. m, col. 1343.
2. RÉCHAB, père ou aïeul de Jonadab. Voir Jona-
dab 2, t. ni, col. 1604. C'est de lui que tirèrent leur nom
•les Réchabites. IV Reg., x, 15, 23; I Par., n, 55; Jer.,
xxxv, 6-19. Voir Réchabites. Il appartenait à la tribu
des Cinéens et était descendant de Hammath, nom que
la Vulgate, I Par., n, 55, a traduit par Chaleur. Nous
ne savons rien de son histoire personnelle.
3. RÉCHAB, père de Melchias. Ce dernier refit sous
Néhémie la porte du Fumier à Jérusalem. II Esd-, m,
di. Beaucoup d'interprètes croient que Réchab était
•son ancêtre, non son père, et qu'il n'est pas différent
-de Réchab 2. Melchias était, dans ce cas, un Réchabite.
Voir RÉCHABITES.
RÉCHABITES (hébreu : Rêkâbîm; Septante : Ap-
^a6eiv ; Alexandrinus : 'AXy_a.6s.iv; Vulgate : Rechabitœ),
•descendants de Réchab 2. Jer., xxxv, 2, 3, 5, 18. Les
Réchabites étaient une famille cinéenne. I Par., ir, 55.
Quelques commentateurs ont supposé que Réchab
était le même que Hobab, Num., x, 29; Jud., iv, 11;
Calmet, Dissertation sur les Réchabites, dans Comment,
litt. ,Jérémie, 1731, p. xlvii, mais cette hypothèse s'appuie
seulement sur son origine cinéenne. Voir Cinéens,
4. il, col. 768. — Les ancêtres des Réchabites habitèrent
-au sud et aussi au nord de la Palestine, où le livre des
Juges nous montre des Cinéens établis au temps de
Débora. Jud., iv, 17; v, 24. C'était d'ailleurs une tribu
nomade et, du temps de Jérémie, nous les rencontrons
dans le royaume de Juda, Jer., xxxv, 11, comme nous
les rencontrons dans celui d'Israël au temps de Jéhu.
m Reg., x, 15-17.
I. Histoire. — L'Écriture parle trois ou quatre fois
•des Réchabites. — 1° Jonadab le Réchabite fit éclater
son zèle pour le monothéisme en poursuivant avec le
roi Jéhu les adorateurs de Baal. IV Reg. x, 15-17.
2° L'événement le plus célèbre de leur histoire est
celui qui est raconté par Jérémie, xxxv. Lorsque Nabu-
•Chodonosor envahit le royaume de Juda, sous le règne
•de Joakim, les Réchabites qui campaient, peut-être à la
suite de la ruine du royaume du nord, dans le sud de
la Palestine, se réfugièrent à Jérusalem pour se mettre
A l'abri des Chaldéens. Le prophète Jérémie, connaissant
'leurs coutumes, les invita avec leur chef Jézonias, Jer.,
xxxv, 1-11, à se réunir avec lui dans une chambre du
Temple et là il leur offrit du vin. Ils refusèrent de l'ac-
"«cepter, pour obéir, dirent-ils, aux prescriptions de leur
père Jonadab qui leur avait interdit de boire du vin,
•de bâtir des maisons, d'ensemencer des terres et de
planter des vignes, et leur avait ordonné « de vivre
sous la tente. » La nécessité les avait contraints de se
•retirer à Jérusalem, mais ils n'avaient jamais violé les
•ordonnances de leur ancêtre qui vivait du temps de
-3éhu, près de trois cents ans auparavant; ils voulaient
■toujours lui obéir. Ces prescriptions avaient sans doute
pour but dans l'esprit de Jonadab de préserver ses des-
cendants de la contagion des mœurs païennes et de les
maintenir dans la pureté du culte de Jéhovah, auquel
ils avaient toujours été fidèles, en les faisant vivre dans
l'isolement, en nomades et en pasteurs. Les coutumes
qu'ils suivaient étaient dans le fond une conséquence
de la vie nomade (cf. Diodore de Sicile, xix, 94), sur les
Nabuthéens, mais Jonadab, pour conserver sa tribu
dans l'intégrité de ses croyances, rendit ces pratiques
comme sacrées et inviolables, de sorte que, sans se
mêler avec les Juifs et probablement sans être astreints
à l'observance des rites mosaïques qui n'avaient été
imposés qu'aux Israélites, ils menaient une vie presque
ascétique et adoraient fidèlement le vrai Dieu. Jérémie
loue au nom du Seigneur leur obéissance, qu'il met en
contraste avec la conduite des Juifs, et leur promet de
la part du Dieu d'Israël qu'il subsistera toujours « en
présence de Jéhovah un homme de la race de Jonadab,
fils de Réchab. » Cette locution, qui est appliquée aussi
à la tribu de Lévi, Deut., x, 8; xvm, 5, 7; cf. Gen.,
xviii, 22; Jud., xx, 28; Ps. cxxxui, 1; cxxxiv, 1 (Vul-
gate, 2); Jer., xv, 19, signifie « servir Dieu » dans son
sanctuaire. Voir Gèsenius, Thésaurus, p. 1039. On croit
assez communément, d'après ces paroles de Jérémie,
qu'il y eut des Réchabites attachés au service du Temple,
comme les Nathinéens; leurs filles, dit-on, furent
données en mariage aux Lévites.
3° La troisième circonstance où les Réchabites
sont nommés dans l'Écriture, c'est dans le titre du
Psaume lxx (hébreu, lxxi). Les Réchabites étaient
sans doute encore enfermés dans Jérusalem quand
Nabuchodonosor se rendit maître de cette ville, et plu-
sieurs d'entre eux purent être emmenés en captivité
en Cbaldée. Les Septante et la Vulgate portent au titre
du Psanme lxx : « Psaume de David, des fils de Jonadab
et des premiers captifs. » Le texte hébreu ne contient
pas cette indication, mais, quelle que soit la valeur qu'on
y attache, il en résulte du moins qu'à l'époque de la
traduction grecque des Psaumes, au deuxième siècle
avant notre ère, sinon auparavant, on croyait dans les
milieux juifs, que les Réchabites avaient été captifs à
Rabylone.
4» Un chef appelé Réchab, probablement parce qu'il
était Réchabite, II Esd., m, 14, travailla avec les princi-
paux du peuple, du temps de Néhémie, au rétablissement
de l'enceinte de Jérusalem. Voir Réchab 3, col. 1001.
II. Opinions diverses sur les Réchabites. — Les sa-
vants anciens et surtout modernes ont fait toutes sortes
d'hypothèses sur les Réchabites, mais elles s'appuient
généralement sur des arguments peu sérieux, sur des
subtilités d'étymologie, sur des identifications forcées
de personnages divers, etc. Plusieurs, Cheyne, Ency-
clopedia biblica, t. iv, 1903, col. 4019, voient dans les
Réchabites « une sorte d'ordre religieux, analogue aux
Nazaréens ». Il ne faut rien outrer, malgré quelques
points de ressemblance : les Nazaréens, Samson,
Samuel, etc., n'appartenaient pas à un ordre religieux,
si l'on attache un sens précis à ce dernier mot, et nous
ne voyons nulle part que les» Réchabites aient suivi les
pratiques caractéristiques des Nazaréens, si ce n'est en
tant qu'elles étaient communes aux nomades, comm
l'abstention de vin, etc. Saint Jérôme, Epist. Lix, ad
Paulin., t. xxu, col. 583, voit sans doute dans les
Réchabites, comme dans Élie, Elisée et les fils des pro-
phètes, des précurseurs des moines, mais leur genre de
vie ressemblait beaucoup plus à celle des Bédouins de
nos jours qu'à celle des solitaires et des^ânaehorètes. —
On a fait aussi des Réchabites une secte religieuse ; nous
savons seulement qu'ils adoraient Jéhovah, comme Jé-
thro et leurs ancêtres les Cinéens. — On les a assimilés
aux Assidéens, Râsîdîm, dont parlent les livres des
Machabées. IMach.,ii,42; vn,17. «Le nom d'Assidéens,
dit avec raison Calmet, Dissert, sur les Réchabites, p. li,
se donnait à toutes les personnes qui faisaient une pro-
fession particulière de dévotion et de piété... Qui oserait
soutenir que tous ceux qui consacraient leur vie aux
exercices de la religion suivaient l'institut des Récha-
bites? » Et il ajoute : « D'autres les confondent avec
4003
RÉCHABITES — RÉCOMPENSE
1004
les Esséniens, mais leur genre de vie est trop dissem-
blable. Les Esséniens vivaient à la campagne, occupés
à cultiver la terre, etc. » Josèphe Ant. jud., XVIII, n,
5; Bell, jud., II, vin, 2-13. Sur les Esséniens, voir
E. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes itn
Zeit. Christi, t. il, 3» édit., 1898, p. 556-584.
Les Réchabites ne sont plus nommés dans les Écri-
tures depuis le retour de la captivité (excepté l'allusion
II Esd., h, 14). Héségippe, dans Eusèbe, H. E., n, 23,
t. xx, col. 201, raconte qu'un prêtre réchabite essaya
d'empêcher le martyre de l'apôtre saint Jacques Je
Majeur, mais le titre de prêtre qu'il donne à un Récha-
bite rend son récit suspect — Benjamin de Tudèle ra-
conte que de son temps vivaient dans le pays de Théma,
Is., xxi, 14; Jer., xxv, 23, les Benê Rekhab ou Récha-
bites, qui y possédaient un territoire de seize jours de
marche en longueur et vivaient de razzias. Ce qu'il en
dit ne mérite pas confiance, The Itinerary ofR. Ben-
jamin of Tudela, translatée and edited by A. Asher,
2 in-12, Londres, 1840-1841, t. i, p. 112-114 - Sur les
Réchabites, voir *H. Witsius, Exercitatio ix de
Rechabitis, dans ses Miscellanea sacra, 2 in-4°, Ams-
terdam, 1695-1700, t. il, p. 223-237; Calmet, Disserta-
tion sur les Réchabites, dans le Commentaire littéral,
Jérémie, 1731, p. xlhi-lih. F. Vigouroux.
RECHUTE, retour volontaire au péché déjà commis.
— De fréquentes rechutes sont signalées dans l'histoire
du peuple d'Israël. Au désert, après avoir murmuré
sur le manque d'eau potable, Exod., xv, 24, et de
viande, Exod., xvt, 3, et avoir obtenu leur pardon â la
suile de 'leurs hommages au veau d'or, Exod., xxxill,
1-17, les Hébreux recommencent à manifester leur
mécontentement au sujet de la nourriture, Num., xi,
4-6, et de l'eau, Num., xx, 2-5, et ils retombent dans
l'idolâtrie, Num., xxv, 1-6. Sous les Juges, l'abandon
de Jéhovah se reproduit à plusieurs reprises, Jud., ni,
12; iv, 1; vi, 1; x, 6; etc., et les mêmes rechutes dans
l'idolâtrie se renouvellent durant la période des rois.
Isaïe, xxx, 1, reproche à ses contemporains d'accumu-
ler péché sur péché. — L'Ecclésiastique, xix, 13-14,
recommande d'interroger l'ami qui a mal agi ou mal
parlé, afin qu'il ne recommence plus. Il observe qu'il
ne sert de rien de se purifier, si l'on touche ensuite
une chose impure, ni de jeûner pour ses péchés, si
l'on va les commettre encore. Eccli., xxxiv, 30, 31
(25, 26). L'insensé qui retourne à sa folie, c'est-
à-dire à son péché, est comparé au chien qui re-
tourne à son vomissement, Prov., xxvi, 11. —
Notre-Seigneur représente l'âme en péché comme
habitée par le démon. Celui-ci parti, l'âme se purifie
et s'orne de vertus. Mais le démon revient, il amène
avec lui sept autres démons plus méchants, et, si tous
rentrent dans cette âme, l'état de cette dernière devient
pire qu'auparavant. Matth., xn, 43-45; Luc, xi, 24-26.
Le Sauveur applique ce qu'il vient de dire à la géné-
ration qui lui est contemporaine; elle renouvelle, en
les aggravant, les fautes des générations qui ont pré-
cédé : elle en subira les conséquences. Il en est de
même pour chaque âme en particulier, ainsi que
l'explique saint Pierre : « Si ceux qui, par la connais-
sance de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ,
s'étaient retirés de la corruption du monde, se laissent
vaincre en s'y engageant de nouveau, leur dernier état
devient pire que le premier... Il leur est arrivé ce que
dit un proverbe avec beaucoup de vérité : Le chien est
retourné à son propre vomissement. » II Pet., n, 20-
22. — Sur le texte de l'Épître aux Hébreux, vi, 4-6,
concernant l'impossibilité du renouvellement après la
rechute, voir Pénitence, col. 43. H. Lesètre.
RÉCOMPENSE (hébreu : sâkâr ou sékér; Sep-
tante : sii<jfl<$;, àvraxôSo»t«; Vulgate : merces, retribu-
tio), avantage ou jouissance que l'on accorde à celui
qui a bien agi. Sur la récompense matérielle payée à
celui qui a travaillé pour un autre, voir SalmRE.
1° Récompense temporelle. — Le Seigneur dit à
Abraham : « Ne crains point, Abram ; je suis ton bou-
clier; ta récompense (sera) très grande. x> Septante :
« Je te protège, ta récompense sera très grande. » Vul-
gate : « Je suis ton protecteur et ta récompense (sera)
très grande. » Les Septante ont bien rendu le sens de
la phrase, dans laquelle il faut nécessairement suppléer
le verbe en hébreu et dans la Vulgate. Le Seigneur
ne dit pas à Abraham qu'il sera lui-même sa récom-
pense très grande; autrement l'on ne comprendrait
plus la question qu'Abraham adresse ensuite à Jéhovah :
« Seigneur Jéhovah, que me donnerez- vous? » La ré-
compense promise sera la postérité, nombreuse comme
les étoiles, que Dieu assurera à_ son serviteur. Gen.,
xv, 1, 2, 5. — Booz souhaite à Ruth que Dieu lui
accorde la récompense que mérite son dévouement.
Ruth, n, 12. Tobie le fils, xn, 2, demande quelle ré-
compense pourra être offerte à celui qui l'a conduit et
protégé. Mardochée n'avait reçu aucune récompense
après avoir dénoncé le complot tramé contre la vie du
roi; celui-ci la lui fit décerner. Esth., vi, 3-11. — Cer-
tains avantages temporels peuvent avoir le caractère de
récompenses, comme, par exemple, la famille nom-
breuse, Ps. cxxvn (cxxvi), 3; le don de la parole.
Eccli., li, 30. Mais souvent cette récompense est vaine.
Eccli., xi, 18; Matth., vi, 2, 5, 16. — En général, Dieu
traite ici-bas les hommes suivant leur conduite.
II Reg., xxn, 21; III Reg., vin, 32; H Par., vt, 23;
Ps. xvm (xvn), 21, 25. La récompense est assurée au
juste, Prov., xm, 21 ; à l'observateur de la loi de Jého-
vah, Ps. xix (xvm), 12; à celui qui a foi dans le Sei-
gneur, Eccli., n, 8; à l'homme pieux, Eccli., xi, 24; à
celui qui fait l'œuvre de Dieu, Eccli., li, 38; à celui
qui sème la justice, Prov., xi, 18; au bienfaiteur de
l'homme pieux. Eccli., xn, 2. Dieu récompense celui
qui donne, en lui rendant sept fois autant. Eccli., xxxv,
13. — D'après les Septante et la Vulgate, le juste
incline son coeur à l'observation des lois divines « à
cause de la récompense. » Ps. cxix (cxvffl), 112. Dans
l'hébreu, il y a : « jusqu'à la fin. » Le mot hébreu
'êqéb veut dire « fin » et se prend adverbialement avec
le sens de « jusqu'à la fin, perpétuellement i>. Ps. cxxi
(cxvra), 33, 112. Par extension, cette fin peut être une
récompense, le prix d'un travail; mais alors « pour la
récompense » se dit en hébreu 'al-êqéb, Ps. xl
(xxxix), 16; lxx (lxix), 4, quoiqu'on lise simplement
'êqéb dans Isaïe, v, 23, ÉWev Siipov, pro muneribus,
« pour des présents ». L'idée de remplir son devoir à
cause de la récompense n'est pas étrangère à la Sainte
Écriture, puisqu'il est dit qu'Abraham « avait les yeux
fixés sur la récompense, s eîc ttjv [ii<j9a7roSo<rt'av, m
reniunerationem. Heb. , xi, 26. Le concile de Trente,
visant le t. 112 du Ps, cxvin, sess. vi, De juslificat.,
11, a déclaré parfaitement légitime, « tout en cherchant
avant tout la gloire de Dieu, d'envisager aussi la ré-
compense éternelle. » Il ne suit pas de là cependant
que le motif intéressé de la récompense soit le seul
qui détermine le juste à faire le bien. Le motif désin-
téressé de l'amour et de la gloire de Dieu a aussi sa
part plus ou moins large et prépondérante dans ses
déterminations. Le Sauveur ressuscité dit de lui-
même : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes
ces choses pour entrer dans sa gloire? » Luc, xxiv,
26. Or personne ne contestera qu'il a mis l'amour et
la gloire de son Père bien au-dessus du triomphe de
sa sainte humanité., Il en est de même, à proportion,
de tous les vrais serviteurs de Dieu.
2» Récompense éternelle. — Sans exclure formelle-
ment les récompenses de l'autre vie, les écrivains de
l'Ancien Testament s'en tiennent surtout à celles de la
1005
RÉCOMPENSE — RECONNAISSANCE
1006
vie présente. Isaïe, le premier, annonçant le salut
futur, montre le Seigneur qui vient, « et sa récom-
pense avec lui. » Is., XL, 10; lxu, 11; cf. Apoc., xxn,
12. Dans la Sagesse, h, 22, il est dit plus clairement
que, si les méchants « n'espèrent pas de rémunération
pour la justice, et ne jugent pas qu'il existe une glo-
rieuse récompense pour les âmes justes, » cependant
« les justes vivent éternellement et leur récompense
est auprès du Seigneur. » Sap., v, 15-16. Cf. II Mach.,
xn, 45. — Notre-Seigneur insiste sur la récompense
promise à ses serviteurs. Méprisés et persécutés sur la
terre, ils auront une grande récompense dans les
Cieux. Matth., v, 12; Luc, vi, 23. A ceux qui ont tout
quitté pour le suivre, il promet le centuple et la vie
éternelle. Matth., xix, 29; Marc, x, 30; Luc, xvm,
30. Il y a là une double récompense : le centuple,
beaucoup plus qu'on n'a quitté, c'est la récompense
terrestre, ^exà Stwruôv, « au milieu des persécu-
tions », dit saint Marc, x, 30, et non cum persecutio-
nibus, « avec des persécutions », comme traduit la
Vulgate, bien qu'en un certain sens les persécutions
bien' supportées puissent être considérées comme une
récompense, parce qu'elles augmentent le mérite et la
gloire éternelle; celle-ci constitue la récompense de
l'autre vie. Celui qui reçoit le prophète ou le juste, à
raison de leur caractère, aura la récompense du pro-
phète ou du juste, Matth., x, 41, et celui qui donne
une simple coupe d'eau fraîche au nom du Sauveur,
aura aussi sa récompense. Matth., x, 42; Marc, îx, 40.
Celui qui fait du bien aux pauvres est heureux que
ceux-ci ne puissent le lui rendre; « il aura sa récom-
pense à la résurrection des justes. » Luc, xiv, 14.
Cette récompense sera le royaume préparé dès l'origine
du monde pour les bénis du Père, la vie éternelle.
Matth., xxv, 34, 46. — Les Apôtres aiment à rappeler
aux fidèles la récompense promise, le repos après
leurs travaux, Apoc, xiv, 13; cf. xi, 18; la « pleine
récompense », II Joa., 8; l'héritage céleste, Col., m,
24. 11 faut croire que Dieu « est le rémunérateur de
ceux qui le cherchent. » Heb., xi, 6. Cette récompense
sera proportionnée au travail de chacun. I Cor., m, 8.
Voir Œuvre, t. iv, col. 1758. Mais, seul, l'ouvrage qui
résistera au feu pourra l'obtenir. I Cor., m, 13-15.
Cette récompense est présentée sous la figure d'une
couronne. Saint Paul attend la couronne de justice
que lui donnera le Seigneur, le juste Juge, ainsi qu'à
tous ceux qui auront aimé son avènement. II Tim., iv,
8. Celui qui supporte l'épreuve recevra la couronne de
vie que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. Jacob, i,
12. Quand paraîtra le Prince des pasteurs, ses fidèles
obtiendront la couronne de gloire qui ne se flétrit
jamais. I Pet., v, 4. La couronne de vie est assurée à
celui qui est fidèle jusqu'à la mort et qui tient ferme
ce qu'il a, de peur qu'on ne la lui ravisse. Apoc, il,
10; in,ll. H. Lesêtre.
RÉCONCILIATION (grec : xaxaXXa-n, àvTàXXavua;
Vulgate : reconciliatio), reprise des rapports amicaux
entre deux partis ennemis.
1° Entre hommes. — Des réconciliations sont men-
tionnées entre Ésaû et Jacob, Gen., xxxiii, 4; entre
Joseph et ses frères, Gen., xlv, 3-5; entre les Benja-
mites et les autres tribus d'Israël, Jud., XXI, 13; entre
David et Absalom, II Reg., xiv, 21-33; entre Eupator
et les Juifs, II Mach., xm, 23; entre Hérode et Pilate,
Luc, xxiii, 12, etc. — Notre-Seigneur veut qu'on aille
se réconcilier avec son frère avant de présenter son
offrande à l'autel. Matth., v, 24. Lui-même, par sa mort,
a renversé le mur de séparation qui se dressait entre
les deux peuples, juifs et gentils, et il les a réconciliés.
Eph., il, 16. — Saint Paul décide que la femme séparée
de son mari doit ou se réconcilier avec lui ou rester
sans se marier. I Cor., vu, 11.
2° Entre Dieu et les hommes. — Au temps de la
colère, Noé est devenu un ivT<iXXaY|JLa, « une réconci-
liation ». Eccli., xliv, 17. Il a rétabli les bons rapports
entre Dieu et l'humanité. Le mot hébreu correspon-
dant est tahâlif, de l'hiphil de hâlaf, comme nahâlif
dans Isaïe, ix, 9. Il signifie « substitution », comme
quand on remplace un arbre par un autre. Noé est en
effet devenu la souche d'une nouvelle humanité. — Le
Seigneur se réconcilie avec son peuple quand il cesse
de le traiter sévèrement. II Mach., I, 5; v, 20; vu, 33;
vin, 29. — La réconciliation parfaite et définitive de
Dieu avec l'humanité a été opérée par la mort de
Jésus-Christ. Rom., v, 10,11; II Cor., v, 18; Col., i, 20,
22. Pour assurer les fruits de cette réconciliation,
Notre-Seigneur a confié à ses Apôtres la prédication et
le ministère de la réconciliation, II Cor., v, 19, c'est-
à-dire la mission de la faire connaître et le pouvoir
d'en appliquer la grâce. Il ne manque plus que le
consentement de l'homme, et c'est pourquoi saint Paul
supplie ses fidèles de se réconcilier avec Dieu. II Cor.,
v, 20. H. Lesêthe.
RECONNAISSANCE (hébreu : (ôdàh, « action de
grâces » ; Septante : e-j^apsori'a, aîvé<riç, È|o(j.oXdyi](j'n; ;
Vulgate : gratiarum actio, laus, confessio), expression
des sentiments de joie, d'affection et de dévouement
que l'on éprouve à l'égard de celui dont on a reçu un
bienfait. Le contraire de ce sentiment est l'ingratitude.
Voir Ingratitude, t. m, col. 877. La Sainte Écriture
parle quelquefois de reconnaissance envers les hommes.
Esth., xvi, 4; Sap., xvm, 2; Eccli., xxxvn, 12; 1 Mach.,
xiv, 25; II Mach., m, 33; xn, 31, etc. Mais habituelle-
lement la reconnaissance à laquelle elle fait allusion
s'adresse à Dieu.
1° La reconnaissance envers Dieu s'exprime d'abord
par des sacrifices. Les offrandes de Caïn et d'Abel sont
un hommage rendu à Dieu à cause de sa grandeur et
aussi de ses bienfaits. Gen., iv, 3, 4. L'action de grâces
inspire également les sacrifices de Noé, Gen., vin, 20,
et de Melchisédech. Gen., XIV, 18, 19. Dans la loi mo-
saïque, le sacrifice pacifique, sélém, était souvent un
sacrifice d'action de grâces, Lev., m, 1; vu, H, 13, 15;
Num., vu, 17, et il s'appelait {ôddh quand il avait pour
but spécial l'expression de la reconnaissance. Lev., vu,
13, 15; xxn, 29; Ps. lvi (lv), 13. Comme le sacrifice de
la croix et le sacrifice de la messe remplacèrent tous
les sacrifices anciens, l'action de grâces est une des
quatre fins pour lesquelles ils ont été offerts. Voir Sa-
crifice.
2° La reconnaissance s'exprime encore par des chants.
Elle inspire les cantiques de Moïse après le passage de
la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; de Débora, Jud., v, 1 ;
d'Anne, I Reg., ji, 1-10; de Tobie, xm, 2-23; de Judith,
xvi, 2-21 ; d'Ézéchias, Is., xxxvm, 10-20; des jeunes
hommes dans la fournaise, Dan., m, 52-90; de la
Sainle Vierge, Luc, i, 46-55; de Zacharie, Luc, i, 68-
79; de Siméon, Luc, a, 29-32, etc. De plus, trente
Psaumes ont pour objet direct la reconuaissance.
Ps. (hebr.), ix, xvm, xxi, xxx, xxxiv, xl, xlvi-xlviii,
LXV, LXVII, LXVUI, LXX, LXXXV, XCVIII, C, CIII, CIV, CVII,
CXI, CXVI, CXVIII, CXXIV, CXXVI, CXXXIV, CXXXVI, cxxxvm,
cxliv, cxlvi, cxlvii. Dans plusieurs âùtrésyies auteurs
sacrés expriment leur reconnaissance. Ps. xxvi (xxv),
7;xlh (xli),5; h (xlix), 14, 23; cvn (cvi),22; cxvi (cxv),
17, etc.
3° La prière est une troisième forme d'action de
grâces. Tob., n, 14; xi, 7, 12. C'est ainsi que le Sauveur
rend grâces à son Père. Joa., xi, 41. Saiut Paul fait de
même. Act., xxvni, 15. Dans presque toutes ses Epîtres,
il insère de3 formules d'actions de grâces. Rom., i, 8;
VI, 1; xvi, 4; 1 Cor., 1, 4, \k; w , \& ; "sm , 5>î -, UCoï.,
h, 14; vin, 16; ix, 15; Eph., i, 16; Phil., î, 3 ; Col., i,
3; I Thess., i, 2; u, 13 ; m, 9; II Thess., i, 3; I Tim.,
1007
RECONNAISSANCE
REDEMPTION
1008
1, lï; II Tim., i, 3; Phïlem., 4. Il recommande vive-
ment le devoir de l'action de grâces : « En toutes
choses rendez grâces, car c'est la volonté de Dieu dans
le Christ Jésus à l'égard de vous tous. »I Thess., v, 18.
Il constate souvent l'accomplissement de ce devoir.
I Cor., xiv, 17; Il Cor., î, 11; rv, 15; IX, 11, 12; Eph.,
v, 4, 20; Phil., rv, 3; Col., i, 12; H, 7; m, 17 ; iv, 2;
II Thess., il, 12; ITim., n, 1; cf. Apoc, vu, 12; xi, 17.
4° Les bienfaits de Dieu appellent la reconnaissance.
Dieu ne les a refusés à personne, pas même à ceux qui
le méconnaissaient. Act., xiv, 16. Les gentils sont donc
inexcusables, « puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont
pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu
grâces. » Rom., 1, 21. Sur dix lépreux guéris par Notre-
Seigneur, un seul songea à venir le remercier. Luc,
xvii, 16. L'aveugle de Jéricho, une fois guéri, suivait
Jésus en glorifiant Dieu. Luc, xvm, 43. L'action de
grâces du pharisien ne pouvait plaire à Dieu, parce
qu'elle était dictée par l'orgueil. Luc, xvm, 11. —
Notre-Seigneur rend grâces au moment de multiplier
les pains. Matth., xv, 36; Marc, vin, 6; Joa., vi, 11,23,
Saint Paul rend grâces avant de manger, Act., xxvn,
35, et suppose que les fidèles font de même. Rom., xiv,
6; I Cor., x, 30; I Tim., îv, 3, 4. Le Sauveur surtout
rend grâces avant d'instituer son divin sacrement,
Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 23; Luc, xxn, 17,19;
I Cor., xi, 24, d'où le nom d'iîucharistie donné à ce
sacrement. H. Lesëtre.
RÉDEMPTEUR (hébreu : gô'êl; Septante : Xutpu-
tï|ç, Xytpo'j(j.6vos, py<ràu.evoç, pyiJfiEVOç, l£aipoyu.£voç; Vul-
gate : redemptor), celui qui défend contre les ennemis,
Job, xix, 25, et délivre d'eux. Voir Goêl, t. m, col. 264-
265. Jéhovah est par excellence le rédempteur d'Israël,
parce qu'il doit le délivrer des ennemis temporels qui
le tiendront en captivité, comme il a fait dans les temps
anciens, Is., lxiii, 16, et que, par son Messie, il déli-
vrera le nouvel Israël, l'humanité rachetée, de la tyran-
nie de Satan et du péché. Au nom de go'êl, est souvent
joint celui de « Saint d'Israël », Is., xlî, 14; xliii, 14;
xlvii, 4; XLViir, 17; xlix, 7; liv, 5, ou de « Puissant
de Jacob », Is,, xlix, 26; lx, 16, à cause de la victoire
remportée sur Dieu par Jacob, Gen-, xxxn, 28, pré-
sage de la victoire que doit remporter en faveur d'Israël
la miséricorde de Dieu sur sa justice. Le rédempteur
est aussi « Jéhovah des armées », Is., xliv, 6; xlvii, 4,
à cause de la puissance qu'il déploiera pour délivrer
son peuple. Cf. Is., xliv, 24; liv, 8; lix, 20; Jer., L,
34; Lam., m, 58; Ps. xix (xvm), 15; lxxviii (lxxvii),
35. — Dieu est aussi appelé mipldt, «celui qui délivre »,
pyorri?, liberalor. Ps. xvm (xvn), 3, 48; lxx (lxix),6;
Cxliv (cxlih), 2; Dan., vi, 27. — Jésus-Christ est le
rédempteur par excellence de son peuple et de toute
l'humanité. Voir Rédemption. Cependant ce nom ne
lui est jamais donné dans le Nouveau Testament. On
lui attribue le nom équivalent de Sauveur. "Voir Sau-
veur. — Saint Etienne applique le nom de rédempteur,
ïuTpcoTifc, à Moïse. Act., vu, 35. Celui-ci l'a mérité en
tant que chargé par Dieu de tirer les Hébreux de la
servitude d'Egypte. H. Lesëtre.
RÉDEMPTION (grec : Xy-rpuxriç , àitoX-J-ptouiç; Vul-
gate : redemptio), mystère de Jésus-Christ donnant sa
vie pour le salut des hommes.
I. Sa. réalité. — D'après certains auteurs protestants
ou rationalistes, l'idée de rédemption serait étrangère
à la Sainte Ecriture et à la pensée de Jésus. Au
xvii e siècle, les Sociniens ne voulurent voir dans la
mort de Notre-Seigneur qu'un grand exemple de fidé-
lité et de courage. D'après la théorie de Ritschl, au-
jourd'hui en faveur parmi les Don-catholiques, la mort
. de Jésus ne nous sauverait qu'en nous démontrant les
peines d'ici-bas : ce ne sont pas des châtiments, mais
des afflictions inséparables de toute vie humaine, et
Jésus les endura avec une constance exemplaire.
Cf. Bertrand, Une conceptien nouvelle de la Rédemp-
tion, Paris, 1891. « Il n'y a pas lieu de parler d'une
condamnation surnaturelle et particulière atteignant
Jésus sur la croix... Jésus souffre plus et mieux, mais
il ne souffre pas autrement que Socrate, les martyrs,
les sages, les bons, en un mot, engagés par la vie dans
les trames que tissent ici-bas les crimes des méchants.»
Aug. Sabatier, La doctrine de Vexpialiun et son évo-
lution historique, in-16, Paris, 1903, p. 87. La doctrine
de la rédemption apparaît tout autre dans la Sainte
Écriture.
1» Dans l'Ancien Testament. — 1. Le récit de la
chute montre Adam frappé d'une peine à cause de son
péché; cette peine est durable et doit s'étendre à toute
sa postérité. Dieu promet, il est vrai, qu'un jour quel-
qu'un de cette postérité meurtrira l'ennemi à la tête,
c'est-à-dire en triomphera; mais la manière dont sera
remporté ce triomphe n'est pas indiquée. Gen., ni, 15-
19. La pratique des sacrifices ne donne d'abord aucun
renseignement à ce sujet. Gen., vin, 20. Mais le sacri-
fice commandé à Abraham présente une très haute
portée figurative. Le patriarche reçoit l'ordre d'immoler
son fils; Dieu arrête l'exécution de cet ordre, et un
bélier est pris et offert en holocauste à la place de l'en-
fant. Gen., xxn, 13. A la victime primitivement exigée,
une autre est substituée et subit la mort, non pour le
péché, il est vrai, mais pour rendre hommage à Dieu.
Avec la loi mosaïque, l'idée de substitution s'affirme
dans la prescription concernant les premiers-nés, qui
appartiennent de droit au Seigneur, mais à la place
desquels on doit immoler une victime. Exod., xm, 13,
15. Puis des sacrifices sont spécialement institués
pour le péché, c'est-à-dire que quand un péché a été
commis, et qu'on veut en obtenir la rémission, le cou-
pable, indépendamment de ses sentiments de repentir,
doit immoler une victime, qui subit ainsi le châtiment
à sa place. Lev., iv, 1-v, 13. Ces sacrifices sont offerts
régulièrement par les Israélites; mais le Seigneur leur
fait savoir que, par eux-mêmes, les sacrifices ne lui
sont pas agréables et. ne répondent pas aux exigences
de sa justice. Ps. XL (xxxix), 7, 8; li (l), 18; Is., i, 11;
.1er., vi, 20; Ose., vin, 13; Am., v, 22; Mal., i, II. Voir
Sacrifice. — Le prophète Isaïe, décrivant les souffrances
du serviteur de Jéhovah, c'est-à-dire du Messie, affirme
clairement que ces souffrances seront endurées pour
des pécheurs :
Véritablement c'étaient nos maladies qu'il portait
Et nos douleurs dont il s'était chargé...
Lui, il a été transpercé â cause de nos péchés,
Brisé à cause de nos iniquités ;
Le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui,
Et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris..
Jéhovah a fait retomber sur lui
Notre iniquité à tous...
Et, parmi ses contemporains, qui a pensé
Qu'il était retranché de la terre des vivants, [pie?...
Que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peu-
Par sa science, le juste, mon serviteur, en justifiera beau-
Et lui-même se chargera de leurs iniquités... [coup,
Il a livré son âme à la mort,
Et il a été mis au nombre des malfaiteurs,
Lui-même a porté la faute de beaucoup
Et il intercédera pour les pécheurs. Is., liii, 4-12.
Voici donc le serviteur de Jéhovah qui se livre lui-
même à la mort, sur qui Jéhovah fait peser les iniquités
des hommes, qui est frappé à cause des péchés de son
peuple, qui intercède pour les pécheurs et qui, par ses
souffrances, leur donne la paix et les guérit. C'est la
prophétie formelle delà mission rédemptrice du Messie.
Il est impossible de prétendre que ce serviteur de
Jéhovah est le peuple juif persécuté, comme les doc-
teurs juifs le soutenaient déjà du temps d'Origène,
-1009
REDEMPTION
1010
■Cont. Cels., 1, 55, t. xi, col. 761. Les paroles : « La
plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple »
excluent absolument cette interprélation. Celui qui
•souffre est une personne très distincte, et, s'il souffre,
-ce n'est pas pour des péchés personnels dont le pro-
phète ne fait aucune mention, c'est pour les péchés
■des autres. Cette idée, d'ailleurs, n'est pas formulée
■comme en passant; elle constitue le fond même de
l'oracle d'Isaïe qui ne la répète pas moins de dix fois
dans ces quelques versets. Le serviteur de Jéhovah,
•c'est le Messie, le Rédempteur. Cf. Condamin, Le livre
•d'haïe, Paris, 1905, p. 328-344. Toutefois les Juifs n'ont
pas compris la prophétie concernant le Messie souffrant.
L'idée d'une rédemption par la mort du Messie n'appa-
raît chez eux qu'exceptionnellement, et encore posté-
rieurement à la prédication évangélique. Voir Jésds-
Christ, t. m, col. 1438. Pour eux, la rédemption devait
-être seulement une œuvre de puissance et spécialement
une délivrance des oppressions temporelles. Cette mé-
•connaissance du vrai caractère du rédempteur était
prédite par le même prophète : « Parmi ses contem-
porains, qui a pensé... que la plaie le frappait à cause
des péchés de mon peuple? » Is., lui, 8 (texte hébreu).
Elle n'ôte rien à la force de la prophétie. — L'idée de
souffrances expiatoires subies pour d'autres n'est for-
mulée que tardivement dans la littérature juive. Elle
•est indiquée dans II Mach., vu, 37-38. Mais, dans un
apocryphe du premier siècle après Jésus-Christ, elle est
présentée avec beaucoup plus de précision. Les martyrs
« sont devenus responsables par substitution des péchés
■de la nation ; "par les mérites de leur sang et de leur
mort expiatoire, la divine Providence a sauvé Israël
prévaricateur. » JV Mach., xvn, 20-23; cf. vi, 28, 29;
■vu, 12. Cette conception, comme celle du Messie souf-
frant, est d'époque tardive chez les Juifs.
2° Dans l'Évangile. — 1. Malgré l'affirmation de ceux
qui prétendent que les Évangiles sont l'écho des doc-
trines ayant cours à l'époque de leur rédaction, et qui,
en conséquence, en éliminent arbitrairement les textes
qui contredisent leur système, on a le droit et le devoir
d'y reconnaître la pensée même du Sauveur et de ses
contemporains. Or, la mission rédemptrice de Jésus y
est péremptoirement affirmée. Tout d'abord, le précur-
seur est envoyé pour donner au peuple « la science du
salut dans la rémission de leurs péchés, » Luc, i, 77,
«'est-à-dire pour apprendre aux hommes que le salut
doit consister dans la rémission des péchés, et non
dans la restauration d'un empire chimérique. Puis
l'ange prescrit à Joseph de donner au fils de Marie « le
nom de Jésus, parce qu'il doit sauver le peuple de ses
péchés. «Matth., i, 21. Ce nom, qui signifie « sauveur»,
est d'autant plus significatif, que beaucoup d'autres
noms différents, Emmanuel, Pasteur, Sagesse, etc.,
avaient été assignés au Messie dans l'Ancien Testament.
Seul, Isaïe, xn,3; xuv,8, l'avait appeléyesû'dh, «salut».
"Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1423-1426. A Bethléhem,
les anges le proclament le Sauveur. Luc, II, 11. Siméon
annonce qu'il vient pour la ruine et la résurrection
d'un grand nombre en Israël, Luc, n, 34, c'est-à-dire
pour que, à cause de lui, beaucoup se perdent, et que
par lui beaucoup ressuscitent en passant du péché à
la vraie vie. Anne la prophëtesse parle de lui à ceux
qui attendaient la « rédemption d'Israël », Luc, il, 38,
c'est-à-dire, sinon dans leur idée, du moins dans la
réalité, le salut qui devait résulter de la rémission du
péché.
2. Dès le début de la vie publique, Jean-Baptiste
présente Jésus comme « l'Agneau de Dieu, qui ôte le
péché du monde. » Joa., i, 29, 36. A Nicodéme, le
Sauveur annonce qu'un jour lui r même sera élevé de
terre, comme le serpent d'airain, « afin que le monde
soit sauvé par lui. » Joa., in, 17; cf. vin, 28; xn, 32,
47. Plus tard, par trois fois consécutives, il précise ce
que doit être cette élévation de terre en prédisant sa
condamnation et sa mort violente. Matth., xw, 21;
Marc, vin, 31; Luc, ix, 22; Matth., xvm, 22; Marc,
lx, 30; Luc, ix, 44; Matth., xx, 19; Marc, x, 34;
Luc, xvih, 33. A la transfiguration, sa mort qui devait
arriver à Jérusalem fait l'objet de l'entretien de Moïse
avec Élie. Luc, ix, 31. Il sait que les Juifs veulent le
mettre à mort. Joa., v, 20. Il a hâte de recevoir son
baptême de sang. Luc, xn, 50. Il propose à deux
Apôtres de boire le même calice que lui, Matth., xx,
22; Marc, x, 38, ce calice qu'il acceptera de son Père
à Gethsémani. Matth., xxvi, 37-47; Marc, xiv, 34-42;
Luc, xxn, 40-47. Or cette mort du Sauveur ne se pré-
sente nullement dans l'Évangile comme le résultat
inattendu d'une attitude qui révolte les Juifs. Elle est
prévue et voulue par le divin Maître, parce qu'elle est
décrétée par le Père et prédite dans les Écritures
comme le moyen choisi pour opérer la rédemption.
« Il faut, il est écrit, » dit le Sauveur en parlant de ses
souffrances et de sa mort. Marc, vm, 31 ; ix, 12 ; xiv, 21 ;
Matth., xxvi, 24, 54; Luc, xvn, 27; xvm, 31; xxn, 37;
xxiv, 25, 44. A Pierre, qui ne veut pas entendre parler
de passion et de mort, il reproche sévèrement de n'avoir
pas le « sens des choses de Dieu, » Matth., xvi, 22;
Marc, vm, 33, c'est-à-dire l'intelligence de la place
qu'occupe la mort du Christ dans le plan divin. Quand
la pensée de son supplice trouble son âme, il se res-
saisit en disant : « Mais c'est pour cela que je suis
arrivé à cette heure! » Joa.,xn, 27. La rédemption par
la mort violente est sa raison d'être ; il accepte cette
mort parce que telle est la volonté de son Père. Matth.,
xxvi, 42. Il décrit la nécessité de ce dénouement tra-
gique dans la parabole des vignerons homicides qui
mettent à mort le fils même du père de famille. Les
pharisiens comprennent enfin, Matth., xxi, 38, 45;
Marc, xn, 6, 12; Luc, xx, 13-15, 19; mais il ne pro-
fitent pas de la leçon, parce que l'oracle d'Isaïe, un, 1 :
« Seigneur, qui a cru à notre parole? » est pour eux
lettre morte. Enfin, l'idée de rédemption établit la
synthèse entre les deux précédentes : Jésus doit sauver
le monde de son péché, Jésus doit mourir de mort
violente, c'est par cette mort qu'il salive. « Le bon
pasteur donne sa vie pour ses brebis» » Joa., x, 11.
« Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa
vie pour ses amis. » Joa., xv, 13. « Il est de votre inté-
rêt qu'un seul homme meure pour \e pewpte, > 4JA,
Caïphe, sous l'empire d'une inspiration inconsciente.
Joa., xi, 50-52.
3. A la dernière Cène surtout, le Sauveur affirme
solennellement sa mission rédemptrice. D'après saint
Matthieu, xxvi, 27, Notre-Seigneur présenta la coupe
à ses Apôtres en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon
sang, de la nouvelle alliance, répandu pour un grand
nombre en rémission des péchés. » Dans la Vulgate :
« qui sera répandu ». Le texte de saint Marc est le
même dans le grec, avec le futur dans la Vulgate. Les
mots : » ils en burent tous », placés avant : « ceci est
mon sang », Marc, xiv, 23, 24, ne modifient en rien le
sens général; ils expriment seulement la simultanéité
de l'acte des Apôtres avec les paroles du Sauveur. Dans
saint Luc, xxn, 19, 20, la formule est plus explicite :
« Il prit du pain et, ayant rendu grâces, il le rompit et
le leur donna en disant : Ceci est mon r -corps, qui est
donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. Il fit
de même pour la coupe, après le souper, disant : Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est
versé pour vous. » Dans la Vulgate : « qui sera versé ».
Saint Luc ajoute donc, à propos du corps : « qui est
donné pour vous. » Ces paroles manquent dans le
Cod. Bezm, dans trois manuscrits latins de la version
antérieure à saint Jérôme et dans la version syriaque
de Cureton. Mais ils se trouvent dans tous les autres
manuscrits grecs et leur authenticité n'est pas douteuse.
1011
RÉDEMPTION
1012
Le fût-elle, la même formule est répétée dans saint Luc
à propos du sang; par conséquent, l'idée de rédemption
est aussi formellement exprimée par saint Luc que par
les deux autres synoptiqnes. Il faut aussi faire entrer
ici en ligne de compte le récit de saint Paul, qui se
fait évangéliste pour raconter la dernière Cène. Son
récit a d'autant plus d'importance que lui-même l'a
reçu àitb to-j Kupîou, « du Seigneur ». I Cor., xi, 23.
Les anciens commentateurs et beaucoup de modernes
admettent qu'il s'agit ici d'une révélation immédiate.
La préposition âitô a très souvent ce sens : [/.ciOete ait '
è|xou, « apprenez de moi ». Matth., xi, 29; cf. Act,, ix,
13; Col., i, 7; m, 24; I Joa., i, 5, etc. Cf. Cornely,
In J ad Cor., Paris, 1890, p. 335-336. Saint Paul
rapporte ainsi l'institution de. l'Eucharistie : « Le
Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du
pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit :
Ceci est mon corps, pour vous (ou : qui est rompu
pour vous); faites ceci en mémoire de moi. De même,
après avoir soupe, il prit le calice et dit : Ce calice est
la nouvelle alliance en mon sang; toutes les fois que
vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. » I Cor..
xi, 23-26. D'après saint Luc et saint Paul, le corps est
« donné pour vous », ou simplement « pour vous »;
d'après saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le
sang est « versé pour beaucoup » ou « pour vous »,
ÛTtÈp TtoVAwv ou û(iûv, ou 7tEpl nn\\&v. Les prépositions
,-ùitÉp et itepi précèdent en grec le nom de la personne
en faveur de qui se fait une chose. On meurt ùirép
tivôç, « pour quelqu'un », Sophocle, Trach., 708; Euri-
pide, Bec, 314; Platon, Conviv., 1796; on court un
danger itepî -uvô;. Hérodote, vin, 74. Le sang versé
pour beaucoup, c'est donc la vie donnée et sacrifiée
pour eux. Dans les textes grecs, le participe est au
présent, l-/.yyw6\i.piov, « versé », d'où il suit que cette
effusion du sang se fait dans le sacrifice eucharistique
lui-même, mais n'y est possible que si ce sang a été
versé effectivement dans le sacrifice de la croix. La
Vulgate remplace le présent par le futur : quod pro
vobis tradelur, « qui sera livré pour vous », I Cor., xi,
24, qui pro niultis eftundetur, « qui sera versé pour
beaucoup », Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 24, ou, qui
pro vobis fundelur, « qui sera versé pour vous ». Luc,
xxii, 20. La formule liturgique du canon de la messe
est aussi au futur : pro vobis et pro mullis effundetur,
« qui sera versé pour vous et pour beaucoup ». L'effu-
sion du sang est alors rapportée au sacrifice de la croix,
avec lequel le sacrifice de la messe est étroitement uni.
Enfin saint Matthieu ajoute à la formule les paroles
« pour la rémission des péchés, » qui caractérisent
encore plus nettement la valeur expiatrice du sacrifice
de Jésus-Christ. Dans tous ces textes, la mission ré-
demptrice est l'objet des affirmations les plus positives,
sous les formes variées. Il serait contraire à toute
critique de [n'y voir qu'une idée mentionnée en passant,
ou même introduite après coup dans la contexture des
Évangiles. Tout peut donc se résumer dans la parole
proférée par le Sauveur à l'occasion de la requête des
fils de Zébédée : « Le Fils de l'homme est venu, non
pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour
la rançon, Vitpov, redemptio, d'un grand nombre. »
Matth., xx, 28; Marc, x, 45.
3° Dans les Actes. — Saint Pierre montre Jésus
« livré en vertu d'un dessein arrêté par la pres-
cience de Dieu, » Act., h, 23; il l'appelle « sauveur »
exalté par Dieu. Act., v, 31. Philippe explique au mi-
nistre de la reine Candace le chapitre lui d'Isaïe en
l'appliquant à Jésus-Christ. Act., vm, 30-35. Saint Pierre
dit au centurion Corneille que tous ceux qui croient
en Jésus doivent « recevoir la rémission des péchés en
son nom. » Act., x, 43. Saint Paul répète la même
affirmation. Act., xni, 38, 39; xxvi, 18. Ces quelques
indications laissent entrevoir que la prédication des
Apôtres, sur la question de la rédemption, se con-
formait aux données consignées plus tard dans les
Évangiles.
4° Bans saint Paul. — La doctrine de l'Apôtre sur la
rédemption peut se ramener aux points suivants :
1. Dieu nous a réconciliés avec lui par son Fils. Rom.,
v, 10; II Cor., v,18-19; Eph., n,.4-16; Col.,i, 19-23; il, 13,
14; I Thés., i, 10. Voir Réconciliation, col. 1005. —
2. Dieu a satisfait aux exigences de sa justice à notre
égard en sacrifiant son Fils. « C'est lui que Dieu a
montré comme victime propitiatoire par son sang au
moyen de la foi, afin de manifester sa justice. » Rom., m,
25. a. En envoyant, pour le péché, son propre Fils dans
une chair semblable à celle du péché, il a condamné
le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût
accomplie en nous. » Rom., vm, 3, 4. Il « n'a pas épar-
gné son propre Fils, mais il l'a livré à la mort pour
nous tous, » Rom., vm, 32, « il l'a faitpéché pour nous,
afin que nous devenions en lui justice de Dieu. »
II Cor., v, 21; cf. Gai., m, 13. Jésus-Christ « a été
livré pour nos offenses. » Rom., îv, 27; cf. Is., lui, 4,
5. — 3. Le Sauveur s'est livré lui-même pour nous. Il
s'est « fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de
sa pauvreté, » II Cor., vm, 9; « il s'est humilié, il s'est
soumis jusqu'à la mort, et la mort de la croix, » Phil.,
h, 8; « il est mort pour nous, » I Thés., v, 10; « il est
mort pour tous, » II Cor., v, 15; « le Christ, au temps
marqué, est mort pour les impies... Lorsque nous
étions encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour
nous. » Rom., v, 6, 8,9. Il s'est livré pour son Église,
Eph., v, 25-26, et pour chaque âme en particulier.
Rom., xiv, 15; I Cor., vm, 11; Gai., il, 20; I Tim., i,
15, Il « nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu
pour nous en oblation et en sacrifice d'agréable odeur. »
Eph., v, 2. « Le Christ est mort pour nos péchés, con-
formément aux Écritures, »I Cor.,xv, 3;"«il s'est donné
lui-même pour nos péchés. » Gai., i, 4. En disant que
Jésus-Christ est mort pour nous, qui étions des impies
et des pécheurs, et que Dieu l'a fait péché et l'a livré
à la mort, afin que sa justice fût manifestée, saint Paul
fait entendre que l'injuste seul méritait le châtiment,
et que le juste ne l'a subi que par substitution. Or,
dans tous ces passages de ses Épifres, l'Apôtre, au lieu
d'employer la proposition qui indique la substitution,
àvT!, « à la place de », se sert toujours de ûirip, «pour».
C'est que cette seconde préposition marque mieux l'in-
tention du Sauveur, la fin qu'il se propose expressé-
ment en mourant pour nous. De plus, les anciennes
victimes étaient bien immolées àv-ri, « à la place » des
coupables; mais c'est tout ce qu'elles pouvaient faire.
Le Sauveur ne se contente pas de mourir « à la place »
des coupables; I Tim., n, 6; il meurt « pour» eux, c'est-
à-dire que, par sa mort volontaire, non content de se
substituer à nous et de nous soustraire au châtiment,
il nous assure encore les plus grands biens. Rom., vm,
32. — 4. Par sa mort, Jésus-Christ a efficacement assuré
notre rédemption. Rom., m, 24; v, 9, 10. Ce rachat a
été opéré « à grand prix, » I Cor., vi, 20; vu, 22, 23, car
le Fils de Dieu « s'est donné lui-même pour notre ran-
çon. » I Tim., n, 6. 11 nous a délivrés de la servitude
du péché, Col., 1, 14; Eph., I, 7; Tit., u, 14; de celle de
la loi mosaïque, Rom., vu, 4; Gai., ni, 13; îv, 5; de-
celle de Satan, II Tim., n, 26; Col., n, 15, et de celle
de la mort. II Tim., i, 10. Par contre, il nous a donné
la vie.I Thess.,v,10; Col.,n,13; II Cor., v, 15. — 5. Les
idées de saint Paul sur la rédemption ont leur expres-
sion encore plus complète dans l'Épltre aux Hébreux,
qui traite spécialement du sacerdoce et du sacrifice de
Jésus-Christ. Le Sauveur est venu « dans la chair et le
sang, afin de briser par sa mort la puissance de celui
qui a l'empire de la mort, afin d'être un Pontife misé-
ricordieux et qui s'acquittât fidèlement de ce qu'il faut
auprès de Dieu pour expier les péchés du peuple. »•
1013
RÉDEMPTION
1014
Heb., it, 14, 17--18. « Nous avons en Jésus, le Fils de
Dieu, un grand-prêtre excellent, qui a pénétré les
cieux... Nous n'avons pas un grand-prêtre impuissant à
compatir à nos infirmités; pour nous'ressembler, il les
a toutes éprouvées, hormis le péché. » Heb., rv, 14,15.
« Il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de
Dieu par lui, puisqu'il est toujours vivant pour intercé-
der en leur faveur... Il n'a pas besoin, comme les
grands-prêtres, d'offrir chaque jour des sacrifices d'abord
pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple,
car ceci, il l'a fait une fois pour toutes en s'offrant lui-
même. » Heb., vu, 25, 27. « Ce n'est pas avec le sang
des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang
qu'il est entré une fois pour toutes dans le Saint des
Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle. »
Si le sang des victimes purifiait la chair, « combien
plus le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, s'est
offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre
conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vi-
vant'?... Sa mort a eu lieu pour le pardon des transgres-
sions commises sous la première alliance... Sans effu-
sion de sang, il n'y a pas de rémission. » Le Christ est
entré « dans le ciel même afin de se tenir désormais
pour nous présent devant la face de Dieu... Il s'est
montré une seule fois, dans les derniers âges, pour
abolir le péché par son sacrifice. » Heb., ix, 12, 15, 22,
24, 26. En entrant dans le monde, il a dit : « Vous n'avez
voulu ni sacrifice, ni oblation, mais vous m'avez formé
un corps; vous n'avez agréé ni holocaustes, ni sacrifices
pour le péché. Alors j'ai dit : Me voici... C'est en vertu
de cette volonté que nous sommes sanctifiés, parl'obla-
tion que Jésus-Christ a faite, une fois pour toutes, de
son propre corps... Par une oblation unique, il a pro-
curé la perfection pour toujours à ceux qui sont sancti-
fiés. » Heb,, x, 5, 10, 14. « Le Dieu de paix a ramené
d'entre les morts celui qui, par le sang d'une alliance
éternelle, est le grand Pasteur des brebis, Notre-Sei-
gneur Jésus. » Heb., xm, 20. Ainsi donc le Seigneur
Jésus a pris un corps pour substituer volontairement sa
propre immolation à celle des anciennes victimes, im-
puissantes à obtenir la rémission du péché. Il a versé
son sang une fois pour assurer cette rémission et la
sanctification des hommes, et maintenant, dans le sanc-
tuaire du ciel, il est toujours vivant afin d'intercéder en
leur faveur.
5° Dans saint Pierre. — Aux anciens prophètes,
l'Esprit du Christ attestait d'avance les souffrances qui
lui étaient réservées, et les fidèles ont été affranchis
« par un sang précieux, celui de l'Agneau sans défaut
et sans tache, le sang du Christ. » I Pet., I, 11,19. « Le
Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle,
afin que vous suiviez ses traces... Lui qui a porté nos
péchés en son corps sur le bois, afin que, morts au
péché, nous vivions pour la justice; c'est par ses meur-
trissures que nous avons été guéris. » I Pet., n, 21,
24. « Le Christ a souffert une fois la mort pour nos
péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous ramener
à Dieu. » I Pet., m, 18. « Puis donc que le Christ a souf-
fert (pour nous) en la chair, armez-vous, vous aussi, de
la même pensée... Dans la mesure où vous avez part
aux souffrances du Christ, réjouissez-vous. »IPet.,iv, 1,
13. C'est le Seigneur qui nous a rachetés; il est à la fois
Seigneur et Sauveur. II Pet., il, 1, 20.
6° Dans saint Jean. — « Le sang de Jésus-Christ
nous purifie de tout péché. » I Joa., i, 7. « Si quelqu'un
a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-
Christ, le juste. Il est lui-même une victime de propi-
tiation pour nos péchés, non seulement pourles nôtres,
mais pour ceux du monde entier. » I Joa., n, 1,2.
« Jésus a paru pour ôter nos péchés..., pour détruire
les œuvres du diable. » I Joa., m, 5, 8. Dieu « nous a
aimés et a envoyé son Fils comme victime de propitia-
tion pour nos péchés..., comme Sauveur du monde. »
I Joa., iv, 10, 14. « A celui qui nous a aimés, qui nous
a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits
rois et prêtres de Dieu, son Père, à lui la gloire et la
puissance. » Apoc, i, 5, 6. s Vous avez été immolé, et
vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, ceux de
toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute
nation, et vous les avez faits rois et prêtres. j> Apoc, v,
9, 10. Dans l'Apocalypse, Jésus-Christ est acclamé comme
« l'Agneau qui a été immolé. » Apoc, y, 12, 13; vu,
14, etc.
7° On le voit donc, les écrivains du Nouveau Testa-
ment ont sur la rédemption une doctrine concordante,
et cette doctrine est en parfaite harmonie avec celle
qu'a formulée le prophète Isale. L'affirmation capitale
de la mission rédemptrice du Sauveur se trouve dans
les paroles de la dernière Cène, préparées par celles
qui précèdent dans Isaïe et dans l'Évangile, reproduites
et expliquées ensuite par la prédication et les écrits des
Apôtres. Attribuer à saint Paul la première idée d'une
doctrine si importante, c'est méconnaître la significa-
tion de la prophétie d'Isaïe, le caractère spirituel de
l'œuvre du Messie, la cause finale de l'incarnation et le
sens des paroles attribuées au Sauveur lui-même sous
la garantie des témoins de sa vie publique. Ce serait
d'ailleurs supposer très gratuitement et contrairement
à toutes les probabilités qu'il a suffi que saint Paul
imaginât une théorie de la rédemption pour que les
Evangélistes et saint Pierre lui-même en fissent la base
de leur exposition doctrinale. Car ce ne sont pas de
rares et vagues allusions, ce sont des affirmations répé-
tées et concordantes qui se rencontrent dans tous les
auteurs sacrés du Nouveau Testament. A s'en tenir à
tous ces textes, et indépendamment même de l'inter-
prétation unanime des Pères, on est donc en droit de
conclure que le fait de la rédemption est une réalité
prévue plusieurs siècles à l'avance, voulue formelle-
ment par Dieu, acceptée volontairement par Jésus-
Christ avec toutes les conséquences qui devaient en
résulter pour sa personne divine, et effectuée par lui
au jour de sa passion et de sa mort sur la croix. Cf.
Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905,
p. 38-99; Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902,
p. 218-270.
II. Ses effets. — La rédemption ne doit pas être
isolée de l'incarnation. La valeur de la rédemption se
tire, en effet, de la qualité personnelle du Rédempteur,
par conséquent de la divinité qui s'est unie à l'humanité
dans l'incarnation. D'autre part, le mérite rédempteur
a été acquis à tous les actes du Sauveur; presque tout
ce qui est affirmé de la rédemption peut donc s'étendre
à toute la vie de Jésus-Christ. Néanmoins sa mort sur la
croix constitue l'acte rédempteur par excellence, celui
qui couronne tous les autres et en vue duquel ils sont
ordonnés. Les effets qui résultent de cet acte sont les
suivants :
1° Satisfaction pour le péché. — Le péché constitue
une dette vis-à-vis de Dieu; c'est le nom que lui donne
Notrc-Seigneur. Matth., vi, 12. Cette dette représente
une jouissance que le pécheur s'est procurée contrai-
rement à la volonté de Dieu. Pour s'acquitter, le pécheur
doit donc offrir à Dieu une souffrance en compensation
de la jouissance illégitime, et, à raison de la majesté de
l'offensé, « sans effusion de sang, il n'y-4 pas de rémis-
sion. » Heb., IX, 22. Mais tout le sang des animaux et
des hommes étant incapable de donner satisfaction à la
justice divine, Jésus-Christ est venu, et en mourant pour
les hommes, il s'est constitué leur rançon. Matth., xx,
28; Marc, x, 45; ITim., n,6;Tit., n, 14; I Pet., i, 18,
19. En conséquence, le péché a été remis. Joa., I, 29,
36; Act., x, 43; xm, 38, 39; xxvi, 18. La victime étant
divine, la satisfaction offerte par son sacrifice a été sur-
abondante, de sorte que non seulement la justice de
Dieu a été pleinement satisfaite, Rom., m, 25; vin, 3,
1015
REDEMPTION
REFRAIN
1016
4, 32; II Cor., v, 21, mais encore le prix de la ran-
çon a été très élevé. I Cor., vi, 20; vu, 22, 23, « Là où
le péché avait abondé, la grâce a surabondé. » Rom.,
t, 20.
2° Réconciliation avec Dieu. — Les exigences de la
justice divine ayant reçu satisfaction, l'homme a été
réconcilié avec Dieu, aux yeux duquel il était naguère
-un révolté. Rom., v, 10; II Cor., v, 18-19; Eph., n, 4-
16; Col., i, 19-23; I Thés., i, 10; I Pet., m, 18. Le Sau-
veur « a détruit l'acte qui était écrit contre nous et
nous était contraire avec ses ordonnances, et il l'a fait
disparaître en le clouant à la croix. » Col., il, 14. La
rédemption est ainsi devenue la cause du salut du monde
en le sauvant des effets du péché qui faisait de Dieu,
source unique de la vie éternelle, l'ennemi de l'homme.
Joa., m, 17; vin, 28; xn, 32, 47; Heb., vu, 25, 27;
I Joa., iv, 10, 14. Cette rédemption a été universelle,
acquise à tous les hommes qui veulent en profiter.
I Joa., n, 12; Apoc., v. 9, 10. Si, à la dernière Cène, le
Sauveur dit seulement que son sang est versé « pour
beaucoup », Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 24, c'est que
c mort pour tous >; en droit, II Cor., v,14, même pour
ceux qui se détournent de lui, Il Pet., n, 1, il ne par-
lait alors que de ceux qui, en fait, devaient profiter de
sa mort.
3° Ruine de l'empire de Satan. — Avant la rédemp-
tion, Satan était le « prince de ce monde, » Joa., xn,
31; xiv, 30; « il avait l'empire de la mort, » Heb., n,
14, par laquelle il exerçait sa tyrannie sur les hommes
qui avaient préféré son service à celui de Dieu. Par la
rédemption, Jésus-Christ le jette dehors. Joa., xn, 31.
II dépouille les principautés et les puissances, et les
livre hardiment en spectacle. Col., n, 15. Il brise par
sa mort la puissance de celui qui avait l'empire de la
mort, c'est-à-dire du diable. Heb., n, 14. Il détruit les
œuvres du diable, I Joa., m, 8, c'est-à-dire le péché et
l'influence néfaste dont Satan disposait pour le faire
commettre.
4° Délivrance de toutes les servitudes. — Jésus-Christ
met fin par sa mort à la servitude du péché, Col., i,
14; Eph., i, 7; Tit., n, 14; Heb., ix, 26; I Joa., m, 4-6;
à celle de Satan, II Tim., H, 26; à celle de la mort,
Heb., il, 14; II Tim., 1,10, et à celle de la loi ancienne.
Rom., vu, 14; Gai., ni, 13; îv, 5. Il remplace ces servi-
tudes par la loi de liberté. Jacob., i, 25; h, 12. C'est la
liberté glorieuse des enfants de Dieu, Rom., vni; 21,
par laquelle le Christ nous a affranchis. Gai., rv, 31 ;
cf. v, 13.
5° Biens de la vie spirituelle. — « Dieu n'a pas
épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous
tous; comment donc, avec lui, ne nous a-t-il pas donné
tous les biens ? » Rom., vin, 32. Ces biens sont mul-
tiples. Jésus-Christ nous a assuré la possession de la
vie, Joa., x, 10; Col., u, 13; I Joa., m, 14, de cette vie
spirituelle et surnaturelle qui doit conduire à la vie
éternelle. Joa., m, 15; Heb., v, 9; ix, 12; I Joa., v, 11,
13. Cettte vie surnaturelle comporte la sanctification,
Joa., xvn, 19; Heb., x, 10, 14; xm, 12, l'adoption divine
qui fait de l'homme racheté l'enfant de Dieu, Joa., i,
12; Rom., vin, 15, 23; Gai., iv, 5; Eph., î, 5, le cons-
titue roi et prêtre, Apoc, i, 6; v, 9; I Pet., n, 5, c'est-
à-dire le consacre pour le service de Dieu et lui donne
de vivre pour Jésus-Christ. II Cor., v, 15; I Thess., v,
10. Pour que toutes les grâces que comporte cette
dignité nouvelle soient accordées à l'homme et digne-
ment utilisées, Jésus-Christ rédempteur est tout à la fois
l'intercesseur qui les demande dans le ciel, Heb., iv,
14, 15, et le modèle à imiter sur la terre. I Pet., n, 21,
24; iv, 1, 13.
6° Gloire de Dieu. — Cette gloire est, à vrai dire, le
premier et principal résultat que le Fils de Dieu avait
en vue en venant sur la terre, tout en se proposant de
la procurer par la rédemption des hommes : « Gloire,
dans les hauteurs, à Dieu, et sur la terre, paix, bien-
veillance pour les hommes. » Luc, II, 14: Dans ce qu'il
dit, ce qu'il fait et ce qu'il souffre, le Fils de Dieu ne
cherche que la gloire de son Père. Joa., vin, 49, 50;
xm, 31, 32; xiv, 13. Au moment de partir pour Gethsé-
mani, il dit aux apôtres : « Afin que le monde sache
que j'aime mon Père et que j'agis selon le commande-
ment que mon Père m'a donné, levez-vous, partons
d'ici. » Joa., xiv, 31. Il rappelle à son Père qu'il l'a
glorifié toute sa vie et demande à pouvoir le faire encore
en mourant. Joa., xvn, 1, 4, 6, 26. Enfin, dans son
agonie, il accepte la mort parce que telle est la volonté
de son Père. Matth., xxvi, 39, 42; Marc, xiv, 36; Luc,
xxii, 42. Cette mort est le sacrifice par excellence ; elle
procure donc éminemment la réalisation des fins du
sacrifice; elle n'est pas seulement un acte d'expiation
et d'intercession en faveur des hommes coupables, elle
est aussi et avant tout un acte d'adoration et de recon-
naissance envers le Père qui est dans les cieux.
H. Lesètre.
RÉÉMA, ville d'Arabie, Ezech., xxxvn, 12, dont le
nom est écrit en hébreu comme celui que la Vulgate a
rendu par Regma. Gen., x, 1 ;1 Pav., i, 9. VoirREGiu,
col. 1022.
REFAÏM- Voir Raphaïm, col. 975.
REFRAIN, un ou plusieurs mots qui se répètent à
plusieurs reprises dans un chant. Le refrain répété en
chœur est un élément commun à toutes les poésies
populaires, il appartient à toutes les liturgies. La Bible
l'exprime par le mot n:y, 'ândh, « élever la voix »,
spécialement : « répondre », Gen., xxm, 14; Ps. lxvii
(lxvi), 14; Dan., 11, 7; et « chanter (en refrain ou en
chœur) ». Ex., xxxu, 18; Num., xxi, 27; Ps. CXlvii
(cxlvj), 7; Is., xxvii, 2. Dérivés : ma'ânâh, Job, xxxu, 3,
et ma'anit, Ps. cxxix (cxxviii), 3, « réponse ». Les Sy-
riens appellent le refrain 'ûnîtâ. C'est le ^W»-, « ré-
plique, réponse », des chants arabes, Viç-j^to-i ou
YvKaiiô-tj des hymnes grecques.
1° L'usage du refrain dans les chants hébreux estattesté
par l'Écriture, le refrain lui-même est souvent, mais
pas toujours régulièrement, porté dans les pièces bibli-
ques. Le Ps. xxvin (xxvii) donne en titre l'indication
lë'annôt, « pour chanter » ou « pour répondre ». L'Exode
dit gôl 'ânôt, « voix de chants » ou c< de chœurs ».
Ex., xxxu, 18. Certains auteurs croient que l'expression
'alpé sin'dn, Ps. lxviii (lxvii), 18, « les milliers qui
répètent », signifierait la réponse en chœur des foules.
Goussanville, Prxf. ad Antiphonarium S. Gregorii,
dans Gerbert, Monuni. vel. lit. Alem., t. i, p. 64. Quoi
qu'il en soit, l'usage du refrain est prouvé par le Tal-
mud, Sota, 20 b : « Après chaque division (de strophe),
le peuple reprenait les paroles initiales. » Voir H. Grù-
newald, Ueber den Einfluss der Psalmen auf die
Enttialtung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890,
p. 17, 18. 11 était très pratiqué chez les Thérapeutes :
àvctçiivoiç ipjjLovfat;... atpotpâç te,., xai àvTKTtpôçnu;..'.
(UXsffiv àvTr,xoi; *ai àvitçiovoiç. Philon, De vita contem-
plàtiva, xi, édit. Mangey, 485, 486; comme aussi dans
les premières liturgies chrétiennes : Carmen Christo
quasi Deo, dicere SECUM invicem. Pline le jeune,
Epist. lxix ad Trajan., édit. Lemaire, t. Il, p. 199 :
« A celui qui psalmodie dans l'église, les vierges et les
enfants répondront en psalmodiant. Si deux ou trois se
trouvent psalmodiant à la maison, ils se répondront
l'un à l'autre en psalmodie. » Rahmani, Testamentum
D. N. J. €., Mayence, 1899, p. 142, 143. 'O X«b« xà
ày-pooTt^ia v-xafyoù.Xézia. Constit. apostol., II, 57, t. I,
col. 728. Les termes liturgiques ûitaxoT,, îmaKoOetv, fré-
quents sous la plume des écrivains ecclésiastiques grecs,
Acta Concil. Nicseni 11, Mansi, Conc., t. xm, col. 170;
S. Jean Chrysostpme, In Ps. xli, t. lv, col. 155-158;
1017
REFRAIN — REFUGE (VILLES DE)
101*
S. Athanase, Apologia de fuga sua, 24, t. xxv, col. 675;
sont un emprunt à la traduction des Septante, Job, xiv,
13, etta xaXéaetç, éy'5 8s <rot Ù7raxou<rou.ai.
2° Le refrain primitif est une acclamation, teru'âh,
Ps. xxxiii (xxxn)3; lxxxjx, (cxxxviii) 16; Num., xxm,
21; II Sam. (Reg.) vi, 5; I Esd., m, 11, souvent prise
en dehors du texte, comme « Amen », Deut. xxv, 15-26.
Voir Amen, t. i, col. ,475, ou « Alléluia », qui est encore
dans le Psautier hébreu placé comme une « antienne »
ajoutée aux Psaumes. Voir Alléluia, t. i, col. 369; ou
bien cette réplique appartient au textelui-même. Nous
en avons plusieurs exemples. Au Psaume cxxxvi (cxxxv),
chaque verset comporte la réponse kî le'ôldm hasdô,
laquelle est indiquée aussi aux Psaumes cvi (cy), et cyn
(cvi); et il semble que cette même formule de refrain
s'employait dans toutes les circonstances solennelles :
I Esd. m, 11 : « ils répondront wi, en louant et
en célébrant le Seigneur, parce que sa miséricorde est
éternelle. » Voir I P»t.,xvi, 41; II Par., v, 13; vu, 6;
xx, 21. Le cantique des trois jeunes hommes a pour
retrain après chaque verset : « Loué, glorifié et exalté
dans les siècles. » Dan., m, 52-57; puis : « Louez-le et
exaltez-le dans les siècles », 57-88. Ailleurs le refrain
est la reprise des premiers vers. Cf. Exod. xv, 20 avec xv,
1. Voir aussi Ps. vin, 1, et 10. Telle est l'ancienne forme
orientale du chant à refrain ou chant alterné. Mais l'al-
ternance eut lieu aussi en suivant sans répétition la
psalmodie ou l'hymne, chanté à deux chœurs. Socrate,
H. E., vi, 8, t. lxvii, col. 689; Barhébraeus, Chronic.
ecclesiast., H, 11, édit. Abeloos-Lamy, Paris, 1864, t. H,
p. 33-34. Les traditions artistiques de la Grèce attri-
buaient du reste aux chants alternés une antiquité
immémoriale, lliad., i, 604. Mais le plushaul exemple
de chant alterné se trouve dans Isaïe, vi, 3 : « [Les deux
séraphins] criaient l'un à l'autre et disaient : « Saint,
saint, saint est le Seigneur le Dieu des armées; toute la
terre est remplie de sa gloire, »
L'usage populaire du refrain devint plus tard, dans
les poésies scripturaires, un procédé littéraire étudié.
Au Psaume xlvi (xlv) le refrain se forme des derniers
vers de la strophe :
Le Seigneur des armées est avec nous ;
Le Dieu de Jacob est notre refuge.
Voir Bickell, Metrices biblicse regitlœ exemplïs illus-
tratœ, Inspruck, 1879, p. 45. C'est aussi un refrain
trois fois répété que présente le texte des Psaumes xlii
xli)6, 12; xliii (xlii), 5.
[dedans de moi ?
Pourquoi te troubler, ô mon âme et pourquoi défaillir au
Espère au Seigneur, car je le louerai encore :
Il est le salut de ma face et mon Dieu.
Isaïe insère comme ua refrain, dans sa prophétie
contre Israël et la Syrie, ces deux vers, répétés régu-
lièrement après chaque strophe de douze vers :
Tous ces maux n'ont pas détourné sa colère.
Et son bras est encore levé. Ps. IX, 12, 17, 21 ; X, 4.
Le Psaume cvn (cvi) termine toutes ses strophes par
un refrain de quatre vers chaque fois modifié : 8 et 9,
15 et 16, 21 et 22, 31 et 32. Cf. Ps. clxiv (cxlv), 8 et
11; lxxx (lxxix). Mais la transcription de ces ré-
pétitions n'est pas toujours régulière. Faut-il voir
aussi un double refrain au Psaume lix (lviii). 7 et 15,
10 6,-11 a et 18 bf Quoi qu'il en soit, les. exemples
cités montrent largement l'emploi du chant à refrain
dans la Bible. On peut en constater encore la pratique
dans le service actuel de la synagogue, où la récitation
de prières rythmées, alternée entre l'officiant et le
peuple, ressemble à une sorte de litanie. L'ancien
usage juif passa aux chrétiens, et ce sont ces acclama-
tions liturgiques primitives qui ont donné origine aux
antiennes de notre psalmodie, lesquelles n'étaient jadis
que la réponse donnée par le peuple ou le chœur aux
versets du Psaume chantonnés par le lecteur ou le-
chantre. . J. Parisot.
1. REFUGE (hébreu : hâsût, mahséh, mànôs, mis-
(ôr, mâ'ôz, mâ'ôn, misgab, \oz; Septante : xaTaçuY^;
Vulgate : réfugiant), lieu où l'on se met à l'abri d'un-
danger.
1» Au sens propre. — La Palestine abonde en
rochers, en vallées escarpées et en cavernes dans les-
quels on pouvait se mettre en sûreté quand on était
poursuivi par quelque ennemi ou menacé d'un danger.
Voir Caverne, t. n, col. 355, Les malheureux cherchaient
le rocher comme refuge pendant la pluie. Job, xxiv,
8. On demandait aussi un refuge aux villes. I Mach., x,
14; II Mach., v, 9. Contre l'orage et la pluie, une tente
pouvait servir de refuge, ànoxp'joov, absconsio. Is.,
iv, 6.
2° Au sens figuré. — Il n'y a point de refuge pour
les méchants, .lob, xi, 20. Le juste persécuté se plaint
de ne pas trouver dé refuge, tovyri, fuga. Ps. cxlh
(Cxli), 5 . Le refuge que les Israélites cherchent à
l'ombre de l'Egypte tournera à leur confusion. Is., xxx,
3. La grêle emportera le refuge du mensonge et les
eaux renverseront l'abri sur lequel on compte. Is.,
xxvni, 17. —Très souvent, c'est Jéhovah lui-même qui
est considéré ou invoqué comme le refuge de ses servi-
teurs. Ps. ix, 10; xxxi (xxx), 3; xlvi (xlv), 2; xc
(lxxxix),1; xci(xc), 2, 9; xciv(xciii), 22; II Reg., xxu,
3; Is., xxv, 4 ; Joël, iv, 16, etc. Les différents synonymes
hébreux ne sont pas toujours traduits par y.xxa!f\iyri> '*e~
fugium. Les versions se servent encore des mots (3oyj-
6ita,« force », auxitium, « secours »,. Ps. lxh (lxi), 8;
fjoïiôdç, « fort », fortitudo, « force », Is., xxv, 4; adju-.
tor, « aide », Ps. lxii (lxi), 9; lxxi (lxx), 7; tôttoc
ôxupoç, locus munitus, « lieu fortifié », Ps. lxxi (lxx),
3; xpaTatMa.*, fortitudo, « forteresse », Ps. xxviii,.
(xxvn), 8; xliii (xlii), 2; àv"[eXv}7rrMp, susceptor, « sou-
tien », Ps. xvm (xvii), 3; xlvi (xlv), 8, 12; xlviii,.
(xlvii), 4 ; UX (iron), 10, 18", xci (X.C), 2; înwçaarcKrtifit,.
protector, « protecteur ». Ps. xxvm (xxvn), 8; xxxvit
(xxxvi), 39. Dans un même verset, Jérémie, xvi, 19,
appelle le Seigneur 'oz, mâ'ôz, mànôs, td/ûc, porfîzia,
xaTatpuyTJ, fortitudo, robur, refugium, «. forteresse,
force, refuge ».Tous ces mots expriment la même idée :
en Jéhovah, le juste trouve un refuge puissant et assu-
ré, comme celui que ménagent aux fugitifs les rochers
les plus solides. H. Lesêtre.
2. REFUGE (VILLES DE) l'ârê miqlàt ; Septante :
nt5Xei; t<5v çuYaScuTi)p(u>v, fuyàSevTr'pia, çuyaSeîa; Vul-
gate : urbes, prsesidia, auxilia fugitivorum), villes
dans lesquelles s'exerçait le droit d'asile en faveur des
homicides involontaires.
1» La législation. — En portant la loi contre l'homi-
cide, Moïse avait dit au sujet du meurtrier et de sa
victime : « S'il n'a pas eu cet homme en vue et que
Dieu l'ait présenté à sa main, je te fixerai un lieu où
ii pourra se réfugier. » Exod., xxi, 13. Quand, en effet,.
un meurtre avait été commis, un propre parent de
la victime avait le droit de poursuivre le meurtrier
et de le mettre à mort. Voir GoEi,^t. m, col. 262.
Mais il pouvait arriver que le meurtre^eùt été invo-
lontaire. On avait jeté quelque chose sans intention
ou laissé tomber une pierre par mégarde, le fer de la
hache s'était échappé du manche et avait frappé mor-
tellement un compagnon de travail, etc. Num., xxxv,
22, 23; Deut., xix, 5. En pareil cas, le crime d'ho-
micide n'existait pas, et, s'il y avait imprudence, elle
n'était pas toujours gravement coupable. D'autre part,
il n'eût pas été sage de laisser l'appréciation de
l'acte. au vengeur du sang, qui eût souvent manqué
d'impartialité. Lors donc qu'un homicide accidentel
1019
REFUGE (VILLES DE) — RÉGÉNÉRATION
1020
était survenu, le meurtrier se hâtait d'aller se réfugier
dans une ville déterminée. Il s'arrêtait à la porte et
exposait son cas aux anciens. Ceux-ci devaient lui assi-
gner une demeure et ensuite prendre soin de le faire
comparaître devant l'assemblée, qui jugeait l'affaire.
Si le meurtrier était reconnu coupable, on le livrait au
vengeur du sang, qui le mettait à mort. Dans le cas
contraire, les anciens le ramenaient dans la ville de
refuge. Là il était inviolable. Mais il restait confiné
dans la ville jusqu'à la mort du grand-prêtre. S'il en
sortait auparavant, le vengeur du sang avait le droit de
le frapper en dehors de la ville de refuge. A la mort du
grand-prêtre, le meurtrier pouvait impunément rentrer
dans son pays. Cette loi était portée pour que le sang
innocent ne fût pas versé et ne retombât pas sur le
peuple. Le législateur tenait tant à ce que le meurtrier
involontaire pût se mettre à l'abri, qu'il ordonna d'en-
tretenir en bon état les routes conduisant aux villes de
refuge, afin que l'intéressé pût y arriver plus rapide-
ment et plus sûrement. Num., xxxv," 12-28; Deut., xix,
1-13; Jos., xx, 2-9. La loi est répétée jusqu'à trois fois,
à raison de son importance. Le séjour forcé du meur-
trier dans la ville de refuge pouvait être assez long.
Certains grands-prêtres ont été en fonction de 40 à 50
ans et beaucoup de 15 à 20 ans. La gêne qui résultait de
cet internement était compensée par la sécurité dont
jouissait le meurtrier. Elle constituait aussi un avertis-
sement sérieux; il fallait apporter une grande prudence
dans tous les rapports avec le prochain.
2° Les villes désignées. — Après avoir promis d'indi-
quer un lieu de refuge, Exod., xxi, 13, Moïse décida
que six villes jouiraient du droit d'asile, trois à l'est
du Jourdain et trois à l'ouest. Elles devaient être ouver-
tes à l'Israélite, au gêr ou étranger vivant au milieu
des Israélites en adoptant leurs coutumes, et même à
l'étranger séjournant simplement dans le pays. Après
la conquête de la contrée à l'est du Jourdain, Moïse
désigna trois villes de refuge : Bosor, dans le désert
de la plaine, pour la tribu de Ruben ; Ramoth, en Ga-
laad, pour la tribu de Gad, et Golan ou Gaulon, en Ba-
san, pour ceux de la tribu de Manasêé. Deut., iv, 41-43.
Plus tard, il rappela que trois autres villes devaient
être désignées dans le pays de Chanaan et il ajouta
qu'on pourrait en désigner trois de plus lorsqu'on aurait
conquis la Terre Promise jusqu'à ses limites extrêmes.
Deut., xix, 2, 7-9; cf. Gen., xv, 18; Exod., xxrri, 31.
Le pays de Chanaan devait, à cet effet, être divisé en
trois parties, Deut., xix, 3, comme le pays transjorda-
nique. Sous Josué furent désignées les trois villes de
Chanaan : Cédés, en Galilée, dans la montagne de Neph-
thali; Sichem, dans la montagne d'Éphraïm, et Cariath-
arbé ou Hébron, dans la montagne de Juda. Jos., xx,
2-9; On peut remarquer, à la suite des docteurs de la
Gémara, Makkoth,tol. 9, 2, que ces trois dernières vil-
les correspondaient, par la latitude, à celles de la rive
gauche du Jourdain, Cédés à peu près à Gaulon, Si-
chem à Ramoth et Hébron à Bosor. Voir Bosor, t. i,
col. 1856; Cariatharbé, t. n, col. 272; Cédés, col. 360;
Gaulon, t. m, col. 116; Hébr0n,co1. 554; Ramoth, t. v,
col. 960; SiGHEjf. En Chanaan, les villes de refuge se
trouvaient dans la montagne et pouvaient être plus fa-
cilement défendues. Les six villes étaient assez distan-
tes l'une de l'autre pour que le meurtrier n'eût pas à
s'attarder en chemin, s'il voulait échapper au vengeur. Il
est probable d'ailleurs qu'il ne prenait les routes prin-
cipales que quand son habitation en était voisine. Pour
l'ordinaire, il avait intérêt à suivre les sentiers les plus
courts et les moins fréquentés. Le nombre des villes de
refuge ne parait jamais avoir été de pins de six. La
Terre Promise atteignit ses limites extrêmes du temps de
David et de Salomon, mais ce ne fut que d'une manière
passagère, et l'on n'eut pas besoin de multiplier les asi-
les. — Les anciens des villes de refuge avaient la charge
d'assurer la protection du réfugié, sa comparution devant
l'assemblée etsa remise au vengeur du sang s'il était re-
connu coupable. Les lévites furent choisis pour s'ac-
quitter de ces soins et, dans ce but, les villes de refuge
furent rangées parmi les villes lévitiques. On attribua
donc Hébron aux fils d'Aaron, Sichem aux fils de Caath,
Gaulon et Cédés aux fils de Gersom, Ramoth et Bosor
aux fils de Mérari. Jos., xxi, 13-38; I Par., vi, 57, 67,
71, 73, 78, 80. — Dans la suite de l'histoire d'Israël,
il n'est pins fait mention des villes de refuge, ce qui
prouve seulement que cette institution ne donna lieu
à aucun incident notable. Les rabbins prétendent que
les 48 villes lévitiques jouissaient du droit d'asile. Il
est vrai que dans le texte grec de Josué, xxi, 27, on
appelle les villes lévitiques ràç mSXei; ràç àçwpiajiévaç
■toïç çoveûijaac, « les villes assignées aux meurtriers ».
La Vulgate porte aussi confugii civitates. Mais l'hébreu
a ici le mot 'ir, « ville », au singulier, conformément
aux passages analogues. Jos., xxr, 32, 36, etc. On ne
peut donc s'appuyer sur les versions pour justifier l'ex-
tension du droit d'asile à toutes les villes lévitiques.
Les rabbins distinguent d'ailleurs entre les villes de
refuge et les autres villes lévitiques. D'après eux, les
villes de refuge protégeaient le meurtrier, qu'il connût
ou non le privilège de la ville, et il n'avait pas à y
payer son logement; les autres villes, au contraire, ne
protégeaient que celui qui croyait à leur privilège,
mais elles ne l'hébergeaient pas gratuitement. Cf. Uak-
koth, n, 4; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741,
p. 119.
3° Le droit d'asile. — Il est dit dans l'Exode, xxr,
14 : « Si un homme, de propos délibéré, tue son pro-
chain par ruse, tu l'arracheras de mon autel pour le
faire mourir. » Ce texte suppose en vigueur l'usage de
chercher un refuge auprès de l'autel quand on était
coupable ou seulement menacé de mort. Dieu ne veut
pas que son autel protège le coupable; il n'interdit
pas cependant que l'autel continue à préserver celui
qui est menacé de mort sans l'avoir mérité. La législa-
tion mosaïque réprouve ainsi très nettement le droit
que les autres peuples reconnaissaient aux lieux d'asile.
Les coupables eux-mêmes y trouvaient un abri contre
les sévérités de la justice. Chez les Israélites, ni l'autel,
ni les villes de refuge ne protégeaient les coupables.
Quand Adonias se vit surprendre au milieu de sa cons-
piration contre Salomon, il se hâta d'aller saisir les
cornes de l'autel, pour se mettre sous la protection
divine. Il n'était pas meurtrier, mais coupable d'un
crime qui méritait la mort. Salomon lui fît grâce, mais
par pure clémence. III Reg., i, 50-53. Il en alla autre-
ment pour Joab, le meurtrier d'Asaël et d'Abner.
II Reg., n, 23; m, 27. Il eut beau se réfugier dans le
sanctuaire, auprès de l'autel ; Salomon ne l'en fit pas
moins mettre à mort. III Reg., n, 28-34. — Chez les
Grecs et les Romains, le droit d'asile appartenait aux
autels, aux temples et à leur enceinte sacrée. Cf. Hé-
rodote, n, 113; Euripide, Hecub., 149; Pausanias, n,5,
6; Dion Cassius, xlvii, 19; Strabon, v, 230; xiv, 641;
xv, 750; Tite Live, i, 8, 35, 51; Tacite, Annal., m, 60,
63; Florus, n, 12, parfois même à des villes et à leur
territoire. Cf. Polybe, vi, 14, 8; etc. Le temple d'Apol-
lon et de Diane, à Daphné, possédait le droit d'asile,
et c'est là que se réfugia le grand-prêtre Onias III, quand
il voulut dénoncer le vol sacrilège de Ménélas. II Mach.,
îv, 33. Voir Daphné, t. n, col. 1292. — Osiander, De
asylis Uebrseorum, Tubingue, 1672, dans Ugolini, Thé-
saurus, t. xxvi ; Ries, De prsssidiariis Levitarum urbi-
bus, Vitebsk, 1715. H. Lesétre.
RÉGÉNÉRATION (grec : icaXiYyevE<n'a,àvaxaivw(ji:;
Vulgate : regeneratio, renovatio), don d'une vie nou-
velle et surnaturelle faite à l'âme chrétienne par Jésus-
Christ. — Ce don a été annoncé et expliqué par le Sau-
1021
RÉGÉNÉRATION — RÉGOM
1022
veur à Nicodème. « Nul, s'il ne naît de nouveau, ne
peut voir le royaume de Dieu. Nul, s'il ne renaît de
l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume
de Dieu. Il faut que vous naissiez de nouveau. » Joa.,
m, 5-7. Cette naissance nouvelle n'est pas une naissan-
ce corporelle, comme l'imagine le docteur d'Israël;
elle s'opère par l'eau du baptême et l'Esprit qui pro-
duit dans l'âme la vie surnaturelle. De cette manière,
les hommes sont « régénérés d'un germe non corrup-
tible, mais incorruptible, parla parole de Dieu vivante
et éternelle. » I Pet., i, 23. Dieu « nous a sauvés par
le bain de la régénération, en nous renouvelant par le
Saint-Esprit qu'il a répandu sur nous largement par
Jésus-Christ. » TH., m, 5, 6. Le Sauveur, par sa mort,
a réconcilié ensemble Juifs et Gentils, « afin de fondre
en lui-même les deux dans un seul homme nouveau. »
Eph., n, 15. Il n'importe donc nullement d'avoir été
circoncis ou non ; « ce qui est tout, c'est d'être une
nouvelle créature. » Gai., vi, 15. « Quiconque est en
Jésus-Christ, est une nouvelle créature; les choses an-
ciennes sontpassées, tout estdevenu nouveau. » II Cor.,
v, 17. Être en Jésus-Christ, c'est ne plus vivre selon la
nature, mais par l'effet de la grâce surnaturelle qui
unit à Dieu et fait vivre de la vie divine. II Pet., i, 4.
Le chrétien devient par là un homme nouveau, au lieu
d'être comme auparavant ce vieil homme qui vivait de
l'ancienne vie purement humaine. Saint Paul exhorte
à se dépouiller du vieil homme, corrompu par les con-
voitises trompeuses, et à revêtir l'homme nouveau, créé
selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables.
Eph., iv, 22-24. Le vrai chrétien a « dépouillé le vieil
homme avec ses œuvres et revêtu l'homme nouveau
qui, se renouvelant sans cesse à l'image de celui qui
l'a créé, atteint la science parfaite. » Col., ni, 9, 10.
« Alors même que notre homme extérieur dépérit, notre
homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » II Cor.,
iv, 16. Désormais, dit-il aux Romains, vu, 6, « nous
servons Dieu dans un esprit nouveau, et non selon une
lettre surannée. » Il ajoute : « Purifiez-vous du vieux
levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle. » I Cor.,
v, 7. Cette régénération dqit donc être reçue de Dieu,
conservée avec soin, renouvelée sans cesse. Sans elle
comme l'a dit Notre- Seigneur, on ne peut entrer dans
le royaume de Dieu, on est exclu de l'Église et
ensuite du ciel. — Sur le sens dans lequel il faut
entendre l'impossibilité de la rénovation à la suite
de la rechute grave. Heb., vi, 6. Voir Pénitence,
col. 43. — Dans saint Matthieu, xix, 28, la régénéra-
tion est prise dans le sens de résurrection. — La résur-
rection corporelle est l'image de la résurrection spiri-
tuelle; Jésus-Christ est venu pour rendre la vie aux
âmes, comme il la rendra aux corps à la fin des temps.
Il est né « pour la chute et la résurrection d'un grand
nombre en Israël. » Luc, h, 34. Le baptême était con-
sidéré comme une sorte de sépulture dont on sortait
par la résurrection spirituelle. « Nous avons été ense-
velis avec lui par le baptême en sa mort, afin que,
comme le Christ est ressuscité des morts par la
gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une
vie nouvelle. » Rom., vi, 4. Cf. Col., n, 12, 13. « Si
donc vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez
les choses d'en haut. » Col., m, 1. Dieu, « selon sa
grande miséricorde, nous a régénérés par la résurrec-
tion de Jésus-Christ d'entre les morts pour une vivan-
te espérance. » IPet., i, 3; cf. m, 21. La mort de Jésus-
Christ est donc la cause de notre réconciliation avec
Dieu, et sa résurrection, celle de notre régénération.
C'est pourquoi l'Apôtre écrit que Notre-Seigneur a été
« livré pour nos offenses, et est ressuscité pour notre
justification. » Rom., iv, 25. — Saint Paul recommande
à son disciple de ressusciter, «vaÇwîtupetv, de «rallu-
mer» en lui la grâce de l'ordination. II Tim.,i, 6. Voir
Baptême, 1. 1, col. 1433. H. Lesétre.
REGINA, sœur de Galaad, de la tribu de Mariasse,
que la Vulgate a ainsi appelée parce qu'elle a traduit
son nom hébreu, ham-M ôléhéf (Septante : MaXex^)>
mère d'Ishod (t. m, col. 989; Vulgate : Virum déco-
rum), d'Abiézer 1 (t. i, col. 47) et de Mohola (t. iv,
col. 1188). II Par., vu, 18. Gédéon fut un de ses descen-
dants. On ignore pourquoi son nom a été conservé
dans la généalogie de sa tribu, par exception à l'usage
général. D'après une tradition juive, rapportée par
Kimchi dans son commentaire sur ce passage, elle
aurait régné sur une partie du territoire de Galaad,
mais cette tradition tire probablement son origine de
l'étymologie de son nom.
RÈGLE (hébreu : qdv; grec : xavwv ; Vulgate : régula),
ligne de conduite à suivre pour arriver à un but. Le
mot hébreu qdv désigne tout d'abord la corde tendue
à l'aide de laquelle on mesure; en grec, xavwv est le
roseau ou la barre de bois dont on se sert pour tirer
une ligne droite; le latin régula et le français « régie »
ont ordinairement le même sens. Ainsi la Vulgate
appelle régula aurea, « règle d'or », la barre d'or
nommée en hébreu lesôn zdhâb, yXônoa -/puff^, « langue
d'or ». Jos., vu, 21. Les mots qui désignent l'objet,
corde ou barre de bois, au moyen duquel on peut tra-
cer une ligne droite, ont été ensuite employés pour dé-
signer l'ensemble des prescriptions, techniques ou
morales, dont il faut tenir compte si l'on veut atteindre
directement un but déterminé. — Isaie, xxvm, 10, met
en scène les prêtres et les faux prophètes de Jérusa-
lem qui, pris de vin, le tournent lui-même en ridicule
et répètent en balbutiant : sav lasav, sav lasdv, qav
Idqdv, qav lâqâv, « ordre sur ordre, ordre sur ordre,
règle sur règle, règle sur règle », faisant ainsi allusion
aux conseils d'Isaïe. Les versions, Septante : èXni'Sâ
ÈTi'èXTiiSi, « espérance sur espérance», Vulgate : expecta,
reexpecla, « attends, attends encore », ont rattaché qdv
au verbe qivvdh, « attendre, espérer ». Dans la suite
du même oracle, le Seigneur dit qu'il prendra le droit
pour règle, qàv, Septante : eîç ilTziSa, « pour espérance »,
Vulgate : in pondère, « pour poids ». Is., xxvm, 17.
— Saint Paul appelle x«vmv, régula, « règle », le champ
d'action qui a été assigné par Dieu à son apostolat
et qu'il ne veut pas dépasser. II Cor., x, 13, 15, 16.
Après avoir rappelé que la circoncision et J'incirconci-
sion ne sont rien par elles-mêmes et quo l'essentiel est
d'avoir part à la régénération en Jésus-Christ, il souhaite
paix et miséricorde « à ceux qui suivront cette règle ».
Gai., vi, 16. Il dit aux Philippiens, m, 16 : « Marchons
comme nous l'avons déjà fait jusqu'ici, » ce que la
Vulgate traduit : « Tenons-nous en à la même règle. »
H. Lesétre.
REGMA (hébreu : Ra'emdh; Septante : 'Pty\i.â;
dans Ézéchiel : 'Pa[iâ),fils de Chus et père deSabaetde
Dadan. Gen., x, 7; I Par., i, 9. C'est un nom ethnique.
Ézéchiel, xxvn, 22, parle de la tribu qui portait ce
nom comme d'une tribu qui faisait le commerce avec
les Syriens. Les Septante^ en transcrivant le nom hébreu
par 'PsY(xâ, semblent avoir pensé que ce peuple
habitait la ville de la rive orientale du golfe Persique
appelée de ce nom. Ptolémée, vi, 7, 14. Cette identifi-
cation très ancienne est généralement-adoptée .« Regma
(de Ptolémée) est rapprochée avec raison du Ra'emah
biblique, » dit Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und
Géographie Arabiens, 1890, t. Il, p. 252; cf. p. 325,
où il place Regma à Ras Mesandum. Voir aussi
D. H. Muller, Der Status constructus im Bimjari-
chen, dans Zeitschrift der deutschen morgenlândis-
schen Gesellschaft, t. xxx, 1876, p. 122. Cf. Gesenius,
Thésaurus, p. 1297.
RÉGOM (hébreu : Régém; Septante : 'Paysi*), fils
aîné de Jahaddaï, de la tribu de Juda, descendant de
1023
RÉGOM
REHUM
1024
Caleb par Épha, I Par., h, 17. Voir JahaddaÏ, t. m,
col. 1105. — Pour un autre personnage dont le premier
élément du nom est aussi en hébreu Régém, veir
HOGOMMÊLECH.
1. REHOBOTH- ÎR (hébreu : l>y nifn; Septante :
'Powâàfl irôXtv), une des villes qui constituèrent, à
l'origine, le royaume d'Assur. La Vulgate traduit :
Niniven.et plateas civitatis. Gen., x, 11, Les com-
mentateurs de nos jours considèrent généralement
Refcobof-'lr comme une ville distincte et proprement
dite, tout en faisant observer que son nom signifie :
« faubourg y ou « banlieue », d'une façon certaine.
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6= édit., t. 1, p. 360; J. Oppert, Expédition en Mésopo-
tamie, Paris, 1863, t. i, p. 136; Calmet, Commentaire
littéral, La Genèse, Paris, 1734, t. i, p. 105; Frd. De-
litzsch, Wo lag das Parodies? Leipzig, 1881, p. 260.
En général on la rattache à Ninive. Eb. Schrader,
Die Keilinschriflen und das alte Testament, 2 e édit.,
1883, p. 100. — Quant au site de Rehobop-Ir, il est incon-
nu. On a tour à tour proposé : Oroba, sur le Tigre ;
Birta oaVivta, vers l'embouchure du Lycus; Rahabath
Melci = « la Rahabath du Roi » citée Gen., xxxvi, 37,
et ainsi nommée parce qu'elle donna un roi à l'Idumée;
Rahabath, au-dessous de Circésium et de l'embouchure
da Ghaboras dans l'Euphrate. Depuis les découvertes
assyriennes quelques assyriologues, en s'appuyant sur
l'expression ina rébit Nina, de l'inscription du prisme
d'Asarhaddon, lig. 54 (cf. l'inscription du cylindre de
Sargon, lig. 44), ont voulu placer Rehobot-'Jr au nord-
nord-est de Ninive, dans l'angle formé par le Chôser et
le mur oriental de Ninive, en dehors de ce mur et du
côté de cette porte de l'Est par laquelle les monarques
assyriens aimaient à rentrer dans leur capitale, en
triomphateurs. Au delà de cette porte s'élevèrent succes-
sivement l'antique ville de Magganubba ainsi que la
ville de Sargon : Dûr-Sarrukîn, aujourd'hui Khorsâbàd.
Herzog, Real-Encyclopâdie, 2 e édit., Leipzig, 1882, t. x,
p. 584; Fr. Hommel, Grundriss der Géographie und
Geschichte des Alten Orients, 2 e édit., Erste Hâlfte,
Munich, 1904, p. 107; Frd. Delitzsch, loc. cit. D'autres
ont voulu retrouver Rehobo[-lr sur le terrain même
de Mossoul, A. Billerbeck et A. Jeremias, Der Un~
tergang Kinevelïs und die Weissagungschrift des
Nahum von Elhosch, dans les Reitrâge iur Assyrio-
logie, t. m, Leipzig, 1898, p. 100; Id., Das alte Tes-
tament im Lichte des Alten Orients, 2 e édit., Leipzig,
1906, p. 273, ou encore dans les ruines de Rahaba,
sur la rive droite du Tigre, à 40 milles de Ninive
et à 20 milles de Kalah-Chergat. H. Rassam, Ribli-
cal nationalities Past and Présent, dans Transac-
tions of The Society of Riblical Archmology , 1885,
t. vin, p. 365. Toutes ces opinions sont conjecturales.
Remarquons enfin que la traduction de saint Jérôme
peut être soutenue. En effet, l'assyrien rêbitu, de la
racine asn, qui signifie « faubourg, banlieue », et aussi
« grande rue, place, et marché », présente une exacte
parité de signification avec l'hébreu rehôb, rehôbôt. Les
données de l'assyriologie ne prouvent pas, en effet, que
Rehobof-'lr fût une ville distincte. Le m. assyrien est,
en fait, toujours suivi d'un nom propre, soit de ville,
soit de personne. Sans exclure les constructions qui
pouvaient s'élever dans ce genre de faubourg, on doit
y comprendre les terrains de culture qui, tout en étant
situés en dehors des murs de la ville close, dépendaient
néanmoins du centre urbain. L'étendue même de cette
banlieue pouvait permettre le déploiement d'une armée
en bataille; c'est ainsi que Sargon vainquit JJumbanigaS,
roi d'Élam, i-na ri-bit Dûr-ilu ki. C. H. W. Johns,
An Assyrian Doomsday Booh, Leipzig, 1901, p. 50. Il
n'est donc pas impossible que Rehôbôt- lr désigne la
banlieue deT^inive. Frd. Delitzsch, dans CalwerBibel-
lexicon, 1885, p. 748-749. Y. Le Gac.
2. REHOBOTH (PUITS DE) (hébreu: Rehôbôt; Sep-
tante : zvpyyjuz'.ai; Vulgate : Latitudo, Gen., xxvi, 22),
nom donné par Isaac à un puits [creusé par ses servi-
teurs près de la ville philistine de Gérare. — La raison-
étymologique du mot Rehôbôt, « amples espaces »,
se trouve ici dans l'histoire du creusement du puits au-
quel le mot fut appliqué. Isaac demeurant à Gérare
était devenu très riche. Ce fait excita la jalousie des-
Philistins. Pour s'y soustraire Isaac dut quitter la ville,
et vintétablir son campement dans la vallée de Gérare.
Lés serviteurs d'Isaac y creusèrent deux puits qui
devinrent l'occasion de querelles avec les bergers du-
pays. Isaac alors nomma le premier puits 'Éseq, « que-
relle », voir t. m, col. 1950, et le second Sitndh, « ini-
mitiés ». Voir t. m, col. 877. S'étant avancé plus loin,
Isaac creusa un autre puits, pour lequel il n'y eut plus
de querelle, et il le nomma Rehobôp, « car maintenant,
dit-il, Jéhovah nous a mis au large, et nous prospére-
rons dans le pays. » Gen., xxvi, 12-22.
Il y a des savants qui croient reconnaître Rehoboth
dans le Rubûti ou Rubûte des Tablettes de Tell Amarna.
Cf. Expository Times, 1900, p. 239, 377. Cette iden-
tification n'est pas improbable, quoiqu'elle ne soit pas
unanimement admise. Ainsi Sayce, Early Israël, p. 289 ;.
Pétrie, Syria and Egypt from the Tell el-Amarna Let-
ters, p. 180, préfèrent identifier le Rubûti des Tablettes-
avec Rabbath de Jos., xv, 60; tandis que Fr. Hommel,
Die altisraelitische Veberlieferung, in- 12, Munich,
1897, p. 234, y voit indiquée Kiriatharba ou Hébron, qu'if
suppose avoir été alors appelé Roba'ôt, « les quatre
quartiers ». On place plus généralement aujourd'hui le-
puits de Rehoboth à huit heures au sud-ouest de Ber-
sabée, dans Vouadi Ruheibéh, au nord-est de Vouadies-
Sa'di. Le nom de cet ouadi rappelle Rehoboth ; il y a là,
dans l'ouadi même, un puits de douze pieds de diamètre,,
actuellement obstrué, et sur les pentes latérales il y a
d'autres puits, des citernes et des réservoirs. « Un peu
au delà de cet endroit, l'ouadi s'élargit et reçoit le nom
de Babr bêla mi, « la mer sans eau », et sur la gauche,
dit Palmer, débouche une petite vallée, appelée Sutnet
er Ruheibéh, dénomination dans laquelle sont conservés
les deux noms de Sitnah et de Rehoboth de la Bible. »
Palmer, Désert of the Exodus, 2 in-8°, Cambridge,
1871, t. il, p. 385; cf. p. 290, Map of the, Négeb. Avant
Palmer, J. Rowlands, dans G. Williams, The holy city
of Jérusalem, 2 in-8, Londres, 1849, t. i, p. 465, avait
déjà signalé le puits de Ruheibéh. « A un quart d'heure
à peu près au delà de Sebàta, dit-il, nous arrivâmes
à des ruines qui doivent être celles d'une ville très-
bien bâtie, appelée aujourd'hui Rohêbéh; c'est là, je
n'ai pas à ce sujet le moindre doute, cette ancienne
Rohoboth où Isaac creusa un puits. Gen., xxvi, 18, 22.
Cette ville est située, comme Rohoboth, dans le pays-
de Gérare. Hors des murs de la ville, il y a un puits
d'eau vive et bonne, appelé Bir Rohêbéh. C'est là très
probablement le site, sinon le puits même creusé par
Isaac, » A. Molim.
REHUM (hébreu : Rehûm; Septante : 'Peo-jh)! nom,
dans le texte hébreu, de cinq personnes, dont trois sont
ainsi exactement appelées dans la Vulgate et dont les
deux autres sont nommées en latin Reum (Beelteem).
I Esd.,iv, 8-17, et Rhénm, II Esd., xn, 3.
1. REHUM, un « des fils de la province » qui re-
vinrent en Palestine de la captivité de Babylone avec
Zorobabel. I Esd., H, 2. Dans le passage parallèle de
Néhémie, vu, 7, il est appelé Nahum. Voir Nahum 1,
t. iv, col. 1462.
1025
REHUM — REINE DU CIEL
1026
2. REHUM, lévite, fils de Benni, qui travailla du temps
-de Néhémie à la reconstruction des murs de Jérusalem.
Il Esd., m, 17.
3. REHUM, un des chefs du peuple qui, du temps de
Néhémie, signèrent l'alliance avec Jéhovah. II Esd.,
.3, 25.
RÉI (hébreu : Rê'î; Septante : 'Priai), un des parti-
sans de Salomon avec Sadoc, Banaï, Nathan et les
gardes de David, quand Adonias tenta de lui ravir le
trône. III Reg., I, 8. Son nom ne se lit pas ailleurs. Il
parait suspect aux critiques. D'après les Qusest. hebr.
in 111 Reg.. i, 8, t. xxm, col, 1363, Rhei (pour Rei),
ipse est Hiram Zairites sacerdos, idest, magister Da-
vid. Les exégètes modernes ont fait les hypothèses les
plus diverses sur ce personnage, mais sans fondement.
RÉI A (hébreu : Re'âyâh; Septante : 'Pr/xà), fils de
Micha, de la tribu de Ruben, père de Baal. I Par., v,5.
Voir Raïa, col. 937.
1. REINE, nom de femme dans la Vulgate. Voir
Regina, col. 1022. .
2. REINE (Septante : flaaftio-cra; Vulgate : regina),
titre donné à la femme d'un roi et à celle qui règne sur
une nation. — I. Nom. — En hébreu, il y a plusieurs
mots pour exprimer ce titre. —1" Malkâh se dit d'une
reine régnante, comme la reine de Saba, I (III) Reg.,
X, 1, 4, 10, 13; II Par., ix, 1, et d'une épouse royale,
Esther, i, 9, n, 22, etc., IV Reg., x, 13, etc.; mais sans
impliquer dans ce second cas la dignité qui est atta-
chée à ce titre dans les monarchies d'Europe. C'est le
féminin de mélék, « roi ». — 2° Gebîrâh est employée
dans le même sens et signifie « puissante ». I (III) Reg.,
xi, 19; II (IV) Reg., x, 13; Jer., xm, 18; xxix, 2. Maa-
cha, grand-mère d'Asa, est appelée gebîrâh. II Par.,
xv, 16. Ce titre est donné aussi à Jézabel, femme
d'Achab, II (IV) Reg., x, 13, qui eut-beaucoup d'ascen-
dant sur son mari. — 3» Sëgal désigne la femme du
roi dans le Psaume xlv (xliv), 10; dans Daniel, v, 2,3,
23, et dans Néhémie, n, 6. — 4° èârâli, proprement
«t princesse ». Ce mot est pris dans le sens de reine,
Is., xlix, 23, d'une manière générale, et I (III) Reg.,
xi, 3, il est appliqué, par opposition à concubines, aux
femmes de Salomon. Cf. Lam., i, 1. — 5° Athalie, qui
avait usurpé le trône de Juda, est appelée risSb,
môlékéf. II (IV) Reg., xi, 3; II Par., xxn, 12. — 6» Le
nom grec de {jacrîXicrcra se lit quatre fois dans le Nou-
veau .Testament. Matth., xii, 42; Luc, xi, 27 (parlant
de la reine de Saba); Act., vin, 27 (de Candace); Apoc,
xviii, 7 (de Rome au figuré). — 7° Les femmes de second
rang du roi sont appelées pilgdsîm et distinguées ex-
pressément des melakôf. Cant., VI, 8.
II. Histoire. — Nous savons peu de choses de l'his-
toire des reines. Sous le premier roi, Saûl, elles sem-
blent avoir continué à mener la vie simple des femmes
israélites. Nous connaissons le nom d'Achinoam, la
mère de Jonathas, I Reg., xiv, 50, et de la concubine de
Saûl, Respha, célébrée pour son dévouement maternel.
II Reg., III, 7; xxi, 8-11. — David multiplia le nombre
de ses femmes et le nom de plusieurs d'entre elles
nous a été conservé. II Reg., m, 2-5; v, 13-16; xi, 3.
Voir Abigaïl 1, t. i, col. 47; Bethsabée, col. 1712. —
Salomon épousa la fille d'un pharaon d'Egypte et aug-
menta successivement sans mesure le harem royal.
III Reg., m,l; xi, 1-3; Cant., vi, 8. Plusieurs de ces
mariages étaient contraires à la loi et les femmes
étrangères de Salomon le portèrent à l'idolâtrie.
III Reg., xi, 2-4. Ce fut le crime dont se rendirent cou-
pables les autres reines sur lesquelles les auteurs sa-
DICT. DE LA BIBLE.
crés nous ont donné quelques détails dans la suite de
l'histoire des rois, Maacha, grand'mère d'Asa, III Reg.,
xv, 13; voir Maacha, t. iv, col. 465, en Juda; Jézabel,
femme d'Achab, t. m, col. 1535, en Israël, et, en Juda,
sa fille Athalie, 1. 1, col. 1207. — En dehors des reines
dont il vient d'être parlé, on ne connaît que le
nom de quelques autres dont les fils montèrent sur le
trône de Juda et qui sont mentionnées pour cette rai-
son. Voir Femmes mentionnées dans l'Ecriture, t. m,
col. 2194-2199. Le nom de deux reines perses, Vasthi
et Esther, nous est connu par le livre qui porte le nom
de cette dernière. Voir Esther, t. n, col. 1973, et
fig. 606, une reine perse; Vasthi. — Sur la cour des
reines israélites, leur costume, etc., nous ne sommes
pas renseignés. On peut'conclure seulement de Jéré-
mie, xm, 18, que la reine portait, comme le roi, le
diadème. — Voir une reine assyrienne, la femme
d'Assurbanipal, t. iv, fig. 97, col. 289.
F. Vjgouroux.
REINE DU CIEL, hébreu : melékét has-sàmaïm ;
Septante : y\ paat'Xitfcîix toû oùpavoû; dans Jer., vu, 18,
ï) (jtpattà to3 oùpavoO; Vulgate : regina cxli), déesse,
d'après l'opinion la plus commune, adorée par les Juifs
infidèles. Selon divers commentateurs et selon les
Septante eux-mêmes, dans leur traduction de Jer.,
225. — Astarthé. Pierre précieuse antique trouvée à Damas.
D'après Wilson, Lands ofthe Bible, t. u, p. 769.
vu, 18, ce n'est pas de la reine du ciel, mais de la mi-
lice céleste qu'il s'agit, c'est-à-dire des astres en géné-
ral, en lisant îcnSd, comme le portent quelques ma-
nuscrits, au lieu de robn. Le culte qu'on rendait à cet
objet d'idolâtrie consistait à lui offrir des gâteaux
appelés havvanîm, et préparés par des femmes. Les en-
fants ramassaient le combustible pour les faire cuire,
les pères allumaient le feu; c'étaient les femmes qui
pétrissaient la pâte. On les offrait dans les villes de
Juda et dans les rues de Jérusalem. avant Jérémie et
du temps de ce prophète, et l'on attribuait à ces
offrandes l'abondance des récoltes et la prospérité du
peuple. C'étaient surtout les femmes qui accomplis-
saient ces rites, mais avec la complicité de leurs maris.
Le prophète prédit à ses compatriotes les maux qui
seront le châtiment de leur idolâtrie. Jer., vu, 17-20;
xliv, 15-30.
Il n'est pas impossible que les femmes juives ren-
dissent un culte à toute la milice célestef^Ju'Astarthé,
déese lunaire (voir 1. 1, col. 1185), groupait autour d'elle
(fig. 225), mais on a cru beaucoup plus généralement,
avec saint Jérôme, qu'il s'agissait d'une déesse spéciale,
de la lune, quoique le saint docteur ne se prononce
pas expressément. Reginse cxli, dit-il, In Is., vu, 17,
t. xxiv, col. 732, quant lunam debemus recipere; vel
certe militiez cxli, ut omnes stellas intelligamus. II
estassezprobableque l'objet de l'adoration des femmes
juives était, sinon la lune, la planète Vénus, que les
Assyriens identifiaient avec la déesse Istar (fig. 226),
appelée dans les documents cunéiformes bilil sam-i-i,
V. - 33
1027
REINE DU CIEL
REINKE
1028
« la dame du ciel », comme elle est aussi appelée bilit
mâtâti, « la t dame des terres ». H. Winckler, Die Thon-
tafeln von Tell-el-Amarna, lettre xx, lig. 17-19,
Keilinschr. Bibl., t. v, 1896, p. 48. Les cultes assyro-
babyloniens trouvaient de nombreux adeptes sur la rive
orientale^de la Méditerranée à l'époque de Jérémie. Si le
culte de la reine du ciel était véritablement d'origine
babylonienne, il faut entendre parla, Istar et la pla-
226.
: La déesse Istar.
nète Vénus, car sur les bords de l'Euphrate, la lune
était adorée comme le dieu Sin et non comme une
déesse, et c'est surtout en Occident que la lune était
honorée comme reine du ciel. Siderum regina bicor-
nis,audi, Luna, puellas, dit Horace, Carm. sseculare,
35-36. Isaac d'Antioche, Opéra, édit. Bickell, t. i,
p. 246, dit expressément que la reine du ciel dont
parle Jérémie est Kaukabto, c'est-à-dire la planète
Vénus.
Quant à l'abondance et aux bienfaits que lui attri-
buaient les femmes juives, Jer., xliv, 27. Philastre,
Heer., 15, t. xn, col. 1126, écrit : Alia est hœresis in
Judseis, quee Reginam quam et Fortunam Cseli nun-
cxipant, quant et Cxlestern vocant in Africa, eique
sacrificio offerre non dubitabant. Philastre explique
ainsi les paroles de Jérémie, xliv, 27. Voir les notes
sur ce passage loc. cit., dans Migne. — Voir Marcus
Jastrow, A Dictionary of the Targumim, the Talmud
and the Midrashic Literature, 2 in-4«, Londres, 1903,
t. i, p. 619 a; W. H. Roscher, Ausfùrhliches Lexicon
der griechischen und rômischen Mythologie, au mot
Astarte, t. i, Leipzig, 1884-1890, col. 649 ; P. Scholz,
Gôtzendiensl bei den allen Hebràern, in-8°, Ratis-
bonne, 1877, p. 300-301. F. Vigouroux.
REINECCIUS Christian, hébraïsant allemand, né
le 22 janvier 1668 à Grossmûhlingen, en Saxe,
mort à Weissenfels le 18 octobre 1752. Fils d'un mi-
nistre protestant, il étudia à Rostock et à Leipzig. De-
puis 1700 jusqu'à 1721,' il enseigna à Leipzig les langues
orientales et la philosophie. Il devint alors recteur du
gymnase de Weissenfels. Parmi ses ouvrages, on re-
marque : — 1» ses publications lexicologiques : Janua
hebr aica linguse Veteris Testamenti una cutn Lexico
hebr seo-chaldaico, in-8°, Leipzig, 1704 (cet ouvrage, qui
donne la traduction et l'analyse des mots héreux selon
l'ordre de la Bible, a servi à étudier la langue sacrée à
une multitude de jeunes hébraïsants et a eu huit édi-
tions de 1704 à 1778) ; — Lexicon hebrœo-chaldaicum,
1731; 1741; 1788; nouvelle édition éditée par J. Fr.
RecHsopf, in-8», Hanovre, 1828; — Index memorïalis,
quo voces hebraicse et chaldaicee Veteris Testamenti
continentur, in-8», Leipzig, 1725; 1730; 1735; 1755; —
Syllabus memorialis vocuyn graicarum Novi Testa-
menti, in-8», Leipzig, 1725, 1734; 1758.
2° Publication des textes bibliques. — A) Texte hé-
breu. — Biblia hebraica ad optimorum codicum et
editionum fidem expressa, adjectis notis masorelhicis
necnon versuum et capilum distinctionibus, in-8°,
Leipzig, 1725 (cette édition contient le texte de la Po-
lyglotte d'Anvers, avec des sommaires nouveaux en
tête des chapitres); 2 e édit. in-8", 1739 (reproduction
de la précédente); 3 e édit., in-4°, aussi de 1739, où les
livres sont imprimés à la façon des langues occiden-
tales, c'est-à-dire de gauche à droite; ¥ édit., publiée
par Pohl en 1756, après la mort de Reineccius ; 5» édit.,
notablement améliorée, publiée en 1793 par J. Chr.
Docderlein et J. H. Meisner; cf. E. Fr. K. Rosenmùl-
ler, Handbuch fur die Literatur der biblischen Kri-
tik und Exégèse, in-8°, Gcettingue, 1797-1800, t. i,
p. 236-238.
B) Texte grec. — Testamentum grsecumex versione
Septuaginta interprète»! , una cum libris apocryphis,
secundum exemplar Vaticanun, in-4», Leipzig, 1730 ;
plusieurs éditions.
C) Polyglottes. — Biblia sacra quadrilinguia Vete-
ris Testamenti hebraici cum versionibus e regionepo-
sitis, utpote versione grseca Sevtuaginta interpretum
ex codice manuscripto Alexandrino, item versione
latina Sebastiani Schmidii noviter revisa, et textui
hebrœo curalius accommodata et germanica B. Lu-
theri, adjectis notis masorethicis et grsecse ver'
sionis lectionibus codicis Vaticani, notisque philolo-
gicis et exegeticis, 2 in-f°, Leipzig, 1750-1751; Biblia
sacra quadrilinguia, Novi Testamenti grseci, cum
versionibus syriaca-, grseca vulgari, latina et germa-
nica universa, ad optimas quasque editiones reco-
gnita, adjectis variantibus lectionibus, in-f°, Leipzig,
1747.
D) Concordances. — Die deutsche hebràische und
griechische Concordanzbibel, 2 in-8», 1718, nouvelle
édition de la concordance de Fried. Lanckisch,
parue pour la première fois en 1677 ; Concordia get-
manico-lalina, 2 e édit., 1735. — Reineccius publia
aussi environ cent cinquante programmes ou disserta-
tions, parmi lesquels nous mentionnerons seulement :
De scholis Hebrseorum, in-4°, Leipzig, 1722; Carmina
sibyllina, prout hodie exstant, conficta esse a chri-
stiano et nociva fuisse Ecclesise, 1740.
F. Vigouroux.
REINKE Laurent, exégète catholique d'Allemagne,
né à Langfôrden, dans le duché d'Oldenbourg, le 6 fé-
vrier 1797, mort à Munster en Westphalie, le 4 juin
1879. Après avoir fait ses études théologiques à la Fa-
culté de Munster, il passa cinq ans à l'Université de
Bonn, où il étudia les langues orientales sous la direc-
tion de Freytag. Il fut ordonné prêtre le 1 er juin 1822.
En 1827, il devint répétiteur pour l'exégèse de l'Ancien
Testament à l'Académie de Munster. Il fut nommé pro-
fesseur extraordinaire, en 1831; puis professeur ordi-
naire, en 1837, toujours pour l'exégèse de l'Ancien
Testament. A cette fonction il unit, entre les années
1831 et 1852, celle de professeur au séminaire episcopal ..
de la même ville. — Avant l'âge de cinquante ans, il ne
publia que deux dissertations, intitulées : Exegesis
critica in ls., lu, iS-uu, iU, seu deMessia eœpiatore
1029
REINKE — REISCHL
1030
passuro et monturo commentatio, in-8», Munster,
1836, et Exegesis crxtica in Is., u, 2-4, seu de gentium
conversione in Veteri Testamento prsedicta ejusque
effëctibus, in-8», Munster, 1838. Mais ensuite, de 1848
à 1874, il fit paraître presque chaque année quelque
savant volume. Voici la liste de ses œuvres principales :
Die Weissagung von der Jungfrau undvon Immanuel
(Is., vu, 14-16), in-8», Munster, 1848; Die Weissagung
Jacobs ïiber das zukunftige Loos des Stammes Juda
und dessen grossen Nachhommen Schilo (Gen., xlix, 8-
12), in-S», Munster, 1849; entre les années 1851 et 1872,
la série intitulée Beitrâge zur Erklârung des Alten
Testaments, qui traite de quarante-sept sujets dis-
tincts, 8 in-8», dont les sept premiers ont été publiés à
Munster, le huitième à Giessen ; Der Prophet Malachi,
Einleitung, Grundleœt und Ùbersetzung, mit einem
vollstândigen philosophisch-kritischen und histori-
schen Commentar, in-8», Giessen, 1856; Die messia-
nischen Psalmen, 2 in-8°, Giessen, 1857-1858; Die
messianischen Weissagungen bei den grossen und
kleinen Propheten des Alten Testaments, Einleitung,
Grundtexte, etc., 4 in-8°, Giessen, 1859-1862 ; Zur
Kritik der àlteren Versionen des Propheten Nahum,
in-8», Munster, 1867; Der Prophet Haggai, in-8»,
Munster, 1868; DerProphet Zephania, in-8°, Munster,
1868; Der Prophet Habakuk, in-8», Brixen, 1870;
Der Prophet Micha, in-8», Giessen, 1874. — La con-
naissance très étendue que Reinke avait acquise des
langues de l'Orient lui permit d'établir avec une éru-
dition et une vigueur remarquables, le sens tradition-
nel des livres qu'il commente. — Voir E. Rassmann,
Nachrichten von dem Leben und den Schriften
mùnsterlândischer Schriftsteller, in-8», Munster, 1866,
p. 267-271, et Neue Folge, 1881, p. 169-170; Literaris-
cher Handweiser de Munster, 1879, col. 241-243; Hurter,
Nomenclator literarius recentioris théologies catho-
licx, in-8», Inspruck, 1895, t. m, col. 1276-1278.
L. Fillion.
REINS (hébreu : kelâyôt, tuhôt; Septante : veçppof;
Vulgate : renés), organe de sécrétion, composé de deux
glandes disposées de chaque côté de la colonne verté-
brale, à la hauteur des hanches. Les reins constituent
une sorte de filtre qui laisse passer les substances à
éliminer, telles que l'urée et ses composés. Ils sont
maintenus en place par une membrane et enveloppés
d'une grande quantité de graisse. La signification radi-
cale du mot kelâyôt, en assyrien kalitu, est inconnue.
Quant au mot tufyot, Job, xxxvm, 36; Ps. Li (l), 8, il
vient du verbe tùah, « recouvrir », et a été donné aux
reins, par les auteurs juifs, parce que les reins sont
recouverts de graisse. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 547.
Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, p. 296, conteste la
légitimité de cette étymologie. Dans le passage de Job :
« Qui a mis la sagesse dans les reins de l'homme? »
les Septante traduisent : « Qui a donné aux femmes la
science des tissus ?» le verbe tûâl.i voulant dire aussi
« filer, tisser ». La Vulgate traduit : « Qui a mis la
sagesse dans les entrailles de l'homme ? » Rosenmùller,
Iobus, Leipzig, 1806, t. il, p. 907, 908, d'après l'arabe :
Qui a donné la sagesse aux « traits vagues j> et sans loi
apparente de la foudre ou de la pluie? Pour d'autres,
les tuhôt sont les nuées qui « recouvrent » l'atmos-
phère. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psycho-
logie, Leipzig, 1861, p. 269, et Dos Buch lob, Leipzig,
1876, p. 503, garde le sens de « reins », qui parait le
plus probable. Au Psaume li (l), 8, l'hébreu doit se
traduire : « Tu aimes que la vérité soit bat-tuhôt, dans
les reins, » c'est-à-dire au fond du cœur. Les versions
rendent ici le mot par xi aSr\l<x, incerta, les choses
obscures, ï recouvertes >\ — Les reins, comme les
autres organes intérieurs du corps humain, cœur, en-
trailles, etc., se prêtent à différentes acceptions chez
les écrivains sacrés.
1» Reins proprement dits. — Les reins des animaux
offerts comme victimes doivent être brûlés sur l'autel
des holocaustes, avec la graisse qui les entoure, dans
les sacrifices pour la consécration des prêtres, Exod-,
xxix, 13, 22; Lev., vm, 16, 25, dans les sacrifices paci-
fiques, Lev., m, 4, 10, 15, dans les sacrifices pour le
péché. Lev., iv, 9; vu, 4. La graisse était considérée,
dans les animaux, comme la partie la plus délicate et
la plus précieuse; à ce titre, elle était réservée à
Jéhovah quand on offrait quelque sacrifice. Voir Graisse,
t. m, col. 293. Comme les reins sont entourés d'une
graisse abondante, il était naturel qu'on ne les en sé-
parât pas dans les sacrifices. — Cette richesse des
reins en graisse a suggéré une locution poétique qui se
trouve dans le cantique de Moïse, Deut., xxxii, 14;
pour rappeler que Dieu a donné à son peuple des
champs fertiles en excellent froment, l'auteur sacré
parle de « la graisse des reins du froment. » — Les reins
de l'homme sont mentionnés Ps, cxxxix (cxxxvm), 13. —
Les Hébreux, comme d'ailleurs les anciens en général,
n'avaient qu'une vague idée de l'anatomie intérieure du
corps humain. Ils ne la connaissaient approximati-
vement que par comparaison avec celle des animaux
qu'ils mettaient en pièces pour leur alimentation ou
dans leurs sacrifices. Ils ne pouvaient pas se rendre
compte de la fonction des reins ; ils les regardaient
seulement comme un organe intérieur, analogue aux
autres, mystérieusement formé par Dieu, et concou-
rant d'une certaine manière à la vie physiologique et
psychologique de l'homme. Cf. III Reg., vm, 19. —
2» Reins pris pour les hanches. — Les hanches cor-
respondent extérieurement aux reins, quant à leur
position. Aussi, les versions confondent-elles souvent
les reins avec les hanches qui portent la ceinture.
Exod., xii, 11; xxvni, 42; IV Reg., i, 8; II Esd., IV-,
18; Job, xn, 18; Is., v, 27; n, 5; Ezech., xxm, 15;
Dan., x, 5. On passe un torrent avec de l'eau jusqu'aux
reins. Ezech., xlvii, 5. Voir Hanche, t. m, col. 416. —
3» Reins siège de la pensée. — Les reins ne sont con-
sidérés à ce point de vue précis que dans les deux
passages où on les croit désignés par le mot tuhot.
Job, xxxvm, 36; Ps.u (l), 8. — 4» Reinssiège du senti-
ment. — Les reins tressaillent d'allégresse. Prov., xxm,
16. Sous l'empire de la crainte ou de la douleur, ils
s'aigrissent, Ps. lxxiii (lxxii), 21, s'émeuvent,I Mach.,
u, 24, chancellent, Ezech., xxix, 7, relâchent leurs
jointures, Dan., v, 6, se tordent. Nah., u, 10. L'épreuve
perce les reins, Job, xvi, 13, y fait pénétrer les fils du
carquois. Lam.,m, 13. Quand Jéhovah châtie ses enne-
mis, son épée est « pleine de la graisse des reins des
béliers, » Is., xxxiv, 6, ce qui signifie qu'il frappe ses
adversaires dans ce qu'ils ont de plus sensible et de
plus cher. — 5» Reins siège de la conscience. — La
nuit, les reins du psalmiste l'avertissent, c'est-à-dire lui
rappellent les préceptes divins. Ps. xvi (xv), 7. Dieu
voit les reins et les cœurs, Jer., xx, 12, il les sonde,
Ps. vu, 10; Sap., i, 6; Jer., xi, 20; xn, 2; xvu, 10;
Apoc, u, 23; il les passe au creuset, Ps. xxvi (xxv), 2,
c'est-à-dire que rien ne peut lui échapper dans les pen-
sées, les sentiments et les volontés de l'homme.
H. Lesêtre.
REISCHL Wilhelm Karl, théologien catholique
allemand, né à Munich le 13 janvier 1818, mort dans
cette ville le 4 octobre 1873. Après de fortes études
classiques, il étudia la philosophie et la théologie à
l'Université de sa ville natale, où enseignaient alors
plusieurs professeurs remarquables, entre autres
Gœrres, Klee, Mœhlèr, Windischmann, Reithmayr.
Ordonné prêtre en 1840, il fut d'abord vicaire à Haid-
hausen, près de Munich, puis successivement curé à
Saint-Jean de Munich et dans la Herzogspitalkirche.
Après avoir conquis, en 1842, le grade de docteur en
théologie, il devint Privatdozent à la Faculté théologique
1031
REISCHL — RELIGION
1032
dont il avait été l'élevé. En 1845, il fut nommé profes-
seur de dogme et d'exégèse biblique au lycée d'Am-
berg; il passa, ett 1851, au lycée de Ratisbonne, où il
occupa jusqu'au printemps de 1867, avec un grand
succès, la chaire d'histoire ecclésiastique et de droit
canonique. Il fut alors appelé à l'Université de Munich,
avec le titre de professeur ordinaire de théologie mo-
rale. Il venait de refuser la chaire d'exégèse de l'Uni-
versité de Prague, lorsqu'il fut emporté par le choléra,
en pleine maturité. — C'est à Amberg qu'il entreprit,
avec son collègue Valentin Loch (voir Loch, t. iv,
col. 321), une traduction allemande et un commen-
taire de la Bible, surtout à l'usage des fidèles : Die hei-
ligen Schriften dés Altenund Neuen Testamentes nach
der Vulgata, unter steter Vergleichung des Grund-
textes ùbersetzt und erklârt, 4 Th., in-8", Ratisbonne,
1851-1867; 4» édit., 1899; édition illustrée en 5 volumes,
1884-1885, 2' édit., 1905. La part du D' Reîschl consista
à traduire et à annoter plusieurs livres de l'Ancien Tes-
tament, spécialement celui des Psaumes (édition à
part, sous ce titre : Das Buch der Psalmen (tus der
Vulgata, unter steter Vergleichung des Grundtextes
ùberset&t und nach Wort und Geist erklârt, 2 in-8°,
Ratisbonne, 1873), et le Nouveau Testament tout en-
tier. — Voir le Schematismus der Geistlichkeit des
Erzbisthums Mûnchen und Freïsing fur das Jahr
181b, Munich, 1874, p. 293-296; F. Kaulen, dans
Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2 e édit., t. x, col. 991-
992; Hûlskamp, dans le Literatischer Handweiser,
Mûnster-en-Wesphalie, 1873, col. 494; P. tturter, No-
menclator literarius recentioris theologim catholicse,
2« édit., t. m, Inspruck, 1895, col. 1293-1294.
L. Fillion.
REITHMAYR François-Xavier, exégète catholique
allemand, né le 16 mars 1809, dans le village d'Illkofen,
près de Ratisbonne, mort à Munich, le 26 février 1872. —
11 étudia la philosophie et la théologie au lycée de Ra-
tisbonne, 1826-1830; puis encore la théologie à l'Uni-
versité de Munich, en 1831 et les années suivantes,
pour se préparer directement au professorat, dont il
voulait faire sa carrière. Il -doit à l'un de ses profes-
seurs, le célèbre Môhler, son attrait spécial pour
l'étude des saints Pères, desquels il a tiré un excellent
parti dans ses compositions exégétiques, sans parler
des ouvrages spéciaux qu'il leur a consacrés. Il fut
ordonné prêtre à Ratisbonne, le 20 août 1832, et con-
quit le grade de docteur en théologie en 1836. 11 devint
professeur extraordinaire de théologie à la Faculté de
Munich en 1837, et professeur ordinaire d'exégèse du
Nouveau Testament en 1839; il conserva cette dernière
situation jusqu'à sa mort. — Ses publications seriptu-
raires sont les suivantes : Conimentar zum Briefe an
die Rimer, in-8°, Ratisbonne, 1845; Editio grœco-
latinaNoviTestamenti, édition classique destinée aux
•étudiants, Munich, 1847 ; Einleitung in die canonischen
Bûcher des Neuen Bundes, in-8°, Ratisbonne, 1852;
Comtnentar zum Briefe an die Galater, in-8°, Munich,
1865; Lehrbuch der biblischen Hermeneutik, in-8°,
Kempten, 1874, œuvre posthume publiée par Thalhofer.
Dès l'année 1842, Reithmayr réfutait solidement les
sophismes de Strauss, dans la savante revue de Munich
Historisch-politische Blâtter. Tous ses ouvrages sont
composés dans un esprit à la fois scientifique et tradi-
tionnel. — Voir l'esquisse que le D r Thalhofer donne
de sa vie dans le Lehrbuch der bibl. Hermeneutik,
p. vii-xv; le Literarischer Eandweiser de Munster,
1871, col. 53; Hurter, Homendator literarius recen-
tioris theologim catholicse, in-8», Inspruck, 1895, t. m,
col. 1289-1290; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon,
2« édit., t. x, col. 1001-1002. L. Fillion.
RELIGION, ensemble de croyances et de devoirs qui
règlent les rapports de l'homme avec Dieu.
I. Noms donnés à la religion. — 1° La crainte de
Dieu. — C'est la formule la plus usitée. Le verbe yârê'
veut dire à la fois « craindre » et « respecter ». Il con-
venait parfaitement, surtout dans l'Ancien Testament,
pour marquer l'attitude que l'homme doit s'imposer
vis-à-vis de Dieu le Tout-Puissant, qui se révèle à lui
par des œuvres éclatantes et parfois par des interven-
tions effrayantes. Voir Crainte de Dieu, t. n, col. 1099.
— 2° La Loi, tôrâh, et, en chaldéen, dd(, Dan., vi, 5;
vu, 25, vojioç, lex. La Loi est l'expression de la volonté
de Dieu, et, quand on la suppose acceptée et pratiquée
par l'homme, la Loi désigne d'une manière générale
la religion mosaïque. Les Machabées ont le « zèle de
la Loi, » c'est-à-dire de la religion ancienne. I Mach.,
Il, 27. Saint Paul oppose constamment la Loi, c'est-à-
dire la religion mosaïque à la religion de grâce apportée
par Jésus-Christ. Gai., v, 2, 4, etc. Voir Loi mosaïque,
t. iv, col. 341-346. — 3° La voie, dérék, 686;, via. Cette
expression se trouve déjà dans Amos, vin, 14, où « la
voie de Rersabée » désigne la religion, et, d'après les
Septante, le « dieu » de Rersabée. Mais elle est surtout
fréquente dans le Nouveau Testament. Des pharisiens
reconnaissent que Notre-Seigneur enseigne « la voie de
Dieu dans la vérité, » c'est-à-dire une vraie religion.
Matth., xxn, 16 ; Luc, xx, 21. Dans les Actes, « la voie »
désigne couramment la religion nouvelle. Act., ix, 2;
xviii, 25, 26; xix, 9, 23; xxii, 4; xxiv, 22. Cf. II Pet.,
il, 2, 15, 21. — 4° L'Évangile, eûaYyeXtov, mot qui dé-
signe souvent la religion nouvelle, comme (ôrâh dé-
signe la religion ancienne. Matth., iv, 23; Marc, i, 14,
15; Rom., 1,16; x, 16; I Cor., ix, 23; II Tim., i, 8; etc.
— 5° Le culte, 9pt]<yv.Eia, religio, l'adoration et l'ensem-
ble des devoirs rendus à Dieu. Saint Paul appelle de ce
nom la religion juive. Act., xxvi, 5. Saint Jacques, i,
26, 27, indique des conditions essentielles au vrai culte
de Dieu. — 6° La Vulgate emploie encore le mot de
« religion », dans un sens plus restreint, pour désigner
le rite de la Pâque, 'âbôdâh, XaTpeia, Exod., xii,26, 43;
certaines lois particulières, huqqâh, v<5[ioç, Exod., xxix,
9; Lev., vu, 36; xvi, 31; Num., xix, 2; le respect du
sabbat, II Mach., VI, 11 ; le culte des anges ; 6p;r;<7xe!'a.
Col., Il, 18. Par contre, les Juifs appellent la religion
de Jésus-Christ aipéais, secta, « une secte ». Act., xxvm,
22.
II. Phases diverses de la religion. — La religion
parfaite et définitive n'a pas été donnée à l'homme dès
le principe. Aussi peut-on distinguer plusieurs phases
dans le progrès de la religion. — 1° Religion natu-
relle. — C'est celle qui est inscrite par Dieu au cœur
de l'homme, indépendamment de toute révélation exté-
rieure. Cette religion comporte la connaissance de
l'existence de Dieu, la notion de ses perfections et
l'idée de devoirs à lui rendre. Rom., i, 20, 21. En médi-
tant sur ces données fondamentales, l'homme peut, par
les seules forces de sa raison, les développer et les ap-
profondir. C'est ce qui a été fait, et les philosophes
grecs, en particulier, ont poussé assez loin leurs con-
naissances sur Dieu et sur les rapports que l'homme
doit entretenir avec lui. Les notions qui composent la
religion naturelle demeurent toujours vraies; elles
constituent même le fonds sur lequel s'appuie toute
religion révélée. Ce fonds se retrouve constamment
dans la Sainte Écriture. Un très grand nombre des pré-
ceptes qui y sont rappelés appartiennent à la religion,
naturelle, à cette loi que les gentils « accomplissent,
naturellement », montrant par là que ce-' que. la: loi
mosaïque ordonne de plus important s est écrit dans
leurs cœurs, leur conscience rendant en même temps
témoignage par des pensées qui les accusent ou les
défendent. » Rom., n, 14-15.. Le décalogue lui-même,
à part la fixation du jour de repos, appartient tout en-
tier à la loi naturelle. •
2» Religion primitive. — En fait, la religion natu-
1033
RELIGION
REMI
1034
relie fut complétée dès l'origine par une révélation di-
recte de Dieu. Après avoir créé l'homme, Dieu lui parla
pour lui imposer un précepte tout positif, celui de ne
pas toucher au fruit d'un arbre. Gen., n, 17. A la suite
de la chute, il parla encore à Adam. Gen., m, 14-19.
Plus tard, il parla à Noé, père de la race nouvelle.
Gen., IX, 2-17. Les éléments ainsi ajoutés à la religion
naturelle ont été dogmatiques et moraux. Dieu était
connu désormais non plus seulement par le témoignage
des créatures matérielles, mais encore par celui des
hommes qui avaient été en rapport direct avec lui.
L'état premier de l'homme avait comporté une dignité
qui s'était perdue au moment de la désobéissance
d'Adam. Mais après cette chute, une rédemption était
promise et devait venir de la race de la femme. En
même temps, l'homme apprenait l'existence de purs
esprits, les uns mauvais, les autres bons. Gen., m, 1-
5, 24. Des préceptes particuliers étaient ajoutés à ceux
de la loi naturelle, celui du sacrifice, Gen., rv, 3, 4; vm,
20; celui de la sanctification du septième jour, Exod.,
xvi, 23; xx, 8; celui de la distinction des animaux purs
et impurs et la défense de manger du sang. Gen., vm,
20; ix, 4. Pour conserver ces traditions et ces préceptes,
aucun sacerdoce spécial ne fut institué; les chefs de
famille présidèrent naturellement à l'exercice du culte
de Dieu et à l'observation de ses lois. Pour pratiquer
la religion naturelle, l'homme était assuré de l'assis-
tance providentielle que Dieu accorde à toutes ses créa-
tures, suivant les besoins de leur nature. Mais Dieu,
en élevant Adam à un état supérieur à sa nature, mit
à sa disposition un secours proportionné à sa dignité
surnaturelle, la grâce. Cette grâce ne fut pas totalement
supprimée par la chute; elle fut continuée à l'homme,
en considération du futur sacrifice rédempteur. Adam
en profita le premier, puisque la Sagesse, par consé-
quent l'assistance venue du ciel pour diriger l'esprit
et le cœur de l'homme, « le tira de son péché. » Sap.,
x, 2.
3° Polythéisme. — En s'éloignant du berceau de
l'humanité primitive, les hommes ne surent pas con-
server intactes les données de la première révélation,
ni même toutes celles de la religion naturelle. Les ré-
cits de la Genèse ont pour but d'enseigner que les
aberrations religieuses de l'homme sont, par rapport
à l'état initial de l'humanité, une déchéance et une
perversion, et nullement une progression du plus gros-
sier au plus parfait. L'auteur de la Sagesse décrit trois
phases successives de l'erreur polythéiste. Tout d'abord,
les hommes commencent par diviniser les forces de la
nature : le feu, le vent, l'air, l'eau, les astres devien-
nent pour eux « comme des dieux gouvernant l'univers. »
Ce polythéisme est inexcusable, parce que l'admiration
des créatures devrait conduire l'homme à « connaître
par analogie Celui qui en est le Créateur. » Toutefois,
cette forme de l'erreur mérite moins de reproches que
d'autres, car enfin, ce sont de véritables créatures de
Dieu que les hommes honorent ainsi « en cherchant
Dieu et en voulant le trouver. » Sap., xm, 1-9. Plus
grossiers et plus coupables sont ceux qui rendent leur
culte aux idoles. Celles-ci n'ont pas toujours existé;
c'est la folie des hommes qui les a introduites dans le
monde. L'idole, œuvre de la main des hommes, est
maudite ainsi que son auteur, parce qu'étant une chose
périssable et même sans vie, elle porte le nom de Dieu.
Sap., xm, 10-xiv, 14. Voir Idolâtrie, t. m, col. 809.
Une troisième forme de polythéisme est le culte des
ancêtres. On vit représentés par de belles statues ceux
qu'on avait aimés et admirés de leur vivant, et on « re-
garda comme un dieu celui qui naguère était honoré
comme un homme. » Sap., xiv, 15-21. Ces trois formes
du polythéisme, animisme ou culte des choses de la
nature, fétichisme ou culte des idoles fabriquées, et
évhémérisme ou culte des grands hommes, sont encore
en vigueur chez les peuples qui n'admettent pas le
monothéisme. Cf. A. Bros, La religion des peuples
non civilisés, Paris, 1907, p. 103-113. En dehors des
Israélites, les anciens peuples ont tous versé dans le
polythéisme et l'idolâtrie. Cf. P. de Broglie, Problèmes
et conclusions de l'histoire des religions, Paris, 1885,
p. 89-122 ; Id., Monothéisme, hénothéisme, polythéisme,
Paris, 1905 ; Dëllinger, Paganisme et judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, t. i-m, p. 109; Lagrange, Etudes
sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 70-466;
La religion des Perses, Paris, 1904; H. Vincent, Ca-
naan, Paris, 1907," p. 90-204. — Les écrivains sacrés
signalent et réprouvent l'affreuse corruption morale
qui fut la conséquence du polythéisme. Sap., xiv, 22-
31; Rom., I, 24-32. Les prophètes reviennent constam-
ment, pour la combattre, sur l'immoralité qu'entraîne
la pratique de l'idolâtrie. — C'est un grave problème
que Celui du triomphe de l'idolâtrie dans le monde
parmi tant de peuples et durant tant de siècles. A Lys-
tres, saint Paul disait à ce sujet: « Dieu, dans les
siècles passés, a laissé toutes les nations suivre leurs
voies, sans que toutefois il ait cessé de se rendre témoi-
gnage à lui-même, faisant du bien, dispensant du ciel
les pluies et les saisons favorables, nous donnant la
nourriture avec abondance et remplissant nos cœurs de
joie. » Act.,Xiv, 15, 16. A Athènes, il déclare que « Dieu
ne tenant pas compte de ces temps d'ignorance, annonce
maintenant aux hommes qu'ils aient tous, en tous
lieux, à se repentir. » Act., xvn, 30. Mais aux Juifs, il
montre que si les gentils ont péché sans la Loi, eux-
mêmes ont tout autant péché avec la Loi, et que tous
par conséquent, Juifs et Grecs, sont sous le péché et
doivent au même titre attendre de Dieu la justification.
Rom., n, ll-iii, 20.
4° Religion mosaïque. — C'est la religion que Dieu
a imposée au peuple israélite par l'entremise de Moïse.
Cette religion n'ajoutait presque rien aux dogmes de la
religion primitive; mais elle développait beaucoup la
morale positive, en imposant aux Israélites une multi-
tude d'observances. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 329.
La religion mosaïque n'était destinée qu'aux Israélites.
Les étrangers pouvaient pourtant l'embrasser moyen-
nant certaines conditions. Voir Prosélyte, col. 758.
Dans ce qu'elle avait de particulier à Israël, elle ne de-
vait durer que jusqu'à son remplacement par la religion
du Messie.
5° Religion chrétienne. — Elle a été instituée par
Jésus-Christ pour compléter et remplacer les précé-
dentes, s'étendre à tous les peuples sans exception et
se perpétuer jusqu'à la fin des temps. Voir JÉSuS-
Christ, t. m, col. 1480-1487; Loi nouvelle, t. iv,
col. 347; Morale, t. iv, col. 1260. Par son dogme, sa
morale, ses sacrements et son culte, elle réalise cet
idéal de religion que Notre-Seigneur a lui-même tracé
quand il a dit : « Les vrais adorateurs adoreront le
Père en esprit et en vérité; ce sont de tels adorateurs
que le Père demande. Dieu est esprit, et ceux qui
l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité, » Joa.,
iv, 23, 24. — Sur l'absence de religion, voir Impie,
t. m, col. 845. H. Lesêtre.
RÉMÉIA (hébreu : Ramyâh, « Jéhovah est^élevé » ;
Septante : 'Pa^iâ), un des fils de Pharos qui avait
épousé une femme. étrangère et qui fut obligé de la
répudier du temps d'Esdras. I Esd., x, 25.
REMI, moine bénédictin à Saint-Germain d'Auxerre,
naquit en Bourgogne, vers 851. On perd sa trace en
908 et l'on sait seulement par un ancien nécrologe de
la cathédrale d'Auxerre que le jour de sa mort fut le
2 mai, sans indication d'année. Disciple d'Heiric, qui
lui-même fut élève du célèbre Haimon, évêque d'Hal-
berstadt, il lui succéda dans sa chaire au monastère
Î035
REMI — REMMON
1036
de Saint-Germain. Plus tard, vers 893, il fut, avec
Hacbald, moine de Saint-Amand, appelé par Foulques,
archevêque de Reims, à enseigner dans les écoles
de cette ville. Rémi y demeura jusqu'à la mort de
Foulques, en 900. Il passa de là à Paris, où il ouvrit
la première école publique que l'on sait avoir été éta-
blie dans cette ville. Rémi a laissé plusieurs écrits,
qui relèvent surtout de l'exégèse. Bien qu'on ait
attribué quelques-unes de ses œuvres à Haimon
d'Halberstadt, la critique moderne est parvenue à lui
restituer l'ensemble des productions sorties de sa
plume. Ce sont, au point de vue biblique :.— 1° Com-
mentarius in Genesim, P. L., t. cxxxi, col. 51-134.
L'auteur s'attache surtout au sens allégorique du texte,
comme plus propre, dit-il, à nourrir l'âme. Le fond du
commentaire est emprunté aux Pères, il cite pourtant
aussi en quelques endroits les traditions juives. —
2° Enarrationum in Psalmos liber unus, t. cxxxi,
eol. 134'844. C'est l'œuvre la plus considérable de Rémi
et celle qui fonda surtout sa réputation d'exégète. Le
Maître des Sentences en faisait tant de cas qu'avec le
commentaire de saint Jérôme, de saint Augustin et d'au-
tres Pères, il reprit les Enarrationes de Rémi pour en
composer une chaîne sur les Psaumes. — 3° Conimen-
tarius in Cantica canticorum, t. cxvir, col. 295-358.
Ce traité fut longtemps attribué à Haimon d'Halber-
stadt, mais il est certainement de Rémi. — 4° Commen-
tarius in XII prophetas minores, t. cxvil, col. 9-294,
qui dans les quatre éditions de 1519, 1529, 1533 et
1573, porte le nom d'Haimon. Ce fut Jean Henten de
Malines qui restitua le traité à Rémi d'Auxerre, son
véritable auteur. L'ouvrage sur les petites prophéties
est particulièrement estimé ; bien qu'il s'attache avant
tout au sens spirituel, il ne néglige toutefois pas la
siguiflcation littérale. — 5° Explanaliones Epistolarum
B. Pauli aposloli, t. cxvn, col. 361-938. Encore une
fois, après de longues controverses sur la paternité de
ce commentaire, on finit par l'imprimer en 1618, dans
la BibliothecaPatrum sous le nom du véritable auteur.
— 6° Commentarius in Apocalypsin, t. cxvn,
eol. 937-1220. Cette explication de l'Apocalypse, divisée
en sept livres, est toute allégorique et morale. L'objet
principal de l'auteur est de rapporter toutes ses inter-
prétations aux deux cités spirituelles, celle des élus et
celle des réprouvés. Divers auteurs citent encore
d'autres traités d'exégèse de Rémi d'Auxerre, restés en
manuscrit, ce sont des commentaires sur les quatre
Évangélistes et une glose sur les livres de l'Ancien
Testament. Il demeure douteux que les douze Homé-
lies publiées sous le nom de Rémi, t. cxxxi, col. 865-
932, soient réellement de lui. En tout cas, ces homélies
relèvent plus de l'herméneutique que de la paréné-
tique. Rémi est encore l'auteur de plusieurs ouvrages
sur la liturgie, la musique, la grammaire et la littéra-
ture profane, dont on n'a point à s'occuper ici. Voir
Histoire littéraire de la France, t. îv, p. 99-122; Fa-
bricius-Mansi, Bibliotheca latina, 1859, p. 367;Duru,
Bibliothèque historique de l'Yonne, t. vr; Ebert,
Allgemeine Geschichte der Litteratur des Mittelalters,
Leipzig, 1887, t, m, p. 234, U. Chevalier, Répertoire des
sources hist. Bio-bibliogr., 2 e édit., t. h, 1907, col. 3926;
Kaulen, Kirchenlexikon, t. x, 1897, col. 1044-1045.
J. VAN DEN GliEYN.
REMMON (hébreu : Rimmôn), nom d'un Israélite,
d'un dieu syrien, et de trois villes ou localités d'Israël,
remarquables sans doute ' par leurs plantations de
grenadiers, car rimmôn désigne cet arbre et son fruit.
Remmon entre en outre dans la composition de plu-
sieurs noms de localités comme Remmonpharès, Ada-
. dremmon, Gethremmon, etc.
1. REMMON (Septante : 'Peu.[jt.a>v), Benjamite, ori-
ginaire de Béroth (voir Béroth 2, t. I, col. 1621), père
de Baana et de Réchab, les meurtriers d'Isboseth, fils
de Saùl. II Reg., iv, 2, 5, 9.
2. REMMON (hébreu : Rimmôn; Septante : 'Piu-tiav),
divinité païenne, d'origine chananéenne ou araméenne
selon les uns, babylonienne ou assyrienne selon les
autres, qui, d'après IV Reg., v, 18, le seul passage de
la Bible où elle est mentionnée directement, avait
un temple à Damas du vivant d'Elisée. Naaman, chef
de l'armée de Bénadad II, roi de Syrie, demanda au
prophète, après avoir été miraculeusement guéri de la
lèpre par son intermédiaire, s'il lui était permis de se
prosterner dans le temple de Remmon, lorsqu'il y
accompagnait son maître, qui s'appuyait sur son bras.
Elisée répondit simplement : « Va en paix ! » Il est
très probable, d'après ce texte, que Remmon était le
dieu principal et spécial de Damas. Cf. aussi IIIReg.,xv,
18, où nous apprenons qu'un habitant notable de cette
ville portait le nom de Tab-Rimmôn (Vulgate, Tabre-
mon), c'est-à-dire, « Rimmôn est bon ». Voir Tabremon.
On ne doute pas non plus, actuellement, que le nom
du dieu Remmon n'entre dans le mot composé
Uadadrimmôn, Zach., xn, 11. Voir Adadremmon, t. i,
col. 167-170. Peut-être en est-il de même pour les
localités palestiniennes nommées Remmon.
Avant les découvertes faites récemment en Babylonie
et en Assyrie, on rattachait volontiers le nom du dieu
Remmon au substantif hébreu rimmôn, «grenade »,
et on regardait cette divinité comme l'emblème du
principe fécondant de la nature. Cf. C. Movers, Die
Phônizier, 4 in-8°, Bonn, 1841-1856, t. î, p. 196-198;
Baehr, Symbolik des mosaischen Cultes, 2 vol. in-8°,
Heidelberg, 1837-1839, t. îr, p. 122; Fr. Lenormant,
Lettres assyriologiques, in-4», Paris, 1874, t. ri, p. 215.
Mais on est d'accord aujourd'hui pour reconnaître que
cette étymologie est fausse; que la vocalisation rim-
môn provient des Hébreux, qui avaient modifié légè-
rement le nom pour l'adapter à leur langue; enfin, que
la vraie prononciation était Rammân, comme on le voit
par les monuments babyloniens et assyriens. Les Sep-
tante ont donc assez exactement indiqué le nom du
dieu. Ce nom étant très vraisemblablement d'origine
babylonienne, on a eu tort aussi de le faire dériver de
l'hébreu rûm ou rdmâm, « être élevé », de sorte qu'il
aurait signifié : haut, majestueux. Cf. Selden, De Dis
Syris, t. n, p. 10; W. Baudissin, Studien zur semit.
Religionsgeschichte, 1. 1, p. 307; Gesenius, Thésaurus,
p. 1292. Telle était déjà l'interprétation d'Hésychius,
Lexicon, édit. M. Schmidt, t. m, 1861. p. 421 : 'Pa^aç,
i ûijvtTro; Séoç. La véritable racine est le mot assyrien
ramâmu qui désigne un bruit violent, en particulier
celui du tonnerre. Cf. Frd. Delitzsch, Assyrisches
Handwôrterbuch, p. 624; W. Jastrow, Die Religion
Babyloniens und Assyriens, p. 156-164. A Babylone
et en Assyrie Rammân était, en effet, le dieu de l'air,
des nuages, du vent, delà pluie, des orages, des éclairs
et du tonnerre, en un mot, le dieu de l'atmosphère et
de ses phénomènes multiples, bienfaisants ou malfai-
sants. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das
Aile Test. ,3 e édit., p. 447. Les inscriptions cunéiformes
le désignent par l'idéogramme ^J^|| - , c'est-à-dire,
« dieu des régions célestes ». Elles le louent comme un
bienfaiteur des hommes, lorsqu'il envoie la pluie ; elles
regardent au contraire comme un malheur que Ram-
mân ait empêché les eaux du ciel de tomber. Cf. Schra-
der, ibid. Voir dans J. Menant, Collection de Clercq,
t. i, Cylindres orientaux, in-f°, Paris, 1888, Planches,
les n<* 124, 153, 169,' 188, 204, 207, 211, 217, 233, 249.
Sur les bas-reliefs, les cylindres (fig. 227), etc., on le
représente armé d'un faisceau d'éclairs et d'une hache.
Les orages, avec les éclairs, la foudre et les déluges
d'eau qui emportent tout sur leur passage, caracté-
1037
REMMON
1038
risent sa terrible puissance. Les rois assyriens, dans
leurs annales, lorsqu'ils racontent leurs conquêtes
rapides, aiment à les comparer aux manifestations
redoutables de Rammân. Voir Frd. Delitzsch, Assy-
risches Handivôrterbuch, aux mots sagamu et rahamu,
p. 640, 617-618. Il joue un rôle important dans l'histoire
du déluge babylonien. La phrase « Puisse Rammân
faire briller ses mauvais éclairs sur le pays de tel ou
tel » était employée comme une formule de malédic-
tion. Le taureau lui était consacré; c'est pourquoi on
trouve parfois des cornes de bœuf sur ses images. Il
était aussi honoré comme le dieu des oracles, bêlbiri.
Dans la seconde triade divine, qui se composait
habituellement des dieux Sin, Samas etlstar, il appa-
raît souvent à la place d'istar. On le regardait comme
le fils d'Anu et d'Anatu, et on lui consacrait le mois de
sebaf, qui était le onzième de l'année babylonienne
(janvier-février), et le mois des pluies. Son nom entre
dans la composition de divers noms propres assyriens,
227. — Cylindre babylonien. Sceau de Ramman-Taiar, fila de
Taribum. D'après Riehm, Handivôrterbuch des biblischen
Altertums, 1884, t. il, col. 1294.
tels que Rammànidri, Rammânlidari, Rammânnirâri,
Rammânbelliduri, etc. Voir Tiele, Babyl.-assyrische
Geschichte, p. 640; Winckier, A Uoriental. Forschungen,
t. î, p. 564. Les études assyriologiques ont aussi établi
que Rammân est identique à Adad ou Hadad de Syrie.
Cf. Hadad, t. m, col. 392 ; Schrader, Die Keilinschriften
und das A. Test., 3 e édit., p. 343-344. Il est dit dans les
annales de Salmanasar II que ce prince, pendant
une de ses campagnes, offrit des sacrifices au dieu
Rammân à Alep. Cf. Winckier, loc. cit., p. 84. — Sur
ces divers points, voir aussi W. Baudissin, Studien
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8», Leipzig,
1876-1878, t. i, p. 294-308 ;E. Schrader, Keilinschriften
und Geschichtsforschung, in-8», Giessen, 1878, p. 538-
539; Die Keilinschriften und das Aile Testament,
3 e édit., publiée par H. Zimmern et H. Winckier, in-8°,
Rerlin, 1903, p. 442-451; Sayce, The God Rammân,
dans Zeitschrift fur Assyriologie und verwandte Ge-
biete, t. il, 1887, p. 331-332; F. Baîthgen, Beitrâge
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8», Rerlin,
1888, p. 75; Hugo Winckier, Geschichte Babyloniens
und Assyriens, in-8», Leipzig, 1892, p. 164, 166 ; du
même, Alttestamentliche Forschungen, in-8", t. i,
Leipzig, 1893, p. 84-85; H. V. Hilprecht, Assyriaca, eine
Nachlese auf dem Gebiete der Assyriologie, in-8»,
Berlin, 1894, p. 76-78; C. P. Tiele, Babylonische-assy-
rische Geschichte, 2 in-8», Gotha, 1886-1888, t. n, p. 325-
526; A. Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des
alten Orient, in-8», Leipzig, 1904, p. 39-40, 320-321 ;
W.Jastrow, Die Religion Babyloniens und Assyriens,
in-8», Giessen, 1905, p. 156-161. L. Fillion.
3. REMMON (Septante, Vaticanus, Jos., xv, 32 :
'Epw|iw8; xix, 7 : 'Epe^càv ; I Par., iv, 32 : 'Pe(ivtiv ;
Zach., XIV, 10 : 'Pejijitiv; Alexandrinus : 'PejifJitôv par-
tout, excepté Jos., xix, 7, où on lit 'Peuh^O; Vulgate :
Remmon, excepté Jos., xv, 32, où elle a Remon), ville
de !a tribu de Siméon. — Les transcriptions 'Epe[j,(58 et
'EpejiiJiiSv sont évidemment pour 'Ev-'Penniiv.Les Sep-
tante, dans ces deux passages de Josué, tiennent ainsi
pour une seule localité 'Aïv et 'P£(X(xtiv distinguées dans
le texte hébreu, excepté II Esd., xi, 29, où l'on trouve 'Ên-
Rinvmôn. La Vulgate les distingue toujours, ainsi que
les Septante, si ce n'est en ces deux endroits. La dis-
tinction semble indubitablement établie par le fait que
Ain était une ville lévitique, tandis que Remmon était
habitée par la famille de Séméi, de la tribu de Siméon.
Cf. Jos., xxi, 16; I Par., iv, 32; Aïn, t. i, col, 315. —
Le prophète Zacharie fait allusion, xiv, 10, à cette
«Remmon au midi de Jérusalem » qu'il distingue ainsi
de Remmon de Benjamin. — Eusèbe mentionne .
« 'Epetigwv, très grande ville de Juifs, au XVI e mille-
d'Éleuthéropolis. » Saint Jérôme ajoute qu'Éremmon
est « au midi, dans la Daroma. » Onomasticon, édit.
Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 190 et 191. Au
mot Remma, les deux Pères, parlant de la même loca-
lité, disent que 'P^iioû;, Remmus (d'après le codex
de Leyde 'Peniniv, Remmon), est un « village de la
Daroma. » Ibid., p. 312 et 313. — Les modernes croient
reconnaître le nom de Remmon dans celui de la ruine
appelée Umm er-Remàmin. Celte ruine est en réalité à
27 kilomètres et demi (= 19 milles romains) au sud de
Beit-Djebrin, l'ancienne Éleuthéropolis des Grecs et
des Romains. Les chiffres de V Onomasticon, souvent
approximatifs, n'infirment pas cette identification,
confirmée d'ailleurs par l'état des ruines. Elles occu-
pent toute la surface d'une large colline dont l'altitude
est, d'après les travaux de la Société anglaise d'explo-
ration de la Palestine, de 482 mètres au-dessus du ni-
veau de la Méditerranée. On y rencontre d'innombra-
bles citernes, silos et chambres souterraines creusées
dans le roc. Les pierres des habitations, éparses sur
le soi, dépassent souvent les dimensions de l'appareil
moyen et sont très régulièrement équarries. Au som-
met, on remarque les restes d'une grande construction,
divisée en nombreux appartements, dont plusieurs
assises sont en place. — Remmon avait fait partie du
lot primitif de Juda. Jos., xv, 32. Au retour de la
captivité de Babylone, elle fut occupée de nouveau par
les Juifs. II Esd., xi, 25, 29. - Cf. E. Robinson, Bi-
blical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. m,
p. 193; Ad. Neubauer, Géographie du Talniud, Paris,
1868, p. 118; V. Guérin, Judée, t. h, p. 352-354; The
Survey of Western Palestine, Memoirs, t. m, p. 32.
L. Heidet.
4. REMMON (Septante, Vaticanus : 'PEjiixwvaâ;
Alexandrinus : 'Psnixiovài).), ville de la tribu de Zabu-
lon. Jos., xix, 13. — Dans leur transcription, les Sep-
tante unissent au nom les premières syllabes du mot
ham-Metô'âr qui suit, dans le texte hébreu. Voir
Amthar, t. i, col. 527; Noa 2, t. iv, col. 1635. Rem-
mono, I Par., vi, 77, transcrit par les Septante -f)
'Pe(A[u5v, nom d'une ville de Zabulon assigfiëe aux lévites
de la famille de Merari, n'est sans doute qu'une
variante de Remmon. Il en est probablement de
même de Damna, Jos., xxi, 35, transcrit Remin par
la version syriaque. Cf. Damna, t. n, col. 128 Rem-
mono, col. 1039. « On appelle Remmon de Zabulon
Rûmmânéh, » nous assure le rabbin Estôri ha-Parchi,
au xiii» siècle. Caftor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusa-
lem, 1897-1899, p. 293. J. Schwarz désigne pour Rem-
mon la même localité, qu'il indique à trois quarts de
lieue au nord-est de Séphoris, mais dont il altère le
nom en l'appelant Reimûn et Rûmein. Tebuoth ha-
Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 208, 242. Cette
1039
REMMON
REMORDS
104O-
identification a été communément acceptée. — Rum-r
mânéh est un tout petit village de moins de 70 habi-
tants, tous musulmans, à 4 kilomètres et demi au nord-
nord-est de Safûriéh (Séphoris). Il s'élève sur les der-
nières pentes, à l'occident, du Djébél-Tûrân, sur la
limite méridionale de la plaine de Battaûf, en face de
Qdnah, au milieu d'assez belles plantations d'oliviers.
De nombreuses citernes antiques perforent la colline.
On remarque aussi aux alentours quelques anciennes
grottes sépulcrales. Cf. E. Robinson, Biblical Resear-
ches in Palestine, Boston, -1841, t. u, p. -141-143; The
Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882,
t, i, p. 363. L. Heidet.
5. REMMON (ROCHER DE) (hébreu : Séla hâ-Rim-
môn, Jos., xx, 45, 47, Séla' Rimmôn, sans l'article,
Jos.. XXI, 13; Septante : 7) izhpa toO 'Pe^ji/âv et -^
nézpa 'PE[i|i<iv; Vulgate, Jos., xx, 45; petra cujus vo-
cabulum est Remmon, 47 et xxi, 7 : petra Remmori),
montagne rocheuse de Benjamin où s'enfuirent et res-
tèrent quatre mois les six cents Benjamites qui échap-
pèrent à l'extermination de leurs frères, à la bataille
de Gabaa. Le même nom, sous la forme Rammûn, lui
est demeuré jusqu'aujourd'hui. — « Remmon, dit
Eusèbe, est maintenant un village près d'yElia (Jéru-
salem), au XV e milliaire (22 kil. 496 m.), au nord.»
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862,
p. 315 et 316. Sur la carte mosaïque de Madaba, voir
fig. 180, vis-à-vis col. 695, Remmon est désignée par une
petite forteresse placée au nord-est de Jérusalem et au sud
d' « Éphron ou Éphraïm où vint le Christ. » La loca-
lité indiquée par ces documents est incontestablement
la Rammûn actuelle, située en effet à 3 kilomètres au
sud de Tayibéh, l'ancienne Éphrem, et à 22 ou 23
kilom. au nord-nord-est de Jérusalem. Le récit du
livre des Juges, xxi, nous conduit dans la même direc-
tion. Attirés dans l'embuscade que leur avait tendue
l'armée d'Israël, les Benjamites tombèrent en masse
sous les coups de leurs adversaires, « à l'orient de
Gabaa, » probablement entre ljizméh et Djéba', là où
se voient les curieux monuments connus sous le nom
de Qobûr bnî Israîn, « tombes des fils d'Israël », peut-
être élevés en souvenir de ce terrible combat. Le
corps d'armée laissé pour prendre Gabaa, après l'avoir
livrée aux flammes et massacré tous ceux qu'elle ren-
fermait, s'avançait du sud-ouest; les Benjamites ne
pouvaient retourner en arrière. Il ne leur restait qu'à
s'échapper par le désert , c'est-à-dire par l'est et le
nord; c'est ce qu'ils firent en gagnant Remmon. Six
cents seulement l'atteignirent. — L'identité du « rocher
de Remmon » avec l'actuel Rammûn est admise de
tous.. — Rammûn couronne une montagne rocheuss
haute de 762 mètres au-dessus du niveau de la Médi-
terranée. Des vallées profondes l'entourent de toute
part, excepté du côté du nord où le rocher sur lequel
est bâti le village ne domine que d'une cinquantaine
de mètres le large col qui le relie à la colline de
Tayibéh. De nombreuses grottes sont creusées dans
le roc, surtout à la partie supérieure de la montagne,
peut-être les mêmes que celles où s'abritèrent les
échappés de la défaite de Gabaa. La population du
village, toute musulmane, est de quatre à cinq cents
âmes. Des vergers plantés de figuiers, de grenadiers,
d'oliviers et de vignes se développent çà et là autour
de la montagne. — Cf. J. Schwarz, Tebuoth ha-Arez,
èdit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 101; E. Robinson,
Biblical researches in Palestine, Boston, 1841, t. N,
' p. 113-114; V. Guèrin, Judée, t. n, p. 352-354; The Sur-
vey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882,
t. n, p. 292. L. Heidet.
REMMON O (hébreu : 'Rimmônô ;I Chr. , n, 62 ; Sep-
tante : -f) 'P£[ji[iiov, I Par., vi, 77), ville lévitique de Za-
bulon. C'est sans doute une variante pour Remmon.
Au passage parallèle de Jos., XXI, 35, parmi les villes
attribuées à la famille lévitique de Mérari, on trouve
dans la Peschito Damna remplacée par Remîn. La plu-
part des interprètes tiennent Damna pour une altéra-
tion de Remmon ou Remmono. Voir Remmon 2 et
Damna, t. n, col. 1231. Cf. A. Reland, Palx&tina,.
Utrecht, 1714, p. 735 et 974; I. Schwarz, Tébuoth ha-
Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 208, 280; Arm-
strong, Wilson et Conder, Names and Places in the
Old Testament, Londres, 1887, p. 49, 148; Gesenius,
Thésaurus, p. 1292.
REMMONPHARÈS (hébreu : Rimmôn-Pérés,
à la pause Parés, « grenade brisée »; Septante : Pifi|j.i>v
<ï>apéç), la quatrième station des Israélites dans le dé-
sert, après le départ du Sinaï. Num., xxxm, 19-20.
Elle est entre la station de Rethma et celle de Lebna.
Le site n'en a pas été retrouvé jusqu'ici par les explo-
rateurs. On peut cependant, semble-il, déterminer
d'une manière générale la région où elle peut être
cherchée. Elle doit se trouver, croyons-nous, au sud-
est du Djebel ef-Tamad, à peu près à la latitude de
l'extrémité septentrionale du golfe de 'Aqâba, à 30 ou
35 kilomètres plus à l'ouest et un peu au sud de la-
route du hadjj égyptien de la Mecque. De 'Ain JJu-
deirah, assez sûrement identifiée avec Haséroth la se-
conde station, jusqu'à cette région il y a environ
70 kilomètres. À mi-distance doit se rencontrer Rethma.
la troisième station. A 35 kilomètres au nord du point,
indiqué, sur le bord de Vouâdi-Djéràféh, M. Aloïs
Musil indique une région appelée el-Beida, « la
Blanche », où l'on trouve de l'eau, et qui pourrait bien
correspondre à la station de Lebna, dont la significa-
tion est la même, et qui suit Remmonpharès. Cf. Mu-
sil, Karte von Arabia Petrea, Vienne [1908].
L. Heidet.
REMORDS (hébreu : mikêôl lêb, I Sam., xxv, 31;
Septante : p5eJ.uYiJ.QC, >ûjtï] àfj.apTtaç; Vulgate : scrupu-
lus cordis, tristitia delicti), reproche que la conscience
adresse avec persistance à celui qui a commis le mal.
L e sens de ce mot est plus précis dans nos langues mo-
dernes que dans les langues anciennes. — Le remords
se fait sentir immédiatement après le premier péché et
oblige Adam et Eve à se cacher. Gen.,m, 7, 10. Abi-
gaïl prie David de ne pas sévir contre Nabal et sa
maison, afin de s'épargner à lui-même le remords et
la souffrance du cœur après l'effusion du sang. I Reg.,
xxv, 31. Au temps d'Esdras, les Israélites sont saisis
de remords à la suite de leurs unions avec des femmes
étrangères. I Esd., ix, 4. Antiochus IV Épiphane, frappé
d'une terrible maladie, a le remords du mal qu'il a fait
aux Juifs. II Mach., îx, 13-17. Hérode le tétrarque,
meurtrier de saint Jean-Baptiste, est troublé par ce
qu'il entend raconter de Jésus-Christ et s'imagine que
sa victime est ressuscitée sous ce nom. Matth., xiv, 1,
2; Marc., vi, 14-16; Luc, ix, 7-9. Le remords amène
Judas, le traître, à se pendre. Matth., xxvn, 3. — Par-
fois, lépécheur arrive à étouffer le remords dans sa cons-
cience. Il dit alors : « J'ai péché et que m'est-il arrivé
de fâcheux? » Eccli., v, 4. Il boit l'iniquité comme-
l'eau, Job., xv, 16, sans qu'elle lui fasse plus d'effet.
Néanmoins, il n'y réussit pas toujours. Le faux docteur
a la conscience cautérisée, c'est-à-dire marquée d'une
cicatrice deshonoran te. ITim., IV, 2. Il est aÛToxatàxpiîoc,
il se condamne lui-même dans sa conscience. Tit., m,
11. La Vulgate parle du « glaive de la conscience »,
Prov., xn, 18; le texte hébreu et les Septante ne men-
tionnent que le glaive en général. L'Ecclésiastique, ,
xiv, 1, proclame heureux l'homme « qui n'a pas été
meurtri par le remords de fautes commises. » —
Le remords suivra les méchants dans l'autre vie. « Ils
se diront les uns aux autres, pleins de regret, et gé-
1041
REMORDS — RENAN
1042.
missant dans le serrement de leur cœur : A quoi nous
a servi l'ogueil? » Sap., v, 3, 8. Il est répété en plu-
sieurs passages que le feu et le ver seront le châtiment
de l'impie. Is., lxvi, 24; Judith, xvr, 21; Eccli.,
vu, 19 (17); Marc, ix, 43, 45,47. Pour beaucoup d'in-
terprètes, le ver désigne métaphoriquement le re-
mords qui ronge l'âme du damné. Tout en admettant
cette explication, saint Augustin, De civ. Dei, xxi, 9,
t. ai, col. 723, croit que le ver peut aussi se rapporter
au supplice corporel. H. Lesêire.
REMPART. "Voir Mur des villes, t. iv, col. 1340-
1342.
REMPHAM, nom difficile à interpréter, qui, dans
notre version latine, apparaît seulement au livre des
Actes, vu, 43. Le diacre Etienne, reprochant à ses core-
ligionnaires les perpétuelles infidélités de leurs an-
cêtres à l'égard du Seigneur, leur dit, faisant un em-
prunt à Amos, v, 26 : « Vous avez porté (durant vos
pérégrinations à travers le désert de Pharan) le ta-
bernacle de Moloch et l'astre de votre dieu Rempham,
figures que vous avez faites. » — Comme d'autres noms
propres, ce mot est écrit de bien des manières dans les
anciens manuscrits grecs du Nouveau Testament :
'Pe(içà(i, d'après D et la Vulgate; 'Pe^çcc, dans le ma-
nuscrit 61, l'arménien, Origène et divers manuscrits
latins; .'PEjiçpàv, dans le syriaque et d'autres manus-
crits latins; 'Poytçav, dans le Cad. Sinaitic, le minus-
cule 3, etc.; 'Po[j.çï, dans B et d'autres documents;
'Pacpiv, dans saint Justin, Dial. cum Tryph., 22, édit.
Archambault, t. î, 1909, p. 98; 'Paiçiv ou "Peçiv dans
C, E, les versions égyptiennes et éthiopiennes. 'Pcuçàv
paraît être la leçon la mieux accréditée. Voir Westcott
et Hort, The New Testament in the original Greek, in-
12, t. H, Cambridge, 1882, p. 92 des notes. — Si du texte
grec des Actes nous passons à la traduction d'Amos par
les Septante, nous rencontrons des variantes analogues :
Complute : TPEfiçà; Q, 'Pecpàv; A et B ont 'Pcaçotv. Or,
'Paupâv, dans Amos, v, 26, correspond au mot hébreu
JV3, Kîyyûn, et il n'est guère douteux que, d'une part,
la leçon des Septante, et de l'autre, la vocalisation des
Massorètes, ne soient fautives. On croit généralement
aujourd'hui que 'Pottcpâv est la corruption de Kaijpœv,
et que l'hébreu doit se prononcer Kêvdn (p>3). —
D'après l'opinion la plus généralement admise aujour-
d'hui, Kévân serait le nom d'une divinité chananéenne
et araméenne, vraisemblablement Saturne, que les Hé-
breux auraient autrefois adorée dans le désert, après
leur sortie d'Egypte. VoirKiON, t, m, col. 1892-1893.
L. Fillion.
RENAN Ernest, orientaliste français, né à Tréguier,
en Bretagne, le 27 février 1823, mort à Paris le 2 oc-
tobre 1892. Il termina ses études classiques à Paris,
au petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. En
1842, il étudia la philosophie au séminaire d'Issy-sur-
Seine, où la lecture des philosophes allemands, surtout
celle de Hegel, commença à ébranler sa foi. Néan-
moins, il entra au séminaire de Saint-Sulpice de Paris
et il y passa deux ans, 1843-1845 : il y étudia l'Écriture
Sainte, l'hébreu et le syriaque sous la direction du sa-
vant abbé Le Hir, auquel, disait-il volontiers, il devait
toutes ses connaissances hébraïques. Il raconte lui-
même que sa sœur Henriette exerça sur lui une in-
fluence désastreuse durant la crise religieuse qu'il
traversait. En 1845, il renonça définitivement 4 la vo-
cation ecclésiastique. Devenu professeur particulier, il
se lia d'une étroite amitié avec Berthelot, qui contribua
aussi pour beaucoup à faire tomber les derniers restes
de sa foi chrétienne. En 1847, on le nomma professeur
au lycée de Versailles. L'année suivante, il publia son
premier o\mage, VHi8toire des langues sémitiques,
qui établit sa réputation comme orientaliste. Vers la fin
de 1849, il fut chargé d'une mission scientifique en
Italie, où il passa huit mois. Un peu plus tard, en
1851, il fut attaché au département des manuscrits à
la Bibliothèque nationale, et il conserva cette fonction
environ dix ans. En 1860-1861, on lui confia une mis-
sion archéologique en Phénicie; puis, à son retour,
1862, on le nomma professeur d'hébreu, de chaldéen,
et de syriaque au Collège de France. Sa première leçon,,
dans laquelle il osa dire que N.-S. Jésus-Christ, «lait
seulement « un homme incomparable, » suscita de
violentes manifestations; le cours fut alors suspendu,
et supprimé définitivement deux ans plus tard, le
11 juin 1864. Un an auparavant, 23 juin 1863, E. Renan,
avait publié sa Vie de Jésus, qui souleva dans toute
l'Europe une si légitime indignation ; c'était le premier
volume de l'ouvrage Histoire des origines du chris-
tianisme, dont il avait depuis longtemps conçu le plan.
En 1864-1865, il fit un nouveau voyage en Orient, pour
visiter les lieux où avait vécu saint Paul. En 1870, le
gouvernement de la République le réintégra dans sa
chaire d'hébreu. Il fut élu membre de l'Académie fran-
çaise en 1879; enfin, en 1884, il devint administrateur
du Collège de France. — Ceux de ses ouvrages qui se
rattachent à la Bible sont les suivants : Histoire des
langues sémitiques, in-8°, Paris, 1848; Histoire géné-
rale et système comparé des langues sémitiques, in-8\
Paris, 1855 (c'est au fond le même ouvrage, plus
développé); Le livre de Job, traduit de l'hébreu avec
une étude sur l'âge et le caractère du poème, in-8°,
Paris, 1859, 3 e édit., 1865; Le Cantique des cantiques,
traduit de l'hébreu avec une étude sur le plan, l'âge
et le caractère du poème, in-8°, Paris, 1860, 3 e édit.,
1870; Vie de Jésus, in-8°, Paris, 1863; Mission de
Phénicie, în-4°, avec un atlas in-f°, Paris, 1864-1874;
Les apôtres, in-8», Paris, 1866; Saint Paul et sa mis-
sion, in-8°, Paris, 1869; L'Antéchrist, in-8°, Paris,
1871; Les Évangiles et la seconde génération chré-
tienne, in-8», Paris, 1877; L'Église chrétienne, in-8»,.
Paris, 1879 ; Marc-Aurèle et la fin du monde antique,
in-8°, Paris, 1881 (cet ouvrage forme le septième et
dernier volume des Origines du christianisme) ; L'Ec-
clésiaste, traduit de l'hébreu avec une étude sur l'âge
et le caractère du livre, in-8°, Paris, 1882; Histoire du
peuple d'Israël, 5 in-8°, Paris, 1894 (les deux derniers
volumes ont été publiés après la mort de l'auteur). A
signaler encore de nombreux articles publiés dans plu-
sieurs recueils périodiques, surtout dans la Revue des-
deux mondes et le Journal des débats, et réunis par-
tiellement en volume sous le titre d'Études d'histoire
religieuse, in-8», Paris, 1857; 7<= édit., 1864. C'est
E. Renan qui conçut, dès l'année 1868, l'idée et le plan
du Corpus inscriptionum semiticarum, dont la publi-
cation commença en 1881, et auquel il collabora avec
intérêt. — On s'est demandé si Renan n'était pas « un
dilettante supérieur, se plaisant à jouer avec tout. »
Ch. de Mazade, dans la Revue des deuxmondes, t. cxiii,
1892, p. 946. Il doit principalement sa réputation scan-
daleuse à la Vie de Jésus, et c'est d'après cet écrit
blasphématoire qu'il a été surtout jugé. Voir dans
A. Schweitzer,' Von Reimarus zu Wrede, 1906, p. 404-
418, la liste de quatre-vingt-cinq ouvrages ou brochures,
presque tous en français, provoqués par ce livre. Les
critiques d'Allemagne, protestants ou rationalistes, n'ont
pas été les moins sévères pour l'auteur, voyant dans sa
Vie de Jésus, et aussi dans ses ouvrages subséquents,
des œuvres en grande partie d'imagination. — Voir en
particulier : Ch. E. Luthardt, Les historiens modernes
de la Vie de Jésus, Conférences sur les écrits de
Strauss, Renan „et Schenkel, trad. franc, Paris, broch.
in-8», s. d., p. 34-54; K. von Hase, Geschichte Jesu nach
akademischen Vorlesungen, 2 e édit., in-8°. Leipzig,
1891, n. 189-194; B. Labanca, Lavita di Gesù di Ernesto-
1043
RENAN — RÊNES
1044
Renan in Italia, in-8», Rome, 1900; A. M. Fairbairn,
The place of Christ in modem theology, in-8», 10 e édit.,
Londres, 1902, p. 278-279; H. Weinel, Jésus im neun-
zehnten Jahrhundert, in-12, Tubingue, 1903, p. 68-83;
F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa-
lùsle,5'édit., in-12, t.n,Paris,1901, p. 627-634; A. Schweit-
zer, von Reimarus zu Wrede, in-8", Tubingue, 1906,
p. 179-191. — Sur l'homme et le critique libre-pen-
seur, voir aussi, en divers sens : Pons, Ernest Renan
et l'origine du christianisme, Paris, 1882 ; l'abbé
Cognât, dans le Correspondant, n» s des 10 mai, 10 juin,
10 juillet, 25 déc. 1882, des 25 janv., 10 mars et 10 juil-
let 1883, du 25 août 1884; E. Renan, Souvenirs d'en-
fance et de jeunesse, in-8», Paris, 1883; F. Vigouroux,
La Bible et la Critique, Réponse aux Souvenirs d'en-?
fance et de jeunesse de M. Renan, in-8», Paris, 1883;
les Études religieuses et philosophiques des Pères
jésuites, 1889, t. xlviii, p. 209-229; 1892, t. lvii,
p. 422-438; E. Renan, Feuilles détachées faisant suite
aux Souvenirs d'enfance et de jeunesse, in-8», Paris,
1892; ûuff, Ernest Renan, In memoriam, in-8°, Lon-
dres, 1893; R. Allier, La philosophie d'Ernest Re-
nan, in-12, Paris, 1895; Lettres intimes d'Ernest Re-
nan et Henriette Renan, in-8», Paris, 1896; M m » J. ûar-
mesteter, Vie d'Ernest Renan, in-12, Paris, 1898;
E. Renan et M. Berthelot, Correspondance, 1847-1892,
in-8», Paris, 1898; E. Faguet, Ernest Renan, dans la
Revue de Paris, juillet-août 1898, p. 85-134; Ch. Denis,
La critique irréligieuse de Renan : les précurseurs,
la Vie de Jésus, les adversaires, les résultats, in-18,
Paris, 1898; Ed. Platzhoff, Ernest Renan, 1 vol. in-8»,
Dresde, 1900. L. Fillion.
RENARD (hébreu : Sù'âl; Septante: àlwnr\ï; Vul-
gate : vulpes), quadrupède de la famille des canidés,
228.
Le renard.
qui se distingue du chien par une tête plus large, un
museau pointu, une queue longue . et touffue, et sur-
tout des prunelles fendues verticalement, ce qui décèle
chez l'animal des habitudes nocturnes (ûg. 228). Le
renard, moins grand que le loup, a un pelage fauve,
semé de poils blancs avec quelques taches noires; le
museau est roux, le devant du cou, le ventre et le de-
dans des cuisses blancs. . Le renard se nourrit d'ani-
maux plus petits, poules, perdrix, lièvres, lapins, et
aussi d'oeufs, de miel, de raisin, de baies de gené-
vriers, etc. Pour s'emparer de sa proie, il n'est pas de
ruse dont il ne se serve. Il ne chasse que la nuit, et
alors fait entendre un cri nommé glapissement. Il
habite des terriers creusés aux endroits propices pour
la chasse, comme l'entrée des bois, le voisinage des
fermes, etc. La femelle met bas sept ou huit petits.
L'animal exhale une odeur très forte. — Le renard est
commun en Syrie, où il habite surtout dans les ruines.
Au sud et au centre de la Palestine, c'est le renard
égyptien, vulpes niloticus, un peu plus petit que le
nôtre, grisâtre en dessous et plus fauve en dessus. Au
nord, c'est le renard syrien, vulpes flavescens ou canis
syriacus, plus grand et plus fort. Les gens du pays
confondent les. deux espèces sous le nom de thaleeb,
tandis qu'ils désignent le chacal par celui de dheeb.
Les renards égyptiens qui habitent les cavernes voi-
sines de Mar-Saba, viennent manger au couvent la
nourriture que les moines leur préparent. Cf. Lortet,
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 399. — Le mot
hébreu sû'âl désigne aussi le chacal, canis aureus, qui
est également un canidé, tenant le milieu entre leloup
et le renard. Voir Chacal, t. n, col. 474-478. Dans les
quelques passages où le sû'âl est nommé, le contexte
indique s'il s'agit du chacal ou du renard, car les
mœurs des deux espèces d'animaux ne sont pas iden-
tiques. Le renard est un peu omnivore, il est très rusé
et surtout il chasse toujours seul; le chacal est Carni-
vore et va par bandes à la recherche de sa proie. Dans
le Cantique, n, 15, il est parlé des vignes en fleur au
retour du printemps et des petits renards qui ravagent
ces vignes; ils ne mangent pas les raisins, qu'ils aiment
beaucoup, mais qui ne paraissent pas encore; ils se
contentent de toutravager en prenant leurs ébats à tra-
vers la vigne. — Ézéchiel, sm, 4, compare les faux
prophètes à des renards dans des ruines. Ces pro-
phètes se croient très rusés, mais l'événement montrera
qu'ils se sont trompés; par leurs faux oracles, ils
contribuent au malheur de leur peuple, comme le re-
nard qui accélère la chute des ruines au milieu des-
quelles il creuse son terrier. — Quand les Juifs se
mettent à restaurer les murailles de Jérusalem, Tobie,
l'Ammonite, se moque d'eux en disant : « Qu'un renard
s'élance, il renversera leur muraille de pierre ! » II Esd.,
îv, 3. En s'élançant, un renard pouvait dégrader plus
ou moins ces murs de pierres sèches dont on entourait
les vignes; les murailles de Jérusalem étaient autre-
ment solides, et c'est là ce qui exaspérait les ennemis
des Juifs. — Notre-Seigneur dit" que les renards ont
leurs tanières et les oiseaux du ciel leur nid, alors que
le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. Matth.,
Vin, 20; Luc, IX, 58. — Averti qu'Hérode Antipas veut
le mettre à mort, le Sauveur le traite de renard et dé-
clare qu'il continuera son ministère jusqu'au temps
fixé. Luc, xiii, 32. Hérode, le meurtrier de saint Jean-
Raptiste, méritait cette appellation par son astuce, sa
lâcheté et sa cruauté. H. Lesêthe.
RÊNES (Septante : r^iai; Vulgate : habenœ), cordes
ou courroies rattachées au mors des chevaux et servant
229. — Rênes <J'un cheval assyrien.
D'après un bas-rèlief. Fr. Lenormant, Histoire ancienne
de l'Orient, t. v, p. 55.
à les diriger (fig. 229). — Il n'en est point question
dans le texte hébreu. D'après la Vulgate, on lava dans
1045
RÊNES
REPAS
1046
l'étang de Samarie les rênes ensanglantées duchard'A-
chab. Dans l'hébreu et les Septante, il est seulement
dit que « les courtisanes se baignèrent » dans cet étang
où l'on avait lavé le char royal. III Reg., xxu, 38. —
Nahum, n, 3, parlant de l'armée qui s'avance contre
Ninive, dit que « l'acier des chars étincelle. » D'après
les Septante, « les rênes de leurs chars seront en dé-
sordre, » et d'après la Vulgate, « les rênes de son char
sont de feu. » — "Voir Harnais, t. m, col. 431. .
H. Lesétre.
RENONCEMENT (hébreu : 'dzab,« laisser »; Sep-
tante : x««Xe!ic<i), occupa, Vulgate : relinquo), abandon
volontaire, pour un motif supérieur, des personnes ou
des choses auxquelles on tient le plus. — Parfois, le
motif est purement humain. Ainsi l'homme abandonne
son père et sa mère pour s'attacher à son épouse.
Gen., h, 24; Marc, x, 7; Eph., v, 31. Ruth renonce à
son peuple pour suivre Noémi. Ruth, i, 16. Elisée
quitte tout poursuivre Élie. III Reg., xix, 20-21. —Mais
le renoncement le plus parfait est celui que l'on s'im-
pose pour obéir à Dieu et le servir. Abraham renonce
à son pays, à sa famille et à la maison de son père pour
obéira l'ordre divin. Gen., xn, 1. Moïse renonce au
titre de (ils de la fille du pharaon, préférant l'opprobre
du Christ à tous les trésors de l'Egypte. Heb., xi, 24-26;
Exod., Il, 15. Il est dit du Lévite qu'il n'a pas vu son
père et sa mère, qu'il n'a pas reconnu ses frères et
qu'il ne sait rien de ses enfants, Deut., xxxin, 9, parce
que, pour venger l'honneur du Seigneur après l'adora-
tion du veau d'or, la tribu de Lévi n'a pas craint de
frapper les coupables, sans égard pour les liens de pa-
renté ou d'amitié. Exod., xxxil, 27-29. — Dans le Nou-
veau Testament, le renoncement devient une des condi-
tions nécessaires à la perfection. Luc, xiv, 33 (orao-
tàaaw, renuntio). Pour suivre Notre-Seigneur, les
Apôtres renoncent à tout : Pierre et André quittent
leurs filets, Matth., iv, 20; Marc, i, 18, Jacques et Jean
abandonnent leurs filets et leur père, Matth., iv, 22;
Marc, i, 20; Luc, v, 11, le publicain Matthieu laisse
là son comptoir. Matth., îx, 9; Marc, h, 14; Luc,
v, 28. Plus tard, saint Pierre rappelle, au nom de tous,
qu'ils ont tout quitté, et il demande quelle sera leur
récompense. Le Sauveur répond que ceux qui, par
amour pour lui et à cause de l'Évangile, ont tout quitté,
maison, frères, sœurs, père, mère, épouse, enfants,
champs, auront le centuple en ce monde même et en-
suite la vie éternelle. Matth., xix, 27-29; Marc, x,
28-30; Luc, xviii, 28-30. Pour aller avec le divin Maître,
il faut renoncer à soi-même, prendre sa croix et le
suivre. La première conséquence de ce renoncement
{àTiapvifaaaOai, àpvTJaaaSat, abnegare), consiste à ne pas
tenir à sa vie plus qu'à tout, car la sacrifier pour Dieu
et pour l'Évangile, c'est la sauver, tandis que vouloir la
sauvera tout prix serait la perdre. Matth., xvi, 24-25;
Marc, vm, 34-35; Luc, ix, 23-24; Joa., xn, 25. Il faut
•encore être prêt à abandonner tout ce qui peut être
une occasion de péché, fût-ce l'œil, le pied ou la main,
■c'est-à-dire ce à quoi on tient le plus intimement.
Matth., v, 29-30; xvin, 8; Marc, ix, 46-48. De plus,
chez celui qui se renonce pour suivre Jésus, l'amour
du divin Maître doit surpasser l'amour du père, de
la mère, de l'épouse, des frères et des sœurs. Luc,xiv,
26-27. Enfin, on ne peut à la fois servir Dieu et l'ar-
gent. Matth., VI, 24; Luc, xvi, 13. Sous la loi nou-
velle, bien plus encore que sous l'ancienne, il est
nécessaire de ne pas attacher son coeur aux richesses
Ps. lxii (lxi;, 11. Le renoncement aux biens de ce
monde doit devenir effectif pour quiconque veut
atteindre la perfection évangélique. Matth., vm, 19-20;
xix, 21; Marc, x, 21; Luc, ix, 57-62; xvm, 22. —
Saint Paul prêche le renoncement à ses fidèles et
veut qu'ils usent de toutes les choses de ce monde
comme n'en usant pas, c'est-à-dire avec un complet
détachement. I Cor., vu, 29-31. Lui-même a renoncé
à tous les avantages temporels qui résultent de son
passé, pour se donner totalement au Christ. Phil.,
m, 4-9. H. Lesêtre.
REPAS (grec : apt<rrov, Setnvov; Vulgate : pran-
dium, cœna), acte par lequel l'homme pourvoit à son
alimentation.
1° Heure des repas. — L'hébreu n'a pas de substantif
pour désigner le repas; il emploie habituellement le
verbe 'âkal, « manger », qui, par lui-même, ne donne
aucune indication sur le temps ou sur la manière. Il'
nomme un repas de fête qui consistait surtout à boire,
mistéh, littéralement cowpotafio. Dans le Nouveau Tes-
tament, on trouve joints ensemble deux noms de re-
pas, â'ptorov r, fotuvov, prandium aut cœnam. Luc,
xiv, 12. Chez les Grecs, comme chez les Latins, le pre-
mier de ces deux termes se rapportait au repas qui se
fait vers le milieu du jour; le second désignait le re-
pas de l'après-midi ou du soir. Le repas du milieu du
jour est mentionné plusieurs fois, Gen., xvm, 1, 8;
Ruth., il, 14; III Reg., xx, 16; Matth., xxn, 4; Luc,
xi, 38; xiv, 12, etc. CF. Josèphe, Vita, 54; il est éga-
lement question de celui du soir, Gen., xix, 1, 3; Ruth,
m,7; Matth., xxrn, 6; Marc, vi, 21; Luc, xiv, 16; Joa.,
XII, 2; xin, 2, 4; xxi, 20. Sous ce rapport, les Juifs sui-
vaient à peu près l'usage du monde grec et prenaient
deux repas principaux qui, selon les circonstances,
avaient plus ou moins d'importance. On voit en effet
qu'ils invitaient aussi bien à l'un qu'à l'autre. Luc,
xiv, 12. Le repas que Notre-Seigneur ressuscité pré-
para à ses Apôtres au bord du lac, Luc, xxi, 9-13,n'est
pas l'indice d'un déjeûner habituellement pris dès le
matin. Il était très naturel que des hommes quiavaient
travaillé toute la nuit prissent quelque chose dès la
première heure. Il se trouva aussi nn jour que Notre-
Seigneur eut faim le matin et s'approcha d'un figuier
pour y chercher un fruit. Matth., xxi, 18, 19. Mais, en
général, « l'Oriental mange peu avant le milieu du
jour; les nomades, les travailleurs, ne prennent le
matin qu'un morceau de galette, et s'en passent pour
un rien. Dans les villes et ailleurs, l'usage est de ne
prendre avant midi qu'une petite tasse de café noir
sans pain, tasse si petite qu'elle peut servir de coque-
tier; elle ne tient que 25 à 30 grammes. Même au col-
lège les enfants sont assez indifférents au déjeûner du
matin. Il semble qu'autrefois les Juifs étaient encore
plus sobres avant midi. Ne lisons-nous pas dans l'Ecclé-
siaste, x, 16 : Malheur au pays dont les princes mangent
le matin! Du reste, chez les Juifs, ne rien prendre
avant midi n'était pas jeûner. » Jullien, L'Egypte,
Lille, 1891, p. 274. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. D'une
remarque de saint Pierre, Act., n, 15, il résulte même
qu'un Juif ne se serait ïpas permis de se restaurer
avant la troisième heure ou neuf heures, moment
où l'on offrait le sacrifice perpétuel dans le Temple.
— Sur les repas plus solennels, voir Festin, t. n,
col. 2212.
2° Manière de les prendre. — Avant le repas, on
commençait par prendre toutes les précautions récla-
mées par les lois de pureté, et invariablement on se
lavait les mains. Voir Laver (Se) les mains, t. iv,
col. 136. — La prière précédait et terminait tous les
repas. Elle était récitée par le chef de la famille, à
condition qu'on fût au moins trois, autrement chacun
la disait pour son compte. Tous y étaient obligés, même
les femmes, les esclaves et les enfants. Berachoth, m,
3, 4. Celte obligation découlait d'un texte de la Loi.
Deut., vm, 10. Le Sauveur et les Apôtres ne manquaient
pas de se conformer à un usage si justifié. Matth., xiv,
19; xv, 36; Luc, ix, 16; Joa., vi, 11; Act., xxvn, 35;
Rom., xiv, 6; I Tim., iv, 3-5. Les docteurs, vers l'époque
de Notre-Seigneur, avaientréglé minutieusement ce qui
1047
REPAS
1048
concernait ces prières. Elles variaient d'ailleurs selon
l'importance des repas. Brèves dans les repas ordi-
naires, elles s'étendaient davantage pour les repas du
sabbat et de la veille des fêtes, et se compliquaient de
chants et de Psaumes pour le festin pascal. Voir CÈNE,
t. n, col. 413-415. On disait pour le pain : « Sois loué,
ô Seigneur notre Dieu, roi de l'univers, qui fais sortir
le pain de la terre; » pour le vin : « Sois loué, ô Sei-
gneur notre Dieu, roi de l'univers, qui as créé le fruit
de la vigne. » D'autres fois : « Sois loué, o Éternel,
roi de l'univers, qui nourris le monde entier par
ta bonté, en toute grâce et miséricorde. Il donne
le pain à toute chair — car sa miséricorde est
éternelle. » Ou encore : « Nous te remercions, à Éter-
nel, notre Dieu, de ce que tu as donné à nos pères un
pays spacieux, exquis et magnifique (cf. Deut., vni, 10) ;
de ce que, ô Eternel, notre Dieu, tu nous a conduits
hors de l'Egypte et délivrés de la maison d'esclavage;
pour ton alliance que tu as marquée dans notre chair,
pour ta Loi que tu nous as enseignée, pour tes com-
mandements que tu nous a intimés, pour la vie que tu
nous as donnée par ta grâce et ta miséricorde. » Les
docteurs prescrivaient même des prières spéciales pour
chaque espèce d'aliments. La prière était obligatoire,
même si l'on ne mangeait que la valeur d'un œuf ou
d'une olive. Celui qui l'avait oubliée, avait à la repren-
dre ensuite, au moins tant que les aliments demeuraient
dans son estomac. Berachoth, vi, 5, 7, 8; vu, 2; vm,
7. Une allusion faite par Notre-Seigneur, Marc, xn,
40; Luc, xx, 47, donne à penser que certains docteurs
allongeaient démesurément les prières, quand ils pre-
naient place à la table des veuves aux dépens des-
quelles ils entendaient vivre. — Dans les anciens temps
on s'asseyait pour prendre le repas. Gen., xxvn, 19;
Jud., xix, 6; I Reg., xx, 5, 24. Voir un repas égyptien,
Festin, t. n, fîg. 649, col. 2213; assyrien, fig. 650,
col. 2215. Plus tard, on suivit la mode Introduite en
Palestine de manger étendus sur des divans. Am., VI,
4. Voir Couronne, t. n, fig. 393, col. 1083; Architri-
clinus, t. i, ûg. 248, col. 935; Lit, t. iv, fig. 97 et 99,
col. 290, 291. Il va de soi que cet usage n'était suivi que
dans les maisons où l'on jouissait d'une certaine ai-
sance. — Les mets élaient ordinairement servis sur
une table. I Reg.,xx,29; II Reg., ix, 7, 11; III Reg.,x,
5; Luc, xxii, 21. Voir Table. — Sur la nature des
mets habituels, voir Nourriture, t. rv, col. 1700. La
viande, coupée en morceaux, était apportée sur un plal.
Marc, xiv, 20; Luc, xi, 39. Voir Plat, col. 460. Chaque
convive en recevait un morceau du chef de la famille,
IReg.,i, 4; le pain, très plat et flexible, voir Pain, t. iv,
col. 1951, lui servait d'assiette, et au besoin de cuiller
pour puiser de la sauce contenue dans un unique plat
creux, au service de tous les assistants. Les fourchettes,
couteaux et autres ustensiles élaient totalement incon-
nus et d'ailleurs considérés comme inutiles; les doigts
suffisaient à tout.. Ainsi s'explique la rigueur de la loi
qui obligeait à les laver avant le repas. Ces coutumes
sont encore en vigueur chez les Arabes de Palestine.
Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam,
1718, p. 202-206; Plerotti, La Palestine actuelle dans
ses rapports avec Vancienne, Paris, 1865, p. 224-227;
Julien, L'Egypte, p. 273, 274. L'eau et le vin étaient les
boissons ordinaires. Voir Coupe, t. il, col. 1074; Vih. —
La prière terminait le repas comme elle l'avait com-
mencé.
3» Remarques diverses. — On cessait toute occu-
pation quand venait l'heure du repas. Dan., xm, 13.
Tobie, H, 3; xn, 12, ne craignait pas cependant d'in-
terrompre son repas pour aller ensevelir les morts.
Parfois Notre-Seigneur et ses Apôtres, accablés par la
foule qui envahissait leur maison, ne pouvaient même
pas prendre leur repas. Marc, ni, 20. — Certaines
règles de convenance devaient être observées pendant
les repas. L'Ecclésiastique, xxxi, 12-22, les formule
ainsi :
As-tu pris plaee à une table bien servie,
N'ouvre pas la bouche devant elle,
Et ne dis pas : Voici bien des mets!
N'oublie pas que l'œil cupide est chose mauvaise...
Où il regarde, n'étends pas la main,
Et ne te heurte pas avec lui dans le plat.
Juge des désirs du prochain d'après les tiens,
Et, en tout, agis avee réflexion.
Comme il sied à un homme, mange de ce qui est devant toi.
Ne mâche pas avec bruit, pour ne pas causer de dégoût,
Gesse le premier, par bonne éducation,
Ne te montre pas insatiable, de peur de scandaliser.
Si tu es assis en nombreuse compagnie,
N'étends pas la main avant les autres...
Les insomnies, les vomissements pénibles
Et la colique sont pour l'homme intempérant.
Si l'excès du manger t'incommode,
Lève-toi, promène-toi au large, et tu seras soulagé.
A la place de ce dernier conseil, la Vulgate en donne
unautre, evonie, qui pourrait faire allusion à unepré-
caution hygiénique, mais nullement à l'excès auquel
se livraient les Romains, par un raffinement de gour-
mandise. En grec, il y a le mot (leo-omopcôv, qui devrait
venir régulièrement de uiaov, « milieu », et ÔTnipa,
« arrière-saison », mais alors n'aurait aucun sens. On
lui assigne une signification plus acceptable en le rat-
tachant au verbe rcopeiSw, « marcher ». D'ailleurs ce com-
posé n'est pas classique. La recommandation de man-
ger de ce qui est devant soi, comme il sied à un
homme, est encore obéie. En Orient, « chacun se sert
avec les doigts et prend directement dans le plat com-
mun le morceau qu'il porte à sa bouche. Pourtant
tout se fait avec une certaine convenance. On ne prend
que devant soi sans jamais attaquer la région du plat
qui fait face au voisin. » Jullien, L'Egypte, p. 273.
4° Différentes sortes dé repas. — 1. Un repas de fa-
mille terminait ordinairement la cérémonie de la cir-
concision. Voir Circoncision, t. n,col. 777. — 2. Celui
qui faisait offrir un sacrifice pacifique devait abandon-
ner aux prêtres la cuisse droite, la poitrine et une
épaule de la victime. Lev., vu, 32-35. Le reste lui ser-
vait à faire un repas, le jour même après un sacrifice
pacifique, le jour même et le lendemain, après un
sacrifice votif ou volontaire. Il était absolument défen-
du de retarder ce repas jusqu'au troisième jour, ou d'y
prendre part sans être en état de pureté. Lev., vu, 15-
20. — 3. D'autres repas suivaient la présentation des
dîmes. Comme les précédents, ils devaient avoir lieu
prés du sanctuaire, par conséquent à Jérusalem après
la construction du Temple. Deut., xn, 6, 7. Ceux qui
demeuraient trop loin pour apporter leurs dîmes en
nature les vendaient sur place, apportaient le prix à
Jérusalem et y faisaient des repas sacrés auxquels ils
invitaient les lévites de leur voisinage. Deut., xiv, 24-
27. — 4. Chaque troisième année, avec le produit d'une
autre dime, on offrait des repas aux lévites, à l'étran-
ger, à l'orphelin et à la veuve, mais dans la localité
même. Deut., xrv, 28, 29. Voir DIme, t. n, col. 1434,
1435. — 5. Sur le repas de la Pâque, voirPÂQUE, t. iv,
col. 2096. — 6. Jérémie parle de repas funèbres en sou-
venir des morts. Il dit de ses compatriotes voués au
châtiment .
On ne leur rompra point le pain du deuil
Pour les consoler au sujet.des morts,
Et on ne leur offrira pas la coupe de consolation
Pour un père et pour une mère. Jer., xvi, 7,
Ézéchiel, xxiv, 17, et Osée, ix, 4, font aussi allusion
au pain de deuil. Te vieux Tobie recommande à son
fils de faire servir son pain et son vin à la sépulture des
justes, Tob., îv, 18, c'est-à-dire à des repas funèbres
dans lesquels on célébrait la mémoire des justes après
1049
REPAS
REPROBATION
1050
les avoir inhumés. Dans les anciens temps, on faisai
même porter des provisions dans la maison du défunt,
en vue du repas qui devait s'y donner. Deut., xxvi, 14.
Il ne saurait être question, dans aucun de ces textes,
d'aliments offerts aux morts, selon la coutume des peu-
ples idolâtres. Une pareille idée est absolument étran-
gère aux Israélites et aussi opposée que possible à
l'esprit de leur législation. Cf. Lagrange, Etudes sur
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 332-334.
H. Lesêtre.
REPENTIR. Voir Pénitence, ii, col. 39.
REPHAÏM. Voir Raphaïm, col. 976.
REPOS (héhreu : demi, mennûfrâh, margô'a, noah,
nahap, Séqét ; Septante : àv âiuau ait, ivârcau u-a, xcactTiau <nç,
•fierir/ta, 2vboiç; Vulgate: g«tes,requies, otium, refrige-
rium), cessation du travail, del'activité, de l'inquiétude,
de tout ce qui agite l'homme physiquement ou morale-
ment. — Dans la Sainte Écriture, le repos désigne les
différents états suivants :
1» La cessation dé l'activité. — Dieu se repose le
septième jour et il veut que le septième jour de la se-
maine soit consacré au repos. Gen., H, 2; Exod., xvi,
23; xx, 11; xxxi, 15; xxxv, 2; Lev., xxm, 3, 39;
Deut., v, 14, etc. Voir Sabbat. On demande à Dieu de
ne pas se reposer, c'est-à-dire d'intervenir,, quand les
ennemis menacent. Ps. lxxxiii (lxxxii), 2. Isaïe, lxii,
6, 7, dit dans le même ordre d'idées ; « vous qui
faites souvenir Jéhovah, ne prenez point de repos et ne
lui laissez point de repos, jusqu'à ce qu'il rétablisse
Jérusalem. » — Saint Paul n'a pas eu de repos qu'il
n'ait exécuté ce qu'il voulait. II Cor., n, 13; vu, 5. Les
pieds de la courtisane ne peuvent tenir en repos dans
sa maison, Prov., vu, 11, et le méchant est comme une
mer agitée qui ne peut trouver le repos. Is., lvii, 20.
— Jérémie, xlvii, 6, demande quand l'épée de Jéhovah
■sera au repos. Quand les Israélites infidèles seront dé-
portés à l'étranger, leur terre de Chanaan aura le repos,
c'est-à-dire ne sera plus cultivée et ne travaillera plus
à produire les moissons. Lev., xxvi, 34,35.
2° La tranquillité. —• On est en repos quand on ne re-
doute pas les ennemis et qu'on n'a pas à faire la guerre.
Exod., xxxiii, 14; Jos., xi, 23; Juô\, m, 11, 30; v, 32;
vm, 28; xv, 7; xx, 28; IIReg., vu, 1; III Reg., v, 4;
vin, 56; xxii, 6; I Par., xxii, 9, 18; xxxm, 25;
II Par., xviii, 5, 14; xxxu, 22, etc. Issachar « voit que
le repos est bon. » Gen., xlix,15. Voir Issachar, t. m,
col. 1010. Les Israélites ont dû, par l'effort de la con-
quête, s'assurer le repos en Chanaan. Deut., ni, 20;
xil, 9; xxv, 19; Jos., i, 13, 15. Devenus infidèles, ils
n'auront pas de repos au milieu des nations.
Deut., xxviii, 65. Le Seigneur avait promis le repos à
son peuple s'il était fidèle. Is., xxvm, 12. Mais le pays
lui-même ne sera pas un lieu de repos pour les riches
à cause du châtiment menaçant. Mich.,n, 10. Ces der-
nières prophéties se sont réalisées. Lam., i, 3; v, 5.
A l'époque messianique, Jéhovah mettra Israël en re-
pos. Jer.,xxxi, 2. Pour les damnés, il n'y aura de repos
ni jour ni nuit. Apoc., xiv, 11. — Mieux vaut une
main pleine de repos que deux remplies de labeur et
d'agitation inutile. Eccl.,iv, 6. Le repos et la confiance
font la force, Is., xxx, 15, mais le repos est le fruit de
la justice. Is., xxxu, 17. Pour le garder, il faut fuir les
insensés, Eccli., xxii, 16, et les mauvaises langues.
Eccli., xxvm, 20. Un peu de travail pour acquérir la
sagesse procure ensuite un grand repos. Eccli., li, 35.
Quand le mort repose, il faut laisser reposer sa mé-
moire. Eccli., xxxviii, 24. Les anges parcourent la terre
pour voir si elle est en repos. Zach., i, H. Voir Paix,
t. IV, col. 1960.
3° Le délassement après la fatigue ou l'épreuve. — Is.,
xiv, 3; Eccli., xxxvm, 14. On se repose sous un
tarbre. Gen.,xvin, 4. Notre-Seigneur invite ses Apôtre
à se reposer dans la solitude, Marc, vi, 31, et, à Geth-
sémani, à se reposer en dormant. Matth., xxvl, 45;
Marc, xiv, 41. Cf. Is., lvii, 2. La douleur ne permet
pas le repos. Is., xlv, 3. Saint Paul assure qu'un jour
Dieu donnera le repos aux affligés. II Thess., i, 7. Le
démon, chassé d'un homme, cherche en vain du repos.
Matth., xn, 43; Luc, xi, 24. Au ciel, les justes se re-
poseront après leurs travaux. Apoc, xiv, 13.
4° La jouissance. — Comblé de biens par Jéhovah,
\e juste retourne à son repos. Ps. cxvi (cxiv), 7. Le
riche a accumulé ses richesses;
H peut dire : « J'ai trouvé le repos
Et maintenant je veux manger mon bien. »
Mais il ne sait pas que le temps a marche',
II va laisser ses biens à d'autres et mourir. Eccli., xi, 17.
La même leçon est donnée par Notre-Seigneur au riche
qui dit à son âme : « Repose-toi, mange, bois, fais
bonne chère. *> Luc, XII, 19.
5» Le tombeau. — L'avorton a plus de repos que
l'homme vivant. Eccle., vi, 5. Le repos est assuré a
celui qui est au sépulcre. Job, ni, 13, 17; Eccli., xxii,
11; Ps. xvi (xv), 9; Act., n, 26. Mieux vaut l'éternel
repos qu'une souffrance continuelle, Eccli, xxx, 17,
« si du moins dans la poussière on trouve du repos. »
Job, xvn, 16.
6° Le séjour, c'est-à-dire le lieu de repos. — Le pays
de Chanaan est le repos assigné par Dieu à son peuple.
Deut., xn, 10; xxvm, 65; Jos., xxii, 4. Cf. Is., xxvm,
12. Le Seigneur avait juré aux Israélites rebelles qu'ils
n' entreraient pas dans son repos. Ps. xcv (xciv), 11 ; Heb. ,
ni, 11, 18. La Terre Promise était la figure du repos
que Dieu destine à ses serviteurs. Heb., iv, 1-11. —
Pour l'épouse, le repos est la maison de l'époux. Ruth,
i, 9. — Jéhovah repose entre les épaules de Benjamin,
c'est-à-dire le protège spécialement. Deut., xxxm, 12.
Son repos, c'est-à-dire sa résidence marquée par la
présence de l'Arche, est à Jérusalem. II Par., vi, 41;
Ps. cxxxii(cxxxi), 5, 14; Is., xxv, 10; Eccli., xxxvi, 15.
Cependant, dans la nouvelle Jérusalem, Dieu n'aura
que faire d'un pareil lieu de repos. Is., lxvi, 1. La sa-
gesse a cherché parmi toutes les nations un lieu de
repos, et le Créateur l'a fait habiter en Jacob. Eccli. >
xxiv, 11, 12.
7° L'influence. — L'esprit qui repose sur quelqu'un
exerce sur lui son action. Num., xi, 25, 26; IV Reg.,
ii, 15; ls., xi, 2; I Pet., iv, 14. La paix qui repose sur
une maison lui assure la tranquillité et le. bonheur.
Luc, x, 6.
8° La paix intérieure. — Quand on cherché la voie
du salut, c'est-à-dire du bien, et qu'on la suit, on a le
repos dans l'âme. Jer., vi, 16. Notre-Seigneur promet
à ceux qui reçoivent ses leçons le repos de leurs âmes.
Matth., xi, 29. H. Lesètbe.
RÉPROBATION (hébreu : mâ'as, « rejeter » ; grec :
à6ïTT)<ji; ; Vulgate : reprobatio), rejet de ce dont on ne
veut plus. — Saùl est réprouvé, rejeté par Dieu avec
toute sa race, à cause de son infidélité. I Reg., xiii,13-
14; xv, 23; xvi, 1. — Dieu réprouvera le Temple, si
son peuple est infidèle. II Par., vu, 20. — La réproba-
tion frappe successivement Israël et Juda, à cause de
leur idolâtrie. IV Reg., xvn, 20; xxiv, 20; Jer., vi, 30;
vu, 15, 29; xiv, 19; Ps. lx (lix), 3, 12; lxxiv (lxui), 1;
lxxxix (lxxxviii), 39. — La pierre angulaire, le Messie,
sera l'objet de la réprobation de son peuple. Ps. cxvm
(cxvii), 22. Notre-Seigneur rappelle cette prophétie,
Matth., xxi, 42; Luc, xx, 17, dont les anciens d'Israël
procureront l'accomplissement. Marc, vm, 31; Luc,
IX, 22; xvn, 25. Les Apôtres insistent sur les consé-
quences de cet accomplissement. Act., iv, 11; I Pet.,
Il, 4, 7. — La mise en vigueur de la loi nouvelle en-
1051
RÉPROBATION — REPUDIATION
1052
traîne la réprobation de l'ancienne. Heb., vu, 18. —
Notre-Seigneur fait connaître la sentence de réproba-
tion définitive que prononcera le Juge souverain.
Matth., xxv, 41. Saint Paul traite son corps durement,
pour n'avoir pas à subir cette sentence. I Cor., ix, 27;
Le serviteur de Dieu fait cette prière : « Ne me rejetez
pas du nombre de vos enfants. » Sap., ix, 4. — Sur la
réprobation des méchants, voir Prédestination, col. 594.
H. Lesêtre.
REPROCHES (hébreu : (ôkafyat; Septante : ïXsy-
1o<l; Vulgate : correptio, increpatio, reprehensio, vi-
tuperatio), expression du mécontentement que l'on té-
moigne à quelqu'un au sujet de sa conduite. — Les
reproches sont destinés à corriger et à former le carac-
tère. Prov., i, 23, 25, 30; m, 11; v, 12, vi, 23, etc. Mais
ils ne doivent être adressés qu'à bon escient. Eccli.,
xi, 7. — Dieu adresse des reproches à ceux qui font
le mal, à Adam, Gen., m, 11-13, à Caïn, Gen., iv, 10,
et très souvent à son peuple, par le ministère des pro-
phètes. Is., i, 3-6; v, 1-7; Jer., n, 2-37; vin, 4-13;
Ezech., v, 5-10; Ose., iv, 1-19; Agg., i, 4-6, etc. Notre-
Seigneur reproche aussi à ses contemporains leurs ini-
quités et leur incrédulité. Il s'adresse ainsi aux villes
de Galilée qu'il a évangélisées, Matth.. xi, 21-24, Luc,
x, 13-15; à Jérusalem, Matth., xxm, 37-39; aux Juifs,
Joa., vm, 30-59; aux pharisiens et aux scribes, Matth.,
xxm, 1-39; Marc, xii, 38-40; Luc, xx, 45-47; àPierre,
Marc, vm, 33; Matth., xxvi, 52-54; à Jacques et à
Jean, Luc, ix, 55, 56; aux Apôtres incrédules à sa ré-
surrection, Marc, xvi, 14, etc. — Très fréquemment
les hommes s'adressent des reproches, à tort ou à raison .
Tels sont ceux du pharaon à Abram, Gen., xn, 18-20;
de Jacob à Laban, Gen., xxxi, 36-42, à Siméon et à Lévi,
Gen., xxxiv, 30, à Joseph, Gen., xxxvn, 10; de Ruben
à ses frères, Gen., xlh, 22; de Joseph à ses frères, Gen.,
xliv, 4, 5; des Hébreux à Moïse, Exod., n, 14; xiv, 11,
12, etc. ; de Moïse aux Hébreux, Deut., IX, 7-24; de Josué
aux Gabaonites, Jos., IX, 22; des Hébreux aux tribus
transjordaniques, Jos., xxii, 16-20; des Éphraïmites à
Jephté, Jud., xn, 1; d'Héli à Anne, I Reg., I, 14; de
Samuel à Saill, I Reg., xm, 13, 14; de Michol à David,
II Reg., vi, 20; de Nathan à David, II Reg., xn, 7-12;
d'Élie aux Israélites, III Reg., xvm, 21, au roi Achab,
III Reg., xxi, 20, 21, et à Ochozias, IV Reg., i, 16; de
Joas aux prêtres, IV Reg., xn, 7 ; de Néhémie aux grands
de Juda, II Esd., xm, 17, 18; de Job à sa femme, Job,
il, 10, etc. — Dans le Nouveau Testament, il y a à si-
gnaler les paroles de Marie à Jésus retrouvé dans le
Temple, Luc, n, 48; les reproches de saint Jean-Bap-
tiste à Hérode, Luc, ni, 19; des pharisiens à Jésus et à
ses disciples à l'occasion du festin chez Matthieu, Matth.,
ix, 11; Marc, II, 16, Luc, v, 30, des épis froissés le
jour du sabbat, Matth., xn, 2; Marc,n, 24; Luc, vi, 2,
de l'abstention des ablutions, Matth., xv, 2; Marc, vu,
5, des guérisons opérées le jour du sabbat, Joa., v, 10;
ix, 16; Luc, xm, 14, etc., des cris poussés dans le
Temple en l'honneur de Jésus, Luc, xix, 39; le re-
proche de Juda au festin de Béthanie, Joa., xn, 5; ceux
de saint Pierre à Ananie et à Saphire, Act., v, 3, 4, 9 ;
de saint Etienne aux Juifs, Act., vu, 51-53; des fidèles
de Jérusalem à saint Pierre après le baptême du cen-
turion Corneille, Act., xi, 2, 3; de saint Paul à saint
Pierre, à Antioche, Gal.,n, 14, aux Corinthiens à cause de
leurs schismes, ICor., xi, 17; de saint Jean auxévêques
d'Éphèse, Apoc, n, 4, de Pergame, n, 16, de Thyatire,
n, 20, et de Laodicée, m, 15, etc. — Il faut savoir en-
tendre les reproches mérités : s'y soustraire, c'est
marcher sur les traces des pécheurs. Eccli., xxi, 6;
xxxn, 21 (17). Le chrétien doit se conduire de manière
à n'en point mériter. Phil., n, 15; II Cor., vi, 3; vin,
20. H faut en adresser, à l'occasion, aux enfants, Eph.,
vi, 4, au prochain qui a péché, Matth., xvm, 15, à
ceux qui troublent l'ordre, I Thess., v, 14, à ceux qui
oiit besoin d'être convertis, II Tim., n, 25, même aux
vieillards, mais sans rudesse, ITim., v, 1, aux Cretois,
mais avec sévérité. Tit., i, 13. Le fauteur de divisions
qui demeure insensible aux reproches doit être évité.
Tit., m, 10. H. Lesêtre.
RÉPROUVÉS. Voir Élus, t. n, col. 1708; Enfer,
col. 1792; Prédestination, t. v, col. 994; Réproba-
tion, col. 1050.
REPTILES (hébreu : réméS, de râmai, «ramper»,
sérésde sâras, «ramper »; Septante : ipœzâ; Vulgate:
reptile, reptilia), animaux appartenant à l'embranche-
ment des vertébrés, et devant leur nom à leur genre de
locomotion qui fait qne la plupart d'entre eux parais-
sent ramper. — 1» Reptiles en général. — Les reptiles
ont des formes très diverses, se ramenant aux trois
types de la tortue, du lézard et du serpent. Ils ont la
respiration pulmonaire, mais peu active, et ils s'en-
gourdissent sous l'action du froid. Leur peau est cou-
verte d'écaillés épidermiques. Ou distingue quatre or-
dres de reptiles : 1. Les chéloniens ou tortues, dont il
n'est pas question dans la Bible. — 2. Les crocodiliens .
Voir Crocodile, t. n, col. 1120. — 3. Les sauriens.
Voir Caméléon, t. n, col. 90; Gecko, t. m, col. 143 ; Lé-
zard, t. iv, col. 223. — 4. Les ophidiens. Voir Serpent.
2° Les reptiles dans la Bible. — 1. Les reptiles ou
« tout ce qui rampe sur la terre » sont mentionnés dans
toutes les énumérations d'animaux, à propos de la créa-
tion, Geu., i, 20, 24-26, et du déluge. Gen.,vi, 7, 14, 20,
21, 23; vm, 17, 19; ix, 2. Ils fourmillent dans la mer,
Ps. civ (cm,), 25, tremblent devant Jéhovah, Ezech.,
xxxvm, 20, et lui obéissent. Ose., n, 18. Sur la terre,
ils rampent et lèchent la poussière, Mich., vu, 17, et,
dans la mer, ils n'ont pas de chefs et se laissent prendre
par le pêcheur. Hab., i, 14. On voit que la qualification
des reptiles est quelquefois étendue à des animaux qui
ne rampent qu'en apparence. — 2. On contractait une
impureté légale parle contact d'un reptile, mort, Lev.,
v, 2, ou vivant, Lev., xi, 29; xxii, 5, et surtout en le
mangeant. Lev., XI, 41-44. C'est pourquoi saint Pierre
fut si surpris par la vision où il lui fut ordonné de tuer
et de manger tontes sortes de bêtes, et entre autres des
reptiles. Act., xi, 6-8. — 3. Il était expressément dé-
fendu de faire aucune image d'être qui rampe sur ,1e
sol. Deut., iv, 18. Ézéchiel, vm, 10, constata, dans une
de ses visions, que les anciens d'Israël adoraient des
figures de reptiles et d'animaux immondes peints sur
la muraille. — 4. Salomon disserta sur les reptiles
comme sur les autres animaux. III Reg., îv, 33.
H. Lesêtre.
RÉPUDIATION (hébreu : keritôt ou kerituf; Sep-
tante : àrcoaToiaiov ; Vulgate : repudium), rupture légale
de l'union conjugale. — Chez les Hébreux, le mari
avait seul le droit de provoquer le divorce; de là le
nom donné à la femme répudiée, gerûsâh, de gdras,
« chasser ». Le nom de la répudiation, kerîtot, vient
de kârâf, « couper, séparer >>. Le divorce était en vi-
gueur chez les Hébreux, voir Divorce, t. il, col. 1449;
mais c'est seulement le Deutéronome, xxiv, 1, 3, qui
prescrivit de l'attester par un acte officiel appelé sêfér
kerîtut, êiêllov ànofftaa-i'ou, libellus repudii. Cette pres-
cription s'inspirait de plusieurs motifs graves. La ré-
daction de l'acte de répudiation réclamait un certain
délai ; la plupart du temps, le mari n'était pas capable
d'écrire lui-même ; il lui fallait recourir aux bons
offices d'un prêtre ou d'un scribe qui, sans être investi
par le législateur du droit de discuter, d'approuver ou
de désapprouver la décision du mari, pouvait cependant
denner à ce dernier d'utiles conseils. Le mari, en tous
cas, avait forcément le temps de réfléchir, de revenir sur
sa résolution du premier moment ou de peser les consé-
quences morales d'une répudiation décidée parfois sans-
1053
REPUDIATION
RESEN
1054
motifs suffisants. D'autre part, l'acte de répudiation
n'énonçait pas les causes delà répudiation, ce qui aurait
pu nuire à la femme en mettant obstacle à un mariage
ultérieur; mais il établissait officiellement son état
libre, de telle sorte qu'aucun reproche ne pouvait lui
être adressé au cas où elle se remariait. On a un spé-
cimen de cet acte, au moins pour l'époque talmudique,
t. h, col. 1449. Au temps de Notre-Seigneur, il était en
usage, conformément à la loi. Matth., v, 31; xix, 7;
Marc, s, 4. Les prophètes le mentionnent. Isaïe, l, 1,
dit que Dieu n'a point donné d'acte de répudiation à
Sion, ce qui signifie qu'il ne s'est pas séparé de Juda
sans retour. Jérémie, n, 8, dit au contraire qu'il a
donné cet acte à Israël. — A Babylone, la répudiation
était prévue par le code d'Hammourabi. Quand un mari
répudiaitsa femme ou sa concubine, il devait luirendre
sa dot, son trousseau, une part d'usufruit, si elle avait
des enfants, ou lui donner une certaine somme d'ar-
gent. Art. 137-140. Mais si sa femme s'était mise dans
son tort par sa mauvaise conduite, il suffisait à son
mari de dire : « Je la répudie, » et il la renvoyait sans
aucun « prix de répudiation, » Art. 141. Cette formule :
« Je la répudie » suppose que l'affaire se traitait devant
des témoins ou des juges. Du reste, le mariage célébré
sans contrat n'était pas regardé comme valide. Art. 128.
La logique demandait donc que la rupture du mariage
fût aussi attestée par une pièce quelconque. L'époux
renvoyait la femme à son père avec un acte constatant
que l'union était dissoute. Aux époques anciennes, la
répudiation était même accompagnée d'un certain céré-
monial. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 736, 737.
H. Lesêtrk.
RÉPUTATION (hébreu : i&m, « nom »; Septante :
ovo[ia xaXôv; "Vulgate : nomem bonum), jugement
qu'inspire la conduite d'un homme. — Ce jugement
n'est pas indifférent, dans l'intérêt même de l'huma-
nité au milieu de laquelle la vertu aura d'autant plus
d'influence qu'elle sera plus estimée. Aussi osl-il dit :
(Bonne) renommée vaut mieux que grandes richesses,
L'estime a plus de prix que l'argent et l'or. Prov.; xxn, i.
L'Ecclésiaste, vu, 2, met la bonne réputation au dessus
d'un bon parfum. De là, l'opportunité du conseil suivant
Prends soin de ta réputation,
Bien plus durable pour toi que mille grands trésors;
On compte les jours d'une bonne vie,
Mais un beau nom demeure à jamais. Eccli.. XLI, 15-16.
Pour s'acquérir un nom, on entreprend parfois des
actions difficiles. I Mach., m, 14; v, 57; vi, 44. — La
réputation est mise en danger par les mauvais propos,
■Voir JuGMENT téméba.yrï,, t. m, col. 1845', Médisance.
t. iv, col. 926. On est alors en droit de la défendre. Jos.,
xxn, 22; I Reg., i, 15; III Reg., xvm, 18; Jer., xxxvh,
12; etc. — Saint Paul veut qu'on se préoccupe de faire
le bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant
les hommes. Rom., xii, 17; II Cor., vm, 21. Il s'agit
en effet, en pareil cas, de l'honneur de Dieu et de celui
du nom chrétien. Cette recommandation n'est pas
opposée à celle de Notre-Seigneur, qui ne veut pas
qu'on imite l'ostentation des pharisiens, Matth., vi, 1-5;
elle est, au contraire, conforme à l'ordre qu'il donne
à ses disciples : « Que votre lumière brille devant lësf
hommes, afin que, voyant vos bonnes œuvres, ils glo-
rifient votre Père qui est dans les cieux. » Matth., v, 16.
Saint Pierre insiste énergiquement sur cet enseigne-
ment : « Ayez une conduite honnête au milieu des
gentils, afin que, sur le point même où ils vous calom-
nient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils arrivent,
en y regardant bien, à glorifier Dieu pour vos bonnes
œuvres au jour de sa visite... Que nul d'entre vous ne
souffre comme meurtrier, comme voleur ou malfaiteur,
ou comme avide du bien d'autrui. Mais s'il souffre
comme chrétien, qu'il n'en ait pas honte, qu'il glorifie
plutôt Dieu pour ce nom même. » I Pet., il, 12; iv, 15-
16. Ce n'est donc pas pour sa propre gloire, c'est pour
la gloire de Dieu et de sa foi que le chrétien doit
veiller sur sa réputation. H. Lesêtre.
RÉSA (grec : *Pri<rà), fils de Zorobabel, et père
de Joanna, un des ancêtres de Notre-Seigneur, dans
la généalogie de saint Luc, m, 27. Son nom ne figure
pas dans I Par., m, 19-21, non plus que celui de
Joanna (voir t. ni, col. 1155), parmi les descendants de
Zorobabel. On a proposé d'identifier Résa avec Raphaïa 5.
Voir col. 976.
RESCH, -i, nom de la vingtième lettre de l'alphabet
hébreu, exprimant la consonne r. Le P grec, d'origine
phénicienne, est cette lettre retournée et de là vient
aussi le R latin. La forme phénicienne est a' Q, 4. Elle
semble provenir de l'hiéroglyphe égyptien <=», ro,
«bouche », qui, en hiératique, était devenu q, voir Al-
phabet, t. i, col. 405-412, mais la lettre phénicienne prit
le nom de -àvn, qui a la même signification que tfrii,
« tête », parce que les Phéniciens virent une certaine
ressemblance entre la forme qu'ils donnèrent à ce
caractère et la forme de la tête et du cou. Le resch est
en hébreu une lettre gutturale, qu'on prononçait ordi-
nairement du gosier, en même temps qu'une lettre
liquide. Elle permute parfois avec le lamed (les lettres
l et r se confondent en égyptien). Les Septante et la
Vulgate rendent naturellement le resch par r dans les
noms propres : Rama, etc.
RÉSEN (hébreu : résên; Septante : \a<rï\; Codex
Alexandrinus : Aidsji.; Codex Bodleianus Geneseos :
Aàsev), ville d'Assyrie, entre Ninive et Chalé. Elle est
mentionnée seulement dans Genèse, x, 12, où elle est
qualifiée de « la grande ville ». La Vulgate attribue sa
fondation à Assur, le texte hébreu s'interprète naturelle-
ment dans le même sens, quoique plusieurs l'entendent
de telle sorte que Résen est une ville de l'empire de
Nemrod. — L'identification de Résen est jusqu'ici
incertaine. C'est parmi les tells de ruines, qui s'éche-
lonnent entre Koyoundjik et Nebi-Younous (Ninive) et
Nimroud (Chalé), qu'il faut chercher l'emplacement de
la grande Résen. Eb. Schradér, Die Keilinschriften und
das alte Testament, 2 e édit., 1883, p. 100; C. P. Tiele,
Babylonisch-Assyrische Gesckichte, Gotha, 1886, p. 90;
A. Jeremias, Das alte Testament im Lichte des alten
Orients, Leipzig, 1906, p. 274. Ceux de Selâmîdje,
au nord et à environ quatre heures de Nimroud, où se
voient encore des vestiges d'une enceinte de plus de
cinq kilomètres de pourtour, s'appuyant au Tigre,
semblent avoir retenu les préférences des assyriologues.
J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, 1874, p. 59 et
pi. Il; Lycklama a Nijeholt, Voyage en Russie, au Cau-
case et en Perse, Paris, 1875, t. IV, p. 172; Frd. Delitzsch,
Wo lag das Paradies? Leipzig,. 1881, p. 261. On a
aussi proposé, dans les mêmes limites,, d'autres tells :
ceux de Yàremdjéh, à trois milles anglais de Ninive,
dont l'importance a été jugée insuffisante, H. Rassam,
Biblical nationalises, dans les Transactions of the Soc.
ofBibl. Arch., t. vm, 1885, p. 364-365; Frd. Delitzsch,
dans Real-Encyklop., 2» édit., t. x, 1882, p. 598; et
ceux de Keremlis, peut-être trop à l'est de Ninive,
ainsi que ceux de Karakouch, qui sont dans le sud-est de
la même ville. J. Oppert, Expédition en Mésopotamie,
t. n, p. 82. Une opinion récemment émise et qui
s'écarte du cadre fixé par la Genèse, est celle qui veut
établir l'équivalence: Résen=Nisin=Larissa. Elle propose
de reconnaître Résen=Nisin, ville dénommée d'après la
Nisin chaldéenne, à l'est du Tigre et dans les environs
de Bagdad. F. Homme], Grundriss der Géographie des
Alten Orients, 1904, 1. 1, p. 295,297; A. Jeremias, loo.
1055
RESEN — RESPEGT HUMAIN
1056
cit., p. 274. On a voulu, en effet, depuis longtemps
retrouver dans la Aocpiso-a de Xénophon, Anab., III, 4,
7, le nom grécisé de Résen. Mais la situation de La-
rissa est elle-même incertaine; les uns la placent au
nord du Zàb supérieur et d'autres à Nimroud.
Le nom de Résen, d'après une expression connue des
inscriptions royales qui relatent les mouvements des
armées, dans les parages des fleuves, a pu signifier :
« source == res êni. » Il y a lieu de rappeler, à ce sujet,
les nombreuses localités asiatiques qui s'appellent :
Râs el-'Ain. On a aussi proposé de rattacher le nom de
Résen à l'assyrien : rasânu, « arroser, mouiller ».
.Frd. Belitisch, art. Resen, dans Calwer, Bibellexicon,
1885, p. 758. Comme nom de ville similaire, un seul ac-
tuellement peut être cité, et il a été relevé sur l'inscrip-
tion de Sennachérib, à Bavian, ligne 9 : {alu) Ri-es~e-ni.
Le roi énumère là dix-huit villes, d'où il fit creuser des
canaux qui aboutissaient au : (ndru) JJu-su-ur, « le
Chôser ». De nos jours, on trouve un village nommé :
Râs el-'Ain, au nord-est de Khorsâbâd, sur un des bras
orientaux du Chôser. Frd. Delitzsch, Wo lag das Pa-
radies? p. 261; H. Pognon, L'inscription de Bavian,
Paris, 1879, p. 116. Bien qu'on ait déclaré qu'il n'y
avait pas impossibilité à ce que la ville du temps de
Sennachérib soit identique à l'antique Résen, rien ne
permet de l'affirmer, H. Sayce, dans l'Academy, 1 er mai
1880, et l'emplacement de la ville du second empire
assyrien demeure aussi incertain que celui de la Résen
du chapitre x de la Genèse. Y. Le Gac.
RÉSEPH, nom d'un Israélite et d'une ville de
Mésopotamie, dans la Vulgate. Les deux noms sont
«crits différemment en hébreu.
i. RÉSEPH (hébreu litése/ 1 ; Septante: 'Pacpefc, Totcpéç,
l P«ç£9), ville araméenne, que les envoyés de Senna-
chérib à Ézéchias mentionnent, dans les deux passages
parallèles, IVReg., xix, 12, et Is., xxxvn, 12, avec Gozan,
Haran, etc., comme étant tombée depuis un certain
temps au pouvoir des Assyriens. — Son nom devait
être autrefois assez commun, car Abulfeda, Tabul. Syr.,
p. 190, cite plusieurs villes qui le portaient. Il n'est
pas douteux que les deux textes cités plus haut n'aient
•en vue celle que Ptolémée, V, XV, 24, nomme 'Prçuîça,
et envisage comme une localité de la Palmyrène. C'est
le sentiment adopté aujourd'hui d'une manière à peu
près unanime, grâce aux découvertes assyriennes. En
effet, les inscriptions cunéiformes signalent plusieurs
fois Réseph, sous la forme Ra-sa-ap-pa, Râ-sap-pa ou
Ra-s a-pi ; or, nous savons que cette ville était située à
l'ouest et à un jour de marche de l'Euphrate, au sud
de Rakka ou Sûra, sur la route qui va de Palmyre à
Charran, et son emplacement porte encore aujourd'hui
le nom de Russâfé. — Réseph, IV fleg., xix, 12, et Is.,
xxxvn, 12, est mentionnée avec d'autres localités de la
Mésopotamie occidentale et de la Syrie septentrionale;
elle devait donc aussi se trouver dans cette même ré-
gion. Les monuments assyriens nous apprennent qu'elle
servait de résidence à un gouverneur royal, et ils si-
gnalent nommément plusieurs personnages qui y rem-
plirent cette fonction : Ninip-kibsi-usur, en 839 avant
J.-C. ; Ninip-êres, entre les années 804 et 774; Sin-
sallim-anni, en 747 ; Bêl-êmur-anni, en 737. Ils nous
apprennent aussi que Réseph était le centre d'un com-
merce important. — VoirE. Schrader, Die Keilinschrif-
ten und das Alte Testament, in-8°, Giessen, 1872,
p. 203, 2« éclil., p. 327; Id., Keilinschriften und
Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 167, 199;
Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, in-8°, Leipzig,
1881, p. 297. L. Fili.ion.
2. RÉSEPH (hébreu : Reséf, « flamme, éclair » ;
«plante :S«pâo; Alexandrinus: 'Page?), Éphraïmite,
fils de Béria. I Par., vu, 25. Voir Béria 2, t. i, col. 1618.
Un des dieux adorés en Syrie s'appelait Reséf, voir.
M. de Vogué, Mélanges d'archéologie orientale, p. 49;
78-82; Maspero, Histoire ancienne des peuples de
l'Orient, t. i, p. 155-159.
RÉSIA (hébreu : Risyà", « délices » ; Septante :
'Poecriâ), troisième fils d'Olla, de la tribu d'Aser. I Par.,
vu, 39.
RÉSINE (hébreu : nâlâf ; Septante : orax-rVi; Vul-
gate : stade), substance qui découle de certains arbres
à l'état plus ou moins visqueux. Plusieurs résines ren-
ferment assez d'huile essentielle pour deveniràpeu prés
liquides. Le baume est de cette espèce. Voir Baume,
t. i, col. 1517. — Le nâtâf, mentionné une seule fois,
Exod., xxx, 34, entrait dans la composition du parfum
destiné à être brûlé dans le sanctuaire. Ce serait,
d'après certains auteurs juifs, l'opobalsamum originaire
d'Abyssinie, dans lequel ils voient le baume de Galaad,
et selon d'autres, le storax ou gomme odorante du sty-
rax officinalis. — Ailleurs, les versions emploient le
mot ^yiti'vï), résina, «résine», pour désigner le sorî, pro-
bablement le surw ou surj des lettres de Tell-el-Amar-
na, le tara égyptien, résine du pistachier ou du téré-
binthe, particulièrement de Galaad, qui servait à guérir
les blessures. Les Ismaélites qui achetèrent Joseph
portaient cette substance en Egypte. Gen., xxxvn, 25. Ja-
cob en fit offrir par ses fils à Joseph. Gen., xliii,
11. Jérémie, vin, 22; xlvi, 11; li, 8, fait allusion à ses
propriétés curatives, et Ézéchiel, xxvil, 17, la range
parmi les produits dont Juda et Israël trafiquaient
avec Tyr. Voir Balanite, t. i, col. 1408; Térébinthe.
Cf. Movers, Die Phônizier, Th. m, Abth. 1, p. 220-223.
H. Lesêtre.
1. RESPECT, sentiment que l'on doit avoir à l'égard
des autres, à raison de leur caractère, de leur dignité,
de leur âge, etc. L'action de respecter s'exprime ordi-
nairement par le verbe yârê', « craindre », ço6stu8at,
timere. Sur le respect de Dieu, voir Crainte de Dieu,
t. n, col. 1099. Il est question, dans la Sainte Écriture,
du respect envers les pères et mères, recommandé par-
dessus tout, Exod., xx, 12; Lev., xix, 3; Deut., v, 16;
xxvn, 16 ; Mal., i, 6 ; Tob., iv, 3; Eccli., m, 5-9 ; vu, 29 ;
Matth.,xv, 4; xix, 19; Marc, vu, 10; x, 19; Luc, xvni,
20; Eph., vi, 2; envers les beaux-parents, Tob., x, 13;
le vieillard, Lev., xix, 32; la femme, I Pet., m, 7; les
veuves, ITim,, v,3;les maris, Esth., i, 20; le roi, I Reg.,
xv, 30; le chef, Jos., iv, 14; le juge, Eccli., x, 27; l'au-
torité établie, Rom., xni, 7; le prêtre, Eccli., vu, 33;
le médecin, Eccli., xxxvm, 1; le sage, Sap., Vin, 10; le
maître, Mal., 1, 6; I Tim., VI, 1; l'ouvrier évangélique,
Phil., II, 29; le sanctuaire, Lev., xix, 30; le Temple.
II Mach., m, 12; xm, 23. Tous les chrétiens doivent se
respecter mutuellement. Rom., xn, 10; I Pet., n, 17.
— Le respect doit être refusé au pécheur, Eccli., x, 28
(22); à l'insensé, Prov., xxvi, 8; au vieillard impie.
Sap., m, 17. En général, un prophète n'est pas res-
pecté dans son propre pays. Matth.,xni, 57; Marc, vi,
4; Joa., iv, 44. Le Sauveur constate que les Juifs n'ont
pas pour lui le respect auquel il a droit. Joa., vm, 49.
II recommande de ne pas prendre à table les premières
places, de peur d'avoir à les céder à de plus respec-
tables. Luc, xiv, 8. H. Lesêtre.
2. RESPECT HUMAIN, crainte des hommes prenant
le pas sur la crainte de Dieu. — Ce défaut n'apparaît
guère chez les Israélites qu'au temps de leurs premiers
rapports avec les étrangers. Daniel et ses compagnons,
Dan., I, 8-16, Éléazar, les sept frères et leur mère,
II Mach., vi, 18-vn, 41, ne connaissent pas le respect
humain, lorsqu'ils se refusent à manger des viandes
souillées. Par contre, à l'époque de la persécution, beau-
1057
RESPECT HUMAIN — RESPIRATION
1058
coup de Juifs se laissent entraîner aux pratiques idolâ-
triques. II Mach, VI, 6, 7.
Tel se perd par une fausse honte,
Il tombe dans la ruine à cause du regard d'un insensé.
Eccli., xx, 24 (21).
On ne doit pas rougir de son ami, qu'il soit dans la pau-
vreté ou dans l'épreuve. Eccli., xxn, 28, 29, 31 (21, 23).
Il ne faut pas rougir non plus « de la loi du Très Haut
et de son alliance, » ni, en général, de l'accomplissement
■du devoir. Eccli., xm, 2-7. L'économe infidèle a honte
de mendier, quand la mendicité serait moins honteuse
pour lui qùél'improbité. Luc, xvi,3. — Notre-Seigneur
déclare qu'il refusera de reconnaître devant son Père
celui qui l'aura renié devant les hommes. Matth., x,
-32; Marc, vm, 38; Luc, îx, 26; xii, 8. Les parents de
l'aveugle-né n'osèrent parler de leur fils pour attester sa
guérison, par crainte des Juifs. Joa., IX, 22. Beaucoup,
même parmi les principaux d'entre les Juifs, croyaient
en Jésus; mais ils n'osaient le déclarer par crainte des
pharisiens. Joa.,xil, 42. Nicodème fut quelque peu sous
l'empire de ce sentiment. Joa., m, 2. Il en fut de même
Je Joseph d'Arimathie, Joa., xix, 38, qui sut cependant
montrer beaucoup de résolution pour assurer la sépul-
ture du Sauveur. Matth., xxvn, 58; Marc, xv, 43. La
triple négation de Pierre lui fut inspirée par le respect
tiumain. Matth., xxvi, 69-75; Marc, xiv, 66-72; Luc,
xxn, 55-62," Joa., xvin, 15-18, 25-27. L'Apôtre céda de
nouveau, mais beaucoup moins gravement, à cette
crainte des hommes, quand il changea de conduite à
l'égard des chrétiens d'Antioche, ce que saint Paul
déclare « digne de blâme ». Gai., n, 11-14. Ananie et
Saphire obéirent au respect humain en sens contraire,
•lorsqu'ils feignirent de sacrifier tous leurs biens, pour
imiter ce qui se pratiquait dans leur milieu. Act., v,
1-10. Saint Paul ne connaît pas le respect humain; il n'a
point honte de l'Évangile. Rom., i, 16. Il écrit à son dis-
ciple : « Ne rougis pas du témoignage à rendre à Notre-
Seigneur, ni de moi, son prisonnier, » et il loue Onési-
phore de n'avoir pas rougi de ses fers, à Rome, et de
lui avoir rendu toutes sortes de services. II Tim., i, 8,
16. Il flétrit ceux qui « font profession de connaître Dieu
•et le renient par leurs actes. » Tit, I, 16.
, H. Lesétre.
RESPHA (hébreu : Rispâh; Septante : Psutpi;
Il Reg., xxi, 8, Alexandrin. : 'PeixçàO), fille d'Aïa,
II Reg., m, 7; xxi, 8, 10, 11, concubine de Saûl,
II Reg., m, 7; xxi, 11, dont elle eut deux fils, Armoni
■et Miphiboseth. II Reg., xxi, 8. On l'a rattachée par-
fois, comme descendante lointaine, à l'Horréen Aïa,
fils de Sébéon, dont il est question Gen., xxxvi, 24;
mais ce n'est là qu'une conjecture sans fondement. —
Après la mort de Saûl, Respha se retira sans doute à
Mahanaïm, où Abner, général en chef des troupes de
l'ancien roi, avait conduit Isboseth, héritier et succes-
seur de Saûl, avec le reste de la maison royale. Un
jour, dans un moment de colère, Isboseth reprocha à
Abner de s'être approprié la concubine de son père ;
-ce qui, d'après les mœurs de l'époque, était faire acte
de prétendant au trône. Cf. II Reg., xvi, 20-22;
III Reg., Il, 13-25. Abner fit une réponse indignée,,
-comme si la chose ne tirait pas à conséquence, et; à
partir de cet instant, il se détacha d'Isboseth, pour
favoriser le parti de David. Cf. II Reg., m, 8-12. — Il
n'est ensuite question de Respha qu'à une époque plus
itardive de l'histoire de David. II Reg., xxi, 1-14. Une
famine ayant désolé le pays pendant trois ans, David fit
consulter le Seigneur, et l'oracle divin répondit que ce
malheur avait pour cause la conduite injuste et cruelle
de Saûl envers les Gabaonites, qu'il avait durement op-
primés, malgré la promesse faite autrefois par Josué à
ces Chananéens de les laisser vivre en paix au milieu
-de la nation théocratique. Cf. Jos., ix. Cette injustice
D1CT. DE LA BIBLE.
avait attiré la colère du Seigneur, qui, en châtiment,
avait fait éclater la sécheresse dans le pays. David
offrit une compensation pécuniaire aux Gabaonites;
mais ils demandèrent qu'on leur livrât sept des fils de
Saûl, pour les mettre à mort. Le roi y consentit et
leur remit les cinq fils de Mérob, fille de Saûl, et les
deux fils de Respha, qui furent pendus sans pitié,
« dans les premiers jours de la moisson, au commen-
cement de la moisson des orges. » Les corps des vic-
times demeurèrent exposés sur le gibet, au sommet de
la montagne « devant le Seigneur; » ce qui montre
que ce lieu avait été consacré autrefois à Jéhovah. Res-
pha se conduisit alors comme la plus aimante et la
plus courageuse des mères. Elle étendit son grossier
vêtement de deuil sur le sol rocheux de la colline, et,
se tenant assise, elle veilla nuit et jour sur les cadavres
de ses enfants, pour empêcher les oiseaux de proie et
les bêtes fauves de les dévorer; ce qui eût été pour eux
la dernière des ignominies. Cf. I Reg., xvil, 44, 46;
IV Reg., ix, 10; Jer., xvi, 4; Ezech., xxix, 5, etc. Le
narrateur ajoute qu'elle monta cette garde héroïque et
douloureuse « depuis le commencement de la moisson,
jusqu'à ce que la pluie tombât sur eux, » c'est-à-dire,
s'il a voulu désigner la saison des pluies périodiques
d'octobre, pendant environ cinq mois, puisque c'est
d'ordinaire au mois d'avril qu'a lieu la récolte de l'orge
en Palestine. David, ému lui-même, fit ensuite ense-
velir les corps des malheureuses victimes avec les os-
sements de Saûl el de Jonathas, dans le tombeau de
Cis, père de l'ancien roi. Il Reg., xxi, 12-14.
L. FlLLION.
RESPIRATION (hébreu : néfes, rûafy, nesâmâh;
chaldéen : nismâ' ; Septante : ilujrr,, 7tvsûp.a; Vulgate :
anima, spiritus, halitus), mouvement rythmique par
lequel les poumons aspirent l'air qui doit vivifier le
sang et expirent celui qui a servi à cet usage. Quand
l'air expiré sort doucement, il s'appelle haleine, voir
Haleine, t. m, col. 402; il prend le nom de souffle
quandilest rejeté avec une certaine force par les lèvres
entr'ouvertes. Voir Souffle. — 1» Au sens propre, la
respiration est la condition et le signe de la vie dans
tous les êtres animés. Gen., i, 30; n, 7; vi, 17; vu, 15,
22. La respiration, par conséquent la vie, est aux mains
de Dieu. Dan. , v, 23. La respiration est suspendue par une
vive émotion. Dan., x, 17. Elle se ralentit et s'épuise par
l'effet de la maladie. III Reg., xvil, 17; Job, xvn, 1.
Quelquefois elle est arrêtée par la violence. C'est ainsi
qu'Hazaël, prenant une couverture plongée dans l'eau,
en couvrit, la tête de Rénadad,. roi de Syrie, et l'asphy-
xia pour régner à sa place. IV Reg., vm, 15. Tibère
devait mourir étouffé d'une manière analogue. Cf. Tacite,
Annal,, VI, 50. Aussi longtemps qu'il respirera, c'est-à-
dire qu'il vivra, Job, xxvn, 3, repoussera l'iniquité de
ses lèvres. Le souffle du crocodile allume des charbons,
Job, xli, 12; ceci signifie qu'à la vive lumière du soleil,
l'air mêlé de vapeur que l'animal rejette en respirant
semble être enflammé, comme chez les tauri spirantes
naribus ignem de Virgile, Georg,, il, 140. Les idoles
ne respirent pas, Ps. cxxxv (cxxxiv), 17; donc elles
n'ont pas la vie. — 2" Au sens figuré, « respirer »
signifie, comme en français, être au repos, n'avoir
aucune de ces causes d'inquiétude ou d'agitation qui
gênent l'acte de la respiration, si essentiel à là vie. Au
septième jour de la création, Dieu lui même a respiré,
nâfas, êTtsûuaro, cessavit, « a cessé » son œuvre.
Exod., xxxi, 17. Ce même jour de la semaine, on doit
laisser respirer la servante et l'étranger, en arrêtant le
travail. Exod., xxm, 12. Arrivés à Aiêfim (voir t. i,
col. 298), David et ses gens respirèrent. II Reg., xvi, 14.
Job, IX, 18, se plaint que Dieu ne le laisse pas respirer ;
il voudrait pouvoir s'expliquer, afin de respirer ensuite
à son aise. Job, xxn, 20. Holopherne menace les habi-
tants de Réthulie de ne pas les laisser respirer tant
V. - 34
1059
RESPIRATION — RESPONSABILITE
1060.
qu'il ne les aura pas exterminés. Judith, vi, 4. Sous
Judas Machabée, le peuple put respirer quelque temps.
II Mach., xm, 11. H. Lesêtre.
RESPONSABILITÉ, obligation de rendre compte
de ses actes personnels et d'en subir les conséquences.
— 1" Vis-à-vis de Dieu. — Après avoir proscrit l'adora-
tion des idoles, Dieu ajoute la sanction suivante : « Je
suis Jéhovah ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punit l'ini-
quité des pères sur les enfants, jusqu'à la troisième et
quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent,
et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à
ceux qui m'aiment et qui gardent mes commande-
ments. » Exod.,xx, 5, 6; Deut., v, 9. Cette sanction ne
s'applique littéralement qu'à ceux qui abandonnent
le culte de Jéhovah pour celui des idoles. Elle n'im-
plique pas de responsabilité morale de la part des en-
fants; Dieu punira pourtant sur eux l'idolâtrie de leurs
pères, mais seulement par des calamités temporelles,
dignement méritées si les enfants imitent leurs pères,
et devenant de simples épreuves si eux-mêmes se con-
duisent bien. Il n'est donc pas nécessaire d'interpréter,
la première partie du texte comme le fait le Chaldéen,
qui ajoute : « quand les fils continuent à pécher après
leurs pères. » L'expérience montre d'ailleurs que la
menace divine a comporté un grand nombre d'excep-
tions; les enfants d'idolâtres n'ont pas tous été éprou-
vés et tous ceux qui ont été éprouvés n'étaient pas des
enfants d'idolâtres. Les Apôtres, comme beaucoup de
leurs contemporains, entendaient trop servilement le
texte de l'Exode, quand ils supposaient que l'aveugle-né
pouvait porter la peine de fautes paternelles. Notre-
Seigneur redressa leur fausse interprétation. Joa., ix,
1-3. — D'ailleurs, cette loi de sanction temporelle attei-
gnant les enfants devait être un jour abolie. Jérémie,
xxxr, 29, 30, annonce qu'après la captivité chacun ne
portera plus que les conséquences de ses propres fautes.
Ézéchiel, xvm, 1-20, affirme également que chacun n'est
responsable devant Dieu que de ses propres actions.
L'homme juste n'est pas responsable des fautes de son
fils criminel; le fils vertueux ne pâtira pas pour les
vices de son père. — La doctrine du péché originel ne
suppose aucune responsabilité personnelle de la part
des descendants dupremier homme. En Adam, tous ont
péché, et par sa fauté tous ont été constitués pécheurs.
Rom., v, 12-19. En conséquence, «nous étions par nature
enfants de colère ». Eph., il, 3. Mais Adam seul était
personnellement responsable du péché commis ; ses des-
cendants, ne portent pas toutes les conséquences de ce
péché. Ils encourent la déchéance commune à la race,
mais non le châtiment personnel mérité par le préva-
ricateur. — L'enseignement général de la Sainte Écri-
ture est que chacun n'est responsable que de ses œuvres
personnelles, et qu'il est jugé et traité d'après ces
œuvres. Prov., xxiv, 12, 19; Eccli., xvi, 15; Is., m, 11 ;
Jer., xx\, 14; Matth., xvi, 27; Rom., n, 6; II Cor., xi.
15 ; II Tim., iv, 14; I Pet., i, 17 ; Apoc, n, 23; xx, 12,
13; xxii, 12. Ces œuvres sont le seul bien qui suive
l'homme dans l'autre vie. Apoc, iv, 13. « Il nous faut
comparaître devant le tribunal du Christ, afin que
chacun reçoive ce qu'il a mérité étant dans son corps,
selon ses œuvres, soit bien, soit mal. » II Cor., v, 10.
« Chacun recevra sa propre récompense selon son
propre travail. » ICor., m, 8. En somme, chacun n'aura
à répondre que pour lui-même. — Il est vrai que
« Dieu donna à chacun des prescriptions à l'égard du
prochain. » Eccli., xvn, 12. Mais ces prescriptions
ne transfèrent jamais sur quelqu'un les responsabilités
d'autrui. On n'est responsable à l'occasion du prochain
que si l'on ne s'est pas conduit à son égard comme on
le devait, ou si l'on a contribué à lui faire tenir une
conduite coupable. A s'en tenir aux Septante et à la
Vulgate, on pourrait lire au Psaume xix (xvm), 14 :
» Préservez votre serviteur des fautes d'autrui, >. àr.ô
àVkotpiwv, ab alienis. Le sens peut être également :
« Préservez votre serviteur des étrangers. » Il y a en
hébreu : miz-zédîm, « des orgueilleux », que les ver-
sions ont lu : miz-zârîm, « des étraugers ». Il ne sau-
rait.donc être question ici, en aucune manière, de res-
ponsabilité pour les péchés d'autrui.
2» Vis-à-vis des hommes. — La justice humaine n'a
pas le droit d'étendre la responsabilité à d'autres
qu'aux coupables. C'est pourtaut ce que faisaient la
plupart des législations anciennes. D'après le code
d'Hammourabi, si quelqu'un frappe une femme et que
celle-ci meure, on tue la fille de l'agresseur; art. 210,
si le fils d'un homme meurt par suite de mauvais trai-
tements, on tue le fils de celui qui l'a maltraité, art. 116;
si une maison s'écroule, par la faute de l'architecte, et
tue le fils du propriétaire, on tue le fils de l'architecte,
art. 230. Chez les Mèdes et les Perses, on faisait périr
avec certains coupables leurs femmes et leurs enfants.
Dan,, VI, 24; Esth., IX, 10, 14; XVI, 18. Cf. Hérodote,
m, 119. Dans une de ses paraboles, Notre-Seigneur
parle d'un débiteur insolvable, dont on menace de faire
vendre la femme et les enfants, Matth., xvm, 25, vente
qui n'était nullement autorisée par la loi juive. Voir
Esclave, t. n, col. 1921. Seul, un père pouvait vendre
sa fille pour être esclave, probablement quand la misère
l'y obligeait. Exod., xxi, 7. La loi mosaïque condamne
expressément toute action exercée contre les parents
d'un coupable. « Les pères ne seront pas mis à mort
pour les enfants, ni les enfants pour les pères; chacun
sera mis à mort pour son péché. » Deut., xxiv, 16. La
sanction doit donc être personnelle, aussi bien que la
faute. Le roi Amasias est loué de s'être conformé à la
loi de Moïse, en ne faisant pas mourir les fils des
meurtriers de son père. IV Reg., xiv, 5, 6; II Par.,xxv,
3, 4. 11 paraît avoir été dérogé à la loi en deux circons-
tances, lorsque les fils et les filles d'Achan furent lapi-
dés avec leur père, Jos., vu, 24, et lorsque sept fils de
Saûl furent livrés aux Gabaonites pour être mis à mort.
II Reg., xxi, 7-9. Mais dans le premier cas, il y avait
anathème vouant à la destruction tout ce qui apparte-
nait au coupable, Jos., vu, 13-15, et il est d'ailleurs
assez probable que les enfants d'Achan s'étaient asso-
ciés à la prévarication de leur père. Dans le second cas,
il ne s'agit pas d'une sentence judiciaire, mais d'un acte
politique dont la légitimité peut être discutée. — La
Loi prévoyait certains cas dans lesquels la responsabi-
lité était engagée. L'Israélite était responsable de l'acci-
dent causé par son bœuf, s'il connaissait le vice de
l'animal, Exod., xxi, 29-32, des accidents ou des dom-
mages survenus grâce à son imprudence. Exod., xxj,
34-36; xxn, 12, 14. Le grand-prêtre Héli fut déclaré
responsable des méfaits sacrilèges commis par ses fils,
parce qu'il aurait dû et pu les empêcher. I Reg., H, 28,
29. — Saint Jacques, n, 10, déclare que « quiconque aura
observé toute la loi, s'il vient à faillir en un point, est
coupable de tous. » On ne peut pas conclure de ce teste
que celui qui a commis une faute a la responsabilité de
toutes les autres fautes qu'il n'a pas commises. Car
alors toutes les fautes seraient égales et, l'une ayant été
commise, il n'y aurait pas de raison pour s'abstenir des
autres. Saint Augustin, Epist. CLxrn, t. xxxm, col. 733-
741, consulte Saint Jérôme au sujet de ce texte et pro-
pose cette solution, col. 740: « Qui observe toute la loi,
s'il pêche en'un point, est coupable sur tous, parce
qu'il agit contre la charité, de laquelle dépend toute la
loi. » Saint Jérôme, t. xxxm, col. 752, 753, ne répond pas
à cette question. Saint Thomas, I a II*, q. lxxiii, a. 1,
adl um , dit que l'Apôtre s'exprime « au point de vue de
l'aversion, en tant que l'homme qui pêche se détourne
du précepte de la loi. Tous les préceptes de la loi viennent
d'un seul et même auteur, comme il le dit lui-même,
et c'est pourquoi le même Dieu est méprisé dans tout
1061
RESPONSABILITE
RESTITUTION
1062
péché, A ce point de vue, qui pêche sur un point est
coupable sur tous, parce que, en commettant un seul
péché, il encourt la peine due au mépris de Dieu,
mépris d'où provient la culpabilité de tous les péchés >>.
— Sur la responsabilité encourue par celui qui volon-
tairement fait pécher les autres, voir Scandale.
H. Lesêtre.
RESSA (hébreu : Rissàh, « fracture, ruine »; Sep-
tante, Teuffàv), station des Israélites dans le désert de
l'exode, située entre Lebna et Céélatha. Num., xxxi,
21-22. On l'identifie communément avec le Rasa de la
Table de Peutinger, sur la route d'Akaba à Jérusalem,
à 32 milles romains ou 48 kilomètres au nord d'Élath
et à 203 milles, ou environ 300 kilomètres, au sud de
Jérusalem..
RESTES (hébreu : se'âr, se'êrî}, yéiér, pelêtàh;
Septante : xaraXemna, Û7tôXeini».a, ta Xoinov, rà xarâ-
Xoi7tOV, TO 7tSpiXo£lTOV, TO XaTaXttçOfv, oi <T<i)Ô£VT£Ç ," Vul-
gate : reliquiœ, residuum, qui fugerint), ce qui sub-
siste de choses ou d'hommes après qu'une partie con-
sidérable en a disparu. — 1° Parmi les restes de choses,
il est surfont question de ceux de la nourriture. On
doit brûler les restes de l'agneau pascal. Exod., xn, 10.
Ruth gardait les restes de son repas pour les donner à
sa belle-mère. Ruth, n, 14, 18. Les malheureux re-
cueillent les restes ouïes miettes des repas. Jud., î, 7;
Matth.,xv, 26-27; Luc, xvi, 21. A la multiplication des
pains, Notre-Seigneur fait ramasser les restes, pour
qu'ils ne soient pas perdus. Matth., xiv, 20; Marc,
vi, 43. Après sa résurrection, dans Tune de ses appari-
tions, il mange devant ses disciples et, d'après la Vul-
gate, quelques autres versions et plusieurs manuscrits
grecs, il leur donne ensuite les restes. D'après le texte
grec, il « prend devant eux et mange. » Luc, xxrv, 43.
2° Quand il s'agit, d'hommes, les restes désignent
d'abord la postérité, ce qui reste après qu'un chef de
famille a disparu. Il y a des restes pour le juste, mais il
n'y en a pas pour le méchant. Ps. xxxvn (xxxvi), 37;
Job, xvin, 19. Tobie, xm, 20, compte qu'il y aura des
restes de sa race pour revoir Jérusalem. Les restes des
arbres de la forêt d'Israël pourront être comptés, Is.,
x, 19; on les grapillera comme une vigne. Jer., VI, 9.
Les prophètes annoncent la destruction des restes de
Babylone, Is., xrv, 22; des Philislins, Is., xiv, 30; de
Moab, Is., xv, 9; de la Syrie, Is., xvn, 3; de l'Arabie,
Is., xxi, 17; d'Anathoth, Jer., xi, 23, et de Caphthor,
Jer., xlvii, 4; Ezech., xxv, 16.
3° Habituellement les prophètes désignent les Israélites
survivant aux désastres de la déportation ou laissés en
Palestine, par les mots Se'êrî}, collectifenibrassant toute
la population qui reste, et plus rarement pelêtàh,
« évasion », les réchappes. IV Reg., xix, 4, 31; Is.,
xxxvn, 4, 32. Ces restes sont appelés restes d'Israël,
Is., xlvi, 3; Jer., xxxi, 7; Ezech., ix, 8; xi, 13; Mich.,
il, 12; Soph.,n, 9; m, 13; restes de Jacob, Is., x, 20;
Mich., v, 7; restes de Juda, Jer,, XL, 11, 15; xui, 2, 15,
19; XLiv, 12, 14; restes de Joseph, Am., v, 15; restes
de Jérusalem. Ezech., v, 10. Le châtiment est annoncé
à ces restes. Jer., xnv, 14; Ezech., v, 10; ix, 8; xi, 13.
Mais, le plus souvent, il n'est question pour eux quelhy
miséricorde et de restauration. Le germe de Jéhovah
fera la gloire des réchappes; eux-mêmes formeront un
peuple saint; Jéhovah étendra la main pour les racheter,
il y aura une route d'Assyrie en Judée pour les ramener
et Jéhovah sera leur couronne. Is., iv, 2, 3; x, 21, 22;
xi, 11, 16; xxvm, 5. Dieu rassemblera le reste de ses
brebis des endroits où il les avait chassées, il les sau-
vera et le roi de Babylone laissera un reste à Juda.
Jer., xxiii, 3; xxxi, 7; xl, 11, 15. Mais le faible reste
demeuré en Palestine s'en ira périr en Egypte. Jer.,
xm, 2, 15, 19; xnv, 12, 14. Dieu ne voudra pas détruire
ce qui reste d'Israël. Ezech., ix, 8 ; xi, 13. Il aura pitié
des restes de Joseph. Am., v, 15. Il rassemblera les restes .
d'Israël; il en fera une nation sainte, placera les restes
de Juda comme un lion au milieu des peuples et oubliera
les transgressions des restes de son héritage. Mich., n,
12; iv, 7; v, 7; vu, 18. Il y aura des réchappes à Sion
et à Jérusalem. Jo., H, 32; Abd., 17. Les restes d'Israël
pilleront Moab et Ammon et désormais ne commettront
plus d'iniquité. Soph., Il, 9; in, 13. Les prophéties se
réalisent : le grand-prêtre et tout ce qui reste à Jérusa-
lem écoutent la voix de Dieu. Agg., I, 12. Dieu revient
à ces restes et les bénit. Zach., vin, 6, 11, 12. Ces restes
sont petits, mais la colère de Dieu se détournera d'eux.
I Esd., IX, 8, 14. — Sur le nom du fils d'Isaïe appelé
« le reste reviendra », Is., vu, 3, voir Sche'ar Jasub.
H. Lesêtre,
RESTITUTION (hébreu : Saltem; Septante : àuo-
tîv»; Vulgafe :, restituo, c< restituer »), réparation im-
posée à celui qui a lésé le prochain dans ses biens.
1° La loi mosaïque prescrit différentes mesures au
sujet de la restitution. Celui qui dérobe un bœuf ou
une brebis, et ensuite les égorge ou les vend, doit res-
tituer cinq bœufs ou quatre brebis. Exod., xxil, 1. Celui
qui vole un bœuf, un âne ou une brebis et a l'animal
encore vivant, restitue le double. Exod.,xxn, 4. Ce der-
nier est tenu à une moindre restitution parce qu'il n'a
rien fait contre l'animal et n'a pas ôté au propriétaire
la possibilité de reconnaître et de récupérer son bien.
Le premier, au contraire, en tuant ou en vendant l'ani-
mal volé, rendait beaucoup plus difficiles les recherches
du propriétaire. La restitution imposée est relativement
plus forte pour un bœuf que pour une brebis, parce
que les brebis étaient beaucoup plus nombreuses, tan-
dis que les bœufs, en moindre nombre, servaient aux
travaux agricoles, de sorte que leur disparition causait
plus grand dommage à leur légitime possesseur. — Le
code d'Hammurabi montrait beaucoup plus de sévérité;
celui qui volait un bœuf, un mouton, un âne, un porc
ou une barque au temple ou au palais, devait en resti-
tuer trente fois la valeur, et dix fois seulement s'il avait
volé un noble. Art. 8. S'il ne pouvait restituer, il en-
courait la mort, peine que la loi mosaïque ne porte pas
contre les voleurs. — Celui qui luait une bête d'un
troupeau avait à en restituer une semblable. Lev., xxiv,
18, 21. C'était l'application simple de la loi du talion,
supposant ici qu'il n'y avait pas eu intention de vol,
mais seulement violence injuste. Celui qui avait fait
tort dans ses offrandes à Jéhovah devait restituer aux
prêtres, auxquels revenaient ces offrandes, en y ajou-
tant une majoration d'un cinquième. Lev., v, 16. —
Celui qui causait un préjudice au prochain, en le volant
par fraude ou par violence, en s'appropriant un dépôt
confié, en gardant un objet trouvé, mais ensuite confes-
sait sa faute de lui-même, rendait l'objet avec majora-
tion d'un cinquième. Si le lésé n'existait plus ou n'avait
pas laissé de représentants, la restitution se faisait aux
prêtres. Lev., vi, 4, 5; Num., v, 7, 8. Le code d'Ham-
murabi, art. 112, condamnait le dépositaire infidèle à
rendre cinq fois ce qu'il gardait indûment. — Le
voleur d'argent ou d'objets mobiliers qui n'avouait
pas de lui-même devait restituer le double. Exod.,xxn,
7. La gradation de ces pénalités obligeait l'Israélite,
dans son intérêt même, à respecter le bien d'autrui et,
en cas de faute, à aller lui-même au-devant de la répa-
ration. — Dans les Proverbes, vi, 31, il est dit que le
voleur surpris rend sept fois autant et au besoin donne
tout ce qu'il a dans sa maison. Il n'y a pas ici l'indice
d'une modification à la loi ancienne. Il s'agit d'un homme
qui, pressé par le besoin, a eu le malheur de dérober;
pour échapper à la honte, il restituera tout ce qu'on
voudra et n'encourra pas le mépris. Il est mis en pa-
rallèle avec l'adultère pour lequel le mari outragé Sera
sans pitié et n'acceptera aucune rançon.
2° Quelques cas de restitution sont mentionnés dans
1063
RESTITUTION — RESURRECTION DES MORTS
1064
la Sainte Écriture. David restitua à Miphiboseth toutes
les terres de Saùl, son grand-père. II Reg., jx, 7. Jo-
ram, roi d'Israël, fit restituer tous ses biens, avec
l'arriéré des revenus, à la femme dont Elisée avait
ressuscité le fils. IV Beg., TOI, 6. Cyrus restitua aux
Juifs les vases d'or du Temple, que Nabuchodonosor
avait emportés à Babylone. 1 Esd., vi, 5. Néhémie força
les riches à restituer aux pauvres de leur nation les
vignes, les oliviers, les maisons et tous les intérêts qu'ils
avaient exigés d'eux, en un temps de famine, pour leur
fournir du blé. II Esd., v, 1. Tobie, H, 21, voulait
qu'on' restituât un chevreau qu'il croyait dérobé. —
Zachée, qui était juif et chef de publicains en Palestine,
offre de restituer quatre fois le montant des torts qu'il
a pu causer, doublant ainsi le taux de la restitution
fixé par la loi mosaïque. Luc, xix, 8. La loi romaine
condamnait le voleur à restituer le double, l'usurier
ainsi que le cultivateur qui avait fraudé l'État sur la
fourniture du blé, à restituer le quadruple. Cf. Caton,
De re rustica, proœm.; Cicéron, Verr., n, 3, 13. Il est
probable que Zachée ne s'inspire pas de ces prescrip-
tions, mais plutôt d'un principe de généreuse et sura-
bondante équité. Dans les paraboles de l'Évangile, le
débiteur est mis en prison tant qu'il n'a pas restitué
jusqu'à la dernière obole, Matth,, v, 26; Luc, XII, 59;
on vend le débiteur, sa femme et ses enfants pour assu-
rer la restitution, Matth., xvm, 25. Voir Dette, t. n,
col. 1395. H. Lesètre.
1. RÉSURRECTION DE LA CHAIR, reconstitu-
tion des corps humains, en vue de leur réunion avec les
âmes avant le jugement dernier. — Cette résurrection
est insinuée par différents textes de l'Ancien Testament.
Job, xix, 23-27; Ezech., xxxvn, 1-10. Elle est formelle-
ment supposée par les textes évangéliques qui parlent
de la résurrection des morts. Joa., v, 28, 29; vi, 39,
40, 44 ; xi, 25 ; Matth., xxiv, 31 ; xxv, 32, 33, 46; Marc,
xm, 27; Luc, xiv, 14, etc. Car, ce qui est susceptible de
résurrection, ce n'est pas l'âme immortelle, mais le
corps, représenté ici par une de ses parties composantes,
la chair. En Jésus-Christ, la résurrection a comporté
le retour de la chair à la vie. Le Sauveur ressuscité
pouvait dire à ses Apôtres : « Touchez-moi, et considé-
rez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez
que j'en ai. » Luc, xxiv, 39. Il pouvait inviter Thomas
à toucher ses mains percées et son côté ouvert. Joa., xx.
27. Sa chair, la même qu'il avait avant sa mort, avait
donc retrouvé la vie par sa réunion avec l'âme. Or,
d'après saint Paul, le Christ est « les prémices de ceux
qui se sont endormis; » il est le type des ressuscites,
comme Adam a été celui des victimes de la mort. I Cor.,
xv, 20-28. La chair de l'homme aura donc un jour le
sort de la chair du Christ. Après l'humiliation de la cor-
ruption, due au péché, elle reprendra la vie parla puis-
sance de Dieu. Saint Paul explique, autant qu'il le peut,
les conditions dans lesquelles la chair ressuscitera. Le
corps aura alors quelque chose de la nature spiritu-
elle, quant à l'incorruptibilité et à l'agilité. I Cor., xv,
36-44. La chair ressuscitée sera mise par Dieu en un
état tel, qu'elle puisse partager la gloire ou le supplice
de l'âme et supporter les conditions d'une existence très
différente de celle que nous connaissons sur la terre.
Le corps du Christ, et, selon la croyance de l'Église,
celui de sa sainte Mère, participent maintenant dans le
ciel à la vie glorieuse de leurs âmes. Voir Résurrection
desmorts. Cf. Prat,£a théologie de S. Paul, Paris,
1908, p. 185-194. — Les anciens pensaient que la sé-
pulture était une condition nécessaire pour que le mort
pût jouir du sort heureux qu'il espérait après la vie
présente. Voir Sépulture. Aussi les persécuteurs des
chrétiens s'acharnaient-ils souvent à brûleries corps
de leurs victimes, à les faire dévorer parles bétes, à les
jeter dans les fleuves ou à la mer, de manière, croyaient-
ils, à mettre obstacle à la résurrection que l'on espérait.
Mais, même dans ces conditions, les chrétiens ne dou-
taient pas de la résurrection de la chair. Ils savaientque
« Dieu donne la vie aux morts et appelle les choses
qui ne sont point comme si elles étaient. » Rom., iv,
17. Ils étaient assurés que « celui qui a ressuscité le
Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à nos corps
mortels, à cause de son Esprit qui habite en nous. »
Rom., vm, 11. La puissance de Dieu sera assez grande
pour réunir un jour les éléments des corps qui ont été
privés dé sépulture, aussi bien que s'ils avaient été
réduits à l'état de poussière dans un tombeau ou dans
le sein de la terre. Elle ne trouvera pas davantage d'obs-
tacle dans ce fait que les éléments désagrégés d'un corps
ont pu servir successivement à la composition d'autres
corps humains. Ce qui fait l'identité du corps, c'est la
vie qu'une même âme lui communique. Pendant l'exis-
tence terrestre, les éléments du corps humain se re-
nouvellent sans cesse. Il se peut qu'entre le corps du
vieillard et celui de l'enfant il ne subsiste plus une
seule parcelle commune. Cependant c'est le même corps,
parce que c'est la même âme qui l'anime et en retient
associés tous les éléments. Quels que soient donc les
éléments constitutifs du corps ressuscité, son identité
sera assurée par la présence de l'âme, et ce corps, trans-
figuré à la manière que décrit saint Paul, sera le même
que celui de la vie terrestre tout aussi réellement que
le corps du vieillard est le même que celui de l'enfant.
Saint Paul suppose formellement cette identité, quand
il écrit : « Semé dans la corruption, le corps ressuscite
incorruptible; semé dans l'ignominie, il ressuscite glo-
rieux; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de
force; semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. »
I Cor., xv, 42-44. La différence des éléments matériels
n'est pas un obstacle plus grand à l'identité du corps
ressuscité, que leur merveilleuse transformation.
H. Lesêtre.
2. RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-
CHRIST. Voir Jésus-Christ, t. ni, col. 1478-1480.
3. RÉSURRECTION DES MORTS (grec : àvâinaa!;;
Vulgate : resurrectio), retour de l'homme à la vie par îa
réunion de l'âme et du corps séparés par la mort.
I. Dans l'Ancien Testament. — Dans les plus an-
ciens Livres sacrés, il n'est point fait d'allusion formelle
à l'idée d'une résurrection corporelle. L'idée contraire
est même communément exprimée, non pour nier la
possibilité d'une résurrection, mais pour constater que,
dans le cours ordinaire des choses, elle ne se produit
pas. « L'homme se couche et ne se relève plus », Job,
xiv, 12, c'est-à-dire qu'il s'étend dans le tombeau et
n'en sort plus. Cf. Ps. su (xl), 9; xliii (xlii), 17;
Am., vm, 14. Cependant, si la loi qui fait retourner à
la poussière l'homme tiré de la poussière, Gen., m,
19, ne comportait pas d'exception, il était possible d'es-
pérer une résurrection future, un retour des corps de
l'état de poussière à l'état vivant par leur réunion avec
les âmes immortelles. Cette espérance fut lente à poin-
dre en Israël. On ne peut trouver un témoignage en fa-
veur de la croyance à la résurrection dans le soin que
les Hébreux prenaient de la sépulture de leurs morts.
Voir Morts, t. iv, col. 1316. Les Égyptiens faisaient bien
davantage pour les cadavres des morts et, chez la plu-
part des peuples sémites, des soins analogues étaient
pris, sans que l'idée de résurrection future y fût pour
quelque chose. On croyait seulement que la sépulture
du cadavre était nécessaire pour que l'âme pût pénétrer
dans le royaume des morts et y mener en paix la vie
d'outre-tombe. Voir <Sépi.'lture. L'idée de résurrection,
vint aux Hébreux d'antiques traditions que la révélation
éveilla, précisa et développa peu à peu.
1» Bans Job. — L'auteur du livre de Job ne fait ordi-
nairement appel qu'aux sanctions temporelles pour ré-
1065
RÉSURRECTION DES MORTS
106$
soudre le problème de l'épreuve infligée à l'homme de
bien. Mais, pressé par la discussion et désespérant de
convaincre ses amis de son innocence, soit parsesaffir-
mations réitérés, soit par un prompt retour à la prospé-
rité, Job évoque le témoignage futur d'un go'êl ou ven-
geur vivant. Voir Job, t. ni, col. 1576, la traduction de
ses paroles; Job, xix, 25-27. Les mots hébreux de ce
texte fournissent matière à discussion, mais, de quelque
manière qu'on les interprète, il reste que le Vengeur
vivant se lèvera le dernier, ou à la fin, sur la poussière
du tombeau, et que celui qui était poussière le verra
de ses propres yeux, qui devront alors lui avoir été
restitués, ce qui suppose une résurrection. Dans toutes
les versions, l'idée de résurrection est formulée plus
ou moins expressément. On a prétendu que, si l'appel
à la résurrection future avait été dans la pensée de l'au-
teur, le débat serait clos par le fait même et la suite
du livre n'aurait plus raison d'être. Cf. Loisy, Le livre
de Job, Paris, 1892, p. 6-11. Mais, bien que ses amis
ne semblent tenir aucun compte de sa déclaration, Job
n'attend rien sur la terre, puisqu'il se déclare sûr de
bientôt mourir. Job, xxx, 19-23. La solution ménagée
par l'épilogue est donc incomplète, et la compensation
à laquelle Job aspire n'est autre que la vision de Dieu
dans l'au-delà. Cf. V. Rose, Étude sur Job, xix, 25-27,
dans la Revue biblique, 1896, p. 39-55; Vidal, L'idée
de résurrection dans Job, dans la Revue du clergé,
1 er février et 15 mars 1909.
2° Dans Osée. — Pour décrire la restauration d'Israël,
ce prophète emprunte ses images à l'idée de résurrec-
tion :
Venez et retournons à Jéhovah...
En deux jours il nous fera revivre,
Le troisième jour il nous relèvera.
Et nous vivrons devant sa face. Ose., vi, 2, 3.
Je les rachèterai de la main du sche'ôl,
Je les délivrerai de la mort.
Où est ta peste, ô mort ?
Où est ta destruction, ô sche'ôl? Ose., xrv, 14.
La résurrection ne vient ici que comme comparaison
sans doute ; mais l'allusion est si claire que saint Paul
peut signaler dans la résurrection des justes la vérifi-
cation des dernières paroles du prophète. I Cor., xv, 55.
3° Dans Isaïe. — Le prophète veut célébrer la gloire
de son peuple racheté par Dieu. Il dit d'abord des en-
nemis :
Morts, ils ne reviendront pas à la vie,
Ombres, ils ne se relèveront point. Is., xxvi, 14. ■
Puis, s'adressant au peuple régénéré, il dit :
Que les morts revivent,
Que mes cadavres se relèvent !
Réveillez-vous et chantez,
Vous qui habitez la poussière !
Car votre rosée est rosée d'aurore
Et la terre fait renaître les ombres. Is., xxvi, 19.
On sait que, dans le style prophétique, la restauration
d'Israël figure la rédemption de l'humanité et, pour un
avenir plus lointain, la vie éternelle. Aussi des auteurs
comme Frd. Delitzsch, Dillmann et Duhm, reconnaissent-
ils que, dans ce texte, l'idée de la résurrection future
se présenté au premier plan. Cf. Lagrange, L'apocalypse.
d'Isaïe, dans la Revue biblique, Paris, 1894, p. 211, 2jf 2.
4° Dans Ézéchiel. — Le prophète a une vision qui se
rapporte à la restauration d'Israël. Dans cette vision, il
a sous les yeux des ossements desséchés épars dans une
vaste plaine. Sur l'ordre de Jéhovah, il voit ces ossements
se revêtir de muscles, de chair et de peau. Ensuite l'es-
prit revient en eux, ils se redressent, ils revivent et for-
ment une « grande, très grande armée. » Ezech., xxxvn,
1-10. C'est la scène même de la résurrection des morts.
Dieu dit ensuite au prophète : « Ces ossements, c'est
toute la maison d'Israël... J'ouvrirai vos tombeaux, je
vous ferai remonter hors de vos tombeaux, ô mon
peuple, et je vous ramènerai sur la terre d'Israël. »
Ezech., xxxvn, 11, 12. La résurrection des morts n'es
donc prise ici que comme terme de comparaison. Tou-
jours est-il que, pour figurer les restaurations d'Israël
comme chose possible et certaine, il fallait que la ré-
surrection fût tenue pour telle par le prophète et par
ceux auxquels s'adressait. Car son affirmation revenait
à ceci : aussi réellement que les morts ressusciteront à
la voix de Dieu, vous, vous serez tirés de votre état de
servitude et d'abjection.
5« Dans Daniel. — Avec ce prophète, la-doctrine de-
là résurrection des morts trouve sa formule précise.
« En ce temps-là, lui dit l'ange, se lèvera Michel) le grand
chef, qui se tient près des enfants de ton peuple, et ce
sera un temps d'angoisse tel qu'il n'y en eut jamais
depuis qu'il existe des nations jusqu'à ce jour; alors
seront sauvés de ton peuple tous ceux qui seront trou-
vés inscrits dans le livre. Et beaucoup de ceux qui dor-
ment dans la poussière se réveilleront, les uns pour
une vie sans fin, les autres pour l'opprobre et la honte
éternelle. Ceux qui auront été c(es sages brilleront
comme la splendeur du firmament, et ceux qui en au-
ront guidé beaucoup vers la justice, comme les étoiles,
éternellement et toujours. » Dan., xu, 1-3. La formule
n'est pourtant pas encore^ complète. La résurrection fu-
ture est affirmée pour les Israélites, fidèles ou infidèles,
mais, d'après divers interprètes, il n'est pas certain que
le prophète ait l'intention de l'étendre à tous « ceux qui
dorment dans la poussière. » Cependant la restriction
n'est pas tellement expresse qu'on ne puisse entendre
ce qu'il dit dans le sens de l'universalité. — On s'est
demandé si Daniel n'aurait pas emprunté aux Perses
ses idées sur la résurrection. Mais les Perses de son
époque croyaient-ils à la résurrection ? Un trait rapporté
par Hérodote, m, 62, prouve qu'au temps de Cambyse
on admettait la possibilité d'une résurrection indivi-
duelle; mais il n'est nullement question d'une résur-
rection générale pour l'avenir. On cite surtout un texte
de Théopompe, rapporté par trois écrivains. D'après
Plutarque, De Is. et Osir., 47, Théopompe aurait
appris des mages qu'un jour l'Hadès serait vaincu et
que les hommes n'auraient plus besoin de nourriture
pour vivre. A la fin du second siècle, Diogène Laerce,
Proœm., édit. Didot, 9, fait dire à Théopompe que,
selon les mages, les hommes doivent revenir à la vie
et devenir immortels. Enfin, avec Enée de Gaza, chré-
tien de la fin du v e siècle, le dire de Théopompe prend
la forme suivante : « Zoroastre prédit qu'un temps vien-
dra où il y aura une résurrection de tous les morts.. »
Fragm. H. G., 1. 1, p. 289. En réalité, il y a là un texte
qui va en se précisant avec le temps, au gré des auteurs
qui le rapportent. Quant à la doctrine de la résurrec-
tion, elle n'est formulée que dans l'Avesta postérieur,
qui ne fut clos qu'au troisième siècle de l'ère chrétienne.
Cf. Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 33-
35. — Par contre, l'idée de résurrection est familière
à la mythologie babylonienne. Dans le poème de la Des-
cente d' 1 star aux enfers , on voit Istar et Tammouz re-
monter vivants du séjour des morts. Cf. Fr. Lenormant, .
Mélanges d'archéologie égyptienne et assyrienne, t. 1,
p. 31-35; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 693-696;
Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, p. 339-
341. Les grands dieux, Mardouk, Éa, Nébo et les autres
ont le pouvoir de rappeler les morts à la vie. A. Jere-
mias, Babylonisch-Assyrischen V orstellungen vont
Leben nach dem Tode, Leipzig, 1889, p. 100-101, donne
la liste des dieux qui ont le droit de ressusciter des
morts; ce sont probablement les divinités de premier
rang. Mardouk marche naturellement en tête. Il est
appelé « le miséricordieux qui se plaît à éveiller les
morts, le miséricordieux à qui il est permis de rendre
la vie, le maître de la libation pure, qui éveille les
morts. » Cf. Jensen, Die Kosnwlogie der Babylonier,
1067
RÉSURRECTION DES MORTS
4068
Strasbourg, 1890, p. 296-297; Dhorme, Choix de textes
religieux, p. 71. Il est invoqué comme « celui qui rend
la vie aux morts. » Cf. Fr. Martin, Textes religieux assy-
riens et babyloniens, Paris, 1903, p. 217. Ces testes et
d'autres semblables supposent au moins que l'idée de
résurrection n'était pas étrangère aux anciens Babylo-
niens. Ils regardaient comme possible la sortie de
Varallu, le séjour des morts, et ils reconnaissaient à
leurs dieux la puissance de la procurer. Seuls du reste,
parmi les anciens Sémites, sans parler des Hébreux, ils
se sont préoccupés du grave problème de la résurrec-
tion. « Si l'on songe à l'influence extraordinaire exercée
par la Châldée dans le domaine religieux et au nombre
assez élevé des croyances communes à tous les Sémites,
on ne sera pas éloigné de placer la résurrection dos
corps parmi les idées dont se préoccupait le monde
ancien vers 2000 avant J.-C, et le soin pris des sépul-
tures trouve encore dans l'attente delà résurrection une
explication plus complète. On ne voit pas d'ailleurs
qu'il se soit formé sur ce point une doctrine universelle
et très ferme. Tout en admettant la possibilité de la ré-
surrection* en en conservant probablement l'espérance,
les Babyloniens n'ont pas fait de ce pressentiment un
article de foi fondamental. » Lagrange, Études sur les
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 340. Cf. A. Lods,
La croyance à la vie future et le culte des morts dans
l'antiquité israélite, 2 in-8", Paris, 1906, et Revue bi-
blique, 1907, p. 422-433. Logiquement la foi en la
résurrection future se rattachait aux traditions con-
cernant la chute originelle. La mort avait été, non
pas une nécessité matérielle, mais le châtiment du
péché. Gen., H, 17. La promesse d'une revanche de
l'humanité contre celui qui fut l'instigateur de la faute
permettait de compter sur le rétablissement de toutes
choses en l'état primitif, par conséquent sur une res-
titution de la vie au composé humain tout entier, mal-
gré la ruine momentanée du corps après la mort. Cette
idée persista, à l'état un peu vague, chez les Chaldéens,
comme le montrent les textes. Les patriarches hébreux
emportèrent-ils avec eux quelque chose de cette espé-
rance ? L'Écriture ne dit rien à ce sujet. Le séjour des
Hébreux en Egypte les mit en contact avec un peuple
qui possédait une notion très nette de la survivance
de l'âme, mais n'était pas si explicite sur la résurrection
du corps. Ce n'est donc pas l'Egypte qui devait leur
parler de la résurrection. Ce ne fut pas non plus Moïse,
qui n'eut pas à transmettre de révélation sur cette ques-
tion. Ce furent encore moins les Chananéens, aux yeux
desquels « tout demeurait impuissant à arracher les
morts à l'oppression du sépulcre. » Vincent, Canaan,
Paris, 1907, p. 295. Et cependant l'idée de résurrection
apparaît tout d'un coup dans le livre de Job, écrit, croit-
on, au x° siècle avant J.-C. au plus tôt, et ensuite, avec
plus de précision, dans Osée, au vm« siècle. Est-il néces-
saire de rechercher au dehors l'influence qui a éveillé
en eux l'espérance de la résurrection, traditionnelle chez
leurs ancêtres chaldéens, mais profondément endormie
chez leurs compatriotes? Non, évidemment, puisque ces
auteurs étaient inspirés et que, quelque excitation qu'ils
aient subie du dehors, ils avaient l'Esprit de Dieu pour
leur rappeler et, au besoin, leur révéler ce qu'ils
avaient à dire. Dans la révélation progressive qui fut
faite aux Hébreux, la croyance à la résurrection future
vint donc à son tour, à l'heure choisie par Dieu pour
la rendre explicite dans la foi de son peuple.
6° Dans les Machdbées. — De magnifiques profes-
sions de foi en la résurrection sont consignées dans le
récit du martyre des sept frères et de leur mère, sous
Antiochus IVEpiphane. Plusieurs de ces jeunes héros se
consolent eux-mêmes en évoquant la certitude de leur
résurrection, et ils en font une menace à l'adresse du
tyran : « Scélérat que tu es, tu nous êtes la vie présente,
mais le Roi de l'univers nous ressuscitera pour une vie
éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois. »
irMach., vu, 9. « Je tiens ces membres du ciel, mais,
à cause de ses lois, je les dédaigne, et c'est de lui que
j'espère les recouvrer un jour. » II Mach., vu, 11. « Heu-
reux ceux qui meurent de la main des hommes, en es-
pérant de Dieu qu'ils seront ressuscites par lui ! Quant
à toi, ta résurrection ne sera pas pour la vie.» II Mach.,
vu, 14. Cf. Heb., xi, 35. Et la mère, pour soutenir le
courage de ses fils, leur disait : « Le créateur du monde
vous rendra dans sa miséricorde et l'esprit et la vie,
parce que maintenant vous vous méprisez vous-mêmes
pour l'amour de sa loi. » II Mach., vu, 23. La résurrec-
tion est ainsi affirmée, non seulement pour les justes,
mais même pour le persécuteur ; seulement sa résur-
rection ne sera pas pour la vie. II Mach., vu, 14. L'àvà-
trzixmç sis ïwr,v dont il est ici question paraît être en
effet la résurrection le-hayyê 'ôldm, sis Çwt]v a'ioimov,
« pour la vie éternelle », que Daniel, xn, 2, oppose à
la résurrection pour l'opprobre éternel. Il se pourrait
cependant que le texte des Machabées voulût dire sim-
plement qu'Antiochus ne reviendra pas plus tard à la
vie, c'est-à-dire ne ressuscitera pas du tout. Mais ce se-
cond sens ne s'impose nullement de préférence au pré-
cédent. — Un autre passage du même livre ajoute une
nouvelle notion à celle de la résurrection. A la suite
d'une bataille, Judas Machabée prie et fait offrir un
sacrifice à Jérusalem pour ceux de ses soldats qui sont
morts. Après avoir relaté le fait, l'historien sacré pour-
suit: « Belle et noble action inspirée par la pensée de
la résurrection ! Car s'il n'avait pas cru que les soldats
Lues dans la bataille dussent ressusciter, c'eût été chose
inutile et vaine de prier pour des morts. » Mach., xn,
43-44. La Vulgate traduit un peu différemment, sans
que le sens soit modifié. Avant la résurrection, il y a
donc une expiation nécessaire pour les justes qui sont
morts avec quelques fautes pardonnables, et les vivants
peuvent aider les morts dans cette expiation.
7° Dans la Sagesse. — C'est surtout la foi à l'immor-
talité qui est affirmée énergiquement dans ce livre. Les
impies de ce temps disent déjà : « On ne connaît per-
sonne qui soit revenu du séjour des morts. » Sap., H,
1. Mais ils se trompent. Sap., n, 21. Donc le contraire
est vrai; on reviendra du séjour des morts et, un jour,
les bons et les méchants se retrouveront en face les uns
dès autres au jugement de Dieu. Si la résurrection
n'est pas plus nettement affirmée, elle est du moins
supposée par l'attitude qui est prêtée aux impies devant
le tribunal suprême et par la nature des châtiments qui
fondent sur eux. Sap., v, 2-23. Mais l'auteur se place
presque exclusivement au point de vue de l'âme séparée
du corps et pouvant vivre sans lui dans un autre monde,
comme elle le fera en réalité depuis la mort jusqu'à la
résurrection. Sans doute, il rappelle, au sujet des im-
pies, les sanctions temporelles auxquelles s'arrêtaient
presque toujours les écrivains sacrés qui l'ont précédé.
Sap., m, 10-IV, 6. 11 ne paraît nullement, néanmoins,
que les impies dont il parle soient exclusivement des
Israélites. Or, impies et justes comparaissent également
au tribunal de Dieu. Sap., iv, 20; v, 1, 2. Les justes y
viennent en corps et en âme, d'après Daniel, xn, 1-3;
on peut donc considérer comme acquis que les mé-
chants en général y seront dans le même état, ainsi que
le prophète l'a affirmé déjà des Israélites infidèles.
8° Dans les apocryphes. — Le Livre d'Hénoch re-
présente l'état des idées palestiniennes dans le siècle
qui a précédé Jésus-Christ. On y lit : ce En ces jours, la
terre rendra son dépôt, et le sche'ol rendra ce qu'il a
reçu, et les enfers rendront ce qu'ils doivent. Il (l'Élu de
Dieu) choisira parmi eux les justes et les saints, car il
est proche le^jourjoù ils seront sauvés. » Hénoch, li, 1,
2. Les anges ont en main des mesures qui seront un
instrument de résurrection. « Ces mesures révéleront
tous les secrets de l'abime de la terre, et ceux qui ont
1069
RÉSURRECTION DES MORTS
1070
été détruits par le désert, et ceux qui ont été engloutis
par les poissons de la mer et par les bêtes, afin qu'ils
reviennent et qu'il s'appuient sur le jour de l'Élu ; car
il n'y a rien qui périsse devant le Seigneur des esprits,
et il n'y a rien qui puisse périr. » Hénoch, lxi, 5. « Alors
les justes surgiront de leur sommeil, la sagesse se lèvera
aussi et leur sera donnée. » Hénoch, xci,10; cf. xcii, 3;
c, 5. L'ange Remeiel est préposé par Dieu aux ressusci-
tes. Hénoch, xx, 8. Ces passages doivent s'entendre d'une
résurrection générale aussi bien des Gentils que des
Israélites, bien que dans d'autres parties du livre, dû à
des auteurs différents, la résurrection corporelle soit
restreinte aux justes et à certaines catégories de Gentils.
Gf. Fr. Martin, Le livre d' Hénoch, Paris, 1906, p. xxxv-
xxxvii. — La résurrection des justes est encore affirmée
dans le Psautier de Salomon, antérieur d'environ un
demi-siècle à Jésus-Christ. Les justes ressusciteront,
mais les méchants, ou seront détruits, ou, plus proba-
blement, ne ressusciteront pas « pour la vie ». Psalt.
Salom.,m, 16; xiv, 2, etc. Cf. Touzard, Le dévelop-
pement de la doctrine de l'immortalité, dans la Revue
biblique, 1898, p. 240. — Plus tard, la doctrine de la ré-
surrection générale est encore professée dans VApoca-
lypsede Baruch, xxx, 1-5; l, 1;'li, 6; IV Esd., vu, 32 ;
le Testament des XII patriarches, Juda, 25 ; Benjamin,
10. Mais il se peut que ces apocryphes aient déjà subi l'in-
fluence chrétienne. — Philon, contemporain de Jésus-
Christ, s'en tient à peu près aux données des apocry-
phes. Il ignore la résurrection des corps et, quant aux
âmes, s'il croit fermement à l'immortalité des âmes des
justes, il dit seulement que les âmes des méchants sont
déjà comme mortes en ce monde. Cf. J. Martin, Philon,
Paris, 1907, p. 247-254.
A l'époque qui précède immédiatement l'Évangile, la
croyance à la résurrection se présente donc sous la
forme suivante : les Israélites, fidèles ou infidèles, res-
susciteront dans leur corps avant le dernier et solennel
jugement; en attendant, leur âme séparée du corps
peut avoir à subir une expiation dont l'exemptent plus
ou moins les prières des vivants. Quant à ceux qui ne
sont pas Israélites, ils subiront le jugement divin et il
est à croire qu'eux aussi ressusciteront dans leur corps.
II. Dans i.e Nouveau Testament. — 1» Doctrine de
Notre-Seigneur. — Le Sauveur déclare que son Père lui
a donné le pouvoir de juger les hommes, en sa qualité
de Fils de l'homme. Il ajoute, en s'adressant aux Juifs :
« Ne vous en étonnez donc pas ; car l'heure vient où tous
ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix.
Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour
une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal
pour une résurrection de condamnation. » Joa., v, 28,
29. Ici, plus de différence entre Juifs et Gentils ; « tous
ceux qui sont dans les sépulcres, » par conséquent,
tous les morts, ressusciteront pour être jugés. Dans
sondiscours sur le pain de vie, Notre-Seigneur promet
de ressusciter lui-même au dernier jour celui qui croira
«n lui, Joa., vi, 39, 40, celui qui obéira à l'appel et à
Ja grâce du Père, Joa., vi, 44, et celui qui se nourrira
du pain eucharistique. Joa., vi, 54. Ceux que le Sauveur
ressuscitera « lui-même » ressusciteront « pour la vie ».
Cette affirmation n'exclut pas celle qui précède, sur la
résurrection des méchants. Celui qui fait du bien aux
pauvres aura sa récompense « à la résurrection des
justes, » Luc, xiv, 14 ; car, à celle des méchants, il n'y
aura que des châtiments. A Marthe, qui atteste sa foi
en la résurrection du dernier jour, Notre-Seigneur dé-
clare qu'il est lui-même « la résurrection et la vie, »
c'est-à-dire le principe de la résurrection pour ceux
■qui auront cru en lui. Joa., xi, 25. Avant le dernier juge-
ment, « il enverra ses anges avec une trompette et une
■voix puissante, et ils rassembleront ses élus des quatre
vents, des hauteurs des cieux à leurs limites. » Matth.,
xxiv, 31 ; Marc, xiii; 27. Puis, les bons seront placés à
droite et les méchants à gauche, et la sentence sera
. prononcée selon les mérites de chacun. Matth., xxv,
32, 33, 46. Ces images supposent que le souverain Juge
fait comparaître devant lui tous les hommes en corps
et en âme. Elles ne prouvent pas à elles seules qu'il
en sera ainsi, mais elles s'harmonisent parfaitement
avec les autres déclarations qui les complètent.
2» La négation des Sadducéens. — Dans les derniers
jours de sa vie, Notre-Seigneur fut abordé par des
sadducéens, « qui nient la résurrection. » Ces sectai-
res n'admettaient ni l'immortalité de l'âme, ni les châ-
timents et les récompenses de l'autre vie, et ils pré-
tendaient que les âmes périssent avec les corps. Cf. Josè-
phe, Bell, jud., II, vm, 14; Ant. jud., XVIII, i, 4.
« Encore que les Juifs eussent dans leurs Écritures
quelques promesses des félicités éternelles, et que vers
les temps du Messie, où elles devaient être déclarées,
ils en parlassent beaucoup davantage, comme il parait
par les livres de la Sagesse et des Machabées, toutefois
cette vérité faisait si peu un dogme formel et universel
de l'ancien peuple, que les sadducéens, sans la recon-
naître, non seulement étaient admis dans la Synago-
gue, mais encore élevés au sacerdoce. » Bossuet, Disc,
sur l'hisl. univers., Il, i9, édit. Bar-Ie-Duc, 1870, t. ix,
p. 467. Pour justifier leur négation, ils avaient imaginé
un cas qu'ils croyaient insoluble et péremptoire contrela
résurrection : Une femme a successivement épousé sept
frères; si l'on ressuscite, duquel des sept serait-elîe
l'épouse? La difficulté eût été la même avec deux époux
successifs ; mais en compliquant le cas, les sadducéens
pensaient fortifier leur argument. Notre-Seigneur ren-
verse d'un mot leur échafaudage, en leur faisant obser-
ver que les hôtes du ciel deviennent comme les anges
de Dieu, par conséquent immortels et dégagés des liens
de la matière; ils n'ont donc pas à contracter ou à
renouer des unions qui ont pour but la propagation de
l'espèce humaine, puisqu'au ciel cette propagation n'a
pas de raison d'être. Le coté négatif de la thèse saddu-
céenne ainsi écarté, le Sauveur passe à la démonstra-
tation positive de la résurrection. L'argument choisi
est emprunté aux paroles du Seigneur à Moïse : « Je
suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de
Jacob. » Exod., m, 6. Or, conclut le Sauveur, « Dieu
n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. »
Matth., xxn, 23-33; Marc, xn, 18-27; Luc, xx, 27-40.
Saint Jérôme, In Matth., îv, 22, t. xxvi, col. 165,
observe que Notre-Seigneur aurait pu citer des textes
beaucoup plus probants, par exemple, Is., xxvi, 19, et
Dan., xn, 2; mais il prétend que Notre-Seigneur
pris un texte de l'Exode parce que les sadducéens n'ao.
mettaient dans l'Écriture que le Pentateuque. Cette
assertion, empruntée à Origéne, et reproduite par les
Philosophumena, IX, 29, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 469,
et d'autres, ne s'appuie sur aucun témoignage authen-
tique et ne peut être considérée comme exacte, d'après
Schiirer, Geschichte des jûdisch. Volket, t. n, p. 411,
412. Ce qui est vrai, c'est que les sadducéens n'admet-
taient que les pratiques prescrites par la Loi et rejetaient
celles qu'avaient introduites les docteurs. Puisqu'ils
connaissaient si bien la Loi, ils auraient dû remarquer
le texte si mémorable que Notre-Seigneur signale à leur
attention, et c'est pourquoi ce texte leur est cité. La
valeur de l'argument venait de ce que le Seigneur n'a
pas dit : « J'ai été le Dieu d'Abraham, » mais « Je suis
le Dieu d'Abraham. » Comme Dieu n'est que le Dieu des
vivants, il suit de là qu'Abraham, Isaac et Jacob sont
encore vivants, non par leur corps, qui est au sépulcre,
mais par leur âme. Or l'immortalité de l'âme entraînait,
pour les Juifs, la résurrection future du corps, comme
le donne à conclure le texte II Mach., xn, 43-46. Si
cette manière d'argumenter peut paraître manquer de
rigueur, c'était celle des Juifs. Notre-Seigneur se met
à leur portée; il est compris et sa démonstration est
1071
RÉSURRECTION DES MORTS
1072:
acceptée comme irréfutable. Pour les docteurs, en effet,
« celui qui dit que la résurrection des morts ne découle
pas de la Loi, n'a aucune part au monde à venir. »
Sanhédrin, x, 1. Là doctrine défendue par Notre-Sei-
gneur était alors commune et particulièrement professée
par les pharisiens. Aussi ces derniers se montrèrent-ils
enchantés que le divin Maître eût péremptoirement
réfuté les sadducéens. Matth.,xxn, 33; Marc, xii, 28;
Luc.,- xx, 39.
3 3 Les affirmations des Apôtres. — Saint Paul écrit
aux Romains, vin, 11 : « Celui qui a ressuscité le Christ
d'entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels,
à cause de son Esprit, qui habite en vous. » S'adressant
aux Corinthiens, il s'élève contre ceux qui, parmi eux,
disent qu'il n'y a point de résurrection des morts.
I Cor., xv, 12. Cette négation provenait sans doute soit
d'une source sadducéenne parmi les chrétiens d'origine
juive, soit d'une source grecque parmi les autres. On
sait comment les Athéniens accueillirent l'Apôtre quand
il parla de résurrection. Act., xvn, 32. Saint Paul fail
valoir les raisons suivantes pour démontrer la résur-
rection future. S'il n'y a pas de résurrection possible,
le Christ lui-même n'est pas ressuscité, et si le Christ
n'est pas ressuscité, c'est toute la foi des chrétiens qui
croule, entraînant dans son désastre l'espérance du
salut à venir. Or, le Christ est vraiment ressuscité,
comme l'Apôtre l'a prouvé antérieurement, 1 Cor., xv,
3-8; donc il y a une résurrection possible. I Cor., xv,
12-18. Mais le Christ ressuscité est « les prémices de
ceux qui se sont endormis, » c'est-à-dire le premier à
passer par une condition qui sera celle des autres après
lui. Il sera pour la résurrection ce qu'Adam a été pour
la mort; le sort du premier entraîne le sort de tous ceux
qui lui sont unis. I Cor., xv, 2Q-28. Cf. Rom., VI, 5. S'il
n'y avait pas de résurrection, il n'y aurait plus de rai-
son d'être dans tout ce qu'on fait pour les morts, ni
dans les graves périls auxquels l'Apôtre s'expose pour
ses fidèles. La seule règle de vie se résumerait en deux
mots : « Mangeons et buvcns. » I Cor., xv, 29-34.
Cf. Sap., ii, 1-9. Cette argumentation ne prouve la
résurrection qu'en faveur des chrétiens; mais saint
Paul n'avait pas besoin de prouver davantage à ses fidè-
les .de Corinthe. La dernière raison ne vaudrait qu'en
faveur de l'immortalité de l'âme. La thèse générale n'en
est pas moins bien démontrée, parce que l'idée de
résurrection était liée intimementà celle d'immortalité,
et que précédemment l'Àpôtre a présenté Jésus-Christ
ressuscité en corps et en âme comme le typé auquel
seront conformés les fidèles. — Dans sa seconde lettre
aux Corinthiens, saint Paul affirme encore la résurrec-
tion, « sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur
Jésus nous ressuscitera aussi avec Jésus, et nous pré-
sentera à lui avec vous. » II Cor., iv, 14. 11 dit aux
Philippiens, m, 10, 11, qu'il s'efforce d'acquérir la jus-
tice par la foi dans le Christ, « afin de le connaître,
■ lui et la vertu de sa résurrection, et d'être admis à la
communion de ses souffrances, en lui devenant con-
forme dans sa mort, pour parvenir, si je le puis, à la
résurrection des morts. » A Timothée, il signale « Hymé-
née et Philète, qui se sont éloignés de la vérité en
disant que la résurrection a déjà eu lieu, et qui renver-
sent la foi de plusieurs. » II Tim., Il, 18. Ces hérétiques
préludaient à l'erreur des sectaires qui prétendirent
plus tard qu'il n'y aurait pas de résurrection corporelle,
la seule vraie résurrection consistant à passer de
l'erreur à la vérité. Cf. S. Irénée, Adv. hmres., Il, 31,
t, vu, col. 825; Tertullien, De resur. carn., 19, t. n,
col. 820. — L'Épitre aux Hébreux, vi, 2, range la
résurrection des morts au nombre des premiers élé-
ments de la doctrine chrétienne. — Saint Jean appelle
« première résurrection » la première phase de la
vie éternelle, celle qui va de la mort du juste à la
résurrection des corps. Apoc, xx, 5, 6. Il parle ensuite
de la résurrection des morts en se servant des termes-
du Livre d'Hcnock, Ll, 1, 2 : « La mer rendit ses morts,
la mort et l'enfer rendirent les leurs, et ils furent jugés-
chacun selon ses oeuvres. » Apoc, xx, 13. — Dès l'ori-
gine, tous les symboles chrétiens professent la foi en la
« résurrection de la chair. » Cf. Denzinger, Enchiri-
dion, p. 2-11. Les artistes chrétiens ont aimé à repro-
duire ce sujet dans leurs représentations des événe-
ments de la fin du monde.
4° Mode de la résurrection. — Saint Paul traite cette
question pour la première fois dans sa première Epître
aux Thessaloniciens, IV, 13; v, 3. Les fidèles de Thessa-
lonique croyaient à la résurrection future; mais, se
figurant que cette résurrection allait se produire dans
un avenir très prochain, ils se demandaient avec anxiété
de quelle manière elle s'accomplirait, pour leurs morts-
et pour enx-mêmes. Saint Paul leur répond, mais il ne
traite que de la résurrection des justes, les seuls qui
soient ici en question. On n'a pas le droit d'en tirer
cette conséquence que l'Apôtre adoptait la théorie juive
qui n'admettait à la résurrection que les justes seuls-
Lui-même a déclaré formellement « qu'il y aura une-
résurrection des justes et des pécheurs. i> Act., xxiv, 15.
II se préoccupe ici d'établir la parfaite égalité des morts
et des vivants devant le Christ, quand il apparaîtra pour
juger les hommes et établir son règne triomphant. Tous-
ensemble, vivants et morts, seront introduits par lui
dans la vie bienheureuse. Ceux qui c se sont endor-
mis » ne seront donc pas laissés de côté ou ne verront
pas différer indéfiniment le temps de leur bonheur. Par
conséquent, les Thessaloniciens doivent se consoler, au
lieu de s'affliger comme ceux qui n'ont pas d'espérance
et pensent que la mort les sépare à tout jamais les uns.
des autres. La résurrection du Sauveur est le gage que
les fidèles qui ne sont plus lui seront réunis un jour.-
1 Thés-, iv, 13-14. Voici d'ailleurs comment les choses
se passeront; saint Paul l'enseigne « d'après la parole
du Seigneur, » c'est-à-dire d'après la doctrine du divin
Maître, telle qu'il l'avait reçue lui-même. Cf. I Cor., xi,
23. « Nous, les vivants, laissés pour l'avènement du
Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont
endormis. » Saint Paul parle ici comme s'il devait être au
nombre de ceux qui verront la résurrection de leur
vivant même. S'exprime-t-il ainsi pour entrer dans
l'hypothèse des Thessaloniciens qui croyaient la parou-
sie prochaine, ou pour rendre son explication plus topi-
que en se mettant lui-même en scène avec ses lecteurs?
Plusieurs admettent cette seconde explication, en allé-
guant que saint Paul use souvent de ce procédé de lan-
gage . I Cor., vi, 14, etc. Cf. Cornely, 1 Epist. ad Cor.,
Paris, 1890, p. 510. Voir Fin du monde, t. n, col. 2275-
2276.
Mais, quel que soit le point de vue auquel se place-
l'Apôtre, son enseignement sur les conditions de la ré-
surrection ne s'en impose pas moins. « Au signal donné,,
à la voix de Farchange, au son de la trompette divine,
I Thess., iv, 16, le Seigneur lui-même descendra du
ciel, » Matth., xxiv, 30; xxvi, 64; Marc, xm, 26; xiv,.
62; Luc, xxi, 27 ; Act., i, 11, c'est-à-dire apparaîtra
pour procéder au jugement des hommes. Alors, « ceux
qui sont morts dans le Christ, » c'est-à-dire dans sa
grâce, « ressusciteront d'abord, » tcoùtov , leçon préférée
à TcotûTot, « les premiers », qui se lit dans un bon
nombre de manuscrits. « Puis nous, qui vivons, qui
sommes restés, nous serons emportés avec eux sur les.
nuées à là rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi
nous serons pour toujours avec le Seigneur. » I Thess.,,
iv, 16-17. Pour être ainsi transportés, les corps des vi-
vants devront subir #u préalable la transformation que
saint Paul décrit ailleurs. I Cor., xv, 35-57. L'Apôtre
n'ajoute rien sur le jugement et l'entrée au ciel, parce
que les Thessaloniciens n'avaient pas besoin d'être ren-
seignés sur ces questions. « Quant aux temps et aux.
1073
RÉSURRECTION DES MORTS
1074
moments, » c'est-à-dire à l'époque et aux circonstances,
Dan., Il, 21; Sap., vm, 8; Luc, I, 7, etc., l'Apôtre n'a
pas besoin d'en écrire, car les Thessaloniciens savent
très bien que « le jour du Seigneur vient ainsi qu'un
voleur pendant la huit, » c'est-à-dire que, comme le
voleur qui arrive soudain pendant la nuit, le Seigneur
apparaîtra sans qu'on s'y attende. I Thess., v, 1-3.
Cf. Matth., xxiv, 42-44; Luc, xm, 3946; II Pet., m,
10; Apoc, xvi, 15. .— Éclairés sur ce point, les Thes-
saloniciens se laissaient émouvoir plus que de raison
à la pensée d'un avènement imminent du Seigneur. Ils
y étaient excités par de soi-disant révélations d'un es-
prit, et par des propos et des lettres que l'on colportait
comme étant de saint Paul lui-même. L'Apôtre leur
écrit de ne pas se laisser alarmer, puisque, avant le
jour du Seigneur, doit apparaître l'Antéchrist. II Thess.,
il, 1-4. — Ces premières questions résolues, d'autres
se posaient tout naturellement : « Comment les morts
ressuscitent-ils? Avec quel corps reviennent-ils? »
I Cor., xv, 35. Les Corinthiens se préoccupaient de
ces problèmes. Vivant au milieu de compatriotes que
l'idée de résurrection faisait sourire, Act., xvii, 32, ils
se heurtaient souvent, sans doute, aux objections mul-
tiples que l'incrédulité leur opposait, ou que faisait
naître leur ignorance. Beaucoup se figuraient, comme
les sadducéens, que les corps ne pouvaient ressusciter
qu'avec leurs propriétés naturelles, ce qui soulevait
des difficultés presque insolubles contre la possibilité
de la résurrection. L'Apôtre commence par établir que
le corps subira une transformation radicale, analogue
à celle du grain qui meurt en terre et d'où sort une
plante qui a une tout autre forme que la semence, en
vertu de la puissance végétative que Dieu donne au
végétal. De même Dieu rendra la vie au corps qui périt
en terre. Mais, quand il s'agit du grain, ce qu'on sème
« n'est pas lé corps qui sera un jour. » Le corps de
l'homme, au contraire, sera le même à la résurrection
qu'au jour de la mort, avec cette différence que, semé
dans la corruption, l'ignominie, la faiblesse, l'anima-
lité, il ressuscitera incorruptible, glorieux, fort et spi-
rituel. Il y aura cependant des degrés dans la perfection
de cette transformation ; elle différera pour chacun
comme diffèrent entre eux les corps, soit terrestres,
soit célestes. Saint Paul attribue au corps ressuscité
quatre propriétés : l'incorruptibilité, qui le rend im-
passible et le soustrait à toute cause d'altération et de
mort; cf. Apoc, vu, 16; la gloire, qui met en lui le
reflet de la glorification de l'âme; cf. Matth., xm, 43;
la vigueur et par conséquent l'agilité, qui permet au
corps d'être totalement au service de l'âme au lieu de
constituer pour elle une entrave; la spiritualité, qui
soustrait le corps aux lois régissant la matière, lui per-
met de vivre sans nourriture et l'assimile aux esprits
dans toute la mesure possible. I Cor., xv, 36-44. Cette
transformation est la conséquence de la régénération
par le Christ. Adam a été créé « âme vivante » et ne
put transmettre à ses enfants que ce qu'il avait par na-
ture, un corps que l'âme devait animer ; par sa résur-
rection, le Christ est devenu « esprit vivifiant », asso-
ciant son corps aux propriétés de J'esprit et produisant
la même transformation dans ses fils adoptifs. Adanj,
tiré de la terre, ne transmettait qu'une vie terrestre ;
le Christ, venu du ciel, associe tout l'homme à la vie
céleste. I Cor., xv, 45-50. C'est donc « le Seigneur Jésus-
Christ qui transformera notre corps si misérable, en le
rendant semblable à son corps glorieux, par sa vertu
puissante qui lui assujettit toutes choses. » Phil., m, 21.
II est nécessaire qu'il en soit ainsi pour que l'homme
tout entier participe à la gloire future; le séjour du ciel
serait impossible à la chair et au sang, à ce qui est
corruptible, par conséquent au corps non transfiguré.
— Les paroles qui suivent se présentent sous trois formes
différentes dans les manuscrits : « .Nous ressusciterons
tous, mais nous ne serons pas tous changés ; — nous
nous endormirons tous, mais nous ne serons pas tous-
changes ; — nous ne nous endormirons pas tous, mais-
nous serons tous changés. » La première leçon ne se
lit guère que dans la Vulgate; la troisième est celle qui
a le plus d'autorités pour elle. Les deux premières,
d'ailleurs, concernent nécessairement la résurrection
générale des bons et des méchants, tandis que, dans tout
ce passage, saint Paul ne traite que de la résurrection
des justes. L'Apôtre entend ici révéler un mystère, sur
le sort de ceux qui seront vivants au moment de l'appa-
rition du souverain Juge. Alors, en effet, Jésus-Christ
viendra juger les vivants et les morts, comme le dit
saint Pierre, Act., x, 42, et comme le répètent les sym-
boles de foi catholique. Le mystère est celui du passage-
direct à l'état glorieux des corps qui seront vivants à
l'avènement du Christ. La transformation se fera « en
un instant, en un clin d'oeil, au son de la dernière
trompette. » La mort sera donc épargnée à la dernière
génération des justes ; par la puissance de Dieu, ce
qu'il y aura en eux de mortel sera absorbé par la vie.-
II Cor., v, 4. Saint Paul parle ici de lui-même et de
ses fidèles de Corinthe comme s'ils devaient être en vie
quand la fin des temps se produira, Il répond ainsi à
une question qui a dû être posée en ces termes : « Si
l'avènement du Christ nous surprend encore en vie,
qu'arrivera-t-il de nous? » L'hypothèse qu'il examine
ne doit s'appliquer ni à lui, II Cor., iv, 14, ni à ses
lecteurs, mais seulement à ceux qui verront la fin du
monde. Cette manière de parler à l'a première personne
est familière à l'Apôtre, même dans le cas où il est
absolument hors de cause, comme I Cor., vi, 14, etc.
Quand donc la résurrection aura été accomplie dans
les conditions que vient de décrire saint Paul, tant
pour les vivants que pour les morts, ce sera le triomphe
définitif sur la mort, à laquelle l'homme avait été sou-
mis à cause du péché. I Cor., xv, 51-57. — Écrivant
une seconde fois aux Corinthiens, saint Paul complète
son enseignement. Il leur dit que, grâce à la persécu-
tion, nous portons « toujours avec nous dans notre
corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soif,
aussi manifestée dans notre chair mortelle,... sachant
que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous res-
suscitera aussi avec Jésus, et nous présentera à lui avec
vous. » II Cor., iv, 10, 14. Nous avons ici-bas une tente
qui doit être détruite, le corps qui sert d'habitation à
l'âme; mais Dieu nous réserve une maison qui est son
ouvrage, « une demeure éternelle qui n'est pas faite de
main d'homme, dans le ciel, » c'est-à-dire ce « corps;
spirituel », I Cor., xv, 44, construit sur le modèle de
celui que Jésus a relevé pour lui-même. Joa., n, 19.
En attendant, « nous gémissons dans cette tente, dans
l'ardent désir que nous avons d'être revêtus de notre
demeure céleste, si du moins nous sommes trouvés
vêtus » de notre corps, au moment de la parousie, « et
non pas nus, » dépouillés de notre corps par la mort.
« Car tant que nous sommes dans cette tente, nous
gémissons accablés, parce que nous voulons, non pas
ôter notre vêtement, i> c'est-à-dire mourir, « mais re-
vêtir l'autre par-dessus, afin que ce qu'il y a de mortel
soit englouti par la vie. » Tel doit être en effet le sort
de ceux que l'avènement du Seigneur trouvera encore
en vie ; leur désir est que « le corps lui-même, dit
saint Augustin, Epist. cxl, 6, 16, t. xxxiii, col. 544,
soit transféré, sans passer par la mort, de l'infirmité à
l'immortalité. » Ce désir, inspiré par l'Esprit de Dieu,
sera exaucé. Mais, sachant que, tant que nous habitons
dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur, que
nous n'atteignons que par la foi et non par la vision
bienheureuse, « nous aimons mieux déloger de ce corps
et habiter auprès du Seigneur. » Les âmes dépouillées
de ce corps, et non encore revêtues du corps ressuscité,
habiteront donc près du Seigneur et jouiront de la,
1075
RÉSURRECTION DES MORTS — RËTHMA
1076
vision béatifique, même avant la résurrection, à condi-
tion d'avoir été agréables au Seigneur, soit dans la vie,
soit dans la mort, et d'avoir comparu devant le tribunal
du Christ, qui traitera chacun selon ses mérites. II Cor.,
v, 1-10.. Cf. Cornely, II Epist. ad Cor., Paris, 1892,
p. 137-154. Voir Jugement de Dieu, t. m, col. 1840.
III. .Les résurrections miraculeuses. — Plusieurs
fois, par la puissance de Dieu, des morts ont été res-
suscites, non dans les conditions qui se produiront à la
résurrection générale, mais pour reprendre leur vie
antérieure. — 1» Élie ressuscite le fils de la veuve de
Sârepta.Voir Élie, t. n, col. 1670-1671.— 2° Elisée opère
ui> miracle semblable pour le fils de la Sunamite. Voir
Elisée, t. n, col. 1692-1693. — 3" Après la mort d'Elisée,
le contact de ses ossements ressuscite un mort, lbid.,
col. 1696. — 4° Lorsque les disciples de Jean-Baptiste
vinrent trouver le Sauveur pour se rendre compte de
sa mission, celui-ci se contenta de leur faire constater
l'accomplissement de deux prophéties d'Isaïe, xxxv,5, 6;
lxi, 1, concernant le Messie. Il y ajouta cependant deux
traits que n'avait pas signalés le prophète : « Les lépreux
sont purifiés, les morts ressuscitent. » Matth., xi, 5;
Luc, vn,22. Cette dernière affirmation était justifiée par
la résurrection d'un jeune homme à Naïm, que Notre-
Seigneur avait opérée quelque temps auparavant et dont
la nouvelle avait ému Jean-Baptiste dans sa prison. Luc,
vu, 14-19. Après la mort du précurseur, les merveilles
accomplies par le Sauveur faisaient dire à plusieurs qu'il
était Élie ou l'un des prophètes revenus à la vie. Hérode,
poursuivi par ses remords, disait à ses courtisans: « Ce
Jean que j'ai décapité, c'est lui qui est ressuscité des
morts. » Matth., xiv, 1, 2; Marc, vi, 14-16; Luc, rx, 7-9.
La résurrection d'un mort en particulier était alors une
chose extraordinaire à la réalité de laquelle on n'oppo-
sait pas une incrédulité de parti pris. Cf. Hérodote, m,
62.Notre-Seigneur, dans sa parabole du mauvais riche,
fait demander par celui-ci la résurrection d'un mort, et
Abraham répond que, même si un mort ressuscitait, les
incrédules ne se rendraient pas. Luc, xvi, 27-31. — 5° La
première résurrection opérée par le Sauveur est celle
du fils de la veuve de Naïm. Voir Naïm, t. iv, col. 1471,
— 6» La seconde résurrection est celle de la fille de
Jaïre. Voir Jaïre, t. m, col. 1110. — 7° La troisième
résurrection est celle de Lazare. Voir Lazare, t. îv,
col. 139. Il y a une gradation voulue dans ces trois mi-
racles, et plus la mort semble avoir pris possession de
sa victime, moins Notre-Seigneur fait d'effort pour la
lui arracher. A la jeune fille qui vient à peine de mourir,
il prend la main et ordonne de se lever ; pour le jeune
homme déjà porté en terre, il se contente de toucher le
brancard avant de commander au mort de se lever ; pour
Lazare mis au tombeau depuis quatre jours, il formule
simplement un ordre. — 8° Après la mort du Sauveur,
« les sépulcres s'ouvrirent et beaucoup de corps de
saints qui étaient morts ressuscitèrent; puis, sortant
de leurs sépulcres après sa résurrection, ils vinrent
dans la cité sainte et apparurent à un grand nombre. »
Matth-, xxvn, 52, 53. Bien que l'Évangéliste rattache
ces résurrections à la mort même du Sauveur, on est
d'accord pour admettre qu'elles ne se produisirent pas
avant celle de Jésus-Christ, « le premier-né d'entre
les morts. » I Cor., xv, 20; Col., i, 18. Les sépulcres
purent s'ouvrir au moment du tremblement de terre,
Matth., xxvn, 51, mais les morts ressuscites n'ont pas
eu à y rester vivants une quarantaine d'heures. Ils appa-
rurent ensuite pour témoigner de la résurrection et,
par conséquent, de la divinité de Jésus. Ils n'appa-
rurent pas avec ces formes d'emprunt, comme celles
dont se servent les anges, mais avec leurs vrais corps ;
autrement l'ouverture de' leurs sépulcres n'aurait pas
eu de raison d'être. Leurs corps étaient donc dans Fétat
que décrit saint Paul, I Cor., xv, 35-44, pour les corps
ressuscites. Il s'agit ici de saints personnages, proba-
blement morts assez récemment pour être connus de
ceux auxquels ils se montrèrent. Saint Matthieu ne dit
pas ce qu'ils devinrent à la suite de ces apparitions.
Saint Augustin, Epist., CLXiv, 9, Ad Evod., t. xxxm,
col. 712, pense qu'ils retournèrent dans leurs tombeaux.
Mais beaucoup d'autres croient qu'associés à la ré-
surrection corporelle du Christ, ils l'accompagnèrent
au ciel, en corps et en âme, au jour de son ascension.
Cf. S. Ambroise, In Ps., I, 54, t. xiv, col. 951 ; Serm.
lxi, 2, t. xvii, col. 729 ; S. Jérôme, Epist . cxx, 8, 2,
t. xxn, col. 993; S. Épiphane, Hseres., lxxv, 8, t. xlii,
col. 513, etc. La croyance de l'Église est que la même
faveur a été accordée à la bienheureuse Mère du Sau-
veur. Voir t. îv, col. 801. — 9» A Joppé, saint Pierre res-
suscite une chrétienne nommée Tabitha. Voir Tabitha.
— 10° Saint Paul opère aussi une résurrection. Voir
Eutyque, t. n, col. 2057. — Le Sauveur avait promis
que ceux qui croiraient en lui feraient les œuvres qu'il
faisait lui-même et de plus grandes encore. Joa., xiv,
12. Après les Apôtres, les saints, de temps en temps,
ressuscitèrent des morts. Les résurrections racontées
dans la Sainte Écriture ne peuvent être révoquées en
doute. La mort avait eu des témoins, et, à supposer
même qu'elle n'eût été qu'apparente, elle avait été pré-
cédée d'une maladie ou d'un accident dont les effets ne
pouvaient disparaître instantanément sans intervention
divine. Or, quand il n'y a que simple guérison de ma-
ladie, les écrivains sacrés savent bien le dire; il faut les
en croire quand ils racontent qu'il y a eu résurrection.
Par conséquent, on ne doit pas entendre dans leur sens
propre les paroles de Notre-Seigneur : « La jeune fille
n'est pas morte, mais elle dort, » Matth., ix, 24, « Notre
ami Lazare dort, » Joa., xi, 11, le sommeil en question
n'étant autre que celui de la mort. Joa., xi, 13-15. De
même, si saint Paul dit du jeune Eutyque, « son âme
est en lui », Act., xx, 10, ce n'est pas que la mort fût
apparente, mais parce que, par une intervention mira-
culeuse, il venait de ramener l'âme dans le corps. On
remarquera d'ailleurs que tous ces miracles sont ra-
contés avec une grande simplicité, sans la moindre
préoccupation de faire valoir le prodige. Les auteurs
sacrés se contentent de noter brièvement l'effet produit
sur les témoins et sur les foules. Il est à croire que,
s'ils avaient cédé à l'imagination, on trouverait dans
toute la Bible plus de huit résurrections miraculeuses.
Ils ne disent rien non plus de l'état psychologique dans
lequel se sont trouvés les ressuscites pendant leur mort
transitoire, de leurs impressions en revenant à la vie,
des souvenirs qu'ils ont gardés, de ce qu'ils ont pu
raconter, etc. Toutes ces choses étaient de pure curio-
sité et n'ajoutaient rien à la signification ni à la force
probante du miracle. — Sur la résurrection spirituelle,
voir Régénération, col. 1020. H. Lesëtre.
RETHMA (hébreu : Ritmah; Septante : 'Paçapa),
une des stations des Israélites dans la presqu'ile sinaï-
tique. Num., xxxiii, 18-19. Rethmaest la première des
douze stations qui, après Haséroth, sont énumérées seu-
lement dans le catalogue de Num., xxxm, 18-31. Elle
doit sans doute son nom aux plantes qui poussaient là
en abondance, c'est-à-dire aux genêts, en hébreu rôfém.
Voir Genêt, t. m, col. 183. Le genêt abonde dans les
déserts de l'Arabie et au sud de la Palestine. Les Arabes
d'aujourd'hui dans leurs marches à travers le désert
recherchent les bosquets de genêts pour y dresser leurs
tentes, parce que ce sont les plus grandes et les plus
remarquables de toutes les plantes du désert. Cf. Tro-
chon, Géographie biblique, dans La Sainte Bible,
Paris, 1894, t. H, p. 68.
La ressemblance du nom a induit Robinson, Bibli-
cal Researches, Londres, 1856, 1. 1, p. 279, 299, à iden-
tifier Rethma avec l'ouâdi Abu Rétamât, une large
vallée parsemée d'arbustes et de genêts, qu'on rencon-
1077
RETHMA
REUSCH
1078
tre sur la route d'Aqabah à Jérusalem, près de Cadès.
Clay Trumbull, gadesch-Barnea, New- York, 1884 , p. 151 ,
regarde comme assez probable cette identification, en
faisant observer que de cette manière ftethma devient
le nom très naturel d'une station qui devrait se trou-
ver aux bords du désert. — Cependant, la seule ressem-
blance de nom n'est pas suffisante pour qu'on puisse en
conclure à l'identification de Rethma avec l'ouadi Abu
Rétamât. Cf. Gray, Numbers, dans The international
critical Commentary, Edimbourg, 1903, p. 446. En
admettant l'identification de Cadès avec Aïn-Qadis (voir
Cadès 1, t. n, col. 13), on doit admettre au moins dix-
sept stations entre Rethma et ce ternie final, Num.,
xxxm, 18-36; ce qui rend assez improbable la proximité
de Rethma et de Cadès. Il faut plutôt chercher Rethma
dans le désert de Pharan à cause de la place qu'occupe
cette station dans le catalogue des Nombres, Xxxm, 17-18,
comparé avecNum.,x,33;xm, 1. Voir Pharan, col. 188.
Dans l'hypothèse que les Israélites, pour se rendre du
DjébelMouça àAin-Qadis, prirent la route du nord-ouest
pour gagner le fort de Nakhel, on pourrait être tenté
d'identifier sur cette route Rethma avec l'ouâdi Re-
thaméh; qu'on y rencontre; mais il est situé trop prés
du Sinaï pour être la troisième station. Cf. Revue bi-
blique, 1897, p. 607. L'itinéraire du nord-est vers, le fort
de l'Akabah se recommande de préférence à celui du
nord-ouest pour diverses raisons. Cf. Lagrange, L'itiné-
raire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jour-
dain, dans la Revue biblique, 1900, p. 275. Dans cette
direction, il n'est pas nécessaire d'atteindre les rives
de la mer Rouge; on peut escalader le plateau d'et-Tih
par diflérents cols plus ou moins connus. Étant donné
qu'Haséroth, sur cette route, doit être identifié avec
Aïn Hadrah, voir Hasérotit, t. m, col. 445, il est
facile d'en conclure que si l'on ne veut pas faire des-
cendre les Israélites par l'ouadi el-Aïn au sud jus-
qu'à Aïn Noueba, sur les bords de la mer Rouge,
ce qui est peu probable, l'hypothèse de l'escalade d'et-
Tih à ce point de l'itinéraire se présente comme très
vraisemblable. Hull, Mount Seïr, p. 61, a gagné direc-
tement de là par la côte nord de Youadi el-Aïn le
. sommet A'et-Tih. La localisation de Rethma aux bords
du désert A'et-Tih, de ce côté, est donc toute naturelle.
Le genêt qui se trouve partout en grande abondance
dans les vallées de la péninsule suffit pour expliquer le
nom de Rethma. nom descriptif, donné à ce campement.
■Cf. Trochon, Géographie biblique, dans La Sainte
Bible, t. Il, p. 186. D'après Léon de Laborde, Commen-
taire géographique sur l'Exode et les Nombres, p. 120,
celte localisation de Rethma est appuyée sur trois rai-
sons : sa distance à trois journées du Sinaï, sa direction
sur la route de !a Syrie, sa position près des montagnes
qui bordent le plateau de la Syrie et en forment jusqu'à
Cadès et à l'ouâdi Arabah les limites les plus étendues.
Un lieu et une source, dit-il, nommés Ramathim par
les voyageurs, conviennent sous tous les rapporls à
cette station. On remarque d'ailleurs dans les noms une
analogie sur laquelle il n'insiste pas. Rethma n'a gardé
le souvenir d'aucun événement de l'histoire de l'exode.
De savants exégètes supposent que c'est le lieu d'où par-
tirent les espions qui devaient explorer la Terre Pro-
mise. L. de Laborde, Commentaire géographique, etc.,
p. 121; De Hummelauer, Comment, in Numeroi, Pa-
ris, 1899, p. 363, etc. Mais, même si l'on accepte la
conclusion suggérée par Num., xm, 1 ; xxxm, 18, c'est-
à-dire que Rethma doit être la première station du
désert de Pharan, cette hypothèse n'est pas admissible,
jjarce qu'elle est en contradiction avec ce qu'on lit dans
le Deutéronome, i, 19-24. A. Molini.
RÉU, fils de Phaleg, engendra son fils Sarug à l'âge
de trente ans et mourut âgé de cent trente neuf ans.
•Gen., xi, 18-21. Il est appelé Ragau dans 1 Par., i, 25,
et dans la généalogie âe 'Notre-'SeigTieOT , \a\c, \\\,%,
Réû et Ragau ne sont que des transcriptions différentes
du même nom original : Re'û. Voir Ragau 1, col. 929.
L'étymologie est inconnue.
RÉUNI BÊELTÉEM (hébreu : Rekûm Be'êl-Te'èm;
Septante : 'Peoùn BoA-tâp.), fonctionnaire perse en
Samarie. I Esd., iv, 8, 17, 23. Malgré les apparences,
Réeltéem ne fait pas partie du nom propre, mais est
le titre de Réum, qui représentait le roi de Perse en
Samarie (voir Bêeltéem, t. i, col. 1546) et écrivit au roi
Artaxerxès I er , avec le scribe Samsaï, contre les Juifs,
au nom des Samaritains, afin que le roi de Perse em-
pêchât la restauration de la ville de Jérusalem. Il
obtint ce qu'il demandait et obligea les Juifs à inter-
rompre les travaux de restauration de la ville et du
temple qu'ils avaient commencés et qu'ils ne purent
reprendre que la seconde année du règne de Darius,
roi de Perse. I Esd., iv, 8-24. Le nom de Réum est
sémitique, mais nous ignorons s'il était né en Perse
ou s'il était syrien ou samaritain.
REUSCH François Henri, exégète catholique alle-
mand, devenu vieux-catholique, né dans la petite ville
de Rrilon, en Westphalie, le 4 décembre 1825, mort
à Bonn, le 3 mars 1906. — Il fit ses études théolo-
giques à l'Université de Bonn, 1843-1846, et il les
compléta en suivant pendant quelque temps les cours des
Facultés catholiques de Tubingue et de Munich. Dans
cette dernière ville, il fut le condisciple de Dœllinger,
avec lequel il contracta une étroite amitié, qui exerça
une très fâcheuse influence sur la seconde partie de sa
vie. Ordonné prêtre en 1849, il fut d'abord vicaire à
Saint-Alban de Cologne, puis répétiteur au Convict
théologique de Bonn. En 1854, il devenait Privat-
dozent pour l'exégèse de l'Ancien Testament, à la Fa-
culté de théologie catholique de cette même ville,
où se passa toute sa carrière de professeur. En 1858,
il fut nommé professeur extraordinaire, et en 1861
professeur ordinaire, toujours pour l'exégèse de
l'Ancien Testament. Ses collègues lui conférèrent le
titre de Rector magnificus durant l'année scolaire
1873-1874, et pendant quatorze ans celui de membre
du Sénat universitaire. Dès l'année 1865, il fondait à
Bonn, avec le concours de Dœllinger et la collabora-
lion de nombreux savants catholiques d'Allemagne, la
revue Theologisches Literaturblatt, dont il fut le
directeur attitré aussi longtemps qu'elle continua de
paraître (1865-1877). Son adhésion à la révolte des vieux-
catholiques lui attira l'excommunication de la part de
l'archevêque de Cologne, Ma' Melchers (12 mars 1872).
— Les ouvrages publiés par lui au temps de son ortho-
doxie attestent de grandes connaissances et des dons
exégéliques remarquables: Erklârung des Bûches Ba-
ruch, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1853; DasBuch Tobias
ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1857;
Liber Sapientise, grxce secundum exemplar Vatica-
num, latine secundum editioneni Vulgatam, in-8°,
Fribourg-en-Brisgau, 1858; Lehrbuch der Einleitung
in das Aile Testament, in-8», Fribourg-en-Brisgau,
1859; 4 e édit., 1870; Observationes criticse in librum
Sapientise, in-4°, Fribourg-en-Brisgau, 1861 ; Bibel
und Natur, Vorlesungen ûber die mosaische Vr-
geschichte und ihr Verhâltniss zu den Ergebnissen
der Naturforschung, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1862,
4 e édit., 1876 (ouvrage excellent, qui a été traduit
dans la plupart des langues européennes ; en français
par l'abbé X. Hertel, sous le titre, La Bible et la
nature, Paris, 1867; l'auteur en a publié un extrait,
intitulé : Die biblische Schôpfungsgeschichte und ihr
Verhâltniss zu den Naturwissenschaften, in-8°, Bonn,
1877); Libellus Tobit e codiee Sinaitico editus et re-
censitus, in-4°, Bonn, 1870. Il faut mentionner aussi
1079
REUSCH — REVELATION
108»
de nombreux et importants articles d'exégèse et
de critique biblique, publiés dans la Theologische
Quartalschrift de Tubïngue, le Chilianeum de "Wurtz-
hourg et le Katholik de Mayence. — Voir Schulte,
Der Altkatholicismus, Giessen, 1887; Encyclopœdia
Britannica, 10 e édit., t. xxxii, p. 223; Friedrich,
Nekrolog auf Franz Heinrich Beusch, dans les
Sitzunsberichte der philosoph.-philolog. und der his-
torischen Classe der kœnigl. bayer. Akademie der
Wissenschaflen, Munich, 1900, p. 170-171; Altkatho-
lisches Volksblatt, 6 et 13 décembre 1895, 9 mars
1900; Allgemeine Zeitung de Munich, 9 mars 1900;
J. Major, Franz Heinrich Beusch, in-16, Cambridge,
1901; G'œtz, Franz Heinrich Beusch, eine Darstellung
seiner Lebensarbeit, in-8°, Gotha, 1901; Meyer, Grosses
Konversations-Lexicon, 6 e édit., t. xvi, Leipzig, 1907,
p. 839. L. Fillion.
REUSS Edouard, théologien protestant rationaliste,
né à Strasbourg, le 29 messidor an xn (18 juillet 1804),
mort dans cette ville, le 19 avril 1891. Il étudia la théo-
logie, en premier lieu à Strasbourg, puis à Gœttingue,
où il fut l'élève d'Eichhom (voir Eichhorn, t. n,
col. 1627); les langues orientales, soit à Halle, sous la
direction de Gesenius, soit à Paris, sous celle de Syl-
vestre de Sacy. D'abord simple répétiteur au séminaire
protestant de Strasbourg, pour les sciences bibliques
et orientales, 1828-1834, il y devint successivement pro-
fesseur extraordinaire, 1834, et professeur ordinaire^
1836. En 1838, il fut nommé professeur à la Faculté
protestante de la même ville, tout en conservant sa
chaire au séminaire. Une activité remarquable lui per-
mît de mener de front, et avec succès, ce double ensei-
gnement pendant de longues années. Comme on l'a dit,
« ses sympathies étaient plutôt allemandes que fran-
çaises, » Encyclopœdia brilannica, 9 e édit., t. xxxn>
p. 223; aussi, après l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne,
lorsque le gouvernement allemand eut rétabli l'Univer-
sité de Strasbourg sur des bases nouvelles, Reuss ac
cepta la chaire d'exégèse biblique pour l'Ancien Testa-
ment, qui lui fut aussitôt offerte, et il la garda jusqu'en
1888. — Comme on le verra par la liste de ses ouvra-
ges, ses premiers travaux furent consacrés à la critique
et à l'explication du Nouveau Testament. Il dirigea en-
suite ses études sur les livres de l'ancienne Alliance,
qui l'attiraient à cause de sa grande connaissance de
l'hébreu. Il appartenait au parti dit libéral de l'Église
luthérienne. Sa position comme critique était à peu
près celle que K. H. Graf, son disciple, et J. Wellhau-
sen ont rendue célèbre. Ses opinions sur la composition
de l'Ancien Testament peuvent se résumer dans ces
quelques mots : Les prophètes sont plus anciens que
la Loi, et les Psaumes sont plus récents que ces deux
catégories d'écrits. L'érudition philologique, la discus-
sion des variantes, la réfutation des opinions diver-
gentes tiennent peu de place dans ses commentaires;
en revanche, il s'efforce de bien mettre en relief, par
une exposition nourrie et serrée, les idées propres à
chaque écrivain sacré. Malheureusement, son point de
vue rationaliste le. fait tomber dans de fréquentes er-
reurs. — Il a écrit en français et en allemand. Ses
principaux ouvrages exégétiques sont : Dissertatio po-
lemica de libris Veteris Testamenti apocryphis per-
peram plebi negatis (par quelques sociétés bibliques),
thèse de licence, in-4°, Strasbourg, 1829; Die Ge-
schichte der heiligen Schriften Neuen Testaments,
in-8°, Halle, 1842, 6« édition en 1887; Histoire de la
Théologie chrétienne au siècle apostolique, in-8°, Stras-
bourg, 1852, 3 e édition en 1864; Histoire du Canon des
Saintes Écritures dans l'Église chrétienne, in-8»,
Strasbourg, 1863, 2« édition en 1864; Das Buch Riob,
in-8°, Strasbourg, 1869; Bibliotheca A T ovi Testamenti
grsece, cujus ediliones ab initio typograpltise impres-
sas quotquot réperiri potuerunt collegit, digessitr
illustravit E. Beuss, in-8», Brunswick, 1872 (c'est une
bibliographie assez complète du Nouveau Testament
grec) ; La Bible, traduction nouvelle avec introductions
et commentaires, 16 in-8°, Paris, 1874-1881 (cet ou-
vrage, qui comprend tout l'Ancien Testament, à part les.
parties deutérocanoniques, et le Nouveau Testament, a
été aussi publié en allemand dans sa première moitié,,
sous ce titre : DasAlte Testament ûbersetzt, eingeleitet
und erklàrt, 7 in-8°, Brunswick, 1892-1894); Die Ge~
schichte der heiligen Schriften Alten Testaments, in-8°,
Brunswick, 1881 , 2» édit., 1890; Hiob, traduction ryth-
mique (en allemand) du livre de Job, in-8°, Brunswick,
1889; Notifia Codicis quatuor Evangeliorum grœci
m embranacei, viris doctis hucusque incogniti, queîm
in museo suo asservat E. Beuss Argentoratensis, in-8°,
Cambridge, 1889. Le D r Reuss a publié aussi un nombre-
considérable d'articles dans diverses revues et encyclo-
pédies, notamment dans les Beitrâge zv den theologis-
chen Wissenschaflen in Verbindung mit der theolog.
Gesellschaft zu Strassburg herausgegeben von E. Reuss
und E. Cunitz, Iéna, 1847-1855; dans la Bévue de théo-
logie et de philosophie chrétienne, Strasbourg, 1850-
1859; dans la Nouvelle Bévue de Théologie; dans Y Aïï-
gemeine Encyclopàdie der Wissenschaften und Kûnste-
d'Ersch et Gruber ; dans la Beal-Encyklopàdie fur
protestant. Théologie und Kirche de Herzog; dans 1&
Bibel-Lexikon de Schenkel; dans l'Encyclopédie pro-
testante de Lichtenberger, etc. — Voir Théodore Gerold,
Edouard Beuss, Notice biographique, in-8°, Paris et
Strasbourg, 1892; H. J. Holtzmann, Zum hundertjâh-
rigen Geburtslag von Eduard Beuss, dans le Evan-
gelisch. protestantischer Kirchenbote fur Elsass-
Lothringen, Strasbourg, 30 juillet 1904; K. jBudde uudi
H. J. Holtzmann, Eduard Beuss' Briefwechsel mit
seinem Schùler und Freunde K. H. Graf, in -8% Gies-
sen, 1904 ; Encyclopœdia, brilannica, 10 e édition,
t. xxxii, p. 223. L. Fillion.
RÉVÉLATION (grec :àTroxâ),u<}";; Vulgate: revela-
tio), communication faite par Dieu à l'homme et por-
tant sur des vérités que l'intelligence humaine n'eût
pu connaître par elle-même. Les révélations que men-
tionne la Sainte Écriture se rapportent à trois périodes
distinctes.
I. Période patriarcale. — Des révélations sont faites
à Adam, avant et après la chute, Gen., H, 16; m, 14-19;
à Noé, pour lui annoncer le déluge, Gen., VI, 13-21;
vu, 1-4, et contracter alliance avec lui et ses descen-
dants, Gen., vin, 21, 22; ix, 1-17; à Abraham, pour lui
faire quitter la Chaldée, Gen., xn> 1-3, lui promettre la
possession de Chanaan et une postérité nombreuse,
Gen., xiii, 14-17; xv, 1-16; xvn, 1-21, lui annoncer la
destruction des villes coupables, Gen., xvm, 17-21, lui
demander le sacrifice d'Isaac et renouveler les pro-
messes, Gen., xxn, 1-18; à Isaac, pour confirmer les
promesses faites à son père, Gen., xxvi, 2-5; à Jacob,
pour répéter les mêmes promesses, Gen., xxvm, 13-15;
à Moïse, pour lui conférer sa mission, Exod., ni, 6-19,
lui faire annoncer les dix plaies d'Egypte et la déli-
vrance de son peuple. Exod., vu, 1-xiv, 26.
II. Période mosaïque. — 1° Moïse. — Le libérateur
d'Israël est choisi pour fonder la religion qui sera im-
posée au peuple de Dieu. A ce titre, il reçoit au désert,
et particulièrement au Sinaï, de nombreuses commu-
nications de Dieu. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 334;
Moïse, col. 1193-1200. — 2° Josué, les Juges, David, Sa-
lomon. —. Après - la mort de Moïse, Jéhovah parle à
Josué pour confirmer sa mission, Jos., i, 2-9, ordonner
le passage du Jourdain, Jos., m, 7-13, la circoncision
du peuple, Jos., v, 2, la prise de Jéricho, Jos., vi, 2-5,
la punition d'Achan, Jos., vu, 10-15, etc. — Sous les
Juges, des communications divines sont adressées à
i081
RÉVÉLATION
1082
Gédéon, Jud., vi. 14, 16; à la mère de Samson, Jud., xm,
3-5, et à Samuel. I Reg., ni, 7, 21;ix, 15. — Jéhovah se
révèle à David, II Reg., vu, 27; I Par., xvn, 27, et à
Salomon. III Reg., ix, 3-9; II Par., I, 7-12 ; vu, 12-22.
— 3° Les prophètes. — Dieu leur fait connaître direc-
tement ses volontés, Jéhovah parle à Élîe, III Reg.,xvil,
2,8; xvm,l; xix,9; xxi,17; IV Reg., i, 3, 15; à Isaïe,vn,
3;vm,l,5;xvi,14;xx,2;xxii, 14 ; xxxvm, 5, etc;àjéré-
mie, i,2; n,l; m, 6; vu, 1; xm, 1; xvm, 1 ; xxiv, 4, etc.;
à Ézéchiel, i, 3; m, 22; vi, 1; xn, 1, etc.; à Daniel, n,
19, 22, 28-30, 47; x, 1; à Amos, m, 7; et à tous les
autres prophètes. Cf. I Pet., I, 10-12. Soit qu'ils trans-
mettent les ordres de Dieu, soit qu'ils annoncent l'ave-
nir, surtout l'avenir messianique, ils ne peuvent le faire
qu'en vertu d'une révélation directe. — 4° Les auteurs
inspirés. Pour eux, l'inspiration comporte une révé-
lation toutes les fois que les choses qu'ils écrivent
n'ont pu être connues naturellement ou dépassent la
portée de l'intelligence humaine. Voir Inspiration, t. iii 5
■col. 903. Dieu « seul met à découvert les choses cachées
dans les ténèbres. » Job, xn, 22. « A qui le bras de
Jéhovah a-t-il été révélé? » Is., liii,1, c'est-à-dire quel
est l'homme qui peut connaître ce que fera la puissance
■de Dieu? De même, « à qui a été révélée la racine de
la sagesse? » Eccli., i, 6. Cf. Sap., IX, 16, 17.
Le Seigneur [seul] possède toute science,
Et il voit les signes du temps;
11 annonce le passé et l'avenir
Et il dévoile les traces des choses cachées. Eccli., XLH, 19.
Les secrets du passé, les événements de l'avenir et les
mystères de l'action divine, voilà, en effet, les objets des
révélations dont sont favorisés les écrivains inspirés.
III. Période évangélique. — 1" Zacharie, Marie
Joseph. — De la part de Dieu, l'ange Gabriel vient
révéler à Zacharie qu'il aura un fils destiné à être 2e
précurseur. Luc, i, 11-20. — Marie reçoit la visite du
même messager, qui lui annonce sa maternité divine.
Luc, 1,28-37. Le Saint-Esprit inspire ensuite les paroles
prophétiques que profèrent Elisabeth, Luc, I, 41-45,
Marie, Luc.,l, 46-55, Zacharie, Luc, n, 67-79, et Siméon,
-Luc, n, 27, 32. — Joseph reçoit à plusieurs reprises
les révélations nécessaires à la direction de sa conduite.
Matth., I, 20-23; n, 13, 19, 20. — 2° Jésus-Christ. — Le
Sauveur n'a pas à recevoir de révélations; c'est lui-
même qui révèle ce que le Père lui a enseigné. Voir
Jésus-Christ, t. m, col. 1489. Il remercie le Père d'avoir
révélé aux petits ce qu'il a caché aux sages et aux pru-
dents, Matth., xi, 25; Luc, x, 21, et il ajoute que
« personne ne connaît le Père, si ce n'est !e Fils, et
celui à qui le Fils a voulu le révéler^ » Matth., xi, 27;
Luc, x,22. Il félicite Pierre, qui a proclamé sa divinité,
de ce que ce ne sont ni la chair ni le sang, mais le
Père qui est dans les cieux qui la lui a révélée.
Matth., xvi, 17. Avant de mourir, il dit à ses apôtres :
« Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le ser-
viteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous
ai appelés amis, parce que tout ce que j'ai entendu de
mon Père, je vous l'ai fait connaître. » Joa., xv, 15. Il
promet enfin que le Saint-Esprit viendra compléter sa
révélation. « J'ai encore beaucoup de choses à vous
dire, mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand
le Paraclet, l'Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera
dans toute la vérité. » Joa., xvi, 12, 13. La révélation
faite par le Sauveur et gravée dans l'âme des Apôtres
par le Saint-Esprit est définitive et complète. Elle ne
porte quesur les choses nécessaires au salut de l'homme.
C'est pourquoi le Sauveur se refuse à révéler l'époque
du jugement, Matth., xxiv, 36; Marc, xm, 32; le nom-
bre des élus, Luc, xm, 23, la date de l'établissement du
royaume. Act., i, 6, etc. — 3» Saint Paul. — Converti
plusieurs années après l'Ascension du Sauveur, saint
Paul a cependant reçu directement sa doctrine, comme
Jes autres Apôtres. « Ce n'est pas d'un homme que je
l'ai appris, mais par une révélation de Jésus Christ. i>
Gai., I, 12. Quand il plut à Dieu de. révéler en lui son
Fils, saint Paul, sans consulter ni la chair ni le sang,
sans monter à Jérusalem vers ceux qui étaient apôtres
avant lui, se retira en Arabie. Gal.,l, 15-17. Il eut alors
des visions et des révélations du Seigneur. II Cor., xn,
1. C'est par suite d'une révélation qu'il monta quatorze
ans plus tard à Jérusalem pour exposer son évangile.
Gai., n, 2. Il a eu connaissance du mystère de Jésus-
Christ par révélation. Eph., m, 3; I Cor., h, 10. Pour
que l'excellence de ces révélations ne l'enorgueillit pas,
un ange de Satan a été chargé de le souffleter.
II Cor., xn, 7. — La révélation chrétienne est celle du
mystère du Christ caché depuis des siècles, Rom., xvi,
25, et révélé à la foi, Gai., m, 23, à ceux qui ont reçu
l'esprit de sagesse. Eph., i, 17. — L'Apôtre dit qu'il
serait inutile aux fidèles s'il parlait par glossolalie, au
lieu de parler « par révélation, par science, par pro-
phétie et par doctrine. » I Cor., xiv, 6, Il est probable
qu'ici la révélation est mentionnée comme cause de la
prophétie et la science comme source de la doctrine.
Cf. Cornely, In 1 ad Cor., Paris, 1890, p. 420. La révé-
lation était aussi l'un des charismes accordés aux pre-
miers fidèles. I Cor., xiv, 30. — 4° Saint Jean. —
L'apôtre bien aimé a eu, sur les destinées de l'Eglise,
de nombreuses et importantes révélations qu'il a con-
signées dans son livre de l'Apocalypse, dont le nom
signifie « révélation ».
IV. Modes de révélation. — Toute révélation vient
nécessairement de Dieu qui seul peut révéler 'ce qu'il
est seul à savoir. Mais Dieu communique sa révélation
de différentes manières. — 1° Directement. C'est ainsi
qu'il communique avec Adam et Noé, avec Abraham,
Gen., xn, 1; xm, 14; xvn, 1; xvm, 17; xxn, 1; Isaac,
Gen.. xxvi, 2; Moïse, Exod., m, 6; vu, 1; etc.; Josué,
i, 1; ni, 7; v, 2; vi, 2; vu, 10; Samuel, I Reg., m, 21;
ix, 15; David, II Reg., vu, 27; Salomon, III Reg., ix,3;
Élie, III Reg., xvn, 2; Isaïe, vu, 3;Jérémie, i, 4; Ézé-
chiel, i, 3; saint Paul. Gai., i, 12. Les auteurs sacrés ne
donnent pas d'explications sur la manière dont se sont
produites ces révélations directes. On sait seulement
que Moïse entendait la voix de Jéhovah mais ne pou-
vait voir sa face. Exod., xxxm, 18-23; xxxiv, 5-8. Sur
le chemin de Damas, saint Paul entendit et vit Jésus,
Act., îx, 4; I Cor., ix, 1 ; xv, 8, mais il ne dit rien de
la manière dont le Sauveur communiqua avec lui au
désert d'Arabie. Il y a certainement dans ces révélations
directes une action divine qui s'exerce sur l'intelli-
gence de l'homme et se fait reconnaître elle-même,
puisque ceux qui en sont favorisés ont conscience que
c'est Dieu lui-même qui leur révèle des choses inacces-
sibles à leur raison. Mais on ne peut savoir si les sens
étaient ordinairement affectés par cette révélation, ni
dans quelle mesure ils l'étaient. — 2° Par un ange. —
Un ange sert d'intermédiaire dans les révélations faites
à Abraham, Gen., xxn, 12; à Gédéon, Jud., vi, 12; à la
mère de Samson, Jud., xm, 3; à Daniel, vin, 17; x, 5 ;
à Zacharie, Luc, I, 11, à Marie, Luc, i, 28,. et à saint
Jean. Apoc, i, 1. En pareils cas, l'intermédiaire cé-
leste se fait voir et entendre; la révélation arrive à l'in-
telligence en passant par les sens et l'apparition angé-
lique en garantit l'objectivité. — 3° En songe. — Ainsi
sont informés de la pensée divine Abraham, Gen., xv;
1; Jacob, Gen., xxvm, 13, et Daniel, vil, 1. La révélation
porte alors avec elle un caractère de certitude qui ne
permet pas le doute à celui qui la reçoit. Saint Joseph
apprend en songe, la volonté de Dieu, mais c'est un ange '
qui la lui révèle. Matth., I, 20; H, 13, 19. Des songes ré-
vèlent aussi l'avenir à certains personnages, soit d'une
manière claire, comme à Abimélech, Gen., xx, 3, et aux
Mages, Matth., n, 12, soit d'une manière qui a besoin
d'être expliquée, comme aux prisonniers de Putiphar,
1083
REVELATION
RHAMNUS
1084
Gen., XL, 8-13, au pharaon d'Egypte, Gen., xli, 1-32, et
à Nabuchodonosor. Dan., n, 3-45; iv, 1-24. Voir Songe.
— 4° En vision, Daniel reçoit parfois les communica-
tions surnaturelles sous formé de visions, soit durant
la nuit, Dan., vu, 2, soit pendant le jour, Dan., vm,2;
x, 5. Dans ces visions, des anges se montrent à lui et
l'interpellent. Dan., vm, 15, 19; IX, 21, 22; x, H, 12;
xii, 4. Le prophète en subit le contre-coup dans sa
santé. Dan., vm, 27. Ce sont là des visions intellec-
tuelles, c'est-à-dire des interventions surnaturelles par
lesquelles Dieu fait passer devant l'intelligence du
prophète le tableau des événements futurs, en éclairant
ce tableau d'une lumière qui aide à le comprendre. Les
sens n'ont aucune part à cette vision; ils n'en sont
émus qu'indirectement, à cause de l'effet produit sur
l'âme elle-même par une révélation effrayante. De
même nature sont les visions de l'Apocalypse, trans-
mises à saint Jean par un ange de Dieu. Apoc, I, 1..
Saint Paul a aussi reçu des révélations sous forme de
visions. Il dit que ces visions ont consisté dans des
ravissements ou des extases, dans lesquels il s'est
trouvé transporté en paradis et y a entendu des choses
qu'il ne peut répéter. Il ne saurait dire cependant si
son corps a participé à ces ravissements. Il Cor., xn, 1-4.
Quelquefois, la révélation est considérée non plus
comme l'acte par lequel Dieu communique sa pensée à
l'homme, mais comme le résultat de cette communi-
cation. On a ainsi la révélation primitive, la révélation
mosaïque, la révélation évangéiique, ou, en général, la
révélation, pour indiquer l'ensemble des enseigne-
ments surnaturels qui constituent la religion. Voir
Religion, col. 1031 . Il arrive aussi que le mot révélation
est pris par les versions dans le sens de manifestation.
Eccli., xxii, 27; xlii, 1 ; Tob., xn, 7; Rom., n,' 5;
I Cor., i, 7; II Thess., i, 7; I Pet., i, 7, etc.
H. Lesêtre.
1. RÉVILLE Albert, théologien protestant libéral,
né à Dieppe le 4 novembre 1826, mort à Paris le 25 oc-
tobre 1906. — Il suivit les cours des Facultés de théolo-
gie de Genève, 1844-1848, et de Strasbourg. Après avoir
élé pendant quelques mois vicaire suffragant à Nimes,
il fut tour à tour pasteur à Luneray près Dieppe, 1849-
1851, et à Rotterdam, en Hollande, où il demeura pen-
dant dix-huit ans (1851-1873) à la tête de l'Église wal-
lonne. En 1862, il fut reçu docteur en théologie par
l'Université de Leyde. En 1873, il revint se fixer à
Dieppe, où il demeura jusqu'au début de 1880, sans
occuper de fonctions officielles. A partir de janvier
1880, jusqu'à sa mort, il occupa la chaire, nouvelle-
ment fondée, de l'histoire des religions au Collège de
France. En 1886, il fut nommé, en outre, président de
la section des sciences religieuses à l'École des Hautes
Études. — M. Albert Réville a beaucoup écrit sur la
théologie, l'exégèse et l'histoire des religions. Ses
principales œuvres exégétiques sont les suivantes : une
traduction française dulivre d'Olshausen sur l'Authen-
ticité du Nouveau Testament, in-8°, 1851 ; Études cri-
tiques sur l'Évangile selon saint Matthieu, in-8",
Leyde, 1862; La Vie de Jésus de M. Renan devant les
orthodoxes et devant la critique, in-8°, Paris, 1863;
L'enseignement de Jésus-Christ, in-8», Paris, 1870;
Une nouvelle vie de Jésus par le P. Didon, in-8°, Paris,
1891; Jésus de Nazareth, 2 in-8», Paris, 1896, 2= édit.,
1906; De Jesu Christo colloquium doctum, in-8°, Paris ;
1898. Son Histoire du dogme de la divinité de Jésus-
Christ, in-12, Paris, 1869, 5« édit., 1906, est également
à signaler, ainsi qu'un nombre considérable d'articles
publiés dans la Revue des deux mondes, 1863-1876,
dans la Revue de l'histoire des religions, 1884-1906,
et dans d'autres recueils, sur l'histoire d'Israël, les
livres prophétiques et les livres poétiques de l'Ancien
Testament, les Évangiles, l'Apocalypse, etc. —A. Réville
appartenait à l'extrême gauche du protestantisme libé-
ral français. Ses opinions étaient tellement avancées,
qu'il fut mis pendant quelque temps en interdit par
les consistoires de Paris et de Genève. Sa position en
fait de critique biblique était celle du rationalisme le
plus avancé ; on le voit surtout par son Jésus de
Nazareth, où il ne laisse presque rien subsister des
récits évangéliques. — Voir le Polybiblion, année 1897,
p. 199-203; P. Alphandéry, Albert Réville, dans la
Revue de l'histoire des religions, année 1906, p. 401-
423; la Revue chrétienne, année 1896, p. 416-417.
L. Fillion.
2. RÉVILLE Jean, théologien protestant libéral, fils
du précédent, né à Rotterdam, en Hollande, le 6 no-
vembre 1854, mort à Paris le 6 mai 1908. — Après
avoir fait ses études théologiques à la Faculté protes-
tante de Genève, et suivi pendant quelque temps les
cours des Universités de Berlin et de Heidelberg, il
passa sa thèse de licence en théologie à Paris, en 1880.
La même année, il devint pasteur à Sainte-Suzanne,
près de Montbéliard. En 1881, il fut nommé pasteur
suppléant au lycée Henri IV de Paris. Il prit, en 1884,
de concert avec M. Le Marinier, la direction de la
Revue de l'Histoire des religions, qu'il conserva jus-
qu'à sa mort. En 1885, il devint maître de conférences
d'histoire ecclésiastique à l'École pratique des Hautes
Études. En 1886, il conquit le grade de docteur en
théologie. Il occupa, en 1894, la chaire de patrologie
à la Faculté de théologie protestante de Paris; en
mars 1907, il succéda à son père comme professeur
d'histoire des religions au Collège de France. — Ses
écrits bibliques sont : Le Logos d'après Philon d'A lexan-
drie, in-8°, Genève, 1877; La doctrine du Logos dans
le quatrième évangile et dans les œuvres de Philon,
in-8°, Paris, 1881 ; Le quatrième Évangile, son origine
et sa valeur historique, in-8», Paris, 1900, 2» édit.,
1902 ; Le prophètisme hébreu, esquisse de son histoire
et de ses destinées, in-18, Paris, 1906. — M. Jean Ré-
ville n'était pas moins rationaliste que son père; dans
son ouvrage sur l'Évangile selon saint Jean, où il est
allégoriste à outrance, il ne craint pas de dire, 2 e édit.,
p. 300-301 : « Dans un livre de ce genre, il n'y a aucun
renseignement historique proprement dit, parce que
l'auteur n'a aucun souci de l'histoire... Les événements
qu'il raconte sont toujours présentés de manière à faire
ressortir que ce sont des symboles. » — Voir W. San-
day, The criticism of the fourth Gospel, in-8°, Oxford.,
1905, p. 2, 28, 31, 200, 256; Journal de Genève, 8 mai
1908; A.Reiyss, dans Le Protestant, journal des chré-
tiens libéraux, année 1908, p. 155-156 ; la Revue de l'his-
toire des religions, juin-juillet 1908; la Revue chré-
tienne, 1<* juin 1908, p. 521. L. Fillion.
RHAMNUS (hébreu : 'âtàd; Septante : pdifivoç;.
Vulgate : rhamnus; hébreu : Mmir; Septante :%ipaoç,
yoptoç, à'Ypwariî ûXïjv; Vulgate: vêpres, spina, spinœ),
plante épineuse.
I. Description. — Ce genre, connu aussi sous le nom
vulgaire de nerprun, est le type d'une famille compo-
sée d'arbrisseaux souvent épineux, soit que leurs
rameaux se terminent en pointe, soit que les stipules
se transforment en aiguillons de forme très caracté-
ristique. Voir Paliure, t. iv, col. 2057. Les fleurs se
distinguent aisément par leurs pétales très petits et
libres avec autant d'étamines superposées. Le fruit se-
compose de 2 à 4 noyaux ordinairement recouverts par
une pulpe peu abondante. Les nerpruns sont des arbris-
seaux très rameux, à feuilles coriaces et parfois per-
sistantes, croissant sous le couvert des bois ou sur les
flancs escarpés des montagnes. — Les espèces de Pales-
tine peuvent se ranger en deux séries, suivant qu'elles
sontinermes ou spinescentes. Dans la première figure
l'Alaterne (Rhamnus alatemus L.), bel arbuste glabre
et toujours vert, répandu sur le littoral phénicien, qui
1085
RHAMNUS — RHEGIUM
1086
se distingue de ses congénères par ses fleurs toutes
pentamères et disposées en petites grappes; et en outre
une espèce des escarpements du Liban (Rhamnus Liba-
notica Boissier), à feuilles caduques, couvertes sur les
deux faces d'un tomentumjaunâtre, et pourvues de ner-
vures très rapprochées. — La. 2 e série comprend de
nombreuses espèces, décrites aussi par Boissier, à fleurs
ordinairement tétramères et disposées en fascicules : le
Rhamnus petiolaris, à feuilles et rameaux presque tous
opposés, croit dans les forêts de montagne, où ses
graines sont récoltées pour la teinture et envoyées en
Europe sous le nom de graines de Perse; le Rhamnus
punctata (lig, 230) à feuilles coriaces, entières et révo-
lutées sur la marge, veloutées en-dessous et ordinai-
rement pourvues de glandes ponctuées-translucides ;
le Rhamnus oleoides (fig. 231), dont le feuillage persis-
tant rappelle celui de l'olivier ; enfin le Rhamnus Pa-
Isestina, voisin du précédent, dont il se distingue par
les légères crénelures de sesfeuilles. F. Hy.
II. Exégèse. — 1° Le mot 'dtâd se rencontre en deux
passages de la Bible hébraïque. Dans l'apologue de
Joatham, Jud., ix, 14-15, où les arbres veulent élire
un roi; sur le refus de l'olivier, du h'guier et de la
vigne, la royauté est offerte au 'dtâd. « Si vraiment
230. — Rhamnus punctata.
vous voulez m'établir roi, répond ce dernier, venez,
confiez-vous à mon ombrage, sinon un feu sortira de
V'dtâd et dévorera les cèdres du Liban. » Tous les in-
terprètes voient dans le 'dtdd un arbuste ou buisson
épineux, symbole d'Abimélech, proclamé roi par les
habitants de Sichem, qui ne pourra que blesser et
nuire. Semblable au buisson d'épines, facile à prendre
feu, il communiquera la flamme aux cèdres et aux
plus beaux arbres de la forêt, qui figurent les plus
riches et les plus honorables citoyens de Sichem.
Vâtdd se rencontre aussi dans une locution prover-
biale, Ps. lviii (lvii), 10, que n'ont pas bien rendue les
■ Septante et la Vulgate :
Avant que vos marmites sentent les épines Çâtâd),
Vertes ou enflammées l'ouragan les emportera.
C'est une allusion à la coutume des Bédouins de
suspendre leurs marmites sur un tas d'épines, affà*-~
chéesaux buissons environnants, auxquelles ils mettent
le feu. Qu'un coup de vent violent s'élève, il éteint le
feu et disperse les épines enflammées ou non.
De nombreux auteurs identifient cette plante épineuse
avec le lyciet. Voir t. iv, col. 443. Mais d'autres pré-
fèrent le rhamnus ou nerprun. Sans doute le terme
arabe ,=— j*=. 'aussedj, qui sert à rendre Vâtdd hé-
breu, s'applique au lyciet, mais il signifie aussi le
Rhamnus. Ibn-Ël-Beithar parlant du Rhamnos de Dios-
coride distingue trois espèces de 'aussedj dont les deux
premières sont des Lycium, mais la troisième, une
plante notablement différente, le Rhamnus. Ibn-El-
Beithar, Traité des simples, dans Notice et extraits des
manuscrits de la Bibl. nationale, t. xxv, l re partie,
1881, p. 482-483. La traduction arabede ûioscoride, eod.
loco, p. 484, dit expressément : Rhamnos c'est Vaus-
sedj. Le supplément de Dioscoride dit que pour les
Africains le Rhamnus, c'est Vâtdd. Pâfivo; - 'Açpol
Axaô'ev. Dans son commentaire sur le Traité Schebiit
du Talmud, vu, § 5, Maimonide entend également par
V'âtdd le nerprun ou le rhamnus. O. Celsius, Riero-
botanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, 1. 1, p. 201. Les Sep-
tante et la Vulgate traduisent également par pâ^voç,
rhamnus, le mot 'dtâd dans les deux endroits où il
se présente. Jud., ix, 14-15; Ps. lviii (lvii), 10.
F. Buhl, Hebr. Handwôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1895,
p. 23; Fr. Brown, Hebrew and English Lexicon, in-8°,
Oxford, 1905, p. 31, voient dans Vâtdd le nerprun ou
rhamnus, dont les espèces sont abondamment multi-
pliées en Palestine.
2°Le Sdmir, plante épineuse dont le' nom revient huit
fois dans Isaïe, v,6; vu, 23, 24, 25; ix, 17, x, 17; xxvn,
4, est plus généralement identifié avec le Paliure. Voir
t. iv, col. 2057. Cependant sous le nom de samur, les
Arabes comprennent souvent avec le Paliurus aculea-
231. — Rhamnus oleoides.
tus, d'autres rhamnées, en particulier le Rhamnus
punctata, le Rhamnus oleoides et ses variétés. Il existe,
du reste, de grandes ressemblances entre ces deux
genres et même avec le Zizyphus SpinaChristi. Toutes
ces espèces sont des rhamnées.
Le nerprun ou rhamnus était et est très abondant
en Palestine. Les buissons de cette épine se voient
fréquemment autour de Jérusalem. P. Belon, Observa-
tions de plusieurs singularités, in-4», Paris, 1588, 1. III,
c. lxxviii, p. 309. Dans ces régions les habitants se
servent de ces branches tortueuses et épineuses pour
entretenir le feu : elles donnent une large et belle
flamme. C'est parmi ces branches, sans doute entassées
dans la cour pour alimenter le feu. que les soldats
durent choisir les épines qui servirent à tresser la
couronne de Jésus-Christ. Quelques épines analysées
ont révélé le Zizyphus spina Christi ou jujubier (t. m,
col. 1861). Il est possible que d'autres parties de la cou-
ronne appartinssent à des espèces diverses de Rham-
nées. E. Levesque.
RHÉG1UM (grec : "PVjyiov), ville de l'Italie méri-
dionale (fig. 232), dans l'antique province romaine du
Brutium, Tite-Live, xxiv, 1, actuellement la Calabrer
en face de la pointe sud-est de la Sicile, Pline, H. N. r
m, 14, à l'entrée du détroit de Messine lorsqu'on y
pénètre en venant du sud. Aujourd'hui, Beggio. Le
fameux rocher de Scylla se voyait à quelque distance
au nord de Rhégium, tandis que le gouffre de Charybde
était près de Messine.
4087
RHEGIUM
RHODES
1088
1° Histoire de Rhégium. — Cette ville fut, à l'ori-
gine, une colonie qui parait avoir été fondée entre les
années 730 et 710 avant J.-C, par des Ioniens venus'de
Chalcis en Eubée, Strabon, vi, p. 257, Diodore de Sic,
xiv, 40, auxquels s'adjoignirent plus tard des Doriens
qui avaient émigré de Messène, dans le Péloponèse,
après l'issue malheureuse des deux guerres de la Sicile
avec Sparte (710 et 630 avant J.-C). Son histoire fut
d'ailleurs mêlée plusieurs fois, pour son propre
malheur, à celle de Messine. Au vi« et au V e siècle avant
notre ère, Rhégium fut une cité importante, au com-
merce très florissant, grâce à son admirable situation
maritime, qui faisait d'elle l'escale obligatoire des vais-
seaux qui allaient du sud et de l'ouest de la Méditerra-
née vers Naples et vers Rome. L'an 387 avant J.-C,
elle eut beaucoup à souffrir du tyran Denys I er de Sy-
racuse, auquel, après un siège de plusieurs mois et
une vive résistance, elle fut obligée de se rendre,
pressée parla famine. Diodore de Sicile, xiv, 107-112.
Elle se soumit à Rome un siècle plus tard (282 avant
J.-C); mais, deux ans après, la garnison campanienne
qu'elle avait introduite dans ses murs pour se défendre
232. — Quart d'as de Rhégium.
Têtes des Dioscures conjuguées à droite. — h). Mercure debout
à gauche tenant son caducée et une corne d'abondance.
PHriNQN. 90 avant J.-C.
contre Pyrrhus, se révolta et fît subir aux habitants de
terribles violences. Les soldats rebelles ne furent ré-
duits qu'en 270, avec l'aide des Romains, et exterminés
sans pitié. Rhégium devint ensuite une civitas fce.de-
rata, -c'est-à-dire une ville officiellement alliée avec
Rome et gardant toute son autonomie, voir Marquardt,
Organisation de l'empire romain, trad. franc., t. I,
p. 60-61, et elle retrouva en partie sa prospérité d'au-
trefois. Néanmoins, elle ne devint un municipium pro-
prement dit, c'est-à-dire une ville vraiment romaine,
qu'au I er siècle avant notre ère. C'est à elle que venait
aboutir la via Popilia, commencée en 132 avant J.-C,
laquelle, au moyen de la via Appia, qu'elle rejoignait
à Capoue, la mettait en communication directe avec les
principales villes de l'Italie et avec Rome. Plus tard,
elle reçut d'Auguste divers privilèges et le nom de Ju-
Uum Rhégium. Ptolémée, III, i, 9. Au moyen âge, la
ville partagea la fortune variée des empereurs byzan-
tins et des Sarrasins. La Reggio moderne était une ville
de plus de 30000 habitants et la capitale officielle de
la Calabre; mais la malheureuse cité a été détruite
par un tremblement de terre dans la nuit du 28 au
29 décembre 1908.
2» Rhégium dans le Nouveau Testament. — 11 n'est
question de Rhégium dans la Bible qu'une seule fois,
et d'une manière tout à fait occasionnelle. Le livre des
Actes, xxviii, 13, nous apprend que le navire qui por-
tait saint Paul, lors de son voyage à Rome pour com-
paraître au trihunal de l'empereur, toucha dans ce
port, en allant de Malte à Pouzzoles. Ce vaisseau était
-arrivé directement de Syracuse en longeant les côtes,
itspieiôôvTîç, parce que le vent n'avait pas été favorable,
ou mieux encore, peut-être, à cause des contre-courants
qui sont fréquents dans le détroit de Messine.
Cf. A. Trêve, Une traversée de Césarée de Palestine à
Putéoles au. temps de saint Paul, Lyon, 1887, in-8°,
p. 46. — Le récit des Actes ajoute, xxvm, 13, que le
navire passa un jour entier dans le port de Rbégium,
sans doute pour attendre le vent du sud, dont on avait
besoin pour franchir le détroit. Ce trait, et aussi le sui-
vant, d'après leque la brise fut si favorable, qu'on alla
de Rhégium à Pouzzoles en vingt-quatre heures, sont
intéressants à noter, parce qu'ils démontrent la parfaite
exactitude du narrateur. Dans l'antiquité, les vaisseaux
devaient souvent attendre longtemps à Rhégium un
vent qui leur permît de lutter contre les courants du
détroit, très violents sur certains points. C'est précisé-
ment pour ce motif que la ville avait pris comme pro-
tecteurs les Dioscures, regardés comme les patrons des
marins. — « En enlevant [il y a quelques années], à Reg-
gio, les décombres d'une maison détruite par un trem-
blement de terre, on a découvert au-dessous les ruines
d'un temple de Diane, dans l'atrium duquel saint Paul
aurait prêché, d'après la tradition, en l'an 61, lors de
son passage dans cette ville. » F. Vigouroux, Le Nou-
veau Testament et les découvertes archéologiq. mo-
dernes, 2= édit., in-12, Paris, 1896, p. 347. — Voir Kie-
pert, Alte Géographie, § 399, p. 462; W. Smith,
Dictionary of Greek and Roman geography, t. il,
p. 703-706. L. Fillion.
RHÉUM (hébreu : JRehûm, voir Rehum, col. 1024;
Septante : 'Pïoju.)> un des prêtres qui revinrent de
la captivité de Babylone avec Zorababel. IIEsd., xn, 3.
Jl paraît être le même que celui qui est nommé, Harim
(Vulgate, Haram), x, 15. Voir Harim 3, t. iv, col. 430.
RHINOCÉROS, grand mammifère herbivore, d'ex-
térieur massif et difforme, et surtout remarquable par
une corne qui se dresse à l'extrémité de son museau.
Cette corne est pleine et doit probablement sa forma-
tion à une agglutination de poils. De là le nom de
l'animal : p:vôç, « de nez », y.Épatç, « corne ». Il existe
deux espèces de rhinocéros, celui des Indes et celui
d'Afrique. Le rhinocéros indien est unicorne; il vit
solitairement dans les forêts les plas désertes, à proxi-
mitédes rivières ou des marais où il aime à se vautrer.
Le rhinocéros africain vit dans les mêmes conditions ;
mais derrière la corne principale, il en porte une se-
conde beaucoup plus courte. — Le rhinocéros n'est
nommé que dans la Vulgate. Job, xxxix, 9. Dans ce
passage, l'auteur sacré parle du re'êrn ou aurochs.
Voir Aurochs, t. i, col. 1260. Les Septante ont traduit
le mot hébreu par u.ovoxepu>{, « animal à une corne ».
Voir Licorhe, t. iv, col. 244. Saint Jérôme a cherché à
rendre le terme grec par le nom d'un animal n'ayant
qu'une corne. Mais le rhinocéros n'a jamais dû être
connu dans le voisinage de la Palestine, et d'ailleurs
l'identification du re'êm avec l'aurochs n'est plus dou-
teuse. H. Lesêtre.
RHODE (grec : 'Pô8r), « rosier » ; Vulgate : Rhode),
nom de la servante de Marie, mère de Jean-Marc, à
Jérusalem. Saint Pierre, délivré miraculeusement de la
prison où l'avait enfermé Hérode Agrippa, alla frapper
à la porte de la maison de Marie. Rhode, reconnaissant
la voix de l'apôtre, fut si joyeuse de sa délivrance,
qu'elle alla l'annoncer en courant, sans penser même à
lui ouvrir, aux personnes qui étaient rassemblées là
pour prier. Act., xn, 13-17.
RHODES (grec: Tôoo;; Vulgate : Rhodus), la plus
célèbre des lies doriques, située dans la partie sud-est
de la mer Egée, à 18 kilomètres et en face de la côte
méridionale de la Carie, à l'angle sud-ouest de l'Asie
Mineure, dont elle n'est séparée que par un détroit
(flg. 233). On croit que son nom vient du mot pôSov,
« rose », de sorte qu'il équivaudrait à Pays des roses.
1° Géographie de Vile. — L'Ile de Rhodes avait;
d'après (Pline, H. N., v, 36, une circonférence de
125 milles romains. Sa superficie est de 1460 kil.
carrés. Quoique en partie rocheuse, elle avait autre-
1089
RHODES
1090
fois un sol très fertile, admirablement cultivé, qui
produisait, outre d'immenses forêts, de nombreux
arbres fruitiers, entre autres l'oranger, le grenadier,
le figuier, et aussi la vigne, le coton, le lin, des pâtu-
rages, le blé et différentes espèces de céréales. Cf. Ho-
mère, IL, il, 653, 670; Pindare, Olymp., vu, 49. Grâce
à cette circonstance, comme aussi à ses excellents ports
et à son admirable situation, l'île jouissait d'une grande
prospérité dans les temps anciens. Son climat était
et est encore délicieux, son air très pur. C'était un
proverbe populaire, volontiers répété par les habitants
actuels, que le soleil brille, a Rhodes tous les jours de
l'année. Cf. Pline, H. N., u, 62. Elle est traversée d'une
extrémité à l'autre par une chaîne de montagnes dont
le sommet le plus élevé, haut de 1 240 mètres, portait
le nom d v Atabyrios. Sur sa cime était bâti un temple
dédié à Zeus ; mais l'île était elle-même consacrée au
dieu Hélios ou Soleil. Elle est très bien arrosée par la
rivière Candura et d'autres nombreux cours d'eau.
Avant de s'appeler Rhodes, elle avait été nommée
Ophriusa, Stadia, Trinacria, etc. Pline, H. N., v, 36;
233. — Monnaie de Rhodes.
Tête d'Hélios radiée, — i?. Victoire debout, tenant une couronne
et une palme ; bordée de grenetis.
Strabon, xvi, p. 653. Nous avons vu qu'Homère la men-
tionne déjà, IL, n, 654-655.
2° Histoire de l'île. — Rhodes paraît avoir été d'abord
dépendante de la Carie; mais les Phéniciens y fon-
dèrent de très bonne heure, vers l'an 1300 avant J.-C,
des colonies qui la firent passer entre leurs mains. On
voit encore, en plusieurs endroits, des ruines attestant
leur passage. Vers l'an 800 avant J.-C, elle tomba au
pouvoir des Grecs Doriens. En 408 avant»notre ère les
habitants des trois anciennes cités de Lindos, sur la côte
orientale, de Jalysos et de Camiros, sur la côte occiden-
tale, lesquelles formaient, avec Cos, Cnide et Halicar-
nasse, situées sur le continent, P«Hexapolis dorique»,
s'entendirent pour fonder à la pointe nord-est, une ville
nouvelle, qu'ils appelèrent Rhodes, comme l'île. Celte
ville, bâtie en amphithéâtre, ne tarda pas à devenir
l'une des plus belles et des plus brillantes de l'ancien
monde. Diodore de Sicile, xm, 75. C'est surtout après
la mort d'Alexandre le Grand, 323 avant J.-C, lorsque
ses habitants eurent expulsé la garnison macédonienne
qui l'occupait, qu'elle parvint à une prospérité commer-
ciale qui faisait d'elle la rivale d'Alexandrie et de Car-
thage. — Elle était gouvernée par une aristocratie sage
et puissante, qui, au moyen d'une excellente Hotte de
guerre, montée par les meilleurs marins du monde,
Strabon, I, 57; Cicéron, Pro lege Manilia,i8; Tite-
Live, xxxvil, 29, sut habilement maintenir la neutralité
de l'île, et par suite son indépendance, au milieu d,ésP
compétitions et des guerres intestines des successeurs
d'Alexandre lé Grand. Les Rhodiens fondèrent plusieurs
colonies non seulement en Italie, mais jusque dans les
iles Baléares et en Espagne. Leur capitale jouissait
aussi d'une très juste célébrité comme centre des arts
et des sciences ; plus tard, elle eut même une école
d'éloquence, que les Romains fréquentaient en grand
nombre : Caton, Cicéron, César et Pompée y prirent
des leçons. Aristophane était originaire de Rhodes. On
admirait, à l'entrée du port, le célèbre « colosse »,
statue gigantesque du dieu Hélios, haute de 32 mètres,
en;airain,'' qui avait coûté 300 talents. Mais le colosse
DICT. DE LA BIBLE.
fut renversé par un tremblement de terre, dès l'année
203 avant J.-C; toutefois, ses fragments mêmes exci-
tèrent l'admiration pendant de longs siècles. Strabon,
xiv, p. 652; Polybe, v, 86; Pline, H. N., xxxiv, 18;
xxxv, 12. Le colosse avait été érigé en 280 avant J.-C,
pour rappeler le souvenir du succès avec lequel les
Rhodiens avaient soutenu le siège de leur capitale par
Dëmétrius Polyorcète.
Alliés de Rome depuis le commencement du II e siècle
avant l'ère chrétienne, les Rhodiens étaient trop puis-
sants pour ne pas exciter la jalousie et s'attirer la
haine de leurs ambitieux amis. Ceux-ci leur devinrent
hostiles dés l'année 167 avant J.-C, et prirent contre
eux des mesures qui nuisirent beaucoup à leurs inté-
rêts politiques et commerciaux. Les Rhodiens furent
obligés de tout subir. Durant les guerres civiles de
Rome, 47-43 avant J.-C, ils embrassèrent le parti de
César contre les républicains ; mais ils en payèrent
durement les conséquences, car la ville de Rhodes fut
pillée sans pitié, en 43, par le général C. Cassius. Elle
se releva à grand' peine de sa ruine commerciale.
Néanmoins, l'île conserva une sorte d'indépendance
nominale jusqu'en 44 après J.-C. A cette date, elle fut
incorporée à l'empire par Claude, . Suétone, Claud.,
xxv ; Dion Cassius, lx, 24, mais seulement d'une ma-
nière transitoire; plus tard, Vespasien la rattacha dé-
finitivement à la province d'Asie proconsulaire, Sué-
tone, Vespas., VIII. Lorsque Dioclétien réorganisa
l'empire, elle devint le centre de la « province des
îles ». Nous savons par Josèphe, Ant. jud., XIV, xiv,
3; XV, vi, 6; XVI, v, 3; Bell, jud., I, xxi, 11,
qu'Hérode le Grand entretint quelques relations avec
les Rhodiens.
Conquise par les Arabes, reconquise par les empe-
reurs byzantins, l'île redevint peu à peu prospère.
Elle eut de nouveau une période très brillante au
moyen âge, lorsque les chevaliers de Saint-Jean-de-
Jérusalem, expulsés de Palestine, se furent rendus
maîtres de la ville de Rhodes, en 1310. Ils y établirent
leur résidence, la fortifièrent solidement, et en firent
le centre d'un État qui comprenait aussi quelques-unes
des petites iles voisines et plusieurs villes du conti-
nent. De là, ils luttèrent contre les Turcs avec une
vaillance que rien ne pouvait lasser. A diverses re-
prises, les musulmans attaquèrent en vain la capitale,
durant la seconde moitié du xv e siècle; finalement, ils
s'en emparèrent en 1522, sous la conduite de Soli-
man II le Magnifique, qui récompensa la bravoure des
chevaliers, en leur accordant des conditions géné-
reuses. Rhodes fut la dernière place du Levant qui sut
résister aux Sarrasins. Sous la domination tyrannique
et rapace du gouvernement turc, qui n'a pas cessé
depuis lors, la capitale et l'île de Rhodes ont perdu à
peu près tout ce qui faisait leur prospérité et leur
gloire. La ville actuelle de Rhodes ressemble beaucoup,
avec ses rues étroites et tortueuses, aux cités du moyen
âge; ce qui la caractérise surtout, ce sont ses remparts
crénelés, munis de tours et de nombreux édifices
(iig. 234), construits autrefois par les chevaliers de
Saint-Jean. Comme restes des temps anciens, on ne
voit guère que des autels païens avec inscriptions, des
bases de statues, quelques fragments d'architecture, etc.
Les monnaies de l'antique Rhodes, dont on a de nom-
breux spécimens, portaient toutes l'image du dieu
Soleil et souvent une rose au revers.
3° Rhodes dans l'Écriture. — 1. L'île de Rhodes est
mentionnée une fois dans l'Ancien Testament, I Mach.,
xv, 23, dans une longue liste d'États auxquels fut com-
muniqué par les Romains un décret que leur sénat
avait porté en faveur des Juifs. Tous les États en
question étaient autonomes et indépendants; Rhodes
ne pouvait donc pas être oubliée, car elle formait la
puissance maritime la plus considérable et la plus
V. - 35
1091
RHODES — RICHARD DE SAINT-VICTOR
1092
puissante de la Méditerranée orientale. — 2. Il est
parlé de Rhodes une fois aussi dans le Nouveau Testa-
ment, Act., xxi, 1, comme d'un port où toucha le
navire qui portait saint Paul, lorsque l'Apôtre se ren-
dait de Milet à Jérusalem, à la fin de son troisième
voyage de missions. Il venait directement de l'île de
Cos et fit ensuite route pour Patare, en Lycie. On re-
garde comme très probable, sinon comme certain, que
saint Paul s'arrêta également à Rhodes en plusieurs
autres circonstances, spécialement lorsqu'il alla par
mer d'Éphèse à Antioche, en terminant son second
voyage apostolique. Act., xvm, 21-22. En effet, le port
de Rhodes se trouvait sur la voie habituellement suivie
à cette époque par tous les bateaux qui se dirigeaient
234. — L'auberge de France dans la rue des Cbtvalieis à Rhodes.
D'après une photographie.
vers le nord ou vers l'est de la Méditerranée. Dion
Cassius, lxxvi, 8; Josèphe, Bell, jud., VII, n, 1; Zona-
ras, n, 17; E. Reclus, L'Asie antérieure, Paris, 1884,
p. 640. — 3. Les Septante mentionnent aussi les Rho-
diens en trois autres passages : — a) Gen., x, 4, où ils
traduisent par 'PoSfos, alors que l'hébreu porte Doda-
nim, Vulgate, Dodanim; — 6) I Par., i, 7* où le même
cas se renouvelle, quoique le texte hébreu flotte entre
Roddnim et Dodânîm, Vulgate, Dodanim ; — c) Ezech.,
xxvn, 15, où ils ont : « Tes marchands (ô Tyr) étaient
des fils des Rhodiens, » tandis que l'hébreu porte :
« des fils de Dédan »; Vulgate, filii Dedan. Il est pro-
bable qu'en ces trois endroits la leçon de l'hébreu
mérite la préférence. Voir R. Kittel, Biblia hebraica,
in-8», t. n, Leipzig, 1906, p. 122; Knobel, Die Vôlker-
tafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1860, p. 104-105.
Parmi les interprètes, les uns préfèrent la lepon des
Septante, et les autres, en plus grand nombre, celle
de l'hébreu. Voir Dodanim, t. u, col. 1456-1459. Il est
vraisemblable que les Septante ont fait ce changement,
parce qu'ils ne savaient plus ce qu'étaient les Doda-
nim, tandis que les Rhodiens étaient alors puissants
et célèbres; d'ailleurs, il leur paraissait naturel que
l'Ile de Rhodes, peuplée en grande partie de Grecs, eût
sa place parmi les descendants de Javan. Voir Javan,
t. in, col. 1146.
4» Bibliographie — J. Meursius, Creta, Cyprus,
Rhodus, in-4°, Amsterdam, 1675; V. Coronelli, Isola
di Rodi geographica, storica, in-8°, Venise, 1702;
J. D. Paulsen, Commentatio exhibens Rhodi descrip-
tionem macedonica xtate, Goettingue, 1818; Th. Menge,
TJeber die Vorgeschichte der Insel Rhodus, Cologne,
1827; Rottiers, Description des monuments de Rhodes,
Bruxelles, 1828; Ross, Reisen auf den griechischen
Insein, t. m, p. 70-113; du même, Reisen nach Kos,
Halikamassos, Rhodos, Stuttgart, 1840; Schubert,
Reisen in' s Morgenland, 2 e édit., t. i, Erlangen, 1840,
p. 441-480; Berg, die Insel Rhodos, 2 in-8°, Brunswick,
1860-1862; Becker, De Rhodiorum primordiis, Leipzig,
1882; Schneiderwirth, Geschichte der Insel Rhodos,
in-8", Heiiigensfadt, 1868; V. Guérin, L'île de Rhodes,
in-8°, 2» édit., Paris, 1880; Biliotti et Cotteret, L'île de
Rhodes, in-8°, Rhodes et Paris, 1881 ; C. Torr, Rhodes
in ancient Times, in-8», Cambridge, 1885, et Rhodes
in modem Tinies, in-8°, Cambridge, 1887; C. Schu-
macher, De Republica Rhodiorum commentatio, Hei-
delberg, 1886; Selivanow, Topographie de l'ancienne
Rhodes (en russe), Kasan, 1892; H. von Gelder, Ge-
schichte der alten Rhodier, in-8°, La Haye, 1900.
L. FlLLION.
RHODOCUS (grec : 'PiiSoxoç), soldat de l'armée
juive qui trahissait ses compatriotes assiégés dans
Bethsura par le roi de Syrie Antiochus Eupator. Le
traître fut découvert et jeté en prison. II Mach,, xm,21.
RIBAÏ (hébreu : Ribaï; Septante : Ti6â, 'PtSts,
très diversement écrit dans les divers manuscrits),
père d'un des gibborîm de David appelé Éthaï (t. il,
col. 2002) et Ithaï (t. m, col. 1038), de la tribu de Benja-
min et de la ville de Gabaath. II Reg., xxm, 29; I Par.,
xi, 31.
1. RICHARD DE SAINT-VICTOR, Écossais de
naissance, devenu chanoine de l'abbaye de Saint-Vic-
tor à Paris. Reçu- par le premier abbé dom Gilduin, il
fut disciple d'Hugues^dé Saint-Victor. La première date
connue de sa vie est l'année 1157, pendant laquelle
il signa, en qualité de sous-prieur, une convention
entre l'abbaye de Saint- Victor et Frédéric, seigneur de
Palaiseau. Plus tard, il fut nommé prieur et semble
être mort vers 1173,1e 10 mars, jour auquel on célèbre
son anniversaire dans le nécrologe de Saint-Victor.
Richard, au milieu des leçons qu'il professa, trouva
le moyen d'écrire bon nombre d'ouvrages. On les a di-
visés en trois classes : les écrits exégétiques, les traités
théologiques et un certain nombre de dissertations et
d'essais détachés. Nous n'avons à nous occuper ici que
des premiers. Ils sont au nombre de quatorze. Toute-
fois, ils relèvent bien plus de la morale mystique que de
l'exégèse scripturaire proprement dite. — 1° Benjamin
minor, t. cxcvi, col. 1-63. Expliquant les mots du
Ps. lxvii, 28 : Benjamin in mentis excessu, Richard
cherche à faire voir que Benjamin, le plus cher des
enfants de Rachel, fut l'ouvrage de la contemplation. —
2° Benjamin major, ibid., col. 63-191. Dans ce traité
sont expliqués les mots du Ps. cxxxi, 8 : Surge, Domine,
in requiem tuant, tu et arca sancli/icationis tuée.
C'est la sagesse qui donne la satisfaction et la perfec-
tion de la sagesse, c'est la contemplation. — 3» Comme
Appendice de Benjamin major sont données Nonnullse
allegorise tabernaculi fœderis, ibid., col. 191-202.
C'est encore une invitation à la contemplation divine
figurée par le tabernacle intérieur, auquel nous mène
la raison, tabernacle extérieur. — 4° L'opuscule De
meditandis plagis quse circu finem mundi evenient,
ihid., col. 202-211, est le commentaire d'une version
1093
RICHARD DE SAINT-VICTOR — RICHESSE
1094
du chap. xu, 1-6, de l'Ecdésiaste : Mémento creatoris
tui in diebus juventutis tuse, etc. — 5<> Dans l'Expo-
sitio difficultatum suborientium in expositione ta-
bernaculi fœderis, ibid., col. 215-255, Richard traite
d'abord de la construction du temple dont il tire un
sens tropologique. La seconde partie est un simple
commentaire littéral de la description du temple de
Salomon d'après le livre des Rois, tandis que la troi-
sième traite de la chronologie des rois de Juda et d'Is-
raël. — 6° Les Declarationes nonnullarum difficul-
tatum Scripturse, ibid., col. 255-265, et YExplica-
iio aliquorum _ pastuum difficilium Apostoli, ibid.,
col. 665-681, portent sur certains textes de saint Paul. On
a donné depuis le xti e siècle des explications plus plau-
sibles aux difficultés indiquées par Richard. — 7° Sui-
vent, col. 265-401-, les Mysticas adnolationes in Psal-
mos. Ce sont plutôt des homélies pieuses que de véri-
tables commentaires exégétiques. Le Psaume xxtii est
seul expliqué tout entier. — 8° Vin Cantica Canti-
corum explicatio, ibid., col. 405-524, semble inspirée
de saint Grégoire le Grand; elle renferme plus d'ins-
tructions morales que d'interprétations allégoriques.
-— 9' Citons pour mémoire le petit opuscule Quomodo
Christus ponitur in signum populorum, ibid., col. 523-
528. C'est plutôt un sermon. — 10» Dans Vin visionem
Ezechielis, ibid., col. 527-660, orné de plans et de
figures schématiques, Richard s'attache surtout à
l'explication littérale des animaux, des roues et des
édifices décrits dans la vision du prophète. — 11° De
Emmanuele librï duo, ibid., col. 601-661, réfutant les
objections d'un certain maître André. C'est donc un
petit traité d'exégèse polémique. — 12" L'œuvre scrip-
turaire la plus considérable de Richard de Saint-
Victor est constituée par les In Apocalypsim loannis
libri seplem, ibid., col. 683-888. C'est encore une
paraphrase mystique de chacune des visions de l'Apo-
calypse. Si nous avons exactement recensé l'œuvre
exégétique de Richard de Saint- Victor, il faut pourtant
rappeler que lj n'est point son principal mérite. Il est
bien plus théologien mystique qu'interprété de la Bible.
— Voir Histoire littéraire de la France, t. xm, p. 472-
88; Fabricius, Bibliotheca medii œvi (1746), t. vi,
p. 243-39. La plupart des autres études relatives à
Richard de Saint-Victor s'occupent surtout du mystique,
du théologien et du philosophe.
J. VAN DEN GlIEYN.
2. RICHARD SIMON. Voir Simon (Richard).
RICHE (hébreu : ddsên, mêah, 'asar, sô'a, kâbêd;
Septante : tiXo-juio;, îumv; Vulgate : dives, locuples),
celui qui possède des richesses. — 1" Riches en géné-
ral. — Le riche et le pauvre sont tous deux l'œuvre du
Seigneur, Prov., xxn, 2, qui n'a pas plus d'égards pour
le premier que pour le second. Job, xxxrv, 19. La bé-
nédiction de Dieu fait devenir riche, Prov., x, 22; la
gloire du riche, comme celle du pauvre, est la crainte
du Seigneur, Eccli., x, 25, et heureux est-il quand il
est sans tache et ne court pas après l'or. Eccli., xxxi,
8. Qui donne libéralement devient riche. Prov., xi, 24.
La prière du pauvre monte à l'oreille du riche. Eccli.,"
xxi, 5; le riche peut donner de larges aumônes. Marc.,
xu, 41; Luc, xxi, 1. Un riche devait avoir l'honneur
d'offrir une sépulture au Sauveur. Is., mt, 9, — Il ne
faut pas se tourmenter pour devenir riche, Prov., xxm,
5, ni s'enorgueillir de l'être. Jer., IX, 23. La fortune
est pour le riche comme sa forteresse. Prov., x, 15;
xviii, 11. Il a de nombreux amis, Prov., xiv, 20; il se
croit naturellement sage. Prov., xxvm, 11. 11 travaille
encore à acquérir des richesses, Eccli., xxxi, 3; mais
la satiété lui ôte le sommeil, Eccle., v, 11, et mieux
vaut le pauvre bien portant, que le. riche affligé de ma-
ladie. Eccli., xxx, 14. Le riche peut être réduit' à la
plus basse condition. Eccle., x, 6. — On a ordinaire-
ment pour le riche des attentions qui ne sont pas tou-
jours justifiées. « Le riche vient-il à chanceler, ses
amis le soutiennent... Quand le riche fait une chute,
beaucoup lui viennent en aide; il tient des discours
insensés, et on l'approuve... Le riche parle, et tout le
monde se tait, et on élève son discours jusqu'aux nues. »
Eccli., xm, 25-28. Saint Jacques, h, 2, 3, blâme ceux
qui attribuent au riche une place d'honneur à cause de
sa richesse.
2° Riches célèbres. — Parmi les personnages, bons
ou mauvais, renommés pour leur richesse, la Sainte
Écriture nomme Abraham, Gen., xin, 2; Ésaû et Jacob,
Gen., xxxvi, 7; Booz, Ruth., H, 1; Job., xxxi, 25; Da-
vid, I Par., xxix, 28; Nabal, I Reg., xxv, 2; Berzellaï,
II Reg., xix, 32; Salomon, III Reg., x, 23; II Par., îx,
22; Josaphat, II Par., xvn, 5; xvru, 1; Ézéchias,
II Par., xxxii, 27; Judith, vm, 7; Aman, Esth., T, 11;
X.erxès, Dan., xi, 2; Joakim, mari de Suzanne, Dan.,
xm, 4; Zachée, Luc. xix, 2; Joseph d'Arimathie,
Matth., xxv, 57, et, parmi les hommes illustres d'Israël,
« des riches ayant des biens en abondance. » Eccli.,
xuv, 6.
3° Mauvais riches. — Le. mauvais riche répond du-
rement, Prov., xvni, 23, domine sur le pauvre, Prov.,
xxn, 7, commet l'injustice et ensuite prend de grands
airs, Eccli., xm, 3, écrase les pauvres qui, à cause de
cela, le détestent, Eccli., xm, 23, 24; Is., v, 17, use de
fraude, Eccli., xxv, 4, opprime les malheureux. Mich.
vi, 12; Jacob, h, 6. L'apologue du riche qui s'empare
de la brebis du pauvre, II Reg., xu, 1-4, et la parabole
du mauvais riche et de Lazare, Luc, xvi, 19-22, font
ressortir le caractère injuste ou égoïste du riche qui
n'a pas la crainte de Dieu. Mieux vaut le pauvre intègre
que le riche fourbe. Prov., xxvm, 6. Il y a toujours
inconvénient à se lier avec un plus riche que- soi,
Eccli., xin, 2, et surtout à se quereller avec lui, parce
que son or lui permet d'écraser son adversaire. Eccli.,
vm, 2. — Le méchant ne s'enrichira pas définitivement,
sa fortune tombera un jour ou l'autre, Job. xv, 29; un
jour, il se couchera pour la dernière fois, Job, xxvii,
19, et n'emportera rien avec lui en mourant. Ps. xlix
(xlviii), 17; Jacob., 1,11. Souvent, à devenir plus riche,
on se perd. Prov., xxn, 16. Le riche qui pense à bâtir
pour serrer ses récoltes, va mourir la nuit même. Luc,
xu, 16-20. Que les riches ne soient donc pas impies.
I Tim., vi, 17. — Les riches sont exposés ainsi à toutes
sortes de tentations. Il leur est difficile, par consé-
quent, d'entrer dans le royaume des cieux. Matth., xix,
23, 24; Marc.; x, 25; Luc, xvm, 23-25. Vouloir devenir
riche, c'est s'exposer à succomber à ces tentations.'
I Tim., vi, 9. Malheur aux riches qui cherchent et
trouvent leur consolation ici-bas. Luc, vi, 24. Qu'ils
pleurent sur les calamités qui fondront sur eux. Jacob.,
v, 1. '
4» Riclies spirituels. — Le Seigneur lui-même est
riche envers ceux qui l'invoquent, Rom., x, 12, riche
en miséricorde. Eph., h, 4. Riche par nature, Jésus-
Christ s'est fait pauvre, afin de nous rendre riches
spirituellement. II Cor., vm, 9. — Les chrétiens sont
ainsi riches en Jésus-Christ. I Cor., i, 5. Ils doivent
l'être en bonnes œuvres, I Tim., vi, 18, en humilité,
Jacob., i, 10, en foi, Jacob., n, 5, en mérites. Apoc, h,
9. Il en est qui se croient riches et ont besoin de tout.
Apoc, ni, 17. Pour devenir riche, il faut acheter au
Sauveur de l'or éprouvé par le feu, c'est-à-dire obtenir
de lui une charité ardente. Apoc, m, 18. Au festin du
Rédempteur, les riches de la terre mangeront et se
prosterneront, devenant ainsi des riches spirituels. Ps.
xxn (xxi), 30. Les riches qui ne le feront pas seront
renvoyés les mains vides. Luc, i, 53.
H. Lesètre.
RICHESSE (hébreu : hâmôn, tôb, yegî'a, nékés,
oSér, sû'a; chaldéen : nekas: Septante : 7cXovtoî, t«
1095
RICHESSE
1096
iitipyovra, « les ressources », ti àyaôà, « les biens »;
Vulgate : divitise, opes, bona), ensemble de biens ma-
tériels possédés en grande quantité. Voir Argekt, t. I,
col, 947; Mammon, t. îv, col. 636; Or, t. îv, col. 1841;
Trésor.
1° Sources de la richesse. — Avant tout, c'est du
Seigneur que vient la richesse. I Par., xxix, 12; Eccle.,
v, 18. Les idoles seraient donc incapables de l'accorder.
Bar., vi, 34. Salomon n'avait pas demandé les richesses;
mais Dieu, satisfait de son désintéressement, les lui a
départies. III Reg., m, 11,13; II Par., i 11. 12. Les
méchants eux-mêmes ne tiennent leurs richesses que
de Dieu. Job, xxn, 18. Cependant l'homme sage ne
demande ni pauvreté, ni richesse. Prov., xxx, 8. —
La richesse n'est rien auprès de la sagesse, Sap., vu,
8; vin, 5, mais elle vient facilement à sa suite, Prov.,
m, 15, 16; vm, 18, et elle est une couronne pour le
sage. Prov., xiv, 24. Elle est aussi le résultat des ser-
vices rendus, I Reg.,xvn, 25, de la diligence, Prov.,x,
4, de l'énergie, Prov., xi, 16, de la vertu. Prov., xx, 4.
Le juste la possède dans sa maison. Ps. cxii (cxi), 3.
Mais elle ne va pas toujours à l'intelligent, Eccle., ix,
11, et le méchant même l'acquiert. Ps. lxxih (lxxh)>
2° Conséquences de la richesse. — Elle procure un
grand nombre d'amis, Prov., xix, 4; mais souvent,
celui qui aime l'argent n'est pas rassasié par l'argent,
celui qui aime les richesses n'en goûte pas le fruit;
quand tes biens se multiplient, ceux qui les mangent
deviennent aussi plus nombreux, et quel avantage en
revient-il à leurs possesseurs, sinon qu'ils les voient
<le leurs -jeuxl ï.cc\e., \, 9-10. La richesse fait parfois
oublier et mépriser les amis. Eccli., xxxvii, 6. — Là
richesse est instable; il ne faut donc pas se fier à elle.
I Tim., VI, 17. Au jour de la richesse, on fait bien de
penser à la pauvreté. Eccli., xviii, 25. Tel n'est jamais
rassasié de richesses, mais pour qui donc travaille-t-il?
Eccle., iv, 8. Peut-être n'en jouira-t-il pas, et c'est un
étranger qui profitera de ses biens. Eccle., vi, 2. Des
richesses sont conservées, pour son malheur, par celui
qui les possède; elles se perdent par quelque fâcheux
accident et rien n'en demeure aux mains de son fils.
Eccle., v, 12, 13. Qui se confie dans sa richesse, tom-
bera. Prov., xi, 28. Comme Dieu n'a aucun égard aux
richesses, Job, xxxvi, 19, au jour, de la colère, la ri-
chesse ne servira de rien. Prov., xi, 4. Si les richesses
augmentent, il ne faut pas y attacher son coeur. Ps.
lxii (t.xi), 11. — A plus forte raison en est-il ainsi
quand la richesse est alliée à l'iniquité. Qu'on se garde
de s'appuyer sur les richesses injustes. Eccli., v,10. Ces
richesses se pourrissent et se perdent. Jacob., v, 2.
Bonne renommée vaut mieux que grande richesse,
Prov., xxn, 1, et le peu du juste est préférable à toute
l'opulence des méchants. Ps. xxxvii (xxxvi), 16. Ces
derniers ont beau compter sur leurs richesses, elles
passeront à d'autres. Ps. xlix (xlviu), 7; lu (li), 9.
L'indigent dévore les richesses de l'insensé, Job, v,
5, et le méchant qui a englouti des richesses est forcé
de les vomir. Job, xx, 15. Ainsi ont été ravies succes-
sivement les richesses de Jérusalem, Is., xx, 5, de Tyr,
Ezech., xxvi, 12, et de Ninive. Nah., H, 9. L'homme
qui acquiert des richesses injustement doit les quitter
au milieu de ses jours et, à sa fin, il n'est plus qu'un
insensé. Jer., xvii, 11.
3° La richesse d'après l'Évangile. — Les bénédictions
temporelles avaient été promises autrefois aux Israé-
lites fidèles. Deut., xxvm, 1-14. Beaucoup de leurs
plus illustres personnages avaient vécn ou du moins
fini dans la richesse, Eccli., xuv, 6, tels Abraham, Da-
vid, Salomon, Josaphat, Ézéchias, Job, Judith, etc. La
richesse apparaissait donc comme une bénédiction du
Seigneur. Lorsque, dans les siècles qui précédèrent
l'Évangile, beaucoup de Juifs succombèrent à la tenta-
tion de matérialiser les espérances messianiques et
d'attendre un grand royaume terrestre, puissant et
riche, la richesse prit à leurs yeux une importance
extrême; elle devenait pour eux le signe et en même
temps le moyen de leur affranchissement et de leur
domination future. Isaïe, lx, 5, 17. La Palestine, devait
être dans le monde le centre de ce royaume de prospé-
rité. Cf. Scbiïrer, Geschichte des jûdischen Volkes im
Zeit. J. C, Leipzig, t. n, 1898, p. 538-544. Satan s'ima-
ginait que Jésus lui-même pouvait entrer dans cet ordre
d'idées, quand il lui disait, en lui montrant tous les
royaumes du monde avec leur gloire et toutes leurs
richesses : « Je vous donnerai lout cela si, tombant à
mes pieds, vous m'adorez. » Matth., rv, 9. En naissant,
en vivant, en mourant dans la pauvreté, le Sauveur
montre tout d'abord que la richesse n'est pour lui ni
un but, ni même un moyen. A ceux qui veulent le
suivre, il conseille de se défaire de tout. Matth., xix,
21; Marc, x, 21; Luc, su, 33; xiv, 33. Les envoyés
qui prêchent son Évangile ne doivent rien posséder.
Matth., x, 9; Marc, vi, 8; Luc, îx, 3; x, 4. Toutefois,
il ne condamne pas la richesse en elle-même; il fré-
quente des riches sans leur adresser le moindre re-
proche au sujet de leur richesse. S'il en condamne
quelques-uns, Luc, vi, 24, c'est à cause du mauvais
usage qu'ils en font. Le riche impitoyable ne va en en-
fer qu'à raison de son égoïsme, et Lazare est dans le
sein d'Abraham, qui a été un riche. Le premier a gardé
pour lui les biens pendant sa vie; Lazare avait les
maux, sans qu'il y eût échange entre l'un et l'autre. La
compensation, négligée sur la terre, s'impose dans,
l'autre vie. Luc, Xvi, 19-25. La richesse est légitime,
mais elle devient une richesse d'iniquité si on ne l'em-
ploie pas à se faire des amis par lesquels on puisse
être reçu dans les tabernacles éternels, Luc, xvi, 9,
c'est-à-dire si on ne la consacre pas à des œuvres de
justice et de charité dont le mérite puisse être récom-
pensé dans le ciel. Notre-Seigneur fait ressortir ce ca-
ractère dangereux des richesses quand il explique la
parabole de la semence. De même que les épines étouf-
fent la bonne semence quand elle commence à croître,
ainsi « la duperie des richesses » étouffe dans une âme
la parole de Dieu et sa grâce. Matth., xm, 22; Marc,
iv, 19; Luc, vm, 14. L'histoire des débuts du christia-
nisme confirme par l'expérience la leçon que le Sauveur
avait donnée. Partout, les pauvres vinrent les premiers
à l'Évangile. I Cor., i, 26. A Jérusalem, en particulier,
la première communauté chrétienne vivait dans la pau-
vreté, en face de la société juive, opulente et persécu-
trice, Jacob., il, 6, 7; v, 1-6, et saint Paul faisait des
quêtes pour elle parmi les gentils convertis. Gai., n,
10. Après les pauvres, les riches entrèrent à leur tour
dans l'r.glise, quand ils surent faire de leur richesse
l'usage prescrit par le Sauveur. Cet ordre avait été an-
noncé à l'avance par la prophétie. Tout d'abord, au
banquet du Messie, Ps. xxn (xxi), 27, 30,
Les affligés mangeront et se rassasieront ;
et seulement ensuite,
Les riches mangeront et se prosterneront.
4° La. richesse spirituelle. — La richesse du Christ,
ce sont tous les biens qui découlent pour nous de son
incarnation et de sa rédemption. Eph., m, 8. Il y a en
lui des richesses de bonté, Rom., H, 4, de sagesse,
Rom., xi, 33; Col., n, 2, de grâce, Eph., i, 7; n, 7, et
de gloire. Rom., ix, 23; Eph., i, .18; m, 16; Phil., rv,
19. — La vraie richesse devant Dieu, ce n'est pas le
vêtement dont on se pare, c'est la pureté incorruptible
du cœur, accompagnée de douceur et de paix. I Pet.,
m, 3, 4. La chute des Juifs a été la richesse du inonde
et leur amoindrissement la richesse des gentils. Rom.,
xi, 12. Lorsque en effet les Juifs ont refusé la foi et le
1097
RICHESSE — RICIN
1098
salut qui leur ont tout d'abord été présentés, les Àpôlres
leur ont dit : « Puisque vous la repoussez et que vous-
mêmes vous vous jugez indignes de la vie éternelle,
voici que nous nous tournons vers les gentils. » Act.,
xiii, 46. Saint Paul ajoute cependant que l'adoption de
la foi par les Juifs, loin de diminuer la richesse spiri-
tuelle des gentils, ne pourra que l'accroître. Rom., xi,
12, 15. H. Lesêtre.
RICIN (hébreu : qîqâyôn; dans les Septante : xoXo-
xi5v8ï) ; dans la Vulgate : hedera), plante au large feuil-
lage et à la croissance rapide.
I. Description. — Le Ricinus communia (fig. 235)
est un grand arbrisseau de la famille des Euphorbia-
cées, spontané dans la région tropicale et souvent cul-
tivé comme ornement dans les jardins de la zone tem-
pérée, où sa tige demeure herbacée et annuelle. Ses
larges feuilles alternes ont leur limbe découpé en lobes
palmés et dentés sur le pourtour; les stipules sont
235. — Le ricin.
connées en une seule lame embrassant la tige. Vers le
sommet une vaste inilorescence oppositifoliée porte de
nombreuses fleurs monoïques, dont les mâles, qui
occupent la base, ont 3 à 5 sépales membraneux et
valvaires entourant plusieurs faisceaux d'étamines ra-
meuses. Dans les fleurs femelles le périanthe est caduc,
en forme de spathe à déchirure latérale, avec au cen-
tre un ovaire triloculaire, surmonté de styles courts et
triades. Le fruit mûr est une capsule lisse ou plus sou-
vent hérissée de pointes, s'ouvrant en trois coques bival-
ves. Les graines solitaires sont volumineuses, ovales,
comprimées du côté interne, terminées par un appen-
dice blanchâtre ou caroncule, revêtues d'un testajra-
gile, luisant et marbré de brun. Embryon très grand, à
cotylédons larges et plats, au centre d'un albumen oléa-
gineux, dont on extrait une huile servant en médecine
ainsi qu'à divers usages industriels. F. Hy.
• II. Exégèse. — Lorsque Jonas sortit de la ville de
Ninive après sa prédication, il se retira sous une hutte
de branchages pour attendre le résultat de ses menaces.
Dieu, dit le texte biblique, Jon., iv, 6-10, fit pousser
un qîqâyôn qui, s'élevant au-dessus de l'abri de Jonas,
lui procura de l'ombrage. Pendant qu'il jouissait de
cette ombre bienfaisante, un ver piqua le qîqâyôn qui
se dessécha, si bien que le soleil darda ses rayons brû-
lants sur la tête du prophète qui défaillit. Pour expri-
mer la croissance rapide de ce qîqâyôn, H est dit au
f. 10, que, venu en une nuit, il a péri dans une autre
nuit.
Les Septante ont traduit qîqâyôn par xoXoxvvD.*,.
J. D.Michaelis, Supplément, ad Lexica hebraîca, in-8»,
Gœttingué, 1787, t. H, p. 2186, se demande si leur tra-
duction n'est pas due à une méprise entre deux noms
de son assez approchant, comme est le mot ^jj^-j
khanvafr, « ricin », avec le mot , J>, karah, « courge ».
Cependant ils pouvaient être amenés à donner la pré-
férence au Cucurbila Lagenaria par ce qu'ils sa-
vaient de cette plante et de son usage. On sait que la
courge croît très rapidement clans les pays chauds, et
qu'elle est utilisée pour couvrir les murs des maisons
et les abris de verdure, où elle s'attache comme la
vigne vierge et forme ainsi, par ses replis et ses larges
feuilles, une protection contre la chaleur. Le Cucurbita
Lagenaria leur semblait donc répondre aux conditions
du qîqâyôn, marquées dans le texte sacré. L'ancienne
Italique avait suivi les Septante. Dans les peintures
symboliques des catacombes empruntées à l'histoire de
Jonas, c'est toujours cette plante qui est représentée.
Voir t. H, col. 1081-1082. Cette opinion a encore ses
partisans comme H. B. Tristram. The natural History
of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 449; G. E. Post,
article Gourd, dans Hasting's Dictionary of the Bible,
t. i', p. 250, etc.
Saint Jérôme ne crut pas devoir conserver la traduc-
tion de l'ancienne Italique calquée sur les Septante.
« Pro cucurbita, dit-il dans son commentaire sur Jonas,
IV, 6, t. xxv, col. 1148, sive hedera, in Hébrao legimus
ciceion, qu* etiam lingua Syra et Puniça ciceia dici-
tur. » La description qu'il fait ensuite de cette plante
désigne bien le ricin. Mais ne trouvant pas de nom
latin usité pour exprimer cette plante (Pline est le seul
auteur ancien à avoir employé le mot ricinus), il pré-
féra mettre un nom connu de tous, différent de cucur-
bita, et adopta hedera, le lierre, à la suite d'Aquila,de
Symmaque et de Théodotion qui rendaient qîqâyôn par
*.laoo\. Il savait donc que cette dernière traduction ne
sejustifiaitd'aucune façon. Elle fut l'occasion de troubles
dans l'Église d'Oéa en Afrique; elle attira au savant
exégète les reproches de Rufin qu'il releva vertement.
Saint Augustin lui-même, Epist. lxxi, 5, t. xxxm,
col. 252-243, crut devoir se plaindre de cette substitu-
tion qui ne lui paraissait pas justifiée. Saint Jérôme,
Epist. exir, t. xxii, col. 931, se contenta de répondre
en accusantde mensonge les Juifs, qui avaient prétendu
à saint Augustin que le grec et le latin étaient con-
formes au texte hébreu. Cependant Niebuhr, dans sa
Description de l'Arabie, in-4», Paris, 1779, t. i, p. 209,
observe qu'à Mossoul où croissent la courge, El Kerra,
et le ricin, El Kherwa, les Juifs lui avaient assuré que
le prophète avait voulu parler de la courge. C'est en-
core cette plante qu'on emploie en Orient, comme la
vigne vierge, pour former des tonnelles ombragées.
S'il est donc des raisons en faveur de la courge, il
en est d'autres, surtout d'ordre philologique, qui mili-
tent pour le ricin. Eu Grèce, dit Hérodote, h, 94, cette
plante (xpoTcuv) croit spontanément et sans culture;
mais les Égyptiens la soignent; ils la sèment sur les
bords des rivières et des canaux et lui font produire
en grande abondance des fruits d'une odeur très forte,
qu'ils pressent ensuite et dont ils extraient une huile
bien connue qui a des propriétés médicinales, et qui
brûle avec autant d'éclat et de facilité que l'huile
d'olive. Les Égyptiens appellent la plante silicyprion
et l'huile kiki. Dioscoride, iv, 161, parlant du xpôrav,
« ricin », l'identifie aussi avec le x£xt égyptien. Les Égyp-
tiens, dit Diodore de Sicile, i, 34, pour entretenir leurs
lampes se servent de l'huile d'une plante qu'ils appel-
lent *ixi. Pline, H. N., xv, 7, et Strabon, xvn, tien-
4099
RICIN
RIPHATH
1100
lient le même langage. 11 est bien ceriain que le ricin
croissait en Egypte et y était cultivé. On a retrouvé des
graines du Ricinus communia dans plusieurs tombes :
et elles sont conservées dans plusieurs musées. On a
même prétendu découvrir dans quelques peintures
funéraires la représentation du ricin, notamment à
Tell-El-A marna, et à Thèbes dans des tombes de Abd-
El-Qunah. Cf. Lepsius, Denkmâler, t. m, pi. 63;
Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegypten, in-8",
18SC, p. 338. Mais ces représentations, plutôt, du reste,
schématiques, ne semblent guère convenir au ricin.
Il est étrange que ce nom kiki, si souvent mentionné
dans les auteurs anciens, n'ait pas été encore retrouvé
dans les lextes hiéroglyphiques. Peut-être est-ce comme
en copte où kiki désigne non la plante, mais la graine?
M. Révillout paraît avoir découvert le nom du ricin, du
moins en démotique. Ce serait /w. V i, Deqam.
L'huile du Deqam correspond au xïxtdes auteurs grecs.
Kiki serait sans doute le nom de la graine de cette
plante. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., Paris,
1892, p. 49. L'huile que les auteurs grecs appellent
xfxivov &<xiov, d'un terme emprunté à l'Egypte, est
connue dans le Talmudsous un nom de même origine,
pip jour, sémén qiq. Les Juifs s'en servaient pour les
lampes le jour du sabbat. Qiq, C'est bien le kiki copte
ou égyptien, et le qîqàyôn du texte sacré. D'autre part
cette plante, de croissance rapide, atteint dans les pays
orientaux les dimensions d'un arbre, et ses larges
feuilles sont propres à fournir de l'ombre. Aussi
Bochart, Calmet, Michaelis, Rosenmiiller, Gesenius,
Winer, etc., et la plupart des exégèles modernes tien-
nent-ils pour le ricin. E. Levesque.
RIDEAU, grande pièce d'étoffe servant à fermer une
ouverture, à enclore un espace, etc. (fig. 236). La Sainte
Ecriture mentionne quatre espèces de rideaux.
236. — Rideaux et tentures devant un temple à colonnes ioni-
ques. En avant, cinq vestales marchant en procession. Bas-
relief d'un autel de Sorrente.
1» Yerî'àh, a\ilaia, corlina, nom des dix rideaux for-
mant l'enceinte du Tabernacle. Ils étaient tissés en lin
retors, en pourpre violette et rouge et en cramoisi ; des
chérubins y étaient brodés. Chacun d'eux avait 28 cou-
dées (14™70) de longueur et 4 (2">10) de largeur. Ils
étaient assemblés cinq par cinq, et les deux pièces ainsi
formées se réunissaient au moyen d'agrafes d'or, de
manière à entourer tout l'espace formant le Tabernacle.
Exod., xxvi, 1-6; xxxvi, 8. Cf. II Reg., vil, 2. On don-
nait le même nom aux pièces d'étoffe qui servaient à
construire des tentes luxueuses. Cant., i, 5 ; Is., liv, 2;
Jer., îv, 20; xlix, 29; Hab., ni, 7. Voir Tente.
2° Mdsàk, ÈTtiaîiasTpov, tentorium, nom du rideau
qui fermait l'entrée du Tabernacle. Il était de même
étoffe que les précédents, moins les chérubins brodés.
Exod., xxvl, 36; xxxix, 38; XL, 5. Le même nom est
donné au rideau fermant l'entrée du parvis qui entou-
rait le Tabernacle. Exod., xxxv, 17; xxxix, 40; Num.,
IV, 25, 26. Quand Jonathas et Achimaas descendiren*
dans un puits pour se cacher, une femme étendit sur
l'ouverture un mâsdk, £-[v.iXu^,|jia, velamen, qui sans
doute lui servait de couverture.. II Reg., xvii, 19.
3° Pârokét, /.aTaTrÉTaffpa, vélum, le voile qui fermait
l'entrée du Saint des saints dans le Tabernacle et dans
le Temple. Il était de même étoffe que les rideaux du
Tabernacle et également orné de chérubins. Exod., xxvi,
31, 33, 35; xxvn, 21 ; xxx, 6; xxxvi, 35; xxxvm, 27 ; xl,
3, 26; Lev., rv, 6, 17; xvi, 2, 15; xxi, 23; xxiv, 3;
Num., xvni, 7. A cause de sa destination, il est quel-
quefois appelé pdrokét liam-niâsdk, expression que les
versions rendent de différentes manières. Exod., xxxv,
12; xxxix, 34; xl, 21 ; Num., iv, 5. Dans le Temple sa-
lomonien, ce rideau fut fait de byssus bleu, pourpre et
cramoisi, avec des chérubins brodés. II Par., m, 14.
Sur celui du Temple d'Hérode, voir Voile du Temple.
4° Qéla', icmov, tentorium, nom donné aux rideaux
de lin retors, supportés par des colonnes, qui formaient
l'enceinte du parvis autour du Tabernacle. Exod., xxvn,
9, 11, 14; xxxv, 17; xxxvm, 9, 12, 14-16; Num., m, 20.
Le nom de qéla' est aussi donné, ainsi que celui de
mdsdk, au rideau de la porte du parvis. Exod., xxxvm,
18; xxxix, 40; Num., iv, 26. H. Lesètre.
RIEGLER Georg, théologien catholique allemand, né
le 21 avril 1778, mort en 18i7. 11 fut ordonné prêtre en
1806 et devint professeur à Bamberg en 1821. On a de
lui, entre autres publications, DasBuch Ruthaus dem
Hebraïsclien mil Erlàulerungen, Wurzbourg, 1812;
Krilische Geschichte der Vulgata, Salzbach, 1820; Die
Klagelieder des Jeremias erlàulert, 1820, Der xrni;
Psalm erlàulert, 1823; Biblisclte Hermeneulik, 1835,
llebràische Spracldehre (avec A, Martinet), Bamberg,
1835.
RINNA (hébreu: Rinnâh, « cri d'allégresse »; Sep-
tante : 'Avoi; A lexandrinwt : Pawûv), fils de Simon,
de la tribu de Juda. I Par., iv, 20. Dans les Septante
et dans la Vulgate, Rinna parait être fils de Hanan ; en
réalité, il est frère de Béh-hànan, le premier élément
de ce nom propre ayant été traduit à tort comme nom
commun. Voir Hanan 1, t. m, col, 412-413.
RIPHATH (hébreu : Rifaf, dans la Genèse ; Dîfa(,
par erreur de scribe, dans I Par.; Septante : 'Pt?iô),
second fils de Gomer et petit-fils de Japhet, frère
d'Ascenez et de Thogorma. Gen., x, 3; I Par., i, 6. On
ne trouve son nom que dans la table ethnographique.
On a essayé d'identifier Riphath avec divers pays, en
particulier avec les 'PncaXa opr„ monts Riphéens, que
les anciens géographes placent dans les régions bo-
réales, Strabon, VII, m, 1; Ptolémée, m, 5, 15; Pline,
H. N., iv, 12, et qui formaient les limites extrêmes 4e
la terre au nord, mais ces montagnes paraissent fabu,
leuses. P. de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen,
1866, Abh. 255, a indiqué, comme rappelant le nom de
Riphath, le fleuve 'Ptj6ok; mentionné par Arrien et la
contrée nommée 'Pf|6avTiâ sur le Bosphore de Thrace.
Knobel, Die Volkertafel der Genesis, 1850, p. 43, se '
prononce pour les Karpathes qu'il croit être les monts
Riphxi des anciens et voit sans motif les Celtes et les
1101
RIPHATH
ROBOAM
1102
Gaulois dans les descendants de Riphath. La version
arabe rend Riphath par *s^i (France). D'après Jo-
sèphe, Ant. jud.,1, vi,l, Riphath fut le père des Paphla-
goniens : 'Piçà8»)î (<uxio-sv) 'PupâôaiO'JS, toù; naçXayôva-r
XsYo[iévou;, et cette opinion paraît encore la plus vrai-
semblable. Voir PAPHLA.GOMENS, t. iv, col. 2077; Fr.
Lenormant, Les origines de l'histoire, t. H, 1882, p. 395-
399; Id., Histoire ancienne de l'Orient, t. i, 1881,
p. 292-293. Voir la carte t. iv, vis-à-vis la col. 2208.
RIRE (hébreu : sel.wq, sef>oq ou sel.iôq, Septante ;
fiXai;; Vulgate : risus), phénomène particuîier à l'homme
et lui servant à exprimer la joie, la plaisanterie, la mo-
querie, etc. Le rire a différents degrés. Dans le sourire,
les yeux prennent une expression joyeuse et là bouche,
sans s'ouvrir ou en ne s'ouvrant que légèrement, se
dilate dans le sens horizontal en produisant un plisse-
ment dans les deux joues. Quand le rire est plus accen-
tué, la voix s'y mêle en faisant entendre le son inarti-
culé d'une voyelle plus ou moins sonore. A un degré
supérieur, la voix se fait entendre par éclats successifs,
suivis d'un temps de respiration proportionnée l'effort,
et le corps tout entier peut prendre part au rire par
des mouvements divers. La gravité orientale se prête
peu facilement au rire. Les Arabes « tiennent que ceux
qui rient aisément pour la moindre chose ont l'esprit
faible et mal tourné, et que cet air gracieux, riant et
enjoué n'est agréable que sur le visage des filles et des
jeunes femmes. Ils affectent tant de sagesse dans leurs
actions et dans leur contenance, que tout ce qu'il y a
au monde de plus plaisant ne saurait presque les faire
rire, quand ils sont parvenus à l'âge d'être mariés et
qu'ils ont la barbe assez longue pour ne plus paraître
de jeunes garçons, v De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 133.
Le rire est mentionné plusieurs fois dans la Sainte
Écriture et attribué à des motifs de différente nature.
— 1° La joie. Abraham appela son fus îshaq, « il rit »,
Isaac, voir t. m, col. 930, et Sara dit à son sujet : « Dieu
m'a donné de quoi rire; quiconque l'apprendra me sou-
rira. » Gen., xxi, 3-6, Qu'un sage se fâche ou qu'il rie,
l'insensé ne peut s'entendre avec lai. Prov., xxix, 9. Le
rire qui procède de la joie n'est ni durable, ni sans
mélange. « Il y a temps pour pleurer et temps pour
rire. » Eccle., m, 4.
Même dans le rire, le cçeur trouve la douleur,
Et la joie se termine par le deuil. Prov., XIV, 13.
J'ai dit au rire : Insensé !
Et à la joie : A quoi bon ce que tu donnes? Eccle., II, 2.
Aussi, « mieux vaut la tristesse que le rire, car le vi-
sage triste fait du bien au cœur. » Eccle., vu, 3. Voilà
pourquoi Notre-Seigneur condamne le rire, quand il
procède d'une joie mauvaise ; mais il le promet pour le
temps de la récompense éternelle : « Heureux vous qui
pleurez maintenant, car vous rirez... Malheur à vous
qui riez maintenant, car vous aurez le deuil et les
larmes. » Luc, vi, 21, 25. Et saint Jacques, rv, 9, dit
aux pécheurs : « Que votre rire se change en pleurs. »
— 2» La bienveillance. Au temps de sa prospérité, Job
se montrait aflable envers ses inférieurs : / ^
Si je leur souriais, ils ne pouvaient le croire,
Ils recueillaient avidement ce signe de faveur. Joh, xxix, 24.
— 3» La surprise. A l'annonce qu'il aura un fils de
Sara, Abraham tomba la face contre terre et il rit.
<5en., xvn, 17. Cf. Rom., iv, 19. — 4° L'assurance. Le
juste se rit de la dévastation et de la famine, Job, v, 22,
parce qu'il sait qu'il n'a rien de grave à en redouter.
La femme forte se rit de l'avenir, Prov., xxxi, 25, parce
qu'elle a tout prévu et préparé à l'avance. Les Chal-
>déens sont si forts qu'ils se rient des princes et de leurs
forteresses. Hab., i, 10. Daniel souriait quand Cyrus
lui parlait de tout ce que Bel mangeait et buvait, et il
se prit à rire quand il montra au roi les traces des pas
de ceux qui étaient entrés dans le temple pour enlever
les offrandes placées devant l'idole. Dan., xiv, 6, 18. —
5° L'incrédulité. Quand Sara, avancée en âge, entendit
annoncer qu'elle aurait un fils, elle se mit à rire. L'ange
lui reprocha d'avoir ri; Sara, prise de peur, dit : « Je
n'ai pas ri; » et l'ange répliqua : « Si, tu as ri. » Gen.,
xviii, 12-15. La foi vint ensuite à Sara. Heb., xi, 11. —
6" La sottise. Le sot rit sans motif et sans retenue :
Comme le pétillement des épines sous la chaudière,
Tel est le rire des insensés. Eccle., vu, 7.
Le sot quand il rit fait éclater sa voix,
Mais l'homme sensé sourit à peine tout bas, Eccli, xxi, 23.
Aussi dislingue-t-on aisément l'un de l'autre à leur
manière de rire. Eccli., xix, 27. Souvent d'ailleurs la
joie qui provoque le rire de l'insensé est celle du
péché. Eccli., xxvii, 14. — 7° La moquerie. Esther,
xiv, 11, demande que les ennemis n'aient pas à rire de
la ruine de son peuple. Les justes se riront de l'impie,
au jour de son châtiment. Ps. lu (li), 8. Job, ix, 23, se
plaint que Dieu rie des épreuves de l'innocent, en diffé-
rant de le délivrer. Dieu rira du malheur des méchants.
Prov., î, 26. Cf. Luc, vi, 25. H. Lesètre.
RITES. Voir Cérémonies, t. n, col. 437.
1. RIVIÈRE. Voir Fleuve, k t. n, col. ,2289; Tor-
rent; Palestine, Hydrographie, t. iv, col. 1988, 2000.
2. rivière D'Egypte. Voir Egypte 3, t. h, col. 1621,
RIXE. Voir Querelle, col. 907.
ROAGA (hébreu : Rôhegàh, Rohegdh, « clameur »;
Septante : 'Pooyâ; Alexandrinus : O0paovâ),le second
des quatre fils de Somer, de la tribu d'Aser. I Par.,
vu, 34.
ROBE. Voir Tunique, Vêtement.
ROBOAM (hébreu : Rehab'âm; Septante : 'PoSocuy.),
fils et successeur de Salomon (975-958 avant J.-C, selon
la chronologie ordinaire; 932-915 d'après quelques
assyriologues). — Roboam avait pour mère Naama, l'Am-
monite. IIIReg., xiv, 21. Il étaitâgéde quarante et un ans
au moment de son accession au trône. III Reg., xiv, 21;
II Par., su, 13. Sa naissance et, par conséquent, l'union
de Salomon avec Naama, remontaient donc à la der-
nière année du règne de David. Il est probable dès lors
que Roboam occupa le trône de son père par droit
d'aînesse, ce qui n'empêche pas que Salomon ait pu
consacrer ce droit par une désignation explicite. — Le
nouveau roi inaugura son règne par une faute. Il ne
pouvait totalement ignorer les menées de Jéroboam,
que Salomon avait cherché à faire mourir et qui était
allé chercher un refuge auprès de Sésac, roi d'Egypte.
III Reg., xi, 40. A l'âge qu'il avait, il devait être capable
de prendre une détermination prudente. Il en fut tout
autrement. Dès qu'il eut appris la mort de Salomon,
Jéroboam accourut et, à la tête du peuple, réclama du
nouveau roi l'allégement du joug qui pesait sur la
nation. Roboam remit sa réponse à trois jours. Entre
temps, il consulta les vieux conseillers de son père,
qui l'exhortèrent à se montrer bienveillant à l'égard de
ses sujets. Il voulut aussi entendre les courtisans, ses
contemporains, qui composaient sa compagnie ordi-
naire. Ces derniers furent d'un avis tout opposé ; ils
conseillèrent au roi la rigueur. Leur avis prévalut. —
Le troisième jour, Roboam formula sa réponse dans
les termes durement expressifs que lui avaient suggérés
ses maladroits conseillers. « Mon père, dit- il, a rendu
1103
ROBOAM
1104
votre joug pesant, je vous le rendrai plus pesant encore.
Mon père vous a châtiés avec des fouets, je vous châ-
tierai avec des scorpions. » III Reg., xii, 14. Ces paroles
brutales frappèrent des esprits déjà prêts à la révolte.
De tout temps, la tribu d'Éphraïm avait eu des préten-
tions à l'hégémonie de la nation.Voir Éphraîm (Tribu d'),
t. il, col. 1877-1878. La prise de possession de la royauté
par la tribu de Juda lui avait causé un sourd mécon-
tentement qui n'attendait qu'une occasion pour éclater.
237. — Iudhamatek. Karoak.
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, t. iv, pi. 305.
L'Éphraïmite Jéroboam épiait cette' occasion. Il savait
que la plus grande partie des tribus partageait plus ou
moins expressément les idées d'Éphraïm,et d'ailleurs
la prophétie d'Ahias l'avertissait que l'occasion atten-
due était non seulement proche, mais imminente. L'en-
semble des faits montre assez qu'il était lui-même à la
tête des mécontents et que ses mesures étaient prises
pour exercer l'autorité suprême. La réponse de Roboam
amena le dénouement fatal. La réaction contre la royauté
de Juda fut nettement formulée : & Quelle part avons-
nous avec David 1 A tes tentes, Israël ! » III Reg., xii,
16. Les actes succédèrent aux paroles. En vain Roboam
envoya-t-il Aduram pour ramener les rebelles au devoir.
Le choix du négociateur ne pouvait être plus malheu-
reux; car Aduram était préposé aux impôts et sa seule
présence devait exaspérer le peuple, en lui rappelant
l'obligation la plus lourde' et la plus odieuse qui pesait
sur lui. Aduram fut lapidé par toute l'assemblée. Puis
Jéroboam fut proclamé roi d'Israël, la seule tribu de
Juda restant fidèle au fils de Salomon, ainsi que celle
de Renjamin, qui se trouvait territorialement dans la
dépendance de la précédente.
Roboam ne crut pas au caractère définitif de la scis-
sion. Il s'imagina que, par la force, il remettrait toutes
choses en état. II rassembla donc, dans les deux tribus
qui lui restaient, une armée de 180000 combattants et
se disposa à partir en guerre contre les tribus séparées.
Mais Dieu même avait permis le schisme, en punition
des infidélités de Salomon. III Reg., xi, 31-34. En son
nom, le prophète Séméï vint signifier au prince qu'il
eût à renoncer à une lutte fratricide et Roboam dut
obéir. Le schisme fut ainsi consommé. Le nom de
Roboam parait vouloir dire « qui élargit le peuple » ;
par une singulière ironie, il se trouvait que le fils de
Salomon venait de diminuer le sien dans des propor-
tions lamentables.
Malgré ce grave avertissem ent, la conduite de Roboam
s'inspira des exemples de l'infidélité paternelle et peut-
être aussi des leçons de l'Ammonite Naama. Toutefois,
le prince commença par garder quelque réserve pen-
dant les trois premières années, pour ne pas s'aliéner
les prêtres, les lévites et les Israélites qui, du royaume
du nord, s'étaient repliés sur Juda, afin de rester fidèles
au culte de Jéhovah. Roboam avait pour épouse Maha-
lath, petite-fille de David. Il prit ensuite Abihaïl, d'après
les Septante et la Vulgate, ici préférables au texte hébreu.
Sa préférée fut Maacha, fille d'Absalom, dont il eut
Abia, auquel il assura sa succession. Il eut d'ailleurs
dix-huit femmes et soixante concubines, qui lui don-
nèrent vingt-huit fils et soixante filles. Pour éviter
toute difficulté à Abia, il dispersa tous ses fils dans les
villes fortes de Juda et de Benjamin et les y pourvut
abondamment de tout ce qu'ils pouvaient souhaiter.
II Par., xi, 13-23. Plusieurs de ces villes fortes étaient
son œuvre. En toutes, il rassembla tout ce qui était
nécessaire en vivres et en armes, et il mit ces places
en parfait état de défense. II Par.,xi, 5-12. On voit que
Roboam s'attendait à quelque attaque. Plus sage qu'au
début de son règne, il prenait ainsi d'utiles précautions
contre un danger facile à prévoir, celui d'être pris entre
deux ennemis qui s'entendaient évidemment contre lui,
le roi d'Israël et le roi d'Egypte.
Rassuré sur ce point, Roboam en prit à son aise
avec la loi de Jéhovah. Son peuple l'imita. L'impiété
s'accentua dans Juda, les hauts-lieux et les idoles se mul-
tiplièrent dans le pays, les prostituées apparurent partout
et toutes les anciennes abominations chananéennes repri-
rent faveur. III Reg., xiv, 22-24; II Par., xii, 1, 14. Ces
infidélités appelaient le châtiment. « 11 y eut toujours
des guerres entre Roboam et Jéroboam. » II Par., xii,
15. Ce trait suppose un état continuel d'hostilité, se
manifestant par des escarmouches intermittentes entre
les guerriers des deux royaumes. Mais le coup le plus
rude vint d'Egypte.
Sésac ou Schéschonq régnait alors sur les bords du Nil
Étranger à la famille du prince qui avait donné sa fille
en mariage à Salomon, voir Jéroboam, t. m, col. 1301,
il accueillit Jéroboam poursuivi par la colère du monar-
que de Jérusalem. 11 suivit ensuite attentivement les
événements qui se déroulèrent en Palestine. La cin-
quième année de Roboam, il se décida à intervenir à
main armée. Nulle part n'est indiquée la cause de cette
intervention. On croit généralement qu'elle fut provo-
quée par Jéroboam, l'ancien protégé de Sésac. Le pharaon
monta d'Egypte avec une armée nombreuse et toute une
suite de Libyens, de Sukkienset d'Éthiopiens. Il prit les
villes fortes de Juda et parut devant Jérusalem. Là terreur
fut grande dans la ville; tous, roi et sujets, s'humilie-
1105
ROBOAM — ROCHER
1106
rent sous la main du Seigneur qui pesait sur eus. Le
prophète Séméï annonça alors que le châtiment serait
passager. En effet, Sésac prit Jérusalem, qui sans doute
ne résista guère, et il s'empara des trésors du Temple,
ainsi que des cinq cents boucliers d'or que Salomon
avait fait exécuter. II Par., m, 2-9 ; III Reg., xiv, 25,
26. Le désastre n'était pas irrémédiable; mais il était
fort humiliant, surtout au lendemain d'un règne comme
celui de Salomon, et il dépouillait le royaume de grandes
richesses. Le prophète Séméï avait annoncé en outre
que le pays resterait assujetti au roi d'Egypte et appren-
drait ainsi la différence qu'il y avait entre le service
de Jéhovah et celui des princes de la terre. II Par.,
xn, 8.
Sésac a laissé un monument de sa campagne en
Palestine. Sur la muraille sud du temple d'Amon à
Karnak, il a fait graver la liste de ses conquêtes sur des
cartouches dont chacun figure une ville prise. Le vingt-
neuvième cartouche porte la mention Yud hamâlek ou
Yudah malek. Champollion y vit, mais à tort, le portrait
de Roboam. Le sens des mots est encore douteux, mais
le type représenté est bien le type juif (fîg. 1 et 2).
Voir Sésac. Cf. Champollion, Lettres écrites d'Egypte,
2 M édit., p. 99, 100; Rosellini, Monumenti Storici,
t. n, p. 79, 80; t. iv, p. 158, 159; de Rougé, Mémoire
sur l'origine égyptienne de l'alphabet phénicien, Paris,
1874, p, 53; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, 6 e édit., t, m, p. 407-427. Le monument
de Karnak nomme beaucoup d'autres localités de l'Idu-
mée, de Juda et d'Israël; il mentionne même la Phé-
nicie, ce qui suppose, non une action militaire directe,
mais le paiement plus ou moins volontaire d'un tribut
par ceux qui avaient quelque chose à craindre ou à
espérer du monarque égyptien. Quoique les égypto-
logues ne s'entendent pas sur le sens qu'on doit
donner aux mots Yud hamélek (cf. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient, t, il, p. 774), il n'en
est pas moins certain que l'inscription de Karnak con-
firme le récit biblique dé la campagne de Sésac en
Palestine.
Roboam répara comme il put les pertes qu'il avait
subies. Il remplaça les boucliers d'or par d'autres en
airain. Ses gardes les portaient quand ils l'accompa-
gnaient à la maison de Jéhovah. Par la suite, « il y eut
encore quelque chose de bon en Juda, » que le Sei-
gneur n'avait châtié qu'avec mesure. II Par., xn, 10-12;
III Reg., xiv, 27, 28. Roboam régna en tout dix-sept
ans, par conséquent douze ans rncore après l'invasion
égyptienne. Il ne parait pas qu'il soit revenu sérieuse-
ment à résipiscence. Le Chroniqueur, en effet, termine
le récit de sa vie par cette remarque : t II fit le mal,
parce qu'il n'appliqua pas son cœur à chercher Jého-
vah. » II Par., xll, 14. Victime des conditions dans les-
quelles s'était passée sa jeunesse, il eut le tort de croire
que le prestige qui avait entouré la royauté de son père
suffirait à garantir la sienne. Il ne sut pas comprendre
qu'un grave changement s'était produit dans l'état des
esprits et n'eut pas l'idée de chercher du eôté de Dieu
l'inspiration et le secours dont il avait besoin. Sur sa
mémoire pèse le souvenirdu schisme auquel son impru-
dence donna l'occasion de se produire.
H. Lesêtre.
ROCHER (hébreu : sûr, sôr, 'ébén, kêf, miSgâb,
séla'; Septante : ïrkpa ; Vulgate : petra, saxwm, rupes,
lapis), masse minérale compacte, s'élevant au-dessus du
sol à des hauteurs variées et avec des formes souvent
abruptes.
1" Au sens propre. — La Palestine est un pays accidenté
dans lequel les altitudes varient de 392 mètresau-dessous
du niveau de la mer, à la mer Morte, jusqu'à 2800 mè-
tres au-dessus, au sommet de l'Hermon. Voir la carte,
t. îv, col, 1980. Le roc affleure donc souvent dans les
accidents de terrain, y forme des ravins profonds et
escarpés et des montagnes plus ou moins dénudées.
Aussi est-il assez souvent question des rochers dans la
Sainte Écriture. Les rochers ne peuvent être changés
de place. Job, xviii,4. Les aigles y établissent leur aire,
Job, xxxix, 28, et les animaux sauvages y ont leur re-
paire. Ps. civ(ciii), 18. Les malheureux y trouvent un
abri pour habiter, Job, xxvm, 4; xxx, 6, et un refuge
contre les ennemis. I Reg., xui, 6; Jer., iv, 29. La de-
meure du Cinéen était dans le roc. Num.,xxiy, 21. Dans
la poursuite de Saùl contre David, comme dans les
guerres d'Israël contre les Philistins, l'action se passe
souvent au milieu des rochers. I Reg., xiv, 4; xxiv, 4.
Voir Caverne, t. h, col. 355. A la mort du Sauveur, les
rochers se fendirent. Matth., xxvn, 51. Voir Calvaire,
t. il, col. 82. — Le miel du rocher est celui que les
abeilles y déposent. Deut., xxxn, 13; Ps. lxxxi (lxxx),
17. L'huile du rocher est celle que produisent les oli-
viers plantés au milieu des roches. Job, xxix, 6.
2° Au sens figuré. — Par sa solidité, son évélation,
la facilité de sa défense, le rocher figure le refuge inex-
pugnable dans lequel on est sûrement hors d'atteinte,
irkpa, petra. Ps. xxvu (xxvi), 5. Jéhovah est par excel-
lence le rocher d'Israël, 'ébén, xaTtff^j<ra{ pour xoctiï-
-/Tjaac, « tu as rendu fort i>, loj.is.Gen., xlix, 24. Isaïe,
xxx, 29, appelle aussi Jéhovah le rocher d'Israël, sûr.
Très fréquemment, les auteurs sacrés invoquent Dieu
comme leur rocher, c'est-à-dire leur ferme et invin,"
sible appui. Ps ix, 10; xvm (xvu), 3; xxxi (xxx), 4
xlii (xli), 10; xlvi (xlv), 8, 12; xlviii (xlvii), 4; lix
(lviii), 10, 18; xcxiv (xcxm), 22; I Reg., n, 2; II Reg.,
xxn, 2; Is.,xvii, 10. Dans ces passages, l'hébreu em-
ploie les mots misgâb, séla' et sûr. Les Septante et, à
leur suite, la Vulgate rendent toujours cette expession
figurée par des équivalents moins imagés : xaïaçuY'n,
refugiunt,cnEçii<o\i.a,firmamentum, avTiWJTtrap, suscep-
tor, poTi6os, adjuior. Là où l'hébreu dit : « le Rocher,
son œuvre est parfaite », Deut., xxxn, 4, ils remplacent
le mot hébreu par le mot « Dieu ». « Notre Rocher n'est
pas comme leurs rochers » devient « notre Dieu n'est
pas comme leurs dieux ». Deut., xxxn, 31. « Où sont
leurs dieux, le rocher en qui ils mettaient leur con-
fiance ? » est traduit : « Où sont leurs dieux, en qui
ils avaient confiance? » Deut., xxxn, 37. En atténuant
ainsi la métaphore du « rocher», les Septante ont obéi à
leur souci constant de remplacer par des euphémismes
'es termes qui leur paraissaient inintelligibles pour des
étrangers ou capables de leur inspirer une idée fausse
de Jéhovah. Cf. Cornely, Introductio in U. T. libros,
Paris, 1885, t. i, p. 329. Or, il est certain que la repré-
sentation de Jéhovah sous la figure de rocher pouvait
avoir des inconvénients en un temps où les divinités
idolâtriques revêtaient habituellement la forme de sta-
tues de pierre ou même de stèles informes. — Au dé-
sert, Moïse avait frappé le rocher pour en faire jaillir
l'eau dont les Hébreux avaient besoin. Exod., xvu, 6;
Num., xx, 11; Ps. cxiv (cxui), 8. Saint Paul dit à ce
sujet: « Ils buvaient à un rocher spirituel qui les accom-
pagnait, et ce rocher était le Christ. » I Cor., x, 4. Les
anciens auteurs juifs prétendaient que le rocher qui
avait fourni l'eau une première fois accompagnait les
Hébreux dans leur voyage. Le miracle aurait été dû
aux mérites de Marie, sœur de Moïse. Voilà pourquoi
il fallut qu'il fût renouvelé à la mort de celle-ci. Le ro-
cher, que quelque-uns réduisent à l'état de petite pierre
que Marie pouvait porter dans son sein, franchissait
les montagnes et les vallées. A lui se rapporteraient les
paroles du cantique : « Monte, puUsl » Num., xxl,17.
Cf. Bammidbar, i, fol. 182b; lalkut Rubeni, fol. 144;
Raschi, sur Taanith, fol. 19a; Schoellgen, Horse hebr.
et thalmud. K Dresde, 1733, p. 623 ; ûrach, De l'harmo-
nie entre l'Eglise et la Synagogue, Paris, 1844, t. n,
p. 423. Tertullien, De baptismo, 9, t. i, col. 1210, a
admis la tradition juive de comité petra, du rocher qui
1107
ROCHER — ROGEL (FONTAINE DE)
1108
accompagne. Plusieurs commentateurs, au lieu de sup-
poser une translation du rocher, ont cru que l'eau qui
en était issue formait une rivière qui suivait les Hébreux
partout, ou même que ceux-ci se contentaient d'emporter
avec eux de cette eau pour l'utiliser dans les lieux arides-
Cf. Cornely, 1 Epist ad Cor., Paris, 1890, p. 275-277.
Saint Paul n'authentique pas ici la tradition juive,
comme on l'a cru. Cf. Drach, Épîtres de saint Paul,
Paris, 1871, p. 179. Il se réfère à la comparaison
biblique qui appelle si souvent Jéhovah un « rocher ».
Il neparle que d'un rocher spirituel, procurant un breu-
vage spirituel. Il appelle de même la manne un aliment
spirituel, I Cor., x, 4, c'est-à-dire ] un aliment fourni
directement par Dieu. Le même Dieu, le « rocherspiri-
tuel», qui était déjà le Christ, a ménagé partout aux Hé-
breux le moyen de trouver de l'eau, et deux fois l'a pro-
curée par un miracle, quand la nature n'en fournissait
pas. D'ailleurs les textes du Pentateuque notent for-
mellement que ce qui accompagnait les Hébreux, c'était
Jéhovah lui-même. « Je me tiendrai devant toi sur le
rocher qui est en Horeb. » Et Moïse appela ce lieu
Maassa/t et Meribah, parce que les Hébreux avaient tenté
Dieu en disant : « Jéhovah est-il au milieu de nous, ou
non? » Exod., xvu, 6, 7. La seconde fois, au désert de
Sin, Dieu dit à Moïse et Aaron : « Vous parlerez au
rocher. » Num., xx, 8. La parole ne s'adressait évi-
demment pas au rocher matériel, mais à celui qui se
tenait au-dessus, à Jéhovah. Le rocher qui suivait les
Hébreux n'était donc autre que Jéhovah, par conséquent
son Christ et son Esprit, qui accompagnaient le peuple
élu afin de pourvoir à tous ses besoins corporels et spi-
rituels. A ce titre, saint Paul peut dire que « ces choses
ont été des figures » de ce qui se passe pour le peuple
nouveau, I Cor., x, 6, puisque le Christ qui prit soin
des anciens Hébreux est aussi Je Dieu des chrétiens.
ROGEL (FONTAINE DE) (hébreu : 'Ên-RôgU.
Septante : lïrjTi Piayi\>.; Vaticanus : III Reg., i, 9 :
PwyiîX; Vulgale : fons Rogel), source voisine de Jéru-
salem. Les anciens ont toujours traduit ce nom « la
fontaine du Foulon ».
I. Identification.— 1° Opinion ancienne. — Depuis
longtemps, le puits-source connu sous le nom de Bir
'Ayûb, «le puits de Job » (flg. 238) était communément
tenu pour l'antique « fontaine de Rogel ». Rbbinson
en 1841, Williams, Schulz, Kraft en 1845 et 1846, Tobler
en 1853, Thrupp en 1855, Lewin et Sepp en 1863, de
Vogué en 1865 et plusieurs autres le reconnaissaient
encore comme tel. Ce sentiment pouvait se réclamer
de trois principaux arguments, fondés sur le nom par-
ticulier de la fontaine, la description de la limite de
Juda et Benjamin, de Josué, et la tradition locale.
— 1. On connaît deux sources, dans les vallées au sud
de Jérusalem et du Temple : Bir 'Ayûb et la fontaine
appelée aujourd'hui 'Aïn Ummel-Deradj, « la fontaine
des Degrés » et par les Européens, la fontaine de la
Vierge, située à 650 mètres au sud de la première.
Celle-ci est toujours appelée dans les écritures et dans
les récits de Josèphe « la fontaine de Siloé ». Son canal
et son issue en sont désignés sous le même nom ou
sous celui de Gihon. Nulle part on ne trouve que c'est
la même fontaine qui est nommée, dans les livres an-
ciens « la fontaine de Rogel ». Il faut donc reconnaî-
tre que celle-ci est une source différente. — 2. Deux
fois Josué nomme « la fontaine de Rogel » : « La limite
[de Juda] passe aux eaux de 'En-SéméS et arrive à 'Ën-
Rôgêl; et [de là], la frontière monte la vallée de Ben-
Rinnom, au côté du Jébuséen, au midi, c'est-à-dire de
Jérusalem, » xv, 7-8. Reprenant le même tracé en re-
venant de l'ouest, xvtii, 16-18 : « La frontière [de Ben-
jamin]... descend, dit-il, Gè-Hinnom, au côté du Jébu-
séen, au midi, et arrive à 'Ên-Rôgêl; et elle tourne,
■MttN, au nord et parvient à 'Ên-SémeS. » Bîr 'Ayûb
se trouve précisément au sommet du coude que doit
décrire la frontière en arrivant à l'extrémité de Vouâd'
er-Rebâby, l'ancienne Gê-Hinnom, pour remonter la
vallée du Cédron et aller prendre 800 mètres plus haut,
250 au-dessus de la « fontaine des Degrés », en fléchis-
sant vers l'est, le col au sud du mont des Oliviers par
où elle descendra à 'Aïn el-Blaûd ÇÊn-Sémés'). —
3« L'ancienne version arabe éditée par Walton, où
souvent les noms bibliques sont remplacés parles noms
arabes qui les ont supplantés, au lieu de 'Ên-Rôgêl
porte Jos., xv, 7 : 'Aïn 'Ayûb. — Le plan de Jérusalem
de Marin Sanut, publié dans les Gesla Dei per Francos,
de Bongars, et celui de 1308, donné par M. de Vogué,
dans les Églises de la Terre Sainte, Paris, 1868, par la
place assignée à la * fontaine de Rogel, » désignent in-
dubitablement Bîr 'Ayûb. Voir t. îv, fig. 473 et 474,
col. 1783 et 1784; la description anonyme du xn e siècle
reproduite en appendice par M. de Vogué, Ion. cit.,
p. 247; Fretellus, t. clv, col. 1048; Jean de Wurzbourg,
ibid., col. 1072; Burchard, édit. Laurent, Leipzig, 1863)
p. 69-70, etc. ; Antonin de Plaisance, vers 670, ltinera-
ro'tttn, 32, t. lxxii, col. 910. Eusèbe parle de « la piscine
de Foulon », certainement voisine de la fontaine, si,
elle n'est elle-même la fontaine, au mot ©açs6. Ono-
masiicon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 216.
Josèphe mentionne, Ant. jud., IX, x, 4, r t xœXoujiivii
'Epu>Yrj, près de laquelle, à l'occident, est une mon-
tagne, située elle-même devant la ville, 7tpô ttj; tiô/.êm;,
et à l'ouest du jardin du roi. Érogé est évidemment
Enrogel, « la fontaine du jardin du roi », près de
laquelle Adonias offrit un banquet à ses partisans.
Ibid. VII, xrv, 4. Tel est le sentiment général des
anciens.
2° Opinion moderne. — Les archéologues modernes
préfèrent au Bir 'Ayûb la fontaine dite Umm ed-
Deradj « là fontaine des Degrés » ou de la Vierge.
— M. Clermont-Ganneau ayant entendu, en 1870, un
fellah de l'endroit désigner du nom de Zûheiléh le
quartier rocheux qui est au nord du village de Silôân
et directement en face, à l'est, de « la fontaine des
Degrés », en conclut que celle-ci est l'En-Rogel des
anciens. La plupart des savants paraissent aujourd'hui
favorables à celte identification nouvelle et la défendent
par les arguments suivants : — 1. La fontaine de Ro-
gel, selon I (III) Reg., i, 9, était « à côté de la pierre
de Zohéleth. » Or, Zûheiléh est évidemment la Zohé-
leth biblique : la fontaine de Rogel qui était à côté ne
peut donc être que 'Aïn Umm ed-Deradj , située de
l'autre côté de la vallée et en face de Zûheiléh, à
moins de cent mètres de distance. Clermont-Ganneau,
dans Pal. Expl. Fund, Quarterly Stalement, 1870,
p. 252-253; The Survey of Western Palestine, Jérusa-
lem, p. 293-294. Cet argument est le principal. — 2. Le
Bir 'Ayûb n'est pas une « fontaine », en, 'aïn; c'est
un « puits », bîr. Ce n'est point de lui dont il peu^
être question. Fr. Liévin de Hamme, Guide indicateur
de la Terre Sainte, 3 e édit., Jérusalem, 1887, p. 382.
P. Barnabe Meistermannn, La ville de David, p. 114,
118; Nouveau Guide, p. 173. — 3. Il n'y avait à Jéru-
salem qu'nne seule fontaine permanente, c'est ce
qu'atteste Tacite, Hist., v, 12. Or, la seule fontaine
désignée comme telle par toute l'antiquité c'est la fon-
taine de Siloé ou de la Vierge. C'est donc bien elle
aussi qui est la fontaine de Rogel. — 4. Lors d'une
grande sécheresse qui dura cinq ans (513-518), le pa-
triarche Jean (III), raconte Cyrille de Scythopolis, fit
creuser dans le torrent de Siloé, près de la colonne
Saint-Côme, sur le chemin de la grande Laure ou
de Saint-Sabas, un puits profond de 40 toises. Vila
S. Sabœ, édit. Cotelier, Paris, 1686, p. 334. Ces indi-
cations conviennent fort bien au Bîr 'Ayûb, et comme
il n'est jamais question d'un puits dans ces parages
avant le vi e siècle, il n'est pas permis de soutenir que
1109
ROGEL (FONTAINE DE)
1110
le « puits de Job » est la fontaine Rogel. Ainsi, il reste
seulement la fontaine de la Vierge. P. Meistermann,
La Ville de David, p. 115; Id., Nouveau guide, p. 173.
— 5. Un grand nombre d'anciens ont reconnu Rogel
dans la fontaine de la Vierge ou Siloé. Quaresmius,
Elucidatio Terrée Sanctm, III, vm, c. 28, édit. Venise,
1881, t. il, p. 222-224. Le Talmud, Yebamoth, 496,
l'auteur de la « Vie des Prophètes », y, t. XLiir, col. 397
et une multitude de pèlerins donnent pour un seul
lieu et une seule fontaine Siloé et Rogel. Itinéraire
français des XI e et xni" siècles, édit. Michelant et
Raynaud, Genève, 1882, p. 96, 168, 184, 231, etc. —
Cf. Meistermann, La Ville de David, p. 111-122; Wil-
son et Warren, The Recovery of Jérusalem, Londres,
« puits » d'Agar, be'êr la-tlai roi, Gen., xvi, 14, est
appelé, f. 7, 'en ham-mairn. Le traducteur arabe cité
rend indifféremment 'en qui précède Rogel tantôt par
'aîn, tantôt par bir. Cf. Fontaine, t, n, col. 2303 et
Puits, col. 868.
3. Tacite ne dit pas qu'à Jérusalem était une seule
fontaine /mais, décrivant les avantages de la montagne
du Temple pour la défense, relève qu'elle avait « une
source intarissable », fons perennis aquse. Ce mot est
sans préjudice des sources qui sont au dehors, signa»
lées ailleurs, par exemple II Par., xxxili, 3-4.
4. Plusieurs fois, on n'en peut douter, le Bîr 'Ayûb,
soit fortuitement, soit par mesure stratégique, dut dis-
paraître et être découvert de nouveau. Au temps
238. — Le Bir Ayub au moment du débordement. Le puits est à gauche. D'après une photographie de M. L. Heidet.
1872, p. 305; Armstrong, Names and Places in the
Old Testament, Londres, 1887, p. 57; Conder, The
Stone of Zoheleth, dans P. E. F. Quarterly State-
ment, 1889, p. 90.
Les raisons exposées en faveur de 'aîn Vmm ed~
Derajd, n'ont pas paru péremptoires à tous et un
nombre respectable de critiques et d'archéologues con-
tinuent à défendre l'ancien sentiment, en faisant re-
marquer la faiblesse de ces raisons. — 1. Si le nom de
Zoheleth, disent-ils, a été porté par la partie rocheuse
de la montagne qui s'étend au nord du village actuel
de Siloân, on ne comprend pas que cette appellation
ait été bornée à cet endroit et n'ait pas été donnée à
toute la masse rocheuse jusqu'au Bîr 'Ayûb où elle
s'étend et même au delà. C'est le nom du village, il y a
tout lieu de le croire, qui fait reculer le nom de
Zùheiléh à mesure que les habitations s'étendent da-
vantage vers le nord. Voir Zoheleth. — 2. Chez les
Hébreux, comme chez les Arabes et généralement tous
les autres Sémites, un puits au fond duquel sort une
source est indifféremment nommé 'en 'aîn ou be'ên,
bir. Ainsi le « puits profond », <ppésp... Pa9-J, puteus...
altus, ainsi désigné, Joa., rv, 11, est appelé, ji. 6, « la
source de Jacob », mrr») toû 'IscxwS, fons Jacob; le
d'Ozias, it dut être enseveli sous les décombres de
l'éboulement de la montagne voisine qui recouvrirent
tout le jardin du roi. Cf. Ant. jud., IX, x, 4. A
l'approche de Sennachérib, Ézéchias fit obstruer et re-
couvrir toutes les fontaiues des alentours de Jérusa-
lem. II Par., xxxin, 3-4. Les mêmes précautions durent
être prises en 70 et en 132, lors de l'approche des
armées romaines de Titus et d'Adrien. En 1182, le Bîr
'Ayûb était à retrouver. Par suite de la sécheresse,
l'eau faisait complètement défaut. Un bourgeois franc
de Jérusalem, nommé « Germain, avoit ouï dire aux
anciens hommes de la terre, raconte le continuateur
de Guillaume de Tyr, xxn, 1, t. CCI, col. 896-897, que
de jouste la fontaine de Siloé avoit un puis ancien
que Jacob (Job? Joab?) y fist et estoit couvert et em-
pli... Si fi fouir tant que on trouva le puis. Quant il
l'eût trouvé, le fist vuider et maçonner de neuf et tout
à ses cous. Puis fit faire par-dessus une roe (noria).
...Cet puis avoit bien l toises (près de cent mètres)
et plus de parfont, puis le dépecièrent et emplirent,
quant ils oirent dire que le Sarazin d'Egypte venoit la
cité asegier. » — Un fait analogue, dont la date n'est
pas précisée, est rapporté par Mugir ed-Dîn, dans son
jiistoire de Jérusalem et d'Hébron, édit. du Caire,
un
ROGEL (FONTAINE DE) — ROHOB
H12
1283 (1866), p. 408. L'auteur semble confondre la res-
tauration avec l'origine de Bir 'Ayûb. L'existence de
la fontaine au confluent du Cédron et d'Hinnom étant
attestée par Josué, l'œuvre du patriarche Jean, n'a pu
être qu'une découverte du même genre, s'il s'agit tou-
tefois du même puits, ce que contestent quelques-uns.
Cf. R. von Riess, Bibel-Atlas, 1887, p. 23.
5. Le témoignage des pèlerins postérieurs au xiif siè-
cle, époque où un grand nombre des anciennes tradi-
tions s'égarent, est de peu d'autorité par lui-même.
S'ils placent le chêne de Rogel près de la fontaine de
Siloé, ou plutôt près de l'embouchure du canal, c'est
sur une interprétation contestable des anciens récits.
Cf. Pseudo-Épiphane, De vitis prophetarum, loc. cit.
Les indications de ceux-ci sur la fontaine voisine du lieu
du martyre ou de la sépulture d'Isaïe : l'apparition sou-
daine des eaux, en un endroit où elles furent recouvertes
par ordre du roi Ézéchias, par conséquent avaient Clé
en dehors de la ville; leur réapparition à l'anniversaire
de la mort du prophète et quelques autres indices
semblent bien se rapporter, comme celui d'Antonin, au
Bîr 'Ayûb. Ces documents, on n'en peut guère douter,
donnent le nom de Siloé au Bîr Ayûb lui-même. Au-
jourd'hui toute la région appartenant aux habitants de
Silôan, dans laquelle se trouve Bîr 'Ayûb, est appelée
Siloé. Le puits lui-même est fréquemment désigné du
même nom. L'auteur du Jichus ha-Abôt, observait,
en 1569, que « la partie inférieure de la vallée [de Josa-
phaf] porte aussi le nom de Siloé, parce que les eaux
découlent de là et qu'on y lave les vêtements. » Dans
Carmoly, Itinéraires de la Terre Sainte traduits de
l'hébreu, Bruxelles, 1847, p. 442. Saint Jérôme, In 1er.,
vu, 32, t. xxiv, col. 735, donne le nom de « fontaines de
Siloé » à toutes les fontaines qui arrosent la région où
est le Bir 'Ayûb. Cette appellation ne peut donc tirer
à conséquence contre l'identité de ce puits avec 'En-
Rogêl. — Cf. Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 75;
C. Schick, dans P. E. F. Quarterly Statement, 1886,
p. 56; Namenliste und Erlâuterungen, dans Zeitschrift
desdeutschen Palâstina-Vereins, t. xvm (1895), p. 153;
Guy le Strange, Palestine under the Moslems, Lon-
dres, 1890, p. 221 ; Socin-Baedeker, Palestine et Syrie,
Leipzig, 1882, p. 241; J.-M. Lagrange, Topographie de
Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 32;
D* Sepp, Neue hochwichtige Entdeckungen auf der
zweiten Palâstinafahrt, in-8°, Munich, 1896, p. 130.
II. Description. — Le Bîr 'Ayûb est à 106 mètres
au-dessous de l'esplanade du Temple et sa profondeur
actuelle n'est plus que de 30 mètres. Il est construit
en grosses pierres, d'apparence très ancienne, et offre
une grande ressemblance avec les puits de Bersabée.
Une vieille construction voûtée, à laquelle est annexée
au nord une salle de prière pour les musulmans, en
abrite l'orifice. Parmi les pierres dont est formé ce
bâtiment, on en remarque de taillées en bossage dont
les unes remontent au moyen âge, d'autres beaucoup
plus haut. Des auges en pierre et en maçonnerie,
auxquels ont vient abreuver les animaux et laver le
linge, entourent le puits. Le niveau de l'eau varie avec
les saisons et les années. Les habitants de Silôân la
disent intarissable. Ces dernières années, quand la
« fontaine des Degrés » était à sec, les porteurs d'eau ve-
naient remplir leurs outres au Bir 'Ayûb et en alimen-
taient la cité. Ses eaux sont réputées salutaires. Les
années où les pluies sont suffisantes, le puits déborde
et l'eau s'échappe en bouillonnant à quelques mètres
plus bas, formant un fort ruisseau qui va se perdre à la
mer Morte (fig. 238). Au premier débordement, les habi-
tants de Silôâm s'empressent de porter en ville les pré-
mices de l'eau aux personnages de distinction, comme
un témoignage de bénédiction divine. Toute la ville
descend alors et la vallée du Cédron ne cesse de reten-
tir de cris et de chants d'allégresse tant que dure le
courant, qui pendant les hivers de pluies très abon-
dantes, se perpétue de trois à quatre mois. A quelques
pas au sud-ouest, sous la montagne d'Haceldama, est
une piscine ancienne, peut-être celle à laquelle font
allusion Eusèbe et saint Jérôme. Tout à côté, une petite
mosquée à coupole tombe de délabrement.
III. Histoire. — l°Chusaï, un des conseillers de David,
s'était chargé d'informer David en fuite des desseins de
son fils révolté, Absalom. Achimaas (t. i, col. 139), fils
du grand-prêtre Sadoc et Jonathas, fils du grand-prêtre
Abiathar, étaient allés se cacher près de la fontaine de
Rogel, pour y attendre les informations que devaient
leur communiquer leurs pères. Une servante envoyée
par ceux-ci vint les y trouver, pour leur faire connaître
les résolutions prises par les rebelles et, en même
temps, les avis de Chusaï à David. Ils furent aperçus
par un jeune garçon qui les dénonça à Absalom. Celui-ci
les fit poursuivre inutilement. II Reg., xvil, 17-18. —
2° Quelques années plus tard, Adonias, avait formé le
projet de s'emparer du trône de son père David, au dé-
triment de Salomon; il invita ses principaux affidés, à
la tête desquels était Joab, à un grand banquet, près de
la fontaine de Rogel, à la pierre de Zohéleth. III Reg., I,
9. On sait comment le complot échoua. Voir Adonias 1,
t. i,col. 225. — 3° Au grand tremhlement de terre qui,
sous le roi Ozias, ébranla Jérusalem et tout le pays,
Amos, i, 1; Zach., xiv, 5, la montagne qui est à l'occi-
dent d'Erogé se fendit; un immense éboulement se
produisit, Ant. )ud., IX, x, 4. La fontaine dut alors
disparaître. — 4» Remis en ordre, Rogel, par le charme
de ses eaux et de ses jardins, devint un centre d'idolâ-
trie. VoirToPHETH. C'est parce qu'Isaïe voulait s'opposer
à ces débordements qu'au même endroit il fut, suivant
la tradition talmudique, Yabamoth, 49b, par ordre du
roi Manassé, scié en deux avec une scie de bois. Cf. Vit.
prophet., t. xliii, col. 397; Actasanct., t. iijulii, p. 252.
Voir Isaïe, t. m, col. 944-945. — 5» Depuis le xvi' siè-
cle, le « puits de Job » devenu pour les pèlerins le
« puits de Néhémie », où les prêtres, avant le départ
pour l'exil, auraient caché le feu sacré, et où, au retour,
on aurait trouvé 1' « eau épaisse » qui, répandue sur
l'autel, mit le feu au bois du sacrifice. II Mach., I, 19-
22; cf. Nephtar, t. iv, col. 1597. Cette identification n'a
aucun fondement. — Voir G. Williams, The Holy City,
2« édit. in-8», Londres, 1849, t. n, p. 489-495 et Sup-
plément, p. 54-56; Titus Tobler, Topographie von
Jérusalem, in-18, Berlin, 1854, t, n, p. 50-61.
L. Heidet.
ROGELIM (hébreu : Rûglim, « [lieu où habitent]
les foulons »; Septante : 'Po>Ye).X(|ji), localité du pays de
Galaad, où demeurait Berzellaï, un de ceux qui appor-
tèrent des provisions à David fuyant devant Absalom.
II Reg., xvn, 27; xix, 31. Voir Berzellaï 1, 1. 1, col. 1638.
Le site exact de Rogefim est inconnu.
ROGOIMMÉLECH (hébreu -.RégémMélék), nommé
dans un passage obscur de Zacharie, 'Vu, 2. Voir SiRA-
sar 2.
ROHOB (hébreu : a'im et afin, Refiôb, « spacieux »)>
nom de deux personnes et de trois villes de Palestine.
1. ROHOB (Septante : 'Paie), père d'Adarézer, roi
de Soba. II Reg., vni, 3,12.
2. ROHOB (Septante : 'Poiië), un des lévites qui
signèrent l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie.
II Esd., x, 11.
3. ROHOB (Septante : 'Poô6, 'Potiê), localité qui
fut le point septentrional extrême où se rendirent les
douze Israélites envoyés par Moïse dn désert de Pharan
pour explorer la terre de Chanaan. Num., xin, 22 (21),
4113
ROHOB — ROI
1114
Le texte sacré dit que Rohob est à l'entrée d'Émalh,
c'est-à-dire à l'entrée de la vallée qui sépare le Liban de
l'Hermon, et unit la Palestine à la Cœlésyrie. Voir
Émath 1, t. ïi, col. 1715. La position de Rohob n'est pas
connue d'une manière précise, mais comme il y a tout
lieu de croire que les explorateurs israélites ne remon-
tèrent pas au delà de la partie supérieure de la vallée
du Jourdain, l'indication des Nombres marque la si-
tuation de Rohob aux environs de Banias (Césarée de
Philippe de l'Évangile) et de Lâïs ou Dan (Tellel-Kadi).
Le renseignement, fourni par le livre des Juges, rvm,
28 (cf. Jos., xix, 47), que Laïs était «dans la vallée qui
s'étend vers Beth-Rehob » (Vulgate : in régions Rohob)
confirme cette opinion. On ne peut douter que la ville
de Beth-Rehob et Rehob (Rohob) ne soient identiques,
puisquele second livre des Rois ou II Sam., x,l'appelle
indifféremment Beth-Rehob, f. 6, et Rehob tout court.
f. 8. Beth-Rohob devait donc être à l'extrémité de la
vallée au delà de Dan, c'est-à-dire à la grande source
du Jourdain à Banias. F. Buhl, Géographie des allen
Palàstina, p. 240. — De l'histoire de Rohob, nous
savons seulement qu'il y avait là, du temps de David,
un petit roi qui fournit un certain nomlre de soldats
mercenaires à Hanon (t. in, col. 419), roi des Ammo-
nites, pour résister aux attaques de Joab, général de
David. Quand Joab s'avança contre les gens de Rohob
et contre les autres Syriens de Soba, dé Tob et de Maa-
cha, ils prirent tous la fuite. II Reg., x, 6-14.
4. ROHOB (Septante : 'Paâë; Alexandrinus : 'Po<i6),
ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 28. Elle était située
d'une part entre Abran (inconnue, 1. 1, col. 89), et d'au-
tre part, entre Hamon (probablement Dmm el-Awâmid,
t. m, col. Î409) et Cana (de Phénicie) qui porte encore
aujourd'hui son nom antique (t. n, col. 105). On peut
l'identifier avec Tell ér-Rahib. Voir la carte d'AsER,
1. 1, col. 1085. — Rohob devint une ville lévitique, attri-
buée aux descendants de Gerson. Jos.,xxi, 31; I Par.,
vi, 75.
f>. ROHOB (Septante: 'PaaO; Alexandrinus: 'Patoé),
autre ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 30. Le site en
est inconnu. Les descendants d'Aser ne réussirent
pas à en chasser les Chananéens, lors de la conquête
de la Palestine, Jud., i, 31, non plus que des autres
villes de la Phénicie, voisines de la Méditerranée,
comme l'était probablement Rohob.
ROHOBIA (hébreu : Rehabyâh et Rehabyâhû,
« Jéhovah a dilaté » ; Septante: 'Paaëiii; 'Paëi'aç; Alexan-
drinus : Taaëiaç), fils unique d'Éliézer et petit-fils de
Moïse, de la tribu de Lévi, I Par., xxiii, 17; xxiv, 21;
xxvi, 25. Rohobia eut une nombreuse postérité, I Par.
xxixi, 17, dont Jésias fut l'aîné et le chef, xxiv, 21 (il
est appelé Isaïe, xxvi, 25). Le nom de Rohobia est écrit
Rahabia (voir col. 936) dans la Vulgale. I Par., xxvi,
25.
ROHOBOTH (hébreu : Rehobôf han-nàhâr ; Sep-
tante : 'Poft>ê(M) icapi itotafiÔM; Vulgate : « le fleuve de
Rohoboth », Gen., xxxvi, 37; « Rohoboth (ville) située
sur le fleuve », I Par., i, 48; Seplante : I Par., i, 51),
nom d'une ville mentionnée dans le catalogue des rois
édomites. Gen., xxxvi, 37; I Par., ï, 48. La leçon de
l'hébreu et des Septante, Gen., xxxvi, 37, est préfé-
rable à celle de la Vulgate, ainsi que le démontre la
comparaison des textes parallèles, Gen., xxxvi, 37 et
I Par., ï, 48, dans la Vulgate même ; et dans l'opinion
du traducteur saint Jérôme, De situ et nom. locor:
hebr., t. xxm, col. 915.
Le mot Rehobôf, « amples espaces »,est un pluriel fé-
minin dérivé de la racine hébraïque râfrab, « être spa-
cieux». A cause de sa signification étymologique, ce nom
dut être fréquemment usité dans l'onomastique topo-
graphique de l'Orient hébreu. Cf. Knobel, Die Genésis,
xxxvi, 37, Leipzig, 1860; W. Max Mûller, Asien und
Europa nach altâgyplischen Denkmâlern, Leipzig,
1893, p. 134. L'identification de la ville de Rohoboth,
dont il est question ici, est très douteuse. Voici les
opinions principales à ce propos. Il y a des auteurs
modernes qui cherchent Rohoboth sur les bords de
l'Euphrate, à cause de l'analogie avec plusieurs autres
passages de l'Ancien Testament, dans lesquelles le
mot hébreu : han-nâhâr, « le fleuve », avec l'article,
désigne le grand fleuve babylonien, dit « le fleuve par
excellence ». Gen., xxxi, 21 ; Exod., xxm, 31 ; plus plei-
nement, Gen., xv, 18; Deut., ï, 7; xi, 24; Jos., ï, 4; et,
poétiquement, même sans l'article, Is., vu, 20; Jer.,
il, 18; Mich., vu, 12; Zach., ix, 10; Ps. (hébreu), lu,
8. Voir EuphRATe, t. Il, col. 2046. Dans ce cas, Rohaboth
pourrait être identifié avec Rahaba, sur le bord occi-
dental du fleuve, un peu au sud du Chaboras. Cette
opinion, suggérée par des raisons principalement phi-
lologiques, trouve un certain appui sur l'autorité de
Benjamin de Tudèle,de Burckardtet d'Édrisi, cités par
Gesenius, Thésaurus, t. n, p. 1281.
D'autres, qui n'insistent pas sur l'attribution exclu-
sive du mot han-nàhâr à l'Euphrate, préfèrent chercher
Rohoboth entre la Palestine et l'Egypte, sur les bords
dÉl'ouadi el 'Arîsch, qui, dans ce cas, serait le han-nâ-
hâr des textes en question et « le Torrent d'Egypte » de
Num., xxxiv, 5. Cf. Winckler, Geschichte Israels, 1896,
1. 1, p. 192. Cette opinion se rapproche plus que l'autre de
l'opinion traditionnelle, que l'on peut regarder comme
représentée par Eusèbe et par saint Jérôme. Onomas-
ticon, t. xxm, col. 915. D'après eux la ville de Rohoboth
dont il est question ici se trouvait dans la Gébalène,
c'est-à-dire dans le district qui comprenait toute la
partie septentrionale des montagnes de l'idumée.
Ps. lxxxii, 8. Cf. Notitia dignitatum, c. xxix. Au
iv c siècle de notre èrej elle était une grosse bourgade,
qui portait encore son ancien nom biblique. Une gar-
nison y avait sa résidence. Cf. Onomasticon, loc. cit.
Cependant, aujourd'hui on ne saurait indiquer, dans
cette région, un terme topographique qui corresponde
à l'ancienne ville de Rohoboth. A; Molini.
ROI (hébreu : mélék; chaldéen : mélék; Septante :
flacrt'Xs.û? ; Vulgate : rex), le chef suprême d'un peuple
ou d'un pays.
I. Le nom de roi dans la Bible. — l°Le nom de roi
est souvent donné, surtout dans les anciens temps, à des
hommes dont le pouvoir se restreint au commande-
ment ou à la possession d'une ville ou d'un district.
Ainsi en est-il des rois de Sodome, de Gomorrhe, d'A-
dama, de Séboïm et Ségor, Gen., xiv, 2, de Gérare,
Gen., xx, 2, de Jérusalem, d'Haï et de Jéricho, Jos., x,
1, d'Asor, de Madon, d'Achsaph, de Séméron, etc., Jos.,
xi, 1, 2, et aux différents rois de Chànaan. Jos., xii, 1-
24; Jud., v, 19. — 2° D'autres rois exercent leur pou-
voir sur un territoire plus considérable ou sur des tri-
bus entières. Tels sont les rois des Amalécites, I Reg.,
xx, 8, des Ammonistes, Jud., xi, 28, des Amorrhéens,
Jos., xii, 2, de Basan, Jos., xm, 30, d'Émath, II Reg.,
vin, 9, des Iduméens, Gen.,.xxxvi, 31; des Madianites,
Jud. , vin, 5, desMoabites, Jos., xxiv, 9, de Sidon, Jer. , xxv,
22, de Syrie, Jud., m, 10, de Tyr, II Reg., v, 11, etc. —3° A
plus forte raison, ce nom convient-il aux chefs des
grands états, au roi d'Egypte, Exod., ï, 8, 15, 17, désigné
habituellement sous le nom de « pharaon », aux rois
d'Assyrie, de Chaldée, de Perse, etc. Ceux-ci, pour se
distinguer des rois secondaires qui s ont souvent leurs
vassaux, renforcent leur titre. Le roi de Babylone s'ap-
pelle mélék nielâkîm, ,'« roi des rois », Ezech., xxvi,
7 T c'est-à-dire celui qui lient les autres rois sous sa
puissance. Le titre chaldéen de mélék malkayyâ', qui
■1115
ROI
1116
signifie la même chose, est attribué au roi de Babylone,
Dan., il, 4, et à celai des Perses. I Esd., vu, 12. Le
roi d'Assyrie prend le titre de ham-mélék hag-gâdôl,
« le grand roi ». Is., xxxvi, 4. En assyrien, le titre de
sarru est supérieur à celui demalku. Les princes baby-
loniens le prennent, comme on le voit dans le proto-
cole du roi Hammourabi, et même se nomment sarsar-
rânu ou sarru rabû, titres qui correspondent aux
titres hébreux de « roi des rois » ou de « grand roi ».
— 4° Il était naturel que le titre de roi fut attribué à
Jéhovah par les écrivains sacrés. Ps. v, 3; xliv (xliii),
5; i,xviii(lxvu),25; lxxiv (lxxiii), 42; lxxxiv (lxxxiii),
4; Is; vi, 5; xxxiii, 22; xlih,15; Jer., xlviii, 15; Zach.,
xiv, 9. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques,
Paris, 1905, p. 99-109. Dieu est le « grand roi », Ps. xlviii
(xlvii), 3; Matth,, v, 35, le « roi des rois », I Tim., vi,
15; Apoc, xix, 16, le « roi de gloire »,Ps. xxiv (xxm),
7-10, le « roi de Jacob », Is., xli, 21 , le « roi d'Israël »,
Deut., xxxm, 5; Is., xliv, 6, le « roi immortel des
siècles », I Tim., î, 17, etc. — 5° Le nom de roi est
aussi donné quelquefois aux idoles. Am., v, 26; Soph.,
i, 5. Job, xviii, 14, appelle poétiquement la mort le
« roi des épouvantements ». — Pour ce qui concerne
les rois des différents peuples autres que les Hébreux,
voir les articles consacrés à ces rois et à ces peuples.
II. Origine de la royauté en Israël. — 1° La pré-
vision de Moïse. — Les nomades n'avaient pas de rois,
mais seulement des chefs de tribus ou de familles. Les
populations sédentaires étaient, au contraire, ordinaire-
ment gouvernées par des rois. Les anciens patriarches
s'étaient souvent trouvés en contact avec les rois des
districts qu'ils traversaient, et les Hébreux eux-mêmes
avaient vécu longtemps en Egypte, sous le régime des
pharaons. Ils ne pouvaient songera se donner un roi im-
médiatement après leur départ de la terre de servitude.
Mais le désir d'en mettre un à leur tête ne pouvait man-
quer de leur venir un jour, quand ils seraient établis en
Chanaan. Il était donc tout naturel que Moïse prévît
cette éventualité dans sa législation. C'est ce qu'il fit.
Deut., xvn, 14-20. D'ailleurs, l'idée de royauté israélite
avait déjà été évoquée bien antérieurement, quand Dieu
avait prédit à Abraham que de Sara sortiraient « des
rois de peuples », Gen., xvii, 16, quand Jacob avait
parlé du « sceptre » et du « bâton de commandement»
de Juda, Gen., xlix, 10, et que Balaam avait entrevu
le sceptre s'élevant d'Israël. Num., xxv, 17. Dans un
autre passage, le Deutéronome, xxxvm, 36, fait encore
mention du roi que le peuple hébreu aura mis à sa tête.
Il n'y a donc pas de raison sérieuse pour attribuer à une
époque contemporaine des rois ce que Moïse dit de la
royauté future. Il n'impose pas cette institution; il
prévoit seulement qu'un temps viendra où, à l'exemple
des peuples de leur entourage, les Hébreux voudront
avoir un roi. Il formule donc quelques prescriptions
à cet égard. La première concerne le peuple lui-même:
il ne pourra se donner pour roi un étranger, mais il
prendra un de ses frères, celui que Jéhovah aura choisi.
Ainsi sera écarté le péril d'un prince qui entraînerait
Israël hors de sa vocation. Trois autres prescriptions
regardent le roi lui-même. — 1. Qu'il n'ait pas un
grand nombre de chevaux et ainsi n'ait pas l'idée de
ramener le peuple en Egypte pour en avoir beaucoup.
Cet article n'a pu être libellé qu'à une époque où le
peuple tournait encore avec regret ses regards du côté
de l'Egypte, comme il fit plusieurs fois au désert.
Exod., xiv, 11, 12; xvi, 3; Num., xi, 5; xiv, 3, etc.
Pareil regret ne revint jamais aux Hébreux quand ils
furent installés en Chanaan. Les chevaux n'étaientguère
employés alors que pour /a guerre. En prohiber la
multiplication, c'était donc interdire aux futurs rois
les expéditions lointaines et les guerres de conquêtes.
La Palestine était un pays accidenté et facile à défen-
dre sans le secours des chars. III Reg., xx, 23, 28.
Les rois devaient se contenter d'y maintenir et d'y
défendre leur peuple. — 2. Que le roi se garde de mul-
tiplier à son usage les femmes, l'argent et l'or. Il ne
fallait pas qu'il imitât, sous ce rapport, les excès des
princes orientaux, que l'abus des plaisirs rend incapa-
bles de bien gouverner. — 3. Le roi copiera le livre de
la loi, le méditera assidûment et conformera sa vie aux
préceptes divins. Le gouvernement d'Israël ne doit pas
cesser d'être une théocratie, et la loi de Jéhovah ser-
vira au roi de règle inviolable. — Les prescriptions de
Moïse ne portent que sur des points fondamentaux,
mais très généraux. Si çepassagedu Deutéronome avait
été ajouté à l'époque des rois, on y trouverait certaine-
ment beaucoup plus de détails, tels, par exemple, que
ceux qui se lisent dans le discours de Samuel sur la
royauté. I Reg., vin, 11-17.
2» L'établissement de la royauté.— 1. Pendant trois
siècles et demi (de 1453 à 1095), les Hébreux se passè-
rent de rois. La remarque en est faite à plusieurs
reprises dans l'histoiredes Juges, xvii, 6; xvm, 1; xxi,
24, pour bien montrer que les sauveurs que Dieu sus-
citait périodiquement au milieu de son peuple n'avaient
qu'une mission temporaire ou locale et ne ressemblaient
pas aux rois des villes ou des nations environnantes. A
cette époque, chacun r aisait ce qui lui semblait bon et
personne ne commandait. — 2. Samuel exerça un pou-
voir plus régulier et plus durable. I Reg., vu, 15-17.
Mais ce pouvoir n'avait pas de caractère militaire,
comme il eût été nécessaire pour tenir constamment
les ennemis à distance et centraliser contre eux les
efforts des tribus. De plus, Samuel devenait vieux et
la conduite de ses fils n'était rien moins que recom-
mandable. I Reg., vm, 3-4. C'est alors que le peuple
demanda à avoir un roi « comme toutes les nations ».
Cf. Deut., xvii, 14. Celte requête déplut à Samuel, pro-
bablement pour des raisons qui le touchaient person-
nellement, comme le donne à supposer la parole de
Jéhovah : « Ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi. »
I Reg., vm, 7. Il suit de là que, bien que prévue et
légitime en soi, la requête impliquait un sentiment dont
Dieu avait le droit de se plaindre. Qn comptait moins
sur son secours que sur le savoir-faire du roi qui serait
Choisi. Ose., xm, 10-11. Cf. Zschokke, Historia sacra,
Vienne, 1888, p. 198. Avant d'accéder au désir du peuple,
le prophète eut ordre de lui faire connaître les charges
qui pèseraient sur lui par le fait de la royauté. Le peuple
aura à fournir au roi des soldats, des serviteurs, des
cultivateurs, des ouvriers, des parfumeuses, des cuisi-
nières, des boulangères, puis des terres, des dîmes,
des troupeaux, sans compter tout ce que le roi pren-
dra de force. I Reg., vm, 11-18. Telles étaient les char-
ges que les rois voisins imposaient à leurs sujets : telles
sont celles que les meilleurs rois, David, par exemple,
ne pourront se dispenser de faire peser sur leur peuple.
Les Israélites ne s'émurent pas des prédictions de
Samuel. Ils persistèrent dans le désir d'avoir un roi
pour les gouverner, les conduire à la guerre et mettre
ainsi leur nation au même niveau social que les nations
d'alentour. Jéhovah ordonna à Samuel d'accéder au
désir du peuple. Si, malgré sa répugnance, le prophète
n'avait pas tout d'abord opposé un refus formel à la
demande des Israélites, c'est vraisemblablement par-
ce que les dispositions, éventuelles réglées par Moïse lui
étaient connues. — 2. Ces dispositions supposaient un
roi choisi par Jéhovah. Deut., xvii, 15. L'élection du
premier roi fut conforme à la prescription mosaïque.
Dieu lui-même indiqua Saùl à Samuel, I Reg., ix, 16;
il prit soin ensuite que le sort désignât publiquement
celui qu'il avait choisi. I Reg., x, 20-24. Sans doute,
Dieu n'entendait pas désigner ainsi chacun de ceux
qui régneraient sur son peuple. H se contentait de
choisir le chef de la dynastie qui devait fournir les
rois. C'est pourquoi, après le rejet de Saûl, il intervint
1117
ROI
1118
de nouveau pour désigner le chef de la dynastie défi-
nitive. — 3. Après la proclamation de Saûl, Samuel
exposa au peuple la charte de la royauté, qui réglait
les droits et les devoirs du roi, et il l'écrivit dans un
livre qui fut déposé devant Jéhovah. Cet écrit rappelait
probablement les dispositions arrêtées par Moïse et en
ajoutait d'autres plus détaillées, comme l'exigeaient
les circonstances. La principale recommandation devait
concerner la fidélité que le roi et le peuple étaient tenus
de garder à Jéhovah, comme l'indique si formellement
fe discours d'adiea da prophète. I Reg., xu, 13-17.
III. Avènement du roi. — 1° Choix du roi. — La loi
voulait que le roi fût choisi par Jéhovah. Deut., XVII, 15.
Il en fut ainsi pour Sàûl, I Reg., ix, 16, et pour David.
I Reg., xvi, 3, 12. Le choix de David ne fut pas seulement
personnel; il porta sur toute sa dynastie, II Reg., vu,
12, 15, 16, qui régna en effet jusqu'à la prise de Jéru-
salem. Dieu intervint également pour assigner à Jéro-
boam le royaume schismatique d'Israël, III Reg., xi,31,
et ensuite pour désigner Jéhu. III Reg., xix, 16.
2° Ordre de succession. — Dans le royaume de Juda,
le successeur du roi était habituellement son fils aîné.
Toutefois cette règle n'avait rien d'absolu. Adonias
était bien antérieur par la naissance à Salomon.
II Reg., m, 4. Cependant David eut pour successeur
Salomon, selon la promesse que lui-même avait faite à
Bethsabée, III Reg., i, 13, et que Dieu semblait avoir
approuvée. II Reg., xu, 24, 25. iioboam assigna aussi
la royauté à Abia, qui n'était pas son aîné, II Par.,xi,
22, et Joachaz fut préféré par le peuple pour succéder
à Josias, à la place de son frère aîné Joakim, qu'on
regardait probablement comme trop porté du côté de
l'Egypte. IV Reg., xxm, 34. D'ordinaire, le fds aîné suc-
cédait à son père Par., xxi, 3, même quand il était
encore en bas âge. IV Reg., xi, 21. Le peuple intervenait
parfois pour maintenir cet ordre de succession. IV Reg.,
xxi, 24; xxm, 30. Vers la fin du royaume de Juda, on
voit le pharaon Néchao assurer à Joakim, fils aîné
de Josias, la succession de son père, IV Reg., xxm, 34,
et le roi de Babylone établir à la place du roi Joachin
son oncle Sédécias. IV Reg,,xxiv, 17. — Dans le royaume
d'Israël, l'ordre de succession varie beaucoup. Neuf
familles différentes fournissent des rois. Deux d'entre
eux sont désignés par des prophètes, Jéroboam 1 et
Jéhu. IV Reg., ix, 6. Amri est établi par le peuple.
III Reg., xvi, 16. Six montent sur le trône après l'assas-
sinat de leur prédécesseur, Baasa, III Reg., xv, 26,
Zambri, III Reg., xvi, 10, Sellum, IV Reg., xv, 10,
Manahem, IV Reg., xv, 14, Phacée, IV Reg., xv, 25, et
Osée. IV Reg., xv, 30. Enfin dix, sur dix-neuf, succè-
dent à leur père. Pour couper court à toute compé-
tition, le nouveau roi prenait soin quelquefois de faire
périr toute la famille de son prédécesseur. Ainsi firent
Zambri, III Reg., xvi, 11, et Jéhu, IV Reg., x, 11,17.
Dans le royaume de Juda, Athalie, la seule qui ait
interrompu quelque temps la succession normale, fit
aussi mourir les princes de la famille royale, à l'excep-
tion de Joas qui fut soustrait à ses coups. IV Reg., xi,
1, 2. Athalie et six rois d'Israël s'emparèrent donc de
la royauté par violence, au lieu de la recevoir par voie
régulière.
3» Sacre du roi. — L'onction royale fut donnée à
Saûl, I Reg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, par
Samuel; à Salomon par le prêtre Sadoc, III Reg., i, 39 ;
à Joas par le grand-prêtre Joïada, IV Reg., xi, 12, et à
Joachaz sans doute aussi par le grand-prêtre de l'époque.
IV Reg., xxiv, 30. Jéhu fut sacré roi d'Israël par un
jeune homme, sur l'ordre d'Élie et d'Elisée. On consi-
dérait donc que l'huile d'onction avait, en pareil cas, une
vertu par elle-même. Il ne paraît pas que tous les rois
de Juda aient été sacrés. On ne recourait à cette céré-
monie que dans des circonstances particulières, afin de
fonder une nouvelle dynastie, comme il arriva pour
Saûl, David, et pour Jéhu en Israël, d'assurer une suc-
cession contestée, comme ce fut le cas de David quand
tout Israël le proclama roi, II Reg., v, 3, de Salomon
et plus tard de Joachaz, menacé par le pharaon Néchao
dans les droits que le peuple lui avait conférés, enlin
de rétablir une succession légitime interrompue, comme
on fit pour Joas. L'onction était valable pour tous les
descendants légitimes du roi, de même que la première
onction sacerdotale reçue par les Bis d'Aaron avait
suffi pour tous les prêtres de sa descendance. Aussi le
nom d' « oint du Seigneur » pouvait-il être donné à tout
prince légitime. Voir Onction, t. iv, col. 1808.
4° Manifestations populaires. — Des marques pu-
bliques de satisfaction accompagnent la proclamation
de certains rois. Quand Saûl est présenté au peuple par
Samuel, on crie : « Vive le roi ! » Un cortège d'hommes
importants conduisent l'élu à sa maison et on lui offre
des présents. I Reg., x, 24-27. Les partisans d'Adonias
font un grand festin et crient : « Vive le roi Adonias ! »
III Reg., i, 9, 25. Pour déjouer leur complot, Sadoc et
Nathan conduisent Salomon à Gihon et le sacrent. On
sonne de la trompette, le peuple crie : « Vive le roi
Salomon! » puis on accompagne le nouveau roi en
jouant de la (lûte et en poussant des acclamations.
III Reg., i, 38-40. Quand les compagnons de Jéhu
apprennent qu'il a reçu l'onction royale, ils se servent
de leurs manteaux pour faire un trône au nouveau roi,
sonnent de la trompette et crient : « Jéhu est roi ! »
IV Reg., tx, 13. Les démonstrations sont plus éclatantes
pour la proclamation de Joas. Celle-ci a lieu dans e
Temple, au milieu des prêtres, des grands officiers et
d'un grand concours de peuple qui témoigne de sa joie.
On crie : « Vive le roi ! » et l'on fait retentir les trom-
pettes. IV Reg., xi, 9-14; II Par., xxm, 11-13.
IV. Prérogatives royales. — 1° Insignes de la
royauté. — Les rois portaient un riche costume qui
les distinguait de leurs sujets. III Reg., xxn, 10. Saûl
avait au bras un bracelet. II Reg., i, 10. Au temps des
Machabées, les vêtements de pourpre furent ,1e signe
de la souveraineté. I Mach., x, 20, 62; xi, 58; xiv, 43.
Un diadème ceignait la tète du roi, II Reg., i, 10;
IV Reg., xi, 12, et se portait même à la guerre. A ce
diadème s'ajoutait une couronne d'or et de pierres pré-
cieuses. II Reg., xii, 30; Cant., m, 11; Ezech., xxi, 31;
I Mach., x, 20. Voir Couronne, t. u, col. 1083. Ézéchiel,
xtx, 11, parle d'unsceptre de bois. Le roi de Perse avait
un sceptre d'or. Esth.,v, 2; vin, 4. Le roi Saûltenaitune
lance au lieu de sceptre. I Reg., xm, 22; xvni, 10; xxit,
6. Voir Sceptre. Les rois possédaient un trône plus ou
moins riche. Celui de Salomon était d'ivoire et d'or.
III Reg., x, 18-20; II Par., ix, 17. Achab et Josaphat
avaient le leur. III Reg., xxn, 10. Le roi de Perse pos-
sédait aussi le sien. Esth., v, 1. Voir Trône. L'usage des
chars fut introduit en Israël par les rois. C'était une
prérogative royale d'en posséder. III Reg., i, 5; IV Reg.,
ix, 21 ; x, 15. Voir Char, t. n, col. 567.
2° Garde du corps. — Saûl commence le premier à
attacher à son service tout homme « fort et vaillant »
qu'il rencontre, I Reg., xiv, 52; xxn, 27. David, même
avant sa royauté, s'entoure d'hommes qui partagent sa
vie d'aventures. lien a autour de lui jusqu'à six cents.
I Reg., xxv, 13, xxx, 1-4. Devenu roi, il prend comme
garde du corps les Céréthiens et lesPhéléthiens. IIReg.,
vm, 18; xv, 18, etc. Voir Céréthiens, t. n, col. 442. Il
s'entoure aussi probablement de Géthéens. II Reg.,
xv, 18-22. Voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 973.
Ces gardes se tiennent auprès de Salomon au jour de
son sacre. III Reg.,'i, 38. Roboam a des gardes qui
prennent le nom de « coureurs ». III Reg., xiv, 28;
II Par., xu, 11.11 en est de même de Jéhu.lVReg.,x,25.
Athalie a aussi une maison de coureurs. IVReg.jXi, 6.
Voir Coureur, t. n, col. 1080. La garde du corps était
trop utile pour qu'aucun roi s'en passât. Cette garde
1119
ROI
1120
veillait sur la personne du roi, quand il résidait dans
sa demeure, voir Palais, t. iv, col. 1967, et quand il
allait au dehors. II Reg., xv, 14.
3° Harem. — La loi recommandait au roi de n'avoir
pas un grand nombre de femmes. Deut., xvu, 17. Mais,
chez les princes asiatiques, l'importance du harem était
une marque de puissance etde richesse. Les rois israé-
lites suivent en cela l'usage de leur temps. Salomon
dépasse toutes les bornes et, sous ce rapport, se met
au niveau des plus grands monarques asiatiques. Voir
Polygamie, col. 511. Le harem faisait partie du domaine
royal. Le successeur d'un roi en prenait possession
comme des autres biens laissés par son prédécesseur.
II Reg., xn, 8, 11. Cf. Hérodote, m, 68. Un prétendant
au trône croyait établir son droit en prenant publi-
quement possession du harem de celui qu'il voulait
remplacer. Ainsi fit Absalom pour le harem de son
père. II Reg., xvi, 22. Adonias, qui avait brigué la
royauté au détriment de Salomon, osa demander ensuite
qu'on lui accordât pour épouse Abisag, la Sunamite, qui
avait fait partie du harem de David. Salomon estima que
cette demande équivalait presque à celle de la royauté,
et il fit mourir Adonias. III Reg., n, 13-25.
4° Honneurs royaux. — On témoignait au roi le plus
grand respect. David s'incline à terre et se prosterne
devant Saûl. I Reg., xxiy, 9. Devant David, Abigaïl des-
cend de son âne et se prosterne à terre. I Reg., xxv,
23. Miphiboseth et Séméï font de même. Il Reg., ix, 6;
xix, 18. Cf. II Reg., xiv, 4. Salomon lui-même traite sa
mère avec le plus grand honneur, se prosterne devant
elle, et la fait asseoir sur un trône, bien qu'il doive
aussitôt opposer un refus à sa requête. III Reg., H, 19.
En certaines circonstances heureuses, on fait cortège
au roi, on l'acclame et on joue des instruments. 1 Reg.,
xviii, 6 ; IV Reg., ix, 13. Maudire le roi était un crime
digne de mort. III Reg., xxi, 10. Le prince qui se con-
duisait mal était éloigné de la cour. II Reg., xiv, 24,
28. Le respect qu'on leur témoignait n'empêchait pas
les rois de se montrer simples et familiers avec leur
peuple, II Reg., xix, 8; III Reg., xx, 39; Jer., xxxvm,
7, et d'avoir tin abord facile. II Reg., xiv, 4; xviu, 4;
III Reg., m, 16; IV Reg., vi, 26-30; vm, 3, etc. Sous
ce rapport, les rois israélites ne ressemblaient guère
aux autres monarques orientaux, qui s'enfermaient
dans leur majesté et n'étaient abordables que pour de
rares privilégiés. Cf. Esth., i, 14; îv, 11; v, 1, 2. Les
rois s'honoraient mutuellement en entretenant des rap-
ports d'amitié et en s'envoyant des présents d'un pays
à l'autre. II Reg., x, 2; III Reg., x, 2; IV Reg., xx,
12, etc. — Après leur mort, les rois recevaient les hon-
neurs de la sépulture royale, dans la cité de David, pour
les rois de Juda, III Reg., Il, 10; xi, 43; xiv, 31, etc.,
et à Samarie pour les rois d'Israël. III Reg., xvi, 28;
xxn, 37 ; IV Reg., x, 15 ; xiv, 16, etc. L'honneur de la
sépulture paternelle fut cependant refusé à l'impie
Achaz. II Par., xxvm, 27.0zias, à cause de sa lèpre, fut
inhumé dans le champ qui entourait la sépulture royale.
II Par., xxvi, 23.
V. Pouvoirs royaux. —1° La théocratie. — 1. Les
grands monarques orientaux prétendaient toujours être
les représentants directs des dieux. Sous le couvert de
cette fiction, ils exerçaient l'autocratie la plus absolue;
Chez les Hébreux, le roi était aussi le mandataire de Dieu ;
mais Jéhovah ne s'était pas réservé Un pouvoir fictif. Le
roi devait compter avec les volontés formelles de ce
puissant suzerain. Jéhovah choisit Saûl « pour chef sur
son héritage. » I Reg., x, 1. C'est lui qui met le roi en
possession de son autorité et de tous ses biens. II Reg.,
xn, 7, 8. Il est un père pour le roi, et le roi est pour
lui un fils. II Reg., vu, 14. Mais le roi doit se souvenir
qu'il y a un maître au-dessus île lui, et que sa propre
autorité est bornée et soumise à celle de Jéhovah. La loi
lui prescrit d'obéir aux ordonnances divines et de ne
pas s'élever au-dessus de ses frères. Deut., xvu, 19, 20.
Le code de la royauté, quel qu'il ait été, I Reg., x, 25,
définissait certainement les pouvoirs du roi, en regard
des prescriptions de la volonté divine. Ce code est vrai-
semblablement le « témoignage» que Joïada remit à Joas
le jour de son sacre. IV Reg., xi, 12 ; II Par., xxm, 11.
D'après Sota, vi, 8, le second jour de la fête des Taber-
nacles, le roi, assis sur un siège de bois disposé daus le
parvis des femmes, lisait au peuple divers passages du
Deutéronome, i, 1-vi, 4; xi, 13; xiv, 22 ;xxvi, 22; xvit,14;
xxvii, xxvm. — 2. Plus encore que les ordonnances, les
faitsmontrerent.ee que Dieu attendait du roi qu'il avait
choisi. Saûl fut rejeté pour avoir contrevenu deux fois
aux prescriptions divines, la première fois en prenant
une initiative qui n'appartenait pas au prince, 1 Reg.,
xm, 9, la seconde fois, en épargnant des ennemis que
Jéhovah avait condamnés. I Reg., xv, 26. Saûl n'était
pas pour Jéhovah « l'homme selon son cœur, s et il ne
pouvait rester « le chef dé son peuple. » I Reg., xm,
14. David eut soin de se régarder comme le serviteur
de Jéhovah, II Reg., vu, 19, 25-28, et d'agir en consé-
quence. Dieu intervint visiblement, quand il se con-
duisit mal, pour le châtier, Dieu parle à Salomon pour
lui recommander la fidélité à tous ses commande-
ments; à cette condition, dit-il, « je n'abandonnerai
pas mon peuple d'Israël. » III Reg., vi, 13. Il renouvelle
ses recommandations et ses promesses après la dédicace
du Temple, et parle à Salomon en maître qui entend
toujours régir son peuple. III Reg., îx, 6-9. Quand le
roi en vient à prendre l'exact contre-pied des prescrip-
tions du Deutéronome, Jéhovah partage lui-même son
royaume et donne dix tribus à Jéroboam, auquel il
promet même une maison stable comme celle de David,
s'il lui demeure fidèle. III Reg.. xi, 31-39. Par la suite,
Dieu intervient en Juda et en Israël, pour mener les
événements qui les intéressent et finalement les faire
partir l'un après l'autre en exil. Il domine les rois de
son peuple, non pas seulement par son action provi-
dentielle, comme il fait pour tous les autres rois du
monde, mais par l'exercice direct et manifeste de son
autorité souveraine. En somme, le roi n'est que son
pouvoir exécutif. Jéhovah a dit à David : « Tu paîtras
mon peuple d'Israël. '» II Reg., v, 2; I Par., xi, 2. Le roi
est le berger de son peuple ; il n'en est pas plus le maître
que le berger n'est le maître de son troupeau. Comme
le berger, il veille, conduit, défend pour le compte de
Jéhovah auquel appartienne peuple élu. Le roi israélite
ne peut faire sa volonté qu'autant que sa volonté se
conforme aux prescriptions générales de la loi divine
et aux prescriptions particulières de son suzerain, le
Dieu d'Israël. — 2. Pour exercer effectivement son pou-
voir théocratique et signifier ses volontés particulières
au cours des événements, Dieu créa chez son peuple un
organisme spécial, le prophétisme. Entre autres fonctions
le prophète recevait la mission de transmettre aux rois
les indications qui lui venaient directement de Jéhovah.
Voir Prophète, col. 721. Il était ainsi auprès du roi
comme le résident dans nos pays de protectorat. Le
prince n'agissait librement que dans des limites déter-
minées et le prophète intervenait pour prévenir ou
corriger les infractions à la volonté du Maître souverain
et intimer ses ordres. Ce rôle est rempli par Samuel au-
prèsde Saûl et de David. Nathan reprend David, II Reg.,
xn, 7-12, et pourvoit au sacre de Salomon. III Reg., i,
11-40. Ahias annonce à Jéroboam la division du royaume
et la part que Dieu lui attribue dans la nouvelle orga-
nisation. III Reg., xi, 30-39. Séméï défend à Roboam
d'entrer en lutte contre les tribus schismatiques. III Reg.,
xn, 23-24. Un autre prophète signifie à Jéroboam le
sort qui est réservé à sdn institution sacrilège. III Reg.,
xm, 1-3. De nouveau, le prophète Ahias fait connaître
à Jéroboam prévaricateur les malheurs qui fondront
sur sa maison. III Reg.,xiv, 7-16. Il ne lui reproche que
1121
ROI
1122
son abandon de Jéhovah et son culte « d'autres dieux et
d'images de fonte. » Bien loin de lui faire un grief du
schisme, il rappelle que Dieu même lui a donné le
royaume arraché à la famille de David. Il faut conclure
de là que la division du royaume en deux eût été conforme
au plan divin, si le royaume d'Israël fût demeuré Adèle
à Jéhovah. Élie et Elisée sont envoyés au royaume d'Is-
raël, que Jéhovah ne cesse pas de traiter comme une
partie de son domaine, et ils emploient tous les moyens,
fléaux et miracles, pour faire prévaloir la volonté divine
dans la politique des rois. Amos et Osée continuent en-
suite leur œuvre. Isaïe commence la sienne en Juda,
au milieu du vin e siècle. Michée est suscité à la même
époque. Sous le roi Josias, une prophétesse, Holda, in-
dique, de la part de Dieu, les conséquences qu'impose
la découverte du livre de la Loi. IV Reg,, xxn, 15-20.
Au siècle suivant, Jérémie annonce aux derniers rois
de Juda les arrêts divins et s'efforce, mais en vain, de
les détourner d'une politique qui les conduit à la catas-
trophe. Il est donc vrai de dire que les prophètes exercent
une mission continuelle auprès des rois, pour maintenir
en face d'eux les droits de la volonté de Dieu, redresser
les abus, diriger la politique dans ses grandes lignes,
surtout aux époques de crise, en un mot servir de
contrepoids à un pouvoir royal qui ne fut que trop porté
à secouer le joug de Jéhovah. Quelques prêtres seule-
ment, comme Sadoe et Joïada, eurent à exercer une in-
fluence sur les rois. Mais le rôle du sacerdoce était sur-
tout rituel; le prophétisme constituait l'organisme voulu
par Dieu pour maintenir effectivement les droits de la
théocratie. Si les prophètes apparaissent assez souvent
comme des messagers de malheurs, c'est qu'en Juda
comme en Israël les prescriptions divines furent presque
toujours transgressées.
2° L'administration — 1. Les rois avaient à gou-
verner leur royaume et à y, établir cet ordre, favorable
aux intérêts généraux et particuliers, qui ne pouvait
être obtenu à l'époque où « chacun faisait Ce qui lui
semblait bon. » Jud., xxi, 24. Le roi Saùl, presque
continuellement occupé par ses guerres, puis saisi d'un
esprit mauvais, n'eut pas le loisir de s'occuper de l'orga-
nisation du pays. Cette organisation ne faisait pourtant
pas défaut totalement; car la Loi avait prévu l'essentiel
et elle était obéie. Voir Anciens, 1. 1, col. 554. Lorsque Da-
vid eut achevé la conquête de tout le pays, il se donna
une capitale, Jérusalem, admirablement choisie, par sa
situation, pour être d'une défense relativement facile. Il
tint à ce que la capitale civile fût en même temps la capi-
tale religieuse. Il y transporta l'Arche et prépara la cons-
truction du Temple unique où devait se célébrer magni-
fiquement le culte de Jéhovah. Il s'occupa d'organiser ce
culte, I Par., xvi, 1-42 ; xxm-xxvi, puis mit des fonction-
naires à la tête des différents services civils du royaume-
II y avait des conseillers, des confidents plus intimes
appelés «amis du roi », des intendants et des préposés
à toutes les parties du domaine royal. I Par., xxvii,
25-34. Salomon développa cette organisation. Il institua
les charges nécessaires au service du nouveau Temple,
bâtit des villes, des magasins, des places fortes dans
tout le pays, étendit le commerce, créa une flotte, ré-
duisit à un esclavage laborieux les anciens Chananéens
qui survivaient en Palestine et leur préposa des inspec-
teurs. II Par., vin, 3-10. Ces mesures devaient rendre le
royaume puissant et prospère. Des causes d'ordre moral
en paralysèrent bientôt l'effet. Sous Roboam, le pays se
divisa en deux, au grand détriment de Juda et d'Israël.
Les rois d'Israël cherchèrent à organiser leur royaume
en se rapprochant de leurs voisins de Syrie et en affec-
tant une hostilité presque constante contre leurs frères
de Juda. Ainsi Achab laisse établir à Samarie des bazars
syriens et lui-même établit des bazars israélites à Damas.
III Reg., xx, 34. Cependant Ochozias tente avec Josaphat,
en vue d'une expédition maritime, une alliance qui ne
DICT. DE LA BIBLE.
réussit pas. III Reg., xxn, 50. En Juda, l'administration
salomonienne se maintient, bien que restreinte . Plusieurs-
rois apportent une certaine activité dans leur gouverne-
ment. Ils combattent de leur mieux, mais pas toujours
avec succès, l'invasion de l'idolâtrie qui, ils le sentent
bien, doit amener la ruine de la nation. III Reg., xv,
11-15; xxn, 43-45; IV Reg., xn, 1-3; xvm, 3-4, etc.
Joas travaille à assurer le bon emploi des revenus du
Temple. IV Reg., xn, 4-16. Ozias multiplie les cons-
tructions défensives et les travaux agricoles. II Par.,
xxvi, 9, 10. Ézéchias renouvelle les rouages vieillis dé
l'ancienne administration, prend des mesures éner-
giques contre l'idolâtrie et cherche même à ramener
au culte de Jéhovah les habitants laissés dans le royaume
du nord. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. Josias fait aussi
quelques efforts pour remettre les choses en bon état.
II Par., xxxv, 10-25. Mais bientôt après lui survient la
ruine. David et Salomon sont donc les deux grands
initiateurs d'une administration rationnelle et puissante
qui, immédiatement après eux, s'achemine déjà à la
décadence.
3° Le pouvoir militaire. — Sur l'organisation des
armées israélites, voir Armée chez les Hébreux, t. i,
col. 971. Le roi était naturellement le chef de l'armée.
Quand les israélites réclament un roi, c'est surtout
pour qu'il marche à leur tête et méfie leurs guerres.
I Reg., vin, 20. Voir Guerre, t. m, col. 361. Parfois, le
roi commande en chef directement; ainsi font Saûl,
David, Achab, III Reg., xx, 14-15, Josaphat, III Reg.,
xxn, 29-36, etc. Le plus souvent, il confie la direction
de la guerre à un ou plusieurs chefs. Le roi peut et
doit entreprendre une guerre défensive. II le fait de sa
propre initiative. I Reg., xi, 7; II Reg., vin, 1-14, etc
Mais, quand la guerre est agressive ou que son issue
est douteuse, le roi consulte Jéhovah avant de l'entre-
prendre, I Reg., xiv, 37; xxvm, 6; II Reg., v, 19, 23;
ou bien il reçoit, par l'intermédiaire d'un prophète,
l'ordre soit d'aller en avant, I Reg., xv, 3,16; III Reg.,
xx, 28; IV Reg,, m, 18, 19, etc., soit de ne pas enga-
ger la guerre. III Reg., xn, 24; xxn, 15-28. Parfois, le
roi demande au préalable l'avis des anciens. III Reg.,
xxi, 7. Mais, avec le temps, les rois prennent l'habitude
de se passer de tout conseil. Des guerres assez nom-
breuses sont entreprises sans qu'aucune consultation
n'ait précédé. Les rois s'associent les uns avec les autres
pour faire la guerre. Asa fait alliance avec le roi de
Syrie, à prix d'argent, III Reg., xv, 18-22; Josaphat avec
Achab, III Reg., xxn, 4, et avec Ochozias, II Par., xx,
35-37; Ochozias de Juda avec Joram d'Israël, IV Reg.,
vin, 28; Achaz avec Théglathphalasar, à prix d'argent,
IV Reg., xvi, 7-9. Dieu intervient quelquefois pour régler
le sort des vaincus, I Reg., xv, 3-33; IV Reg., vi, 20-23;
d'autres fois, le roi dispose d'eux à son gré. IV Reg.,
vi, 31-34; ix, 24, 27; xiv, 13, 14, etc.
4° Le pouvoir judiciaire. — Le roi était le juge
suprême auquel on s'adressait en dernier ressort ou
même en première instance. II Reg., xv, 2-6. Voir
Juge, t. m, col. 1835. De là cette prière de Salomon :
((Accordez à votre serviteur un cœur attentif pour juger
votre peuple, pour discerner le bien et le mal. Car qui
pourrait juger votre peuple, ce peuple si nombreux? »
III Reg., m, 9. Sans doute, «juger» signifie principa-
lement ici « gouverner » ; mais l'administration de la
justice suprême était un des devoirs du gouvernement.
Le pouvoir du roi était sans appel. Il avait le droit de
faire grâce à ceux que la loi condamnait. II Reg., xrv, 11.
II pouvait aussi condamner à mort, sans autre infor-
mation judiciaire, ceux qu'il jugeait coupables. II Reg.,
i, 15; rv, 12; xn, 5; III Reg., n, 25, 29,46.
5» Les abus de pouvoir. — Les tentatives de despo-
tisme royal trouvaient un obstacle dans l'intervention
du peuple, représenté par les anciens, II Reg., v, 3;
III Reg., xn, 3, 4; IV Reg., xi, 17, etc., et dans celle
V. - 36
Î123
ROI
1124
des prophètes. Beaucoup de rois néanmoins, et même
des meilleurs, abusèrent de leur autorité. La conduite
de David à l'égard' d'Urie en est un exemple lamen-
Wm*. ^\^eg.,"x\, 'VIT! . ïrtikmwsa *YsVAS*4e sas droits eu
aggravant les impôts et les corvées, pour satisfaire à
ses goûts exagérés de constructions et de faste. Roboam
ne voulut rien rabattre de la rigueur du gouvernement
paternel et il fut cause du schisme. III Reg., xii, 3-19.
Achab laissa condamner juridiquement l'innocent
Naboth, afin de s'emparer de sa vigne. III Reg., xxi,
8-14. Athalie s'attribua par le crime une royauté à
laquelle elle n'avait aucun droit. IV Reg., xi, 1-3- Joas
se saisit de tout l'or du Temple pour éloigner Hazaël.
IV Reg., xii, 18. Ozias, comme Saùl, voulut s'ingérer
dans l'exercice du ministère sacerdotal. I Reg., an,.
9; II Par., xxvi, 16-19. Les rois d'Israël et la majeure
partie des rois de Juda, à l'exemple de Salbmon, tolé-
rèrent, favorisèrent ou pratiquèrent eux-mêmes l'ido-
lâtrie, ce qui les constituait en opposition formelle avec
le statut théocratiqne. Ils s'entouraient de prophètes
courtisans, qui approuvaient leurs desseins et secon-
daient leur politique toute humaine. III Reg., xxn,
12-23; 1er., xxm, 1-32; xxvu; xxvm, etc. Plusieurs
s'emportèrent contre les vrais prophètes du Seigneur
et les maltraitèrent. Telle fut la conduite d'Achab à
l'égard de Michéfe, II Par., xvm, 26, et d'ï.lie, III Reg.,
xvm, 7-17; xix, 2; celle de Joakim, qui brûla les pro-
phéties de Jérémie, Jer., xxxvi, 23, etc. L'institution de
la royauté Israélite paraît avoir été nécessaire pour
assurer la cohésion de la nation et la mettre en état de
se défendre contre des agresseurs puissants. Mais les
rois d'Israël et de Juda eurent le tort de vouloir donner
à leur royauté le caractère et l'indépendance des royau-
tés environnantes. L'exemple de Salomon fut fatal à
cet égard. Il entraîna comme conséquences la mécon-
naissance des conditions de la théocratie et la ruine du
royaume lai-même. La protection de Jéhovah devait
seule préserver l'existence de ce petit royaume situé au
milieu d'empires puissants et hostiles. Cette protection
finit par faire défaut, quand les rois et le peuple ou-
blièrent Jéhovah pour mettre leur confiance dans les
appuis humains et dans les idoles. C'est à cette préva-
rication persistante que les auteurs sacrés attribuent la
ruine du royaume d'Israël, IV Reg., xvn, 7-23, et celle
du royaume de Juda. IV Reg., xxiv, 2-3-
VI. Revenu royal. — Il fallait aux rois des res-
sources considérables pour faire face aux dépenses qui
s'imposaient à eux. Sans doute, ils n'avaient pas un
budget d'État destiné à subvenir aux dépenses d'intérêt
général. Mais l'entretien de leur cour étaitcoûteux. Les
ressources leur venaient de différents côtés.
1° Les dons. — Il a toujours été d'usage en Orient
que les sujets fissent des présents à leurs princes. Ces
dons, volontaires en apparence, n'en sont pas moins de
véritables impôts au paiement desquels nul ne peut se
dérober. Sitôt que Saùl fut proclamé roi, on lui apporta
des présents, et le nouveau prince fut assez habile pour
ne pas prendre garde à ceux qui les lui refusaient. Son
pouvoir était encore trop peu solide pour se permettre
des exigences ou des rigueurs. I Reg., x, 27. Isaï
envoya des présents à Saùl par son fils David. I Reg.,
xvi, 20. On en offrit à David, quand il s'exila de Jéru-
salem. II Reg., xvii, 28, 29. La coutume devint une ins-
titution régulière sous Salomon, auquel chacun offrait
annuellement argent, or, vêtements, armes, parfums,
chevaux et mulets. III Reg., iv, 21; x,25. Nul doute que
ses successeurs n'aient maintenu avec soin cette tra-
dition. Ces présents venaient quelquefois aux rois de
la part des princes . étrangers. II Reg., vin, 10-12;
III Reg., x, 10; IV Reg., m, 4.
2° Le butin. — Les guerres heureuses se terminaient
toujours par le partage des dépouilles de l'ennemi. Voir
Butin, t. i, col. 1976. Le roi en eut naturellement sa
bonne part. I Reg., xxx, 20. Après la prise de Rabbath,
David enleva une couronne d'or du poids d'un talent
avec un très grand butin. II Reg., xn, 30. Il faut avouer
néanmoins que, par la suite, cette source de revenus ne
fut pas très considérable. Les rois eurent plus à payer
aux étrangers qu'à recevoir d'eux.
3° Les propriétés foncières. — Samuel avait prévu
que les rois deviendraient de grands propriétaires, aux
dépens de leurs sujets. I Reg., vm, 14. Déjà David a
des champs et des ouvriers qui les cultivent, des vignes,
des plantations d'oliviers et de sycomores, de riches
prairies où paissent de nombreux troupeaux. I Par.,
xxvn, 25-31. Plus tard, Ozias possédait aussi de grands
troupeaux, dans la plaine et sur la montagne; des
laboureurs et des vigneronscultivaient ses terres. II Par.,
xxvi, 10. Dans sa description de la Palestine idéale,
Ézéchiel, xlv, 7-12, attribue au prince un domaine ter-
ritorial, qui est son unique source de revenus. Le
prophète fait ces remarques significatives : « Ce sera
son domaine, sa possession en Israël; et mes princes
n'opprimeront plus mon peuple, ils laisseront le pays à
la maison d'Israël... C'en est assez, princes d'Israël!
plus de violences ni de rapines ! » Le prophète ajoute
plus loin, en faisant une allusion visible au cas de Na-
both : « Le prince ne prendra l'héritage de personne
en l'expulsant de sa propriété; c'est de son propre
domaine qu'il donnera un héritage à ses fils. » Ezech.,
xlvi, 18. Ces remarques indiquent assez de quelle
manière s'accrut le domaine royal, surtout sous les
princes impies et peu scrupuleux. Les propriétés, une
fois acquises, ne sortaient. plus de ce domaine, parce
que le propriétaire était en mesure de les défendre.
4° Les impôts. — Voir Impôts, t. m, col. 852, Cf. I Reg.,
vm, 15; xvii, 25. Le produit des impôts ordinaires res-
tait à la seule disposition du roi pour les dépenses de
sa cour, ses constructions, etc. Ces impôts se payaient
le plus souvent en nature. Am., v, 11; vu, 1. Salomon
avait organisé tout un service pour que, chaque mois,
un des douze districts palestiniens fournît le nécessaire
à l'entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7-19.
Les provisions de chaque jour étaient considérables.
III Reg., iv, 22, 23,
5° Le commerce. — Salomon ne dédaigna pas de
chercher dans le trafic une nouvelle source de revenus.
III Reg., x, 14, 15, 28, 29. Ses entreprises maritimes
tendaient au même but. III Reg., x, 22. Mais ses dépen-
ses étaient telles que, vingt ans après la construction
du Temple et du palais, il n'était pas capable de payer
à Hiram ses fournitures de matériaux et ses avances.
II fut obligé de lui donner vingt villes en Galilée, ce
dont le roi de Tyr se montra peu satisfait. III Reg., ix,
10-14. Josaphat tenta de renouveler les entreprises
maritimes de Salomon, mais sans succès. III Reg., xxii,
49. La division du royaume eu deux parties hostiles ne
dut pas être favorable aux tentatives commerciales des
autres rois.
6° Les corvées. — Les rois faisaient travailler pour
leur compte les peuples vaincus. II Reg., xn, 31;
III Reg., ix, 20-22. Voir Corvée, t. n, col. 1032. Sansles
traiter absolument comme esclaves, Salomon pressura
fortement ses sujets pour l'exécution de ses grands tra-
vaux, III Reg., v, 13, comme le montre le mécontente-
ment général à l'avènement de Roboam. III Reg., xii,
4, 14. — Les rois ne disposaient jamais de ressources
trop grandes pour satisfaire à leurs besoins ou à leurs
caprices. Il leur fallait tout d'abord subvenir à leur
entretien et à celui de leur cour, puis faire digne figure
à côté des autres rois orientaux, dont le luxe était sans
mesure, IV Reg., xx, 13, établir les nombreux fils que
leur donnait la polygamie, II Par., xi, 23, avoir des
appartements d'hiver et d'été, Jer., xxxvi, 22; Am., m,
15, des palais et des jardins magnifiques, des ustensiles
d'or, des chars, des chevaux et tout ce qui constituait
1125
ROI
H26
le confort asiatique. III Reg., x, 21, 26, Ce qui aggra-
vait la charge pour le peuple, c'est que les intermédiaires
dont le roi était obligé de se servir pour faire rentrer
ses revenus résistaient rarement au désir de s'enrichir
eux-mêmes, comme ce Sobna qui se préparait un
magnifique sépulcre. Is., xxii, 15-17. Ils se croyaient
le droit, ainsi qu'il est habituel en Orient, de majorer
le taux des redevances, soit pour se couvrir eux-mêmes
quand l'impôt ne fendait pas, soit pour s'assurer un
bénéfice sérieux. Cf. Jahn, Archssologia biblica, dans le
Script. Sacr. cursus complet, de Migne, Paris, 1857,
t. il, col, 958-968.
VII. Fonctionnaires royaux. — 1» Au temps de David,
les fonctionnaires sont les suivants : — 1. 'al 'osrôf ham-
mélék, «le préposé aux trésors du roi », surintendant
résidant à la cour; — 2. le préposé aux trésors dans
les champs, les villes, les villages et les tours, proba-
blement chargé de centraliser les redevances qui pro-
viennent des diverses localités et des tours élevées pour
protéger les cultures; — 3. le préposé à la culture des
champs; — 4. le préposé à la culture des vignes; —
5. le préposé aux provisions de vin dans les vignes, c'est-
à-dire probablement aux vendanges; — 6. le préposé
aux plantations d'oliviers et de sycomores dans la Sé-
phéla; — 7. le préposé à la récolte de l'huile; — 8. le
préposé anx bœufs de Saron ; — 9. le préposé aux bœufs
des vallées; — 10.1e préposé aux chameaux; — 11. le
préposé aux ânes; — 12. le préposé aux brebis. Ces douze
premiers fonctionnaires sont des èârim, npocrrârai,
principes, chargés des intérêts financiers du roi. Vien-
nent ensuite ceux qui prennent part au gouvernement
proprement dit : — 13. sôferîm, aii[i.6ouXot, consiliarii,
les conseillers; — 14. rê'a ham-mélêk, ç&oç toû fiacri-
Xêon;, amicus régis, titre qui paraît être celui d'une
fonction officielle, celle de confident ou de conseiller
intime; — 15. iar iâbâ', àç>x<-<rzp6.rr i -(oç, princeps exer-
citus, le chef de l'armée. II Par., xxvn, 25-34. Cette
dernière fonction était des plus importantes; mais il y
a lieu de penser que celles de grand-bouvier, grand-
chamelier, grand-ânier, etc., ne l'étaient guère moins,
comme celle de connétable chez les anciens rois de
France. Enfin, il est encore question sous David d'un
archiviste, d'un secrétaire, d'un chef des gardes du
corps et des fils du roi, qui ont le titre de kohânîm
ou ministres. C'est le sens primitif d'un mot qui a été
réservé ensuite pour désigner les prêtres. II Reg., vin,
16-18; I Par., xvm, 17.
2° Sous Salomon, le développement des services
royaux entraîna l'inslitution de nouvelles charges.
Voici celles qui sont énumérées, en dehors des fonctions
sacerdotales: 1. soferim, Ypaniiatet;, scribse, les scribes
ou secrétaires; — 2. ham-mazkir, àva[u|Avvi<TX(i>v, a
commentariis, l'archiviste ou historiographe; — 3. 'al
has-sebâ', hii trie Suvâjjiswç, super exercilum, lé chef
de l'armée; — 4. 'al han-niSsâbîm, im tôv xaôearoc-
[isvwv, super eos qui assistebant regi,\e chef des inten-
dants ou préposés aux redevances; t- 5. l'ami du roi
ou conseiller intime; — 6. 'alhab-bàîf, ocxovrfpo:, pree-
positus domus, l'intendant du palais; — 7. 'al ham-
mas, éjuI tmv <p<5pcov, super tributa, le surintendant des
tributs. Au-dessous de ces fonctionnaires, probable-
ment sous les ordres du nisiàb en chef, étaient placés
douze nissâbîm préposes à douze districts palestiniens
dont chacun devait fournir les provisions nécessaires
à la cour pendant un mois à tour de rôle. III Reg.,
iv, 2-7. Ces intendants locaux remplaçaient vraisembla-
blement les préposés chargés par David de s'occuper
des champs, des vignes, du bétail, etc. L'organisation
de Salomon était plus pratique, parce que chaque inten-
dant n'avait à régir qu'un territoire restreint.
3» Ces différentes charges subirent des modifications
après la division du royaume, et l'on ne peut savoir
dans quelles conditions elles furent exercées aux diffé-
rentes époques. Cependant, après Salomon, il est encore
fait mention de secrétaires royaux, IV Reg., xn, 10 ; xix,
2; xxii, 8; Jer., xxxvi, 12; d'historiographes, IV Reg.,
xvm, 18; Is., xxxvi, 3,22; d'intendants du palais, IIIReg.,
xviii, 3; Is., xxxvi, 3; de conseillers, Is., m, 3; de gou-
verneurs des provinces, Mrêham-medînôt, III Reg., xx,
14, etc. La charge de « gardien du vestiaire », IV Reg.,
x, 22, n'était pas une charge royale. Il ne s'agit, dans ce
passage, que du vestiaire du temple de Baal. Les rois
de Juda et d'Israël s'entouraient d'ailleurs des mêmes
sortes de fonctionnaires que les autres souverains. On
retrouve les mêmes titres partout. A l'époque évangé-
lique, saint Luc mentionne un intendant d'Hérode, êm-
TpdJtoç, procurator, Luc, vin, 3, un trésorier, ènl Tf,<;
yâ&ic, super gazas, de la reine Candace, Act., vm, 27,
et un chambellan, lui toO xoiuôvo;, super cubiculum,
du roi Hérode. Act., xn, 20. Voir Ami, t. i, col. 480;
Archiviste, col. 936; Conseiller, t. ri, col. 922; His-
toriographe, t. ni, col. 722; Palais, t. iv, col. 1973;
Scribe, Secrétaire.
VIII. Remarques bibliques au sujet des rois. —
Outré les faits historiques, le s auteurs sacrés notent quel-
ques traits qui renseignent sur l'idée qu'on se faisait des
rois. — 1 er Leur dépendance de Dieu. — Cette dépen-
dance est naturellement plus accusée dans une théo-
cratie. C'est par Dieu que' les rois régnent. Prov., vm,
15. Il incline leur cœur où il veut. Prov., xxi, 1. Il délie
leur baudrier et les ceint d'une corde, Job, xh, 18, c'est-
à-dire les abaisse à son gré. Au roi méchant, il dit :
Vaurien ! Job, xxxiv, 18. Les rois doivent donc devenir
sages et servir Jéhovah avec crainte. Ps. Il, 10-11. —
1° Leur pouvoir. — Les rois dominent leurs sujets. Luc,
xxii, 25. Le roi armé pour le combat est redoutable. Job,
xv, 24. La colère du roi est une messagère de mort,
Prov., xvi, 14; elle est comme le rugissement du lion,
mais la sérénité de son visage donne la vie et sa faveur
est comme la rosée sur l'herbe. Prov., xvi,15; xix,12;
xx, 2; Is., xxxiii, 17. Le roi juste dissipe tout mal par
son regard et le roi sage disperse les méchants. Prov.,
xx, 8, 26. — 3° Leurs devoirs. — Le roi doit se réjouir de
la protection de Dieu et avoir confiance en lui. Ps. xxi
(xx), 2, 8. Car ce n'est pas le nombre des soldats qui lui
assuré la victoire. Ps. xxxm (xxxn), 16. 11 doit recevoir
de Dieu le jugement et la justice. Ps. lxxii (lxxi), 2. Il
ne faut pas qu'il viole la justice, parce que ses paroles
sont des oracles, Prov., xvi, 10, c'est-à-dire des arrêts
dont on ne peut appeler. S'il veut assurer la prospérité
et la durée de son règne, qu'il ait de la bonté et de la
fidélité, Prov., xx, 28; qu'il pratique la justice, Prov.,
xxix, 4; qu'il juge fidèlement les pauvres, Prov., xxlx,
14; qu'il aime la sagesse, Sap., vi, 20, 25; qu'il examine
toutes choses, Prov., xxv, 2; qu'il ne subisse pas l'in-
fluence des méchants, Prov., xxv, 5; qu'il se garde des
femmes, Prov., xxxi, 3, du vin, Prov., xxxi, 4, et de l'or.
Eccli., vm, 3. C'est une abomination pour le roi de faire
le mal, Prov., xvi, 12, car Dieu brise les rois au jour
de sa colère. Ps. ex (cix), 5. — i° Leur administration. —
Le peuple nombreux est la gloire du roi. Prov., XIV, 28.
Heureux le peuple dont le roi est de noble race, Kccle.,
x, 17, car il aura des qualités qui l'aideront à bien gou-
verner; mais malheur au pays dont le roi est un en-
fant, Eccle., x, 16, car il sera mal conduit. Mieux vaut
un jeune homme pauvre et sage qu'un roi vieux et in-
sensé. Eccle., îv, 13. Un roi ignorant perd son peuple.
Eccli., x, 3. Le roi doit s'entourer de dignes conseillers.
Sa faveur va au serviteur intelligent. Prov., xiv, 35.
Il aime celui qui parle avec justice et droiture. Prov.,
xvi, 13. L'homme habile a sa place auprès de lui. Prov.,
xxii, 29. Celui qui a le cœur pur et la grâce sur les
lèvres est désigné pour être 1' « ami du roi ». Prov.,
xxii, 11. Le cœur du roi est impénétrable, Prov., xxv,
3, il ne révèle pas ses secrets à tous. Le roi qui donne
ses soins à l'agriculture travaille pour l'avantage du
1127
ROI — ROIS (LES QUATRE LIVRES DES)
112»
pays, Eccle., v, 8, et pour le sien, puisque beaucoup de
ses ressources lui viennent de là. Avant d'engager une
guerre, il commence par se rendre compte de l'état de
ses forces. Luc, xiv, 31. Les rois célèbrent solennel-
lement les noces de leurs fils, Matth., xxn, 2, mais ils
n'exigent pas d'eux le cens ni le tribut. Matth., xvn,
24. Le luxe règne à la cour des rois. Matth., xi, 8;
Luc, vu, 25. C'est le propre d'un roi débauché et cruel,
comme Hérode Àntipas, de promettre la moitié de son
royaume à une danseuse et de lui accorder la tête d'un
prophète comme Jean-Baptiste. Marc, vi, 22-27. —
5° Devoirs envers le roi. — Il faut craindre, c'est-à-dire
révérer Dieu et le roi. Prov., xxiv, 21; I Pet., Il, 17.
Les Apôtres veulent qu'on lui soit soumis, I Pet., il,
13, cf. Eccle., vin, 2, et qu'on prie pour lui. I Tim.,n,
2.f)n doit tenir caché le secret du roi, Tob., xii, 7, ne
pas prendre des airs superbes devant lui, Prov., xxv,
6, ne pas chercher à paraître sage à ses yeux, ni lui
demander un siège d'honneur. Eccli., vu, 4, 5. Il faut
éviter de le maudire, même en pensée, car tout finit
par se savoir. Eccle., x, 20.
IX. Liste des rois des Hébreux.
ROIS DE TOUTE LA NATION
Saut 1095 (avant J.-C).
David 1055.
Salomon 1015.
ROIS DE JUDA
ROIS D'ISRAËL
Roboam ....
975
958 (960)
955
Jéroboam I. . .
975 (938)
Nadab
Baasa
954
953 (950)
930
7 jours
930
918 (875)
Josaphat ....
914 (877)
Ochozias ....
897
896 (855)
Ochosias ....
Athalie
Joas
889 (852)
884
883
877 (837)
884 (865)
Joachaz. . . . .
856 (815)
840 (798)
Amasias ....
838
Jéroboam II. . .
824 (783)
• 809
Zacharie . . .
Mauahem. . . .
Phacéia. ....
772
772
771
761
759
Joatham ....
757 (750)
741 (744)
729
Ézéchias ....
726 (729)
Prise de Samarie.
721
Manassé ....
Joachaz. ....
Joakim
Jéchomas. . . .
Sédécias ....
Prise de Jérusa-
697 (688)
642
640
609
609
598
598
587
Sur les difficultés que présente l'établissemen de la
chronologie des rois de Juda et d'Israël, voir Chrono-
logie biblique, t. h, col. 730-733; Pelt, Histoire de
l'Ancien Testament, Paris, 1904, t. n, p. 131-140. Sur
les rois de la famille des llérodes, voir Hérode (Famille;
des), t. m, col. 638-652.
X. Le roi des Juirs. — Ce titre est un des noms qui
désignent le Messie. La royauté du Messie était annoncée-
par les prophéties, Ps., n, 9; Is., xxxii, 7; Jer., xxm,
5; Mich., iv, 7; Zach., IX, 9, et les Juifs attendaient un
Messie roi et dominateur. Voir Jésus-Christ, t. m,,
col. 1438, 1439. Aussi, quand les Mages se présentent à
Jérusalem en demandant: «Où est le roi des Juifs qui
vient de naître ?» Hérode s'enquiert aussitôt auprès du
sanhédrin du lieu « où le Christ doit naître. » Matth., H,
2, 4. Dès le début du ministère public, Nathanaël dit à»
Jésus : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël, »
Joa., i, 49, et, après la multiplication des pains, le&
témoins du miracle reconnaissant en lui «le prophète
qui doit venir en ce monde,» veulent le proclamer roi-
Joa., vi, 15. A l'entrée triomphale à Jérusalem, on
l'appelle le «roi d'Israël». Joa., xn, 13. C'est pendant
la passion surtout que ce titre de « roi des Juifs » est
mis en avant; les ennemis du Sauveur cherchent à
l'exploiter contre lui devant Pilate. Ils accusent Jésus
de s'être dit le «Christ roi». Luc, xxm, 2. Pilate lur,
demande alors s'il est « le roi des Juifs », et Jésus-
répond que. son royaume n'est pas de ce monde, mais
que cependant il est roi pour rendre témoignage à la
vérité. Matth., xxvn, 11; Marc, xv, 2; Luc, xxm, 3;
Joa., xviii, 36, 37. Il ne s'agit donc pas d'une royauté-
de la terre. Pilate ne s'y trompe pas et il déclare qu'il
ne trouve dans l'accusé aucun motif de condamnation.
Joa., xvni, 38. Il retient cependant le titre de «roi des
Juifs ». Il s'en, sert pour désigner Jésus quand il le met
en parallèle avec Barabbas, Marc, xv, 9; Joa., xviii,
39, et quand il le ramène dehors après la flagellation,
Joa., xix, 14, 15; il l'inscrit sur le titre de la croix et se
refuse à changer sa formule, malgré le mécontentement
des Juifs. Matth., xxvn, 37; Marc, xv, 26; Luc, xxm,
38; Joa., xix, 19-22. Les soldats de la cohorte saluent
Jésus de nom de «roi des Juifs». Matth., xxvn, 29;
Marc, xv, 18; Joa., xix, 3. Enfin, au Calvaire, on évo- •
que encore les titres de « roi des Juifs » et de « roi
d'Israël », pour mettre le Sauveur en demeure de les
justifier par sa propre délivrance. Matth., xxvir, 42;
Marc, xv, 32; Luc, xxm, 37. Sur le sens de cette
royauté, voir Royaume de Dieu. Il est à remarquer que r
de tous les titres donnés à Jésus-Christ, celui de « roi.
des Juifs » est le seul que la tradition chrétienne n'ait-
pas continué à lui donner. Jésus-Christ est le « prince
de la terre. » Apoc, i, 5. H. Lesêtre.
ROIS (LES QUATRE LIVRES DES).- lisse divi-
sent, d'après leur sujet comme d'après leur origine, en,
deux groupes distincts, composés chacun de deux livres,
et placés, dans la Bible hébraïque, immédiatement après
le livre des Juges, tandis que lés Septante, la Vulgate, etc. ,
les insèrent à la suite du livre de Ruth. — Les Juifs
désignent par la dénomination collective de « Samuel»,
ou, dans le détail, par les titres « premier (livre) de
Samuel, second (livre) de Samuel », les écrits que
nous nommons « Premier livre des Bois, Second livre
des Rois ». Notre troisième et notre quatrième livre
des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et le-
second des Meldhîm, c'est-à-dire, des Rois. Saint Jérôme-
a conservé en partie ces noms dans les inscriptions
qu'il a placées en tête des quatre livres : Liber primus
Samuelis, quem nos primum JRegum dicimusj Liber-
secundus Samuelis, quem nos secundum Regum dici-
nus ; Liber Beg uni tertius, secundum Hebrœos primusr
Malachim ; Liber Regum quartus, secundum Rebrmos*
Malachim secundus.^ — Les deux premiers livres ne.
forment en réalité qu'un seul et même écrit ; le troisième
et le quatrième en forment un second. Origène, In Ps. i,
t. xil, col. 1084| et dans Eusébe, H. E., vi, 65, t. xx,.
col. 581, atteste, de concert avec saint Cyrille de Jéru-
-1129
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1130
salem, Catech., rv, 35, t. xxxiii, col. 500, que, de
-son temps, ils n'étaient pas séparés l'un de l'autre dans
«la Bible hébraïque ; ce qui est encore vrai de toutes les
éditions manuscrites de cette Bible. La séparation n'a
^té introduite qu'en 1518 dans les éditions de Venise
imprimées par Daniel Bomberg. Mais elle remonte à la
«traduction des Septante, ainsi que la division en quatre
livres, et c'est de là qu'elle est passée dans les Bibles
chrétiennes. En fait, la division en quatre livres n'a
•pas d'autre raison que la longueur des deux écrits, qui
ne pouvaient être contenus chacun dans un seul et même
Touleau, voir Livre, t. iv, col. 307, d'après les dimen-
sions ordinaires qu'on leur donnait. — Les livres 1 et II
forment un tout suivi : les premières lignes du second se
rattachent étroitemen aux dernières lignes du premier,
•sans la moindre interruption. Il en est de même pour le
troisième et le quatrième. — Les titres donnés par les
Septante ont leur raison d'être; mais l'arrangement
adopté dans la Bible hébraïque est plus exact, puisque
le troisième et le quatrième livre des Rois forment en
réalité une œuvre à part, très différente de celle que les
Juifs et les protestants désignent par le nom de Samuel.
•Quant à ce dernier nom, il a été choisi parce que le pro-
phète Samuel nous apparaît, dès le début et pendant un
certain temps, comme le personnage principal, et aussi
à cause du rôle prépondérant qu'il joua dans l'institution
de la royauté israélite, qui forme le fond de la narra-
ion. C'est lui, en effet, qui consacra rois Saûl et David.
I. LES DEUX LIVRES DE SAMUEL (I et II Rois). —
■I. 'contenu. — 1° Sujet. — Les deux premiers livres
-des Rois exposent la suite de l'histoire des Israélites,
•depuis la dernière partie de la période des Juges,
jusqu'aux dernières années du règne de David. Ils
s'occupent d'abord des origines et de l'établissement
-définitif de la royauté au sein du peuple théocratique.
Pendant quelque temps, les Hébreux sont encore gou-
vernés par des Juges, Héli, Samuel, les fils de Samuel,
-comme sous la période précédente. Divers incidents,
qui se groupent autour de la personne de Samuel,
excitent peu à peu au cœur du peuple le désir d'avoir
ik sa tête un roi proprement dit, comme les nations
voisines : Saùl est élu et sacré; mais bientôt reconnu
indigne, devant Dieu et devant les hommes, d'exercer
de si hautes fonctions, il est rejeté et David est choisi
à sa place. Saûl jaloux persécute David et essaie de
s'en défaire ; puis Saùl périt dans un combat contre les
Philistins, et David ne tarde pas à régner glorieuse-
ment sur tout Israël, procurant à ses sujets la force et
la gloire, soit au dedans, soit au dehors. — Nos deux
•livres entrent d'ordinaire dans de longs développements
sur les faits qu'ils racontent; ils nous fournissent une
biographie assez complète de Samuel, de Saùl et de
David, sans craindre çà et là les répétitions, à la façon
des écrivains orientaux. Néanmoins, en quelques
endroits le récit prend une forme très abrégée, et on y
remarque même des lacunes, l'historien ne s'étant pas
proposé de tout dire d'une manière absolue, pas même
-de raconter la fin du règne et la mort de David.
2° Division et analyse. Premier livre. — Il entre en
matière d'une façon abrupte : un vieillard débilité de
corps et d'esprit gouverne les Hébreux, que les Phi-
listins oppriment et humilient. La douce figure du
jeune Samuel nous apparaît en même temps comme
un contraste, et aussi comme une promesse qui se réa-
lise promptement. Nous passons ensuite à Saùl et à
David. Le premier livre s'achève après la mort du grand
prophète et du roi maudit; le second s'occupe exclusi-
vement de David etdesonrègae glorieux. En réunissant
les deux livres, on obtient une division très naturelle, en
•trois parties : 1° histoire de Samuel, I Reg. , i-xn ; 2° his-
toire. de Saûl, I Reg., xiii-xxxi; 3° histoire de David,
II Reg., i-xxiv. — Ces trois parties se subdivisent ains :
Premier livre. —1. Les derniers Juges d'Israël, l, 1-vil,
17. Deux sections : o) La judicature d'Héli et la com-
plète défaite desHéhreux par les Philistins, r, l-iv,22.
Cette triste histoire sert d'introduction à celle de Sa-
muel, dont nous apprenons ici la naissance, la consé-
cration au service du Seigneur dans le sanctuaire de
Silo, i,1-ii, 10, et les premères relations avee Dieu, n,
11-m, 21, qui annonce par lui les vengeances terribles
qu'il tirera de la maison d'Héli. La sentence . divine
ne tarde pas à recevoir son exécution : les Israélites
sont battus par les Philistins, qui s'emparent de l'Arche;
Héli et ses fils périssent tragiquement, IV, 1-22. —
b) Judicature de Samuel, v, 1-vn, 17. Effrayés par les
fléaux qui frappaienttoutes celles de leurs villes où ils
conduisaient l'Arche de Jéhovah, les Philistins se. dé-
cident à la renvoyer sur le territoire d'Israël, v, 1-vi,
12. Elle séjourne successivement à Bethsamès, vi, 13-
20, et à Cariathiarim, vu, 1. Ramenés par Samuel à
leur Dieu, qu'ils avaient gravement offensé, les Israé-
lites infligent à leur tour une grande défaite aux Phi-
listins, vu, 2-14. Suit un sommaire de la judicature
de Samuel, vm, 15-17. — 2. Saûl roi d'Israël, vin,
i-xv, 35. Deux sections : a) Élévation de Saùl à la di-
gnité royale, vm, 1-Xii, 25. Fatigués des malversations
des fils de Samuel, qui abusaient de l'autorité que leur
père leur avait confiée, les Hébreux expriment au pro-
phète leur vif désir d'être gouvernés par un roi stable,
vin, 1-9. Samuel leur expose les graves inconvénients
de la royauté, f. 10-18. Ils insistent, et Dieu lui-même
ordonne au prophète d'obtempérer à leur demande, f.
19-22. L'écrivain sacré décrit alors l'origine de Saùl et
ses premières relations avec Samuel, IX, 1-27, puis son
onction royale, x, 1-16, et la ratification par le peuple
du choix que Dieu avait fait de lui, x, 17-xi, 15. Il ra-
conte ensuite l'abdication de Samuel et ses adieux au
peuple, xn, 1-25. — b) Saûl reprouvé de Dieu, xm,
1-xv, 35. Passant sous silence, ainsi qu'on l'admet
généralement, un intervalle de plusieurs années, le nar-
rateur nous conduit directement aux causes qui ame-
nèrent la réprobation du roi. Elles se rattachent à deux
guerres d'Israël, l'une contre les Philistins, xm, 1-xrv,
52, l'autre contre les Amalécites, xv, 1-35, et à de
graves désobéissances de Saùl aux ordres de Dieu, à
l'occasion de ces guerres. — 3. Les dernières années
de Saûl et les commencements de David, xvi, 1-xxxi,
13. Trois sections : a) David à la cour de Saùl, xvi,
1-xx, 43. Il reçoit l'onction royale et est introduit à la
cour, xvi, 1-23. Il s'illustre en triomphant de Goliath,
XVII, 1-58. Saùl devieut jaloux de lui et lui tend de
secrètes embûches, xvni, 1-30; il s'abandonne ensuite
à une haine ouverte et essaie plusieurs fois de le faire
mourir, xix, 1-xx, 43. — b) David fugitif à travers le
désert de Juda, xxi, 1-xxvj, 25. Le texte sacré nous
montre le futur roi d'Israël errant çà et là, parmi de
nombreux périls, pour se mettre à l'abri des persécu-
tions de Saùl, xxi, 1-xxn, 23,' et il décrit les soins tou-
chants de la divine Providence pour le sauver, xxin,
1-xxvi, 25. — c) David exilé chez les Philistins, xxvii,
1-xxxi, 13. C'est la continuation douloureuse de
l'épreuve. Nous voyons successivement David réfugié
chez les Philistins et Saùl allant consulter la pytho-
nisse d'Endor, xxvn, 1-xxvni, 25; David vainqueur des
Amalécites, Saûl défait par les Philistins et tué sur le
champ de bataille, xxrx, 1-xxxi, 13.
Second livre. — Trois parties : — 1. David règne à
Hébron, i, 1-iv, 12. Son grand deuil au sujet de la mort
de Saûl et de Jonathas, 1, 1-27. 11 reçoit l'onction royale
pour la seconde fois, mais il n'est reconnu que par la
tribu de Juda, tandis qu'Isboseth, fils de Saùl, soutenu
par Abner, gouverne le reste de la nation, n, 1-32. Sa
famille va croissant et se fortifiant, celle de Saûl décroit,
m, 1-iv, 12. •— 2. David règne à Jérusalem, sur tout le
peuple, v, 1-xx, 26. Deux sections : a) Extraits des an-
1131
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1132
nales royales, décrivant la puissance toujours grandis-
-sante de David; v, 1-x, 19. Toutes les tribus le recon-
naissent pour roi, v, 1-15. Il sîempare de la citadelle
de Sion et fait de Jérusalem sa capitale, v, 6-10. Il se
construit un palais, v, 11-16, et livre aux Philistins
deux guerres victorieuses, v, 17-25. ^transporte solen-
nellement l'Arche à Sion, VI, 1-23. A l'occasion du désir
qu'il avait exprimé de bâtir un temple au Seigneur, il
reçoit un brillant oracle, relatif à la perpétuité de son
trône, vu, 1-29. Sa puissance continue de se fortifier
par une série de guerres heureuses, vin, 1-x, 19. —
•6) Le crime de David et ses suites funestes, xi, 1-xx,
26. Le roi adultère et homicide, xi, 1-27. Repris par
Nathan, il reconnaît la gravité de sa faute, XII, 1-14.
Naissance de Salomon, xu, 15-25. Prise de Rabbath-
Ammon, xn, 26-31. Désordres dans la famille royale et
inceste d'Amnon; fratricide d'Absalom, xm, 1-xiv, 33.
Révolte d'Absalom et conséquences désastreuses qu'elle
faillit avoir pour David, xv, l-xvm,5. Défaite et mort
du rebelle, xvm, 6-33. David rentre à Jérusalem et
dompte une seconde révolte de ses sujets, xix, 1-xx,
26. — 3. Dernières années du règne de David, xxi,
1-xxiv, 25. C'est là une sorte d'appendice, dontvoiciles
principaux incidents : a) Ruine de plus en plus com-
plète de la maison de Saùl, xxi, 1-14; 6) Quatre expé-
ditions victorieuses contre les Philistins, XXI, 15-22;
c) Cantique d'action de grâces de David, xxn, 1-51;
d) Ses dernières paroles, xxm, 1-7; e) Liste des héros
de David, xxm, 8-39; f) Dénombrement du peuple et
peste qu'il occasionna, xxiv; 1-25.
II. BUT ET IMPORTANCE DES DEUX PREMIERS LIVRES
Des ROIS. — 1" Le but est triple, tel qu'on peut l'envi-
sager à la lumière des événements. Il y a d'abord un
but très général, qui consiste à raconter la suite de
l'histoire des Israélites, en tant qu'ils étaient le peuple
de Jéhovah. On peut distinguer aussi un but plus spé-
cial, qui est de démontrer les droits de David et deses
descendants au trône d'Israël. Enfin et surtout, un but
plus particulier encore est d'attester la fidélité de Dieu
à ses anciennes promesses relatives au Messie et
d'en décrire l'accomplissement progressif, Autrefois,
Gen., xlix, 8-11, le Seigneur avait fait annoncer à la
tribu de Juda qu'elle exercerait sur la nation choisie
une hégémonie glorieuse, qui devait se transformer
un jour et devenir le règne du Messie lui-même. Voici
qu'il place réellement un membre de cette tribu sur
le trône d'Israël, en affirmant, dans les termes les plus
solennels, que le sceptre et la couronne de David se-
ront transmis au dernier et au plus auguste de ses
descendants. Cf. II Reg., vu, 12-16. Aussi n'est-il pas
surprenant que le nom de Masiah, « Messie », qui
deviendra si célèbre, apparaisse pour la première fois
dès le commencement du I er livre des Rois, u, 10. Ii
domine tout le reste et lui donne le ton. Voir F.
Keil, Die Bûcher Samuelis, 2 e édit., Leipzig, 1875,
p. 5-8; Frz. Delitzsch, Old Testament History of Ré-
demption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 84-94; R. Cor-
nely, Introd. specialis in historicos Veteris Testant,
libros, in-8», Paris, 1887, p. 250-253; Mgr Meignan,
Les Prophéties messianiques contenues dans les deux
premiers livres des Mois, in-8», Paris, 1878. Mais il y
a plus encore, puisque, dans ces livres, David nous
apparaît, en maint détail de sa vie, comme la figure
et le type du futur Messie. Voir David, t. n, col. 1323-
1324.
2° L'importance dogmatique des deux premiers livres
des Rois est tout indiquée par là-même. Leur impor-
tance historique est aussi très considérable, attendu
qu'ils nous font assister à une période de crise et de
formation dans Israël, à' un changement complet dans
le mode de son gouvernement. Entre les mains de ses
rois, la nation théocratiqué prendra plus d'unité, de
consistance et de vigueur, et nous la verrons secouer
victorieusement le joug que lui avaient imposé plu-
sieurs des peuples voisins. Il est un autre point de vue
très consolant de cette histoire : en même temps que
la royauté sera fondée, Dieu enverra à son peuple une
sériepresque ininterrompue de prophètes fidèles, pour
régler et contrebalancer l'autorité des rois. Ces pro-
phètes ouvriront autour d'eux des écoles, où la sainteté
et la science sacrée seront cultivées de concert; delà
sorte, les représentants de Jéhovah seront multipliés
pour le plus grand bien de la nation. Voir Écoles de
Pbophètes, t. u, col. 1567-1570.
///. auteur et sources. — 1° Auteur. — Il est im-
possible de résoudre cette question d'une manière cer-
taine, la tradition étant demeurée très imparfaite à son
sujet, et nos deux livres ne nous fournissant aucun ren-
seignement sur lequel on puisse étayer une opinion so-
lide. D'après une ancienne tradition juive, Baba bathra,
fol. 14, Samuel lui-même aurait été l'auteur des deux
livres qui portent son nom dans l'hébreu. Saint Gré-
goire le Grand a adopté ce sentiment, In libr. I Reg.
Expositio, Proœm., iv, t. lxxix, col. 40. Mais le fait
n'eût été possible que pour les chap. i-xxiv du I er livre,
puisque la mort de Samuel est mentionnée I Reg., xxv,
1. Aussi d'anciens rabbins ont-ils modifié l'opinion du
Talmud, en disant que Samuel aurait composé les
chap. i-xxiv du I er livre, tandis que tout le reste se-
rait l'œuvre des prophètes Gad et Nathan. Voir
L. Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique,
in-8«, Paris, 1881, p. 26-27; K. Budde, Der Kanon des
Alten Testaments, in-8», Giessen, 1900, p. 23-27. C'est
ce qu'ont pareillement admis d'assez nombreux com-
mentateurs chrétiens, entre autres Sanchez, Bellarmin,
Cornélius a Lapide. L'un des plus récents interprètes de
I et II Rois, le P. von Hummelauer, Commentarius
in libros Samuelis, in-8", Paris, 1886, p. 9-24, a même
cru pouvoir tracer plus nettement encore la part de
chacun des auteurs qui auraient ainsi contribué à com-
poser nos deux livres : l'histoire de Samuel, I Reg*,
i-vii, aurait été écrite par ce prophète lui-même; l'his-
toire de Saûl, I Reg., viu-xvi, ajoute-t-on, forme un
document spécial, dû à la plume soit de Samuel, soit
de Gad; celle de David exilé, I Reg., xvii-xxxi, a cer-
tainement Gad pour' auteur à partir du chap. xxv, peut-
être aussi le reste de ce récit; l'histoire du règne de
David, II Reg., 1-xx, parait avoir été composée avant
la mort du roi; elle provientdu prophète Nathan. C'est
sans doute aussi Nathan qui a réuni en un seul et même
livre sa propre composition et celles de Samuel et de
Gad. Les appendices, II Reg., xxi-xxiv, ont été ajoutés
un peu plus tard, quoique assez promptement.
Cependant ce ne 'sont là que des hypothèses plus ou
moins ingénieuses. Comme on l'admet communément au-
jourd'hui, il est impossible de déterminer l'auteur défi-
nitif avec précision. Mais les théories qui, d'une manière
ou de l'autre, aboutissent à une pluralité de rédac-
teurs sont condamnées par un argument irréfutable-:
savoir, l'unité de fond et de forme qui règne dans toutes
les parties du récit de I et II Samuel. « Si l'on exa-
mine de près la manière du narrateur, le style, le
lien étroit et perpétuel qui unit tout l'ensemble, la
juste disposition des parties entre elles, le but pour-
suivi et atteint dans le choix des matériaux, on décou-
vrira dans tout le livre une unité qui n'aurait pas pu
se rencontrer si trois livres (ou un plus grand nombre
encore), écrits par différents auteurs, à différentes
époques, avaient été réunis ensuite dans un même corps
d'ouvrage. » R. Cornely, Manuel d'Introd. historiq.
et a-itiq. à toutes les Saintes Écritures, trad. franc.,
in-12, Paris, 1907, t. i, p. 359. Voir aussi B. Welte,
Einheitlicher Characier der Bûcher Samuelis, dans
la Quartalschriftàe Tubingue,1846,p. 183-215;D. Erd-
mann, Die Bûcher Samuelis, Bielefeld, 1875, p. 6-26
Clair, Les livres des Rois, Paris, 1879, t. i, p. 8-18.
1133
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
113$
A défaut du nom de l'auteur, nous pouvons du moins
indiquer d'une manière approximative l'époque à
laquelle il vivait. Plusieurs petits détails insérés çà et
là dans le récit montrent qu'il a écrit un certain temps
après les événements racontés. 1° I Reg., IX, 9, il
croit devoir expliquer un terme usité à l'époque de
Samuel et qui était tombé en désuétude : « Autrefois,
dans Israël, tous ceux qui allaient consulter Dieu s'en-
tredisaient : "Venez, allons au Voyant; car celui qui
s'appelle aujourd'hui Prophète, 9'appelait alors le
Voyant. » 2° I Reg., xxvh, 6, il dit que la ville de
Sicéleg était demeurée au pouvoir « des rois de Juda »
jusqu'au moment où il écrivait. Or, le titre de « roi
de Juda » ne semble pas avoir été en usage avant le
schisme des dix tribus, lorsqu'une distinction fut éta-
blie entre les royaumes d'Israël et de Juda : ce trait nous
conduirait donc au moins au règne de Roboam (962-
946 av. J.-C). 3° II Reg,. xm, 18, l'auteur nous apprend
que les princesses royales étaient autrement vêtues du
temps de David que du sien ; ce furent sans doute les
femmes étrangères introduites à la cour par Salomon
qui apportèrent des modes nouvelles. D'autre part, la
composition ne saurait dater d'une période de beau-
coup postérieure à David et à Salomon, car le style est
encore celui de l'âge d'or de la langue hébraïque. Une
addition qu'on lit dans les Septante aux passages
II Reg., vm, 7, et xiv, 27, et où Roboam est mentionné
nommément, semblerait supposer que nos deux livres
ont été écrits sous le règne de ce prince, après l'in-
vasion du roi J'Égypte Sésac en Palestine ; mais leur
authenticité est douteuse. En fait, de nombreux ëxé-
gétes se décident aujourd'hui en faveur de ce règne,
et leur opinion est pour le moins très vraisemblable.
Voir F. Keil, Lehrbuch der... Einleitung in das A. T.,
2 8 édit., p. 208; Erdmann, Die Bûcher Samuelis, p. 37 ;
Cornely, lntrod. specialis, p. 270-271; F. Vigouroux,
Man. bibl., 12 e édit., t. n, p. 85. Plusieurs rationalistes,
entre autres Ewald, Thenius, Haevernick, sans parler
de quelques protestants orthodoxes, attribuent même
la composition à l'époque de David ou de Salomon.
D'ailleurs, la plupart des critiques, malgré la fausseté
de leurs systèmes par rapport à l'origine des deux pre-
miers livres des Rois, n'hésitent pas à regarder des
parties notables de cet écrit comme très anciennes, et
à les dater du x» ou du IX e siècle avant notre ère. Voir
E. Kœnig, Einleitung in das Alte Test., in-8°, Bonn,
1893, p. 261-263 ; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. Il est
vrai, comme il sera dit plus bas, qu'ils regardent d'au-
tres nombreux passages comme beaucoup plus récents et
qu'ils reculent la composition finale jusqu'après l'exil.
2° Sources. — A ce sujet aussi, on peut faire des
conjectures très raisonnables, bien qu'il soit impos-
sible de fournir des détails absolument certains. L'au-
teur dut avoir à sa disposition, d'une part, des documents
écrits, assez abondants et contemporains des faits; de
l'autre, des traditions orales conservées jusqu'à lui.
« C'est ainsi seulement que l'on peut s'expliquer la dé-
licatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse
des traits biographiques et la fraîcheur incomparable
des récits renfermés dans les livres de Samuel. » La
Bible annotée, Les livres historiques, t. m, .Neucbàtel,
1893, p. 184. — Plusieurs des sources écritesauxqûelles
l'historien sacré recourut sans doute sont désignées en
propres termes au I er livre des Paralipomènes. Il y eut
d'abord, d'après I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel
le Voyant », « le livre du prophète Nathan », et « le
livre de Gad le Voyant »; puis, d'après I Par., xxvh,
24, les « Fastes du roi David » : sortes d'annales dont
on ne saurait décrire au juste la nature et l'étendue,
mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu'elles
provenaient d'auteurs contemporains, d'une autorité
incontestable. Ces documents paraissent avoir été uti-
lisés à tour de rôle par l'auteur des deux premiers
livres des Rois et par celui du I er des Paralipomènes :
on le voit par un certain nombre de passages où ces
récits coïncident d'une manière souvent presque litté-
rale. Les suivants méritent une mention à part. Com-
parez :
I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12.
II Reg., Hf, 2-5, et — ni, 1-3.
— v, 1-10, et — xi, 1-5.
— v, 11-25, et — xiv, 1-17.
— vi, 1-11, et — xm,, 1-14.
— vi, 12-23, et — xv, 25-29.
— vu, 1-viii, 18, et .— xvii, 1-xvin, 17.
— x, 1-xi, l,et — xix, 1-xx, 1.
— xii, 26-31, et - xx, 1-3.
— xxi, 18-22, et - xx, 4-8.
— xxiii, 8-39, et - xxi, 10-47.
— xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27.
En étudiant ces divers passages, on se rend compte
que l'auteur des Paralipomènes n'a pas fait directement
d'emprunts à celui des Rois, ou réciproquement, mais
qu'ils ont puisé tous deux à des sources communes,
très vraisemblablement celles qui ont été marquées
ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Sa-
muelis, p. 5-6, 16-17. — L'auteur des livres de Samuel
noua apprend lui-même, \I Re§., \, \°j, ï\\\.'vl a. em-
prunté au « livre des Justes », déjà mentionné Jos.,
x, 13 (voir Justes [Le livre des], t. m, col. 1873-1875),
l'élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas.
Il est fort probable qu'il a transcrit le « cantique du
Rocher », II Reg., xxii, 1-51, du premier livre des
Psaumes, cf. Ps. xvii. Il a aussi puisé le cantique
d'Anne, I Reg., n, 1-10, et les « dernières paroles de
David », II Reg., xxm, 1-7, dans d'autres documents
authentiques. — La tradiiion orale, encore très vivante
sur des faits si importants, si récents, lui a pareille-
ment fourni d'abondants matériaux. Ses narrations le
prouvent, il existait encore des monuments relatifs à
plusieurs des faits racontés, cf. I Reg., vi, 18; vu, 12:
des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x,ll ,
II Reg., v, 8; des noms significatifs donnés aux lieux
et aux personnes, cf. I Reg., 1,20; iv, 21 ; vu, 12;xxiii,
28; II Reg., Il, 16, etc. — De tout cela il s'est servi
comme un écrivain intelligent, habile et fidèle.
iv. style. — Le style, comme il a été déjà insinué
plus haut, est celui de l'âge d'or de la langue hé-
braïque. L'auteur de nos deux livres est regardé à
juste titre comme l'un des meilleurs prosateurs de
la littérature sacrée. « Il n'a point les archaïsmes
du Pentateuque;... il n'a pas non plus ce qu'on a
appelé les provincialismes de l'auteur des Juges...;
il est supérieur à celui des Paralipomènes, qui ap-
partient à l'âge de fer, et aussi à l'auteur des troi-
sième et quatrième livres des Rois, chez qui l'on
trouve un certain nombre d'aramaïsmes, tandis qu'on
n'a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres
de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. H,
12» édit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont
propres, il faut mentionner surtout l'appellation Yehô-
vdh sebd'ôf, « Seigneur des armées », par laquelle il
est le premier à désigner le Dieu d'Israël. Il l'emploie
dix fois : I Reg., i, 3, 11; iv, 4; xv, 2; xvii, 45; II Reg.,
v, 10; vi, 18; vu, 8, 26, 27. Elle est devenue fréquente
après lui. Citons aussi l'expression nahalaf Yehôvâh,
« héritage du Seigneur », pour marquer la nation théo-
cratique, I Reg., xxvi, 19; II Reg., xx, 19 et xxi, 3;
les formules Usée faciat Dominus et hsec addat, IReg.,
m, 17 ; xiv, 44; xx, 13, etc. ; tinnient aures ejus, I Reg.-,
m, 11 : le titre nâgîd, «c prince », pour désigner le roi,
etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174.
V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET CES
néo-critiques. — 1» Exposé des théories principales.
— Le système des documents multiples, des couches
1135
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1136
superposées et des rédactions successives, des rema-
niements nombreux jusqu'à l'agencement définitif, ne
pouvait manquer d'être appliqué â ces deux livres, de
même qu'il l'avait été au Pentateuque, au livre de Josué
et au livre des Juges. Les néo-critiques n'ont pas
épargné leur peine pour découvrir ce qu'ils nomment
les sources primitives et les éléments secondaires de
notre écrit. Le jugement qu'ils portent sur lui est sévère :
« C'est une combinaison d'éléments divers et inégaux,
une compilation de documents souvent incohérents et
contradictoires, dont on ne peut extraire qu'avec de
grandes précautions et difficultés les faits dignes d'être
acquis à l'histoire. » Maurice Vernes, dans VEncyclo-
pëdie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi,
Paris, 1881, p. 445. « Tels qu'ils ont été conservés
dans le canon, les livres de Samuel ne sont évidem-
ment pas l'œuvre d'hommes contemporains des événe-
ments racontés. Derrière ces documents on découvre
<les traditions variées et contradictoires, que le compi-
lateur, se conformant à la méthode de l'historiographie
hébraïque primitive, a incorporées... dans une seule,
sans faire aucun effort pour mettre d'accord les diffé-
rences. » The Jewish Encyclopœdia, t. XI, New- York,
1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en
fragments plus ou moins nombreux, groupés tardive-
ment, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, re-
monte au début du xix e siècle. Les plus célèbres ratio-
nalistes d'alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis
Gramberg, ébauchèrent ce travail. Thenius le compléta
dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Humme-
lauer, Comtn. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c'est surtout
-à Wellhausen età ses études réitérées sur cette question
que se rattachent les théories généralement admises
aujourd'hui par les néo-critiques. Il fait porter simul-
tanément ses recherches sur les livres des Juges, de
Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans
lesquels il prétend reconnaître les mêmes errements, la
même méthode de remaniements successifs et d'addi-
tions contradictoires. A la base du système, il y a cette
assertion bien connue : le Pentateuque se compose de
trois parties, savoir, le Deutéronome, le Code sacerdo-
tal, et le récit jéhovisle, qui est le plus ancien des
trois. Le Deutéronome fut retrouvé, et même proba-
blement composé de toutes pièces, à l'époque du roi
Josias, en 621; prêtres et prophètes s'entendirent pour
lui donner force de loi, et pour restreindre dès lors le
culte au temple de Jérusalem. Le Code sacerdotal est
plus récent que le Deutéronome et postérieur â l'exil;
il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte
unique, établi en réalité sous le règne de Josias, re-
montait jusqu'à Moïse. Pendant l'exil de Babylone, les
anciens livres historiques, notamment ceux des Juges,
de Samuel et des Rois, furent révisés et remaniés,
pour qu'ils se trouvassent d'accord avec les pratiques
religieuses adoptées depuis Josias. De nombreux détails
ont donc été modifiés dans ces livres, tout particulière-
ment dans ceux de Samuel, sous l'influence et d'après
l'esprit du Deutéronome. — Tel est le fondement de la
théorie développée par Wellhausen dans les ouvrages
qui seront énumérés plus loin (col. 1144). On voit com-
bien il est faux, arbitraire, et par conséquent fragile.
Voir Pentateuque, col. 86-107. « L'historiographie deu-
téronomique i>\ comme on la nomme, c'est-à-dire la
rédaction définitive de « la plus grande partie des
écrits historiques d'Israël... sous l'influence de la loi
deutéronomique, » se serait prolongée pendant près de
deux siècles, entre les années 621 et 433 avant J.-C.
« Commencée à la fin de l'indépendance nationale
d'Israël, elle contient un jugement porté sur tout le
passé du peuple dans la Terre Promise ; son but pro-
prement dit, très visible partout, est de donner un
avertissement sérieux à la nation, qui espérait avec
certitude son rétablissement, en s'appuyant sur la pa-
role des prophètes. » C'est donc « à la lumière de la loi
deutéronomique » que fut modifiée toute l'ancienne
histoire d'Israël. Cette historiographie est « une grande
théodicée, qui démontre comment la ruine du peuple
de Jéhovah fut une conséquence de la justice divine. »
G. Wildeboer, Die Litteralur des Allen Testaments
nach der Zeitfolge ihrer Entslehung, trad. du hollan-
dais, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient à
dire que, sous l'influence du Deutéronome, les idées
surnaturelles auraient pénétré après coup dans les
livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu
explique pourquoi de nombreux passages sont rejetés
en détail par les rationalistes.
Il serait sans utilité de suivre un à un, sur ce ter-
rain, tous ceux des néo-critiques qui ont émis quelque
théorie plus spéciale au sujet de la composition des
livres de Samuel. Ici, comme à propos du Pentateuque
et de la plupart des écrits bibliques, nous assisterions
à une vraie surenchère, chacun voulant aller plus loin
que ses prédécesseurs en fait de négation. C'est ce que
montre fort bien le tableau d'ensemble placé par le
D r Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire
des livres de Samuel, composé aussi dans un sens ra-
tionaliste. Nous nous contenterons donc de signaler
l'analyse des sources de nos deux livres, telle que la
donne le D r K. Budde, qui s'est acquis une certaine
notoriété sûr ce point; il ne fait, du reste, que déve-
lopper la théorie de Wellhaqsen.
Comme ceux qui lïont précédé dans cette voie, il
attire d'abord l'attention du lecteur sur trois formules
des livres de Samuel, I Reg., vu, 15-17; xiv, 47-52 et
II Reg., vm, 15-18, qui auraient servi de conclusion à
trois documents anciens, consacrés, le premier à Sa-
muel, le second à Saûl, le troisième à David. Elles
doivent, dit-il, leur forme actuelle à la « main deuté-
ronomique », par laquelle auraient été amalgamés les
documents en question. Des répétitions et même des
contradictions assez nombreuses, que nous examinerons
en détail (col. 1138), attesteraient aussi l'existence de
plusieurs sources écrites, que des compilateurs ou ré-
dacteurs successifs auraient cousues l'une à l'autre,
maladroitement, sans remarquer qu'elles ne corres-
pondent plus au même point de vue religieux ou poli-
tique. La première de ces sources aurait été simple-
ment remaniée; les deux autres auraient subi des mo-
difications importantes. La première, qui est postérieure
au Deutéronome, présente de grandes affinités avec
l'écrit élohiste du Pentateuque que l'on désigne par le
sigle E; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait
l'œuvre de l'écrivain jéhoviste, J^ Mais, d'un examen
plus attentif, il ressort que ces deux documents ont été
remaniés plusieurs fois, de façon à produire, d'une
part J'jJ 2 , et de l'autre E 1 , E 2 . Le rédacteur qui les a
unis sans essayer de les concilier est désigné par les
lettres R JE . Après lui vint un dernier rédacteur R",
animé de l'esprit deutéronomique. Voici quel serait le
résultat final de cette minutieuse enquête :
J -I Reg.,ix,l-x,7, 9-16; xi, 1-11, 15; xm, 1-7»,15>>-
18; xiv, 1-46, 52; xvi, 14-23; xvrn, 5-6, 11, 20-30; xx,
1-10, 18-39,. 22>>; xxn, 1-4, 6-18, 20-23; xxm, 1-14»;
xxvi; xxvn ; xxix-xxxi. — 11 Reg., 1,1-4, 11, 12, 17-27;
n,l-9, lOb, 12-32; m; iv; v, 1-3, 6-10, 17-25; vi; ix-xi;
xu, 1-9, 13-31; xm, 1-xx, 22.
J2 — I Reg., x, 8; xm, 7M5», 19-22.
E — I Reg., iv, lMrii, 1; xv, 2-34; xvn, 1-11, 14-58;
xvrn, 1-4, 13-19; xix, 1, 4-6, 8-17; xxi, 1-9; xxn, 19;
xxlii, 19-xxiv, 19; xxv; xxvm. — II Reg., i, 6-10,
13-16, vu.
E 2 — I Reg., i, 1-28; n, 11.-22», 23-26; m, 1-iv, 1»;
vu, 2-vin, 22;x, 17-24' ; xu.
Rje _ I Reg., x, 25-27; xi, 12-14; xv, 1; xviil, 2; xix,
2,3, 7;. xx, 11-17, 40-42»; xxn, 10>>; xxm, 14M8;xxiv,
16, 20-22». - II Reg., i, 5.
■1137
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1138
R D — I Reg., xiv, 18"; vu,. 2; xm, 1; xiv, 47-51;
xxvm, 30. — II Reg., ir, 10% 11 ; v, 4-5; vm; xn, 10-12
Un rédacteur encore plus récent aurait ajouté les
passages suivants :
I Reg., iv, 15, 22; vi, 11", 15, 17, 18, 19; xi, 8*; xv,
4; xxiv, 14; xxx, 50. — II Reg., m, 30; v, 6 b , 7", 8»;
xv, 24; xx, 23-26.
A un dernier remaniement seraient dues les addi-
tions qui suivent :
I Reg., il, 1-10, 22"; xvi, 1-13; xvn, 12-13; xix, 18-24;
xxi, 10-15; xxii, 5. — Il Reg., Xiv, 26; xxi-xxiv.
Voir Budde, Die Bûcher Sumuelis erklârt, p. x-xxi,
et aussi, dans le même sens, quoique avec des nuances
assez nombreuses, Nawack, Die Bûcher Samuelis,
ûbersetzt und erklârt, p. xiv-xxm; Cornill, Einleitung
m dos A. Test., 2<> édit., 1892, p. 106-121. — Voici quel
serait l'âge respectif de ces divers documents ou rema-
niements : la partie la plus ancienne, J 1 et J2, remonte
au IX e siècle avant notre ère; E 1 appartient probable-
ment au viii c siècle; E 3 , sinon au vm e siècle, du moins
au commencement du vu e ; R JÉ date d'une époque plus
tardive du VII e siècle (avant la réforme de Josias, en
621); les autres rédactions sont plus récentes, et datent
de l'exil, ou même d'une période postérieure à l'exil.
2» Réfutation du système des néo-critiques. —
1. D'une manière générale, nous dirons d'abord qu'ex-
poser de telles théories, c'est en grande partie les ré-
futer. Il faut tout le parti pris, toute la hardiesse du
rationalisme, pour croire qu'à environ trente siècles
^'intervalle, on puisse être capable de déterminer,
verset par verset, dans un écrit dont le style est bien
caractérisé (col. 1134), des diversités, et même de
simples nuances, qui trahiraient des auteurs très dis-
tincts, séparés les uns des autres par des centaines
d'années et par les sentiments religieux les plus di-
vers. Aussi, ceux qui présentent ces théories sur les
livres de Samuel s'appuient-ils le plus souvent sur des
preuves purement subjectives et arbitraires, et de là
viennent les divergences considérables d'appréciation
qui régnent entre eux, soit pour la nature et le nombre
des documents primitifs, soit pour celui des compila-
teurs et rédacteurs, soit pour l'époque des uns et des
autres. Lorsqu'ils veulent parler sincèrement, ils re-
connaissent, avec le D r G. Wildeboer, Die Litteratur
des A. Testant., p. 53, que la plupart de leurs juge-
ments ne reposent que sur des hypothèses; avec le
D r Stade, Encyclopssdia biblica de Cheyne, t. iv,
col. 4279-4280, qu'un grand nombre des assertions des
néo-critiques touchant l'origine des livres de Samuel
sont inexactes; avec le D r Budde lui-même, Die Bûcher
Samuelis, p. xvm, qu'en voulant trop préciser sur ce
point, on commet des actes d'audace entièrement sub-
jectifs. Ils trouvent que l'histoire de la composition de
ces écrits est « très compliquée », Stade, Le, col. 4274.
Voir aussi E. Reuss, op. cit., p. 87. Mais ils sont eux-
mêmes responsables de cette complication, qui n'exis-
tait pas avant eux.
2. Si nous passons à l'examen des preuves principales
sur lesquelles les néo-critiques appuient leur théorie,
nous, verrons qu'elles sont aisées à réfuter. — a) Il y a
d'abord les trois formules qui ont été mentionnées,plus
haut (col. 1136) : I Reg., vu, 15-17; xiv, 47-52; II Reg.,
vm, 15-18. A la suite de Thenius et de Wellhausén, on
a vu, dans ces sommaires de la judicature de Samuel,
du règne de Saùl et du règne de David, des traces d'une
compilation tardive. Elles auraient servi de conclusion
à trois documents distincts, et le rédacteur les aurait
insérées dans son œuvre avec les passages qu'elles
achevaient. — Mais l'hypothèse est toute gratuite- Ces
formules, en effet, ne mettent fin en réalité ni au rôle
de Samuel, ni aux règnes des deux premiers rois israé-
lites. L'auteur des livres de Samuel, qui place volon-
tiers des formules générales au commencement des
nouveaux règnes, cf. I Reg., xm, 1; II Reg., H, 10-11;
v, 4-5, en emploie d'autres pour marquer la conclusion
de quelque période importante du régne. Ainsi, ouire
celles qui ont été notées plus haut, nous mentionne-
rons II Reg., in, 1-5; v, 12-16; xx, 19-26. Pourquoi les
néo-critiques demeurent- ils muets sur ces dernières?
Simplement parce qu'elles n'ont rien qui favorise leur
système. Les autres ne l'étayent pas davantage. « Ces
données sous forme de résumé trahissent une méthode,
une idée intentionnelle, et ne portent point en elles le
cachet de la compilation. Elles servent donc unique-
ment à terminer, ou, si l'on veut, à arrondir chacune
des périodes et forment comme des points de repère,
sans porter préjudice à la liaison des parties et sans
briser l'unité de composition. » P. Clair, Les livres
des Rois, p. 14. Voir F. Kei], Lehrbuch der Einleitung
in die Schriften des AU. Test,, 2 e édit., p. 167-168.
6) Les répétitions fréquentes que l'on rencontre
dans nos deux livres prouveraient aussi jusqu'à l'évi-
dence, nous dit-on, l'origine diverse des passages où
elles se rencontrent. — Il est vrai qu'il en existe plu-
sieurs : par exemple, la double mention de la mort de
Samuel, I Reg., xxv, 1, et xxvm, S; les détails relatifs
à la famille de David, I Reg., xvi, 1-13, etxvii, 12-21, etc.
Mais elles ne sont pas inconciliables avec l'unité du livre,
et elles sont conformes au genre des écrivains orien-
taux. Les néo-critiques les signalent avec éclat, dans
l'intérêt de leur thèse. Bien plus, ils affectent de pren-
dre pour des répétitions, pour des « doublets », comme
ils disent, un certain nombre de faits entre lesquels il
existe sans doute une certaine ressemblance, mais qui
présentent des circonstances très différentes de temps,
de lieu, etc. Examinés de près, les prétendus « dou-
blets » sont le récit d'événements très distincts. I Reg.,
xm, 13-14, il s'agit de la réprobation de la maison de
Saùl, et plus loin, xv, 10-11, de la réprobation person-
nelle du roi. I Reg., x, 10^12, il est question de l'ori-
gine du proverbe Num et Saul inter prophetas 1 tandis
que plus bas, xix, 23-24, l'écrivain sacré mentionne la
confirmation de ce même proverbe. L'hébreu marque
mieux cette nuance, et suppose l'existence antérieure
de l'adage. Au premier passage, nous lisons : Fuit in
proverbium; au second : « C'est pourquoi ils disent :
Est-ce que Saûl... 1 ? »Par deux fois, Saiil tente de trans-
percer David de sa lance, I Reg., xvm, 10, et xix, 9. Or,
nous apprenons I Reg., xx, 33, que le roi avait recours
à ce geste haineux, lorsqu'il était sous l'empire de sa
passion mauvaise. Deux fois aussi, les habitants de
Ziph trahirent David en indiquant à son ennemi le lieu
de son refuge, I Reg., xxm, 10, et xxvi, 1; deux fois,
David dut aller chercher un abri chez les Philistins,
I Reg., xxi, 10-15, et xxvn, 1-7; deux fois, d'abord dans
une caverne, puis dans le camp royal, il épargna géné-
reusement la vie de Saûl, I Reg., xxiv, 5-8, et xxvi,
7-25. Mais pourquoi ces divers faits ne se seraient-ils
pas renouvelés, dès lors que les mêmes causes persé-
véraient : chez Saûl, sa haine intense ; chez les habitants
de Ziph, le désir de nuire à David; chez celui-ci, sa
grandeur d'âme; par rapport aux Philistins, la proxi-
.mïté de leurs frontières. II Reg., vm, 11-12, on men-
tionne brièvement les résultats de la guerre avec les
Ammonites ; x, 1-25, on expose tout au long cette guerre,
qui servit d'occasion au grand crime de David. Con-
cluons avec le D r (protestant) Strack, Einleitung in
das Alte Testant., 4 e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 67:
« L'assertion d'après laquelle, dans ces cas, il n'aurait
existé réellement qu'un incident unique, le rédacteur
s'étant laissé induire en erreur par les divers orne-
ments qu'aurait surajoutés la tradition, n'est nullement
démontrée; » ou plutôt, c'est le contraire qui est
démontré par une élude impartiale des textes. Voir
F. Keil, Lehrbuch der Einleitung in die Schrifteri
des A. T., 2« édit., p. 172-174.
1139
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1140
3. Les néo-critiques sont allés plus loin, et ont pré-
tendu découvrir dans, les livres de Samuel des con-
tradictions véritables, qui démontreraient encore mieux
leur thèse relative à l'origine de ces écrits. Cette autre
affirmation ne résiste pas non plus à l'examen sérieux
des faits. Les soi-disant contradictions concernent Sa-
muel, l'origine de la royauté chez les Hébreux, l'intro-
duction de David à la cour de Saûl, la mort de ce
dernier, la prise de Sion par David, enfin le géant Goliath.
— à) Les récits relatifs au prophète Samuel seraient
deux fois contradictoires. En premier lieu, d'après
I Reg., vu, 15, il exerça « durant tous les jours de sa
vie » les fonctions de juge en Israël, et pourtant nous
le voyons, I Reg., vin, 1, cf. xn, 2, déléguer son auto-
rité à ses fils. Mais cette difficulté s'explique au moyen
d'une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux,
cessa de rendre des jugements et d'exercer certaines
prérogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui;
mais il ne se démit jamais entièrement de son autorité
de juge, et il n'en avait d'ailleurs pas le droit, puis-
qu'elle lui avait été déléguée par Dieu lui-même.
I Reg., viu, 4, après qu'il a été question de son rem-
placement partiel par ses fils, nous voyons le peuple
s'adresser à lui pour avoir un roi. Même sous le règne
de Saûl, il conserva son autorité suprême, que le roi
ne songea nullement à contester. Cf. I Reg., xv, 2-34.
David aussi recourut à lui comme à un guide officiel-
lement institué par Dieu. I Reg., xix,18, etc. On objecte
aussi que, d'après IReg., XV, 35, à partir de tel instant,
« Samuel ne vit plus Saûl jusqu'au jour de sa mort, »
tandis qu'il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, à propos
de Saûl : « Il prophétisa... devant Samuel. » Ici encore,
la conciliation est aisée : le premier trait signifie que
le prophète cessa d'aller visiter le roi ; le second annonce
simplement qu'il le rencontra d'une façon accidentelle.
— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradic-
tions dans les récits relatifs à l'institution de la royauté.
Les raisons pour lesquelles les Hébreux désirèrent et
demandèrent un roi suivant notre livre leur paraissent
inconciliables : d'une part, la cupidité des fils de
Samuel, I Reg., vin, 3-5; de l'autre, les craintes que
les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xn, 12-
13. Mais en quoi ces motifs s'excluent-ils? Ils se com-
plètent mutuellement, au contraire, et le narrateur
n'était pas tenu de les indiquer en même temps. Autre
objection sur le même événement : I Reg., x, 1, nous
apprenons que Saûl reçut l'onction royale des mains de
Samuel, sur l'ordre direct du Seigneur; d'après
I Reg., x, 20, 25, il futélu par le sort et ensuite reconnu
par le peuple. Mais il n'existe pas d'opposition réelle
entre les deux faits : Dieu désigna d'abord Saûl en
secret à son prophète, qui lui conféra l'onction sainte;
^ette onction secrète ne pouvant suffire pour donner
une autorité publique au nouveau roi, il fallait une
révélation extérieure et solennelle de la volonté divine,
et l'élection par le sort la fournit. — c) La difficulté tirée
de la présentation de David à la cour royale est plus
sérieuse. Nos adversaires affirment qu'elle est racontée
dans le I er livre des Rois sous deux formes tellement
différentes, d'abord xvi, 14-23, puis xvn, 1-xvin, 5, qu'il
n'est pas possible de faire concorder les récits : preuve,
ajoute-t-on, qu'ils ont été empruntés à des sources
différentes, que le rédacteur a maladroitement réunies.
Voici les détails de l'objection : « Quand Samuel arrive
à Bethléhem (pour sacrer David), l'historien nous fait
connaître le père et les frères de David, IReg., xvi, 1-
13, et, un peu plus loin, il les présente de nouveau au
lecteur, comme s'il n'en avait jamais encore parlé.
I Reg., xvn, 12-15. Avant la guerre, Saûl fait de David,
qui est très brave, son écuyer, I Reg., xvi, 21, et, au
moment de la guerre, nous voyons David gardant son
troupeau, et n'allant au camp que par hasard, afin
d'apporter des vivres à ses frères. I Reg., xvn,17. Mais
ce qui est plus extraordinaire encore, Saûl qui, avant
d'aller combattre les Philistins, avait choisi David
comme écuyer et le connaissait très bien, ainsi que
son père, I Reg. , xvi, 18-22, ne sait pas quel est ce jeune
homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvn, 15-16. »
F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa-
liste, 5' édit., Paris, 1902, t. iv, p. 495-496. Telles sont les
antilogies apparentes de la narration. Le même auteur
nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Après avoir
fait remarquer très justement qu'un narrateur européen
aurait ordonné son récit d'une autre manière que
l'écrivain israélile, lequel a compliqué visiblement les
faits par les répétitions chères à sa race, il reprend :
« Les deux récits dont nous nous occupons ne sont pas
d'ailleurs complètement indépendants. L'historien ne
parle pas la seconde fois des frères de David comme s'ils
nous étaient totalement inconnus, et, au sujet de David
lui-même, il a soin de rappeler qu'il l'avait déjà fait
connaître à ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet
homme d'Éphrata (dont il a été déjà parlé, explique
justement la Vulgate), de Bethléhem de Juda. I Reg.,
xvn, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saûl peut-il igno-
rer qui est David, puisqu'il avait fait demander à son
père de le lui laisser comme écuyer, I Reg., xvi, 19-22,
et comment Abner n'en sait-il pas plus long que son
maître? La réponse est facile, et il y a longtemps qu'elle
a été donnée par saint Ephrem. Le roi connaissait
suffisamment le berger de Bethléhem pour l'attacher à
sa personne, en qualité d'écuyer et de musicien ; mais
le courage de David l'étonné et fait qu'il s'intéresse
davantage à lui; de plus, ayant promis sa fille au vain-
queur de Goliath, il désire des informations plus pré-
cises sur la parenté de celui qui peut devenir son
gendre, et c'est pour ce motif qu'il charge Abner de
s'en occuper, I Reg., xvn, 55-57... Nous n'avons donc
ici aucune contradiction réelle. » Il est remarquable, en
effet, que, dans le texte sacré, IReg., xvn, 53-56, Saûl
ne demande pas qui était personnellement David,
mais de qui il était fils, à quelle famille il appartenait.
Ajoutons que Saûl avait plusieurs écuyers, selon l'usage
d'alors, cf. II Reg., xvin, 15, de sorte que David, après
avoir distrait pendant quelque temps le roi par son
talent de harpiste, était ensuite retourné à la maison
paternelle, où il se trouvait lorsque la guerre fut
déclarée. On a allégué aussi que les passages I Reg.,
xvn, 12-31 et xvn, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu
à la difficulté proposée, sont supprimés dans la version
des Septante; ce qui prouverait que les traducteurs
d'Alexandrie ne croyaient pas à la possibilité d'établir
une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58.
Mais cette omission ne démontre rien par elle-même,
car la Bible des Septante présente d'autres nombreux
exemples de suppressions, d'additions, de transposi-
tions, etc. D'ailleurs, si le Cad. Vaticanus ne contient
pas les versets en question, d'autres manuscrits les
renferment, et les anciens interprètes grecs, entre
autres Théodoret de Cyr, lntrod. in I Reg., t. lxxx,
col. 567-568, s'efforçaient déjà d'harmoniser les deux
récits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr.
1 Reg., t. lxxxvii, col. 1109. — d) Si les narrations re-
latives à la mort de Saûl, I Reg., xxxi,2-6, et II Reg., i,
2-12, sont réellement contradictoires, la faute n'en re-
tombe pas sur l'écrivain sacré, qui donne la véritable
version au premier des passages indiqués, mais sur
l'Amalécite qui fit à David un récit mensonger, pour se
faire bien venir de lui. Voir Théodoret, l. c, t. lxxx,
col. 598. — e) Il est dit, I Reg., xvn, 54, que David porta
la tête de Goliath à Jérusalem, puis, assez longtemps
après, II Reg., v, 9, qu'il s'empara de la citadelle de
Sion. Mais ouest la contradiction? Sans doute, les Jébu-
séens demeurèrent longtemps les maîtres de la citadelle;
mais la ville, c'est-à-dire Jérusalem, était déjà au pou-
voir des Hébreux, qui l'habitaient en paix. — f) S'il
1141
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1142
est parlé, IIReg., xxi,19, d'un géant philistin nommé
Goliath, tué par un habitant de Bethléhem, cela ne
suppose nullement deux récits qui se contrediraient.
D'après I Par., XX, 5, le second héros philistin était le
frère du géant mis à mort par David (t. m, col. 269). —
Sur ces divers points, voir Himpel, Ueber Widersprùche
und verschiedene Quellen der Bûcher Samuelis, dans
la Tûbinger Quartalschrift, 1874, p. 71-126, 237, 281;
Keil, Lehrbuch der Einleitung, p. 167-171; Clair, Les
Livres des Mois, t. i, p. 18-29; Cornely, Introductio
specialis in historicos Vet. Testam. libros, in-8», Paris,
1887, p. 260-272.
V7. LA VÉRACITÉ ET L' AUTORITÉ DES LIVRES DE SA-
MUEL. — De ce qui vient d'être dit, il résulte que
les néo-critiques en attaquent sur bien des points
l'exactitude et le caractère historique. D'ailleurs, ils
affirment en termes exprès qu'en beaucoup d'en-
droits, surtout dans les passages qui mentionnent
quelque intervention surnaturelle, le récit n'a pour
base que des légendes populaires. Hugo Winckler,
entre autres, Geschichte IsraeU in Einzeldarstellun-
gen, in-8", Leipzig, 1900, t. n, p. 147-152, prétend
que la plus grande partie de nos deux livres est légen-
daire. D'après Nowack aussi, Die Bûcher Samuelis
ûbersetzt und erklàrt, p. xiv-xxiii, les chap. i-m
du premier livre sont de l'idylle, non de l'histoire;
dans les chap. ix etx, on remarque de nombreux em-
bellissements poétiques, beaucoup de détails qui ont
reçu « une forme idyllique »; dans les chap. vu, vm,
xii, etc., souvent la narration n'a rien de réel, mais
a été inventée à plaisir. Etc. "Wellhausen, Prolêgo-
mena zur Gesch. IsraeU, 5 e édit., p. 247-275, prétend
de même qu' « il n'y a pas un mot de vrai » dans tel
et tel récit; il mentionne en particulier, p. 266, a la
légende du combat entre le jeune berger et Goliath,
I Reg., xvn, 1-xvIn, 5. » A travers le livre entier les
« tendances » seraient visibles, et elles auraient cor-
rompu l'esprit des récits. Aussi, dans son ouvrage Die
israelitische und jûdische Geschichte, in-8», 2 e édit.,
Berlin, 1895, p. 51-64, le même auteur supprime-t-il
un nombre considérable d'événements racontés par les
deux premiers livres des Rois. Voir aussi Maurice
Vernes, dans V Encyclopédie des sciences religieuses,
t. xi, p. 445. Néanmoins, les écrivains rationalistes
les plus avancés sont obligés de reconnaître que d'au-
tres passages, également nombreux, présentent toutes
les garanties désirables de véracité et qu'on ne saurait
nier leur caractère visiblement historique. Ils admirent
tout spécialement, dans le second livre, les chap. ix-
xx, où « tout le monde reconnaît qne nous avons une
source historique de premier ordre. » Nowack, l. c,
p. xxit. D'après Kuenen, Histor.-crit. Onderzoek,
2 e édit., t. i, p. 380, ces chapitres, et d'autres passages
encore, sont « l'œuvre d'un auteur bien informé, » qui
ne fait pas intervenir à tout instant la divinité. Le
D r Kautzsch ajoute, Abriss der Geschichte des alttes-
tamenll. Schrifttums, Fribourg-en-Brisgau, 1897,
p. 21, que ce document fait partie de « ce que nous
possédons de plus complet, de plus fidèle, de plus
parfait sur le domaine de l'histoire Israélite, bien plus,
sur celui de l'histoire ancienne en général. » .^
A coup sûr, le critique catholique ne peut être que
de leur avis lorsqu'ils font un éloge si mérité des pas-
sages en question ; mais il applique à tout le contenu
des deux livres ce qu'ils ne consentent à accepter qu'à
propos de fragments isolés. Nous dirons donc que la
véracité des livres de Samuel est attestée de toutes
manières. — 1» Elle l'est d'abord par les preuves in-
ternes : vie et simplicité des récits ; minutie des dé-
tails, qui sont d'ailleurs toujours conformes aux
mœurs de l'époque; exactitude parfaite de la topo-
graphie; sincérité manifeste et candeur touchante du
narrateur, qui demeure étranger à tout esprit de parti.
H raconte avec une entière franchise les égarements
des acteurs les plus vénérés de cette histoire, aussi
bien que leurs plus belles actions : « Sacerdoce, prophé-
tisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe,
comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial
du jugement divin. » La Bible annotée, Les livres
prophétiques, t. In, Neuchâtel, 1893, p. 185. David
n'est pas plus épargné que les autres sous ce rapport,
et l'histoire de son double crime est exposée dans tous
ses détails, avec les châtiments terribles qu'elle lui at-
tira. Les caractères des divers personnages sont dé-
crits aussi avec une vérité psychologique très frappante.
Nous voyons se dresser vivants devant nous Héli, avec
son singulier mélange de faiblesse et de piété; Samuel
avec sa gravité sereine, sa mâle décision, sa grandeur;
Saûl, d'abord aimé de Dieu, puis devenant insuppor-
table et se livrant à toute la fougne de sa passion ; David,
aimable, juste, habile, prudent, aux sentiments pleins
de naturel, etc. Les acteurs secondaires, Abner, Jona-
thas, Joab, etc., sont aussi très bien dépeints. — 2° La
véracité de ces deux livres est également attestée par
le dehors, c'est-à-dire par d'autres passages de la Bible
qui leur confèrent une autorité en quelque sorte divine.
Jérémie fait plusieurs fois allusion à leur contenu :
cf. Jer., il, 37, et II Reg., xm, 19; Jer., xv, 1, et I Reg.,
xii, 19-23; Jer., xxm, 5, et II Reg. vu, 12; vm, 15, etc.
Les deux derniers livresdes Rois citentpresque textuelle-
ment plusieurs passagesdes deux premiers. Cf. III Reg.,
il, 27, et I Reg., n, 31, etc. Comme il a été dit plus haut
(col. 1134), le premier livre des Paralipomènes repro-
duit en partie, et d'une manière toute semblable, ,1e
thème traité dans I et II Reg. Le fils de Sirach,
Eccli., xlvi, 6-xlvii, 13, résume les livres de Samuel
de la façon la plus exacte; il en est de même du
Ps. xvn, sans parler des titres d'assez nombreux chants
du Psautier, certainement très anciens, quoi qu'il en
soit de leur authenticité, qui se rapportent à divers
traits de la vie de David. Cf. Ps. m,. 1; xvn, 1; xxvi,
1; xxxm, 1; l, 1; li, 1-2; lu, 1 ; lvî, 1; lviii, 1; lix,
1-2; lxii, 1, etc. Dans l'Épltre aux Hébreux, I, 5,
saint Paul appuie son argumentation sur un texte em-
prunté à II Reg., vu, 14; dans le discours qu'il pro-
nonça à Antioche de Pisidie, Act., Xiii, 20-22, il résume
brièvement le sujet traité dans les livres de Samuel,
et fait un emprunt à I Reg., xm, 14. La Sainte Vierge
s'est approprié plusieurs passages du cantique d'Anne.
Cf. Luc, i, 46-55, et I Reg., n, 1-10. Jésus-Christ lui-
même fit une allusion très claire à I Reg., xxi, 1-6,
lorsqu'il demanda aux Pharisiens s'ils avaient « lu >> ce
qu'avait fait le roi David lorsqu'il fut pressé par la faim.
Cf. Matth., xii, 3-4. Tout cela prouve en quelle haute
estime les livres de Samuel étaient tenus chez les Juifs.
Pour attaquer à un autre point de vue la crédibilité
de cet écrit, les critiques rationalistes ont relevé quelques
erreurs de chiffres qu'on rencontre cà et là dans le
texte; entre autres les suivantes : I Reg., vi, 19, où
il est dit que le Seigneur frappa « 70 hommes et
50000 hommes de Bethsamès, » qui avaient regardé
l'arche; I Reg., xm, 1, ou nous lisons que Saûl avait
« un an» au début de son règne; probablement aussi
I Reg., xm, 5, et II Reg., x, 18, etc. Mais il est de toute
évidence qu'on n'a pas le droit de rejeter ces erreurs
sur l'auteur lui-même ; elles sont le fait des copistes,
qui se sont souvent trompés en transcrivant les chiffres,
comme on le voit par les divergences qui existent
entre le texte hébreu et les différentes versions. Voir
L. Reinke, Beitràge zur Erklàrung des Alt. Testam,,
t. m, Munster, 1855, p. 125-150.
VII. CHRONOLOGIE DES LIVRES DE SAMUEL. — NOUS
nous trouvons en face des mêmes difficultés que pour
les livres de Josué et des Juges : en effet, les renseigne-
ments positifs sont insuffisants pour que nous puissions
déterminer avec certitude, d'un côté, la durée générale
-1143
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1144
•de la période embrassée par l'ensemble delà narration,
de l'autre, l'époque précise des événements les plus
importants. Les deux premiers livres des Rois sont
extrêmement sobres en fait de dates; aucun livre
historique de l'Ancien Testament ne l'est davantage.
Il en cite quelques-unes aux passages suivants :
■I Reg., i, 20, 23; h, 19; vi, 1; x, 27" (Septante);
xxvh, 7, cf. xxix, 3; lIReg.,xin, 37; xiv,28. Mais elles
-sont trop vagues parfois, ou trop incomplètes, pour une
■chronologie. Cependant, I Reg., iv, 18, nous apprenons
que le grand prêtre Héli exerça la judicature pendant
40 ans (20 années seulement d'après les LXX), et,
•II Reg., v, 4-7, que David régna à Hébron durant 7 ans
et demi, à Jérusalem pendant 33 ans, ce qui fait 40 ans
en chiures ronds. Mais nous ignorons combien de
temps Samuel et ses fils gouvernèrent Israël; de plus,
bien que la période de 40 années assignée par saint
ctienne au règne de Saûl, Act., xm, 31, cf. Josèphe,
Ant. jud., VI, xiv, 9, soit très claire par elle-même, elle
n'est pas néanmoins sans obscurité, car il n'est pas dit
-si les deux années d'Isboseth, Il Reg., h, 10 —sept ans
et demi selon d'autres, cf. II Reg., n, 11 — sont com-
prises dan s ce chiffre, ou si elles doivent être calculées à
_part. Cependant, on compte d'ordinaire environ 130 ou
150 ans pour la durée totale des faits racontés dans les
deux livres de Samuel. Voir Chronologie, t. n, col. 738;
von Hummelauer, Comment, in libros Samuel, p. 25-
26. L'an 1000 avant Jésus-Christ coïncida approximati-
vement avec le règne de David.
VIII. TEXTE HÉBREU ET VERSIONS PRINCIPALES. —
.1. Le texte hébreu de la Massore, reproduit dans les
Bibles ordinaires, est très imparfait et a subi des alté-
rations évidentes. Tous les critiques sont d'accord sur
ce point. Voir Kuenen, , Gesammelte Abhandlungen
zur biblischen Wissenschaft, in-8°, p, 82-134. Par
exemple, I Reg., vi, 18, au lieu des mots 'ad 'abel
■hag-gedôlâh, qui ne donnent aucun sens (Vulgate, ad
Abel Magnum), il faut lire :.'êd 'ébén hag-gedôlâh, « la
grande pierre est témoin ». t Reg.,vi,19, au lieu de
«50000 hommes, 70 hommes », lisez : « 70 hommes ».
I Reg., vin, 16, au lieu de bahurêkém, « vos jeunes
gens d'élite » (Vulgate, juvenes optimos), il faudrait :
biqerêkem, «vos bœufs ».IReg., xn, 11, la leçon Bedan
(Vulgate, Badân) est une faute évidente pour Baraq,
cf. Jud., IV, 6, ou pour Abdon, cf. Jud.,xn, 17. 1 Reg., xiv,
18, au lieu de « Fais approcher l'arche de Dieu », il
faut lire : « l'éphod de Dieu ». II Reg., xv,, 7, la vraie
leçon est 40| au lieu de 4, etc. Voir F. Kaulen, Einlei-
4ung in die heil. Schriften des Alten uni Neuen Tes-
tant., 3« édit., p. 192-193.
2. La traduction des Septante a eu pour base un
texte hébreu qui diffère très souvent, et parfois d'une
manière notable, de celui de la Massore. En divers
endroits, elle mérite certainement les préférences
de l'exégète et sert à corriger les imperfections de
l'hébreu actuel. Mais on est trop porté de nos jours à
exagérer ses avantages. Elle aussi, elle présente des
fautes nombreuses, des transpositions et des suppres-
sions arbitraires, de sorte qu'il est nécessaire de prendre
de grandes précautions à son sujet. Elle a d'ailleurs
-été remaniée à plusieurs reprises d'après le texte
massorétique. Fréquemment, un seul et même passage
a reçu une double traduction. Cf. I Reg., n, 24; v, 4,
6; vi, 8; x, 1, 21; xii, 4; xm, 15; xv, 3; xx, 9; xxi, 13
,(14); II Reg., v, 14-16; xii, 3, 4; xv,20; xvïn, 17; xix,
18 (19). Du reste, les manuscrits des Septante ne con-
tiennent pas un texte identique; le Codex Vaticanus
(B) e.st regardé comme le meilleur de. tous, en ce qui
concerne les livres de Samuel. C'est celui qui est im-
primé dans l'édition' de H. B. Swete,,TAe Old Testa-
ment in Greek according to the Septuagint, in-12, t. i,
-Cambridge, 1887, p. 545-668. La recension de Lucien
.peut rendre de grands services pour la critique du texte.
Sur ces divers points, voir Lôhr, Die Bûcher Samuels,
p. lxxx-ciii; Nowack, Die Bûclier Samuelis, p. îx-x. —
Pour les deux premiers livres des Rois, il n'existe que
de simples fragments des traductions grecques d'Aquila,
de Symmaque et de Théodotion.Cf. Field, Hexaplorum
Origenis quse supersunt, in-8", Londres, 1875, 1. 1. Il en
est de même de la Vêtus latina, faite d'après les Sep-
tante. Cf. Sabatier, Bibliorum Saerorum latinse versio-
nis anliquse, 1743; Vercellone, Variée lectiones Vul-
galx latinse Bibliorum editionis, Rome, 1864, t. h. —
Quant à la Vulgate, elle a été traduite directement et
fidèlement sur l'hébreu, et elle a conquis l'estime de la
plupart des critiques. Voir W. Nowack, Die Bedeutung
des Hieronymus fur die Textkritik des Alten Testam.,
in-8°, Gœttingue, 1875. Il n'est pas sans intérêt de noter
que saint Jérôme commença par nos deux livres sa
traduction sur l'hébreu. Malheureusement elle a con-
servé mainte addition de Vllala; dans ce cas, elle diffère
du texte original et correspond au grec des Septante.
Cf. I Reg., iv, 1; v, 6, 9; vin, 18; x, 1 ; xi, 1; xm, 15;
xiv, 22, 41; xv, 3, 12, 13; xvn, 36; xxi, ll;xxx, 15;
II Reg., i, 26; v, 23; x, 19; xm, 21, 27; xiv, 30. Voir
Vercellone, op. cit., t. ii, p. ix. Il lui arrive aussi de
donner une double traduction du même texte. Cf. I Reg.,
ix, 25; xx, 15; xxi, 7; xxm, 13, 14; II Reg., n, 18; iv,
5; vi, 12; xv, 18, 20. — Il n'y a pas beaucoup de profit
à tirer de la traduction syriaque pour la critique tex-
tuelle des livres de Samuel; on peut utiliser avec plus
de fruit le Targum, qui, tout en demeurant d'ordinaire
conforme à l'hébreu massorétique, s'en écarte assez
souvent aussi. , ' ■
rx. bibliographie. —1» Pour la critique du texte et les
origines du livre : C. A. Graf, Delibrorum Sapiuelis et
Regum compositione, scriptoriOus etfide historica,
in-8», Strasbourg, 1842; F. BoUcher, Neue exegelisch-
kritische Aehrenlese zuni Alten Testamente, in-8»,
t. i, Leipzig, 1863, p. 83-208; J. Wellhausen, Der Text
der Bûcher Samuelis, in-8", Gœttingue, 1871 (c'est cet
ouvrage qui a servi de guide principal à tous les néo-
critiques); du même auteur, Einleitung in das Alte
Testam. de Bleek, 4» édit., in-8», 1878, p. 181-267; Die
Composition des Hexateuchs und der historischen
Bûcher des Alt. Testam., in-8°, Berlin, 1878; 3 e édit.
en 1899, p. 238-266; Prolegomena zur Geschichte
Israels, in-8«, Berlin, 1883, 5» édit. en 1899, p. 247-275;
E. Reuss, dans l'ouvrage cité plus bas, p. 85-148;
C. H. Cornill, dans la Zeitschrift fur kirchliche
Wissenschaft und kirchl. Leben, 1885, p. 113-141, dans
les Kœnigsberger Studien, 1. 1, 1888, p. 25-59, et dans la
Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1890,
p. 96-109; C. Bruston, Les deux Jéhovistes dans les
livres de Samuel, dans la Revue (protestante) de théo-
logie et de philosophie, 1885, p. 511-528, 602-637;
A. Kuenen, Historisch-critisch Onderzoek naar het ont-
staan en de verzameling van de boeken des Ouden Ver-
bonds, in-8°, 2» éd., Leide, 1887, I« part., p. 368-392;
K. Budde, dans la Zeitchrift fur alttestamentl. Wissen-
schaft, 1888, p. 231-245; du même auteur, TheBooks of
Samuel, dans Haupt, Critical édition of the sacred
Books of the Old Testam., in-4», Leipzig, 1894;
B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, in-8 , Berlin,
1887, t. i, p. 197-292; S. R. Driver, Notes on the hebrew
Text of the Books of Samuel, in-8», Londres, 1890;
R. Kittel, dans les Studien und Kritiken, 1892, p. 44-
71 ; du même auteur, Geschichte der Hébrâer, in-8°,
Leipzig, 1892, t. n, p. 22-50; F. Montet, La composi-
tion de l'Rexateuque, des Juges, de Samuel et des Rois,
Étude de critique biblique, broch. in-8», Lyon, 1894;
A. Mez, .Die Bibel des Josephus untersucht, in-8»,
Bâle, 1895; N- Peters, Beitrâgèzur Text- und Literatur-
kritik der Bûcher Samuelis, in-8», Fribourg-en-
Brisgau, 1899. Ce dernier ouvrage seul a été composé
par un auteur catholique.
114&
ROIS (III e ET IV LIVRES DES)
114&
2° Commentaires. — A. Ouvrages catholiques :
S. Éphrem, In Samuelem, Opéra syriaca, t. i, p. 331-
567 ; Théodoret de Cyr, Qusestiones in libros Regno-
rum, t. lxxx, col. 527-800; Sanchez, Commentarius et
paraphrasis in Regum libros, 2 in-f°, Lyon, 1623;
Duguet, Explication des livres des Rois, Paris, 1738-
1740; P. Clair, Les livres des Mois, introd. critique et
commentaires, in-8°, Paris, 1884; de Hummelauer,
Commentarius in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886.
— B. Ouvrages hétérodoxes : 0. Thenius, Die Bûcher
Samuels, in-8", Leipzig, 1842, 3 8 édit. (par Lôhr),
1898; F. Keil, Die Bûcher Samuels, in-8», Leipzig,
1864, 2« édit., 1875; CF. Erdmann, Die Bûclier Samu-
elis, in-8 , Bielefeld, 1873; E. Reuss, Histoire des
Israélites depuis la conquête de la Palestine jusqu'à
l'exil : Livres des Juges, de Samuel et des Rois,
in-8», Paris, 1877; A. F. Kirkpatrick, The first Book of
Samuel, in-18, Cambridge, 1880, The second Book of
Samuel, in-18, Cambridge, 1881; A. Klostermann,
Die Bûcher Samuelis und der Kônige, in-8°, Munich,
1887; K. Budde, Richter und Samuel, in-8», Giessen,
1890; le Midras Semu'el, commentaire haggadique réé-
dité par Buber, in-8°, Cracovie, 1893; A. P. Smith, A
critical and eœegetical Commentary on the Books of
Samuel,in-8°, Edimbourg, 1899; K. Budde, Die Bûcher
Samuelis erklârt, in-8», Tubingue,1902 ; W. Nowack, Die
Bûcher Samuelis ûbersetztund tir&fârt,Goettingue,1902.
II. TROISIÈME ET QUATRIÈME LIVRES DES ROIS. —
I. contenu et DIVISION. — 1° Ces livres racontent l'his-
toire des Israélites depuis les dernières années de David
jusqu'à la fin de l'État juif. Le nom qu'ils portent est
parfaitement justifié, puisque, à part le règne de Saûl
et la plus grande partie de celui de David, ils contien-
nent l'histoire entière de la monarchie théocratique
jusqu'à sa chute. Les événements racontés dans les
deux livres occupent, d'après la chronologie le plus
communément adoptée, un intervalle de 454 ans. En
effet, le couronnement de Salomon, dont il est ques-
tion dans le premier chapitre, III Reg., i, 32-40, semble
avoir eu lieu en 1015, et le dernier fait raconté, la restitu-
tion des privilèges royaux à Joachim par Évilmérodach,
IV Reg., xxv, 27-30, se rapporte à l'année 561 avant
Jésus-Christ. — Ils se divisent en trois parties. — La
première, III Reg., i, 1-xi, 43, s'occupe des derniers
événements de la vie de David, du couronnement et
du règne de Salomon. — La seconde, III Reg., xn, 1-IV
Reg., xvn, 41, renferme l'bistoire synchronique des
royaumes de Juda et d'Israël, depuis le schisme des
dix tribus, jusqu'à la ruine de l'État schismatique. —
La troisième, IV Reg., x.\ih, 1-x.xv, 30, expose l'his-
toire de Juda depuis cette ruine jusqu'à la captivité de
Babylone. La première partie comprend 40 années, de
1015 environ à 975; la seconde, 253 ans, de 975 à 722;
la troisième, 161 ans, de 722 à 561 avant J.-C.
1. Histoire du règne de Salomon, III Reg., i, 1-xi,
43. — Cinq sections : 1. Avènement du jeune prince et
inauguration de son règne, III Reg., i, 1-n, 46. Re-
montant à la fin du règne de David, l'auteur raconte
comment Adonias, qui se posait en héritier du trône,
vit ses espérances frustrées par le prophète Nathaja-et
par Bethsabée, i, 1-31. Sur l'ordre de David, Salomon
fut proclamé son héritier exclusif et reçut l'onction
royale, i, 32-53. Suivent quelques détails relatifs aux
dernières recommandations de David, à sa mort, n,
1-12, et à diverses mesures prises par Salomon pour
assurer la sécurité du trône, n, 13^46. — 2. Débuts du
règne de Salomon. III Reg., m, 1-iv, 34. Son mariage
avec la fille du roi d'Egypte, sa belle prière à Gabaon,
son jugement célèbre, va, 1-28. Sesprincipaux ministres,
sa magnificence, sa sagesse, iv, 1-34. — 3. Les cons-
tructions de Salomon. III Reg., v, 1-ix, 9. Le roi
s'entend avec Hiram de Tyr, au sujet des ouvriers et
des matériaux nécessaires pour bâtir le temple, v, t-18.
L'édifice . sacré, commencé la quatrième année du
règne de Salomon, est achevé après sept ans de tra-
vail, vr, 1-38. Construction de plusieurs palais, vu, 1-
12. Le mobilier du temple est préparé avec un grand
déploiement de zèle, d'art et de richesse, vu, 13-51,
Dédicace solennelle du sanctuaire, où l'arche sainte est
transférée, vin, 1-ix, 9. — 4. Apogée de la puissance
et de la gloire de Salomon, III Reg., ix. 10-x, 29.
Échange de présents avec le roi de Tyr, ix, 10-14.
Salomon bâtit et fortifie plusieurs villes de son royaume,,
ix, 24-25. La reine prend possession du palais construit
pour elle, ix, 24-25. La flotte de Salomon, ix, 26-28. Visite
de la reine de Saba,x, 1-13. Les revenus du roi et leur
emploi, sa grandeur et sa puissance, x, 14-29. —
5. Les fautes et le châtiment de Salomon, III Reg., xi,
1-43. Il épouse un grand nombre de femmes étrangères,
dont il favorisé les pratiques idolâtriques, xi, 1-8,
Menaces divines, xi, 9-13. Adad, Razon et Jéroboam se
révoltent successivement, xi, 14-40. Conclusion dit
règne de Salomon, xi, 41-43.
2. Histoire synchronique des royaumes d'Israël et de
Juda, III Reg., xu, 1-IV Reg., xvii, 41. — Trois grandes
sections: — 1. La séparation des deux royaumes et leurs
hostilités perpétuelles jusqu'au règne d'Achab, III Reg.,
xu, 1-xvi, 28. — o) Schisme des dix tribus, xu, 1-20.
Dieu interdit à Roboam d'attaquer les rebelles, xu, 21-
24. — b) Règne de Jéroboam I er d'Israël, xu, 25-xiy,
20. Pour établir une séparation perpétuelle entre ses
sujets et ceux de Juda, il établit le culte des veaux
d'or à Dan et à Béthel, xu, 25-33. Le Seigneur blâme
vivement et châtie cette conduite sacrilège, xm, 1-3-xiv,
18. Mort de Jéroboam, xiv, 19-20. — c) Roboam, xiv,
21-31, Abiam, xv,'l-8, etAsa, xv, 9-24, régnent sur Juda.
Nadab, Baasa, Éla, Zambriet Amri se succèdent rapide-
ment sur le trône d'Israël, xv, 25-xvi, 28. — 2. Israël
et Juda pendant le règne d'Achab, III Reg., xvi, 29-
xxn, 54. ■-- a) Sommaire du règne de l'impie Achab r
xvi, 29-34. — b) Le prophète Élie prédit une famine
terrible, qui ne tarde pas à éclater, xvii, 1-24. Entrevue
du prophète et du roi, xvm, 1-19. Victoire remportée
par Élie sur les prophètes de Baal, xvin, 20-40. Cessa-
tion de la sécheresse, xvm, 41-46. Elie se réfugie sur
le mont Horeb, pour échapper à la colère de la reine
Jézabel, xrx, 1-18. Onction d'Elisée, xix, 19-21. —
c) Achab triomphe à deux reprises des Syriens, xx,
1-43. Jézabel fait lapider Naboth pour s'emparer de sa
vigne; Élie lui prédit, ainsi qu'à Achab, le châtiment
divin, xxi, 1-25. — d) Achab fait alliance avec Josaphat
de Juda, pour attaquer Ramoth-Galaad, xxii, 1-5. Les
deux rois sont battus, mort d'Achab, xxii, 6-40~
Sommaire du règne de Josaphat, xxii, 41-51, Ochozias,
fils d'Achab,devientroid'Israël,xxn, 52-54. — 3. Annales
des rois de Juda et d'Israël depuis la mort d'Achab
jusqu'à la prise de Samarie et à la ruine du royaume
schismatique, IV Reg., i, 1-xvn, 41. — a) Ochozias et
Joramsur le trône d'Israël, un autre Joram. sur le trône
de Juda, i, 1-m, 27. Elie prédit à Ochozias sa mort pro-
chaine, i, 1-18. Le prophète est enlevé sur un char de feu,
n, 1-12; premiers miracles d'Elisée, n, 13-25. Expédition
victorieuse de Joram d'Israël et de Josaphat contre les
Moabites, m, 1-27. — 6) Les principaux actes du minis-
tère d'Elisée, iv, 1-vin, 15; il opère de nombreux
miracles et fait plusieurs prophéties, dont on signale,
l'accomplissement. — c) Joram et Ochozias régnent sur
Juda, Jéhu s'empare du trône d'Israël, vin, 16-x, 35.
Règne de l'impie Joram, vin, 16-24. Règne d'Ochozias,
son fils non moins impie, vm, 25-29. Jéhu est sacré
roi d'Israël par Elisée, ix, 1-10; il se révolte contre
Joram et le met à mort, avec Ochozias de Juda,
Jézabel et toute la famille d'Achab, ix, 11-x, 17. —
d) Depuis l'avènement de Jéhu jusqu'à la prise de Sama-
rie, x, 18-xxn, 41. Jéhu est d'abord béni de Dieu,
1147
ROIS (III e ET IV e LIVRES DES)
1148
parce qu'il avait détruit le culte de Baal, x, 18-27; il
s'attire ensuite les vengeances divines, x, 28-36. Usur-
pation d'Athalie; le grand prêtre Joïada réussit à la
renverser, xi, 1-16, et à faire monter sur le trône le
jeune Joas, dont le règne fut unYnélange de bien et de
mal, xt, 17-xil, 21. Joachaz et Joas gouvernent Israël;
mort d'Elisée, xui, 1-25. Règne d'Amasias à Jérusalem;
Joas d'Israël envahit la Judée, xiv, 1-20. Azarias succède
à Amasias, xiv, 21-22. Jéroboam II devient roi d'Israël,
xiv, 13-29. Au temps d'Amasias, de Joatham et d'Achaz,
rois de Juda, le royaume d'Israël, déchiré par des luttes
intestines sous ses derniers rois, se précipite vers sa
ruine et tombe finalement sous les coups des Assy-
riens, xv, 1-xvii, 6. Causes morales de cette ruine,
xvii, 7-23. Ce que devint le territoire des dix tribus
pendant l'occupation assyrienne, xvn, 24-41.
3. Histoire des rois de Juda, depuis la ruine du
royaume d'Israël jusqu'à la captivité de Babylone,
IV Reg., xvm, 1-xxv, 29. — Trois sections : — 1. Règne
d'Ézéchias, xvm, 1-xx, 21. Le pieux roi lutte énergi-
quement contre l'idolâtrie, et, pour ce motif, il est
délivré d'une invasion assyrienne, vin, 1-xix, 37. Sa
guérison miraculeuse, xx, 1-11. S'étant glorifié de ses
trésors, il est sévèrement blâmé par Isaïe, qui lui pré-
dit la chute prochaine du royaume, xx, 12-21. —
2. Règnes de Manassé, d'Amon et de Josias, xxi, 1-xxin,
30. Manassé et Amon font revivre l'idolâtrie et accé-
lèrent la ruine de Juda, xxxi, 1-26. Le saint roi Josias
rétablit le culte du vrai Dieu et renouvelle l'alliance
théocratique, xxn, 1-xxin, 23; il ne fait cependant que
retarder la chute du royaume, arrêtée dans le plan divin
et il périt dans une guerre contre le roi d'Egypte, xxin,
24-30. — 3. Les derniers rois de Juda, xxm, 31-xxv,
30. Joachaz, Joachim et Jéchonias se succèdent rapide-
ment sur le trône, faisant le mal tour à tour; Dieu les
châtie par les Égyptiens et surtout par les Assyriens,
qui s'emparent de Jérusalem, détruisent la ville et le
temple, et déportent le roi en Chaldée, avec des Juifs
nombreux, xxm, 31-xxv, 26. Évilmérodach restitue à
Jéchonias les honneurs royaux, xxv, 27-30
//. PLAN ET BUT DE L'AUTEUR. — 1° Plan. — L'his-
toire du peuple de Dieu est ramenée, durant toute la
période indiquée, à celle de ses rois, et les divers
règnes sont décrits d'après leur suite naturelle, c'est-à-
dire, d'après l'ordre chronologique. La marche est
constamment uniforme. La biographie, le plus souvent
très courte, de chacun des rois, soit de Juda, soit
d'Israël, est placée dans une sorte de cadre régulier,
qui consiste en deux formules à peu prés identiques,
dont l'une ouvre le règne, tandis que l'autre le termine.
Pour les rois de Juda, celle-là se compose de deux
phrases : la première marque le synchronisme avec le
roi d'Israël alors régnant, tandis que la seconde spéci-
fie l'âge du roi lors de son intronisation, la durée de
son règne et le nom de sa mère. Cf. III Reg., xv, 1-2,
9-10, etc. Pour les rois d'Israël, il n'y a d'ordinaire
qu'une seule phrase, qui signale simplement le syn-
chronisme avec les rois de Juda et la durée du règne.
Cf. III Reg., xv, 25, 33; xvi, 8, 15, 20, 23, etc. L'autre
formule apprécie le caractère du monarque en question
au point de vue moral, habituellement en quelques
mots rapides, presque toujours les mêmes : « Il fit ce
qui était bon — ou, ce qui était mauvais — aux yeux
du Seigneur, » cf. III Reg., xv, 3, 11, 33, etc. ; mais
parfois en termes plus développés, cf. III Reg., xiv, 22-
24; xv, 11-15; xvi, 30-33, etc. Puis l'auteur conclut,
en indiquant le document dans lequel ses lecteurs
pouvaient trouver des renseignements plus complets, et
en signalant la mort du roi, ses funérailles et le nom
de son successeur. Cf. III Reg., xi, 43; xiv, 19, 20, 31;
xv, 8, 24, etc. Il arrive quelquefois que la désignation
du document et la mention de la mort sont séparées
l'une de l'autre par une courte donnée historique. Cf.
III Reg., xiv, 30; xv, 7, 23; xxn, 6-50; IV Reg., xv, 37.
Le trait « il fut enseveli avec ses pères » est parfois omis,
surtout pour les rois d'Israël, III Reg., xvi, 27-28; xxn,
54, etc., mais aussi pour quelques rois de Juda. III Reg.,
xxi, 26; xxm, 30. Il y a d'ailleurs çà et là d'autres excep-
tions à la complète régularité des formules. Entre ces
phrases caractéristiques du commencement et de la fin,
l'auteur insère les détails biographiques concernant
chaque monarque. — Il suit le principe suivant pour
l'arrangement des deux séries de rois : un règne com-
mencé est raconté jusqu'à son achèvement; le narrateur
reprend ensuite le règne ou les règnes synchroniques
de l'autre série. C'est ainsi qu'après avoir relaté les
événements du règne de Jéroboam I ar d'Israël, il passe
à ceux des trois rois de Juda qui occupèrent le trône
en même temps que lui; puis il revient aux six rois
schismatiques qui furent contemporains d'Asa, etc. Cf.
III Reg., xiv, 13-Xvi, 28.
2» But de l'auteur. — Comme les autres annalistes
sacrés d'Israël, l'auteur des deux derniers livres des
Rois ne s'est point proposé de raconter de l'histoire
pure et simple. Le point de vue auquel il s'est placé
est avant tout religieux et théocratique; ce sont les
destinées du peuple de Jéhovah, les développements du
royaume de Dieu sur la terre, qu'il veut constamment
décrire. Il manifeste cette intention plus peut-être
qu'aucun autre historien biblique, et c'est en ce sens
qu'il apprécie constamment les hommes et les faits. On
en trouve des preuves nombreuses et saillantes dans
son livre. — a) Tout en fournissant sur les événements
politiques tous les renseignements indispensables, il
glisse avec rapidité sur la plupart d'entre eux; bien plus,
il ne craint pas d'en omettre d'assez importants, qui
n'allaient point à son but, ce qui ne s'expliquerait
point de la part d'un annaliste ordinaire. C'est ainsi,
comme on le voit en comparant nos deux livres avec
le second des Paralipomènes, qu'il est muet sur la
campagne de Zara contre Juda, sur les guerres de Josa-
phat contre les Moabites, les Ammonitesetles Édomites,
sur la victoire remportée par Ozias dans sa campagne
contre les Philistins, sur la captivité de Manassé à
Babylone, etc. Cf. II Par., xiv, 9-15;xx,l-30; xxvi,6-15;
xxxiii, 11-17. Il ne mentionne aussi que superficielle-
ment la prise de Jérusalem par Sésac, III Reg., xiv,
25-26; cf. II Par., xn, 1-12; la guerre d'Amasias contre
l'Idumée, IV Reg., xiv, 7; cf. II Par., Xxv, 5-17; la
guerre désastreuse de Josias contre le pharaon Nécbao,
IV Reg., xxm, 29-30; cf. II Par., xxxv, 20-25, etc. —
b) Au contraire, il appuie sur certains détails, sur cer-
taines périodes, qui se rattachaient davantage à son
but. Ainsi, bien que tous les rois d'Israël et de Juda
soient mentionnés dans le récit et qu'on porte un juge-
ment sur leur vie, n'eussent-ils régné que quelques
jours, cf. III Reg., xvi, 15-19, il est remarquable que le
narrateur a spécialement insisté sur six règnes plus
importants, soit en bien, soit en mal, sous le rapport
théocratique : ceux de Salomon, III Reg., i-xi, de Jéro-
boam I er , III Reg., xu, 25-xiv, 20;d'Achab,III Reg., xvi,
29-xxn, 40; de Joram d'Israël, IV Reg., m, 1-ix, 26;
d'Ézéchias, IV Reg., xvm-xx; de Josias, IV Reg., xxn-
xxiii. Salomon avait développé le culte divin; Ezéchias
et Josias contribuèrent à le rétablir; Jéroboam I er ,
Achab et Joram introduisirent ou favorisèrent l'idolâ-
trie. — c) Même réflexion à faire au sujet de l'ampleur
des récits qui concernent le temple et le rôle des pro-
phètes. Cf. III Reg., v, 1-ix, 9; xn, 22-24; xm, 1-32;
xiv, 1-10; xvii-xix; xxi, 17-24; xxn,13-28;IVReg.,l-n;
lv-vm; ix, 1-10; xn, 4-16; xm, 14-21; xix, 1-34; xx,
1-19; xxi, 10-16; xxii-xxiii; xxv, 9-17, etc. L'auteur se
complaît à signaler le zèle des prophètes en tant que
gardiens vigilants de la loi divine. — d) Les réflexions
morales par lesquelles l'écrivain sacré commente briè-
vement les faits et la manière dont il rattache les mal-
U49
ROIS (III e ET IV e LIVRES DES)
1150
heurs de la nation aux crimes qu'elle avait commis
contribuent aussi pour beaucoup à révéler son dessein
et son but. Voir III Reg., ix, 3-9; xi, 11, 33, 38; xiv,
7-16; xvi, 12, 13; IV Reg., x, 31; xm, 2-3; xxi, 11-16;
xxii, 15-20; xxiv, 3, 20, et surtout le passage si poignant
IV Reg., xvn, 7-23. — e) Il parle également avec insis-
tance de la loi mosaïque et de l'alliance du Sinaï,
comme d'une source de vie et de bonheur pour Israël.
Cf. III Reg., h, 2-4; m, 3, 14; vi, 12, 38; vm, 35, 55,
58, 61; ix, 4, 6; xi, 11, 33, 34, 38; xm, 21 ; xiv, 8; xvm,
18; xix, 10, 14; IV Reg., x, 31 ; xm, 23; xiv, 6; xvn, 8,
13, 15, 16, 19, 34, 37-38; xvm, 6, 12; xxi,8; xxn, 8, 11 ;
xxiii, 2-3; xxi, 24-25. — f) Enfin, le narrateur revient
très fréquemment sur le magnifique oracle par lequel
Dieu avait promis, II Reg., vu, 1-29, la perpétuité du
trône aux descendants de David. Cf. III Reg., it, 4, 14;
m, 6; vu, 12; vm, 25-26; ix, 5; xi, 11-13, 34-39; xv,4;
IV Reg., vm, 19; x, 34; xx, 6, etc. — Il est clair,
d'après tout cela, que ce que l'auteur veut avant tout,
c'est de nous montrer « la main de Dieu dans l'histoire
du peuple (israélite) et de ses rois. » LaBïble annotée,
Les livres' historiques, in-8°,t. iv,Neuchatel, 1897, p. 4.
Dans ses pages, nous avons donc surtout une histoire
religieuse pour l'époque de la royauté. Comme l'a dit
Strack, Einleitung in das Allé Testament, 4 e édit.,
in-8°, Munich, 1895, p. 74 : « Son intention n'était pas
d'enseigner l'histoire d'Israël, mais de dégager les
leçons de l'histoire. »
UT. IMPORTANCE DES IIP ET IV LIVRES DES ROIS. —
Elle est tout à la fois historique et religieuse, mais surtout
religieuse. De beaux et vastes horizons sont ouverts dans
cet écrit, plus encore au théologien qu'à l'historien. Et,
puisque c'est au point de vue messianique que se mesure
tout d'abord l'importance d'un livre biblique, on peutdire
que le livre des Melàkîm est privilégié sous ce rapport.
En effet, nous venons de voir que l'oracle par lequel
Nathan promit à David, au nom du Seigneur, la per-
pétuité du trône, en forme le centre d'une certaine
manière; or, cet oracle se rapporte certainement au
Messie, qui seul devait le réaliser finalement. Voir le
Ps. Lxxxvin; Frz. Delitzsch, Old Testament llistory of
Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 87-111; Cvon
Orelli, Die alttestamentliche Weissagung von der Vol-
lendung des Gottesreiches, in-8°, Vienne, 1882, p. 168-
171;. A. Tholuck, Die Propheten und ihre Weissagun-
gen, in-8°, Gotha, 1860, p. 165-170. C'est bien une con-
clusion messianique que nous lisons à la fin du dernier
livre, IV Reg., xxv, 27-30. La faveur accordée à Jécbo-
nias par Evilmérodach « jette sur la sombre nuit de
l'exil le premier rayon lumineux d'un avenir meilleur,
qui devait bientôt commencer pour la race de David,
en même temps que pour tout le peuple; elle lui ga-
rantissait l'accomplissement certain de la promesse en
vertu de laquelle le Seigneur ne retirerait pas à jamais
sa miséricorde à la postérité de David. » F. Keil, Die
Bûcher der Kônige, p. 7. Or, c'est en Jésus-Christ seul
que cette promesse s'est accomplie, et par lui seul que
la race de David règne éternellement.
. iv. l'époque de la composition et l'auteuti. —
1° L'époque. — La date la plus ancienne à laquelle
puissent remonter nos deux livres est marquée par le
fait qui les termine : l'exaltation du roi Jéchonias, IV Reg.,
xxv, 27-30; or, il eut lieu en 561 avant J.-C. L'auteur ne
mentionne pas la fin de la captivité, dont l'édit de Cy-
rus, en 536, donna le signal. La composition du troi-
sième et du quatrième livre des Rois est donc anté-
rieure au retour d'exil. Par conséquent, comme limites
extrêmes, nous avons d'une part l'année 561, de l'autre
l'année 536 avant notre ère. La rédaction eut lieu entre
ces deux dates, vers le milieu de la captivité de Baby-
lone. La plupart des néo-critiques, entre autres Kue-
nen, Wellhausen, Benzinger, Kautzsch, admettent que
l'ouvrage aurait été à peu près achevé vers l'an 600
avant J.-C. Divers passages parlent clairement de la
ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., IX, 1-9;
xi, 9-13; IV Reg., xvii, 17-20; xx, 17-18; xxi, 11-15;
xxn, 15-20; xxiv, 18-25, 30, etc.
2» L'auteur. — 1. Quoi qu'on ait dit parfois en sens
contraire, l'auteur des deux derniers livres des Rois
n'est certainement pas le même que celui des deux
premiers livres. Il existe, en effet, entre les deux écrits
des différences trop sensibles pour qu'ils puissent pro-
venir d'une main identique. Pour le style, voir ci-
dessous. Quant au fond, voici les nuances les plus
frappantes : a) Les livres de Samuel (1 et II Reg.) ex-
posent d'ordinaire l'histoire israélite avec beaucoup de
détails; ceux des Rois (III et IV Reg.) l'abrègent et
la condensent le plus souvent. — b) Les livres de Sa-
muel ne citent que fort peu de dates; ceux des Rois
en fournissent un grand nombre. — c) Les livres de
Samuel ne mentionnent pas les sources auxquelles
leurs renseignements ont été puisés; les livres des Rois
renvoient fréquemment aux leurs. — d) Là, le culte
des hauts lieux paraît avoir été encore toléré, cf. I Reg.,
IX, 12; ici, il est sévèrement blâmé et condamné,
cf. III Reg., ut, 3; xn, 31;xm,32; xv* 14, etc. — e)Les
livres de Samuel ne renvoient qu'une seule fois le
lecteur à la loi mosaïque, II Reg., xxn, 23; ceux des
Rois y font de nombreuses allusions. Voir col. 1149.
2. La tradition juive affirme très explicitement que
le prophète Jérémie aurait composé les deux derniers
livres des Rois. « Jérémie, dit le Talmud de Babylone,
traité Baba bathra, 15 a, a écrit son livre (c'est-à-dire
sa prophétie), le livre des Melàkîm (III et IV Reg.) et
les Thrènes. » Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et
de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris,
1881, p. 28. Divers interprètes catholiques ou protes-
tants, à la suite de saint Isidore de Séville, De off. eccl.,
i, 12, t. Lxxxin, col. 747, de Sixte de Sienne, de Cor-
nélius à Lapide, etc., regardent encore cette opinion,
sinon comme certaine —avec Hasvernick, Einleitung in
das A. T., t. H, 1™ partie, p. 171-172; Rawlinson, dans
la Speaker's Bible, t. h, p. 471-472; Fr. Kaulen, Ein-
leitung in die heil. Schriften, 3 e édit., p. 198; R. Cor-
nely, lntroductio specialis in Vet. Testamenti libros,
in-8°, Paris, 1887, p, 293-295 — du moins comme très
vraisemblable. Les données de l'histoire sont insuffi-
santes pour démontrer d'une façon rigoureuse la vérité
de cette opinion ; il est néanmoins certain qu'on peut
alléguer en sa faveur quelques considérations qui ne
manquent pas de force : — a) Les hébraïsants ont établi
d'intéressantes comparaisons, desquelles il résulte que
le style et le genre littéraire de nos deux livres rap-
pellent beaucoup la diction et le genre de Jérémie.
Voir Haevernick, op. cit., t. H, 1" partie, p. 171-178;
Rawlinson, dans la Speaker's Bible, t. n, p. 470-471;
Driver, Introduction to the Books of the Old Testant.,
5 e édit., p. 193. Pour la promesse faite à David et à sa
race, cf. III Reg,, vm, 24; ix, 5, et Jer., xui, 13; xvii,
25; xxxm,17; pour la prophétie relative à la ruine du
temple, cf. III Reg., ix,8, et Jer., xvm, 16; xix,8,etc;
au sujet du caractère terrible des calamités que devait
subir le peuple d'Israël, cf. IV Reg., xxi, 12-xxiv, 16,
et Jer., xtx, 3; xxn, 17; xxx, 16; Thren., n, 8, etc.
D'autre part, il est remarquable que le verbe hiddiah,
employé dix-neuf fois par Jérémie pour marquer la
dispersion des Juifs en exil, n'apparaît nulle part dans
les deux derniers livres des Rois. — 6) La conclusion
historique par laquelle se termine la prophétie de Jé-
rémie, lu, 1-34, est pour ainsi dire calquée sur la der-
nière page des Rois, IV Reg., xxiV, 18-xxv, 30, ou ré-
ciproquement. — c) Le ton grave et mélancolique
qui caractérise les oracles de Jérémie est aussi celui
de nos deux livres. Le prophète d'Anathotha en grande
partie composé son écrit pour démontrer, lui aussi,
que Dieu avait été très juste en châtiant sévèrement
1151
ROIS (III e ET IV e LIVRES DES)
1152
les Israélites et en mettant fin au royaume théocratique.
Or, tel est précisément le but du troisième et du qua-
trième livre des Rois. — d) Les épisodes dont est
parsemé le recueil des prophéties de Jérémie et ceux
qui remplissent la partie correspondante de nos deux
livres semblent provenir delà même main. Cf.IVReg.,
xxiv, 1, et Jer., xxv, 1-11 ; IV Reg., xxiv, 7, et Jer., xlvi,
2-12; IV Reg., xxiv, 10-17, et Jer., xxvri, 1-15; IV Reg.,
xxv, 1-30, et Jer., xxvn, 16-22; xl, 5-9; xu, 1-34, etc.
— e) III et IV Reg. contiennent des renseignements
nombreux et importants sur les prophètes. Or, ce
thème devait être particulièrement cher à Jérémie.
D'autre part, ce Voyant célèbre, qui joua un rôle poli-
tique et religieux très considérable de son temps, n'est
pas même mentionné au quatrième livre des Rois ; ce
fait, difficile à expliquer en lui-même, devient clair
si Jérémie est l'auteur de III et IV Reg. — Il est vrai
que Jérémie, dont la mission prophétique fut inaugurée
durant la treizième année du règne de Josias, cf. Jer.,
I, 2, c'est-à-dire en 627, aurait été âgé d'environ 90 ans
lors de la mise en liberté de Jéchonias. Mais il putfort
bien composer le troisième et le quatrième livres des
Rois aussitôt après que ce prince eut été emmené en cap-
tivité; dans ce cas, il n'aurait eu qu'à ajouter ensuite la
conclusion commune à sa prophétie et à IV Reg. Ce fait
expliquerait pourquoi, en divers passages, cf. III Reg.,
vin, 8; IX, 22; xu, 19; IVReg., vm, 22, l'écrivain sacré
parle comme si l'état de choses qui existait avant la
ruine du royaume de Juda demeurait encore en vigueur.
— Ajoutons d'ailleurs qu'il ne s'agit, dans cette thèse,
que d'une possibilité et d'une vraisemblance, nulle-
ment d'une certitude.
V. DOCUMENTS QUI ONT SERVI A COMPOSER LES DEUX
derniers livres des rois. — 1° Les trois sources
principales. — - L'auteur a eu à sa disposition plusieurs
documents, qu'il mentionne très souvent lui-même,
et auxquels il renvoie ceux des lecteurs qui désire-
raient avoir des renseignements plus complets que les
siens. Pour le règne de Salomon, il cite « le livre des
actes » de ce prince (Vulgate, liberverborùm dierum Sa-
lomonis). III Reg., xi, 41. Pour l'histoire synchronique
des rois de Juda et d'Israël, il cite assez régulièrement
deux autres sources, à la fin de chaque règne : d'un
côté la « chronique des rois de Juda » (Vulgate, liber
sermonum dierum Juda); de l'autre, la « chronique
des rois d'Israël » (Vulgate, liber verborum dierum
regum Israël). Celle-là est citée quinze fois : III Reg.,
xiv, 29, pour Roboam; xv, 7, pour Abias; xv, 23, pour
Asa; xxii, 45, pour .Tosaphat, IV Reg., vin, 23, pour
Joram; xn, 19, pour Joas; xiv, 18, pour Amasias; xv,
6, pour Azarias; xv, 36, pour Joatham; xvi, 19, pour
Achaz;xx, 20, pour Ézéchias; xxi, 17, pour Manassé;
xxi, 25, pour Amon ; xxm, 28, pour Josias; xxiv, 5,
pour Joakim. Elle est omise pour Ochozias, Athalie et
les deux derniers rois de Juda, Jéchonias et Sédécias.
Là « chronique des rois d'Israël a est mentionnée dix-
sept fois : III Reg., xiv, 19, pour Jéroboam I er ; xv, 31,
pourNadab; xvi, 5, pour Baasa; xvi, 14, pour Éla;
xvi, 20, pour Zamhri; xvi, 27, pour Amri; xxii, 39,
pour Achab; IV Reg., i, 18, pour Ochozias; x, 34, pour
Jéhu; xiji, 8, pour Joachaz; xm, 12, pour Joas; xiv,
38, pour Jéroboam II; xv, 11, pour Zacharie; xv, 15,
pour Sellum; xv, 21, pour Manahen; xv, 26, pour
Phacéia; xv, 31, pour Phacée. Elle n'est omise
que pour Joram et Osée, le dernier roi. Ces rares
omissions n'ont sans doute pas d'autres causes, de
part et d'autre, que la difficulté d'insérer la formule
habituelle, vu l'arrangement des matériaux. — Au
passage III Reg., vm, 53, les Septante font suivre la
prière prononcée par Salomon après la dédicace du
temple, de cette note qui manque dans l'hébreu :
« Est-ce qu'elle (atftri, la prière) n'est pas écrite dans le
Vivre i^ç ùS-fc'? » Le traducteur a lu sans doute hassîr,
<i du cantique », tandis que son texte portait vraisem-
blablement hay-yâSdr, « du juste »; par conséquent,
dans le livre du Juste. Cf. Jos., x, 13; Juste (Livre Du) r
t. m, col. 1873-1875. — Ce renvoi perpétuel à ses
sources montre que l'auteur les a utilisées fidèlement
et consciencieusement, qu'il désirait un contrôle, bien
loin de le redouter.
2° Nature de ces documents. — En comparant les-
deux derniers livres des Rois avec le second des Para-
lipomènes, nous pouvons nous former une idée assez
exacte des sources qui ont servi de base aux Melâkim.
Pour d'assez nombreux passages il existe, entre le&
deux écrits, une ressemblance frappante, qui va par-
fois jusqu'à la coïncidence verbale. Nous nous borne-
rons à signaler ici les principaux :
Cf. III Reg., m, 5-15, et II Par;, i, 7-13.
(v 2-ix, 27) (h, 1-vni, 2).
x, 1-29 ix, 1-28.
xi, 41-43 29-31.
au, 1-19 s, 1-19.
21-24 xi, 1-4.
xiv, 25-31 xu, 9-16.
xv, 16-22 xvi, 1-6.
xxii, 2-35 xviii, 1-34.
41-50 xx, 31-37.
IV Reg., vm, 17-23 xxi, 5-10.
25-29 xxii, 1-6.
xi, 1-xn, 14 xxii, 10-xxiv, 14.
xiv, 12-14 xxv, 1-5, 17-24.
17-22 xxv, 25-xxvi, 2.
Xv, 32-38 xxvn, 1-9.
xvi, 1-4 xxvm, 1-4.
XXi, 1-9 xxxih, 1-9.
17-24 18-25.
xxii, 1-xxni, 4 xxxiv, 1-33.
De cette ressemblance, on conclut communément et
à bon droit que les deux écrivains sacrés ont puisé â
des sources identiques, Or, l'auteur des Paralipomènes-
est un peu plus explicite que celui des Melâkim sur
la nature de ses propres documents, et, grâce à lui, il
nous est possible de nous faire une idée assez précise
des matériaux qui ont également servi à composer le
troisième et le quatrième livres des Rois. D'après-
II Par,, ix, 29, le récit des événements du règne de
Salomon a été emprunté aux « paroles du prophète
Nathan », au « livre d'Ahia le Silonite » et à la « vi-
sion du Voyant Addq ». D'un autre côté, les passages
II Par., xu, 15; xm, 22; xx, 34; xxvi, 22; xxxn, 32;
xxxm, 18-19, nous avertissent que les annales des rois-
de Juda furent rédigées d'après les « livres du pro-
phète Séméias et du Voyant Addo », les « paroles de
Jéhu fils d'Hanaël », la « vision d'Isaïe fils d'Amos »,.
et lès « discours d'Hozaï». L'auteur des Paralipomènes
cite souvent aussi le « livre des rois de Juda et
d'Israël », Lorsqu'il mentionne les écrits de Nathan,
d'Ahias, d'Addo, etc., il lui arrive d'ajouter qu'ils sont
contenus dans ce livre. Cf. II Par., xx, 30; xxxii,
32, etc. Il suit de là que les prophètes en question
avaient écrit l'histoire de leur temps, que leurs com-
positions avaieut été reunies, avant l'exil, dans un
grand ouvrage, que l'on désignait tantôt par le titre de
Livre des rois de Juda ou d'Israël, tantôt sous le nom.
du prophète qui en avait écrit telle partie déterminée.
On explique par là pourquoi les faits relatifs à Salomon-
sont donnés, III Reg., xi, 41, comme extraits des
« fastes » de ce prince, tandis que, II Par., ix, 29, il
est dit qu'ils sont tirés des « Paroles des prophètes » .
Il est probable, d'après le langage de l'auteur des deux
derniers livres des Rois, que les annales des royaumes
d'Israël et de Juda ne formaient pas un seul et même
ouvrage, mais deux œuvres distinctes. En plusieurs-
endroits de nos deux écrits, par exemple III Reg., iv,.
1153
ROIS (IIP ET IV LIVRES DES)
4154
3; vm, 16; xx, 24; IV Reg., xvui, 18, 37 et II Par.,
xxxiv, 8, il est dit que David, Salomon et Ézéchias
avaient parmi leurs ministres principaux un mazkîr, à
la lettre, « celui qui aide la mémoire » (Septante, ô
■j7rou.iu.vr|(jxwv, <> •J7co!rvï]u.aTo"fp*ïoç, etc., Vulgate, a
commentariis), dont le rôle aurait consisté, croit-on, à
noter officiellement les faits de chaque règne. Il est
vraisemblable que les autres rois de Juda et ceux
d'Israël avaient un fonctionnaire analogue. Quelques in-
terprètes n'ont pas manqué de supposer que les deux
derniers livres des Rois et le second des Paralipomènes
ont eu ce genre de documents pour base; mais nous
venons de voir que leur opinion est réfutée par l'au-
teur lui-même des Paralipomènes. Cet auteur et celui
des Meldkîm n'ont pas eu pour documents principaux
les annales assez problématiques du mazkir officiel de
chaque règne, mais les écrits historiques des prophètes.
Voir Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xii-xm. Il
suit encore de là que quelques néo-critiques se lancent
dans une discussion assez oiseuse — les uns ré-
pondant affirmativement, les autres négativement —
lorsqu'ils se demandent si l'auteur de III et IV Reg.,
a puisé d'une manière immédiate aux sources aux-
quelles il renvoie, ou s'il n'a eu à sa disposition qu'un
ouvrage historique fondé sur elles. L'auteur a eu di-
rectement entre les mains les documents cités par lui.
3° Leur valeur. — Ces divers documents étaient tous
contemporains des faits racontés, ce qui leur donne
une grande autorité. A un autre point de vue encore,
ils présentent la plus haute garantie de fidélité histo-
rique, puisqu'ils furent composés par des personnages
saints et sacrés. Les rationalistes eux-mêmes sont obli-
gés de reconnaître à ces sources une véritable valeur et
une antiquité réelle, du moins en bien des cas. Voir
Kautzsch, Abriss des alttestum. Schrifttums, in-8°,
Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 63.
4° Emploi qu'en a fait le narrateur. — Souvent, il
a dû insérer textuellement dans son récit les passages
qui lui convenaient. On le voit en comparant IV Reg.,
xviil, 13-xx, 19, et Is., xxxvi-xxxix, passages identiques
dans lesquels une source commune a été utilisée d'une
façon littérale. Ce fait explique aussi quelques réflexions
qui semblent, à première vue, un anachronisme de la
part d'un écrivain qui raconte la ruine de Jérusalem
et du temple. Cf. III Reg., vm, 8; ix, 21; su, 19;
IV Reg., xiv, 7. D'autres fois, l'auteur abrège ou com-
plète d'après d'autres documents. Cf. III Reg., xv, 1-8
et II Par., xm, 1-23, etc. Mais l'ensemble dénote par-
tout un travail très réel de composition, accompli par
un seul et même écrivain, qui avait son plan tracé
d'avance, et qui a tiré de ses. sources le meilleur pro-
fit, tout en demeurant personnel et indépendant.
VI. LES NÉO-CRITIQUES ET LES DEUX DERNIERS LIVRES
des kois. — 1" Exposé de leurs théories. — a) A ren-
contre de ce qui vient d'être dit, les critiques ratio-
nalistes se refusent à voir dans ces deux livres un tra-
vail unique, provenant d'un seul et même historien;
ils les regardent comme une œuvre de compilation,
préparée peu à peu par une série plus ou moins consi-
dérable de rédacteurs. Nous avons déjà exposé plus
haut le principe qui, d'après leur assertion toute
gratuite, sert de base à leur opinion, pour cet écrit
comme pour ceux des Juges et de Samuel. Ils le ré-
pètent ici avec plus de force que jamais, et prétendent
découvrir à tout instant dans les Melâkim les « in-
fluences deutéronomiques « qui démontreraient, sui-
vant eux, l'existence de rédactions multiples et de
remaniements réitérés. Voir Driver, Introduction,
p. 189; Kautzsch, Abriss, p. 61-66; Benzinger, Die
Bûcher der Kônige, p. xm; Kittel, Die Bûcher der
Kônige, p. vu, etc. Comme pour les deux premiers
livres, leur langage est aussi injuste que sévère :
« Un examen superficiel des livres des Rois (III et
DICT. DE LA BIBLE.
IV Reg.) suffit pour démontrer clairement le fait qu'ils'
sont une compilation, et non pas une composition ori-
ginale. » The Jewish Encyclopedia, t. vu, New-York,
1904, p. 506. « Nous ne pouvons pas parler de l'auteur
des (livres des) Rois,... mais seulement d'un ou de
plusieurs éditeurs successifs, dont le travail principal
a consisté à arranger sous une forme continue des
extraits de livres plus anciens. » W. R. Smith, dans
V Encyclopmdia Britannica, 9 e édit., t. xiv, Edimbourg,
1882, p. 83. Le même auteur, ibid., p. 86, parle du
« caractère purement mécanique de la rédaction par
laquelle ont été groupés des documents de différentes
sortes; » il affirme que « les historiens du (royaume
du) nord et du (royaume du) sud ont été simplement
rattachés les uns aux autres dans une sorte de
mosaïque. »
b) Prenant l'existence de ces prétendues « influences
deutéronomiques » pour point de départ de leurs
investigations, les néo-critiques signalent à chaque
page de l'écrit les divers rédacteurs ou compilateurs qui
ont successivement concouru à produire nos deux livres
sous leur forme actuelle, et ils assignent à chacun d'eux
sa part déterminée, ne se composât-elle que de quel-
ques mots épars çà et là. C'est ce que font en particulier,
à la suite du D 1 Wellhausen, MM. Kuenen, Cornill,
Kautzsch,Winckler, Benzinger, Kittel, Stade et Schwally,
dans les ouvrages désignés ci après (col. 1162). Rien de
plus significatif, sous ce rapport, que la manière dont
M. Kittel d'une part, MM. Stade et Schwally de l'autre,
ont essayé de placer directement sous les yeux de leurs
lecteurs, celui-là au moyen de types différents, ceux-ci
par l'emploi des couleurs (dans la Bible hébraïque dite
« polychrome ») le résultat de leurs découvertes.
M. Kittel admet neuf couches distinctes de documents,
amalgamés par le compilateur. MM. Stade et Schwally
ont recours à dix couleurs variées, pour marquer
autant d'espèces de documents, de remaniements,
d'insertions, etc. Le blanc représente la base originale
de l'écrit, savoir, « l'épitomé prophétique des rois
d'Israël et de Juda, composé aux derniers jours du
royaume de Juda, sous Joachin ou Sédécias, par un
pieux auteur qui était imbu de l'esprit du Deutéro-
nome » (par exemple, III Reg., vm, 11-13; ix, 12-13,
*20, 26-27; x, 28-29; xv, 2-3, etc.). Le rouge foncé
marque « des extraits de documents historiques plus
anciens » (entre autres, III Reg., I, 1-53, à part le
verset 37; il, 13-25, 28-33, etc.); le rouge clair, « des
extraits de sources plus récentes » (par exemple,
III Reg., m, 16-28; v, 15-16, 20-27, etc.). Le vert tendre
désigne, d'une part, « toutes les portions d'un caractère
deutéronomique » qui n'appartiennent point à l'abrévia-
teurlui-même; d'autre part, « la continuation de l'épi-
tomé par un deutéronomiste postérieur à l'exil, » et
aussi « des additions subséquentes, ayant pour but d'éta-
blir une connexion entre les légendes des prophètes et
les parties deutéronomiques du livre » (III Reg., vin,
14-25, 26-32, 35-66; xi, 2-3, 29-31, 33-38 etc.). A l'orange
clair correspondent « des additions non deutérono-
miques d'origine inconnue » (III Reg., x, 1-11, 13-27;
xvi, 12; xvin, 32-33; xxi, 21-23, etc.); à l'orange foncé,
« les additions qui semblent avoir été empruntées â
d'autres ouvrages historiques, et qui, tout d'abord, étaient
peut-être placées en marge » (par exemple, III Reg.,
xiv, 1-19; v, 7-8, 29-30 ; vil, 41-44, etc.) ; au violet foncé,
« les textes qui ont pour but d'établir l'harmonie entre
divers passages du livre » (III Reg., ix, 18-23, 25; x,
12, 27; xi, 32, etc.); au bleu clair, « des extraits des
légendes des prophètes » qui, sous leur forme présente,
sont toutes postérieures à l'exil, bien que le fond de
ce qui concerne Élie et Elisée remonte peut-être à une
époque antérieure à la captivité. III Reg., xn, 21-24;
xin, 1-33, etc. Le bleu foncé et le violet clair servent
à marquer, dans ce qu'on nomme les légendes d'Isaïe,
V. - 37
1155
ROIS (IIP ET IV LIVRES LES)
1156
« des insertions provenant de narrations parallèles »
(par exemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34; xx, 1-6, 12-
19, etc.). On admirerait une telle perspicacité, si elle
n'inspirait dès l'abord une vive défiance. Qui ne
voit, en effet, combien elle fait redouter l'arbitraire,
surtout lorsqu'on la sait animée d'un esprit préconçu ?
c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme
dans les deux premiers, M. Cornill reconnaît la main
du jéhoviste et celle de l'élohiste, actives en divers sens.
C'est le jéhoviste qui raconte la fin du règne de David.
III Reg., i-ii. D'ailleurs, les néo-critiques sont à peu
près d'accord pour rattacher ces deux chapitres au
second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient
fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage
où est exposée la vie de Salomon, M. Cornill aperçoit
trois couches distinctes : 1° une série de récits ou de
notes qui ont pour but manifeste d'exalter le roi, entre
autres, iv, 2-19; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28,31-32; vi,
37-38, etc.; 2° des enjolivements encore plus légen-
daires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses,
par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc.; 3» « une couche
deutéronomique, qui tantôt demeure indépendante,
tantôt se borne à remanier, » par exemple, m, 1-15;
v, 17-19; vin, 15-53, etc. Dans la suite du récit, à partir
de III Reg., xii, M. Cornill consent à trouver une
œuvre généralement pleine d'unité, « de telle sorte que,
pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre
historique (de la Bible), il est permis de parler d'un
auteur. » L'élohiste a eu sa grande part dans la com-
position des chap. xii, xiv, xv et xvi; mais le jéhoviste
a fourni les passages xiv, 25-28; xv, 16-20; xvi, 34. Le
chap. xill est une légende de prophètes «. d'un genre
tout à fait grotesque; » c'est un produit très récent. La
partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve
dans le groupe III Reg., xvu-IV Reg., x. « Elle con-
tient les morceaux les meilleurs et les plus satisfaisants
des récits historiques de l'Ancien Testament; » mais
\\ îanl evi séparer 1\ Heg., i, 2 b -12, où nous n'avons
qu'une légende sans portée. M. Comili est en outre
partisan, comme la plupart des néo-critiques contem-
porains, de deux rédactions « deutéronomiques », dont
l'une date environ de l'an 600 avant J.-C, tandis que
l'autre est un peu plus récente (la moitié ou la fin de
l'exil); mais il croit que, jusqu'au m» siècle avant notre"
ère, on a opéré des remaniements dans les deux livres.
Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui
appartient à chacun des deux rédacteurs, et ce qui est
simple remaniement; ainsi, « il faut attribuer le syn-
chronisme (des rois) au second rédacteur; les dates des
règnes ont été insérées par le premier. » Benzinger,
Die Bûcher der Kônige, p. xvin.
2° Fausseté de ces théories. — a) L'auteur des deux
derniers livres des Rois affirme lui-même, nous l'avons
vu, qu'il s'est servi de plusieurs documents contempo-
rains des événements qu'il raconte, et il est certain
qu'il a dû leur faire en certains endroits des emprunts
considérables. Mais, entre son mode de composition et
celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y
a une énorme différence. Ce n'est point «d'une manière
mécanique », et pour ainsi dire fortuite, qu'il a groupé
ses matériaux; il les coordonne et les dispose toujours
d'une façon suivie, régulière, conforme au plan
qu'il s'était tracé d'avance. Il a ainsi produit, non
pas une « mosaïque », mais une œuvre qui ne manque
pas d'unité. Cette unité se manifeste soit par la marche
du récit, toujours uniforme et semblable à elle-même,
et, en particulier, par le cadre extérieur dans lequel
ont été insérés les faits de chaque règne; soit par le
but et le point de vue spécial de l'auteur, qui sont iden-
tiques depuis le commencement jusqu'à la fin ; soit par
le style, car les locutions propres à l'historien sacré
reviennent aussi partout. — 6) Ce que nous avons dit
plus haut de l'arbitraire, des preuves purement sub-
jectives, des contradictions perpétuelles des néo-cri-
tiques à propos des livrés de Samuel, on peut le dire
également de leurs théories relatives aux Meldkim.
Leur genre de critique littéraire est aisé, et qui ne se
chargerait de l'appliquer avec aussi peu de sérieux et
de solidité, aux œuvres de Racine et de Bossuet, ou
même à des ouvrages beaucoup plus récents?
3° Réfutation de quelques objections particulières.
— a) Évidemment, le rationalisme contemporain ne
pouvait manquer de signaler, à l'appui de ses négations,
la part très notable qui a été faite à l'élément surnatu-
rel dans nos deux livres, surtout dans l'histoire d'Élie
et d'Elisée. « Un trait caractéristique des livres des Rois,
ce sont les histoires des prophètes, les nombreuses
légendes relatives aux représentants de la théocratie,
dont la plupart ont été mêlés aux événements... Il n'y
a presque pas de chapitre où ils n'occupent le premier
rang. Quand l'occasion se présente de le3 introduire,
de les faire parler et agir, la narration s'arrête aux
détails, devient pittoresque, anecdotique, prolixe même,
de sommaire et décolorée qu'elle est ailleurs. » Ency-
clopédie des sciences religieuses de Lichtenberger,
t. XI, p. 258-259. — Nous n'avons pas à redire ici que
la présence de l'élément surnaturel, des miracles, des
prophéties, ne démontre absolument rien au sujet de
l'époque où a été composé tel ou tel récit, et il a été
remarqué plus haut qu'il entrait précisément dans le
plan de l'auteur d'insister sur tout ce qui, dans l'his-
toire des rois d'Israël, offrait un caractère théocratiqu
plus palpable.
6) On prétend que l'intérêt pour la loi de Moïse, si
vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n'exis-
tait pas dans l'ancien Israël, » et qu'il est « tout à fait
étranger aux mémoires plus anciens qui ont été incor-
porés dans ces livres, » de sorte que, partout où il fait
son apparition, on peut être sûr qu'il s'est glissé tardi-
vement une main « deutéronomique ». — Mais c'est là
une assertion toute gratuite, dont il est impossible de
démontrer la vérité, car elle repose sur une base entiè-
rement fausse, la fabrication du Deutéronomeâ l'époque
du roi Josias. Quant à l'intérêt, d'ailleurs très réel,
que l'auteur des Meldkim manifeste pour la loi mo-
saïque, nous avons montré qu'il fait également partie
de son but et de son plan.
c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte
contre l'unité de rédaction, mais plus timidement, les
« doublets » ou répétitions, et même les contradictions
proprement dites qu'on rencontrerait parfois dans
l'histoire des rois de Juda et d'Israël. — Il existe, en
effet, quelques répétitions. Cf. IV Reg., vm, 28, et ix,
14, 16; xill, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s'expliquent par
les habitudes et par la manière de parler des Orienr
taux; elles ne nuisent pas à l'unité de composition, et
ne supposent point des rédacteurs venus l'un après
l'autre. Comme exemples Je contradictions, on allègue,
d'une part, III Reg., IX, 22, et xi, 28; de l'autre, III Reg.,
xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages,
après avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu'un
des fils d'Israël fût esclave, » l'écrivain sacré parle d'un
chef chargé de diriger «les travaux des esclaves. «Mais,
si l'on se reporte à l'hébreu, on voit que par « travaux
des esclaves » il faut simplement entendre des corvées
pénibles, et point une servitude proprement dite. En
comparant les deux autres textes, on constate que c'est
à Samarie que les chiens léchèrent le sang d'Achab,
et non dans la vigne de Naboth, comme Élie l'avait
prédit. Toutefois, le récit ajoute en termes formels,
III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit à adou-
cir la sentence d'Achab, à cause de son repentir, et que
la menace divine fut exécutée à la lettre dans la per-
sonne de Joram, fils d'Achab, conformément à la mo-
dification qu'elle avait subie. Cf. JV Reg., ix, 24-26. —
Pour ces difficultés de divers genres, voir F.Keil,£e/ir-
1157
ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES)
1158
buch der Einleitung in die kanon. und apokryph.
Schriften des Alten Testant ., 2 e édit., Francfort-sur-le-
Main, 1859, p. 183-187; P. Clair, Les livres des Rois,
ia-8», Paris, 1879, p. 126-187; R. Cornely, Introduetio
specialis in historicos Véteris Testant, libros, in-8°,
Paris, 1887, p. 288-293.
VU. LA VÉRACITÉ ET L'AUTORITÉ DIVINE DES DEUX
derniers livres des rois. — 1° Le caractère véridique
et historique (te cet écrit a été attaqué sur divers points,
nous l'avons vu, par les rationalistes contemporains.
Ceux-ci sont néanmoins contraints de reconnaître,
malgré leurs préjugés multiples, que, « dans leur en-
semble, les récits sont assurément très dignes de foi. »
Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenber-
ger, t. xi, p. 258. Voir les aveux analogues du D r Cor-
nill, col. 1155. Nous disons que la véracité de la narra-
tion est partout la même, et il est facile d'en donner
des preuves intrinsèques et extrinsèques.
A) Preuves intrinsèques. Partout, dans nos deux livres ,
l'histoire est racontée de la manière la plus sérieuse,
la plus objective. Nulle part on n'aperçoit les traces de
la plus légère flatterie à l'égard des rois ou des autres
grands personnages dont la vie est racontée : les bons
rois reçoivent de légitimes éloges, mais leurs faiblesses
et leurs fautes sont relevées, blâmées sévèrement;
quant aux mauvais princes, ils sont flétris avec une
juste indignation. On n'aperçoit aucune de ces exagé-
rations, de ces louanges dithyrambiques, dont les ins-
criptions égyptiennes et assyriennes fournissent tant
d'exemples. En outre, tout, dans les narrations, est
conforme à ce que nous connaissons par ailleurs de la
vie orientale et des mœurs des potentats dans ces ré-
gions. C'est donc ■ bien à tort que les néo-critiques
supposent, en certains endroits, des « tendances » et
de « l'idéalisation », c'est-à-dire des faussetés histo-
riques. Par la manière dont l'auteur mentionne à tout
instant ses sources, il prouve qu'il ne redoutait point le
contrôle de l'histoire. Cf. F. Kaulen, Einleitung in die
Bûcher A. und N. Teslam., 3 e édit., p. 198-199.
B) Les preuves extrinsèques sont encore plus frap-
pantes. Elles nous sont d'abord livrées — a) par la
Bible elle-même, où d'autres récits, entièrement indé-
pendants des deux derniers livres des Rois, permettent
de faire le contrôle dont il vient d'être question. Il a
été dit ci-dessus que le second livre des Paralipomènes
couvre la même période que ceux des Melâkim; or,
celui qui l'a composé conserve son entière liberté,
tout en utilisant les mêmes sources : les deux récits
concordent admirablement. Les allusions historiques
qui apparaissent fréquemment dans les livres prophé-
tiques d'Osée, d'Amos, d'Isaïe, de Michée, de Jérémie,
de Sophonie, etc., nous procurent un argument iden-
tique. « Depuis Ozias, il s'est à peine passé un fait dans
Juda ou dans Israël, sans qu'un prophète ou l'autre y
ait fait allusion; et partout il règne un accord complet
avec les données des livres des Rois. » Kaulen, loc.cit.,
p. 199. Voir aussi Eccli., xlvii, 14-xlix, 9. — 6) Les
littératures étrangères et les monuments que nous ont
légués les contrées bibliques nous documentent d'une
façon remarquable sur le point traité. Nous avons
1° les fragments des anciens historiens, Bérose^ fcné-
thon, Ménandre, etc. Josèphe, ContraApion., 1/13-34, et
Ant. jud., VIII, v, 3, et xm, 2, en appelait'déjà à leur
témoignage pour défendre la véracité des livres histo-
riques de son peuple. Cf. Eusèbe, Prsep. evang., x, 1-
42, t. xxi, col. 680-1764; Rawlinson, Bampton Lectures,
2" édit., 1860, p. 89-92. Nous possédons aussi les inscrip-
tions égyptiennes, spécialement celles de Sché-
schonq I er , le Sésac de la Bible, III Reg., xi, 40, etxiv,
■25, gravées sur les murs du temple de Karnak, qui con-
firme ce que raconte le III e livre des Rois de la cam-
pagne de ce prince en Palestine. "Voir Sésac. Cf. Blau, Si-
saqs Zug gegen Juda, dans la Zeitschrift derdeutschen
morgenlândischen Gesellschaft, 1861, p. 293-250; The
expédition of Pharao Shishak against Palestine,
dans les Actes du viip congrès international des Orien-
talistes, IV« partie, in-8», Leyde, 1892, p. 193-199;
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6« édit., Paris, 1896, t. m, p. 407-427. - c) La célèbre
inscription de Mésa, roi de Moab, complète ce que nous
dit la Bible au sujet de ce monarque. Cf. IV Reg., m,
4-27; C. D. Ginsburg, The Moabite stone, in-4», Lon-
dres, 1871; V. Testa, L'iscrizione di Mesa illustrata e
commentata, in-8°, Turin, 1875; H. Winckler, Keilin-
schriftliches Textbuch zum Alt. Testant., in-8", 1892,
p. 100-105; F. Vigouroux, loc. cit., p. 464-474. — d)Ce
sont les monuments assyriens et les inscriptions cunéi-
formes qui fournissent les renseignements les plus
complets et les plus intéressants. « Après avoir été
ensevelis, pendant de longs siècles, sous les ruines et
les décombres amoncelés sur les bords du Tigre, ces
pages monumentales, gravées sur la pierre ou écrites
sur l'argile, ont enfin reparu à la lumière du jour...,
et les savants contemporains y ont lu, avec un étonne-
ment mêlé d'admiration, non seulement les noms des
fiers monarques de-Ninive, mais aussi des noms qu'on
ne s'attendait point à trouver en dehors de la Sainte
Écriture, ceux de six rois d'Israël : Amri, Achab, Jéhu,
Manahem, Phacée, Osée, et de quatre rois de Juda :
Azarias ou Ozias, Achaz, Ézéchias et Manassé, sans
parler des noms géographiques. C'est ainsi que les
ennemis mêmes du peuple de Dieu sont venus confir-
mer l'authenticité et la véracité des annales sacrées. »
F, Vigouroux, loc. cit., p. 430. Voir sur ce sujet
E. Schrader, Die Keilinschviften und das Alte Testa-
ment, in-8», Giessen, 1872, p. 87-233; 3° édit. en 1905;
F. Kaulen, Assyrien und Babylonien nach den neuesten
Enldeckungen, in-8", Fribourg-en-Brisgau, 3 e édit. , 1885,
p. 203-225; Sayce, Alte Denkmâler im Lichte neuer
Forschungen, Leipzig, 1886; et surtout F. Vigouroux,
op. cit., t. m, 253-642, t. iv, p. 1-154.
2. L'autorité divine de III et IV Reg. — Ces deux
livres, qui ont toujours fait partie du canon biblique
chez les Juifs et chez les chrétiens, sont par là-même
inspirés et divins. Jésus-Christ et ses Apôtres leur ont
emprunté des citations et allusions relativement nom-
breuses, montrant ainsi la haute estime qu'ils avaient
pour eux, et l'autorité supérieure qu'ils leur reconnais-
saient. Notre-Seigneur mentionne la richesse des vête-
ments de Salomon, Matth., vi, 29, cf. III Reg., x, 25;
la visite de la reine de Saba, Matth., xn, 42, cf. III Reg.,
x, 1-10; la sécheresse au temps d'Élie, la manière dont
le prophète secourut la veuve de Sarepla et la guéri-
son du Syrien Naaman par Elisée, Luc., iv, 25-27,
cf. III Reg., xvn, 1-16, et IV Reg., v, 1-19. Saint
Etienne rappelle dans son discours, Act., vu, 46-48, le
désir exprimé par David de construire un temple à
Jéhovah et la réalisation de ce souhait par Salomon.
Cf. III Reg., vi, 1-38. Dans l'Épitre aux Romains, xi, 24,
saint Paul cite III Reg., xix, 10, comme parole de
l'Écriture; dans l'Épitre aux Hébreux, xi, 35, il fait
allusion aux résurrections opérées par Élie et Elisée.
Cf. III Reg., xvn, 17-24; IV Reg., iv, 18-38. Saint
Jacques, v, 17-18, signale l'exemple d'Élie comme une
preuve de l'efficacité de la prière. Cf. III Reg., xvn,
1. L'Apocalypse, n, 10, nomme deux fois l'infâme
Jézabel.
VIII. CHRONOLOGIE DES DEUX DERNIERS LIVRES DES
rois. — 1° Fréquente mention des dates. — Ainsi
qu'il a été dit plus haut, l'auteur note très soigneuse-
ment les données chronologiques. Il fait passer sous
nos yeux non seulement la durée dés divers règnes,
mais aussi le synchronisme des rois d'Israël et de Juda,
et les dates des principaux événements. Cf. III Reg.,
n, 11 ; vt, i, 37, 38; vu, 1; vin, 2, 65; IX, 10; xi, 42;
xiv, 20, 25; xv, 1, 9, 25, 33; xvi, 8, 10, 15, 23, 29;
1159
ROIS. (IIP. ET IV» LIVRES DES)
1160
xvm, 1; xxn, 1, 41, 52 ; IV Reg., i, 17; m, 1 ; vm, 16,
25; ix, 29; x, 36; xi, 3-4; xn, 1, 6; xm, 1, 10; xiv,
1-2, 17, 23; xv, 1, 8, 13, 17, 23, 27, 30, 32; xvi, 1; xvn,
1, 5; xvm, 1, 9, 13 ; xxi, 1, 19; xxu, 1, 3; xxm, 23, 31,
36; xxiv, 1, 8,.12, 18; xxv, 1, 3, 8, 25, 27,
2° Difficultés provenant de cette chronologie. —
Saint Jérôme les signalait déjà : Relege omnes et Ve-
teris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum
reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et
Israël, id est, inter regnum utrumque, confusum.
Epist. lu, 5, t. xxn, col. 675-676. Non seulement les
chiffres bibliques ne sont pas d'accord les uns avec
les autres; mais la chronologie assyrienne, dont on a
découvert la clef, accroît encore l'embarras des com-
mentateurs, car elle ne cadre pas non plus avec les
dates de détail indiquées par les livres des Rois. De nos
jours on a beaucoup écrit sur cette question, sans
pouvoir la résoudre d'une manière entièrement satis-
faisante. Voir, en sens divers, J. Wellhausen, Die
Zeitreehnung des Bûches der Kônige seitder Teilung
des Beiches, dans les Jahrbùchér fur deutsche Théo-
logie, 1875, p. 617-640; Krey, Zur Zeitreehnung der
Bûcher der Kônige, dans la Zeitschrift fur wissen-
schaftliche Théologie, 1877, p. 404-408; W. R. Smith,
The Chronology of the Books of Kings, dans le Jour-
nal of Phïlology, 1882, p. 209-220; id., The Proyhels
. of Israël, nouvelle édition, in-12, 1895, p. 145-151,
403-406, 415-421; A. Kamphausen, Die Chronologie
der hebraischen Kônige, in-8°, Bonn, 1883; Rûhl, Die
Chronologie der Kônige von Israël undJuda, dans la
Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, 1895,
p. 44-76, 171; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e éd.,
t. H, p. 95-97; id., Les Livres Saints et la critiqué
rationaliste, ,5" édit, t. iv, p. 499-507. Voir aussi
Chronolooie bïbuqYjE, t. il. co\. 130-131, où Von men-
tionne les principales difficultés et leur solution pos-
sible. Rien n'autorise à prétendre que les inexactitudes
de chiffres qui se rencontrent dans nos deux livres
soient le fait de l'auteur; elles sont toutes attribuables
aux copistes, qui se trompent facilement en transcri-
vant des nombres. Nous en avons un exemple frappant
à propos du roi Ochozias de Juda, qui, lorsqu'il monta
sur le trône, avait 42 ans d'après II Par., xxu, 2,
seulement 22 d'après IV Reg., vm, 26. Il est évident
qu'il y a une erreur d'un côté ou de l'autre. Mais, ni
cette faute, ni les autres du même genre ne sauraient
nuire à l'autorité d'un livre sérieux : les conclusions
qu'en ont tirées les critiques rationalistes demeurent
donc sans valeur.
ix. le style. — 1" Il est moins pur que celui des li-
vres de Samuel et il présente d'assez nombreux exemples
de néologismes et d'aramaïsmes. Néanmoins, des par-
ties considérables des Melâkîm sont écrites en excel-
lent hébreu des meilleurs jours. Le genre de diction
est le même partout et manifeste l'unité d'auteur. Cer-
taines particularités dialectales s'expliquent par les
sources spéciales qui servirent à composer les passages
où elles sont employées. Il suffira d'en citer quelques-
uns : ,1a forme féminine en > : >ra pour nx,
« toi », IV Reg., iy, 16, 23; vm, 1, etc.; >3b pour ih,
: t t
n à toi », IV Reg., iv, 2; 'ôtô pour 'iffô, « avec lui »,
IV Reg., 1, 15; m, 11, 12, etc.; 'ôfâm pour 'itfâm,
« avec eux », IV Reg., vi, 16; nîr pour nêr, «lampe»,
III Reg., xi, 36, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der
...Einleitung, 2«édii., p. 183-1M. Pour les nomsd'Élie
et d'Ochozias de Juda, l'écrivain sacré emploie tantôt
la forme complète, 'Eliydhû, 'A-hazydhû, tantôt la
forme abrégée, 'Eliyâti, 'Ahazyâh; elles alternent
parfois à quelques lignes seulement d'intervalle. Pour
Elie, cf. III Reg., xvn* 1, 3; xvin, 1, 2, etc.; IV Reg.,
i, 3, 4, 10, 12, etc.; pour Ochozias, III Reg., xxii, 40,
50, 52; IV Reg., i, 18; x, 24, etc.
2° On a noté aussi un certain nombre d'expressions
que l'auteur des deux derniers livres des Rois emploie
volontiers, quoique la plupart d'entre elles ne lui
soient pas exclusivement propres; celles-ci en particu-
lier : Marcher dans la voie du Seigneur, III Reg., h,
3; m, 14; vin, 5; xi, 23, 28; garder ses lois, ses
ordonnances, ses jugements, ses préceptes, III Reg.,
h, 3; m, 14; vi, 12; vm, 58; ix, 4, 5; IV Reg., xvn,
13, 19; xxm, 3, etc.; « témoignages », dans le sens de
commandements divins, III Reg., H, 3; IV Reg., xvu,
45; xxm, 3, etc.; afin que tu réussisses, III Reg., n,
3, etc.; accomplir la parole, III Reg., n, 4; vi, 12; ylii,
21; xii, 15; marcher devant moi (avec vérité, etc.),
III Reg., il, 4; m, 6; vm, 23, 25, etc.; tu ne manque-
ras jamais de..., III Reg., h, 4; vm, 25; ix, 5; de tout
ton (son) cœur et de toute ton (son) âme, III Reg., n,
4; vm, 48; IV Reg., xxm, 3, 25; bâtir une maison au
nom du Seigneur,III Reg., m, 2; v,3, 5; vm,17, etc.;
comme c'est aujourd'hui, III Reg., m, 6; vin, 24, 61 ;
choisi parmi toutes les tribus d'Israël, III Reg., vm,
16; xi, 32; xiv, 21; IV Reg., xxi, 7; afin que mon
cœur soit ici, III, Reg., vm, 16, 29; IV Reg., xxm, 27;
parfait, dans le sens de dévoué entièrement, III Reg.,
vm, 61; xi, 4; xv, 3, 14; IV Reg., xx, 3; exterminer du
pays, III Reg., ix, 7; xm, 34; xiv, 15; rejeter de de-
vant la face, III Reg.. IX, 7; IV Reg., xm, 23; xvn,
20, etc.; les abominations (des faux dieux), III Rog.,
xi, 5, 7; IV Reg., xxm, 13, 24; faire ce qui est mal aux
yeux du Seigneur, III Reg., xi, 6, et plus de trente
fois ailleurs; à cause de David ton père (ou, mon ser-
viteur), III Reg., XI, 12; xm, 32, 34; xv, 4; IV Reg.,
vm, 19 ; xix, 34 ; xx, 6 ; Jérusalem que j'ai choisie,
III Reg., xi, 13, 32, 36; vin, 44, 48; xiv, 21; IV Reg.,
xxi, 7; xxm, 27; provoquer la colère du Seigneur,
IV Reg., XIV, 9, 15, et très souvent ailleurs; Voici, je
vais faire venir le malheur, III Reg., xiv, 10; xxi, 21;
IV Reg., xxi, 12; xxu, 16, etc.; l'enchaîné et le libre,
c'est-à-dire tout le mondé, III Reg., xiv, 10; xxi,
21; IV Reg., lx, 8; xiv, 26; (Jéroboam) qui a fait pécher
Israël, III Reg., xiv,16; xv, 26, et très souvent encore;
sur toute colline élevée et sous tout arbre vert, III Reg.,
xiv, 23; IV Reg,, xvi, 4; xvir, 10; les abominations
des nations (païennes), III Reg., xiv, 24; IV Reg., xvi,
3; xxi, 2; les nations que le Seigneur avait chassées
de devant Israël, III Reg., xiv, 2, i ; xxi, 26; IV Reg-,
xvi, 13, etc.; ne pas se détourner de..., III Reg., xv,
5; xxn, 43; IV Reg., ni, 3; x, 29, etc.; se vendre (pouf
faire le mal), III Reg., xxi, 20, 25; IV Reg., xvn, 7; le
peuple offrait encore des sacrifices et des parfums
sur les hauts lieux, III Reg., m, 2, 3; xxn, 43;.
IV Reg., xn, 4; xiv, 4; xv, 4, 35, etc.; mes (ses) ser-
viteurs les prophètes, IV Reg., ix, 7; xvn, 13, 23; xxi,
10; xxiv, 2; l'armée des cieux (les astres, objet d'un
culte), IV Reg., xvn, 16; xxi, 3, 5; en ce temps-là,
III Reg., xiv, 1; IV Reg., xvi, 6; xvm, 16; xx, 12;
xxiv, 10; en ces jours, IV Reg., x, 32; xv, 37; xx, 1 ;
la formule « attendu que », pour introduire des prophé-
ties, III Reg., m, 11; vm, 18; xi, 11; xm, 24, etc.
Voir Driver, Introduction, 5 e édit., p. 178, 190-193;
Hastings, Dictionary of the Bible, t. n, p. 859-861.
X. LE TEXTE HÉBREU ET LES ANCIENNES VERSIONS-
— 1° Le texte. — Quoique loin d'être parfait sous sa
forme présente, le texte hébreu des Melâkîm nous est
parvenu en meilleur état que celui des livres de Samuel.
On croit reconnaître qu'il a été corrigé en plusieurs
endroits d'après la traduction des Septante. Entre autres
traces manifestes de corruption, on cite : III Reg,, i,
10, au lieu -de (ibbâkd', lire fitfdqdh, Septante des
Hexaples, ^xïio-ev, Vulgate, insonuit; III Reg., vu, 40,
au lieu de hakkîrôt, lire hassîrôf, Septante, llërpo.ç,
Vulgate, lebetes; III Reg., vm, 57, au lieu de be'éres
Se'ârdv, lire be'ahaf 'arâv, Septante, iv \uâ t£>v itôXeuv
<x!to0 ; III Reg., xi, 15, au lieu de biheyôt, lire behakkôp,
H61 ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES) — ROMAINS (ÉPÎTRE AUX)
116!
Septante, èv t<3 £.^Xo6peû<7«i; III Reg., xi, 25, au lieu de
'Ardm, lire 'Èdôm; III Reg., xm, 11, au lieu de « son
fils vint et lui raconta », lire, d'après les Septante et
la Vulgate, « ses fils vinrent et racontèrent »; III Reg.,
xix, 23, au lieu de vayyare', lire vayyèrë , Septante,
lyoêrfirij Vulgate, tim'uit ; IV Reg., v, 26, au lieu de
hâlak, « il alla », il faut lire, 'immeka, « avec toi »,
•d'après les Septante et la Vulgate, etc. Notons aussi
quelques erreurs manifestes de chiffres : III Reg., v, 6,
40000 doit être corrigé en 4000, d'après II Par., ix,
25; IV Reg., xxv, 17, lire « cinq coudées », au lieu de
« trois », d'après III Reg., vu, 15, et Jer., lu, 22, etc.
Voir F. Bôttcher, Neue exegetisch-kritische Aehrenlese
zum Alten Testament,^' partie, Leipzig, 1864, p. 1-120;
R. Kitlel, Biblia hebraicd, t. I, Leipzig, 1905, p. 458-
552.
2° Les versions anciennes. — a) Septante. — Pour
les deux derniers livres des Rois, comme pour les deux
premiers, la traduction des Septante se fait remarquer
par des ^variantes nombreuses — additions, omissions,
transpositions, autres modifications de divers genres —
souvent considérables, d'autres fois plus légères . Elle re-
présente certainement une recension de l'hébreu diffé-
rente de celle qui a servi de base au texte massorétique.
Exemples d'additions : la fontaine de Salomon dans le
temple, III Reg., à la suite de n, 35, ou de m; 1 ; la chaus-
sée du Liban, III Reg., III, 46; la mention du soleil dans
la prière de Salomon, le jour de la dédicace du temple,
III Reg., vin, 53; un long passage sur Jéroboam,
inséré III Reg., xil, entre les versets 24 et 25. Voir aussi
III Reg., xv, 8 ; xvi, 22; xvrn, 1, etc. Exemples d'omis-
sions : le passage III Reg., vi,ll, 14, est omis intégrale-
ment; de même III Reg., xv, 6; xvi, 8 et 15, etc. Les
transpositions sont très nombreuses : III Reg., n, 36-
46, passe après m, 1; III Reg., m, 1, et ix, 16-17, sont
groupés ensemble et placés entre iv, 34, et v, 1 ; III Reg. ,
vu, 1-12, vient après vu, 51 ; III Reg., vin, 12-13, après
53; ix, 15, 22, après, x, 22; les chap. xx et xxi sont
transposés, etc. Malgré ses imperfections, la tra-
duction des Septante, nous l'avons constaté plus haut,
peut servir assez souvent à corriger le texte hébreu
actuel; mais il faut beaucoup de réserve et d'esprit
•critique pour faire ces corrections. Une autre particu-
larité de la version des Septante consiste dans le nombre
relativement extraordinaire des expressions hébraïques
•qui n'ont pas été traduites, mais simplement transcrites
en grec. Entre autres, au IV e livre, à?ç(i,n, 4, et x, 10;
vmxrjS, m, 4; «pttie, iv, 39; êeêpaôa, v, 19; ÊXfiwvi, vi, 8;
Havaâ, vin, 8 et 9; yxpzy., ix, 13, etc. On voit par là
que le traducteur n'était pas à la hauteur de sa tâche,
■car plusieurs de ces expressions sont faciles à com-
prendre . Dans la recension de Lucien, au passage IV Reg. ,
îv, 34, le verbe hébreu igehâr est d'abord traduit par
<Tuvéxafji4ev, puis reproduit en hébreu, iyaiip, lequel
mot a été ensuite corrompu en iy>.àS, etc. Le meilleur
texte des Septante est celui du Cod. Vaticanus, comme
pour les livres de Samuel. Voir Silberstein, Uber den
Ursprung des im Cod. Alexandrinus und Vaticanus
des dritten Kônigsbuches der Alexand. Ubersetzung,
dans la Zeitschrift fur die alttestatnentl.Wissensckaft,
1893, p. 1-75; 1894, p. 1-30; pour la version jd'Aquila,
F. C. Burkitt, Fragments of the Books of /the Kings
■according la the translation of Aquïla, in-8», Cam-
itridge, 1897. — 6) Versions latines. — La Vêtus llala
présente beaucoup d'affinités avec la recension grecque
de Lucien. La Vulgate, qui a été traduite fidèlement sur
l'hébreu, montre que, depuis l'époque de saint Jérôme,
le texte primitif n'a pas subi d'altérations bien sen-
sibles. On voit, par certaines interprétations de détail,
■que, si les points-voyelles qu'on lit actuellement dans
l'hébreu ne correspondent pas toujours à la leçon
adoptée par les rabbins qui guidaient le saint docteur,
les consonnes étaient à peu près les mêmes qu'aujour-
d'hui. — c) Autres versions orientales. — Le syriaque
le chaldéen, l'arabe n'offrent pas une grande utilit
pour l'interprétation des Melâkîm. Les modification
qu'on y rencontre sonl dues généralement aux allure
trop libres des traducteurs. Pour le syriaque, voi
Berlinger, Die Peschitto zum ersten Bûche der Ko
nige, in-8» Berlin, 1897.
XL Bibliographie. — 1° Pour la critique du text
et l'origine du livre: *J. Wellhausen, Die Compositiot
des Hexateuchs und der histor. Bûcher des A lien Test.
in-8», ï' édit., Berlin, 1889, p. 266-302; Id., Prolegomeni
zur Geschichte Israels, in-8°, 5° édit., Berlin, 1899
p. 275-298; * B. Stade, dans la Zeitschrift fur alttestam
Wissenschaft, 1883, p. 129-177; 1885, p. 275-297; 1886
p. 156-189; *Preiss, W. Vatkes Ansichtûber die Bûcha
Samuelis und der Kônige, dans la Zeitschrift fur mis-
senschaftliche Théologie, 1885, p. 257-275 ; * A. Kuenen
Historisch-critisch onderzoek naar het ontstaan en dt
verzameling van de boéken des Ouden Verbonds, in-8»
2«édit., 1« partie, Leyde, 1885,p. 392-443;*S. R.Driver
An Introduction tù the Literature of the Old Test.
in-8», Edimbourg, 1891, 5= édit., 1894, p. 179-188
*H. Winckler, Beilràge zur Quellenscheidung der Ko
nigsbùcher, dans les Alttestam . Untersuchungen, in-8°
t. ï, Leipzig, 1893, p. 1-54; *R. JUttel, Geschichte de
Hebrâer, in-8», 1892, p. 45-57, 177-195; *E. Kônig, Ein
leitung in dasA. Test., in-8», Bonn, 1893, p. 263-269
*C. H. Cornill, Einleitung in das Alte Teslam., in-8»
2Ȏdit.,Fribourg-en-Brigau, 1892,p. 121-131 ; C. Holzhey
Das Buchder Kônige,Untersuchung seiner Bestandtheil
und seiner litterar. und geschichtlichen Charakters
in-8», Munich, 1899; *B. Stade et F. Schwally, 27»
Books of Kings, dans les Sacred Books of the OU
Test., édités par *Haupt, in-4«, 9 e partie, Leipzig, 1904
— 2° Commentaires. — A) Catholiques : Théodore!
Qusest. in lib. Reg., t. lxxx, col. 527-798; Clair, Le
livres êtes Rois, 2 in-8», Paris, 1884. — B) Hétérodoxes
O. Thenius, Die Bûcher der Kônige, in-8», Leipzig
1849, 2» édit., 1873; F. Keil, Die Bûcher der Kônigt
in-8», Leipzig, 1865, 2" édit., 1876; W. F. Bâhr, Di
Bûcher der Kônige, in-8», Bielefeld, 1868; E. Reuss
Histoire des Israélites, Paris, 1877, p. 137-148; A. Klos
termann,DiâjBiic/!er Samuelis und der Kônige, in-8'
Nordlingue, 1887, p. 262-498; J. R. Lumby, The fin
Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1886, et Th
second Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1888
J. Benzinger, Die Bâcher der Kônige erklârt, in-8 1
Tubingue, 1899; R. Kittel, Die Bâcher der Kônig
âberselzt und erklârt, in-8», Gœttingue, 1900.
L. Fillion.
ROMA (hébreu : Be'umâh, « corail » ; Septante
'Peufia), femme de second rang de Nachor, frère d'A
braham. Elle eut pour fils Tabée, Gaham, Tahas e
Maacha. Gen., xxn, 24.
ROMAIN (grec : 'P<o|j.aïoç). 1» Le mot « Romains :
dans l'Écriture désigne la puissance romaine. I Mach.
vin, 1, etc. ; xn, 16; xiv, 24, 40; xv, 16; II Mach., rv
11; vin, 10, 36; xi, 34; Joa., xi, 4&; Rom., xxv, 16
xxviii, 17. (La Vulgate a traduit par « Romains »
Dan., xi, 30, le mot hébreu Kiftîm (Septante : Kt'ttoi)
qui doit s'entendre des Gréco-Macédoniens.) — 2»« Ro-
mains », Act., il, 10, désigne des Juifs qui habitent 1;
ville de Rome. — 3" Dans îles Actes, xvi, 21, 37, 38
xxn, 25-29; xxm, 27, « Romain » est dit de celui qui :
le droit de cité romaine et peut prendre le titre Ai
citoyen romain. Voir Citoyen romain, t.n, col. 789-791
ROMAINS (ÉPITRE AUX). - I. Importance. -
Par la nature du sujet qu'elle traite aussi bien qu«
par la profondeur et la sublimité de sa doctrine, cette
Épitre a toujours été considérée comme l'écrit fonda-
mental où se trouve le mieux résumé ce qu'on peutappe-
1163
ROMAINS (ÉPiTRE AUX)
1164
1er « l'évangile de saint Paul ». C'est de beaucoup celui
où sa pensée s'est exprimée avec le plus de suite et de
régularité. Le ton calme, le mode d'exposition large et
presque didactique, l'ordonnance des preuves lui don-
nent l'allure d'un traité de théologie. Pourtant ce n'est
pas, comme les protestants d'autrefois affectaient de le
croire, une sorte de catéchisme doctrinal, un manuel
du christianisme : c'est une lettre. Si l'on n'y trouve pas,
comme ailleurs, des épanchements affectueux, des con-
fidences, des reproches, des détails personnels, des
traces d'apologie, des nouvelles, cela tient à ce que
saint Paul n'était pas entré, jusque-là, en rapport avec
l'Église de Rome. Il y connaissait un certain nombre
de fidèles, ceux qu'il salue à la fin de sa lettre, mais
ceux-ci n'étaient qu'une' minorité et l'Apôtre ne pouvait
écrire au reste de la communauté, sur le même ton
qu'aux fidèles de Corinthe ou de Macédoine. Son mes-
sage porte beaucoup moins l'empreinte des circons-
tances locales. Il se rapproche davantage d'une thèse
dogmatique, c'est une sorte de spécimen doctrinal,
destiné à édifier les chrétiens de Rome, à consolider
leur foi, à les préparer à la visite de Paul. Rom., i, 11.
L'épître, tout en paraissant plus détachée que les au-
tres des particularités du style épistolaire, en garde
pourtant les caractères généraux ainsi que le but pra-
tique. Au point de vue du fond, elle a une ressemblance
frappante avec l'Épltre aux Galates. Dans l'une comme
dans l'autre de ces lettres, le thème est presque iden-
tique : le salut par la foi. Seulement elles diffèrent au-
tant par le ton ou par le développement des preuves et
par le point de vue où se place l'auteur. Dans l'Épltre
aux Galates, l'Apôtre avait montré la relation de l'Évan-
gile avec l'économie juive. Ici l'horizon s'élargit. Paul,
embrassant tout le passé de l'humanité, avec ses deux
grands courants ,juif etpaïen, montre que l'histoire abou-
tit, dans les desseins de la Providence, au salut ché-
tien. 11 ne se renferme plus dans une comparaison entre
l'alliance mosaïque et l'alliance nouvelle, cette période
de la Loi n'est qu'un épisode dans le développement du
programme providentiel. L'Apôtre remonte plus haut,
jusqu'au chef de l'humanité déchue, Adam, qu'il oppose
au second Adam, chef de l'humanité régénérée. Le
salut n'est plus simplement, comme dans l'Épître aux
Galates, la réalisation des promesses faites à Abraham,
Gai., m, 6-9, 14-16, mais la restauration de l'âme
créatrice par le Christ, le nouvel Adam, dont la mort a
expié les fautes de l'humanité. Le rejet d'Israël, à peine
marqué dans la lettre aux Galates, îv, 30, est traité ici
ex professo. Rom., ix-xi. Au reste, aucune trace de
polémique ou d'apologie personnelle dans l'Épltre aux
Romains. Partout la calme sérénité d'une pensée qui
se développe en toute liberté avec une ampleur remar-
quable, en sorte que l'Épltre n'est, comparée à l'autre,
qu'un canevas, une esquisse delà grande thèse du salut
par la foi. Ceci explique l'analogie de certains passages
des deux Épitres, encore que les circonstances où elles
ont été rédigées soient si différentes ! Le poète anglais
Coleridge estimait que l'Épître aux Romains était ce
que l'homme avait écrit de plus profond. « En effet,
dit Godet, Introd. au Nouv. Test., t. i, p. 482, les deux
pôles de l'existence terrestre, le péché et le salut y
sont saisis avec une égale énergie et l'on voit se dessi-
ner avec une admirable netteté, autour de ces deux
points fixes, la petite et la grande ellipse du salut indi-
viduel et du salut humanitaire. Un écrivain a appelé
l'Épître aux Romains la clef d'or des Écritures ; il eût
pu dire : la clef d'or de l'histoire. Si, en effet, le salut
est le centre de l'histoire, lever le voile dont ce salut
était couvert, c'était jeterlejoursur le fond des choses.»
Avec les deux lettres aux Corinthiens, cette Épître forme
une admirable trilogie où l'Apôtre traite du salut, but
suprême de l'humanité, de l'Église, dépositaire de ce
salut, enfin du ministère apostofique qui applique à I
tous, peuples et individus, le salut divin. Mais là où
elle surpasse toutes les autres Épitres, c'est dans la
façon « philosophique » de traiter un thème suivi.
On est presque tenté, en la lisant, de croire qu'ici
l'Apôtre a voulu donner, aux chrétiens de la Ville éter-
nelle, un aperçu de cette « sagesse supérieure » qu'il
tenait en réserve pour les « parfaits ». ICor., n, 6.
C'est ainsi qu'il projette un jour tout nouveau sur les
origines de la religion, du paganisme en particulier, i,
sur l'influence opposée des deux chefs de la voie hu-
maine, v, sur la loi psychologique qui préside au déve-
loppement moral de l'individu, vi, sur l'insuffisance de
la loi par rapport à la justification, vu, sur la glorifica-
tion de la nature inanimée elle-même, vm, sur la mar-
che et le but de l'histoire, ix-xi.
II. Date et lieu de rédaction. — D'un commun ac-
cord, les critiques placent la composition de cette
Épître durant les mois d'hiver que saint Paul passa à
Corinthe, lors de sa troisième visite. C'est donc entre
57-58 qu'elle fut écrite, en flécembre, janvier ou février.
On ne peut en retarder la rédaction au delà de mars, car
ce fut au printemps que l'Apôtre se mit en route vers
la Judée avec les délégués des Églises qui devaient
l'accompagner à Jérusalem. Ces conclusions découlent
des données fournies par les Actes, la seconde Épître
aux Corinthiens et le contenu même de l'Épître aux
Romains. En effet, au moment où celle-ci fut écrite,
l'Apôtre n'avait pas encore visité Rome, Rom., i, 13,
mais il se proposait d'y venir bientôt. Rom.,xv, 23. Il a
prêché ,1'Évangile jusqu'aux confins de l'Illyrie et, se
considérant à la fin de son travail dans les pays
d'Orient, il est sur le point de transporter son minis-
tère en Occident. Rom., vi, 19, 23; II Cor., x, 16. Une
autre circonstance précise encore plus clairement ces
détails. D'après Rom., xv, 25, Paul se dispose à partir
pour Jérusalem avec le produit de la collecte qui vient
d'être achevée dans les Églises de Macédoine et d'Achaie.
Ceci nous reporte, sans doute possible, aux dernières
semaines du troisième séjour de Paul à Corinthe.
I Cor., xvi, 1-4; II Cor., vm-ix; Act., xx, 2, 3. La lettre
aux fidèles de la capitale a donc été écrite dans le cours
des trois mois d'hiver- (57-58) que l'Apôtre passa à Co-
rinthe et en Achai'e, à la fin de son troisième voyage de
mission. Act., xx, 2, 3. Elle fut portée à Rome par
Phœbé, diaconesse de Cenchrées, un des ports de
Corinthe, Rom., xvr, 1. Gaius, l'hôte de Paul en ce mo-
ment, Rom., xvi, 23, est, suivant toute probabilité, le-
même qu'il avait baptisé lors de son premier séjour à
Corinthe. I Cor., î, 14. Enfin la mention de Timothée et
de Sopater ou Sosipater dans les salutations finales,
Rom., xvi, 21, correspond aux indications des Actes,
xx, 4, qui signalent la présence de ces deux frères
parmi les délégués des Eglises, au moment du départ
de saint Paul pour Jérusalem. Il se peut aussi que le
Jason qui, en compagnie de Lucius et des deux frères
nommés ci-dessus, envoie ses saluts aux chrétiens de-
Rome, soit le Jason de Thessalonique dont l'Apôtre
avait reçu l'hospitalité à son arrivée en Macédoine,
Rom., xvi, 21; Act., xvn, 6, et qui, vraisemblablement,
faisait partie de la troupe qui devait accompagner Paul
en Palestine. Tous ces renseignements, on le voit,
s'accordent, d'une façon très précise, à établir les
conclusions énoncées plus haut et à leur donner une
entière certitude, alors que pour plusieurs autres Épi-
tres, on se trouve réduit à des conjectures.
III. Destinataires de l'Épître. — Si l'Épître aux
Romains n'est pas, comme on l'a démontré, une simple
dissertation, mais une lettre véritable, ayant, comme
ses devancières, un but particulier déterminé par des
circonstances spéciales, il importe de connaître la com-
munauté à laquelle elle a été adressée, les éléments,
juifs ou gentils, dont elle se composait et les tendances
religieuses qui y prédominaient.
1165
ROMAINS (EPÎTRE AUX)
1166
Les commencements de l'Église de Rome sont obs-
curs. Les premiersprédicateurs de la foi dans cette ville
furent sans doute des Juifs convertis, comme Àquila et
Priscille et plusieurs autres que nomme saint Paul.
Rom., xvi, 3-15. Sur la date de l'arrivée de saint
Pierre à Rome, voir Pierre, col. 373. D'après l'opinion
traditionnelle la plus répandue, le prince des apôtres
était allé à Rome, avant l'envoi de l'ÉpUre de saint
Paul aux Romains, mais il ne devait pas se trouver dans
la capitale de l'Empire quand elle leur fut adressée,
puisqu'il n'y est point nommé. La plupart des premiers
chrétiens de Rome devaient être Juifs d'origine, la mi-
norité se composant de Gentils devenus croyants, mais
leur nombre augmentait de plus en plus; il devint
prédominant et ce fut la raison pour laquelle saintPaul
leur écrivit. L'Épître aux Romains suppose donc un élé-
ment juif, et c'est pourquoi dans les chapitres ix-xi,
saint Paul explique les causes providentielles de l'in-
crédulité de ses anciens coreligionnaires, que, iv, 11,
il appelle Abraham notre ancêtre selon la chair, que,
vil, 1-6, il dit à ses lecteurs qu'ils sont morts à la Loi
(•jfjLEïî), qu'il leur parle comme à des gens connais-
sant la Loi, et qu'il emploie des arguments tirés de
l'Ancien Testament, propres à impressionner des es-
prits habitués à la lecture de la "Loi et des prophètes.
Mais dès le début, la lettre suppose une communauté
où l'élément ethnic.o-chrétien occupe une large place.
L'adresse, qui dans la circonstance est la partie de la
lettre où doit le mieux se révéler le genre de lecteurs
auxquels elle s'adresse, parle expressément de Gentils,
Rom., i, 5-6, 13-14; cf. xv, 14-16. A Rome, comme à
Antioche, à Éphèse, ou à Corinthe, la communauté
chrétienne avait commencé par les Juifs gagnés à
l'Évangile par les émigrants dont il a été question. A
ce premier groupe de convertis s'adjoignirent, plus
tard, un nombre considérable de néophytes d'origine
païenne. Ce dernier groupe s'accrut dans de telles
proportions qu'il forma, à la longue, la majorité de la
nouvelle église. L'Église de Rome était donc mixte mais
avec un élément non juif prépondérant, si bien que vers
la iin du I er siècle elle était principalement composée de
nationaux romains, d'anciens païens; comme l'atteste la
lettre de saint Clément. D'après le récit des Actes,
Jtxvm, 22, la propagande chrétienne ne semble pas avoir
jusque-là fait beaucoup de conquête dans les synago-
gues de Rome.
IV. Occasion et but de l'Épître. — Ceux qui font
de la première communauté romaine une église com-
posée surtout de judéo-chrétiens, lui attribuent des
tendances judaïsantes. L'Épître de Paul aurait alors eu
pour but de les combattre. Mais outre que rien, dans cet
écrit, ne sente la polémique, il est facile àdémontrerque
lamajoritédes fidèlesdeRome n'avait pas uneConception
religieuse différente de celle de Paul lui-même. Ainsi
dès le début, Rom.,i, 8, l'Apôtre approuve et loue la foi
des Romains, déjà connue dans le monde entier; v, 11,
il leur dit que s'il désire les voir, c'est dans l'intention
de les affermir. Même idée à la fin de l'Épître, xvi,
25 : « et celui qui peut vous affermir selon mon évan-
gile et la prédication de Jésus-Christ. » Dans le chapitre
précédent, xv, 14-15, Paul déclare qu'il n'a rien *oùlu
leur enseigner de nouveau mais seulement leur rappeler
ce qu'ils savent déjà, attendu qu'ils sont remplis de
toute science et qu'ils peuvent se corriger mutuelle-
ment. Enfin, vi, 17, l'Apôtre remercie Dieu de ce que ses
lecteurs ont adhéré de cœur à la forme de doctrine
(tuttov StSxxik) 1 u i ' eur a été enseignée, et qui, d'après
le contexte, n'est autre que l'évangile de Paul lui-
même.
L'Apôtre exprime lui-même, à deux reprises, Rom., i,
10-15, et xv, 22-33, la circonstance qui l'a décidé à
écrire celte Épitre. Depuis longtemps ses regards
étaient tournés vers Rome. Il pressentait que l'avenir
de la foi nouvelle était là. Une voix intérieure l'y
poussait d'une façon impérieuse, irrésistible. Cf. Act.,
xxili, 11. Le désir devenait plus intense à mesure qu'il
considérait son œuvre comme achevée en Orient.
Rome lui apparaissait comme le centre providentiel de
nouvelles missions à travers les pays d'Occident. La
capitale de l'univers devait, dans son idée, être le
pont d'appui de cette excursion apostolique, comme
l'avait été Antioche dans la première partie de sa carrière.
« Il faut que je voie Rome, » disait-il sans cesse. Act.,
xix, 21; Rom., î, 11-17; xv, 23. Jusqu'ici il n'avait pu
songer à réaliser son plan : les menées de judaïsants,
en Galatie, à Corinthe même, exigeaient sa présence
en Orient. Mais tout ayant été remis en ordre à Corinthe
dans les mois d'hiver de son dernier séjour, il fut
repris par le désir de voir Rome et par delà Rome,
l'Espagne, située, suivant l'opinion du temps, aux con-
fins de la terre. Une diaconesse de Cenchrées, port de
Corinthe, se disposait alors à franchir la mer pour se
rendre en Italie. L'Apôtre saisit cette occasion pour
écrire cette lettre qui devait préparer sa venue dans la
Ville Éternelle, où il ne devait arriver que deux ans plus
tard, avec des chaînes de prisonnier.
On ferait un livre des opinions et des controverses
présentées par cette question : « Quel but s'est proposé
saint Paul dans l'Épître aux Romains? » Dès les temps
anciens, deux opinions se font jour. Les Pères grecs
(Origène, saint Jean Chrysostome, Théodoret, plus
tard, saint Jean Damascène, Œcuménius, Théophy-
lacte) lui prêtent en général, une intention dogma-
tique : « Conduire les hommes au Christ. » Dans
l'Église latine, le canon de Muratori partage la même
opinion : saint Paul a voulu inculquer à ses lecteurs
cette vérité que « le Christ est le principe des Écri-
tures. » Le commentaire d'Hilaire, V Ambrosiaster ,
indique à l'Épître un autre but. D'après lui, les chré-
tiens de Rome « s'étaient laissé imposer les rites mo-
saïques, comme si le salut complet ne se trouvait pas
dans le Christ; c'est pourquoi saint Paul voulut leur
enseigner le mystère de la croix du Christ, qui ne
leur avait pas encore été exposé. » Pour saint Augustin,
l'Apôtre a voulu opérer une œuvre de réconciliation
entre les deux fractions, juive et païenne, de la com-
munauté. Les c. xiv et xv, 13, contiendraient alors le
vrai but de la lettre. Au moyen âge, on retrouve le
même point de vue chez Raban-Maur et Abélard.
Saint Thomas, dans ses remarquables commentaires sur
les Épîtres de saint Paul, admet aussi le but purement
dogmatique de l'Épître aux Romains. Érasme, le pre-
mier, soupçonne que Paul, en composant cet écrit,
a voulu prémunir la jeune Église romaine, contre le
péril judaïsant. Le passage, xvi, 17, 20, refléterait ainsi
la pensée directrice de l'Épître tout entière. Dans
l'idée des Pères de la Réforme, l'Apôtre a voulu donner
à l'Église de Rome un exposé Complet de l'Évangile,
tel que l'enseignait Paul. Aussi, dans les premiers
temps, les Réformateurs employaient-ils l'Épitre aux
Romains comme le critérium presque exclusif de
.toute vraie foi. Ils avaient repris, en l'exagérant, l'opi-
nion des Pères grecs. Dans l'Épître aux Romains, dit
Mélanchton, l'Apôtre ne philosophe ni sur les mystères
de la Trinité, ni sur le mode de l'Incarnation, ni sur
la création active et passive; mais.il donne le som-
maire de la doctrine chrétienne (doctrinse christianse
compendium); et n'est-ce pas en effet de la loi, du
péché et de la grâce que résulte la connaissance du
Christ? Au commencement du xix» siècle, l'exégète
catholique Hug reprit l'idée de saint Augustin, c'est-à-
dire prêta à l'Apôtre l'intention d'opérer un rappro-
chement entre les deux parties de l'Église, tandis
qu'Eichhorn revint à l'hypothèse d'une polémique anti-
judaïque. Une lutte se serait produite dans la commu-
nauté romaine à la suite de l'arrivée des amis et des
1167
ROMAINS (ÉPÎTRE AUX)
1168
disciples de Paul, qui exposaient un autre évangile que
celui entendu jusqu'à ce jour, par les néophytes d'ori-
gine juive. Saint Paul avait pris la plume pour soute-
nir les siens. Quelques aimées apTès, ThoYuck pré-
senta l'Épître aux Romains comme un écrit destiné à
prouver la valeur de la doctrine chrétienne, en. tant
que seule capable de répondre aux besoins du cœur
humain, besoins que n'avaient pu satisfaire ni le paga-
nisme, ni le judaïsme. Sauf quelques variantes, le même
point de vue a été développé par Reiche, Glôckler,
Kolner, de Welte, qui précisent ainsi le but de l'Épitre:
proclamer l'Évangile, comme la religion universelle
dans la capitale du inonde. Olshausen part de cette
même idée pour commenter toute l'Épître; Meyer,à son
tour, pense, avec Fritzche et Baumgarten-Crusius, que
l'Apôtre a voulu suppléer, par la plume, à l'impossi-
bilité actuelle où il se trouvait de leur annoncer de
bouche son Évangile. On arrive ainsi à 1836. A ce
moment, Baur, dans Ueber Zweck und Veranlassu/ng
des Rômerbrief, paru dans Tùbingen Zeitschrift, 1836,
complété plus tard par Ueber .Zweck und Gedanken-
gang des Rômerbrief., dans Theol. Jahrbùcher, 1849,
reprit sur une nouvelle base l'étude de la question.
11 crut découvrir, dans les c. ix-xi, jusque-là regar-
dés comme une sorte de digression, la pensée domi-
nante de l'Épître tout entière. Là saint Paul semblait
aller au-devant d'un reproche ou plutôt d'une inquié-
tude qu'aurait fait naître, dans la majorité judéo-chré-
tienne de la communauté romaine, sa large tolérance
à l'égard des gentils qu'il admettait dans l'Église avant
que le peuple élu y fut lui-même entré, lui à qui le
salut messianique avait été promis tout d'abord. Tel est
le préjugé auquel l'Apôtre veut répondre avant de com-
mencer son nouveau ministère en Occident. Dans une
belle page de philosophie de l'histoire, il esquisse, à
grands traits, les desseins de Dieu pour la réalisation
du salut dans l'humanité ; le rejet actuel des Juifs n'est
que momentané; c'est un moyen voulu de Dieu pour
opérer plus facilemementla conversion du monde païen
qui, une fois accomplie, ouvrira les voies à la réhabi-
litation finale d'Israël. Le reste de l'Épître est subor-
donné à cette idée principale. Les huit chapitres qui
précèdent ix-xi, c'est-à-dire, la théorie de la justifica-
tion par la foi, servent de support à cette histoire du
salut. Cette manière nouvelle d'envisager l'Épitre aux
Romains avait l'avantage de relier cet écrit important
à l'ensemble de l'œuvre apostolique de son auteur, en
lui assignant un rôle historique nettement caractérisé;
aussi devient-elle prédominante parmi les critiques,
surtout dans l'école de Tubingue. — Reuss, pourtant,
ne s'y rallia qu'en partie. Comme Baur, il attribue à la
majorité de la communauté romaine une origine et une
tendance judéo-chrétienne, mais il refuse de considé-
rer les c. ix-xi comme la partie essentielle de l'Epître.
Le vrai but de saint Paul a été; en exposant son évan-
gile universaliste, d'établir un lien spirituel entre cette
Église et lui, afin qu'en arrivant à Rome il trouve un
point d'appui pour ses missions d'Occident. — Ewald
écrit, à son tour, une hypothèse qui est restée sans
partisans. D'après lui, l'Apôtre prévoyant, dix ans à
l'avance, les soulèvements de l'an 68-70, auraitécritaux
fidèles de Rome pour rompre le lien trop étroit qui
existait là entré l'Église et la Synagogue. Le c. xn, 1-8,
donnerait ainsi la clef de toute lalettre. Le reste ne serait
qu'accessoire. — Bleek a repris les explications iréni-
ques, c'est-à-dire l'idée d'un but de pacification entre
les deux partis dont se composait alors l'Église de
Rome. Mangold essaya à deux reprises, de fortifier, en
le modifiant, le point- de vue de Baur, Der Rômerbr.
und die Anfânge der rôm. Gemeinde, 1866; puis Der
RSmerbr. und seine geschichtlichen Voraussetzungen,
1884. — Ritschl et Sabatier arrivèrent, de leur côté,
aux mêmes conclusions, si bien qu'en 1876, J. H. Holtz-
mann déclarait que l'idée de Baur avait complètement
triomphé parmi les savants. Mais en 1876 une réaction
se produisit à la suite de l'apparition du travail de
Weiisàckev, Ueber die atteste rôm. Gemeinde, dans
les Jahrb. f. deutsch. Theol., 1876, où l'on admettait,
dans la communauté romaine, une majorité ethnico-
chrétienne, ce qui ruinait par la base toutes les suppo-
sitions de Baur. Bon nombre de critiques, Harnack et
Grafe, entre autres, adoptèrent ces vues nouvelles.
Reuss lui-même, dans son dernier ouvrage, La Bible
commentée, les Épitres pauliniennes, modifia complè-
tement ses premières conclusions et ne vit plus, dans
Ttpltre aux Romains, qu'un écrit exempt de toute
polémique, moins destiné à l'Église de Rome qu'à
l'Église tout entière. Si l'Apôtre l'a adressée à cette
Église particulière, c'est moins pour répondre à un
besoin spécial de cette Église que pour faire de celle-ci
le foyer de lumière de l'Occident. Depuis plusieurs
aimées déjà, Renan, Saint Paul, p. 460, avait exprimé
une idée analogue : « Paul profita d'un petit intervalle de
repos pour écrire sous forme d'épître une sorte de ré-
sumé de sa doctrine théologique. Il l'adressa à l'Église
de Rome, composée d'Ébionites et de judéo-chrétiens et
aussi de prosélytes et de païens convertis, et comme un
tel exposé intéressait foute la chrétienté, il l'envoya en
même temps à la plupart des Eglises qu'il avait fondées. »
Oltramare, dans son Commentaire sur l'Épître aux
Romains, p. 43,77-78, dit que saint Paul n'a pas voulu
tomber chez les Romains comme à l'improviste et sans
s'être annoncé. «Voulant prendre l'Église de Rome pour
son point d'appui dans l'évangélisation de l'Occident,
il a pensé que le meilleur moyen de se procurer un
bon accueil auprès d'elle était de lui adresser ce grand
manifeste évangélique, qui pourrait servir en même
temps, auprès de plusieurs, de prédication d'appel. »
Weiss, dans la 6 e édition du commentaire de Meyer,
n'est pas éloigné d'accepter cette explication. En 1891,
Lipsius, Handcommentar zum N. T., persiste à croire,
avec Schùrer, que l'impression totale qui se dégage de
l'Épître aux Romains, ne permet pas de douter qu'elle
ne soit adressée à des judéo-chrétiens. Seulement c'est
un judéo-christianisme déjà à moitié hellénisé, bien
éloigné de Pétroitesse du parti judaïsant. L'intention
de saint Paul aurait été de corriger cette teinte légère
de judaïsme en exposant, d'une façon magistrale, la
conception chrétienne. Après une étude approfondie
de la question, suivie d'une critique détaillée des di-
verses opinions émises dans toutes les écoles, Godet
résume ainsi ses conclusions : « Assurément, je ne le
conteste point, l'Apôtre a voulu par cette lettre prépa-
rer son arrivée à Rome; par elle il a travaillé à munir
puissamment cette Église contre l'oppression prévue du
judéo-christianisme; par elle aussi il a pu contribuer
à l'union des éléments opposés qui se trouvaient dans
l'Église et en particulier renverser les préjugées judaï-
ques d'une partie de ses membres et les pensées d'or-
gueil qui germaient dans l'esprit du parti opposé. Tout
cela, ce sont bien des effets voulus de la lettre. Mais la
vraie circonstance qui y a donné lieu, a été le manque
d'un enseignement solide posé à la base de l'édifice, et
le vrai but que Paul s'est proposé, a été, comme il l'a
indiqué lui-même, celui d'affermir cet édifice impor-
tant, que pouvait faire écrouler la première secousse. »
Introd. au Nouv. Test., 1893, p. 464. Cette dernière opi-
nion paraît être celle qui concilie le mieux les deux
aspects particuliers sous lesquels se présente l'Épître
aux Romains : le point de vue historique et le point
de vue dogmatique. C'est en exagérant tour à tour l'un
au préjudice de l'autre que l'on est arrivé aux hypo-
thèses diverses exposées plus haut. L'Épitre aux Ro-
mains est, au fond, d'une nature spéciale qui n'est ni
un traité didactique ex professo ni une simple lettre au
sens ordinaire du mot, mais qui participe à la fois,
1169
ROMAINS (ÉPÎTRE AUX)
1170
dans une certaine mesure, au caractère propre de ces
deux sortes de compositions.
"V. Authenticité et canonicité. — Avec la première
Épître aux Corinthiens, cette lettre est, dans toute la
correspondance de saint Paul, celle qui possède la plus
riche tradition littéraire. On en trouve des citations
non seulement dans les Pères apostoliques, mais dans
le Nouveau Testament lui-même. Tout d'abord dans la
I Pétri : ceci résulte de la comparaison des passages
suivants : Rom., ix, 25, et I Pet., n, 10; ix, 32, et n, 6-8;
xn, 1, et h, 5; xn, 2, et i, 14; xn, 3, et rv, 7-11; xn, 9, et
/ i, 22; xu, 16, et m,8-9; xm, 1, et n, 13-17. De plus, I Pet.,
' n, 6, une citation de l'Ancien Testament, tirée des
Septante, avec les mêmes variantes que Rom., ix, 32,
des images semblables pour désigner le sacrifice,
Rom., xu, et I Pet., n, 5, certaines expressions carac-
téristiques, telles que avay/^ax'Xta^ai, âvuitôxptTo; et
des idées présentées dans le même ordre. Rom., xm,
1-7, et I Pet., il, 13-17. On note aussi une certaine res-
semblance avec deux passages de l'Épître aux Hébreux,
en particulier un passage du Deutéronome que les
deux lettres rapportent en s'écartant de la même façon
delà version des Septante. Rom., iv, 17-21, et Heb., xi,
11,12,19; xn, 19-x, 3. On pense aussi trouver une cer-
taine analogie et peut-être une dépendance entre les
deux derniers versets de l'Épître de saint Jude, 24-25, et
le doxologie finale de l'Épître aux Romains, xvi, 25, 27.
Dès le seuil de l'âge apostolique, les emprunts à notre
Épître sont nombreux et indiscutables, d'abord chez
saint Clément de Rome, Rom., i, 21, et Clem., xxxvi, 51;
n, 24, et 47; iv, 7,8, 9-50; vi, 1-33; i, 29, et 35; x, 4-32 ;
xm, 1, 2, et 61; dans les lettres de saint Ignace; Rom.,
i, 3, et Smyr., i; n, 24, et Trall., 8; ni, 27 ; Ephes.,
18; vi, 4; Ephes., 19; vi, 5; vin, 17, 29, et Mag., 5,
Trall. ,Q;\i,\l, et Mag., 6; vu, 6, et Mag. 9; vin, 11, et
Trall., 9; ix, 23, et£p/*., 9; xiv,17, et Trall., 2; xv,5, et
Eph., 1, des points de ressemblance avec la lettre de
Polycarpe, Rom., vi,13, etPol., 4; xm, 12, et Pol.,4;xn,
10, etPol., l;xm, 8, et Pol., 3; xiv, 10, et Pol., 6; des
réminiscences dans Aristide et dans saint Justin. Même
des hérétiques appartenant aux sectes de Valentin et
de Basilide s'en servaient comme base d'argumentation.
L'auteur des Douze patriarches paraît lui-même l'avoir
utilisée. Rom., i,4, et l'est. Lev. AS; H, 13, et Test. Aser,
4; v, 6, et Test. Ben}., 3; VI, et Test. Lev., 4; vi, 7, et
Test. Sinu, 6; vu, 8, et Test. Neph., 8; vm, 28, et Test.
Benj., 4; ix, 21, et Test. JVep/i.,2;xii, i, et Test. Lev. ,3;
xn, 21, etTest.Benj., 4; xm, 12, et Test. Neph.,H; xv,
33, et Test. Dan., 5;xvi,20, et Test. Aser., 7. Jusqu'ici,
pourtant, aucune citation formelle. Marcion l'avait in-
sérée, mais en la mutilant, dans son Apostolicon, après
la seconde Épître aux Corinthiens. A partir de saint
Irénée, tous les auteurs ecclésiastiques la citent comme
desaintPaul et la regardent comme la base de la théologie
chrétienne. Ainsi, en résumé, l'Épître aux Romains est
connue et employée à Rome et même ailleurs : dans le
premier quart du II e siècle, elle fait partie de la collec-
tion des Épîtres pauliniennes dont on se sert déjà à
Antioche, à Rome, à Smyrne, peut-être même à Co-
rinthe; au milieu du ip siècle, elle entre dans V Apo-
stolicon de Marcion, et vers la fin du même siècle^ elle
est partout reçue comme canonique. A ces témoigna-
ges externes se joignent des critères d'évidence interne
si frappants que la critique radicale de Tubingue n'a
pu les contester. L'Épître aux Romains est une des
quatre lettres de saint Paul que la presque unanimité
des critiques déclare inattaquable. Les opposants, depuis
Évanson (1792), sont très peu nombreux. Les tentatives
de Bruno Bauer, en 1852, contre l'authenticité de cette
Épitre, sont restées sans résultat. Elles n'ont guère
trouvé de crédit qu'auprès de certains théologiens de
Suisse et de Hollande. Loman, professeur à Amsterdam,
s'appuie sur le silence des Actes, de prétendues incohé-
rences dans le contenu de l'Épître, dans la variété des
opinions sur l'origine de l'Église romaine, pour rejeter
notre Épître. Quxstiones Paulionœ, dans Theologisch
Tijdschrift, 1882, 1883, 1886. En 1888, Steck, profes-
seur à Berne, fait de l'Épître aux Romains le premier
manifeste d'un petit cénacle de philosophes chrétiens
grecs établi à Rome au commencement du il" siècle.
Der Galaterbrief nach seiner Echtheit uniersucht,
Berlin, 1888. — A côté de ces négations radicales ont
pris place diverses hypothèses, ^émergèrent diverses
recensions, même de nombreuses interpolations dans
l'Épître aux Romains. Weisse, Beitrâge zar Kritik der
Paulinischen Briefe an die Gàlaten,Rômen, PMUppen
und Colossen, Leipzig, 1837; Naber, Verisimilia, Lace-
ram conditioner)! N. T. èxhibentia, Amsterdam, 1886;
Michelsen, dans Theologisch Tijdschrift, 1886; Vôlter,
dans Theologisch Tijdschrift, 1889, p. 265; von Manen,
De Brief aan de Romeinen, Leyde, 1891. L'ardeur de
ces attaques n'a pas dépossédé notre Épître des mar-
ques d'indubitable authenticité qu'on n'a cessé de lui
reconnaître dès l'origine.
VI. Intégrité. — Le texte grec de l'Épître aux Ro-
mains se trouve en entier dans les manuscrits suivants:
A, B, L, S. Dans les autres codex, il y a des variantes
ou des omissions. Les principales versions de l'Épître
aux Romains sont les versions latines. Voir Sanday et
Headlam, A critïcal and exegetical commentary on
the Epistle to the Romans, p. lxiii-lxxiv.
Les objections contre l'intégrité sont peu importantes.
— 1° Les mots h 'Pu>|j.ri, i, 7 et 15,. manquent dans le
texte grec et latin du manuscrit G; omission renforcée
par une note marginale du manuscrit xlvii, au y. 7, tô
èv 'Pcô(i.r| o'2t£ êvTij êÇriyr,(ret oû'ts év tû fltw (ivrijiovEÛet.
Plusieurs en concluent, comme pour l'Épître aux
Éphésiens, que l'original était une lettre encyclique
qui devait circuler à travers les principales commu-
nautés : Rome, Éphèse, Thessalonique; chacun des
exemplaires destinés à ces églises laissait en blanc dans
l'adresse, le nom de l'Église qui devait la recevoir.
D'autres n'y voient qu'une fantaisie de scribe. La leçon
Romse a pour elle la presque totalité des manuscrits.
2° Une autre variante concerne le plan de la doxologie
finale, xvi, 25-27, dans plusieurs manuscrits. — '1. Les
codex ),,'B, C, D, E, Origéne latin, la Vulgate, la Peschitto,
la version hébraïque, la version éthiopienne, l'Ambro-
siaster, Pelage la placent à la fin du ch. xvi. — 2, Le
codex L, 200 manuscrits byzantins, les lectionnaires, la
version syriaque de Thomas d'Héraclée, saint Chrysos-
tome, Théodoret, saint Jean Damascène, la mettent à
la fin du ch. xiv. — 3. Les onciaux A et P et les cur-
sifs 5, 17, l'ont tant à la fin du ch. xiv, qu'à la fin du
ch. xvi. — 4. Les codex F et G, à la suite de Marcion,
l'omettent totalement, laissant en blanc la flnduch.xiv.
Quelques-uns supposent, pour expliquer ces omissions,
que dès une époque très ancienne, toute la portion du
texte depuis xiv, 23, à xvi, 24, aurait été retranchée dans
un certain nombre de documents. Rinck a même émis
l'idée que des exemplaires mutilés par les Marcionites
avaient été employés plus tard dans l'Eglise, sans qu'on
ait pris le soin d'y replacer les ch. xv et xvi. Godet
propose quelque chose de plus matériel. « On sait, dit-
il, qu'un grand nombre de leçons propr.es au texte by-
zantin proviennent de modifications exigées par les be-
soins de ,1a lecture publique ; ainsi, par exemple, la
substitution si fréquente du nom propre au pronom, au
commencement des morceaux destinés aux lectures ré-
gulières. Or ce sont précisément les autorités byzan-
tines, minuscules, lectionnaires cod. LI, qui présentent
la ligne dont nous nous occupons; Pourquoi? Parce
que la lecture publique avait uniquement en vue
l'édification et que les ch. xv et xvi, ne contenant guère
que des détails historiques, d'un intérêt local ^et tem-
poraire, n'avaient que peu de prix à ce point de vue. Il
1171
ROMAINS (ÉPiTRE AUX)
1172
était donc assez naturel de les omettre dans ces lec-
tures. Nous avons un exemple frappant de cette ma-
nière de faire dans l'extrait syriaque des lettres d'Ignace
publiées par Cureton. On avait cru un moment que
c'était la vraie teneur du texte primitif. Zahn a mis
hors de doute, me paraît-il, que c'étaient là des extraits
faits à l'usage d'un couvent syrien, et dans lesquels on
avait omis tout ce qui n'allait pas à l'édification, c'est-
à-dire tous les détails historiques et personnels qui
nous intéressent aujourd'hui à notre point de vue cri-
tique. C'est la même raison sans doute qui, à une
époque ancienne, a occasionné dans la lecture publique
l'omission de nos ch. xv et xvi et, par suite, dans les
documents byzantins, la translation de la doxologie à
la fin du c. xiv où s'arrêtait cette lecture. On comprend
par là que l'influence de ce fait se soit surtout fait sen-
tir sur les lectionnaires ou recueils de péricopes et sur
des explications horoiléliques, comme celles de Chrysos-
tome. On a objecté qu'au V e siècle, Euthalius, à Alexan-
drie, faisait rentrer notre c. xv dans le cycle des péri-
copes destinées à la lecture publique. Mais l'omission
des ch. xv et XVI pouvait fort bien remonter à une
époque antérieure à Euthalius; il y remédia pour le
ch. xv. Mais l'omission, maintenue par lui, du ch. xvi
confirme notre explication. » Op. cit., p. 474-475.
VII. Analyse du contenu. — La lettre se divise
d'une façon régulière, en trois parties principales :
/. LE prologue (i, 1-16) contient l'adresse et l'action
de grâces. L'adresse, f. 1-7, revêt une certaine solen-
nité. Écrivant à une Église qu'il n'a ni fondée ni visitée,
saint Paul éprouve le besoin d'expliquer à quel titre il
ose lui écrire : c'est en qualité d'Apôtre des Gentils.
Les Romains se trouvent, de ce fait, dans le ressort
de sa mission. Il n'outrepasse donc point ses droits en
leur adressant son message évangélique. Dans l'action
de grâces,^. 8-16, l'Apôtre exprime successivement la
joie de voir l'Église de Rome si prospère et si renom-
mée dans le monde entier pour sa foi si admirable,
le vif désir qu'il a depuis longtemps de visiter une
communauté si florissante pour la faire bénéficier de
la grâce de son apostolat, en complétantçhez les fidèles
leurs connaissances évangéliques.
■//. le corps de la lettre (i, 17-xv, 13). — On y trouve
deux parties distinctes : l'une dogmatique et doctrinale;
l'autre morale.
1° Partie dogmatique (i, 17-xi). — La thèse peut se
résumer dans ces mots : Le salut par la foi à l'Évan-
gile, réalisation de la prophétie d'Habacuc : « Le juste
vit de la foi », 1,16-17. — .4) Pour le prouver, l'auteur
montre d'abord l'impuissance de la nature, par la des-
cription des désordres du monde païen, i, 18-32. Les
gentils ont connu Dieu et la loi naturelle, mais ils ont
agi comme s'ils n'en avaient pas eu la moindre notion.
Tout en se disant sages, ils ont agi en fous et transféré
la gloire du Dieu incorruptible à des images représen-
tant des hommes mortels, des oiseaux, des quadru-
pèdes, des reptiles : c'est l'histoire de l'idolâtrie. Cette
perversion de l'idée et du culte du vrai Dieu a eu pour
conséquence les pires désordres moraux. « Dieu les a
livrés aux désirs de leurs cœurs, si, 26, c'est-à-dire à
leurs passions, à l'esprit d'erreur et de mensonge, au
sens réprouvé; après l'obscurcissement de l'esprit,
l'oblitération du sens moral. L'apôtre expose ensuite
sans ménagement les désordres du monde païen, d'où
il est facile de conclure que Ja nature, laissée à elle-
même, ne conduit pas à la justification.
B) La loi n'y conduit pas davantage, n-iu, 8. Après le
réquisitoire contre le paganisme, l'acte d'accusation des
fils d'Abraham. Eux aussi ont provoqué, par la préva-
rication, la colère de Dieu. La tâche était délicate. Saint
Paul l'aborde avec précaution, eu donnant aux faits
l'appui de l'Écriture. Le témoignage des faits est écra-
sant : il remplit tout le ch. n. « Toi donc, qui que tu
sois, qui condamnes les autres, tu es inexcusable. En
condamnant les autres tu te condamnes toi-même,
puisque tu fais précisément ce que tu condamnes. »
n, 1, et plus expressément encore. « Toi qui instruis
les autres, tu ne t'instruis pas toi-même; tu défends le
larcin et tu le pratiques; tu condamnes l'adultère et tu
le commets; tu hais les idoles et tu es sacrilège; tu te
glorifies de la Loi et tu déshonores Dieu en violant la
loi, » n, 23-24. Ceci n'est pas une exception ou le fait
de quelques-uns. L'Écriture elle-même le reconnaît
quand elle dit : <x Il n'y a point de juste, pas un, nul
homme intelligent, aucun qui cherche Dieu. Tous sont
sortis de la voie, tous sont pervertis; il n'y en a pas
un qui fasse le bien, pas un seul. » n, 10-12. La con-
clusion générale, c'est que juifs et païens, pris en
masse, sont sous la condamnation divine. Les deux
économies, nature et loi, ont fait faillite et n'ont pu
donner la justification.
C) L'Apôtre arrive ainsi à l'économie nouvelle, pra-
tiquée par la Loi, annoncée par les prophètes : l'éco-
nomie évangélique dans laquelle la justification s'opère
par la foi en Jésus-Christ, Rédempteur de l'humanité,
ni, 21. Il décrit les deux caractères essentiels de ce
nouveau mode de justification : — 1. son universalilé
(in omnes), conséquence directe du monothéisme.
Puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, ce Dieu est nécessai-
rement le Dieu des gentils aussi bien que le Dieu des
Juifs. — 2. sa gratuité. Ni les uns ni les autres n'ont
mérité cette grâce. « Tous ont péché et se sentent pri-
vés de la gloire de Dieu, justifiés qu'ils sont gratuite-
ment par sa grâce, m, 23-24. La cause de cette justifi-
cation n'est pas l'observation de la Loi, mais la mort
rédemptrice du Sauveur Jésus, Dieu l'ayant constitué
instrument de propitiation par la foi, dans son sang,
f. 25. Quant au but final de cette économie nouvelle,
c'est toujours la gloire de Dieu « pour faire éclater sa
justice obscurcie par la tolérance des péchés qu'il a
supportés avec patience, pour faire éclater sa justice à
l'heure actuelle, afin d'être reconnu juste lui-même et
auteur de la justification pour quiconque relève de la
foi en Jésus, » m, 26. De ces considérations l'Apôtre
déduit deux conséquences préliminaires : une leçon
d'humanité, y. 27-28, une leçon d'égalité : Juifs et païens
sont justifiés l'un et l'autre de la même manière,
D) Pour mieux pénétrer la nature intense de ce nou-
veau mode de justification, saint Paul J'envisage sous
divers aspects. — 1° Dans ses rapports avec l'Ancien
Testament, îv, 1-25. Il la compare avec la justification-
type d'Abraham, IV, 1-25. Toutes deux conviennent
dans leurs traits essentiels, c'est-à-dire qu'elles s'opè-
rent l'une l'autre par la foi dans la Loi, f. 1-8. Ainsi
tout ce qu'a obtenu Abraham en fait de justice, il l'a
acquis non par la circoncision, f. 9-12, puisqu'il a été
justifié avant d'être circoncis, a fortiori, sans les obser-
vances mosaïques qui sont l'antithèse de la promesse
et qui d'ailleurs sont venues longtemps après, y. 1317,
en sorte que la justification d'Abraham est le modèle
de celle des chrétiens, f. 17, 25. — 2° Dans ses effets
salutaires (v-vm). Entre la justification et le salut il y
a une certaine différence : celle du commencement de
l'œuvre par rapport à son achèvement. L'Apôtre va
montrer, dans ces quatre chapitres, que d'après la
pensée et les plans de Dieu, justification et salut sont
les deux anneaux extrêmes d'une chaîne indissoluble,
quoique ce soit le triste privilège de notre libre arbitre
de pouvoir le briser. La grâce est le germe de la gloire,
la foi est le gage de la vision, les dons de 1 "Esprit-Saint
sont les aubes de la béatitude et l'éclat bienheureux
des élus n'est que la floraison tardive mais spontanée
de la charité, qui est elle-même un esprit particulier
de la justice. « Nous sommes sauvés en espérance » et
« l'espérance ne déçoit pas, » voilà le thème qui va être
développé. En effet, trois grandes puissances s'opposent
1173
ROMAINS (ÉPiTRE AUX)
1174
à notre salut : le péché, la mort, la chair. Or le Christ
a triomphé pour nous de « cette triple alliance ».
o) La victoire sur le péché, v, 1-21, est décrite par
un magnifique parallèle entre Adam, le premier chef
de l'humanité, et Jésus-Christ, second Adam et chef de
l'humanité renouvelée. « Ainsi donc, comme par une
seule faute est venue sur tous les hommes la condam-
nation, de même par un seul mérite viendra sur tous
les hommes la justification de vie. En effet comme par
la désobéissance d'un seul homme, tous, malgré leur
nombre, ont été constitués pécheurs, de même aussi,
par l'obéissance d'un seul, tous, malgré leur nombre,
seront constituées justes. » v, 18-19. — Subsidiaire-
ment, l'Apôtre parle du rôle de la Loi par rapport au
péché, pour bien montrer que le Christ seul, par son
obéissance jusqu'à, la mort, nous a délivrés du péché.
En effet, loin de détruire cette puissance ennemie, la
Loi a été plutôt son alliée, son auxiltaire, l'instrument
actif du péché; elle a étendu son règne, v, 20.
b) Notre second ennemi, c'est la mort, suite inévi-
table du péché, Jésus-Christ en a triomphé pour nous,
vi, 1-23, ici-bas par la grâce, là haut, dans la gloire.
Le symbole de cette vie rendue, c'est le baptême. Jésus
nous associe là, d'une manière mystique mais non
moins réelle, à sa mort et à sa vie. « Ignorez-vous
que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ
Jésus, nous avons été baptisés dans sa mort. Nous
avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans
la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des
morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi nous
marchions dans la nouveauté de vie, » f. 3-4. En nous
associant à sa mort, le Christ neutralise le principe
d'activité que le péché avait déposé en nous et qui
constituait le vieil homme ; en nous associant à sa vie, il
détruit tous les germes de mort et nous confère le pri-
vilège d'une vie sans fin : vie de l'âme et vie du corps,
vie de la grâce et vie de la gloire. La conclusion pra-
tique que l'Apôtre retire de cet enseignement, c'est
que le chrétien doit se libérer du péché, f. 6-23.
c) La' troisième puissance hostile à notre salut, c'est
la chair, dont la loi mosaïque fut l'auxiliaire incons-
cient mais funeste. Tous deux devaient donc être dé-
truits par le Christ. C'est ce qui, en fait, est arrivé, vu,
1-25. Saint Paul commence par l'abrogation de la Loi,
« Le chrétien est mort à la loi par le corps du Christ. »
La loi n'existe donc plus : elle a fourni des œuvres au
péché et à la chair : elle périt donc avec eux, il. 1-7.
Il était nécessaire d'expliquer cet aphorisme étrange :
« la Loi instrument de péché avec la chair. » Des dis-
tinctions s'imposaient. L'Apôtre n'a garde de lesomettre.
Il montre, par son propre exemple, comment la Loi,
bonne de sa nature, devient, au contact de nos pas-
sions, une plus grande occasion de péché, f. 7-13; il
décrit, avecdes accents déchirants, cette vie puissante
qui n'est qu'une lutte continuelle, toujours renaissante,
entre le désir d'accomplir la Loi d'après l'intimation
de la conscience, et les appétits de la chair, pour
aboutir au honteux esclavage du péché. De là ce cri
déchirant : « Qui me délivrera de ce corps de mort? »
f. 14-25.
Le ch. vin, 1-39, termine la thèse de l'Épître par ûfr
chant de triomphe. Il célèbre la victoire du Christ sur
nos très grands ennemis qui sont là gisant devant la
croix du Sauveur. Le péché est détruit : « Il n'y a plus
de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ
îésus, » f. 1; la mort est vaincue d'avance par le
germe d'immortalité déposé en nous, ji. 11; la Loi,
occasion de péché, est abrogée, f. 2-7; seule, la chair
lutte encore contre l'esprit, mais avec l'aide de la
grâce, la victoire est assurée. Le présent nous garantit
l'avenir : la grâce nous prépare la gloire du ciel. Quatre
témoins nous attestent cette connexion intime et né-
cessaire; la création matérielle, qui, associée à notre
déchéance, a le pressentiment de notre glorification
future, f. 19-22; l'Esprit-Saint qui est en nous, baptisés,»
constitue comme les arrhes de la béatitude céleste,
f. 23.27; Dieu le Père, qui par sa prédestination en-
chaîne, par un lien infrangible, tous les actes par les-
quels nous passons de la justification première au
triomphe éternel, f. 28-34; enfin l'amour de Jésus-
Christ qui nous lie inséparablement à lui, en dépit
des obstacles de tous genres, jr: 35-39.
E) A sa thèse principale, l'Apôtre ajoute une sorte
de complément dogmatique pour expliquer le scan-
dale de la réprobation des Juifs, ix-xi. C'était, au mo-
ment où Paul écrit son Épître, un fait indéniable
que la masse des juifs était rebelle à l'Évangile, alors
que les païens l'acceptaient en foule, douleur amère
au cœur de l'Apôtre, énigme insondable pour son
esprit! N'était-ce pas un démenti aux prophètes et aux
promesses de l'Ancienne Loi? Est-il possible que Dieu
ait voulu que son peuple élu fût privé d'un salut qui
semblait préparé pour lui? Pour quel motif Dieu agit-
il de la sorte? Quels sont, à ce sujet, les desseins de
Dieu? Voilà les trois questions auxquelles saint Paul
essaie de répondre dans trois chapitres.
a) Le ch. ix, 1-29, soutient que Dieu est juste et fidèle
dans la réprobation des Juifs. Après avoir énuméré
avec orgueil les prérogatives d'Israël, f. 1-5, saint Paul
montre que les prétentions de ses anciens coreligion-
naires, au sens où ils les entendent la plupart, reposent
sur un malentendu. Il y a deux Israëls; l'Israël selon
la chair et l'Israël selon l'esprit : c'est au second seul
qu'appartient la promesse, seul il hérite des béné-
dictions. A l'appui de cette distinction viennent des
exemples tirés de l'Écriture Sainte; Isaac, fils du miracle
et de la promesse, hérite seul des bénédictions pro-
mises à Abraham; Ismaël et les fils de Cëthura n'y ont
point de part; puis, dans la lignée même d'Isaac, une
autre sélection. Jacob est préféré par Dieu à Esaû.
Autre exemple pour prouver que Dieu est libre dans
ses dons, Moïse et Pharaon. Les dons de Dieu sont
entièrement gratuits. Toute cette doctrine est d'ailleurs
conforme aux oracles d'Osée et d'Isaïe, f. 25-29. Dieu
n'a pas agi arbitrairement dans le rejet d'Israël, il n'a
fait qu'établir sa justice, ix, 30-x, 21. En effet, Israël
a méconnu la fin de l'économie mosaïque, dont la ve-
nue du Messie était le signal. Il n'a pas compris que
la Loi devait le conduire à une justice supérieure, au
salut gratuit par la foi. Il n'a pas compris davantage
que ce nouveau salut était destiné à tous les hommes.
Et cependant Moïse et Isaïe avaient parlé de cette,
conversion des païens.
b) Dans le ch. xi, l'Apôtre trace une sorte de philoso-
phie de l'histoire d'après les plans divins. Il voit, dans
le rejet actuel des Juifs, une occasion providentielle de
la conversion des gentils : le rejet est, en somme, par-
tiel et temporaire; il est destiné à ouvrir toute large
aux païens la porte du salut et à dépouiller l'Évangile
de l'enveloppe légale : après cela, les Juifs eux-mêmes
l'accepteront, f. 1-15. Le chapitre s'achève par un avis
aux païens eux-mêmes afin qu'ils ne se livrent pas à
l'égard des juifs à un orgueil semblable à celui qui a
perdu ceux-ci, f. 16-24, et par l'espoir que la conver-
sion des gentils sera le moyen que Dieu emploiera
pour ramener Israël, ji. 25-32. Une belle doxologie
y. 33-36 célèbre les secrets insondables de la Provi-
dence divine dont on vient d'esquisser les plans.
2» Partie morale, xii-xv, 13. — D'abord les principes
généraux de la morale chrétienne : 1. le sacrifice
vivant du fidèle est comme la base de sa vie, f. 1-2,
sacrifice réalisé principalement par les deux vertus
d'humilité et de charité, l'humilité par laquelle chacun
limite son activité d'après son don, *. 3-8, la charité
par laquelle il se donne tout entier à ses frères et
même à ses ennemis, ,,t. 9-21. Les 7 premiers versets
1175 ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) — ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE 1176
du eh. xm règlent les rapports de l'Église et de l'État:
le chrétien est soumis aux puissances établies, il
s'acquitte avec soin de ses dettes de justice, f. 7-10.
La perspective du retour du Seigneur tient le fidèle
dans une perpétuelle vigilance, f. 11.14. Après ces
règles générales de vie chrétienne, des conseils de
circonstance pour l'Église de Rome. Saint Paul recom-
mande aux « forts » d'être charitables avec les « faibles »,
c'est-à-dire envers ceux qui avaient des scrupules au
sujet des anciennes observances mosaïques, xiv, 1,23.
Il revient encore, xv, 13, à la tolérance mutuelle et il
invite juifs et païens à louer la bonté et la fidélité
divine.
m. épilogue, xv, 14-xvi, 27. — La lettre se termine
par des communications personnelles, indique le but
qu'elle s'est proposé, annonce la prochaine visite de
l'Apôtre à Borne; xv, 14-33. Puis viennent les saluta-
tions à divers personnages, xvi, 1-15, un avertissement,
xvi, 17-20, un post-scriptum des compagnons de l'Apôtre
et du copiste qui a écrit la lettre, xvi, 21-23, une béné-
diction et la doxologie finale, xvi, 24-27
VIII. Langue et style. — ' Comme toutes les autres
Épîtres de saint Paul, celle-ci est écrite en grec. Le
latin paraîtrait tout désigné pour écrire aux chrétiens
de la capitale de l'Empire, mais le grec fut la langue do-
minante de l'Église de Rome, durant les trois premiers
siècles. Voir Caspari, Quellen zur Geschichte des Tauf-
symbols, Christiania, 1875. — Le style de cette Épître
est si varié qu'on a sérieusement agité la question de
savoir si le même auteur avait tenu la plume jus-
qu'au bout. Mais quand on considère l'étendue de la
lettre, les amples développements théologiques,- la di-
versité des sujets traités, on ne s'étonne plus de ces
différences de vocabulaire, de syntaxe, d'images, et de
sentiments exprimés. Ce qui caractérise surtout cette
Épltre, c'est une exposition magistrale, qui n'exclut
pas une certaine vivacité et une admirable énergie ;
on y trouve des passages de la plus belle éloquence.
La style est vif, élégant, parfois incisif, la dialectique
serrée, les arguments généralement bien enchaînés,
les périodes courtes mais d'une belle ordonnance. En
résumé, l'Épître aux Romains semble être, dans l'en-
semble, le meilleur morceau littéraire qui soit sorti
de le plume de saint Paul.
IX. Bibliographie. — Parmi les commentaires les
plus remarquables, on doit citer, chez les anciens,
Origène, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos,
t. xiv, col. 857-1292; S. Jean Chrysostome, Homil.
in Epist. ad Romanos, prêcbées à Antioche entre
387 et 397, t. lx, col. 391-632; Théodoret, saint Jean
Damascène, Œcumeniua, Théophylacte, Euthymius,
l'Ambrosiaster, Pelage; au moyen âge, Hugues de
Saint-Victor, Pierre Abélard, saint Thomas d'Aquin,
dans son Expositio in Epistolas omnes Divi Pauli
Apostoli; Cornélius a Lapide, Commentarius in omnes
D. Pauli Epistolas, Anvers, 1614; Estius, In omnes
Pauli Epistolas commentarius, Douai, 1614-16; *Gro-
tius, dans ses annotationes inN. T., Paris, 1644; *Ham-
mond, Paraphrase and annotations of the N. T.,
1653; "Locke, A paraphrase and notes to the Epislle
of St. Paul, 1759-1707; Bengel, Gnomon Novi Testa-
menti, 1742. Durant la période moderne, Tholuck dont
les commentaires ont paru en 1824; "Fritzsche, 1836-
1843; Meyer, 1832, un des meilleurs commentaires de
l'Épître aux Romains; réédité par B. Weiss en 1900;
'L. de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch
zum Neuen Testament, 1836-1848; "Alford, Greek Tes-
tament, 1849-1861; 'Jowett, St. Paul's Epistles to the
Thessalonicians, Galatians and Romans, 1855; 'Godet,
Commentaire sur l'Épître aux Romains, Paris, 1879;
'Oltramare, Commentaire sur l'Épître aux Romains,
1881-1882; * Gifford, dans The Speaker's commentary,
Genève, 1881; "Liddon, Explanatory analysis of St.
Paul's Epistle to the Romans, 1893; *Lipsius, dans le
H andcommentar zum. N. T., publié sous la direction
de H. J. Holtzmann, 1891 ; * Sanday et Headlam, dans
l'International critical commentary, 1902. Les catho-
liques, Klee, 1830; Reithmayer, 1845, Ad. Maier, 1847,
Bisping, Schaefer, 1891 ; Drach ; Maunoury, 1878 ; R. Cor-
nely, dans le Cursus Scriptural Sacrée, 1896.
C. Toussaint.
ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE. La
langue romanche ou roumanche est un r rameau des
langues romanes, issues du latin, ou néo-latines. Elle
embrasse une série d'idiomes romans, qui sont parlés
le long des Alpes, des sources du Rhin antérieur à la
mer Adriatique. La Bible a été totalememt ou partiel-
lement traduite dans trois dialectes seulement de l'En-
gadine et du canton des Grisons à l'usage des protestants
à partir du xvi» siècle. Les catholiques de langue
romanche n'ont pas dé version spéciale de la Bible
dans aucun dialecte.
1° Dialecte de la Raute-Engadine. — Le Nouveau
Testament a été traduit du latin et autres langues en
haut engadinois par Jacques Bifrun ou Biveroni (f 1572),
de Sarmëdan, jurisconsulte et théologien, réformateur
et ami de Zwingle : L'g nouf Testamaînt, in-8°, s. 1.,
1560. Il l'a publié à Bâle à ses frais. Cette première
édition a une préface de Philippe Gallicius. En 1605,
Lucius Papa en publia une nouvelle édition, et il en
parut à Fuschlâff une troisième, accompagnée de notes,
en 1607. Voir Bœhmer, Romantische Studien, t. vi, à
l'année 1560; Campell, Zwei Bûcher ràtischer Ges-
chichte, t. i, p. 414. Comme Bifrun est l'écrivain clas-
sique du haut engadinois, M. J. Ulrich a réédité quatre
livres de sa traduction du Nouveau Testament dans la
Revue des langues romanes : l'Évangile selon saint Luc,
1897, t. xl, p. 65-83, 97-109, 265-279, 552-572; l'Évangile
selon saint Jean, 1898, t. xli, p. 239-271 ; 1899, t. xlii,
p. 56-70, 301-304; lesActes des Apôtres, i&id., p..509-535 ;
1901, t. xuv, p. 521-530; 1902, t. xlv, p. 357-369; 1903,
t. xlvi, p. 75-93; et l'Apocalypse, 1905, t. xlviii, p. 75-
87, 306-323. Pour les Épîtres de saint Paul et des
autres apôtres, il n'a publié que les mots intéressants
ou rares que fournit leur traduction. Ibid., juillet et
août 1906, janvier et février, mai et juin 1907. Une
autre version du Nouveau Testament dans le même
dialecte fut faite par Jean Gritti de Zuoz et parut, in-8",
Bâle, 1640. Les Psaumes furent traduits par Laurent
Witzel, Bâle, 1661. Janev Menni rédigea une nouvelle
traduction du Nouveau Testament à Coïre, en 1861.
2° Dialecte de la Basse-Engadine. — Les Psaumes et
cantiques furent traduits dans ce dialecte par Ciampel
pour l'usage litnrgique et parurent avec notation mu-
sicale en 1562; 2 e édit., in-8», Bâle, 1606. Des parties
détachées de l'Ancien Testament furent traduites par
Jean Pitschen Saluz en 1657 et les années suivantes.
Une Bible entière est due à la collaboration de Jacques
Antoine Vulpi et de Jacques Dorta a Vulpera. Elle fut
imprimée â Schuol, village de la Basse-Engadine, in-f 3 ,
1657. La traduction avait été faite sur la version ita-
lienne de Diodati. Voir t. m, col. 1030-1031. Des réédi-
tions complètes parurent à Bâle, en 1679 et en 1743.
Le Nouveau Testament fut imprimé à part, Bâle, 1812,
et l'Ancien, à Coire, en 1815, sous ce titre : Biblia o
vero la Soinchia Scritûra del Velg Testamaînt. La
Bible entière a encore été rééditée à Cologne, 1867-
1870. A Paris, en 1836, un in-12 est intitulé : Il nouf
Testamaînt da nos Segner Jesu Chrisla, tradiit in
rumansch d'Engadina bassa.
3° Dialecte réto-roman des Grisons. — Le Psautier
fut traduit en, ce dialecte par Gabriel Sapharius, in-8»,
Bâle, 1611. Lucius Papa traduisit la Sagesse de Siracide
ou l'Ecclésiastique, in-12, Zurich. 1628. Lucius (Louis)
Gabriel donna tout le Nouveau Testament : Il n'ef Tes-
tamaint, in-8°, Bâle, 1648. Les Psaumes furent traduits
1177
ROMANCHES (VERSIONS) DE LA RIRLE — ROME
1178
par J. Grass, Zurich, 1683. Une Bible entière : La S. Bi-
bla, contenant même les apocryphes, c'est-à-dire les
deutérocanoniques, et due à la collaboration de la plu-
part des ministres de la région, parut in-f°, Coire, 1719.
Une 2= édition en 2 vol. fut faite, 1818-1820. En 1870,
cette version fut éditée à Francfort aux frais de la So-
ciété biblique d'Angleterre sous ce titre : La Bïblia u
la Sontga Scartira dit Veder a Niev Testamaînt. Enfin
Otto Carisch a publié : llg niev Testamaînt suenler ilg
original grec, Coire, 1856. Voir F. Rausch, Geschichte
der Literatur des Rhâto-Romans Volkes, Francfort,
1870. On trouvera aussi la parabole de l'enfant prodigue
en douze textes romanches, dans Coquebert de Mon t-
bret, Mélanges sur les patois de France, 1831. Cf. J. Le
Long, Bibliotheca sacra, in-f°, Paris, 1723, t. i, p. 369-
370; Kirchenlexikon, 2« édit., 1883, t. m, col. 742-743;
Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und
Kirche, 3 e édit., 1897, t. m, p. 144.
E. Mangenot.
ROMANES (VERSIONS) DES SAINTES
ÉCRITURES. On désigne sous ce nom les traduc-
tions de la Bible en langues romanes, ou néo-latines,
c'est-à-dire en francais,t. il, col. 2346-2373; en italien,
t. ni, col. 1012-1038; en espagnol, t. u, col. 1952-1956;
en catalan, t. n, col. 345; en portugais, col. 559, 569; en
romanche, col. 1176. Voir aussi Roumaines (Versions).
ROMATHITE (hébreu : hâ-Râmâtî; Septante : h.
'PariX; Alexandrinus : 6 'Pau.a9ai'o!;; Vulgate : Roma-
thites), originaire de Rama de Benjamin. Ce qualificatif
indique la patrie de Séméias, chargé de la culture des
vignes royales du temps de David. I Par., xxvil, 27..
ROME (grec: T?.ti|iïi; Talmud : «dit, rdr\), capi-
tale de l'Empire romain, lors de la naissance de
Notre-Seigneur, devenue depuis la capitale du monde
catholique. — Les origines de la ville des Césars sont
plus légendaires qu'historiques et ce n'est pas le lieu
de s'en occuper ici. La tradition romaine la plus an-
cienne reconnaît l'existence de villages distincts sur
les sept collines avant Romulus. Le Palatin semble
avoir été le principal et c'est là que des bergers venus
d'Albe pour chercher des pâturages auraient été les
premiers fondateurs de Rome, ainsi nommée, d'après
une des nombreuses étymologies qu'on en a données,
de rumon, « fleuve », parce qu'elle était située près du
lleuve(le Tibre). Guidi, Bullettino archeol.com., 1881,
p. 63. Romulus fit du Palatin une place fortifiée, qui fut
ainsi le noyau de la capitale du monde. Elle eut pour
limites un retranchement tracé autour de la colline
et formant un carré d'environ 400 mètres de côté. La
fondation de la Roma quadrata est fixée au 21 avril
de l'an 752 (753) avant J.-C. Ce n'était qu'une sorte de
camp où l'on habitait dans des chaumières. D'après la
tradition romaine, te village de Saturnîa, appelé depuis
le Capitule, fut réuni de bonne heure au Palatin. Au
• dire de Denys d'Halicarnasse, Numa Pompilius y ajouta
le Quirinal. Après lui, ïullus Hpstilius l'agrandit du
Coelius, Ancus Martius de l'Aventin, Tarquin l'Ancien
de l'Esquilin et du Viminal. Ainsi furent réunies les
trois races principales : latine, sabine et étrusque, qui
habitaient les sept collines et devinrent le peuple ro-
main (fig. 239). La situation de la nouvelle capitale
était extrêmement avantageuse et favorisa son rapide
développement. Tite Live, v, 54, l'a très bien dit : Flu-
men opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges
devehantur, quo maritimi commeatus accipiantur,
mare vicinum ad commoditates, nec expositum nimia
propinquitate ad pericula classium externarum, re-
gionum ltalise médium, ad incrementum urbisnatum
unice locum. — Servius Tullius partagea Rome en
quatre régions, Denys d'Halicarnasse, iv, 14 (fig. 240);
Auguste divisa la ville agrandie en quatorze régions.
I. Rome dans l'Ancien Testament. — Le prophète
Daniel, xi, 30, parle des Romains, mais sans les nom-
mer expressément. Leur nom apparaît pour la pre-
mière fois dans les livres des Machabées. Ils nous ap-
prennent qu'Antiochus IV Épiphane, dont Daniel avait
prédit l'humiliation future par les Romains et par Popi-
lius, voir t. i, col. 697, avait été otage à Rome, I Mach.,
i, 11; que Démétrius I er Soter, fils de Séleucus, l'avait
été aussi à son tour pour y remplacer comme tel son
oncle Antiochus épiphane, I Mach., vu, 1, voir t. n,
col. 1358; ils nous racontent surtout l'alliance que
contracta avec les Romains Judas Machabée afin d'obte-
nir leur appui contre les rois de Syrie (161 avant!. -C).
I Mach., vin, 1-31; II Mach., iv,ll. Voir t. m, col. 1801,
Le frère de Judas, Jonathas Machabée, renouvela l'al-
liance avec Rome (144 avant J.-C). I Mach., xii, 1-4, 16.
Voir t. m, col. 1623. Les Romains s'associèrent au deuil
des Juifs à la mort de Jonathas et renouvelèrent l'al-
liance {139 avant J.-C.) avec Simon son frère, qui lui
succéda, et envoya à Rome de riches présents. I Maoh.,
xiv, 16-19, 24, 40; xv, 15-24. Une des causes pour les-
quelles Antiochus Épiphane avait fait la guerre aux
*, ' \
239. — Rome assise sur les s>ept collines.
Monnaie antique agrandie.
Juifs était de se procurer par la vente des esclaves dont
il s'emparerait une partie de la somme qu'il devait
payer aux Romains. II Mach., vin, 10. L'alliance que
les Machabées contractèrent avec Rome leur fut profi-
table dans leur lutte contre les Séleucides ; les légats ro-
mains Memmius et Manilius confirmèrent en particulier
par Une lettre les privilèges que Lysias avait accordés
aux Juifs, au nom des rois de Syrie, II Mach., xi, 34-38;
mais cette intervention dans les affaires de la Judée de.
vait amener peu à peu la prise de possession du pays-
Pompée s'empara de Jérusalem l'an 63 avant J.-C.
Tacite, Hist., v, 9; Florus, ni, 5, 30. Il emmena à Rome
comme esclaves un certain nombre de Juifs qu'il avait
fait prisonniers, mais la capitale du monde en avait déjà
vus auparavant. Quelques-uns de ceux qui avaient ac-
compagné Numénius, l'ambassadeur de Jonathas et de
Simon Machabée, dans ses deux voyeges à Rome, cf.
I Mach., xii, 16; xiv, 24; xv, 15 (voir Numénius, t. iv,
col. 1715), y avaient sans doute fait de la propagande
religieuse, car c'est probablement à cette époque que
se passa le fait rapporté par Valère Maxime, I, m, 2, et
dont on admet généralement aujourd'hui l'authenticité.
II raconte que « Cornélius Hispalus força ceux qui
avaient essayé de corrompre les moeurs romaines par
le culte simulé de Sabazius Jupiter, de retourner chez
eux. » Cf. J. Marquardt, Le culte chez les Romains, trad.
M. Brissaud,t.i, Paris, 1889, p. 100,note 1. CeJupiter-
Sabaziuspeut n'être que le nom altéré de Jéhovah Sa-
baoth (voir la note de l'édit. Lemaire, 1822, p. 30) et les
expulsés sont vraisemblablement les Juifs, Reinach,
Textes relatifs au judaïsme, p. 259. Quoi qu'il en soit,
les Juifs désormaissoumis aux Romains depuis.Pompée,
ne durent pas tarder à se rendre en assez grand nombre
à Rome pour leurs affaires et pour leur commerce.
1179
ROME
1180
II. Rome dans le Nouveau Testament. — /. les
JUIFS A ROME AV COMMENCEMENT DE L'ÈRE CBBÉ-
TIENNE. — Avec l'établissement de l'empire sous
Auguste, Rome acquit un nouvel éclat et exerça sur les
étrangers, sn particulier sur les Juifs, une sorte de fas-
cination. Comme l'a dit notre vieux poète J. du Bellay :
Rome fut tout le monde et tout le monde est Rome.
Le roi juif Aristobule avait été emmené à Rome avec
ses enfants par Pompée, son vainqueur. Josèphe,
rèrent-ils sa mort. Suétone, Div. Julius, 84. Cf. Josèphe,
Ant.jud., XIV, x, 8. Auguste et aussi Tibère, dans la se-
conde partie de son règne, leur furent également favo-
rables. Il leur était permis de pratiquer leur religion
et leurs coutumes. Philon, lac. cit. Leur nombre avait
si rapidement augmenté que, lorsque les Juifs envoyés
en ambassade de Palestine auprès d'Auguste pour faire
entendre leurs plaintes contre Archélaùs arrivèrent
dans la capitale, ils y furent appuyés par plus de huit
mille de leurs coreligionnaires établis à Rome. Jo-
240. — Carte dsRoma qttadrata, du Septimontium, des quatre régions et de l'enceinte de Servius Tullius. D'après L,. Homo.
Ant. jud., XIV, IV, 5. Un quartier spécial fut bientôt
attribué aux Juifs qui après la guerre y avaient été
vendus comme esclaves et avaient été ensuite affranchis
ou qui s'y étaient rendus volontairement, attirés par
l'espoir de s'enrichir dans la grande ville. Ce quartier
n'était pas le Ghetto moderne, entre le Capitole et l'île
du Tibre, mais la rive du Tibre, dans la partie appelée
aujourd'hui le Transtévère. Philon, Légat, ad Caium,
édit. Mangey, p. 568. Cette situation était très favorable
à leur commerce, rendu facile par le voisinage du
fleuve. Aussi les Juifs acquirent-ils bientôt de l'impor-
tance à Rome. La-manière dont en parle Cicérondans son
discours en faveur de Valérius Flaccus montre qu'on
était déjà obligé de compter avec eux. Pro Flacco, 28,
69. Jules César les traita avec bienveillance, aussi pleu-
sèphe, Ant. jud., XVII, xm, 2; Bell, jud., II, vi, 1
A l'époque où Tibère les bannit de la ville, à cause des
crimes commis par quelques-uns d'entre eux, quatre
mille furent enrôlés dans l'armée romaine et envoyés
en Sardaigne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5; Tacite,
Ann., h, 85; Suétone, liber., 37, 66.
Malgré tout, leur nombre augmentait toujours. Us
faisaient des prosélytes, surtout parmi les femmes des
hautes classes. Horace, Satir., i, 4,114; Juvénal, Satir.,
m, 14; vi, 642; xiv, 96. On peut conclure des allusions
de Juvénal, m, 10, 15, de même que des catacombes
exclusivement juives de Rome, qu'ils avaient débordé
le quartier du Transtévère et s'étaient répandus un peu
partout. Cf. 0. Marucchi, D'un antico cimitero giu-
daico, dans les Atti deW Accad. rom., 1884. Les Actes,
1181
ROME
1182
xviii, 17, parlent de l'édit de l'empereur Claude, qui
les chassa de Home, l'an 9 de son règne (49 ou 50).
Orose, vu, 6, t. xxxi, col. 1075. Judseos, impulsore
Chresto, assidue tunwltuantes Roma expulit, dit
Suétone, Claud., 25, mais ils ne tardèrent pas à y
rentrer, tant était considérable l'influence qu'ils y
avaient déjà acquise. Sénèque (dans S. Augustin, De
civ. Dei, vi, 11, t. xli, col. 192), en parle avec amer-
tume : Cum intérim usgue eo sceleratissimx gentis
consuetudo convaluit, ut per omnes jam terras recepta
sit : victi victoribus leges dedervnt. — La Providence
avait ainsi envoyé à Rome les descendants d'Abraham
pour préparer les voies à l'établissement du christia-
nisme dans la capitale de l'empire. Sans le vouloir et
malgré eux, ils allaient faciliter à Pierre et à Paul leur
241. — Restes de la Porta Capena.
D'après une photographie de M. l'abbé Saint-Martin.
mission évangélique : les Apôlres n'avaient plus qu'à
venir.
//. SAWT PIERRE ET SAINT PAUL A ROME. — 1° Les
troubles dont parle Suétone et qui furent l'occasion de
l'édit de Claude, doivent s'entendre sans doute des dis-
sensions que provoqua parmi les Juifs la prédication
de l'Évangile. Les chrétiens ne furent pas tout d'abord
distingués des Juifs proprement dits, parce qu'ils étaient
eux-mêmes la plupart d'origine juive. Nous ignorons
par qui et quand la bonne nouvelle fut apportée pour
la première fois dans la capitale du monde. Ce fut pro-
bablement peu après la Pentecôte par quelqu'un des
Juifs de Rome qui se trouvaient alors présents à Jéru-
salem. Act., h, 10. Parmi les trois mille convertis qui
crurent alors à la parole de Pierre, f. 41, il devait se
rencontrer vraisemblablement quelque advena Roma-
nus. Quand le prince des Apôtres arriva un peu plus
tard dans la capitale de l'empire, voir Pierre, col. 373,
le nom du Christ Jésus y était donc sans doute déjà
honoré par un groupe de tidèies. Ce qui est certain,
c'est que, avant l'arrivée de saint Paul à Rome, cette
ville comptait des chrétiens dans ses murs, parmi
lesquels Andronique et Junie s'étaient convertis avant
l'Apôtre lui-même. Rom., xvi, 7, L'ipitre aux Romains,
xvi, énumère dans les salutations vingt-quatre chré-
tiens de marque qui habitaient la cité des Césars, et
tout son contenu suppose qu'ils étaient assez nom-
breux. Rom., i, 8. Plusieurs des Juifs qui avaient été
chassés de Rome par l'édit de Claude étaient devenus
disciples de saint Paul, et étant retournés dans cette
ville, ils avaient grossi le nombre des fidèles et des pré-
dicateurs. Act., xviii, 2, 3, 18; Rom., xvi, 3, 7, 9, 12.
Voir Romains (Épitreaux), col. 1165.
2° Depuis plusieurs années, l'Apôtre des gentils
caressait le désir d'aller prêcher dans la capitale de la
gentilité. II regardait ce voyage comme un devoir :
Atï (is xaî 'P[i[rr,v ÏSsïv. Oportet me et Romani videre.
Act., xix, 21. Les circonstances seules l'avaient forcé
de retarder l'accomplissement de son projet. Rom., i,
13. Nous ignorons comment se fit le premier voyage de
saint Pierre à Rome, mais nous savons comment s'y
rendit saint Paul. A Césarée de Palestine, accusé par
les Juifs devant le procurateur Festus, il fit appel à
César et en conséquence, il fut conduit comme pri-
sonnier au siège de l'empire. Act., xxv, li-12, 25. Saint
Paul débarqua à Pouzzoles. Des chrétiens de Rome,
informés de son arrivée, allèrent à sa rencontre jus-
qu'à Forum Appii et par la via Appia, ils vinrent à
Rome où ils entrèrent par la porte Capène, qui s'ou-
vrait dans celte partie de l'enceinte de Servius Tullius,
dont on peut voir encore des restes dans la cave de
YAntica Osleria di Porta Capena (fig. 241). C'est donc
chargé de chaînes et cependant entouré de fidèles qui
le vénéraient plus qu'un' César, que l'Apôtre des gen-
tils mit pour la première fois le pied sur le sol de cette
capitale que sa parole, avec celle de saint Pierre, allait
transfigurer et rendre encore plus glorieuse et plus
illustre :
Di quella Roma onde Christo è romano.
Dante, Purgat., xxxn, 102.
3» Saint Paul entra dans Rome l'an 61, la septième
année du règne de Néron, sous le consulat de Cœsennius
Paetus et de Petronius Sabinius Turpilianus. Quels
durent être ses sentiments à la vue de cette reine du
monde, qui tenait l'univers sous sa domination et était
le siège de l'idolâtrie? Celui dont l'auteur des Actes
nous dit qu'à la vue d'Athènes, incitabatur spiritus ejus
in ipso videns idololatriss deditam civitalem, Act., xvir,
16, ne dut pas être moins ému en contemplant tant de
signes de superstition et tant de monuments du paga-
nisme au milieu de cette immense cité. Qu'était Jéru-
salem, qu'était Athènes auprès ;de cette capitale ! Elle
avait grandi depuis Servius Tullius et débordé de son
enceinte trop étroite. Elle comptait maintenant, avec ses
faubourgs, une population que les uns estiment à un
million (0. Marucchi, Excursioni archeol. in Roma,
p. 25), d'autres à un million et demi d'habitants. Fr. de
Champagny, Les Césars, t. iv, p. 347-353. Elle se com-
posait de représentants de toutes les parties du monde,
attirés par l'ambition, l'amour du luxe, ta soif des
jouissances et des plaisirs, les besoins de l'administra-
tion et les affaires. Le philosophe grec y coudoyait le
rhéteur d'Asie, l'astrologue de Chaldée, le magicien
d'Egypte, le prêtre d'Isis, parmi les Latins et les Juifs.
L'Apôtre des Gentils allait avoir un vaste champ pour
exercer son zèle, mais qui, parmi ceux qui le virent
entrer dans Rome et le remarquèrent à peine au mi-
lieu de ceux qui lui faisaient escorte, aurait pu s'ima-
giner qu'un grand événement s'accomplissait à cette
heure et que c'était l'envoyé d'un conquérant plus grand
que les Césars qui venait préparer la prise de possession
de son Maître?
4° La capitale de l'empire n'avait pas encore tout l'éclat
qui la rendit si belle et si somptueuse dans la suile
sous le gouvernement des empereurs, après l'incendie
de Néron. Les superbes monuments dont les ruines
1183
ROME
1184
nous remplissent aujourd'hui d'admiration n'étaient
pas alors élevés. La ville n'était pas bâtie d'après un
plan régulier. Les rues étaient étroiles, tortueuses,
non pavées, malpropres, boueuses ou poussiéreuses, an-
gusti et flexi viei, dit Suétone ; arcta itinera, ditTacite,
Ann., xv, 38; Romani in montibtts posilam et conval-
libus, csenaculis sublatam atgue snspensam, non opli-
mis viis, angustissimis semitis, dit Cicéron, n, De
lege agraria, 35. Les maisons étaient trop hautes,
eœnacula excelsa, dit Pline, H. N., XXXVI, XIH, 88;
Auguste interdit de les élever de plus de 70 pieds (en-
viron 21 mètres). Strabon, v, 7. Souvent mal bâties,
elles manquaient de solidité; la fièvre y exerçait fré-
c'estque, malgré sa captivité, il put jouir d'une liberté
relative. Il fut autorisé à demeurer dans une maison
qu'il loua, èv îSe'ui (ico6ci|iati, ira suo conductu, avec
le soldat qui le gardait, Act., xxvm, 16, 20. Il était en-
chaîné, Eph., VI, 20; Phil., 1,13; mais sa parole ne l'était
pas. Laboro usque ad vincula, comme il l'écrivait plus
tard à Timothée, sed verbum Dei non est alligatum.
II Tim., n, 9. Saint Luc nous dit expressément, Act.,
xxvm, 30-31, qu'il recevait tous ceux qui voulaient
le visiter et qu'il leur prêchait le royaume de Dieu, Il
fit entendre sa voix même à quelques-uns de ceux qui
appartenaient à la maison de César. Phil., i, 13; IV, 22.
Et comme il avait toujours la sollicitude des Églises
242. — Via Appia, entre le cinquième et le sixième milles. D'après une photographie.
quemment ses ravages. Gomme beaucoup d'habitations
étaient en bois, les incendies n'y étaient pas rares.
Voir Attilio Profumo, Le Fonti ed i tempi dello incen-
dia Neroniano, in-4°, Rome, 1905, p. 405-407. La moitié
de la population de Rome était esclave. La plus grande
partie du reste des habitants était pauvre et vivait
des largesses des empereurs. L'industrie était inconnue.
Le nombre des familles riches était restreint. Il n'y
avait pas de classe moyenne. Pauvres et esclaves étaient
entassés dans d'étroits espaces. Une des choses qui
étonnent le plus les visiteurs de la maison dite de Livie
au Palatin et des maisons conservées à Pompéi par les
cendres du Vésuve, c'est la petitesse et l'exiguité des
appartements, où l'on a été parfois obligé d'échancrer
le mur pour y faire tenir le lit.
5» C'est dans quelque réduit analogue que dut résider
saint Paul, pendant les deux ans qu'il attendit sa sen-
tence, Act., xxvm, 16, 30, et pendant son dernier séjour
à Rome. Lors de sa première captivité, il habita, soit
auprès du camp des prétoriens, établi hors des murs par
Tibèreau nord-est de la ville, Tacite, Ann., îv, 2; Sué-
tone, Tiber., 37; soit près de la caserne attachée à la
résidence impériale sur le Palatin. Ce qui est certain,
qu'il avait fondées, pendant cette première captivité, il
écrivit alors outre son Épitre à Philémon, ses Épîtres
aux Philippiens, aux Colossiens et aux Éphésiens. C'est
aussi de Rome que fut écrite, an peu avant son mar-
tyre, sa seconde Épitre à Timothé». Voir Paul, t. iv,
col. 2226-2228. L'emprisonnement de l'Apôtre se ter-
mina par un acquittement. Ibid., col. 228. Cf. II Tim.,
iv, 17. Mais le livre des Actes ne nous fournit plus de
renseignements sur sa délivrance ni sur ses dernières
années. Il revint à Rome, fut jeté une seconde fois en
prison et, cette fois, il n'en sortit que pour subir le
martyre, en 67. Voir t. iv, col. 2230.
6° Sur le séjour de saint Pierre à Rome nous avons^
encore moins de détails que pour saint Paul, mais il
est démontré, malgré tous les efforts des ennemis de
l'Eglise catholique en sens contraires, qu'il établit sa
chaire à Rome, qu'il y vécut de longnes années, vingt-
cinq ans, d'après le Liber pontificalis, et qu'il y mou-
rut martyr sur une croix (an 67). Voir Pierre, col. 373-
376»SaintPaul eut la tête tranchée aux Trois-Fontaines;.
saint Pierre fut crucifié au Vatican, comme nous le
dirons plus loin.
III. SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE A ROME. — SOUS Ves-
Uictioimatre de ta Biïjle ■
Letoutey et Ane-Paris
jtesç&2Z££^ï£m^
ImpI)ufrmoy-.Pari&.
PLAN COMPARÉ DÉ ROME ANCIENNE ET MODERNE .
1185
ROME
1186
pasien et sous Titus, les Juifs furent hien traités à
Ror&e et les chrétiens, qu'on confondait encore souvent
avec eux, à cause de leur genre de vie, bénéficièrent
■de la large tolérance qui leur était accordée. Mais sous
Domitien, la persécution recommença. La rapacité de
■cet empereur en fut la cause première. II voulut obli-
ger les chrétiens, qui judaicam viverent vitam,
Suétone, Domit., 12, à payer le tribut du didrachme,
autrefois destiné à l'entretien du temple de Jérusalem,
et, depuis sa destruction, consacré soi-disant aux édi-
fices du Capitole. Josèphe, Bell, jud., VII, VI, 6; Dion
Cette porte donnant accès à la voie Latine ne fut
ouverte qu'aux jours où Aurélien recula l'enceinte de
la ville... Jean sortit intact et sain du bain de feu...
Domitien rassuré sur le compte des chrétiens com-
mençaità relâcher ses poursuites. Cesoutfte de clémence
détourna les magistrats de s'acharner contre un vieil-
lard; ils se contentèrent de le reléguer dans l'Ile de
Patmos. » C. Fouard, Saint Jean, Paris, 1904, p. 99-
100. Voir Je/un - 7, t. iv, col. 1165. On peut dire que le
souvenir du voyage de saint Jean à Rome et de ce qu'il
y avait souffert est resté marqué en traits de feu dans
. -243. — Le tombeau de Cœcilia Métella sur la Voie appienne. Il avait été construit avant l'arrivée de saint Paul, entre 686 et 700,
de Rome. Nibby, Roma antica, Rome, 1839, t. n, p. 550. Les créneaux ont été ajoutés en 1299 de notre ère. D'après une pho-
tographie de M. H. Saint-Martin.
Cassius, lxvi, 7. Les chrétiens, considérant comme
une sorte d'apostasie la soumission à cet impôt, qui les
■confondait avec les Juifs, refusèrent la plupart de
l'acquitter et on les poursuivit devant les tribunaux
comme athées. Suétone, Domit., 12; Dion Cassius,
lxvii, 14. La persécution contre les chrétiens s'étendit
-de proche en proche et fit des victimes en Asie Mineure,
a Smyrne, Apoc, il, 10; à Pergame, il, 43; et ailleurs,
■v, 6; vi, 9, 10; xx, 1. Saint Jean résidait alors à
Éphése; il en fut lui-même victime. Domitien avait
tlonné l'ordre d'arrêter et d'amener à Rome lès descen-
dants des rois de Juda, ce qui fut fait. Hégésippe, dans
Eusèbe, H. E., m, 19, 20, t. xx, col. 252-256. Saint
Jean, si renommé pour avoir vécu dans l'intimité du
Sauveur, fut peut-être arrêté au même titre. On l'amena
à Rome et il fut condamné à périr dans une chaudière
d'huile bouillante. « Le lieu traditionnel de son exécu-
tion es,t la Porte Latine, ou, pour mieux dire, l'espace,
libre alors, qu'occupa plus tard cette barrière de Rome.
DICT. DE LA BIBLE.
l'Apocalypse. Saint Pierre avait déjà désigné Rome sous
le noni de Babylone. 1 Pet., v, 13. C'est sous ce titre
qu'elle apparaît, Apoc, xiv, 8; xvi, 19; xvn, 5; xvui
2. Dans le livre du prophète de Paticos, Vurbs septicol-
lis, Apoc, xvu, 9, opposée à Jérusalem, Rome qui siège
super aquas multas, xvu, 1, comme une reine vêtue
de pourpre et d'or, est « la grande Babylone, mère des
abominations de la terre, ivre du sang des martyrs,
la grande ville qui a l'empire sur les rois de la terre. »
xvii, 4, 5, 6, 18. Le quatrième livre d'Esdras, m, 1,2;
xv, 43, et l'Apocalypse de Baruch appellent également
Rome Babylone. Saint Jean la décrit aussi, Apoc, xm,
sous l'emblème d'une bête monstrueuse, dont la bouche
profère des blasphèmes et qui exerce sa fureur contre
les saints. L'heure de la justice et de la vengeance
viendra : Cecidit, cecidit Babylon Ma magna, quse a
vino irœ fornicationis suas potauit omnes gentes.
Apoc, xiv, 8. Mais le sang des martyrs, qui lui a mérité
le châtiment annoncé par le prophète, donnera à Rome
V. - 38
1187
ROME
1188
une Vie et une gloire nouvelles. C'est l'Église elle-même,
l'Église qui a été d'abord victime de ses persécutions,
qui chantera un jour dans l'hymne de la fête des
apôtres Pierre et Paul :
Romafelix, quse duorum-principum
Es consecrata glorioso sanguine .
Horum cruore purpurata esteras
Excellis orbis una pulchritudines.
Ses empereurs et ses grands hommes n'avaient pu
lui conserver sa splendeur; deux Juifs, un pêcheur du
lac de Génésareth, un fabricant de tentes de Tarse,
l'ont rendu plus glorieuse que jamais. C'est à eux qu'elle
doit d'avoir survécu à tous les désastres et à toutes les
ruines, et d'être encore Urbs Borna. Un poète ano-
nyme disait avec raison, lorsque Constantinople lui
eut ravi son titre de capitale de l'empire (Marucchi,
Excursioni archeol. in Roma, parte II, p. 47) :
Conslantinopolis florens nova Borna vocatur,
Mœnibus et mûris Roma vetusta cadis.
Non si te Pétri meritum Paulique foveret,
Tempore jam longo misella fores.
III. Sduvenibs apostoliques a Rome. — La Rome
chrétienne a conservé et honoré le souvenir de ses
245. — La prison Mamertîne.
Apôtres et l'on peut suivre encore aujourd'hui leurs
traces dans la ville éternelle. — 1° C'est par la via Appia
que saint Paul arriva dans la capitale de l'empire. Cette
voie, restaurée parJPie IX, en 1S50-1S53, jusqu'à la
onzième pierre miliiaire, se présente encore à nous,
en partie, avec l'aspect qu'elle oflrjt aux yeux de l'Apôtre
des Gentils (flg. 242 et 243).
2° Nous avons vu plus haut, col. 1182, qu'il reste
encore quelques débris de l'ancienne porte de Capoue,
porta Capena, par laquelle saint Paul fît son entrée
dans la ville.
3° Les Castra prsetoriana. — Une caserne marque
encore aujourd'hui l'emplacement où se trouvait le
camp des Prétoriens (flg. 244), et où saint Paul dut être
conduit par les soldats qui l'avaient amené prisonnier.
Cf. Phil., i, 13. .Le textus receptus grec, Act., xxvm,
16, contient, d'après quelques manuscrits du vin e au
x» siècle, ces mots, qui ne sont ni dans les plus anciens
manuscrits grecs (ni dans la VuJgate) : 6 èxa-zàtzapyos
itapéSoixe toiç Ss^iu'ou; t<S orpaTOuESâpx^, « le centuriqn
remit le prisonnier au préfet du camp ». Si l'on peut
ajouter foi à cette addition, comme le prœfectus ca~
strorum devait avoir son habitation dans le quartier
même des prétoriens, l'Apôtre demeura probablement-
dans le voisinage et opéra sans doute la conversion
de quelques soldats. 0. Marucchi, S. Pietro e S.
Paolo in Roma, 1900, p. 23-25. Quelques savants
croient cependant plus probable qu'il résida prés du
Palatin où se trouvait une caserne pour la garde im-
périale. L'opinion qui fixe le séjour de l'Apôtre à l'en-
droit où s'élève aujourd'hui Santa Maria in via
hâta, à la jonction de l'ancienne via Lala et de la
via Flaminia (le Corso actuel) ne s'appuie pas sur
des documents dignes de foi. Marucchi, /S. Pietro e
S. Paolo in Roma, p. 157-159. Il n'y avait pas là de
maison privée, mais le portique qui entourait les
Septa Julia, mentionnés sur le plan capitolin de
Rome. Ce sont des restes de ce portique qu'on voit
dans le souterrain de l'église. Marucchi, Basiliques de
Rome, 1902, p. 393.
4» L'église de San Paolo alla Regola (ainsi appelée
du mot arenula, à cause du sable déposé là par le Tibre),
près du Ghetto. Elle était nommée primitivement Scuola
di SanPaolo, parce qu'il y a en cet endroit une chambre
souterraine fort ancienne, où l'Apôtre, disait-on, avait
instruit ses premiers convertis, mais on n'a du fait
aucune preuve. Voir Bartolomei, Sulla Chiesa di
San Paolo alla Regola, Rome, 1858; M. Armellini, Le
Chiese di Roma, 1887, p. 499.
5° Deux chapelles rappellent le martyre de saint
246. — Cirque, avec ia spina, l'obélisque et les duse mètre ; au-
dessous un côté^de l'arène et les ebars. D'après une pierre gra-
vée. Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 566.
Pierre et de saint Paul. L'une est l'oratorio délia sepa-
razione, sur la voie d'Ostie. Marucchi, S. Pietro e
S. Paolo in Roma,]). 155-156. Il a remplacé un oratoire
du moyen âge et marque le lieu non authentique où l'on
raconte que saint Pierre et saint Paul se séparèrent en
allant au martyre. L'autre chapelle, sur la via Appia, à
dix minutes de la porte de Saint-Sébastien, bien connue,
sous le nom de Domine, quo vadis, est ainsi nommée
parce que saint Pierre, fuyant la persécution, y aurait
rencontré Notre-Seigneur et lui aurait adressé ces pa-
roles. Jésus-Christ lui aurait répondu : Redeo Romam ut
iterum crucifigar, ce qui aurait fait revenir sur ses pas le
prince des Apôtres pour aller subir le martyre. Ce récit
se lit dans les actes des martyrs saints Processus et
Martinien, qui ne sont pas antérieurs au V e siècle. Les
deux chapelles sont modernes; la seconde a succédé
à une autre plus ancienne. 11 y avait là au xni a siècle
une Ecclesia ubi Dominus apparuit. Marucchi, S. Pie-
tro e S. Paolo, <p. 150-153.
6» Maison de Pudens. — Saint Pierre et saint Paul,
d'après une ancienne tradition consignée dans le Liber
pontificalis (par interpolation), et dans d'autres docu-
ments,Acto sanctorum,t.n maii,p.295;J.-B.lJeRossi,
Plans du Cirque de Néron et des deuK Basiliques de Sainr-Pierre(ancienne et nouvelle]
Le plan de la "Basilique Constantinienne d'après celui de Tibério Alfarano ( 1590) expliqué dans
De Rossi, Inscriptionea Christian» urbls Romee, t. 11, Rome, 1888, page 229.
Le rapport établi entre les deux basiliques et le Cirque de Néron d'après la Forma urbis Romœ
de R. Lanciam, in-folio, (Milan, 1893* 1901 , pi. Xlll.
Eh kouge
Cûque de Néron.
N.
Nef.
En noir
Basilique Constantinienne.
A.
Atrium.
En bleu
Basilique actuelle.
a.
Pinea.
O.
Obélisque. *
b.
Fontaine.
flLM*
Metae (Bornes du Cirque).
B.
Samte ; Pétronille, J Ces a "»»>»*<*» B et D ont
G.G'
Gradins du cirque dont une
partie
sert de
(Mauso.ee de Vaïentinien U). lZJE3^«"t££S
soubassement aux colonnes de
gauche
D.
Saint- André J eu eeJises.
de l'ancienne basilique.
('Mausolée de la famille théodosienne).
C~
Confession (Tombeau de saint
Pierre).
V.V
Via Camélia.
R.
Degrés de l' ancienne basilique.
4189
ROME
U9a
Bullettino di archeologia crisliana, 1867, p. 43-44, réuni-
rent plusieurs fois les premiers chrétiens sur le Vimi-
nal, dans la maison de Pudens, nommé II Tim., iv, 21.
Elle était située à l'endroit où s'est élevée depuis l'église
Sainte-Pudentienne (voir Pudens, col. 862), d'après
l'opinion commune.
7» L'église de San Pietro in Vincoli, non loin du
Colisée, où l'on révère les chaînes de saint Pierre, est
attribuée par le Martyrologe hycronymien à l'apôtre
lui-même, au 1 er août : Romse dedicatio Ecclesiœ a
B. Petro conslructœ et ssdificatss, ce qu'on pourrait
peut-être entendre en ce sens que saint Pierre a réuni
quelquefois les fidèles en cet endroit. Marucchi, Basi-
liques de Borne, p. 816.
8° Maison de Prisque et d'Aquila. — Saint Paul dit
S. Giovanni in Laterano, au-dessus de laquelle s'éleva
dès les premiers siècles de l'ère chrétienne une église
qui fut consacrée à la mémoire du saint. Voir Mullooly,
St. Clément pope and martyr and his basilica in
Borna, 2« édit., 1873.
10° Une autre tradition ancienne fait conférer le
baptême par le prince des Apôtres dans le cimetière
ostrien, ainsi appelé des Ostorii qui en furent les fon-
dateurs : Cœmeterium ostrianurn ubi Pelrus aposto-
lus baptizavit, portent les Actes du pape Libère, qui
sont apocryphes, il est vrai, mais remontent au moins au
v e siècle. Mansi, Concil., t. i, p. 222. Ce cimetière a été
d'abord identifié avec celui qui fut découvert en 1873
dans sa propriété par Mï r Crostarosa. Voir Marucchi,
S. Pietro e S. Paolo in Borna, p. 100-107. Aujourd'hui
247. — La basilique de Saint-Pierre et le Vatican au moyen âge.
D'après un ancien dessin. Marucchi, Basiliques et Églises de Rome, t. ni, p. 113.
en termes formels qu'il y avait dans la maison de
Prisque et d'Aquila « une église domestique » où se
réunissaient les fidèles et il la salue. Rom., xvi, 3-5.
On place généralement cette maison à l'emplacement
où est aujourd'hui l'église de Sainte-Prisque. Une
inscription en vers que fit apposer le pape Calliste III
(1455-1458), quand il restaura l'église et qui est à gauche
du grand autel :
...Petrus id docuit populus dum ssspe doceret,
Dum faceret magno sacraque srnpe Deo
Dum quos Faunorum factis deceperat error,
Hic melius sacra purificaret aqua...
M. Armellini, Le chiese di Borna, p. 561. Cette tradi-
tion remonte au moins au vin e siècle. Voir Mai, Script,
vet., t. v, p. 148; J.-B. DeRossi, Bull, diarcheol. crist.,
1887, p. 45; V. Carini, Sul titolo presbiterale di santa
Prisca, Rome, 1895.
9° On peut admettre comme très vraisemblable que
saint Pierre et saint Paul ont réuni aussi quelquefois
tes premiers chrétiens dans la maison de saint Clé-
ment, dans la région du Coelius, à la rue actuelle de
M. Marucchi l'identifie avec le cimetière de Priscille.
Voir Pudens, col. 864. *
11° La prison Mamertine. — D'après une tradition
ancienne, les apôtres Pierre et Paul furent enfermés
avant leur martyre dans la prison Mamertine, près du
Forum. Ce nom de Mamertine ne date que du moyen
âge, mais la prison, Tite Live, î, 33, remonte jusqu'à
Ancus Martius, le quatrième roi de Rome (641-617
avant J.-C), qui la fit construire. Elle s'appela d'abord
simplement Carcer. Sa partie inférieure reçut le nom
de Tullianum ideo quod additum a Tullio rege, dit Var-
ron,L. L., v, 32. Cf. Salluste, Cat., 55. Saglio etDarem-
berg,Uict. des antig., t. il, p. 917-918, au mot Carcer.
Les Actes des saints Processus et Martinien, qui sont du
v e ou du y I e siècle, racontent que ces deux martyrs
furent baptisés par saint Pierre dans cette prison où
il attendait le supplice. Cette tradition, dit M. Marucchi,
« ne contredit d'une manière absolue, ni l'histoire ni
l'archéologie, puisque la prison Mamertine avec le
Tullianum placé au-dessous était certainement la pri-
son publique de la ville, même à l'époque impériale. »
i>. Pietro e S. Paolo in Borna, p. 148 (fig. 245).
1191
ROME
1192
12» Lieu du martyre de saint Pierre et de saint
Paul. — a) La tradition est constante et uniforme sur
le lieu du martyre de saint Paul, mais il n'en est pas
de même pour saint Pierre, l'une le plaçant au Vatican,
l'autre sur le Janicule. La tradition la plus ancienne est
en faveur du Vatican. Le Liber pontificalis, édit. Du-
chesne, p. 52, dit que son corps fut déposé nia Aurélia
in témpïo Apollinis (apud templum Apdllinis) juxta
locum ubi cruciftxus est juxta pàlatium neronianum
iH Vaticanum in territorium triumphale. Les Actes
apocryphes, il est vrai, mais fort anciens, déterminent
exactement le lieu du martyre, apud pàlatium nero-
nianum juxta obetiscum. Vue tradition postérieure le
place inter duas mêlas (du cirque). Ces indications
désignent le cirque Vatican qui se trouvait dans la villa
de Néron, le palatiumneronianum. Le cirque avaitson
orbis veneraiione celebratur, dit saint Jérôme. De vir.
M., 1, t. xxiii, col. 609. Cf. le témoignage de Caius,
dans Eusèbe, H. E., n, 25, t. xx, col. 209. On accédait
autrefois à la Confession de Saint-Pierre et auprès des
reliques du saint Apôtre. Elles furent soigneusement
fermées en 846 à l'époque où Rome fut assiégée par les
Sarrasins et depuis ce temps elles sont restées invisi-
bles. L'autel papal s'élève au-dessus du tombeau apos-
tolique dans la basilique actuelle (fig. 248).
h) Le lieu du martyre de. saint Paul est ainsi indiqué
dans les Actes apocryphes des Apôtres : Eîç [icciraàv
xaXouuivvjv Axxo'jai aaXSiaç lù.-^ai toO 8év8pou toO crtpo-
6fXou. Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha,
p. 35. Cette notice est confirmée par Ve Liber pontijx-
calis et par les anciens pèlerins qui placent le martyre
de l'apôtre des Gentils ad aqvas Salvias, J.-B. De
=â-
■ 7 \
249. — Inscription du tombeau de saint Paul à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs.
axe parallèle à celui de la basiiique actuelle de Saint-
Pierre; les duœ metse (bornes) correspondaient à l'obé-
lisque, qui s'élevait sur la spina du cirque, et elles
étaient placées à peu de distance des deux extrémités
de la spina (voir fig. 246), mur bas et étendu qui coupait
l'arène en long en deux portions distinctes. Cet obé-
lisque, apporté d'Héliopolis peu de temps aupara-
vant, sous Caligùla, resta à sa place primitive jus-
qu'au pontificat de Sixte-Quint qui le fit transporter
sur la grande place de Saint-Pierre à l'endroit où on
le voit aujourd'hui. Il était situé près de la sacristie de
la basilique actuelle. Voir Marucchi, Gli ûbelischi egi-
ziani di Borna, in-4°, Rome, 1898, p. 149-151. C'est
dans les mêmes lieux que les premiers martyrs chré-
tiens avaient subi les cruels supplices décrits par Tacite,
Ann., xv, 44. L'opinion d'après laquelle saint Pierre
aurait été crucifié sur le Janicule, à l'endroit où s'élève
aujourd'hui San Pietro in Montorio, ne s'appuie sur
aucun document antique.
Saint Pierre fut enseveli près du lieu de son supplice.
Plus tard, l'empereur Constantin, commal'attesteleii-
ber pontificalis, p. 176, dans la biographie du pape saint
Silvestre, fit élever, en 306, sur l'humble tombe primi-
tive, la basilique de saint Pierre (fig. 247), où le prince
des Apôtres n'a jamais cessé d'être honoré depuis. Se-
pullus in Vaticano juxta viam triumphalem lotius
Rossi, Roma sollerranea, 1. 1, p. 182. Les aquss Salviœ
portent aujourd'hui le nom des Tre Fontane, situées
à un peu plus de trois milles de Rome en passant par
la voie Ardéatine moderne, à gauche de la via Ostien-
sis. Sur le lieu du martyre s'élève l'église deSaw Paûlo
aile Tre Fontane, dans l'intérieur de laquelle sont, en
effet, trois fontaines qui jaillirent, d'après la croyance
populaire, aux trois endroits où bondit la tête du mar-
tyr décapité. L'édifice actuel est de 1599, mais on y
avait élevé d'assez bonna heure une église sur le même
emplacement.
Le corps de l'apôtre saint Paul ne fut pas enseveli à
l'endroit même où il avait subi le supplice. Il fut dé-
posé à une demi-heure de distance, par une matrone
chrétienne, nommée Lucine, dans le prsedium qu'elle
possédait sur la via Ostiensis, à l'endroit où s'élève
aujourd'hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs.
Le cimetière de Lucine ne parait pas avoir été souter-
rain, mais en plein air. D'après le Liber ponti/icalis
( Vita Sylvestri), p. 118, l'empereur Constantin édifia nne
basilique au-dessus du tombeau du grand Apôtre, mais
il n'en reste plus rien que le revêtement du sarcophage
placé aujourd'hui sous l'autel papal et où l'on peut
lire encore l'inscription qu'y fit graver probablement
l'empereur et qui est surtout remarquable par sa sim-
plicité : Paulo apostol. mart. (fig. 2491, J.-B, De Rossi,
1193
ROME
U94
Bullettino di archeol. crist., 1883, p. 153. L'empereur
Valentinien II, en 386, fit démolir Ja basilique conslan-
tinienne pour en construire une plus grande, qui fut
continuée par Théodose et achevée par Honorius. Sou-
vent restaurée depuis, elle fut détruite par un incen-
die pendant la nuit du 15 au 16 juillet 1823. On doit
la basilique actuelle à Léon XII, à Grégoire XVI et à
Pie IX qui la consacra en 1854. Malgré toutes ces dé-
molitions et toutes ces restaurations, la Confession où
repose le corps de l'Apôtre n'a jamais changé de place.
Son tombeau, comme celui de saint Pierre au Vatican,
fut visible jusqu'au IX e siècle. Obstrué alors, il n'a été
IV. L'arc de triomphe de Titus. — Trois ans après
le martyre de saint Pierre et de saint Paul, en 70,
Titus réalisait à Jérusalem, par la prise de la ville et la
destruction du Temple, les prophéties de Notre-Seigneur
contre la ville déicide. Matth., xxiv, 2; Marc, xm, 2;
Luc, xix, 43-44; xxi, 6. L'abomination de la désola-
tion était entrée dans le Temple avec les aigles des lé-
gions romaines et la Judée avait été rayée du nombre
des royaumes. L'arc de Titus (fig. 250) est toujours là,
près du Golisée, à l'extrémité du Forum, sur la voie
Sacrée triomphale, pour rendre témoignage à la véra-
cité des prophéties du divin Maître. Il fut construit en
250. — Arc de triomphe de Titus.
dégagé que dans la reconstruction actuelle. On peut
voir maintenant par la fenestrella la plaque de marbre
qui recouvre le sarcophage.
Les reliques de saint Pierre et de saint Paul se trou-
vent ainsi aujourd'hui, celles du prince des Apôtres à
la basilique de Saint-Pierre, celles de saint Paul, à la
basilique de Saint-Paul, à l'endroit même où elles fu-
rent primitivement déposées. Quelque temps après
leur martyre d'après les uns, ou ver? le_milieu du
m e siècle d'après les autres, si ce n'est ^deux fois, pour
les mettre sans doute plus en sûreté, elles furent trans-
portées dans un souterrain de la voie Appienne, appelé
Platonia, mais elles y restèrent peu de temps. On peut
visiter encore ce souterrain derrière l'abside de la basi-
lique de Saint-Sébastien. Marucchi, Le catacombe
ossia il sepolcro apostolico dell' Appia, Rome, 1892;
Id.. San Pietro e San Paolo, p. 75-92. C'est par leur
supplice que les deux apôtres ont pris ainsi possession
de Rome. Aujourd'hui, la statue de saint Pierre se
dresse au sommet de la colonne Trajane et celle de
saint Paul au sommet de la colonne de Marc-Aurèle.
mémoire des victoires de Titus et inauguré sous Domi-
tien en l'an 81. Senatus populusque Romanus divo
Tito, divi Vespasiani filio, Vespasiano Au\/usto. A
l'extérieur, du côté de l'inscription, une frise repré-
sente le cortège d'un sacrifice. A l'intérieur de l'arcade
unique, un bas-relief représente Titus sur un quadrige
que conduit Rome; vis-à-vis, un autre bas-relief montre
le cortège triomphal qui était passé là avec des Juifs
prisonniers, le chandelier à sept branches et la table
des pains de proposition ^vec les trompettes sacrées.
Voir Chandelier, t. n, fig. 184, col. 544. Le sénat et le
peuple romain, en élevant ce monument en l'honneur
de Titus, étaient bien loin de se douter de son impor-
tance et de sa signification future. Leurs troupes venaient
de ruiner Jérusalem : c'était pour préparer la ruine de
l'empire romain lui-même et pour faire grandir à sa
place l'empire spirituel destiné à le supplanter.
V. La Rome chrétienne s'élevant sur les ruines de
la Rome païenne. — Si, quand on vient de visiter
l'Arc de Titus, on veut se rendre compte de la révolu-
tion qu'a produite dans l'empire romain la prédication
1195
ROME
11S6
des Apôtres et l'accomplissement des prophéties de
saint Jean dans l'Apocalypse, il suffit de faire quelques
pas et de monter au Palatin qui l'avoisine. De là, au
nord, de la terrasse des Orti Famesiani, on a le Forum
à ses pieds et l'on peut embrasser d'un coup d'œil en
raccourci l'histoire de l'ancienne Rome. Aucun autre
coin de terre n'a été témoin de tant et de si grands
événements. La colline qui a été le berceau de la Rome
des Césars en est aujourd'hui le tombeau. Les empereurs
ont commandé de là en maîtres à toute la terre. Aujour-
d'hui une épaisse couche de terre, accumulée par les
crée est déserte; on n'aperçoit que quelques curieux, d-es
touristes et des archéologues qui cherchent à reconsti-
tuer le passé, dans ce cimetière de la grandeur païenne,
au milieu de cet entassement de pierres, de briques,
de marbres brisés. À droite se dresse encore la grande
masse du Colisée, mais en lambeaux, et, tout auprès,
une maison des Petites sœurs des pauvres, s'élève là
où fut l'emplacement de la maison dorée de Néron,
qui s'est effondrée avec la Rome persécutrice des saints.
La prophétie de l'Apocalypse est accomplie.
Cependant sur les débris de la Rome païenne a grandi
251. — Rome dominée par la croix, vue du Palatin. D'après une photographie de M. l'abhé H. Saint-Martin.
. Église Saint-Adrien. — 2. Église Sainte-Marie de Lorette. — 3. Colonne Trajanne surmontée de la statue de saint Pierre. —
4. Église du Saint-Nom de Marie. — 5. Temple de Faustine, devenu église Saint-Laurent in Miranda. — 6. Tour des Milices,
dite tour de Néron. A côté, à droite, Église Sainte-Catherine de Sienne. — t. 8. 9. Eglise Saints Cosme-et-Damien du vi* siè-
cle. — Plusieurs autres églises qu'on voit avec leur croix de la terrasse du Palatin, à droite et à gauche, n'ont pu être repro-
duites sur cette vue photographique, à cause de ses dimensions restreintes.
siècles, recouvre leurs maisons fastueuses : l'herbe et les
arbres y poussent en abondance et le promeneur y foule
littéralement aux. pieds les palais de Tibère et de Cali-
gula. Elle est tombée, la Rome impériale: cecidit, ceci-
dit Baby Ion magna. Apoc, xiv,8; xvm,2. Et le Forum,
qui est là sous nos yeux, il est mort également. Il
était comme le cœur de la Rome républicaine et de la
Rome impériale, et il a cessé de battre. Autrefois, on y
affluait de toutes les parties de la terre et de là partaient
dans toutes les directions les ordres qui réglaient les
destinées du monde. Maintenant, là aussi, ce ne sont que
des ruines et des souvenirs. Les temples où l'on hono-
rait les dieux de la cité sont renversés; plus de consuls,
plus de tribuns, plus de licteurs, plus A'imperatoreh et
de centurions; le peuple n'y tient plus ses comices; le
sénat ne reçoit plus dans la Curie voisine (église Saint-
Adrien) les ambassadeurs qu'y envoyaient les Machabées
et tous les pays de la terre ; la tribune aux harangues est
muette ; les vestales ont cessé d'entretenir le feu sacré
dans l'atrium de Vesla; le Capitale est toujours là, à gau-
che, mais il n'y monte aucun triomphateur; la voie Sa-
la Rome chrétienne. Si du Palatin on lève les yeux au-
dessus du Forum et qu'on contemple la ville moderne
qui s'étend au loin, quel changement profond, quel
spectacle saisissant! Regardez aux quatre vents du ciel :
partout vous voyez un instrument de supplice, autrefois
réservé aux esclaves et ignominieux entre tous, la croix,
qui se dresse triomphante sur d'innombrables églises
(fig. 251), qui domine, de haut, tous les quartiers de la
cité, la croix, surtaquelle est mort le fils de Dieu à Jéru-
salem, la croix sur laquelle saint Pierre est mort dans le
cirque de Néron ! Ceci, cette croixrédemptrice, a tué cela,
le paganisme avec ses hontes, le pouvoir oppresseur des
tyrans. Un jour, là, au bas du Capitole, saint Pierre est
sorti, dit la tradition, de la prison Mamertine, condamné
par le César persécuteur, pour marcher au supplice de
la croix. Il est allé prendre ainsi possession du Vatican.
Si de la partie septentrionale de la terrasse du Pala-
tin, nous allons à quelques pas vers le couchant, nous
apercevons dans le lointain la coupole calme et majes-
tueuse de la basilique de Saint-Pierre, portant dans les
airs la croix triomphante. A son ombre habite un
1197
ROME — RONCES
1198
vieillard, aujourd'hui prisonnier, le successeur du
prince des Apôtres. En lui s'incarne, si l'on peut ainsi
dire, la puissance spirituelle. Les Césars commandaient
aux corps; il commande aux âmes; leur domination ne
s'étendait pas au delà des limites du monde ancien ; la
sienne s'étend à toutes les parties de la terre ; bien
plus, elle ouvre les portes du purgatoire et les portes
du ciel; en lui se réalisent les promesses que le Sau-
veur avait faites à Pierre; il est le vicaire du Christ
■et le représentant de Dieu sur la terre.
VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages déjà cités,
voir H. Kiepert et Th. Huelsen, Formas urbis Romse
antiquœ, accedit nomenclator typographicus, in-4°,
Berlin, 1896 ; H. Jordan, Topographie der Stadt Rom
im Alterthum, 2 in-8», Berlin, 3 e édit., 1871-1885;
Ch. Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, 4 in-8°,
Paris, 1870; F. Reber, Die Ruinen Roms, 2= édit.,
Leipzig, 1879; 0. Gilbert, Geschichte und Topographie
der Stadt Rom im Allertum, 3 in-8», Leipzig, 1883-
1890; J. H. Middleton, The Remains of ancient Rome,
2 in-8°, Londres, 1892 ; R. Lanciani, Ancient Rome in
the light of modem Discoveries, Londres, 1888; Id.,
Pagan and Christian Rome, Londres, 1892; The Ruins
and excavations of ancient Rome, Londres, 1897;
R. Garruci, Cimiterio degli antichi Ebrei in Vigna
Randinini, in-8», Rome, 1862; E. Schurer, Die Gemein-
deverfassung der Juden in Rom, 1879; Berliner, Ge-
schichte der Juden in Rom, 1893; Holtzmann, Ansie-
delung des Christenthums in Rom, 1874; Huidekoper,
Judaism at Rome, 1876 ; Hild, Les Juifs à Rome, dans
la Revue des étudies juives, 1884; Ph. Gerbet, Es-
quisse de Rome chrétienne, 8 e édit., 2 in-12, Paris,
1875; 0. Marucchi, Le memorie dei SS. Apostoli
Pietro e Paolo nella Cilla di Roma, in-8», Rome, 1894.
F. YlGOUROUX.
ROMÉLIE (hébreu : Remalyâhû, « celui que Jého-
vah protège»; Septante : 'Poy.û.(a;; Vulgale : Rome-
lias), père de Phacée, roi d'Israël. IV Reg., xv, 25, 27,
30, 32, 37; xvi, 1, 5; II Par., xxvm, 6; Is., vu, 1, 4. 5,
9; vm, 6. On croit communément que Romélie était de
basse condition et que c'est par mépris que son lils
Phacée, usurpateur du royaume d'Israël, est appelé
« fils de Romélie » tout court. Is., vu, 4; vin, 6.
ROMENTHIÉZER (hébreu ; Rômanfî x Ézèr; Sep-
tante ; 1 P(i>!iet6i£ïep), le dixième des quatorze fils
d'Héman. Il fut le chef de la vingt-quatrième section
des musiciens du temps de David, laquelle se compo-
sait de douze personnes, ses fils et ses frères. I Par.,
xxv, 4, 31. Quelques critiques ont supposé que le nom
de Romenthiézer et de quatre de ceux qui sont nom-
més avec lui, $, 4, éfait, à cause de leur forme insolite
un fragment d'hymne ou de prière, et non une liste
de personnes réelles. La répétition de ces noms dans
l'énumération des classes de musiciens démontre la
fausseté de cette hypothèse.
RONCE (hébreu: barqânim; Septante : papxT)V!p.,
pâ-coç; Vulgate : tribuli, rubus), plante épineuse.
I. Description. — Les ronces, comme les rosiers,
sont des arbrisseaux à feuilles composées, munis
d'aiguillons sur leurs rameaux ainsi qu'à la face infé-
rieure des pétioles. Elles en difierent surtout par les
fruits formés de carpelles charnus disposés au pour-
tour d'un réceptacle saillant, et qui sont en réalité de
petites drupes, chacune avec un noyau central recou-
vert par le péricarpe succulent. Les fleurs, comme
dans la généralité des Rosacées, sont régulières, herma-
phrodites, avec les pétales et de nombreuses étamines
sur le bord interne du tube du calice. Les Rubus de
Palestine appartiennent tous à la série des Rubus homa-
lacanthi, ayant leurs tiges marquées de cinq faces planes
ou canaliculées, et portant leurs aiguillons sur les
angles saillants. Ils correspondent à l'ancien Rubus
fruticosus L. démembré depuis en de nombreuses
espèces ou formes dont les plus tranchées sont R.
discolor (fig. 252) à folioles blanchâtres en dessous,
R. tomentosus à feuilles veloutées au moins sur la face
inférieure, et celle que de Candolle nommait R. colli-
nus, intermédiaire entre les précédentes, dont elle n'est
peut-être qu'un hybride. F, Hy.
II. Exégèse. — Les mots par lesquels la Bible dé-
signe d'une façon générale les épines ou plantes épi-
neuses sont assez nombreux. Voir Épines, t. h, col. 1895.
Mais il est un certain nombre de noms, souvent mal
rendus par les versions, qui ont un sens précis de
plante déterminée. Tel est entre autres, semble-t-il, le
mot barqânim, qui se rencontre en un seul passage.
Jud., vm, 7, 16. « Lorsque Jéhovah aura livré entre mes
232. — Rubus discolor.
mains Zébée et Salmana, dit Gédéon aux gens de Soc
coth,je déchirerai votre chair avec des épines du déser
et des barqânim », Jud., vm, 7; et c'est Ce qu'il fit,
comme il est dit plus" loin au f. 16. Plusieurs exégètes
avec Gesenius, Thésaurus, p. 244, font de ces barqâ-
nim des espèces de herses armées de pointes aiguës.
Mais on ne s'explique pas bien, dans cette hypothèse,
ce que viennent faire les « épines du désert » qui pré-
cèdent immédiatement les barqânim. Il semble plutôt
que les deux expressions sont unies comme dans notre
locution « les épines et les ronces ». Aussi est-ce dans
ce dernier sens que de nombreux exégètes entendent le
mot barqânim. On ne peut appuyer ce sens sans doute
sur les Septante qui ont simplement transcrit le mot
hébreu, k-i TCtte Papx^vtn (ce qu'Eusèbe, Onomasticon,
édit. P. de Lagarde, 1887, p. 140, a pris pour un nom
de lieu, mais Aquila traduit par «xivDaç, « épines »). La
Vulgate met tribulis, tribulos (qui ne saurait être la
herse, en latin tribula ou tribulum) plante épineuse.
« Barqânim, dit le rabbin Kimchi dans son commentaire
des Juges, est une espèce d'épines. » Mais quelle épine?
Le texte demande une épine rampante, flexible, dont on
puisse au besoin se servir comme d'un fouet. Le châti-
ment infligé par Gédéon ne consistait pas à coucher les
hahitants de Soccoth sur des épines et des ronces, et à
faire passer sur eux ainsi étendus des chariots ou des
rouleaux. Ce châtiment rappellerait, disent certains exé-
gètes, celui de II Reg., su, 31, et I Par., xx, 3, mais ces
passages n'ont pas ce sens. Cf. Revue biblique, 1898»
p. 253. Il consistait plutôt, dans ce passage des Juges, viiij
1199
RONCE — • ROSE
1200
7, 16, en des fouets d'épines et de ronces qui auraient
servi à fustiger et à châtier les habitants de Soccoth.
La ronce ((3c£toc, rubus) est expressément marquée
dans un texte de saint Luc, vu, 44, où elle vient dans
une sorte de proverbe : « Chaque arbre se reconnaît à
son fruit, on ne cueille pas de figues sur les épines, on
ne récolte pas de raisins sur la ronce. » — C'est à tort
que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par
Bi-roç (rubus) le mot hébreu sench qui désigne le
buisson enflammé de l'Horeb du milieu duquel Dieu se
manifesta à Moïse. Exod., m, 2-4; Deut., xxxm, 16;
Act., vu, 30-35. Voir 1. 1, col. 1967. Ce passage de l'Exode
est cité par saint Luc, xx ; 37 et saint Marc, xn,26, sous
untilreou expression reçue chez les rab'bins pour indi-
quer cet endroit dé la Bible : èitl roû pi-cou, super rubum.
RONDET Laurent-Etienne, fécond écrivain français,
né a Vaïis \e Ç> ïaa\ YK\ , mott Aaus cette ville le
1 er avril 1785. Son père était imprimeur à Paris. Rondet
fut très attaché au jansénisme. Il est surtout connu
par son édition de la Sainte Bible, en latin et en fran-
çais, avec des notes, des préfaces et des dissertations,
14 in-4°, Paris, 1748-1750; 2 e édit., 17 in-4°, Avignon,
1767-1774. Cette Bible est connue sous le nom de Bible
de l'abbé de Vence, quoique ce dernier n'y ait eu au-
cune part et que Rondet lui ait emprunté seulement
quelques dissertations. La plus grande partie des pré-
taces et des dissertations sont prises dans dom Cal-
met, avec des corrections et des additions. La traduc-
tion avec paraphrase n'est guère que la reproduction
de celle de Carrières. La Bible de Vence a été plusieurs
fois réimprimée, en particulier à Paris en 1828, 25
in-8° avec atlas in-4°. Parmi les autres publications de
Rondet, on peut citer Isaïe vengé, in-12, Paris, 1762
(critique de la Traduction d'haie de Deschamps) ;
Figures de la Bible en 150 tableaux, avec des expli-
cations, in-4», Paris, 1767; Histoire de l'Ancien et du
Nouveau Testament, avec figures, in-8», Paris, 1771;
Dictionnaire historique et critique dé la Bible, in-4°,
Paris, 1776-1 784; cet ouvrage, qui devait servir de
supplément à la Bible de Vence, est resté inachevé et
s'arrête à la lettre E; Dissertation sur l'Apocalypse,
in-4°, et in-12, Paris, 1776; Dissertation sur la version
des Septante, in-4» et in-12, Paris, 1783; etc. ; Verba
Christi, en grec et en latin, in-4», Paris, 1784; la se-
conde édition de la Sainte Bible de l'abbé Legros, tra-
duite sur les textes originaux, avec un Discours sui-
tes prophètes et des notes (édition modifiée sans en pré-
venir), 5 in-12, Paris, 1756; une édition du Nouveau
Testament traduit par Mésenguy; deux éditions de la
Bible de Sacy, in-f», Paris, 1759, 1776; etc.
ROS (hébreu : Ro's, <c tête, chef»; Septante: 'P<iç),
le septième fils de Benjamin. Gen., xlvi, 21. Ce nom
ne se lit point dans la généalogie de Benjamin repro-
duite dans I Par., vil, 6 (abrégée), ni vm, 2. Cette der-
nière, quoique plus détaillée que vu, 6, contient seu-
lement cinq noms, au lieu des dix de la Genèse. Bans
viif, 2, le cinquième nom est Rapha (col. 974); c'est
peut-être une lecture différente de Bos. La liste des fils
de Benjamin, Num., xxvr, 38-39, contenant le second
recensement des familles israéliles fait dans le désert,
à la veille de l'entrée dans la Terre Promise, ne ren-
ferme aussi que cinq noms. Les cinq autres fils de
Benjamin énumérés dans la Genèse étaient apparem-
ment morts sans postérité ou bien leurs descendants
s'étaient fondus avec d'autres familles. Ros ne figure
pas non plus dans les Nombres. On a émis l'hypothèse,
qui n'est pas sansquelque vraisemblance, que le nom
d'Ahiram mentionné le troisième parmi les fils de
Benjamin, Num., xxvi, 38, et qui est appelé expres-
sément père de la famille des Ahiramites (ce qui est
un argument en faveur de la conservation exacte de
ce nom), peut bien être la dénomination véritable
d'un seul fils de Benjamin lequel, par une mauvaise-
coupure de lecture, aurait été divisé en deux ; le mot
anttis, 'Ahîrdm, des Nombres, serait la véritable leçon
et les deux noms m>s. ÉhX de Genèse, et wi, Rô'S,
seraient le dédoublement de 'Ahîrdm, avec la trans-
formation du mem final en schin, à cause de la res-
semblance de ces deux lettres dans l'ancienne écriture
hébraïque. Voir Alphabet, t. i, col. 407. 'a.lfirâm pa-
raît être devenu aussi 'Ahirah. I Par., vin, 1. Voir
t. i, col. 290.
ROSCH (hébreu : irai, Rô's; Septante, Symmaque-,
Théodotion : 'P<iç), contrée nommée dans Ézéchiel,
xxxvni, 2, 3; xxxix. — 1. La Vulgate a pris Rô's pour
un nom commun; elle a traduit Gog, [princeps] capitis
[Mosoch et T/iubal]; mais Mosoch et Thubal étant des
noms propres, il est plus naturel de voir aussi dans
Rô's un nom propre, comme l'ont fait les Septante et
comme le font aujourd'hui la plupart des interprètes.
11 faut donc traduire « Gog » (t. m, col. 265), prince
de Rosch, de Mosoch (t. iv, col. 1319) et- de Thubal.
Saint Jérôme dit, In Ezech., xxxvm, 2, t. xxv,
col. 357 : Primant genteni Ros, Aquila interpretalur
« caput », quem et nos secuti sunius, ut sit sensus .-
Principem capitis Mosoch et Thubal. Et rêvera, nec
in Genesi, nec in alio Scripturx loco, nec in Josepho
quideni, hanc gentem potuimus invenire. Ex quo ma-
nifestum est « Ros » non genteni significare, sed « ca-
put». L'argument n'est pas concluant: Ezéchiel a dans
ses prophéties plusieurs noms géographiques incontes-
tables qui ne se lisent dans aucun autre livre de la Bible-
2° L'identification de Rosch est fort controversée.
Bochart, Phaleg., m, 13, Opéra, Leyde, 1692, col. 186,
188, voit dans Rosch et Mosoch les ancêtres des Busses
et des Moscovites. A Rhos et Mesech, dit-il, col. 186, id
est, Rhossis et Moschis, descendisse « Russos » et « Mos-
covitas s . Rhos appellari Tauricam Chersonesum. Cette-
opinion, adoptée par Gesenius, Thésaurus, p. 1253,
qui l'appuie sur les dires des écrivains byzantins du
X e siècle, a compté un certain nombre de partisans,
mais elle est sujette à bien des difficultés. Le nom des
Russes n'a pris naissance qu'au IX e siècle (A. Ram-
baud, Histoire de la Russie, p. 37-42), et le rapproche-
ment si tardif établi par les auteurs byzantins entre
les Russes et le Rosch d'Ézéchiel (cf. Socrate, H. E. r
vu, 43, t. lxvii, col. 833), est loin d'être justifié. — Les
textes cunéiformes du viif et du \'ii e -siècle avant notre
ère fournissent une explication plus naturelle et plus
vraisemblable. Ils mentionnent un pays de Rasu ou
Rosi, dont le nom correspond bien au Rosch d'Ézéchiel ;
il touchait à Élam et était situé à l'ouest de ce dernier
pays. G. Smith, Ristory of Assurbanipal, p. 218; Eb.
Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung;
p. 110, 112; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies r
p. 322; Id., dans Calwer Bibellexicon, 1885, p. 774; Fr.
Lenormant, Les origines de l'histoire, t. n, p. 456.
ROSE (grec : pôSov; Vulgate : rosa), la reine des
fleurs.
I. Description. — Ce genre est le type de la famille
des Rosacées, dialypétales calieiflores régulières, dont
une série est constituée par le seul genre Rosa, très
nettement caractérisé par son fruit, le Cynorrhodon
des anciens. C'est un réceptacle creux, resserré à son
orifice et charnu à la maturité, renfermant dans sa.
cavité plusieurs carpelles secs et entremêlés de poils
rigides. Les feuilles sont imparipennées, avec stipules
soudées au pétiole.
Le Rosa phœnicia Boissier (fig. 253), qui habite la
région littorale, se reconnaît à ses fleurs blanches, ses
sépales caducs, ses longues tiges sarmenteuses, et sur-
tout à ses slvles soudés en colonne saillante. Dans les
1201
ROSE
12G2
parties montueuses on trouve diverses formes com-
prises dans l'ancien Rosa canina de Linné. Une des plus
remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253),
sous-arbrisseau tout couvert d'aiguillons inégaux, les
uns sétiformes, les autres recourbés à base dilatée.
Les fleurs sont petites et roses, les fruits précoces
couronnés par les sépales entiers et persistants. Enfin
sur les escarpements rocheux du désert de Sinaï croît
le Rosa arabica Crépin, simple variété du vulgaire
Rosa rubiginosa qui diffère du type par les soies du
fruit, la plupart dépourvues de glandes. F. Hv.
II. Exégèse. — Le nom de la rose ne se rencontre
pas dans les textes hébreux de l'Ancien Testament; il
ne parait que dans les livres composés en grec, dans la
Sagesse, it, 8, et selon quelques auteurs dans l'Ecclé-
siastique. Cette fleur originaire de la région du Caucase
ne parait avoir été cultivée dans les jardins syriens qu'à
partir de l'époque des Séleucides. Ch. Joret, La rose
dans l'antiquité et au moyen âge, in-8°, Paris, 1892,
p. 124-125; Les plantes dans l'antiquité, l rc partie,
253.
- Rosa pliœnlcia.
dans L'Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 399. D'après
le III e livre des Machabées, vu, 17, Acco ou Ptolémaïde
tirait de la culture abondante de cette fleur le surnom
de poSojpo'poç, « rosifère ». Le traité Maaseroth, h, 5
(Surenhusius, Mischna, t. i, p. 251), fait allusion à un
jardin de roses situé près de Jérusalem. Le rosier
était assez répandu dans la Palestine au commencement
de l'ère chrétienne : nous voyous par les Actes, XII, 13,
que le mot 'PôSti, « Rosier », était usité comme nom
de personne; il était porté par une servante. Actuelle-
ment la culture de la rose est très intense en plusieurs
régions de Palestine et des pays syriens, spécialement
à Damas où l'on fabrique de l'essence de rose et des
pâtes et des sirops aromatisés de cette essence.
Dans le milieu où vécut l'auteur de la Sagesse,
l'Egypte, la rose ne pénétra aussi qu'as^eï tard, c'est-à-
dire à l'époque des Ptolémées. Ch. Joret, Les plantes
dans l'antiquité, p. 156. C'est ce qui explique que le nom
n'en paraisse pas dans les anciens textes. On ne le trouve
qu'en démotique. La rose se nommait il "W * ==> 1 ^
ûart, ûarta, en copte, ovepT, d'où est venu le nom
arabe j>^, ûard, ouarda, et le nom araméen de la Mi-
schna et des Talmud ntti, varda', Uarda'. C'est le
même nom dans les pays grecs où la plante est plus an-
ciennement connue, pôSov, primitivement flpôSov,
-Fp68ov. Le nom du pays d'origine a passé avec la fleur
dans toutes les régions où elle a été implantée. Eu
Egypte, la rose parait avoir été spécialement cultivée-
dans le nome d'Arsinoé. Fr. Crépin, Sur les restes de-
roses découverts dans les tombeaux de la nécropole-
d'Arsinoé, dans le Bulletin de la Société royale de
botanique de Belgique, t. xxvm, 1888, 2» partie, p. 184.
Dans la nécropole gréco-romaine de Hawara au Fayoum,
M. Flinders Pétrie en a également trouvé des restes.
Hawara, Biahniu and Arsinoé, 1887, p. 48; V. Loret,
La Flore pharaonique, 2 e édit., Paris, 1892, p. 82.
Rien ne s'oppose donc à ce que le pôSov de la Sagesse,
H, 8, ne soit la rose. L'usage auquel l'auteur fait allu-
sion confirme cette attribution. Il fait parler les
impies qui dans leurs banquets veulent se donnei-
toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis.
« Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou>
pétales de roses) avant qu'elles se flétrissent. » On sait
que dans leurs fêtes les anciens Grecs ou Romains
aimaient à porter des couronnes de fleurs. Leurs belles-
couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la
rose pour cet usage. Horace, Ode, I, xxxvi, 15; Pline,
H.N., xxi, 8; Ovide, Fast., v, 335; Martial, v, 65. Dans
les banquets on portait ces couronnes sur la tête, et
autour du cou. Cioéron, In Verr., il, 5, 11 ; Lucrèce, v,
1397; Athénée, Deipn., xv, 674; Garcke, De Horal..
corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860. — Il est
254. — Rosa glutinosa.
également fait allusion aux roses dans le texte grec
d'Esther, i, 6, où sont décrites les décorations de la
salle du festin royal. On y parle de tapisseries magni-
fiques parsemées de fleurs et ornées sur les bords d&
roses épanouies. — Rien n'est moins certain, au con-
traire, quo l'identification faite par plusieurs exégètes de
laroseavecle poSovde deux passages de l'Ecclésiastique,
xxiv, 13-14. et xxxix, 13. Le premier de ces textes con-
tient l'éloge de la Sagesse que l'on compare à des arbres
remarquables par leur port et leur feuillage :
Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi
El comme les mit fdSov à Jéricho,
Comme un bel olivier dans la plaine,
Et j'ai grandi comme un platane (xxiv, 13-14).
Le second texte nous montre le pôSov croissant sur le
bord des eaux courantes (xxxix, 13). Or le rosier peut
difficilement être mis en parallèle avec l'olivier, le pla-
tane et le palmier; et il ne croît pas d'ordinaire au
bord des eaux. Le laurier-rose remplit mieux les con-
ditions et il porte dans les textes des auteurs anciens
les noms de poSoSâsvrj, laurier-rose, poBoSévêpov, arbre à
rose. Dans les écrivains arabes sur la médecine on remar-
que que le nom reçu en Syrie pour le laurier rose est
rodyon. Voir le Laurier-rose ou Nerium oleander,
t. îv, col. 130.
1203
ROSE — ROSEAU
1204
Malheureusement l'original hébreu de ces deux pas-
sages de l'Ecclésiastique, xxiv, 14 (Vulgate,18) etxxxix,
13 (Vulgate, 17) n'a pas été retrouvé. Quant au f. 8 du
chapitre L, où Simon est comparé, dans le grec et le
latin, à la fleur des rosiers aux jours du printemps, le
mot hébreu découvert donne un autre sens : « Comme
la fleur isj72, be'anfê, aux branches, aux jours du
printemps ». Il faut avouer que la leçon déchiffrée sur
les manuscrits, >SJ73 (pluriel irrégulier), n'est pas très
satisfaisante : On s'attendait à trouver ici un nom de
plante particulier et non pas un nom vague et général
comme celui de branches. Le traducteur grec n'a cer-
tainement pas lu 'Sjya pour traduire par po8<iv. N'au-
rait-il pas trouvé dans l'original hébreu le mot cmi,
uardim, pluriel de nvh , uardd", « rose »? Et ce mot
t: t
omi, mal lu dans l'écriture carrée ou dans l'ancienne
écriture par un copiste du texte hébreu, n'aurait-il pas
été confondu avec >sm 1
Quant au Cant., h, 1, et 7s., xxxv, 1, où quelques ver-
255. — Arundo donax.
sions modernes à la suite de Kimchi et d'Abenesra
ont cru trouver la rose, la rose de Saron, le mot hébreu
bâbasséléf, n'a certainement pas ce sens. Il désigne le
colchique, ou plutôt le narcisse. Voir t. n, col. 831, et
t. iv, col. 1477. — Ce qu'on a l'habitude d'appeler rose
de Jéricho n'a rien de commun avec les roses propre-
ment dites : c'est l'Anastatica hierochuntina, qui a la
propriété, dès qu'elle est plongée dans l'eau, de s'ouvrir
peu à peu, et d'étaler ses branches et ses feuilles.
Voir t. m, col. 1291, flg. 227 et 228.
E. Levesque.
ROSEAU (hébreu : qânéh; Septante : y.aXot[ioç; Vul-
gate : arundo, calamus), plante aquatique.
I. Description. — Ce nom vulgaire a été appliqué à
plusieurs genres de graminées à chaume robuste et vi-
vace, tels que les Phalaris, Calamagrostis, etc. Mais
il convient surtout aux espèces de la tribu des Aron-
dinées, très répandues aux bords des eaux dans toute la
région méditerranéenne et caractérisées par leurs
épillets pourvus de longs poils à la base; ainsi que par
leurs glumelles portant ordinairement 2 ou 3 dents au
sommet. Le principal genre Arundoa ses épillets velus
sur la glumelle même et comprend comme principale
espèce Arundo Donax (fig. 255), vulgairement la Canne
de Provence. D'un puissant rhizome tubérisé s'élancent
des tiges ligneuses, hautes de plusieurs mètres, à nœuds
rapprochés et abondamment ramifiées à la partie supé-
rieure. Les feuilles distiques, planes, largement lan-
céolées à pointe aiguë, ont une très courte ligule garnie
de cils. La panicule terminale dense et dressée en que-
nouille porte au sommet de ses nombreuses branches
des épillets à 3 ou 4 fleurs. Les glumes scabres sur la
carène dorsale égalent presque les glumelles à sommet
bifide et munies d'une arête courte dans l'échan-
crure.
Les Phragmites ont leurs poils portés par le rachis,
au-dessous des épillets,' tandis que les glumes et glu-
melles sont glabres. Le Phragmites communia (fig. 256)
256. — Phragmites communia.
un des roseaux les plus répandus, présente dans la ré-
gion chaude, principalement en Syrie, en Galilée et en
Egypte, une variété plus robuste atteignant 15 à 20 pieds
(2 mètres 10) qui rivalise pour ses dimensions avec
VArundo, mais en diffère par sa panicule de fleurs
diffuse et un peu penchée. F. Hï.
II. Exégèse. — Le qânéh est une plante d'eau mise
en parallèle avec le jonc, sûf, III Reg., xiv, 15; Is.,
xix, 6, avec le papyrus, g&mê', Is., xxxv, 7; croissant
en épais fourré et pouvant fournir une retraite assurée
au crocodile, Ps. lxviii (Vulgate, lxvii), 31, à l'hippo-
potame, Job, xl, 21 (Vulgate, 16), dontla tige droite peut
servir de bâton, de canne. IV Reg., xvm, 21; Ezech.,
xxxrx, 6. Tous ces caractères conviennent au roseau, à
VArundo Donaœ, et aux espèces voisines comme le
Phragmites communis. On trouve d'ailleurs le même
nom pour désigner cette plante en assyrien : qânû, en
syriaque et chaldéen : qanyâ', et même en grec : xâwa
et en latin canna. I. Lôw, Aramâische Pflanzennamen,
in-8°, Leipzig, 1881, p. 341. — Cette plante était ré-
Iâ05
ROSEAU — ROSEAU AROMATIQUE
1206
pandue sur les bords du Tigre et de l'Euphrate, en
Egypte et en Palestine. Les monuments assyriens ré-
présentent souvent le roseau dans des cours d'eaux.
E. Bonavia, The Flora of the Assyrian Monuments,
in-8°, Londres, 1894, p. 30-31 (fig. 257). Le roseau était
plus abondant sur les bords du Nil et est souvent
représenté dans les peintures des tombeaux. C'est la
panicule du roseau (fig. 258) qui sert de signe hiérogly-
phique pour la lettre a, I, On, utilisait la tige pour
fabriquer des flûtes, des flèches, etc., les feuilles pour
tresser des nattes, etc. On lui donnait le nom de !: I ,
nabi. Voir Loret, La Flore pharaonique, in-8°, Paris,
1892, p. 19. En Palestine on trouve YArundo Donax et
le Phragmites communia, un peu partout et particu-
lièrement au lac Houléh, sur les bords de la mer de
Tibériade, sur les rives du Jourdain, dans la vallée de
Cana ou des roseaux. Jos., xvt, 8; xvn, 9. Voir t. n,
col. 105. Si le feu s'y met en temps de sécheresse, la
257. — Roseaux sur les bords d'un marais.
D'après Layard, Monuments of Nineveh, 2' série, pi. 27.
flamme court avec rapidité et jette un éclat splendide,
auquel l'auteur de la Sagesse, m, 7, compare la récom-
pense des jusles. Le roseau qui plie à tous les
vents est le symbole de la faiblesse de caractère qui
cède à toutes les impulsions. Ce n'est pas ainsi qu'était
Jean-Baptiste. Matth., n, 7; Luc. vu, 24. La tige droite
du roseau, coupée à la mesure voulue, sert de bâton, de
canne, appui souvent fragile. « L'Egypte a été un appui
de roseau pour la maison d'Israël », dit le prophète,
Ezech., xxix, 6. « En qui as-tu placé ta confiance pour
te révolter contre moi », dit àÉzéchias l'officier envoyé
par le roi d'Assyrie? C'est dans l'Égypïfr que tu l'as
mise, prenant pour soutien ce roseau cassé qui pé-
nètre et perce la main de quiconque s'appuie dessus. »
IV Reg., xvm, 21; Is., xxxvi, 6. — Voulant peindre la
douceur du serviteur de Jéhovah, le Messie, Isaïe,
xlii, 3, se sert de cette image proverbiale : « Il ne bri-
sera pas le roseau fendu ». S. Matthieu, xn, 20, ap-
plique à Jésus-Christ ce passage du prophète.
Le roseau, formant une tige droite, et atteignant
trois mètres et plus de hauteur, a servi de mesure de
longueur : qenêh ham-mîddâh, « canne à mesurer, »
c'est le mon donné par Ézéchiel, xl, 5. Elle sert à éva-
luer les mesures du temple, XL, 3; xlh, 8; xlii, 16-19 :
elle avait six coudées et six palmes, 3 m 675. Voir t. iv,
col. 1042. Dans sa vision de la fondation du nouveau
temple, Ézéchiel, xl, 3, nous montre d'abord « un
homme ayant à la main un cordeau de lin et une
canne à mesurer. » Faut-il voir quelque rapproche-
ment avec ce qui est dit souvent dans les cérémonies
de fondation de temples en Egypte? « La canne de
roseau est dans sa main, (du pharaon), il fait la céré-
monie de la fondation. » Recueil de travaux relatifs
à la philologie et archéologie égyptienne et assy-
rienne, t. i, Paris, 1870, p. 176. Il est vrai que dans la
cérémonie de fondation des temples égyptiens, la canne
de roseau sert à retenir le cordeau destiné à marquer
les limites des fondations à faire. N'en serait-il pas de
même pour le prophète?
Le roseau taillé servait à écrire : c'est le calame.
IH'Joa., 13. Le « roseau, qanêh, pour faire le calame
à écrire, » dit la Mischna, Schabbat, vin, 5. Voir
Calame, t. ii, col. 50. Par analogie on appela
qdnèh, la tige du blé ou chaume, Gen., xli, 5, 22; les
sept branches de chandelier d'or, Exod., xxv, 33;
258. - Panicule du roseau.
D'après F. Woenig, Die Pflanzen int alten Aegypîen,
18S6, p. 131.
xxxvm, 19, etc. — Voir Pline, H. N., xvi, 66; O. Cel-
sius, Hierobolanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. n,
p. 312-325; Gr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegijp-
ten, in-12, Leipzig, 1886, p. 131.
E. Levesque.
ROSEAU AROMATIQUE (hébreu : qenêh bôsèm,
« roseau odorant », Exod., xxx, 23; Septante : xaXâjiou
e-jûêo'jc ; Vulgate : calamus. Il est encore appelé en hé-
breu : qâneh hattob, « le bon roseau », Jer., vi, 20; Sep-
tante : xtvi|i£U(AOv; Vulgate : calamum suave olentem; et
plus fréquemment qânéh, « roseau », Cant., v, 14; Is.,
xlhi, 24; Ezech., xxvn, 19; Septante : r.i}.au,oç Cant.,
v, 14; 8-j(7i'a*|jia, Is., xlhi, 24, et tpoxi=U, Ezech., xxvn,
19; Vulgate : fistula, Cant., iv, 14; calamus, Is., xlhi,
24; Ezech., xxvn, 19), plante aromatique.
1. Description. — Sous ce nom les anciens désignaient
une aroïdée qui habite le bord des eaux dans toute la
région froide ou tempérée de l'Ancien Monde. L'Acorus
calamus (fig. 259) de Linné est une herbe ayant le
port des iris, avec des feuilles ensiformes et engai-
nantes à la base, qui occupent sur 2 rangs toute la face
dorsale d'un rhizome rampant à fleur du sol. La gaine
est longuement dépassée par un limbe linéaire, à côte
1207
ROSEAU AROMATIQUE — ROSEE
1208
proéminente, et légèrement crispé aux bords près du
sommet. Le pédoncule floral, presque semblable, mais
plus franchement triquètre, se termine par une spathe
foliacée à la base de laquelle est inséré latéralement un
spadice épais, obtus, cylindracé, tout recouvert de
petites fleurs sessiles et sans éclat. Leur périanthe
rudimentaire a néanmoins 6 pièces bien constituées,
tronquées au sommet et formant -voûte pour l'ovaire
central entouré de 6 étamines, et qui devient à maturité
un fruit bacciforme en pyramide renversée. F. Hy.
II. Exégèse. — Des exégètes ont identifié le qânêh
odorant avec YAndropogon schœnanthus ou jonc odo-
rant. Voir t. m, col. 1630. D'après les textes bibliques le
qânéh odorant est une plante aromatique, mise en
parallèle avec l'encens de Saba et venant aussi des terres
lointaines, c'est-à-dire de l'Arabie ou des régions voi-
259. — Acorus calamus.
sines. Jer., vi, 20. Des tribus arabes du Yémen l'appor-
taient sur les marchés de T$r. Ezech., xxvn, i9. Il
entrait dans la composition aromatique brûlée sur
l'autel des parfums, Is., XLiir, 24; Jer., vi, 20, et dans la
composition de l'huile d'onction, huile sacrée qui ne
pouvait être reproduite par les particuliers. Exod., xxx,
23. Ces raisons ont paru suffisantes à ces exégètes pour
voir dans le qânéh odorant, YAndropogon schœnanthus
ou joue odorant, dont le plus estimé est celui des Nabu-
théens, et qui est mentionné parmi les ingrédients du fa-
meux parfum sacré des Égyptiens, le kyphi. Cependant le
qânéh n'est pas un jonc, mais bien un roseau. Or, chez
les Égyptiens, une autre plante, qui entrait également
dans la composition du kyphi, portait le nom de roseau
de Phénicie, Nabi-nt-Djahi, 1\ J i \^ I U /\
et n'était autre queY Acorus calamus ordinairement ap-
peléau moyen âge Calamus aromaticm. De plus dans une
recette pour faire le kyphi donnée par un texte d'Edfou,
Brugsch et Dûmichen, Bec, îv, pi. 83, col. 1-2, on lit
/~—* | ^"1 II I a j 1 1, kanen djol-rseb nédjem, « kanen,
autrement dit, roseau odorant, *~~+ I ; kanen », écrit
aussi a~~i 1 a «^ ", qenna, n'est qu'un mot étranger, le
qânéh hébreu, le xàwa grec, canna latin. Cf. iU-S,
qui a \esens àe canna, «taKvws., C'est le. uo«\ asiatique
qu'on explique par l'expression proprement dite égyp-
tienne : autrement dit seb nedjem, roseau aromatique.
V. Loret, Varia, dans Recueil de travaux relatif s à la
philologie et Varchéol. égypt., Paris, 1870, 1. 1, p. 190;
t. îv, p. 156. Les auteurs grecs rangent V Acorus cala-
mus, sous le nom de xâXajio;, au nombre des ingrédients
du kyphi. L'jlcorus aromaticus ne poussait pas en
Egypte, mais il y était apporté par les marchands phé-
niciens qui le recevaient de l'Asie orientale. C'est pour
cela qu'il était connu en Egypte sous le nom de roseau
de Phénicie. V. Loret, La flore pharaonique, 2» édit.,
Paris, 1892, p. 31 ; Le kyphi, parfum sacré des anciens
Egyptiens, dans le Journal asiatique, Paris, juillet-
août 1887. Cf. O. Celsius, Hierobotanicon, t. n, p. 326.
E. Levesque.
ROSEAUX (VALLÉE DES), vallée ou torrent de
Cana, dont le nom a été ainsi traduit dans la Vulgate
(Vallis arundinetï). Voir Çana 1, t. il, col. 104.
ROSÉE (hébreu : lai; Septante : Spàaoç; Vulgate :
ros), dépôt de gouttelettes d'eau qu'on remarque le
matin sur beaucoup d'objets exposés à l'air libre, quand
la nuit a été sereine. Pendant les nuits claires, les
objets qui sont dehors rayonnent leur chaleur vers les
espaces célestes et se refroidissent très vite. L'air
chauffé pendant le jour se refroidit aussi à leur con-
tact et dépose sur eux la vapeur d'eau qu'il contenait.
Les premières gouttelettes s'accroissent peu à peu par
l'adjonction des dépôts successifs de vapeur. La rosée
est d'autant plus abondante que l'écarl est plus consi-
dérable entre la température de la nuit et celle du
jour, et que les corps exposés à l'air sont moins bons
conducteurs de la chaleur. La rosée ne se produit pas
quand le rayonnement vers les espaces célestes est-
empêché par un obstacle, nuages, arbres, etc. Quand la
température nocturne descend au-dessous de 0», la rosée
se congèle et donne le givre. Voir Givre, t. ni,
col. 247. — En Palestine la température de la nuit des-
cend ordinairement de 15" à 25» degrés au : dessous de
celle du jour. Jacob se plaignait à Laban d'être « dévoré
le jour par la chaleur et la nuit par le froid, » pendant
qu'il gardait les troupeaux en Mésopotamie. Gen., xxxi,
40. « Il tombe à Jérusalem, la nuit surtout, une rosée
très pénétrante. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
Paris, 188ï, p. 257. Il en est de même dans la plus
grande partie du pays. Il n'est pas rare de la voir dé-
goutter en abondance, par exemple de la toiture des
tentes. Cette rosée supplée à la pluie qui ne tombe
pas pendant plus de la moitié de l'année ; elle fournit
aux plantes l'humidité dont elles ont besoin et ainsi
atténue, dans la mesure nécessaire à la végétation lo-
cale, les effets désastreux de la chaleur et de la séche-
resse prolongée.
1° Sens propre. — L'explication théorique de la ro-
sée n'a été trouvée qu'en 1810. Les anciens n'ont donc
pas l'idée exacte de l'origine du phénomène. Ils l'assi-
milent à celui de la pluie.
La pluie a-t-elle un père ?
Qui engendre les gouttes de la rosée ? Job, xxxvm, 28.
C'est par la science (de Jéhovah) que les abîmes se sont ou-
Et que les nuages distillent ta rosée. Prov., m, 20. [verts,.
Israël est établi dans un pays fertile « et son ciel dis-
tille la rosée. » Deut., xxxm, 28. C'est « la rosée de*
l'Hermon qui descend sur les sommets de Sion. »
Ps. cxxxin (cxxxn), 3. Au désert, la manne apparaissait
le matin en même temps que la rosée et les Israélite*
considéraient l'une et l'autre comme tombant du ciel.
Exod., xvi, 13, 14; Num., xi, 9. — La rosée constitue-
pour les habitants de la Palestine un bienfait très appré-
cié. Isaac souhaite que « Dieu donne à Jacob la rosée-
du ciel, » tandis que la demeure d'Ésaù sera (•: privée
de la rosée qui descend du ciel. » Gen., xxvn, 28, 39-
1209
ROSÉE — ROSENMÛLLER
1210
Moïse prédit à la tribu de Joseph « le précieux don du
ciel, la rosée. » Deut., xxxm, 13. Après le retour des
Juifs exilés en Palestine, « \a terre donnera ses produits,
les cieux donneront leur rosée, » Zach, rai, 12; les
deux bienfaits sont solidaires. La rosée rafraîchit les
ardeurs du vent d'Orient, qui est sec et brûlant, Eccli.,
xvni, 16; après la chaleur, elle ramène la fraîcheur et
la joie. Eccli., xliii, 24. Un vent de rosée rafraîchissait
les jeunes Hébreux au milieu de la fournaise. Dan., m,
50. Aussi l'invitent-ils à bénir Dieu, en l'associant tan-
tôt à la pluie et tantôt au givre. Dan., m, 64, 68. — La
privation de rosée devenait une calamité et une malé-
diction. David souhaite que les monts de Gelboé, qui
ont vu périr Saûl et Jonathas, ne reçoivent désormais
ni rosée ni pluie. II Reg., i, 21. Au roi Achab, Élie
annonce qu'il n'y aura ni rosée ni plaie durant plu-
sieurs années. III Reg., xvii, 1. La famine en résulta.
Aggée, I, 10, dit aux Juifs que les cieux retiennent leur
rosée parce qu'on ne s'occupe pas de rebâtir la maison
du Seigneur. — Celui qui passe la nuit dehors -est
ensuite tout couvert de rosée. Cant., v, 2. Ce fut ce qui
arriva à Nabuchodonosor pendant sa folie. Dan., rv, 12,
20, 22, 30. — Avant d'accepter la mission que Dieu veut
lui confier, Gédéon demande un double signe au-
quel devait servir le phénomène de la rosée. Il prend
une toison de laine, gizzat has-sêmér, « une tonte de
laine », par conséquent la laine de la toison sans la
peau, comme traduisent avecraison les Septante : noxov
toû êptou, et il la met sur l'aire exposée à tous les vents.
Il désire, une première fois, que la toison soit impré-
gnée de rosée et que la terre reste sèche, une seconde
fois que la rosée humecte la terre mais ne tombe pas
sur la toison. Dieu condescendit au double désir de
Gédéon. La terre qui devait rester sèche ou humide
n'était pas seulement celle qui recouvrait la toison,
niriis kol-ha'drés, « toute la terre » de l'aire. Jud-, vi,
36-40.
2» Comparaisons. — La rosée est l'image de la pros-
périté, à cause de la fécondité qu'elle assure à la terre.
Job, xxix, 19, pour marquer le bonheur qu'il imagi-
nait, dit que la rosée passait la nuit dans son feuillage.
Osée, xiv, 6, assure que Dieu sera la rosée pour Israël.
Isaïe, xlv, 8, appelle le libérateur en ces termes :
Cieux, répandez d'en haut votre rosée
Et que les nuées fassent pleuvoir la justice.
Jacob, dispersé parmi les nations, sera comme la rosée
venant de Jéhovah, Mich., v, 7, c'est-à-dire comme
une source de grâces pour elles. La faveur du roi est
comme la rosée sur l'herbe, Prov., xix, 12, elle entre-
tient la vie. Moïse dit, au début de son cantique : « Que
ma parole tombe comme la rosée » douce et fécondante.
Deut.,xxxn,2. Pour laisser grandir les ennemis de son
peuple, Dieu se tient en repos.
Comme une chaleur sereine par un brillant soleil,
Gomme un nuage de rosée dans la chaleur de la moisson.
Puis, quand la moisson est sur le point de mûrir, il
coupe soudain tout ce qui a poussé, c'est-à-dire qu'il
détruit les ennemis au moment où ils se croient sûrs
du triomphe. Is., xvm, 4. — La roséje figure aussi le
réveil et la vie ; la rosée du Seigneur est une « rosée
de l'aurore », elle fait revivre les trépassés, elle res-
suscite le peuple des justes. Is., xxvi, 19. Jéhovah dit
au Messie :
Du sein de l'aurore, à toi
La rosée de ta jeunesse,
c'est-à-dire, dans le sens concret, tes enfants, tes sujets
gardant une éternelle jeunesse, viennent à toi aussi
nombreux que les gouttes de rosée qui découlent du
sein de l'aurore. Ps. ex (cix), 3. C'est l'annonce de
l'empressement avec lequel une multitude d'âmes
accourront pour se mettre à la suite du Messie. Aquila,
Symmaque et saint Jérôme traduisent conformément à
ce sens. Les Septante et la Vulgaie ont lu un texte diffé-
rent : « De mon sein avant l'aurore, je t'ai engendré. »
Ces versions n'ont pas rendu les mots lekâtal, « à toi
la rosée », également ignorés de Théodotion, et au lieu
de ~}T\-h>, yalduléka, « ta jeunesse », elles ont lu i»m':>,
yelidfika, « je t'ai engendré », comme Ps. Il, 7. — La
rosée couvre la terre doucement et sans qu'on s'en
aperçoive. Chusaï conseille à Absalom de s'enteurer
d'une multitude et, avec elle, de tomber sur David et
ses partisans « comme la rosée tombe sur la terre, » de
manière à les atteindre tous sans qu'aucun n'échappe.
II Reg., xvn, 12. — La rosée s'évapore rapidement aux
premiers ravons du soleil. La piété des Israélites
ressemble à la rosée, elle ne dure guère, Ose., vi, 4;
Éphraïm passera lui-même comme se dissipe la rosée
du matin. Ose., xm, 3. La petite gouttelette de rosée
n'est rien; le monde est devant Dieu « comme la goutte
de rosée matinale qui tombe sur la terre. » Sap., xi,
23. H. Lesêtre.
1. ROSENMULLER Ernst Friedrich Karl, fils de
Jean- Georges Rosenmûller, orientaliste 'et théologien
protestant allemand, né le 10 décembre 1768 à Hessberg,
près d'Hildburghausen, où son père était alors pasteur,
mort à Leipzig, le 17 septembre 1835. Il fit ses études
d'abord dans sa famille, pais au collège de Giessen, et
enfin, à partir de 1785, à Leipzig, où il fut repu doc-
teur en philosophie en 1788. A cette même université,
il fut nommé professeur extraordinaire d'arabe en
1796, professeur ordinaire de langues orientales en
1813, et prit le grade de docteur en théologie en 1817.
Aussi actif que savant, il a publié, soit seul, soit en
collaboration avec d'autres, une grande quantité d'ou-
vrages se rapportant aux études bibliques, écrits origi-
naux, éditions annotées, traductions, revues; parmi ces
ouvrages nous devons citer : Scholia in Vêtus Testa-
■mentum, grand ouvrage qui parut par parties à Leipzig,
depuis 1788 jusqu'à 1832 (la Genèse et V Exode en 1788;
3 e édit. en 1821; le LévUique, les Nombres et le Deu-
téronome en 1790; 3 e édit. en 1824; lsaïe en 1791-
93; 3= édit. en 1829-33; les Psaumes en 1798-1804;
2« édit. 1821-1822; Job en 1806; 2» édit. en 1824; ainsi
qu'Ezéchiel; 2 e édit. en 1826; les Petits prophètes
en 1815; 2« édit. en 1827-28; Jérémie en 1826-27; les
Livres de Salomon en 1829-30, Daniel en 1832; Josué
en 1833; les Juges, Rulh en 1835). A la mort de
l'auteur, l'ouvrage était donc encore incomplet. Un
abrégé eii avait été publié sous le titre de Scholia in
Vêtus Testamentum in compendium redacla, 5 in-8°,
1828-1832. On a aussi de lui : Handbuch fur die Litera-
tur der biblischen Krilik und Exégèse, 4 in-8°, Gœt-
tingue, 1797-1800; Das aile und neue Morgenland
oder Erlâuterungen der heiligen Schrift aus der na-
lûrlichen Beschaflenheil, den Sagen, Sitten und Ge-
br&uchen des Morgenlandes, 6 in-8", Leipzig, 1818-
1820; Biblisch-exeget. Reperlorium, 2 in-8°, Leipzig,
1822-1824; Handbuch der biblischen Allerthumskunde,
3 in-8», Leipzig, 1823-1831 ; Commentatio de Penta-
teuchi versione persica, in-4°, Leipzig, 1813.
A. Régnier.
2. ROSENMULLER Johann Georg, théologien pro-
testant allemand, né le 18 décembre 1736 à Ummers-
tadt, dans la principauté de Hildburghausen, mort le
14 mars 1815. Il fit ses études à la Lorenzschule de
Nuremberg, puis à Altdorf où il resta jusqu'en 1760.
En 1768, il fut nommé ministre à Hessberg, puis, en
1772, à Kœnigsberg en Franconie; en 1773, professeur
de théologie et pasteur à Erlangen. De 1783 à 1785, il
fut successivement professeur et surintendant à Gies-
sen, puis professeur à l'université de Leipzig et pasteur
à l'église Saint-Thomas de la même ville. Il avait
1211
ROSENMÛLLER — ROUE
1212
acquis une certaine renommée comme prédicateur, et
il a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels :
Scholia in Novum Testanientum, 6 in-8°, Nuremberg,
1777-1782. Quatre autres éditions parurent de son
vivant, dont la dernière fut terminée en 1808. De la
sixième édition il ne put publier que le premier vo-
lume, en 1815 ; les autres ne virent le jour qu'après sa
mort, de 1827 à 1831. Un supplément à cet ouvrage
avait paru sous le titre de : Emendationes et supple-
menta, 5 in-8», 1789-90. On a aussi de lui : De falis
interpretationis sacrarum litterarum in Ecclesia
christiana, 1789 et suivantes, constituant divers articles
recueillis et complétés plus tard sous ce titre : Historia
interpretationis librorum sacrorum in Ecclesia chri-
stiana, inde ab apostolorum setale ad Origeneni, 5 par-
ties, Leipzig, 17954815. A. Régnier.
ROSSANENSIS CODEX, évangéliaire grec,
découvert en 1879 par Oscar von Gebhardt et Adolf
Harnack, à Rossano, siège archiépiscopal de la Calabre.
11 est désigné sous le nom de Codex S. Il est la pro-
priété du chapitre de la cathédrale de Rossano. Il est
écrit en lettres d'argent sur parchemin pourpre en
belles onciales, sans accents et sans séparation de mots,
avec de belles miniatures en couleurs. Plus de la moi-
tié du manuscrit original semble perdu. Il reste
188 feuilles à deux colonnes, de vingt lignes chacune,
contenant saint Matthieu en entier et saint Marc jus-
qu'au milieu du f. 14 du dernier chapitre. Le texte
suit de près A, A, n, au lieu des manuscrits plus an-
ciens B et x, mais quand l'un des trois premiers ma-
nuscrits, par exemple A, s'accorde avec B et s, S le
suit ordinairement. 11 est généralement d'accord avec
le Codex purpureus N, du vi e siècle, dont les fragments
sont dispersés à Saint-Pétersbourg, Paris, Rome, Pat-
mos, Londres et Vienne. Les éditeurs, Gebhardt et
Harnack, le rapportent au VI e siècle. Evangeliorum
Codex Grsscus Purpureus Rossanensis, litteris argen-
teis sexto ut videtur seeculo scriptus picturisque or-
natus, Leipzig, 1880. Les miniatures sont remarquables
par le dessin et par le coloris et d'autant plus impor-
tantes que, si les manuscrits latins à miniatures sont
relativement nombreux, les manuscrits grecs ainsi
ornés, antérieurs au vn« siècle, sont très rares. A. Hasse-
loff, Die Miniaturen des Codex purpureus Rossanen-
sis, in-4°, Berlin, 1898.
1. ROSSI (Azariah de) Ben-Moses, savant juif de la
célèbre famille appelée en hébreu Min ha-Adummim,
né à Mantoué, en 1513, mort dans cette ville en novembre
1577. Il étudia à Mantoue, Ferrare, Ancone, Bologne, et
se voua à l'étude de la langue hébraïque et des Saintes
Écritures. Il est l'auteur d'un ouvrage de grande répu-
tation parmi les Israélites, dw liND, Me'ôr 'ênayîm,
« La lumière des yeux », Mantoue, 1574-1575. Il se
divise en trois parties, dont les deux premières ont été
réimprimées à Vienne en 1829. Dans la première par-
tie, il s'occupe surtout du tremblement de terre du
18 novembre 1570 à Ferrare, dont il avait été témoin,
et de ce que disent l'Écriture, les rabbins, etc., sur ces •
commotions de la nature. La seconde a pour sujet prin-
cipal la version des Septante ; la troisième traite entre
autres des sectes juives, en particulier des Esséniens,
des versions araméennes, des juifs d'Alexandrie et
de Cyrène, des dix tribus, de l'exégèse midraschique
et hagadique, de la chronologie juive, de l'antiquité
des lettres et des points-voyelles, de la poésie hé-
braïque, etc. De nombreux fragments de cette œuvre
bigarrée et assez souvent incorrecte ont été traduits en
latin par divers écrivains. Voir la biographie d'A. de
Rossi par M. Zunz, dans Kerem fféméd, Prague, 1841-
1842, v, p. 131-138, 159-162; vu, p. 119-124.
2. ROSSI (Giovanni Bernardo De), orientaliste ita-
lien, né le 25 octobre 1742 à Castelnuovo, petit village
du Piémont, mort à Parme en mars 1831. Il fut reçu
docteur en théologie à Turin en 1762 et reçut le sacer-
doce la même année. Il se livra alors avec passion à
l'étude de l'hébreu et des langues orientales et euro-
péennes. Il obtint en 1769 un emploi à la Bibliothèque
de Turin et devint peu après professeur de langues
orientales à Parme où il enseigna jusqu'en 1821. Il em-
ploya exclusivement les dernières années de sa vie à
la composition et à la publication d'oeuvres philolo-
giques et bibliographiques, mais il était déjà depuis
longtemps célèbre par la publication de travaux remar-
quables. En 1776 avait paru à Oxford le premier volume
des variantes de l'AncienTestament hébreu de Kennicott,
Vêtus Testamentum hebraicum cum variis lectionibus.
Voir t. m, col. 1888. J.-B. De Rossi ne fut point satisfait
de cette publication, à cause de sa critique défectueuse et
de ses lacunes, et comme il possédait d'anciens manus-
crits hébreux inconnus au savant anglais, il résolut de
faire une œuvre plus exacte et plus complète. Ce fut
l'origine de ses Varim lecliones Veteris Testament*
ex immensa manuscriplorum editorumque codicum
congerie haustœ et ad Samaritanum textum, ad ve-
tustissimas versiones, ad accuratiores sacrie crilicee
fontes ac leges examinâtes, 4 in-4», Parme, 1784-1788;
Scholia critica in Veteris Testamenti Libros seu
Supplementa ad variantes sacri textus Lecliones,
Parme, 1798. Pour ce travail colossal, il avait rassemblé
710 manuscrits hébreux avec 336 éditions anciennes de
la Bible. A l'exemple de Kennicott, il avait collationné
avec l'édition de la Bible de van der Hooght 691 manus-
crits et 333 éditions imprimées et, continuant infatiga-
blement son œuvre, il avait dépouillé uu total de
1793 exemplaires des textes hébreux, sans compter de
nombreuses traductions anciennes et commentaires.
Le résultat de cet immense labeur ne donna pas un très
grand nombre de variantes, mais il n'en fut que plus im-
portant et il permit de constater que tous les manuscrits
étudiés provenaient d'une même recension. De Rossi
enrichit sa collection d'année en année, et, afin qu'elle
ne fût point dispersée et pût être mise au service des sa-
vants, il la vendit en 1816 à l'archiduchesse Marie-Louise
pour la somme de 100000 francs. Elle est conservée à la
Bibliothèque de Parme. — On a aussi du même auteur :
De prxcipuis caussis et momentis negleclee a nonnullis
hebraicarum litterarum disciplinée disquisitio elen-
chtica, Turin, 1769; Délia lingua propria di Cristo e
degli Ebrei délia Paleslina da' tempi de' Maccabei,
in-4°, Parme, 1772; Delta vana aspetlazione degli
Ebrei del loro re Messia dal compimento di tutte le
epoche, in-4°, Parme, 1773; De hebraicse typographiai
origine ac primitiis, Parme, 1776; Spécimen inéditm
Bibliorum versionis syro-estranghelx, in-4», Parme,
1778; in-8», Leipzig, 1778; Annales hebraico-typogra-
phici sstcvli XV', in-4°, Parme, 1795; Bibliotheca ju-
daica antichristiana, in-8°, Parme, 1800; Dizionario
storico degli autori Ebrei e délie loro opère, 2 in-8»,
Parme, 1802: Manuscripti codices hebraici bibliothecse
J. B. De Bossi accurate descripti et illustrati. Accedit
Appendix qua continentur manuscripti codices reli-
qui aliarum linguarum, 3 in-8°, Parme, 1803; Intro-
duzione alla Sacra Scritlura, Parme, 1817; Sinopsi
délia ermeneutica sacra, Parme, 1819. — Voir Memo-
rie storiche sugli siudj e suite produzioni del D. G.
B. De Bossi da lui dislese, Parme, 1809.
ROUE (hébreu : 'obén, 'ôfân, galgal, gilgâl; Sep-
tante : Tpo-/6i, Sçw/, « essieu de roue »; Vulgate : rota),
appareil circulaire pouvant tourner autour d'an axe
(fig. 260). II est question, dans la Sainte Écriture, de
différentes espèces de roues.
1° La roue des chars, montée verticalement sur m»
1213
ROUE — ROUGE (COULEUR)
1214
essieu horizontal, s'appuie sur le sol, porte le poids du
véhicule et tourne en avançant ou en reculant, selon
le mouvement imprimé à ce dernier. Pendant qu'ils
poursuivaient les Hébreux à travers la mer Rouge, les
Égyptiens virent les roues de leurs chars tomber de
leurs essieux, sous l'effort d'une traction trop rude au
milieu du sable.et des pierres. Exod.,xrv, 25. Les roues
des chars de guerre faisaient grand bruit ; Isaïe, v, 28,
les compare à l'ouragan. Les roues des chars égyptiens
firent trembler les Philistins, Jer., xlvii, 3, celles des
chars chaldéens épouvantèrent les Israélites, Ezech.,
xxm, 2ï, celles des chars de Babylone ébranlèrent les
murs de Tyr, Ezech., xxvi, 10, et Ninive fut terrifiée
par le même fracas. Nah., m, 2. Sur la forme de ces
roues, voir Char, t. n, col. 565-578. — Les chariots
d'airain qui transportaient l'eau dans le sanctuaire
avaient des roues comme celles d'un char. III Reg., vu,
30-33. Voir Mer d'airain, t. iv, col. 985, 986. — Pour
marquer la mobilité d'esprit et l'instabilité des idées de
l'insensé, l'Ecclésiastique, xxxm, 5, dit de lui :
L'intérieur de l'insensé est comme une roue de chariot,
Et sa pensée comme un essieu qui tourne.
2» Isaïe, xxviii, 27, 28, parle d'une roue de chariot
qui servait à îovAer ie îrotneirt, mais qw'otv tfewi- \
260.
■ Roue de char. Musée du Vatican.
d'ordinaire est en pierre. Cet instrument ne se trouve r
pas dans nos pays (la Mauritanie), mais chez les potiers^
orientaux. Je l'ai vu cependant dans ce pays même
chez un des potiers orientaux qui y résident. » Dans Ge-
senius, Thésaurus, p. 16. Voir Potier, col. 578. Le
potier fait tourner cette roue avec les pieds, Eccli.,
xxxviii, 32, pendant que ses mains façonnent l'argile.
4» La poulie de la citerne ou de la fontaine est appelée
galgal dans ce passage de l'Ecclésiaste, xn, 6 :
Avant que la cruche se brise à la fontaine,
Que la poulie se casse à la citerne.
Ces deux accidents, qui empêchent de puiser l'eau,
figurent la fin de la vie. La poulie est une roue ou un
rouleau, tournant autour d'un axe horizontal et facili-
tant le va-et-vient de la corde qui soutient la cruche.
5° La roue figure souvent dans les visions prophéti-
ques. Ézécbiel, i, 15-21, voit avec les quatre chérubins
des roues qui ressemblent à la pierre de Tharsis, c'est-
à-dire à la chrysolithe. Voir Chrysolithe, t. n col. 740.
Chacune d'elles est comme traversée par une autre
roue; elles avancent sur leurs quatre cotés sans se re-
ployait pas pour de menues graines comme le cumin.
Saint Jérôme, In Is., ix, 28, t. xxiv, col. 326, dit qu'en
Palestine on foulait le blé avec des roues de fer; ces
roues, pourvues d'espèces de dents, étaient promenées
circulairement sur les gerbes, faisaient sortir les grains
de l'épi et broyaient la paille. Ces roues n'ont pas
cessé d'être en usage. Cf. Rosenmiiller, Jesaise vaticin.,
Leipzig, 1793, t. n, p. 632. Ce sont plutôt des rouleaux
qui, montés sur une espèce de châssis, étaient traînés
par des bœufs. On en peut voir la forme et la manœu-
vre t. i, fig. 73, 74, 75, col. 325-327. Il est dit qu'un roi
sage fait passer la roue sur les méchants, c'est-à-dire
qu'il les tient sous sa puissance, les châtie et les em-
pêche de se relever pour mal faire. Prov., xx, 26. La
roue à laquelle il est fait allusion ici, bien qu'appelée
'ôfdn, comme la roue des chars, ne diffère pas du rou-
leau qu'Isaïe appelle aussi bien 'Ôfdn qwe^gilgdl.
3° La roue du potier est une pièce /cylindrique qui
tourne horizontalement sur un axe vertical et entraine,
dans son mouvement giratoire, la masse d'argile à
mouler. Jérémie, xvni, 3, lui donne le nom de 'ob-
naïm, « deux pierres », Xc'Qoe, rota. Abulwalid explique
ainsi la signification de ce nom : « L'instrument sur
lequel le potier tourne ses vases d'argile est double. Il
se compose de deux roues de bois, semblables à des
meules à main; celle de dessous est plus grande et celle
de dessus plus petite. L'instrument, bien qu'il ne soit
pas de pierre, s'appelle 'obnaïm, « paire de pierres »,
à cause de sa ressemblance avec la meule à main qui
2*#
261 Roue assyrienne. D'après Meyer, Sumerier vnd Semiten
in Babylonien, dans les Abhaadlungen Aer k. pr. Akademie
der Wissenschaftenzu Berlin, Ph. hist. K. Abh. Ul, pi. vin,
tourner, et peuvent s'élever de terre comme les chéru-
bins. Leurs jantes sont d'énorme hauteur et remplies
d'yeux, c'est-à-dire de facettes brillantes. Elles font
grand bruit en se mouvant. Ezech., m, 13; x, 2, 6, 19;
xi, 22. On ne saurait dire si ces roues avaient des for-
mes purement idéales ou si elles présentaient quelque
analogie avec des objets assyriens, comme on l'a re-
connu pour les chérubins. Voir (fig. 2) un fragment d'un
char divin en calcaire, — Daniel, vu, 9, décrivant le
trône de Dieu, dit : « Son trône était de flammes de
feu, les roues un feu ardent. » On a retrouvé un siège
royal babylonien, monté sur roues, qui a pu servir de
type à celui que décrit le prophète. Cf. de Longpérier,
Notice des antiquités assyriennes, p. 37; Vigouroux,
La, Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv,
p. 221-223, 399.
6° Saint Jacques, m, 6, appelle « roue » le cours de
la vie; celle-ci va en effet comme une roue qui tourne
sans cesse. — Le mot galgal signifie à la fois « roue »
et « tourbillon ». Les versions ont pris deux fois le pre-
mier sens là où convenait le second. Ps. lxxvii (lxxvi),
19; lxxxiii (lxxxii), 14. H. Lesêtre.
ROUGE (COULEUR). Voir Couleurs, i, 3», t. m,
col. 1066.
1215
ROUGE (MER)
1216
ROUGE (MER) (hébreu : yâm-sûf, « mer des Ro-
seaux », Exod., x, 19; xm, 18; xv, 4, 22, etc.; parfois
simplement hay-yàm, « la mer », Exod., xiv, 2, 9, 16,
21, 28, etc.; une fois sûf, Deut., 1, 1; Septante :
t| Épu8pà ÔàXautra, Exod., X, 19; xm, 18, etc.; eiXamra,
Exod., xiv, 2, 9, 16, etc. ; 7) ê^xà-tr] 8ocXa<7o-<), III Reg.,
»x, 26; ôâXaaaï] Eeîep, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus);
les écrits grecs de l'Ancien et du Nouveau Testament
■ont èpo6pà 9â/a<j<7?j, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7;
i Mach., îv, 9; Act., vu, 36; Heb., xi, 29), grand golfe
de l'extrémité nord-ouest de l'océan Indien, entre
l'Asie sud-occidentale à l'est et l'Afrique nord-orientale
à l'ouest. Célèbre par le passage miraculeux des Israé-
lites à travers ses eaux, elle est connue dans la Bible
surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe
<Ie Suez et le golfe d'Akabah.
, I. Noms. —1» Le vrai nom de la mer Rouge en hébreu
-est yâm sûf. Mais le mot sûf n'a pas un sens très
précis; tout en désignant des plantes aquatiques, il
peut s'appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues.
"Voir Algues, t. i, col. 364. Nous croyons cependant
que le sens qui prime est celui de « roseaux ». Cf. Exod.,
h, 3, 5; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en égyptien
par s=> % y. X *îf> tufl, « papyrus »; mais, d'après
W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgy ptis-
chen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se ren-
contre pas dans l'ancien empire et paraît un emprunt
fait aux Sémites. Il se retrouve encore dans le copte
•sous la forme iooiT'q, « jonc, papyrus ». Cependant
la version copte, Exod.,x, 19; xm, 18, a traduit yâm
sûf par io six ïiuj*.pi, yom n-'sari. Mais la signification
•est la même, car sari représente l'ancien égyptien sar,
plante aquatique dont il est question dans une inscrip-
tion du temple d'Edfou, et dont on mâchait les tiges
comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen
zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533; Ch. Joret, Les
plantes dans l'antiquité, 1™ partie, Paris, 1897, p. 174.
■On comprend d'ailleurs que le nom de « mer des Ro-
seaux » ait quelque chose de spécifique, tandis que
celui de « mer des Algues » ne convient pas d'une façon
spéciale à la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux
n'existent aujourd'hui qu'en quelques endroits des
bords de cette mer, notamment au sud du djebel
'Atâqa, à l'embouchure de Youadi Jauâriq, et par
groupes, mais en moins grande quantité, dans le golfe
Elanitique ou d'Akabah, on a voulu rapporter le nom
de sûf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge
renferme, ainsi que la Méditerranée, et qui forment
«omme des prairies sous-marines, visibles par un
temps calme jusqu'à une grande profondeur, ou bien
«ncore aux bancs de coraux recouverts d'algues qu'on
aperçoit près des côtes. Mais ces raisons ne peuvent
infirmer celles que nous avons fait valoir; elles
prouvent simplement que l'état de la mer Rouge, sous
ce rapport, devait être autre à l'époque des Hébreux.
Il fallait, en effet, que l'abondance des roseaux y fût
remarquable pour qu'ils aient cherché dans ce fait une
dénomination caractéristique. Or, cette plante et ses
semblables croissent surtout au voisinage des eaux
douces. Comme celles-ci sont rares sur les bords des
deux golfes dont nous parlons, il est donc probable qu'il
faut remonter à un état ancien où le golfe occidental
s'avançait plus haut dans les terres, en s'unissant aux
lacs Amers. C'est dans cette région septentrionale que
les Israélites connurent surtout la mer Rouge, et nous
verrons plus loin que cette hypothèse du prolongement
a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu'ils
aient été frappés pa.r les fourrés de roseaux qui devaient
occuper les bords plus ou moins marécageux de cette
partie, où venaient aboutir certains canaux du Nil.
2° Les Septante traduisent régulièrement par f] épuBpà
*â).ocr<ra, « la mer Rouge ». C'est le nom qu'on trouve
dans les écrits grecs de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7; I Mach., iv, 9;
Act., vu, 36; Heb., xi, 29. C'est celui qui est usité
chez les historiens et géographes grecs, Hérodote,
Strabon, etc. ; les Latinsont de même Mare Èrythrseum,
Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien
plus grande extension, en l'appliquant à l'océan Indien
lui-même et au golfe Persique; ils réservent à la mer
Rouge proprement dite et à son bras oriental les
appellations spéciales de golfe Arabique et golfe Ela-
nitique, comme nous le verrons tout à l'heure. Pour le
moment, demandons-nous d'où est venu ce nom de
« mer Rouge ». Il n'est pas facile de le savoir. Il va
sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschrei-
bung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, que
l'eau de cette mer n'est pas plus rouge que celle de la
mer Noire n'est noire, que celle de la mer Blanche des
Turcs (Archipel) n'est blanche. C'est donc à quelques
circonstances particulières qu'est due cette appellation.
Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes
flottantes sous-marines peuvent produire des reflets
donnant une teinte rougeâtre à la surface. C'est ce qu'a
constaté en 1843, sur une longueur de 475 kilomètres,
le D r Montagne, qui attribue cette couleur écarlale
principalement â des Erythronema ou algues de la
tribu des Oscillatoriées. Cf. Montagne, dans le Bulletin
de la Société de géographie, Paris, 1844, p. 151 ; et
Mémoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845.
Quelques bancs de sable et de corail ont aussi cette
nuance. On fait appel également à la rougeur du ciel
qui se reflète dans la mer, à la lumière éblouissante des
monts et des rochers environnants. Une autre hypothèse
ferait.de « rouge » le synonyme de « torride » ; on
sait, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette
mer. Beaucoup enfin croient que l'étymologie vient
plutôt du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une
bonne partie de ses rives. C'est la signification A'Edoni
en hébreu, de Himyar (dérivé de Ahmar) en arabe,
de Pount en égyptien. Ce dernier nom désignait une
grande tribu chananéenne du golfe Persique, qui
fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du
golfe d'Aden, puis de là eh Afrique; d'où il fut appliqué
par les Egyptiens à l'Arabie et au pays de Somâl. Ces
Chananéens, essaimant sur la Méditerranée, devinrent
les «Êoîvixeç des Grecs ou les Phéniciens, les Pœni ou
Puni de Carthage pour les Romains. On pourrait
trouver un appui à cette hypothèse dans le nom que
les Égyptiens donnaient à la région déserte qui les
environnait, par opposition à leur propre pays, c'est-
à-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam,
Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la
couleur du sol, tandis qu'ils nommaient celle-là
ta désert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la
mer du pays rouge ». C'est peut-être de là que les
Grecs et les Romains auraient tiré le nom de « mer
Erythrée » ou « Rouge ».
3° Nous avons dit que les historiens et géographes
classiques appelaient la mer Rouge proprement dite
« le golfe Arabique », 6 'Apiëioç ou 'Apaëixôç xoXnoç,
Arabicus sinus. Cf. Hérodote, n, 11, 159, etc.; Strabon,
xvii, 798, 803; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras
occidental portait aussi le nom de « golfe Héroopolite»,
'IIpwoTroXïTVj; x6Xtto; ou ja-j^o;, "Hpwoç xoXttoç, Théo-
phraste, Hist. PL, IV, 8, dénomination tirée d'une ville
qui se trouvait près du lac Timsah, l'ancienne Pithom,
ce qui tend à prouver, nous le verrons, que la mer
Rouge, dans les temps anciens, remontait beaucoup
plus au nord que maintenant. Le bras oriental était
appelé «golfe Elanitique »,AîXaviTr)ç, 'EXavrér]ç, 'EXavt-
Tixb« jcôXtt&ç ou (rJx°!> de la ville d'Élath, située à l'ex-
trémité du golfe. VoirÉLATH, t. n, col. 1643. On trouve
dans Pline les formes Mliniticus, Aleniticus et Lseni-
ticus sinus.
1217
ROUGE (MER)
1218
4» Les Égyptiens donnaient différents noms à la mer
Rouge : « la mer du pays de Punt », cf. H. Brugsch,
Geographische Inschriften altâgyplischer Denkmâler,
Leipzig, 1858, t. n, p. 16; « la grande mer de l'eau de
Qat » ou « de l'eau du circuit », cf. P. Pierret, Dic-
tionnaire d'archéologie égyptienne , Paris, 1875, p. 487;
« la Verte », cf. W. Max Mùller, Asien und Europa,
p. 42., etc. Les Arabes n'ont point d'appellation générale
pour la désigner, mais ils emploient des noms locaux :
Bahr es-Sueiz, Bafir el-Akabah, Bahr el-Redjaz, etc.;
au sud, le nom habituel est Bahr Yémen.
II. Description. — La mer Rouge forme entre les
deux continents d'Asie et d'Afrique un sillon d'une
régularité remarquable; creusé du sud-sud-est au. nord-
nord-ouest, il mesure 2325 ou 2 350 kilomètres depuis
262. — Carte de la sortie des Hébreux d'Egypte.
le détroit de Bab-el-Mandeb jusqu'au port de Suez, son
extrémité septentrionale. A la pointe du triangle sinaï-
tique, elle se bifurque en deux bras secondaires, symé-
triques : l'un qui s'en va au nord-ouest, sur 302 kilo-
mètres, est le golfe de Suez; l'autre, moins long de
presque moitié, est dirigé au nord-nord-est, sur 162
kilomètres, et s'appelle le golfe d'Akabah. Large seule-
ment de 24 kilomètres à l'entrée, près du cap Bab-el-
Mandeb, elle arrive progressivement à 345, 377 et 394
kilomètres, sa plus grande largeur, /entre Kounfouda
d'Asie et Souakim d'Afrique. Elle se resserre ensuite
jusqu'à 195 kilomètres, se rélargit de nouveau jusqu'à
326 kilomètres sous le tropique, puis se resserre en-
core et diminue petit à petit jusqu'à 179 kilomètres sur
le parallèle du Ras Mohammed de la péninsule du
Sinaï. De là, le golfe de Suez, large à cette entrée de
71 kilomètres, perd bientôt de sa largeur et varie entre
40 et20, puisl2 kilomètres à sonextrémité. Le golfe d'Aka-
bah varie entre 28 et 12 kilomètres. Le bassin de la mer
Rouge est une sorte de cuvette profonde et allongée.
DICT. DE LA BIBLE.
L'axe des profondeurs court au milieu de la mer sui-
vant les sinuosités du littoral; l'endroit le plus profond,
mesuré jusqu'à présent, se trouve à une distance pres-
que égale du Râs Mohammed et de la passe de Bâb-el-
Mandeb ; la sonde y indique 2 271 mètres. La profondeur
moyenne est de 461 m 85. Mais on signale une grande
différence bathymétrique entre les deux golfes de l'ex-
trémité septentrionale. Le golfe de Suez n'a qu'une
profondeur maxima de 50 mètres, tandis que le golfe
d'Akabah s'unit avec la mer Rouge à une profondeur de
200 mètres et offre à son intérieur une profondeur de
plus de 300 mètres; le premier n'est donc qu'un simple
fossé d'érosion latérale, tandis que le second est le
véritable prolongement de la mer. Pendant lès mois
d'été, quand l'atmosphère est calme, et plus encore
quand souffle le vent du désert, la mer Rouge est une
véritable fournaise; l'eau y est à la température de 30
à 32».
Les marées sont peu marquées dans ce fond resserré
de l'Océan; selon la position des ports, la montée varie
de ln 75à l m 25. A Suez, les grandes marées de printemps
son t de 2 mètres, et les m arées ordinaires de 1 m 50, chiffres
qui peuvent être modifiés par l'action du vent. Dans le
golfe d'Akabah, la marée est beaucoup plus basse que dans
celui de Suez. Le golfe Arabique, ayant à peine quel-
ques affluents qui durent toute l'année, ne reçoit qu'une
très faible quantité d'eau; on peut donc le considérer
comme un immense bassin d'évaporation. Les pluies
élant également très rares, le niveau de la mer baisse-
rait sensiblement, le bassin finirait même, au bout de
quelques siècles, par se vider, si l'océan Indien n'en-
voyait un courant pour remplacer les eaux perdues.
Depuis que le canal de Port-Saïd a mis la mer Rouge
en communication avec la Méditerranée, des échanges
se font aussi entre le golfe de Suez et le bassin des lacs
Amers. « Peu de mers offrent un spectacle comparable
à celui que l'on contemple sur les fonds de la mer
Rouge, à travers l'eau transparente et cristalline, à 20,
25 et même 28 mètres au-dessous de la surface. Les
« prairies » sous-marines des zoophytes apparaissent
avec leurs milliard* de rameaux, de lanières, de b.our-
geons et de fleurs, les unes irrégulières, les autres" de
formes géométriques, et toutes rayonnant du plus mer-
veilleux éclat, comme diamants, rubis et saphirs : c'est
un inonde infini de formes et de couleurs. Au milieu
des plantes animales se balancent les algues, et des
centaines d'autres espèces végétales. Aucun brisant des
lames n'indique la présence des récifs, à cause des
mille cavernes de la masse coralline et des forêts
d'herbes dans lesquelles se propage la vague en
s'amortissant peu à peu et en perdant sa violence. »
E. Reclus, L Asie antérieure, Paris, 1884, p. 868.
Voir aussi Vivien de Saint-Martin, Nouveau Diction-
naire de géographie universelle, Paris, 1879-1895, t. v,
p. 241-245.
III. Histoire. Passage dks Hébreux. — L'histoire
de la mer Rouge, dans la Bible, consiste surtout dans
le passage miraculeux des Israélites à travers ses flots.
II est raconté dans l'Exode, xiv, chanté par Moïse, Exod.,
xv, 1, 4, 8, 10, 19, 22; rappelé Deut., xi, 4; Jos., n,
10; iv, 23; Jos., xxiv,6, 7;Jud., xi, 16; II Esd., ix,9;
Ps. cv (cvi), 7, 9, 22; cxxxv (cxxxvi), 13, 15; Judith, v,
14; Sap.,x, 18; xix,7; IMach., iv, 9; Act., vu, 36; Heb.,
xi, 29. En dehors de là, cette mer est assignée comme
frontière méridionale à la Terre Promise, Exod., xxm,
31. Les Nombres, xiv, 25; xxxm, 10, nous apprennent
que les Hébreux, dans la péninsule du Sinaï, cam-
pèrent sur ses bords. Élath était située sur son rivage.
III Reg., ix, 26; II Par., vin, 17; Jer., xux, 21. Mais à
quel endroit les Hébreux la passèrent-ils ? C'est un
problème qui n'est pas encore résolu d'une façon cer-
taine.
1° Récit biblique. — Pour le mieux comprendre,
V. - 39
4219
ROUGE (MER)
1220
examinons d'abord le récit biblique, qui fixe les prin-
cipaux points de l'itinéraire. « Lorsque Pharaon eut
laissé partir le peuple [d'Israël], Dieu ne le conduisit
pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus
courte; car Dieu pensait que le peuple pourrait se re-
pentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte.
Dieu fit donc tourner le peuple par le chemin du dé-
sert, vers la mer Rouge, et les enfants d'Israël en
armes montèrent de la terre d'Egypte. » Exod, xm,
17, 18. « Étant partis de Sukkôt, ils campèrent à 'Êfâm,
à l'extrémité du désert. » Exod., xm, 20. « Alors le
Seigneur dit à Moïse : Parle aux fils d'Israël, afin qu'ils
retournent et qu'ils campent devant Pîhahirât, entre
Migdôl et la mer, vis-à-vis de Ba'al $efôn ; c'est vis-à-
vis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pha-
raon dira des enfanta d'Israél : Ils sont égarés dans le
pays, le désert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon
fit atteler son char et prit ses troupes 3vec lui ; et il
prit six cents chars d'élite et tous les chars d'Egypte,
avec les chefs de toute l'armée. » Exod., xiv, 7. « Les
Égyptiens poursuivant donc [les Israélites], les atteigni-
rent comme ils étaient campés sur le bord de la mer,
toute la cavalerie et les chars de l'armée de Pharaon, de-
vant Pihalfirôt, vis-à-vis de Ba'al IjSefôn. A l'approche de
Pharaon, les enfants d'Israël, levant les yeux et voyant
les Égyptiens qui marchaient à leur poursuite, furent
saisis d'une grande crainte et ils crièrent vers le Sei-
gneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit à Moïse :
« Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d'Israël
de se mettre en route. Et tei, élève ta verge et étends
ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d'Israël
marchent à sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 15-
16. «Moïse ayant étendu sa main sur la mer, le Seigneur
refoula la mer par un vent d'est violent pendant toute
la nuit, et il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent.
Et les enfants d'Israël marchèrent à sec au milieu de
la mer, les eaux formant un mur à droite et à gauche.»
Exod., xiv, 21-22. L'armée égyptienne, en les poursui-
vant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur
cours sur un signe de Moïse. Exod., xrv, 23-28.
2° Topographie. — Ce récit et les hypothèses aux-
quelles il a donné naissance demandent une descrip-
tion au moins générale du théâtre des événements,
c'est-à-dire de l'isthme de Suez. Voir carte, fig. 262.
Cet isthme a une largeur totale de cent treize kilo-
mètres. En partant de l'extrémité méridionale du lac
Menzaléh et en allant vers le sud, on traverse une série
(te dunes de sable dont le point culminant est el-Qanta-
ra ou « le pont », ainsi appelé parce qu'il sert de lieu
de passage entre l'Egypte et le désert qui la borde au
nord-est. Après les dunes, on rencontre le lac Balah,
puis un pli de terrain, nommé el-Gisr, qui, avec ses
vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, est l'en-
droit le plus élevé de l'isthme. II forme uu seuil qui,
sans le travail de l'homme, aurait toujours empêché
toute communication entre la Méditerranée et les lacs
inférieurs. Au delà est le lac Timsah, puis viennent deux
nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussûm et celui du
Sérapéum. A dix kilomètres plus au sud, sont les lacs
Amers, formés d'un grand et d'un petit bassin, qui se
dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur
totale est de quarante kilomètres environ, la plus grande
largeur de dix à douze, et la plus grande profondeur
de quinze mètres à peu près au-dessous du niveau de la
mer. Avant le percement de l'isthme, ils étaient à sec
depuis des siècles ; des bancs de sel en formaient le
fond. Ils sont séparés de la mer Rouge par le seuil de
èalûf, dont la hauteur est de près de sept mètres au-
dessus du niveau de la mer. A partir de là, le terrain
descend insensiblement jusqu'à l'extrémité de l'isthme;
c'est une plaine sablonneuse, d'environ vingt kilo-
mètres, et élevée d'un peu plus d'un mètre, en moyenne,
qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitée
à l'est par une suite de petites collines qui s'élèvent
dans le désert, à l'ouest par une ondulation de terrain
qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffèh.
A l'extrémité méridionale de la plaine est bâtie la ville
de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, 6» édit., t. il, p. 385-389.
C'est donc par cette ligne que les Hébreux devaient
nécessairement passer pour quitter l'Egypte. Le récit
sacré nous dit que la route la plus naturelle et la plus
courte était celle qui allait au pays des Philistins,
c'est-à-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin,
les Israélites devaient rencontrer des postes égyptiens
et tomber entre les mains de peuples alliés du pharaon.
Dieu ne voulut pas les exposer à une lutte qui les
aurait facilement découragés. Quelle voie donc sui-
virent-ils ? Le problème est d'autant plus difficile qu'il
ne se compose presque que d'inconnues. Le point de
(Répart est incertain, et la plupart des noms de lieu
indiqués par la Bible ne sont pas identifiés. Nous sa-
vons que les Hébreux partirent de Ramsès. Exod., xif,
37. Mais où se trouvait cette ville? Plusieurs égypto-
logues l'identifient avec Tanis (hébreu ; Sô'ân; égyp-
tien : Than; aujourd'hui : San), dont les ruines sont si-
tuées à environ 30 kilomètres de Faqûs, et qui fut une
des résidences des pharaons. 11 est certain que cette
ville fut restaurée par Ramsès et qu'elle porte son nom
dans les documents égyptiens. Mais cette raison ne suffit
pas pour établir que la Ramessès biblique est la même
cité que Tanis. Ramsès II, en effet, fonda une ville nou-
velle, ou du moins une résidence royale de ce nom, et
la Bible, qui connaît Tanis sous sa propre dénomination;
a dû réserver pour un autre endroit le nom de Ramsès.
Le Pentateiique d'ailleurs prouve clairement la distinc-
tion des deux. Ramessès était dans la terre de Gessen,
à laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n'était pas
dans la terre de Gessen, comme il résulte de l'histoire
de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir
son père fixé dans le pays de Gessen, cf. Gen., xlvi,
28, 31; xlvii, 1,7, 10-11, et de l'histoire des dix plaies,
puisque la terre de Gessen fut exempte des fléaux qui
frappèrent la résidence du roi. Cf. Exod., vin, 22; fx,
26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au désert, il
fallait franchir la branche pélusiaque du Nil, ce qui
n'est mentionné nulle part. Les uns placent Ramessès
près de Phithom, non loin du canal d'eau douce qui tra-
verse Vouadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et les
déc. modernes, t. n, p. 368. D'autres la chercheraient
plus volontiers à es-Salihiyéh, point de jonction des
deux routes d'Asie, l'un passant par el-Qantara, l'autre
allant droit à lsmailiya. Cf. Lagrange, L'itinéraire des
Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir
Ramessès, col. 954.
Sukkôf ou Soccoth est un nom de forme hébraïque,
qui signifie a les tentes » ; mais il correspond exac-
tement à l'égyptien Thkut ou Thukut (th remplaçant
le samech hébreu). 11 désigne ici une région plutôt
qu'une ville proprement dite, car une multitude comme
celle des Hébreux ne pouvait s'arrêter dans une ville,
en supposant même que les portes s'en fussent ou-
vertes devant elle. Or les monuments égyptiens nous
montrent cette terre de Thukut près de Pitum ou
Phithom, qui semble bien avoir avoir été retrouvé à
Tell el-Maskhuta, dans Vouadi Tumilat, entre Tell
el-Kébir et lsmailiya. La première station des Israélites
dut donc être dans les environs, vers l'ouest ou le
nord-ouest du lac lïmsa/i.'Voir Phithom, col. 321.
'Êfâm ou Étham est à la fois le nom de la deuxième
station et celui du désert que les Hébreux parcouru-
rent après le passage de la mer Rouge. Num., xxxm,
8. On l'a rapproche de l'égyptien Khatem, « muraille »,
ce qui nous ramènerait à la ligne de fortifications éle-
vée par les pharaons contre les Arabes nomades à la
frontière du désert. Si ce point n'est pas déterminé, il
1221
ROUGE (MER)
1222
est probable qu'il se trouvait à l'est à'el-Gisr, puisque
c'est de là que, par un mouvement tournant, sur un
ordre de Dieu, Moïse vint du côté de la mer Rouge, devant
Pihahirôt ou Phihahiroth. Voir Etham, 1, t. h, col. 2022.
Ce dernier nom est l'égyptien Pikeheret rencontré par
E. Naville, The Slore-City of Pithom, Londres, 1885,
p. 16, 17; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el~
Maskhula, sur une stèle de Ptolémée Philadelphe. On
en conclut que cet endroit devait être non loin de Phi-
thom ce qui convient bien au mouvement dés Israélites
revenant sur leurs pas. Il faudrait alors le chercher sur
les bords du lac Timsah. Mais comme la conséquence
est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les
lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent
Phihahiroth vers le sud jusqu'à 'Adjrûd, qui se trouve
à quatre heures au nord-ouest de Suez, et dont le nom
renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir
Phihahiroth, col. 253. L'Écriture nous dit bien que
Phihahiroth était entre Migdol ou Magdal et la mer,
vis-à-vis de Ba'al $efôn ou Béelséphon. Mais ces
points de repère nous sont eux-mêmes inconnus. Le
mot Migdol, qu'on retrouve dans les inscriptions égyp-
tiennes sous la forme Maktl, signifie « tour, forte-
resse ». Il indique donc ici une de ces enceintes forti-
fiées qui défendaient la frontière de l'Egypte contre les
invasions des tribus pillardes du désert. Mais comme
il y en avait un certain nombre, le renseignement
reste nul. Voir Magdal 1, t.iv, col. 538. Quant à Ba'al
§efôn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ».
Gomme le culte de Baal s'établissait surtout sur les
hauts lieux, et que le Set égyptien assimilé à Baal était
un dieu de la mer, on peut croire que le nom en
question désigne une montagne qui domine la mer, le
Djebel (rene/féh ouïe Djébél 'Ataqa.Voir Béelséphon,
t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Béelséphon à
l'est sur la colline de Tussum.GC.E. Naville, The Store-
City of Pithom, p. 22 et carte.
3° Hypothèses. — C'est avec ces données incertaines
qu'il nous faut retrouver le chemin des Hébreux. Elles
suffisent cependant pour nous permettre de condamner
certaines hypothèses et d'en établir de probables.
1. Hypothèse du P. Sicard. — Le P. Sicard, mission-
naire jésuite, est le premier voyageur qui ait eu la
gloire d'étudier scientifiquement la question. Il entre-
prit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal
motif était d'examiner de près la route des Israélites.
Le résultat de ses recherches a été publié dans une
Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israélites
à travers la mer Rouge, dans les Lettres édifiantes et
curieuses, édition de Toulouse, 1840, t. v, p. 211 sq.
Il commence par établip que le pharaon de l'exode
ne demeurait pas à Tanis, mais à Memphis. Ramsès
est pour lui Bessatin, petit village à trois lieues du
vieux Caire, à l'orient du Nil. De là, pour se rendre sur
les bords de la mer Rouge, les Hébreux suivirent la
vallée qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi,
et ils passèrent la mer à une certaine distance au-
dessous de Suez, en face de 'Ayân Musa. Cette opi-
nion eut un grand succès et compta un très grand
nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie dé
Jésus, la défendait encore en novembre 4$72, dans les
Études religieuses. Elle a cependant pour défaut capital
d'assigner aux Israélites un faux point de départ : le
pharaon ne résidait pas à Memphis, et Ramsès n'est
pas Bessatin. Si le livre de l'Exode ne nomme pas
expressément la résidence du roi, le Psaume lxxvii
(hébreu, lxxviii), 12, 43, dit formellement que les
merveilles opérées par Moïse eurent lieu « dans les
champs de Tanis ». C'est, du reste, une vérité générale-
ment reconnue aujourd'hui. D'autre part, Ramsès était
dans la terre de Gessen; or la terre de Gessen n'était
pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au
nord de l'Egypte. Voir Gessen, t. ni, col. 218. Ce sys-
tème est done à rejeter, quel que soit le point d'arrivée
qu'il fixe sur les bords de la mer Rouge.
2. Hypothèse de H. Brugsch. — Une nouvelle opinion,
qui suscita quelque émoi dans le monde savant, fut
soutenue eu 1874 par un égyptologue bien connu,
Henri Brugsch, d'abord dans une conférence faite à
Alexandrie, puis, le 12 septembre de la même année,
au congrès des orientalistes à Londres. Cf. H. Brugsch,
La sortie des Hébreux d'Egypte, Alexandrie, 1874;
Report of the proçeedings of the second international
Congress of the Orienlalists held in London, i874,
Londres, 1874, p. 28; L'Exode et les monuments
égyptiens, discours prononcé à l'occasion du Congrès
international d'orientalistes à Londres, Leipzig,, 1875.
Disons tout de suite qu'elle est fausse dans le point de
départ qu'elle assigne aux Hébreux et dans le point où
elle les conduit. L'auteur prétend d'abord que Ramsès
est la même ville que Tanis. Nous avons suffisamment
réfuté cette idée. Voir Ramsès, Tanis. S'appuyant ensuite
sur un document égyptien, dont il arrange la traduction
pour les besoins de la cause, il place dans la direction
de l'est les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phiha-
hiroth. Arrivés à Etham, les Hébreux auraient tourné
vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac
Serbonis,» le Barduil actuel. H. Brugsch, L'Exodeel
les monuments égyptiens, p. 28. Ils auraient ainsi passé
sans traverser aucune mer, par l'étroite langue de terre
qui séparait le lac Serbonis de la Méditerranée; les
troupes égyptiennes, surprises par une haute marée,
auraient été ensevelies dans les gouffres du lac, comme
le furent plus tard les soldats d'Artaxercès. Diodore,
xvi, 46. La géographie de H. Brugsch n'est pas moins
singulière que son exégèse. La Bible, le seul texte
autorisé dans la question, renverse de fond en comble
le système du savant allemand, en nous parlant, non
de la Méditerranée, mais de la mer Rouge. La tradition
israélite n'a pu confondre deux mers si différentes.
Yàm Sûf n'indique ni le lac Serbonis ni les autres
lacs de la Basse-Egypte. 11 désigne, nous l'avons vu, la
mer qui baigne la péninsule sinaïtique, s'appliquant
aussi bien au golfe Élanitique qu'au golfe de Suez.
3. Hypothèse des lacs Amers. — Les systèmes précé-
dents ont marqué, au nord et au sud, deux lignes
extrêmes qui se trouvent complètement en dehors de la
route suivie par les Hébreux. Reste donc à chercher
entre les deux. Quelques-uns des ingénieurs qui ont
pris part au percement de l'isthme de Suez ont soutenu
que les Israélites avaient passé à travers les lacs Amers,
qui, à cette époque, n'auraient fait qu'un avec la mer
Rouge. M. Lecointre surtout s'est fait le défenseur de
cette hypothèse, Du passage de la mer Rouge par les
Hébreux, avec deux cartes, dans les Études religieuses,
octobre 1869, p. 557-582; réponse au P. Pujol, dans la
même revue, juillet et août 1873. Il regarde comme
incontestable et incontesté que les lacs Amers commu-
niquaient avec la mer Rouge; que le soulèvement de
Schalouf a interrompu la communication; que la salure
de l'eau des lacs était supérieure à celle de la mer; ce
qui amène forcément à conclure que la communication
était intermittente; par conséquent, il existait à Schalouf,
non pas un gué, mais un passage ordinairement à sec.
11 place Étham au Sérapéum, à l'extrémité nord des
lacs Amers; il prend Magdal pour une chaîne de mon-
tagnes, et l'identifie avec le Djébél Genefféh; Béelséphon
est Chebrewet, le seul pic remarquable de cette plaine;
Phihahiroth est la plaine située entre le Djébél Genefféh
et la mer; le lieu de campement des Hébreux est la
partie de cette plaine située au pied de Chebrewet.
Moïse, en quittant Étham, suivit la rive occidentale des
lacs Amers, alors remplis d'eau, dans l'intention d'aller
rejoindre le passagede Schalouf et d'entrer dans le désert
à l'est du golfe de Suez. Mais il ne put y réussir; les
chars du pharaon, venant du sud-ouest, du côté de
1223
ROUGE (MER)
1224
Memphis, lui barrèrent le chemin, et il se trouva empri-
sonné entre l'armée égyptienne au midi, les lacs à l'est
et le Djebel Genefféh à l'ouest. Dieu délivra miraculeu-
sement son peuple en lui ouvrant un chemin à travers
les lacs Amers. — E.Naville, The Store-City of Pithom,
p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait
avec les lacs Amers, qu'elle s'étendait même jusqu'au
lac ïimsah. Les Hébreux, en revenant sur leurs pas,
au sortir d'Étham, passèrent entre Pithom et l'extrémité
du golfe, c'est-à-dire du lac Timsah, à peu prés vers
Maghfar, puis ils s'acheminèrent vers le sud. Le cadre
de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest
Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom; au sud-est
Migdol, à peu de distance du Sérapéum actuel; à l'est
la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelséphon,
aujourd'hui la colline de Tussum. Là, dans l'espace
compris entre le Sérapéum et le lac Timsah, la mer
était étroite, l'eau n'était pas profonde, et le vent d'est
put ouvrir un chemin aux Israélites. The Store-City of
Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in
Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde également
comme plus probable le passage de la mer entre le lac
Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange,
L'itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique,
1900, p. 80, dit de son côté : «La vraisemblance com-
mande seulement de descendre jusqu'à un lieu où la
mer sera assez peu profonde pour que l'action du vent
d'est se fasse sentir. Ces conditions sont réalisées au
Sérapéum, qui devait être peu submergé, de façon que
• les eaux poussées par un vent du sud-est fussent refou-
lées vers le lac Timsah, landis qu'à Suez le vent du
sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les
documents égyptiens fournisssent à Maspero la preuve
que Migdol est au Sérapéum, la question est tout à fait
tranchée. » Il s'agit donc en somme de savoir si réel-
lement, à l'époque de l'exode, la mer Rouge remontait
jusqu'au lac Timsah. Ceux qui sont pour l'affirmative
apportent des arguments historiques, géographiques et
géologiques, que combattent les défenseurs de l'opinion
contraire. Voir Phihahiroth, col. 253. Ces derniers ont
donc une quatrième hypothèse, que nous allons exposer
avant déjuger la précédente.
4, Hypothèse du golfe de Suez. — Ce système a été
surtout mis en lumière par F. Vigouroux, La Bible
et les découvertes modernes, t. n, p. 403-426. C'est, du
reste, à cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les
détails des opinions qui viennent d'être exposées. En
quittant Ramsès, les Israélites suivirent les bords du
canal d'eau douce qui longeait ïouadi Tumilat; le
besoin d'eau les contraignait à s'en écarter le moins
possible. La première étape fut courte, en raison de
la multitude des émigrants et de la nécessité d'atiendre
ceux qui étaient éloignés de Ramessès. La halte de Soc-
coth eut lieu dans la région voisine de Pithom. Moïse
en profita pour régler définitivement la marche. Afin
de cacher â Ménephtah son véritable projet, il devait
se rendre dans le désert le plus proche, à Étham;
mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la
direction du Sinaï en marchant vers le sud. Sur l'ordre
de Dieu, il quitta la route des Philistins, et, tournant
brusquement, se rendit sur les bords de la mer Rouge.
Combien de temps mit-il à faire ce voyage? Nous ne
savons; le texte sacré ne nous donne aucun renseigne-
ment. A en juger d'après la distance, il est probable
qu'il mit plus d'un jour pour aller d'Étham à l'extré-
mité du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne men-
tionne pas de stations intermédiaires, mais station et
jour de marche ne sont pas synonymes; sept stations
seulement sont mentionnées pour le premier mois tout
entier. Exod., xvr, 1; cf. Num., xxxm, 3, 11. La suite
du récit d'ailleurs confirme cette supposition. Moïse,
en effet, ne dut guère séjourner à Phihahiroth que le
temps de la nuit, parce qu'il devait lui tarder d'arriver
aux fontaines appelées aujourd'hui de son nom, 'Ayùn
Mûsa, sur la rive orientale du golfe, pour y être à
l'abri des Égyptiens. Or, d'après l'Exode, le soir qui
précéda la traversée miraculeuse, les Hébreux virent
les chars du pharaon qui les poursuivaient. Si le trajet
d'Étham à Phihahiroth s'était effectué en un jour, il
aurait fallu que, dans cette même et seule journée,
les messagers partis d'Étham fussent allés à Tanis
avertir le roi, que celui-ci eût donné à son armée les
ordres nécessaires pour se mettre en mouvement et
qu'elle eût parcouru la distance de Tanis à Phihahiroth.
Tout cela n'a pu se faire en une douzaine d'heures,
quelque célérité qu'on veuille bien supposer, lbid.,
p. 410. Le besoin d'eau pour eux-mêmes et de pâtu-
rages pour leurs troupeaux obligea donc vraisembla-
blement les Israélites à longer la rive occidentale des
lacs Amers et à passer entre ces lacs et le mont Genef-
féh; les canaux du Nil apportaient encore dans cette
terre la vie et la fertilité. Arrivés à la pointe de la mer
Rouge, ils campèrent sur ses bords, pour de là passer
à l'est, dans le désert du Sinaï. Leur camp était dans
le voisinage du Djebel 'Atâqa, qui doit être Béelséphon.
C'est là que l'armée égyptienne les surprit. En venant
de Tanis, elle avait suivi, à partir des environs du lac
Timsah, la même route que les Hébreux. Elle allait les
enfermer comme un oiseau dans une cage, selon le
langage des conquérants assyriens, c'est-à-dire les
mettre dans une impasse où ils étaient pris de tous
côtés. Le Djebel 'Atâqà, qui s'avance tout près de la
mer, leur fermait toute retraite à l'ouest et au sud; la
mer les empêchait de se sauver au sud-est; les chariots
du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et
le nord-est. Israël ne pouvait être sauvé que par un
miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance
parcourue dans le lit de la mer? Il est probable qu'elle
ne fut pas très considérable, puisqu'elle fut franchie
en une nuit, c'est-à-dire en six ou huit heures, par une
immense multitude. On peut croire que, partis du
nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hébreux
suivirent une ligne oblique et allèrent sortir plus bas
sur l'autre rive, au sud-est. Quand, à l'aurore, les Égyp-
tiens s'aperçurent que leurs esclaves leur échappaient,
ils se mirent à leur poursuite. Mais les eaux qui avaient
sauvé Israël engloutirent leurs persécuteurs. Le texte
sacré cependant, remarquons-le, ne dit pas que le
pharaon fut noyé avec son armée.
5. Conclusion. — Le choix reste donc entre les deux
dernières hypothèses. Celle du golfe de Suez est exposée
de la façon la plus séduisante, tant la route des Israé-
lites y paraît naturelle. Elle souffre bien cependant
quelques difficultés. Elle repose sur la supposition que
la mer Rouge, à l'époque de l'exode, ne s'étendait pas
jusqu'aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet,
amener le peuple d'Israël jusqu'au golfe de Suez. Mais
s'il ne l'est pas, on se demande pourquoi Moïse a en-
traîné si loin, près de 80 kilomètres, tout son peuple
d'émigrants, pour le faire prendre dans une vraie sou-
ricière. Or, les partisans de la quatrième hypothèse
avouent eux-mêmes « que nous n'avons aucune preuve
positive que, du temps de Moïse, les lacs Amers étaient
séparés de la mer Rouge. De ce qu'ils ne lui étaient plus
unis du temps d'Hérodote, il ne s'ensuit pas qu'ils
ne le fussent point à l'époque de Sésostris. La preuve
de leur antique séparation, tirée de la géologie, est
contestée par plusieurs géologues. L'égyptologie seule
peut nous apprendre, par de nouvelles découvertes, ce
qui en est réellement. » F. Vigouroux, La Bible et les-
découvertes modernes, t. n, p. 402, note 1. Les monu-
ments égyptiens<parleut d'un bassin d'eau salée, appelé
Kem-uer ou Kîni-otri, « la très Noire », qui se trou-
vait précisément dans la ligne des lacs Amers. M. Mas-
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas-
sique, Paris, 1895, t. i, p. 351, note 3; p. 471, note 3,
-1225
ROUGE (MER)
1226
prétend que cette expression s'applique à la partie sep-
tentrionale de la mer Rouge, par parallélisme avec
Ouaz-oîrît, Ouazit-oîrît, « la très Verte », la Méditer-
ranée, et que le lac d'Ismaïliya formait autrefois, sous
le premier empire thébain, le fond de la mer Rouge.
D'autre part cependant la stèle de Pithom distingue ce
bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mûller, Asien
und Eurôpa, p. 42; E. Naville, The Store-City of Pi-
thom, p. 18. La troisième hypothèse s'appuie encore
sur le nom de golfe Héroopolile donné à la mer Rouge.
Comme il est prouvé qu'Héroopolis est la même ville
que Pithom, il fallait donc que la mer s'étendît jusque-
là. Dans ces conditions, le passage à travers les lacs
Amers a aussi sa vraisemblance. La solution du pro-
blème exige de plus amples lumières; l'égyptologie,
nous les fournira peut-être un jour.
4° Caractère historique et miraculeux du passage
de la mer Rouge. — On pourrait s'étonner du silence
que les monuments égyptiens gardent d'événements
aussi considérables que le départ des Hébreux, le pas-
sage et en même temps le désastre de la mer Rouge.
Mais, dit M. E. de Rougé, « il n'est pas à penser que
les Égyptiens aient jamais consigné ni le souvenir des
plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer
Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien
rarement le souvenir de leurs défaites. » Moïse et les
Hébreux, dans l'Annuaire de la Société française de
numismatique et d'archéologie, 1884, p. 213. Cepen-
dant Flinders Pétrie a découvert en 1896 une stèle de
Ménéphtah où il est question de plusieurs peuples de
)a Syrie méridionale, et en particulier d' « Israîlou
(qui] est rasé et n'a plus de graine. » M. Maspero,
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique,
t. H, p. 443, parlant des récits de l'Exode, ditlui-même :
« Un fait ressort incontestable de ces récits : les Hé-
breux ou, tout au moins, ceux d'entre eux qui habi-
taient le Delta, s'évadèrent un beau jour et se réfugiè-
rent aux solitudes d'Arabie. L'opinion la plus accréditée
place leur exode sous le règne de Ménéphtah, et le té-
moignage d'une inscription triomphale semble la con-
firmer, où le souverain raconte que des gens d'Israîlou
sont anéantis et n'ont plus de graine. Le-contexte in-
dique assez nettement que ces Israîlou si maltraités
étaient alors au sud de la Syrie, peut-être au voisinage
d'Ascalon et de Gézer. Si donc c'est bien l'Israël biblique
qui se révèle pour la première fois sur un monument
égyptien, on pourra supposer qu'il venait à peine de
quitter la terre de servage et de commencer ses courses
errantes. »
Le caractère surnaturel de l'événement ressort de
tous les traits du récit, qui se présente, non sous
forme poétique, mais historique, et a été entendu litté-
ralement par toute la tradition. Sa fin providentielle
fut, non seulement d'arracher à l'oppression le peuple
choisi, mais d'affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant,
ce Jéhovah, qui s'était révélé à lui par Moïse. Il semble
bien que Dieu lui-même ait amené les Israélites dans
une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en
effet, ils avaient gagné le désert par le nord de la
pointe maritime, les Egyptiens les y auraient facile-
ment atteints. Dieu voulut donc frapperjîïeVIe début de
leur histoire leur esprit et leur cœur. Et, en réalité, le
passage de la mer Rouge fut regardé comme une mer-
veille de premier ordre, dont le souvenir excita d'âge en
âge l'admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4;
Jos., il, 10; iv, 24, etc. L'incrédulité cependant n'a pas
manqué de chercher une explication naturelle pour
effacer le miracle; les Hébreux auraient profité du
moment du reflux pour passer à gué, et une marée ex-
traordinaire, survenue aussitôt après leur passage,
aurait submergé les soldats du pharaon. Cf. du Bois-
Aymé, Notice sur le séjour des Hébreux en Egypte et
sur leur fuite dans le désert, dans la Description de
l'Egypte, Antiquités, Mémoires, 1809, t. i, p. 309-310;
J. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du
peuple hébreu, 3 e édit., 1862, p. 52-55. Il existe, en
effet, deux gués à l'extrémité de la mer Rouge : l'un à
une heure et demie environ au nord de Suez, qui était
ordinairement praticable avant le percement du canal;
l'autre au sud, placé vis-à-vis de Suez, et qui prend à
peu près la direction du sud-est. Dans cette direction,
celui-ci est recouvert à marée haute sur une étendue
de plus d'une demi-lieue et n'est pas praticable; à
marée basse, il est ou plutôt il était à sec avant l'ouver-
ture du canal, laissant seulement un étroit chenal,
serpentant comme une rivière. Même en tenant compte
de l'état ancien des lieux, il est impossible d'expliquer
naturellement le récit sacré, dont les expressions ex-
cluent formellement l'idée d'un gué. Comment d'ailleurs
la multitude qu i suivait Moïse aurait-elle pu passer la mer
Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, à
plus forte raison par un gué? La marée basse ne dure
pas assez longtemps et l'espace laissé à sec n'est point
assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les décou-
vertes modernes, t. il, p. 427-439. D'autre part, croit-on
que les Égyptiens, qui connaissaient mieux encore que
Moïse le régime de la mer en cet endroit, se seraient
laissés surprendre par le retour habituel de la marée?
Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies
d'Egypte, se servir. d'un phénomène naturel pour ses
desseins miséricordieux, mais là encore on n'échappe
pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence
fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour
permettre aux Israélites de passer et la fît revenir juste
à temps pour engloutir l'armée égyptienne. C'est ainsi,
d'après la Bible elle-même, Exod., xiv, 21, qu'il
fit appel à un impétueux vent d'est pour refouler
la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de là que
le vent seul sépara les eaux; il les aurait plutôt
repoussées à l'ouest, précisément du côté des Hé-
breux. Il eut donc plutôt pour effet de sécher
la route par laquelle ceux-ci devaient passer. Le mi-
racle nous oblige-t-il cependant à prendre dans son
sens strict l'expression de « mur » qu'emploie l'Ecri-
ture, Exod., xiv, 22, 29; xv, 8, pour montrer la posi-
tion des eaux à droite et à gauche? Pas nécessairement.
Il était sans doute facile à Dieu, par un nouveau mi-
racle, de les maintenir dans un état absolument con-
traire aux lois de l'équilibre des liquides . Mais alors
on ne comprend pas que les Égyptiens n'aient pas été
frappés de ce phénomène, n'y aient pas vu la main
d'une puissance divine et aient osé s'aventurer sur un
chemin si extraordinairement tracé. L'auteur sacré a
donc décrit les choses selon les apparences. Cf. F. de
Hummelauer, In Exod., p. 149. Enfin, même en n'ad-
mettant que des agents naturels dans l'événement qui
nous occupe, on n'éviterait pas encore le surnaturel
dans les circonstances. En effet, « étant donné qu'un
retrait extraordinaire de la mer devait se produire à
un endroit précis dans le cours de telle nuit déterminée,
il fallait, pour aboutir au résultat indiqué, assurer
toute une série d'actes ne dépendant d'aucune prévision
possible, mais découlant d'événements imprévus et de
volontés très diverses, à savoir : le départ des Hébreux
en temps convenable, la durée ni trop longue ni trop
courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgré
leur intention d'atteindre le désert oriental, leur ar-
rivée à la mer au soir même qui précédait la nuit où
allait se produire le séisme, leur station juste à portée
du seuil qui allait être mis à sec, leur confiance dans
la sécurité d'un passage qu'ils ne connaissaient pas,
leur mise en mouvement à une heure telle qu'ils pus-
sent atteindre l'autre rive avant le retour du flot, une
chance très spéciale pour qu'un pareil cortège tra-
versât assez rapidement et sans encombre ; puis, d'autre
part, la résolution prise par les Égyptiens de poursuivre
1227
ROUGE (MER) — ROUILLE DES BLÉS
1228
les fugitifs... Voilà une douzaine de conditions presque
toutes essentielles pour que l'événement se produisit
tel qu'il est raconté. Personne, pas même Moïse, ne les
connaissait à l'avance, et, les eût-il connues, il n'eût
pas été en son pouvoir de les assurer. La réalisation
de ces conditions dans l'ordre et dans le temps voulu
ne pouvait non plus arriver par hasard. Il a fallu de
toute nécessité que Dieu réglât toutes choses, tant
celles qui dépendaient en apparence de la volonté des
hommes que celles qui tenaient aux forces de la na-
ture... Pour nier cette intervention surnaturelle, il
faut effacer la récit de l'Exode et renoncer à expliquer
la suite de l'histoire d'Israël. » H. Lesêtve, Le passage
de la mer Rouge, dans la Revue pratique d'apologé-
tique, Paris, 1 er février 1907, p. 534. — Voir, outre les
auteurs cités dans cet article, Vivien de Saint-Martin,
Dictionnaire de géographie universelle, t. v, p. 245.
A. Legendre.
1. ROUILLE (hébreu: fyél'âh; Septante: Uç, 3pô>ai;;
Vulgate : œrugo, rubigo), produit de l'altération d'un
mêlai par l'oxygène de l'air. Ce produit est un oxyde
du métal qui commence par se ternir, puis est attaqué
de plus en plus profondément. La rouille du fer est
rouge, mais les Livres Saints n'en parlent pas. Celle
du cuivre est verte, c'est le vert-de-gris. Par extension,
l'oxydation des autres métaux prend aussi le nom de
rouille. — Ézéchiel, xxrv, 6, 11, 12, compare Jéru-
salem, ville de sang, à une chaudière de cuivre cou-
verte de vert-de-gris. En vain la met-on sur des char-
bons ardents pour faire disparaître cette souillure; le
vert-de-gris persiste malgré tout. C'est l'image de
l'endurcissement de Jérusalem dans le mal, malgré les
châtiments qui la frappent. On sait que les oxydes- se
réduisent par le feu; la chaudière aurait donc dû
perdre sa rouille par la chaleur. — Les idoles d'or et
d'argent ne peuvent se défendre de la rouille; si l'on
n'enlève pas cette rouille, elles ne brillent pas. Bar.,
vi, 11, 23. — Notre-Seigneur dit qu'il faut amasser des
trésors non sur la terre, où ils Sont la proie de la
rouille et des vers, mais dans le ciel, où ils n'ont pas à
craindre ces inconvénients. Matth., vi, 19, 20. — Saint
Jacques, v, 3, dit aux riches que leur or et leur argent
se sont rouilles et que leur rouille rendra témoignage
contre eux. — La Vulgate parle de la rouille de l'argent
dans un texte, Prov., xxv, 4, où il est question d'argent
de mauvais aloi, d'après les Septante, et de scories
d'argent, dans l'hébreu. — Il est aussi question dans
l'Écriture de ce qu'on appelle la rouille des blés. Voir
l'article suivant; Blé, t. i, col. 18'17;Gharboîj des blés,
t. il, col. 580.
2. ROUILLE DES BLÉS (hébreu : t/èrdçôn,Deut.,xxviii,
22 ; III Reg., vm, 37; Il Par., yi, 28; Amos, iv, 9; Agg.,
ii, 17; Septante : w-/pa, Deut., xxvin, 22; Èpuat'6r„
lit Reg., vm, 37; îx-rcpoç, II Par., vi, 28; Amos, iv, 9;
àve[jioç6op!'a, Agg., il, 18; Vulgate : rubigo, Deut.,
xxvm, 22; œrugo et rubigo, III Reg., vin, 37; aurugo,
II Par., vi, 28; Amos iv, 9; Agg., il, 18), champignon
qui attaque les céréales et quelques autres espèces de
plantes.
I. Description. — C'est le nom d'une maladie re-
couvrant les céréales d'une sorte de poussière brune
ou rougeâtre qui simule la rouille du fer, et due au
parasitisme d'un champignon de la famille des Urédi-
nées. L'appareil végétatif se compose de filaments très
tenus, cloisonnés et rameux qui s'insinuent dans les
espaces intercellulaires de la plante infectée, puis per-
cent Pépiderme à certaines places déterminées où les
spores viennent se former â l'air libre sous forme de
coussinets pulvérulents.
Aucun végétal ne possède un plus remarquable po-
lymorphisme, au point que dans le cours de son évo-
lution il revêt jusqu'à 4 ou 5 formes si différentes d'as-
pect et de coloris que longtemps on les a attribuées â
autant de genres distincts. Ces variations se compli-
quent de phénomènes d'hétérœcie, consistant en c e
7»?
263. — Puccinia graminls (agrandi 100 fois).
que le parasite ne peut poursuivre le cycle complet de
son développement qu'en attaquant l'une après l'autre
deux plantes nourrices appartenant à des espèces diffé-
rentes et nettement déterminées. Ainsi, la Rouille la
plus commune, appelée Rouille noire et due au para-
sitisme du Puccinia graminis (fig. 263), vit au prin-
temps sur les jeunes feuilles d'un arbrisseau, le Ber-
beris (vulgairement Épine- Vinette). Or les spores ainsi
264. — Puccinia straminis (agrandi 100 [ois).
produites ne peuvent germer en été que sur les chaumes
de certaines graminées. Enfin, à leur tour, les spores
de cette dernière sorte appelées téleutospores et cons?
tituant la vraie Rouille ne peuvent entrer en germina-
tion qu'après le repos hibernal. La formation indé-r
pendante à laquelle elles donnent naissance est éphér
mère et composée seulement de quelques cellules en
filament, ou promycelium, d'où s'échappent des
sporidies si légères que le moindre souffle dn vent
suffit à les porter sur l'épiderme des feuilles naissantes
de l'Épine- Vinette, seul milieu favorable à leur déve-
loppement. Et c'est ainsi que reprend de nouveau un.
cycle complet de révolution du parasite.
1229
ROUILLE DES BLES
ROUTES
1230
Outre le Puccinia granxinis, on connaît encore le
P. slratninis (fig. 264) qui attaque aussi les diverses
céréales, sous le nom de Rouille tachetée. Elle vit au
printemps sur les feuilles de diverses Boraginées sau-
vages. Enfin le Puccinia coronata forme une rouille
spéciale à l'avoine, tandis que sa forme alternante
habite sur les Nerpruns. Elle n'a pas, du reste, la
gravité des précédentes. F. Hy.
II. Exégèse. — Le yêrâqôn (de la racine p-i>, yâraq,
« verdir », cf. vert-de-gris), rouille, est constamment
uni dans les textes au siddàfôn qui est le charbon des
blés ou nielle. Voir t. h, col. 582. La rouille des blés
comme le charbon est un des fléaux dont Dieu menace
son peuple infidèle, Deut., xxviii, 22, qu'il détournera
si le peuple se repent et vient prier dans son temple,
III Reg., vin, 37-40; II Par., vi, 28. Dans la traduction
des Septante, de III Reg., xin, 37, ipvaiêr,, la rouille,
au lieu d'être placée en second lieu, comme dans l'hé-
breu, a passé au troisième rang après ppoû^oç, <t la
sauterelle ». Dans la Vulgate, III Reg., vm, 37, yêrâqôn
a été traduit à sa place régulière par serugo, puis il est
rendu une seconde fois par rubigo, après locusta, la
sauterelle. Ce fléau comme le charbon a sévi souvent
en Palestine. « Je vous ai frappés par la nielle et la
rouillé, » dit Dieu par la bouche de ses prophètes.
Amos, iv, 9; Agg., il, 17 (Vulgate, 18).
E. Levesque.
ROULEAUX. Les livres anciens écrits sur papyrus
ou sur parchemin étaient roulés en volumina. Voir
Livre, m, t. rv, col. 305.
ROUMAINES (VERSIONS) DES SAINTES
ÉCRITURES. Les Roumains sont les descendants
des Daces et des colons romains qui s'établirent en
Dacie après la conquête de ce pays par l'empereur
Trajan. A cause de leur origine en partie romaine, les
Valaques s'appellent eux-mêmes « Rumanje ». Leur
langue contient un grand nombre de mots latins, mais
près de la moitié de leur dictionnaire est tiré du grec,
du turc et du slave. Il n'existe pas de traduction ancienne
de la Bible en roumain. Le Nouveau Testament fut
publié en 1648 à Belgrade. La Bible, traduite par le
métropolitain Théodotius, fut imprimée en 1668 à
Bucharest. On a publié depuis plusieurs éditions nou-
velles du Nouveau Testament et la Société biblique de
Londres a donné une édition complète revisée de la
Bible. Voir Bible of every Land, p. 279.
ROUTES (hébreu : dérék, niesilidh, 'ôrah; Septante :
6ôô;). Les termes « route, voie, sentier, chemin » sont
fréquemment employés dans l'Écriture, mais ils sont
souvent pris dans un sens métaphorique, par exemple :
pour la manière d'agir ou les desseins de Dieu, Exod.,
xxxm, 13; Ps. lxvi (lxvii), 2; Ps. lxxvi (lxxvii), 14, etc.;
pour la conduite morale de l'homme, IV Reg., il, 4;
VIII, 25; Ps. cxviii (cxix), 1, 9, etc. Au sens propre, il^
indiquent la direction vers un point, c'est-à-dire lé
chemin généralement suivi pour l'atteindre ; c'est ainsi
que sont mentionnés : « le chemin qui conduit à
Ephrata », Gen., xxxv, 19; xlvih, 7; « le chemin de la
mer Rouge », Num., xiv, 25; « le chemin" de Béthel à
Sichem », Jud., xxi, 19; « le chemin de Bethsamés s,
I Reg., vi, 12, etc. Mais il ne faut pas s'attendre à
trouver dans la Bible des renseignements bien précis
sur l'ensemble des voies de communication qui reliaient
entre elles les différentes parties de la Palestine, ou
qui reliaient la Palestine aux pays voisins. Quand elle
parle de « routes », il ne faut pas non plus s'imaginer
des voies tracées avec art comme le furent plus tard
les voies romaines. Souvent il ne s'agit que de simples
sentiers destinés aux piétons, à quelque monture ou
bête de somme. Cf. Jud., xrx, 10; l Re%., xxv, 20-,
IV Reg., iv, 2't. Cependant, dès les temps les pYos an-
ciens, les chariots et les chars circulaient à travers la
montagne. Cf. Gen., xlv, 27; I Reg., vi, 12; II Reg.,
vi, 6; xv, 1; III Reg M i, 5, etc. Si ce fait ne suppose
nécessairement pas des routes quele travail de l'iiomme
avait rendues praticables, on peut croire pourtant que
les rois, surtout après que Salomon eut introduit en
grand nombre les chevaux et les chars, s'appliquèrent
à améliorer les principales voies. Le mot niesilidh,
IV Reg., xvin, 17; Is,, vu, 3, etc., d'après son étymo-
logie (sâlal, « combler» et «aplanir »), semble désigner
une route travaillée, aplanie. Va paiole 4'Ysaïe, xj.,2, •.
pannû dérék, « préparez la voie », yaBerû niesilidh,
« rendez droit le chemin », fait également allusion à la
manière dont on préparait dans certains cas la route
que devaient suivre les souverains. Le livre des Nombres,
xx, 17; xxi, 22, parlait déjà d'une « voie royale »,
hébreu : dérék ham-mélék; Vulgate : via publica, xx,
17; via regia, xxi, 22, que Moïse oppose aux chemins
qui allaient à travers champs. Il s'agit sans doute d'une
grande route, entretenue aux frais du roi, destinée
à ses chars et à son armée, l'équivalent de ce qu'on
appelle encore en Orient le Derb es-Sultân, « la route
du Sultan ». Nous verrons tout à l'heure comment les
Romains établirent en Palestine un admirable réseau
de voies. Nous parlerons d'abord des voies militaires
et commerciales qui traversaient le pays. Voir la carte,
Qg. 265.
1° Voies militaires. — La Palestine a été justement
appelée le carrefour des nations ou, suivant une antre
comparaison, le pont jeté entre l'Egypte et les grands
empires du nord. C'est ce pays, en effet, que les armées
ont nécessairement dû traverser pour aller de la vallée
du Nil aux rives de l'Euphrate et vice versa. C'est dans
la plaine d'Esdrelon, en particulier, qu'elles se sont
souvent rencontrées en des chocs formidables. Quelles
routes suivaient-elles? Elles n'avaient guère le choix,
car toute la partie montagneuse leur offrait un obstacle
sérieux. Elles devaient donc suivre principalement le
chemin des granb.es pSaVafe&. Q«y&fe -rwKm^m&Jsfc, &■&
reste, il suffit de jeter les yenx sur une carte de la
Palestine ancienne pour voir comment leur voie est
jalonnée par les noms égyptiens et assyriens attachés à
certaines villes palestiniennes. Cf. A. Legendre, Carte
de la Palestine ancienne et moderne, Paris, 1894
Partis de Zalu, à la frontière égyptienne, les pharaons
s'avançaient dans la direction du nord-est, à travers
l'immense plaine qui sépare leur pays de la Syrie. La
-première place syrienne qu'ils rencontraient comme
une sentinelle avancée était Raphia, égyptien -.Rapihui;
assyrien : Rapikhi; aujourd'hui : Bir Rajah; puis ils
taisaient halte à Gfiza, égypt. •. Gazatu; assyr. •. Khaz-
zatu. De là, ils suivaient la plaine de Séphélah, par-
semée de villages et de forteresses, rencontrant larza,
aujourd'hui Khirbet Yarzéh ; Magdilu, auj. El-Medjdel,
l'ancienne Magdalgad; Asdudu, auj.Esdûd, anc.Àzot,
pour arriver à Iopu, Iappv, Jaffa. De ce point, ils
filaient en droite ligne vers le Carmel, à travers la
plaine de Saron. Poulailler vers le nord, la route con-
tourne bien la pointe du Carmel qui regarde la nier,
mais ce passage, quoique pratiqué par quelques armées,
est coupé par des rochers et est étroit, par là même
difficile à forcer s'il est défendu. Ce n'est donc pas, on
peut le dire, le passage historique pour sortir de la
plaine de Saron on y entrer. Trois routes se présen-
taient pour franchir la région montagneuse qui sépare
cette plaine de celle d'Esdrelon. La première va de
Subbarîn vers l'extrémité sud-est du Carmel, là où'le
mont se détache par une coupure des collines samari-
taines, puis elle atteint la plaine d'Esdrelon à Tell
Keimûn ; c'est celle que suivit Napoléon, dont l'objectif
était Saint-Jean d'Acre ; c'était la plus courte pour aller
. d'Èç^çte sur le littoral phénicien. La seconde quittait
1231
ROUTES
1232
Vouadi Arah, franchissait le colacluel A'Vmni el-Fahm,
l'Alûna égyptien, et descendait à Mageddo, égypt. :
Magidi; assyr. : Magidu. Mais elle avait le grave in-
convénient de se resserrer à tel point qu'elle obligeait
les troupes à s'allonger outre mesure. C'est pourtant
celle que Thothmès III voulut suivre, malgré l'avis de
ses généraux. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des
peuples de l'Orient classique, Paris, 1897, t. il, p. 256.
La troisième et la pVus fréquentée quittait la plaine de
Saron plus au sud, et, par Vouadi Abu en-Ndr, se
dirigeait vers Dothân, égypt. : Dutina, l'ancienne
Dotkaïn, et le Sahel Arrabéh, pour aboutir kDjenîn.
C'était la plus commode et, en outre, la plus courte pour
gagner Bethsan, égypt. : Bitschanla, et la vallée du
Jourdain, c'esl-à-dire pour se rendre d'Egypte à Damas.
De la plaine d'Esdrelon, trois routes s'ouvraient pour
gagner les régions du nord et du nord-est. L'une obli-
quait à l'ouest et regagnait la Méditerranée vers Accho,
Aku, Saint-Jean d'Acre, qui était une des clefs de la
Syrie. Puis elle suivait la plaine côtière, laissant à droite
des villes comme Aksapu, Acksaph, aujourd'hui Kefr
Yâsîf; Maschalu, aujourd'hui Maisléh ; Lubina, aujour-
d'hui Lebbuna, franchissait l'Échelle des Tyriens, et se
dirigeait du côté de Tyr. L'autre s'en allait d'abord vers
l'est, par Bethsan, traversait le Jourdain, puis filait sur
Damas : c'était un champ de pâture immense, fré-
quenté en tout sens par les Bédouins, clairsemé de
bourgs murés, Hamaiu, probablement el-Hamméh;
Astirotu , l'ancienne Aslaroth, aujourd'hui Tell Asch-
taréh; Ono-Rapha, ancien Raphon, aujourd'hui Er-
Râféh. La troisième coupait au plus court : elle gra-
vissait les collines galiléennes, passait auprès du lac
Mérom, puis vers les sources du Jourdain, à Ban-Lais,
la Lauisa égyptienne, et s'engageait dans la plaine de
Cœlé-Syrie. C'est celte dernière que Théglathphalasar III
suivit en sens inverse lorsqu'il prit les villes de Aïon,
AbeUbeth-maacha, Cédés, Hazor, la Galilée et la tribu
de Nephthali, dont il transporta les habitants en Assyrie.
Cf. IV Reg., xv, 29. La seconde fut suivie, au moins
dans sa partie septentrionale, par Chodorlahomor et
ses alliés, lorsque, venant combattre les rois de la Pen-
tapole, ils frappèrent d'abord les Rephaïm à Astdroth-
Carnaïm ; mais ils descendirent ensuite vers le sud,
dans une course prodigieuse, avant d'aborder le terrain
de la bataille. Cf. Gen., xiv, 5, 7. Du reste, la grande
voie de l'est a tlû être de tout temps le chemin appelé
aujourd'hui Derb el-Badj, « la route des Pèlerins »,
le long de laquelle se déroule le chemin de fer. Nous
'ne parlons pas des autres voies que les armées ont
dû se frayer dans l'intérieur de la Palestine, pour
attaquer Samarie et Jérusalem, ni de celles que les
Hébreux suivirent pour faire la conquête du pays, ni
enfin de celles qui marquent les différentes petites
guerres dont il fut le théâtre; elles se confondent avec
les chemins battus qui la sillonnent en tous sens; il
ne s'agit ici que 'des grandes voies historiques; pour
le reste, voir Judée, 3» Description, t. m, col. 1815;
Galilée, 4» Routes, t. m, col. 92; Samarie.
2° Voies commerciales.— Ces voies militaires servaient
naturellement aussi de lieu de passage aux caravanes
qui faisaient le commerce entre l'Arabie, TÉgypte et
l'Assyrie. D'un côté, les ports de mer étaient les débou-
chés où affluaient les marchandises de l'Orient. Ils
étaient, il est vrai, en grande partie, aux mains des
Phéniciens, mais, pour les atteindre, il fallait traverser
le territoire des Hébreux. C'est ainsi que Tyr, Saint-Jean
d'Acre et Khaïfa furent longtemps les entrepôts préférés
de Damas. Une première route, parlant de la grande
ville, longeait le pied de l'Hermon, passait par Banias,
et s'en allait, par les collines septentrionales de
Galilée, droit à Tyr. Une seconde traversait le Jourdain
au sud du lac Mérom et descendait vers le lac de Tibé-
riade pour gagner ensuite la plaine d'Esdrelon et la
mer au nord du Carmel. C'est la « voie de la mer »
dont parle Isaïe, ix, 1. Enfin, une troisième passait le
Jourdain au sud du lac de Tibériade et rejoignait le
réseau de la plaine d'Esdrelon. Gaza était l'entrepôt des
caravanes qui venaient du sud de l'Arabie. Les Israé-
lites, qui longtemps n'eurent guère que le port de Jaffa
comme principal débouché du côté de la Méditerranée,
en cherchèrent un autre du côté de la mer Rouge, et,
sous Salomon, Élathet Asiongaber virent partir la flotte
royale pour le pays d'Ophir. Mais cette voie ne resta
ouverte que peu d'années; elle était d'ailleurs très
longue, peu commode et peu sûre. Voir Asiongaber,
t. i, col. 1097; Elath, t. n, col. 1643. D'autre part, les
caravanes qui se rendaient de la Transjordane en Egypte
passaient le Jourdain vers Bethsan et, pénétrant dans
la plaine d'Esdrelon, suivaient la route de Bothaïn et
de Saron dont nous avons parlé tout à l'heure. C'estsur
ce chemin que les Madianites rencontrèrent les fils de
Jacob qui leur vendirent Joseph. Cf. Gen., xxxvn, 25,
28. Les gués du Jourdain établissaient ainsi une commu-
nication entre ses deux rives et, du pays de Moab, on
arrivait à Jéricho pour remonter ensuite vers Sichem
ou Jérusalem. La grande voie que nous avons signalée
à l'est du fleuve est déjà mentionnée, Jud., vin, 11,
comme celle des caravanes bédouines. Quant aux routes
de l'intérieur, nous allons les trouver transformées par
les Romains.
3° Voies romaines. — Une des gloires architectu-
rales des Romains consisté certainement dans ce
magnifique réseau de routes pavées par lequel ils
relièrent les différentes parties de leur immense em-
pire. Les distances y étaient indiquées par des bornes
milliaires, c'est-à-dire placées de mille en mille pas
(1481-50). Voir Mille, t. iv, col. 1089. La Palestine fui
sillonnée de ces voies, dont on rencontre encore des
vestiges. On a même retrouvé un certain nombre de co-
lonnes qui lesjalonnent suffisamment et nous permettent
de les suivre sur plusieurs points, à l'ouest et à l'est du
Jourdain. Voir carte, fig. 266. Nous donnons un aperçu
du sujet, que les découvertes complètent de jour en jour.
A) Cisjordane. — 1. De Jérusalem à Hébron. —
L'ancienne voie se confond à peu près avec la route
moderne jusqu'aux Étangs ou réservoirs de Salomon.
Avant d'arriver à ce point, au delà de la bifurcation
qui mène d'un côté à Belhléhem, de l'autre à Beît
Djala, on a retrouvé une partie du VI e milliaire. A
partir des réservoirs, elle s'écarte du chemin carros-
sable, qui serpente sur le tlanc des collines, et elle
gagne les hauteurs, en passant par Khirbet ' Alia et au
point culminant de la contrée, kRàs esch-Scherif. Là, un
groupe de colonnes doit marquer le X e mille, puis on
rencontre successivement le XI e et le XII e milliaires,
tous deux anépigraphes. Au delà de Khirbet Kùfin, la
voie romaine revient à la route moderne,- et, un peu
avant 'Ain Diruéh, se trouve le XVIII e milliaire, dont
l'inscription peut être rétablie en entier. Le XIX e et le
XXIe sont signalés par la carte anglaise. Quelques
autres fragments ont été découverts, mais n'apportent
aucune indication de distance. Cf. Germer-Durand,
Inscriptions romaines de Palestine, dans la Revue
biblique, 1895, p. 69-71, 239; 1899, p. 419.
2. De Jérusalem à Eleuthéropolis (Beit-Djibrîn). —
Cette voie descendait dans la direction du sud-ouest.
Un fragment de milliaire qui se trouve à la hauteur de
Malhah a dû appartenir au III e . Le IV» est au-dessus
de 'Ain Yalo et le V e dix-sept minutes plus loin. Le
VIII e a été trouvé à Bittir ; la colonne est presque en-
tière, et l'inscription, quoique usée, est encore lisible,
sauf la. première ligne; il remonte au règne d'Hadrien.
Au delà d'El-Kabu, il y en a deux, anépigraphes, qui
doivent marquer le XI e et le XIII e milles. A ce point, la
carte anglaise fait bifurquer la voie, d'un côté vers el-
Khadr et la voie romaine de Jérusalem à Hébron, de
1233
ROUTES
1234
l'autre vers er-Râs; elle ne trace pas la branche que
nous venons de décrire d'après les monuments eux-
mêmes. Le XIV" et le XVII» milliaires se trouvent avant
— Éleuthéropolis fut un point central d'où partaient
plusieurs voies. L'une s'en allait, en suivant les con-
tours d'un ouadi, rejoindre Hébron, dans la direction
265. — Carte des anciennes routes de Palestine.
Be.it Nettif. Au-dessous de cette localité, est le XV1II«,
avec le protocole des empereurs Marc-Aurèle et Vérus,
et la distance marquée en langue grecque. Cf. Revue
biblique, -1892, p. 264; 1894, p. 613; 1895, p. 269.
3. D' Éleuthéropolis dans les différentes directions.
du sud-est. Une autre descendait au sud, vers ed-
Duéiméh et probablement jusqu'à Bersabée. La carte
anglaise signale deux milliaires entre Beit Djibrîn et
Duéiméh ; on en a retrouvé d'autres, en particulier le
Ile avec fragment d'inscription. Une troisième se diri-
1235
ROOTES
1236
geait vers le nord, du côté de ZakaHya; au II e mille,
on a découvert cinq colonnes, dont une a gardé la fin
de l'inscription, qui se rapporte au règne de Caracalla
et à l'an 213 de notre ère. Cf. Revue biblique, 1895,
p. 267; 1899, p. 421-422. Une quatrième allait au nord-
ouest vers Dhikrin et Tell es-Safiyéh, cf. Revue
biblique, 1900, p. 114; d'autres conduisaient sans
doute du côté de l'ouest et du sud-ouest.
4. De Jérusalem à Engaddi. — La ville sainte était
reliée à Engaddi par une voie qui se confondait
d'abord avec celle d'Hébron jusqu'à Bethléhem, puis
venait contourner le D/ébel Furéidis et descendait au
sud-est sur le rivage de la mer Morte. D'Engaddi par-
taient d'anciennes routes qui la rattachaient à Masada
au sud et à différentes villes à l'ouest.
5. De Jérusalem à Jéricho. — C'est la voie bien
connue qui conduisait à la vallée du Jourdain; mais, au
sortir de Jérusalem, elle prenait plus haut que la route
actuelle. La carte anglaise signale deux bornes mil- ■
liaires, dont l'une au delà de Tal'at ed-Denim.
6. De Jéricho en différentes directions. — >De Jéri-
cho, qui était à l'est la place la plus importante, partaient
plusieurs voies. L'une allait directement au nord, parla
vallée du Jourdain, rejoindre Bethsan-Scythopolis. Elle
se bifurquait une première fois pour monter au nord-
ouest jusqu'à Naplouse ; une seconde fois, pour suivre
Vouadi Faràh et, par un détour, regagner Sichem. A
la première branche s'en rattachait une autre, qui
passait par Akrabéh et retombait au même point que
les deux précédentes. Une autre se dirigeait au nord-
ouest vers Tayibéh, l'ancienne Éphrem; elle est mar-
quée par plusieurs milliaires, dont on a retouvé des
fragments. Cf. Revue biblique, 1895, p. 68-69.
7. De Jérusalem à Naplouse. — Cette voie centrale
est jalonnée par plusieurs milliaires : le III e avec frag-
ment d'inscription a été retrouvé près de Scha'fat; le
V", qui porte les noms des empereurs Marc-Aurèle et
Lucius Verus, est un peu au delà de l'embranchement
qui se dirige vers El-Djîb ; le XXV* a été découvert
aux environs de Lubbàn. Cf. Revue biblique, 1899,
p. 420; 1901, p. 96-100.
8. De Jérusalem vers l'ouest. — Un embranchement
de la voie précédente passait par Bethoron et conti-
nuait sur Lxjdda. Un milliaire a été constaté à Beit
'Ur el-Fôqâh, et le suivant esta la distance voulue plus
loin. Au sortir de Bethoron, une bifurcation se diri-
geait sur Nicopolis par Beit Sira. Cf. Revue biblique,
1893, p. 144; 1898, p. 122-123. — De Jérusalem, une
voie s'en allait par Beit lksa, Biddu, Beit Liqia, dans
la direction du nord-ouest; elle était croisée à Biddu
par celle qui venait d'Él-Djib et descendait vers
Qarietel-'Enab. Une autre se dirigeait vers Qoluniyéh,
Qariet el-'Enab, et se bifurquait d'un côté vers Yalô,
de l'autre vers Nicopolis. Nous pouvons rattacher à ce
réseau la voie qui, se séparant à el-Biréh de la route
septentrionale, passait par Djifnéh, Vmm Safah,
Tibnéh, Abùd, où elle se divisait en deux branches,
celle du nord continuant vers el-Lubbdn, et-Tiréh et
la plaine; elle est marquée par quelques milliaires
que signale la carte anglaise.
9. De Naplouse à Scythopolis, au Jourdain et à
Tibériadé. — Cette voie allait, dans ■ la direction du
nord-est, par Tell el-Farah, Tubas, Teiàsîr, etc., re-
joindre l'importante place de Bethsan-Scythopolis, et,
au delà du Jourdain, continuait vers Damas. La carte
anglaise signale trois milliaires avant Beisân : le pre-
mier entre Tûbàs et Téiasir; le second à Téiasir, et le
troisième au delà, avant d'arriver à la plaine. Celui de
Téiasir doit représenter le XV e ; il estprobable, en effet,
que cette localité correspond à l'ancienne ville d'Aser,
qu'Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue,
1870, p. 93, 222, placent au quinzième mille quand on
descend de Naplouse à Scythopolis. Le précédent repré-
sente donc le XIV», ce qui est, du reste, confirmé par
VOnomasticon, p. 157, 262, lorsqu'il montre Thébès =
Tûbâs « presque au treizième mille en allant de Na-
plouse à Scythopolis. » Il y a, en effet, un peu plus d'un
mille de Tûbâs au milliaire en question. Au delà de
Téiasir, on retrouve le XVI e , le XVII e et le XVIII e
milliaires. De Béisân au pont du Jourdain, on en a
constaté trois autres : le I er au nord-est de la ville,
trois colonnes anépigraphes; le III e , trois colonnes,
dont une seule porte des restes d'inscription; le IX e ,
au bord du fleuve, tronçon de colonne sur lequel on
ne distingue que les traces d'un grand chiffre. Cf. Revue
biblique, 1895, p. 71-73; 1899, p. 30-31. La voie con-
tinuait au nord vers Tibériadé. Un milliaire a été re-
trouvé non loin du Djisr el-MudjâmV , à 10 ou 12
milles romains de Scythopolis. Cf. Zeitschrift des
deutschen Palàstina-Vereins, Mittheilungen, Leipzig,
1905, p. 37-40. — Nous avons indiqué plus haut les
routes qui reliaient Naplouse à Jéricho.
10. De Tibériadé à Ptolémaide. — La carte anglaise
signale une voie romaine passant par Vouadi 'Abilîn
et se dirigeant vers Saint-Jean d'Acre. Elle devait relier
cette ville à Tibériadé.
11. De Legio en différentes directions. — Legio, qui a
succédé à Mageddo, Tell el-Mutesellina, était le point
le plus important de la plaine d'Esdrelon. Elle était le
centre de plusieurs voies. L'une allait, vers Djénin, au
sud-est, l'autre vers Ptolémaide au nord-ouest. Sur'
cette dernière on a découvert, au nord-ouest de Ledj-
djûn, un milliaire qui doit représenter le III e à partir
de l'ancienne ville. Cf. Zeitschrift des deutschen Palâs-
lina-Vereins, Mittheilungen, 1906, p. 67-69. Une autre
route traversait le massif montagneux dans la direc-
tion du sud-ouest, passant près d'Umm el-Fahm; il
est facile également de la suivre d'après les milliaires.
Cf. Zeitschrift des deut. Pal.- Ver., Miltheil., 1903,
p. 5-10.
B) Transjordane. — 1. De Damas vers le sud-
ouest. — Une première voie allait vers Banias, l'an-
cienne Césarée de Philippe. Une seconde, plus au sud,
venait à El-Qonéitrah, où elle se bifurquait pour
rejoindre, d'un côté, Banias, au nord-ouest, de l'autre
le Jourdain, au-dessous du lacMérom. AvantjQonéitra/»
même, une branche se dirigeait vers Césarée de Phi-
lippe. Avant d'arriver au Jourdain, la route rencontrait
celle qui se dirigeait vers l'est et se rattachait à un
autre réseau. Une branche de ce dernier descendait,
par Khisfîn, Sûsiyéh = Hippos, jusqu'au Jourdain,
au-dessous du lac de Tibériadé. Une autre allait à Naua,
d'où partait une nouvelle voie qui rejoignait celle de
Khisfîn, en passant par Tsîl.
2. De Gadara à Bostra. — Une voie, se dirigeant de
l'ouest à l'est, traversait le Hauran. De Gadara, aujour-
d'hui Vmm Qéis, elle "se rendait à Der'at, l'ancienne
Edraï, puis à Bostra, à Salkhad et plus loin. Un em-
branchement, partant de Bostra, venait, dans la direc-
tion du sud-ouest, rejoindre le Derb el-Hadj à Qala'at
ez-Zerqa.
3. De Pella (Kh. Fahil) à Gerasa(Djérasch). — Cette
voie est jalonnée par quelques milliaires. Le I er mille
se trouve tout près de la ville basse; il est marqué par
six colonnes, dont une seule, encore debout, portait
une inscription devenue illisible, au bas de laquelle le
chiffre est inscrit en latin et en grec. III e , deux colonnes
anépigraphes. IV e , fragment de colonne contenant la
fin d'une inscription avec le chiffre dans les deux
langues. V e , une colonne anépigraphe. VIII e , six
colonnes brisées dont il reste les bases cubiques;
quelques lettres seulement sur un des fragments. Une
borne milliaire, au nom des empereurs Marc-Aurèle
et L. Verus, a été signalée à Adjlûn par M. Clermont-
Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, 1888,
t. i, p. 207. Un autre point de repère se trouve au
1237
ROUTES
ROYAUME DE DIEU
1238
sixième mille avant Gérasa, trois colonnes, dont deux
portent des inscriptions. Cf. Revue biblique, 1899,
p. 31-33.
4. De Gérasa à Philadelphie {'Amman). — On a
retrouvé sur cette voie des bornes milliaires représen-
tant les VII e , VIII e et IX e milles. ;Des fragments ^d'inscrip-
tions rappellent les noms de Marc-Aurèle et L. Verus
que nous avons déjà rencontrés. Cf. Revue biblique,
1895, p. 392-393; 1899, p. 35-37. Cette voie rejoignait
avant Yadjûz celle qui, de Philadelphie, allait vers le
nord. On a découvert sur cette dernière un certain
nombre de colonnes marquant les III e , IV e , V e , VI e ,
'VII e , VIII e , IX e , X e et XI e milles. Le VII e se trouvait à
Aïn Yadjûz. Plusieurs des colonnes ont des inscrip-
tions intéressantes. Cf. Revue biblique, 1895, p. 394-398.
5. De Philadelphie vers le sud. — De ce côté, la voie
reliait 'Amman à Hesbân, l'ancienne Hésébon.
6. D'Hesbân au Jourdain. — Cette ancienne voie
partait d'Hesbân pour aller traverser le Jourdain au
Makadet Hadjlah. On y a retrouvé des groupes de mil-
liaires avec inscriptions, marquant le V e et le VI e milles.
Cf. Revue biblique, 1893, p. 123; 1895, p. 398-400;
1896, p. 613, 615. A cette route se rattachait celle de
Mâdaba au Jourdain.
7. De Mâdaba à l'Arnon et jusqu'à Pétra. Cette
grande voie de communication, qui continuait celle de
Gérasa-Hesbân, traversait du nord au sud la province
d'Arabie. D'après les nombreuses inscriptions qu'on y
a relevées, elle fut ouverte par Trajan, au commence-
ment du second siècle, el maintes fois restaurée sous
les empereurs Marc-Auréle et Vérus, Septime Sévère
etc. Cf. Revue biblique, 1895. p. 624; 1896, p. 601-613;
1897, p. 574-591; 1898, p. 438-440.
4° Voies actuelles. — On voit comment les Romains
avaient transformé les anciennes roules. Leur travail
Colossal finit par disparaître, et longtemps le pays ne
fut guère praticable pour les voitures. Il existe aujour-
d'hui plusieurs routes carrossables, dont quelques-unes
en mauvais état. Elles vont: de Jaffa à Jérusalem; de Jaffa
à Khaïfa, avec embranchement sur Naplouse; de Jaffa
à Gaza; de Jérusalem à Hébron, à Jéricho, au Jourdain
et à la mer Morte, à Naplouse et au delà (en construc-
tion); de Khaïfa à Djenîn, à Nazareth et à Tibériade.
Les chemins de fer vont : de Jaffa à Jérusalem ; de
Khaïfa à Damas par la plaine d'Esdrelon, puis Mezeirib
ou Der'at à l'est du Jourdain ; de Damas dans le Hau-
ràn, par les deux lignes de Mezeirib et de Der'at, qui
s'unissent en ce dernier point, pour se prolonger vers
le sud.
Bibliographie. — Rejand, Palseslina, Utrecht, 1714,
t. i, p. 395-421; Survey of Western Palestine, Londres,
3 e in-4», 1881-1883, dans les différentes sections; R. E.
Brûnnow et A. von Domaszewski, Die Provincia Ara-
bia, Strasbourg, 1904', t. i, p. 15-124; 6. A. Smith, The
historical Geography of the Holy Land, Londres,
1894, p. 149-154, 263-271, etc.; F. Buhl, Géographie des
alten Palàstina, Leipzig, 1896, p. 125-131 ; P. Thomsen,
Palâstina nach dem Onomasticon des Eusebius, dans
la Zeitschrift des deutschen Palàstina] Vereins, Leipzig,
t. xxvi, 1903, p. 168-188, avec car^ V. Schwôbel,
Die Verkehrswege und Ansiedlungen Galilâas inihrer
Abhàngigkeit von den natûrlichen (Bedingungen, dans
la même revue, t. xxvn, 1904, p. 57-88.
A. Legendre.
ROYAUME DE DIEU ou ROYAUME DES
CIEUX (grec: pa<rOxi«toC ©eoû; pauiXeîaxwv oùpavùv).
La conception du royaume de Dieu est spécifiquement
juive et chrétienne, bien que certains de ses traits
puissent se retrouver dans d'autres religions, par
exemple chez les Perses. Nous allons suivre le déve-
loppement de cette notion dans l'Ancien Testament,
dans le judaïsme et dans le Nouveau Testament.
I. Daks l'Ancien Testament. — Ba<xi).e;'a signifie en
grec classique « royauté », et par dérivation « royaume »,
Cette même signification s'esl conservée dans les Sep-
tante qui traduisent par ce terme diflérentes «pres-
sions du texte original : m^Do, nsibo, m^D,
tt : - t : : -
nij^DD. La plupart de ces mots hébreux marquent en
premier lieu l'idée abstraite de régne, de royauté, de
pouvoir royal, et secondairement seulement le royaume,
soit comme territoire, soit comme société. — I e Dans
l'Ancien Testament il est plusieurs fois question de la
royauté ou du règne de Jéhovah. Ps. xxn, 29; cm, 19;
cxlv, 13; Abdias, 21; Dan., m, 54; Tob., xui, 1 ; Sap.,
vi, 4; x, 10. Il ne semble pas qu'on y parle jamais du
royaume de Dieu au sens de ferriloire; mais le royaume
des Saints de Daniel est évidemment conçu comme
une société. Dan., u, 44; vu, 18. — La royauté de Dieu
est déjà implicitement contenue dans le récit de la
création; en appelant les êtres à l'existence, Dieu se
réserve le droit de les gouverner. Si l'homme reçoit
une sorte de pouvoir royal sur les créatures, Gen., I,
26; ix, 1-3; cf. Ps. vin, 7-9, c'est parce qu'il est fait
à l'image du Créateur. Dieu est roi de toute la terre,
Ps. xlvii, 7; tous les royaumes du monde lui sont sou-
mis, car c'est lui qui a fait le ciel et la terre. Is., xxxvii,
16. Jéhovah possède un pouvoir de judicature sur toute la
terre. Gen., xvm, 25. Rien n'est soustraità sa souverai-
neté, et son nom doit être célébré par toute la terre. Exod. ,
ix, 16. — La création a donc conféré à Jéhovah un droit
royal sur lous les êtres, particulièrement sur les
hommes, qui doivent reconnaître ce droit et se soumettre
aux volontés de leur souverain. Gen., n, 17; vi, 5-13.
Mais les hommes frustrèrent l'attente divine; les pre-
miers parents se révoltèrent contre Dieu et leurs descen-
dants méconnurent de plus en plus sa souveraineté.
— Ce que la mauvaise volonté des hommes avait détruit,
la grâce allait le rétablir. Déjà au paradis terrestre
Dieu avait donné à enlrevoir la victoire finale du bien
sur le mal. Gen., m, 15. Pour assurer la reconnais-
sance de son pouvoir, Dieu fit alliance avec les patriar-
ches et leur postérité, Gen., xvn; xxvi, 24; xxvm,
13-15. et devint ainsi à un titre spécial le souverain
d'Israël. Tout en restant, de droit, le roi des autres
nations, il affirma de façon particulière sa royauté sur
le peuple élu. C'est lui qui veilla en Egypte sur les
enfants de Jacob, qui les sauva des mains du pharaon,
qui renouvela solennellement avec eux l'alliance au
Sinaï et qui leur donna en partage la terre de Canaan.
Les droils souverains de Jéhovah sont si bien établis-
que Gédéon refuse le titre de roi, car « c'est Jéhovah
qui est votre maître ». Jud., vm, 23. L'institution de
la royauté ne modifiera point les rapports d'Israël avec
Jéhovah : le roi est le lieutenant de Dieu, choisi par
lui pour combattre les guerres du Seigneur. Toute la
suite des événements racontés dans la Bible, ne sera que
l'histoire des vicissitudes de celte théocratie, dont le but
providentiel élait de préparer l'avènement du règne de
Dieu sur les hommes. — 2» En eûet, bien que ledroit royal
de Jéhovah sur la création soit éternel et immuable,
Ps. xciu,2; xxix, 10; cxlv, 13, le règne n'existe de fait
que dans la mesure où cette royauté est reconnue. En un
sens, le règne est déjà commencé, puisque la royauté de
Jéhovah est acceptée parlsraël.« Tu asétabli dansJacob
le droit et la justice... Jéhovah est roi, que les peuples
tremblent. » Ps. xcix, 1-4. En un autre, il est encore
à venir, car les nations ne sont pas soumises à Jéhovah;
elles aussi doivent célébrer le Seigneur et reconnaître
la puissance de Dieu. Ps. lxviii, 33-34; Ps. lxvh, 3-8.
Le règne est donc aussi eschatologique, parce que dans
l'avenir seul il sera établi dans toute sa splendeur, sur
les Gentils aussi bien que sur les Juifs. Ce jour glo-
rieux, les prophètes l'entrevoient et l'annoncent. «Dieu
règne sûr les nations... les princes des peuples se réu-
nissent au peuple du Dieu d'Abraham. »Ps. XL vu, 9-10.
1239
ROYAUME DE DIEU
1240
Le règne sera universel : Rahab et Babylone, les Phi-
listins, Tyr e * l'Ethiopie seront appebjs fils de Sion.
Ps. lxxxvij, 4; cf. Ps. xcvi, xcvm; Is., h, 2-4; xxv,
3-9; Zaeh., xiv, 16. Cette eschatologie peut-être appelée
messianique dans un sens large, car les descriptions
peuvent viser une ère de bonheur futur sans mettre
en scène un Messie personnel. — 3° Rarement le
règne de Dien est mis en rapport avec l'eschatologie
transcendante, dont le domaine propre est l'au-delà.
La résurrection des justes est un acte de la royauté
divine, II Mach., vu, 9. Au ciel, le Seigneur régnera
sur les élus, Sap., m, 8, et ceux-ci participeront à
son pouvoir royal, Sap., v, 16. On serait tenté de
«rapprocher de ces textes, Sap., x, 10 c< elle (la Sa-
gesse) conduisit par des voies droites le juste (Jacob)...
•et lui montra le règne de Dieu »; mais il s'agit ici de
Ja connaissance des lois mystérieuses par lesquelles
Dieu gouverne le monde, plutôt que d'une vision du
royaume céleste. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907,
p. 102-103. — 4° Jamais le règne de Dieu n'est mis en
•relation avec l'eschatologie cosmique. « Pas un mot
dans l'Ancien Testament ne (le) représente comme
-établi sur un monde détruit ». Lagrange, Le Règne de
Dieu dans l'Ancien Testament, dans la Rev. bibl.,
1908, p. 60. On aurait tort d'identifier avec le jugement
dernier le 'jugement du « roi Jéhovah » dans les
Psaumes lxvii, 5; xcvi, 10, 13; xcvm, 9; juger est ici
synonyme de gouverner. — Le royaume des Saints de
Daniel succède aux quatre grands empires dans le
gouvernement des nations, n, 44; mais ces nations
continueront à exister, elles seront simplement sou-
mises au Fils de l'homme, vu, 14. — Quoique le règne
soit, à certains égards, réservé aux temps à venir, il
n'est cependant jamais conçu, même sous cet aspect
eschatologique, comme un fait absolument nouveau.
C'est qu'il plonge ses racines dans le passé, il est
fondé sur les droits éternels de Dieu ou sur les bien-
faits accordés jadis à Israël; le règne annoncé sera
seulement « le passage du droit au fait, ou encore la
reconnaissance du droit, la mise en scène historique
d'une idée éternelle, le progrès, sans doute extraordi-
naire et merveilleux, mais enfin la suite d'une chose
commencée. » Lagrange, loc. cit. — 5° Du moment
que le régne ne pouvait s'établir que par la reconnais-
sance de la royauté de Dieu, il présentait un caractère
éminemment moral. Ses traits spiritualistes sont, du
reste, souvent mis en relief par les prophètes. Les
messagers du règne sont des messagers de salut et de
paix, Jéhovah révèle sa sainteté, Is., lu, 7-10; la justice
est le bien par excellence du règne, Is., xlv, 8, et tous
les peuples accourront au salut comme à un festin
plantureux, Is. xxv, 6. « Venez, se diront-ils, et mon-
tons à la montagne de Jéhovah... il nous instruira de ses
voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Is., Il, 3.
Alors « la terre sera remplie de la connaissance et de
la gloire de Jéhovah. » Hab.-, n,14. Le roi messianique
gouvernera le peuple avec équité, et il aura un soin
particulier des pauvres, des malheureux et des oppri-
més. Ps. lxxii. En un mot, au jour du salut « la bonté
et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s'em-
brasseront. » Ps. lxxxv, 11-12; cf. Ps. xcix,4;Is., vi, 13;
Mich., v, 9-13; Jer., xxm, 5; Ezech., xxxvi, 25-27; xxxvn,
24; Soph., m, 13. — La haute spiritualité du règne
attendu est encore accentuée par la notion du pardon
des péchés, Jer., xxxi, 31-34, et par la perspective
d'une expiation rédemptrice. Le Serviteur de Jéhovah
« a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause
de nos iniquités; le châtiment qui nous sauve a pesé
sur lui, et par ses plaies nous sommes guéris. » la.,
■yil, 5. — Le livré- de la Sagesse fait ressortir si bien
l'aspect religieux et individuel du salut, qu'à ce point
de vue il présente une ressemblance marquée avec la
jdoctrine des Évangiles. Ce n'est point encore l'épa-
nouissement, dans les âmes, de l'amour pour le Père;
c'est du moins le règne de Dieu dans les individus par
la pratique de la justice. Cf. Lagrange, dans la Rev.
bibl., 1907, p. 102-104. — 6° Cependant on ne saurait
nier que le règne se présente souvent, dans les des-
criptions prophétiques, sous les traits d'une restaura-
tion nationale et d'une ère de prospérités matérielles.
Mais ce ne sont là que des dehors; la perspective du
règne de justice est prédominante chez les prophètes.
Cf. Touzard, L'argument prophétique, dans la Revue
pratique d'apologétique, 15 oct. 1908, p. 92-98. D'ail-
leurs il ne faut pas oublier que l'accomplissement de ces
promesses était lié à certaines conditions d'ordre moral.
« Si donc quelques-unes des prophéties faites à Israël
n'ont pas été réalisées, qu'il se demande si, pour sa
part, il a rempli toutes les conditions auxquelles était
attachée leur réalisation. » Kônig, Geschichte des Rei-
ches Goties bis auf J.-C, Berlin, 1908, p. 328.
II. Dans le judaïsme. — 1° 11 ne semble pas que
l'expression PSamXEÏa toî Osoû soit employée, dans la
littérature juive postérieure, au sens de territoire,
excepté peut-être Psaumes de Salomon, v, 18, édit.
Gebhardt : « Ta bonté (se répand) sur Israël, èv t*] fia^i-
Àeia <jou, et Hénoch, xli, 1, trad. Martin, p. 88 : « Je
vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume
sera partagé. » Mais le premier texte peut aussi bien
se traduire « par ton gouvernement »,et le second est
peu clair. Cf. DasSlavische Henochbuch, Berlin, 1896,
xxiv, 3 « mon royaume immense », édit. N. Bonwetsch
Rec. A, p. 125. — Le royaume au sens de «société » se
trouve Sibyll,, m, 767, édit. Geffcken. « Alors il (Dieu)
suscitera un royaume éternel ». Cf. Dan., n, 44. De façon
générale il est plutôt question du règne ou du droit royal
de Dieu; du reste, le règne est logiquement corrélatif à
un ensemble de sujets sur lesquels s'exerce la royauté
et qui constituent un royaume. Comme dans l'Ancien
Testament, Dieu possède la royauté universelle de toute
éternité ; il est le roi du monde, le roi éternel, sa royauté
demeure à jamais et dans les siècles des siècles, car
c'est lui qui a fait et qui domine toutes choses. Hénoch,
xii, 3; xxvii, 3; lxxxiv, 2-3. Cf. Ascens. Mos., iv, 2. —
Il est en particulier le roi d'Israël. Ps. Sal., v, 18-19;
xvn, 1, 46. La royauté israélite est la royauté même du
Seigneur, Testaments des Douze Patriarches, Benj.,
ix, 1, édit., Charles, et les rois sont choisis par lui. Test.
Rub., vi, 11. Le pouvoir royal de Dieu s'affirme de
diverses façons, parla protection et la miséricorde qu'il
accorde à Israël, Ps. Sal., xvn, 1-3, aussi bien que
par les châtiments qu'il envoie aux Gentils. Ps. Sal.,
il, 29-32; xvii, 3.
2° Le règne de Dieu à l'époque qui nous occupe, est
surtout considéré comme à venir. Les Juifs traversaient
alors de douloureuses épreuves ; persécutés par les
Séleucides, ils avaient un instant reconquis leur indé-
pendance nationale; mais bientôt ils tombèrent sous le
joug des Romains. Au sein même du peuple élu, un
grand nombre s'était soustrait à la royauté de Dieu et
méconnaissait ses lois. Les Gentils, abandonnés à tous
les vices, dominaient sur le monde. Ce n'était point là
le règne attendu. Aussi tous les regards se tournaient-ils
vers l'avenir, vers ce qu'on peut appeler l'ère messia-
nique au sens large. Malgré la diversité des systèmes,
on peut diviser en deux courants distincts les espé-
rances qui se font jour : le messianisme apocalyptique,
qui prévoit un bouleversement général de l'ordre actuel,
et le messianisme rabbinique, qui attend la domination
d'Israël sur les nations. Cf. Lagrange, Le Messianisme
chez les Juifs, Paris, 1909; P. Volz, Jûdische Eschato-
logie, Tubingue, ^903. — Le premier n'eut sans doute
jamais une grande influence sur les masses; ce sont
les rabbins qui formèrent l'esprit du peuple. Le résumé
de toutes les espérances, c'était la glorification d'Israël ;
et même dans les écrits où l'on semble opposer justes
1241
ROYAUME DE DIEU
1242
et pécheurs, plutôt que Juifs et Gentils, il est entendu
que les justes ne comprennent que les Juifs fidèles à
la Loi ou les Gentils qui se sont convertis au judaïsme.
Omnia ad majorent Judaeorum gloriam, tel pourrait
être l'exergue de toute cette littérature. — D'après les
écrits rabbiniques en particulier, le règne de Dieu
jusqu'à présent si contrarié, allait s'établir bientôt
dans toute sa splendeur par l'avènement du Messie;
guerrier valeureux, il soumettra à son sceptre les
Gentils et donnera aux Juifs la royauté du monde
entier. Les « dispersés s reviendront en Palestine, et
Jérusalem sera la glorieuse capitale du nouveau royaume.
Alors commencera la félicité messianique, qui sera pré-
cisément le contre-pied des malheurs présents. Les
Gentils semblent parfois admis à partager ce bonheur,
à la condition de se faire Juifs ; mais le plus souvent
on les montre réduits en servitude. — Dans l'attente
des Juifs de cette époque, le règne de Dieu à venir
s'identifiait donc généralement avec le règne national
d'Israël. Ce sont là les dispositions qui, selon toute
vraisemblance, étaient dominantes autour de Jésus.
Cf. Luc, xix, 11; xxiv, 21. « Seigneur, demandent les
Apôtres à Jésus ressuscité, est-ce maintenant que tu
rétabliras la royauté en faveur d'Israël?» Act., i, 6. La
conviction que le triomphe national serait le triomphe
même du règne de Dieu, maintint lès Juifs dans une
agitation perpétuelle ; c'est elle qui arma leurs bras
contre les Syriens d'abord, puis contre les Romains,
et qui amena sous Hadrien la chute définitive de l'État
israélile.
3° Cependant la notion traditionnelle d'un règne de
Dieu se réalisant dans les hommes par leur soumission
à la volonté divine, n'avait point disparu. Dieu règne
déjà sur les Juifs fidèles. Ps. Sal., v, 18-19; xvu, 1, 46.
Il ne tient qu'aux hommes d'étendre davantage le règne
en acceptant la loi divine. Abraham, par son obéissance,
choisit Dien et son règne, Jub., xn, 19; réciter le
Schéma', c'est prendre sur soi le joug du règne des
cieux, b., Bërackoth i4 h ; 61 b ; s'abstenir de choses dé-
fendues, parce que Dieu les a prohibées, c'est recon-
naître le règne des cieux, (baraitha d'Eléazar ben Aza-
riah, vers 100 après J.-C, dans Bâcher, Die Agada der
Tannaiten, P, p. 220); omettre la récitation du Schéma',
c'est se soustraire au joug de. ce règne, Mischna, Ber.,
il, 5; le sabbat est, entre tous les autres jours, un jour
du saint règne, Jub., L, 9, parce qu'en l'observant on
fait régner Dieu. Il en résulte que le règne de Dieu est
déjà présent, et qu'il pourra se développer indéfini-
ment; les Gentils eux-mêmes sont appelés à recevoir
sur eux le joug de son règne et à rendre honneur à
son nom. 'Alênu, prière composée vers 240 après J.-C.
Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 307. Le règne messia-
nique lui-même, malgré l'aspect de nouveauté qu'il
présentera à certains points de vue, ne sera que l'agran-
dissement d'une chose déjà existante : la royauté de
Dieu s'affirmera, non plus seulement sur un petit
groupe de fidèles, mais sur tout l'univers. Son inaugu-
ration pourra être conçue comme plus ou moins catas-
trophique ; la reconnaissance de la souveraineté éternelle
de Dieu en constituera toujours l'essence. Ps. Sal., xvu.
Cf. Lagrange, Le règne de Dieu dansf Te judaïsme,
dans la Bev. bibl., 1908, p. 350-366. — 0n voit dès lors
ce qu'il faut penser de la définition du royaume
donnée par Loisy, Évangiles Synoptiques t. i, p. 229,
note 6 : « le royaume de Dieu... est proprement
le règne ou la royauté de Dieu, l'ère messianique. » —
C'est une définition en fonction d'un système. Le règne
comprend aussi l'ère messianique, mais il n'est point
seulement cela; toujours il a été considéré comme
réalisé déjà, d'une certaine façon, dans le présent.
III. Dans le Nouveau Testament. — L'expression
fSgt<jiXet'a toû ©sou est employée 63 fois dans le Nouveau
Testament (Matth., 4 fois; Marc, 14; Luc, 32; Joa., 2;
Act., 6; les autres écrits, 5); {îaadet'a ©eoO, 4 fois (dans
saint Paul); {Sao-iXeîa ™v o-jpavûv, 32 fois (unique-
ment dans Matth.). Si le mot se lit fréquemment,
l'idée se rencontre bien plus souvent encore, et l'on ne
se trompera pas en voyant dans « le royaume de Dieu »
le concept fondamental de la prédication de Jésus.
Le judaïsme connaît ces différents termes; hébr.
c-2ïf mzhzi [Mischna, Ber. il; Ghemara, b. Ber. 13 b ,
14i>,61 b ,etc)., aram. N>aun NniD^D, >H Nirabn (Targums:
t- : • t : -. r- t :-
ls., xxxr, 4; Abd., 21; Mich., iv, 7; Zach., xiv, 9),
NrftNT NmsbD (Targums : ls., XL, 9; lu, 7). Cf. Dal-
TTV:'.* T : "
man, Die Worte Jesu, 75-83. — Quelle est l'expression
dont se servait N. S.? disait-il « règne de Dieu » ou
« règne des cieux», ou employait-il indifféremment l'un
et l'autre terme? Il est difficile de le déterminer avec
certitude. D'une part, le mot « cieux » ou << ciel », — car
le singulier n'existe ni en hébreu ni en araméen, —
était une des nombreuses locutions, alors en usage chez
les rabbins, pour désigner Dieu dont on évitait de pro-
noncer le nom. On peut aussi se demander si Matth.,
qui seul présente le terme « royaume des cieux », n'a^
pas conservé plus fidèlement la formule primitive,
puisqu'il écrivait pour des judéo-chrétiens. — Mais
d'autre part, il est impossible de prouver que Jésus
se soit astreint à suivre toujours l'usage rabbinique; le
mot « Dieu » se rencontre souvent sur ses lèvres, et saint
Matthieu lui-même a plusieurs fois le terme « royaume
de Dieu ». Rien n'empêche donc de penser que Jésus se
soit exprimé de l'une et de l'autre façon. A vrai dire
cette discussion importe peu, car les deux expressions
sont synonymes, c cieux » étant simplement une
métonymie pour « Dieu ». Les Évangiles, aussi bien
que la littérature contemporaine, leur attribuent an
sens identique, avec cette nuance que « le régne des
cieux » est le règne du Dieu transcendant. Dalman,
loc. cit., p. 76.
Quelle est la signification précise de ftamXsia ? Si
l'on s'en tient à l'usage de l'Ancien Testament et des
écrits juifs, il faut y voir avant tout le sens abstrait
de règne, de souveraineté ; d'après Dalman, loc. cit.,
p. 77, il ne serait jamais question, dans toute cette
littérature, du royaume de Dieu au sens de territoire.
Il est donc à prévoir que dans le Nouveau Testament le
premier sens sera prédominant; mais il ne sera pas le
seul, et l'étude impartiale des textes montrera que
Jésus a envisagé aussi la ^aadeia toû ®eoû comme un
royaume au sens de société.
J". LE ROYAUME DANS LES SYNOPTIQUES. — 1° L'évan-
gile de l'enfance. — Les récits de l'enfance forment la
transition entre l'Ancien Testament et le Nouveau. —
L'archange Gabriel annonce à Marie la naissance d'un
enfant, auquel le Seigneur Dieu donnera le trône de
David son père, et qui régnera sur la maison de Jacob à
jamais. Luc, i, 32-33. Le Magnificat, cantique d'une
fille des rois, célèbre le Dieu sauveur qui vient au
secours d'Israël, son serviteur. Luc, i, 47-55. C'est
également sous les couleurs de l'Ancien Testament que
le Benedictus dessine la figure du Messie : il est « la
corne du salut .» qui délivre Israël de ses ennemis, et
lui permettra de servir Dieu dans la sainteté, la justice
et la paix. Luc, 1,68-79. — Israël occupe le premier
plan, et à bon droit, puisqu'il est le peuple choisi, Luc,
I, 72-73; mais déjà l'on entrevoit le rôle spirituel et
universaliste du libérateur : il illuminera ceux qui
sont assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort,
Luc, I, 79; s'il est « la gloire d'Israël », il est aussi
« le salut préparé pour tous les peuples, la lumière qui
éclairera les nations. » Luc, il, 30-32. Il sera roi, et
assis sur le trône de David, il sauvera son peuple;
mais sa royauté est de telle nature qu'il ne cessera
jamais de régner, Luc, i, 33, et le salut qu'il apporte
consistera avant tout à « délivrer son peuple de ses-
1243
ROYAUME DE DIEU
1244
péchés. » Matth., i, 21. — Combien ces premières pages
de l'Évangile nous transportent loin du royaume messia-
nique terrestre, attendu alors par les foules !
2» Jean-Baptiste. — L'heure où le règne de Dieu
allait s'établir, a enfin sonné. Le précurseur paraît sur
les bords du Jourdain, disant : « Repentez-vous, car
le règne du ciel est proche. » Matth., m, 2. Ce règne est
spirituel : pour s'y préparer, il faut faire pénitence, se
repentir de ses péchés, et, comme symbole du renou-
vellement moral, recevoir le baptême. Il importe
d'exercer la miséricorde et de pratiquer l'équité. Luc,
m, 11-14. La descendance d'Abraham ne sert de rien;
pour accueillir le règne, il faut produire de dignes
fruits de pénitence. Luc, m, 8-9. Rien n'insinue un
bouleversement catastrophique du monde ou de la
nation; l'eschatologie est tout individuelle. Le juge-
ment est imminent, car « déjà la hache est posée à la
racine des arbres », Matth., ni, 10, la « pelle » est
dans la main du vanneur, Matth., m, 12; l'apparition
du Messie fera, en effet, connaître ceux qui se sont dis-
posés à recevoir dignement le don messianique; le
triage s'opérera entre les arbres qui ont produit de
bons fruits, et les autres, entre le bon grain et la
paille. Le Messie réunira ceux-là « dans ses greniers » ;
quant aux autres, ils n'ont en perspective que le « feu
inextinguible ». Luc., IH,17. Chaque individu (cf. Matth.,
in, 10, « chaque arbre ») sera en définitive son propre
juge, selon qu'il se sera rendu digne, ou non, du règne
messianique.
3° Jésus-Christ. — Quel sens le Sauveur attacha-t-il
à l'expression « royaume de Dieu »? De la solution de
cette question fondamentale dépend l'idée qu'on de-
vra se faire de la personne et de la mission de Notre-
Seigneur. Inutile de dire que les opinions les plus
contradictoires ont été émises. — 1. D'après A. Ritschl,
Christliche Lehre von der Reçhtfertigung und Ver-
sbhnung, Bonn, ¥ édit. 1895-1903; H. Wendt, Die
Le/ire Jesu, Gœttingue, 2 e édit. 1901; B. Weiss, Lehr-
buch der biblischen Théologie des A\ T., Stuttgart,
7 8 èdit. 1903; A. Ilarnack, Das Wesen des Christen-
tums, Leipzig, 1900, et la plupart des protestants libé-
raux, Jésus n'a prêché . et n'a voulu fonder qu'un
royaume intérieur, immanent dans les âmes, et par
suite son rôle s'est réduit à celui d'un docteur de
morale. — 2. Reimarus, Fragmente eines Ungenann-
ien, publiés par Lessing de 1774-1778, E. von Hart-
mann, Das Christentum des N. T., 2 e édit., 1905, con-
sidèrent Jésus comme un révolutionnaire, qui accepta
sans modification les espérances politiques de ses con-
temporains et voulut rétablir le royaume national. —
3. Enfin, selon J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche
Gotles, Gœttingue, 2 e édit., 1900; Shailer Mathews,
The messianic Hope in the N. T., 1906; A. Schweitzer,
Von Reimarus m WreAe, Tubingue, 1906; A. Loisy,
L'Évangile et l'Église, Paris, 1902; Autour d'an petit
livre, 1903; Les Évangiles synoptiques, 1907, et
d'autres auteurs, Jésus ne prévoyait que le royaume
eschatologique, s'établissant par un coup de théâtre
dans un monde transformé; il n'est Messie qu'en
expectative, sa morale est purement provisoire, et n'a
d'autre but que de préparer les hommes à l'avènement
imminent du règne. — Tous ces systèmes ont ceci de
commun, que dans la perspective de Jésus il n'y avait
point déplace pour l'Église. Selon une formule célèbre,
« Jésus annonçait le royaume, et c'est l'Église qui est
venue ». Loisy, L'Évangile et l'Église, p. 111.
Il n'entre pas dans le cadre de cet article, de réfuter
une à une toutes ces théories avec les différentes
nuances qu'y met chaque auteur. Du reste, les parti-
sans du royaume intérieur ont de très bonnes raisons
à faire valoir contre les eschatologistes, et réciproque-
ment. L'erreur n'est que dans la partie exclusive de
chacun des systèmes. Si l'on ne tient compte à la fois
de tous les éléments de solution que fournissent les
Évangiles, et si l'on réjette systématiquement, comme
non authentiques, les passages qui vont à rencontre
d'une théorie préconçue, il est impossible d'aboutir à
une définition objective du royaume, tel que le com-
prenait Jésus-Christ. L'étude impartiale des textes
montrera que ce royaume est à la fois présent et à venir,
intérieur et en même temps social. En tant qu'intérieur,
il est le règne immanent; en tant que réunissant ses
sujets dans une société, il est l'Église; en tant qu'es-
chatologique, il est le royaume transcendant.
A) phases du royaume. — Le message de Jésus,
comme celui de ses disciples, se formule invariable-
ment par les mots : fîyyixev -f] paui^sia tûv oOpav&v,
« le règne du ciel s'est approché », ou plutôt « est
arrivé », car selon la remarque de J. Weiss, Die Pre-
digt Jesu, p. 70, fiYYtxev est très probablement syno-
nyme de eç6«(7ev ; les deux expressions répondent au
même verbe araméen xioa « arriver ),. Cf. Dan.,,iv, 8,
araméen, niso»; Septante, YÎYytÇev; Théodotion, sçOauev.
Luc.,x, 9, r,Yi'txev è? ' û|j.5ç tj flaeriXsta toû ©eoû ; xi, 20, dans
un contexte tout à fait semblable, s(rô*oev i<p' ûy.ôcc f, p. x.
©. « L'évangile du règne », Matth., iv, 23; ix, 35, c'est
la bonne nouvelle de l'arrivée du règne de Dieu. Son
fondateur est présent, Luc, iv, 18-19; vu, 19-23; et, dès
les premiers jours, Jésus s'appelle» Fils de l'homme »,
Marc, il, 10, 28, etc., titre qui est en connexion intime
avec le royaume annoncé par Daniel, vu, 13-14. Com-
ment douter que le règne de Dieu ne soit déjà là,
quand le règne adverse, celui de Satan, s'effondre !
« Si je chasse les démons par la force de Dieu, c'est
donc que le règne de Dieu est venu sur vous. » Luc,
xi, 20; cf. Matth., xii, 28. Le règne de Dieu est com-
mencé; il s'affirme et progresse dans la mesure où ses
ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. — Cette
déclaration catégorique de Jésus embarrasse fort les
partisans d'un royaume purement eschatologique.
Pour Loisy, ces paroles « se dégagent nettement de
leur contexte », « elles appartiennent à une rédaction
secondaire », et « reflètent plutôt les préoccupations
de la controverse judéo-chrétienne que la pensée du
Sauveur. » Ev. Syn., t. i, p. 706-707. J. Weiss ne les
trouve point du tout déplacées dans leur contexte, mais
il ne veut y voir qu'un « transport prophétique »
« l'expression d'une extase pneumatique » se rappor,
tant à l'avenir. Loc. cit., p. 90. Il faut de la bonne
volonté pour ne pas reconnaître que l'argumentation
tout entière porte sur des faits présents ; les deux rè-
gnes, celui de Satan et celui de Dieu, sont mis dans
une corrélation très étroite : si l'un perd du terrain, ce
ne peut être que parce que l'autre s'établit hic et nunc
à ses dépens. — Le règne de Dieu est donc déjà présent.
En effet, jusqu'à Jean-Baptiste on était sous le régime
de la Loi et des Prophètes; mais « depuis lors le
royaume de Dieu est annoncé, et chacun lui fait vio-
lence. » Luc, xvi, 16. Si le plus petit des citoyens du
royaume est plus grand que Jean, qui cependant fut le
plus grand des prophètes, Matth., xi, 11, c'est précisé-
ment parce que Jean marque le terme de l'ancien état
de choses, et que le règne constitue ses sujets dans un
état plus parfait. L'établissement de ce règne n'a rien
de catastrophique; les Pharisiens en sont encore à se
demander quand il viendra, que déjà il est au milieu
d'eux, èvtôc Cjaûv èortv, Luc, xvii, 20-21. Le scribe qui
connaît les deux grands commandements, n'est pas
loin du règne, Marc, xn, 34; pour le posséder, il suffit
de le chercher, comme font les disciples, car il a plu
à leur Père de leur donner le régne. Luc, xn, 31-32.
Les Juifs, qui daifs l'ensemble s'opposeront à l'évangile,
se verront enlever le règne qui leur avait été offert,
Matth,, xxi, 43, tandis que les publicains et les courti-
sanes y entrent avec empressement. Matth., xxi, 32-32.
1245
ROYAUME DE DIEU
4246
— Le régne de Dieu s'établit ainsi sous l'action de la
parole du Christ; il est présent, et à portée de toutes les
bonnes volontés.
Mais « Jésus ne prétend pas... que le règne de Dieu
soit une quantité indivisible, un avènement qui vient
tout d'une pièce, comme un décor de féerie. » La-
grange, dans la Revue bibl., 1906, p. 477. La phase
décisive, inaugurée par Jésus, avait ses points d'attache
dans le passé; le règne qu'il annonce, est lui-même
susceptible de développements, et il ne trouvera son
couronnement final que dans l'au-delà. Bien que déjà
présent, il peut toujours se réaliser davantage, et les
disciples, auxquels le Père a donné le règne, Luc, xii,
32, ne doivent jamais se lasser de prier : « Notre Père,
qui êtes au ciel..., que votre règne arrive, » car la vo-
lonté de Dieu peut toujours, sur terre, être accomplie
plus parfaitement encore. Matth., vi, 10; Luc, xi, 2.
Semblable à la semence qui est jetée dans un champ,
le règne ne fructifie pas de façon égale dans tous les
cœurs; bien des ennemis contrarient sa croissance.
Matth., xni, 3-23 et parall. Le bon grain est mélangé
pendant longtemps à de l'ivraie, Matth., xm, 24-30;
cependant, malgré les obstacles, il se développe et
grandit, en vertu de sa force intrinsèque et du con-
cours apporté par la terre qui l'a reçu, jusqu'à ce qu'il
devienne mûr pour la moisson. Marc, iv, 26-30. Comme
le grain de sénevé, le règne est destiné à devenir un
grand arbre; comme le levain, il devra faire lever peu
à peu toute la masse. Matth., xm, 31-33 et parall.
Néanmoins, ce règne terrestre, quelque illimité que
soit son horizon, n'est point encore le règne définitif;
il n'en est que la phase initiale et préparatoire. Le vrai
royaume de Dieu est au ciel, et c'est vers ce but su-
prême que doivent s'acheminer tous les citoyens du
règne. — Pour les individus, il s'inaugure par la mort
et le jugement. « Souvïens-toidemoi, supplie le larron,
lorsque tu seras entré dans ton royaume » ; et Jésus de
répondre : « Aujourd'hui même tu seras avec moi dans
le paradis. » Luc, xxm, 42-43. C'est là le royaume
promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent per-
sécution pour la justice, Matth., v, 3, 10, à ceux qui
font la volonté du Père, Matth., vu, 21, aux enfants et
à leurs semblables, Mattb., xix, 14; xvm, 2-3; il est la
terre que les doux recevront en héritage, Matth., v, 4,
« la joie du Seigneur »,dàns laquelle entre le serviteur
qui a fait valoir les talents. Matth., xxv, 21, 23.
Pour la société humaine, ce règne s'inaugurera par
la parousie du Fils de l'homme et par le jugement
général. Matth., xxtv, 30; Marc, xm, îfi; Luc, xxi,
27; Matth., xxv, 31-46. L'avènement du Christ sera
fulgurant; aucun signe précurseur ne pourra en faire
présager l'époque. Alors les « scandales » qui auront
existé dans le royaume préparatoire seront enlevés;
les boucs seront définitivement séparés des brebis, les
, bons poissons des mauvais, le bon grain de l'ivraie.
Matth., xm, 24-30, 37-41, 47-51; xxv, 32. —Dans cet
acte final, les Apôtres participeront à la royauté du
Christ : « et moi je dispose en votre faveur de la
royauté, comme mon Père en a disposé en ma faveur,
afin que... vous soyez assis sur des trônes, jugeant les
douze tribus d'Israël. » Luc, xxn, 29-30; cf. Matth., xix,
28. /
Le véritable royaume .est enfin constitué : c'est la vie
éternelle pour les individus, Matth., xxv, 46, la société
des saints pour la collectivité. Dans ce royaume, Jésus
boira « le vin nouveau » avec ses disciples, Matth., xxvi,
29; des Gentils viendront de l'Orient et de l'Occident
et s'assoieront au festin avec les patriarches, tandis que
« les fils du règne », c'est-à-dire les enfants d'Israël,
seronjt jetés dans les ténèbres extérieures. Matth., vm,
11-12. s Les justes y brilleront comme le soleil s,
Matth., xm, 43; purs, ils verront Dieu, Matth., v, 8,
comme les anges, Matth., xvm, 10, et pour toujours ils
posséderont le royaume qui leur a été préparé dés l'ori-
gine du monde; Matth., xxv, 34.
Ces différentes phases ne constituent pas des royaumes
distincts; le règne de Dieu établi sur terre dans les
âmes, se développe à travers toutes sortes de vicissi-
tudes, jusqu'à ce qu'enfin il se consomme au ciel. Il y a
donc continuité, et accepter le règne de Dieu ici-bas,
c'est déjà posséder un droit au royaume céleste. Aussi,
l'expression « règne de Dieu » a-t-elle souvent double
et triple signification, l'une superposée à l'autre, parce
qu'en réalité c'est le règne tout court, mais avec ses
différents aspects, qui est visé. Rien de plus instructif,
à ce point de vue, que le logion suivant, conservé par
Marc, x, 15 et Luc, xvm, 17, en termes identiques :
« Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas la
3a<rc).si* to-j 0£o5 comme un petit enfant, n'y entrera
point. » La PïcjiXsia to-j ©soû est un règne que l'on doit
recevoir, aussi bien qu'un royaume où l'on doit entrer
dès maintenant, cf. Matth., xxiii, 13, afin d'avoir accès
au royaume céleste. L'humilité, la pauvreté, la simpli-
cité, la justice, sont aussi bien des conditions d'entrée
dans le royaume terrestre que dans le royaume de l'au-
delà. L'appel au festin nuptial est au même titre la
vocation au règne préparatoire et au règne définitif.
Les scribes et les Pharisiens hypocrites qui n'entrent
pas dans le royaume, et qui, de plus, empêchent les
autres d'y entrer, Matth., xxm, 13, sont un obstacle
pour le règne sous toutes ses formes. L'unité la plus
parfaite se constate donc dans le développement du
royaume.
Quelle est la relation chronologique établie par Nbtre-
Seigneur entre les différentes étapes du royaume? La
phase eschatologique est-elle conçue comme imminente,
et faut-il dire avec Charles, A critical history of the
doctrine of a Future Life, Londres, 1899, p. 331, que
« selon l'enseignement du Christ la parousie devait
avoir lieu au coiys de la génération contemporaine »?
Rien de plus authentique dans les Evangiles, que cette
déclaration de Jésus : « Quant à ce jour et à cette heure
personne ne les connaît, pas même les anges dans le
' ciel, ni le Fils, mais (seulement) le Père. » Matth., xxiv,
36; Marc, xm, 32. Cf. Act., i, 7. Le « jour » dont il est
question dans ce logion, c'est le jour du jugement, le
grand jour de Jéhovah. Mais ce jugement doit se dis-
tinguer, d'après le contexte même, de la terrible ca-
tastrophe qui atteindra Jérusalem; celle-ci peut se pré-
voir, grâce aux signes précurseurs qui l'annonceront,
celui-là tombera à l'improviste, avec la soudaineté de
V éclair, sur Vhumanité endormie; la ruine de la ville
sainte arrivera encore du vivant des auditeurs de Jésus,
tandis que « le Père seul », Matth., xxiv, 36, connaît la
date de la parousie. Dans cette complète incertitude, les
disciples du Christ n'auront d'autre ressource, pour
prévenir toute surprise fâcheuse, que de veiller tou-
jours, et c'est précisément la nécessité d'une vigilance
continuelle que Notre-Seigneur veut avant tout incul-
quer. Cf. Lagrange, L'avènement du Fils de l'homme,
dans Rev. iiM.,1906, p. 382-411, 561-574. Bien que cet
avènement apparaisse à l'horizon du royaume, la dis-
tance n'est jamais déterminée. Le maître de la maison
peut venir à la seconde ou à la troisième veille, Luc, xii,
38, « le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du
coq, ou le matin, » Marc, xm, 35; on. pourra même
avoir l'impression que « le maître tarde à venir. »
Matth., xxv, 48. L'hypothèse d'un délai assez prolongé
n'est donc pas exclue : « l'homme noble », qui va pren-
dre possession du royaume, est parti pour une région
lointaine, Luc, xix, 12; le maître qui a confié des
talents à ses serviteurs, né revient qu'après un laps de
temps considérable, et les dépositaires ont tout le
loisir de faire fructifier ces richesses, Matth., xxv, 19;
l'époux tarde à venir an delà de toute prévision, et
les vierges se laissent aller au sommeil. Matth., xxiv, 5.
1247
ROYAUME DE DIEU
1248
Cf. Luc, xxi, 34-36. Le levain a le temps de trans-
former toute la masse et le grain de sénevé de deve-
nir un grand arbre;; l'ivraie croîtra et se développera
à côté du froment jusqu'au temps de la moisson.
Matth., xiii, 24-33 et parall. L'évangile deyra d'abord
être prêché à toutes les nalions, Marc, xm, 10, et
Jésus assistera ses disciples jusqu'à la consommation
du siècle. Matth., xxvm, 19-20.
Cette promesse du Christ nous aide à comprendre
une autre série de logia. En raison de l'assistance de
Jésus, on pourrait dire de son immanence dans le
royaume, les progrès du royaume sont, en un certain
sens, la manifestation de la présence de Jésus; chaque
étape décisive, par exemple, l'établissement du règne, la
résurrection du Christ, la destruction de l'État juif, sera
comme un nouvel avènement, une sorte de parousie. (Sur
l'emploi dece mot 7tapoua!a dans les papyrus, cf. Deiss-
mann, Licht vom Osten, Tubingue, 1908, p. 268-273; il
se dit surtout de la visite d'un souverain, ou de sa pré-
sence dans une ville; il est très apparenté à èitiçâvsia
« manifestation », et parfois « assistance divine »).
C'est en ce sens qu'il faut interpréter, semble-t-il, les
paroles suivantes, Matth., x, 23 :« Vous ne finirez pas les
villes d'Israël, avant que vienne le Fils de l'homme » ;
Matth., xvi, 27 : « Il y en a parmi ceux qui sont ici pré-
sents, qui ne goûteront pas la mort avant de voir le
Fils de l'homme venant dans son royaume » (Marc, ix,
9, « avant qu'ils n'aient vu le règne de Dieu venu en
puissance »); Matth., xxvi, 63 et parall. : « Désormais
vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la
puissance et venant sur les nuées du ciel. » Cf. Lagrange,
loc. cit. — Le Filsde l'homme est corrélatif au royaume,
il en partage les vicissitudes, et les phases successives
par lesquelles se réalise le royaume, sont en un sens
autant d'avènements de son chef. On peut donc dire
que dans ces sortes de passages, il «s'agit seulement
d'une action particulièrement puissajpte, par laquelle
le Christ manifeste sa présence dans le royaume.
B) ASPECT INTÉRIEUR ET INDIVIDUEL DU ROYAUME. —
i« Spiritualité. — En opposition avec l'attente géné-
rale des Juifs, le règne fondé par Jésus est purement
moral. Tout y est spirituel, les conditions pour y entrer,
son origine, son but, ses moyens d'action, et c'est là
ce qui fait la valeur éternelle de l'enseignement de
Jésus. — Aux Pharisiens qui se croyaient justifiés par
des rites matériels, le Sauveur rappelle qu'il ne suffit
pas de « nettoyer l'extérieur du plat, » mais qu'il faut
avant tout purifier l'intérieur. Matth., xxni, 25-26. Rien
ne sert d'honorer Dieu des lèvres, lorsque le cœur est
loin de lui. Matth. j xv, 8. La moralité des actes pro-
vient de l'intention, Matth., vi, 22-23, et par suite on
doit éviter non seulement les péchés extérieurs, mais
encore ceux qui se commettent au plus intime de notre
âme. Matth., v, 22-28. C'est donc une religion « en
esprit et en vérité » que Jésus entend établir. — Aussi,
pour entrer dans le royaume, faut-il se convertir
(orpicpeiv,' Matth., xvm, 3), et changer de sentiments
(jieTavoEîv, Matth., iv, 17; xi, 20; Marc, I, 15; vi, 12;
Luc, xm, 3), être détaché des biens de la terre, Matth.,
v, 3 ; xix, 23-24, être pur de cœur, doux, miséricor-
dieux, pacifique, Matth., v, 4-10, simple comme les
petits enfants, Marc, x, 14-15, humble, Matth., xvm,
4; Luc, xvui, 14, patient et généreux, Matth., v, 39-
44; Luc, vi, 27-30, en un mot, imiter dans la mesure
du possible les perfections du Père céleste. Matth., v,
48. Il faut prendre sur soi le joug de la nouvelle loi,
Matth., xi, 29, et substituer aux sentiments terrestres
ceux que doit avoir un enfant de Dieu. — La paternité
divine, voilà en effet la base nouvelle sur laquelle
s'établit le règne , de Dieu dans les âmes. % Ne donnez
à personne sur la terre le nom de père, car vous
n'avez qu'un seul Père, celui qui est dans les cieux. »
Matth,, xxiii, 9. Dieu est encore roi des hommes, mais
comme le père à la tête de sa famille, provoquant par
sa bonté la soumission et la confiance la plus filiale.
Luc, xi, 10-13. Rien ne caractérise mieux la nature
de ce règne, que la prière sublime enseignée par
Jésus : « Notre Père qui êtes au ciel..., que votre règne
arrive », c'est-à-dire « que votre volonté soit faite sur
la terre comme au ciel », Matth., vi, 10;, Luc, xi, 2,
omet la seconde demande, virtuellement contenue dans
la première.
La haute spiritualité du royaume s'affirme encore
dans la notion du salut, qui en est le fruit naturel. Le
salut, dont Jésus est le messager, n'est pas la délivrance
politique, si ardemment souhaitée par les Juifs : il faut
rendre à César ce qui est à César. Matth., xxn, 21. Il
y a une servitude autrement honteuse, c'est l'esclavage
du péché, l'asservissement à Satan. Dès son entrée en
scène, Jésus déclare qu'il est envoyé pour « porter la
bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la
délivrance, aux aveugles le retour à la lumière, pour
rendre libres les opprimés, et publier l'année de grâce
du Seigneur. » Luc, iv, 19. La mission de Jésus est
spirituelle, et c'est dans un domaine de même nature
qu'il faut chercher ses adversaires. Le royaume fondé
par lui est l'antithèse du royaume de Satan : l'un doit
s'édifier sur les ruines de l'autre. Luc, Xr, 14-26. Les
esprits mauvais savent.que Jésus est venu pour les
perdre. Luc, îv, 34. Aussi le diable met-il tout en
œuvre pour entraver les progrès du règne; n'ayant
pas réussi dans sa tentative contre Jésus, il s'en prend
aux disciples : c'est lui qui sème l'ivraie parmi le bon
grain, Matth., xm, 39, qui enlève la parole du royaume
du cœur des hommes, Luc, vin, 12, qui pousse Judas
à la trahison, Luc, xxu, 3, qui demande à faire passer
les Apôtres au crible de la tentation. Luc, xxn, 31. —
Le péché est donc, en un sens, l'œuvre de Satan, et
en tout cas, il est le grand obstacle au royaume. Les
fautes doivent être bannies du cœur des fidèles; et si
par malheur une brebis s' égare, quelle sollicitude pour la
chercher, et quel bonheur quand elle est retrouvée !
« Je vous Je dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour
un seul pécheur, qui se repent, que pour quatre-vingt-
dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentir. »
Luc, xv, 4-7-; cf. la parabole de l'enfant prodigue.
Luc, xv, 11-32. De là, la touchante familiarité de
Jésus avec les pécheurs, au grand scandale des pha-
risiens; de là aussi, la nécessité du pardon mutuel,
afin que le Père céleste nous remette nos propres of-
fenses; de là enfin, l'importance que Jésus allache à
son pouvoir de remettre les péchés, Matth., îx, 1-8;
Luc, vu, 48; cf. Matth., i, 21; pouvoir que les Juifs
n'ont jamais osé attribuer au Messie. Cf. Dalman, Die
Worte Jesu, p. 215. C'est ici pareillement que s'ouvre
la perspective de la rédemption, Marc, x, 45, le Fils
de l'homme « donnera sa vie pour le rachat d'un
grand nombre, » et son sang sera « répandu pour
plusieurs, » Marc, xiv, 24; et ainsi l'enseignement de
Jésus rejoint le point culminant des promesses pro-
phétiques.
Le régne de Dieu sur terre est donc pour l'individu
le salut de l'âme, par le pardon des péchés et le
triomphe de toutes les vertus dans son cœur. — Il
conserve encore cet aspect éminemment spirituel dans
son stade définitif. Au ciel, il ne peut plus être ques-
tion de mariage, car on sera semblable aux purs es-
prits (îo-àfYeXoi), débarrassé des appétits sensuels et
de tout penchant terrestre. Luc, xx,36et parall. Entrer
dans le royaume céleste, c'est entrer dans la vie éter-
nelle, Matth., xxv, 46; xix, 17; Marc, ix, 43,45, dans la
joie du Seigneur, Matth., xxv, 21, 23, dans le paradis
avec Jésus et les anges. Luc, xxm, 43; Matth., xvin; 10.
Les justes y resplendiront comme le soleil, Matth., xm,
43, ils verront Dieu, Matth., v, 8, et prendront ainsi
pour toujours possession de la Terre Promise. Matth.,
1249
ROYAUME DE DIEU
1250
y, 4. — Sans doute, le ciel est parfois comparé à un
festin où l'on s'assoit pour manger et boire, Luc, xxn,
30; Matth., vm, 11; xxn, 1-12; xxvi, 29, et Loisy d'in-
sinuer, que « ce n'est point (là) pure métaphore. i>
Ev. Syn., t. i, p. 238. — Charles, A critical history
of the doctrine of a Future Life, p. 340, répond avec
beaucoup de justesse : «c La nourriture en question ne
peut être terrestre et matérielle, car ceux qui la pren-
nent sont assimilés aux anges... Le fait, que précisé-
ment ces phrases évangéliques (déclarant les élus
pareils aux anges) se trouvent dans Hénoch, civ, 4, 6;
H, 4, et dans l'Apoc. de Baruch, Li, 10, en des passages
où la vie des bienheureux est conçue de la façon la
plus spirituelle, montre avec clarté, que les expressions
des Évangiles relatives à la nourriture, doivent être
interprétées au sens figuré. » Cf. aussi Ascension
d'Isaïe, IX, 9, trad. Tisserant, Paris, 1909, p. 175.
C'est vraiment trop rabaisser Jésus que de le mettre
au-dessous d'un certain rabbin, du début du in« siècle,
.dont la baraïtha suivante nous a été conservée (Kailah
rabbathi, c. 2 : « Dans le monde à venir, il n'y aura
ni boire, ni manger, ni génération, ni reproduction,
mais les saints seront assis portant une couronne sur
leur tête et se délectant à l'éclat de la divinité, car il
a été dit, Exod., xxiv, 11, ils virent Dieu, et ils
mangèrent et burent » (« comme les anges de ser-
vice, » ajoute Abot/i de Rabbi Nathan, c. i). C'est
dire que la vision de Dieu constitue le meilleur festin
pour les élus et pour les anges. Cf. Klausner, Diemes-
sianischen Vorstellungen im Zeitalter der Tannaiten,
Berlin, 1904, p. 20-21.
2. Grâce librement acceptée par Vhomme. — Par
sa nature intime, le règne est un don divin, qui exige
de la part de l'homme une généreuse coopération. —
a) Le règne a été donné aux disciples, en vertu du bon
plaisir de Dieu. Luc, xn, 32. C'est un nouvel ordre
de choses, venant sur les hommes, ëipôaacv è<p' ûu,Sç, et
ceux-ci ne font que le recevoir. Malth., xvm, 17, etc.
Impossible de l'amener par la violence, comme les
zéJotes croyaient pouvoir le faire : il arrive à l'heure
marquée dans les desseins de Dieu. Cf. Act., i, 7. La
connaissance des mystères du règne est un don,
Matth., xih, 11-16, le fruit d'une révélation bénévole du
Père. Luc, x, 21. On entre dans le royaume à la suite
d'un appel. Matth., xxn, 3-14. Luc, xiv, 16-24. Tyr et
Sidon n'ont point reçu cette invitation, qui aurait as-
suré leur conversion. Matth., xi,21. C'est gratuitement
aussi que Dieu remet la dette immense, contractée à
son égard par l'homme pécheur. Matth., xviii, 23-35.
b) Mais la grâce du règne ne s'impose pas, l'homme
doit l'accepter librement et y coopérer avec générosité.
Il doit même s'y prédisposer, pour qu'elle ne tombe
pas, comme la semence, sur un chemin battu, où elle
serait foulée aux pieds. Luc, vm, 5. On ne peut jeter
des perles devant des animaux immondes, Matth., vu,
6, et le règne est bien une perle précieuse, un trésor,
pour l'acquisition duquel il faut faire les plus grands
sacrifices. Matth., xm, 4i-46. Tous ne seront pas aptes
à recevoir cette grâce : il y aura des villes et des mai-
sons qui en seront indignes. Marc, vi, ll.-Les hommes
attachés aux biens de ce monde refuseront l'invitation
et s'excluront ainsi du régne par le fait de leur mau-
vaise volonté. Luc, xiv, 17-24. C'est là le cas de Jéru-
salem, Luc, xm, 34, et de la majeure partie des
Juifs. Matth., xxi, 43.
c) Quand l'homme a reçu la grâce du règne, il doit
encore faire effort pour la conserver. Il est nécessaire
que le terrain soit débarrassé des pierres et des ronces,
qui empêcheraient la semence de germer et de se déve-
lopper, Luc, vin, 13-14; même dans les âmes bien
préparées, le profit n'est pas égal. Marc,, iv, 20. Une
énergie indomptable est requise, Matth., xi, 12; il faut
sacrifier, sans hésiter, les affections terrestres, Luc,
DICT. DE LA BIBLE.
xiv, 26, se priver même des membres les plus néces-
saires, quand ils seraient un obstacle au règne, Marc,
ix, 43-47, et ne jamais regarder en arrière, nne fois
qu'on a mis la main à la charrue. Luc, ix, 62. Les
vertus qui ouvrent la porte du royaume, sont pareille-
ment une condition de persévérance; constamment il
faut « chercher le règne et sa justice, » Matth., vi, 33,
pratiquer le renoncement et porter avec courage sa
croix. Luc, ix, 23; xiv, 27. C'est donc une vie d'efforts
et de combats incessants qu'il s'agit de mener. Aussi,
combien peu savent passer par la porte étroite et s'en-
gager dans la voie resserrée, qui conduit à la vie!
Luc, vu, 14.
d) En effet, la grâce du règne contient virtuellement,
et comme en germe,*le don de la vie éternelle. Elle
est semblable à une mine ou à un talent que le bon
serviteur fait fructifier : en échange, il aura la récom-
pense finale. Matth., xxv, 21, 23; Luc, xix, 17,19. Le
travail latent qui s'opère sous l'influence de cette grâce,
pareille au grain de blé confié à la terre, Marc, iv,
26-30, se termine tout naturellement par la moisson.
Les bonnes œuvres sont la manifestation, et pour ainsi
dire l'éclat extérieur, de cette élaboration intérieure ;
« que votre lumière luise devant les hommes, et qu'ils
voient vos bonnes œuvres, » Matth., v, 16; ce sont au-
tant de trésors amassés au ciel. Matth., vi,20, etc. — Le
don du royaume céleste n'est donc que l'épanouisse-
ment suprême de la grâce initiale; bien que ce royaume
soit une récompense ([uaMç, Matth., v, 12; Luc, vi,
25) du travail de l'homme, particulièrement de sa
charité, Malth., xxv, 31-46, il n'en reste pas moins une
grâce, il a été « préparé » par Dieu dès l'origine du
monde, Matth., xxv, 34; le rang respectif des élus est
déterminé par le Père, Matth., XX, 23, qui entend dis-
poser de ses biens comme bon lui semble, Matth., xx,
1-16, et de cette manière Dieu, en couronnant les
mérites de l'homme, couronnera ses propres dons. —
Le règne de Dieu, sous cet aspect intérieur et indivi-
duel, se constitue donc par la reconnaissance libre de
la royauté du Père et l'accomplissement de tous les
devoirs qui en découlent; l'âme est ainsi établie, par
la grâce divine, dans un état de justice, qui est le gage
du salut éternel. Cf. Batiffol, L'enseignement de Jésus,
p. 158-174.
C) ASPEC2 1 EXTÉRIEUR ET SOCIAL DU ROYAUME. —
1» Universalisme. — Les conditions posées par Jésus
pour l'admission dans le royaume, Matth., v-vn, faisaient
abstraction des différences de race et de nationalité.
Le royaume était donc accessible à toute l'humanité,
sans autre obligation que celle d'observer la loi divine,
amenée par le Christ à sa perfection. Par suite, la
distinction entre juif et gentil se trouvait implicitement
supprimée. — D'ailleurs, l'uni versalisme était la con-
clusion logique du monothéisme. Si un seul Dieu a
droit aux hommages des peuples, il était naturel de.
penser que tous les hommes pouvaient et devaient
faire partie de son royaume. Cf. Rom., m, 29-30;
Eph., iv, 6. — Cependant les Juifs avaient des droits
de primauté, que Jésus ne pouvait méconnaître : son
ministère personnel se borne généralement aux brebis
de la maison d'Israël, Matth., xv, 24; les Apôtres ne
doivent point encore s'en aller sur les routes des Gen T
tils'ni entrer dans les villes des Samaritains. Matth., x,
5. Mais ces restrictions ne sont que temporaires : son
regard embrasse le monde entier, il voit des fils de
l'Orient et de l'Occident venir prendre part au festin
éternel, Matth., vm, 11, et le champ ensemencé par le
Fils de l'homme est le monde entier. Matth., xm, 37-
38. Lui-même ne s'interdit pas d'aller en Phénicie ou
dans la Décapole. Marc, vu, 24-37. Bien plus, la nation
juive sera exclue du royaume pour son obstination,
Marc, xii, 9; Matth., xxi, 40 sq.; Luc, xrv, 22-24;
Jérusalem sera détruite, Luc, xxi, 20 et parall., et ia
V. - 40
1251
ROYAUME DE DIEU
-1252
vigne sera confiée à d'autres ouvriers. Matth., xxi, 43.
— Enfin, l'ordre d'évangélisation donné aux Apôtres
par le Christ ressuscité, est franchement. nniversaliste :
« Allez donc, enseignez toutes les nations, » Matth.,
xxvm, 20, « prêchez l'Évangile à toute créature. »
Marc, xvi, 15;'cf. Luc, xxiv, 47; Marc, xm, 9-10;
xiv, 9. Et si l'on récuse l'authenticité de ces textes, il
suffira de considérer les Apôtres parcourant le monde
romain en se réclamant d'une mission reçue du Christ;
ce seul fait atteste, mieux que toutes les paroles, l'éten-
due du mandat qui leur fut confié par Jésus.
H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen
Théologie, 1. 1, p. 232-233, avec un grand nombre de
protestants, prétend que Puniversalisme ne se fit jour
dans la prédication de Jésus, qu'ïu moment où la nation
juive se détournait de Jui, et le forçait ainsi à élargir
ses horizons. Loisv, Év. syn., t. i, p. 229-231, va plus
loin : selon lui, le Christ « ne paraît pas s'être soucié
de répandre cette espérance (du royaume) là où elle
n'existait pas encore, c'est-à-dire chez les païens; il
s'adresse aux seuls Juifs, comme s'il n'était envoyé
qu'à eux... l'évangélisation ultérieure du monde païen
est une idée étrangère à là prédication de Jésus...
Jésus ne songe pas à (le) convertir, » et à cela rien
d'étonnant, puisque la fin devait venir avant même
« qu'on eût seulement porté l'Évangile dans toutes les
villes de Palestine. » Les textes qui affirment le con-
traire sont déclarés des retouches rédactionnelles, ou
bien sont soumis à un traitement énergique qui leur
enlève la signification qu'ils ne doivent point avoir.
— Cependant, Jésus ne pouvait ignorer les passages
prophétiques qui annonçaient l'universalité du salut.
Déjà à Nazareth il prononce cette parole significative :
« Aucun prophète n'est bien reçu dans sa patrie, » et
il insinue qu'à l'exemple de la veuve de Sarepta et de
Naamanle Syriennes étrangers pourraient bien, encore
cette fois, être préférés aux Juifs. Luc, iv, 24-27. Le
Dieu dont il proclame les droits, n'est pas Jéhovah qui
a délivré Israël de la servitude égyptienne, mais le
Père qui accorde ses bienfaits indistinctement à tous
les hommes. Matth., v, 45. Enfin, la charte du royaume
n'a aucune attache nationale, et par le fait était la loi
de l'humanité entière. Cf. M. Meinertz, Jésus und die
lieidenmission, Munster, 1908.
2° L'Église. — Le règne, c'est-à-dire la royauté
en exercice, suppose tout naturellement un ensemble
de sujets soumis à cette juridiction. La conception du
royaume de Dieu comme société n'est pas absente de
l'Ancien Testament et la littérature juive la connaît
également; le plus souvent elle est contenue de façon
seulement implicite dans l'affirmation du règne de
Dieu sur Israël, ou sur les hommes à l'époque messia-
nique. Cf. Ps. Sal., xvii, 36, 40-44; Jub.,i, 28; Sib.,n\,
47-50, 767-783, etc. Au pasteur correspond le trou-
peau et il est intéressant de remarquer que c'est sous
l'image de troupeau 'que la société gouvernée par le
Roi-Messie est parfois représentée (tto^viov, Ps. Sal.,
xvii, 40). — Il serait étonnant que sur les lèvres de
Notre-Seigneur l'expression ^amldii toû ©eoy ne
s'appliquât jamais à une société, alors surtout que son
titre préféré « Fils de l'homme » paraît bien emprunté
à un texte de Daniel, vu, 13-27, cf. u, 37-45 où le pro-
phète décrit l'avènement du royaume des Saints, après
la chute des royaumes précédents. Nous voyons, en
effet, que le royaume céleste constitue une société; de
même que le blé mûr, au temps de la moisson, est
recueilli dans les greniers, ainsi en sera-t-il des élus,
Matth., xm, 30; ils forment l'assemblée des convives
prenant part au festin éternel. Matth., vin, 11; Luc,
xm, 28. Mais le royaume annoncé est un; la continuité
la plus parfaite règne entre ses différentes phases. Si
donc dans son stade définitif il est une société, non
seulement un règne, il est aisé de conclure que dans
sa phase préparatoire il aura pareillement un aspect
social. L'Église triomphante n'estque la suite de l'Église
militante. Loisy, Évangile et Église, 1902, p. 111, a
raison de dire, que « le royaume (prêché par Jésus)
devait avoir forme de société. » Dans la pensée du cri-
tique, il ne s'agit sans doute que du royaume eschato-
logique. Cependant, si le royaume doit s'établir dès à
présent, n'aura-t il plus forme de société? et si l'Église est
venue, alors que Jésus annonçait le royaume, ne sera-ce
point parce qu'il y a entre les deux un lien organique,
essentiel, parce que l'Église est elle-même, en un
sens, le royaume annoncé?
En effet, dans le royaume il y en a qui sont plus
grands que d'autres, Matth., v, 19; xi, 11; l'ambition
cependant devra en être bannie, l'humilité et la charité
la plus cordiale devront régner entre les disciples.
Luc, xn, 24-30. Le royaume est comparé à une salle
de festin où viennent s'asseoir bons et mauvais, même
ceux qui n'ont pas la robe nuptiale, Matth., xxii, 8-14,
à un champ où croissent ensemble l'ivraie et le bon
grain, Matth., xm, 24-31, à un filet contenant de bons
et de mauvais poissons. Matth., un, 47-51. En un mot,
il y a un royaume où se trouvent des « scandales » et
des hommes qui commettent l'iniquité. Matth., xm,41.
— Il est difficile d'entendre tous ces textes d'Un
royaume purement intérieur, puisqu'ils supposent que
la royauté de Dieu ne sera pas reconnue par tous les
sujets du royaume; il est encore moins facile de les
appliquer au royaume transcendant, qui ne pourra con-
tenir aucun mélange. Ces images évoquent l'idée d'une
société, groupant par des liens extérieurs des membres
qui n'ont pas tous l'esprit propre de la société.
Le royaume-Église transparait dans la parabole du
grain de sénevé, qui grandit insensiblement jusqu'à
devenir un arbre immense, capable d'abriter les oiseaux
du ciel. Matth., xm, 31-33. — L'identification devient
encore plus claire dans le fameux passage de Matth., xvi,
18-19, a ...sur cette pierre je bâtirai mon Église... et je
te donnerai les clefs du royaume des deux, et tout ce
que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux... »
Dans la première partie, l'Église est comparée à une
construction dont Pierre est le soutien inébranlable;
dans la seconde, la métaphore de l'édifice se continue,
et Pierre en est constitué le majordome. Si donc dans
le premier cas l'édifice est l'Église, Jl semble naturel
qu'il le soit encore dans le second. Celte interprétation
est confirmée par le pouvoir de lier et de délier, qui
est évidemment le même que celui des clefs. Cf. Matth.,
xvm, 17-18. Il est hors de doute que le pouvoir unique,
conféré à Pierre sous une triple image, doit s'exercer
sur terre, dans une société organisée dont il est déclaré
le chef. Cf. H. J. Holtzmann, Lehrbuch, i, p. 212,
note 4 : « le contexte de xvi, 18 et 19, invite à identifier
la pautXEÎa twv oùpavâv avec l'Inx^cia ».
Cependant, d'après M9<- BatifTol, L'Église naissante,
1909, p. 95 (cf. Enseignement de Jésus, p. 184), « la
notion du royaume, telle qu'elle se dégage de l'Évan-
gile, est distincte de la notion de l'Église. » La « figure
des clefs peut être entendue dans ce sens que Pierre
sera celui qui ouvre les portes du royaume à l'Église.
La distinction du royaume et de l'Église s'affirme ici à
nouveau » (ibid., p. 107). Cette exégèse ne nous semble
pas épuiser le sens des textes. Les deux termes ne sont
sans doute pas synonymes; la notion du royaume est
plus large que celle de l'Église, puisqu'elle s'applique
aussi au règne immanent et au royaume transcendant,
Mais cela n'empêche pas le royaume d'être pareillement
l'assemblée des fidèles qui ont accueilli le message du
Christ, et qui selon l'esprit de leur vocation doivent
posséder et conserver le règne intérieur, seul gage du
royaume céleste. « L'Église, en tant que société, est
l'expression visible du royaume dans le monde. » Has-
tings, Dictionary of the Bible, t. il, p. 854 b. — Bien
1253
ROYAUME DE DIEU
1254
que L'identification du royaume avec l'Église soit sur-
tout devenue classique depuis la controverse donatiste,
elle n'était pas entièrement inconnue auparavant. Elle
est déjà insinuée dans les passages qui appliquent à
l'Église le parabole de l'ivraie et du bon grain : S. Ca-
lixte, d'après Philosophoumena, ix, 12, édit. Cruice, Pa-
ris, 1860, p. 444; S. Cyprien, Epistol., liv (al. li), t. iv,
col. 344; S. Optât de Milève, De schismate Donatista-
rum, vu, 2, t. xi, col. 1085; S. Jérôme, In Matth.,
xiii, 37, t. xxvi, 261. — Cf. aussi Aphraate, Demonstr.,
xxi, 13, édit. Graffin, t. i, p. 966; surtout S. Augustin,
De s. virginitate, xxiv, t. XL, col. 409, et S. Grégoire,
Moral., xxxn, t. lxxvi, col. 695; Exposit. in I Beg.,
1. 1, m, t. lxxix, col. 76; Homil. inEv., 1. I, homil. xn,
t. lxxvi, col. 1118.
On a pu remarquer que les principaux textes relatifs
au royaume-Église sont puisés dans Matth., qui pour
cette raison est souvent appelé l'Évangile de l'Église. Le
caractère «ecclésiastique» du premier Évangile est fran-
chement reconnu par la plupart des criïiques. i. Weiss,
Die Predigt Jesu, p. 38, lui trouve un penchant
décidé pour les théories catholiques. H. J. Holtzmann,
Handcommentar zum Neuen Testament, Die Synopti-
ker,i90l,p. 259, reconnaît que «la conscience ecclésias-
tique, qui trouve son expression dans toute cette enclave
(Matth., xvi, 18-19), est en principe déjà catholique, à
cause de l'unification des concepts « Église * et
« royaume des cieux t; cf. Lehrbuch, t. i, p. 210-214.
D'accord avec eux, Loisy, Évangiles synoptiques, t. i,
p. 136-137, écrit: « Le premier évangile est, entre tous,
un livre d'édification, l'on pourrait même dire d'orga-
nisation ecclésiastique...; l'Église est pour (le rédac-
teur) le royaume des cieux déjà réalisé. » — Ces aveux
sont significatifs; on ne fait donc pas difficulté de con-
céder que, d'après Matth., le Christ a parlé d'une
Église visible, d'un organisme social destiné à durer,
et que cette Église équivaut, dans sa pensée, au
royaume des cieux. Pour se débarrasser de textes si
gênants, on les met au compte du rédacteur. Le pro-
cédé est commode, mais il a le tort d'être la consé-
quence nécessaire d'un système préconçu, l'impossi-
bilité que le Christ ait prévu et voulu fonder une
Église.
//. le royaume dans SAlNr paul. — 1° Le royaume
<le Dieu n'occupe plus dans l'enseignement de saint Paul
le rang prépondérant qu'il avait dans les Synoptiques;
il disparait presque derrière les grandes thèses christo-
logiques. L'Apôtre a même une tendance à identifier
le royaume de Dieu avec celui du Christ, Eph., v, 5;
Col., i, 13; 11 Tim., lv. 1, 18; en effet le Christ et Dieu,
c'est tout un. Philipp., n, 6.
2° Pour saint Paul, le royaume est en un sens déjà
présent, « car il faut que le Christ règne, jusqu'à ce
qu'il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. » I Cor.,
xv, 25. Ce régne s'étend, grâce à l'activité de l'Apôtre
et de ses collaborateurs. Col., iv, 11. Le boire et le
manger sont choses indifférentes par rapport au règne
de Dieu; il consiste dans l'obéissance au Christ, et ses
fruits sont « la justice, la paix et la joie dans le
Saint-Esprit. » Rom., xiv, 17-19. La préséance du règne
dans les âmes se manifeste par des œuvres, non par
des paroles. I Cor., iv, 20. — Cependant il n'est pas
toujours conçu comme une réalité immanente; il est
aussi un royaume, dans lequel les fidèles, délivrés de
la puissance des ténèbres, ont été transportés, Col., i,
13 ; c'est l'Eglise, dont le Christ est le chef, en vertu de sa
mort rédemptrice et de sa résurrection. Col., I, 14-23;
Act., xx, 28. Sur l'Église dans saint Paul, cf. Batiffol,
L'Église naissante, p. 80-93, 115-125, 135-142. — Le
règne du Christ se fonde par la défaite du règne des
ténèbres, du règne de Satan, qui domine sur le monde
par le péché. Col., n, 13-15; Eph., vl, 12; II Cor., iv,
4; Gai., i, 4; Rom., v, 21.
3° Mais dans la pensée de saint Paul, le royaume est
surtout eschatologique; il ne se constituera définitive-
ment qu'au ciel, quand le Christ aura remporté la vicr
toire finale sur la puissance des ténèbres et remis le
règne à Dieu, son Père. I Cor., xv, 24. C'est le royaume
glorieux auquel Dieu nous convie, I Thess., n, 12, où
l'Apôtre lui-même compte être reçu, II Tim., iv, 18, où
l'on n'arrive cependant qu'après avoir passé par le
creuset des tribulations. II Thess., i, 4-5; Act., xiv, 22.
Le corps de l'homme y entrera aussi; mais il devra
auparavant subir une complète transformation, car « la
chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu,
ni la corruption, l'incorruptibilité. » I Cor., xv, 50."
4° Le royaume est une grâce offerte à tous les hommes ;
l'universalisme de saint Paul n'est nié par personne.
Toutefois, pour partager au ciel la royauté du Christ,
I Tim., n, 12, il faut mener une vie digne de Dieu qui
nous a constitués ses fils adoptifs, les cohéritiers de
Jésus. I Thess., n, 12; Rom., vin, 16-17. Aussi les pé-
cheurs n'auront-ils point part à cet héritage céleste.
I Cor., vi, 9-10; Gai., v, 21 ; Eph., y, 5. — Sur l'eschato-
logie de saint Paul, cf. Prat, La théologie de S. Paul,
Paris, 1908, p. 104-120.
m. le royaume dans saint jean. — 1" Apocalypse.
— Ce livre décrit la lutte du royaume du bien avec la
puissance du mal et la victoire définitive du premier.
Le royaume est donc surtout présenté sous un aspect
eschatologique et social. Cependant l'aspect intérieur
et individuel n'est pas négligé, on peut même dire que
les préoccupations individualistes de l'auteur appa,
raissent à chaque page. La menace du jugement et de
la parousie n'est pour lui qu'un thème à instructions
morales. Il exhorte à la foi en Jésus, n, 3; m, 8; xiv,
12, à la pratique des bonnes œuvres, surtout de la
charité, n, 2, 4, 19, etc., à l'observation des comman-
dements, xiv, 12, en un mot à la persévérance chré.7
tienne, h, 3, 4, 10; m, 10-11; xm, 10. Le fidèle doit
répondre aux appels de Jésus, lui ouvrir la porte, et
se préparer ainsi à prendre part au festin céleste ni,
20, aux noces de l'Agneau avec son Épouse, xix, 7-9;
ceux qui auront gardé la continence, y jouiront de
prérogatives spéciales, xiv, 1-5.
Mais les fidèles forment une société visible : on peut
voir dans les « anges » auxquels sont adressées les sept
épitres, les évêques des communautés chrétiennes. Unis
entre eux par une même foi au Christ, les chrétiens
constituent le royaume de Dieu, en lutte constante avec le
royaume de Satan, xn, 10^17, ■ xm, 7-18; xvu, 12-18;
xix, 11-21 ; xx, 7-10. Dès ici-bas, la victoire est assurée
aux disciples du Christ, car Jésus les a fait participer à
sa royauté, i, 6, 9; v, 10, et ils régneront sur la terre,
v, 10. La constance des martyrs manifeste la royauté
de Dieu, xn, 10-11. Le triomphe du mal ne sera que
momentané; le jugement atteindra les méchants, le
Christ « paîtra les nations avec une verge de fer, »
xix, 15; xn, 5, il régnera d'abord avec les saints pen-
dant mille ans, xx, 1-6, puis, après une dernière
victoire, la royauté de Dieu et de son Christ sera défi-
nitivement reconnue, xi, 15, 17. — Plusieurs passages
semblent supposer que la parousie est imminente, I,
7; m, 3, 10, 11; m, 11 ; xxn, 12. Mais rien ne s'oppose
à ce qu'on interprète ces textes soit dans le sens de
l'eschatologie individuelle, soit dans le sens d'une
manifestation triomphante de la présence du Christ,
C'est dans ce dernier sens qu'il convient aussi d'inter-
préter l'annonce du règne millénaire, xx, 1-6. Il faut
se garder de prendre trop à la lettre les expressions
d'un livre où tout est symbole.
Le règne de Dieu, dans l'Apocalypse, est universaliste,
aussi bien que dans les autres écrits de saint Jean.
L'a gneau a racheté par son sang des hommes de toute
tribu, de toute langue, de tout peuple, v, 9. Au ciel se
trouve une foule innombrable d'hommes de toute
1255
ROYAUME DE DIEU
1256
nation, vu, 9; les pécheurs seuls en sont exclus, xxi,
8, 27; xxn, 15. Le peuple juif, par son rejet du Messie,
est devenu une synagogue de Satan, n, 9; ni, 9; la
ville sainte a subi le châtiment de Sodome et de
l'Egypte, xi, 8. — On rencontre sans doute, ça et là, des
traits qui semblent assigner aux Juifs une place privi-
légiée dans la Jérusalem céleste. Mais des expressions
semblables se trouvent dans les écrits prophétiques de
l'Ancien Testament. On peut donc les considérer comme
de simples réminiscences littéraires. D'ailleurs, l'esprit
général du livre suffit amplement à laver l'auteur du
reproche d'exclusivisme national.
2» Évangile et Épîtres. — L'expression « royaume
de Dieu » ne se rencontre que dans l'entretien de
Jésus avec Nicodème. (Joa., xvm, 36, il n'est pas ques-
tion de royaume, mais de royauté. A la demande de
Pilate : « Es-tu le roi des Juifs? » Jésus répond qu'en
réalité il possède la dignité royale, mais que cette
royauté est transcendante par son origine et ses
moyens; elle ne s'affirme pas par le déploiement de
forces armées, mais par le règne de la vérité surna-
turelle.) Cet entretien même nous permet de com-
prendre sous quel aspect l'Évangile de saint Jean et
les Épîtres qui n'en sont que le prolongement, présen-
tent l'idée du royaume. « En vérité je te dis qu'à
moins de naître d'en haut, on ne peut pas voir le
royaume de Dieu, etc. » Joa., m, 3-17. Le royaume de
Dieu est ici synonyme de vie éternelle, de salut; c'est
dire que l'auteur met surtout en relief le côté inté-
rieur et individuel du royaume, et que chez lui la no-
tion de la vie remplace l'idée du royaume.
Déjà dans les Synoptiques, le royaume de l'au-delà
se traduit pour l'individu par la vie éternelle. Ici-bas
le fidèle possède cette vie en germe : c'est une semence
déposée dans son cœur, il doit en favoriser la croissance
et débarasser le terrain de tous les obstacles, jusqu'à
ce qu'elle s'épanouisse en fruits mûrs pour la moisson.
Matth., xin ; Marc, iv, 26-29, — Dans saint Jean, cette
notion se trouve à la base de tous les développements
sur l'ordre surnaturel. Le Père a la vie en lui-même,
et il a communiqué la vie à son Fils, v, 26. A son
tour, le Fils est venu dans le monde, pour donner
aux hommes la vie, et une vie abondante, x, 10, en
leur donnant la faculté '<de devenir fils de Dieu, i, 12-
13; I Joa., m, 1-2. Pour acquérir cette filiation, il faut
une nouvelle naissance, dont le baptême par l'eau et
l'esprit est le symbole efficace, m, 5. L'homme reçoit
ainsi comme une semence divine, I Joa., m, 9, qui le
fait passer de la mort spirituelle à la vie de la grâce,
v, 24.
Cette vie, tout comme la grâce du royaume dans les
Synoptiques, est un don gratuit de la part de Dieu, iv,
10; vi, 65; personne ne peut venir au Fils si le Père
ne l'attire, vi, 44. Mais ce don laisse la liberté de
l'homme entière; le Verbe donne la faculté de devenir
enfants de Dieu à ceux qui le reçoivent, i, 12. Si
beaucoup ne l'ont pas connu, i, 10-11, c'est qu'ils
n'ont pas voulu le recevoir; ils ont fermé volontaire-
ment les yeux à la lumière, parce que leurs œuvres
étaient mauvaises, m, 19. Pour recevoir le Verbe, il
faut être disposé à l'écouter, v, 24; vm, 43, 47, accueil-
lir ses parolesd'un cœur docile, vm,37; xvm, 37, croire
en lui et en celui qui l'a envoyé, v, 24; vin, 24; xn, 36,
46, enfin, aimer Dieu et le prochain, xv, 9-25; I Joa., îv,
7-21. L'homme entre ainsi en union avec Dieu, I Joa.,
i, 3, 6, 7, et la grâce reçue devient une source d'eau
jaillissant à la vie éternelle, iv, 14, à la condition tou-
tefois qu'il conserve précieusement ce don. Car les
rameaux de la vigne peuvent cesser de recevoir la sève,
xv, 2, 6, on peut ne pas rester dans l'amour, xv, 9,
10. La vie se conserve par la fidélité à retenir les pa-
roles du Fils, xv, 7; I Joa., n, 5, 24, et par tous les
moyens qui unissent l'intelligence et la volonté au
Christ, par la foi, l'observation des commandements,
et en particulier l'exercice de la charité, xv, 11-17.
Cette union se parfait par l'Eucharistie, où Jésus lui-
même devient la nourriture et le breuvage des fidèles.
La manducation de ce pain céleste est une condition
de vie pour le présent, aussi bien qu'un gage de la vie
éternelle, vi, 53-58. La vie future achève l'union com-
mencée ici-bas, car nous serons semblables à Dieu et
nous le verrons tel qu'il est. I Joa., m, 2. — L'eschato-
logie individuelle occupe ainsi le premier plan. Cepen-
dant il est aussi question de la parousie, xiv, 2, 3;
xxi, 22, 23; I Joa., n, 28, sans détermination d'époque.
— La vie est offerte à tous les hommes, comme le
royaume des Synoptiques. Sans doute, « le salut vient
des Juifs, ■» iv, 22 ; mais la religion étant une adora-
tion « en esprit et en vérité, » ni les Juifs ni les Sama-
ritains ne pourront plus prétendre au privilège exclu-
sif de posséder le vrai culte, IV, 21-23. En réalité, <r la
vie était la lumière des hommes..., illuminant tout
homme venant dans le monde », I, 4, 9. Jésus est
l'Agneau qui efface le péché du monde entier, i, 29;
xi, 51; I Joa., n, 2, et quand il sera élevé de terre, il
attirera tout à lui, m, 17. Tous ceux qui croient en lui
peuvent obtenir la vie éternelle, vi, 40.
Le royaume johannique se présente donc générale-
ment comme immanent. Cependant l'Église n'est pas
absente. Un lien étroit s'établira entre les croyants; ils
ont été retirés du monde et séparés de tous ceux qui
les entourent, xv, 19 ; ils formeront une société entre
eux et avec Dieu, I Joa., i, 3, 7, et la charité sera le
trait d'union entre les disciples, xm, 35. Cf. aussi,
l'allégorie de la vigne, xv, 1-10. L'aspect extérieur de
cette société apparaît dans la parabole du bon pasteur,
x, 1-30 : le troupeau de Jésus-Christ est formé de tous
ceux qui entendent sa voix ; il constitue un tout bien
compact, distinct de tous les autres troupeaux; ceux
qui sont dehors, seront appelés, eux aussi, à en faire
partie. — Cette société ne comprend pas seulement
les prédestinés. Il est vrai que, dans la mesure où la
persévérance dépendra de Jésus, aucun de ceux que
le Père lui a confiés, ne se perdra, vi, 39; x, 28. Néan-
moins, des sarments, jadis en communication de sève
avec la vigne, pourront cesser de produire des fruits,
et être retranchés, xv, 2, 6. Les apostats qui sortent
de la société, lui ont appartenu au moins pendant un
certain temps, bien qu'ils n'aient pas eu l'esprit qui
doit en animer les membres, 1 Joa,, n, 19, et l'insis-
tance avec laquelle Jésus exhorte ses disciples à de-
meurer en sa charité, à conserver ses paroles, à
observer ses commandements, montre bien que les
membres de cette société pourront déchoir et perdre
la vie de la grâce. D'ailleurs, Judas n'avait-il pas été
donné à Jésus par le Père ? xvn, 12. — Mais le bon
pasteur ne pourra rester toujours auprès de ses bre-
bis; et cependant les disciples devront être les témoins
de Jésus, xv, 27, et subir une longue série de persé-
cutions, xvi, 2-4. Jésus a pourvu à l'unité de son trou-
peau : il sera un, parce qu'il n'aura qu'un seul pasteur,
x, 16. A Pierre est confiée la charge de paître les
agneaux et les brebis de Jésus, xxi, 16-17; il rempla-
cera, dans ses fonctions de pasteur, Jésus invisible-
ment présent, en marchant devant le troupeau qui le
suit et en le défendant contre les loups ravisseurs.
Cf. X, 4-14. — Union des fidèles par la foi et la cha-
rité, rites communs (baptême, eucharistie, rémission
des péchés), autorité suprême de Pierre : tels sont les
grands linéaments de l'Église, telle qu'elle se dessine
dans l'évangile et les épîtres de saint Jean. « Jean...
représente... l'Évangile de l'Église organisée en royaume
de Dieu^ur la terre. » Loisy, Le quatrième évangile,
p. 75.
1Y. LE ROYAUME BANS LES AUTRES ÉCRITS DU NOUVEAU
testament. — La notion du royaume ne se rencontre
1257
ROYAUME DE DIEU
RUBEN
1258
ici que rarement. « Dieu a choisi les pauvres selon le
monde pour les rendre riches en foi et héritiers du
royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment. » Jac, n,
5. « Appliquez-vous à affermir votre vocation et votre
élection... et ainsi l'entrée dans le royaume éternel de
N.-S. et Sauveur J.-C. vous sera pleinement accordée. »
II Pet., i, 11. « Puisque nous rentrons en possession
d'un royaume qui ne sera point ébranlé, retenons fer-
mement la grâce. » Heb., xii, 28. Comme on le voit, il
s'agit, dans tous ces textes, du royaume céleste. Cf. en-
core Heb.,i, 8.
Conclusion. — S'il fallait maintenant comprendre sous
one formule globale les significations diverses de l'ex-
pression fJadiAsi'a toû ©eoû, nous la définirions : l'actua-
lisation de la royauté éternelle de Dieu, dans les âmes
par la libre soumission à la loi du Dieu créateur et
sauveur, dans le monde par l'établissement et le déve-
loppement progressif de la société des fidèles (Église),
dans l'au-delà par l'union définitive des élus avec Dieu
(vie éternelle) et leur incorporation dans l'Église triom-
phante.
IV. Bibliographie. — La question du royaume de
Dieu est traitée, plus ou moins longuement, dans
toutes les Vies de Jésus, les commentaires, les Théolo-
gies de l'Ancien ou du Nouveau Testament, ainsi que
dans les différents dictionnaires bibliques. Nous nous
contenterons d'ajouter aux ouvrages ou articles, men-
tionnés au cours de ce travail, les publications qui se
rapportent plus directement à notre sujet. — E. Fleck,
De regno divino, Leipzig, 1829; " F. Crusius, De nolione
xîjç fiaffiAEÎa; toû ©so3 inN. T. obvia, 1844; "Wittichen,
Die Idée des Reiches Grottes, Gœttingue, 1872; 'Linden-
meyer, Das gôltliche Reich aïs Weltreich, nach der
■Kl. Schrift, Gùtersloh, 1876; * E. Schûrer, Der Begrift
des Himmelreiches aus jùdischen Quellen erlâutert,
dans Jahrbûcher fur proteslantische Théologie, 1876,
p. 166-187; *J. S. Candlish, The Kingdom of God,
Edimbourg, 1884; 'A. B. Bruce, The Kingdom of God,
Edimbourg, 1890; 'Schmoller, Die Lehre vom Reiche
Gottes im N. T., Leyde, 1891 ; * Bousset, Jesu Predïgt
in ihrem Gegensatz zuni Judentum, Gœttingue, 1892;
"Issel, Die Lehre vom Reiche Gottes imN. T., Leyde,
2«édit., 1895; *G. Schnedermann, Die Vorstellurtg
vom Kônigreich Gottes, Leipzig, 1893-1896; L. Paul,
Die Vorstellungen vom Messias und vom Goitesreich
bei den Synoptikem, Bonn, 1895; "Titius, Jesu Lehre
vom Reiche Gottes, Leipzig, 1895; "Lûtgert, Das
Reich Gottes nach den synoptischen Evangelien, Gù-
tersloh, 1895; *F. Krop, La pensée de Jésus sur le
royaume de Dieu, Paris, 1897; J. Schâfer, Das Reich
Gottes im Licht der Parabeln des Herm, Mayence,
1897; V. Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902,
c. m, Le Royaume de Dieu; * J.Bôhmer, Der alttesta-
mentliche Vnterbau des Reiches Gottes, Leipzig, 1902;
ld., Reichsgottesspuren in der Vôlkerwelt, Gùtersloh,
1906; "P. Wernle, Die Reichsgotleshoffnung in den
àltesten christlichen Dokumenten und bei Jésus, Tu-
bingue, 1903; Bartmann, Das Hinimelreich und sein
Kônig nach den Synoptikern, Paderborn, 1904;
*W. Wrede, Vortràge und Studien, luhingue, 1907,
•c. iv, Die Predïgt Jesu vom Reiche Glottes.
J.-B. Frey.
ROYAUMONT (BIBLE DE). On connaissons ce
nom l'Histoire du Vieux et du Nouveau Testament,
jn-f°, Paris, 1670, qui a été si populaire en France et
a eu d'mombrables éditions. \*oir Footmtse % t. n,
■col. 2306.
RUBEN (hébreu :Re'ûbên; Septante : 'Pouëiy*), nom
d'un patriarche et d'une tribu d'Israël.
1. RUBEN, l'aîné des fils de Jacob, le premier que
lui donna Lia. Gen., xxix, 32. Le nom hébreu, p»n-i,
Réûbên, signifie proprement : « Voyez, un fils. » G'est
sans doute le cri de joie que poussa sa mère en le
mettant au monde. L'Écriture cependant y ajoute celui
de la reconnaissance envers le Seigneur, et fait dire à
Lia : Rà'âh Yehôvâh be'onyi, « Jéhova a vu mon afflic-
tion. » Le mot Re'ûbên ne serait-il point plutôt sorti
de cette exclamation : >W3 n*n, Râ'dh be'onyi, con-
• :t: it
tractée en Râ'ù be'ên ? Quelques-uns le pensent ; mais
ce n'est guère probable. En dehors de l'étymologie que
fournit la forme actuelle du nom, on n'aboutit qu'à des
conjectures plus ou moins hasardées. Josèphe, Ant.
jud., I, xix, 8, etc., appelle le patriarche 'PovigrjXoc; les
versions syriaque, arabe, éthiopienne donnent de même :
Rûbîl. Partant de là, on a tenté diverses explications.
Pour les uns, Roubel viendrait de l'hébreu : "wa >ini,
Ra'ûi be'El, qui serait l'équivalent de ïieov toî ©eoï,
[objet de la] « miséricorde de Dieu», étymologie donnée
par Josèphe, loc. cit., et conforme à la parole de Lia.
Cf. J. Fùrst, Hebrâisches und chaldâisches Handwôr-
terbuch, Leipzig, 1876, t. n, p. 344. A. Dillmann, Gene-
sis, Leipzig, 1892, préfère cette lecture et la rapproche
de l'arabe ri'bâl, « lion » ou « loup. » Inutile d'aller,
avec C. J. Bail, The Book of Genesis, dans la Bible
polychrome de Paul Haupt, Leipzig, 1896, p. 83, jusqu'à
l'égyptien Ra-uban ou l'arabe ra'ûb, aussi bien que de
faire appel à l'araméen b»a-|, Rabel, dont la formation
n'est pas la même. Mieux vaut*nccepter l'origine toute
simple du nom que de chercher si loin. Quant à la
vraie forme du mot, il est permis de donner la préfé-
rence au texte hébreu. On invoque, il est vrai, le chan-
gement de Béthel en Beîtîn, deJezraël en Zer'în; mais
la permutation entre n et l rend aussi plausible le pas-
sage de Re'ûbên à Roubel. — L'Écriture nous repré-
sente Ruben comme une nature ardente, passionnée,
mais généreuse. Il commit un crime en souillant la
couche de son père. Gen., xxxv, 22. Mais c'est à lui que
Joseph dut d'échapper à la mort. Pour l'arracher aux
mains de ses frères, qui voulaient le tuer, il conseilla
de le jeter dans une vieille citerne sans eau, ayant l'in-
tention de l'en retirer après et de le rendre à son père.
Gen., xxxvn, 21-22. Son désespoir en ne retrouvant
plus l'enfant montre à quel point il partageait son in-
fortune et la désolation que sa perte causerait au
malheureux Jacob. Gen., xxxvn, 29-30. C'est avec rai-
son que, plus tard, en Egypte, il rappelait à ses frères
et ses conseils et leur indigne conduite. Gen., xlii,
22. Sa générosité éclate encore lorsque, sur le point
d'emmener Benjamin réclamé par Joseph, il offre ses
propres iils en gage pour lui. Gen., xlii, 37. Ruben eut
quatre fils : Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi. Gen.,
xlvi, 9; I Par., v, 3. Au lieu de la bénédiction de son
père, c'est la punition de sa faute qu'il reçut, en per-
dant la prééminence que lui assurait son titre d'aîné.
Gen., xlix, 3-4. Voir, pour l'explication de ce passage
et pour les autres endroits où se trouve le nom, ce qui
est dit de la tribu, Ruben 2. A. Lkgendre.
2. RUBEN, une des douze tribus d'Israël.
I. Géographie. — La tribu de Ruben occupait « au
delà», c'est-à-dire à l'est « du Jourdain », Num., xxxn,
32; Jos., xiii, 8, le territoire situé à l'extrémité méridio-
nale des possessions israélites de ce côté. Elle avait
partagé avec Gad le royaume de Séhon, roi des
Amorrhéens. Num., xxxn, 33; Jos., xm, 8-10, 21. Voir
la carte, fig. 266.
/. limites. — Ses limites sont décrites Jos., xm,
15-23. Elles s'étendaient depuis Aroër ('Ara'îr), sur le
bord du torrent d'Arnon, au sud, jusqu'à Hésébon (Hes-
bân) au nord. 11 est probable, en effet, qu'au lieu de
lire, f. 16-17, avec la Vulgate : « Toute la plaine qui
conduit à Médaba et Hésébon... » (hébreu : vekol-ham-
mîSôr 'al Mëdbâ' fféSbôn...), il vaut mieux traduire,
1259
RUBEN
1260
d'après les Septante : xa\ itâirav rr|V Miuwp ewc 'Eoeëtiv,
« tout le.Misor jusqu'à (iy, 'ad, à la place de Sy, 'al),
Hësébon ». Hésébon marque donc un point de la fron-
tière septentrionale. Nous en trouvons un autre dans
îîethjésimoth (Khirbet Suéiméh), compté parmi les
villes de la tribu, Jos., xm, 20, et situe dans la vallée
du Jourdain, à peu de distance de l'extrémité nord-est
de la mer Morte. Éléalé (el-'Al), appartenait aussi aux
Rubénites. Num., xxxii, 37. Il y a cependant une cer-
taine indécision (voir Gad 4, t. m, col. 27), de ce côté
des limites, d'autant plus que l'identification de Méphaath
avec Neifa, si elle est certaine, nous oblige à remonter
les jalons un peu vers le nord. A l'ouest, la mer Morte
et une petite partie du Jourdain constituaient une
borne naturelle. Deut., m, 17; Jos., xm, 23. A l'est, le
territoire confinait au désert, et sa ligne de démarca-
tion peut être placée à la *, route des Pèlerins ».
II. villes principales. — Les villes attribuées à
Ruben par Josué, xm, 16-20, sont les suivantes :
1. Aroër (hébreu : 'Arô'êr; Septante : 'Apo^p), au-
jourd'hui 'Ar'âîr, sur le bord de Youadi Môdjib, l'an-
cien Arnon. Voir Aroër 1, t. i, col. 1023.
2. Médaba (hébreu : Mêdbâ'; Septante : omis, Jos.,
xm, 16; MotcSaêâ, Jos., xm, 9), se retrouve avec le
même nom dans Mâdeba ou Mâdaba, à vingt-sept kilo-
mètres au nord de la vallée de l'Arnon. Voir t. iv,
col. 902.
3. Hésébon (hébreu : flésbôn; Septante : 'E<yeëwv),
actuellement Bîesbân, au nord de Mâdaba. Voir t. m,
col. 657.
4. Dibon (hébreu : Dîbôn; Septante : Aatgwv) =
Dhibân, non loin d"Ar'dir. Voir t. Il, col. 1410.
5. Baniothbaal (hébreu : Bâniôf Ba'al; Septante :
Batfitiv BaâX), peut-être El-Maslûbîyéh, à l'ouest de
Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1428.
6. Baalmaon (hébreu : Ba'al Me' on; Septante : Codex
Vaticanus : Mee).g(o6; Codex Alexandrinus : BeXainov),
généralement reconnue dans Ma'în, au sud-ouest de
Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1340.
7. Jasa (hébreu : Yahsâh; Septante : Vaticanus :
Batriv ; Alexandrinus : 'Iaa.oi), dont l'emplacement
exact n'est pas connu. Voir t. ni, col. 1138.
8. Cadémoth (hébreu : Qedêmô{; Septante : Vatica-
nus : Bax£8|i(48; Alexandrinus : KeSthmûÔ), inconnue.
Voir t. il, col. 12.
9. Méphaath (hébreu : Mêfa'af; Septante : Vatica-
nus : Matifâa8; Alexandrinus : Mv^âoiô), a été identi-
fiée avec Neifa, à neuf kilomètres au sud de 'Amman.
Voir t. iv, col. 978.
10. Cariathaïm (hébreu : Qiryâ(aim; Septante :
Kapia6aî[i), = Qureiyat, au sud du Djebel Attarus.
Voir t. n, col. 270.
11. Sabama (hébreu : èibmâh; Septante : Se6a(tâ),
serait, suivant les uns, Sumia, au nord-ouest d'Hesbân;
suivant les autres, Sckânab, plus au nord.
12. Sarathasar (hébreu': $ére'( haS-Sahar; Septante :
Vaticanus : EepaSa; Alexandrinus :Sap9), se retrouve
dans Sâra, près de l'embouchure de Youadi Zerqâ
Ma'în; c'est l'ancienne Callirrhoé.
13. Bethphogor (hébreu : Bê( Pe'ôr; Septante :
BaiSço-fwp), devait être entre le Nébo et la vallée du
Jourdain. Voir t.i, col. 1710.
14. Asédoth-Phasga (hébreu : 'ASdàf hap-Pisgâh;
Septante : 'AuoSwO 3>ao7â), territoire situé dans le
voisinage du mont Nébo. Voir t. i, col. 1076.
15. Bethjésimoth (hébreu : Bêt hay-¥esîmô( ; Sep-
tante : Vaticanus : Baiflfla<retv<i6; Alexandrinus :
Br)<it[jioû6) = Sûeirnéh, dans la vallée du Jourdain, près
de la mer Morte. Voir 1. 1, col. 1686.
A cette liste il faut ajouter d'autres noms signalés
dans divers endroits de l'Écriture et qui rentrent dans
les possessions rubénites • Atarolh, Num., xxxii,
3, 34 = 'Attdrûs, au sud du Zerqa Ma'în, t. i,
col. 1203; BeerÉlîm, Is., xv, 8, t. i, col. 1046; Beon
Num., xxxii, 3, t. i, col. 1604; Bethgamul.Jer., xlviii,
23 = Djémaïl, à l'est de Dhibân, 1. 1, col. 1685; Bosor
ou Bosra, Jos., xx, 8; Jer., xlviii, 24, identifiée par
plusieurs avec Qasr el-Bescheir, au sud-ouest de
Dhibân, et dont le nom, suivant d'autres, serait rap-
pelé par Barzâ, au nord-ouest de la même ville, t. i,
col. 1856; Carioth, Jer., xlviii, 24, 41, peut-être Qe-
reiyet Fâléh, au nord-ouest de Djémaïl, t. n, col. 283;
Déblathaîm, Jer., xlviii, 22, dont le nom a peut-
être laissé un reste dans celui de et-Teîm, au sud de
Mâdaba, t. n, col. 1330; Hélon, Jer., xlviii, 21, proba-
blement el-Lehûn, à l'est d"Ar'aîr, t.- ni, col. 586; Men-
nith, Jud., xi, 33, probablement Khirbet Beddih, au
nord de Hesbân, t. iv, col. 970. Nebo, Num., xxxii, 3,
ou Nabo, Num., xxxii, 38, sans doute sur la montagne
du même nom, t. îv, col. 1540,; Nophe, Num., xxi, 30,
t. iv, col. 1698; Oronaïm, Is., xv, 5; Jer., xlviii, 3,
t. iv, col. 1895.
///. description. — La tribu de Ruben se trouvait
ainsi enclavée entre le 'territoire proprement dit de
Moab au sud, celui de Gad au nord, la mer Morte et
le Jourdain à l'ouest, et le désert syrien à l'est. N'oc-
cupant qu'une toute petite bande de la vallée du Jour-
dain, elle comprenait le plateau moabite situé au nord
de l'Arnon et la région accidentée qui s'étend sur les
bords de la mer Morte. Le plateau est une bande de
terre dont l'attitude moyenne est de 7 à 800 mètres;
le sol ondulé est parsemé çà et là de collines générale-
ment en forme de mamelons. Il est sillonné par une
multitude d'ouadis qui se ramifient au Zerqâ Ma'în
ou au Modjib. La lisière qui borde la mer Morte est
en général d'une altitude inférieure à celle du plateau,
bien que, vue de l'occident, elle ait l'aspect d'une mon-
tagne. Les nombreux torrents qui la découpent en ont
fait une succession de collines tourmentées, séparées
par des ravins et des gouffres. Voir Abarim, t. i, col. 16;
Nébo (Mont), t. iv, col. 1544. La plaine inférieure, au
nord de la mer Morte, est une profonde dépression, dont
le sol est généralement très fertile. Pour les détails
de topographie physique, de climat, productions, etc.,
voir Moab 2, t. iv, col. 1143-1157.
II. Histoire. — Au moment où Jacob descendait en
Egypte, les quatre fils de Ruben, c'est-à-dire Hénoch,
Phallu, Hesron et Charmi, formaient le noyau de la
tribu, Gen,, xlvi, 9; Exod., vi, 14. Lors du premier re-
censement fait au Sinaï, elle avait pour chef Elisur,
fils de Sédéur. Num., i, 5; n, 10; x, 18, et elle comp-
tait 46500 hommes en état de porter les armes. Num.,
i, 21. Elle avait sa place au sud du tabernacle avec Si-
méon, né de Lia comme Ruben, et Gad, leur demi-
frère, né de Zelpha, la servante de leur mère. Num.,ir,
10. Elle offrit à l'autel, par les mains de son prince, les
mêmes dons que les autres tribus, d'après l'ordre pres-
crit pour les marches et les campements. Num., vu, 30.
Elle fut représentée parmi les explorateurs du pays de
Chanaan par Sammua, fils de Zéchur. Num., xm, 5.
Au second dénombrement, dans les plaines de Moab,
elle ne comptait plus que 43 730 guerriers, soit une
perte de 2770. Num., xxvi, 5-7. Il est probable qu'un
grand nombre de Rubénites avaient pris part à la ré-
volte de Coré, Dathan et Abiron. Num., xvi, 1; xxvi,
8-11. Après la conquête du territoire situé à l'est du
Jourdain, la tribu de Ruben s'unit à celle de Gad pour
réclamer une part du pays. Devant les représentations
de Moïse, toutes deux promirent de marcher en tête
des autres dans les combats qui devaient assurer aux
Hébreux la possession de la région occidentale. Nuni.,
xxxii, 1-32. Une fois installés, les Rubénites commen-
cèrent par rebâtir certaines villes importantes, comme
Hésébon, Éléalé, Cariathaïm, Nabo, Baalméon et Sa-
bama. Num., xxxii, 37. Dans la scène imposante de la
Dictionnaire de la Bible
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TRIBU DE RUBEN
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ne sont pas bibïiqujes sont en- caractères droits
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Échelle
ïbKilom.
JmjzJ>uJrvni>i/.Jizrùr.
1261
RUBEN — RUBIS
1262
vallée de Sichem, ils se trouvèrent sur le montHébal,
pour les malédictions, à côté de Cad, Aser, Zabulon,
Dan et Nephthali. Deut., xxvn,13. Ils avaient, en effet,
accompli leur promesse et aidé leurs frères à la con-
quête de Chanaan, Jos., iv, 12, et leurs possessions au
delà du Jourdain furent confirmées, Jos., xm, 15-23;
xvm, 7. Ruben fournit comme villes lévitiques : Bosor,
Jos., xxi, 36; I Par., vt, 78; Jaser^ Jos., xa, 36 (Jasa,
I Par., vi, 78); Gadémoth, I Par., vi, 79 (Jethson, Jos.,
xxi, 36); Mephaath, Jos.,xxi, 36; I Par., vi, 79. Licenciés
avec honneur par Josué et arrivés sur la rive droite du
Jourdain, les guerriers de la tribu, avec ceux de Gad
et de Manassé oriental, érigèrent un autel d'une gran-
deur considérable, ce qui causa parmi les autres tribus
une vive surexcitation. L'incident eut une conclusion
pacifique. Jos., xxu, 1-34. Pour cet événement et les
précédents, qui furent communs à Ruben et à Gad, voir
Gad 4, Histoire, t. m, col. 30. — D'après le cantique de
Débora, Jud., v, 15-16, il semble que les Rubénites ne
furent généreux, du temps de Barac, que dans leurs
délibérations pour secourir leurs frères, sans passer à
l'action. Voir plus bas, Caractère. — Ils fournirent un
contingent de guerriers pour l'élection royale de David
à Hébron. I Par., xu, 37. — Vers la fin du règne de
Jéhu, la tribu succomba, comme les autres situées à
l'est du Jourdain, sous une invasion victorieuse d'Ha-
zaë 1 ., roi de Syrie. IV Reg., x, 32, 33. Elle prit part avec
elles à une .expédition contre les Agaréniens, I Par., v, 18,
19, et avec elles fut emmenée en captivité par les Assy-
riens. I Par., v, 26. — Dans le nouveau partage de la Terre
Sainte, Ézéchiel,XLvm, 6-7, place Ruben au nord, entre
Éphraïmet Juda. Dans sa reconstitution idéale de la cité
sainte, xlviii, 31, il met au nord» la porte de Ruben »,
avec celles de Juda et de Lévi. Enlin saint Jean, dans
l'Apocalypse, vu, 5, cite Ruben entre Juda et Gad.
III. Caractère. — Le droit d'aînesse conférait au
patriarche, père de la tribu, des privilèges qu'il perdit
par le crime dont il se souilla. Cette déchéance re-
tomba sur ses descendants. Voici, d'après l'hébreu, ce
que Jacob dit de Ruben, Gen., xlix, 3-4 :
Ruben, tu es mon premier-né,
Ma force et les prémrees de ma vigueur,
Éminent en dignité, éminent en pouvoir;
Bouillant comme l'eau, tu n'auras pas la prééminence,
Car tu es monté sur la couche de ton père,
Alors tu as profané le lit sur lequel tu es monté.
Ainsi Ruben, par la faute dont il se rendit coupable,
fut privé de la principauté, de la dignité messianique,
du sacerdoce et du double héritage, qui étaient l'apa-
nage de l'aîné; cet apanage fut partagé entre Juda,
Lévi et Joseph. Cf. Gen., xlix, 10, 25-26; I Par., v, 1-2.
Dathan et Abiron, qui étaient ses descendants, cherchè-
rent en vain à faire prévaloir ses droits. Num., xvi, 1.
La tribu fut sans importance parmi les autres. C'est le
même écho que nous recueillons sur les lèvres de
Moïse, Deut., xxxm, 6 :
Que Ruben vive, et qu'il ne meure pas ;
Et que ses hommes soient en petit nombre.
La famille du premier-né de Jacob, reléguée-^aux
confins des possessions israélites, vécut sans gloire,
sans pouvoir compter parmi ses enfants un juge, un
prophète ou un héros. Il y eut pourtant chez elle,
comme chez le patriarche qui aurait voulu être le sau-
veur de Joseph, des sentiments généreux, au moins des
velléités d'énergie, mais qui n'allèrent pas jusqu'à la
réalité du dévouement. C'est ce que "laisse supposer le
cantique de Débora, Jud., v, 15M6 :
Sur les rivéâ de Ruben,
Grandes sont les anxiétés de l'esprit.
Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs
Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux?
On entrevoit ici les délibérations des Rubénites au
moment de la guerre contre Sisara ; mais les douceurs
de l'oisiveté au milieu de leurs troupeaux l'empor-
tèrent sur le désir de secourir leurs frères. Ce ne
furent cependant pas les qualités guerrières qui leur
manquèrent. Comme les autres tribus transjorda-
niennes, ils marchèrent vaillamment à la tête du
peuple pour la conquête de Chanaan, et ils avaient une
valeur militaire reconnue. I Par., v, 18. Placés aux
avant-postes du territoire israélite, ils eurent à ba-
tailler, d'un côté, contre les Bédouins pillards du dé-
sert, de l'autre, contre les Moabites. Us ne surent pas
toujours se défendre contre ceux-ci, qui occupèrent
plusieurs de leurs villes, comme nous le voyons d'après
la stèle de Mésa. Voir Mésa 3, t. iv, col. 1014. Chose
singulière, ce dernier monument parle de Gad, mais
ne fait aucune mention de Ruben, ce qui confirme le
peu de place que tenait cette tribu, qu'on dirait presque
englobée dans sa voisine. En dehors de la faute origi-
nelle qui pesait sur elle, et d'un certain manque de
décision, on pourrait peut-être aussi attribuer sa fai-
blesse à son isolement. A. Legendre.
RUBÉNITE (hébreu : Re'ûbêni; Septante : ô 'Pou6r|v ;
Vulgate : Rubenita, Rubénites), descendant de Ruben.
Jos., i, 12; xu, 6; xm, 23; xxu, 1; I Par-, xi, 42; xxvi,
32; xxvii, 16. Dans tous ces passages, il est question de
la tribu de Ruben, en général, excepté I Par., xi, 42,
où est mentionné « Adina, fils de Siza, le Rubénite ».
RUBIS (hébreu : kadkôd ; quelques manuscrits :
karkôdou karkôr; Septante : x^PX°5 etxpûaraV/.o;; Vul-
gate : chodchod eijaspis), pierre précieuse. — Le rubis
oriental est un corindon (alumine cristallisée) (fig. 267)
26V- — Corindon (alumine cristallisée).
d'un beau rouge qui, par sa pesanteur spécifique 4,283,
son éclat et son velouté, est supérieur aux autres
pierres précieuses et ne le cède qu'au diamant. Les
plus beaux rubis viennent de l'Ile deCeylan, de l'Inde, de
la Chine. Cette pierre est extrêmement dure et très diffi-
cile à tailler et à graver. Il est un autre rubis (aluminate
de magnésie), fig. 268, qui va du rouge ponceau, comme
le rubis spinelle, au rouge lie de vin comme le rubis
balais. La densité est moindre, 3,7. Il est plus facile
à tailler et à graver. F. Leteur, Traité élémentaire de
minéralogie pratique, in-4°, Paris, p. 97-98; Ch. Barbot
et Baye, Guide pratique du joaillier, in-12, s. d., p. 306.
— Plusieurs exégètes ont identifié la pierre précieuse
appelée TjSi, nôfêk, qu'on apportait sur les marchés
de Tyr, Ezech., xxvii, 16, et qui figure parmi les pierres
du rational, Exod., xxvm, 18, avec le rubis. J. Braun,
Veslitus sacerdotum hebrœorum, in-8°, Leyde, 1680,
p. 660-669. La traduction des Septante, ôtvGpai;, et celle,
de la Vulgate, carbunculus, désignent sans douté une
pierre d'un rouge brillant, comme un charbon ardent.
Mais l'avdpaî ou carbunculus, l'escarboucle des anciens,
comme on peut le voir par les descriptions de Théo-
phraste, De lapid., 18, et de Pline, H. Pf., xxxvn, 25,
comprend plusieurs espèces de pierres rouges et s'ap-
1263
RUBIS — RUE
1264
plique aussi bien au grenat syrien qu'au rubis orien-
tal. D'autre part le rubis oriental n'aurait pu être taillé
et gravé par les Hébreux pour entrer dans l'ornemen-
tation du pectoral. Aussi est-il plus probable que nôfék,
av8pa£, carbunculus, escarboucle des anciens, le car-
bvnculus garamanticus de Pline, est un grenat syrien.
Voir t. n, col. 1907 t. v, col. 426. Les grenats sont des
silicates moins difficiles à graver.
Quant au rubis spinelle ou balais, il pourrait être
désigné par un nom hébreu, tins, kadkôd, qui se pré-
sente deux fois dans les textes. Une première fois, dans
Is., liv, 12, où il s'agit de la Jérusalem nouvelle qui doit
être splendidement rebâtie. Après avoir montré que
les pierres qui formeront les assises de l'édifice nou-
veau seront des ôtv8poxa, des escarboucles (les Septante
ont lu -pj, nôfék, qui se comprend mieux ici que "ps,
pûk, antimoine) sur des fondements de saphir, il
ajoute :
Je te ferai des créneaux de kadkôd,
Des portes de cristal,
Et toute ton enceinte de pierres précieuses.
DansÉzéchiel, xxvn, 16, le mot seprésentede nouveau,
dans la description du commerce de Tyr. « Aram payait
tes marchandises avec des
escarboucles, de la pourpre,
des broderies, du fin lin, du
corail et du kadkôd. »
L'étymologie ("03, kddad,
— T
« briller, scintiller ») et le
contexte n'offrent pas grand
secours pour déterminer la
nature de celte pierre pré-
cieuse. Aussi saint Jérôme,
dans son Commentaire sur
Ézéchiel (t. xxv, col. 255) à la
question « Que signifie chod-
chod ? » répond : « Jusqu'ici
je n'ai pu le découvrir. »
J. D. Michaëlis, Supplemenla
ad lexica hebraica, in-8°, Gœltingue, 1792, t. n, col. 1213,
après avoir exposé les divers sentiments des critiques,
finit par avouer la même impuissance.
Mais ne faudrait-il pas lire "n~a, karkôd, comme le
portent plusieurs manuscrits hébreux, et comme lisait
Symmaqùe? Karkôd rappelle Kap~/r)àwv, un carbuncu-
lus. On lit dans la traduction arabe du Pseudo-Aristole,
«le kerkend ressemble à l'yaqout rouge, mais il ne sou-
tient pas comme lui l'action du feu. » Clément Mullet,
Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54.
Or le kerkend rappelle le nom spécifique du carbuncu-
lus carchedonius, et le karkôd hébreu. Cette pierre qui
ressemble au yaqout rouge ou rubis oriental, mais
est moins résistante à l'action du feu, serait le rubis
tendre dont parle Chardin. Voyage en Perse, in-8°,
Amsterdam, t. iv, p. 70, c'est-à-dire le rubis spinelle ou
le rubis balais. Le rubis spinelle, qui se prête très bien à
la taille et à la gravure, qui est d'un rouge vif, pourrait
donc bien être désigné par le karkôd hébreu : ce serait
le rubis des anciens dont on peut voir la reproduction,
fig. 83 B, vis-à-vis col. 424.
On a voulu quelquefois voir le rubis dans la pierre
'éqdâh qui n'apparaît que dans Is., uv, 12. La racine mp,
qadal), « scintiller», et le contexte paraissent indiquer
une pierre brillante, mais dont rien ne permet de
déterminer l'espèce. Plusieurs exégètes pensent que la
vraie leçon devait être mp, qêrah, « cristal ». La
Jérusalem nouvelle aurait donc des portes de cristal.
Voir Cristal, t. n, col. 1119. Mais les Septante ont
traduit le mot hébreu par ixXExtrfuc; ils ont donc lu
mpt, yeqârâh, au lien de mpN, 'éqdâh. La locution
'ébén yeqârâh pour désigner les pierres précieuses en
268. — Rubis spinelle
(aluminate de magnésie).
général est connue dans les textes bibliques. Cf. III Reg.,
x, 2, 10, 11, etc. L'expression le-ébén yeqârâh, « en
pierre précieuse », ferait le pendant des mots du
membre parallèle, le-abnê héfés, « en pierres de choix » .
E. Levesque.
1. RUE (grec : ir^yavov; Vulgate : ruta), plante herba-
cée très a mère.
I. Description. — Herbe vivace, sous-ligneuse à la base,
à feuilles glauques, décomposées en segments oblongs,
les terminaux un peu plus larges, obovales. Fleurs ré-
gulières, 4 ou 5 mères, diplostémones. Comme dans
toutes les plantes de la même famille, les divers paren-
chymes sont creusés de poches secrétrices dont ï'oléo-
résine, d'une odeur très forte, mais peu agréable,
fournit un puissant emménagogue, d'ailleurs rarement
employé. Le Ruta graveolens (fig. 269) est spontané
dans les lieux arides de la région méditerranéenne,
269. — Ruta graveolens.
ce qui relève encore l'importance de sa culture dans
les jardins de Palestine. On trouve, en outre, aux
mêmes endroits deux autres espèces très voisines, le
Ruta montana, à divisions foliaires plus étroites, et le
Ruta bracteosa dont les bractées sont plus larges, ordi-
nairement ovales-cordiformes. F. Hy.
II. Exégèse. — Le nriyavov, qui désigne certainement
la rue, Theophraste, Hist. plant., i, 3, 4; Dioscoride,
m, 45, ne se rencontre qu'une seule fois dans la Sainte
Écriture. Luc, xi, 42. « Malheur à vous, pharisiens,
qui payez la dime de la menthe, de la rue, et de toutes
les herbes potagères, et qui n'avez nul souci de la jus-
tice et de l'amour de Dieu. » La loi ne faisait point ren-
trer les plantes énumérées dans ce texte parmi les reve-
nus du sol sujets à la dîme, comme le vin, l'huile, le
blé. Lev., xxvn, 30; Num., xvm, 21; Deut., xiv, 22.
Mais les rabbins avaient étendu cette obligation à tous
les légumes d'après cette règle générale de la Mischna,
Maaseroth, i, 1; Surenhusius, Mischna, t. I, p. 245.
« Tout ce qui est comestible et se conserve pour être
mangé, et ce que produit la terre est soumis à la dîme. »
Cependant exception est faite expressément pour la rue
dans le traité Schebiilh,ix, 1, Surenhusius, i&td., p. 188;
la raison qu'on en donne est que cette plante « n'a pas
coutume^ d'être conservée pour la nourriture. » Là rue
se trouve, en effet, à l'état spontané dans la Palestine.
Cependant on en cultivait, et on en cultive encore, en
Syrie, une espèce, et à ce titre plus d'un pharisien
devait la comprendre parmi les herbes potagères sujettes
1265
RUE
1266
à la dlme. Dioscoride, m, 45, distingue une espèce sau-
vage it^yavov ôpEtviv, la rue des montagnes, Ruta cha-
lepensis, ou sa variété Bracteosa et une espèce cultivée
royyavovxTi7rEUT<>v,«la rue des jardins y> , Kula graveolens.
Estimée en médecine au temps d'Hippocrate,elle servait
aussi de condiment. Pline, À. iV^xix, 45;Columelle,I>e
re rustica, XII, vu, 5; Ârnobe, Adv. Gent., vu, 16, t. v,
col. 1238. Dans le passage parallèle deMatth., xxm, 23,
on énumère la menthe, l'aneth et le cumin, tandis que
Luc, xi, 42, cite la menthe, la rue et les herbes pota-
gères. Comme la rue est omise dans le passage de saint
Matthieu, et qu'on trouve à la place l'aneth, il a paru à
quelques critiques que le mot employé dans le Matthieu
de pierres, hautes de 0°30 à 0™90 et à peu près larges
de l m 50, établies sur le roc dont elles compensaient
les inégalités. Mais elles constituaient un dédale inex-
tricable (Gg. 270), auprès duquel les rues de Jérusalem
actuelle paraissent presque avoir la régularité d'unç
jeune cité américaine, au dire de M. Macalister. Cf. Pa-
lest. Expl. Quart. Stat., 1904, p. 115. Les ruesd'Hébron,
de Naplouse, et d'autres villes et villages de Palestine
présentent encore l'aspect du même fouillis. Les Orien-
taux s'accommodent d'autant mieux d'un tel état de
choses que le soleil a plus de peine à pénétrer dans
ces ruelles étroites, et que, le soir, la terrasse de leurs
maisons leur ménage un endroit propice pour respirer.
270. — Rue en ruines de Gézer. D'après H. Vincent, Canaan, p. 24.
araméen, xmuf, Sebeta' (et traduit av^Cov dans le Mat-
t " :
thieu grec), avait été mal lu par le troisième évangéliste
et pris pour N"otf, sabara', mrjvavov, rue. Mais le cumin
T r -
n'est pas plus nommé que l'aneth dans saint Luc, et la
différence des deux synoptiques peut s'expliquer plus
simplement, par une énumération incomplète qui s'atta-
chait plus à reproduire la pensée du Maître qu'à en
conserver tous les mots. Cf. Celsius; Hierobotanicon,
in-8», Amsterdam, 1748, t. Il, p. 251:
E. Levesque.
2. RUE (hébreu : rehôb, sûq, hûs; Septante : pùfiï],
ôSéç, è^ôSoc; Vulgate : vicus, via), voie ménagée à
travers les maisons d'une ville. Les termes hébreux
désignent assez souvent la place aussi bien que la rue.
Voilà pourquoi les versions les rendent plusieurs fois
par le mot « place». Voir Place publique, col. 447. — '
Dans les anciennes villes de Chanaan récemment ex-
plorées, les maisons sont entassées sans ordre et les
rues ne sont que des passages étroits et tortueux, dont
le tracé s'est modifié d'une période à l'autre. A Gézer,
vers 3000 avant J.-C, les rues formaient des chaussées
Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 73. La diffi-
culté de se reconnaître à travers un pareil réseau de
rues rendait plus difficile la tâche de l'envahisseur et
plus aisée la fuite du vaincu. C'est ainsi que, quand les
Chaldéens eurent pris Jérusalem, Sédécias put s'enfuir
par les rues écartées avec les hommes de guerre. Jer.,
lu, 7. — David écrase ses ennemis comme la boue des
rues. II Reg., xxn, 43; Ps. xvm (xvn), 43. La boue des
rues est une expression employée pour désigner ce qui
est vil et méprisable. Is., x, 6; Mien., vu, 10. Voir Fange,
t. Il, col. 2176. A Tyr, l'or était commun comme la boue
des rues. Zach., IX, 3, — Les rues sont le théâtre de
différents épisodes de la vie sociale. L'épouse y cherche
son bien-aimé. Cant., m, 2. On y rencontre les exci-
tations au mal, Prov., vu, 8 ; Eccli., ix, 7, et des dan
gers pour la vie. Prov., xxn, 13; Tob., n, 3. Les portes
des maisons donnent sur la rue, où les pleureuses se
font entendre. Eecle., xii, 4, 5. On y pousse des cla-
meurs dans les jours de détresse. Is.,xxiv, 11; II Mach.,
m, 19. En temps de guerre, les ennemis y exercent leurs
ravages, Jer., xliv, 6; Lam., iv, i, et y massacrent les
habitants. Is., v, 25; Lam., n, 12; 1 Mach., n, 9. Le
1267
RUE — RUINE
1268
fracas des guerriers retentit ainsi dans les rues de Tyr,
Ezech., xxvi, 11; de Sidon, Ezech., xxvin, 23, et de
Ninive. Nah,, n, 4. Après le départ des envahisseurs,
les princes de Jérusalem errent consternés dans les
rues. Lam., iv, 8, 14. A l'époque de Jérémie, v, 1 ; vu,
17, 34, et à celle de la persécution syrienne, I Mach., i,
58, l'idolâtrie se pratiquait publiquement dans les rues
de Jérusalem. — A la restauration d'Israël, le vieillard
pourra s'asseoir et le jeune homme s'ébattre en paix
dans les rues, Zach., vin, 4, 5, et l'on y fera retentir
V alléluia d'allégresse. Tob., xm, 22. — Le commerce
installait ses bazars dans les rues. Le père de Bénadad-II,
roi de Syrie, avait établi à Samarie des rues syriennes,
dans lesquelles les trafiquants de Syrie avaient le droit
de se rassembler et de tenir des comptoirs. En vertu
d'un traité, le même Bénadad concéda à Achabdes rues
à Damas, dans lesquelles les commerçants israélites
pussent tenir leurs bazars. III Reg., xx, 34. — Notre-
Seigeur signale l'hypocrisie dont les pharisiens font
preuve dans les synagogues et dans les rues. Matth,, vi,
2, 5; Le père de famille envoie chercher des convives
dans les places et dans les rues de la cité. Luc, xrv,
21. Les Apôtres guérissent des malades dans les rues de
Jérusalem. Act., v, 15. Saint Pierre va à travers ces
rues, après sa sortie de prison. Act., xii, 10. Saint Paul
est recueilli dans la rue Droite, à Damas. Act., ix, 11.
Voir Damas, t. n, col. 1217. H. Lesètre.
RUFUS (grec : 'Po-jço;), nom d'homme, mentionné
deux fois dans le Nouveau Testament. — 1» Saint Marc
le cite, XV, 21, comme celui d'un des fils de Simon le
Cyrénéen : « Ils contraignirent un certain Simon de
Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus,... de porter la
croix de Jésus. » — 2" Saint Paul, Rom., xvi, 13, salue
Riifus, « élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi
la ihienne. » Ainsi qu'on l'a souvent remarqué, le trait
« Simon de Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus »,
propre au second Évangile, suppose que Rufus et son
frère étaient bien connus des chrétiens de Rome, pour
lesquels saint Marc écrivit très spécialement son livre,
à Rome même._ Voir Marc, t. iv, col. 739-740;
L.-Cl. Fillion, L'Evangile selon saint Marc, in-8°, Paris,
1879, p. 4-5, 9-11. Peu important en lui-même, ce détail
avait un intérêt particulier pour les chrétiens romains ;
il n'est pas possible d'indiquer une autre raison qui
ait porté l'évangéliste à le signaler. Bien plus, en rap-
prochant le texte de saint Marc de celui de saint Paul,
on arrive à une autre conclusion, qui est assez géné-
ralement adoptée par les commentateurs modernes :
c'est que le Rufus de Marc, xv, 21 et celui de Rom.,
XVI, 13, ne sont qu'un seul et même personnage, qui
s'était établi à Rome avec sa mère et son frère, et qui
y résidait lorsque fut composée l'Épître aux Romains
(59 après J.-C). Voir F. X. Reithmayr, Commentar
zum Brief an die Rômer, inr8°, Ratisbonne, 1845,
p. 771; J. Knabenbauer, Comment, in Evangelium
sec. Marc, in-8°, Paris, 1894, p. 412; R. Cornely,
Epist. ad Romanos, in-8», Paris, 1896, p. 779-780;
J. Grimm, Geschichte des Leidens Jesu nach den vier
Evangelien dargestellt, in-8°, t. n, Ratisbonne, 1899,
p. 51-52. Cette opinion est très ancienne, car on la
rencontre déjà, au moins implicitement, dans les Actes
apocryphes d'André et de Pierre. Voir N. Bonnet,
Passio Andrese..., Acla Pétri et Andrew, in-8», Leipzig,
1898, p. 117-118. Néanmoins, de graves auteurs sont
contraires à l'identification, surtout parce que le nom
de Rufus était alors très commun chez les Romains.
Cf. F. Kaulen, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et
Welte, 2 e édit., t. x, col. 1356. On a fait aussi de Rufus
un des soixante-douze disciples et un évêque de Thèbes
en Egypte. Voir R. A. Lipsius, Die Apostelgeschichlen
urtd Apostellegenden,\. H, 2 e partie, Brunswick, 1887,
p. 222; t. m, 1890, p. 2. Dans le martyrologe syrien
de 412, sa fête est placée le 19 avril ; le 8 avril dans les
ménologes grecs. — Il est évident qu'au passage
Rom., xvi, 13, Vépithète eleelum in Domino n'est pas
employée dans le sens pour ainsi dire technique qu'elle
a souvent, c'est-à-dire, comme synonyme de « chrétien »,
puisque saint Paul se propose de faire un éloge tout
spécial de Rufus. Elle dénote une distinction particu-
lière sous le rapport soit de la piété, soit des fonctions.
Cf. I Pet., h, 6; II Joa., 1; AV. Sanday et A. C. Headlam,
A critical and exegelical Commentary onthe Epistle
to the Romans, in-12, 4 e édit., Edimbourg, 1900,
p. 427. L. Fillion.
RUGISSEMENT - {s'e'âgâh; Septante : ùpùwfia;
Vulgate : rugitus), cri que font entendre le lion et
d'autres animaux féroces du même genre. — 1° Sens
propre. — Le rugissement du lion est formidable.
« Lorsqu'il retentit dans les forêts, dans le silence de
la nuit, il remplit d'épouvante tous les êtres vivants, à
une lieue à la ronde. Ces accents graves, profonds,
caverneux, mêlés, par intervalles, de notes plus aiguës,
ont quelque chose de terrifiant, qui glace le cœur.
Lorsque cette grande voix se fait entendre, les bestiaux
tremblent dans les fermes et en suivent avec anxiété
les diverses modulations, pour se rendre compte de la
marche de l'ennemi qui s'approche. » L. Figuier, Les
mammifères, Paris, 1869, p. 321. Voir Lion, t. iv,
col. 269. — Aux vignes de Thamna, Samson vit venir à
lui un lion rugissant. Jud., xiv, 5. Les lionceaux rugis-
sent après leur proie en réclamant leur nourriture.
Ps. civ (cm), 21. Le lion rugit après la proie qu'il con-
voite, sans craindre les bergers assemblés pour lui
tenir tête. Is., xxxi, 4. Quand il rugit, c'est qu'il va se
livrer au carnage, Am., m, 4, et son rugissement ré-
pand l'épouvante. Am., m, 8. L'onagre ne ruçit pas
auprès de l'herbe tendre. Job, vi, 5.
2° Sens figuré. — Le rugissement du lion est pris
comme terme de comparaison pour caractériser diffé-
rentes autres voix. On a ainsi : 1. Le rugissement du
tonnerre ou la voix de Jéhovah menaçant de sa colère,
Job, xxxvn, 4; Jer., xxv, 30; Am., 1, 2; Joël, iv, 6
(m, 16); Ose., xi,10. « Le rugissement du lion est si
fort que, quand il se fait entendre par échos la nuit
dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre. »
Buffon, Œuvres compl., Paris, s.d., 12in-8°,t. v, p. 294.
La voix de l'ange est aussi comme le rugissement du
lion. Apoc, x, 3. — 2. Les rugissements de la haine et
de la cupidité sont poussés par les ennemis et les
persécuteurs, Job, iv, 10; Ps. lxxiv (lxxih), 4;
xxii (xxi), 14; Prov., xxvm, 15; Eccli., li, 4; Jer., u,
38; il, 15; Ezech., xix, 7; xxii, 25; Soph., m, 3.
Satan rugit comme un lion, quand il cherche à faire
périr les âmes. I Pet., v, 8. — 3. Les rugissements
viennent aussi de la douleur. Job, m, 24; Ps. xxii,
(xxi), 2; xxxii (xxxi), 3; xxxvm (xxxvn), 9; Is., lix,
11; Zach., xi, 3. — 4. On compare encore au lion qui
rugit la majesté du roi inspirant la terreur, Prov., xx,
2, les prêtres poussant des cris devant les idoles, Bar.,
vi, 31, et Judas Machabée courant bravement sur les
ennemis. I Mach., m, 4. H. Lesètre.
RUINE, ensemble de matériaux qui restent, partie en
place et partie à terre, après la destruction d'un édifice
ou d'une ville. Par assimilation, on donne le nom de
ruine à la perte de la prospérité pour les nations ou les
individus.
1° Ruines matérielles (hébreu : galîm, « monceau
de pierres»; Septante : àfavio'ii.ôc, «destruction », ne-
Toiju'a, « émigration i, x<i|ia, « amas de terre » ; Vul-
gate : acervus arenx, tumulus; — hôrbâh, « dévas-
tation», Èp-rinoç, «désert », déserta, destrucla, ruinosa;
— makiêldh, 6pùfta, « plaie », ruina; — me'i, « mon-
ceau de ruines », 7ttw»i{, « chute », xaTaXeXsiijiva,
1269
RUINE — RUMA
1270
« choses abandonnées *, acervus lapidum ruina; —
inapdlâh,mapêldh,mapélé(,Tzt&>aiç,ruina;— maSëû'ôt,
èitovYipejo-axo, malignatus est; — mel}itiâh, SsiXs'ot,
« frayeur », forrnido ; — 'î, ômapof uXôxiov, i cabane de
gardien », aoorro-/, « impraticable », acervus lapidum;
— Se'iyyâh, épriixo;, solitudo; — s'ômênôf, àçav^riiôç,
ipr,|xoç, desolalio, dissipata; — resisîm, 8Xâo-t>.a, « meur-
trissure », ruina; — beqî'îm, ^otypta, sans doute pour
payâç, & crevasse », scissio). — Le grand nombre de mots
hébreux en usage pour exprimer l'idée de ruines montre
que les destructions dues aux invasions étaient fré-
quentes. — Le Seigneur dit aux Hébreux que, s'ils luj
sont infidèles, il réduira leurs villes en ruines désertes.
Lev., xvvi, 33. — Isaïe évoque douze fois l'idée de ruines
en se servant [de neuf mots différents. Dans Jérusalem
dévastée, on dira au premier venu ayant un manteau :
« Sois notre chef, et que cette ruine soit sous ta garde ! »
Is., m,6. Damas ne sera plus qu'un monceau de ruines.
Is., xvn, 1. Les Chaldéens ont fait de Tyr un monceau de
ruines. Is., xxui, 13. Babylone à son tour a eu le même
sort. Is., xxiv, 12; xxv, 2. Au temps de la restauration,
les ruines de Sion seront trop étroites pour contenir ses
nouveaux enfants. Is., xux, 19. Ses enfants rebâtiront les
ruines antiques et relèveront les fondations d'autrefois.
Is., lviii,12; lxi, 4. C'est ainsi que Dieuconsolera Sion
de ses ruines. Is., ti,3. — Jérémie, ix,ll; xxvi, 18; li
37, prédit à Jérusalem et à Babylone qu'elles deviendront
des monceaux de ruines. Michée, î, 6; m, 12, annonce
le même sort [à Samarie et à Jérusalem. Amos, vi, 12,
dit aussi à Sion et à Samarie que Dieu fera tomber en
ruines la grande maison et en débris la petite maison,
c'est-à-dire que rien ne sera épargné, ni palais ni mo-
destes demeures. — Dieu a permis aux Assyriens de
réduire des villes fortes en monceaux de ruines. IV Reg.,
xix, 25. Les ennemis ont mis en ruines le sanctuaire,
Ps. lxxiv (lxxxiii),3; ils ont fait de Jérusalem un mon-
ceau de pierres. Ps. lxxix (lxxviii), 1. Tyr connaîtra
aussi la ruina. Ezech., xxvr, 15,18. Les ruines d'Israël
seront relevées. Ezech., xxxvi, 10, 33. Édom voudra re-
lever les siennes, mais Dieu l'en empêchera. Mal., î, 4.
— Ézéchiel, xxxvm, 12, prédit que Gog ira piller des
ruines maintenant habitées. Daniel, ix, 26, annonce la
grande dévastation qui ruinera le sanctuaire après le
temps du Messie. — Notre-Seigneur compare celui qui
ne met pas en pratique sa parole à l'insensé qui bâlit sa
maison sur le sable; quand surviennent la pluie et les
vents, la maison n'est bientôt qu'une ruine. Matth., vu,
27; Luc, vi, 49.
2° Ruines personnelles (hébreu : madhéh, àxaroco-T»-
aia, « bouleversement », ruina; — mehiftâh, o-jv-rptêT),
« brisement », xaxov, « mal », confusio, malum; — ma-
pëlâh, mapélél, massû'ôt, irrwtrtç, ruina). — Les dieux
de Damas seront une occasion de ruine pour Achaz et
Israël. II Par.,xxvm, 23. Jésus-Christ le sera aussi pour
ceux qui ne voudront pas le reconnaître. Luc, n, 34. — •
Job, xxxi, 29, ne s'est pas réjoui de la ruine de ses en-
nemis. Babylone s'est réjouie au contraire de la ruine
de Jérusalem. Bar., îv, 31. Judith, xm, 25, a sauvé son
peuple de la ruine. Esther, xtv, 11, demande à Dieu
que les ennemis de son peuple n'aient pas à rire de sa
ruine. — Dieu abat les méchants, ils/ne sont plus que
ruines, Ps. lxxiii (lxxh), 18; mais, au juste, il est un
refuge au jour de la ruine. Jer.,xvn,17. Il faut se' con-
vertir pour que l'iniquité ne devienne pas une cause de
ruine. Ezech., xvm, 3. Au jour de la ruine de l'&gypte,
chacun tremblera pour soi. Ezech., xxxii, 10. — Les
justes contempleront la ruine des méchants, Prov.,
xxix, 16 ; cependant, il ne faut pas se réjouir de la
ruine de ses ennemis. Prov., xxiv, 17. La ruine est
amenée par la bouche de l'insensé. Prov., x, 14; xvm,
7, par l'arrogance et l'orgueil, Prov., xvi, 18; xvn, 19,
par l'intempérance de la langue, Prov., xm, 3, et par
les paroles de flatterie. Prov., xxvi, 28. C'est s'exposer
à la ruine que se mêler aux hommes remuants. Prov.,
xxiv, 21, 22.
La voie de Jéhovah est un rempart pour le juste,
Mais elle est une ruine pour ceux qui font le mal.
Prov., x, 29. Cf. Luc, n, 34; Joa., m, 19, 20.
H. Lesètre.
RUISSEAU d'Egypte. Voir Egypte 3, t. n, col. 1621.
RUMA, nom de deux localités de Palestine dont le
nom est différent en hébreu.
1. RUMA (hébreu, Jos.,xv,52: Dâniâh, «silencieuse»;
Septante, Vaticanus : 'Papivâ; Alexandrinus : 'Poupot;
— II (IV) Reg., xxui, 36 : hébreu : Rûmâh; Vaticanus :
'Poujxi; Alexandrinus : 'Pjjidt; Sinaïticus : Kpou[iric),
ville de la tribu de Juda. Elle est mentionnée, Jos., xv,
52, entre Arab et Ésaan, parmi les villes qui furent
ensuite attribuées à la tribu de Siméon. La plupart des
interprètes tiennent Ruma de IV Reg., patrie de Pha-
daïa et de sa fille Zebida, mère du roi Joachim, pour la
même ville que Ruma de Josué. Quelques-uns le con-
testent et pensent qu'elle pourrait être la Ruma de
Jud., iv, 51. Voir Ruma 2. — Bien que la lecture Ruma
soit encore, II (IV) Reg., celle de l'hébreu, et celle des
versions, les critiques préfèrent généralement la lec-
ture Dûmdh, parce que le nom de Dûméh, (*.««>
(quelques-uns transcrivent Daûméh), se trouve être
celui d'une ruine située à 16 ou 17 kilomètres au sud-
ouest d'Hébron, entre er-Rabiéh et Sâmîâ, deux loca-
lités identifiées avec Arab et Ésaan. Eusèbe et saint
Jérôme paraissent avoir lu encore au iv« siècle Aoujjni
et Duma. Aouiii, dit le premier en faisant allusion à
la ville de Josué, de la tribu de Juda, [est] maintenant
un très grand village du Daroma, dans le territoire
d'Éleuthéropolis, au xvii» mille de cette ville. Saint
Jérôme ajoute : « au sud i.Onomasticon, Berlin, 1862,
p. 172, 173. Dix-sept milles romains, environ 25 kilo-
mètres, est la longueur à peu près exacte du chemin
qui conduit de Beit-Djibrîn, l'Éleuthéropolis des
Grecs et des Romains, à Dûméh. Cette ruine, située sur
deux collines divisées par un ravin, occupe un assez
vaste espace. Parmi les débris des hahitations renver-
sées et qui étaient formées de pierres taillées et équar-
ries, on remarque les restes de deux églises chrétiennes.
Elles étaient bâties avec de graudes et belles pierres,
relevées en bossage, qui paraissent provenir d'édifices
plus anciens. On rencontre d'innombrables citernes et
des caveaux spacieux taillés dans le roc, très probable-
ment les uns et les autres de l'époque juive ou même
des époques antérieures. De nombreuses grottes sépul-
crales entourent la localité. — Cf. Rich. von Riess,
Biblische Géographie, 1872, p. 18, 81; V. Guérin,
Judée, t. m, p. 359-361 ; Armstrong, Wilson et Conder,
Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887,
p. 50; The Survey of Western Palestine, Memoirs,
t. m, p. 313. L. Heidet.
2. RUMA (hébreu 'Arûmâh; Septante, Vaticanus:
'ApT)|ixt; Alexandrinus : 'Apijia), résidence du juge
Abimélech, fils de Gédéon. Jud., ix, 41. — Selon Gese-
nius, Thésaurus, p. 1275, Ruma de II (IV) Reg., xxm,
36, pourrait être identique à celle-ci. Voir Ruma. 1.
La transformation de t en t de la part des copistes
semble toutefois plus admissible que la supposition du
mariage du pieux roi Josias, père de Joachim, avec une
femme du pays de Samarie depuis longtemps habité
par les Cuthéens. — Quoi qu'il en soit, pour Eusèbe,
« 'PoujhJ, c'est Aria. Là, ajoute-t-il, selon [le livre des]
Juges, résida Abimélech. Elle est maintenant appelée
Remphis (Remthis) et appartient au territoire de Dios-
polis (Lydda). C'est la même [ville] qu'Arimathie. »
Saint Jérôme, au lieu d'Aria lit Arima, et atténue un
1271
RUMA — RUSE
1272
peu la dernière affirmation en disant : « La plupart
disent maintenant que c'est Arimathie. » Onomasticon,
édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 316, 317. Si
l'identité de Remthis, aujourd'hui Rentîs avec Arima-
thie et Ramathaim (voir Ramathaîm-Sophîm, col. 944)
est aujourd'hui reconnue d'un grand nombre, on con-
teste presque universellement qu'elle puisse être la
Ruma, ou Arima, du livre des Juges. D'après son récit,
cette localité semble avoir appartenu au territoire de
Sichem et n'avoir pas été éloignée de cette ville. Rentîs
est, en effet, à environ 40 kilomètres de Nablus, l'an-
cienne Sichem et les chemins pour arriver de l'une à
l'autre sont des plus difficiles. — On doit faire, malgré
l'analogie des noms, la même remarque pour Beil-Bîma,
située à 8 kilomètres à l'est de Rentîs, et dans laquelle
plusieurs auteurs ont voulu voirRuma-Arima. Cf. Buhl,
Géographie des Alten Palâstina, 1896, p. 170-171. —
Au xii e siècle, on la reconnaissait dans une localité
à 4 verstes, selon l'hégoumène russe Daniel, à l'ouest
de Sébaste (Samarie). Itinéraires russes en Orient,
édit. de Khitrowo, Genève, 1884, p. 58. 11 s'agit évi-
demment de Bâmîn, grand village, bâti sur une col-
line à 4 kilomètres et demi à l'ouest de Sébasliéh. Le
rabbin Schwarz propose la même identification. Tebuoth
ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 194. On peut
objecter que Râmin parait avoir plus de rapport avec
le mot Rimmôn, «. grenade », qu'avec la racine râm
dont Rûmdh, « élevée », semble plutôt procéder. —
Les explorateurs modernes préfèrent généralement
el-'Orméh, proposée par Van de Velde. Celte ruine
située à 10 ktlomèlres au sud-est de Nablus et à 3 au
nord-ouest de 'Aqrdbéh, est une antique forteresse,
couronnant le sommet d'une colline abrupte qui com-
mande toute la contrée. On y voit de nombreuses ci-
ternes et de vastes caveaux pratiqués dans le roc. Une
belle vallée plantée d'oliviers se développe à l'est. Le
changement de VA initial en l'aspiré 'A, se retrouve
en d'autres noms, par exemple dans celui d"Ascalon
devenu 'Asqalân. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topo-
graphique de la Terre Sainte, Paris, 1877. p. 262 ;
TheSurvey of Western Palestine, Memoirs, t. n,p.387;
Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 6. — On trouve
en outre, à douze cents mèlres à l'est-nord-est de Sébas-
tiéh et à cinq cents à l'ouest de Nusf edj-Djebêl, « à
moitié des montagnes », village situé sur le flanc sep-
tentrional de la montagne qui est le prolongement de
l'ancien Ébal et à dix kilomètres deNaplouse,une source
connue sous le nom de 'Ain Kefr Bûmâ, « la fontaine
du vitlage de Rùmà ». Ce dernier nom était sans doute
celui du village voisin. 11 semble plus rapproché que les
autres du nom biblique et peut-être serait-il plus juste
de chercher ici qu'ailleurs la résidence du juge Abi-
mélech. L. Heidet.
RUMINANTS, animaux qui ruminent. — La rumi-
nation est appelée gêràh; Septante : |jujpuxi<Tfi6;). Les
deux mots hébreu et grec désignent, dans le sens
concret, ce que ruminent certains animaux. Le mot hé-
breu ne se rencontre que dans les expressions hé'âlâh
gêrâh, « faire monter la rumination », Lev., xi, 3-6, 26;
Deut., xiv, 6, et gdrar gêrah, « tirer la rumination ».
Lev., xi, 7; Deut., xiv, 8.11 n'est point certain d'ailleurs
que gêrâh vienne de la racine gdrar. La Vulgate tra-
duit ces expressions par le seul mot ruminare. — Un
Certain nombre de mammifères herbivores sont pour-
vus de quatre estomacs. Une fois mâchés, les aliments
sont absorbés par un premier estomac appelé panse;
l'animal les fait remonter dans la bouche à travers
un second estomac, le bonnet, dans lequel ils s'imbi-
bent et se compriment; les aliments remâchés
passent ensuite, par l'œsophage, dans un troisième
estomac appelé feuillet, pour se rendre enfin dans le
quatrième estomac, la caillette, où se fait la diges-
tion. Même quand leur repas est terminé, les rumi-
nants mâchonnent presque constamment, pour achever
la mastication des aliments précédemment ingérés.
Les ruminants n'ont pas d'incisives supérieures, rem-
placées chez eux par un bourrelet dur et calleux;
ils ont les pieds fourchus. Les ruminants sont, parmi
les bovidés, le bœuf, la chèvre, le mouton, l'antilope,
le bouquetin; parmi les cervidés, le cerf, le chevreuil,
la girafe; parmi les camélidés, le chameau, le droma-
daire, etc. — La loi mosaïque permettait de manger les
ruminants, caractérisés par la rumination et par le
pied fourchu. Elle en excepte le chameau, dont la corne
n'est pas divisée. Le chameau a bien le pied bifurqué,
comme les autres ruminants, mais ce pied est muni en
dessous d'une forte semelle cornée, ce qui permet de
dire qu'il n'est pas divisé. Voir Chameau, t. u, col. 519.
La loi range aussi parmi les ruminants le lièvre et le
daman. Lev., xi, 5, 6; Deut., xiv, 7. Ces deux animaux
ne ruminent qu'en apparence, et c'est seulement
d'après cette apparence que la loi parle d'eux. Voir
Chœrogrylle, t. il, col. 714; Lièvre, t. iv, col. 252.
H. Lesêtre.
RUPERT DE OEUTZ (Rupertus Tuitiensis), exé-
gète et mystique de la première moitié du xii b siècle,
dont la patrie et la date de naissance ne sont pas exac-
tement connues. Il était originaire des environs de
Liège, d'après Mabillon ; il était Allemand, d'après Tri-
thème, P. L., t. clxvii, col. 11. Son surnom de Deutz pro-
vient de l'abbaye de Deutz, monastère de bénédictins,
situé sur la rive droite du Rhin en face de Cologne, dont
il devint abbé en 1119 ou 1120. Il avait pris l'habit de
saint Benoît au monastère de Saint-Laurent à Liège.
Il mourut d'après l'opinion la plus probable en 1135. 11
s'était voué principalement à l'étude de l'Écriture Sainte
et de la théologie mystique. Il s'attacha moins à l'expli-
cation littérale du texte sacré qu'à l'explication spiri-
tuelle et allégorique. Nous citerons parmi ses écrits
De Trinitate et operibus ejus libri XLII, publié en
1117, dans lequel il se proposait d'expliquer tout le plan
du salut, qu'il étudie successivement dans les cinq
livres du Pentateuque, Josué, les Juges, les Rois, Isaïe,
Jérémie, Ézéchiel, Daniel et les quatre Évangiles,
t. clxvii, col. 198-1570; Commentaria in duodecim
prophelas minores, t. CLXvm, col. 1-836; in Cantica
Canticorum de Incarnatione Domini, col. 839-962, que
Rupert résume dans ces deux vers :
Femina mente Deum concepit, corpore Christum :
Integra fudit eum nil opérante viro ;
Super Job, col. 961-1196; In librum Ecclesiastes,
col. 1195-1306, où l'auteur s'attache au sens littéral
plus que dans ses autres ouvrages : Opus de gloria et
honore Filii hominis super Mallhseum, col. 1307-1434
(commentaire allégorique) ; In Evangelium Joannis
commentariorum libri XIV, t. clxix, col. 201-826 (le
commentaire suit le texte, dans le sens littéral, concilie
les divergences et ajoute souvent une interprétation
allégorique); In Apocalypsim, col. 825-1214 (le contenu
de ce livre est considéré plutôt comme se rapportant à
l'histoire de l'Église dans le passé, depuis la création
jusqu'à la venue de Noire-Seigneur que comme une
prophétie de l'avenir). — Voir Histoire littéraire de
la France, t. XI, 1759, p. 422-587; Rocholl, Rupert von
Deutz, Gûtersloh, 1886.
RUSE (hébreu : nêkél, iëkél, 'armâh; Septante :
SôXoç, SoXtonric, uavoypyta; Vulgate : aslutia; le rusé
est appelé 'ârûm, iravo'jpvoç, astutus,callidus), habileté
à se tirer d'embarras ou à y mettre les autres, et
acte procédant de cette habileté. Cette habileté confine
parfois à la fourberie. Voir Fourberie, t. n, col. 2339.
— La première et la plus grave des ruses dont parle
la Sainte Écriture est celle de Satan, prenant la forme
1273
RUSE — RUTH (LIVRE DE)
1274
du serpent et faisant tomber Eve dans le péché. Gen.,
in, 1 ; II Cor., xi, 3. — Celui qui tuait son prochain
par ruse ou guet-apens devait être mis à mort sans
pitié. Exod., xxi, 14. — Les ruses des Madianites
firent tomber les Israélites dans l'idolâtrie à Béelphé-
gor. Num.,xxv,18. —Jacob obtient par rusela bénédic-
tion d'isaac, et il s'enrichit par ruse aux dépens de
Laban. Voir Jacob, 1, t. m, col. 1061, 1063. — Les
Israélites, comme plusieurs autres peuples anciens,
estimaient la ruse presque à l'égal de la bravoure.
Différentes ruses de guerre sont mentionnées : Les
Gabaonites feignent de venir de très loin afin que
Josué fasse alliance avec eux, Jos., IX, 3-15; la ville de
Haï est prise grâce à un stratagème, Jos., vin, 3-23;
Gédéon se sert de trompettes et de torches enfermées
dans des cruches pour jeter la panique parmi les
Madianites, Jud., vu, 15-23; Abimélech s'empare de
Sichem par ruse, Jud., ix, 32-40; plus tard, Judith se.
sert de la ruse pour se bien faire venir d'Holopherne
et le tuer. Judith, x, 1-xui, 11, etc. Saûl remarque que
David était fort rusé. I Reg., xxm, 22. Ce dernier jus-
tifia sa réputation à la caverne d'Engaddi, 1 Reg., xxiv,
4-10; au désert de Ziph, I Reg., xxvi, 7-16; à Geth,
I Reg., xxvii, 8-12, etc. — Job, v, 13, dit que Dieu
prend les plus habiles dans leurs propres ruses. C'est
ce que l'on constate fréquemment dans l'Évangile,
quand les ennemis du Sauveur cherchent à le prendre
en défaut. Ainsi en est-il à propos des guérisons
opérées le jour du sabbat, Matth., xil, 10-12; de la
femme adultère, Joa., vin, 5; de l'autorité divine du
Sauveur, Matth., xxi, 23-27; du tribut à César, Matth.,
xxii, 15-22; de la résurrection, Matth., xxn, 23-33, etc.
— Saint Paul rappelle la sentence de Job à propos de
la sagesse de ce monde. I Cor., ni, 19. Il recommande de
ne pas se conduire par astuce, II Cor., iv, 2, et de ne
pas se laisser prendre, comme des enfants, à la ruse
des docteurs de mensonge. Eph., iv, 14. — Lui-même,
parlant des industries de son zèle, se présente à ses
fidèles comme un homme astucieux qui use d'artifices.
II Cor., xn, 16. H. Lesêtre.
RUSSES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRI-
TURES. Voir Slaves (Versions).
1. RUTH (hébreu : Rûf; Septante : 'Pouô), femme
moabite dont l'histoire est racontée dans le petit livre
qui porte son nom. Élimélech, Israélite domicilié à
Bethléhem, dans la tribu de Juda, à l'époque des Juges,
émigra au pays de Moab avec sa femme Noémi, et ses
deux fils Mahalon et Chélion, poussé par la famine
qui désolait alors la Palestine. Il y mourut après un
certain temps, et ses deux fils épousèrent des femmes
moabites : Mahalon s'unit à Ruth, iv, 10, et Chélion à
Orpha. Ils ne tardèrent pas à mourir eux-mêmes, et
Noémi resta seule avec ses deux belles-filles, i, 1-5. La
famine ayant cessé de sévir à Bethléhem, elle se décida
à rentrer dans sa patrie, et elle engagea ses brus à
demeurer avec leurs familles d'origine. Après un mo-
ment d'hésitation, Orpha prit le parti de rester; mais
Ruth refusa de se séparer de sa belle-mère : « En
quelque lieu que tu ailles, j'irai, et partout où tu demeu-
reras, j'y demeurerai aussi; ton peuple sera mon peuple,
et ton Dieu sera mon Dieu, » i, 6-16. Noémi l'emmena
donc avec elle, i, 18. Elles arrivèrent à Bethléhem au
commencement de la moisson des orges, c'est-à-dire
vers la fin d'avril, et Ruth se mit aussitôt à glaner, pour
subvenir aux besoins de l'humble ménage, i, 19-n, 2.
La Providence permit que le champ où elle vint tout
d'abord appartint à Booz, riche propriétaire, qui était
un assez proche parent d'Élimélech. Booz remarqua la
jeune femme, et, comme il connaissait l'histoire de ses
vertus, et son attachement pour sa belle-mère, pour le
pays et la religion d'Israël, il ordonna à ses moisson-
neurs non seulement de la traiter avec respect et de la
faire manger avec eux, mais de laisser tomber à dessein
des épis à terre, pour que sa glane fût plus considé-
rable, il, 3-23. Lorsque Noémi eut connaissance de cette
noble etgénéreuse conduite, elle donna des instructions
à Ruth, pour que celle-ci engageât Booz à remplir son
rôle de go'ël, c'est-à-dire de protecteur, en rachetant
l'héritage d'Élimélech et en l'épousant elle-même, m,
1-18. Comme il y avait un parent encore plus proche
que Booz, on obtint qu'il se désistât, iv, 1-12; ensuite
Booz épousa Ruth, à la grande joie de tous les habitants
de Bethléhem. Ils eurent un fils, qu'on nomma Obed et
qui fut l'aïeul de David, iv, 13-22. — Ruth peut être en-
visagée comme « un singulier exemple de vertu et de
piété, dans un âge de rudesse et parmi un peuple ido-
lâtrique...; comme l'héroïne d'une histoire exquise en
beauté et en simplicité. » A. C. Hervey, dans Smith,
Diction, of the Bible, t. m, p. 1064. Saint Jérôme fait
remarquer, Epist. xxii ad Paulam, t. xxn, col. 471, que
nous pouvons apprécier la grandeur de sa vertu par la
grandeur de sa récompense : Ex ejus semine Christus
oritur. Elle est, en effet, mentionnée dans la liste des
ancêtres de Notre-Seigneur. Matth., i, 5. — Sur l'époque
où elle vivait, voir Ruth 2. L. Fillion.
2. RUTH (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVISION. —
1° Cet écrit, l'un des plus courts de ceux qui compo-
sent l'Ancien Testament, est ainsi nommé parce qu'il
raconte l'histoire de Ruth la Moabite. Comme l'a fait
remarquer Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3 e édit.,
t. I, p. 225, ce livre est unique en son genre dans l'An-
cien Testament, où nous ne trouvons nulle part une
histoire de famille d'ordre aussi intim,e, exposée avec
autant de détails.
2° Il se divise en deux parties. La première, qui sert
d'introduction, i, 1-22, raconte comment Ruth, après
avoir épousé un des fils de Noémi, et être devenue
veuve comme sa belle-mère, vint se fixer avec celle-ci
à Bethléhem. La seconde, qui contient le corps du récit,
H, 1-iv, 22, montre dans quelles circonstances elle
devint la femme de Booz, la mère d'Obed, et par là-
même l'aïeule du roi David. — En voici les subdivi-
sions : 1. 1» Premier mariage et veuvage de Ruth, i,
1-5; 2° Noémi revient à Bethléhem avec Ruth, i, 6-22.
— II. 1° Ruth glane dans les champs de Booz, n, 1-23;
2° Noémi intervient pour ménager un mariage entre
Rulh et Booz, m, 1-6; 3° Booz consent à épouser Ruth,
ni, 7-18; 4° L'affaire du mariage est légalement traitée
en présence des notables de la ville, iv, 1-12; 5» Ma-
riage de Booz et de Ruth, naissance d'Obed, iv, 13-17;
6» Généalogie de David, en remontant jusqu'à Phares,
iv, 18-22.
II. ÉPOQUE A LAQUELLE SE PASSÈRENT LES FAITS. —
Le livre de Ruth ne signale qu'une seule date propre-
ment dite. Nous la trouvons dès la première ligne, I,
1 : « Aux jours où les Juges jugeaient, » c'est-à-dire
gouvernaient; avec une paraphrase dans la Vulgate : ira
diebus unius judicis, quando judices preeerant. Mais
la période en question fut considérable, puisqu'elle
correspond à l'intervalle de temps compris entre les
années 1401 et 1095 avant J.-C. Voir Chronologie bi-
blique, t. h, col. 738. On a cherché à préciser davan-
tage cette donnée générale. Josèphe, Ant. jud., y, ix,
1, place l'histoire de Ruth sous la judicature d'Héli, qui
précéda immédiatement celle de Samuel etl'institution
de la royauté chez les Hébreux. Cela nous conduirait
aux années 1168-1128 (t. n, col. 738), et cette date est ad-
missible. En effet, les deux derniers versets du livre,
rv, 21-22, supposent quatre générations entre Booz et
David, y compris celle de Booz; ce qui équivaut à envi-
ron 100 ans : or, il s'écoula cent treize ans depuis le
début de la judicature d'Héli jusqu'au règne de David
(1168-1055). — D'autres ont pensé que celte date était
1275
RUTH (LIVRE DE)
1276
trop récente. En rapprochant iv, 21 de Malth., i, 5, on
voit que le père de Booz, Salrnon, avait épousé la cé-
lèbre Hahab quelque temps après la prise de Jéricho
par Josué, en 1453. Voir Rahab, col. 934. D'après cela,
les événements que raconte le livre de Ruth auraient
eu lieu sous les premiers Juges. Mais alors on aurait
un intervalle d'environ 400 ans (1455-1055) entre la
naissance de Booz et le règne de David. Les partisans
de cette opinion supposent qu'il manque un certain
nombre de générations entre Booz et David. Il est cer-
tain qu'on en a omis plusieurs entre Phares et Booz, îv,
18-21, car six générations seulement pour environ neuf
cents ans sont insuffisantes ; il faut donc admettre qu'en
cet endroit les principaux ancêtres auront été seuls
mentionnés. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. m,
col. 165-167. — Comme date des événements racontés au
livre de Ruth, on a aussi désigné parfois la judicature
de Samuel (1128-1095), celle d'Aod (après 1343), celle
de Gédéon (1256-1216). Ce dernier sentiment s'appuie
sur la famine mentionnée dans Ruth, i, 1, et Jud.,
vu, 4-5. Mais la famine qui sévit en Palestine au temps
de Gédéon provenait surtout des ravages opérés par les
Madiânites, tandis que celle que signale notre livre
parait avoir eu plutôt des causes naturelles. D'ailleurs,
en toute hypothèse, un fléau de ce genre est une chose
trop fréquente en Palestine pour pouvoir servir de
date précise. — De ce qui précède, il résulte qu'il n'est
pas possible de déterminer d'une manière certaine
l'époque où vivaient Ruth et Booz. Quoi qu'il en soit,
le livre qui raconte leur mariage complète admirable-
ment l'histoire des Juges. « Sans lui,, nous n'aurions
connu Israël que d'une manière très imparfaite, et uni-
quement par le, dehors, durant la période tragique des
Juges. Mais voici que ce petit livre nous révèle la vie
intime des pieux Israélites d'alors, et nous la montre
sous son jour le plus favorable. » L.-Cl. Fillion, la
Sainte Bible commentée, t. u, p. 120.
III. Date de la composition. — Les sentiments des
interprètes et des critiques varient beaucoup sur
l'époque où fut composé le livre de Ruth; on l'a placée
à toutes les périodes de l'histoire israélite qui se sont
écoulées entre le règne de David et le temps des Macha-
bées. Les commentateurs catholiques, entre autres le
P. Cornely, lntrod. specialis, t. i, p. 234, et le P. von
Hummelauer, Lib. Judicum et Ruth, p. 357, et plu-
sieurs protestants orthodoxes, notamment MM. Keil,
P. Cassel et Wrigth, dans les ouvrages cités plus loin,
placent la composition du livre sous le règne de David,
et, pour la plupart, vers la fin de ce règne. MM. E. Reuss,
Oeltli, Driver, etc., notablement plus tard, pendant la
dernière période du royaume de Juda; Reuss, entre
la ruine du royaume d'Israël et celle du royaume
de Juda; d'autres, sous Ézéchias. Ewald, Gesch. des
Volkes Israël, 3 e édit., t. i, p. 107; Bertheau, Com-
ment., 2 e édit., p. 237, et le D r Kcenig, Einleilung in
das A. T., p. 285, réclament une date beaucoup plus
récente encore, et regardent le livre de Ruth comme
un fruit de la captivité de Babylone. La plupart des
néo-critiques vont le plus loin possible après l'exil :
tels MM. Kuenen, Schrader, Wellhausen, Bertholet,
Budde,Nowack, dans leurs Introductions ou leurs com-
mentaires. Voir aussi E. Meyer, Geschichte der poet.
National-Literatur der Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1856,
p. 500-504; C. H. Cornill, Einleitung in das A. T.,
2 e édit., p. 243; G. A. Barton, dans la Jewish Encyclo-
pedia, t. x, p. 577. Les partisans d'une composition
relativement récente mettent surtout en avant l'ancienne
coutume mentionnée dans Ruth., iv, 7, qui consistait à
remettre sa chaussure au propriétaire auquel on cédait
son droit de propriété. Elle était usitée « autrefois »
(hébreu: lefdnim; Septante : e(ijtpoo6ev; Vulgate : anti-
quitus). Voir E. Kautzsch, Abriss der Gesch. des alt-
testam. Schrifttums, in-8°, Leipzig, 1897, p. 115. L'au-
teur du livre croit devoir expliquer à ses lecteurs
l'usage en question, tombé en désuétude; mais il est
signalé, Deut., xxv, 9, comme remontant au moins à
Moïse, et, entre l'époque de Ruth et le moment où
David arriva à l'apogée de sa gloire, il s'écoula environ
150 ans; ce qui suffit largement pour expliquer comment
cette coutume avait pu cesser d'être en vigueur dès la fin
de la période des Juges, et par conséquent d'être connue.
Cf. Keil, Richter und Ruth, p. 384. — On peut dire avec
assez de vraisemblance que le livre de Ruth aura été
difficilement composé après le règne de Salomon; en
effet, ce prince est fortement blâmé, III Reg., xi, 1-8,
d'avoir épousé des femmes étrangères, et en particulier
des Moabites et des Ammonites. Il ne l'aura pas été non
plus pendant l'exil, puisque les Juifs vécurent alors
plus que jamais séparés des autres peuples. — Les don-
nées du livre qui peuvent nous aider à fixer l'époque de
sa composition sont peu nombreuses. Il en est deux,
néanmoins, qui ont un caractère plus déterminé. —
1. Nous venons de le voir, l'épisode qui forme le fond
du récit est daté des « jours où les Juges jugeaient, » i,
1. Il suit de là que, lorsqu'il fut rédigé, la judicature
avait disparu comme forme de gouvernement et fait
place depuis un certain temps à la monarchie. — 2. La
généalogie qui termine l'écrit s'arrête brusquement à
David. On peut conclure de là que ce prince régnait
encore au temps de la composition, et qu'il avait déjà
acquis une grande importance sous le rapport théo-
cratique. On ne comprend guère que l'auteur, s'il n'a
pas été contemporain du roi David, ne soit pas allé au
delà de lui dans sa liste.
IV. Auteur du livre. — Si l'incertitude règne au
sujet de l'époque précise où fut composé le livre de
Ruth, à plus forte raison est-il impossible d'en déter-
miner l'auteur avec quelque vraisemblance. D'après le
Talmud, Baba bathra, fol. 14 b, c'est le prophète
Samuel qui aurait écrit le livre des Juges, celui de
Ruth et les deux livres dits de Samuel. Le fait n'est
pas impossible en soi, mais les preuves positives font
défaut, et le style du livre de Ruth est tel, que des hé-
braïsants distingués ne croient pas possible que le
même écrivain ait pu composer cet écrit et en même
temps le livre des Juges et ceux de Samuel. Cependant
cette opinion, qui était celle de Calmet et de Cornélius
à Lapide, a encore aujourd'hui des partisans, entre
autres le P. Cornely, lntrod. specialis in histor. Veteris
Testam. libros, Paris, 1887, p. 233-234. Sans être au^si
formel, le P. von Hummelauer, Comm. in lib>: Judi-
cum et Ruth, p. 359-360, admet que le livre a pu être,
sinon composé, du moins publié par Samuel. La ques-
tion est actuellement insoluble.
V. Style. — Tout bref qu'il soit, le livre de Ruth a
ses particularités bien marquées sous le rapport du
style, qui ne ressemble à celui d'aucune autre partie
de l'Ancien Testament. Les principales sont les sui-
vantes : 1° les terminaisons en in, au lieu de î, pour
la seconde personne du féminin singulier, au temps
imparfait : n, 8, 21; (idebâqîn; m, 4, ta'asin; m, 18;
(éde'in; 2° les terminaisons en fi, au lieu de (e, pour
la seconde personne du féminin singulier, au temps
parfait : u, 8, (a'abûri; m, 3, sam(i, yâradefi; m, 4,
sâkab[i; 3» les terminaisons eaûn, au lieu de w, pour
la 3 e personne du pluriel : u, 9, iqsôrûn ; 4° les verbes
'âgan, « retenir, fermer », î, 13; sâbat, « présenter »,
u, 14; sâlal, « tirer », u, 16; nilpa{, « se retourner
pour voir », m, 8; 5° le substantif ?ébe(, « gerbe », u,
16, et l'adjectif mârà', « amer », au lieu de tnârâh, î,
20; 6» les conjonctions térem, «. avant que », m, 14, et
Idhên, « c'est pourquoi », au lieu de làkén, î, 13; 7° la
locution 'eik ippol ddbâr, m, 18, etc. Voir F. Keil,
Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, p. 415-416;
E. Kcenig, Einleitung in das A. T., p. 286-287;
J. R. Driver, An lntrod. to the Literature of the Old
1277
RUTH (LIVRE DE)
1278
Test., 5 e éd., Edimbourg, 1894, p. 426-427. Les Masso-
rèles ne se sont pas toujours rendu compte de ces par-
ticularités et tes ont corrigées dans le texte, comme si
elles eussent été des fautes. Un fait plus surprenant,
c'est que « tous les interprètes modernes, qu'ils veuil-
lent démontrer l'origine ancienne du livre ou lui assi-
gner une date plus récente, invoquent cet argument (la
preuve tirée du style), et que ces singularités, ils les
appellent, les uns archaïsmes, les autres néologismes,
ceux-ci bethléhémismes, ceux-là'moabilismes. Cepen-
dant, parce qu'elles se rencontrent surtout dans les
entretiens (i, 13; ir, 8; m, 3, 4), elles semblent ne dé-
montrer qu'une chose : c'est que l'auteur, en transcri-
vant les entretiens, s'est tenu de très près à la source
où il a puisé. » R. Cornely, Manuel d'Introd. historiq.
et critiq. à toutes les Saintes Écrit., trad. franc., in-12,
t. i, Paris, 1907, p. 349.
Ces contradictions des hébraïsants contemporains sont
frappantes, et démontrent que ce genre de preuve peut
devenir très facilement subjectif et arbitraire. Il est
remarquable que les néo-critiques prétendent voir à
tout instant dans le livre de Ruth des aramaïsmes, et
par conséquent des expressions relativement récentes.
« Le style du livre, dit Cornill, Einleitung, 2 e éd.,
p. 343, a un coloris fortement araméen, et présente
mainte particularité qui dénote avec une pressante né-
cessité l'époque d'après l'exil. » Mais il se trouve que
les aramaïsmes mis en avant ne méritent nullement ce
nom, et sont ou bien des expressions ordinaires, ou des
archaïsmes représentant le langage populaire du temps
de Ruth. Par exemple, on cite comme araméennes telles
et telles .locutions employées de concert par le livre de
Ruth et par ceux des Paralipomènes, de Daniel, d'Es-
dras, de Néhémie, etc. — celles-ci, entre autres : mar-
gelô(,m, 7-8, 14, et Dan., x, 1; paras kendfîm, in,
9, et Ezéch., xvi, 8; lâkên, i, 13, et Dan., n, 6, 9;
iv, 24, nâsd' nâëîm, i, 4, et II Par., xi, 21; xm, 21;
Esd., IX, 2; qiyyam, « confirmer, » iv, 7, et Esd., ix,
21, etc. — et l'on conclut aussitôt, à cause de ces
quelques mots ou tournures, que l'histoire de Ruth ne
saurait avoir été composée antérieurement à ces autres
écrits. On allègue aussi, comme preuve d'une compo-
sition récente, le nom divin Saddaï, employé seul, sans
être précédé de 'El : ce qui n'a jamais lieu ailleurs
dans la simple prose, mais seulement au livre de Job.
Mais tout cela est fortement exagéré. Comme le dit
M. Driver, l. c, p. 427, « ce style dans son ensemble...
ne manifeste aucune marque de détérioration; il dif-
fère d'une manière palpable, non seulement de celui
d'Esther et des Paralipomènes, mais aussi de celui des
mémoires de Néhémie...; il se tient au niveau des
meilleures parties (des livres) de Samuel... Le style est
classique dans son entier... En général, la beauté et la
pureté du style (du livre) de Ruth désignent d'une ma-
nière beaucoup plus décisive (comme époque de la
composition) la période antérieure à l'exil, que les
expressions isolées, sur lesquelles on s'appuie, ne mar-
quent la période qui suivit la captivité. » Le D r Kœnig
affirme de même, Einleitung in das A. T., p. 287, que
« les signes de la période la plus récente du développe-
ment de l'hébreu font défaut dans le livre » de Ruth.
D'après lui, les formules hase mihi faciat Dominus et
hsec addat, I, 17 (onze fois dans les livres de Samuel
et des Rois), pelcmi 'almôni (iv, 1; cf. I Sam., xxi, 3;
II fieg., VI, 8), la forme archaïque du pronom 'anoki
(sept fois; deux fois seulement 'ani), l'emploi constant
du pronom relatif 'aSer (tandis que l'abréviation Se
n'apparaît jamais) sont des preuves certaines d'anti-
quité sous le rapport du style. Les terminaisons signa-
lées plus haut sont également des archaïsmes, car
elles reproduisent des formes primitives.
VI. Caractère historique. — La simplicité et la
candeur des récits prouvent en faveur de leur réalité
objective. L'écrit lui-même se présente comme voulant
raconter des faits historiques. Cf. 1,1, et iv, 17-22. Dans
ce dernier passage, la narration particulière qui forme
le fond du livre est rattachée à l'histoire générale du
peuple de Dieu. Nous savons d'ailleurs, par Malth., j,
5, que Booz, Obed et Ruth furent des personnages très
réels. « Il n'a pas été inséré (dans le livre) un seul
trait auquel on puisse reprocher d'être invraisemblable,
à plus forte raison d'être historiquement impossible. »
Oeltli, Die geschichtl. Bagiographen, p. 214. Les moin-
dres détails sont conformes aux circonstances de temps,
de lieux, de personnes, telles que nous les connaissons
par ailleurs. Les divers personnages que nous présente
le livre de Ruth ont été peints sur le vif. Rien de plus
réel, de plus vivant que Ruth, Noémi, Orpha, Booz,
les femmes de Bethléhem et les différentes scènes qui
décrivent leurs relations réciproques. Voir Oettli,
loc. cit., p. 213-214. L'historien Joséphe a inséré ce
récit dans ses Ant. jud., V, ix, 1-3, comme reprodui-
sant des faits réels. Comment aurait-on songé à ratta-
cher si étroitement le roi David au peuple odieux de
Moab, si le fait n'eût été certain?
L'accent de vérité qui règne partout est si frappant,
que des critiques rationalistes assez nombreux ont re-
connu tantôt la nature strictement historique de tous
les événements racontés, tantôt au moins l'existence
d'une tradition ancienne ayant servi de base à l'écrit.
C'est ainsi que Kuenen admet partiellement le carac-
tère historique du livre, en ce sens que David a eu vé-
ritablement une aïeule issue du peuple de Moab. Voir
Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 2« éd.,
p. 239; Bertholet, Die fùnf Megilloth, p. 53. Kœnig,
Einleitung, p. 266, croit aussi qu'il y eut d'abord une
tradition orale correspondante des faits réels, que cette
tradition fut mise par écrit, puis rédigée finalement sous
sa forme actuelle par un Israélite qui avait de l'attrait
pour les anciens usages et du talent pour peindre les
caractères. Mais d'autres néo-critiques ne voient dans
le livre de Ruth qu'un petit roman composé d'une ma-
nière plus ou moins habile. D'après J. Wellhaus'en,
Die Komposilion des Hexateuchs und der hislor.
Bûcher des A. Test., in-8», 3« éd., Berlin, 1899, p. 358,
l'histoire de Ruth n'aurait d'autre fondement que le
passage biblique I Reg., xxu, 3-4, où il est dit que
David, à l'époque où il était persécuté par Saiïl, emmena
son père et sa mère à Maspha de Moab, et les mit sous
la protection du roi des Moabites. Selon Budde, dans
la Zeitschrift der alttestamentl. Wissenschaft, 1892,
p. 37-46, l'histoire de Ruth aurait formé, à l'origine, une
partie du « Midrasch du livre des Rois » mentionné
II Par., xxiv, 27 (la Vulgate a traduit inexactement ce
passage). Voir aussi Wildeboer, Die Litteratur des A.
Testam., p. 342. C'est Bertholdl, Einleitung insâmmt-
liçhe... Schriften des Alt. und N. Testant., 1812-
1819, 5 e partie, p. 2337-2353, qui a essayé le premier
de démontrer que le livre de Ruth ne serait qu' « une
histoire inventée », « un simple poème », un a tableau
de famille tout romantique ». Ses arguments se ramè-
nent à six principaux, que répètent à l'envi, depuis
bientôt un siècle, les interprètes rationalistes. — 1° Les
noms des personnages du livre auraient tous une si-
gnification symbolique, en harmonie avec le rôle et Ja
situation de ceux qui les portaient; ce qui suffirait,
nous dit-on, pour démontrer le caractère fictif du ré-
cit. E. Reuss, La Bible, t. \n, p. 20, répond très juste-
ment que celte objection « repose sur des étymologies
forcées ou purement gratuites. » En effet, on n'a pas
encore réussi à s'entendre sur le sens véritable des
noms de Ruth et de Booz; Élimélech, c'est-à-dire
« mon Dieu (est) roi », n'a rien de particulier pour
l'histoire de Ruth; Afâklonpeut désigner aussi bien la
«perfection» que la ce langueur » maladive, et il en est
de même de Kilyion; 'Orfàh, que l'on prétend avoir été
1279
RUTH (LIVRE DE)
1280
ainsi appelée parce qu'elle tourna le dos Çôrêf) à sa
belle-mère, est plutôt un nom synonyme de « gazelle ».
Voir Kœnig, Einleitung in das A. T., p. 287; Oettli,
Die geschichll. Hagiographen, p. 215. — 2° Tous les ca-
ractères seraient trop parfaits pour correspondre à la
réalité. Ils sont admirables, il est vrai, mais simples
e\.\tttane\s towyswcs-, vie^i ue montre qu'ils aient été
idéalisés le moins du monde. L'objection est donc en-
tièrement gratuite. Orfâh, d'ailleurs, n'a pas été parfaite,
quoiqu'on ne puisse lui faire un reproche d'être restée
dans son pays. — 3° On a prétendu voir aussi dans le
livre de Ruth des traces d'érudition scientifique, qui
démontreraient qu'il est le fruit d'un travail de cabinet.
Cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3 e édit., t. i,
p. 236; Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth,
p. 236. Mais cette assertion porte à faux, car nulle part,
dans le récit, on ne voit les marques d'une érudition
proprement dite. Si l'auteur signale tel ou tel usage
ancien, par exemple, iv, 7, s'il met sur les lèvres des
notables un souhait qui rappelle l'histoire de Lia et de
Rachel, rien ne dépasse en cela les limites de la con-
naissance d'un Israélite ordinaire. — 4° On a dit encore
que cette idylle pacifique aurait été impossible à l'époque
orageuse des Juges. Cf. Wellhausen, dans Bleek, Ein-
leitung, 4 6 édit., p. 204; Nowack, Richter und Ruth,
p. 181 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 50. Mais le
livre des Juges affirme en termes exprès, et à plusieurs
reprises, Jud., m, 11, 30, etc., que les périodes de
paix et d'accalmie furent loin de manquer totalement
pendant cette époque, et l'histoire de Rulh fut préci-
sément une oasis de ce genre au milieu du tumulte des
invasions étrangères. — 5° On a prétendu que l'auteur
du livre ne connaissait plus le parent le plus rappro-
ché de Noémi, et que, ne pouvant citer son nom, il fut
forcé de le désignerparla vague formule peloni'almoni,
« un certain », îv, 1. Celte circonstance fournirait la
preuve que l'histoire entière a été inventée. Mais il faut
remarquer qu'un temps assez long s'était écoulé entre
les événements et la composition du livre. L'ignorance
de l'auteur sur ce point secondaire, supposé qu'elle
ait été réelle, n'a donc rien d'étonnant; elle est une
preuve de plus de sa sincérité, car un faussaire n'aurait
nullement été embarrassé pour trouver un nom
quelconque. — 6° Le mariage de Mahalon et de Chélion
avec des femmes moabites aurait été contraire à la loi
juive, et ce trait prouverait à lui seul le caractère pure-
ment idéal de l'histoire. A l'appui de cet argument, on
allègue le texte Deut., xxm, 3-4. 11 est vrai que le droit
de cité en Israël était à jamais interdit aux Moabites, à
cause du mal qu'ils avaient fait aux Hébreux après leur
sortie d'Egypte. Cf. Num., xxv, 1-5. Toutefois, l'inter-
diction faite par Moïse aux Israélites d'épouser des
femmes étrangères ne concernait que les Chananéennes.
Cf. Exod., xxxiv, 11-16; Deut., vi, 1-4. Plus tard, Esdras
et Néhémie eurent de graves raisons de se montrer
plus sévères, et d'interdire formellement à leur conci-
toyens de contracter des mariages avec les femmes de
Moab. Cf. I Esd., ix, 1-2; II Esd., xm, 23-29. Mais ces
raisons n'existaient point à l'époque de Ruth.
VII. But du livre de Ruth. — Tout le monde est
d'accord pour reconnaître que ce livre a été écrit dans
un but spécial. Mais, ici encore, les néo-criliques ont
émis beaucoup d'idées fausses. — 1° Les fausses ten-
dances. — 1. Bertholdt, Einleitung, t. v, p. 2331-2335,
disait que le but principal de l'auteur aurait été d'éta-
blir que le mariage du lévirat (voir Lévirat, t. iy,
col. 213-216) ou son équivalent était stricteuent obli-
gatoire, même à l'égard d'une parente issue d'une race
étrangère. Voir aussi F. Benary, De Hebrseorum levi-
ratu, Berlin, 1835, p. 30. Cette opinion a trouvé un cer-
tain nombre de partisans. Le D r H. A. Redpath, dans
le Dict. of the Bible de Hastings, t. iv, p. 316, croit
également que notre livre a été composé d'une manière
générale « pour servir d'illustration aux lois matri-
moniales des Israélites. » Mais, quoique le récit roule
tout entier autour du mariage de Ruth avec Booz, il ne
met en saillie aucune tendance de ce genre. La ques-
tion de la parenté des deux conjoints y est tout à fait
secondaire. S'il avait eu en vue le lévirat, l'auteur
aurait vraisemblablement rappelé la loi de Deut.,
xxv, 5-10, dans le cours de sa narration. — 2. Selon
Kuenen, Introd. histor. et critique, trad. franc, § 96,
notes 9 "et 10, et Godsdienst, t. n,p. 148-149; A. Geiger,
Urschrifl und Uebersetzung, p. 49-55, Wildeboer, Lit-
teratur des A. Test., § 21, n. 10; Kautzsch, Abriss
der Geschichte des alttestam. Schriftums, p. 115-116;
Nowack, Richter und Ruth, p. 181-185; Bertholet, Die
fûnf Megilloth, p. 51-54, etc., l'auteur du livre, opposé
en principe aux mesures de rigueur prises par Esdras
et Néhémie contre les mariages que des Juifs nom-
breux avaient contractés avec des femmes de nationalité
païenne, aurait composé cette histoire en guise de pro-
testation. Dans son petit livre, il indiquerait, nous
dit-on, que parfois une femme étrangère était digne
d'être incorporée au peuple de Jéhovah, et même d'y
occuper une place d'honneur. Mais, s'il y a quelque
chose d'inventé ici, c'est bien cette tendance prétendue.
Si elle avait existé réellement, il aurait été beaucoup
plus simple et plus naturel d'opposer à Esdras et à
Néhémie, non pas le mariage mixte d'un Israélite peu
connu, tel qu'était Booz, mais celui de David lui-même.
Cf. I Par., m, 2. D'ailleurs, il est probable que Booz
n'aurait pas songé à épouser Ruth, si celle-ci ne se
fût mise sous sa protection en qualité de parente.
Ajoutons avec le D r Strack, Einleitung in das A, Test.,
Munich, 1895, 4 e édit., p. 137, qu' « un livre d'une
époque si tardive et ayant une telle tendance n'aurait
jamais pu devenir canonique. » — 3. Le but de l'auteur
aurait été entièrement politique, d'après la thèse assez
étrange de E. Reuss, Gesch. des Alt. Testam.,^' édit.,
p. 292-298; La Bible, t. vu, p. 24-27. Écrit après la ruine
du royaume des dix tribus schismatiques, le livre vou-
lait démontrer, sous la forme d'un gracieux roman, à
ceux des habitants |ui n'avaient pas été déportés dans
les provinces, assyriennes, que les rois issus de David
n'étaient pas seulement les héritiers du patriarche Juda
par l'intermédiaire de Booz, mais qu'ils avaient aussi
des droits très réels sur le territoire d'Éphraïm et de
tout le royaume du nord, grâce à Obed, fils légal de
« l'Éphraïmite» Mahalon; d'où il suit que les sujets du
royaume du nord devaient se rallier aux descendants
légitimes de David. On le voit, l'argument principal, on
plutôt l'argument unique de Reuss consiste à regarder
le titre 'Éfrâti (Vulgate, Ephrathsei), attribué à Mahalon
et à Chélion, Ruth, i, 2, comme synonyme d'Éphraïmite.
Sans doute, ce mot a quelquefois cette signification,
cf. Jud., xii, 5; I Reg., I, 1; III Reg., xi, £6; mais il
ne l'a certainement pas dans le livre de Ruth, où il
désigne manifestement les habitants de l'ancienne
Éphrata, c'est-à-dire de Bethléhem. Voir ÉPHRATA,t. ir,
col. 1882. La thèse est donc fausse par sa base; aussi
M. Reuss n'a-t-il convaicu personne.
2° Vrai but de l'écrivain sacré. — 1 . Ce but se dé-
gage très visiblement de l'ensemble du sujet traité,
comme aussi de la liste généalogique qui termine
l'écrit. Le livre de Ruth a été composé pour conserver
le souvenir d'un touchant épisode qui intéressait la
famille de David, et pour établir la série d'un certain
nombre de ses ancêtres. En effet, les livres des Rois
ne contiennent presque rien sur ces deux points, qui
avaient acquis de l'importance lorsque la famille de
David fut devenue famille royale. Cf. I Reg., xvi,
1-13, etc\ Celui de Ruth, au contraire, nous renseigne
officiellement sur la généalogie du grand roi du-
rant toute la période des Juges, puisque Salmon avait
dû être contemporain de Josué, et il rattache David à
1281
RUTH (LIVRE DE)
1282
îuda par Phares. Le but de l'auteur est donc directe-
ment théocratique, montrant comment une femme
d'origine étrangère, née au milieu d'un peuple païen,
hostile et odieux à Israël, cf. Is., xv-xvi; Jer., xi.viij,
était devenue d'une manière toute providentielle, à
cause de son amour pour la nation et pour le culte de
Jéhovah, l'aïeule du saint roi David. Voir F. Vigouroux,
Manuel bibl, '12 e éd., t. n, p. 76; Umbreit, dans les
Theolog. Studien und Kritiken, année 1834, p. 315-
318. — 2. Le but du livre dans l'intention de l'Esprit-
Saint se rattache étroitement à celui de l'auteur, mais
il va beaucoup au delà. Il consiste à fixer, pendant la
période marquée par la généalogie finale, la liste des
ancêtres, non seulement de David, mais du Messie lui-
même. Cela résulte clairement du passage parallèle,
Matth., I, 3 b -5, qui insère sans aucune modification
Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aïeux de N.-S. Jésus-
Christ. Les anciens interprètes chrétiens l'avaient fort
bien compris. Cur scripta est de Ruth historia? se
demandait Théodoret, In Ruth., t. lxxx, col. 518. Et il
répondait sans la moindre hésitation : Primum propter
Christum Dominum.
VIII. Place du livre dans le canon biblique. — Elle
u'est pas la même dans la Bible hébraïque que dans
les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hébraïque, le
livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq
Megillôf ou « rouleaux », qui font eux-mêmes partie
de la troisième catégorie des écrits sacrés, les Ket ùbîm
ou Hagiographes. Il vient immédiatement- après le
Cantique des cantiques et précède les Lamentations de
Jérémie. Dans les traductions officielles grecque et la-
tine, il est placé à la suite du livre des Juges, auquel
il se rattache directement par ses premiers mots : place
très convenable, puisqu'il complète l'histoire des
Hébreux à l'époque des Juges, et que, d'ailleurs, celle
qui en est l'héroïne vivait à cette même époque. Il sem-
blerait que les Juifs eux-mêmes lui ont aussi attribué
primitivement cette place, car Joséphe, Cont. Apion.,
i, 8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n'en
formant qu'un seul. Peut-être a-t-il été détaché tardi-
vement de sa première place « lorsqu'on l'affecta à la
lecture synagogale et qu'il dut, pour cette raison, faire
partie des rouleaux officiels. s> L. Wogue, Hist. de la
Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8»,
Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fête de la Pen-
tecôte. Méliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origène,dans
Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille
de Jérusalem, Cat., iv, 35, t. xxxm, col. 500, disent
formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des
Juges et de Ruth n'étaient comptés que comme un seul.
Saint Jérôme fait de même dans son Prolog, galeat,
t. xxviii, col. 553 : Deinàe subiexunt Sophtim, id est,
fudicum librum, et in eumdem compingunt Ruth,
quia in diebus Judicum facta narratur historia.
Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. Apostol.,xxx\n, t. xxr,
col. 374. A l'époque des Septante, le livre de Ruth était
encore rangé parmi les livres historiques. C'est donc
plus tard seulement, durant l'ère chrétienne, lorsque
le canon juif reçut la forme qu'il a encore aujourd'hui,
que le livre de Ruth fut placé parmi les Hagiographes
en général, et spécialement parmi les cinq Megillôf.
IX. Beauté littéraire. — Le livre de Ruth est géné-
ralement admiré. On a dit de cette composition que
c'est « une œuvre d'art exquise, d'un charme inexpri-
mable » . Ce qui est vrai, à condition de ne pas exagérer
le sens des mots œuvre d'art. Voir Cornill, Einleitung
in das A. T., 2 6 éd., p. 242. « La variété ne manque
pas à la poésie des Hébreux, écrivait A. de Humboldt,
dans son Commentar zum west.-ôstlich. LHwan, p. 8,
Cosmos, trad. franc., 1864, t. n, p. 53-54. Tandis que,
depuis Josué jusqu'à Samuel, elle respire l'ardeur des
combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un
tableau de la simplicité la plus naïve et d'un charme
inexprimable. Goethe, à l'époque de son enthousiasme
pour l'Orient, l'appelait le poème le plus délicieux que
nous eût transmis la muse de l'épopée et de l'idylle. »
Le card. Gibbons écrivait de son côté, The Ambas-
sador of Christ, in-12, Baltimore, 1896, p. 332 :
« La simplicité de la vie pastorale des Hébreux est
décrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant
et si conforme à la nature, qu'elle n'est dépassée
par aucun morceau d'Homère ou des Églogues de Vir-
gile. »
X. Bibliographie. — Théodoret, In Ruth, Migne,
t. lxxx, col. 517-528; Midrasch Ruth Rabba, publié
dans la Bibliotheca rabbinica àek. WwasaYve, Leipzig,
1883; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. clxvii,
col. 1057; Collegium rabbinico-biblicum in librum
Ruth, publié par J. B.Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi« au
xvm e siècle : Marcellinus Evangelista, O. M., Explana-
tiones in libr. Ruth, Florence, 1586; Nie. Serarius,
Indices et Ruth, explanali, Mayence, 1609; C. Sanchez,
Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651; J. Khell, De
Epocha historié Ruth, Vienne (Autriche), 1756; F. W.
C. Umbreit, Ùber Geist und Zweck des Bûches Ruth,
dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308;
Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus per-
petuaque interprétations illustratus, Tubingue, 1856;
Auberlen, Die drei Anhànge des Bûches der Richter,
dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860,
ç. 536-568; C. H. Wright, The Book of Ruth in ffebrexv
with a criticaïly revhseà Taxt, uanous Readings...,
in-8°, Leipzig, 1864; C. Hamann, Annotationes cr'i-
ticx et exegeticœ in libr. Ruth ex vetustissimis ejus
interpretationibus depromptœ, in-8», Marbourg, 1871;
A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied ini l'r-
text, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8»,
1879; H. Zschokke, Biblische Frauen, in-8°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225; H. F. Kolil-
brûgge, Verklsering van het Boek Ruth, in-8", Utrecht,
1886; G. Wildeboer, Die Litteratur des AU. Testant,
nach der Folge ihrer Entstehung, trad. du hollan-
dais, in-8«, Gœttingen, 1895, p. 341-345; K. Budde,
Vermuthungen zum Midrasch der Kônige, dans la
Zeitschrift fur aUtestam. Wissenschaft, t. xn, 1892,
p. 37-51. L. Fillion.
DICT. DE LA BIBLE.
V.
41
DICTIONNAIRE
CONTENANT
TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, d' ANIMAUX
MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES
LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES
RELATIVES A L'ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT
ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES
PUBLIÉ PAR
F. pGOUROUX
PRÊTRE DE SAINT-SULPICE
AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS
DEUXIÈME TIRAGE
TOME CINQUIEME
DEUXIÈME PARTIE
s— z
PARIS
LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS
76 bls , RDE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis
1912
TOCS DROITS RÉSERVÉS
S, quinzième, dix-huitième et vingt-et-unième lettre
de l'alphabet hébreu. Voir Samech, Tsadé, Sin et Sciun.
SA ou SAA (DE) Manoel, exégète portugais, né en
1530 à Villa de Conde, province d'Entre DouroeMinho
en Portugal, mort à Arona en Italie le 30 décembre 1596.
Il entra à l'âge de quinze ans dans la Compagnie de Jésus.
11 s'acquit de la réputation comme théologien et exégète
et saint Pie V l'appela à Rome en 1557 pour prendre
part aux travaux de la commission chargée de préparer
l'édition des Septante qui parut sous le pontilicat de
Sixte-Quint. On a de lui Scholia in quatuor Evange-
lia, in-4", Anvers, 1598; 2 e édit., in-4°, Lyon, 1620; et
Nofationes in totam Sanctam Scripturam, in-4°,
Anvers, 1598; Cologne, 1610; in-f», Paris, 1943. Sa est
surtout connu par ses Notaliones dans lesquelles il
explique le sens littéral du texte sacré avec brièveté,
clarté et précision. — De Backer, Bibliothèque, édit.
Sommervogel, t. vu, 1896, p. 349.
SAADIA? ou SAADIA HAG-GAON ben Joseph
ha-Pithûmi, en arabe Said Ibn-Yaakûb al-Fayumi,
rabbin juif, né à Dalas, dans le Fayoum (Egypte) en
892, mort à Sora en Babylonie en 942. Le titre d'Hag-
Gaon fut ajouté à son nom, parce que le prince de
l'exil David ben Sakkai le choisit en 928 comme gaon
ou chef de l'école de Sora. C'est un des rabbins les
plus célèbres. Il est surtout connu parmi les orienta-
listes par sa traduclion arabe du Pentateuque, à laquelle
il travailla de 915 à 920. Voir t. i, col. 846. Ce fut le
premier Israélite qui écrivit en arabe sur la Bible. Il a
laissé des commentaires et des écrits de divers genres,
p?rmi lesquels on peut mentionner son «Explication des
mots rares de la Bible », publiée pour la première fois
par L. Dukes, dans la Zeilschrift fur die Kunde des
Morgenlandcs, v, 1844, p. 1151; puis par Geiger, dans
sa Wissenchaflliche Zeilschrift, Leipzig, 1844, t. v,
p. 317-324, avec des corrections importanles. On trouve
dans les Œuvres complètes de Saadia, publiées sous la
direction de J. Derenbourg, Version arabe du Penta-
teuque de Saadia, par J. Derenbourg, 1. 1, Paris, 1893;
Version a"Isaïe (en caractères hébreux), par J. Deren-
bourg, t. m, Paris, 1896; Version arabe des Proverbes,
par J. Derenbourg et Mayer Lambert, t. vi, 1894. — Voir
Rappaport, Biographie de Saadia, dans Bikkure 11a-
lttim, Vienne, 1828, ix, p. 20-37; S. Munk, Notice
sur Rabbi Saadia Gaon et sa version arabe, dans la
Bible de Cahen, Paris, 1838, t. ix, p. 73; Ewald et
Dukes, Bel trâge zur Geschicltte der âlteslen Auslegung
des Allen Testaments, Stuttgart, 1844, t. i, p. 1-115;
t. h, p. 5, 115; J. Guttmann, Die Religionsphilosophie
des Saadia, Gœllingue, 1882; M. Wolf, Zur Charak-
teristik der Bibelexegese Saadias Alfayummi's, dans
la Zeilschrift fur die altteslamentliche IT issenschafl,
t. iv, 1884, p. 225; t. v, 18?-"), p. 15; Graetz, Histoire
des Juifs, t. iv, trad. M. Bloch, Paris, 1893, p. 1-12.
SAAL (hébreu : Se'âl; Septante : 2a).oj:a; Alexan-
drinus : Eadc).)i un des fils de Bani qui avait épousé
DICT. DE LA BIBLE.
une femme étrangère et qui fut obligé par Esdras de
la quitter. I Esd., x, 29.
SAANANIM, localité dont le site est inconnu et
dont le nom même est douteux. Dans Josué, xix, 33,
DI337Ï3 ]V»», « le térébinthe qui est à Sa'ânannim »,
d'après un certain nombre de traducteurs, est marqué
comme une des frontières de la tribu de Nephthali.
Au lieu de traduire par « térébinthe ou chêne de Saa-
nannim », la Vulgate a pris le premier mot'Ëlôn pour
un nom propre et traduit : « La frontière (de Nephthali)
commence à... Élon en Saananim. » Dans les Juges,
IV, 11, nous lisons que Héber, le Cinéen, avait dressé
ses tentes jusqu'à DWsn ]ihn, que plusieurs tra-
duisent comme dans Josué,'« le térébinthe de Sa'ànai'm »
ou plutôt « Sa'ananîm » en acceptant la lecture du
keri des Massorètes. La Vulgate a traduit ici «la vallée
qui est appelée Sennim ». Sur ces différentes traduc-
tions, voir Éi.on 4, t. il, col. 1703. — Quant au vrai
nom de Saanannim, il est un sujet de discussion. Cer-
tains critiques soutiennent que le a, b, qui précède
Sa'ânannim et Sa'ânnim dans le texte hébreu, n'est pas
la préposition be, « dans », comme l'a compris la Vul-
gate, mais la première consonne du nom propre, dont
elle est une partie intégrante, ainsi que l'ont pensé les
Septante qui ont transcrit BesEijuiv (Alexandrinus :
Be<jevav![i), Jos., xix,33. Cette opinion est soutenable.
— R. Conder, Tentwork in Palestine, t. n, p. 132;
Memoirs, t. i,p. 365, identifie Saananim avec Khirbet
Bessim, au nord du mont Thabor,et Cédés qui, d'après
Jud., îv, 11, était voisin, est la ruine actuelle de
Qadisch, sur le bord du lac de Tibériade et au sud de
la ville qui donne son nom au lac. D'après Gesenius,
Thésaurus, p. 1177, l'étymologie de Sa'ânannim est
« chargement des bêtes de somme », ce qui fait allu-
sion à la levée d'un camp de nomades qui chargent
leurs bêtes quand ils émigrent d'un campement dans
un autre. « De l'identité de signification, dit Tristram,
Bible Places, p. 278, on a conjecturé que Bessim est
Saanannim, un peuà l'estduThabor.Dans cette plaine,
on peut toujours voir les tentes noires des Bédouins,
les Cinéens de nos jours. » On identifie plus souvent
le Cédés de Jud., iv, 11, avec Cédés de Nephthali. Voir
Cédés 1, t. ii, col. 360; Nephthali 2, t. iv, col. 1593.
SAAPH (hébreu : Sa'af; Septante : Sayas; Alexan-
drinus : Sayâç), nom de deux Israélites.
1. SAAPH, le plus jeune des six fils de Jahaddaï
(t. m, col. 1105), de la tribu de Juda. I Par., n, 47.
2. SAAPH, le troisième des quatre fils que Caleb, de
la tribu de Juda, eut de Maacha, une de ses femmes de
second rang. Saaph fut « père », c'est-à-dire fondateur
de la ville de Madména. 1 Par., n, 49. VoirMEDÉMENAl'
t. iv, col. J14.
SAARIM (hébreu : Sa'âraim, « les deux portes s ;
Septante : [Bapou]<xEwp!'m par l'union de ce nom avec une
V. — 41 a
4285
SAARIM — SABA
1286
partie du mot précédent dans l'hébreu : [Bèt] bir'i),
ville de la tribu de Siméon. I Par., iv, 31. Dans Josué,
six, 6, elle est appelée Sdrâhén (Vulgate : Sarohen; les
Septante ont traduit: oi àYpoi oûtwv, «leurs champs »,
parce qu'ils ont lu sans doute pnï, au lieu de jrmti).
Dans Josué, xv, 32, son nom est écrit d'ïi^ti;; Septante :
SaXri; Alexandrinus : SeXselV; Vulgate : Selim. Cette
ville siméonite était située dans la partie méridionale
de la Palestine, que le texte hébreu appelle Négéb.
Jos., xv, 21, 32. Voir Négeb, t. iv, col. 1557. Le site est
inconnu. C'est peut-être la ville chananéenne qui
est mentionnée dans les annales de Thothmès III,
Mil "w" •*. 14-a, Sarohana, comme « forteresse du
pays de Saruana ou Saluana ». — Une autre ville
de la tribu de Juda, qui porte en hébreu le même
nom de Sa'âarim, est appelée dans la Vulgate Saraïm.
Jos., xv, 36. La plupart des commentateurs ont fait de
Saarim et de Saraïm une même ville, à cause de la
similitude de nom, et parce que la ville de Saraïm
avait été attribuée primitivement à la tribu dé Juda,
à laquelle appartint aussi Saraïm ; mais il y a lieu de les
distinguer parce que d'après le texte sacré Selim =
Saarim était située dans le Négéb, tandis que Saraïm
était dans la Séphéla. Jos., xv, 33, 36. Voir Saraïm.
SABA, nom d'homme et de pays. La Vulgate trans-
crit ainsi des mots orthographiés diversement en
hébreu.
1. SABA (hébreu : Sebâ'; Septante : Eaëi), fils aîné
de Chus, Gen., x, 7; I Par., i, 9. Son nom désigne ses
descendants et le pays qu'ils habitèrent. Il faut distin-
guer avec soin ce-Saba des autres qui portent le même
nom dans la Vulgate, mais non en hébreu. Seba' est
aussi nommé, Ps. lxxii (lxxi), 10, où il est dit que les
rois de Seba' an* (Vulgate : Arabes) et de Seba', N3D
t :
(Vulgate : Saba), apporteront leurs présents ou leur
tribut à Jérusalem (au Messie). Isaïe, xliii, 3, nomme
Sebâ' avec l'Egypte et Chus (l'Ethiopie). De même, xlv,
14, où le prophète, au lieu de Sebâ', emploie le nom
ethnique Sebd'lm, et dit que les Sabéens (Vulgate :
Sabaim) sont « des hommes de haute taille ». Ce sont
là les seuls passages où l'Écriture nomme Sebâ' et ses
habitants, à moins qu'on n'admette avec certains cri-
tiques que les Sebâ'im sont aussi nommés dans Ézé-
chiel, zxiii, 42, comme le porte le keri; le chethib a
□>N3iD, « les ivrognes » (Alexandrinus : oivopjvoi;
omis dans le Vaticanus et dans la "Vulgate). Le syriaque
a adopté la leçon « Sabéens » et elle paraît la plus na-
turelle. Josèphe, Ant. jud., II, x, 2, a identifié Sebâ'
avec Méroé. Cette identification est la plus communé-
ment acceptée. Voir Ethiopie, t. n, col. 2007-2008.
2. SABA (hébreu : Sebâ'; Septante : Saga), fils aîné
de Regma et petit-fils de Chus; il eut pour frère Dadan.
Gen., x, 7; I Par., i, 9. Voir Saba 5.
3. SABA (hébreu : Sebâ' ; Septante 'Sa.Sx), descen-
dant de Sem, fils de Jectan. Gen., x, 28; I Par., i, 22,
Josèphe, Ant. jud,, I, vi, 4, l'appelle SaSe-Jç. Voir
Saba 5.
4. SABA (hébreu : Seba; Septante : Eaëcc), fils de
Jecsan et frère de Dadan, petit-fils d'Abraham et de
Cétura. Gen., xxv, 3; I Par., i, 32. Voir Saba 5.
5. SABA (hébreu : Seba'; Septante : Saëâ), peuple
et contrée d'Arabie, III Reg., x,l,4, 10,13; II Par., ix,
1, 9, 12; Job, i, 15 (hébreu : Sebâ'; Vulgate : Sabsei);
vi, 19; Ps. lxxi (lxxii), 10 (Vulgate : Arabes), 15 (Vul-
gate : Arabia); Is., lx, 6; Jer., vi, 20; Ezech., xxvu,
22, 23; xxxvni, 13. —Joël, m, 8 (hébreu, iv, 8), nomme
les Seba'im ou Sabéens. Les Septante avaient déjà
identifié Saba avec l'Arabie, Ps. lxxi, 10, 15, et tous
les savants admettent leur interprétation d'une façon
générale. — Les Sabéens, d'après les données de
l'Écriture, étaient de trois races différentes, chami-
tique-couschique (voir Saba 2), sémitique jectanide,
(voir Saba 3) et sémitique jecsanide (voir Saba 4).
Elles purent se mélanger plus ou moins ensemble
dans la suite des temps. Il est aussi possible que la
couche sémitique se soit superposée à la couche cha-
mitique. Mais, à en juger par la comparaison des divers
renseignements fournis par la Bible, les Sabéens sep-
tentrionaux paraissent être jecsanides, ceux de l'est
couschites et ceux du midi jectanides. Il existait donc
des Sabéens dans différentes parties de l'Arabie :
il y en avait dans le nord (les Sab'u des inscriptions
assyriennes), Job, i, 15; VI, 19; dansl'est(Ezech., xxvn,
22, cf. 20-21, Saba est associé avec Regma, qu'on
place communément à l'est, sur la rive arabe du golfe
Persique), et dans le sud, comme l'indiquent les pro-
duits du pays : la reine de Saba offre à Salomon une
grande quantité d'or et d'aromates, avec des pierres
précieuses, III Reg., x, 10; II Par., ix, 9; les
Psaumes, lxxii (lxxi), 15, et Isaïe, lx, 6, mentionnent
l'or du pays ; le même prophète, lx, 6, et Jérémie vi,
20, l'encens. Ces richesses du pays des Sabéens
avaient valu à leur contrée le nom d'Arabie heureuse,
Arabia Félix, et les avaient rendus célèbres dans l'an-
tiquité : la manière dont en parlent les auteurs profanes
confirme ce qu'en disent les auteurs sacrés. Stra-
bon, XVI, IV, 19, 21 (Saëaïov xr|V eûSacV-ova 'Apaêfav
vé[icivt«i, etc.); Diodore de Sicile, m, 38, 46; PIine,ffl. N.,
vi, 32; Gesenius, Tliesaurus, p. 351. La reine de Saba
qui alla visiter Salomon à Jérusalem était reine des
Sabéens (et non des Éthiopiens). Voir Saba 6.
Les recherches qui ont été faites en Arabie par des
voyageurs européens et les nombreux travaux des sa-
vants sur les inscriptions sabéennes depuis une cin-
quantaine d'années nous ont fait connaître beaucoup
mieux que les auteurs anciens ce qu'avait été ce pays
et quelle était sa richesse et son importance. Ces ins-
criptions embrassent une période de treize siècles en-
viron. Des inscriptions datées de Marib sont du v s et
du vi e siècle de notre ère. Ce fut au vi e siècle que le
royaume Sabéen fut complètement détruit par les
Abyssins.
Saba était le nom de la nation qui habitait l'Yémen,
au sud de la péninsule arabique. Du temps d'Ératho*
sthéne, vers 240 avant J.-C, elle se composait de quatre
grandes tribus entre lesquelles était partagée l'Arabie
méridionale : les Minéens dont la ville principale était
Karna; les Sabéens proprement dits, capitale Maryab
ou Marib; les Kattabaniens, capitale Tamna, et l'Hadra-
maut, capitale Katabanon.Les inscriptions parlent sou-
vent des rois de Saba. Sargon, dans ses Annales, Botta,
75, lig. 6, nomme parmi ses tributaires le « Sabéen
Ithamara » (lt-'-am[a-]ra mat Sa-ba-ai), Ce nom
se retrouve dans les inscriptions sabéennes sous la
forme Yetha'amara, comme celui de six rois ou chefs
sabéens, dont l'un d'entre eux doit être celui qui est
mentionné par le roi d'Assyrie. Malheureusement les
inscriptions sabéennes ne sont pas généralement histo-
riques et ne permettent pas de reconstituer l'histoire
des Sabéens d'une manière satisfaisante; une partie
raconte les razzias faites par les tribus; un grand
nombre sont religieuses. Ces dernières attestent l'abop-
dante richesse du pays en or, en argent et en parfums.
Voir A. P. Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire
des Arabes avant l'islamisme, 3 in-8°, Paris, 1847;
J. Halévy, Inscriptions sabéennes, dans le Journal
asiatique, 1872, p. 129, 489; David H. Mûller, Die
Burgen und Schlôsser Sûdarabiens nach den Ihlli
1287
SABA — SABAOTIÎ
1288
des TTamdâni, dans les Sitzungsberichte der k. Aka-
demie der Wissenschaften, Phil. Ida t. Classe, t xciv,
1879, p. 335; t. xcvu, 1881, p. 955; P. Schlumberger, Le
trésor de Saria, in-4°, Paris, 1880; Mordtmann, dans
Wiener Numismatik Zeitschrift,iS80, p. 289-320; J. H.
Mordtmann et D. H. Mûller, Sabâische Denkmâler,
Vienne, 1883; Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und
Géographie Arabiens, t. Il, Berlin, 1890; Mordtmann,
Himyarische Inschriften in den k. Museen zu Berlin,
1893; H. Derenbourg, Les monuments sabéens du Musée
d'archéologie de Marseille, 1899; D. H. Mûller, Siïda-
rabische Allerthùmer in kunsthistorischen Hofmu-
seutn, Vienne, 1899; Fr. Hommel, Die sudarabische
Alterlhûmer des Wiener Hofmuseums, dans ses
Aufsâtze und Abhandlungen, t. n, 1900; Corpus
inscriptionum semiticarum, part. IV, 1889 sq.
F. Vigouroux.
6. SABA (REINE DE). Elle alla visiter Salomon à
Jérusalem, attirée par la réputation de sa sagesse, et
lui offrit de riches présents. Salomon lui en fit à son
tour, devina les énigmes qu'elle lui proposa et la
remplit d'admiration pour sa sagesse. III Reg., xi, 1-13;
II Par., ix, 1-12. Notre-Seigneur a rappelé cet épisode
dans un de ses discours, Matth., xn, 42; Luc, xi, 31,
en la désignant sous le nom de « reine du midi ».
Josèphe, Ant.jud., VIII, VI, 1, l'appelle Nicaulis et la
fait reine d'Egypte et d'Ethiopie. Les Éthiopiens n'ont
pas manqué de la revendiquer : ils l'appellent Makeda
et disent qu'elle eut de Salomon un fils nommé Méne-
lek, ancêtre des rois d'Ethiopie. Les Arabes appellent la
reine de Saba Bilkis, et le Coran, xxvn, 24, raconte son
histoire en l'entremêlant de fables. — La reine de Saba
était arabe et non éthiopienne. Les inscriptions sabéennes
retrouvées jusqu'ici ne mentionnent pas de reine sabé-
enne; une femme cependant paraît être appelée « maî-
tresse d'un château-fort (Corpus inscript, semit.,
part. IV,n. 179), etles monuments assyriens mentionnent
sous Théglathphalasar III, Samsi ou Samsiéh et Zabibi,
reines de la terre des Aribi; sous Asarhaddon, Yapa,
reine de Dihuta, et Bail, reine d'Ihil. Voir F. Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit.,
t. m, p. 254-257 ; F. Prsetorius, Fabula de regina
Sabsea apud Mlhiopes, in-4°, Halle, 1870; A Rosch,
Die Kônigin von Saba dis Kônigin Bilqis, dans les
Jahrbàcher fur protestantische Théologie, t. vi, 1880,
p. 524-572.
SABACTHAN1 (grec : <7a6axO<xvî); verbe araméen,
, 9
. \K n -> a) de la racine sebaq, à la seconde per-
sonne du singulier du parfait, avec suffixe de la pre-
mière personne, traduction du mot hébreu >2pni7,
du Psaume xxn (xxi), 2, dereliquisli me, tel qu'il fut
prononcé sur la croix par Notre-Seigneur : « Mon Dieu,
mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » Matth.,
xxvn, 46; Marc, xv, 31. Voir Petersen, Erforschung
des Wurtes axêxyfixil (sans lieu), 1701.
1. SABAIM (hébreu: Sebaïm, « les gazelles »; Sep-
tante : EaSaij*), nom d'homme ou de lieu. II Esd.,
vu, 59. Ce nom est écrit Asebaïm dans 1 Esd'., il, 57.
Voir Asebaïm, t. i, col. 1075-1076.
2. SABAIM (hébreu : Sebà'îm; Septante : Eaëaef|i.),
les Sabéens. Is., xlv, 14. Voir Saba. 5 et Sabéens.
SABAMA (hébreu : hm'ït, « fraîcheur » ou « par-
fum »; Septante : Seêaai; dans Jer., 'A^prini), ville
de la tribu de Ruben. Le texte hébreu écrit ce nom
Dafr, Sebdm, Num., xxxn, 3. Dans ce passage, la Vul-
gate porte Saban. — 1° Celte ville appartint d'abord aux
Moabites, puis aux Amorrhéens, Num., xxi, 26, ensuite
aux Rubénites; du temps d'Isaïe, xvi,8-9, et de Jérémie,
xlviii, 32, elle était retombée au pouvoir des Moabites.
Quand Moïse se fut emparé du pays situé à l'est du Jour-
dain, les descendants de Gad et de Ruben lui demandé*
rent, à cause de leurs nombreux troupeaux, à s'établir
dans le pays conquis, qui était riche en pâturages. Ruben
reçut pour sa part entre autres villes Sabama,qui était
en ruines et qu'il restaura. Num., xxxn, 3, 38; Jos.,
xiii, 19. A quelle époque les Moabites en reprirent-ils
possession, nous l'ignorons. Tout ce que nous savons,
c'est que Isaïe, xvi, 8, 9, et Jérémie, xlviii, 32, la
comptent parmi les villes moabites dont ils annoncent
la désolation.
2° Eusébe et saint Jérôme, dans VOnomasticon, 1862,
p. 320, 321, disent que « Sabama est une ville de
Moab, dans le pays de Galaad. » Saint Jérôme ajoute,
In ls., xvi, 8, J. xxiv, col. 174, que « Sabana est à
peine à cinq cents pas d'Hésébon ». Cetie ville est en
effet nommée à côté d'Hésébon, Num., xxxn, 3; Is.,
xvi, 8, mais son site n'a pas été identifié d'une ma-
nière certaine. Les uns le placent hypothétiquement à
Chanab, au nord d'Hésébon, t. m, col, 1160; d'autres
à Soumia, au nord-ouest de la même ville, à trois
kilomètres environ, voir Ruben, carte, fig. 266, col. 1268,
sur le flanc méridional de Vouadi Hesban. On re-
marque en cet endroit des ruines, des tombeaux et des
pressoirs taillés dans le roc. Ces pressoirs rappellent
ce que disent Isaïe et Jérémie des vignes de Sabama,
des chants des vendangeurs et des raisins qu'ils fou-
laient dans les pressoirs. Is., xvi, 8-10; Jer., xlviii,
32-33. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs,
Eastern Palestine, p. 221.
SABAN, ville de Ruben. Num., xxxn, 3. Voir
Sabama.
SABANIA (hébreu : Sebanyâh [Sebanayahû, I Par.,
X, v, 24], « Jéhovah a fait croître »), nom de quatre
descendants de Lévi dans le texte hébreu. La Vulgate
appelle deux d'entre eux Sabania. Elle écrit le nom
de Sebaniyahû, I Par., xv, 24, Sebenias, et celui de
Sebanyâh, II Esd., x, 4, Sebenia. Dans II Esd., xn, 3,
aekanyâh paraît être pour Sebanyâh (Vulgate : Se-
benias). — 11 existe un sceau antique poriant le nom de
Sebanyâh. Voir t. m, fig. 68, col. 310. Cf. Ad. de Long-
périer, Œuvres, t. i, p. 198-199.
1. SABANIA (hébreu : Sebanyâh; Septante : Eeyevt'a,
avec de nombreuses variantes), lévite qui, du temps
d'Esdras, se tint avec d'autres sur l'estrade et implora
Dieu à haute voix. II Esd., ix, 4, 5. Au f. 5, la Vulgate
écrit son nom Sebnia (omis dans les Septante). Ce nom
se retrouve au milieu de celui des signataires de l'al-
liance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x,.
11 (10). La Vulgate écrit son nom au f. 10. Sebenia;
Septante; Saêaviâ.
2. SABANIA (Septante : Eeëavi'a), autre Lévite qui
signa le renouvellement de l'alliance faite avec Dieu
du temps de Néhémie. II Esd., x, 12.
SABAOTH, forme grécisée du mot hébreu niNiï,
t :
pluriel de »ox, qui, précédé d'Elohim ou de Jéhovah,
T T
est un des noms de Dieu. La Vulgate n'a conservé
qu'une fois le mot Sabaoth dans l'Ancien Testament,
Jer., xi, 20; il se lit deux fois dans le Nouveau, Rom.,
ix, 29; Jac, v, 4; ailleurs il est traduit par exercitus,
Jer., iv, 14, etc., virtutes, Ps. xxm, 10, etc., dans le
sens de « forces ». Les Septante ont 2aëa<i9, écrit aussi
2u8Saw8, 1 Reg., i, 3, 11 ; xv, 2 ; xvii, 2 ; Is., i, 9, etc. ; mais
le plus souvent ils l'ont traduit luavToxpxnop. II Reg., v,
1289
SABAOTH — SAËATHAÏ
1290
10; vu, 18, etc. Le mot Sabaoth n'est jamais employé
seul comme nom de Dieu dans l'Écriture, mais comme
complément; ce n'est que par oubli du sens du mot
qu'il a été pris plus tard comme nom propre par
quelques écrivains grecs, par exemple, Orac. Sibyll.,
I, 304.
1° Emploi. — Sabaoth est précédé ordinairement de
« Jéhovah » quand il est appliqué à Dieu. Voir Jéhovah,
t. m, col. 1221, tableau, col. iv). 'Âdônâï est quelquefois
placé devant Yehôvdh ha$-Sebâ'ô(, Is.. m, 15; xin,15;
Amos, ix, 5, etc.; ou bien hâ'-Adôn, 1s., i, 24; xix, 4;
hâ-Adôn Yehôvdh Seba'ôt; dans d'autres passages,
nous lisons : Yehôvdh 'Elôhê Sebdôt, II Sam., v, 10;
I(III) Reg., xix, 10, 14; Ps. lxxxix, 9; Jer., v, 14; xv,
16; xxxv, 17; xxxviii, 17; xliv, 7; Ose., xii, 6; Amos,
m, 13; iv, 13; v, 14, 15, (16 suivi de 'Adànaï) 27; vi, 8,
II. Nous trouvons : Yehôvdh 'Èlôhîni Seba'ôt (au
lieu d'i?(o7iê),Ps. lix, 6; Lxxx,5,20; lxxxiv,9; 'Adônaï
"ie'iôvâh 'Elôhê has-Seba'ôt, Amos, m, 13; 'Elôhîm,
Seba'ôt (sans Yehôvdh), Ps. lxxx, 8, 15. Ce nom est
surtout fréquent dans les prophètes. Voir le tableau,
t. m, col. 1221. On ne le rencontre ni dans le Penta-
teuque, ni dans Josué, ni dans les Juges.
2» Signification. — N2X, employé comme nom com-
mun, signifie « une multitude organisée, d'où armée»,
Num., i, 3; xxxi, 36; Deut., xxiv, 5, et, par extension,
une troupe, une armée au ligure : c'est ainsi que les
anges ou les troupes angéliques sont appelés Sebâ' ha$-
sdmaim, l'armée céleste, I (III) Reg., xxii, 19; II Par.,
xvm, 18; Ps. cm, 21; cxlviii, 2;cf. Jos., v, 14, 15; oipa-
•ctà ojpàvioî, mililia cselestis, Luc, il, 13; les astres sont
aussi nommés seb'd haS-sdmaîm, Jer., xxxm, 22; cf. Is.,
xl, 26; xlv, 12, etc.; Matth., xxiv, 9 (oef 8'jvdtp.si; tmv o-j-
pocvûv = ye6'd has-sàmâim, les Septante ayant plusieurs
fois traduit sâbd' par Savait; dans l'Ancien Testament).
Les écrivains sacrés, en appelant Dieu Yehôvdh Se-
ba'ôt, nous le représentent donc ayant sous ses ordres,
pour exécuter ses volontés, une armée céleste, comme
les rois de la terre ont une armée terrestre, et c'est
peut-être pour ce motif que cette appellation n'apparait
en Israël qu'après l'institution de la royauté. L'armée
céleste dont Jéhovah est le Dieu est surtout l'armée
angélique, comme l'admettent la plupart des inter-
prètes, quoiqu'il soit en même temps le Dieu des
astres dont il est le créateur. Il ne faut donc pas en-
tendre par Sabaoth les armées d'Israël, ni, non plus,
l'ensemble des choses créées, comme semblent l'avoir
compris les Septante, qui ont traduit Yehôvdh Sebâ'ôf
par Kjpioç nscTraxpârwp, « tout-puissant », II Reg., v,
10 ; vu, 8, 26, etc. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1146. On
trouve d'ailleurs aussi dans les Septante KûpcoçSa6aw6,
I Reg,, i, 3,11; xv, 2; xvn, 45; Is., i, 9; vi, 15, etc.,
K-jpio; râv cuvajiéuv, « Seigneur des armées », IV Reg.;
In, 14 (hébreu: Yehôvdh Sebâ'ôf; Vulgate : Dominus
exercituum). F. Vigouroux.
SABARIM, nom, dans la Vulgate, de deux localitéj
qui ont une dénomination différente dans le texte
hébreu.
1. CABARIM (hébreu : has-Sebarim, « brèches » ; les
Seplante [et le TargumJ prennent ce mot pour un nom
commun et traduisent (ruvérpi^acv, « ils mirent en
pièces »), localité des environs de Haï (t. m, col. 398).
Josué ayant envoyé de Jéricho trois mille hommes
pour s'emparer de Haï, les habitants les repoussèrent
«t les poursuivirent jusqu'à Sabarim en frappant les
fuyards. Jos., vu, 5. Cette localité était donc située
sur la route qui descendait de Haï à la vallée du
Jourdain, mais son emplacement précis n'est pas connu.
2. SASARIM (hébreu: Sibraim; Septante: [;] 'Egpa|i-
■nXiii».] , les • noms propres contenus, dans le f. 16
d'Ézéchiel, xlvii, ont été mal coupés), une des localités
qui marquent la frontière idéale de la Palestine, au
nord, dans le partage de la Terre Sainte par Ézéchiel,
xlvii, 16. Sabarim était située entre la frontière de
Damas et la frontière d'Émath, mais le site est inconnu.
On a proposé d'identitier Sabarim avec Zéphrona,Num.,
xxxiv, 9, qui, d'après quelques géographes, est la
Safrânéh actuelle à l'est de l'Oronte, sur la route de
Homs à Hamah, ou avec Schomeriyéh à l'est du lac de
Homs. Le P. J. P. van Kasteren, La Frontière septen-
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique,
1895, p. 24, 31, identifie le Sabarim d'Ézéchiel avec le
Khirbet Senbariyéh, au pied de l'Hermon, à l'ouest de
Banias, sur le Nahr Hasbani.
SABATH (hébreu : Sebdt; Septante : Eagâr; en
babylonien : sa-ba-tu), onzième mois de l'année Juive,
de trente jours. Zach., i, 7; I Maeh., xw, 14. Voir
Buxtorf,. Lexic. chald. talni., i869, col. 1148. If cor-
respondait à la dernière partie de janvier, et à la pre-
mière partie de février. Voir Calendrier, t. u, col. 66.
SABATHA (hébreu : Sabfdh, Gen., x, 7; Sabfâ',
I Par., 9; Septante : Saôarrâ, Saêa-râ), Je troisième
des cinq tils de Chus, descendant de Cham, dont la
postérité habita probablement la côte méridionale de
l'Arabie. Les opinions des géographes sont très diverses
au sujet de l'endroit précis de la région de Sabatha.La
plupart reconnaissent les traces de la tribu cousebite
dans le nom de la ville de Sabalha, ville commerciale
importante de l'Arabie heureuse. Ptolémée, VI, 7, 38; Pe-
ripl., édit. Mûller, dans les Geogr. min., p. 278, 279, etc.
Strabon, XVI, IV, 3, fait de Sagatâ la capitale des
XaTpa|i.<<>T!Tac; Pline, H.N., vi, 32,155, dit qu'elle renfer-
mait soixante temples : A tramilœ (aujourd'hui Hadra-
maut), quorum caput Sabota {Sabatha), sexaginta
templa mûris includens. Cf. xn, 32. Ed. Glaser, Skizze
der Geschichte und Géographie des Arabiens, t. u,
1890, p. 252, identifie Sabatha avec Dhu'l Sabtd,a côlé
d'El-Abatir, dans l'Yémamah, mais cette identification
est très conleslable.
SABATHACA (hébreu : Sabtekd'; Septante^ Saëa-
6axà, Gen., x, 7; SEgeÔaydc, I Par., I, 91), le dernier
des cinq fils de Chus, descendant de Cham. L'identifi-
cation du pays représenté par la famille chamitique
de Sabathaca est très douteuse. Bochart, Phaleg., IV, 4,
Opéra, 1692, t. u, col. 212, assimile Sabathaca à la ville
de 2<x[uSdcx(], mentionnée par Ptolémée, VI, 8, 7, et
située en Caramanie, aujourd'hui Kirman, sur la rive
orientale du golfe Persique. Cette opinion a été adoptée
par un assez grand nombre de commentateurs. D'autres
placent Sabathaca en Ethiopie. Gesenius, Thésaurus,
p. 936. Il s'appuie sur le Targum du Pseudo-Jonathas,
qui explique Sabathaca par 'Nui, Dang'i, c'est-à-dire
Zingis, ville et cap de l'Ethiopie orientale, au nord du
cap Guardafui, au sud d'Opone sur le sinus barbaricus.
Ptolémée, IV, 7, 10. Ce nom de Zingis subsiste encore
dans celui d'une tribu abyssine, les Zeng, qui habitent
sur la rive droite du Nil. Voir Maçoudi, Les Prairies
d'or, édit,, Barbier de Meynard et Pavet de Courteille,
Paris, 1861-1866, t. m, p. 5. Comme Regma est nommé
immédiatement avant Sabathaca, Gen„ x, 7, il est plus
vraisemblable de placer cette dernière à l'est de la pré-
cédente c'est-à-dire sur le golfe Persique, comme le font
observer les partisans de Samydace. Ed. Glaser, Skizze
der Gesch. und Geog. des Arabiens, t. u, p. 252.
SABATHAÏ (hébreu : Sablai, « sabbatique », né le
jour du sabbat; Septante : EagêocGai; Vulgate : Sebe-
tliai, dans I Esd., x, 15; Vaticanus, Alexandrinus,
Sinaiticus : Saâëiôaîoç; Vulgate : Septhaî, dans
II Esd., vu, 8; omis dans les Septante; Vulgate : Sa-
1291
SABATHAÏ — SABBAT
1292
balhai, dans II Esd., xi, 16), lévite contemporain d'Es-
dras et de Néhémie. La Vulgate traduit, I Esd., x, 15 :
« Jonathan et Jaasia... furent établis pour cette affaire
(pour régler les points de détail dans la question du
renvoi des femmes étrangères épousées par les Juifs),
et Mesollam et Sébéthaï, lévites, les y aidèrent. »
L'hébreu porte au contraire : « Il n'y eut que Jona-
than... et Jaasias... pour s'opposer à cela (le renvoi des
femmes étrangères), et Mosollam et Sabtaï, le Lévite,
les appuyèrent. » Sabathaï figure parmi les Lévites qui
furent chargés d'expliquer la Loi au peuple, II Esd.,
vin, 7; xi, 16, parmi les chefs des Lévites qui s'éla-
Llirent à Jérusalem et furent chargés de la surveillance
des affaires extérieures de la maison de Dieu.
SABATIER Pierre, érudit français, bénédictin de la
congrégation de Saint-Maur, né à Poitiers en 1682, d'une
famille originaire du Languedoc, mort à l'abbaye de
Saint-Nicaise à Reims, le 24 mars 1742. Il fit ses études
à Paris au collège des Quatre-Nations et à l'âge de
18 ans, il entra à l'abbaye bénédictine de Saint-Faron,
à Meaux, et y fit profession le 30 juin 1700. Ses supé-
rieurs l'envoyèrent terminer ses études à l'abbaye de
Gaint-Gcrmain-des-Prés, à Paris. Dom Ruinart se l'as-
socia pour la publication du tome v des Annales béné-
dictines. Après la mort de son maître, il conçut le
projet de recueillir tout ce qu'il lui serait possible de
retrouver des versions de l'Écriture antérieures à saint
Jérôme, et il en annonça la publication en 1724. Son
plan était de recueillir toutes les citations qui étaient
contenues dans les écrits des Pères et des écrivains
ecclésiastiques de l'Église lutine antérieurs à saint
Grégoire le Grand et aussi celles qu'il pourrait relever
dans les anciens missels, les lectionnaires, les actes
des martyrs, etc. Ses recherches absorbèrent sa vie en-
tière. La part qu'il eut le tort de prendre aux querelles
du jansénisme l'avait fait exiler à Reims. Le second
volume était presque achevé lorsqu'il y mourut à l'âge de
60 ans. Le troisième volume fut publié par les soins de
dom Vincent do La Rue et do dom Charles Ballard, ses
confrères : Biblionmi Sacrorum latines versiones an-
tiques, seu vêtus Ilalica et cœlerse qusecumque in
codicibus manuscriptis et antiquorum libris reperiri
foluerunt, ques cum Vulgata lalina ac cum textu
yrœco comparanlur, 3 in-f°, Reims, 1743. Les deux
premiers volumes renferment l'Ancien Testament et le
troisième le Nouveau. Réédité en 1751. C'est le premier
travail de ce genre qui ait été publié et quoique l'on
ait découvert depuis beaucoup d'autres restes des pre-
mières traductions latines, l'œuvre de Sabatier reste
toujours une œuvre fondamentale. Voir t. m, col. 101.
La biographie de dom Sabatier se trouve dans le t. m
des Versiones antiques.
SABBAT (hébreu : sabbâf; Septante : aâèêxiov;
Vulgate : sabbalum), jour du repos chez les Juifs. —
Le mot Sabbat vient de Sdbaf, « se reposer, cesser ».
L'analogue assyrien, Sabdfu, signifierait plutôt « être
disposé, en bon état ». Le sabatfu assyrien était un jour
de purification et d'expiation, qui a pour but de réta-
blir les rapports de bienveillance entre la divinité et
l'homme. Il se pourrait donc qu'en hébreu le sens de
« repos » ne fût pas exclusif et qu'il se mêlât au mot de
Sabbat une idée de fête et d'hommage rendu à Dieu,
comme dans le passage du Lévilique, xxv, 2, où il est
dit que l'année sabbatique est Sabbâf la-yehôvâh, « un
sabbat à » ou « en l'honneur de Jéhovah ». Bien qu'il
y ait une certaine analogie, pour la forme et pour le
fond, entre sabat et le nom numéral ééba', «sept », le
nom du sabbat ne se rattache, ni étymologiquement,
ni historiquement, au nombre septennaire, comme l'a
cru Laclance, Jnst., vu, 14, t. v, col. 782.
I. Institution du sabbat. — 1° Il faut chercher chez
les Babyloniens les premières traces de la consécration
à la divinité d'un jour sur sept. Voir Semaine. Dans un
ancien vocabulaire assyrien, les mots uni nul} libbi, « un
jour de l'apaisement du cœur », sont interprétés par
SapaUu ou sabattu. Le jour de l'apaisement du cœur
était celui où les dieux se rendaient favorables, à cause
des prières et des offrandes qu'on leur présentait. On
croit qu'il correspondait au quinzième jour du mois,
c'est-à-dire à la pleine lune. Cf. Th. Pinches, Sapaltu, the
Babylonian Sabbath, dans les Proceed. of the Soc. of bi-
blic. Arch., 1904, p. 51-56. D'autres tablettes contiennent
les calendriers détaillés du mois intercalaire Elul et de
Marcheswan. On y lit : « A la nuit, le roi présente son
sacrifice à Mardouk et à Istar le 7, à Bélit et à Nergal
le 14, à Ninib et à Gula le 19, à Samasch, à Bélit malati,
à Sin et à Bélit-ilê le 21, à Ea et à Bélit-ilê le 28, il
répand l'offrande du sacrifice et sa prière est accueillie
du dieu. » Cuneiforni Inscriptions of Western Asia,
t. iv, pi. 32, 33. Le texte ajoute les prescriptions sui-
vantes pour ces jours-là : « Le pasteur des peuples
nombreux ne doit pas manger de viande cuite sur des
charbons ni du pain cuit sous la cendre ; il ne doit
pas changer de vêtements, ni prendre de tunique écla-
tante, ni répandre le don des sacrifices. Le roi ne doit
pas monter sur son char, ni parler en maître. Le mage
ne doit proférer aucun oracle dans sa demeure mysté-
rieuse; le médecin ne doit pas étendre sa main vers
les malades, et il n'est pas possible de porter un ana-
théme. » Le Sabattu babylonien apparaît donc comme
un septième jour consacré exclusivement à certaines
divinités : il n'est pas permis de répandre devant
d'autres le don des sacrifices. Le rite religieux accom-
pli ce jour-là rend le dieu propice; mais il entraîne un
certain nombre d'abstentions singulières, qui sont
regardées comme incompatibles avec le service de
la divinité et qui font que le sabattu est un jour né-
faste pour différentes catégories d'actions. On remar-
quera que les 7, 14, 21 et 28 représentent des sep-
tièmes jours, et que le 19 n'est que 7 x 7 = 49 depuis
le commencement du mois précédent. Voir Semaine.
Cf. J. Hehn, Siebenzahl und Sabbat bei den Babylo-
niern und im A. T., Leipzig, 1907, p. 106-132.
2° Dès le début du séjour -au désert, les Hébreux
sont en possession d'une tradition qui consacre le sep-
tième jour par la cessation de certaines occupations.
Quand la manne commence à apparaître, Moïse leur
commande d'en recueillir double portion le sixième
jour; car « demain, dit-il, est un sabbat, un jour de
repos consacré à Jéhovah. » Exod., xvi, 23. Moïse ne
donne pas d'autres explications; c'est donc qu'il fait
allusion à une coutume déjà en vigueur, que Jéhovah
se propose lui-même de respecter en n'envoyant pas
la manne ce jour-là et en lui permettant de se con-
server 48 heures. L'histoire des patriarches ne fournit
aucune indication sur l'observation du sabbat. La cou-
tume n'en vient certainement pas d'Egypte, malgré
l'affirmation de Dion Cassius,xxxvii, 18. Les Égyptiens
divisaient le mois en trois décades, présidées chacune
par un génie. Des fêtes signalaient le début du mois
et de la décade. Cinq jours complémentaires termi-
naient l'année. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I,
1895, p. 208. Il n'y a là rien qui ressemble au sabbat
hébraïque. Pendant la période d'oppression surtout,
les Hébreux ont dû se plier à cette manière de compter
le temps; il ne feur fut pas possible alors de se livrer au
repos septennaire. C'est donc probablement de Chaldée
qu'ils avaient rapporté la coutume originaire du sabbat.
Mais on voit immédiatement que leur sabbat différait
beaucoup du sabattu babylonien. Il n'était pas consacré
à une divinité spéciale, mais toujours à Jéhovah; il
comportait l'abstention de certaines œuvres, comme
travailler et faire travailler les animaux, ramasser la
manne ou du bois, porter des fardeaux, allumer du
•1293
SABBAT
1294
feu, etc. ;. mais ces abstentions s'imposaient à tous et
non pas seulement à certaines catégories de personnes.
Le sabbat n'était pas considéré comme un jour néfaste,
où l'on se fût attiré le malheur en entreprenant cer-
tains actes. Enfin, tandis que les sabaftu se comptaient
à partir du premier jour du mois, les sabbats se sui-
vaient de sept en sept jours, sans tenir compte du mois
lunaire dont les 29 jours 1/2 ne se prêtent pas à une
division septennaire exacte.
3° Le récit de la création est écrit par Moïse de ma-
nière à servir de base à l'institution sabbatique. Il ter-
mine ainsi ce récit : « Disu acheva le septième jour
l'œuvre qu'il avait faite, et il se reposa le septième jour
de toute l'œuvre qu'il avait faite. Dieu bénit le septième
jour et le sanctifia, parce qu'en ce jour-là il s'était re-
posé de toute l'œuvre qu'il avait créée pour la faire. »
Gen., H, 2, 3. Le septième jour devient donc à la fois un
jour sacré et un jour de cessation des œuvres précédentes.
Rien de pareil ne s'observe dans le poème babylonien
de la création. Moïse a-t-il trouvé cette finale si remar-
quable dans l'antique document qu'il a pu mettre en
œuvre, ou bien l'a-t-il ajoutée lui-même? Il n'importe.
Toujours est-il qu'il fait du sabbat une conséquence et
une imitation du septième jour de la création. On ne
pouvait trouvera cette institution une origine plus haute
et plus directement divine. L'institution du sabbat, tout
en rappelant la fin de la création, se rapporte aussi à la
délivrance de l'Egypte. Deut., v. 15. En réalité, le sabbat
hébraïque différait tellement, par tous ses caractères,
du sabatlu babylonien, que Dieu put en faire une des
caractéristiques de son peuple : « Ce sera, entre moi et
les enfants d'Israël, un signe à perpétuité. » Exod.,
xxxi, 17; cf. Ezech., xx, 12.
4° Au Sinaï, le précepte concernant le sabbat est for-
mulé en ces termes : « Souviens-loi du jour du sabbat
pour le sanctifier. » Exod., xx, 8. La mention « sou-
viens-toi » ne se rapporte pas à l'avenir; autrement elle
devrait précéder chaque précepte. Elle suppose une
prescription antérieure, plus ou moins bien observée
dans le passé, prescription qui n'est pas écrite comme
les autres, dans la conscience, mais qui a été l'objet
d'un ordre positif de Dieu et dont il est nécessaire de
se souvenir. Par lui-même, en effet, ce précepte est en
partie naturel et en partie positif. La loi naturelle
demande que l'homme consacre à son Créateur une
partie des biens qu'il a reçus de lui, afin de reconnaître
par là son souverain domaine. A ce titre, il doit à Dieu
une partie de son temps, au moins pour penser à lui
et se mettre en rapport avec lui par la prière et certains
hommages déterminés. Cf. S. Thomas, Suni. theol.,
II" II*, q. cxxn, a. 4 ad l" m . Mais le temps qui doit être
réservé à Dieu n'est pas indiqué par la loi naturelle;
il faut donc que Dieu fasse connaître sa volonté à ce
sujet, et il le fait par un précepte positif. Le précepte
n'impose rien de particulier au point de vue du culte. Il
marque seulement que le sabbat est consacré àJéhovah
et que ce jour-là l'homme doit se reposer. Exod., xx,
9, 11. Travailler serait, en effet, consacrer à soi-même
le temps que Dieu s'est réservé.
5° La loi du sabbat est fréquemment rappelée. Il faut
que ce jour-là tout travail cesse, pour que le bœuf et
l'âne, le fils de la servante et l'étranger aient du repos.
Exod., xxm, 12. Le sabbat est institué comme un signe
rappelant au peuple que c'est Jéhovah qui le sanctifie,
c'est-à-dire qui le met à part de tous les autres peuples
et le réserve à son service. Le profanateur du sabbat
est puni de mort, et celui qui fait quelque ouvrage en
ce jour est passible du retranchement. Exod., xxxi, 12-
17; Deut., v, 12-15. Le sabbat mosaïque apparaît ainsi
comme rappelant à l'homme la personnalité du Dieu
qui veut sa sanctification, personnalité concrète, sans
rien de métaphysique ni d'abstrait, et cette sanctifica-
tion lai est présentée sous la forme d'un renouvel-
lement périodique d'ordre moral, et non d'ordre phy-
sique ou cosmique. L'idée du repos s'y allie à celle de
la période septennaire, et l'une et l'autre sont dominées
par celle de l'alliance avec Jéhovah, qui se révèle pour
le salut de son peuple. Cf. .Bàhr, Symbolik des nwsai-
schen Cultus, Heidelberg, 1839, t. Il, p. 539.
II. LE SABBAT DANS L'ANCIEN TESTAMENT. — 1» Le
repos prescrit le jour du sabbat excluait les travaux
ordinaires et différentes œuvres incompatibles avec le
caractère sacré attaché à ce jour. La Sainte Écriture
note un certain nombre de travaux et d'actes prohibés:
faire cuire des aliments, Exod., xvi, 23, les recueillir,
Exod-, xvi, 26-30, labourer et moissonner, Exod., xxxiv,
21, allumer du feu, Exod., xxxv, 3, ramasser du bois,
Num.,xv, 32-36, transporter des fardeaux, ,1er., xvn,
21, fouler au pressoir, rentrer des gerbes, charger des
fardeaux, II Esd., xm, 15, faire du commerce. II Esd.,
xiii, 16-18; Am., vm, 5. Ce ne sont là évidemment que
des exemples signalés à l'occasion de transgressions ou
de circonstances particulières. Du texte de l'Exode,
xvi, 29, résultait aussi que, le jour du sabbat, chacun
devait rester à sa place, ce qui n'excluait pas tout dé-
placement, puisque ce jour-là il y avait une sainte
assemblée, Lev., xxm, 3, mais ce qui interdisait au
moins toute marche un peu prolongée.
2° Dieu attachait une grande importance à la sancti-
fication du sabbat, puisque les infractions étaient punies
delà peine de mort ou du retranchement. Exod.,xxxi,
14. La loi fut appliquée au désert même, quand, sur
l'ordre de Jéhovah, le peuple dut lapider hors du camp
un homme qui avait été pris à ramasser du bois le jour
du sabbat. Num., xv, 32-36.
3° Le repos ne constituait pas à lui seul tout le
sabbat. Ce jour-là, un holocauste spécial de deux
agneaux d'un an était offert au Seigneur. Num., xxvm,
9-10. Cf. Ezech., xi/vi, 4. Puis, pour tout le peuple, il
y avait assemblée sainte, Lev., xxm, 3. Voir Assemblée,
t. I, col. 1130. Le texte sacré ne dit pas en quoi con-
sistait cette assemblée sabbatique, surtout dans les
anciens temps. Elle comportait sans doute des prières
communes, des lectures de la loi et de pieux entretiens
sous la présidence de quelque personnage autorisé.
Quand la Sunamite veut aller trouver Elisée, son mari
lui fait observer qu'on n'est ni à la néoménie, ni au
sabbat. IV Reg., rv, 23. Il aurait donc regardé comme
naturel que sa femme se rendît près du prophète pour
le sabbat. Isaïe, i, 13, dit que le Seigneur ne peut sup-
porter que le crime se présente aux assemblées des
néoménies et des sabbals. A l'époque des Machabées,
des Juifs se rassemblent dans des cavernes pour célé-
brer en secret le jour du sabbat. II Mach., vi, 11. Cette
célébration n'allait donc pas sans quelques exercices
religieux; il eût été inutile de se cacher uniquement
pour se tenir en repos. 11 est vrai qu'à cette époque le
service religieux existait dans les synagogues le jour
du sabbat; mais ce service sabbatique n'avait fait sans
doute que continuer une tradition antérieure. On ne
jeûnait pas le jour du sabbat. Judith, vin, 6.
4° Le respect du sabbat varie avec les époques chez
les Israélites. Ézéchiel, xx, 13, 21, accuse ceux du dé-
sert de l'avoir profané, et les termes dont il se sert
paraissent bien supposer d'autres profanations que
celle qui entraîna la lapidation d'un coupable. Num.,
xv, 32-36. Isaïe, lvi, 2, 4, 6, proclame heureux ceux
qui observent le sabbat et respectent ainsi l'alliance
contractée avec Jéhovah. Il ajoute que ceux qui ne
s'occupent pas de leurs affaires en ce saint jour et
l'appellent « le sabbat des délices », trouveront vrai-
ment leurs délices en Jéhovah. Is., Lvin, 13-14. Ces
paroles supposent que le sabbat n'avait pas encore subi
les surcharges si onéreuses par lesquelles les docteurs
postérieurs à la captivité le rendirent intolérable. Au
temps d'Amos, vm, 5, les hommes les plus cupides
1295
SABBAT
1296
n'osent pas exercer leur trafic le jour du sabbat. Jérémie
signale différentes infractions à la loi. On fait passer
des fardeaux par les portes de Jérusalem en ce jour-là
et l'on se permet certains ouvrages. Jer., xvn, 21-27.
Aussi Dieu fera cesser les sabbats en Israël, Ose., n, 11,
et à Sion, Lam., n, 6. Après le retour de la captivité,
la loi fut encore très mal observée; le travail et le
commerce allaient grand train à Jérusalem. Néhémie
se montra très énergique dans la répression de ces
abus. 11 fit fermer les portes de Jérusalem pendant
plusieurs sabbats et interdit ainsi l'accès de la ville
aux marchands tyriens qui y apportaient leurs denrées
en ce saint jour. II Esd., xm, 15-22. — A l'époque ma-
chabéenne, la célébration du sabbat fut interdite par
Antiochus Épiphane, I Mach., I, 48; II Mach., vi, 6, et
beaucoup d'Israélites devinrent profanateurs du sabbat.
I Mach., i, 45. Par réaction contre l'impiété et zèle de
la loi, le parti national, à l'exemple des Machabées, se
montra fidèle observateur du précepte divin. Il poussa
même l'obéissance jusqu'à un héroïsme exagéré. Les
Juifs palriotes, réfugiés au désert, furent attaqués un
jour de sabbat par les soldats syriens; ils crurent que
ce serait violer la loi du repos que de se défendre et
ils se laissèrent massacrer au nombre de mille. Matha-
tbias comprit qu'un pareil exemple, s'il était suivi, en-
traînerait à bref délai la ruine de la nation et il décida
:jue désormais la loi du sabbat n'arrêterait pas la ré-
sistance. I Mach., n, 32-41. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XII, vi, 2; XIV, iv, 2; XVIII, ix, 2. D'autres Juifs,
réfugiés dans des cavernes pour célébrer le sabbat, se
laissèrent néanmoins brûler sans se défendre, pour ne
pas enfreindre la loi. II Mach., vi, 11. Les ennemis
s'efforçaient d'ailleurs d'attaquer les Juifs le jour du
sabbat, comptant qu'ils n'oseraient pas combattre.
I Mach., ix, 43; II Mach., v, 25; XV, 1. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XIII, xn, 4; XIV, iv, 2. Quand la nécessité
ne les y obligeait pas, les Juifs cessaient de combattre
à l'approche du sabbat. II Mach., vin, 26-27. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, xxi, 8; Vita, 32. Pour gagner les Juifs à
sa cause, le roi Démétrius I ar leur promit de leur
assurer l'immunité le jour du sabbat. I Mach., x, 34.
III. Le sabbat et la pratique juive. — 1° Les
prohibitions. — A partir de l'époque où le formalisme
pharisien exerça son influence sur l'interprétation de
la loi, le précepte sabbatique fut l'objet d'une multitude
d'explications de la part des docteurs. Leurs décisions
se trouvent dans les traités de la Mischna Schabbalh,
Erubin et Beza ou Yotn tob. Voir Mischna, t. iv,
col. 1128. — a) Énuméralion. —Ils comptaient 39 « pères
des œuvres » ou travaux principaux qui entraînaient
des actes incompatibles avec le repos sabbatique. Ces
travaux étaient les suivants : 1. semer, 2. labourer,
3. moissonner, 4. mettre en gerbes, 5. battre le blé,
6. vanner, 7. nettoyer le grain, 8. moudre, 9. tamiser,
10. pétrir, 11. cuire, 12. tondre la laine, 13. la blanchir,
14. la carder, 15. la teindre, 16. filer, 17. tramer,
18. faire deux points, 19. tisser deux fils, 20. détacher
deux fils, 21 . nouer, 22. dénouer,23. nouerdeux points,
24. déchirer pour coudre, 25. chasser une bête, 26. la
tuer, 27. l'écorcher, 28. la saler, 29. préparer la peau,
30. la racler, 31. la dépecer, 32. écrire deux lettres,
33. effacer pour écrire deux lettres, 34. bâtir, 35. dé-
molir, 36. éteindre, 37. allumer, 38. se servir du mar-
teau, 39. transporter d'un lieu à un autre. Schabbath,
vu, 2. — 6) Commentaires : défense de moissonner,
de nouer. — Chacun de cesarticles fournissait matière
à nombreux commentaires. Ainsi la défense de mois-
sonner était enfreinte si l'on cueillait deux épis. « Il
n'est permis de couper ni une branche, ni un rameau,
ni une fleur, ni même de cueillir un fruit. » Philon,
Vit. Mosis, il, 4, édit. Mangey, t. il, p. 137. La défense
de nouer s'interprétait ainsi. Sont prohibés les nœuds
des chameliers et des bateliers; il y a égale faute à les
faire et à les défaire. Il n'y a point faute à dénouer
d'une seule main; une femme peut nouer l'ouverture
de sa robe, les rubans de sa coiffure, les bandes de sa
ceinture; on peut nouer les cordons de ses souliers et
de ses sandales, les outres de vin et d'huile et le
couvercle d'un pot de viande. Schabbath, xv, 1, 2.
Quand la ceinture a été nouée, on ne peut la dénouer,
même pour descendre un sceau à la fontaine; il faut
alors prendre une corde. Schabbath, xv, 2. — c) Dé-
fense d'écrire. — La défense d'écrire donne lieu à des
explications des plus méticuleuses. Il y a faute à écrire
deux lettres, soit de la main droite, soit de la main
gauche, que ce soit deux fois la même ou deux lettres
différentes, même avec deux encres distinctes ou en
deux langues. On est coupable en écrivant deux lettres
même par distraction, qu'on ait écrit avec de l'encre,
de la couleur, de la craie, de la gomme, de l'acide, ou
quoi que ce soit qui trace des caractères persistants.
On l'est encore en écrivant sur deux parois ou sur
deux tableaux dont le rapprochement permet de
lire ensemble les deux lettres, ou en écrivant sur
son propre corps. 11 est permis d'écrire sur un
liquide opaque, sur du jus de fruits, sur la pous-
sière du chemin, sur le sable, en un mot sur toute
matière qui ne garde pas l'écriture. Si quelqu'un
écrit à l'envers ou avec le pied, la bouche, le coude, et
qu'ensuite on ajoute des lettres ou qu'on superpose une
autre écriture; si quelqu'un a l'intention d'écrire un n
et écrit deux tt, si on écrit une lettre sur la terre et
l'autre sur le mur, ou sur deux murs de la maison, ou
sur deux feuilles d'un livre, de manière qu'on ne puisse
les lire ensemble, il n'y a pas de faute. Celui qui, par
inadvertance, écrit deux lettres en deux fois, par
exemple une le matin et l'autre le soir, est coupable
d'après Gamaliel, mais sans faute d'après les docteurs.
Schabbath, xn, 3-6. — d) Le chemin du sabbat. —
Le chemin que l'on pouvait faire le jour du sabbat
était rigoureusement déterminé. On l'appelait fehûni
has-sabbâ(, « limites du sabbat », et aaêêizov 656;,
sabbali iter, « chemin du sabbat ». Act., i, 12. Ce che-
min comprenait deux mille coudées, ou environ un
kilomètre hors de toute ville, petite ou grande, le che-
min parcouru dans la ville même ne comptant pas. La
longueur en avait été fixée parles docteurs Barachibas,
Siméon etHillel. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxi, 10, t. xxn,
col. 103i; Josèphe, Ant. jud., XIII, vm, 4. On basait
cette fixation sur la distance qui avait dû séparer le
Tabernacle de l'extrémité du camp des Hébreux.
Cf. Jos., m, 4. La distance de Jérusalem au mont des
Oliviers, appelée dans les Actes, i, 12, « chemin du
sabbat », était d'après Josèphe, Bell, jud., V, h, 3, de
six stades, soit de 1064 mètres. Ailleurs, Ant. jud.,
XX, vin, 6, il estime cette distance à cinq stades, soit
887 mètres. On trouva moyen d'allonger ce chemin. Si,
la veille du sabbat, on portait ses deux repas hors delà
ville, mais dans les limites du chemin sabbatique, il
était permis de compter les deux mille pas à partir de
cet endroit. De plus si les habitants de maisons diffé-
rentes convenaient de prendre leur repas en commun,
ces maisons n'étaient censées former qu'un seul lieu,
ce qui permettait de transporter les objets de l'une
dans l'autre. Cf. Gem. Sabbath,xi\, 2.
2° Les choses permises. — a) Loi liturgique. — Le
service du Temple n'était pas interrompu le jour du
sabbat. Les prêtres y remplissaient leurs divers offices
comme à l'ordinaire, immolaient les victimes, portaient
les fardeaux, allumaient le feu et les lampes, etc.
Matth., XII, 5. D'ailleurs des sacrifices particuliers
devaient être offerts le jour du sabbat. Num., xxvm, 9,
10. Si la Pâque tombait ce jour-là, on la célébrait con-
formément aux prescriptions légales, sans tenir compte
des défenses contraires résultant du sabbat. Pesachim
vi, 1, 2. On imposait également la circoncision, après
1297
SABBAT
1298
avoir eu soin cependant de préparer la veille tout ce
qui pouvait l'être. Joa., vu, 22,23; Sehabbath, xix,l-5;
Erubin, x, 1 1-15. La Pàque et la circoncision devant
se célébrer à jour fixe, le sabbat cédait devant elles. —
b) Loi naturelle. — Tout péril de mort permettait de
transgresser la loi sabbatique. Yoma, vm, 6. Ainsi on
prêtait secours à une femme qui accouchait. Sehabbath,
xvni, 3. Si un mur s'abat sans qu'on sache s'il y a
quelqu'un dessous ou non, s'il est vivant ou mort, s'il
est Israélite ou non, on doit enlever de sur lui les dé-
combres même le jour du sabbat; s'il est vivant, on le
tire de là, s'il est mort, on le laisse provisoirement.
Yoma, vm, 7. Un médecin peut soigner ce jour-là un
homme en danger de mort, Yoma, vm, 6, car tout est
permis pour sauver la vie, sauf l'idolâtrie, l'inceste et
l'homicide. Gem. Yoma, f. 82, 25. Un jour de sabbat
qu'on trouva Hillel couvert de neige, on le nettoya, on
l'oignit et on le porta dans une chambre chaude; des
docteurs dirent qu'il méritait bien qu'on profanât le
sabbat pour lui. Gem. Yoma, 15, 2. Le jour de sabbat,
on ne doit pas réduire une fracture; même si quel-
qu'un s'est donné une entorse à la main ou au pied, il
ne doit pas l'arroser avec de l'eau froide. Sehabbath,
xxn, 6. Un prêtre qui est de service pour les sacrifices
peut, pendant ses fonctions le jour du sabbat, leverun
emplâtre d'une blessure; autrement il ne le peut pas.
Si un prêtre se blesse un doigt dans le sanctuaire pen-
dant son service sabbatique, il peut le lier avec un
jonc; autrement il ne le peut pas; il est d'ailleurs gé-
néralement défendu de presser un membre pour en
faire sortir le sang. Erubin, x, 13, 14. Si un animal
tombe dans une citerne ou un puits le jour du sabbat,
on peut faire passer des cordes au-dessous de lui et le
remonter; si toutefois il n'est pas en danger de périr,
on doit se contenter de lui donnera manger. De même,
on peut mener une bête à l'abreuvoir et puiser de
l'eau pour elle, mais sans la porter et en se contentant
de la placer devant elle. Sehabbath, v, 1. Gem. ScJiab-
balli, 128, 1. Cf. Schûrer, Geschichte des jiidischen
Volkes, Leipzig, t. n, 1898, p. 470-478, 491-493.
3° La célébration. — a) La préparation. — La veille
du sabbat est appelée mtpa<r/.ev>ï), parasceve, « prépara-
tion ». Marc, xv, 42; Luc, xxiii, 54; Joa., xix, 31. Ce
jour-là, en effet, on préparait tout ce qui était néces-
saire pour le lendemain. On prenait les soins de toi-
lette nécessaires, on disposait les vêtements, on faisait
cuire les aliments, on mettait la table, on allumait les
lampes, etc. Si la veille du sabbat tombait un jour de
fête ne permettant pas la préparation des aliments,
on avisait à ce soin dès le jeudi; néanmoins les repas
du sabbat pouvaient être cuits le jour de la fête. Le
père de famille devait veiller à ce que tous ces prépa-
ratifs fussent achevés à temps. Le sabbat commençait
avec la nuit du vendredi soir pour se terminer le len-
demain à la même heure, puisque les Hébreux comp-
taient les jours d'un coucher du soleil à l'autre. Les
docteurs s'étaient demandé quand commence la nuit,
et ils avaient posé la règle suivante : quand paraît une
première étoile, on est encore au vendredi ; à la seconde,
on est entre le vendredi et le sabbat; à la troisième, on
est au sabbat. Berachoth, f. 2, 2. Le commencement
et la fin du sabbat étaient annoncés par des sonneries
de trompettes. Cf. Jer. Sehabbath, rvil, f. 16 a; Bab.
Sehabbath, 35 b. Ces sonneries se faisaient entendre
dans le Temple du haut du portique du sabbat. IV Reg.,
xvi, 18. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 12; Sukka, v,
5. A la première sonnerie, on cessait les travaux des
champs; à la seconde, on fermait les ateliers et les
boutiques ; à la troisième, on retirait du feu tous les
vases et on allumait les lampes. Trois autres sonneries
se succédaient pour marquer la distinction entre le
temps profane et le temps sacré. Les lampes allumées
caractérisaient, pour les étrangers, le sabbat juif. C'est
pourquoi saint Luc, xxm, 54, parlant de la fin du
vendredi, dit que tsiêSazm iziftaaytzv, sabbatum illu-
eescebat, « le sabbat brillait ». Les femmes étaient
chargées d'allumer les lampes; elles devaient le faire
avec joie et à cet acte s'attachait pour elles la faveur
d'une sainte postérité et de longues années pour leur
mari. Cf. Zohar, i, 486, édit. Lafuma, Paris, 1906,
p. 281;. Sénèque, Epist., xcv, 47; Perse, Sot., v,
179-184; Josèphe, Cont. Apion., n, 39; Tertullien, Ad
nat., i, 13, t. i, col. 579. — 6) Le service religieux. —
Conformément à la loi, le matin du sabbat, on oflrait
au Temple, en holocauste, deux agneaux d'un an, et,
en oblation, deux dixièmes de Heur de farine pétrie à
l'huile avec une libation. Num., xxvm, 9, 10. Cf. Jo-
sèphe, Ant. jud., III, x, 1. Dans les synagogues, il y
avait deux réunions, une dans la matinée et l'autre
l'après-midi. Celle du matin comprenait la récitation
du Schéma (Deut., vi, 4-9; xi, 13-21; Num., xv, 37-
41), la prière, la lecture de la Loi, la lecture des pro-
phètes, la traduction et l'explication de ces passages
et la bénédiction du prêtre. A la réunion du soir, on
ne lisait qu'un passage de la Loi. — c) Caractère
joyeux du sabbat. — Les Juifs avaient à cœur de jus-
tifier le mot d'Isaïe, lvhi, 13, qui donne au sabbat le
nom de « délices ». Us revêtaient leurs plus beaux ha-
bits, se livraient à la joie, bannissaient tout sujet de
tristesse et faisaient au moins trois repas aussi soignés
que possible. Au premier repas, au début du sabbat, le
père de famille consacrait le saint jour par une coupé
de vin et des prières; puis on se couchait pour dormir
la lampe allumée. Le second repas avait lieu à midi,
après le service à la synagogue. Au troisième repas,
qui se faisait l'après-midi avant la fin du sabbat, le
père de famille marquait, par une coupe de sépara-
tion, le passage du temps sacré au temps profane et
récitait quelques prières. On pouvait alors vaquer aux
travaux ordinaires. Saint Augustin, Enar. in Ps. xci,
2, t. xxxvii, col. 1172, accuse les Juifs de son temps de
faire dégénérer la joie du sabbat en paresse et en dé-
bauches. Pea, vm, 7; Gem. Ketuboth, 64, 2. Cf. Re-
land, Antiquitates sacrée/ Utrecht, 1741, p. 259-263;
Iken, Antiquitates hebraiese, Brème, 1741, p. 292-303.
4° Le sabbat hors de Palestine. — Partout où ils
résidaient, les Juifs se montraient scrupuleux observa-
teurs du sabbat. Les Romains furent obligés de les
exempter du service militaire, incompatible avec le
repos sabbatique. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 11-
14, 16-19. L'empereur Auguste les dispensa de paraître
en justice le jour du sabbat, cf. Josèphe, Ant. jud.,
XVI, vi, 2, 4, et les autorisa à ne prendre part que le
jour suivant aux distributions publiques d'argent ou
de blé, quand elles se faisaient un jour de sabbat.
Cf. Philon, Légat, ad Caj.. 23, édit. Mangey, t. n,
p. 569. — Suétone, liber., 32, raconte qu'à Rhodes un
grammairien du nom de Diogène disputait les jours de
sabbat, sans doute pour avoir les Juifs parmi ses audi-
teurs, et que Tibère ayant voulu l'entendre un autre
jour, le rhéteur le renvoya au septième. On a signalé,
à l'ouest de la Cilicie, une communauté de aaèêauaxai,
qui honorait ledieuSabbatisle. Cf. Journal of H ellenic
étudies, t. XII, 1891, p. 233. Comme le verbe angêa-a-
Çeiv veut dire « célébrer le sabbat », Exod., XVI, 30;
Lev., xxm, 32; xxvi, 35; II Par., xxxvi, 21; II Mach.,
vi, 6, il est probable que cette association avait pour
but la célébration du sabbat et que son dieu Sabbatiste
se rattachait au culte judaïque plus ou moins directe-
ment. Cf. Schûrer, Geschichte, t. m, 1898, p. 117. —
Tacite, Hist., v, 4, dit que les Juifs aiment à se re-
poser le septième jour, parce que ce jour a vu la fin
de leurs peines. Juvénal, Sat., xiv, 105, 106, les accuse
de consacrer le septième jour à la paresse. Aristobule
et Philon, De septenario, 6, 7, édit. Mangey, 1. n,
p. 281-284,- expliquent au contraire la signification dû
1299
SABBAT
1300
sabbat. Cf. Schiirer, Geschichte, t. m, p. 387, 420.
D'après le Zohar, i, 14 b, édit. La fuma, Paris, 1906,
p. 83, les démons étaient obligés de se cacher la nuit
et la journée du sabbat et, pendant toute la durée du
sabbat, les damnés de l'enfer sont à l'abri du feu. Sur
un prétendu fleuve Sabbathion, qui ne coulait pas le
septième jour comme les autres jours de la semaine,
et donnait ainsi, d'après certains docteurs, l'exemple
de l'observation du sabbat, voir Josèphe, Bell, jud.,
VII, v, 1; Pline, H. N., xxxi, 18; Reland, Palseslina
illustrata, Utrecht, 1714, p. 291-293.
IV. Le sabbat dans le Nouveau Testament. —
1» Discussions. — Notre-Seigneur, au cours de sa vie
publique, se heurta fréquemment à des interprétations
étroites et ridicules de la loi du sabbat. Il s'appliqua à
les corriger, en faisant appel au bon sens du peuple
contre le formalisme outré des docteurs. Souvent, il
entre dans les synagogues le jour du sabbat, afin d'y pou-
voir prendre la parole. Marc, i, 21 ; vi, 2; Luc, îv, 16,
31; xm, 10. Mais, quand l'occasion s'en présente, il ne
manque pas d'accomplir ou de laisser accomplir des
actes qui attirent la censure des docteurs et lui per-
mettent de remettre les choses au point. Un jour de
sabbat, il passe à travers les blés avec ses Apôtres, et
ceux-ci, qui ont faim et s'inquiètent peu du rigorisme
des pharisiens, cueillent des épis, les froissent et
mangent le grain. La loi autorisait tout passant à cueil-
lir des épis dans un champ, mais seulement avec la
main. Deut., xxm, 25. Les Apôtres étaient donc dans
leur droit. Pourtant, aux yeux des pharisiens, ils trans-
gressaient la loi du sabbat, cir ce jour-là il était dé-
fendu de moissonner, de vanner, de nettoyer le grain,
et ce qu'ils se permettaient re\enait à faire ces actes.
Le Sauveur aurait pu justifier ses Apôtres en montrant
que l'acte accompli par eux n'avait rien d'une moisson.
Il préfère en appeler à la loi naturelle qui permet,
quand on a faim, de se nourrir comme on peut, et à la
loi liturgique, qui autorise certains actes incompatibles
avec le repos du sabbat r David et ses hommes, pressés
par la faim, ont mangé les j-ains de proposition ré-
servés aux seuls prêtres, et cas derniers remplissent
leurs offices dans le Temple, même le jour du sabbat.
Il conclut en disant que 1e sabbat existe à cause de
l'homme, et non l'homme à cause du sabbat et que
d'ailleurs le Fils de l'homme est le maître du sabbat.
C'est donner à entendre f;ue le Sauveur, Fils de Dieu,
a tout pouvoir pour intf ipréter ou même modifier la
loi du sabbat, et qu'il nt. permettra pas qu'on en fasse
une institution tyrannique. En ajoutant qu'il préfère la
miséricorde au sacrifice, il place formellement la loi
naturelle au-dessus de la loi rituelle. Matth., xm, 1-8;
Marc, n, 23-28; Luc, vi, 1-5. — Un autre jour de sab-
bat, il se trouve dans une synagogue en même temps
qu'un homme ayant la main desséchée. On l'observe
pour voir s'il guérir:' cet infirme. D'après l'interpréta-
tion des docteurs, c-a ne peut soigner un malade le
jour du sabbat que s':! est en danger de mort; d'autre
part, tous admettent qu'il est permis, ce jour-là, de
tirer d'une citerne un animal qui vient d'y tomber.
Notre-Seign'. ir s'autorisj de cette concession pour dé-
clarer qu" .j homme vaut une brebis et qu'il est légi-
time d'accorder au premier ce qu'on ne refuse pas à la
seconde. Il guérit donc l'infirme d'un seul mot. Matth.,
xii, 9-14; Marc, m, 1-6; lue, vi, 6-11. Saint Luc, en
terminant son rr'cit, remarque que les adversaires du
Sauveur furent remplis da démence. On se demande,
en effet, comment ces hommes pouvaient tenir pour une
violation du sabbat une simple parole et une guérison
dont le caractère miraculeux ne pouvait se contester.
— A Jérusalem, Notre-Seigneur guérit un malade le
jour du sabbat et lui ordonne d'emporter son grabat,
ce qui scandalise les Juifs. Joa., v, 8-10, 16. Maître du
sabbat, il veut montrer que la loi d'ailleurs respectable
qui défend d'exécuter des transports le jour du sabbat,
Jer., xvii, 21, 22, doit céder à une autre loi supérieure,
celle de manifester la gloire de Dieu et d'accréditer la
mission divine du Messie, en fournissant la preuve
d'une guérison radicale et miraculeuse. Il ajoute du
reste cette réllexion, qui donne la clef du mystère :
« Mon père agit jusqu'à présent et moi aussi j'agis. »
Joa., v, 17. L'action de Dieu ne saurait, en effet, être
soumise à aucune loi positive, ni humaine ni même
divine. En prescrivant au malade d'emporter son gra-
bat, le Sauveur voulut aussi attirer l'attention des Juifs
sur ce qu'il venait d'opérer, et il y réussit. A un voyage
subséquent, il explique ainsi sa conduite en cette oc-
casion : « J'ai fait une seule œuvre, et vous êtes tous
hors de vous-mêmes. Moïse vous a donné la circoncision
et vous la pratiquez le jour du sabbat. Si, pour ne pas
violer la loi de Moïse, on circoncit le jour du sabbat,
comment vous indignez-vous contre moi, parce que, le
jour du sabbat, j'ai guéri un homme dans tout son
corps? Ne jugez pas sur l'apparence, mais jugez selon
la justice. » Joa., vu, 21-24. Ces paroles montrent que
le grief des pharisiens portait beaucoup plus sur la gué-
rison elle-même que sur l'ordre donné d'emporter le
grabat. Le Sauveur fait valoir un argument a fortiori,
tiré de la pratique de la circoncision, et il reproche
justement à ses contradicteurs déjuger selon l'apparence,
parce qu'ils ne voient qu'une transgression de leurs
prescriptions humaines là où il y a un grand bienfait
divin. — Notre-Seigneur choisit encore un jour de sab-
bat pour guérir l'aveugle-né. Il ne se contente pas
d'une parole, mais fait de la boue avec sa salive et en
frotte les yeux du malheureux. Les docteurs ne pou-
vaient que blâmer le secours ainsi apporté à un in-
firme qui n'était pas en danger de mort, ainsi que la
confection de la boue et la friction des yeux, chossa
qu'ils jugeaient incompatibles avec le repos sabbatique.
Ils en conclurent que « cet homme n'est pas de Dieu,
parce qu'il n'observe pas le sabbat ». L'aveugle juge,
avec beaucoup plus de bon sens, que « s'il n'était pas
de Dieu, il n'aurait rien pu faire ». Joa., ix, 6, 16, 23.
— Une autre fois, dans une synagogue de Galilée, le
Sauveur impose les mains, le jour du sabbat, à une
pauvre femme toute recourbée et il la guérit. Le chef
de la synagogue, indigné de ce qu'il regarde comme
une transgression, dit alors à la foule : « Il y a six
jours où l'on peut travailler; venez ces jours-là pour
vous faire guérir, et non le jour du sabbat. » Notre-
Seigneur réplique alors : « Hypocrites, chacun de vous
ne détar.he-t-il pas son bofuf ou son âne de l'étable, le
jour du sabbat, pour les mener boire? Or, cette fille
d'Abraham, que Satan a tenue enchaînée dix-huit ans,
n'a-t-il pas fallu la débarrasser de cette chaîne même le
jour du sabbat? » Cette réponse fit rougir les contra-
dicteurs et réjouit le peuple. Les premiers sont traités
d'hypocrites, parce qu'ils veulent paraître zélés pour la
loi et oublient les devoirs de l'humanité, comme celui
qui ordonne de porter secours à celui qui souffre.
Luc, xm, 10-17. — A peu de temps de là, le Sauveur
est chez un chef des pharisiens, un jour de sabbat, et
un hydropique se présente devant lui. « Est-il permis
de guérir le jour du sabbat? » dit le Sauveur à l'assis-
tance. Personne ne lui répondant, il touche I'hydro-
pique et le guérit. Puis il ajoute cette réflexion, à
laquelle personne ne peut répliquer : « Qui de vous,
si son âne ou son hœuf tombe dans une citerne, ne
l'en retire aussitôt, même le jour du sabbat? » Luc,
xiv, 1-6. Cf. C. Wakins, Christi curatio sabbathica,
dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732,
p. 196-211. — Il est manifeste que le Sauveur a eu l'in-
tention de substituer une interprétation plus large de
la loi du sabbat à celle qu'avaient fait prévaloir les pha-
risiens. Dans ce but, il saisit toutes les occasions de
guérir ce jour-là et s'autorise da cet argument esseu-i
1301
SABBAT — SABBATIQUE (ANNÉE)
1302
tiellement populaire qu'il est bien permis d'avoir pour
les hommes les attenlions qu'on a pour les animaux. A
propos du sabbat, il pouvait faire aux pharisiens le
reproche qu'il leur adressait au sujet de leurs mul-
tiples purifications : « Vous abandonnez le comman-
dement de Dieu pour vous attacher à la tradition des
hommes... Vous annihilez le préceple divin pour ob-
server votre tradition. » Marc, vu, 8, 9.
2° Autres inentions du sabbat. — S. Luc, vi, 1,
parle d'un sabbat qu'il appelle Siuiepouptôrov, « second-
premier ». Il s'agit d'un sabbat postérieur à la Vaque,
puisque les Apôtres peuvent manger ce jour-là des épis
mûrs. Cette appellation ne se lit pas ailleurs et quel-
ques manuscrits l'omettent. Interrogé par saint Jérôme,
Epist. LU, 8, t. xxn, col. 534, sur sa signification,
saint Grégoire de Nazianze lui répondit plaisamment
en éludant la question. Les explications des Pères et
des commentateurs sont très divergentes. D'après la
Chronique pascale, t. xcu, col. 517, le sabbat ainsi
nommé serait le second après le sabbat de la Pâque, à
partir duquel on comptait les sept semaines aboutissant
à la Pentecôte. Il y aurait eu ensuite un sabbat second-
second, un sabbat second-troisième, etc. Cette inter-
prétation ne s'impose pas, mais c'est celle qui réunit
le plus grand nombre de suffrages. Cf. Knabenbauer,
Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 220-222. On a aussi
supposé que les Juifs- avaient deux premiers sabbats,
l'un au commencement de l'année civile, au mois de
lischri, et l'autre au mois de nisan, pendant les fêtes
de la Pâque. Ce dernier eût été ainsi le second-pre-
mier. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 258. Clément
d'Alexandrie, Strom., vl, t. ix, col. 270, dit que,
si la lune ne paraît pas, les Juifs ne célèbrent pas le
sabbat qu'on appelle xpcirov, « premier ». Il y en aurait
donc eu un autre appelé « second » et «second-premier»
à cause de son rôle par rapport aux suivante. En somme,
sur cette question, on ne peut faire que des conjectures.
Du reste, elle n'a pas grande importance. — Noire-
Seigneur recommande à ses disciples qui auront à fuir
de Jérusalem à l'arrivée des armées romaines de prier
pour que leur fuite n'ait pas lieu le jour du sabbat.
Matth., xxiv, 20. Sans doute, ce jour-là, on ne pouvait
s'éloigner de plus de deux mille pas ; mais il était
admis que, pour échapper à la mort, on faisait le
nécessaire. Toutefois on a droit de supposer que les
disciples, se croyant encore astreints à l'observance
des prescriptions judaïques, pourraient hésiter sur la
gravité du péril, se demander s'il autorisait vraiment
la transgression et retarder d'autant leur départ. —
Saint Jean, xix, 31, note que, pour ne pas laisser sur
la croix le corps du Sauveur, parce que c'était le jour
de la préparation et qu'il fallait qu'il fût enlevé avant
le sabbat, les Juifs demandèrent à Pilate l'autorisation
de le faire. La loi portait qu'un cadavre de supplicié
ne devait pas passer la nuit sur le bois, mais qu'il
fallait l'inhumer le jour même. Deut., xxr, 23. Cf.
Josèphe, Bell.jud., IV, v, 2. En temps ordinaire, il n'y
avait pas d'inconvénient à n'achever une inhumation
qu'après le soleil couché. Le jour de la préparation, il
était rigoureusement indispensable que tout fût terminé
à l'heure où commençait le sabbat. L'urgence s'impo-
sait encore davantage dans la circonstance, par le fait
que le sabbat suivant coïncidait avec la Pâque des Juifs.
— A l'exemple du Sauveur, on voit les Apôtres se
rendre souvent dans les synagogues de la dispersion
les jours de sabbat, afin d'y prêcher l'Évangile. Act.
xm, 14, 27, 42, 44; xvi, 13;xvn,2; xvm,4. Là, en effet,
ils trouvaient les Juifs rassemblés et pouvaient plus
aisément traiter devant eux la question religieuse.
Saint Jacques témoigne que, dans les synagogues de
chaque ville, les jours de sabbat, on lisait et on expli-
quait la loi de Moïse. Act., xv, 21. — Dans l'Épître aux
Hébreux, IV, 9, il est question de ffaë6avi<ï|iôc, sabba-
tismus. L'auteur désigne par ce motle«jour de repos »
que Dieu ménage à ses fidèles serviteurs et qui est une
participation au «, repos de Dieu », c'est-à-dire à sa
vie, à sa grâce et plus tard à sa gloire. — Saint Paul
ne veut pas qu'on critique les chrétiens au sujet du
manger et du boire, des fêtes, des néoménies, des
sabbats. Col.,n.l6. Ces institutions mosaïques n'étaient
que « l'ombre des choses à venir. » La réalité est dans
le Christ, dont la loi évangélique se substitue aux
anciennes observances. Dès l'origine de l'Église, le
dimanche commença à devenir le jour du Seigneur à
la place du sabbat. Voir Dimanche, t. il, col. 1430.
Personne n'avait donc le droit d'assujettir les chré-
tiens à l'observation du sabbat, comme prétendaient
le faire les judaïsants. Au iv« siècle, il y avait encore
des chrétiens qui restaient attachés à la pratiques du
sabbat judaïque. Le synode de Lacdicée, vers 360,
formula à ce sujet son 29 e canon ainsi conçu : « Les
chrétiens ne doivent pas judaïser et se tenir oisifs le
jour du sabbat, mais ils doivent travailler ce jour-là;
qu'ils honorent le jour du Seigneur et s'abstiennent,
autant que possible, en leur qualité de chrétiens, de
travailler en ce jour. S'ils persistent à judaïser, qu'ils
soient analhèmes au nom du Christ. » Cf. Hefele,
Histoire des Conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i,
p. 1015. — L'observation du sabbat est restée la prin-
cipale des pratiques extérieures des Juifs. Le Zohar,
H, 47 a, dit à ce sujet : « La sanctification du sabbat
vaut autant que l'exécution de toutes les autres lois
ensemble. » Cf. Sépher ha-zohar, édit. Lafuma, t. m,
1908, p. 216, et 88*-89i>, p. 359-364.
H. Lesêtre.
SABBATIQUE (ANNÉE) (hébreu : sénat sabbdtôn,
Lev., xxv, 4; Septante : èvioutôç àvanaiio-eu;; Vulgate:
annus requietionis), chaque septième année. — I. La
loi. — 1 D Elle est formulée pour la première fois dans
l'Exode, xxm, 10, 11 : « Pendant six années tu ensemen-
ceras la terre et tu en récolteras les produits. Mais, la
seplième, tu les laisseras et les abandonneras; et les
indigents de ton peuple les mangeront, et les bêtes des
champs mangeront ce qui restera. Tu feras de même pour
tes vignes et tes oliviers. » La même loi est répétée avec
un peu plus de détail dans le Lévitique, xxv, 1-7. La
septième année, il est défendu d'ensemencer, de tailler
la vigne et de recueillir les fruits spontanés qui poussent
dans le champ ou sur la vigne. Ils peuvent cependant
servir à la nourriture de l'Israélite, de son serviteur,
de sa servante, du mercenaire, de l'étranger fixé dans
le pays et du bétail. — 2° La septième année est en-
core une année de rémission, semillâh, «ipsutç. En
cette année-là, l'Israélite peut exiger le paiementd'une
dette par l'étranger, mais il ne peut presser son pro-
chain ou son frère de lui rendre ce qu'il doit, de peur
de le réduire à la pauvreté. Deut., xv, 1-6. — 3° Comme
on pouvait redouter que l'absence de culture ne cau-
sât grand tort à la population chaque année sabbatique,
surtout quand celle-ci était suivie de l'année jubilaire
qui prohibe également les travaux agricoles, le Sei-
gneur s'engage à y pourvoir : « Si vous dites : que
mangerons-nous la septième année, puisque nous ne
sèmerons point et ne recueillerons point nos pro-
duits? Je vous enverrai ma bénédiction la sixième
année et elle produira des fruits pour trois ans. Vous
sèmerez la huitième année, et vous mangerez de l'an-
cienne récolte; jusqu'à la récolte de la neuvième année,
vous mangerez l'ancienne. » Lev., xxv, 20-22. — 4° A
la fin de l'année sabbatique, à l'occasion de la fête des
Tabernacles, on devait faire la lecture publique de la
Loi, c'est-à-dire du Deutéronome. Deut., xxxi, 10, 11.
Cf. Sota, vu, 8.
II. L'interprétation. — 1° La loi interdit tout tra-
vail agricole la septième année. L'homme se repose le
septième jour, la terre se reposera la septième année;
1303
SABBATIQUE (ANNÉE)
1304
ce qui sera également un hommage rendu au maître
de toutes choses et une reconnaissance de son souve-
rain domaine sur le sol attribué anx Israélites. Moïse
ne parle que du travail agricole, labourage, moisson,
culture de la vigne, vendange, cueillette des olives. Le
texte sacré ne mentionne que les oliviers parmi les
arbres dont la culture et la cueillette sont prohibées
l'année sabbatique, parce que ces arbres étaient ordi-
nairement plantés en grand nombre et que la récolte
des olives ressemblait assez à la vendange. Les autres
arbres fruitiers étaient plus isolés et les fruits en
étaient cueillis un peu au jour le jour, suivant leur
maturité et sans grand mouvement dans l'ensemble
de la population. Néanmoins il est à croire que ces
fruits étaient à la disposition de tous pendant l'année
sabbatique. Les autres travaux ne sont nullement
prohibés; l'Israélite les continue comme les années
ordinaires. Cette année-là, il cessait donc d'être un
peuple agricole pour redevenir un peuple pasteur, tel
qu'il avait été à ses origines et au désert. Il ne pouvait
faire ni moisson, ni vendange, ni cueillette régulières;
il vivait sur le produit de l'année précédente. Mais les
fruits spontanés du sol appartenaient à tous, sans dis-
tinction, à condition sans doute de les prendre au jour
le jour et sans rien du grand mouvement des récoltes
annuelles. Il va de soi que l'année sabbatique était la
même pour tous et qu'à certains égards elle avait des
analogies aveo le jour du sabbat, qui était le même
pour tous et imposait à tous les mêmes obligations.
L'année sabbatique assurait le repos à tous ceux qui
d'ordinaire se livraient aux travaux des champs ; ce
repos leur permettait d'ailleurs de se livrer à d'autres
occupations utiles, construction et réparation de mai-
sons, réfection des murs de clôture, forage de puits
et de citernes, fabrication d'instruments agricoles, etc.
De plus, les troupeaux n'avaient pas besoin d'être
emmenés dans de lointains pâturages; ils passaient sur
les terres mêmes de Palestine et les fécondaient de
leurs engrais. Les bêles sauvages elles-mêmes pou-
vaient être plus aisément chassées à travers les champs
incultes et les vignes à l'abandon. — 2° La loi sur la
libération de l'esclave hébreu n'a rien de commun avec
la loi de l'année sabbatique. Exod., xxi, 2; Deut., xv,
12-18. Quelques auteurs pensent que la libération était
prescrite en ce sens qu'un esclave hébreu ne pouvait
servir plus de six ans, mais que si l'année sabbatique
intervenait avant la fin de cette période, il recouvrait
sa liberté. Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit.,
Paris, 1897, p. 214. Mais Moïse parle toujours de sep-
tième année pour la libération de l'esclave hébreu et
il n'établit jamais de relation entre cette septième
année et l'année sabbatique. Josèphe, Ant. jud., III,
xii, 3, ne parle pas non plus de cette libération à
propos de l'année sabbatique. Il faut donc s'en tenir à
l'opinion la plus commune parmi les commentateurs,
qui voient dans les six ans de service de l'esclave une
période absolument indépendante. Voir Esclave, t. n,
col. 1922. — 3° La mesure prise en faveur des débiteurs
pendant l'année sabbatique s'explique d'elle-même. Ne
recueillant rien de ses champs ni de ses vignes, l'Israé-
lite peu aisé n'était pas capable de payer les dettes
qu'il avait contractées. Il était juste de régler ses obli-
gations en tenant compte de la loi du repos. Le légis-
lateur veut donc que l'année sabbatique soit pour le
débiteur une année de èemiltûh. Deut., xv, 9; xxxi, 10.
Ce mot vient du verbe Sâmat qui signifie « repousser,
renvoyer ». Le verbe Sdmat est employé dans l'Exode,
xxiii, 11, pour dire qu'il faut « abandonner > la terre
sans la cultiver la septième année. Pour rendre le sub-
stantif hébreu, les Septante se servent du mot âfeatç,
« renvoi, décharge, remise ». Un certain nombre d'au-
tpnrs ont pensé que cette rémission impliquait, de la
part du créancier, l'abandon total et définitif de ses droits.
Ainsi l'ont compris les talmudistes, Sahebiit, x, 1 ; Phi-
Ion, De seplenario, édit. Mangey, t. n, p. 277, 284, etc.
Fr. Buhl, La société israélite d'après l'A . T., trad. de
Cintré, Paris, 1904, p. 171, 172, soutient encore celte
interprétation, en faisant valoir que l'avertissement
donné par Moïse, Deut., xv, 9, n'aurait aucun sens s'il
ne s'agissait pas d'une remise absolue des dettes. Les
commentateurs modernes admettent généralement que
Moïse n'a en vue qu'une prorogation des obligations
du débiteur. L'année sabbatique, le créancier « relâ-
chait sa main, » il ne pressait pas son débiteur, il
abandonnait sa créance comme le cultivateur abandon-
nait sa terre, c'est-à-dire avi c l'intention et le droit de
la reprendre l'année suivante. Moïse ne veut pas que
l'approche de l'année sabbatique empêche l'Israélite de
prêter à son frère pauvre. La crainte de l'Israélite ne
portait pas nécessairement sur l'obligation de renoncer
totalement à sa créance; elle pouvait être également
motivée par la nécessité d'attendre une année de plus
avant de recouvrer son bien. Qui ne voit d'ailleurs à
quel inconvénient aurait prêté une loi prescrivant tous
les sept ans la remise des dettes? Personne n'aurait
plus prêté et les malheureux que la nécessité obligeait
à emprunter n'auraient plus jamais trouvé de prêteur;
en définitive, un prêt eût presque toujours dégénéré
en don, par le fait du débiteur intéressé. Cf. Rosen-
mûller, InDeuteron., Leipzig, 1798, p. 427, 428; Bàhr,
Symbolik des tnosaischen Quitus, Heidelberg, 1839,
t. il, p. 570; De Hummelauer, In Deuteron., Paris,
1901, p. 338, 339. Voir Dette, t.n, col. 1394. — Le code
d'Hammourabi ne mentionne aucune institution ana-
logue à celle de l'année sabbatique. Il prescrit cepen-
dant que, les années où l'orage inonde un champ et
emporte la moisson et où la sécheresse empêche le blé
de pousser, le fermier n'a pas d'intérêt à payer au
créancier. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques,
Paris, 1902, p. 41, art. 48. De même, chez les Hébreux,
les champs ne produisant rien pendant l'année sabba-
tique, le débiteur était dispensé, non de payer l'intérêt
que prohibait la loi mosaïque, mais de rendre cette
année- là le montant de sa dette. On a constaté, chez les
Nabuthéens de la presqu'île Sanaïtique, le droit pour les
pauvres de faire la cueillette des dattes certaines années.
Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1753.
III. La pratique. — 1» En menaçant les Israélites
de la déportation qui châtiera leurs infidélités, Moïse
dit qu'alors « la terre se reposera et jouira de ses
sabbats. » Lev., xxvi, 34, 43. Il prévoit donc que la loi
sur l'année sabbatique ne sera pas toujours observée.
C'est ce qui arriva en effet. Pendant la captivité de
Babylone, le pays put « jouir de ses sabbats. » II Par.,
xxxvi, 21. — Après la captivité, les Israélites s'enga-
gèrent à « laisser la terre la septième année et à n'exi-
ger le paiement d'aucune dette. » II Esd., x, 31. La loi
était observée fidèlement à l'époque des Machabées.
I Mach., vi, 49, 53. — Le peu de place que la loi sur
l'année sabbatique semble tenir dans la vie des anciens
Israélites a suggéré plusieurs objections. N'aurait-elle
pas été introduite seulement après l'exil? Au lieu
d'être générale pour tout le pays, n'aurait-elle pas été
applicable pour chacun après six ans de culture, de
même que les esclaves hébreux étaient libérés après
six ans de servage, sans qu'il y eût coïncidence géné-
rale entre toutes les années de repos ? Ne pourrait-on
pas interpréter les textes en ce sens seulement que les
terres étaient cultivées comme d'habitude, mais que,
la septième année, le produit en était abandonné aux
pauvres pour leur subsistance du présent et de l'avenir?
Enfin, aucune pratique religieuse spéciale n'est attachée
à l'année sabbatique, contrairement à toutes les analo-
gies. — Sur ce dernier point, la lecture publique de
la loi peut suffisamment caractériser l'année sabbatique
au point de vue religieux. Quant anx aulies supposi-
1309
SAG — SACREMENT
1310
XLiv, 1-12. — On mettait les provisions dans un sac,
comme ce paysan égyptien qui se rend au marché
(fig. 272). Quand les Gabaonites viennent pour traiter
avec Josué, ils portent leurs provisions dans de vieux
sacs, pour faire croire qu'ils arrivent de très loin.
Jos., ix, 4. On apporte à Elisée vingt pains d'orge et
des épis dans un sac. IV Reg., iv, 42. Notre-Seigneur
ne veut pas que ses disciples aient des sacs à provisions
quand ils vont en mission. Luc, x, 4; xxii, 35, 36. —
Les sacs servent aussi à mettre de l'argent. Prov., vu,
20. Giézi ramasse dans deux sacs les deux talents
d'argent qu'il a reçus de Naaman. IV Reg., v, 23. Le
Sauveur veut qu'on se fasse des sacs à argent qui ne
s'usent pas, Luc, xn, 33, en distribuant ce qu'on a en
aumônes. Voir Bourse, t. i, col. 1899, et les fîg. 595-
599. — David, avant d'aller à Goliath, met dans son
sac de berger cinq pierres destinées à sa fronde. I Reg.,
xvn, 40. On mettait également dans un sac les pierres
qui servaient de poids pour les transactions courantes.
Deut., xxv, 13, Prov., xvi, 11; Mich., vi, 11. — Ju-
dith emporte dans un sac la tête d'Holoferne. Judith,
xin, 11. - Quand un sac avait été touché par une
bête impure, on le lavait et il restait impur jusqu'au
soir. Lev., xi, 32. — Les versions rendent souvent
par (Tanxo;, saccus, le mot saq, même dans des pas-
sages où il désigne, non plus le sac d'étoffe grossière,
mais le vêtement de poil de chameau ou de chèvre qui
servait dans les jours de deuil ou de pénitence. Voir
Cilice, t. h, col. 759, et t. iv, col. 23, fig. 11, à gauche,
les Juifs revêtus du sac ou cilice, qui sont conduits
devant Sennacherib. H. Lesètre.
SACERDOCE (hébreu : kekunnâh; Septante : Upa-
xei'a; iepaTeu[»a, Vulgate : sacerdotium). Voir Grand-
Prètre, t, m, col. 295; Prêtre, 1. v, col. 640.
SACHACHA (hébreu : Sekàkdh, « clôture, haie »;
Septante : Ato^coÇâ; Alexandrinus : Soj(oxâ)i une des
six villes de la tribu de Juda qui étaient situées dans
le désert (midbâr) de Juda, c'est à-dire à l'ouest de la
mer Morte. Jos., xv, 61. Elle est nommée entre Meddin
et Nebsasa, mais le site n'en est pas connu. Elle se
trouvait probablement entre le Cédron et Engaddi.
SACHAR (hébreu : Sàkàr, « salaire »), nom de deux
Israélites.
1. SACHAR (Septante : 'A-^ip ; Alexandrinus : Eocxâp 1 ,
père d'Ahiam,un des gibbôrim de David (t. i, col. 292).
I Par., xi, 35. Il est appelé Sarar, II Reg., xxm, 33.
2. SACHAR (Septante : Ea^*?)» lévite, quatrième (ils
d'Obédédom, un des portiers de la maison du Seigneur.
I Par., xxvi, 4.
SACRE des rois. Voir Roi, col. 1117. —Consécration
du grand-prêtre, voir t. m, col. 297; des prêtres, voir
t. v, col. 646.
SACREMENT (Vulgate : saeramenlum). Le mot
latin vient de sacrare, « consacrer, dédier », et a
des significations tTès diverses. — 1° Le sacramentum
comme terme technique légal, désignait une somme
d'argent que deux parties en procès déposaient in
sacro; celui qui gagnait sa cause recouvrait ce qu'il
avait versé; celui qui la perdait perdait en même
temps son dépôt qui revenait au trésor public; il
signifiait de plus, par suite, la cause en discussion
elle-même. Comme terme militaire, sacramentum
signifiait l'engagement préliminaire pris par ceux qui
s'enrôlaient et le serment d'obéissance au commande-
ment. Sous l'empire, ce serment fut souvent aussi
prêté par les sujets. A partir d'Horace, Od., II, xvn,
10, sacramentum devint synonyme de serment en gé-
néral. Il n'est pas employé dans l'Écriture dans tes
diverses acceptions.
2" Dans la Vulgate, le mot sacramentum n'apparaît
dans l'Ancien Testament que Tob., xn, 7; Dan., n. 18,
30, 47; iv, 6; Sap., n, 22; vi, 24; xn, 5. Dans le chal-
déen de Daniel, le mot original est razâ'; la traduction
grecque l'a rendu par p.xKxzr,f iow ; c'est ce même mot
grec qui est employé dans les passages de Tobie et de
la Sagesse où no're Vulgate s'est servie du mot sacra-
mentum (excepté Sap.,xn,5, où le grec porte |jiuerTa8éia,
mot diversement interprété et probablement altéré;
une leçon porte èx [autoO ^.ûo-ta; 9cii70u, « initiés à
d'horribles mystères »). C'est également le même mot
(jiusrôptov 1 u i se lit dans les endroits du Nouveau Tes-
tament où notre version latine a sacramentum. Ce der-
nier mot a donc dans le latin scripturaire la même
signification que fnxxTriptov dans la Bible grecque. Voir
Mystère, t. iv, col. 1368. — Il signifie 1° un secret,
Tob., XII, 7 (secret royal); Sap., n, 22 (secrets divins);
— 2° une chose cachée et mystérieuse, Dan., Il, 18,19,
30, 47 (songe mystérieux de Nabuchodonosor); IV, 6;
— 3° les mystères de la religion chrétienne, le mystère
de l'Incarnation, magnum pietatis sacramentum,
I Tim., m, 16; la vocation des Gentils, Eph., i, 9; ni,
3, 9; Col.,1, 27; — 4» un sens caché, une signification
symbolique. Apoc, i, 20; xvn, 7. Dans Eph., v, 32,
saint Paul, après avoir parlé de l'union mystique qui
existe entre Jésus-Christ et son Église, et rappelé les
paroles de la Genèse, u, 24 (d'après les Septante), rela-
tives à l'institution du mariage, ajoute : Sacramentum
hoc magnum est; ego autem dico in Christo et in
Ecclesia. Le sens est : l'union de Jésus-Christ avec son
Église est la plus intime et la plus sainte des unions;
le mariage en est l'image sensible, un mystère (\i.uazr t -
ptov) qui a une signification supérieure. Le mot sacra-
mentum n'est donc pas ici une preuve proprement
dite delà sacramentalité du mariage humain, mais c'est
néanmoins probablement de là qu'est venue la signifi-
cation chrétienne attachée au mot « sacrement ». Le
concile de Trente, sess.xxiv, de Malrimonio , remarque
que le langage de saint Paul « insinue », innuit, le
caractère sacramentel du mariage. — Pour les sacre-
ments proprement dits, voir Baptême, t. i, col. 1433;
Confirmation, t. n, col. 919; Pénitence, t. v, col. 42; Cène
(pour l'Eucharistie), t. n, col. 416; Extrême-Onction,
t. i, col. 2140; Ordre, t. iv, col. 1854; Mariage, t. iv,
col. 770. L'emploi du mot sacramentum avec sa signi-
fication chrétienne restreinte se trouve déjà dans Ter-
tullien. Il commence son traité De baptismo, 1, t. i,
col. 1197, par ces mots : Félix sacramentum aqux no-
slrse, quia ablutis delictis prislinse csecitatis in vitam
ssternam liberamur. Il appelle aussi l'Eucharistie sa-
cramentum. Adv. Marc., iv, 34; v, 8, t. n, col. 442,
489. Saint Cyprien et saint Augustin font un fréquent
usage du même mot dans le même sens.
3» Sacrements dans l'Ancien Testament. — La place
importante que tiennent les sacrements dans l'économie
de l'Église chrétienne a porté les théologiens à recher-
cher s'ils avaient existé dans la synagogue. Celle-ci n'a
pas possédé des sacrements produisant la grâce par
eux-mêmes, mais les sacrifices, les cérémonies, les
onctions, les bénédictions qui se pratiquaient dans la
religion mosaïque étaient figuratifs des sacrements de
la loi nouvelle : la circoncision figurait le baptême;
l'agneau pascal, la mort de Jésus-Christ; les pains de
proposition, la sainte Eucharistie; l'onction des prêtres,
le sacrement de l'ordre, mais c'étaient infirma et egena
elementa, dit saint Paul, Gai., iv, 9. Comme l'explique
saint Augustin, Enarr. in Ps. lxxiii,1, t.xxxvi,coI.931:
Sacramenta Novi Teslamenti dant salutem; sacra-
menta Veteris Testamenti promiserunt Salvalorem.
Et Epist. uv, 1,1. xxxiii, col. 200, il montre la supé-
4311
SAÔRÉMENÏ — SACRIFICE
Ï3l2
rioriti des sacrements chrétiens : Sacramentis numéro
paucissimis, observatione facillimis, significations
prœstanlissimis [Christus] societatem novi populi
colligavit, ou, comme il le dit en d'autres termes, Lib.
cont. Faust., xil, t. xvin, p. 320a: Virtute majora, uli-
litale meliora, actu faciliora, numéro pauciora quam
antiqua.
SACRIFICE (hébreu l'iësék, de 'êS, « feu »; minfiâh,
zébah, qorbàn; chaldéen : minhah, debah; Sep-
tante : 8-jiTia, 5<ipov, nfoasopi; Vulgate : sacrifi-
cium, oblatio), oflrande à la divinité d'un être animé
où inanimé, mis ensuite hors de tout usage profane
par l'immolation ou la destruction.
I. Les sacrifices en générai,. — 1» Universalité. —
Dans toutes les religions anciennes, si haut qu'on
puisse remonter vers leurs origines, on constate l'exis-
tence des sacrifices. Les hommes offrent à la divinité
leurs animaux domestiques et les aliments qui les
nourrissent eux-mêmes. Ils immolent ces animaux et
ainsi renoncent à l'utilité qu'ils en tiraient; ils dé-
truisent les aliments et les autres objets qu'ils ont
offerts et cessent eux-mêmes d'en profiter. Tous ces
êtres ont été consacrés à la divinité, ils lui appartiennent
27J. — Lbevreau offert en sacrifice à la déesse Istar.
Bien, Narrative of a journey to the site ofBabylon in 18U,
pi. x, 10.
exclusivement et l'homme n'a plus aucun droit à en
Taire usage. Seulement, quand il s'agit d'animaux im-
molés, l'homme croit bien agir en mangeant quelque
chose de ce que la divinité a agréé pour elle-même.
D'après S. Thomas, Sum. theol., II" II», q. i.xxxv, a. 1,
l'offrande des sacrifices est de droit naturel, parce que
la raison commande à l'homme d'offrir à Dieu, en
signe de soumission et d'hommage, quelques-unes des
choses sensibles qui sont à son usage, comme on fait
vis-à-vis des maîtres dont on veut reconnaître la
domination.
2° Variété de formes. — Les anciens, en offrant des
sacrifices, ne se sont pas toujours rendu compte de la
vraie portée de ces actes religieux. En Orient, ils trai-
taient volontiers leurs dieux comme des maitres qui
recevaient des tributs et des présents, se nourris-
saient plus ou moins subtilement des victimes qu'on
leur immolait et des mets qu'on leur consacrait,
Dan., xiv, 5, se rendaient favorables à ceux qui
leur faisaient des offrandes et, possesseurs incon-
testables de tous les biens de la terre, en laissaient la
jouissance aux hommes, à condition d'en recevoir eux-
mêmes les prémices. Ils croyaient aussi qu'en man-
geant une partie des victimes immolées, ils prenaient
place à la même table que le dieu, ce qui scellait l'ami-
tié entre eux et lui. — Les Arabes sacrifiaient le cha-
meau, le bœuf et la brebis. Par l'effusion du sang d'une
victime domestique, ils entendaient établir le lien du
sang entre eux et leur dieu, autant qu'il était possible
de le faire. Cf. Hérodote, m, 8. Ils versaient ce sang
sur l'autel de la divinité ou en oignaient les pierres qui
lui étaieut consacrées, afin de l'atteindre d'aussi près
qu'il se pouvait. La manducation de la victime, toujours
dans le même but, constituait une partie essentielle de
leurs sacrifices. — Les Chananéens offraient des vic-
times plus variées, le bœuf, le veau, le cerf, le bélier,
le bouc, l'agneau, le chevreau, le faon et deux espèces
d'oiseaux, avec des oblalions de céréales, d'huile, de
lait, de graisse et probablement de vin. Ils avaient un
sacrifice dans lequel tout était consommé, un sacrifice
dans lequel le prêtre seul prélevait une partie de la
chair, et une autre dans lequel le prêtre et l'offrant se
partageaient ce qui n'allait pas à l'autel. Les Chana-
néens ont surtout multiplié odieusement les sacrifices
humains, sacrifices de nouveau-nés et spécialement de
premiers-nés, dont on a retrouvé les restes dans leurs
anciennes villes, parfois consumés par le feu, et dont
les restes étaient enfermés dans des jarres. A Gazer et
à Mageddo, on a retrouvé de ces cadavres d'enfants
dans les fondalions, comme pour dédommager la divi-
nité de l'occupation d'un sol qui lui appartenait. L'im-
molation des premiers-nés par les Chananéens est men-
tionnée dans la Bible. Jos., vi, 26; III Reg., xvi, 34;
IV Reg., jh, 27. Des victimes plus âgées étaient ainsi
offertes et enfouies avec de grandes jarres contenant
les provisions et l'eau nécessaires aux morts. Cf.H.Vin-
274. — Sacrifice d'un chevreau. Derrière l'autel, la statue du
dieu Dionysos. Sur l'autel allumé, la prêtresse va égorger un
chevreau, considéré comme victime agréable à Dionysos. Près
de l'autel est une table sur laquelle une femme vient déposer
des offrandes. D'après un vase peint.
cent, Canaan, Paris, 1907, p. 188-198. On a ainsi re-
trouvé à Gazer une tombe avec un agneau placé sous
les genoux du mort. Il y avait probablement là une
offrande destinée à ménager au mort la faveur de la
divinité. Cf. H. Vincent, ibid., p. 253. — Les Chal-
déens offraient en sacrifice le taureau, la brebis, la
chèvre, l'agneau, le chevreau (Dg. 273), la gazelle, le
porc lui-même, et des oiseaux de différentes sortes.
Ils y ajoutaient des oblations de dattes, de légumes,
de blé, d'ail, d'épices, d'encens, de vin de dattes, de
lait, de beurre, de crème, de miel et de sel. C'est chez
eux qu'était le plus accentuée l'idée que le sacrifice
servait à alimenter les dieux. Voir Odeur, t. iv, fig. 455,
col. 1739. — En Egypte, le sacrifice avait aussi ce dernier
caractère; c'était un vrai banquet que l'on offrait au
dieu. On lui immolait le taureau dont une partie était
brûlée pour son usage, tandis que le reste était partagé
entre les assistants. A la victime, on ajoutait des obla-
tions de gâteaux, de fruits, de légumes et de vin. Pen-
dant que le dieu se nourrissait, on pouvait lui adresser
toutes les demandes, à condition que l'officiant procé-
dât scrupuleusement en tout suivant les rites convenus
et proférât exactement les formules indispensables. La
divinité était alors liée par une sorte de contrat envers
le solliciteur. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu-
ples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. I, p. 122-124,
680-681. D'après Hérodote, n, 39, 40, on chargeait
d'imprécations la tête de la victime, afin de détourner
sur elle tous les malheurs qui menaçaient le pays on
les particuliers; ensuite on vendait cette tête à des
Grecs ou on la jetait à la rivière. La partie de la vie-
s
te
1313
SACRIFICE
1314
lime que l'on brûlait était remplie de pains de pure
farine, de miel, de raisins secs, de figues, d'encens, de
myrrhe et d'autres substances aromatiques; on répan-
dait de l'huile sur le feu pour activer la combustion. —
Les Perses ne brûlaient pas les victimes de leurs sa-
crifices, pour ne pas souiller le feu. La divinité se con-
tentait de l'offrande de la vie. Celui qui offrait la vic-
time la coupait en morceaux, qu'il faisait bouillir et
étendait sur l'herbe; puis, après une invocation chan-
tée par un mage, il l'emportait pour en disposer à son
gré. Cf. Hérodote, i, 132. Cette herbe était comme le
siège de la divinité, invitée à prendre sa part du festin.
Cf. Oldenberg, La religion du Véda, trad. Henry, Paris,
1903, p. 26; Lagrange, La religion des Perses, Paris,
1904, p. 17-18. — Les Grecs sacrifiaient à leurs dieux
de jeunes bœufs, des moutons, des chèvres (fig. 274), des
porcs, parfois des chiens et du gibier. D'après eux, « le
produit de la nature croissant par lui-même ne devait
pas servir de victime, mais bien ce que l'homme s'était
hommage à la souveraineté divine, la remercier de ses
dons, implorer sa protection, avec l'idée d'une certaine
jalousie chez les dieux et de la nécessité de la calmer
par la cession volontaire d'une partie de ce que l'on
possédait. — Les Romains suivaient à peu prés les
mêmes rites que les Grecs; mais chez eux les sacri-
fices expiatoires étaient bien plus nombreux (fig. 275).
Les victimes choisies avaient certains rapports avec les
divinités auxquelles on les offrait. Une loi des xh Tables
ordonnait de présenter à chacune d'elles des victimes
qui lui fussent agréables. Un soin méticuleux présidait
à leur choix et surtout à leur immolation, la moindre
négligence et le moindre accident ayant pour effet de
rendre le sacrifice inutile. Le sang de la victime était
toujours répandu. Les holocaustes ne s'offraient guère
qu'aux divinités infernales. Dans les autres sacrifices,
la chair de l'animal était vendue au compte de l'état
ou partagée, suivant les cas, entre les prêtres, les victi-
maires et les particuliers. Cf. Bouché-Leclercq, Les pon-
275. — Suovetaurilia . SacriBce de purification, dont les trois victimes sont le porc, le bélier et le taureau. Bas-relief romain.
D'après Baumeister, Denkm&ler des klassischen AUertums, t. ut, fig. 1799.
approprié à force de peine et de soins et ce qu'il avait
fait entrer dans la sphère humaine. D'après l'opinion
généralement répandue dans la haute antiquité, le
sang est le siège de l'âme et de la vie, et, par cette rai-
son, agréable à la divinité, puisqu'il constitue l'essence
de tout le monde animal et qu'il forme ce qu'il y a de
sublime et de meilleur dans la nature; le sang est donc
particulièrement propre à être offert à la divinité
comme un don et un témoignage de reconnaissance
pour des bienfaits obtenus. Par contre, le sang, par
ses rapports étroits avec les passions humaines, passe
pour la racine et le siège du péché, dont l'expiation
doit en conséquence se faire par le sang, et dont la faute
et la tache doivent être lavées par le sang. La divinité
permettait quelquefois de substituer un sang étranger
à son propre sang, ce qu'on regardait comme une
grâce particulière. Voilà la signification des sacrifices
d'animaux qu'on tuait avec les couteaux, même quand
on les consacrait à la divinité en holocauste et sans en
manger; ou bien, quand on les assommait avec la
massue, on leur coupait pourtant la gorge afin de re-
cueillir le sang et de pouvoir le consacrer à la divinité,
en aspergeant l'autel ou en le répandant autour de
celui-ci. » Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad.
J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 312. Outre le sacrifice
expiatoire, les Grecs en avaient d'autres pour rendre
mer. de la bible.
tifes de l'ancienne Rome, Paris, 1871, p. 61-68, 93-110.
' Les lectistemia accusaient encore davantage l'idée du
commerce de l'homme avec lesdieux. C'étaient des repas
solennels qu'on offrait aux images des dieux (fig. 276),
et dans lesquels les epulones exerçaient la double fonc-
tion d'organisateurs et de consommateurs. Cf. Valère
Maxime, n, 1; Arnobe, vu, 32; Tite Live, v, 13; vu, 2;
vin, 25; xlii, 30; etc. — Chez les Gaulois et les Ger-
mains, on immolait surtout des hommes.
•3° Éléments communs. — Tons ces rites anciens, mal-
gré la diversité de leurs formes, ont des points com-
muns dont la réunion constitue l'essence même du
sacrifice. Partout il y a d'abord une offrande à la divi-
nité. Cette offrande n'est pas quelconque; elle consiste
en victimes utiles à l'homme, en rapport plus ou
moins direct avec lui, et dignes d'être «gréées par la di-
vinité, sous peine de l'irriter au lieu de la fléchir. Puis,
la victime est invariablement immolée et son sang ré-
pandu. Le sang, c'est la vie, et nulle offrande plus
précieuse que celle-là ne peut être présentée à la divi-
nité, de laquelle seule vient toute vie. Enfin l'homme,
qui fait un tel présent à la divinité pour l'apaiser ou
se la rendre favorable, tient à recevoir un témoignage
sensible de l'efficacité de son sacrifice. Il estime que le
dieu auquel il l'a offert lui permet de s'asseoir à sa
table et de partager avec lui le festin sacré (lig. 277).
V. — 42
1315
SACRIFICE
1316
En se nourrissant de la chair de la victime, il devientle
commensal de la divinité, ce qui est pour lui le gage
suprême du pardon ou de la bienveillance. Cf. Lagrange,
Études sur les relig. sémitiques, Paris, 1905, p. 246-274.
4» Idée de la substitution. — Un autre élément ca-
pital est à constater dans ces sacrifices anciens, sur-
tout quand ils ont un caractère expiatoire. L'homme
se sent coupable; aussi, bien souvent, c'est l'homme
qui est immolé. Mais la victime n'est pas identique au
coupable; ce dernier se substitue le prisonnier de
guerre ou un homme plus faible que lui. Puis, avec le
temps, à une vie humaine on substitue une vie ani-
male et les dieux sont censés agréer cette substitution,
que l'on croit légitime et efficace. C'est ainsi qu'en
Egypte on détourne sur la tête de la victime-animale,
par des imprécations, les maux qui pourraient atteindre
les hommes eux-mêmes. Le bœuf choisi pour l'immo-
lation était marqué d'un sceau, cf. Hérodote, n, 38, et
ce sceau représentait un homme agenouillé, attaché à
276. — Lectisternium, banquet offert à Sérapis, à Isis, au Soleil
et àlaLune, caractérisés par leurs attributs. Relief sur lapoignée
d'une lampe d'argile. Bartoli, Lucernse vet. sepulcr., u, pi. 34.
un pieu, les mains liées sur le dos et la gorge percée
d'un couteau, image sensible du rôle que la victime
allait remplir par substitution. Cf. Dôllinger, Paga-
nisme et Judaïsme, t. n, p. 307. Cette idée de substi-
tution d'une victime animale à une victime humaine
est clairement exprimée dans des vers d'Ovide.
Fast., vi, 158-161. Le poète fait parler la nymphe Grana
qui, pour obtenir la délivrance du jeune enfant Proca,
menacé par les oiseaux de la nuit, offre à ces derniers
les entrailles d'une truie de deux mois avec cette ad-
juration : « Oiseaux de la nuit, dit-elle, ne touchez pas
aux entrailles de l'enfant : au lieu de ce petit, une pe-
tite victime est immolée. Recevez, je vous prie, cœur
pour cœur, fibres pour fibres : nous vous offrons cette
vie à la place d'une meilleure. » Toutes ces idées con-
stitutives du sacrifice chez les anciens peuples se retrou-
vent plus nettes et plus épurées chez les Hébreux.
Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Quitus, Heidel-
berg, 1839, t. H, p. 189-294 ; J. de Maistre, Éclaircisse-
ment sur les sacrifices, dans Œuvres choisies, édit.
Pages, Paris, s. d., t. i, p. 203-208.
11. Sacrifices des patriarches. — 1° Caîn etAbel. —
La Sainte Écriture fait remonter aux fils mêmes d'Adam
la pratique des sacrifices. Caîn, qui était agriculteur,
offrait an Seigneur des produits de la terre en oblation,
minhdh; Abel, qui était pasteur, offrait des premiers-nés
de son troupeau et de leur graisse. Gen., iv, 3, 4. De
part et d'autre, le verbe employé pour caractériser l'acte
des deux frères est l'hiphil de bô', « faire entrer, intro-
duire, présenter ». Dieu traita différemment l'oblation
de l'un et de l'autre; il regarda Abel et sa minhdh, il
ne regarda pas Caîn et sa minhâh. Ce. regard était un
regard de complaisance. Il fut accordé à l'un et refusé
à l'autre, non pas à raison de leurs dons, puisque cha-
cun offrait ce qui était en son pouvoir, mais à cause de
leurs dispositions intérieures. Cf. I Joa., m, 12;
S. Ambroise, De incarn. sacrant., i, t. xvi, col. 819;
S. Grégoire, Epist. cxxii, t. lxxvii, col. 1053. L'Épitre
)l eiAUTAlKAieiA: ITI i E z
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277. — Sacrifice et banquet sacré. Bas-relief votif. - En haut, la
prêtresse d'une association religieuse (thiase), les mains jointes,
fait amener la victime près de l'autel, devant lequel se tiennent
Apollon citharède et Cybèle. En bas, les membres de l'associa-
tion prennent part au repas sacré. A gauche, au-dessous, des
musiciens ; adroite, des esclaves remplissentde vin des cratères.
aux Hébreux, xi, 4, l'indique particulièrement : « C'est
par la foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excel-
lent que celui de Caîn. » D'après les versions, « regarder »
équivaut ici à «se complaire»; seul, Théodotion traduit
le mot par èveuyptuev, « il consuma ». Cf. Lev., ix, 24;
S. Jérôme, Hebr. qusest. in Gen., t. xxm, col. 944. Le
texte ne dit rien sur la cause qui détermina Caîn et Abel
à faire leurs oblations. Peut-être Dieu intervint-il pour
formuler un ordre ou un désir; on s'expliquerait ainsi
l'obéissance extérieure de Caîn et son mauvais vouloir
intérieur. Toutefois, conformément au génie de la lan-
gue hébraïque, s ne pas regarder », opposé à « regarder »
1317
SACRIFICE
1318
pourrait très bien signifier «regarder moins favora-
blement », comme d'ailleurs l'insinue le texte de l'Épilre
aux Hébreux. Dès lors, il serait permis de supposer que
les deux frères ont obéi à une inspiration de conscience,
ouquel'unaagià l'imitation de l'autre, maisavec dessen-
timents devaleur inégale. En somme, ce passage biblique
note l'apparition des premiers sacrifices, mais ne per-
met pas de discerner la vraie cause de cette institution.
2° Noé. — Au sortir de l'arche, Noé construit un
autel, prend des animaux et des oiseaux purs et les offre
en holocauste sur l'autel. Dieu agrée ce sacrifice.
Gen., vin, 20, 21. Pendant les longs siècles qui se sont
écoulés entre Adam et Noé, l'institution des sacrifices
s'est développée. L'autel est apparu. Les animaux ont
été distingués en purs et impurs, les purs étant ceux
que l'homme a pris à son service ou dont il tire utilité.
Ces victimes vivantes ne sont plus seulement l'objet
d'une oblation, comme au temps d'Abel; elles sont
immolées et entièrement consumées sur l'autel. Les
circonstances autorisent à penser que, par ce sacrifice,
Noé entend reconnaître la souveraineté de Dieu et le
remercier de sa propre préservation. Dieu répond à
cette double pensée du patriarche en lui assurant que
désormais la préservation sera générale et en lui délé-
guant quelque chose de sa souveraineté sur tous les
animaux. — Rien n'est encore dit sur l'origine des
sacrifices. Ont-ils été, dans l'idée de ceux qui les ont
offerts les premiers, des dons intéressés où désin-
téressés, une sorte de rançon payée à Dieu pour avoir
droit ensuite de se servir des êtres qui font partie de
son souverain domaine, un expédient pour justifier
l'immolation des animaux dont on sentait le besoin de
se nourrir, et ensuite un acte d'hommage à la divinité,
pour lui témoigner reconnaissance ou repentir et s'unir
à elle par la communion à la même victime? Aucune
réponse n'est suggérée par le texte sacré. Cf. Revue
biblique, 1906, p. 472. Saint Thomas, Sum. theol., I a
II*, q. cm, a.l, pense que les anciens hommes offraient
leurs sacrifices en vertu d'une certaine dévotion qui
portait leur volonté à faire ce qui paraissait convenable,
et qu'on peut croire que plusieurs d'entre eux, doués
d'un esprit prophétique, ont été poussés par un instinct
divin à instituer une manière particulière d'honorer
Dieu. Il n'y aurait donc pas eu révélation directe de
Dieu pour l'institution des sacrifices, mais seulement
inspiration à certains personnages dont ensuite
l'exemple aurait fait loi.
3° Abraham. — Quelques siècles s'écoulent entre Noé
et Abraham. La notion du sacrifice s'est précisée chez
les descendants de Sein. « Le sacrifice des Sémites n'est
ni un vulgaire contact intéressé, ni la becquée tendue
aux dieux, ni le renouvellement des liens du sang avec
le dieu au moyen d'une victime de nature divine. C'est
l'expression, par un acte solennel, de cette idée que
tout appartient au dieu, et la reconnaissance de ce
droit, en même temps que l'expression du désir de sp
rapprocher de lui. Ce désir étant la base même du sen-
timent religieux, le sacrifice est l'acte religieux par
excellence. » Lagrange, Éludes sur les religions sémi-
tiques, p. 274. Abraham élève des autels et invoque le
nom de Jéhovah, sans nul doute en lui offrant des sa-
crifices. Gen., xn, 7, 8; xm, 18. Devant lui, Melchisédech
donne un caractère religieux à son offrande du pain et
du vin. Gen., xiv, 18. Voir Melchisédech, t. iv, col. 939.
Puis, pour sceller son alliance avec Jéhovah, Abraham
reçoit l'ordre d'apporter une génisse de trois ans, une
chèvre et un bélier de même âge, une tourterelle et
un jeune pigeon. Il les partage par le milieu, sauf les
oiseaux, et il met chaque moitié vis-à-vis de l'autre.
A la nuit tombée, un feu passe qntre les animaux ainsi
partagés. Gen., xv, 9, 10, 17. Ce rite paraît avoir été
spécialement pratiqué par les Chaldéens pour conclure
des alliances. On divisait ainsi le corps des victimes et
chaque parlie contractante passait entre elles. Jéhovah
passa, sous forme de feu, entre les animaux partagés
par Abraham, et celui-ci passa de même, bien que le
texte sacré ne juge pas nécessaire de le mentionner.
Ce rite se maintint parmi les Israélites. Dans Jérémie,
xxxiv, 18, 19, Jéhovah se plaint des chefs de Juda qui',
après avoir « passé entre les moitiés du jeune taureau »,
ont été infidèles à l'alliance ainsi contractée avec lui.
On dit, en hébreu, kârat berîf, « couper une alliance »,
c'est-à-dire la contracter. Gen., xv, 18; Exod., xxiv, 8;
Deut., iv, 23, etc. De même, en grec, l'expression
opxia ts[ivsiv, « couper des serments », Iliad., H, 124;
ni, 94, 105, etc., se réfère au même usage et signifie
« conclure un traité ». En passant l'un après l'autre
entre les deux parties des victimes, les contractants
voulaient marquer que désormais ils ne faisaient qu'un,
comme les deux moitiés opposées. En même temps, le
sort infligé aux victimes les menaçait eux-mêmes s'ils
se montraient infidèles à l'alliance. C'est ce que le
passage de Jérémie, xxxiv, 18, donne à entendre. Un
usage analogue se retrouve encore chez les Arabes.
Quand ils sont sous le coup d'une calamité, « chaque
famille prend une brebis qui servira de victime de ré-
demption, l'immole, la divise en deux parties égales
qu'elle suspend, l'une vis-à-vis de l'autre, sous la tente
ou en dehors, à deux piquets de bois. Tous les membres
de la famille doivent passer entre les deux morceaux
de cette victime. Les enfants incapables de marcher
sont portés par la mère. » A. Jaussen, Coutumes arabes,
dans la Revue biblique, 1903, p. 248. Cf. Hérodote, vu,
39. Le texte sacré n'indique pas si les victimes immolées
par Abraham furent ensuite brûlées, ou mangées parlùi
et les siens, ou abandonnées aux oiseaux de proie qui
s'étaient d'abord abattus sur elles. Gen., xv, 11. Il n'y
en avait pas moins là un sacrifice destiné à consacrer
une alliance. — Une autre fois, Abraham, pour obéir
à un ordre de Dieu, se dispose à offrir son fils Isaac en
holocauste. Il donne ainsi la preuve d'une obéissance
prête à tout pour rendre honneur à Dieu. Arrêté dans
l'exécution de cet ordre, le patriarche substitue un
bélier à son fils et l'offre en holocauste. Gen., xxii, 2-13.
Ici, l'idée de la substitution est nettement accusée.
Toute vie humaine appartient à Dieu, qui peut en dis-
poser à son gré; la vie de l'animal n'est sacrifiée qu'à
la place de la première. — D'autres autels sont élevés par
Isaac, Gen., xxvi, 25, etJacob,xxvni,18;xxxiii, 20;xxxv,
14, qui y font des onctions, des libations, et probablement
aussi les destinent à des sacrifices. Cf. Gen.,xxxi, 54.
4° Job. — Ce saint homme suit encore les coutumes
patriarcales. Périodiquement, il offre le matin un holo-
causte pour chacun de ses fils, en se disant : « Peut-être
mes fils ont-ils péché et offensé Dieu dans leur cœur. »
Job, i, 5. Ce sont là des sacrifices expiatoires. Il n'en a
pas encore été rencontré de pareils dans l'histoire des
anciens patriarches. A la suite de la discussion, Dieu
enjoint aux amis de Job d'offrir en holocauste sept
jeunes taureaux et sept béliers, en expiation de la folie
de leurs discours. Job, xlii, 8.
5° Moïse. — Au pied du Sinaï, après la promulgation
du décalogue, Moïse charge des jeunes gens d'offrir
des holocaustes et d'immoler des taureaux en sacrifices
d'actions de grâces. Puis il verse la moitié du sang
sur l'autel et, avec l'autre moitié, asperge le peuple en
disant : t C'est le sang de l'alliance que Jéhovah a conclue
avec vous.» Exod., xxrv, 5-8. Cf. Heb., ix, 19-22. Il y a là
un sacrifice destiné à confirmer un contrat d'alliance.
Les contractants se partagent le sang des mêmes vic-
times; Dieu en reçoit la moitié sur son autel, le peuple
reçoit le reste par l'aspersion, et dès lors Israël acquiert
de nouveaux droits et se soumet à de nouveaux devoirs.
III. Sacrifices mosaïques. — Les sacrifices tiennent
une très grande place dans le culte institué par Moïse
sur l'ordre de Dieu. Les sacrifices existaient chez tous
1319
SACRIFICE
1320
'es autres peuples; les Israélites, avec leurs instincts
idolàtriques, ne devaient être que trop portés à imi-
ter leurs voisins qui sacrifiaient aux idoles. Un culte
purement spirituel n'aurait pas suffi à les maintenir
dans la fidélité à Jéhovah. Il leur fut dit plus tard : « Je
n'ai pas parlé à vos pères et je ne leur ai pas donné
de commandements en matière d'holocaustes et de sa-
rifices, le jour où je les ai fait sortir du pays d'Egypte.
Mais voici le commandement que je leur ai donné :
Ecoutez ma voix, et je serai votre Dieu et vous serez
mon peuple. » Jer., vu, 22, 23. L'érection du veau d'or
et les sacrifices qui lui furent offerts, Exod., xxxn, 6,
ne tardèrent pas à montrer que le peuple avait besoin
de rites extérieurs qui le rattachassent puissament au
culte de Jéhovah. Aussi « Moïse, par ordre de Dieu,
prescrivit ces observances aux Hébreux à cause de
leur faiblesse et de l'endurcissement de leurs cœurs,
de peur qu'il ne méprisassent une religion nue et ne
s'attachassent aux faux dieux, dont ils voyaient le culte
embelli par de pompeuses cérémonies. » S. Éphrem,
Op. syriac., t. H, p. 114. Cf. S. Jérôme, In ls., I, 12,
t. xxiv, col. 31; S. Thomas, Sum. theol., V II», q. en,
a. 2 et 3, ad l» m .
Les sacrifices institués par Moïse sont les suivants :
1° Sacrifices sanglants. — 1. Holocauste, 'ôldh, dans
lequel la victime est tout entière brûlée sur l'autel.
Voir Holocauste, t. ni, col 729-734.
2. Sacrifice pacifique, ïélêm, ëeldmîm, Ouerîa Gtû-cr,-
oso-j, hostia pacificorum. — La victime pouvait être mâle
ou femelle, de gros ou de menu bétail. Après l'avoir
immolée, on lui enlevait la graisse qui entoure les en-
trailles, les deux rognons avec leur graisse, la taie du
foie,- et en plus, dans la race ovine, la queue tout
entière, à cause de son volume de graisse. Voir Brebis,
t. I, col. 1912. Toutes ces parties étaient brûlées sur
l'autel et le sang de l'animal était répandu tout autour.
Lev., m, 1-17. Des oblations accompagnaient ce sacrifice.
La chair de la victime pouvait être mangée par les
prêtres et par tout Israélite, à condition qu'il fût en
état de pureté. On devait la manger le jour même, à moins
que le sacrifice ne fût offert par suite d'un vœu ou
comme offrande volontaire, auquel cas l'on pouvait
encore en manger le lendemain. Ce qui en restait ensuite
devait être brûlé. Lev., vu, 11-21.
3. Sacrifice pour le péché, hatâ'dh, àfispii'a, pro pec-
cato. — Ce sacrifice variait suivant la qualité du cou-
pable. Pour le prêtre ayant reçu l'onction, c'est-à-dire
pour le grand-prêtre, on immolait un taureau. Le grand-
prêtre faisait diverses aspersions avec son sang et ré-
pandait le reste au pied de l'autel; il enlevait les mêmes
parties de l'animal que dans le sacrifice pacifique et les
brûlait sur l'autel. Tout le reste de la victime était em-
porté hors du camp et consumé par le feu à l'endroit
où l'on jetait les cendres. — Pour l'assemblée d'Israël,
on prenait un jeune taureau, les anciens du peuple
venaient poser les mains sur sa tête, puis on procédait
comme dans le cas précédent. — Pour un chef, on
prenait un bouc mâle, le chef lui imposait les mains et
on brûlait les graisses sur l'autel. — Pour un. homme
du peuple, la victime était une chèvre ou un agneau. —
A la suite des trois fautes suivantes, réticence coupable
devant le juge, contact d'une chose impure, serment à
la légère, on immolait une brebis ou une chèvre, à
leur défaut deux tourterelles ou deux pigeons, que les
plus pauvres pouvaient remplacer par un dixième d'éphi
de fleur de farine qu'on faisait brûler sur l'autel sans
huile ni encens. Lev., iv, 1-v, 13. Le prêtre qui offrait
la victime avait le droit de la manger dans le lieu saint,
ce qui d'ailleurs n'avait pas lieu pour les victimes du
grand-prêtre et de l'assemblée d'Israël qui, toutes deux,
devaient être brûlées hors du camp. Lev., vi, 21-30.
4 Sacrifice pour le délit, 'àsâm, Tikr^yjùiia, pro de-
liclo. — La victime à offrir était toujours un bélier. Le
délit consistait, dans les choses saintes, à retenir par
erreur quelque chose des offrandes dues à Jéhovah ou
à faire inconsciemment un acte qu'il défend, et, dans
les choses profanes, à dénier au prochain, avec faux ser-
ment, un dépôt, un gage, un objet volé ou perdu. Lev.,
v, 14-vi, 7. On versait autour de l'autel le sang de la
victime, on enlevait les parties ordinaires et la queue
pour les brûler sur l'autel, et. le prêtre mangeait le
reste en lieu saint. Lev., vu, 1-7.
5. Sacrifices spéciaux. — Le sacrifice de consécra-
tion, millu'im, tsXsiwoiç, pro consecratione, Lev., vu,
37, est celui qui servit à consacrer Aaron et ses fils.
Exod., xxix, 4-28. Il comprenait un taureau pour le
péché, un bélier en holocauste et un bélier de consé-
cration, dont le sang servit à oindre Aaron et ses fils à
l'oreille droite, à la main droite et au pied droit, et qui
fut ensuite en partie brûlé en holocauste et en partie
mangé par les nouveaux consacrés. Lev. , vin, 14-36. — Le
sacrifice pour le lépreux. Lev., xiv, 1-32. Voir Lèpre,
t. IV, col, 183, 184. — Le sacrifice de la vache rousse.
Num., xix, 2-10. Voir Vache rousse.
2» Sacrifices non sanglants. — Ils consistaient à offrir
et à faire consumer par le feu de l'autel différentes
substances, comestibles ou non. Ils accompagnaient,
toujours les holocaustes et les sacrifices pacifiques, mais
n'étaient pas joints aux sacrifices pour le péché. Ils
se faisaient aussi. indépendemment des sacrifices san-
glants. Voir Oblation, t. iv, col. 1725-1731; Libation,
t. iv, col. 234-237.
3° Sacrifices publics. — La loi prescrivait onze sacri-
fices d'un caractère public intéressant toute la nation.
— 1. Le sacrifice perpétuel ou quotidien. Chaque jour,
on offrait en holocauste deux agneaux d'un an, un le
matin et un autre l'après-midi, avec une oblation de
farine pétrie à l'huile et une libation de vin. Exod., xxix,
38-42; Num., xxvm, 3-8; I Esd., m, 4; IIEsd., x, 33.
. — 2. Le sacrifice du sabbat, qui ajoutait au sacrifice
quotidien deux agneaux d'un an en holocauste, avec
l'oblalion et la libation. Num., xxvm, 9, 10. — 3. Le
sacrifice de la néoménie, comprenant deux jeunes tau-
reaux, un bélier et sept agneaux d'un an en holocauste,
avec des oblations et des libations, et de plus un bouc
en sacrifice pour le péché. Num., xxvm, 11-15. — 4. Le
sacrifice de la Pàque, qui répétait chacun des sept
jours de la fête le même sacrifice qu'à la néoménie,
Num., xxvm, 16-25; Deut., xvi, 2. — 5. L'holocauste
d'un agneau d'un an, avec oblation et libation, le jour
où l'on présentait la première gerbe de la moisson.
Lev., xxm, 10-13. — 6. Le sacrifice de la Pentecôte,
identique à celui de la néoménie. Lev., xxm, 17; Num.,
xxvm, 27-31. — 7. Le sacrifice qui accompagnait les
pains de la Pentecôte et comprenait, avec le bouc en
sacrifice pour le péché, deux agneaux d'un an en sacri-
fice pacifique. Lev., xxm, 19, 20. — 8. Le sacrifice de
la nouvelle année qui, outre le sacrifice quotidien et
celui de la néoménie, se composait d'un jeune taureau,
d'un bélier, de sept agneaux d'un an, avec leurs obla-
tions et leurs libations, et d'un bouc pour le péché.
Num., xxix, 2-6. — 9. Au jour de l'Expiation, on offrait
en holocauste un jeune taureau, un bélier et sept agneaux
d'un an, avec les oblations et les libations; des deux
boucs présentés, l'un était offert en sacrifice pour le
péché etl'autre chassé au désert. Lev., xvi, 5-16; Num.,
xxix, 7-11. — 10. A la fête des Tabernacles, on sacri-
fiait en holocauste treize jeunes taureaux, deux béliers,
quatorze agneaux d'un an, le tout accompagné d'obla-
tions et de libations, et un bouepour le péché. Les mêmes
sacrifices se répétaient les six jours suivants, à cela près
que chaque jour on diminuait d'une unité le nom bre des
taureaux. Num., xxix, 13-34. — 11. Le huitième jour
de la fête des Tabernacles, on sacrifiait un taureau, un
bélier et sept agneaux d'un an, avec les oblations et
les libations, et un bouc pour le péché. Num., xxix, 36-
1321
SACRIFICE
1322
38. — Ces divers sacrifices ne dispensaient jamais du
sacrifice quotidien ni des sacrifices du sabbat. On ne
pouvait rien y ajouter ni rien en retrancher. On ne
pouvait non plus changer la nature des victimes pres-
crites, Lev., xxvil, 10, ni présenter des animaux femelles
ou des oiseaux. Le sabbat ne les empêchait jamais.
. 4° Sacrifice quotidien. — Parmi tous ces sacrifices,
une place à part était occupée par le sacrifice quotidien,
appelé 'olaf haf-tâmîd, « holocauste perpétuel », Num.,
xxviii, "10; I Esd., ni, 5; II Esd., x, 3Ï, etc., ou sim-
plement ha(-(ârnîd, « le perpétuel ». Dan., vin, 11-13;
xi, 31; Pesackim, v, 1 ; Yoma, vin, 3, etc. Ce sacrifice
fait l'objet du traité Tamid delà Mischna. Matin et soir,
on offrait chaque jour en holocauste un agneau d'un
an, avec un dixième d'éphi de fleur de farine pétrie dans
un quart de hin d'huile d'olive, et une libation d'un
quart de hin de vin. Exod., xxix, 38-42; Num., xxvm,
3-8. Le sacrifice du malin était offert au lever du jour,
et le second « entre les deux soirs », voir Som, ce que
l'on entendait pratiquement de la neuvième heure ou
trois heures de l'après-midi. La fixation des heures du
matin et du soir, pour le sacrifice perpétuel, parait
d'ailleurs avoir varié avec les époques. Cf. Philon, De
victimis, 3, édit. Mangey, t. h, p. 240; Jo3èphe, Ant. jud.,
III, x, 1; XIV, iv, 3; Cont. Apion., h, 8. Au temps
d'Achaz, il n'est question que de l'holocauste du matin
et de l'oblation du soir. IV Reg., xvi, 15. L'heure de
l'oblation, III Reg., xvm, 29, 36, serait ainsi dans l'après-
midi. Mais comme d'après Ézéchiel, xlv, 17, le roi faisait
les frais de l'holocauste, on pourrait considérer « l'holo-
causte du roi et son oblalion », IV Reg., xvi, 15, comme
représentant la matière du second sacrifice quotidien.
Le double sacrifice quotidien est mentionné par I Par.,
xvi, 40; II Par., xm, 11; xxxi, 3. — Le sacrifice du
soir est rappelé par I Esd., ix, 4, 5; Dan., ix, 21. Dans
un passage d'Ézéchiel, xlvi, 13-15, il est dit que chaque
matin on doit offrir à Jéhovah l'agneau d'un an en
holocauste et l'oblation. Les versions supposent que la
charge de ce sacrifice revient au prince. En tout cas,
il n'est parlé que d'un seul sacrifice quotidien. Mais le
prophète ne fait ici ni de la législation ni de l'histoire ;
il décrit un culte idéal. Son apparente restriction ne
peut donc prévaloir contre d'autres textes très positifs.
La cessation du sacrifice perpétuel était considérée
comme la pire des calamités. Dan., vm, 11-43; xi, 31;
XII, 11. Le sacrifice perpétuel cessa d'être offert, pendant
la guerre de Judée, le 17 thammouz (10 juin 70) et les
Juifs ont consacré la mémoire de ce jour par un jeûne.
Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, n, 1 ; Taanith, iv, 6.
5° Sacrifices privés. — C'étaient les sacrifices offerts
par un particulier, quelle que fût sa qualité. On en
distinguait cinq sortes : — 1. Ceux qui étaient offerts
pour le péché ou pour le délit. — 2. Ceux qui concer-
naient la personne : pour le flux du sang, deux tourte-
relles ou deux pigeons, un en holocauste, l'autre pour
le péché, Lev., xv, 14,15, 29, 30; pour le lépreux, deux
agneaux et une brebis d'un an, ou, si le lépreux est
pauvre, un agneau et deux tourterelles ou deux pigeons,
Lev., xiv, 10, 21, 22; pour la femme qui vient d'enfanter,
un agneau en holocauste, un pigeon ou une tourterelle
pour le péché, et, si elle est pauvre, deux pigeons seu-
lement ou deux tourterelles, Lev., xn, 6, 8; pour celui
qui a touché un mort, Num., xix, 2, 3; pour le prosé-
lyte, etc. — 3. Ceux qui concernaient les biens, premiers-
nés, prémices, dimes, etc. — 4. Ceux qu'on offrait à
certaines occasions, particulièrement quand on allait à
Jérusalem pour les trois grandes fêtes. Exod.,xxm,15;
Deut., xvi, 16, 17. — 5. Ceux qu'on offrait par suite de
vœux ou de promesses, comme celui du nazaréat, Num.,
VI, 13-21. — A ces sacrifices privés, on assimilait le sa-
crifice pour l'erreur de tout le peuple, Lev., iv, 13;
Num., xv, 24-26, et d'autres sacrifices qui avaient un
caractère officiel et ne pouvaient être empêchés par le
sabbat : l'immolation de l'agneau pascal, le taureau et
le bélier immolés par le grand-prêtre au jour de
l'Expiation.
IV. Rituel des sacrifices. — Des règles précises,
indiquées par la loi mosaïque et développées par la
tradition, présidaient à la célébration des sacrifices et ne
laissaient rien à l'arbitraire des ministres sacrés. Le
traité Sebachim de la Mischna s'occupe de ces règles.
En voici le résumé :
l°Les piclimes. —Elles étaient choisies exclusivement
dans les races bovine, ovine et caprine, pour les quadru-
pèdes, et dans les tourterelles et les pigeons parmi les
oiseaux. Le taureau ne devait pas dépasser la troisième
année, bien qu'on pût en admettre de quatre ou cinq
ans. Siphra, f. 94, 1. Le veau ne pouvait avoir plus
d'un an. L'agneau devait avoir de huit jours à un an, et
l'on ne pouvait sacrifier le même jour le petit et sa mère.
Lev., xxn, 27-28. Le bélier et le bouc ne devaient avoir
ni moins d'un an ni plus de deux. Para, i, 3; Siphra,
f. 94, 1,-2; Gem. Rosçh haschanah, 10, 1. Il fallait que
tous ces aninaux fussent sans défaut. Lev. , xxn, 20. Les
tourterelles devaient être adultes et avoir leurs plumes;
parmi les pigeons, au contraire, on ne prenait que des
petits. Siphra, f. 64, 2; Chullin, I, 5. Le sexe des
oiseaux n'importait pas. Parmi les quadrupèdes, on ac-
ceptait les mâles et les femelles dans les sacrifices paci-
fiques et pour le péché, les mâles seulement dans les
sacrifices pour le délit. Siphra, f. 48, 1. L'agneau
pascal devait être mâle, Exod., xn, 5; l'animal offert
comme premier-né ou pour la dime pouvait être mâle
ou femelle. Siphra, f. 86, 1. Des inspecteurs, que
saint Clément de Rome, Ad Cor., I, 41, t. i, col. 289,
appelle |i«>|jt.oax(5itoi, et que mentionnent aussi Philon,
Clémentd'Alexandrie et saint Jean Chrysostome, cf. ibid.
note, veillaient à ne laisser passer aucune victime qui
ne fût dans les règles. Les docteurs comptaient vingt-
trois défauts qui pouvaient les rendre impropres aux
sacrifices. Quand un animal devait être remplacé par
un autre, tous les deux étaient consacrés au Seigneur.
Le traité Temura de la Mischna s'occupe de ces
remplacements.
2° L'adduction . — Dans les sacrifices publics, on ache-
tait les victimes aux frais du trésor public. Quant aux
particuliers, ils pouvaient soit amener leurs victimes
eux-mêmes, soit les acheter à Jérusalem, où il s'en
trouvait toujours en grand nombre. On alla même
jusqu'à en faire le trafic dans le Temple. Joa., n, 14;
Matth., xxi, 12; Marc, xi, 15; Luc, xix, 45. Celui qui
voulait faire offrir le sacrifice conduisait la victime, ou,
si elle était petite, il la portait les pattes liées. S'il s'agis-
sait de sacrifices très saints, nom sous lequel on com-
prenait tous les holocaustes, tous les sacrifices pour le pé-
ché et le délit, et les sacrifices pacifiques publics, la vic-
time pénétrait dans le sanctuaire par la porte du nord,
appelée porte de l'oblation; pour les autres sacrifices,
elle pénétrait par la porte du sud. On la tournait alors
du côté de l'occident, « devant la face de Jéhovah. »Lev.,
xvi, 7, 10; cf. Rom., xn, 1.
3° L'agitation. — C.était un mouvement particulier
qu'on imprimait à certaines victimes en les offrant. Voir
Oblation, t. iv, col. 1728. Pour cet acte, l'offrant
prenait la victime dans ses mains et le prêtre, se tenant
à l'entrée du parvis de l'autel, mettait ses mains sous
celles de l'offrant; puis tous deux ensemble portaient
la victime d'arrière en avant, d'avant en arrière, de bas
en haut, et de haut en bas. Les deux premiers mouve-
ments constituaient la lenûfdh et les deux autres la
terûmâh. Lev., x, 15. Le concours du prêtre était requi?
pour l'agitation. Elle n'avait lieu, pour des victimes vi-
vantes, que dans les sacrifices publics et dans le sacri-
fice pour le délit du lépreux. On l'omettait toujours
quand le sacrifice était présenté par une femme ou par
un gentil. Menachoth, v, 6, 7; Siphra, f. 38, 1; 40, 1.
1323
SACRIFICE
1324
4° L'imposition des mains. — L'offrant, tourné vers
l'occident, imposait de toutes ses forces les deux mains
à la victime entre les deux cornes, en manifestant son
repentir ou sa reconnaissance, suivant la nature du
sacrifice. 11 ne pouvait se faire remplacer par un autre,
sauf quand un héritier acquittait le vœu d'un défunt.
Si plusieurs offraient un même sacrifice, chacun devait
imposer les mains successivement. Cette obligation ne
visait pas les femmes, les gentils, les insensés, les mi-
neurs, les esclaves, les sourds et les aveugles. Siphra,
38, 1; 42, 2; 43, 1; 50, 2. Voir Impositions des mains,
t. m, col. 848. L'imposition des mains n'avait lieu
que dans les sacrifices privés et dans deux sacrifices
publics : le grand-prêtre imposait les mains sur le bouc
émissaire, Lev., xvi, 21, et les anciens les imposaient
sur le taureau offert pour le péché de toute l'assemblée.
Lev., iv, 15. Trois membres du sanhédrin faisaient cette
dernière imposition. Siphra, 50, 1. On lit cependant que
dans une cérémonie extraordinaire de purification du
Temple, le roi Ézéchias et l'assemblée imposèrent les
mains sur sept boucs expiatoires. II Par., xxix, 23. Les
règles n'étaient pas les mêmes pour l'imposition des
mains et l'agitation : chacun de ceux qui offraient une
victime lui imposait les mains, un seul l'agitait; on im-
posait les mains dans les sacrifices publics et privés, on
n'agitait que dans ces derniers; on n'imposait les
mains qu'aux animaux, mais on agitait même les obla-
tions inanimées. Siphra, 38, 1.
5° L'immolation. — La victime était immédiatement
égorgée. Pour les sacrifices très saints, elle était liée
et attachée à des anneaux au nord de l'autel ; pour les
autres, l'opération se faisait dans le parvis, ordinaire-
ment à l'orient. On saisissait l'animal par la bouche,
et on lui faisait tendre la gorge qu'on tranchait avec le
couteau sacré, de manière que le sang coulât dans un
vase. Tout Israélite pouvait égorger, Lev., i, 5, même
une femme, un esclave ou un impur, auquel cas il
suffisait que celui qui ne pouvait entrer dans le parvis
tint le couteau à l'intérieur du parvis. Sebachim, m,
1 ; Gem. 1er. Yoma, 39, 2. Les sourds, les insensés
et les mineurs étaient récusés comme incapables.
Chullin, i, 1. En fait, les prêtres ou, à leur défaut, les
lévites, II Par., xxix, 24, 34, se chargeaient de l'opéra-
tion. Elle demandait une certaine habileté, acquise par
des exercices répétés, car il y avait cinq manières
défectueuses de manier le couteau, par suite desquelles
l'immolation devenait illégitime. On ne pouvait égorger
deux victimes du même coup. Siphra, 201, 2. Pour
assurer l'observation de la loi qui défendait l'immola-
tion simultanée de la mère et du petit, Lev., xxil, 27,
on obligeait les marchands à déclarer quatre fois l'an
s'ils avaient vendu pour être égorgés la mère ou le
petit d'un animal. Ces déclarations se faisaient à
l'octave des Tabernacles, à la veille de la Pàque, à la
Pentecôte et à la nouvelle année. Siphra, 244, 2.
L'égorgement des oiseaux se faisait avec l'ongle. Voir
Oiseau, t. iv, col. 1768.
6° Le lieu et le temps. — Les immolations pour les
sacrifices ne pouvaient avoir lieu que dans le Temple.
Deut., xii, 14. Dans les sacrifices très saints, on opérait
au nord de l'autel, Lev., i, 11; VI, 25; vu, 2, c'est-à-
dire dans l'espace compris entre l'autel et le mur sep-
tentrional, Siphra, f. 63, 2; dans les autres, l'immo-
lation se faisait en tout endroit du parvis, sauf au nord
et à l'ouest de l'autel. La victime égorgée dans un
endroit autre que l'endroit marqué était brûlée; quant
à l'auteur de l'infraction, il méritait la mort ou le
retranchement, s'il avait agi avec intention, et devait
offrir un sacrifice expiatoire, s'il avait agi par inad-
vertance. La peine n'était pas encourue si la victime
ne convenait pas pour un sacrifice. L'immolation et
l'effusion du sang devaient se foire pendant le jour. On
pouvait cependant brûler la nuit les déchets des vic-
times et les membres des holocaustes, jusqu'à l'aurore
du jour suivant, Megilla, H, 6, bien qu'en général on
s'appliquât à tout terminer de jour, ou au moins avant
minuit.
7» L'emploi du sang. — Les prêtres commençaient
par le recueillir, sur le lieu même de l'immolation,
dans un ou plusieurs vases d'argent, en prenant soin
que rien n'en restât dans la victime ou ne tombât à
terre. On ne recueillait d'ailleurs que celui des qua-
drupèdes. On se servait cependant de la main pour
recevoir une partie de celui qui devait être employé à
faire les onctions aux lépreux. — Le sang, recueilli
dans le vase d'argent ou versé dans un vase d'or, était
agité avec un bâton, pour qu'il ne se coagulât pas.
Dans les holocaustes, les sacrifices pacifiques et pour le
péché, le prêtre montait à l'autel et y versait le sang
d'abord au coin nord-est, puis au coin sud-ouest, de
manière qu'il coulât de part et d'autre. Dans les sacri-
fices pour le délit, le prêtre trempait son index droit
dans le sang et en teignait successivement les quatre
coins de l'autel en commençant par le sud-est et en
finissant par le sud-ouest. Le sang qui restait dans le
vase se versait dans une cavité ménagée au sud de
l'autel, d'où un conduit le faisait arriver au Cédron.
Meïla, m, 2. Quand il s'agissait d'oiseaux, on tirait le
sang directement du corps de la victime pour teindre
les coins de l'autel ou le verser à sa base. Si le sacri-
fice était offert pour un délit douteux et qu'après
l'immolation de la victime on s'aperçût qu'il n'y avait
pas eu de délit, le sang était versé au conduit du Cédron.
— L'effusion du sang sur l'autel constituait la partie
principale du sacrifice; tant qu'elle n'avait pas été faite,
personne ne pouvait profiter des effets du sacrifice.
Les docteurs disaient que « quand le sang touche
l'autel, les péchés de ceux qui offrent le sacrifice sont
expiés. » Gem. Sebachim, 26, 2. De là cette parole
de l'Épitre aux Hébreux, vu, 22 : « D'après la loi,
presque tout se purifie avec du sang et, sans effusion
de sang, j(<»pl; a'nj.azz*.xv<;laç, il n'y a pas de rémission. i>
8» L'écorchement. *— Aussitôt après l'effusion du
sang, la victime était écorchée. Voir Peau, t. îv, col. 3.
9° Le dépècement. — La victime était mise en mor-
ceaux. Lev., i, 6. On lui coupait successivement la tête,
les cuisses, les épaules, et le reste. Saint Paul fait
peut-être allusion à cette division systématique quand
il recommande à son disciple de « couper en ligne
droite, 6p8oTO[i.eïv, la parole de vérité, » c'est-à-dire de
l'exposer méthodiquement par parties. II Tim., n, 15.
On emportait dans la chambre du lavage les jambes et
les entrailles, Lev., i, 9, pour les laver, ces dernières
jusqu'à trois fois, puis on les rapportait sur les tables
de marbre, au nord de l'autel, où on les lavait de
nouveau. Quand la victime devait revenir toute entière
aux prêtres ou à ceux qui l'offraient, cette dissection
n'avait pas lieu; on se contentait de retirer la graisse
et les entrailles. Lev., ni, 9, 10. Dans les sacrifices
pacifiques privés, on enlevait seulement la cuisse droite
et la poitrine, qui revenaient aux prêtres; car, dans
ces sacrifices, on devait poser ces morceaux sur un
plateau, avec la graisse et les entrailles au-dessous, et
les agiter de nouveau. Lev., vu, 30; Num., vi, 19, 20>
Dans les sacrifices pacifiques publics, l'agitation se
recommençait également après l'immolation.
10° Le transport à l'autel. — Les prêtres portaient
à l'autel les parties des victimes qui devaient être brû-
lées. Dans l'holocauste, six prêtres portaient les petites
victimes, brebis ou chèvres, et deux autres portaient
l'un l'oblation, l'autre la libation. Il fallait onze prêtres
pour porter le bélier, et vingt-quatre pour le taureau,
dont deux pour l'oblation et deux pour la libation. A
la montée de l'autel, on salait les victimes, puis on les
déposait à des endroits déterminés de l'autel, et enfin
on les livrait au feu. Schekalim, vm,8. L'autel sancti-
1325
SACRIFICE
1326
liait tout ce qui le touchait, de sorte qu'il n'y avait plus
à descendre une victime qu'une souillure aurait
atteinte. Siphra, f. 1, 2; Matth., xxill, 19.
11° La manducation. — Dans les sacrifices pacifiques
publics et dans les sacrifices pour le péché et pour le
délit, les prêtres de la famille de l'officiant pouvaient
seuls manger la victime. Num., xvm, 10. Dans les
sacrifices pacifiques privés, une cuisse et la poitrine
de la victime revenaient au prêtre et à sa famille et
pouvaient être mangés dans la ville par tous ceux de
celte famille qui étaient purs. Num., xvih, 11, 18;Lev.,
x, 14. Les premiers-nés ne pouvaient èlre mangés que
par les prêtres. Num., xvm, 18. A ceux qui avaient
offert le sacrifice appartenaient, à part les entrailles
brûlées sur l'autel, le reste des victimes pacifiques
privées, la dîme des animaux et les victimes pascales.
Tous ceux qui étaient purs pouvaient en manger, mais
seulement à Jérusalem. Ces victimes étaient rôties,
bouillies ou cuites au gré de chacun. Sebachim, x, 7.
On devait manger ces victimes le jour même ou la
nuit suivante, sauf celles des sacrifices pacifiques
privés, pour lesquelles on avait deux jours. Lev., vu,
15-17. Les particuliers qui mangeaient leurs victimes
dans le Temple pouvaient y ajouter nn peu de vin,
mais non les prêtres.
12° La combustion. — Elle se faisait sur l'autel des
holocaustes. Cependant on brûlait hors de la ville, à
l'endroit où se portaient les cendres de l'autel, certaines
victimes qui ne pouvaient l'être sur l'autel, comme,
par exemple, l'agneau du sacrifice quotidien immolé
par erreur avant le lever du soleil. Meïla, h, 4; Yoma,
m, 2; vi, 7. Sur la montagne même du Temple, on
brûlait les victimes dans lesquelles on avait reconnu
un défaut après leur présentation. On brûlait dans
le parvis celles qui y avaient contracté quelque souil-
lure. Schekalim, vm, 7, Siphra, f. 18, 1. On brû-
lait dans les maisons de la ville, mais seulement de
jour, les restes des victimes pacifiques privées. Siphra,
f. 28, 1. Toutes ces combustions, à part celle qui
avait lieu sur l'autel des holocaustes, pouvaient être
exécutées par tout Israélite en état de le faire.
13° Les sacrifices des Gentils. — Les Gentils étaient
admis à offrir des sacrifices dans le Temple. Ils ne
pouvaient offrir que des holocaustes, à titre votif ou
volontaire. S'ils présentaient des victimes pacifiques,
on en faisait des holocaustes, et l'on ajoutait, aux frais
du trésor, les libations qu'ils ne fournissaient pas. On
n'acceptait naturellement que des victimes conformes
aux règles et l'on omettait l'imposition des mains et
l'agitation. Schekalim, vm, 6; Sebachim, iv, 5; Mena-
cholh, v, 3, 5, 6; vi, 1; ix, 8.
14° Les holocaustes. — Sur les règles particulières
à ces sacrifices, voir t. m, col. 729-731.
15° Les sacrifices pacifiques. — Les sacrifices privés
étaient de trois sortes : 1. Le zébah tôdâh, Buaîa
-/xpHoa'jYijî, hoslia pro graliarum actione, le sacrifice
d'actions de grâces, Lev., xxir, 29, qui pouvait être
nédér ou neddbah, s\r£r\ ou fccoiffiov, voto ou sponte,
offert par vœu ou spontanément. Lev., vu, 16. — 2. Le
sacrifice que chacun offrait à l'occasion des trois
grandes solennités. — 3. Le sacrifice qu'offraient les
nazaréens à la fin de la période de leur vœu. — Parmi
les sacrifices publics, il y en avait un qui était imposé,
celui des deux agneaux à la Pentecôte, Lev., xxm, 19;
d'autres étaient volontaires, comme ceux dont il est
question II Reg., vi, 17; III Reg., vm, 63; II Par.,xxx,
22, etc.
16» Les sacrifices pour le péché. — 1. Dans les sacri-
fices publics, on ne brûlait que le bouc du jour de
l'Expiation, les boucs pour le péché d'idolâtrie et le
taureau pour le péché du peuple. Lev., iv, 13. Les
autres victimes revenaient aux prêtres. Dans les sacri-
fices privés, on ne brûlait que le taureau pour le péché
du grand-prêtre, Lev., IV, 3, et celui du jour de l'Expia-
tion. — 2. Les victimes des sacrifices pour le péché
étaient fixes ou variables. Les fixes étaient les mêmes
pour les riches et pour les pauvres, à la suite des
péchés par erreur, des fautes contre l'un des 365 pré-
ceptes négatifs du Pentateuque, des péchés d'action, et
de ceux qui, commis de propos délibéré, eussent
entraîné la peine du retranchement. Les victimes varia-
bles étaient plus ou moins considérables, seloQ les
moyens de ceux qui les offraient. On laissait le choix
à six sortes de personnes : au lépreux, Lev., xiv, 21,
à la femme qui venait d'enfanter, Lev., iv, 6, 8, à celui
qui n'avait pas déclaré la vérité en justice, Lev., v, 1, à
celui qui avait fait un faux serment sans le savoir, à
celui qui, en état d'impureté, avait mangé d'une
victime sans le savoir,* enfin à celui qui était entré
dans le Temple en état d'impureté. — 3. Le contact des
victimes pour le péché entraînait de rigoureuses con-
séquences. Tout ce qui touchait la chair de la victime
était sacré. Ce qui était taché de son sang, avant qu'il
fût répandu à l'autel, devenait impur. Le vêtement
souillé devait être lavé dans le lieu saint; là aussi on
brisait le vase d'argile, on purifiait et on lavait le vase
de métal dans lequel la victime avait cuit. Lev., vu,
27, 28; Sebachim, xi, 4; Siphra, f. 186, 2.
17° Les sacrifices pour le délit. — 1. Le sacrifice
pour le délit est assimilé absolument au sacrifice pour
le péché. Lev., vu, 7. Aussi les docteurs juifs ont-ils
été assez embarrassés pour établir la distinction entre
le péché et le délit. Josèphe, Ant.jud., III, ix, 3, dit
que celui qui est tombé dans le péché par ignorance
immole un agneau ou une chèvre, ce qui constitue le
sacrifice pour le péché, tandis que « celui qui pèche et
en a conscience, mais n'a pas de témoin qui puisse
l'accuser, » offre un bélier, ce qui constitue le sacrifice
pour le délit. Celui, en effet qui commettait un délit
devant témoin était tenu à restitution du double.
Exod., xxii, 9. La différence viendrait donc de ce que,
dans le premier cas, on avait agi inconsciemment,
mais devant témoins, tandis que, dans le second, on
avait agi consciemment, mais sans témoins. — 2. Ou
distinguait deux sortes de délit : le délit douteux et le
délit certain. Il y avait délit douteux quand on ne pou-
vait dire si ce qu'on avait mangé était permis on non,
quand on avait travaillé le vendredi soir après l'appa-
rition de trois étoiles médiocres, ou bien après celle
de deux grandes, etc. Siphra, f. 133, 2; Keritoth,
v, 5. Quand le doute était levé à tel ou tel moment du
sacrifice, il y avait encore des règles à suivre. — 3. Le
délit certain résultait de cinq cas : la rapine, Lev., vi,
2, l'usage profane de choses sacrées, par erreur, Lev.,
v, 15, le commerce avec l'esclave d'un autre, Lev., xix,
20, l'impureté contractée par un nazaréen quand quel-
qu'un mourait près de lui, Num., vi, 9, 10, la purifi-
cation de la lèpre. Lev.,xiv, 12. — Cf. Reland, Antiqui-
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 146-185; Iken, Anti-
quitates hebraicse, Brème, 1741, p. 152-191; Bâhr,
Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839,
p. 187-522.
V. Sacrifices historiques. — La Sainte Écriture
mentionne un certain nombre de sacrifices offerts
dans des circonstances remarquables. — 1° Sacrifices
des Israélites. — Quand Aaron et ses fils remplirent
pour la première fois leurs fonctions sacerdotales et
offrirent le sacrifice pour le péché, l'holocauste et le
sacrifice pacifique, « le feu, sortant de devant Jéhovab,
dévora sur l'autel l'holocauste et les graisses. »Lev.,ix,
22, 24. Le feu sortant de Jéhovah, c'est-à-dire de l'en-
droit où reposait l'Arche, vint se joindre à celui qui
consumait déjà les victimes et témoigna que le Seigneur
approuvait ce qui avait été réglé en son nom et com-
mençait à s'exécuter. D'après la tradition ancienne,
I « Moïse pria le Seigneur, et un feu tomba du ciel et con-
1327
SACRIFICE
1328
suma le sacrifice. » II Mach., il, 10. « Sortir de Jého-
vah » ou « tomber du ciel » sont deux expressions
équivalentes pour indiquer le caractère surnaturel de
ce feu. — A l'époque du grand-prêtre Héli, on offrait
les sacrifices à Silo. I Reg., i, 3. Mais les fils d'Héli
contrevenaient de la manière la plus grave aux pres-
criptions mosaïques sur le rituel des sacrifices. I Reg., H,
12-17. — Quand l'Arche revint de chez les Philistins,
les Bethsamites prirent le chariot qui la portait, en
fendirent le bois et s'en servirent pour offrir en holo-
causte à Jéhovah les deux vaches qui avaient amené
l'Arche. I Reg., vi, 14. — A Galgala, où Samuel devait
venir pour offrir des sacrifices, Saûl se permit d'offrir
lui-même l'holocauste avant l'arrivée du prophète.
I Reg., xm, 9-13. La faute était grave, et elle fut cause
que Dieu le rejeta. Saûl ne fut pascorrigéparl'annonce
du châtiment. A rencontre de l'ordre reçu, il garda ce
qu'il y avait de meilleur dans le bétail pris aux Ama-
lécites, sous prétexte de s'en servir pour offrir des
sacrifices'à Jéhovah. Samuel le réprimanda à nouveau
•et lui dit : « Jéhovah trouve-t-il du plaisir aux holo-
caustes et aux sacrifices, comme à l'obéissance à sa
voix? L'obéissance vaut mieux que le sacrifice et la
■docilité l'emporte sur la graisse des béliers. » I Reg.,
xv, 9-22. Cette observation, sur laquelle reviendront
souvent les prophètes, montrait que, malgré leur im-
portance, les sacrifices étaient loin d'avoir aux yeux de
Dieu la valeur morale de la vertu. — A celte époque,
on ne s'astreignait pas à n'offrir de sacrifices que
devant l'Arche. David suppose, comme une chose
parfaitement normale, qu'on offrait à Bethléhem un
sacrifice annuel pour toute sa famille. I Reg., xx, 6.
•Ce sac-rifice était suivi de festins et de réjouissances.
— A l'occasion du transfert de l'Arche à Jérusalem,
David offrit des holocaustes et des sacrifices d'actions
de grâces et ensuite 11 bénit le peuple au nom de
Jéhovah. II Reg., vi, 17, 18. Comme le texte sacré ne
suppose dans ce fait aucune usurpation, il faut en con-
clure que David laissa les prêtres exercer le ministère
qui leur était réservé. Après la cessation de la peste, il
acheta Taire d'Areuna, y bâtit un autel et y offrit des holo-
caustes et des sacrifices pacifiques. II Reg., xxiv, 24, 25.
Sur la fin de son régne, après avoir tout préparé pour la
•construction du Temple, il réunit l'assemblée d'Israël,
offrit en holocauste 1000 taureaux, 1000 béliers et
1 000 agneaux et fit reconnaître pour roi son fils Salo-
mon. I Par., xxix, 21, 22. — On continuait alors à
sacrifier sur les hauts-lieux, parce qu'il n'existait pas
de Temple consacré à Jéhovah. III Reg., m, 2. Le prin-
cipal de ces hauts-lieux était à Gabaon. Salomon y alla
offrir 1000 holocaustes et le Seigneur lui accorda la
sagesse et tous les autres biens. III Reg., m, 4-6. Là se
trouvait l'autel d'airain fait autrefois par Béséléel.
II Par., i, 3-6. La dédicace du Temple fut l'occasion de
■nombreux sacrifices.Salomon immola alors 22 000 bœufs
■et 120000 brebis pour le sacrifice pacifique, et il fut
obligé, pour la circonstance, d'offrir les holocaustes
dans le parvis, parce que l'autel d'airain était trop
petit pour les recevoir. III Reg., Vin, 63, 64. Au début
des solennités, « le feu descendit du ciel et consuma
l'holocauste et les victimes, » Dieu approuvant ainsi,
comme au temps de Moïse, ce qui avait été exécuté à
sa gloire. II Par., vu, 1-7; II Mach., Il, 10. Les sacri-
fices se continuèrent ensuite dans le Temple, malgré Je
schisme des dix tribus. II Par., xm, 11. — Pour con-
fondre les prêtres de Baal, le prophète Élie leur pro-
posa l'offrande d'un sacrifice sur le Carmel, pour voir
qui, de Baal ou de Jéhovah, serait capable de consumer
directement la victime. Les prêtres de Baal invoquèrent
leur dieu une partie de la journée sans aucun résultat.
Élie, de son côté, coupa en morceaux un taureau et le
plaça sur l'autel; par trois fois, il fît arroser copieuse-
ment la victime, le bois et l'autel; puis, à l'heure du
sacrifice du soir, il invoqua Jéhovah et aussitôt le feu
du ciel tomba et consuma la victime et l'autel même.
III Reg., xix, 30-39. — Achaz, après avoir vu l'autel qui
était à Damas, en fit faire un sur le même modèle à
Jérusalem, y offrit son holocauste etordonna au grand-
prêtre Urias de s'en servir désormais pour les sacri-
fices. IV Reg., xvi, 12-15. Il n'y avait pas là d'infraction
à la loi mosaïque, du moment que la forme générale
de l'autel était respectée. — Quand Ézéchias eut res-
tauré le culte dans le Temple, on y offrit en holocauste
70 bœufs, 100 béliers et 200 agneaux. II Par., xxix, 31-35.
PourlaPàque, le roi fournit 1000 taureaux et 7000 bre-
bis, et les chefs donnèrent 1 000 taureaux et 10000 brebis.
II Par., xxx, 24. — A la Pâque célébrée sous son règne,
aprèsla restauration du culte, Josias donna 30 OOOagneaux
"ï>u chevreaux et 3000 bœufs, les chers 2600 agneaux et
300 bœufs, les princes des lévites 5000 agneaux et
500 bœufs. II Par., xxxv, 7-9. — Après la victoire rem-
portée à Béthulie, les Israélites offrirent des holocaustes
au sanctuaire. Judith., xvi, 22. — Au retour de la cap-
tivité, Zorobabel et ses compagnons s'empressèrent de
rétablir les holocaustes et les sacrifices prescrits par la
Loi. I Esd., m, 4-6. A la dédicace du second Temple,
on offrit 100 taureaux, 200 béliers, 400 agneaux, et,
comme victimes pour le péché des tribus d'Israël, douze
boucs. I Esd., vi, 17. — A son arrivée en Judée, Néhé-
mie fit rechercher le feu sacré caché au moment de la
captivité. On ne trouva à la place qu'une eau épaisse.
Néanmoins Néhémie fit préparer un sacrifice et, quand
on eut répandu de cette eau sur de grandes pierres,
un grand brasier s'alluma, le sacrifice fut consumé, et
les pierres mêmes furent dévorées par les rayons lu-
mineux qui partaient de l'autel. II Mach., i, 20-32.
— De nombreux sacrifices fêtèrent l'achèvement des
murs de Jérusalem. II Esd., xn, 42. — Sous les
Machabées, la restauration du culte à Jérusalem fut
aussi l'occasion de nombreux sacrifices. I Mach., iv,
56; II Mach., x, 3. A la suite d'une bataille, Judas fit
une collecte qui rapporta 2000 drachmes (à peu près
1940 francs), et en envoya le montant à Jérusalem afin
qu'on y offrît un sacrifice expiatoire pour les morts.
II Mach., xii, 43. C'est le seul exemple d'un sacrifice
offert pour les morts dans l'Ancien Testament.
2° Sacrifices des Gentils. — Les Gentils pouvaient
offrir des sacrifices dans le Temple de Jérusalem, aux
conditions indiquées plus haut, col. 1325. Cf. Josèphe,
Bell.jud., II, xvn,3, 4. La loi en donnait l'autorisation
aux étrangers qui vivaient parmi les Israélites. Num.,
xv, 14, 16. Salomon prévit le cas où, même des pajs
lointains, on viendrait prier au Temple. III Reg., vm,
41-43. Cf. Is., LVI, 6, 7. D'après Josèphe, Ant. jud., X],
vin, 5, Alexandre le Grand y fit offrir des sacrifices en
sa présence. Ptolémée III Ëvergète, après la conquête
de la Syrie, vint en offrir de nombreux à Jérusalem.
Cf. Josèphe, Cont. Apion., n, 5. Antiochus VII Sidétés,
pendant qu'il assiégeait Jérusalem, suspendit les opé-
rations militaires durant les fêtes des Tabernacles,
et envoya lui-même des taureaux à cornes dorées des-
tinés à être offerts en sacrifice. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XIII, vm, 2. Marcus Agrippa, venu à Jérusalem l'an
15 avant J.-C, y fit immoler cent bœufs en sacrifice.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, II, 1. Vitellius passa trois
jours à Jérusalem et y sacrifia. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XVIII, v, 3. Par contre, Auguste louait César de n'avoir
pas été prier à Jérusalem, à son passage d'Egypte en
Syrie. Cf. Suétone, Aug., 43. Tertullien, Apologet-,
26, 1. 1, col. 432, n'en rappelle pas moins aux Romains
qu'ils ont honoré de leurs victimes et de leurs dons le
Temple du Dieu d'Israël.
3° Sacrifices pour les princes. — Darius I er fit four-
nir aux Juifs de jeunes taureaux, des béliers et des
agneaux en vue des sacrifices à offrir à Jérusalem, afin
qu'on y priât pour la vie du roi et de ses fils. I Esd.,
1329
SACRIFICE
1330
vi, 9, 10. Antiochus le Grand fit donner au Temple les
animaux et ce qui était nécessaire pour qu'on offrit
des sacrifices, cf. Josèphe, Ant.jud., XII, ni, 3, et l'on
voit qu'à l'époque des Machabées un sacrifice avait en-
core lieu pour le roi de Syrie, bien qu'on fût en guerre
avec lui. I Mach., vu, 33. L'empereur Auguste voulut
qu'à perpétuité on offrît, aux frais du trésor impérial,
un sacrifice quotidien de deux agneaux et d'un tau-
reau. Cf. Philon, Légal, ad Caj., 23, 40, édit. Mangey,
t. n, p. 569, 592. Au temps de Caligula, les Juifs se
vantaient d'immoler des victimes deux fois par jour
pour l'empereur et pour le peuple romain. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, x, 4; Cont. Apion., n, 6. A trois reprises,
Caligula fit immoler en son nom une hécatombe. Cf.
Philon, Légat, ad Caj., 45, t. u, p. 598. En 66 après
J.-C, le premier acte d'hostilité contre les Romains
fut la suppression de tous les sacrifices offerts pour des
étrangers ou en leur nom. Les pontifes et les princi-
paux du peuple protestèrent en vain contre cette me-
sure. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvii, 2, 3.
VI. Sacrifices interdits. — 1° Sacrifices idolâ-
triques. — Les sacrifices aux idoles, si fréquents chez
tous les peuples qui entouraient les Hébreux, furent
très sévèrement interdits à ces derniers. Ils n'en suc-
combèrent pas moins à la tentation d'en offrir dans
tout le cours de leur histoire, jusqu'à l'époque de la
captivité. Ils sacrifièrent au veau d'or, Exod., xxxn, 6,
qui, tout en représentant pour eux Jéhovah, consti-
tuait pourtant un objet de culte formellement réprouvé.
Exod., xx, 4. Pour les empêcher de sacrifier aux divi-
nités agrestes, Moïse les obligea à amener toutes leurs
victimes devant le sanctuaire. Lev., xvn, 5-7. Mais,
dans le désert même, entraînés par les filles de Moab,
ils sacrifièrent au dieu Béelphégor. Num., xxv, 2, 3;
Deut., xxxn, 17. Le châtiment qui suivit cette infrac-
tion indiqua quelle était sa gravité. Num., xxv, 8, 9.
En Chanaan, les Hébreux eurent . sous les yeux le
spectacle des sacrifices offerts par Jes habitants à leurs
faux dieux. Exod., xxxiv. 15. Cet exemple les entraîna
à plusieurs reprises durant la période des Juges et
attira sur eux de grandes calamités. Plus tard, les
sacrifices idolâtriqiies, tolérés par Salomon, III Reg.,
xi, 8, se multiplièrent par la faute de certains rois,
surtout de Jéroboam, III Reg., xn, 32; xm, 1, et de
Manassé. II Par., xxxiv, 4. Voir Idolâtrie, t. m,
col. 809-813. Lès prophètes constatent et réprouvent
énergiquement ces sacrifices criminels. Is., lvii, 5, 7;
lxv, 3; Jer., xliv, 3-25; Ezech., xvi, 20, 21; xx, 28;
xxm, 39; Ose., xi, 2, etc. Au temps des Machabées, les
rois de Syrie multiplièrent les efforts pour introduire
les Sacrifices idolâtriques dans le Temple même de
Jérusalem. 1 Mach., i, 50; II Mach., iv, 19; vi, 4.
2° Sacrifices humains. — Dieu a tenu à faire com-
prendre, dans une circonstance mémorable, ce qu'il
pensait des sacrifices humains. Lui-même commande
à Abraham de lui immoler son fils Isaac. Ce sacrifice
se présente donc non seulement comme capable de
rendre hommage à la divinité, mais comme réclamé
par la divinité elle-même. Au moment de frapper la
victime, Abraham est arrêté par l'ange deJéhovahet il
substitue un bélier à Isaac. Gen., xxn, 2-13. Il ressort
de là que Dieu se contente de l'obéissance héroïque
de son serviteur, mais qu'il réprouve le sacrifice de
l'homme, même dans les circonstances où ce sacrifice
semblerait le plus impérieusement exigé. Cette leçon
était nécessaire dans le pays de Chanaan, où le culte
de Moloch réclamait le sacrifice de victimes humaines.
Malheureusement les Israélites, de leur entrée en ce
pays jusqu'à la captivité, se laissèrent entraîner trop
souvent aux pratiques de ce culte homicide. Voir
Moloch, iv, col. 1226-1229; Lagrange, Études sur les
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 101rl09, 445. La
loi interdisait, sous peine de mort, d'offrir de pareils
sacrifices. Lev., xvm, 21; xx,^2. — Jephté s'engagea
témérairement à offrir à Jéhovah, en holocauste, celui
qui le premier sortirait des portes de sa maison à sa
rencontre, quand il reviendrait vainqueur des Ammo-
nites. Ce fut sa fille qui se présenta, et, deux mois après,
« il accomplit à son égard le vœu qu'il -avait fait. »
Jud., xi, 31-39. L'Écriture se contente de raconter le
fait sans commentaire, comme beaucoup d'autres de
cette époque, alors même qu'ils sont très évidemment
répréhensibles. Il n'est pas douteux que le sacrifice
offert par Jephté dans ces conditions n'ait été formelle-
ment opposé à la lettre et à l'esprit de la Loi. — Mésa,
roi de Moab, assiégé dans sa ville par les Israélites et
ne pouvant s'échapper, prit son fils aîné et l'immola en
holocauste sur la muraille. IV Reg., m, 27. Il entendait
par là s'attirer la protection de son dieu Chamos. Voir
MÉSA, t. iv, col. 1020. Dans la pensée des Chananéens,
le sang humain assurait aux remparts d'une ville la
protection du dieu de la cité. A Gézer et à Ta'annek,
en Chanaan, on a rétrouvé dans les murs, sous la
place des portes, des jarres contenant des ossements
d'enfanls avec des traces de feu. Cf. Palestine Explo-
ration Fund. Quart. Slal., 1903, p. 17, 33, 223, 224. Il
est raconté que quand Hiel de Bethel rebâtit Jéricho,
« il en jeta les fondements au prix d'Abiram, son pre-
mier-né, et il en posa les portes au prix de Ségub, son
dernier fils. » III Reg., xvi, 34. Ce fait est présenté
comme une conséquence de la malédiction de Josué,
formulée en termes identiques. Jos., vi, 26. Il ne serait
pas impossible pourtant qu'Hiel, agissant volontaire-
ment, ait lui-même immolé ses deux fils, selon le rite
chananéen, pour concilier la faveur des dieux à la nou-
velle cité. — On ne saurait prendre pour un sacrifice
humain l'immolation que Samuel fit d'Agag, roi d'Ama-
lec, en le coupant en morceaux « devant Jéhovah ».
I Reg., xv, 33. On n'offrait à Jéhovah que des victimes
pures et nettement déterminées, jamais des hommes,
pas même des idolâtres. D'ailleurs le texte parle d'une
immolation « devant Jéhovah», c'est-à-dire en présence
de l'Arche, et non d'un sacrifice « à Jéhovah ». Agag,
voué à l'extermination, avait été épargné par Saûl.
Samuel n'intervint qu'à défaut du roi. Cf. Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, 6« édit., t. rv,
p. 497-505. — La Sagesse, xu, 4-6, rappelant les abo-
minables sacrifices des Chananéens, y voit la cause de
leur réprobation.
VII. Conditions morales des sacrifices. —1° Obéis-
sance à la loi. — La loi déterminait les conditions ri-
tuelles des sacrifices. La morale obligeait l'Israélite à
s'en tenir à ces prescriptions. On offrait ainsi des
« sacrifices de justice », c'est-à-dire des sacrifices
conformes à la loi. Ps. iv, 6. Les hommes pieux n'y
manquaient pas. Ps. lxvi (lxv), 13-15. Les autres con-
trevenaient souvent aux prescriptions mosaïques. Ils
se permettaient d'offrir des bêtes aveugles, boiteuses
ou malades, et déshonoraient ainsi l'autel du Seigneur.
Mal., i,6-9; n, 13. Quand, au contraire, on présente à
Jéhovah des offrandes selon la justice, elles lui sont
agréables. Mal., ni, 3, 4. Ézéchiel, xl.vi, 12-15, prévoit
l'offrande de pareils sacrifices dans le nouveau Temple,
et Jérémie, xxxm, 18, annonce que les ministres pour
les offrir ne manqueront jamais. Il faut, à cet égard,
s'en tenir aux règles anciennes. Eccli., vu, 35; xiv, 11.
Ne te présente pas devant le Seigneur les mains vides,
Car toutes ces offrandes doivent être faites à cause du
L'offrande du juste engraisse l'autel, [précepte.
Et sa suave odeur s'élève devant le Seigneur.
Le sacrifice de l'homme juste est agréable,
El Dieu en conservera le souvenir. Eccli-, xxxv, 4-6.
II est à remarquer que Notre-Seigneur, après avoir
guéri un lépreux, lui recommande expressément d'aller
offrir le sacrifice prescrit par Moïse. Marc, i, 44;
Luc, v, 14.
1331
SACRIFICE
1332
2° Dispositions morales. — Le culte de Dieu ne pou-
vait se borner à un simple formalisme. Mais la tendance ■
des Israélites à exagérer l'importance des rites exté-
rieurs était telle, que les écrivains sacrés se croient
obligés d'insister très fréquemment sur la nécessité
des dispositions morales. Plus les sacrifices tenaient de
place dans le culte, plus les sentiments religieux
devaient en tenir dans le cœur. Aussi, 1, les sacrifices
des impies sont abominables aux yeux du Seigneur.
Prov., xv, 8; xxi, 27; Is., lxvi, 2, 3; Jer., xiv, 12;
Ose., ix, 4; Eccli., xxxiv, 19-21. Dans Isaïe, xliii, 22-
24, Dieu se plaint de son peuple qui, malgré tous ses
sacrifices, lui a été à charge par ses péchés et l'a fatigué
par ses iniquités. Amos, iv, 4, 5, reproche à ses com-
patriotes d'amener chaque matin leurs sacrifices et en
même temps de pécher de plus en plus. — 2. Dieu ne
désire pas les sacrifices, c'est-à-dire qu'il n'en retire
aucun avantage et n'y attache pas une importance
essentielle. Ps. xl (xxxix), 7; li (l), 18; Is., i, 11;
Jer., vi, 20; Ose., vin, 13. Amos, v, 22, va même jus-
qu'à dire qu'il les hait, ce qui s'applique d'une ma-
nière absolue aux sacrifices des impies, et seulement
d'une manière relative aux autres sacrifices. Dieu,
maître de toutes les créatures, n'a nul besoin des vic-
times que lui présentent les hommes. Ps. L (xlix), 8-
15. — 3. L'idée exprimée pour la première fois par
Samuel, que l'obéissance vaut mieux que les sacrifices,
I Reg., xv, 22, revient fréquemment sous différentes
formes dans la Sainte Écriture : aux sacrifices, Dieu
préfère la justice, Prov., xxi, 3, la docilité à sa voix,
Eccle., iv, 17; Jer., vu, 21, 22, la piété, Ose., vi, 6, la
miséricorde. Mich., vi, 6-8; Matth., ix, 13; xn, 7.
Quand les sacrifices ne sont plus possibles, la prière
d'un cœur contrit et humilié vaut les plus riches holo-
caustes. Dan., m, 38-40. En somme,
Observer la loi, c'est faire dd nombreuses offrandes,
S'attacher aux commandements vaut un sacrifice pacifique,
Rendre grâces, c'est une offrande de fleur de farine,
Pratiquer la miséricorde, c'est offrir un sacrifice de louange.
Gb qui plaît au Seigneur, c'est qu'on s'éloigne du mal,
Ce qui obtient son pardon, c'est la fuite de l'injustice.
Eccli., xxxv, 1-3.
Aussi Notre-Seigneur fait-il cette recommandation à
celui qui, en apportant son offrande à l'autel, se sou-
vient d'un dissentiment avec son frère : « Laisse là ton
offrande devant l'autel et va d'abord le réconcilier avec
ton frère. » Matth., v, 23, 24. Un jour,, il complimenta
de sa sagesse un scribe qui lui disait que l'amour de
Dieu et du prochain, « c'est plus que tous les holo-
caustes et tous les sacrifices. » Marc, xm, 33. Il n'y
avait donc pas à se tromper sur l'esprit de la loi mo-
saïque au sujet des sacrifices : ils devaient être offerts
conformément aux prescriptions légales, mais ilsétaient
nuls et même odieux aux yeux de Dieu, si de dignes
sentiments de justice, de piété, d'obéissance, de misé-
ricorde et d'amour ne les accompagnaient.
VIII. Efficacité des sacrifices mosaïques. — Les
sacrifices de l'ancienne loi avaient une triple valeur
légale, symbolique et typique.
1» Valeur légale. — Les sacrifices conféraient
aux Israélites la justice légale, c'est-à-dire les puri-
fiaient des souillures qui empêchaient de participer
au culte divin, tel qu'il était institué sous l'ancienne
loi. Mais ils ne pouvaient pas par eux-mêmes effacer
le péché. Ceci ressort des textes qui viennent d'être ci-
tés et dans lesquels on voit que Dieu n'attache qu'une
valeur secondaire à ces rites extérieurs, dont la célé-
bration n'était que trop souvent accompagnée de dis-
positions intérieures fort répréhensibles. Mais « il est
impossible que le sang des taureaux et des boucs en-
lève les péchés. » Heb., x, 4. « Les oblations et les sa-
crifices offerts ne peuvent amener à la perfection, au
point de vue de la conscience, celui qui rend ce culte. »
Heb., ix, 9. Malgré les sacrifices pour le péché et pour
le délit, la conscience demeurait donc dans un état im-
parfait, c'est-à-dire n'était pas purifiée de tout ce qui
la souillait. Ainsi les sacrifices n'avaient pas de valeur
sacramentelle qui leur fût propre ; le péché de ceux qui
les offraient n'était remis que s'ils avaient au cœur des
sentiments capables d'en obtenir le pardon. L'Église
enseigne que ni les gentils par la puissance de la na-
ture, ni les Juifs par la lettre des lois de Moïse, n'ont
été délivrés du péché et n'ont pu s'en relever. Conc.
Trid., sess. VI, De justificat., cap. I.
2 e Valeur symbolique. — Les sacrifices exprimaient
symboliquement ce que devaient être les dispositions
du cœur pour louer Dieu dignement, pour le remercier,
solliciter ses bienfails et implorer son pardon. Ils
pouvaient par conséquent exciter dans les âmes des
sentiments d'adoration, de reconnaissance, de regret
et de religion. A ce but tendaient toutes les prescriptions
de la loi. — 1. On immolait des animaux utiles à
l'homme et se nourrissant d'aliments purs, ce qui ex-
cluait les porcs et les poules : de là une double leçon
de générosité et de pureté. — 2. Ces animaux étaient
mis à mort, pour signifier que l'homme est digne de
mort à cause de ses péchés et que les péchés ne sont
expiés que par la mort. Les sacrifices lévitiques n'étaient
donc étrangers ni au sentiment moral du péché et de
l'expiation, ni à l'idée de substitution et de satisfaction
pénale, ainsi que le reconnaissent §mm&, Alites lament-
liche Religionsgeschichte, Fribourg, 1899, p. 326-332,
et Holtzmann, Lehrbuch derN. T. Theologie,Fribourg,
1897, t. i, p. 68. — 3. Dans les holocaustes, la victime
était consumée toute entière, pour rappeler que Dieu
est le souverain Maître et que l'homme lui appartient
tout entier avec tout ce qui est à lui. — Dans les sacri-
fices pour le péché, la victime était en partie consumée,
en partie mangée par les prêtres, pour indiquer que
l'expiation du péché dépend de Dieu, mais par le minis-
tère des prêlres. Pourtant si ceux-ci offraient la victime
pour eux-mêmes, ils n'en pouvaient pas manger, parce
que rien ne devait leur rester du péché et qu'il ne
convenait pas que ce qui venait de leur péché tournât à
leur avantage. — 5. Dans les sacrifices pacifiques, il y
avait trois parts, une que consumait le feu, une autre
que mangeaient les prêtres et une troisième que man-
geaient ceux qui offraient le sacrifice, afin de montrer
que Dieu, les prêtres et les hommes en général con-
courent ensemble au salut de chacun. — 6. Le sang
était toujours versé à l'autel et la graisse consumée,
parce que la vie, représentée par le sang, et l'abon-
dance de la vie, représentée par la graisse, viennent
toutes deux de Dieu et doivent contribuer à^son
honneur. — 7. Le prêtre recevait pour sa part, dans
les sacrifices pacifiques, la poitrine et l'épaule droite,
parceque la sagesse du cœur, qui est dans la poitrine, et
la force, représentée par l'épaule droite, lui sont néces-
saires pour l'exercice de son ministère. Cf. S. Thomas,
Summ. theol., I a D>, q. en, a. 3, ad 2 et 8. — Ainsi
compris, les différents actes dont se composaient les
sacrifices devaient constituer pour les Israélites un
haut enseignement de religion. Car « le sacrifice qui
est extérieurement offert est le signe du sacrifice spi-
rituel intérieur par lequel l'âme s'offre elle-même à
Dieu comme au principe de sa création et à la fin de
sa béatitude... Aussi, ce qui compte, dans le sacrifice,
ce n'est pas le prix de la victime immolée, mais sa
signification d'honneur rendu au souverain Maître de
tout l'univers. » S. Thomas, Summ. Iheol., II a II*,
q. lxxxv, a. 2. Sans doute, l'appareil sanguinaire et
grossier que nécessitait l'exécution des sacrifices mo-
saïques, surtout quand les victimes étaient nombreuses,
choquerait ceux qui ne conçoivent qu'un culte spiri-
tuel de la divinité. Il faut reconnailre cependant qu'il
n'en était pas de même pour les anciens, habitués aux
1333
SACRIFICE
1334
démonstrations sensibles du sentiment religieux. Chez
les Israélites en particulier, ces immolations solennelles,
exécutées dans un unique et splendide Temple, sui-
vant des règles scrupuleusement observées, à grands
frais, par un personnel nombreux et choisi, avec un
cérémonial majestueux, ne pouvaient qu'inspirer une
haute idée de" la grandeur, de la puissance et de la
sainteté de Dieu.
3° Valeur typique. — Les sacrifices de l'ancienne loi
figuraient à l'avance le seul sacrifice agréable à Dieu,
celui du Verbe incarné. « Le sacrifice par excellence
est celui du Christ s'offrant à Dieu en agréable odeur,
Eph., v, 2; aussi tous les autres sacrifices n'étaient
offerts dans l'ancienne loi que pour figurer ce sacrifice
principal, comme l'imparfait figure le parfait... Et
comme la raison de la figure vient de l'objet figuré,
ainsi les raisons des sacrifices figuratifs de l'ancienne
loi doivent être demandées au vrai sacrifice du Christ. »
S. Thomas, Summ. theol., I» II*, q. en, a. 3. C'est
uniquement à cause de ce sacrifice, dont ils étaient la
figure, que les sacrifices mosaïques avaient quelque
efficacité pour remettre le péché. « Envisagés en eux-
mêmes, ils ne pouvaient guérir aucun péché; mais
si l'on regarde du côté des choses dont ils étaient
les types, on y trouvait la purification du péché. »
S. Augustin, Quasst. xxv in Num„ t. xxxiv, col. 728.
«Ils ne causaient pas la grâce, dit Eugène IV dans le
Décret aux Arméniens, mais ils figuraient seulement
celle qui devait être donnée par la passion du Christ. »
La grâce ne pouvait donc procéder, pour les anciens,
que du sacrifice de Jésus-Christ. « Comme le mystère
de l'incarnation et de la passion du Christ n'était pas
encore opéré, les rites de l'ancienne loi ne pouvaient
renfermer en réalité la vertu qui découlait du Christ
incarné et souffrant, commela renferment les sacrements
de la loi nouvelle, et par conséquent ne pouvaient
purifier du péché... Mais, au temps de la loi, l'âme des
fidèles pouvait s'unir par la foi au Christ incarné et
souffrant, et ainsi être justifiée par la foi du Christ.
L'observation de ces rites était une sorte de profes-
sion de celte foi, en tant qu'ils figuraient le Christ. C'est
pourquoi, dans la loi ancienne, on offrait des sacri-
fices pour le péché, non que ces sacrifices purifias-
sent du péché, mais parce qu'ils étaient comme une
profession de la foi qui purifiait du péché... Celui-ci
était remis, non par la vertu des sacrifices, mais grâce
à la foi et à la dévotion de ceux qui les offraient. Lev.,
iv, 26, 31; v, 10. » S. Thomas, Summ. theol., I» II*,
q. cm, a. 2. — La valeur réelle des sacrifices dépen-
dait donc de leur valeur typique, moyennant les dispo-
sitions inspirées par leur valeur symbolique.
IX. Abolition des sacrifices mosaïques. — Comme
toutes les autres institutions particulières à l'ancienne
loi, les sacrifices sanglants devaient prendre fin avec
la mission du peuple auxquels ils avaient été prescrits.
Le prophète Daniel fut chargé de l'annoncer. Parlant
de l'Oint qui viendrait un jour et serait retranché, il
ajoute : « Il concluera une alliance ferme avec un grand
nombre pendant une semaine, et au milieu de la
semaine il fera cesser le sacrifice et l'oblation, et sur
l'aile des abominations viendra un dévastateur, et cela
jusqu'à ce que la destruction qui a été décrétée se
répande sur le dévasté. » Dan., ix, 27. Il ne s'agit plus
ici d'une interruption du sacrifice perpétuel, comme
pendant la persécution d'Antiochus, Dan., xi, 31; xn,
11, mais d'une cessation définitive résultant de la des-
truction de la nation. Malachie, 1, 11, prédit également
qu'une oblation pure sera substituée aux sacrifices. La
prophétie de Jérémie, xxxm, 1 8, annonçant qu'il ne man-
quera jamais d'homme « pour offrir l'holocauste, pour
allumer l'oblation et faire le sacrifice tous les jours, »
ne concerne donc pas exclusivement le sacerdoce lévi-
lique; elle a son accomplissement parfait grâce au
sacerdoce et au sacrifice de la loi nouvelle. — Notre-
Seigneur ne réprouva pas les sacrifices mosaïques.
Matth., v, 23; Marc, i, 44; Luc, v, 14. Mais il
annonça à la Samaritaine que bientôt l'on n'adorerait
plus ni au mont Garizim ni à Jérusalem, et qu'au culte
ancien serait substitué le culte « en esprit et en vérité ».
Joa., iv, 20-23. Les Évangélistes ne mentionnent aucun
sacrifice offert par lui dans le Temple, ce qui toutefois
ne prouve pas qu'il se soit abstenu systématiquement.
Sur la lin de sa vie, il prédit la ruine dû Temple, Matth.,
xxiv, 1, 2; Marc, xm, 1, 2; Luc, xxi, 5, 6, et par
conséquent la cessation des sacrifices, qui ne pouvaient
être offerts qu'en ce lieu.aÂ. sa mort, le voile du Temple
se déchira en deux, Matth., xxvn, 51, marquant ainsi la
fin d'un culte qui n'avait plus de raison d'être, — Pen-
dant le siège de Jérusalem par Titus, le 17 du mois de
Panémus (17thammouz, 10 juin 70), « le sacrifice per-
pétuel cessa d'être offert à Dieu, faute d'hommes, et le
peuple en fut profondément affligé, » Josèphe, Bell,
jud., VI, il, 1, comme il a été dit plus haut. C'était la
fin des sacrifices mosaïques. Depuis lors, les Juifs n'en
offrirent plus.
X. Le sacrifice de la croix. — La mort de Jésus-
Christ sur la croix est le sacrifice de la nouvelle alliance
destiné à remplacer tous les autres. — 1" Ce sacrifice
est annoncé dans l'Ancien Testament. Il en est dit au
Psaume xxxix (xl), 7, 8 :
Tu ne désires ni sacrifice ni oblation,
Tu m'as percé des oreilles;
Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire,
Alors j'ai dit : Voici que je viens.
Ces paroles sont appliquées au Christ entrant dans
le monde par l'Épitre aux Hébreux, x, 5-7. Isaïe parle
de la mort du Messie dans des termes qui supposent
une immolation sanglante, volontaire et expiatoire :
Il a été transpercé à cause de nos péchés,
Brisé à cause de nos iniquités...
Semblable à l'agneau qu'on mène à la tuerie...
Il a plu à Jéhovah de le briser par la souffrance.
Mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire,
Il verra une postérité, il vivra de longs jours.
Is., Lin, 5, 7, 10.
— 2° Notre-Seigneur dit formellement que son sang, qui
va être répandu, est le « sang de la nouvelle alliance. »
Matth., xxvi, 28; Marc., xiv, 24; Luc, xxii, 20; I Cor.,
xi, 25. Il établit donc une relation de similitude entre
son sang et le sang des taureaux immolés au Sinaï, et
dont Moïse a dit : « C'est le sang de l'alliance que
Jéhovah a conclue avec vous. » Exod., xxiv, 8. De part
et d'autre, il y a victime, immolation, sang versé,
alliance scellée et, par conséquent, sacrifice. — 3» Les
Apôtres parlent de la mort de Notre-Seigneur comme
d'un sacrifice. Le Christ « nous a aimés et s'est livré
lui-même à Dieu pour nous comme une oblation et un
sacrifice d'agréable odeur. » Eph., v, 2. « C'est lui que
Dieu a montré comme victime propitiatoire par son
sang. » Rom., m, 25. Nous avons été affranchis « par
un sang précieux, celui de l'Agneau sans défaut et sans
tache, le sang du Christ. » I Pet., i, 19. « Il est lui*
même une victime de propitiation pour nos péchés, non
seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde
entier. » 1 Joa., n, 2. Il estl' Agneau de Dieu, Joa., i, 29,
c'est-à-dire celui qui a été choisi pour être victime,
l'Agneau quia été immolé, Apoc, v, 6, 9, et qui l'a été
dès la fondation du monde, Apoc, xm, 8, dans la pen-
sée divine, en vue et en figure duquel tous les autres
sacrifices ont été institués. — 4° L'Épitre aux Hébreux
fait plus particulièrement ressortir le caractère du
sacrifice de Jésus-Christ, en le comparant aux sacrifices
anciens. La première alliance avait son culte et ses
sacrifices; le Christ a aussi son sacrifice et son alliance
nouvelle, non dans le sang des animaux, mais dans
1335
SACRIFICE
1336
son propre sang, non par des sacrifices réilérés, mais
par nn seul, puisque, « par une oblation unique, il a
procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont
sanctifiés, » Heb., x, 14, et qu'il ne se borne pas à
assurer la pureté de la chair, comme les anciennes
victimes, mais celle de la conscience. Heb., ix, 13-14.
— 5° Le sacrifice de la croix renferme éminemment
les conditions de tous les autres sacrifices : 1. La vic-
time sensible; le Fils de Dieu devient cette victimepar
son incarnation. Heb., x, 5-9. — 2. La victime agréée
de Dieu; c'est le Père lui-même qui, par amour, l'a
donnée au monde. Joa., m, 16. — 3. La victime offerte;
elle s'offre elle-même dès s* venue en ce monde, elle
est offerte extérieurement au Seigneur, par les mains
de la sainte Vierge, au jour de la présentation au Tem-
ple, Luc, h, 22, et elle s'offre elle-même de nouveau
pendant son agonie. Matth., xxvi, 39. — 4° La victime
immolée ; les bourreaux du Calvaire ne sont que des
instruments, inconscients de l'importance de l'acte
qu'ils accomplissent; le vrai sacrificateur, ayant la
qualité de souverain Prêtre, c'est Jésus-Christ lui-
même, qui dépose sa vie par sa propre et unique vo-
lonté. Joa., x, 18. — 5. Le sang de la victime; il
devait être complètement répandu, sans que rien n'en
restât dans le corps ; c'est ce qui eut lieu pour Notre-
Seigneur. Joa., xix, 31. — 6. L'holocauste; le sacrifice
de Jésus-Christ a excellemment, ce caractère; le Sau-
veur se donne tout entier, afin que le monde sache
qu'il aime son Père, Joa., xiv, 31, qu'il a glorifié sur la
terre, Joa., xvn, 4, et auquel il va rendre, par sa mort
sanglante et volontaire, le plus complet de tous les
hommages. — 7. Le sacrifice pour le péché; c'est pour
l'expiation du péché que meurt le Sauveur, et, en
souffrant la mort, il se met à la place des pécheurs,
qui seuls l'avaient méritée. Matth., xxvi, 28; Marc, X,
45; xiv, 24; Rom., m, 24; v, 9; II Cor., v, 21; Gai., iv,
4; Col., i, 14; Heb., v, 8; 1 Joa., i, 7; Apoc, i, 5; v,
9, etc. — 8. Le sacrifice pacifique; en mourant à notre
place, Jésus-Christ remercie son Père et intercède
pour nous. Voir Médiateur, t. iv, col. 915. — 9. Enfin,
la participation à la victime. Elle n'avait lieu que dans
les sacrifices qui n'étaient pas des holocaustes. Le sacri-
fice de Jésus-Christ participant aux caractères des sacri-
fices pour le péché et des sacrifices pacifiques, il était
nécessaire, pour que la réalité répondit à la figure,
que la victime de la croixpût devenir un aliment. C'est
à quoi le Sauveur a pourvu par l'institution de la
sainte Eucharistie. — Le sacrifice de la croix a donc
tous les caractères d'un véritable sacrifice. Il est supé-
rieur à tous ceux de l'ancienne loi par la qualité de la
victime, par sa nature définitive et pleinement efficace
et par la manière dont il a été accueilli de Dieu, puis-
que, des tourments de son immolation, Jésus-
Christ est passé dans sa gloire. Luc, xxiv, 26. Cf. De
Condren, Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C,
II» part., ch. i-vi, édit. 1858, p. 46-105; Thalhofer,
Bas Opfer des A. und N. Bandes, Ratisbonne, 1870.
XI. Le sacrifice eucharistique. — 1° La prophétie de
Malachie, 1, 11, annonçait la substitution d'un nouveau
sacrifice aux anciens : a Mon nom est grand parmi les
nations, et en tout lieu on offre à mon nom de l'encens
et des sacrifices, une oblation pure, car mon nom est
grand parmi les nations. » Le sacrifice nouveau doit
être universel et pur, digne d'être offert à Dieu. Pour
les Pérès, ce sacrifice est celui de l'Eucharistie, et le
concile de Trente, sess. xxil, c. 1, déclare que ce qui
est prédit par Malachie, c'est le sacrifice eucharistique.
D'autre part, Jésus-Christ est prêtre « selon l'ordre de
Melchisédech », par conséquent indépendant du sacer-
doce d'Aaron, Heb., vu, 1-27, mais ressemblant au
prêtre-roi de Salem par la nature de son sacrifice. Or,
Melchisédech a offert le pain et le vin (voir Melchisé-
dech, t. iv, col. 939), et le concile de Trente déclare en-
core que Jésus-Christ a réalisé- l'antique figure en
offrant lui-même son corps et son sang sous les espèces
du pain et du vin. — 2° Or, le jeudi-saint, Notre-Sei-
gneur présente l'espèce du pain en disant : « Ceci est
mon corps. » Saint Paul, I Cor., xi, 24, ajoute : to
Cwàp ijjiwv xX<o[ievov ; Vulgate: quod pro vobis tradelur.
En présentant le calice, il dit : « Ceci est mon sang, »
Matth., xxvi, 28; Marc, xiv, 24, ou : « Ceci est le
calice de mon sang, » Luc, xxn, 20; I Cor., xi, 25;
Vulgate : Hic est sanguis meus qui. pro multis
effundetur, fundelur, ce qui se réfère à la passion. Le
grec emploie le présent et montre l'Eucharistie comme
un véritable sacrifice; la Vulgate constate l'union qui
existe entre la Cène et le sacrifice de la croix. Dans le
Nouveau Testament, effusion du sang et sacrifice sont
la même chose. Act., xx, 28; Rom., ni, 24; v, 9;
Epb., i, 7; n,13; Col., i, 14, 20; I Pet., i, 2, 19; I Joa.,i,
7, etc. En cet instant, Notre-Seigneur verse donc son
sang, en. d'autres termes, il se sacrifie, et, bien que
cette effusion soit aussi invisible que sa présence
même dans le sacrement, elle est réelle, puisque sa
parole l'affirme. — 3» Le divin Maître ajoute que son
sang est actuellement versé « pour beaucoup, pour la
rémission des péchés. » Matth., xxvi, 27. Ce sacrifice
est donc propitiatoire; il a, comme celui de la croix, la
vertu d'expier les péchés. — 4° Il dit ensuite : « Faites
ceci en mémoire de moi. » Luc.,xn, 19; I Cor., xi, 25.
Ces paroles sont adressées aux Apôtres, seuls présents.
Ce qu'ils ont à faire, c'est ce que le Sauveur a fait, verser
son sang, c'est-à-dire le sacrifier pour la rémission des
péchés. — 5» La relation entre le sacrifice eucharistique
et celui de la croix, supposée par la traduction de la
Vulgate dans les textes précédents, est formellement
enseignée par saint Paul : « Toutes les fois que vous
mangez ce pain et que vous buvez ce calice, » par con-
séquent, que vous prenez partau sacrificeeucharistique,
« vous annoncez la mort du Sauveur jusqu'à ce qu'il
vienne. » I Cor., xi, 26. De fait, puisque la victime et
le sacrificateur sont les mêmes de part et d'autre, il y
a des rapports nécessaires entre les deux sacrifices. —
6° Saint Paul n'en traite pas moins le sacrifice eucha-
ristique comme un sacrifice véritabie et complet en lui-
même. Parlant des viandes immolées aux idoles, il dit
que, « ce que les païens offrent en sacrifice, ils l'immo-
lent à des démons, et non à Dieu. » Comparant ensuite
le sacrifice des chrétiens à celui des païens, il ajoute :
« Vous ne pouvez boire à la fois au calice du Seigneur
et au calice des démons; vous ne pouvez prendre part
à la table du Seigneur et à la table des démons. » I Cor., x,
20-21. Des deux côtés donc, les aliments tirent leur
qualité du sacrifice qui a précédé, et si le rite qui a
souillé les aliments offerts aux démons était un sacri-
fice proprement dit, le rite qui sanctifie le calice et la
table du Seigneur l'est également. — 7° Le fond essen-
tiel du sacrifice eucharistique est constitué par la pré-
sence réelle de Jésus-Christ, qui donne leur vraie
valeur aux actes du sacrifice. Jésus-Christ ressuscité ne
peut plus mourir, Rom., vi,-9; son immolation effec-
tive ne peut donc plus avoir lieu, et pourtant cette
immolation est essentielle au sacrifice. Mais il n'est pas
nécessaire qu'elle soit récente; il suffit qu'elle ait été
réelle et que quelque chose de sensible la représente.
Or, c'est précisément ce qui se produit : Jésus-Christ,
autrefois immolé visiblement, est présent in visiblement,
mais dans un état qui le rend propre à servir de nour-
riture et qui, quant à l'apparence sensible, est incon-
ciliable avec la vie. C'est pourquoi le concile de Trente,
sess. xxil, c. 1, dit que Jésus-Christ a laissé à son
Église «. un sacrifice visible, comme le requiert la na-
ture des hommes, par lequel serait représenté le sacri-
fice sanglant qui allait être consommé sur la croix. »
— 8° Enfin, le sacrifice eucharistique se complète par
la manducation de la victime qui n'avait pas été pos-
1337
SACRIFICE — SADDUCÉENS
1338
sible dans le sacrifice de la croix. La victime divine,
« rendue présente » par les paroles sacramentelles, et
< représentée » par les espèces sensibles, devient la
nourriture de ceux qui offrent le sacrilice ou y parti-
cipent, conformément aux paroles du Sauveur : « Pre-
nez, mangez, buvez. » Ainsi se complète l'harmonie
entre les anciens sacrifices et le sacrifice de la loi nou-
velle. La victime sert d'aliment; mais elle aussi ne
peut être mangée que par ceux qui sont purs. I Cor., xi,
27-29.
Il est à remarquer que, non seulement en droit, mais
même en fait, les anciens sacrifices ont disparu partout
où le sacrifice eucharistique a été introduit. Ce dernier,
du reste, devra s'établir «,en tout lieu », Mal., I, 11,
et il se perpétuera jusqu'à la fin des temps, jusqu'à
ce que le Sauveur vienne, I Cor., xi, 26, puisqu'aucune
limite n'a été assignée à sa durée et que sa célébration
est liée à la vie de l'Église, qui a les promesses de
perpétuité. — Cf. Franzelin, De SS. Eucharistie
sacram. et sacrif., Rome, 1873, p. 335-420 ; N. Gihr,
Le saint Sacrifice de la messe, trad. Moccand, Paris,
1894, t. I, p. 30-248. H. Lesètee.
SACRILÈGE (grec : i&posvXr^x, îepocruXîa; Vulgate :
saerilegium) , crime contre les choses saintes. Celui qui
commet ce crime est appelé îepô<juXo;, sacrilegus. —
L'idée de sacrilège n'est pas exprimée dans la Bible
hébraïque. Là où la Vulgate parle du sacrilège de
Phogor, il y a seulement dans le texte hébreu et dans
les Septante : « à cause de Phogor. » Num., xxv, 18.
La Vulgate ajoute encore l'épithète de « sacrilège » à
l'autel bâti par les tribus trausjordaniques. Jos., xxn, 16.
— Les termes grecs s'appliquent aux pilleurs de temples.
Ils sont employés à propos de Ménélas et de ses com-
plices, qui avaient enlevé les vases d'or du Temple pour
les vendre. II Mach., iv, 38, 39, 42; xin, 6. — Pour
dégager saint Paul et ses compagnons, le grammate
d'Éphèse ditau peuple qu'ils ne sont ni des sacrilèges, ni
des blasphémateurs de Diane. Act., xix, 37. Saint Paul
reproche aux Juifs leur inconséquence, quand ils ont
les idoles en horreur et se permettent en même temps
de UpomiXeCv, c'est-à-dire de profaner le Temple et de
commettre ainsi un sacrilège. Rom., il, 22.
H. Lesêtre.
SACY (Louis Isaac Le Maislre de). Voir Le Maistrjï,
t. iv, col. 163.
SADDUCÉENS (grec : 2a83ouxatot; Vulgate : Sad-
ducsei), membres d'une secte Juive à l'époque évan-
gélique. Comme les Pharisiens, leurs antagonistes,
les Sadducéens ne sont connus que par le Nouveau
Testament, l'historien Josèphe et le Talmud.
I. Leur nom. — 1» Les Sadducéens, appelés SaSSo-j-
xaïot, par les écrivains du Nouveau Testament et par
Josèphe, portent le nom de sadduqîni dans la Mischna.
Yadayïm, iv, 6, l;Erubin, vi, 2; Makkoth,l, 6; Para,
m, 7; A'idda, iv, 2. — 2" Saint Épiphane, Hxres., xiv,
t. xli, col. 240, et saint Jérôme, In Matth., m, 23, t. xxvi,
col. 163, font venir ce nom de l'hébreu saddiq, « juste »,
comme si les Sadducéens faisaient profession spéciale
de justice, c'est-à-dire de fidélité à la loi. Ce nom
pourrait à la rigueur se comprendre historiquement,
parcequ'en effet les Sadducéens entendaient d'une ma-
nière très littérale la loi mosaïque et s'en tenaient à
cette loi, à l'exclusion des traditions postérieures. Mais
grammaticalement saddiq donnerait saddîqîm et non
saddûqîm, <raS8i)tz?ot, saddicsei, et non a«8So-ov.aïai,
sadducsei, de même que hàsidim, donne àcriôaîot, assi-
dxi. Voir Assidéens, t. i, col. 1131. Il n'est donc pas
probable que la vraie étymologie du nom soit à cher-
cher de ce côté. — 3° Le nom des Sadducéens vient
plutôt du nom propre Sadôq, Sadoc, qui se lit une
cinquantaine de fois dans l'Ancien Testament, et que
les Septante transcrivent ordinairement par SaStix,
mais dix fois par 2aSào-jx. Ezech., xl, 46; xliii, 19;
xliv, 15; XLvm, 11 ; I Esd., vu, 2 ; II Esd., m, 4, 29; x,
21; xi, 11; xhi, 13. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 1, cite
un pharisien du nom de SâSSoyxoç, correspondant cer-
tainement an sâdôq hébreu. Il parle également d'un
Ananias SaSSouxî, Bell, jud., II, xvil, 10; xxi, 7, qui
était pharisien. Vit., 39. Dans la Mischna, le rabbi
Zadok est appelé Saddûq. Pea, n, 4; Terumoth, x, 9;
Schabbath, xxiv, 5; Pesachim, m, 6; vu, 2; x, 3. De
la forme grecque SaôSoûx est venu régulièrement le
dérivé EaSSouxaîot, ceux qui, à un titre ou à un autre,
se rattachent à Sadoc. — 4° La difficulté est de savoir
à quel Sadoc le nom des Sadducéens fait allusion.
D'anciens rabbins ont songé à un Sadoc, disciple
d'Antigone de Socho," disciple lui-même de Siméon
le Juste. Il reste une sentence d'Antigone de Socho
dans la Mischna, Aboth, I, 3 : « N'imitez pas le ser-
viteur qui veut servir son maître en vue de la récom-
pense, mais soyez comme celui qui fait son service sans
penser à la récompense. » C'est dans un commentaire
du rabbi Nathan sur le traité Aboth que sont nommés
deux disciples d'Antigone, Sadoc, qui aurait donné son
nom aux Sadducéens, et Boéthos, qui aurait donné le
sien aux Boéthosiens. La négation sadducéenne de la
vie future apparaîtrait ainsi comme une conséquence
outrée, mais spécieuse, de la sentence d'Antigone de
Socho. Mais le commentaire de Nathan, postérieur au
V e siècle dans sa forme actuelle, ne mérite pas grande
confiance. S'il se trompe sur les Boéthosiens, qui
tirent leur nom de Boéthos, grand-prêtre contempo-
rain d'Hérode, rien ne prouve qu'il soit mieux informé
sur les Sadducéens. Son affirmation n'a donc d'autre
valeur que celle d'une supposition personnelle, ratta-
chée artificiellement à la sentence d'Antigone. — 5° Le
plus illustre des Sadoc fut incontestablement le grand-
prêtre contemporain de Salomon, dont les descendants
exercèrent à sa suite le souverain pontificat. Dans sa
description du Temple idéal, Ézéchiel, xl, 46; xliii,
19; xliv, 15; xlviii, 11, suppose que les fonctions sacrées
sont remplies par des fils de Sadoc. I Par., VI, 8-15.
Après le retour de la captivité, le sacerdoce suprême
resta longtemps encore dans la famille de Sadoc. Voir
Grand-Prêtre, t. m, col. 305-306. Comme le parti des
Sadducéens se composait de riches personnages et prin-
cipalement des grands dignitaires du sacerdoce, on
comprend que ces derniers se soient donnés comme
les héritiers de Sadoc, sinon par le sang, du moins
parles fonctions, et qu'ils se soient appelés Sadducéens.
Cette appellation leur permettait d'accaparer l'illus-
tration qui s'attachait à l'un des noms les plus glorieux
du passé, et en même temps de faire remonter très
haut l'origine de leurs prétentions ou de leurs droits.
Cette explication du nom des Sadducéens n'est pas
absolument certaine; mais, à défaut de renseignements
historiques, elle est la plus probable. — 6° Hôlscher,
Der Sadducâismus, 1906, prétend que les descendants
de Sadoc furent chassés de Jérusalem par le soulè-
vement des Machabées, et que leurs tendances n'étaient
plus représentées dans le haut sacerdoce, à la seule
exception de la famille de Boéthos sous Hérode. C'est
alors seulement que le nom de « Sadducéens » aurait
pris naissance en souvenir de la tendance similaire, au
temps des Machabées. Schûrer rejette résolument ce
système dans Theol. Literaturzeitung, 1907, p. 200-203.
II. Leur histoire. — 1» Les Sadducéens ne prennent
place dans l'histoire qu'assez tardivement. Ils ne for-
ment pas un parti compact et nombreux comme les
Pharisiens. Ils ne se composent que de gens riches et
tiennent le peuple à l'écart; ils sont peu nombreux,
mais comptent parmi eux les dignitaires et les chefs.
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6 ; XVIII, I, 4. C'est
donc une aristocratie, surtout sacerdotale; car les
1339
SADDUGEENS
1340
prêtres, qui occupaient le premier rang dans la nation,
y avaient exercé l'autorité principale sous la domi-
nation des Grecs et même des Perses. A l'époque ro-
maine, les grandes familles sacerdotales étaient saddu-
céennes. Act., v, 17; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1.
Cependant, il n'y a nullement identité entre le sacer-
doce juif et le sadducéisme. Un très grand nombre de
prêtres n'étaient pas sadducéens et n'avaient aucune an-
tipathie contre le pharisaïsme, auquel même beaucoup
d'entre eux finirent par adhérer à l'époque qui précéda
immédiatement la ruine de Jérusalem. D'autre part,
les Pharisiens ne nourrissaient aucune animosité contre
les prêtres; ils recommandaient l'obéissance aux obli-
gations que la loi prescrivait à leur égard et se mon-
traient eux-mêmes fidèles à les observer. Mais l'anta-
gonisme n'existait qu'entre le pharisaïsme et le haut
sacerdoce, non pas à raison de ses fonctions, mais à
cause de ses idées et de ses tendances. — 2° L'origine
de cet antagonisme doit tenir à une cause d'ordre poli-
tique. L'aristocratie sacerdotale, qui exerçait l'autorité
sur la nation à l'époque des dominations étrangères et
jouissait des honneurs et des profits attachés à ses
fonctions, avait naturellement intérêt à maintenir cet
état de choses. L'intérêt national réclamait également
que satisfaction fût donnée, autant que possible, aux
maîtres étrangers de qui dépendaient les destinées du
pays. Ainsi s'explique la tendance des prêtres fonction-
naires à se rapprocher de plus en plus de l'hellénisme,
et leurs efforts pour diminuer la distance qui séparait
le judaïsme d'avec le monde païen. Il leur semblait qu'ils
travaillaient ainsi au bien de la nation, non moins qu'à
leur avantage particulier. Ces tendances, déjà très
accentuées sous la domination grecque, survécurent à
la période de réaction machabéenne. Pendant que,
profondément antipathiques au joug et aux idées étran-
gères, les Pharisiens s'attachaient plus étroitement à
la loi et ne craignaient pas d'en tirer les extrêmes
conséquences, l'aristocratie sacerdotale s'efforçait de
diminuer plutôt que d'augmenter les causes de diver-
gence avec la gentilité, en acceptant du monde païen
tout ce qui n'était pas foncièrement inconciliable avec
le fond essentiel de la loi mosaïque. On vit alors les
grands-prêtres Jason, Ménélas et Alçime verser à l'excès
dans l'hellénisme. — 3° Les grands-prêtres maccha-
béens, Jonathas et ses successeurs, à raison même de
leurs antécédents, se rangèrent au parti pharisien, qui
était le parti du patriotisme et de l'observance étroile
de la loi. Les Sadducéens furent alors tenus à l'écart,
mais ils ne disparurent pas et conservèrent toujours
quelques-uns des leurs dans les hautes fonctions. Ils
apparaissent tout d'un coup sous Jean Hyrcan pour jouer
un rôle qui prouve leur réelle importance. Plusieurs
des Pharisiens voyaient d'un mauvais oeil la puissance
civile et le souverain pontificat réunis dans les mains
du même prince. Ils manifestèrent publiquement leur
mécontentement, et l'un d'eux, Éléazar, alla même jus-
qu'à élever des doutes sur la légitimité de la naissance
de Jean Hyrcan. Jonathas, ami intime du prince et
sadducéen, lui persuada que tous les Pharisiens étaient
dans les mêmes idées et lui inspira la résolution de
faire juger par eux le calomniateur. Ceux-ci ne con-
damnèrent Éléazar qu'au fouet et à la prison. Hyrcan,
outré de cette indulgence, passa au parti des Saddu-
céens, embrassa leur doctrine et prit des mesures ri-
goureuses contre ceux qui observaient les pratiques du
pharisaïsme. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5, 6;
Babyl. Berachoth, fol. 29 a. Aristobule I er , et surtout
Alexandre Jannée, persévérèrent dans ce parti. Ce der-
nier, violemment attaqué par le peuple à l'instigation
des Pharisiens, fit massacrer six mille hommes par
sa garde, et soutint ensuite pendant six ans une guerre
civile durant laquelle périrent cinquante mille Juifs.
Ant. jud., XIII, xiii, 5. Cependant, avant de mourir,
il recommanda à la reine Alexandra de se concilier les
Pharisiens en leur donnant part au pouvoir. Josèphe,
Ant. jud., XIII,- xv, 5. Ceyux-ci, redevenus puissants
sous Alexandra, exercèrent des représailles contre
les Sadducéens et en firent mourir un bon nombre,
entre autres Diogène, ancien ami d'Alexandre Jannée.
Aristobule, fils cadet d'Alexandra, intervint alors en
faveur des Sadducéens. La reine, pour les soustraire à
la vengeance de leurs ennemis, les envoya dans des
forteresses dont elle leur confia la garde. Josèphe,
Ant. jud., XIII, xvi, 2-3. C'était une force toute pré-
parée dont Aristobule se servit, à la mort de sa mère,
pour s'emparer de la royauté, au détriment de son
aîné Hyrcan. — 4° Sous Hirode et sous les procura-
teurs romains, si impatiemment supportés par les
Pharisiens, les Sadducéens s'accommodèrent aisé-
ment du régime imposé à la nation. Ils remplissaient
alors les principales charges religieuses. Josèphe,
Ant. jud., XVIII, i, 4, remarque même que « quand
ils exerçaient quelque magistrature, ils se rangeaient
à l'opinion des Pharisiens, bien qu'à contre coeur et
sous le coup de la nécessité, parce qu'autrement le
peuple ne les eût pas supportés. » Ils savaient donc
faire fléchir leurs principes dans l'intérêt de leur
pouvoir. On les voit intervenir de temps en temps à
travers l'histoire évangélique, faisant souvent cause
commune avec les Pharisiens contre Jésus, mais pour
des motifs tout différents. Ce qu'ils voient en lui, c'est
le novateur qui cherche à troubler l'ordre établi et qui
peut attirer contre la nation la colère de (a puissance
romaine. Joa., xi, 48. Ils cherchent cependant à dé-
fendre leurs doctrines particulières, Matth,, xxn, 23-34 ;
Act., iv, 1, 2, pour ne pas avoir l'air de se désintéresser
des choses d'ordre intellectuel. Mais la politique est
leur principale raison d'être. Ils n'existent que pour
tirer des circonstances le meilleur parti possible, en se
pliant à toutes les dominations qui pèsent sur leur
nation, pourvu que leurs intérêts soient saufs. Aussi
disparaissent-ils sans laisser presque aucune trace,
quand la ruine de la nationalité juive ne permet plus
à leur habileté de s'exercer avec profit. Leur influence
ayant été beaucoup plus pratique que doctrinale, c'est
à peine si les docteurs juifs feront encore mention des
Sadducéens dans leurs longs commentaires. Ils en
viendront même à ne plus trop savoir ce que ces sec-
taires ont pensé et ce qu'ils ont été.
III. Leur doctrine. — Chez un peuple qui attachait
une si grande importance à sa foi religieuse et qui y
cherchait la règle de sa conduite, le fondement de ses
espérances et le motif de ses revendications, un parti
comme celui des Sadducéens ne pouvait se désintéresser
totalement de la question doctrinale, bien que ses vi-
sées fussent principalement politiques et utilitaires.
Voilà pourquoi ces sectaires admettaient un certain
nombre de principes dont ils tiraient les conséquences
pratiques. — 1° Sur l'Écriture et les traditions. —
D'après les Sadducéens « il ne faut accepter pour ré-
gler sa conduite, que ce qui est écrit, sans s'astreindre
aux traditions des anciens... Ils prétendent qu'il n'y a
à observer que la loi et qu'il est honorable de contre-
dire les maîtres de la sagesse. » Josèphe, Ant. jud., XIII,
x, 6; XVIII, i, 4. C'était le principe opposé à celui des
Pharisiens, qui trop souvent faisaient passer avant la
loi les traditions purement humaines. Matth., xv, 3-6.
Un certain nombre de Pères ont pensé que les Saddu-
céens ne recevaient parmi les livres sacrés que le
Pentateuque. Cf. Origène, Cont. Cels., i, 49, t. xi, col.
767; Philosophum., ix, 29, édit. Cruice, p. 469; Ter-
tullien, De prsescript., 45, t. h, col. 61; S. Jérôme,
Cont. Luciferian., 23, t. xxm, col. 178; In "Matth., ni,
31, t. xxvi, col. 165, etc. On a cherché à corroborer
cette assertion en observant que, pour réfuter les
Sadducéens, Jésus-Christ se contente d'alléguer un
1341
SADDUGÉENS
J342
texte du Pentateuque, Matth., xxn, 32, alors que tant
d'autres plus décisifs auraient pu être empruntés aux
prophètes. Mais on convient généralement aujourd'hui
que les Pères, en s'exprimant ainsi, ont donné plus de
portée qu'il ne fallait à l'observation de Joséphe. Il est
certain que si les Sadducéens avaient partagé, au sujet
des écrits bibliques, l'opinion des Samaritains abhorrés,
qui ne recevaient que le Pentateuque, leur position eût
été intenable au sanhédrin et surtout au souverain pon-
tificat. Or, comme l'a observé Josèphe, Ant. jud., XVIII,
i, 4, la crainte du peuple les obligeait parfois à se ran-
ger à la manière de voir des Pharisiens; ils n'eussent
pas manqué de le faire, pour conserver leurs charges,
si leurs opinions sur la Bible eussent été inacceptables.
L'argument tiré du Pentateuque par Notre-Seigneur ne
prouve nullement que les Sadducéens n'admettaient
que les livres de Moïse. On conçoit très bien que, pour
donner plus de force à sa réponse, le Sauveur ait em-
prunté à un texte de Moïse le moyen de réfuter une
objection appuyée sur un autre texte du même auteur.
Dans le Talmud, on voit les Pharisiens alléguer des
textes prophétiques contre les Sadducéens, sans que
ceux-ci réclament. Gem. Sanhédrin, 11. 2. C'est donc
que ces derniers avaient la même Bible que tous leurs
compatriotes. Ils ne rejetaient en définitive que les
traditions non écrites, c'est-à-dire ces règles et ces
interprétations qui se transmettaient oralement et se
multipliaient à l'excès. Il y avait cependant des tradi-
tions qu'ils admettaient. Sanhédrin, 33 b; Horayoth,ka.
Ils tenaient sans doute à rester libres d'accepter celles
qui leur convenaient.
2° Sur l'existence des esprits. — « Les Sadducéens
disent qu'il n'y a point de résurrection, ni d'ange et
d'esprit. » Act., xxm, 8. Ils n'admettaient point d'autre
esprit pur que Dieu. Par conséquent point d'anges,
point d'âmes séparées du corps et, comme corollaire,
pas de résurrection du corps pour rejoindre une âme
qui n'existe plus. Les Sadducéens « nient la survivance
des âmes, les supplices et les récompenses de l'autre
vie... La doctrine des Sadducéens est que les âmes péris-
sent avec les corps. » Josèphe, Bell, jud., II, vm, 14;
Ant. jud., XVIII, i, 4. « Les Sadducéens formulent ainsi
leur négation : la nuée se dissout et s'en va, ainsi ce-
lui qui descend au tombeau ne revient pas. » Tanchuma,
3, 1. Peut-être les Sadducéens prétendaient-ils s'en
tenir sur ces différents points aux anciens textes bi-
bliques, qui n'étaient pas très explicites. Si l'existence
des anges et des démons apparaît assez claire dans le
Pentateuque et dans Job, ce qui rend la négation des
Sadducéens inexcusable, la survivance des âmes restait
une question obscure au moins quant au mode de cette
survivance. Le Se'ôl semblait un état indécis, sans ré-
compense ni châtiment. Quant à la résurrection des
corps, elle n'avait été enseignée d'une manière positive
que par Daniel. Toutes ces notions sur l'autre vie étaient
encore imprécises pour les Juifs. Il y avait là des ques-
tions qui fournissaient matière à discussion entre Pha-
risiens et Sadducéens. Mais les raisons apportées par les
premiers étaient souvent sans valeur. Cf. Midrasch
Kohelelh, fol. 114, 3. Les seconds y trouvaient facilement
des motifs de ne pas croire. En tous cas, dans l'opinion
générale, la négation des Sadducéens avait assez- peu de
conséquence pour que ceux-ci pussent exercer les pre-
mières charges dans le Temple, sans révolter ni même
trop étonner personne.
3° Sur l'action de la Providence. — c Les Sadducéens
suppriment totalement le destin et nient que Dieu soit
pour quelque chose quand on fait le mal ou qu'on s'en
abstient. Ils disent qu'il dépend de l'homme de choi-
sir le bien ou le mal et que chacun va à l'un ou à Tau-
Ire à son gré. » Josèphe, Bel l. jud., III, vin, 14. Au point
de vue individuel, la théorie sadducéenne pouvait
passer pour une revendication de la liberté humaine,
et la négation légitime de cette force nécessitante que
les païens appelaient le destin etquiimposaità l'homme
certains actes bons ou mauvais. Elle rejetait cependant
toute influence de Dieu sur la conduite de l'homme.
C'était la négation anticipée de la grâce et l'affirmation
de l'indifférence divine vis-à-vis des actes de l'homme,
qu'aucune sanction ne devait d'ailleurs atteindre dans
l'autre vie. La inorale se résumait ainsi pour chacun à
se tirer d'affaire le plus habilement possible, de manière
à s'assurer les avantages de la vie présente. Toute la
conduite des Sadducéens, qui n'admettaient dans leur
secte que des riches, cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6,
s'inspirait de ces principes. Au point de vue national,
leur théorie avait une portée plus grave. Elle rejetait
l'action providentielle de Dieu sur la nation, au moins
pour le présent et pour l'avenir. Dieu semblait se dé-
sintéresser de son peuple, qu'il abandonnait à la domi-
nation des étrangers. Il n'y avait donc plus rien à
attendre de lui, pas même ce Messie libérateur sur
lequel comptaient les Pharisiens et en général tous les
enfants d'Israël. Dieu ne se mêlant de rien et les Juifs
n'étant pas assez puissants pour se libérer eux-mêmes,
le plus sage était donc de s'accommoder de la situation
présente en faisant bonne figure aux Romains, pour
jouir sous leur protection des biens de la vie. Le riche
que Notre-Seigneur met en scène dans une de ses
paraboles en face du pauvre Lazare, Luc, xvi, 19-81,
parait bien avoir été l'un de ces Sadducéens jouisseurs,
qui se réveille tout d'un coup dans une autre vie à
laquelle il ne croyait pas et dont ses cinq frères n'ad-
mettaient pas la réalité.
- 4° Sur le droit criminel. — «Dans les jugements,
les Sadducéens étaient plus durs que tous les autres
Juifs. » Joséphe, Anl. jud., XX, ix, 1. Ils tranchaient
ainsi avec les Pharisiens, qui étaient « naturellement
disposés à se montrer cléments dans l'application des
peines. » Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6. Cette différence
provenait de ce que les Sadducéens s'en tenaient rigou-
reusement à la loi écrite, tandis que les Pharisiens admet-
taient les adoucissements consacrés par la tradition.
Les premiers réclamaient l'application stricte de la loi
du talion, alors que les seconds se contentaient de
compensations pécuniaires. Cf. Yadayim, IV, 76.
Pourtant, dans le cas du faux témoin, Deut., xix, 19-21,
ils n'admettaient le châtiment du coupable que quand
son témoignage avait produit son effet, tandis que les
Pharisiens exigeaient le châtiment pour le seul fait du
faux témoignage en lui-même. Cf. Makkoth, I, 6. On
voit que les Sadducéens n'avaient pas toujours la sévé-
rité dont Josèphe les accuse. Ils gardaient cependant
une certaine raideur même entre eux, toujours avec
l'idée de se montrer inflexibles et impartiaux sur l'ap-
plication de la loi. « Les Pharisiens s'aiment les uns
les autres et s'accordent ensemble pour leur commune
utilité. Les Sadducéens n'ont pas cette bienveillance les
uns pour les autres, et ils se comportent entre eux
comme avec des étrangers. » Josèphe, Bell, jud., II,
vm, 14.
5° Sur les questions rituelles. — C'était là une
source d'interminables discussions entre les Pharisiens
et les Sadducéens, parce que ces derniers se refusaient
à tenir pour obligatoires les règles de pureté légale que
les premiers avaient multipliées à plaisir. Ils se mo-
quaient même des minuties et des inconséquences
dans lesquelles tombaient les interprètes de la léga-
lité. Ainsi les Pharisiens ayant jugé à propos de puri-
fier le candélabre du Temple, les Sadducéens dirent
qu'ils en viendraient à purifier le globe du soleil.
Cf. Yadayim, iv, 6, 7 ; Chagigah, m, 8. Les Phari-
siens déclaraient impures les Sadducéennes, « si elles
suivaient le chemin de leurs pères. t> Nidda, iv, 2.
Cependant, dans certains cas, les Sadducéens se mon-
traient plus stricts que les autres dans leurs exigences.
1343
SADDUCÉENS
1344
Ils prescrivaient de multiples purifications au prêtre
qui préparait les cendres de la vache rousse, alors que
les Pharisiens en réclamaient beaucoup moins. Cf. Para,
m, 7. Quand on transvasait un liquide d'un vase pur
dans un vase impur, le liquide devenait impur au
sortir du vase pur, d'après les Sadducéens, et seule-
ment au contact du vase impur, d'après les Phari-
risiens. Cf. Yadayim, iv, 7. Les Sadducéens différaient
encore des Pharisiens sur la manière d'entendre cer-
taines prescriptions liturgiques. Ils voulaient que
l'offrande de la gerbe pascale, Lev., xxm, H, se fit
. non pas le second jour de la fête, mais le jour d'après
le sabbat de l'octave. Cf. Menachoth, x, 3; Chagigah,
il, 4. Ils prétendaient que le sacrifice quotidien devait
êlre offert, non aux frais du trésor, mais à ceux des
particuliers; que l'offrande de farine appartenait aux
prêtres et n'avait pas à êlre brûlée sur l'autel; qu'au
jour de l'Expiation, le grand-prêtre devait brûler l'en-
cens avant d'entrer dans le Saint des saints, et non
après, etc. Ils avaient aussi leur manière particulière
• d'accomplir certaines cérémonies. Cf. Gem. 1er. Yoma,
39, 1; Sukka, iv, 9. Voir Libation, t. iv, col. 236.
Il y avait encore grand dissentiment entre fes Saddu-
céens et les Pharisiens sur l'étendue à donner au pré-
cepte du sabbat et sur les conditions des festins sacrés.
Cf. Erubin, vi, 1, 2. En somme, les Sadducéens fai-
saient bon marché des traditions pharisaïques ; ils se
refusaient à leur reconnaître un caractère obligatoire
et parfois, comme à propos du sacrifice quotidien et de
l'offrande de farine, prenaient le parti le plus avanta-
geux à leur intérêt. Étant donné l'état de leurs croyances
religieuses, il esta croire qu'ils ne voyaient dans l'exer-
cice du culte qu'une série de formalités, auxquelles ils
se pliaientpour conserver des situations lucratives, mais
qu'ils se gardaient bien de compliquer au gré des doc-
teurs pharisiens. Ils n'entraient dans les vues de ces
derniers qu'autant qu'il le fallait pour ne pas trop
mécontenter le peuple.
IV. Leur rôle en face de l'Évangile. — A l'époque
évangélique, les Sadducéens occupaient une place im-
portante dans la nation juive. Ils comptaient un certain
nombre de membres dans le sanhédrin, voir Sanhé-
drin, et il est à peu près certain que tous ceux qui
sont désignés sous le nom de pontifes, de grands-
prêtres et de princes des prêtres appartenaient au
parti sadducéen. Au point de vue politique, les Saddu-
céens admettaient le pouvoir établi. Ils étaient donc
disposés à faire opposition à quiconque menacerait
l'ordre de choses en vigueur. — Quand Jean-Baptiste
commence à prêcher, il y a des Pharisiens et des
Sadducéens parmi ceux qui l'écoutent. Le précurseur
les interpelle durement les uns et les autres en les
appelant « race de vipères ». Matth., m, 7. Il ne parait
pas qu'ils soient venus là avec l'intention de se con-
vertir. — La prédication du Sauveur excite également
la curiosité des Sadducéens. Un jour, ils s'unissent à
des Pharisiens pour lui demander de faire un prodige
dans le ciel. Matth., xvi, 1. Le Sauveur les enveloppe
les uns et les autres dans la même réprobation, en
secommandant à ses disciples de se tenir en garde
contre le levain des Pharisiens et des Sadducéens,
c'est-à-dire contre leur doctrine. Matth., xvi, 6-12. Saint
Marc, vin, 15, parle du levain des Pharisiens et du
« levain d'Hérode », ce qui donne à penser que les
partisans du prince se recrutaient surtout parmi les
' Sadducéens. Voir Hérodiens, t. ni, col. 653. — La
principale intervention des Sadducéens est celle qui a
lieu dans le Temple, pendant les derniers jours de la
vie du Sauveur. Les Pharisiens ont harcelé Notre-Sei-
gneur de questions captieuses. Les Sadducéens veulent
entrer en ligne à leur tour. Ils s'imaginent qu'ils seront
plus heureux, en proposant une de ces difficultés à
laquelle il leur semblait qu'il n'y avait pas de réponse
possible. Pour eux, pas de résurrection ; car, s'il y en
avait une, à qui serait unie dans l'autre vie la femme
qui a successivement épousé sept frères ici-bas? Ce
cas suppose la loi du lévirat formulée par Moïse. Deut.,
xxv, 5, 6. Le Sauveur réplique aux Sadducéens qu' «ils
ignorent les Écritures », eux qui se piquent de n'ad-
mettre que ce qui est écrit; il leur parle des anges, à
eux qui nient leur existence; enfin il leur prouve, par
un autre texte emprunté à Moïse, qu'Abraham, Isaac
et Jacob sont encore vivants, que, par conséquent, les
âmes survivent et que, semblables aux anges de Dieu
elles n'ont plus à contracter d'unions comme sur la
terre. Matth., xxn, 23-33; Marc, XH, 18-27; Luc, xx,
27-40. Pour une fois qu'ils ont pris la parole afin de
défendre leurs idées, les Sadducéens sont réduits au
silence. Le peuple admire et les Pharisiens ne sont pas
fâchés de l'humiliation infligée à leurs antagonistes.
Matth., xxn, 33, 34; Marc, xn, 28. Pendant le minis-
tère public du Sauveur, les Sadducéens sont donc in-
tervenus beaucoup moins souvent que les Pharisiens.
Cela tient à ce qu'ils étaient en bien plus petit nombre
et que de riches personnages comme eux évitaient de
se commettre avec les foules à travers les campagnes
qu'évangélisait Jésus. Leur amour de la vie confortable
les retenaft d'ailleurs à Jérusalem, et c'est là, dans le
Temp*le même, qu'ils abordèrent Notre-Seigneur.
D'autre part, ils savaient que les Pharisiens faisaient
bonne garde autour de lui et que l'écho de leurs griefs
ne manquerait pas de retentir au sanhédrin, où serait
prise la résolution que réclamait la haine commune.
La condamnation et la mort du Sauveur furent l'œuvre
des Sadducéens,. au moins autant que celle des Phari-
siens; car ces princes des prêtres qui s'agitèrent avec
tant de frénésie pendant la passion étaient pour la plu-
. part des membres de la secte, ainsi que beaucoup des
anciens, et il est à croire que leurs accusations et leurs
menaces eurent d'autant plus de poids sur la décision
de Pilate qu'eux-mêmes se posaient en amis de l'auto-
rité romaine et, à ce titre, avaient plus de droits que
d'autres à être écoutés. — Après la Pentecôte, les Sad-
ducéens, maîtres du Temple, s'indignent de ce que
Pierre et Jean annoncent la résurrection des morts en
la personne de Jésus, et ils les font jeter en' prison. Le
lendemain, Pierre affirme hardiment la résurrection
de Jésus-Christ en plein sanhédrin, et les Sadducéens
ne réussissent pas à le faire condamner. Act., iv, 2,
10-23. — Quelque temps après, « le grand-prêtre et
tous ses adhérents, savoir le parti des Sadducéens, »
font encore arrêter les Apôtres. Ils les auraient mis
à mort sans le conseil sensé que leur donna Gamaliel.
Ils se contentent alors de les faire flageller. Act., v, 17,
34-40. — Une dernière fois, les Sadducéens sont men-
tionnés à l'occasion de la comparution de saint Paul
devant le sanhédrin. Cette assemblée est encore com-
posée d'éléments empruntés aux deux sectes rivales.
L'Apôtre exploite habilement la situation pour soulever
ses juges les uns contre les autres. Se présentant
comme Pharisien, il déclare qu'il est mis en jugement
à cause de son espérance en la résurrection des morts.
Aussitôt, les deux partis entrent en lutte; les Phari-
siens soutiennent qu'après tout il est possible qu'un
esprit ou un ange ait parlé à Paul. Le tribun est alors
obligé de dissoudre l'assemblée pour soustraire l'Apôtre
à la fureur des Sadducéens. Act., xxn| 6-10. — A la
suite de cet incident, il n'est plus question des Saddu-
céens dans le Nouveau Testament. Du rôle qui leur
est attribué dans l'Évangile, il faut conclure que ces
sectaires ne connaissaient de la religion que le côté
cultnel et extérieur, qu'ils gardaient en vue de l'hon-
neur et du profit qui en résultaient pour eux. Ils
n'hésitaient pas à faire mourir quiconque portait at-
teinte à leur situation, comme ils firent pour Notre-
Seigneur et tentèrent de le faire pour les Apôtres.
1345
SADDUCEENS — SADOG
1346
Partisans servîtes d'un pouvoir détesté par la nation,
sans idéal religieux, égoïstes, jouisseurs et cruels, ils
s'étaient attiré le mépris et la haine du peuple. Ils le
méritaient bien.
Voir la bibliographie du mot Pharisiens, col. 217;
S. Barthel, De Sadducseis, dans le Thésaurus d'Ugo-
lini, xxii; Grossmann, De philosophia Sadducseorum,
Leipzig, 1836-1838; Baneth, Ueber den Ursprung der
Sadokâer und Boethosâer, dans le Magazin fur die
Wissensch. des Judenlh., Leipzig, 1882, p. 1-37, 61-95;
Davaine, Le Saducéisme, étude historique et dogma-
tique, Montauban, 1888; Stapfer, La Palestine au
temps de J.-C, 2« édit., Paris, 1902, p. 259-276, 309-
321 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im
Zeit. J. C, Leipzig, t. h, 4« édit., 1907, p. 475-489;
Lafay, Les Sadducéens, Lyon, 1904; Hôlscher, Der
Saddueâismus, Leipzig, 1906. H. Lesètre.
SADOG (piis, « juste »; Septante : EaSiix;
ZaSiix, etc.), nom de plusieurs Israélites dont le nom-
bre est difficile à déterminer.
1. SADOC, fils (petit-fils) d'Achitob (voir Achitob 2,
t. i, col. 145), descendant d'Éléazar, fils d'Aaron,
I Par., vi, 4, 11; 50-53; xxiv, 3, grand-prêtre du temps
de David. II Reg., vin, 17; xv, 35 36; xix, 11; xx, 25;
I Par., xvin, 16.
1° Abiathar avait en même temps la même dignité,
mais Sadoc est toujours nommé avant lui, ibid., et il
est nommé comme le chef des descendants d'Aaron.
I Par., xxvii, 17. Une partie de son histoire est obscure.
II apparaît pour la première fois après la mort de Saûl,
lorsqu'il était encore jeune (na'ar) : il alla à Hébron
avec vingt-deux chefs de la maison de son père et
beaucoup d'autres pour proclamer David roi d'Israël.
Le texte sacré le qualifie de « vaillant », gibbôr hdil
{Vulgate : egregim indolis). I Par., xn, 28. Son nom ne
reparaît qu'à l'époque de la translation de l'arche par
David de la maison d'Obédédom à Jérusalem : il est
alors pontife avec Abiathar et en cette qualité il est
chargé avec son collègue et les principaux Lévites
d'organiser la cérémonie. I Par., xv, 11. C'est la pre-
mière circonstance dans laquelle Sadoc et Abiathar
figurent tous les deux comme grands-prêtres. Nous
ignorons comment le pontificat était alors représenté
par deux personnages. Abiathar avait succédé à son
père Achimélech dans cette fonction, lorsque ce der-
nier eut été immolé par Saûl pour avoir fait bon accueil
à David fugitif, Abiathar avait seul échappé au massa-
cre de sa famille et il s'était réfugié, afin de sauver sa
vie, auprès de David, qui le traita- comme successeur de
son père dans la dignité pontificale. I Reg., xxii, 20-
24; xxiii, 6. Voir Abiathar, t. i, col. 45. D'après
I Par., xn, 28, Sadoc paraît avoir été le chef de la
famille aaronique d'Éléazar, à l'époque de la mort de
Saûl. Ce prince, après la fuite d' Abiathar, avait-il appelé
au souverain sacerdoce l'aîné des descendants d'Éléa-
zar? C'est possible, mais nous n'en avons pas Iapreuve.
Quoi qu'il en soit, Sadoc a le rang de grand-prêtre
pendant le règne de David. Sa famille, après avoir été
attachée à Saûl pendant le règne de ce roi, devint in-
variablement fidèle à David avec Sadoc. Il semble y
avoir eu un partage d'attributions entre les deux grands-
prêtres : Sadoc et sa famille font le service du Taber-
nacle et offrent les sacrifices à Gabaon, I Par., xvi,
39-40; Abiathar eut à s'occuper de l'arche d'alliance,
mais non exclusivement et conjointement avec Sadoc.
I Par., xv, 11; II Reg., xv, 24-29.
2» Sadoc et Abiathar jouèrent un rôle important à
l'époque de la révolte d'Absalom contre son père et
contribuèrent efficacement à conserver le trône à David.
Ils voulurent d'abord accompagner le roi dans sa fuite
et emporter avec eux l'arche d'alliance de Jérusalem,
DICT. DE LA BIBLE.
mais David les fit rester dans la capitale, afin d'y
suivre la marche des événements et de le renseigner
par l'intermédiaire de leurs fils, Achimaas et Jonathas,
sur tout ce qui se passerait. II Reg., xv, 24-29. Les deux
grands-prêtres et leurs fils accomplirent fidèlement la
mission qui leur était confiée. II Reg., xvh, 15-22. Après
la mort d'Absalom, à la demande de David, Sadoc et
Abiathar persuadèrent aux anciens de Juda de rappeler
le roi dans sa capitale. II Reg., xix, 11.
3» Les deux pontifes qui avaient jusque-là marché
d'accord prirent chacun un parti différent à l'époque
de l'avènement de Salomon à la royauté. Sadoc se
rangea du côté du fils de Bethsabée; Abiathar fit cause
commune avec Adonias. III Reg., i, 7-8. Sadoc sacra
Salomon roi d'Israël, f. 32-40, et lorsque ce prince fut
solidement assis sur son trône, il déposa Abiathar et
Sadoc resta seul grand-prêtre. III Reg., n, 27-36.
Ainsi s'accomplit le châtiment par lequel Dieu punit la
maison d'Héli des crimes de ses fils Ophni et Phinées.
I Reg., n, 27-36; m, 11-13. Voir HéliI, t. m, col. 569.
Le souverain pontificat passa ainsi définitivement de la
famille d'ithamar dans celle d'Éléazar en la personne
de Sadoc.
4» C'est le dernier événement qui nous soit connu
de la vie de Sadoc; il n'est pas même nommé dans le
récit de la construction et de la dédicace du Temple,
quoique, d'après Josèphe, Ant. jud., X, vin, 6, il soit
le premier grand-prêtre quiyaitpontifié. — Dans II Reg.,
xv, 27, David l'appelle rô'éh, « voyant », d'après le
texte massorétique et d'après la Vulgate; les Septante
ont lu autrement l'hébreu : ÏSets, « voyez ». La leçon
rô'éh est sujette à caution; si elle est exacte, il est
difficile d'expliquer pourquoi ce titre est donné à Sadoc.
— Sur l' Achimélech qui est nommé comme grand-
prêtre avec Sadoc II Reg.,vm, 17, voir Achimélech 3,
t. i, col. 142.
5° Le souverain pontificat se transmit dans la des-
cendance de Sadoc. Il eut sans doute pour successeur .
son fils Achimaas, qui fut remplacé lui-même par son
fils Azarias. —III Reg., iv, 2; IPar.,vi, 9-15, donnent la
succession des grands-prêtres de la maison de Sadoc
jusqu'à Josédec, à l'époque de la captivité de Babylone,
et la suite de cette succession est marquée dans Esdras
et dans Néhémie. Voir Grand-prêtre, 1. 1, col. 305-306.
Pendant la captivité, Ézéchiel, dans la seconde partie
de ses prophéties, fait à plusieurs reprises l'éloge des
descendants de Sadoc. Ezech., XL, 46; xlhi, 19; xliv,
15; XL vin, 11. F. Vigouroux.
2. SADOC, père de Jérusa, femme du roi Ozias et
mère du roi Joatham. IV Reg.,xv, 33; II Par., xxvii, 1.
Comme le père de la reine-mère n'est pas ordinaire-
ment nommé, on peut induire de l'exception qui est
faite ici que Sadoc était un personnage important.
3. SADOC, grand-prêtre, second du nom, fils d'Achitob
et père de Sellum. I Par., vi, 12; I Esd., vu, 2. Voir
Achitob 3, t. i, col. 146. Ce nom ne figure pas dans la
liste des grands-prêtres donnée par Josèphe et par le
Séder Olam (voir t. m, col. 305), mais l'Odéas, 'Uôéaç
de Josèphe, Ant. jud., X, vin, 6, et le Hosaïah ou Osaïas,
du Séder Olam, placé immédiatement avant Sellum,
doit être le même que ce Sadoc. On ne sait rien de
son histoire.
4. SADOC, fils de Baana, qui travailla du temps de
Néhémie à la restauration des murs de Jérusalem.
II Esd., m, 4. Voir Sadoc 7.
5. SADOC, fils d'Emmer, qui répara devant sa propre
maison les murs de Jérusalem du temps de Néhémie,
II Esd., m, 29, du côté oriental de la ville, près de la
porte des Chevaux. Voir t. n, col. 682. Voir aussi
V. — 43
1347
SADOG — SAGAN
1348
Emmer 1, t. h, col. 1763. 11 est peut-être identique à
Sadoc 7.
6. SADOC, « un des chefs du peuple » qui signèrent
l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 21 .
Quelques exégètes le confondent avec Sadoc 4, parce
qu'il est nommé dans ce dernier passage après Mésiza-
bel, comme l'est également le Sadoc de II Esd., m, 4.
7. SADOC, scribe, à qui Néhémie confia, ainsi qu'à
Sélémias le prêtre et à quelques Lévites, la garde des
magasins où l'on recueillait les dîmes des Israélites.
II Esd., xm, 13. Certains commentateurs identifient ce
Sadoc avec Sadoc 5, d'autres avec Sadoc 4, d'autres
avec Sadoc 6, mais on ne peut donner pour ou contre
ces identifications de raison décisive.
8. SADOC, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans
la généalogie de saint Matthieu, i, 14. 11 descendait de
Zorobabel et était fils d'Azor et père d'Achim.
SAFRAN (hébreu : karkôm; Septante : xpôxo;;
Vulgate : crocus), plante odorante.
I. Description. — Cette substance à la fois aroma-
tique et tinctoriale est fournie par les stigmates du
Crocus sativus L. de la famille des Iridées. L'Orient
est la patrie des Crocus, dont on a décrit près de
50 espèces. Toutes sont des herbes à tige courte et
bulbeuse, protégée par la base dilatée et persistante
des anciennes feuilles, sous forme de tuniques mem-
braneuses. Les fleurs paraissent soit au printemps,
soit à l'automne, entourées par une touffe de feuilles
linéaires. Le tube allongé du périanthe, qui part du
bulbe, simule un pédoncule, et se dilate en une coupe
infundibuliforme composée de six pièces dont les
externes sont plus larges et opposées aux étamines.
L'ovaire est profondément enfoui, mais surmonté au
centre de la fleur par un style filiforme, divisé lui-
même en 3 branches stigmatiques enroulées en cornet
et progressivement évasées jusqu'à leur extrémité. Ce
sont les parties que l'on récolte comme étant le siège
principal de la matière colorante rouge-orange, unie
à une huile essentielle, et dont le pouvoir colorant est
si considérable qu'il communique une teinte encore
appréciable à 200000 parties d'eau. Le Crocus sali-
vus (fig. 278), spontané dans les montagnes de la Grèce
et de l'Asie Mineure, est l'objet d'une culture étendue.
Il se reconnaît à ses fleurs violettes, automnales, en-
tourées d'une spathe à leur base, et naissant d'un bulbe
à tuniques réticulées. F. Hï.
II. Exégèse. — Le karkôm ne se présente qu'une
seule fois dans l'Ancien Testament. Il est mentionné
dans la description d'un jardin, où croissent avec les
fruits les plus exquis, les plantes les plus odoriférantes,
comme le cypre, le nard, le cinnamome... et le kar-
kôm. Cant., iv, 14. Les anciennes traductions et le nom
lui-même rendent l'identification facile. Car le karkôm,
c'est le kurkam ou kurkama araméen, le kurkum
arabe qui rappelle le karkum persan et même le sans-
crit kunkuma. Le grec xsôxo; parait bien avoir la
même origine. C'est bien le Crocus salivus que les Ira-
ducteurs grecs, chaldéens, arabes, et la Vulgate ont en
vue dans ce passage du Cantique des Cantiques. Cette
plante est souvent mentionnée dans le Talmud, Schebiit,
110 a; Baba Metsia,Wl, 6, etc. Les Arabes lui donnent
plus volontiers le nom de za'feran, d'où est venu notre
mot safran : ce terme désigne vulgairement la plante
avec sa fleur, mais plus précisément les stigmates de
. cette fleur ou la poudre odorante qu'on en tire.
Le Crocus sativus et les autres espèces qui donnent
le safran étaient très répandus dans le Liban et en
Syrie. On les cultivait pour en recueillir le parfum et
la couleur. Le Crocus revient souvent dans les auteurs
classiques. O. Celsius, Hierobolanicon, in-8°, Amster-
dam, 1748, 1. 1, p. 11-17. La préparation n'est pas compli-
quée. Les femmes et les enfants coupent les stigmates
de celte fleur. On les sèche au soleil et on les réduit en
poudre. Ou bien avant de les sécher on les presse de
façon à former de petites tablettes, et on les vend dans
les bazars d'Orient. On se sert de cette poudre pour
parfumer les habitations et les étoffes ; on en assaisonne
les mets, les sauces; le parfumeur la mêle aux huiles
et aux onguents. On estime sa couleur jaune-orange.
Alph.de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°,
Paris, 1886, p. 132, pense que le karkôm désignerait
plutôt le Carthamus tinctorius, dont les fleurs servent
pour colorer en jaune ou en rouge. Les bandes qui en-
touraient les momies des anciens égyptiens sont, en
effet, teintes de carthame. Les raisons qu'il invoque
sont le nom arabe du carthame, et l'absence de culture
du safran en Egypte et en Arabie. Mais le qurfum
arabe, f^y* (carthame), n'a rien de commun avec le
karkôm hébreu, apparenté au contraire au kurkum
arabe, £$, le Crocus sativus. De plus le Cantique ne
fait pas allusion à l'Egypte. Le Crocus cultivé au Liban,
en Cilicie, en Asie Mineure, était assez connu de l'au-
teur du Cantique pour le faire entrer dans sa descrip-
tion. — Il n'y a pas plus de raison d'identifier le
karkôm hébreu avec un nom trouvé dans les inscrip-
tions sabéennes kamkam. Mordtmann et Mùller, Sab.
Denkm., 1883, 82 f. Le docleur H. Mùller rapproche ce
mot du Cancamum de Pline, H. N., xii, 44. Cancame
est le nom ancien de la gomme-résine, fournie en Arabie
par les Amyris Kalaf et Kafal de Forskal. La ressem-
blance de noms a fait aussi rapprocher le karkôm hé-
breu de la plante indienne, aromatique et tinctoriale,
appelée Curcuma, de la famille des Zingibéracées. —
DansLam., iv,5, la Vulgate traduit à tort par croceis, le
mot hébreu tôld', « la pourpre ». E. Levesque.
SAGAN (hébreu : sâgân; assyrien : saknu; Sep-
tante : orpatïiYo;, à'p-/.u>v, yuXiaaav ; Vulgate: magistra-
1349
SAGAN — SAGESSE INGRÉEE
1350
tus), dignitaire investi d'un commandement. —1° C'est
le nom donné à des chefs ou gouverneurs de l'empire
babylonien. Is., xli, 25; Jer., li, 23,28, 57; Ezech.,xxm,
6, 12, 23. — 2° Le même nom fut ensuite attribué aux
chefs du peuple à Jérusalem, après le retour de la
.captivité. I Esd., ix, 2; IIEsd., n, 16;rv, 8, 13 (14, 19);
v, 7, 17; vu, 5; xii, 40; xm, 11. — 3° Le nom desdgân
ou ségén, en araméen segan, fut encore porté par un
grand fonctionnaire du Temple, qui se tenait à droite
du grand-prêtre dans certaines circonstances solen-
nelles. Yoma, m, 9; iv, 1; vu, 1; Sota, vu, 7, 8;
Tamid, vu, 3. Il n'était pas néanmoins le vicaire ou
suppléant du grand-prêtre, puisque quelques jours
avant la fête de l'Expiation, on désignait un autre
prêtre pour remplacer ce dernier, au cas où il ne pour-
rait officier. Yoma, i, 1. De ce que les Septante rendent
presque toujours ce mot par <rtpaTY]Y<5ç> il est à croire
que le segan n'était autre que le fonctionnaire souvent
appelé (TTpocTïiYÔ; toû UpoO, magistratus tenipli, le
« capitaine du Temple ». Act., iv, 1; v, 24,26; Josèphe,
Anl. jud., XX, vi, 2; ix, 3; Bell, jud., II, xvn, 2; VI,
v, 3. Il avait la haute main sur la police du Temple.
On comprend dès lors que sa place était aux côtés du
grand-prêtre quand celui-ci exerçait quelque fonction
solennelle. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht,
1741, p. 89; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes
im Zeit. J. C, Leipzig, t. H, 1898, p. 264-265.
H. Lesêtre.
SAGE (hébreu: Sdgé', « errant »; Septante : Ea>Xi;
Alexandrinus : Eotyr), père de Jonathan, un des gibbô-
rûm de David. Sage est qualifié d'Ararite. Voir Arari,
Ararite, t. i, col. 1S82. I Par., xi, 33 (hébreu, 34). La
liste parallèle II Reg., xxm, 33, donne pour père à Jo-
nathan dans la Vulgate Jassen. Sur la manière de
comprendre ce double passage, voir Jonathan 3, t. m,
col. 1614.
, SAGE-FEMME (meyalléde't ; Septante : uaîa ;
Vulgate : obstetrix), celle qui aide une mère à accou-
cher. — Les anciens Hébreux employaient des sages-
femmes. L'une d'elles assista Rachel dans son enfante-
ment. Gen.j xxxv, 17. Une autre était auprès de Tha-
mar, quand celle-ci mit au monde ses deux jumeaux.
Gen., xxxviii, 27. En Egypte, les Hébreux avaient à
leur service deux sages-femmes, Séphora et Phua. Voir
Phua, col. 336. Le pharaon leur ordonna de faire périr
tous les enfants mâles qui viendraient au mondé. Elles
s'en gardèrent bien, parce qu'elles. craignaient Dieu.
Pour s'excuser auprès du pharaon, elles déclarèrent
que les femmes des Hébreux ne ressemblaient pas aux
Égyptiennes et qu'elles étaient assez vigoureuses pour
accoucher elles-mêmes avant l'arrivée de la sage-femme.
Exod., i; 15-21. II fallait bien qu'il en fut ainsi, car
deux sages-femmes n'auraient pas suffi, si toutes les
femmes, des Hébreux avaient eu besoin de leur assis-
tance. Il n'est plus question de sages-femmes dans la
Sainte Écriture. On en peut conclure que la fonction-
n'était pas exercée habituellement par des personnes
s'y consacrant par état, mais que souvent, comme en-
core dans nos campagnes, les femmes accouchaient
seules ou avec l'aide des femmes de leur entourage.
W T FSRTRï'"
SAGES D'EGYPTE ET DE CHALDÉE (Vuigate :
sapientes). Notre version latine donne ce nom à ceux
quele texte hébreu appelle hâkâmim, en Egypte, Exod.,
vu, ll;enBabylonie, Dan.,n,12, etc. Voir Divination,
i, 3», t. n, col. 1444.
SAGESSE (hébreu : hokmâh; Septante : ctoç ia. ;
Vulgate : sapientia). Ce mot a dans l'Écriture un sens
plus étendu que les mots correspondants en grec et en
latin, de même que l'adjectif hàkâni, composé avec
oo?ô; et sapiens, « sage ». — 1° La hokmâh est l'habi
leté et l'adresse dans un art. Dieu remplit de hokmâh
Béséléelet Ooliab pour inventer et exécuter les trasaux
divers du Tabernacle. Exod., xxvm, 3; xxxi, 6, etc. —
2° La hokmâh est l'intelligence des choses humaines,
Gen., xliii, 33, 39; Prov., i, 6; Deut., iv, 6; xxxii,
6, etc., et surtout des choses divines, Job, xxviu, 28;
Prov., I, 7, etc. C'est cette sagesse que Salomon de-
manda à Dieu, IDT Reg., m, 11-12, 28; c'est de cette
connaissance des choses religieuses et divines, et de
cette sagesse pratique, réglant la conduite de la vie,
qu'il est si souvent question dans les Psaumes et dans les
livres sapientiaux. Ps. CXI (ex), 10,etc; Prov. , n, 6, etc. ;
Eccli., il, 26, etc. — 3° Hokmâh signifie aussi la ruse,
prise en bonne ou mauvaise part. Exod., i, 10; H Reg-,
xm, 3; Job, v, 13; Prov., vin, 12; xiv, 8. — 4» Ifàkd-
mîm, « les sages », se dit en parlant des étrangers, des
magiciens et des devins. Gen., xli, 8; Exod., vu, 11;
Eccl., ix, xii, 11; Jer., l, 35; li, 37; Ezech., xxxvu,
8, 9; Esth., i, 13, etc. Voir Sages. — 5° Le mot hok-
mâh exprime dans plusieurs endroits des livres sapien-
tiaux la doctrine, l'expérience, la science, Job, xii,2,
12 (sagesse des vieillards); xv, 2 ; xxxviii, 35-37 (science
des choses naturelles). — 6° Dans le Nouveau Testa-
ment, « la philosophie » qui, d'après son nom même,
est « l'amour de la sagesse », apparaît une fois sons la
plume de saint Paul, Col., n, 8 (« les philosophes
stoïciens » sont nommés aussi une fois, Act., xvn, 18),
mais cette sagesse humaine et naturelle, qui formait le
fond de la philosophie courante en Grèce et à Rome, du
temps des Apôtres, et était mêlée à beaucoup d'erreurs
qui détournaient les hommes de la vérité de l'Évan-
gile et de la vraie sagesse est appelée par l'Apôtre
•f) (Tocpioc toû xôo-uo'j to-jtou, sapientia kujvs mundi,
I Cor.,l, 20; m, 19; ïi o-opî* àv8pa>7ro)v, sapientia ho-
minum, II, 5; ooyîa aapxtxïj, sapientia cornalis,
II Cor., I, 12; il oppose à la aoyia grecque la ©eoû
8ûva|ju; et la 0eoO troepîa. I Cor., I, 22, 24. — 7° Il ex-
plique aux Corinthiens ce qu'est la véritable sagesse,
c'est celle qui vient de Dieu et de son Esprit-Saint,
c'est celle de l'Évangile. I Cor., i, 19, 20, 21; II, 1-7;
xii, 8. Voir aussi Eph., i, 17; Col., i, 9; cf. Act., vi, 10;
Jac, I, 5; m, 13-17. — 8° La sagesse est donc, comme
l'intelligence, un don de Dieu, un des sept dons du
Saint-Esprit. Is., xi, 2. Cf. Eccli., i, 1; Job, xxxvm,
36; Dan., n, 21; I Cor., xii, 8. — 9» Enfin Dieu
est la personnification de la Sagesse. Voir Sagesse
incréée.
SAGESSE INCRÉÉE. La Hokmâh, ou Sagesse
dans les livres sapientiaux, n'est pas seulement une
science qui consiste à connaître Dieu et à lui plaire,
en évitant le péché et en pratiquant la vertu, Prov., m,
4, 7, elle est de plus une personne divine, « établie
depuis l'éternité, dès !e commencement, avant l'origine
de la terre, » Prov., vm, 23; Eccli., xxiv, 9, elle est
revêtue des attributs qu'Isaïe, xi, 2, attribue au Messie,
Prov., vm, 14; toute puissance vient d'elle sur la terre,
15-16; elle est la source de tous les biens, 17-21, 5-9,
Elle est sortie de la bouche du Très-Haut, Eccli., xxry,
3; cf. Col., I, 15; c'est par elle que Jéhovah a fondé la
terre et affermi les cieux. Prov., m, 19; cf. Eccli., xxiv,
3-6; Prov., vm, 27-31; cf. Joa., i, 3; Apoc, m, 14.
Saint Luc, xi, 49, appelle Notre-Seigneur t| <ro?itx toû
06oû, sapientia Dei. Cf. Malth., xxm, 34. Voir Theolo-
gische Studien und Kritiken, 1853, p. 332. Cf. encore
sur la personnification et les attributs de la Sagesse,
Sap., vu, 22, 25-26; vm, 3-4; ix. L'auteur de la Sagesse,
ix, 1-2; xvi, 12; xvm, 15, identifie expressément la
Sagesse avec le « Verbe » en employant le mot Aôyoç
pour Eoçi* et réciproquement. Cf. Eccli., xxiv, 3, où
la Sagesse sort de la bouche de Dieu. Sur l'identifica-
tion de la Sagesse et du Verbe, voir Franzelin, De
Deo trino, sect. v, th. vu, p. 106-108.
1351
SAGESSE (LIVRE DE LA)
1352
SAGESSE (LIVRE DE LA), livre deutérocanonique
de l'Ancien Testament.
— I. Titre. — Ce livre porte dans la Bible grecque le
nom de Soçia Soàomwv (ou SaXuigjLûvTQ;, SoXo[a(Svtoç)i
et dans la version syriaque celui de la « Grande Sa-
gesse de. Salomon », parce qu'on l'attribuait au roi
Salomon qui semble adresser un discours aux juges et
aux grands de la terre, oi xpîvovre; tt|V 1^, qui judi-
catis terram, Sap., i, 1, et aux rois, ta.au.zli, vi, 1 (2);
TÙpavvoi, vi, 9 (10), et qui, vu, 1-7; ix, 7-8, par une
figure de rhétorique parle comme s'il était Salomon
lui-même. Le titre de «t Livre de la Sagesse », Liber
Sapientise, vient de la Vulgate, qui a supprimé le
nom de Salomon, parce que saint Jérôme reconnaissait
que le fils de David n'en était pas l'auteur. Clément
d'Alexandrie, Strom., iv, 16, t. vm, col. 1309, Origène,
Ad Rom., vu, 14, t. xiv, col. 1141, l'appellent ^ 6da Soçiot;
Sapientia Dei; Pseudo-Athanase, Synopsis S. S., 45,
t. xxviii, col. 376, et saint Épiphane, De pond., 4,
t. xliii, col. 214; navipetoç Eoçta, « la Sagesse renfer-
mant toutes les vertus ». Cette dernière qualification
a été aussi donnée par les Pères grecs aux Proverbes
et à l'Ecclésiastique. C'est parce qu'on attribuait la Sa-
gesse à Salomon qu'elle a été placée dans les Écritures
après les autres livres salomoniens, les Proverbes,
l'Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, et avant
l'Ecclésiastique qui lui est antérieur comme date.
II. Auteur. — L'auteur du livre de la Sagesse est
inconnu, 1» Le titre qu'il porte dans la Bible grecque
l'a fait attribuer à Salomon par un certain nombre de
Pères et d'auteurs ecclésiastiques. Clément d'Alexandrie,
Strom., vi, 6, t. ix, col. 274; Origène, Comm.in
Joa., xx, 21, t. xiy, col. 636; S. Hippolyte, Adv. Jud.,
„ 9, t. x, col. 793; S. Épiphane, Hser., lxiv, 54, t. xli,
col. 1161; Tertullien, De prsescript. hser.,1; Adv. Va-
lent. ,%, t. 11, col. 20, 514; S. Cyprien, De mortal., 23; De
exhort. martyr., xn, t. iv. col. 599, 673; S. Ambroise,
De farad., xn, 54, t. xiv, col. 301. Clément d'Alexan-
drie cite néanmoins quelquefois des passages de la
Sagesse sous le nom de 2o<pi«, sans les attribuer à
Salomon, comme il le fait dans l'endroit cité plus
haut; Origène semble douter de l'origine salomonienne
du livre quand il écrit, Cont. Cels., v, 29, t. xi, col. 1225,
■l] âxiYpa(i.iiévr| SoXojiàSviro; Soipia. Le Canon de Mura-
tori porte : Sapientia ab amicis Salomonis in honore
• ipsius scripla. Voir Canon, 1. 11, col. 170. Saint Jérôme
n'admet pas que Salomon ait écrit la Sagesse, Prsef..
in libros Salom., t. xxix, col. 404, il dit : Liber qui
a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur ; saint Au-
gustin non plus, qui dit, De Civ. Dei, xvn, 20, t. xli,
col. 554: Sapientia ut Salomonis dicatur obtînuit
consuetudo, non autem esse ipsius non dubitant do-
ctiores. Salomon ne peut être l'auteur de la Sagesse,
parce qu'elle a été écrite en grec par un auteur qui
vivai plusieurs siècles après le fils de David, comme il
sera dit plus loin. Voir IV (Langue), col. 1355.
Divers écrivains juifs et chrétiens ont cependant admis
encore que Salomon était l'auteur du livre, tels que le
rabbin Azaria de' Rossi, Me'ôr 'Ênayîm, édit. de Vienne,
1829, p. 281 6, d'après lequel le livre de la Sagesse au-
rait été écrit en araméen par Salomon pour un prince
de l'Orient; le rabbin Gedalia, Salsélet hak-kabalâ,
p. 104; le jésuite Tirin, qui admet que la Sagesse a été
"composée en hébreu et conclut, Jn univ. S. Seript.
Comm., Turin, 1883, t. m, p. 5 : Longe probabilius
videturipsummet Salomonem auctorem et scriptorem
esse; le commentateur catholique Schmid, Das Buch der
Weisheit, 2 e édit., Vienne, 1865, p. 41 sq.
2° Certains auteurs reconnaissent qu'il est impossible
• d'attribuer à Salomon lui-même la composition du
livre de la Sagesse, mais frappés cependant de l'attribu-
tion qui lui en avait été faite par les Septante, ilsadoptent
une opinion moyenne et pensent qu'il a été écrit par
un Juif alexandrin qui s'est servi d'écrits de Salomon
aujourd'hui perdus. Auctor Sapientise imitatus [est]
■ Salomonem ejusque sensa, forte etiam sententias et
verba in libris hebraicis illius sévi sparsim reperlas
collegit, ordinavit grsecaque phrasi et stylo expressif,
dit Cornélius a Lapide, In lib. Sap. Argum., Com-
ment., édit. Vives, t. vm, p. 263 6. C'est l'opinion de
Bonfrère, Prssloquia in S. S., vu, 3, dans Cursus S. S.
de Migne, t. 1, col. 64; de Bellarmin, De verbo Dei, 1,
1&; de Welte, Einleitung, 1. 11, 3, p. 187; de Vincenzi,
Sessioir conc. Trid., t. ni, p. 69; de Haneberg, Geseh.
der bibl. Offenbarung, 4 e édit., 1876, p. 491 ; de Cor-
nely, Introd. in libros sacros, t. Il, 2, 1887, p. 225.
« Cette assertion, dit M. Lesêtre, Le livre de la Sagesse,
1880, p. 7, est aussi difficile à combattre qu'à prouver.
Il est de toute évidence qu'un écrivain sacré, écrivant
sur la sagesse, ne pouvait avoir une autre doctrine
théologique que celle de ses prédécesseurs ; il y a donc
nécessairement des points doctrinaux communs à la
Sagesse et aux écrits de Salomon, mais c'est tout ce
qu'on peut affirmer. Peut-être même serait-on en droit
d'affirmer que s'il était resté du sage roi quelque écrit
ou quelque fragment important, Esdras ne l'eût point
laissé dans l'ombre. »
3° J. M. Faber, Prolusiones de libro Sapientise, Ans-
pach, 1776-1777, part., v, p. i-vi, a attribué la Sagesse à
Zorobabel, parce que, en sa qualité de reconstructeur
du temple de Jérusalem, il méritait d'être appelé un
autre Salomon. On l'a attribué avec aussi peu de fon-
dement à un essénien, à un thérapeute ou à d'autres
auteurs imaginaires. Gfrœrer, Philo und die alexandri-
nische Theosophie, Stuttgart, 1831, t. 11, p. 265; Welte,
Einleitung, 11, 3, p. 193; Schmidt, Das Buch der
Weisheit, 1865, p. 24.
4° Saint Augustin avait cru d'abord, Dedoct. Christ.,
11, 8, 13, t. xxxiv, col. 41, que la Sagesse pouvait bien
être l'œuvre de Jésus fils de Sirach, mais il reconnut
dans ses Retractationes, 11, 4, t. xxxu, col. 631, que
c'était une erreur : Jn secundo libro de auctore libri,
quem plures vocant Salomonis, quod etiam ipsum
sicut Ecclesiasticuni Jésus Sirach scripserit, non
ita constare sicut a me dictum est, postea didici, et
omnino probabilius comperi, non esse hune ejus libri
auctorem. L'auteur ne peut être, en effet, un juif de
Palestine comme l'était ben Sirach.
5» Parmi les savants, un certain nombre se sont pro-
noncés en faveur de Philon, soit Philon d'Alexandrie,
soit Philon l'Ancien. — a) Nonnulli scriptorum vete-
rum, dit saint Jérôme, Prsef. in lib. Salomonis, t. xxviii,
col. 1242, hune [librum] esse Judsei Philonis affirmant.
Quels sont ces anciens écrivains, nous l'ignorons : on
ne trouve aucune trace de cette opinion chez les autres
Pères. Mais elle a été soutenue par un certain nombre
d'auteurs du moyeti âge et d'autres plus récents. Jean
Beleth, Rationale divinorum officiorum, lix, t..ccit,
col. 66, énumère parmi les livres de l'Ancien Testa-
•ment : [Liber] Philonis, cujus principium est : Dili-
gite justitiam: Sap., 1, 1. Jean de Salisbury écrit,
Epist. cxliii, t. cxcix, col. 129 : Librum Sapientise
composuit Philo, diciturque Pseudographus, non quia
maie scripserit,sedquia maie inscripsit. Inscriptus est
enim Sapientia Salomonis, cum a Salomone non sit
editus, sed propter stylum quem induérit, et elègan-
tiam morum, quam ei similiter informat, dicitur
Salomonis. Luther a partagé le même sentiment. De
même Bellarmin, De verbo Dei, 1, 13; Huet, Démonstr.
évang., Du liv. de la Sag., 11, dans Migne, Démonst.
évang., t. v, 1843, col. 371.
Philon ne peut être l'auteur de la Sagesse, par la
raison que le livre inspiré enseigne une doctrine qui
est tout à fait en opposition avec celle du philosophe
alexandrin, comme c'est aujourd'hui universellement
reconnu. Philon n'admet pas l'existence d'un prin-
1353
SAGESSE (LIVRE DE LA)
1354
cipe mauvais dans le monde; la Sagesse dit au con-
traire, h, 24 : Invidia autem diaboli mors inlroivit in
orbeni terrarum ;V\à\on voit dans le serpent tentateur
un symbole du plaisir. De mundi opificio, Opéra, édit.
Mangey, t. i, p. 37-38. — La Sagesse, vin, 19 20, enseigne
que, dans ce monde, l'âme des bons est unie à leur corps
comme celle des méchanls; d'après Philon, Demcnar-
chia, t. il, p. 213-216, seules les âmes disposées au
péché habitent des corps; celles qui sont bonnes sont
les aides de Dieu dans le gouvernement des choses
humaines. — La Sagesse, vm-xiv, et Philon, De mundo,
t. H, p. 604, donnent de l'origine de l'idolâtrie une
explication toute différente. — Le Logos de Philon,
qu'on a voulu retrouver dans la Sagesse, xvi, 12; xvm,
15, est un être intermédiaire entre Dieu et le monde,
voir Philon, col. 305; Logos, t. iv, col. 326, tandis
que celui de la Sagesse ne se distingue pas de Dieu.
Voir Sagesse incréée, col. 1350. Cf. Fr. Klasen, Die
pour établir que l'auteur était Juif, ses croyances et sa
doctrine l'attestent. Mais il n'était pas un Juif de Pales-
tine, car il avait reçu une éducation gréco-alexandrine:
Un de ses plus beaux passages, le discours qu'il met dans
la bouche des Épicuriens, XI, 1-9, reproduit en partie
pour le fond un chant de fête égyptien qui nous a été
conservé dans un papyrus du Musée britannique ,de la
collection Harris. Fr. Lenormant, Histoire ancienne
de l'Orient, t. m, 1881, p. 67.
C'est un décret du bon chef, un destin parfait
Que, tandis qu'un corps se détruit à passer,
D'autres restent à sa place depuis le temps des ancêtres.
Les dieux qui ont été autrefois et qui reposent dans leurs tombes.
Les momies et les mânes sont aussi ensevelis dans leurs tombes.
Quand on construit des maisons, ils n'y ont plus leurs places.
Qu'a-t-on fait d'eux?...
Tu es en bonne santé, ton cœur se révolte contre les honneurs
Suis ton cœur tant que tu es vivant. [funèbres ;
279. — Fête égyptienne. Tombeau du scribe Horemheb à Thèbes. XVIII- dynastie.
alltestamentliche Weisheit und der Logos der jûdisch-
alexandrinischen Philosophie, Fribourg-en-Br., 1878,
p. 60 sq. — b) Reconnaissant l'impossibilité de faire
de Philon d'Alexandrie l'auteur de la Sagesse, quelques
critiques ont songé à Philon l'ancien, par exemple
Huet, Bellarmin, etc., mais l'idée est malheureuse, car
cet écrivain qui ne nous est connu que par Josèphe,
Cont. Apion., i, 23, est cité par lui comme un auteur
païen ; l'auteur de la Sagesse n'était certainement pas
polythéiste. — Pour conserver ce nom de Philon à celui
qui a écrit le livre inspiré, on a supposé aussi que
c'était un des soixante-dix traducteurs de la Bible
grecque, lequel portait ce nom, mais cette hypothèse
ne repose sur rien, non plus que celle qui attribue la
Sagesse à Aristobule, Lutterbeck, Die neutestament-
liche Lehrbegriffe, Mayence, 1852, t. I, p. 407 sq.
(voir Aristobule 1, t. i, col. 965), ou à Apollos, Noack,
Der Ursprung des Chris tenthums, Leipzig, 1857, t. i,
p. 25; cf. Deane, The Book of Wisdom, p. 34 (voir
Apollos, t. i, col. 774), ou à un thérapeute. Dâhne,
Geschichtliche Varstellung der jûdisch-alexandrini-
schen Religions philosophie, Halle, 1834-1835, t. n,
p. 170.
6" Il faut donc conclure que l'auteur de la Sagesse
est inconnu. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est qu'il
était Juif et probablement originaire d'Alexandrie, où
il avait été élevé, comme on peut le démontrer par
l'étude intrinsèque du livre, de la langue et de la doc-
trine, ainsi qu'il va être dit. La lecture du livre suffit
Mes des parfums sur ta tête, pare-toi de lin fin,
Oins-toi de ce qu'il y a de plus merveilleux dans les essences
Fais plus encore que tu n'as fait jusqu'à présent ! [des dieux,
Ne laisse pas aller ton cœur!
Suis ton désir et ton bonheur aussi longtemps que tu seras sur
N'use pas ton cœur en chagrins [terre,
Jusqu'à ce que vienne pour loi ce jour où l'on supplie
Sans que le dieu dont le cœur ne bat plus écoute ceux qui sup-
plient.
Les lamentations du survivant ne réjouissent pas le cœur de
[l'homme dans le tombeau,
Fais un jour de plaisir et n'y reste pas inactif!
Aucun homme ne peut emporter ses biens avec lui.
Les peintures égyptiennes (fig. 279) attestent que la
description du banquet dans la Sagesse est la descrip-
tion d'un banquet égyptien où les convives buvaient,
Sap., Il, 6, se parfumaient, j>. 7, prodiguaient les
fleurs, $. 7, jouissaient des biens présents et des créa-
tures avec l'ardeur de la jeunesse, f. 5-6.
L'auteur de la Sagesse connaissait aussi la philoso-
phie grecque et il en emploie les expressions. Un Juif
palestinien aurait pu connaître comme lui sa religion
et l'histoire de son peuple, mais il n'aurait pas été
initié comme lui aux mœurs et aux habitudes hellé-
niques, à cette science grecque qui était si méprisée à
Jérusalem, Josèphe, And. jud., XX, XI, 2, et il n'aurait
pas écrit en grec. C'est ce qui est le plus propre à
intéresser les habitants de l'Egypte qu'il relève; il
décrit l'idolâtrie telle qu'elle se pratiquait dans la
vallée du Nil où l'on adorait des animaux, xi, 15; xu,
1355
SAGESSE (LIVRE DE LA)
1356
24; xv, 18, et y revient avec insistance; il se complaît
dans les détails des plaies d'Egypte, xi, 5-15; xv, 18-
xrx, 5. Quelques savants ont voulu attribuer à la Sa-
gesse une origine chrétienne : Kirschbaum, Der jû-
diache Alexandrinismus, Leipzig, 18il, p. 52; Weisse
Veber die Zukunft der evangelischen Kirche, Leipzig,
1849, p. 233; Noak, Der XJrspi-ung des Christenthums,
Leipzig, 1837, t. I, p. 122, mais tout le livre manifeste
la main d'un Juif, écrivant pour des Juifs et parlant
en Juif de la loi de Moïse, ir, 12, du peuple d'Israël,
m, 8, et de la Terre Sainte, xn, 7.
III. Date. — La date assignée par les critiques à la
Sagesse est très différente selon qu'ils l'attribuent à
tel ou tel auteur. D'après ce qui vient d'être dit, on
doit regarder comme certain qu'il a été écrit à l'époque
ptolémaïque et probablement à Alexandrie. L'opinion
la plus vraisemblable est celle qui place la date de sa
composition entre 150 et 130 avant J.-C. — 1° Il est
postérieur aux Septante, car il cite le Pentaleuque et
Jsaïe d'après leur traduction : Sap., xi, 4 = Num., xx,
ll;Sap., xn,8=Deut., vu, 20; Exod., xxxm, 28; Sap.,
xvi, 22= Exod., ix, 24; Sap., xix, 20 = Exod.,xvi, 22;
Sap., H, 12 : 'Eve8p - j<7w[/.sv [Ar|0-w[i£v] tôv St'xaiov ots
Sjo-xp^uto; ^ifiîv iavt, est la reproduction littérale (le
premier mot excepté), de la traduction donnée par les
Septante d'Isaïe, m, 10, laquelle leur est propre et
diffère du texte hébreu où on lit : « Dites au juste
qu'il est heureux, » au lieu de : « assaillons le juste,
parce qu'il nous est inutile; » Sap., xv, 10; SnôSo; ô
xocpSt'a aikoO, reproduit Isaïe, xliv, 20, « son [leur]
cœur est de la cendre » d'après la version grecque;
l'hébreu porte : « Il se nourrit de cendre; son cœur
[abnsé l'égaré], » — 2° Le livre de la Sagesse ne peut
donc pas avoir été écrit avant le règne de Plolémée
Philadelphe (285-243), sous lequel on place la traduc-
tion des Septante. L'examen du contenu de l'ouvrage
permet d'arriver à une détermination moins vague et
plus précise de sa date. L'auteur se plaint de la déca-
dence de la foi chez un certain nombre de ses core-
ligionnaires pour qui le milieu païen de l'Egypte est
corrupteur : ils s'éloignent de Dieu, to-j Kupc'ou àœo-
ctâvTSî, m, 10; ils recherchent avant tout le plaisir,
il, 1-9 ; ils tombent dans l'incrédulité, ils ne peuvent
plus supporter le joug de la loi, n, 14, et se laissent
aller à des discours impies, i, 6; n, 1-9, s'ils ne tombent
même pas dans l'idolâtrie. La vigueur avec laquelle
l'auteur combat l'idolâtrie égyptienne montre bien
qu'il y avait des Juifs infidèles qui devenaient apostats.
L'écrivain inspiré s'élève avec force contre eux, et, en
même temps, il encourage de, toutes ses forces ceux
de ses frères qui sont persécutés pour leur religion, à
rester fermes et inébranlables. Son langage nous révèle
qu'il écrit à un moment où le judaïsme n'est pas en
faveur, mais, au contraire, a beaucoup à souffrir des
maîtres de l'Egypte, xi, 5; xn, 2, 20; xv, 14 {sunt ini-
mici populi tui); cf. xvi-xix. C'est cette circonstance
qui peut servir à fixer la date approximative de la Sa-
gesse. Les premiers Ptolémées furent bienveillants
pour les Juifs établis en Egypte, mais Ptolémée IV Phi-
lopator (222-224) les traita avec cruauté (voir col. 851),
et de même Ptolémée VII Physcon (170-117). Cest
donc selon toute vraisemblance sous l'un de ces deux
rois que fut composée la Sagesse, et plus probable-
ment sous le second, qui demeura particulièrement
un objet d'aversion pour les Juifs. Josèphe, Cont.
Apion., n, 5; Graetz, Histoire des Juifs, trad. Wogue,
t. n, 1884, p. 143-144.
IV. Langue. — La langue originale de la Sagesse est
le grec, mêlé d'un certain nombre d'hébraïsmes, ce
qui fait conclure avec quelques autres traits à son
origine alexandrine. Secundus [le livre de la Sagesse],
apud Hebrseos nusquam est, guin et ipse stylus grse-
cam eloquentiam redolet, dit avec raison saint Jérôme,
Prstf. in lib. Salomonis, t. xxvm, col. 1212. S. Mar-.
goliouth a voulu prouver, Journal of the royal Asiatic
Society, 1890, p. 263-297, qu'il avait été composé en
hébreu, mais il a été réfuté par J. Freudenthal, dans
la Jewish Quarterly Review, juillet 1891, p. 722-753.
L'auteur fait un usage fréquent des mots composés et
des adjectifs, qui sont si rares, même dans les œuvres
des autres Juifs hellénistes : àSsX<poxT<5vo«, x, 3; xaxd-
ts^voç, I, 4; xv, 4; -pTf SVÏ lî> VI1 ' ^» tp<oTo'7rXao"roe, VI l> "1 !
x, 1; o;ioio7tx8^;, vu, 3; itïv£W(Vjco7coç, vu, 23; itavro-
8-jvoc[j.9{, vu, 23; i7uépjxaxoç, X, 20; XVI, 17; o-nXaYX''o-
<piyoç, xn, 5; texvôçovo;, xiv, 23, etc. — Il se sert
d'expressions grecques qui n'ont point de termes
correspondants en hébreu : upuTocveiç, xm, 2; Ar,6ï], le
fleuve de l'oubli, xvi, 11; xvll, 3; SSou, pao-ÎX£iov,
I'Hadès, l, 14; cf. xvi, 13; àp-ëpoo-c'a Tpoq»;, la manne,
xix, 20, àY<ôva6pa§eyeiv, x, 12; cf. iv, 12, etc.; ainsi
que les âitalj Xïfôtteva, tels que XuOpwSi];, xi, 7;
fEveoi'apx^C, xm, 3; •](ev£<jioupY<5ç, xm, 5; èitc[iiE, xiv,
25; xaxôiiox^oÇi xv > 8, etc. Il emprunte des termes
techniques et des locutions à la philosophie platoni-
cienne et stoïcienne; itvc-jjjia voepriv, vu, 22; 8c7Jxetv
xal x<Dpeîv 8ià TtâvTtov, vu, 24; 0X7) ajioppo;, xi, 17;
irpovoia, xiv, 3, xvn, 2. — De nombreuses allitérations
et paronomases grecques confirment l'origine hellé-
nique du livre : àY«7cr,<jaTe — ippovriaocTs — Sit^o-xis; —
èv aYa8<fcïiTt — à7cX'jTr|Ti, 1,1; — o5ç — dpoCj, i, 10; —
irapoSeOo-w — a-uvofis-jau, VI, 22; — «PY» — êpyj!, XIV,
5; — aêtxa — Six*], I, 8; — Suvatoi 8è êcvarâç, VI, 6;
£-J<i8<oo-£ — 8u<58eu<t£v, XI, 1; xn, 12, 15, 25; xm, 11,
19, etc. — D'un autre côté, les hébraïsmes dont le livre
est parsemé attestent que l'auteur est de race juive,
par exemple: emXÔTïjî xocpSt'aç, i, 1; [A£pf;, xXvjpoî; n,9;
XoYfÇ£<r9ac £i{ ti, II, 16; àp£<rrov i-i oySaXnoït tivoc, IX,
9; itXï|po0v ypôvov, iv, 13; uc'oi àv6ptiitwv, ix, 6;
o^ioi toO 0£oô, iv, 15, etc. L'auteur ne sait se servir
que d'un petit nombre de particules grecques, xai', SI,
Yâp, àXXi, quoiqu'il puisse construire des périodes
grecques, xn, 27; xm, 11-15. Il applique enfin régu-
lièrement les régies du parallélisme hébreu à sa com-
position. Grimm, Dos Buch der Weisheit erklârt,
1860, p. 7; Deane, The Book of Wisdom, 1881, p. 28-
30.
V. Style. — Il est remarquable dans plusieurs cha-
pitres, mais il n'est pas toujours égal : très élevé dans
le portrait de l'épicurien incrédule, n; dans le tableau
du jugement dernier, v, 15-24; dans la description de
la sagesse, vu, 26-vni, 1; incisif et mordant dans la
peinture de l'idolâtrie, xm, 11-19, il est diffus et re-
dondant dans d'autres endroits, surchargés d'épi-
thètes, vu, 22-23, etc. Lowth, De sacra poesi Hebrseo-
rum, Praelect., xxiv, 1763, p. 321-322. La fin du livre
renferme des répétitions, xi, xvi-xix.
VI. Contenu et division. — On peut diviser le livre
de la Sagesse de plusieurs manières : en trois parties :
i, 1-vi, 21, la sagesse source du bonheur; — vi, 22-ix,
18, nature de la sagesse; — x, 1-xix, 22, bienfaits et
avantages de la sagesse prouvés par l'histoire du
peuple de Dieu. — La division la plus simple est celle
qui partage le livre en deux parties, l'une théorique,
i-ix, et l'autre historique, x-xix. L'auteur se propose
de comhattre l'incrédulité et l'idolâtrie, en montrant
l'excellence de la sagesse. Pour donner du poids à sa
parole, il parle au nom deSalomon, si renommé pour
sa sagesse, et s'adresse à ceux qui jugent la terre, I,
1. La marche générale de la pensée est facile à suivre,
mais les subdivisions ne sont pas toujours nettement
marquées. Voici comment on peut les distinguer.
l n partie, i-ix. — La sagesse au point de vue spi-
rituel et moral. — Première section : la sagesse source
du bonheur et de l'immortalité, i-v. — 1» Ce qu'est la
sagesse : elle consiste dans la rectitude du cœur, i, 1-5,
et dans la rectitude du langage, 6-11. — 2» Origine de
1357
SAGESSE (LIVRE DE LA)
1358
la mort, i, 12-n, 25; elle est le châtiment du mauvais
usage que l'homme a fait de sa liberté, l, 12-16, Adam
ne cherchant que la jouissance de la vie présente; n,
1-9, et Caïn tuant son frère, le juste Abel, 10-20. La
première cause de la mort est néanmoins la jalousie
du démon, 21-25. — 3° Les bons et les méchants dans
la vie présente, m-iv. Bonheur réel du juste, m, 1-9;
malheur du méchant, 10-12, finalement tout tourne à
bien pour le juste et à mal pour l'impie, m, 13-iv. —
4° C'est surtout après la mort que le juste est récom-
pensé, v, 1-17, et le méchant puni, 18-24. Le passage
n, 12-20, dépeint en traits saisissants les souffrauces du
juste, images de la passion du vrai juste, que les Pères
ont appliqué à Jésus-Christ souffrant pour la rédemp-
tion du genre humain. S. Cyprien, Teslim., il, 11, t. iv,
col. 708, etc.
Seconde section : la sagesse guide de la vie, vi-ix. —
La conclusion de cette peinture du sort réservé au
juste et à l'impie est que nous devons faire de la sa-
gesse le guide de notre vie. Elle doit diriger spéciale-
ment la conduite des rois, vi, 1-23; — 2° mais elle est
accessible à tous, VI, 2i-vn, 2, et tous doivent la pra-
tiquer, parce qu'elle est la source de tous les biens,
VI, 7-viii, 1, et que, par conséquent, elle doit dominer
et régler toute notre vie, vin, 2-16. — 3° Mais comme
elle est un don de Dieu, vm, 17-21, c'est par la prière
qu'il faut l'obtenir de lui, ix.
IP partie, x-xix. — La sagesse au point de vue
historique. — L'auteur, après avoir montré théori-
quement l'excellence de la sagesse et comment elle doit
être la règle de notre vie, confirme sa thèse histori-
quement par l'exemple de ce qui est arrivé au peuple
de Dieu. — 1° x-xn. La sagesse, c'est-à-dire Dieu lui-
même, sauve et punit. Nous en avons la preuve dans
l'histoire des patriarches d'Adam à Moïse, x-xi, 4, dans
les châtiments infligés aux Égyptiens, xi, 5-27, et aux
Cbananéens, xii, 1-18. — 2» Comme le crime princi-
pal des ennemis du peuple de Dieu était l'idolâtrie et
que les Juifs infidèles se laissaient aller à imiter les
Égyptiens dans leur culte impie, l'auteur décrit l'ori-
gine et les progrès de l'idolâtrie qui est ce qu'on peut
imaginer de plus opposé à la sagesse, et il en expose les
principales espèces : l'adoration des forces de la nature
{culte du dieu soleil en Egypte), xm, 1-9; des idoles,
oeuvres de la main des hommes (si multipliées dans la
vallée du Nil), xm, 10-xiv, 13, et enfin des hommes
divinisés (dont les Juifs avaient l'exemple sous les yeux
à Alexandrie, où les monnaies des Ptolémées leur
conféraient le titre de 0eôç, voir fig. 194, col. 853, âSeX-
çot Weo!; fig. 188, col. 849; cf. t. i, fig. 174, col. 693;
xiv, 22-31;. il achève ce tableau par la description des
effets funestes du polythéisme, 22-31. — 3» XV-XIX. Il
revient alors de nouveau aux plaies d'Egypte pour faire
ressortir le contraste qui existe entre les adorateurs du
vrai Dieu et les païens, il montre comment le créateur
s'est servi des créatures dont les Égyptiens font aveu-
glément leurs dieux pour châtier leur idolâtrie et c'est
par là qu'il rattache cette dernière subdivision à ce qui
précède. — 1. Contraste général, xv, 1-17, entre les ado-
rateurs des idoles et les serviteurs fidèles de Dieu. —
2. Dieu punit par les animaux les adorateurs des ani-
maux et de la nature, xv, 11-xvi, 13, ainsi que par les
forces mêmes de la nature, l'eau, le feu, les ténèbres,
xvi, 14-xvin, 4, enfin, par la mort, xvm, 5-xix, 5. —
4» Conclusion. Dieu sauve les Hébreux fidèles ; il punit
ceux qui lui désobéissent. Les enfants d'Israël doivent
donc observer la loi de Dieu et s'éloigner avec horreur
des abominations des Égyptiens. — L'auteur prémunit
ses frères contre les erreurs prédominantes dans leur
patrie d'adoption, contre le polythéisme et le pan-
théisme, contre le scepticisme et contre l'incrédulité,
contre le matérialisme et ses conséquences immorales.
— Sur la personnification de la Sagesse, voir Sagesse
incréée, col. 1350. — Sur les points particuliers de la
doctrine du livre de la Sagesse, voir H. Lesêtre, Étude
doctrinale du livre de la Sagesse, dans son commen-
taire sur ce livre, La Sagesse, 1880, p. 13-24.
VII. Objections contre la doctrine du livre de la
Sagesse. — Le,s critiques reconnaissent généralement
aujourd'hui l'excellence du livre de la Sagesse. Grimm
lui assigne le premier rang parmi les livres deutéro-
canoniques, Dos Buch der Weisheit, p. 41. Plusieurs
prétendent cependant y découvrir des erreurs. — 1° On
lui reproche d'avoir admis l'éternité de la matière et
d'avoir nié, par conséquent, la création, parce que
nous lisons, xi, 18 : xTfaaoa tôv v.6g\).o-/ \\ àiiôpçov
O'Xïiç; Vulgate : creavit orbem terrarum ex materia
invisa. Il s'agit de l'organisation du monde et non de
la création des éléments primitifs, comme l'a expliqué
saint Augustin, De Gen. conl. Manich., i, 9-10, t. xxxiv,
col. 178 : Primo ergo materia facta est confusa et
informis, unde oninia fièrent quse distincta atque
formata sunt, qtwd credo a Grsecis chaos appellari.
Et ideo Deus rectissime credilur omnia de nihilo
fecisse, quia etiamsi omnia formata de ista materia
facta sunt, haecipsa materia tamen de omnino nihilo
facta est. Et après avoir répété les mêmes choses, De
fi.de et symb., 2, t. xl, col. 183, il ajoute : Hoc autenv
diximus, ne quis existimet contrarias sibi esse divina-
rum Scripturarum sententias, quoniam et omnia
Deum fecisse de nihilo scriptum est, et mundum
factum esse de informi materia. Cf. Sap., L, 14 : Crea-
vit ut essent oninia.
2° On a prétendu que l'auteur de la Sagesse admet-
tait la préexistence des âmes, comme Platon, avant la
formation du corps, parce qu'il dit, vm, 19-20 : Puer
eram ingeniosus et sortibus animant bonam. Et cum
essem ntagis bonus, veni ad corpus incoinquinatum,
c'est-à-dire, d'après l'original grec : « J'étais un enfant
d'un bon naturel (eùqnjVj;) et j'avais reçu en partage une
âme bonne, ou plutôt (ixïUov 8é) étant bon, je vins à un
corps sans souillure. » Le sens est : J'ai reçu de Dieu
une âme douée de bonnes dispositions naturelles et le
corps auquel elle a été unie était sans défauts ni vices
héréditaires. L'homme vient au monde souillé de la
tache originelle, mais il y a des créatures prédestinées
qui naissent avec des dons supérieurs. Animam bo-
nam hoc loco intelligi non bonitate morali aut gratise
justificantis, sed bonitate naturali, quse est qusedani
ad multas virtutes morales in quibusdam hominibus
dispositio, ex qua dicuntur esse bona indole, explique
Estius, Annotationes in prxcipua loca difficiliora
S. Script., Anvers, 1621; Migne, Cursus Script. Sac,
t. xvii, col. 485. L'auteur n'enseigne pas la préexistence
des âmes, condamnée par le second concile de Constan-
tinople, « ' il ' distingue seulement, comme l'observe
Calmet, in loc, les instants divers de la production 3e
ces deux substances, du corps et de l'âme, et il discerne
les qualités et les propriétés différentes de l'un et de
l'autre. »
3° D'après certains critiques l'auteur de la Sagesse
aurait été cmanatiste. « [La sagesse], dit-il, est le
souffle (à-riAÏ;) de la puissance de Dieu, le pur écoule-
ment (à7côppoia; Vulgate : emanatio) de la gloire du
Tout-Puissant, ...le resplendissement de la lumière
éternelle. t> Mais il ne parle plus ici d'une créature; il
parle de la Sagesse incrée qui ne fait qu'un avec le
Créateur, du Verbe auquel saint Paul, Heb., I, 3,
applique expressément les paroles de la Sagesse, vu,
26, àjiâu-yaiTua, splendor, rayonnement de la lumière
éternelle ou de la gloire de Dieu et qui est consubstan-
tiel à son Père, dont il est le Verbe, & Xôfoç, ix, 1;
6 iravtoSûvaixoc ).ôfoç, xvm, 15, comme la aofia.
VIII. Unité et intégrité. — L'unité du livre de la
Sagesse a trouvé des contradicteurs. Le P. Houbigant,
Biblia hebraica cum notis criticis, t. m, 1773, Ad libros
1359
SAGESSE (LIVRE DE LA) — SAINT
1360
Sapientix et Eccles:, p. i, a supposé que les neuf pre-
miers chapitres étaient l'œuvre de Salomon et que celui
qui les avait traduits de l'hébreu y avait probablement
ajouté les derniers chapitres. La première assertion est
insoutenable, d'après ce qui a été dit plus haut, et la
seconde ne repose sur rien. Certains critiques alle-
mands, Eichhorn, Einleilung in die arokryphischen
Bûcher des A. T., Leipzig, 1795, p. 142 ; Bertholdt, Hist.-
kritische Einleitung insâmmtl. Schriften des A. und
N. T., Erlangen, -1812-1819, t. v, p. 2276; Breitschneider,
De libri Sapienliee parle priore cap. I-Xl e duobus
libellis diversis conflata, Wiltenberg, 1804, t. i, p. 9;
Nachtigal, Das Buch der Weisheit, Halle, 1799, p. 1;
ont imaginé contre l'unité et contre l'intégrité du livre,
des hypothèses non moins arbitraires qu'il est inutile
d'exposer. Voir R. Cornely, lntroduciio, t. Il, 2, p. 217-
221. On n'apporte ni contre l'unité ni contre l'intégrité
aucun argument sérieux. La liaison qui existe entre les
diverses parties du livre, leur harmonie substantielle,
l'uniformité générale du ton et de la façon de penser,
l'identité du langage, malgré quelques différences de
style qu'explique le changement de sujet, tout cela
prouve que la Sagesse est l'œuvre complète d'un
auteur unique.
IX. Canonicité. — Le livre de la Sagesse ayant été
écrit en grec ne figure pas dans le canon hébreu du
Nouveau Testament et est par conséquent deutéro-ca-
nonique, mais son inspiration et son autorité ont été
reconnues par les Pères et les conciles. — Il n'est pas
cité en termes exprès dans le Nouveau Testament, mais
on peut y relever un certain nombre d'allusions.
Matlh., xiii, 42, et Sap., m, 7;Matth., xxvii, 42, et Sap.,
il, 13, 18; Rom., xi, 34, et Sap., ix, 13; Eph., vi, 13,
17, et Sap., v, 18, 19, etc. Son autorité est prouvée par
les plus anciens Pères: S. Clément romain, I Cor., 27,
t. I, col. 267; Clément d'Alexandrie, Slrom., iv, 16;
vi, 11, 14, 15; t. vm, col. 1509; t. ix, col. 313, 3X3,
344;Origène, Cont. Cels., m, 72; t. xi, col. 1013; S.Iré-
née, Cont. hier., iv, 38; v, 2; t. vu, col. 1108, 1127;
cf. Eusébe, H. E., v, 26, t. xx, col. 509; S. Hippolyte,
Cont. Jud., t. x, col. 792; Tertullien, Cont. Marc, m,
32, etc., t. Il, col. 352; S. Cyprien, De hab. virg., x,
etc., t. iv, col. 448; S. Hilaire, De Trin., i, 7, etc.,
t. ix, col. 30; S. Augustin, De prœd. sanct., i, 14,
t. xliv, col. 980; De doclr. christ., n, 8, t. xxxiv,
col. 41, etc. Voir Canon, t. n, col. 161-168.
X. Texte original et versions. — 1° Texte grec.
— Les principaux manuscrits anciens sont le Valica-
nus, VAlexandrinus, le Sinailicus et le Codex Ephrem
rescriptus, ce dernier incomplet. Les variantes de
ces manuscrits sont de peu d'importance et ne pro-
viennent point de recensions différentes. Le meilleur
texte est celui du Vaticanus, le moins bon celui de
VAlexandrinus.
2° Texte de la Vulgate. — La traduction de ce livre
dans notre Vulgate est celle de l'ancienne Italique,
comme nous l'apprend saint Jérôme, Prœf. in lib.
Salomonis juxla LXX, t. xxix, col. 404 : In eo libro
qui a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur,... ca-
lamo temperavi; tantumniodo [proto]canonicas scrip-
turas vobis emendare desiderans. Les mots de la
langue populaire abondent dans cette version : exter-
minium. refrigerium, nimietas, subitatio, assistrix,
doctrix, immemoratio, ineffugibilis, insimulatus,
mansuetare, improperare, partibus pour partim,
providenlise au pluriel, etc. En général la traduction
rend exactement le grec, mais on y remarque un cer-
tain nombre d'additions : i, 15, Injustitia autem mor-
tis est acquisitio; il, 8, Nullum pratum sit quod
non pertranseat luxuria noslra; le parallélisme
semble justifier ces deux additions, mais il n'en est pas
de même de plusieurs autres, vi, 1 ; 23; vm, 11 ; ix, 19 ;
xi, 5. etc. — Sabatier (voir col. 1291), pour publier le
texte de la version italique, s'est servi de quatre ma-
nuscrits latins de premier ordre, Corbeienses (2), San-
germanensis et Codex S. Theodorici ad Remos, qui
n'offrent pas de variantes importantes. P. de Lagarde
a publié le texte du Codex Amiatinus dans sesMittheil-
ungen, t. I, p. 243 sq.
3° Autres versions. — On possède la traduction syria-
que arabe et arménienne de la Sagesse; cette dernière
a plus de valeur que les deux premières qui sont para-
phrasées. La version arménienne est imprimée dans
la Bible des Méchitaristes, Venise, 1805; la syriaque
dans P. de Lagarde, Libri apocryphi Vetèris Testa-
menli syriace, Leipzig, 1861 ; une autre recension se
trouve dans Ceriani, Codex syro-hexaplaris Ambro-
sianus, 1877. Voir t. m, col. 701.
XI. Commentaires. — Raban Maur, le plus ancien
commentateur de la Sagesse, plus mystique que litté-
ral : Commentariorum in librum Sapientix libri très,
t. cix, col. 671-762; Jansénius de Gand, Annolationes
in librum Sapienlise Salomonis, dans Migne, Cursus
Script. Sacrée, t. xvil, col. 381-588; les anciens com-
mentateurs énumérés par Cornélius a Lapide, Argum.
in Sap., dans ses Comment., t. vm, 1860, p. 268 b;
Justification du sentiment de doni Calmet contre la
critique du P. Houbigant et du P. Griffet sur l'auteur
du livre de la Sagesse, dans Migne, Cursus Scripturse
Sacrée, t. xvn, 1839, col. 351-380; H. Reusch, Obser-
vationes criticee in librum Sapienlise, in-4°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1857; * J. C. Nachtigal, Das Buch der
Weisheit, Halle, 1799;*J. Ch. Bauermeister, Comment,
in Sap. Salom., 1828; * C. L. W. Grimm, Commentai'
lifter das Buch der Weisheit, Leipzig, 1837, 1860;
Gutberlet, Das Buch des Weisheit, ùbersetzt und
erklàrt, Munster, 1874; "Zôckler, Die Apokryphen des
Alten Testaments, Munich, 1891; les commentaires
cités dans le cours de l'article.
F. Vigouroux.
SAGUM, mot celtique, adopté par les Romains, d'où
vient le français « saie » et « sayon ». Il désigne un
manteau fait de laine grossière ou de poil de chèvre et
consistant en un carré d'étotfe. La Vulgate l'a employé
d'une manière assez impropre dans l'Exode, xxvi, 7-13;
xxxvi, 14-18, pour désigner les tentures ou rideaux de
poils de chèvre du Tabernacle, et dans les Juges, m, 16,
pour désigner le vêtement sous lequel Aod avait caché
son glaive à deux tranchants (hébreu, Exod. : yeri'ôf
'izzîm; Septante : SÉppeiç," Jud. : maddv; fj.av8ùocv).
SAHARAIM (hébreu: Sahâraïm; Septante :ïaapîv),
benjamite dont le père n'est pas nommé. Il répudia ses
deux femmes Husim et Bara et il eut, dans le pays de
Moab, sept fils d'une troisième femme appelée Hodès.
I Par., vin, 8-11. Ce passage est obscur et la Vulgate a
mal traduit le texte hébreu, jt. 11. Voir HusiM 2, t. m,
col. 784.
SAINT (hébreu : qàdôs; Septante : âyioç, «yvôç;
Vulgate : sancius) a des significations diverses selon
les personnes ou les choses auxquelles il est appli-
qué. Qâdos a le sens fondamental de séparé et par suite
de pur, exempt de fautes, de péchés et de vices, par
toutes ses autres acceptions. — 1° Le mot «c saint ».
appliqué aux personnes. — 1. Dieu est le saint par oppo-
sition à hànèf, « impur, profane », et de là dérive son.
excellence, I Reg., m, 2 (voir Jéhovah, t. m, col. 1239),
et l'homme, sa créature, doit s'efforcer d'imiter mora-
lement sa pureté = sainteté. Lev., xi, 43-44; xix, 2;.
xx, 26; Deut., xxm, 15; etc. — 2. Le titre de « saint »
s'applique donc avant tout à Dieu, Is., vi, 3, qui est la
pureté même. Jos., xxiv, 19; Ps. xcix (xcvm), 3, 9;
exi (ex), 9. C'est pourqupi il est appelé « le Saint »
tout court, Prov., îx, 10; xxx, 3; Job, vi, 10; Is., xl,.
25; Ose., xn, 1; Hab., m, 3, ou « le Saint d'Israël »,.
1361
SAINT — SAINTETE
1362
Ps. lxxviii (lxxvii), 41; lxxix (lxxviii), 19; Eccli., iv,
15; Bar., IV, 22, etc., et surtout dans Isaïe, i, 4; xli, 14,
et souvent. De même Jésus-Christ, Marc, i, 24; Act.,
m, 14; iv, 27, 30; l'Esprit de Dieu est appelé l'Esprit-
Saint ou le Saint-Esprit. Voir Esprit-Saint, t. n,
col. 1967. IJoa., n, 20. — 2. Les anges sont aussi appelés
saints. Dan., vin, 13; Matth., xxv, 31; I Thess., m, 13;
Judœ, 14; Apoc, xiv, 20. — 3. De même les prêtres
consacrés au service de Dieu, Lev., xxi, 6-8; Ps. cvi
(cv), 16; le Nazaréen, Num., vi, 5; les prophètes, Luc,
i, 70; Act., m, 21; Rom., i, 2. De même aussi les
hommes pieux, Is., iv, 3; le peuple d'Israël doit être
saint, parce qu'il est consacrée Dieu, Lev., xi, 43-45;
xix, 2;Deut., vi, 6, etc.; les chrétiens, qui sont appelés
à la sainteté, Act., ix, 13, 32, 41; xxvi, 10; Rom., i, 7,
etc. ; les justes qui sont morts dans la sainteté. Ps. cxlix,
5, 9 (hébreu : hâsidîm); Sap., v, 5; Matth., xxvn, 52;
Apoc, v, 8; xix, 8.
2° Le mot a saint s appliqué aux choses. — 1. Ce
qui est consacré à Dieu est saint. La partie du Tabernacle
et du Temple où étaient l'autel des parfums et le candé-
labre à sept branches s'appelait « le Saint », Exod.,xxvi,
33; xxvm,29; xliii, 29, etc.; Heb., ix, 2; et la partie où
était l'arche d'alliance « le Saint des Saints ». Exod.,
xxvi, 34; III Reg., vi, 16; Heb., ix,3, etc. Voir Taber-
nacle et Temple. — Jérusalem estàyia niXtç, Matth.,
xxiv, 15; Marc, xm, 14; Luc, xxi, 20, parce qu'elle
possède le temple de Dieu; la terre où est le buisson
d'Horeb est sainte parce que Dieu y a apparu, Exod.,
m, 5; la montagne de la transfiguration est appelée t'i
opo; t'o âyiov, II Pet., i, 18, à cause du miracle qui s'y est
accompli, etc. — 2. Les Livres inspirés sont appelés
àyi*i rpa9«(, Rom., i, 9; cf. II Mach., xn, 9, parce
qu'ils renferment la parole de Dieu; les comman-
dements de Dieu sont saints, parce qu'ils nous sancti-
fient, âyja ïvîoXt,. II Pet., ir, 21, etc. — 3. Le Saint
des Saints désigne le ciel. Heb., ix, 12, 24; x, 19. —
Voir Sainteté.
SAINT DES SAINTS. Voir Tabernacle et Temple.
SAINTETE (hébreu : qôdéî; Septante : â-yiM<rJvï],
inconnu des auteurs profanes; Vulgate : sanctitas).
Le sens primitif du mot est inconnu et la signification
précise, difficile à déterminer, quoique l'expression soit
une des plus fréquemment employées dans l'Ancien
Testament. Ce qui est certain, c'est que c'est une expres-
sion religieuse, restreinte aux choses religieuses, quoi-
qu'elle ait pu avoir originairement un sens physique
et matériel, et non moral. — 1° On peut accepter avec
Frz. Delitzsch, dans la Real-Encyklopâdie fur proles-
tantische Théologie, 2« édit., t. v, 1879, p. 715, cette
définition de la sainteté de Dieu : Summa omnisque
labis expers in Deo puritas. Les personnes ou les
choses qui appartiennent spécialement à Dieu ou qui
lui sont consacrées participent à cette sainteté.
N'es-tu pas dès l'éternité,
Jéhovah, mon Dieu, mon Saint (qedosi)'!...
Tes yeux sont trop purs (lehôr) pour voir le mal
Et tu ne peux contempler L'iniquité. Hab., i, 12-13.
Sur la sainteté de Dieu, voir Jéhovah, t. m, col. 1239.
— 2° Les personnes participent à la sainteté de Dieu,
soit d'une manière en quelque sorte extérieure, parce
qu'elles sont consacrées à son culte, Exod., xxix, 1;
Lev., vin, 12, 20, etc., etque Jéhovah en est « le sancti-
ficateur », meqaddêS, Exod., xxxi, 13, etc., soit d'une
manière intérieure, en s'efforçant de devenir saintes,
comme Dieu est saint. Lev., xix, 2; Num., xv, 40, etc.
— 3° Les choses participent à la sainteté de Dieu en
tant qu'elles servent à l'honorer et sont consacrées à
son culte : le sanctuaire, l'autel, les lieux sacrés, les
vêtements sacerdotaux, les victimes des sacrifices, etc.
Exod., xxx, 25, 31-37; xxvm, 28; IReg.,xxi, 5;Ezeeh.,
xlii, 14, etc. — 4» Dans le Nouveau Testament, la
sainteté marque plus explicitement encore que dans
l'Ancien la séparation d'i péché, la perfection morale.
Dieu est saint, Joa., xvn, 11, il est l'être parfait, infini-
ment bon, cf. Heb., vu, 26, et le saint est celui qui lui
est consacré et s'unit à lui par la pureté de sa vie, la
pratique de la vertu et la fuite de tout mal. Eph., i, 4
(âyiov; xat àyuijuiu;), sancli et immaculatiin conspeclu
ejus); cf. v, 3, 18, 27; Phil., îv, 8; Col., I, 22; Tit., i,
7-8; I Pet., i, 15-16; it, 9; II Pet., m, 11; I Joa., in,
3. — Le mot grec qui dans le Nouveau Testament
signifie saint est âyio;; d'autres adjectifs ont un sens
qui s'en rapproche : àyvô;, îspôj, ô'o-ioç, <7S[ivôç. Le terme
ôcyioç est le plus fréquent et répond à qàdôi. Les quali-
ficatifs apparentés sont beaucoup plus rares : àyvd;
« pur », dans les Septante, désigne ce qui est rituelle-
ment pur; dans le Nouveau Testament, il est appliqué
une fois à Dieu, I Joa., m, 3; dans les autres passages,
il s'entend d'une pureté plutôt négative que positive,
de l'absence d'impureté, II Cor., vu, 11; I Tim., v,
22; Tit., il, 5; I Pet., m, 2; Jac, m, 17. 'IsptSç veut
dire « sacré, consacré à Dieu », comme îspejç, sacerdos,
« prêtre », iepov, « temple »; iepà ypâujiaTa, sacrse lit-
terse, II Tim., m, 15; xà lepi, sacrarium, I Cor., m,
•13 — "Oo-ioç, dans l'Ancien Testament traduit généra-
lement le mot hébreu hâsid, « pieux » envers Dieu;
dans le Nouveau, il est appliqué à Dieu, Apoc, xv, 4;
xvi, 5; à Jésus-Christ, Act., H, 27; xm, 35; Heb., vu,
26; aux hommes, Tit., i, 8 (I Tim., n, 8, « mains
pures ») ; aux choses (promesses faites à David). Act., xm,
34; cf. Luc, i, 75; Eph.,iv, 24. — Ss^vô;, « vénérable, res-
pectable, digne, honnête de mœurs», se dit des hommes,
I Tim., lil,8, 11; Tit., n, 2 (Vulgate : judici), et dss
choses, Phil., iv, 8 (Vulgate : pudica). — De tout ce
qui vient d'être dit, il est manifeste que c'est âyto; qui
exprime le mieux l'idée de saint.
De tous ces adjectifs dérivent des substantifs qui ont
un sens analogue. D'âytoç viennent les trois substantifs
âyia<x|j.ô{, àyiÔTï]{, àyi&xjjv'/], mais ils sont d'un usage
peu fréquent. — 1. Le plus souvent employé est
àyioc<7|io; (dix fois). Formé immédiatement de àyiiÇeiv,
il marque l'action de sanctifier, la sanctification opérée
par l'Esprit-Saint. II Thess., n, 13 (Vulgate, 12, sancti-
ficatio); 1 Pet., i, 2, ou par Jésus-Christ. ICor., 1, 30;
cf. I Thess., iv, 3. Dans les autres passages, àyiasp-é;
exprime les résultats de la sanctification. Rom., VI, 19,
22; I Thess., iv, 4, 7; I Tim., n, 15; Heb., XII, 14
(Vulgate : sanclimonia dans ce dernier passage).
'Ayiaatiô'; est aussi usité dans les Septante où il signifie
ordinairement consécration dans un sens rituel, Jud.,
xvn, 3; sacrifice offert à Dieu. Eccli., vu, 33; II Mach.,
n, 17, etc. — 2. 'Ayiôrrij ne se lit que deux fois,
II Cor., i, 12; Heb., xn, 10 (plus une fois dans l'Ancien
Testament, II Mach., xv, 2, où le jour du sabbat est
appelé àyirfTïiTo; riuipa). La Vulgate traduit sanctificatio
dans les deux derniers passages. Dans II Cor., i, 12, il
s'agit de la manière dont saint Paul vivait à Corinthe,
c'est-à-dire d'une manière chrétienne, conforme à la
grâce de Dieu, èv x^P"' Qeoû. Le texlus receptus porte
èv ônionriTi, et c'est la leçon de la Vulgate : ire simplici-
tate, ce qui s'accorde bien avec le mot suivant : .eîli-
xpi'veiu, sinceritas. — Heb., xn, 10, àytôr/i; est appli-
qué à la sainteté de Dieu, à laquelle il fait participer
les hommes. — 3. 'Aytoxr'jvï) est employé trois fois par
saint Paul, une fois Eom., I, 4, en parlant de la vie
essentielle du Christ, de sa divinité, par opposition à sa
vie humaine; les expressions xatà iwz\>y.x â-yicoo-ûvr);,
tecundum spiritum sanctificationis (dans le sens de
sanctitatis) font contraste k-nazk ffâpxa, secundum car-
nertx du j>.-3. Les deux autres fois, âyiio<j Jvtq, II Cor., vu,
1 (sanctificatio) ; I Thess., m, 13 (sanctilas), a un sens
moral et s'entend de la sainteté de vie. — Voir W. Bau-
1363:
SAINTETÉ _ SAISONS
1364
dissin, ~Studien zur seniitiscken Religionsgeschichte,
t. il, 1878, p. 3-142; Issel, Der Begrift der Heiligkeit
im Neuen Testament, 1887.
SAISONS, périodes qui se succèdent régulièrement
dans le cours de chaque année, mais sont différemment
caractérisées, suivant le pays, par la longueur des
jours et des nuits, l'accroissement ou la diminution de
la chaleur, les phénomènes météorologiques, etc. —
En Egypte, où tout se règle d'après l'inondation du Nil
on ne connaissait que trois saisons de quatre mois,
celle des eaux, Sait, celle de la végétation, pirouit,
et celle de la moisson, sômou. Cf. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris,
280. — Calendrier agricole Israélite.
D'après la Revue biblique, 1809, p. 2i3.
1895, t. i, p. 207. Elles recommençaient leur cours aux
premiers jours d'août. En Chaldée, l'hiver se fait à peine
sentir; il pleut beaucoup en novembre et en décembre,
les pluies diminuent ensuite jusqu'en mai et l'été se
poursuit jusqu'en novembre, avec une chaleur lourde,
humide et accablante. Cf. Olivier, Voyage dans l'em-
pire othoman, Paris, 1802-1807, t. h, p. 381, 382, 392,
393. Il n'y a donc, à proprement parler, que deux sai-
sons. 11 en est à peu près de même enPalestine; on
n'y connaît que deux saisons, l'été, qui commence
avec la récolte d'avril et dure jusqu'à la première pluie,
en novembre, et l'hiver ou saison pluvieuse, qui oc-
cupe le reste de l'année. Les quatre saisons des Grecs
et des Latins ne figurent donc pas toutes au même
titre dans la Bible. L'automne n'est mentionné que par
saint Jude, 12. Voir Automne, t. i, col. 1278. Sur les
autres saisons, voir Été, t. n, col. 1996; Hiver, t. m,
col. 724; Printemps, t. v, col. 677. — En 1908, M. Ma-
calister a trouvé à Gézer une plaque calcaire de m 108,
m 070, sur laquelle était gravé un calendrier agricole
israélite, datant probablement du vi« siècle (fig. 280).
Voici comment le P. H. Vincent, dans la Revue bibli-
que, 1909, p, 243-269, propose de lire et d'interpréter
le texte : 1. yerahin, pour yerahayîn 'ose/ (avec forme
plurielle archaïque en m) : deux mois, récolle (d'ar-
riére-saison, 15 sept.-15 nov.); — 2. yerahin zéra' :
deux mois, semailles (15 nov.-15 janv.) : — 3. yerahin
léqéS : deux mois, végétation printanière (15 janv.-
15 mars); — i.yérah éséd péëéf (un mois, coupe du lin
(15 mars-15 avril); —5. yérah qâsir ie'orim : un mois,
moisson de l'orge (15 avril-15 mai); — 6. yérah qesirîn
kullam : un mois, les moissons, elles toutes (15 mai-
15 juin); — 7. yeral.ùn mmir; un mois, cueillette (ou
fruits spéciaux, vendange, 15 juin-15août); — 8. yérah
gais : un mois, récolte des fruits (figues, etc., 15 août-
15 sept.). Cette division correspond très exactement aux
opérations agricoles telles qu'elles se succèdent dans
les plaines du littoral méditerranéen. Aux environs de
Jérusalem, elles retardent d'une quinzaine de jours. La
tablette de Gézer nous renseigne ainsi sur la manière
dont les Israélites répartissaient leurs travaux agricoles
à travers les saisons. Les trappistes d'Amwâs suivent
exactement, aujourd'hui encore, le même calendrier
pour l'ordre et l'époque de leurs cultures. Cf. Revue
biblique, 1909, p. 269. Il est à croire que la tablette dé-
terminait quasi-officiellement l'époque des différentes
opérations agricoles, comme il se fait dans les pays où
l'intérêt commun demande que tous les cultivateurs
agissent de concert. — Après le déluge, Dieu promet
que désormais les saisons se suivront avec régularité,
« semailles et moisson, froid et chaud, été et hiver ».
Gen., -vin, 22. Job, xxxvi, 27-xxxvn, 21, décrit les diffé-
rents phénomènes atmosphériques qui caractérisent les
saisons. C'est Dieu qui « change les moments et les
temps », Dan., H, 21; aussi invite-ton à bénir le Sei-
gneur les divers météores qui se succèdent à travers les
saisons, « pluie et rosée, vents, feux et chaleurs, froid
et chaud, rosée et givre, gelées et frimas, glaces et
neiges, éclairs et nuages. » Dan., m, 64-73. — La suc-
cession des saisons est réglée par le cours apparent du
soleil. L'auteur de la Sagesse, vu, 18, 19, prête à Salo-
mon la connaissance de tout ce qui concerne les mou-
vements des astres,
Le commencement, la fin et le milieu des temps,
Les retours périodiqnes, les vicissitudes des temps,
Les cycles des années
Le commencement, la fin et le milieu des temps se
rapportent sans doute, d'une manière générale, aux
différents phénomènes astronomiques d'après lesquels
on divise le temps, la révolution annuelle du soleil et
la révolution mensuelle de la lune. Les « retours pério-
diques » semblent être ceux des solstices et ceux des
équinoxes. Deux fois l'an, le soleil traverse l'équateur
pour passer de l'hémisphère austral à l'hémisphère
boréal, le 20 ou 21 mars, et de l'hémisphère boréal
dans l'hémisphère austral, le 22 ou 23 septembre. La
saison plus chaude est, pour chaque hémisphère, celle
où le soleil est de son côté. Trois mois après l'équi-
noxe, le soleil arrive à son éloignement maximum de
l'équateur, le 20 ou 21 juin dans l'hémisphère boréal,
qui a alors les plus longs jours, le 20 ou 21 décembre
dans l'hémisphère austral, ce qui donne les jours les
plus courts dans l'hémisphère boréal. Le soleil parait
rester quelque temps stationnaire à ces points extrêmes,
ce qui leur a fait donner le nom de solstices. Les sols-
tices et les équinoxes étaient bien connus des anciens
et leur servaient à diviser Tannée. — Les cycles des
années, àvia-JTwv xijx).cii, peuvent s'entendre de diffé-
rentes périodes astronomiques. Le,s Égyptiens avaient
le cycle sothiaque de 1460 années. Voir Année, t. I,
col. 640. Chez les Chaldéens, on connaissait le cycle
de 223 lunaisons, au bout desquelles les éclipses de
lune se reproduisaient régulièrement. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i, p. 776. En 433 avant Jésus-
Christ, le grec Méton découvrit le cycle lunaire, com-
1365
SAISONS — SALAMIEL
1366
prenant 235 lunaisons ou 19 années solaires, après les-
quelles les nouvelles et les pleines lunes arrivent aux
mêmes jours. Il est possible que l'auteur de la Sagesse
ait eu aussi ce cycle en vue. H. Lesètre.
SALABONITE (hébreu : hâ-Sa'albônî; Septante:
6 SaXaëwvsfcr,?, dans les Rois; 6 SaXaëwvf, dans les
Paralipomènes), originaire de Salabon, qui est pro-
bablement la même ville que Salébim ou Sélébin. Sala-
bon était la patrie d'Éliaba (t. it, col. 1666), un des
trente braves de David. II Reg., xxm, 32 (Vulgate : de
Salaboni); I Par., xi, 33 (Vulgate : Salaboniles). Sala-
bon n'est pas nommée sous cette forme dans l'Écriture.
Voir Salébim.
SALAÏ (hébreu : Silhî; Septante : 2a).ai', Sa).!,
SaXaiâ), père d'Azuba, femme du roi de Juda, Asa, et
mère du roi Josaphat. IV Reg.,xxii, 42; II Par., xx, 31.
Le père de la reine-mère n'est pas nommé ordinaire-
ment dans l'Écriture : il n'y a d'exception que pour Sa-
lai, Abessalom (Absalom),III Reg., xv, 2, à cause de sa
célébrité, et Achab avec Amri, père et ancêtre
d'Athalie, IV Reg., vm, 18, 26, pour expliquer la
méchanceté de celte reine. 11 y a donc lieu de penser
que Salaï avait été un homme d'importance.
SALAIRE (hébreu : 'é{ndh, mehîr, maàkoréf,
po'al, pe'ullâh, sâkàr; Septante : [iisÈô.;, nc'o6u(ji.a;
Vulgate : merces), ce qu'on donne à un ouvrier pour
prix de son travail. — 1° Jacob servit Laban pendant
sept ans, en stipulant que, pour salaire, il recevrait
Rachel. Gen., xxix, 15-18. Trompé par Laban, il servit
sept autres années pour obtenir le salaire convenu.
Gen., xxix, 27, 28; xxxi, 7, 41. A ces quatorze années,
il en ajouta six autres pendant lesquelles il s'assura,
pour son salaire, un nombreux troupeau. Gen., xxx,
28-34; xxxi, 41. — 2° La loi mosaïque prescrivait de
payer le salaire du mercenaire le soir même. Lev.,xix,
13; Deut.,xxiv, 15. D'ordinaire, en effet, le mercenaire
n'avait pas d'avances et il attendait son salaire pour
vivre. Job, xiv, 6. Un esclave, pour le même salaire,
fournissait deux fois le travail d'un mercenaire. Deut.,
xv, 18. Cela ne devait pas tenir à ce que, de l'esclave,
on exigeât deux fois plus de travail; l'esclave en effet
ne devait pas être traité durement, mais comme un
mercenaire à l'année. Lev., xxv, 53. Peut-être l'esclave,
pour le même travail, recevait-il moitié moins, parce
qu'en même temps il était vêtu et nourri. Son salaire,
représenté par ce que le maître lui accordait au mo-
ment de sa libération, Deut., xv, 13, 14, pouvait très
bien n'équivaloir qu'à la moitié du salaire d'un mer-
cenaire pour le même laps de temps. — Il était abso-
lument interdit d'offrir au Temple le salaire de la
prostitution. Deut., xxm, 18. Cf. Ezech., xvi, 33; Ose.,
il, 12; ix, 1; Mich., i, 7. La plupart des temples ido-
Iâtriques tiraient au contraire de la prostitution une
partie de leurs ressources. Voir Prostitution, col. 765.
— 3° La loi sur les salaires est rappelée de temps en
temps dans la Sainte Écriture. L'ouvrier attend son
alaire, Job, vu, 2, il y a droit. Luc.,.x, 7; I Tim., v,
18. Il faut le payer sans tarder. Tob., iv, 15. Malheur à
qui ne le paie pas comme il le doit. Jer., xxn, 13. Dieu
punira ceux qui extorquent à l'ouvrier son salaire.
Mal., m, 5. Saint Jacques, v, 4, dit à ce sujet aux riches
injustes : « Voici que crie le salaire dont vous avez
frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, et les
cris des moissonneurs sont parvenus aux oreilles du
Seigneur des armées. » — 4° Plusieurs salaires sont
mentionnés : celui que la fille du pharaon promet à la
nourrice du jeune Moïse, Exod., u, 9, celui du prêtre
de Michas, Jud., xvm,4, celui des charpentiers envoyés
à Salomon par Hiram, III Reg., v, 6, celui que les
prêtres réclament injustement pour enseigner, Mich.,
m, 11, celui que Tobie offre au guidede son fils, Tob.,
v, 4, 14, celui des vignerons, Matth., xx, 8, et des
moissonneurs. Joa., iv, 36. Les salaires faisaient défaut
au retour de la captivité. Zach., vm,10. Pendant qu'on
tardait à reconstruire le Temple, rien ne profitait aux
Juifs et « le mercenaire mettait son gain dans une
bourse trouée. » Agg., i, 6. Nabuchodonosor n'a re-
cueilli aucun salaire de sa campagne contre Tjr,
Ezech., xxix, 18, mais le salaire acquis par cette ville
passera aux serviteurs de Jéhovah. Is., xxm, 17, 18.
Les trente pièces reçues par Judas et employées à l'ac-
quisition du champ d'Haceldama sont appelées un
« salaire d'iniquité ». Act., i, 18. — 5° On n'a que fort
peu de renseignements sur le taux du salaire chez les
Hébreux. Le salaire du mercenaire ne devait guère
dépasser le prix de ce qui était nécessaire à la vie
pendant une journée, puisque la loi jugeait qu'il lui
était nécessaire chaque soir. Lev., xix, 13; Deut., xxiv,
15. Le pasteur du troupeau reçoit pour son salaire
trente sicles d'argent, environ 85 francs, sans doute
pour toute une saison; mais il trouve ce prix dérisoire
et le jette au potier dont le service est moins dur et
qui n'a pas à passer les nuits. Zach., xi, 12, 13. Cf. Van
Roonacker, Les chapitres ix-xiv du livre de Zacharie,
dans la Revue biblique, 1902, p. 179-181; Les douze
petits prophètes, Paris, 1908, p. 676.. Le code d'Ham-
mourabi, art. 273. 274, fournit quelques indications,
malheureusement incomplètes, sur le salaire des ou-
vriers. Le journalier à l'année reçoit 6 Se d'argent
par jour les cinq premiers mois, et seulement 5 les
sept autres mois. Le briquetier et le tailleur d'habits
ont 5 se d'argent par jour, le charpentier 4, d'autres
seulement 3, et, parmi ces derniers, probablement le
maçon. A l'époque évangélique, le salaire d'unejournce
de vigneron était d'un denier, soit 87 centimes de notre
monnaie. Matth., xx, 2, 9, 10, 13. A Athènes, à l'époque
de Périclès, un artisan ne gagnait guère qu'une drachme,
soit 97 centimes par jour. Des scieurs de pierre et
d'autres ouvriers employés à la construction recevaient
la même somme; un aide-maçon n'avait que trois oboles
ou 48 centimes et un portefaix quatre oboles ou
64 centimes. Cf. P. Guiraud, La vie privée et la vie
publique des Grecs, Paris, 1894, p. 198; Gow-Reinach, ■
Minerva, Paris, 1890, p. 89. La moyenne des salaires
en Palestine ne semble donc pas avoir été très diffé-
rente de ce qu'elle était dans le monde gréco-romain.
— 6° Le nom de salaire est quelquefois donné à un
châtiment. David paie le salaire à ceux qui lui annoncent
la mort de Saûl en les taisant mourir. II Reg., iv, 10.
Jéhovah paie le salaire aux ennemis du juste en les
enveloppant de sa malédiction. Ps. cv (civ), 20. Callis-
thène et ceux qui avec lui avaient brûlé les portes du
Temple furent brûlés dans une maison où ils s'étaient
réfugiés et reçurent ainsi leur juste salaire. II Mach.,
vin, 33. D'autres fois, ce mot désigne la récompense que
Dieu réserve à ceux qui le servent. Is., xl, 10. — « Il
n'y a plus de salaire pour les morts, puisque leur mé-
moire est oubliée. » Eccle., ix, 5. Cela signifie qu'ils
ne peuvent plus compter jouir de quoi que soit sur la
terre, et « ils n'auront plus jamais aucune part à ce
qui se fait sous le soleil. » Eccle., ix, 6.
H. Lesêtre.
SALAMIEL (hébreu : Selumi'êl; Septante : Sa).a-
(xtr,).), fils de Surisaddaï, Num., i, 6; n, 12; chef de la
tribu de Siméon, à l'époque de l'Exode, n, 12; vu, 36,
41; x, 19; qui présida au dénombrement de sa tribu,
i, 6 et fit des olfrandes pour la construction du Ta-
bernacle comme les autres chefs de tribu, vil, 36, 41.
Il*fut un des ancêtres de Judith., vm, 1 (texte grec; la
Vulgate porte Salathiel, mais c'est la leçon du grec qui
parait être la véritable), car la Vulgate elle-même porte
que Salathiel descendait de Siméon et, quoiqu'elle
ajoute que ce Siméon était fils de Ruben [tandis que
1367
SALAMIEL — SALATHIEL
1368
le texte grec dit qu'il était fils deSapatraSai] elle porte,
IX, 2, que Judith était de la tribu de Siméon.
SALAMINE (Sextile), ville maritime (fig. 281) sur
la côte orientale de l'Ile de Chypre, à l'extrémité d'une
plaine fertile qui s'étend de l'est à l'ouest, entre deux
chaînes de montagnes; auprès d'elle coulait le Pédiseos,
la seule rivière digne de ce nom qui arrose l'île. Voir
la carte de Chypre, t. n, col. 1167-1168; Ptolémée, "V,
xiv, 3; Strabon, XIV, vr, 3; Pline, H. N., v, 35; Diodore
de Sicile, xx, 48.
1° Histoire de la ville. — D'après la légende, Salamine
aurait été fondée par Teucer, fils de Télamon, roi de
l'île du même nom qui est située en face de l'Attique.
Ce qui est certain, c'est que, dans les anciens auteurs,
elle apparaît toujours comme une colonie ou une ville
attique, qui remontait au moins au VI e siècle avant
J.-C. Divers géographes lui attribuent toutefois une
origine phénicienne, et expliquent ainsi son nom, qu'ils
rattachent au mot sémitique salôm, « paix ». Il est
possible que l'élément grec et l'élément phénicien aient
été à la base de sa population primitive. Munie d'un
excellent port, parfaitement abrité, qui pouvait conte-
nir une flotte entière, Diodore de Sicile, xx, 21, et
rapprochée soit de la côte syrienne, soit du rivage cili-
28t. — Monnaie de Salamine de Chypre.
{IMP. TI.] CLAUDIUS CAESAR AUG [P. M. TR. PJ. Tète laurée
de Claude, à gauche. — 1$. KOIXON KrnPIQN. Dans une
couronne de laurier. Grenetis.
cien, elle ne pouvait manquer de devenir un centre
commercial très prospère. Aussi fut-elle longtemps la
cité la plus importante de toute la Chypre. Diodore de
Sicile, xiv, 98; xvi, 42; Ammien Marcellin, vu, 8.
Elle était fortifiée, et on la regardait comme la clef de
l'île, Diodore de Sicile, xn, 3. Au V e siècle elle devint
le siège de rois puissants, dont le plus célèbre fut
Évagoras (410-372 avant J.-C). C'est en face d'elle qu'eut
lieu, en 306, la plus grande bataille navale des temps
anciens, dans laquelle Démétrius I er Poliorcète, filsd'An-
tigone, battit la flotte gréco-égyptienne de Ptolémée I er .
Quelques années après, en 295, Salamine passait au
pouvoir des rois d'Egypte. A l'époque des Romains,
qui en devinrent maîtres en 58 avant notre ère, tout le
district oriental de la Chypre faisait partie du terri-
toire de Salamine. Ptolémée, V, xiv, 5. Au temps de
Notre-Seigneur, on lui donne souvent le titre de mé-
tropole de l'île. Elle eut beaucoup à souffrir, lorsque
les Juifs se révoltèrent sous Trajan, 116-117 après
Jésus-Christ. Voir Orose, Hist. adversus paganos, vu, 12,
t.xxxi,col.l092;Milman 1 iïisto) , (/o/'«AeJeî«s,t. in.p.lll-
112. Au îv* siècle de notre ère.ony découvrit lesreliques
de saint Barnabe, avec une copie de l'évangile selon
saint Matthieu. Saint Épiphane fut un de ses plus glo-
rieux évêques (467-403). Les Arabes la détruisirent
totalement en 647 ou 648. Pococke a retrouvé les ruines
de Salamine, un peu au nord de Fâmagouste, qui a
remplacé la ville antique. Elles sont peu considérables,
et ne consistent guère qu'en quelques colonnes-brisées
et en fragments de maçonnerie. Le port, autrefois si
actif, a été envahi par le sable et les plantes épineuses.
Non loin de là, on voit un monastère grec qui porte
le nom de saint Barnabe, et un village appelé « Saint-
Serge », évidemment en souvenir du proconsul Sergius
Paulus, converti par saint Paul à Paphos, à l'autre
extrémité de l'île.
2° Mention dans la Bible. — II est question de Sala-
mine au livre des Actes, xm, 5, à l'occasion du premier
voyage apostolique de saint Paul. Il y aborda avec Bar-
nabe et Jean-Marc, ses deux compagnons, en venant de
Séleucie, port d'Antioche de Syrie. C'est cette ville qu'if
évangélisa tout d'abord dans l'Ile de Chypre. Elle conte-
nait plusieurs synagogues, Act., xm, 5;d'où il suit que
les Juifs y étaient nombreux, et ce motif contribua
sans doute à attirer l'Apôtre. — Voir J. Meursius,
De Cypro, Leyde, 1724, p. 56-57; W. H. Engel, Kypros,
exne Monographie, 2 in-8», Berlin, 1841, t. i, p. 89-90;
Ross, Reisen nach Kos, Halikarnassos, Rhodes und
Cypern, in-8», Halle, 1852, p. 118-125; di Cesnola,
Cypern, ils ancient ciliés, tombs and temples; in-8°,
Londres, 1877; Id., Salaminia, History, treasury and
antiquities of Salamina, in-8°, Londres, 2 e édit., 1884;
von Lbher, Cypern, Reiseberiche nach Natur und
Landschaft, Volkund Geschichte, in-8°, Stuttgart, 1878.
L. Fillion.
SALATHI (hébreu : Çiltâï; Septante : SejAiaOi;
Lucien :SiXa8â), delà tribu de Manassé. Il était à la tête
de mille hommes et alla avec eux et d'autres chiliarques
de sa tribu rejoindre David à Siceleg quand celui-ci y
revint renvoyé par les Philistins en guerre contre Saûl.
I Par., xn, 20. — Un Benjamite, appelé aussi $iltâï
dans le texte hébreu, est nommé Séléthaï dans la Vul-
gate. I Par., vin, 20. Voir Séléthaï.
SALATHIEL, nom de deux Israélites dans la
Vulgate.
1. SALATHIEL (hébreu: Sealfi'êl [dans Aggée,Saiiî'ê(],
« demandé à Dieu »; Septante : 2aXa6iY|),), père de Zoro-
babel et l'un des ancêtres de Noire-Seigneur. I Esd.
m, 2; v, 2; II Esd., xn, 1; Agg., i, 1, 12, 14; n, 2, 23;
I Par., m, 17; Matth., i, 12. D'après I Par., m, 19, Zoro-
babel aurait eu pour père Phadaïa, frère de Salathiel,
mais plusieurs manuscrits des Septante lisent Sala-
thiel au lieu de Phadaïa. Voir Phadaïa 2, col. 180.
D'après Luc, m, 27, Salathiel était fils de Néri. Il
était au contraire fils de Jéchonias, roi de' Juda, d'après
I Par., m, 27, et même son fils aîné, si l'on admet que,
dans ce verset, Asir n'est pas un nom propre désignant
un fils de Jéchonias, comme l'ont compris les Septante
et la Vulgate, mais un adjectif, 'assit; signifiant « cap-
tif », qui se rapporte à Jéchonias et indique que ce
roi aurait engendré Zorobabel pendant sa captivité à
Babylone. Voir Asm 1, t. i, col. 1102. En prenant Asir
pour un nom propre, l'hébreu doit se traduire : « Fils
de Jéchonias : Asir; Salathiel, son fils, » ces derniers-
mots « son fils » semblent devoir se rapporter alors à
Asir, qui aurait été le père de Zorobabel, mais les dif-
férents passages où Zorobabel est appelé expressément
« fils de Salathiel », montrent que cette interpréta-
tion n'est pasexacte. — Ce qui est dit, Luc, ni, 27, que
Salathiel était fils de Néri crée une difficulté généalo-
gique nouvelle que les commentateurs n'ont pas réussi
à expliquer d'une façon certaine. D'après Cornélius a
Lapide et d'autres interprètes, le Zorobabel et le Sala-
thiel nommés dans saint Matthieu, I, 12-13, sont de»
personnages différents du Zorobabel et du Salathiel
nommés dans saint Luc, quoique descendant les uns
et les autres de David. Corn, a Lapide, Comm. in
Evangelia, édit. Padovani, t. m, Turin, 1897, p. 222.
Cette opinion n'est pas probable. Un croit plus com-
munément que c'est la loi du lévirat qui est cause de
la divergence entre les deux généalogies. Salathiel, dit
1369
SALATHIEL — SALÉCHA
1370
Calmet, Dict. de la Bible, édit. Migne, t. IV, col. 231,
« descendait de Salomon par Roboam, selon saint
Matthieu, et du même Salomon par Nathan, selon saint
Luc. En Salathiel se réunirent les deux branches de
cette illustre généalogie, en sorte que Salathiel était
fils [descendant] de Jéchonias selon la chair, comme il
parait par les Paralipomènes, m, 17, 19... et il pouvai
être fils de Néri par adoption, ou comme ayant épousé
l'héritière de Néri, ou même comme étant sorti de la
veuve de Néri, mort sans enfants, car en tous ces cas,
il passait pour fils de Néri selon la Loi. » — Des com-
mentateurs prétendent identifier le Néri de Luc, m, 27,
avec le Nérias père du prophète Baruch, Jer., xxxn, 12,
mais rien ne justifie cette identification. Voir Nérias,
t. rv, col. 1604.
2. SALATHIEL, un des ancêtres de Judith dans la
Vulgate, Judith, vin, 1, mais ce nom est probablement
une altération du nom de Salamiel. Voir Salamiel,
col. 1366.
SALÉ (hébreu : Sélali, « javelot » ou « rejeton»;
Septante : Ea>ô), fils d'Arphaxad, d'après l'hébreu et la
Vulgate; fils de Caïnan et petit-fils d'Arphaxad, d'après
les Septante. Voir Caïnan 2, t. n, col. 41. Il descendait
de Sem et fut père d'Héber, ancêtre d'Abraham. Gen.,x,
24; xi, 12-15; I Par., i, 18, 24; Luc, m, 35.
SALÉBIM (hébreu : Sa'albîm, « [lieu des] chacals »;
Septante : ©aXaéi'v, Jud., i, 35, et SaXocéiv, III Reg., iv,
9), ville de Dan. C'est très probablement la même loca-
lité qui est appelée Sélébin (hébreu : Sa'âlabin ; Sep-
tante : SaXotutv), dans Josué, xix, 42, et qui est énu-
mérée parmi les villes attribuées à la tribu de Dan.
Josué la mentionne entre Hirsémès ou Bethsamès et
Aïalon. Le livre des Juges, i, 35, qui la place également
auprès d' Aïalon et du mont Harès, nous apprend que
les Amorrhéens empêchèrent les Danites de s'établir à
Salébim d'une manière stable. Sous le règne de Salo-
mon, un des douze nissabîm ou chefs qui étaient char-
gés de fournir des vivres au roi, Bendécar, comptait
Salébim parmi les villes où il faisait les perceptions
en nature pour la subsistance royale, III Reg., iv,
9. — VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862,
p. 322, 323, identifie Salébim avec Salaba dans le terri-
toire de Sébaste (Samarie) mais ce site est trop septen-
trional et trop éloigné d'Aïalon. Saint Jérôme lui
donne sa véritable situation, In Ezech., xlviii, 21-22,
t. xxv, col. 488, en nommant les tours de Salebi
(Salébim) entre celles d'Ailon (Aïalon) et d'Emaùs
(Emmaûs) ou Nicopolis. Le nom de Sa'albîm s'explique
facilement dans ces parages où les chacals abondent
encore de nos jours. Les explorateurs anglais, Palestine
Exploration Fund, Memoirs, t. m, p. 52, identifient
Salébim avec Salbit, à trois kilomètres environ au
nord d'Emmaus, à quatre kilomètres et demi au nord-
ouest d'Aïalon et à treize kilomètres au nord de Bethsa-
mès. Voir la carte de Juda, t. m, col. 1756; Dan,
t. il, col. 1233.
SALÉCHA (nébreu : Salkâh; Septante :...« 'EX-/5,
Deut., m, 10, et Codex Alexandrinus, Jos., xm, 11;
lUx/a:, Valicanus, Jos., xii, 4; 'Axà, ibid., Jos., xm,
11; Scia, ibid., I Par., v, 11 ; 'AoeXy.i, Alex., Jos.,xn,
4; Ee>-/i, ibid., I Par., v, 11; Vulgate, Deut., m, 10 et
I Par., v, 11 ; Selcha), ville de la frontière orientale de
Rasan, puis du pays d'Israël, aujourd'hui i$elkhad.
Ce nom est aussi prononcé Çalkhat. Il est écrit
Çalhad, dans l'inscription nabuthéenne d'une stèle
érigée dans l'endroit même et datée de la 17 e année du
roi « Malichus fils d'Arétas, ami du peuple », c'est-à-dire
de l'an 50 après J.-C. Corpus inscriptionum semiti-
carum, n° 182, t. i, part. 2, p. 207. Salécha est situé à
24 kilomètres à l'est de Bosrâ et à 62 à l'est-sud-est
d'ed-Der'ah, sur la frontière sud-est du Hauran. Bâti
en gradins sur les flancs d'une colline volcanique et cou-
ronné de son gigantesque château, flanqué de grandes
tours, qui s'élèvent àl510mètres au-dessus du niveau de
la Méditerranée, Salkhad présente l'aspect le plus im-
posant. De là, le regard s'étend vers l'ouest par-dessus
les plaines de la Nouqrâ.les vallées du Djôlanetde la
Galilée inférieure jusqu'à la chaine du Carmel; au
sud-ouest la voie embrasse l'ancien pays de Galaad
tout entier, au sud le Hamâd «t au nord-est l'immense
région parcourue par les Arabes nomades. L'ancienne
voie romaine venant d'Edrei et de Bosra qui reliait la
Syrie, en traversant ce vaste désert, à la Babylonie,
passe au pied de la colline. Par cette situation com-
mandant toute la contrée du sud-est, Salkhad devait
être le plus puissant rempart protégeant les Israélites
contre les incursions des « fils de l'Orient ». Les habi-
tations sont presque toutes anciennes, construites en
pierres de basalte et dans le genre du Hauran. Un large
fossé, aujourd'hui presque comblé par les décombres,
séparait la ville de la citadelle. En son état actuel,
celle-ci est l'œuvre, d'après les inscriptions qui s'y
lisent, des princes musulmans du moyen âge. Les
deux lions sculptés qui se voient du côté du midi, dont
Bibars avait fait son emblème, permettent de croire
que ce sultan a pris une part importante à cette res-
tauration; mais les aigles qui sont au-dessus des
portes montrent que les Romains s'y étaient fortifiés
auparavant. Avant ceux-ci la position était occupée déjà
par les Nabuthéens, les inscriptions tracées dans les
caractères usités par ce peuple l'attestent, et sans
doute dès le vu» siècle avant J.-C, époque où les ins-
criptions assyriennes nous les montrent occupant déjà
le Hauran. Cf. F. Vigouroux, Mélanges bibliques, 1889,
p. 311 ; Corpus inscript, semit., n. 182-185, 1. 1, part, il,
p. 206-209. Toutefois diverses parties des murailles et
des soubassements semblent indiquer que cette forte-
resse a des origines plus anciennes encore. — A l'arrivée
des Israélites, Salécha était une des villes principales
du royaume d'Og ou du pays de Basan et elle parait
une des soixante « fortifiées de remparts élevés et fer-
mées de portes munies de serrures » dont Moïse s'em-
para alors. Cf. Deut., m, 3-10. Dans le partage de la
contrée transjordanienne, elle fut donnée à la demi-tribu
orientale de Manassé. Deut., 13. Les Gadites s'y éta-
blirent, après la défaite infligée par eux aux Agaréens,
au temps du roi Saûl. I Par., v, 11. Elle dut tomber
au pouvoir des rois syriens de Damas sous le règne
d'Achab, quand ils s'emparèrent de Ramoth et d'une
partie du pays de Galaad. Ce fut sans doute à la suite
de la prise de Damas par Théglathphalasar III et de la
transportation en Assyrie des populations syriennes
(734), que les Nabuthéens occupèrent le Hauran et Sa-
lécha. — On ignore jusqu'ici quel est le nom dont
firent usage les Romains pour désigner cette ville. —
Les Arabes ont rattaché à Salkhad plusieurs légendes
sur Moïse et Aaron, suggérées sans doute par le sou-
venir de la prise de la ville par le grand prophète
d'Israël. Cf. Guy le Strange, loc. cit. Leurs écrivains
ont vanté beaucoup cette ville où souvent se sont ré-
fugiés leurs princes, à cause de sa situation extraor-
dinaire et de la force de sa citadelle; leurs anciens
poètes ont célébré encore ses vignes et son vin,
Cf. Vaqùt, Diciionn. géograph. (en arabe), édit. Wûs-
tenfeld, Leipzig, 1866, t. m, p. 380; Abul-Féda, Géogr.
(en arabe), édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840,
p. 259; Mudjir ed-Din, Hist. de 1er. et d'Hébron (en
arabe), Le Caire, 1283 (1866), p. 351, 437. Au moyen âge
elle fournissait de riz les marchés de Damas et de la
Syrie. Ed-Dhaheri, Syria descripla, édit. Rosenmûller,
Leipzig, 1828, p. 21-22. Aujourd'hui le château est aban-
donné et de ses habitations la moitié sont vides. La
1371
SALÉCHA — SALEM
1372
population, formée de Druzes et de chrétiens syriens
suivant le rite grec, n'atteint pas le nombre de mille
habitants. Ils se livrent presque exclusivement à la
culture du blé, favorisée du reste par la grande fertilité
du territoire environnant. — Voir J.-J. Burckhardt,
Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres,
1822, p. 100-103; M. de Vogue, La Syrie centrale, Ins-
cription sémit., Paris, 1869, p. 107-119; P. Séjourné,
A travers le Bauran, dans la Revue biblique, 1898,
p. 608-609. L. Heidet.
SALED (hébreu : Séléd; Septante . 2*Xs6), fils de
Nadab et frère d'Apphaïm. Il descendait de Juda par
Hesron et Jéraméel; il mourut sans enfants. I Par.,
ii,30.
SALEM (hébreu : Sàlêm, « pacifique »), nom de lieu.
1. SALEM (Septante : Sa),-^), ville dont Melchisé-
dech, contemporain d'Abraham, était roi. Gen., xiv,
18; Heb., vu, 1, 2. On l'identifie généralement avec
Jérusalem, 1° comme le fait le texte hébreu du
Ps. lxxvi (lxxv), 3, qui par Sàlêm désigne Jérusalem.
Les Septante ont traduit èv eîpT|VY), et la Vulgate in
pace, mais le parallélisme de Sàlêm avec Sion prouve
que nous avons là le nom propre du lieu où Dieu habite
dans son temple et où on lui rend un culte, et il faut
traduire :
Dieu est connu en Juda,
Son nom est grand en Israël;
Son tabernacle est à Salem
Et sa demeure à Sien.
L'abréviation de Jérusalem en Salem semble pouvoir
s'expliquer par l'orthographe de ce nom dans les lettres
assyriennes trouvées à Tell el-Amarna. Ce nom, tel
qu'elles nous le font connaître à l'époque antérieure à la
conquête de la Terre Promise par les Israélites, se com-
posait de deux éléments, Uru et Salim (voir Jérusalem,
t. iv, col. 1319); Uru signifie « ville >>; on comprend
qu'on a pu le sous-entendre. — 2° Abraham passa à
Salem en revenant de poursuivre Chodorlamor et ses
alliés. La route pour se rendre du nord au sud de la
terre de Chanaan pouvait le faire passer tout naturelle-
ment près de Jérusalem, et le texte sacré dit formelle-
ment, Gen., xiv, 17, qu'il rencontra le roi de Sodome
venu au-devant de lui, dans la vallée de Savé, laquelle
est probablement la vallée de Géennom (l. iv, col. 155),
qui contourne Jérusalem à l'ouest-sud; c'est là aussi
que Melchisédech, le roi de Salem, bénit Abraham.
Gen., xiv, 18. Salem et Jérusalem sont donc la même
ville. Voir Savé. — 3° Le second élément du nom de
Melchi-sédech se retrouve dans le nom du roi de Jéru-
salem qui régnait dans cette ville à l'époque de Josué,
Adoni-sédech, Jos., x, 1, ce qui semble indiquer que le
mot sédech caractérisait les noms royaux de Jérusalem.
Il faut noter cependant que les Septante ont lu Adoni-
bézech au lieu d'Adonisédech, ce qui rend cette der-
nière leçon un peu suspecte. — 4° Josèphe, Ant. jud.,
I, x, 2; Bell, jud., VI, x; Onkelos et tous les Targums
identifient Salem avec Jérusalem. D'après un fragment
conservé par Eusèbe, Prsep. Evang., ix, 17, t. xxi,
col. 708, la rencontre d'Abraham et de Melchisédech
aurait eu lieu au Mont Garizim (Ar-Garizim), proba-
blement parce que certains confondaient le Salem de
Gen., xxxiii, 18, avec Sichem. Voir Salem 2. Saint Jé-
rôme, par suite de cette même confusion entre le
Salem de Gen., xiv, 18, avec celui de Gen., xxxm, 18,
affirme, Epist. lxxui ad Evang., 7, t. xxii, col. 680,
que la Salem de Melchisédech est un oppidum juscla
Scythopolim, quod usque hodie uppellatur Salem
[Salumias, dans VOnomasticon, 1862, p. 323; cf. p. 297),
et ostenditur ibi palalium Melchisédech, et nwgnilu-
dine ruinarum, veleris operis -oslendem magnitu-
dinem; il l'identifie expressément avec là Salem de
Jacob. Mais le saint docteur reconnaît lui-même au
commencement de la même lettre, n. 2, col. 677, que
les anciens auteurs ecclésiastiques, saint Hippolyte,
saint Irénée, Eusèbe de Césarée, Onomast., p. 233,
Eusèbe d'Ëmèse, Apollinaire, Eustathe font tous de
Melchisédech un roi de la ville de Jérusalem, appelée
d'abord Salem. Bien plus, Qusest. in Gen., xiv, 18,
t. xxiii, col. 961, il écrit, sans y contredire : [Melchi- '
sedech] rex Jérusalem dicilur, quœ prius Salem
appellabatur. Cf. Onomasticon, au mot Jérusalem,
p. 237. Voir Jérusalem, t. iv, col. 1377. L'opinion de
saint Jérôme, plaçant la résidence de Melchisédech
près de Bethsan (Scythopolis) se concilie difficilement
avec ce qui est raconté Gen., xiv, 17, que le roi de
Sodome alla à la rencontre d'Abraham. Il dut y aller
quand le vainqueur de Chodorlahomor passa dans son
voisinage à Jérusalem, et non remonter jusqu'à
Bethsan qui est trop éloignée. Saint Jérôme a placé la
capitale de Melchisédech au nord de la Palestine,
parce qu'il l'a confondue avec Salim, près d'Ennom,où
baptisait saint Jean-Baptiste. Joa.,m, 23. Voir Salim 2.
2. SALEM (Septante : 2aXr,|ji), nom propre de lieu
d'après les versions anciennes (Septante, Vulgate,
Peschitto). Jacob, à son retour de Mésopotamie, alla
de Socoth « à Salem, ville des Sichémites », traduit la
Vulgate, Gen., xxxm, 18. — 1° De nombreux inter-
prètes modernes à la suite du Targum d'Onkelos et de
Jonathan, du Samaritain, de l'Arabe, etc., croient que
Sàlêm du texte hébreu n'est pas un nom propre dans
ce passage, mais un substantif commun, signifiant
« paix, sécurité » et traduisent : « Jacob arriva en paix
à Sichem », c'est-à-dire sans accident, cf. Gen.,
xxvm, 21. — 2° D'autres interprètes maintiennent
l'exactitude de la traduction ancienne et allèguent en
sa faveur qu'aujourd'hui .encore il existe à quatre kilo-
mètres et demi environ à l'est de Naplouse (l'ancienne
Sichem), et par conséquent sur la route que devait
suivre Jacob en venant d'au delà du Jourdain, une loca-
lité du nom de Salem, « petit village de deux cents
habitants au plus, dit V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 456.
Une douzaine de citernes antiques creusées dans les
lianes de la colline sont actuellemeut à sec. Les femmes
du village vont chercher de l'eau à un kilomètre de là
vers le nord-nord-ouest, à une source appelée 'Aïn-
Salem. Elle s'écoule de dessous un rocher par un petit
canal d'apparence antique et est recueillie dans une
longue auge monolithe, qui est probablement un ancien
tombeau. Le village de Salem répond par son nom et
par sa position à l'antique Salem que traversa Jacob
arrivant de Mésopotamie, avant de dresser sa tente près
de la ville de Sichem. » — 3° Une troisième opinion,
soutenue par Eusèbe et non combattue par saint Jé-
rôme dans VOnomasticon, 1862, p. 322-323, 346-347,
identifie Salem avec Sichem : 2a).rj,u, wdXiç Erai'uwv,
■rjTic ioù Sujrél 1- — Ss^lu,, x<*i *l Emiui, xïi t) EaXrin,
itéXi? IïxtoS. Cette identification ne peut se justifier.
3. SALEM (VALLÉE DE). Les Septante, Judith, iv, 4,
mentionnent une vallée de Salem, tov aûXûva SaÀrju,,
où les Juifs envoyèrent des messagers pour mettre ce
pays en défense à l'approche de l'armée d'Holoferne.
C'est peut-être la Salamiasque mentionne saint Jérôme,
Onomast., 1862, p. 323, à huit milles romains (environ
douze kilomètres) de Scythopolis ou Bethsan. Cette
vallée n'est pas nommée dans la Vulgate.
4. SALEM. Les Septante, Jer., xlvih, 5, nomment
Salem, au lieu de Silo, qu'on lit dans l'hébreu et la
Vulgate, Jer., xli, 5, parmi les villes dont quelques
habitants furent tués par Godolias en se rendant à
Jérusalem. On peut faire valoir en laveur de la leçon
1373
SALEM — SALIVE
1374
des Septante, que la ville qu'ils appellent Salem est
placée entre Sichem et Samarie; cela semble indiquer
qu'elle est entre ces deux villes et dans leur voisinage,
situation qui ne convient par à Silo, laquelle est plus
bas et au sud. Dans ce cas, Salem serait le village de
Salim à l'est de Sichem. Voir Salem 2.
SALEMOTH (hébreu : Selômôf, Septante : SaXw-
[xtib), lévite, père de Jahath et fils d'Isaari ou
plutôt descendant d'Isaar, petit-fils de Lévi. Il était
chef d'une famille de Lévites, du temps de David. Voir
Isaari, t. m, col. 936. I Par., xxm, 18; xxiv, 22, 23.
Dans le premier passage, le nom est écrit Salomith.
SALEPH (hébreu : Sâléf; Septante : S 2 )s<f), le
second des fils de Jeclan, fils d'Héber, descendant de
Sem. Gen., x, 26; I Par., I 20. Les Saléphites habi-
tèrent dans l'Arabie le district appelé encore aujour-
d'hui Salfiéh. Voir Jectan, t. m, col. 1214, 2.
SALICORNE, une des plantes d'où les Hébreux
tiraient la soude. Les espèces Salicorna fructuosa et
Salicorna herbacea croissent sur les bords de la mer
Morte. Voir Soude. E. Levesqle.
SALIM, nom de deux localités dans la Vulgate.
1. SALIM (hébreu : Sa'âlim; Septante : Se-faXîfi),
territoire qui tirait sans doute son nom des chacals qui
abondaient dans cette région. I Reg., (I Sam.), ix, 4.
Saùl alla chercher an cet endroit et dans les lieux
voisins les ànesses perdues de son père. L'identification
en est incertaine, comme celle des autres lieux men-
tionnés dans le même passage. D'après quelques com-
mentateurs, Salim n'est pas différent de Salébim (Sélé-
bin), dans la tribu de Dan. Voir Salébim. Eusèbe et
saint Jérôme, Onomasi.,édit. Larsow et Parthey, p. 318,
319, placent Salim (Saalim) à sept milles à l'ouest
d'Éleuthéropolis, mais on pense généralement que cet
emplacement est trop éloigné.
2. SALIM (grec : SstXsfpi). localité près de laquelle se
trouvait Ennon où saint Jean-Baptiste baptisait. Le site
en est incertain. Voir Ennon, t. n, col. 1809.
SALINES (grec : toû àXôç XiVvai, « marais de sel »;
Vulgate : salinse), marais dans lesquels le sel se dépose,
par évaporation de l'eau qui le contient en dissolution.
11 y avait des marais de ce genre dans la vallée qui est au
sud de la mer Morte, le lïhor. II Reg., vin, 13. Dans sa
description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel, xlvii,
11, dit que les parties de la mer Morte qui ne seront
pas assainies seront abandonnées au sel et deviendront
des salines. Les princes prélevaient un impôt sur le
produit des salines. Démétrius remit à Jonathas celui
qui frappait les marais salants de Palestine. I Mach.,
xi, 35. H. Lesètre,
•**
SALINES [VALLÉE DES] (hébreu : Gê' Mélah;
Septante : reoEXItt, reu.$XlB. xoiXôcc ™v &X<T>v, çàpa-jÇ tc5v
â>à>v ;Vulgate : Vallis Salinarum), vallée ou ravin tirant
son nom des monceaux de sel qui y étaient accumulés.
L'Écriture parle d'une seule vallée des Salines, selon
les uns, de deux vallées, selon les autres.
1" David, d'après le récit de II Sam. (Reg.), vin, 13,
remporta une grande victoire sur Âram; d'après I Par.,
xvin, 42; cf. Lix (lx), 2, sur ±.dom dans la vallée des
Salines. La confusion si facile entre les deux lettres
hébraïques i, d, et 1, r, explique celte variante impor-
tante. D'après un grand nombre d'interprètes, c'est la
leçon Édom, ait>, qu'il faut lire dans les Rois, et non
mx, Aram, et dans cette hypothèse, la vallée des Salines
où se livra la bataille n'est pas différente de celle où le roi
Amasias battit plus tard les Édomiles. D'après d'autres,
on doit conserver la leçon Aram, qui s'accorde mieux
avec l'ensemble du récit et la vallée des Salines où
l'armée de David triompha peut être es-Sabk, au sud-
estd'Alep. R. von Riess, Bibel. Atlas, l'édit., 1887, p.26.
2» Nous lisons dans IV Reg., xiv, 7, qu'Amasias, roi
de Juda, battit les Édomites dans la vallée des Salines,
et les Paralipomènes, II,xxv, 11-12, racontant le même
événement avec plus de détails! disent : « Amasias...
alla dans la vallée des Salines et il battit dix mille
hommes des fils de Séir. Et les fils de Juda en saisirent
dix mille vivants, et ils les menèrent au sommet d'un
rocher, d'où ils les précipitèrent et tous périrent. » Le
IV e livre des Rois dit qu'Amasias donna à ce rocher le
nom de Jectéhel. On croit assez communément que «le
rocher », has-Séla', désigne la ville de ce nom, Pétra.
L'emplacement de la vallée des Salines est généralement
cherché aux environs de la mer Morte, en particulier
au sud, à Djebel es-Sebcha. R. von Riess, Bibel.-Atlas,
p. 26. Il est difficile de concilier les deux opinions :
si la bataille fut livrée près de la mer Morte, comment
supposer que c'est du haut des rochers de Pétra que
les Édomites furent précipités par les soldats d'Ama-
sias, car la distance est trop considérable pour que
ces derniers les aient poursuivis si loin. Il semble donc
nécessaire d'admettre ou que la bataille n'eut point
lieu près de la mer Morte ou que Séla' ne désigne pas
Pétra. Les données scripturaires sont trop indétermi-
nées pour l'identification certaine de la vallée des
Salines.
SALIS A (hébreu : Salisâh; Septante : SaXissâ),
pays que traversa Saùl lorsqu'il cherchait les ânesses
perdues de son père Cis. I Reg. (Sam.), ix, 4. L'iden-
tification en est incertaine, Saùl alla d'abord de Gabaa
de Benjamin au nord ou au nord-ouest à la montagne
d'Ephraïm, puis à la terre de Salisa et ensuite â la terre
de Salim et à la terre de Jémini ou de Benjamin au
sud, mais ces déterminations générales, quoique cir-
conscrivant dans des limites assez restreintes les re-
cherches de Saûl, sont insuffisantes jusqu'ici pour re-
trouver avec certitude les localités désignées. On a
proposé de reconnaître dans Salisa le territoire de
Baalsalisa (t. i, col. 1341), malheureusement la situation
de Baalsalisa est elle-même incertaine, quoiqu'il y ait
des probabilités en faveur de Khirbel Sirisia. Voir 1. 1,
col. 1342.
SALIVE (hébreu : rîr; Septante : TrrûeXov; Vulgale :
saliva, spulum), liquide sécrété dans la bouche par
des glandes spéciales appelées salivaires. Elle est for-
mée d'eau en majeure partie et contient différents sels,
entre autres du chlorure de sodium , et en outre des
matières organiques, spécialement une substance
azotée, appelée.ptyaline, qui favorise fa conversion des
matières féculentes ou amylacées en glucose. La salive
a un double rôle : chimiquement, elle aide à la trans-
formation des substances nutritives; physiquement,
elle facilite la gustation, la mastication et la déglutition
des aliments, elle maintient la souplesse des organes
intérieurs de la bouche, surtout de la langue et des
cordes vocales. Les glandes salivaires fonctionnent
sous l'influence de nerfs qui exagèrent ou modèrent fa
production de la salive. Les émotions qui ébranlent le
système nerveux exercent donc une influence sur
cette production de la salive. Sous le coup de certaines
émotions, les glandes cessent de fonctionner et la
bouche devient sèche; dans d'aulres conditions, il y a
surproduction de salive, « l'eau vient à la bouche » de
quelqu'un qui pense à un aliment agréable, comme s'il
s'apprêtait déjà à le manger. — La langue se colle au
palais dans les grandes douleurs, Ps. xxii (xxi), 16;
cxxxvii (cxxxvi), 6, parce que l'activité des glandes sa-
1375
SALIVE — SALMANASAR
1376
livaires est arrêtée. La soif attache la langue du nour-
risson à son palais, Lam., iv, 4, parce que le sang n'est
plus assez riche en liquide pour fournir aux glandes
la matière salivaire. Job, vu, '19, en butte aux épreuves,
demande le temps d'avaler sa salive, c'est-à-dire équi-
valemmentde respirer, de reprendre haleine, d'accom-
plir un de ces actes physiologiques qui ne demandent
pas beaucoup d'instants et sont nécessaires à la vie.
« Avaler sa salive » est une expression proverbiale qui
a ce sens chez les Arabes. Cf. Fr. Delitzsch, Bas Buch
lob, Leipzig, 1876, p. 110. Quand David simula la folie
chez Achis, roi de Geth, il laissa couler sa salive sur
sa barbe, comme les insensés qui n'ont plus conscience
de leurs actes. I Reg., xxi, 13. Jésus-Christ, pour rendre
la vue à l'aveugle-né, fit de la boue avec de la terre
et sa salive et lui en frotta les yeux. Joa., ix, 6. — Sur
différents actes dans lesquels intervient la salive, voir
Crachat, t. n, col. 1099. H. Lesêtre.
SALLEM (hébreu : Sillêm, « rétribution »; Sep-
tante : SoaatJu.), quatrième et dernier fils de Nephthali,
fils de Jacob. Gen., xlvi, 24. Son nom est écrit dans la
Vulgate, Sellem, Num., xxvi, 49, et Sellum, I Par.,
vu, 13.
SALMA (hébreu : Soîmâ'),nom de deux Israélites .
1. SALMA (Septante : 2a>u.<iv), descendant de Juda,
ancêtre de David et de Notre-Seigneur, I Par., n, 11,
dont le nom est écrit ailleurs Salmon. Voir Salmon.
2. SALMA (Septante : SaXtou-wv), le second des trois
fils de Caleb, fils d'Hur. Il fut le « père », c'est-à-dire
qu'il peupla par ses descendants Bethléhem et d'autres
localités. I Par., n, 51, 54. — Certains interprètes ne
voient qu'un seul personnage dans Salma 1 et 2. Voir
Frd. Keil, Chronik,iS10, p. 51. Le texte, I Par., n, 51,
54, est obscur et se prête à des interprétations diverses.
SALMANA, nom, dans la i'ulgale, de deux rois
dont le nom est écrit différemment en hébreu.
1. SALMANA (hébreu : Salmunnà; Septante : 2a).-
p.avà), le second des deux rois madianites qui enva
hirent la Palestine du temps des Juges et qui furent
battus et mis à mort par Gédéon. Jud.,vin, 5-21. Voir
Gédéon, t. m, col. 148; Madianites, t. iv, col. 535. Le
Ps. lxxxii, 11, rappelle cet événement.
2. SALMANA (hébreu : &alman; Septante :2aXa(idiv),
nom propre qui se lit une fois dans Osée, x, 14:
« Toutes tes forteresses, [Israël], seront dévastées,
comme Salmana dévasta Beth-Arbel. x> Osée faisait
allusion à un événement connu de ses contemporains,
mais oublié depuis. Salmana est, d'après les uns, Sal-
manasar III, roi d'Assyrie; d'après les autres, un roi
de Moab, appelé Salamanu qui figure sur la liste des
tributaires du roi d'Assyrie Théglathphalasar. Voir
Beth-Arbel, t. n, col. 1665. — Quelques commentateurs
prennent Salmana comme un nom de lieu, et tradui-
sent « comme fut dévastée Salman-Beth-Arbel, » mais
. cette opinion n'est pas généralement suivie.
SALMANASAR II, roi d'Assyrie, dont (le nom ne
se trouve pas dans la Bible, mais en rapport fréquent
avec plusieurs rois mentionnés dans l'histoire sacrée ;
peut-être cependant est-ce le Salman du prophète
Osée, x, 14. Roi d'Assyrie, fils et successeur d'Assur-
nabir-apal, il régna de 858-823 (fig. 282) dans la ville
d'kss\iT(Kaléh-Serghat), première capitale de l'Assyrie,
puis à Chalé (Calach-Nimroud) où il se fit construire
un palais dont les inscriptions nous ont conservé le
récit de ses conquêtes. La liste des Limu ou Êponymes
lui attribue 34 années de règne, marquées chacune par
une guerre extérieure dont nous trouvons le détail
dans ses annales, dont le théâtre fut la Babylonie
[Akkad), l'Arménie (Urarthu), la Syrie (Khatti), et
l'Asie occidentale jusqu'à Hamath et Damas. C'est dans
ces circonstances qu'il entra en contact avec les loca-
lités ou les personnages bibliques; Achab d'Israël et
Bénadad de. Damas, d'ennemis qu'ils étaient primiti-
vement, se sentant menacés tous deux par les conquêtes
282. — Qtjj^isque de Salmanasar n à Nimroud. British Muséum.
de l'Assyrie, s'unirent dans un commun effort pour
résister à Salmanasar, avec dix autres rois syriens à la
tête desquels était le roi d'Hamath, Irkulini. En 85i,
dans sa 4 e année de règne, Salmanasar défit les coalisés à
Karkar, mettant en fuite entre autres 1 200 chars montés,
et 20000 hommes d'infanterie de Bénadad de Damas,
2000 chars et 10000 hommes d'Achab, 700 chars et
10000 hommes d'Hamath. — Cette défaite ne découragea
pas la coalition, car nous voyons l'an 11 et 14 de Salma-
nasar deux nouvelles campagnes contre Bénadad de
Damas et ses confédérés, qui furent encore mis en fuite,
mais sans que les annales donnent plus de détails.
Quatre ans plus tard, la 18» et la 21 e années, la guerre
recommença entre Salmanasar et les fils ou successeurs
1377
SALMANASAR — SALMERON
1378
de ces mêmes confédérés en particulier contre Hazael qui
régnaità Damas; mais le roi d'Israël d'alors, soit Joram,
soit Jéhu, n'est plus mentionné : celui-ci, au contraire,
paie fîdèiement le tribut à Salmanasar comme on le
voit dans l'inscription de l'obélisque avec bas-reliefs et
l'inscription dite des Taureaux du palais de Calach.
Voir Jéhu, t. m, col. 1246, et t. i, fig. 37, col. 235; t. h,
fig. 177, col. 521 ; fig. 224, col. 631 ; fig. 547, col. 1661;
t. m, fig. 105, col. 431; t. iv, fig. 84, col. 269.
A cette époque Israël était donc vassal de l'Assyrie.
Le traité d'alliance et de vassalité devait finir par
donner lieu à une conquête et à une destruction finale
sous Salmanasar IV. Salmanasar II mourut en 823,
laissant le trône à Samsi-Ramman, non sans contesta-
tion de la part d'Assur-danin-habal qui avait essayé de
se révolter, du vivant même de son père. Plus tard,
nous trouvons sur le trône, de 781 à 772, Salmanasar 1 1 1
dont la Bible ne dit rien, et auquel la liste des Épo-
nymes et des campagnes attribue en 773 une expé-
dition contre Damas. — G. Rawlinson, Thefive great
Monarchies, 1879, t. n, p. 99-109; G. Maspero, Histoire
ancienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 52-95
(où il désigne ce prince sous le nom de Salmana-
sar III); J. Menant, Annales des rois d'Assyrie,
p. 96-116; Eb. Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek,
t. i, p. 128-175; t. h, p. 200-201; Scheil, Inscriptions
of Shalmanaser 11, dans Records of the Past, 2 e sér.,
t. iv, p. 36-79; Schrader- Wbitehouse, The Cuneiform
Inscriptions and the old Testament, 1. 1, 1885, p. 182-
201 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6« édit., t. ni, p. 483, 485. E. Pannier.
SALMANASAR IV(hébreu : noNJDbtf, Salman'ésér;
Septante : 2aXa[n.ava<7<rctp [dans Tobie, 'EvT)[jie(7<r«poç];
assyrien : | -*-J 4]ïj"-c[ T*~ HF~ i Salman-aSaridu; « que
[le dieu] Salman fasse prospérer » ou « Salman est
le plus puissant »), roi d'Assyrie, le IV» de ce nom,
qui régna de 727 à 722, entre Théglathphalasar et Sar-
gon; il régna également sur la Babylonie, sous le nom
i'TJlulaa, TXoûXaio; dans le Canon de Ptolémée. La
brièveté de son règne, et peut-être aussi l'accès au
trône d'une nouvelle dynastie avec Sargon, expliquent
pourquoi nous ne possédons pas de textes historiques
émanant de ce prince; un contrat d'intérêt privé et
un poids de bronze seuls portent son nom. Par contre
la liste des Limu ou Éponymes lui attribue cinq
années de règne; la liste annuelle des campagnes nous
apprend qu'il vécut en paix en 726, mais que durant
les années 725, 724, 723 il fit la guerre à des peuples
dont le nom a disparu : la chronique babylonienne lui
attribue également cinq années de règne sur Akkad
(Babylonie) et sur l'Assyrie, pendant lesquelles fut dé-
truite la ville de Sabazaïn (Samarie? — Sepharvaïm?).
La Bible et l'historien Josèphe comblent ces lacunes :
nous lisons II (IV) Reg., xvn, 1-6 : « Osée, fils d'Éla,
commença à régner à Samarie... Salmanasar, roi d'As-
sur, monta contre lui, et Osée fut son vassal et lui paya
tribut. Puis le roi d'Assur découvrit une conspiration
d'Osée qui avait envoyé des messagers à Sua (hébreu : nid,
Sô', à lire évidemment Sévéh, Sabie dans les textes de
Sargon, Sabaka, Sabacon), roi d'Egypte, et cessa depayer
le tribut annuel au roi d'Assur; et celui-ci l'enferma et le
lia en prison. Et le roi d'Assur monta dans tout le pays ;
et il monta à Samarie et il l'assiégea pendant trois ans.
La neuvième année d'Osée, le roi d'Assur prit Samarie
et emmena Israël captif en Assyrie. » D'autre part,
Ménandre, cité par Josèphe, Ant. jud., IX, xm-xiv, nous
apprend que Salmanasar envahit une première fois toute
la Phénicie et la remit sous le joug; mais Tyr s'étant ré-
voltée de nouveau, Salmanasar revint pour s'en rendre
maître; cette ville étant séparée du continent, le roi
d'Assyrie se composa une flottille de soixante vaisseaux
DICT. DE LA BIBLE.
pris aux ports phéniciens de la côte : mais douze navires
tyriens suffirent à les détruire. Salmanasar essaya alors
de réduire la ville en la bloquant et en lui coupant ses
conduites d'eau potable ; mais les Tjriens soutinrent le
siège cinq années durant, ayant recueilli l'eau de pluie
dans des citernes. Nous ignorons l'issue de cette cam-
pagne en ce qui concerne Salmanasar, car la citation
de Ménandre dans Josèphe ne va pas plus loin.
Les renseignements donnés par la Bible et l'historio-
graphe sent absolument parallèles : il y eut deux cam-
pagnes de Salmanasar en Palestine et en Phénicie, la
première lors du refus du tribut annuel par Osée et les
Phéniciens, déjà asservis par Théglathphalasar; les
révoltés furent promptement contraints de rentrer dans
le devoir, apparemment dès la deuxième année du mo-
narque assyrien. Mais bientôt, à Tyr et à Samarie, on se
souleva de nouveau ; la Bible nous apprend à quelle oc-
casion : Sévéh d'Ethiopie s'était emparé de l'Egypte
jusqu'au Delta; témoins de ces succès, les princes asia-
tiques s'imaginèrent trouver dans ce conquérant un sur
appui ontre l'Assyrie. Salmanasar ne laissa pas à la coa-
lition le temps d'exécuter ses projets : Osée tomba aux
mains de son suzerain, et disparut en prison. Toutefois
Samarie n'en continua pas moins de résister à l'assié-
geant; mais elle finit par succomber en 722, et fut
détruite par l'ennemi. La Bible est d'accord sur la date
de l'événement, avec les textes cunéiformes du roi Sar-
gon, mais elle ne nomme pas le vainqueur. Les inscrip-
tions de Salmanasar lui-même nous faisant défaut, il
faut expliquer, pour établir l'harmonie complète, le
texte hébreu et le récit assyrien. En différents passages,
Sargon revendique le siège et la prise de la ville, sa
destruction, la déportation des habitants, leur installa-
tion en des pays lointains, les tributs prélevés sur eux :
tout cela durant les quelques mois, ina ris sarrutiya,
qui précédèrent sa première année officielle et com-
plète. Il est très admissible qu'une partie de ces faits
aient eu leur exécution sous le règne et pour le compte
de son prédécesseur, quoique peut-être avec le concours
de Sargon comme général ; monté sur le trône, Sargon
aura revendiqué pour lui toute la campagne. Oppert a
essayé de documenter ce partage entre les deux rois,
assyriens, en faisant remarquer que la destruction de
la ville de Sabaraïn, placée par la Chronique baby-
lonienne dans le règne de Salmanasar, pouvait précisé-
ment confirmer cette hypothèse à cause de la ressem-
blance des caractères ba et ma, et de la divergence
des transcriptions entre la Chronique et les textes
assyriens. — On peut aussi trouver la conciliation du
côté du texte hébreu ; l'annaliste du règne d'Osée ne
donne le nom de Salmanasar qu'au début du récit;
dans le reste de la narration il mentionne cinq fois en
termes généraux le roi d'Assur; le même récit est
donné au chapitre suivant, IV Reg., xvm, 9-10; mais le
verbe qui indique la prise de la ville, au lieu du singu-
lier, est au pluriel, ilkidu, comme s'il ne se rattachait
plus au sujet des verbes précédents, Salmanasar. On
peut donc admettre que le roi d'Assur, non nommé,
jt. 11, est un autre personnage. — La solution définitive
ne pourra être donnée que si l'on découvre un jour les
annales de ce prince. G. Rawlinson, The five great Mo-
narchies, 1879, t. il, p. 135-139; Maspero, Histoire an-
cienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 209-216,
où il désigne ce prince sous le nom de Salmanasar V,
comme J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 149-
150; Schrader, Keilinschriftlîche Bibliotek, t. n, p. 32-
33; p. 276-277; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform
Inscriptions and the old Testament, t. i, 1885, p. 258
267 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6« édit., t. m, p. 543-595. E. Panxier.
SALMERON Alfonso, le quatrième et le plus jeune
des premiers compagnons de saint Ignace de Loyola ,
V. — 44
1379
SALMERON
SALOMÉ
1380
né à Tolède en 1514 ou 1515, mort à Naples le 13 fé-
vrier 1585. Ce fut à Paris qu'il s'attacha à saint Ignace
en 1534. Il fit la première fondation de l'ordre des Jé-
suites à Naples en 1551. Les papes lui confièrent des
missions importantes. Il prit une grande part aux tra-
vaux du concile de Trente, où il fut théologien des papes
Paul III, Jules III, Pie IV. Il a laissé des Commenia-
rii in Evangelicam hisloriam, etc., 16 in-f°, Madrid,
1598-1602; Cologne, 1602, 1612. Ce sont moins des
commentaires que des dissertatfons théologiques,
mais ils ont une vraie valeur exégétique. Voir Ignacio
Torrès, Vida del siervo de Dios P. Alonso Salmeron,
escrita en lengua italiana por el P. José Boero, Bar-
celone, 1887.
SALMiAS (hébreu : Séléniydh; Septante ? SsXEjju'a
[Voir Sélémias]), un des fils des descendants de Bani
qui furent obligés, du temps d'Esdras, d'abandonner
leurs femmes étrangères. I Esd., x, 39.
SALMON (hébreu : Salmôn; Septante : SaXjio'iv),
fils de Naasson, de la tribu de Juda, ancêtre de Booz
et de David. Ruth, iv, 20, 21 ; I Par., n, 11; Matth., i,
4, 5; Luc, m, 32. Son nom est diversement écrit en
hébreu, Salmâ', I Par., n, 11; Salmâh, Rulh, iv, 20.
SALMONA (hébreu : Sàlmônâh; Septante : EsX-
jAw-vâ), campement des Israélites dans le désert, à
l'époque de l'exode, entre la montagne de Hor et Phu-
non. Num., xxxm, 41-42. Le site en est inconnu. Celte
station, dit le P. Lagrange, dans la Revue biblique,
1900, p. 284, « doit être placée normalement entre la
mer et Fenân (voir Phukon, col. 337), à peu près à la
ligne de partage des eaux, mais aucun voyageur ne
signale ce nom. »
SALMONE (SaX[uovï|), promontoire de l'île de Crète,
situé tout à fait à l'extrémité nord-est, en face de Cnide
et de Rhodes. Strabon, X, m, 20. Voir la carte de l'île
de Crête, t. n, col. 1113-1114. — Nous lisons, Act., xxvn,
7, que le navire alexandrin qui conduisait saint Paul à
Rome passa devant Salmoné. Le récit fournit quelques
détails intéressants, surtout dans le texte grec. Après
avoir quitté le port de Myre, Act., xxvn, 5 (Vulgate :
Lystres), on était arrivé avec peine en face de la pointe
de Cnide, à l'extrémité occidentale de l'Asie Mineure;
là on reçut de bout le vent du nord-ouest, de sorte
qu'il devint impossible de continuer le voyage en sui-
vant la ligne directe, qui passait au nord de la Crète et
au-dessous de la Morée. Le capitaine changea donc sa
direction, et résolut, après avoir franchi le promontoire
de Salmone, de s'abriter sous l'île de Crète. — La plu-
part des géographes contemporains identifient Salmone
avec le cap Sidéro, qui occupe la pointe nord-est de
l'île. D'autres, moins bien, le placent plus au sud, et
le confondent avec le promontoire nommé Plaka. —
Voir K. Hôck, Kreta, ein Versuch zur Aufliellung der
Mythologie und Geschichte, 3 in-8°, Gcettingue, 1823-
1828, t. i, p. 427-428; James Smith, Voyage and Ship-
wreck of St. Paul, in-8», Londres, 1848, p. 35-37 ; 2 e édit.,
p. 74-75; C. Bursian, Géographie von G-riechenland, in-8»,
t. n, Leipzig, 1862, p. 575-576; T. Spratt," Travels and
Researches in Crète, 2 in-8", t. i, Londres, 1865, p. 189-
190 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les décou-
vertes archéologiques modernes, 2 e édit., p. 328-329.
L. Fillion.
SALO (hébreu : Sallù'; Septante : EaXtàn), fils de
Mosollam, de la tribu de Benjamin, qui habita Jérusa-
lem après le retour de la captivité de Babylone.I Par.,
ix, 7. Il est appelé Sellum dans II Esd., xi, 7.
SALOM (Septante :2oi).(Ôja), père d'Helcias le grand-
prêtre, fils et successeur de Sadoc II dans le souverain
pontificat. Baruch,i, 7. Il est appelé Sellum dans IPar..
vi, 12-13. Voir Sellum 8.
SALOMÉ (^aXû>)Ai), de l'hébreu salôm, « paix »,
et signifiant : « pacifique »), nom de la femme de
Zébédée et de la fille d'Hérodiade.
1. SALOMÉ, femme du pêcheur galiléen Zébédée, mère
des apôtres Jacques et Jean. Elle est mentionnée dans
les Évangiles, tantôt directement sous son nom, Marc,
xv, 40, et xvi, 1, tantôt par la périphrase «mère des fils
de Zébédée », Matth., xx, 20, et xxvii, 58. Cf. Matth.,
xxvn, 56; Marc, xv, 40.
1° Salomé dans les Évangiles. — Les biographes de
Notre-Seigneur parlent d'elle en quatre circonstances
différentes. — a) Ils nous apprennent d'abord qu'elle
était du nombre des saintes femmes qui accompagnèrent
Jésus durant quelque temps dans ses voyages de prédi-
cation, et qui subvenaient généreusement à son entre-
tien et à celui de ses disciples. Cf. Marc, xv, 40-41;
Luc, "vm, 2-3. Il suit de là qu'elle et son mari jouis-
saient d'une certaine aisance. — b) Il est aussi question
d'elle à l'occasion de la demande ambitieuse qu'elle
adressa au Sauveur pour ses fils. Matth., xx, 20-21.
Requête imparfaite, qui valut à Salomé le juste blâme de
Jésus. — e) Avec les autres saintes femmes, elle suivit
Notre-Seigneur de la Galilée à Jérusalem, lorsqu'il s'y
rendit pour la dernière pâque de sa vie, et elle fut le
témoin courageux de son crucifiement et de sa mort.
Cf. Matth., xxvn, 55-56; Marc, xv, 40-41. — d) De grand
matin, le jour de la résurrection du Sauveur, elle alla
au sépulcre avec ses amies; elle fut ainsi une des pre-
mières à constater qu'il était vide, et à apprendre de la
bouche de l'ange que Jésus était vraiment ressuscité.
Cf. Matth., xxvn, 56; Marc, xvi, 1.
2» Salomé et la tradition. — Les anciens auteurs
ecclésiastiques ont émis plusieurs opinions au sujet de
la mère des fils de Zébédée. Ils la regardent : — a) comme
la fille de saint Joseph par un premier mariage. C'est
en particulier le sentiment de saint Épiphane, Adv.
hxr., lxxviii, 9, t. xlii, col. 712. Voir aussi Cotelier,
Ad Constitut. apost., lib. m, c. 66, édit. Clerici, n,
p. 280. — b) Comme la fille de Cléophas, lequel aurait
été frère de saint Joseph. Hégésippe,dansEusèbe,/f. E.,
m, 11; iv, 22, t. xx, col. 248, 380. Cette interprétation
s'appuie en partie sur les mots « Marie de Cléophas »,
Joa.,xix, 25; mais ils désignent, d'après l'explication la
plus naturelle et la plus commune, la femme et non
pas la fille de Cléophas. — c) Comme la fille du prêtre
Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, qui aurait été
aussi le frère de saint Joseph. L'historien Nicéphore
cite en ce sens Hippolyte de Porto, H. E., n, 3,
t. cxlv, col. 760. Voir aussi J. K. Thilo, Codex apocry-
phus Novi Testant., in-12, Leipzig, 1832, p. 362-364,
note. Il est impossible de se prononcer sur ces divers
sentiments.
3° Salomé et la sainte Vierge. — D'après d'assez
nombreux exégètes contemporains, presque tous pro-
testants, la mère des apôtres Jacques et Jean aurait
été la sœur de .Marie, mère de Jésus. Ils allèguent
comme preuve principale le passage Joa., xix, 25, où
nous lisons : « Auprès de la croix de Jésus se tenaient
sa mère, et la sœur de sa mère, Marie (femme) de
Cléophas, et Marie Madeleine. » Suivant eux, ce texte
désignerait quatre saintes femmes, groupées deux à
deux : dans le premier groupe, nous aurions la sainte
Vierge et sa sœur, dont le nom ne serait pas men-
tionné; dans un second groupe, Marie, femme de
Cléophas, et Marie Madeleine. Comme, d'autre part, les
synoptiques signalent la présence de Salomé au Cal-
vaire, cf. Matth., xxvn, 56, et Marc, xv, 40, on a conclu
qu'elle ne diffère pas de la sœur de la sainte Vierge.
La Peschito et la traduction persane, ajoute-t-on, favol-
1381
SALOME
SALOMON
1382
risent cette interprétation, car elles ont inséré la con-
jonction et avant les mots « Marie de Cléophas ». Voir,
en faveur de ce sentiment, Wieseler, Die Sôhne Zebedâi
Veltern des Herrn, dans les Studien und Kriliken,
1840, p. 648-694, et les commentaires d'Ewald, Lûcke,
Luthardt (2 S édit.), Meyer, Westcott, etc., sur Joa.,xix,
25. Ces auteurs disent encore que, dans l'hypothèse où
Salomé aurait été si étroitement unie à la mère de
Jésus, on s'expliquerait mieux, d'un côté, l'affection
spéciale dont le Sauveur entoura les fils de Zébédée,
qui auraient été ses cousins germains, et, d'un autre
côté, la hardiesse de la requête de Salomé, Matth., xx,
20-21. On comprendrait mieux aussi pourquoi le divin
Maître, sur le point d'expirer, confia de préférence sa
mère à saint Jean. — Mais il faut avouer que les
preuves formelles et décisives de cette parenté font
entièrement défaut, car celles qui viennent d'être rap-
portées sont loin de constituer un argument solide.
Aucun manuscrit grec ne contient la conjonction et au
passage indiqué; dans les versions où on la trouve,
elle a été inlroduite arbitrairement. La tradition, nous
l'avons vu, est tout aussi muette que les Évangiles sur
la parenté en question, et pourtant il semble que, si elle
eût existé, les écrits apostoliques auraient difficile-
ment omis de la signaler. Ne disent-ils pas clairement
que saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient les
« frères s, c'est-à-dire, les cousins de Jésus ? Cf. Gai., I,
18; Jud., i, 1, etc. Aussi, à la suite de saint Jean Chrysos-
tome, de saint Jérôme, de saint Thomas d'Aquin, etc.,
les commentateurs catholiques ont-ils toujours admis,
presque à l'unanimité, que le texte Joa., xix, 25, ne
désigne pas quatre personnes, mais trois seulement :
la mère de Jésus; sa sœur, qui aurait porté comme
elle le nom de Marie — sans doute avec un second
nom permettant de les distinguer facilement — et qui
serait devenue la femme de Cléophas ou Alphée; enfin
Marie Madeleine. Dans Routh, Reliquiœ sacrée, I, 6, on
lit ce fragment, qui remonte peut-être à Papias : Istœ
quatuor in evangelio reperiuntur :... Maria Jacobi
minoris et Joseph mater, uxor Alphsei, soror fuit
Mariœ matris Domini quam Cleophse Joannes nomi-
nal. — Voir. C. Fouard, La vie de N.-S. JésUs-Christ,
2« édit., Paris, 1892, t. H, p. 420; Le Camus, La vie de
N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1887, t. m, p. 343; P. Schanz,
Commentai' iiber das Evangel. des heil. Johannes,
in-8°, t. Il, Tubingue, 1885, p. 557; Knabenbauer, Evan-
gelium sec. Joannem, in-8°, Paris, 1898, p. 543; F. X.
Pôlzl, Kurzgefasster Commentar zu den vier Evan-
gelien, t. iv, Graz, 1892, p. 319; L.-Cl. Fillion, Saint
Jean l'évangéliste, sa vie et ses écrits, in-12, Paris, 1907,
p. 5-8. L. Fillion.
2. SALOMÉ, fille d'Hérodiade et d'Hérode-Philippe,
lequel était fils d'Hérode le Grand par la seconde
Mariamne (t. m, col. 639-640), et qui vécut en simple
particulier à Jérusalem. Voir Hérode-Philippe I eP ,
t. m, col. 649. Elle est mentionnée, mais sans être
nommée, dans les Évangiles. Pendant un repas qu'An-
tipas donnait pour fêter l'anniversaire de sa naissance,
«lie dansa devant lui et devant ses convives. Le roi
charmé lui promit de lui accorder tout ce qu'elle lui
-demanderait; elle demanda, à l'instigation de sa mère,
la tête de Jean-Baptiste. Ce qui lui fut accordé. Marc,
•vi, 22-28; Matth., xiv, 6-11. — Salomé épousa un peu
plus tard son oncle, le tétrarque de l'Iturée et de la
Xrachonitide, nommé aussi Hérode-Philippe (voir t. m,
•col. 649-650). Cf. Luc, m, 2. Lorsqu'il fut mort, elle
épousa en secondes noces Aristobule, roi de Chalcis,
qui appartenait aussi à la famille d'Hérode (t. m,
■col. 639-640). De ce second mariage elle eut trois fils,
Hérode, Agrippa et Aristobule. Cf. Josèphe, An t. jud.,
XVIII, v, 4; XX, vm, 4; E. Schûrer, Geschichte des
jûdischen Volkes îm Zeitalter Jesu Christi, 3" édit.,
1. 1, Leipzig, 1901, p. 441-442. D'après Nicéphore, II. E.,
I, 20, t. cxlv, col. 692, elle serait morte d'une manière
tragique, du vivant de sa mère : tandis qu'elle traver-
sait une rivière dont la surface était gelée, elle serait
tombée dans l'eau jusqu'au cou, et la glace, se resser-
rant, lui aurait tranché la tête. Mais ce n'est là qu'une
légende sans consistance. L. Fillion.
SALOMI, nom de deux Israélites.
1. SALOMI (hébreu : Selômî, « pacifique »; Sep-
tante : E£).eiju), père d'Ahiud, de la tribu d'Aser. Son
fils fut chargé de représenter sa tribu dans le partage
de la Terre Promise. Num., xxxiv,27.VoirAmuDl,t.i,
col. 295.
2. SALOMI (grec : SaXtipi), nom, dans I Mach., h,
26, du père de Zamhri. Il est appelé Salu, Num.,
xxv, 14.
SALOMITH (hébreu : Selômît, « pacifique »), nom
de sept Israélites, cinq hommes et deux femmes, dans
le texte hébreu. Une de ces femmes est appelée dans la
Vulgate Salumith, Lev., xxiv, 11; un homme, Selo-
mith, I Esd., vm, 10; et un autre homme Sélémith,
I Par., xxvi, 25-26. Voir ces noms.
1. SALOMITH (Septante : EaXwiJiseQ, fille de Zoro-
babel, fils de Phadaïa, prince de Juda, sœur de Mosol-
lam et d'Hananias. I Par., m, 19.
2. SALOMITH (Septante : SaXwtiiô), fils de Séméi,
descendant de Gerson, de la tribu de Lévi, chef des
Gersonites sous le règne de David. I Par., xxm, 9. Il
est possible qu'au f. 10, il faille lire Salomith au lieu
de Séméi. Voir Séméi, père de Léheth.
3. SALOMITH (Septante] : SaXw^tiS), lévite, chef de
la famille d'Isaar du temps de David. I Par., xxm, 18.
Son nom est écrit Salémoth. I Par., xxiv, 22. Voir Sa-
lémoth, col. 1373; Isaar 1, t. m, col. 936.
4. SALOMITH (Septante : 2*Xï;[i<o6), fils, ou, d'après
quelques commentateurs, fille de Roboam,roi de Juda,
et de Maacha. II Par., xi, 20.
SALOMON (hébreu :Sdïomô/»;Septante: T,us'i.u>p.tî>v ;
Nouveau-Testament : SoXo|ji.<iv), fils et successeur de
David. Il régna de 1015 à 975, d'après l'ancienne chro-
nologie, mais d'après le synchronisme des documents
assyriens, à une époque postérieure. Ces dates doivent
être abaissées probablement d'une quarantaine d'années.
I. Ses premières années. — 1° Sa naissance. — Sa-
lomon naquit de David et de Bethsabée. Onze fils sont
attribués à David pendant sa royauté à Jérusalem; ils
sont nommés dans l'ordre suivant : Samua, Sobab, Na-
than, Salomon, etc. II Reg., v, 14. D'autre part, ces
quatre premiers fils ont Bethsabée pour mère. I Par.,
m,5; xiv, 4. Il faudrait donc conclure de ces trois
textes que Salomon a été le quatrième fruit de cette
union et non le second, comme le donnerait à supposer
un autre passage. II Reg., xn, 24. Samua serait alors
le fils de l'adultère, mort peu après sa naissance; Sobab
serait le second fils, dont il n'est plus question par la
suite et qui mourut peut-être en bas-âge; le troisième,
Nathan, devint la souche d'une descendance qui
aboutit à Joseph, (ils de Marie, Luc, m, 31; cf. J. Ges-
lin, Nouvel essai d'interprétation des deux généalogies
de Jésus, dans la Revue pratique d'Apologétique,
1 er déc. 1908, p. 362; Salomon viendrait au quatrième
rang. On ne peut pas dire que Salomon occupe cette
place parce qu'aussitôt après l'historien veut faire sa
généalogie. I Par., m, 5, 10. L'observation ne s'ap-
1383
SALOMON
1384
plique pas aux deux autres passages. Il Reg., v, 14;
I Par., xiv, 4. Il est donc probable qu'après avoir parlé
de la mort du premier fils, l'historien des Rois passe
sous silence les deux suivants, pour en venir immédia-
tement à celui qui fut le plus célèbre et dont il a à
raconter l'histoire. — D'après Josèphe, Ant. jud., VII,
xiv, 2; VIII, i, 1, Salomon était vsiAtoitoç naï; et véoç
tV »j).ixf«v ïzi wv, encore très jeune, quand il eut à
succéder à son père. Il serait monté sur le trône à
quatorze ans et l'aurait occupé quatre-vingts. Ant . jud.,
VIII, vu, 8. Le second chiffre double celui de la Bible;
le premier ne peut donc inspirer confiance, ni suppléer
au silence des auteurs sacrés sur la date de la nais-
sance de Salomon. On ne peut davantage accepter
l'assertion de S. Jérôme, faisant arriver Salomon sur
le trône à douze ans. In Is., n, 3, t. xxiv, col. 63. On
suppose plus vraisemblablement que le prince avait
une vingtaine d'années quand il devint roi. III Reg.,
m, 7. Cf. Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 20. Il na-
quit donc vers la vingtième année du règne de David
qui dura quarante ans. A cette date, David régnait de-
puis treize .ans à Jérusalem. III Reg., Il, 11. Il est à
croire que son union avec Bethsabée n'avait pas tardé
longtemps après son installation dans la nouvelle ca-
pitale. Entre la huitième et la vingtième année de son
règne, David avait eu le temps, par conséquent, d'avoir
plusieurs fils de Bethsabée, et Salomon serait en réa-
lité le plus jeune d'entre eux.
2» Son nom. — Le nom de Salomon vient de sâlôm,
qui signifie « paix » et « santé ». Comme les Hébreux
s'inspiraient souvent des circonstances pour choisir un
nom à leurs enfants, il y a lieu de penser que le nom
de Salomon reflète une époque de prospérité et de paix
dans le règne de David, telle que celle qui s'écoula
entre la guerre contre les Ammonites et la révolte
d'Absalom. Il signifie « pacifique », comme le grec
E!pï]vatoç, Irénée, et l'allemand Friedrich, Frédéric. Il
avait été choisi par David; il prévalut sur celui de
Yedîdydh, « aimé de Jéhovah », que lui attribua le pro-
phète Nathan. II Reg., xn, 25.
3° Son éducation. — Plusieurs influences heureuses
s'exercèrent sur la jeunesse du prince. David, dont les
premières années avaient été si dures, si mouvementées,
si périlleuses, fit élever son fils dans le calme de sa
nouvelle cour. Il veilla à ce qu'une éducation en rap-
port avec sa condition lui fût donnée. On instruisit
donc le jeune prince aussi bien qu'on pouvait le faire
à cette époque. Les indications de la Sainte-Écriture
sur la suite de son règne montrent qu'on lui apprit la
science des lois, la poésie, la science naturelle de
l'époque et cette philosophie à la fois théorique et pra-
tique qui se formulait en sentences brèves, mais de
forme originale et vive. Cette culture ne pouvait pro-
duire que d'excellents effets sur une intelligence
éveillée et heureusement douée, comme était celle du
jeune prince. Sa mère, Bethsabée, paraît avoir été, à la
suite de sa faute et de son repentir, une femme de
sens et de bon conseil. Elle exerça sur son jeune fils
une influence profitable, que ne gênaient en rien les
habitudes de la cour de David. Car les rois israélites
n'imposaient nullement aux femmes cet esclavage et
cet abaissement qui étaient de règle dans les harems
orientaux. Bethsabée put donc se consacrer en toute
liberté au soin physique et moral de son fils. Elle y fut
puissamment aidée par le prophète Nathan, qui avait
salué dans l'enfant naissant le » bien-aimé de Jéhovah »,
et qui aidera un jour le jeune homme à recueillir la
couronne paternelle. Le prophète s'appliqua sans nul
doute, de concert avec David sincèrement revenu à la
fidélité envers Dieu, à développer la piété dans le cœur
du prince. Ses efforts furent couronnés de succès, au
moins pendant la jeunesse et la première partie du
règne de Salomon. — A cet enseignement théorique
s'ajoutèrent les leçons de l'expérience. Les guerres de
David étaient terminées quand Salomon vint au monde.
Celui-ci n'acquit donc de connaissances militaires
qu'au contact des vaillants hommes qui avaient guerroyé
avec son père. Si jeune pourtant qu'il fût alors, il dut
être témoin attentif et douloureusement impressionné
de la révolte d'Absalom, de la fuite et des épreuves de-
son père et des calamités qui furent la conséquence de
l'ingratitude de son frère aine. — Des chiffres trans-
crits par les auteurs sacrés, résulte un fait qui ne-
laisse pas que d'étonner. Salomon régna quarante ans.
III Reg., xi, 42. Son fils Roboam avait quarante et un
ans quand il lui succéda. III Reg., xiv, 21; II Par., xn,
13. Il était donc né un an avant que Salomon ne devint
roi, ce qui suppose une chose très naturelle en soi, le-
mariage du jeune prince vers l'âge de dix-huit ans.
Mais Roboam avait pour mère Naama, l'Ammonite.
III Reg., xiv, 21; II Par., xn, 13. Les Ammonites-
étaient exclus à jamais de l'assemblée d'Israël. Deut.,
xxill, 3. Bien que les mariages avec des Chananéennes
fussent seuls formellement défendus, Deut., vu, 3,
ceux que l'on contractait avec d'autres étrangères
n'étaient pas vus de bon œil, au moins après la capti-
vité. I Esd., ix, 1, 2; x, 1-17. Néhémie dit même à
ceux qui avaient épousé des Azotiennes, des Ammo-
nites et des Moabites : « N'est-ce pas un péché de ce
genre qu'a commis Salomon, roi d'Israël? » II Esd.,
xiii, 26. Comment David, Bethsabée et Nathan ont-ils.
laissé le jeune Salomon prendre une étrangère plutôt
qu'une fille d'Israël? On l'ignore. Toujours est-il que
la chose ne dut pas paraître alors aussi anormale que
dans la suite, car les historiens sacrés ne font aucune-
remarque à ce sujet.
II. Inauguration du règne. — 1° Désignation de
Salomon. — Dieu avait promis à David que sa posté-
rité régnerait après lui et qu'un fils, qui lui succéde-
rait, bâtirait une maison à son nom. II Reg., vu, 12,13.
Mais ce successeur n'avait pas été désigné tout d'abord.
Aussi l'un des fils que David avait eus à Hébron, Absa-
lom, le troisième d'entre eux, né de Maaca, fille du roi
de Gessur, intrigua-t-il pour s'assurer la succession
de son père. II Reg., xv, 1-6. Il finit même par se ré-
volter ouvertement, obligea .David à s'enfuir au delà
du Jourdain, s'installa à Jérusalem, mais ensuite fut
défait dans la forêt d'Éphraïm et périt de la main de-
Joab. II Reg., xvm, 6-15. Cette révolte décida proba-
blement David à prendre des mesures pour désigner
son successeur. Il promi^ à Bethsabée que son fils Sa-
lomon serait roi après lui. III Reg., i, 13. Lui-même
attribua ensuite ce choix à Jéhovah, sans doute parce que-
Nathan avait contribué à le lui inspirer. I Par., xxvm,
5, 6. Mais ce choix ne parait pas avoir été divulgué au
moment où il fut arrêté. Les intrigues du frère aîné de-
Salomon, Àdonias, hâtèrent l'avènement du fils de
Bethsabée au trône. Voir Adonias, t. i, col. 224.
2° Sacre de Salomon. — David ayant été prévenu.
qu'Adonias se faisait proclamer roi, le prêtre Sadoc et
le prophète Nathan, sur son ordre, firent monter Sa-
lomon sur la mule du roi, et, accompagnés de la garde-
royale, commandée par Banaïas, et d'une foule de
peuple, ils le conduisirent à la fontaine de Gihon,.
située dans la vallée du Cédron, à quatre cents mètres
au-dessus d'En-Rogel. Voir la carte, t. m, fig. 249,
col. 1355. Là, le prêtre Sadoc oignit Salomon, on sonna
de la trompette, tout le peuple cria : Vive le roi Salo-
mon ! et on reconduisit le prince avec de grandes
acclamations pour le faire asseoir sur le trône. — Le
bruit des trompettes et, aussitôt après, la nouvelle de
ce qui venait d'être accompli terrifièrent Adonias, qui
courut saisir les cornes de l'autel, pour se garantir
contre une exécution possible. Exod., xxi,14. Salomon
l'épargna, à condition qn'il se montrât loyal et se tint
tranquille. III Reg., I, 38-53.
1385
SALOMON
1386
3» Les instructions de David. — Instruit par cette
•seconde tentative d'usurpation, David, avant de mourir,
tint à signaler à son jeune successeur les mesures qu'il
aurait à prendre pour affermir sa royauté. Il lui fallait
en premier lieu être fidèle au service de Jéhovah. Puis,
il aurait à traiter sévèrement Joab,le meurtrier d'Abner
■et d'Amasa et le fauteur des prétentions d'Adonias; il
en serait de même pour Séméï, qui avait montré tant
de violence contre lui. De tels personnages ne pou-
vaient être que des causes de trouble pour le nouveau
règne. II Reg., n, 1-9. David ajouta d'autres recom-
mandations relatives à la construction du Temple futur.
Il provoqua les offrandes de son peuple, en vue de
l'œuvre à entreprendre, et demanda qu'on secondât son
fils, encore jeune. I Par., xxix, 1. Il fit offrir devant
(tout le peuple de grands sacrifices à Jéhovah, suivis
de festins pendant lesquels Salomon fut de nouveau
proclamé roi. On l'oignit encore et l'on fit de même
pour Sadoc, qui devint grand -prêtre à la place
•d'Abiathar, compromis dans le complot d'Adonias.
1 Par., xxix, 20-25. David pouvait maintenant mou-
rir : il laissait un successeur incontesté sur un
trône affermi.' En faisant renouveler solennellement
la cérémonie du sacre, hâtivement accomplie une
première fois à la fontaine de Gihon, il avait assuré
au nouveau roi la consécration définitive de sa
royauté.
III. Les premiers actes du règne. — 1» Les mesures
■de rigueur. — Pour obéir aux instructions de son
père, Salomon surveilla de très près ceux dont la con-
duite passée pouvait constituer une menace pour son
•autorité. Adonias, par de nouvelles intrigues, courut
lui-même au-devant du châtiment. Il chercha à avoir
pour femme Abisag, la Sunamite, la dernière qui avait
•appartenu à David. III Reg., i, 3, 4. C'était vouloir se
■créer un titre à la royauté. Salomon le fit mettre à
•mort, parce qu'il ne voulait pas que son règne fût
troublé comme celui de son père l'avait été par la ré-
volte d'Absalom. David avait eu des fils nombreux, dont
beaucoup étaient les aînés de Salomon. Il y avait là un
danger à écarter, car chacun d'eux pouvait se croire des
droits à régner. En faisant périr résolument le plus
audacieux, le roi donna à tous les autres un avertisse-
ment nécessaire et efficace. — Le grand-prêtre Abia-
thar avait trempé dans le complot d'Adonias et il avait
été remplacé par Sadoc, du temps même de David.
ï Par., xxix, 22. Salomon respecta sa vie, mais il le
■chassa, afin qu'il ne remplit plus ses fonctions. Ainsi se
réalisait une prophétie de Samuel à Héli sur le sort ré-
servé aux descendants de ce dernier. I Reg., u, 30-36.
— Vint ensuite le tour de Joab, l'autre complice d'Ado-
oias. 11 eut beau chercher un refuge auprès de l'autel,
comme avait fait jadis Adonias; Salomon l'y fit frapper
par Banaïas. — Restait Séméi, l'ancien adversaire de
David. II Reg., xvi, 5-13. Il était de Bahurim, où il
possédait de grandes propriétés, et commandait à
mille hommes de Benjamin. Pour l'isoler de ceux qu'il
•aurait pu soulever, Salomon lui prescrivit de se fixer
■à Jérusalem et de ne jamais passer le Cédron, sous
peine de mort. Séméi accepta la condition. Mais, trois
ans après, il s'échappa pour aller chercher à Geth
deux de ses esclaves qui s'y étaient enfuis. A son re-
tour, il fut mis à mort par ordre du roi, conformément
à la convention qu'il avait acceptée lui-même. — Ces
■exécutions peuvent sembler sévères ; mais il faut recon-
naître qu'elles étaient justifiées et qu'elles assurèrent
à Salomon et à la nation quarante années de tranquil-
lité intérieure, malgré les causes de mécontentement
•qui se produisirent dans la suite du règne. Elles étaient
d'ailleurs conformes aux mœurs orientales, dans un
pays où l'autorité ne s'imposait efficacement que par
la force. Par contre, Salomon n'eut garde d'oublier la
recommandation que son père lui avait faite en faveur
de la famille de Berzellaï. II Reg., u, 7. Voir Chamaam,
t. il, col. 516.
2° Le mariage avec la fille du pharaon. — L'histo-
rien des Rois place ce mariage au début du règne.
III Reg., m, 1. Salomon crut qu'il était de bonne poli-
tique de s'allier avec le pharaon d'Egypte. David avait
jadis assujetti le pays d'Édom. Il Reg., vin, 13, 14.
Mais un prince delà famille royale iduméenne, Adad,
avait réussi à . fuir en Egypte, où le pharaon l'avait
accueilli avec bienveillance et lui avait même accordé
pour épouse une sœur de sa femme, la reine Taphnès.
Quand Adad apprit la mort de David et l'exécution de
Joab, il revint dans son pays, malgré les observations
du roi d'Egypte, et « fit du mal » au royaume israélite,
en même temps que Razon de Damas, « qui fut un
ennemi d'Israël pendant toute la vie de Salomon. »
III Reg., xi, 14-25. Pour empêcher Adad d'abuser
contre lui de l'alliance égyptienne, Salomon songea
naturellement à s'assurer un appui en Egypte même,
où la puissance royale semble avoir été morcelée à cette
époque. Salomon demanda sa fille à l'un des pharaons
qui régnaient alors sur les bords du Nil et il l'obtint.
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient
classique, t. n, p. 738, Il amena la princesse dans la
cité de David, en attendant qu'il eût élevé le palais
destiné à son habitation. Ce mariage n'était pas plus
contraire à la loi mosaïque que la précédente union
du prince avec Naama, l'Ammonite. Il eut des effets
avantageux. Salomon dut à cette union la sécurité de
ses frontières méridionales, de grandes facilités pour
son commerce, la soumission efficace de la population
philistine de la côte et la possession de places fortes,
parmi lesquelles Gazer était la plus importante, et que
le pharaon donna comme dot à sa fille. III Reg., ix, 16.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. u, p. 738; Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit.,
t. m, p. 268 ; H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 464.
3° Le sacrifice de Gabaon. — Aussitôt après son ma-
riage, Salomon organisa une grande démonstration
religieuse à Gabaon. L'Arche avait été transportée par
David dans la capitale. Mais comme le Temple n'était
pas encore construit, on offrait des sacrifices à Jéhovah
sur les hauts-lieux. Gabaon en était un, et c'est là que
se trouvait alors le Tabernacle. Salomon offrit mille
holocaustes sur l'autel de Gabaon; car « il aimait Jé-
hovah, marchant selon les ordonnances de David, son
père. » III Reg., m, 3. Le fait d'offrir des sacrifices sur
les hauts-lieux ne constituait pas une infraction à la
loi mosaïque, bien que la Vulgate semble l'insinuer
dans ce dernier texte. C'était une nécessité que le
texte hébreu se contente de constater. A la suite de
cette solennité religieuse, Salomon eut un songe dans
lequel Jéhovah lui apparut et lui dit de demander ce
qu'il voudrait. Le roi demanda la sagesse pour
juger le peuple et discerner le bien et le mal. Jéhovah,
satisfait de cette prière, l'exauça et promit par surcroît
à Salomon toutes les prospérités. A la suite de ce songe,
Salomon retourna à Jérusalem, se présenta devant
l'Arche, offrit de nouveaux holocaustes et des sacrifices
d'actions de grâces et donna un grand festin à toute sa
cour. III Reg., m, 4-15; II Par., ï, 7-13.
4» Le jugement de Salomon. — Le roi eut bientôt
l'occasion d'utiliser sa sagesse, quand deux femmes se
présentèrent à son tribunal en se disputant la posses-
sion d'un enfant. Avec un merveilleux à-propos, il mit en
jeu le sentiment maternel pour discerner immédiate-
ment celle des deux femmes à laquelle appartenait
l'enfant. Cet épisode est devenu si populaire qu'on en
a retrouvé à Pompéi (en 1883) une représentation cari-
caturale (fig. 283).
IV. Le gouvernement de Salomon. — 1» L'adminis-
ration. — David avait déjà constitué autour de lui
tout un corps de fonctionnaires chargés d'administrer
1387
SALOMON
1388
le royaume. Salomon renouvela en partie ce personnel
et créa des fonctions nouvelles. Il eut auprès de sa
personne un premier ministre, qui était le fils du
grand-prêtre Sadoc, deux secrétaires, un archiviste,
un chef d'armée, Banaïas, le grand-prêtre, Sadoc, un
conseiller intime, le prêtre Zabub, fils de Nathan, un
préfet du palais et un surintendant des impôts. III Reg.,
iv, 1-6. Sous David, douze intendants surveillaient les
biens du roi et pourvoyaient à la subsistance de la
cour; mais chacun d'eux était chargé de tous les biens
d'une même nature, souvent répandus dans tout le
pays. I Par., xxvn, 25-31. Salomon modifia cette insti-
tution, dont l'usage avait sans doute montré les incon-
vénients. Il eut aussi douze intendants, mais il attribua
à chacun d'eux une portion du territoire, distincte de
la division en douze tribus, sur les ressources de la-
quelle chacun d'eux, à tour de rôle, devait faire vivre
la cour pendant un mois. III Reg., iv, 7-19. Cette orga-
troupes de pied n'étaient levées qu'en cas de guerre;
il n'y avait donc pas lieu de s'en préoccuper en temps
de paix. Il en était autrement de la charrerie. Absalom
et Adonias avaient été les premiers à posséder des
chars, comme insignes de leurs prétentions royales.
Voir Char, t. n, col. 567. Salomon eut 1400 chars et
12000 hommes chargés des chevaux. III Reg., x, 26;
II Par., i, 14. D'après des chiffres qui semblent attirés
et décuplés par les copistes, III Reg., IV, 26 (hébreu, v T
6) et II Par., ix, 25, il aurait eu 40 000 crèches ou stalles
à chevaux. Cf. Armée, t. i, col. 976. Des dépôts spéciaux
étaient ménagés pour les chars, d'autres pour les che-
vaux, dans certaines villes et à Jérusalem. III Reg., IX,
19; x, 26; II Par., i, 14; vm, 6; ix, 25. La cavalerie de
Salomon devait se composr d'hommes combattant sur
des chars, comme en Egypte. Voir Armée, t. ), col. 993.
A chaque char étaient attelés deux chevaux.
Salomon se servit de cette force armée pour assurer
283. — Caricature païenne du jugement de Salomon. Peinture de Pompéi. Musée de Naples.
nisation rendait la surveillance plus facile et les trans-
ports moins dispendieux. Les intendants étaient éga-
lement chargés de faire venir l'orge et la paille pour la
cavalerie, dans les différents postes où elle se trouvait.
III Reg., iv, 28.
2° La cour. — Un roi donnait une haute idée de sa
puissance en s'entourant d'un grand nombre de per-
sonnages et de serviteurs. Salomon n'y manqua pas.
Il construisit dans son palais des appartements et des
chambrés pour ses serviteurs de tout ordre. III Reg., x,
5. Ceux-ci avaient le droit de manger à la table du roi,
c'est-à-dire d'être nourris aux frais de son trésor, eux
et toute leur famille. La dépense de la cour était ainsi
pour chaque jour de 30 cors (10 148 litres 70) de fleur
de farine, 60 cors (20 297 litres 40) defarine commune,
10 bœufs gras, 20 bœufs de pâturage, 100 moutons,
puis des cerfs, des chevreuils, des daims et des volailles
engraissées. III Reg., iv, 22, 23. Ces quantités de vivres
supposent près de 14 000 personnes nourries, ce qui ne
paraîtra pas extraordinaire, si l'on fait entrer en ligne
de compte les fonctionnaires et serviteurs de tout rang,
tout le personnel du harem royal, la garde du corps et
la famille de tous ces ayant-droit, sans parler des autres
fonctionnaires et pourvoyeurs de province que le trésor
royal devait entretenir aussi.
3" L'armée. — Elle avait pour chef Banaïas. Elle se
composait de troupes à pied et de charrerie. Les
la paix à l'intérieur et aux environs de son royaume.
II tint en respect Adad, l'Édomite, et Razon de Syrie.
III Reg., XI, 23-25. Il occupa le pays de Gazer, que le
pharaon lui avait remis. III Reg., IX, 16,17. Au nord, il
s'empara d'Émath, qui commandait la vallée de
l'Oronte. II Par., vm, 3. Il réduisit en servage tout ce
qui, à l'intérieur du royaume, restaitencore des anciens
Chananéens, Amorrhéens, Héthéens, Phérézéens, Hé-
véens et Jébuséens, qui ne faisaient pas partie des en-
fants d'Israël. III Reg., ix, 20, 21 ; Il Par., vm, 7, 8. Il
arriva ainsi à dominer sur tout le pays qui s'étendait
« depuis le fleuve de l'Euphrate jusqu'à la terre des
Philistins et jusqu'à la frontière d'Egypte. » (C'est ainsi
que doit se traduire l'hébreu.) III Reg., IV, 21. Cf. Josè-
phe, Ant. jud., VIII, n, 4. En somme, Salomon n'eut
pas à faire grand usage de ses forces militaires. Grâce
à l'organisation de son royaume et à ses richesses, il
put conserver la paix pendant tout son règne.
4° Les finances. — Il fallait à Salomon des ressources
considérables pour faire face aux dépenses de son ad-
ministration et de ses constructions. 11 les emprunta à
des sources diverses. — 1. Les impôts. Samuel avait
annoncé que le roi prélèverait sur son peuple la dîme
des moissons, des vignes et des troupeaux. I Reg., vm,
15, 17. Il est assez probable que cette prévision était
devenue une réalité à l'époque de Salomon et que les
douze intendants établis par lui avaient pour mission
1389
SALOMON
1390
première la perception de cette dîme. Ajoutée à la dime
lévitique, elle faisait peser un impôt d'un cinquième
sur les biens de la terre. Il est bien possible aussi que
la première fenaison, appelée « coupe du roi »,Am.,vn,
1, ait déjà été prélevée au temps de Salomon. Cf.
III Reg., IV, 28. — 2. Les droits d'importation. Ils
étaient exigés des marchands nomades et des négociants.
Les rois d'Arabie y ajoutaient leurs tributs en or et en
argent. III Reg., x, 15; II Par., ix, 14. — 3. Les droits
de transit. Les marchandises venues de l'est à destina-
tion des Phéniciens ou des Philistins devaient néces-
sairement emprunter le territoire de la Palestine,
depuis que Salomon était maître de tout le pays jus-
qu'à Émath. Celles qui venaient d'Egypte passaient par
la Palestine pour arriver en Syrie et chez les Héthéens.
III Reg., x, 28, 29. On en exigeait des droits de pas-
sage. — 4. Les présents. Les sujets de Salomon lui
apportaient des objets d'argent et d'or, des vêtements,
des armes, des aromates, des chevaux et des mulets,
présents volontaires dont l'usage ne permettait pas de
se dispenser et qui se renouvelaient chaque année. En
retour, les contribuables pouvaient voir Salomon el
entendre sa sagesse. III Reg., x, 24-25. — 5. Le com-
merce. Voisin des Phéniciens, le roi d'Israël consta-
tait les immenses richesses que le commerce leur pro-
curait. Il résolut de les imiter. Il se réserva le monopole
de certains trafics, celui de l'or, III Reg.,ix, 28, et celui
des chevaux. II Par., x, 28. Il établit, dans les endroits
les plus favorables, des entrepôts et des relais pour les
caravanes marchandes. Sa puissance s'étendaitjusqu'au-
près de Thapsaque, où l'on pouvait traverser l'Euphrate.
III Reg., iv, 24. Pour faciliter l'accès de ce débouché,
il bâtit ou restaura Thadmor, la ville des Palmes ou
Palmyre, au milieu du désert, sur la route de Damas à
Thapsaque, III Reg., ix, 19, et mit en état les villes du
pays d'Émath qui pouvaient servir de magasins.
II Par., vin, 4. A l'intérieur du pays, pour faciliter les
transports et les transactions, il fit paver de pierres
noires, probablement de basalte, les voies qui menaient
à Jérusalem, cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, VII, 4, et
ménagea des magasins dans les villes. II Par., vm, 5.
Lçs chevaux et les chars qu'il tirait de l'Egypte, et
peut-être de Coa, étaient achetés, les premiers 150 sicles
d'argent (424 fr. 50) et les seconds 600 sicles (1698 fr.).
III Reg., x, 29. Il y avait là, sans nul doute, une source
de grand profit pour Salomon. Les Phéniciens étaient
marins; le roi d'Israël voulut lui aussi posséder une
marine. Il fit d'Asiongaber, à la pointe du golfe Élani-
tique, une ville maritime. Une flotte y fut construite,
voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1496, 1506, et, de
concert avec des matelots de Tyr, ceux de Salomon en-
treprirent par mer le voyage d'Ophir. Voir Ophir, t. iv,
col. 1829. Le voyage durait trois ans, et l'on en rappor-
tait de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des singes et des
paons, III Reg., ix, 26-28; x, 22; II Par., \m, 17, 18,
du bois de santal et des pierres précieuses. IIÏ Reg.,x,
11-12. Pour acquérir ces objets, il fallait en donner
d'autres en échange. La Palestine ne fournissait guère
de produits pouvant se vendre sur le marché indien.
II est donc à croire que les marins de Salomon se pour-
voyaient d'objets ' manufacturés en Phénicie et les
échangeaient contre les matières précieuses d'Ophir.
La Hotte rapporta à Salomon 420 talents d'or, soit près
de 17000 kilogrammes ou plus de 55 millions. III Reg.,
ix, 28. Chaque année, le roi revevait de toute prove-
nance 666 talents d'or, soit une valeur de 87 812 100 francs.
III Reg., x, 14; II Par., IX, 13. Cf. Eccle., Il, 8. Salo-
mon employa cet or à la fabrication de toutes sortes
d'ustensiles pour le Temple et pour ses palais.
III Reg., x, 25. 11 se fit, entre autres objets, 200 grands
boucliers d'or battu, à chacun desquels il employa
600 sicles d'or (26100 fr.), et 300 petits, représentant
chacun 3 mines d'or (6 600 fr.). Ces seuls boucliers va-
laient donc une somme de 19800000 francs. On conçoit
que, dans ces conditions, l'argent eût peu de valeur à
Jérusalem. III Reg., x, 21. Cf. Eccli.,xi/vn,20. — On ne
peut assurer que toutes ces richesses aient été gérées
très sagement. Un fait significatif permet d'en douter.
Vingt ans après la construction du Temple et des palais,
Salomon n'avait pas encore restitué à Hiram 120 talents
d'or (16822000 fr.) que ce dernier lui avait avancés, et
il lui céda en paiement vingt villes de Galilée, dont
Hiram se montra d'ailleurs peu satisfait. III Reg., ix, 10-
14. Comment un roi qui recevait annuellement 666 ta-
lents d'or a-t-il pu rester vingt ans sans pouvoir payer
120 talents? Les chiffres bibliques sur les richesses de
Salomon auraient-ils été exagérés par les transcrip-
teurs?Ou enfin, la prodigalité excessive du roi d'Israël
est-elle seule en cause? Cette dernière raison parait la
plus probable.
V. Les grandes constructions. — 1» Les prépara-
tifs. — David avait laissé à son fils le soin de construire
un Temple à Jéhovah. III Reg., v, 3; I Par., xxvm,
2-21. Il avait même fait préparer à l'avance le plan des
constructions et le modèle des ustensiles du culte, et
avait mis en réserve 3000 talents d'or (395550000 fr.)
et 7 000 talents d'argent (59500000 fr.) pour être em-
ployés à l'ornementation et au mobilier. I Par., xxvm,
11-xxix, 5. A son exemple, les grands et les riches de
la nation avaient fait leurs offrandes comprenant
5000 talents d'or (659 250000 fr.), 10000 dariques
(366666 fr.), 10000 talents d'argent (85000000 fr.),
18000 talents d'airain (765594 kil.) et 100 000 talents de
fer (4253300 kil.). — Il n'y avait personne en Israël
qui fût capable d'exécuter des œuvres aussi impor-
tantes que celles que David avait prévues. Salomon
s'adressa donc aux Phéniciens, habiles constructeurs
et experts dans toutes les œuvres d'art. Il fit alliance
avec Hiram, roi de Tyr, et lui demanda de lui envoyer
un architecte capable de prendre la direction des
ouvriers préparés par David. Le roi de Tyr lui envoya
maître Hiram, fils d'un Tyrien et d'une femme de
Nephthali. III Reg., vu, 13, 14. Voir Hiram, t. m,
col. 718. Il s'engagea aussi à faire couper dans le
Liban, par des Phéniciens associés à des Israélites, les
bois nécessaires aux constructions, moyennant un sa-
laire convenu, 20000 cors de froment (67658 hectol.),
20000 cors d'orge, 20000 baths de vin (7 776 hectol.)
et 20000 balhs d'huile. III Reg., v, 1-12; II Par., I, 3-
16. Les pierres et les autres matériaux devaient se
trouver en Palestine. Voir Carrière, t. n, col. 319. —
Enfin, Salomon eut recours à la corvée pour se procu-
rer les ouvriers nécessaires. Voir Corvée, t. n, col. 1032.
Il leva 30 000 Israélites pour aller alternativement pen-
dant un mois travailler par 10000 dans le Liban. Ado-
niram fut mis à la tête de ce service. David avait fait
le dénombrement des étrangers, la plupart anciens
Chananéens, qui séjonrnaient dans le pays. Il s'en
trouva 153600. Salomon en prit70 0CO pour porter les
fardeaux, 80,000 pour tailler les pierres dans la mon-
tagne et 3 600 pour servir de surveillants. Les maçons
de Salomon et ceux de Hiram, les Gibliens, travail-
lèrent en commun. III Reg., v, 13-18; II Par., H, 17,
18. Il arriva ainsi qu'une bonne partie des construc-
teurs du Temple de Jéhovah furent des idolâtres, sous
la direction générale de Hiram, qui devait l'être aussi.
2° Les constructions. — Sur le Temple, voir Temple.
Sur les autres édifices, voir Maison du Bois-Liban,
t. iv, col. 594 ; Palais, col. 1967. Le Temple fut cons-
truit en sept ans, de la quatrième à la onzième année
du règne. III Reg., vi, 37, 38. Salomon éleva ensuite
en treize ans ses trois palais : la Maison du Bois-Liban,
pour les réunions officielles, sa maison d'habitation,
dans une seconde cour et une autre habitation sem-
blable pour la fille du pharaon. III Reg., vu, 2-12. Sur
l'emplacement de ces palais, voir Jérusalem, t. m,
1391
SALOMON
1392
col. 1354. Par un sentiment de haute convenance, Sa-
lomon ne voulut pas que le palais de la reine fût dans
la cité de David, à cause de la sainteté du lieu où rési-
dait l'Arche de Jéhovah. II Par., vin, 11. II entoura ces
palais de plantations et y amena les eaux de très loin.
Cf. Eccle., il, 4-6; Josèphe, Ant. jud., VIII, v,l-2. Voir
Aqueduc, 1. 1, col. 798; Jardin, t.. m, col. 1131.
3° La dédicace du Temple. — Quand le Temple fut
terminé, Salomon en fit la dédicace solennelle et y
transporta l'Arche. Une nuée remplit l'édifice sacré,
au point d'empêcher les prêtres d'y exercer leur office.
C'était le signe de Ja présence de Jéhovah. Cf. Exod.,
XL, 34, 35. Le roi adressa alors, en face de tout le
peuple, une longue prière au Seigneur, pour le remer-
cier de daigner habiter ainsi au milieu des hommes et
le conjurer d'exaucer tous ceux qui viendraient le prier
dans son Temple, Israélites et étrangers. Ensuite, il
bénit le peuple et offrit en sacrifice 22000 bœufs et
120 000 brebis, sans compter ceux que d'autres offrirent.
Le peuple était accouru de tout le pays pour assister à
cette fête, qui dura quatorze jours, à cause de la fête
des Tabernacles qui fut célébrée à la suite de la dédi-
cace. III Reg., vm, 1-66; Il Par., v, 1-vii, 10. Après ces
solennités, Jéhovah apparut de nouveau à Salomon,
comme il l'avait fait à Gabaon, et il lui renouvela ses
promesses, en ajoutant que, si Israël se détournait de
lui, il serait chassé du pays et deviendrait la raillerie
des étrangers, avec son Temple abandonné de Dieu.
III Reg., ix, 2-9; II Par., vu, 11-22. En tous ces récits,
l'on n'entrevoit aucun reproche adressé à Salomon au
sujet du luxe de ses constructions. C'est donc que cette
splendeur répondait à l'idée qu'on se faisait de la gloire
de Jéhovah et de la magnificence qui convenait au
prince. La nation ne voyait pas sans fierté les splen-
dides édifices élevés dans sa capitale.
4° Les autres travaux. — Quand ses grandes cons-
tructions furent achevées, Salomon utilisa à d'autres
travaux l'ancienne population chananéenne qu'il avait
réduite en esclavage. Il mit à la tête de ces ouvriers
. 550 inspecteurs chargés de les faire travailler. Il cons-
truisit ainsi Mello et le mur de Jérusalem. Voir Mello,
t. ni, col. 947; Mur, col. 1340. Pendant la construction
de Mello, un Éphratéen de Saréda, Jéroboam, jeune
homme fort et vaillant, surveillait les gens de corvée
de la maison de Joseph, c'est-à-dire les esclaves en
résidence dans les tribus d'Éphraïm et de Manassé.
III Reg., xi, 26-28. Salomon fortifia ensuite différentes
villes d'une importance stratégique considérable, Héser
ou Asor, qui commandait au sud du Liban la route
d'Egypte en Assyrie, Mageddo, sur la même route, au
pied du Carmel, Gazer, que lui avait remise le pharaon
d'Egypte, Bethoron qui, comme Gazer, couvrait Jéru-
salem au nord-ouest, Baalath, un peu au nord de Be-
thoron, et enfin Thadmor ou Palmyre, dans le désert
de Syrie. Dans ces villes et dans beaucoup d'autres
furent bâtis des magasins et des dépôts pour les mar-
chandises, les chars ou la cavalerie. III Reg., ix, 15-19.
VI. La Sagesse de Salomon. — 1» Le don divin. —
« Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande
intelligence et un esprit étendu comme le sable qui est
au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait
la sagesse de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse
de l'Egypte. Il était plus sage qu'aucun homme, plus
qu'Éthan l'Ezrahite, plus qu'Héman, Chalcol et Dorda,
les fils de Mahol, et sa renommée était répandue parmi
toutes les nations d'alentour. » III Reg., iv, 29-31.
L'écrivain sacré accumule les exemples pour donner
une idée de la supériorité de Salomon. Entrant en-
suite dans le détail, il ajoute que le roi prononça
3 000 maximes, composa 1005 cantiques et disserta sur
les végétaux et les animaux. III Reg., ix, 32, 33.
Quelques siècles plus tard, on avait encore le souvenir
vivant de Salomon, « fils plein de sagesse ». Eccli.,
xlvii, 12-17. Cette sagesse se composait de différents
éléments. Le principal était sûrement la crainte de
Dieu. Supérieurement doué par nature, le prince avait
aussi cultivé son esprit par l'étude et l'observation. Il
connaissait des sciences naturelles ce qu'on en pouvait
savoir à cette époque, et sa connaissance de la nature
n'était pas viciée, comme celle des Égyptiens, par la
croyance à l'intervention d'une multitude de divinités
imaginaires. Attentif à ce qui se passait en lui et autour
de lui, il en tirait des réflexions utiles, auxquelles il
savait prêter ce tour subtil, pittoresque et piquant
qu'estiment tant les Orientaux. Penseur, savant et
poète, il étonnait ses contemporains par l'à-propos de
ses réponses et le charme de ses discours. C'est ce
qui ressort de l'examen des ouvrages qui portent son
nom ou qui semblent bien chercher à imiter sa ma-
nière, là même où il n'est plus l'auteur. « Salomon eut
tant de sagesse, qu'on aurait cru que la promesse de
Dieu sur la descendance de David s'accomplissait en
lui, s'il n'était tombé et n'avait ainsi donné Heu à
espérer le Christ. » S. Augustin, In Ps. lxxxviii, 6,
t. xxxvn, col. 1135. En réalité, la sagesse de Salomon
devait être dépassée par d'autres, si grande qu'elle
apparût aux hommes de son temps. Plus que personne,
le Sauveur put dire un jour de lui-même, en se com-
parant au plus sage des rois d'Israël : « Il y à ici plus
que Salomon. » Matth., xii, 42; Luc, xi, 31.
2° La reine de Saba. — Le texte sacré revient à
trois reprises sur cette idée que la sagesse de Salomon
faisait l'admiration même des étrangers. III Reg., IV,
31, 34; Eccli., xlvii, 17. La visite de la reine de Saba
en est une preuve éclatante. Voir Saba 6, col. 1287. Cette
princesse vint à Jérusalem pour mettre à l'épreuve la
sagesse de Salomon. Le roi eut réponse à toutes les
difficultés qu'elle lui proposa. La reine ne se lassa pas
d'admirer le bel ordre que Salomon faisait régner en
toutes choses autour de lui et elle déclara que la réalité
qu'elle constatait dépassait de beaucoup ce que la re-
nommée lui avait raconté. En témoignage de son admi-
ration, elle offrit au roi 120 talents d'or (15822 000 fr.)
et une quantité d'aromates et de pierres précieuses.
Salomon ne voulut pas demeurer en reste avec elle. 11
lui donna tout ce qu'elle désira et lui fit des présents
dignesde sa magnificence. III Reg,, x, 1-10, 13; II Par.,
ix, 1-9, 12. Voir sur cet épisode Coran, xxvn, 22-45.
Cette visite ne fut pas la seule. Non seulement ses
sujets, mais d'autres rois vinrent admirer sa sagesse
et lui offrir des présents. III Reg., x, 23-25: II Par.,
ix, 22-24. Josèphe, Ant. jud., VIII, v, 3, raconte, d'après
Ménandre et Dios, que Salomon et Hiram s'envoyaient
mutuellement des énigmes à résoudre. Cf. Histori-
corum Grsecorum Fragm., t. m, p. 225-228; t. iv,
p. 398, 446. C'était là une des formes familières aux
Orientaux pour faire briller leur esprit. Voir Énigme,
t. il, col. 1808. Cf. F. Nau, Histoire et sagesse d'Afyi-
kar t Assyrien, Paris, 1909, p. 203. Un certain Théo-
phile, mentionné par Alexandre Polyhistor, a également
écrit sur les rapports entre Hiram et Salomon. Cf. Eu-
sèbe, Prcep.evang., ix, 34 fin, t. xxi, col. 753; S. Jérôme,
Epist., lxx, 2, t. xxii, col. 665. La Bible ne fait mé-
moire que de leurs relations d'affaires.
3° Les écrits de Salomon. — La tradition a attribué
à Salomon le Cantique des cantiques, voir Cantique
des cantiques, t. il, col. 186, l'Eccîésiaste, voir Ecclé-
siaste, col. 1539, une partie des Proverbes, voir Pro-
verbes, t. v, col. 781, et le Psaume lxxii (lxxi). Le
livre de la Sagesse est appelé dans les Bibles grecques
S09Î1 Salwpv, « Sagesse de Salomon ». L'auteur y
parle comme s'il était Salomon lui-même. Sap., vii-ix.
Mais il y a là un simple artifice littéraire. Voir Sagesse,
col. 1351. La mention de maximes et de cantiques,
composés par Salomon, comme celle de ses disserta-
tions sur l'histoire naturelle, n'implique pas la mise
1393
SALOMON
1394
par écrit de toutes ces compositions. III Reg., rv, 32-
33. — Eu dehors des livres canoniques, des livres apo-
cryphes ont été mis sous le nom de Salomon. Sur les
Psaumes dits de Salonwn, voir Viteau, Les Psaumes de
Salomon, in-8», Paris, 1910. Cf. col. 840; E.-E. Geiger,
Der Psalter Salomo's, Augsbourg, 1871; Ryle and
James, TFaXpiotSoXojjnovToc, Cambridge, 1891 ; Gebhardt,
TaXiJ.01 Eoàoh,mvtoç, Leipzig, 1895; Schûrer, Geschichle
des jûdîschen Volkes, t. m, p. 150-156. — Les wîou'de
Salomon, qui font suite au livre gnostique intitulé
IliffTi; Soçi'a, se présentent comme la continuation des
psaumes précédents, mais sont l'œuvre d'un chrétien
gnostique. Cf. Mùnter, Odse gnosticse Salotnoni tri-
butse, Copenhague, 1812; Ryle and James, op. cit.,
p. xxiii-xxvh. — La réputation de science et d'habi-
leté laissée par Salomon fit encore mettre sous son
nom toutes sortes de livres de magie. Josèphe, Ant.
jud., VII, h, 5, dit à ce sujet : « Dieu lui accorda la
connaissance de l'art contre les mauvais démons, pour
l'utilité et la guérison des hommes. Il composa des
incantations pour l'adoucissement des maladies, et il
laissa des formules d'adjuralions au moyen desquelles
on chasse si bien les démons qu'ils ne reviennent plus
jamais; ce mode de guérison produit encore ses effets
parmi nous. » Josèphe en cite des exemples. Origène,
ïn Matth., xxvi, 63, t. xm, col. 1757, dit que, chez les
Juifs, « les démons sont ordinairement adjurés au
moyen des adjurations écrites par Salomon. Mais il
arrive que ceux qui emploient ces adjurations ne se
servent pas toujours des livres composés pour cela. »
Parmi les chrétiens, la croyance au pouvoir des for-
mules salomoniennes contre les démons persista très
longtemps. Au iv e siècle, on montrait au pèlerin de
Bordeaux, à Jérusalem, une crypte dans laquelle Salo-
mon torturait les démons. Cf. Tobler, Palestine des-
criptiones, Saint-Gall, 1869, p. 3. En 494, le pape Gélase
condamna, parmi les livres apocryphes, une Contra-
diclio, ou Interdictio Salomonis. Il existe encore un
livre d'origine chrétienne intitulé Testamentum Salo-
monis, roulant sur les mêmes sujets. Cf. Fabricius,
Codex., 1. 1, p. 1036. En conséquence de cette croyance
sur le pouvoir de Salomon contre les démons, son
nom revient fréquemmentdans les anciennes formules
magiques : SoLou-ûv os 8i&>x£t, Solomon teprosequitur,
« Salomon te chasse ». Cf. Schûrer, Geschichte, t. m,
p. 299-304. Bien entendu, l'attribution de ce pouvoir ma-
gique à Salomon n'a aucune base sérieuse dans la Bible.
VII. Les égarements de Salomon. — 1» Leur cause.
— Le règne de Salomon, si glorieusement commencé,
finit dans des conditions lamentables. L'historien des
Rois raconte seul les égarements du prince; l'auteur
des Paralipomènes les passe sous silence. Le fils de
Sirach, après avoir résumé les titres de gloire de
Salomon, ajoute tristement, Eccli., xlvii, 19-21 :
Tu t'es livré aux femmes...
Tu as imprimé une tache à ta gloire
Et tu as profané ta race,
Attirant ainsi la colère sur tes enfants.
Je sens une cruelle douleur pour ta folie;
Elle a été cause que l'empire fut partagé
Et que d'Éphraïm se leva le chef d'un royaume rebelle.
La Sainte Écriture n'incrimine pas les richesses, les
dépenses somptuaires et le luxe de Salomon, bien que
ces causes aient contribué à amollir son cœur et aient
singulièrement favorisé son malheureux penchant pour
les femmes. Par sa faute, sans nul doute, toute sa
sagesse échoua devant ce dernier genre de séduction.
La loi permettait la polygamie, mais elle mettait le roi
en garde contre ses excès : « Qu'il n'ait pas nn grand
nombre de femmes, de peur que son cœur ne se dé-
tourne; qu'il ne fasse pas non plus de grands amas
d'argent et d'or. » Deut., xvn, 17. Salomon parait avoir
pris le contrepied de cette recommandation. Il eut
700 femmes de premier ordre et 300 concubines. III Reg.,
xi, 3. Dans le Cantique, VI, 8, il n'est encore question
que de 60 reines, 80 concubines et de jeunes filles sans
nombre. Il est difficile de se faire une idée de ce qu'un
pareil troupeau entraînait de dépenses, d'intrigues, de
préoccupations, de difficultés, de tentations pour le
présent et de menaces pour l'avenir. Le pire est que le
monarque n'écoutait que sa passion, et ne tenait pas
compte de la loi qui interdisait certaines unions. « Ne
traite pas avec les habitants du pays de Chanaan, de
peur que tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et
que leurs filles, se prostituant à leurs dieux, n'entraî-
nent tes fils à se prostituer aussi à leurs dieux. »Exod.,
xxxiv, 15, 16. Salomon courut au-devant du péril et y
succomba. Parmi les étrangères qu'il admit auprès de
lui, outre la fille du pharaon, il y avait des Moabites et
des Ammonites, dont les compatriotes étaient exclus
pour toujours de la société israélite, Deut., xxm, 3; des
Édomites, d'une race exclue seulement jusqu'à la troi-
sième génération, Deut., xxm, 7, 8; des Sidoniennes
et des Héthéennes, que frappait l'exclusion portée
contre toutes les filles de Chanaan. Ces femmes dé-
tournèrent le cœur de Salomon déjà vieux, c'est-à-dire
âgé de cinquante à soixante ans, pendant les dix der-
nières années de sa vie. Aucune influence mauvaise
n'est attribuée à l'épouse égyptienne, d'ailleurs éloignée
de ses dieux. Mais les autres étrangères prétendirent
rendre un culte à leurs dieux nationaux, les Sido-
niennes à Astarté, les Ammonites à Melchom, les
Moabites à Chamos, les Ammonites à Moloch. Par com-
plaisance pour elles, Salomon laissa faire. Il bâtit même,
à l'est de Jérusalem, sur le mont du Scandale ou de la
Perdition, des hauts-lieux à Astarté, à Chamos et à
Melchom, que Josias détruisit plus tard. IV Reg., xxm,
13. Là, les étrangères brûlaient des parfums et offraient
des sacrifices. Dès lors, « le cœur de Salomon ne fut
pas tout entier à Jéhovah, » il alla « après d'autres
dieux », se partageant ainsi entre Jéhovah et les idoles.
III Reg., xi, 1-10. Sans doute, ces expressions n'im-
pliquent pas une participation personnelle et directe au
culte de grossières idoles, et quand le prophète Ahias
dit plus tard : « Ils m'ont abandonné et se sont pros-
ternés devant Astarté, Chamos et Melchom,» III Reg.,
xi, 33, ses paroles peuvent viser le personnel de la
cour et les Israélites qui partageaient le culte rendu aux
idoles par des épouses aimées etpuissantes. S. Augustin,
De Gen. ad lit., xi, 59; In Ps., cxxri, 2, t. xxxvn,
col. 453, 1667; Cont. Faust., xxn, 81, t. xlii, col. 453,
croit que Salomon immola réellement aux idoles. S'il
n'en vint pas lui-même à cet excès, il n'en fut pas
moins gravement coupable de tolérer et de favoriser des
pratiques si scandaleuses et si attentatoires aux droits
sacrés de Jéhovah, qui l'avait comblé de tant de dons et,
par deux fois, s'était manifesté à lui. III Reg., xi, 9.
Bien qu'il gardât la foi en Jéhovah, c'était vraiment se
détourner de lui que d'agir de la sorte.
2» Leur châtiment. — Dieu fit signifier à Salomon,
probablement par le prophète Ahias, la punition réser-
vée à son crime persévérant. Il serait épargné de son
vivant, à cause de David ; mais le royaume passerait à
un autre que son fils après sa mort; celui-ci n'en gar-
derait qu'une tribu, et encore en considération de
David et de Jérusalem que Jéhovah avait choisie. Dès
lors Adad l'Édomite et Razon de Damas devinrent
plus menaçants. Le prophète Ahias avertit Jéroboam de
la part que Dieu lui réservait, en lui promettant une
maison stable s'il restait fidèle au Seigneur. Informé
de ce qui lui était destiné, Jéroboam commença un
mouvement de révolte contre Salomon. Celui-ci chercha
à le faire mourir. Mais le révolté s'enfuit en Egypte,
pourn'en revenir qu'à l'avènement deRoboam. IIIReg.,
xi, 11-40. Voir Jéroboam, t. ni, col. 1301 ; Roboam, t. v,
col. 1103. Comme l'indique le fils de Sirach, Salomon
1395
SALOMON — SALPHAAD
1396
avait profané sa race, en épousant des étrangères, dont
Naama l'Ammonite, mère de Roboam, et par sa folie,
que l'auteur sacré ne fait pas aller cependant jusqu'à
l'idolâtrie, il fut la cause du partage du royaume. Eccli.,
xlvii, 20, 21.
3° La mort de Sàlomon. — L'historien des Rois men-
tionne un livre des Actes de Salomon où il était parlé
de ses actions et de sa sagesse. Il relate ensuite en un
mot la mort de Salomon, après un règne de quarante
ans à Jérusalem, et son inhumation dans la cité de
David. III Reg., xi, 41-43; II Par., 29-31. D'après ce
second livre, les Actes de Salomon avaient été écrits
par Nathan le prophète, Ahias de Silo et Addo le voyant.
— Aucune mention n'est faite d'un retour de Salomon à
de meilleurs sentiments. S. Jérôme, InEzech., xm, 43,
t. xxv, col. 419, affirme sa pénitence, en s'appuyant sur
Prov., xxiv, 32 : « A la finj'ai fait pénitence et ai regardé
à choisir la discipline. » Rien ne prouve que ce texte
soit de Salomon. D'ailleurs, il ne reproduit que les
Septante. La Vulgate traduit : «Quand j'eus vu cela, je
le plaçai dans mon cœur et par cet exemple j'appris la
discipline. » Dans le texte hébreu, il n'est pas question non
plus de pénitence. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech.,
H, 13, t. xxxiii, col. 400, avait déjà pris le texte des
Proverbes dans le sens adopté par saint Jérôme. Ailleurs
Epist. lxxxix, 7, t. xxii, col. 729, ce dernier semble
assimiler David et Salomon au point de vue de la chute et
de la pénitence. Saint Hilaire, In Ps., lu, 12, t. ix, col. 330,
croitau pardon d'Aaron, de David et de Salomon. On ne
peut cependant rien conclure en ce sens de II Reg.,
vu, 14, 15; car la faveur que Dieu promet de ne pas
retirer au fils de David, c'est le royaume paternel, et
nullement son amitié personnelle. Saint Irénée, Cont.
liserés., iv, 27, 1, t. vu, col. 1057, s'en tient au texte
biblique sans prendre parti. Tertullien, Adv. Marcion.,
n,23, t. H, col. 311, et saint Cyprien, De unit. Eccles.,ï0,
t. iv, col. 515, ne sont pas favorables au repentir de
Salomon. Saint Ambroise, Apol. 1 David, m, 13, t. xiv,
col. 857, dit que Dieu a permis le péché du roi afin
qu'on ne le prit pas pour le Christ, mais il ne suppose
pas la pénitence de Salomon. Saint Augustin, Cont.
Faust., xxii. 88, t. xlii, col. 459, se contente de poser cetle
question : « Que dire de Salomon, que la Sainte Écri-
ture reprend et condamne sévèrement, en gardant un
silence complet sur sa pénitence et sur l'indulgence de
Dieu à son égard ? » Il dit ailleurs, De Civ. Dei., xvii,
20, t. xli, col. 554 : « Les prospérités, qui fatiguent les
esprits des sages, lui furent plus nuisibles que ne lui
profita sa sagesse. » L'impression dernière resle donc
défavorable et la conversion douteuse ; les dons divins
avaient été si magnifiques et la chute si profonde! —
Le règne de Salomon marqua à la fois l'apogée et le
déclin de la puissance israélite. Les causes de sa pros-
périté devinrent celles de sa faiblesse. Une monarchie
si subitement élevée ne pouvait se maintenir qu'en
s'appuyant sur ce qui constituait sa seule base solide,
le respect du statut théocratique et la fidélité à Jéhovah.
Cette condition essentielle une fois disparue, la monar-
chie israélite devenait un grand corps sans âme, parce
que Dieu n'était plus là pour la maintenir. L'étendue
territoriale du royaume n'eût pu être sauvegardée que
par un pouvoir militaire très fort, en face de puissantes
nations; les contrées occupées tout autour de la Pales-
tine proprement dite échappèrent vite aux faibles suc-
cesseurs de Salomon. L'unité nationale, récente encore
à l'avènement de Salomon, n'eût pu-être consolidée que
par un gouvernement juste, ferme et paternel; celui
du fils de David pesa lourdement sur le peuple auquel
ne profita que médiocrement le prestige acquis par le
prince. Il avait reçu de David un royaume puissamment
constitué dont il fallait entretenir la vivante unité; il
laissa à son successeur un royaume irrémédiablement
divisé par le schisme, affaibli pour toute la suite de
sa durée et incapable de résister aux invasions des
empires voisins. Salomon fut à peu près seul à jouir
de sa richesse, avec un entourage de courtisans et de
femmes. Le pays n'en profita guère et ce qui en resta
après la mort du prince devint la proie des enva-
hisseurs étrangers. Enfin, les exemples laissés par
Salomon furent souverainement pernicieux pour ses
successeurs. Ils lirent dévier beaucoup d'entre eux, et,
à part quelques rois de Juda, comme Josaphat,Ézéchias,
Josias, les autres et tous les rois d'Israël s'adonnèrent
plus ou moins complètement à l'idolâtrie. — Voir J. de
Pineda, De rébus Salom., Cologne, 1686; H. G. Reime,
Harnwnia vitse Salom., Iéna, 1711 ; Hess, Geschichte
Salomons, Zurich, 1785; Miller, Lectures on Solomon,
Londres, 1838; Meignan, Salomon, Paris, 1890; Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit.,
t. m, p. 253-405. H. Lesêtre.
2. SALOMON (PORTIQUE DE) (grec : ffiià [;où]
So).wu.ovtoç), galerie couverte, à l'est du Temple, dont
elle formait le côté oriental de l'enceinte. Elle s'éten-
dait parallèlement à la vallée de Josaphat. Voir
Temple. Notre-Seigneur, Joa., x, 23, et les Apôtres,
Act., m, 11 ; v, 12, s'y tenaient volontiers, parce qu'on y
était à l'abri du soleil et des mauvais temps et que
l'accès en était ouvert à tout le monde, Juifs et Gentils.
3. SALOMON (PSAUMES ET CANTIQUES DE). Voir
Psaumes, t. v, col. 840.
SALOMON IBN-MÉLECH, rabbin juif, né à Fez
en Afrique, mais établi à Constantinople, où il publia en
1554 un commentaire hébreu, grammatical et littéral de
tout l'Ancien Testament juif, intitulé Miklal yôfî, Per-
fection de beauté, et tiré des anciens commentateurs de
sa nation, en particulier de David Kimchi. Il a étç
réimprimé avec les notes de Jacob Abendana à Ams-
terdam, in-f°, 1661, 1685. II a été aussi très estimé parmi
les chrétiens et en partie traduit en latin : Josué et Ma-
lachie, par Nie. Kôppen,Greifswald, 1708, 1709; Ruth, par
J.-B. Carpzov, réimprimé dans son Collegium Rabbi-
nico Biblicum, Leipzig, 1705; le Cantique des Cantiques,
par C. Molitor, Altdorf, 1659; Abdias, par Brodberg,
Upsal, 1711; Jonas, par G. Chr. Burcklin, Francfort-
sur-le-Main, 1697; Jean Leusden, Francfort-sur-le-Main,
1692; E. Chr. Fabricius, Gœltingue, 1792, etc. Voir De
Rossi, Dizionario storico degli autori Ebrei, 2 in-8°,
Parme, 1802, t. n, p. 48; Fûrst, Bibliotheca judaica,
in-8», Leipzig, 1863, t. n, p. 350.
SALON1US (Saint), écrivain ecclésiastique, né vers
l'an 400. La date de sa mort est inconnue. Il était -Gis
de saint Eucher qui devint évêque de Lyon, et il fut élevé
à l'abbaye de Lérins. Il devint évêque de Genève.
L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule,
i, Paris, 1894, p. 222. On a de lui Expositio mystica
in Parabolas Salomonis,... in Ecclesiasten, P. L.,
t. Lin, col. 967-1012. C'est un dialogue dans lequel Sa-
lonius répond aux questions de son frère Veranus.
Voir Rivet, Histoire littéraire de la France, t. n, Paris,
1735, p. 433-437.
SALPHAAD (hébreu : Selofhad; Septante : S«).-
naaS), fils d'Hépher de la tribu de Manassé. Il n'eut
que des filles : Maala, Noa, Hègla, Melcha et Thersa.
Num., xxvi, 33; Jos., xvn, 3; I Par., vu, 15. Après la
mort de leur père, ses filles réclamèrent leur part
d'héritage dans la Terre Promise, puisqu'elles n'avaient
point de frèrej. Moïse ayant consulté Dieu, il fut établi
en loi que les Israélites qui mourraient sans enfants
mâles auraient leurs filles pour héritières. Num.,xxvn,
1-11. Une disposition complémentaire, Num., xxxvn,
1-12, régla que, dans ce cas, les héritières seraient obli-
*397
SALPHAAD — SALUTATION
1398
gées de se marier dans leur propre tribu, ce que firent
les filles de Salphaad.
SALSOLA KALI, plante dont les anciens ex-
trayaient la soude. Voir Soude.
SALTUS (hébreu : Ya'ir; Septante : 'Ioci'p), père
d'Elhanan. La Vulgate a traduit le nom hébreu de
Ya'ir par Saltus (voir Jaïr 4, t. m, col. 1110), et
Elhanan par Adeodatus. Voir t. i, col. 215.
SALU (hébreu : Sdlu ; Septante : SaXpKov), père de
Zambri, de la tribu de Siméôn, Num., xxm, 14. Il est
appelé Salomi dans I Mach., h, 26. Voir Salohi 2;
Zambri 1.
SALUMITH (hébreu : Selômîf; Septante :SaXwu.ei'6),
fille de Dabri, de la tribu de Dan, qui avait épousé un
Égyptien, et dont le fils fut lapidé comme blasphéma-
teur dans le désert par ordre de Moïse. Lev., xxiv,
10-23.
SALUSA (hébreu : SilMh; Septante : EocXio-â), le
neuvième fils de Supha, de la tribu d'Aser. I Par., vu, 37.
SALUT, SALUTATION (grec : àir7rao-u.ôç; Vulgate :
salutatio), témoignage de respect ou d'amitié donné à
28 ï. ■
Orientaux baisant la main à un souverain
et se prosternant devant lui.
l'arrivée, à la rencontre ou au départ d'une personne.
— L'hébreu n'a pas de substantif pour nommer la sa-
lutation. On se sert habituellement du verbe bardk,
« bénir », et quelquefois du verbe sâ'al, « demander
des nouvelles », Gen., xliii, 27; Exod., xvm, 7; Jud.,
xvm, 15; I Reg., x, 4; xvn, 22; xxx, 21; Jer., xv, 5,
pour indiquer la salutation. On emploie aussi le mot
Mlôm, « paix », qu'on adresse en signe de salut. Voir
Paix, t. îv, col. 1960 ; Politesse, t. v, col. 505.
. 1» La Sainte Écriture note les salutations des parents
de Rébecca à leur fille qui les quitte, Gen., xxiv, 60;
de Joseph à ses frères, Gen., xxxvii, 14; xliii, 27; de
Jacob au pharaon à son arrivée et au départ. Gen.,
XLVH, 7,10; de Moïse à son Jjeau-père, Exod., xvm, 7,
de Josué aux tribus transjordaniques à leur départ,
Jos., xxii, 6, 7; de Saûl à Samuel, 1 Reg., xm, 10; xv,
13; de David à différentes personnes, I Reg., xvn, 22;
xxv, 5; xxx, 21; II Reg., vi, 20; du roi d'Émath à
David, II Reg., vm, 10; d'Absalom aux Israélites dont
il brigue la faveur en leur tendant la main et en les
baisant, II Reg., xv, 5; du peuple qui prend congé de
Salomon après la dédicace duTemple, III Reg., vin, 66;
des frères d'Ochozias qui viennent saluer les fils
d'Achab, IV Reg., x, 13; de Tobie à l'ange et de l'ange
à Tobie, Tob., v, 6, 11; des Syriens à Judas Machabée,
I Mach., vu, 29; des prêtres de Jérusalem à Nicanor-,
I Mach., vu, 33; de Jonathas au roi de Syrie, I Mach.,
xi, 6, et aux Spartiates, I Mach., xii, 17, etc. Il était
honteux de ne pas répondre au salut de quelqu'un.
Eccli., xli, 25.
Bénir son prochain à haute voix et de grand matin
Est réputé comme une malédiction. Prov., xxvn, 14.
Cette salutation exagérée et intempestive cause en effet
plus d'ennui que d'agrément à celui qui en est l'objet.
2° A l'époque évangélique, les salutations étaient
fort cérémonieuses, comme elles le sont encore aujour-
d'hui en Orient (fig. 284 et 285). Elles comportaient des
formules assez longues, des baisers, des prosternements,
des embrassements des mains, des genoux et des
pieds, etc. Cf. Jer. Kidduschin, f. ^\,^\Bab.Kethuboth,
f. 63, 1. Il ne fallait pas être très pressé pour subir
toutes ces formalités. En envoyant son serviteur Giézi
pour remplir une mission urgente, Elisée lui avait dit :
« Si tu rencontres quelqu'un, ne le salue pas; et si
quelqu'un te salue, ne lui réponds pas. » IV Reg., iv,
29. Notre-Seigneur recommande de même aux prédi-
cateurs de l'Evangile de ne saluer personne en route,
Luc, x, 4, c'est-à-dire de ne se laisser arrêter par
285.
Orientaux s'embrassant comme amis ; un intérieur
s'inclinant devant son supérieur.
aucune formalité inutile. Par contre, il veut qu'ils
saluent la maison dans laquelle ils entrent. Matth., x,
12. A tous ces disciples, il enseigne qu'ils ne doivent
pas se contenter de saluer leurs frères, ce que les païens
font eux-mêmes. Matth., v, 47. Il suit de là qu'ils doi-
vent aussi saluer tous les hommes, bien qu'ils soient
séparés d'eux par la nationalité, la religion, les inté-
rêts, etc. Cependant saint Jean défend dédire ^àfpstv,
ave, « salut », aux docteurs hérétiques, parce que ce
serait participer à leurs œuvres mauvaises, II Joa., 10,
11. Cette recommandation part du même principe que
celle de saint Paul, qui ordonne de cesser toutes relations
avec les impudiques, non ceux du monde, « autrement
il faudrait sortir du monde », mais ceux qui sont chré-
tiens. I Cor, v, 10, 11. Notre-Seigneur remarque aussi
que les pharisiens sont très avides de salutations sur
la place publique, et il ne veut pas que ses disciples
imitent cette vanité. Matth., xxm, 7; Marc, xn, 38;
Luc, xi, 43 ; xx, 46.
3" Plusieurs salutations remarquables sont rappor-
tées dans le Nouveau Testament. L'ange Gabriel salue
Marie : xa'.pe, ave; « salut, pleine de grâce, le Seigneur
est avec toi, tu es bénie » ou « sois bénie entre les
femmes », et Marie se demande ce que signifie celte
4399
SALUTATION — SAMARAÏM
1400
salutation. Luc.,l, 28, 29. —En entrant chez Zacharie,
Marie salue Elisabeth, et à sa voix Jean-Baptiste tres-
saille dans le sein de sa mère. Luc, i, 40, 41, 44. —
Les foules accourent pour saluer' Jésus, Marc, ix, 14,
et un jour une femme du peuple s'écrie :'« Heureux le
sein qui vous a porté et les mamelles auxquelles vous
vous êtes allaité ! » Luc, xi, 27. C'était là une formule
très usitée pour saluer quelqu'un. On lui disait : « Bénie
soit ta mère ! » quand c'était un ami, et « Maudite soit
ta mère! » quand c'était un ennemi. — Au jardin des
Olives, Judas salue Jésus en disant : x a 'P s > P«66f, a ve,
ràbbi, « salut, maître !» et il le baise, comme pour
rendre sa salutation plus affectueuse. Matth., xxvi, 49.
— Pendant la passion, les soldats de Pilate fléchissent
ironiquement le genou devant Jésus en disant : « Salut,
roidesjuifs!» Matth., xxvii, 29; Marc, xv, 18; Joa., xix,
3. — Jésus ressuscité salue les saintes femmes et leur
dit : -/afpcTe, avete, « salut! » Matth., xxvm, 9. Pour
répondre à ce salut, elles embrassent ses pieds et
l'adorent. — Saint Paul salue l'église de Césarée,
Act., xviii, 22, les chrétiens d'Éphèse, pour prendre
congé d'eux, Act., xx, 1; cf. Act., xvnl, 18, 21; XXI, 6,
les chrétiens de Ptolémaïde, Act., xxi, 7, saint Jacques
et les anciens de Jérusalem qu'il embrasse. Act., xxi,
19. — Agrippa et Bérénice viennent saluer le procura-
teur Festus. Act., xxy, 13.
4° Dans les lettres, on emploie certaines formules de
salutation : ëpptouÔE, ûyiaîvexe, bene valete, valete,
« portez-vous bien », II Mach., xi, 21, 33, 38; Act., xv,
29, l'ppWo, vale. « porte-toi bien ». Act., xxm, 30.
Saint Paul termine trois de ses Épîtres par la formule:
6 dixxxapKÎ; x5j êpïj y.stp\ Ilaiilou, salutatio mea manu
Pauli, « saliit de ma main à moi Paul ». I Cor., xvr,
21 ; Col., iv, 18; II Thess., m, 17. Les autres Épltres se
terminent ordinairement par des salutations adressées à
certains destinataires, ou de la part de chrétiens vivant
auprès de l'Apôtre qui écrit. Rom., xvi, 3-23; I Cor.,
xvi, 19-20; II Cor., xm, 12; Phil., iv, 21, 22; Col., iv,
10-15; I Thés., v, 26; II Tim., iv, 19, 21; Tit., m, 15;
Philem., 23; Heb., xm, 24; I Pet., v, 13, 14; II Joa.,
13; III Joa., 14. H. Lesétre.
SAMA, nom de deux Israélites et d'une ville dans
la Vulgate.
1. SAMA (hébreu : HôSâniâ', « Jéhovah a exaucé »;
Septante : 'Q<ra|ià6), un des fils du roi de Juda, Jécho-
nias, né pendant la captivité de son père. I Par., m, 18.
2. SAMA (hébreu : Sema'; Septante : Sapa), fils
d'Elphaal, de la tribu de Benjamin, chef de famille à
Aïalon, qui, avec son frère Baria, chassa les habitants
de Geth. Les uns identifient Sama avec Samad du j). 12;
les autres avec Séméi du f. 21,.
3. SAMA (hébreu : Sema' ; Septante : 2a).|i.ai;
Alexandrinus : Sapai), ville de la tribu de Juda,
nommée entre Amam et Molada. C'est peut-être la même
ville que celle dont le nom est écrit Sabée (hébreu :
Séba'), Jos., xix, 2; et qui fut attribuée à la tribu de
Siméon. Voir Sabée, col. 1306.
SAMAA, nom de quatre Israélites dans la Vulgate.
L'orthographe de ces noms n'est pas la même en
hébreu.
1. SAMAA (hébreu : Sim'â'), troisième fils d'Isaï,
frère de David et père de Jonathan qui tua le frère de
Goliath. Voir Jonathan 2, t. m, col. 1614. Samaa,
ainsi appelé dans la Vulgate, U Reg., xxi, 21 (Sep-
tante : 2s(is0i 1 Par., xx, 7 (Sapai), est appelé Semmaa,
II Reg., xm, 3, 32; Samma, I Reg., xvi, 9; xvu, 13;
Simmaa, I Par., n, 13.
2. SAMAA (hébreu: Sim'â'; Septante, Sapai), lévite
de la famille de Gerson, père de Barachias, ancêtre
d'Asaph. I Par., vi, 39 (hébreu, 24).
3. SAMAA (hébreu : Sim'âh; Septante : Sapai), fils
de Macelloth, de la tribu de Benjamin. Voir Macel-
loth 1, t, m, col. 478. I Par., vin, 32; ix, 38. Dans ce
dernier passage, il est appelé Sim'âm, Samaan.
4. SAMAA (hébreu :has-Semâdh; Septante: 'A^pi),
benjamite de Gabaa de Benjamin. Ses fils Ahiézer et
Joas, allèrent rejoindre David à Siceleg pendant la
persécution de Saùl. I Par., xn, 3
SAMAAN, orthographe du nom de Samaa 3,1 Par.,
rx, 38.
SAMACHIAS (hébreu : Sernakydhû; Septante :
Haêayjx; Alexandrinus : 2apa-/fa?), petit-fils d'Obé-
dédom et sixième et dernier fils de Séméi, de la tribu
de Lévi. I Par., xxvi, 7.
SAMAD (hébreu : Sâtnér [pour Sémér], dans
quelques manuscrits, Sàméd; Septante : Seppiîip),
troisième fils d'Elphaal, de la tribu de Benjamin. Sa-
mad fut le fondateur ou le restaurateur des villes
d'Ono et de Lod. I Par., vin, 12.
SAMAIA, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites,
dont le nom est fecrit en hébreu, bema'eyâh, « exaucé
par Yah ».
1. SAMAIA (Septante : Sapaîou), père de Semri,
ancêtre de Ziza. Ziza était un des chefs de la tribu de
Siméon. I Par., iv, 37. Certains commentateurs croient
que Samaïa est le même que Séméi, fils de Zachur.
I Par., iv, 26-27.
2. SAMAIA (Septante : Sepei); ^ s de Joël et père
de Gog, de la tribu de Ruben. 1 Par., v, 4. Il est peut-
être le même que Samma du f. 8.
SAMAIAS, nom de deux Israélites dans la Vulgate.
Voir Séméj.
1 . SAMAIAS (hébreu : ISma'eyâh, « Yah a exaucé » ;
Septante : Sapaîaç), Gabaonite, qui abandonna, quoique
benjamite, la cause de Saûl et alla rejoindre David à
Siceleg. II fut le chef des trente gibbôrîm qui for-
maient la garde de David. I Par., xn, 1. Son nom ne
se trouve pas dans les listes II Reg., (Sam.), xxm, ni
I Par., xi, peut-être parce qu'il était mort avant que
David eut pris possession du royaume.
2. samaias (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a-
(iata), descendant d'Adonicam qui retourna de Baby-
lone à Jérusalem sous Esdras avec Éliphileth et Jehiel
à la tête de soixante hommes. I Esd., vin, 13.
SAM AOTH (hébreu : Samhùt; Septante : 2apat'o6),
le Jézérite (hay-Izrâl.i, i 'Isapaé), général de David
que ce roi avait placé à la tête de vingt-quatre mille
hommes, chargés du service royal pendant le cin-
quième mois de l'année. Voir Jézérite 2, t. m,
col. 1537. Il est probablement le même que Sammoth,
col. 1431.
SAMARAlM (hébreu : Semâraïm; Septante :
Sapi); ville de Benjamin. Jos., xvm, 22. Elle est nom-
mée entre Belh Araba et Béthel et se trouvait par con-
séquent dans le territoire oriental de la tribu. Le site
précis n'en est pas déterminé avec une entière certi-
tude. Les uns la placent dans l'Arabah, c'est-à-dire
1401
SAMARAÏM — SAMARIE
1402
dans la vallée même du Jourdain; les autres la placent
plus à l'ouest et près du mont Séméron, qui, dans le
texte hébreu, porte le même nom. II Par., xm, 4. On
l'identifie assez communément avec Ves-Sumrah actuel,
au nord de Jéricho. Voir la carte de Benjamin, t. i,
col. 1585. Cf. Palestine Exploration Fund, Memoirs,
t. m, p. 174, 212.
SAMARATH (hébreu : Simrdt; Septante : 2au.apâ8),
le neuvième et dernier fils de Séméi, de la tribu de
Benjamin. I Par., vm, 21. Il habitait Jérusalem.
SAMARÉEN (hébreu : has-Çemârî ; Septante;
6 Sx|j.apaîac), nom ethnique d'une tribu chananéenne.
Gen., X, 18; I Par., I, 16. Les Samaréens sont placés
entre les Aradiens et les Amathéens. Voir Aradien, 1. 1,
col. 873, et Amathéen, t. I, col. 447. Les anciens inter-
prètes juifs plaçaient les Samaréens à Émèse (Homs).
Les géographes modernes placent, la plupart, les Sa-
maréens au sud de Tripoli et au nord d'Arad (Arvad),
à l'endroit où leur nom s'est conservé dans les ruines
de Sumra, l'ancienne Simyra, près du fleuve Éleuthère,
au pied occidental du Liban. Strabon, XVI, h, 12;
Ptolémée, v, 15, 4; Pline, H. N., v, 16; Pomponius
Mêla, De situ orbis, i, 12, 3. Cf. Eb. Schrader, Die
Keilinschriften und das alte Testament, 1872, p. 29,
144.
SAMARIA (hébreu : Semaryâhû, « Jéhovah
garde »; Septante : Sanapata), guerrier de la tribu de
Benjamin qui alla rejoindre David àSiceleg. IPar.,xn,
5. — Trois autres Israélites qui porteut le même nom en
hébreu sont, dans la Vulgate, appelés Somorias, II Par.,
xi, 19, Samarias, I Esd., x, 32, et Séméria. IEsd.,x,41.
SAMARIAS (hébreu : Semarydh; Septante : 2a
u-apt'a), un des fils de Hérem qui avait épousé une
femme étrangère du temps d'Esdras, et qui fut obligé
de l'abandonner. I Esd., x, 32.
SAMARIE (hébreu : Sômrôn; araméen, IEsd., iv, 10
et 17 : Sâmrâîn; Septante, III Reg., xvi, 24 : 2ê|i.epwv et
Sc[A»)p<iv; Alexandrinus : 2o[up'iv; Is., vu, 9; I Esd.,
IV, 10 : Soiiopwv; généralement 2a[n.apeta ou Sa^apia),
nom donné à une montagne, et à la ville qui y fut bâtie.
1. SAMARIE (MONT de) (hébreu : hâ-hâr Sômrôn;
Septante : to opoçTÔ Seujowv), dans la tribu d'Éphraïm.
II était la propriété de Sémér ou èomér, dont on lui
donnait le nom, avec l'adjonction de la finale on qui
termine souvent les noms de lieux. Le roi Amri l'acheta
pour deux talents d'argent (environ 17000 francs de
notre monnaie), pour y bâtir la capitale de son royaume.
III Reg., xvi, 24. Il s'élève de 443 mètres au-dessus
de la mer Méditerranée et de plus de cent mètres
au-dessus des vallées qui l'entourent de tous les côtés
et le laissent complètement isolé. Oblong de forme,
il se développe d'est à ouest, sur une étendue de
plus d'un kilomètre. De son sommet le regard embrasse
une grande partie du versant occidental des monts
d'Ephraïm et par delà la plaine côtière une vaste
étendue de la mer. Le territoire qui l'entoure est des
plus fertiles et des plus riants, arrosé par de nombreuses
fontaines et couvert de plantations d'oliviers, de vignes
et de jardins. — La montagne deSamarie, har Sômrôn,
d'Àmos, iv, 1; vi, 1, est sans doute le collectif pour
* les montagnes de Samarie », hârê Sômrôn, comme
ibid., m, 9, et Jer., xxxi, 5, où il désigne tout le pays
montagneux du royaume de Samarie ou Israël.
3. SAMARIE, capitale du royaume d'Israël, puis de la
province du même nom,aujourd'huiSe&asli/éA (fig.286).
I. Nom et identité. — Amri « ayant bâti [sur] la
montagne [qu'il avait achetée à ce dessein], appela la
ville qu'il venait de construire d'après le nom de Semer
propriétaire de la montagne, Sômrôn ». I (III) Reg.,
XVI, 24. Le nom de Segao-rij c'est-à-dire Augusta, fut
substitué à celui de Samarie par Hérode pour flatter
l'empereur Auguste de qui il l'avait reçue en cadeau. Cf.
Ant. jud., XIII, x, 2; XV, vin, 5; Bell, jud., I, xxi, 2;
S. Jérôme, In Abd., t. xvv, col. 1099, et quelques autres.
286. — Monnaie de Sébaste.
Tête laurée de Néron. — i?- E. SEDASTHNQ... Astarté tourelée,
debout, en tunique courte, portant sur la main droite une
tète humaine, et tenant la haste de la main gauche; dans le
champ, L I (an 14).
Cf. Strabon, Géogr., xvi, Pline, H. N., v, 13 ; Mischna,
II, 8; Chron. Samarit., xxiv; Jules Africain, Chronique,
t. x, col. 83; Origène, In l. M, Reg., t. xvii, col. 56;
Eusèbe et S.Jérôme, Onomasticon, aux mots Samaria
et Semeron, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 324,
325; 342, 345, etc. Il n'existe aucun doute sur l'identité
du lieu.
II. Description. — Au milieu de son territoire riant
et fertile, entouré lui-même de la vaste ceinture des
monts d'Éphraïm alors couverts de vignes et d'arbres
fruitiers de toute espèce, s'ouvrant à l'occident sur la
plaine et la mer, avec ses larges murailles sur lesquelles
circulait le roi, IV Reg., vi, 26, Samarie apparaissait
aux Israélites du royaume septentrional semblable à
un glorieux diadème dont ils s'enorgueillissaient.
Is., xxviii, 1. Cf. Ant. jud., VIII, xiv, 1; IX, iv, 4.
Ils la tenaient pour une ville imprenable. Amos, VI, 1
(fig. 287). La réponse aux menaces des prophètes mise
dans la bouche des habitants de la ville par Isaïe,ix, 9 :
n Les briques sont tombées, mais nous rebâtirons avec
des pierres de taille, » semble la supposer primitivement
construite avec les mêmes matériaux que la plupart
des anciennes villes de Chanaan. L'expression, il est
vrai, peut être figurée ou faire allusion aux habitations
du peuple. Les maisons des grands et des riches y
étaient en pierre de taille et l'ivoire abondait dans
leur décoration. III Reg., xxii, 39; Amos, v, 11 et m,
15. Il y en avait servant de résidences d'été, d'autres
d'hiver. Am., m, 15. Le palais royal avait un étage supé-
rieur ou cénacle avec fenêtres. IV Reg., I, 2. Il aurait
été muni de tours d'après la Vulgate, IV Reg., xv, 25.
— La nouvelle Samarie relevée par Hérode sous le
nom de Sébaste était une ville dans le goût des
Grecs. Un très beau mur de vingt stades, ou 3700
mètres de développement l'environnait, c'est-à-dire
qu'elle occupait tout le plateau supérieur de la mon-
tagne. Au centre s'élevait le temple de César. Bell, jud.,
I, xxi, 2. Une large avenue bordée de colonnes, dont
une trentaine sont encore debout en leur place, les
autres renversées, tracée au sud de l'acropole ou du
temple, traversait la cité tout entière, d'est en ouest
(fig. 288). Elle aboutissait de ce côté à une porte flanquée
de deux grandes tours circulaires bâties avec un appareil
d'énorme dimension. Un vaste édifice à hautes colonnes
dont une quinzaine se dressent au nord-est sur leurs
bases cubiques d'un mètre de hauteur ou sont à moitié
enfouies en terre, paraît avoir été un autre temple
construit au n« siècle de l'ère chrétienne ou au m e par les
colons romains. Une abside ajoutée au temple et les
monnaies de Constantin qu'on y a trouvées indiquent
4403
SAMARIE
1404
qu'il fut, au iv« siècle, converti en basiliquechrétienne.
Au nord, mais en dehors de l'enceinte et au pied de la
colline, une vaste entaille pratiquée en hémicycle où
se voient plusieurs colonnes s'élevant au-dessus du sol,
semble désigner la place du théâtre. Des aqueducs,
réparés à diverses époques, prenaient l'eau aux sources
des monts circonvoisins pour les amener au pied de
la colline de Samarie. Une partie aboutissait sans doute
à la piscine où les serviteurs d'Achab lavèrent le
char ensanglanté sur lequel était mort leur maître.
III Reg., xxu, 38. A l'extrémité orientale de la ville et
non loin du chemin qui monte de ce côté on montrait
encore, au iv e siècle, le sépulcre d'Abdias et du prophète
Elisée où les disciples de saint Jean-Baptiste avaient
devait se dresser une statue équestre. Dans le voisinage
de l'autel, mais au-dessous, un fragment de mur ren-
ferme des pierres à refend de travail identique à celle
de la grande construction du tell el-Mutesallem, où
M. Schumacher découvrit le sceau de 'Ebéd Yeroboam.
D'autres pierres à bossage proviennent d'un grand mur
d'enceinte qui paraît avoir entouré toute la terrasse
supérieure de la montagne. D'innombrables débris de
poteries, de toutes les époques, étaient mêlés aux
pierres et à la terre qui recouvraient les ruines du
temple.
III. Histoire. — 1° Sous la dynastie d'Amri. — C'est
la sixième année de son règne, ou l'an 925 avant J.-C,
que le roi Amri jeta les fondements de la ville de
287. — Sébastyéh et la colline de Samarie. D'après une photographie de M. L. Heidet.
transféré de Machéronte son corps décapité. — La
partie supérieure de la colline de Sébastyéh a été en
partie mise à découvert en 1908, par les fouilles entre-
prises aux frais de l'université américaine de Harvard,
sous la direction de M. G. Schumacher. Le roc y est per-
foré d'une multitude de citernes antiques et sa surface
sillonnée de canaux et de rigoles, avec des cavités en
forme de coupe semblant indiquer un lieu de sacrifices
et de culte. C'est vraisemblablement l'aire sur laquelle
s'élevait, dans le voisinage du palais royal, le temple de
Baal. De vastes constructions, bâties de pierres à bossage
et à refend, les remplacèrent postérieurement. Sur
leurs restes servant de substructions, Hérode construisit
le temple d'Auguste (fig. 289). Un grand escalier de
seize degrés donnait accès à la plate-forme sur laquelle
il se dressait. Quatre bases de colonnes colossales de
plus d'un mètre vingt-cinq centimètres de diamètre
gisent renversées en avant du pavement ; un de leurs
chapiteaux, d'ordre dorique, a été jeté plus loin. Au
côté occidental était un autel près duquel se trouvaient
deux inscriptions latines dont l'une commençant par
les lettres 1. 0. M. indique qu'il était consacré à Jupiter.
Une statue mutilée, présumée d'Auguste, gisait non
loin. Au bas de l'escalier, sur un large piédestal,
Samarie et y transféra de Thersa le trône des rois
d'Israël. III Reg., xvi, 24. Le culte de Baal, avec un
temple, un aulel et une 'aëéràh, y fut introduit par
Achab (918-897), aussitôt après son mariage avec la Phé-
nicienne Jézabel, y. 31-33. Le prophète Élie y vint peu
après inaugurer son ministère prophétique, en se pré-
sentant au roi pour lui annoncer la terrible sécheresse
dont Samarie allait tant souffrir, xvii, 1; xvm, 2. Sous
le règne de ce roi, Samarie eut à subir son premier
siège de la part du roi de Syrie Bénadad, xx, 1-21.
L'année suivante, Achab rentrait dans sa capitale
triomphant des Syriens, après la victoire d'Aphec, quand
se présenta à lui un fils du prophète qui s'était fait
meurtrir pour venir reprocher au roi d'avoir laissé
aller Bénadad, en traitant avec lui. Achab se retira tout
troublé et mécontent, en son palais, y. 3543. Par les
conditions du traité passé avec le roi de Damas, on voit
que sous le père de celui-ci les Syriens avaient des
« places » ou bazars à Samarie, f. 34. — Trois ans après,
le roi Josaphat vint à Samarie où on lui fit grande fête.
Achab, qui voulait aller reprendre aux Syriens Ramoth-
Galaad, l'invita à l'accompagner dans cette expédition,
Josaphat n'y consentit pas sans peine. Sur ses instances,
le prophèteMichée, fils de Jamla, fut consulté et annonça
1405
SAMARIE
1406
à Achab qu'il y périrait. Quelque temps après, le cadavre
de ce roi était ramené sanglant sur son char à Samarie
pour y être enseveli. Le char et les armes de ce prince
lurent lavés à la piscine et les chiens léchèrent son
sang, comme le Seigneur l'avait annoncé, xxii, 1-38;
cf. xxi, 19; II Par., xvm. Voir Achab, t. i. col. 421-424.
— Deux ans plus tard, Élie se laissait amener à Samarie
par le troisième groupe de cinquante hommes en-
voyés par Ochozias pour le prendre. Le fils et succes-
seur d' Achab (897-896) était tombé de la fenêtre de sa
chambre haute et était malade. Le prophète venait lui
déclarer qu'il ne quitterait plus son lit, mais y mourrait.
IVReg., i. — Un des premiers actes du règne de Joram
(896-874), frère et successeur du précédent, fut d'enlever
Baal : il brûla ses simulacres, et rasa son temple, x,
1-27. Jéhu régna vingt-huit ans (884-856) à Samarie et
y fut enseveli, f. 35-36. — Pendant le règne de son fils
Joachaz (856-840), le culte d'Astarté persista à Sa-
marie, xiii, 6. Sous Joas, fils et successeur de Joachaz
(840-824), le prophète Elisée tomba malade, à Samarie,
de la maladie dont il mourut. Le roi Joas étant venu
le visiter, le prophète lui promit qu'il serait trois fois
victorieux de la Syrie. Ayant vaincu Amasias, roi
de Juda, le roi Joas fit transporter à Samarie tout l'or,
l'argent et les vases du temple de Jérusalem qu'il avait
pillé, avec les trésors royaux et les otages qu'il avait
pris, xiv, 14; II Par., xxv, 24. Joas fut enseveli à Sa-
marie, dans le tombeau des rois d'Israël. IV Reg., xïv,
288. — Colonnade de Sébastiyéh (d'est en ouest). D'après une photographie de M. L. Heidet.
la statue de Baal élevée à Samarie par son père, m,
2. Sous ce prince et après l'enlèvement d'Élie, le pro-
phète Elisée vint se fixer à Samarie, II, 25; c'est là que
Naaman, général de l'armée de Syrie, vint le trouver.
Voir Naaman, 3, t. i, col. 427. — Pris par les hommes
•d'armes du roi de Syriç à Dothaïn, le prophète les frappa
•d'aveuglement et les amena de là à Samarie où il dissipa
leur illusion. Après leur avoir fait servir à boire et à
manger, il les renvoya à leur maître, vi, 8-23. — Décou-
ragé pour un temps, le roi de Syrie, Benadad, ne tarda
pas à réunir une nouvelle armée pour venir assiéger une
seconde fois Samarie. Le siège dura longtemps et la
famine devint affreuse. Une panique mit les Syriens en
fuite, comme l'avait prédit Elisée, VI, 24-33; vu. Voir
Elisée, t. u, col. 1694.
2° Sous la dynastie de Jéhu. — Soixante-dix des
descendants d'Achab vivaient à Samarie. Jéhu, après
avoir tué Joram, de sa main, à Jezrahel, écrivit à leurs
gouverneurs et aux anciens de la capitale de lui appor-
ter leurs têtes. Les ayant reçues, il se dirigea vers
Samarie, où il fit son entrée sur son char. Il extermina
tous ceux qui avaient quelque affinité avec la maison
d'Achab : les prophètes, les prêtres et les sectateurs de
16. — Son fils Jéroboam II y régna glorieusement en .
viron un demi-siècle (824-772) et y fut aussi enseveli,
f. 16, 24-29.
3° Sous les derniers rois d'Israël. — Après la mort
de Jéroboam, Samarie ne fut plus guère qu'un champ
de compétitions pour le trône et de régicides. Zacharie,
fils du précédent, y périt après six mois de règne, vic-
time d'une conjuration formée par Sellum qui le tua.
xv, 10. Sellum porta la couronne un mois et fut assas.
sine à Samarie par Manahem de Thersa qui prit sa
place et régna dix ans (671-761), f. 14-17. Phacéia, son
fils, occupa le trône deux ans (761-759) et fut assassiné
au palais par Phacée, fils de Romélie, chef de l'armée,
qui avait comploté contre lui pour prendre sa place.
En même temps périrent Argob et Aria avec cinquante
Galaadites, f. 25. Phacée, ayant battu Achaz, roi de
Juda, lui fit un grand nombre de prisonniers qu'il
voulut emmener à Samarie, mais il leur rendit la li-
berté sur l'intervention du prophète Obed. II Par.,
xxviii, 8-15. Phacée régnait depuis vingt ans à Samarie,
quand Osée, fils d'Éla, conspira contre lui et le fit
périr (729). IV Reg., xv, 30. — Jusqu'à ce jour, Sa-
marie n'avait pas vu encore les Assyriens, bien qu'ils
1407
SAMARIE
1408
fussent plus d'une fois arrivés presque jusqu'à ses
portes. Cf. La Bible et les découvertes modernes,
1896, t. m, p. 253. Théglathphalasar III y serait venu
installer lui-même Osée sur le trône d'Israël et y
recevoir son tribut, s'il faut prendre à la lettre le récit
de son inscription. Ibid., p. 524-525. Salmanasar IV,
successeur du précédent, instruit qu'Osée avait noué
des relations avec Sua, roi d'Egypte, afin de se déli-
vrer du joug de l'Assyrie, s'empara de sa personne et
monta, avec son armée, pour mettre le siège devant
Samarie. IV Reg., xvn, 4, 9.
4° Les menaces des prophètes. — Depuis longtemps
les comptes de la justice divine s'accumulaient contre
Ses palais allaient être renversés ; son peuple semblable
à un débris arraché de la gueule d'une bête féroce, ou
tiré d'une chaudière bouillante, ou encore à un tison
arraché à l'incendie, sera emmené en captivité. Am.,
m, 11-15; iv, 2-3, 11; vu, 11,17. Elle deviendra comme
un monceau de cailloux ramassés dans un champ.
Les pierres de ses édifices seront roulées dans la
vallée et leurs fondements mis à découvert; ses sta-
tues seront brisées, et ses richesses livrées aux flam-
mes. Mich., I, 6-7. Ses dépouilles enrichiront les As-
syriens, Ps. vin, 4. Celait le traitement que les rois de
Ninive faisaient subir aux villes prises par eux et que
Salmanasar réservait à Samarie.
289. — Ruines du temple d'Auguste à Sébastyéh. D'après une photographie de M. L. Heidet.
cette ville et les prophètes n'avaient cessé de l'en aver-
tir. Avec Amri, elle avait embrassé, dès son origine,
le péché de Jéroboam I er , le schisme et le culte du
veau d'or de Béthel. A la suite de Jézabel et d'Achab,
ses habitants, à part quelques exceptions comme celle
d'Abdias (voir Abdias, 2, t. i, col. 23), avaient adopté
les cultes de Baal et d'Astarté. En enlevant les stèles
de Baal, Joram n'en avait pas supprimé le culte. Jéhu
l'extirpa et extermina la maison d'Amri, mais il resta,
avec le peuple, attaché au schisme et au culte de
Béthel et des idoles; tous ses successeurs continuè-
rent à marcher dans cette voie. III Reg., xvi, 25-26;
30-33; xxii, 53-54; IV Reg., x, 29, 31; xih, 2, 6, 11;
xiv, 24; xv, 9, 18, 24, 28; xvn, 7-23. A ces fautes s'ajou-
taient un immense orgueil, l'ivrognerie, l'injustice et
une grande dureté à l'égard des faibles et des pauvres.
Is., ix, 9-11; xxyiii, 1-8; Ez., xxiii, 4-9; Ose., vn, vm,
x; Amos, in, 9,14; iv, 1 ; vi, 1; -vm, 14; Mich., i, 5-7;
il, m; vi, 16. A cause de ces iniquités, la condamna-
tion de Samarie était prononcée. Que Samarie périsse!
Qu'elle périsse par le glaive! Que ses enfants soient
écrasés et ses femmes enceintes éventrées ! Ose., xrv, 1.
5° La prise de Samarie et ses nouveaux habitants.
— Deux années entières, Samarie, bien que privée de
son roi, soutint l'attaque de l'ennemi; mais la troi-
sième année du siège, la neuvième d'Osée (721), elle
finit par tomber aux mains des Assyriens. IV Reg.,
xvn, 4-6 ; xviii, 9-10. Sargon s'attribue, dans ses Fastes,
la prise de Samarie et la compte comme la première
victoire de son règne. Oppert, Fastes de Sargon, 1. 23-
25. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes, 1896, t. m, p. 554-560. Ce prince, qui allait
succéder à Salmanasar, avait sans doute été chargé
par celui-ci de pousser les travaux du siège et en avait
personnellement procuré le succès. Peut-être ce fait
eut-il aussi quelque influence sur son élévation au
trône. Les habitants de la ville furent déportés en
Assyrie. IV Reg., xvn, 6. Le nombre de ces exilés fut
de 27290, d'après les Fastes. Ibid.; F. Vigouroux,
loc. cit., p. 554. Le vainqueur prit pour sa part de butin
50 chars. Il confia à un lieutenant le gouvernement de
la ville où il avait laissé quelques habitants. Ibid. Ce
sont vraisemblablement des descendants de ces der-
niers qui montaient à Jérusalem pour offrir de l'encens
1409
SAMARIE
1410
et des dons, après l'assassinat de Godolias à Maspha,
quand ils y furent eux-mêmes égorgés avec leurs com-
pagnons, par Ismahel (586). Jer., xli, 5. A la place
des Israélites déportés, le roi d'Assyrie envoya une
colonie . formée de prisonniers de guerre chaldéens,
cuthéens, syriens et autres. IV Reg., xvn, 24. En 715,
Samarie reçut un nouveau groupe composé d'Arabes de
diverses tribus. Inscription de Khorsabad, Salle 2, H,
1. 3-8; cf. F. Vigouroux, loc. cit., p. 569.
6° Depuis le retour des Juifs de Babylone jusqu'à
Constantin. — Aux lieutenants des rois d'Assyrie et de
Chaldée commandant à Samarie avaient succédé, après
la prise de Babylone par Cyrus (538), les satrapes per-
sans. Ceux-ci, avec leur entourage, s'ils ne furent pas
les instigateurs de l'hostilité acharnée et constante des
Samaritains contre les Juifs, paraissent du moins l'avoir
ordinairement favorisée. I Esd. iv; u, 19; iv, vl; cf.
Samaritains, col. 1424; Sanaballat, col. 1443; Réum
Béeltéem, col. 1078 ; cf. 1. 1, col. 1546. Alexandre le Grand,
maître de la contrée, et avant de descendre en Egypte
(333), avait laissé le gouvernement de la ville à un de
ses officiers nommé Andromaque, selon Quinte-Curce,
iv, 21. S'il faut croire cet auteur, seul à faire ce récit,
les habitants de Samarie l'au raient brûlé vif et Alexan dre,
pour venger cet outrage, les aurait exterminés en
partie et dispersés, puis remplacés par une colonie
gréco-syrienne. Quoi qu'il en soit, peadant toute la
lutte des Machabées pour l'indépendance, le peuple de
Samarie et ses chefs furent constamment avec les na-
tions ennemies des Juifs. Cf. Ant.jud., XI, vm, 6; XII,
iv, 1. Comme la population de Marissa, soumise par Jean
Hyrcan, avait accepté la religion des Juifs, les Sama^
réens, à l'instigation du roi de Syrie Antiochus Cyzique,
étaient venus ravager leur territoire. Prenant occasion
de cette injure pour venger toutes les autres faites à
son peuple, Hyrcan vint, avec des forces considérables,
attaquer Samarie. Il l'environna d'un fossé profond et
d'un double mur de 80 stades (près de 15 kilomètres)
d'étendue et laissa ses deux fils Antigone el Aristobule
poursuivre le siège. Pressés par la famine, les assiégés
implorèrent le secours d'Antiochus qui s'empressa
d'accourir avec une armée. Les deux frères le défirent
•complètement et refoulèrent les Samaréens dans leurs
murs. Pensant amener les Juifs à lever le siège, Antio-
•chus, assisté de troupes égyptiennes, alla ravager la
Judée; ce fut sans succès. Après une année entière de
•siège, Hyrcan emporta la ville d'assaut et la détruisit de
.fond en comble (109). Ant. jud., XIII, x, 2-3. Les habi-
tants furent emmenés en captivité par les Juifs. Bell.
jud.,I,u,l. Pompée, maître de la Judée (63), rendit le
-site de la ville aux Samaritains. Ant. jud., XIV, IV, 4;
Bell, jud., I, vu, 7. Elle fut relevée elle-même par Gabi-
•nius, proconsul de Syrie, qui y établit de nouveaux
habitants. Ant. jud., XIV, v, 3; Bell, jud., I, vm, 4.
Hérode la reçut d'Octave, après la bataille d'Actium et à
.la mort de Cléopâtre (31) qui l'avait possédée jusque-là.
Ant. jud., XV, vu, 3; Bell, jud., I, xx, 3. La ville
-agrandie, embellie, fortifiée et appelée du nouveau nom
•de Sébaste, fut peuplée par une colonie composée de
six mille vétérans des armées hérodiennes et de gens
•des pays circonvoisins, païens pour la plupart, semble-
•t-il (24). Grâce au riche territoire des alentours partagé
aux colons, la ville se trouva de suite en pleine pros-
périté. La pensée du despote iduméen était surtout de
se préparer un refuge en cas de révolte des Juifs contre
.lui et il voulait en même temps s'assurer la domina-
tion de la province. Ant. jud., XV, vm, 5; Bell, jud.,
I, xxi, 2. C'est à Samarie qu'Hérode avait épousé Ma-
rianne, la descendante des Asmonéens. Bell, jud., I,
xvn, 8; cf. xn, 3, et Ant. jud., XIV, XII, 1, et xv, 14.
C'est à Sébaste que le tyran, jaloux et soupçonneux,
•devait envoyer les fils qu'il avait eus d'elle, pour y être
•étranglés par la main du bourreau. Ant. jud.,XYI, n, 7;
DICT. DE Là BIBLE.
Bell, jud., I, xxvi, 6. — Samarie n'avait jamais eu, si ce
n'est avec son temple de Baal, au temps d'Achab.la su-
prématie religieuse qui, après avoir appartenue Béthel,
était passée à Sichem; Sébaste devait perdre bientôt sa
prépondérance politique et administrative qu'elle parait
avoir conservée jusque-là : elle allait passer à sa voi-
sine Césarée qu'Hérode, tandis qu'il agrandissait Sé-
baste, construisait et dont les princes hérodiens devaient
faire leur séjour préféré avant que les procurateurs ro-
mains y fixassent leur résidence. — A la mort d'Hérode
(4 avant J.-C), Auguste confirma à son fils Archélaûs la
possession de Sébaste (4 avant J.-C). Ant.jud., XVII,
xi, 4; Bell, jud., II, vi, 3. A la déposition de ce prince
(6 après J.-C.), elle fut annexée à la province romaine
de Syrie, puis rendue par Claude, à son avènement à
l'empire (41), à Hérode Agrippa I er . Ant. jud., XIX,
v, 1. Quand ce roi mourut (44), les Sébastais célébrèrent
des réjouissances publiques, insultèrent à sa mémoire
et, avec ceux de Césarée, outragèrent honteusement les
statues de ses filles encore vivantes. L'empereur vou-
lut les châtier en envoyant en garnison dans le Pont
tous ceux qui se trouvaient dans l'armée; mais il se
laissa toucher par la légation qu'ils lui envoyèrent et
ils demeurèrent en Judée. Ant. jud., XIX, ix, 1-2. Un
escadron de la cavalerie de Césarée portait le nom de
Sébaste, ïXv) Ee6a<mr)i/<âv; cinq cohortes paraissent en
outre avoir été principalement composées de Sébastais.
Pendant les troubles qui se produisirent en Judée sous
les procurateurs, surtout sous Cumanus (48-52) et Florus
(64), ces troupes, toujours hostiles aux Juifs, les mal-
traitèrent beaucoup. Bell, jud., II, xh, 5; cf. Ant.
jud., loc. cit. Les Juifs se vengèrent, lors des massacres
de Césarée, en se jetant sur Sébaste et en la livrant
aux flammes (65). Bell, jud., II, xvm, 1. — La guerre
de Judée terminée (70), Vespasien éloigna du district
les troupes sébastaises. Ant. jud., loc. cit. La garnison
de VAla milliaria Sebastena est indiquée à Asuada,
probablement Ves-Sûêdah actuelle dans le Hauran,par
la Notifia dignitatum imperii romani. Dans Reland,
Palsestina, p. 230. Attaquée par Septime Sévère pour
avoir suivi son compétiteur Pescennius Niger, Sébaste
vit encore une fois sa population renouvelée par l'envoi
d'une colonie étrangère (184). Dion Cassius, Sept.
Severus, ix; Ulpien, 'De censibus, i, 15.
7° Le christianisme à Samarie. — Les prophètes, en
prédisante cette ville les malheurs dont elle devait être .
frappée à cause de ses iniquités, avaient annoncé aussi
qu'elle se convertirait au Seigneur, refleurirait et de-
viendrait la fille de Jérusalem. Ose., xiv; Ezech., xvi,
53, 55, 61. Ces prophéties paraissent faire allusion à la
conversion de Samarie à l'époque chrétienne. Le nom
de Jésus ne pouvait y être inconnu, surtout depuis sa
conversation avec la Samaritaine au puits de Jacob,
Joa., IV, quand Philippe, l'un des sept diacres, obligé
de quitter Jérusalem, à la persécution qui suivit la mort
d'Etienne (33), descendit « à la ville de Samarie », Act.,
vm, 5, d'après la leçon des plus anciens manuscrits,
Vaticanus, Alexandrinus, Sinaïticus. — Si un certain
nombre de manuscrits plus récents lisent z'.t; nàïn,
sans l'article, les interprètes et les commentateurs
ont généralement entendu cette expression comme les
premiers, de « la capitale de la Samarie ». — Philippe
se mit à prêcher Jésus-Christ, appuyant sa prédication
de nombreux miracles. Toute la foule « unanimement»
vint l'écouter et se convertit en masse. Dans la ville se
trouvait alors le magicien Simon qui, depuis longtemps,
la tenait tout entière asservie par les prestiges de ses
enchantements. Lui-même demanda le baptême avec
.la foule des hommes et des femmes qui le reçurent
alors, f. 6-13. Les Apôtres restés à Jérusalem, en ap-
prenant la conversion de Samarie, envoyèrent Pierre
et Jean pour confirmer dans le Saint-Esprit les nou-
veaux disciples, f. 14-24. — Les troubles et les per-
V. - 45
1411
SAMA.RIE
1412
séculions qui, pendant près dé trois siècles, se succé-
dèrent dans tout le pays, ne purent étouffer les germes
de la foi implantée par les apôtres à Sébaste. Le nom
de cette ville se trouve sur toutes les listes des anciens
sièges épiscopaux de la Palestine. Cf. Reland, Palsestina,
p. 210, 214, 215, 220, 222, 228, 983; Le Quien, Oriens
christianus, Paris, 1740, t. ni, col. 649-654. — L'Église
de Sébaste se faisait honneur de garder les tombes
d'Abdias, d'Elisée et de saint Jean-Baptiste. S. Jérôme,
In Abd:,t. xxiv, col. 1099;I« Os.,i, ibid., col. 933; Jn
Mich., i, ibid., col. 1156. Julien l'Apostat ne le' put souf-
frir ; il fît ouvrir les sépulcres, brûler les ossements et dis-
la Palestine, El-Muqaddasi, en 985, ne la mentionne plus ;
elle était devenue, comme elle est encore, une simple
localité du district de Nàblus. Cf. Géographie, édit. de
Goeje, Leyde, 1877, p. 165; Yaqùt, Dict. géogr., édit.
Wûstenfeld, Leipzig, t. m (1868), p. 33. Dès les pre-
mières années du ix 8 siècle, la basilique dans laquelle
on vénérait le sépulcre du saint Précurseur était en
ruine; seul le mausolée restait debout et continuait à
être visité par les chrétiens auxquels se joignaient les
musulmans, pour qui saint Jean est un grand prophète.
Sébastyéh avait toutefois conservé son évêque. Com-
memoratorium de Casis Dei (c. 800), dans ltinera.,
290. — Ancienne basilique chrétienne. Tombeau de saint Jean-Baptiste, d'Elisée et d'Abdias.
D'après une photographie de M. L. Heidet.
perser les cendres (361). Une partie cependant des saintes
reliques put être dérobée au vandalisme des païens.
Rufin, H. E., h, 281, t. xxi, col. 536; Théodoret, H. E.,
m, 3, t. lxxxii, col. 1092; Chronic. Pasch., an. 361,
t. xcn,col. 739. Les pèlerins, parmi lesquels nous voyons,
en 386, saint Jérôme avec sainte Paule romaine, ne ces-
sèrent point, en effet, de «venir à Samarie vénérer les
cendres de Jean-Baptiste, d'Elisée et d'Abdias » et le
Ciel continua d'y opérer ses prodiges. Cf. S. Jérôme.,
Epist. xlvi, 12; cf. Epist. crin, 13; t. xxh, col. 491,
889; Antonin de Plaisance, Itiner., t. lxxii, col. 902.
Ces tombeaux étaient renfermés dans une basilique.
IV. État actuel. — Jusqu'à la conquête du pays par
lès Arabes mahométans (636), Sébaste avait conservé,
aves sa splendeur, une certaine prépondérance, du moins
sur la région immédiatement voisine; sous ces nou-
veaux maîtres devenue Sébastyéh, elle devait la voir
passera Nàblus (Néapolis, l'ancienne Sichem), sa voi-
sine, et elle n'allait plus cesser de déchoir. Si Ibn Khor-
dadbéh, vers 864, la cite encore, Géographie, édit. de
Goeje, Leyde, 1889, p. 79, parmi les principales villes de
Genève, 1877-1880, p. 304. Avec son église du sépulcre
de saint Jean, rebâtie au xn e siècle par les Francs, de-
venue la cathédrale d'un évêque latin, Sébastyéh, ap-
pelée alors Sainl-Jean par les Occidentaux, avait semblé
un instant refleurir. Cf. Daniel hég. (1106), Pèlerinage,
édit. Khitrowo, Genève, 1889, p. 57-58; Jean de Wurzbourg
(1137), Descriptio T. S.; t. clv, col. 1058; Theodorici
Libellus de L. S. (1172), édit. de Tobler, S. Gall, 1865,
p.95-96,etc. Occupées par les mahométans aussitôt après
la fatale journée de Hattin (4 juillet 1187), Sébastyéh et
sa cathédrale ne devaient pas tarder à retomber dans la
désolation. En 1283, il n'y avait plus une seule maison
habitée ou debout, si ce n'esl l'église des Croisés trans-
formée en mosquée et le petit monastère des moines,
grecs, avec son église où ceux-ci croyaient avoir la pri-
son de saint Jean, située au milieu des ruines de l'an-
cienne Sébaste, à la partie la plus élevée de la mon-
tagne. Cf. Phocas, De Loch Sanctis, xiv, t. cxxxiii,
col. 940, Burchard (1283), Descriptio T. S., 2« édit.
Laurent, Leipzig, 1873, p. 53; Mugir ed-Din, Jérusa-
lem et Hébron, édit. du Caire, 1283 (1866), P- 218,
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SAMARIE
1414
287. Ishak Chelo, en 1334, ne trouvait plus à Sébaste
que des ruines, parmi lesquelles s'élaient établis
quelques pauvres pasteurs. Dans Carmoly, Itinéraires
de la T. S., Bruxelles, 1847, p. 252. — Le village ainsi
formé n'occupe pas la quinzième partie de l'emplace-
ment de l'antique Sébaste, vers son extrémité orientale,
dans le voisinage de l'église des Croisés. Il se compose
d'une trentaine de maisons à toits plats, grossièrement
construites avec des débris de ruines. La population n'y
est guère que de deux cents habitants, tous cultivateurs
et mahométans, à l'exception d'une famille de chrétiens
arabes, schismatiques, qui s'y est établie depuis peu. De
l'église du XII e siècle (fig. 290), il reste les murs exté-
rieurs avec leurs trois absides à l'orient et deux ou
trois arcades en ogive. Elle mesure 50 mètres en
longueur et 23 en largeur et était à trois nefs. Elle
parait avoir été, après le Saint-Sépulcre, la plus impor-
tante des basiliques chrétiennes relevées par les Francs
en Terre-Sainte. L'écusson des chevaliers hospitaliers
de Saint-Jean qui se voit sur les murs et dont la croix
a été martelée, semble indiquer qu'elle était leur
œuvre. Dans le transept, les musulmans se sont fait
une mosquée. Au milieu de la grande nef s'élève un
petit édifice carré surmonté d'une petite coupole arabe
blanchie à la chaux : c'est le monument sépulcral de
saint Jean-Baptiste. Vingt et un degrés conduisent à
une chambre inférieure ou crypte taillée dans le roc.
Dans la paroi méridionale, trois ouvertures ovales
laissent voir trois loges funéraires cinlrées, juxtapo-
sées et construites avec de belles pierres de taille.
Dans leur état actuel, elles paraissent remonter aux
premiers siècles de l'ère chrétienne. C'est dans ces
sépulcres qu'étaient déposés, au témoignage de tous
les pèlerins, les restes vénérés du saint Précurseur,
du prophète Elisée et d'Abdias. Les fragments de l'an-
cienne porte, en basalte, dont les caractères annoncent
une haute antiquité, gisent sur le sol de la chambre.
Près dé l'église, au nord, sont les restes d'assez vastes
bâtiments avec de grandes tours croisées. C'était
peut-être la résidence des chevaliers de Saint-Jean et
celle de l'évêque latin du XII e siècle. A l'exception de
l'espace occupé par ces ruines, par le village et l'aire
voisine où les paysans battent leur blé, tout le reste
de la colline de Samarie est couvert de belles planta-
tions d'oliviers, entre lesquels se trouvent quelques
figuiers. C'est parmi ces arbres ou sous la terre qui
les recouvre qu'il faut chercher les débris de l'antique
Samarie et de Sébaste.
Bibliographie. — F. de Saulcy, Voyage en Terre-
Sainte, in-8", Paris, 1863, t. n, p. 390-398; V. Guérin,
Samarie, t. n, p. 188-209; E. Robinson, Biblical
Researches in Palestine, in-8», Boston, 1841, t. m, p. 138-
149; The Survey of Western Palestine, Memoirs,
in-4», Londres 188-2, t. il, p. 160-161, 211-214; Fr. Liévin
de Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, Jé-
rusalem, 1887, t. m, p. 54 65. L. Heidet.
3. SAMARIE, une des trois provinces de la Palestine
occidentale au temps du Sauveur. — I. Nom. — Avant
la chute du royaume des dix tribus séparées de Juda,
le nom de Samarie avait souvent servi à- le désigner,
en même temps que ceux d'Israël et d'Ephraïm.
Cf. III Reg., xiii, 32; Ose., vin, x, xiv; Amos, m, iv,
vi, vin. Après sa destruction, il devint l'appellation
exclusive de la province, puis du simple district dont
la ville resta la capitale ou le chef-lieu. Dans le texte
hébreu (et dans la Vulgate par suite du défaut d'article
dans le latin), le nom du pays ne se distingue point de
celui de la ville d'où il le prend et parfois il est diffi-
cile de discerner s'il s'agit de l'un ou de l'autre. Ordi-
nairement on le comprend par le contexte. Dans la
version grecque, l'article, fi Sapapi'a, détermine la
contrée. Am., IV, 1; I Esd n IY, 10, 1 Mach., v, 66. Celte
forme est fréquemment employée dans le Nouveau
Testament. Joa., iv, 4, 5, 7; Act., vin, 5, 9, 14. I*
formé de nom local « la Samaritide », fi SajAapsîttfe
se trouve I Mach., x, 30; xi, 28, 34; Matth., x, 5; Luc,
IX, 52; Act., vm, 25.
II. Géographie. — 1° Limites et étendue. — A 1»
chute du royaume d'Israël, son territoire ne compre-
nait plus guère que celui des deux tribus d'Ephraïm
et de Manassé occidental, probablement réduit à 1*
partie montagneuse. La province formée de ce terri-
toire conquis par les Assyriens s'étendait primitivement
de Béthel, la dernière ville marquant la frontière mé-
ridionale d'Israël, à la plaine d'Ësdrelon au nord, qui
commence au pied des monts de la tribu de Manassé,
et semble dès lors avoir appartenu tout entière à la
Galilée. Ce sont les frontières que paraît lui tracer le
livre de Judith, parlant de la Samarie antérieurement
à la captivité de Babylone. Béthoron et Jéricho sont
comprises dans son territoire, v, 4 (grec), et la plaine
d'Ësdrelon y est attribuée à la Galilée ou du moins
distinguée de la Samarie, i, 8, qui est restreinte, de ce
côté, aux montagnes, IV, 4. Le Jourdain et la Péréo
bornaient la province à l'est, cf. i, 9, et elle s'éten-
dait sans doute encore jusqu'à la mer à l'ouest. Voir
Éphraïm 2, t. n, col. 1874; Manassé 7, t. lv, col. 674.
La Samarie primitive se développait ainsi, tant en lon-
gueur qu'en largeur, sur une étendue d'environ 60 ki-
lomètres. Ce territoire devait, dans la suite, s'amoin-
drir, surtout du côté du sud, au profit de la Judée. La
chute de l'empire ninivite en aura vraisemblablement
été la première occasion. Les Juifs reprenant, en vertu
de l'édit de Cyrus, leur territoire d'avant la captivité,
occupèrent en effet Béthel, toutes les localités en dé-
pendant et plusieurs autres qu'avaient possédées les
rois de Samarie. IIEsd., xi, 31, 34; cf. vu, 32, 36, 37;
I Esd., n, 28, 33-34. Les succès des Asmonéens lui
coûtèrent d'autres portions plus considérables encore.
Cf. I Mach., x, 30, 39; xi, 28, 31. « Le territoire de la
Samarie », que ceux-ci avaient laissé tel qu'il était
au temps du Sauveur, d'après la description de Josèphe,
« compris entre la Judée et la Galilée, commençait au
bourg de Ginœa, situé dans la Grande Plaine et se ter-
minait à la toparchie d'Acrabathène... Près de la fron-
tière commune [de la Judée et de la Samarie] était le
village, le dernier de la Judée, appelé Anuath-Borcéos, »
ou Borcéos-d'Anuath, fi 'Avouàôou Bôpxoio;, d'après
les éditions de Niese. Bell, jud., III, m, 4-5. En
venant de Scythopolis, ville de la Décapole, au nord-
est on trouvait la frontière près de « Corœa qui com-
mençait la Judée. » Ant. jud., XIV, m, 4; Bell. jud.,
I, VI, 5. Du côté de l'occident, le territoire de la Sama-
rie s'arrêtait à la plaine ; car « tout le littoral jusqu'à
Ptolémaïde était à la Judée, » Bell, jud., IJJ, m, 5.
C'est ce que confirme Strabon donnant aux Juifs tout
le pays appelé par lui, Géogr., xvi, 2, Apy(j.ô;, c'est-à-
dire vraisemblablement la plaine de Saron.Cf. Reland,
Palmstina, Utrecht, 1714, p. 188 et 190. La Mischna,
Gitlin., vu, 8, indique pour frontière de la Judée et de
la Samarie « le village de 'Utânê ». Cf. Ad. Neubauer,
Géographie du Talmud, Paris, 1862, p. 56-57. Tout le
pays entre cette localité et Antipatride était à la Judée.
Talmud Bab., Gittin, 76 a; cf. ibid. Archélaïde est
encore classée par P tolémée, Geogr., V, xvr, parmi
les villes de la Judée. Cet auteur l'indique plus
au nord que Phasaëlide. La carte de Peutinger ht
marque à XXIV milles au nord de Jéricho. — De ces
indications il apparaît que la frontière septentrionale
de la Samarie était l'extrémité du Merdj ibn-'Amer
actuel, la Grande Plaine de l'historien juif et l'Esdrelon
du livre de Judith, sur la lisière duquel se trouve la
petite ville de Djenin, dans laquelle on reconnaît la
Ginéa de Josèphe et l'Engannim biblique. Elle fran-
chissait ensuite la petite chaîne de collines au sud du
1415
SAMARIE
1416
Garmel, alors aux Tyriens, Bell, jud., III, m, 1, et qui
aboutissent aux hauteurs de Vmni el-Fahem, pour
rejoindre la plaine côtière. L'extrémité orientale de
celle-ci formait la limite jusqu'au-dessus de Medjdel
Yâbâ, à l'entrée des montagnes judéennes, en face, à
l'orient de Rds el-'Aïn; les ruines qui se voient en cet
endroit situé sur le territoire de Kefr-Sâba, sont géné-
ralement considérées comme celles d'Antipatride. De ce
point, la frontière tournant à l'est, passait près de Deir-
Ballût, au nord de Lubban, probablement la Beth-Lu-
ban des Talmuds, indiquée avec Belh-Rimah parmi les
villes juives, Menahoth, IX, 7; cf. Neubauer, loc. cit.,
p. 82. Elle passait ensuite aunord de Bérûkin, identifiée
par Guthe et d'autres, sur leurs cartes, avec la Borceos
de Josèphe. Bérûkin d'ailleurs, voisin de Kefr 'Ain dans
lequel on peut voir Anuath, est situé à moins de deux
kilomètres et demi au nord de Deir Ghussânéh, très
probablement le 'Utanê, >:hiï des Talmuds. On sait
que le '(?) hébreu représente aussi bien le gh ( •) arabe
que le '( J et que le t (n) est souvent prononcé s ou ss.
Ghussânéh est lui même à 1 200 mètres seulement au
nord de Beit Bimah, au sud duquel se trouve, à deux
kilomètres, Tibnalt, l'ancienne Thamna, chef-lieu de la
Thamnitique. Bérûkin, à peine distant de 6 kilomètres
de cette dernière localité, appartient, selon toute
vraisemblance, à cette toparchie dont la limite, depuis
sa séparation de la Samarie, dut former la frontière
intermédiaire de cette province et de la Judée.
Cf. I Mach., xi, 28, 3i; Bell, jud., III, m, 5. D'autres
voient Borcéos et Anuath au Khirbet Berqît et à 'Ain
'Aïnah, au nord du Khân Lubbân. Cf. Buhl, Geogr.
des alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 175. Quelle que
soit la valeur de ces identifications, la frontière venant
de Berùkîn devait passer au nord de ces localités,
remontant vers le nord-est, pour contourner le terri-
toire de 'Aqràbéh, l'ancienne Acrabathène, et Qerâoua,
la Coréa de Josèphe et la Qérùhim de la Mischna,
Menahoth, ix, 7. Cf. Neubauer, loc. cit., p. 82, 83.
De cet endroit, en continuant à suivre la direction
nord-est, elle franchissait Vouâdi Fâr'a pour passer au
nord du Bas Umm el-Kharrûbéh, non loin duquel se
doit chercher le site d'Archélaïde. Cf. Ant. jud., XVII,
xiii, 1; XVIII, h, 2. D'Archélaïde, la frontière devait
se diriger vers l'est pour aboutir au Jourdain à peu
près en face du Tell Deir 'Allah, l'ancienne Phanuel.
— Après la guerre de Judée, Pline, //. N., v, 12,
rattache « la région du littoral [à] la Samarie ». Plus
tard les conquérants mahométans firent reculer la
frontière méridionale du « district de Nâblus » qui
remplaça l'ancienne Samarie, jusqu'au sud de Lubbân
(Lebonâ) et de Seilûti (Silo), où nous le trouvons au-
jourd'hui. Ce district s'élargit également de divers autres
côtés, mais d'une manière variable.
2° Division. — La Samarie, de même que la Judée,
était partagée par nomes (vonof, I Mach., x, 30, 38;
xi, 34), ou toparchies (towap/t'at, ibid., 28). Cinq seu-
lement de ces toparchies sont désignées; ce sont
celles qui furent détachées de la Samarie primitive
pour être annexées à la Judée : les toparchies d'Aphé-
réma ou Ephrem, de Lydda et Ramathem, d'après
I Mach., XI, 3i (grec), et celles d'Acrabahou Acrabbim
et de Nabartha, d'après Josèphe, Bell, jud., II, xvm,
10; xxn, 2; III, m, 4-5; IV, ix, 9. Dans la nomencla-
ture des toparchies judéennes, la première est ap-
pelée de Gofna ou « la Gophnitique » et la seconde de
Thamna ou « la Thamnitique ». Bell, jud., II, xx, 4;
III, m, 5 ; Pline, H. N., v, 14.
3» Description. — Le territoire de la province de Sa-
marie, « par la nature de son sol et ses caractères
généraux, ne diffère pas de celui de la Judée. Comme
celle-ci, elle est formée de montagnes et de plaines se
prêtant admirablement aux travaux de l'agriculture,
1res fertiles et en partie couvertes d'arbres. Si la terre
n'y est pas arrosée d'innombrables courants d'eau, les
pluies y sont abondantes et les eaux douces et agréa-
bles. L'herbe qui y abonde permet d'y élever d'innom-
brables troupeaux et d'y avoir du lait en abondance.
La preuve de cette fécondité, c'est l'exubérance de la
population. » Bell, jud., III, ut, 4. Si quelques-uns des
traits de cette peinture de l'historien juif se sont effacés
ou atténués, sous l'influence désastreuse du régime
qui, depuis plusieurs siècles, pèse sur la contrée, la
plupart y sont cependant encore vrais ou reconnais-
sablés. — Les montagnes de la Samarie, dans son
étendue primitive, comprenaient tout le massif connu
anciennement sous le nom de « Montagne d'Éphraîm »
auquel se joignait au nord le territoire montagneux de
Manassé. Voir t. n, col. 1879, et t. rv, col. 646. Dans
l'état réduit de la Samarie du temps du Sauveur, elle
n'en possédait plus que la partie septentrionale, un
peu plus de la moitié qui formait tout son territoire.
Les sommets les plus remarquables de cette partie et
en même temps les plus célèbres étaient l'Ébal et le
Garizim. Voir t. n, col. 1524, et t. m, col. 106. La mon-
tagne d'Amalec, t. i, col. 427, les monts de Gelboé,
t. m, col. 155 et « la montagne de Bethulie », Judith
(grec), xiii, 11, étaient dans ses limites. — Les larges
vallées ou les plaines y sont plus nombreuses et plus
spacieuses que dans la partie méridionale ou que dans
les montagnes de la Judée. Les plus remarquables sont
la belle vallée de Fâr'a, la Béq'ah au sud-est de Tùbâs
et de Tamrnûn, l'ouâd' es-Selhab sous Zabâbdéh, le
Uerdj-Sanûrprès de la localitédu même nom, le Sahel-
'Arrâbéh, l'antique « plaine près de Dothain », Judith
(grec) iv, 7, et, près deNaplouse, le Sahel-'Askar dont le
Sahel-Ràgib et le Sahel-Mahnéh sont la continuation.
Ils formaient probablement ensemble « la vallée de Sa-
lem », ibid., 4, où se trouvait « la propriété de Joseph t>
et le chêne de Moréh. Voir t. iv, col. 1269. Le torrent
de Mochmur, Judith (grec), vu, 18, dont le nom peut
être une altération de celui de Machméthath, semble
devoir se chercher dans le voisinage de Mahnéh, qui
rappelle le précédent. — Deux sources de la Samarie
sont célèbres : la fontaine de Bethulie, Judith, xn, 7, et
le puits de Jacob, près deSichem. Joa.,rv, 6. La source
de 'Ainôn, à trois kilomètres au sud-est de Tûbâs,
belle et abondante, ne peut avoir d'autre rapport avec
l'« Aennon, près de Salem, où Jean baptisait, » Joa., m,
23, que la similitude du nom. Les eaux de Aïn-Mâléh,
minérales et thermales, près de la petite ruine d'el-
Hammdm, « les Bains », à 9 kilomètres à l'est de
Téiyâslr, sont très recherchées des populations des
alentours. Les eaux de Betoaenea,à 15 milles (22 kil.)
à l'est de Césarée, aujourd'hui 'Anim, étaient de même
réputées médicinales, au iv« siècle. Eusèbe, Onomas-
ticon, au mot 'Ave-p, Aniel, Berlin, 1862, p. 42, 43.
— Des grandes forêts où abondaient surtout le chêne,
le pin, le thérébinthe et le qéqad et qui, il y a moins
de cinquante ans, ornaient les monts et les collines
au-dessous de la frontière septentrionale, il ne reste
guère que quelques arbres épars; elles sont remplacées
par des broussailles. La vigne a disparu à peu près
complètement. Par contre, les vallées et les plaines du
Bjebél-Nâblûs se couvrent toujours de superbes et
riches moissons dont les blés vont approvisionner les
marchés de Jérusalem et de Jaffa où ils sont spéciale-
ment estimés.. — - Les troupeaux de moutons et de
chèvres" errent enfcore nombreux sur les collines; sou-
vent aussi les vaches se rencontrent en troupes au bord
des ruisseaux' de Ypuâdi-Far'a, près des fontaines du
Sahel-'Arrdbéh'et dans. quelques antres régions arro-
sées par des sources nombreuses et où l'herbe se per-
pétue une grande partie de l'année.
4° Villes et population. — Un tout petit nombre
1417
SAMARIE
1418
d'habitants israélites avaient été laissés dans le pays par
Sargon après la prise de Samarie. Fastes de Sargon,
t. xxvi, cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, Paris, 1896, t. in, p. 559. Pour combler les
vides faits par l'extermination et la déportation, « le
roi d'Assyrie envoya [d'autres prisonniers de guerre],
de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Émath de Séphar-
naim et les établit dans les villes de Samarie, à la
place des enfants d'Israël; ils possédèrent Samarie et
ses villes. » IV Reg., xvii, 24. Outre ces colons, Sargon
transporta, en 715, un groupe de captifs arabes des
tribus de Taroud, des Ibadidi, des Marsimani et des
Hayapa. Inscript, de Khorsabad, Salle 2, n, lig. 3-6;
cf. F. Vigouroux, loc. cit. p. 569-575. D'autres troupes
de captifs de la Babylonie, de l'Elam ou de la Perse,,
vinrent rejoindre les premiers, au temps d'Asarhaddon,
fils et successeur de Sennachérib (681-668). I Esd., iv,
2, 9. Cf. Vigouroux, loc. cit., t. iv, p. 73-75. Un assez
grand nombre de captifs ou de fugitifs israélites, un
peu avant l'invasion d'Holoferne, étaient, semble-t-il,
venus rejoindre le petit groupe de leurs frères laissés
par Sargon, Judith, iv, 2 (grec), et v, 23 (grec, 19).
Les 80 hommes de Sichem, Silo et Samarie qui se ren-
daient au Temple quand ils furent tués par ïsmahel à
Maspha, Jer., xli, 5, démontrent qu'il restait en Sa-
marie, au temps de la captivité de Babylone, un nom-
bre assez considérable d'Israélites attachés au culte
mosaïque légitime. Ils semblent tous, au retour des
Juifs de Babylone, les avoir rejoints en Judée, tant
pour pouvoir observer plus facilement la loi que pour
fuir les vexations de leurs voisins aux cultes hybrides.
Dans tous les cas, il ne paraît pas qu'il y ait eu encore
un seul Israélite fidèle en Samarie, à l'époque des
Machabées. Par contre, les prêtres, les lévites et les
autres, unis à des femmes étrangères, qu'Esdras et
Néhémie expulsèrent pour ce fait, se réfugièrent en
Samarie. Cf. I Esd., x; II Esd., xm, 28; Ant. jud.,
XI, vu, 2-VÏII, 4. Du mélange de ces Juifs prévarica-
teurs et des Israélites que les observances de la loi
inquiétaient peu avec la masse des déportés chaldéens,
araméens, arabes, persans et autres se forma le peuple
des Samaritains dont Ben Sira disait : Ce n'est pas
un peuple... la nation insensée qui habite Sichem.
Eccli., L, 27, 28. — A ces éléments s'adjoignit dans la
suite la population des colonies grecques, romaines ou
syriennes qu'établirent Alexandre, les rois grecs de
Syrie et d'Egypte, Hérode et les Césars.
Dans le Nouveau Testament il est fait allusion aux
villes et aux villages de la Samarie, Matth., x, 5; Luc,
IX, 52, 56; Act., vin, 25; mais deux seulement y sont
nommés : Sicliar, Joa., iv, 5, et Samarie, Act., vm, 5.
Dans les limites de la Samarie du 1 er siècle, à coté
d'un nombre au moins double de localités ruinées
(Khirbel), on compte aujourd'hui environ 175 localités
habitées.. Parmi les unes et les autres un assez grand
nombre portent des noms bibliques ou historiques
plus ou moins parfaitement conservés. Déjà nous en
avons rencontré quelques-unes dans ce cas ; on peut
leur en adjoindre plusieurs autres. Parmi les noms
les plus illustres on remarque : Ta'anak = Thanach,
ancienne ville chananéenne; Djelbôn qui a donné son
nom au mont de Gelboé; Tûbâs = Thébès, ou Abimé-
lech fut tué de la main d'une femme ; fallûza = Thersa,
la première capitale du royaume septentrional d'Israël;
Fâr'a = Ephra, patrie de Gédéon; Ta'ana= Thanath-
selo appelée Théna parPtolémée, Géogr., 1. V, c. xvi;
Fa'rata = Pharathon, résidence du juge Abdon, 'Askar,
la Sichar de l'Évangile, suivant plusieurs. D'autres,
comme Djeba', Tammûn, Djett, Rdméh, 'Attdrah,
Sànûr, Sàeikéh, etc., retiennent sans doute des noms
anciens, mais qui n'ont pas été inscrits dans les fastes
de l'histoire. — Un grand nombre des localités habi-
tées ont une population inférieure à 200 âmes; une
dizaine atteignent le chiffre de 2000 et trois ou quatre
peuvent arriver à 3000. Naplouse (Sichem), capitale ac-
tuelle de la province, renferme environ 25 000 habitants ;
Sébastiyéh (Samarie), n'en a pas même 300. La popu-
lation totale de la région ne dépasse pas 100000 âmes;
elle devait être plus que quadruple au temps du Christ
et de ses apôtres. — Alors comme aujourd'hui, elle
était formée des débris de toutes les races qui ont passé
sur le sol de la Samarie. La masse en est maintenant
mahométane. Des Samaritains il n'y en a plus nulle
part, en dehors du petit groupe de Nâblus.
III. Histoire. — 1° Sous les Assyriens et les Chai-,
déens (721-537). — La Samarie devenue presque dé-
serte par suite de la guerre dans laquelle succomba
la capitale d'Israël et de la transmigration de son
peuple, fut envahie par une multitude de lions qui
tirent de nombreuses victimes parmi les colons trans-
plantés par les Assyriens. Ce fléau fut regardé comme
une vengeance du Dieu du pays méconnu par les nou-
veaux habitants. Pour s'instruire dans le culte de ce
Dieu, ils réclamèrent un des anciens prêtres israélites,
transportés en Assyrie. Celui-ci vint s'établir à Bélhel,.
auparavant déjà le centre religieux de la contrée. Tout
en adoptant le culte de Jéhovah, chacun des groupes
ethniques continua à servir les dieux de son pays
d'origine; il y eut ainsi en Samarie une multitude de
cultes, puisque chaque hauteur eut son dieu et chaque
ville sa religion propre. IV Reg., xvii, 21-44. Cf.
F. Vigouroux, loc. cit., p. 575-586. — Les Israélites
restés ou retournés s'étaient ralliés à Jérusalem et
acceptaient la direction de ses chefs. Ceux-ci, lors de
l'invasion d'Holoferne, envoyèrent en Samarie, des
hommes chargés de tout organiser pour arrêter la
marche de l'envahisseuret fortifier les villes. Judith, iv.
L'héroïsme de Judithsauva le pays. Judith, v-xvi. — Les
rois de Ninive ne paraissent pas avoir tenté de rétablir
sur la contrée leur autorité ébranlée par cet échec.
Quelques années après, le roi Josias pouvait sans ren-
contrer d'obstacle la parcourir tout entière pour y
exercer son zèle en y abattant les hauts-lieux, en y
brisant les emblèmes idolâtriques et en y renversant
les autels, après avoir égorgé leurs prêtres dessus.
IV Reg., xxill, 15-20. Il contraignit en outre tous les
Israélites à observer la loi de Moïse. II Par., xxxiv, 33.
— Avec toute l'Asie occidentale, la Samarie dut se
soumettre à la puissance de Nabuchodonosor, à son
passage, lors de sa campagne contre l'Egypte (C04).
Un des gouverneurs de Samarie pendant cette période,
Nabu-Achisu, est connu par les inscriptions cunéi-
formes. Cf. H. Rawlinson, Cuneiform Inscriptions?
t. m, pi. 34, col. n, p. 94.
2° Sous les Perses et les Grecs (536-63). — Les pre-
mières manifestations de l'hostilité du peuple de la
Samarie à l'égard des Juifs retournés de la captivité
apparaissent à l'occasion du refus de ceux-ci d'admet-
tre leurs voisins à relever le Temple du Seigneur avec
eux. Tous les chefs s'unirent pour empêcher l'œuvre
de Zorobabel, par la ruse, par les dénonciations et
même par la force. I Esd., iv. Sanaballat, gouverneur
de la Samarie, emploie les mêmes moyens pour empê-
cher Néhémie de rebâtir les murs de Jérusalem.
II Esd., n,9; iv, VI. Un des petits-fils du grand-prêtre
Éliasib avait épousé une des filles de ce satrape et fut
chassé par Néhémie. II Esd., un, 28. C'est vraisem-
blablement à cette époque qu'il faut faire remonter le
culte du Garizim rival de Jérusalem, et au gendre de
Sanaballat qu'il faut l'attribuer. Cf. Garizim, t. m,
col. 111. — Un siècle plus tard Alexandre, après avoir
vaincu Darius III, à Issus, s'avançait à la conquête de
la Syrie et de la Palestine et avait mis le siège devant
Tyr (332). Le satrape de la Samarie, appelé par Joséphe
Sanaballète, oublieux des serments de fidélité prêtés
au roi de Perse par qui il avait été nommé, vint trou-
1419
SA MARIE
1420
ver le prince macédonien pour lui offrir tout le pays
dont il avait la garde; il lui amenait en même temps
un corps de troupes de huit mille hommes levés en
Samarie. Ces soldats, après avoir assisté Alexandre au
siège de Tyr, le suivirent à Gaza, puis en Egypte où il
leur confia la Thébaïde à garder. Ant. jud., XI, vm,
4, 6. Après la révolte de la Samarie et le massacre du
gouverneur Andromach, Alexandre y envoya des colons
macédoniens. Deux localités du pays portant des noms
grecs, Fundiik (n.xvboA.dov) et Fendakûmîéh ([lvnâ/.u>-
(iiaç), leur doivent peut-être leur origine. A la mort
d'Alexandre (323), la Samarie devint le partage du roi
de Syrie. Ptolémée, fils de Lagus, roi d'Egypte, la con-
quit sur eux, en 320. Un grand nombre des habitants
du pays furent alors transportés en Egypte. Ant. jud.,
XII, I. Les chefs de ces deux royaumes ne cessèrent de
se la disputer, de même que le reste de la Palestine.
Elle fit partie de la dot que Cléopâtre, fille d'Antio-
chus III, apporta à Ptolémée Épiphane (198). Ibid., XII,
rv, 1. En ce temps, les Samaritains se jetèrent sur la
Judée, dévastèrent ses campagnes et massacrèrent une
multitude de Juifs. Ibid. Pour échapper à la persécu-
tion d'Antiochus Épiphane, ils adoptèrent spontané-
ment les superstitions helléniques. Ibid., v, 5. C'est
avec les troupes levées en Samarie qu'Appollonius, qui
en était préfet, tenta de s'opposer aux succès de Judas
Machabée. Son armée fut complètement défaite, lui-
même tué dans le combat et son épée tomba entre les
mains de Judas, qui s'en servit depuis contre les
adversaires les Juifs. I Mach., m, 10-12. Le héros ma-
cbabéen était en Samarie quand Nicanor vint lui
offrir le combat prés de Capharsalama. Le général
syrien perdit cinq mille hommes et se retira à Jéru-
salem. II Mach., xv, 1; cf. I Mach., vil, 31. D'après la
Vulgate et les Septante, I Mach., v, 66, Juda aurait
fait auparavant déjà une autre expédition en Samarie,
après celle en Idumée et à Hébron; mais Josèphe,
Ant. jud., XII, vm, 6, a lu Marissa au lieu de Sama-
rie et de même l'ancienne italique. Le contexte indique
d'ailleurs j l'expédition » dans «la terre des étrangers».
e!ç yf,v à)XofJXuv, expression par laquelle la version
grecque désigne constamment le paysdesPhilistins. —
Jonathas s'empara des trois toparchiesdeLydda, Rama-
thaïin etÉphrem, c'est-à-dire de toute la partie méridio-
nale de la Samarie, et les rois syriens durent reconnaître
leur annexion à la Judée. I Mach., x, 30,38; xi, 34.
C( r Ant. jud., XIII, n,3; iv, 9. Profitant de la défaite
par les Parthes d'Antiochus III et de sa mort (129),
Jean Hyrcan pénétra en Samarie et s'empara de Si-
chem et du Garizim dont il renversa le temple. Ant.
jud., XIII, IX, 1 . Par la prise de la ville de Samarie
(109), il soumit toute la province à la Judée.
3° Sous les Romains et la dynastie hérodienne (63
av.-70ap.J.-C). — Pompée enleva la Samarie aux Juifs
pour la rattacher à la province romaine de Syrie (63).
Ant. jud., XIV, iv, 4. Octave, vainqueur à Actium (31),
la remît à Hérode avec la capitale du pays. Ibid., XV,
vil, 3. Dans le partage du royaume d'Hérode à ses fils,
Auguste la laissa à l'ethnarchie d'Archelaùs, tout en
remettant aux habitants un quart de l'impôt parce
qu'ils ne s'étaient pas révoltés avec les autres. Ibid.,
XVII, si, 4. A la déposition de ce prince, elle retourna
à la Syrie (6 ap. J.-C). Ibid., xm, 5. — Tandis que
Ponce-Pilate exerçait la charge de procurateur, un
grand nombre de Samaritains s'étaient réunis en armes
à Tirathava (probablement Deir-Atab), sur la parole
d'un imposteur qui promettait de les conduire au
Garizlm où il leur découvrirait les vases sacrés qu'y
avait cachés Moïse. Pilate leur tomba dessus avec sa
cavalerie, en tua un grand nombre et mit les autres en
fuite. Sur la plainte portée par les principaux du pays
à Vitellius, légat de Syrie, celui-ci obligea Pilate à se
rendre à Rome pour répondre devant l'empereur des I
accusations faites contre lui (37). Ibid., XVIII, iv, 1-2.
— La Samarie fut rendue par Claude à Agrippa I er ,
mais pour revenir, à sa mort, définitivement à la pro-
vince de Syrie. Ibid., XIX, v, 1 ; vm, 2. — Les Juifs
de la Galilée avaient coutume de passer par la Samarie
pour se rendre à Jérusalem. Un groupe d'entre eux
ayant été tué par les Samaritains de Ginéa, et le pro-
curateur Cumanus, gagné par l'argent des Samaritains,
n'ayant pas puni les coupables, il en résulta des
désordres et des massacres qui ne finirent que par le
bannissement de Cumanus. Ant. jud., XX, vi; Bell, jud.,
II, xii, 2-7. — La Samarie paraît avoir été fatiguée, non
moins que là Judée et la Galilée, des exactions des der-
niers procurateurs romains, en particulier de Florus,
et avoir voulu se soulever avec les Juifs. Quoique les
Romains eussent des postes militaires dans toute la
Samarie, la population en armes se porta en masse
au Garizim. Vespasien était alors occupé au siège de
Jotapata(67); il envoya le chef delà V e légion, Céréalis,
avec un corps de 3000 fantassins et 600 cavaliers, pour
étouffer le mouvement. Les troupes cernèrent la mon-
tagne. Comme les Samaritains n'avaient point d'eau,
une partie se rendit aux Romains sans combat; l'autre
fut passée au fil de l'épée. Dix mille six cents périrent
ainsi. Bell, jud., III, vu, 32.
4° Évangélisation de la Samarie. — Le Sauveur, de
même que ses compatriotes juifs de la Galilée, dût sou-
vent traverser la Samarie pour se rendre au Temple et
à ses fêtes. Les Évangiles font allusion à deux passages
de Jésus par ce pays pendant sa vie publique : au re-
tour de la Judée, quatre mois avant la moisson, quand
il s'arrêta au puits de Jacob, Joa., iv; à son dernier pas-
sage avant sa passion, quand les Samaritains du village
où il envoya ses disciples refusèrent de le recevoir. Luc,
ix, 51-56. Quant aux dix lépreux qu'il guérit et dont l'un
était Samaritain, il les rencontra probablement en Pé-
rée, xvii, 11-19. Si dans ces voyages il instruit le peuple,
comme à Sichar, Joa., iv, 40-42, c'est par occasion; il
s'était réservé aux brebis perdues de la maison d'Israël,
Matth., xv. 24, et il avait interdit d'abord à ses Apôtres,
en les envoyant évangéliser, d'entrer dans les villes de
la Samarie. Matth., x, 5. L'évangélisation de cette pro-
vince ne devaitcommencer qu'après l'Ascension. D'après
l'ordre du Maître montant au ciel, elle devait venir
en second lieu, après Jérusalem et la Judée, mais avant
tous les pays de la gentilité. Act., i, 8. La persécu-
tion qui sévit à la mort d'Etienne, en obligeant les
disciples à chercher un refuge en Samarie, donna au
diacre Philippe l'occasion d'y annoncer le Christ et d'y
répandre la parole de Dieu. Act., vm, 4-5. Les apôtres
restés à Jérusalem, en apprenant la conversion de la
Samarie, envoyèrent Pierre et Jean pour imposer les
mains aux nouveaux fidèles. En retournant à Jérusalem,
ils évangélisèrent personnellement une multitude de
localités de la Samarie, f. 14, 25. L'église, revenue à la
paix, en Samarie comme en Judée et en Galilée, te
développa dans la crainte de Dieu et l'abondance des
consolations de l'Esprit-Saint. Act., îx, 31. Saint Paul
et saint Barnabe, en se rendant à Jérusalem pour y
assister au concile, « passèrent par la Samarie, racon-
tant la conversion des Gentils et remplirent de joie
tous les frères. » Act., xv, 3. — La Samarie eut plusieurs
sièges épiscopaux dont les deux principaux furent ceux
de Sébaste et de Néapolis. Le célèbre apologiste du
deuxième siècle, saint Justin, était originaire de celte
dernière ville. Quoique les partisans de la secte sama-
ritaine restassent nombreux, la population devenue
chrétienne paraît avoir été la majorité à l'époque du
triomphe du christianisme et quand les conquérants
mahométans s'emparèrent du pays (636). — Toutefois
c'est de la Samarie aussi que sortirent les premiers
germes de l'hérésie et du schisme. Simon le magicien,
rejeté de l'Église par saint Pierre, à Samarie, était de
1421
SAMARIE — SAMARITAIN (PENTATEUQUE)
1422
Gilles, àizo Tt'-Ttov, aujourd'hui Qariet-Djelt, à 8 kilo-
mètres au sud de Séhastyéh; et Ménandre du village
de Kapparetaia, probablement Kefr-'Atâya, à moins
de 3 kilomètres au sud-ouest de Aqràbêh. S. Justin,
Apol., il, t. vr, col. 368; Eusèbe, H. E., H, 1, 3,
col. 138 et 167; S. Épiphane, Adv. hser., xxx, t. xli,
col, 286 et 296.
IV. Bibliographie. — V. Guérin, Description de,la
Palestine, Samarie, 2 in-8», Paris, 1874-1875; Survey
of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, t. n,
1883; Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, 1. I,
c. m, La Samarie, in-8», Paris, 1868, p. 165-175;
Cl.Gralz, Schauplatz der heiligen Schrift, nouv. édit.,
in-8», Ratisbonne (1858), p. 371-392; K. Ritter, Erde-
kunde, in-18, Berlin, 1862, t. i,p. 620-674; C. R. Conder,
Tent Work in Palestine, in-8», Londres, 1878, t. i,
p. 80-109. L. Heidet.
SAMARITAIN. — 1» Dans l'Ancien Testament
(hébreu : haS-Somrônim; Septante : oi Sapiapeîrat;
Vulgate : Samarilse), nom donné aux déportés que les
rois d'Assyrie établirent dans le royaume d'Israël après
la prise de Samarie. IV Reg., xvn, 29. Dans II Esd.,iv,
2, où l'hébreu, m, 34, porte Somrôn, la Vulgate a tra-
duit Samaritani. — 2" Dans le Nouveau Testament, les
descendants des étrangers établis en Samarie et prati-
quant un judaïsme altéré sont appelés SaiiocpesTrç,
Samaritanus, Matlh., x, 5; Luc, IX, 52; x, 33; xvii,
16; Joa., iv, 9, 39, etc. ; vin, 48; Act., vm, 25. Voir
Samarie, Samaritains. Notre-Seigneur, dans une de ses
paraboles, Luc, x, 25, 37, représente le Bon Samaritain
comme un modèle de charité. Voir Adommim, 1. 1, col. 222.
SAMARITAIN (PENTATEUQUE), texte hébreu
du Pentateuque, en usage dans la secte des Samari-
tains. Il est écrit en anciens caractères hébreux et se
distingue par diverses particularités du texte ordinaire
des Bibles hébraïques. Origène, sur Num., xm, 1,
Bexapl., t. xv, col, 739, note (tô t<3v Ea[AapEtTwy
'E6paï7.<5v); saint Jérôme, Prsef. in lib. Samuel.,
t. xxviii, col. 549, et plusieurs autres auteurs ecclésias-
tiques, de même que le Talmud, Jer. Solah, 21 6, cf.
17; Babli, 38 6 ; Jer. Meg., 6, 2 ; Jer. Yebam., 3, 2, etc.,
l'ont cité ou y ont fait allusion.
I. Manuscrits du Pentateuque samaritain. —
Cependant, comme le texte du Pentateuque samari-
tain était resté inconnu, en dehors de ces antiques
citations, les critiques en étaient venus à nier l'exis-
tence d'une édition samaritaine du Pentateuque, lors-
que le célèbre voyageur Pietro délia Valle en trouva
et en acheta un exemplaire complet à Damas en 1616.
Achille Harlay de Sancy, ambassadeur de France à
Constantinople, l'envoya en 1623 à l'Oratoire de Paris.
J. Morin en fit la description, dans la préface de son
édition des Septante, 1628, voir Morin, t. iv, col. 1283,
et il le publia avec une Iraduction dans la Polyglotte
de Le Jay, en 16i5, t. vi ; Walton le reproduisit à son
tour, 1657, avec quelques améliorations, dans le t. I
•de la Polyglotte de Londres. Entre 1623 et 1630, Ussher
s'en procura six autres exemplaires, les uns complets,
les autres incomplets, dont cinq furent déposés dans
des bibliothèques d'Angleterre. Le sixième, envoyé à
Louis de Dieu, est perdu. La Bibliothèque ambrosienne
de Milan possède un exemplaire qui fut apporté en
Italie en 1621. Peiresc acquit, de son côté, deux exem-
plaires, dont l'un entra à la Bibliothèque royale de
Paris, l'autre à la bibliothèque Barberini à Rome (au-
jourd'hui au Vatican). Ces deux derniers contiennent
le texte hébreu et samaritain avec une version arabe
en caractères samaritains. Quelques autres exemplaires,
les uns complets, les autres fragmentaires, sont par-
venus depuis en Europe. L'âge de ces divers manuscrits
«st difficile à déterminer, quoique plusieurs soient
datés. Ces dates ne sont pas toujours sûres, et l'écri-
ture samaritaine est telle qu'elle ne permet pas de
préciser d'époque. On admet qu'aucun des manus-
crits parvenus en Europe n'est antérieur au X e siècle
de notre ère. Les uns sont en parchemin, les autres en
papier de lin ou de coton, et de formats divers. %
Le Pentateuque conservé par les Samaritains de
Naplouse est plus ancien. Beaucoup de pèlerins de
Terre-Sainte ont pu le voir, mais non l'étudier. Le
grand-prêtre des Samaritains vous en montre une
page ouverte sans difficulté, mais pas davantage. Le ma-
nuscrit est en forme de rouleau et composé de 21 peaux
parcheminées, de grandeur inégale, la plupart divisées
en six colonnes, quelques-unes seulement en cinq.
Chaque colonne contient de 70 à 72 lignes ; le rouleau
entier renferme 110 colonnes; il n'y a plus que la moi-
tié environ du manuscrit qui soit encore lisible. Les
Samaritains prétendent qu'il renferme cette inscrip-
tion : « Moi, Abisâh, fils de Phinées, fils d'Éléazar, fils
d'Aaron, le prêtre, — sur eux soit la miséricorde de
Jéhovah. — En son honneur, j'ai écrit cette loi sainte
à la porte du Tabernacle du témoignage, sur le mont
Garizim, Beth El, la treizième année de la prise de
possession de la terre de Chanaan et de toutes les fron-
tières environnantes par les enfants d'Israël. Louange
à Jéhovah. » Le texte de cette inscription est reproduit
par Rosen, Aile Handschriften des samarit. Penta-
teuch, dans la Zeitschrifl der deutschen morgenlan-
dischen Gesellschaft, r. xvm, 1864, p. 584. — Quoique
cette date soit fabuleuse, il est certain que le manus-
crit est très ancien. Il est écrit en lettres d'or. Les
autres manuscrits connus sont écrits à l'encre noire.
Les manuscrits samaritains n'ont ni points- voyelles
ni accents, mais chaque mot est séparé par un point
et les membres de phrase sont distingués les uns des
autres par deux points. Le Pentateuque est divisé en
966 qasin ou sections. Voir Hupfeld, dans la Zeit-
schrifl der deutschen morgenlândischen Gesellschaft,
t. xxi, 1867, p. 20.
II. Importance du Pentateuque samaritain. — La
valeur, et l'autorité du texte samaritain du Pentateuque
comparé au texte massorétique furent exagérées par
J. Morin et il en résulta une controverse fort vive entre
les savants contemporains. Morin, Exercitaliones eccle-
siasticee inutruntque Samaritanorum Pentateuchum,
in-4», Paris, 1631 (cf. A.lngold, Essai de bibliographie
oratorienne, in-8°, Paris, 1880-1882, p. 113), soutint
que le texte samaritain était très supérieur au texte
des Massorètes et que le premier devait servir à cor-
riger le second, parce que le Samaritain était d'accord
en beaucoup de cas avec les Septante et qu'il l'empor-
tait par la clarté et l'harmonie dans divers passages
sur l'hébreu juif. 11 se fit une arme de ce texte contre les
protestants et, s'il fut soutenu dans cette campagne cri-
tique par quelques savants, il fut vivement attaqué par
d'autres, de Muys, Holtinger, Buxtorf, Leusden, etc.
Moriniens et antimoriniens discutèrent d'abord sans
grand profit, en faisant d'une question critique une
question personnelle. En 1755, Ravius dans ses Exer-
citaliones philologicx in C. F. Hubiganlii Prolego-
mena in S. S., Leyde, 1761, réussit à établir et à faire
admettre généralement que le texte massorétique mé- .
ritait la préférence, quoique le samaritain pût fournir
un certain nombre de bonnes leçons. On s'en tint à cette
conclusion jusqu'à l'époque où Gesenius publia sa cé-
lèbre dissertation, De Pentateuchi Samaritani origine,
indole et auclorilate commentalio philologica critica,
in-4», Halle, 1815, Bibliothèque nationale, A. 3999,
qui diminua encore le crédit du texte samaritain,
C'était la première étude véritablement scientifique
publiée sur ce sujet, quoique un travail complet reste
encore à faire sur la critique de ce texte. Sur tous
les travaux antérieurs, voir Gesenius, ibid., p. 22-24.
1423
SAMARITAIN (PENTATEUQUE) — SAMARITAINS
1424
III. Comparaison du texte samaritain avec le
texte massorétique. — Gesenius, p. 26-61, rapporte à
huit classes les variantes du Pentateuque samaritain.
— I. Variantes grammaticales. Elles consistent. —
i» En additions de lettres quiescentes : arv^N pour
uuha. — 2° Changement de formes rares ou poétiques
en formes communes : nb«n pour btin. — 3° Suppres-
" T
sion fréquente des lettres paragogiques i et > à la fin
des mots : ri m pour in>n, etc. — II. Addition de gloses
etd'interprétalionsdans le texte, lesquelles se trouvent
fréquemment dans les Septante et doivent provenir en
plusieurs cas de quelque ancien Targum : nap:i i;t,
« mâle et femelle », Gen., vu, 2 (dit des animaux),
pour nuïNi ut>n. — III. Corrections souvent peu heu-
reuses du texte : Gen., xli, 32; « parce que le songe a
été redoublé » devient : surrexit iterum somnium.
— IV. Corrections ou additions tirées de passages paral-
lèles : lorsque l'hébreu nomme seulement quelques-
uns des peuples chananéens, le samaritain en com-
plète la liste, Gen., xv, 21; Exod., m, 8; xm, 5; xxm,
28, etc. — V. Additions plus considérables. J. Morin
avait reconnu lui-même que le Samaritain avait ajouté
au texte primitif des textes parallèles. Ainsi Exode, v,
6, 9; cf. xiv, 12; Exod., xx, 17; cf. Deut., xxvii, 2. —
VI. Corrections de passages chronologiques et autres,
en particulier dans l'âge des patriarches antédiluviens
et postdiluviens. — VII. Corrections verbales et gram-
maticales, substituant des idiotismes samaritains aux
formes hébraïques, en particulier substituant des gut-
turales les unes aux autres; de même pour les quies-
centes. — VIII. Passages modifiés pour les rendre
conformes aux croyances et au culte des Samaritains.
Ainsi les anthropomorphismes et les anthropopathismes
sont éliminés; le mont Garizim est substitué au mont
Hébal, Deut., xxvn, 4. Voir aussi l'addilion à Exod.,
xx, 17, et Deut., v, 21. — Zach. Frankel, Veber den
Einjluss der palàslinischen Exégèse auf die alexan-
drinische Rermeneutik, in-8», Leipzig, 1851, et quel-
ques autres ont ajouté de nouvelles remarques à celles
de Gesenius. On compte plus de 6000 variantes entre
le texte massorétique et le texte samaritain. L'opinion
qui prévaut aujourd'hui, comme résultat des travaux
publiés, c'est que le texte samaritain est inférieur au
texte massorétique et que les changements qu'on cons-
tate dans le premier sont souvent systématiques et
sans autorité réelle.
IV. De la date du Pentateuque samaritain. — Une
partie des variantes qui viennent d'être signalées ne
semble pas indiquer une époque très ancienne. La
date du Pentateuque samaritain est obscure et l'étude
du texte ne permet pas de la déterminer aisément.
Jean Morin, Wallon, Kennicott, Jahn, admettent que
le Pentateuque existait parmi les dix tribus d'Israël,
de même qu'en Juda, à l'époque du schisme sous
Roboam. Les Samaritains l'auraient donc trouvé dans
le pays lorsqu'ils y furent déportés et ils en auraient
fait une édition à leur usage. Naturellement les cri-
tiques qui nient l'origine mosaïque du Pentateuque
rejettent cette opinion. Il faut reconnaître, qu'on ne
peut alléguer aucun témoignage décisif en sa faveur et
qu'on ne peut l'appuyer que sur des probabilités, les
documents faisant défaut. — D'autres supposent que
le Pentateuque fut apporté aux Samaritains vers 409
avant J.-C, par le prêtre juif, Manassé, gendre de Sana-
ballat, gouverneur de Samarie. Voir Garizim, m, 20,
t. m, col. 111-112. On objecte contre cette hypothèse
la parenté qui existe entre le Pentateuque samaritain
et la version des Septante, laquelle n'existait pas en-
core du temps de Sanaballat, mais s'il y a des points
communs entre les Septante et le Samaritain, il y a
aussi beaucoup de différences et l'on peut soutenir
que pour les deux textes les ressemblances provien-
nent d'une source antérieure. — Il existe un Targum
samaritain du Pentateuque qui a éié imprimé, mais
d'une manière défectueuse, dans la Polyglotte de
Paris et dans celle de Londres.
Voir H. Petermann-C. Vollers, renlateuchus sama-
ritanus, in-8», Berlin, 1872-1891 (cf. S. Kohn, Die sa-
marilanische Pentateuch-V ebersetzung, dmg, t. xlvii,
1893, p. 626-697); Ad. Brûll, Das samaritanische Tar-
gum (en caractères hébreux carrés), in-8», Francfort-
sur-le-Main, 1873-1876. La tradition l'attribue au prêtre
Nathanael, au i or siècle de notre ère. D'autres, au
ii« siècle. — Cf. sur la littérature samaritaine, J. Rosen-
berg, Argarizim, Lehrbuch der samaritanischen
Sprache und Lileratur (dans Die Kunst der Poly-
gïottie, Th., lxxi), in-16, Vienne, Pest, Leipzig, 1901,
p. 77-89; E. Kautsch, Samaritaner, dans J. Hertzog,
Realencyklopâdie, 3 e édit., par A. Hauck, t. xvii,
1906, p. 440-445; P. Kahle, Texlkrilische und lexika-
lische Bemerkungen zum samaritan. Pentateuchtar-
gum, in-8», Leipzig, 1898.
SAMARITAINE (grec : Satiapar-riç; Vulgate : Sa-
maritana), femme de Sichar convertie par Notre-Sei-
gneur sur les bords du puits de Jacob. Voir t. m,,
col. 1075. Joa., iv. Les Grecs viennent de rebâtir-
l'ancienne église qui s'élevait autrefois en cet endroit
(fig. 291). Ils l'appellent Pholine, col. 331, à cause de
la lumière céleste dont Notre-Seigneur l'éclaira si ad-
mirablement, el ils lui ont dédié sous ce nom nombre
d'églises. — Saint Jean, îv, 5-42, raconte dans un récit
admirable de naturel et de simplicité, comment le Sau-
veur, assis auprès du puits, voyant celte pauvre femme
du peuple, chargée de péchés, qui venait là chercher
l'eau nécessaire à ses besoins domestiques, l'amena peu
à peu à désirer une eau surnaturelle, autrement néces-
saire à son âme, éleva cette intelligence simple jusqu'aux
plus hautes vérités et lit ainsi d'elle la première con-
vertie parmi les Samaritains, en même temps qu'un-
apôtre parmi les siens. Voir Acla sanctorum, martii
t. m (20 mars), p. 80.
SAMARITAINS (hébreu : Sômronîm, II (IV) Reg.,
xvn, 29; Septante : Sa(iapîïrai; Vulgate: Samaritani),
habitants de la Samarie. Leur origine et leur histoire
ont été traitées dans l'article Samarie, col. 1418. Il s'agit
maintenant de les considérer au point de vue de»
croyances et des pratiques religieuses.
1° Leurs croyances. — Quand Sargon eut transporté
en Samarie des populations tirées de Babylonie, il
leur envoya un des prêtres exilés pour leur apprendre
le culte de Jéhovah. IV Reg., xvn, 28. Ce prêtre,
appartenant a l'ancien royaume de Samarie. Ti'élait
probablement ni d'une origine sacerdotale ni d'une
orthodoxie très régulière. On comprend néanmoins,
que les malheurs qui avaient accablé la nation, aient
fait réfléchir, et qu'une réaction sensible en faveur du
vrai culte de Jéhovah en ait été la conséquence. D'autre-
part, un bon nombre des anciens habitants du pays
étaient restés au moment de la déportation; les vieilles
croyances survivaient chez eux, et elles n'eurent pas
de peine à dominer peu à peu les idées idolâtriques-
des nouveaux colons. Après le retour des captifs de-
Juda, les Samaritains prétendirent faire partie in-
tégrante de la nationalité israélite et de la commu-
nauté religieuse, et ils demandèrent à être admis à
partager les travaux de la reconstruction du Temple-
I Esd., IV, 2. Us appuyèrent leur prétention sur le
culte qu'ils rendaient au vrai Dieu et sur les sacrifices,
qu'ils lui offraient. Éconduits par les Juifs, ils se cons-
truisirent un temple sur le mont Garizim, consacré-
jadis par les bénédictions mosaïques. Deut., xxvn, 12.
Voir Garizim, t. m, col. 106. Cette construction se fit,
non pas du temps d'Alexandre le Grand, mais dès
1425
SAMARITAINS
1426
l'époque de Néhémia, selon les références fournies
par Josèphe, Ant. jud., XI, vu, 2; vm, 2. Cf. II Esd.,
xiii, 28. — II est à remarquer que, laissés sans réponse
par le grand-prêtre de Jérusalem, dont ils avaient
réclamé l'intervention pour la reconstruction de leur
temple détruit par les prêtres égyptiens, les Juifs
d'Éléphantine s'adressèrent ensuite aux autorités de
Samarie. Cf. Les nouveaux papyrus d'Éléphantine,
dans la Revue biblique, 1908, p. 327, 346, 347. Ils
n'ignoraient pas alors le schisme samaritain, mais ils
escomptaient la rivalité qui divisait les fidèles des
deux temples et, en tous cas, considéraient leur appel
comme légitime. — Les conditions dans lesquelles
s'établit la religion samaritaine expliquent naturelle-
des âmes et à la résurrection des corps. Ils attendaient
le Messie, Joa., iv, 25, qu'ils nommaient Tahêq,
« celui qui instruit ». Ils le considéraient en même
temps comme roi et prêtre. Ils célébraient fidèlement
le sabbat, cf. Nedarim, m, 10, et les fêtes prescrites
par la Loi. Lev., xxm, 4-43. Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XI, vm, 6. Ils pratiquaient la circoncision au huitième
jour, admettaient les secondes noces quand le premier
mariage n'avait pas eu d'enfant, mais jamais les troi-
sièmes, et ne recouraient que rarement au divorce. En
somme, tout en admettant ce qu'il y avait d'essentiel
dans les croyances et les pratiques du judaïsme, ils mé-
connaissaient tout le développement apporté à la Loi
religieuse par les prophètes, occupant ainsi vis-à-vis
291. - Plan de l'église du Puits de Jacob. D'après Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1900, vis-à-vis
Le puits est situé dans l'abside du milieu. On avait placé au-dessus le maitre-autel.
delaP' 62 '
ment son caractère. Il est évident que le prêtre
envoyé par le roi d'Assyrie ne put enseigner que ce
qu'il savait. Or, dans l'ancien royaume de Samarie, le
Pentateuque était resté le code religieux par excellence,
malgré les innombrables infractions auxquelles les
Israélites s'étaient livrés. Par suite de l'antagonisme
qui divisait les deux royaumes depuis Jéroboam,
les livres sacrés postérieurs au schisme avaient été
non avenus en Israël. Aussi les Samaritains n'admet--
taient-ils que le Penlaleuque, à l'exclusion de toutes
les autres Écritures. A plus forte raison ne tenaient-ils
aucun compte de tous les développements doctrinaux
ou législatifs ajoutés à la Loi par les docteurs phari-
siens. Ils croyaient au Dieu unique, dont ils n'admet-
taient aucune représentation sensible, rompant ainsi
avec la tradition des veaux d'or -de Jéroboam. Ils
excluaient même soigneusement tout anthropomor-
phisme dans leur manière de parler de Dieu. Ils
tenaient Moïse pour le prophète de Dieu et révéraient
la sainteté de la Loi, qu'ils se piquaient de mieux
observer que les Juifs. Ils croyaient aux bons et
aux mauvais anges, au ciel et à l'enfer, au jugement
de la religion juive une position analogue à celle de
l'Église grecque vis-à-vis du catholicisme. Par-dessus
tout, ils se séparaient des Juifs pour la pratique du culte
liturgique, qu'ils célébraient dans leur temple de Gari-
zim. Apres la destruction de cet édifice, ils continuèrent à
regarder la montagne comme leur lieu saint. Joa., IV, 19.
Cf. J. C. Friedrich, Discussionum de christologia
Samaritanorum liber, Leipzig, 1821; Gesenius, De
Samaritanorum theologia ex fontibus ineditis coni-
mentalio, Halle, 1822, p. 41-46; Schùrer, Geschichte
des jûdischen Volkes, Leipzig, t. il, 1898, p. 16-18.
2° Leur état religieux aux yeux des Juifs. — L'Ecclé-
siastique, l, 27, 28, traite sévèrement les Samaritains :
Il y a deux peuples que condamne mcn âme,
Et un troisième qui n'est même pas un peuple :
Les habitants de Séir, les Philistins
Et le peuple insensé de la montagne de Sichem.
Les Septante remplacent même Séir par Samarie.
Les Samaritains sont ainsi mis au même rang que les
Iduméens et les Philistins idolâtres. Les contempo-
rains de Notre-Seigneur croyaient lui adresser une
4427
SAMARITAINS — ■ SAMBUQUE
1428
suprême injure en l'appelant « samaritain ». Joa., vm,
48. Par mépris, on appelait les Samaritains, du nom
d'undes peuples idolâtres qui avaient colonisé Samarie,
Cu'théens, IV Reg., xvn, 24, Kûlîm, Berachoth, vil, 1 ;
vm, 8; Pea, il, 7; Rosch haschana, II, 2; Nidda,
IV, 1, 2; vu, 3,4,5; etc., Xo-jôaïoi, Josèphe, Ant. jud.,
IX, xiv, 3; XI, iv, 4; vu, 2; XIII, IX, 1. A certains
moments d'exaspération, les Samaritains se vengeaient
en jouant des mauvais tours aux Juifs. Comme ceux-ci
allumaient des feux sur les montagnes pour annoncer
la néoménie, les Samaritains en allumaient avant la
date officielle pour tromper leurs adversaires. Cf.
Rosch haschana, n, 2, 4; Gem. Betza, 4, 2. Un jour,
ils jetèrent des ossemenls humains dans le Temple,
pour interrompre les solennités de la Pâque. Cf.
Josèphe, Ant. jud., XVIII, n, 2. La traversée de leur
pays par les Israélites qui se rendaient à Jérusalem
exposait ces derniers à toutes sortes d'avanies. Luc, ix,
52, 53. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 1 ; Bull, jud., II,
LU, 3. Aussiles Galiléens préféraient-ils faire le tour par
la Pérée. En général, les Juifs s'abstenaient de tout
rapport avec les Samaritains. Joa., îv, 9. On en vint
même à dire que manger une bouchée reçue des
Samaritains équivalait à manger de la chair de porc.
Cf. Schebiith, vm, 10; Tanchuma, fol. 43, 1. —
Néanmoins, les docteurs juifs apportaient plus de
modération dans leurs jugements sur les Samaritains.
La. Samarie était regardée comme faisant partie de la
Terre-Sainte. Cf. Mikvaolh, vm, 1. Josèphe, Bell, jud.,
111, m, 1, le suppose sans hésitation. Tout était pur en
Samarie, la terre, l'eau, les maisons, les chemins.
Cf. Jer. Aboda sara, fol. 44, 4. On pouvait faire la
Pâque avec les azymes des Samaritains. Bab. Kiddu-
schin, fol. 76, 1. La nourriture des Cuthéens était per-
mise aux Juifs, pourvu qn'elle ne contint ni vin, ni
vinaigre. Jer. Aboda sara, fol. 44,4. Trois Samaritains
devaient faire la prière avant le repas, aussi bien que
trois Israélites. BeracJioth, vu, 1 ; vm, 8. L'indemnité
de séjour était de droit pour la jeune fille samaritaine
aussi bien que pour l'israélite. Kelhubolh, m,l. Cepen-
dant on ne recevait de sacrifices liturgiques ni des
Gentils, ni des Samaritains. Schekalim , i, 5. On dou-
tait que ces derniers appartinssent réellement à la
communauté d'Israël. Kidduschin, îv, 3. Mais on les
distinguait très formellement des idolâtres. Berachoth,
vu, 1; Déniai, m, 4; v, 9; vi, 1; Tcmmoth, m, 9.
On les assimilait plus volontiers aux Sadduçéens :
il Les Sadducéennes qui suivent les senlimenls de
leurs pères sont semblables à des Samaritaines. »
Nidda, iv, 2. En somme, les Samaritains étaient
moins regardés comme des étrangers, que comme un
peuple de race mélangée et de religion incomplète.
3« Leur rôle dans l'Evangile. — Au début de son
ministère évangélique, Notre-Seigneur se rendit en
Samarie, au puits de Jacob. Le récit sacré .met en
lumière, à cette occasion, les principaux traits qui
caractérisent les Samaritains, l'antagonisme qui existé
entre eux et les Juifs, leur persuasion qu'ils
descendent de Jacob, leur culte pour le Garizini en
opposition avec la préférence que les Juifs donnent à
Jérusalem, leur attente du Messie qui doit instruire de
toutes choses. Joa., iv, 9-25. Les disciples ne font
aucune difficulté d'aller acheter des vivres dans une
ville samaritaine et ils en rapportent. Joa., îv, 8, 31.
Enfin, non seulement la Samaritaine croit en Jésus,
mais les habitants de Sichar l'accueillent, beaucoup
croient eux aussi et, sur leur demande, le Sauveur
demeure deux jours avec eux. Joa., iv, 28-42. Plus
tard, dans une ville du nord de la Samarie, Notre-
Seigneur ne fut pas reçu par les habitants. Loin de
les en châtier, il réprimanda sévèrement Jacques
et Jean qui voulaient appeler le feu du ciel sur le
bourg inhospitalier. Luc, îx, 51-56. Traité de Sama-
ritain et de possédé du démon, il ne releva pas
le premier qualificatif et se contenta de repousser
le second. Joa., vm, 48, 49. Il fit plus. Dans une de
ses plus touchantes paraboles, il mit en 'scène un
pauvre Juif blessé, auquel un prêtre et un lévite qui
passaient ne portèrent pas secours, tandis qu'un
Samaritain en voyage s'arrêta, le soigna et le conduisit
dans une hôtellerie. Quand le Sauveur demanda
ensuite au docteur de la loi lequel des trois était le
prochain du blessé, celui-ci, au lieu de répondre: « le
Samaritain », s'abstint de prononcer ce nom abhorré
et dit seulement : « Celui qui a pratiqué la miséri-
corde. » Luc, x, 30-37. Une autre fois, quand Notre-
Seigneur eut guéri dix lépreux, un seul revint pour
lui rendre grâces, tandis que les autres allaient se
montrer aux prêtres. Ce lépreux reconnaissant était un
Samaritain qui, sans doute, n'avait pas à se montrer
aux prêtres juifs, mais seulement à ceux de son pays.
Notre-Seigneur lit remarquer la démarche de ce
lépreux, qu'ilappelaàXXoYEvik, alienigena, un étranger,
c'est-à-dire un homme que les Juifs ne regardaient
pas comme de la même race qu'eux et qui pourtant
rendait mieux gloire à Dieu. Luc, xvn, 11-19. La
manière dont Notre-Seigneur traite les Samaritains
contraste donc, par sa sympathie, avec la rigueur
habituelle des Juifs. — En envoyant ses Apôtres à leur
mission d'essai, le Sauveur leur interdit le territoire
des Gentils et les villes des Samaritains. Les difficultés
qu'ils y auraient rencontrées eussent été trop considé-
rables pour eux. Matth., x, 5. Mais ensuite ils reçurent
l'ordre d'aller prêcher, après la réception du Saint-
Esprit, dans la Judée, la Samarie et jusqu'aux extré-
mités de la terre. Act., i, 8. La Samarie est mentionnée
expressément, aussitôt après la Judée, pour montrer
que la grâce appelle les Samarilains aussi bien que
les Juifs. Simon le magicien s'était attaché les gens
de ce pays par ses prestiges. Mais la prédication et
les miracles de Philippe convertirent un bon nombre
de Samarilains et, entre autres, le magicien lui-même,
si bien que Pierre et Jean vinrent de Jérusalem pour
leur donner le Saint-Esprit. Act., vm, 4-17, 25.
L'Église ne fit ensuite que se développer dans ce pays,
tout comme en Judée et en Galilée. Act., ix, 31. Plus
tard, Paul et Barnabe traversèrent la Samarie et y
encouragèrent les chrétiens. Act., xv, 3.
H. Lesètre.
SAMBUQUE (chaldéen : sabëkâ et sabëkâ; Sep-
tante : aa|j.?jx/i), instrument à cordes de la famille des
harpes. Le nom grec de la sambuque, (japLëj-zr, dans
les Septante, Çajji.ë-Jxr, dans Théodotion, n'est que le nom
sémitique transformé. Le pi est une lettre de liaison qui
remplace le renforcement ou redoublement de la labiale.
La racine est : rpo, « entremêler, entrelacer, disposer
obliquement (les cordes) ». A la première forme sabëkâ,
Dan., m, 5, les copistes ont substitué trois fois
èabëkà,f.l, i0,\ô. Sous ces deux orthographes, la sam-
buque fait partie de la nomenclature des instruments
babyloniens mentionnée dans le récit de l'inaugu-
ration de la statue d'or de Nabuchodonosor. Voir Sym-
phonie, Syringe.
Cet instrument affectait la même forme triangulaire
que les petites harpes primitives. Voir Harpe, t. m,
col. 431. Comme le trigone, ibid., il comptait quatre ou
cinq cordes, courtes, donnant par conséquent des sons
aigus (voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1352), c'est-
à-dire l'octave supérieure des instruments à ton normal,
propres àaecompagner les voixde femme s. C'estd'ailleurs
aux mains des femmes que les représentations anciennes
mettent ces petites harpes. G. Weiss, Die musikalischen
Instrumente in den heiligen Schriften des A. T., Graz,
1895, p. 67. Les auteurs anciens indiquent des joueuse»
de sambuque, sambucistrix, parmi les musiciennes
employées à Rome dans les festins. Weiss, p. 65, noie 4.
1429
SAMBUQUE — SAMMAÏ
1430'
La sambuque était donc une importation asiatique due
aux Grecs. Strabon, x, 17. Suivant Gevaërt, Histoire et
théorie de la musique dans l'antiquité, Gand, 1881,
t. ir, p. 245, la sambuque serait identique à la lyre
phénicienne, ).upoçoïvi?. Mais le texte d'Athénée :
xal tô ■zplyoowi... Sjpeov eO'pe!J.i çr,(riv eïvat, a>; xai
xov xaXoûp-evov ).upo?o:vtxa [xaï zrf/ (?)] c«pl6Cxï]v, IV,
p. 175, est peut-être incomplet, et semble en désaccord
avec un autre passage du même, xiv, p. 636. De plus,
il est incontestable que la sambuque appartenait à la
famille des harpes et non à celle des lyres ou cithares.
Les divers instruments de petite taille, soit à cordes,
comme la sambrique, le phénicion, la magadis et peut-
être la peclis, soit même les instruments à vent, élaient
appelés magadisants, c'est-à-dire oclaviants, les anciens
se servant d'un chevalet, tiayâç, pour diminuer de la
moitié de leur longueur les cordes tendues de ces ins-
truments et leur faire produire les sons à l'octave supé-
rieure. Il est vraisemblable, quoique les monuments ne
l'indiquent pas d'une façon absolue, que le plectre fut
substitué, dans le jeu de ces instruments à cordes
hautes, à la percussion manuelle, pour diminuer la
fatigue du joueur en même temps que pour augmenter
la force de vibration de ces petites cordes. Voir
Plectre, t. iv, col. 363. J. Parisot.
SAMGAR (hébreu : Samgar; Seplanle: E^sy^f )t
fils d'Anath, le troisième juge d'Israël. Jud., m, 31. Il
tua 640 Philistins avec un aiguillon, qui est une arme
redoutable en Palestine. Voir Aiguillon, 1. 1, col. 309, et
tig. 62, col. 308. On a fait sur l'étymologie de son nom
et sur la tribu à laquelle il appartenait des hypothèses
nombreuses, mais toutes fort incertaines. Jud., iv, 6.
.Débora rappelle l'exploit deSaingar dans son cantique.
Jud., iv, 6.
SAMIR (hébreu : Sâmîr; Septante : Eaiiip; Alexan-
drinus, Jos., xv, 48 : Sassîp, et Jud., xi, 2 : Sajjiafet'a),
^. nom d'un lévite et de deux villes d'Israël.
1. SAMIR (hébreu: Sentir; Septante : £a;j.YJp), lévite,
fils de Micha, de la famille de Caalh. I Par., xxiv, 24.
2. SAMIR, ville attribuée à la tribu de Juda.Jos.,xv,
48. Elle est la première et avant Jether, Socoth, Danna,
Dabir, Anab, Istemo, Anim,des villes indiquées « dans
la montagne », c'est-à-dire à l'est de la plaine des Phi-
listins. La plupart de ces dernières ont été retrouvées,
du moins avec une très grande probabilité, sur les
■collines qui s'étendent au sud-ouest d'Hébron, dans le
territoire qui fut détaché de celui attribué d'abord à
Juda pour être donné à la tribu de Siméon; c'est dans
la même région que se doit chercher Samir. Les explo-
rateurs l'ont généralement reconnue dans le Khirbet
Sômara. Cette « localité ruinée », dont le nom est
étymologiquement le même, est située à 11 kilomètres
•au nord-ouest de 'Allir, à 8 à l'ouest-nord-ouest de
Schûeikéh, à 4 au nord-ouest d'ed-Dâhariéh, à 3 au
nord de 'Anâb et à 13 à l'ouest-nord-ouest d'es-Semû'a,
localités communément identifiées avec Jéther, Socoth,
JJabir, Anab et Istemo. On trouve en ce lieu de nom-
breuses citernes anciennes qui occupent un assez vaste
espace, et aux alentours un grand nombre de grottes.
La colline sur laquelle se trouvent ces restes s'élève de
•637 mètres au-dessus de la mer. Voir V. Guérin,
Judée, t. m, p. 364; Palestine Exploration Fund, The
Survey of Western Palestine, Menwirs, t. m, p. 262.
L. Heidet.
3. SAMIR, ville de la montagne d'Éphraïm, résidence
■du juge Thola, où il fut enseveli. Jud., xi, 2. — Le
copiste alexandrin en transcrivant son nom Eajiapst'a,
semble la croire identique à Samarie; mais le nom
•de Samarie dérivé du nom de son propriétaire Somer
III Reg., xvi, 24, est de beaucoup postérieur. — Biêss
identifie Samir avec le « Kh. Samir, à 7 kilomètres
vers l'est d'Akrabéh ». Bïbel'Allas, Frihourg-en-Bris-
gau, 1887, p. 26. Les explorateurs anglais ont reconnu
un ouâdî-Zdmir, à l'est d'Aqrdbéh, mais n'ont point
trouvé de ruine du même nom. Cf. Map of Western
Palestine, Londres, 1880, f» xv. La vallée peut cepen-
dant avoir été ainsi appelée d'une localité voisine du
même nom disparue. On ne voit pas toutefois le molif
qui aurait pu déterminer Thola, de la tribu d'Issachar,
à chercher une région si écartée pour juger Israël. —
Le rabbin J. Schwarz croit reconnaître Samir dans
Çânûr dont la radicale m serait devenue, fait fréquent,
n. Tebuath ha-Aréz, éd. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187.
Il existe quelque ressemblance entre les noms, et Sâ-
nùr répond à la situation générale attribuée à Samir,
mais on n'a pas d'autres raisons pour appuyer cette
identification et la plupart des géographes ne croient
pas pouvoir se prononcer. Cf. Armstrong, Wilson et
Conder, Names and places in the Otd Testament, Lon-
dres, 1887, p. 156. L. Heidet.
SAMMA, nom dans la Vulgate de six personnages
dont l'orthographe diffère en hébreu.
1. SAMMA (hébreu : Sammâh; Septante : 2-jjr),
fils de Raguël, chef de famille dans la descendance
d'Ésaû, Gen. , xxxvi, 13, 17 ; I Par., i, 37.
2. SAMMA (hébreu Sammdh; Septante : Soifo;
2aij.[Ac<), le troisième fils de Jessé, un des frères de
David. I Reg. (Sam.), xvi, 9; xvii, 13. Il est appelé
Simmaa, I Par., n, 13; Semmaa, II Reg. (Sam.), xm,
3, 32; et Samaa, I Par., xx, 7. Samuel, à qui il
fut présenté à Bethléhem, déclara que ce n'était pas
lui que Dieu avait choisi pour roi. I Reg., XVI, 9. Sam-
ma était avec ses deux aînés dans l'armée de Saiil,
attaqué par les Philistins et par Goliath. I Reg., xvn,
13. Jonathan, qui tua un géant de Geth, élait son lils,
I Par., xx, 7 (voir Jonathan 2, t. m, col. 1614), de même
que Jonadab, l'ami d'Ammon, fils de David. II Reg.
(Sam.), xm, 3, 32. Voir Jonadab 1, t. m, col. 1603. —
Voir aussi Samaa 1, col. 1397; Semmaa; Simma 1.
3. samma (hébreu : Sema', à la pause, Sama' ;
Septante : Si[iai), quatrième fils d'Hébron, de la tribu
de Juda, descendant de Caleb, père de Raham. I Par.,
n,43,44.
4. SAMMA (hébreu : Sema' ; Septante : Satfii), fils de
Joël et père d'Azaz, de la tribu de Ruben. I Par., v, 8. .
5. SAMMA (hébreu : Samma'; Septante : Sojj.i),
le huitième des onze fils de Supha, de la tribu d'Aser.
IPar., vu, 37.
6. SAMMA (hébreu : Sâmd'; Septante : S*;j.a()i;
A lexandrinus : Salifia), fils d'Holham. Il était avec son
frère Jéhiel un des chefs des gardes de David. I Par.,
xi, 4i. Voir Hotham 2, t. m, col. 765.
SAMMAA (hébreu : Sime'a' ; Septante : Eau.17);
lévile, fils d'Oza et père d'IIaggia. I Par., vi, 30
(hébreu, 15). Il était de la branche de Mérari. Trois
autres Israélites qui portent le même nom dans le texte
hébreu, sont appelés dans la Vulgate: 1. Samaa, I Par.,
vi, 39 (hébreu, 24); 2. Samaa (voir Samaa 2, col. 1398,
et Samaa 3, col. 1398); et 3. Simmaa, I Par., m, 5. Voir
Simmaa.
SAMMÀi (hébreu : Sammaï), nom de trois Israé-
lites dans le texte hébreu. La Vulgate appelle l'un des
trois, Séméi. I Par., H, 28, 32.
1431
SAMMAÏ — SAMOTHRACE
1432
1. SAMMAI (Septante : 2xu.sii;), fils de Récem et père,
c'est-à-dire fondateur de la ville de Maon. Il était de la
tribu de Juda. I Par., u, 44-45.
2. SAMMAI (Septante : Sepit'i), le sixième filsd'Ezra,
de la tribu de Juda. I Par., IV, 17. Certains interprètes
pensent que le Simon nommé f. 20 n'est que le nom
altéré de Sammaï.
SAMMOTH (hébreu : Sammôp; Septante : Sa|ia<i8),
nom d'un garde du corps de David, qui était « Arorite ».
Voir Arorite 2, t. j, col.U027. I Par., xi, 27. Il doit
être le même que celui qui est appelé Semma de
Harodi, II Reg. (Sam.), xxm, 15, et que Samaoth le
Jézérite qui commandait vingt-quatre mille hommes
de l'armée de David le cinquième mois de l'année.
I Par., xxvii, 5. Voir Samaoth, col. 1400.
SAMMUA [hébreu: Sammû'a, « renommé »), nom de
deux Israélites dans la Vulgate.Le texte hébreu appelle
du même nom deux autres personnages dont le nom
est écrit de plusieurs manières différentes en hébreu et
dans la Vulgate. Voir Samua 1 et 2, col. 1435.
1. SAMMUA (Septante : Sa^our,)., fils de Zéchur,.qui
représenta la tribu de Ruben parmi les douze espions
que Moïse envoya dans la terre de Chanaan pour l'ex-
plorer. Num., xiii, 5.
2. SAMMUA (Septante : Sajio-ji), chef de la famille
sacerdotale de Belgaï (voir t. I, col. 1561), du temps du
grand-prêtre Joacim. Voir Joacim 1, t. m, col. 1550.
SAMOS (Sipioc), lie située dans la partie orientale
de la mer Egée) (15g. 292), non loin de la côte de Ljdie,
292. — Monnaie de Samos.
[CJAMIQN. Personnage nu, debout, de face, étendant la main
droite, avec une chlamyde sur les épaules, et s'appuyant de la
main gauche sur un sceptre. — ^. HPHC, c de Héra » (Junon).
Paon.
en face de Milet et du promontoire de Mycale. Elle
n'est séparée de ce dernier que par un canal large de
moins de 2 kil., ou de 7 stades. Strabon, XIV, i, 12.
Cf. Ptolémée, V, u, 30. Elle était à 40 stades (7 kil. 400)
de la pointe de Trogyle, Strabon, XIV, i, 13, qui baigne
l'autre entrée de ce même canal, et à 70kil.auS.-S.-O.
de Smyrne.
1» Géographie. — D'après Strabon, VIII, m, 19, son
nom signifiait « hauteur »; on le lui avait donné parce
qu'elle est toute en montagnes. Elle forme à elle
seule, en effet, une masse énorme, mais qui n'est pas
dénuée de beauté, soit pour la coupe, soit pour les
contours de ses montagnes. Celles-ci se divisent en
deux chaînes, qui traversent toute l'Ile et qui sont cou-
pées par de nombreuses vallées; l'une d'elles, l'Am-
pélos,estla plus étendue; l'autre, le Kerki, contient le
sommet le plus élevé de l'île, qui atteint 1570 mètres.
Sa longueur est d'environ 44 kil. ; sa largeur varie de
6 à 19 kil. Elle a environ 140 kil. de pourtour, sans
tenir compte des méandres de ses baies; sa superficie
est de 468 kil. carrés. Voir Strabon, XVI, i, 15; Pline,
H. N., v, 37; V. Guérin, Vile de Patmos et de Samos,
p. 140-146. Elle possédait plusieurs ports bien abrités et
une population considérable; mais une seule ville d'une
certaine importance, nommée également Samos. Son
climat a toujours été sec et bienfaisant. Arrosée par de
nombreux cours d'eau, elle est encore d'une grande
fertilité, à tel point, dit Diodore de Sicile, v, 81, qu'on
l'appelait « l'île des Bienheureux ». Ses récoltes abon-
dantes, ses fruits succulents et ses roses jouissaient
d'une grande renommée; mais son vin, qui est aujour-
d'hui réputé dans le monde entier, passait, aux temps
anciens, pour être inférieur à celui des îles voisines.
Cf. Strabon, XIV, I, 15.
2° Histoire de Samos. — Ses premiers habitants
furent des colons Lélèges, puis des Ioniens. Pausanias,
VII, iv, 1-7. Ils formaient une petite population très
active, que la nature même du pays obligeait de se
consacrer pour la plupart à la navigation. Ils surent
fort bien garantir leur indépendance durant le cours
des siècles. Voir Hérodote, ni, 39-60, 139-149; vj, 22-25;
ix, 90-106; Strabon, XIV, i, 16-18. De 536 à 522 avant
J.-C, ils furent gouvernés par le prince Polycrate, à
la cour duquel vivait le poète Anacréon. C'est sous son
administration que l'Ile atteignit le faite de sa splen-
deur. Après sa mort, les Samiens passèrent sous la
domination persane. A la suite de la bataille de Mycale
(479 avant J.-C), où les Perses furent battus par les
Grecs, ils s'associèrent pendant longtemps à la poli-
tique d'Athènes; mais Périclès les soumit de force à la
puissante cité (365-322 avant J.-C). Après des destinées
diverses sous les successeurs d'Alexandre le Grand, l'île
de Samos tomba, en 134, au pouvoir des Romains, en
même temps que le royaume de Pergame, dont elle
faisait alors partie. Ses nouveaux maîtres lui laissèrent
une liberté apparente. Auguste la déclara même complè-
tement autonome (19 avant J. C); mais Vespasien lui
enleva ce privilège et la rattacha de nouveau à la pro-
vince romaine d'Asie. Josèphe, Bell, jud., I, xxi, 11,
et Ânt. jud., XVI, H, 2 et 4, mentionne la générosité
d'Hérode le Grand envers les habitants de Samos, à
l'occasion d'une visite qu'il leur fit en compagnie de
Marcus Agrippa. — Pythagore était originaire de l'île.
On vantait ses poteries rouges, qui étaient exportées
au loin. Plaute, Caplivi, II, u, 41. Cf. Pline, H. iV.,xxxv,
46, où il est parlé en ce sens de la Samia terra; c'est ""*
pourquoi nous lisons dans Is., xlv, 9, d'après la Vul-
gate : lesta de Samlis terrse. — Les habitants de Samos
honoraient d'un culte spécial la déesse Junon (Héra),
à laquelle ils avaient bâti un temple considérable.
Hérodote, m, 60; Virgile, JEn., i, 15-16; Pausanias, V,
xtii, 8; Strabon, XIV, i, 14.
3° Samos dans l'Écriture. — Elle est mentionnée
une fois dans l'Ancien Testament et une fois dans le
Nouveau. I Mach., xv, 23, nous lisons son nom dans
la liste des contrées auxquelles fut communiqué par les
Romains un décret de leur sénat, favorable aux Juifs.
Ce fait prouve qu'elle comptait un assez grand nombre
de ceux-ci parmi ses habitants. Act., xx, 15, nous
apprenons que saint Paul y fit escale à la fin de son
troisième voyage apostolique, entre la station de Chio
et celle de Milet. D'après une leçon adoptée par
quelques critiques, c'est à la pointe de Trogyle qu'il
se serait arrêté. Josèphe, Ant. jud., Il, n, 4, raconte
que les navires qui allaient de l'Hellespont en Syrie
avaient coutume de mouiller devant Samos. — Voir
Tournefort, Voyage du Levant, 1702, t. I, p. 156-157;
Ross, Reisen auf den griechischen Insein, Stuttgart,
1843, p. 139-150; Lacroix, Les îles de la Grèce, in-8»,
Paris, 1853, p. 323-350; V. Guérin, Description de Vile
de Patmos et de Samos, in-8°, Paris, 1856, p. 123-321.
L. FlLLION.
SAMOTHRACE (Saaoepinrj), lie du nord de la
mer Egée, située, Pline, H. N., rv, 23, à 38 milles
romains de la côte thrace — la Turquie d'Europe
actuelle — au sud-est de l'embouchure de la rivière
Hébros et au nord de Lemnos (iig. 293). — Son nom
signifie : la Samos thrace. En effet, comme l'île de
Samos (col. 1431), elle forme en quelque sorte une
1433
SAMOTHRACE — SAMSON
1434
montagne énorme, dénudée, d'aspect grandiose; son
sommet principal atteint près de 1 700 mètres d'éléva-
tion. Aussi l'aperçoit-on de très loin : quand on la
contemple de Troade, elle ferme l'horizon et domine
l'Ile d'Imbros, placée entre elle et cette ville antique.
11., xm, 1289. A l'exception du mont Athos, Samo-
thrace est la contrée la plus élevée de tout l'Archipel.
Ptolémée, III, il, 14, signale, sur la côte septentrionale,
une ville également nommée Samothrace. Mais, selon
la remarque de Pline, loc. cit., l'île n'a jamais eu de
port proprement dit, car elle manque totalement de
golfes et de baies. Sa superiicie est de 180 kil. carrés.
— Ses premiers habitants furent des Phéniciens; elle
fut ensuite occupée par des Grecs appartenant à diffé-
rentes provinces. N'ayant jamais eu qu'un petit nombre
d'habitants, à cause de son sol ingrat, elle n'a joué
qu'un rôle très secondaire dans l'histoire grecque ; son
commerce aussi a toujours été insignifiant. Elle passa
en même temps que la Macédoine sous la domination
romaine, en 168 avant J.-C. L'année 46 de notre ère,
293. — Monnaie de Samothrace.
Buste de Pallas. — i3|. cAMOSPAKnN. Cybèle assise.
elle fut rattachée à la province de Thrace. — Dans
l'antiquité, l'île devait presque toute sa réputation au
culte des Cabires ou grands dieux, en l'honneur des T
quels elle célébrait sous ses chênes gigantesques des
«"mystères » qui étaient à peine moins en vogue que
ceux d'Eleusis, et qui ne prirent fin qu'après le n e siècle
chrétien. L'initiation à ce culte passait pour préserver
de tout danger. Voir Diodore de Sicile, m, 25; v,
45; Ptolémée, V, xi; Pline, H. N., iv, 23; Mannert,
Géographie der Griechen und Rômer, Nuremberg,
1792-1825, t. vu, p. 247-248. — D'après Art., xvi, 11,
saint Paul mouilla pendant une nuit à Samothrace,
lorsqu'il se rendait en Europe pour la première fois,
durant son second voyage apostolique. Parti de. Troade,
il arriva le même soir auprès de l'Ile; ce qui suppose
un vent très favorable, car souvent l'on met le double
de temps pour franchir cette distance. — YoirConybeare
et Howson, The Life and Letters of St. Paul, 2 e édit.,
Londres, 1875, p. 217-220; Conze, Reise auf den Insein
des thrazischen Meeres, Hannover, 1860; id., Archâolo-
gische Untersuchungen auf Samothraki, in-8°, Vienne,
1875-1880. L. Fillion.
SAMRI (hébreu : Simrî; « mon gardien »), nom en
hébreu de quatre personnages, de deux dans la Vulgate,
qui a écrit les noms des deux autres Semri, I Par., îv,
37, et xxvi, 10.
1. SAMRI (Septante : Eaiispi), père de Jédihel, et de
Joha, deux des vaillants hommes de l'armée de David.
I Par., xi, 45. Voir Jédihel 1 et Joha. 2, t. m, col. 1218
et 1590.
2. SAMRI (Septante : Zauëpi), lévite, le premier
nommé des fils d'Élisaphan, qui avec d'autres lévites
et des prêtres purifièrent le Temple de Jérusalem sous
le règne d'Ézéchias. II Par., xxix, 13.
SAMS Al (hébreu : Sinisai'; Septanle; Sa(i<{/ci), scribe
ou secrétaire de Réum, fonctionnaire perse en Sa marie
pour le roi Artaxerxès I e '. 1 Esd., iv, 8, 9, 17, 23.
Samarie était sans doute Araméen d'origine et ce fut
lui probablement qui écrivit en araméen au roi de
Perse, f. 7, pour qu'il empêchât la restauration de
Jérusalem. Voir Réum Béeltéem, col. 1078.
SAMSARI (SamSerai, Septante: Y,xy.<japi), le pre-
mier nommé des six fils de Jéroham, de la tribu de
Benjamin, qui habitèrent à Jérusalem. I Par., vin, 26.
Voir Jéroham 2, t. m, col. 1304.
SAMSON (hébreu : Simsôn; Septante : 2au.iuv),
juge d'Israël, fils de Manué, de la tribu de Dan. — 1° Sa
mère n'est pas nommée. Elle était stérile et désirait
vivement un fils. Un ange lui apparut, à Saraa, et lui
annonça qu'elle concevrait et donnerait le jour à un
enfant qui serait le défenseur de son peuple contre les
Philistins. Il devrait vivre en nazaréen et ne point
couper ses cheveux. A la demande de Manué, l'ange se
montra une seconde fois. Il répéta ce qu'il avait déjà
dit à la mère, puis il disparut dans la flamme d'un
sacrifice offert à Jéhovah. L'enfant en venant au monde,
reçut le nom de Samson. On a voulu* voir dans ce nom
une preuve que Samson n'était qu'un mythe solaire,
en le faisant dériver de Semés, « soleil », et l'on a
voulu expliquer sa vie tout entière comme étant une
description mythologique des bienfaits et plus encore
des méfaits du soleil. Mais ce n'est là qu'un jeu d'es-
prit. Dieu suscita Samson pour résister aux Philistins
dont le pouvoir s'étendait alors jusqu'au voisinage de
Saraa. Le fils de Manué ne brisa pas leur force, parce
qu'il n'eut jamais d'armée, mais seulement sa personne,
pour les combattre. Il leur fit néanmoins beaucoup de
mal, grâce à sa vigueur extraordinaire et à l'énergie dont
Dieu l'avait doué, en lui conférant en même temps une
force merveilleuse. Ses passions, auxquelles il ne sut
pas résister, devinrent la cause des malheurs de la fin
de sa vie; il accomplit néanmoins la mission que Ja
providence lui avait confiée. Jud., xm.
2° Dès qu'il eut atteint l'âge d'homme, il voulut épou-
ser malgré l'opposition de ses parents une Philistine de
Tbamnatha, ville voisine de Saraa. En se rendant à
Thamnatha, il tua un jeune lion et, quelques jours
après, il trouva dans le squelette de l'animal un essaim
d'abeilles et du miel. Lorsqu'il célébra son festin de
noces, où prenaient part trente convives, il leur pro-
posa, selon une coutume toujours vivante en Orient,
une énigme. II leur dit :
De celui qui mange est sorti ce qu'on mange,
Du fort est sorti le doux. Jud., xiv, 14.
On convint que les trente Philistins recevraient cha-
cun une robe et un vêtement de rechange, s'ils devi-
naient l'énigme ; s'ils ne devinaient point, ils devraient
au contraire les donnera Samson. Ils gagnèrent le pari,
grâce à la complicité de la femme de Samson qui
avait arraché l'explication à son mari et la leur livra.
Irrité, le jeune époux partit pour Ascalon, y tua trente
hommes et paya avec leurs dépouilles sa gageure. Ce
fut là le commencement de la guerre qu'il fit aux Phi-
listins.
3° Quelque temps après, il revint à Thamnatha pour
voir sa femme, mais il la trouva mariée à un autre.
Indigné de cette trahison, il résolut de se venger. La
moisson était sur le point d'être coupée dans la fertile
plaine de la Séphéla. Les chacals foisonnent en Pales-
tine. Samson en rassembla trois cents, les lia deux à
deux parla queue, attacha des torches enflammées entre
eux et les lança ainsi dans les champs de blé qui furent
promptement consumés. Voir Chacal, t. n, col. 477.
Celte destruction des récoltes par l'incendie est un acte
de guerre qui a de tout temps été en usage en Orient.
L'irritation des Philistins fui extrême. Ils exigèrent des
hommes de Juda que Samson leur fût livré. Il s'était
réfugié dans une caverne du rocher d'Étham. Il con-
sentit à se laisser lier avec deux cordes neuves par ses
1435
SAMSON — SAMUEL
1436
compatriotes et à être ainsi remis aux Philistins. Arrivé
à Léchi (voir Léchi, t. iv, col. 145), il brisa ses liens,
s'empara d'une mâchoire d'âne qu'il rencontra en cet
endroit et avec cette arme improvisée, il battit mille Phi-
listins. Voir Mâchoire, t. iv, fig. 102, col. 512. Jud., xv.
4° Plus tard, Samson s'étant rendu à Gaza, les Phi-
listins, sachant qu'il était chez une femme de mauvaise
vie, fermèrent la nuit les portes de la ville, afin
de le mettre à mort le lendemain. Il se leva au milieu
de la nuit, enleva les portes de la ville et les emporta.
Mais son incontinence devait lui être fatale. Une femme
de la vallée de Sorec au pied de Saraa, Dalila, pour
laquelle il éprouvait une passion coupable, lui arracha
le secret de sa force, lui fît couper les cheveux et le
livra aux mains des Philistins qui lui crevèrent les
yeux. Voir Dalila, t. n, col. 1208. Ils le conduisirent à
Gaza, le lièrent avec deux chaînes d'airain et l'obligèrent
à tourner la meule pour moudre le grain, comme une
femme. Cependant ses forces lui revinrent avec ses
cheveux et, un jour de fête, les Philistins, offrant un
sacrifice à Dagon, le firent venir pour le tourner en
dérision. Le temple était soutenu par deux colonnes,
qui portaient la toiture en terrasse, couverte de Philis-
tins. Samson les renversa, le temple s'écroula ; le héros
aveugle fut enseveli sous ses ruines, mais il fit périr
plus de Philistins par sa mort que pendant sa vie
entière. Ses parents recueillirent son corps et l'ense-
velirent dans le tombeau de Manué son père. Jud.,
XVI. On n'a voulu voir de nos jours que des mythes
dans l'histoire de ce héros extraordinaire et l'imagina-
tion s'est donné à son sujet libre carrière, mais le
livre des Juges ne raconte point sa vie comme une vie
ordinaire, la force dont il est doué est une force mira-
culeuse et surnaturelle, fruit de sa foi, comme le dit
saint Paul. Heb., XI, 32. Voir I''. Vigouroux, La Bible
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 172-220.
SAMUA {Sammû'a), nom de deux Israélites dans la
Vulgate. Voir Sammua, col. 1431.
1. SAMUA (Septante : E>t|jiai), le premier nommé
parmi les fils du roi David qui lui naquirent à Jéru-
salem. II Reg. (Sam.), v, 14; I Par., xiv, 4. Il est aussi
nommé le premier, IPar., m, 5, sous la forme Simmaa,
parmi les quatre fils de David et de Bethsabée. Dans
ces trois passages, Salomon est nommé le quatrième
parmi les fils de Bethsabée. Voir Salomon, i, col. 1382.
2. SAMUA (Septante : 2a(j.o\u), lévite, père d'Âbda.
II Esd., xi, 17. Son nom est écrit Séméias et celui de
son fils, Obdia, dans I Par., ix, 16. Voir Abda 2, t. i,
col. 19.
SAMUEL (hébreu : Semû'êl, « exaucé par Dieu »),
nom de trois Israélites.
1. SAMUEL (Septante : EaXaiioyr,}.), fils d'Ammiud,
de la tribu de Siméon, chef de cette tribu, qui fut chargé
par Moïse avec les autres chefs des tribus du partage
de la Terre Promise. Num., xxxiv, 20. Il faudrait peut-
être lire Salamiel, comme Num., I, 6; n, 12; vii, 36,
41; x, 19.
2. SAMUEL (hébreu : Semû'êl; Septante : Siiao-jt)/),
prophète et dernier juge d'Israël. — 1. Son enfance. —
l°3o» nom. — La signification de ce nom est indiquée
par le texte sacré. La mère de Samuel l'appela ainsi
parce que, dit-elle, mêyehôvdh se'ilfîv, «je l'ai demandé
à Jéhovah ». I Reg., i, 20. Samuel veut donc dire « ob-
tenu de Dieu », du verbe sdmâ,, « écouter, exaucer, ac-
corder ». Josèphe, Ant. jud., V, X, 3, suppose que
Samuel équivaut à Oeaituyro;, « demandé à Dieu ».
L'étymologie qui le fait venir de semû'el, « nom de
Dieu », doit être écartée comme ne répondant pas à
l'idée formulée par la mère du prophète.
2° Sa naissance. — L'enfant fut, pendant de longues
années, demandé à Dieu par Anne, sa mère. Voir Anne,
t. i, col. 627. Celle-ci eut enfin le bonheur de lui donner
naissance. I Reg.,i, 10-20. D'après I Par.,vi, 22,Elcana,
père de Samuel, était un Lévite de la famille de Caath;
Il n'était point prêtre, ne descendant pas de la famille
d'Aaron. D'autre part, I Reg., 1,1, il est appelé Éphratéen!
Ce terme est parfois synonyme d'Éphraïmite ; mais il
peut aussi désigner celui qui est d'Éphrata, dans la
tribu de Benjamin, ou celui qui réside dans la tribu
d'Éphraïm. Voir Elcana, t. n, col. 1646; Éphratéen,
col. 1882. Ce dernier sens convient ici, puisqu'il est à
la fois certain qu'Elcana était Lévite et qu'il habitait
dans la montagne d'Éphraïm.
3° Sa consécration. — Anne, avait prorais de consa-
crer à Jéhovah le fils qu'il lui accorderait. I Reg., i,
11. Quand l'enfant fut venu au monde, elle le garda
jusqu'à son sevrage, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de trois
ans environ, voir Sevrage, et elle le mena à Silo, au
grand-prêtre Héli. Puis, ayant offert son sacrifice avec
Elcana, elle donna le jeune Samuel à Jéhovah pour
tous les jours de sa vie. C'était le vouer à la vie de
nazaréen. Voir Nazaréat, t. iv, col. 1515. L'enfant fut
alors laissé par ses parents, malgré son jeune âge, au
service de Jéhovah devant le grand-prêtre Héli. I Reg.,
ii,ll.
4° Sa vocation. — Le grand-prêtre Héli était vieux,
et ses fils pervers rendaient odieux le culte de Jéhovah
par leur cupidité, sans que leur père songeât à les
corriger. Voir Héli, t. ni, col. 567. De son côté, Samuel
grandissant faisait le service devant Jéhovah, revêtu
d'un éphod de lin. Voir Éphod, t. n, col. 1868. Tous
les ans, Anne venait à Silo avec Elcana pour offrir
son sacrilice; elle apportait à l'enfant une robe neuve
qu'elle avait faite, et elle s'en retournait en emportant
les bénédictions d'Héli. Celui-ci s'émut enfin des dé-
bauches de ses fils; mais comme il ne réussit pas à
les amender, un homme de Dieu vint lui annoncer le
sort terrible qui l'attendait. Il est à croire que cet
avertissement ne produisit pas sur le vieillard tout
l'effet voulu, car Dieu le lui fit renouveler par le jeune
Samuel. Une nuit, l'enfant reposait auprès de l'Arche,
quand il s'entendit appeler. Aussitôt debout, il courut
vers Héli qui le renvoya en lui disant qu'il ne l'avait
pas appelé. Le même phénomène s'étant produit une
seconde fois, le grand-prêlre commanda à Samuel, si
la même voix se faisait entendre encore, de répondre :
« Parlez, Jéhovah, car votre serviteur vous écoute. »
Au troisième appel, l'enfant fit la réponse indiquée, et
aussitôt Jéhovah lui annnonça que le châtiment naguère
prédit par son envoyé contre Héli et sa maison allait
s'exécuter, sans expiation possible. La prophétie pré-
cédente était ainsi authentiquée d'une manière indiscu-
table, car il n'était plus possible au grand-prêtre de
douter que Jéhovah lui-même eût parlé. Le lendemain
matin, Héli obligea Samuel à lui raconter tout ce qui
s'était passé. I Reg., n, 12-iu, 18. L'événement ne tarda
pas à justifier la redoutable annonce. Les Philistins
battirent Israël près d'Ében-Ézer, l'Arche fut prise par
eux et les deux fils d'Héli périrent avec 30000 hommes
de pied. A cette nouvelle, le grand-prêtre tomba à la
renverse et se tua dans sa chute. I Reg., iv, 1-18.
II. Sa judicature. — 1° Le juge d'Israël. — Samuel
était devenu grand. A Silo, Jéhovah continuait à lui
parler, et ce que le prophète déclarait en son nom
s'accomplissait. Aussi, dans tout le pays, reconnaissait-
on en Samuel le « prophète de Jéhovah », c'est-à-dire-
l'homme choisi pour parler et commander au nom de
Dieu. Cette réputation, commencée au moment où
Samuel fit connaître à Héli sa première révélation, ne
fit que s'accentuer et se fortifier par la suite. I Reg.,.
1437
SAMUEL
1438
m, 19-21. — Après s'être emparés de l'Arche, les Phi-
listins furent bientôt obligés de la renvoyer en Israël.
Elle demeura à Carialhiarim, chez Abinadab, pendant
vingt ans. Durant ce temps, Samuel attendait l'ordre
de Dieu pour agir. Les Israélites, toujours sous le joug
des Philistins, se tournèrent enfin vers Jéhovah pour
implorer leur délivrance. Samuel leur déclara que le
salut ne leur viendrait que quand ils rejetteraient les
dieux étrangers et les Astartés, pour ne plus servir que
Jéhovah. Ils s'y décidèrent. Le prophète les fit alors
assembler à Masphath, dans la tribu de Benjamin,
voir Maspha 4, t. IV, col. 838, un peu au nord de Jéru-
salem. Voir la carte, t. i, col. 1588. Là, le peuple fit
pénitence, en répandant des libations d'eau, en jeûnant
tout un jour et en avouant ses péchés, et Samuel
jugea les enfants d'Israël, c'est-à-dire leur signifia les
volontés divines. En apprenant ce rassemblement, les
Philistins montèrent contre les Israélites, qui, pris de
peur, conjurèrent Samuel de crier vers Jéhovah en
leur faveur. Celui-ci accéda à leur désir. 11 offrait un
agneau en holocauste et implorait Jéhovah, quand les
Philistins commencèrent leur attaque. Dieu déchaîna
contre eux le tonnerre et les mit en déroute. Josèphe,
Ant. jud., VI, il, 2, suppose aussi un tremblement de
terre. Les Israélites n'eurent plus qu'à les poursuivre,
et ils les talonnèrent jusqu'à un endroit situé au-des-
sous de Bethchar, où Samuel plaça une pierre com-
mémorative qu'il appela Ében-Ézer, « Pierre du se-
cours », à cause de l'aide prêtée par Dieu à son peuple.
Voir Ében-Ézer, t. Il, col. 1526. Ainsi châtiés, les Phi-
listins s'abstinrent de renouveler leurs attaques. Les
villes qu'ils avaient prises, d'Accaron à Geth, retour-
nèrent à Israël avec tout leur territoire. Les Amor-
rhéens eux-mêmes, c'est-à-dire les Chananéens demeu-
rés dans le pays, se tinrent tranquilles. —Samuel jugea
Israël tout le temps de sa vie. Cette judicature ne com-
portait évidemment pas l'exercice d'un pouvoir très
compliqué, à une époque où « il n'y avait pas de roi
en Israël et où chacun faisait ce qui lui semblait bon. »
Jud., xxi, 2i. Elle devait, du reste, se continuer même
sous la royauté. Le prophète résidait dans le pays de ses
parents, RamathaïmSophim, où il bâtit un autel à
Jéhovah. I Reg., vu, 17. Chaque année, il faisait sa
tournée par Bethel, Galgala et Masphath, et là il ju-
geait Israël, c'est-à-dire rendait la justice, réglait les
différends et prenait les mesures commandées par
l'intérêt local ou la lai religieuse, appuyant ainsi l'au-
torité des anciens. IReg., vu, 1-7. Il le faisait avec un
désintéressement et une équité que ses compatriotes
furent unanimes à reconnaître. I Reg., xii, 4.
2° L'institution de la royauté. — Treize ans après la
défaite des Philistins à Masphath, Samuel devenu
vieux établit ses fils juges sur Israël. Mais ceux-ci
n'avaient pas le désintéressement de leur père; âpres
au gain, ils sacrifiaient fa justice à leur cupidité. Une
pareille situation rappelait d'assez près celle qui s'était
produite pendant les dernières années d'Héli. Les an-
ciens d'Israël redoutèrent les conséquences qu'elle
pouvait entraîner. Ils s'entendirent alors pour adresser
au prophète la requête suivante : « Établis sur nous
un roi pour nous juger, comme en ont toutes les na-
tions. » Tous les peuples qui entouraient Israël avaient,
en effet, des rois à leur tête, et il semblait aux anciens
que le régime royal leur donnerait plus de garanties
pour la défense du pays contre ses ennemis et pour
l'administration de la justice. Peut-être se souvenaient-
ils aussi que l'établissement de la royauté avait jadis
étéprévu par Moïse. Deut., xvii, 14-20. Toutefois, ils ne
font aucune allusion à cette ancienne disposition de la
loi. Leur demande déplut à Samuel, qui paraît l'avoir
considérée comme un acte de défiance à son égard. Le
Seigneur consola Samuel en lui disant : « Ce n'est pas
toi qu'ils rejettent, c'est moi, pour que je ne règne plus
sur eux. » I Reg., vin, 7. Ces paroles ne supposent
pas que les anciens aient réclamé la suppression de la
théocratie. Il est probable qu'ils ne se rendaient
qu'assez superficiellement compte de la place que
tenaient les interventions divines dans la conduite de
leur nation. Néanmoins, ils rejetaient Dieu en ce sens
qu'au lieu de lui abandonner totalement le soin de leur
défense, ils désiraient avoir à leur tête un roi qui
veillât sur eux, comme les autres rois le faisaient pour
leurs peuples. Le Seigneur commanda à Samuel
d'exaucer le vœu des anciens. Par le fait de l'institu-
tion de la royauté, la théocratie fut amoindrie de tout
le pouvoir extérieur qu'il fallut abandonner au roi,
mais elle ne perdit rien de sa puissance effective, qui
continua à s'exercer comme par le passé, ni de son
influence directrice, dont les prophètes devinrent les
organes auprès des rois et du peuple. — Sur l'ordre
de Jéhovah, et pour faire sentir aux Israéiites les
graves conséquences de leur requête, Samuel commença
par énumérer les charges de toutes sortes qu'un roi
ferait peser sur ses sujets. Le peuple persista dans son
désir: il voulait être comme les autres nations, et
avoir un roi pour le juger et le mener à la guerre.
« Écoute leur voix et établis un roi sur eux, » dit
Jéhovah. Samuel n'eut pius qu'à obéir. Il renvoya les
hommes d'Israël dans leurs villes et attendit que Dieu
lui indiquât l'homme de son choix. I Reg., vm, 1-22.
3° L'onction et l'élection de Saûl. — Cis, de la tribu
de Benjamin, envoya un jour son fils, Saùl, chercher
ses ânesses perdues. On conseilla à celui-ci d'aller
consulter Samuel, le voyant, pour apprendre de lui où
se trouvaient les animaux. On croyait donc que les
prophètes pouvaient connaître et révéler les choses
cachées, Jéhovah avait fait savoir à Samuel que le
jeune homme qui viendrait le consulter était celui
qu'il destinait à être roi. Quand Saùl parut, il lui indi-
qua encore qu'il était son élu. Samuel fit monter Saûl
au haut-lieu où il allait offrir un sacrifice. Puis, il ie
garda avec lui dans la salle du festin, où il lui donna
la première place et une portion d'honneur. Ils redes-
cendirent ensuite dans la ville, et Samuel s'entretint
avec Saûl sur le toit de sa maison. Le iendemain, ils
sortirent ensemble de la ville, et Samuel, ayant pris
une fiole d'huile, la versa sur la tête de Saùl et le baisa
en disant : s Jéhovah t'oint pour chef sur son héritage. »
Il lui indiqua où il trouverait ses ânesses, lui marqua
plusieurs signes qui devaient s'accomplir à son égard
et lui donna rendez-vous à Galgala pour la célébration
de grands sacrifices. Peu après, Samuel convoqua le
peuple à Masphath. Là, tous étant rangés par tribus,
il procéda à l'élection du roi ; car ni lui ni Saùl
n'avaient révélé ce qui s'était passé à Ramalhaïm. Le
sort désigna successivement la tribu de Benjamin, la
famille de Métri et Saûl, fils de Cis. Samuel ie présenta
au peuple, qui s'écria : <i Vive le roi ! » Ensuite il
exposa devant tous le droit de fa royauté, qui réglait
les devoirs et les droits du roi, et if l'écrivit dans un
livre, qu'il déposa devant Jéhovah, c'est-à-dire auprès
de l'Arche. Enfin, il congédia tout le peuple. I Reg., îx,
1-x, 24.
III. Sous le RÉGNE de Saûl. — 1° L'abdication. —
Saùl inaugura ses fonctions royales par une victoire
remportée sur les Ammonites. Le peuple se réunit
ensuite à Galgala, y acclama de nouveau Saûl, offrit
des sacrifices d'actions de grâces et se livra à de
grandes réjouissances. Samuel profita de cette assem-
btée pour abdiquer la judicature. Il fit d'abord consta-
ter le désintéressement et l'équité avec lesquels il
s'était efforcé d'agir, retraça à grands traits l'histoire
des bienfaits de Dieu à l'égard d'Israël, et assura que
le peuple, ayant désormais un roi à sa tête, continue-
rait à être traité par Jéhovah comme précédemment,
suivant sa fidélité aux préceptes divins. Il ajouta que,
4439
SAMUEL
1440
"malgré la saison, il allait invoquer Jéhovah pour qu'il
fît tonner et pleuvoir. « Vous saurez alors, dit-il, et
vous verrez combien grand est aux yeux de Jéhovah le
mal que vous avez fait en demandant un roi. » I Reg v
XII, 17. A l'invocation de Samuel, il y eut en effet des
tonnerres et de la pluie, ce dont le peuple fut effrayé.
Le prophète le rassura, en lui répétant que Dieu vou-
lait le bénir, s'il demeurait fidèle. Quant à lui, il s'en-
gagea à prier pour ses compatriotes et à leur enseigner
le bon et droit chemin. 1 Reg., x, 1-25. Samuel abdi-
quait donc ses fonctions civiles, pour les transmettre
au nouveau roi; il gardait les fonctions prophétiques,
qui concernaient le gouvernement moral de la nation.
2» L'incident de Galgala. — Le jour où il avait oint
Saûl, Samuel lui avait dit de l'attendre sept jours à
Galgala, et que lui-même y viendrait alors pour offrir
des holocaustes et des sacrifices d'actions de grâces.
I Reg., x, 8. Or il y eut une première réunion à Gal-
gala, pour renouveler la proclamation de Saûl et offrir
des sacrifices. I Reg., xi, 15. L'ordre donné par Samuel
ne s'appliquait pas à cette réunion, à laquelle il était
présent, mais à une seconde, dont il fut d'abord absent.
II faut supposer par conséquent que le prophète avait
fait sa recommandation au roi avec des précisions que
le texte n'a pas reproduites. I Reg., x, 8. Après la pre-
mière assemblée de Galgala, Samuel était parti. Peut-
être fût-ce seulement avant ce départ que le prophète
dit au roi de l'attendre sept jours. Il faudrait admettre
alors une transposition dans les textes, ce qui est fort
possible. Après la première réunion de Galgala, Saûl
organisa son armée, et son fils, Jonathas, battit un poste
de Philistins, à Gabaa. Ce fut le signal d'une levée
d'armes delà part de ces derniers. Les Israélites furent
de nouveau convoqués à Galgala; mais, à l'approche
des ennemis, beaucoup se cachèrent, d'autres même
passèrent le Jourdain. Saûl, resté à Galgala avec une
partie du peuple, attendit sept jours l'arrivée de Sa-
muel. Pendant ce temps, le peuple se dispersait. Le
septième jour, Saûl prit sur lui d'offrir les sacrifices,
pour implorer le secours de Jéhovah en vue de la
guerre. Il achevait à peine que Samuel survint. En
imposant un délai de sept jours en face du danger
imminent, Samuel voulait apprendre au nouveau roi
que, pour son salut et celui du peuple, tout dépendait
de Jéhovah et que, par conséquent, il importait avant
tout de lui obéir quand il commandait par son pro-
phète. De fait, pendant les sept jours de l'attente, les
Philistins n'avaient pas quitté Machinas, où ils s'étaient
établis dès le début de la campagne. Saûl chercha à
s'excuser auprès de Samuel. Le prophète lui reprocha
d'avoir agi en insensé et il lui signifia que Dieu le
rejetait pour prendre un autre homme selon son cœur.
Puis il partit pour Gabaa de Benjamin. I Reg., xm,
5-15. L'arrêt porté par Samuel contre Saûl peut paraître
dur. Mais, dès le début de la royauté, il importait d'in-
culquer au prince une double idée : d'abord qu'Israël
ne cessait pas d'être une théocratie dans laquelle
Jéhovah entendait être obéi par le roi aussi bien que
par les sujets, ensuite qu'un roi d'Israël n'avait pas à
s'ingérer dans les choses religieuses, comme le fai-
saient généralement les rois des autres nations.
3° L'anathème des Amalécites. — Saûl, aidé de son
fils Jonathas, fit la guerre contre tous les ennemis
d'Israël et les battit. Quand il fut sur le point de partir
contre les Amalécites, Samuel lui commanda, de la
part de Jéhovah, de dévouer à l'anathème et de faire
mourir tout ce qui tomberait sous sa main, roi,
hommes, femmes, enfants et troupeaux, à cause des
maux qu'Amalec avait causés aux Hébreux à leur sortie
d'Egypte, Exod., xvn, 8-13, et du danger qu'il pouvait
encore lui faire courir. Saûl vainquit les ennemis,
mais il épargna le roi, Agag, et ce qu'il y avait de
meilleur dans les troupeaux. Samuel surgit aussitôt en
face du vainqueur pour lui demander compte de sa
transgression. Comme Saûl prétendait avoir réservé les
troupeaux pour en offrir des sacrifices à Jéhovah,
Samuel lui répliqua : « L'obéissance vaut mieux que
le sacrifice, » et il déclara de nouveau à Saûl que
Dieu le rejetait. Puis il allait se retirer, quand le roi
le conjura de demeurer avec lui afin de l'honorer de sa
présence en face des anciens et du peuple. Cf. Josèphe,
Ant. jud., VI, vu, 5. Samuel y consentit, et le roi fit
acte de repentir et d'adoration devant Jéhovah. Mais
le prophète exigea que le roi Agag fût amené à Galgala
et coupé en morceaux, en punition du mal qu'il avait
fait à Israël. Il s'en retourna ensuite à Rama et ne
revit plus Saûl, bien qu'il ne cessât de pleurer sur lui.
I Reg., xx, 1-35.
IV. Les dernières années. — 1° L'onction de
David. — Samuel, qui avait oint le premier roi d'Israël,
fut chargé de remplir le même office vis-à-vis du se-
cond. Jéhovah lui commanda d'aller verser l'huile sur
la tête d'un des fils d'Isaï, à Bethléhem. Le prophète
craignait que Saûl ne le mît à mort, s'il venait à ap-
prendre la chose; mais le Seigneur lui dit de se mettre
à couvert en allant offrir un sacrifice à Bethléhem.
Samuel obéit et invita Isa! et ses fils au sacrifice et au
repas qui suivit. Il passa ensuite en revue les sept
fils présents, et Jéhovah lui fit savoir qu'aucun d'eux
n'était son élu. On fit venir le plus jeune, David, qui
gardait les brebis. Jéhovah dit à Samuel : « C'est lui. »
Le prophète oignit le jeune homme au milieu de ses
frères, puis il s'en retourna à Ramathaïm. I Reg.,
xvi, 1-13.
2° L'école des prophètes. — Samuel avait réuni au-
tour de lui des prophètes, c'est-à-dire des hommes qui
menaient sous sa direction un certain genre de vie
ascétique, et qui parfois étaient saisis par l'Esprit de
Dieu. Voir Écoles de prophètes, t. n, col. 1567. Entre
autres signes donnés à Saûl après son onction, celui-ci
devait rencontrer à Gabaa une troupe de prophètes, en
compagnie desquels l'Esprit de Dieu le ferait prophé-
tiser. I Reg., x, 5, 6. C'est ce qui arriva en effet. —
Plus tard, quand Saûl poursuivait David avec le dessein
de le mettre à mort, celui-ci se réfugia à Rama, près
de Samuel, auquel il raconta les persécutions dont il
était victime. Le prophète l'emmena avec lui à Naioth,
voir t. iv, col. 1471, où il avait autour de lui de ces
hommes qui s'étaient mis à son école. Informé de la
retraite de David, Saûl envoya successivement pour le
prendre trois troupes qui, à la rencontre de Samuel et
de ses prophètes, furent eux aussi saisis de l'Esprit de
Dieu et se mirent à prophétiser. Saûl vint à son tour
et fut l'objet du même phénomène. Tout un jour et toute
une nuit, il resta devant Samuel sous l'empire de l'Es-
prit prophétique. Pendant ce temps, David put s'enfuir.
I Reg., xix, 18-xx, 1.
3° Mort de Samuel. — Quelque temps après, Samuel
mourut. C'était vers la fin du règne de Saûl, qui régna
quarante ans. Le prophète devait avoir au moins cin-
quante ans quand il abdiqua, car, à cette époque, ses
fils avaient déjà exercé les fonctions publiques et donné
leur mesure. I Reg., vin, 3." Sa vie aurait donc duré
quatre-vingt et quelques années. Tout Israël se ras-
sembla pour ses funérailles, et on l'enterra dans sa
demeure à Rama. Saûl et David étaient momentané-
ment réconciliés. Ce dernier assista aux funérailles du
prophète. Il est probable que le roi en fit autant.
I Reg., xxv, 1. On prétend conserver le tombeau du
prophète à Néby-Samuil. Voir Maspha, t. iv, col. 843.
Les restes de Samuel auraient été enlevés par l'empe-
reur Ârcadius, le 19 mai 406, pour être déposés dans
une basilique de la banlieue de Constantinople, ren-
versée 150 ans plus tard par les tremblements de terre.
Les martyrologes placent la fête du prophète le 20 août.
4° L'évocation. — La fortune de Saûl continua à dé-
1441
SAMUEL
1442
cliner de plus en plus après la mort du prophète. Me-
nacé par les Philistins et effrayé à la vue de leur camp,
Saûl consulta Jéhovah, pour savoir quel parti prendre.
Il n'en obtint aucune réponse. Il eut alors l'idée d'aller
interroger une nécromancienne, à Endor, et lui de-
manda d'évoquer Samuel. Par une permission de Dieu,
le prophète parut et annonça à Saûl sa défaite et sa
mort. I Reg., xxviii, 3-25. Voir Évocation des morts,
t. h, col. 2129.
V. La mission de Samuel. — 1» Mission politique. —
A l'époque où naquit Samuel, la situation des Israélites
«tait devenue des plus précaires. Sans chef qui com-
mandât à toute la nation, ils vivaient à l'état anar-
chique et dans l'isolement de leurs villes et de leurs
bourgs sans défense, au milieu de nations plus centra-
lisées, mieux entraînées à la guerre et commandées par
un chef ou un roi. Le grand-prêtre n'avait pas qualité
pour exercer autre chose qu'une influence officieuse,
et, quand il était faible et âgé, comme Héli, cette in-
fluence devenait nulle, et elle laissait libre carrière aux
pires abus. Samuel eut mission de restaurer une situa-
tion qui se faisait de plus en plus compromettante
pour l'avenir de la nation. Il obligea les anciens et le
peuple à se réunir pour un effort commun. Pendant le
temps de sa judicature, il veilla à l'intérêt général et
fit régner la justice. Cependant le pouvoir qu'il exerçait
■n'avait pas le caractère d'une institution régulière et
■durable. Les Israélites le sentirent eux-mêmes. La con-
duite des fils de Samuel fut pour eux une occasion fa-
vorable à la manifestation de leurs désirs. Le plan de
la Providence était d'ailleurs que la royauté se fit en
Israël, puisqu'elle avait été l'objet de dispositions spé-
ciales dans la législation mosaïque et que Jéhovah lui-
même ordonna au prophète d'accéder aux vœux du
peuple. Samuel fut donc chargé de présider à la trans-
formation de la nationalité israélite en royaume, et,
s'il ne le fit pas de son plein gré, l'intervention de la
■volonté divine n'en fut que plus manifeste. Dieu choisit
les deux premiers rois et Samuel les oignit. Ainsi s'ac-
cusait la persistance de la théocratie en Israël. Samuel
fut ensuite comme le tuteur de la royauté naissante :
il eut mission de dicter à Saûl la conduite qu'il devait
tenir, de lui reprocher ses écarts, de lui signifier sa
réprobation et de lui préparer un successeur. Il fut
■donc, pour la constitution du royaume, ce que Moïse
avait été, quelques siècles auparavant, pour la constitu-
tion de la nationalité.
2» Mission prophétique. — Samuel a été « aimé du
Seigneur son Dieu et prophète du Seigneur... Par sa
véracité il se montra prophète ; à la sûreté de ses oracles,
on reconnut un voyant digne de foi. » Eccli., xlvi, 13,
15. Tout ce qu'il annonça s'accomplit, la prise de
l'Arche, la mort d'Héli, la victoire sur les Philistins, la
réprobation et la mort de Saûl, et plusieurs autres faits
racontés dans son histoire. Il fut prophète dans l'ac-
ception la plus large de ce mot, c'est-à-dire qu'il parla
«t agit au nom de Dieu, pendant sa judicature, pour
veiller sur son peuple, et sous le règne de Saûl, pour
être auprès de la royauté le représentant et l'organe
de l'autorité supérieure de Dieu. Après la période de
■théocratie directe qui avait commencé avec Moïse, il
inaugura la théocratie exercée par un double pouvoir,
celui du roi et celui du prophète travaillant à maintenir
le roi et le peuple dans la soumission aux volontés di-
vines. Pour établir cetordre de choses et faire comprendre
-à tous que l'institution d'un roi ne diminuait en rien
les droits du gouvernement divin, il fallait à Samuel
■une haute autorité. Aussi les interventions surnatu-
relles sont-elles fréquentes dans sa vie, sous forme de
communications directes avec Dieu, de prophéties ou de
miracles. Samuel occupe ainsi une place importante
au début d'une nouvelle étape de l'histoire d'Israël.
Aussi Dieu l'accrédite-t-il comme il accrédita Moïse, et
DICT. DZ LA BIBLE.
comme il accréditera plus tard, à des moments décisifs
pour l'avenir d'Israël et pour la préparation de la ré-
demption, d'autres prophètes, tels qu'Élie et Elisée,
Isaïe, Jérémie, Daniel, etc. Act., m, 24; xm, 20; Heb.,
xi, 32. — D'après I Par., xxix, 29, Samuel aurait été
l'historien de la transformation dans laquelle il a joué
un rôle si important. Il est question, en effet, d'un
livre sur David écrit par Samuel, Nathan et Gad. Dès
lors qu'il a écrit le début de l'histoire de David, nul
doute que Samuel ait été aussi l'historiographe de sa
propre administration et du règne de Saûl.
3° Mission liturgique. — Il est certain que Samuel
était de la descendance de Caath par Coré, I Par., VI,
22, 28, voir Caath, t. n, col. 1, mais non de celle des
quatre fils d'Aaron. Exod., xxvm, 1. Il n'était donc pas
de race sacerdotale. Cependant on le voit conférer des
onctions, I Reg., x, 1; xvi, 13, ce qui, il est vrai, ne
suppose nullement la dignité sacerdotale, III Reg., ix,
6, et surtout offrir des sacrifices. I Reg., vu, 9; ix, 13;
x, 8, etc. Or l'offrande des. sacrifices était considérée
comme une fonction réservée aux prêtres. Exod., xxix,
38-46. Saint Cyprien, Epist., lxv, 1, t. iv, col.395, et
saint Ambroise, In Ps. cxviu, xvm, 24, t. xv, col. 1460,
résolvent la difficulté en supposant que Samuel était
prêlre. Saint Augustin, Relract., il, 43, 55, t. xxxii,
col. 648, 652, dit que Samuel était fils d'Aaron de
même façon que lous les Israélites sont fils d'Israël, et
qu'il succéda au grand-prètre Héli, bien qu'il ne fût
pas fils d'un prêtre, mais seulement des fils, c'est-à- ,
dire des descendants d'Aaron. Cette allégation n'est pas
exacte, parce que, de tous les Caathites, les descen-
dants d'Aaron possédaient seuls le sacerdoce, tandis
que les membres des autres branches, de celle de Coré
en particulier, n'étaient que de simples lévites. Pour
expliquer les sacrifices de Samuel, il faut donc recourir
à l'une de ces deux hypothèses, la Bible ne fournissant
aucune explication à ce sujet. Ou bien Samuel n'offrait
de sacrifices que par l'intermédiaire des prêtres, comme
dut le faire Saûl, bien que le texte sacré s'exprime
comme s'il avait agi directement, I Reg., xm, 9; ou
bien Samuel avait reçu de Dieu un pouvoir spécial
pour sacrifier légitimement, comme l'avait jadis fait
Moïse. Exod., xxix, 1-37; Lev., vm, 1-30. La Sainte
Écriture, il est vrai, ne mentionne pas cette délégation
particulière; mais on peut la supposer d'autant plus
probablement que les textes s'expriment comme si
Samuel offrait lui-même les sacrifices et qu'aucune
remarque n'est faite à cet égard. L'auteur du Psaume
xcix (xcviii), 6, dit :
Moïse et Aaron, parmi ses prêtres,
Et Samuel, parmi ceux qui invoquent son nom,
Invoquaient Jéhovah, et il les exauçait.
Les trois personnages sont mis en parallèle et traités
comme prêtres, alors que, seul, Aaron était revêtu du
sacerdoce. D'autres passages attribuent à Samuel une
initiative importante au point de vue de la détermina-
tion des fonctions liturgiques. I Par., ix, 22; xxvi, 28.
Les fêtes de la Pâque auxquelles il présidait n'auraient
pas eu de semblables jusqu'à l'époque de Josias.
II Par., xxxv, 18. Cf. J. C. Ortlob, Samuel judex et
propheta, non pontifex aut sacerdos, sacrificans, dans
le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 1. 1, p. 587-594.
H. Lesétre.
3. SAMUEL (Septante : SafiouYJX), fils de Thola, de
la tribu d'Issachar et chef de famille dans cette tribu
du temps de David. I Par., vu, 2.
4. SAMUEL BEN MEIR, appelé aussi RASCHBAM
(lettres initiales de Rabbi Samuel ben Meir), célèbre
rabbin juif, né vers 1065, mort en 1154. Il eut pour
mère une fille de Raschi (voir col. 988), Il compléta
quelques-uns des commentaires sur le Talmud que son
V. - 46
1443
SAMUEL — SANCTIFICATION
1444
grand-père avait laissés inachevés et son commentaire
sur Job, On a de lui un commentaire littéral sur le
Pentateuque, publié pour la première fois dans une
édition du Pentateuque hébreu, Berlin, 1705, etc.
SANABALLAT (hébreu : Sanballat; Septante :
SavëaXXâ-r; Josèphe : EavaêalîiTYiç), personnage im-
portant en Samarie , du temps de Néhémie. Il est sur-
nommé le Horonite, ce qui semble indiquer qu'il était
originaire d'Oronaïm, dans le pays de Moab. Voir
Horonite, t. m, col. 757. Les assyriologues considèrent
son nom comme assyrien et l'expliquent : « (le dieu) Sin
(Lune) a donné la vie » Sin-ballidh. Quand Néhémie
arriva en Palestine pour relever les murs de Jérusalem,
il s'efforça de l'empêcher de réaliser son projet, d'accord
sivec Tobie l'ammonite et Gosem l'arabe, mais sans y
réussir. II Esd., h, 10, 19; iv, 1, 7; vi, 1-17. Sanaballat
avait donné une de ses filles pour femme à un des fils
de Joïada, le grand-prêtre, successeur d'Éliasib. Voir
JOÏA.DA 6, t. m, col. 1596. Néhémie, xm, 28, chassa le
violateur de la loi, ce qui dut aggraver encore l'ini-
mitié de Sanaballat.
Le livre de Néhémie se termine sur ce renseigne-
ment particulier. D'après Josèphe, Ant. jud., XI, vu,
2; vin, 2, 4, 9, le gendre de Sanaballat s'appelait Ma-
nassé. Il ne voulut point renvoyer sa femme, nommée
Nicaso, et se réfugia auprès de son beau-père qui lit
bâtir pour lui sur le mont Garizim, avec l'autorisa-
tion d'Alexandre le Grand, un temple semblable à
celui de Jérusalem. Le récit de Josèphe est plein
d'anachronismes et ne saurait être accepté : il fait
vivre Sanaballat sous le règne de Darius Codoman
(336-331), le dernier roi des Perses. Comme Sanaballat
était en Samarie sous le règne d'Artaxerxès Longue-
main (464-424 avant J.-C), il ne pouvait pas être en-
core gouverneur de la Samarie plus d'un siècle plus
tard. Certains historiens ont admis deux Sanaballat,
mais sans en donner de preuve, Josèphe doit avoir
tiré son récit de quelque livre apocryphe depuis long-
temps perdu. — Un papyrus araméen trouvé à Éléphan-
tine dans la Haute Egypte nous apprend que les Juifs
d'Egypte écrivirent aux fils de Sanaballat la 18» année
du règnedeDarius Nolhus (408-407 avant,!. -C). On peut
conclure de là que leur père vivait sous Arlaxercès I er
Longuemain et non sous Artaxercès II. Ses fils sont ap-
pelés Délaya et Sélémya et Sanaballat a le titre de
« gouverneur de Samarie ». Palestine Exploration
Fund. Quarterly Slatemenl, octobre 1909, p. 275.
SANAN (hébreu : §enân; Septante : Sewâ; Alexan-
drinus : Sî^otji), ville de Juda, dans la Séphéla, men-
tionnée avant Hadassa et Magdalgad dans le groupe occi-
dental du territoire de cette tribu. Jos., xv, 37. Michée,
l, 10-12, énumérant plusieurs villes de la Séphéla, en
faisant des jeux de mots sur leur nom, dit, v, 11 :
« L'habitante de ipa'ânân n'ose pas sortir. » 11 dérive
le nom du verbe ydfd, « sortir ». Non est egressa quss
habitat in exitu, dit laVulgate, qui a traduit les noms
propres selon leur signification dans tout ce passage.
Malgré la différence d'orthographe, on admet générale-
ment que la ]3S de Josué et la pNï de Michée sont
une seule et même ville. Le site de cette localité n'a
pas été retrouvé.
SANCTIFICATION (grec : à^a?^;; Vulgate :
sanctificatio), production ou possession de la sain-
eté. « Rendre saint s se dit qiddas, ôyiâÇEiv, sancli-
ficare.
1° Dans l'Ancien Testament, la notion de sanctifica-
tion comporte surtout l'idée de pureté légale. Se sanc-
tifier, c'est se mettre en règle avec les diverses pres-
criptions de pureté mosaïque. Is., lxvi, 17; Job, i, 5;
I Reg., xvi, 5; Joa., xi, 55; Act., xxi, 24. Néanmoins
cette sanctification légale n'exclut pas celle de l'âme;
elle la suppose au contraire, parce qu'il s'agit d'une
sanctification qui soit réelle au regard de Dieu. Le Sei-
gneur a dit, en effet : « Soyez saints, parce que je suis
saint ». Lev., xi, 44, 45. C'est même lui qui seul pro-
duit la sanctification : « Vous vous sanctifierez et vous
serez saints, car je suis Jéhovah qui vous sanctifie. »
Lev., xx, 7, 8; xxi, 8; xxn, 16, 32; Ezech., xx, 12;
xxxvu, 28. Or il va de soi que l'action sanctificatrice
de Dieu n'entend pas s'arrêter à l'extérieur, mais
qu'elle veut atteindre l'àme elle-même. C'est donc une
sanctification à la fois corporelle et spirituelle qu'on
réclamait des Hébreux quand on leur disait : « Saneti-
fiez-vous. » Num., xi, 18; Jos., m, 5; etc. La sanctifi-
cation légale était justiciable de la loi, comme tous les
devoirs extérieurs; Dieu seul était juge de la sanctifi-
cation intérieure. — Comme la sanctification est l'acte
par lequel on se replace complètement sous la domi-
nation de Dieu. «. sanctifier » voulait dire aussi « con-
sacrer à Dieu ». Il est ainsi question de la sanctification
du septième jour, Gen., n, 3; Exod., xx, 8, etc., des
premiers-nés, Exod.,xm, 2, des enfants d'Israël, Exod.,
xix, 10, des ministres sacrés, Exod.,xvm, 3; xxx, 30,
I Reg., vu, 1, des victimes du sacrifice, Exod., xxix, 34,
du lieu où Dieu réside, Exod., xix, 23, du Tabernacle,
Exod., xxix, 44, duTemple, III Reg., ix, 3, 7, de l'autel,
Exod., xxix, 43, des pains de proposition, I Reg., xxi, 6,
en un mot de toutes les personnes, Jer., i, 5, et de tous
les objets qui servent directement au culte de Dieu. Mal.,
il, 11. — Sanctifier Dieu ou son nom, c'est le traiter
avec le respect, l'obéissance, la reconnaissance, l'amour
et tous les sentiments qui conviennent à sa majesté. Is.,
v, 16; Ezech., xxxvi, 23; cf. Matlh., vi, 9; Luc, xi, 2.
— LaVulgate appelle souvent « sanctification » le sanc-
tuaire, miqdôs, àyiâay.ct. Ps. xcvl (xcv), 6; cxiv (cxill),
2;Eccli., xxxvi, 15; Is., vin, 14; lx, 13; lxiii, 18;
Jer., xvii, 12; li, 51; Lam., n, 7; Ezech., xi, 16;
xxvm, 18; xxxvu, 26; Am., vu, 9, 13; I Mach., i, 23,
41 ; îv, 38, etc.
2° Dans le Nouveau Testament, la sanctification
est exclusivement intérieure. C'est une participation,
par le moyen de la grâce, à la sainteté même de Dieu.
Jésus-Christ est le Fils de Dieu qui a été sanctifié et
envoyé par le Père, -Joa., x, 36, qui a prié le Père et
s'est sacrifié lui-même afin que nous soyons sanctifiés
dans la vérité. Joa., xvn, 17, 19. Voir Justification,
t. m, col. 1877. Il prépare et produit en nous la sanc-
tification, I Cor., i, 2, 30; Heî>., x, 10; xn, 10, 14, par
le Saint-Esprit. I Cor., vi, 11; I Pet., i, 2; Rom., i, 4;
xv, 16. Dieu veut la sanctification de ses enfants.
I Thés., iv, 3, 7. Mais il faut qu'eux-mêmes y travail-
lent intérieurement, I Pet., m, 15, et extérieurement,
Rom., vi, 19; I Thés., îv, 4; II Tim., n, 21, suivant
les conditions de vie où ils sont placés, I Tim., n, 15;
I Cor., vu, 14, et sans jamais s'arrêter. Apoc, xxn, 11.
Dans ces conditions, Jésus-Christ qui a sanctifié son
Église, Eph., v, 26, sanctifiera aussi ses enfants fidèles.
Rom., vi, 22; II Cor., vu, 1; I Thés., v, 23; Heb., ix,
13. — Saint Paul semble indiquer la place de la sanc-
tification dans l'œuvre du salut de l'âme, quand il dit :
« Vous avez été purifiés, vous avez été sanctifiés, vous
avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et
par l'Esprit de notre Dieu. » II Cor., vi, 11. Il faut
commencer par la purification, qui débarrasse le cœur
du péché et de ses suites. Vient ensuite la sanctifica-
tion, qui est l'infusion des dons de la grâce divine.
Alors l'âme, n'ayant plus rien en elle qui déplaise
au regard de Dieu, et, au contraire, parée de tout
ce qui lui plaît, est justifiée, devient agréable à Dieu
et participe à la filiation divine. Cf. E. Tobac, Le
problème de la justification dans S. Paul, Louvain,
1908. H. Lesêtre.
1445
SANCTUAIRE
1446
SANCTUAIRE (hébreu : qôdèS; Seplante : s'a àyiov;
Vulgate : sanctuarium), lieu où l'on célébrait le culte
de Jéhovah.
I. La législation. — D'après une loi consignée dans
l'Exode, xx, 2i-25, à la suite du Décalogue, il est ex-
pressément défendu de fabriquer des idoles pour en
joindre le culte à celui de Jéhovah, mais on élèvera
un autel de terre ou de pierres non taillées pour y offrir
des sacrifices. Dieu promet sa bénédiction à ceux qui
lui rendront aiusi un culte. L'autel peut être érigé en
tout lieu où, dit le Seigneur, 'azkîr Vf Semî, ÈTrovofiâiro)
t'o ovojià (iou, « je rappellerai mon nom » par une ma-
nifestation particulière. L'érection d'un autel n'était
donc possible qu'en certains lieux désignés par le
Seigneur lui-même. Toutefois, plusieurs versions, le
Syriaque, le Targum, ont lu (azkîr, « tu rappelleras »,
au lieu de 'azkîr, ce qui suppose le choix du lieu sacré
fait par l'homme lui-même. La Vulgate traduit : « En
tout lieu où il sera fait mémoire de mon nom. » En
quelque sens qu'on l'entende, le texte n'exclut donc
pas la pluralité d'autels et de lieux sacrés. — Dans le
Lévitique, xvn, 3-9, la loi devient plus exclusive. 11
n'est plus permis d'immoler des animaux en tout lieu.
Même ceux que l'on tue en vue de l'alimentation ne
peuvent plus être égorgés qu'à l'entrée du Tabernacle,
pour que le sang soit répandu sur l'autel et la graisse
brûlée devant Jéhovah. Tout holocauste ou sacrifice
offert ailleurs entraînera pour ses auteurs la peine du
retranchement. Cette loi, portée peu de temps après la
précédente, semble en contradiction avec elle. Au lieu
de pouvoir élever des autels en différents endroits, on est
obligé d'apporter toutes les victimes au seul autel du
Tabernacle. Mais il faut observer qu'entre les deux lois
intervient la prévarication du veau d'or. Ce crime a
mis en lumière la facilité avec laquelle les Israélites
se laisseront entraîner à des rites idolàtriques. Il
devient donc nécessaire de surveiller de près tous
les sacrifices, et la surveillance ne sera efficace que si
elle s'exerce dans un même lieu par des hommes
ayant autorité. « Ils n'offriront plus leurs sacrifices
aux velus, » c'est-à-dire aux boucs (Vulgate : aux
démons), avec lesquels ils se prostituent. Ce sera pour
eux une loi perpétuelle de génération en génération. »
Les Israélites avaient contracté en Egypte l'habitude
de sacrifier à des sortes de divinités agrestes; peut-être
même quelques-uns avaient-ils tenté de le faire au
désert. En tout cas, le culte rendu au veau d'or com-
mandait toutes les précautions. La gêne qui en résulta
ne fut pas considérable; car, au désert, l'accès du
Tabernacle était aisé et les Israélites ne devaient pas
faire entrer fréquemment dans l'alimentation la chair
de leurs animaux. Il faut d'ailleurs observer que « la
loi perpétuelle » peut viser beaucoup moins la présenta-
tion des animaux devant le Tabernacle que l'abstention
totale des sacrifices idolàtriques. — Une autre loi, consi-
gnée dans le Deutéronome, xn, 4-11, régla ce qui devait
être observé dans le pays de Chanaan, où il n'était plus
possible d'amener devant le Tabernacle tous les animaux
qu'on immolait. Après avoir détruit tous les sanc-
tuaires idolàtriques, les Israélites offriront leurs sacri-
fices au lieu que Jéhovah choisira parmi toutes les
tribus. Là auront lieu toutes les manifestations du
culte. « Vous ne ferez pas, comme nous le faisons
maintenant ici, chacun ce que bon lui semble... Dans
le lieu que Jéhovah, votre Dieu, choisira pour y faire
habiter son nom, là vous présenterez tout ce que je
vous commande, vos holocaustes et vos sacrifices. »
Deut., xii, 8, 11. En même temps est abrogée la pres-
cription concernant l'immolation des animaux devant
le Tabernacle. « Tu pourras, tant que tu le désireras,
tuer et manger de la viande dans toutes tes portes, »
c'est-à-dire dans toutes les villes et villages, « mais
vous ne mangerez pas le sang, tu le répandras à terre,
comme de l'eau. » Deut., xir, 15-16. Le législateur
suppose une situation anarchique, au point de vue du
culte divin, ce qui donne à penser que, même au désert,
la loi du Lévitique n'a pas été observée à la rigueur.
Beaucoup ont offert des sacrifices ou immolé des ani-
maux sans se présenter devant le Tabernacle. En
Chanaan, il n'en sera plus de même. Sans doute, il ne
sera plus requis de se rendre en un même lieu pour
tuer le bétail destiné à être mangé, ce qui serait impra-
ticable dans un pays étendu; mais les sacrifices ne
pourront être offerts que dans le lieu choisi par Dieu,
c'est-à-dire là où l'Arche résidera. Comme la résidence
de l'Arche changera suivant les circonstances, il y aura
des sanctuaires multiples, dans lesquels on offrira
successivement les sacrifices prescrits. La formule du
Deutéronome exclut absolument tous les sacrifices
idolàtriques et prescrit l'offrande de sacrifices rituels
dans le sanctuaire de l'Arche. Prohibe-t-elle d'autres
sacrifices offerts à Jéhovah ailleurs que dans le sanc-
tuaire officiel? On ne saurait le conclure formellement
du texte sacré et Ton croit communément qu'il demeu-
rait légitime de sacrifier sur d'autres autels, surtout
avant la construction du Temple. Voir Pentateuque,
col. 101 ; cf. de Hummelauer, InDeuteron., Paris, 1901,
p. 302. La pratique des Israélites est là pour nous ren-
seigner sur la manière dont ils interprétaient la loi.
II. La pratique des Israélites. — 1» Avant l'érec-
tion du Temple. — Sous Josué, un premier autel fut
installé à Galgala et l'on y célébra la Pâque. Jos., iv,
10, 11. Puis le Tabernacle fut transporté à Silo. Jos.,
xviii, 1. Mais ensuite, les tribus de Ruben et de Gad et
la demi-tribu de Manassé bâtirent un autel sur les
bords du Jourdain. Cet acte fut considéré par les autres
Israélites comme une infidélité à l'égard de Jéhovah.
Il paraissait, en effet, contraire à la loi du Lévitique.
Les tribus transjordaniques se disculpèrent en décla-
rantqu'elles n'avaient nullement l'intention d'offrir des
sacrifices sur cet autel, mais qu'elles entendaient seu-
lement ériger un monument commémoratif de leur
communauté d'origine avec les autres tribus. Cette
explication satisfit les chefs du peuple. Jos., xxn, 9-29.
— Pendant la période des Juges, des sacrifices sont
offerts à Bokim, où l'ange de Jéhovah était apparu,
Jud., H, 5, à Éphra, sur un autel bâti par Gédéon,
Jud., vi, 24, 28, à Saraa, par Manué, père de Samson,
sur l'invitation d'un ange. Jud., xm, 16-23. L'Arche ne
résidait certainement pas dans ces endroits, mais
cependant chacun d'eux était consacré par la visite
d'un ange. Pendant la guerre contre les Benjamites,
on offrit des sacrifices à Béthel, mais l'Arche s'y trou-
vait. Jud., xx, 26-28. Quant à la « maison de Dieu » que
l'Éphraïmite Michas fit desservir d'abord par son fils,
puis par un lévite, et au sanctuaire de Laïs-Dan dont le
même lévite devint le prêtre, on ne saurait les regarder
comme légitimes, car ils étaient établis contrairement
aux prescriptions de la loi et renfermaient une image
taillée. L'historien cite cet exemple, qui n'aurait rien
en soi de remarquable s'il était en conformité avec la
loi, pour montrer comment, à cette époque, « chacun
faisait ce qui lui semblait bon. » Jud., xvn, 3-31. —
Le culte de Jéhovah avait alors son centre à Silo.
Jud., xvn, 31. Le grand-prêtre Héli y présidait, mais
ses fils se livraient aux pires désordres à l'entrée même
du Tabernacle. I Reg., Il, 13-22. Quand l'Arche eut été
prise par les Philistins, le sanctuaire de Silo perdit
beaucoup de son importance. Il n'est pas question de
sacrifices offerts à Cariathiarim pendant le temps que
l'Arche y passa à son refour. I Reg., vu, 1-4. Mais
Samuel offrit successivement des sacrifices à Maspha,
I Reg., vu, 9, 10, sur le haut-lieu de Ramatha, I Reg.,
ix, 12, 13, 19, à Galgala, I Reg., xi, 15; xih, 8, 9, à
Bethléhem, I Reg., xvi, 2-5, pour un sacrifice de
famille. Plus tard, David se rendit dans la même ville
1447
SANCTUAIRE
1448
pour un sacrifice analogue. I Reg., xx, 29. Le Taber-
nacle se trouvait alors àNobé.I Reg., xx, 1, 6; xxn,10,
13. L'Arche, restée à Cariathiarim ou Baala, fut d'abord
transportée à Geth, puis dans la cité de David, II Reg.,
vi, 11, 16, où le roi offrit devant elle des sacrifices.
II Reg., vi, 17, 18. Enfin, il en offrit d'autres sur l'aire
d'Areuna, consacrée par l'apparition d'un ange. II Reg.,
xxiv, 22-25. Durant cette période, l'Arche était donc
séparée du Tabernacle et, par conséquent, la pratique
du culte officiel n'était plus conforme au rituel mo-
saïque. Non seulement Samuel toléra cet état de choses,
mais encore il donna lui même l'exemple de sacrifices
offerts sur les hauts-lieux et sur des autels multiples.
De ces pratiques, on n'a pas le droit de conclure à la
non-existence de la loi mosaïque. Cette loi avait été
interprétée très largement pendant la période des Juges,
ainsi d'ailleurs que beaucoup d'autres. Samuel ne ju-
gea pas à propos, dans l'état d'indépendance politique
où vivaient encore les tribus, de les obliger à adopter
un centre unique de culte, qu'il était d'ailleurs assez
difficile de fixer définitivement. Il préféra combattre
l'idolâtrie, en opposant à ses multiples manifestations
cultuelles les sacrifices offerts à Jéhovah dans des
sanctuaires variés et dans les hauts-lieux. Prophète du
Seigneur, il agit pour le mieux et certainement avec
l'approbation divine. Du reste, il semblait conforme au
plan providentiel de ne pas fixer encore le centre reli-
gieux dans un sanctuaire immuable. Jérusalem devait
être un jour la capitale politique et religieuse de la
nation, et l'on sait qu'il y eut quelque peine à faire
prévaloir le sanctuaire de Sion sur celui de Silo,
à l'ombre duquel Éphraïm abritait ses prétentions.
Cf. Ps. lxxviii (lxxv il), 59-69. L'opposition eût été bien
plus dangereuse si le sanctuaire de Silo ou quelque
autre avait été en possession d'un long et unique pri-
vilège. En transportant l'Arche à Sion et en prenant
des dispositions pour l'organisation du culte, David ne
fit que préparer la fondation du sanctuaire unique,
conforme de tous points à la législation mosaïque. En
attendant que le projet fût réalisé, le culte se continua,
d'une part devant l'Arche, à Sion, et d'autre part, à
Gabaon, où le Tabernacle était resté. I Par., xvi, 39,
40; xxi, 29. C'est en ce dernier lieu que Salomon offrit
de solennels sacrifices au début de son règne. III Reg.,
m, 4; II Par., i, 3-6.
2» Après l'érection du Temple. — La construction
du Temple," l'installation dans le nouvel édifice de
tout le matériel du culte, la consécration à son
service d'un très nombreux personnel de prêtres et la
splendeur des cérémonies qui s'y accomplirent réali-
sèrent aussi parfaitement que possible l'idéal mosaïque.
En accordant sa bénédiction au Temple et . en le
remplissant de sa gloire, III Reg., vm, 10, 11, Jéhovah
signifia qu'il l'adoptait comme lé Jieu' dé son culte par
excellence. Les sanctuaires secondaires et lès hauts-
lieux ne pouvaient en rien rivaliser avec' le splendide
monument de Jérusalem. Ils subsistèrent néanmoins.
Les hauts-lieux gardèrent une grande partie de leur
vogue; ils la devaient à la facilité de leur accès, aux
traditions locales et antiques qui s'y rattachaient et à
cette sorte de légitimité dont ils avaient joui pendant
plusieurs siècles. Les meilleurs d'entre les rois ne
purent ou ne voulurent pas les supprimer, tant ces
sanctuaires locaux tenaient de place dans les habitudes
et dans l'affection du peuple. Ainsi s'abstinrent Asa,
III Reg., XV, 14, Josaphat, III Reg., xxn, 44, Joas,
IV Reg., xn, 3, Amasias, IV Reg., xiv, 4, Ozias,
IV Reg., xv, 4, Joalham. IV Reg., xv, 35. Voir Hauts-
Lieux, t. ni, col. 449. — Pour détourner de Jérusalem
les habitants de son royaume, Jéroboam établit deux
sanctuaires schismatiques et illégitimes à Béthel et à
Dan. III Reg., xn, 29. En même temps se multipliè-
rent en Israël les hauts-lieux, non pas consacrés à
Jéhovah, comme ceux que les rois de Juda laissaient
subsister dans leur royaume, mais destinés au culte
des idoles. L'émigration des prêtres de race lévitique
dans le royaume de Juda fut cependant caractéristique,
II Par., xi, 13-17; elle proclamait qu'un seul culte était
légitime, celui de Jéhovah, tel qu'il se pratiquait au
Temple. — Les prophètes maudissent les hauts-lieux
idolâtriques. Ose., x, 8, 9; Am., vu, 9. Michée, I, 5,
constate que les hauts-lieux de Juda et Jérusalem même,
sont lamentablement adonnés à l'idolâtrie et aux crimes.
Cf. Jer., xvn, 3; Ezech., vi, 3-6. Les hauts-lieux consa-
crés à Jéhovah se défendaient eux-mêmes sans succès
contre l'invasion des pratiques idolâtriques. Les prêtres
qui les desservaient ne pouvaient être efficacement
surveillés par les autorités religieuses, et ils se lais-
saient entraîner à satisfaire les caprices populaires, de
sorte que des sanctuaires tolérés pour maintenir le
culte de Jéhovah dans les différentes localités et l'op-
poser à celui des idoles, finirent par procurer un ré-
sultat tout contraire. Il en fut ainsi en Israël depuis
le schisme, et la même tendance s'accentua de plus en
plus en Juda. C'est ce qui décida Ézéchias, probable-
ment sous l'influence de Michée et d'Isaïe, à faire dis-
paraître complètement les hauts-lieux. IV Reg., xvm, 4.
k N'est-ce pas lui (Jéhovah) dont Ézéchias a fait dispa-
raître les hauts-lieux et les autels, en disant à Juda et
à Jérusalem : « Vous vous prosternerez devant cet autel
« à Jérusalem? » IV Reg., iv, 22. Rabsacès, qui parle
ainsi, exploitait le mécontentement que la réforme
avait pu exciter chez certains Israélites. L'unité absolue
du sanctuaire, prévue par la Loi comme la forme nor-
male du culte de Jéhovah, était rigoureusement im-
posée. — La réaction idolàtrique, qui triompha sous
Manassé et Amon, détruisit l'effet de la réforme d'Ézé-
chias. Mais l'œuvre de ce dernier fut reprise énergi-
quement par Josias, surtout après la découverte et la
lecture du Deutéronome. Ce roi procéda à la destruc-
tion de tous les hauts-lieux qui avaient été rétablis, de
Gabaa jusqu'à Bersabée. Les prêtres lévitiques qui les
avaient desservis, quelques-uns peut-être en l'honneur
de Jéhovah, mais la plupart en l'honneur des idoles,
furent appelés à Jérusalem et admis à vivre des offrandes,
mais sans monter à l'autel de Jéhovah. IV Reg., xxni,
5-9; II Par., xxxiv, 3-7, 32-33. Privés de leurs prêtres,
les Israélites de Juda étaient bien obligés de renon-
cer aux cérémonies des hauts-lieux, même en l'hon-
neur de Jéhovah. On ne saurait prétendre que la
réforme opérée par Josias supposait une loi nouvelle
sur l'unité du sanctuaire, loi dontla formule aurait été
trouvée ou insérée dans le Deutéronome récemment
découvert. Josias avait pris ses mesures réformatrices
dès lahuitième année de sonrègne, tandis que le livre
ne fut découvert que dix ans après. IV Reg., xxxiv, 3, 8.
Cette découverte activa sans nul doute le zèle du roi,
mais elle ne lui révéla pas une loi qu'il appliquait déjà
précédemment, qu'Ézéchias avait appliquée avant lui,
et au triomphe de laquelle David et Salomon avaient
travaillé par l'érection du Temple.
3° Après la captivité. — Au retour de la captivité,
Zorobabel bâtit le second Temple, sanctuaire unique
de Jéhovah, qui ne connut plus en Palestine la concur-
rence des hauts-lieux. Mais deux faitsimportants viennent
à l'encontre d'une théorie trop absolue. Les Juifs
d'Egypte ne purent se résigner à se passer de temple.
— Les fouilles récemment pratiquées à Éléphantine
d'Egypte ont révélé l'existence dans cette ville d'une
communauté juive pourvue d'un lieu de culte. Cette
communauté remontait à une époque antérieure à la
domination des Perses en Egypte (525 avant J.-C). Les
Juifs se plaignirent à Bagohi, gouverneur de Judée
et probablement juif lui-même, de la destruction de
leur temple par les prêtres de Knoum. L'attentat avait
été commis en l'absence d'Arsam, gouverneur perse
1449
SANCTUAIRE
SANG
1450
de l'Egypte, l'an 14 du roi Darius II (424-405). « Ils
sont arrivés à ce sanctuaire, écrivent-ils, et l'ont
détruit jusqu'au sol. Ils ont brisé les colonnes de
pierre qu'il y avait là. Même il arriva encore que des
portes de pierre, au nombre de cinq, construites en
pierres de taille, qui étaient dans ce sanctuaire, ils les
ont détruites... Or, dès le temps du roi d'Egypte, nos
pères ont bâti ce sanctuaire dans la cité de Iêb, et
lorsque Cambyse est arrivé en Egypte, il a trouvé ce
sanctuaire bâti, et ils ont renversé tous les sanctuaires
des dieux de l'Egypte, et personne n'a rien abîmé à ce
sanctuaire. » Papyrus Sachau, i, 9-14, Berlin, 1908.
Le sanctuaire avait donc une certaine importance. Le
grand-prêtre de Jérusalem, auquel les Juifs d'Élé-
phantine avaient déjà écrit une première fois, ainsi
qu'à Bagohi lui-même, n'avait pas répondu. Sollicité
à nouveau par la lettre précédente, Bagohi répondit :
« Au sujet de la maison d'autel du Dieu du ciel, qui
a été bâtie dans la cité de Iêb auparavant, avant Cam-
byse... : qu'elle soit rebâtie à sa place comme aupara-
vant, et qu'on offre des sacriBces non sanglants et de
l'encens sur cet autel, comme auparavant il était prati-
qué. » Papyrus Sachau, m, 3-11. Bagohi parle seule-
ment de sacrifices non sanglants, sans doute pour ne
pas surexciter l'animosité des habitants d'Éléphantine,
dont le territoire était le fief religieux du dieu bélier.
Mais, dans leur requête, 21, 25, 28, les Juifs men-
tionnent ouvertement les holocaustes qu'ils offraient
dans leur temple. En s'adressant au gouverneur perse
de Judée, et non plus au grand-prêtre Jochanan, ils
agissent avec bonne foi. « Ignoraient-ils absolument
la loi sur l'unité du culte? Il est difficile de le croire,
mais ils ont pu estimer qu'elle n'obligeait que pour la
Palestine. Ils se trouvaient vraiment dans des
conditions tout autres que celles qui avaient été
prévues par la loi. A leur point de vue, mieux valait
rendre à Iahô le culte traditionnel que d'avouer le
triomphe du dieu Knoub et de ses prêtres. A Jérusalem,
on ne pouvait raisonner de la sorte. Le point cardinal
de la réforme de Néhémie et d'Esdras était préci-
sément de constituer à Jérusalem, autour du Temple
rebâti, une communauté sainte, soigneusement séparée
du contact avec les peuples voisins, fussent-ils en
majorité d'origine Israélite. Le principal obstacle
venait de ces Samaritains qui avaient voulu s'associer
à la reconstruction du Temple, et qui, repoussés,
s'étaient résolus à pratiquer chez eux le culte de Iahvé. »
Lagrange, Les nouveaux papyrus d'Éléphantine, dans
la Revue biblique, 1908, p. 346. Bagohi n'avait pas
qualité pour commander à Éléphantine. La réponse
favorable qu'il rédigea était adressée au gouverneur
égyptien, Arsam. Devenu l'ennemi du grand-prêtre
Jochanan et ami des fils de Sanaballat, qui voyaient
d'un bon œil l'érection du temple de Garizim, il fut
sans doute bien aise de déplaire au premier, en
donnant un avis que celui-ci n'eût probablement pas
ratifié. Cf. Lagrange, Revue biblique, 1908, p. 325-349.
Le temple juif d'Éléphantine ne fut pas relevé ou fut
de nouveau détruit après sa restauration, car ni
Josèphe ni les auteurs de la Mischna n'y font la
moindre allusion. — Le temple samaritain de Garizim
fut toujours considéré comme absolument contraire
à la loi. Cf. Joa., iv, 20. Voir Garizim, t. m, col. 111.
D n'en fut pas de même de celui que les Juifs d'Egypte
construisirent à Léontopolis, en 160 avant J.-C. Voir
Oxias IV, t. îv, col. 1818. Cf. Flinders Pétrie, Byksos
and israelite Cities, Londres, 1906, p. 19-27. D'après
les docteurs palestiniens, il est vrai, les sacrifices
complets et le nazaréat n'étaient point valides dans le
temple d'Onias; tout était à recommencer dans celui
de Jérusalem. Les prêtres qui avaient offert dans le
temple égyptien n'étaient pas admis à remplir le même
office dans le temple palestinien; ils étaient considérés
comme frappés d'irrégularité. Cf. Menacholh, xm, 10.
Les prêtres de Léontopolis se tenaient d'ailleurs en
rapport assidu avec Jérusalem, sentant bien que leur
culte ne suffisait pas à se légitimer par lui-même.
On ne voit pas cependant que le temple d'Onias ait été
tenu formellement pour schismatique et qu'il ait
encouru de positives condamnations. Il passait plutôt
pour insuffisant, aux yeux des plus rigides. Bien que
ce temple ait subsisté jusqu'en l'année 73 après J.-C.
et qu'il ait été fréquenté par un grand nombre de Juifs,
il n'en est jamais fait mention dans le Nouveau Tes-
tament. Cette tentative de décentralisation du culte
resta sans imitateurs. On voit les Juifs de la dispersion
élever partout des synagogues; nulle part ils n'essaient
d'y annexer le culte sacrificiel, et, de fait, le Temple
une fois ruiné, ils renoncent à tout jamais à offrir des
sacrifices. Leur persuasion était donc établie que les
sacrifices ne pouvaient s'offrir que dans un temple
unique, que ce temple ne pouvait être- qu'à Jérusalem,
et que mieux valait renoncer totalement à la célébration
des sacrifices qu'essayer d'immoler ailleurs.
III. Caractère sacré du sanctuaire. — Le sanctu-
aire, demeure de Jéhovah, avait un caractère sacré
qu'il communiquait à tous les objets qu'on y renfer-
mait. On appelait « poids du sanctuaire » le poids offi-
ciel qui y était déposé et qui servait d'étalon. Exod.,
xxx, 24; xxxvm, 24; Lev., v, 15; xxvii,; 3, 25; Num.,
m, 47, 50; vu, 13-86; xvm, 16. Dieu ordonnait de
respecter son sanctuaire. Lev., six 30; xxvi, 2. En
conséquence, le sanctuaire était souillé si l'idolâtre y
pénétrait, Lev., xx, 3, voir Péribole, t. v, col. 142, si
le grand-prêtre y officiait après avoir touché un mort,
Lev., XXI, 12, si un prêtre ayant une infirmité y ser-
vait, Lev., XII, 23, si un Israélite y venait en état
d'impureté légale. Num., xix, 20. Ézéchias fit enlever
du sanctuaire tout ce qui le souillait, II Par., xxrx, 5,
et il invita ceux qui restaient en Israël à s'y rendre.
II Par., xxx, 8. Sur les derniers temps de Juda, le sanc-
tuaire fut souillé de toutes sortes de manières. Ezech.,
vin, 6; xxn, 8, 26. Dieu avait menacé de ravager les
sanctuaires des Israélites infidèles. Lev., xxvi, 31;
Ezech., ix, 6; xxiv, 21. La menace fut une première fois
exécutée par les Chaldéens. Elle devait l'être définiti-
vement après la mise à mort du Messie. Dan., vin, 13;
IX, 26; x, 31. — Sur les différents sanctuaires des Israé-
lites, voir Hauts-Lieux, t. m, col. 449; Tabernacle,
Temple. H. Lesêtre.
SANDALES. Judith, x, 3; xvi, 11; Marc, vi, 9.
Voir Chaussure, t. h, col. 631.
SANG (hébreu : dâm; Septante : a"|ia ; Vulgate :
sanguis). liquide mis en mouvement par le cœur et
circulant dans les artères et les veines des animaux. Le
sang de l'homme est rouge, d'où son nom hébreu ve-
nant de 'ddam, « être rouge ». Il est le véhicule de
tous les éléments nécessaires à l'entretien des tissus. 11
est composé de 785 parties d'eau sur 1 000, et, chez
l'homme, représente le 12 e du poids du corps. Sa pré-
sence en quantité suffisante et sa circulation sont
essentielles à la vie. La Sainte Écriture parle souvent du
sang à divers points de vue.
I. Le sang et la vie naturelle. — 1» Le sang est
appelé « l'âme de la chair », ce qui la fait vivre.
Gen., IX, 4-6. « L'âme de la chair est dans le sang, » et
« c'est par l'âme que le sang fait expiation, »Lev.,xvli,
10-14,« par l'âme J>, banane féè, c'est-à-dire en tant qu'âme,
en tant que vie. « Le sang, c'est l'âme, v néfés, la vie.
Deut., xii, 23. Cette identification du sang avec la vie a
sa raison d'être dans la fonction même du sang, à dé-
faut duquel la vie devient physiologiquement impossible.
Du reste, dans l'idée des anciens, la vie résidait dans
le sang. Dans le Poème assyrien de la création, vi, 5,
1451
SANG
1452
6, Mardouk pétrit les hommes de son propre sang et
ainsi leur communique la vie. Cf. Dhorme, Choix de
textes religieux, Paris, 1907, p. 65. Pour Empédocle,
l'âme était le sang répandu autour du cœur, cf. Cicéron,
J'use, i, 9, et Virgile, JEneid., IX, 349, dit d'un blessé
qu' « il vomit son âme empourprée. » Les Hébreux
néanmoins, s'ils confondent la vie, néféè, avec le sang,
en distinguent très bien l'esprit, rûah. Cf. Frz. Delitzsch,
System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861,
p. 238-2V7. — 2° En plusieurs passages, le sang est
nommé au lieu de la vie. II est défendu d'être témoin
contre le sang, c'est-à-dire en vue de faire perdre la
vie du prochain. Deut., xix, 16. David, refusant de boire
l'eau qu'on est allé chercher pour lui à. Bethléhem,
s'excuse en disant : « N'est-ce pas le sang de ces hom-
mes qui sont allés au péril de leur vie? » II Reg., xxm,
17; I Par., xt, 19. Dieu redemandera au prophète le
sang du pécheur qu'il n'aura pas travaillé à convertir.
Ezech., in, 18,20. On acquiert un esclave avec du sang,
c'est-à-dire en dépensant de sa vie, de sa peine. Eccli.,
xxxnr, 31. — 3» L'homme est fait de chair et de sang.
Eccli., xiv, 19. La pression du nez fait sortir le sang.
Prov., xxx, 33. Le Sauveur eut une sueur de sang pen-
dant son agonie. Luc, xxn, 44. Après sa mort, il sortit
de sa blessure à lapoitrinedusangetdel'eau.Joa.,xix,
34. Presque aussitôt après la mort, la fibrine du sang
se coagule et le sang lui-même 'perd sa fluidité. Le
sang ne coule pas d'une blessure faite à un cadavre.
Saint Jean le savait et il avait conscience de raconter
un fait extraordinaire; c'est pourquoi il l'atteste avec
une particulière insistance. Joa., xix, 35.
II. Défense de manger le sang. — 1° Aussitôt après
le déluge, Dieu défend de manger la chair avec son
sang. Gen.,ix, 4. En permettant à l'homme de se nour-
rir de chair, Dieu ne veut pas qu'il le fasse à la manière
des animaux, qui dévorent tout.D'ailleurs,le sang,e'est
la vie»; la vie vient de Dieu, il se réserve à lui seul ce
qui la représente et défend à l'homme soit de verser le
sang de son semblable, soit même de prendre pour
nourriture le sang des animaux. La défense est répétée
aux enfants d'Israël, avec peine du retranchement pour
les transgresseurs; elle est étendue aux étrangers qui
séjournent au milieu d'eux. Si on prenait à la chasse
un animal ou un oiseau qui se mange, il fallait en ver-
ser le sang et le couvrir de terre. Lev., xvii, 10-14;
xix, 26; Deut., xii, 16, 23; xv, 23. — 2» Pour que
l'accomplissement de celte loi entrât dans les habitudes
du peuple, quiconque, au désert, égorgeait un bœuf,
une brebis ou une chèvre, devait procéder à cette opé-
ration à la porte du Tabernacle, Lev., xvii, 3, 4, afin
•qu'on fût bien sûr que le sang était répandu et qu'en
même temps il constituât une offrande au Seigneur.
La défense ne fut pas toujours observée. A la suite d'une
victoire sur les Philistins, les Israélites se mirent à
manger des brebis, des bœufsetdes veaux avec le sang.
Saùl les rappela au devoir et les obligea à venir égor-
ger leurs animaux sur une grande pierre. I Reg., xiv,
32-34. Judith compte parmi les fautes du peuple qui
ont attiré la colère de Dieu la résolution qu'on a prise
de boire du sang des animaux. Judith, xi, 11. — 3° La
loi était encore en vigueur à l'époque évangélique;
bien qu'elle n'eût pas le caraclère d'une loi naturelle et
perpétuelle, les apôtres jugèrent à propos d'en mainte-
nir l'obligation pour tous les chrétiens, qu'ils vinssent
du judaïsme ou de la genlilité. Il fut donc décidé que
tous s'abstiendraient « du sang et de la chair étouffée »,
c'est-à-dire de celle dont le sang n'avait pas été répandu.
Act., xv, 20, 29; xxi, 25. Le texte porte : àrcé/eirOai
aî\j.otx<x; xa\ jcvixtûv, « s'abstenir du sang et des viandes
étouffées ». Le second terme manque dans quelques
manuscrits, mais il est équivalemment compris dans le
premier, car le sang est défendu soit isolé, soit dans
la chair de l'animal. Cependant, cette omission a sug-
géré à Tertullien, De pudicit., 12, t. il, col. 1002, et à
quelques autres en Occident, l'idée que la défense du
sang n'est autre chose que la défense de l'homicide,
péché qui, par sa gravité, est mis sur le même rang
que l'idolâtrie et l'impureté. Mais saint Augustin,
Cont. Faust., xxxn, 13, t. xlii, col. 504, saint Jérôme,
In Ep. ad. Gai., v, 2, t. xxyi, col. 395, et d'autres, tout
en ne lisant que trois prohibitions, entendaient la
prohibition du sang dans le sens de manger du sang.
Les Pères grecs, qui lisaient généralement dans le
texte quatre prohibitions, ont reconnu dans deux
d'entre elles l'ancienne défense mosaïque de faire en-
trer le sang dans l'alimentation. Celte interprétation
est rendue indubitable par la remarque de saint Jac-
ques, que « Moïse a dans chaque ville des hommes qui
le prêchent, » Act., xv, 21, et qu'il importe par consé-
quent de ne pas heurter de front des coutumes si véné-
rables et si répandues. Or, cette remarque vise surtout
la défense purement mosaïque du sang et des viandes
étouffées, puisque les deux autres concernent l'impu-
reté, défendue de droit naturel et divin, et une certaine
participation à l'idolâtrie qui, sous sa forme positive,
est défendue par le même droit. Il est vrai que saint
Paul affirme l'indifférence absolue des aliments, Rom.,
xiv, 14, 17, 20; I Cor., vm,8; x, 23, 25-27; Heb., xin, 9,
et même déclare nuisibles toutes les prescriptions ali-
mentaires. Col., il, 21; I Tim., iv, 3; Heb., ix, 10.
Mais on sait qu'il subordonne l'usage des aliments à la
question du scandale, ce qui, en somme, rentre dans la
pensée de saint Jacques. Comme il ne s'agissait là que
de préceptes mosaïques, l'obligation n'en persista pas
longtemps, même dans les chrétientés les plus mélangées
d'anciens Juifs, et la défense du sang cessa d'être en
vigueur en même temps que les observances analogues.
Cf. H. Coppieters, Le décret des Apôlres, dans la Re-
vue biblique, 1907, p. 3i-58, 218-239.
IH. Le sang dans les sacrifices. — 1° L'effusion du
sang des victimes constituait la partie essentielle des
sacrifices. Ce sang, représentant la vie, témoignait que
la vie même était offerte et consacrée à Dieu. Après que
la vietimeavait été égorgée, on portait son sang à l'au-
tel et on le versait, de différentes manières, aux coins
ou au pied de l'autel, d'où il s'écoulait par un conduit
jusque dans le torrent du Cédron. Voir Sacrifice,
col. 1324. Il servait encore à faire des aspersions, voir
Aspersion, t. i, col. 1120, et des onctions. Voir Onc-
tion, t. IV, col. 1806. Dans les cultes idolàtriques, on
faisait aussi des libations de sang. Voir Libation, t. îv,
col. 237. — 2° Il était interdit d'associer le sang d'une
victime à du pain levé, parce que le levain ne pouvait
jamais être offert à l'autel. Exod., xxm, 18; xxxiv, 25.
Voir Levain, t. iv, col. 198. — 3° Quand le Seigneur
veut rappeler que le sacrifice doit être avant tout accom-
pagné de sentiments intérieurs, il fait dire :« Est-ee
que je bois le sang des boucs? » Ps.l(xlix), 13. «Je ne
prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et
des boucs. i> Is., I, 11. Lorsque ces sentiments font
défaut, une oblation équivaut à une offrande de sang de
porc, c'est-à-dire de l'animal impur par excellence.
Is., lxvi, 3.
IV. Effusion du sang humain. — Dieu défend abso-
lument de répandre le sang humain pour donner la
mort à quelqu'un. Celui qui commet ce crime sera lui-
même puni de mort. Dieu se charge même de deman-
der compte à l'animal du sang de l'homme qu'il aura
versé. Gen., IX, 5, 6; Exod., XX, 13. Voir HOMICIDE,
t. m, col. 740. La transgression de ce précepte entraine
différentes conséquences.
1° La voix du sang. — Dieu dit à Caïn fratricide :
« La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à
moi. » Gen., iv, 10. Le sang humain répandu sur le
sol atteste qu'une vie a été sacrifiée : Dieu le voit et sa
justice doit intervenir, comme si le sang était un être
1453
SANG
1454
vivant qui s'adresse à lui pour réclamer vengeance.
Quand les frères de Jo?eph sont traités d'espions en
ÉgJ'Pte, Ruben leur dit, Gen.,xui,22, que c'est le sang
de leur frère qui est réclamé. Job, xvi, 19, s'écrie :
« terre, ne couvre point mon sang ! » Il signifie par
là qu'il veut que Dieu puisse voir son sang, c'est-à-dire
ses souffrances imméritées, et agir en conséquence.
Pour marquer l'intervention de Dieu qui va châtier les
ennemis de son peuple, Isaïe, xxvi, 21, dit que « la
terre découvrira le sang qu'elle a bu et ne cachera
plus ses tués. » Judas Machabée conjurait le Seigneur
« d'écouter la voix du sang qui criait vers lui et de se
souvenir du meurtre criminel des petits enfanls inno-
cents. » II Mach., vin, 3.
2° Les hommes de sang. — Moïse, après la cir-
concision de son fils, est appelé par Séphora « époux
de sang », bien qu'il ne fût nullement coupable et
n'eût fait qu'obéir au Seigneur. Exod., iv, 25, 26. —
Les véritables hommes de sang sont les méchants qui
ne reculent pas devant l'homicide. Prov., i, 11, 16;
xvi, 6; Ose., iv, 2; Sap., xn, 5; xiv, 25; etc. L'homme
irascible n'hésite pas à verser le sang. Eccli., vin, 19;
xxu, 30; xxvn, 16; xxvm, 13. Les nations versaient le
sang comme l'eau. Ps. lxxix (lxxviii), 3. On a pu
donner le nom de « ville de sang » à Ninive, Nah.,
m, 1, et même à Jérusalem, Ezech., xxu, 2-27; xxiv,
6-9. Bâtir une ville dans le sang, c'est y faire régner la
violence. Hab., il, 12. Galaad est une ville de mal-
faiteurs remplie de traces de sang. Ose., vi, 8. La
grande Babylone était ivre du sang des saints et des
martyrs. Apoc., xvn, 6. Parfois les meurtres sont si
nombreux que « les montagnes se fondent dans le
sang, » Is., xxxiv, 3, « la terre s'enivre de sang, » Is.,
xxxiv, 7. Dieu menace d'arroser l'Egypte de son sang
jusqu'aux montagnes. Ezech., xxxn, 6. Le sang des
méchants sera répandu comme la poussière. Soph.,
i, 17. Les auteurs sacrés se plaignent souvent de l'effu-
sion du sang innocent. I Reg., xix,5; xxv, 31; IV Reg.,
xxi, 16; xxiv, 4; Ps. xciv (xcm), 21; cvi (cv), 38; Is.,
lix, 7; Jer., vu, 6; xix, 4; xxm, 3, 17; xxvi, 15; Lam.,
iv, 13, Jo., m, 19; Jon., 1,14; I Mach., i, 39. — David
est appelé « homme de sang » par Séméi, II Reg., xvi,
7, 8, à cause du meurtre d'Urie. Comme il avait ré-
pandu beaucoup de sang au cours de ses guerres, le
Seigneur ne voulut pas qu'il entreprît la construction
du Temple. I Par., xxu, 8; xxvm, 3.
3° Le sang sur quelqu'un. — Si quelqu'un commet
une imprudence grave qui expose sa vie, son sang est
sur sa tête, c'est-à-dire qu'il est responsable de sa
propre mort. Jos., it, 19. Il en est de même de celui
qui se rend coupable d'une faute entraînant la mort,
Ezech., xxxm, 4, et spécialement du meurtrier. Jud.,
ix, 24; II Reg., i, 16; III Reg., n, 32-37. - Le sang
est dans les mains de celles qui commettent l'homicide
en offrant leurs enfants à Moloch. Ezech., xxm, 37,
45. — Le sang est sur une maison dont le propriétaire,
pour n'avoir pas mis de balustrade à son toit, a été
cause qu'un autre est tombé et s'est tué.Deut., xxu, 8.
— Le sang est sur la maison de Saûl, à cause des vies
que ce roi a sacrifiées. II Reg., xxi, 1. Il est sur ceux
qui ont commis certains crimes et doivent les payer
<îe leur vie. Lev., XX, 9-27; Prov., i, 18; Jer., li, 35;
Ezech., xviii, 13; Ose., xn, 14. Si celui qui vole la nuit
avec effraction est frappé à mort, il est coupable de son
propre sang ; s'il est frappé de jour, celui qui le frappe
est responsable. Exod., xxu, 2. — Le sang innocent
versé depuis Abel jusqu'à Zacharie doit retomber sur les
Juifs rebelles. Matth., xxm, 35. Eux-mêmes demandent
que le sang du Sauveur retombe sur eux et sur leurs
enfants, Matth., xxvn, 27, c'est-à-dire qu'ils prennent
la responsabilité de la condamnation à mort qu'ils ré-
clament. Le sanhédrin se plaint ensuite qu'on veuille
Jàire retomber ce sang sur lui. Act., v, 28. A Corinlhe,
saint Paul dit aux Juifs qui lui font opposition et vont
ainsi au-devant du châtiment divin : « Que votre sang
soit sur votre tête! » Act., xviii, 6. — On est innocent
du sang de quelqu'un quand on se refuse à ratifier sa
condamnation injuste. Daniel a raison de le faire au
sujet de Susanne, Dan., xm, 46, mais Pilale n'a pas le
droit de prétendre à cette innocence, puisque la con-
damnation de Jésus ne dépend que de lui. Matth.,
xxvn, 24. Saint Paul est « pur du sang de tous »,
parce qu'il leur a prêché la vérité sans rien dissimuler.
Act., xx, 26.
4° Le vengeur du sang. — 1. Celui qui avait ré-
pandu le sang devait s'attendre à voir répandre le sien
et cette vengeance était exercée par le goël. Voir Goël,
t. m, col. 262. Quand le meurtre était involontaire, le
meurtrier se relirait dans une des villes de refuge,
pour y échapper à la vengeance possible du goêl.
Num., xxxv, 6-33; Deut., xix, 6-13; Jos., xx, 3-9. Si le
meurtrier demeurait inconnu, les anciens de la ville
la plus rapprochée du lieu du crime avaient à déclarer
solennellement qu'ils n'avaient ni répandu ni vu ré-
pandre le sang. Deut., xx, 3-9. Cf. II Reg., m, 27; iv,
11; I Mach., ix, 38-41. — 2. Mais le plus souvent Dieu
lui-même est le vengeur du sang auquel on fait appel
et qui exerce lui-même la vengeance. Deut., xxxm, 43;
I Reg., xxvi, 20; Judith, vm, 20; Job, xvi, 19; Ps. ix,
13; lxxix (lxxviii), 10; Is., xlix, 26; Ezech., xiv, 19;
xxxm, 6-8; xxxv, 6; Ose., i, 4; Luc, xi, 50, 51; Apoc,
vi, 10; xvi, 3-6; xix, 2. 11 déteste l'homme de sang,
Ps. v, 7, et ne le laisse pas vivre longtemps. Ps. lv
(liv), 24; Prov., xxvm, 17, etc. — Dieu permet que
les chiens lèchent le sang des meurtriers, II Reg., xxi,
19; xxu, 38, et que les bêtes de toutes sortes boivent
le sang de ses ennemis. Ezech., xxxix, 17-19.
V. Locutions diverses. — 1» La chair et le sang. —
Ce sont les deux parties principales qui composent le
corps. Eccli., xiv, 19. La chair et le sang désignent
donc la vie elle-même, avec ses instincts et ses pas-
sions. Le méchant obéit à la chair et au sang. Eccli.,
xvii, 30. Cette locution désigne également la vie natu-
relle, par opposition à ce qui vient de Dieu. La chair
et le sang n'ont point révélé à Pierre la connaissance
de la divinité du Sauveur. Matth., xvi, 17. Les vrais
enfants de Dieu ne sont pas ceux qui sont nés du sang
et de la volonté de la chair. Joa., i, 13. Saint Paul
converti ne consulte ni la chair ni le sang pour annon-
cer Jésus-Christ. Gai., 1, 16. Ni la chair ni le sang ne
peuvent hériter du royaume de Dieu. I Cor., xv, 50.
Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang,
c'est-à-dire contre des puissances purement naturelles,'
mais contre les puissances infernales. Eph., vi, 12.
Jésus-Christ a voulu avoir en partage le sang et la
chair, c'est-à-dire la nature humaine. Heb., n, 14.
2° La parenté. — Il est défendu de contracter union
avec son sang, c'est-à-dire avec quelqu'un dont on est
parent. Lev., xvm, 6.
3° Le carnage. — Boire le sang de ses victimes,
c'est exterminer ses ennemis. Num., xxm, 24. La
signification est la même pour l'expression « laver ses
pieds dans le sang » de ses adversaires. Ps. lviii (lvii),
II ; lxviii. (lxvii), 24. David recommande à Salomon
de faire descendre dans le sang au séjour des morts les
cheveux blancs de Séméi, c'est-à-dire de le faire périr
malgré son grand âge. III Reg., n, 9. — Les flèches,
les épées abreuvées de sang indiquent le carnage qui
a été exécuté ou le sera. Deut., xxxn, 14; IV Reg., m,
23; Is., xxxiv, 6; Jer., xlvi, 10; xlviii, 10. — Les
trente pièces d'argent de Judas étaient le « prix du
sang », Matth., xxvn, 4-8, et le champ qu'elles ser-
virent à acheter devint le « champ du sang ». Act., i,
19. — Résister jusqu'au sang, c'est rester fidèle
malgré les supplices et la menacé de la mort. Heb.,
xn, 4.
4455
SANG — SANGLIER
1456
4° Le sang dans les prodiges. — Sur l'eau du Nil
changée en sang, Exod., îv, 9; vu, 17-21; Ps. lxxviii
(lxxvii), 44; cv (civ), 29; Sap., xi, 7, voir Eau, t. n,
col. 1520. Parmi les signes précurseurs de la grande
manifestation divine, Joël, n, 80, 31, voit du sang et
spécialement la lune changée en sang, c'est-à-dire pre-
nant une couleur rougeâlre et lugubre. Saint Pierre
applique cette prophétie à la manifestation divine de
la Pentecôte. Act., Il, 19, 20. Saint Jean voit aussi la
lune comme du sang, Apoc, vi,12, le tiers de la mer
changée en sang, Apoc, vm, 8, et les deux envoyés de
Dieu qui ont pouvoir sur les eaux pour les changer en
sang. Apoc, xi, 6.
5° Le sang de la vigne. — Le jus du raisin rouge
prend métaphoriquement le nom de sang. Juda lave
son vêtement dans le sang de la grappe, c'est-à-dire
possède de beaux vignobles sur son territoire. Gen.,
xlix, 11. Du reste, tout Israël peut boire le sang de la
grappe. Deut.,xxxii, 14. Dans les. libations liturgiques,
le grand-prêtre répandait le sang de la grappe. Eccli.,
l, 16. — Potr exciter les éléphants au combat, on leur
montrait du sang de raisin et de mûres, c'est-à-dire du
jus rouge de ces deux fruits. I Mach., VI, 34.
VI. Le sang de Jésus-Christ. — 1° Le Sauveur pro-
met de donner son sang comme breuvage pour commu-
niquer la vie. Joa., vi, 54-57. La veille de sa mort, il
change en effet le vin en son sang. Matth., xxvi, 28;
Marc, xiv, 24; Luc.,xxn, 20; I Cor., xi, 25. Ainsi le
chrétien communie au vrai sang de Jésus-Christ. I Cor.,
x, 16; xi, 27. — 2° Ce sang, versé sur la croix, opère
la rédemption et la purification des hommes. Par son
sang, Jésus-Christ s'est acquis son Église. Act., xx, 28.
Il s'est fait victime propitiatoire par son sang. Rom.,
m, 25. Par ce sang divin, nous sommes rachetés, Eph.,
1,7; Col., i, 14; Apoc, v, 9, purifiés, Heb., ix, 14;
I Joa., i, 7; Apoc, i, 5; vu, 14; xxii, 14, justifiés, Rom.,
v, 9, sanctifiés, Heb., xm, 12, affranchis, I Pet., i, 19,
rapprochés de Dieu, Eph., n, 13, victorieux de Satan,
Apoc, xn, 11, et en possession de la paix. Col., i, 20.
H. Lesêtre.
SANGALLENSIS (CODEX), manuscrit de la
bible préhiéronymienne, dont il reste dix-sept feuillets
ou fragments de feuillets, recueillis dans un porte-,
feuille (cod. 1394), à la suite des restes célèbres du
Virgile, à la bibliothèque de l'ancienne abbaye de Saint-
Gall. Le manuscrit auquel ces feuillets ont appartenu
a été écrit au V e siècle. Ils contiennent des fragments
de Matthieu, de Marc et de Jean. Le texte est un « texte
européen ». Ces feuillets sont désignés dans l'appareil
critique du Nouveau Testament par le sigle n. Là biblio-
thèque urbaine, de Saint-Gall ou Bibliotheca Vadiana
possède un feuillet provenant de ce même manuscrit
du V e siècle et contenant Joa., xix, 28-42. On l'unit à n.
Enfin le musée de l'évêque, à Coire, possède deux
feuillets qui proviennent du même manuscrit et conte-
nant Luc, xi, 11-29, et xm, 16-34. Ces feuillets sont
désignés dans l'appareil critique par le sigle o 2 . Voir
sur ces fragments Gregory, Prolegomena, p. 953, 961-
962.Wordsworth, Old latin biblical Texts, n. n, Oxford,
1886. J'ai signalé le premier que a 2 et n faisaient partie
du même manuscrit, Noie sur un évangile de Saint-
Gall, Paris, 1884, et publié le premier a-, dans la Revue
archéologique, 1885, p. 305-321.
P. Batiffol.
SANGERMANENSIS (CODEX). - I. Ce manus-
crit, l'un des manuscrits importants de la Bible préhié-
ronymienne, appartient à la Bibliothèque nationale, à
Paris, où il est coté ms. latin H553. Il provient de
l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, où il portait
(depuis 1744) le numéro 86, et antérieurement, lors
des travaux des bénédictins qui le firent connaître, le
numéro i5. De là vient qu'il est souvent dénommé
Sangermanensis 15. Il mesure 390""" x 320 et compte
189 feuillets, à deux colonnes. Il fut collationné pour la
première fois par Robert Estienne, pour son édition
de 1540. L'écriture du manuscrit paraît être de la pre-
mière moitié du ix a siècle. Le manuscrit est d'origine
française, peut-être de la région de Lyon.
Le Sangermanensis n'est que le second tome d'une
Bible Jatine complète. Robert Estienne, au xvi e siècle,
avait entre les mains le tome i er , qu'il a collationné,
et qui a été perdu depuis. — Le manuscrit s'ouvre par
les «xantiques », celui de Moïse (Exod., xv, 7-19), celui
d'Habacuc (Hab., m), celui d'Anne (I Reg., n, 1-10),
celui d'Isaïe (Is., xxvi, 9-19), celui des trois enfants
dans la fournaise (Dan., m, 26-90), ces cantiques repro-
duits d'après le texte du psautier dit « romain ». Puis
vient le livre des Proverbes, interrompu par la perte
d'un cahier du manuscrit, qui reprend au chapitre x
de la Sagesse. A la suite l'Ecclésiastique, les Chroniques,
Esdras et Néhémie, Esther, Judith, ïobie, ce dernier
incomplet de la fin, puis les Machabées, dont le premier
livre est mutilé de ses treize premiers chapitres. Là
finit l'Ancien Testament. M. Berger écrit de ces textes :
« Tout ce que nous en avons vu est absolument espagnol,
et dans le courant des textes qui viennent de Tolède
et qui ont pénétré en France par la marche d'Espagne,
la Septimanie et la vallée du Rhône. » Histoire de la
Vulgate, Paris, 1893, p. 68.
Le Nouveau Teslament comprend les quatre Évan-
giles, les Actes, les épîtres catholiques, l'Apocalypse, les
quatorze épîtres paulines, enfin le Pasteur d'Hermas
(jusqu'à Vis., m, 8). On ne sait à quel moment le ma-
nuscrit a perdu ses dernières pages. Le. texte des évan-
giles est un texte mélangé sous l'influence d'un texte
ancien en partie « européen », en partie « italien » :
mais certaines leçons rappellent les textes « irlandais».
Berger, op. cit., p. 69. Au contraire, le texte des épîtres
catholiques est un texte de caractère espagnol ou langue-
docien. lbid.,p.'10. — Sur le Codex Sangermanensis 15,
ou gr 1 , on consultera J. Wordsworth, Old latinbiblicat
Texts, n. j, Oxford, 1883; S. Berger, op. cit., p. 65-72,
408; Gregory, Prolegomena, p. 958-959.
IL Un autre manuscrit de Saint-Germain, g 2 , est le ma-
nuscrit latin i3169 de la Bibliothèque nationale. Il por-
tait à Saint-Germain le numéro 2. Il ne contient que
les quatre Évangiles. Il mesure 215 mm X 140 et compte
166 feuillets. Il est écrit en minuscule du ix e siècle.
Le texte est un texte « irlandais ». S. Berger a établi que
ce manuscrit était au Mans dès le milieu du XI e siècle.
Berger, op. cit., p. 48, 408; Gregory, op. cit., p. 959.
P. Batiffol.
SANGLIER (hébreu : liâzir; Septante : jjiovipç;
Vulgate : singularis), mammifère de l'ordre des bi-
sulques ou fourchus et du sous-ordre des porcins. Le
sanglier (fig. 294) diffère du porc, dont il partage le-
nom en hébreu, par une tête plus allongée, des oreilles
plus courtes, des défenses plus développées, des soies
plus grosses, raides et d'un brun noirâtre. A l'âge de
trois ou quatre ans, le sanglier va ordinairement seul,
d'où son nom de solitaire en grec, en latin et en fran-
çais. Il choisit pour bauges des endroits boisés et
numides. Il s'y confine le jour et n'en sort que la nuit
pour chercher sa nourriture. Celle-ci consiste en fruits,
en graines, enracines, et au besoin, en petits animaux,
jeunes lapins, levrauts, perdrix, etc. Le sanglier fouille
le sol, comme le porc, mais en droite ligne et profon-
dément. II est très farouche et très hardi dans le danger;
aussi la chasse en est-elle particulièrement périlleuse.
— Le sanglier n'est mentionné qu'une seule fois dans la
Sainte Écriture. Israël, châtié par le Seigneur, est com-
paré à une vigne que dévastent les passants, et « le san-
glier de la forêt la dévore. » Ps. lxxx (lxxix), 14. Le
sanglier se rencontre bien plus fréquemment en Pales-
tine que cette unique allusion ne le donnerait à pen-
ser. Il gite à proximité des rivières et des lacs, dans
1457
SANGLIER — SANGSUE
1458
des fourrés épais, où il ne pénètre qu'avec un fracas
qui dénonce sa présence. De là, il sort la nuit, ravage
les champs et les vignes et ruine souvent, pour toute
une année, les espérances du cultivateur. Les sangliers
se rencontrent nombreux sur les bords du Jourdain, de
Jéricho au lac de Tibériade, près du lac Mérom, au
Thabor, au Carmel, sur les rives du Cison, dans la
plaine de Saron, dans le désert de Bersabée et dans
les vallées de Moab et de Galaad. Près de Jéricho, ils
pullulent dans les ravins humides et fournissent une
abondante nourriture aux panthères. Cf. de Saulcy,
Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. h,
•p. 148. Voir t. iv, fig. 270, col. 1024, un bas-relief
trouvé à Koyoundjik et représentant un sanglier avec
ses petits au milieu des roseaux. « On rencontre fré-
quemment ces animaux dans cette partie du Ghor où ils
trouvent une nourriture abondante et des lagunes rem-
plies de roseaux au milieu desquels ils peuvent se cacher
facilement. Les Arabes regardent le sanglier comme
impur, et à aucun prix ne voudraient le toucher de la
294
■ Le sanglier.
main; cependant ils le chassent volontiers par simple
amusement, pour faire courir, sauter leurs chevaux et
pour s'exercer au maniement de leurs armes. Ils le
tuent à coups de lance, et abandonnent ensuite sa
carcasse aux hyènes, aux chacals et aux vautours. Au
delà du lac de Tibériade, les Arabes des villages chré-
tiens mangent sa chair sans répugnance. Ce cochon
sauvage, sus scrofa, est de la même espèce que celui
d'Europe, quoique sa taille soit peu considérable et la
couleur de son poil beaucoup plus foncée. Il est aussi
moins féroce, ne se retourne pas pour tenir tête à
l'agresseur ou aux chiens, mais cherche surtout à fuir
au plus vite. Ce fauve est très redouté des cultivateurs
de Jéricho, car il fait de grands dégâts dans les champs
et les vergers. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 466. Quand la crue du Jourdain chasse les san-
gliers de leurs retraites, ils montent dans le haut pays
et se cachent le jour dans les fourrés et dans les creux
des rochers. Dans la région de l'Hermon, des sangliers
énormes dévastent les champs des montagnards.
Cf. Lortet, lbid., p. 649. Dans les districts vignobles,
ils dévorent les raisins et ravagent complètement les
vignes, quand on ne réussit pas à les surveiller et à les
écarter. La chair du sanglier ressemble assez à celle
du porc. Ces deux animaux étaient impurs pour les
Hébreux. Ceux-ci ne les chassaient donc que pour la
protection de leurs récoltes. Cf. Tristram, The natural
History of Ihe Bible, Londres, 1889, p. 5i-56.
L'extension exagérée qu'on a attribuée au totémisme
a porté certains auteurs à voir dans le sanglier, type
sauvage du porc domestique, le totem des anciens clans
hébreux, c'est-à-dire l'animal avec lequel les premiers
ancêtres de la race auraient contracté une sorte de pa-
renté et qui, pour cette raison, serait devenu tabou ou
prohibé pour les descendants. Cf. Comptes rendus de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1900,
1" juin-10 août; Revue biblique, 1901, p. 140-141 ; S. Rei-
nach, Cultes, Mythes, Religions, Paris, 1906. L'influence
du totémisme est loin d'avoir été aussi générale qu'on
l'a prétendu et l'introduction d'une pareille observance
chez les Hébreux est encore à prouver. Cf. Lagrange,
Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p.110-
HSjZapleta^-DerTotemismuswnd die Religionlsraels,
Fribourg (Suisse), 1901; Ma r Le Roy, La religion des
primitifs, Paris, 1909, p. 109-134. L'interdiction du
porc peut tenir à plusieurs sortes de causes, en particu
lier à l'hygiène. D'autre part, il est certain quele porc
était une des victimes préférées en Babylonie et dans
la Grèce antique. Les débris retrouvés dans le grand
sanctuaire néolithique de Gazer étaient surtout des os de
porc. Cf. Macalister, dans le Pales t. Explor. Fund,
Quart, stalement, 1903, p. 321; 190i, p. 113; H. Vin-
cent, Canaan, Paris, 1907, p. 188. C'est donc en Cha-
naan même que le porc- était réservé aux sacrifices.
N'était-ce pas une raison de plus pour que la loi mo-
saïque proscrivît ce qui servait plus spécialement aux
sacrifices idolâtriques des Chananéens ? L'hypothèse
du totémisme est donc ici sans fondement.
H. Lesêtre.
SANGSUE (hébreu : 'âlùqâh; Septante : ëoé).).a;
Vulgate : sanguisuga), annélide suceur, de l'ordre des
abranches ou sans branchies, et de la famille des hiru-
dinées ou bdellaires. — La sangsue commune a le
corps plissé transversalement et formé de 94 anneaux
marqués de taches noires et pourvus de pores qu'on
regarde comme des organes respiratoires. Aux deux
extrémités du corps, deux cavités contractiles permettent
à l'animal d'adhérer fortement aux objets. Cette faculté
d'adhérence a valu à la sangsue son nom hébreu, qui
vient de 'âlaq, « adhérer ». Dans la cavité antérieure
se trouve la bouche, armée de trois petites lancettes
dentées comme des scies, à l'aide desquelles la sangsue
pique la peau des animaux pour pouvoir ensuite sucer ■
leur sang. De ce sang, elle remplit successivement les
diverses cavités d'un estomac qui occupe presque les
deux tiers de la longueur de son corps (fig. 295). La
sangsue est extrêmement vorace ; on connaît des espèces
qui se gorgent d'une quantité de sang égale au poids
de leur corps. Quant elle est gorgée, elle se laisse choir
d'elle-même et met des semaines ou des mois à digérer
son repas. Le contact d'un peu de sel lui fait lâcher sa
proie. Autrement, le mot d'Horace, De art. poet., 476,
se vérifie : •
Non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo.
Il existe un grand nombre d'espèces de sangsues,
vivant aux dépens des poissons, des crustacés, des
mollusques. Les plus connues s'attaquent à l'homme et
aux mammifères. Elles ne sont pas toutes aquatiques.
Dans les régions chaudes vivent, au milieu des brous-
sailles, des sangsues qui s'en prennent au voyageur et
au cheval qui le porte, et les sucent l'un et l'autre, sou-
vent sans qu'ils s'en aperçoivent. Les sangsues aqua-
tiques sont cependant plus communes. A part quelques
exceptions, les accidents qu'elles causent sont peu à
redouter. Cf. Van Beneden, Les commensaux et les
parasites dans le règne animal,Yar\s, 1883, p. 1C2-105.
Toutefois, ces accidents peuvent devenir graves quand
l'animal s'introduit dans un organe. Lortet, La Syrie
d'aujourd'hui, Paris 1884, p. 470, dit à propos de la
source Aîn-el-Haoud, située entre Jéricho et Jérusalem :
« L'eau, assez fraîche et bonne,... tombe dans uneauge
oblongue, où il ne faut boire qu'avec beaucoup de pré-
cautions, car elle est pleine de sangsues fines comme
des cheveux, presque incolores et que l'on est exposé à
avaler avec la plus grande facilité. Ces annélides
(hsemopis sanguisuga) se fixent alors dans l'arrière-
gorge, où elles amènent, en se gonflant, et par la perte
1459
SANGSUE
SANHÉDRIN
1460
de sang qu'elles occasionnent, les accidents les plus
sérieux. Les malades périssent quelquefois suffoqués
brusquement lorsque ces animaux se lisent sur les
cordes vocales, ou bien la mort arrive lentement, accom-
pagnée de symptômes d'une anémie grave. «Maimonide,
Hilcoth Schabbath, II, 6, rapporte que si quelqu'un
avait avalé unç sangsue, on faisait chauffer de l'eau,
même le jour du sabbat, et on lui donnait les soins
nécessaires, parce que sa vie était en danger. Il y a des
sangsues dans la fontaine de Cana en Galilée et l'on
entretient une grosse anguille pour s'en débarrasser.
L'hœmopis sanguisuga est très abondante dans les eaux
stagnantes de Palestine. Elle se fixe dans les narines
ou dans la bouche avec une ténacité telle que souvent
elle se laisse déchirer en deux plutôt que de se déta-
cher. Elle cause assez grande douleur et fait perdre
beaucoup de sang, h'hirudo medicinalis se rencontre
encore plus fréquemment. Il est difficile de ramasser
une pierre dans les petits cours d'eau sans trouver deux
ou trois sangsues adhérentes au-dessous. D'autres
sangsues appartiennent aux genres bdella et trochetia.
Cf. TYistram, The natural History of the Bible,
Londres, 1889, p. 289, 3C0. — 11 n'est question de la
295. — La sangsue.
sangsue que dans les Proverbes, xxx, 15 : « La sangsue
a deux filles, hab ! hab ! donne, donne. » Elle est le
type des choses insatiables qui ne disent jamais : assez !
comme le séjour des morts, le sein stérile, la terre
desséchée et le feu. Les filles de la sangsue, hab! hab!
sont ainsi appelées par métaphore; elles représentent
les instincts insatiables de l'animal. — Plusieurs
commentateurs ont pensé que le mot 'âlûqàh pouvait
désigner, d'après l'arabe, le destin ou la Parque, ou
encore une sorte de vampire suceur de sang, comme
le ghul des Arabes, la Lilith des Juifs (t. iv, col. 254),
les démons suceurs de sang du Zohar, H, 248, 264, etc.
Ces identifications ne sont pas justifiées. Les versions
ont presque toutes reconnu dans 'âlûqâh le nom de la
sangsue et il n'est pas admissible que l'auteur sacré ait
associé un être purement chimérique aux quatre êtres
réels qu'il énumère ensuite. Cf. Rosenmiiller, Prover-
bia, Leipzig, 1829, p. 701-703. H. Lesêtre.
SANHÉDRIN (grec : auvlêpiov ; "Vulgate : roncilium),
grand conseil des Juifs. — 1° Son origine. — Les doc-
teurs juifs ont prétendu faire remonter l'origine du san-
hédrin à Moïse lui-même, lorsqu'il institua un conseil
de soixante-dix anciens. Num., xi, 16. L'histoire ne
fournit pas le moindre document qui puisse justifier
cette prétention. L'institution des anciens n'a nullement
le caractère et les attributions qui appartiennent au
sanhédrin. Le tribunal établi plus tard à Jérusalem
par Josaphat, II Par., xix, 8, n'a que des pouvoirs judi-
ciaires, comme d'ailleurs les anciens tribunaux men-
tionnés dans le Deutéronome, xvn, 8-10; xix, 16-18.
C'est après l'exil, à l'époque de la domination perse,
que le sanhédrin fut institué. Régis par un pouvoir qui
leur était étranger, les Juifs cherchèrent naturellement
à posséder chez eux une autorité capable de les gou-
verner de plus près, avec le plus de pouvoir possible,
sans pourtant porter trop gravement ombrage à la
puissance souveraine. Sous Esdras, cette. autorité fut
exercée par des anciens, I Esd., v, 5, 9; vi, 7, 14; x, 8,
et, sous Néhémie, par des hôrim ou « nobles » et des
segânîm ou « chefs ». II Esd., u, 16; iv, 8, 13; v, 7;
vu, 5. Comme ceux qui ramenèrent les captifs étaient
au nombre de douze, I Esd., n, 2; II Esd., vu, 7, il est
possible que ce nombre ait été celui des membres du
premier grand conseil. Il est évident que, dans ces
premiers temps, le conseil de la nation, encore en
formation, ne possédait pas l'organisation qu'il eut
dans la suite. Néanmoins il se composait déjà des prin-
cipaux chefs de famille, tant prêtres que laïques, qui
tiraient leur autorité de leur situation même ; il consti-
tuait ainsi une sorte de sénat aristocratique. A l'époque
grecque, Josèphe, Ant. jûd., XII, m, 3, donne en effet
à ce corps le nom de ■j-epovai'oe, « assemblée de vieil-
lards », sénat. Comme, à cette époque, le grand conseil
juif fonctionne normalement, on est en droit de con-
clure que son institution remontait en réalité au temps
de la domination perse, et que cette institution avait
eu pour cause, non un acte de l'autorité- supérieure,
mais la nécessité créée par les circonstances.
2» Son histoire. — 1. Josèphe mentionne pour la pre-
mière fois la Ytpovaia. à l'époque d'Antiochus le Grand.
Les rois grecs laissaient, aux peuples sur lesquels s'exer-
çait leur suzeraineté, une assez grande liberté de gou-
vernement. Us n'exigeaient guère que le paiement des
impôts et la reconnaissance de leur autorité souve-
raine. A la faveur de cette situation, le grand-prêtre,
d'une part, et le sanhédrin, de l'autre, tirent rentrer
dans leurs attributions toutes les questions d'ordre
civil et religieux dont se désintéressait le souverain.
Quand les princes Asmonéens eurent reconstitué l'au-
tonomie de la nation, et que le pouvoir royal et le
pouvoir sacerdotal se confondirent dans la même per-
sonne, l'action du sanhédrin se trouva naturellement
amoindrie. Cependant, on voit mentionnés sous Judas
Machabée le « sénat », Y£pou<rîa, senatus, II Mach., I,
10; xi, 27, les « anciens », II Mach., iv, 44, et « les
anciens du peuple », I Mach., vu, 33, appellations qui
ont la même signification; sous Jonathas « les anciens
d'Israël », I Mach., XI, 23, « le sénat de la nation »,
I Mach., xu, 6, « les anciens du peuple », I Mach., xn,
35; sous Simon « les anciens », I Mach., xni, 36; xiv,
20, « les princes de la nation et les anciens du pays »,
I Mach., xiv, 28, Même sous le régime autocratique
d'Alexandre Jannée et d'Alexandra, il est encore ques-
tion des « anciens des Juifs». Josèphe, Ant. jud., XIII,
xvi, 5.
2. Après la conquête dé Pompée, le grand-prêtre
redevient le chef de la nation, Josèphe, Ant. jud.,
XX, x, et le conseil des anciens reprend son rôle. Le
proconsul Gabinius divise le pays en cinq districts,
avec des ouvéopia à Jérusalem, à Gadara, à Jéricho, à
Amathonte et à Sapphora. Josèphe, Ant. jud., XIV, x,
4. Ces conseils n'ont que des pouvoirs juridiques. Cette
organisation ne dura qu'une dizaine d'années, de 57 à
47 av. J.-C. En 47, César nomme Hyrcan II ethnarque
des Juifs, et le conseil de Jérusalem, qui apparaît alors
avec son nom définitif de o-uvéSpiov, exerce sa juridic-
tion sur tout le pays. Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5.
II devient dès ce moment le tribunal par excellence, la
bêt din, « maison de jugement ».
3. Hérode le Grand commence par mettre à mort,
sinon tous les membres du sanhédrin, Josèphe, Ant.
jud., XIV, ix, 4, du moins quarante-cinq partisans
d'Antigone. Josèphe, Ant. jud., XV, i, 2. Il veut ainsi
se débarasser de ceux des nobles qui pourraient lui
faire opposition. Il laisse néanmoins subsister l'institu-
tion, en y installant ses créatures; c'est au sanhédrin
qu'il défère des lettres compromettantes pour le vieil
Hyrcan, qu'il fait ensuite massacrer. Josèphe, Ant. jud.,
XV, vi, 2. Sous Archélaûs, le pouvoir du sanhédrin ne
s'étend qu'aux provinces laissées sous la juridiction
du prince, la Judée et la Samarie.
1461
SANHÉDRIN
1462
4. Sous le régime des procurateurs, le sanhédrin
élargit sa sphère d'action et augmente ses pouvoirs.
Josèphe, Ant. jud., XX, x, dit qu'alors « l'aristocratie
administre et le gouvernement de la nation est confié
aux pontifes. » Au temps de Notre-Seigneur, le sanhé-
drin de Jérusalem est fréquemment mentionné comme
la haute cour de justice de la nation et la plus puissante
autorité du pays. Matth., v, 22; xxvi, 59; Marc, xiv,
55; xv, 1; Luc, xxn, 66; Joa., xi, 47; Act., iv, 15; v,
21 ; VI, 12; xxir, 30; xxm, 1 ; xxiv, 20. Il est quelquefois
appelé irpe<7?uT£piov, « assemblée des anciens », Luc,
xxn, 66; Act., xxn, 5, et -it^oxxjla, « sénat >>. Act., v, 21.
Un des membres du sanhédrin, Joseph d'Arimathie,
est désigné sous le nom de fJouXEurr,!:, Marc, xv, 43;
Luc, xxm, 50, c'est-à-dire membre de la JJouXtj ou
« conseil », nom qui est donné par Josèphe au sanhé-
drin, conjointement avec ceux de u-jviSptov et de tô
xoivrfv, « l'assemblée ». Cf. Bell, jud., II, xv, 6; Ant.
jud., XX, ix, 1; Vit., 12, 13, 38, etc. Dans la Mischna,
le sanhédrin est appelé bët dîn hag-gâdôl, « grand
tribunal », Sota, i, 4; ix, 1; Sanhédrin, xi, 2, 4,
sanhédrin gedôlâh, « grand sanhédrin », Sanhédrin,
i, 6; Middoth, v, 4, sanhédrin Sél sib'im ve'éhàd,
« sanhédrin des soixante et onze », Schebuolh, n, 2, ou
simplement sanhédrin. Sota, ix, 11; Kidduschin, iv,5;
Sanhédrin, iv, 3.
5. Après la ruine de Jérusalem, le sanhédrin sombre
dans le désastre de la nation. Il se reconstitue bien
une bel din à Jabné, mais ce tribunal ne rend plus
que des décisions théoriques et l'autorité qu'il s'arroge
ne fait pas qu'il soit la continuation effective du sanhé-
drin disparu.
3° Sa composition. — Primitivement recruté dans
l'aristocratie sacerdotale et laïque, le sanhédrin dut
peu à peu ouvrir ses rangs aux pharisiens, surtout
quand les derniers princes Asmonéens et Hérode cher-
chèrent du côté de ces derniers un contre-poids à
l'influence des nobles. C'est ainsi qu'à l'époque romaine
le sanhédrin se composait de deux éléments, la noblesse
sacerdotale qui était sadducéenne et les docteurs de
la loi pharisiens. Le sanhédrin comptait soixante et
onze membres. Sanhédrin, 1, 6; Schebuolh, H, 2. Le
nombre de 70, consacré par Moïse, Num., xi, 16, parais-
sait communément admis pour la composition d'un tri-
bunal important. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 6; xx,
5; IV, v, 4; Vit., 11. Le grand-prêtre était le soixante et
onzième membre du sanhédrin. — On n'a pas de ren-
seignements sur la manière dont se recrutait le sanhé-
drin. Son caractère aristocratique donne à penser qu'on
n'y entrait pas par élection populaire. Les membres
devaient être nommés soit directement par l'autorité
politique, soit par les autres membres déjà en fonction.
On était vraisemblablement nommé à vie. Le nouvel
élu recevait le droit de siéger par le rite de la semîkâh,
ou imposition des mains. Sanhédrin, iv, 4. — On voit
par le Nouveau Testament et les écrits de Josèphe que
le sanhédrin comprenait trois ordres : les grands-
prêtres, les scribes et les anciens. Matth., xxvn, 41;
Marc, xi, 27 ; xiv, 44, 53; xv, 1, etc. Les grands-prêtres,
àp^tepetç, appelés aussi ap^ov-rsç, Act., iv, 5, 8, tiennent
ordinairement le premier rang. Sous ce nom sont com-
pris les grands-prêtres en fonction, les anciens grands-
prêtres, leurs parents et les princes ou chefs des prin-
cipales familles sacerdotales. Viennent ensuite les
scribes, YP a ft J - a "S'Ç> <ï u i, à raison de leur science,
exerçaient une grande influence dans le sanhédrin. Le
troisième ordre se composait des anciens, lupsaS-yrepoi,
tant prêtres que laïques, que leur situation de famille
on leurs aptitudes ne rangeaient pas dans les deux
premiers ordres. Les princes des prêtres appartenaient
surtout à la secte des sadducéens, les scribes à celle
des pharisiens. Les deux partis opposés siégeaient donc
ensemble au sanhédrin, Act., iv, 1; v, 17, 34; xxm,
6; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1; Bell, jud., II, xvn, 3;
Vit., 38, 39, mais les pharisiens y exerçaient une in-
fluencé prépondérante et le peuple n'eût pas permis
aux sadducéeens de s'écarter de l'avis des premiers.
Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4.
4° Son organisation. — Josèphe, Ant. jud., XX, vm,
11, parle d'une ambassade juive envoyée à Néron, sous
le procurateur Festus, et composée des dix principaux,
du grand-prêtre Ismaël et du trésorier Helcias. Or, les
« dix principaux » sont assez souvent mentionnés dans
les assemblées helléniques. Cf. Diodore de Sicile,
XXXIII, v, 2; Justin, XVIII, vi, 1. La Mischna, Yoma,
I, 1, parle aussi de itpôeSpot, « présidents » de la
chambre de justice, comme on en trouvait dans cer-
taines villes grecques. Ceci montre que l'organisation
du sanhédrin avait été en partie inspirée par celle des
assemblées helléniques. — Une tradition juive tardive,
qui ne veut voir dans le sanhédrin qu'une assemblée
de docteurs de la loi, suppose que la présidence était
régulièrement attribuée aux principaux docteurs phari-
siens. Chagiga, n, 2. Mais on est obligé de conclure,
d'après le Nouveau Testament et Josèphe, que le
grand-prêtre présidait ordinairement le sanhédrin. Au
temps de Notre-Seigneur, le grand-prêtre Caïphe pré-
side, Matth., xxvi, 3, 57; au temps de saint Paul, c'est
le grand-prêtre Ananie, Act., xxm, 2 ; xxiv, 1 ; toujours
le grand-prêtre a le premier rang. Act., v, 17; vil, 1 ;
ix, 1 ; xxn, 5; xxm, 2, 4; xxiv, 1. On constate la même
chose dans Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 14; XX, x;
Cont. Apion., n, 23, etc. Trois passages semblent
cependant faire difficulté. Anne est nommé avant Caïphe,
comme s'il était le président, Luc, m, 2; Act., lv, 6,
et c'est devant lui tout d'abord que comparait Jésus.
Joa., xvm, 13-24. Mais il n'y a là qu'une sorte de pré-
séance d'honneur, qui s'explique par la grande situa-
tion qu'Anne possédait encore après avoir quitté le
pontificat et l'avoir vu passer aux mains de ses tils et
de son gendre. En fait, Caïphe exerce le premier rôle
dans les circonstances officielles. Joa., xvm, 24, 28;
Matth., xxvi, 57-66. Quant aux docteurs dont la tradi-
tion rabbinique voudrait faire des présidents du san-
hédrin, ils n'apparaissent que comme de simples mem-
bres de celte assemblée. Ainsi en est-il de Schemaia,
Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5, de Gamaliel, Act., v,
34, et de Simon, fils de Gamaliel. Josèphe, Vit., 38-
39. — Les autorités qui sont à la tête du sanhédrin
portent dans la Mischna les noms de nasT, « prince »,
Taanilh, u, 1; Nedarim, v, 5; Horayolh, n, 5-7; etc.,
et de y ab bê( dîn, « père de la maison du jugement >>,
Taanith, II, 1; Eduyoth, v, 6, ou rô'S bê( din, « chef
de la maison du jugement ». Rosch haschana, n, 7; iv,
4. Le premier titre désignait en réalité le chef du peu-
ple, le roi, Horayolh, m, 3, elles deux autres le pré-
sident du sanhédrin. Ce fut seulement à la fin du se-
cond siècle après J.-C. qu'on attribua le premier titre
au président du sanhédrin, en réservant les deux
autres au vice-président. Le titre de mûflâh, Horayolh,
I, 4, ne désignait pas un dignitaire, mais seulement le
« plus éminent » dans la science de la loi.
5» Ses attributions. — La compétence du sanhédrin,
au temps de Notre-Seigneur, ne s'étendait qu'aux onze
toparchies dont se composait la Judée proprement dite.
La Galilée n'en faisant point partie, le Sauveur échap-
pait à la juridiction du sanhédrin tant qu'il demeurait
dans cette province. En fait, le sanhédrin exerçait une
autorité, volontairement reconnue, sur toutes les com-
munautés juives de l'univers. Ainsi il pouvait faire
appréhender des chrétiens même à Damas. Act., ix, 2;
xxii, 5; xxvi, 12. Cependant son pouvoir direct ne
s'étendait pas au delà de la Judée. — Ce pouvoir
s'exerçait sur les choses d'ordre spirituel et religieux
et sur toutes celles qui intéressaient le judaïsme et
dont l'autorité romaine abandonnait le souci. Le san-
1463
SANHEDRIN
1464
hédrin rendait des décisions juridiques et prenait des
mesures administratives, quand les tribunaux locaux
d'ordre inférieur n'intervenaient pas ou quand le pro-
curateur romain n'évoquait pas l'affaire à son prétoire.
Il n'était pas un tribunal d'appel, revisant les arrêts
des tribunaux inférieurs; mais il décidait dans les cas
qui lui étaient spécialement réservés et se rapportaient
à la loi juive. Josèphe, Anl. jud., IV, vin, 14; San-
hédrin, xi, 2. Les juges des tribunaux inférieurs étaient
obligés, sous peine de mort, de s'en tenir à ses déci-
sions. Au sanhédrin ressortissaient tout ce qui concer-
nait la pratique de l'idolâtrie dans une tribu, la cause
sanhédrin connaissait donc des causes civiles en se
conformant au droit juif, et des causes criminelles dans
une certaine mesure. Il avait sa police, voir Police,
t. v, col. 503, et ses agents d'exécution. Matth., XXVI,
47; Marc, xiv, 43; Act., iv, 3; v, 17, 18. Il décidait
sans appel quand l'arrêt ne comportait pas la peine
capitale. Act., iv, 5-23; v, 21-40. Il ne pouvait con-
damner à mort sans l'approbation du procurateur.
Joa., xvm, 31. Le procès de Notre-Seigneur en est une
preuve éclatante. CX.Jer. Sanhédrin, i, 1, fol. 18 a; vu,
2, 24 b. La lapidation de saint Etienne fut le résultat
d'un abus de juridiction ou d'un emportement popu-
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296. — Le gland sanhédrin. D'après Lamy.
du faux prophète, celle du grand-prêtre, l'entreprise
d'une guerre offensive, l'agrandissement de la ville ou
des parvis du Temple, l'établissement de tribunaux
pour les tribus, le jugement d'une ville tombée dans
l'idolâtrie. Sanhédrin, 1, 5; u, 4. Le grand-prêtre pouvait
être jugé par le sanhédrin, mais non le roi. Sanhédrin,
II, 1, 2. Du reste, la plupart des causes indiquées n'ap-
partenaient au sanhédrin que théoriquement. En bien
des cas, il n'était pas en son pouvoir d'exercer la juri-
diction qu'il s'attribuait. On le voit cependant pour-
suivre Jésus-Christ comme blasphémateur, Matth., xxvi,
65; Joa., xix, 7, saint Pierre et saint Jean comme faux
prophètes et séducteurs, Act., iv, 2-21; v, 17, 18, saint
Etienne comme blasphémateur, Act., vi, 13, saint
Paul comme transgresseur de la loi. Act., xxm, 6. —
Malgré les limites qu'imposait à la juridiction du san-
hédrin le régime des procurateurs romains, le tribunal
juif jouissait encore d'une autonomie assez grande,
d'autant que les Juifs patriotes faisaient profession de
préférer sa juridiction à celle du pouvoir étranger. Le
laire. Act., vu, 58. Le procurateur pouvait à son gré
suivre le droit romain ou le droit juif. En condamnant
Notre-Seigneur, Pilate céda officiellement au droit juif.
Joa., xix, 7. C'est encore en vertu du droit juif que la
peine de mort était portée contre tout gentil qui fran-
chissait l'enceinte intérieure du Temple. VoirPÉRiBOLE,
t. v, col. 142. Mais, même en ce cas, la peine n'était
infligée qu'avec le consentement du procurateur. L'agré-
ment de ce dernier n'était pas nécessaire pour que le
sanhédrin se réunit, ni pour qu'il exécutât les autres
sentences qui rentraient dans les limites de sa com-
pétence. Néanmoins le procurateur et même le tribun
de Jérusalem s'interposaient pour faire échec au droit
juif, quand ils le jugeaient nécessaire. Act., xxn, 30;
xxm, 15, 20, 28.
6° Ses réunions. — On sait que les tribunaux locaux
tenaient leurs séances le second et le cinquième jour
de la semaine, soit le lundi et le jeudi, Kethuboth, i, 1,
mais on ignore si le sanhédrin suivait la même règle.
On ne pouvait juger ni les jours de fête, ni le jour du
1465
SANHEDRIN — SANTAL
1466
sabbat. Beza, v, 2. Gomme un jugement capital ne
pouvait êlre prononcé qu'un jour après les débats, on
ne devait pas entamer de pareilles causes la veille du
sabbat ou d'un jour de fête. Sanhédrin, IV, 1. — Sur
le lieu des réunions, voir Jugement, t. m, col. 1843.
7° Sa procédure. — Les membres du sanhédrin sié-
geaient en demi-cercle et pouvaient se voir les uns les
autres (fig. 296). Deux greffiers se tenaient devant eux,
l'un à droite, l'autre à gauche, afin de noter ce qui
était dit pour ou contre. Sanhédrin, iv, 3. Les disciples
des docteurs s'asseyaient en avant sur trois rangs,
chacun à une place déterminée. Sanhédrin, îv, 4.
L'accusé devait comparaître avec une humble conte-
nance et des vêtements de deuil. Josèphe, Ant. jud.,
XIV, IX, 4. Cf. Zach., in, 3. Dans les causes capitales,
certaines formalités étaient de rigueur. On présentait
d'abord les charges contre l'accusé. Celui qui commen-
çait à parler en sa faveur ne pouvait plus ensuite parler
contre. Les disciples présents ne pouvaient donner
leur avis que s'il était favorable. L'acquittement se pro-
nonçait le jour même, la condamnation le lendemain
seulement. On se levait pour exprimer son suffrage, en
commençant par les plus jeunes membres du sanhé-
drin, tandis que d'ordinaire les plus dignes parlaient
les premiers. Pour acquitter, une simple majorité suf-
fisait; pour condamner, il fallait une pluralité de deux
voix. Ainsi, sur 23 juges, 12 voix suffisaient pour acquit-
ter. Si elles condamnaient, on ajoutait deux juges et
on recommençait les suffrages jusqu'à acquittement
ou condamation avec les deux voix de pluralité néces-
saires. On pouvait aller ainsi jusqu'à faire intervenir
les 71 membres du sanhédrin. Voir Jugement, t. m,
col. 1845. Cf. Sanhédrin, IV, 1, 2; v, 4, 5. Dans la
Mischna, le traité Sanhédrin s'occupe de ce qui con-
cerne cette assemblée et la justice criminelle.
8° Le sanhédrin qui a jugé Jésus-Christ. — On
ne connaît pas les 71 membres du sanhédrin devant
lequel comparut le Sauveur. Cependant l'histoire a
gardé le nom d'une quarantaine d'entre eux. Ce sont
les suivants : 1. Ordre des grands-prêtres : Caïphe,
gendre d'Anne et grand-prêtre en exercice. Voir Caïphe.
t. il, col. 44. — Anne, ex-grand-prêtre (7-11). Voir Anne,
t. i, col. 630. — Éléazar, tils aîné d'Anne et ex-grand-
prêtre (23-24). — Jonathas, fils d'Anne, futur grand-
prêtre après Caïphe (37). — Théophile, fils d'Anne, futur
grand-prêtre après Jonathas (38-42). — Mathias, fils
d'Anne,futur grand-prêtre (42-44). — Ananie, fils d'Anne,
futurgrand-prêtre (63).— Joazar, ex-grand-prêtre (4 avant
J.-C. - 2 après J.-C), fils de Simon Boëthus. —Éléazar,
ex-grand-prêtre (2), second fils de Simon Boëthus. —
Simon Canthère, troisième fils de Simon Boëthus,
futur grand-prêtre (42). — Josué, fils de Séé, ex-grand-
prétre (2-4). — Ismaël, fils de Phabi, ex-grand-prêtre
(15-16). — Simon, fils deKamith, ex-grand-prêtre (17-18),
— Jean, simple prêtre. Act., iv, 6. — Alexandre,
simple prêtre. Act., iv, 6. — Ananie, fils de Nébédée,
futur grand-prêtre (47-52). — Helcias, simple prêtre,
trésorier. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vin, 11. — Scéva,
simple prêtre. Act., xix, 13, 14. On voit que, dans cet
ordre, les fils et parents des grands-prêtres occupaient
une grande place.
2. Ordre des scribes : Gamaliel, Act., v, 34-39. Voir
Gamaliel, t. m, col. 102. — Siméon, fils de Gamaliel.
Cf. Jer. Berachoth, fol. 66. — Onkélos, disciple de
Gamaliel. Cf. Baba balhra, t. 1346; Sukka, fol. 286.
— Jonathas, fils d'Uziel. Cf. Sukka, f. 28 b. — Samuel
le Petit. Cf. Berachoth, f. 28 6. — Chanania, fils de
Chiskia. Cf. Chagigah, n, 13. — Ismaël, fils d'Éliza.
Ct.AbodaZara, 1. — R. Zadok. Cf. Schabbath,xxiV, 5. —
Jochanan, fils de Zachaî. Cf. Rosch haschana, f. 20 o;
31a; Sota, ix,9; Sukka, 286. — Abba Saul. Cf. Kidda,
m, 24a. — R. Chanania. Cf. Abolh, m, 2. — R. Éléazar,
fils de Parla. Cf. Gitlin, ni, 4. — R. Nachum Halbalar,
Cf. Peah, ii, 6. — R. Siméon Hammispa. Cf. Peah, n, 6.
3. Ordre des anciens : Joseph D'Arimathie, Luc,
xxii, 50. Voir Joseph d'ARiMATHiE, t. m, col. 1674. —
Nicodème, Joa., m, 1-10; vu, 50-52. Voir Nicodème,
t. iv, col. 1614. — Ben Calba Scheboua. Cf. Gitlin, v,
f. 56 6. — Ben Tsitsit Haccassat. Cf. Gitlin, v, 56 6.
Ces trois derniers personnages étaient les plus riches
de Jérusalem. — Simon (?). Cf. Josèphe, Ant. jud.,
XIX, vu, 4. — Doras (?). Cf. Josèphe, Ant. jud., XX,
vm, 5. — Jean, fils de Jean, Dorothée, fils de Nathanaël,
Tryphon, fils de Theudion, Cornélius, fils de Céron,
tous quatre envoyés en ambassade à l'empereur Claude,
en 44, et, à raison de cette mission, probablement
membres du sanhédrin. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, I,
1,2.
Ces personnages formaient plus de la moitié du san-
hédrin. Sauf Joseph d'Arimathie, Nicodème et peut-
être Gamaliel, ils étaient sceptiques, orgueilleux et
cupides, comme les grands-prêtres, ou fanatiques de
leur loi et infatués de leur science, comme les scribes.
Notre-Seigneur ne pouvait donc trouver parmi eux que
des ennemis qui le condamnaient d'avance. Cf. Lémann,
Valeur de l'assemblée qui prononça la peine de mort
contre J.-C, Paris, 1876, p. 20-44. — Sur les tribunaux
locaux, appelés quelquefois sanhédrins, voir Juge, t. m,
col. 1835-1836. — Sur le sanhédrin, voir Maimonide.
De sanhedriis et pœnis, édit. Houting, en hébreu et en
latin, Amsterdam, 1695; Selden, De synedriis et prse-
fecturis juridicis veterum Ebrœorum , Londres, 1650;
Ugolini, Thésaurus antiquitatum , t. xxv, Paris, 1762,
p. H, cccxxxix; Dupin, Jésus devant Caïphe et Pilate,
Bruxelles, 1829; J. M. Rabbinowicz, Législation crimi-
nelle du Talmud, Paris, 1826; Id., Législation civile
du Talmud, Paris, 1877-1880; Langen, Das jûdische
Synedrium und die rômische Procuratur in Judâa,
dans la Tûbinger theologische Quartalschrift, 1862,
p. 411-463; Blum, Le Synhédrin ou Grand conseil de
Jérusalem, son origine et son histoire, Strasbourg,
1889; Jelski, Die innere Einrichtung des grossen Syne-
drion zu Jérusalem und ihre Forsetzung im spâteren
palâstinensischen Lehrhause bis zur Zeit des R. Je-
huda ha-Nasi, Breslau, 1894; Ad. Bùchler, Das Syne-
drion in Jérusalem, in-8°, Vienne, 1902; E. Schùrer,
Gesch. des jud. Volkes, 3« édit., 1898, t. h, p. 188-214.
H. Lesêtre.
SANIR (hébreu : Senîr; Septante: Eavewp; Alexan-
drinus : SavEi'p), nom amorrhéen du mont Hermon.
Deut., m, 9. Voir Hermon, t. m, col. 633.11 s'applique
en particulier à une partie distincte de l'Hermon.
Cant., iv, 8; I Par., v, 23. Les géographes arabes
antérieurs au xiv e siècle donnent le nom de Djebel
Sanir à l'anti-Liban, spécialement à la partie de la
chaîne située entre Baalbek et Homs et près de Damas.
Les Phéniciens tiraient du mont Sanir du bois de cy-
près pour la construction de leurs vaisseaux. Ezech.,
xxvii, 5. Voir Cyprès, t. n, col. 1174.
SANS-MISÉRICORDE (Vulgate : Absque miseri-
cordia), fille du prophète Osée, i, 6, etc. Voir Lo-
Ruchamah, t. iv, col. 363.
SANTAL (Hébreu : 'almuggini, III Reg.,x, 11, 12;
'algûmîm, II Par., Il, 7; ix, 10, 11 ; Septante : ■ki1z*.t\t(x,
III Reg., x, 11, 12, tts'jxivoc, II Par., n, 8, îx, 10, 11;
Vulgate : thyina, III Reg., x, 11, 12; II Par., ix, 10,
11 : pinea, II Par., n, 8), bois précieux.
I. Description. — On désigne sous ce nom, bien
qu'ils appartiennent à des familles très différentes, plu-
sieurs arbres à bois aromatique, originaires des Indes.
— 1° Le Santal rouge officinal est une papilionacée, le
Pterocarpus santalinus L. (fig. 297) à feuilles impari-
pennées, avec un petit nombre de folioles, pourvues
de stipules, et alternes le long des rameaux. Les fleurs
1467
SANTAL — SANTÉ
J468
jaunes, réunies en grappes axillaires et terminales,
produisent une gousse indéhiscente, orbiculaire-com-
primée, oblique et renfermant 1 ou 2 graines. Le bois
présente sur une coupe transversale de larges vaisseaux
sous forme de pores tout remplis d'une résine rougeâtre,
la sanlaline, qui lui donne ses propriétés. Plusieurs
autres arbres du même genre fournissent des bois
employés autrefois pour la teinture et fort estimés en-
core en ébénisterie. — 2° Le santal blanc, Sanlalum
album L., forme le type de la famille des santalacées.
C'est un grand arbre de la côte de Malabar à feuilles op-
posées, lancéolées et entières. Les fleurs apétales et her-
maphrodites ont un'calice à 4 sépales valvaires, 4 éta-
mines insérées à leur base et alternant avec autant
d'écaillés. L'ovaire à placenta central porte 2 ou 3 ovu-
les et devient à maturité une drupe noirâtre, globu-
leuse, marquée au sommet d'un œil par la cicatrice du
périanthe. Son bois, faiblement coloré, acquiert par la
297. — Pierocarpus santalinus.
dessiccation une odeur forte et agréable, en même temps
qu'une saveur amère et piquante, due à une huile vola-
tile jaune, usitée en thérapeutique. F.- Hy.
II. Exégèse. — Le bois de 'algûm (pluriel : 'algûmim)
se présente dans deux endroits parallèles des Livres
Saints. D'après III Eeg., x, 11, 12, les vaisseaux d'IIiram
qui apportaient de l'or d'Ophir ,en amenaient aussi des
bois de 'almuggim et des pierres précieuses. Le passage
parallèle II Par., IX, 10, 11, répète la même chose,
mais le nom hébreu du bois se présente sous la forme
'algûmîm. De ce bois on dit dans les deux endroits
que Salomon fit faire des balustrades pour le temple
et son palais et aussi des harpes et des lyres. Et on
remarque en terminant qu'on ne vit plus jamais ce
bois en Palestine. Il est évident qu'il s'agit ici d'un
bois étranger, rare, précieux, que l'on trouvait dans le
pays d'Ophir, c'est-à-dire dans l'Inde. Or, dans cette
contrée, sur la côte de Malabar, un des noms du bois
de santal est valgu (valgum, valguka). Le vav étant
peu usité au commencement de leurs noms, les Hébreux
l'ont négligé en empruntant ce mot étranger, qu'ils
ont gardé sous la forme 'algum. C'est sans doute par
une faute de copiste, ou par une métathèse assez fré-
quente dans les emprunts de noms étrangers, qu'on
trouve aussi la forme 'almug. A ce nom les Hébreux
ont ajouté leur pluriel enini. Lassen, Indische Alter-
thumskunde, édit. 1866-74, t. I, p. 651-652 ; Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, t. m, p. 535. Le
rapprochement d'un des noms indiens du santal rouge
avec Valgum du texte sacré rend très probable l'iden-
tification. De plus c'est ce même bois qu'on emploie
très fréquemment dans l'Inde pour les usages auxquels
Salomon le fit servir : on fabrique avec le santal rouge
des harpes, des lyres et d'autres instruments de mu-
sique. Il n'y a donc pas à s'arrêter aux traductions va-
riées et erronées des Septante et de la Vulgate : le 'algum
n'est ni un pin, ni un thuia. Ce n'est pas non plus le
santal blanc employé surtout comme parfum. Les rab-
bins' Salomon Ben Melek et David Kimchi interprétant
les passages des Rois et des Parai ipomènes voyaient
déjà dans le 'algum, un bois de couleur rouge. Quant au
nom actuel, santal vient d'une autre appellation de cet
arbre en sanscrit, tchandana, d'où les Grecs auraient
fait crivSaXov, a-ivraXov.
Il reste un passage, II Par., Il, 7 qui offre difficulté.
« Envoie-moi, dit Salomon au roi de Phénicie, Hiram,
envoie-moi du Liban des bois de cèdre, de cyprès et
de 'algumim. Le santal ne vient pas des forêts du Liban
comme le cèdre et le cyprès. On a essayé de tourner la
difficulté en disant que, pour la troisième espèce d'arbre
nommé, il ne s'agirait pas d'un bois coupé dans le Liban,
mais apporté de l'Inde dans la Phénicie par les vais-
seaux d' Hiram et envoyé par celui-ci à Salomon avec les
arbres du Liban. Celte explication n'est guère naturelle :
le sens de la phrase invile à voir dans le troisième
arbre nommé un bois coupé dans les forêts du Liban
comme les deux autres espèces. E. Fr. K.Rosenmùller,
Handbuch der Jiiblischen Alterthumskunde, p. 1. Das
Biblische Pflanzenreich, in-8°, Leipzig, 1830, p. 237,
pense que dans cet endroit, II Par., Il, 7, le mot 'algû-
mîm est une interpolation d'un copiste : car dans le
passage parallèle III Reg., v, 8, il ne s'agit que de
cèdres et de cyprès. Cependant si l'on veut maintenir
dans cette énuméralion une troisième espèce d'arbres,
on pourrait vraisemblablement supposer le mot d>j-|N,
'oranim, « pins », qu'un copiste distrait ou préoccupé
aurait transformé en D'Dibtf, 'algumim. Ou bien un des
noms populaires du cèdre. riK, 'aréz, sous la forme
WDbi, golmiS ou galmis mis en marge de ce passage
biblique pour l'expliquer, aura plus tard passé dans le
texte en se transformant en 'algum, 'algumim. —
0. Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 1748, 1. 1,
p. 171-185; Ro'enmûller, op. cit., p. 234-238; Gesenius,
Thésaurus, p. 93. E. Levesque.
SANTÉ (hébreu : sdlôm, marpê', rifôf, ces deux
derniers mots se rapportant plutôt à la guérison ;
Septante : ûyse:», tocit;, « guérison » : Vulgate : sani-
tas), état de celui qui ne souffre d'aucune maladie.
Voir Maladie, t. iv, col. 611. — 1» La santé est un
bienfait de Dieu, Eccli., xxxiv, 20, dont on le loue.
Eccli., xvn, 27. Les idoles ne peuvent la donner. Sap.,
xm,.18. Elle vaut mieux, même avec la pauvreté, que
la maladie jointe à la richesse. Eccli., xxx, 14. A qui
se porte bien, le médecin est inutile. Matth., ix, 12;
Marc, h, 17; Luc, v, 31. La crainte de Dieu, la doci-
lité aux bons conseils, la paix du cœur contribuent
à la santé du corps. Prov., m, 8; iv, 22; xiv, 30. La
tempérance est une condition essentielle de la santé.
Eccli., xxxi, 22-40. — 2° L'affection ou la politesse
obligent à se préoccuper des autres, à demander de
leurs nouvelles. Jacob demande aux bergers de Haran
si Laban se porte bien, et ils lui répondent : « Il est en
bonne santé. » Gen., xxix, 6. Jacob envoie Joseph
savoir si ses frères se portent bien. Gen., xxxvn, 14.
Joseph demande à ses frères si leur père est en bonne
santé. Gen., xliii, 27. Isaïe envoie David voir si ses
frères qui sont au camp se portent bien. I Reg., xvn,
18. David demande si son fils Absalom va bien. II Reg.,
xviii, 29. « Te portes-tu bien, mon frère ? » dit Joab
à Amasa qu'il va tuer sournoisement. II Reg., xx, 9.
Elisée envoie Giézi dire à la Sunamite : « Te portes-tu
1469
SANTÉ — SAPHIR
1470
bien? Ton mari et ton enfant se portent-ils bien? »
IV Reg., iv, 26. Mardochée venait chaque jour devant le
palais d'Esther pour savoir de ses nouvelles. Esth.,
ii, 11. — 3° On fait des vœux pour la santé de ceux
qu'on aime. Comme le mot sâlôni veut dire à la fois
« paix » et « santé », la formule de salutation sâlôm
lekâ signifie « paix à toi » et « santé à toi », compre-
nant ainsi tous les souhaits qui intéressent le bon état
de la personne. Voir Paix, t. iv, col. 1960. La formule
lêk lesdlôm, « va en paix » ou « en santé » a le même
sens. I Reg., i, 17; xx, 42; II Reg., xv, 9; Marc., v, 34;
Luc, vu, 50. Saint Jean souhaite à Gaius que l'état de
ses affaires et de sa santé soit aussi prospère que celui
de son âme. IHJoa., 2. Notre-Seigneur a souvent exaucé
les vœux de cette nature en rendant la santé aux ma-
lades et aux infirmes. Voir Guérison, t. ni, col. 360.
H. Lesètre.
SAPH (hébreu : Saf; Septante, Eésp), fils ou des-
cendant d'Arapha ou Raphahj de la race des géants, qui
fut tué, à Gob ou à Gaza, dans une guerre contre les
Philistins, par Sobochaï de Husati. II Sam. (Reg.),
xxi, 18. Voir Arapha, t. i, col. 878. Sur le lieu du
combat, voir Gob, t. m, col. 258. Saph est appelé Sa-
phaï (hébreu : Sippaï), I Par., xx, 4.
SAPHAJ (hébreu : Sippaï; Septante : Ea?ôu-u),
orthographe du nom de Saph dans I Par., xx, 4. Voir
Saph.
SAPH AN, nom, dans la Vulgate, de trois personnages
appelés de manière différente en hébreu.
1. SAPHAN (hébreu : Sâfân; Septanle : Eairçiv,
ïa?iv), secrétaire du roi Josias. Il était fils d'AsIia,
IV Reg., xxn, 3; II Par., xxxiv, 8, et fut le père d'Ahi-
eam, IV Reg., xxn, 12; II Par., xxxiv, 20; Jer., xxvi,
24; xxxix, 14; xl, 5, 9; d'Élasa, Jer., xxix, 3, et de
Gamarias, Jer., xxxvi, 10, 11, 12; le grand-père de
Godolias, IV Reg., xxv, 22; Jer., xxxix, 14; XL, 5, 9,
11; xli, 2; xliii, 6; de Michée, Jer., xxxvi, 11. Cer-
tains interprètes le regardent aussi comme le grand-
père de Jézonias 3, t. m, col. 1538, 1 Esd., vin, 11, mais
le fait n'est pas certain. En tout cas, l'identification du
père d'Ahicam et de Saphan le scribe paraît à peu près
établie. Saphan semble avoir été trésorier du roi Jo-
sias. IV Reg., xxn, 4; II Par., xxiv, 8-9; cf. IVReg.,xn,
10. Ce fut en cette qualité qu'il eut à intervenir dans
l'œuvre des réparations du Temple sous le pontificat
d'IIelcias. A cette occasion, le grand-prêtre lui apprit
qu'il avait découvert dans le Temple le livre de la Loi,
voir Pentateuque, col. 67, cf. IV Reg., xxn, 8, et il lui
remit le livre sacré que Saphan lut lui-même d'abord
et lut ensuite au roi, Josias, j. 8-10. A la suite de cette
lecture, le roi l'envoya avec Helcias et quelques autres
consulter la prophétesse Holda (t. m, col. 727), puis
fit rassembler le peuple dans le Temple, lut en public le
livre de l'alliance et lit jurer au peuple fidélité au
Seigneur. Voir Josias, t. m, col. 1681. Saphan n'est
plus nommé dans l'Écriture qu'à l'occasion de ses
descendants.
2. SAPHAN (hébreu : Sâfâm; Septante : Saçaji),
Gadite, qui habita dans le pays de Basan, et était le
second personnage de sa tribu. I Par., v, 12.
3. SAPHAN (hébreu: Suppim ; Septante : Sançi'n),
« Machir, lisons-nous I Par., vu, 15, dans la Vulgate,
prit des femmes pour ses fils Happhim et Saphan. »
Le texte hébreu porte au contraire « Machir prit (pour
lui) une femme de Huppîm et de Suppîm. » Sur ce
passage très obscur, voir Machir 1, t. iv, col. 507.
SAPHAT (hébreu : Sâfât), nom de cinq Israélites.
1. SAPHAT (Septante : Eaçâ-r), fils d'Huri, de la
tribu de Siméon. Il fut choisi pour représenter sa tribu
dans l'exploration de la Terre Promise au temps de
Moïse. Num., xui, 6.
2. SAPHAT (Septante : Sxçôt), père du prophète
Elisée. III Reg., xix, 16, 19; IV Reg., m, 11; vi, 31.
3. SAPHAT (Septante : Ea?à6), le sixième et der-
nier des fils de Séméia, de la tribu de Juda. I Par., m,
22.
4. SAPHAT (Septante : 6 YpiftiiareO;, qualificatif de
Janaï, t. ni, col. 1116), un des chefs de la tribu deGad
qui s'établirent dans le pays de Basan. I Par., v, 11.
5. SAPHAT (Septante : Swçir), fils d'Adli. Il fut chargé
des troupeaux de bœufs du roi David qui paissaient
dans les vallées. I Par., xxvn, 29.
SAPHATHIA, SAPHATIAS (hébreu : Sefatyâh),
nom de huit Israélites et d'un chef des serviteurs de
Salomon.
1. SAPHATHIA, SAPHATIAS (Septante: Salaria), le
cinquième fils de David, né à Hébron. Sa mère s'appe-
lait Abital. II Reg. (II Sam.), m, 4; I Par., m, 3.
2. SAPHATIAS (Septante : Saça-rsa), fils de Rahuël
et père de Mosollam, de la tribu de Benjamin, qui
s'établit à Jérusalem après la captivité. 1 Par., ix, 8.
Voir Mosollam 5, t. iv, col. 1321.
3. SAPHATIA (hébreu : Sefatyâhà; Septante : Eoespa-
Ti'a;), surnommé l'Haruphite en descendant de #arif
(voir t. m, col. 443), de la tribu de Benjamin, un des
trente braves de David, I Par., xn, 5, qui allèrent le
rejoindre à Siceleg.
4. SAPHATIAS (Sefatyâhû; Septante Sxf att'ctç), fils
de Maacha, de la tribu de Siméon, chef de cette tribu
sous le règne de David. I Par., xxvn, 16.
5. saphatias (hébreu : ëefatydhû; Septante :
laçarfaç), le dernier nommé des fils de Josaphat, roi
de Juda. II Par., xxi, 2.
6. SAPHATIAS (Septante : Sxça-cîa), chef de famille
dont les descendants, au nombre de 372, revinrent de
captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., il, 4;
II Esd., vu, 9. Du temps d'Esdras, 80 autres membres
de cette famille retournèrent avec lui en Palestine avec
Zébédias, fils de Michaël, à leur tête. I Esd., vm, 8.
7. SAPHATIA (Septante : Salaria), un des « serviteurs
de Salomon », dont les descendants retournèrent de
captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 57;
II Esd., vu, 59.
8. SAPHATIAS (Septante : Salaria), descendant de
Phares, de la tribu de Juda, un des ancêtres d'Athaïas
qui habita Jérusalem au retour de la captivité de Baby-
lone. II Esd., xi, 4.
9. SAPHATIAS (Septante : Saçavt*;), fils de Mathan,
un des principaux de Juda qui, ayant entendu les pro-
phéties que Jérémie faisait au peuple, conseilla au roi
Sédécias avec quelques autres de mettre en prison le
prophète qui fut délivré par l'intervention de l'Éthio-
pien Abdémélech. Jer., xxxvm, 1-13.
SAPHIR (hébreu : Safîr; Septante : xiXrâç; Vul-
gate : pulchra), une des villes sur le nom desquelles
1471
SAPHIR
1472
joue Michée, I, 11 : « Passe, habitante de Sàfir; dans
la nudité et la honte. » Vulgate : Transite vobis, habi-
tatio Pulchra, confusa ignominia. Saint Jérôme, dans
son commentaire, In Mich., i, 11, t. xxv, col. 1159, et
dans Liber, de situ et nom., t. xxm, col. 921, l'appelle
Saphir. Cette ville n'est nommée nulle autre part dan s
l'Écriture. Eusèbe et saint Jérôme la placent dans les
montagnes entre Éleuthéropolis et Ascalon, dans la tribu
de Juda. Le site est incertain. D'après les uns, c'est
Es-Sawafir ou Es-Sûd/ir au nord-est d'Ascalon (Gese-
nius, Thésaurus, p. 1460), mais ce village est dans la
plaine, et non dans la montagne, et cette identification
ne s'accorde pas avec celle de YOnomasticon d'Eusèbe.
D'autres, comme Tobler, Dritte Wanderung , 47, croient
que Saber est l'ancien Saphir, mais comme ce village est
près de Es-Sawa/ir, cette opinion est sujette aux mêmes
difficultés que la précédente. Toutes les autres hypo-
thèses qui ont été faites sont également sujettes à objec-
tion. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. n,
p. 413
SAPHIR (hébreu : sappîr ; Septante : erârccpEipoç;
Vulgate : sapphirus), pierre précieuse de couleur
bleue.
Le saphir proprement dit est un corindon hyalin
d'un beau bleu dont les nuances vont du très foncé
jusqu'au clair : c'est le bleu d'azur, limpide, velouté
qui est le plus recherché. Le saphir est une alumine
cristallisée presque pure dont la coloration est due à
l'oxyde de fer. Il tient le milieu entre le translucide
et le transparent. Le vrai saphir ou saphir oriental
est d'une très grande dureté, égale et souvent supé-
rieure à celle du rubis. Sa pesanteur spécifique est 4, 1.
Extrêmement difficile à graver, il ne se laisse en-
tamer que par la pointe de diamant. Sa cristalli-
sation est celle des corindons. Voir Rubis, col. 1262,
fig. 267. Pour sa couleur voir la planche en face de la
col. 424.
Les anciens ont donné le nom de saphir à des pierres
ou des substances bien différentes, en particulier au
lapis-lazuli. Cette substance minérale d'un bleu foncé
ou d'azur est souvent parsemée de pyrites brillants qui
ont l'air de poussière d'or. C'est un silicosulfate d'alu-
mine et de soude avec un peu de sexquioxyde de fer.
Sa pesanteur varie de 2,767 à 2,945. Cette pierre est
opaque, mais translucide sur les bords quand elle est
amincie. On la rencontre parfois en très gros morceaux,
et elle se laisse graver sans trop de difficulté. Le lapis-
lazuli est rare en cristaux : ceux-ci sont des dodécaètres
rhomboïdaux simples ou modifiés sur les arêtes ou les
angles. Pour la couleur, voir dans l'article Pierreries la
planche placée en face de la col. 424.
Devons-nous voir dans le saphir des textes bibliques
le vrai saphir ou le lapis-lazuli ? Le mot sappir, tou-
jours traduit uâicçeipo; par les Septante et sapphirus
par la Vulgate, se rencontre 13 fois dans la Bible avec
des qualités plus ou moins caractéristiques. C'est une
pierre précieuse d'un grand prix, mais qui ne peut
valoir la Sagesse. Job, xxviii, 16. A un saphir taillé et
poli, Jérémie, Lam., iv, 7, compare les princes d'Israël
bien pris dans leur taille et revêtus de splendides vête-
ments. Le sein de l'époux des Cantiques, v, 14, est
comparé à un chef-d'œuvre d'ivoire couvert de saphirs.
La cinquième pierre du rational, la deuxième du second
rang, était un saphir. Exod.,xxvni, 17; xxxix, 13. Le nom
gravé sur cette pierre serait Dan (cf. col. 424). Le saphir
figure parmi les pierreries qui enrichissaient les vête-
ments du roi de Tyr. Ezech., xxvm, 13. Les portes de
la Jérusalem céleste seront de saphirs et d'émeraudes,
d'après le texte de la Vulgate, Tobie xm, 21. Le
texte grec de ce passage diffère et porte : « Jérusalem
sera bâtie de saphir et d'émeraude; ses places seront
pavées de béryl, d'escarboucle et de pierres de souphir
(saphir). » La même idée se trouve développée dansls.,
Liv, 11 : « La nouvelle Sion a ses fondements de saphir,
ses créneaux de rubis et ses portes de cristal, s Dans
la cité céleste décrite dans l'Apocalypse, xxi, 19, la
deuxième pierre fondamentale est un saphir. Dans la
vision d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, au-dessus des chérubins
s'étendait un firmament et sur le firmament on voyait
« comme une pierre de saphir en forme de trône. »
De même lorsque Moïse et les anciens contemplent le
Dieu d'Israël, Exod., xxiv, 10, ils voient sous ses pieds
« comme un ouvrage de saphir, pur comme le ciel même ».
D'après ces textes nous pouvons conclure que le saphir
hébreu est une pierre très précieuse, d'une belle cou-
leur bleue, qui se laisse assez aisément graver et peut
parfois se trouver en très gros morceaux. Le livre de
Job, xxvm, 6, nous offre une description très caracté-
ristique du saphir. En montrant l'homme pénétrant
jusque dans les entrailles de la terre pour en extraire
les pierres précieuses il écrit :
Les roches sont la demeure du saphir,
Qui renferme de la poudre d'or.
on ne peut mieux indiquer le lapis-lazuli. Seul parmi
les pierres bleues, le lapis-lazuli est semé de petites
paillettes de soufre, qui au regard simulent parfaitement
l'or. Ni la turquoise ni le vrai saphir ou saphir orien-
tal n'ont ce caractère. De plus les Hébreux ne connais-
sant pas le vrai diamant, n'auraient pu graver le
saphir, au lieu qu'ils pouvaient très bien, à l'exemple
des Égyptiens, tailler et graver le lapis-lazuli. Les
Égyptiens nommaient cette pierre
J~
hesbed-
Ils s'en servaient pour fabriquer quantité d'amulettes
et de parures; ils en employaient les morceaux broyés
et réduits en poudre pour faire la couleur bleue. Ils
allaient le chercher dans la terre de Pouantt, c'est-à-
dire en Afrique sur la côte des Somalis.
Le lapis-lazuli était aussi importé de l'extrême
Orient par la Médie, en Assyrie ou à Babylone. Dans
ces pays, le bleu dont on se servait pour former le
fond des émaux, était du lapis-lazuli pulvérisé. Victor
Place, Ninive et l'Assyrie, t. h, p. 253; Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, .
p. 239. La description d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, a ainsi
parfaitement la couleur locale.
Le saphir des anciens est donc d'ordinaire le lapis-
lazuli. Lorsqu'il parle des pierres qu'on taillait pour en
faire des sceaux, Théophraste, De lapid., 23, cite le
o-omopeipo; et le décrit comme une pierre bleue foncée,
qui est comme semée d'or. Pline, H. N., XXxvn, 39,
dit de même que le saphir est bleu et brille de points
d'or. Cependant comme pour le hesbed égyptien et le
o-âitçsipo; grec, il est impossible que le mot hébreu
sappir soit compris parfois avec le lapis-lazuli, d'autres
substances bleues. Plusieurs auteurs croient que ce
mot désigne dans les textes bibliques le vrai saphir :
cela ne peut guère se justifier dans des textes où l'on
suppose que cette pierre était gravée, comme dans la
description du rational. Le vrai saphir est certainement
exclu aussi dans la description d'Ézéchiel et surtout
dans le texte de Job qui suppose la pierre parsemée de
paillettes d'or. Mais dans des textes comme l'Apocalypse,
xxi, 19, il n'y a rien qui permette d'écarter le saphir
oriental, bien que le lapis-lazuli puisse parfaitement
convenir. Voir J. Braun, Vestitus sacerdotum hebrse-
orum, in-8», Leyde, 1680, p. 670-683; C. R. Lepsius,
Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, trad.
Berend, in-4», Paris, 1877, p. 29-39; Clément-Mallet,
Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868,
p. 163-173; Ch. Barbot, Guide pratique du joaillier,
Ed. Baye, in-12, Paris, s. d.; F. Leteur, Traité élé-
mentaire de minéralogie pratique, in-4°, Paris, p. 97-
130. E. Levesque.
1473
SAPHIRE — SARA
1474
SAPHIRE (grec : Saïuçsfpti, derâiripecpoî, «saphir»
d'après les uns, ou « belle », d'après la signification
syriaque du mot), femme d'Ananie, qui ayant vendu
un champ avec son mari, se concerta avec lui pour
tromper les Apôtres et la communauté chrétienne sur
le prix, de la vente; elle fut punie comme lui par une
mort soudaine, afin de servir d'exemple aux premiers
chrétiens. Act., v, 1-10. Voir Ananie 6, t. I, col. 540.
SAPHON (hébreu : Sâfôn, « nord »; Septante :
Saçâv), ville de la tribu de Gad, à l'est du Jourdain.
Jos., xm, 27. Elle est aussi probablement nommée
Jud., xii, 1, où nous lisons Sefônâh avec le hé local et
où il faut traduire « à Saphon » et non « au nord »,
ù; poppdtv, comme on lit dans le Valicanus. VAlexan-
drinus a Ksçspà et Lucien, Ssïiïivix, parce qu'ils n'ont
pas séparé le hé local du nom propre. Vulgate : contra
aquilonem. — Saphon avait fait partie du royaume de
Séhon, roi d'Hésébon. Le site de cette ville n'a pas été
retrouvé.
SAPIENTIAUX (LIVRES), nom donné aux livres
de l'Ancien Testament qui s'occupent spécialement de
la sagesse dans le sens religieux que lui donne
l'Écriture, c'est-à-dire de la connaissance des choses
divines et morales : ce sont les Proverbes, l'Ecclésiaste,
l'Ecclésiastique, la Sagesse. Un docteur de Sorbonne,
Jérôme Besoigne (1686-1763), a publié une Concorde
des livres de la Sagesse ou la Morale du Saint-
Esprit, in-12, Paris, 1737. Voir Besoigne, t. i,
col. 1641.
SAPIN (Vulgate : abies), traduction du beroS hébreu
dans une dizaine de passages de l'Écriture.
I. Description. — On a souvent confondu sous ce
nom des arbres appartenant à des groupes variés de
Conifères, mais il doit s'appliquer spécialement aux
genres Abies et Picea, distingués par Link et qui ont
en commun une cime élancée, pyramidale, à branches
étalées, couvertes de nombreuses petites feuilles soli-
taires et persistantes en aiguille courte et rigide. La
floraison a lieu au printemps, et les cônes mûrissent
la même année. Ceux des Abies sont dressés au som-
met de rameaux latéraux, tandis qu'ils sont pendants
chez les Picea. Les feuilles des premiers sont plus ou
moins comprimées et paraissent distiques par suite
d'une torsion horizontale le long des rameaux; celles
des Picea, au contraire, sont cylindracées ou tétragones
disposées suivant une spirale plus régulière, et articu-
lées sur un cousinet proéminent qui persiste après leur
chute.
Les sapins d'Asie Mineure se rapportent à 2 espèces
répandues surtout dans les régions montagneuses de
l'Anti-Taurus et du Liban. Le Picea orientalis
(fig. 298) diffère de l'Épicéa d'Europe par ses feuilles
plus courtes, d'un vert sombre, et ses cônes plus grêles
atteignant à peine 1 décimètre de longueur. De même
V Abies cilicica (fig. 299) ressemble à notre sapin
argenté des Vosges avec un port plus effilé et des bran-
ches relativement courtes. Les cônes, au contraire, sont
plus longs et plus gros, tandis que leurs bractées sont
courtes et demeurent cachées sous les écailles. F. Hy.
II. Exégèse. — On ne trouve pas dans la Bible hé-
braïque de nom distinct pour le sapin; il existait ce-
pendant des sapins, particulièrement dans la région du
Liban, et il en existe encore. Comme chez nous on a
sons le nom de sapins confondu souvent plusieurs es-
pèces de conifères. Par contre dans la région orientale
le vrai sapin pouvait être compris sous certaines déno-
minations qui avec un sens précis, ont aussi un sens po-
pulaire, plus vague et plus général. C'estce qui explique
comment les versions ont pu comprendre dans le beros
hébreu, « le cyprès ï par exemple, plusieurs autres
DICT. DE LA BIBLE.
conifères, comme le genévrier, le pin et le sapin. La
Vulgate en particulier a dix fois rendu berôs par
abies, « sapin ». IV Reg., six, 23; Is., xiv, 8; xxxvii,
-.*»
298. — Picea orientalis.
24; xli, 19; lv, 13; lx, 13; Ezech., xvvii, 5; xxxi, 8;
Ose,, xiv, 9; Zach., xi, 2. Voir Cyprès, t. n, col. 1173.
Dans la Genèse, xxi, 15, le mot êiah, « buissons », rendu
arbor par la Vulgate, est traduit llâvr\, « sapin », par
les Septante. Il est à remarquer que Josèphe, Ant.jud.,
299. — Abies cilicica.
I, xm, 3, se sert également du mot grec êXocty;. Faut-il
voir ici l'influence du mot arabe -^w, Suh, qui désigne
VA bies cilicica ? On sait que les Arabes ont emprunté
aussi du grec le nom du sapin qu'ils appellent élati.
E. Levesque.
SARA, nom de quatre femmes dans la Vulgate. Deux
d'entre elles s'appellent en hébreu Sérah et Sê'herâ.
' 1. SARA (hébreu : Sdrdh, « princesse » ; Septante :
Eotp^a), femme d'Abraham. Elle s'appelait d'abord
V. —47
1475
SARA
SARAÏ
1476
Saraï. Elle est nommée pour la première fois lorsque
Abraham l'épousa. Gen., xi, 29. Il nous apprend lui-
même, XX, 12, qu'elle était sa sœur par son père, mais
fille d'une autre mère. D'après la tradition juive, attestée
parjosèphe, Ant. jud., I, vi, 9, et saint Jérôme, Quœst.
heb. ad Gen., t. xxm, col. 956, Saraï étail fille de
Haran et sœur de Lot, et appelée aussi « Jesca, 6uwvj-
|M>v ». Abraham l'emmena avec lui dans la terre de
Chanaan, XII, 5, et ensuite en Egypte, quand la famine
l'obligea de s'y réfugier. Il ne la présenta dans ce
pays que comme sa sœur, craignant que s'il la recon-
naissait en même temps comme sa femme, il n'eût à
souffrir à cause d'elle. Il en résulta qu'elle lui fut en-
levée et conduite au pharaon, mais il la lui rendit,
après lui avoir reproché sa conduite, quand Dieu lui
eut révélé la vérité. Gen., xn, 10-20. Voir Abraham, t. i,
col. 76. Vingt ans plus tard, Sara courut le même dan-
ger à Gérare, et lorsque le roi Abimélech eut connu
surnaturellement qu'elle était la femme d'Abraham, il
la lui rendit en lui reprochant de ne lui avoir pas fait
connaître la vérité, Gen., xx.
Sara étant stérile avait demandé elle-même à Abra-
ham de prendre Agar sa servante pour femme, mais
Dieu lui ayant accordé ensuite à elle-même un filslsaac,
elle fit chasser Agar et son fils Ismaël, xvi. — Son his-
toire se confond avec celle d'Abraham. Elle mourut à
l'âge de cent vingt ans à Hébron et fut ensevelie dans
la caverne de Macpélah qui fut achetée pour lui servir
de tombeau. Voir Abraham. — Isaïe, n, 2, fait allusion
à Sara comme mère du peuple élu. Sara est mentionnée
aussi par saint Paul, Rom.,iv, 19; ix, 9; cf. Gen., xvm,
14; il la présente, Gai., iv, 21-31, comme figurant par
son fils Isaac la liberté des chrétiens. Saint Pierre loue
sa soumission à son mari. I Petr., m, 6.
2. SARA (hébreu : Serai}; Septante : Sapa,
Sopé, etc.), fille d v Aser, petite-fille de Jacob. Gen.,
xlvi, 17; Num., xxvi, 46; I Par., vu, 30.
3. SARA (hébreu : Sé'érâh; Alexandnnus : Eaotpâ;
Vaticanus : xai Iv êxet'voiç toï{ xara/ofaoïc), fille
d'Éphraïm, qui bâtit ou plutôt rebâtit Béthoron-le-
Haut et Béthoron-le-Bas et Ozensara. Voir ces mots.
I Par., vu, 24.
4. SARA (Septanle : Eappâ), fille de Raguel et femme
de Tobie le jeune. Quand l'ange Raphaël délivra Tobie,
auquel il servait de guide, du poisson qui avait failli
le dévorer sur les bords du Tigre, il lui recommanda
d'en conserver le cœur, le foie et le fiel, Tob., vi, et
quand ils furent arrivés à Ecbatane, il lui fit épouser
sa cousine Sara, après lui avoir indiqué le moyeu
d'exorciser le démon qui avait déjà fait mourir, la
nuit même des noces, les sept époux qui avaient été
donnés à Sara. Tob., VU. Selon le conseil de Raphaël,
Tobie brûla le cœur et le foie du poisson qu'il avait
conservés; le démon Asmodée, 1. 1, col. 1103, chassé par
ce moyen providentiel, fut saisi et enchaîné par l'ange
Raphaël dans la Haute-Egypte et les deux nouveaux
époux passèrent la nuit en prières. Tob., vm, 1-10. Ra-
guel, qui croyait que Tobie serait frappé de mort,
heureux de trouver son gendre sain et sauf, lui fit de
grandes fêtes pendant quinze jours. Au bout de ce
temps, les nouveaux mariés partirent pour Ninive.
Tobie le père, guéri de sa cécité par le fiel du poisson
conservé par son fils, accueillit sa belle-fille, avec
Anne sa femme, en la comblant de bénédictions. Tob.,
xi. Les deux jeunes époux demeurèrent à Ninive
jusqu'à la mort de Tobie et de sa femme Anne et, sur
le conseil qu'il leur avait donné avant d'expirer, ils
retournèrent auprès de Raguël et de son épouse. Ils les
assistèrent à leurs derniers moments et moururent enfin
eux-mêmes comblés de jours. Tob., xm.
SARAA (hébreu : Sor'âh ; Septante : Eapà8, Eapaa),
ville de la tribu de Dan, patrie de Samson. Voir t. H,
col. 1233, 1. Elle est mentionnée dans le voyage du
Mohar égyptien, sous le nom de Zaran, d'après
M. Sayce, Higher Critlcium and the Monuments,
p. 344, et dans les lettres de Tell-el-Armana, H. Win-
ckler, dans la Keilinschriflliche Bibliotek, t. v, 1896,
n. 173; Flinders Pelrie, History of Egypt, t. m,
n. cxlix, p. 307, sous le nom de Zarkha. Il y est dit
qu'elle est attaquée par les Khabiri.
Elle avait été comptée d'abord parmi les villes de la
SéphélaattribuéesàJuda,Jos., xv, 33 (Vulgate : Sarea);
elle fut ensuite attribuée à Dan. Jos., xix, 41. « Ce
village compte trois cents habitants, dit V. Guérin,
Judée, t. n, p. 15. Il couronne une colline dont les
flancs rocheux sont percés de plusieurs,grottes sépul-
crales. Une source y porte la désignation de 'Ain
Merdhoum... Bien que située sur une colline assez
élevée, le village actuel de Sara'a est effectivement en
dehors du massif proprement dit des monts de Judée.
Elle fut la patrie de Manué, père de Samson. Jud.,
xm, 2. Ce fut là qu'il naquit lui-même, annoncé
d'avance à ses parents par l'apparition d'un ange, qui
leur avait prédit sa grandeur future, s'il observait les
prescriptions qui lui étaient faites. Après sa mort,
Samson fut rapporté de Gaza par ses frères et ses
proches et enseveli par eux entre Sara'a et Esthaol,
dans le sépulcre de son père Manué. » Jud., xvi, 31.
« Entre Achoua' (Esthaol) et... Saraa, les musulmans
vénèrent depuis des siècles un oualy qui porte, il est
vrai, vulgairement le nom d'oualy Cheikh Gherib, mais
qui m'a été désigné pareillement, dit V. Guérin, ibid.,
p. 14, sous celui de... tombeau de Samson. » Manué,
comme beaucoup de Juifs, devait avoir son tombeau,
dans son héritage. — Parmi les Danites qui s'empa-
rèrent de l'idole de Micha et s'emparèrent de Laïs, il
y en avait qui étaient originaires de Saraa. Jud.,
xvm, 2, 8, 11. — Roboam fortifia Saraa à cause de sa
situation. II Par., xi, 10-11. — II Esd., xi, 29, nous ap-
prend que des Israélites de la tribu de Juda s'établirent
à Saraa au retour de la captivité.
SARABIA (hébreu :Sérébxjâh; Septante: Eapaëîa),
un des lévites qui se joignirent à Esdras sur les bords
du fleuve Ahava pour retourner en Palestine, avec ses
fils et ses frères. I Esd., vm, 18. Il fut chargé avec
onze autres lévites de la garde des trésors, or, argent
et vases sacrés offerts au Seigneur, jL 24. Quand Esdras
exposa la Loi au peuple, il fut un de ses assistants,
II Esd., vm, 7 (Vulgate : Serebia); il prit part aux
prières qui eurent lieu ensuite, IX, 4, et il scella
l'alliance avec Dieu, x, 12. Son nom figure encore, xn,
8, 24, dans la liste des chefs des Lévites qui chantaient
les louanges du Seigneur. La Vulgate, xn, 8, écrit son
nom Sarebia, et f. 14, Sérébia.
SARAI, nom de deux personnes et nom des habitants
d'une ville dans la Vulgate.
1. SARAI (hébreu : Saraï; Septante : Sapa), premier
nom de la femme d'Abraham, ainsi appelée de Gen., xl,
29 à Gen.,xvn,15. Dieu l'appela Sara, quand il changea
le nom de son mari. Voir Sara 1. Gen., rvn, 5, 15:
2. SARAI (hébreu : Saraï; Septante : EapioC), un
des fils de Bani qui renvoya du temps d'Esdras la
femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd., ix, 34.
3. SARAÏ' (hébreu : has-Sore'i: Septante : 'H<r»p:'),
probablement habitant de Saraa. I Par., H, 54. Voir
Saraa, ci-dessus. Le passage où est nommé le Sore'i est
obscur et paraît altéré dans le texte original. D'après
les Septante, c'est un nom d'homme.
1477
SARAÏA — SARASAR
1478
SARAÏA, SARAÏAS, nom de douze Israélites. Ce
nom est écrit en hébreu èerdyâh; une fois Serdyâhû.
Jer., xxxvi, 26.
1. SARAIAS (Vatieanus : Hueâ; Alexandrinus : 2a-
pxîa;), secrétaire du roi David. II Reg., vin, 17.
2. SARAIAS (Septante : Sotpaéac), grand-prêtre sous
le règne de Sédécias. I Par., vi, 14, Il fut emmené pri-
sonnier de Jérusalem par Nabuzardan, chef des gardes
de Nabuchodonosor après la prise de la ville et conduit
à Rebla (Reblatha), col. 999, avec plusieurs autres pri-
sonniers que le roi de Babylone lit mettre à mort.
IV Reg., xxv, 18; I Par., vi, 14; Jer., lu, 24.
3. SARAÏA (Septante : Sape'oeç), fils de Thanehumeth,
le Nétophatite, IV Reg., xxv, 23, un des principaux
Juifs qui alla trouver à Maspha, avec plusieurs autres,
Godolias, gouverneur du pays pour Nabuchodonosor,
et, sur son conseil, resta dans le pays. Dans Jérémie,
qui raconte le même fait, XL, 8, la Vulgate écrit Saréas.
4. SARAÏA (Septante : 2apa';a), flls de Cénez, de la
tribu de Juda, et père de Joab, qualifié de « père de la
vallée des artisans ». I Par., IV, 13-14. Voir JOAB 2,
t. m, col. 1549.
5. SARAÏA (Septante : EocpaG ; Alexandrinus: Sapai'a),
chef d'une famille de la tribu de Siméon, un des an-
cêtres de Jéhu.Voir Jéhu4, t. m, col. 1247. IPar.,iv, 35.
6. SARAlA (Septante : Expouaç), un des Juifs captifs
à Babylone qui retourna en Palestine avec Zorobabel.
I Esd., Il, 2. Dans II Esd., vu, 7, il est appelé Azarias.
Voir Azarias 25, t. i, col. 1301.
7. SARAIAS (Septante : Sapaio-j), père ou ancêtre
d'Esdras, le scribe. Voir Esdras 1, t. n, col. 1929.
I Esd., vil, 1.
8. SARAIAS (Septante : uiôç 'Apai'a; Alexandrinus :
uiô; Sapaia), un des prêtres qui signèrent l'alliance
avec Dieu du temps de Néhémie, II Esd., x, 2.
9. SARAlA (Septante : Eapaîa), flls d'Helcias, prêtre.
II habita Jérusalem après le retour de la captivité de
Babylone. II Esd., xi, 11. Dans I Par., ix, 11, il est
appelé Azarias. Voir Azarias 10, 1. 1, col. 1299.
10. SARAlA (Septante : Sapata), chef d'une famille
sacerdotale qui revint de la captivité de Babylone en
Palestine avec Zorobabel. II Esd., XII, 1. Sous le pon-
tificat de Joacim, Maraïa (t. iv, col. 712), était à la tête
de cette famille, f. 12.
11. SARAlA (hébreu : Èerdyâhû; Septante : Sapaïa),
fils d'Ezriel. C'était un officier du roi de Juda, Joakim,
qui reçut de ce prince avec Jérémiel et Sélémias l'ordre
d'arrêter Jérémie et Baruch, mais les deux prophètes se
cachèrent. Jer., xxxvi, 26..
12. SARAÏA (Septante : Sapas*;), fils de Nérias et
frère de Baruch. Il est qualifié du titre de sar menû-
hâh, que la Vulgate traduit par princeps prophétise
(Septante : ap^wv ôtôpwv, « chef des dons »), et que les
commentateurs expliquent très diversement. L'expli-
cation la plus vraisemblable est celle d'après laquelle
tar menûbdh, « chef du repos », est celui qui est
chargé de régler les étapes d'une caravane en marche.
Il accompagna le roi Sédécias à Babylone, lorsque ce
prince se rendit à Babylone, pour rendre hommage à
Nabuchodonosor. Saraïas eut sans doute la fonction de
régler ce qui concernait les campements et les étapes
pendant le voyage. Jérémie lui confia un rouleau dans
lequel il avait écrit la prophétie de la ruine de Baby-
lone et il le chargea, après avoir lu son oracle, de
l'attacher à une pierre et de le jeter au milieu de
l'Euphrate, en signe du sort qui était réservé à cette
ville. Jer., li, 59-64.
SARAIM (hébreu : Sa'âraîm; Sepfante : Saxocpîp.,
Jos., xv, 36; t<5v icuXwv, I Reg., xvn, 52), ville de Juda
dans la Séphéla. Elle est confondue avec Saarim par
beaucoup d'interprètes, mais il convient de les distin-
guer. Voir Saarim, col. 1285. Saraïm est mentionné
entre Azéca et Adithaïm. Jos., xv, 35-36. Lorsque les
Philistins s'enfuirent après la victoire de David sur
Goliath, les Israélites les poursuivirent et en frap-
pèrent un grand nombre sur la route de Saraïm à
Geth et à Accaron. I Reg. (Sam.), xvn, 52.
SARAITES (hébreu : Sai'e'àtî; Septante : 2«pa8aîot),
habilants de Saraa. I Par., n, 53. Voir Saraa, col. 1476.
SARAMEL, nom dans les Septante qui est diver-
sement interprété. La Vulgate porle Asaramel. Voir ce
mot, 1. 1, col. 1057.
SARAPH, nom d'homme que la Vuîjate a traduit
par Incendens. I Par., iv, 22. Voir Incendiaire, t. m,
col. 864.
SARAR (hébreu : Sdrâr; Septante : 'Apotf), Arorite,
père d'un des vaillants guerriers de David appelé Aïam
dans II Reg. (Sam.), xxm, 33. Le nom de Sarar est écrit
Sachar dansl Par., xi, 35. Voir Sachar 1, col. 1309.
SARASAR, nom d'un Assyrien et d'un Juif.
1. SARASAR (hébreu : Sar'ésér; Septante : Sapâcrap),
fils de Sennachérib, roi d'Assyrie. Avec son frère Adram-
mélech, il tua son père dans le temple de Nesroch (t. iv,
col. 1608) et s'enfuit ensuite en Arménie. IV Reg., xix,
37; Is., xxxvi, 38. Cf. II Par., xxxn, 21; xxxm, 24. Le
P. Scheil, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xi, 1896,
p. 427, rapproche son nom de celui d'un fils de Sen-
nachérib, appelé AsSur-Sum-usabSî, mentionné sur une
brique. Son petit-fils Assurbanipal fait allusion dans
ses inscriptions à l'assassinat de Sennachérib à Baby-
lone. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Aile
Testament, 3 e édit. par H. Zimmern et H. Winckler,
Berlin, 1905, p. 85. D'après la Chronique babylonienne,,
i, 34, Sennachérib fut tué par son fils dans une
insurrection le 28 tébeth (vers 681). Cf. t. i, col. 240.
Voir H. Winckler, KeUinschriflliches Textbuch zuni
Alten Testanient, in-8", 2« édit., Leipzig, 1903, p. 64-
65. Polyhistor (Bérose) et Abydène mentionnent aussi
l'assassinat du roi d'Assyrie, mais ils ne nomment
aussi qu'un de ses fils, dont le nom rappelle celui
d'Adramélech. Voir Adramélech i, 1. 1, col. 239. Bérose,
fragm.12; Abydène, fragm. 7, dans Didot, Hist. grsec.
fragmenta, t. n, col. 401; t. iv, col. 282.
2. SARASAR (hébreu : Sar'ésér; Septante : Sapàoap),
personnage nommé avec Rogommélech dans le pro-
phète Zacharie, vu, 2. Ce passage est obscur et diver-
sement interprété par les anciens traducteurs. Hébreu :
« On avait envoyé à la maison de Dieu Sar'ésér et Ré-
gém Mélék avec ses gens. » Septante : « Et envoya à
Béthel Sarasar et Arbéséer le roi ('Apëso-eèp ô flacreXe-jç)
et ses hommes... » Vulgate : « Sarasar et Rogom-
mélech et les hommes qui étaient avec lui envoyèrent à
la maison de Dieu... » Dans la version latine, Sarasar
et Rogommélech sont donc ceux qui envoient; dans le
texte hébreu ce sont ceux qui sont envoyés. Dans les
Septante, Bêf 'El est traduit comme nom de lieu ;
1479
SA.RA.SAR — SARCOPTE
1480
Rogommélech disparaît, la première partie du nom est
transformée en Arbéséer et la seconde est considérée
comme un titre, mélék, signifiant « roi ». La version
syriaque transforme Rogommélech en Rabmag. Ce
dernier mot est un titre babylonien (voir Rebmag,
col. 999) et il est possible que Rogommélech cache en
effet sous sa forme défigurée par les copistes qui n'en
comprenaient pas la signification', le titre de Sarasar :
le pronom qui suit, cum eo, « avec lui », est au sin-
gulier et l'on peut induire de là qu'un seul personnage
est nommé, et non deux.
SARATHASAR (hébreu : Séréf ha$-Sahar ;Vatica-
nus : SapaSà xal Sirâv; Alexandrinus :Eàp8 xat Eifip),
ville de la tribu de Ruben. Jos., xm, 19. — Cette loca-
lité était située « à la montagne de la vallée », be-har
hâ-'Êmèq, in monte convallis, c'est-à-dire à la mon-
tagne qui borde la dépression du Ghôr, appelée, en
300. — Bains de CalUrhoé.
D'après la carte mosaïque de Mâdaba.
effet, « la Vallée », 'Êmég, au même endroit, xm, 27. —
Les anciens Arabes ont connu, près de la mer Morte,
un lieu du nom de Sàrah ou Sârat, où était un ham-
fhéh, des « sources chaudes et des bains ». Cf. El-
Muqaddasi, Géogr., édit. de Goeje, Leyde, 1877, p. 185-
186. Au XII e siècle, Edrisi mentionne ez-Zdrat qui riva-
lisait avec Sughar (Ségor) pour le commerce des dattes,
dont venaient s'emplir les barques qui circulaient sur
la mer Morte. Géogr., édit. Gildemeister, Bonn, 1885,
p. 3. Sârah, souvent prononcé aussi Zârah, est encore
célèbre chez les Bédouins à l'est du Jourdain et « les
bains de Sârah », hammam es-Sârah, sont particu-
lièrement renommés chez eux. Ce lieu forme, entre
l'ouadi Zerqâ-Mâ'în au nord et l'ouadi Môdjeb, l'ancien
Arnon, au sud, comme la base, à l'occident et sur le
bord de la mer Morte, des montagnes escarpées au
sommet desquelles s'élevait Mâchéronte. Les palesti-
nologues s'accordent assez généralement aujourd'hui
• pour reconnaître dans Sârah, l'antique Sarathasar.
■ On l'identifiait généralement autrefois avec Hammam
ez-Zerqâ, voir Callirhoé, t. h, col. 69; mais cf. Procu-
rrteurs romains, col. 702. Sârah est représentée sur la
carte-mosaïque de Mâdaba (fig. 300 ; cf. fig.180, col. 696),
comme une région plantée de palmiers, où se voient
des courants d'eau et des monuments représentant des
bains; elle y est inscrite sous le nom de t bains de
Callirhoé », 6EPMA KAAAJPOHS. Ce nom, em-
prunté à Josèphe, Ant. jud., XVII, yi, 5, et Bell, jud., I,
xxxui, 5, et aux hellénisants du i« siècle, est en
effet la traduction, non d'après la vocalisation des
massorétes, mais d'après celle des Septante, de Sarat
has-Sihôr. Sara{ ou Séréf est une abréviation pour
Saharat, splendor, de la racine sahar, splenduit, et
Sîhôr désigne incontestablement des « cours d'eau ».
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1189, 1393. Voir Moab, h,
t. iv, col. 1149, 1152. — Il faut lire, semble-t-il, ce
nom : Sarat du Sihor, le Sihor désignant la région et
Sarat la ville ou la bourgade qui fut attribuée à Ruben.
— Vers le milieu du plateau incliné, arrosé par les
sources thermales et minérales, se voit un emplacement
entouré d'épines de séder. C'est l'endroit où les Bé-
douins de Mekdûer dressent leurs tentes, quand ils
viennent pendant l'hiver habiter Sârah avec leurs
familles et leurs troupeaux. On y remarque des pierres
alignées qui pourraient être les derniers arasements
des maisons de l'antique Sarathasar. Sur une terrasse
supérieure du pied de laquelle, à 2 kilomètres du ri-
vage, sort une source thermale, à 43° de température,
on trouve les restes d'une construction rectangulaire
de 31 mètres de longueur et de 20 mètres de largeur,
appelée encore du nom A'Es-Sdrâh. A 2 kilomètres
plus au nord, un tell semble indiquer une autre for-
teresse. Plus près du rivage, on remarque les restes
d'une construction carrée dont il subsiste une ou deux
assises, formées de pierres d'assez grand appareil et
très régulièrement taillées. Les Bédouins la désignent
par le nom de Kheréïbet es-Sârah, « la petite ruine de
Sârah ». Sont-ce des débris de la Callirhoé du l" siècle?
C'est possible. — En ce lieu aurait été, selon le Talmud de
Jérusalem, Megillah,!, et le targum de Jonathan, Gen.,x,
19, l'ancienne Lésa, l'œuvre d'Hérode, d'après la conjec-
ture, appuyée sur le récit de Josèphe, du rabbin Schwarz,
Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 266;
cf. Lésa, t. iv, col. 187. Rien, en effet, n'empêche que
Lésa n'ait été au ëifyôr du rivage oriental de la mer
Morte, simultanément avec Sârah; mais il semble bien
que c'est à cette dernière que l'on doit rapporter le nom
de Callirhoé. 11 n'est pas douteux non plus qu'il n'y ait
eu là, quand Hérode y vint aux eaux, des constructions
dans son goût et celui de l'époque. On n'en voit toute-
fois point d'autre trace, ni des monuments figurés sur la
carte de Mâdaba, que les ruines dont il a été question.
Il est à croire que, se trouvant dans le Ghôr, ou la
partie de la vallée bordant la mer Morte, ils auront été
submergés par les eaux de ce lac, dont le niveau ne
cesse de s'élever. — Voir Aloïs Musil, Arabia Petrœa,
Moab, Vienne, 1907, p. 239-241 et 252-253; F. Buhl,
Géographie des alten Palastina, Fribourg-en-Brisgau,
1896, p. 123-124, 268. L. Heidet.
SARATHI (hébreu: has-$or'âtî; Septante : 'ApaSi),
habitant de Saraa. I Par.,iv, 2. Les Saraïtes sont appe-
lés has-Sor'atî; o>. Sapocôatai; Saraitse, IPar.. H, 53, et
probablement aussi has-Sôr'î; 'Hoapf; Saraï, jt. 54.
Voir Saraï, col. 1476; Saraïtes, col. 1478.
SARCOPHAGE, tombeau en pierre dans lequel on
ensevelissait les cadavres en Egypte, en Phénicie, etc.
Voir fig. 301. Le « lit de fer » d'Og, roi de Basan,
Deut., m, 10, est, d'après l'explication la plus vrai-
semblable, le sarcophage en basalte où était couché
son cadavre. Voir Og, t. iv, col. 1759. Cf. Tombeau.
SARCOPTE, insecte du genre arachnide et de
l'ordre des acarides. Cet insecte est l'agent producteur
de la gale. Voir Gale, t. m, col. 82 et la figure 12. Il
est d'un blanc laiteux et mesure un tiers de millimètre
de long sur un quart de large. Il a quatre paires de
pattes garnies de soies rigides, ainsi que tout le corps,
ce qui rend très douloureuse la présence de l'insecte
sous la peau. Il s'insinue entre le derme et l'épiderme,
1481
SARCOPTE — SARDES
1482
dans les endroits où la peau est le plus mince, et il y
trace des sillons au fond desquels il se blottit pour
n'en sortir que la nuit, sous l'effet de la chaleur. Son
nom, qui vient de o-âp?, « chair », et de xotitw, « couper »,
est donc bien mérité. Beaucoup de mammifères et
d'oiseaux ont aussi leur sarcoptidés; le cheval en
possède même deux espèces différentes. Les espèces
diverses des sarcoptidés peuvent passer des animaux
à l'homme et réciproquement, ce qui rend la contagion
plus dangereuse. En 1834 seulement, le sarcopte fut
signalé par Renucci comme la cause de la gale. Cette
dernière n'est donc pas une simple maladie de la peau,
comme on l'a cru longtemps. Pour guérir la gale, il
faut débarrasser la peau et les vêtements des insectes
et de leurs œufs. La loi mosaïque avait donc raison de
prendre des mesures pour écarter ceux qui avaient la
gale, hommes ou animaux. Lev., xxi, 20; xxn, 22.
provenait soit de sa puissance stratégique, dont elle
donna des preuves très grandes, soit de ce qu'elle était
bâtie sur une voie de communication de premier ordre,
qui conduisait de l'intérieur de l'Asie Mineure aux côtes
de la Méditerranée, soit enfin de son commerce consi-
dérable. L'ancien royaume de Lydie était très avancé
sous le rapport des arts industriels, et Sardes était le t
centre de manufactures nombreuses. Son industrie
principale consistait dans la fabrication et la teinture
des étoffes de laine, surtout des tapis. Les Grecs du
vi B siècle avant notre ère allaient aussi lui demander
une partie de l'or que lui fournissait le Pactole.
2» Histoire de Sardes. — Cette ville remontait à une
haute antiquité. Tout porte à croire, en effet, qu'elle
ne diffère pas de l'ancienne cité de Hyda, que mention-
nait déjà Homère, H., H, 864, et xx, 385, et qu'il place
précisément au pied du mont Tmolos. Voir Strabon,
— Sarcophage phénicien. Musée du Louvre.
Cf. Van Beneden, Commensaux et parasites, Paris,
1883, p. 121, 122. H. Lesètre.
SARDE ou pierre de Sardes. Voir Cornaline, t. n,
col. 1007; Sardoine, col. 1484.
SARDES (grec : SàpSeiç, au pluriel), une des villes
les plus importantes de l'Asie Mineure avant l'ère chré-
tienne, capitale du royaume de Lydie, titre qu'elle con-
serva lorsque fut constituée la province romaine du
même nom (fig. 302). Voir Lydie, t. îv, col. 449.
1° Situation et importance. — Elle était située dans
302. — Monnaie de Sardes.
KAISAP.EEBAS»® . Buste deTibère.à droite.— «. LAP4IANQN
OniNAE. AKIAMOE dans une couronne.
la fertile vallée qu'arrose l'Hermos, à environ vingt
stades et demi de ce fleuve, Arrien, Anab., i, 17 ; au pied
du mont Tmolos, qui forme la chaîne principale de la
Lydie. Strabon, XIII, iv, 15. C'est sur un éperon de
cette montagne que se dressait l'acropole, sa citadelle,
■d'un accès très difficile, entourée d'un triple rempart
■et presque imprenable aux temps reculés. Le fameux
Pactole, simple petit ruisseau qui se jette dans l'Hermos
à environ 10 kil. de là, traversait son agora. Hérodote,
v, 101. — L'importance dont elle jouit d'assez bonne
henre et qu'elle conserva durant plusieurs siècles,
XIII, iv, 5; Pline, H. N., v, 29; Etienne de Byzance,
édit. Dindorf, 2 in-12, Leipzig, 1825, t. I, p. 440, et
t. il, p. 395. Les rois de Lydie y établirent leur rési-
dence ; c'est sous le plus illustre et le dernier d'entre
eux, Crésus, qu'elle atteignit le comble de la prospérité.
Cf. Hérodote, v, 25; Pausanias, III, IX, 3. Lorsque ce
prince eut été battu par Cyrus à Thymbrée (548 avant
J.-C), elle servit de séjour aux satrapes persans pla-
cés à la tête du royaume conquis. Elle fut prise et dé-
truite à deux reprises : d'abord par les Cimmériens,
dans la première moitié du vu» siècle avant notre ère
(vers 635); puis, en 498 avant J.-C, par les Ioniens assis-
tés des Athéniens. Strabon, loc. cit. Xerxès passa dans
les murs de Sardes l'hiver qui précéda sa campagne
contre la Grèce (en 480). Lorsque Alexandre le Grand
envahit l'Asie, la ville se rendit à lui sans résistance,
après la bataille du Granique (334); il récompensa les
habitants, en leur rendant leur autonomie et leurs
anciennes institutions. Après la mort du conquérant,
Sardes passa sous la domination d'Antigone jusqu'en 301,
époque à laquelle elle tomba au pouvoir de Séleucus.
Antiochus le Grand s'en empara en 218; mais il dut
l'abandonner aux Romains, après avoir été défait par
eux à Magnésie (190 avant J.-C). Cf. Polybe, iv, 48; v,
57. Elle fut alors incorporée au royaume de Pergame.
Un terrible tremblement de terre la ravagea sous le
règne de Tibère (17 avant J.-C); mais ce prince la fit
immédiatement reconstruire. Cf. Tacite, Ann., Il, 47.
Sa résurrection fut si prompte, que, d'après Strabon,
XIII, iv, 8, elle ne le céda bientôt à aucune des cités
d'alentour sous le rapport de la splendeur. Mais, avec
les empereurs byzantins, elle perdit peu à peu de son
importance, tout en demeurant encore prospère pen-
dant une certaine période. Les Turcs parvinrent à s'en
1483
SARDES — SARDOINE
1484
emparer dès le xi= siècle. Tamerlan la prit à son tour
en 1402, et la détruisit de fond en comble. Elle ne s'est
jamais relevée de cette catastrophe (fig. 303). Le vaste
emplacement de l'ancienne capitale lydienne n'a au-
jourd'hui de vie que grâce au misérable village de
Sart, composé seulement de quelques huttes bâties au
, milieu des ruines. Et celles-ci sont peu considérables,
car « les terres éboulées des collines ou portées par
les eaux courantes ont recouvert une grande partie de
ÎSl ville antique. » E. Reclus, L'Asie antérieure, in-4°,
Paris, 1884, p. 606-607. Celles des ruines qui sont res-
tées visibles n'offrent qu'un intérêt très restreint. Elles
datent surtout de la période romaine. Sur les bords
du Pactole, se dressent deux colonnes solitaires, qui
« Affermis ce qui reste et qui est près de mourir. »
L'évêque et l'Église sont menacés d'un châtiment sou-
dain, s'ils ne reprennent bientôt leur ferveur première.
Il y avait néanmoins à Sardes quelques chrétiens dignes
de ce nom, auxquels une belle récompense est pro-
mise. — Dans la suite, l'Église de Sardes eut à sa tête
plusieurs évêques illustres, entre autres saint Méliton,
qui fut au II e siècle l'une des plus grandes lumières
de l'Asie, et qui est spécialement célèbre par le canon
des saintes Écritures qui porte son nom. Eusèbe, H. E.,
iv, 13, 26, t. xx, col. 337, 392-397. Voir F. Vigouroux,
Manuel biblique, 12 e édit., t. i, p. 89, n. 3; R. Cor-
nely, lntrod. in libros.sacros, Paris, 1885, t. I, p. 76.
Plus tard encore, les habitants de Sardes résistèrent
303. — Ruines de l'acropole de Sardes. D'après une photographie de M. Henri Cambournac.
appartenaient vraisemblablement au temple de Cybèle
(fig. 304), On voit aussi les restes d'un théâtre. — A une
certaine distance de Sart, au nord de l'Hermos, près
du lac Gygée, on voit de nombreux monticules coni-
ques, dont quelques-uns ont des proportions gigantes-
ques; ils représentent l'ancienne nécropole de Sardes.
Hérodote la mentionne déjà, i, 93. Cf. Strabon, XIII,
iv, 4.
3° Sardes et le Nouveau Testament. — A l'époque
du paganisme, la religion particulière de la capitale
de la Lydie roulait autour du culte de Cybèle, dont le
caractère présentait beaucoup de ressemblance avec
celui de la Diane d'Éphèse. Voir Diane, t. n, col. 1405-
1406. Mais le christianisme pénétra de bonne heure
dans Sardes, où nous trouvons, dés la fin du I er siècle,
une Église importante, l'une des sept de la province
d'Asie auxquelles saint Jean écrivit une lettre spéciale
au début de l'Apocalypse, m, 1-6. Nous ignorons dans
quelles circonstances cette Église avait été fondée. La
lettre de l'apôtre nous apprend que son ange, c'est-à-
dire son évêque, cachait un triste état moral sous de
belles apparences : « Tu passes pour vivant et tu es
mort, s Cet état était malheureusement aussi celui de
la chrétienté qu'il dirigeait, comme l'indiquent les mots
énergiquement aux tentatives faites par Julien
l'Apostat pour rétablir parmi eux le culte des idoles.
4» Bibliographie. — Arundell, Discoveries in Asia
Minor, 2 in-8», Londres, 1834, t. i, p. 26-28; P. de
Tchihatchef, Asie Mineure, Paris, 1852-1869, 8 in-8»,
t. i, p. 232-242; G. H. von Schubert, Reise in das
Morgenland, 3 vol. in-8", t. i, Erlangen, 1840, p. 347-
350; Fellow, Journal written during an excursion in
Asia Minor, Londres, 1839, p. 289-295; Ch. Texier,
Asie Mineure, description géographique, historique
et archéologique, in-8°, Paris, 1862, p. 252-259;
Ms r Le Camus, Les sept Églises de (Apocalypse, in-4°,
Paris, 1896, p. 218-230; B. V. Head, Catalogue of the
Greek Coins of Lydia, in-8», Londres, 1901, p. 236-277; .
W. M. Ramsay, The Letters to the seven Churches of
Asia, in-8», Londres, 1904, p. 354-368.
L. Fillion.
SARDOINE. Ce mot est souvent pris dans le sens-
de pierre de Sardes, qui n'est autre que la cornaline-
rouge. Voir Cornaline, t. n, col. 1007. Le mot sardoine,
qui parait emprunté du latin sardonyx, désigne aussi
une variété d'onyx, veinée de deux couleurs. La pierre
sardonyx choisie pour la 11 e pierre du rational était
rouge et blanche. Elle portait probablement le nom de-
1485
SARDOINE — SARGON
1486
Joseph dont la descendance forma les deux tribus
d'Éphraïm et de Manassé. Voir Onyx, t. iv, col. 1823.
SARÉA (hébreu : Çor'dh; Septante : 'Pioc), nom
de Saraa dans la Vulgate, Jos., xv, 33. Voir Saraa,
col. 1476.
SARÉAS (hébreu : Çeràydh; Septante : Swpac'aç),
fils de Thanehumeth, ainsi appelé par la Vulgate, Jer.,
xl, 8. Voir Saraïas 7, col. 1477.
SARÉBIA, SARÉB1AS, orthographe du nom de
304. — Les deux colonnes du temple de Cybèle.
D'après une photographie de M. Henri Camboumac.
Sarabia, lévite, dans II Esd., ix, 14; xn, 8. Voir Sara-
bia, col. 1476.
'SARED, nom d'un Israélite et d'une ville dans la
Vulgate.
1. SARED (hébreu : Séréd; Septante : SépeS), fils
aîné de Zabulon, petit-fils de .lacob. Gen., xlvi, 14;
Num., xxvi, 26. Dans le premier passage, la Vulgate
écrit son nom Séred, comme les Septante, et à leur
exemple, elle écrit Sared dans le second.
2. SARED, orthographe du nom de Sarid, dans la Vul-
gate. Jos., xix, 12. Voir Sarid.
SAREDA (hébreu : Hasrêddh, avec l'article; Sep-
tante : ri Sapei'pa; Alexandrinus : i\ Saot'Sa), patrie du
premier roi d'Israël Jéroboam. III Reg., zi, 26. Elle
n'est nommée que dans ce seul passage. Les Septante,
à la suite du f 20 de III Reg., xn, ont de plus que le
texte hébreu, tel que nous le possédons, et que la Vul-
gate, un long passage où il est dit que Saréda avait été
bâtie pour Salomon par Jéroboam et que ce dernier
y revint après son retour d'Egypte. La version grecque
substitue aussi le nom de Sapi'pa à celui de Thersa.
III Reg., xiv, 17. On ignore sur quoi peut être fondée
cette variante. Le texte sacré, outre Saréda, nomme
aussi Sarédatha, II Par., iv, 17, et Sarthan, et divers
interprètes croient que ces deux localités sont iden-
tiques à Saréda. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1185.
Cette identification est impossible, si l'on admet le
témoignage des Septante qui, dans leurs additions,
placent Saréda dans la montagne d'Éphraïm, tandis
que Sarédatha et Sarthan étaient dans la vallée du
Jourdain, mais l'autorité des additions grecques est
sujette à contestation.
SARÉDATHA (hébreu : Serêdâtâh; Septante :
Sapï)Sa6â), localité de la vallée du Jourdain, près de
laquelle Salomon fit fondre les colonnes et les objets
en métal destinés au Temple. II Par., iv, 17. Dans
le passage parallèle, III Reg., vu, 45, nous lisons Sar-
than au lieu de Sarédatha : comme dans les deux livres,
le texte du verset est semblable, à l'exception de cette
variante, il parait assez probable que l'une des deux
formes est altérée. Voir Sarthan. Plusieurs commen-
tateurs admettent que Sarédatha et Saréda sont une
seule et même ville. Voir Saréda.
SARÉDITES (hébreu : has-Sardî; Septante :
i SapsSi), descendants de Sared ou Séred, de la tribu
de Zabulon. Num., xxvi, 26.
SAREPHTA, SAREPTA (hébreu : Çarfaf; Sep-
tante : SâpETt-ra), ville de Phénicie, aujourd'hui Sara-
fend, sur un promontoire au bord de laMéditerranée,
au sud de Sidon. On y voit encore des ruines qui
semblent indiquer que la ville antique fut importante.
— D'après quelques-uns, Sarepta est le Misrefd{ Maïm
de Josué, xi, 8; xm, 6 (Vulgate : Aqum Maserephot)
mais cela est très douteux (voir Maséréphoth, t. iv,
col. 831), quoique la racine du nom soit la même.
— Sarepta était soumise à Sidon au temps d'Achab.
III Reg., xvn, 9. Pendant la grande famine qui fut le
châtiment d'Israël ^idolâtre, le prophète Élie demeura
dans cette ville; il multiplia miraculeusement la pro-
vision de farine et d'huile de la veuve qui lui donnait
l'hospitalité, III Reg., xvn, 8-24, et lui ressuscita son
fils, mort pendant son séjour dans sa maison. Notre-
Seigneur, dans la synagogue de Nazareth, rappela la
charité de cette veuve. Luc.,iv,26. — Sarepta est nommée
parmi les villes qui furent prises par Sennachérib
lorsqu'il attaqua la Phénicie en 701 avant J.-C, dans
sa troisième campagne. Eb. Schrader, Die Keilin-
sckriften und das Aile Testament, 2 e édit., 1883, p. 200,
288; Id., Keilinsckriftliche Eibliothek, Die Prisma
Jnschrift, col. 11, lig. 39; t. n, col. 90. On lit aussi le
nom de Sarepta, après celui de Béryte et de Sidon,
dans le voyage d'un Égyptien au xiv e siècle avant J.-C,
p. 20, lig. 8, dans Chabas, Voyage d'un Égyptien, in-4",
Chalon, 1866, p. 161, 163. — Abdias, dans sa prophétie,
y. 29, mentionne Sarepta comme la frontière septen-
trionale du pays de Chanaan.
SARÈS (hébreu : Sàrés, à la pause; Septante :
EoCpoç; Alexandrinus: Eôpoç), fils de Machir et de
Maacha, de la tribu de Manassé, père d'Ulam et de
Récem. I Par., vu, 16.
SARGON (hébreu : pjno , ëargôn; Septante :
'Apva; Canon de Prolémée : 'Apxéavoi;; assyrien :
r^ttl »— U -4 Ji , idéographiquement Sak-Gisa,
phonétiquement ëar-ukin, c'est-à-dire « (que le dieu...)
1487
SARGON
1488
affermisse le roi » ou « roi affermi », et selon A. H.
Sayce, dans Hastings, Dictionary of ihe Bible, t. iv,
p. 406, « le puissant » ; nommé aussi dans les textes Sar-
ukin-arku, Sargon le récent, par opposition à Sargon
l'ancien, roi d'Assyrie (fig. 305), qui succéda à Salma-
nasar IV et régna de 722 à 705. Il ne se rattache à ce
dernier monarque ni dans ses inscriptions, ni dans
et à la prise de possession du trône babylonien par Sar-
gon lui-même; enfin plusieurs contrats servent encore à
documenter ce règne. Malgré ces textes multiples, et mal-
gré ses hauts faits, Sargon demeura totalement inconnu
des historiens classiques ; comme souverain de Babylone
son nom parait dans le Canon de Ptolémée, mais défi-
guré sous la forme Arkéanos ; seule la Bible nous a
_^4~tix±£^
305. — Le roi Sargon enU'e deux de ses grands officiers Bas-relief. Musée du Louvre.
les généalogies de ses successeurs : il inaugura donc
une dynastie nouvelle qui porta à son apogée la puis-
sance assyrienne et ouvrit l'ère des lointaines con-
quêtes, mettant ainsi Israël et Juda aux prises avec
l'Assyrie. Son règne nous est connu par un grand
nombre d'inscriptions généralement assez développées,
et reproduites avec variantes dans la décoration des
salles du palais de Khorsabad, Dur-Sar-ukin, puis sur
des cylindres d'argile et sur une stèle élevée dans l'Ile
de Chypre à Larnaka. Les listes des limu ou Éponymes
assyriens nous ont conservé la chronologie exacte de
son règne ; le texte dit Chronique babylonienne nous
donne le résumé de ses relations avec Babylone, les-
quelles aboutirent à l'expulsion du souverain national
conservé le souvenir de son règne et, dans le texte hé-
breu et la Vulgate, la forme véritable de son nom. Is., xx,
1. — Quand ce prince monta sur le trône, l'armée assy-
rienne était occupée à la conquête du royaume d'Israël
et depuis deux ans déjà tenait Samarie assiégée : les
textes de ses Annales (A) et de son Inscription triom-
phale (B) qui se complètent ou se superposent par
endroits, nous apprennent comment cette campagne
fut terminée en quelques mois. « (A) Au commence-
ment de mon règne... j'assiégeai et je pris Samarie :
27 290 de ses habitants j'ai pris comme butin, 50 chars
d'au milieu d'eux j'emportai; aux autres je maintins
leurs biens (?); mon lieutenant sur eux j'établis, le
tribut du roi précédent je leur imposai ; (B) à la place
1489
SARGON
1490
de ceux qui y étaient auparavant je fis habiter les
hommes des pays que ma main avait conquis; à ceux-
là je (n')imposai de tribut (que) comme aux Assyriens. »
Un peu plus loin dans les Annales, après le récit
des campagnes de Babylonie et d'Arabie, nous lisons
encore : « (DeMérodach-baladanquitint)contre la volonté
des dieux la royauté de Babylone, sept (? mille) hommes
avec leurs biens, je transportai et les fis habiter (dans
le pays des) Hatti (c'est-à-dire la Syrie). — Ceux de
Tamud, d'Ibadid, de Marsimani, de Hayapa, ces
Arabes éloignés, habitants du désert, que ni savant ni
envoyé ne connaissait, qui n'avaient jamais payé
tribut aux rois mes pères, sous la protection du dieu
Asur mon maître je subjuguai, leurs restes je transportai
et fis habiter dans la ville de Samarie. »
Ces textes ont leur contre-partie dans l'histoire des
Rois : « Et le roi d'Assur monta contre Samarie qu'il
assiégea pendant trois ans. La neuvième année d'Osée
le roi d'Assur prit Samarie (au chapitre xvm, 10 : Et
ils la prirent ou on la prit) et il emmena Israël captif
en Assur. Il les fit habiter à Chalach et sur le Chabor,
fleuve de Gozan et dans les villes des Mèdes... Le roi
d'Assur fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d'Avva.
de Hamath et de Sépharvaïm (cités babyloniennes,
sauf Hamath, qui était au pays des Hatti, c'est-à-dire
en Syrie) et les fit habiter dans les villes de Samarie
à la place des enfants d'Israël. » II (IV) Reg. , xvn, 5, 6, 24.
Il faut remarquer le parallélisme exact de ces récits
quant aux faits : en ce qui concerne leur attribution,
la variante du chapitre xvm du récit des Rois semble
indiquer que le prince qui commença le siège de Sa-
marie ne le termina pas, mais que même en son absence
ou après sa disparition, la ville fut prise cependant par
les Assyriens. Nous savons qu'en effet l'assiégeant fut
Salmanasar IV et que le destructeur fut son succes-
seur Sargon, opérant soit pour le compte de Salmanasar,
soit pour son compte personnel, dans les quelques
mois qui précèdent la première année officielle de son
règne, ina ris" Sarrutiya, suivant le comput habituel
des annalistes assyriens. Voir Salmanasar IV.
La conquête du royaume d'Israël était une menace
nouvelle pour les royaumes environnants : sur les
conseils d'Isaïe qui avait prédit à Achaz le sort de Sa-
marie, Juda semblait vouloir se tenir à l'écart et
rester vassal fidèle de l'empire assyrien; mais au sud-
ouest l'Égj'pte, au nord l'Urarthu (Arménie), au sud-est
le pays d'Elam, avaient tout à craindre de leur puis-
sant voisin, et tout intérêt à lui susciter des difficultés
sans cesse renaissantes; au midi Babylone, récemment
conquise, supportait impatiemment la domination ni-
nivite. C'est elle qui entra la première en lutte : à
. l'instigation et avec l'appui des rois d'Élam, Humba-
nigas et plus tard Sutruk-nahunta, elle secoua le joug
et mit sur le trône un prince chaldéen, Mérodach-Bal-
adan (721). La lutte fut longue et incertaine : les succès
que Sargon s'attribue dans ses inscriptions ne furent
pas, d'après la Chronique babylonienne, sans mélange
de revers : en tout cas Mérodach-Baladan se maintint
douze ans sur le trône, malgré le pillage de quelques
villes et la transplantation de leurs habitants au pays
des Hatti ; ces détails des Annales sont en parfait
accord du reste avec le récit de II (IV) Reg., xvn, 24 :
« Le roi d'Assur fit venir des gens de Babylone, de
Cutha, d'Avva, de Sépharvaïm et les établit dans Samarie
à la place des enfants d'Israël. » Il fit de même pour
quelques tribus arabes qu'il eut l'occasion de sou-
mettre entre la frontière babylonienne et la Palestine.
Pour en finir avec Babylone, Sargon en 710 et 709 en-
treprit une nouvelle campagne où il réussit à isoler
Mérodach-Baladan de l'Élam, le chassa de sa capitale,
le poursuivit jusqu'à Dur-Yakin dans la Basse-Chaldée,
l'y assiégea et le laissa échapper, tandis qu'il allait se
faire couronner lui-même roi de Babylone. Le fugitif
devait reparaître plus tard, sous^Sennachérib, ressaisir
sa couronne, et exciter en Syrie de nouvelles révoltes
contre l'empire assyrien : c'est dans ce but qu'il en-
voya une ambassade à Ezéchias. Voir Mérodach-
Baladan, t. iv, col. 1001. — A l'autre extémité du
royaume, sous Bocchoris le Saïte, d'après M. Maspero,
ou sous èabaq l'Ethiopien, d'après la plupart des his-
toriens, l'Egypte, selon sa politique traditionnelle et
pour se mettre elle-même à l'abri contre toute agres-
sion assyrienne, soudoyait une coalition des rois de
Syrie, dont le chef avoué était Yaubid, roi d'Hamath,
avec les princes de Damas et d'Arpad, les Tyriens, les
Phéniciens, les Philistins et Hanon de Gaza comme
auxiliaires principaux : Juda, toujours porté à se lais-
ser entraîner par la politique égyptienne, fut cepen-
dant maintenu dans la soumission par Ezéchias et
Isaïe. Sargon accourut aussitôt, et par deux victoires
consécutives à Harhar et à Raphia (720) anéantit les
forces des conjurés : Yaubid d'Hamath fut écorché vif,
Hanon de Gaza fait prisonnier, 20 000 captifs furent
transplantés en masse, et cantonnés au moins partiel-
lement en Samarie, comme nous l'apprenons par le
II e (IV e ) livre des Rois. Quant à l'Égyptien Sab'i-i ou
Sib-'i qui porte dans les textes assyriens le titre de
turtannu, « général », ou Siltannu, « prince », et non
celui de pir-'u, pharaon, roi d'Egypte, il réussit à
prendre la fuite sans être autrement inquiété : mais
Sargon se vante d'avoir alors reçu madattu êa pir'u
$ar Mutsuvi, « le tribut de pharaon, roi d'Egypte ».
L'énergie déployée par Sargon dans cette campagne
assura la pacification de la Syrie durant sept années
consécutives : mais en 711 la conquête inopinée de
l'Egypte par l'Éthiopien Sabacon fit espérer de trou-
ver dans ce prince égyptien un libérateur : et de
nouveau Édom, Moab, la Phénicie et la Philistie
s'agitèrent. Sargon ne leur laissa guère le temps de
s'organiser : son turtannu ou général en chef (voir
Is., xx, 1), se précipita sur les conjurés, Azot et les
villes révoltées furent prises et saccagées, la population
déportée en masse et remplacée par les « habitants
des pays du soleil levant. » — Le nord de l'empire
n'était guère plus tranquille : l'Arménie (Urarthu) y
formait le centre de la résistance : les rois Ursa et
Argistis II d'Urarlhu, l'Ararat biblique, Ulussun de
de Van (Minni) et quelques princes voisins, de 719 à
713, obligèrent Sargon à entreprendre dans ces' régions
d'accès difficile plusieurs campagnes où il déploya
toute son énergie et toute sa rigueur sans résultats
bien appréciables : elles lui permirent du moins de
soumettre au passage quelques États environnants qui
n'avaient pas eu la prudence de se tenir à l'écart de
ces querelles, comme la Comagène (708) et le territoire
de Gargamis (717); la Médie fut également parcourue
et munie de garnisons assyriennes (715-712) ; les habi-
tants furent aussi déportés en masse, et installés à
Hamath à la place de ceux qu'on avait déportés en Sa-
marie : les Mèdes furent remplacés par des Israélites de,
Samarie, comme nous l'apprenons par le livre des Rois.
Entre temps, Sargon fut grand constructeur, sans
doute pour utiliser ses prisonniers de guerre. Il fit
élever à 10 kilomètres au nord de Ninive une ville nou-
velle du nom de Dur-Sar-ukin, au village moderne de
Khorsabad, Sargoun des géographes arabes : Botta et
V. Place ont exploré les ruines du palais qu'il s'y
bâtit, en ont reproduit les plans et les bas-reliefs, et
copié les nombreuses inscriptions. Une partie des bas-
reliefs du palais de Khorsabad sont conservés aujour-
d'hui au Musée du Louvre.
Malgré ses conquêtes, Sargon fit une triste fin :
Sutruk-nahunta, roi d'Élam, reprit en 706 les provinces
qu'on lui avait enlevées quatre ans plus tôt, et s'empara
même de quelques villes assyriennes de la frontière ;
l'année suivante (705), Sargon mourait, peut-être assas-
1491
SARGON — SARON
1Ï92
sine, dans son palais de Dur-Sar-ukin, laissant la cou-
ronne à son fils Sennachérib.
Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes, 6 e édit., t. m, p. 513-595; Schrader-Whitehouse,
The cuneifomi Inscriptions and the Old Testament,
1885-1888, t. I, p. 263-277 ; t. H, p. 82-99 ; G. Maspero,
Histoire ancienne de l'Orient, t. m, Les Empires,
p. 221-273; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie,
1874, p. 155-209; F. Peiser, dans Eb. Scbrader, Keil-
inschriftliche Bibliothek, t. h, p. 34-80; 276-279; J. Op-
pert, dans Records of the past, t. vu, I rc série, p. 21-
56, Retranslation of the Annals of Sargon; t. ix, p. 1-
20, Great Inscription in the Palace of Khorsabad;
H. Winckler, Die Keilinschrifitexte Sargon's, 1889,
p. 100; H. Rawlinson, The cuneiform Inscriptions of
Western Asia, t. i, pi. 36; pi. 6; t. n, pi. 69; t. ni,
pi. 11; pi. 3; Botia, Le monument de Ninive, t. m,
Inscriptions, pi. 70, 154. E. Paumer.
SARIA (hébreu : Se'aryâh; Septante : Sapocia), le
quatrième des six fils d'Asel, descendant du roi Saiil,
de la tribu de Benjamin. I Par., vin, 38; ix, 44.
SARID (hébreu : Sârîd; Septante : 'EusSex^uXâ,
Jos., xix, 10; Se85o-jx, f. 12; Vulgate : Sared, f. 10;
Sarid, J. 12), ville frontière de Zabulon, située à l'ouest
de Céséleth-Thabor. Conder, s'appuyant sur la leçon
grecque EaSSôux, l'identifie avec les ruines de Tell
èadûd, dans ' la partie septentrionale de la plaine
d'Esdrelon, à l'ouest d'Iksdl, identifié avec Céséleth-
Thabor. On y trouve au sud de beaux puits. Voir
Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. u,p. 49, 70.
SARION (hébreu : Siryôn; Septante : Saviûp),
nom donné par les Sidoniens au mont Hermon. Deut.,
m, 9. Au Ps. xxix (Vulgate, xxvm), 6, au lieu de la
traduction de la Vulgate : « Le bien-aimé sera comme
un petit de licorne, » le texte hébreu porte : « (La voix
de Jéhovah, c'est-à-dire le tonnerre fera bondir) le
- Liban et le Sirion comme les petits des buffles. » Dans
ce passage, l'hébreu porte Siryôn, au lieu de Siryôn,
et les Septante avec la Vulgate l'ont traduit comme un
nom commun « bien-aimé ». Voir Hermon, t. ni,
col. 633.
SARKIS SCHENORHALI (Serge le Gracieux),
docteur de l'Église arménienne au XII e siècle, né vers
1090-1095 et mort en 1166 environ. Il a laissé un double
Commentaire des sept Epîtres catholiques dont le
premier,rédigé en 1156, est fort étendu et porte pour
titre . ( ^fai $ Xy-blfbrti-phujlj to/ofti Pqjjn-
yh l^tup nu^qj>l£fcij; dix ans plus tard il en ache-
vait l'abrégé, intitulé : ^^bjîhnL-Pfiifh bap-uhitj
pnOng IfiuPn^i^lfhuijg- — Ces commen-
taires comprennent en tout 43 homélies, suivies chacune
d'une exhortation : les onze premières sont consa-
crées à l'interprétation de l'Épttre de saint Jacques, les
dix-huit suivantes à celle de saint Pierre, les onze
autres aux trois Épitres de saint Jean et enfin les trois
dernières à celle de saint Jude. A la fin, il y a un dis-
cours sur les « Motifs des sept Épitres catholiques par
les quatre saints Apôtres «.L'auteur suit en général dans
son travail les explications de saint Grégoire le théo-
logien, de Cyrille d'Alexandrie, de Basile de Césarée,
d'Ephrem et surtout de Jean Chrysostome, auquel il
emprunte parfois des exhortations entières presque
mot à mot. Le premier de ces commentaires a été
publié à Constantinopleen 1744 et le second en 1826-1828.
J. Miskgian.
SARMENT. Voir Vigne.
SAROHEN (hébreu : Sarûl.ién), ville de la tribu de
Siméon. Jos., xix, 6. Elle est appelée ailleurs Saarim.
I Par., iv, 31. Voir Saarim, col. 1285.
SARON (hébreu : Sârôn; Septante : Eapwv), nom
d'une ville et d'une plaine de la Palestine occidentale
et d'une ville ou d'une contrée à l'est du Jourdain.
1. SARON (hébreu : Lassârôn; Seplante: Vaticanus :
'Ap<ix; Aleœandrinus : omis), cité chananéenne, dont
le roi fut vaincu par Josué. Jos., XII, 18. Son existence
est mise en doute pour des raisons de critique tex-
tuelle. Le Codex Vaticanus des Septante porte, au ji. 18 :
paccXsa '0:pèx tïj{ 'Apiix; le mot 'Aprâx semble bien
une corruption de Saptôv. La version grecque suppose
donc en hébreu la lecture : [in^] Tnwb ps« tj'îd, mé-
lêk 'Afëq las-Sârôn ['éhâd], « le roi d' Aphec en Saron,
[un]. «Elle supprime ainsi 'él}dd après 'Afêq et niélék
avant las-Sârôn, ne voyant ici qu'une seule ville qui
aurait appartenu « à [la plaine ou au district de] Saron. »
Le Codex Alexandrinus omet même xfj; 'Apwx. Il est
donc possible que le texte massoré tique actuel soit fautif.
Ce qui rend cette opinion plus probable encore, c'est
l'expression singulière mélék las-Sârôn, « le roi à
Saron », à moins qu'on ne doive prendre LaUârôn
pour le nom propre de la ville, hypothèse tout à fait
douteuse. Si l'on accepte la leçon des Septante, l'Aphec
dont il est questiou ici aurait donc été dans la plaine
de Saron. Voir Saron 2. Quelques-uns veulent le placer
dans la région située entre le mont Thabor et le lac de
Tibériade appelée Saronas, d'après Eusèbe et saint
Jérôme, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 154.
296. Mais il est plus probable que la vieille cité chana-
néenne appartenait au midi, et non au nord du pays,
bien que son emplacement soit tout à fait incertain.
Voir Aphec 1, t. i, col. 726. Si l'on prend Saron pour
une ville spéciale, on pourra penser à Sarona, qui so
trouve près de Jaffa, ou à Sarona, située à l'ouest et
vers la pointe méridionale du lac de Tibériade, qui
rappelle la région mentionnée par Eusèbe et S. Jérôme.
Cette dernière se retrouve sous le même nom dans la
liste de Thothmès III, d'après G. Maspero, Sur les noms
géographiques de la Liste de Thoutmos III, qu'on
peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions
of the Victoria Institute, or philosophical Society of
Great Britain, 1886, p. 5. Mais Saron, comme Aphec,
devait plutôt faire partie du midi de Chanaan. Dans
l'embarras du texte et faute de renseignements, de points
de comparaison, nous sommes ici dans la plus com-
plète incertitude. A. Legendre.
2. SARON (hébreu : has-Sârôn, avec l'article; Sep-
tante : Vaticanus : 'Aceioûv; Alexandrinus : Éaptiv,
I Par., xxvii, 29; tô m-8i6v, Cant., u, 1; à Saptiv, Is.,
xxxm, 9; Vat. : omis; Alex. : à ïapûv, Is., xxxv, 2; 6
3pU(io;, Is., lxv, 10; à Eapciv, Act., ix, 35), plaine de la
Palestine, s'étendant de Jaffa au Carmel. I Par., xxvn,
29; Cant., n, 1; Is., xxxm, 9; xxxv, 2; lxv, 10; Act.,
ix, 35.
Le mot Sârôn vient probablement de ydsar, « être
droit », comme mîsôr, qui a la même signification de
« plaine, plateau ». Il est toujours accompagné de l'ar-
ticle; d'où il suit qu'il désigne une région déterminée,
bien connue des Israélites, comme « l'Arabah », hâ-'Arâ-
bâh, Deut., Il, 8; m, 17, etc., « la Séphélah », has-
Sefêlâh, Deut., I, 7 ; Jos., XI, 2, etc., bien que les docu-
ments topographiques ne la présentent pas avec celles-ci
parmi les divisions du pays. Les Septante traduisent ce .
mot tantôt par un nom propre, 6 Sapmv, I Par., xxvn,
29; Is., xxxm, 9, xxxv, 2; tantôt par un nom commun :
tô toSio'v, « la plaine », Cant., II, 1 ; ô 8puu.ôç, « la forêt ».
Is., lxv, 10. Cette dernière expression est singulière.
1493
SARON — SARUG
1494
On la rapproche du même terme employé par Josèphe,
Ant. jud., XIV, xm, 3 (oi Sp-jpioî); Bell, jud., I, xm, 2,
pour désigner un territoire voisin du Carmel. Strabon,
xvi, p. 758, signale aussi « un grand bois », 8pu(ioç
asyacTic, entre le Carmel et Jaffa. Il est certain d'ailleurs
que la plaine de Saron possédait autrefois des forêts.
On en trouve encore une vers Qaisariyéh, composée de
chênes clairsemés, Quercus cerris et Quercus crinita;
c'est le reste de celle qui, à l'époque des croisades, est
appelée foret d'Arsouf, parce qu'elle se prolongeait, vers
le sud, jusque dans les environs de cette ville. Cf. V.
Guérin, La Samarie, t. n, p. 388.
La plaine de Saron est surtout connue dans l'Écriture
pour sa beauté et sa fertilité. Isaïe, xxxv, 2, associe « la
magnificence du Carmel et de Saron » à « la gloire du
Liban. » Pour représenter, au contraire, le pays dans
le deuil et la tristesse, il dit que « le Liban est confus,
languissant; Saron est semblable au désert, Basan et le
Carmel perdent leur feuillage. »Is.,xxxm, 9. Pour mon-
trer comment le pays redeviendra un jour agricole,
c'est-à-dire pacifique et heureux, il annonce que « Sa-
ron deviendra une prairie pour les moutons. » Is. lxv,
10. L'Épouse du Cantique des Cantiques, il, 1, se com-
pare au narcisse (fyâbassélef) de Saron. Sous David, les
troupeaux que l'on faisait paître en Saron étaient con-
fiés à l'administration de Sétraï le Saronite. I Par.,
xxvn, 29. — Les Talmuds célèbrent aussi la richesse de
Saron. Ils prétendent que les veaux destinés aux sacri-
fices provenaient, pour la plupart, de cette plaine. On
y cultivait la vigne, et l'on en prenait le vin mêlé d'un
tiers d'eau. Mais le pays fournissant peu de pierres de
construction, on se servait, pour bâtir les maisons, de
briques peu solides, qui ne résistaient pas suffisam-
ment aux intempéries des saisons, aux vents de la mer,
ni aux longues pluies de l'hiver. Les reconstructions
étaient donc un fait général et très connu. Le jour de
Kippour, dans sa prière pour le peuple, le grand-prêtre
ajoutait un paragraphe spécial pour les habitants de
Saron, et disait : « Dieu veuille que les habitants de
Saron ne soient pas ensevelis dans leurs maisons. » Cf.
A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868,
p. 48-49. — Le miracle opéré par saint Pierre à Lydda
fut bientôt connu dans la plaine de Saron, et y produi-
sit d'heureux résultats. Act., IX, 35.
La plaine de Saron, large de 13 kilomètres à Qaisa-
riyéh, en a une vingtaine autour de Jaffa. Parsemée de
mamelons, elle remonte doucement vers la montagne
jusqu'à une altitude de 60 mètres. Marécageuse par
endroits, elle est en général bien cultivée. Elle est cou-
pée par différents fleuves qui déversent dans la Médi-
terranée les eaux descendues des montagnes samari-
taines : le nahr ez-Zerqa, le nahr el Akhdar ou elMef-
djir, le nahr Iskanderûnéh, le nahr el Fdléq et le nahr
el Audjéh. Voir Palestine, aux sections : plaines et
vallées, fleuves et rivières, fertilité, flore, etc., col. 1987,
1991, 2031, 2036. Elle avait une grande importance
au point de vue des routes militaires et commerciales.
Voir Routes, col. 1230. A. Legendre.
3. SARON (hébreu : Sârôn; Septante : Vaticanus :
Tipiâu.; Alexandrinus : Sapiiv), ville ou contrée située
à l'est du Jourdain. I Par., v, 16. Il s'agit dans ce pas-
sage des Parab'pomènes de familles de la tribu de Gad
qui « habitèrent en Galaad, en Basan et dans ses bourgs
et dans tous les faubourgs, ou les pâturages (hébreu :
migresê) de Saron. » Il est à remarquer que Sdrôn n'a
pas ici l'article, comme il l'a régulièrement lorsqu'il
désigne la plaine de Saron. En dehors de cette raison,
il est facile de comprendre qu'il est question d'une con-
trée voisine de Galaad et de Basan, et non de la plaine
maritime. Mais le mot désigne-t-il une ville avec ses
faubourgs, ou une contrée avec ses pâturages ? On ne
sait. En tout cas, la ville est inconnne. On pense plutôt
que Sârôn serait l'équivalent de Misôr, qui indique le
haut plateau moabite, et a la même racine. Voir Misor
1, t. iv, col. 1132. La stèle de Mésa parle, ligne 13, « des
gens de Saron », mais cet endroit appartenait sans
doute au cœur même du pays de Moab. Voir Mésa 3,
t. iv, col. 1014. A. Legendre.
4. SARON, SARONA (grec : tôv Hapwvàv). « Tous
ceux qui habitaient Lyddee et Saronas, lisons-nous
dans la Vulgate, ayant vu la guérison miraculeuse
du paralytique Éuée par saint Pierre, se convertirent. »
Act., x, 35. Lydda étant une ville, plusieurs interprètes
en ont conclu que Saron ou Sarona l'était aussi, mais
il n'y a guère lieu de douter que le nom propre, tôv
Sapiovâv, qui est précédé de l'article, ne désigne la
plaine de ce nom. Voir Saron 2.
SARONiTE (hébreu : Jias'-Sârônî; Septante : ô Eoe-
pwvitr]ç), habitant de la plaine de Saron. Sétraï, qui
fut chargé par David de- faire paître ses troupeaux
dans la plaine de Saron, en était originaire. I Par.,
xxvn, 29.
SARSACHIM (hébreu : Sarsekim; Septante :
NaSoutrixap), un des généraux de Nabuchodonosor qui
s'emparèrent de Jérusalem. Jer., xxxix, 3. Il parait
avoir porté le titre de Rabsaris. L'orthographe de son
nom est altérée et l'on n'a pu jusqu'à présent en
rétablir la forme primitive. Cf. Eb. Schrader, Die
Keilinschriften und das Aile Testament, 2 e édit.,
p. 416.
SARTHAN (hébreu : Çârtân; omis dans les Sep-
tante), localité mentionnée dans Jos., m, 16, pour dé-
terminer la position de la ville d'Adom où commen-
cèrent à s'arrêter les eaux du Jourdain, lors du
passage de ce fleuve par les Israélites. Le site est
incertain. Voir Adom, t. i, col. 221. — Dans III Reg.,
IV, 12, nous lisons que « Bethsan est près de Sar-
thana, au-dessous de Jezraël. » Un certain nombre de
commentateurs croient que Sarthana n'est pas diffé-
rent de Sarthan. Salomon fit fondre les objets en
métal destinés au Temple entre Sochoth et Sarthan.
III Reg., vu, 46. Ce Sarthan est le même que celui de
Jos., m, 16, d'après un grand nombre de commen-
tateurs, quoique d'autres le contestent. Le second
livre des Paralipomènes, IV, 17, appelle le Sarthan
de III Reg., vu, 46, Sarédatha. Voir Sarédatha,
col. 1486.
SARTHAN A(hébreu: ÇartanàAySeptante-.EecraÛixv),
localité nommée III Reg., iv, 12, pour marquer le site
de Bethsan. Sa situation précise est inconnue. Comme
son nom ne diffère de celui de Sarthan que par la
terminaison, beaucoup de commentateurs croient que
ce ne sont que deux formes diverses désignant le même
lieu. Voir Sarthan, col. 1494.
SARUG (hébreu : Serûg; Septante : Eepoû^; dans
Luc, in, 35, Sapoûx), un des patriarches postdiluviens,
fils de Reu, père de Nachor et grand-père d'Abraham.
A l'âge de 30 ans (130 dans les Septante), il engendra
Nachor et vécut 230 ans (330 dans les Septante, qui
augmentent de cent ans l'âge des patriarches postdilu-
viens depuis Sem jusqu'à Tharé). Gen. , xi, 20-23. On
peut conclure de Josué,xxrv, 2, 14, que Sarug fut ido-
lâtre. S. Épiphane, De hœr., i, 6, t. xli, col. 188.
Voir Calmet, Dissertation sur l'origine de l'idolâtrie,
en tête du livre de la Sagesse, p. 304. Plusieurs com-
mentateurs allemands veulent que Sarug ait été primi-
tivement le nom géographique d'un district situé dans
le voisinage de Haran. H. Guthe, Kurzes Bibelwôrter-
buch, 1903, p. 612.
1495
SARVA — SATISFACTION
1496
SARVA (hébreu : Serû'dh; Septante ! III Reg., xi,
26. Alexandrinus : Eocpoyâ; omis dans Vatïcanus, xn
24. Vaticanus et Alexandrinus : Eapeira), mère de Jé-
roboam, premier roi d'Israël. Les Septante, dans leur
addition à xn, 24, qualifient Sarva de «Spvr], « courti-
sane »;mais xi, 26, dans tous les textes elle est appelée
< veuve ».
SARVIA (hébreu : Serûyâh; dans II Sam.,xrv, 1 :
Seruyyâh; Septante : Eapomà), sœur de David et mère
des trois généraux de leur oncle, Abisaï, Joab et Asaël.
Elle est souvent nommée à ce titre, I Reg. (Sam.),
xxvi, 6; II Reg. (Sam.), h, 13, 18; m, 39; vm, 16;
xvi, 9, 10; xvin, 2; xix, 21, 22; xxi, 17; xxm, 18, 37;
III Reg., i, 7; h, 5, 22; I Par., n, 16; xi, 6, 39; xvin,
12, 15; xxvt, 28; xxvn, 24. Une autre de ses sœurs,
Abigaïl, est nommée comme elle dans la généalogie de
la famille de David, I Par., n, 16, et aussi II Reg.
(Sam.), xvii, 25. Dans ce dernier passage, Abigaïl
est appelée « fille de Naas », en même temps que
« sœur d'Abigaïl ». Quelle que soit l'explication que
l'on donne de cette difficulté, voir Abigaïl 2, t. i,
col. 49, sur laquelle on a fait toute sorte d'hypothèses,
il n'est dit nulle part que Sarvia fût aussi fille de
Naas. On note aussi comme une singularité que le
nom de son mari ne se lit nulle part dans l'Écriture,
contrairement à l'usage de joindre au nom des fils celui
du père. La proche parenté de Sarvia avec David peut
expliquer pourquoi le nom de la mère est jointe celui
des fils, afin de rappeler ainsi leurs liens de famille et
de rendre compte de la condescendance et de la patience
que leur oncle témoigna à Abisaï et à Joab, quoiqu'il eût
souvent lieu de se plaindre de leur conduite. Josèphe,
Ant.jud., VII, i, 53, appelle le mari de Sarvia 2oupf.
SASSABASAR (hébreu : Sêsbassar; Septante :
Xa<j<7af3acr(ip), nom chaldéen de Zorobabel. I Esd., i,
8, 11; v, 14, 16. On a donné diverses explications de ce
nom, dont les manuscrits grecs offrent des leçons très
différentes. On a proposé, entre autres, deux lectures
principales : ëamasbil (ou bal)-usur, « Samas (le
dieu Soleil), protège le maître ou le fils », et Sin-bal-
usur, « Sin (le Dieu Lune), protège le fils ». La plupart
des commentateurs ont jusqu'à nos jours identifié Sassa-
bassar avec Zorobabel, comme semble l'avoir fait
Josèphe, Ant. jud., XI, i, 3. Les doubles noms des
principaux Hébreux captifs à Babylone sont un fait
constaté par le livre de Daniel, i, 7; cf. Daniel, t. il,
col. 1248; par le quatrième livre des Rois, xxm, 34;
xxiv, 17, et par les monuments assyriens, qui nous
montrent les étrangers recevant un nom assyrien sur
les bords de l'Euphrate, sans qu'ils perdissent leur
nom national auprès de leurs compatriotes. Voir F. Vi-
gouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit., t. iv, p. 277. L'identification de Sassabasar avec
Zorobabel résulte d'ailleurs du livre d'Esdras lui-même.
La reconstruction du temple de Jérusalem est attribuée
I Esd., in, 8, à Zorobabel et v, 16, à Sassabasar. On ob-
jecte aujourd'hui, il est vrai, que les noms de Daniel
et de ses compagnons sont des noms hébreux indigènes
qui sont changés en noms babyloniens, tandis que Zo-
robabel doit être un nom étranger comme Sassabasar,
mais cela n'est pas prouvé. On s'appuie surtout sur le
fait qu'il ,n'est jamais dit expressément que Sassabasar
et Zorobabel sont une seule et même personne; cet
argument n'est pas convaincant, puisqu'on attribue les
mêmes actes à Zorobabel et à Sassabasar. Cf. I Esd., v,
2; v, 14-16. Quelques-uns sont allés jusqu'à soutenir
que Sassabasar n'était point juif, ce qui est en contra-
diction avec la politique de Cyrus qui, rendant la liberté
aux captifs, voulut mettre à leur tête un de leurs an-
ciens chefs, « un prince de Juda. » I Esd., i,8. Voir Zo-
robabel.
SATAN (hébreu : édtân; Septante : StdcëoXoç, (kxtixv,
<raravîç; Vulgate : adversarius, Satan, Satanas), l'ad-
versaire de l'homme. — 1" Nom. commun. — Le mot
hébreu vient du verbe sâtan, « être ennemi ». Il s'em-
ploie parfois dans le simple sens d'adversaire. L'ange
du Seigneur apparaît à Balaam sur le chemin leSâtân
lô, a. en adversaire devant lui », BtaëaXsïv aù-r<Sv, contra
Balaam. Num., xxn, 22. Les Philistins craignent que
David, réfugié auprès d'Achis, ne devienne pour eux
un èâlân, ËmêouXo?, adversarius. I Reg., xxix, 4. A ceux
qui lui conseillent de mettre à mort Séméï, David re-
proche d'être pour lui leSâtân, eîç èjui'ëouXov, in Satan,
«. en ennemis ». II Reg., xix, 22. Salomon constate
qu'il n'existe plus autour de lui d'adversaire, Sâtân,
i%iêa\ilo(, satan. lit Reg., v, 4. Cependant, à la fin
de son règne, il voit s'élever contre lui plus d'un Sâtân,
o-a-câv, adversarius. III Reg., xi, 14, 23, 25. Le Psalmiste
souhaite que l'ennemi, sâtân, BiiêoXaç, diabolus, se
tienne à la droite du méchant pour l'accuser. Ps. cix
(cvm), 6. A Pierre, qui veut le détourner de penser à
sa passion, le Sauveur dit dans le même sens : « Retire-
toi de moi, satan, » c'est-à-dire adversaire, mauvais
conseiller. Matth., xvi, 23; Marc, vin, 23.
2» Nom propre. — Le mot sâtân désigne particuliè-
rement le diable, l'adversaire par excellence du genre
humain. — 1. Dans l'Ancien Testament, on attribue
à Satan, SiccëoXoç, Satan, l'inspiration qu'eut David
de faire le dénombrement d'Israël. I Par., XXI, 1. Dans
Job, I, 6-n, 6, il apparaît comme l'instigateur de tous
les maux qui, avec la permission de Dieu, fondent sur
le juste. Zacharie, m, 1, 2, le représente devant l'ange
de Jéhovah, à la droite du grand-prêtre Jésus, en qualité
d'accusateur. — 2. Dans le Nouveau Testament, il est
toujours appelé Saxavâç, Satanas. Saint Jean l'iden-
tifie avec le diable et l'antique serpent. Apoc, XII, 9;
xx, 2. Voir Démon, t. n, col. 1366; Diable, col. 1400.
Satan est le tentateur. Matth., iv, 10; Marc, i, 13;
Act., v, 3; I Cor., vu, 5. Il enlève le bon grain, c'est-
à-dire la vérité semée dans les âmes. Marc, iv, 15. Il
est l'auteur de certains maux physiques. Luc, xm, 16.
Il circonvient les âmes pour les faire tomber dans le
mal, II Cor., n, 11; se transfigure en auge de lumière
pour les tromper, II Cor., xi, 14; excite les passions
mauvaises, II Cor., xn, 7; cherche à persécuter les pré-
dicateurs de l'Évangile, Luc, xxn, 31; les empêche
de remplir leur mission, I Thés., n, 18, et exerce par-
tout une action néfaste. II Thés., n, 9. Jésus-Christ l'a
vu tombant du ciel. Luc, x, 18. Il exerce sa puissance
sur la terre, Act., xxvi, 18, et se garde bien d'agir
contre ses propres intérêts en chassant les démons.
Matth., xn, 26; Marc, m, 23, 26; Luc, xi, 18. Il s'est
emparé de Judas pour lui faire commettre son forfait.
Luc, xxm, 3; Joa., xm, 27. Il a ses adeptes, qui forment
la synagogue de Satan et propagent sa domination en
certains lieux. Apoc, n, 9, 13; m, 9. Il a ses doctrines
mensongères qu'il fait appeler les « profondeurs de
Satan ». Apoc, n, 24. On livre à son pouvoir les pécheurs
scandaleux. I Cor., v, 5; I Tim., i, 20. Certaines âmes
se convertissent d'elles-mêmes à lui. I Tim., v, 15. Mais
Dieu l'écrasera sous les pieds des fidèles chrétiens.
Rom., xvi, 20. A la fin des temps, Satan sera momenta-
nément relâché de sa prison pour séduire les nations.
Apoc, xx, 7. H. Lesêtre.
SATISFACTION, compensation ordinairement exi-
gée de Dieu, à la suite du péché, même après qu'il a
élé pardonné. — Quand le péché a lésé le prochain en
quelque manière, il est naturel et nécessaire que le
dommage soit compensé. Voir Restitution, col. 1062.
Mais il y a aussi lieu à satisfaction envers Dieu.
1» Dans l'Ancien Testament, Dieu exige plusieurs
fois cette satisfaction. II l'impose à Adam et Eve et à
tous leurs descendants, même après leur repentir et
1497
SATISFACTION — SATRAPE
leur pardon. Gen., m, 14-19. Àaron et Moïse sont privés
d'entrer dans la Terre Promise, à cause de leur manque
de foi à Meriba. Num., xx, 12, 24; Deul., xxxii, 50, 51.
Job, xlii, 6, se condamne et fait pénitence, à cause
des paroles inconsidérées qu'il a prononcées. Les sacri-
fices pour le péché et pour le délit sont de véritables
satisfactions offertes à Dieu, l'homme s'imposant ou
subissant une peine et une privation pour compenser
le plaisir illicite qu'il s'est permis en désobéissant à
Dieu. Voir Sacrifice, col. 1319. David, pardonné de son
péché, verra cependant mourir son fils, parce qu'il a
fait mépriser Jéhovah par ses ennemis. II Reg., xn,
13, 14. A la suite du dénombrement, David se repent
encore, mais il lui faut subir un fléau qui l'atteindra
ainsi que son peuple. II Reg., xxiv, 10-14. Les iléaux
particuliers ou généraux que Dieu envoie frappent à
la fois ceux qui se repentent et ceux qui s'obstinent
dans le mal. Pour les premiers, ils ont le caractère de
satisfactions. II en a été ainsi de la captivité, à laquelle
ont été soumis même des Israélites pieux ou repentants.
La pénitence volontaire constitue une satisfaction dont
Dieu se contente souvent. Joël., h, 12-17. Voir Pénitence,
col. 39. Enfin, les sacrifices pour les morts supposent
que ceux-ci doivent encore des satisfactions à Dieu
dans l'autre vie. II Mach., xn, 43-46. Voir Purgatoire,
col. 874.
2° Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur dit
que le coupable ne sortira pas de prison avant d'avoir
payé jusqu'à la dernière obole, c'est-à-dire avant d'avoir
donné toute satisfaction à son débiteur. Matth., v, 26;
xvin, 30, 34. Lui-même a souffert et est mort afin de
nous racheter, c'est-à-dire afin de fournir à Dieu, en
notre nom, les satisfactions que nous étions incapables
de lui offrir. Voir Rédemption, col. 1007. Néanmoins
les salisfactions surabondantes du Christ ne dispensent
pas le chrétien d'apporter les siennes. « Ce qui manque
aux souffrancesdu Christen ma propre chair, je l'achève
pourson corps, qui est l'Église », dit saint Paul. Col-, i,
24. Le chrétien unit ainsi ses satisfactions personnelles
à celles du Christ, non que ces dernières soient insuf-
fisantes, mais parce que le chrétien se les applique
surtout en y prenant part, pour que le corps mystique
du Christ, qui est l'Église, soit associé en tout au corps
naturel que le Christ a pris dans l'incarnation. Or le
corps mystique de l'Église ne se compose que de l'en-
semble des chrétiens, dont chacun, par conséquent,
comme membre de ce corps, doit partager le sort du
corps tout entier. I Cor., xn, 30. Voir Mortification,
t. iv, col. 1313. H. Lesêtre.
SATRAPE (hébreu, aupluriel : 'âJfaSdarpenîm,;chn]-
déen dans Daniel : 'âfiâsdarpenîn; grec classique, t&zç. i-
306. — Satrape perse Tissapherae.
Tète du satrape Tissapheroe, coiffé de la tiare perse. — fi). BAEI-
AEQS. Le roi Artaxercès II Mnémon, en archer mélophore, à
demi agenouillé, à droite; derrière, mie galère avec un rang de
rameurs. Le tout dans un carré creux.
îtTjc et o-oreporar,?), gouverneur d'une province dans l'an-
cienne Perse (fig. 306). — 1° Étymologie. L'hébreu est la
reproduction, avec Valeph prosthétique, du perse khSa-
trapâvan, par abrévation khsafrdpa, formé des deux
mots khsatra, «c royaume, empire », et pâ, « proté-
ger ». Satrape est donc l'équivalent de « protecteur de
l'empire ». Les dérivations qu'on donnait autrefois et
qui rattachaient, par exemple, le mot satrape au sans-
crit asatrapé, « guerrier de l'armée», etc., sont fausses.
Voir Gesenius, Thésaurus, t. i, p. 73-74; A. F. Pott,
Etymologische Forschungen, in-8°, Lemgo, 1859, p. 68;
F. von Lagarde, Armenische Studien, in-4°, Gœttingue,
1877, n. 1667, 1856; F. Spiegel, Die altpersische Keil-
inschriften, in-8», Leipzig, 2 e édit., 1881, xxn, 26, p. 215;
K. Marti, Grammatik der bibl. aram. Sprache, in-8°,
Berlin, 1896, note de Andréas dans le glossaire, au mot
' Ahasdarpan ; G. Rawlinson, The History of Hero-
dotus, 4 in-8°, 2= édit., Londres, 1862, t. n, p. 481. On
trouve ce nom sur plusieurs anciennes inscriptions
en langue perse ou mède, notamment dans celle de
Béhistoun. Cf. J. Oppert, Le peuple et la langue des
Mèdes, in-8», Paris, 1879, p. 136, 178. — 2° Les satrapes
et la Bible. Il est question des satrapes dans plusieurs
passages de l'Ancien Testament: Esd., vin, 36; Esth.,
ni, 12; vin, 9; ix, 3; Dan., m, 2, 3, 27 (Vulgate, 94);
vi, 1, 2, 3, 4, 7. Mais le mot hébreu 'ahaÇdarpan n'est
pas toujours traduit de la même manière dans nos
anciennes versions officielles. Les Septante le tradui-
sent par 5ioixr]Tai dans Esdras;par o-tp<itïjyoî etap^ovreç
téôv <Txcpa7rà>v dans Esther; par ooecpâTC*:, ûua-roi et to-
nâp/ac dans Daniel. La Vulgate a le plus souvent sa-
trapes ; principes pour Esth., vm, 9; duces pour Esth.,
IX, 3. — 3° Institution et nombre. Les satrapes furent
institués par Darius I", fils d'Hystaspe (521-486 av.
J:-C), lorsque, après son installation sur le trône de
Perse, il divisa son vaste empire en provinces ou
satrapies, qui correspondaient à un ou à plusieurs des
royaumes conquis. A la tête de chacune de ces provinces
il établit un satrape comme gouverneur. Hérodote, m,
89. Sous les Achéménides, à l'époque la plus florissante
de la Perse, il y avait vingt satrapies seulement, et il ne
paraît pas que ce chiffre ait jamais été beaucoup dépassé.
Hérodote, m, 89; J. Oppert, loc. cit. , p. 112-114. Si donc il
est parlé de 120 satrapes au livre de Daniel, ce ne peut
être que dans un sens large. « Dans ce chapitre (vi) les
120 satrapes ne sont évidemment pas des satrapes dans
le sens strict de l'expression... C'est ainsi que le titre
marzban, qui, sous la dynastie sassanienne, correspon-
dait à l'ancien mot satrape, est parfois employé par
les écrivains arabes postérieurs, pour désigner les offi-
ciers persans en général. » A. Bevan, A short Commen-
tary on the Book of Daniel, in-8°, Cambridge, 1892,
p. 109. Il faut expliquer de même II Esd., i, 1 ; vm,
9 et îx, 30, où il est question des 127 provinces de l'em-
pire perse; il s'agit là de districts d'un ordre infé-
rieur. Voir aussi Esth., vm, 9. — 4» Les pouvoirs dont
les satrapes étaient investis furent considérables dès
l'origine. En réalité, ils exerçaient les fonctions de vice-
rois, au nom du monarque, qui s'était réservé la juridic-
tion suprême. Cependant, tout en jouissant d'une large
autonomie, ils n'étaient chargés que de l'administration
civile et politique; ils ne possédèrent pas d'abord l'au-
torité militaire, qui était confiée à un fonctionnaire
spécial, lequel dépendait aussi directement du « grand
roi ». Hérodote, m, 89. Les satrapes étaient chargés de
l'exécution des ordres royaux, du recouvrement des im-
pôts, de l'entretien des routes, de divers travaux agri-
coles, etc. A côté d'eux, il y avait un scribe ou chancelier,
également indépendant. Des inspecteurs officiels, qui
se rendaient chaque année dans les provinces, et qu'on
appelait « les yeux et les oreilles du roi », leur faisaient
rendre compte de leur administration. Les moindres
négligences étaient sévèrement punies. Hérodote, i, 114;
Xénophon, Cyrop., VIII, yi, 17. Pour leurs communi-
cations directes avec le roi, ils employaient des messa-
gers spéciaux, nommés a-j-fapoi, qui portaient les dé-
pèches de station en station, montés sur des coursiers ra-
pides. Hérodote, vm, 98; Xénophon, Cyrop., VIII, VI, 17.
Ils étaient choisis parmi les descendants des anciennes
1499
SATRAPE
SAUL
1500
familles nobles de la Perse, et tenaient une cour prin-
cière, à la façon du roi. Hérodote, i, 192. A l'époque de
la décadence de l'empire, leurs pouvoirs s'accrurent,
et ils possédèrent souvent, d'une manière simultanée,
l'autorité civile et militaire; ils abusèrent alors fré-
quemment de leur puissance presque royale, pour
opprimer leurs administrés. En fait, ils étaient devenus
semblables à des princes indépendants ou à des rois
vassaux. Alexandre le Grand, après sa conquête de la
Perse, maintint le système des satrapies, avec quelques
modifications. Au-dessous des satrapes, il y avait le
pétjLâh, placé à la tête d'un district moins considérable.
C'est ainsi que Zorobabel et Néhémie furent pahôt (gou-
verneurs )de la Judée sous les satrapes persans de Syrie.
Cf. I Esd., IV, 3, 6; II Esd., H, 9. Après la conquête
de Babylone par Cyrus, la jalousie des satrapes fit jeter
Daniel dans la fosse aux lions, mais ceux qui l'avaient
dénoncé y furent jetés à leur tour, le prophète ayant
été miraculeusement sauvé. Dan., vi, 1-24. — Sous
Xerxès, Aman fit envoyer aux satrapes des lettres pour
la proscription des Juifs. Esth., ni, 12. Ils en reçurent
ensuite en sens contraire. Esth., vm, 9; ix, 3. Quand
Esdras retourna en Judée, il remit aux satrapes et aux
pafyôt qui gouvernaient à l'ouest de l'Euphrate des
édits royaux favorables aux Juifs. I Esd., vin, 36.
— Les Septante et la Vulgate ont employé plusieurs
fois improprement o-arpocjcai, salrapse, pour traduire
seranîm, le nom des chefs philistins. Voir Philistins,
col. 290. — Satrapa, dans IV Reg., xvm, 24, traduit
l'hébreu pafyat (Septante : Tonipxiç), de même que
II Par., ix, 14 (Septante : axzpiizai). — VoirL. Dubeux,
La Perse, in-8», Paris, 1841, p. 97-98; E. Schrader,
Die Keilinschriften und das Aile Test,, 3» édit., revue
307. — Cynocéphale. Figurine de terre verte émaillée provenant
de Goptos. D'après Maspero, Hist. ancl des peuples de
VOrient, t. I, p. 145.
par Zimmern et Winckler, in-8», Berlin, 1903, p. 116-
117, 188; A. Buchholz, Qusestiones de Persarum sa-
trapis satrapiisque, in-8°, Leipzig, 1894.
L. Fillion.
SATUM, mot par lequel la Vulgate traduit ordi-
nairement le nom de mesure hébreu se"dh. Voir
Mesure, iv, 30, t. iv, col. 1043; Sê'Ah.
SATYRE, mot par lequel certains traducteurs
rendent le mot hébreu se'îrîm, qui signifie « velus ».
Saint Jérôme, Comm. in Is., xm, 21, t. xxiv, col. 159,
l'explique ainsi : (Seirim) vel incubones vel salyros
vel sylvestres quosdam komines, quos nonnulli fatuos
ficarios vocant, aut dsemonum gênera intelligunt. —
1° Les se'irim désignent dans le Lévitique, XVII, 7,
de fausses divinités ou des animaux divinisés (Sep-
tante : ot |i<x7a!o! ; Vulgate : dsemonia) auxquels les '
Israélites avaient rendu un culte en Egypte. Plusieurs
croient qu'il s'agit de boucs; d'autres, de cynocéphales
(fig. 307), qu'on voit souvent représentés sur les mo-
numents égyptiens. Voir Singe. Il est aussi question de
ces mêmes se'îrîm (Septante : oi pazaioi; Vulgate :
dsemonia) dans II Par., XI, 15. Jéroboam I er , roi
d'Israël, qui s'était réfugié en Egypte pendant les
dernières années du règne de Salomon, établit dans
son nouveau royaume des prêtres des hauts-lieux, des
se'irim et des veaux (bœuf Apis). — Isaïe parle des
se'îrîm dans deux passages, xm, 21 ; xxxiv, 14 (Sep-
tante : Saejiôvia; Vulgate : pilosi, pilosus) ; il peut dé-
signer par ce mot « les boucs ». Voir Bodc, t. I,
col. 1871.
SAUL, nom d'un Iduméen, de trois Israélites et
premier nom de saint Paul.
1. SAUL (hébreu : Sâ'ûl ; Septante : 2ao-jX), roi
d'Édom. Gen., xxxvi, 37; I Par., xlvii, 49. Il avait
succédé à Semla et résidait à Rohoboth. Voir Roiio-
both, col. 1113.
3. SAUL (hébreu : Ëâ'ûl; Septante : Eao-j).), le pre-
mier roi d'Israël (1095-1055).
I. Son élection. — 1° Sa jeunesse. — Saûl était fils
de Cis, de la tribu de Benjamin. Voir Cis, t. h, col. 680.
La Sainte Écriture signale sa beauté singulière et sa
taille, par laquelle il dépassait de la tête les autres
Israélites. 1 Reg., ix, 2; x, 24. Un seul incident de sa
jeunesse est raconté. Les ânesses de son père s'étaient
égarées; Cis envoya Saûl pour les chercher en compa-
gnie d'un serviteur. Le jeune homme les chercha en
vain dans la montage d'Éphraïm et dans les régions
de Salisa et de Salim. Il ne les trouva pas non plus
en Benjamin, au pays de Suph. Il eut alors l'idée de
retourner vers son père, qui pouvait être en peine de
lui, lorsque, sur le conseil de son serviteur, il se décida
à aller consulter, dans le voisinage, un homme de Dieu
très considéré. Tout l'avoir des deux chercheurs consis-
tait en un quart de sicle d'argent, qu'ils résolurent
d'offrir au voyant. A la montée de la ville, des jeunes
filles les informèrent que le voyant était là, mais se
disposait à se rendre au haut-lieu pour bénir un sacri-
fice qui devait être suivi d'un festin. Or Jéhovah avait
fait connaître au voyant, Samuel, la visite qu'il rece-
vrait et le choix qu'il avait fait du jeune homme qui se
présenterait : il devait être ce roi que le peuple avait
récemment réclamé. Ayant reconnu Saûl, Samuel le
convia à manger avec lui ce jour-là, pour le laisser
partirlelendemain.il ajouta d'ailleurs que les ânesses
qu'il cherchait depuis trois jours étaient retrouvées.
2° Sort, onction. — Chemin faisant, Samuel dit à Saûl
que tout ce qu'il y avait de plus précieux en Israël
était pour lui et pour la maison de son père, ce à quoi
le jeune homme répondit en faisant remarquer la peti-
tesse de sa famille et de sa tribu. Au festin, auquel
trente hommes prenaient part, Samuel fit donner les
premières places à Saûl et à son serviteur, et ordonna
de servir au jeune homme une part de choix qu'il avait
réservée. De retour dans la ville, Samuel s'entretint
avec Saûl sur le toit de la maison, et, le lendemain
matin, il le reconduisit hors de la ville. Le priant alors
de faire aller le serviteur en avant, Samuel prit une
fiole d'huile et la versa sur la tête de Saûl en lui
disant : « Jéhovah t'oint pour chef sur son héritage. »
1501
SAtlL
1502
Cet acte pouvait à bon droit étonner Saûl. Pour lui
montrer qu'il agissait en connaissance de cause, Samuel
lui révéla certains incidents qui allaient lui arriver :
deux hommes le rencontreraient près du Tombeau de
Rachel (voir col. 925) et lui annonceraient que ses ânesses
étaient retrouvées; près du chêne de Thabor, trois
hommes munis de provisions lui offriraient deux pains;
à Gabaa, il verrait une troupe de prophètes et, saisi de
l'esprit de Dieu, il se mettrait à prophétiser avec eux.
Enfin, il aurait ensuite à se rendre à Galgala et à y
attendre Samuel durant sept jours avant d'offrir les
sacrifices. Les signes indiqués par Samuel se réalisèrent
exactement. Quand Saul fut de retour chez lui, son
oncle lui demanda ce qui lui était arrivé avec le pro-
phète. Saùl répondit simplement qu'il lui avait donné
des nouvelles de ses ânesses, mais il ne dit rien de
l'onction reçue. I Reg., ix, 20-x, 16.
3° Son élection. — Il fallait que le choix du nouveau
roi, arrêté par Dieu, fût notifié au peuple. Samuel
convoqua les tribus à Masphath et tira au sort pour le
désigner. Voir Sort. La désignation porta successi-
vement sur la Iribu de Benjamin, la famillede Métri
et Saûl, fils de Cis. Saûl s'était dissimulé parmi les
bagages du campement. Sur l'indication de Jéhovah,
on l'en tira. Samuel lit remarquer au peuple les avan-
tages de sa personne et tous s'écrièrent : « Vive le
roi ! » Quand le droit de la royauté eut été lu par Samuel,
Saùl s'en retourna dans sa maison, à Gabaa, accom-
pagné d'une troupe d'hommes marquants dont Dieu
avait incliné le cœur vers le nouveau roi. Il y eut
cependant des opposants qui dirent : « Est-ce celui-là
qui nous sauvera ? » Pour témoigner de leur mépris,
ils s'abstinrent d'offrir des présents à Saûl. Celui-ci
eut la sagesse de fermer les yeux sur cet incident.
' I Reg., x, 18-27.
IL La première faute. — 1° La victoire sur les
Ammonites. — L'historien sacré se préoccupe sur-
tout de mettre en relief les causes qui ont motivé la
réprobation de Saùl. Il ne donne que des détails
assez brefs sur ses guerres. Il indiquait l'âge du roi
et la durée de son règne; mais les chiffres ont péri.
I Reg., xiii, 1. On sait par saint Paul que Saùl régna
quarante ans. Act., xiii, 21. Josèphe, Ant. jud., VI,
XIV, 8, divise ce total en deux parties, dix-huit ans du
vivant de Samuel, et vingt-deux après la mort du pro-
phète. Comme, dès le début du règne, le fils de Saûl,
Jonathas, est déjà à la têle de mille hommes, ce qui
suppose un âge de dix-huit à vingt ans, on conjecture
que Saùl avait de trente-cinq à quarante ans quand il
fut élu roi, ce qui le ferait vivre jusqu'à près de quatre-
vingts ans. — Il semble que, dans les premiers temps
qui suivirent son élection, Saùl traita la royauté plutôt
comme une fonction que comme une dignité. Il était
retourné à ses champs et labourait, quand on apporta
à Gabaa la nouvelle des insolentes provocations de
Naas l'Ammonite, campé devant Jabès en Galaad. Les
habitants de Jabès avaient demandé à Naas sept jours de
répit, promettant de se rendre s'ils n'étaient secourus.
Informé de la situation, Saùl prit aussitôt deux de ses
bœufs, les mit en pièces et en envoya les morceaux
dans tout Israël, en disant : « Ainsi seront traités les
bœufs de quiconque ne marchera pas à la suite de Saùl
et de Samuel. » Les hommes vinrent en foule à Rézec,
sur la rive droite du Jourdain. Voir Bézec, 1. 1, col. 1774.
II y aurait eu 300000 hommes d'Israël et 30000 de Juda.
Josèphe, Ant. jud., VI, v, 3, en compte 700000 et 70000.
Les chiffres bibliques paraissent déjà fort élevés, étant
donné surtout le peu de temps dont on disposait pour
la convocation et le rassemblement. On sait d'ailleurs
avec quelle facilité les nombres pouvaient être altérés
par les copistes. Les messagers de Jabès furent chargés
d'annoncer le secours pour le lendemain. Saûl passa
le Jourdain avec ses troupes, et les disposant en trois
corps, il pénétra dans le camp des Ammonites dès la
veille du matin, continua la lutte jusqu'à la chaleur du
jour, et dispersa tous ceux des ennemis qui échap-
pèrent à la mort. Voir Naas, t. iv, col. 1429. — Cette
victoire, qui justifiait si brillamment le choix du nou-
veau roi, fut le signal d'une réaction violente contre
ceux qui lui avaient manqué de respect au jour de
son élection. Saùl voulut qu'aucune rigueur ne fût
exercée contre eux, et, sous la conduite de Samuel,
tous se rendirent à Galgala pour acclamer à nouveau
la royauté de Saùl, désormais acceptée de tous, y offrir
des sacrifices d'actions de grâces et se livrer à de
grandes réjouissances. I Reg., xi, 1-15.
2° Le sacrifice de Galgala. — Assuré que Saûl rem-
plirait dignement sa charge de défenseur du pays,
Samuel abdiqua publiquement sa judicature. I Reg.,
XII, 1-25. Dès lors, Saûl s'occupa d'organiser les forces
militaires qui lui étaient nécessaires. Il choisit 30000
hommes d'Israël, parmi lesquels 2000 demeurèrent
avec lui à Machmas et sur la montagne de Bethel, et
1000 furent sous les ordres de son fils Jonathas à
Gabaa. Il renvoya les autres chez eux. Il est probable
que les 30000 hommes devaient fournir, par dixièmes
successifs, l'effectif de 3000 combattants toujours prêts
à marcher. — Jonathas ne tarda pas à se signaler en
battant un poste de Philistins en résidence à Gabée.
Comprenant que les Philistins ne demanderaient qu'à
se venger, Saùl signala le fait à son peuple. Bientôt
après, les ennemis étaient sur pied avec 1000 chars
(et non 30000), 6000 cavaliers et d'innombrables soldats,
et ils vinrent camper à Machmas. Parmi les Hébreux,
beaucoup se cachèrent, d'autres passèrent le Jourdain,
le reste tremblait derrière Saùl à Galgala, sur le bord
du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de Machmas-
Conformément à l'ordre précédemment reçu, Saùl
attendit Samuel pendant sept jours pour l'offrande des
sacrifices qui devaient appeler le secours de Jéhovah.
Le septième jour, voyant que Samuel n'arrivait pas et
que le peuple se dispersait de plus en plus, Saùl fit
procéder à l'offrande des sacrifices. A peine avait-on
terminé que Samuel parut. Le roi chercha à s'excuser
sur la nécessité imposée par les circonstances; mais le
prophète lui fit savoir que, pour avoir transgressé
l'ordre de Jéhovah, son règne serait éphémère et ne
serait pas affermi pour toujours, c'est-à-dire pour sa
descendance. I Reg., xiii, 2-14. La faute commise par
Saùl était évidemment grave pour mériter une telle
sanction. Consista-t-elle en ce qu'il prit sur lui d'offrir
les sacrifices comme s'il était prêtre? Josèphe, Ant.
jud., VI, VI, 2, semble le penser. Mais le texte sacré
peut s'entendre en ce sens que le roi commanda d'offrir
les sacrifices, et d'ailleurs Samuel ne lui reproche pas
une ingérence dans les fonctions sacerdotales, mais
seulement une décision prématurément prise avant son
arrivée. Saùl s'est rendu coupable en oubliant que son
pouvoir royal restait subordonné au pouvoir théocra-
tique représenté par le prophète de Jéhovah, et en
manquant de la confiance nécessaire en Dieu qui con-
naissait mieux que lui l'urgence du péril et se réservait
de l'écarter à son heure. De plus, même en s'abstenant
d'offrir en personne les sacrifices, le roi s'était permis
une intervention abusive dans les choses religieuses,
et la volonté manifeste de Dieu était qu'en Israël, à
rencontre de ce qui se passait chez les autres peuples,
le pouvoir sacerdotal demeurât absolument distinct du
pouvoir royal. Ces vérités devaient être fortement in-
culquées dès l'origine de la royauté en Israël.
3" La guerre contre les Philistins. — Saùl, abandonné
par Samuel qui s'était retiré à Gabaa, ne trouva plus
avec lui que 600 hommes. Il se posta avec eux à Gabée,
à quatre kilomètres au sud-ouest de Machmas. De leur
côté, les Philistins envoyèrent trois troupes en diffé-
rentes directions pour ravager le pays. La situation
1503
SAUL
1504
des Israélites paraissait d'autant plus lamentable que
les Philistins étaient leurs fournisseurs d'armes. Il
fallait descendre chez eux, même pour faire aiguiser
les instruments de culture. Les Philistins avaient acca-
paré le monopole de l'industrie métallurgique; ils
tenaient ainsi à leur discrétion leurs imprévoyants
voisins qui, en cas d'hostilités, en étaient réduits à
se passer d'armes et d'outils. Les hommes de Saùl
n'avaient donc ni lances ni épées; seuls, le roi et Jona-
thas en possédaient. En voyant les Israélites postés à
Gabée, les Philistins occupèrent une position en avant
de Machmas, en haut de la vallée qui séparait les deux
armées. Jonathas mit à profit cette circonstance pour
tenter un coup d'audace, avec la confiance que Jéhovah
saurait bien lui venir en aide. Seul avec son écuyer, il
gravit les rochers, arriva au premier poste des Philis-
tins et leur tua une vingtaine d'hommes. La panique se
mit aussitôt dans le camp ennemi et tut encore aug-
mentée par un tremblement de terre. Témoins du
mouvement qui agitait le camp philistin, les Israélites
s'approchèrent et reconnurent que, dans la confusion
provoquée par la panique, les ennemis s'entretuaient.
Aussitôt, des Israélites précédemment cachés ou en
fuite surgirent de toutes parts et poursuivirent les
Philistins jusqu'à Béthaven, à trois ou quatre kilo-
mètres au nord de Machmas. Saûl fit alors jurer à tout
le peuple que personne ne prendrait rien avant que la
déroute des ennemis fût achevée. Jonathas, qui n'avait
pas eu connaissance du serment prescrit par son père,
mangea un peu de miel en passant par la forêt. La
poursuite se continua jusqu'à Aïalon, à vingt-cinq kilo-
mètres à l'ouest de Machmas. Le soir, le peuple se jeta
sur le butin et, exténué par la faim, mangea des ani-
maux avec le sang. C'était une faute contre la Loi.
Lev., m, 17. Par son serment inconsidéré, Saùl avait
donné occasion à cette transgression. Pour l'expier, il
fit dresser une pierre, sur laquelle il donna l'ordre
d'égorger les animaux avant de s'en nourrir, et il
éleva un autel à Jéhovah. Vers le milieu de la nuit, le
roi voulait reprendre la poursuite, quand le grand-prêtre
l'avertit d'avoir d'abord à consulter Dieu. Comme
aucune réponse ne fut obtenue, on crut qu'une faute
cachée motivait le silence de Jéhovah et l'on jeta le sort
pour savoir quel était le coupable. Jonathas fut désigné.
Il avoua qu'il avait mangé un peu de miel le jour pré-
cédent, et Saûl voulut le faire mourir. Le peuple s'y
opposa énergiquement et Jonathas eut la vie sauve. La
poursuite s'arrêta là. Les Philistins survivants rega-
gnèrent leur pays et Saûl s'en retourna à Gabaa. Jého-
vah avait visiblement secouru les Israélites dans leur
situation désespérée; à combien plus forte raison
l'eût-il fait si le roi s'en était tenu fidèlement aux
prescriptions de Samuel! Saûl fit encore d'autres
guerres contre les ennemis d'alentour, Moab, Ammon,
Édom, les rois de Soba et, de nouveau, les Philis-
tins. Mais l'historien sacré se contente de les mention-
ner. I Reg., xiii, 15-xiv, 47. Voir Jonathas, t. m,
col. 1616.
III. La deuxième faute. — 1° La guerre contre les
Amalécites. — Sur l'ordre de Samuel, Saûl partit en
guerre contre les Amalécites, qui jadis avaient montré
tant d'hostilité contre les Hébreux après leur sortie
d'Egypte. Exod., xvn, 8-16. Il lui était enjoint de tout
exterminer, parce que tout ce peuple avait été voué à
l'anathème par Jéhovah. Exod., xvn, 14. Le roi partit
avec 200000 hommes de pied et 10 000 de Juda. Il
avertit d'abord les Cinéens d'avoir à se retirer du mi-
lieu des Amalécites, et il battit ces derniers depuis
Hévila jusqu'au désert de Sur, près de la frontière
égyptienne. Voir Hévila, t. m, col. 688, et la carte,
t. I, col. 429. Seulement il épargna le roi, Agag, et ce
qu'il y avait de meilleur dans les troupeaux. Après la
victoire, il se rendit à Carmel de Juda, voir Carmel 1,
t. H, col. 290, où il s'éleva un monument, une «main »
voir Main, t. iv, col. 585, et descendit à Galgala. Sa-
muel parut alors de nouveau et reprocha à Saùl sa
transgression. Le roi prétendit qu'il avait gardé les
troupeaux pour offrir des sacrifices à Jéhovah; mais il
s'attira cette réponse : « Jéhovah prend-il autant de
plaisir aux holocaustes et aux sacrifices qu'à l'obéis-
sance à sa voix? Mieux vaut l'obéissance que le sacri-
fice et la soumission que la graisse des béliers. Car la
rébellion est aussi coupable que la divination, et la
résistance autant que l'idolâtrie et les théraphim.
Puisque tu as rejeté la parole de Jéhovah, il te rejette
aussi pour que tu ne sois plus roi. » I Reg., XV, 22, 23.
Ainsi, après avoir mérité la réprobation pour sa des-
cendance, Saûl la faisait remonter jusqu'à lui-même.
Il reconnut sa faute et voulut implorer son pardon,
mais ce fut en vain. Tout ce qu'il obtint, c'est que le
prophète, pour lui faire honneur devant les Israélites,
consentît à demeurer quelque temps avec lui, pour
qu'ensemble ils adorassent Jéhovah. Quant à Agag,
Samuel le fit comparaître et tailler en morceaux. Puis
il partit pour Rama, pendant que Saùl s'en retournait
à Gabaa. 1 Reg., xv, 1-35.
2° Les conséquences. — « Jusqu'à quand pleureras-
tu sur Saù], que j'ai rejeté, afin qu'il ne règne plus
sur Israël? » dit le Seigneur à Samuel, affligé de la
réprobation de celui sur lequel il avait compté. Pour
obéir à Dieu, Samuel oignit le jeune David comme roi
d'Israël. I Reg., xvi, 1-13. Si l'on s'en rapporte à l'in-
dication de Joséphe, Ant. jud., VI, xiv, 8, Saûl n'avait
pas encore atteint la moitié de son règne à cette époque.
Pendant plus de vingt ans, il était donc destiné à
traîner une vie maudite et misérable. « L'Esprit de
Jéhovah se retira de lui et un mauvais esprit, venu
de Jéhovah, le troublait. » Une noire mélancolie, mê-
lée d'accès de fureur, s'empara de lui. Cf. W. Ebstein,
Die Medizin im A. T., Stuttgart, 1901, p. 115. Pour
calmer la surexcitation nerveuse du roi, on chercha
quelqu'un qui pût lui jouer de la harpe. Le jeune Da-
vid fut choisi. Quand les accès du roi commençaient,
celui-ci jouait de son instrument, Saûl s'en trouvait
bien et se calmait. I Reg., xvi, 14-23.
IV. La poursuite de David. — 1» Le combat contre
Goliath. — Une nouvelle attaque des Philistins obligea
Saûl à rentrer en lutte avec eux. Le géant Goliath vint
alors défier insolemment les Israélites, et personne
n'osait se mesurer avec lui. Voir Goliath, t. m,
col. 268. Saûl promit sa fille à celui qui combattrait le
philistin, avec exemption de toute charge pour sa
famille. David s'offrit à affronter la lutte et il vint à
bout du terrible ennemi, ce qui détermina la fuite des
Philistins, le massacre d'un grand nombre d'entre eux
et la poursuite des autres jusqu'à Accaron. I Reg., xvn,
1-54. Au retour, on fit une ovation à David. Les femmes
chantaient en dansant :
Saiil a tué ses mille,
Et David ses dix mille.
Le roi se montra fort irrité de la préférence ainsi
marquée au jeune héros. « Il ne lui manque plus que
la royauté! » disait-il avec amertume, sans se douter
que David avait déjà reçu l'onction royale; et, à partir
de ce jour, il le vit de mauvais œil. I Reg., xviii, 6-9.
— Entre les deux passages I Reg., xvn, 54, et xviii, 6,
ont été intercalés deux courts morceaux. Dans le pre-
mier, Saûl et Abner, son cousin et le chef de son
armée, ne connaissent pas David et demandent qui
il est. I Reg., xvn, 55-58. Ce fragment a sa place dans
le récit de la présentation de David, quand il vint pour
la première fois jouer de la harpe devant Saûl. Le
second épisode raconte la liaison de Jonathas et de
David, qui n'eut lieu qu'après la victoire remportée sur
Goliath. I Reg., xviii, 1-5. Ces deux morceaux manquent
1505
SAÛL
1506
dans le Codex Vaticanus. Ils ont été sans doute insé-
rés à une place gui ne convenait pas.
2» Les attentats. — Le lendemain de la victoire sur
les Philistins, Saûl fut saisi d'un accès, et, pendant que
David lui jouait de la harpe, il chercha à le percer de
sa lance. David esquiva le coup par deux fois. Alors
Saûl prit peur; il l'éloigna de lui, le mit à la tête de
mille hommes et l'envoya guerroyer contre divers
ennemis. David réussissait partout, le peuple l'aimait,
et Jonathas en vint à le chérir « comme son âme » et à
lui en donner la preuve. N'ayant pu réussir à le faire
périr, Saûl l'engagea contre les Philistins, dans l'espoir
qu'il y trouverait la mort. Au lieu de lui donner pour
épouse sa fille ainée, Mérob, il avait accordé celle-ci à
un autre. David était aimé de Michol, autre fille du roi.
Saûl la lui promit, s'il lui rapportait en dot les dé-
pouilles de mille Philistins. David le fit heureusement
et Saûl fut obligé. d'exécuter sa promesse. Mais ceci ne
l'empêcha pas de renouveler ses attentats. Il chercha
encore à percer David de sa lance. Puis il envoya des
gens dans sa maison pour le tuer. Grâce à une ruse
de Michol, David échappa et se réfugia auprès de Sa-
muel. Saûl se rendit en personne à Rama, et là, l'Esprit
de Dieu le saisit, de sorte que, pendant un jour et une
nuit, il fut incapable d'agir par lui-même, ce qui per-
mit à David de se mettre à l'abri. I Reg., xvm, 10-xix,
24. De retour chez lui, Saûl s'irrita de l'absence de
David et voulut percer de sa lance Jonathas lui-même,
à cause de son amitié pour le persécuté et des excuses
qu'il faisait valoir en sa faveur. I Reg., xx, 24-34. Peu
après, ayant appris que David se trouvait dans le pays
de Juda, Saûl reprocha à ses compatriotes de Benjamin
de laisser son fils soulever son serviteur contre lui.
David chercha un refuge auprès du grand-prêtre
Achimélech, à Nobé. Doëg l'Iduméen le dit au roi qui,
faisant venir Achimélech et les prêtres de Nobé, mit à
mort le grand-prêtre et quatre-vingt-cinq prêtres. Doëg
fut l'exécuteur, car les officiers royaux se refusèrent à
porter la main sur les ministres du Seigneur. De plus,
tout ce qui se trouvait dans Nobé, hommes et animaux,
fut passé au fil de l'épée. I Reg:, xx, 2i-xxir, 23. La
folie de Saûl devenait de plus en plus furieuse.
3° La campagne contre David. — David ayant pris
la ville de Ceïla aux Philistins, Saûl partit en guerre
pour l'y assiéger. David quitta la ville, afin de ne pas
l'exposer à la vengeance du roi, et se retira au désert de
Ziph. Les Ziphiens le dénoncèrent à son persécuteur
qui chercha à s'emparer de lui; mais le fugitif passa
dans le désert de Maon, où Saûl le serrait de près,
quand une incursion des Philistins l'obligea à se tour-
ner ailleurs. Au retour de l'expédition, Saûl se remit à
sa poursuite à travers les rochers d'Engaddi, à la têle
de trois mille hommes. Obligé d'entrer dans une ca-
verne, il fut magnanimement épargné par David, qui se
trouvait au fond avec ses hommes. Il rentra alors en
lui-même, reconnut l'innocence de celui auquel il en
voulait tant, et, se rendant compte qu'un jour David
serait roi, il le conjura d'épargner sa postérité. La
promesse en fut faite, Saûl retourna chez lui et David
alla en lieu sûr. I Reg., xxm, 1-xxiv, 23. Samuel mou-
rut sur ces entrefaites. — La paix ne pouvait être défi-
nitive de la part de Saûl. Contre tout droit, il donna sa
fille Michol, déjà femme de David, à Phalti. I Reg.,
xxvii, 43, 44. Sur une nouvelle dénonciation des
Ziphiens, Saûl revint avec trois mille hommes pour
s'emparer de sa victime. David s'approcha de son
camp, y pénétra la nuit avec un seul compagnon, trouva
Saûl endormi dans le parc des chars au milieu des
siens, et se contenta d'emporter la lance et la cruche
d'eau qui étaient à son chevet. Saûl fut encore obligé
de rendre justice à la générosité et à l'innocence de
David, et il retourna dans sa maison. I Reg., xxvi, 1-25.
Il est évident que tous ces événements ont dû s'espa-
DICT. DE LA BIBLE.
cer notablement dans le cours du règne de Saûl, dont
ils occupent une grande partie. Saûl devait avoir d'assez
longues périodes de lucidité, durant lesquelles il s'oc-
cupait de guerres ou d'administration, dans des condi-
tions passées sous silence par l'écrivain sacré. Voir
David, t. n, col. 1311-1314. Cf. Meignan, David, Paris,
1889, p. 6-27.
V. La fin de Saûl. — 1° L'évocation d'Endor. —
Pour tenter un effort plus décisif contre Israël, les
Philistins réunirent toutes leurs forces en une seule
armée. Saûl vint camper à Gelboé avec l'armée israé-
lite. Mais, à la vue du camp des Philistins, le cœur lui
manqua. Il consulta en vain Jéhovah : ni songes, ni
Urim, ni prophètes ne lui donnèrent de réponse. Il se
déguisa alors pour aller trouver à Endor une évocatrice
des morts et la pria de lui faire apparaître Samuel.
L'apparition se produisit. Voir Évocation des morts,
t. Il, col. 2129. Condamné par le prophète, Saûl partit
la nuit même pour retournera son camp. Il n'ignorait
pas combien sa démarche était criminelle, puisque lui-
même il avait sévi contre les devins et les nécroman-
ciens. I Reg., xxviii, 9.
2° La dernière bataille. —Les Philistins attaquèrent
les Israélites et en tuèrent un grand nombre à Gelboé.
Ils s'acharnèrent spécialement à la poursuite de Saûl
et de ses fils. Jonathas et ses deux frères périrent. Le
roi, serré de près par les archers, commanda à son
écuyer de prendre son épée et de l'en percer. Celui-ci
n'osa; Saûl se saisit alors de l'épée et se jeta dessus.
D'après un récit inséré plus loin, un Amalécite prétendit
avoir donné la mort à Saûl sur sa demande. II Reg.,
i, 2-10. Il se vantait de ce qu'il n'avait pas fait, dans l'es-
poir, qui fut trompé, de gagner la faveur de David.
Josèphe, Ant. jud., VI, xiv, 7, combine ensemble les
deux récits. Tous les Israélites s'enfuirent, ce qui per-
mit aux Philistins d'occuper le territoire et les villes
qu'ils abandonnaient. Le lendemain de la bataille, les
Philistins trouvèrent le roi et ses trois fils parmi les
morts. Ils coupèrentla tête de Saûl, prirent ses armes
pour les déposer dans le temple d'Astarté et suspen-
dirent son cadavre aux murs de Bethsan. Les habitants
de Jabès en Galaad, reconnaissants de ce que Saûl avait
fait jadis pour leur délivrance, vinrent prendre son
corps et celui de ses fils, les rapportèrent dans leur
ville, les y brûlèrent, enterrèrent les restes et jeû-
nèrent pendant sept jours. I Reg., xxxi, 1-13; I Par.,
x, 1-14.
8° Après la mort de Saûl. — David avait toujours eu
de grands égards pour son persécuteur, parce qu'il
était « l'oint du Seigneur ». Trois jours après le dé-
sastre, il mit à mort l'Amalécite qui venait se vanter
d'avoir donné à Saûl, sur sa demande, le coup fatal.
Puis il célébra un grand deuil et composa le « chant
de l'Arc », élégie funèbre sur la mort de Saûl et de Jo-
nathas, son ami si cher et si dévoué. II Reg., i, 1-27.
Il envoya ensuite féliciter les habitants de Jabès de leur
acte d'humanité. II Reg., n, 5-7. La maison de Saûl,
soutenue par Abner, ne laissa pas que de lui causer
encore de graves difficultés. Pendant qu'il régnait sur
Juda, Isboseth, autre fils de Saûl, régna sur le reste
d'Israël durant deux ans. C'était comme un essai du
schisme définitif qui divisa le pays en deux après la
mort de Salomon. Abner, mécontenté par Isboseth,
travailla ensuite à ramener tous les Israélites à la cause
de David. Isboseth tomba bientôt après sous le fer de
deux assassins, et tous se rallièrent au roi de Juda.
II Reg., il, 8-iv, 12. David se montra plein de bienveil-
lance pour le fils de Jonathas, Miphiboseth. II Reg.,
ix, 1-12. Mais, par la suite, il fut obligé de céder aux
instances des Gabaonites, qui se plaignaient du grand
mal que leur avait fait Saûl, au mépris de la foi jurée.
Jos., ix, 15. Sauvegardant Miphiboseth, il leur livra,
comme ils le réclamaient, deux fils que Saûl avait eus
V. - 48
1507
SAÙL — SAULE
1508
de Respha, et cinq fils que Mérob, fille de Saûl, avait
eus d'Hadriel. Les Gabaonites les pendirent sur la
montagne. David fit recueillir leurs restes, et, y joi-
gnant ceux de Saûl et de Jonathas qu'il prit à Jabès,
il les inhuma à Séla de Benjamin, dans la sépulture de
Cis. II Reg., xxi, 1-14.
4° Le caractère de Saûl. — Si rien n'avait naturel-
lement préparé Saûl à l'exercice du pouvoir royal, il
faut convenir que le choix dont il fut l'objet de la part
de Dieu supposait en lui les qualités nécessaires à sa
fonction. En fait, il se montra, dès le début, intelligent,
énergique, homme de décision et maître de lui-même.
Il aurait pu continuer à l'être, s'il avait su comprendre
les conditions spéciales dans lesquelles il avait à
régner.
Au lieu de prendre exemple sur les rois voisins
qui ne connaissaient d'autre loi que celle de leur
caprice et de leurs passions, et qui, en conséquence,
prétendaient tout régir, dans le domaine religieux
comme dans les affaires profanes, il aurait dû se rap-
peler que Dieu commandait toujours en Israël et que
le pouvoir royal était nécessairement subordonné, au
moins en certains cas, au pouvoir théocratique repré-
senté par les prophètes autorisés. Pour expliquer les
excès du premier roi d'Israël, saint Jérôme, In Ose., h,
8, t. xxv, col. 883, dit que « Saûl ne fut pas fait roi par
la volonté de Dieu, mais par l'erreur du peuple, et
comme il n'avait pas de fond de piété, dès le début de
son règne, il fut dévoré par l'impiété. » Saûl a été
désigné directement par Dieu, et cette désignation ne
pouvait certainement tomber que sur un homme ca-
pable de bien régner. Saûl est donc seul responsable
de ses égarements, de ses cruautés et de sa ruine.
Après avoir manqué gravement vis-à-vis de Dieu, il se
fit sans raison le persécuteur de David. Cf. S. Augus-
tin, . Epist. xliii, 8, 23, t. xxxiii, col. 171;
Serm. cclxxix, 5, t. xxxvui, col. 1278. Sa maladie
pourrait l'excuser, si elle n'avait été la conséquence
ou le châtiment de ses fautes, comme l'insinue le texte
sacré. Elle rendit malheureuse la seconde partie de
son règne et le conduisit à un véritable désespoir, qui
lui fit abandonner les principes les plus sacrés pour
aller consulter une nécromancienne. S'il avait écouté
Samuel, il eût pu être un prince digne de sa mission,
comme son fils Jonathas, plein de cœur et de droi-
ture, promettait de l'être, si sa famille n'avait été re-
prouvée de Dieu. L'auteur de l'Ecclésiastique, xlvi, 13-
20, ne mentionne pas nommément Saûl. Il ne fait
allusion à ce roi qu'en parlant de Samuel.
H. Les être.
4. SAUL (hébreu : Sd'ûl; Septante : Saoû),), ancêtre
de Samuel, de la tribu de Lévi et de la famille de Caath.
1 Par., vi, 24 (hébreu, 9). Il est appelé probablement
Johelaujfr. 36 (hébreu, 21). Voir Johel 2, t. m, col. 1593.
5. SAUL (grec : SaO.o?), premier nom de l'apôtre
saint Paul. Act., vu, 57,59; vin, 3; ix, 1, 4, 8, 11, 17,
22, 24; xi, 25, 30; xn, 25; xm, 1, 2, 7, 9; xxn, 7, 13;
xxvi, 14. Son changement de nom apparaît pour la
première fois Act., xiu, 9. Étymologiquement c'est le
même nom que celui du roi Saûl. Voir PA.UL, t. iv,
col. 2189.
SAULE (hébreu : safsafâh; Septante : lntô\ïnô\>.i~
vov; Vulgate : in superficie; Hébreu : 'ârabim; Sep-
tante : kÉa, Lev., xxm, 10; Ps. cxxxvi, 2; Is., xxuv, 3,
4; xXffivEç, Job, XL, 17 (hébreu, 22); "Apaêa;, Is., XV, 7;
Vulgate : salices), arbre croissant d'ordinaire au bord
des eaux.
I. Description. — Ainsi qu'il a été dit en parlant
des peupliers, avec lesquels ils forment nne famille très
naturelle, les saules s'en distinguent surtout par le
moindre nombre de leurs étamines, et par la forme
rétrécie du limbe des feuilles. Ce sont des arbrisseaux,
parfois même de vrais arbres, qui abondent principa-
lement au bord des eaux. On peut les ranger en deux
308. — Salix Babylonica.
séries, les saules précoces dont les chatons floraux,
presque sessiles, croissent avant les feuilles, et les
saules tardifs où le développement est simultané sur
— Salix Safsaf.
de courts ramuscules. Parmi ces derniers le plus re-
marquable est le Salix Babylonica (fig. 308), à longs
rameaux pendants, appelé pour cela vulgairement le
saule-pleureur, et qui, malgré son nom, n'est vraisem-
blablement que naturalisé dans l'Asie occidentale, sa
patrie étant, il semble, le Japon. L'espèce spontanée
en Mésopotamie et nommée parBoissier S. acmophylla,
1509
SAULE — SAUTERELLE
1510
a des étamines plus nombreuses, 4 ou 5 dans chaque
fleur, au lieu de 2. On en compte jusqu'à 8 dans le
S. safsaf (fig. 309) des bords du Nil. Le S. alba est
aussi un bel arbre de la même série, à feuillage ar-
genté. Le S. fragilis lui ressemble beaucoup, mais ses
feuilles sont plus franchement vertes, glabrescentes à
l'état adulte, avec une pointe oblique et allongée. —
Les saules précoces comprennent, oulre la série des
marsaules à rameaux tortueux et feuillages ternes, les
S. viminalis à longs rejets flexibles, qui sont coupés
tous les ans sous le nom d'osiers pour l'usage de la
vannerie. Il faut y joindre le S. purpurea qui semble
n'avoir qu'une étamine par fleur, les filets étant soudés
au-dessous des antères, et qui se distingue en outre à
des feuilles dont plusieurs sont opposées. F. Hy.
II. Exégèse. — 1° Safsafâh, ne se rencontre qu'une
fois dans la Bible. Ézéchiel, xvn, 5. Dans cette pro-
phétie symbolique, le prophète, sous l'image d'un
aigle qui s'abat sur le Liban et enlève la cime d'un
cèdre, représente le roi de Babylone, Nabuchodonosor,
fondant sur la maison de David et enlevant Joachin
pour l'emmener captif. « Puis il prit du plant du pays
et le plaça dans un sol fertile; il le mit près d'une eau
abondante et le planta safsafâh. Ce rejeton ayant
poussé devint un cep de vigne..., etc. » Les Septante et
la Vulgate n'ont pas vu dans safsafâh un nom de
plante :1a version grecque traduit È7riêXe7tô(ji.evov, c'est-
à-dire, « il le (ce plant) plaça de manière à être vu »;
la version latine rend le mot hébreu par in superficie,
« il le mit sur la surface ». Éclairés surtout par le rap-
prochement du mot arabe ^LojLo, safsaf, « saule »,
les rabbins ont été unanimes à traduire *le mot hébreu
en ce sens. 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Ams-
terdam, 1748, t. H, p. 107. Le Talmud, Tr. Succah, m,
3, indique même la différence du saule appelé safsaf et
du saule appelé 'ârabdh. Aussi paraît-il plus probable
de traduire ainsi : « et il le planta comme un saule, »
ou « il le planta dans une saulaie. » J. D. Michaëlis, Sup-
plementa ad lexica hebraïca, in-8°, Gcettingue, 1792,
t. il, p. 213, accepte ce sens et cherche à expliquer la
pensée du prophète en disant : le plant est placé près
des eaux abondantes dans une saulaie, ou bien le plant
de vigne est mis au pied d'un saule pour lui servir
d'appui et pour que ses branches se marient aux
siennes; ou bien encore le plant désigné est appuyé
le long d'une perche ou échalas en bois de saule.
Et il regarde l'espèce safsafâh comme un saule plus
grand et plus beau que le saule ordinaire désigné par
'ârabim.
2» 'Arabim, qui ne se présente qu'au pluriel, se ren-
contre cinq fois dans la Bible. Dans le Lévitique,
Xxiii, 40, pour la fête des tabernacles, on prescrit aux
Israélites le premier jour de la solennité de prendre
f du fruit de beaux arbres, des branches de palmier,
des rameaux d'arbres touffus et des 'arebê de torrent. »
Job, XL, 22, dans sa description de Behêmoth ou l'hip-
popotame dit que : « Les lotus le couvrent de leur
ombre, les 'arebê du torrent l'environnent. » Aux
'ârabim de Babylone les Juifs captifs suspendent leurs
harpes. Ps. cxxxvn, 2. « La prospérité d'Israël, dit
Isaïe, xliv, 3, 4, croîtra comme les 'ârabim le long
des eaux courantes. » Dans le pays de Moab est men-
tionné « le torrent des 'ârabim ». Is., xv, 7. On voit par
ces textes que les 'ârabim sont des arbres croissant
au bord des eaux. Ces arbres ont été identifiés sur le
saule par les Septante, la Vulgate, les targums, les ver-
sions syriaques et arabes, la Mischna et les anciens
rabbins. 'Arabàh ou 'ârabim rappelle un des noms
arabes du saule, (_>»», gharab. O. Celsius. Hierobota-
nicon, t. I, p. 304-308. Ce n'est pas le Populus alba,
peuplier blanc, ou le Populus euphratica, comme
quelques exégétes l'ont pensé ; le peuplier se dit haur
en arabe et non g/tarab ; et les versions ont nettement
désigné le saule. I. Low, Aramâische Pflanzennamen,
in-8», Leipzig, 1881, p. 300.
Le saule était connu dans la vallée du Nil. Job, xl,
22. L'arbre J I, ter ou tori, fréquemment men-
tionné sur les bords du Nil, est le saule. Les feuilles du
Sàlix safsaf, « pliées en deux, cousues ensemble et
ornées de pétales de fleurs, servaient à faire des guir-
landes dont on décorait les momies, » on en a trouvé
dans plusieurs tombes. V. Loret, Flore pharaonique
2" édit., in-8», Paris, 1892, p. 43; Fr. Woenig, Die
Pflanzen im Alten Aegypten, in-12, Leipzig, 1886,
p. 340. — On rencontre en Palestine plusieurs espèces
de saules, le Salix safsaf et le Salix fragilis, le
Salix alba, que les Arabes désignent par le même
nom, Safsaf. Le Salix babylonica, saule-pleureur, se
trouve fréquemment près des fontaines ou des piscines,
H. B. Tristram, The natural History of tke Bible, in-12,
Londres, 1889, 8 e édit., p. 415. E. Levesque.
SAULES [TORRENT DES] (hébreu : Nahal hâ-
'Arâblm; Septante : V) çâpafÇ "A pagaç; Vulgate: torrens
salicum), torrent du pays de Moab, mentionné par Isaïe,
xv, 7. L'identification en est incertaine. D'après plu-
sieurs commentateurs, c'est Youadi Safsaf, dont le
nom a la même signification, « saule ». Vouadi Safsaf
est le nom d'une des parties principales du ravin
qui descend de Kérak au nord A'eULisan. — On croit
assez généralement que le nahal hâ-'Arâbàh, ouadi
de l'Arabah ou « du saule » mentionné par Amos,
vi, 14, et qui paraît indiquer la frontière méridio-
nale du royaume d'Israël quelques années avant ce
prophète, est le même que celui dont parle Isaïe.
Son nom devait lui venir des saules qui croissaient
sur ses rives (Septante : à "/et'jiappoç ™v Sujjiwv;
Vulgate : torrens deserti). — A l'ouadi Safsaf, plu-
sieurs préfèrent l'ouadi el-Hasa, qui débouche dans
le Ghôr es-Safiéh au sud-est de la mer Morte. Voir
t. iv, col. 1151, et la carte de Moab, fig. 300, t. iv,
col. 1145.
SAUL1TES (haS-Sd'ûli; Septante : 5 Saou).!), des-
cendants de Saûl, fils de Siméon et petit-fils de Jacob.
Num., xxvi, 13.
SAURA (grec : Soeuapâv), père de l'Éléazar qui tua
un éléphant et mourut écrasé par la chute de sa vic-
time. I Mach., vi, 43. Voir Éléazar 8, t.n, col. 1651.
SAUTERELLE, nom par lequel on désigne, dans
le langage populaire, toute une classe d'insectes orthop-
tères. Voir Insectes, t. m, col. 885.
I. Histoire naturelle. —1° Conformation. — L'ordre
des orthoptères se divise en coureurs et en sauteurs ;
310. — Locusta viridissima.
les sauteurs comprennent trois familles : les locustiens,
dont le type est la sauterelle, les acridiens, dont le type
est le criquet, et les grylliens, dont le type est le grillon.
La sauterelle proprement dite, locusta viridissima
(fig. 310), plus commune dans nos contrées, a de
1511
SAUTERELLE
1512
longues antennes ; une gaine, appelle oviscapte et
prolongeant l'abdomen, sert à la femelle à déposer ses
œufs dans une sorte de tube foré dans la terre; le
mâle fait entendre un chant composé d'une série de
sons aigus et criards que l'insecte produit en frottant
l'une contre l'autre ses deux entres, munies chacune
d'un appareil spécial. Les sauterelles ravageuses appar-
tiennent à la famille des acridiens. Le type des acri-
diens, le criquet pèlerin, acridiumperegrinum (fi g. 311),
311. — Acridium peregrinum.
a les antennes courtes et rigides. La gaine abdominale
est remplacée par quelques pièces rudimentaires,
cornées et crochues. Au moment de la ponte, la
femelle appuie sur le sol l'extrémité de cet abdomen,
y creuse une cavité en quelques instants, si la terre
est ameublie, et y dépose ses œufs; les Arabes disent
qu'elle les « plante ». Les œufs de l'acridium peregri-
num sont au nombre de 80 à 90; chez d'autres espèces,
ils sont moins nombreux. Pondus un à un, ils sont
réunis en paquet et agglutinés par un liquide spécial
qui, avec le temps, devient comme de l'écume sèche et
forme autour des œufs un revêtement protecteur. Ainsi
déposés en avril, ou mai, les œufs subissent une incu-
bation plus ou moins longue, de 20 à 25 jours pour
l'acridium peregrinum,de'àO à 40 pour d'autres espèces
et même de neuf mois pour certaines. A partir de son
éclosion, l'acridien passe par plusieurs stades (fig. 312),
312. — Stades de croissance de la sauterelle.
séparés par cinq mues, avant d'atteindre son dévelop-
pement parfait et de pouvoir se servir utilement de
ses ailes. L'appareil sonore de l'acridien ne réside pas
exclusivement à la base des élytres, comme chez le
locustien. Les cuisses des pattes postérieures de l'acri-
dien ont une petite côte saillante garnie d'aspérités que.
l'insecte, en se tenant sur les quatre pattes antérieures,
frotte rapidement le long d'une forte nervure longitu-
dinale des élytres. Ce frottement produit une stridula-
tion qui a fait donner à l'animal, par onomatopée, le
nomd'àxpîç, « criquet ».
2° Alimentation. — « Comme tous les vertébrés
herbivores, lesaerîdiens sontadmirablement organisés
pour transformer les tissus végétaux en tissus animaux;
malheureusement, pour approprier les substances
nécessaires à leur accroissement et à leur entretien, ils
s'attaquent aux plantes les plus utiles à l'homme. Les
graminées constituent la nourriture de prédilection
des acridiens; dans les conditions naturelles, celles qui
vivent à l'état sauvage auraient seules à souffrir de leur
voracité; mais l'homme leur offrant d'immenses espaces
couverts de plantes savoureuses, blé, seigle, orge,
avoine, ils sont trop heureux de faire la moisson pour
leur propre compte et ils ne se font pas faute de man-
ger leur blé en vert. La faim toutefois est un grand
maître, et lorsqu'ils sont privés de leurs aliments
favoris, ils attaquent tous les végétaux cultivés, quels
qu'ils soient : bourgeons, feuilles, grappes de la vigne,
pousses, feuilles, tiges des arbres, tombent sous leurs
mandibules. Pressés par la famine, ils ne dédaignent
même pas les plantes qu'ils respectent ordinairement;
lauriers roses, lentisques, palmiers-nains, sont rongés
faute de mieux. Mourant de faim, ils s'attaquent aux
écorces et l'on en a vu, captifs, dévorer des voiles de
bateaux, abrilés sous des hangars, déchiqueter des
rideaux, du linge, des habits, et ronger du papier.
Malheur à celui qui périt, son cadavre est immédiate-
ment dévoré par ses compagnons. » Kunckel d'Herculaïs,
Les sauterelles, les acridiens et leurs invasions, au
Congrès d'Oran, 1888, Paris, p. 15.
3° Translation. — Les acridiens sont surtout des
sauteurs, qui se servent de leurs ailes pour accroître
la longueur de leur saut. En général, ils « sont attachés
au sol dont ils ne s'éloignent que pour y revenir un
instant après; mais, sous des influences qui nous
échappent, certains d'entre eux deviennent tout à coup
des insectes bons voiliers et sont susceptibles de s'élever
dans les airs et de parcourir des espaces considérables.
Tout concourt chez ces êtres à favoriser le vol : ils ont
des muscles puissants qui mettent en jeu des élytres
et des ailes qui ont une grande surface et sont admi-
rablement adaptés pour la locomotion aérienne. L'élytre
a la consistance du parchemin desséché; la portion
antérieure de l'aile est épaisse et rigide : élytre et aile
réunissent ainsi les conditions essentielles pour fendre
l'air. Les muscles sont baignés de sang en mouvement
perpétuel, qui trouve à sa portée de l'air constamment
renouvelé; de nombreuses ampoules tiennent de l'air
en réserve pour assurer un approvisionnement cons-
tant. » Kunckel d'Herculaïs, Les sauterelles, p. 13.
Les acridiens émigrent quand ils cessent de trouver à
leur lieu d'origine la subsistance nécessaire. On a
observé que ces insectes ont un habitat fixe et perma-
nent, où se rencontrent les conditions les plus favorables
à leur pullulation. De là s'élancent périodiquement des
essaims d'invasion, là reviennent les essaims composés
des survivants. Cf. A. Dastre, Les sauterelles, dans la
Revue des Deux Mondes, l« r août 1901, p. 696-707. Les
acridiens sont à la merci du vent qui les transporte
d'un endroit à l'autre, souvent à des distances consi-
dérables. Quand des vols successifs s'abattent sur une
même contrée, ils couvrent des espaces immenses, de
40 à 50 hectares jusqu'à 1000, 2000 et plus, ce qui,
dans le dernier cas, représente de 2 à 6 milliards d'êtres
affamés.
4° Ravages. — De tous temps et dans presque toutes
les contrées, les criquets ont exercé d'énormes ravages.
Les monuments anciens, les écrivains de l'antiquité et
d'autres de toutes les époques en font mention. Leurs
méfaits ne se bornent pas toujours à détruire toute
végétation. En 1749, l'armée de Charles XII, vaincue à
Pultawa, battait en retraite en Bessarabie, lorsque tout
d'un coup, au milieu d'un défilé, une grêle vivante
de criquets fondit sur elle, jeta le désarroi parmi les
hommes et les chevaux et changea la retraite en déroute.
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SAUTERELLE
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En 1901, à Lézignan (Aude), les sauterelles ont immo-
bilisé un train dont les roues, empâtées dans une bouillie
vivante, patinaient sur place. Il ne se passe guère d'an-
nées sans que l'on ait à enregistrer quelque invasion
désastreuse, dans un pays ou dans un autre. Voici la
description d'une invasion de criquets dans une ferme
du Sahel, en Algérie : « Tout à coup, à la porte-fenêlre
fermée pour nous garantir de la chaleur du jardin en
fournaise, de grands cris retentirent : Les criquets !
les criquets ! Mon hôte devint tout pâle comme un
homme à qui on annonce un désastre, et nous sortîmes
précipitamment. Pendant dix minutes, ce fut dans
l'habitation, si calme tout à l'heure, un bruit de pas
précipités, de voix indistinctes, perdues dans l'agitation
d'un réveil. De l'ombre des vestibules où ils s'étaient
endormis, les serviteurs s'élancèrent dehors en faisant
résonner avec des bâtons, des fourches, des fléaux, tous
les ustensiles de métal qui leur tombaient sous la main,
des chaudrons de cuivre, des bassines, des casseroles.
Les bergers soufflaient dans leurs trompes de pâtu-
rage. D'autres avaient des conques marines, des cors
de chasse. Cela faisait un vacarme effrayant, discordant,
que dominaient d'une note suraiguë les you ! you ! you !
des femmes arabes accourues d'un douar voisin. Sou-
vent, paraît-il, il suffit d'un grand bruit, d'un frémis-
sement sonore de l'air, pour éloigner les sauterelles, .
les empêcher de descendre. Mais où étaient-elles donc,'
ces terribles bêtes ? Dans le ciel vibrant de chaleur, je
ne voyais rien qu'un nuage venant à l'horizon, cuivré,
compact, comme un nuajfe de grêle, avec le bruit d'un
vent d'orage dans les mille rameaux d'une forêt.
C'étaient les sauterelles. Soutenues entre elles par leurs
ailes sèches étendues, elles volaient en masse, et
malgré nos cris, nos efforts, le nuage s'avançait tou-
jours, projetant dans la plaine une ombre immense.
Bientôt il arriva au-dessus de nos têtes : sur les bords
on vit pendant une seconde un effrangeaient, une
déchirure. Comme les premiers grains d'une giboulée,
quelques-unes se détachèrent, distinctes, roussâtres;
ensuite toute la nuée creva, et cette grêle d'insectes
tomba drue et bruyante. A perte de vue, les champs
étaient couverts de criquets, de criquets énormes, gros
comme le doigt. Alors le massacre commença. Hideux
murmure d'écrasement, de paille broyée. Avec les
herses, les pioches, les charrues, on remuait ce sol
mouvant, et plus on tuait, plus il y en avait. Elles
grouillaient par couches, leurs hautes pattes enchevê-
trées; celles du dessus faisaient des bonds de détresse,
sautant au nez des chevaux attelés pour cet étrange
labour.
« Les chiens de la ferme, ceux du douar, lancés à tra-
vers champs, se ruaient sur elles, les broyaient avec fu-
reur. A ce moment, deux compagnies de turcos, clai-
rons en tête, arrivèrent au secours des malheureux
colons, et la tuerie changea d'aspect. Au lieu d'écraser
les sauterelles, les soldats les flambaient en répandant
de longues tracées de poudre. Fatigué de tuer, écœuré
par l'odeur infecte, je rentrai. A l'intérieur de la ferme,
il y en avait presque autant que dehors. Elles étaient
entrées par les ouvertures des portes, des fenêtres, la
baie des cheminées. Au bord des boiseries, dans les
rideaux déjà tout mangés, elles se traînaient, tombaient,
volaient, grimpaient aux murs blancs avec une ombre
gigantesque qui doublait leur laideur. Et toujours
cette odeur épouvantable. A dîner il fallut se passer
d'eau. Les citernes, les bassins, les puits, les viviers,
tout était infecté... Le lendemain, quand j'ouvris ma
fenêtre comme la veille, les sauterelles étaient parties;
mais quelle ruine elles avaient laissée derrière elles !
Plus une fleur, plus un brin d'herbe : tout était noir,
rougi, calciné. Les bananiers, les abricotiers, les pê-
chers, les mandariniers, se reconnaissaient seulement
à l'allure de leurs branches dépouillées, sans le charme,
le flottant de la feuille qui est la vie de l'arbre. On net-
toyait les pièces d'eau, les citernes. Partout des labou-
reurs creusaient la terre pour tuer les œufs laissés par
les insectes. Chaque motte était retournée, brisée soi-
gneusement. Et le cœur se serrait de voir les mille ra-
cines blanches, pleines de sève, qui apparaissaient
dans ces écroulements de terre fertile. » A. Daudet,
Lettres denion moulin, xxi, Paris, 1884, p. 333-335.
Si l'on ne réussit pas à éloigner les sauterelles, quand
elles sont repues, elles souillent tout ce qui reste d'une
bave qui corrode et brûle la végétation. Elles causent
encore plus de mal après leur mort; leurs cadavres en-
tassés répandent l'infection et engendrent des maladies
contagieuses qui font périr les hommes après les ré-
coltes. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, 6 e édit., t. n, p. 338.
5° Ennemis. — Les criquets ont desennemisqui mettent
obstacle à leur multiplica tion excessive . Une chasse active
leur est faite par des oiseaux de la famille des étourneaux,
le martin rose, pastorroseus, qui a la faculté d'absorber
les sauterelles presque sans limites, à cause de la
rapidité extraordinaire de sa digestion, et vit en troupes
nombreuses, cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
Paris, 1884, p. 215, le martin triste, acridotheres tristis,
l'oiseau des sauterelles, glareola melanoptera, etc.
313. — Œdipoda migrator ia.
Certaines mouches, Yanthomyaangustifrons, l'épicaute
rayée, epicauta vittata, détruisent une grande quan-
tité d'oeufs d'acridiens. Enfin, des champignons para-
sites, spécialement l'entomophtora Grilli, envahissent
l'organisme des criquets, s'y développent, paralysent
les organes et amènent la mort de l'insecte. Tous ces
ennemis n'arrivent pas à arrêter la multiplication des
acridiens. Aujourd'hui, l'on a recours à divers moyens
mécaniques pour détruire sur place les œufs ou les
insectes encore incapables de voler. Mais, pas plus
qu'autrefois, l'on ne peut empêcher les criquets nés dans
les déserts, de fondre tout d'un coup sur les régions
cultivées par les hommes.
II. Les sauterelles dans la Bible. — 1° Leurs noms
divers. — Les Hébreux connaissaient diverses variétés de
sauterelles; ils ont plusieurs mots pour désigner soit
les espèces différentes, soit la même espèce à ses dif-
férentes périodes de développement. 1. 'Arbéh, de
rdbdh, « être nombreux », ixp£c noX^, locusta, la
sauterelle considérée au point de vue de la multitude
des individus, telle qu'on la constata à la huitième
plaie d'Egypte. Exod., x, 4. Il s'agit ici d'acridiens
migrateurs tels queYacridium peregrinumet Vœdipoda
migratoria (6g. 313). On a constaté que ces insectes
viennent en Egypte de l'est, et en Syrie du sud et du
sud-est; par conséquent ils se multiplient dans les
déserts de l'Arabie. — 2. Gêb, gôb ou gôbay, âxp'ç,
bruchus, locusta, sans rien qui indique une espèce
particulière. Is., xxxm, 4; Am., vu, 1; Nah., m, 17.
— 3. Gdzâm, de gdzam, « couper », x<z|im), eruca,
« chenille », probablement la sauterelle encore à l'état
de larve, comme l'indique la place qu'elle occupe dans
l'énumération de Joël, 1, 4; h, 25; Am., iv, 9. —
4. I).âgàb, àzptc, locusta, sauterelle comestible et
sauteuse. Lev., xi, 22; Num., xm, 33; Is., XL, 22;
Eccle., xii, 5. — 5. Jfasîl, « dévorante », (JpoOxoc, bru-
chus, Deut., xxviii, 38; III Reg., vin, 37; Ps. lxxviii,
46; Is,, txxra, 4; Jo., i, 4. — 6. Ifargôl, £f iGu.dr/11,
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ophiomachus, sauterelle comestible, Lev., xi, 22,
peut-être le truœalis (fig. 314). Les versions en font un
insecte qui « combat les serpents ». Le truxalis est
herbivore, comme les autres sauterelles. — 7. Yélêq,
PpoOxo?» bruchus, la sauterelle qui peut s'envoler.
Nah., m, 16; Jer., u, 27; Ps. cv, 34; Jo., i, 4; n, 25.
— 8. Sâl'dm, àrréxTK, attacus, sauterelle comestible,
Lev., xi, 22, probablement du genre truxalis, très
commun en Palestine. — 9. i$elâsal, « bourdonnant »,
le même que l'assyrien sarsaru, sauterelle ravageuse.
Deut., xxvm, 42. Les versions l'identifient avec la
nielle ou rouille du blé, èpiaûëiri, rubigo.
2° La huitième plaie d'Egypte. — Moïse annonça
314. — Truxalis.
la plaie des sauterelles (fig. 315) au pharaon en ces
termes : « Elles couvriront la face de la terre et l'on
ne pourra plus voir la terre; elles dévoreront le reste
qui a échappé, ce que vous a laissé la grêle, et tous
les arbres qui croissent dans vos champs; elles rem-
pliront tes maisons, les maisons de tous tes serviteurs
et celles de tous les égyptiens. » Exod., x, 5, 6. Ces
sauterelles vinrent en effet, amenées par le vent d'est,
et bientôt il ne resta plus trace de verdure ni dans les
champs ni sur les arbres. Ps. lxxvm (lxxvii), 46; cv
(civ), 34; Sap., xvi, 9. Ensuite un violent vent d'ouest
les rejeta dans la mer Rouge. Les invasions de saute-
relles ne sont ni très fréquentes ni très désastreuses
en Egypte. Cependant elles n'y sont pas étrangères.
315. — La sauterelle sur les monuments égyptiens.
D'après Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient
Egyptians, t. n, p. 113, fig. 369, n. 21.
Les anciens monuments prévoient que «les sauterelles
aient organisé le pillage, » et les voyageurs ont sou-
vent signalé leur apparition dans la vallée du Nil.
Cf. Vigouroux, La Bible, t. n, p. 339, 340. Les insectes,
portés par les vents, passent aisément les mers.
Cf. Tite Live, xlii, 10. « Vingt-quatre heures d'un vent
violent venant d'est sont plus que suffisantes pour
faire lever les sauterelles des déserts qui s'étendent
derrière les montagnes de Djedda et les pousser par-
dessus l'étroite mer Rouge. Ce vent les jette dans les
plaines de l'Egypte, et surtout dans celles de la Basse
Egypte et dans les environs de Memphis. » L. de La-
borde, Comment, géogr. de l'Exode, Paris, 1841,
p. 44. Le caractère surnaturel de l'invasion ressort de
ce fait qu'elle se produisit et disparut sur l'ordre de
Moïse, parlant au nom de Jéhovah; il faut ajouter que
le désastre dépassa de beaucoup les limites ordinaires.
Exod.,x, 12-19. Le pharaon demanda à être débarrassé
de « cette mort », ham-mâvëf hazzéh, c'est-à-dire de
cette infection pestilentielle qu'apportent avec elles les
sauterelles, surtout quand elles meurent sur place.
Exod., x, 17. On peut juger de l'effet produit au de-
hors et dans les maisons mêmes par la description ci-
tée plus haut d'une invasion dans le Sahel, et par ces
remarques de Pline, H. N.,xi, 35 : « Devenues grandes,
elles volent avec un tel bruit d'ailes qu'on les prendrait
pour des oiseaux; elles voilent le soleil, pendant que
les populations regardent avec inquiétude, craignant
316. — Sauterelles et grenades
offertes en tribut au roi d'Assyrie. Bas-relief de Koyoundjik.
D'après Layard, Discoveries in the Ruins
of Nineveh and Babylon, 1853, p. 339.
qu'elles ne recouvrent leurs terres. Elles le peuvent en
effet, et comme si c'était peu pour elles de franchir
les mers, elles traversent d'immenses espaces, les cou-
vrant d'une nuée fatale aux moissons, brûlant tout ce
qu'elles touchent et rongeant de leur morsure tout ce
qu'elles rencontrent, même les portes des maisons. »
Les Arabes appellent les sauterelles danahsah, « qui
cachent le soleil ».
3° Les sauterelles comestibles. — La Loi permet de
mangerquatre espèces de sauterelles, 'arbéh, hdgâb, har
gôl et sdl'dm.Lev.,xi,22. On ne peut dire si cette énumé-
ralion est exclusive ou si elle comprend les autres saute-
relles désignées par des noms différents. Il est probable
qu'on ne les mangeait que quand elles avaient atteint
leur plein développement. La nourriture de saint Jean-
Baptiste au désert se composait de sauterelles et de
miel sauvage. Matth., m, 4; Marc, i, 6. Plusieurs
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peuples anciens faisaient entrer les sauterelles dans
leur alimentation. Cf. Hérodote, iv, 172; Diodore de
Sicile, m, 29; Strabon, xvi, 772; Pline, H. N., vi, 35.
Saint Jérôme, Adv. Jovin., n, 7, t. xxm, col. 295,
l'atteste pour les Orientaux et les Lybiens. Il est à
croire qu'on mangeait aussi des sauterelles chez les
Assyriens. Sur une des parois du palais de Sennachérib,
à Koyoundjik, on voit représentés des porteurs de diffé-
rents mets, sans doute destinés à la table royale, et
entre autres des serviteurs qui tiennent en mains des
brochettes de sauterelles (fig. 316). Sur les invasions
de sauterelles en Chaldée, voir Olivier, Voyage dans
l'Empire othoman, Paris, 1802-1807, t. n, p. 424-425;
t. m, p. 441. En Grèce, on vendait des sauterelles au
marché, cf. Aristophane, Acharn., 1116, et on les
employait en médecine. Cf. Dioscoride, h, 57. En
Orient, on les trouve encore sur les marchés et on les
mange de différentes manières. On les sèche au soleil,
on les réduit en poudre qu'on mélange avec du lait,
qu'on pétrit avec de la farine et dont on fait une pâte
avec addition de beurre et de sel. D'autres fois, après
leur avoir enlevé les pattes, les ailes et la tête, on les
fait bouillir ou rôtir ; leur goût rappelle alors celui de
l'écrevisse. Cf. Pierotti, La Palestine actuelle et la
Palestine ancienne, Paris, 1865, p. 75. En tous cas,
c'est un aliment simple, sain, facile à recueillir et à
préparer, à la portée des pauvres et de ceux qui, comme
le précurseur, vivent au désert, et d'ailleurs agréable
aux Orientaux. Lady Blunt, Pèlerinage au Nedjed,
berceau de larace arabe, dans le Tour du monde, 1882,
1 er sem., p. 62-63, raconte à ce sujet ce qui suit : « Les
sauterelles sont devenues une partie de notre ordinaire
de tous les jours... Après en avoir goûté sous plusieurs
formes, nous en vînmes à conclure qu'elles étaient
meilleures bouillies. On rejette leurs longues jambes,
on les tient par les ailes et on les trempe dans du sel
avant de les manger. Quant à la saveur de l'insecte,
c'est une saveur végétale plutôt que celle de la viande
ou du poisson ; elle ne diffère pas trop de celle du blé
vert qu'on mange en Angleterre. Pour nous, elle rem-
placerait les végétaux qui nous font défaut... Le matin
est le moment favorable pour faire la chasse aux saute-
relles; elles sont alors engourdies par le froid et leurs
ailes mouillées par la rosée, ce qui les empêche de fuir.
On les rencontre à cette heure-là groupées par centaines
dans les buissons du désert. Il n'y a que la peine de
les. ramasser et de les mettre dans un sac ou dans une
corbeille. Plus tard, le soleil sèche leurs ailes; elles
sont plus difficiles à prendre, car elles ont assez d'intel-
ligence pour se dérober aux poursuites. Leur vol est
assez semblable à celui des mouches de mai; elles
prennent le vent et savent se diriger comme le poisson...
Elles dévorent tous les végétaux, et tous les animaux
les dévorent à leur tour, alouettes du désert, outardes,
corbeaux, faucons, buses... Les chameaux les mangent
avec leur nourriture ordinaire, les lévriers les happent
au passage tout le long de la journée et en mangent
autant qu'ils peuvent en attraper. Les nomades aussi
en donnent souvent à leurs chevaux... Cette année un
grand nombre de tribus n'ont eu à manger que des
sauterelles et du lait de chameau, de sorte que si les
sauterelles sont la perte du désert, elles compensent
cet inconvénient en servant de nourriture à tous ses
Habitants. »
4° Les sauterelles en Palestine. — Les sauterelles
sont indiquées à l'avance comme l'un des fléaux qui
doit ravager les récoltes des Israélites infidèles. Deut.,
Xxvin, 38, 42. On priait au Temple pour que ce fléau
fût écarté du pays. III Reg., vin, 37; II Par., VI, 28;
vil, 13. L'auteur des Proverbes, xxx, 27, observe que les
sauterelles n'ont pas de roi et sortent par bandes.
Amos, iv, 9, signale une invasion de sauterelles en
Israël : jardins, vignes, figuiers, oliviers, tout a été
dévoré et cependant les coupables ne se sont pas
repentis. Le même prophète annonce une autre inva-
sion pour le temps où le regain commence à pousser
après la coupe du roi; les sauterelles achèveront de
dévorer l'herbe de la terre. Am., vu, 1. Mais c'est le
prophète Joël qui décrit avec le plus de détails les
ravages des sauterelles :
Ce qu'a laissé le gâzâm a été dévoré par Y'arbéh,
Ce qu'a laissé Y'arbéh a été dévoré par le yéléq,
Ce qu'a laissé le yéléq a été dévoré par le hasîl.
« Car un peuple est venu fondre sur mon pays, peuple
puissant et innombrable; ses dents sont des dents de
lion et il a des mâchoires de lionne. Il a dévasté ma
vigne et il a mis en morceaux mon figuier; il les a
dépouillés de leur écorce et les a abattus ; les rameaux
sont devenus tout blancs... Les champs sont ravagés,
le sol est dans le deuil, car le blé est détruit, le vin
nouveau est à sec, l'huile languit. Les laboureurs sont
confus, les vignerons se lamentent, à cause du froment
et de l'orge ; car la moisson des champs est anéantie.
La vigne est desséchée et les figuiers languissent;
grenadier, palmier, tous les arbres des champs sont
desséchés. » Joël., i, 4-12. Le Seigneur cependant doit
écarter le fléau.
Celui qui vient du septentrion, je l'éloignerai de vous
Et je le chasserai vers une terre aride et déserte,
L'avant-garde vers la mer orientale,
L'arrière-garde vers la mer occidentale ;
Il s'en élèvera une infection...
Je vous compenserai les années dévorées par Y'arbéh,
Le yéléq, le hasîl, et le gâzâm.
Ma grande armée que j'avais envoyée sur vous.
Jo., H, 20-25.
Cf. Van Hoonacker, Caractère littéraire des deux pre-
miers chapitres de Joël, dans la Revue biblique, 1904,
p. 358-364. On remarquera que, sur les quatre espèces
de sauterelles nommées par Joël, il n'y en a qu'une,
Y'arbéh, qui figure dans l'énumération du Lévitique,
xi, 22. Le prophète suppose l'invasion des sauterelles
venue par le nord du pays; elles vont être chassées au
désert, vers le sud; mais l'invasion était si étendue
que ses deux extrémités atteindront la mer Morte, à
l'Orient, et la Méditerranée, à l'Occident, et que les
sauterelles y périront. « Même de nos temps, dit saint
Jérôme, In Joël., n, t. xxv, col. 970, nous avons vu
des troupes de sauterelles couvrir la terre de Judée...
Puis, comme les rivages des deux mers étaient remplis
de monceaux de sauterelles mortes, que les eaux avaient
rejetées, leur pourriture et leur puanteur devinrent
nuisibles au point d'infecter l'air et d'engendrer la peste
pour les animaux et pour les hommes. » Le même
Père, col. 955, constate que toute l'industrie humaine
était incapable de résister au nombre et à la force des
sauterelles. Cf. Tristram, The natural Uistory of the
Bible, Londres, 1889, p. 306-318.
5° Les sauterelles dans les comparaisons. — Les
sauterelles sont de petite taille. Les explorateurs envoyés
par Moïse en Chanaan reviennent en disant qu'auprès
des habitants du pays, de la race des géants, eux-mêmes
n'étaient que des sauterelles. Num.,xin, 33. Isaîe, XL,
22, dit que devant Dieu les habitants de la terre sont
comme des sauterelles. — Les sauterelles forment des
multitudes innombrables. On leur compare les nom-
breux guerriers des Madianites, Jud., vi, 5; vu, 12, des
Assyriens, Judith, n, 11, et des Chaldéens. Jer., xlvi,
23; Nah., m, 15. — A un moment donné, les sauterelles
s'envolent; ainsi disparaîtront les défenseurs de Ninive :
La sauterelle ouvre ses ailes et s'envole :
Tes gardes sont comme la sauterelle
Et tes chefs comme un amas de jeunes sauterelles;
Elles se posent sur les haies en un jour froid ;
Dès que le soleil parait, elles fuient,
Et l'on ne connaît plusleur séjour : oùsont-ellesîNah.,111,16-17.
1519
SAUTERELLE — SCANDALE
1520
Le froid de la nuit engourdit les sauterelles; elles
cherchent un abri dans les buissons, puis, réchauffées
par les rayons du soleil, prennent leur vol et dispa-
raissent. Cf. S. Jérôme, In Naum, m, t. xxv, col. 1268,
1269. « Les bandes d'acridiens voyagent ainsi, tout le
jour, à la surface du sol, dévorant la végétation qu'ils
rencontrent. Ils s'arrêtent le soir, pour reprendre leur
course au matin, dès que les rayons du soleil ont
recommencé à réchauffer la terre. » Dastre, Les sau-
terelles, p. 705. Le malheureux est « emporté comme
la sauterelle » que le vent pourchasse d'un lieu à un
autre. Ps. ctx (cvin), 23. — La sauterelle ravage tout;
ainsi sera ravagé tout ce que possède Assur :
Votre butin sera ramassé comme ramasse la sauterelle,
On se précipitera dessus comme un essaim de sauterelles.
Is., xxxm, 4.
— Dans l'Écclésiaste, xii, 5, la sauterelle qui devient
pesante, qui s'engraisse et ne peut plus beaucoup se
mouvoir, figure le vieillard qui s'alourdit avec le
temps. — Le cheval bondit comme la sauterelle. Job,
xxxix, 20. Jéhovah doit remplir Babylone d'ennemis
comme de sauterelles et lancer contre elle les chevaux
comme des sauterelles hérissées. Jer., li, 14, 27. Saint
Jean voit sortir du puits de l'abîme des sauterelles qui
ressemblent à des chevaux. Apoc, ix,3, 7. Le prophète
Joël, décrivant les ennemis sous la figure de sauterelles
envahissantes, en fait cette autre peinture qui résume
tous les traits précédents :
Le pays est comme un jardin d'Éden devant lui,
Et derrière lui c'est un désert affreux.
Rien ne lui échappe; on les prendrait pour des chevaux
Et ils courent comme des cavaliers.
On entend comme un bruit de chars
Quand ils bondissent sur le sommet des montagnes,
C'est comme le bruit de la flamme qui dévore le chaume;
C'est comme un peuple robuste rangé en bataille...
Ils escaladent la muraille comme des hommes de guerre,
Ils marchent chacun devant soi, sans s'écarter de la route.
Ils ne se poussent point les uns les autres,
Chacun suit son chemin,
Ils se précipitent au travers des traits
Et ne rompent point leurs rangs.
Ils se répandent dans la ville,
S'élancent sur les murs, entrent dans les maisons,
Pénètrent par les fenêtres, comme le voleur. Jo., u, 3-9.
La comparaison de la sauterelle avec le cheval est
doublement justifiée, par la vive allure des deux ani-
maux et par la similitude que présentent leurs tètes.
Saint Jérôme, In Joël., Il, t. xxx, col. 964, dit à propos
de cette description : « Nous avons vu cela récemment
dans cette province. Quand arrivent les bataillons de
sauterelles, occupant l'atmosphère entre le ciel et la
terre, elles volent dans un tel ordre, par la volonté de
Dieu qui leur commande, que, pareilles à ces petites
pierres dont les artisans font des pavages, elles se
tiennent à leur place sans s'écarter de l'épaisseur d'un
ongle, pour ainsi dire... Rien n'est impraticable aux
sauterelles : champs, guérets, arbres, villes, maisons,
chambres retirées, elles pénètrent partout. »
6° Béhémoth et les sauterelles. — On sait que les
anciens commentateurs n'ont pas pu identifier lebehê-
mô{ de Job, XL, 10-19. Voir Béhémoth, t. I, col. 1551.
Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. ir, p. 754, fut
le premier, au XVII e siècle, à y reconnaître l'hippopo-
tame et son identification a été adoptée depuis lors
par les interprètes de Job. Les commentateurs égyptiens,
qui connaissaient les hippopotames, n'avaient pas eu
l'idée de ce rapprochement. Cf. Origéne, Cont. Cels.,
t. xu, col. 1048; S. Athanase, Fragm. in Job, t. xxvn,
col. 1348; Olympiodore, t. xcm, col. 42L Les commen-
tateurs syriens, Jacques d'Édesse, au vir siècle, Jacques
Bar Salibi, au XI e , et Bar-Hébraeus, au xn e ,ont identifié
à tort béhémôt et la sauterelle. Voir E. Nau, t Béhé-
moth » ou « la sauterelle » dans la tradition syriaque
dans la Revue sémitique, Paris, 1903, p. 73-74.
H. Lesètre.
1. SAUVEUR (grec: Eoir/iç.), celui qui sauve. Le
nom de Jésus signifie « sauveur ». Voir Jésus, t. m,
col. 1424. Le Nouveau Testament l'appelle souvent o-wTïjp.
Le latin classique n'avait pas de terme correspondant.
Hoc quantum est? dit Cicéron, In Verr., il, 63. lia
magnum ut latino uno verbo exprimi non possit. Is
est nimirum o-u>tï)P, qui salutem dédit. Les pre-
miers chrétiens traduisirent le mot par Salvator. Les
Grecs l'appliquaient aux dieux, aux rois, aux grands
hommes qui avaient été les bienfaiteurs, de leur patrie.
Les Apôtres l'appliquèrent à Dieu, Luc, i, 47, etc., et
spécialement à Notre-Seigneur, l'auteur de notre salut
par la rédemption. Luc, H, 11; Joa., iv, 42; Act., v, 31;
xin, 23; II Tim., i, 10; Tit., i, 4; n, 13; m, 6; I Joa.,
iv, 14; II Pet., i, 11; H, 20; m, 2; iv; Phil., m, 20;
Eph., m, 23. Voir Rédemption, col. 1007.
2. SAUVEUR DU MONDE, titre donné par le pharaon
â Joseph, fils de Jacob, en Egypte, Safenat pa'enêah.
Gen.,xu, 45. Voir Joseph 1, t. m, col. 1868. La Vul-
gate a traduit Salvator mundi. Le titre égyptien si-
gnifie littéralement « celui qui approvisionne (soutient)
la vie ».
SAVÉ [VALLÉE DE] (hébreu : 'éméq Sâvêh; Sep-
tante : -cr,v xoiXâStx toû Saêû), partie supérieure de la
vallée orientale de Salem ou Jérusalem, appelée aussi
« vallée du roi s.Gen., xiv, 17. Voir Salem 1, col. 1371.
On retrouve ce dernier nom de « vallée du roi » dans
II Sam. (Reg.), xvin, 18, où il est raconté qu'Absa-
lom s'y fit élever un yad (Vulgate : titulus). D'après
Josèphe, Ant. jud., VII, X, 3, ce yad était à deux
stades de Jérusalem. Le tombeau connu aujourd'hui
sous le nom de tombeau d'Absalom, voir t. i, col. 98,
n'est pas authentique. Voir Main d'Absalom, t. iv,
col. 585.
SAVÉ CARIATHAÏM (hébreu : Èavêh KiryâÇaïm ;
Septante : èv Socuyi t7\ rcoXei), localité où Chodorlahomor
battit les Émim. Gen., xiv, 5. D'après plusieurs, ces
mots désignent une plaine qui tirait son nom de la
ville de Cariathaïm, dans le pays de Moab. Jer., xlviii,
1, 2, 3; Ezech., xxv, 9. On l'identifie avec el-Kareiyat,
entre Dibon et Madaba. Voir Cariathaïm 1, t. n,
col. 270, 271.
SAVEUR (hébreu : ta'am; Septante : y^^a; Vul-
gate : sapor), impression produite sur le palais par les
substances que l'on mange ou que lion boit. — Le jus
d'une herbe insipide n'a pas de saveur. Job, vi, 6. —
La manne avait la saveur d'un gâteau à l'huile. Num.,
XI, 8. Elle était appropriée à tous les goûts, feOuiç, soit
qu'elle eût des saveurs différentes selon les goûts de
chacun, soit plutôt parce que sa saveur tenait lieu
de toutes celles qu'on aurait pu souhaiter. Sap., xvi,
20. — Moab a gardé sa saveur, comme un vin resté sur
sa lie, c'est-à-dire il n'a pas émigré de son pays primi-
tif et a toujours conservé son caractère originel. Jer.,
xLvm, 11. H. Lesètre.
1. SCANDALE (hébreu imiksôl, négéf; Seplante :
oxâvSaÀov, Vulgate : offendiculum, scandalum), obs-
tacle pouvant causer la chute de quelqu'un.
I. Dans l'Ancien Testament. — 1» Au sens physique,
la loi défend de mettre devant l'aveugle le scandale,
la petite pierre qui le ferait tomber. Lev., xix, 14. De
là vient qu'au sens moral on appelle « pierre de
scandale » tout acte propre à faire tomber le prochain
dans le mal. Voir Pierre, col. 418. — Les fils de Béan
plaçaient sur le chemin de# obstacles et des embûches
1521
SCANDALE
SCEAU
1522
pour faire tomber les Juifs. I Mach., v, 4. — 2» Au
sens moral, Jéhovah est pour les deux maisons d'Israël
unepierre d'achoppement, ■zpâa-x.oy.y.a, lapis offensionis,
et un rocher de scandale, n-noiioc, scandalum, Is., vin,
14, c'est-à-dire que les événements qu'il permet
deviennent pour les Israélites, par leur faute, une
occasion de chute. Il veut que, pour le retour, on
enlève les obstacles, oxwXoc, offendicula, du chemin de
son peuple. Is., lvii, 14. Jérémie, vi, 21, dit aussi que
Dieu met devant son peuple une pierre d'achoppement,
«(jOsvsia, ruina. Dieu, pour éprouver le juste, met
devant lui le scandale, pâo-jtvoç, offendiculum. Ezech.,
in, 20. Les idoles sont un scandale, x<5Xa<ri;, scandalum.
Ezech., xiv, 3, 7. Il en est de même de l'iniquité,
x6Àa<riç, ruina, Ezech., xvnt, 30, et des lévites infi-
dèles à leur devoir. Ezech., xuv, 12. Les prêtres pré-
varicateurs ont fait trébucher les Israélites contre la
Loi. Mal., Il, 8. Mais il n'y a point de scandale pour
ceux qui aiment la Loi. Ps. cxix (cxvm), 165. —
3° Les versions appellent encore « scandale » la
parole calomniatrice, dâfî, Ps. l (xlix) , 20, et surtout
le môqês, ou piège qui fait tomber dans le mal. Voir
Piège, col. 356. Les Égyptiens donnaient ce nom à
Moïse, à cause des plaies qu'il déchaînait contre eux.
Exod., x, 7. Les Chananéens devaient être une occasion
de chute pour les Israélites. Exod., xxm, 33. Saûl
donna Michol à David, afin qu'elle devint l'occasion de
sa ruine par les Philistins. I Reg., xvm, 21. Les idoles
sont un piège scandaleux pour les Israélites. Ps. cvi
(cv), 36. On souhaite que les persécuteurs trouvent
une cause de ruine à leur table même. Ps. lxix
(lxviii), 23.
II. Dans le Nouveau Testament. — Il y a différentes
sortes de scandales, selon la cause qui les produit.
1° Certains scandales sont inspirés par la malice de
leurs auteurs. Notre-Seigneur maudit ceux qui scan-
dalisent les petits, en les éloignant de Dieu et en les
portant au mal. Matth., xvm, 6; Marc, ix, 41;
Luc, xvn, 2. Les scandales du monde sont néces-
saires, en ce sens qu'il est impossible qu'ils n'arrivent
pas. Notre-Seigneur maudit le monde à ce sujet.
Matth., xvm, 7; Luc, xvn, 1. A la fin du monde, les
anges feront disparaître ces scandales et leurs auteurs.
Matth., xin, 41. Saint Jean signale à Pergame des
corrupteurs qui renouvellent les scandales de Balaam
et de Balac. Apoc, h, 14. — 2» Il y a des scandales
qui peuvent être donnés sans mauvaise intention. Le
Sauveur veut que si le pied, la main ou l'œil scanda-
lisent, on les sacrifie sans hésiter. Matth., v, 29, 30;
xvm, 8, 9; Marc ix, 4246. C'est dire qu'il faut
renoncer aux choses et aux personnes auxquelles on
est le plus attaché, si l'on y trouve une excitation au
péché. Pour ne pas causer de scandale, Notre-Sei-
gueur fait un miracle permettant à Pierre de payer en
son nom le tribut du Temple. Matth., xvn, 26. Il
prédit à >=es Apôtres les persécutions, afin qu'ils ne
soient pas scandalisés quand elles se déchaîneront.
Joa., xvi, 1. Saint Paul recommande de se priver de
certains aliments dont les frères pourraient se scan-
daliser, Rom., xiv, 21; I Cor., vin, 13, car lui-même
est tourmenté quand quelqu'un se scandalise. II Cor.,
XI, 29. Aussi défend-il au chrétien de rien faire qui
scandalise son frère. Rom., xiv, 13. D'ailleurs celui
qui aime son frère demeure dans la lumière et il n'y
a pas de scandale en lui, I Joa., n, 10, il ne donne
ni ne subit le scandale. A Pierre, qui le dissuadait de
songer à sa passion, Jésus dit sévèrement : « Tu m'es
on scandale. » Matth., xvi, 23. Pierre ne croyait pas
mal parler et, d'autre part, le Sauveur ne pouvait
pas se scandaliser; mais, en cette circonstance, il
importait de redresser vivement une idée fausse. —
3° Les scandales proviennent parfois de la faiblesse
des témoins. Notre-Seigneur était venu au monde
pour la chute et la résurrection d'un grand nombre
et pour devenir un signe en butte à la contradiction.
Luc, II, 34. Aussi il déclare heureux ceux qui ne se-
ront pas scandalisés à son sujet, Matth., xi, 6; Luc,
vu, 23, c'est-à-dire ceux qui ne trouveront pas dans
sa conduite et dans ses humiliations des prétextes
pour ne point croire en lui. Quand vient la persécu-
tion, ceux-là se scandalisent et s'éloignent, en qui la
parole de Dieu n'a pas pris racine. Matth., xm, 21;
Marc, iv, 17. Cf. Matth., xxiv, 10. Le Sauveur prédit
à ses Apôtres qu'ils seraient scandalisés à cause de sa
passion. Matth., xxvi, 31; Marc, xiv, 17. Pierre se fit
fort d'échapper au scandale, Matth., xxvi, 33; Marc,
xiv, 29; mais il fut aussi faible que les autres. —
4° Enfin, il y a d'autres scandales qui n'existent que
par la malice de ceux qui se scandalisent. Les gens de
Nazareth se firent de Jésus une pierre de scandale.
Matth., xin, 57; Marc, VI, 3. Les pharisiens et les Juifs
se scandalisaient des paroles du Sauveur. Matth.,
xv, 12; Joa., VI, 62. La croix devint un scandale pour
les Juifs. I Cor., i, 23; Gai., v, 11. Jésus-Christ,
pierre fondamentale de l'édifice du salut, est pour les
incrédules une pierre de scandale. IPet., n, 8.
H. Lesêtre.
2. SCANDALE (MONT du). IV Reg., xxm, 13. Voir
Offense (Mont de l'), t. iv, col. 1758.
SCARABÉE, coléoptère de la famille des lamelli-
cornes, ayant un corps ovoïde et convexe, de courtes
antennes, de grandes élytres recouvrant les ailes, et
pouvant marcher sur la terre ou voler d'un endroit à
un autre. — Le scarabée était célèbre chez les Égyp-
tiens, pour une raison tout accidentelle. On adorait
le soleil sous différents noms, entre autres sous celui
de Khopri, « celui qui est ». Or le nom du scarabée,
était khopirrou. La similitude du nom amena les Égyp-
tiens à représenter le soleil avec la figure d'un scarabée.
Tantôt l'insecte figure dans le disque même du soleil,
tantôt il sert de tête au dieu Khopri monté sur sa barque.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 103, 139. — Les
conditions climatériques de la Palestine sont très favo-
rables aux scarabées. On en a décrit plus de quatre
cents espèces, dont quelques-unes, comme les bupre-
stidœ, sont remarquables par leur brillant éclat métalli-
que. Quelques-uns ont pensé que le scarabée était dési-
gné en hébreu par le mot hargôl. Lev., xi, 21. Mais ce
nom est celui delà sauterelle qu'il est permis de man-
ger, ce qui ne saurait s'appliquer au scarabée. En réalité,
le scarabée n'est pas nommé dans la Bible.
H. Lesêtre.
SCEAU (hébreu : hôfdm, !,iôtémé(, tabbu'at ; Sep-
tante : <T<ppaYfç, àîroiKppiY[CF|ii, SaxTjXioç; Vulgate :
annulas, signaculum; et
dans l'Apocalypse sigil-
lum), objet en forme d'an-
neau ou de plaque, de
cylindre, de rouleau, por-
tant ou non une pierre
précieuse avec ou sans
inscription. A cause de la
pierre gravée en creux on
l'appelle encore intaille.
Voir Anneau, t. i, fig. 152,
154,155, 156, col. 634-635.
I. Matière, forme, em-
ploi.— Lessceaux despays
bibliques étaient en or,
en argent, en bronze, en
marbre, en cornaline (fig. 317), calcédoine, cristal de
roche, etc., et même en bois. Ils avaient plusieurs formes,
ronde, ellipsoïde bombée, scarabéoïde (fig. 318) percée
ou non, ou très peu allongée, cylindrique, conoïde, octo-
gonale, etc. L'anneau se portait à l'index de la main
317. — Sceau en cornaline
saphirine de Hananyahû, fils
de 'Azaryahû. Dans une cou-
ronne ovale de grenades.
Ellipsoïde bombé. Trouvé à
Jérusalem par M. Clermont-
Ganneau, Juurnala&iatique,
1883, 1. 1, p. 129.
1523
SCEAU
1524
droite. Jer., xxn, 24. Le pharaon le retire du sien pour
le mettre à celui de Joseph. Jer., xli, 42. Assuérus en
fait autant pour Aman et
pour Mardochée. Esth.,m,
10, 12; vm, 2, 10. 11 se por-
tait aussi au cou suspendu
à un cordon ou à une
chaîne et reposait sur le
cœur ou sur le bras. Cant.,
vin, 6. C'est l'objet que
Thamar réclame à Juda
comme gage de sa propre
donation, Gen. , xxxvm, 18,
25, et elle le veut attaché
à Yarmilla, c'est-à-dire au
encore les Arabes. Voir
318. — Sceau de Karouzi.
Hématite en forme de scara-
bée. D'après M. de Vogué,
Mélanges cCarchêologie
orientale, 1868, p. 125.
cordon comme le portent
Bijou, t. i, col. 1907.
II. Légende. — Chaque sceau portait une légende.
Elle était gravée en une ligne ou plusieurs lignes sé-
parées par un double trait et après chaque mot on
mettait un point. L'alphabet employé pour les intailles
hébraïques est l'alphabet archaïque dérivé du phéni-
cien ou l'alphabet carré dérivé de l'araméen. Le cachet
à double légende sur deux faces servait peut-être aux
usages civils et religieux, suivant le besoin et comme
le semble indiquer la nature du sujet figuré. Le fait
d'avoir un sceau prouve qu'on avait peu l'habitude
d'écrire. Les Orientaux illettrés sont de nos jours dans
le même cas. Il y a plusieurs sortes de légendes, avec ou
sans le lamed : 1° Celle avec le nom pur et simple,
t. i, flg. 387, col. 1315. 2» Avec le nom accompagné du
patronymique (voir t. m, fig. 68, col. 310) ou du nom
du mari. 3° Avec le nom pur et simple ou le nom avec
le patronymique (voir t. m, fig. 68, col. 310) précédé du
lamed d'appartenance(voirt.m,fig.69,col.310). 4° Avec
le nom suivi du mot hébreu 'ébéd, serviteur (voir t. m,
fig. 66, col. 310). Cette formule vise moins un individu
de condition servile qu'un personnage parfois fort im-
portant. 5° Avec le nom précédé du mot « sceau », for-
mule spécialement araméo-perse. 6° Avec le nom pré-
cédé de « à la mémoire de » suivi du nom propre :
formule vraisemblablement israélile. Quelquefois elle
peut être mise pour « au nom de » et c'est alors une
formule de délégation. 7° Avec l'indication de la fonc-
tion par exemple, scribe (voir t. I, fig. 125, col. 518),
juge. 8° Avec une formule de prière, une devise, une
exclamation.
III. Gravures. — Elles représentent des caractères,
des symboles, des mythes, des astres, des animaux de
toutes sortes et en toutes
positions, en général avec
beaucoup de symétrie. Il
y avait des types consacrés,
adoptés dans certaines con-
trées et à certaines épo-
ques qui se reproduisaient
continuellement. Une di-
vinité ou une cérémonie
sert de thème ordinaire en dehors d'Israël. Les Hé-
théens introduisent quelques éléments nouveaux;
les Kassites réduisent la gravure à un seul person-
nage et y joignent une longue dédicace à la divi-
nité; les Sémites développent l'art de la glyptique,
chacun suivant son genre particulier. Par exemple
le sceau d'Hananyahu représente la palmette phéni-
cienne (t. m, fig. 67, col. 310), celui de Raphati (fig. 319)
un lion. Le sens de ces symboles est inconnu et on
ne peut assurer la vérité des explications avancées par
les rabbins. Les Arabes, les Persans et les Hébreux
ont imprimé leurs sceaux avec une espèce de couleur
blanche, avec de la peinture ou de l'encre. Ezech.,
IX, 4. — Pour corroborer l'empreinte du sceau le pos-
319. — Sceau de Raphati.
sesseur ajoutait parfois la marque de son ongle sur les
contrats assyro-baby Ioniens, écrits sur des briquesnon
cuites. Voir Contrat, t. n, col. 930. — Pour divers
sceaux orientaux, voir aussi t. n, fig. 182, col. 528 (Cha-
mosihi); t. v, fig. 35, col. 180 (Phadata); fig. 152,
col. 577 (empreintes d'estampilles royales).
IV. Usage. — Le sceau était très fréquemment
employé en Orient. On en a retrouvé par centaines en
Babylonie, en Assyrie, en Egypte, en Perse. — En
Palestine, le sceau est le gage de la fidélité du peuple
à l'alliance divine, alors il est apposé par les prêtres.
II Esd., ix, 38. Beaucoup avaient le leur. Cf. Exod.,
xxxv, 22. On les gravait avec beaucoup de soin. Eccli.,
xxxvm, 28. Hérodote, i, 195, nous dit que chaque Baby-
lonien devait avoir son bâton et son sceau. Reste à
savoir si ce sceau n'était pas un talisman dans certains
cas, comme chez les Arabes et les Persans d'aujour-
d'hui. On voit, Exod., xxxv, 22, les hommes et peut-
être les femmes offrir leurs anneaux pour exécuter
l'œuvre du tabernacle. Cependant il ne parait pas que
la généralité des femmes en aient usé en Palestine
avant la captivité de Babylone. Mais c'est un des orne-
ments que Dieu enlève aux filles de Sion dans leur
luxe. Is-, ni, 21. Comme exemple de sceau appartenant
à des femmes on peut citer celui d'Abigaïl, femme de
'Asyahou (t. m, fig. 69, col. 310).
Nous en avons de presque toutes les époques.
L'époque des rois d'Ur est celle qui nous fournit le
plus de cachets datés. Les cylindres datés deviennent
rares après la première dynastie babylonienne. Quel-
ques cylindres ou intailles portent en eux-mêmes la
précieuse indication de l'époque à laquelle ils furent
gravés. Tels contiennent le nom d'un prince, roi ou
patesi et doivent être des cylindres royaux. Leur ori-
gine peut nous être connue par les emblèmes ou les
personnages dont ils sont ornés. — C'est un signe de
royauté, Esth., m, 10, 12, d'investiture; Joseph, Gen.,
xli, 42, Aman, Mardochée le reçoivent. Esth., vin, 2,
8, 10. Cf. Cant., vm, 6; I Math., vi, 15; xv, 22. —
C'est une preuve de possession, Jer., xxn, 24; dans les
contrats civils on faisait ordinairement deux originaux;
l'un demeurait ouvert et conservé par celui au profit
duquel était le contrat; l'autre était scellé et mis en
dépôt dans un lieu public comme le temple. Jérémie le
remet à un de ses disciples. Jer., xxxn, 10, 14. — Si
une contestation s'élevait, on l'ouvrait et la teneur de
l'acte tranchait le différend. Certains contrats sont si-
gnés par un grand nombre de témoins et des plus hauts
rangs. L'un d'entre eux est signé par seize personnes
dont la plus importante est le roi. D'après le Talmud,
Le Talmud de Jérusalem, traduct. Schwab, t. v, p. 295-
296; t. xi, p. 197, les cachets servaient à distinguer des
offrandes faites au temple et garantissaient leur iden-
tité. Le sceau, en effet, servait à sceller les documents
officiels pour en confirmer l'authenticité. Esth., m, 12 ;
Dan., vi, 17. Jézabel écrit et scelle au nom du roi.
IIIReg., xxi, 8. Isaïe, vin, 17, sur l'ordre de Dieu en-
veloppe, attache et scelle le livre des prédictions. Da-
niel, Xli, 4, reçoit le même ordre afin que personne
ne puisse ni lire ni falsifier le contenu de la pré-
diction jusqu'à son accomplissement ou au temps
marqué.
On ne pouvait s'opposer, en Perse, à l'exécution d'un
document scellé. Les ordres de Mardochée scellés du
sceau royal détruisent ceux d'Aman, venus aussi un
peu avant au nom du roi. Esth., vin, 10. Les prêtres de
Bel prièrent le roi de sceller de son anneau la porte du
temple de leur dieu. Dan., xiv, 10. Tout objet scellé
devient inviolable : telle est la fontaine scellée, Cant.,
iv, 12; la fosse aux lions où est enfermé Daniel, vi, 17.
Le tombeau du Christ, Math., xvii, 66, est scellé par le
sanhédrin pour empêcher l'enlèvement du corps. Des
1525
SCEAU — SCEPTRE
1526
320. — Sceau de Hadraqia.
D'après M. de Vogué, Mé-
langes d'archéologie orien-
tale, in-8% Paris, 1868,
p. 120.
empreintes de sceaux ont été aussi relevées sur des
objets de différente nature, par exemple, sur des anses
d'amphore, sur des coupes de bronze, sur un gouvernail
de bronze, sur une rame autour de laquelle s'enroule
un dauphin.
L'importance attachée au sceau nous est prouvée
par Aggée, îi, 24. Dieu, dit le prophète, gardera Zoro-
babel comme un sceau (hôlém). Dans le Cantique, vm,
6, l'époux demandant à son épouse un attachement
inébranlable lui dit : « Mets-moi comme un sceau sur
ton cœur, comme un sceau sur ton bras. » Dans Jéré-
mie, xxii, 24, le Seigneur dit qu'il rejettera Joachim,
même s'il s'attachait à lui comme un anneau s'attache
au doigt.
V. Science des sceaux. — Multiples sont les rensei-
gnements fournis par les sceaux. La paléographie, l'ono-
mastique, la mythologie,la
philologie, l'art de la gra-
vure, le symbolisme, l'his-
toire et la géographie sont
éclairés par les légendes
ou leur représentation. La
forme et la matière des
sceaux doivent être étu-
diées attentivement, parce
qu'elles nous donnent un
critérium pour préciser
leur âge ou leur origine.
C'est ainsi que, d'après les
sceaux assyriens, M. Me-
nant partage l'histoire
antique de l'Asie occidentale en trois périodes :
la première commence 2 200 ans avant notre ère,
la seconde 1100 ans avant J.-C; la troisième l'an 600.
La plupart des noms sémitiques étant formés de
noms divins nous avons par là le moyen de retrouver
l'origine du possesseur, exception faite pour ceux on
entrent les divinités d'une nature générale. L'analogie
de détails extérieurs comme le style de la gravure ser-
vent alors de guide. Les sceaux araméens découverts
dans les fondements du palais de Khorsabad ont fait
retrouver les origines de l'écriture carrée; Ces sceaux
remontent au VIII e siècle avant J.-C. A celte époque les
sceaux araméens ou hébraïques sont encore presque
identiques aux phéniciens. Le sceau araméen ayant pour
légende « A Hadraqia', fils de Horbad » est un des
plus anciens monuments de l'écriture araméenne
remontant au VII e ou vm e siècle avant notre ère. Il est
en calcédoine et appartient au British Muséum (fig. 320).
Un personnage debout en costume assyrien y est repré-
senté. L'inscription prouve qu'à cette époque l'écriture
phénicienne et l'écriture araméenne étaient identiques.
Sur l'emplacement de l'ancienne Mageddo, le Palâs-
tina-Verein a trouvé un sceau datant probablement
de Jéroboam II, roi d'Israël, c'est-à-dire du vin» siècle
avant J.-C. Il a pour légende : « A Schéma, serviteur de
Jéroboam. »
VI. Comparaisons ET symboles. — Au sens symbo-
lique le mot sceau revient fréquemment sous la forme
de nom, d'adjectif ou de verbe. Job montre à Baldad
les étoiles enfermées par Dieu comme sous un sceau.
Job, IX, 7. Ailleurs il nous dit que Dieu a scellé ses
offenses. Job, xiv, 17. Il compare, xxxvm, 14, la formation
de la terre sous lamaindivineà del'argile qui reçoit l'em-
preinte du sceau. Au Cantique, iv, 22, l'épouse est compa-
réeà une fontaine scellée. Un enchâssement d'or embellit
un sceau comme un concert embellit un festin où l'on
boit du vin. Eccli.,xxxii, 7-8. Les sceaux sont un butin
offert au Seigneur. Num., xxxi, 50. Dans Ézéchiel, ix,
4, 6, Dieu fait marquer du Thau comme d'un signe
ceux qui lui sont restés fidèles. Pour le Psalmiste, îv, 7,
la lumière du visage divin s'impriraant sur nous est
comparée à un sceau. Il est employé pour symboliser
l'incompréhensibilité des visions. Ts., xxix, 11; Deut.,
xxxii, 34; Dan., ix, 4, 9; Apoc, v, 1, 5, 9; vi, 1. Dans
saint Paul la circoncision est le sceau de l'alliance,
Rom., iv, 11; la fondation de l'Église sur la doctrine
apostolique est sûre puisqu'elle est munie du sceau de
Dieu. II Tim., 11, 19. Dieu nous marque- par sa grâce
comme d'un sceau. II Cor., 1, 22; Eph., 1, 13; iv, 30;
1 Cor., ix, 2.
VII. Bibliographie. — A.-J. Corbierre, Catalogue
des sceaux orientaux, dans la Revue de sigillogra-
phie, 1910; Babelon, Manuel d'archéologie orientale,
in-12, Paris, 1886; Clermont-Ganneau, Le Journal
asiatique, an 1883 et 1885; M.-L. Delaporte, Catalogue
des cylindres orientaux du musée Guimet, Paris,
1909; Id., La glyptique de Sumer et d'Akhad, Paris,
1909; de Clercq, Catalogue de la collection de Clercq,
2 in-f», 1886-1890; M. de Vogué, Mélanges d'archéologie
orientale, in-8°, Paris, 1868; de Sarzec et Heuzey, Dé-
couvertes en Chaldée, 1885 ; J. Menant, Recherches
sur la glyptique orientale, 2 in-8", Paris, 1883-1886,
3 e série; S. Reinach, Chroniques d'Orient, 2 in-8°,1896;
Ward, Cylinders and other oriental seals in the li-
brary of P. Morgan, New-York, 1909; Levy, Siegel
und Gemmen mit aramâischen, phônizischen, allhe-
brâischen Inschriften, in-8°, Breslau, 1867; Low, Gra-
phische Requisiten und Erzengnisse bei den Juden,
Leipzig, 1870; G. A. Seyler, Geschichte der Siegel,
in-8°, Leipzig, 1894. Corbierre.
SCEPTRE (hébreu: Ubét; Septante : <rxf,itTpov,
fâ68oç;Vulgate : sceptrum, virga), l'un des insignes
321. — Sceptre égyptien. Bibliothèque nationale.
du pouvoir royal. Le sceptre était originairement un
bâton de commandement, que l'on décora de diffé-
rentes manières à l'usage des rois. Voir Bâton, t. I,
col. 1509.
1° Au sens propre. — Le roi Assuérus sur son
trône tient en main un sceptre d'or, qu'il incline et
fait toucher à ceux qui sont l'objet de sa faveur.
Esth., vm, 4; xv, 14. Les rois aiment les trônes et les
sceptres. Sap., vi, 22. — Baruch, vi, 13, parle de divi-
nités babyloniennes tenant un sceptre en main, bien
que totalement impuissantes.
2° Au sens figuré. — Le sceptre est pris pour la
puissance même dont il est le symbole. Un sceptre est
1527
SCEPTRE
SCHEGG
1528
attribué à Dieu. Ps. xlv (xliv), 7; Esth., xiv, 11 ; Ezech.,
XX, 37. — Le sceptre symbolise la primauté de la
tribu de Juda, Gen., xlix, 10 (voir Juda 6, t. m,
col. 1770); Num., xxrv, 17; l'autorité de Joseph sur
toute l'Egypte, Sap., x, 14, et les différents pouvoirs
que Dieu abaissera, parce qu'ils sont ennemis de
son peuple. Is., ix, 4; Ezech., xix, 11, 14; xxx, 18;
Hab., m. 14; Zach., x, 11; Eccli., xxxv, 23. Les rois
d'Egypte, dont le sceptre est ainsi menacé par Dieu,
aimaient à porter cet insigne de la puissance souve-
raine. La Bibliothèque nationale conserve un sceptre
égyptien (fig. 321) en terre vernissée et très soi-
gneusement travaillé. — Le sceptre de fer, Ps. il, 9,
est le symbole d'un pouvoir exercé durement.
H. Lesétre.
SCEVA (Nouveau Testament : Exï'jà;), grand-prêtre
(àpx'fpî'Jî) juif, dont les sept fils essayèrent d'exorciser
les démons à Éphèse au nom de Jésus. Àct., xix, 14.
Ce fut sans succès. Un des possédés leur répondit :
« Je connais Jésus et je connais Paul, mais vous, qui
êtes-vous? » et il chassa deux d'entre eux nus et blessés
de la maison. Cet événement produisit une grande
impression. On apporta à l'Apôtre des livres magiques,
d'une valeur de 50000 drachmes (environ 45 000 francs),
et on les livra aux flammes. Act., xix, 14-19. Voir
Magie, t. îv, col. 567.
SCHAF1R, ville. Mich., i, 11. Voir Saphir 2.
SCHALLÉKETH (hébreu : Sallékêt; Septante :
r| 3iu).i) Traarotpopîa-j; Vulgate : porta quœ ducit [adviam
ascensionis], une des portes du Temple de Jérusalem.
I Par.-, xxvi, 16. Elle était placée à l'ouest de la cour
extérieure, derrière l'édifice du temple proprement
dit, là où est aujourd'hui Bâb es-Silsiléh. Voir Jéru-
salem, t. m, col. 1355.
SCHANZ Paul, théologien catholique allemand, né
le 4 mars 1841 à Horb dans le Wurtemberg, mort à
TubiDgue le 1 er juin 1905. Après avoir commencé ses
études classiques dans sa ville natale, il les acheva
à Rottweil; puis il suivit les cours de philosophie et de
théologie à l'université de Tubingue, où il conquit le
grade de docteur avec un grand succès. Le 10 août
1866, il fut ordonné prêtre à Rollenbourg. Après
quelques mois de vicariat à Schramberg, il fut appelé,
en 1867, à l'internat théologique de Tubingue, comme
répétiteur de mathématiques. En octobre 1870, il passa
au gymnase supérieur de Rottweil, avec le titre de pro-
fesseur de mathématiques et de sciences naturelles.
Le 21 janvier 1876, il fut chargé d'enseigner l'exégèse
du Nouveau Testament à la Faculté catholique de l'uni-
versité de Tubingue, en remplacement de son maître
Aberle; enfin, au printemps de 1883, il échangea sa
chaire d'Écriture sainte contre celle de dogme, où il
succéda à Kulin. Durant l'année scolaire 1899-1900, il
remplit les fonctions de recteur de l'université de Tu-
bingue. — Il a composé, sur les questions bibliques et
en particulier sur les évangiles, plusieurs ouvrages
remarquables, dans lesquels, tout en se conformant
d'une manière très fidèle à la tradition, il adopte une
méthode franchement scientifique. Nous citerons de
lui: Die Komposilion des Matthâusevangeliums, in-4»,
Tubingue, 1877; Das Aller des menschlichen Geschlechts,
in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1895; Commentar ùber das
Evangelium des heiligen Matthâus, in-8°, Fribourg-
en-Br., 1879; Commenlar ùber das Evangelium des
heil. Markus, in-8°, Fribourg-en-Br., 1881 ; Commenlar
ûberdas Evangelium des heil. Lukas, in-8°, Tubingue,
1883; Commentar ùber das Evangelium des heil.
Johannes, in-8», Tubingue, 1884-1885. Le D' Schanz a
aussi publié de nombreux articles scripturaires dans le
Literarischer Handweiser de Munster-en-Westphalie,
dans la Literarische Rundschau de Fribourg-en-
Brisgau, dans la revue Natur und Offenbarung , et sur-
tout dans la Theologische Quarlalschrift de Tubingue.
— Voir A. Koch, Zur Erinnerung an Paul von Schanz,
dans la Theol. Quarlalschrift, 1906, p. 102-123; Bei-
lage zur (Mûnchener) allgemeinen Zeilung ,15juin 1905,
et aussi Redengehaltenam 3 Juli 1905 anlâsslich der
Beiselzung der sterblichen Huile des hochw . H. D' Paul
von Schanz, Stuttgart, in-8°, 1905.
L. Filliok.
SCHEAR JASUB (hébreu : Se'dr Yâsûb; Sep-
tante : é xaTaXEiç9e"iç 'Iauo'JS; Vulgate : qui dereliclus
estJasub), fils du prophète Isaïe, qui accompagna son
père quand il alla à la rencontre du roi Achaz au champ
du Foulon. Is., vu, 3. Voir Champ 3, t. n, col. 529. Ce
nom était prophétique, comme devait l'être celui de
son frère, Maher-schalal-khasch-baz (t. iv, col. 577);
il annonçait par sa signification : « le reste reviendra
ou se convertira », que Juda, après avoir été frappé et
captif pour ses péchés, aurait un reste qui reviendrait
à la terre de ses pères. Is., x, 20-22.
SCHEGG Pierre Jean, théologien catholique alle-
mand, né le 6 juin 1815, dans la petite ville de Kauf-
beuren en Bavière, mort à Munich, le 9 juillet 1885.
Il fit ses études classiques à Kempten, puis il suivit les
cours de philosophie et de théologie à Dillingen et à
l'université de Munich, de 1832 à 1837. Il fut ordonné
prêtre en 1838. Après avoir fait du ministère pastoral
pendant quelques années, 1838-1842, il se lança dans
l'enseignement exégétique et philologique, sous l'im-
pulsion du D r Haneberg (t. m, col. 416). En 1843, il fut
nommé répétiteur pour l'exégèse biblique au lycée de
Freising; il devint professeur titulaire en 1847. Il
fut appelé à l'université de Wurtzbourg, en 1868,
comme professeur d'exégèse pour leNouveau Testament
et de langues orientales. Quatre ans après, en 1872, on
lui offrait, à la Faculté de théologie à Munich, la chaire
d'Écriture sainte, devenue vacante par la mortde Reith-
mayr(t. v, col. 1031), et il occupa ce poste jusqu'à sa
mort. Durant l'année scolaire 1881-1882, il remplit les
hautes fonctions de Reclor magnificus à l'université de
Munich. — Le D r Schegg a publié un assez grand nom-
bre d'ouvrages sur les matières qui furent l'objet de
son cours pendant ses quarante-deux ans d'enseigne-
ment. On a de lui : 1° sur l'Ancien Testament, Die
Psalmen ûbersetzt und erklàrt fur Verstàndniss und
Betrachlung, 3 in-8», Munich, 1845-1847;2«édit.,1857;
Der Prophet lsaias ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°,
Munich, 1850; Die Geschichte der lelzten Prophelen,
ein Beitrag zur Geschichte der biblischen Offenbarung,
2 in-8», Ralisbonne, 1853-1854; Die kleinen Propheten
ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°, Ratisbonne, 1854; Das
holie Lied Salomons von der heiligen Liebe, in-8°,
Munich, 1885; — 2» sur le Nouveau Testament, Evan-
gelium nach Matthâus ûbersetzt und erklàrt, 3 in-8°,
Munich, 1856-1858; Evangelium nach Lukas ûbersetzt
und erklàrt, 3 in-8°, Munich, 1861-1865; Evangelium
nach Markus ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°, Munich,
1870; Sechs Bûcher des Lebens Jesu, 2 in-12, Fribourg-
en-Brisgau, 1874-1875; Evangelium nach Johannes
ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8", Munich, 1878-1880,
ouvrage publié d'après les notes' de Haneberg; Das
Todesjahr des Kônigs Herodes und des Todes Jesu
Christi, in-8°, Munich, 1882; Jacobus der Bruder
des Herrn und sein Brief, in-8°, Munich, 1883; — 3° sur
d'autres sujets bibliques, Gedenkbuch einer Pilger-
reise nach dem heiligen Land ûber Aegypten und dem
Libanon,% in-12,Munich, 1867; Biblische Archâologie,
ouvrage publié après sa mort par J. B. Wirthmûller,
2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1887. Malgré certaines
longueurs et quelques opinions originales, l'auteur in-
terprète les saintsLivres d'une manière remarquable. —
1529
SCHEGG — SCHISME
1530
Voir la notice bibliographique placée en tête de la Bi-
blische Archéologie, 1. 1, p. v-xvii; Allgâuer Geschichts-
freund, t. vm, 1895, p. 3842; Wetzer et Welte,
Kirchenlexicon, 2° édit., t. x, col. 1768-1770; H. Hurter,
Nomenclator literarius recenlioris theologise catho-
licee, t.m,2«édit.,Inspruck,1895,p. 1282-1283; Schanz,
dans les Hislor.-politische Slàtter, t. XC, p. 794-798;
Schœfer, dans le Literarischer Handweiser, i8S5,
col.. 629. L. Fillion.
SCHEMINITH (hébreu: Semînït). Ps. vi, 1;xii(xi),
l; I Par., xv, 21. Voir Octave, t. iv, col. 1785.
SCHEOL (hébreu : Êe'ôl), nom donné au séjour des
morts dans l'Ancien Testament. Voir Enfer, t. h,
col. 1702; Hadès, t. m, col. 394.
SCH1BBOLETH (hébreu : sibbôléf). Voir Sibboleth.
SCHIGGAYON (hébreu : Siggayôn; Septante :
4/a),|ji(>ç... [jieTa (j)Svi;; Vulgate : Psalmus), terme obscur
dans le titre du Ps. vu. On le trouve aussi au pluriel
dans Habacuc, m, 1. Comme ce mot dérive de Sâgâh,
« errer », beaucoup de modernes entendent par ce
terme un poème ou chant dithyrambique, caractérisé
par la variété du rythme, mais la vraie signification est
douteuse. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1362; J. Fùrst,
Bobrâisches Wôrterbuch, t. h, 1876, p. 410.
SCHILÔH (hébreu : Silôh). Dans sa bénédiction
prophétique, Jacob dit de son fils Juda :
Le sceptre ne sera point ôté à Juda,
Le législateur à sa race
Jusqu'à ce que vienne Schilôh. Gen., xlix, 10.
Tous les anciens exégètes, juifs et chrétiens, ont
entendu le troisième vers du Messie, quoiqu'ils aient
traduit le mot Silôh de façons diverses. Septante :
ïtoç èàv ëX6ï) xà àicoxec'nsva aoTw, donec reniant quœ-
reposita sunt ei; Vulgate : donec veniat qui mittendus
est. Saint Jérôme a lu mbiir, avec un (telli, au lieu de
mVii;, avec un hé. Mais, quoique les traductions soient
différentes, tous les anciens ont entendu le mot Éîlôh
du Messie. Les Septante, comme le Targum, Aquila,
Symmaque, les versions syriaque et arabe ont divisé
le mot ribnu en deux et l'ont lu se, « qui, que », et lôh
ou lô, «à lui », entendant ainsi le troisième vers : «jus-
qu'à ce que vienne celui que à lui (le sceptre). » Cette
explication est confirmée, d'après beaucoup de com-
mentateurs, par Ézéchiel, xxi, 27, qui paraphrase ainsi
ce passage du Pentateuque : 'ad b'ô 'âsér lô ham-mis-
pât, « jusqu'à ce que vienne celui à qui appartient le
jugement. » Les exégètes modernes, qui croient à
l'existence des prophéties dans l'Ancien Testament,
expliquent en général le mot Schilôh par« Pacifique»,
titre qui désigne le Messie, appelé par Isaïe, IX, 6,
« prince de la paix ». Voir F. Vigouroux, Manuel bi-
blique, 12 e édit., 1906, 1. 1, p. 733-738. Les rationalistes
soutiennent à tort qu'il faut entendre par Schilôh la
ville de Silo où fut dressé le Tabernacle du temps de
Josué, xvni, 1.
SCHISME (grec * ayl^x; Vulgate : schisma, scis-
sura), division qui sépare les membres d'une même
société.
1" Dans l'Ancien Testament. — 1. La première
division de ce genre fut celle qui mit en lutte tout
Israël contre la tribu de Benjamin et faillit amener la
destruction de cette dernière. Jud., xx-xxi. — 2. Durant
sept ans, David, sacré roi par Samuel, rie fut reconnu
que par Juda et eut Israël contre lui. II Reg., il, 1-v,
1. — 3. Après la révolte d'Absalom, qui avait causé un
schisme momentané dans le royaume, Séba en tenta
un autre en disant : « Nous n'avons point de part avec
David... Chacun à sa tente, Israël ! » II Reg., xx, 1, 2.
Cette tentative fut bientôt réprimée par Joab. II Reg.,
xx, 14-22. — 4. Le schisme le plus grave et le plus
durable fut celui qui suivit la mort de Salomon. Il
avait pour cause lointaine les antiques prétentions
d'Éphraïm à l'hégémonie de la nation. Les services
éminents rendus par Joseph, père de cette tribu, le
rôle joué par Josué, qui était Ëphraïmite, l'arrogance
de cette tribu, fière de sa puissance. et de son magni-
fique territoire, Jud., vm, 1-3; x, 9; xii, 1-6, la longue
présence sur son sol de l'Arche et du Tabernacle, à
Silo, l'influence prépondérante exercée par elle sur
les autres tribus du nord, lui firent supporter avec
impatience les règnes de Saûl, de la tribu de Benjamin,
de David et de Sâlomon, de la tribu de Juda. Les
Éphraïmites n'attendaient donc que l'occasion favorable
pour se séparer d'une monarchie dont ils étaient ja-
loux. — La cause prochaine est indiquée par le texte
sacré : ce furent les infidélités de Salomon. III Reg.,
xi, 11-13. Sur l'ordre du Seigneur, le prophète Ahias
fit savoir à Jéroboam, un Éphraïmite, que Dieu lui
destinait dix tribus, pour n'en laisser qu'une au suc-
cesseur de Salomon. III Reg., xi, 26-32. Dans le plan
divin, la rupture de l'unité nationale ne devait aucu-
nement entraîner l'abandon de la loi religieuse formulée
par Moïse. Car il était promis à Jéroboam que, s'il
était fidèle à cette loi, Dieu lui bâtirait une maison
stable, comme il avait fait pour David. III Reg., xi, 38,
39. La fréquentation du Temple eût parfaitement pu
être rendue possible par une entente entre les deux
rois d'Israël et de Juda. — Quand Roboam eut mani-
festé sa volonté d'aggraver encore le régime paternel,
l'ancien cri de révolte retentit à nouveau : « Quelle
part avons-nous avec David? Nous n'avons point d'hé-
ritage avec le fils d'Isaï! A tes tentes, Israël! Quanta
toi, pourvois à ta maison, David! » III Reg., xn, 16.
Le schisme fut alors consommé : d'un côté le royaume
de Juda, comprenant la tribu de Juda et ce qui, de la
tribu de Benjamin, n'en pouvait être séparé, avec
Jérusalem pour capitale; de l'autre, tout le reste des
tribus, avec un roi siégeant à Samarie à partir du
règne d'Amri. — Au point de vue politique, le schisme
affaiblit les deux royaumes, en les mettant souvent en
lutte l'un contre l'autre, parfois avec appel au concours
des étrangers, et en les rendant incapables de résister
efficacement aux invasions de ces derniers. Au point
de vue religieux, les conséquences furent plus graves
encore. Jéroboam prit tous les moyens pour empêcher
ses sujets de se rendre à Jérusalem. Le culte qu'il ins-
talla en Israël, en opposition avec la loi mosaïque,
céda bientôt presque complètement la place aux cultes
idolâtriques. Voir Jéroboam, t. m, col. 1301. Le royaume
schismatique d'Israël compta dix-neuf roi3, appartenant
à neuf dynasties différentes, et tous infidèles à Jéhovali ;
après 254 ans d'existence, il tomba sous les coups des
Assyriens. Les rois de Juda, tous de la dynastie de
David, ne furent pas non plus toujours fidèles, et leur
royaume tomba sous les coups des Chaldéens, 134 ans
après le premier. — 5. Après le retour de la captivité,
les traces du schisme disparurent; tous les descen-
dants des anciennes tribus ne firent plus qu'un seul
peuple. Toutefois, à raison de leur origine, les Sa-
maritains formèrent une sorte de schisme irréduc-
tible à côté des Juifs. Voir Samaritains, col. 421. Les
Juifs eux-mêmes se divisèrent entre eux et donnèrent
naissance à deux partis opposés, qui tenaient plus ou
moins du schisme par rapport au judaïsme pur, les
Pharisiens et les Sadducéens. Voir Pharisiens, t. v,
col. 205; Sadducéens, col. 1337.
2» Dans le Nouveau Testament. — 1. Saint Jean, ix,
16, appelle « schisme » la division qui régnait au san-
hédrin, composé d'ailleurs de Pharisiens et de Saddu-
4531
SCHISME
SCIE
1532
céens. — 2. Saint Paul recommande aux Corinthiens d'évi-
ter les schismes. I Cor., I, 10; XII, 25. Il a appris qu'il
en existe parmi eux. I Cor., XI, 18. Ceux dont il parle
à l'occasion des repas eucharistiques sont des divisions
plus pratiques que doctrinales. Elles consistent dans
des inégalités choquantes à l'occasion de ces repas pris
en commun, mais où l'on ne partage que la table et
non les aliments. Saint Paul avait eu à blâmer des di-
visions beaucoup plus graves dans l'Église de Corinthe.
L'esprit de parti s'y exerçait à un tel point que, parmi
les fidèles, les uns tenaient pour Paul, ceux-ci pour
Apollos, ceux-là pour Céphas. C'était un commencement
de schisme, prenant pour prétexte la diversité des
prédicateurs de la foi, et menant à croire à une diver-
sité des doctrines. « Le Christ est-il divisé? «leur écrit
l'Apôtre, I Cor., i, 13, et il coupe court à toute division
en rappelant que, quel que soit le prédicateur, c'est tou-
jours le Christ seul dont il annonce le mystère. En
conséquence, « que personne ne mette sa gloire dans
des hommes; car tout est à vous, et Paul, et Apollos,
et Céphas, . . . mais vous, vous êtes au Christ et le Christ
est à Dieu. » I Cor., iv, 21-23. — 3. Saint Paul eut à
combattre beaucoup plus longtemps et plus sévère-
ment les prédicateurs judaïsants qui, à l'Évangile du
Christ, ajoutaient l'obligation des pratiques de la loi
mosaïque. Gai., i, 11-iv, 31. Voir Judaïsants, t. m,
col. 1778. — 4. Diotréphès est signalé par saint Jean
comme un agent de schisme. III Joa., 9.
H. Lesëtre.
SCH1TTIM (hébreu : nahal haS-Sittim; Septante :
6 x^'M-âppo; twv «t/oi'vwv; Vulgate : torrens spinarum),
nom dans Joël, iv(iii), 18, d'une vallée située probable-
ment dans le voisinage de Jérusalem et qui devait tirer
son nom des acacias (Httîm) qu'on y trouvait. La der-
nière station des Israélites avant de traverser le Jour-
dain sous Josué porte le nom de haS-Sittîm dans
le texte hébreu. La Vulgate l'appelle Selim. Voir
Sétim.
SCHLEUSNER Johannes Friedrich, lexicographe
allemand, né à Leipzig, le 16 janvier 1756, mort à
Wittenberg le 21 février 1831. Il devint professeur de
théologie à Gœttingue en 1784 et à Wittenberg en 1795.
Il s'occupa surtout du grec de l'Ancien et du Nouveau
Testament. Ses principaux ouvrages sont : Lexicon
grssco-latinum in Novum Testamentum, 2 in-8»,
Leipzig, 1792; 1819; Novus Thésaurus phllologico-
criticus sive Lexicon in LXX et reliquos interprètes
grsecos ac scriptores apocryphos Veteris Testamenti,
5 in-8», Leipzig, 1820-1821. Ce dernier ouvrage, qui est
encore utile, a été réimprimé à Glasgow et à Londres.
SCHOFAR. Voir Trompette.
SCHÔSCHAN (hébreu : jtfw, Jtfitf, ]wvû, «t Us » ). Ce
mot se trouve aux titres de quatre Psaumes : 'al-sôsan-
nim, Ps. xlv (xliv), 1;lxix(lxvhi), 1; 'al-Sôëan, 'édû{,
Ps. lx (us), 1; 'al-sôsannim, 'édût, Ps. lxxx (lxxix)>
1. Les Septante traduisent, d'après la racine waf, « chan-
ger » : ÛTOp TÛV àWatMÔTidOftÉVMV, Ps. XLIX, LXVIII,
lxxtx, et àXXatw6/]uo|jivo[i;, Ps. Lix; la Vulgate : pro Us
qui commutabuntur et immuiabuntur. Ce mot 'édût
n'est pas en dépendance du mot sôSannim qui le
précède au Psaume lxxx (lxxix) ; il doit pareillement
être disjoint de Sôsan au psaume lx (lix). On l'a d'ail-
leurs interprété isolément. Voir t. n, col. 1598. Quant
à Sâsan et son pluriel Sôsannîm, qui se présentent
construits par 'al comme les autres noms d'instruments
et termes musicaux, il est difficile d'en préciser le
sens. Quelques-uns se sont représenté un instrument de
musique en forme de lis, d'après la signification usuelle
du nom hébreu, qui désigne le lis, la tulipe, l'anémone
et généralement les fleurs à calice évasé; telles seraient
des sonnettes ou clochettes, ou des cymbales hémi-
sphériques, ou d'après un plus grand nombre, des
trompettes, dont le pavillon évasé rappelle le calice de
cette fleur : Quod etiam lilia referantur ad formant
instrumentorum musicorum, quss essent formata
in forniam lilii repandi, quod Kimhi et post illum
Cajetanus volunt, nihil obstat, potius juvat. G. de
Pineda, De rébus Salomonis, V, m, 5, Mayence 1616,
p. 351 x. Ce mot grec r.a>8wv désigne pareillement
l'ouverture de la trompette ou du cor, Suidas h. v.,
et la trompette elle-même; Sophocle, Ajax, v, 17. Cf.
x<o6hiv, « pot», xtiSsca, « tête du pavot ».
Ce mot pourrait aussi se rapprocher de ses, « six »,
et en dériver à l'aide de an, suffixe instrumental. Il
correspondrait alors à âSâr et à Semînît. Mais la forma-
tion est douteuse.
La lexicographie syro arabefourniraitd'autres rappro-
chements, dont on peut retenir fjôLm, nom d'un bois
précieux, de couleur noire, peut-être l'ébène, et qui
servait, selon le Kamus, à la fabrication de meubles et
d'objets divers. Le ûûêan serait ainsi un instrument non
déterminé, construit en bois. — D'un autre côté, si
l'introduction en Syrie de la musique persane était
démontrée, on dériverait de Suse, jsriw, l'instrument,
le rythme ou le mode musical indiqué dans ces quatre
Psaumes. — On peut retenir encore la racine toi*, d'où
Saêôn, « joie ». — Le plus grand nombre des inter-
prètes voient dans l'expression 'al-sôSannim ou 'al-
sûSôn, les premiers mots d'une formule rappelant un
rythme et une mélodie. On applique volontiers cette
explication aux titres qu'on ne peut éclaircir autrement.
Jusqu'ici on n'a démontré dans ce sens que la formule
'al-tashét. — Ces données ne constituent que des
conjectures, et le terme de Sôsan demeure énigma-
tique dans sa signification musicale.
G. Parisot.
SCIE (hébreu : megêrâh, de gârar, « scier », mas-
iôr, de êûr, « scier»; Septante : irpi'wv; Vulgate : serra),
outil de métal, formé d'une lame rectiligne pourvue
de dents aiguës et qui, par un mouvement de va-et-
vient, coupe le bois, la pierre et les substances ana-
logues. — L'usage de la scie remonte aux plus anciens
temps. A l'âge préhistorique, les hommes fabriquaient
des scies avec des silex. Cf. N. Joly, L'homme avant
les métaux, Paris, 1888, p. 104. On en a trouvé assez
322. — Scie assyrienne.
D'après Layard, Discoveries, p. 195.
fréquemment en Palestine. Cf. Vincent, Canaan, Paris,
1907, p. 388. Quand ils surent travailler le métal,
ils firent des scies en cuivre, en bronze et en fer
(fig. 322) comme on en voit chez les Égyptiens (fig. 322)
et chez les Assyriens. Cf. A. Layard, Discoveries in the
ruins of Nineveh, Londres, 1853, p. 108, 134. Dans la
Bible, la première mention des scies remonte à l'époque
de David. Après la prise de Rabbath, le roi réduisit en
servage les Ammonites, et il mit un certain nombre
d'entre eux « sur les scies », c'est-à-dire les préposa
aux scies, en fit des scieurs de bois ou de pierre. En
traduisant par serravit, « il les scia »,la Vulgate prête
à David une cruauté dont il n'est question ni dans
l'hébreu ni dans les Septante. II Reg., xn, 31; I Par.,
xx, 3. Les pierres du Temple furent soigneusement
sciées à la scie. III Reg., vil, 9. — La scie ne peut rien
1533
SCIE — SCORPION
1534
par elle-même ; elle n'a pas à s'élever contre celui qui
la meut. Is., x, 15. — Isaïe, xxviii, 27, dit qu'on ne
foule pas la nigelle avec le traîneau, harûs. Les versions
traduisent ce mot par ux>.7ipôTri?, « dureté », et serra,
« scie ». Ailleurs, il parle d'un chariot à deux tran-
chants, ba'al pîfiyôt; les versions en font un chariot
7rpi<ro)poe:?T|;, « semblable à une scie », habens rostra
serrantia, « ayant des éperons en forme de scies ».
323. Soie égyptienne.
D'après Wilkinson, Manners, t. m, pi. lxii.
Is., xli, 15. -t. L'Épitre aux Hébreux, xi, 37, mentionne
des serviteurs de Dieu qui ont été sciés, èirp!(i8r|(Tav,
secti sunt. La tradition range le prophète Isaïe parmi
les victimes de ce supplice. Voir Isaïe, t. m, col. 944.
H. Lesêtre.
SCIENCE (hébreu : da'af; Septante : -fvw<Ti<;), un
des dons du Saint-Esprit, qui éclaire l'homme par la
grâce sur la nature de Dieu et sur nos devoirs envers
lui. Is., xi, 2. — Dans son acception générale, le mot
scientia dans la Vulgate a les différentes acceptions de
ce mot, connaissance des choses par la raison, l'obser-
vation, l'expérience, etc., et il s'applique aussi à Dieu.
I Sam. (I Reg.), h, 3; Jac, I, 5. Sur l'omniscience de
Dieu, voir Jéhovah, vin, t. m, col. 1240. — L'Écriture
recommande particulièrement la science des choses
saintes et de la religion. Prov., ix, 10 (cf. xxx, 3);
Sap., x, 10; Ps.'cxviii (cxix), 66; Mal., n, 7; Ose., iv,
6, etc. — Sur l'arbre de la science du bien et du mal
dans le paradis terrestre, voir t. i, col. 896.
SCIO DE SAN MIGUEL Philippe, traducteur
de la Bible en espagnol. Voir Espagnoles (Versions) de
la Bible, t. n, col. 1962-1963.
SCORIE (hébreu : sîg [chethîb], sûgr/pluriel, siggîm,
sigîm, siggîm), matière qui se sépare pendant la fusion
des métaux que l'on purifie. Ce mot est employé mé-
taphoriquement dans l'Écriture pour exprimer ce qui
est sans valeur. Il est appliqué Ps. cxix (cxvm), 119,
aux méchants; à Israël infidèle, Is., i, 2-2, 25; Ezech.,
xxn, 18, 19. L'argent qui n'est pas encore purifié est
appelé késéf sigîm, « l'argent des scories ». Prov.,
xxvi, 25. Le Sage recommande de séparer les scories
de l'argent. Prov., xxv, 4.
1. SCORPION (MONTÉE DU), montée qui
marquait la frontière méridionale de la Palestine.
Num., xxxiv, 4; Jos., xv, 3; Jud., I, 36. Voir Acrabim,
t. i, col. 151.
2. SCORPION (hébreu: 'aqràb, correspondante l'as-
syrien akrabu; Septante: <yxopiuioç; Vulgate : scorpio),
nom d'un animal, d'un fouet et d'une machine.
I. Scorpion, animal. — 1° Histoire naturelle. — Le
scorpion (fig. 324) appartient à la classe des arachnides,
bien qu'il ait les apparences d'un crustacé. En avant
de la bouche, il dispose de deux palpes. munies de
pinces analogues à celles des homards. Le corps, com-
posé de segments distincts, comprend un tronc pourvu
de huit pattes, un abdomen uni au tronc dans toute
sa largeur, une queue longue et grêle, formée de six
articles dont le dernier s'effile en pointe aiguë. Cette
pointe, appelée dard, a vers sa base deux orifices d'où
sort un liquide venimeux sécrété par un appareil spé-
cial. Le scorpion est vivipare et Carnivore; il se nourrit
de vers, d'insectes, de sauterelles et, au besoin, de ses
semblables. Il vit sous les pierres, dans les troncs
d'arbres et même dans l'intérieur des maisons. Le
scorpion d'Europe, scorpio flavicaudus, est brun et
n'a guère plus de 3 centimètres de long; sa piqûre est
rarement dangereuse. Le scorpion d'Afrique, scorpio
occitanus, est d'un gris roussâtre et atteint jusqu'à
15 centimètres. Sa piqûre peut causer de désagréables
accidents, si on ne la combat par la succion, la cauté-
risation ou par une application d'ammoniaque. Cf. Ter-
tullien, Scorpiace, l,t. n, col. 121, 122. — Dans l'énu-
324. — Scorpion.
mération des mésaventures qui menaçaient le soldat
égyptien, on notait celle-ci : « Un scorpion le blesse
au pied et son talon est percé par la piqûre. » Papyrus
Anastasi III, pi. vi. Le scorpion pullule dans la pres-
qu'île Sinaïtique. Il abonde en certains endroits de la
Palestine. Avant de dresser une tente, il faut avoir
soin de retourner toutes les pierres si l'on ne veut
s'exposer à leurs attaques. On en compte au moins huit
espèces, dont la couleur et la dimension varient. La
plus dangereuse est noire et a 15 centimètres de long.
Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres,
1889, p. 303. Les Arabes distinguent surtout deux es-
pèces, le noir et le chaqrâ, dont la piqûre est rarement
mortelle. Cf. Revue biblique, 1903, p. 246. Il y avait,
à la frontière méridionale de la Palestine, une montée
d'Acrabim, qui devait son nom à la quantité de scor-
pions qu'on y rencontrait. Voir Acrabim, 1. 1, col. 151.
De Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris,
1853, t. n, p. 77, dit, en parlant de l'Ouad-ez-Zouera,
au sud-ouest de la mer Morte : « Je défie que l'on
retourne un caillou du Nedjd, je dis un seul caillou,
sans trouver dessous un de ces désobligeants animaux.
Dans notre tente même, ces vilaines bêtes que nous
dérangeons se promènent de ci, de là. Au reste, l'ha-
bitude est une seconde nature. ..Il y a un mois, la vue
d'un scorpion m'agaçait cruellement les nerfs; aujour-
d'hui son apparition, même inopinée, ne me cause
plus la moindre émotion, et je marche dessus fort
tranquillement. Ceci revient à dire que, sans aimer
plus tendrement les scorpions, je ne m'en effraie plus. »
C'est donc que, pour l'ordinaire, le danger couru n'est
ni extrêmement grave, ni sans remède. Quand ils ne
trouvent pas de pierres pour s'abriter, les scorpions
se creusent dans le sol des galeries en zigzag, commu-
niquant avec l'extérieur par de petites ouvertures d'en-
1535
SCORPION — SCRIBE
1536
viron 12 millimètres de diamètre. Par ces ouvertures,
ils tiennent leurs pinces ouvertes, prêtes à saisir la proie
qui se présente. La multitude de ces ouvertures indique
la présence des scorpions de plaine. Ils ne sortent pas
en plein jour, restent blottis dans leurs galeries et
chassent la nuit de préférence. Le jour, ils ne prennent
guère que les insectes qui s'aventurent à l'entrée de
leur retraite. Cf. R. P. Féderlin, dans La Terre sainte,
15 novembre 1903, p. 343, 344. — Dans le poème de
GiJgamès, il est question d'hommes-scorpions, aqrab-
amêlu (fig. 325), qui gardent, au mont Mâschou, l'entrée
du passage ténébreux qui conduit au séjour des dieux
infernaux. Cf. Haupt, Dus babylonische Nimrodepos,
p.59-61; Sauveplane, Une épopée babylonienne, tabl. ix,
col. H, p. 34, 35; Dhorme, Choix de textes religieux,
Paris. 1907, p. 16, 23, 35, 39, 271, 273.
2» Dans la Bible. — Le désert du Sinaï était un pays
de serpents brûlants et de scorpions. Deut., vin, 15.
Les Israélites méchants et impies sont comparés à des
scorpions; Dieu dit à son prophète de ne pas les re-
douter. Ezech., il, 6. Qui possède une méchante épouse,
a mis la main sur un scorpion, F.ccli., xxvi, 10. Les
bêtes féroces, le scorpion et la vipère ont été créés
■^-S^^^^^^MÊéBk'^M^ïf-t^^'.T^^^^ ~f* ^
325. — Les hommes-scorpions.
D'après Lajard, Culte de Mithra, pi. xxvm, n. il.
pour le châtiment des hommes. Eccli., xxxix, 36. —
Noire-Seigneur donne à ses disciples le pouvoir de
fouler aux pieds les serpents et les scorpions, figures
de Satan et des ennemis de l'Évangile. Luc, X,19. 11
demande si un père serait assez dénaturé pour donner
un scorpion à son iils qui lui demande un œuf. Luc,
xi, 12. Quand un scorpion de couleur claire se replie
sur lui-même, il peut avoir quelque ressemblance avec
un œuf. Cf. Bochart, Hierozoicàn, Francfort-s.-M., 1675,
II, iv, 29, p. 636, 641. Dans une de ses visions, saint Jean
voit des saulerelles ressemblant à des scorpions, qui,
sans causer la mort, tourmentent par les piqûres faites
avec l'aiguillon' de leur queue. Apoc, ix, 3, 5, 10.
II. Scorpion, espèce de fouet. — A l'instigation de ses
jeunes conseillers, Roboam dit aux Israélites que, si
son père les a châtiés avec des fouets, lui les châtiera
avec des scorpions. III Reg., xii, 11, 14; II Par., x, 11,
14. Il s'agit ici de fouets ou de verges armés de piquants
ou de pointes de fer, pour rendre les coups plus dou-
loureux. Ces scorpions pourraient être aussi des bran-
ches épineuses.
III. Scorpion, <rxop7ti'o'iov, machine à lancer des traits.
— Le roi Antiochus V, assiégeant le Temple de Jérusa-
lem, avait dans son attirail de guerre « des scorpions
pour lancer des flèches. » I Mach., vi,5l. Le scorpion
servait à lancer des pierres, des balles de plomb et des
flèches. C'était une espèce d'arbalète maniée par un seul
homme et dont la forme rappelait celle de l'animal.
Cf. Végèce, Mil., rv, 22; Ammien, xxm, 4; Vitruve, x, 1 ,
3 ; César, Bell, gall., VII, xxv, 2, 3. H. Lesêtre.
SCRIBE, Juif qui se consacrait spécialement à
l'étude de la Loi.
I. Le nom. — 1° Celui qui était versé dans la connais-
sance de la loi mosaïque s'appelait primitivement
sôfêr, de sâfar, « écrire ». Le sôfêr fut tout d'abord
un secrétaire, II Reg., vm, 17; xx, 25; IV Reg., xii,
11; xrx, 2; xxii, 3, etc., ou même un chef militaire
« inscrivant » et enrôlant des soldats. Jud., v, 14;
IV Reg., xxv, 19; Jer., xxxvn, 15; lh, 25, etc. Ce fut
ensuite un légiste. Le nom de sôfêr, ctwetô;, liltera-
tus, est attribué à Jonathan, oncle de David. I Par.,
xxvn, 32. Esdras surtout est désigné sous le nom de
sôfêr, Ypaji[Ji.oT£j{, scriba, 1 Esd., v», 6, 11 : « scribe
instruit dans les paroles et les préceptes du Seigneur
et dans ses cérémonies en Israël, » vu, 12,21; II Esd.,
vin, 1 ; xn, 26, 36. Esdras était à la fois prêtre et
scribe. Mais, avec le temps, des Juifs qui n'étaient pas
prêtres s'appliquèrent de plus en plus nombreux à
l'étude de la Loi et devinrent ainsi capables d'ensei-
gner le peuple. — 2° A l'époque évangélique, le scribe
porte habituellement le nom de ypa[i[jiaTEj;, scriba,
qui correspond à l'hébreu sôfêr. A côté de ce nom,
plus communément usité, se rencontrent ceux de
vou.tx6ç, legis doctor, Matth., xxn, 35, legisperitus,
Luc, vu, 30; x, 25; xi, 45; xiv, 3, et de vo[io5i8à(rz.a),oç,
legis doctor. Luc, v, 17; Act., v, 34. Josèphe appelle
les scribes iracp!o)v élt\-(r\Tci:\ vôfiwv, « ceux qui expliquent
les lois des pères », Ant. jud., XVII, vi, 2, a-oiptoraL,
« les sages », Bell, jud., I, xxxn, 2; II, xvn, 8, 9, et
UpoypaiJiiJ.aTefç, « ceux qui s'occupent des Saintes Let-
tres ». Bell, jud., VI, v, 3. La Mischna réserve
le nom de sôfrim aux anciens scribes qui faisaient
encore autorité de son temps et appelle hakâmim,
i sages », les contemporains. Vebamoth, n, 4; IX, 3;
Sanhédrin, xi, 3; Kelim, xxn, 7, etc. — 3° On donnait
aux scribes, au moins à l'époque de Jésus-Christ, le
nom de rabbbi, « mon maitre ». Matth., xxm, 7. Le
Sauveur fut souventappelé de ce nom par ses disciples,
Matth., xxvi, 25, 49; Marc, ix, 4; xi, 21; xiv, 45;
Joa., IV, 31; IX, 2; xi, 8, et même par d'autres. Joa.,
i, 38, 49; m, 2; vi, 25. Saint Jean-Baptiste était aussi
appelé rabbi par ses disciples. Joa., m, 26. Rabbi
devenait quelquefois poc6ëouvi, rabboni, de rabbôn
ou rabbûn, forme araméenne renforçant rabbi. Marc,
x, 51; Joa., xx, 16. Ce dernier mot, avec son suffixe
personnel, ne s'emploie dans le Nouveau Testament
que quand on s'adresse à une personne. Plus tard, il
devint un titre dont on faisait précéder le nom d'un
docteur, Rabbi Éliézer, Rabbi Akiba, etc., de la même
manière que nous mettons les mots « monsieur,
monseigneur », devant le nom d'une personne, même
sans s'adresser directement à elle. Dansle NouveauTes-
tament, le mot rabbi est souvent remplacé par d'autres :
Kûpie, Domine, « Seigneur », Matth., vm, 2, etc.;
SiSiirxaXe, magisler, « maître », Matth., vm, 19, etc.;
ë7titrnïTa, prseceptor, « maître », Luc, v, 5, etc.;
y.a9r,-f»)Tiriç, magister, « maître », correspondant à
l'hébreu môréh, « docteur », Matth., xxm, 10, et
itoct^p, pater, « père », Matth., xxm, 9, correspondant
à l'araméen 'abbd', « père », dont la Mischna fait
souvent précéder le nom des docteurs, Abba Saul, Pea,
vm, 5; Abba José, Middoth, n, 6, etc.
II. Rôle des scribes. — 1» Constitution du droit. —
Les scribes travaillaient tout d'abord au développement
théorique du droit. La loi mosaïque formulait les
préceptes, mais elle n'entrait pas dans le détail. Les
scribes examinaient les différents cas qui pouvaient se
présenter dans son application et ils les résolvaient en
conformité avec l'esprit de la loi. Leur science devenait
donc de plus en plus compliquée, à mesure que les
solutions s'ajoutaient aux solutions et que les circons-
tances provoquaient de nouvelles difficultés. Ils trans-
mettaient ces solutions oralement, et non encore par
1537
SCRIBE
1538
écrit, comme le firent plus tard les rédacteurs de la
Mischna. D'autre part, elles résultaient de l'accord des
docteurs, ce qui nécessitait de perpétuelles discussions
des uns avec les autres. L'écho de ces discussions se
retrouve dans la Mischna, Pea, vi, 6; Terumoth, v, 4;
Schabbath, vin, 7; Pesachim,\i, 2, 5, etc. C'est ce qui
obligeait les docteurs les plus autorisés à adopter le
même séjour, Jérusalem, jusqu'à la ruine de la ville,
et plus tard Jabné et Tibériade. Bien que certaines
parties du droit ainsi fixé n'eussent qu'une valeur
théorique, l'ensemble n'en constituait pas moins un
code de vie pratique. Les pharisiens firent prévaloir
leurs doctrines dans cette œuvre; ils étaient en réalité
comme des législateurs devant lesquels les sadducéens
et le sanhédrin lui-même étaient obligés de s'incliner.
2° Enseignement du droit. — Les scribes avaient
ensuite à enseigner le droit. Chaque Israélite, pour se
conduire suivant la loi, devait la connaître. Les doc-
teurs les plus célèbres l'enseignaient après la capti-
vité, et avaient pour auditeurs une nombreuse jeunesse.
Josèphe, Bell, jud., I, xxxm, 2, parle de deux docteurs
qui enseignaient ainsi à la fin du règne d'Hérode.
Les disciples portaient le nom de talmîdîm, I Par.,
xxv, 8, de lâmad, « enseigner ». Ils avaient surtout à
apprendre de mémoire les nombreuses décisions des
docteurs, dont l'enseignement consistait principalement
à répéter, sândh, d'où le nom de Mischna donné à cet
enseignement. Voir Mischna, t. iv, col. 1127. Puis le
docteur posait des cas à résoudre, ou les disciples en
apportaient eux-mêmes à leur maître. Tout l'ensei-
gnement était strictement traditionnel; le disciple
devait retenir ce qu'il avait appris et à son tour l'ensei-
gner aux autres dans les mêmes termes, bilesôn rabbô,
« avec la langue de son maître », c'est-à-dire avec ses
expressions mêmes. Eduyoth, i, 3. Un bon disciple
était comparé à « une citerne enduite déciment, qui ne
laisse pas perdre une goutte d'eau. » Aboth, II, 8. Les
scribes enseignaient dans des écoles. Voir École, t. H,
col. 1565. A Jérusalem, ils enseignaient dans le
Temple. Luc, h, 46; Matth., xxi 23; xxvi, 55; Marc,
xiv, 49; Luc, xx, 1; xxi, 37; Joa., xvm,20. Saint Paul
apprit la loi « aux pieds de Gamaliel ». Act., xxii, 3.
3° Intervention dans les tribunaux. — Les scribes
remplissaient aussi les fonctions de juges, auxquelles
leurs connaissances juridiques les rendaient plus aptes
que les autres. Les petits tribunaux n'avaient souvent
que des juges laïques; les scribes assistaient ces juges
ou jugeaient eux-mêmes, comme ils le faisaient au
sanhédrin. On les agréait, pour juges au même titre
que pour législateurs et l'on avait confiance dans leurs
jugements, à cause de leur compétence reconnue, qu'ils
fussent seuls, Baba kamma, vm, 6, ou plusieurs opé-
rant ensemble.
4» Travail sur les Saintes Ecritures. — Bien que
spécialement voués à l'étude et à l'interprétation de la
• loi, les scribes ne ' pouvaient se désintéresser des
autres parties de la Sainte Écriture. A la Halacha, qui
s'appliquait aux textes législatifs, ils ajoutèrent donc
la Hagada, qui développait et complétait l'histoire. Leurs
travaux furent parla suite consignés dans le Midrasch.
Voir Midrasch, t. iv, col. 1078. A raison de leur éru-
dition, les scribes prenaient la parole dans les syna-
gogues. Enfin, ils veillaient sur le texte sacré, afin d'en
assurer la conservation et l'intégrité. Ils préparèrent
ainsi les matériaux qui, à un âge postérieur, furent
mis en œuvre par la massore. Voir Massore, t. IV,
col. 854.
III. Situation sociale des scribes. — 1° Leur influ-
ence. — La science des scribes et leur autorité de légis-
lateurs et d'interprètes de la loi assuraient aux scribes
une grande place dans la société juive. Il devait natu-
rellement en être ainsi chez un peuple dont toute la
vie religieuse et sociale dépendait du livre sacré, et qui
DICT. DE LA BIBLE.
avait d'autant plus besoin d'être authentiquement
informé qu'une plus grande importance tendait à
s'attacher aux prescriptions extérieures. Les scribes,
parles maximes qu'ils mettaienten cours, ne se faisaient
pas faute d'attirer à eux les honneurs. Ils disaient :
« Les paroles des scribes sont plus aimables que les
paroles de la Loi ; car, parmi les paroles de la Loi, les unes
sont importantes et les autres légères : celles des
scribes sont toutes importantes. » 1er., Berachoth,
f. 3, 2. Par des maximes de ce genre, souvent repro-
duites dans le Talmud, les scribes se plaçaient au-dessus
de Moïse et des prophètes, et à plus forte raison de
leurs contemporains. Ils en tiraient les conséquences
pratiques : « Le respect pour ton ami va jusqu'à l'hon-
neur dû à ton maître, et l'honneur dû à ton maître
touche à l'hommage dû à Dieu. » A both, iv, 12. En bien
des cas, le maître devait être préféré par le disciple à
son propre père, à moins que ce dernier ne fût scribe
lui-même; car, si le père donnait la vie qui fait entrer
dans le monde présent, le maître donnait la sagesse
qui fait entrer dans le monde futur. Baba mezia, n, 11.
« Ils aiment la première place dans les festins, les
premiers sièges dans les synagogues, les salutations
dans les places publiques, et à s'entendre appeler par
les hommes rabbi. » Matth., xxm, 6, 7; Luc, xi, 43.
« Ils aimaient àse promener en longues robes. » Marc,
xi], 38; Luc, xx, 46. Cf. Matth., xxm, 5. On leur rendait
donc honneur, mais il est douteux que l'amour accom-
pagnât le respect. Nulle part on ne trouve employée à
leur adresse la formule « bon maître », dont on se
sert pour Notre-Seigneur. Matth., xix, 16; Marc, x, 17,
2" Leurs vues intéressées. — Les scribes faisaient pro-
fession de désintéressement. On ne devait pas se servir
de l'enseignement de la Loi comme d'un outil avec
lequel on gagne de l'argent. Aboth, i, 13; IV, 5. Quand
on rendait la justice pour de l'argent, le jugement était
sans valeur. Berachoth, iv, 6. Pour vivre, les docteurs
exerçaient un métier, r donnant peu à ce métier, et
s'occupant beaucoup de la Loi. » Aboth, iv, 10. Saint
Paul suivit cette tradition. Act., xvm, 3; xx, 34, etc.
Néanmoins ce désintéressement n'était souvent que de
surface. Notre-Seigneur dit des scribes : « Ces gens
qui dévorent les maisons des veuves et font pour l'appa-
rence de longues prières, subiront une plus forte con-
damnation. » Marc, xn, 40; Luc, xvi, 14; xx, 47. On
retrouve dans le Zohar, i, 91 b, édit. Lafuma, Paris,
1906, p. 521, un écho des prétentions intéressées des
scribes : « Nous savons par une tradition, Pesachim;
49 a , dit Rabbi Abba, que l'homme est tenu de sacrifier
toute sa fortune pour obtenir en mariage la fille d'un
docteur de la loi ; car c'est aux docteurs de la loi que
Dieu confie le dépôt des bonnes âmes. » Cf. Schûrer
Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig,
t. n, 1898, p. 312-328.
IV. Les scribes célèbres. — 1° Les plus anciens. —
La Mischna, Aboth, I, enregistre le nom d'un certain
nombre de docteurs dont l'enseignement a fait auto-
rité: Simonie Juste et AntigonedeSocho, José ben Joéser
et José ben Jochanan, Josué ben Pérachya et Nittaï
d'Arbèle, Juda ben Tabbaïet Simon ben Schetach, Sche-
maya et Abtalyon, Hillel et Schammaï, Gamaliel et
son fils Simon. Simon le Juste n'est autre probablement
que le grand-prêtre du même nom. Josèphe, Ant. jud.,
XII, n, 4. Sur la plupart des autres, on n'a que de
vagues renseignements. Gamaliel est mentionné dans
les Actes, v, 34; xxn, 3. Voir Gamaliel, t. m, col. 102.
2» Hillel et Schammaï. — Les plus intéressants sont
Hillel et Schammaï, dont les doctrines avaient eu un
grand . retentissement et dont l'influence s'exerçait
encore puissamment au temps de Notre-Seigneur. Les
deux docteurs vivaient à l'époque d'Hérode le Grand.
Cf. S. Jérôme, In 1$., m, 8, t. xxiv, col. 119; Schab-
bath, 15 a. Hillel l'Ancien, de la race de David, 1er. Taa-
V. - 49
1539
SCRIBE
1540
nith, iv, 2, fol. 68a, était venu de Babyloneen Palestine.
Pauvre, il se louait à la journée pour son entretien et
celui de sa famille, ainsi que pour payer ses frais d'ins-
truction. Un jour, n'ayant pu payer son entrée dans
l'école, il se hissa à la fenêtre pour entendre la leçon.
Comme c'était en hiver, on l'y trouva bientôt tout
engourdi. Il acquit des connaissances incroyables sur
tous les sujets et devint l'un des docteurs les plus en
renom. La douceur et la bonté formaient le fond de
son caractère. Schammaï, au contraire, était la rigi-
dité même. Son zèle intransigeant l'entraînait toujours
à l'application la plus stricte de la loi. Il ne frayait pas,
. comme Hillel, avec les Hérodes, et son patriotisme
farouche le rendait plus populaire auprès de ceux qui
abhorraient la domination étrangère. Il obligeait son
fils en bas âge à jeûner le jour de la fête des Expiations.
Un petit-fils lui étant né pendant la fête des Taber-
nacles, il fit enlever le plafond de la maison et le rem-
plaça par des feuillages, afin que l'enfant observât la
loi dès son entrée en ce monde. Sukka, n, 8. Dès le
troisième jour avant le sabbat, il évitait d'envoyer des
lettres, afin qu'elles ne voyageassent pas le jour du
repos. A un païen qui lui promettait de se convertir
s'il pouvait lui enseigner la loi pendant qu'il se tien-
drait sur un pied, il répondit par un coup de bâton.
Hillel, au contraire, satisfit à la même demande en
disant : « Ne fais pas à ton prochain ce que tu ne
voudrais pas qu'on te fit; c'est toute la loi, le reste en
découle. » Bab. Schabbath, 31 a. Les deux docteurs
exigeaient l'accomplissement intégral de la loi, mais
l'un en restreignait autant que possible l'obligation,
tandis que l'autre retendait au maximum. Dans bien
des cas Cependant, Schammaï se montrait plus large
qu'Hillel. Au fond, les deux docteurs tenaient surtout
à ne pas donner les mêmes décisions; quand l'un
avait pris parti dans un sens, l'autre décidait dans un
sens opposé ou différent. Ainsi, sur la question du
divorce, Schammaï se montrait fort rigoureux, tandis
qu'Hillel le permettait pour la cause la plus futile. Ce
fut aussi Hillel qui inventa la wpouêoXvi, formalité qui
permettait d'éluder la libération des dettes à l'année
sabbatique. Voir Sabbatique (Année), col. 1302. Le
même docteur se préoccupa de mettre par écrit la loi
orale, c'est-à-dire l'interprétation de la loi mosaïque
par les docteurs, ses devanciers. Il classa leurs sen-
tences sous six titres différents et posa ainsi les bases
de la Mischna. Au temps de Notre-Seigneur, le recueil
rédigé par écrit sous sa direction existait probablement
déjà. Hillel formula aussi sept règles d'interprétation
qui furent développées par la suite. Ces règles, consi-
gnées dans le traité Sanhédrin, vu, étaient les sui-
vantes : 1. Conclusion d'un sujet à un autre par a for-
tiori. — 2. Conclusion d'après l'analogie.. — 3. Examen
d'un principe contenu dans un seul texte. —4. Compa-
raison des textes contenant des principes semblables. —
5. Solution d'un cas particulier d'après des cas géné-
raux. — 6. Citation d'exemples. — 7. Sens général
résultant de l'ensemble d'un passage. Ces règles étaient
sages, mais leur application poussée jusqu'à l'outrance
amena souvent des conclusions inacceptables. Hillel
n'en exerça pas moins une très grande influence et
ses disciples finirent par l'emporter sur ceux de son
rival. Ils firent preuve d'une certaine tolérance à l'égard
des chrétiens. Héritiers de la rigueur de leur maître,
les disciples de Schammaï comptèrent sans nul doute au
nombre de ceux qui poursuivirent le Sauveur avec le
plus d'acharnement, en lui reprochant son relâchement.
Les discussions entre Hillélistes et Schammaïstes furent
des plus violentes. Elles frappèrent d'autant plus qu'à
l'époque évangélique les scribes ne s'enfermaient plus
dans leurs écoles, mais enseignaient dans les rues et
les places publiques. Cf. Pesachim, f. 26, 1 ; Erubin,
f. 29, 1; Moed Katon,t. 16, 1.
3° Les scribes postérieurs. — Après Hillel et Scham-
maï, parurent Simon, fils d'Hillel, sur lequel on n'a que
des données problématiques, Gamaliel I er , contemporain
de Notre-Seigneur, puis son fils Simon, dont la renom-
mée fut extraordinaire. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, m,
9; Vit., 38, 39, 44, 60. II vivait à l'époque de la guerre.
Après la ruine de Jérusalem, les scribes se réunirent
à Jabné et à Tibériade. Ils cessèrent dès lors d'être en
contact direct avec les chrétiens. Cf. Schiirer, Ge-
schichte, t. n, p. 351-366; Stapfer, La Palestine au
temps de J.-C, Paris, 1885, p. 273-296. — Parmi les
anciens scribes, plusieurs furent sans nul doute des
hommes de haute vertu, comme, par exemple, Esdras,
Simon le Juste, etc. L'Église le suppose quand, dans
l'antienne de Magnificat aux premières vêpres de la
Toussaint, elle invoque, après les anges, « les patriar-
ches, les prophètes, les saints docteurs de la loi, tous
les apôtres, etc. »
4» Notre-Seigneur indépendant des scribes. — L'en-
seignement de Notre-Seigneur, malgré quelques maxi-
mes communes dans la forme, ne s'inspire en aucune
manière de celui des scribes. On a tenté parfois de rap-
procher Hillel de Jésus. Delitzsch conclut son écrit
Jésus und Hillel, Erlangen, 1879, en disant : « Les ten-
dances de l'un sont aussi loin des tendances de l'autre
que le ciell'estde la terre. Hillel fait de la cas uistiquepour
son peuple, Jésus fait de la religion pour l'humanité. »
V. Les scribes dans le Nouveau Testament, —
1» Pendant l'enfance de Notre-Seigneur. — A l'arrivée
des Mages à Jérusalem, Hérode consulta les princes des
prêtres et les scribes pour savoir d'eux où le Christ de-
vait naître. Matth., n, 4. Les princes des prêtres et les
scribes désignent ici le sanhédrin. Cette assemblée com-
prenait en effet des princes des prêtres, des scribes et des
anciens. Voir Sanhédrin, col. 1459. A titre de membres
du sanhédrin, les scribes sont souvent mentionnés dans
l'Évangile, conjointement avec les deux autres ordres.
Matth., xvi, 21; xx, 18; xxvi, 57; xxvn, 41; Marc, vin,
31; x, 33; xi,18; Luc, ix, 28; xxra, 10; etc. — A l'âge
de douze ans, Jésus resta à Jérusalem après les fêtes de
la Pâque, au lieu de retourner à Nazareth avec ses
parents. Au bout de trois jours, ceux-ci « le trouvèrent
dans le Temple, assis au milieu des docteurs et les
interrogeant. Et tous ceux qui l'entendaient étaient
ravis de son intelligence et de ses réponses. » Luc.,n,
46-47. Les docteurs sont seuls nommés ici, à l'exclu-
sion des prêtres et des anciens, parce que ces derniers
ne s'occupaientpas d'enseignementet d'ailleurs n'avaient
pas la compétence pour le faire. Jésus était assis au
milieu des docteurs, non pas sur un de leurs sièges,
mais à leurs pieds, comme Saùl aux pieds de Gamaliel,
Act., xxii, 3, dans l'attitude qui convenait au disciple.
Il interrogeait et il répondait, comme le faisaient habi-
tuellement les auditeurs des scribes. L'auteur de l'Évan-
gile arabe de l'enfance, 50-52, prétend savoir que la
discussion porta d'abord sur la question du Messie,
puis sur la Loi et ses préceptes, les prophéties et leurs
mystères, l'astronomie, etc. Il est possible que les
interrogations et les réponses aient concerné principa-
lement le Messie attendu; c'est même assez probable.
Toutefois l'Évangile n'en dit rien ; il se contente de
noter l'effet produit par l'intelligence du divin Enfant.
Il est certain d'ailleurs que, dans la circonstance,
Jésus n'agissait ni par ostentation ni par vaine curiosité,
mais pour « être aux affaires de son Père ». Luc, n, 49.
2» Pendant la prédication de Notre-Seigneur. —
Le Sauveur prêchait son Évangile sans avoir fréquenté
les écoles des docteurs, Joa., vu, 15, sans avoir sollicité
leur approbation et sans se rattacher à aucune de leurs
traditions. Il était inévitable que, dans ces conditions,
la susceptibilité des scribes fût froissée, que leur atten-
tion fût éveillée et que leur orgueil blessé suscitât à
Notre-Seigneur des difficultés et des persécutions. C'est
1541
SCRIBE — SCULPTURE
1542
ce qui arriva. Le Sauveur commença par signifier que,
pour faire partie du nouveau royaume qu'il venait fon-
der, il fallait une justice supérieure à celle des scribes
et des pharisiens. Matth,, v, 20. Les deux sont men-
tionnés ensemble parce que, si les pharisiens ne pou-
vaient tous être des scribes, ces derniers du moins
étaient pharisiens, et que la justice des uns et des autres
consistait surtout dans l'observance de leurs traditions
humaines, au détriment de la loi divine et morale.
Matth., xv,- 3. L'enseignement du Sauveur, parlant de
sa propre autorité et toujours d'accord avec le bon sens
et les sentiments de la conscience, contrastait avec celui
des scribes, qui se référaient constamment à l'opinion
de leurs devanciers et qui en tiraient des conséquences
parfois révoltantes. Le peuple ne tarda pas à en faire
la remarque. Matth., vu, 29; Marc.,i, 22. Les scribes
se pressèrent dès lors sur les pas du Sauveur. Il en
venait de Jérusalem, delà Judée et de toutes les parties
de la Galilée. Marc, ni, 22; vu, 1; Luc, x, 17. Bien
que la juridiction du sanhédrin ne s'étendît pas en
Galilée, les scribes de cette assemblée croyaient utile
de surveiller le nouveau docteur et au besoin de com-
battre son influence. Ils témoignaient d'ailleurs des
sentiments les plus divers. Quelques-uns venaient avec
un sincère désir de s'instruire et se laissaient gagner.
Un jour l'un d'eux demanda à suivre Notre-Seigneur.
Matth., vm, 19. En lui opposant son propre dénûment,
le divin Maître sembla dresser devant le scribe un obs-
tacle que celui-ci n'eut pas le courage de franchir. Plus
tard, saint Paul recommandera à Tite un docteur de la
loi, Zénas, devenu chrétien. Tit.,m, 13. D'autres scribes
interrogeaient Notre-Seigneur. Ils lui demandaient ce
qu'il faut faire pour posséder la vie éternelle, Luc, x,
25, quel est le premier commandement de la loi. Matth.,
xxn, 35; Marc, XII, 28. Ils l'approuvaient d'avoir bien
réfuté les sadducéens. Luc, xx, 39. Mais, la plupart du
temps, ils cherchaient à le prendre en défaut, en lui
posant hypocritement des questions captieuses, comme
celle delà femme adultère, Joa., vm, 3, du tribut à
César. Luc, xx, 20-26. Ils réclamaient un signe dans
le ciel. Matth., xn, 38. Ils jetaient les hauts cris quand
il remettait les péchés, Matth., ix, 3; Marc,, il, 6; Luc,
v, 21, quand il allait avec ceux qu'ils appelaient les
pécheurs, Marc, h, 16; Luc, v, 30; xv, 2, quand il
guérissait le jour du sabbat, Luc, vi, 7; xiv, 3, quand
il laissait ses disciples transgresser leurs traditions,
Matth., xv, 1; Marc, vu, 1, 5, quand on l'acclamait à
son entrée à Jérusalem sans qu'il l'empêchât. Matth.,
xxi, 15. Ils attribuaient ses miracles à la puissance du
démon. Marc, m, 22. Quand ils trouvaient les apôtres
seuls, ils discutaient avec eux pour les mettre dans
l'embarras aux yeux de la foule. Marc, ix, 13.
3° Condamnation des scribes. — Les scribes s'étaient
abstenus du baptême de Jean. Luc, vu, 30. Ils se
montrèrent finalement encore plus hostiles à Notre-
Seigneur. Après l'avoir interpellé violemment dans le
Temple, Marc, xi, 27, ils poussèrent énergiquement à
sa condamnation et vinrent se moquer de lui au pied
même de sa croix. Marc, xv, 31. Il était donc néces-
saire qu'avant de quitter ce monde Notre-Seigneur pré-
munit ses disciples contre l'influence néfaste des scri-
bes. Il les traite d'hypocrites, Marc, vu, 5, et un
jour adresse au peuple de sévères conseils à leur sujet.
Il reconnaît qu'ils sont assis dans la chaire de Moïse
et qu'il faut leur obéir, en tant qu'ils interprètent véri-
tablement Moïse. Mais, en même temps, il leur repro-
che de ne pas faire eux-mêmes ce qu'ils commandent
aux autres, d'accabler ceux-ci de fardeaux qu'ils dédai-
gnent de toucher du doigt, de tout faire par ostentation,
de rechercher pour eux tous les honneurs, de ne pas
vouloir entrer dans le royaume des cieux et d'en inter-
dire l'accès aux autres, de dévorer les maisons des veu-
ves sous prétexte de piété, de se donner mille peines
pour faire un prosélyte qu'ils mènent à la damnation,
d'être pour le peuple des guides aveugles, de s'attacher
à des minuties tout en négligeant les préceptes les plus
graves de la loi divine, de n'avoir au fond du cœur
que rapine et intempérance, de ressembler ainsi à des
sépulcres blanchis pleins de pourriture, enfin de con-
tinuer l'œuvre homicide de leurs pères qui ont mis à
mort les prophètes. « Serpents, race de vipères, con-
clut-il, comment éviterez-vous d'être condamnés à la gé-
henne? » Matth., xxiii, 2-36; Luc, xi, 45-53. « Gardez-
vous des scribes ! » dit-il encore. Marc, xn, 38; Luc,
xx, 46. Cf. Rom., Il, 19-24; I Cor., i, 19-20. Ce réqui-
sitoire vise à la fois les scribes et les pharisiens, mais
surtout les premiers, parce qu'ils ont la direction morale
de la nation et égarent les pauvres âmes dont ils sont
les guides. Le Sauveur n'a pas pu exagérer. Il en faut
conclure qu'on est obligé de porter au compte des scri-
bes l'hypocrisie, l'orgueil, la dureté, la cupidité, la Vio-
lence. Notre-Seigneur leur oppose « le scribe versé dans
ce qui regarde le royaume des cieux, » c'est-à-dire celui
qui possède la science et l'esprit de l'Évangile. Celui-là
« ressemble au père de famille qui tire de son trésor
des choses nouvelles et des choses anciennes. » Matth.,
xin, 52. Il tient compte des traditions dans la mesure
nécessaire, puisque la loi nouvelle ne fait qu'accomplir
et perfectionner l'ancienne ; mais il ne se fait pas l'es-
clave de ces traditions, surtout dans ce qu'elles ont de
provisoire et de purement humain, et il ne craint pas
d'y adjoindre ce que l'Évangile apporte aux hommes de
vérités et de grâces.
VI. Les docteursde la loi nouvelle. — Les chrétiens
n'ont qu'un docteur, le Christ, leur seul maître, SiSi-
<7xa>.o;, xoe9ïiyï)Tvi;. Matth., XXHI, 8, 10. Sous son inspi-
ration et en conformité parfaite avec sa doctrine,
d'autres sont docteurs dans l'Église. Il y en avait dans
l'église d'Antioche. Act., xm, 1. Saint Paul fut particu- *
lièrement établi prédicateur, apôtre et docteur des
gentils. II Tim., i, 11. Après les apôtres et les pro-
phètes, Dieu a institué des docteurs, et c'est là un don
particulier que tous ne peuvent avoir. I Cor., xu,
28, 29; Eph., iv, 11. L'évêque doit posséder ce don.
I Tim., in, 2; Tit., I, 9. Quelques nouveaux chrétiens,
venus du judaïsme, avaient la prétention d'être des
docteurs de la loi, sans rien comprendre de ce qu'ils
affirmaient. I Tim., i, 7. Il y eut même beaucoup de
faux docteurs dans la primitive Église. II Tim., iv, 3, 4
II Pet., h, 1-3. Les Apôtres mettent les vrais disciples
en garde contre leurs enseignements et leurs exemples.
Voir Judaïsants, t. m, col. 1778. H. Lesètbe.
SCULPTURE, art de tailler des objets en relief
dans une matière dure, pierre, bois, etc. La sculpture
est appelée par saint Paul xâpocyna tt-/iyi\t, sculptura
artis. Act., XVII, 29. Les objets sculptés prennent les
noms de miqla'at, de gala' « tailler », et pi((ûal.i, de
pdfal}, « ouvrir », au pihel « sculpter ». Les versions
rendent ces mots par xoXaTmî, éyxaXaTtxâ, cœlatura,
qui conviennent surtout à la gravure. Voir Gravure,
t. m, col. 308. Le mot sculptile, employé souvent par
la Yulgate, désigne ordinairement l'idole, qui est un
ouvrage de sculpture exécuté plus ou moins artisti-
quement. — 1« La Loi défendait de faire des images
taillées représentant des êtres vivants pour leur rendre
un culte. Exod., xx,4; Lev., xxvi, 1; Deut., iv, 16,23;
v, 8; xxvn, 15. Elle ne prohibait donc la sculpture que
quand celle-ci avait un but idolâtrique. Le Seigneur lui-
même commanda de sculpter les chérubins de l'Arche.
Exod., xxv, 18. Voir Chérubin, t. m, col. 660. Plus
tard, Salomon introduisit dans son Temple différentes
représentations sculpturales. Bien que la sculpture en
elle-même ne fut pas prohibée, les Hébreux, soit au
désert, soit dans les premiers temps de leur établisse-
ment en Chanaan, n'eurent pas à s'y exercer. La ciselure
1543
SCULPTURE
1544
et la gravure leur servirent à préparer différents objets
destinés au culte. Exod., xxvm, 11, 21, 36; xxxix, 6.
La sculpture n'intervient fort sommairement que dans
la fabrication hâtive du veau d'or, Exod., xxxii, 4, et
dans celle du serpent d'airain. Num., xxi, 9. — 2» Pour
l'ornementation sculpturale du Temple, comme pour
sa construction, Salomon fît appel aux Phéniciens.
Hiram était habile en sculpture, comme en toutes sortes
de travaux d'art. II Par., H, 14. Tout l'intérieur de l'é-
difice reçut des parois de cèdre, qui furent décorées de
miqla'at, « sculpture », mot qui ne dit pas par lui-même
s'il s'agissait de taille du bois en relief ou en creux.
Les motifs de sculpture étaient des coloquintes et des
guirlandes, soit en très-bas relief, soit en relief plus
accentué sur un fond creusé à l'entour. Les versions
diffèrent ici dans leur manière d'entendre les mots
techniques. III Reg.. vi, 18. Salomon lit aussi sculpter
327. — Sculpteur égyptien.
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte et île la Nubie,
1845, t. il. pi. 180. '
pour le Saint des saints deux chérubins en bois d'oli-
vier, de dix coudées ou environ cinq mètres de haut.
Ils avaient des ailes de cinq coudées chacune qui, dé-
ployées, allaient d'une muraille à l'autre. Le Saint des
saints ayant vingt coudées de large, les deux chérubins
occupaient toute cette largeur par leurs ailes déployées.
Ils étaient debout sur leurs pieds, la face tournée vers
le Temple. II Par., m, 13. Des feuilles d'or recouvraient
complètement le bois dont étaient fabriquées ces hautes
statues. III Reg., vi, 28. Le texte ajoute ici que sur les
murailles, tout autour, on sculpta une ornementation
en creux, figurant des chérubins, des palmiers et des
guirlandes de Heurs, à l'intérieur et à l'extérieur.
III Reg., vi, 29. Cette ornementation ne fut vraisem-
blablement appliquée qu'au Saint des saints, puisque
le reste du Temple en avait une autre un peu différente.
III Reg., vi, 18. La mention « à l'intérieur et à l'exté-
rieur » indique que cette partie de l'édifice comportait
une décoration plus complète que le reste. La porte du
Saint des saints reçut des vantaux en bois d'olivier,
avec des sculptures représentant encore des chérubins,
des palmiers et des guirlandes de fleurs, le tout rehaussé'
d'or. III Reg., vi, 32. Des vantaux à deux valves en bois
de cyprès, destinés à la porte du Temple, eurent une
décoration sculpturale reproduisant les mêmes motifs.
III Reg., vi, 34, 35. Cf. II. Vincent, La description du
Temple de Salomon, dans la Revue biblique, 1907,
p. 515-542. Les sculpteurs phéniciens travaillèrent
encore aux différents objets que contenait le Temple.
Ils firent les deux colonnes d'airain, voir Colonnes du
Temple, t. n, col. 856, la mer d'airain, soutenue par
douze taureaux et ornée de bas-reliefs sur ses panneaux,
ainsi que les dix bassins d'airain. Voir Mer d'airain,
t. iv, col. 982-986. Salomon voulut aussi avoir un trône
avec deux lions sur les bras et douze autres sur les six
degrés. III Reg., x, 19, 20; II Par., ix, 18. Voir Lion,
t. IV, col. 279. Lorsque les Chaldéensse furent emparés
de Jérusalem et du Temple, ils brisèrent à coups de
hache « ses sculptures », pitfvhêyâh. Ps. lxxiv(lxxih)
328. — Porte dorée du Temple de Jérusalem.
D'après de Saulcy, Derniers jours de Jérusalem, p. 240.
6. Les versions ont traduit « ses portes », comme s'il y
avait en hébreu pifljéyâh. Dans sa description du Tem-
ple, Ézéchiel, xli, 18-20, 25, suppose aussi des chérubins
à deux visages d'homme et de lion avec des palmiers
sur les murailles de l'édifice et sur les battants des
portes du Temple lui-même et du Saint des saints. —
Isaïe, xlix, 13-15, et la Sagesse, xm, 13, montrent à
l'œuvre le sculpteur qui fabrique des idoles (fig. 327).
Zacharie, m, 9, parle d'une pierre dont Jéhovah doit
sculpter la gravure, probablement la pierre qui doit
couronner le fronton du Temple et qui, comme une stèle,
sera décorée de bas-reliefs.
3° On ne sait rien de la place, probablement fort
minime, que la sculpture occupait dans le second Tem-
ple. Mais, après le retour de la captivité, l'opinion juive
devint très intransigeante à l'égard des représentations
sculpturales. On regarda comme contraires à la Loi
les taureaux de la mer d'airain et les lions du trône
de Salomon. Josèphe, Ant. jud., VIII, vu, 5. On en vint
à tenir pour prohibée toute figure divine ou humaine,
non seulement dans le Temple, mais encore dans tout
329. — Tombeau des rois. D'après de Saulcy, Derniers jours de Jérusalem, p. 214.
330. — Tombeau de Josué. D'après la Revue biblique, 1893, p. 613.
Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6- édit., t. m, flg. 3, p. 17-29.
1547
SCULPTURE
1548
endroit profane de la contrée. Josèphe, Bell, jud., II,
x, 4. De là l'antipathie absolue des Juifs pour les tro-
phéeset lea enseignes militaires dans lesquels entraient
des figures sculptées. Josèphe, Ant. jud., XV, vin, I ;
XVIII, m, 1; v, 3; Bell, jud., II, rx, 2. Sur l'ordre du
sanhédrin, on détruisit par le feu le palais que le
tétrarque Hérode avait bâti à Tibériade, parce qu'il était
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331. — Chapiteau d'un hypogée juif.
D'après la Bévue biblique, 1899, p. 300.
décoré de figures d'animaux. Josèphe, Vit., 12.- On
supposait d'ailleurs que la Loi n'interdisait que les
représentations d'hommes ou celles d'animaux réels.
Josèphe, Ant. jud., III, vi, 2. Par égard pour le préjugé
des Juifs, Hérode s'abstint de faire représenter des
figures humaines ou animales sur ses monnaies. Le té-
trarque Hérode Philippe II, puis Agrippa I er et Agrippa II
se le permirent. Les procurateurs eux-mêmes ne mirent
que des emblèmes végétaux sur les monnaies de cuivre
332. — ' Ornement d'un soffite d'un hypogée juif
D'après la Revue biblique, 1899, p. 300.
qu'ils frappèrent pour l'usage du pays. Voir Monnaie,
t. iv, col. 1246-1250. Mais les monnaies d'or et d'argent
frappées en dehors de la Palestine y circulaient libre--
ment, bien qu'elles portassent l'image de l'empereur.
Matth., xxn, 20; Marc, xn, 16; Luc, xx,24. Seule, une
petite monnaie de cuivre, datant probablement des
dernières années d'Hérode I er , porte un aigle. On sait
que sur la fin de son régne, le prince tenait beaucoup
moins compte des idées de ses sujets. Cf. Th. Reinach,
Les monnaies juives, Paris, 1887, p. 32. Il avait aussi
fait placer sur la porte du Temple un grand aigle d'or
que des zélateurs de la Loi abattirent un jour. Josèphe,
Ant. jud., XVII, vi, 2; Bell, jud., I, xxxn, 2. .On cons-
tate néanmoins que la Loi n'était pas toujours com-
prise d'une manière aussi étroite. Sur le château fort,
tout entier de marbre blanc, dont les restes subsistent
encore au delà du Jourdain, à Araq-el-tmir, l'ornemen-
tation comportait d'énormes animaux sculptés. Josèphe,
Ant. jud., XII, iv, 11, en attribue la construction à
Jean Hyrcan. Il esta croire que l'édifice est antérieur
à ce prince, qui n'aurait fait que le réparer et l'occuper.
Cf. Revue biblique, Paris, 1893, p. 140; Schùrer, Ge-
schichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, t. n, p. 49.
Hérode-A grippal" fit reproduire en sculpture l'image
de ses filles. Josèphe, Ant. jud., XIX, ix, 1. Les Juifs
de la dispersion admettaient volontiers les images
333. — Ossuaire en pierre blanche.
D'après la Revue biblique, 1904, p. 262.
d'animaux dans l'ornementation de leurs monuments.
Cf. Schûrer, Ibid.
4° Dans sa restauration du Temple, Hérode dut natu-
rellement s'abstenir de froisser les idées reçues parmi
les Juifs de son temps. La sculpture, réduite au mini-
mum, ne comporta probablement que les ornements
essentiels à l'aspect archictectural du monument.
Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, dit que les colonnes de
marbre blanc qui constituaient les portiques étaient
polies avec soin mais n'avaient reçu aucune décoration
de peinture ou de sculpture. Les portes étaient ornées
334. — Couvercle d'un sarcophage juif.
D'après V. Ancessi, Atlas, pi. xix.
de plaques d'or et d'argent; mais seule la porte princi-
pale du Temple proprement dit avait pour décorer son
sommet une gigantesque vigne d'or, dont les grappes
avaient la hauteur d'un homme. Josèphe, Bell, jud.,
V, v, 4; Ant. jud., XV, xi, 3. Ailleurs cependant, Josè-
phe, Ant. jud., XV, XI, 5, dit que les colonnes des por-
tiques du Temple, que trois hommes pouvaient embras-
ser de leurs bras, avaient des chapiteaux corinthiens
sculptés d'une manière admirable, et que les boiseries de
la toiture étaient ornées de sculptures en haut relief
de différentes formes. Cette décoration sculpturale ne
1549
SCULPTURE — SEAU
1550
pouvait procéder que de l'art grec, alors prédominant
en Palestine. Les pilastres de l'ancienne Porte dorée
(fig.328)sontencore surmontés dechapiteaux corinthiens
de l'époque hérodienne.
5° Les sépultures juives ont gardé quelques morceaux
de sculpture caractéristiques de l'art palestinien. Les
rosaces forment toujours le principal motif de leur déco-
ration. Voir t. il, lig. 146, col. 437. On les retrouve,
avec des guirlandes au Tombeau des rois (fig. 329) et
beaucoup plus sobrement au Tombeau de Josué (fig. 330).
VoirToMBEAU. Dans un hypogée juif, découvert en 1897 1
les pilastres ont des chapiteaux à triple rangée de ro-
saces, de palmettes et d'oves (fig. 331), et un soffite est
orné de quatre rosaces différentes (fig. 332). Dans d'autres
ossuaires, les rosaces habituelles sont plus simples
(fig. 333). Voir Revue biblique, 1899, p. 299-301 ; 1901 ,
p. 449-451 ; 1902, p. 103; 1904, p. 262, 263; 1907, p. 410,
' 411. La décoration végétale est la seule qui ait été
employée par les sculpteurs juifs; le couvercle d'un
sarcophage du Tombeau des rois en offre un riche
spécimen (fig. 334). Au tombeau d'Absalom, 1. 1, fig. 10,
col. 98, la frise qui surmonte les chapiteaux ioniques
très simples présente une alternance de triglyphes et
de métopes ornées de rosaces sculptées, comme dans
les monuments grecs. Souvent, d'ailleurs, les ouvriers
phéniciens ont dû exécuter, pour le compte des Juifs,
des sculptures dans le style composite qui leur était
habituel, tout en l'accommodant au goût de leurs clients.
H. Lesêtre.
SCYTHES (grec : Sxjâv);), mot employé par saint
Paul, Col., m, 11, non comme terme ethnique, mais
335. — Scythe. Statuette en terre cuite de Kertch.
D'après N. Kondakof, Antiquités de la Russie méridionale,
in-8>, Paris, 1891, p. 204.
comme synonyme de grossier, d'ignorant. Dans II Mach.,
IV, 47, il désigne le peuple connu sous ce nom (fig. 335),
mais il est pris seulement comme terme de comparai-
son dans le sens de « barbares ». L'auteur du même
livre appelle Bethsan « ville des Scythes », XII, 29, Scy-
thopolis. Voir Scïthopolis.
SCYTHOPOLIS (grec : Sxueûv itoXîc; Vulgate :
civitas Scytharuni), nom de Bethsan dans II Mach.,
xii, 29. Elle porte aussi ce nom dans le texte grec de
Judith, iii,10. Sur l'origine de cette dénomination, voir
Bethsan, 1. 1, col. 1738-1739.
SCYTHOPOLITES(grec : 2xu6oTtoXÎT:ai; Vulgate:
Scythopolitœ), habitants de Scythopolis.il Mach.,xn,30.
SÉAH (hébreu : se'âh), mesure hébraïque. C'était le
tiers de l'éphi. La Vulgate a traduit ordinairement
se'âh parsatum. Voir Mesures, iv, 5», t. iv, col. 1043.
SEAU (hébreu : delî eldôlî; Septante :xâSo;; Vul-
gate : situla), récipient servant à puiser de l'eau. Le
mot hébreu vient de dâlâh, « être suspendu »; il
indique donc un récipient suspendu (fig. 336). Voir
336. — Seau assyrien attaché à une corde, qu'on tait manœuvrer
avec une poulie, d'une forteresse assiégée. Un soldat assié-
geant coupe la corde avec son arme. D'après Layard, Mne-
veh and its remains, 1849, 1. 1, p. 32.
aussi t. m, fig. 181, 182, 184, col. 927, 928. Cf. Eccle.,
xn, 6; Cruche, t. n, col. 1136. La forme et la matière
en sont naturellement variables. — Dans un de ses
oracles sur Israël, Balaam s'exprime ainsi :
L'eau déborde de ses deux seaux,
Sa race croît sur des eaux abondantes. Num., xxiv, 7.
L'eau qui déborde des deux seaux figure la fécondité
d'Israël, dont ensuite les fils croissent sur le bord des
eaux abondantes, par conséquent dans les meilleures
conditions de prospérité. La Vulgate traduit : « L'eau
coulera de son seau. » Mais les Septante rendent diffé-
remment le passage : « Un homme sortira de sa race
et il sera maître de beaucoup de nations. » Plusieurs
cependant trouvent qu'il y a quelque incohérence à
voir l'eau désigner, dans ces deux vers, tantôt la race
elle-même et tantôt la bénédiction qui fait prospérer
la race. Ils rattachent donc delî à ddlîf, « rameaux »,
Jer., xi, 16; Ezech., xvii, 6; etc., et traduisent : c L'eau
déborde de ses rameaux, » c'est-à-dire Israël est comme
un arbre recevant à la fois les eaux du ciel, qui découlent
de ses rameaux et les eaux de la terre, qui arrosent
ses racines. Cf. Rosenraûller, In Num., Leipzig, 1798,
p. 300; Fr. de Hummelauer, In Num., Paris, 1899,
p. 290 La plupart néanmoins s'en tiennent au premier
sens. — Isaïe, XL, 15, dit qu'aux yeux de Dieu « les
1551
SEAU — SÉGHÉTEMI
1552
nations sont comme la goutte suspendue à un seau, »
quand il remonte de la fontaine; la moindre secousse
la fait tomber. —La Samaritaine dit à Notre-Seigneur,
Joa., IV, 11, qu'il n'a pas de seau, avrXïuxa, pour puiser
l'eau dans le puits de Jacob qui est profond.
H. Lesètre.
SÉBA (hébreu : Séba'; Septante : Saëeé), benjamite,
fils de Bochri, qui se mit à la tête de la révolte contre
David, après la mort d'Absalom. II Sam. (Reg.), xx,
1-22. Il habitait la montagne d'Éphraïm, f. 21. Il réus-
sit à soulever toutes les tribus d'Israël, excepté celle
de Juda qui resta fidèle. C'était comme le prélude de
la révolte de Jéroboam. David donna l'ordre à Amasa
de réunir aussitôt les hommes de la tribu de Juda,
mais comme ce dernier n'exécuta pas ses ordres tout
de suite, le roi, qui sentait qu'il n'y avait pas de temps
à perdre, fit poursuivre aussitôt le rebelle par Abisaï,
qui fut accompagné par Joab et ses hommes. Joab
devait être irrité de voir le commandement des troupes
confié à Amasa; l'ayant rencontré près de Gabaon, il
le tua et, avec son frère Abisaï (voir 1. 1, col. 60), il pour-
suivit sans perdre de temps Séba jusqu'à Abel-Beth
Maacha. Là, une femme de la ville fit jeter à Joab la
tète du rebelle, sur la promesse que la place serait épar-
gnée. Ainsi finit la révolte.
SÉBÉ (hébreu : Sêba' ; Septante : Esële), troisième
fils d'Abihaïl et petit-fils d'Hnri, un des chefs de la
tribu de Gad, dans le pays de Basan. I Par., v, 13.
SÉBÉNIA (hébreu : Sebanyâhû , Septante : Vali-
canus : Eaêavii; Alex., Sin. : Seêavidt), lévite qui
signa l'alliance avec Dieu du temps d'Esdras. IIEsd.,
x, 10. Voir Sabania 1, col. 1288.
SÉBÉNIAS, nom de deux Israélites, dont le nom
n'est pas toujours écrit de la même manière.
1. SÉBÉNIAS (hébreu : Sebanyâhû; Septante : Va-
licanus : 2o,uvtà; Alexandrinus : Swëeviâ; Sinai-
ticus : So6vsiœ), prêtre qui vivait du temps de David
et jouait de la trompette devant l'arche. I Par.,
xv, 24-
2. SÉBÉNIAS (hébreu : Sebanyâhû ; Septante :
Valicanus : 'Eëavei'; Alexandrinus : Ssëavi, II Esd.,
x, 4; omis dans Valicanus, xn, 14), prêtre ou lévite
qui signa l'alliance avec Dieu du temps d'Esdras. Il
s'était établi à Jérusalem au retour de la captivité de
Babylone. II Esd., xn, 3 (hébreu : Sekanyâh [chetib] et
[fterï] Sebanydh).
SÉBÉON (hébreu : Sibe'ôn; Septante : SeëEYwv),
troisième fils de Séir l'Horréen, un des 'alloufde l'Idu-
mée, père d'Aïa et d'Ana (voir Aïa 1, Ana 2, t. i, col. 295,
532), de Dison 2 (t. n, col. 1441) et grand-père d'Ooli-
bama 1, femme d'Ésaù (t. iv, col. 1826). Gen., xxxvi, 2,
14, 20, 24, 29; I Par., i, 38, 40. Il est qualifié, jr. 2,
d'Hévéen, hd-lfivvi, nnn, mais il y a tout lieu de croire
que c'est une fausse lecture pour nnn, ha-Hôri,
« l'Horréen ». Cf. jf. 20, 21, 29, 30. Voir Horréen,
t. ni, col. 758. Ana est appelé f. 2 « sa fille » et f. 24,
« son fils ». Le texte samaritain porte p, « fils », au
lieu de m, « fille ». Si l'on conserve la leçon « fille»,
il faut la rapporter, non au nom d'Ana qui précède
immédiatement, mais à celui d'Oolibama placé avant
Ana. Voir Ana 2, t. i, 532.
SÉBÉTHAÏ (hébreu : Sabtaï; Septante : Eas-o-aOn'),
lévite qui vivait du temps d'Esdras. I Esd., x, 15. Son
nom est écrit Sabathaï, I Esd., x, 15; Septhaï, II Esd.,
vu, 8. Voir Sabathaï, col. 1290.
SÉBIA, nom d'un homme et d'une femme israélilès
dans la Vulgate.
1. SÉBIA (hébreu: Sibyâ' ; Septante : Esëià), benja-
mite, le second fils qu'eut Saharaïm d'une de ses femmes
appelée Hodès, dans le pays deMoab. I Par., vin, 9.
2. SÉBIA (hébreu : Sîbyâh, « gazelle »; Septante :
Eaéiâ), mère du roi de Juda, Joas. Elle était originaire
de Bersabée. IV Reg., xn, 1; II Par., xxiv, 1.
SEBNIA (hébreu : Sebanyâh; omis dans les Sep-
tante), lévite, II Esd., ix, 5. Il est appelé ailleurs Saba-
nia. Voir Sabania 2, col. 1288.
SEBQIM, nom d'une plaine et d'une vallée de
Palestine.
1. SEBoilM (hébreu : Seboïm, Sebffim; Septante :
Eeëwîfi), une des cinq cités de la Pentapole voisine
de la mer Morte, dont Sodome était la principale,
avant la catastrophe qui les engloutit. Gen., x, 19; xiv,
2, 8; Deut, xxix, 23; Ose., xi, 8. Elle est nommée à
côté d'Adama. Elle formait une des limites du pays de
Chanaan. Gen., x, 19. Lors de l'invasion de Chodor-
lahomor et de ses confédérés, Séméber, roi de Seboïm,
s'unit aux autres rois de la Pentapole pour tenter de
les arrêter, mais il fut battu avec ses alliés dans la val-
lée de Siddim (Vulgate, Vallis Silvestris). Gen., xiv, 2,8;
Voir Adama, t. I, col. 207. Le Deutéronome, xxix, 23,
mentionne Seboïm parmi les villes qui furent ruinées
avec Sodome. Osée, xi, 9, menace Éphraïm du sort
d'Adama et de Seboïm. F. de Saulcy, Voyage autour de
la mer Morte, 2 in-8», Paris, 1853, t. n, p. 19, croit
avoir retrouvé l'emplacement de Seboïm à Talda et
Kharbet Sebdan, entre la mer Morte et Kérak, mais
ce site ne répond point aux données bibliques.
2. SEBOÏM (hébreu : Gê has-Sebô'im, « Vallée des
Hyènes »; Septante : Tai tï|v EaSiV-), gorge des envi-
vons de Machmas et probablementà l'est de cette ville,
dans la tribu de Benjamin, I Reg. (Sam.), xm, 18.
Une bande de Philistins, du temps de Saùl, partit de
Machmas, pour ravager le pays « qui regarde la vallée
de Seboïm du côté du désert. » Ce désert est sans doute
la partie inculte située entre les hauteurs de Benjamin
et la vallée du Jourdain. On trouve dans cette région
une gorge sauvage qui porte le nom de Suq ed-Dubba, ce
qui signifie comme gê has-Seboïm, « vallée de l'hyène ».
G. Grave, dans Smith's Dictionary of tlie Bible, t. m,
1863, p. 1819. — Le livre de Néhémie nous apprend
qu'il y avait dans cette vallée un village porlant aussi
le nom de Seboïm qui fut habité par des Benjamites
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., XI, 34.
SÉCHEM, nom de deux Israélites dans la Vulgate.
Le texte hébreu appelle aussi Sechém le fils d'Hamor
dont la Vulgate écrit le nom Sichem.
1. SÉCHEM (hébreu : Sékém; Septante : Euyê», des-
cendant de Manassé, par Galaad. De lui vint la famille
des Séchémites, Num., xxvi, 31, qui, sous Josué,
reçut sa part de la Terre Promise dans l'est du Jour-
dain. Jos., xvii, 2.
2. SÉCHEM (hébreu : Sékém; Septante : 2ux^C-)i de
la tribu de Manassé, second fils de Sémida, qui était
le frère cadet de Séchem 1. I Par., vu, 19.
SÉCHÉMITE (hébreu : haS-sikmî; Septante : 6
Suy_e|ju)i nom de la famille qui eut pour ancêtre Séchem 2.
Mura., xxvi, 31.
1553
SÉCHÉNIA — SECRET
1554
SÉCHÉNIA, SÉCHÉNIAS (hébreu : Sekanyâh),
nom de huit Israélites dans la Vulgate. En hébreu deux
d'entre eux sont appelés Sekanyâhû. Un neuvième,
II Esd., xil, 3, est nommé en latin Sébénias. Voir Sé-
bénias 2, col. 1551. .
1. SÉCHÉNIAS (Septante : 2e-/eW<xç), fils d'Obdia et
père de Sémaïa, descendant de Zorobabel et de David.
IPar., ni, 21-22.
2. SÉCHÉNIA (hébreu : Sekanyâhû; Septante :
EE-/svtaç), chef de la dixième classe des vingt-quatre
familles sacerdotales du temps de David. I Par., xxiv,
11.
3. SÉCHÉNIAS (hébreu : Sekanyâhû ; Septante :
Ee^ovi'ac), prêtre qui vivait sous le règne d'Ezéchias,
un de ceux qui furent chargés de distribuer à leurs
frères dans les villes sacerdotales la part qui leur reve-
nait des offrandes faites au Temple. II Par., xxxi, 15.
4. SÉCHÉNIAS (Septante : Sayavîac), ancêtre d'une
famille dont cent cinquante membres retournèrent de
la captivité de Babylone en Palestine avec Esdras.
I Esd., vin, 3.
5. SÉCHÉNIAS (Septante 2e-/sv!ac), chef d'une fa-
mille dont trois cents descendants, sous la conduite
d'Ezéchiel, retournèrent de captivité en Palestine avec
Esdras. I Esd., vin, 5.
6. SÉCHÉNIAS (Septante : Seyevc'n;), fils de Jéhiel,
des fils d'Élam, qui vivait du temps d'Esdras et lui
proposa de couper court à l'abus des mariages étran-
gers contractés après le retour de la captivité de Baby-
lone. IEsd., x, 2.
7. SÉCHÉNIAS (Septante : Sey.evfa;), père de Sé-
maïa. Sémaïa était gardien de la porte orientale du
Temple et travailla à la reconstruction des murs de
Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone.
II Esd., m, 29.
8. SÉCHÉNIAS (Septante : Se/eviac), fils d'Aréa et
beau-père de Tobie l'Ammonite, du temps de Néhémie.
II Esd., vi, 18.
SÉCHERESSE (hébreu : bassoréf, héreb, horéb,
yabbâS ; Septante : àëpoxt'a, $ipôv, Çrpac-i'a; Vulgate :
siccitas, arida), absence d'humidité. La sécheresse est
mentionnée dans la Sainte Écriture comme état normal,
comme état transitoire ou comme fléau.
1° Par comparaison avec la mer, la terre est appelée
yabbâs, (|ï)pi, arida), ce qui est sec. Gen., i, 9, 10;
Matth., xxm, 15. Cf. Jon., i, 9, 13; n, 11. Le rivage est
un endroit sec par rapport au fleuve. Exod., îv, 9;
Tob., vi, 4. Certaines parties du continent sont parti-
culièrement désolées par la sécheresse et forment des
déserts arides. De là des noms comme ceux de Arabah,
« terre stérile », voir Arabah, t. i, col, 820, Horeb,
« terre sèche », voir Horeb, t. ni, eol. 753; Désert, t. n,
col. 1387. Les terres desséchées sont appelées hnrbdh,
Èori'jo:, desertum. Is., xlviii, 21.
2» Il y a sécheresse relative et momentanée quand
les eaux se retirent du lit de la mer ou d'un fleuve
pour donner passage à des hommes, comme il arriva à
la mer Rouge, Exod., xiv, 16, 21, et au Jourdain pour
les Hébreux, Jos., m, 17, puis pour Élie et Elisée.
IV Reg., n, 8, 14. A la demande de Gédéon, la rosée
laissa à sec tantôt la toison et tantôt l'aire qui était
dessous. Jud., vi, 37, 39.
3° La sécheresse est parfois une calamité par laquelle
Dieu châtie les hommes. Les Hébreux infidèles auront
à souffrir h-éréb, èps6t(7ij.d?, sestus, la sécheresse, Siddd-
fôn, àveixoç6op;a, aer corruptus, le charbon qui ronge
les grains, etyerdqôn, wy.pa, rubigo, la nielle qui fait
périr les végétaux. Deut., xxvin, 22. En Palestine, la
pluie est de nécessité absolue à certaines époques. Voir
Pluie, col. 470. Sans elle, il.n'y a pas de récolte et la
famine en est la conséquence. Voir Famine, t. m,
col. 2173. Au temps d'Achab, Élie annonça une terrible
sécheresse sans pluie ni rosée. III Reg.,xvn, 1. Le fléau
dura trois ans et demi. Jacob., v, 17, 18; III Reg., xvm,
41-46. Isaïe, l, 2, dit que Dieu enverra une sécheresse
telle que la mer et les fleuves n'auront plus d'eau et
que les poissons périront. Jérémie, xiv, 3-6, décrit en
ces termes les effets d'une sécheresse :
Les grands envoient les petits chercher de l'eau ;
Ceux-ci vont aux citernes, ne trouvent pas d'eau,
Reviennent avec des vases vides,
Confus et honteux, et se couvrent la tête.
A cause du sol crevassé, faute de pluie sur la terre,
Les laboureurs confondus se couvrent la tête.
La biche dans la campagne met bas
Et abandonne ses petits, parce qu'il n'y a pas d'herbe ;
Les onagres, sur les hauteurs, aspirent l'air comme des chacals,
Leurs yeux s'éteignent, parce qu'il n'y a pas de verdure.
Cf. Joël, i, 18; Am., IV, 7; Agg., I, 11.
L'homme qui se confie en lui-même sera comme
celui qui habite les lieux déserts et desséchés. Par
contre, celui qui a confiance en Jéhovah sera comme
l'arbre planté au bord des eaux : son feuillage reste
vert, il ne s'inquiète pas de l'année de sécheresse et il
ne cesse de porter du fruit. Jer., xvn, 5-8.
H. Lesêtre.
SÉCHIA (hébreu : ëobyâh'; plusieurs manuscrits :
Sokyâh, Sokyâ' ; Septante : Xoc6ti), fils du benjamite
Saharaïm, né dans le pays de Moab; sa mère s'appelait
Hodès. Voir Saharaïm, col. 1360.
SÉCHRONA (hébreu : Sikrônâh) à la pause; Sep-
tante : Soxx&'û) Àlexandrinus : 'Axxaptovâ), ville de
la frontière septentrionale de la tribu de Juda. Jos.,
xv, 11. Elle était située entre Accaron et le mont Baa-
lah, à l'est de Jabnéel. Le site est inconnu.
SECRET (hébreu :sâd, sêtér, ta'âlumâh; chaldéen :
'"i'àz; Septante : pj(rrrçpiov,xpu7rTov,xpuçLov, xexpyp.uivov;
Vulgate : arcanum, secretum,absconditum, absconsum,
sacramentum), ce qui est caché et ne peut ou ne doit
pas être connu. Ce mot désigne trois sortes de choses
cachées.
1° Les choses inconnaissables par elles-mêmes. — Il
y a les secrets de la sagesse de Dieu, c'est-à-dire les
choses que Dieu seul connaît, Job, xi, 6, les secrets de
l'avenir, Dan., xm, 42, les secrets du gouvernement
divin, Eccli., xi, 4; Luc, xix, 42, les secrets de la vie
divine, Eccli., xlhi, 36; II Cor., xn, 4, les secrets de
la nature, Job, xxvni, 11; Is., xlv, 3, les secrets des
cœurs que Dieu connaît, Ps. XLiv (xlhi), 22, et qu'il
manifestera un jour. I Cor., rv, 5. Le Seigneur révèle
ses secrets à ses prophètes, Am., m, 7, et à ceux qui
en sont dignes. Eccli., iv, 21. Il a révélé à Daniel les
secrets des songes. Dan., n, 18, 19, 29, 30, 47; iv, 6;
v, 12; Ezech., xxvm, 3. Notre-Seigneur a révélé tous
les secrets utiles au salut de l'homme. Matth., xm, 35;
Marc, iv, 22; Luc, vin, 17; xn, 2; Joa., xv, 15; Eph.,
i, 9; m, 3, 9.
2° Les choses confidentielles. — Le mot sôd signifie
originairement « divan », puis « conseil », ou réunion
de ceux qui prennent place sur le divan, enfin, par
extension, « secret », c'est-à-dire ce qui se traite au
conseil et ne doit pas être divulgué. Grand fut l'émoi
du roi de Syrie quand il apprit que tout ce qu'il déci-
dait dans son conseil était connu d'Elisée, qui en infor-
mait le roi d'Israël. IV Reg., vi, 8-12. Aod prétexte un
1555
SECRET — SÉDÉCIAS
1556
secret à communiquer pour arriver jusqu'à Églon. Jud.,
ni, 19. Il ne faut pas révéler le secret du roi, Tob., h,
17, ni celui de ses amis. Prov., xxv, 9; Eccli., xxvn, 17
(19). C'est pourtant ce que font le médisant, Prov., xi,
13, et le bavard. Prov., xx, 19. D'après la Vulgate,
« point de secret là où règne l'ébriété. » Prov., xxxi, 4.
Au lieu de le-rôznim 'ê sêkdr, « aux princes, où est la
liqueur? » elle a lu probablement, en empruntant un
mot chaldéen lo' rdzîn 'ê sêkar, « point de secrets où
est la liqueur. » — On envoie des espions en secret.
Jer., h, 1. 11 y en a qui, en secret, font acception des
personnes. Job, xm, 10. Jésus-Christ n'a jamais parlé
dans le secret. Joa., xvm, 20.
3° Le lieu secret. — Dieu cache dans le secret de sa
tente ceux qu'il veut protéger. Ps. xxvn (xxvi), 5;
xxxi (xxx), 21. Il voit l'homme qui agit dans le secret.
Jer., xxni, 24. Isaïe, xlv, 19; xlviii, 16, n'a point parlé
en secret, dans un lieu obscur. Jérémie, xm,17, pleure
en secret. Celui qui fait le mal, hait la lumière. Joa.,
m, 20. Malgré les malédictions de la loi, Deut., xxvn,
15, des Israélites se livraient à l'idolâtrie dans le secret.
Job, xxxi, 27; Ezech., VIII, 12. Le méchant se tient aux
aguets dans le secret, Ps. x fxi),9, comme le lion dans
son embuscade. Lam., m, 10. — Notre-Seigneur veut
que, pour éviter la vaine gloire, son disciple fasse l'au-
mône, prie et jeûne dans le secret, là où le Père des
cieux sera seul à le voir. Matth., vi, 4, 6, 18.
H. Lesètre.
SECRÉTAIRE (hébreu : sôfèr; Septante : tpxy.\j.a-
xe-j«; Vulgate : scriba), écrivain attaché à la personne
d'un ,roi ou d'un grand personnage pour rédiger ses
lettres,transmettre ses ordres, etc. Voir Scribe, col. 1536.
— Plusieurs secrétaires sont nommés dans la Sainte Écri-
ture : Saraïas, secrétaire de David, II Reg.,vm, 17,dont
le nom est reproduit sous les formes Siva, II Reg., xx,
25, Susa, I Par., xvm, 16, et Sisa. III Reg., iv, 3; Éli-
horeph et Abia, fils de Saraïas, secrétaires de Salomon,
III Reg., iv, 3; le secrétaire de Joas, qui, de concert
avec le grand-prêtre, comptait l'argent qui était offert
au Temple, IV Reg., xn, 10; II Par., xxiv, 11; Sobna,
secrétaire d'Ézéchias, que le roi envoya successivement
auprès de l'assyrian Rabsacès et du prophète Isaïe, IV
Reg.,xvin,18;xix, 2; Is.,xxxvi,3,22;xxxvn,2;Saphan,
secrétaire de Josias, qui alla trouver le grand-prêtre
Helcias de la part du roi, rapporta le livre de la loi
nouvellement découvert et le lut devant Josias, IV Reg.,
xxni, 3-12; II Par., xxxrv, 15, 20 ; Gamarias, fils de
Saphan, secrétaire sous Joakim, ainsi qu'Élisama;
tous deux entendent lire les prophéties de Jérémie et
le second en donne lecture au roi, Jer., xxxvi, 10, 12,
20-23; Jonathan, secrétaire sous Sédécias; on fait de sa
maison une prison pour Jérémie. Jer., xxxvn, 14, 19.
Xerxès a des secrétaires pour expédier ses ordres.
Esth., in, 12; vm, 9. Samsaï, secrétaire de la province
de Syrie pour le compte du roi de Perse, écrit au roi
Artaxerxès au sujet de la reconstruction de Jérusalem.
I Esd., lv, 8, 9, 17, 23. — Le prophète Jérémie avait
pour secrétaire Baruch, qui transcrivait ses oracles.
Jer., xxxvi, 26, 32. — Il y avait aussi des secrétaires
attachés au service des prêtres et du Temple, Séméias,
au temps de David, I Par., xxiv, 6, et des secrétaires
surveillant les travaux du Temple sous Josias. II Par.,
xxxiv, 13. — Les secrétaires écrivaient avec agilité à
l'aide du calame. Ps . xlv (xliv), 2. Jérémie, vm, 8, accuse
certains secrétaires d'écrire des mensonges. — Sur le
magistrat d'Éphèse portant le titre de i-pa^naTe-Jç, voir
GRAMMATE,t. ni, col. 294. — Il est possible que plusieurs
écrivains sacrés aient eu, comme Jérémie, des secré-
taires. Moïse a pu se servir de secrétaires pour rédiger
par écrit le Pentateuque. Saint Paul en a eu. Ainsi
Tertius a écrit l'Épître aux Romains. Rom., xvi, 22. La
première Épltre aux Corinthiens a été écrite par nn
secrétaire, puisque l'Apôtre note que la salutation est de
sa propre main. I Cor., xvi, 21. Il en est de même de
l'Épître aux Colossiens, iv, 18, et de la seconde aux
Thessaloniciens, m, 17. Silvain a écrit la première
Épître de saint Pierre, v, 12.
H. Lesètre.
SECUNDUS (grec : SexoûvSoç), Thessalonicien qui
accompagna saint Paul lorsqu'il partit de Philippes.
Act., xx, 4. Il fut probablement un de ceux qui por-
tèrent les aumônes des fidèles de Macédoine à Jérusa-
lem. On trouve le nom de Secundus, avec le nom de
Sosipater, voir Sopater, sur une liste de politarques
de Thessalonique. Voir Corpus inscriptionum grœca-
rum, t. il, n. 1697; F. Vigouroux, Le Nouveau Testa-
ment et les découvertes modernes, 2 e édit., p. 241.
SEDADAH (hébreu : $edâddh, avec hé local; Sep-
tante : SapâSax; Alexandrinus : SaôiBax), localité
mentionnée Num., xxxiv, 8, et Ezech., xlvii, 15, pour
marquer la limite septentrionale de la Palestine. Quel-
ques critiques, acceptant la leçon Sedâd, ont essayé
d'identifier cette localité avec Sadad, sur la route de
Riblah à Qaryaten, mais Sadad est trop septentrional
et trop à l'est. Le P. Van Kasteren, dans la Revue
biblique, 1895, p. 30, a proposé de l'identifier, en
acceptant la lecture Sarad, avec Khirbet Serâdâ, au
nord i'Abil et à l'est du Merdj Ayûn.
SÉDÉCIAS (hébreu : Çidqîyâhû, Çidqiyâh; Sep-
tante : Ss6ex(a, 2s8£xi'aç),nom de six Israélites dans le
texte hébreu, de sept dans la Vulgate. Voir Sédécias 6.
1. SÉDÉCIAS, fils de Chanaana, un des principaux
parmi les quatre cents prophètes du roi Achab.
III Reg., xxii, 11, 24-25; II Par., xvm, 10, 23-24.
Quand Achab voulut entreprendre sa campagne contre
Ramoth Galaad, ses faux prophèles lui prédirent la
victoire. Mais son allié, Josaphat, roi de Juda, demanda
au roi d'Israël de consulter un prophète de Jéhovah
sur l'issue de la guerre. Michée, fils de Jemla, fut ap-
pelé. Pendant ce temps, Sédécias, qui s'était fait des
cornes de fer, disait à Achab : « Avec ces cornes, tu
frapperas les Syriens » qui se sont emparés de Ramoth.
A son arrivée, Michée annonça d'abord ironiquement
la victoire à Achab, mais il ajouta aussitôt qu'il voyait
Israël errer comme un troupeau sans pasteur et il dé-
nonça les mensonges de ses faux prophètes. Sédécias
irrité frappa alors Michée sur la joue; celui-ci lui ré-
pondit en lui annonçant qu'il serait réduit à se cacher.
Nous ne savons plus rien sur Sédécias. Voir Michée 1,
t. iv, col. 1062.
2. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqîydhû ; Septante : SeSs
xîccç), dernier roi de Juda (598-587). — Sédécias était
fils de Josias, roi de Juda, Jer., xxxvn, 1, frère de
Joachaz, qui eut comme lui pour mère Amital, fille de
Jérémie de Lobna, IV Reg., xxlll, 31; xxiv, 18, et
oncle de Joachin. Ce dernier venait d'être emmené
captif à Babylone avec un grand nombre de ses sujets.
Voir Jéchonias, t. m, col. 1210. Nabuchodonosor, qui
tenait alors Juda dans une étroite vassalité, donna
lui-même pour successeur à Joachin un prince de la
famille royale, un fils de Josias appelé Mathanias,
Malnydhû, « don de Jéhovah », dont il changea le nom
en celui de Çidqiyâhû, « justice de Jéhovah », pour
bien marquer que le nouveau roi était sa créature.
Le pharaon Néchao avait naguère procédé de même
lorsque, substituant à Joachaz son frère Éliacim, il
avait changé son nom en celui de Joakim. IV Reg., xxm,
34. Le petit royaume de Juda se trouvait alors en
effet comme écrasé entre les deux grandes monarchies
d'Egypte et de Chaldée. Pour le moment, la lutte entre
ces deux empires avait assuré l'avantage aux Chaldéens.
Le salut de Juda n'eût pu être procuré que par Tinter-
1557
SEDÉCIAS
1558
vention divine. Malheureusement Sédécias ne travailla
guère à l'obtenir. « Il fit ce qui est mal aux yeux de
Jéhovah, son Dieu, et il ne s'humilia point devant
Jérémie le prophète, qui lui parlait de la part de
Jéhovah. » IV Reg., xxiv, 19 ; II Par., xxxvi, 12. Josèphe,
Ant. jud., X, vu, 2, 5, dit que Sédécias devint roi à
yjhgt et un ans, et qu'il méprisait ce qui est juste et
honnête, parce qu'il était entouré d'impies, ce qui ne
l'empêche pas d'ajouter qu'il avait une bonne nature
et l'amour de la justice; Jérémie, xxxvil, 2, résume
tout le règne en disant que Sédécias « n'obéit point, ni
lui, ni ses serviteurs, ni le peuple du pays, aux paroles
que Jéhovah avait prononcées par Jérémie, le pro-
phète, » alors l'organe autorisé de la pensée théocra-
tique.
Habitués de longue date à la suzeraineté égyptienne,
et voyant avec terreur l'empire du nord étendre de
plus en plus sa domination de leur côté, les hommes
de Juda comptaient que l'Egypte serait pour eux une
protection efficace. Néchao intervint en effet un moment
et réussit à exercer sur Juda un pouvoir plus exigeant
que bienveillant. Mais Nabuchodonosor reprit bientôt
le dessus, et le « roi d'Egypte ne sortit plus de son pays ;
car le roi de Babylone avait pris tout ce qui était au
roi d'Egypte, depuis le torrent d'Egypte jusqu'au ileuve
de l'Euphrate. » IV Reg., xxiv, 7. Joachin, qui avait
tenté de s'émanciper du joug chaldéen, avait été déporté
après trois mois de règne. Sédécias reçut le pouvoir
dans ces circonstances. Tout un parti, composé de faux
prophètes et de devins, s'en allait répétant : « Vous ne
serez pas assujettis au roi de Babylone. » Jer., xxvn,
9. Jérémie proclamait au contraire que le salut était
dans la soumission aux Chaldéens. Il le répéta à Sédé-
cias. Il insista auprès des prêtres et du peuple, aux-
quels les faux prophètes annonçaient que les vases
sacrés déjà emportés à Babylone avec Joachin en revien-
draient bientôt. « Soumettez-vous au roi de Babylone
et vous vivrez, » Jer., xxvn, 17, leur redisait-il. Il
n'était pas écouté. La quatrième année de Sédécias,
le faux prophète Hananias annonça que, dans deux ans,
Jéhovah ferait revenir les vases sacrés et les captifs.
Jérémie réitéra l'assurance du contraire, et, en preuve
de ce qu'il avançait, il prédit qu'Hananias mourrait
dans l'année. Deux mois après, le faux prophète mou-
rait. Jer., xxvm, 1-17. Cette année-là même, Sédécias
s'était rendu à Babylone pour renouveler ses hommages
au puissant suzerain. Jer., lu, 59. L'accueil qu'il reçut
fit peut-être concevoir à Hananias de trop belles espé-
rances, qu'il eut la témérité de présenter comme des
certitudes.
Le pharaon Ouahibri, Apriès ou Éphrée, venait de
monter sur le trône égyptien. Voir Éphrée, t. u, col .1882.
Jeune et ambitieux, il ne demandait qu'à se mesurer
avec l'adversaire chaldéen, dont le domaine arrivait
maintenant jusqu'à ses propres frontières. Les espé-
rances que faisait concevoir l'avènement du nouveau
pliaraon, peut-être même des propositions directes,
Ezech., xvu, 15, surexcitèrent les esprits en Juda, à
Tyr et chez les Ammonites, Jer., xxvn, 2, 3, tandis
qu'Édom, Moab et les Philistins se tenaient sur la
réserve. Sédécias, poussé par l'enthousiasme inconsi-
déré de son entourage, « se révolta contre le roi Nabu-
chodonosor, qui l'avait fait jurer par le nom de Dieu. »
II Par., xxxvi, 13. Le roi chaldéen partit aussitôt en
campagne. Êzechiel, xxi, 25-27, le montre au carrefour
des chemins qui mènent d'un côté à Rabbathd'Ammon,
de l'autre en Juda, et demandant au sort l'indication
du parti qu'il doit prendre. Puis il vint camper à
Ribla,surl'Oronte,et envoya de ce point central deux
armées, l'une contre Tyr et l'autre contre Juda. Celle-ci,
après avoir tout ravagé, se présenta devant Jérusalem, la
neuvième année de Sédécias, le dixième mois. Jer.,
xxxix, 1.
Sédécias envoya demander à Jérémie de consulter
Jéhovah, dans l'espérance de son intervention comme
au temps d'Ezéchias. Le prophète ne put qu'annoncer
la catastrophe imminente. Jer., xxi, 1-14. Menacé et
persécuté par le parti des optimistes, il n'en conti-
nuait pas moins à dire la vérité : la ville sera prise, le
roi déporté et la résistance inutile. Jer., XXXII, 2-5. Ses
menaces étaient cependant accompagnées de la pro-
messe d'une restauration dans l'avenir. Jer., XXXIII,
2-26. Renouvelant ses prophéties, alors qu'en dehors de
Jérusalem les .Chaldéens n'avaient plus à réduire que
Lachis et Azéca, il assurait à Sédécias qu'il tomberait
aux mains du roi de Babylone, mais que cependant il
ne mourrait pas par l'épée. Jer., xxxiv, 2-7. Au cours
du siège, Sédécias provoqua une mesure équitable,
l'affranchissement de tous les esclaves de condition
hébraïque; mais bientôt après, on revint sur la déci-
sion prise, ce qui était contraire à la Loi, ainsi que le
rappela Jérémie, en prédisant aux transgresseurs l'escla-
vage dont ils auraient bientôt à souffrir eux-mêmes.
Jer., xxxiv, 8-22. Le prophète suppose l'éloignement
de l'armée assiégeante et son retour prochain. Il est à
croire que, se croyant délivrés, les habitants se repen-
tirent de la généreuse décision que leur avaient inspirée
le malheur du siège.
Éphrée s'était mis en route avec une armée pour
refouler les Chaldéens. En l'apprenant, ceux-ci aban-
donnèrent le siège de Jérusalem pour se porter au-
devant des Égyptiens. A Jérusalem, on se crut sauvé.
Jérémie cherche à dissiper les illusions : « L'armée du
pharaon, qui est sortie pour vous secourir, va retourner
au pays d'Egypte; les Chaldéens reviendront combattre
contre cette ville, ils la prendront et la brûleront. »
Jer., xxxvn, 7. Les deux adversaires n'en vinrent pas
aux mains. Éphrée hésita à risquer sa belle armée et
se retira, tandis que Nabuchodonosor ne se souciait pas
davantage d'affronter un ennemi redoutable. Josèphe,
Ant. jud., X, vu, 3, dit que Nabuchodonosor mit les
Égyptiens en déroute. Le texte de Jérémie semble plutôt
supposer une simple démonstration militaire, suivie
d'un retour en arrière sans coup férir.
Le siège de Jérusalem reprit donc. On avait abattu des
maisons de la ville et même des constructions royales
pour se mettre en état de mieux résister aux machines
de guerre et aux assauts de l'ennemi. Jer., xxxm, 4.
Jérémie qui, pendant l'absence de l'armée ennemie,
avait voulu sortir pour aller au pays de Benjamin
recueillir des biens, avait été accusé de trahison et jeté
en prison. Sédécias, voyant la tournure que prenaient
les événements, commençait à croire au prophète. Il
lui avait naguère envoyé dire : « Intercède pour nous,
je te prie, auprès de Jéhovah, notreDieu. » Jer., xxxvn,
3. Il ordonna de le traiter avec humanité. Il le fit
même venir pour l'interroger secrètement. Jérémie lui
répéta ses précédentes prédictions et ajouta : « Où sont
les prophètes qui annonçaient : Le roi de Babylone ne
reviendra pas contre vous, ni contre ce pays? » Jer.,
xxxvn, 16-18. Au peuple, il faisait dire que l'épée, la
famine ou la peste feraient périr ceux qui resteraient
dans la ville, tandis que ceux qui passeraient aux Chal-
déens auraient la vie sauve. On se récria contre lui,
et Sédécias, l'ayant abandonné à la discrétion de ses
ennemis, ceux-ci le jetèrent dans une citerne à moitié
pleine de boue. Le roi l'en fit tirer et le remit dans la
cour des gardes; il lui promit ensuite de ne pas le
livrer à ses ennemis. Le prophète lui dit alors que, s'il
sortait pour se rendre au roi de Babylone, il aurait la
vie sauve avec sa famille et la ville ne serait pas brûlée;
dans le cas contraire, la ville serait prise et brûlée et
lui-même captif. Sédécias craignait que, sorti de la
ville, il fût livré comme un jouet aux Juifs qui avaient
passé aux Chaldéens, et peut-être accusé par eux auprès
de Nabuchodonosor, qui le mettrait à mort. Josèphe,
1559
SÉDÉCIAS - SÉDUCTION
Ant. jud., X, vu, 6. Malgré les assurances de Jérémie,
il ne sut pas prendre son parti. Jer., xxxvm, 1-29.
Cependant la famine se faisait de plus en plus sentir
dans la ville. Jer., xxxvm, 2, 9; IV Reg., xxv, 3. La
résistance ne pouvait se prolonger. Le quatrième mois
de la onzième année de Sédécias, dix-huit mois après
le commencement du siège, Jérusalem fut forcée. Les
chefs chaldéens se postèrent à la porte du milieu. Mais
pendant la nuit, Sédécias et les hommes de guerre
s'enfuirent par une autre porte. Cf. Ezech., xn, 2-16.
Les Chaldéens les poursuivirent et saisirent Sédécias
dans la plaine de Jéricho. Ils le conduisirent à Nabu-
chodonosor, toujours en résidence à Ribla. Celui-ci,
irrité de la longue résistance qui avait arrêté son armée,
fit égorger les fils de Sédécias sous les yeux' de leur
père, ainsi que tous les grands de Juda. Ce fut le der-
nier spectacle que vit Sédécias, car on lui creva les
yeux aussitôt après et on le lia dédoubles chaînes d'ai-
rain pour l'emmener à Babylone. Il Reg., xxv, 3-7;
II Par., xxxvi, 11-16; Jer., xxxix, 2-7; ni, 1-11. Ainsi
s'accomplit une double prophétie, celle de Jérémie, xxxn,
5; xxxiv, 3, annonçant que Sédécias serait déporté à
Babylone, et celle d'Ézéchiel, xn, 13, disant qu'il ne
verrait point la ville, mais qu'il y mourrait. Il y fut
tenu en prison jusqu'à sa mort. Jer., lu, 11. Il mourut
en paix, on brûla pour lui des parfums comme pour
ses pères et on le pleura avec des lamentations. Jer.,
xxxiv, 5. Cf. Maspero, histoire ancienne, t. m, p. 538-
546. — Sédécias aurait pu se sauver lui-même et pro-
longer les jours de son royaume. Mais il eût fallu pour
cela suivre les conseils de Jérémie, accepter franche-
ment la suzeraineté chaldéenne et en acquitter les
charges. Le parti dominant à Jérusalem se crut plus
sage en provoquant une rupture et Sédécias n'eut pas
assez d'énergie pour lui résister. Il se souvint de Jého-
vah dans les circonstances critiques, mais les historiens
sacrés donnent clairement à entendre qu'il laissa le
champ libre à tous les excès de l'idolâtrie et de l'immo-
ralité. Êzéchiel, xxi, 30-32, lance l'imprécation contre
le « profane, le méchant prince d'Israël », auquel la
couronne est ôtée et qui ne laisse après lui que boule-
versement et ruine complète. Zacharie, xi, 17, résume
en ces quelques mots la fin misérable de Sédécias :
« Malheur à mon pasteur vil, qui abandonne le trou-
peau ! Que le glaive frappe son bras et son œil droit!
Son bras se desséchera, et son œil droit sera frappé de
cécité. » Cf. Van Hoonacker, Les douze petits prophè-
tes, Paris, 1908, p. 678. H. Lesêtre.
3. SÉDÉCIAS (hébreu : Çidqiyâhû; Septante : 2e-
Ssxt'aç), fils de Joakim et petit-fils de Josias, d'après
I Par. , m, 16. Voir Clair, Les Pàralipomènes , 1880, p. 87.
4. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqiydhû; Septante :
Se8exf«;)i ^ s de Maasias et faux prophète de Babylone,
où il avait été emmené captif avec le roi Jéchonias.
Jérémie, xxix, 21-23, prédit que Sédécias, ainsi qu'un
autre faux prophète, Achab, fils de Colias, parce qu'ils
ont prophétisé des mensonges et commis des adultères,
seront condamnés à être brûlés par Nabuchodonosor,
roi de Babylone.
5. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqhjâhû ; Septante :
SsâexÊa;), fils d'Ânanias, un des principaux de Juda,
conseillers du roi Joakim, auxquels Michée, fils de
Gamarias, rapporta les paroles de la prophétie de
Jérémie que Baruch avait lues devant le peuple et
qu'ils se firent lire ensuite par Baruch lui-même.
Jer., xxxvi, 12. Voir Baruch 1, t. i, col. 1475; Joakim,
t. ni, col. 1553-1554.
6. SÉDÉCIAS (Septante : — eôezii;), bisaïeul du pro-
phète Baruch. Bar., i, 1.
1580
7. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqîyâh; Septante : 2e-
Sexiaç), prêtre qui signa l'alliance avec Dieu du temps
de Néhémie. II Esd., x, 1.
SEDÉ1 (grec : 'AïoeBio;), fils d'Helcias, ancêtre du
prophète Baruch. Bar., 1, 1.
SÉDÉUR (hébreu : ëedê'ûr; Septante : ÏESioûp),
père d'Élisur. Ce dernier était le chef de la tribu de
Ruben au temps de l'Exode. Num., I, 5; n, 10; vu,
30, 35; x, 18. Le premier élément de ce nom est
peut-être Saddaï, « le Tout-Puissant ».
SÉDITION (hébreu : mérêd; chaldéen : merad;
Septante : CTautç, àmxrnicri;, àxaTacTottri'a; Vulgate :
seditio), mouvement populaire dans lequel le mécon-
tentement tend à se manifester par la violence. — La
Sainte Écriture mentionne un bon nombre de séditions.
Au désert, ce sont les séditions des Hébreux pour
obtenir de l'eau potable, Exod., xv, 24; xvii, 2, 4; Num.,
xx, 2, oudes viandes, Exod., xvi, 2 ; Num., xi, 4-10; celle
qui aboutit à la fabrication du veau d'or, Exod., xxxn,
1,25, celle qui suivit le retour des explorateurs envoyés
en Chanaan, Num., xiv, 1-4, la révolte de Coré et de
ses partisans, Num., xvi, 1-15, la sédition sur la route
d'Édom. Num., xxi, 4, 5. Cf. Deut., ix, 1-24. Sous les
Juges, la tribu d'Éphraïm se soulève contre le reste
d'Israël, Jud., xn, 1-6, et les tribus s'unissent pour
combattre Benjamin. Jud., xx, 1-48. Une sédition, sus-
citée par Absalom, oblige David à prendre la fuite,
II Reg., xv, 7-37, et un soulèvement de dix tribus, sous
Roboam, cause le schisme d'Israël. III Reg., XII, 12-24.
Artaxerxès fait allusion aux séditions dont Jérusalem a
été le théâtre. I Esd., iv, 19. D'autres séditions sont
mentionnéesà l'époque desMachabées.IIMach., iv,30;
xiv, 6. — Barabbas avait pris part à une sédition avec
des complices. Marc, xv, 7; Luc, xxm, 19, 25. Le Sau-
veur prédit que la ruine de Jérusalem serait précédée
de guerres et de séditions. Luc, xxi, 9. Sur l'accom-
plissement de cette prédiction, voir Jérusalem, t. in,
col. 1393-1395. Des séditions se produisent, à l'occasion
de saint Paul, à Thessalonique; Act., xvii, 5, 9, à
Corinthe, Act., xvm, 12, à Éphèse, Act., xix, 23-40, à
Jérusalem. Act., xxi, 27-36. L'Apôtre rappelle les émeu-
tes au milieu desquelles il s'est trouvé. II Cor., VI, 5.
Il ne veut pas que de pareils mouvements existent
parmi les chrétiens. II Cor., xn, 20.
H. Lesètre.
SÉDUCTION (hébreu : maddûhîm, Lam., H, 14;
Grec : àitâr/i ; Vulgate : seductio), action exercée sur
quelqu'un pour lui persuader le mal ou l'erreur. En
hébreu, les verbes hâbal, zânâh, hâta', tâ'âh, nddafy,
niâssà', êûgâh, qui marquent des actes repréhensibles,
ont à l'hiphil le sens de séduire, c'est-à-dire de faire
accomplir le mal. 11 en est de même de pâtdh au
niphal. La séduction peut entraîner à des maux de
différentes sortes, qui sont :
1° Le péché. — Eve, la première, se laissa séduire
par Satan, caché sous la forme du serpent, et désobéit
à Dieu. Gen., m, 13; II Cor., xi, 13; I Tim., n, 14,
Beaucoup d'autres, à sa suite, ont été séduits et portés
au mal. Js., ix, 16; II Esd., I, 7; Eccli., xm, 10, 11.
Jacob fut préservé de la séduction par la sagesse.
Sap., x, 12. Dieu connaît les séducteurs et les séduits.
Job, xn, 16. Satan et ses adeptes chercheront, surtout
à la fin des temps, à séduire les hommes. II Thess., n,
10; II Joa., 7; Apoc, n, 20; xn, 9; xm, 14; xix, 20;
xx, 3, 7, 9.
2» L'impureté. — La courtisane séduit les hommes.
Prov., vu, 21. Il faut se défendre contre celte séduc-
tion. Prov., v, 20. Job, xxxi, 9, l'a fait avec succès.
L'Israélite qui avait séduit une jeune fille était tenu
ensuite à l'épouser. Exod., xxn, 16.
1561
SÉDUCTION
SEGOR
1562
3° L'idolâtrie. — La Loi défendait formellement les
unions avec des étrangères, qui auraient pu séduire
les Israélites et les entraînera l'idolâtrie. Exod., xxm,
33; xxxiv, 16; Deut., vu, 4. Il y avait des faux prophè-
tes séducteurs qui entraînaient à l'dolâtrie. Deut.,xm,
13; Jer., xxm, 16; Lam., n, 14. Plusieurs rois sont
accusés d'avoir exercé ce genre de séduction, Jéroboam,
IV Reg., m, 3; Nadab, III Reg., xv,26; Amri, IIIReg.,
xvi, 26; Manassé. IY Reg., xxi, 9; II Par., xxxiii, 9.
4» L'erreur. — Les faux prophètes séduisaient le
peuple pour lui persuader le contraire de ce que Dieu
faisait annoncer. Jer., xiv, 14; xxm, 26, 32; xxix, 8;
L, 6; Ezech., xm, 10. Les ennemis de Jésus-Christ le
traitèrent de séducteur. Matth., xxvn, 63; Joa., vu, 12,
47. Les Apôtres furent traités de même. Il Cor., vi, 8.
Simon le magicien fut un vrai séducteur des foules.
Act., vin, 9. Les faux docteurs s'appliquèrent à séduire
les premiers chrétiens. II Tim., m, 13; Tit,, i, 10;
I Joa., n, 26. Les Apôtres recommandent de ne pas se
laisser séduire par les discours de ces docteurs. Eph.,
v, 6; Col., n, 18; II Thés., n, 3; I Joa., m, 7. Les sé-
ducteurs seront particulièrement nombreux et dange-
reux aux derniers temps du monde. Matth., xxiv, 4, 5,
11; Marc, xm, 5, 6, 22; Luc, xxi, 8.
5" L'illusion. — Le rabsacès assyrien dit à Ézéchias
de ne pas se séduire lui-même, en comptant sur son
Dieu pour le protéger. IV Reg., xvm, 29; xix, 10; Is.,
xxxvi, 14. L'Idumée a été séduite par son propre
orgueil. Jer., xlix, 16. Les chrétiens ne doivent pas se
séduire eux-mêmes, en se faisant des illusions trom-
peuses. I Cor., m, 18; xv, 33; Gai., vi, 3; Jacob., i,
26; I Joa., i, 8. H. Lesètre.
SEGOND Jean-Iacques-Louis, théologien protestant,
Suisse, né, de parents français, à Plainpalais, banlieue
de Genève, le 3 mai 1810, mort à Genève, le 18
juin 1885. Après avoir terminé ses études littéraires
et théologiques dans cette ville, Segond suivit les cours
de la faculté de théologie à l'université de Strasbourg
où il prit les grades de bachelier, licencié et docteur
(1834-1836). Aussitôt après, il professa un cours libre
d'exégèse de l'Ancien Testament à la faculté de théolo-
gie de Genève (1836-1340). Nommé pasteur de Chênes-
Bourgeries en 1840, il dirigea cette paroisse jus-
qu'en 1864. A cette date il fut rappelé à Genève pour
y travailler à la version de l'Ancien Testament, à la-
quelle Segond doit sa notoriété. Pendant ce temps il
devint professeur titulaire d'exégèse de l'Ancien Testa-
ment à la faculté de théologie de Genève. On a de lui :
Rut h, étude critique, 1834; L'Ecclésiaste, élude cri-
tique et exégétique, 1835; De voce Scheol et notione
Orci apud Èebrseos, 1835; De la nature de l'inspira-
tion, 1836; Traité élémentaire des accents hébreux,
2° édit., 1874; Chrestomathie biblique, 1864; Le pro-
phète Isaîe, 1866; L'Ancien Testament, traduction
nouvelle d'après le texte hébreu, 2 in-8°, 1874, plusieurs
éditions; Le Nouveau Testament, traduction nouvelle
d'après le texte grec, 1880, plusieurs éditions. —
Cf. Lichtenberger, Encyclopédie des sciences reli-
gieuses, t. xm, 1882, p. 196. O. Rey.
SEGOR (hébreu : Sô'ar, « petitesse »; Septante :
2»lY(ip, Sdyopa, Soyôp), ville de la Pentapole.
I. Identifications. — Les opinions sont diverses. —
1° Cl. R. Conder croit avoir retrouvé le nom de Ségor
au tell es-Saghûr, à 12 kilomètres au nord-est de la
mer Morte et à 2 à l'est de 'er-Râméh. Handbook to the
Bible, Londres, 1873, p. 38; Id., Heth and Moab, Lon-
dres, 1880, p. 154-155. Les explorateurs anglais ont
généralement accepté cette identification. Cf. G. Arms-
trong, Names and Places in the Old Testament, 1887,
p. 185; Pal. Expl. Fund, Quarterly Slatement, 1879,
p. 15. — 2° La plupart des auteurs modernes s'accor-
dent à chercher Ségor vers le sud de la mer Morte.
Outre les arguments généraux déterminant à placer la
Pentapole et par conséquent Ségor dans la partie la
plus méridionale du Ghôr, il en est plusieurs de spé-
ciaux pour cette ville. — 1» Elle était « voisine » de
Sodome, Gen., xix, 20, que l'on doit chercher à proxi-
mité du djebel 'Esdoum. Et, en effet, parti de Sodome
vers l'aurore, Lot arriva à Ségor au soleil levant, f. 15,
23. Rien que l'expression haS-sahar 'aldh puisse s'en-
tendre: «l'aurore approchait,» et avec assez d'ampleur,
comme les crépuscules du pays atteignent à peine
1 heure, on ne peut guère attribuer plus de deux heures
à la fuite de Lot. — 2° Ségor sert à marquer la limite
méridionale extrême de « la région du Jourdain » ou
du Ghôr. Gen., xm, 10; Deut., xxxiv, 3. Cf. Reland,
Palaestina, Utrecht, 1714, p. 360. — 3° Dans Josèphe,
Bell, jud., IV, vin, 4, Zoara d'Arabie (Ségor) marque
l'extrémité méridionale du lac Asphaltite. Cf. Eusèbe,
Onom., au mot 0a).a<T<rx t, à).uxr, édit. Larsow, p. 212.
Les modernes qui placent Ségor au sud, le cherchent
les uns du côté occidental, les autres du côté oriental
du Ghôr. — A). Les premiers le placent à éz-Zûeirat
et-Tahtà ou à ez-Zûeirat el-Fôqd, le dernier à deux kilo-
mètres environ au nord-ouestdud/e'6eJ'£'sdottm /l'autre
à 6 ou 7 plus haut au nord-est, sur les hauteurs qui do-
minent à l'ouest, la partie inférieure de la mer Morte.
Ed. Robinson, Bibl. Researches, Boston, 1841, t. n,p. 480-
481, fait remarquer que Zûeirah, manquant du 'aïn('),
n'est pas identique avec $ô"ar, qui d'ailleurs est in-
diqué au pays de Moab ou à l'Orient, Gen., xix, 30, 37;
Is., xv, 5; Jér., xlvih, 34. — B) La plupart des savants
modernes conviennent qu'il faut placer Ségor dans la
partie méridionale de Moab et vers le sud de la mer
Morte. Les uns la cherchent au Ghôr es-Sâfiéh. Burek-
hardt, Travelsin Syria and Roly Land, Londres, 1822.
p. 391, semble l'avoir reconnu dans la localité d'es-Sâ/iéh.
D'après Kitchener, P. E. F. Quarterly Statemenls,
1884, p. 126, on ne trouve point là des ruines anciennes;
le seul lieu de la région où se voient des restes im-
portants est le Khirbet-Labrush , au pied de la mon-
tagne du même nom. Riehm propose Qal'at es-Çdftéh,
Handiobrterbuch des bibl. Altertums, art. Zoar, 1844,
p. 1874.M.Clermont-Ganneau aime mieux les Ta'ouahîn
es-Sukkar, dont le nom peut s'interpréter « les mou-
lins de Sughar » ou de Ségor. P. E. F., Quart. Stat.,
1886, p. 19-22. Al. Musil s'arrête à el-Qarêiyé, ruine
située non loin delà précédente, à l'issue du seil el-
Qérdhi, qui termine \e'ouâd'el-]}ésâ. Les Bédouins de
l'endroit s'appellent, dans leur cri de guerre, « enfants
de Zughar ». Arabia Petrsea, Moab, t. I, in-8», Vienne,
1907, p. 70, 74, note 4. — D'autres cependant, parmi
lesquels Raumer, Ritter, E. Robinson, Neubauer, croient
que Ségor doit être cherché vers l'embouchure de
l'ouadi Kérak-Derâ'a, ou au Lisdn actuel. La mer
Morte des textes indiquant Ségor à son extrémité ne
s'étendait pas au delà. Elle ne pouvait, au temps que
subsistait au nord « la langue (lasôn) delà mer », Jos.,
xv, 5; xvm, 19, figurée encore sur la carte de Mâda-
ba et dont l'îlot aujourd'hui disparu était le reste, avoir
franchi le seuil la séparant du territoire de la Penta-
pole décrit par ces textes. Le Ghôr e$-Sâfiéh est dis-
tant d'au moins 20 kilomètres de ce seuil. Dans l'éten-
due de 580 stades (= 108 kilomètres) attribuée par
Josèphe, loc. cit., au lac Asphaltite, ses eaux se seraient
avancées, il est vrai, au sud surtout, bien au delà des
limites actuelles et elles auraient même submergé le
Ghôr es-$àfiéh tout entier; mais les chiffres de l'histo-
rien juif sont sujets à caution et souvent exagérés. Ils
sont ici rectifiés par la description de la Sodomitide,
ibid., identique au fond à celle de ces textes et ne pou-
vant s'appliquer qu'au territoire aujourd'hui inondé
s'étendant au sud du Lisdn. Une carte du siv» siècle,
conservée à Florence,' représente Ségor à l'extrémité
1563
SEGOR
1564
méridionale de cette presqu'île et vers l'est de Petra de-
serti, c'est-à-dire du Kérak. Dans Zeitschrift des deut- .
schen Palâlina-Vereins,t. xiv, pi. I.
Les explorateurs qui cherchent au Lisan le site de
Ségor, le voient les uns, avec Irby et Mangle, Travels,
p. 448, à Çera'a, les autres, avec Robinson, toc. cit., au
Mezra'a où 1 on trouve aussi des ruines appelées tdoua/iïn
es-Sukkar, « moulins à sucre », comme on en rencontre
d'ailleurs sur divers points du Ghôr. — Le nom de
Sughar, ji;; presque toujours employé par les anciens
écrivains arabes pour désigner la ville de Lot, paraît
bien avoir été le nom usité dans le pays, comme le
montre le cri de guerre traditionnel des gens d'ei-
Qereiyé. Le fait que ces habitants du Ghôr n'appliquent
point ce nom à cet endroit ni à aucun autre du Ghôr
es-Sâfîeh n'est-il pas l'indice qu'ils l'ont apporté d'une
émigration et comme on ne le retrouve nulle part
ailleurs, ne doit-on pas induire de là qu'ils ont dû émi-
grer devant les eaux envahissantes de la mer Morte qui,
après avoir franchi le seuil séparant le bassin du lac
des terres de l'ancienne Pentapole, ont fini par gagner
le territoire de Ségor et la ville elle-même? Compren-
drait-on autrement comment une ville toujours en vue
dans l'histoire et jusqu'après les croisades, et dont
le nom s'est perpétué dans le souvenir des Ghoârnéh,
a pu tout d'un coup disparaître, au point que l'on
ne sache même plus où retrouver son site? Il nous
semble donc inutile de la rechercher au Ghôr es-ipâfîeh
pas plus qu'au Lisân : elle devait plus probablement,
semble-t-il, se trouver au sud de ce dernier territoire.
II. Description et histoire. — «Bala qui est Ségor »,
nommée la dernière parmi les villes de la Pentapole
et dont le nom du roi n'est pas prononcé, Gen., xiv, 2,
était sans doute la moindre, « la petite », Gen., xix, 20,
tô àll-fo-/, Josèphe, Ant. jud., I, xi, 4, selon l'expression
par laquelle Lot la désigna et qui resta son nom. C'est à
la prière de Lot demandant aux anges de lui permettre
de s'y réfugier, qu'elle dut d'échapper au cataclysme
qui frappa ses voisines. Gen., xix, 19-23,29. Il craignit
cependant de s'y arrêter et se retira dans la montagne
voisine où il donna naissance à Moab à qui Ségor resta
en partage, 30, 37. Son territoire avait paru à Lot,
l'observant des montagnes, pareil à celui de l'Egypte.
Gen., xin, "10. N'ayant point été bouleversé avec les
régions voisines et étant arrosé par les courants des-
cendant des montagnes de l'Est, le pays de Ségor con-
serva ses avantages. C'est sans doute à cet état de pros-
périté et à la vie commode que menaient les habi-
tants de Ségor que font allusion les prophètes, Is., XV,
5; Jer., xlviii, 34, quand ils l'appellent « une génisse
de trois ans » ; mais c'est aussi aux vices qui en sont
souvent la conséquence et qui étaient déjà ceux des
anciens habitants de la Pentapole, l'orgueil, la paresse,
les excès de table et la débauche. Ils lui annoncent,
comme aux autres villes de Moab, la douleur et la déso-
lation qui en seront le châtiment. — Ségor fut enlevée
aux Arabes et soumise aux Juifs par Alexandre Jannée.
Ant. jud., XIII, xv, 4. Elle est une des douzes villes
qu'Hyrcan II promit au roi de Pétra, Arétas, de lui
rendre, s'il l'assistait contre son frère Aristobule. Ibid.,
XIV, 1,4. — Elle dut être évangélisée dès les premiers
temps et devint un siège épiscopal dépendant de Pétra,
qui paraît s'être maintenu jusque vers l'époque des croi-
sades. Cf. Lequien, Oriens chritianus, Paris, 1740, t. m,
Ségor, p. 738-746. — Les Romains avaient placé à Ségor
une garnison. Onomasticon, au mot Bala, p. 94, 95.
Ségor est figurée sur la carte de Madaba (fig. 337), comme
une forteresse à tours nombreuses et élevées, au bord
de la mer, dans une plaine plantée d'arbres, parmi les-
quels domine le palmier. A l'entrée de la montagne voi-
sine, à l'est, une église près de laquelle un grand bâti-
ment représente sans doute un monastère, était dédiée
à un saint dont il reste seulement l'initiale L (A.). On a
supposé qu'elle consacrait la mémoire de Lot. Cf. E. Ste-
venson, Di un insigne pavimento in musaico, dans
Kuovo Bulletino di Arch. Crist., 3 e année, n. 1 et 2,
tirage à part, Rome, 1897, p. 56. Le monument ren-
fermait vraisemblablement la grotte où Lot s'était re-
tiré, Gen., six, 30, et que sainte Paule parait avoir
visitée, en 383. S. Jérôme, Ep. cvm, t. xxil, col. 887.
Le culte de Lot, dans les églises orientales, est attesté
par les anciens ménologes.Cf. Actasanct.,t. ivoctobris,
p. 565. Le baume était cultivé à Ségor, Onomasticon,
loc. cit. Mais son principal produit était la datte, poma
palmarum. Ibid., p. 97. Elle est appelée « la ville des
Palmiers », dans la Mischna, Yebamoth, xvi, 10, et les
337. — Ségor. D'après la carte mosaïque de Madaba.
Au-dessus le monastère en l'bonneur de L[ot].
Talmuds, Schebiith, vu. Il était permis, lîinnée sabba-
tique, de manger des dattes jusqu'à ce qu'il n'en restât
plus à $ô'ar. Talmud Bab., Pesahim, 53 a. — Le nom
de « mer de Zughar » était un de ceux usités chez les
Arabes pour désigner la mer Morte. Elle ne cessait
d'être sillonnée par les barques qui transportaient les
dattes de Sughar. Edrisi, Geogr., édit. Gildemeister,
Bonn, 1855, p. 3. Le commerce de la substance su-
crée de ce fruit appelée par les Arabes suqan ou sugar, et
particulier à Ségor, avait depuis longtemps répandu
au loin son nom, qui devait demeurer aux produits
similaires. Cf. Moab, t. îv, col. 1155. — Au xir» et au
xm e siècle, les Croisés admiraient encore les planta-
tions de palmiers de Ségor et l'appelaient aussi « la
ville, le pays des Palmiers », Palmer, Paumier.
Cf. Foulques de Chartres, Guillaume de Tyr, Jacques de
Vitry, dans Bongars, Gesta Dei per Francns, Hanau,
1611, p. 306, 307, 405, 1041, 1076. Le roi Baudouin I»,
en 1100, parcourant les régions au sud de son royaume,
parait avoir trouvé encore Ségor à l'extrémité de la mer.
C'est au xiv e siècle ou au XV e qu'il semble avoir disparu.
Voir Ed. Robinson, Zoar, dans Biblical Researches in
1565
SÉGOR — SEINS
1566
Palestine, in-8», Boston, 1841, t. u, p. 648-651 ; Ad. Neu-
bauer, Çoar, dans Géographie du Talmud, Paris, 1868,
p. 256-257; de Luynes, Ségor et la Pentapole, dans
Voyage d'exploration à la mer Morte, t. 1, Appendice îv,
p. 358-375; Clermont-Ganneau, Gomorrhe, Ségor et les
filles de Lot, dans la Revue archéologique, 1877, p. 193-
199; Birch, Zoar, dans Palestine Exploration Fund,
Quarterly Statement, 1879, p. 15-18, 99-101, 144-154;
Guy le Strange, Zughar and ihe Cities of Lot, dans
Palestine under the Moslems; Londres, 1890, p. 286-292
Max Blankenhorn, Zoar, dans Zeitschrift des deutschen
Palestina-Vereins, Leipzig, t. xix (1896), p. 54-55.
L. Heidet.
SEGUB (hébreu : Segûb), nom de deux Israélites.
. 1. SEGUB (hébreu : èegûb [keri\, Segîb [chethib];
Septante : He-joiê), le plus jeune fils d'Hiel, qui rebâtit
la ville de Jéricho .Il v mourut lorsque son père éleva les
portes de la ville, III Reg., xvi, 34, en exécution de la
malédiction qui avait été portée contre celui qui entre-
prendrait de relever Jéricho de ses ruines. Jos., vi, 26.
2. SEGUB (Septante : Eepoy-/ ; A lexandrinus : Eeyo-jë),
fils d'Hesron et père de Jaïr, de la tribu de Juda.
I Par., ii, 21, 22.
SÉHÉSIMA (hébreu : Sahâsûmàh [kefîb] ; Saha-
sinidh [keri], avec hé local; Septante : SocXeip. xoctà
6aXa<7<rav, la finale a été prise pour riD', yammdh,
T
« près de la mer s), localité de la tribu d'Issachar
entre le mont Thabor et le Jourdain, à la frontière
orientale de cette tribu. Jos., xrx, 22. Le site précis
est inconnu.
SÉHON (hébreu : Sihôn; Septante : Syiwv), roi des
Amorrhéens, du temps de Moïse. Son royaume était
situé à l'est du Jourdain et avait Hésébon pour capi-
tale. Num.,xxi, 21. C'était un ennemi redoutable pour
les Israélites, à qui il barrait l'entrée de la Terre Pro-
mise à leur sortie de la péninsule du Sinaï et du pays
de Moab. Peu de temps auparavant, il avait conquis
sur les Moabites une partie de leur territoire et les
avait refoulés au sud de l'Arnon. Les Israélites lui de-
mandèrent le droit de passage, en s'engageant à res-
pecter ses champs et ses vignes et à ne pas boire l'eau
de ses puits. Il refusa et marcha contre eux à Jasa. Il
fut battu et son royaume, depuis l'Arnon jusqu'au
Jaboc et à la frontière des Ammonites, tomba entre les
mains de ses vainqueurs, qui célébrèrent cet événe-
ment par un chant de triomphe conservé dans le livre
des Nombre», xxi, 21-30. C'était, en effet, un grand
succès dont nous retrouvons l'écho dans le Deutéro-
nome, i, 4; n, 24-32; xxix,, 27; xxxi, 4, dans Josué, n,
10; ix, 10; xii, 2; xm, 10, 21, 27; dans les Juges, xi,
19; dans III Reg., iv, 19; dans Jérémie, xlviii, 45;
•dans II Esd., ix, 22, et dans les Psaumes cxxxiv (cxxxv),
II ; cxxxv (cxxxvi), 19. Son nom est écrit Séon dans
Jérémie, xlviii, 45.
SEIGNEUR, traduction dans les Septante, Kipioc,
et dans la Vulgate, Dominus, du nom propre de Dieu
Jéhovah. Voir Jéhovah, t. ut, col. 1220. — Le mot
Dominus traduit aussi dans notre version latine l'hé-
breu 'Adonaï, qui se dit de Dieu, voir A don aï, t. i,
■col. 223, et'âdôn qui est employé par respect en s'adres-
sant à un personnage respectable ou en parlant de lui.
Cf. MaItre 1, 1», t iv, col. 597. La femme appelle son
mari 'âdôn, Gen.,xvm, 12, etc.; les enfants, leur père,
Gen., xxxi, 35, etc.
SEIN (hébreu : hob, hôq, héq, hêsén, hosén; Sep-
tante : xoXicoç; Vulgate : sinus), la partie extérieure du
corps qui est formée par la poitrine et peut être entourée
par les deux bras.
1° Au sens propre. le sein de la mère est la place
ordinaire des petits enfants. Ruth, rv, 16; III Reg., m,
20; xvii, 19; Lam., n, 12. Le nourricier porte aussi l'en-
fant sur son sein. Num., xi, 12. Cf. Is., lxvi, 12. Une
brebis ou des agneaux peuvent être portés sur le sein
de celui qui les aime. II Reg., xii, 3; Is., XL, 11. C'est
de celte manière que les nations ramèneront un jour
les exilés d'Israël, Is., xlix, 22. — Reposer sur le sein
de quelqu'un, c'est lui être lié par une union légitime,
Gen., xvi, 5; Deut., xm, 6; xxvm, 54, 56; II Reg., xii,
8; III Reg., i, 2; Cant., i, 12; Mich., vu, 5; Eccli., ix. 1,
ou même illégitime. Prov., v, 20. — A la dernière Cène,
saint Jean reposa sur le sein de Jésus, en signe de
tendre affection. Joa., xm, 23.
2" Par extension, on appelle sein la cavité plus ou
moins ample formée par la partie antérieure du vête-
ment. Les Orientaux portent de larges vêtements ordi-
nairement relevés et serrés au moyen d'une ceinture.
Ces vêtements ont leur ouverture par devant, de sorte
que, entre la poitrine et la robe, sont ainsi ménagées
comme des poches dans lesquelles on place les objets
les plus divers. Moïse reçut ordre de mettre la main
dans son sein et il la retira toute blanche de lèpre, puis
guérie. Exod., iv, 6. Celui qui tient la main dans son
sein ne peut agir; il faut qu'il la retire pour faire acte
d'énergie. Ps. lxxiv (i.xxiii), 11. On cache dans son sein
les objets que l'on veut donner en présents. Prov., XVII,
23; xxi, 14. « De là ce geste, si commun chez les Orien-
taux, de saisir leur vêtement sur la poitrine entre le
pouce et l'index de chaque main, et de le secouer pour
dire : Je n'ai rien, tu le vois; — ou bien : Je ne suis
pour rien dans .l'affaire dont tu parles; elle ne me con-
cerne pas. Néhémie fit le même geste dans une circons-
tance solennelle. Au temps de la famine, il avait promis,
lui et les siens, de ne rien réclamer de leurs débiteurs ;
les principaux du peuple, assemblés, avaient fait la
même promesse, les prêtres l'avaient juré. « Après cela,
dit Néhémie, je secouai le vêtement de mon sein et je
dis : Que Dieu secoue de la sorte tout homme qui
n'accomplira pas cette parole, le rejetant loin de sa
maison et le privant du fruit de ses travaux; qu'ainsi
secoué, il reste vide de tous biens. » II Esd., v, 13;
Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 253. On mettait dans
son sein des provisions, des épis, Ps. cxxix (cxxvm),
7, ou du grain, Luc, vi, 38, comme font encore les
Bédouines d'aujourd'hui. On n'y aurait pu mettre du
feu sans brûler ses vêtements. Prov., vi, 27. C'est dans le
sein, ou dans un pan de la robe formant poche, qu'on
plaçait les cailloux pour tirer au sort. Prov., xvi, 33.
3° A u sens figuré, le sein désigne la conscience, Job,
xxxi, 33,1'âme elle-même, Job,xix,27;Ps.xxxv(xxxiv),
13; Eccle., vil, 10. Verser le châtiment dans le sein de
quelqu'un, c'est lui faire porter la peine de fautes
commises par lui ou par d'autres. Ps. lxxix (lxxviii),
12; lxxxix (lxxxvhi), 51; Is., lxv, 6, 7; Jer., xxxii,
18. — Le fils de Dieu est dans le sein du Père, Joa., i,
18, c'est-à-dire ne faisant qu'un avec lui. — Sur le sein
d'Abraham, Luc, xvi, 22, voir t. i, col. 83. — On
appelle encore « sein » la cavité d'un char, III Reg.,
xxii, 35, celle de l'autel, Ezech., xliii, 13, et même une
baie maritime. Act., xxvn, 39. H. Lesètre.
SEINE (Vulgate : sagena). Voir Filet, t. u, col. 2248.
SEINS (hébreu : daddîm, Saddîm; Septante : naa-
to£; Vulgate : ubera, mammse), organes de l'allaite-
ment. Ces organes s'appellent aussi mamelles. Ils se
forment au temps voulu, Cant., vm, 8; Ezech., xvi, 7,
pour préparer la nourriture du petit enfant. L'enfant
à la mamelle, Ps. vm, 3; Jo., u, 16, est celui qui n'a
pas encore été sevré. Is., xxvm, 9. Voir Sevrage. Job,
1567
SEINS — SEL
1568
m, 12, se plaint d'avoir trouvé des mamelles à sucer,
c'est-à-dire d'avoir été nourri et d'avoir été ainsi main-
tenu dans la vie. Un sein stérile et des mamelles dessé-
chées sont une malédiction. Ose., IX, 14. Des femmes
se frappent ou se déchirent les seins sous l'empire du
chagrin. Is., xxxii, 12; Ezech., xxm, 34. Pendant la
persécution d'Antiochus Épiphane, deux enfants ayant
été circoncis malgré la défense du tyran, on les attacha
aux seins de leurs mères, et celles-ci furent traînées par
la ville et précipitées du haut des murs. II Mach., vi,
10. — Les mamelles de l'Épouse sont célébrées dans le
Cantique, i, 1, 3; iv, 5, 10; vu, 3, 7, 8; vm, 10. Il est
parlé des seins à propos de l'amour légitime, Prov., v,
19, ou illégitime. Ezech., xxm, 3, 8, 21; Ose., h, 2. — Su-
cer le sein de la mère de quelqu'un, c'est être son frère.
Cant., vm, 1. Recevoir une grâce dès les mamelles de
sa mère, c'est la recevoir dans le plus bas âge. Ps.
xxn (xxi), 10. Une femme proclame heureuses les ma-
melles qui ont allaité Notre-Seigneur, Luc.,xi, 27, féli-
citant ainsi celle qui a été sa mère. Le Sauveur déclare
au' contraire heureuses les mamelles qui n'auront pas
allaité, c'est-à-dire les femmes qui n'auront pas eu
d'enfants au moment du siège de Jérusalem. Luc, xxm,
29. — Isaïe, lxvi, 11, promet aux amis de Jérusalem
qu'ils seront « allaités et rassasiés à la mamelle de ses
consolations, » c'est-à-dire qu'ils auront part aux faveurs
dont elle sera l'objet. — A Joseph sont promises « les
bénédictions des mamelles et du sein. » Gen., xlix, 25.
Les monstres marins présentent leurs mamelles à leurs
petits et les allaitent, ce que n'ont pu faire les mères
pour leurs enfants pendant le siège de Jérusalem. La m.,
iv, 3. Voir Cachalot, t. n, col. 6. — D'après le code
d'Hammourabi, art. 194, on conpait les seins â la nour-
rice qui, après la mort d'un enfant qu'on lui avait con-
fié, en acceptait un autre sans que les père et mère
fussent instruits du premier accident.
H. Lesêtre.
1. SÉIR (hébreu : Sê'îr, « velu »; Septante : 2ï]st'p),
Horréen, chef du pays qui s'appela de son nom et qui
prit ensuite le nom d'Édom ou d'Idumée. Gen., xxxvi,
20-21.
2. SÉIR (hébreu : Sé'îr; Septante : ~2,-t\tip), appelé
souvent mont Séir, parce qu'il désigne la partie mon-
tagneuse qui s'étend de la mer Morte au golfe Élani-
tique, le long du côté oriental de la vallée del'Arabah.
Son nom vient-il du chef horréen, Séir, ou bien celui
du chef, du pays qu'il possédait? Il est difficile de le
décider. Le pays peut avoir tiré son nom de son aspect
rude et sauvage. Josèphe, Ant.jud., II, i, 2; Eusèbe et
saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et Parthey, 1864,
p. 230, 231, 210, 211, 336, 337, l'appellent Gabalène ou
Gébalène, « le montagneux ». Il était borné à l'ouest
par l'Arabah, Deut., il, 1,8; et s'étendait au su! jus-
qu'au golfe d'Akabah, y. 8. La frontière septentrionale
n'est pas déterminée d'une façon précise dans l'Écri-
ture. Cf. Jos., xi, 17. Avant qu'Ésaû s'établit dans cette
région, elle était habitée par les Horréens. Voir Hor-
réen, t. m, col. 757. Quand le frère de Jacob se fut
emparé du pays, l'histoire de Séir se confondit avec
celle des Iduméens. Voir Iduméens, t. m, col. 834.
Ceux-ci occupèrent la place des Horréens. Deut., n, 12.
Les livres historiques rappellent le nom du pays, Jos.,
xi, 17; xii, 7; xv, 10; xxiv, 4; Jud., v, 4; I Par., iv,
42; II Par., xx, 10. Du temps de Josaphat, les habitants
de Séir s'unirent aux Moabites et aux Ammonites
contre Juda. Ils furent battus et Moab et Ammon se
tournèrent alors contre les Séirites. y. 22-23. Nous
lisons dans Isaïe, xxi, 11-12, une prophétie obscure
dans laquelle une voix de Séir annonce des malheurs
à Duma. Ezéchiel, xxv, 8-14, prophétise contre Séir et
l'Idumée, et surtout, xxxv, 1-15, où il prédit la désola-
tion et la ruine de ce pays, dont son état actuel atteste
l'accomplissement. L'auteur de l'Ecclésiastique, L, 27-
28, nous fait connaître l'aversion que les habitants de
Séir avaient inspirée aux Juifs :
Mon âme hait deux peuples...
Ceux qui demeurent sur le mont Séir,
Et les Philistins...
SÉIRA (hébreu : Çd'îrdh, avec hé local; Septante:
Siiip), ville inconnue de l'Idumée, s'il n'y a pas de
faute de lecture dans le seul endroit où ce nom se ren-
contre, IV fieg., vm, 21. Dans le passage parallèle,
II Par., xxi, 9, au lieu de ce nom propre, on lit : « avec
ses princes », et de même dans Josèphe, Ant.jud., IX,
v, 1. Quelques critiques pensent que cette diversité
provient de ce que si les uns ont lu §â'irâh comme le
porte le texte massorétique des Rois ; d'autres ont lu :
'îm-Sârâv, « avec les princes », comme le portent les
Paralipomènes. Une autre hypothèse, en laveur de
laquelle on peut s'appuyer sur la Vulgate, Séira, et sur
la version arabe, Sait; c'est que Sd'irdh est une alté-
ration de Sê'ir et désigne le pays appelé Séir et non
une ville. Quoi qu'il en soit, sous le règne de Joram,
fils de Josaphat, Édom se révolta contre l'autorité de
Juda et se donna un roi. Joram marcha contre les
Iduméens avec ses chars, mais il paraît avoir été enve-
loppé par eux et ne s'être sauvé que grâce à ses chars
pendant la nuit.' C'est ainsi qu'Édom s'affranchit de la
domination des rois de Juda. IV Reg., vm, 20-22;
II Par., xxi, 8-10.
SÉIRATH (hébreu : ha?-§e'irah, avec l'article;
Septante : SeTstpâôa; Alexandrinus : SeEtpwOa), loca-
lité où se réfugia Aod, juge d'Israël, après avoir tué
Églon, roi de Moab. Jud., m, 26. Le site n'en a pas été
retrouvé. Nous savons seulement que Seirath se trou-
vait dans la partie montagneuse de la tribu d'Éphraïm
et il est à croire qu'elle n'était pas loin de Galgala où
Aod avait frappé l'oppresseur de son peuple. Voir Aod,
t. i, col. 714.
SEL (hébreu : mélah; Septante : âX;, âXa;; Vulgate:
sal), substance composée de chlore et de sodium, chi-
miquement appelée chlorure de sodium. Elle se trouve
en dissolution dans l'eau de mer, qui en renferme
3 pour 100, dans l'eau de certains lacs et de quelques
sources, et à l'état solide, dans les mines de sel gemme,
résultant d'anciens dépôts marins. Le sel sert à bon
nombre d'usages, particulièrement à assaisonner les
aliments, à conserver les substances organiques, etc.
Par contre, sa présence dans une terre peut constituer
un obstacle à la végétation. La Sainte Écriture parle du
sel à différents points de vue.
i" Dans l'alimentation. — L'Ecclésiastique, xxxix, 1,
range le sel parmi les objets de première nécessité,
et Job, vi, 6, demande comment on peut se nourrir de
mets fades et sans sel. Le sel est, en effet, nécessaire à
l'homme, mais le besoin n'en est pas aussi général
qu'on pourrait le croire. On a remarqué que les peuples
qui mènent la vie pastorale et se nourrissent du lait et
de la chair de leurs troupeaux se passent volontiers de
sel ; les peuples agricoles, qui vivent surtout de végé-
taux, en ont au contraire un pressant besoin. La même
constatation peut s'étendre aux animaux; les carni-
vores dédaignent le sel, les herbivores l'aiment et le
recherchent. La nourriture naturelle est par elle-même
faiblement salée, et le sel est nécessaire à l'organisme
humain, dans lequel il existe partout; ainsi le sang a
un goût de sel, toutes les sécrétions sont salées, la
salive, qui tire son nom du sel, les larmes, etc. Au
point de vue physiologique, le sel ne rend pas seule-
ment plus facile et plus agréable l'absorption des ali-
ments; il active la sécrétion du suc gastrique dans
l'estomac et fournit les éléments chlorés qui entrent
1569
SEL
1570
dans la composition de ce suc. Il est donc nécessaire
qu'un minimum de sel entre dans l'alimentation, et
l'expérience montre que le régime végétal en fait sentir
le besoin beaucoup plus impérieusement que le régime
animal. Cf. A. Dastre, Le sel, dans la Revue des Deux
Mondes, 1 er janvier 1901, p. 197-211. Les Hébreux, dont
la vie en Palestine était surtout agricole, avaient donc
besoin de sel. Ils l'empruntaient à la mer Morte. Dans
sa description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel,
xlvii, 11, prévoit que les eaux de cette mer seront
assainies et nourriront des poissons, mais que les
lagunes et les mares seront abandonnées au sel. De
décembre à avril, le niveau monte dans la mer Morte,
à cause de l'apport plus considérable des torrents et
du Jourdain. Quand il baisse ensuite, l'eau demeure
dans certaines dépressions environnantes et s'y évapore
peu à peu à la grande chaleur du soleil. Comme la
proportion du sel y atteint plus de 6 pour 100, celui-ci
se dépose en grande quantité. Voir Morte (Mer), t. iv,
col. 1294, 1300; F. -M. Abel, dans la Revue biblique, avril
1910, p. 217-222. « Manger le sel du palais, » I Esd.,
iv, 14, c'était être nourri aux frais du prince. Il en
était ainsi particulièrement des soldats auxquels on
donnait de l'argent pour s'acheter du sel; cet argent
s'appelait solarium, « salaire », nom qui, à partir
d'Auguste, servit à désigner toute espèce de soldes et
d'appointements. Cf. Dion Cassius, lu, 23; lxxviii,22;
Pline, H. N., xxxi, 7, 41 ; xxxiv, 3, 6. Les rois ne man-
quèrent pas de tirer profit du besoin que les populations
avaient du sel. Le roi de Syrie, Démétrius II, touchait
des droits sur le sel et sur les marais salants; il voulut
bien en exempter les Juifs. I Mach., x, 29; xi, 35.
2» Dans les sacrifices. — Il était prescrit de mettre
du sel sur toute oblation présentée au Seigneur.
Lev., n,13. Ezech., xliii, 24; Marc, ix, 48. Le parfum
destiné à être brûlé devant l'Arche devait également
être salé, memulld/f. Exod., xxx, 35. Les versions tra-
duisent par |ie[UY[iivov, mixtum, « mélangé », ce qui
donne à penser qu'elles ont Ju mimsâk. Les prescrip-
tions de la loi mosaïque sur l'emploi du sel étaient si
connues, que les rois de Perse, Darius et Artaxerxès,
ordonnèrent de fournir à Esdras tout le sel nécessaire
pour le service du Temple. I Esd., VI, 9; vu, 22. Le
sel ne paraît pas avoir été employé dans le culte des
Égyptiens et des Assyriens; il le fut plus tard dans celui
des Grecs et des Romains. Comme il préserve de la
corruption, il était un symbole de pureté et de vie
incorruptible. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen
Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 326, 336. On mettait
du sel sur tout ce qui s'offrait à l'autel, cf. Josèphe,
Ant.jud., III, ix, 1, excepté le vin des libations, le sang
et le bois. Cf. Siphra, f. 78, 2; 79, 2. Les victimes le
recevaient sur la rampe même qui conduisait à l'autel,
cf. Gem. Mcnachoth, 21, 2; au sommet de cette rampe
et auprès de l'autel même, on salait la farine, l'encens,
les gâteaux offerts par les prêtres, ceux qui accompa-
gnaient les libations et les holocaustes d'oiseaux. On
se servait de préférence de sel de Sodome, c'est-à-dire
de celui qui provenait de la mer Morte et dont les qua-
lités étaient plus appréciées. A défaut de ce sel, on en
faisait venir d'Ostracine et du lac Sirbon, sur la côte
d'Egypte, entre Péluse et Rhinocolure. Voir la carte,
t. n, col. 1606. Cf. Reland, Palxslina illustrata,
Utrecht, 1714, p. 60. Dans le second Temple, il y avait
au nord une chambre du sel, pour l'usage de l'autel.
Dans une chambre voisine, appelée Parva, on salait les
peaux des victimes qui revenaient aux prêtres. Cf Gem.
Pesachim, 57, 1. Comme la rampe qui menait à l'autel
était fort lisse et devenait glissante par le fait de la
pluie ou des matières adipeuses qui tombaient des
victimes, on y jetait du sel afin que les prêtres pussent
s'y tenir sans danger. Cf. Erubin, x, 14; Reland, Anti-
quitates sacrx, Utrecht, 1741, p. 52, 54, 165.
DICT. DE LA. BIBLE.
3° Dans les alliances. — Le sel qui doit être mêlé
aux offrandes est appelé mélah berît, «Xac S(a6rjr.r,c,
sal feederis, « sel de l'alliance ». Lev., n, 13. Cette
expression se retrouve ailleurs sous une autre forme.
Le don que Dieu fait à Aaron et à ses fils de certains
prélèvements sur les choses saintes est appelé berît
mélah, « alliance de sel », dans le sens de convention
perpétuelle et irrévocable. Num., xvm, 19. Il est dit
également que Dieu a attribué la royauté à David et à
ses fils par une « alliance de sel ». II Par., xm, 5. Le
sel est un principe conservateur contre la corruption;
à ce titre, il peut donc symboliser la durée et la fidélité
d'une alliance que rien ne pourra et ne devra corrompre
ni altérer.. Cf. Bàhr, Symbolik, t. n, p. 324. Mais le
sens de cette expression est plus clairement expliqué
par les coutumes arabes. Chez les Arabes, « ceux qui
mangent la même nourriture sont censés avoir le
même rang. La nourriture prise en commun oonfirme
la parenté et la fait naître, quoique à un degré moindre.
C'est l'alliance du sel, qui unit ceux qui ont pris part
au même repas. » Lagrange, Études sur les religions
sémitiques, Paris, 1905, p. 252. « Ils ont une grande
vénération pour le pain et pour le sel, en sorte que
lorsqu'ils veulent faire une instante prière à quelqu'un
avec qui ils ont mangé, ils lui disent : Par le pain et par
le sel qui est entre nous, faites cela. Ils se servent
encore de ces termes pour jurer en niant ou en affir-
mant une chose. » De la Roque, Voyage dans la
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 137. Cet usage est
encore en vigueur. « Deux Arabes qui veulent prendre
un engagement réciproque, conclure un traité, cimenter
leur amitié, trempent deux bouchées de pain dans le
sel et les mangent ensemble. L'alliance ainsi conclue
est indissoluble. A celui qui tenterait de la rompre,
ils répondraient infailliblement : C'est impossible, il y
a entre nous le pain et le sel. Dans leur langage,
manger ensemble le pain et le sel signifie faire un
traité ou se jurer amitié. Les Persans parlent de même ;
pour flétrir le traître, ils l'appellent traître jusqu'au
sel. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 273. Il est fort
présumable que cette coutume était en vigueur chez les
anciens Hébreux, comme chez leurs voisins du désert, .
et que l'expression biblique doit s'expliquer dans ce
sens. Le sel avait la même signification symbolique
chez les Grecs. « Avoir mangé ensemble un boisseau
de sel «voulait dire : « être de vieux amis ». Plutarque,
Moral., édit., Dûbner, 94 a . Cf. Bahrdt, De fœdere salis,
Leipzig, 1761; Rosenmûller, Das alte und neue Mor-
genland, Leipzig, 1818, t. h, p. 150.
4° Pour la conservation. — On frottait de sel le corps
des enfants à leur naissance. Ezech., xvi, 4. Saint
Jérôme, In Ezech., iv, 16, t. xxv, col. 127, dit que les
nourrices agissent ainsi pour sécher et raffermir le
corps. Galien,.De sanit., 1, 7, observe que celte pratique
rendait plus épaisse et plus solide la peau de l'enfant.
Aujourd'hui encore, « dans le but de fortifier les
membres de l'enfant nouveau-né, les Arabes font dis-
soudre du sel dans de l'huile (ou, à son défaut, dans
de l'eau) et avec cette solution oignent le corps de
l'enfant, jusqu'à l'âge d'un an. » A. Jaussen, Coutumes
arabes, dans la Revue biblique, 1903, p. 245. — On
salait les poissons. Les Hébreux mangeaient beaucoup
de poissons séchés ou salés. Tels étaient ceux qui ser-
virent à la multiplication des pains. Matth., xiv, 17; xv,
34. Il n'est pourtant question qu'une seule fois de
saler nn poisson, celui que le jeune Tobie a pris dans
le Tigre. Tob., VI, 6. — Le prophète Elisée assainit la
fontaine de Jéricho en y jetant du sel. IV Reg., Il, 20,
21. Voir Elisée (Fontaine d'), t. n, col. 1696; Jéricho,
t. m, col. 1285. Josèphe, Bell, jud., IV, vm, 3, dit
qu'auparavant l'eau de cette fontaine produisait toutes
sortes d'effets pernicieux. Le sel employé par le pro-
phète ne put être la cause de l'assainissement; il n'en
V. - 50
1571
SEL
SÉLA
1572
fut que le symbole et le prophète dut faire appel à son
pouvoir miraculeux.
5° Pour, la destruction. — Le sel marin, en petite
quantité, est un amendement employé en agriculture
comme stimulant de la végétation. En grande quantité,
il devient une cause de stérilité pour une terre. Dans
le poème babylonien Éa et Atarhasis, n, 33; m, 48, la
plaine se couvre de sel, pour empêcher la plante de
sortir et de germer. Cf. Dhorme, Choix de textes reli-
gieux, Paris, 1907, p. 131, 137. Ainsi quand fut creusé-
le canal de Suez, on crut que le canal d'eau douce pra-
tiqué latéralement permettrait le développement d'une
végétation luxuriante. Tout commença bien, en effet.
Mais quand les racines atteignirent le sous-sol, saturé
de sel marin, la végétation languit, se dessécha et finit
par disparaître. L'eau douce s'infiltrait d'ailleurs dans
le sable et, sous l'influence du soleil d'Egypte, venait
s'évaporer à la surface en entraînant avec elle le sel
dont elle s'était chargée. Cf. Jullien, L'Egypte, p. 110-
112. Les anciens s'étaient facilement rendu compte que
« tout sol où l'on trouve du sel est stérile et ne produit
rien. » Pline, N. H., xxxi, 7. Cf. Virgile, Georg., n,
238. Les régions qui avoisinent la mer Morte ont tou-
jours été pour les Hébreux le type de ces terres sté-
riles, à cause de la forte proportion de sel qu'elles
contenaient. Ils donnaient à ces terres le nom de melè-
hah, iX(*upc'ç, salsugo. Job, xxxix, 6; Ps. cvii (cvi), 34;
Jer., xvii, 6. Le sol renferme, surtout au sud-ouest, de
considérables dépôts de sel gemme, dont se saturent
les torrents qui descendent à la mer, ce qui explique la
forte salure de cette dernière. Voir Morte (Mer), t. iv,
col. 1305, 1306. Les terrains imprégnés de sel à dose
considérable sont nécessairement impropres à toute j
végétation. Seuls, les roseaux apparaissent au bord de
la mer, et, à travers les rochers arides, quelques bou-
quets de verdure signalent la présence des fontaines
ou les bas-fonds bien arrosés. A cause de la méchan-
ceté de ses habitants, Dieu a changé ce pays fertile en
plaine de sel. Ps. cvn (cvi), 34; Eccli., xxxix, 23. Il
menace les Israélites infidèles de faire de leur pays une
terre de soufre et de sei, comme l'emplacement de
Sodome. Deut., xxix, 22. Moab deviendra, comme So-
dome, une carrière de sel. Soph., n, 9. Au Djebel
Usdum, au sud-ouest de la mer Morte, des masses
énormes de sel gemme alternent avec des brèches de
marbre et des blocs de jaspe vert foncé; c'est une vraie
carrière de sel. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui,
Paris, 1881, p. 433. Là se trouve la colonne de sel que
les Arabes appellent « la femme de Lot ». Gen., xix,
26. Voir Lot (La. femme de), t. iv, col. 365. Les déserts
arides et salés servaient de demeure aux onagres. Job,
xxxix, 6. L'homme qui se confie en l'homme plutôt
qu'en Dieu mérite d'y habiter. Jer., xvii, 6. Quand
Abimélech eut pris Sichem, « il rasa la ville et y sema
du sel ». Jud., IX, 45. Les rois assyriens avaient aussi
coutume de semer du sel sur l'emplacement des villes
qu'ils avaient rasées. Cf. Maspero, Histoire ancienne
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. n, 1897,
p. 638, 655. Cet acte n'avait évidemment pas pour but
d'empêcher une ville de se relever de ses ruines, ni de
rendre son sol impropre à la culture. Il marquait seu-
lement que, dans la pensée et les désirs du vainqueur,
l'emplacement de cette ville devait rester à l'état de
champ stérile et de lieu inhabité.
6° Dans les comparaisons. — Le sel est assez lourd;
il pèse un dixième de plus que le volume d'eau équi-
valent. Le sable, le sel, le fer sont moins lourds à
porter que le sot. Eccli., XXH, 18. — Le givre répandu
sdf la terre ressemble à du sel. Eccli., xliii, 21. —
Notre-Seigneur dit à ses disciples : « Vous êtes le sel
de la terre. Si le sel perd sa vertu (u.<i)pav8r„ « devient
fou », evamterit), avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus
bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds. »
Matth., v, 13; Luc, xiv, 34. Le sel peut devenir ava-
Xov, insulsum, « non salé ».Marc, IX, 49. Pline, H. N.,
xxxi, 39, 44, parle de sal iners, « sel inactif », et dit que
sal tabescit, « le sel se dissout », devient impropre à
saler. Cet effet pouvait se produire quand le sel res-
tait longtemps exposé à la chaleur du soleil, ou que,
plus ou moins mélangé à des matières terreuses, il fon-
dait en ne laissant subsister que ces dernières. Le sel
représente ici la sagesse chrétienne personnifiée dans
les disciples et les apôtres. Si, en ceux qui sont chargés
de conserver et de propager cette sagesse, elle devient
folie, |iMpav6»), comment les rendra-t-on sages eux-mê-
mes? Si la grâce perd en eux son efficacité, comment
la communiqueront-ils aux autres? Aussi le Sauveur
dit-il : se Ayez en vous le sel, » Marc, IX, 49, c'est-à-
dire ce qui doit préserver de la corruption et de la
folie, vous et les autres. « Que votre parole soit toujours
assaisonnée de sel, » c'est-à-dire de sagesse, « en sorte
que vous sachiez comment il faut répondre, » dit aussi
saint Paul. Col., iv, 6. Dans sa liturgie, l'Église emploie
le sel à la bénédiction de l'eau, pour le « salut des
croyants » et la « santé de l'âme et du corps ». Au
baptême, elle l'appelle « sel de la sagesse » devant
acheminer à la vie éternelle. L'imposition du sel était
particulière au rit romain. Cf. Duchesne, Origines du
culte chrétien, Paris, 1903, p. 297. H. Lesêtre.
2. SEL (MER DE) OU TRÈS SALÉE. Voir MORTE
(Mer), t. iv, col. 1289.
3. SEL (ville DE) (hébreu : 'Ir ham-mélah; Sep-
tante : al îto),et; Sa8ûv; Vulgate : civitas Salis), ville
de Juda, située dans le désert appelé du nom de cette
tribu. Jos., xv, 62. Elle pouvait être dans le voisinage
de la mer Morte non loin d'Engaddi qui la suit dans
l'énumération des six villes du désert de Juda. Le site
précis en est incertain. Des savants la placent dans la
vallée des Salines où Amasias, roi de Juda, battit les
Édomites, IV Reg., xiv, 7 ; II Par., xxv, 1 1 , ou bien près de
cette vallée. Voir col. 1373. On connaît maintenant à
l'est de Bersabée une vallée du sel, ouadi Milh, ou Melh
qui passe au pied du Tell Melh, « la colline du sel »
(voir Juda 6, carte, t. m, col. 1156), et divers savants
localisent en cet endroit la défaite des Édomites. Voir
F.-M. Abel, dans la Revue biblique, avril 1910, p. 229.
Ce site parait trop éloigné d'Engaddi pour y placer la
ville de Sel.
SÉLA, nom d'homme et nom de ville, dans la Vul-
gate. — Pour la capitale de l'Idumée, qui est appelée
has-Séla', dans le texte hébreu, voir Pétra, col. 166.
1. SÉLA (hébreu : Sêldh; Septante : Sr,Xii;j.), le plus
jeune fils de Juda et d'une Chananéenne, dont le père
se nommait Sué; petit-fils de Jacob. Gen., xxxvm, 5;
xi.vi, 12; Num., xxvi, 20; I Par., n, 3; iv, 21. Ses des-
cendants furent appelés Sélaïtes. Num., xxvi, 20. Une
partie d'entre eux esténumérée, I Par., iv, 21-23. Juda
avait promis à Thamar, sa belle-fille, qui était veuve,
de lui donner Séla comme époux, quand il aurait grandi,
mais il ne tint pas sa promesse Gen., xxxvm, 10-11,
14, 26.
2. SÉLA (hébreu : Séla'; omis dans l'édition sixtine
des Septante, Jos., xvni, 28; dans II Reg. (Sam.), xxi,
14, Septante : it).eypi; Vulgate : latus), ville de la tribu
de Benjamin, nommée entre Tharéla et Éleph (t. n,
col. 1657) et située dans la partie sud-ouest de cette
tribu. C'est là qu'était le tombeau de la famille de Cis,
père du roi Saûl. David, après l'exécution des fils
de Respha, fit transporter dans ce tombeau familiatles
restes de Saûl et de Jonathas et les y fit ensevelir avec
les fils de Respha. II Reg. (Sam.), xxi, 12-14. Les Sep-
1573
SELA — SÉLAH
1574
tante et la Vulgate ont pris Sêla' pour un nom commun
dans ce passage, dont le sens véritable parait avoir
•été oublié de bonne heure. L'identification de la loca-
lité est d'ailleurs très problématique. Plusieurs ont
proposé d'identifier Séla avec le village actuel de Beit
Djala, à l'ouest de Bethléhem, mais il est plus probable
que le tombeau de la famille de Saûl était plus au nord
dans le voisinage de Rama de Benjamin. Voir Rama. 1,
col. 941.
SÉLAH (hébreu : nbD; Septante : 8»â'iaXu.a) terme
indiquant une pause du chant.
I. Passages ou est employé sélah. — Cette indica-
tion se lit soixante-quatorze fois dans le texte hébreu
de la Bible, soit soixante-et-onze fois dans trente-neuf
Psaumes et trois fois au cantique d'Habacuc. Ps. Ht,
3, 5, 9; iv, 3, 5; vu, 6; iv, 17, 21; xx, 4; xxi, 3; xxiv,
•6, 10; xxxn, 4, 5, 7; xxxix, 6, 12; xliv, 9; xlvi, 4, 8,
12; xlvii, 5; xlviii, 9; xlix, 14, 16; l, 6; m, 5, 7; liv,
5; lv, 8, 20; lyii, 4, 7; lix, 6, 14; lx, 6; lxi, 5; lxii,
5, 9; lxvi, 4, 7, 15; lxvii, 2, 5; lxviii, 8; 20,33; lxxv,
4, lxxvi, 4, 10; lxxvii, 4, 10, 16; lxxxi, 8; lxxxii,
■2; lxxxiii, 9; lxxxiv, 5, 9; lxxxv, 3; lxxxvii, 3, 6;
•lxxxviii, 8, 11; lxxxix, 5, 38, 46, 49; cxl, 4, 6, 9; cxliii,
•6. Hab. m, 3, 9, 13. Les Septante donnent soixante-sept
fois 8iài}i3(Xu.a comme équivalent de l'hébreu sélah,
mais ce mot a été omis par les traducteurs, ou plutôt
-a disparu par la faute des copistes au dernier verset des
Ps. ni, xxiii (xxiv), xlv (xlvi) et au f. 11 du Ps. lxxxvii
4 lxxxviii). On le trouve par contre aux Psaumes n, 4;
xxiii (xxiv), 11, et xcm (xciv), 15, où il manque dans le
■texte massorétique. Enfin au Psaume ix, 37, le traduc-
teur grec s'est servi de la tournure tîiôï] Sia|àX[i.aToç pour
rendre higgdyôn, sélah. Voir Musique des Hébreux, i,
2, t. IV, col. 1348. Parmi les autres interprètes grecs,
quelques-uns font du terme SiàipaXna le même usage que
les Septante. La version des Hexaples d'Origène (lxx),
t. xvi, col. 578, l'indique au Ps. il, 4. La cinquième ver-
sion donne 6i»]vsxûç, Ps. xx, 3, col. 669. La sixième
version a eîç teXoj, Ps. m, 3, 9; eiç tô téXoç, col. 582.
'Les autres versions grecques ont 8tâ<j/aXfi«, es; «ei,
980-,'Yo; àsi, Théodotion, Ps. ix, 17, [i.ï]Xi6ôr,jj.ot àsi,
•col. 614. On rencontre enfin le Siâ^aXtuc dans le texte,
.grec du Psautier de Salomon (xvn, 31;xvm, 10). Fabri-
-cius, Codex pseudepigraphus V. T., t. 1, p. 966, 971.
Le diapsalma était aussi exprimé dans les an-
ciennes versions latines. On peut voir, pour l'ancien
Psautier romain, Tommasi, Opéra omnia, édit. Vezzosi,
'Rome, 1749, 1. 11, p. 4 sq., et pour le Psautier gallican,
Tommasi, ibid., et t. m, p. 4 sq. ; Bible de Vence, Dis-
sertation sur Lamenazeah et Sela, 1829, t. ix, p. 452,
note. Ces versions suivent généralement la disposition
des Septante. Au Psautier gallican, diapsalma se lit
■soixante-seize fois, spécialement, en plus des endroits
où il répond au sélah original, Ps. 11, 4; m, 9; xxxn,
•10; xlv, 12; lxxvii, 4, 14, 26; lxxxviii, 11. L'ancien
romain l'ajoute Ps. xxxn, 10, lxvii, 1, 4, 26; lxxxvii,
11, 15. Il l'omet Ps. m, 2; xxiii, 10; xlv, 12. Le dia-
psalma s'est conservé dans le Psautier mozarabe ; on l'y
retrouve trente-sept fois, notamment aux psaumes 11,
•4; lxxviii, 8; LXXix,9, où les Septante, non plus que
les autres versions grecques, ne le contiennent pas.
Voir Lorenzana, Breviarium golhicum secundum ré-
gulant S. Isidori, Madrid, 1775, p. I et suiv. Ximénès
avait laissé de côté le diapsalma, dans son édition du
Psautier mosarabe. Patr. lai., t. lxxxvi, col. 21. On le
rétablit parce qu'il servait de point de repère dans les
divisions de la psalmodie. Son usage est attesté en
outre par Optât, Contra Parmen., iv, 3, t. xi, col. 1030-
1031; Haimon, In Ps. xxxiu, t. cxvi, col. 330, et Cas-
-siodore, dont le texte est décisif pour l'usage du diap-
salma dans la psalmodie en dehors du cursus romain..
■« Ce mot s'intercale bien là où l'on reconnaît un chan-
gement de sens ou de personne; c'est pourquoi nous
faisons régulièrement les divisions partout où le dia-
psalma peut se trouver dans les Psaumes. Pour les
autres divisions, nous cherchons à les faire de la meil-
leure manière possible, au moins dans les endroits où
nous nous croyons autorisés à placer ce mot. » In
PsalteriumPrsefatio, xi, t. lxx, col. 17. D'autre part, le
diapsalma n'existe ni dans le Psautier romain ni dans
l'ambrosien. Les Psaumes se disent sans divisions
dans l'office romain; de là, inutilité du signe de cou-
pure. A Milan, au contraire, les divisions des Psaumes
multipliées, pour ainsi dire, à l'infini, rendirent le
diapsalma insuffisant; de là, sans doute, son absence
dans le Psautier milanais.
D'après la Synopsis Scripturss, l'indication S'.âiaXjjia
se lisait aussi, comme dans les Hexaples, au Psaume 11,
3, où nous avons vu que les Psautiers gothiqne et gal-
lican l'ont conservée; quatre fois, au lieu de trois, au
Ps. lxvii et cinq au Ps. lxxxviii. Elle manquait au
contraire dans les passages suivants : Ps. m, 9; ix, 21;
xix, 4; xx, 3; xxm,10;xxxi, 7; xlv, 12; xlix, 6; lxxxiii,
9; lxxxvii, 8 et 11. Patr. gr., t. xxiii, col. 337 sq., ce
qui donne seulement soixante-cinq S'.a<J/âX[iara au lieu
du nombre indiqué plus haut. Voir toutefois saint
Jérôme, Epist. xxvni, ad Marcell., De diapsalmate,
t. xxii, col. 433-435. L'omission de ce mot à la fin des
Ps. m, xxiii et xlv dans ces versions grecques est
peut-être volontaire : elle s'explique si ce mot est pris
pour une pause au milieu du Psaume.
II. Opinions sur la signification de sélah et de ses
traductions. — On relève trop de diversités entre les
explications que les auteurs donnent du terme sélah,
pour que l'on puisse penser à tirer parti de chacune
d'elles. On éliminera par conséquent celles qui man-
quent de fondement, pour retenir les plus probables
et voir jusqu'à quel point elles peuvent être rapprochées
et concilées. Une première série d'interprètes rattachent
sélah et diapsalma au texte lui-même ; les autres tien-
nent ces termes pour une indication, ou, si l'on veut,
une rubrique, indépendante du texte.
1° Sélah et diapsalma rattachés au contexte. — 1. La
tradition juive, représentée par les targums et un grand
nombre de rabbins, explique communément sélahm :
— a) par le'ôlâm, le'ôlâmîm, « à jamais », « dans les
siècles ». Voir Buxtorf, Lexicon hebraicum, au mot nbD.
La Peschito a suivi la tradition juive en rendant sélah
par le'ôlâm et le'ôlâmîn. On trouvera ci-dessous l'expli-
cation du diafsalma de la version hexaplaire syrienne.
— b) par des expressions synonymes telles que lenêsal).,
infinem (Aben Esra, Commentaire sur le Psaume ni),
dont il faut rapprocher les traductions citées ci-dessus
de la sixième version : eî; téXoç, et; t'o téXoç, SianavToç;
de la cinquième version, Siaracv-rd;, SirivExû;, àeî ; Aquila
suit la même tradition et donne «ei, tandis que la qua-
trième version transcrit sans traduire : <teXcx. Cf. <xÉX.
Origenis Hexapl., t. xvi, col. 579, 583, 595; Selecta in
Psalmos, t. XII, col. 1059. Saint Athanase adopte la tra-
duction àsc, De titulis Ps., t. xxvn, col. 657. Saint Jérôme,
après avoir exposé les autres opinions, retient l'inter-
prétation d'Aquila et traduit semper. Divina Biblio-
theca, t. xxvm, col. 1190 sq.; Comment, in Habacuc,
m, 3, t. xxv, col. 1311. Voir aussi S. Isidore de Séville,
Etymol., vi, 19, t. lxxxii, col. 253. Les Juifs continuent
de nos jours à employer sélah comme synonyme de
le'ôlâm, dans leurs formules de prières et dans leurs
inscriptions tumulaires. Si en certains cas la significa-
tion de semper ou in seternum a paru convenir assez
bien au sens général pour qu'on ait pu joindre au texte
cette expression comme si elle en faisait partie, et la
transporter même dans les versions, Ps. LXI, 9, dans la
Vulgate, Ps. li, 7, dans Symmaque, t. xvi, col. 845, il ne
manque pas de passages où ce sens devient difficile à
détendre. Voir par exemple Ps. xxxn, 4; lxxxj (lxxx), 8.
1575
SÉLAH
1576
2. D'autres exégètes juifs prennent sélah pour une
interjection ou une exclamation analogue aux mots
'amén, « fiât », ou 'érnéf, « veritas ». Voir Aben Esra,
In Ps. III; David Kimchi, In Ps. in; Vatable, Biblio-
theca sacra, au mot sélah. Peut-être cette explication
s'accorderait-elle plus facilement que la précédente
avec le contexte. Voir cependant Ps. iv, 3, 5; lxxxix
(lxxxviii), 49, où l'on attend une négation. Puis on se
demande pourquoi le mot sélah ne se rencontre que
dans certaines pièces lyriques. Enfin, ici encore, la
preuve grammaticale fait défaut.
2» Ceux qui considèrent sélah comme un mot en
dehors du texte en font soit un signe grammatical ou
prosodique, soit une abréviation, soit une indication
musicale. — 1. A l'exception des lettres 's et 'd, qui,
soigneusement distinguées du texte, servent dans le
Pentateuque à établir les divisions pour la lecture
publique, pefû/Fiof et sefûmô{, la Bible hébraïque ne
contient d'autres signes de lecture, de ponctuation
grammaticale ou de notation que les accents massoré-
tiques, placés en dehors du texte. Si le mot sélah
n'est qu'une indication de cette sorte, ou s'il n'équivaut
qu'à un signe prosodique, à une formule ou à une
exclamation pour réclamer l'attention, on se demande
pourquoi il se rencontre uniquement dans des pièces
lyriques déterminées et pourquoi il y est reproduit un
si grand nombre de fois, tandis qu'on ne le lit nulle
part ailleurs dans l'Écriture. Au reste, nulle preuve
n'est apportée à l'appui de cette assertion, et l'excla-
mation hâzaq, dans les formules finales des copistes
hébreux,, n'a pas d'analogie avec sélah.
2. La clé de l'abréviation de sélah, supposé être un
signe acrologique, est proposée de façons multiples.
En voici quelques-unes : Sélah Lânû (ou Lî) RaSSém
« Le Nom (divin), aide-nous (ou aide-moi) ! » H. Gott-
lieb Reine. De voce Selah, dans Ugolini, Thésaurus,
t. xxii, p. accxxvij. Plusieurs auteurs se sont ingéniés
à découvrir dans l'énigmatique sélah les initiales de
mots représentant un verset de l'Écriture, entre autres
celui-ci des Nombres : Selah-nâ La'âvôn Ha'âm hazzéh
« Remets le péché de ce peuple. » Num., xiv, 19. On
peut voir d'autres solutions du problème acrologique
dans Noldius, Concordantia particularum hebraica-
rum, au mot rfiD. Il est difficile d'accepter ces suppo-
sitions, dont les unes n'ont aucun rapport avec le
texte ou l'exécution des pièces où elles se trouvent, et
les autres sont affirmées gratuitement ou manquent de
vraisemblance. De plus, les signes et abréviations, fré-
quents à l'époque talmudique, ne se rencontrent pas
• dans la Bible elle-même. Nous signalerons toutefois
les deux explications suivantes, à cause de leur rapport
•avec les significations musicales qui seront proposées
-ci-après : Sîmdn Luènôt Haqqôl, « signe pour chan-
ger de voix » ou de « ton »; ou bien : Sôb Lëma'âldh,
Haisar, « Chantre, élève le ton ».
3° Il nous reste à examiner les arguments de ceux
qui considèrent sélah comme une indication musicale.
<2'est l'interprétation commune des interprètes grecs et
latins, mais ces auteurs sont loin d'être d'accord sur
la définition qu'il convient de retenir, et le désaccord
entre eux est d'autant plus sensible qu'ils s'efforcent de
préciser davantage. Ainsi : — a) parmi les Juifs, quelques
rabbins ont accepté, ou du moins mentionné cette
première définition musicale : « élévation de la voix »,
David Kimchi, cit. Mais cet auteur allègue comm&racine
Yid, qui grammaticalement aurait donné un dérivé à
consonne redoublée. Il conviendrait de se rapporter à
tv:d, « élever t. Cf. mâsâh, Rac. ntn, I Par., xv, 27;
Zach., xn, 1. — 6) D'autre part, n^D, « étendre, pros-
terner », donnerait t abaissement (de la voix) », d'où,
selon Buxtorf, « repos, silence ». Lexic. hebraic., au
motnSo. On doit, en effet, comparer nVrf, ~hs, « reposer »
^Lu) et «.1 «c, < être en suspens, attentif, silencieux », et
cette comparaison confirme le sens attribué à sélah ou
à sa traduction 8iâ<!/oeX(j.a par les interprètes que l'on va
citer. Pour saint Grégoire de Nysse, Sii^aly-a est une
pause, £irï)pé(iE(j:<. Tract. Il in Ps. x, t. lxix, col. 703,
et pour saint Augustin : interpositum in canendo
silentium, Enarrat. in Ps. IV, t. xxxvi, col. 80, en
opposition avec <TÛ(j.^a).[ia, l'accord des voix et des.
instruments. On trouve de même : intervalla psal-
morum. J. Meursy, Glossarium grœco-barbarum, au
mot Diapsalma. Voir Eusèbe, De diapsalmale, dans
Tommasi, cit., t. Il, p. viij; « division ou coupure >S
de la psalmodie, Siaxoitïj Tfj; i«>.(i<o8i«i;, Scarlatus de-
Byzance, Lêxicon, Athènes, 1852, au mot 8iâi)/aX[i.a;
« pause de pseaume, » Glossarium latino-gallicutn^
dans Ducange, Glossarium novum, supplem., t. n,.
Paris, 1766, p. 92; ou encore « signe je séparation
entre deux versets, servant à faire observer une pause
dans la psalmodie et à régler le chant en écoutant
les notes musicales. » Voir Lorenzana, Breviarium
gothicum, dans Préface. Patr. lat., t. lxxxvi, col. 22
xxi. Ceci semble se rappporter à l'usage moderne;
toutefois H. Estienne avait déjà fourni l'explication de
« mélodie musicale », jjiouffixôv (léXoç, d'après Origène,
Selecta in Ps., t. xn, col. 1060, qu'il faut rapprocher
de l'une des explications données par Euthyme : àva-
6oXvjv riva xpc'J|xotTO«, « prélude des instruments » . Dans
Schleussner, Novus thésaurus sive Lexicon in LXX,
Londres, 1822, t. I, p. 597. L'intervalle des repos stro-
phiques pouvait, en effet, être rempli par le jeu des
instruments. Voir encore R. Cornely, Introd. spec, t.n,
Paris, 1887, p. 95; Munk, Palestine, Paris, 1845, p. 457;
Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, t. I, p. 890.
3° D'autres auteurs ajoutent à ces données. Scarlatus
de Byzance représente 8tâ<j/a),|ia comme une « excla-
mation » intercalée dans le psaume : êTnq><iv7)j/.a, za
onoiov tyiWtto év rû> (isxaiiù tb xaS'aûrè iWXp.oû. Lexi-
con. cit. D'après la préface sur les Psaumes, que l'on
trouve à la suite des œuvres de saint Jean Chrysostome,
c'est un « changement de chœur », t. lx, col. 533; ou
encore un « changement de mélodie ou de rythme »,
Origène, dans Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1882,
t. n, p. 435; voir aussi Théodoret, Prxf. in Ps.,
t. lxxx, col. 864, 865; un « changement de sens et de
mélodie», Euthyme, dans Schleussner, loc. cit. /Maxime,
Quae.it., xvin, t. xx, col. 800; |jiXouç ivaXXocyvi, Suidas,
du mot êiâ+aXjjia; demutationem aut personse aut
sensus, sub conversione metri musici. S. Hilaire, Pro-
logus in Ps. xxni, t. lx, col. 246. Cf. Tractât, in Ps.,
col. 319, 366, 419, 431. Le dîafsalma, )<*\.£» <*} -T
9 = 9 ■ * -a=
| Sft\ m\ Qt .« ou diafsalmôn .* <*^ <*» °> -;, de la
version syra-hexaplaire du Psautier, transcription du
mot grec en lettres syriaques, est aussi interprété
comme un changement de sens et de mélodie par le-
lexicographe Barali. Payne Smith, Thésaurus syriacus,
col. 871, 882, 889. D'après Bar Bahlul, c'est « le chan-
gement d'une voix (ou d'un ton) à un autre, » ou un
intermède, une sorte de refrain, ûnità. Voir Refrain,
col. 1016; R. Duval, Lexicon syriacum, auctore H. Bar-
Bahlule, Paris, 1890, p. 557.
III. Signification de sélah. — Ces dernières cita-
tions nous amènent à établir d'une manière très vrai-
semblable la signification de sélah et diapsalma
comme une indication musicale destinée à marquer les
repos et à diviser les strophes : è7TY)pl|iÈ<xe{, intervalla,
êiocxoroj. Dans la musique arabe, les strophes ou les-
incises du chant sont coupées par de longues pauses,
que remplissent au besoin un intermède instrumental ou
une sorte de vocalise fredonnée, ou bien des exclama-
tions ou des soupirs. La tradition juive elle-même
prouve que les chanteurs du Temple séparaient par
1577
SÉLAH — SÉLÉMIA
1578
■des intervalles les divisions des psaumes. Thamid, 7.
« Les trois psaumes intermédiaires du chant [du sacri-
fice] étaient remplis chacun par trois sonneries de
trompettes, en tout neuf sonneries. » J. Weiss, Die
musikalischen Instrumente in den heiligen Schriften
des A. T., Graz, 1895, p. 98. Cette signification ressort
des racines^Lm, ^L*o, nbD, aho, nbur, « repos, silence,
abaissement de la voix », indiquées ci-dessus, et la
traduction des Septante, 8tài|/aX(jia répond à ce sens
d'une manière très suffisante, sans qu'il soit nécessaire
de recourir aux corrections Si , i(o<>{'oiX|j.a, « à chanter deux
fois », àvâil/a>(/.a, « à chanter à nouveau », proposées à
titre de conjecture par Meibomius (Schleussner, The-
saurus,loc. cit.), et qui équivaudraient à notre signe « bis»;
et l'on peut considérer 8iâi|/aXu.a comme synonyme de
(ôia)J/»)Xd(9vi|xa («pi!), « tact »). Voir Vincent, Notices et
Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi,...
publiés par l'Institut de France, t. xvi, I' e partie :
Notice sur divers manuscrits grecs relatifs à la
■musique, note 0, p. 218. Il désigne ainsi l'interlude,
ixouaixbv jiiXoci xpoOfia, la vocalise, l'exclamation ou
îe refrain, èraçiAvima, 'ûnî(â, exécuté pendant l'inter-
ruption momentanée du chant entre les strophes,
après quoi la strophe suivante était reprise, soit par
les mêmes chanteurs, soit par un chœur alternant.
Ainsi s'expliquent d'autre part les traductions aXXw,
XÔpw,... Stafiox*! T °û i>oi\\).o\), demutatio personse, et
aussi, jusqu'à un certain point, piéXouî ou puOjjtoû
H£-agoX/|, conversione modi musici, y.e.zâêa.o(i. L'unité
•de composition du psaume ou de l'ode n'exige pas
nécessairement que le mètre, le rythme et la mélodie
soient les mêmes pour toute une pièce; ces éléments
peuvent varier, à titre exceptionnel. En fait les chants
■orientaux sont construits parfois sur différents rythmes,
■et assez souvent, malgré un même rythme, sur des
mélodies différentes. Voir J. Parisot, Rapport sur une
mission scientifique en Turquie d'Asie, dans les Nou-
velles archives des Missions scientifiques et littéraires,
4. ix, Paris, 1899, n. 238, 257, 284, 289; t. x, p. 209-
■222. Voir aussi Id., Note sur un très ancien document
liturgique, dans la Science catholique, 1890, p. 250.
Cette ritournelle instrumentale pouvait être remplacée
par un trait mélodique exécuté avec la voix, faisant
suite à la mélodie de la strophe chantée. L'usage des
instruments de musique était exclu de la synagogue et
ne passa pas dans le service ancien de l'Église. C'est
pourquoi le diapsalma, s'il était autre chose qu'une
pause, ne pouvait représenter ici qu'une mélodie vocale.
Mais la substitution à cette modulation sans paroles
•de la reprise par l'assistance d'un mot ou d'un texte,
faisait de cet intermède un refrain, lequel est devenu
l'antienne de la psalmodie ecclésiastique.
Par analogie avec les autres termes musicaux
employés dans la Bible, sélah ne se lit que dans le
Psautier et au cantique d'Habacuc. Il manque totale-
ment au quatrième livre des Psaumes dans le texte
hébreu et ne se présente que quatre fois dans le cin-
quième. Cette anomalie s'explique de la même manière
•que l'absence aux mêmes livres du Psautier d'une autre
•indication musicale lamnaséah, qui par contre se
trouve fréquemment dans les autres livres, voir Chef
des chanteurs, t. il, col. 646; par le fait que la collec-
tion des cinq livres des Psaumes n'a pas été faite dans
les mêmes circonstances de temps et de lieu. Quant à
l'usage de cette indication dans la Bible, il faut re-
connaître que, laissée de côté ou employée arbitraire-
ment par les copistes ou les traducteurs, à mesure que
les traditions musicales et la signification des termes
■spéciaux tombaient dans l'oubli, non seulement elle ne
marque plus exactement les divisions strophiques,
mais encore elle se lit parfois à contre-sens. Voir Ps. lv
(liv), 20; lvii (lvi), 4; lxvii (lxvi), 2; lxxxvh (lxxxvi),
•6; Hab, m, 3,9.
Conclusion. — Sélah doit être considéré comme
une sorte de rubrique musicale, destinée à marquer
les divisions des strophes et les pauses du chant psal-
mique, pauses remplies, dans la liturgie du Temple,
par le jeu des instruments, et au défaut de ceux-ci
par une modulation vocale ou un refrain. Dans la
liturgie chrétienne, le diapsalma servit à la division
des psaumes en sections. Il n'en est pas fait usage
dans la psalmodie romaine. J. Parisot.
SÉLA' HAM-MAHLEKÔT.nom hébreu du rocher
appelé par les Septante raTpà ^|j.Epitj6eïi7» et par la
Vulgate : Petra dividens. I Sam. (Reg.), xxm, 28. Voir
Pierre 5, 3», col. 415.
SELAHI (hébreu : Seilkî; Septante : SaXî), père de
la reine Azuba, qui fut la mère de Josaphat, roi de Juda.
II Par., xx, 31. Voir Azuba 1, t. I, col. 1311.
SÉLAi'TES (hébreu : haS-Ëêldnî; Septante : ô Sr;-
Xwvi), descendants de Séla, fils de Juda et petit-fils de
Jacob. Num., xxvi, 20. Voir SélaI.
SELCHA (hébreu : Salkâh; Septante : 'EXxâ-
SeXà), ville de la tribu de Gad. Deut., m, 10; I Par.,
v, 11. Ce nom est écrit ailleurs Salécha. Voir Salécha,
col. 1369.
SELDEN John, jurisconsulte et érudit protestant
anglais, né à Salvington, dans le comté de Sussex, le
16 décembre 1584, mort le 30 novembre 1654. Il fut un
des hommes les plus instruits de son temps dans les
antiquités sacrées et profanes. Il publia de nombreux
ouvrages écrits eri-latin et en anglais. Après sa mort,
Wilkins recueillit ses Opéra omnia, 3 in-f», Londres,
1726, parmi lesquelles on remarque : De diis Syris
syntagmata duo (1617), sur les fausses divinités adorées
en Syrie et mentionnées dans l'Écriture ; De successione
in bona defuncti ad leges Ebrseorum, publié en 1631 ;
une nouvelle édition de cette œuvre imprimée en 1636
contenait en plus De successione in pontificatum Ebrseo-
rum, et le tout fut retouché dans une autre édition
en 1638 ; De jure naturali et gentium juxta disciplinant
Ebrssorum libri septem, 1640; Vxor hebraica; seude
nuptiis et divortiis ex jure civili,id est, divino et tal-
mudico, veterum Ebrœorum 1res libri, 1646; De sy-
nedriis et prsefecturis juridicis veterum Ebrseorum,
1650. Il y a accepté avec trop de crédulité les dires des
rabbins. La plupart de ces ouvrages sont à V Index. On
trouve sa biographie dans l'édition de ses Œuvres par
Wilkins.
SÉLÉB1N (hébreu : Sa'âlbîn; Septante : SaXaiuV),
ville de la tribu de Dan. Jos., xix, 42. Son nom est
écrit ailleurs Salébim. Jud., i, 35; III Reg., iv, 9. Voir
col. 1369.
SÉLEC (hébreu : Séléq; Septante : EeXt), I Par., Xi,
39), Ammonite (Vulgate : de Ammoni, dans II Reg.
(Sam.), xxm, 27), un des vaillants soldats de David,
II Reg. (Sam.), xxm, 27; I Par., xi, 39.
SÉLÉMIA, SÉLÉMIAS (hébreu': Sélémydhû; dans
Jer., xxxvii, 4, 13; I Esd., x, 39; II Esd., m, 30; sin,
13, Sélémyâh, « récompensé par Yah »; Septante :
SeXejiïai;, 2eXe|xi'a), nom, dans le texte hébreu, de neuf
Israélites. Dans la Vulgate, le nom de deux d'entre eux
est écrit Salmias, I Esd., x, 39 (voir col. 1379), et
Sélémiaû, I Esd., x, 41.
1. SÉLÉMIA, portier du Temple de Jérusalem.
I Par., xxvi ; 14. Il est appelé ilésélémia I Par., xxvi,
1, 2, t. îv, col. 1021; Mosollamia, I Par., ix, 21, t. iv,
4579
SÉLÉMIA — SELEUCUS I er NIGATOR
1580
col. 1323; et aussi, d'après plusieurs, Sellura, I Par.,
IX, 17, 31; I Esd., H, 42; x, 24; II Esd., vu, 45. Voir
Sellum 9, col. 1585. Cf. Mésélémias, t. rv,-col. 1021.
2. SÉLÉMIAS, père d'Hananias, qui rebâtit une partie
des murs de Jérusalem du temps de Néhémie. II Esd.,
m, 30. Voir Hananias 6, t. m, col. 415.
3. SÉLÉMIAS, prêtre qui fut chargé avec quelques
autres par Néhémie de la garde des greniers ou maga-
sins qui contenaient les dîmes de froment, de vin et
d'huile offertes par les Israélites. II Esd., xm, 13.
4. SÉLÉMIAS, fils de Chusi et père de Nathanias.
Jer., xxxvi, 14. Voir Nathanias 3, t. iv, col. 1484.
5. SÉLÉMIAS, fils d'Abdéel, un des personnages qui
furent chargés par le roi Joakim d'arrêter Baruch et le
prophète Jécémie qu'ils ne trouvèrent point. Jer.,
xxxvi, 26.
6. SÉLÉMIAS, père de Juchai, qui vivait du temps
du prophète Jérémie, xxxvu, 3; xxxvm,l. Voir Juchal,
t. m, col. 1755.
7. SÉLÉMIAS, fils d'Hananias et père de Jérias. Ce
dernierjarrêta Jérémie sortant de Jérusalem. Jer., xxxvu
12. Voir Jérias, t. m, col. 1281.
SÉLÉMIAU (hébreu : Sélémyâhû; Septante : 2e).e-
[ifa), descendant de Bani. Il avait épousé une femme
étrangère. Esdras le força à la répudier. I Esd., x, 41.
SELÉMITH (hébreu : Selômôf fkerî : Selômif];
Septante : SaXo>|xto6), lévite, descendant d'Éliézer et
de Moïse. Sous le règne de David, il fut chargé avec ses
frères de la garde des trésors des choses saintes. Son
père s'appelait Zéchri. I Par., xxvi, 25, 26, 28.
SÉLEPH (hébreu : Sâlâf; Septante : 2e)io), père de
Hanun. Ce dernier vivait du temps d'Esdras et fut un
de ceux qui travaillèrent au relèvement des murs de
Jérusalem. II Esd., m, 30.
SÉLÉTHAI (hébreu : SUfaï; Septante : S«>a6î),le cin-
quième fils de Séméi, de la tribu de Benjamin, un des
chefs de famille qui habitèrent Jérusalem. lPar., vm, 20.
-'-Un autre Israélite qui porte en hébreu le même nom
est appelé parla Vulgate Salathi. Voir Salathi, coi. 1368.
SÉLEUCIDES. On donne ce nom à la dynastie
royale fondée par Séleucus, un des généraux d'Alexan-
dre le Grand. Elle régna depuis l'an 312 jusqu'à l'an 65
avant J.-C. Antioche fut la capitale du royaume des
séleucides. L'étendue de ce royaume varia aux diverses
époques de son histoire. La Palestine en fit partie pen-
dant un certain temps, et les Juifs adoptèrent l'ère dite
des Séleucides qui est usitée dans les livres des Macha-
bées. Voir Ère des Séleucides, avec la chronologie
des rois de cette dynastie, t. Il, col. 1906-1908. Les rois
séleucides nommés par leur nom ou désignés sans
être nommés expressément dans l'Ecriture sont: Séleu-
cus I er Nicator, Antiochus II Théos, Séleucus II Calli-
nicus, Séleucus III Céraunus, Antiochus 111 le Grand,
Séleucus IV Philopator, Antiochus IV Épiphane, Antio-
chus V Eupator, Démétrius I er Soter, Alexandre I er
Bala, Démétrius II Nicator, Antiochus VI Dionysios»
Tryphon et Antiochus VII Sidétes. Voir ces noms. —
Voir Reineccius, Familiœ Seleucidarum, in-8°, Wit-
temberg, 1571 ; Fay- Vaillant, Seleucidarum Imperium,
2 e édit., La Haye, 1732; Frœlich, S. J., Annales com-
pendiarii regum et rerum Syrise nummis veteribus
illttslrati, Vienne, 1744; Id., De fontibus historiés Sy-
rise in libros Machabœorum Prolusio in examen vo-
cata, Vienne, 1746 (contre E. F. Wernsdorff, Prolusio
de fontibus historiée Syrise in libris Machabseorum,
Leipzig, 1746); P. Gardner, Catalogue of Greek Coins.
The Seleucid Kings of Syria, in-8°, Londres, 1878;
E. Babelon, Les rois de Syrie, in-4°, Paris, 1890;
J. N. Strassmaier, Einige chronologischen Daten aus
astronomischen Bechnungen, dans la Zeitschrift fur
Assyriologie, t. vu, Berlin, 1892, p. 201-202; E. R. Be-
van, The House of Séleucus, 2 in-8», Londres, 1902;
B. Niese, Geschichte der griechischen und makedonis-
chen Staaten aus der Schlacht bei Cheronsea, 3 in-8°,
Gotha, 1893-1903 ;Kaerst, Geschichte des hellenistischen
Zeitalters, in-8», Leipzig, 1901.
F. Vigotjroux.
SÉLEUCIE (grec : 2e>eûxeia), ville de Syrie
(iig. 338). Elle reçut son nom de son fondateur, Séleu-
338. — Monnaie de Séleucie Piéria.
Tète laurée d'Auguste à droite. — fi). ZEAETKEQN THS IEPAS
KAI ArTOKOMOr. Foudre posé sur un coussinet muni de
bandelettes que supporte un trône.
eus I er Nicator, qui la construisit presque en même
temps qu'Antioche, sa capitale, afin qu'elle lui servît
de port de mer, en 300 avant J.-C, non loin et au
nord de l'embouchure de l'Oronte. Pour la distinguer-
de plusieurs autres villes qui portèrent également le
nom de Séleucie, on l'appela aussi Seleucia ad Mare,
■î] 7tapa8a).auo-ca, I Mach., xi, 8, à cause de sa situation
sur la Méditerranée, et Seleucia Pieria, à cause du
voisinage du mont Piérius. C'était une place très forte-
qui n'était facilement accessible que par la mer, et sa
position entre Cypre, la Cilicie et la Phénicie, aux
portes d'Antioche, en avait fait un centre de commerce-
très important sous la domination des Séleucides et
puis des Romains. C'était pour elle la source de-
grandes richesses et elle fut remarquable parla beauté-
de ses monuments. Elle comprenait la ville commer-
çante, la ville royale, la forteresse et une nécropole
taillée dans le roc avec de nombreux tombeaux. Sous la-
domination romaine, elle devint ville libre, urbs libéra.
Pline, H. N., v, 18. Elle fut prise par le roi d'Egypte
Ptolémée Évergète, I Mach., xi, 8, mais reconquise par-
Antiochus Épiphane. Elle tomba au pouvoir des Ro-
mains en 64 avant J.-C. et continua à être très floris-
sante sous leur administration. Saint Paul s'y embarqua
avec Barnabe à son premier voyage de mission pour
l'île de Cypre. Act., xm, 4. Elle conserva de l'impor-
tance jusqu'au vi e siècle de notre ère. On n'en voit plus
que les ruines au nord-ouest du port de Soueidiéh, près
du village de Kepse. F. Vigodroux.
SÉLEUCUS (grec : Eêàe-j^oc), nom de plusieurs
rois de Syrie. Voir Séleucides. Un seul, Séleucus IV
Philopator, est désigné nommément dans l'Écriture,,
mais trois autres, Séleucus I", II et III, sont prophé-
tisés par Daniel.
1. SÉLEUCUS I er NICATOR, fondateur de la dynastie
des Séleucides (fig. 339). Il était né en 354 avant J.-C.
et fut d'abord un des lieutenants d'Alexandre le Grand.
A la mort du conquérant, il reçut seulement, en 323,
le commandement de la cavalerie alliée, mais s'étant
1581
SÉLEUCUS 1" NICA.TOR — SELEUCUS IV PHILOPATOR
1582
uni avec Antigone, surnommé le Cyclope, qui avait
obtenu le gouvernement de la Lydie, de la Phrygie et
de la Pamphylie, et qui disputait à Perdiccas la puis-
sance suprême, il réussit à obtenir la province de Ba-
bylonie (320), après la défaite d'Eumène, qui combat-
tait pour la cause de Perdiccas. Il la perdit cependant
en 315, mais il la recouvra après avoir remporté une
victoire à Gaza (312) et obtint en plus en 311 l'Assyrie
et la Médie, et ensuite la Perse et la Bactriane jusqu'à
l'Indus à l'est. Il prit le titre de roi en 306. Le gain
de la bataille d'Ipsus en 301 lui valut la confirmation
de ce titre et la possession de la Syrie, de la Phrygie,
de l'Arménie et de la Mésopotamie. La défaite de Lysi-
maque en 282 à Cyropédion lui permit d'ajouter à son
empire la Macédoine, la Thrace et ce qu'il n'avait pas
S39. — Tétradrachme de Séleucus I e ' Nicator.
Tête de Zeus laurée, â droite. — ù) daeiaeqs | ERAErKOr.
Athénê brandissant un foudre, debout, sur un cbar traîné, à
droite, par quatre éléphants cornus. Dans le champ , une ancre,
le monogramme A et la lettre O.
encore de l'Asie Mineure. Sept mois après, il fut assas-
siné par Ptolémée Céraunus, fils de Ptolémée I er , qu'il
avait reçu à sa cour. — Daniel, xi, 5, avait prédit la grande
puissance que devait acquérir Séleucus I er : « Le roi
du midi (d'Egypte), avait-il dit, deviendra fort, mais
un de ses princes (Séleucus I er ) sera plus fort que lui
et dominera ; sa domination sera puissante. » Le royaume
de Syrie fut en effet le plus fort de ceux qui furent
fondés par les successeurs d'Alexandre. Il faut observer
du reste que tous les interprètes n'appliquent pas à
Séleucus I er les paroles de Daniel, mais à quelqu'un
de ses successeurs. Voir Trochon, Daniel, 1882,
p. 231. — Séleucus avait été un grand roi. Il avait
donné à son royaume Antioche pour capitale, fondé ou
agrandi beaucoup de villes, Séleucie, Apamée sur
l'Oronte, Laodicée, Édesse, Bérëe. Il établit des Juifs
à Antioche et dans plusieurs des autres villes qu'il avait
élevées et leur conféra le droit de cité. Josèphe, Anl.
jud., XII, m, 1; Cont. Apion., u, 4.
2. SÉLEUCUS II CALLINICUS (le Victorieux), troi-
sième roi de Syrie, 246-226 avant J.-C. (flg. 340), fils
340. — Tétradrachme de Séleucus II Callinicus.
Tète de Séleucus, à droite, diadémée. — r$. BASlAEQE||£E.\Er-
KOr. Apollon, nu, debout, à gauche, tenant une flèche et s'ac-
coudant sur un trépied surmonté de la cortine. Dans le champ,
deux monogrammes.
d'Antiochus II Théos et deLaodice. Celle-ci était sœur
d'Antiochus II. Son frère la répudia en 250 pour
épouser Bérénice, fille de Ptolémée II, roi d'Egypte.
Après la mort de Ptolémée, Antiochus II rappela Lao-
dice, mais irritée contre son mari et voulant protéger
ses deux fils Séleucus II et Antiochus Hiérax contre
un nouveau caprice possible de leur père, elle l'em-
poisonna. Séleucus II monta sur le trône de son père
et fit assassiner Bérénice et son fils. Le roi d'Egypte,
Ptolémée III Evergète, voulut venger sa sœur : il enva-
hit la Syrie et fit périr Laodice en 240. Daniel, xi, 7-9 ;
avait prophétisé les victoires de Ptolémée III. Voir
Ptolémée 3, col. 849. Ce roi avait pris Séleucie qui
resta assez longtemps au pouvoir des Égyptiens. Séleu-
cus II chercha plus tard à prendre sa revanche et
entreprit une expédition contre l'Egypte, mais sa ten-
tative échoua. L'empire séleucide se démembra sous
son règne : Antiochus Hiérax, son frère, se créa un
royaume en Asie Mineure; la Perse reprit son indé-
pendance sous Arsace : la Bactriane sous Théodote. Il
fut enfin vaincu par les Parthes et mourut, dil-on,
prisonnier, mais la fin de son règne est mal connue.
3. SÉLEUCUS lil CÉRAUNUS (le Foudre), quatrième
roi de Syrie, 226-222 avant J.-C. (flg. 341), fils de Sé-
341. — Monnaie de Séleucus III Céraunus.
Tête diadémée de Séleucus III Céraunus, avec des favoris. —
ft). BASIAEQS lEAErKOr. Apollon, nu, la tête laurée, assis
à gauche sur l'omphalos, sa chlamyde sous lui et ramenée sur
la jambe droite. Ses cheveux, relevés en chignon, retombent
en tresse sur ses épaules. Dans la main droite étendue il tient
une flèche et de l'autre il s'appuie sur son arc posé à terre.
Dans le champ, deux monogrammes.
leucus II et frère d'Antiochus III le Grand. Daniel, xi,
10, dit en parlant des deux frères': « Ses fils (de Sé-
leucus II) se mettront en campagne contre l'Egypte. »
Séleucus III, d'après ce que l'on sait de son court règne,
ne combattit pas directement contre l'Egypte, mais
il fit contre l'Asie Mineure une expédition qui peut
être considérée comme le commencement de la guerre
égyptienne. Il périt empoisonné par deux de ses offi-
ciers au cours même de son expédition asiatique. Voir
Trochon, Daniel, in-8°, Paris, 1882, p. 233.
. 4. SÉLEUCUS IV PHILOPATOR, roi de Syrie, 187-
175 avant J.-C, fils d'Antiochus III (fig. 342). Il est le
seul des Séleucus désigné par son nom dans l'Écriture.
I Mach., vu, 1; II Mach., m, 3; iv, 7; v, 18; xiv, 1.
Daniel, xi, 20 (d'après le texte hébreu), résume ainsi
son règne sans le nommer : « Celui qui le remplacera
(Antiochus III) fera venir un exacteur (Héliodore) dans
la gloire du royaume (la Palestine), et en quelques
jours il sera brisé et ce ne sera ni par la colère ni par
la guerre. » La traduction de la Vulgate ne rend pas
exactement la première partie du texte original : « Un
homme très vil et indigne de la majesté royale s'élè-
vera à sa place et en peu de jours il sera brisé, non par
la colère ni dans le combat. » Le qualificatif « très
vil » n'est ni dans l'hébreu ni dans les Septante. Le peu de
jours qui suffirent pour le briser ne doit pas s'entendre
de la durée totale de son règne, qui fut de douze ans,
mais du temps qui s'écoula entre le pillage du Temple
de Jérusalem, lequel devait le rendre particulièrement
odieux aux Juifs, et son assassinat. Le premier livre des
1583
SÉLEUCUS IV PHILOPATOR — SELLUM
1584
Machabées, vh,1; et II Mach., xiv, 1,1e nomment seule-
ment comme père de Démétrius I er Soter; mais II Mach.,
raconte en détail l'acle de cupidité qui avait si profon-
dément blessé tout Israël. Séleucus IV, accablé sous le
poids du tribut que les Romains avaient imposé à son
père, I Mach., vin, 7, cherchait partout avec rapacité
à ramasser de l'argent. Il avait d'abord, sous le pontificat
d'OniasIII, contribué aux dépenses des sacrifices offerts
dans le Temple. II Mach., m, 3. Plus tard, à l'instigation
342. — Tétradrachme de Séleucus IV Philopator.
Tète de Séleucus à droite diadémée. — r). BAEIAEQS EEAEr-
Kor.- Apollon, nu, assis à gauche, les cheveux relevés en
chignon, la main droite tenant une flèche, la gauche appuyée
sur un arc. Dans le champ à gauche, une palme et une cou-
ronne.
d'Apollonius, gouverneur de la Cœlésyrie, voir Apol-
lonius 4, 1. 1, col. 777, il envoya Héliodore à Jérusalem
pour en piller le trésor sacré, mais une intervention
miraculeuse empêcha son envoyé d'accomplir sa mis-
sion. II Mach., m, 4-40; v, 18. Plus tard, Séleucus IV
périt assassiné par cet Héliodore. Appien, Syriac. 45.
Voir Héliodore, t. m, col. 570-571. A part cette tenta-
tive de rapine, il s'était montré bienveillant pour les
Juifs, dans l'espoir sans doute de s'en faire des auxi-
liaires contre les Ptolémées d'Egypte.
F. Vigouroux.
SÉLIM (hébreu : Silhîm; Septante : Sa).vi), ville de
la tribu de Juda. Jos.,xv, 32. Elle apparaît sous le nom
de Sarohen dans Jos., xix, 6, et de Saarim dans I Par.,
iv, 31. Voir Sarohen, col. 1492; Saarim, col. 1284.
1. SELLA (hébreu :Silldh; Septante: EeXXâ), seconde
femme de Lamech. Gen., IV, 19. Elle fut la mère de
Tubalcaïn et de Noéma, j>. 22. La Genèse, i. 23-24, a
conservé un chant adressé par Lamech à ses deux
femmes. Voir Lamech, 1, t. iv, col. 41.
2. SELLA (hébreu : Silld';- Septante : SeXâ). Le roi
de Juda, Joas, fut assassiné par Josachar et Jozabad,
ses serviteurs, « dans la maison de Mello, qui est à la
descente de Sella. » IV Reg., xii, 20. Le site est incer-
tain. Voir Mello 2, t. iv, col. 948.
SELLAI (hébreu : Sallaï), nom de deux Israélites.
1. SELLAI (Septante : E»|AÉ), un des chefs benjamites
qui s'établit à Jérusalem après le retour de la captivité
de Babylone avec 928 Israélites de sa tribu. II Esd.,
xi, 8.
2. SELLAÏ (Septante : EaXa'i), un des chefs des
prêtres qui retournèrent en Palestine avec Zorobabel.
II Esd., xu, 20. Au j>. 6 (hébreu, 7), il est appelé
Sellum.
SELLE DE CHAMEAU (hébreu : kar hag-gâmâl;
Septante : aâ-(\La-ca. tï,ç xaiiïjXov; Vulgate : stramenta
cameli), appareil à l'usage des femmes qui voyagent à
dos de chameau. Voir t. u, fig. 179, col. 523. Cette selle
ne se compose pas seulement de tapis, comme le dit la
Vulgate; ce sont des <sâyy.aT a, tout un attirail permettant
d'être assis commodément et peut-être aussi à l'abri du
soleil. En Perse, en Egypte, on se sert de selles de ce
genre. A des espèces d'anneaux fixés de chaque côté,
sont attachés des rideaux qui dérobent la voyageuse
aux regards et la préservent de la chaleur. Cf. Kœmpfer,
Amœnitat. exolic, Lemgow, 1712, p. 724; Rosenmûller,
In Gènes., Leipzig, 1795, p. 275. — Quand Laban pour-
suivit Jacob et ses filles, il réclama ses téraphim qu'on
lui avait dérobés. Rachel les avait emportés, en effet, et
les avait cachés dans son kar. Cette selle ne comportait
vraisemblablement pas de pavillon, car on l'avait mise
dans la tente de Rachel qui s'était assise dessus. Mais
le siège avait assez d'ampleur pour qu'à l'intérieur on
pût cacher certains objets. En tous cas, ce n'était pas
une selle plate ou pleine, comme celle qui servait pour
les chevaux. Gen., xxxi, 34, 35. On mettait aussi des
selles aux chameaux pour leur faire porter des fardeaux,
mais il n'en est pas question dans la Bible.
H. Lesêtre.
SELLEM (hébreu : Sillêm; Septante : SeXXyJu.),
quatrième et dernier fils nommé de Nepthali, chef de
la famille des Sellémites, petit-fils de Jacob. Num.,
xxvi, 49. Son nom est écrit Sallem (col. 1374), Gen.,
xlvi, 24, et Sellum, I Par., vu, 13.
SELLÉMITES (hébreu : has-Sillêmî ; Septante : h
SeXXr]u,i), descendants de Sellem. Num., xxvi, 49.
SELLÉS (hébreu : Sêlés; Septante : EeXXr,;), le
troisième (d'où peut-être son nom) des quatre fils d'Hé-
lem, delà tribu d'Aser. I Par., vu, 35.
SELLUM, nom dans la Vulgate de quinze Israélites.
Le nom de Sellum 13, 14, 15 est écrit différemment en
hébreu.
1. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : Ee).).o-V),roi
d'Israël (772). Zacharie, fils de Jéroboam II, régnait
depuis six mois à Samarie, lorsque Sellum, fils de
Jabès, le frappa à mort devant le peuple, à la suite d'une
conspiration, et occupa le trône à sa place, la trente-
neuvième année d'Ozias, roi de Juda. Il ne régna qu'un
mois et subit lui-même le sort qu'il avait infligé à son
prédécesseur. Il fut assassinée Samarie par Manahem,
fils de Gadi, qui prit sa place. IV Reg., xv, 10-15. C'est
tout ce que l'on sait de Sellum. Osée, vil, 3-7, fait
allusion au règne sanglant et rapide de Sellum. Cf. Van
Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908,
p. 72. H. Lesêtre.
2. sellum (hébreu : Sallûm; Septante : SeaXoûuJ,
le plus jeune fils de Nephthali. I Par., vu, 13. Il est
appelé Sallem, Gen., xlvi, 24, et Sellem, Num., xxvi,
49. Voir Sellem.
3. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : 2eXX>î[i),
fils de Thécua, mari de la prophétesse Holdah, du
temps du roi Josias. Il était gardien des vêtements sa-
cerdotaux. IV Reg., xxii, 14; II Par., xxxiv, 22. Plu-
sieurs croient qu'il est le même que l'oncle de Jérémie
de ce nom. Jer., xxxn, 7.
4. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : EaXoûp),
fils de Sisamoï et père d'Icamia, de la tribu de Juda,
descendant de Sésan. I Par., Il, 40-41.
5. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SaXotifi),
fils de Joas, roi de Juda. I Par., m, 15; Jer., xxil, 11.
Il fut roi de Juda, sous le nom de Joachaz. Voir Joa-
chaz2, t. m, col. 1549.
1585
SELLUM _ SEM
1586
6. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SœXén), fils
<ie Saiil et père de Mapsam, de la tribu de Siméon.
I Par., iv, 25.
7. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SaXcôp.),
fils de Sadocet père d'Helcias, de la descendance d'Aa-
ron, et grand-prêtre. I Par., vi, 12-13. Il est appelé
Mosollam, I Par., ix, 11; II Esd., xi, 11. Voir Mosol-
lam 6, t. iv, col. 1321. Cf. Grand-prêtre, t. m, col. 305,
n° 26. Il fut un des ancêtres d'Esdras le scribe. I Esd.,
vu, 27.
8. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SocV^p.),
lévite, fils de Coré, chef des portiers chargés de la
garde du sanctuaire du temps de David. I Par., ix, 17,
19, 31. C'est vraisemblablement le même dont les des-
cendants retournèrent de la captivité de Babylone à
Jérusalem avec Zorobabel. I Esd., Il, 42; II Esd., vu,
46.
9. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SeXXrm),
père d'Ezéchias l'éphraïmite. Il Par., xxvm, 12. Voir
ëzéchias 3, t. il, col. 2148.
10. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : So).^),
lévite, un des portiers du temple de Jérusalem qui fut
obligé du temps d'Esdras de renvoyer la femme étran-
gère qu'il avait épousée. I Esd., x, 24.
11. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SeXXouja),
prêtre de la descendance de Bani qui avait épousé une-
femme étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer.
I Esd., x, 42.
12. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : EaXXoûy.),
fils d'Alohès. Du temps de Néhémie, il rebâtit avec ses
filles une partie des murs de Jérusalem. 11 est appelé
«hef de la moitié du district (hébreu : pélek) de Jéru-
salem. II Esd., m, 12.
13. SELLUM (hébreu : Sallûm ;Se])lante : EaXa>|i<iv),
fils de Choloza, chef d'un district (hébreu : pélek) de
Maspha, travailla du temps de Néhémie à la recons-
truction de Jérusalem. Il répara la porte de la Fontaine
(voir Jérusalem, plan, au sud-est, flg. 249, t. m, col. 1355-
4356) et fit le mur de l'étang de Siloé. II Esd., m, 15.
14. SELLUM (hébreu : Sallu' ; Septante : Sr^ti), ben-
jamite, fils de Mosollam, qui s'établit à Jérusalem au
retour de la captivité de Babylone. II Esd., XI, 7. La
Vulgate écrit son nom Salo. I Par., IX, 7. Voir Salo,
•col. 1379.
15. SELLUM (hébreu : Sallû; Septante : SaXo-j),
prêtre qui retourna de captivité en Palestine. II Esd.,
-xii, 6 (hébreu, 7). Au y. 20, il est appelé Sellai. Voir
"Sellai 2, col. 1583.
SELMAI (hébreu : Salmâï; Septante : SsXtisi), un
des chefs des Nathinéens dont les descendants retour-
nèrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. II Esd.,
•vu, 48. Dans I Esd., n, 46, la Vulgate écrit son nom
"Semlaï.
1. SELMON (hébreu : Salmôn; Septante : 'EXXwv),
Ahonite (voir t. i, col. 296), un des vaillants guerriers
de David. II Sam. (Reg.), xxm, 28. Dans I Par., xi, 29,
il est appelé Haï. Voir Ilaï, t. m, col. 841.
2. SELMON (hébreu : Salmôn; Septante : EsXpLciv;
Alexandrinus et manuscrit du Vaticanus : 'Epu.wv),
montagne boisée des environs de Sichem où Àbimélech
coupa les branches d'arbre qui lui servirent à mettre le
feu à la tour de Sichem, faisant ainsi périr mille per-
sonnes qui s'y étaient réfugiées. Jud., ix, 48. Voir Abi-
mélech 3, 1. 1, col. 57. On donne aujourd'hui le nom de
Suleimiyéh à la partie sud-est du mont Ilébal. Voir
Rosen, Zeitschrift der deutschen morgenlàndischen
Gesellchaft, t. xiv, p. 634. — Le nom de Selmon se
retrouve dans un passage difficile du Ps. Lxvn (hébreu
lxviii), 14, qu'on interprète diversement. On peut tra-
duire le texte hébreu : « Quand le Tout-Puissant dis-
persa les rois, la terre devint blanche comme la neige
du Selmon. » L'événement auquel le Psalmite fait allu-
sion est incertain; une des explications qui paraissent
les plus vraisemblables de la métaphore de la neige est
que les osssements desséchés des ennemis vaincus blan-
chirent le sol comme la neige sur le Selmon. Cf. JEn.,
XII, 36 : campi ossibus albent; Ovide, Fast., i, 558;
humants ossibus albet humus. Certains interprètes
placent le Selmon du Psalmiste dans le pays de Basan,
où Ptolémée, v, 15, mentionne le mont Asalmanos et
voient dans ce paysage une allusion à une victoire
remportée sur Og, roi de Basan, à l'entrée des Hébreux
dans la Terre Promise. Voir H. Guthe, Kurzes Bibel-
wôrlerbuch, 1903, $.738.
SELOMITH (hébreu : Selômît; Septante : 2eÀiu.oû8),
chef de famille dont les descendants, au nombre de
cent soixante hommes, retournèrent en Palestine avec
Esdras sous là conduite de Josphia. I Esd., vm, 10. La
leçon des Septante est différente. Voir Josphia, t. m,
col. 1684. — D'autres personnes portent en hébreu le
même nom. Voir Salomith, col. 1382.
SELSAH, localité de la frontière méridionale de la
tribu de Benjamin. Samuel dit à Saùl cherchant les
ânesses de son père : « Quand tu m'auras quitté, tu
trouveras deux hommes près du tombeau de Rachel à
Selsa/f. » Les Septante ont traduit Selsah par àXXo(j.évooç
HeydXa, «courant vite»; Vulgate : inmeridie, «aumidi».
I (Reg.) Sam., x,8. Le tombeau de Rachel se trouve sur
la route de Jérusalem à Belhléhem, non loin de cette
dernière ville. Voir B. Meistermann, Nouveau Guide
de Terre Sainte, 1907, p. 209. Certains commentateurs
placent Selsah au village actuel de Beit Djala, mais les
opinions sont très partagées sur ce point; l'exacte
correction du texte actuel est révoquée en doute et la
diversité des traductions anciennes rend bien difficile
de trancher le problème. "VoivZeitschrift des deutschen
Palâstina-Vereins, t. IV, p. 249.
SEM (hébreu : Sêm, « nom »; Septante. 2ïj|i), fils
de Noé. Gen., v, 32. Il se maria à l'âge de 98 ans et,
au moment du déluge, il n'avait pas encore d'enfant.
II entra dans l'arche avec sa femme, son père, ses
frères et ses belles-sœurs et quand la terre fut dessé-
chée et qu'il fut sorti de l'arche, il reçut la bénédiction
de Dieu en même temps que son père et ses frères.
Gen., ix, 1. A l'âge de cent ans, il eut un fils appelé
Arphaxad et plus tard d'autres enfants. Gen., xi, 10.
Le respect qu'il témoigna pour son père que l'ivresse
avait fait tomber dans un état de sommeil indécent,
lui valut la bénédiction du patriarche, qui bénit aussi
son autre fils Japhet, mais maudit Cham avec Chanaan,
fils de ce dernier, parce qu'ils l'avaient tourné en déri-
sion. Gen., ix, 20-28. Sem mourut à l'âge de 600 ans,
xi, 10-11. Parmi ses nombreux descendants, x, 21-31;
xi, 10-26, se trouve Héber, père des Hébreux, ancêtre
d'Abraham et de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La plu-
part des commentateurs ont cru que Sem était le fils
aine de Noé, parce qu'il est nommé le premier, avant
Cham et Japhet, ses frères, Gen., v, 31; vi, 10; vu, 13j
îx, 18, 23; xx, 1; quelques-uns cependant soutiennent
que c'est seulement par honneur qu'il est nommé le
premier, quoique Gen., x, 1, comme v, 33; vi, 2,
1587
SEM — SEMAINE
1588
s'entende naturellement de l'ordre chronologique.
La prophétie de Noé relative à Sem annonce que
Chanaan, fils de Chain, sera le serviteur ou l'esclave de
ses frères. Gen., ix, 26. Elle se réalisa d'abord en
faveur de Sem, quand les Hébreux, ses descendants,
conquirent la Palestine sous la conduite de Josué.
Cf. II Par., vm, 8-9. Noé ajoute, f. 27, d'après l'inter-
prétation commune : « Que Dieu étende (les posses-
sions de) Japhet et qu'il habite dans les tentes de
Sem, » ce qui s'explique par la conquête de la Pales-
tine par les Romains et par la conversion des Gentils.
Eph., m, 6. Certains interprètes veulent cependant que
les mots JiabiCet in tabernaculis Sem aient Dieu pour
sujet et signifient que Dieu habita d'une manière spé-
ciale au milieu des Juifs, de la race desquels est issu
Notre-Seigneur. — Sur les pays habités par les descen-
dants de Sem énumérés dans Genèse, x, 21-31, voir les
articles qui leur sont consacrés. — Le nom de Sem, en
dehors de la Genèse, ne se lit plus que dans I Par., i,
4, 17, 24; Eccli., xlix, 12, et dans la généalogie de
Jésus-Christ, Luc, m, 36.
SEMAATH (hébreu : Sime'df ; Septante : 'IsyLovâO),
femme ammonite, mère de Josachar, un des deux
moisson suivraient désormais leur cours régulier. Gen.»
vm, 22. Il faut semer le matin et encore le soir, car on
ne sait pas ce qui viendra. Eccle., xi, 6. C'est ce que
fait le semeur diligent. Matth., xm, 3; Marc, iv, 3;
Luc, vin, 5 (fig. 343). Voir t. h, fig. 214, col. 603. Mais
celui qui s'amuse à observer le vent ne sème pas. Eccle.,
XI, 4. Le désert est une région qu'on n'ensemence
pas, Jer., il, 2, mais on est heureux quand on peut
semer près des eaux. Is., xxxii, 20. Quand les récolte»
sont abondantes, les vendanges rejoignent les semail-
les. Lev., xxvi, 5. Mais il n'en est pas toujours ainsi.
Si l'Israélite est infidèle à Dieu, il sème en vain, Lev.,
xxvi, 16; il sème du froment et récolte des épines,
Jer., xii, 13; il sème et ne récolte pas, Mich., vi, 15; il
sème beaucoup et récolte peu. Agg., I, 6. En général,
on moissonne ce qu'on a semé, Gai., VI, 8; Il Cor., rx,
6. Le semeur n'est pas toujours celui qui moissonne,
mais tous deux ont droit au salaire, Joa., IV, 36, 37,
d'autant plus que le semeur n'a que de la peine, et
que l'on sème dans les larmes tandis que l'on mois-
sonne dans l'allégresse. Ps. cxxvi (cxxv), 5. Joseph
donna aux Egyptiens du grain pour faire leurs semail-
les. Gen., xlvii, 23. En Egypte, on faisait piétiner par
des troupeaux le champ ensemencé. Voir t. n, fig. 263,
#
343. — Les semailles en Egypte. A gauche : 1. Un Égyptien met la semence dans une corbeille ; 2. Un autre ensemence le champ r
3. Un troisième laboure le champ avec une paire de bœufs, précédé d'un chien. — D'après Wilkinson, A popular Account
ofthe ancient Egyptians, 1854, t. n, p. 40, fig. 366.
meurtriers de Joas, roi de Juda. IV Reg., xn, 21;
II Par., xxiv, 26. Dans ce dernier passage, Josachar
est appelé Zabad. Voir Josachar, t. m, col. 1647.
SÉMAIA, nom de deux Israélites, que la Vulgate a
écrit exceptionnellement ainsi, au lieu de Séméia. Voir
Séméias.
1. SÉMAIA (hébreu: Sema 'eyâh; Septante : Ei^ai'a),-
fils de Séchénias, gardien de la porte orientale de Jé-
rusalem, au retour de la captivité. Il travailla à la
réparation des murs de la ville sous Néhémie. II Esd.,
m, 29.
2- SÉMAIA (hébreu : §emi'eyâh ; Septante : Esus'i),
fils de Dalaïa, faux prophète, soudoyé par Tobie et
Sanaballat afin d'empêcher Néhémie de restaurer les
murs de Jérusalem après le retour de la captivité de
Babylone. Il conseilla à Néhémie de s'enfermer dans
le Temple pour échapper à une conjuration imaginaire,
mais il ne réussit pas à le tromper et son piège fut
déjoué. II Esd., vi, 10-13.
SEMAILLES (hébreu : zéra' ; Septante : c-ip|iï,
oitôpo;; Vulgale : semenlis), opération agricole consis-
tant à jeter la semence dans le sol. — En Palestine, les
semailles suivaient la première pluie, qui commence
en octobre et devient plus fréquente en novembre.
Cette pluie ameublissait le sol et permettait le labour
préparatoire aux semailles. En mars et en avril, la
seconde pluie arrosait le grain déjà en herbe, Is., xxx,
23; d'elle dépendait la moisson. Voir Pluie, col. 472. —
1» Après le déluge, Dieu promit que les semailles et la
col. 694. Job, xxxi, 8, demande que, s'il est coupable,
un autre récolte ce qu'il a semé. — 2° La Loi ne permettait
de faire les semailles que pendant six ans consécutifs;
la septième année ou année sabbatique, la terre se
reposait. Exod., xxm, 10; Lev., xxv, 3. On ne devait
pas semer dans le même champ deux espèces de grains-
mélangés les uns aux autres, Lev., xix, 19, ni semer
du grain dans une vigne. Deut., xxn, 9. Cette prohi-
bition était sans doute édiclée pour faire entendre aux
Israélites qu'ils ne devaient pas eux-mêmes mêler leur-
race avec celle des étrangers. Le contact du cadavre-
d'un animal impur ne rendait pas le grain impropre-
aux semailles, autrement il y aurait eu de trop grande
dommages causés aux cultivateurs. Mais la souillure
atteignait le grain sur lequel on mettait de l'eau, c'est-
à-dire sur celui dont on se servait pour les usages culi-
naires. Lev., xi, 37, 38. — 3° Au figuré, on sème la dis-
corde, Prov., vi, 19, la justice, Prov., xi, 18, l'injustice,
Prov., xxn, 8, ou dans les sillons de l'injustice, Eccli.,
vu, 3, et l'on en récolte les fruits. Job, rv, 8. Le fruit de-
justice se sème dans la paix. Jacob., m, 18. Qui sème le
vent récolte la tempête, Ose., vm, 7, c'est-à-dire qui
pose une cause mauvaise doit s'attendre à des effets de-
même nature. Les Juifs ont été semés parmi les autres
peuples. Zach., x, 9. Saint Paul a semé les biens spi-
rituels. I Cor., IX, 11. Un maître qui entend récolter cfr
qu'il n'a pas semé est un maître exigeant. Matth., xx\v
24; Luc, xix, 21, H. Lesètre.
SEMAINE (hébreu : sabû'â, sabbâf; Septante :
ééSofii;; Vulgate : hebdomas, hebdomada) , division
septennaire du temps.
1» Chez les Égyptiens. — Les Égyptiens partageaient-
1589
SEMAINE
4590-
leurs mois en trois décades, avec cinq jours complé-
mentaires â la fin de l'année. Cf. Maspero, Histoire
ancienne, t. i, p. 208. Ce n'est donc pas chez eux qu'il
faut chercher l'origine de la semaine, malgré l'affir-
mation de Dion Cassius, xxxvh, 18.
2° Chez les Babyloniens. — Le nombre sept jouait-
un rôle considérable chez ces derniers. Il figure cons
tamment dans les monuments, non comme simple abs-
traction, mais comme la forme consacrée d'importantes
réalités concrètes. Dans les poèmes chaldéens, les
périodes septennaires sont beaucoup plus fréquentes
que les autres. On compte sept planètes et sept grands
dieux. Cependant, l'association des planètes et des
dieux ne fut plus tard que le résultat des spéculations
alexandrines; à Babylone, on n'y songea jamais. Les
dieux y deviennent les patrons des jours, mais sans
aucune trace de spécification septennaire. Ainsi, sur
un calendrier du mois intercalaire Élul, le 12 du mois
est consacré à Bel et à Beltis, le 13 à la Lune, le 14 à
Beltis et à Nergal, le 15 à Samas, le 16 à Mardouk et à
Zirbanit, le 17 à Nébo et à Taâmit, le 18 à Sin et à
Samaâ, le 19 à Goula. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. West.
As., t. îv. pi. 32, 33; Schrader, Uer babyl. Vrsprung
der siebentâgigen Woche, dans Theol. Stud. und Kri-
tik., 1874, p. 343-353; Die Keilinschriften und das
A. T., 1883, p. 18-22. Il n'apparaît nullement ici que
les jours soient divisés par périodes septennaires avec
des noms distinctifs. On sait aussi que certains sacri-
fices étaient prescrits et des abstentions commandées
les 7, 14, 21, 28 du mois, et en plus le 19, c'est-à-dire le
49 e (7x7) jour après le commencement du mois pré-
cédent. Voir Sabbat, col. 1292. La division septen-
naire est ici manifeste; mais elle ne constitue pas
encore la semaine proprement dite, puisqu'elle reprend
un nouveau point de départ au début de chaque lunai-
son. Il n'est point prouvé d'ailleurs que la signitication
de ces dates ait eu quelque valeur en dehors du domaine
liturgique. Un manuscrit grec, publié par M. de Mély
pour l'Académie des sciences, contient la description,
par le grammairien alexandrin Harpocration, de ce
qui restait à son époque du Birs Nimroud, restauré par
Nabuchodonosor. Voir Babel (Tour de), 1. 1, col. 1347.
La tour se composait de six étages surmontés d'un
petit sanctuaire, soit en tout sept étages. On accédait au
sanctuaire par 365 marches, dont 305 en argent et 60
en or. Les 365 jours de l'année sont donc représentés;
mais les sept étages figurent les sept dieux ou les sept
planètes, nullement les sept jours de la semaine. Pour
que cette dernière fût rappelée clairement, il eut fallu à
la tour non pas 7, mais 52 étages. En somme, les
anciens Hébreux purent emporter de Chaldée une
inclination très accentuée pour les divisions septen-
naires; rien ne permet d'affirmer qu'ils y aient pris
la semaine proprement dite, sinon peut-être comme
coutume particulière à une tribu, mais dont rien
n'indique l'origine.
3° Chez les Hébreux. — La semaine est en usage
chez les Hébreux antérieurement à la législation mo-
saïque. Exod., XVI, 26. Ceux-ci ne l'ont certainement
pas empruntée aux Égyptiens. Il la connaissaient donc
avant d'occuper la terre de Gessen et ont dû régler
leur vie d'après cette division septennaire, au moins
tant qu'ils ont joui de la liberté. Il est difficile
d'admettre que la semaine ait été, à leurs yeux, une
conséquence de la lunaison. Sans doute, les grands
luminaires du ciel étaient destinés à marquer te les
époques, les jours et les années. » Gen.,- i, 14. Dieu
« a fait la lune pour marquer les temps. » Ps. civ
(cm), 19. Mais le rôle de cet astre se borne à « indi-
quer les temps de l'année » et à « donner le signal des
fêtes. » Eccli., xliii, 6, 7. D'elle dépendent les néomé-
nies et la date des solennités. Mais les unes et les
autres demeurent toujours indépendantes de la division
septennaire, et cette dernière a pour caractéristique de-
se poursuivre sans discontinuité et d'enjamber sur les
mois. En cela, elle diffère radicalement de toutes les-
périodes septennaires des Babyloniens. La semaine
divise le mois en quatre parties d'une manière trop-
imparfaite pour en être dérivée directement. Les-
Hébreux tenaient le nombre sept en aussi grande estime-
que leurs ancêtres. Voir Nombre, t. iv, col. 1689,1694..
Il est donc probable que, l'ayant adopté pour la divi-
sion du temps, ils appliquèrent le système septennaire-
beaucoup plus exclusivement que ne l'avaient fait
leurs devanciers. Moïse consacra cette antique division
par l'application qu'il en fit au récit de la création.
Dans le poème chaldéen de la création, v, 17, 18, il
est question d'un septième et d'un quatorzième jour de
la lune. Mais la division en sept jours est tout à fait
inconnue. Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris,.
1907, p. 61. Moïse est le premier à diviser l'œuvre créa-
trice en six jours, suivis d'un jour de repos. L'intention
de donner ainsi une base religieuse à l'institution de
la semaine est d'autant plus accusée que l'écrivain
sacré énumère huit œuvres distinctes. Il en réunit deux
ensemble au troisième et au sixième jour. Il aurait pu
noter huit jours de création au lieu de six s'il l'avait
voulu. C'est donc qu'il tenait à faire de la semaine
divine le type de la semaine hébraïque. Cf. Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. ],
p. 218-235; Durand, La semaine chez les peuples-
bibliques, dans les Etudes religieuses, 15 juin 1895,
p. 214-222; Lagrange, Etudes sur les religions sémi-
tiques, Paris, 1905, p. 292-294; J. Hehn, Siebenzahl
und Sabbat, Leipzig, 1907. — La division septennaire
se reproduit sous différentes formes dans le calendrier
hébraïque. La semaine a sept jours. Les fêles de la
Pâque et des Tabernacles durent sept jours. Lev., xxm,
8, 34. Celle de la Pentecôte a lieu sept semaines après-
le sabbat de la Pâque. Lev., xxm, 15. Pour cette raison,
on l'appelle la Fête des semaines. Exod., xxxiv, 22;
Deut., xvi, 10, etc. Les fêtes des Expiations et des-
Tabernacles sont fixées au septième mois. Lev., XXIII,..
27, 34. Dans le Temple, les prêtres et les lévites exer-
çaient leurs fonctions à tour de rôle par semaines,
I Par., xxiv, xxv; Luc, 1, 8. La septième année est.
l'année sabbatique. Voir Sabbatique (Année), col. 1302.
Sept semaines d'années aboutissent à l'année jubilaire.
Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1750. Dans sa pro-
phétie sur le Messie, Daniel, IX, 24-27, compte par-
semaines d'années. Voir Daniel, t. n, col. 1277.
4° Chez les Grecs et les Romains. — Les Grecs divi-
saient leurs mois, alternativement de 30 et de 29jours,
en trois périodes de dix jours, la troisième n'en ayant
que neuf dans les mois de 29 jours. Ce système, ana-
logue à celui des Égyptiens, n'avait rien de commun ■
avec la semaine. Chez les Romains, le premier du
mois portait le nom de calendes; les ides tombaient le
13 ou le 15, et les nones, huit jours avant les ides. Cette
division s'inspire approximativement des phases de la
lune, mais demeure tout à fait étrangère à l'idée de
semaine. L'usage de la semaine hébraïque ne prévalut
d'ailleurs que tardivement en Orient; les Arabes eux-
mêmes l'empruntèrent aux Hébreux. Cf. Schrader, dans
les Stud. und Kritik., 1874, p. 344. La diffusion du
christianisme entraîna peu à peu l'adoption de la
semaine dans le monde gréco-romain. Les chrétiens,
obligés de férier le dimanche, qui succédait pour eux
au sabbat hébraïque, ne pouvaient se dispenser de
diviser les jours en semaines. On garda aux sept jours
les noms des planètes, à la manière babylonienne. Mais
le langage chrétien substitua toujours le nom de « jour
du Seigneur » ou dimanche à celui de « jour du soleil ».
Voir Dimanche, t. n, col. 1430. Cf. Martigny, Dict. des
antiq. chrél., Paris, 1877, p. 729. En grec, le mot
è6Soji.â; désigne soit le nombre sept, soit un groupe-
1591
SEMAINE — SÉMÉI
1592
quelconque de sept, soit une période de sept jours. Il
ne prend le sens de semaine que dans les Septante. Il
■en est de même du latin hebdomas, qui désigne une
simple période de sept jours quelconques dans le latin
classique. Le mot septimana, d'où vient « semaine »,
appartient à la basse latinité. H. Lesêtre.
SEMAINES (FÊTE DES), un des noms de la fête
de la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22; Deut., xxi, 10. Voir
Pentecôte, col. 119. Elle était ainsi appelée, parce
qu'elle se célébrait sept semaines après la Pâque.
SÉMARITH (hébreu : Simrit; Septante :2afiapr|8),
femme moabite, mère de Jozabad, un des deux meur-
triers de Joas, roi de Juda. II Par., xxiv, 26. Dans
IV Reg., xn, 21, elle est appelée Somer, qui est le
même nom dont la terminaison a disparu.
SÉMATHÉENS (hébreu : ha'ê-Sumâtî; Septante :
'H(7a[ia6[V)i nom d'une des quatre familles originaires
de Cariathiarim. I Par., u, 53. On ne peut dire si les
membres de cette famille tiraient leur nom de leur
ancêtre ou du lieu où elles s'établirent.
SÉMÉBER (hébreu : Sém'éber; Septante :2u|io66p),
roi de Séboïm, le quatrième des rois des environs de
la mer Morte qui furent vaincus du temps d'Abraham
par Chodorlahomor, roi d'Ëlam, et ses alliés. Gen.,
xiv, 2.
SÉMÉGARNABU (hébreu : Samgar-nebû ; Sep-
tante : SapiaYii6), un des chefs de l'armée de Nabu-
chodonosor qui assiégèrent et prirent Jérusalem sous
le roi Sédécias. Jer., xxxix, 3. Son nom peut signifier
« Nébo, sois bienveillant », mais il n'est pas sûr que
la véritable orthographe en ait été conservée,les manus-
crits grecs ne reproduisant ce nom qu'avec des variantes
très différentes.
SÉMÉI, nom de plusieurs Israélites, au nombre
d'environ 17 dans la Vulgate. Leur nom n'est pas tou-
344. — Sceau de Semâyâhû.
Taureau passant, entre deux lignes d'écriture.
Cône de calcédoine.
jours écrit de la même manière en hébreu. — Un sceau,
publié par M. de Vogué, Mélanges d'archéologie orien-
tale, p. 131, porte le nom de Semâyâhû, fils d'Azriâhû
<flg. 344).
1. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Ssjjieeî), se-
cond fils de Gerson et petit-fils de Lévi. Exod., vi, 17;
Num., m, 18; I Par., vi, 17; xxm, 7, 10, 11. Son nom
se lit aussi I Par., xxm, 9, mais ou bien ce nom est
altéré dans ce verset où il désigne un autre Séméi,
descendant de Léédam (Lebni), comme le porte la fin
du verset. Cf. Zach., xn, 13, et Séméi 17.
2. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Eeu.et'), fils de
Géra, de la tribu de Benjamin, qui habitait Bahurim
sous le règne de David. Quand ce prince s'enfuit de
Jérusalem au moment de la révolte d'Absalom, Séméi,
qui était très irrité contre lui, parce qu'il avait sup-
planté sur le trône la famille benjamite de Saûl, lui
lança des pierres et l'accabla d'insultes. Abisaï voulut le
mettre à mort, mais David s'y opposa. II Sam. (Reg.),
xvi, 5-13. Effrayé des conséquences que devait avoir
son insolence, lorsque David revint après la défaite et
la mort d'Absalom, Séméi fut le premier à aller au-
devant de lui près du Jourdain pour solliciter sa grâce.
Le roi empêcha une seconde fois Abisaï de lui ôter la
vie et usa de clémence à son égard, xix, 16-23. Ce-
pendant les outrages qu'il en avait reçus au moment de
sa fuite lui avaient été sensibles, et sur son lit de mort, '
il les rappela à Salomon son fils, et le chargea de les
punir. II! Reg., 8-9. Salomon interna Séméi à Jérusa-
lem et lui défendit de retourner à Bahurim. Il se sou-
mit, f. 36-38. Cependant trois ans après, des esclaves
de Séméi, au nombre de deux porte le texte hébreu,
j. 39, s'étant enfuis et réfugiés auprès d'Achis, roi de
Geth, leur maître partit à leur poursuite et les ramena.
Salomon le fit mettre à mort par Banaïas, pour avoir
violé son serment, ,*. 3946.
3. SÉMÉI (hébreu : Sommai; Septante : Sau-ai), fils
d'Onam, descendant de Jéraméel, de la tribu de Juda.
Il eut pour fils Nadab et Abisur. I Par.,n, 28. L'hébreu
et la Vulgate le nomment une seconde fois au j). 32,
comme frère de Jada, mais dans ce second passage,
les Septante, au lieu de 'âld Sammaî, « frère de
Sammaï», font un seul nom propre de ces deux mots:
'A/iirajActç.
4. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se(jie'[ ! )i fils de
Phadaïa, frère cadet de Zorobabel, et petit-fils de Jécho-
nias, roi de Juda, descendant de David. I Par., m, 19.
5. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Esixsf), fils de
Zachur, qui eut seize fils et six filles. 11 était de la tribu
de Siméon. I Par., iv, 26-27.
6. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : 2su.£i), fils de
Gog, et père de Micha, de la tribu de Ruben. I Par.,
v, 4.
7. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Hejisf), lévite,
descendant de Mérari, fils de Lobni et père d'Oza
I Par., vi, 29 (hébreu, 14).
8. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante: Ssjjisi), lévite,
fils de Jeth et père de Zamma, un des ancêtres d'Asaph
qui fut chez des chantres et des musiciens du temps
de David. I Par., vi, 42-43. Voir Asapii 1, 1. 1, col. 1056.
9. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Sà[i«i8;
A lexandrinus : 2au.ou), chef d'une famille benjamite
établie à Jérusalem. I Par., vm, 21. Cette famille avait
d'abord habité Aïalon, et Séméi doit être le même que
le chef de famille d'Aïalon appelé Sama f. 12. Voir
Sama 2, col. 1399.
10. SÉMÉI (hébreu :Sema'eyâh; Septante :2a[m!ac),
lévite, fils aîné d'Obédédom. I Par., xxvi, 4, 6, 7, aux
f. 4 et 7, la Vulgate l'appelle Séméias. Lui et ses fils
furent portiers de la maison du Seigneur. Voir Sé-
méias 8.
11. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se^Ei),
lévite, descendant d'Héman. Il vivait du temps du roi
Ézéchias et prit part à la purification du Temple. II
est peut-être le même que Séméi 12. II Par., xxix, 14.
12. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se|xsc),
lévite, qui sous le règne d'Ezéchias, fut chargé commet
second de son frère Chonénias de la garde des
offrandes et des dîmes qui étaient apportées au Temple.
II Par., xxxi, 12-43. Il n'est peut-être pas différent de
Séméi 11.
13. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : ïajioû),
lévite qui, au retour de la captivité, du temps d'Esdras,
1593
SÉMÉI — SÉMÉIAS
1594
renvoya la femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd.,
x, 23.
14. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : 2su.si), un
des descendants d'Hasom qui renvoya du temps
d'Esdras la femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd.,
15. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Se^ei'ou),
benjamite, fils de Cis et père de Jaïr, un des ancêtres
de Mardochée. Esth., h, 5; xi, 2.
16. SÉMÉI (hébreu : Sema'eyahû; Septante :
SaiAoaoy), père du prophète Urie, de Cariathiarim.
.1er., xxvi, .20.
17. SÉMÉI (hébreu: has-Sime'â; Septante :2u[i.£<Jv),
famille lévitique descendant de Gersom, mentionnée
dans Zacharie, xii, 13. Voir Séméi 1 .
18. Séméi (grec : Se^si). fils de Joseph et père de
Matbathias, dans la généalogie de Notre-Seigneur.
Luc, m, 26. Divers commentateurs l'identifient avec
Séméia, I Par., ni, 22.
SÉMÉIAS, nom, dans la Vulgate, de vingt-quatre
Israélites, dont le nom n'est pas toujours écrit de la
même manière en hébreu. La version latine n'a pas,
déplus, une orthographe régulière dans la transcription
des noms hébreux Sema'eyâh (fig. 344), &im'£; Sema'.
Voir Samaïas, Samaa, Sémaïa, Séméias, Séméi.
1. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a-
Hat'ac), prophète qui vivait sous le règne de Roboam.
Lorsque ce roi eut assemblé une armée nombreuse
pour soumettre les dix tribus qui s'étaient révoltées et
avaient mis à leur tête Jéroboam, Séméias, au nom de
Dieu, empêcha cette guerre fratricide. III Reg., xii, 21-
24; II Par., xi, 1-4. — La cinquième année du règne de
Roboam, Sésac, pharaon d'Egypte, prit plusieurs villes
de Juda et alla mettre le siège devant Jérusalem. Sé-
méias annonça au roi et aux princes réunis dans la
ville que Dieu les avait abandonnés aux mains du roi
d'Egypte. Ils s'humilièrent alors devant le Seigneur
qui leur promit par son prophète de ne pas tarder à
les secourir. Sésac, se contenta, en effet, de piller les
trésors du temple et du palais royal. II Par., XII, 2-9. —
Séméias écrivit une chronique du règne de Roboam.
II Par., xn, 15. —Une addition qu'on lit dans les Sep-
tante, III Reg., x, il, à la suite du f. 24, fait donner à
Jéroboam par Séméias dix parts sur douze de son man-
teau. Dans III Reg., xi, 28-31, cette action symbolique
est attribuée à Ahias le Silonite.
2. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a-
liata), fils de Séchénias, père de Hattus, de Jégaal, de
Baria, de Naaria et de Saphat. Le texte ajoute a au
nombre de six », quoique cinq seulement soient énu-
mérës. Les uns appliquent à Séchénias le nombre
de six ; d'autres l'expliquent d'autres manières. Le
syriaque et l'arabe nomment Hazarias pour sixième fils.
I Par., m, 22. 11 était de la tribu de Juda et descen-
dait de Zorobabel.
3. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a-
jiocia), lévite, fils d'Hasub, descendant de Mérari, qui
habitait Jérusalem après la captivité. Il Par., IX, 14. 11
fut chargé avec quelques autres lévites de la direction
des travaux qui furent faits à l'extérieur du Temple.
II Esd., xi, 15.
4. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a-
paix), fils de Galal et père d'Obdia, lévite. Son fils
Obdia habita « dans les villages de Nétophati », après
le retour de la captivité de Babylone. I Par., ix, 16.
Son nom est écrit Samua, II Esd., xi, 17, et celui de
son fils, Àbda (t. i, col. 19).
5. SÉMÉIAS (hébreu : Sem'eyàh; Septante : Ssjjlsi),
lévite, descendant d'Élisaphan et chef, sous le règne de
David, de la famille lévitique de ce nom, comprenant
deux cents hommes, qui prirent part au transport de
l'arche, de la maison d'Obédédom à Jérusalem. I Par.,
xv, 8, 11.
6. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a-
ixataç), lévite, fils de Nathanael, scribe de la tribu de
Lévi, qui enregistra officiellement les divisions des
vingt-quatre familles sacerdotales, selon l'ordre fixé par
le tirage au sort, du temps de David. I Par., xxiv, 6.
7. Séméias (hébreu : Sima'i; Septante : Ssuuvfa),
lévite, chef de la dixième division des musiciens, com-
prenant douze de ses fils et de ses frères, au temps de
David. I Par., xxv, 17. Il était un des fils d'Idithun,
dont cinq seulement sont nommés au f. 3, quoique le
total soit donné au nombre de six. Le Codex Alexan-
drinus et quelques manuscrits grecs le nomment le
cinquième au jt. 3.
8. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : Sa-
jiaiaç), l'aîné des huit fils d'Obédédom, de la tribu de
Lévi. Il eut plusieurs fils remarquables par leur force,
Othni, Raphaël, Obed, Elzabad et aussi Éliu et Sama-
chias, qui remplirent les fonctions de portiers ou
gardes de la maison du Seigneur. I Par., xxvi, 4, 6-7.
Voir Séméi 10.
9. SÉMÉIAS (hébreu : Sime'î; Septante : Esu.£ï)»
intendant ou chef des vignerons de David. Il était
originaire de Rama de Benjamin. Voir Romathite,
col. 1177. I Par., xxvil, 27.
10. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :
2«[i.aiaç), un des lévites qui, sous le règne de Josaphat,
accompagnèrent les princes et les deux prêtres que ce
roi avait chargés d'instruire le peuple de la loi du
Seigneur. II Par., xvn, 8. Séméias est nommé le pre-
mier parmi ces lévites.
11. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante :
2«[jia[a;), lévite descendant d'Idithun, qui vivait sous
le règne d'Ézéchias et prit part aux cérémonies de la
purification du Temple. II Par., xxix, 14.
12. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :2e[i£i),
un des lévites qui, sous le règne d'Ézéchias, fut chargé
de distribuer les dîmes à leurs frères dans les villes
sacerdotales. II Par., xxi, 15. Il n'est peut-être pas
différent de Séméias 11.
13. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :
2a(JLata;), un des principaux lévites qui, sous le règne
de Josias, fournirent aux autres lévites cinq mille tètes
de bétail et cinq cents bœufs pour la célébration solen-
nelle de la Pâque. II Par., xxxv, 9.
14. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante :
Sepic'ca), un des principaux Juifs captifs à Babylone
qu'Esdras réunit près du fleuve qui coule vers Ahava,
afin qu'ils amenassent de Casphia des lévites et des
Nathinéens pour le service du temple de Jérusalem.
I Esd., vin, 16.
15. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante :
Sajjiafa), un des prêtres « des fils de Harim », qui avait
1595
SÉMÉIAS — SEMER
1596
épousé une femme étrangère et qui la répudia au retour
de la captivité de Babylone. I Esd., x, 21.
16. SÉMÉIAS (hébreu : Séma'eyâh ; Septante :
2a[ia;aç), Israélite « des fils de Hérem », qui, après le
retour de la captivité, répudia une femme étrangère
qu'il avait épousée. I Esd., x, 31.
17. SÉMÉIAS (hébreu: Sema'; Septante : Safiixia;),
un des principaux Juifs qui se tinrent à la droite d'Esdras
quand il fit au peuple la lecture solennelle de la Loi.
II Esd., vin, 4.
18. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Septante: Sepisia;),
un des chefs des prêtres qui retournèrent de la capti-
vité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. II Esd.,
XII, 6, 16. Il signa le renouvellement de l'alliance avec
Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 8.
19. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Sapixiaç), un des
■chefs de Juda qui prit part à la procession organisée
par Néhémie sur les murs de Jérusalem quand on en
lit la dédicace après leur réédification. II Esd., xn, 33
■(hébreu, 34).
20. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Seplante : Eaijuua),
père ou ancêtre de Zacharie, le premier nommé des
prêtres qui jouèrent de la trompette à la solennité de
îa dédicace des murs de Jérusalem par Néhémie.
II Esd., xn, 34 (hébreu, 35). Voir Jonathan 13, t. m,
col. 1616.
21. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Septante :
2a[tai;a), prêtre musicien qui prit part à la dédicace
des murs de Jérusalem quand ils eurent été rétablis
au retour de la captivité. II Esd., xn, 35 (hébreu, 36).
22. SÉMÉIA (hébreu: Séma'eyâh; Septante : Sensi'aç),
un des prêtres qui assistèrent à la fête de la dédicace
des murs de Jérusalem et s'arrêtèrent avec Néhémie
dans la maison de Dieu. II Esd., xn, 41 (hébreu, 42).
23. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :
Sapiaîa;), faux prophète qui, de Babylone, écrivit au
prêlre Sophonie et aux habitants de Jérusalem contre
Jérémie, afin de le faire mettre en prison. Jérémie lui
prédit les châtiments de Dieu et l'anéantissement de sa
postérité. Jer., xxix, 24-32.
24. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :
2e).Enîou), père de Dalaïas. Dalaïas était un des grands
•ile la cour de Joakim devant qui Baruch lut les pro-
phéties de Jérémie. Jer., xxxvi, 12. Voir Dalaïas, t. n,
col. 1208.
SÉMÉITIQUE (FAMILLE) (hébreu : has-Sim'eî;
Septante : S<i|ia; toO Ssjjls'i; Vulgate : familia Semei-
tica), une des deux familles issues de Gerson, de la
tribu de Lévi, par Séméi, fils cadet de Gerson. Voir
Séméi 1, col. 1591.
SEMENCE (hébreu : zéra'; chaldéen : zera' ; Sep-
tante : uitépfta; Vulgate : semen, semenlis), graine du
végétal jeté en terre en vue de la reproduction.
I. Sens propre. — 1° La semence proprement dite. —
Dieu a créé les végétaux, herbes, plantes, arbres, etc.,
ayant en eux la semence destinée à les reproduire,
Gen., I, 11, 12, 29. On se sert de cette semence pour
faire les semailles. Gen., xlvii, 19; Lev., xi, 37; Eccli.,
xi, 6, etc. Chaque semence a son caractère propre,
selon la plante d'où elle provient et qu'elle doit repro-
duire; jetée en terre, elle s'y transforme, se décompose
et donne naissance au germe par lequel commence le
végétal, <t Ce que tu sèmes ne reprend pas vie, à moins
de mourir auparavant. Ce que tu sèmes, ce n'est pas le
corps qui sera un jour, c'est un simple grain, soit de
blé, soit de quelque autre semence; mais Dieu lui
donne un corps comme il l'a voulu, et à chaque semence
il donne le corps qui lui est propre. » I Cor., xv, 36-
38. Cf. Matth., xm, 4-8, 24, 25, 31 ; etc. — 2° Le produit
de la semence. — La dîme est prélevée sur les semen-
ces, Lev., xxvn, 30, c'est-à-dire sur ce qu'elles ont pro-
duit. Cf. I Reg., vin, 15; Is., xxm, 3; Job, xxxix, 12;
Zach., vin, 12. — 3° Le rejeton végétal. — Dieu a planté
une vigne dont le plant était franc. Jer., n, 21. Il a pris
du plant du pays, et il l'a planté comme un saule et il
est devenu un cep de vigne. Ezech., xvn, 5.
IL Sens figuré. — Le mot zéra' a un sens physiolo-
gique, Gen., xxxviii, 9; Lev., xv, 16; xvm, 21; xix, 20;
xxii, 4; Sap., vu, 2, etc., duquel dérivent divers autres
sens. — 1° La descendance, les enfants, la postérité
issue d'un même homme; la race de la femme, Gen.,
ni, 15, c'est-à-dire toute l'humanité; Seth, semence
donnée à Eve à la place d'Abel, Gen., iv, 25; cf. I Reg.,
I, 11; la semence ou postérité d'Abraham, Gen., XII, 7 ;
xm, 15; xv, 5; xvi, 10, celle d'Isaac, Gen.,xxi,12; xxvi,
3, 4, 24, celle de Jacob, Gen., xxvm, 4, 14; xxxii, 12;
XL viii, 4, celle de Joseph, Gen., xlviii, 11, celle d'Onan,
Gen., xxxviii, 8, 9, celle de Job, v, 25, etc. Les descen-
dants d'un personnage sont appelés sa semence : la
semence d'Abraham, Ps. cv (civ), 6; Is., xli, 8; Jer.,
xxxni, 25; Joa., vin, 33; etc., la semence d'Aaron, Lev.,
xxi, 21; xxn, 4, la semence d'Israël, IV Reg., xvn, 20;
Is., xlv, 25; Jer., xxxi, 36, 37; II Esd., ix, 2, la semence
d'Éphraïm, Jer., vu, 15, la semence de David, III Reg.,
xi, 39; Jer., xxxm, 22; Rom., i, 3; II Tim., n, 8. La
loi du lévirat oblige un parent à susciter au défunt une
semence, c'est-à-dire une postérité. Gen., xxxviii, 8;
Ruth, iv, 12; Matth., xxii, 24; etc. Voir une semence,
c'est avoir une postérité. Is., lui, 10. La semence de
la semence, ce sont les petits-enfants. Is.,lix, 21. Il y a
également la semence de l'adultère, c'est-à-dire les fils
nés hors du mariage. Is., lvh, 3. — 2° La similitude
de race. — Être de semence royale, c'est avoir eu des
rois pour ancêtres. IV Reg., xi, 1; xxv, 25; Jer., xli,
1; Dan., i, 3. La semence mèae désigne la nation des
Mèdes. Dan., ix, 1. — 3° La similitude morale. — La
semence sainte désigne Israël. Is., vi, 13; I Esd., vi,
13. Les hommes fidèles à Dieu sont appelés semence
des justes, Prov., xi, 21, semence des serviteurs de
Jéhovah, Ps. lxix (lxviii), 37, semence des bénis de
Jéhovah, Is., lxv, 23. La même expression se prend
souvent en mauvaise part. La semence du serpent, ce
sont ceux qui agissent sous l'inspiration de Satan.
Gen., m, 15. Ils sont encore appelés semence de
méchants, Is., i, 4; Ps. xxxvn (xxxvi), 28, semence de
menteurs. Is., lvii, 4.
III. Comparaisons. — Dans ses paraboles, Notre-
Seigneur compare à la semence la parole de Dieu, qui
produit plus ou moins de fruits suivant les disposi-
tions de l'âme dans laquelle elle tombe, Matth., xm,
18-23; Marc, iv, 13-20; Luc, vm, 11-15; le développe-
ment de l'Évangile qui se produit par une force indé-
pendante de l'homme, Marc, iv, 26-29; la prédication
de l'erreur, qui est comme l'ivraie semée au milieu du
bon grain, Matth., xm, 24-30, 36-43; le progrès de
l'Église, qui ressemble à celui du grain de sénevé.
Matth., xm, 31-33; Marc, iv, 30-32; Luc, xm, 18, 19.
Saint Jean dit que « la semence de Dieu », c'est-à-dire
la vie divine produite par la grâce, demeure en celui
qui est né de Dieu et ne commet point le péché. I Joa.,
m, 9. H. Lesètre.
SEMER, orthographe du nom de Somer dans cer-
taines éditions de la Vulgate. III Reg., xvi, 24. Voir
Somer.
1597
SEMERIA — SEMMA
1598
SÉMÉRIA (hébreu : Scmarydh, « gardé par Yâh »;
Septante : Sapapt'a), un « des fils de Bani » qui répudia,
■après le retour de la captivité, la femme étrangère qu'il
avait épousée. I Esd.,x, 41. —Trois autres personnages
qui portent le même nom dans le texte hébreu sont
appelés dans la Vulgate Samaria, I Par., xn, 5; Somo-
rias, II Par., xi, 19; et Samarias, I Esd., x, 32.
SÉMERON, nom d'une ville et d'une montagne,
dont le nom est différent en hébreu.
1. SÉMERON (hébreu : Simrôn, «[lieu de] garde ou
d'observations ; Septante : Xunoûv; Al.: Ssppuàv), ville de
Palestine qui fut attribuée à la tribu de Zabulon après
la conquête du pays. Jos., xix, 15. Elle est nommée
entre Naalol et Jédala. C'est la même ville, d'après
l'opinion générale, qui est appelée Simrôn Mer'ôn,
dans Josué, xu, 20. Septante : 'A|jiapa>v; Vulgate :
Semeron. Le site en est incertain. Baedeker, Palestine
et Syrie, 1882, p. 446, la place au nord de Ptolémaïde,
sur la route de cette dernière ville à Tyr, et l'identifie
avec le Casale Sonielaria Templi des Croisés, Ves-
Sémiriyéli actuel, au nord du Nakr Sémiriyéh, mais
ce territoire appartenait à la tribu d'Aser et non à celle
•de Zabulon. Voir la carte d'AsER, t. i, vis-à-vis col. 1083-
1084. D'autres ont tenté de le reconnaître dans le Simo-
nias de Josèphe, Vita, 24, édit. Didot, t. i, col. 804, le
Sémuniyéh d'aujourd'hui à deux heures à l'ouest de
Nazareth; d'autres à Marôn, à l'ouest du lac de Houléh,
ou à Mérôn, à l'ouest de Safed (Séphet), mais toutes ces
opinions sont fort contestables. Voir Palestine Explora-
tion Fund, Memoirs,i. i, p. 339. — Le roi de Sémeron
entra dans la confédération des rois de Palestine qui,
sous la conduite de Jabin, roi d'Asor, essaya d'arrêter la
marche conquérante de Josué et il fut défait avec ses
ralliés. Jos., xi, 1; xu, 20.
2. SÉMERON (hébreu : Semdraîm; Septante : 2o-
[j.6pwv), montagne en Éphraim qui tirait vraisembla-
blement son nom de la ville de Samaraïm dont le nom
•est identique en hébreu. II Par., xm, 4. Le roi de
Juda, Abia, harangua du haut de cette montagne Jéro-
boam 1er, ro i d'Israël. Voir Abia 5, t. i, col. 43; Sama-
kaïm, col. 1400.
SÉMIDA (hébreu : Semîda' ; Septante : 2y;j.alp,
"2-JlJ.apt'jj., Sc(upi), le cinquième et avant-dernier fils de
Galaad, de la tribu de Manassé, de qui vint la famille
des Sémidaïtes. Num., xxvi, 32; Jos., xvii, 2. Il eut
.pour fils Ahin, Séchem, Lccie etAniam. I Par., vu, 19.
SÉMIDAÏTES (hébreu : has-Semidâ'i; Septante :
•é Supiaept), descendants de Sémida, de la tribu de
-Maaassé. Num., xxvi, 32. Cf. Jos., xvn, 2.
SÉMIRAMOTH (hébreu : Semîrâmôf, Septante :
2s;i.ipa(io6), nom de deux lévites.
1 . SÉMIRAMOTH, lévite, un des musiciens du second
•ordre, qui jouait du nébel au temps de David dans les
cérémonies religieuses. I Par., xv, 18, 20; xvi, 5.
2. SÉMIRAMOTH, un des lévites que Josaphat, roi
•de Juda, chargea, la troisième année de son règne,
•d'aller enseigner dans les villes de son royaume la loi
•de Moïse. II Par., xvn, 8.'
SÉMITIQUES(LANGUES),nomdonnéaux langues
parlées par les Hébreux et autres descendants de Sem.
Cette dénomination n'est pas tout à fait exacte, comme
l'était moins encore celle de langues orientales qu'on
leur donnait autrefois, car tous ceux qui les ont parlées
ne sont pas des Sémites, les Phéniciens, par exemple,
unais l'usage s'en est encore conservé pour la commo-
dité du langage. Ce nom fut proposé par Schlôzer, en
1781, et recommandé par ^ichhorn, Allgemeine Bi-
bliothek der Biblischen Literatur, t. vi, 50, p. 772 sq.
Cf. E.Renan, Histoii'e générale des langues sémitiques,
Paris, 1855, p. 1-2. Sur la subdivision des langues
sémitiques, voir Arabe (Langue), t. i, col. 835, et sur
chacune des langues sémitiques en particulier, voir
Hébraïque (Langue), t. m, col. 465-512; Arabe
(Langue), t. i, col. 835-845; Assyrienne (Langue), t. i,
col. 1169-1174; Éthiopienne (Langue), t. n, col. 2014-
2020; Syriaque (Langue). Voir Frd. Delitzsch, Studien
ûber indo-germanisch-semitische Wûrzelverwandt-
schaft, in-12, Leipzig, 1873.
SEMLA (hébreu : Samlâh; Septante : 2«[j.aSâ, Gen.,
xxxvi, 36; Siffla, I Par., i, 47, 48), roi d'Édom, succes-
seur d'Adad et prédécesseur de Saùl l'Iduméen. Il était
de Masréca et régna avant que les Israélites eussent des
rois. Voir Masréca, t. iv, col. 852.
SEMLAI (hébreu : [chetîb] Samlaï; [kerî] Salmaï,
I Esd., il, 46; Septante : EcXocui), chef d'une famille de
Nathinéeng dont les descendants retournèrent en-
Palestine avec Zorobabel. Dans II Esd., vu, 48, son nom
est écrit Selmaï. Voir Selmaï, col. 1585.
SEMMA (hébreu: Sammâh), nom de trois vaillants
soldats de David dans la Vulgate. L'hébreu nomme
deux autres ëammdh dont la Vulgate a écrit le nom
plus exactement Samma. Gen., xxxvi, 13, et I Sam.
(Reg.), xvi, 9.
1. SEMMA (Septante : Eafjwaa), fils d'Agé, d'Arari,
un des plus braves soldats de David. Le peuple s'étant
enfui devant les Philistins, Semma leur tint tête dans
un champ de lentilles et leur résista avec succès.
II Reg. (Sam.), xxm, 11-12; I Par.,xi, 13-14, qui contient
le récit du même fait. Dans ce second passage, le champ
où a lieu le combat est planté d'orge, au lieu de len-
tilles, soit qu'il y eût les deux à côté, soit qu'il se soit
glissé dans le texte original une faute de copiste ou une
erreur de lecture, parce que la confusion entre l'orge,
DHlrt, se'ôrim, et les lentilles, a'tfiy, 'âdasîm, est
très facile. Cet exploit eut pour théâtre Phesdommim.
I Par., xi, 13. Voir Phesdommim, col. 252. — Dans les
Paralipomènes, par suite d'une lacune dans le texte, le
fait d'armes de Semma se trouve attribué à Éléazar
fils de Dodo. Voir Éléazar 3, t. n, col. 1650-1651.
2. SEMMA (Septante : Saint»), surnommé le Haro-
dite, un des vaillants soldats de David. II Sam. (Reg.),
xxm, 25. Voir Harodi, t. ni, col. 433. Dans I Par.,
xi, 27, il est appelé Sammoth l'Arorite. Voir Sammoth,
col. 1431. Des commentateurs l'identifient aussi avec
Samaoth le Jézérite,un des généraux de David. I Par.,
xxvn, 8. Voir Samaoth, col. 1400.
3. SEMMA (Septante : Saiivâv), un des braves de
David. Dans la liste de II Sam. (Reg.), xxm, 33, il
semble y avoir une lacune entre les versets 33 et 34,
où nous lisons : « Les fils de Jassen, Jonathan, Semma
d'Orori, » car dans le texte parallèle, I Par., xi, 33,
nous lisons dans la Vulgate : « Les fils d'Assem le Gè-
zonite, Jonathan, fils de Sage l'Ararite, etc. » Les
hébraïsants, dans les deux passages, au lieu de traduire
« les fils de Jassen » ou « les fils d'Assem », ce qui ne
convient guère au contexte, considèrent Benê-Assem et
Benê-Jassen comme un nom propre d'homme dans les
deux passages, benê formant le premier élément du
nom de ce soldat de David, tandis que la Vulgate (et
les Septante dans les Rois), l'ont pris pour un nom
commun, « fils ». — PourOrori et Ararite, voir ces mots,
t. m, col. 1897; t. i, col. 882.
1599
SEMMAA — SÉNEVÉ
1600
SEMMAA (hébreu: Sim'âh; Septante: Socjjuxà), frère
de David, père de Jonathan et de Jonadab. II Sam.
(Reg.), xxn, 3, 32. Il est appelé Samma, I Sam. (Reg.),
xi, 9; Simma, I Par., n, 13, et Samaa, II Reg., xxi, 21 ;
I Par., xx, 7. Voir Samaa 1, col. 1399.
SEMMAATH (hébreu : Sim'àt; Septante : Sa(j.adc6),
femme ammonite, mère de Zabad, un des deux assas-
sins de Joas, roi de Juda. II Par., xxiv, 26; IV Reg.,
xn, 21. Dans ce dernier passage, son fils est appelé
Josachar.
SEMRAMITES (hébreu : ItaS-Simrôni ; Septante :
. ô 2oc|ipa|xî), famille issue de Semran, fils d'Issachar,
Num., xxvi, 24.
SEMRAN (hébreu : Simrôn; Septante : Ea^pip.),
quatrième et dernier fils d'Issachar et petit-fils de
Jacob, chef de la famille des Semranites. Num., xxvi,
24. Son nom est écrit Semron, Gen., xlvi, 13.
SEMRI (hébreu : Simri), nom de deux Israélites
dans la Vulgate. Dans l'hébreu, deux autres Israélites
portent aussi le nom de Simri. La Vulgate les appelle
Samri, IPar., xi, 45, et II Par., xxix, 13. Voir Samri 1
et 2, col. 1431.
1. SEMRI (Septante : ïe;ipt),un des principaux chefs
de la tribu de Siméon, fils de Samaïa et père d'Idaïa.
I Par., iv, 37.
2. SEMRI (Septante : çîAâtfsovTEç, l'hébreu Simri
ayant été lu somrê), lévite, fils de Hosa, descendant de
Mérari, établi par son père chef de ses frères, quoiqu'il
ne fût pas l'aîné, un des portiers de l'arche, du temps
de David, gardant le côté de l'occident. I Par., xxvi,
10, 16.
SEMRON, fils d'Issachar. Gen., xlvi, 13. Son nom
est écrit Semram dans Num., xxxi, 24. Voir Semran.
SEN (hébreu : has-Sèn, « la dent » ; Septante :
■fl ratXocïa), localité ou rocher mentionné seulement.
I Sam. (Reg.), vu, 12. Samuel éleva entre Masphalth
et Sen une pierre commémorative de la victoire rem-
portée en ce lieu sur les Philistins. Cette pierre fut
appelée 'Ében hd-'Ézér, Vulgate : Lapis adjutorii. Voir
Ében-Ézer, t. il, col. 1526.
SENAA (hébreu : Senâ'âh; Septante : Sevai), peut-
être nom d'homme, mais plus probablement nom d'une
ville, d'ailleurs inconnue, dé Palestine, dont les an-
ciens habitants ou plutôt leurs descendants retour-
nèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec
Zorobabel. I Esd., il, 35; II Esd., vu, 38. Ils étaient
au nombre de 3630 d'après le premier passage et de
3930 d'après le second; le chiffre peut avoir été exagéré
par les copistes dans les deux endroits. Ils rebâtirent à
Jérusalem la Porte des Poissons. Voir Jérusalem, t. iv,
col. 1364 [2»]. II Esd., m, 3. Dans ce passage, le nom
de Senaa est précédéen hébreu de l'article has-Senâ'dh,
ce qui est cause que la Vulgate a transcrit le nom en
cet endroit Âsnaa. Voir Asnaa, t. I, col. 1104.
SENAT (grec : ^Epoust'a), mot qui traduit dans la
Bible grecque l'expression ziqnê Isrâ'êl, « les anciens
d'Israël ». Exod., m, 16, 18; iv, 29; xii, 21, etc. Les
auteurs classiques employaient cette expression spécia-
lement pour désigner un corps délibérant ou légifé-
rant. repo'Jcn'a, irpenâyrepiôv, iz}.rfio; TfÉpovTwv, dit Hé-
sychius. Dans les livres deutérocanoniques, 7£po-j<n'a,
se dit du sanhédrin. Judith., rv, 8 (7); xv, 9 (8);
II Mach., i, 10; rv, 44. La Vulgate a traduit le mot grec
par Sénat dans II Mach., 1, 10, et rv, 44. Le Nouveau
Testament grec, Act., v, 21, emploie le mot ^epouat'a pour
désigner le sanhédrin. La Vulgate a traduit par conci-
lium. Le sénat romain s'appelait aussi en grec yzpovaîa,
mais il n'est pas nommé dans l'Écriture. Voir Sanhé-
drin, col. 1459.
SÉNÉ (hébreu : Senéh, « buisson» ; Septante : Eewâ),
un des deux rochers entre lesquels passa Jonathas, fils
de Saûl avec son écuyer pour aller attaquer les Philis-
tins. L'autre rocher s'appelait Bosès. Voir Bosès, t. i ?
col. 1856. I Sam. (Reg.), xiv, 4. Le ravin qu'escalade
Jonathas est l'ouadi Soueinet, qui sépare Gabaa de
Machmas. Il est très escarpé. « De l'un et de l'autre
côté se dressent deux collines rocheuses qui se ré-
pondent l'une au nord, l'autre au sud, » dit V. Guérin,
Judée, t. m, 1869, p. 64. Voir Ed. Robinson, Biblical
Researches in Palestine, 2« édit. , 1856, t. i, p. 441 ;
R. Conder, Tentwork in Palestine, Londres, 1879,
t. il, p. 112-114.
SÉNEVÉ (grec : aham; Vulgate : sinapis), plante
dont la graine sert à faire la moutarde.
I. Description. — C'est le nom vulgaire de la plante
dont les graines fournissent la moutarde. Le Sinapis
345. — Sinapis nigra.
nigra (fig. 345) est une grande herbe annuelle de la
famille des Crucifères, croissant dans les lieux vagues,
surtout au bord des eaux, dans la plupart des régions
tempérées de l'ancien monde, et qui abonde notam-
ment en Palestine. Ses caractères morphologiques la
rapprochent du genre des choux, dont elle diffère par
son feuillage hérissé, sans teinte glauque, et surtout
par la saveur brûlante développée dans la graine quand
on la broie avec de l'eau. Il se produit alors une huile
essentielle très acre et rubéfiante par la réaction réci-
proque de deux substances localisées dans des cellules
différentes des tissus de l'embryon, la myrosine et le
1601
SÉNEVÉ — SENNAAR
1602
myronate de potassium que l'écrasement suffit pour
mettre en présence. La tige, qui dans les endroits favo-
rables peut dépasser deux mètres, se termine par des
rameaux étalés, à feuilles toutes pétiolées, les inférieu-
res découpées-lyrées, celles du sommet presque entiè-
res. Les fleurs jaunes, en grappes plusieurs fois rami-
fiées, ont 4 sépales étalés en croix, autant de pétales
à long onglet, et 6 étamines dont 2 plus courtes. A la
maturité le fruit forme une silique appliquée contre
l'axe, conique, un peu bosselée' et glabre, surmontée
d'un bec grêle 4 fois plus court que les valves, qui sont
marquées d'une forte nervure sur le dos. Les graines
sont noires et globuleuses, nettement ponctuées à la
surface, et sur un rang dans chaque loge. F. Hy.
II. Exégèse. — Le sénevé n'est point mentionné dans
l'Ancien Testament; il se rencontre seulement dans
une comparaison et dans une parabole des Évangiles
synoptiques. « Si vous aviez de la foi comme un grain
de sénevé, est-il dit dans Matth., xvn, 20, vous diriez
à cette montagne : Passe d'ici là et elle y passerait. » La
comparaison est analogue dans Luc.,xvn, 5. « Si vous
aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez
à ce mûrier : Déracine-toi et plante-toi dans la mer, et il
vous obéirait. » C'est l'exiguité du grain de sénevé qui
sert ici comme terme de comparaison : un peu de foi
ferait faire à l'homme des choses humainement impos-
sibles. — Dans la parabole des synoptiques, Matth.,
xiii, 31-32; Marc, iv, 31-32; Luc, xm, 18-19, le royaume
de- Dieu est comparé à un grain de sénevé, semé dans
un jardin, qui croît et devient un arbre où les oiseaux
du ciel viennent se reposer. Avec la petitesse de la
graine, ce qui est souligné ici c'est de plus sa force
d'expansion. Les textes précédents mettent en relief
les caractères suivants du sénevé : C'est une graine
extrêmement petite, non pas absolument la plus petite
de toutes les semences, mais la plus petite de celles
qu'on a l'habitude de semer; et cette petitesse est mise
en opposition avec la grandeur des résultats, c'est-à-dire
l'expansion relativement considérable de cette plante.
Elle devient un arbre. Il y a lieu de remarquer que les
plus anciens et les meilleurs manuscrits, nBDL etc., dans
saint Luc n'ont pas l'adjectif [ilya, « grand », joint à 8év-
Soov, « arbre ». Ce que le texte veut faire ressortir, c'est
qu'une graine si petite, presque microscopique donne
naissance à un arbre : on oppose un arbre à des plan-
tes qui ne sont que des légumes et non pas un grand
arbre à de petits. La moutarde atteint en Orient, et
même parfois dans le midi de la France, la grandeur de
nos arbres fruitiers : elle s'élève à la hauteur déplus de
deux mètres : avec sa tige semi-ligneuse, ses branches
bien étalées, c'est vraiment l'aspect d'un arbre. W. M.
Thomson, TheLandand the Book,in-S", Londres, 1885,
p. 414. Cette disproportion entre cette quasi invisible se-
mence et la grandeur de son développement, peintadmi-
rablement le royaume de Dieu si faible et exigu à son
origine etdont l'épanouissement final couvrira le monde.
La graine de sénevé, {lardai, était employée proverbia-
lement chez les anciens rabbins pour désigner une
chose très petite, et on parle dans le Talmud de Jéru-
salem, Pea, 7, d'un plant de sénevé ayant les propor-
tions d'un figuier, où le Rabbi Siméon ben Colaphta
avait l'habitude de monter, et dans le Talmud de
Babylone, Ketub., ni 1 ", d'un sénevé qui avait produit
neuf cabs de graines et était capable de couvrir de son bois
la maison d'un potier. Quelles que soient les exagéra-
tions du Talmud, il est bien certain qu'on donnait le
nom d'arbre à des plants de sénevés largement déve-
loppés. Tout s'explique donc naturellement dans la
comparaison et la parabole de l'Évangile.
Certains auteurs cependant, croyant que le sénevé
ne répondait pas suffisamment à la qualification d'arbre
et surtout de « grand arbre », et aux exagérations des
rabbins, ont voulu voir dans le aivaxi de l'Évangile le
DICT. DE LA BIBLE.
Sàlvadora persica. C'est le D r Royle , dans un article
paru dans le Journal of theR. asiatic Society, en 1844,
qui lança cette idée, en prétendant que cet arbre était
appelé arbre à moutarde par les Arabes, et qu'il croissait
sur les bords du Jourdain et du lac de Tibériade. Mais
qui jamais a rangé cet arbuste parmi les plantes pota-
gères, Aajrâvtov, comme il est dit dueri'vairi dans Matth.,
xm, 32 ? Cela suffit à écarter le Sàlvadora persica. De
plus, comme le remarque très justement G. E. Post,
dans Hastings' Dictionary of the Bible, t. m, p. 463,
cetteplante ne se trouve pas, comme le prétendait le D r
Royle, sur les bords du lac de Génésareth, mais seule-
ment autour de la Mer Morte; elle ne pouvait donc être
bien connue des auditeurs du divin Maître et être prise
par lui comme terme de comparaison dans ses paraboles.
On ne la sème pas non plus dans les jardins; ce n'est
pas une plante annuelle dont on puisse remarquer la
rapide croissance et il ne semble pas exact que les
Arabes lui aient appliqué le nom de Khardal, « mou-
tarde ». Le Sàlvadora persica est appelé Arac par les
Arabes et son fruit Kebath. H. B. Tristram, The natural
History of the Bible, in-12, Londres, 1889, 8 e édit.,
p. 473. 0. Celsius, Hierobotanicon,\xi-\% Amsterdam,
1748, t. n, p. 253-259. E. Levesque.
SENNA (hébreu : Sinnâh, avec hé local; Septante :
'Evvâ/.; Alexandrinus : SEcvvdtx), orthographe du nom
du désert de Sin dans la Vulgate. Num., xxxiv, 4. Voir
SiN.
SENNAAB (hébreu : Sin'àb; Septante : Sewoâp),
roi d'Adama, à l'époque de l'invasion de la Palestine
par Chodorlahomor. Gen., xiv, 2. Voir t. il, col. 711.
SENNAAR (hébreu : Sin'âr; Septante : Sevvoâp),
Sevaâp), nom donné à la Babylonie dans la Genèse et
dans quelques prophètes. Avant le déchiffrement des
inscriptions cunéiformes, on avait fait toute sorte d'hy-
pothèses sur l'origine de ce mot. Les documents assy-
riens ont mis les assyriologues à même de constater
que Sennaar n'est que l'ancienne forme du mot Sumer
qu'on lit si fréquemment sur les monuments antiques
du pays, mât Sumeri u Akkadi, « terre de Sumer et
d'Accad ». Dans les lettres de Tell el-Amarna, H. Win-
ckler, Altorientalische Forschungen, t. n, 1898, p. 107,
Keilinschriftenunddas Aile Testament, p. 238, le nom
est écrit Sanhar, d'après une explication assez vrai-
semblable. La langue sumérienne parait avoir été parlée
en Babylonie avant qu'un idiome sémitique, celui que
nous désignons sous le nom d'assyrien, y fût en
usage.
Le royaume primitif de Nemrod comprenait Baby-
lone, Arach, Achad et Chalanné, dans la terre de Sen-
naar. Gen., x, 10. Avant de se disperser, les hommes
rassemblés dans la plaine de Sennaar, lorsqu'ils se furent
multipliés après le déluge, y élevèrent la tour de Babel.
Gen,, xi, 9. Voir Babylone, 1. 1, col. 1351. — Amraphel,
c'est-à-dire Hammurabi, un des rois confédérés qui
firent la guerre en Palestine, ayant à leur tête Chodor-
lahomor, était roi de Sennaar. Gen., xiv, 119. Voir le
portrait d'Hammurabi, t. iv, fig. 108, col. 336. Cf F. Vi-
gouroux, Manuel biblique, 12 e édit., 1906, t. i. fig. 51,
p. 475. — On ne retrouve plus le nom de Sennaar dans
l'Écriture qu'à l'époque des prophètes. Isaïe, xi, 11,
appelle la Babylonie Sennaar. Daniel, i, 2, et Zacha-
rie, v, 11, font de même. — Voir Eb. Schrader, Keilin-
schriftenund Geschichtsforschung, 1878, p. 533-534;
Weissbach, Zur Lôsung der Sumerischen Frage, Leip-
zig, 1897; G. Pinches, Languages of the early Inha-
bitants of Mesopotamia, dans le Journal of the Royal
Asiatic Society, 1884, p. 301 sq.; Id., Sumerian or
Cryptography, dans la même revue, 1900, p. 25 sq.,
343, 351.
V. - 51
1603
SENNACHÉRIB
1604
SENNACHÉRIB (hébreu : anrac, Sanhêrîb; Sep-
tante : 'Sivtàxnçsty. ; assyrien : ] ►*— J ^ >^- J-«-m ^|]T
Sin-ahi-erib , c'est-à-dire «(le dieu lunaire) Sin a multiplié
les frères »), roi d'Assyrie, fils et successeur de Sargon,
et qui régna de 705 à 681 (fig. 3i6). Son règne nous est
connu par les textes bibliques, les extraits des histo-
riographes grecs, et surtout de nombreuses inscriptions
cunéiformes dont un bon nombre rédigées par Senna-
chérib même, et dont les renseignements peuvent être
contrôlés, complétés et même corrigés par l'important
document dit Chronique babylonienne : malheureu-
sement ces inscriptions sont presque toutes antérieures
aux dernières années de son règne, sur lesquelles
nous sommes par conséquent moins bien renseignés.
Le principal de ces documents est l'inscription du
prisme hexagonal, dit de Taylor, du nom de son pre-
mier propriétaire, actuellement au Musée britannique
346. — Cylindre de Sennachérib.
D'après Layard, Discoveries in the ruins of Nineveh,
in-8°, Londres, 1853, p. 160.
et publié dans Rawlinson, The cuneiform Inscriptions
of the Western A sia, t. i, pi. 37-42; rédigé en forme
d'annales, il nous conduit jusqu'à la fin de la neuvième
campagne de Sennachérib; les lacunes peuvent être
partiellement comblées par les autres inscriptions,
spécialement par le cylindre du Musée britannique
n. 103000 publié par King dans le t. xxvi des Cunei-
form Texts du Britisk Muséum.
Sennachérib s'attacha à continuer la politique de Sar-
gon vis-à-vis de Babylone qu'il finit par soumettre, et du
côté de l'Occident vis-à-vis de l'Egypte, qui essayait sans
cesse d'ébranler la domination assyrienne en Phénicie,
en Palestine et en Philistie; de ce côté Sennachérib
fut moins heureux. Comme' d'ordinaire, la mort du
conquérant Sargon et l'avènement du nouveau mo-
narque excitèrent parmi tous les peuples conquis ou me-
nacés des mouvements hostiles contre l'Assyrie ou des
velléités de révolte. Mérodach-Baladan, précédemment
détrôné, avait ressaisi la royauté en Babylonie et s'était
hâté d'envoyer une ambassade à Ézéchias de Jérusalem,
moins apparemment pour le féliciter de sa guérison,
que pour ébranler sa fidélité au suzerain de Ninive et
constater quelles étaient les ressources et les forces
du royaume de Juda : on sait quel accueil on lui fit à
Jérusalem, et le mécontentement et les oracles d'Isaïe
qui en furent la suite. Là aussi un parti national
voulait faire rejeter le joug assyrien, en recourant à
l'appui de l'Egypte malgré les avertissements du pro-
phète : Ézéchias se laissa entraîner, et cessa d'envoyer
le tribut annuel, payé à l'Assyrie depuis Achaz.
Dès sa première campagne, c'est-à-dire vraisembla-
blement vers l'année 70i ou 703, Sennachérib entre-
prit de réduire la Babylonie : après une période de
luttes mentionnée dans le Canon de Ptolémée comme
un interrègne de deux ans, aidé par les Élamiles,
Mérodach-Baladan de (Bet)-Yakin était remonté sur le
trône : l'Élam jouait à Babylone le même rôle que
l'Egypte en Palestine, excitant la révolte et fournissant
des troupes pour garantir sa propre indépendance;
mais Sennachérib survenant à l'improviste écrasa les
coalisés à KiS, au sud de Babylone; Mérodach-baladan
se réfugia une fois encore dans les marais inaccessibles
de la Basse-Chaldée, puis en Élam, tandis que son
vainqueur pillait ses palais et ses trésors, or, argent,
pierres précieuses, objets de prix, femmes et officiers,
esclaves des deux sexes; il s'emparait de 89 villes
fortes outre des localités moins importantes sans
nombre; il plaçait sur le trône Bel-ibni, le Belibus
des historiographes, et rentrait en Assyrie traînant à
sa suite 208000 captifs, 7200 chevaux et mulets,
11113 ânes, 5230 chameaux, 80100 bœufs, 800500 bre-
bis, etc.
L'année suivante, une deuxième campagne mit sous
le joug ou fit rentrer dans l'obéissance les tribus de
Bisi et de Yasubigalli, puis le pays d'Ellipi, et même
les contrées éloignées qu'habitaient les Mèdes, c'est-à-
dire l'Aram du moyen Euphrate, puis les régions mon-
tagneuses du Nord et de l'Est de la Mésopotamie : il y
fit beaucoup de butin et y construisit quelques forte-
resses où il laissa des gouverneurs assyriens, mais vrai-
semblablement sans grand profit réel, au moins pour ce
qui concerne les régions les plus éloignées et les plus
inaccessibles.
La troisième campagne fut d'une bien autre impor-
tance, et d'un plus grand intérêt; elle eut pour théâtre
le pays des Hatti, c'est-à-dire la Syrie, la Palestine, la
Phénicie et les royaumes voisins. Arvad, Gebal, Azot,
Accaron étaient demeurées fidèles à l'Assyrie, mais
Sidon, Ascalon et Juda avaient cessé de payer le tribut
imposé par Sargon : Ce que voyant, les gens d'Accaron
se révoltèrent également, se saisirent de leur prince
Padi qui voulait rester fidèle à Sennachérib, l'enchaî-
nèrent et le livrèrent à Ézéchias, pour qui un pareil
hôte ne pouvait qu'être fort compromettant. Au fond
ces quatre petits royaumes ne pouvaient espérer de
lutter avantageusement contre l'Assyrie sans l'appui de
l'Egypte, l'inspiratrice habituelle de toutes ces coali-
tions. Selon Maspero, le pharaon était alors Sabitkou,
fils de Sabacon, nommé Séthos par Hérodote; selon
M. de Rougé, Oppert, Sayce et Rawlinson, d'accord avec
le texte biblique, Tharaqa ou Tirhakah, également de la
dynastie éthiopienne, l'avait déjà remplacé; les textes
assyriens mentionnent simplement le roi d'Ethiopie et
les princes d'Egypte sans donner aucun nom. Suivant
son habitude le roi d'Assyrie déjoua la coalition par
son apparition subite en Palestine, à la tête d'une
puissante armée. Les pays demeurés fidèles, et ceux
qui étaient restés hésitants comme Moab, Amon et
Édom, se hâtèrent de faire leur soumission et d'en-
voyer à l'envahisseur des tributs, et sans doute aussi
des troupes de renfort. Quant à Luli-Elulseus, roi de
Sidon, il se réfugia par delà la mer, tandis que
Sennachérib dévastait à loisir ses possessions conti-
nentales et lui donnait pour successeur Tubal (Ethbaal
ou Ithobal). La Philistie subit un sort analogue : le
territoire d' Ascalon fut ravagé, Zidqa son roi fait pri-
sonnier et Sar-lu-dari mis à sa place; Beth-Dagon,
Joppé, Benê-Baraqet Hazor, qui dépendaient d'Ascalon,
furent prises et dévastées au passage. Il arrivait à
Accaron quand survint l'armée égyptienne, les princes
d'Egypte avec la cavalerie, les chars et les archers de
Méroé. On choisit pour livrer la bataille Altaqu,
TElteqê de Joseph, Ant. jud., XIX, 44, dans la tribu
de Dan, aux environs de Thamnath et d'Accaron :
« Mettant ma confiance dans le dieu Assur mon maître,
écrit Sennachérib dans ses Annales, je les attaquai et
les défis ; les chefs des chars et les princes d'Egypte,
les chefs des chars du roi deMeroé (Mutsru, Miluljhu
r
1605
SENNACHÉRIB
1606
ma main les prit au milieu de la bataille. » Altaqu et
Thamnath furent emportées d'assaut, et tout aussitôt
après Accaron, où les chefs et les grands, auteurs de la
révolte et coupables d'avoir livré Padi à Ezéchias,
furent mis à mort et empalés autour de la ville, les
habitants qui avaient participé à la rébellion, emme-
nés en captivité, et Padi remis en liberté par Ezéchias
sans qu'on nous dise en quelles circonstances, replacé
sur le trône moyennant un nouveau tribut. De toute la
coalition, il ne restait plus que le roi de Juda. Senna-
chérib (701) commença par dévaster systématiquement
son royaume : 46 grandes villes, des places fortes sans
nombre furent attaquées par le fer et la flamme;
200150 hommes réduits en esclavage, rien ne fut épar-
gné : c'est de ces dévastations que nous trouvons soit
l'annonce, soit la peinture dans Isaïe, i-x et xxxm.
Cf. II Reg., xviii, 20. Le roi de Ninive, sans doute
pour menacer à la fois Tirhakah et Ezéchias, descendit
jusqu'à Lachis (Tellel-Hésy près de Umm-Lachis) sur
le chemin de Gaza à Jérusalem, à la jonction des
routes d'Egypte, de Palestine et de la Philistie septen-
trionale : un bas-relief conservé au Musée britannique
de Londres nous représente le monarque recevant les
envoyés et les dépouilles de Lachis (voir Lachis, t. iv,
fig. 11 et 12, col. 23-24); c'est là également qu'Ézéchias
effrayé lui envoya ses ambassadeurs pour solliciter la
paix. Déjà les territoires ravagés avaient été attribués
par le conquérant aux princes philistins restés fidèles,
à Mitinti d'Azot, à Padi roi rétabli d'Accaron, à Ismi-
Bel roi de Gaza. Ezéchias offrait en outre 38 talents
d'or, 800 talents d'argent (ou 300 selon le texte hébreu,
divergence résultant soit d'un changement de chiffre,
soit même de la différence du talent hébreu et du ba-
bylonien), quantité d'objets précieux, de pierreries, et
quantité d'esclaves. D'après le texte assyrien, tout cela
fut envoyé à Ninive par Ezéchias, détail qui cadre
assez mal avec les lignes précédentes où Sennachérib
est précisément représenté assiégeant Jérusalem et y
tenant Ezéchias « enfermé comme un oiseau dans sa
cage, après le blocus de la cité, et toute sortie par la
grande porte coupée aux habitants de la ville. » On se
demande ensuite pourquoi l'ennemi aurait abandonné
le siège au lieu de prendre la ville d'assaut, de la livrer
au pillage, d'en emmener la population en captivité,
d'en détrôner le roi, comme il le fit dans toutes les
autres capitales révoltées, à Sidon, à Ascalon et à
Accaron : cette clémence du vainqueur serait d'autant
plus inexplicable qu'Ézéchias était le plus compromis,
et le plus persévérant dans sa révolte. On est de la
sorte amené à reconnaître ici l'un de ces insuccès
sur lesquels les annales officielles sont obstinément
muettes, et qu'il faut apprendre par la relation des
adversaires : un peu plus tard Sennachérib nous en
fournira un exemple analogue, en s'attribuant dans ses
annales le gain de la bataille de Halulê, alors que la
victoire est au contraire attribuée aux Ëlamites dans la
Chronique babylonienne. La Bible nous donne une
explication de ces réticences assyriennes, et présente
les faits dans un ordre tout différent : tandis que
Sennachérib est à Lachis, Ezéchias sollicite la paix et
envoie son tribut; le tribut est accepté, mais la paix
est refusée : au même instant on signale l'approche de
Tirhakah et de l'armée égyptienne; Sennachérib re-
monte jusqu'à Lobna et Altaqu; mais il envoie d'abord
ses officiers exiger la reddition de Jérusalem : Ezéchias
refuse et le rabsacès va rapporter ce refus au roi
d'Assyrie à Lobna ; nouvelles menaces de destruction
de la ville et de déportation pour le peuple : oracle
d'Isaïe assurant à Ezéchias que Sennachérib ne tirera
même pas une flèche contre Jérusalem; désastre final
de l'armée assyrienne : « Et il arriva la nuit même que
l'ange de Jahvéh sortit et tua 185000 hommes du camp
assyrien; et quand on se leva le matin ce n'étaient que
des cadavres. Et Sennachérib leva son camp, s'en alla
et se tint à Ninive. » L'Écriture ne précise pas davan-
tage le lieu ni le mode de cette intervention surnatu-
relle. Du même coup l'Egypte, menacée depuis la
défaite de son armée à Altaqu, se voyait délivrée de
toute crainte d'invasion assyrienne; elle attribua cet
anéantissement des forces ennemies à l'intervention
du dieu Ptah, Vulcain dans le récit d'Hérodote, lequel
sollicité par le pharaon Séthos de lui venir en aide au
moment où la caste militaire l'abandonnait sans res-
sources devant l'invasion de Sennachérib, roi des Arabes
et des Assyriens, « envoya une multitude prodigieuse
de rats de campagne qui rongèrent les carquois, les
arcs et les courroies des boucliers dans le camp
ennemi... On voit encore aujourd'hui dans le temple
de Vulcain une statue qui représente ce roi ayant un
rat sur la main, avec l'inscription : Qui que tu sois,
apprends en me voyant à respecter les dieux. y> On
sait le rôle attribué aux rats dans la transmission de
la peste : peut-être est-ce la statue qui a donné nais-
sance à la légende rapportée par Hérodote, H, 141.
Josèphe explique également par une peste surnaturelle
la destruction de l'armée assyrienne. Ant. jud., X,
il, 5. Voir Ezéchias. Quant à Tharaca, l'adversaire de
Sennachérib, suivant de Rougé, Sayce, et Oppert, il
mentionne parmi les peuples qu'il a vaincus Assur et
Naharain, les Assyriens et les troupes de Mésopotamie.
E. de Rougé, Étude sur les monuments de Tahraka,
p. 13. Rawlinson place de même ces événements sous
Tharaca, mais il dédouble en deux campagnes (701 et
699) l'invasion palestinienne, le siège de Jérusalem et
la lutte contre l'Egypte; et il fait de Shabatok et de
Séthos deux vice-rois de la Basse-Egypte sous la dé-
pendance de Tharaca. History of ancient Egypt, 1881,
t. n, p. 450. Mais les annales assyriennes, dans le
prisme de Taylor et dans l'inscription des Taureaux de
Koyoundjik, renferment toujours tous ces événements
dans la troisième campagne exclusivement.
Le texte hébreu termine son récit en ces termes :
« Sennachérib retourna à Ninive... et y demeura. — Et
pendant qu'il adorait Nesroch son dieu dans son
temple, Adrammélech et Sarasar ses fils le tuèrent à
coupsd'épée. » Le texte juxtapose les deux événements
parce que seuls ils intéressent désormais l'histoire
juive; il est certain que Sennachérib retourna à Ninive
aussitôt après le désastre survenu à son armée; mais
sa mort n'eut lieu qu'en 685; dans l'intervalle il con-
duisit encore plusieurs expéditions contre différents
adversaires, mais aucune contre la Palestine ni l'Egypte.
Les menées de Mérodach-Baladan de (Bit)-Yakin,
tant de fois détrôné déjà, rappelèrent les Assyriens en
Babylonie : avec le secours des Élamites, ce prince
avait chassé de Babylone Bel-ibni et s'était de nouveau
emparé du pouvoir. Dans une quatrième campagne
Sennachérib reparut en Chaldée et mit en fuite Moro-
dach-baladan, le poursuivit sans l'atteindre jusque
dans le Bet-Yakin qu'il ravagea : les villes furent
rasées, les habitants réduits en esclavage, le pays
changé en désert; finalement il mit sur le trône son
propre fils Assur-nadin- (sum), qui ne fut pas plus
heureux que ses prédécesseurs. Aussi une sixième,
une septième et une huitième campagnes (la cinquième
fut dirigée par Sennachérib dans les régions monta-
gneuses et peu accessibles du nord de la Mésopotamie,
sans résultats bien intéressants) furent encore néces-
saires contre les mêmes ennemis toujours vaincus, s'il
faut croire le témoignage des annales ninivites, mais
jamais découragés, Nergal-uâezib et Musezib-Marduk
(le Suzub des Annales), remontés sur le trône de Baby-
lone, et leurs auxiliaires Kudur-Nahunti et Umman-
minanu, rois d'Élam. Sous ce dernier les Élamites
aidés des tribus de Parsua, d'Anzan, d'Ellipi et du bas
Euphrate organisèrent avec les Babyloniens une vaste
1607
SENNACHÉRIB
1608
coalition : Sennachérib rencontra leurs troupes à
Halulé sur le Tigre (690) et prétend, par la protection
d'Assur et des autres grands dieux, les avoir battues,
avoir fait un grand carnage et un butin plus grand
encore : mais la Chronique babylonienne attribue au
contraire la victoire aux Élaraites : ce fut évidemment
une lutte terrible,et sans résultat décisif, après laquelle
chacun des adversaires épuisé se hâta de retourner
dans ses terres. — L'année suivante, Umman-minanu
ayant été réduit à l'extrémité par la maladie, Senna-
chérib en proQta pour tomber à l'improviste sur Baby-
lone : cette fois MuSezib-Marduk, incapable de résister
seul, se rendit, et Sennachérib saccagea et rasa la ville
« renversant tout, des fondations au faite, sapant,
terre depuis la mer supérieure du soleil couchant
jusqu'à la mer inférieure du soleil levant, » Senna-
chérib joignit le faste des grandes constructions pour
lesquelles il utilisa les immenses richesses et les
esclaves sans nombre, ramenés de ses lointaines et
multiples expéditions. Ninive surtout, délaissée par
Sargon, son père, fut son séjour favori : il en répara
les murailles, les quais, les édifices publics et surtout
le palais des rois ses prédécesseurs qu'il décora de
cèdre et de reliefs d'albâtre, où il fit représenter avec
un réalisme puissant et une infinie variété ses con-
quêtes, les pays lointains qu'il avait traversés, les
constructions monumentales qu'il avait fait ériger, et
jusqu'aux détails de sa vie quotidienne : des légendes
347. — Le roi Sennachérib sur son trône devant Lachis.
D'après Layard, Diacoveries in the ruins of Nineveh, 1860, p. 150. Pour les eunuques qui entourent le roi
et les autres détails de la scène, voir Lachis, t. iv, fig. 11, col. 23.
brûlant, abattant les remparts, les temples des dieux,
les ziggurat ou pyramides, et comblant le grand canal
de l'Euphrate de tous ces débris. » Les détails de ce
dernier siège sont contenus non plus dans le prisme
de Taylor qui fut rédigé sous l'éponymat du limu Bel-
imur-ani, c'est-à-dire en 691-690, la quinzième année
du règne, mais dans l'inscription de Bavian de date
postérieure. Le conquérant laissa pour régner sur ces
ruines un autre de ses fils, Assur-ah-iddin, Asarhad-
don, qui devait neuf ans plus tard lui succéder à
Ninive.
Vers la fin de son règne Sennachérib mena encore
une expédition contre les Arabes, s'empara d'une ville
du nom d'Adumu, s'y assujettit un roi appelé Hazailu
et une reine dont le nom et le pays, sont illisibles : au
nord, il paraît même avoir fait envahir la Cilicie par
ses troupes et avoir pris contact avec les Grecs d'Asie.
Cuneiform texts du British Muséum, t. xxvi, pi. 15,
col. IV ; P. Dhorme, Les sources de la Chronique
d'Eusèbe, dans la Revue biblique, avril "1910, p. 235.
Au prestige de la victoire qui lui faisait commencer
ses inscriptions en ces termes : « Assur, le maître sou-
verain, m'a confié la royauté de tous les peuples, il a
étendu ma domination sur tous les habitants de la
cunéiformes expliquent le contenu des bas-reliefs; les
grands vides entre les ailes et les jambes des Kirubi
et des nirgalli, les taureaux et les lions protecteurs,
sont couverts de longues inscriptions; les plus consi-
dérables recouvraient des prismes d'argile enfouis dans
les fondations de ses palais. Des bas-reliefs, il faut
citer principalement celui qui représente la reddition
de Lachis en Palestine. Voir Lachis, t. iv, fig. 11,
col. 23. La Bible parlait de cet événement que les
annales assyriennes n'avaient pas mentionné, II Reg.,
xvni, 14 : le roi, de très haute stature, siège sur un
trône élevé, ayant sur la tête une couronne en forme
de tiare d'où pendent deux fanons, vêtu d'une tunique
frangée recouverte d'une sorte de chasuble richement
brodée, portant de splendides bijoux, bracelets et
boucles d'oreilles, élevant d'une main une flèche, et
s'appuyant de l'autre sur l'arc royal (fig. 347) : derrière
lui, les eunuques agitent les flabellum; par devant, plu-
sieurs Juifs sont agenouillés, d'autres élèvent les mains
d'une façon suppliante : le croisillé du fond indique
une région montagneuse ; les arbres qu'on y a repré-
sentés semblent être principalement des vignes et des
figuiers. — La Bible, IV Reg., xix, 37; Is., xxxvn, 38;
les historiographes et les textes cunéiformes sont una-
1609
SENNAGHÉRIB — SENS DE L'ÉCRITURE
1610
nimes sur la tragédie qui mit fin à ce règne glorieux.
Les Livres Saints, comme nous l'avons vu col. 1606, ra-
contentcommentAdrammélechetSaréser ses fils tuèrent
Sennachérib à coups d'épée. Asarhaddon son fils régna à
sa place. Voir ces noms. — La Chronique babylonienne lit
de même : « Le 20 (du mois) de Tebet, Sennachérib fut tué
dans une révolte par son fils. Durant (24) années Sen-
nachérib avait gouverné le royaume d'Assur : depuis le
20 Tebet jusqu'au 2 Adar la révolte continua en Assur. Le
18 Adar, Asarhaddon son fils s'assit sur le trône d'Assur. »
Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo-
dernes, 6 e éd., t. iv, p. 7-65; Schrader-Whitehouse, The
cuneiform iriscnptions and ihe Old Testament, 1885-
1888, t. I, p. 278-310 ; t. n, p. 1-17 ; G. Maspéro, Histoire
ancienne de l'Orient, t. m, p. 272-345; J. Menant,
Annales des rois d'Assyrie, 1874, p. 225-230; Bezold,
dans Eb. Schrader, Keilinschiflliche Bibliothek, t. n,
p. 80-113; Records of the Past, I™ série, t. I, p. 23-32;
2 e série, t. IV, p. 21-28; H. Rawlinson, The cuneiform
Inscriptions of the Western Asia, t. I, pi. 16-43; t. m,
«p. 13 sq. ; Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 2,
3,21-24; G. Rawlinson. The five great monarchies, 1879,
t. h, p. 155-185; G. Smith, History of Sennachérib, 1878;
Sayce, dans Hasting's Dictionary of the Bible, t. IV,
p. 436; Pognon, L'inscription de Bavian, fasc. 39 et
42 de la Bibliothèque des Hautes Études.
E. Pannier.
SENNÉSER (hébreu -.Sén'assar; Septante :Exve<rip),
fils du roi de Juda, Jéchonias. I Par., m, 18.
SENNIM (hébreu : Sa'ànanîm; Septante : ttXeovex-
touvtwv), orthographe dans la Vulgate, Jud., iv, 11, de
la localité dont elle écrit ailleursle nom Saananim. Voir
Saananim, col. 1283.
SENS, organes au moyen desquels l'homme entre
en rapport avec les êtres matériels qui l'entourent. —
La Bible parle, à l'occasion, soit des sens, soit de leurs
opérations. Voir Main, t. iv, col. 580; Œil, col. 1748;
Oreille, col. 1857. A propos d'un enfant sans vie, il
est dit qu'il n'a plus de qéSéb, « attention », àxpôaceç,
sensus. IVReg.,lv,31. La Vulgate mentionne une fois le
« sens des oreilles », c'est-à-dire l'impression faite sur
les oreilles, là où le grec parle seulement d'audition.
Judith, xiv, 14. Les idoles n'ont pas l'usage des sens,
le sentiment, aïddïiot;, sensus. Bar., vi, 41. Cette pen-
sée est reproduite avec le dénombrement des sens qui
manquent aux idoles, malgré l'apparence d'organes.
Ps. cxv (cxm), 5-7; Sap., xv, 15. Les sens, au moyen
desquels on peut distinguer ce qui est bon et ce qui
est mauvais, sont une fois appelés aï<r6r,Tr,pta, sensus.
Ileb., v, 14. Le même mot se trouve déjà dans les
Septante, Jer., iv, 19, pour désigner l'intérieur de
l'homme qui sent la douleur. Cf. Frz. Delitzsch, System
der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 233. —
Dans d'autres passages, la Vulgate emploie le mot
sensus pour rendre des termes qui se rapportent à
l'intelligence et à la pensée, comme lêb, voûc, vo^u.«,
etc. — Sur les différents sens de la Sainte Écriture,
voir Allégorie, t. i, col. 368; Littéral (Sens), t. îv,
col. 294; Mystique (Sens), col. 1369; Mythique (Sens),
col. 1376. H. Lesêtre.
SENS DE L'ÉCRITURE. - I. Notion. - Le mot
« sens », qui dérive du latin sensus, a les mêmes
acceptions que le terme latin qu'il traduit. L'une
d'elles est l'idée, la pensée, et elle comprend non
seulement l'idée conçue dans l'esprit, mais aussi et
surtout l'idée exprimée et manifestée au dehors par
des signes, le geste, la parole, l'écriture. La manifes-
tation de la pensée par le geste, quoique parfois très
expressive, est la plus imparfaite. Sauf dans le lan-
gage non articulé des sourds-muets et dans la mimique
elle n'est employée qu'accessoirement et d'ordinaire
les gestes accompagnent seulement la parole ou la
lecture pour en fortifier et augmenter l'expression.
Régulièrement, la manifestation de la pensée intérieure
se fait donc par la parole ou l'écriture; l'orateur et
l'écrivain communiquent leurs idées, leurs sentiments
leurs volontés au moyen des mots d'une langue com-
prise de leurs auditeurs et de leurs lecteurs. Ces mots
expriment les concepts, les idées, que l'orateur et l'écri-
vain qui les emploient, veulent manifester et ils pré-
sentent par suite le sens déterminé qu'on a l'intention de
leur donner en les proférant par la parole ou en les écri-
vant sur le papier. Ce sens, fixé par le contexte et par
l'ensemble de la phrase, est l'une des significations
diverses que les mots employés ont d'après leur étymo-
logie ou l'usage et qui sont indiquées par les lexiques ou
dictionnaires. De soi, un mot peut avoir et prend sou-
vent des acceptions diverses ; mais, dans une phrase pro-
noncée ou écrite, il n'a normalement, sauf le cas
d'amphibologie voulue, qu'un sens, celui que l'orateur
ou l'écrivain a voulu lui donner et manifester par lui
dans l'emploi particulier qu'il en fait. Ce sens unique,
qu'il soit propre ou figuré, selon que le mot est pris
dans une acception primitive ou détournée, représente
la pensée de l'orateur ou de l'écrivain, le concept ou
l'idée qu'il a voulu communiquer à ses auditeurs ou
à ses lecteurs. C'est cette idée que ceux-ci doivent sai-
sir et comprendre, à moins d'entendre à contresen
la phrase parlée ou écrite.
L'Écriture Sainte étant, par définition, la parole de
Dieu écrite par l'intermédiaire des écrivains inspirés,
le sens qu'elle présente et qu'elle exprime, est l'idée,
la pensée, que l'Esprit inspirateur a voulu ou a laissé,
sous sa garantie, manifester aux hommes par les auteurs
sacrés des livres bibliques. Le sens de l'Écriture est
donc la vérité religieuse, morale, historique, etc.,
que le Saint-Esprit, auteur principal des Livres Saints, a
eu l'intention de faire communiquer en langage humain
aux hommes, auxquels s'adressaient ces livres, par
l'organe des écrivains qu'il inspirait.
II. Espèces. — 1° Sens véritables et authentiques. —
1. Sens littéral. — Comme tout livre, les Livres Saints
présentent un sens direct, qui est exprimé immédiate-
ment par le texte sacré, par sa lettre. Aussi est-il dit le
sens littéral. Il est conforme aux règles de la langue
employée, et il est propre ou métaphorique, selon que
les mots sont usités dans leur signification première
ou dans une des significations détournées que l'usage
leur a données. Ce sens est unique et se distingue des
conclusions qu'on en tire logiquement, conclusions
qui expriment ce que l'on appelle parfois le sens con-
séquent du texte. Voir t. iv, col. 294-300. C'est à ce
sens conséquent qu'il faut rapporter, si l'on veut
l'entendre exactement, le sens théologique de la Bible,
que quelques critiques récents ont distingué du sens
biblique. Correctement interprétée, cette dénomination
ne peut désignerque les conclusions que les théologiens
tirent légitimement du sens réellement exprimé dans
les Livres Saints.
2. Sens spirituel. — Une particularité des Livres
Saints est que, indépendamment de la lettre et par le
moyen des choses exprimées par la lettre, l'Esprit
inspirateur a voulu parfois faire énoncer une autre
idée, cachée sous la lettre signifiée médiatement par
elle et saisie par l'esprit du lecteur dans les vérités qui
résultent du sens littéral. C'est le sens spirituel, mys-
tique ou typique de l'Écriture. Ce sens ne se trouve
pas dans tous les passages de l'Écriture inspirée, mais
seulement dans quelques-uns, et par la volonté for-
melle de l'Esprit inspirateur. Son existence ne se pré-
suppose pas; elle a besoin d'être démontrée, et les
sens spirituels certains de l'Écriture doivent être soi-
gneusement distingués des interprétations mystiques.
1611
SENS DE L'ÉCRITURE — SENTINELLE
4612
proposées par les Pères et les exégèles. Voir t. rv,
col. 1369-1376.
2" Sens conventionnels ou faux. — A ces deux sens
véritables on a joint un sens d'application dit sens
accommodatice, qui n'est pas exprimé par la lettre,
ni par conséquent voulu par le Saint-Esprit, mais
qu'on tire de la lettre elle-même par extension ou par
simple allusion, et parfois à contresens. Voir t. i,
col. 112-115, et J.-V. Bainvel, Les contresens bibliques
des prédicateurs, 2 e édit., Paris, 1906; et une inter-
prétation fausse de certains passages de l'Écriture que
l'on considère, comme des mythes et auxquels on
attribue un sens mythique, qu'ils n'ont pas. Voir t. iv,
col. 1376-1424.
IIL La théorie des sens scripturaires exposée
DANS LES TRAITÉS D'INTRODUCTION GÉNÉRALE OU DANS CEUX
d'herméneutique. — Bien que l'herméneutique, prise
en rigueur, soit réservée à l'exposé des règles de
l'interprétation biblique, voir t. m, col. 612-613, on y
introduit généralement la théorie des sens scripturaires
en vertu de cette liaison logique que ces règles ont
pour but d'aider à faire découvrir le véritable sens de
l'Écriture, Mais les lois de la logique amènent quel-
ques théoriciens à la distinguer de cette partie de
l'herméneutique, qu'ils désignent sous le nom de
heuristique (art de trouver le vrai sens), et à lui don-
ner le titre spécial de propédeulique, V. Zapletal,
Hermeneutica biblica, Fribourg (Suisse), 1897, p. 11-
57, ou de normatique, S. Székely, Hermeneutica gene-
ralis secundum principia catholica, Fribourg-en-
Brisgau, 1902, p. 28-50. Plus généralement les auteurs
des traités d'herméneutique négligent ces dénomina-
tions techniqnes et se bornent à placer la théorie des
sens bibliques avant l'exposé des règles d'interpréta-
tion. Les auteurs d'Introductions générales à l'Écri-
ture Sainte font de même et traitent seulement des
sens bibliques dans un chapitre spécial de leurs
ouvrages. Pour la bibliographie du sujet, voir les trai-
tés d'herméneutique cités, t. m, col. 628-633, et les
Introductions générales mentionnées ibid., col. 915-919.
E. Mangenot.
SENSENNA (hébreu : Sansennâh; Septante : Ssôsv-
vix; Alexandrinus : Eav<xavvà), ville de la tribu de Juda.
Jos., xv, 31. V. Guérin, Judée, t. ni, p. 172-173, l'iden-
tifie, mais avec hésitation, à Hasersusa. Voir t. m,
col. 447. « Parmi, les villes antiques du district monta-
gneux de Juda, dit-il, il n'en est aucune dont le nom
se rapproche de celui de Sousiéh, mais, au nombre
de celles qui étaient assignées à la tribu de Siméon, il
en est une appelée... en latin Hasersusa, Jos., xix, 5;
Hasarsusim, I Par., iv, 31... Le nom de Sousa, au pluriel
Sousim, a un rapport frappant avec celui de Sousiéh;
d'un autre côté, le Khirbet Sousiéh semble plutôt avoir
appartenu à la tribu de Juda qu'à celle de Siméon. Cette
identification est donc douteuse. » Sousiéh est situé à
l'est T nord-est d'es-Semu'à (Isthemo). Cf. Hasersusa,
t. m, col. 447.
SENSIBILITÉ, faculté qu'a l'âme d'être impres-
sionnée par les objets extérieurs, grâce à l'intermédiaire
des sens! — Les Hébreux ne distinguaient pas avec
beaucoup de précision les facultés et les opérations
diverses de l'âme. Ils appelaient bétén le sens intérieur
en tant que siège de la sensibilité, sans exclusion de
l'intelligence et de la volonté. Job, xv, 35. On souhaite
que les douleurs fondent sur l'impie et que son ventre,
bitnô, yaffrïip, venter, en soit rempli. Job, xx, 23. Haba-
cuc, ut, 16, dit : « Mon ventre a tressailli, » bitnî, xoiXt'a,
venter, c'est-à-dire : ma sensibilité a été ébranlée. Les
choses qui émeuvent fortement vont jusqu'aux hadrê
bétén, aux « chambres du ventre », au plus intime de
la sensibilité. Prov., xvm, 8; xxvi, 22. Le ventre, xot).îa,
venter, s'émeut à la recherche de la sagesse. Eccli.,
li, 21 (29). Voir Entrailles, t. n, col. 1818. Cf. Frz.
Delitzsch, System der bibl. Psychologie, Leipzig, 1861,
p. 265. Sur les causes qui émeuvent la sensibilité, voir
Plaisir, col. 456; Souffrance; Deuil, t. n, col. 1396.
Cf. Eccli., xxxvm, 17-20. H. Lesètre.
SENSUALITÉ, inclination qui porte à rechercher
et à se procurer avec excès les plaisirs des sens. Voir
Plaisir, col. 456. Au point de vue de ses appétits sen-
suels, l'homme est désigné dans la Sainte Écriture par
le mot «chair », qui marque la prédominance déréglée
de la partie matérielle sur l'esprit. Voir Chair, t.'ii, col.
487. L'homme qui suit les instincts de la sensualité est'
appelé * vieil homme », par opposition avec l'homme
nouveau qui obéit à la grâce, Rom., VI, 6; Col., HT, 9,
«homme animal», par opposition avec l'homme spiri-
tuel, I Cor., n, 14, et «. homme terrestre », par opposi-
tion avec l'homme qui vient du ciel. I Cor., xv, 47. Les
désirs grossiers de la concupiscence sont sa loi. Rom.,
vi, 12; Gai., v, 24; Jacob., iv, 1, 3; II Pet., m, 3; I Joa.,
H, 16. Saint Paul appelle « corps du péché» cette inclina-
tion de la nature déchue qui fait des hommes les « escla-
ves du péché », et que Jésus-Christ est venu détruire.
Rom., -vi, 6. H. Lesêtre.
SENTINELLE (hébreu : sôfêh, somêr; Septante :
oxoitô;, ipyXaJ; Vulgate : custos, speculator), celui qui
est chargé de veiller pour avertir du danger. — A la
guerre, des sentinelles sont chargées de veiller sur un
camp ou sur un poste, afin d'avertir les soldats de
l'approche des ennemis. Quand Gédéon et ses hommes
arrivèrent au camp des Madianites au milieu de la nuit,
on venait de relever les sentinelles, c'est-à-dire que
les sentinelles qui avaient monté la garde pendant
une veille étaient allées réveiller celles qui devaient
prendre la garde pendant la veille suivante. Le moment
était donc favorable pour faire invasion dans le camp.
Jud., vu, 19. — Pendant que les Philistins et les Israé-
lites campaient en face les uns des autres, les premiers
à Machmas, les seconds à Gabaa, Jes sentinelles de
Saùl remarquèrent le tumulte occasionné dans le camp
ennemi par l'exploit de Jonathas et elles en donnèrent
avis. I Reg., xiv, 16. Après le meurtre d'Amnon par
Absalom, une sentinelle vit venir de loin la troupe des
autres fils du roi. II Reg., xm, 34. A la suite de la
défaite d' Absalom dans la forêt d'Éphraïm, une senti-
nelle placée à la muraille vit accourir un homme et
cria pour avertir David; elle en vit ensuite un autre
et reconnut en lui Achimaas, fils de Sadoc, qui appor-
tait la nouvelle de la victoire. Il Reg., xvm, 24-27. Pen-
dant que les deux rois Joram et Ochozias étaient à
Jezraël, la sentinelle placée sur la tour signala l'arrivée
d'une troupe, puis l'attitude imposée aux deux cavaliers
envoyés successivement vers elle, enfin l'approche de
Jéhu qu'elle reconnut au train désordonné de son char.
IV Reg., IX, 17-20. Dans le Cantique, v, 7, il est question
de gardes qui font la ronde dans la ville et veillent sur
les murailles. Les Assyriens mirent des sentinelle's
auprès des sources de Béthulie, afin d'empêcher les
Hébreux d'y venir puiser. Judith, vu, 9. Après son
exploit, Judith, xm, 13, cria aux sentinelles de la ville
de lui ouvrir les portes. Averti que les Syriens devaient
le suspendre pendant la nuit, Jonathas commanda aux
siens de se tenir sur pied et détacha des sentinelles
avancées tout autour de son camp. IMach.,xn, 27. — Dans
sa prophétie contre Babylone, Isaïe, XXI, 5-9, met en
scène une sentinelle qui fait le guet, crie aux armes
et, debout tout le jour et toute la nuit sur la tour, décrit
l'arrivée des envahisseurs. Dans la prophétie contre
Édom, on demande à la sentinelle : « Où en est la nuit? »
Elle répond que le matin vient, mais refuse d'en dire
plus long. Is., XXI, 11, 12. Les sentinelles de Sion élè-
vent leur voix joyeuse, car elles voient revenir Jéhovah
4613
SENTINELLE — SÉPHARAD
1614
dans sa ville. Is., lu, 8. Sur les murs da Jérusalem,
Dieu placera des sentinelles qui ne se tairont ni jour
ni nuit et imploreront le secours de Jéhovah pour la
restauration de la ville. Is., lxii, 6. Jéhovah a mis des
sentinelles sur son peuple pour qu'il soit attentif aux
sons de la trompette, et le peuple a répondu : « Nous
n'y ferons pas attention ! » Jer., vr, 17. Ces sentinelles
sont les prophètes qui ont mission d'annoncer les châti-
ments divins. Un jour viendra, après la restauration,
où les sentinelles postées sur les montagnes d'Éphraïm
crieront : «Allons à Sion! » Jer., xxxi, 6. Le prophète
invite les ennemis de Babylone à élever leurs étendards,
' à renforcer le blocus, à poser des sentinelles et à dres-
ser des embuscades pour forcer la ville. Jer., li, 12.
Ezéchiel, m. 17, a été donné pour sentinelle à la mai-
son d'Israël, afin de l'avertir d'avoir à se convertir. Quand
la sentinelle sonne delà trompette pour signaler l'appro-
che des ennemis, ceux qui ne tiennent pas compte de son
avertissement sont responsables de leur sort. Mais si la
sentinelle ne sonne pas de la trompette quand elle voit
venir les ennemis, c'est elle qui est responsable. Ezech.,
xxxni, 2-6. Osée, ix, 8, est aussi établi pour être la sen-
tinelle d'Israël. — Les gardes postés au sépulcre du
Sauveur ont mal fait leur devoir de sentinelles, si,
comme on leur fit dire, les disciples ont pu enlever le
corps. Matth., xxvn, 66; xxvm, 4, 11. — Des gardiens
étaient chargés de faire fonction de sentinelles pour
protéger les cultures dans les champs et les vignes.
Voir Tour, Vigne. — Sur les sentinelles placées à la
porte des prisons, voir Geôlier, t. m, col. 193.
H. Lesêtre.
SENUA (hébreu : Hassenû'dh; Septante : 'Auavâ),
père de Judas, contemporain de Néhémie. II Esd., xi,
9. Voir Judas 1, t. m, col. 1790.
SÉON (hébreu : Si'ân; Septante : Stwvà), ville d'Is-
sachar. Jos., xix, 19. Elle est nommée seulement dans
ce passage, où elle est placée entre Apharaïm et Anaha-
rath. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et
Parthey, 1862, p. 341, disent, qu'on la montrait de leur
temps près du mont Thabor. Divers géographes la pla-
cent aujourd'hui à Ayûn esch-Schaïn, à 5 kilomètres
environ à l'est de Nazareth, à 4 kilomètres au nord-ouest
du Thabor. Le Talmud mentionne une ville de Siftin .
près de Sepphoris: Ad. Neubauer, La Géographie du
Talmud, 1868. p. 202. — Jérémie, xlviii, 45, dans la
Vulgate, parle de « la ville de Séon » (hébreu : Sihon).
Il s'agit, non de la ville d'Issachar, mais de la ville
d'Hésébon, capitale du royaume de Séhon, comme le
montre le parallélisme. Cf. Hésébon, t. m, col. 662.
SÉOR (hébreu : Sôhar; « lumière, splendeur »;
Septante : 2aip), père d'Éphron. Éphron habitait Hébron
et vendit à Abraham la caverne de Macpélah qui lui
servit à ensevelir Sara. Gen., xxm, 8; xxv, 9. Voir Mac-
pélah, t. iv, col. 520. — Deux Israélites portent le même
nom en hébreu. Ils sont appelés dans la Vulgate :
Sohar, Gen., xlvi, 10, etc., et Isaar (kerî), I Par.,^ 7.
Voir Isaar 2, t. m, col. 936,
SEOR1M (hébreu : Se'ôrîm, « orge » ; Septante :
Esropi'n), chef de la quatrième des vingt-quatre divisions
établies par David parmi les enfants d'Aaron pour l'ac-
complissement des fonctions sacerdotales dans le sanc-
tuaire. I Par., xxiv, 8.
SÉPHAATH (hébreu : Sefat; Septante : Se^sS), nom
chananéen de la ville que les Hébreux, à l'époque de
l'Exode, appelèrent Horma. Jud., i, 17. Voir Horma 1,
t. m, col. 754.
SEPHAM (hébreu : Suppim; Septante : Eairçsv),
nom d'un descendant de Benjamin, frère de Hapham
et fils de Hir. I Par., vu, 12. Ce nom est diversement
écrit dans l'Écriture. Voir Hapham, t. m, col. 420.
SÉPHAMA (hébreu : Sefâmâh, avec le hé locatif;
• Septante : Sempasiâç), localité indiquée dans les Nom-
bres, xxxiv, 10, 11, comme une des frontières orien-
tales de la Palestine. Le site est inconnu. Lé Targum du
Pseudo-Jonathan l'identifie avec Apamée, mais cette
ville est trop au nord. — L'intendant des celliers de
David, Zabdias, était de Séphamfa], d'après le texte
hébreu, I Par., xxvn, 27 (Vulgate : Aphonites), selon
quelques interprètes, mais, selon d'autres, il faut en-
tendre has-Sifnû de Séphamoth, ville du sud. de la
Palestine, et non de Séphama. Voir Aphonite, 1. 1, col. 735.
SEPHAMOTH (hébreu : Sifmôt; Septante : 2« ? f,
SaiiapLwc), ville du sud de Juda, aux habitants de laquelle
David, après avoir défait les Amalécites, à la fin de la
persécution de Saùl, envoya une partie du butin qu'il
avait pris à ses ennemis. I Reg. (Sam)., xxx, 28. Elle
est nommée entre Aroër et Esthamo. Le site en est
inconnu et elle ne figure pas dans l'Onomasticon d'Eu-
sèbe et de saint Jérôme. — Sur la patrie de Zabdias,
voir SÉPHAMA.
SEPHAR (hébreu : Sefârâh, avec hé locatif; Sep-
tante : Sa?r,p«; Alexandrinus : Sw?-/-pa), montagne
qui marque une des limites des Jectanides qui s'éten-
dirent en Arabie « depuis Messa jusqu'à Séphar. » Gen.,
x, 30. Ptolémée, VI, vu, 25,41, mentionne Sômpapct; cf.
Pline, H. N., vi, 26, en Arabie, et les voyageurs modernes
signalent deux Zafâr, dans l'Arabie du sud. L'une est
la capitale des Himyarites « près de Sanaa dans l'Yémen, »
l'autre est une ville de la côte sud-est qu'Ibn Batuta
appelle « la ville la plus lointaine de l'Yémen. t> R.
von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 83. Voir Ed.
Glaser, STdïze der Geschichte und Géographie des Ara-
biens, t. n, 1890, p. 437.
SÉPHARAD (hébreu : Sefârâd; Septante : 'Eçpaxœ;
Vulgate : Bosphorus), nom de lieu dans la prophétie
d'Abdias, f. 20. Des Juifs étaient captifs dans ce pays.
Les plus anciens traducteurs de la Bible ignoraient ce
qu'était Sépharad. Vbi nos posuimus Bospeorum, dit
saint Jérôme, in Ilebraico "habet Sapharad : quod nes-
cio cur Septuaginta Ephratha transferre voluerint,
cum et Aquila et Symmachus et Theodotion cum
hebraica veritate concordent. Nos autem ab Hebrxo,
qui nos in Scripturis sanctis erudivit, didicimus Bos-
phorum sic vocari : et quasi Judxus. Ista inquit, est
regio, ad quant Hadrianus captivos transtulit. In
A bd., f. 20, t. xxv, col. 1115. Pour trouver le Bosphore,
dans Abdias, les Juifs devaient considérer la préposi-
tion b, placée devant Sefàràd comme partie intégrante
du nom propre et supprimer le d final Ils entendiréntaussi
par ce nom l'Espagne et imaginèrent à ce sujet beaucoup
de fables. Voir Calmet, Dictionnaire de la Èible,Sepha-
rad, édit. Migne, t. iv, col. 451. Le Targum de Jona-
than et la Peschito voient l'Espagne dans Sépharad et
c'est par suite de cette interprétation que les Juifs
d'Espagne portent le nom de Sepharadim, pour se dis-
tinguer des Juifs d'Allemagne appelés Aschkenazim. —
Les inscriptions assyriennes fournissent la clef du pas-
sage d'Abdias. Il s'agit d'un pays habité par un peuple
dont le nom Saparda apparaît pour la première fois,
d'après ce qui en est connu jusqu'ici, du temps d'Asar-
haddon, roi d'Assyrie, et qu'on trouve établi en Asie
Mineure, dans les inscriptions de Darius, fils d'Hys-
taspe, à Béhistoun el à Naksch-i-Reustam. Le pays de
Saparda parait avoir été situé dans la partie septen-
trionale de l'Asie Mineure. Voir A. Sayce, The Land of
Sépharad, dans Expository Times, mars 1902.
1615
SEPHARVAÏM
1616
SÉPHARVAIM (hébreu : Sefarvaïm; Seplante :
2eirçafoyai[i), ville d'où Sargon II, roi d'Assyrie, après
la conquête de la Samarie et la déportation de ses
habitants, fit venir des colons pour la repeupler. On
l'identifie avec la ville babylonienne de Sippar. IV Reg.,
xvii, 24-31.
Sippar (Sippara) est le nom sémitisé de l'antique
cité sumérienne de Zimbir. F. Hommel, Grundriss der
Géographie und Gesckichte des Allen Orients, Erste
Hàlfte, Munich, 1904, p. 341; Frd. Delitzsch, Wo lag
das Paradies? Leipzig, -1881, p. 210. Eb. Schrader,
Die Keilinschriften und das Aile Testament, 3 e édit.,
Berlin, 1902, p. 532; Encyclopsedia biblica, Londres,
1903, t. IV, col. 4371. C'était une ville très importante
dont le site a été reconnu, en 1880-1881, par Hor-
muzd Rassam, à Abou-flabba, au nord de Babylone et
à environ 30 milles anglais dans le sud-ouest de Bagdad,
à peu près à mi-chemin entre ces deux localités. Ses
ruines occupent, sur la rive gauche de l'Euphrate, une
étendue considérable, de plus de 3 kilomètres de cir-
conférence, et elles sont limitées, au sud-ouest, par le
canal desséché de Ruthwanieh. F. Vigouroux, La Bible
et les découvertes modernes, 6 e édit., 1896, p. 572;
Frd. Delitzsch, dans Calwer, Bibellexikon, 1885, p. 865;
Eb. Schrader, loc. cit., p. 367. L'opinion la plus géné-
ralement admise voit dans Sippar une double ville,
F. Vigouroux, loc. cit., p. 572; Frd. Delitzsch, Calwer,
Bibellexikon et Wo lag das Paradies ? ibid., partagée
par l'Euphrate qui passait, à cette époque lointaine,
12 kilomètres plus à l'est que son cours actuel, et
que les inscriptions appellent : «le fleuve de Sippar x .
F. Hommel, loc. cit., p. 341. L'une de ces villes avait
nom : Siip-par sa Sa-mas : la Sippar de Samas (le
dieu Soleil), et l'autre : Si-ip-par sa A-nunit: la Sippar
d'Anounit (la déesse Istar, étoile du matin). F. Delitzsch,
Wo lag das Parodies? p. 209. Les tells d'Abou-Habba,
où Hormuzd Rassam a découvert d'importants docu-
ments se rapportant au culte du soleil, occuperaient
spécialement l'emplacement de la ville de Sippar pro-
prement dite, la Sippar de Samas. La Sippar d'Anounit
est identifiée par les assyriologues avec une autre an-
tique cité, celle d'Aganè ou Agadê, dont le nom en se
sémitisant est devenu Akkad. Le D r Ward veut placer
cette seconde ville à peu de distance de Sufeira, dans
I'ouest-nord-ouest de Bagdad, aux ruines d'el-'Anbar,
qui représenteraient à la fois la Sippar d'Anounit et
Agadê. Les tells de celte région témoigneraient en la-
veur d'une cité encore plus importante que ceux d'Abou-
Habba, rattachée à l'Euphrate par un canal. J.P.Peters,
Kippur or Explorations and Advenlures on the Eu-
phrates, New-York et Londres, 1897, t. i, p. 176,. 335.
Mais cette opinion n'est pas admise sans réserves.
A. Jeremias, Das Alte Testament ini Lichle des Allen
Orients, 2 e édit., Leipzig, 1906, p. 545, On veut même
ne reconnaître dans Sippar qu'une seule ville, désignée
sous deux vocables différents. Encyclopsedia biblica,
t. iv, col. 4371. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas
qu'on puisse, avec autorité, l'appuyer sur la leçon mas-
sorétique du texte hébreu : a'Tiro; si même on doit
considérer cette lecture comme une forme duelle au-
thentique. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies?
p. 211; Encyclopsedia biblica, t. IV, col. 4371. A ce
sujet, il y a lieu de rappeler que le D r P. Haupt a
proposé la correction de enro en en isd (ou tsd) :
la Sippar des eaux (du fleuve). Cf. IV Reg., xvm, 34,
Seirqjapo-Jiiaiv (dans B 1 ), que l'on peut rapprocher de la
dénomination de l'Euphrate : « le fleuve de Sippar ».
L'histoire de Sippar, d'après les vieux récits transmis
par Bérose, remonte au delà du déluge. C'est en cette
ville que Xisuthrus, sur le conseil de Kronos, s'en fut
cacher les écrits mystérieux antérieurs à ce grand évé-
nement. La première mention de cette ville, dans les
textes historiques originaux, est de Lugalzaggisi, roi
d'Érech, et on en retrouve d'autres dans les inscriptions
archaïques de Gudéa, patési de Lagas, de Manistusu,
roi de Kis, ainsi que de Sargon l'Ancien, roi d'Agadê.
Les premiers chefs de la dynastie d'Hammourabi firent
leur capitale de cette antique Sippar, qui, après avoir
perdu son autonomie, garda néanmoins un rang impor-
tant parmi les villes babyloniennes. F. Hommel, loc.
cit., p. 341. Elle fut du nombre de celles dont la ré-
volte mit à l'épreuve la valeur du monarque assyrien
Assurbanipal. Keilinschriftliche Bibliolhek, t. n, 1890,
p. 192. Nabonide, vers la fin du second empire chal-
déen, y releva son célèbre temple, et ses inscriptions
nous ont gardé le souvenir des travaux que Naramsin,
le fils de Sargon l'Ancien, y avait fait antérieurement
exécuter, car sa fondation doit être de beaucoup plus
ancienne. F. Hommel, loc. cit., p. 342.
Ce temple, qui était le centre du culte du Soleil pour
le nord de la Babylonie, s'appelait VE-Babbara, « la
maison blanche », désignation que portait également
celui de Larsa, centre du même culte pour les villes,
du sud. F. Hommel, loc. cit., p. 342; Eb. Schrader,
loc. cit., p. 367; A. Jeremias, loc. cit., p. 106. Les pre-
miers habitants sumériens de l'endroit y adoraient le
soleil, sous le nom d'Utu, que les Sémites conquérants
changèrent en celui de Samas, nom qui se retrouve
dans les autres langues sémitiques. Eb. Schrader, loc.
cit., p. 367. Avec Samas, l'Illuminateur et le Juge
suprême, son épouse Axa, et ses enfants, Kettu, « le
Droit », et Mcsaru, « la Justice », voire même le conduc-
teur de son char Bunênê, recevaient dans Sippar les
hommages des pieux fidèles. Eb. Schrader, loc. cit.,
p. 367; A. Jeremias, loc. cit., p. 106. Quant au temple
d'Anounit, dans la Sippar de ce nom, il s'appelait
\'E-ul-mas. F. Hommel, loc. cit., p. 343, 400. — Il y
avait encore d'autres villes de Sippar, mais elles ne nous
sont, pour ainsi dire, connues que par leurs noms :
la Sippar du dieu Amnanu et la Sippar de la déesse-
mère Aruru. F. Hommel, loc. cit., p. 344; Eb. Schrader,
loc. cit., p. 430.
Au point de vue assyriologique, quelques difficultés
s'élèvent, tant au sujet de l'identification de la Séphar-
vaïm de IV Reg., xvii, 24, avec la cité babylonienne de
Sippar, que de la colonisation de la Samarie par ses-
habitants, sur l'initiative de Sargon II. Aussitôt après la>
prise de Samarie (722), le roi d'Assyrie eut à lutter contre
Mérodach-Baladan, roi du Bît-Vakin, qui, soutenu par
le roi d'Élam Ummanigas, avait envahi la Babylonie-
Cette première campagne de 721 fut plutôt malheureuse,
Keilinschriftliche Bibliolhek, t. il, p. 276, et il ne
semble pas que Sargon ait pu, à la suite de cette opéra-
tion militaire, organiser l'émigration officielle des gens
de Sippar, en Samarie. Lorsque ce roi effectua le re-
peuplement de la terre d'Omri, dont il avait exilé les
habitants, il le fit, nous dit-il lui-même, au moyen de-
tribus arabes conquises, Keilinschriftliche Bibliothek y
t. n, p.42. Il ne put prendre sa revanche sur Mérodach-
Baladan qu'en 709, et, alors, on trouve bien, dans les
textes originaux, la mention expresse des habitants de
Sippar et d'autres villes babyloniennes, mais Sargon
se donne, en quelque sorte, comme leur libérateur, et
il déclare qu'il les rélablit en possession de leurs terres-
et de leurs biens. Keilinschriftliche Bibliothek, t. il,,
p. 72, 276. Ailleurs, il se flatte d'avoir richement doté-
la ville de Sippar, et quelques autres. Keilinschriflliche
Bibliolhek, t. H, p. 40, 52.
Si le texte de IV Reg., xvii, 24-31, où des villes baby-
loniennes bien authentiques se rencontrent avec des-
villes syriennes, autorise, jusqu'à un certain point,,
l'ancienne interprétation, il n'en est pas de même des
autres textes où Sépharvaïm est citée, et qui n'offrent
guère qu'une énumération de villes syriennes : IV Reg. r
xvm, 34, et xix, 13, rapprochés de leurs parallèles r
1617
SÉPHARVAÏM - SÉPHÉLAH
1618
Is., xxxvi, 19, et xxxvn, 13. Aussi le problème ne paraît
pas résolu pour tous les exégètes. Enr.yclopxdia
bMica, IV, col. 4372; A. Jeremias, loc. cit., p. 545. A
propos d'Àdramélech et d'Anamélech, divinités aux-
quelles les gens de Sépharvaïm immolaient leurs
enfants par le feu, nous avons vu, plus haut, que la
grande divinité de la Sippar babylonienne était Samas,
«le Soleil». Ajoutons que le premier élément du second
de ces deux noms a été seul lu, avec certitude, dans les
textes cunéiformes : Anu, le dieu du Ciel et le père des
dieux. Il se manifeste actuellement une tendance à voir
dans Adramélech et Anamélech des divinités syriennes,
A. Jeremias, loc. cit., p. 546, et à reporter dans la même
région la Sépharvaïm de IV (II) Reg., xvil, 24-31, elle-
même, en ne séparant pas cette citation des autres pas-
sages de la Bible, où Sépharvaïm est mentionnée.
Y. Le Gac.
SEPHATA (hébreu : Sefâtâh), vallée située dans
le territoire de la tribu de Juda, d'après l'hébreu et la
Vulgate. Les Septante, au lieu de Sefâtâh ont lu Sefô-
ndh, îcaxà ëoppâv Mapïjirâ, « au nord de Marésa ». Ce
mot ne se retrouve pas ailleurs comme nom propre et
les Septante l'ont pris pour un nom commun, II Par.,
xiv, 10, ce qui porte plusieurs critiques à douter que
Sephata soit une expression géographique. On l'accepte
cependant communément comme telle. Ed. Robinson,
Biblical Researches, t. H, 1856, p. 31, rapproche hypo-
thétiquement Sephata du Tell es-Safiéh actuel. On
objecte contre cette identification la trop grande dis-
tance de Tell es-Safiéh à Marésa. Voir Marésa 3, t. iv,
col. 757; Maspha 3, col. 837-838. C'est dans la vallée de
Sephata que le roi de Juda, Asa, remporta une grande
victoire contre Zara l'Éthiopien. II Par., xiv, 10.
SÉPHATIA (hébreu : Sefalyâh ; Septante :Sa?aTi'a).
Les « fils de Séphatia » revinrent au nombre de 372 de
la captivité de Babylone en Palestine. I Esd., H, 4. La
Vulgate écrit ce nom propre Saphatia dans II Esd., vu,
59. Voir Saphatia 8.
SÉPHÉI (hébreu : Sife'i; Septante : Eaqm), fils
d'Allon et père de Ziza.de la tribu de Siméon, l'un des
chefs de famille de cette tribu. II Par., Iv, 37. Du temps
du roi Ézéchias, Ziza avec d'autres membres de sa tribu
alla attaquer les descendants de Cham qui habitaient à
Gador et qui, s'étant emparés de leurs pâturages, s'y
établirent, f. 39-41.
SÉPHÉLAH (hébreu : has-sefêldh, avec l'article,
« la plaine » ou mieux : « le pays bas »; grec : -cô
• îisêt'ov, Deut., i, 7; Jos., xi, 2; xn, 8; I Mach., m, 24;
xiii, 13; ï| iteSivï) (y9i), Jos., ix, 1; x, 40; xi, 16; xv,
33; Jud., i, 9; I (III) Reg., x, 27; I Par., xxvn, 28;
II Par., i, 15; xxvm, 18; Jer., xvil, 26; Zach., vu, 7;
I Mach., m, 40; Se?r,).â, II Par., xxvi, 10; Jer.,
xxxii, 44; xxxin, 13; Abd., 19; I Mach., xn, 38; Vul-
gate : humiliora loca, Deut., i, 7; canipestria, Jos.,
ix, 1; xi, 2; xv, 33; Jud., 1,9; III Reg., x, 27; I Par.,
xxvn, 28; II Par., i, 15; xxvi, 10; Abd., 19; Zach.,
yn, 7; campestris (terra), Jos., x, 40; I Mach., m, 40;
campestres (urbes, civitates), II Par., xxvm, 18; Jer.,
xvil, 26; xxxn, 44; xx.xin, 13; campus, I Mach., ni, 24;
xiii, 13; planities, Jos., xi, 16; plana, Jos., xii, 8;
Sephela, I Mach., xn, 38), plaine du sud-ouest de la
Palestine, dont le nom se trouve une seule fois dans la
Vulgate, I Mach., xn, 38; mais qui est mentionnée,
sous forme de nom commun, en plusieurs endroits de
la Bible. Le même mot, Se fêlait, de la racine sdfêl,
« être bas », se rencontre partout en hébreu; mais, les
versions, on le voit, l'ont rendu par différents syno-
nymes.
I. Situation, étendue. — Le mot sefêldh est employé
dans l'Écriture conjointement avec ceux de har,
« montagne »; négéb, « midi »; 'âràbâh, « vallée » (du
Jourdain), pour indiquer les différents caractères
topographiques de la Palestine. Cf. Deut., i, 7; Jos.,
IX, 1 ; x, 40. Il ne désigne donc pas une plaine en
général, et c'est ainsi qu'il n'est jamais appliqué, par
exemple, à la plaine d'Esdrelon. Voir Esdrelon, t. n,
col. 1945. Mais il détermine une région spéciale du
territoire. D'après l'étymologie, il signifie « pays bas »,
et se distingue de biq'dh, de mîsôr, etc. Voir Plaine,
col. 454. Il désigne la plaine qui s'étend de Jaffa à
Gaza et est le prolongement méridional de celle de
Saron. Mais il ne serait pas exact de restreindre la
Séphélah à cette bande de terrain. Elle comprend
aussi l'ensemble des basses collines qui forment
comme les premiers contreforts de la montagne
judéenne. La preuve est facile à tirer de Jos., xv,
33-47, où l'auteur sacré, énumérant les villes de la
tribu de Juda, et distinguant celles qui appartenaient
au négéb ou « midi », à « la montagne », au « désert »,
de celles qui faisaient partie de la « séphélah », place
dans cette dernière des cités qui dominaient la mer de
trois à quatre cents mètres et occupaient un niveau
moyen entre la plaine maritime et l'arête montagneuse,,
dont l'altitude va de sept à huit cents mètres. Telles
sont Saréa, Azéca, Céila, etc. Voir Juda 6, Villes de la
plaine, t. ni, col. 1759. Il ne faudrait pas cependant,
d'un autre côté, restreindre la dénomination de Sefê--
lâh à ces collines basses situées entre la montagne et
la plaine maritime. C'est ce que fait à tort G. A. Smith ,
Historical Geography of the Holy Land, Londres,
1894, p. 201 sq. Il prétend d'abord que les villes
assignées à la Séphélah par l'Ancien Testament, Jos.,
xv, 33-47; II Par., xxvm, 18, étaient toutes situées sur
les basses collines et non dans la plaine. Cette asser-
tion est fausse en ce qui concerne le dernier groupe,
f. 45-47, c'est-à-dire Accaron ÇAqîr), Azot (Esdùd) et
Gaza. Notre auteur s'en tire, il est vrai, en attribuant
ce groupe à une addition postérieure. Il faudrait
premièrement prouver cette interpolation. En second
lieu, fût-elle démontrée, il n'en résulterait pas moins
que, au temps de l'interpolateur, l'usage donnait au
mot sefêldh l'extension qu'on lui reconnaît générale-
ment. On peut ajouter que, I Mach., xn, 38, la ville
d'Adiada est représentée comme bâtie par Simon èv -uT t
2£Ç7)Xa, « dans la Séphélah »; or, elle est bien iden-
tifiée aujourd'hui avec le village de Hadithéh, qui
se trouve dans la plaine, près de Ludd-Lydda.
Voir Adiada, t. i, col. 216. — Smith s'appuie ensuite
sur deux autres passages de l'Écriture : II Par., xxvm,
18, il est dit que les Philistins firent une incursion
dans les villes de la Séphélah, qui devait donc être
distincte de leur propre pays, la plaine maritime;
Zach., vu, 7, il est question du temps où les Juifs
habitaient la Séphélah ; or, ils n'habitèrent jamais la
plaine côtière. Les passages cités prouvent bien que la
Séphélah s'étendait jusqu'à la région moyenne où se
trouvaient Bethsamès, Socho, Thamna etc., mais ils ne
prouvent pas qu'elle y était exclusivement restreinte. —
Smith rapporte enfin cette division de la Judée d'après
la Mischna, Schebiith, IX, 2, en « montagne [har),
plaine (sefêldh) et vallée ('éméq) ». Mais le Talmud
de Jérusalem porte ici négéb, « midi », au lieu de
'éméq. L'auteur ajoute ces paroles de R'. Yohanan :
« Depuis Béthoron jusqu'à Emrnaùs, c'est la montagne;
d'Emmaûs à Lod, la plaine (sefêldh); de Lod jusqu'à
la mer, la vallée. » Ces distinctions géographiques du
Talmud ne sont pas si claires qu'elles en ont l'air. C'est
ainsi qu'on lit dans un autre endroit : « Les montagnes
de la Judée sont le mont Royal; sa plaine est la plaine
de Darom; le pays entre Jéricho et En-Gédi, c'est la
vallée de la Judée. » Or, le Darom talmucHque est la
plaine de la Judée en général; il s'éleDd de Lod jus-
qu'au sud. Ce dernier passage do nne donc la triple divi-
1619
SEPHELAH
SEPHET
4620
sion de la Judée : plaine ou sefêldh à l'ouest; vallée à
l'est; montagne entre les deux. On peut alors conclure
avec A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris,
1868, p. 61 ; « La contrée depuis Belh-Horon jusqu'à la
mer a en effet ses trois subdivisions si on la considère
isolément; dans l'ensemble, elle est prise comme pays
de plaine de la Judée. »
Smith a en outre contre lui : 1° les Septante, qui
traduisent toujours sefêldh par tteoi'ov, ïi tieôivyi (y?,),
« la plaine », mots dont ils se servent aussi pour
rendre biq'dh, 'êméq, « vallée ; » miSôr, « plateau », et
qu'ils n'auraient pu employer s'il s'était agi uniquement
d'une région accidentée comme celle des basses collines
de Juda; — 2°Eusébe et saint Jérôme, qui, dans l'Ono-
masticon, Gœttingue, 1870, p. 154, 296, nous apprennent
que, jusqu'à leur époque, on appelait Séféla toute la
plaine qui s'étend aux environs d'Éleuthéropolis et se
dirige vers le nord et l'occident. On pourrait croire
que l'expression hôf hay-yâm, « le rivage de la mer »,
qui, Deut., I, 7; Jos., ix, 1, rentre dans les traits carac-
téristiques du pays, indique la plaine côtière, par oppo-
sition à la Sefêldh ; mais elle désigne plutôt la plaine
maritime qui, au sud de cette contrée, se dirige vers
Vouadi el-Arisch, frontière de la Palestine, ou celle
qui va vers le nord, du côté du Liban. Le mot sefêldh
s'applique même en deux endroits, Jos., xi, 2, 16, à la
plaine côtière qui s'étend au-dessous ou au-dessus du
Carmel; il est question, au j. 16, de « la montagne d'Israël
et de sa sefêldh, » c'est-à-dire de la partie basse qui
la séparait de la mer comme la montagne de Juda. —
Jusqu'où s'étendait la Séphélah du côté du nord? Il est
impossible de déterminer la limite d'une façon exacte.
On peut la chercher cependant du côté de Adiada et
dans les environs de Jafla.
II. Description. — La Séphélah est donc le lowland,
« le pays bas », de la Palestine. Elle peut se partager
en trois zones parallèles. C'est d'abord une plage sa-
blonneuse qui court le long de la mer, mais cette région
des dunes est susceptible de culture, et les villes qu'elle
renferme, Gaza, Azot(Êsdûd), Jamnia(yeina), etc., sont
entourées de jardins et de bosquets d'arbres fruitiers,
bien que l'envahissement des sables et les ruines
-donnent souvent à cette partie un aspect désolé. Vient
ensuite une large étendue de plaines boisées par endroits
et arrosées par des rivières encombrées de roseaux.
C'est, sur une longueur d'environ 75 kilomètres, une
vaste plage légèrement ondulée, qui, aux dernières
époques géologiques, émergea du sein des eaux, quand
la mer cessa de battre le pied des montagnes de Juda.
Parsemée de hauteurs qui vont de 50 à 60, 80 mètres
et plus au-dessus du niveau de la Méditerranée, elle
est composée d'une arène fine et rougeâtre que la pluie
ou de fréquentes irrigations transforment en un véri-
table terreau extrêmement fertile. L'eau s'y trouve à
quelques mètres seulement de profondeur. Aussi, malgré
la déchéance du pays, la richesse de ses produits
rappelle-t-elle l'Egypte. A certains moments de l'année,
les moissons y forment une immense nappe verte ou
jaune suivant leur degré plus ou moins avancé. D'en-
droits en endroits, l'uniformité de la plaine est coupée
par des bouquets de verdure qui marquent les villages.
Ceux-ci sont placés sur de petits monticules, collines
souvent artificielles composées par les restes des an-
ciennes habitations écroulées. Ils sont entourés de
palmiers élancés, de figuiers, de sycomores et d'impé-
nétrables haies de cactus. Les maisons sont bâties en
pisé ou terre mélangée de paille hachée. Cette contrée
■est, en somme, comme le prolongement du delta égyp-
tien. Après elle, vient enfin la région de la basse mon-
tagne, qui est en quelque sorte le premier étage du
massif judéen. Elle s'étend comme en amphithéâtre
au-dessus de la plaine. Les collines qui la composent
ne se rattachent pas aussi étroitement à l'arête monta-
gneuse que celles qui bordentla plaine de Saron. Elles
en sont séparées par une série de vallées, tantôt larges,
tantôt étroites, qui courent vers le sud, et laissent au
massif moyen son groupement à part. Aussi, quiconque
les possédait n'était pas pour cela maître du territoire
de Juda. Elles en formaient comme les avant-postes;
c'était comme un rempart de bastions qui le défendait
de ce côté; mais, pour arriver au cœur du pays, il fallait
s'engager dans d'étroits défilés et escalader la mon-
tagne. Elles sont également coupées de l'est à l'ouest par
de nombreux torrents qui descendent dans la plaine.
Voir Juda 6, Description, t. ni, col. 1767.
III. Histoire. — On voit dès lors quelle fut l'impor-
tance historique de la Séphélah. Sa situation et sa ferti-
lité devaient attirer des étrangers comme les Philistins,
dont elle lit plus tard tout à la fois la richesse et l'or-
gueil. L'Écriture parle des sycomores, des oliviers et des
figuiers qui y croissaient, des troupeaux qu'on y élevait.
Cf. I Reg., x, 27; I Par., xxvii, 28; Il Par., I, 15;
xxvi, 10. Mais en même temps, elle devait être un perpé-
tuel champ de bataille entre Philistins et Hébreux,
j C'est dans les immenses moissons de blé de la plaine,
i alors que le soleil desséchait la paille et les épis mûrs,
que Samson lança ses chacals. Jud., xv, 1-5. Toute
l'histoire de ce héros, du reste, se rattache à cette
contrée. Voir Samson, col. 1434. Il en est de même
pour certains épisodes de la vie de David. Voir David,
t. ïi, col. 1311; Philistins, col. 286. Les grandes vallées
qui coupent les collines de la Séphélah étaient des voies
naturelles conduisant au cœur du pays, et c'est par là
que les armées ennemies cherchaient à y pénétrer.
Mais la plaine elle-même a une importance assez consi-
dérable dans l'histoire, parce qu'elle fut un tronçon de
la grande route qui allait d'Egypte en Syrie et en
Assyrie. Voir Routes, col. 1229. — Cf. Stanley, Sinai
and Palestine, Londres, 1866, p. 255-260; G. A. Smith,
HistoricalGeography of the Holy Land, Londres, 1894,
p. 201-244; C. R. Conder, Tent Work in Palestine,
Londres, 1889, p. 273-288. A. Legendre.
SÉPHER (hébreu : Sd/e>, à la pause; Septante :
Saçàp), montagne auprès de laquelle campèrent les
Israélites pendant leur séjour dans le désert. Elle «st
nommée entre Céélatha et Arada. Num., xxxm, 23, 24.
L'identification en est incertaine. Le P. Lagrange, Itiné-
raire des Israélites du pays de Gessin aux bords du
Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 278, propose
le Djebel 'Araïf, montagne isolée et abrupte, à six
heures au nord de Vouadi Qoureyé. « De loin, dit-il,
il ressemble à une pyramide; de près on peut penser
avec les Arabes qu'il a la forme d'un gigot. Aucun rapport
ni de sens ni de consonnance avec [Sâfêr], mais il faut
avouer que cette montagne intéressante se rencontre
ici à point nommé. »
SÉPHET, ville de la tribu de Nephthali, nommée
seulement dans la Vulgate. « Tobie, de la tribu et de la
ville de Nephthali, qui est dans la Haute-Galilée, au-des-
sous de Naasson, derrière le chemin qui conduit à l'occi-
dent, ayant à gauche la ville de Séphet. » Tob., i, 1. On
ne connaît pas de ville ayant porté le nom de Neph-
thali. Il faut donc entendre que Tobie était originaire
d'une localité peu connue de la tribu de Nephthali dont
la situationest indiquée par rapport à Naasson (inconnue,
voir Naasson 2, t. îv, col. 1430) et à Séphet, ville encore
importante pour les Juifs de nos jours. Ni Naasson ni
Séphet ne sont nommés dans le texte grec qui porte :
« Tobie,.., de Thisbé, qui est à droite de Cydios (à lire :
Cédés) de Nephthali en Galilée... » Les. divers manus-
crits grecs diffèrent d'ailleurs entre eux dans les noms
et l'énumération de ces noms propres.
Séphet ne peut être que la ville appelée aujourd'hui
Safed (fig. 348), où habite, à côté des musulmans et de
4621
SÉPHET
SEPHORA
1622
quelques chrétiens, une colonie juive importante. Le
climat en est très sain, à cause de sa situation élevée, à
845 mètres d'altitude. Une inscri ption placée sur l'entrée
de l'église catholique, assimile Safed à la ville « située
sur la montagne » dont parle Notre-Seigneur dans le
discours qu'il prononça sur le mont des Béatitudes,
Matth., v, 14, parce que de cette monlagne on peut voir
la ville de Safed et que les habitants supposent que
Jésus montrait leur cité en s'exprimantde la sorte. Voir
E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, 3 in-12,
1890, t. il, p. 258-265.
SÉPHI, nom de deux Iduméens dans la Vulgate-
Ils ne s'appellent pas de la même manière en hébreu.
des Séplionites. Gen., xlvi, 16; Num., xxvi, 15. Dans
ce dernier passage, son nom est écrit Séphon.
SÉPHO (hébreu : Sefô; Septante : Smifip), chef
iduméen. Gen., xxxvi, 23. Son nom est écrit Séphi,
IPar., 1,40. Voir Séphi 2.
SÉPHON (hébreu : Sefôn; Septante : Saotiv), fils
aîné de Gad. Num., xxvi, 15. Il est appelé Séphion,
Gen., xlvi, 16. Voir Séphion.
SÉPHONÏTES (hébreu : has-Sefônî; Septante :
6 Saowvt), famille gadite, descendant de Séphion ou
Séphon. Num., xxvi, 15.
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348. — Safed (Séphet). D'après une photographie de M. L. Heidet.
1. SÉPHI (hébreu : Sefi; Septante : Sœjpip), le troi-
sième des sept fils d'Éliphaz, un des fils d'Ésaû.I Par.,
i, 36. La Genèse, xxxvi, 11, ne nomme que cinq fils
d'Éliphaz. Elle écrit le nom de Séphi, Sépho et,
x, 15, elle le nomme parmi les chefs ('allufim) idu-
méens.
2. SÉPHI (hébreu : Sefi; Septante : Sioçi'), le qua--
trième nommé des cinq fils de Sobal, descendant de
Séïr l'Iduméen. I Par., i, 40. Dans la Genèse, xxxvi,
23, il est appelé Sépho.
SÉPHIM (hébreu : Suppim; Septante : omis),
lévite qui fut chargé avec Hosa de la garde de la porte
sallékét, du coté de l'occident, lorsque l'arche eut été
transportée à Jérusalem du temps de David. I Par.,
xxxvi, 16. Voir Hosa2, t. ni, col. 759.
SÉPHION (hébreu : Sifyôn; Septante : 2a?râv),
fils aîné de Gad et petit-fils de Jacob, chef de la famille
SÉPHOR (hébreu : Çippôr, a passereau »; Sep-
tante : S£7c(fwp), père de Balac, roi de Moab. Num.,
xxn, 2,10, 16 j xxni,.18; Jos., xxiv, 9; Jud., xi, 25.
Voir Bxlac, t. i, col. 1399.
SÉPHOR A, nom, dans la Vulgate, de deux femmes
qui portent un nom différent en hébreu.
1. SÉPHORA (hébreu : Sifrâh; Septante : Esxswpâ),
une des deux sages-femmes égyptiennes, chargées par
le pharaon de faire périr les enfants mâles des Hébreux
au moment de leur naissance. Exod., i, 15. VoirPHUA. 2,
col. 336.
2. SÉPHORA (hébreu : Sippôrâh, forme féminine
de sippôr, « passereau s; Septante : Se7ttpwpà), une
des filles de Jéthro ou Éaguël, prêtre de Madian,
femme de Moïse et mère de Gersom et d'Éliézer. Exod.,
il, 21-22. Moïse, s'étant enfui d'Egypte dans le désert
du Sinaï, y protégea les sept filles de Jéthro contre les
bergers des pays et fit boire leurs troupeaux. C'est à la
1623
SÉPHORA — SEPTANTE (VERSION DES)
1624
Suite de ce service qu'il épousa Séphora. Lorsqu'elle
accompagna son mari en Egypte, elle circoncit en
chemin son fils Gersam. Exod., IV, 24-26. Sur ce fait,
dont les circonstances sont obscures, voir Moïse, t. iv,
col. 1194-1195. A l'époque de la sortie d'Egypte, Moïse
avait renvoyé sa femme et ses enfants à son beau-père.
Celui-ci les lui ramena dans le désert. Exod., xvm,
2-3, 6. Voir t. iv, col. 1200.
SEPHTAN (hébreu : Siftân; Septante : SaêsBâ),
un des chefs de la tribu d'Éphraïm du temps de Moïse.
Num., xxxiv, 24. Il était père de Camuel.
SEPHUPHAN (hébreu : Sefûfdn; Septante : 2 e ?ov-
çâji; Alexandrinus : Soipav), fils de Balé et petit-fils
de Benjamin, chef d'une famille benjamite. 1 Par.,
vin, 5. Ce nom est écrit Mophim, Gen., xlvi, 21;
Sepham, I Par., vu, 12; Supham, Num., xxvi, 39,
d'après l'explication commune. Voir ces noms, t. iv,
col. 1258;t. v, col. 1613.
SEPT, nombre. Voir Nombre, t. iv, col. 1089, 1091-
1095.
SEPTANTE (VERSION DES), la première de
toutes les traductions de l'Ancien Testament hébreu,
faite en grec vulgaire avant l'ère chrétienne.
I. Importance. — Son importance provient de l'anti-
quité même de cette version, qui est la première
en date. Aristohule, dans un fragment conservé de son
I er livre à Ptolémée VI Philométor, écrit vers 170-150,
a bien prétendu qu'avant Démétrius de Phalère, avant
Alexandre, avant même la dominaliou des Perses, ce
qui concernait les événements postérieurs à la sortie
d'Egypte, la conquête de la Palestine et la législation
hébraïque, avait été traduit en grec. Clément d'Alexan-
drie, Strom., i, 22, t. vm, col. 839; Eusèbe, Prmp.
evang., xm, 12, t. xxi, col. 1097. Mais le but qu'il se
proposait, à savoir montrer que Platon avait tiré une
partie de sa sagesse des livres de Moïse, rend son témoi-
gnage douteux. D'ailleurs, il ne parlait peut-être pas
d'une traduclion grecque du Pentateuque, mais seule-
ment d'un abrégé grec des origines et de la loi du peu-
ple juif. Voir t. I, col. 965. Quoi qu'il en soit, la ver-
sion des Septante, comprenant toute la littérature
hébraïque, a pour nous plus de valeur que cette soi-
disant traduction antérieure du Pentateuque, que nous
ne connaissons pas autrement.
Multiples sont les avantages à retirer de l'étude de
cette version. >— 1» Comme elle représente le texte
hébreu de l'Ancien Testament à un stade bien antérieur
à la fixation du texte massorétique, la traduction des
Septante a une importance considérable pour la recons-
titution du texte original de la plupart des livres de
l'ancienne alliance. — 2» Comme elle a été employée et
citée par les apôtres et les écrivains du Nouveau Testa-
ment, nascentis Ecclesise roboraverat fidem, dit saint
Jérôme, Prsef. in l. Paralip., t. xxvm, col. 1323, son
texte doit servir à confirmer une partie des témoigna-
ges apostoliques et des fondements de la foi chrétienne.
— 3° Comme elle a été faite dans la même langue, le
grec vulgaire, que les livres du Nouveau Testament, son
texte aide à comprendre, non seulement le style, mais
encore le sens de beaucoup de passages de ces écrits.
Voir Swete, An introduction to the Old Testament in
Greek, Cambridge, 1900, p. 433-461. — 4» Comme elle
a été citée et commentée par les Pères grecs, qui pour
la plupart n'ont connu l'Écriture Sainte des Juifs que
par son intermédiaire, ce même texte avec ses parti-
cularités et ses leçons propres peut seul rendre compte
du sens que les écrivains ecclésiastiques de langue
grecque ont reconnu à la Bible juive. Swete, op. cit.,
p. 462-477. — 5» Comme les "plus anciennes versionse
latines de l'Ancien Testament ont été faites directement
sur la Bible des Septante, les plus anciens Pères latins
ont connu, cité et commenté indirectement le texte
biblique de cette version grecque, voir t. iv, col. 99-102, et
la connaissance de la Bible grecque est ainsi fort utile
pour l'intelligence de la littérature patristique latine. —
6» Comme cette version a servi aussi de prototype à
plusieurs traductions syriaques, éthiopiennes, coptes,
arabe, arménienne, géorgienne, gothique et slavonne,
l'étude de son texte sert donc aussi à l'intelligence des
citations bibliques dans toutes les littératures ecclésias-
tiques de ces diverses langues. 7" Enfin, le rôle que
ces versions dérivées jouent dans la critique biblique
pour la reconstitution du texte original de l'Ancien Tes-
tament montre indirectement l'influence exercée durant
des siècles par la traduction des Septante, et par
suite l'importance de son étude.
II. Nom. — Gette première traduction grecque de la
Bible hébraïque a été désignée dans l'Église catholique
sous le nom de version ou de traduction des Septante,
en sous-entendant vieillards, ou interprètes, ou tra-
ducteurs. La traduction latine de saint Irénée, Cont.
hser., m, 21, n. 4, t. vu, col. 950, 951, la désigne par
les mots : in senioribus, ou seniores. Tertullien, Apo-
loget., 18, t. I, col. 380, dit : In septuaginla et duo-
bus interpretibus. Origène l'appelle tïiv épu.r,vsfav t<5v
O', Ad Africanum, 5, t. xi, col. 60, ou en parle en
disant deux fois, Ttapà toïç éeôonifaovra. In Mallh.,
tom. xv, 14, t. xm, col. 1293. Eusèbe de Césarée
emploie aussi cette dernière indication. In Psalmos,
Ps. n, t. xxin, col. 81. Saint Jérôme dit couramment
Septuaginta interprètes ou translatores, Prsefat. in
Isaiam,in Job, in l. Par., in Ezram, t. xxvm, col. 772,
1079, 1323, 1403; Commentarioli in Ps., iv, ix, xxi,
cxv, cxxxiii, dans Morin, Anecdola Maredsolana,
Maredsous, 1895, t. m a, p. 11, 21, 33, 83, 91; Tra-
ctatus de Ps., ix, ibid., 1897, t. m 6, p. 26, ou Septua-
ginta tout court. Commentarioli in Ps., xv, cxxxi,
cxi.iv, ibid., t. in a, p. 26, 90, 98. En parlant des
72 docteurs envoyés à Alexandrie par le grand-prêtre
Éléazar, saint Augustin dit d'eux : Quorum interpre-
tatio ut Septuaginta vocetur jani obtinuit consuelu-
do. De civilate Dei, xvm, 42, t. xli, col. 603. La ver-
sion porte aussi ce nom dans les anciens manuscrits
grecs. Ainsi la suscription de la Genèse dans le Vali-
canus B est : ««a touc e68opu)y.ovira; en tête et à la
fin des Proverbes dans YEphrsemiticus E, on lit : iiapa
£ôSo(iï]xovTa. Une note du Marchalianus Q sur Isaïe
l'appelle : tj t<5v lô8ofi.vîy.ovTa e-/.8o<r;;. Le nom courant
de cette version dans les manuscrits est : tj tô>v o' (ou
oS') ép[/.7)veïa (ou ËxSotrt;), et on la désigne ordinaire-
ment par les signes : oi o' ou oê'. Ce nom a passé dans
toutes les langues, et en français on dit : la version
des Septante, ou les Septante. Par ellipse, les protes-
tants français disent souvent : la Septante, désigna-
tion qui n'a pas encore été admise dans le Diction-
naire de l'Académie française. Ce nom d'un emploi
universelprovient évidemment de la légende des 72 tra-
ducteurs du Pentateuque. La conjecture de Richard
Simon, que ce nom lui vient, non pas des septante
interprètes qui en furent les auteurs, mais des sep-
tante juges du Sanhédrin qui l'approuvèrent pour
l'usage des Juifs hellénistes dans leurs synagogues oa
au moins dans leurs écoles, Histoire critique du Vieux
Testament, 1. II, c. n, Rotterdam, 1685, p. 191, est
sans aucun fondement et contraire à toute vraisem-
blance. M. Trochon, Introduction générale, Paris, 1886,
t. i, n. 365, note 5, l'a acceptée trop facilement. Si le
fait avait eu lieu, le pseudo-Aristée l'eût relaté pour
faire valoir la version grecque du Pentateuque.
Les critiques modernes, qui ne peuvent tenir compte
de la légende des 72 traducteurs, proposent de nom-
mer la version dite des Septante «version alexandrine»,
1625
SEPTANTE (VERSION DES)
1626
parce qu'elle a été faite à Alexandrie, ou au moins pour
les Juifs d'Alexandrie. Cette dénomination est juste,
mais elle n'a pas prévalu contre l'usage reçu, et ces
critiques suivent eux-mêmes le courant et parlent
avec tout le monde de la version des Septante.
III. Origine d'après la légende. — La première
mention de cette légende se rencontre dans la Lettre
du pseudo-Aristée à son frère Philocrate. Voir t. i,
col. 963-964. Deux éditions critiques de cette Lettre
ont paru récemment : Thackeray, The Letter of Aris-
teas, en appendice à An Introduction to the Old Tes-
tament, Cambridge, 1900, p. 501-574; Wendland,
Aristese adPhilocrateni epislola cuni ces teris de origine
versionis LXX interpretum testimoniis, Leipzig, 1900.
Ce dernier en avait publié une traduction allemande,
dans Kautzsch, Die Apokryphenund Pseudepigraphen
des Allen Testaments, Tubingue, 1900, t. h, p. 4-31.
M. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volhes im Zeit-
alter Jesu Chrisli, 3* édit., Leipzig, 1898, t. ni, p. 468-
470, place la composition de cette Lettre aux alentours
de l'an 200 avant Jésus-Christ. Aristobule la connaissait
déjà de 170 à 150. L'auteur ne sait rien de la domination
des Séleucides sur la Palestine, domination qui com-
mença en 187; il ne parle que du grand-prêtre juif
et ne connaît pas les princes Machabéens à Jérusalem,
il semble ignorer la persécution d'Antiochus et il pré-
sente la Judée tranquille et heureuse sous le gouverne-
ment des Ptolémées. Cf. Ed. Herriot,P/iiiora le Juif, Paris,
1898, p. 58. Wendland, dans Kautzsch, op. cit., t. n,
p. 3-4, la reporte à la seconde moitié du I er siècle, de
96 à 63, plus près de 96 que de 63. Gràtz la rabaissait
même au début de notre ère, aux années 15-20, Monat-
schrift fur Geschichte und Wissenschaft des Juden-
thums, 1876, p. 289, et Willrich, Judaica, Gœttingue,
1900, p. 111-130, après l'an 33. Ces dates semblent trop
basses, car la Lettre d'Aristée manifeste une connais-
sance très exacte de l'époque des Ptolémées, telle que
nous Font révélée les inscriptions et les papyrus du
temps. « Chose frappante : il n'est pas un titre de
cour, une institution, une loi, une magistrature, une
charge, un terme technique, une formule, un tour de
langue remarquable dans cette lettre, il n'est pas un
témoignage d'Aristée concernant l'histoire civile de
l'époque, qui ne se trouve enregistré dans les papyrus
ou les inscriptions et confirmé par eux. » Lombroso,
Recherches sur l'économie politique de l'Egypte sous
les Lagides, Turin, 1870, p. xm. Les découvertes plus
récentes n'ont pas infirmé celte conclusion et ont
montré que la lettre était écrite dans le grec vulgaire
alexandrin, qui est la langue des inscriptions et des
papyrus. Les arguments des critiques, qui rabaissent la
date d'apparition de cette Lettre, sont peu solides et
n'infirment pas les précédents.
Or, cette Lettre, qui est un panégyrique de la loi
juive, de la sagesse juive, du nom juif, est l'œuvre d'un
Juif alexandrin, sous le couvert d'un écrivain païen,
qui rend hommage au judaïsme. Officier des gardes
de Ptolémée Philadelphe, très estimé du roi, Aristée
est un des envoyés du prince qui, sur le conseil de
Démétrius de Phalère, voulait enrichir sa bibliothèque,
déjà très riche en volumes, de la traduction grecque
de la législation hébraïque. Après avoir rendu à la
liberté les 100000 Juifs que son père avait ramenés
captifs en Egypte, Philadelphe écrivit au grand-prêtre
Éléazar pour lui faire part de son désir et lui deman-
der des traducteurs instruits. Aristée décrit longue-
ment la ville de Jérusalem et les cérémonies du tem-
ple. Il réussit dans son ambassade. Le grand-prêtre
choisit 72 Israélites, six de chaque tribu, dont les noms
sont donnés,, et les envoya en Egypte avec un exem-
plaire de la loi juive, transcrit en lettres d'or, et des
présents. Philadelphe reçut avec honneur les députés
juifs. Pendant sept jours, il leur offrit de grands repas,
et leur posa toute sorte de questions difficiles, aux-
quelles ils répondirent avec sagesse, à la grande admi-
ration du roi. Ces fêtes terminées, les 72 envoyés
furent conduits dans l'île de Pharos et placés dans un
palais royal pour y accomplir dans le silence leur tra-
vail de traduction. Chaque jour, ils en faisaient une partie,
qu'ils comparaient entre eux pour se mettre d'accord
sur le sens à donner au texte. Au bout de 72 jours
leur tâche fut terminée. La traduction tout entière fut
lue aux Juifs assemblés, qui louèrent son exactitude et
sa fidélité. On la lut au roi, qui admira la législation
hébraïque et fit mettre la version dans sa bibliothèque.
Il chargea enfin les traducteurs de présents pour eux-
mêmes et pour le grand-prêtre, avant de les congédier.
Dans un fragment, conservé par Eusèbe, Prsep. evang.,
xm, 12, t. xxi, col. 1097, de son Explication de la loi
mosaïque, Aristobule rappelait à Ptolémée Philométor
que, sous son aïeul Philadelphe, une traduction entière
de la législation juive avait été faite par les soins de
Démétrius de Phalère. Ce dernier renseignement prouve
qu' Aristobule connaissait la Lettre d'Aristée, et il est
peu vraisemblable qu'il parlait ainsi d'après une tradi-
tion indépendante du pseudo-Aristée. Philon, De vita
Mosis, II, 5-7, édit. Mangey, t. H, p, 138-141, a connu
le fond de cette légende, sans nommer pourtant Aris-
tée. Il l'a toutefois modifiée en un point important. Il a
prétendu que tous les traducteurs, travaillant chacun
séparément, se trouvèrent d'accord non seulement pour
le sens, mais encore par l'emploi d'expressions abso-
lument identiques, comme s'ils avaient été inspirés par
Dieu lui-même. Il ajoute encore qu'on célébrait chaque
année, en souvenir de cet événement mémorable, une
fête dans l'île de Pharos, où beaucoup de Grecs se ren-
daient avec les Juifs. L'historien Josèphe reproduisit
presque mot pour mol une bonne partie de la Lettre
d'Aristée, en résumant le tout. Ant. jud., XII, 2, édit.
Dindorf, t. I, p. 435. Voir aussi Ant. jud., proœm.,
3, p. 2; Cont. Apion., n, 4, t. il, p. 371.
Le récit d'Aristée, connu directement ou par l'inter-
médiaire de Philon et de Josèphe, trouva créance
parmi les chrétiens. Saint Justin en rapporte le fond,
mais avec des erreurs, en faisant, par exemple, envoyer
des ambassadeurs à Hérode par Ptolémée Philadelphe.
Apol., I, 31; Dial. cum Tryphone, 71, t. vi, col. 376,
641-644. L'auteur de la Cohortatio ad Grsecos (ouvrage
qu'on a attribué à saint Justin, mais qui plus proba-
blement n'est pas de lui), 13, ibid., col. 265, 268,
apporte aux récits de Philon et de Josèphe cette
variante, qui aura du succès : il dit que les 72 inter-
prètes furent enfermés isolément dans des cellules
distinctes, dont il a vu les vestiges dans l'île de Pharos,
et que, par une influence spéciale du Saint-Esprit,
leurs traductions se trouvèrent parfaitement identiques.
Saint Irénée admet la même légende des cellules,
Cont. hssr., m, 21, n. 3, 4, t. vu, col. 949-950, ainsi
que Clément d'Alexandrie, qui parle de Ptolémée Lagus.
Stroni.,i, 22, t. vm, col. 889-893. Terlullien, Apologet.,
18, t. i, col. 378-381, reconnaît l'inspiration des Sep-
tante. Anatolius de Laodicée, dans Eusèbe, H. E., vu,
32, t. xx, col. 728, met Aristobule au nombre des Sep-
tante. Eusèbe lui-même cite textuellement une bonne
partie de la Lettre d'Aristée. Prsep. evangel., vm, 1-5,
8, 9; ix, 34, t. xxi, col. 588-597, 624-636, 757. Cf. Chronic,
an. 1736, Pat. Lat.,ï. xxvn, col. 485. Saint Cyrille de
Jérusalem, Cal., iv, 34, t. xxxm, col. 497, admet le
fond de la légende d'Aristée, ainsi que saint Hilaire de
Poitiers, In Psalmos, prol., 8; Ps. Il, 2, 3; cxvm, litt.
iv, 6, t. ix, col. 238, 262-264, 529, en considérant les
Septante comme des interprètes très sérieux, mais
laissés à leurs propres lumières. Saint Épiphane
rapporte des détails nouveaux; il dit notamment que
les Septante, enfermés deux à deux en 36 cellules,
s'étaient partagé les 22 ou 27 livres de la Bible hébraïque,
1627
SEPTANTE (VERSION DES)
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puis, leur besogne terminée, avaient contrôlé avec '
l'original leur propre traduction, qui s'était trouvée
absolument exacte, ce qui supposait qu'ils avaient
reçu l'inspiration divine. De mensuris et ponderibus,
3, 6, 9-11, 17, t. XLiir, col. 241, 246, 249-256, 265; De
LXX interpretibus, col. 373-376. Le Dialogue de
Timothée et d'Aquila, qu'on rapporte au v siècle, se
rapproche beaucoup de saint Épiphane, quoiqu'il soit
plus précis que lui sur les détails; comme lui, il dit
que les Septante furent enfermés deux à deux en
36 cellules et il fonde leur inspiration divine sur
l'accord de leur traduction. F. Conybeare, The Dialo-
gues of Athanasius and Zachseus and of Timothy and
Aquila, dans Anecdota Oxoniensia, classical séries vm,
Oxford, 1898, p. 90-91. Saint Jérôme a repoussé vivement
la légende des cellules séparées, n'y voyant qu'une inven-
tion mensongère : Nescio quis primus auctor Septua-
ginta cellulas Alexandriss mendacio suo extruxerit qui-
busdivisieademscriptitarent,quumArislœas,ejusdem
Plolemasi ûnspa<T7Ei<jrïj;, et multopost tempore Josephus
nihil taie retulerint : sed in una basilica congregatos
conlulisse scribant, non prophetasse. Aliud est enim
vatem, aliud esse interprètent. Ibi Spirilus ventura
prsedicit, hic eruditio et verborum copia ea qux intel-
ligit transfert. Prmfatio in Pentateuchum, t. xxvm,
col. 150-151. Plus tard, il reproduisit ce texte pour ré-
pondre au bruit calomnieusement répandu qu'il avait ré-
prouvé ce sentiment. Apologia adversus lib. Ruftni, 24,
25, t. xxiii, col. 448, 449.11 n'admettait donc pas l'inspira-
tion des Septante, car dans sa préface au Pentateuque il
ajoute : llli interpretati sunt ante adventum Christi, et
guod nesciebant dubiis protulere sententiis. Aussi
Érasme a-t-il conjecturé avec quelque vraisemblance
que, lorsque dans sa lettre à Domnatianus et à Rogalianus ,
il écrit qu'il n'attribue pas d'erreur aux Septante, qui,
Spiritu Sancto pleni, ea quse vera fuerunt translule-
runt, mais aux copistes, il parlait selon la pensée de ses
correspondants plutôt que selon son sentiment person-
nel. Prxfatio in lib. Parai., t. xxix, col. 402. Il aimait à
faire ressortir les différences du texte hébreu et de la
version grecque. Cf. Epist. LVir, adPammach., 7-11,
t. xxii, col. 572-578; Comment, in 1er., 1. V, c. xxrx,
10, 11, t. xxiv, col. 855, 856, etc. Bien qu'il sût que,
suivant Aristée, Josèphe et tous les Juifs, les Septante
n'avaient traduit que les cinq livres de Moïse, dont le
texte (il l'avait constaté) se rapprochait le plus de
l'hébreu, Liber hebraic. qusest. in Gen., praef.,
t. xxiii, col. 936-937,' il pensait cependant que leur
version comprenait toute la Bible hébraïque, Comment,
in Ezech., 1. II, VI, 12, 13, t. xxv, col.' 55, et il décla-
rait qu'ils ont modifié la traduction du titre du Ps. IX, 1,
quoniam Ptolomeo gentili régi ïnterpretabantur. Tra-
ctatus de Ps. IX, dans Anecdota Maredsolana, Mared-
sous, 1897, t. m b,' p. 26. Une fois néanmoins, il
doute que la version grecque de Michée soit des Sep-
tante ; Si tamen Septuaginta est. Comment, in Mich.,
I, c, h, 9, 10, t. xxv, col. 1171. Saint Augustin
admettait l'inspiration des Septante, malgré le désac-
cord de leur texte d'avec l'hébreu. De Civitate Dei,
xvin, 42, 43, t. xli, col. 602-604. Cette inspiration résul-
tait de la tradition des cellules, ut fertur; tradition
qui n'était pas indigne de foi; elle n'était pourtant
pas certaine, puisque Aristée disait que les traducteurs
s'étaient concertés. De doctrina christiana, 1. II, c. xv,
t. xxxiv, col. 46. Ailleurs, il fonde cette inspiration sur
leur admirable fidélité de traduction. Enar. in Ps.
Lxxxvn, 10, t. xxxvil, col. 1115-1116. Ébranlé par les
raisons de saint Jérôme, il se borne à reconnaître aux
Septante la plus grande autorité. Epist., xxvm, ad
Hieronymum, II, 2, t. xxxiii, col. 112. Saint Chrysos-
tome savait que Ptolémée Philadelphe a fait traduire
en grec toute la Bible hébraïque, et qu'il a déposé
cette version dans le temple de Sérapis. Adversus
Judseos, i, 6, t. xlviii, col. 851 ; In Gen., c. i, homil. rv,
4, t. un, col. 42; De prophetiarum obscuritate, n,
2, t. lvi, col. 178. Il n'a jamais dit un mot de
l'inspiration des Septante, et il reconnaissait seulement
à leur œuvre l'autorité de traducteurs dignes de foi.
In Matth., homil. v, 2, t. lvii, col. 57. Théodore de
Mopsueste, In Soph., i, 4-6, t. lxvi, col. 452-453, et
saint Cyrille d'Alexandrie, Adversus Julianum, 1. I,
t. lxxvi, col. 521, 524, résument les données de la
Lettre d'Aristée, et par conséquent ne parlent pas de
l'inspiration des Septante. Théodoret croyait à cette
inspiration, InPsalmos, praef., t. lxxx, col. 864, comme
saint Philastre deBrescia, sur la foi de la légende des
cellules. Eser., 142, t. XII, col. 1277-1278. Saint Isidore
de Séville est du même sentiment. Etym., VI, m,
5; iv, 1, 2, t. lxxxii, col. 236; De ecclesiasticis offr-
ais, I, xn, 4, 5, t. lxxxiii, col. 747-748. Le pseudo-
Athanase, Synopsis Scripturœ Sacrée, 77, t. xxvm,
col. 433, admet seulement le fond de la Lettre d'Aristée,
aussi bien que Cosmas Indicopleuste, Topographia
christiana, xn, t. lxxxviii, col. 460. Nicétas d Héraclée,
Catena, t. lxix, col. 700, est renseigné par Philon et
le pseudo-Justin, il connaît les deux traditions de la
réunion des Septante dans un palais et de leur isole-
ment dans des cellules séparées. Saint Julien de Tolède,
De comprobatione setatis sexti, m, 16, t. xcvi,
col. 576-578, suit le sentiment de saint Épiphane et de
saint Augustin. Raban-Maur, De universo, v, 4,
t. cxi, col. 121-122, ne parle des cellules distinctes que
sur l'affirmation de quelques-uns (ut quidem asserunt).
Rémi de Saint-Germain, Enarratio in Psalmos,
t. cxxxi, col. 143, et Bernon de Reichenau, De varia
psalmorum atque canticorum modulatione, 2,
t. CXLil, col. 1131-1133, rapportent les opinions diver-
gentes de saint Augustin et de saint Jérôme. Jean
Malalas, Chronographia, vin, t. xcvii, col. 309, fait
remonter cette version au règne de Ptolémée Lagus et
dit qu'elle a été faite en 72 jours. Le Chronicon pas-
cale, t. xcii, col. 425, admet les cellules séparées.
Georges le Syncelle joint aux détails de' la Lettre
d'Aristée la mention des 36 cellules et reconnaît l'ins-
piration des traducteurs. Chronographia, édit. Dindorf,
Bonn, 1829, t. i, p. 516-518. George Cedrenus, Hist.
compendium, t. cxxi, col. 325, rapporte que cette ver-
sion a été laite à l'instigation de Démétrius de Phalère
et en 72 jours. Jean Zonaras, Annal., iv, 16, t. cxxxiv,
col. 360-364, a pris ses renseignements dans Josèphe.
Hugues de Saint- Victor, De Scripturis et scriptoribus
sacris, c. ix, t. clxxv, col. 17; Adnotat. elucidatorise
in Pentateuchon, c. I, ibid., col. 31-32; Erudit. didas-
calise, 1. IV, c. v, t. clxxvi, col. 781, se range résolu-
ment du côté de saint Jérôme et répète sa parole que
les Septante n'ont pas été plus inspirés du Saint-
Esprit que Cicéron, lorsqu'il traduisait en latin des
ouvrages grecs. Hugues de Saint-Cher est du même
avis. Opéra omnia in universum V. et N. T., t. i,
p. 308, 309; t. v, p! 2. Au contraire, Vincent de Beau-
vais, Spéculum doctrinale, 1. XVII, c. xl, t. n, col. 1576,
admet l'inspiration des Septante. Galland, Bibliotheca
veterum Patrum, Venise, 1788, t. il, p. 805-824, a
réuni la plupart des témoignages des anciens Pères
sur la version des Septante. Tous croyaient que les
Septante avaient traduit la Bible hébraïque en entier,
et ceux qui admettaient qu'ils avaient travaillé dans
des cellules séparées, attribuaient leur accord merveil-
leux à l'action évidente du Saint-Esprit; aussi plaçaient-
ils les interprètes alexandrins à côté des prophètes et
des apôtres. Au xv" siècle, Denys le Chartreùj réfute
les arguments de saint Jérôme, que Henri de Hesse
avait adoptés, et pense que l'autorité de saint Augustin
est sur ce point supérieure à celle de son contradic-
teur. In Genesim enarratio, 1-3, dans Opéra omnia,
Montreuil, 1896, t. i, p. 5-12. Mais son contemporain,
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Alphonse Tostat, niait l'inspiration des Septante. Au
xvi e siècle, Sixte de Sienne l'admettait, Bibliolheca
sancla, 1. VIII, haer. xm, ainsi que Ange Rocca. Opéra,
t. i, p. 276; t. il, p. 8. Le futur cardinal Sirlet, en 1546,
s'appuyait sur l'autorité de Philon; mais, en 1575,
Bellarmin lui exposait dans une lettre le sentiment
opposé, fondé sur la comparaison critique du texte des
différents livres. H. Hôpfl, Kardinal Wilhelm Sirlets
Annotationen zum Neuen Testament, dans les
Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. xm,
fasc. 2, p. 6, note. Bellarmin avait donc changé d'avis.
Cf. J. delà Servière, La théologie de Bellarmin, Paris,
1908, p. 16. Dans la préface à l'édition romaine de 1587,
Pierre Morin écrivait encore des Septante : Constat
enim eos Interprètes, natione quidem Judseos, doctos
vero grsece, trecentis uno plus annis ante Christi
adventum, cum in Egyplo regnaret Ptolemxus Phi-
ladelphus, Spiritu Sancto plenos sacra Biblia interpré-
tais esse, et de leur version : nimirum quse instinclu
quodanx divinitalis elaborata bono generis humani
prodierit in luceni. D'autres écrivains du même siècle
et du siècle suivant ont maintenu ce sentiment, qui
n'est plus reçu aujourd'hui par personne et qui n'a
jamais été dans l'Église qu'une opinion particulière.
Le Talmud de Babylone, traité Meghilla, i, fol. 9 a,
admet la légende des 72 cellules. Les Samaritains
l'admettent aussi. Voir un extrait de la Chronique
samaritaine, dans Silvestre de Sacy, Chrestomathie
arabe, t. i, p. 347, 348.
Jusqu'au xvi e siècle, la Lettre d'Aristée fut tenue
pour authentique. Louis Vives émit le premier des
doutes dans une note sur le De civitate Dei, xvm, 42,
de saint Augustin, Bâle, 1522. Son sentiment finit par
prédominer. Voir t. i, col. 963-964. Il n'est plus néces-
saire aujourd'hui de prouver l'inauthenticité de cette
Lettre. On sait depuis longtemps que Démétrius n'était
plus en charge sous le règne de Ptolémée Philadelphie;
il avait été banni d'Alexandrie immédiatement après la
mort de Ptolémée Lagus. Voir Hemippus, cité par
Diogène Laerce, v, 78, dans Millier, Fragmenta hist.
grsec., t. m, p. 47. La victoire navale, remportée par
Philadelphe sur Antigone, n'a probablement pas eu
lieu. L'intervention officielle du roi et celle du grand-
prêtre paraissent invraisemblables. La distinction des
tribus n'existait plus depuis la captivité des Juifs à
Babylone. On se demande seulement si la Lettre pseu-
donyme est purement fictive et constitue un roman
historique, ou bien si la fiction ne contient pas quelques
faits réels. Nous nous efforcerons plus loin d'en déga-
ger le fond historique. Il n'est plus nécessaire non
plus de prouver la non-inspiration des Septante. Il
suffit de noter que cette inspiration n'a jamais été
enseignée par l'Église. Elle a été admise par quelques
Pères seulement sur la foi de la légende des cellules
séparées et dans le dessein de justifier contre les Juifs
qui s'appuyaient exclusivement sur la « vérité hé-
braïque », les passages et les leçons, propres à la tra-
duction grecque. Saint Jérôme l'a vivement combattue
et saint Chrysostome n'en a pas parlé. Les modernes la
rejettent avec raison et se rangent au sentiment de
saint Jérôme, suivant lequel les traducteurs grecs ont
été des interprètes et non des prophètes. F. Vigouroux,
Manuel biblique, 12» édit., Paris, 1906, t. i, p. 81-84.
IV. Origine d'après les vraisemblances histo-
riques. — 1° La traduction grecque de la Bible hé-
braïque ne s'est pas faite d'un seul coup, et les divers
livres ont été traduits par divers auteurs et à des
époques différentes. Les interprètes n'ont pas suivi les
mêmes principes de traduction ni employé les mêmes
mots grecs pour rendre les mêmes termes hébraïques.
Le Ps. xvn (héb. xvm) n'est pas traduit dans le psautier
de la même manière qu'au II e livre de SamueL, xxn.
Les passages parallèles qu'on lit dans les Rois ou les
Paralipomènes, dans les Rois ou Jsaïe et Jérémie,
dans les Psaumes et les Paralipomènes, appartiennent
à des versions différentes. Le même terme a été diffé-
remment compris. Les noms divins n'ont pas été ren-
dus de la même façon. Voir Loisy, Histoire critique
du texte et des versions de la Bible, dans L'enseigne-
ment biblique, 1893, p. 21, 143-145. Ainsi encore
d'Pw^b est toujours traduit ^uXtorieiij. dans le Penta-
teuque et le livre de Josué, et àXXô?yXo! dans les autres
livres. nDs est rendu par -Kaaxa dans tous les livres,
sauf les Paralipomènes et Jérémie où il est rendu par
çadlz. >DiN est traduit par êyco s?|it dans les Juges,
Ruth et les Rois et par èyw seul partout ailleurs. T3D
est rendu dix-sept fois par xtv-'px, qui n'est que la
forme grécisée du nom hébreu, et vingt fois par
xi9âpa, une fois par ô'pyava et une autre fois par
6aXTr,pcov. Voir F. Vigouroux, La Sainte Bible poly-
glotte, Paris, 1903, t. iv, p. 644, note 9. Sa: est rendu
ordinairement par vâSXa, dix fois par ^aXtiîptov, deux
fois par ôpyâvov et une fois par ij/aXpid;. lbid., p. 645,
note 5. dh=in est traduit SïjXaxnç ou 8-rp.oi dans le Pen-
tateuque, mais ç&m'ÇovTe;, <pwiri<7wv dans les livres
d'Esdras. n»sn devient àlffiua dans l'Exode et téXsiov
dans le I er livre d'Esdras. bnp est rendu trj'jxyu>ir,
T T
dans les quatre premiers livres de Moïse et dans les
prophètes, mais êxxXï)<jt'a dans le Deutéronome (sauf
une exception) et dans les derniers livres historiques.
Beaucoup d'autres exemples ont été recueillis par
Hody, De Bibliorum lextibus originalibus, versioni-
bus grsecis et latina vulgata, Oxford, 1705, p. 204-217.
Le caractère de la traduction, dans les différents
livres, est très variable, tantôt libre, tantôt littéral à
l'excès et très lourd. Saint Jérôme avait déjà remarqué
que celle du Pentateuque était la plus fidèle. Liber
hebraic. qusest. in Gen., prœf., t. xxm, col. 937. Celle
des autres livres historiques, quoique moins soignée
que la précédente, l'emporte cependant en exactitude
sur celle des livres poétiques. Pour ceux-ci, la traduc-
tion des Proverbes est la meilleure; celle des Psaumes
est trop littérale et peu poétique, quoique suffisante ; celle
de l'Ecclésiaste est parfois inintelligible. On y trouve
ait pour traduire nx. Celle de Job est très médiocre
dans les parties poétiques. Les livres des prophètes
n'ont pas toujours été compris, et la version est obscure.
Origène et saint Jérôme avaient constaté que celle de
Jérémie est fort défectueuse. Celle d'Isaïe présente les
mêmes défauts. Ézéchiel et les petits prophètes sont
mieux interprétés. Daniel était si mal rendu que l'Église
grecque adopta la version de Théodotion pour ce livre.
Voir Trochon, Introduction générale, t. i, p. 372-
375. On n'a pas encore étudié le texte de tous les
livres. Nous indiquerons plus loin les ouvrages pu-
bliés sur chacun d'eux au point de vue de la valeur
critique.
2° La version du Pentateuque. — C'est la plus
ancienne et la seule qu'Aristée, Philon, Josèphe et
tous les Juifs aient attribuée aux Septante. Les cri-
tiques qui tiennent la Lettre d'Aristée pour purement
fictive, n'admettent même pas qu'elle ait été faite sous
le règne de Ptolémée Philadelphe. Gràlz retient seule-
ment des sources helléniques et talmudiques qu'elle a
eu un Ptolémée pour promoteur, et il ne voit que
Ptolémée VI Philométor (180-145 avant Jésus-Christ),
qui ait témoigné un véritable intérêt aux Juifs hellé-
nistes et au judaïsme. Aussi place-t-il la version
grecque du Pentateuque sous ce roi, ami des Juifs.
Histoire des Juifs, trad. Wogu'e, Paris, 1884, t. n,
p. 406-407. Selon lui, Philométor en aurait chargé le
Juif Aristobule. Sinaî et Golgotha, trad. Hess, Paris,
I 1867, p. 81-84. Cf. Jeivish Quarterly Bevieiv, t. ni,
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1632
p. 150-156, où Grâtz prétend que la traduction du
Lev., xxiii, 16, indique une différence d'opinion entre
les Sadducéens et les Pharisiens sur la date de la
Pàque. Voir t. iv, col. 2101. Plus généralement cepen-
dant, on la rapporte au règne de Ptolémée Philadelphe.
Quelques-uns pensent qu'elle avait déjà été commencée
sous Ptolémée Soter, fils de Lagus, parce que quelques
Pères nomment ces rois en parlant des Septante.
Il paraît plus vraisemblable qu'elle a vu le jour sous
Ptolémée Philadelphe. La Lettre d'Aristée la rattache
à ce prince. Or, quels qu'aient été les embellissements-
de la légende, on peut reconnaître au récit d'Aristée
un fond de vérité. En effet, si cette Lettre a été rédigée
vers 200, cinquante ans environ après la mort de Phi-
ladelphe, elle n'aurait guère pu être reçue et se répandre
si tout le contenu en était fictif et si l'époque indi-
quée ne répondait même pas à la réalité. La fiction
sans aucun fondement historique n'aurait eu aucun
succès; il fallait qu'elle gardât au moins quelque vrai-
semblance. Ptolémée Philadelphe aurait été mentionné
dans la Lettre, parce que la version avait été réelle-
ment faite sous son règne. Le Talmud de Jérusalem,
traité Meghilla, I, 9, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi,
p. 213, qui reconnaît que la seule langue étrangère
permise pour la transcription de la Loi est le grec,
parce que, après examen, on a observé que le texte peut
le mieux être traduit en cette langue, ajoute, p. 217-
218, que les sages ont modifié pour le roi Ptolémée
13 passages bibliques : Gen., I, 1, 25, 27; n, 2; xi, 7;
xvin, 12; xlix, 6; Exod., iv, 20; xii, 40; Lev., xi, 6;
Num., xvi, 15; Deut., iv, 9; xvn, 3. La raison de ces
' modifications n'est indiquée que pour le 10« : « Au
lieu du mot lièvre (Lev., xi, 6), dans l'énumération des
animaux impurs, on dit « la bête aux courtes pattes »;
car la mère du roi Ptolémée portait le nom d'Arna-
tha. » On pense que ce nom ressemblait assez à celui
A'amebeth, « lièvre », pour que le roi ait pu s'offenser
de la traduction littérale. M. Wogue y a vu sans raison
suffisante une allusion à Ptolémée Soter, dont la mère
était femme de Lagus (),avùç, lièvre). Histoire de la
Bible et de l'exégèse biblique, Paris, 1881, p. 138-139.
Les traducteurs y ont pu préférer le nom 8a<rjitou;
à XaY<iç par respect pour n'importe quel prince
Lagide.
Il est moins sûr que le désir de Ptolémée Phila-
delphe d'enrichir sa bibliothèque de la traduction de
la législation hébraïque ait été l'occasion de la version
du Pentateuque. Ce désir lui aurait été attribué à
cause de sa magnificence à accroître les collections de
la bibliothèque du Musée, qu'avait fondée Ptolémée
Soter. Tout en admettant la possibilité de ce désir du
roi, Munk ajoutait : « Mais l'origine immédiate de la
version est suffisamment motivée par les besoins reli-
gieux des Juifs d'Egypte. Quoique nous ne sachions
dire de qui elle est émanée, il est certain qu'elle est
l'œuvre d'un ou de plusieurs Juifs d'Egypte, d'éduca-
tion grecque. » Palestine, Paris, 1881, p. 487. Les Juifs,
en effet, étaient fort nombreux alors en Egypte, et
notamment à Alexandrie. Voir t. I, col. 353-354, 355-
356. Ils avaient un temple à Léontopolis, et il leur
importait de posséder dans la seule langue que la plu-
part connaissaient, leur loi qu'ils ne comprenaient
plus en hébreu. La traduction grecque du Pentateuque
a donc été faite par des Juifs alexandrins et pour les
Juifs alexandrins. On eût peut-être difficilement trouvé
à Jérusalem des hommes sachant assez de grec pour
traduire le Pentateuque en cette langue. La version
porte la marque d'une connaissance peu parfaite de
l'hébreu; elle est faite dans l'idiome vulgaire, parlé à
Alexandrie. On y a même relevé des mots d'origine
égyptienne, tels que âyju, Gen., xli, 2, 3; Jer., six, 7;
xôv5-j, Gen., xliv, 2; ïëi«, Lev., xi, 17; Deut., xiv, 16;
p'Wo;, Exod., xxv, 4; xxvi, 1 ; eî6e;, Exod., n, 3, etc.
Mais l'emploi de ces mots ne prouve rien, puisqu'ils
appartenaient à la langue vulgaire, parlée même en
dehors de l'Egypte. Cependant, les traducteurs de la
lettre des Purim dans Esther et du livre de l'Ecclé-
siastique étaient des Juifs palestiniens; mais le der-
nier vivait en Egypte depuis longtemps. Certaines par-
ticularités de la traduction du Pentateuque répondent
aux idées répandues dans le monde hellénique à
l'époque des premiers Ptolémées. Ainsi, les traducteurs
ont atténué les anthropomorphismes. Au lieu de se
repentir d'avoir fait l'homme, Gen., vi, 6, Dieu pense
et réfléchit qu'il l'a créé. Tandis que, dans le texte
hébreu, Moïse prie Dieu de se repentir du mal qu'il
voulait infliger à son peuple et que Dieu s'en repentit
réellement, Exod., xxxii, 12, 14, dans la version
grecque, Moïse lui demande seulement d'avoir pitié
du malheur de ce peuple, et Dieu en a pitié. Au lieu
de voir « la face » de Dieu, Num., xii, 8, on ne voit
que sa « gloire ». On a cru remarquer que les deux
récits de la création avaient été traduits en conformité
avec des idées platoniciennes qu'on retrouve dans Phi-
Ion. La terre était « invisible », Gen., i, 2; Dieu se
reposa de toutes les œuvres qu'il avait commencé à
faire, Gen., n, 3, etc. Trochon, Introduction générale,
t. i, p. 372. Mais cette observation est contestable, et
il est plus probable que la philosophie grecque n'a
pas eu d'influence directe sur les traducteurs de la
Bible. A. Loisy, op. cit., p. 146-149. Cf. Freudenthal,
Are there traces of greek philosophy in the Seplua-
gint? dans Jewish Quarterly Review, 1890, t. n,
p. 205-222. Plusieurs critiques modernes pensent que
les auteurs de cette version n'avaient aucune mission
officielle. D'abord œuvre simplement individuelle, la
traduction grecque du Pentateuque a été bientôt adop-
tée par la communauté juive. M. Nôldeke cependant la
regarde comme l'œuvre de la communauté et comme
le modèle de la traduction des autres livres de l'Ancien
Testament. Histoire littéraire de l'Ancien Testament,
trad. franc., Paris, 1873, p. 359-360.
Le traité Sopherim, c. i, du Talmud de Babylone dit
que chacun des cinq livres de Moïse aurait été traduit
par un traducteur spécial, et on a remarqué que le
même mot hébreu est rendu par des mots grecs diffé-
rents dans plusieurs de ces livres et dans le même livre.
Ainsi il, « étranger », est traduit tantôt par -reiwpa;,
Exod., xii, 19, tantôt par Tipo^/uToc, Exod., xii, 48,
49; Lev., xix, 34. ]>n est simplement transcrit îv, Lev.,
xxiii, 13, mais traduit par jroOç, Lev., xix, 36. rotf est
traduit àvâira-jcrt;, Exod., xxiii, 12, et dàgëa-ca, Exod.,
xxxi, 13, et les deux traductions sont réunies, Exod.,
xvi, 23; xxxi, 15; xxxv, 2; Lev., xvi, 31; xxm, 3;
xxv, 4. Cf. Gràtz, Geschichte der Juden, t. m, p. 620.
Cela prouve seulement que le traducteur, s'il n'y en a
qu'un, n'avait pas de principes arrêtés d'interprétation.
Quoi qu'il en soit et à supposer que la traduction
grecque du Pentateuque n'ait pas été faite sous le
règne de Ptolémée Philadelphe et pour la bibliothèque
de ce roi, elle remonte néanmoins au 111 e siècle. Des
écrivains juifs du II e et du I er siècle s'en sont servis. On
cite l'historien juif Démétrius, qui écrivait sous Pto-
lomée IV (222-204); cf. Schûrer, t. m, p. 350; le
philosophe Aristobule dans son explication de la loi
mosaïque, qui n'était qu'une libre reproduction du
texte du Pentateuque, et le poète juif Ézéchiel qui, à
l'imitation d'Euripide, a composé en vers grecs un
drame sur la sortie d'Egypte, intitulé : 'EÇa-foi-pi-
3° Les autres livres. — Nous manquons de ren-
seignements précis sur la date de la traduction des
autres livres de la Bible hébraïque. Le plus sûr nous
est fourni par le prologue de la version de l'Ecclésias-
tique. En l'an 38 de Ptolémée Évergète, le petit-fils de
Jésus,' étant en Egypte, constata, après un assez long
1633
SEPTANTE (VERSION DES)
1634
séjour, que tous les Livres Saints de la Bible hébraïque
n'étaient pas encore traduits en grec. Il laisse entendre
•que la loi, les prophètes et une partie au moins des
autres livres, c'est-à-dire des hagiographes ou ketûbîm,
avaient déjà passé en cette langue, puisque les étran-
gers mêmes peuvent devenir par leur moyen très
habiles à parler et à écrire, puisque ces livres aussi
présentent une très grande différence, lorsqu'on les
lit dans leur propre langue. Cependant, quelques
livres hébreux, qui contiennent une grande et esti-
mable doctrine, ont été laissés sans traduction. De ce
nombre était l'ouvrage de son aïeul Jésus, qu'il a
pris soin de publier en grec en faveur de ceux qui
veulent s'instruire et apprendre de quelle manière ils
doivent régler leurs mœurs, quand ils ont résolu de
mener une vie conforme à la loi du Seigneur. Ces
•dernières paroles nous apprennent quel mobile pous-
sait les traducteurs israélites à donner leurs Livres
Saints dans une langue étrangère. L'auteur nous
apprend aussi quelles difficultés il a dû vaincre pour
mener son œuvre à bonne fin, surtout relativement au
choix des termes, car les mots hébreux perdent de
leur force, lorsqu'ils sont traduits dans une autre
langue. Il a constaté celte particularité dans la traduc-
tion de la loi, des prophètes et des autres livres, anté-
rieure à celle qu'il a faite du livre de son grand-père.
Puisque ce traducteur écrivait la 38 e année, non de son
âge, mais du règne d'un Ptolémée Évergète, il ne
peut être question que de Ptolémée Évergète II ou
Physcon (170-117) qui seul a régné plus de 38 ans, et
non de Ptolémée III (247-222). Voir t. h, col. 1445;
t.v,col.85^ cf. col. 856. Loin d'être superflue, comme on
le prétendait, la préposition éro après etel est cou-
ramment employée dans les inscriptions de l'époque.
Voir Deissmann, Bibelstudien, Marbourg, 1895, p. 255-
■257. La traduction grecque de l'Ecclésiastique a donc
■été faite en 132. Il en résulte que la version grecque
<le la majeure partie de la Bible hébraïque existait en
132. Les livres qui n'étaient pas encore traduits appar-
tenaient à la série des kefiibim. Or, nous possédons
des renseignements sur la version de quelques-uns
4'entre eux.
Eupolème, qui vivait sous Démétrius Soter (162-150)
et qui écrivait en 158-157, s'est servi de la version
grecque des Paralipomènes, puisqu'il a tiré de II Par.,
ii, 2-15, la correspondance de Salomon avec Hiram,
ainsi que l'a démontré Freudenthal, Alexander Poly-
histor, 1875, p. 119. Cf. Schùrer, t. m, p. 311, 353.
Les deux livres d'Esdras et de Néhémie, qui ont été
longtemps réunis aux Paralipomènes, ont peut-être
été traduits en même temps qu'eux. L'historien Aristée,
qui est antérieur à Polyhistor et qui vivait au plus
tard dans la première moitié du I er siècle, s'est servi
•de la version grecque du livre de Job, dont il connaît
la finale inauthentique. Freudenthal, p. 139; Schûrer,
t. m, p. 311, 357. Selon une note du Codex Alexan-
drinus, le livre de Job aurait été traduit sur la Bible
syriaque. Dans la suscription du texte grec d'Esther,
si, 1 (Vulgate), Lysimaque de Jérusalem est désigné
comme le traducteur de la lettre concernant la fête de
Purim, et la version aurait été apportée à Alexandrie
par le prêtre Dosithée, la 4 e année du règne de Pto-
lémée et de Cléopâtre. On pense généralement que ce
roi est Ptolémée Philométor (181-175), sans que ce soit
absolument certain, voir col. 855, parce que quatre
Ptolémées (V, VI, VII et VIII) ont eu chacun une
femme du nom de Cléopâtre. Quelques critiques
pensent à Ptolémée VIII et placent la traduction
•d'Esther à l'année 114. Willrich, Judaica, Gœttingue,
1900, p. 2, a même voulu y voir, quoique sans
grand fondement, Ptolémée XIV (48-47). Le Psaume
lxxviii (lxxix), 2, est cité en grec. I Mach., vm, 17. Or,
la version grecque du I er livre des Machabées aproba-
DICT. DE LA BIBLE.
blement été faite au I er siècle avant notre ère. On
attribue la traduction du Psautier en grec à la première
moitié du II e siècle.
Il faut noter que la version grecque, dite des Septante,
a compris, dès l'origine, les livres et les parties deutéro-
canoniques, dont le texte primitif était hébreu. Ainsi la
version d'Esther avait les additions de cette nature,
quelle qu'en soit d'ailleurs la provenance. Les fragments
de Daniel sont écrits en grec dans la même langue que
la version du livre protocanonique. C'est donc vrai-
semblablement le même interprète qui a traduit le
tout vers le milieu du n« siècle avant notre ère.
A. Bludau, De alexandrinse interpretationis libri
Daniel indole critica et hemieneutica, Munster, 1891,
p. 5; Die alexandrinische Ubersetzung des Bûches
Daniel, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 8. La version de
Jérémie était complétée par celle du livre de Baruch
et de la Lettre' de Jérémie. Il y a une allusion à cette
Lettre, Baruch, vi, dans II Mach., n, 2, 3. Notre III e
livre d'Esdras, qui est apocryphe, est le [ ,r de ce nom
dans la Bible grecque.
Cette Bible existait dans son entier au v siècle avant
notre ère. Elle a été utilisée dans la partie juive des Ora-
cles sybillins. Philon, qui vivait à cette époque, se servait
de la version grecque des Livres Saints, quoique
L. Cohn en ait douté, Neue Jahrbùcher fur dos klass.
Alterthum, 1898, t. i, p. 521 sq., et il en a cité de nom-
breux passages. On n'a relevé dans ses œuvres aucune
citation de Ruth, de l'Ecclésiaste, du Cantique, d'Esther,
des Lamentations, d'Ézéchiel et de Daniel. C. F. Hor-
nemann, Spécimen exercitationum criticarum in
versionem LXX interpretum ex Philone, Gœttingue,
1773; C. Siegfried, Philo und der ûberlieferte Text
der LXX, dans Zeitschrift fur wissenchaftliche Théo-
logie, 1873, p. 217 sq.,411 sq., 522 sq.; Ryle, Philo and
Holy Scripture, Londres, 1895, p. xxxi-xxxii. Mais ces
livres existaient alors en grec : Ruth était joint aux
Juges, et les Lamentations à Jérémie. De ce que Philon
ne les a pas cités, on ne peut pas conclure qu'ils
n'étaient pas encore traduits en grec, pas plus qu'il
n'en résulte qu'ils n'étaient pas alors reconnus comme
sacrés et canoniques. Les écrivains du Nouveau Tes-
tament citent souvent les livres de la Bible hébraïque
d'après la version grecque, sauf Esdras, Néhémie,
Esther, l'Ecclésiaste, le Cantique et quelques petits
prophètes, qu'ils n'ont pas eu l'occasion de citer. Il
faut en conclure que la version grecque circulait
parmi les Juifs de Palestine. Voir plus loin. Josèphe a
connu cette version et s'en est servi; il ne nous a
malheureusement rien transmis sur son contenu ni
sur son origine, en dehors de la Lettre d'Aristée.
Spittler, De usu versionis alexandrinse apud Jose-
phum, Gœttingue, 1779; Scharsenberg, De Josephi et
versionis alexandrinse consensu, Leipzig, 1780; A. Mez,
Die Bibel des Josephus untersucht fur Buch V-VIII
der Archàologia, Bâle, 1895. Cf. Swete, op. cit.,
p. 369-380.
V. Langue. — Tout le monde admet que la traduc-
tion grecque de la Bible hébraïque a été faite dans le
grec vulgaire ou la xoivri SiàXExto;, et elle apparaît à
l'époque où cette langue domine dans le bassin de la
Méditerranée. Nous n'aurions pas à revenir sur l'ori-
gine et les caractères de cette langue, qui ont été
exposés à l'article Grec biblique, t. m, col. 315-319,
si depuis la publication de cet article on n'avait
émis sur sa nature, à la suite de la découverte de
nombreux papyrus grecs, des considérations nouvelles,
qu'il est nécessaire d'indiquer au moins sommairement
ici.
On a voulu souvent faire du grec dans lequel l'Ancien
Testament a été écrit un idiome particulier, qu'on
qualifiait ou bien d'idiome hellénistique (grec de
synagogue, disait Richard Simon; grec judaïque, a-t-
V. - 52
1635
SEPTANTE (VERSION DES)
1636
on dit depuis), ou bien de grec biblique, différencié
par quelques-uns en grec des Septante et en grec du
Nouveau Testament, et étendu par d'autres jusqu'au
grec chrétien ou même ecclésiastique. Le grec des
Septante est pour M. Viteau, t. m, col. 316, « le grec
hébraïsant tel qu'on le parlait à Alexandrie au sein
de la communauté juive; » c'est le grec vulgaire d'Alex-
andrie avec « un énorme mélange d'hébraïsmes. » Pour
M. Swete, An Introduction lo the Old Testament in
greek, p. 9, c'est le patois des rues et des marchés
d'Alexandrie, coloré de sémitismes et d'hébraïsmes sur
les lèvres de la colonie juive. M. Deissmann rejette à
bon droit toutes ces qualifications et il ne retient que
celle de grec hellénistique. Realencyclopâdie fûrpro-
testantische Théologie und Kirche, 3« édit., t. vu,
p. 627-639. Le grec des Septante n'est, à ses yeux, que
le grec vulgaire avec ses particularités propres, à peu
près sans hébraïsmes. Son argument est la ressem-
blance parfaite de la langue de cette version avec celle
des papyrus et des inscriptions de la même époque au
double point de vue phonétique et morphologique.
C'est la xoivï| toute pure du temps. Des mots, qui pas-
saient pour uniquement bibliques, ont été retrouvés
dans les papyrus ou les ostraka. Cf. Deissmann, Bibel-
studien, p. 76-168; Neue Bibelstudien, Marbourg, 1897,
p. 22-95; Licht vont Osten, Tubingue, 1908, p. 45-95.
Voir t. iv, col. 2092-2093. La syntaxe des Septante, qui
n'a pas son équivalent dans les papyrus, semblerait
justifier, de prime abord, l'existence d'une langue
spéciale, du grec hébraïsant. Deissmann remarque
que cette particularité de syntaxe provient de ce que
les Septante sont une version et que leur langue est
un grec de traduction de livres hébraïques. Le
IV e livre des Machabées, les Épîtres de saint Paul, la
Lettre d'Aristée, les écrits de Philon, toutes œuvres
d'écrivains juifs, sont écrits dans le grec vulgaire, et
non dans le prétendu grec hébraïsant. Le prologue de
l'Ecclésiastique et celui du troisième Évangile sont en
grec vulgaire sans sémitismes. Si les livres, dont ils
sont la préface, ont des hébraïsmes, c'est que l'un est
une traduction d'un ouvrage hébreu et que l'autre
repose sur des sources hébraïques ou araméennes. Les
hébraïsmes de la version des Septante ne sont pas des
hébraïsmes usités dans la langue, mais des hébraïsmes
exceptionnels provenant de la traduction plus ou moins
littérale d'un texte hébraïque. On a donc écarté un
grand nombre de sémitismes qu'on croyait retrouver
dans les Septante, ce ne sont que des vulgarismes, et
on conclut que cette version est un excellent monu-
ment littéraire de la xoivï] SiâXsxToç. Deissmann et
Moulton sont portés à réduire au minimum le nombre
des hébraïsmes; ils ne veulent voir partout que des
vulgarismes. Deissmann, Bibelstudien, p. 61-76. Cette
tendance, peut-être trop rigoureuse, a été combattue
de divers côtés etpour des raisons différentes. Les uns
pensent que les Juifs fort nombreux en Egypte ont
exercé une forte inlluence sur le grec parlé et y ont
introduit de véritables hébraïsmes, qui sont entrés
dans la langue vivante et littéraire. Les autres croient
que, dans l'œuvre même de traduction, il s'est intro-
duit des hébraïsmes, provenant non pas de la traduc-
tion d'un original hébraïque, mais faisant réellement
partie de la langue des traducteurs. Il faudrait donc
reconnaître de réels hébraïsmes dans la version des
Septante, qui ne serait pas un monument de la xocvtj
£[â).ey.toc aussi pur que le grec des papyrus. Cf. Jac-
quier, Histoire des livres du Nouveau Testament,
Paris, 1908, p. 321-334; J. Psichari, Essai sur le grec
de la Septante, dans la Bévue des études juives, avril
1908, p. 161-208. Cependant, G. Schmidt, De Flavii
Josephi elocutione observationes criticse, dans Fleck,
Jahrbùcher Suppl., t. xx (1894), p. 514 sq., n'a trouvé
en Josèphe, qui a traduit ses œuvres de l'hébreu en grec,
qu'un unique hébraïsme, l'emploi de nposTÉOerfai pour
rendre )d>. Quoi qu'il en soit, le nombre de ce qu'on
croyait être des hébraïsmes dans la Bible grecque, doit
être beaucoup réduit.
VI. Histoire du texte. — 1» Diffusion chez les Juifs-
et les chrétiens. — Bien que la traduction grecque de
chacun des livres de la Bible hébraïque, sauf peut-être
celle du Pentateuque, ait été une entreprise privée,
comme cela est évident pour l'Ecclésiastique, cependant
les différents livres, traduits en grec, ne tardèrent pas
à être groupés et à prendre un caractère officiel parmi
les Juifs de langue grecque. Il y eut donc bientôt une-
Bible grecque à l'usage des Juifs hellénistes. Philon,
rapportant l'origine légendaire de la version du Penta-
teuque, insiste beaucoup sur sa conformité avec le texte
hébreu. « Lorsque des Hébreux qui ont appris le grée
ou des Grecs qui ont appris l'hébreu lisent les deux
textes, dit-il, De vita Mosis, II, Paris, 1640, p. 658 sq.,
ilsadmirentces deux éditions et les vénèrent comme deux
sœurs, ou plutôt comme une seule personne. » Il ajoute
que, chaque année, les Juifs faisaient une fête joyeuse-
dans l'île de Pharos en commémoration de la traduc-
tion du Pentateuque par les Septante. Il s'est servi
lui-même, nous l'avons déjà dit, non seulement de la
version grecque des cinq livres de Moïse, mais aussi
de celle de la plupart des autres livres de l'Ancien Tes-
tarnent.Tous les Juifs hellénistes s'en servaient pareille-
ment, et nous avons cité les écrivains qui ont utilisé
le texte grec de différents livres.
Cette version a été aussi connue et employée par des
Juifs palestiniens. Les écrivains inspirés du Nouveau
Testament, qui étaient des Juifs de Palestine, l'ont citée,
en écrivant dans le monde gréco-romain. Plus tard, Jo-
sèphe, qui est un palestinien, croit au récit d'Aristée, sur
l'origine du Pentateuque grec, et se sert de toute la Bible
grecque. Mais Josèphe a hellénisé, et l'usage qu'il fait
de la version grecque ne prouve pas absolument un
usage semblable de la part des Juifs de Palestine. On
a prétendu que le texte grec avait été lu officiellement
dans les synagogues de ce pays: On s'est appuyé sur
un passage du Talmud de Jérusalem, traité Sola, vu,
I, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vu, p. 297, mais il ne
s'agil que de la récitation du Schéma, faite en grec,
àX>i)vi(rc\, à la synagogue de Césarée. D'ailleurs, on y
rappelle qu'à la fête de Purim il est permis aux seuls
particuliers qui ne savent pas l'hébreu, de lire le livre
d'Esther en toute langue étrangère. Cf. traité Meghilla,
II, 1, t. vi, p. 228. L'Épitre aux Hébreux, qui est
adressée à l'Église de Jérusalem et qui cite l'Ancien
Testament grec, montre que la version des Septante
était reconnue en Palestine, au moins parmi les Juifs
palestiniens qui parlaient grec. La légende d'Aristée
a été reçue en Palestine, et les rabbins ont reconnu plus-
tard que les Livres Saints pouvaient être traduits en
grec. Les Juifs palestiniens n'avaient pas de motif de
rejeter la version des Septante, tant qu'elle ne fut pas-
employée par l'Église chrétienne. Ils la tenaient donc-
en estime, bien qu'elle n'eût chez eux aucun caractère
officiel.
En tous cas, il est certain que les Juifs hellénistes
lisaient partout la traduction grecque des Livres
Saints. L'exemple de saint Paul suffirait à le montrer.
Kautzsch, De V. T. locis a Paulo apostolo allegatis r
Leipzig, 1869; Monnet, Les cilations de l'A. T. dan»
les Épîtres de S. Paul, Lausanne, 1874; Vollmer, Die
altlest. Cilate bei Paulus, Fribourg-en-Brisgau, 1895;
F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908,
p. 35-44. Saint Justin affirme cet emploi même dans
les synagogues, Apol., i, 31 ; Dial. cum Tryphone, 72,
t. vi, col. 376,645, aussi bien que l'auteur de la Cohor-
talio ad Grsecos, 13, ibid., col. 268, et que Tertullien,
Apologet., 18, t. i, col. 381 : Judsei, dit ce dernier,
palam lectilant. Des mains des Juifs hellénistes, la
1637
SEPTANTE (VERSION DES)
1638
Bible des Septante passa tout naturellement à celles
des apôtres et des premiers missionnaires de l'Évan-
. gile. C'est à elle que sont empruntées la plupart des
citations de l'Ancien Testament qui sont faites dans le
Nouveau. L. Cappel, Quiestio de locis parallelis V.
et N. T., appendice de la Critica sacra, 1650; Suren-
husius, Loca ex V. in N. T. allegata, Amsterdam,
1713; Rcepe, De V. T. locorumin apost. libris allega-
lione, 1827; Tholuck, Dos Alte Testament im N. T.,
1836; 3 e édit., Hambourg, 1849; Bôhl, Die alltesta-
mentlichen Citate im N. T., Vienne, 1876; Toy, Quo-
, talions in theNew Testament, New- York, 1884; Clemen,
Der Gebrauch des A. T. in den neutest. Schriften,
Gûtersloh, 1895; Swete, An Introduction to the Old
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 381-405; Hiihn,
Die alttestamentl. Citate und Reminiscenzen im
N. T., Tubingue, 1900; Dittmar, Vêtus Testamentum
m Novo, Gœttingue, 1903. Elle fut lue dans les commu-
nautés chrétiennes de langue grecque et elle devint
l'Ancien Testament de l'Église. Sur les citations des
Septante chez les premiers Pères de l'Église, voir
Swete, op. cit., p. 406-432. Plusieurs Pères crurent à
son inspiration, et ils faisaient valoir cette croyance,
commune aux Juifs et à eux, dans la polémique avec
les Juifs qui repoussaient les interprétations chré-
tiennes des prophéties en s'appuyant sur le texte
hébreu. Voir S. Justin, Dial. cwn Tryphone, 68, 71,
84, t. vi, col. 632, 644, 674; S. Irénée, Cont. hœr.,m,
21, n. 1, t. vin, col. 946. Parce qu'elle était en crédit
parmi les chrétiens, la Bible des Septante tomba en
défaveur chez ie3 Juifs. La controverse entre les Juifs
et les chrétiens attira l'attention des premiers sur un
texte que leurs adversaires leur opposaient victorieuse-
ment. Ils remarquèrent ses imperfections et les diffé-
rences qu'il présentait comparativement au texte hé-
breu. Quelques-uns entreprirent des traductions plus
littérales, nommément Aquila et Théodotion, les Juifs
citèrent leur texte aux chrétiens, qui interprétaient
les Septante au sens messianique. Saint Justin, Dial.
cum Tryphone, 71, t. vi, col. 614, et saint Irénée,
Cont. hier., m, 21, t. vu, col. 946, le constatent. Voir
t. i, col. 811, 812. Certains rabbins en vinrent même
à dire que les ténèbres couvrirent le monde pendant
trois jours lorsque les Septante firent leur version
sous le roi Ptolémée, Megilla Taanith, Bâle, 1518, f. 50,
et que le jour où les cinq traducteurs écrivirent la Loi
en grec pour ce prince fut pour Israël un jour aussi
néfaste que le jour où fut fabriqué le veau d'or. Tal-
mud de Babylone, traité Sopherim, c. i.
La diffusion de la version grecque chez les juifs
hellénistes et chez les chrétiens ne fut pas favorable
à la pureté du texte. Les citations, faites par Philon et
par Josèphe, présentent déjà des variantes. Comme il
arrive pour tous les textes fréquemment copiés, la trans-
mission de l'Ancien Testament grec introduisit dans
les copies des altérations involontaires, et probable-
ment même des corrections, faites à dessein par des
lecteurs qui comparaient le grec à l'hébreu, soit en
recourant directement à l'original, soit par l'intermé-
diaire des versions plus littérales d'Aquila, de Théodo-
tion et de Symmaque. On cherchait à rapprocher le
plus possible le grec de l'hébreu ou à rendre clairs les
passages obscurs. C'est à ces causes qu'il faut sans
doute rapporter l'existence de doubles leçons de cer-
tains passages des Septante avant Origène. Les chré-
tiens, d'autre part, pour des raisons analogues, on fait
subir au texte des modifications. Ils ont abandonné, au
moins à partir de saint Irénée, la version de Daniel
pour celle qui est attribuée à Théodotion. Bien plus,
des citations antérieures du texte de Daniel, qui se rap-
prochent plus de Théodotion que des Septante, si elles
n'ont pas été corrigées plus tard par les copistes, ce qui
parait impossible en nombre de cas, proviennent plutôt
d'une version antérieure de Daniel, que Théodotion
n'aurait que retouchée. Cf. A. Bludau, Die alexandri-
nische Ùbersetzung des Bûches Daniel, Fribourg-en-
Brisgau, 1897, p. 8-19; Swete, An Introduction to the
Old Testament in Greek, p. 47-49. On a donc pu parler
avec beaucoup de vraisemblance d'une Bible grecque
de Théodotion, antérieure à Théodotion. Voir Théodo-
tion. Les exemplaires dont se servaient les anciens
Pères, étaient déjà défectueux, et l'usage augmenta les
fautes. Montfaucon, Hexaplorum quse supersunt,
Pat. gr., t. XV, col. 65-68; Grabe, De vitiis LXX
interpretibusante Origenis sevum illatis, Oxford, 1710.
Aussi on sentit à la longue la nécessité de corriger un
texte si altéré et de le ramener le plus possible à sa
pureté première. C'est pourquoi divers essais de cor-
rection furent tentés.
2° Corrections critiques d'Origène, de Lucien et
d'Hésychius. — 1. Recension d'Origène. — C'est pour
corriger le texte des Septante altéré dans les manus-
crits, et le rapprocher le plus possible du texte hébreu,
comme il l'a déclaré lui-même, Episl. ad Africanum,
5, t. xi, col. 60; In Matth., tom. xv, 14, t.xm, col. 1293,
qu'Origène entreprit l'œuvre gigantesque, des Hexaples.
Voir t. m, col. 689-701. Dans la cinquième colonne,
réservée à la version des Septante, il ne s'est pas
borné à reproduire le texte purement et simplement
d'après les meilleurs manuscrits du temps, il y a mar-
qué d'obèles ce que ce texte avait en plus que l'hébreu,
et il y a ajouté les leçons qu'avait en plus le texte
original lui-même, en empruntant la traduction grecque
à la version de Théodotion, qui était la meilleure.
Mais pour qu'on distinguât ces additions, il les avait
fait précéder d'un astérisque et suivre d'un métobèle,
o de façon qu'on puisse les négliger, si l'on veut, et
que, si l'on s'en trouve choqué, on soit libre de les
accepter ou non. » Il adopta, parmi les variantes des
manuscrits grecs, celles qui se rapprochaient le plus
de l'hébreu. Il avait fait aussi des transpositions de
texte, lorsque l'ordre des Septante n'était pas le même
que celui de l'hébreu. Il avait adopté l'ordre du texte
original, suivi par les versions d'Aquila, de Symmaque
et de Théodotion. Il avait donc voulu donner une édi-
tion des Septante aussi conforme que possible au
texte hébreu, dont il disposait, tout en gardant le
texte entier de la version grecque. Des signes critiques,
empruntés aux grammairiens d'Alexandrie, indi-
quaient les différences de l'hébreu et du grec. Au
fond, selon le mot de saint Jérôme, Prsefatio in Par.,
t. xxvin, col. 1325, Origène a eu l'audace de mêler les
leçons de Théodotion, représentant le texte hébreu,
aux leçons des Septante. Son travail altérait le texte
grec, et préparait pour l'avenir, en raison des modifi-
cations des signes critiques, des altérations plus grandes
encore.
La recension hexaplaire des Septante ne se répandit
qu'à la fin du m e siècle. Le martyr Pamphile et Eusèbe,
évèque de Césarée, firent copier la cinquième colonne
des Hexaples qui contenait le texte des Septante avec
les signes critiques. Ils y joignirent des notes ou scolies,
qu'ils empruntaient aux Hexaples et dont quelques-
unes ont été reproduites dans des manuscrits posté-
rieurs. Ces copies furent reçues dans les églbes de
Palestine, au témoignage de saint Jérôme, lbid. Elles
y étaient lues à la fin du IV e siècle. Elles constituèrent
une recension des Septante, qu'on appelle hexaplaire,
pour la distinguer du texte antérieurement reçu, dit
la xotvr„ l'édition vulgate ou anté-hexaplaire. Les
témoins de celte recension se trouvent dans les citations
bibliques faites par les écrivains ecclésiastiques de
Palestine, notamment Eusèbe de Césarée et Procope de
Gaza, cf. E. Lindl, Die Oktateuchcatene des Prokop
von Gaza und die Septuagintaforschung, Munich, 1903,
dans les manuscrits grecs où sont reproduits les asté-
1639
SEPTANTE (VERSION DES)
1640
ristiques et les obèles (onciaux : le Sarravianus G, pour
l'O ctateuque, et le Marchalianus Q, pour les prophètes;
cursifs: le Barberinus, pour les prophètes (Holmes 86),
et le Chisianus (Holmes 88), pour les grands prophètes,
dans la version syro-hexaplaire, de Paul de Telia, cal-
quée sur le texte d'Origène, enfin dans les citations la-
tines des Septante que saint Jérôme a faites dans ses
commentaires et dans ses travaux sur Job et le Psau-
tier de l'ancienne Italique. Voir Vêtus Testamentum
grsece codicis Sarraviani Colbertini quse supersunt in
bibliothecis Leidensi Parisiensi Petropolitana, repro-
duits par la phototypie avec une préface de H. Omont,
in-f», Leyde, 1897; Prophetarum codex grsecus Vatica-
nus 2125, reproduit par héliotypie sous la direction du
P. J. Cozza-Luzi, et avec une introduction de McCeriani,
De codice Macchaliano (publiée séparément), Rome,
1890. Cf. 0. Frocksch, Studien zur Geschichte der Sep-
tuaginta, 1. Die Propheten, Leipzig, 1910.
2. Recension de Lucien. — Du temps de saint
Jérôme, elle était usitée à Constantinople et à Antioche.
Voir t. iv, col. 403407. Voir aussi E. Hautsch, Der
Luciantext des Ockateuch, Berlin, 1910.
3. Recension d'Hésychius.— A la même époque, elle
était reçueà Alexandrie et en Egypte. Voir t.m,col.665-667.
3° Manuscrits. — Des notions générales sur les ma-
nuscrits des Septante ont été données, t. iv, col. 679-
682. Les principaux ont été déjà ou seront décrits
dans des articles spéciaux. Pour les papyrus, voir t. iv,
col. 2087-2088. Cf. G. Brady, Les papyrus des Septante,
dans la Revue de philologie, oct. 1909, p. 255-264. Sur
l' Alexandrinus, voir t. i, col. 363-364 ; VEphrsetniticus,
t. Il, col. 1872; le Coislianus, col. 829-830; le Cottonia-
nus, col. 1058; le Marchalianus, t. iv, col. 745-746; le
Pelropolitanus, t. v, col . 174. Voir Sinaiticus, Vaticanus.
^Éditions. — 1. Éditions complètes. — a) L'édition
princeps est celle de la Polyglotte de Complule ou
d'Alcala. Voir t. v, col. 516-517.
6) L'édition aldine, bien qu'imprimée après la précé-
dente, parut avant elle. Commencée par Aide Manuce,
elle fut achevée, après la mort de ce dernier (1515),
par son beau-père André Asolanus et parut à Venise au
mois de février 1518 (nouveau style, 1519), en 3 in-f°.
L'éditeur, dans la dédicace au cardinal JEgidius, dit
avoir collectionné beaucoup de manuscrits très anciens,
avec le concours d'hommes très instruits. On ne sait
pas au juste quels sont ces manuscrits. Il est vraisem-
blable qu'on a consulté le manuscrit de Bessarion
conservé à la bibliothèque Saint-Marc de Venise
(Holmes 68), et deux autres manuscrits (II et III) de
la même bibliothèque (Holmes 29 et 121). Le texte se
rapproche de l'édition de Rome plus que celle de Com-
plute. L'édition aldine a été plusieurs fois réimprimée :
par Jean Lonicer, Strasbourg, 1526-1528; avec une pré-
face de Mélanchthon, Bâle, 1545; par H. Guntius, Bâle,
1550, 1582; par DraconiteS, Biblia Pentapla, Witten-
berg, 1562-1565; par F. du Jon (.lunius) ou F. Sylburg,
Francfort, 1597 ; par N. Glycas, Venise, 1687.
c) L'édition la plus importante est celle qui fut pré-
parée à Rome et publiée par l'autorité du pape Sixte V,
en 1587. Le 17 mars 1546, on avait proposé au concile
de Trente, en congrégation générale, les remèdes à
apporter aux abus signalés relativement à l'Écriture
sainte. Ofc, au second abus, qui était la corruption des
manuscrits, on devait obvier, en dehors de la correc-
tion de la Vulgate latine, curando etiani ut unum co-
dicem grœcurn, unumgue hebrœum, quod fieri potest,
correctum habeat Ecclesia sancta Dei. A la congréga-
tion générale du 1 er avril, le cardinal Polus demanda
que le concile approuvât un texte hébreu et un texte
grec, ut omnibus Ecclesiis consulatur. Quand on
passa aux votes, la plupart des Pères exclurent la cor-
rection des textes hébreu et grec et ne votèrent qu'une
édition corrigée de la Vulgate. A. Theiner, Acta au-
thentica SS. œcumenici concilii Tridentini, Agram
(1874), t. i, p. 65, 83. L'idée du cardinal Polus devait
cependant être réalisée au moins pour le texte grec de
l'Ancien Testament. On ne s'occupa que de la Vulgate
jusqu'au pontificat de Grégoire XIII. En 1578, le car-
dinal de Montalte, qui devait être bientôt après le pape
Sixte V, suggéra à son prédécesseur le projet d'éditer
la Bible des Septante. Une commission comptant Pierre
Morin, Antoine Agellius, Emmanuel Sa, Flaminius No-
bilius, fut nommée sur les conseils du cardinal Sirlet,
et eut pour président le cardinal Carafa, préfet de la
bibliothèque Vaticane. Celui-ci fit rechercher les manus-
crits des plus célèbres bibliothèques de l'Italie et en
relever les variantes. Ces variantes, comparées avec le
Vaticanus B, permirent de constater que son texte,
d'accord d'ailleurs avec les citations bibliques des
anciens écrivains ecclésiastiques (voir les manuscrits
1232, 1244 du fonds grec à la Vaticane), était le meilleur
texte des Septante. On résolut donc de l'éditer, sinon
mot à mot, du moins après l'avoir complété et corrigé,
en l'accompagnant de notes. Deux autres manuscrits,
au témoignage de Pierre Morin, furent utilisés : un
oncial, provenant de Venise et ayant appartenu à la
bibliothèque du cardinal Bessarion; un autre, venu
de la Grande-Grèce et appartenant alors au cardinal
Carafa. Ce dernier a passé à la bibliothèque Vaticane
avec tous les manuscrits de Carafa; il est conservé sous
le n» 1238. Cf. Bulletin critique, 1889, t. x, p. 113-114.
On disposa encore des collations tirées de deux ma-
nuscrits de la bibliothèque des Médicis à Florence
(Mediceus, X, 8, sur les prophètes; V, 38, sur le Pen-
tateuque). Elles sont conservées au Vatican, fonds grec,
1242, 1244, 1241, t. II. Les premiers manuscrits ser-
virent à combler les lacunes du Vaticanus B et à corri-
ger les fautes du copiste et les passages suspects d'er-
reur; on ne tint pas compte des corrections manuscrites
faites par d'autres mains que la première. Selon Nestlé,
Septuagintastudien, I, p. 9; n, p. 12, les 46 premiers
chapitres de la Genèse auraient été suppléés d'après le
Chisianus R, vi, 38 (Holmes 19). Des notes tirées des
manuscrits et de leurs scholies, indiquaient les princi-
pales variantes anciennes, ou justifiaient les leçons
adoptées, ou expliquaient les passages obscurs. Les
livres étaient disposés dans l'ordre même du Vatica-
nus B; on y avait introduit cependant la division
moderne des chapitres, mais non celle des versets.
Le cardinal de Montalte put sanctionner de l'autorité
pontificale, dont il était revêtu sous le nom de Sixte V,
l'édition des Septante dont il avait suggéré le dessein,
huit ans plus tôt à Grégoire XIII. Le 8 octobre 1586,
en la seconde année de son pontificat, il publiait ce
décret : Cupientes, quantum in nobis est, commissi
nobis gregis saluti quacumque ratione ac via pros-
picere, ad pastoralem nostram curam pertinere vehe-
menter arbitramur Sacrée Scripturse libros, quibus
salutaris doctrina continelur, ab omnibus maculis
enipurgatos integros purosque pervulgari. Après avoir
résumé les phases principales de l'exécution de cette
édition, il concluait : Volumus et sancimus ad Dei
gloriam et Ecclesise utililatem, ut Vêtus Grœcurn Te-
stamentum juxta Septuaginta ita recognitum et expo-
litum ab omnibus recipiatur ac retineatur, quo potis-
simumad Latinsevulgatse edilionis et veterum sancto-
rum Patrum intelligentiam utantur. Prohibentes ne
quis de hac nova Grseca editione audeat in posterum
vel addendo vel demendo quicquam immutare. Si quis
autem aliter fecerit quam hac nostra sanctione com-
prehensum est, noverit se in Dei omnipotentis beato-
rumque aposlolorum Pétri et Pauli indignationem
incursuruni. L'édition romaine des Septante, sans avoir
l'authenticité doctrinale que le concile de Trente a re-
connue à la Vulgate latine, est donc officielle et elle a
été officiellement présentée au monde catholique par
1641
SEPTANTE (VERSION DES)
1642
Sixte V. Pie IX et Léon XIII ont approuvé de nouvelles
éditions du Vaticanus B; ils ne les ont pas présentées
comme devant servir à l'usage des catholiques comme
Sixte V l'a fait pour Pédilion de 1586.
L'impression fut achevée en 1586, et cette date est
inscrite au frontispice de l'édition. Celle-ci ne fut mise
en circulation que l'année suivante. Le bref du pape,
accordant privilège pour dix ans au libraire Georges
Ferrario, est daté du 9 mai 1587. A la suite des docu-
ments que nous avons analysés, vient le texte grec, qui
remplit 783 pages in-folio, à deux colonnes, avec deux
pages d'additions et de corrections. Le texte du Vati-
canus n'est pas reproduit aussi fidèlement que le dit
Pierre Morin dans la préface; il a été corrigé en un
assez grand nombre de passages. Les éditeurs romains
ne se proposaient pas de faire une édition critique,
comme on l'entend aujourd'hui. Comme ils avaient à
la base de leur travail un excellent manuscrit, ils ont
donné des Septante l'édition qui, sans comparaison, est
la meilleure de toutes celles qui l'ont précédée et suivie
jusqu'au milieu du xix» siècle. Elle est devenue le
textus receptvs de l'Ancien Testament grec.
Elle a été souvent rééditée, par le P. Jean Morin,
Paris, 1628, 1641 ; par R. Daniel, in-4° et in-8°, Londres,
1653; Cambridge, 1653; par B. Walton, dans la Poly-
glotte dejLondres, 1657, voir t. v, col. 522-523; dans une
édition faite à Cambridge, 1665; par J. Leusden, Ams-
terdam, 1683; à Leipzig, 1697 (avec des prolégomènes
de Frick); par L. Bos, Francfort, 1709; par J. Mill,
Amsterdam, 1725; par C. Reineccius, Leipzig, 1730;
à Halle, 1759-1762 (avec une préface de J. G. Kirchner);
par Holmes et Pearsons, Oxford, 1798-1827; à Oxford,
1817 (avec une introduction de J. G. Carpzow); par
F. Valpy, Londres, 1819; dans la Polyglotte de Bagster,
Londres, 1821, 1826, 1831, 1851, 1869, 1878; à Venise,
1822; à Glasgow et à Londres, 1827, 1831; par L. Van
Ess, Leipzig, 1824, 1835, 1855, 1868, 1879, 1887; à
Londres, 1837; par l'abbé Jager, Paris, 1839, 1840,
1848, 1855, 1878, 1882; à Oxford. 1848, 1875; par
Tischendorf, Leipzig, 1850, 1856, 1860, 1869, 1875, 1880.
Beaucoup des premières éditions sont plus défectueuses
que l'édition romaine, parce qu'on n'a pas tenu compté
des errata. Celles de Tischendorf, au contraire, ont été
revues sur le Vaticanus B, dont elles sont des éditions
critiques plutôt que des rééditions de la Bible grecque
de Sixte V. Cf. E. Nestlé, Septuagintastudien, I, 1886;
il, 1896; P. Batiffol, La Vaticane dePaulIll à Paul V,
d'après des documents nouveaux, Paris, 1890, p. 82-94.
d) Édition de Grabe. — Jean- Ernest Grabe prépara
une édition des Septante d'après le codex Alexandri-
nus, qui se trouvait déjà à Londres, maintenant a.u
British Muséum. Elle forma 4 volumes in-fol., dont
Grabe publia lui-même à Oxford le I er , qui contient
l'Octateuque (1707), et le iv e , comprenant les livres
poétiques (1709). Après sa mort (1712), deux de ses
amis, F. Loe et W. Wigah, publièrent les deux autres :
le II e , contenant les livres historiques (1719), et le
III e , les prophètes (1720). L'éditeur reproduit assez
exactement le texte du manuscrit, sauf pour l'ortho-
graphe qui est partout corrigée ainsi que les fautes
de copiste. Il adopte les corrections exécutées sur le
manuscrit, quand elles lui paraissent fondées, sans in-
diquer les leçons primitives. Il s'est, en outre, assez
souvent écarté de son texte, sans aucune explication.
Les lacunes du manuscrit étaient comblées par des
emprunts, faits aux éditions précédentes de Rome ou
de Complute; un caractère particulier signalait les com-
pléments. Afin de reproduire aussi fidèlement que
possible le texte hexaplaire, Grabe, pour imiter Origène,
marquait d'un astérisque les passages qu'il supposait
avoir été ajoutés d'après Théodotion, et d'un obèle
ceux qui manquaient dans l'hébreu. L'édition donne
donc finalement un texte éclectique et mélangé plutôt
qu'ellp n'est la reproduction soignée àe VAlexandrinus.
D'importants prolégomènes, en tête de chaque volume,
indiquent la méthode suivie et les principes critiques
de l'éditeur. L'édition a été reproduite par Breitinger,
4 in-4°, Zurich, 1730-1732, par Reineccius, dans Biblia
sacra quatlrilinguia, Leipzig, 1750-1751 et dans la
Bible grecque, imprimée à Moscou en 1821, par ordre
du Saint-Synode. Enfin, Field l'a prise pour base de
son Vêtus Testamentum grsece juxta LXX interprètes,
Oxford, 1859. Il en a revu le texte non seulement sur
VAlexandrinus, mais aussi d'après d'autres manuscrits,
en sorte que l'édition contient un texte mélangé arbi-
trairement de leçons d'origine différente.
e) Édition de Holmes et de Pearsons. — Elle repro-
duit l'édition sixtine, mais on y a joint en notes les va-
riantes de 207 manuscrits, des éditions antérieures, des
citations dés Pères et des versions anciennes, qui
dérivent des Septante. La préparation de cette œuvre
immense fut commencée en 1788 par Robert Holmes,
professeur à Oxford. Ses notes recueillies de 1789 à
1805, forment 164 volumes, mss. 16455-16617 de la
bibliothèque Bodléenne. La Genèse parut à part en
1798, et la même année, le tome I er , contenant le Pen-
tateuque entier sous le titre général : Vêtus Testa-
mentum grascum cum variis leclionibus. Après la
mort de Holmes (12 novembre 1805), J. Pearsons édita
la suite : t. H, Josué-11 Par., 1810; t. m, II Esd.-Can-
tique, 1823; t. IV, les prophètes, 1827; t. v, I Esd.,
III Mach., 1827, avec la liste des manuscrits collationnés.
Tous ces matériaux ne sont guère utilisables, parce
que les collations ont été faites avec peu de soin et que
leur classement est fort défectueux.
f) Édition de Tischendorf . — Tischendorf se propo-
sait de publier une édition manuelle des Septante, sur
un plan aussi simple que judicieux. Il a pris le texte de
l'édition romaine, mais en le revisant et en corrigeant
les fautes nombreuses, laissées ou introduites dans les
rééditions successives. Il y a joint les variantes de
VAlexandrinus, de V Ephrsemiticus et du Friderico-
Augustanus (partie du Sinaiticus, éditée en 1846).
L'ouvrage parut à Leipzig en 1850, sous le titre: Vêtus
Testamentum grsece juxta LXX interprètes, en 2 in-8°.
Une seconde édition, munie d'une longue introduction
et augmentée du Daniel des Septante d'après l'édition
de 1772, parut en 1856. Deux rééditions suivirent en
1860 et 1869, contenant les variantes du Sinaiticus
entier et des modifications d'après l'édition du Vatica-
nus par le cardinal Mai. La 5 e édition fut publiée en
1875 après la mort de l'auteur. M. Nestlé a revisé la 6 e ,
en 1880, et la 7 e , en 1887, en y ajoutant un Supple-
mentum, édité aussi à part, comparant les divers ma-
nuscrits entre eux.
g) Édition du Swete. — En 1883, M. Swete fut chargé,
sous la direction d'un comité de savants anglais, de pré-
parer une nouvelle édition des Septante d'après un
plan esquissé en 1875 par Scrivener. Elle devait être
fondée sur le texte du Vaticanus complété, et repro-
duire les variantes des principaux manuscrits onciaux.
Elle parut en 4 in-12 à Cambridge, de 1887 à 1894 : The
Old Testament in Greek according to the Sepiuagint.
Une seconde édition revisée a été commencée en 1895 et
terminée en 1900. L'apparatus crilicus est plus déve-
loppé que celui de la première; il contient les variantes
de tous les manuscrits onciaux, d'un nombre considé-
rable de cursifs, choisis parmi différents types de texte,
de l'ancienne Italique, des versions copte, syro-hexa-
plaire et arménienne, des citations de Josèphe, de Phi-
Ion et de beaucoup de Pères. Cf. E. Nestlé, Septuagin-
tastudien, v, Stuttgart, 1907.
MM.Brookeet MacLean ont commencé la publication
d'une grande édition des Septante, dont le titre est :
The Old Testament in Greek according to the Text of
Codex Vaticanus (complété par les autres manuscrits
1643
SEPTANTE (VERSION DES)
1644
onciaux et accompagné de nombreuses variantes). Du
tome i : The Octateuch, il n'a encore paru que Genesis,
in-4», Cambridge, 1906.
2. Éditions partielles. — Nous suivrons l'ordre des
livres de la Bible plutôt que l'ordre des temps. — Genèse.
— G. A. Schumann, Pentateuchus hebraice et grsece,
1829, t. i (comprenant la Genèse seule); P. de Lagarde,
Genesis grsece e fide edilionis Sixtinse addita Scriptu-
ral discrepantia e libris manu scriptis a se collatis et
editionibus Complutensi ac Aldina adcuratissime eno-
tate, Leipzig, 1868 (les manuscrits collationnés sont les
onciaux ADEFGSet les cursifs29, 31, 44, 122, 130, 135).
— Deutéronome. — C. L. F. Hamann, Canticum Moysi
ex Psalterio quadriplici... manu scripto quod Bani-
bergse asservatur, Iéna, 1874. — . Josué. — A. Masius
(Maes), Josuse imperaloris historiie, Anvers, 1574 (avec
les leçons du manuscrit syro-hexaplaire de la biblio-
thèque Ambrosienne de Milan). — Juges. — J. Ussé-
rius (Ussher), Syntagma, 1655, dans Works, t. vu (sur
deux colonnes parallèles, les textes du Yaticanus et de
l'A lexandrinus) ; 0- F. Fritzsche, Liber Judicum se-
cundum LXX interprètes, Zurich, 1867; P. de Lagarde,
Septuaginta-Studien, 1891, t. I (texte desc. i-v, d'après
le Vaticanus et V Alexandrinus) ; A. E. Brooke et N. Mac
Lean, The Book of Judges in Greek, according to the
text of Codex Alexandrinus, Cambridge, 1891. —Rulh.
— Drusius, 1586, 1632; L. Bos, Rulh ex versioneLXX
interpretum secundum exemplar Vaticanum, Iéna,
1788; 0. F. Fritzsche, 'Poi6 r.*zà toÙ; O', Zurich, 1867.
— Psaumes.— Éditions du Psautier grec, Milan, 1481;
Venise, 1486; Venise, avant 1498 (Aide Manuce); Pel-
licanus, Hieronymi opéra, Bâle, 1516, t. viJi; Justi-
nianus, Octaplum Psalterium, Gènes, 1516; J.Potken,
Psalterium in ivlinguis, Cologne, 1518; autres éditions,
1524, 1530 {Psalterium sextuplex), 1533, 1541,1543, 1549,
1557, 1559, 1571, 1584, 1602, 1618, 1627, 1632, 1643, 1678
(de V Alexandrinus), 1737, 1740 (par Bianchini, texte
du Veronensis), 1757, 1825, 1852, 1857, 1879 (en quatre
langues, par E. Nestlé), 1880; Lagarde, Novae psalterii
grseci editionis spécimen, 1887 ; Swete, The Psalms in
Greek according to the LXX with the Canticles, 1889,
1896; Lagarde, Psalterii grseci quinquagena prima,
1892. —Job. — Patrick Young, Catenaof Nicetas, 1657;
Franeker, 1663. — Esther. — J .Ussher, Syntagma, 1655,
dans Works, t. vu (deux textes, dont l'un est le texte
hexaplaire d'après le manuscrit d'Arundel, Holmes93);
2» édit. , Leipzig, 1695; 0. F. Fritzsche, 'E<r8r,p, Zurich,
1848 (deux textes); les parties deutérocanoniques ont
été publiées par lui dans Libri apocryphi V. T. grseci,
Leipzig,1871. — Osée. — J. Philippeaux, Paris, 1636 (les
c. i-iv du Marchalianus) ; D. Parens, Hoseas commen-
tariis illustratus, Heidelberg, 1605. — Amos. — Vater,
Halle, 1810. — Jonas. — S. Munster, 1524, 1543. — Isaïe.
— S. Munster, 1540 (hébreu, grec et latin); J. Curter,
Procopii commenlarii in lesaiam, Paris, 1580 (texte
du Marchalianus). — Jérémie. — S. Munster, 1540;
G. L. Spohn, Jeremias vales e versione Judseàrum
alexandrinorum ac reliquorum interpretum grseco-
rum, Leipzig, 1794; 2« édit., 1824; Kyper, Libri très de
re grammatica hebraicse linguat, Bâle, 1552 (contient
les Lamentations en hébreu, en grec et en latin). —
Ezéchiel. — Vincent de Regibus, ME^exirjX xatà toùç
ÊôSojjt^xovTK ht tûv IVrpauÀtùv 'Qptyévovç, in-f°, Rome,
1840 (œuvre posthume reproduisant le texte grec du
Chisianus avec le texte latin et des notes). — Daniel. —
Le texte de Théodotion a été édité à part par Mélanch-
thon, en 1546, et par Wells, en 1716. Celui des Septante,
d'après le Chisianus, a été préparé par Vincent de Re-
gibus et édité par Simon de Magistris, Daniel secun-
dum LXX ex tetraplis Origenis nunc primum ediius
e singulari Chisiano codice, Rome, 1772. Il a été réé-
dité par Michaelis, Gcettingue, 1773,1774; par Segaar,
V trecht, 1775 ; par Bugati, Milan , 1788 ; par Hahn, Leipzig,
1845, et par Drach, Pat. gr., t. xvi, col. 2767-2928 (où on a
reproduit même [les fautes de l'édition romaine). Cozza
a reproduit plus exactement le Chisianus dans Sacro-
rum Bibliorum vetustissima fragmenta, Rome, 1877,
t. nr. — Deutérocanoniques. — J. A. Fabricius, Liber
Tobias, Judith, Oratio Manasse, Sapientia et Ecclesia-
sticus (grec et latin), Francfort et Leipzig, 1691 ; Franc-
fort, 1694; Leipzig, 1804, 1837; O. F. Fritzsche, Libri
apocryphi V. T. grseci, Leipzig, 1871 ; Reusch, Libel-
lus Tobit e codice Sinaitico, Bonn, 1870; Baruch a été
édité par Kneucker, Leipzig, 1879; D. Hœschel, Sapien-
tia Sirachi seu Ecclesiasticus, Augsbourg, 1604;Linde,
Sententise Jesu Siracidsn ad (idem codicum et versio-
num, Dantzig, 1795; Bretschneider, Liber Jesu Sira-
cidse, Ratisbonne, 1806. Cf. Lelong, Bibliotheca sacra,
édit. Masch, t. H, p. 262; Fabricius, Bibliotheca grseca,'
édit. Harless, t. m, p. 673; Rosenmûller, Handbuch, t. i,
p. 47; Frankel, Vorstudien zu Septuaginta, p. 242;
Swete, An Introduction to the Old Testament in Greek,
p. 171-194.
VIL Valeur critique du texte. — Malgré les nom-
breux travaux de détail dont elle a été déjà l'objet,
la version des Septante n'a pas encore été étudiée en
détail sous le rapport de sa fidélité à rendre le texte
original. Du reste, le travail de comparaison est très
difficile et très délicat. Nous ne pouvons comparer le
texte grec des Septante qu'avec le texte hébreu masso-
rétique. Or, nous ignorons au juste dans quelle mesure
ce texte hébreu reproduit l'original. D'autre part, le texte
grec lui-même a souffert, dans sa transmission, bien
des altérations involontaires et volontaires ; les manus-
crits diffèrent entre eux et ils représentent des éditions
dont le classement et l'étude ne sont pas encore défini-
tifs. Les critiques ne sont pas même complètement
d'accord sur les principes à suivre dans la reconstitu-
tion du texte grec primitif. Il y a donc beaucoup à faire
dans ce travail critique et il est impossible de donner
des conclusions absolument certaines.
Néanmoins, le travail déjà accompli est loin d'avoir
été stérile, et on a multiplié les constatations de diffé-
rences de textes. La comparaison du texte grec avec le
texte hébreu a fait voir de nombreuses divergences tant
dans l'ordre des récits que dans leur sujet lui-même.
Les divergences ne sont pas de même nature dans
tous les livres et elles diffèrent en chacun d'eux. Elles
proviennent ou de l'état des anciens manuscrits hébreux,
qui ne reproduisaient pas le même texte, disposé dans
le même ordre que celui qu'ont fixé les massorètes, ou
des fautes et des erreurs des copistes et même des tra-
ducteurs. Quand on a fait la part des divergences qui
ont cette dernière cause, et cette part est considérable
en quelques livres, il y a encore une somme très
notable de variantes plus ou moins graves : additions,
omissions, transpositions, qui ne sont pas imputables
aux traducteurs, mais qui existaient déjà dans le texte
hébreu qu'ils ont traduit. On ne peut pas dire que, dans
l'ensemble, les manuscrits que ces traducteurs avaient
à leur disposition aient été moins bons que ceux des
massorètes. Pour certains livres et sur des points par-
ticuliers, ils étaient meilleurs. Aussi la version des
Septante, nous l'avons déjà dit, est d'une grande impor-
tance pour l'étude du texte primitif.
1° Différences dans la disposition et l'ordre des
textes. — Swete, op. cit., p. 231-242, les a toutes notéesr
Les plus importantes se trouvent Exod., xxxv-xl;
III Reg., iv-xi, 8; Prov., xxiv-xxxi; Jer., xxv-xli. Pour^
Jérémie, voir t. m, col. 1277-1278, et pour les Proverbes,
t. v, col. 792-793. Elles sont telles qu'il faut en con-
clure que, pour ces passages, les traducteurs grecs
avaient une recension de l'hébreu, différente de celle
qu'ont connue et fixée les massorètes.
2° Différences dans les récils eux-mêmes. — Swete,
op. cit., p. 242-262. Les plus notables se rencontrent
1645
SEPTANTE (VERSION DES)
1646
•dans les livres de Samuel et des Rois et dans celui de
Jérémie. La recension grecque de Samuel et des Rois
offre tantôt un texte plus court, tantôt un texte plus
•développé. Ce texte est plus court dans les récits des
premières relations de Saùl et de David. I Sam., xvm,
>6-xix, 1. L'abbé Paulin Martin a constaté que la recen-
sion grecque présente les faits avec plus de cohérence
■et de vraisemblance que le texte hébreu. De l'origine
du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, 1. 1, p. 67.
Le I er (III e ) livre des Rois contient, au contraire, dans la
version grecque de nombreuses additions, dont il est
•très difficile d'expliquer l'origine. Indépendamment de
la différence de plan, il y a aussi, dans le livre de Jéré-
mie, de nombreuses différences de détails entre le grec
•et l'hébreu, et certaines additions de l'hébreu ressem-
«blent à des interpolations postérieures. Voir t. v, col. 116.
Cf. A. Loisy, Histoire critique du texte et des versions
de la Bible, dans L'enseignement biblique, 1892, p. 110-
126. Le texte grec de Job, tel qu'il était reçu couram-
ment au temps d'Origène, était beaucoup plus court que
ie texte massorétique. Les omissions se remarquent
■surtout dans la seconde partie du livre, dans les passages
les plus difficiles. Tantôt un seul vers a été laissé de
côté, tantôt plusieurs. Origène, Epist. ad Africanum,
4, t. xi, col. 55; S. Jérôme, Prsefatio in Job, t. xxvm,
col. 1080. On admet généralement que le plus grand
nombre des lacunes est imputable au traducteur, qui
abrégeait l'original, soit parce qu'il ne le comprenait
pas, soit pour une autre cause. Cependant, le texte
hébreu a bien pu subir un remaniement postérieure-
ment à la version grecque. Deux additions, le discours
de la femme de Job, après h, 9, et la généalogie du
patriarche, à la fin du livre, après xlii, 17, semblent
être des interpolations faites après coup dans la version
grecque. Voir t. m, col. 1564. Cf. A. Loisy, Le livre de
Job, p. 17-19. Il suffit de rappeler aussi les parties
deutérocanoniques de Daniel et d'Esther. Voir t. n,
col. 1271, 1977,
3° Diversités qui proviennent du fait des traducteurs.
— Elles sont de deux sortes : les unes résultent de la
lecture du texte hébreu qu'ils avaient sous les yeux, les
■autres de leurs principes et de leur méthode d'inter-
prétation.
1. Différences de lecture du texte hébreu. — La
version des Septante représente lé texte hébreu tel qu'il
existait au ni' et au H e siècle avant notre ère. Or, à cette
époque, ce texte était transcrit, non plus en caractères
phéniciens, mais déjà en caractères carrés, d'une façon
continue et sans voyelles. Ces trois circonstances ont
produit.des lectures du texte différentes des leçons mas-
sorétiques. — a) Dans la nouvelle écriture, il était
très facile de confondre certaines consonnes, dont la
forme extérieure était peu distincte. Ainsi 1 aurait
•été lu > : I Reg., H, 29, osôuXjiM (j'y pour py); xn,
■3, âjtoxpiO/]TS xaT'è[io-j (o >;y pour 13 l;>y); Is., xxix,
43, pâmv Se créëovTat (ie (>ns Dnsn» inm pour >nN
Dn*n> >nm); 3 aurait été lu pour 3 et > pour i; I Reg.,
•vi, 20, 8is),6eîv (l3ïb pouriDyb; Jer., xxvi (xlvi), 25,
tôv viiôv aÛTÎjc (H33 pour Wd); I Reg., IV, 10, Tay-
[kxtwv ('bnpour >bn; xxi, 7, Aw^x 6 S-jpoç (>Dixn jnt
pour 'm»n 3NT). L'écriture défective, lorsque i et >
représentaient des voyelles longues, a produit de
semblables erreurs de lecture. Ainsi, I Reg., xn, 8,
■xoà xa-rwxKTEv a-jtoiis (oaiwi pour Di3>c>i); Ps. v, 1,
vmàp if É ; x).7|povof«.o'j<Tïi; (nbnan bs pour nVjjnan ba);
Job, xix, 18, eîc tôv aiûva (a'iy pour ciS'iy); Jer., VI,
23, ut nOp (ws pour wind). Des erreurs de nombres ont
probablement pour cause aussi la confusion de con-
sonnes employées comme chiffres. Ainsi, II(Sam.) Reg..
xxiv, 13, Tpfa ëtti, vient de ce que 5 a été lu pour t.
— 6) L'écriture continue, sans séparation ni intervalle
•entre les mots, a amené une coupe différente des mots
juxtaposés. Ainsi, Gen., xlix, 19, 20, ci-jt<5v xatà uoSaç.
'Ao^ p suppose la lecture : iw*t:n3py au lieu de -wxo:3py ;
Deut., xxvi, 5, Evpiav âuÉ6a).£v dérive de ias> dtn,
alors que le texte massorétique a 13N >din; I Reg., i,
1, iv Nadefg, traduisant 2'ssa, alors qu'on lit dans
l'hébreu dis p; Ps. xlhi (xliv), 5, ô 6îôç uou 6 ivie).-
Xôjjievo;, traduction de msD >nhx, au lieu de ms n>nba;
Jer., xxvi (xlvi), 15, êià ts syjyev âitô <roû 6 r A7ttç,
qui rend Dn d: yvta, tandis que les massorètes ont lu
»]nw tipd; Zach., XI, 7, si; ttiv Xavaav!t»)v, traduc-
tion de U72d\ lu au lieu de ttay \zh. — c) L'absence de
ponctuation a produit des vocalisations différentes des
mêmes consonnes. Ainsi, Gen., xv, II, 101 (ruvexôdioev
aÛToï; suppose nnx 3tfn au lieu de ont* atf»i; Num.,
xvi, 5, èiuaxsitTai rendant if s en la place de -|p3;
I Reg., xn, 2, xa9r l <TO|icu, répondant à >mitf», alors
qu'on lit en hébreu inannj Nahum, m, 8, [lepîSa 'Au[/.(ôv,
• : "t
traduction de ]iDa usa, tandis que la leçon actuelle est
]idn n:d; Is., ix, 8, Oavavov, traduisant 131, au lieu de
T •
131. La différence de vocalisation est encore plus fré-
T T
quente et plus apparente dans les noms propres. Ainsi
MaSian reproduit |hd; BaXaân, nybs; Pojioppa, rn^ay;
XoSoUoyôixop, "ioïVvts; ^auyà, naos; Sâu-irav, llufotf.
••• t : t : t : • : •
Cependant les monuments assyriens établissent que
l'orthographe des noms propres étrangers est en géné-
ral plus exacte dans les Septante que dans le texte
hébreu actuel. La prononciation s'en était sans doute
conservée assez fidèlement dans la tradition, tandis
qu'elle s'était de plus en plus altérée à l'époque des .
massorètes.
2. Différences dérivant du mode et de la méthode
d'interprétation. — Les premiers traducteurs grecs de
la Bible hébraïque étaient en face de graves difficultés
à vaincre. Ils avaient à rendre un original sémitique en
grec, dont le génie était très différent de celui de l'hé-
breu; ils n'avaient pas de précédent ni de tradition in-
terprétative ou exégétique; ils ne savaient peut-être pas
tous l'hébreu d'une façon fort approfondie. D'ailleurs,
ils ne voulaient pas faire une œuvre scientifique; leur
but était d'ordre pratique : ils voulaient faire servir
leur traduction des Livres Saints à l'instruction reli-
gieuse de leurs contemporains. Il en résulte qu'ils n'ont
pas appliqué la même méthode, non seulement dans
des livres différents, mais encore dans le même livre,
traduisant tantôt de la manière la plus servile, tantôt
avec la plus grande liberté. Cependant dans l'ensemble,
la version des Septante est plutôt littérale, quoique
dans une mesure inégale. Leur fidélité au texte, lors-
qu'elle est servile, les a portés à ne pas tenir compte
des règles propres delà langue grecque, et elle explique
ce que Deissmann appelle leurs hébraïstnes de traduc-
tion. Le chapitre I er de la Genèse, par exemple, est tra-
duit très littéralement. >a est rendu ëv tp.oi. I Reg., I,
26. Par excès de littéralité, des sentences entières sont
inintelligibles dans certains livres, tels que le Psautier
et Isaïe. Certains mots hébreux ont été simplement
transcrits, par exemple â).),7)Xov>ià, à(iïiv. D'autres ont
été tantôt transcrits tantôt traduits, parfois dans le
même livre. Ainsi rmya est transcrit 'Apa6â, Deut., I,
7; 11, 8; m, 17; iv, 49; Jos., m, 16; xn, 8, tantôt tra-
duit par èTci 8v<ry.ûv, tpô; Supporte. Deut., 1,1; XI, 30;
Jos., xi, 16. Quelques-unes des transcriptions prouvent
que les traducteurs ignoraient le sens de l'original.
Ainsi Iv xaîç àSapxr)vcîv, Jud-, VIII, 7; àq>:pa>, IV Reg.,
n,14; iràvre; àaapYigiùS éidç ver/aX KeSptôv, Jer., xxxvm
(xxxi), 40.
La littéralité des Septante n'est pas à comparer à celle
d'Aquila. Comme les targumistes, ils ont fait des addi-
tions au texte et quelques omissions; ils ont expliqué
l'original d'après le contexte; ils ont modifié la construc-
tion grammaticale des phrases et parfois le sens de
1647
SEPTANTE (VERSION DES)
1648
certaines métaphores. Leur traduction est donc sou-
vent paraphrastique et quelquefois plus concise que
l'original. Ils ne se sont pas fait scrupule d'introduire
quelques changements dans la personne et le nombre
des pronoms ou des verbes, de substituer l'actif au
passif et réciproquement, lorsqu'ils croyaient mieux
rendre le sens. On leur attribue l'insertion de Ji-fiov
avant les citations. Ils ont suppléé le sujet ou le com-
plément, sous-entendus dans l'hébreu. Gen., xxrx, 9;
xxxiv, 14. Comme exemples de métaphores dont le
sens seul a été retenu, nous pouvons citer aXoYÔç sî[i-.,
traduisant « incirconcis de lèvres », Exod., vi, 12 j
tô xiSuip toû â)iy|j.ou, pour « les eaux d'amertume »,
Num., v, 18; sùyjr) pour exprimer la consécration du
nazaréen, Num., vi, 1 sq. ; àtocrçopoî àv«TÉ),Xiov, pour
« les paupières de l'aurore », Job, m, 9. On a signalé
des euphémismes. Gen., xv, 4; xlix, 10; Deut., xxm,
14, grec, 13; xxvm, 30. Nous avons déjà indiqué la
suppression ou l'atténuation des anthropopathismes
dans le Penlateuque. Il y en a aussi dans Job, l, 9;
n, 2, 3.
L'exégèse de l'époque a influencé la traduction de
quelques passages. Ainsi, Jos., xm, 22, la leçon èv tïj
poicîj s'expliquerait par l'hagadah juive, selon laquelle
Balaam, s'étant élevé dans les airs par un procédé
magique, serait tombé par l'effet des prières de Phineas.
Le titre de roi, attribué aux amis de Job, est emprunté
à la tradition. L'influence de la philosophie grecque
sur les traducteurs est moindre qu'on ne l'a prétendu
quelquefois. La version des Septante est une œuvre
purement juive, et ses auteurs n'auraient été atteints
que très superficiellement par les idées grecques. Les
mots <tu-/*i, vo3;, 9pôv<;<ji<; et autres semblables qu'ils
emploient n'ont pas sous leur plume la même signifi-
cation que dans les écrits des philosophes grecs et
même de Philon. Ils étaient d'ailleurs dans l'usage
courant de l'idiome helléniste dans lequel les traduc-
teurs écrivaient. Ces mots grecs rendent indifférem-
ment le mot ab. La traduction des Septante n'a pas été
dominée par un principe philosophique étranger à la
Bible.
Bien qu'elle soit de valeur inégale, elle est substan-
tiellement fidèle à l'original, même dans ses parties les
plus faibles. Le sens général est toujours conservé, et
les défauts ne portent que sur les détails de l'interpré-
tation. Ce qu'on appelle couramment les contre-sens
des Septante ne sont guère que des imperfections pro-
venant des circonstances historiques dans lesquelles
cette version a été faite. On en a exagéré le nombre et
il en existe de pareilles dans toutes les anciennes tra-
ductions de la Bible, même dans celle de saint Jérôme.
Elles n'empêchent pas que les Septante aient fidèlement
rendu en grec le texte hébraïque de leur époque et
qu'on ne puisse se fier à eux pour la représentation de
ce texte. Cf. Swete, op. cit., p. 315-341.
4» Différences qui sont l'œuvre des copistes. — Les
divergences qui existent entre la version des Septante
et le texte hébreu massorétique ne sont pas toutes im-
putables aux traducteurs ; beaucoup sont le fait des
copistes. Nous avons déjà dit que le texte grec avait été
altéré, dans sa transmission, durant les premiers
siècles de son existence. Les corrections d'Origène, de
Lucien et d'Hésychius, loin d'être utiles à sa pureté,
lui ont plutôt été nuisibles. Les copistes, en effet, ne
se sont pas bornés à reproduire avec plus on moins de
fidélité le texte de chacune de ces recensions; ils ont
mêlé leur texte dans une proportion plus ou moins
grande, en sorte qu'aux corruptions accidentelles sont
venues se joindre des corrections volontaires. Par l'in-
termédiaire des Hexaples ou de la recension hexa-
plaire, des leçons des versions d'Aquila, de Sym-
maque et de Théodotion ont pénétré dans le texte des
Septante. Aucun des manuscrits qui nous sont parvenus
ne reproduit fidèlement le texte dont il est le témoin ;
les altérations de détails y sont nombreuses et c'est le
travail des critiques modernes de les constater et de
les relever. Ces critiques en sont réduits à distinguer
les meilleures copies, à les classer en raison de leur
conformité présumée avec le texte primitif et à exposer
les règles de leur emploi pour reconstituer le mieux
possible l'original. Cf. Swete, op. cit., p. 478497.
En dehors donc des distractions des scribes, des.
fautes de lecture et de transcription, dues à la négli-
gence, à l'étourderie, à la maladresse, il y a, dans les
manuscrits, des additions, des omissions, des transpo-
sitions, qui sont dues à des corrections voulues du.
texte transcrit. Parmi les additions assez étendues, il
faut signaler celles qui ont été empruntées à des pas-
sages parallèles, complétés l'un par l'autre, et celles qui
ont le caractère de gloses explicatives ou de doubles-
traductions. Elles proviennent pour la plupart des
recenseurs et des copistes. Les mots xa-rà févoç r
répétés Gen., i, 11, 12, peuvent bien n'être qu'une
double traduction de Ij'd't. Ta SixoTojMip.aTa aùtûv,
Gen., xv, 11, sont probablement une glose explicative
du mot (TtôjjiaTa. Deux leçons sont réunies, Gen., xxn,13:
Iv çutw aaëk-A. Le traducteur avait simplement trans-
crit l'hébreu : èv o-aëèvc; un correcteur a inséré en
marge ou dans le texte la traduction : èv çutô; un
copiste enfin a réuni les deux. On trouve I Reg., n,
10, une longue addition, qui est une citation libre de
Jérémie. L'interpolation, introduite Ps. xm (xrv), 3,
est formée de différents textes et est due sans doute au
même procédé. Au début du Ps. xxvm (xxix), il y a
une double traduction du même vers hébreu. Chaque
cas particulier doit être spécialement examiné, et la
solution de l'origine de la variante dépend de la com-
paraison des textes.
Aussi, il faut faire suivre ces indications générales
de la liste, rangée par ordre des livres bibliques, des
monographies nombreuses ou des travaux qui ont été
consacrés à l'étude critique et comparative des rapports
du texte des Septante avec l'hébreu massorétique. Les
lecteurs pourront y recourir pour leurs études spé-
ciales. — Pentateuque. — Amersfoordt, Dissertatio-
philologica de variis lectionibus Holmes. Pentateuchi,
1815; L. Hug, De Pentateuchi versione alexandrina
commentatio, Fribourg, 1818; Tôpler, De Pentateuchi
interprétations alexandrinx indole crilica et herme-
neutica, Halle, 1830; J. Thiersch, De Pentateuchi ver-
sione alexandrina libri très, Erlangen, 1841; Frankel,
l, ber den Einfluss der palàstinischen Exégèse auf die-
alexandrinische Hemieneutik, Leipzig, 1851 ; Howorth,
The LXX and Samaritan vers, the Hebrew text of the
Pentateuch, dans Academy, 1894. — Genèse. —
P. de Lagarde, Genesis grsece, 1868; Deutsch, Exe-
getische Analecten :ur Genesisùbersetzung der LXX r
dans Jûd. Litt. Blatt, 1879; Spurrell, Genesis, 2 e édit.,
1898. — Exode. — Selwyn, Notée criticse in versio-
nem Septuagintaviralem, Exod., i-sxrv, 1856. —
Nombres. — Selwyn, Notai criticse... Liber Nume-
rorum, 1857; Howard, Numbers and Deuleronomy
according to the LXX translated into English, 1887 '. —
Deutéronome. — Selwyn, Notse criticse... Liber Deute-
ronomii, 1858; Howard, op. cit.; Driver, Critical and
exegetical Commentary on Deuteronomy, Edimbourg,
1895. — Josué. — J. Hollenberg, Der Charakter der
alex. Ûbersetzung des Bûches Josua und ihr texthriti-
scher Wert, Mors, 1876. — Juges. — Fritzsche, Liber
Judicum secundum LXX interprètes, Zurich, 1867;
Schulte, De restitutione atque indole genuinse ver-
sionis grsece Judicum, 1889; P. de Lagarde, Septuagin-
lastudien, i, Gœttingue, 1891 (Jud., i-v, d'après VAlex-
andrinusel le Vaticanus); Moore, Critical and exege-
tical Commentary on Judges, Edimbourg, 1895. —
Ruth. — Fritzsche, 'Poùe xavà toj; O ', Zurich, 1867. —
1649
SEPTANTE (VERSION DES)
1650
I<* et 11" livres de Samuel ou des Rois. — J.Wellhausen,
Der Text der Bûcher Samuelis untersucht, Gœttingue,
1871; F. H. Woods, The light thrown by the LXX on
the Books of Samuel, dans Sludia biblica, Oxford,
1885, t. i, p. 21-38; Driver, Notes on the hebrew textof
the Books of Samuel, 1890; Steinthal, Zur Geschichle
Sauls und Davids, 1891; Kerber, Syrohexaplarische
Fragmente zu den beiden Samuelisbûcher, dans
Zeiischrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1898
.1. Méritai), La version grecque des livres de Samuel,
Paris, 1898; H. P. Smilh, Critical and exegetical com-
mentary on the Books of Samuel, Edimbourg, 1889.
Voir t. v, col. 1143-1144. — 111' et IV' livres des Rois.
— S. Silberstein, Uber den. Ursprung der im Codex
Alexandrinus und Vaticanus des dritten Kônigsbu-
ches der alexandrinische Ubersetzung ûberlieferlen
Textgeslalt, dans Zeiischrift fur alttestamentliche
Wissenschaft, 1893, p. 1-75; A. Eahlfs, Septuaginta-
Studien. I. Studien zu den Konigsbùchern, Gœttin-
gue, 1904. Voir t. v, col. 1161. — l' T et II» livres des
Paralipomènes, Esdras et Néhémie. — Howorth, The
true LXX version of Chronicles-Ezra-Nehemiah, dans
Academy, 1893; E. Nestlé, Marginalien, 1893, p. 29
sq. — Psaumes. — Sinker, Some remarks on the LXX
version of the Psalms, 1879; Baethgen, Der lext-kri-
tischer Werth deralten Ubersetzung zu den Psalmen,
1882; P. de Lagarde, Psalterii grxci spécimen, 1887;
Psalmorum quinquagena prima, 1892; Jacob, Beitrâge
zu einer Einleitung in die Psalmen, 1896; A. Rahlfs,
Septuaginta-Sludien. II. Der Text des Septuaginta-
Psalters, Gœttingue, 1907. Voir t. v, col. 828. — Pro-
verbes. — P. de Lagarde, Anmerkungen zur griech.
Uebersetzung der Proverbien, Leipzig, 1863; Pinkuss,
Die syrische Ubersetzung der Proverbien... in ihrem
Verhâltniss zu dem Mass. Text, den LXX und dem
Targ. untersucht, dans Zeitschrift fur alttestament-
liche Wissenschaft, 1894. — Cantique. — W. Riedel,
Die Auslegung des Hohenliedes, Leipzig, 1898, p. 105-
109. — Ecclésiaste. — Wright, The book of Koheleth,
1883; Gràtz, Koheleth, 1884; E. Klostermann, De libri
Coheleth versione Alexandrina, Kiel, 1892; Dôllmann,
Ueber die Gr. Ubersetzung des Koheleth, 1892; H. M.
Neile, Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904,
appendix I. — Job. — Kohi, Observationes ad interpret.
gr. et lat. vet. libri Job, 1834; G. Bickell, De indole ac
ralione versionis Alexandrinx in interpretando libro
Jobi, Marbourg, 1862; Der ursprùngliche LXX Text
des Bûches Hio6,dans Zeitschrift fi'tr katholische Théo-
logie, 1886, p. 557-563; Hacht, On Origenis revision
of the Book of Job, dans Essays in biblical greek,
Oxford, 1889; A. Dilltnann, Textkritisches zum Bûche
Ijob, dans Sitzungsberichte der Bei'liner Akademie,
1890, p. 1345-1373; Maude, Die Peschittha zu Hiub
nebsl eineni Anhatig uber ihr Verhâltniss zu LXX
und Targum., 1892; G. Béer, Der Text des Bûches
Riob, 1895; Texlkritische Studien :«m Bûche Job,
dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft,
1896, p. 297-314; 1897, p. 97-122; 1898, p. 257-286. -
Esther. — B. Jacob, Esther bei den LXX, i&id., 1890,
p. 241-298; G. Jahn, Dos Buch Esther nach den LXX,
Leyde, 1901; J. Scheftelowitz, Zur Kritik des grie-
chischen und massoretischen Bûches Esther, dans
Monatschrifl fur Geschichte und Wissenschaft des
Judenthums, t. xlvii (1903), p. 24-37; Willrich,
Esther und Judith, dans Judaica, Gœttingue, 1900,
p. 1-39. — Les douze petits prophètes. — K. A. Vollers,
Das Dodekapropheton der Alexandriner, Berlin, 1880
(Nahum-Malachie), continué dans Zeitschrift fur
alttestamentliche Wissenschaft, 1883, p. 219-272 (intro-
duction, Osée, Amos); 1884, p. 1-20 (Michée, Joël,
Abdias, Jonas); Stekhoven, De alex. Vertaling van
het Dodecapropheton, 1887; L. Treitel, Die alexan-
drinische Ubersetzung des Bûches Hosea, Karlsruhe,
1887; continué dans Monatschrift fur Geschichte und
Wissenschaft des Judenthums, Breslau, 1897, p. 433-
454; Ryssel, Untersuchungen uber den Textgeslalt des
Bûches Micha, 1887; Taylor, The Mass. text and the
ancient versions ofMicah, Londres, 1891; Seydel, Vati-
cinium Obadise ratione habita translationis Alexan-
drinx, 1869; L. Reinke, Zur Kritik der âlteren Ver-
sionen des Proph. Nahums, Munster, 1867; Sinter,
Psalm of Habakkuk, 1890; Lowe, Commentary on
Zechariah, 1882. — Isaïe. — A. Scholz, Die Alexandri-
nische Ubersetzung des Bûches Jesaias, Wurzbourg,
1880; Weiss, Peschittazu Deuterojesaia und ihr Ver-
hâltniss zu Mass. Text, LXX und Targum., 1893;
A. Zillessen, Zur alex. Ubersetzung des Jes. c. 40-66,
dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft,
1902, p. 238-263; Die crux temporum in den griech.
Ubersetzungen des Jes. c. 40-66 und ihren Zeugen,
1903, p. 49-86; R. Ottley, The book of Isaiah according
to the Septuagint. II. Text and notes, Cambridge,.
1906. — Jérêmie. — F. C. Movers, De ulriusque recen-
sions vaticiniorumJeremix.... indole et origine, Ham-
bourg, 1837; J. Wichelhaus, De Jeremise versionis Alex,
indole et auctoritale, Halle, 1847; Schulz,Zte Jeremise
textus hebraici et grseci discrepantia, 1861; A. Scholz,
Der massoret. Text und die LXX Ubersetzung des
Bûches Jeremias, Ratisbonne, 1875; E. Kûhl, Das Ver-
hâltniss der Massora zur Septuaginta im Jeremia,
Halle, 1882; G. C. Workman, The text of Jeremiah or
a critical investigation of the Greek and Hebrew with
the variations in the LXX, Edimbourg, 1889; Coste, Die
Weissagungen in den Propheten Jeremias, 1895; A. W.
Streane, The double textof Jeremiah, Cambridge, 1896;
J. Thackeray, The Greek translation of Jeremiah, dans
Journal oftheologicalstudies, 1903, p. 245-266, 398-411 ;
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p. 578-585; Goldwitzer, Ubersetzung mit Vergleichung
der LXX (Lamentations), 1828. — Ezéchiel. — A. Merx,
Der Werth der LXX fur die Textkritik des A. T. am
Ezéchiel aufgezeigt, dans Jahrbûcher fur protestantis-
che Tlieologie, 1883, p. 65-77; Cornill, Das Buch des
Propheten Ezéchiel, Leipzig, 1886; G. Jahn, Das Buch
EzechielaufGrundderLXX,Leipzig,A$Ç&.— Daniel. —
Hahn, Daniel secundumLXX interprètes, Leipzig, 1845 ;
A. Bludau, De alexandrinx interpretationis Danielis
indole, I, Munster, 1891 ; Die Alexandrinische Uberset-
zung des Bûches Daniel, dans Biblische Studien, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1897, t. n, fasc. 2 et 3; Bevan, The
Book of Daniel, Cambridge, 1892; M. Lôhr, Texlkri-
tische Vorarbeiten zu einer Erklârung des Bûches
Daniel, dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wis-
senschaft, 1895, p. 75-103, 193-225; 1896, p. 17-39;
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Septuagintastudien, III, Stuttgart, 1899 (prière de-
Manassé et Tobie); IV, 1903 (prière de Manassé, Tobie,
Baruch, lettre de Jérémie, IIMach.);M. Lôhr, Alexan-
drinus und Sinaiticus zum Bûche Tobit, dans Zeit-
schrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1900, t. xx,
p. 243-263; A. Schulte, In ivelchem Verhâltnis stehl
der Cod. Alex, zum Cod. Vat. im Bûche Tobias, dans
Biblische Zeitschrift, 1908, t. vi, p. 262-265; B. Niese,
Kritik der beider Makkabâerbûcher, Berlin, 1900. —
Sur les deutérocanoniques, voir Fritzsche, Old Testa-
ment in Greek, t. n et m.
VIII. Bibliographie. — La bibliographie sur les
Septante, si elle était complète, serait immense. Elle
serait, d'ailleurs, peu utile, car beaucoup d'études
anciennes n'ont plus aucune valeur. Nous nous borne-
rons donc à indiquer ici les principaux travaux
d'ensemble, en dehors de ceux qui ont été cités déjà
au cours de l'article. — L. Cappel, Critica sacra, in-
fo, 1651; J. Pearson, Prsefatio parxnetica, 1655;
Ussher, Syntagma, 1655; B. Wallon, Prolegomena,
1651
SEPTANTE (VERSION DES) — SÉPULCRE (SAINT)
1652
Londres, 1657; Hotfinger, Disserlalionum fasciculus,
1660; Isaac Vossius, De LXX interpretibus, La Haye,
1661-1663; J. Morin, Exercitationum biblicarum de
hebrssi grsecique textus sinceritate libri duo, Paris,
1669; B. Simon, Histoire critique du Vieux Testa-
ment, t. h, c. ii-vm, Rotterdam, 1685, p. 186-232; H. Hody,
De Bibliorum textibus originalibus, versionibus
grœcis et latina vulgata, Oxford, 1705; J. G. Carpzov,
Critica sacra V. T., Leipzig, 1728, p. 481-551 ; H. Owen,
Enquiry into the text of the LXX, Londres, 1769 ; Brief
account of the LXX, 1787; J. "White, Letler to the Bis-
hop of London, Oxford, 1779; Fabricius, Bibliotheca
grxca, édit. Harless, 1793, t. m, p. 658; R. Holmes,
Episcopo Dunelmensi epistola, 1795; Prsefatio adPen-
tateuchum, 1798; Schleusner, Opuscula critica, Leip-
zig, 1812; Th. Studer, De versionis Alexandrinse ori-
gine, historia, usu et abusu critico, Berne, 1823;
Grinfield, Apology for the LXX, Londres, 1850;Z.Fran-
kel, Vorstudien zur der LXX, Leipzig, 1841; ÏJber den
Einfluss der palâslinische Exégèse auf die alexandri-
nische Hermeneutik, Leipzig, 1851 ; Uber palâstinische
und alexandrinische Schiftforschung, Breslau, 1854;
Const. Oikonomos,nepiT<T>v 0' Ép(iï|ViuT<5v,4 vol., Athè-
nes, 1844-1849; Churton, On the Influence of the LXX
upon the progress of christianity, 1861 ; C. Tischen-
dorf, Prelegomena, dans Vêtus Teslamentum grsece,
6 e édit., Leipzig, 1880, t. i, p. xiii-lxxviii; Buhl, Kanon
und Text des A. T., Leipzig, 1891, p. 109-150; A. Loisy,
Histoire critique du texte et des versions de la Bible,
dans L'enseignement biblique, Paris, 1893, p. 3-163;
Robertson Smith, Old Testament in theJetvish Church,
2 e édit., 1892; E. Klostermann, Analecta zur Septua-
ginla, Leipzig, 1895; E. Schiirer, Geschichte des jûdi-
schenVolkes imZeitalter Jesu Chrisli, 3 e édit., Leipzig,
1898, t, ni, p. 308-317; B. Swete, An Introduction to
the Old Testament in greek, Cambridge, 1900; 2 e édit.,
1903. — On peut consulter aussi les Introductions
.générales à l'Ancien Testament, qui s'occupent toutes
plus ou moins longuement de la version des Septante.
Nommons seulement parmi les catholiques, Danko,
De sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 157-168; F. Vigou-
roux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. i,
p. 183-199; Ubaldi, Introduclio inSacraniScripturam,
2« édit., Rome, 1882, t. i, p. 535-554; R. Cornely, Intro-
ductio generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 337-375;
C. Trochon, Introduction générale, Paris, 1886, p. 363-
377; C. Chauvin, Leç ons d'introduction générale, Paris,
s. d. (1898), p. 285-313. — On trouvera aussi d'utiles
indications dans les encyclopédies Ihéologiques ou
Dictionnaires de la Bible : Kirchenlexikon, t. xi, p. 147-
159; Realencyclopâdie fur protestantische Théologie
und Kirche, t. m, p. 2-21; Encyclopsedia biblica de
■Cheyne, t. iv, col. 5016-5022; Dictionary of the Bible
de Hastings, t. iv, p. 437-454. E. Mangenot.
SEPTHAI (hébreu : Sabtaï; omis dans les Sep-
tante), lévite contemporain d'Esdras.II Esd., vm, 7.
•Il est appelé Sébéthaï, I Esd., x, 15; Sabathaï, II Esd.,
xi, 16. Voir Sabathaï, col. 1290.
SÉPULCRE (SAINT), tombeau où fut déposé le
corps de Xotre-Seigneur quand il fut descendu de la
croix. Les mots employés par les Évangélistes pour le
désigner sont : u.vr)[iEÏov, Matth., xxvii, 60; xxvm, 8;
Marc, xv, 46; xvi, 2, 3, 5, 8; Luc, xxm, 55; xxiv, 2,
9, 12, 22, 24; Joa., xix, 41, 42; xx, 1, 2, 3, 4, 6, 8, 11;
|ivf,[ia, Luc, xxm, 53; xxiv, 1; t«?o;, Matth., xxvii, 61,
64, 66; xxvm, 1. Son emplacement a été l'objet de
longues discussions, mais on peut dire que jusqu'ici
elles n'ont rien enlevé à l'autorité de l'opinion tradi-
tionnelle. Les découvertes archéologiques sont plutôt
venues donner un appui à celle-ci. Nous ne pouvons
présenter ici qu'un aperçu de la question.
I. Données scripturaires. — Nous savons par saint
Paul, Heb., xiii, 12, que Notre-Seigneur « a souffert hors
de la porte » de la ville, et par saint Jean, xix, 20, que « le
lieu où futcruciGé Jésus était près de la ville. »Or, « au
lieu oùil fut crucifié, il y avaitun jardin, xTj-no;, et dans le
jardin un sépulcre neuf, où personne n'avait encore été
mis. »Joa.,xix, 41. C'est « parce que ce sépulcre étaittout
prés » du Calvaire, « qu'on y déposa le corps du Sauveur,
à cause de la Préparation des Juifs. » Joa., xix, 42. Le
tombeau appartenait à Joseph d'Arimathie. Matth., xxvn,
57; Marc, xv, 42; Luc, xxm, 50-51; Joa., xix, 38. Il
était taillé dans le roc, Matth., xxvn, 60; Marc, xv, 46;
Luc, xxm, 53. Une grosse pierre en ferma l'entrée,
lorsque la dépouille mortelle de Jésus y eut été déposée.
Matth., xxvn, 60; Marc., xv, 46. Elle fut scellée, à la
demande des Juifs. Matth., xxvn, 66. Mais, au jour de
347. — L'édicule du Saint-Sépulcre.
la résurrection, « un ange du Seigneur, étant descendu
du ciel, vint la rouler, àitexj).i<r5v tôv >t'6ov, et s'assit
dessus. » Matth., xxvm, 2; Luc, xxiv, 2; Joa., xx, 1.
Les saintes femmes et les disciples « entrèrent dans le
sépulcre, » qui était ainsi précédé d'une chambre
ouverte. Marc, xvi, 5; Luc, xxiv, 3; Joa., xx, 6. Mais,
pour voir l'endroit où avait été mis le corps du Sauveur,
il fallait se baisser, Joa., xx, 5, 11, ce qui suppose une
porte basse donnant accès au tombeau proprement dit.
Ajoutons que le Calvaire était situé près d'une voie fré-
quentée, d'où l'on apercevait les corps des suppliciés,
et « les passants, branlant la tête, blasphémaient le
Christ. » Matth., xxvn, 39; Marc, xv, 29. Ces détails
précis nous transportent donc en dehors, mais près
d'une des portes de Jérusalem, dans un jardin ou ver-
ger, situé près du Calvaire, et bordé par une colline
rocheuse dans laquelle avait été creusé un sépulcre. Les
dispositions de ce sépulcre répondent bien à celles des
tombes juives en général.
II. Données traditionnelles. — La tradition n'a pu
oublier l'emplacement du saint Tombeau. La foi et
l'amour qui, au lendemain de la Passion, poussaient vers
ce lieu désormais sacré Marie-Madeleine et saint Jean,
1653
SÉPULCRE (SAINT)
1654
ne furent-ils pas aussi forts chez les autres disciples
•du Sauveur, alors même qu'ils n'espéraient plus y
rencontrer le glorieux ressuscité? Le nier serait mécon-
naître une des lois les plus intimes et les plus puis-
santes du cœur humain, le culte du souvenir. Pendant
trois siècles, les chrétiens, tranquilles ou persécutés,
vivant à Jérusalem ou dispersés, ne purent perdre un
un monument qui, depuis Constantin jusqu'à nos jours,
a été l'objet d'une vénération universelle, et que des
théories récentes, plus ou moins spécieuses, n'ont pu
dépouiller de sa gloire.
III. Emplacement. — Le Tombeau de Notre-Seigneur
est enfermé aujourd'hui, comme le Calvaire, dans la
basilique du Saint-Sépulcre. Voir la carte de Jérusalem
348, 349. — Le Calvaire et le Saint-Sépulcre en dehors de la seconde enceinte.
D'après M. Schick, dans Zeitschrift des Deutschen Pal&stina-Vereins, Leipzig, t. vm, 1885, pi. ix.
souvenir qui leur était cher et que transmirent, du
reste, des témoignages non interrompus. La haine même
servit la cause des Lieux Saints, comme le prouve le
monument païen élevé par Hadrien sur le Golgotha et
le Saint-Sépulcre. Pour l'ensemble de ces données
traditionnelles, voir Calvaire, t. h, col. 79. La ruine de
Jérusalem par Titus, la dispersion des juifs et des chré-
tiens, et d'autres objections semblables n'ont pu infirmer
l'autorité de la tradition. Cf. Mac Coll, The site of Gol-
gotha and the Boly Sepulchre, dans Palestine Explo-
ration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1901,
p. 273-299. Le témoignage des siècles a pris corps dans
moderne, t. m, col. 1344. Après avoir décrit son état
actuel, nous verrons s'il répond aux données de l'his-
toire et de l'archéologie.
1° État actuel. — L'édicule qui recouvre aujourd'hui
le saint Tombeau se trouve au centre de la rotonde par
laquelle se termine à l'ouest la basilique du Saint-
Sépulcre; il est à 25 mètres au nord-ouest du Calvaire.
Bâti par les Grecs en 1810, et d'un goût médiocre, il
est de forme rectangulaire à Test, de forme pentago-
nale à l'ouest. Voir fîg. 3i7. Il mesure 8 mètres 25 de
long, sur 5 m ^ de large et 5 m 50 de haut. Revêtu de
marbre blanc et jaune, il est orné à l'extérieur de pilas-
1655
SÉPULCRE (SAINT)
1656
très en pierre calcaire rougeâtre du pays; il est cou-
ronné d'une balustrade en colonnettes massives et
surmonté d'un dôme sphéroïdal supporté par des piliers
carrés. La façade, qui regarde l'orient, est décorée de
quatre colonnes torses. L'intérieur est divisé en deux
parties. La première est la Chapelle de l'Ange, ainsi
appelée parce que ce fut là que l'ange du Seigneur
annonça aux saintes femmes la résurrection du Sauveur.
Matth., xxviii, 2-7; Marc, xvi, 5-7; Luc, xxiv, 4-7; Joa.,
xx, 12-13. Les parois sont ornées de panneaux sculptés
en marbre blanc, de pilastres et de colonnettes. Le
centre est occupé par la Pierre de l'Ange, fragment
de celle qui fermait l'entrée du Saint-Sépulcre, enchâssé
dans un piédestal de marbre. A l'extrémité de cette
première chapelle, une petite porte cintrée, haute de
l m 33 sur m 66 de large, conduit dans la chambre du
saint Tombeau, simple réduit, long de 2° 1 07 sur l m 95
de large, avec des pilastres peu saillants aux quatre
angles. Les parois intérieures sont revêtues de plaques
de marbre blanc qui cachent le rocher. Au-dessus du
pavement, à droite et à la hauteur de m 65, se trouve
la couche funèbre où fut déposé le corps du divin Cru-
cifié. Elle est inhérente à la masse rocheuse, mais le
dessus et le devant sont également masqués par des
dalles de marbre blanc. La voûte a malheureusement
disparu par suite des bouleversements qu'a subis ce
lieu saint; mais le rocher est demeuré sous le revête-
ment de marbre à une hauteur d'environ l m 50 tout
autour de la chambre sépulcrale. Il est sans doute
regrettable que le pèlerin ne puisse contempler de ses
yeux et baiser de ses lèvres le rocher lui-même; mais
la piété, en l'enchâssant ainsi, n'a fait que suivre un
des penchants les plus irrésistibles du cœur pour les
souvenirs qui lui sont chers. Il nous est, du reste, facile
de suivre les transformations que les siècles ont appor-
tées ici et de retrouver dans le monument actuel les
vestiges exacts du passé.
2 e État primitif. — Le Saint-Sépulcre est aujour-
d'hui englobé dans l'intérieur de Jérusalem, mais, à
l'époque de Notre-Seigneur, l'emplacement qu'il occupe
était en dehors des murailles de la ville. La seconde
enceinte, en effet, ne s'étendait pas aussi loin vers le
nord et l'ouest que l'enceinte actuelle, et l'angle qu'elle
faisait laissait sans défense de petites collines entourées
de jardins, de villas et de tombeaux, que de nouveaux
murs enfermèrent quelques années plus tard. Voir
Jérusalem, deuxième enceinte, t. m, col. 1351, et carte
de Jérusalem ancienne, col. 1355. Tout près du rem-
part et de la porte d'Éphraïm, un pli de terrain se
déroulait du nord au sud entre deux petites collines
rocheuses, dans le flanc desquelles s'ouvraient deux
excavations (fig.348 et 349). D'un côté s'élevait le Golgo-
tha, percé d'une grotte, appelée aujourd'hui Chapelle
d'Adam; de l'autre, le rocher dans lequel Joseph d'Ari-
mathie avait fait creuser son tombeau. Le petit vallon-
nement situé entre les deux était le jardin dont parle
saint Jean, xix, 41. A l'extrémité occidentale, le tom-
beau comprenait un vestibule ou salle creusée dans le
rocetjaissée ouverte sur le devant (fig. 350). Au fond de
cet atrium, une entrée très basse donnait accès dans la
chambre sépulcrale, dont la moitié, en largeur, était
occupée par le banc rocheux destiné à recevoir le corps
du défunt. A quelques pas de ce tombeau, s'en trouvait
un autre dont nous parlerons tout à l'heure. De ce point,
le rocher montait assez rapidement vers l'ouest. Signa-
lons enfin tout près du Calvaire, à l'est, une des nom-
breuses citernes qui percent le sol de Jérusalem. C'est
dans celle-ci que furent jetés les instruments de la
Passion, le soir du Vendredi-Saint.
3° Sous Constantin. — Lorsque sainte Hélène vint à
Jérusalem pour découvrir, purifier et restaurer les Lieux
Saints, que l'empereur Hadrien avait cru détruire à
jamais, elle trouva l'emplacement nettement indiqué.
Elle n'eut qu'à déblayer le sol factice qui les recouvrait
pour voir aussitôt apparaître la roche du Golgotha et
celle du Saint-Sépulcre. Cf. Eusèbe, H. E., m, 28;
t. xx, col. 1087. Constantin voulut les enfermer dans
une magnifique basilique. Mais pour cela, il fallait dis-
poser le terrain. Les premiers travaux furent consacrés
au Saint-Sépulcre. Il était difficile de l'enchâsser dans
le marbre sans porter atteinte au rocher dans lequel
il était taillé. Pour l'isoler et en faire un oratoire dis-
tinct, on découpa le flanc de fa colline et on nivela le
sol alentour. Le pic, il faut le dire avec regret, alla trop
loin. Pour donner au monument, avec une certaine
régularité, une forme circulaire ou polygonale, on crut
devoir raser la première grotte, qui servait de vesti-
bule au tombeau. Nous en avons un témoignage impor-
tant dans ces paroles de saint Cyrille, évêque de Jéru-
salem, Catech. xiv, 9, t. xxxm,col. 833 : « L'entrée du
Saint-Sépulcre, dit-il, était taillée dans le rocher
■&*>,..,'.
-*-« l
350. — Coupe du Saint-Sépulcre dans son état primitif.
D'après M. de Vogué, Les Eglises de Terre Sainte, p. 125. !
A, vestibule, restitué d'après les sépulcres de la vallée de Hin-
nom; S, chambre sépulcrale, avec, au fond, l'auge funéraire
ou la banquette et l'arcade supérieure qui est détruite ; a, feuil-
lure où venait se loger la pierre destinée à fermer l'entrée du
tombeau.
comme celle des tombeaux du pays; elle n'est plus
visible depuis que la première grotte a été détruite pour-
les besoins de l'ornementation actuelle. Mais avant que
le sépulcre eût été embelli par une magnificence royale,
il y avait un vestibule devant la porte de pierre. » Il ne
resta plus ainsi que la chambre sépulcrale, c'est-à-dire
la partie du rocher dont la forme générale est indi-
quée, fig. 350, par la ligne ponctuée XY. Ce fut assuré-
ment une modification regrettable. Mais l'étude atten-
tive des lieux actuels et les témoignages anciens nous
montrent parfaitement que nous sommes bien en pos-
session du tombeau de Notre-Seigneur, tombeau ne
renfermant qu'une ouverture funéraire, puisqu'il n'avait
encore servi à personne, Matth., xxvn, 60; Joa.,xix, 41,
et situé près du Golgotha. L'existence du noyau ro-
cheux, aujourd'hui caché à nos yeux par les placages
de marbre, a été constatée dans la suite des âges par
de nombreux et irrécusables témoins. Vers 670, Arculfe
remarquait à l'intérieur du monument les traces des
outils qui avaient creusé le Saint- Sépulcre; il nous dit
que le rocher était blanc, veiné de rouge, sorte de pierre
appelée aujourd'hui dans le pays melki, « pierre royale ».
Arculfe, Relatio de Locis Sanctis, lib. I, cap. IV ;
cf. T. Tobler, ltinei-a Terrse Sonctas, Genève, 1877, t. i,
p. 150. D'autres pèlerins attestent l'avoir vu, aux vin 8 ,.
xn e , xill» et xvi e siècles. Le sol extérieur qui, vers
l'ouest, s'élève de huit ou neuf mètres au-dessus du
sol intérieur de la basilique, indique à peu près le
niveau de la colline primitive, qui fut évidée tout autour
du noyau qu'on voulait garder.
1657
SÉPULCRE (SAINT)
1658
Les préparatifs une fois terminés, on se mit à la
construction de l'édifice, qui comprit trois parties dis-
tinctes, VAnastasis, le Golgotha et le Martyrium, re-
liées entre elles par une série de galeries et d'atriums.
La figure 351 est un essai de reconstitution qui répond
assez bien aux données de l'histoire et permet de
comprendre ce que nous dirons dans la suite. Le saint
Tombeau occupa le centre de VAnastasis. D'après
Eusèbe, De vila Constantini, m, 34, t. xx, col. 1095,
la munificence impériale le décora, comme étant le
point principal, avec des colonnes de prix et des orne-
ments de toute nature. La chambre sépulcrale, dégagée
comme nous l'avons montré, forma un petit édifice
jniCh.ipelle des
^franciscains
PLACE PAVÉeK
Jâs2*''*
■7» •?«»
Echelte
351. — Le Saint-Sépulcre à l'époque byzantine.
D'après La Palestine par des professeurs de N.-D. de France,
in-16, Paris (1904), p. 81. — Noms anciens en majuscules :
ANASTASIS, etc. — Noms modernes en minuscules : chapelle
des Franciscains. — Restes encore visibles — ■ . — Lignes
reconstituées vma El. — Rues actuelles . — A, Ruines
situées dans l'établissement russe. — b, Édicule du Saint-
Sépulcre. — 759, 761. Chiffres indiquant l'altitude en mètres.
séparé, qui fut bien, suivant l'expression de l'évêque
de Césarée, wo-avei toû itavrôç xeoocXtjv, « comme la tête
du tout ». La surface extérieure du rocher reçut à l'oc-
cident la forme polygonale et à l'orient la forme concave
qu'elle conserva jusqu'à l'incendie de 1808. Les parois
furent couvertes de plaques de marbre, et les angles
garnis de colonnes. Voir, pour d'autres détails, Antonin
de Plaisance, De Lotis Sanctis, xvm; cf. T. Tobler,
Itinera Terrée Sanctse, t. i, p. 101 ; S. Silviae Peregri-
natïo, édit. Gamurrini, Rome, 1888, p. 46. Devant l'en-
trée se trouvait la pierre qui servit de porte au Tom-
beau. Cf. S. Cyrille de Jérusalem, Catech. xm, 29,t. xxxm,
col. 820; Antonin, De Lotis Sanctis, xvm, dans
T. Tobler, Itinera, t. i, p. 101. L'Anastasis se terminait
à l'ouest par un hémicycle à trois absidioles, et l'on re-
connaît généralement que cette forme et les dimen-
sions n'ont pas changé dans les diverses restaurations,
et que les vieilles murailles de l'œuvre constantinienne
servent encore de soubassement à la rotonde actuelle.
4° Après l'invasion des Perses (614). — Toutes les
merveilles de la basilique de Constantin disparurent,
l'an 614, sous les coups d'une formidable invasion de
Perses, conduits par Chosroès II. Cependant un moine,
nommé Modeste, abbé du couvent de Saint-Théodore,
entreprit la restauration de l'insigne église. Mais, ne
pouvant couvrir l'ensemble des Lieux Saints d'un mo-
nument semblable au premier, il dut se borner à cons-
truire sur chaque emplacement vénéré un sanctuaire
aux proportions réduites, sauf pour la rotonde, qui
fut refaite sur les mêmes bases. Trois pèlerins des vil",
vm e et IX e siècles, Arculfe (vers 670), saint Willibald
(723-726) et Bernard le Sage (vers 870), nous montrent
352. — Fac-similé du plan d' Arculfe.
A. Église de la Résurrection. — B. Édicule du Saint-Sépulcre.
— G. Église du Golgotha. — K. Église de Sainte-Marie. —
P. Église de l'Invention-de-la-Croix. — a, b, c, autels. —
d, d', autels portant les fragments de la pierre du Sépulcre. —
/, baies.
ce que fut cette reconstruction. Le premier surtout, qui
visita les Lieux Saints quarante ou cinquante ans après
leur restauration, nous en a laissé une description
détaillée, avec un plan assez grossièrement exécuté,
mais néanmoins très important (fig. 352). Quatre églises
distinctes remplacèrent l'édifice de Constantin : celle
de VAnastasis, avec le Saint-Sépulcre; celle du Gol-
gotha; celle de l'Invention-de-la-Croix; celle qui fut
dédiée à la Vierge, au sud, et qui recouvrait probable-
ment la Pierre de l'Onction.
5° Sous Constantin Monomaque. — Les églises
relevées avec tant de peine par Modeste, restées pen-
dant quatre siècles sans grande modification, tombèrent
sous le marteau et la torche du khalife Hakem (1010).
Bientôt cependant on put réparer les ruines. Le plan de
Modeste servit de base pour la restauration; les sanc-
tuaires furent rebâtis séparément; mais, après l'achè-
vement de la grande rotonde, l'argent ayant probable-
ment manqué, les trois autres édifices furent réduits
1659
SÉPULCRE (SAINT)
1660
à la dimension de simples oratoires. C'est ce que cons-
tatèrent les croisés. D'après Guillaume de Tyr, Hïst.
rerum transmarin,., 1. VIII, c. m, t. CCI, col. 408,
l'église de la Résurrection était de forme ronde, et
située sur le versant d'une colline, de telle sorte que la
déclivité du terrain, égalant presque la hauteur des
murs, rendait l'intérieur très sombre. Le toit était fait
de longues poutres élevées dans les airs, assemblées
avec art comme une sorte de couronne dont l'intérieur,
ouvert à l'air libre, laissait entrer dans l'église la
353. — Plan de l'Église du Saint-Sépulcre àl'époque des croisades.
D'après M. de Vogué, avec quelques additions
du P. Germer-Durand, Revue biblique, 1896, p. 327.
A. Anastasis. - B. Édicule du Saint-Sépulcre. — C. Chœur.
— D. Cloches. — E. Baptistère. — F. Parvis. — (j. Golgotha.
— H, M, N, R. Chapelles. — P. Coupole. — Q. Lieu de l'In-
vention de la Sainte-Croix. — n. Escalier de la chapelle de
Sainte-Hélène.
lumière nécessaire; sous cette ouverture était le Tom-
beau du Sauveur. Sur l'état des Lieux Saints avant les
travaux des croisés, cf. Relatio de peregrinatione
Ssewulfi ad Hierosolymam et Terram Sanciam,
Manusc. Corpus Christi coll. Cambridge, n° m, 8;
Michel et Wright, Relations des voyages de Guillaume
de Rubruk, Bernard le Sage et Ssewulf, 237-74; frag-
ment dans le Survey of Western Palestine, Jérusalem,
Londres, 1884, p. 34-38.
6° Sous les croisés. — Le mérite des nouveaux restau-
rateurs fut de mettre de l'unité dans cet ensemble de
constructions relevées avec grande peine de leurs ruines
et simplement reliées entre elles par quelques pans de
murailles. Leur but fut d'enfermer comme dans une
châsse unique les reliquaires que les siècles précédents
avaient si constamment vénérés. Guillaume de Tyr,
Hist. rerum transmar., 1. VIII, c. m, t. CCI, col. 408.
Faisant disparaître, avec l'église de Sainte-Marie ou
l'oratoire de la Pierre de l'Onction, l'abside qui termi-
nait à l'orient la rotonde de la Résurrection, ils cons-
truisirent, dans l'emplacement occupé par la cour, le
transept et le chevet d'une église française duxn e siècle.
Nous ne pouvons en donner la description complète.
Voir fig. 353. Le Saint-Sépulcre subit d'importantes
modifications. La forme ronde, ou plutôt polygonale,
de l'édicule fut conservée; mais le revêtement extérieur
du rocher, composé de beau marbre, fut orné d'une
élégante arcature ogivale, en harmonie avec le chœur,
et entouré de douze colonnettes. Devant la petite porte,,
on construisit un portique carré avec deux entrées :
par l'une on faisait passer ceux qui arrivaient au Tom-
beau, et par l'autre ceux qui en sortaient; en face du
chœur s'ouvrait une troisième porte. Cf. Jean de Wurtz-
bourg, Descriptio Terne Sanctse, c. ix, t. clv,
col. 1080; Ernoul, La citez de Jherusalem, dans les
Itinéraires à Jérusalem, publiés par la Société de
854. — L'édicule du Saint-Sépulcre de 1555 a 1808.
D'après M. de Vogué, Les Églises de Terre Sainte, p. 185.
l'Orient latin, Genève, ISSî, p. 36. La forme du monu-
ment différait peu de la lurine actuelle.
7° Des croisés à nos jours. — Parmi les restaurations
que le Saint-Sépulcre eut à subir après les croisés, la
plus importante est celle de Boniface de Raguse qui,
en 1555, sur l'ordre de Jules III, renouvela presque
entièrement l'édicule. Pour rebâtir plus solidement, il
dut jeter à terre le revêtement extérieur qui tombait
déjà. Alors apparut à ses yeux le Tombeau du Sauveur
taillé dans le rocher. Quand il eut enlevé l'une des
plaques d'albâtre que sainte Hélène avait placées dessus
pour qu'on pût y célébrer le saint sacrifice de la messe,
il contempla « le lieu ineffable dans lequel reposa
pendant trois jours le Fils de l'homme. » Cf. Quares-
mius, Terras Sanctas elucidatio, Venise, 1881, t. Il,
p. 387-388. Il la recouvrit d'une nouvelle table de
marbre, qui subsiste encore aujourd'hui. La forme
qu'il donna au saint monument différa peu de celle
qu'avaient adoptée les croisés. Voir fig. 354. Cette nou-
velle construction dura jusqu'à l'incendie de 1808. C'est
à la suite de ce triste événement que les Grecs crurent '
devoir restaurer le saint édicule, que les flammes
avaient pourtant respecté. Telle est l'origine du monu-
ment dans sa forme actuelle (fig. 355).
IV. Authenticité. — La description que nous venons
de faire est à elle seule une démonstration. Elle prouve
que le Tombeau du Sauveur, malgré les modifications
qu'il a subies avec le temps, est resté le même et qu'il
correspond exactement aux données de l'Écriture et de
l'histoire. Aucun des autres sites où l'on a prétendu
1661
SÉPULCRE (SAINT)
1662
le retrouver ne peut présenter de pareils témoignages.
Nous n'avons pas seulement ici une tradition écrite
ininterrompue; c'est un monument de pierre qui se
dresse comme témoin pendant bientôt seize siècles.L'ar-
chéologie vient ajouter ici le poids de son autorité. Les
découvertes récentes, en effet, nous permettent de relier
le présent au passé et de résoudre certaines difficultés.
Une des grandes objections soulevées contre l'authen-
ticité du Saint Sépulcre est tirée de la direction de la
seconde enceinte, qui, d'après les adversaires, devait
englober le terrain sur lequel s'élève la basilique actuelle.
Le tracé qui a été établi à l'article Jérusalem, t. in,
col. 1359-1363, non sur des raisonnements a priori ou
de simples conjectures, mais sur un examen attentif
La découverte d'anciens murs dans l'établissement
russe (voir Jérusalem, t. m, col. 1361-1363, fig. 252)
s'est complétée depuis 1907 par celle qu'ont amenée
les travaux effectués dans les dépendances du patriar-
cat copte. Ces travaux ont mis à jour le prolongement
de la muraille antique qui est regardée à bon droit
comme la façade de l'atrium constantinien. La nouvelle
section présente les restes d'un grand mur dont la paroi
orientale est en magnifique appareil à refends, très soi-
gné, mais percé de petits trous quadrangulaires, vesti-
ges d'un placage ancien. Une large baie, qui devait être
jadis munie d'une porte à double battant, coupe la mu-
raille; mais certaines particularités anormales font
penser qu'elle y a été pratiquée après coup. Pour en
355.. — L'église actuelle du Saint-Sépulcre. D'après une photographie.
du sol, donne à cette objection une réponse qui, sans
être absolue et définitive, n'en satisfait pas moins les
exigences d'une méthode scientifique. Il laisse parfaite-
ment en dehors de la deuxième muraille le Golgotha et
le Tombeau du Sauveur; il les laisse juste à la proxi-
mité voulue par les données scripturaires. A ceux qui
regarderaient comme un tracé fautif cette ligne brisée
de la seconde enceinte, nous opposerons le témoignage
d'un homme qui joignait à la connaissance du terrain
la science et l'expérience d'un stratégiste : le général
C. W. Wilson remarque contre cette théorie qu' « il y a
en Asie Mineure quelques villes grecques dont les rem-
parts ou sections de murailles sont tout aussi mal tra-
cés d'après nos idées modernes. » Cf. C. W. Wilson,
Golgotha ' and the holy Sepulchre, dans Palestine
Exploration Fund, Quatterly Statenient, 1903,
p. 247, n. 1. Il aurait pu citer aussi, beaucoup mieux
encore, les vieilles cités chananéennes et juives. Il a
tort cependant d'attribuer la même incertitude au sys-
tème topographique qui met les Lieux Saints en dehors
du second mur et à celui qui les enferme dans l'en-
ceinte. Ibid., p. 246. Nous croyons que, présentement,
le premier est de beaucoup le mieux appuyé.
créer, les montants, on avait régularisé les deux bords,
de la brèche en changeant la position de quelques blocs,
en entamant quelques autres plus ou moins profondé-
ment. A quelques mètres plus loin, ver;3 le nord, on a
commencé à déblayer une autre porte moins grande,,
mais qui correspond exactement, comme distance et
dimensions, à celle qu'on avait déjà découverte, au sud,
sur le terrain russe. Nous avons donc là le groupe des
trois baies symétriques qui décoraient la façade de
l'église constantinienne, comme le montre la mosaï-
que de Màdaba (fig. 356). Ainsi aux vestiges des pro-
pylées que nous connaissions déjà viennent s'ajouter
d'autres détails archéologiques qui permettent de recon-
stituer la partie orientale de la basilique de Constantin.
Mais ne peut-on pas aller plus loin et rattacher le
mur dont nous parlons à la seconde enceinte de Jéru-
salem ? Quelques savants le pensent, en particulier le
P. H. Vincent : « On peut, dit-il, faire la démonstra-
tion que le refend du vieux mur qui nous occupe n'est
pas médiéval, pas byzantin à coup sûr, probablement
même pas romain. De ce chef on acquiert le droit de
le raccorder à une construction d'époque juive comme
est le second mur de Jérusalem. » Cf. H. Vincent, r Vn
1663
SÉPULCRE (SAINT)
1664
vestige des édifices de Constantin au Saint-Sépulcre,
dans la Revue biblique, 1907, p. 603; A travers Jérusa-
lem, notes archéologiques, dans la Revue biblique, 1908,
p. 276. Les architectes de Constantin auraient donc
356. — L'église du Saint-Sépulcre sur la mosaïque de Mâdaba.
Ce dessin est détaché du plan de Jérusalem représenté sur la
carte géographique de Mâdaba. Voir Procurateurs romains,
fig. 180. Pris sur l'original en novembre 1897 par C. Mommert
{Die heilige Grabeskirche zu Jérusalem, Leipzig, 1898, fron-
tispice), il reproduit la basilique de Constantin vue de face et
non par derrière comme on la voit sur la mosaïque. L'auteur
de la carte ne pouvait donner qu'une perspective générale du
monument ; elle suffit pour en reconstituer les principales par-
ties. La façade, sans les propylées, présente les trois portes dont
parle Eusèbe, Vita Constantini, ni, 37, t. xx, col. 1097 : riUi
OE Tp£ï? 1ÎÇÔÇ etiïbv ÂytoygVTCC T,XtoV SU OIKVïÉ{L£V0!C, T& lîAl^flï) TÛiv SlffdJ
se?o;i£vii>v u-eSé/ovto, « trois portes équidistantes tournées vers le
soleil levant recevaient la foule de ceux qui entraient ». Le fron-
ton est triangulaire, et le toit, sur la mosaïque, est marqué en
rouge comme celui des autres monuments de la Ville sainte.
Cette première partie figure le Martyrium et le Golgotha (voir
fig. 351). LSAnastasis est parfaitement marquée par la rotonde
qui termine la basilique.
utilisé les restes de la vieille muraille. « Aussi bien,
dit encore le P. H. Vincent, s'ils bâtirent eux-mêmes
cet angle de murailles, pourquoi auraient-ils adopté un
autre mode de construction que dans les parties supé-
rieures? pourquoi l'avoir érigé à grands frais en maté-
riaux magnifiques et d'un travail très fini pour le dis-
simuler ensuite sous un revêtement de métal ou de
marbre ? pourquoi surtout ne l'avoir pas mis dans le
même axe que leur monument? On a dit, il est vrai,
sur ce dernier point, qu'ils avaient voulu mettre
cette façade à l'alignement de la grande colonnade
d'/Elia; mais cela parait vain, car il suffisait alors
de déplacer d'une quantité peu notable l'axe général de
leur édifice. L'orientation en était à peine modifiée et
l'on sait quelle latitude on se donnait en ce temps-là
avec une loi que l'usage a rendue beaucoup plus stricte. »
H. Vincent, La deuxième enceinte de Jérusalem, dans
la Revue biblique, 1902, p. 48.
M. Schick a essayé, dans un double dessin, plan et
élévation, de représenter l'aspect de ce coin de Jéru-
salem au temps de Notre-Seigneur. Cf. Zeitschrift der
Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. vin, 1885,
pi. IX et x. Mais le tracé minutieux du fort qu'il place
en cet endroit relève trop de la conjecture, au moins
dans ses détails. De même il n'est pas sûr que le fossé
eut la régularité et l'étendue qu'il lui donne. Ce qu'il
est permis de retenir de cette restitution et des données
archéologiques, c'est que les fortifications de la ville
appuyaient cet angle nord-ouest, protégées par certaines
coupures du terrain, qui servaient de défense. Une des
portes de la cité, dont quelques vestiges subsistent
peut-être à l'angle sud-est du vieux mur, s'ouvrait sur
les jardins qui avoisinaient le Golgotha et le Saint
Sépulcre (fig. 348, 349). Les ressauts du terrain peuvent
encore être assez facilement vérifiés aujourd'hui, et les
différences de niveau qui marquaient le sol primitif se
retrouvent en plus d'un endroit sous les débris du
passé. C'est ainsi qu'on peut suivre le relief depuis les
anciens propylées jusqu'au delà de la basilique du
Saint-Sépulcre, en passant par la chapelle de Sainte-
Hélène, le Calvaire, le Saint Tombeau, pour remonter
aux quartiers plus élevés. Pour les cotes, cf. A. Kuem-
mel, Materialien zur Topographie des Alten Jéru-
salem, Halle, 1906, p. 27-29, et la grande carte jointe
à cet ouvrage. Mais plusieurs de ces cotes doivent être
complétées ou modifiées par suite des fouilles. Cf. H. Vin-
cent, Un vestige dés édifices de Constantin au Saint-
Sépulcre, Revue biblique, 1907, p. 587, coupe transver-
sale sur les propylées et l'atrium oriental, et p. 592, n. 2.
L'existence d'hypogées juifs aux abords du Saint-
Sépulcre est une autre preuve d'authenticité. A l'ex-
trémité occidentale de la rotonde, se trouve une petite
chapelle syrienne, d'où l'on pénètre obliquement par
une entrée peu spacieuse dans une salle de dimensions
restreintes, qui a été gravement modifiée par le gros
mur de la basilique. Cette salle est une chambre funé-
raire taillée dans le roc, et autour de laquelle sont des
ossuaires et des tombeaux juifs réellement anciens.
La tradition chrétienne y a vu le tombeau de Joseph
d'Arimathie. Cf. Clermont-Ganneau, L'authenticité du
Saint-Sépulcre et le tombeau de Joseph d'Arimathie,
Paris, 1878; Survey of ~Western Palestine, Jérusalem,
Londres, 1884, p. 319-331. Il y a là une réponse péremp-
toire à une autre objection formulée contre l'authenti-
cité du Saint-Sépulcre, à savoir qu'il ne pouvait y avoir
de tombe en cet endroit, enfermé dans la ville. — Une
autre chambre sépulcrale, plus importante encore, a
été découverte en 1885 au nord de l'endroit de la basi-
lique qu'on a appelé la Prison du Christ. Elle est tout
entière creusée dans le roc. Une porte donne entrée dans
un caveau de deux mètres en longueur, largeur et hau-
teur, renfermant à droite et à gauche deux bancs funé-
raires taillés dans la paroi. Une seconde ouverture, fai-
sant face à la première, conduit dans une chambre plus
petite, dont les trois côtés sont également occupés par des
banquettes. Cf. C. Schick, Neu aufgedeckte Felsengrâber
bei der Grabeskirche in Jérusalem, dans Zeitschrift
des Deutschen Palàstina-Vereins, t. vm, 1885, p. 171-
1665
SÉPULCRE (SAINT-) — SÉPULTURE
1666
173; pi. v. Il esl donc désormais bien établi que plu-
sieurs familles juives avaient leurs tombeaux dans ce
voisinage de la ville sainte.
V. Bibliographie. — Nous en avons dit assez pour
montrer que la piété chrétienne ne s'est pas trompée
au cours des siècles et ne se trompe pas plus aujour-
d'hui en allant vénérer le tombeau du Sauveur à
l'endroit marqué par une tradition ininterrompue. L'au-
thenticité de ce lieu, le plus saint du monde, acceptée
sans contestation jusqu'au XVII e siècle, attaquée depuis
par quelques protestants, est admise actuellement par
la majorité des savants, non seulement catholiques,
mais hétérodoxes et rationalistes. Des découvertes ulté-
rieures pourront éclairer d'un nouveau jour l'état de
la question ; nous ne croyons pas qu'elles le changent
jamais. Une bibliographie complète est impossible ici.
En dehors des travaux indiqués au cours de cet article,
et sans remonter jusqu'à T. Tobler et E. Robinson,
nous ne mentionnerons que les suivants : Melchior de
Vogué, Les Eglises de la Terre Sainte, Paris, 1860;
Ch. Warren, The Temple or the Tomb, Londres, 1880;
H. Guthe, Die zweïte Mauer Jerusalems und die Bau-
ten Constantins am heiligen Grabe, dans la Zeit-
schrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. vin,
1885, p. 245-287, pi. vi-xiii; Zur Topographie der Gra-
beskirche in Jérusalem, dans la même revue, t. xiv,
1891, p. 35-40; B. Manssurov, Die Kirclie des Heiligen
Grabes zu Jérusalem in ihrer âllesten Gestalt, trad.
A. Bœhlendorff, Heidelberg, 1888; Russische Ausgra-
bungen in Jérusalem, Heidelberg, 1888 ; V. Guérin,/c-
rusalem, Paris, 1889, p. 305-340; A. Legendre, Le Saint-
Sépulcre depuis l'origine jusqu'à nos jours, Le Mans,
1898; Germer-Durand, La basilique du Saint-Sépulcre,
dans la Revue biblique, 1896, p. 321-334; La basilique de
Constantin au Saint- Sépulcre, dans les Échos d'Orient,
Paris, 1898, p. 204 sq. ; C. Mommert, Die heilige
Grabeskirche zu Jérusalem in ihrem ursprûnglichen
Zustande, Leipzig, 1898; Golgotha und das heil. Grab
zu Jérusalem, Leipzig, 1900; G. W. Wilson, Golgotha
and the Holy Sépulcre, dans Palestine Exploration
Fund, Quarlerly Statement, 1902, p. 66-77, 142-155,
282-297, 376-384; 1903, p. 51-65, 140-153, 242-249; 1904,'
p. 26-41; G. Quénard, Le Saint- Sépulcre, dans les
Échos d'Orient, nov.-déc. 1903. A. Legendre.
SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE (hébreu :
Qibrôt-hatfa'âvâh ; Septante : Mv^jjia tt); !ici<)u[ua;;
Vulgate : Sepulcra concupiscentise), station des Israé-
lites dans le désert. Num., xi, 34; Deut., ix, 22. Elle
fut ainsi appelée, parce que les Israélites, dégoûtés de
la manne, désirèrent manger de la viande. Dieu leur
envoya des cailles (voir Caille, t. n, col. 33), mais
pour les punir de leurs murmures, il frappa « d'une
grande plaie » les murmurateurs sur le lieu même,
d'où le nom qu'on lui donna de Tombeaux ou Sépulcres
de concupiscence. Num., xi. Sur l'identification de
cette station, le P. Lagrange, L'Itinéraire des Israé-
lites du pays de Gessen aux bords du Jourdain,
dans la Revue biblique, 1900, p. 275, dit : « Une seule
conjecture paraît avoir de la valeur, c'est celle de
Palmer... En quittant la Sinaï, on suit pendant envi-
ron dix heures le monotone ouadi Saal. Déjà les der-
nières heures offrent un spectacle pittoresque : on
aperçoit de très vieux seyals devant le Djebel Tih dont
un sommet de forme conique attire les regards : au
moment où l'on arrive à l'ouadi Khebebé, c'est comme
un chaos de petites collines, en partie du moins arti-
ficielles, de débris et de groupes de pierres... Palmer
a relevé partout des traces de feu et de charbons en-
fouis dans le sol. Les Bédouins lui ont affirmé que
c'était là le campement d'une caravane de pèlerins (le
pèlerinage de la Mecque ne saurait suivre cet itiné-
raire), qui ensuite s'étaient égarés dans le désert. II
DICT. DE LA BIBLE.
considère cette légende comme une tradition authen-
tique. Sans aller aussi loin, on peut reconnaître ici
vraiment tout ce qui pouvait faire nommer ce lieu soit
Tabe'éra, soit Qibrolh Hattaava. » Cf. F. Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, 6" édit., t. n,
p. 563-564.
SÉPULTURE (hébreu : q'ebûrâh; Septante : za^;
Yulgate : sepultura), mise au tombeau du corps d'un
défunt.
_ I. Son importance chez les anciens. — 1° Chez les
Égyptiens. — On sait de quels soins compliqués les
Égyptiens entouraient la dépouille de leurs morts. Dans
leur idée, l'âme continuait à vivre au tombeau, avec les
mêmes habitudes, les mêmes occupations et les mêmes
besoins que pendant la vie terrestre. Il était donc
nécessaire que le corps demeurât habitable pour elle;
de là, les précautions prises pour assurer la conserva-
tion de ce corps et procurer au mort ce dont il avait
besoin pour se nourrir,, s'occuper et se distraire
comme pendant la vie. Autrement l'âme quittait le tom-
beau pendant la nuit sous forme de fantôme et venait
chercher sur terre, au grand effroi des vivants, ce qui
lui était indispensable pour subsister. Pour répondre à
ce besoin des morts, on leur portait des offrandes de
toutes sortes, ou l'on se contentait de représenter ces
objets en peinture dans leurs tombeaux, ce qui équi-
valait à la réalité. Les combinaisons les plus ingénieuses
étaient prises pour empêcher que le mort ne fût
dérangé dans sa tombe. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
t. h, p. 113-115; t. h, p. 508-524. Les petites gens,
enterrés à la fosse commune, n'étaient point dépourvus
cependant des objets indispensables. On suppléait au
reste par un procédé dont l'efficacité paraissait suffi-
sante aux Égyptiens : « Ils faisaient de petites poupées
en bois, qui de loin ressemblaient à des momies; sur
ces poupées, ils faisaient écrire leur nom, et, après les
avoir enroulées dans un chiffon de toile, ils les dépo-
saient dans un petit cercueil. Ce petit cercueil était
ensuite légèrement enfoui devant l'entrée d'un grand
tombeau; on espérait qu'ainsi le mort, représenté par
sa figurine en bois, bénéficierait du bonheur qui atten-
dait l'inhumé du grand tombeau. » A. Erman, La reli-
gion égyptienne, trad. Ch. Vidal, Paris, 1907, p. 197,
198. Pendant leur vie, les riches se préoccupaient de
se ménager une sépulture conforme à leur rang. Cf.
Maspero, Les contes populaires de l'Egypte ancienne,
Paris, 3 e édit., p. 109.
2° Chez les Chaldéens. — Les Chaldéens ne tenaient
pas à conserver dans son intégrité le corps des défunts.
Après l'avoir fait passer par le feu, ils plaçaient dans
des urnes les os et les cendres, et dans des fosses le
corps insuffisamment consumé, avec les débris d'armes
et d'ustensiles dont le mort avait besoin dans l'autre
vie. Des tuyaux de poterie, s'élevant de la tombe
jusqu'à fleur de terre, permettaient à l'eau de parvenir
jusqu'au mort pour le désaltérer. Si l'on négligeait de
le pourvoir de nourriture et des objets nécessaires,
l'esprit du défunt, au lieu de protéger les vivants, atti-
rait sur eux toutes sortes de maux. Cf. Maspero, His-
toire ancienne, t. i, p. 687-689. La sépulture du mort
était donc une garantie de sécurité pour les vivants,
mais, en même temps, elle assurait le sort du défunt.
« Le monde était, aussi loin que nous conduisent les
textes, divisé en trois royaumes : celui des dieux, celui
des vivants et celui des morts. Celui des morts était
sous terre. L'esprit du défunt lui appartenait naturelle-
ment. D'autre part, tout lien n'était pas rompu entre le
corps et l'âme. Le corps demeurant exposé à l'air,
l'âme était empêchée de descendre aux enfers, et se
trouvait condamnée à errer sur la terre, dans un
domaine qui n'était plus le sien. Le corps enseveli,
l'âme pouvait à son gré lui tenir compagnie ou rejoindre
V. - 53
1667
SÉPULTURE
1668
les autres âmes. » Lagrange, Études sur les religions
sémitiques, Paris, 1905, p. 331. Le sort de celui qui
gisait sans être enseveli était déplorable. Le poème de Gil-
gamès se termine par celte remarque : « Celui dont le
cadavre gitdans la campagne, l'as-tu vu? — Je l'ai vu :
son ombre ne repose pas dans la terre ! — Celui dont
l'ombre n'a pas quelqu'un qui s'en occupe, l'as-tu
vu? — Je l'ai vu : les rogatons du pot, les restes de la
nourriture qui gisent dans la rue, il mange! » Cf.
P. Dhorme, Choix de textes religieux assyriens-baby-
loniens, Paris, 1907, p. 325. La dépouille du mort ne
devait pas être changée de place. Il fallait empêcher
que la lumière du soleil pénétrât jusqu'à elle. On
tenait enfin à ce que le mort fût enseveli auprès de ses
ancêtres. Assurbanipal dit des rois d'Élam, contre les-
quels il exerçait sa vengeance : « J'ai emporté leurs
ossements en Assyrie; j'ai privé leurs esprits de repos,
je les ai privés d'aliments et de libations. » Cf. Keilin-
schriflliche Bibliothek, t. n, p. 206. Les Égyptiens
étaient également convaincus de la nécessité d'inhumer
ensemble et dans leur pays ceux d'une même famille.
Dans le conte de Satni-Khamoîs, l'aventure se termine
par l'ordre donné au violateur d'une tombe de ramener
à Memphis les momies d'Ahouri et de Maihêt en exil à
Coptos, et de réunir ceux que la colère de Tliot avait
tenus séparés. Cf. Maspero, Les contes populaires de
l'Egypte ancienne, p. lxi, 129.
3° Chez les Grecs et les Romains. — Les idées du
monde oriental sur la nécessité de la sépulture ont été
complètement partagées par le monde gréco-romain.
« L'âme qui n'avait pas son tombeau n'avait pas de
demeure; elle était errante. En vain aspirait-elle au
repos, qu'elle devait aimer après les agitations et le
travail de cette vie; il lui fallait errer toujours, sous
forme de larve ou de fantôme, sans jamais s'arrêter,
sans jamais recevoir les offrandes et les aliments dont
elle avait besoin. Malheureuse, elle devenait malfai-
sante... On craignait moins la mort que la privation
de sépulture. C'est qu'il y allait du repos et du bonheur
éternel. Nous ne devons pas être trop surpris de voir
les Athéniens faire périr des généraux qui, après une
victoire sur mer, avaient négligé d'enterrer les morts...
Dans les cités anciennes, la loi frappait les grands
coupables d'un châtiment terrible, la privation de
sépulture. On punissait l'âme elle-même, en lui infli-
geant un supplice presque éternel. » Fustel de Cou-
langes, La cité antique, Paris, 1890, p. 10-12. Les
chrétiens épurèrent ces idées à la lumière de la foi.
Cf. H. Leclercq, Amendes dans le droit funéraire,
dans le Dict. d'archéologie chrétienne et de liturgie,
1. 1, col. 1575-1598. — Ces idées sur la nécessité de la
sépulture n'étaient pas spéciales aux anciens peuples
dont les mœurs nous sont connues. Elles régnent
encore chez la plupart des non-civilisés. A leurs yeux,
la sépulture procure un double avantage : elle procure
la paix aux morts et elle garantit les vivants contre les
incursions malfaisantes des esprits mécontents de voir
leurs corps privés de la sépulture convenable. Cf.
A. Bros, Le problème de la mort chez les non-civilisés,
dans la Revue du clergé français, l Br octobre 1908,
p. 46-56.
II. La sépulture chez les Hébreux. — 1° Ceux qui
en ont le moyen s'assurent la possession d'une sépul-
ture de famille. Ainsi fait Abraham. Gen., xxm, 4-20.
Dans la caverne de Macpelah, à Hébron, viennent
successivement reposer Sara, Abraham, et Isaac, ainsi
<t réuni à son peuple ». Gen., xxxv, 29. Jacob, qui
passe les dernières années de sa vie en Egypte, tient
aussi à être réuni à son peuple et est inhumé dans la
caverne de ses pères. Gen., xlvii, 29; xlix, 29; L, 5,13.
Joseph veut qu'un jour les Hébreux emportent ses
ossements pour les faire reposer dans le pays que Dieu
leur donnera. Gen.,L, 25; Exod., xih, 19; Jos.,xxiv, 32.
On tenait beaucoup à être « réuni à son peuple »,
c'est-à-dire à reposer avec les siens, dans le lombeau
de famille. Gen., xxv, 17; xxxv, 29; xlix, 32; I Mach.,
ir, 69; xiv, 30. Il est fréquemment rapporté que des
personnages importants, surtout des rois, se sont cou-
chés avec leurs pères, ou ont été ensevelis dans le
sépulcre de leur père. II Reg., n, 32; vu, 12; xvn, 23;
xix, 37; III Reg., i, 21; n, 10; xi, 21, 43; xiv, 20; xv,
8, 24; xvi, 6, 28; xxn,40, 51; IV Reg., vm, 24; ix, 28;
x, 35; xii, 21; xm, 9, 13; xiv, 16, 20, 22; xv, 7, 22, 38;
xvi, 20;- xx, 21; xxi, 18; xxiv, 5. — 2° C'était un châ-
timent que de ne pas entrer dans le sépulcre de ses
pères; on cherchait du moins à être enseveli en sainte
compagnie. III Reg., xm, 22, 31. — 3° On devait tou-
jours donner la sépulture aux morts. Comme l'âme est
dans le sang, voir Sang, col. 1451, le sang répandu,
même celui d'un animal, devait être recouvert de terre.
Lev., xvn, 13; Ezech., xxiv, 7; cf. Gen., iv, 10. Le
supplicié devait être enterré le soir même. Deut., xxi,
23. On ne refusait pas la sépulture à des étrangers,
II Mach., iv, 49; Matth., xxvn, 7, ni même à des enne-
mis. IV Reg., ix, 34. A plus forte raison la procurait-on
aux autres. Les gens de Jabès, en Galaad, inhumèrent
Saùl et ses fils, tués à la bataille par les Philistins, et
David leur en sut grand gré. I Reg., xxxi, 11-13;
II Reg., H, 5-7. A la suite des combats, on donnait la
sépulture aux morts. III Reg., xi, 15; II Mach., xn,
39-43. Tobie exerçait la charité envers les morts,
en leur procurant la sépulture, et il en fut récompensé.
Tob., i, 21; n, 4-9. Il était recommandé expressément
de donner les soins nécessaires au corps des morts et
de ne pas négliger leur sépulture. Eccli-, xxxvm, 16.
Notre-Seigneur ne contrevient pas à cette loi quand il
recommande de laisser les morts ensevelir leurs morts.
Matth., vm, 22; Luc, IX, 60. Il veut seulement que
celui qui aspire à le suivre pour mener une vie par-
faite ne s'attarde pas aux longues cérémonies des funé-
railles et ne s'expose pas au contact des morts, qui
entraînait une impureté légale et séparait momentané-
ment de la société. Ces choses n'avaient pas d'incon-
vénients pour les morts, c'est-à-dire pour ceux qui ne
vivaient pas de la vraie vie spirituelle. — 4° La privation
dé sépulture constituait une peine très grave. Elle fut
infligée à Jézabel. IVReg.,ix, 10. L'impie lamenterait;
ainsi l'Ecclésiaste, vm, 10, s'étonne-t-il que les impies
soient ensevelis et entrent dans le repos. Isaïe, xiv,
19, 20, annonce au roi de Babylone un sort semblable
à celui qu' Assurbanipal devait infliger au roi d'Élam :
Roi, on t'a jeté loin de ton sépulcre,
Gomme un rameau qu'on méprise...
Comme un cadavre qu'on foule aux pieds...
Tu ne seras pas avec eux dans la tombe.
Amos, n, 1, reproche à Moab, comme une chose abo-
minable, d'avoir brûlé les ossements du roi d'Édom
pour en faire de la chaux, au lieu de les ensevelir.
Jérémie menace fréquemment les Israélites infidèles
de la privation de sépulture. Les os des rois, des prêtres
et des prophètes seront tirés de leurs tombeaux, exposés
devant le soleil et la lune qu'ils ont adorés et réduits
à l'état d'engrais. Jer., vm, 1, 2. Par la famine et l'épée
mourront ceux qui écoutent les faux prophètes, et per-
sonne ne leur donnera la sépulture. Jer., xiv, 16. Les
coupables mourront, ils n'auront ni larmes ni sépul-
ture, ils seront comme du fumier sur le sol et les bêtes
de proie les dévoreront. Jer., xvi, 4, 6; xxv, 33. Le roi
Joakim sera enterré comme on enterre un âne, qu'on
traîne et qu'on jette hors des portes de la ville, et
dont les chacals, les hyènes et les autres animaux de
proie font leur pâture. Jer., xxn, 19. Un pareil sort
semblait si déplorable qu*au jugement de l'Ecclésiaste,
vi, 3, un avorton est plus heureux que celui qui, après
une vie sans joie, est privé de sépulture. Les perse-
1669
SÉPULTURE
SERGIUS PAULUS
1670
cutés qui subissent ce sort s'en plaignent au Seigneur.
Ps. lxxix (lxxviii), 3; I Mach., vu, 17. Sous Antiochus
Epiphane, les Juifs fidèles furent privés de sépulture,
mais le persécuteur ne fut pas enseveli dans le tom-
beau de ses pères. II Mach., v, 10; ix, 15. Sans doute,
les Hébreux ne partageaient pas les idées de leurs
voisins sur la fréquentation du cadavre par l'âme que
la mort en avait séparé. Rien, dans les textes bibliques,
n'appuierait cette croyance un peu enfantine. Néan-
moins, ils regardaient la sépulture comme un bien
nécessaire dont le défunt ne pouvait être privé sans
détriment pour lui. L'obligation d'inhumer les restes
des morts était d'ailleurs la conséquence de la loi
qui attachait une impureté légale au contact de ces
restes. Voir Morts, t. m, col. 1316. — 5° Les Juifs
avaient un certain nombre d'usages concernant la
sépulture. On ne pouvait inhumer à Jérusalem que
les rois de la race de David et les prophètes. Cf. Sche-
buoth, H, 2; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741,
p. 133. On inhumait volontiers dans un jardin, même
contigu à la maison. IV Reg., xxi, 18, 26; Joa., xix,
41. Les sépultures étaient inviolables. Les musulmans
de Palestine ont rigoureusement conservé cette tradi-
tion, d'où l'impossibilité de faire des fouilles partout
où se trouvent des tombeaux. Hors de Palestine, les
Juifs, à l'imitation des autres peuples, portaient des
amendes contre ceux qui violaient leurs sépultures ou
y introduisaient des étrangers. Cf. Schûrer, Geschichle,
t. m, p. 16, 54. Le sanhédrin avait deux sépultures
pour les condamnés à mort, l'une pour ceux qui avaient
été lapidés ou brûlés, l'autre pour ceux qui avaient
subi la décollation ou la strangulation. Quand les chairs
étaient consumées, on transférait les ossements dans
une sépulture de famille privée. On enterrait avec les
condamnés tous les objets qui avaient servi à leur
supplice. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741,
p. 425. La sépulture du Sauveur ne fut pas astreinte à
ces règles, parce que le supplice avait été infligé par
l'autorité romaine et que le sort du cadavre dépendait
de Pilate. Joa., xix, 38. Mais les instruments du'sup-
plice durent être enfouis en terre avec ceux qui avaient
servi aux deux larrons. — 6» Outre les cadavres humains,
il fallait encore enterrer : les victimes vouées au sacri-
fice qui mouraient avant d'arriver à l'autel; celles qui
avortaient, à moins qu'elles ne donnassent un second
produit qui était brûlé à leur place; le bœuf lapidé,
Exod., xxr, 28, ainsi que tous les animaux nuisibles
parmi les animaux domestiques ou sauvages et les
oiseaux; la génisse mise à mort à l'occasion d'un meurtre,
Deut., xxi, 4; l'oiseau du lépreux, Lev., xiv, 6; les che-
veux du Nazaréen impur; le premier-né de l'âne; la
viande cuite dans le lait, Exod., xxm, 19; xxxiv, 26;
Deut., xiv, 21 ; les animaux profanes ou sauvages immolés
dans le parvis. Temura, vu, 4. Il était d'ailleurs interdit,
en général, d'enterrer ce qui devait être brûlé ou de
brûler ce qui devait être enterré. Cf. Reland, Antiqui-
tates sacrse, p. 168, 169. Tous ces règlements relatifs
à l'inhumation avaient pour but de faire disparaître
aux regards ce qui pouvait souiller les vivants d'une
manière quelconque. Ils pourvoyaient en même temps
aux exigences de l'hygiène, dans un pays où les conta-
gions étaient si redoutables. H. Lesêtre.
SER (hébreu : Sêr; Septante : Tupoç), ville fortifiée
4e la tribu de Nephthali, nommée seulement Jos.,
xix, 35. On peut induire de la liste des villes avec les-
quelles elle est énumérée qu'elle était située au sud-
ouest du lac de Génésareth, mais son site n'a pas été
retrouvé.
SERANIM, titre donné dans le texte hébreu aux
chefs des cinq principales villes des Philistins. Voir
Philistins, col. 289-290.
SÉRAPHINS (hébreu : èerafim; Septante : Eepociptfji.;
Vulgate : Seraphim), êtres célestes décrits par Isaïe, vi,
2-6, dans une de ses visions. — Le mot èerafim vient de
èâraf, « brûler ». Il désigne donc des êtres brûlants,
enflammés. Le même mot sert à nommer une espèce de
serpents brûlants, voir SERPENT,et Isaïe,xiv,29; xxx, 6,
parle aussi d'un Sârdf me'ôfêf, « serpent ailé » ou
dragon. Les séraphins ne sont pas des serpents, mais
des êtres intelligents et merveilleux. Ils se tiennent
au-dessus du trône de Dieu. Ils ont chacun six ailes,
deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les
pieds et deux pour voler. Ils chantent la sainteté de
Jéhovah. Comme le prophète se reconnaît pécheur,
un des séraphins prend un charbon ardent avec des
pincettes sur l'autel, lui touche la bouche et ainsi le
purifie du péché. Les séraphins apparaissent dans ce
passage, le seul où il soit question d'eux, comme des
êtres chargés de proclamer la sainteté de Dieu et de
détruire dans l'homme le péché qui outrage cette sain-
teté. Isaïe emprunte des éléments divers aux êtres visi-
bles pour représenter les séraphins, comme le fait
Ézéchiel pour représenter les chérubins. Voir Chéru-
bin, t. il, col. 662. On connaît les taureaux ailés qui
ont servi de base à la description symbolique de ce
dernier. Isaïe a pu emprunter la sienne à d'autres élé-
ments ayant cours à son époque. On sait que certains
génies chaldéens étaient représentés avec quatre ailes.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 633, 635; La-
grange, Études sur les religions sémitiques, Paris,
1905, p. 430. — Dans la hiérarchie angélique, le nom
de séraphins est devenu celui des anges du second
chœur. H. Lesëtre.
SÉRAR1US Nicolas, théologien et exégète jésuite,
né le 5 décembre 1555, à Rambervillers (Vosges), mort à
Mayence le 29 ou le 30 mai 1609. Il entra dans la com-
pagnie de Jésus en 1573, s'appliqua à l'étude des lan-
gues et à l'enseignement. Pendant 20 ans, il professa
la théologie et l'Écriture Sainte à Wûrzbourg et à
Mayence. On a de lui, entre autres publications, In
sacros divinorum Bibliorum libros, Tobiam, Judith,
Esther, Machabseos commenlarius, in-4", Mayence,
1609; in-f», 1610, 1611 (des parties de ce commentaire
ont été réimprimées par Migne [Tobie, etc.], dans son
Cursus Scripturss Sacrse, t. xn, xm) ; Josue ab utero
ad ipsum usque tumulum, in-f", Mayence, 1609, 1610;
Judices et Ruth explanati, in-f», Mayence, 1609; in-f",
Paris, 1611; Prolegomena biblica et commentaria in
omnes Epistolas canonicas, in-f», Mayence, 1612; Lyon,
1689; In libros Regum et Paralipomenon. Commen-
taria posthuma, in-f°, Mayence, 1617; Lyon, 1618. —
Voir C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie
de Jésus, t. vu, 1896, col. 1134-1145.
SÉRÉBIA (hébreu : Sérébyâh), lévite qui vivait du
temps d'Esdras et prit part à ses réformes. II Esd.,
vin, 7; ix, 5; x, 12; xn, 24. Son nom est écrit aussi
dans la Vulgate Sarabia et Sarebia. Voir Sarabia,
col. 1476.
SÉRÉSER (hébreu : Sar'ésér), personnage babylo-
nien. Voir Nérégel-Séréser, t. iv, col. 1602.
SÉRETH (hébreu : Séréf; Septante : 2epÉ6), fils
d'Assur, fondateur de Thécué, et de la première
de ses femmes nommée Halaa. I Par., iv, 5, 7.
SERGIUS PAULUS (grec : 2%ioç ria0).o;), pro-
consul de l'île de Cypre lorsque saint Paul y fit son
premier voyage pour y prêcher l'Évangile. Act., xm,
7-11. H résidait à Paphos. II avait auprès de lui un
devin ou magicien juif appelé Élymas (Barjésu). Voir
Barjésu, t. i, col. 1461. Lorsque saint Paul fit connaître
1671
SERGIUS PAULUS — SERPENT
1672
au proconsul la religion nouvelle, Élymas s'efforça
d'empêcher le magistrat romain de se convertir, mais
l'Apôtre le frappa de cécité et Sergius Paulus embrassa
le christianisme. C'est à l'occasion de ce récit que Saûl
est nommé pour la première fois Paul dans les Actes,
ce qui a fait croire à beaucoup d'exégètes que c'était en
souvenir de la conversion du proconsul que l'Apôtre
avait changé son nom. Voir Paul, t. rv, col. 2189.
Cf. Proconsul, col. 686; Cypre, t. n, col 1170. Saint
Luc qualifie Sergius Paulus de ax>vsiàç,prudens, «intel-
ligent ». Act., xnr, 7. On a trouvé à Soles en Cypre
une inscription datée de son proconsulat. Voir di Ces-
nola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877, p. 425. D'après une
ancienne tradition, Sergius Paulus s'attacha dans la
suite à saint Paul, il l'accompagna en Espagne, et il fut
établi enfin par l'Apôtre évêque de Narbonne, où il
mourut. Sergius Paulus appartenait à une grande
famille patricienne de Rome. Virgile, Eneid., v, 121.
Voir F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les décou-
vertes modernes, 2 e édit., 1896, p. 201-209. Sur saint
Paul, évêque de Narbonne, voir Acta Sanctorum,
22 mars, t. m martii, p. 371-376.
SERMENT. Voir Jurement 2, t. m, col. 1868.
SÉRON (grec : Sr,p«v), général d'Antiochus Ép.i-
phane qui commanda les troupes de ce roi contre les
Machabées. Il fut battu par Judas Machabée à Bétho-
ron. I Mach., in, 13-23. Cf. II Mach., vm, 5-7. Voir
Ed. R. Bevan, The House of Seleucus, 2 in-8°, Londres,
1902, t. h, p. 176, 298.
SÉROR (hébreu : Çerôr; Septante: 'IapIS), benja-
mite, ancêtre de Cis, le père de Saûl. I Reg. (Sam.),
ix, 1.
SERPENT (hébreu : nâhâS, Sdrâf, tannin, 'aksûb,
séfa', sif'onl, 'êféh; Septante : ô'<pi;; Vulgate : serpens,
coluber), reptile dont le corps allongé, cylindrique et
sans pieds, se meut au moyen de replis sur le sol. C'est
un animal très souple et très agile. Ses yeux sans pau-
pières ont une grande fixité, sa langue est fendue en
deux. Plusieurs espèces sont ovipares et les autres
ovovivipares, c'est-à-dire faisant éclore leurs œufs dans
le sein même de la mère. Les serpents vivent surtout
dans les pays chauds; la plupart passent l'hiver cachés
dans quelque trou et saisis par un engourdissement
léthargique. Beaucoup de serpents sont pourvus d'une
glande qui produit du venin. Ce venin est conduit à
deux dents, appelées crochets, courbes, très pointues,
munies d'un canal étroit et placées à la mâchoire supé-
rieure. Les crochets, habituellement repliés et entourés
par la gencive, se redressent quand l'animal veut
mordre.
I. Les serpents de Palestine. — Les serpents sont
très nombreux en Palestine; les conditions climatéri-
ques et la nature du sol leur sont en effet des plus
favorables. Une vingtaine d'espèces ont été reconnues,
mais il y en a beaucoup d'autres qui n'ont pas été
décrites. Treize d'entre elles sont inoffensives. Voir
Couleuvre, t. n, col. 1071. Cependant il y a de grosses
couleuvres noires, coluber atro-virens, qui, à raison
de leur taille et des dimensions de leur gueule, peuvent
faire des blessures très profondes. Mais comme elles
sont très craintives et fuient l'approche de l'homme,
elles ne cherchent à mordre que quand on veut les
prendre. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 314. Les serpents venimeux appartiennent aux
genres suivants : le cobra ou aspic, voir Aspic, t. i,
col. 1124; cinq espèces de vipéridés : deux vipères pro-
prement dites, vipera euphratica et vipera ammodytes;
la daboia xanthina, qui est appelée basilic par les
versions, voir Basilic, t. i, col. 1495, le céraste, voir
Céraste, t. n, col. 432, et le scytale ou echis areni-
cola. Voir Vipère. A part la daboia, tous ces serpents
ne se trouvent guère que dans la faune méditerrané-
enne etnord-africaine.Cf.Tristram, ThenaturalEistory
of the Bible, Londres, 1889, p. 269-280.
II. Les serpents de la Bible. — 1« Le serpent du
paradis. — Ce serpent est appelé du nom général de
ndhâS, qui ne désigne aucune espèce particulière. Il
était « le plus rusé des animaux des champ: » Gen.,
m, 1. Il parle à la femme pour la disposer à manger
le fruit défendu et, avec habileté, il lui inspire le doute
au sujet du commandement et de la menace de Dieu
et finit parla persuader. Comme il n'est dans la nature
du serpent ni de raisonner ni de parler, il ne faut
voir ici dans cet animal que l'instrument ou la repré-
sentation d'un être supérieur capable d'entrer en com-
munication avec la femme pour lui parler et la tenter
de défiance et d'insoumission envers le Créateur. Cet
être est clairement désigné dans d'autres passages
bibliques. « C'est par l'envie du diable que la mort est
venue dans le monde. » Sap., n, 24. Satan « a été
homicide dès le commencement. » Joa., vm, 44. « Le
serpent ancien », c'est « celui qui est appelé le diable
et Satan. » Apoc, XII, 9; XX, 2. Sur un cylindre baby-
lonien, t. iv,fig. 564, col. 2124, deuxpersonnages sont assis
de chaque'côté d'un arbre qui paraît être un palmier et
qui porte deux fruits au-dessous du feuillage. Les per-
sonnages sont vêtus. Derrière le second personnage se
dresse un serpent. Il est difficile de ne pas voir là une
allusion à la tentation du paradis. Dans le poème de
Gilgamès, quand le héros a trouvé la plante de vie,
« un serpent sortit et lui ravit la plante. » Cf. Sauve-
plane, Une épopée babylonienne, tabl.n, v. 305, p. 62;
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit,, t. i, p. 276-282. La sentence portée par Dieu
contre le serpent le condamne à être maudit entre
tous les animaux, à marcher sur son ventre et à man-
ger la poussière tous les jours de sa vie. Gen., m, 14.
Josèphe, Ant. jud., I, I, 4, conclut du récit biblique
que, pour punir le serpent, Dieu lui a ôté la voix dont
il avait si mal usé et l'a privé des pieds sur lesquels
il marchait auparavant. Cette interprétalion est trop
servile. Dieu n'a pas changé la nature du serpent, il
s'est contenté d'attacher une idée défavorable à sa
démarche rampante. De même, « manger la poussière »
veut seulement dire avoir la tête au niveau du sol,
comme si l'animal mangeait de la poussière. L'inimitié
établie entre la postérité de la femme et celle du ser-
pent ne concerne pas ce dernier, mais seulement celui
qui s'en est servi pour tenter.
2° Les verges changées en serpents. — Pour donner
à Moïse une preuve de la mission qu'il lui confère,
Dieu lui ordonne de jeter son bâton à terre; ce bâton
devient serpent, ndhds; il lui commande de saisir ce
serpent par la queue, et celui-ci redevient bâton. Exod.,
iv, 3, 4. Devant le pharaon, Moïse et Aaron exécutent
le même prodige ; mais les magiciens égyptiens changent
aussi leurs bâtons en serpents ; seulement celui d'Aaron
dévore ceux des magiciens. Exod., vu, 9-12. Il y a un
miracle divin du côté de Moïse et un prestige diabo-
lique du côté des magiciens. Ceux-ci sont fort experts
en prestiges. Il importe que les envoyés de Dieu
triomphent d'eux sur leur propre terrain. Ceux qui les
imitent aujourd'hui sont plus habiles à tromper les
spectateurs qu'à exécuter des choses réellement mer-
veilleuses. Voir Charmeur de serpents, t. h, col. 595.
« Dans un de nos voyages au Caire, en 1894, nous
n'avions pu découvrir les procédés réels employés par
les charmeurs de serpents de nos jours. Dans un nou-
veau voyage en 1899, nous avons eu la preuve qu'ils ne
prenaient pas d'autres serpents que ceux qu'ils avaient
habilement cachés ou dissimulés. Le P. E. Chautard,
qui prit part avec nous à l'expérience, l'a racontée dans
1673
SERPENT — SERPENT D'AIRAIN
1674
son livre Au f,ays des pyramides, in-4°, Tours, 1896,
p. 112-116 » (F. Vigouroux).
3° Les serpents brûlants. — Au désert, les Hébreux
murmurent à cause de la longueur du chemin et de la
monotonie de la nourriture. Alors Dieu envoie des ser-
pents brûlants qui les mordent et en font périr un
grand nombre. Num., xxi, 6, 8; Deut., vm, 15. Ces
serpents sont appelés serdfîm, ô'çsiç oî SavatoOvTsç,
« des serpents mortels », igniti serpentes. Ce nom de
ierdfîm vient de êâraf, « brûler ». On ne peut dire
à quelle espèce appartenaient ces serpents. Mais la
presqu'île sinaïtique abonde en serpents très dangereux.
Les Hébreux furent effrayés des blessures cuisantes et
mortelles qu'ils en reçurent. Pour arrêter le fléau,
Moïse dressa le serpent d'airain. Voir Serpent d'airain,
col. 1674. Cf. Judith, vm, 25; I Cor., x, 9.
4» Les serpents volants. — Isaïe, xiv, 29, dans son
oracle sur les Philistins, dit que, si la verge qui les
frappait a été brisée, de la race du serpent sortira un
basilic, dont le fruit sera un sdrdf me'ôfêf, « un ser-
pent volant ». Ce serpent représente les fléaux qui
châtieront les Philistins. Les Septante traduisent par
ôfsiî 7reTâ|ievoi, « serpents ailés », et la Vulgate par
absorbens volucrem, « dévorant l'oiseau ». Ailleurs, le
prophète énumère, parmi les animaux qui infestent le
désert entre la Palestine et l'Egypte, \e sdrâf me'ôfêf,
ê/iyova àuni'SMv Tusïopivcov, regulus volans, « le serpent
volant ». Is., xxx, 6. Hérodote, n, 75; m, 107, 109,
parle aussi de serpents ailés qui, au commencement
du printemps, volent d'Arabie en Egypte, mais sont
arrêtés et tués par les ibis. Il ajoute que ces serpents
gardent les arbres à encens en Arabie, et qu'on les en
écarte en brûlant du styrax. On ne connaît pas de
serpents ailés. Il existe seulement un petit saurien,
appelé dragon, draco ou dracunculus, pourvu de deux
membranes latérales formées par un repli de la peau.
Le dragon ne peut pas se servir de ces appendices
pour voler; il les utilise seulement pour se maintenir
en l'air quand il saute de branche en branche. Ce
dragon n'habite pas les déserts, mais les forêts, comme
le suppose Hérodote qui en fait le gardien des arbres.
Il suit de là que les serpents auxquels Isaïe fait allu-
sion sont simplement des serpents de sable, qui se
meuvent avec une grande rapidité, à moins que le
prophète ne prête des ailes à certains serpents pour
marquer qu'ils sont plus agiles et plus dangereux que
toutes les autres espèces connues. Cf. Tristram, The
natural History of the Bible, p. 278.
5» Traits bibliques sur les serpents. — 1. Il est sou-
vent question du venin des serpents. Deut., xxxii, 33,
Ps. Lvm (lvii), 5, etc. Voir Venin. C'est en mordant
que le serpent inocule le venin contenu dans ses
crochets; du reste, pour y réussir, le serpent frappe
plutôt avec ses crochets qu'il ne mord. Am., ix, 3;
Sap., xvi, 5. — 2. Les serpents ont la langue très
effilée et très mobile. Les méchants aiguisent leur
langue comme le serpent; mais le venin est sous leurs
lèvres et non au bout de leur langue. Ps. cxl
(cxxxix), 4. — 3. Le serpent fait entendre un sifflement
qui effraie, surtout dans les ténèbres. Sap., xvn, 9. —
4. Les serpents rampent dans la poussière. Deut.,
xxxii, 24. Pour caractériser cette attitude, les auteurs
sacrés disent qu'ils mangent ou lèchent la poussière,
Is., lxv, 25; Mich., vu, 17, comme nous disons de
quelqu'un qui est tombé dans le combat, qu'il mord
la poussière. — 5. Le serpent fréquente les rochers;
mais il est impossible de reconnaître sa trace sur le
roc. Prov., xxx, 19. On s'expose à la morsure du ser-
pent quand on met la main sur le mur de pierres
sèches où il se cache, Am., v, 19, ou qu'on renverse ce
mur. Eccle.,x, 8. Du reste, le serpent est extrêmement
rusé pour fuir le danger. Gen., m, 1. Notre-Seigneur
recommande à ses disciples d'être prudents comme le
serpent, Matth., x, 16, car le serpent ne s'expose
jamais au péril et il se dérobe à la moindre menace. —
6. Le serpent venimeux est toujours à craindre et à
fuir. Il faut fuir le péché comme le serpent, Eccli.,
xxi, 2, et se défier du vin, qui finit par mordre
comme le serpent. Prov., xxm, 32. Un père se garde
bien de donner un serpent à son fils qui lui demande
un poisson. Matth., vu, 10; Luc, xi, 11. Notre-Sei-
gneur traite les scribes et les pharisiens de serpents
et de race de vipères, à cause de leur influence
néfaste sur le peuple. Matth., xxm, 33. Il faut une pro-
tection particulière de Dieu pour fouler aux pieds ou
saisir impunément les serpents. Ps. xci (xc), 13. Le
Sauveur donne ce pouvoir à ses disciples, Marc, xi, 18;
Luc, x, 19, indiquant par là qu'il les prémunit contre
la malice de tous les ennemis. — 7. Saint Jean voit
des chevaux qui ont des queues semblables à des ser-
pents, par conséquent très dangereuses. Apoc, ix, 19.
Il voit aussi Satan sous la forme d'un grand serpent.
Apoc, xii, 9, 14, 15; xx, 2. — Sur le serpent tortueux
de Job, xxvi, 13, voir Dragon, t. n, col. 1504, et sur
celui d'Isaïe, xxvn, 1, voir Léviathan, t. iv, col. 213.
Sur le qippôz, dans lequel les versions voient
un hérisson, Is., xxxiv, 15, et beaucoup d'auteurs
un serpent, le serpens jacuhis, voir Duc, 3°, t. n,
col. 1509. H. Lesêtre.
SERPENT D'AIRAIN, serpent fabriqué au désert
sur l'ordre de Dieu. — Quand les serpents brûlants
firent périr en grand nom-
bre les Israélites révoltés,
Moïse reçut l'ordre de fa-
briquer un sdrâf sembla-
ble à ceux qui attaquaient
les coupables et de l'élever
sur un poleau; ceux qui
étaient mordus et le re-
gardaient devaient con-
server ■ la vie. Moïse fit
donc un serpent d'airain,
l'exposa comme le Sei-
gneur l'avait ordonné et
arrêta ainsi le fléau. Num.,
xxi, 7-9. Les Égyptiens,
chez lesquels le culte du
serpent était en honneur,
cf. Maspero, Histoire an-
cienne, t. i, p. 120, 121,
représentaient le serpent
dressé sur une tige de lotus
(fig. 357). Cf. Lepsius,
Denkm., Abth, m, t. vi,
pi. 120. Cette représenta-
tion apparaît dès la fin de
la XVIII» dynastie, comme
symbole de la royauté sur
l'Egypte du nord (urseus)
et du sud (lotus), dans une
scène de Silsilis, où le roi
Horemheb est allaité par la
déesse Hathor. Chez les
Assyriens, on trouve aussi
Nergal désigné sous le nom
de sarrapu, le même mot
que sdrâf. Cf. Buhl, Ge-
senius' Handtvôrt.,p.8l0.
Les deux Gémeaux, désignés sous les noms de birdu
et Sarrapu, étaient considérés comme deux manifesta-
tions de Nergal, et figurés par deux serpents enroulés
autour d'une perche que surmonte une boule, aux
côtés de laquelle leur tète se dégage (flg. 358). Cf. Thu-
reau-Dangin, Le serpent d'airain, dans la Revue d'his-
toire et de littérature religieuses, Paris, t. i, 1896-
357. — Le serpent urseus, en-
roulé sur le lotus. L'urœus et
le lotus sont les symboles
de l'Egypte du nord et de
l'Egypte du sud.
D'après Anœss\,Atlas, pi. VII
1675
SERPENT D'AIRAIN
SERVITEUR
1676
p. 151-158. Étant donné que Dieu voulait que les
blessés fussent guéris miraculeusement par la seule
vue de l'image d'un serpent, il était
naturel que ce serpent fût élevé sur
nn poteau assez haut pour pouvoir
être aperçu de tout le camp. — Ezé-
chias « mit en pièces le serpent
d'airain que Moise avait fait, car
lesenfants d'Israël avaient jusqu'a-
lors brûlé des parfums devant lui. »
IV Reg., xviii, 4. Voir Nohestan,
t. iv, col. 1668.
Noire- Seigneur a indiqué lui-
même le caractère figuratif du ser-
pent d'airain : « Comme Moïse a
élevé le serpent dans le désert, il
faut de même que le Fils de l'homme
soit élevé, afin que tout homme qui
croit en lui ne périsse point, mais
qu'il ait la vie éternelle. » Joa., m,
14, 15. Notre-Seigneur sera donc
dressé sur sa croix comme le ser-
pent sur son poteau. Mais, tandis
que le serpent n'était pour les Is-
raélites qu'un «c signe de salut », Sap.,xvi, 6, Jésus-
Christ sera la cause même du salut, non plus pour
les corps, mais pour les âmes. H. Lesêtre.
SERRURE (grec : xXeïepov; Vulgate : clausura),
appareil servant à tenir une porte fermée. — Les
anciens fermaient ordinairement les portes des habita-
tions au moyen de barres et de verrous. Voir Barre.
t. i, flg. 453, col, 1468; Verrou. Ce genre de fermeture
suffisait pour clore une porte de l'intérieur. Quand il
était placé à l'extérieur, tout le monde pouvait ouvrir.
La serrure permettait de clore une porte du dehors,
358.— Les Gémeaux
en Assyrie.
D'après la Revue
d'histoire et de
littérature, t. i,
p. 152.
359. — Ciel et serrure moderne de Palestine.
D'après Lortet, La Syrie, p. 252.
tout en réservant au propriétaire de la maison d'ouvrir
seul au moyen d'une clef. On trouve aujourd'hui en
Palestine des serrures s'ouvrant avec une clef d'après
un système ingénieux (fig. 359). Voir Clef, t. H.fig. 290,
col. 800. « Ces machines primitives, qui datent évi-
demment d'une haute antiquité, peuvent être brisées,
mais sont difficiles à crocheter. Elles sont, en général,
construites en bois de noyer ou de mûrier. » Lortet,
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 352. Des serrures
analogues étaient en usage en Egypte. — Baruch, vi,
17, dit que les temples des idoles étaient munis de
serrures et de verrous, par crainte des voleurs. — Dans
les autres passages bibliques, la fermeture au moyen
de barres et de verrous est seule mentionnée. Les
serrures sont cependant supposées chaque fois qu'il
est question de clef. H. Lesêtre.
SERUG (hébreu : Serûg; Septante: Sepoûx), ortho-
graphe du nom de l'ancêtre d'Abraham, dans I Par., i,
26. Il est appelé ailleurs Sarug. Voir Sarug, col. 1495.
SERVITEUR (hébreu : 'ébéd, na'ar, mesârêt; Sep-
tante : SoOXoî, rcaïç, TtaiSâpiov, 9spôitwv, XetToupYoç ;
Vulgate : servus, puer, minister), celui qui est au service
d'un autre.
1° Serviteur d'un homme. — Les fonctions remplies
par ceux que nous appelons aujourd'hui serviteurs ou
domestiques étaient autrefois confiées aux esclaves. Les
Hébreux avaient des esclaves, soit de leur nation, soit
étrangers. Ceux d'entre eux qui étaient assez riches
pour en posséder les employaient à différents travaux
dans la maison ou dans la propriété familiale. Voir
Esclave, t. h, col. 1921. Ceux qui n'avaient pas d'esclaves
se servaient eux-mêmes ou utilisaient leurs enfants.
Matth., xxi, 28. Pour les travaux nécessaires qu'on ne
pouvait exécuter dans la famille, on recourait aux ou-
vriers. Voir artisans, 1. 1, col. 1044; Mercenaire, t. iv,
col. 990. En réalité, ceux auxquels les textes donnent
le nom de 'ébéd, SoCXoç, servus, sont presque exclusi-
vement des esclaves et non des serviteurs libres. Même
dans le Nouveau Testament, il en est ainsi ; le serviteur
proprement dit n'y a pour ainsi dire pas de place.
Cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif à l'époque
de J.-C, Paris, 1910, p. 206-261, 433-484. — Parfois
cependant, le nom de serviteur est attribué à des hommes
qui ne sont pas des esclaves. Josué est le serviteur de
Moïse, son na'ar, vlo«, puer, et son mesârêf, ôspâirwv,
minister. Exod., xxxm, 11. Le nom de na'ar, irai8âpcov,
puer, est encore donné à Giézi, serviteur d'Elisée,
IV Reg., iv, 12; v, 20; vi, 16; vin, 4; aux serviteurs des
prêtres, I Reg., h, 13; aux serviteurs des chefs de
provinces, III Reg., xx, 15, et aux serviteurs du roi
d'Assyrie. IV Reg.,xix, 6. Le nom demeêârêt, «servant»,
désigne Josué, 7cape7Tï)x<iî ( minister, Exod., xxiv, 13,
le serviteur d'Amnon, itaiôâpiov, puer, II Reg., xm, 17,
18, le serviteur d'Elisée, Xsitoupy<5ç, minister, IV Reg.,
iv, 43; VI, 15, et les prêtres en général, XeiToupYoïvTeç,
ministri. Is., lxi, 6; Jer., xxxm, 21; Jo., i, 9, 13; il,
17. Voir Ministre, t. iv, col. 1105. — L'office de servi-
teur ou de servante est rempli par les anges vis-à-vis
du Sauveur après la tentation, Matth., IV, 11; Marc, I,
13; par la belle-mère de Pierre après sa guérison,
Matth., vm, 15; Marc, 1,31; Luc, iv, 39; par les saintes
femmes qui prenaient soin de Notre-Seigneur et des
Apôtres, Luc, vm, 3; Matth., xxvn, 55; Marc, xv, 41 ;
par Marthe à l'égard de Jésus et de ses disciples, Luc,
x, 40; Joa., xii, 2; par le Sauveur à l'égard de ses
Apôtres, Luc, xxn, 27, et par les disciples de saint Paul
vis-à-vis de leur maître. Act., xxiv, 23. Notre-Seigneur
témoigne qu'il est venu lui-même pour servir et non
pour être servi. Matth., xx, 28; Marc, x, 45.
2° Serviteur de Dieu. — Le nom de « serviteur de
Jéhovah », 'ébéd yehovàh, désigne trois sortes de per-
sonnes : 1. Celui qui honore Dieu et le sert en lui obéis-
sant. Tels ont été Abraham, Ps. cv (civ), 6, 42; Josué,
Jos., xxiv, 29; Jud., H, 8; Job, i, 8;n,3; xlh, 8; David,
Ps. xvm (xvii), 1; xxxvi (xxxv), 1; lxxxix (lxxxvih), 4,
21; Daniel, Dan., VI, 20; etc. Ce nom convient aussi aux
Israélites, en tant que peuple de Dieu, I Esd., v, 11 ;
II Esd., I, 10, et à tous les hommes pieux, en général.
Ps. xxxiv (xxxm), 23; lxix (lxviu), 37; cxm (cxn), 1 ;
cxxxiv (cxxxm), 1; Is., uni, 17; lxv, 8, 9; etc. —
2. Celui qui exécute une mission de la part de Dieu.
A ce titre sont appelés serviteurs de Dieu les anges,
Job, iv, 18; Moïse, Deut., xxxiv, 5; Jos., i, 1; Isaïe, Is.,
xx, 3; les prophètes, Jer., vu, 25; xxv, 4; xxvi, 5; xxix,
19; xxxv,15;Amos, ih,7; Zach., m, 8, et même le roi de
Babylone, en tant qu'exécuteur des arrêts de la justice
divine. Jer., xxv, 9; xxvn, 6; xliii, 10. — 3. Le Messie
lui-même qui, par excellence, honore Jéhovah et remplit
1677
SERVITEUR — SÉSAG
1678
en son nom sa mission rédemptrice. Voir Serviteur
DE JÉHOVAH. H. LESÊTRE.
SERVITEUR DE JÉHOVAH, nom attribué au
Messie dans quatre passages d'Isaïe, xlii, 1-9; xlix,
1-6; l, 4-9; lu, 13-liii, 12. — Dans ces passages, il est
question d'un serviteur innocent et juste, qui délivre
les captifs, meurt pour son peuple, est la lumière des
nations et annonce la loi divine aux peuples lointains.
Toute l'ancienne exégèse, juive ou chrétienne, a
reconnu le Messie dans ce serviteur.
Pour éluder la portée messianique de ces textes, les
rabbins du moyen âge ont enseigné que ce serviteur
n'était autre que le peuple d'Israël, cf. Driver and
Neubauer, The fifty-third Chapter of Isaiah accor-
ding to the jewish interprétera, Oxford, Londres,
1877, et beaucoup de critiques rationalistes ont adopté
leur interprétation, quittée modifier les textes pour la
rendre plausible. Cf. Reuss, Les prophètes, Paris, 1876,
t. h, p. 280; Giesebrecht, Der Èneeht Jahves des
Deuterojesaia, Konigsberg, 1902; G. Workman, The
Servant of Jehovah, Londres, 1907. Comme il est
impossible de justifier l'application des textes à une
collectivité, d'autres ont préféré les entendre d'une
individualité, Zorobabel ou le roi Joachin, cf. E. Sel-
lin, Serubbabel, Leipzig, 1898, Der Knecht Gottes bei
Deuterojesaia, Leipzig, 1901 ; Dos Râlsel des Deulero-
jesajanischen Bûches, Leipzig, 1908, ou encore un
prophète. Cf. W. Staerk, Bemerkungen zu den Ebed
Jahwe-Liedem, dans la Zeitschrift fur wissench. Théo-
logie, 1908, p. 28. Mais aucun de ces personnages ne
réalise ce qui est dit de la mission d'enseignement du
serviteur, Is., xlix, 1, 2; l, 4, ni surtout de ses souf-
frances rédemptrices. Is., lii-13-liii, 12. — A les
prendre dans leur sens naturel, les termes employés
par le prophète ne conviennent exactement qu'à Jésus-
Christ. Cf. H. Monnier, La mission historique de Jésus,
Paris, 1906, p. 278-283. L'application formelle lui en
est faite par les auteurs du Nouveau Testament : Js.,
xlii, 1-4; Matth., xii, 18-21; m, 17; xvn, 5; Marc, i, 11;
Luc, m, 22; — Is., xlix, 6; Act., xm, 47; — Is., L, 6;
Matth., xxvi, 67; — Is., lui, 1-12; Matth., vm, 17;
xxvi, 63 ; Marc. , ix, 1 1 ; xv, 28 ; Luc. , xxn, 37 ; xxm, 34 ,
Joa., xii, 38; Act., vm, 32; Rom., x, 16; I Cor., xv; 3;
I Pet., il, 22; I Joa., m, 5. Les Pères n'interprètent
pas ces passages autrement. Un rabbin du xiv» siècle,
Mosé Kohen ibn Crispin, déclare que l'interprétation
collective détourne les passages d'Isaïe de leur sens
naturel, et que lui-même les entend du Roi-Messie,
conformément à la doctrine des anciens maîtres. Cf.
Driver and Neubauer, The fifty-third Chapter of Is.,
xxiv, p. 99. — Voir Isaïe (Le livre d'), t. m, col 981 ;
Knabenbauer, In Is. proph., Paris, 1887, t. n, p. 331-
338; Peldmann, Der Knecht Gottes in Isaias Kap.
40-55, Fribourg-en-Br.; Condamin, Le livre d'haie,
Paris, 1905, p. 334-341; Le serviteur de Iahvé, dans la
Revue biblique, 1908, p. 162-181; Van Hoonacker,
L'Ébed lahvé, dans la Revue biblique, 1909, p. 497-528.
H. Lesètre.
SÉSAC, nom dans la Vulgate d'un roi d'Egypte et
d'un Israélite dont le nom est écrit différemment en
hébreu.
1. SÉSAC (hébreu : Sisaq; Septante : So«(raxi|j.)> r °i
d'Egypte. — I. Son origine. — Dès l'Ancien Empire,
les Libyens sont en contact avec la vallée du Nil,
comme tribus pillardes, soumises ou mercenaires.
Principalement sous le nom de Timihou, et de Tinihou,
plus tard, de Libou etde Masaousa, ils errent dans les
vastes solitudes du Sahara. A la XIX e dynastie et à la
XX e , ils se multiplient aux portes de l'Egypte, s'unissent
aux peuples de la mer et s'abattent sur le Delta occi-
dental. Ménephtah, puis Ramsès III arrêtent leurs flots
envahisseurs. Les Libyens, dès lors plus connus sous
le nom de MaSaousa, l'une de leurs principales tribus,
deviennent les soldats privilégiés de l'Egypte, et ce
qu'ils n'avaient pu obtenir par la force, ils l'obtiennent
par une lente et pacifique pénétration. Leurs chefs,
généraux de l'armée égyptienne et vrais barons féo-
daux, ne cessent de grandir à mesure que s'accentue
la décadence delà famille royale. Cf. Maspero, Aratoire
ancienne des peupleslde'J'Orient classique, t. h, 1897,
p. 766-768. Or, vers la fin de la XX e dynastie ou au
début de la XXI», parmi les'[Libyens fixés sur le sol
d'Egypte, se trouvait un,certain Bouiouaoua, dont nous
pouvons suivre la longue filiation. Stèle d'Horpasen,
dans Mariette, Le Serapéum de Memphis, 1857,
pi. xxxi. Ses descendants furent d'abord généraux des
MaSaousa et prêtres d'Arsaphès dans Héracléopolis-la-
Grande. Scheschanq, le quatrième d'entre eux, épousa
une femme de sang royal, Mehetnouskhit. Son petit-
Fig. 360. — Portrait de Sésae.
D'après Lepsius, Denkmàler, Alth.IIJ, pi. 300, n. 76.
fils, s'appelant aussi Scheschanq, effaça tous ses pré-
décesseurs. Il fut le premier roi de la dynastie bubas-
tite. C'est notre ( TiTiT TiTiT I, ëaSanq, Scheschanq
ou Scheschonq I er , le EecrâYX'; de Manéthon, le ëisaq
de l'hébreu par assimilation de Vn, le Sésac de la Vul-
gate, le fondateur de la XXII» dynastie (fig. 360). C'est
en vain que Birch d'abord, Observations on two
egyptian cartouches found at Kimroud, dans Tran-
sactions of the Society of littérature, II e série, t. m,
1850, p. 165, puis Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877,
p. 644, 651-659, et quelques autres, rapprochant les
noms d'Osorkon, Takelot et Nimerat, de Sargon, Tiglat
etNimrod,ont voulu donner à cette dynastie une ori-
gine babylonienne. Pétrie, A History ofEgypt, 1. 111,1905,
p.232,forçant encore ces rapprochements, demeure par-
tisan de cette origine envers et contre tous. Il suffira de
rappeler qu'à l'avèDement de la XXII dynastie, l'Assy-
rie sortait à peine d'une crise d'impuissance et qu'elle
n'avait aucun moyen de s'imposer à l'Egypte. Cf. Good-
speed,A History of Babylonians and Assyrians, l'édit.,
1906, p. 185-187. D'ailleurs entre les deux pays, s'inter-
dosait le royaume prospère de David et de Salomon.
1679
SESAC
1680
A peine monté sur le trône, Sésac se hâta de légiti-
mer sa succession en faisant épouser à son fils Osorkon
Kamara, la.fille du dernier roi tanite de la XXI e dynastie,
Pasebkhanou ou Psousennés II. Cf. G. Legrain, Le
dossier de la famille Nibnoutirou, dans Recueil des
travaux relatifs à laphilologie et à l'archéologie égyp-
tiennes et assyriennes, t. xxx, 1908, p. 160 et tableau.
De ce fait, il devenait le suzerain incontestable du
Delta, et, comme il possédait déjà le fief d'Héracléo-
polis, comprenant la Moyenne Egypte, de Memphis
jusque vers Siout, il ne restait plus en dehors de son
influence que le domaine ou la portion d'Amon, c'est-
à-dire Thèbes et la Haute Egypte. Pas plus tard que
l'an V, cette principauté lui échut en partage, et il
établit Aoupout, son second fils, grand-prêtre d'Amon,
Cf. Maspero, Momies royales de Deir el-Bahari, dans
Mémoires de la mission française au Caire, t. I,
1884, p. 573.
II. Campagne en Palestine. — Le fait saillant du
règne est l'invasion du royaume de Juda. Par malheur
la date nous en est inconnue. W. M. Mûller, Eine neue
lnschrift zu den asiatischen Zûgen des Pharao
Schischaq, dans Orientalische Litteratur-Zeitung ,\. iv,
1901, p. 280-282, et art. Shishak, dans Cheyne-Black,
Encyclopedia biblica, t. iv, col. 4485-4487, pense qu'il
est plus naturel de supposer que Scheschanq entreprit
son expédition peu après son intronisation, suivant
l'usage de plusieurs pharaons. Maspero, Histoire
ancienne, t. ir, p. 773, note 1, la place vers l'an XVIII,
et Breasted, Ancient Records of Egypl, t, iv, 1906,
p. 348, vers 926, dans la dernière moitié du règne.
D'après Breasted, A History of Egypt, 1905, p. 529,
Sésac aurait été le beau-père de Salomon, tandis
que d'après d'autres, c'était Psousennés II. Voir Jéro-
boam I er , t. m, col. 1301. C'est aussi prés de Sésac
que se réfugia Jéroboam. III Reg., xi, 40. De son
invasion en Palestine la Bible nous donne la raison
supérieure : l'abandon du Seigneur par fioboam.
III Reg., xiv, 24-25; II Par., xn, 1-2, 5. Les querelles
intestines de Juda et d'Israël étaient d'ailleurs pour
Sésac une occasion propice de consolider son trône en
jouant aux grands pharaons de naguère et en affirmant
à nouveau les prétentions de l'Egypte sur la Pales-
tine. Donc, « la cinquième année du règne de Roboam,
Sésac, roi d'Egypte, monta à Jérusalem,» IIIReg.,xiv,
25, « avec douze cents chars de guerre et soixante
mille cavaliers, et la multitude qui était venue
d'Egypte avec lui ne pouvait se compter; c'étaient des
Libyens, des Suhkim (Vulgate, Troglodytes) et des
Éthiopiens. Et il prit les places fortes de Juda et
s'avança jusqu'à Jérusalem. » II Par., xn, 3, 4. « Et il
enleva les trésors de la maison .du Seigneur, et les tré-
sors du roi, et pilla tout. Il prit aussi les boucliers d'or
que Salomon avait faits. » III Reg., xiv, 26 ; cf. II Par.,
xn, 9. Pour les troupes auxiliaires du pharaon,
voir Ethiopie, t. il, col. 2007-2013; Libye, t. iv, col. 238-
241 ; Troglodytes. Sur le fait qu'à rencontre des livres
de Moïse le roi d'Egypte est désigné ici par son nom,
voir Pharaon, col. 192.
III. Ses constructions. — Ses coffres remplis par
le pillage, Sésac pouvait reprendre les grandes cons-
tructions interrompues au grand temple de Karnak
depuis deux siècles. En l'an XXI, son fils Aoupout, le
grand-prêtre d'Amon, dépêcha des ouvriers pour ouvrir
une nouvelle carrière à Silsiléh. Le plan royal était de
contribuer à l'embellissement de Karnak par l'érection
d' « un très grand pylône » dont « les doubles portes
monteraient à des myriades de coudées. » Derrière le
pylône et * pour la demeure de son père Amon-râ, le
roi des dieux, » s'étendrait « une cour entourée d'une
colonnade et destinée à la célébration des fêtes jubi-
laires. » Stèle de Silsiléh, dans Lepsius, Denkmâler,
Abth. m,'Bl. 254 c, lig. 1-11. La cour existe encore en
avant de la grande salle hypostyle et du second pylône
actuel. Elle a cent trois mètres de largeur sur quatre-
vingt-quatre de profondeur. A l'ouest, la colonnade a
été remplacée par le premier pylône dû aux Ptolémées.
Mais elle subsiste aux côtés nord et sud. De ce dernier
côté elle franchit le temple de Ramsès III. Entre ce
temple et le second pylône, à l'angle sud-est de la cour,
s'ouvre la porte de Scheschanq I er , plus connue sous le
nom de « Portique des Bubastites » et où les rois et les
grands-prêtres delà XXII e dynastie ont gravé leurs an-
nales. A l'extérieur et à droite du portique, sur la face
sud du second pylône, dans le voisinage des exploits
syriens de Ramsès II, Sésac consigna (fig. 361) le sou-
venir de sa campagne en Palestine, donnant ainsi au
récit biblique une confirmation éclatante. VoirNo-AMON,
t. iv, col. 1645-1646, le plan de Karnak. A droite de la
scène, Sésac saisit par les cheveux un groupe de
Sémites aux mains levées en signe de merci, et brandit
sa massue au-dessus de leurs têtes. A gauche arrive
Amon présentant de la main droite la harpe au pharaon
et, de la gauche, tenant en laisse cinq rangées de
soixante-cinq captifs. Au-dessous, la déesse protectrice
de Thèbes en autant de rangées amène quatre-vingt-onze
autres prisonniers. L'on a donc cent cinquante-six
captifs. Chacun d'eux symbolise une ville fortifiée de
la Palestine dont le nom est enclos dans un ovale cré-
nelé. Du captif on ne voit, au-dessus de l'ovale, que
les épaules et le profil hardiment sémite. Les deux bras
liés pendent en arrière. Malheureusement beaucoup de
noms ont disparu sous l'action du temps et des van-
dales. Il n'en reste que soixante-quinze environ. Faute
de ressources ou de temps, les autres constructions de
Sésac ne furent pas considérables. C'est à peine si
elles se révèlent par de rares fragments à Memphis, à
Bubaste, à Phithom, et à Tanis. Près d'El-Hibbéh, dans
la Moyenne Egypte, il éleva cependant un temple aujour-
d'hui à peu près disparu où se voyait une deuxième
édition de son triomphe. Annales du service des anti-
quités, t. h, 1901, p. 84, 154.
IV. LA liste des villes. — La Bible nous dit seu-
lement que le pharaon « prit les places fortes de Juda
et s'avança jusqu'à Jérusalem. » II Par.,xn, 4. Mais les
villes de Juda ne sont pas les seules dans la liste.
Celles d'Israël en occupent la première partie surtout.
En parcourant cette liste mutilée et en nous en tenant
aux noms géographiquement déterminables, on recon-
naît, en effet, Rabbolh, Thanach, iSuneni, Rohob, Ha-
pharaïm, Mahanaïm, Béthoron, Mageddo, toutes villes
du royaume d'Israël et qui, dans Lepsius, Denkmâler,
252, 255a, figurent respectivement sous les n. 13-18, 22,
24 et 27. Il faut y ajouter le n. 32, Arouna, qui nous
est connue par les Annales de Thotmès III, Lepsius,
loc. cit., 31 b, lig. 57, 69, 70, et qui se trouvait sur la
pente méridionale du Carmel; et le n. 56, Adima, qui
pourrait bien être l'Édema de la tribu de Nephthali.
Jos., xix, 36. Au royaume de Juda reviennent les n. 19,
23, 26, 38, Aduram, Gabaon, Aïalon et Socho. Gabaon
appartenait à la tribu de Benjamin, les trois autres sont
de celles que Roboam avait fortifiées. II Par., XI, 7-10.
Mais il y avait deux Socho, l'une dans la Séphélah, vers
les monts de Juda, l'autre au sud-ouest d'Hébron, sans
parler d'une troisième située près de Ramatha, la patrie
de Samuel. Cf. W. M. Mûller, Asien und Europa nach
altâgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 161. Il y avait éga-
lement une seconde Aïalon, dans la tribu de Dan. Le
n. 59, Yrouzaa, n'est autre que la Yeraza des Annales
de Thothmès III, lig. 12, à chercher dans le nord-ouest de
la Judée. La liste nous fournit ensuite un certain nombre
de noms composés divisés en deux cartouches, une fois
même en trois (n. 107, 108, 109), dont le plus intéres-
sant est, s'il était certain, n. 71-72, Pa-houkroua-
abaram, « le champ d'Abraham », Breasted, The Ame-
rican Journal of semitic Languages and Littératures,
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1683
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1684
oct. 1904, p. 22-36; Ed.Meyer, Die Israeliten und ihre
Nachbarstâmme, 1907, p. 266; cf. Revue biblique, 1908,
p. 457, tous noms d'obscures bourgades de Juda
destinés, semble-t-il, à allonger la liste et qu'on ne peut
identifier. Il demeure à glaner le n. 100, Adraa, sans
doute Adar ou Addar en Juda; les n. 108 et 110, deux
Aarouda, dont l'une doit être VArad du désert méridio-
nal de Juda; le n. 124, la Beth-Analh de Nephtali, Jos.,
xix, 33, ou mieux la Beth-Anoth de Juda, Jos., xv, 59 ; et
le n. 125, la S'aro/iendeJuda, mais appartenant à la tribu
de Siméon, Jos., xix ; 6, la Saruhen égyptienne de 17ns-
criplion d'El-Kab, lig. 15, dans Champollion, Monu-
ments de l'Egypte et de la Nubie, t. i, p. 656, et des
Annales de Thothmès III, lig. 12. Récemment deux
nouveaux registres ont été mis au jour et on y a lu les
noms du Jourdain; de Raphia; de Leban, la Lebna
(aussi Lobna et Labana), une des stations de l'Exode,
Num., xxxih, 20-21, ou plutôt une place de la Séphc-
lah, Jos., xv, 42, de Ram ou Yehem, Annales de
Thothmès III, lig. 12, entre Gaza et Arouna, car il ne
peutguère être question de la Ham transjordanienne,
Gen. (texte hébreu), xiv, 5. Jérusalem devait se trouver
dans l'un des cartouches mutilés ou disparus, peut-
être le n. 133.
Reste le n. 29 que nous avons réservé à cause des
discussions dont il a été l'objet : You-d-h-melek. Voir
Roboam, fig. 237, col. 1103. Par une erreur bien explica-
ble à son époque, Champollion, Lettres écrites d'Egypte,
2 e édit., 1833, p. 99-100, le traduisit par « royaume de
Juda ». Il fut suivi par Rosellini, Monumenli storici,
t. n, p. 79-80; t. iv, p. 158-159, qui lut « roi de Juda »,
et par E. de Rougé, Mémoire sur l'origine égyptienne
de l'alphabet phénicien, datant de 1859, mais publié
seulement en 1874, p. 53, et l'on voulut voir dans la
tête qui surmontait l'ovale le portrait de Roboam.
Cependant, depuis Rrugsch, Geographische. Inschrif-
ten, t. n, 1858, p. 62-63, les égyptologues sont una-
nimes à ne reconnaître là qu'un nom de ville, tout
comme dans les noms qui précèdent et dans ceux qui
suivent, portant comme eux le déterminatif d'une
contrée, non d'une personne, dans l'ovale crénelé qui
caractérise les places fortifiées. « Les deux interpré-
tations — roi ou royaume de Juda — sont impossibles,
dit Sayce, The Egypl of the Hebrews, 3 e édit., 1902,
p. 109. Mélék, il est vrai, signifie « roi » en hébreu,
mais pour « roi de Juda » nou3 devrions avoir mélék-
Yehoudah, et pour « royaume de Juda », malkout-
Yehouda, dans les langues sémitiques le génitif sui-
vant nécessairement le nom qui le gouverne. » Où il
y a divergence entre les égyptologues, c'est dans la
manière d'expliquer ce nom. Brugsch, loc. cit., avait
déjà cru trouver dans le |~l], h égyptien, la transcription
de l'article hébreu . W. M. Mûller, The supposed name
of Judah in the list of Sheshonq, dans Proceedings of
the Society of Biblical Archxology, t. x, 1887-1888,
p. 81, et Asien und Europa, p. 163, admet aussi
que [l] est l'article hébreu, et, de plus, il lit la pre-
mière partie du' nom v, yad, ce qui donnerait l;bErn>,
yad-ham-mélék, « la main ou le fort du roi ». Mais
une pareille lecture pour la première partie ne répond
pas à l'égyptien 1 1 \ _» . , youd, et, de plus, comme
chez Brugsch, elle implique la transcription de l'article
sémitique par le scribe égyptien, tandis que dans les
listes de ce genre, et dans celle de Sésac en par-
ticulier, il y a toujours traduction de l'article : n, ha,
devient "V[, pa. Cf. n. 71, 77, 87, 90, 92, 94, etc.
Breasted, Ancient Records of Egypt, t. IV, p. 351,
note d. Il est donc préférable, et le nom égyptien nous
y invite, de rattacher |"[] au premier composant et de
lire in>, yehoud {-mélék), que, après Blau, Brugsch,
loc. cit., et Maspero, Histoire ancienne, loc. cit.,
p. 773, note 3, rapprochent de la Yehoud, Jud de la
tribu de Dan, Jos., xix, 45, aujourd'hui el-Yehoudîeh
au sud-est de Jaffa. Le titre qui lui est adjoint, Yehoud
du roi, la désignerait comme étant un apanage de la
couronne. Sayce, loc. cit. On pourrait encore songer à
la ville de Jota, Yuttâh, Jos., xv, 55, de la tribu de
Juda, à dix kilomètres au sud d'Hébron. Mais l'on ne
voit pas très bien d'après quel principe philologique le
scribe égyptien de Yuttâh aurait fait Yud-h, à moins
qu'on admette que le td, t, = -tm..
Au sujet des villes d'Israël mêlées à celles de Juda
dans la liste de Sésac, un point d'histoire a été
soulevé : Quelle fut la part de Jéroboam dans l'inva-
sion? Ou il ne lit aucun appel au pharaon, Stade,
Geschichte des Volkes Israël, t. i, 1881, p. 354; ou,
s'il fit appel, le pharaon conquit les villes d'Israël
pour son allié. C. Niebuhr, Chronologie der Geschichte
Israels 1896, p. vin- IX ; Winckler, Geschichte Tsraels,
t. i, 1895, p. 160. On ne peut guère douter que Jéro-
boam ne fût l'allié de Sésac qui avait reçu le fugitif à sa
cour, III Reg., xi, 40, et dont il était même le beau-père,
s'il faut en croire les Septante. III Reg., xn, 24. Au
milieu des embarras que lui suscitait son rival, Jéro-
boam implora tout naturellement le secours de
l'Egypte. La présence des villes d'Israël dans la liste
ne nous oblige nullement à supposer que ces villes
aient été attaquées ou prises par Sésac, même pour le
compte de son allié, ni que la campagne ait dépassé
les limites indiquées par le récit biblique. « En fait,
dit Maspero, loc. cit., Sheshonq se borne à suivre
l'usage égyptien, d'après lequel toutes les contrées et
toutes les villes qui paient le tribut à un pharaon, ou
qui reconnaissent sa suzeraineté, figurent ou peuvent
figurer sur les listes triomphales, qu'elles aient été
prises ou non : la présence de Mageddo, deMakhanaim
et des autres prouve, non pas qu'elles aient été con-
quises par Sheshonq, mais que le prince auquel
elles appartenaient était l'allié ou le tributaire du roi
d'Egypte. » Cf. W*. M. Millier, Asien und Europa,
p. 166, et art. Shishak, loc. cit., §2.
Voir, pour le texte de la liste de Scheschanq, outre Lep-
sius déjà cité, Champollion, Monuments, pi. ccxxxiv-
cclxxxv; Rosellini, Monumenli storici, pi. cxlviii;
Mariette, Voyage dans la Haute Egypte, t. n, pi. 42,
Pour l'étude du texte, Blau, Sisaq's Zug gegenJudaaus
den Denkmâler, dans Zeitschrift der deutschen morgen-
làndischen Gesellschaft, t. xv, 1875, p. 233-250; Brugsch,
Geographische lnschriften,t. n, p. 56-57, et Geschichte
Aegyptens, p. 661-663; Maspero, Notes sur différents
points de grammaire et d'histoire, dans Zeitschrift
fur âgyptische Sprache, t. xvm, 1880, p. 44-49; Id.,
Etude sur la liste de Sheshonq à Karnak, dans Trans-
actions of Victoria lnstitute, t. xxvn, 1893-1894,
p. 63-122; W. M. Miiller, Asien und Europa, p. 166-
172; Breasted, Ancient Records of Egypt, t. iv,
p. 348-354. C. Lagier.
2. SÉSAC (hébreu : Sâsdq; Septante : 2W»;x), un
des fils de Baria, de la tribu de Benjamin. Ses descen-
dants habitèrent Jérusalem. I Par., vm, 14, 25.
SÉSACH (hébreu : SéSak; omis dans Vaticanus;
Alexandrinus : Unaây), désignation cryptographique-
de Babylone, selon l'explication la plus commune.
D'après le procédé désigné sous le nom d'athbasch,
consistant à mettre la dernière lettre de l'alphabet à
la place de la première, et ainsi de suite, le if = b et le
c = 1, c'est-à-dire Babel. Jer., xxv, 26; li, 41. Dans ce
dernier passage, Sésach est mis, en effet, en parallélisme
avec Babylone. Saint Jérôme, In Jer., xxv, 26, explique-
en détail comment Sésach = Babel, Babylone, t. xxiv,
col. 838-839. Cf. A. Berliner, Beitrâge zur hebrâischen
1685
SÉSACH
SEUIL
1686
Grammatik im Talmud, in-8», Berlin, 1879, p. 42-14.
"Voir Athbasch, t. i, col. 1210.
SÉSAI (hébreu: SêSai; Septante : 'Zzaae.i, So-jaaei',
Eecraei), un des Énacites qui habitaient à Hébron à
l'époque de la conquête de la Palestine et qui en fut
chassé par Caleb. Num., xm, 23 (Vulgate : Sisai) ; Jos.,
xv, 14; Jud., i, 10. Quelques commentateurs croient que
le nom de Sésaï, comme celui des autres fils d'Énac
qui lui sont associes, Ahiman et Tholmaï, désigne
une tribu ou un clan. Voir Ahiman 1, t. i, col. 293;
Énacites, t. il, col. 1766.
SÉSAN (hébreu : Sêëdn; Septante : Edxrâv), descen-
dant de Jéraméel, le fils d'Hesron, de la tribu de Juda.
Sésan était fils de Jési. Il eut une fille appelée Oholaï,
qu'il maria à un de ses esclaves d'origine égyptienne,
Jéraa. I Par., n, 31, 34. Voir Oholaï, t. m, col. 1760;
Jéraa, t. m, col. 1256.
SETH (hébreu : Sêt; Septanle : S^8), troisième fils
d'Adam, Eve l'appela de ce nom disant : « Dieu m"a
donné, êât, un autre fils à la place d'Abel que Caïn a
tué. » Gen., iv, 25. Il fut le père d'Énos, jt. 26 (voir
Énos, t. n, col. 1812) qu'il engendra à l'âge de 105 ans.
Il mourut à l'âge de neuf cent douze ans. Gen., v, 38;
I Par., i, 1; Luc, m, 38. L'Ecclésiastique, xlix, 16,
rappelle comme glorieux son nom avec celui de Sem
(le texte hébreu a de plus le nom d'Énos). — Dans les
Nombres, xxiv, 17, la Vulgate traduit un vers de la pro-
phétie de Balaam de la manière suivante : « (Une verge
d'Israël) ruinera tous les enfants de Seth. » Beaucoup
de commentateurs modernes entendent par benê-Sêf,
« les enfants de tumulte », c'est-à-dire les belliqueux
enfants de Moab, nommés expressément dans le mem-
bre parallélique du verset. Jérémie, xlviii, 45, appelle
d'une façon analogue les Moabites benê Sâ'ôn, Vulgate :
filii tumullus.
SÉTHAR {Sèfâr; grec Hapaaeaîoç), un des sept
grands de Perse qui avaient
le privilège d'approcher de
la personne du roi (fig.
362). Esth., i, 14. Le roi As-
suérus les consulta pour
avoir leur avis sur le traite-
ment qu'il devait infliger à
la reine Vasthi, rebelle à ses
ordres. Cf. 1 Esd., vu, 14;
Ctésias, Persica, 14, édit.
Didot, p. 48-49; Hérodote,
ni, 84, édit. Didot, p. 165.
D'après J. Oppert, Conim.
du livre d'Eslher, dans les
Annales de philosophie chré-
tienne, janvier 1864, 1. lxviii,
p. 25, Séthar serait le perse
Saïlar, « dominateur ».
362. — Un grand de Perse.
D'après une pierre pré-
cieuse. G. Kossowiez,
Inscriptiones palaso-
persiese, in-8", Saint-
Pétersbourg, 1872, In-
scriptionum transcri-
ptio, p. 39.
SÉTHRI (hébreu : Sitri;
Septante : Seypei), lévite,
troisième fils d'Oziel, de la descendance de Caath.
Exod., vi, 22. Voir Oziel 1, t. iv, col. 1947.
1. SÉTIM, SETTIM, localité dont le nom complet
est Abelsatim. La Vulgate écrit Settim, Num., xxv, 1,
et Sétim, Jos., n, 1; m, 1; Mich., vi, 5. Voir Abelsa-
tim, t. i, col. 33.
2. SÉTIM (BOIS DE), Exod., xxv, 5, etc. Voir
Acacia, t. i, col. 101.
SÉTRAI (hébreu : Sitraï (chetib), Sirtaï (qeri);
Septante : Sarpai), Saronite, chargé de faire paître les
troupeaux du roi David dans la plaine de Saron.
I Par., xxvii, 29.
SEUIL (hébreu : saf, miftân; Septante : çXii, upô9u-
pûv, Ttp^nuXov; Vulgate : limen), pièce de bois ou de
pierre placée sur le sol, en travers de l'ouverture d'une
porte (fig. 363). — Le lévite d'Éphraïm trouva sa femme
morte, étendue à l'entrée de la maison, les mains sur le
seuil. Jud., xix, 27. Après l'introduction de l'Arche dans
le temple de Dagon, la tête et les mains de l'idole furent
trouvées sur le seuil. I Reg., v, 4. Le seuil était consi-
déré comme l'habitation des esprits. Dans le poème de la
Descente d'Istar aux enfers, XIV, verso, 26, la déesse
infernale prononce cette malédiction : « Les seuils des
portes, qu'ils soient ton habitation ! » Cf. Dhorme, Les
livres de Samuel, Paris, 1910,p.56. La femmede Jéro-
boam franchissait le seuil de sa maison, à Thersa, quand
son enfant mourut. III Reg.,xiv,17. — Dans une vision,
Isaïe, vi, 4, constate que, dans la demeure de Dieu, la
voix des séraphins ébranle «les fondements des seuils »,
'ammô( has-siffîm, xh OitépSypov, « le linteau », super-
lirninaria cardinum, « les linteaux des gonds ». Amos,
ix, 1, entend le Seigneur ordonner que les seuils d'un
temple soient ébranlés. Mais comme ils doivent tomber
sur la tête des impies, il est possible qu'au lieu de
siffîm, « seuils », il y ait à lire siffûn, « plafonds ».
Cf. V. Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris,
1908, p. 278. Dans Zacharie, xn, 2, les versions tradui-
sent : «Je ferai de Jérusalem un seuil d'ébranlement. »
Mais saf veut dire à la fois « seuil » et « coupe », et le
second sens convient ici, saf-ra'al, « coupe de vertige. »
Sophonie, I, 9, annonce le châtiment de ceux qui
« sautent par-dessus le seuil » de la maison de leurs
maîtres. Plusieurs pensent qu'il s'agit là d'une super-
stition empruntée aux Philistins : après la mésaventure
arrivée à leur idole, ceux-ci évitaient de poser le pied
sur le seuil de son temple. I Reg., v, 5. Saint Jérôme,
In Soph., t. xxv, col. 1346, mentionne celte interpré-
tation, et le Targum parle ici de « ceux qui vivent d'après
les institutions des Philistins. » Mais la persistance
d'un pareil usage parmi les Israélites au temps de
Josias est fort problématique. Comme le verbe dâlag
signifie non pas « sauter par-dessus», mais simplement
a sauter », le prophète a vraisemblablement en vue
ceux qui sautent sur le seuil des princes, c'est-à-dire
les serviteurs qui se montrent empressés et joyeux
pour satisfaire leurs caprices impies. Cf. V. Hoonacker,
lbid., p. 512, 513. Sophonie, H, 14, dit encore que la
dévastation, horéb, sera sur le seuil du palais d'Assur.
Les versions ont lu 'orêb, xôpaxeç, corvus, le « corbeau ».
— Ezéchiel parle plusieurs fois de seuils dans ses vi-
sions et sa description du Temple. Il voit la gloire de
Dieu venir sur le seuil du Temple et s'en retirer. Ezech . ,
ix, 3; x, 4, 18. Les Septante traduisent ici, comme plus
loin, xlvii, 1, par aî'Opiov, qui est une appropriation
grecque du latin atrium, Le seuil du portique du Temple
a une canne (3™217) de largeur. Ezech., xl, 6, 7. Les
Septante emploient ici et xlvi, 2, le mot atXau, transcrip-
tion de l'hébreu 'êldm, terme d'architecture qui revient
plusieurs fois dans ce chapitre XL, mais dont le sens
précis n'est pas connu. Les seuils du Temple sont re-
couverts de bois. Ezech., xli, 16. Le jour du sabbat et de
la néoménie, le prince se prosternera sur le seuil du por-
tique. Ezech., xlvi, 2. Le prophète voit des eaux jaillir de
dessous le seuil du Temple. Ezech., xlvii, 1. Le Seigneur
se plaint de ce que, du temps du premier Temple, les
rois avaient mis leur seuil auprès de son seuil, leurs
poteaux auprès de ses poteaux, souillant ainsi sa demeure
sainte par leurs prostitutions, leurs cadavres et leurs
hauts lieux. Ezech., xliii, 7, 8. Le palais royal était en
eiïet contigu à l'enceinte du Temple. Voir le plan, t. m,
1687
SEUIL — SEVRAGE
1688
col. 1356. — Au miffân, seuil inférieur, correspond le
masqôf, seuil supérieur ou linteau. La Vulgate l'appelle
superliminare, mais emploie aussi ce mot pour dé-
signer le seuil proprement dit. Is., vi, 4; Am., rx, 1;
Zach., xn, 2. Les Septante devraient le nommer -JTrép-
Oupov, mais ils ne se servent de ce mot que dans Isaïe,
vi, 4. Il est question du linteau au moment de la pre-
mière Pàque : les Hébreux doivent le marquer avec
le sang de l'agneau pascal. Exod., xn, 7,22,23. VoirLus-
TRATiON,t. îv, col.425. — Au substantif saf se rattache le
verbe sdfaf, se se tenir sur le seuil ». Le Psalmiste
préfère se tenir sur le seuil de la maison de Jéhovah
plutôt que d'habiter sous les tentes des pécheurs.
Ps. lxxxiv (lxxxiii\ 11. Les versions ont traduit par
itapapiTtTSÏffUa'., abjectus esse,n être méprisé », en pre-
nant le verbe hébreu dans un sens moral. — Le nom
l'exercice de la sévérité dans les exhortations et les
reproches, mais avec patience et de manière à ins-
truire. II Tim., iv, 2. Cette sévérité sera rigoureuse
à l'égard des Cretois, Tit., i, 13, mais elle doit être
absente des avertissements donnés aux vieillards. I Tim.,
v, 1. H. Lesêtre.
SEVRAGE,suppression du lait maternel à un enfant.
Cette suppression est indiquée par le verbe gdmal,
âitoyaiaxTfïsiv, ablactare, « sevrer ». — Le sevrage
des enfants est assez tardif en Orient. « II n'est pas
rare en Palestine et en Syrie de voir des enfants jouer
en mangeant une galette de pain, et quitter leur jeu
pour aller boire au sein de leur mère. Les femmes
bédouines donnent le sein à leurs enfants jusqu'à l'âge
de cinq et même de sept ans. Cet allaitement mixte
■ Seuil assyrien. Musée du Louvre.
de Somê has-saf, « gardiens du seuil », o! cp\ùâ<j<iovTsç
xbv 5ta6 u,<jv, gui cuslodiunt oslia, est donné aux portiers
du Temple, IV Reg., xn, 9; xxn, 4; xxm, 4; xxv, 18;
I Par., ix, 19; II Par., xxxiv, 9; ,1er., xxxv, 4; lu,
24, et à ceux du palais de Suse. Esth., h, 21; vi, 2.
H. Lesêtre.
SÉVÉRITÉ (grec : à7roro|iîa; Vulgate : severitas),
rigueur dans les procédés dont on use envers quelqu'un.
— Ézéchiel, xxxiv, 2-4, reproche aux pasteurs d'Israël
la sévérité égoïste qu'ils ont exercée à l'égard de leur
peuple. Daniel, n, 15, trouve sévère, niehafaefdh,
àvai6iT|Ç, crudelis, la sentence royale qui condamne à
mort tous les sages de Babylone. Une sentence sem-
blable envoya à la fournaise les trois jeunes hommes.
Dan., m, 22. Dieu a châtié les Égyptiens en roi sévère,
Sap., XI, 11, et il réserve aux puissants un jugement
sévère. Sap., VI, 6. Les pharisiens étaient sévères pour
les autres, mais indulgents pour eux-mêmes. Malth.,
xxm, 3, 4. Dieu se présente comme un maître sévère,
qui demande un compte rigoureux des biens qu'il a
confiés à l'homme. Matth., xxv, 24; Luc, xix, 21, 22.
II est sévère contre ceux qui font le mal. Rom., xi,
22. Son jugement sera sans miséricorde pour ceux qui
auront été sans miséricorde. Jacob., h, 13. Voir Juge-
ment de Dieu, t. m, col. 1837. Saint Paul recommande
et prolongé a sa raison hygiénique dans un pays où les
affections intestinales font périr un grand nombre
d'enfants; aucune nourriture sans doute n'est aussi
salutaire que le lait maternel. » Jullien, L'Egypte,
Lille, 1891, p. 263. Voir Enfant, t. n, col. 1787. —
Quand Isaac eut grandi, on le sevra et, à cette occasion,
Abraham fit un grand festin. Gen., xxi, 8, 9. Quand
Moïse eut été sevré par sa mère, on le conduisit à la
fille du pharaon qui l'adopta et le fit élever. Exod.,
n, 9. Anne sevra son fils Samuel et ensuite le mena
dans la maison du Seigneur, à Silo, pour l'y consacrer.
I Reg., i, 22-24. Adad, de la race royale d'Édom, reçut
pour épouse en Egypte Taphnès, belle-sœur du pharaon.
Le fils qu'il en eut, Génubath, une fois sevré, fut
élevé à la cour égyptienne. III Reg., XI, 19, 20. Cf. Ose.,
I, 8. Moïse, Samuel et Génubath furent nécessairement
sevrés à un âge assez tardif, alors qu'ils pouvaient se
passer des soins immédiats de leur mère. Sous Ézé-
chias,on exemptait des distributions lévitiques ceux qui
servaient dans le Temple et y recevaient le nécessaire
pour eux et leurs enfants de trois ans et au-dessus. II
Par., xxxi, 16. Les enfants au-dessous de trois ans
n'avaient rien à recevoir, parce qu'ils n'étaient pas
encore sevrés. La mère des sept frères martyrisés par
Antiochus Épiphane rappelle à son plus jeune fils
1689
SEVRAGE — SIBYLLINS (ORACLES)
1690
qu'elle l'a allaité durant trois ans. II Mach., vu, 27. Les
Hébreux ne sevraient donc leurs enfants que vers l'âge
de trois ans. Les Égyptiens faisaient de même. Voir
t. il, col. 1787. Mahomet, Koran, n, 233, veut que les
mères allaitent leurs enfants deux ans complets, si le
père veut que le temps soit complet. — Dans sa des-
cription de l'âge messianique, Isaïe, xi, 8, dit que
l'enfant à peine sevré mettra sa main, sans dommage,
sur la prunelle du basilic. Les Israélites de son temps
accusent le prophète de répéter toujours les mêmes
choses, comme s'il voulait enseigner la sagesse à des
enfants à peine sevrés et détachés de la mamelle. Is.,
xxxvm, 9. Pour exprimer son humilité et sa confiance
en Dieu, l'auteur du Psaume cxxxi (cxxx), 2, s'exprime ,
ainsi :
l
Je tiens mon âme dans le calme et le silence,
Comme un enfant sevré sur le sein de sa mère, ,
Comme l'enfant sevré, mon âme est en moi.
Le petit enfant qui vient d'être sevré se tient tout hum- i
ble sur le sein de sa mère; il attend avec confiance
qu'elle remplace par une autre nourriture celle dont
elle vient de le priver. H. Lesëtre.
SIAA (hébreu : Sï'âhâ; Septante :Siaà), chef d'une
famille de Nathinéens revenue de la captivité avec
Zorobabel en Palestine. I Esd., n, 44; II Esd., vu, 48
(hébreu : Si'à", II Esd., vu, 47). Voir Siaha.
SIAHA (hébreu : $îha; manque dans les Septante),
chef ou ancêtre éponyme d'une famille de Nathinéens
qui habitèrent à Ophel au retour de la captivité de
Babylone. II Esd., xi, 21. Ce nom peut être identique
à Siaa.
SIBA (hébreu : $ibâ', Septante : 2i6i SigSâ), ser-
viteur de la maison de Saùl. Il avait lui-même quinze
fils et vingt serviteurs ou esclaves. David, à cause des
promesses qu'il avait faites à son ami Jonathas, fils
aîné de Saùl, s'informa auprès de lui du sort des
enfants de Jonathas et il apprit qu'un de ses fils,
infirme et boiteux, nommé Miphiboseth, vivait à l'est
du Jourdain dans le pays de Galaad. Le roi fit venir ce
dernier à Jérusalem, lui rendit les biens de Saûl, lui fit
partager sa table etchargea Siba d'administrer ses biens.
1,1 Sam. (Reg., ix). Siba fut infidèle à son maître au
moment de la révolte d'Absalom. Il amena au roi fugitif
les ânes et les provisions de Miphiboseth et lui dit que
le petit-fils de Saûl était resté à J érusalem pour remonter
sur le trône de son grand-père. David le crut et donna
à Siba tous les biens du malheureux fils de Jonathas.
Il Sam., xvl, 1-4. Celui-ci n'eut pas de peine à se jus-
tifier au retour de David à Jérusalem, mais le roi ne
lui rendit cependant que la moitié de ses biens et
laissa l'autre à l'intendant infidèle, II Sam., xix, 24-30,
voulant sans doute réparer l'injustice qu'il avait com-
mise envers lui, mais récompenser aussi en même
temps le service que lui avait rendu Siba en l'appro-
visionnant dans sa détresse.
SIBAN, orthographe dans la Vulgate, Es th., vin,
9, du nom du troisième mois hébreu appelé Sivan. Voir
Sivan.
SIBBOLETH (hébreu : Sibbôlél), prononciation
défectueuse du mot Sibbôlêt, « épi », qui fit recon-
naître les Ephraïmites par les Galaadites au gué du
Jourdain. Jud., xii, 6. Voir Jephté, t. m, col. 1256.
SIBYLLINS (ORACLES). Sous le titre de
« Oracles des sibylles » (ot ÊiêuXXiaxoî xp»W>0> il
exista un recueil de vers en quatorze livres, qui par
ses morceaux les plus anciens appartient à la littéra-
ture hellénistique juive, et qui a été longtemps tenu
pour un authentique recueil d'oracles des sibylles
païennes. Michel-Ange a peint cinq de ces sibylles à
côté de sept prophètes de l'Ancien Testament, à la voûte
de la chapelle Sixtine.
On avait dès longtemps, en effet, cru à l'existence de.
recueils d'oracles des sibylles. Varron, dans un pas-
sage de ses Libri divinarum rerum cité par Lactance,
raconte que les livres sibyllins ne sont pas d'une seule
sibylle, mais qu'on les appelle sibyllins parce que chez
les anciens (les anciens de Varron) toutes les femmes
qui vaticinaient portaient le nom de sibylles. Ce nom
leur venait de la sibylle de Delphes, suppose Varron.
Une étymologie est risquée par Varron : en dialecte
éolien, dit-il, on disait oioit pour Oeoùï et ëoOXXav pour
ëo-jXriv : sibylle était donc synonyme de 8so3o-jXyi, volonté
ou décret des dieux. Celte étymologie est controuvée,
mais on n'en a pas proposé de plus sortable depuis
Varron, et le mot sibylle reste d'origine inconnue.
Varron énumère, dans.ce même passage cité par Lac-
tance, les sibylles qu'il connaît, au nombre de dix : —
la sibylle de Perse, la sibylle de Libye, la sibylle de
Delphes, la sibylle Cimmérienne (en Italie), la sibylle
d'Erythrée (en Ionie), la sibylle de Samos, la sibylle de
Cumes, la sibylle d'Hellespont, la sibylle de Phrygie,
enfin la sibylle de Tibur. Varron rapporte encore que
la sibylle de Cumes vint trouver Tarquin l'Ancien et lui
offrit neuf livres de prophéties pour trois cents pièces
d'or. Le roi ayant refusé de les payer si cher et ayant
traité la sibylle de folle, celle-ci jeta trois de ses livres
au feu, et offrit les six restants au roi pour le même
prix que d'abord. Le roi refusa déplus belle. La sibylle
jeta trois autres livres au feu, et offrit les derniers res-
tants toujours pour le même prix. Du coup, le roi se
décida à les payer. Tel est le récit de Varron. Lac-
tance, Divin. Institut., i, 6, édit. Brandt, t. i, p. 20-23.
Un auteur du temps d'Auguste, cité là même par
Lactance, Fenestella, rapporte que le temple de Jupi-
ter Capitolin, qui avait été incendié en 83 avant notre
ère, ayant été relevé, le sénat fit quérir les vaticinia
de la sibylle d'Erythrée et recueillit ainsi environ mille
vers qui furent apportés à Rome. Lactance ajoute, et
ce témoignage vaut pour son temps, c'est-à-dire le
commencement du iv e siècle : Harum omnium Si-
byllarum carmina et feruntur et habentur, prsster-
quam Cymaise, cujus libri a Romanis occultantur,
nec eos ab ullo nisi a quindecimviris inspici fas ha-
bent, et sunt singularum singuli libri. Lactance,
ibidem. Quoi qu'il en soit des oracles de la sibylle de
Cumes soi-disant réservés aux seuls Quindecim vin
sacris faciundis, Lactance connaissait des carmina des
sibylles qui étaient dans le domaine public. Il en cite
de ceux que nous possédons.
Nos Oracula sibyllina ont été édités pour la première
fois par Xystus Betulejus à Bâle en 1545; réédités
en 1555, en 1599, en 1689; insérés par Gallandi au
tome I er de sa Bibliotheca veterum Patrum, Venise,
1788. Remarquable édition par Alexandre, Oracula si-
byllina, Paris, 1841-1856, et editio minor, 1869. Une
édition critique récente a été donnée par J. Geffken,
Die Oracula sibyllina, Leipzig, 1902, dans Die grie-
chischen christlichen Schriftsteller de l'Académie de
Berlin. On doit à M. Geffken un mémoire qui a pour
titre Komposition und Entstehungszeit der Oracula
sibyllina, Leipzig, 1902. Consulter aussi l'article de
Bousset, Sibyllen und sibyllinische Bûcher, dans la
Bealencyklopâdie de Hauck, t. xvm (1906); O. Bar-
denhewer, Geschichte der altkirchlichen Literatur,
Fribourg, 1903, t. n, p. 651-625; E. Schûrer, Geschichte
des jûdischen Volkesim ZeitalterJesu,3 c édit., Leipzig,
1898, t. ni, p. 421-450.
Les Oracula sibyllina nous sont parvenus dans un
grand désordre et avec bien des lacunes. On n'a long-
1691
SIBYLLINS (ORACLES)
1692
temps connu que les huit premiers livres. Le cardinal
Mai a le premier publié les livres XI-XIV, les livres
IX-X manquent. Les manuscrits qu'on possède des
Oracula sibyllina se partagent en trois familles,
dont les deux premières ne donnent que les livres I-
VIII; la troisième famille est celle qui a fourni à
Mai les livres XI-XIV. Un livre XV est mentionné,
dont on n'a rien. Voir F. Blass, dans Kautzsch, Die
Apokryphen und Pseudepigraphen des Allen Tes-
taments, Tubingue,1900, t. n, p. 181.
Le recueil des Oracula sybillina s'ouvre par un
prologue en prose, introduction qui d'ailleurs n'est
donnée que par une famille de manuscrits sur trois.
L'auteur de cette introduction expose l'intérêt qu'ont
pour un chrétien ces oracles païens où le Christ est
annoncé. Il énumère dix sibylles, empruntant ses
informations à Lactance, qu'il prend pour un philo-
sophe païen, prêtre du Capitule. Ce prologue a dû être
écrit après la fin du v e siècle, avant la fin du vi e .
L'auteur est sûrement un Byzantin, car il appelle Rome
. P(i[iY] irpeog'jTspa, expression qui l'oppose à la nouvelle
Rome, Conslantinople.
Les oracles eux-mêmes sont en vers hexamètres et
écrits dans le dialecte qu'on est convenu d'appeler
homérique, eu égard à ce que de vieilles sibylles
païennes ne devaient pas s'exprimer autrement qu'Ho-
mère : nous avons affaire à un pastiche, qui n'est pas
pourtant une œuvre sans beauté, car çà et là on y
rencontre des développements animés d'un véritable
souffle poétique. Si l'on veut comprendre l'origine
première de ces faux oracles, il faut penser à ce qu'était
le judaïsme alexandrin, à la prétention qu'il eut d'hellé-
niser la religion juive, de lui donner une sorte de
droit decité grecque, en propageant l'idée que les maîtres
de la pensée grecque, Heraclite, Pythagore, Platon, et
lesautres, n'étaient que des disciples de Moïse. Ce fut
là, a pu dire M. Bousset, Die Religion des Tudentums
imneutestamentlichenZeitalter, Berlin, 1903, p. 74, le
dogme fondamental du judaïsme hellénisé. Pour le
mieux établir, on attribua à Orphée, à Homère, à Hé-
siode, à Pindare, à Eschyle, à Sophocle, à Euripide,
etc., des textes apocryphes ou frelatés qui les accor-
daient avec Moïse pour la plus grande gloire du
judaïsme. Il y eut plus encore : à la littérature apoca-
lyptique palestinienne dont le Livre d'Henoch est le
spécimen le plus remarquable, littérature violemment
nationaliste, s'oppose une littérature alexandrine, d'ins-
piration universaliste, elle aussi tournée vers l'avenir
pour le prophétiser, et de cette littérature les Oracles
sibyllins sont le monument. Renan a dit : « La forme
de l'apocalypse alexandrine fut ainsi le sibyllisme. »
Les Évangiles, p. 162. Et il ajoute : « Quand un juif
ami du bien et du vrai, dans cette école tolérante et
sympathique, voulait adresser aux païens des avertisse-
ments, des conseils, il faisait parler une des prophé-
tesses du monde païen, pour donner à ses prédications
une force qu'elles n'auraient pas eue sans cela... A côté
de la fabrique juive de faux classiques, dont l'artifice
consistait à mettre dans la bouche des philosophes et
des moralistes grecs les maximes qu'on désirait incul-
quer, il s'était établi, dès le II e siècle avant Jésus-Christ,
un pseudo-sibyllisme dans l'intérêt des mêmes idées. »
Cf. Schûrer, t. ni, p. 420. Ce sibyllisme juif n'eut que
trop de succès, car il fut accepté sans défiance par des
écrivains chrétiens, et il se trouva même parmi eux des
lettrés assez entreprenants pour continuer le sibyllisme
dans l'intérêt des idées chrétiennes. Ainsi se forma
anonymement et collectivement cette collection de
poèmes, qui, telle qu'elle est, a dit Schûrer, est un chaos
désordonné que la critique la plus sagace n'arrivera
jamais à passer au crible et à mettre en ordre. Il n'est
même pas possible de séparer sûrement les éléments
chrétiens des éléments purement juifs. Les plus
anciens morceaux sont en tout cas juifs, mais peut-
être contiennent-ils quelques oracles préexistants d'ori-
gine païenne. Schûrer, p. 433.
o) On est d'accord pour considérer le livre III des
Oracula sibyllina comme la portion la plus ancienne
du recueil. Ce livre III n'est d'ailleurs qu'un reste; en
tête on lit-Êx toy SevTÉpou XfSyou et on y compte 829 vers,
alors que la suscription de certains manuscrits en
annonce 1034. Théophile d'Antioche [Ad Antolyc, h,
36, t. vi, col. 1109) cite des vers de la sibylle (84 au
total) sur la foi monothéiste, vers que l'on ne retrouve
pas dans les manuscrits et que l'on pense avoir figurés
primitivement en tête du poëme que constitue notre
livre III. Par contre, ce livre III a aujourd'hui en têle
des vers qui ne lui appartenaient primitivement pas :
le morceau 63-96 est d'une main chrétienne; le mor-
ceau 1-62 est à retrancher aussi du reste du livre.
L'origine de ce morceau 1-62 semble juive: les vers46-
62 peuvent dater de l'an 70 de notre ère.
Mais le livre III (97-829), pour le reste, est juif et il
constitue ce que Bousset appelle la plus ancienne,
la plus importante et la plus riche des sibylles.
Sous forme de prophétie de l'avenir, car la sibylle se
donne elle-même pour la belle-fille de Noé (v. 827),
toute l'histoire juive est décrite à grands traits, en com-
mençant au récit de la tour de Babel et de la confu-
sion des langues, et en menant de front l'histoire du
peuple de Dieu et l'histoire de l'humanité telle que
les Grecs la racontaient, le règne de Cronos, la révolte
des Titans, puis les grands royaumes, Egypte, Perse,
Médie, Ethiopie, Assyrie, Macédoine, Egypte à nouveau,
Rome enfin. Il y a des redites et des retours, car
l'unité de composition est ce qui manque le plus à ce
poème : mais il y a insistance sur la gloire d'Israël, sur
sa vocation providentielle qui est d'être la lumière des
nations pour la connaissance du vrai Dieu. Les épreuves
ne manqueront pas à Israël, mais un roi se lèvera un
jour, envoyé de Dieu pour détruire les ennemis de son
peuple, et la lin des choses viendra après sa victoire.
Nous avons là les thèmes bien connus de l'apocalyp-
tique juive. La venue du roi sauveur estannoncée comme
devant se produire sous un roi grec d'Egypte, qui est
le septième de sa race (v. 608-614), et que les critiques
identifient avec Ptolémée VII Physcon (145-117 avant
J.-C). On en conclut que le sibylliste du livre III a dû
écrire son poème, vers 140, en Egypte.
Cette datation, qui est celle qu'adopte Schûrer,
parait probable. Néanmoins, on a voulu reconnaître
parmi les événements prédits parle sibylliste du livre III
quelques événements plus récents que Ptolémée VII,
et faire de l'auteur un contemporain des derniers temps
des Machabées, eu égard notamment à ce qu'il viserait
la guerre des Romains contre Mithridate, en 88. Schûrer,
p. 434-439; P. Lagrange, Le messianisme chez les
Juifs, Paris, 1909, p. 81-83; Geffken, Komposition,p. 88.
Dans le livre III, les vers 63-96 sont un morceau
chrétien, décrivant, sous forme apocalyptique, la mission
d'un faux Messie, Béliar, sorti de Samarie. Ce Béliar
serait, pour M. Geffken, p. 15, Simon le magicien; la
date de cette petite apocalypse serait indéterminable.
6) Le livre IV (192 vers) est un poème court, mais
complet. Il contient un éloge de la justice : Dieu ven-
gera un jour les justes des persécutions qu'ils ont à
supporter. Toutes les péripéties de l'histoire se déroulent
avant ce jour de Dieu. Suit une description de la fin.
Saint Justin (Apolog., xx, 1, t. vi, col. 357) fait allusion
à cette description de la fin dumonde parlefeu. L'auteur
de cette petite apocalypse, qui est sûrement un juif, con-
naît la légende de la survivance supposée de Néron, la
ruine de Jérusalem par Titus, l'éruption du Vésuve en
79. On suppose qu'il a écrit en 80. Schûrer, p. 441-442;
Lagrange, p. 64-65; Geffken, p. 20.
c) Le livre V (531 vers) est un conglomérat de divers
1693
SIBYLLINS (ORACLES) — SICELEG
1694
oracles ou fragments d'oracles, dans lequel on dis-
tingue cependant un auteur principal, qui est, semble*
t-il, un juif d'Egypte : il parle de la ruine de Jérusa-
lem en 70 comme d'un événement qui est arrivé sous
ses yeux : il peut avoir écrit sous Domitien ou Nerva,
dans les deux derniers decennia du premier siècle.
D'autres morceaux sont plus récents : en tête (1-51)
figure une revue des empereurs romains qui va jusqu'à
Hadrien, l'auteur est un juif du temps de Marc Aurèle.
En guise de conclusion (512-531), peut-être a-t-on
affaire à un morceau d'une apocalypse gnostique. Ça
et là, quelques interpolations chrétiennes. Schûrer.
p. 442-443 ; Geffken, p. 22-29.
d) Le livre VII (162 vers) est une pièce très curieuse,
chrétienne d'origine, pas catholique, venue proba-
blement de quelque milieu judéo-chrétien, vers le mi-
lieu du second siècle, si nous en croyons M. Geffken,
p. 33-37.
e) Le livre VI (28 vers) est une prophétie de la mis-
sion du Christ, de ses miracles, de sa mort sur la croix.
M. Geffken l'appelle un hymne, l'attribue au second
siècle, et y voit l'œuvre d'un hérétique, sans qu'il puisse
déterminer à quelle hérésie il appartient. Geffken,
p. 31-32. Ce morceau était célèbre : il a élé cité par
Lactance, Divin. Institut., iv, 13, 21, édit. Brandt,
p. 322.
f) Le livre VIII (500 vers) est, au jugement de Geffken,
un vrai modèle du genre. L'auteur est un chrétien.
Son poème a été connu par Lactance; mieux encore,
par Théophile d'Antioche, ce qui nous reporte à la
fin du second siècle; ce serait donc au plus tard peu
avant 180 que le poème aurait été mis en circulation.
Il est pour une part fait de pièces plus anciennes, que
Geffken analyse comme suit : 1° une pièce païenne,
fragmentaire (131-138, 151-159, 160-168); 2» une pièce
chrétienne, moitié historique, moitié eschatologique
(50-72, 139-150, 169-216, 337-358); 3» une pièce chré-
tienne violemment anti-romaine, en partie eschato-
logique (1-49, 73-130); 4° la fameuse pièce, eschato-
logique, formant acrostiche sur les mots : 'Iï]<7o-j;
Xpetoroç ôeoîj utbç <tù)tï]? (rraupot; (217-250); 5° un long
morceau résumant l'histoire évangélique (251-323), un
autre moral (324-336, 480-500), un autre eschatologique
(359-428), un autre sur l'incarnation du Verbe (429-479).
Si cette répartition des sources du livre Vlllestacceptée.
ce livre apparaît comme un agrégat de morceaux très di-
vers et cependant bien fondus dans l'unité de style que
lui a donnée le rédacteur final. Ce rédacteur semble
devoir être cherché au second siècle, à l'époque des
apologistes, vers 150-160; c'est un contemporain de
saint Justin, au jugement de Geffken, p. 46. M. Bousset,
cependant, croit que le compilateur du livre VIII est
plus récent; il le date du 111 e siècle, et en fait un con-
temporain de la reine Zénobie, vers 270. Bousset, art.
cit., p. 275.
La pièce acrostiche est peut-être le morceau le plus
célèbredes Oracula sibyllina. Au dire de Cicéron les
anciennes sibylles usaient d'acrostiches comme d'une
forme ënigmalique à donner à leurs oracles [De divi-
nalione, n, 54) : en conséquence, on voyait dans l'acros-
tiche sur le Sauveur un bon signe de l'authenticité de
la prophétie attribuée à la sibylle Erythrée. Saint
Augustin raconte, DeCiv. Dei,xvm, 23, t. xli, col. 579,
que son ami Flaccianus, qui avait été proconsul et qui
était un homme fort instruit, lui montra un jour un
manuscrit grec qui se donnait pour des carmina Si-
byllse Erythree.se, et où se lisait notre acrostiche. Augus-
tin rapporte là mêmequ'il connaissait une version latine
versibus maie latinis et non stantibus, faite par un
inconnu, de cet acrostiche fameux. Et il en cite une
version latine meilleure et en vers corrects. Eusèbe
dans le discours Ad sanctorum cœtum qu'il prête à
l'empereur Constantin, cite tout au long l'acrostiche,
comme une prophétie faite du Christ par la sibylle
Erythrée, prêtresse d'Apollon, dans la sixième généra-
tion après le déluge. Eusèbe, Ad sanctorum cœtum, 18,
édit. Heikel, p. 179-181. Eusèbe sait que beaucoup de
bons esprits ne croient pas à l'authenticité du prétendu
oracle de cette sibylle, mais, pour lui, il n'estime pas
ces doutes justifiés, car il sait que, avant la naissance
du Christ, Cicéron a connu cette pièce acrostiche et
qu'il l'a traduite et insérée dans ses propres écrits.
lbid., 19. Cette assertion d'Eusèbe est sans fondement.
L'acrostiche de notre sibylliste a été très populaire au
moyen âge. C'est à lui que fait allusion le Dies iree
(Thomas de Celano, XIII e siècle) : ...solvet sœclum in
favilla, teste David cum Sibylla.
g) Les livres I er (400 vers) et II (347 vers) forment un
tout, qui serait une réfection chrétienne exécutée dans
la seconde moitié du m e siècle, d'un écrit sibylliste
juif de date indéterminée. Bardenhewer,p.653. Geffken,
p. 52. Au livre I er , les vers 319-400 présentent une prophé-
tie de la venue du fils de Dieu parmi les hommes, de
sa prédication, de ses miracles, de sa résurrection. Le
rédacteur de ce morceau emprunte au livre VIII». Ce
même rédacteur a interpolé la première partie du livre I er
d'emprunts aux livres VII et VIII. Dans le livre II, les
vers 34-153 sont une suite de maximes de morale, d'une
inspiration qui peut être juive ou stoïcienne. Le mor-
ceau II, 238-347, est une description du jugement pré-
sidé par le Christ. Parmi les pécheurs punis le sibylliste
signale des prêtres et des diacres prévaricateurs. Le châ-
timent des pécheurs ne durera qu'un temps, et ils seront
à la fin pardonnes et réunis aux élus dans la vie éternelle
des champs Elysées. Sur quoi un lecteur orthodoxe a
interpolé sept vers de protestation contre cette erreur
et contre Origène qui en est l'auteur.
M. Bousset identifie l'auteur de III, 63-96, avec l'auteur
du remaniement dulivrell.et retrouve dans 111,77 sq.,
des allusions à Zénobie survivant (267-273) au meurtre
de son mari Odenath. Bousset, p. 275.
h) Les livres XI, XII, XIII (324, 299 et 173 vers) sem-
blent à M. Bardenhewer former une suite et avoir été
écrits par la même plume : le sibylliste déroule l'his-
toire universelle depuis l'ancienne Egypte jusqu'au
règne de Gallien. Il était chrétien et appartient à la se-
conde moitié du III e siècle. Le livre XIV (361 vers) est
peut-être du même écrivain que les livres XII et XIII.
Geffken, p. 61-62, rattache XII et XIII au christianisme
du temps et de l'entourage de Zénobie; mais XI serait
d'une plume juive du m« siècle, XIV également et du
IV e siècle au plus tôt. Bardenhewer, op. cit., p. 655.
L'histoire littéraire témoigne du crédit dont ont joui
jadis les Oracula sibyllina. Ils sont connus et cités par
Alexandre Polyhistor, vers 80-40, avant notre ère.
Schûrer, p. 444. Il est douteux que Virgile, dans sa
fameuse quatrième églogue doive rien aux sibyllistes
juifs. Ibid.,j>. 445. Sur l'usage que les Pères de l'Église
ont fait d'eux, voyez Vervorst, De carminibus sibylli-
nis apud sanctos Patres disceptatio, Paris, 1844;
Besançon, De l'emploi que les Pères ont fait des oracles
sibyllins, Montauban, 1851; et Schûrer, p. 446-447.
Pour la bibliographie détaillée du sujet, Schûrer,
p. 448-450. P. Batiffol.
SICELEG (hébreu : Siqlag; Septante : SsxeXctx,
SixeXix), ville de la tribu de Juda, Jos., xv, 21, qui fut
donnée à la tribu de Siméon. Jos., xix, 5; I Par., iv,
30. — 1° Le site n'en a pas été reconnu d'une manière
certaine. Les explorateurs anglais ont proposé de
l'identifier avec les ruines de Zouheilikéh, à l'est-sud-
est de Gaza. Ces ruines couvrent trois collines basses,
à six kilomètres environ au nord de l'ouadi es Seri'a,
qu'on croit être le Besor de I Sam. (Reg.), xxx, 9,
10, 21. Voir la carte de la tribu de Juda, t. m, vis-
à-vis col. 1759. Cf. Besor, t. i, col. 1641. — 2» Siceleg
1695
SIGELEG
SIGHEM
1696
était an pouvoir des Philistins du temps de Saûl.
Achis, roi de Geth, en donna la possession à David qui
s'était réfugié auprès de lui pour échapper à la per-
sécution de Saûl et c'est ainsi que cette ville entra
dans le domaine des rois de Juda. I Sam. (Reg.), xxvu,
6-7. David y résida jusqu'à la mort de Saûl. Quand les
Philistins rassemblèrent leurs forces dans la plaine de
Jezraël pour combattre le roi d'Israël, Achis emmena
avec lui David et ses compagnons. Les autres chefs
philistins ne voulurent point les avoir au milieu d'eux.
David revint donc à Siceleg, mais, à son arrivée, il
trouva la ville dévastée et pillée par les Amalécites. Il
se mit aussitôt à leur poursuite avec ses hommes, dont
le nombre s'était augmenté à Siceleg même depuis
qu'il s'y était établi, I Par., xn, 1, 20, et il enleva aux
pillards tout ce qu'ils lui avaient pris. I Sam. (Reg.), xxx.
C'est là, au retour de celte expédition contre les Ama-
lécites, qu'il apprit la mort de Saûl. II Sam. (Reg.),
I, 1; IV, 10. — Siceleg n'est plus nommée qu'une fois
dans l'Écriture : des descendants de Juda s'y établirent
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 28.
SICHAR (Nouveau Testament : Eujrâp), localité de
Samarie, où habitait la Samaritaine qui allait puiser
de l'eau au puits de Jacob. Joa., rv, 5. Voir Samari-
taine, col. 1424. Sichar n'est nommée que dans ce
seul passage. Saint Jérôme, dans sa version de VOno-
masticon d'Eusèbe, t. xxm, col. 923, s'exprime ainsi
sur sa situation : Sichar, ante Neapolim, juxta agrum
quem dédit Jacob filio suo Joseph, in quo Dominus...
Samaritanx mulieri ad puteum loquitur, ubi nunc
Ecclesia fabricata est. Les ruines de cette église ont
été retrouvées; elle vient d'être relevée par les Grecs,
et les pèlerins peuvent boire maintenant de l'eau du
puits qui a été très longtemps obstrué. Voir fig. 291,
col. 1425; cf. Jacob (Puits de), t. m, col. 1075. L'opi-
nion qui a soutenu pendant longtemps que Sichar
était un nom donné par dérision à Siçhem n'est plus
soutenable. L'eau abonde à Sichem et la Samaritaine
ne serait pas allée la chercher au puits de Jacob, si
elle l'avait eue sous la main près de sa demeure. Joa.,
iv, 15. Le pèlerin de Bordeaux, en 333, distingue
nettement Sichar de Sichem, Jtiner., t. vm, col, 790.
On peut affirmer aujourd'hui avec la plus grande
vraisemblance que Sichar est el-Askar, village situé
sur les dernières pentes du mont Hébal. Voir A. Neu-
bauer, Géographie du Tahnud, in-8", Paris, 1868,
p. 169-171 ; Lightfoot, dans la Contemporary Revieiv,
mai 1875, p. 860-863.
1. SICHEM (hébreu : Sekém; Septante : Si>xÉpO,fils
d'Hémor l'Hévéen, du temps de Jacob. Il enleva Dina,
fllle de Jacob, et ses frères, pour la venger, persuadèrent
au ravisseur de se circoncire avec tous les habitants
de la ville de Sichem, puis les massacrèrent lors-
qu'ils ne pouvaient se défendre. Gen.,xxxm, 19; xxxiv,
2-26. Voir Dîna, t. n, col. 1436. — Sichem est encore
nommé comme fils d'Hémor dans Jos., xxiv, 32;Jud.,
ix, 28; Act., vu, 16.
2. SICHEM (hébreu : Se kém; Septante : ~S,J- / s V .;[xi]
Sixtjia; S^xiVa, Gen., xxxv, 4 et 5; Valicanus : r,
Sixtpa, III Reg., xn, 25), ville de la tribu d'Éphraïm,
remplacée par Néapolis.
I. Identification et situation. — L'identité de
Sichem avecNaplouseest communément admise. Cf. Mi-
drasch Rabboth, Bamidbar, c. xxm, Neubauer, Géogra-
phie du Talmud, Paris, 1868, p. 169; S. Épiphane,
Contra hasr., lxxviii, 24; lxxx, 1, t. xlii, col. 735,
758. On soulève quelques difficultés sur le site précis
de l'antique Sichem, mais on admet que Naplouse,
établie sur le territoire de la ville biblique, lui a
succédé et se trouve l'héritière de ses souvenirs
comme de ses possessions. Cf. F. de Saulcy, Diction-
naire topographique, Paris, 1877, p. 287.
II. Description. — A distance égale entre les ancien-
nes frontières de Dan et de Bersabée et sur la ligne de
faite divisant le versant oriental du Jourdain du ver-
sant méditerranéen, c'est-à-dire au milieu de l'antique
pays de Chanaan, s'élèvent par-dessus toutes les hau-
teurs de la Samarie, remarquables par les dimensions
de leur masse, les deux célèbres sommets d'Ébal au
nord et de Garizim au sud. Une vallée les divise, s'ou-
vrant à l'est au sahel Maklmék dont le nom fait son-
ger à la Machméthath de Josué, xvi, 6. Elle court vers
l'ouest inclinant un peu au^ nord sur une largeur de
cinq à six cents mètres, s'étendant parfois, comme à
son origine entre le puits de Jacob et 'Askar, jusqu'à
mille mètres : c'est le territoire de la ville de Nablus.
Le terrain est de la plus grande fertilité et très apte à
former de gras pâturages. Cf. Ant. jud., II, II, 4; Théo-
dote, dans Eusèbe, Prsep. Ev., ix, 22, t. xxi, col. 721.
Le nombre des sources et des courants d'eau qui arro-
sent toute la région lui donnent un caractère spécial
qui a toujours fait l'admiration de ceux qui la décri-
vent. Cf. Théoderich, édit. Tobler, Saint-Gall, 1865,
xlii, p. 93-94, etc. Toutes les espèces de légumes et
tous les arbres fruitiers prospèrent dans ses jardins et
ses vergers et les bosquets d'oliviers toujours verts
couvrent le reste de la campagne. Au-dessus de cette
verdure compacte s'élève Nablus s'étendant dans le
sens de la vallée, à la base du Garizim et dominé par
ses rochers, sur une étendue de plus d'un kilomètre.
C'est la ville arabe avec ses édifices massifs à voûtes et
à toit plat ou en dôme, parmi lesquels commencent à
se montrer quelques constructions de forme exotique
et à toit de tuiles rouges. On ne voit plus que des frag-
ments de l'ancienne enceinte, débordée d'ailleurs de
toute part par des bâtisses nouvelles. La grande rue
traverse la ville, en ligne presque droite, de la porte
orientale à la porte occidentale. Vers l'extrémité du
sud-ouest, on atteint le quartier des Samaritains, aux
rues voûtées et sombres, étroites et malpropres. Près
de leur petite, synagogue est la résidence de leur grand-
prêtre. Suivant eux, la mosquée voisine, djdmé' el-
Khadrâ, dont le style est celui des églises du xn e siè-
cle et dont le minaret carré où se voit une inscription
en caractères samaritains, rappelle la tour de Ram-
léh, serait leur ancienne synagogue. Dans le quartier
occidental, sur la grande artère et près d'une cour
entourée d'un portique dont les colonnes sont antiques,
est « la grande mosquée », djâmé' el-Kebir. Son por-
tail attire l'attention par sa ressemblance avec celui
du Saint-Sépulcre. C'est une église des Croisés, bâtie à
la place d'une basilique byzantine. Plusieurs autres
mosquées sont bâties avec les débris de monuments du
XII e siècle, ou des V e et vi" et avec des pierres de bel
appareil rappelant l'époque romaine. Le canal amenant
les eaux à ras el-'Ai'n, d'où elles sont distribuées
ensuite par la ville, parait de la même époque.
Le mosaïste de Madaba a représenté Keapolis au
nord de Jérusalem, et au pied du Garizim comme une
grande ville, avec des édifices considérables (fig. 364).
A l'est de la montagne, dans la plaine, un monument
figure l'église <s où [est] la fontaine de Jacob. » À côté
et au nord, une petite localité, figurée par une porte
flanquée de deux tourelles et d'un bâtiment, est inti-
tulée : STXEM H K[AI] STK1MA K[AI] EAAEM,
« Sichem qui [est] Sicima et Salem », et à côté, à
gauche: TO TOT IQZH*, « le [sanctuaire] de Joseph.
Au-dessus de cette inscription et an nord de la localité-
précédente, une seconde porte flanquée de deux tours
est marquée de l'inscription mutilée [2Ï"]XAP H NTN
[ST]XXUPA, « Sychar qui est maintenant Sychchora ».
C'est l'illustration, par un artiste connaissant le pays,
du texte de l'Onomasticon et de la tradition locale, au-
1697
SICHEM
1698
rv« et au vi« siècles. La figure 365 représentant Sichem
se rapporte, selon toute apparence, à ce site où se
voit aujourd'hui le village de Balâtah et le tombeau de
Joseph, et où l'on trouve des restes qui semblent
appartenir aux temps voisins du premier siècle de l'ère
chrétienne. Cf. Môréh(Chène de), i,t. iv, col. 1269. Immé-
diatement au nord de cette localité, au milieu de la
vallée, se remarque un tell circulaire, à la partie su-
périeure aplatie et semblable à la plupart des tells
où l'on a découvert d'anciennes villes chananéennes.
Sur le pourtour ouest, on voit un fragment de mur
formé de grosses pierres pareilles à celles dont sont
bâties ces villes ou leurs principales constructions. Les
et aux alentours on a trouvé des pierres taillées, quelques
tronçons de colonnes et des fragments de mosaïques.
Ces débris isolés et épars de villas ou de constructions
particulières de la période romaine montrent que la
ville n'a jamais occupé cette situation.
III. Histoire. — /. jusqu'à la ruise du royaume
de jcda. — 1» A l'arrivée d'&braham dans la terre de
Chanaan, Sichem n'existaitpas encore. Cf. Gen., xii, 6.
Elle est nommée par anticipation pour déterminer
l'emplacement d'Elôn et Môrèh, où s'établit d'abord
le patriarche hébreu. Elle parait avoir été fondée
quelques années avant le retour de Jacob de la Méso-
potamie par Hémor l'hévcen qui lui donna le nom de
364. — Vue de Sichem, d'après une photographie.
terres du tell sont mêlées de nombreux fragments de
poteries et de pierres, qui ont appartenu à des cons-
tructions. Les ingénieurs anglais Conder et Kitchener
la désignent comme « ruines », sur leur grande carte,
Map of Western Palestine, Londres, 1880, t° xi.
Est-ce ce lieu qu'avait en vue le mosaïste en figurant
Sychar sur sa carte, ou Sichem? Il nous semble plutôt
que c'est « la ville déserte » de Jacob, Sichem, à
laquelle font allusion Eusèbe et saint Jérôme, Onomas-
ticon, p. 346. Les nombreuses cavernes sépulcrales, du
caractère le plus ancien, dont est percée la base de
l'Hébal au-dessus du tell, formaient sans doute la nécro-
pole de cette ville. Quoi qu'il en soit, il n'est pas
douteux que nous ne soyons en présence des restes
d'une cité antique qui peut être la Sichem primitive.
Des fouilles pourraient fournir des renseignements plus
positifs et plus certains. Balâtah, « la ville du chêne »,
■qui en était d'abord le faubourg, comme peut-être
-aussi le petit village d'El-'Askar, lui aura ensuite suc-
cédé, puis plus tard Néapolis. — Entre Naplouse et
Balâtah, dans le voisinage de 'aïn Dafné, on rencontre
tin groupe d'établissements militaires turcs. A leur place
DICT. DE LA BIBLE
son fils Sichem. Gen., xxxm, 18. La passion que ce
dernier conçut pou ruina, tille de Jacob et de Lia, amena
la dévastation de la ville. Voir Dîna, t. H, col. 1430.
Ce qui obligea Jacob de s'éloigner de la terre de
Môréh qu'il avait achetée. Gen., xxxiv, xux, 5, 6. Voir
Moréh, i, t. iv, col. 1269. W. Max Miiller croit avoir re-
connu le nom de Sichem sur l'itinéraire de l'officier
égyptien de Ramsès II, où il le transcrit, Sa-Ka-mà,
\. 7 iK. 1 . • Asien und Europa, Leipzig, 1893,
p. 39i. Cf. F. Chabas, Voyage d'un Egyptien au XIV siècle
avant notre ère, Chalon-sur-Saône et Paris, 1866, p. 182.
— 2° Dans le partage de la terre de Chanaan, Sichem
fut comprise dans le lot des fils d'jiphraïm. Désignée
pour ville de refuge, elle fut attribuée aux lévites de la
famille de Caath. Jos., xx, 7; I Par., vi, 67. Il semble-
rait que ceux-ci n'en prirent pas possession, Car on la
trouve occupée par les Éphraïmites. IPar., vu, 28. Au
temps d'Abimélech, fils de Gédéon, ses habitants pra-
tiquaient le culte chananéen de Baal et se nommaient
« hommes d'Hémor, père de Sichem. » Jud., ix, 28;
cf. 4, 27, 46. — 3» Né d'une femme de Sichem, Ali-
V. - 54
1699
SICHEM
170O
mélech complota avec les parents de sa mère et les
autres habitants de Sichem la ruine de la maison de
son père et l'établissement de la royauté en sa faveur.
Jud., ix, 1-6. La discorde ne tarda pas d'éclater entre
les Sichémites et leur roi, d'où une guerre civile qui
ne se termina que par la mortd'Abimélech. Jud., ix. Voir
Abimélech'3, 1. 1, col. 54; Joatham 1, t. m, col. 1558;
Baal-Berith, col. 1236; Mello, t. iv, col. 947. —4» Après
la mort de Salomon, Sichem avait été désignée pour la
tenue de l'assemblée où Roboarn devait être reconnu roi
par tout Israël. L'ineptie du prince, favorisant les intri-
gues de Jéroboam, y fit éclater le schisme. III Reg.,
xn, 1. Accepté pour roi par les tribus du nord, Jéroboam
restaura Sichem dont il fit d'abord sa résidence, mais
il ne devait pas tarder à l'abandonner. III Reg., xn,
25; xiv, 17; cf. II Far., x, 1; Ant jud., VIII, vm, 4. -
soit le même que Josèphe appelle Manassé, à qui il
attribue l'établissement du temple de Garizim et auquel il
fait remonter l'origine de la secte samaritaine proprement
dite. Cf. Ant. jud., ibid., 2et4; Garizim, t. m, col. 111.
La Chronique samaritaine est d'accord avec la Bible
pour faire remontera Sanaballat et aux premiers temps
après le retour de Babylone la restauration (c'est-à-dire-
l'origine) du culte samaritain. Edit. luynboll, ch. xlv,
p. 46-47. — Le fils de Joïada conçut le projet d'opposer
Sichem à Jérusalem. Sichem avait pour la recommander
des titres divers. C'est « au lieu de Sichem » qu'Abraham
avait élevé dans la Terre Promise le premier autel à
Jéhovah. Gen., xn, 7. Jacob avait acheté l'endroit et
relevé l'autel. Gen., xxxm, 19-20. Moïse avait désigné
positivement ce lieu pour y établir l'autel des sacrifices
et y proclamer la loi. Deut, xi, 29-30; xxvii. Josué
365 — Sichem et ses environs. Carte mosaïque de Madaba. D'après une photographie.
5° Au temps de Nabuchodonosor et au moment de la
ruine du temple de Jérusalem et de la captivité des
Juifs, Sichem avait une population sinon tout entière
israélite, du moins en partie et ralliée au culte légitime.
Sur les 80 pèlerins se rendant de la Samarie à Jéru-
salem, en habit de deuil, pour offrir au temple des
présents et de l'encens et qui furent presque tous
égorgés à Maspha le surlendemain de l'assassinat de
Godolias par Ismahel, un grand nombre étaient de
Sichem. Jer., xli, 5.
//. swhbmet les samaritains. — Dépossédée depuis
longtemps de l'hégémonie politique transférée à Thersa
par Jéroboam, puis à Samarie par Amri, Sichem devait
acquérir la suprématie religieuse sur toute la Samarie
et devenir la rivale de Jérusalem. Quand Esdras et
Néhémie, après le retour de Babylone, expulsèrent les
prêfcres et les autres Juifs compromis par des mariages
mixtes, II Esd., xm, 23-30, ceux-ci se retirèrent « à
Sichem au pied du Garizim ». Ant. jud., XI, vm, 6, 7.
A leur tête se trouvait le fils même du grand-prêtre
Jojïada qui avait épousé la fille de Sanaballat le Horonite,
satrape de la Samarie pour le roi de Perse. H Esd.,
x\n, 28. — On ne peut guère douter, le fait et toutes
1 es circonstances essentielles étant identiques, qu'il ne
n'avait pas manqué d'établir à Sichem « le sanctuaire-
de Jéhovah » et d'en faire le lieu des réunions. Jos., vm,
30-35; xxiii, xxiv, 1-27.
D'ailleurs, par sa situation et sa disposition, Sichem
paraissait créée tout exprès pour cette destination. Ces
arguments dont jusqu'aujourd'hui se prévalent les Sama-
ritains en faveur de la prééminence de Sichem, devaient
frapper les Israélites. Cf. Chronique samaritaine,
loc. cit. L'appui du gouverneur et probablement en
même temps, comme le disent les Samaritains, ibid.,
l'approbation des rois des Perses, avec des concessions-
aux superstitions des diverses populations implantées
en Samarie, ne pouvaient manquer de les rallier
bientôt toutes à Sichem. La première concession de
ce genre et la plus marquante fut la translation du
sanctuaire de Moréh au sommet du Garizim, où sans-
doute l'élément non israélite de Sichem avait établi-
son haut-lieu, peut-être là même où antérieurement se
trouvait le temple de Baal-Bérith. Ainsi le Garizim devait
devenir « la montagne bénie », et Sichem « la ville
sainte », comme s'expriment les Samaritains. Moins
d'un siècle après Esdras, le groupement de tous les
cultes si disparates des colonies de la Samarie s'était
fait autour de Sichem, et, dès avant l'arrivée des-
1701
SICHEM
1702
Grecs (330 avant J.-C), tous « les habitants de la
Sa marie reconnaissaient Sichem pour métropole. »
Ant.. jud., XI, vm, 6. Cette unification dont la ville
de Sichem était le centre, et la haine de Jérusalem et
du juif Adèle, l'âme, n'en restait pas moins une agglo-
mération incohérente pour laquelle l'auteur de l'Ecclé-
siastique dit, l, 28 : « Deux nations me répugnent,
et une troisième qui n'est pas un peuple : les habitants
de Seïr et ceux de la terre des Philistins et la nation
insensée réunie autour de Sichem. » — En apprenant
qu'Alexandre était en Judée, les Sichitnites, espérant
obtenir pour leur ville les prérogatives accordées par
lui à Jérusalem, allèrent à sa rencontre l'inviter à
venir visiter Sichem. Le prince macédonien les ren-
voya poliment, en remettant à plus tard cette visite.
Ant. jud., loc. cit. La Chronique sam., c. xlvi,
p. 46-47, rapporte à Sichem tout ce que l'histoire
raconte du passage du conquérant à Jérusalem. Cf.
J. Derenbourg, Histoire de la Palestine, c. m, Paris,
1867, p. 41. — Menacés non moins que les Juifs par
le dessein d'Antiochus IV d'abolir le culte de Jéhovah,
II Mach., v, 23; vi, 1-2, les Sichimites s'empressèrent
d'écrire « au roi Antiochus, au dieu Épiphane ». Ils
le priaient d'avertir le gouverneur Apollonius de ne
pas les confondre avec les Juifs, avec lesquels ils
n'avaient rien de commun, pas plus de mœurs que
d'origine. Ils offraient de consacrer leur temple à
Jupiter hellénique et de se conformer aux usages des
Grecs. Ils se nommaient eux-mêmes <c Sidoniens de
Sichem », en invoquant comme preuve de cette origine
les actes publics. Par ces bassesses Sichem et la Samarie
échappèrent à la persécution. Ant. jud., XII, v, 5. —
Le trait caractéristique de là Sichem samaritaine,
c'est qu'elle fut toujours le refuge assuré de tous les
Juifs violateurs de la loi qui voulaient échapper au
châtiment. Ant. jud., XI, vin, 7. Jean Hyrcan, laissé
libre par la mort d'Antiochus VII (128 avant J.-C),
mit fin à cet état de choses en s'emparant de Sichem.
Il en emmena les Cuthéens qui s'y trouvaient et l'assu-
jettit aux Juifs. Ibid., XIII, ix, 1. Elle fut, avec toute
la Samarie, annexée à la province romaine de Syrie,
lors de la déposition d'Archélaus (6 après J. C).
III. SICHEM DU TEMPS DE NOTRE-SEIGNEUR ET
depuis. — La première année de sa vie évangélique,
le Sauveur retournant de Jérusalem en Galilée avec
ses disciples s'arrêta sur le territoire de Sichem, au
puits de Jacob, près de Sichar. Joa., iv, 3-23. Cf.
Jacob (Puits de), t. m, col. 1075, et Sichar. Quel que
soit le site de Sichar, les habitants de Sichem ne
purent ignorer, pendant les deux jours que Jésus
s'arrêta en ce lieu, la présence du prophète de Galilée
qui se disait le Messie, et il est impossible qu'ils ne
soient pas de ceux qui vinrent pour l'entendre. Ainsi,
il y a tout lieu de croire qu'au moins un certain
nombre d'entre eux sont désignés par les mots « un
beaucoup plus grand nombre crurent en lui. » 41. —
Ils étaient les premiers que les apôtres et les prédica-
teurs de l'Évangile, après la Pentecôte, devaient visiter,
afin de développer en eux le germe de la foi que le
Maître avait lui-même jeté dans leur âme. Cf. Act.,
vin, 1-25. — Le christianisme fit dès lors de nombreux
disciples à Sichem et dans son territoire, mais une
partie des habitants resta attachée à la secte des
Samaritains qui n'avait cessé de s'y perpétuer. —
Ceux-ci, poussés à bout par les exactions des gouver-
neurs romains et par leur intolérable orgueil, et mal-
gré leur tendance à faire toujours le contraire des
Juifs, semblaient vouloir suivre le mouvement insur-
rectionnel commencé en Judée. Une multitude d'entre
«uxse réunirent en armes au Garizim. Vespasien, alors
occupé au siège de Jotapata (67), envoya Céréalis,
chef de la v e légion, pour comprimer ce mouvement.
Bell, jud., III, vu, 32. Les troupes romaines occu-
pèrent tout le pied du Garizim et par conséquent
Sichem, afin d'empêcher toute communication avec
la montagne. C'est en cette occasion, selon toute appa-
rence, que l'antique Sichem finit par disparaître avec
son nom. — La Galilée était écrasée, la plaine du
littoral de la Judée dévastée et le chemin de Jérusalem
du côté de l'occident gardé par la V e légion établie à
Emmaûs, à l'entrée des montagnes; Vespasien songeait
à établir une garde analogue à Jéricho, sur le chemin
montant de l'Orient à Jérusalem. « Quittant Emmaûs
où il était revenu avec le reste de son armée, il tra-
versa la Samarie et vint près de la localité appelée
Néapolis, et Mabortha par les indigènes ». Ibid., IV,
vin, 1. Est-ce en cette occasion que le général romain
fonda, à côté de Sichem déserte, la « Ville neuve »?
Plusieurs le pensent. Il n'était pas moins nécessaire, en
effet, que la route du nord et le & défilé » de Sichem
fussent gardés que les passages commandés par
Emmaûs et Jéricho, et qu'on y laissât un corps de
troupes permanent, si toutefois cette mesure n'avait
pas été prise déjà. Le récit de l'historien juif suppose
la préexistence de Néapolis à l'arrivée de Vespasien. Il
est bien probable qu'aussitôt après le massacre du
Garizim, Céréalis avait laissé là une garnison pour sur-
veiller les Samaritains et les empêcher de se réunir
de nouveau et que ce fut l'origine de la « nouvelle
ville ». La colonie romaine qui s'y établit, ajouta au
nom de Néapolis celui de la famille Flavia de laquelle
sortait Vespasien, sans doute après la promotion
de celui-ci à l'empire. Voir S. Justin, Apolog., i, 1,
col. 329; les médailles frappées par la ville, t. m,
lig. 17, col. 110; Mionnet, op. cit., t. v, p. 499;
Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, p. 1005-1006. — On
voit, par l'exemple de saint Justin, que le christia-
nisme avait pénétré de bonne heure à Néapolis, même
parmi les. païens. On trouve le nom de « Germain de
Néapolis de Palestine » apposé aux actes du concile
d'Ancyre tenu en 314, de celui de Néocésarée de la
même année et de Nicée en 325. Labbe, Concilia, t. I,
col. 1475, 1488; t. n, col. 325. Les chrétiens de Néa-
polis eurent plus d'une fois à subir de cruelles vexa-
tions de la part des Samaritains. Le christianisme y
demeura néanmoins florissant jusqu'à l'occupation de
la ville par les Arabes mahométans (636). Il y reprit
quelque éclat avec les Croisés. Néapolis recouvra alors
son titre épiscopal, mais uni à celui de Sébaste, et un
grand synode s'y tint en 1120. Guillaume de Tyr, Hi-
storia transmarina, 1. XII, c. xm ; cf. IX, xi ; XIV, xxvn ;
XVII, xiv ; XIX, xii ; XXI, iv; XXII, vn;XXIII,xviii. Voir
Lequien, Oriens christianns, Paris, 1740, t. m, p. 645-
680, 1289-1290.
IV. État actuel. — Depuis la conquête arabe,
Ndblus n'a point cessé d'être à la tête du territoire qui
fut l'ancienne province de Samarie et elle est aujour-
d'hui le chef-lieu du mutsarrifiéh (préfecture) de son
nom, dépendant du gouvernement général de Bey-
routh. Grâce à la richesse de son sol, elle a toujours
joui d'une grande aisance et exercé un commerce
assez actif. Les fruits, l'huile d'olive, le coton, la laine,
les cuirs font l'objet de ce commerce, mais parti-
culièrement le savon d'huile d'olive. Plus de vingt fa-
briques sont constamment occupées à le préparer.
La population y est d'environ 25000 habitants, presque
tous mahométans. On n'y trouve plus que 150 sama-
ritains et 700 chrétiens, dont 500 attachés au schisme
de Photius avec un évêque de leur rite, une centaine
de catholiques latins et autant de protestants anglais,
américains et autres. Jusqu'à ces dernières années,
les juifs avaient toujours redouté de s'approcher de
Naplouse. <t II n'y a point de juifs là, » disait rabbi
Benjarnin, de Tudèle, en 1173. Itinéraire, édit. Lem-
pereur, Leyde, 1633, p. 38. Quelques familles y sont
maintenant établies. Êald*ah et el-Askar sont réputés
1703
SICHEM — SIDON
1704
faubourgs de Naplouse et leur population, d'environ
200 âmes, est toujours recensée avec celle de la ville.
— Les musulmans de Naplouse semblent avoir hérité
du vieil esprit d'hostilité des samaritains à l'égard des
juifs et des chrétiens.
V. Bibliographie. — V. Guérin, Samarie, t. i, p. 370-
423; F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte,
Paris, 1883, t. n, p. 411-426; Voyage en Terre Sainte,
Paris, 1865, t. il, p. 254-253; Liévin de Hamme, Guide-
indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. m,
p. 45-52; Tristram, The Land of Israël, c. vu, Londres,
1865, p. 159-162; Cl. R. Conder, Tent-Work in Pales-
tine, c. il, Londres, 1885, p. 14-42; The Survey of
Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, t. n,
p. 160-168, 203-210; E. Robinson, Biblical Researches
in Palestine, Roston, 1841, t. m, 93-96,113-136; Guy de
Strange, Palestine under the Moslems, in-8°, Londres,
1890, p. 511-514. L. Heidet.
SICHIMITES (hébreu : 'anse Sèkenx; Septante :
5v8peç Eu^ést), habitants de Sichem. Jud., IX, 57.
SICLE (hébreu : séqèl; Septante : o-ix).o;), poids et
monnaie chez les Hébreux. — 1° Poids. — Le sicle était
l'unité de poids des Hébreux. Gen., xxiv, 22; Exod.,
xxx, 23; Num., vu, 13, etc. Il valait environ 14 gr. 20.
Voir Poids, col. 485. — 2° Valeur monétaire. — Le
sicle était aussi l'unité monétaire. Avant l'invention de
la monnaie frappée, le sicle s'entend simplement d'un
poids déterminé d'argent. Voir Monnaie, t. m, col. 1236-
1240. Simon Machabée fut le premier qui frappa mon-
naie en Palestine. Le poids du sicle monétaire hébreu
est d'un peu plus de 14 grammes. Voir Monnaie, t. m,
col. 1243-1252.
SICYONE (grec : Sixumv), ville du Péloponèse,
située sur un plateau peu élevé, à 2 milles environ du
golfe de Corinthe. Elle avait un port bien fortifié
(fig. 366). Elle paraît avoir tiré son nom de ses
366. — Monnaie de Sicyone.
Couronne de laurier. Dana le champ, El. — fy Colombe volant,
& droite.
« concombres ». Celait une ville très ancienne; elle
occupa une place importante dans les arts ainsi que
dans l'histoire politique de la Grèce. Elle est seule-
ment nommée dans l'Écriture. I Mach., xv, 23. A
l'époque des Machabées, les Romains, pour lesquels
elle avait pris parti, lui avaient confié la direction des
jeux isfhmiques et elle parait avoir été le centre du
pouvoir romain à cette époque pour celte partie du
monde. Le consul Lucius écrivit aux Sicyonites (139
avant J.-C), en faveur des Juifs de Palestine et pour
leur demander de livrer au grand-prêtre Simon les
Juifs fugitifs qui s'étaient réfugiés chez eux afin d'échap-
per au châtiment de leurs crimes. Cette lettre écrite en
même temps à plusieurs autres villes et contrées est
rapportée I Mach., xv, 16-21.
SIDDIM^bébrcu-,: Jias-Siddim ; Septante : t] papaye
»l àXuxTJ; 7i xoiXdtç r) âXuxTfj Vulgate : vallis Silvestris),
vallée Çéméq) des bords de la mer Morte où Chodorla-
homor et ses alliés battirent le roi de Sodome et ses
confédérés. Gen., xiv, 3-10. Elle était située au sud-est
de la mer Morte. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1306-1309
«t fig. 356, col. 1296. Voir aussi Silvestre (Vallée, 1 .
SIDÉ (Septante: EîS/)), ville de Pamphylie (flg. 367).
Le Sénat romain lui envoya des lettres en faveur de
Simon Machabée et des juifs. I Mach., xv, 23. Elle
avait été colonisée par les Cyméens d'Éolide. Plus
tard, elle se soumit à Alexandre le Grand et reçut une
garnison macédonienne. Ce fut dans ses eaux que la
flotte d'Antiochus le Grand, roi de Syrie, fut défaite
par les Rhodiens. Tite Live, xxxv, 13, 18; xxxvn,
367. — Monnaie de Sidé.
Tète de Néron laurée, à droite, kaicap NEPtoN. — R). Minerve
debout, appuyée sur sa lance et tenant une Victoire; à ses pieds
un serpent; dans le champ, ClAH | To>[N].
23, 24. A l'époque où les pirates étaient les maîtres de
la Méditerranée, c'était Sidé qui était leur port princi-
pal et qui leur servait de marché pour vendre leurs
prises. Strabon, XIV, m, 3. Du temps de l'empire ro-
main, elle continua à être une ville très importante.
Sur le site de Sidé, appelée aujourd'hui Esky Adalia,
« Vieille Adalia », on trouve de nombreuses ruines.
Voir Ch. Texier, Asie Mineure, in-8», Paris, 1862,
p. 721-723; Elisée Reclus, Nouvelle géographie univer-
selle, t. ix, 1884, p. 650.
SIDON (hébreu : Sidôn; Septante : SrSrâv), au-
jourd'hui Saïda, ville de Phénicie, située à 30 kilo-
mètres environ au nord de Tyr et à peu près à la même
distance au sud de Béryte (Beyrouth) (flg. 368), port
368. — Monnaie de Si don.
Tète de Néron laurée, à gauche ; dans le champ, le litu-us. —
A). Europe enlevée par le taureau. AEOP [179] (an 64 de J.-C).
SIAQNOS.
sur la côte orientale de la Méditerranée. Elle s'étend
entre la mer et le Liban, dans une plaine étroite
d'environ deux milles de large, extrêmement fertile
(fig. 369). Son éclat s'est affaibli, son antique gloire
n'est plus qu'un souvenir, mais « si l'ancienne métro-
pole du vaste empire colonial des Phéniciens n'a plus
de monuments, du moins est-elle, comme aux temps
d'autrefois, Sidon la Fleurie; aucune autre ville sy-
rienne, si ce n'est peut-être Damas, n'est entourée de
plus beaux jardins, nulle n'a de plus belles fleurs et
de meilleurs fruits; depuis quelques années Sidon fait
concurrence à Jaffa pour la production des oranges...
C'est en dehors de la ville, dans la nécropole qui
s'étend au sud-est, à la base des coteaux calcaires que
se trouvent les restes les plus curieux de l'antique Si-
don, puits, caveaux et sarcophages... Dans le voisinage
immédiat, sur les plages qui se prolongent au nord et
au sud, s'élèvent, en amas énormes, des couches de
coquillages laissées par les fabricants de pourpre, jadis
les plus fameux et les plus riches représentants de
l'industrie sidonienne. Un tas composé uniquement de
1705
SIDON — SIDONIE
1706
coquilles de murex trunculus, qui servait à teindre
les étoffes grossières, n'a pas moins de 120 mètres de
longueur sur une hauteur de 7 à 8 mètres; d'autres
amoncellements, fort nombreux, consistent en débris de
murex brandaris et purpura hemastoma, qu'on em-
ployait pour la teinture des tissus somptueux. Une
ville située au nord de Sidon, sur une plage de sable
lin, avait pris le nom de Porphyrion ou Cité de la
Pourpre, à cause de ses teintureries : c'est la côte sur
laquelle, d'après juifs et musulmans de la Syrie méri-
dionale, le prophète Jonas aurait été vomi par [le pois-
son] : de là le nom de Khan-Nebi-Jounas donné au
Échelle
369. — Sidon et ses environs.
D'après Pietschmann, Geschichte der Phônizier, p. 55.
village voisin... Les Sidoniens étaient aussi fort adroits
dans l'art de fabriquer le verre,... leurs usines se trou-
vaient dans la ville de Sarepta ou de la Fusion, située à
trois heures de marche vers le sud. Le village moderne
de Sarfend est voisin des ruines. «Elisée Reclus, Nou-
velle Géographie universelle, t. ix, 1884, p. 781-782.
Histoire. — Sidon est une ville très ancienne. Elle
est déjà mentionnée dans la table ethnographique de
la Genèse, x, 19. Elle reçut son nom du fils aîné de
Chanaan, dit Josèphe, Ant. jud., I, vi, 12. D'autres
veulent trouver l'étymologie de Sidon dans l'abondance
du poisson qu'on péchait dans ses eaux. Gesenius,
Thésaurus, col. 1153. Le papyrus' Anastasi I dit que le
poisson est aussi nombreux à Sidon que les grains de
sable. — Dans Josué, elle est appelée, xi, 8; xix, 28, « Si-
don la Grande »; sur ses monnaies, elle prend le titre
de « métropole ». — Homère a parlé de Sidon, 11., xxm,
743; Odys., xv, 425; xm, 285, et ne nomme pas Tyr.
Elle a été en effet la plus ancienne cité phénicienne.
Cf. Strabon, XVI, n, 22. — La Genèse, x, 19, place à Si-
don la frontière septentrionale du pays de Chanaan. —
Jacob, en bénissant ses douze fils, attribue à Zabulon,
dans le partage de la Terre Promise, un territoire qui
s'étendra jusqu'à Sidon. Gen., xux, 13. Les Hébreux
ne furent jamais maîtres de la grande ville. Cf. Jos.,
xm, 3, 6; xix, 28; Jud., I, 31; m, 3; x, 12,xvm, 7.
1" La suprématie de Sidon subsista jusqu'à l'époque
où les Philistins brisèrent sa puissance en s'emparant
de Dor (1252 avant J.-C). Depuis lors elle fut éclipsée
par Tyr, mais conserva néanmoins son indépendance. —
Elle est encore nommée quelquefois dans l'Écriture,
mais l'éclat de sa puissance s'est évanoui. L'auteur de
III Reg., xvi, 31, reproche à Achab, roi d'Israël, son
mariage avec la Sidonienne Jézabel comme un plus
grand crime que celui de Jéroboam, l'auteur du schisme.
— Joël, m, 5, s'élève avec force contre Sidon qui veut
vendre les Israélites comme esclaves et profane les
vases sacrés. — Jérémie, xxv, 22, lui prédit qu'elle boira
la coupe de la colère du Seigneur. — Ézéchiel, xxxn,30,
la montre abattue et rejetée avec l'Assyrie, l'Élam et
l'Egypte. — Une seule fois, les Sidoniens apparaissent à
l'époque des rois comme rendant service au peuple de
Dieu, et c'est dans l'intérêt de leur commerce lorsqu'ils
transportent avec les Tyriens au roi David les bois
nécessaires pour la construction du Temple de Jéru-
salem. I Par., xxn, 4.
2» Sidon eut à souffrir des armes de l'Assyrie comme
toute l'Asie antérieure. Elle fut obligée de payer tribut
à Salmanasar II et à Salmanasar IV (727 avant J.-C).
Sennachérib la soumit en 701. Asaraddon s'empara de
Sidon vers 676, changea son nom en celui de 'Ir-Asar-
addon ou ville d'Asaraddon, mit à mort son roi 'Abd-
Melqarth, fit périr un grand nombre d'habitants et
transporta en Assyrie le reste de la population.
3° Lorsque Babylone eut supplanté l'Assyrie (606), Si-
don eutun moment de répit et elles'alliaavecTyr. Ezech.,
xxvii, 8. Nabuchodonosor fit porter à Tyr la peine de la
rébellion et Sidon recouvra une partie ds son ancienne
puissance jusqu'à la chute de Babylone. Cyrus laissa la
Phénicie en paix; ses successeurs lui permirent de
s'administrer à son gré et se contentèrent de lui im-
poser un léger tribut et de lui demander quelques vais-
seaux pour leur service. En 351, quand la puissance
de la Perse commençait à décliner, Sidon se mit à la
tête de la révolte du pays contre Artaxercès Ochus.
Elle paya cher son audace : elle fut assiégée, prise et
réduite en cendres; 40000 de ses habitants périrent
dans les flammes, après les avoir allumées eux-mêmes
pour ravir sa proie au vainqueur. Diodore de Sicile,
XVI, xli-xlvi. — Sidon passa ensuite sous la domi-
nation d'Alexandre le Grand, après la bataille d'Issus
(333). Sous ses successeurs, elle fut soumise tantôt aux
Lagides, tantôt aux Séleucides, et ses murs virent
fleurir une école de philosophie. Elle passa plus tard
sous la domination romaine, et elle lui était soumise
du temps de Notre-Seigneur. — Le bruit des miracles
du Sauveur attira des Sidoniens auprès de lui en Ga-
lilée, Marc, m, 8, et, en comparant leur foi à l'incré-
dulité des habitants des bords du lac de Génésarelh, il
déclara ces derniers plus coupables, Matth., XI, 21-22;
Luc, x, 13-14. Il visita lui-même le pays de Tyr et de
Sidon, Mat th., xv, 21; Marc, vii, 24, et c'est dansce voyage
qu'il guérit la fille de la Syro-phénicienne. Matth., xv,
22-28; Marc, vu, 25-30. Saint Marc nous apprend,
vu, 31, qu'il passa par Sidon après ce miracle. — Les
Actes, xii, 20, nous apprennent que les Sidoniens
envoyèrent des députés à Hérode Agrippa I er à Césarée
pour calmer sa colère contre eux. Voir Hérode 6,
t. m, col. 650. — Saint Paul passa à Sidon quand il fut
amené prisonnier à Rome. A et., xxvii, 3. C'est dans
ce passage que Sidon est nommée pour la dernière fois.
SIDONIE (2iSwv:a), pays et territoire de Sidon. Dans
le Nouveau Testament grec, Sarepta, Luc, IV, 26, est
1707
SIDONIE
SIÈGE
1708
appelée « Sarepta de Sidonie ». Le nom de Sidonie se
trouve aussi dans Homère, Odys., xm, 285.
SIDONIENS(hébreu :Sîdomm; Septante :2i8wviot),
habitants de Sidon et, par extension, Phéniciens en
général. — Les Sidoniens appellent l'Hermon Sirion.
Deut., m, 9. — Maara, Jos., xix, 4, et Sarepta, III Reg.,
xvn, 9, sont des villes sidoniennes. — Les Sidoniens
savaient travailler le bois, III Reg., v, 6; ils adoraient
Astarthé et Astaroth. III Reg., xi, 5, 33; IV Reg., xxm,
13.— Salomon épousa des Sidoniennes. III Reg.,xi, 1.
Ethbaal, père de Jézabel, était roi des Sidoniens.
III Reg., xvi, 31.— Voir aussi Jos.,xm,4, 6; Jud., m,3;
x, 12; xviii, 7; IPar., xxn, 4; [ Esd., m, 7; Act., xn, 20.
SIDRACH (hébreu : Sadrak ; Septante : ïkSpax),
nom chaldéo-assyrien donné à Ananie, un des trois
compagnons de Daniel. Voir Ananie 5, t. i, col. 540.
Ce nom peut être le babylonien Sudur-Aku, « comman-
dement du (dieu) Lune ». Voir Eb. Schrader, Die Keil-
inschriften und das aile Testament, 2 e édit., p. 429.
SIÈCLE (hébreu : '■ôlâm; Septante : a'ciôv; Vulgate :
sssculum), long espace de temps, passé ou futur. L'idée
de siècle équivalant à une durée de cent ans est étran-
gère à la Sainte Écriture.
1° Le passé. — Le mot 'ôldni s'applique à une durée
indéfinie dans le passé. On a ainsi les jours du passé,
Deut., xxxii, 7; Micb., v, 1; Is., lxih, 9; les années du
passé, Ps. lxxvii (lxxvi); 6; les morts du passé, qui le
sont depuis longtemps, Ps. cxliii (cxlii)', 3; le peuple
du passé, maintenant dans le schèôl, Ezech., xxvi, 20;
les montagnes du passé, les antiques montagnes, Gen,
xlix, 26; Deut., xxxiii, 15; Hab., ni, 6; les portes du
passé, les anciennes portes, Ps. xxiv (xxm), 7, 9; etc.
2° L'avenir. — Le même mot désigne aussi un ave-
nir plus ou moins long, mais indéterminé. L'esclave
'ôlâm l'est à perpétuité. Exod., xxi, 6; Deut., XV, 17.
La durée supposée par ce mot est naturellement plus
longue quand il s'agit d'un peuple. Deut., xxm, 4;
II Esd., xm, 1. On souhaite que le roi vive 'ôlâm,
c'est-à-dire le plus longtemps possible. III Reg., i, 31;
Dan., il, 4; m, 9; II Esd., n, 3. Samuel est consacré
à Dieu,' 'ad 'ôlâm, pour toujours, pour toute sa vie.
I Reg. (Sam.), i, 22. La durée est beaucoup plus consi-
dérable et peut même égaler celle de l'humanité sur
la terre, quand il est question des promesses ou des
institutions divines. Exod., xv, 18; I Reg., n, 30; xm,
13; II Reg., vu, 16; Ps. xvm (xvn), 51; Is., xxxv, 10;
li, 11; lxi, 7; Jer., vu, 7; etc.
3° L'éternité. — Quand il s'agit de Dieu lui-même,
'ôlâm désigne la durée sans limites. Gen., m, 22; xxi,
33; Job, vu, 16; Is., ix, 6; xl, 28; Dan., xn, 7; Eccli.,
xxxvr, 19; etc. Voir Éternité, t, n, col. 2001. — L'éter-
nité est encore indiquée par les expressions suivantes :
le'ôlâm vâ'èd, eïç tôv aîûva toû aiwvoç, in sxculum
sssculi, n pour le siècle du siècle », Ps. ix, 6; ên'atwva
xa\ ËTt, in œtemum et ultra, « éternellement et au delà »,
Exod., xv, 18; Mich., IV, 5; in perpétuas asternitates,
« pour des éternités sans fin », Dan., xu, 3; — 'âdê-
'ad, et; tov atâva toû attôvoç, in saeculum sseculi, «jus-
qu'à toujours », Ps. lxxxiii(lxxxii),18; — ledôrvddôr,
ira» -jevewv eî; ycvsâç, « pour la génération et la géné-
ration », Ps. xxxiii (xxxn), 11; — 'ad 'âlmâ' ve'ad
'àlam 'âlmayyd', ïu>z ottovo; tûv aéwvojv, « pour le
siècle et le siècle du siècle », Dan., vu, 18; — eîç tou;
aiœvaç -rajv aîûvuiv, e. dans les siècles des siècles »,
Gai., i, 5; Phil., iv, 20; I Tim., i, 17; II Tim., iv, 18;
Heb., xm, 21; I Pet., IV, 11; v, 11; Apoc, i, 6, etc. —
Saint Jude, 25, donne cette formule de l'éternité : irpô
icivtôç toû alûvo;, xaî vûv, xai eîc TtâvTaç toùç aîûva;,
« avant tout siècle, maintenant et dans tous les siècles
(des siècles) ». Ces expressions évoquent l'idée d'une
durée sans commencement ni fin, telle qu'elle con-
vient à l'éternité de Dieu.
4° Le présent. — Le mot 'oldm n'a jamais le sens de
« temps présent » dans l'Ancien Testament; il ne le
prend que dans l'hébreu post-biblique. Par contre, les
mots a'twv, sxculum, sont employés avec la significa-
tion de « temps présent » et, par extension, de « monde »,
le monde n'étant que la génération qui vit dans le temps
présent. Dans le livre de la Sagesse, xm, 9; xiv, 6;
xviii, 4, le « siècle » désigne déjà le monde physique
et l'humanité. Dans le Nouveau Testament, le terme se
rapporte à l'humanité présente, avec ses idées, ses
mœurs et ses vices. Les sollicitudes du siècle sont les
mille liens qui attachent les hommes aux choses de la
vie présente. Matth., xm, 22; Marc, iv, 19. Les fils de
ce siècle, Luc, xvi, 8, les princes de ce siècle, I Cor.,
n, 8, les riches de ce siècle, I Tim., vi, 17, sont ceux
qui vivent selon les maximes en cours dans le monde
présent et ne visent que les intérêts de la terre. Les
amis de ce siècle sont donc ennemis de Dieu. Jacob.,
iv, 4. La justice de ce siècle, II Cor., vn, 10,1a règle du
siècle de ce monde, Eph., Il, 2, sont choses mauvaises,
car le siècle présent est mauvais. Gai., I, 4. Le chré-
tien ne doit donc pas se conformer à ce siècle, Rom.,
xn, 2; il doit se conserver pur de ce siècle, Jacob., i,
27, et vivre pieusement dans ce siècle au milieu duquel
il est placé. Tit., il, 12. Voir Monde, t. iv, col. 1234.
H. Lesètre.
SIÈGE (hébreu : kissê, môSâb; Septante : Sicpooç,
xoc9É8pa, 8pôvoç; Vulgate: cathedra, sella, sedes, sedile),
meuble dont on se sert pour s'asseoir. — Le siège des
rois et celui de Dieu prennent le nom de trône. Voir
Trône. — Les anciens Égyptiens avaient des sièges
ressemblant à nos chaises et à nos tabourets (fig. 370).
Les gens du peuple se passaient de ce genre de meubles;
ils se contentaient de s'accroupir à terre. Cf. t. iv,
fig. 104, col. 303. Les sages-femmes égyptiennes, en
attendant le moment de l'accouchement, se tenaient
assises sur un siège bas appelé 'ébén, « pierre » ou
double pierre, semblable à la roue des potiers et
encore en usage aujourd'hui. Exod., I, 16. Cf. Gese-
nius, Thésaurus, Addenda, p. 63. Les versions ne
rendent pas ce mot et certains commentateurs pensent
qu'il se rapporte plutôt au sexe des nouveau-nés.
Cf. de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897,
p. 35.— Chez les Hébreux, les sièges ordinaires étaient
au moins aussi simples qu'en Egypte et en Chaldée.
Voir t. iv, fig. 123, col. 422. D'après les Septante et la
Vulgate, les Philistins accablés de fléaux à cause de la
présence de l'Arche se firent des sièges, é'Bpocç, sedes,
de peaux. I Reg., v, 9. Il n'est pas fait mention de ces
sièges dans le texte hébreu. Le grand-prêtre Héli
avait son siège à la porte du sanctuaire. I Reg., i, 9;
IV, 13. Il en tomba à la renverse quand on lui apprit
la prise de l'Arche. I Reg., iv, 18. Saûl avait le sien,
placé près du mur, dans sa salle de festin. I Reg.,
xx, 25. Quand la femme de Sunam voulutmeubler une
chambre pour recevoir Elisée, elle y mit un lit, une
table, un siège et un chandelier. IV Reg., IV, 10. On
prépara deux sièges d'honneur pour l'entrevue de
Nicanor et de Judas Machabée. II Mach., XIV, 21.
Notre-Seigneur renversa dans le Temple les sièges des
vendeurs. Matth., xxt, 12; Marc, XI, 15. Il reprocha
auxscribes et aux pharisiens de s'attribuer les premiers
sièges dans les synagogues. Matth., xxm, 6; Marc,
xn, 39; Luc, xi, 43; xx, 46. — La sagesse est assise
sur un siège élevé, du haut duquel elle invite les
hommes à venir à elle. Prov., ix, 14. Il est recom-
mandé de ne pas solliciter du roi un siège d'honneur,
Eccli., vil, 4, et de ne pas placer un ennemi à sa
droite, de peur qu'il ne s'empare du siège de son hôte.
Eccli., xn, 12. — Les scribes sont assis sur les sièges
de Moïse, c'est-à-dire enseignent à sa place. Matth.,
1709
SIÈGE - SIÈGE D'UNE VILLE
1710
xxni, 2. — Le siège est aussi la place occupée par le
juge. Eccli., xxxviii, 38 (33). Job, xxix, 7, avait son
siège sur la place publique. A Jérusalem étaient établis
les sièges de la justice. Ps. cxxn (cxxi), 5. Les apôtres
prendront place un jour sur douze sièges, comme
assesseurs du souverain Juge. Matth., xix, 28. —
Vingt-quatre sièges sont réservés dans le ciel pour
les vieillards qui entourent le trône de Dieu. Apoc,
iv, 4. H. Lesêtre.
SIÈGE D'UNE VILLE (hébreu : mdsôr, de sûr, et
sârar, « assiéger »; Septante : 7rspiox*i> vjytXzia\f4i;
Vulgate : obsidio), attaque d'une place protégée par
des murs et des fortifications. Voir flg. 371. Voir aussi
le siège de Lachis, t. iv, fig. 4, col. 15-16; d'Ascalon, 1. 1,
fig. 286, col. 1061-1062.
I. Prescriptions légales. — 11 fut ordonné aux
Hébreux d'assiéger les villes de Chanaan, mais seule-
ment après leur avoir offert la paix. Deut., xx, 10, 12.
Quand on entreprenait un siège, il était défendu de
détruire les arbres fruitiers; on ne pouvait se servir
contre la ville que de bois provenant des autres arbres.
ce ne fut pas leur attaque, mais un miracle qui en vint
à bout.
1° Les assiégés. — Ils se mettaient à l'abri de leurs
murs, flanqués de tours. II Par., xxvi, 15; xxxn, 5;
Soph., i, 16. Les murailles étaient percées çà et là de
portes voûtées, garnies de barres solides. Deut., m, 5.
Sur les tours et aux angles, quand on le pouvait, on
plaçait des machines pour lancer des flèches et de
grosses pierres et empêcher l'ennemi d'approcher du
pied de la fortification. II Par., xxvi, 15. Voir Machine
de guerre, t. iv, col. 505. En avant de la muraille était
ménagé un fossé, protégé lui-même par un petit mur,
!}êl, itpoT£t';(i<T[Ji.a, xspiretxoç, antemurale. II Reg.,
xx, 15; Is., xxvi, 1; Lam., il, 8; Nah., ni, 8. Cf.
III Reg., xxi, 23; Ps. xlviii (xlvii), 14. Quelques villes
avaient des forteresses détachées. Jud., ix, 46, 51 ;
II Reg., v, 7; II Par., xxvli, 4. On veillait à pourvoir
la place de vivres et de munitions. Judith, IV, 4;
I Mach., xiii, 33. La famine était le plus grand danger
couru par une place assiégée; si forte fût-elle, elle
succombait fatalement à la faim quand le siège se pro-
longeait. Voir Famine, t. n, col. 2175. La question de
^*rs-
370. — Sièges égyptiens.
Deut., xx, 19, 20. — Si les Israélites sont infidèles,
Dieu enverra contre eux une nation impitoyable qui
dévorera tous leurs biens, assiégera toutes leurs villes et
les réduira eux-mêmes à se nourrir du fruit de leurs
entrailles. Deut., xxvm, 49-53. — Salomon demanda
que le peuple assiégé, venant prier dans le Temple,
fût exaucé par le Seigneur. III Reg., vm, 37.
II. Les opérations d'un siège. — Beaucoup de villes
de Palestine étaient fortifiées. Voir Fortifications,
t. Il, col. 2318. Dans un temps où les invasions se
produisaient avec tant de fréquence et d'imprévu, il
■était important de mettre à l'abri d'un coup de main
les personnes et les biens. Faute de cette précaution,
•des bandes de Philistins et d'Arabes purent impuné-
ment enlever les richesses, les fils et les femmes de
Joram, roi de Ju'a. II Par., xxi, 17. Les anciennes
villes chananéennes, que Josué et les Hébreux eurent
à assiéger et à prendre, étaient pourvues de fortifica-
tions bien conçues, caractérisées par les trois éléments
suivants : murs assez épais pour résister à la sape et
permettre d'utiliser la crête pour la défense, socle de
pierre et glacis à la base du rempart, et enfin tracé à
saillies suffisantes pour protéger la base de la muraille
dans toute son étendue. Ce système défensif se dis-
tinguait nettement de la fortification égyptienne, à
hautes et longues murailles nues pourvues d'un faible
parapet, et se rapprochait beaucoup, au contraire, de
la fortification chaldéenne à-laquelle elle avait emprunté
•ses inspirations. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907,
p. 83, 84 (fig. 372). Les Hébreux se heurtèrent pour la
première fois à des murailles de ce genre à Jéricho, et
l'eau avait aussi une importance capitale. Nah., III, 14.
Pour assurer l'eau à Jérusalem en cas de siège, Ezé-
chias fit creuser le tunnel de Siloé. IV Reg., xx, 20;
II Par., xxxn, 30; Eccli., xlviii, 17. Voir Aqueduc,
t. i, col. 804. Pour réparer les brèches, on disposait
des fours à briques et l'on se munissait de provisions
d'argile. Enfin, les armes nécessaires étaient distribuées
aux hommes capables de s'en servir utilement. Nah.,
m, 14. Au besoin, on abattait des maisons pour faciliter
la défense. Is., xxn, 10. On faisait des sorties pour
tâcher de détruire parle feu les machines de l'ennemi.
II Reg., xi, 17; I Mach., vi, 31. Du haut des murs, on
lançait sur lui des pierres, des flèches, et toutes sortes
de projectiles. Jud., ix, 53; II Reg., xi, 21, 24.
2° Les assiégeants. —Ils commençaient par entourer
la ville de travaux de circonvallation, palissades, murs
ou fossés, pour empêcher le ravitaillement de la ville.
Deut., xx, 20; IV Reg., xxv, 1; Jer., lu, 4; Ezech.,
xvn, 17; Luc, xix, 43. Ils coupaient les aqueducs et
s'emparaient des fontaines pour en interdire l'usage
aux assiégés. Judith, vu, 6, 7. Ensuite, ils abattaient
des arbres pour construire des terrasses et des tours
d'attaque que l'on approchait des murs, pour être
à la hauteur des assiégés ou les dominer. II Reg.,
xx, 15; IV Reg., xix, 32; Eccle., ix, 14; Is., xxxvn,
33; Jer., vi, 6; Ezech., iv, 2; xxi, 27; xxvi, 8. Au
moyen de béliers (fig. 373) et de machines diverses,
Ezech., iv, 2; xxi, 27; I Mach., xi, 20; xiii, 43, on
s'efforçait d'enfoncer les portes ou de pratiquer des
brèches dans la muraille. Voir Bélier, t. I, col. 1562.
A l'aide d'échelles, on tentait l'escalade. Voir Échelle,
371. — Siège d*une ville par les Assyriens.
D'après A. Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 68.
1713
SIÈGE D'UNE VILLE
1714
t. h, col. 1559; Ascalon, t. i, fig. 286, col. 1061. Pour
hâter la reddition de la place, on renforçait le blocus
et on dressait des embuscades. Jer., Ll, 12. Quand la
place était prise, les vainqueurs détruisaient les murs
et les maisons, et massacraient les habitants, Jud.
i, 25; ix, 45; Jer., li, 58; I Mach., v, 51, 52; II Mach.,
v, 13; x, 17, 23, ou les emmenaient en esclavage. Voir
Esclavage, t. h, col. 1918. Les rois hébreux n'appli-
quaient pas ces mesures à la rigueur; ils passaient
pour être cléments. III Reg., xx, 31. Ils se contentaient
parfois d'otages, IV Reg., xiv, 14, ou de tributs. II Reg.,
vin, 6, 14.
III. Sièges mentionnés dans la Bible. — 1° Sous
Josué et les Juges — Jéricho, qui fut emportée par
miracle au bout de sept jours. Jos., v, 12-24. — Haï,
prise à la suite d'une embuscade. Jos., vin, 10-24. —
Sichem, prise d'assaut par Abimélech, qui brûla ensuite
la tour de Sichem avec ceux qu'elle contenait. Jud., ix,
42-49. — Thèbes, dans laquelle Abimélech entra de
vive force, mais périt le crâne brisé par une pierre
jetée du haut do la tour. Jud., ix, 50-54. — Gabaa, prise
par les tribus soulevées contre Benjamin. Jud., xx, 36, 37.
372. — Plan d'une place chaldéenne, sur la tablette de Goudéa.
D'après de Sarzec-Heuzey, Découvertes en Châtiée, pi. 15, 1.
2" Sous les rois avant le schisme. — Jabès, assiégé
par les Ammonites et délivré par Saûl. I Reg.,xi, 1-11.
— Jérusalem, prise par David aux Jébuséens, qui le
défiaient d'y entrer. II Reg., v, 6-9. — Rabbath, long-
temps assiégée par Joab et défendue par les Ammonites;
David vint lui donner le dernier assaut, y fit un grand
butin et réduisit les habitants en esclavage. II Reg.,
xi, 1-17; xn, 26-31. — Abel-Belh-Maacha, assiégé par
Joab et où la tête du révolté Séba fut jetée à l'assiégeant
du haut de la muraille. II Reg., xx, 14-22. — Gazer,
que le roi d'Egypte prit et donna à Salomon comme
dot de sa fille. III Reg., ix, 16.
3°<S)OMs les rois après le schisme. — Jérusalem, prise
par le pharaon Sésac et dépouillée de ses trésors. III Reg.,
xiv, 25, 26. — Gebbéthon, qu'assiégeaitNadab, roi d'Is-
raël, quand il fut tué par Baasa. III Reg., xv, 27; xvi,
15. — Sajnariâ,assiégée par Bénadad, roi de Syrie, sous
Achab, et délivrée par une sortie des Israélites. III Reg.,
xx, 1-21. — Ramoth Galaad, assiégé sans succès par
Achab et Josaphat. III Reg., xxii, 3-36. — Samarie, assié-
gée longtemps par Bénadad, roi de Syrie, pour la seconde
fois. La famine s'y fit si cruellement sentir qu'une
femme mangea son enfant. Les Syriens, pris de panique,
prirent subitement la fuite un matin, en laissant leur
camp plein de provisions. III Reg., vi, 24-vu, 20. —
Jérusalem, prise par Joas, roi d'Israël, sous Amasias,
roi de Juda. Joas fit une brèche de quatre cents coudées
dans la muraille et emporta les trésors du Temple et
du roi ainsi que des otages. IV Reg., xiv, 13, 14. —
Jérusalem, assiégée en vain, sous Achaz, par Rasin,
de Syrie, et Phacée, d'Israël. IV Reg., xvi, 5. —
Samarie, assiégée pendant trois ans par Salmanasar,
roi d'Assyrie. La prise de la ville entraîna la ruine du
royaume d'Israël et la déportation de ses habitants.
IV Reg., xvii, 5, 6. — Béthulie, assiégée par Holopherne,
chef d'armée du roi d'Assyrie, épuisée par le manque
d'eau et sauvée par Judith. Judith, vu, 1-25; xm, 1-11.
— Jérusalem, menacée de près par Sennachérib, sous
Ézéchias, et délivrée par une intervention divine, qui
extermina l'armée assyrienne. IV Reg., xvin, 17-37;
xix, 35-36. — Jérusalem, assiégée une première fois,
sous Joachin, par Nabuchodonosor, qui emporta les
vases sacrés du Temple et emmena en captivité Joachin
et plusieurs milliers d'Israélites. IV Reg., xxiv, 10-16.
— Jérusalem, assiégée une seconde fois par Nabuchodo-
nosor, sous Sédécias. Le siège dura dix-huit mois, inter-
rompu seulement pendant quelque temps par une di-
version du pharaon d'Egypte. Voir Sédécias 2, col. 1558.
La ville eut à souffrir de la famine. Les Chaldéens y
entrèrent par une brèche faite dans la muraille, brû-
lèrent le Temple et les grandes maisons et emmenèrent
en captivité la plus grande partie de la population.
IV Reg., xxv, 1-21; Jer., xxxix, 1-10; lu, 1-34.
4° Sièges annoncés et décrits par les prophètes. —
Les prophètes s'étendent assez longuement sur les
sièges auxquels succomberont les villes suivantes :
Samarie, Is., xxvm, 1-4; Ezech., xxm,5-10; Ose.,xiv,
1 ; Mich., i, 6, 7. — Jérusalem, Is., xxn, 1-11 ; xxix,
1-8: Jer., vi, 1-9, 22-30; xxi, 5-10; xxxiv, 1-7; Ezech.,
iv, 1-3; x, 1-8; xxi, 23-32; xxm, 22-25. — Rabbath
Ammon, Jer., xlix, 2-5; Ezech., xxv, 3-7; Am.,i, 13-15.
— Damas, Is., xvn, 1, 2; Jer., xxm, 24-27. — Ninive,
Nah., il, 1-13. — Tyr, Is., xxm, 1-14; Ezech., xxvi, 2-21.
— Sidon, Ezech., xxvm, 22-24. — Babylone, Is., xm,
1-2; xxi, 1-9; xlvi, 1, 2; xlvh, 1-15; Jer., xxv, 12-14; l,
2-46; li, 1-58; cf. Dan., v, 28-31.
5° Sous les Machabées. — Jérusalem est prise par
Judas Machabée, sauf la citadelle qui avait une garnison
syrienne. I Mach.,i, 36-60. — JudasMachabée assiégea et
prit successivement les tours des Iduméens,! Mach., v,
5, Gazer, I Mach., v, 8, Bosor, I Mach., v, 28, Maspha,
I Mach.,v, 35, Camaïm, dont il brûla le temple, I Mach.,
v, 43-45, Éphron, prise après un jour et une nuit d'assaut,
I Mach., v, 46-51, tlébron, dont il détruisit les fortifi-
cations, I Mach., v, 65, et Azot, où il démolit les autels
idolâtriques. I Mach., v, 68. Il assiégea ensuite la cita-
delle de Jérusalem, mais sans résultat. I Mach., vi,
18-22. — Belhsur, assiégé par les Syriens, dut se rendre,
malgré une sortie heureuse des Juifs, à cause du manque
de vivres. I Mach., vi, 26-50. — Lysias assiégea longtemps
le Temple, dans lequel les vivres finirent aussi par
manquer, et, y étant entré en vertu d'un traité, il viola
son serment en faisant abattre la muraille protectrice.
I Mach., vi, 48-62. — Bethbessen, fortifiée par Jonathas
et Simon, fut assiégée par Bacchide et délivrée grâce
à une sortie de Simon concordant avec une attaque
extérieure de Jonathas. I Mach., ix, 62-69. — Joppé fut
prise par Jonathas. I Mach., x, 75, 76. — Jonathas assié-
gea de nouveau la citadelle de Jérusalem, occupée par
les Syriens, mais ne put en obtenir la reddition. 1 Mach.,
xi, 20-23, 41-43, 53. — Gaza et Belhsur, assiégées se ren-
dirent. 1 Mach., xi, 62, 65. — Gaza, assiégée de nouveau
par Simon, fut prise d'assaut. I Mach., xm, 43-48. —
Simon s'empara enfin de la citadelle de Jérusalem, dont
la garnison souffrait de la famine. IMach.,xm, 49-51. —
Dora, assiégée par Antiochus VII. I Mach., xv, 13, 14, 25.
6° Les derniers sièges de Jérusalem. — Sous Jean
Hyrcan, Antiochus Sidétès mit le siège devant Jérusa-
lem et investit la ville de sept camps. Pour épar-
gner les vivres, les assiégés firent sortir les bouches
inutiles, que les Syriens empêchèrent de passer, et
qu'il fallut reprendre dans la ville. Antiochus ayant
accordé un armistice à l'occasion de la fête des Taber-
1715
SIÈGE D'UNE VILLE — SIFFLEMENT
1716
nacles, les affaires s'arrangèrent et la cité se rendit à
■certaines conditions peu onéreuses. Josèphe, Ant. jud.,
XIII, vin, 2. — En 65, Aristobule, en discorde avec son
frère Hyrcan, se réfugia dansle Temple de Jérusalem. Les
Arabes d'Arétas, alliés d'Hyrcan, vinrent l'y assiéger,
avec le concours de tout le peuple, car Aristobule
n'avait que les prêtres avec lui. Le siège se prolongea,
sans qu'on pût célébrer la Pâque, et il ne fut levé que
sur l'ordre du légat de Syrie, Scaurus. Josèphe, Ant.
jud., XIV, II, 1-3. — Deux ans après, la compétition
persistant entre les deux frères, Pompée vint à Jéru-
salem, dont les partisans d'Hyrcan lui ouvrirent les
portes, tandis que ceux d'Aristobule se retranchaient
dans le Temple. Pompée fit venir des machines de Tyr,
assiégea la place pendant trois mois, parvint à renverser
une tour et pénétra dans l'enceinte sacrée. De grands
massacres y. furent exécutés. Pompée pénétra dans le
de sa mort, le Sauveur est entré dans plus de détails.
Tout d'abord, on verra l'abomination de la désolation
dans le lieu saint : ce sera pour ses disciples qui seront
en Judée le moment de fuir dans les montagnes, sans
plus tarder. Il y aura ensuite une grande tribulation,
telle qu'on n'en a pas vu précédemment. Jérusalem
sera investie par une armée; une terrible fureur se
déchaînera contre le peuple; les uns seront frappés du
glaive, les autres traînés en captivité parmi toutes les
nations. La ville sera foulée aux pieds par les gentils et,
du Temple, il ne restera pas pierre sur pierre. Matth.,
xxiv, 2-22; Marc, xm, 2-19; Luc, xxi, 6-24. Enfin,
pendant qu'on le menait au Calvaire, Jésus dit aux
femmes de Jérusalem de pleurer sur elles-mêmes et
sur leurs enfants, à raison des jours qui allaient venir.
Luc, xxii, 28, 29. La génération contemporaine du
Sauveur était donc destinée à voir l'accomplissement
373. — Assyriens attaquant une ville assiégée, les uns à pied, les autres montés sur un bélier en forme de tour roulante.
D'après A. Layard, Nineveh and its Remains, t. n, p. 368.
Saint des saints, et ensuite ordonna de purifier le sanc-
tuaire afin d'y recommencer l'offrande des victimes. La
Judée devint dès lors province romaine. Josèphe, Ant.
jud., XIV, iv, 1-4. — En 40, An.tigone, fils d'Aristobule,
désireux de succéder à son père, surprit la capitale et
s'établit dans le Temple, pendant qu'Hérode occupait
la forteresse de Baris. Les deux partis engagèrent une
lutte sanglante et les Parthes, appelés par Antigone,
pillèrent la ville et ses environs. Josèphe, Ant. jud.,
XIV, xm, 3-10. — Couronné roi de Judée à Rome,
en 39, Hérode vint assiéger Jérusalem au printemps de
l'année 37, pour la reprendre à Antigoae. Onze légions
romaines et six mille hommes de cavalerie poursui-
virent le siège avec vigueur. Il leur fallut néanmoins
cinq mois d'efforts pour prendre la ville et ils durent
.«nsuite donner l'assaut au Temple. Un grand carnage
s'ensuivit. Josèphe, Ant. jud., XIV, xvi, 1, 2.^1
7° Le siège final. — Notre-Seigneur a prédit les prin-
cipaux événements du siège de Jérusalem par les Ro-
mains. Il dit à la cité rebelle aux appels de la grâce : «Des
jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront
d'un retranchement, t'environneront et te presseront de
toutes parts ; ils t'abattront jusqu'à terre ainsi que tes
fils qui habitent en toi, et ils ne laisseront pas en toi
pierre sur pierre. s Luc, xix, 43,44. Deux ou trois jours
après cette première prédiction et presque à la veille
de la prophétie. Les événements se déroulèrent confor-
mément à la prédiction du Sauveur. Voir Jérusalem,
t. m, col. 1393. H. Lesètre.
SIFFLEMENT (hébreu : serêqâh, de Sàracj, « sif-
fler »; Septante : <rjpi<sy.6<;, o-yptyM-oç, <7i5pty|jia; Vulgate :
sibilus), son particulier produit par l'expulsion de
l'air à travers les lèvres disposées d'une certaine façon.
Par extension, on dit que le vent siffle, Sap., xvn, 17,
à cause du bruit aigu que détermine son passage à
travers différents obstacles. — 1° Le sifflement sert
pour appeler certains animaux que ce son attire, soit
instinctivement soit par suite d'une habitude. Il est
dit métaphoriquement que Dieu sifflera les nations
étrangères, Is., v, 26, les mouches d'Egypte et les
abeilles d'Assyrie, c'est-à-dire les guerriers de ces
deux pays, contre son peuple devenu infidèle. Is., vil,
18. De même, plus tard, pour rassembler les restes
d'Éphraïm, il les sifflera comme des êtres familiarisés
avec cet appel. Zach., x, 8. — 2° En hébreu, comme
en grec, en latin et en beaucoup d'autres langues, le
sifflement est aussi un signe de moquerie, probable-
ment parce que siffler quelqu'un, c'est lui adresser le
seul langage que comprennent habituellement les ani-
maux. On siffle sur le méchant après sa mort. Job,
xxvn, 23. Chacun siffle l'infamie du paresseux. Eccli.,
1717
SIFFLEMENT — SIGNE
1718
xxii, 1 (grec). On sifflera sur la nation israélite, sur
son Temple, et sur Juda devenu infidèle. III Reg., ix,
8; II Par., xxix, 8. Jérémie annonce les sifflets de
moquerie qui poursuivront Juda et Jérusalem, xvm,
16; xix, 8; xxv, 9, 18; xxix, 18; Édom, xlix, 17, et Ba-
bel, L, 13; li, 37. La prophétie s'accomplit pour Jéru-
salem prise par les Chaldéens. Lam., H, 15, 16. Les
sifflets moqueurs sont encore prédits à Israël, Mich.,
vi, 16, à Tyr, Ezech., xxvil, 36, et à Ninive. Soph., n,
15. H. Lesêtre.
SIGGÂYÔN (Septante : i|/a).(i.ôç, ùSr,; Vulgate :
psalmus. pro ignorantiis), est un terme musical dési-
gnant vraisemblablement un hymne strophique. Il se
lit au titre du Psaume vu et au cantique d'Habacuc,
m, 1, sous la forme plurielle sigyànôt. La traduction
des Septante : p.età œ3? É ;, Hab., m, 1, répond à celle
du targum chaldéen NrPTiN, « louange ». Ps. vu, 1.
La racine est ni* II. Cf. nsto et **ito, « se multiplier,
grandir», Syr. j ■)» /w , « être grand, nombreux»; causa-
tif : «grandir, magnifier ». Le terme siggâyôn,de même
forme que higgâyôn (voir Musique des Hébreux, t. iv,
col. 1348), semble correspondre au terme liturgique
syiaque J A. ^-i»* *y désignation d'hymnes composées
de plusieurs strophes. Il est vrai que les psaumes sont
généralement des pièces strophiques; mais siggdyôn
pourrait s'appliquer à des morceaux d'un rythme
déterminé. Or le psaume vu et le Cantique d'Habacuc,
qui portent cette indication, étant écrits suivant la-
mesure heptasyllabique à trois parallèles distincts,
E. Bouvy, Le rythme syllabique, dans Lettres chré-
tiennes, l. n, p. 280; siggdyôn désignerait ce mètre
ou la mélodie applicable à ce mètre. Il est vrai que ce
même rythme est suivi par d'autres psaumes et can-
tiques, auxquels notre indication n'est pas attribuée;
mais on sait que les indications rythmiques ou musi-
cales, ajoutées au texte sans doute par les copistes,
ayant perdu dans la suite leur signification, ne se
trouvent ni constamment ni exactement portées dans
le psautier. — La traduction pro ignorantiis, à cause
du pluriel sigyànôt, Hab.,^jn, 1, de la Vulgate provient
de la racine nsfcr I, « errer, s'égarer, changer, pécher
par ignorance ». C'est sans doute aussi le sens de
« changer, varier », qui a fait donner à sûgîfâ et à
iigyônôt le sens de « tons variables ». La sanla Biblia
traducida de las lenguas originales. Version moderna,
New-York, 1899, p. 830. — Gesenius, Thésaurus (con-
tinué par Roediger), p. 1362, donne à Siggdyôn le sens
de poème analogue au dithyrambe, ode irrégulière
{voir Psaumes, col. 808), et cette explication est acceptée
par un grand nombre d'hébraïsants. J. Parisot.
SIGNATURE (grec : arifizXov, Vulgate : signum),
marque personnelle servant à authentiquer un écrit. —
Souvent on se servait du sceau comme de marque per-
sonnelle. Voir Gravure, t. m, col. 308; Sceau, t v,
col. 1522. D'autres fois, on traçait un signe à la main
à la fin de l'écrit. Job, xxxi, 35, parlant de sa défense,
dit en l'achevant : « Voici mon tdv. » Les versions
ne rendent pas ce mol. Le (dv est la dernière lettre des
alphabets sémitiques; il avait fréqu3mment la forme
d'une croix ou d'un X. Voir Alphabet, 1. 1, col. 406-414.
On s'en servait comme de signe pour marquer des per-
sonnes, ou des choses. Ezech., IX, 4. Il est possible que
Job, arrivé à la fin de son plaidoyer, veuille dire sim-
plement : « Voici ma dernière lettre », mon dernier
mot. Cf. Frz. Delilzsch, Dos Buch Job, Leipzig, 1876,
p. 421. On croit cependant que le (dv pourrait être
aussi la signature de Job, de même qu'une croix a été
longtemps et est encore la signature de ceux qui ne
savent pas écrire. Cf. A. Le Hir, Le livre de Job, Paris,
1873, p. 364; S. Cox, BookofJob, Londres, 1880, p. 400;
Enabenbauer, In Job, Paris, 1885, p. 366. — Les Chal-
déens signaient les contrats en mettant l'empreinte de
leur ongle sur l'argile encore fraîche qui avait reçu le
texte (fi g. 374). Voir Ongle, t. IV, col. 1814. — Saint
Paul a signé plusieurs de ses Épîtres avec la formule :
« Salutation, de ma main à moi, Paul ». I Cor., xvi,
21; Col., iv, 8; Philem., 19. Aux Galates, vi, 11, il
écrit : « Voyez quelles lettres j'ai tracées pour vous de
// ^T^iir^
O-
G O
^] & M f
374. — Signatures d'ongles.
D'après Scheil, Textes èlamitiques-sémi tiques,
Paris, 1902, p. 173, 175, 179, 181.
ma propre main, » faisant allusion sans doute aux
grosses lettres que son mal d'yeux l'obligeait à former.
A la fin de sa seconde Jipilre aux Thessaloniciens, m,
17, il écrit : « La salutation est de ma propre main, à
moi Paul; c'est là ma signature dans toutes mes let-
tres : c'est ainsi que j'écris. » Le nom de l'auteur d'une
lettre se mettait ordinairement au début. L'Apôtre
ajoutait une signature de sa propre main, à la fin de
l'Épître qu'il avait dictée, afin de mettre ses correspon-
dants en garde contre les entreprises des faussaires.
H. Lesêtre.
SIGNE (hébreu : 'ôt, et beaucoup plus rarement
mô'êd, môfê' , mihydh, mas'êt, nés; Septante: <n)(;.eîov,
ujffdïiixov; Vulgate : signum), attestation visible d'une
chose qui ne se voit pas.
1° Signes dans le ciel. — Les grands astres, le soleil
et la lune, sont les signes du temps, ils en marquent
la division en jours et en années. Gen., I, 14. Il se pro-
duit dans le ciel différents phénomènes astronomiques
ou météorologiques dont les gentils tirent des consé-
quences fâcheuses. Voir Astrologues, t. i, col. 1191.
Jérémie, x, 2, dit qu'il ne faut pas se laisser effrayer
par ces signes du ciel. Les idoles sont incapables de
faire apparaître de pareils signes. Bar., vi, 66. On
tirait de l'aspect du ciel des pronostics sur le temps.
Matth., xvi, 2-4; Luc, xn, 54-56. Les pharisiens et les
sadducéens demandèrent à Notre-Seigneur un signe
dans le ciel, en preuve de sa mission. Il leur refusa ce
miracle de pure curiosité. Matth., xvi, 1-4; Marc, vm,
11, 12. Luc, xi, 16. Il y aura dans le ciel des signes
précurseurs de la lin du monde. Matth., xxiv, 3; Luc,
xxi, 7, 25; Marc, xm, 4.
2" Signes naturels. — De ce nombre sont les signes
de la lèpre, Lev., xm, 10, 24, et ceux de la virginité.
Deut., xxii, 15, 17. Les anges disent aux bergers qu'ils
reconnaîtront le Sauveur dont ils annoncent la nais-
sance à ce signe : un enfant enveloppé de langes et
couché dans la crèche. Luc, n, 12.
3° Signes conventionnels. — Le sang de l'agneau
pascal, sur les montants et le linteau de la porte des
Hébreux en Egypte, sera le signe que leurs maisons
doivent être épargnées. Exod., xn, 13. Rahab devra
mettre sur sa maison le signe qu'on lui indique, pour
1719
SIGNE — SIHA
1720
échapper à l'extermination. Jos., H, 12, 18. La fumée
s' élevant de Gabaa sera pour les Hébreux le signe que
le moment est venu de sortir de leur embuscade. Jud.,
XX, 38. Jonathas convient avec son étuyer que, si les
Philistins les appellent, ce sera le signe qu'ils peuvent
monter les attaquer. I Reg., xiv, 10. Toutefois ce signe
implique une convention tacite avec Dieu, qui seul peut
faire réussir l'entreprise. On élevait des signaux sur
la montagne, probablement en allumant un feu, pour
annoncer l'approche des ennemis. Jer., vi, 1. On em-
ployait le même procédé pour faire connaître à tout le
pays le jour de la néoménie. Voir Néoménie, t. iv,
col. 1590. Tobie donna à son fils l'écrit de son parent
concernant sa dette, afin que celui-ci le reconnût. Tob.,
v, 2. Judas fit d'un baiser donné à Jésus le signe auquel
la cohorte reconnaîtrait celui qu'elle devait arrêter.
Matth., xxvi, 48; Marc, xiv, 44. — Il y avait des signes
adoptés pour distinguer dans les campements les
familles des diverses tribus, Num., ir, 2, les combattants
des différentes nations. Ps. lxxiv (lxxiii), 4, etc. Voir
ÉTENDARD, t. II, Col. 1998.
4° Signes commémoratifs. — Par la volonté de Dieu
l'arc-en-ciel devient le signe de son alliance avec
l'humanité. Gen., ix, 12, 13, 17. L'alliance de Dieu avec
la race d'Abraham a pour signes la circoncision, Gen.,
xvii, 11; Rom., iv, 11, et le sabbat. Exod., xxxi, 13;
Ezech., XX, 12, 20. Les phylactères sont les signes des
commandements divins, spécialement de ceux qui
concernent les azymes et les premiers-nés, et rappellent
ainsi la délivrance de l'Egypte. Exod., xm, 9, 16; Deut.,
vi, 8; xi, 18. Voir Phylactères, col. 349. Les encen-
soirs de Coré et de ses compagnons de révolte furent
réduits en lames et appliqués à l'autel, comme signes de
la faute et de son châtiment. Num., xvi, 38. La verge
fleurie d'Aaron fut placée devant l'Arche, comme signe
de la répression exercée sur ceux qui s'étaient révoltés
contre le grand-prêtre. Num.,xvn, 10. Josué fit dresser
douze pierres prises dans le lit du Jourdain, comme
signes, pour la postérité, du passage miraculeux des
Hébreux. Jos., iv, 6. Judas Machabée fit attacher à la
citadelle la tête de Nicanor, en signe de la protection
accordée par Dieu à ses serviteurs. II Mach., xv, 35.
5° Signes indicatifs. — Dieu mit un signe sur Caïn
afin qu'on le reconnût. Gen., iv, 15. Coré et ses com-
plices furent engloutis, pour servir de signes de la
colère de Dieu. Num., xxvi, 10. Cf. Deut., xxvm, 46;
Job, xxi, 29; Ezech., xiv, 8. Gédéon demanda un signe
de la volonté de Dieu qui l'envoyait combattre les Madia-
nistes. Jud., vi, 17, 39. Le persécuté est pour la foule
un signe de la protection de Dieu, parce que ses ennemis
ne peuvent venir à bout de lui. Ps. lxxi (lxx), 7. Saint
Paul donne comme signes de la légitimité de son
apostolat ses vertus et ses miracles. II Cor., xn, 12. —
Le Sauveur doit « être un signe en butte à la contra-
diction, et ainsi seront révélées les pensées cachées
dans le cœur d'un grand nombre, n Luc, n, 34, 35.
L'attitude que l'on prendra vis-à-vis de lui indiquera
ce que l'on pense et ce que l'on veut au fond de l'âme.
6° Signes prophétiques. — Le signe que Dieu sera
avec Moïse, c'est qu'il sera servi sur la montagne où il
lui parle. Exod., m, 12. Ici les deux faits sont futurs
et le second confirmera le premier. Mais la parole de
Dieu doit donner toute certitude à Moïse. La mort des
deux fils d'Héli le même jour prouvera la réalité des
événements annoncés comme devant suivre. I Reg.,
Il, 34. Samuel indique à Saûl différents signes qui vont
se produire et confirmeront la légitimité de son titre
de roi. I Reg.,x, 1, 7-9. L'autel de Béthel se fend sous
les yeux de Jéroboam en signe de sa destruction future.
III Reg., xm, 3, 5. Isaîe, vu, 11-14, donne à Achaz
le signe de l'Emmanuel, pour annoncer le prochain
châtiment de la Syrie et d'Israël. La récolte de la troi-
sième année sera le signe de la restauration de Sion.
IV Reg., xix, 29; Is., xxxvii, 30. La rétrogradation de
l'ombre du cadran solaire est le signe de la prochaine
guérison d'Ézéchias et de la délivrance du pays.
IV Reg., xx, 8, 9; II Par., xxxii, 24, 31; Is., xxxvm,
7, 22. Les Israélites fidèles sont le signe et le présage
que Dieu n'abandonnera pas son peuple. Is., vin, 18.
Le prophète nu et déchaussé est le signe du sort pré-
paré à l'Egypte et à l'Ethiopie. Is., xx, 3. Le pharaon
Éphrée livré à ses ennemis est le signe du châtiment
qui frappera les Juifs idolâtres. Jer., xliv, 29, 30.
Ézéchiel, iv, 3, met une poêle de fer entre lui et Jéru-
salem, en signe du siège imminent de la ville. Il
reçoit l'ordre de fuir par un trou de la muraille, pour
signifier la fuite de Sédécias. Ezech., xn, 6, 11. Le
silence imposé au prophète est le signe de la prise de
Jérusalem, bientôt réduite, elle aussi, au silence. Ezech.,
xxiv, 24, 27. Le grand-prêtre et ses collègues sont les
signes du Messie futur. Zach., m, 8. Beaucoup d'autres
actions symboliques, accomplies par les prophètes,
sont les signes des événements qu'ils ont à prédire.
La sagesse prédit et interprète ces signes. Sap., vin,
8. — Saint Jean décrit plusieurs signes prophétiques
des destinées de l'Église. Apoc, XII, 1, 3; xv, 1.
7° Signes miraculeux. — Les miracles sont appelés
des « signes », parce qu'ils sont la démonstration
visible de la puissance de Dieu, au service de sa bonté
ou de sa justice. Des signes nombreux ont accompagné
la délivrance du peuple hébreu de l'Egypte. Exod.,
iv, 8, 9; vu, 3, 9; x, 1, 2; Deut., iv, 34; vi, 22; vu, 19;
xi, 3; xxvi, 8; xxix, 3; xxxiv, 11; Ps. lxxvih (lxxvii),
43; Jer., xxxii, 20; Bar., n, 11; II Esd., ix, 10, etc.
Les Israélites comptaient si bien sur ces interventions
divines qu'à certaines époques ils se plaignaient en
disant : « Nous ne voyons plus nos signes. » Ps. lxxiv
(lxxiii), 9. Cependant ceux-ci n'ont jamais fait défaut.
II Mach., xiv, 15; Dan., m, 99, 100; vi, 27; xiv, 42.
Comme de faux prophètes pouvaient opérer certains
signes, il était défendu de les croire, malgré toutes les
apparences de puissance qu'ils présentaient. Deut.,
xm, 2. — Dans le Nouveau Testament, les mincies
sont habituellement appelés des « signes», parce qu'ils
sont la manifestation visible de la mission et de la
divinité de Jésus-Christ. Voir Jésus-Christ, t. m,
col. 1504; Miracle, t. IV, col. 1111. Les Juifs veulent
voir des signes. Matth., xn, 38, 39; I Cor., i, 22. Ils
demandent à Notre-Seigneur quel signe il fait pour jus-
tifier ses paroles et sa conduite. Joa., n, 18; vi, 30.
Ces signes sont opérés par le Sauveur, Luc, xxiii, 8,
etc., et par ses Apôtres, Act., u, 19, 22, 43, etc.; ils le
seront par tous les croyants. Marc, xvi, 17, 20. —
Le don des langues est un signe, mais seulement pour
les infidèles. I Cor., xiv, 22. Voir Langues (Don des),
t. iv, col. 79. — A la fin du monde apparaîtra le signe
du Fils de l'homme. Matth., xxiv, 30. D'après S. Cyrille
de Jérusalem, Catech., xv, 22, t. xxxin, col. 899,
S. Jean Damascène, De ftd. orthod., iv, 11, t. xciv,
col. 1132, et beaucoup d'auteurs, ce signe n'est autre
que la croix. C'est ce que suppose également la litur-
gie des fêtes de l'Invention et de l'Exaltation de la
Croix, ad resp. Saint Jérôme, In Matth., IV, 24, t. xxvi,
col. 180, dit que ce peut être la croix ou un étendard
de victoire. Quelques-uns ont pensé que ce serait le
Christ lui-même, mais à tort, car le Christ ne peut être
son propre signe. Comme rien n'indique que le Sau-
veur ait eu l'intention, dans ce passage, de faire men-
tion de sa croix, il est possible que le signe du Fils de
l'homme soit la gloire particulière qui appartient au
Verbe incarné et qu'il revendique pour lui-même la
veille de sa mort. Joa., xvii, 5. Cf. Knabenbauer. Evang.
sec. M al th., Paris, 1893, t. n, p. 339. H. Lesêtre.
SIHA (hébreu : §i/ia'; Septante : Sov6îa), chef d'une
famille de Nathinéens. I Esd., n, 43; II Esd., vu, 47,
1721
SIHA — SILENCE
1722
(hébreu, 46). Ils retournèrent en Palestine avec Zoro-
babel. Dans les Septante et la Vulgate, le nom est
écrit 2*]â et Soha. Voir Soha.
SIHOR D'EGYPTE (hébreu : ëîhôr Misraïm ; Sep-
tante : àn6 êpiwv AiyûnTou; Vulgate : Sihor jEgypti),
ruisseau d'Egypte qui formait la frontière de l'Egypte
et la séparait de l'Asie. David, pour le transport de
l'arche de Cariathiarim à Jérusalem, rassembla tout
Israël depuis Sihor au sud jusqu'à l'entrée d'Émath
au nord. I Par., xm, 5. — Ce ruisseau est appelé aussi
Sihor dans Josué, xm, 3, texte hébreu, où la Vulgate
traduit : a fluvîo turbido qui irrigat Mgyplunx; elle
l'a pris pour le Nil, qui est en effet désigné par ce nom
dans Isaïe, xxm, 3, et dans Jérémie, il, 18, où elle
a mal traduit « qui arrose l'Egypte »; l'hébreu porte :
« qui est en face de l'Egypte » et le distingue ainsi du
fleuve qui coule au milieu de l'Egypte dans sa longueur.
Voir Egypte 3, t. n, col. 1621. — Pour sihôr désignant le
Nil dans le texte hébreu, Is., xxm, 3; Jer., n, 18, voir
Chihôr, t. il, col. 1702; Nil, t. iv, col. 1622.
S1HOR-LABANATH (hébreu : Sihôr LibnàÇ;
Septante, Codex Vaticanus : Sstràv stai AaëavàO; Codex
Alexandrinus : Seiwp xat Aaêavâû; Vulgate : Sihor
et Labanath), nom qui sert à déterminer la limite
méridionale de la tribu d'Aser. Jos., xix, 26. Les
Septante et la Vulgate voient ici deux noms distincts,
unis par la conjonction « et », ce qui suppose la
lecture du vav hébreu. On peut joindre à leur témoi-
gnage celui de la Peschito. Eusèbe et saint Jérôme,
Qnomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 136, 152, 275,
294, distinguent également Sior et Labanath dans la
tribu d'Aser. A quel texte donner la préférence ? Il est
difficile de le savoir. II peut aussi y avoir eu dans ce
passage un déplacement de noms. Cependant, comme
le mot sihôr est pris ailleurs, Jos., xm, 3, pour dési-
gner un fleuve ou une rivière (voir Sihor d'Egypte), on
accepte plus généralement le texte massorétique. Mais
où trouver ce « fleuve de Labanath » ? On le cherche
au-dessus ou au-dessous du Carmel, auquel il est associé
dans le tracé de la frontière. Quelques-uns, s'appuyant
sur le mot Libnaf, qui veut dire « blancheur », veulent
identifier la rivière en question avec l'ancien Bélus,
aujourd'hui Nahr Na'mdn ou Na'min, dont le sable
servait à la fabrication du verre, cf. Pline, H. N., xxxvl,
26, et qui se jette dans la Méditerranée au sud et
près de Saint-Jean d'Acre. Cf. G.Armstrong, W. Wilson
et Conder, Nantes and places in the Old and New
Testament, Londres, 1889, p. 164. Mais, d'après le
texte de Josué, le fleuve qui servait de limite à Aser
devait se trouver au sud plutôt qu'au nord du Carmel.
D'ailleurs, si l'on avait voulu indiquer près de la
montagne un cours d'eau important, pouvant avec
elle marquer la frontière, on eût plus naturellement
choisi le Cison. Aussi beaucoup d'auteurs assimilent
plutôt le sihôr Libnat au Nahr ez-Zerqâ, qui se jette
dans la mer au sud de Tantàrah, l'ancienne Dor. C'est
leflumen Crocodilon de Pline,//. N., v, 17, dans lequel
on signalait encore en 1870 la présence de petits cro-
codiles. Cf. V. Guérin, Samarie, t. n, p. 317. Y aurait-il
eu dans le texte une leçon primitive, jnnb Timw, Sihôr
livyâfdn, « le fleuve du crocodile », qui se serait chan-
gée en rjnb nnnr, Sihôr libnat ? Il est permis de faire
ici toutes les conjectures. Cf. F. de Hummelauer,
Comment, in Josue, Paris, 1903, p. 429. On peut
objecter à cette hypothèse que c'est transporter bien
loin la frontière méridionale d'Aser. Mais nous savons
par Josué, xvn, 11, qu'elle s'étendait primitivement
jusqu'à Dor et ses dépendances, et qu'elle fut englobée
plus tard dans la tribu de Manassé. Il n'est donc pas
impossible de l'arrêter au Nahr ez-Zerqâ. Cf. A. Dill-
mann, Josua, Leipzig, 1886, p. 560. A. Legendre.
SILAS (grec . SiXa;), un des chrétiens importants
de l'Église primitive de Jérusalem. On admet commu-
nément que le Silas des Actes est le même que le Sil-
vain ou Silvanus des Épitres. Silvas peut être une
contraction de Silvanus, comme Apollos d'Apollonius ;
ou bien Silvanus est une forme latinisée du nom sémi-
tique Silas. Cf. I Par., vu, 35; Josèphe, Ant. jud., XIV,
m, 2; XVIII, vi, 8; Vita, 17. Il parait avoir eu comme
saint Paul le titre de citoyen romain. Act., xvi, 37. —
— C'était un des principaux chrétiens de Jérusalem
et il fut envoyé par les Apôtres et l'Église de cette ville
à Antioche, en même temps que Judas Barsabas, avec
Paul et Barnabe, afin d'y porter la lettre qui contenait
les décisions du concile de Jérusalem. Act., xv, 22-29.
Il demeura quelque temps en Syrie et y consola et ins-
truisit les nouveaux chrétiens, j. 32, 34. Saint Paul se
l'adjoignit comme auxiliaire, après s'être séparé de
Barnabe et de Jean-Marc, f. 40. Il l'emmena avec lui
en Syrie, en Cilicie, en Lycaonie, en Phrygie, en
Galatie, à Troade, en Macédoine, à Philippes où
ils furent battus et emprisonnés ensemble, à Thessa-
lonique et à Bérée, et il le laissa dans cette dernière
ville, lors de son départ pour Athènes. Act., xvi, 1-xvn,
14. Silas devait aller l'y rejoindre avec Timothée,
xvu, 15, mais on n'a pas la preuve que le voyage ait eu
lieu. Nous retrouvons Silas avec saint Paul à Corinthe,
où il était venu le rejoindre de Macédoine, xvm, 5.
Les Actes ne nous apprennent plus rien de son minis-
tère apostolique. Saint Paul, II Cor., I, 19, lui rend le
témoignage qu'il a prêché Jésus-Christ dans cette ville
avec lui et Timothée. Saint Jérôme, In Gai., i, 19,
t. xxvi, col. 330-331, dit qu'il a été apôtre avec Judas :
Ab apostolis apostoli nominantur. Saint Paul, dans
ses deux Épitres adressées de Corinthe aux Thessa-
loniciens, i, 1, leur écrit au nom de « Paul, Silvain et
Timothée ». Silvain est certainement Silas. On admet
aussi généralement que le Silvanus ou Silvain, men-
tionné I Pet., v, 12, comme porteur de cette Épltre aux
chrétiens du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de
l'Asie et de la Bythinie, n'est pas différent de Silas.
Saint Jérôme, Epist. xvm, ad Damasum, t. xxu,
col. 376, dit même : Titiose Silvanus legitur pro Sila.
Le pseudo-Dorothée, De LXX discipulis, 15, 17, t. xcn,
col. 1061, et Hippolyte, De lxx Apost., 16, 17, t. x,
col. 956, distinguent, comme les Grecs, Silas et Silvain
et font le premier évêque de Corinthe et le second de
Thessalonique.
SILENCE (hébreu : dûmâm; grec : <nfî\> Vulgate :
silentium), cessation de tout bruit, particulièrement
de la parole.
1° On commande le silence quand on veut se faire
entendre. Jud., m, 19; Is., xli, 1; Judith, xm, 16;
Act., xii, 17; xm, 16; xix, 33; xxi, 40. Quand on veut
entendre, on fait silence et, au besoin, on se met la
main sur la bouche, Jud., xvm, 19; Job, vi, 24; xxix,
21; Sap., vin, 12; Act., xv, 12; xxu, 2, et l'on fait taire
les autres. Matth., xx, 31; Marc, x, 48; Luc, xvm,
39. — 2° On garde le silence quand on ne veut pas
répondre, Gen., xxxiv, 5; Is., xxxvi, 21; IV Reg.,
xvm, 36; Luc, ix, 36; Matth., xxvi, 63; Marc, xiv,61,
ou quand on ne sait pas que répondre. II Esd., v, 8;
Eccli., xx, 6; Matth., xxu, 34; Marc, m, 4; IX, 33;
Luc, xiv, 4; xx, 26. — 3° Dansles tempsde calamités,
on ensevelit les morts en silence. Am., vi, 11; vin, 3. —
4° Il y a temps de se taire et temps de parler. Eccle.,
m, 7. Le silence peut parfois devenir coupable.
IV Reg., vu, 9. Il est souvent une preuve d'intelligence
et de prudence, Prov., xi, 12; Eccli., XIX, 28; xx, 7;
xxxii, 9, au point que le sot qui se tait peut passer pour
sage. Job, xm, 5; Prov., xvn, 28. Dans l'assemblée
chrétienne, il est prescrit aux femmes. I Cor., xiv, 34;
I Tim., ii,11, 12. Celui qui possédait le don des langues
1723
SILENCE — SILO
1724
devait aussi garder le silence, si un interprète n'était
pas présent. 1 Cor., xiv, 28. — 5° Le silence est chez
les idoles une marque d'impuissance. Ps. cxv (cxiv),
5; Hab., ir, 19. Chez les hommes, il peut signifier ou
accompagner l'acquiescement, Num., xxx, 4, 12, 15;
l'adulation, Eccli., xm, 28; la soumission, I Mach., i,
3; la résignation, Am., v, 13; Lam., m, 28; l'espérance,
Lam., m, 26; l'anéantissement. Is., xlvii, 5; Jer.,
xlviii, 2. — 6° À la créature convient le silence en
face de Dieu. Hab., n, 20; Soph., i, 7; Zach., il, 13. Ce
silence s'unit quelquefois à la prière. Judith, xm, 6. —
7° Dieu lui-même garde le silence, quand il n'intervient
pas malgré les épreuves de ses serviteurs, Ps. xxvm
(xxvn),l; xxxv (xxxiv), 22; Is., xlii, 14, ou les péchés
des hommes. Ps. l (xlix), 21; Is., lvii, 11. Mais ce
silence ne dure pas toujours. Ps. l (xlix), 3; Is., xlii,
14. — 8° Saint Jean note un silence, c'est-à-dire une
interruption de révélation d'une demi-heure dans le
ciel, au milieu des manifestations de la justice divine.
Apoc.,vni, 1. H. Lesêtre.
SILLON (hébreu : gedûr, via'dnâh, télém; Sep-
tante : a-jÀa?; Vulgate : sulcus), tranchée ouverte dans
la terre par le soc de la charrue. — Dieu féconde les
sillons en les arrosant par la pluie. Ps. lxv fLXiv), 11.
Le laboureur met tout son cœur à tracer les sillons,
Eccli., xxxvm, 27, et il se garde de les quitter des yeux,
afin de les tracer bien droits. Luc, ix, 62. Voir Charrue,
t. n, col. 605. Il n'attelle pas l'aurochs à la charrue qui
les creuse. Job,xxxix, 10. Voir Aurochs, t. i, col. 1260.
Le pavot croit dans les sillons des champs. Ose., x, 4.
On fait des monceaux avec les pierres qui s'y trouvent
et dont la présence gênerait la culture. Ose., xn, 11. —
Au figuré, le sillon pleure, quand le champ dont il fait
partie a été mal acquis. Job, xxxj, 38. Il ne faut pas
semer dans les sillons de l'injustice. Eccli., vu, 3. Les
méchants tracent des sillons sur le dos de leur victime,
par les coups qu'ils lui infligent. Ps. cxxix (cxxvm),
3. — Il est raconté que Jonathas et son écuyer tuèrent
environ vingt hommes « sur la moitié de l'espace qu'une
paire de bœufs avait labouré en un jour i> (hébreu :
çéméd. I Reg., xiv, 14. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1172.
Septante : Ils les tuèrent « avec des javelots, des pierres
et des cailloux du champ. » II. Lesêtre.
SILO (hébreu : Silôh, Silôh, Silo, Sîlô; Septante :
2ï|Xo>, 2ï|1w(ji., ville dans la tribu d'Éphraïm, aujour-
d'hui Seiloun (fig. 375).
1° Description. — Silo était « dans la terre de Cha-
naan. » Jos., xxi, 2; xxn, 12; Jud.,xxi, 12. Elle se trou-
vait « au nord de Béthel, [à droite ou] à l'est du che-
min allant de Béthel à Sichem, au midi de Lebona, »
Jud., xxi, 19, et par conséquent aussi au midi de
Sichem. Seiloûn n'est maintenant qu'un « amas de
ruines », couvrant le sommet et les pentes méridiona-
les d'un mamelon, dominé au nord par la montagne de
Qariôt, ou épandues à sa base surtout au sud-ouest. Le
groupe des habitations renversées, qui occupaient la
colline, présente généralement les caractères d'un vil-
lage arabe assez important; mais les citernes, de nom-
breux caveaux pratiqués dans le roc ou construits avec
des soubassements ou des parties formées de grosses
pierres à peine équarries, semblent remonter aux
temps les plus antiques. Au pied de la colline, au sud,
à l'ombre d'un immense chêne vert qui tombe de
vétusté, se voit un édifice carré d'environ dix mètres
de côté, construit avec des pierres anciennes très régu-
lièrement travaillées. La voûte en est soutenue par
deux colonnes. Un mifirab revêtu de belles plaques de
marbre indique que ce bâtiment a servi de mosquée. On
le nomme Djamé' el-Yâteim. La « fontaine de Silo »,
'Ain Seilûn, coule au nord*. Des deux côtés du che-
min qui conduit à la fontaine on voit de nombreuses
grotttes sépulcrales antiques. La source, de débit
médiocre, sort du rocher et l'eau se dirige par un
canal, vers un bassin carré, de trois mètres environ de
côté, en partie taillé dans le roc et en partie bâti et
situé à quinze pas. Non loin on remarque un grand
quartier de rocher isolé, avec deux cavités en forme
à'arcosolia ou de niches, à la base desquels est une
auge de près de cinquante centimètres de profondeur.
On croit généralement voir là d'anciens tombeaux déta-
chés par accident de la montagne voisine. Des degrés
pratiqués à l'arrière et des ouvertures circulaires au
sommet des arcs permettent de supposer que ces cavi-
tés ont été utilisées pour les purifications. — Un vaste
espace, où pourraient tenir plusieurs milliers de per-
sonnes, se développe en amphithéâtre à l'avant de l'an-
cienne plate-forme, et s'ouvre au sud sur une belle
plaine large de près de trois kilomètres du nord au sud
et de plus de quatre d'est à ouest. Les montagnes, dont
la plaine est entourée au midi et au couchant, forment
comme une immense enceinte au site de Seiloûn et lui
impriment un caractère plein de grandeur et de ma-
jesté.— Selon toute apparence, le Djdmé 'el-'Ar-ba'in,
situé à 400 mètres au sud-est du Djdmé el-Yateim,
n'est pas différent de la mosquée ou dôme de la
Sekinah des écrivains du moyen âge, et l'édifice était
évidemment destiné à honorer le souvenir du séjour
de l'arche et du tabernacle en cet endroit. Quant à « la
Table » dont parlent ces auteurs, faut-il y voir la men-
tion des Tables de la Loi ou celle de l'autel montré au
IV e siècle et où faut-il la chercher? Peut-on la voir,
comme l'ont cru plusieurs des explorateurs modernes,
auDjamé'ei-Ya£eim?oubien,comme semble l'indiquer
Estori,àla mosquée annexe à'el-'Arba'in ? ou bien en-
core en avant de cet édifice, à l'ouest où devait se trou-
ver l'autel des holocaustes ? C'est plutôt à ce dernier,
semble-t-il, que conviendrait l'expression arabe el-
Mâi'déh, à moins qu'on ne l'entende du rocher aplani
sur lequel pouvait reposer l'arche. Si l'expression
sdmûh, « attenant», du rabbin du XIII e siècle semble
désigner la petite mosquée, il peut cependant l'avoir
prise dans la signification plus large de « près », et
avoir eu en vue l'emplacement voisin de l'autel. Dans-
tous les cas, il paraît difficile de pouvoir l'étendre
jusqu'au Djdmé 'el-Yateim. Peut-être faut-il voir ici
l'endroit où l'on vénérait les restes du prophète Ahias
qui, selon l'auteur de la Vie des prophètes, 2, t. xliii,
col. 393, fut enseveli sous le chêne de Silo. Cf. S. Jé-
rôme, Epist. cvui, t. xxn, col. 888; In Soph., i, 15,
t. xxv, col. 1353.
2° Histoire. — La conquête du pays de Chanaan était
achevée. Silo se trouvait à distance égale entre les fron-
tières du nord et du midi; sa plaine offrait l'emplace-
ment le plus favorable pour camper et était facilement
abordable du côté de l'est : Josué et les anciens d'Israël
choisirent cette ville pour y établir le tabernacle, et tout
le peuple s'y rendit pour cette inauguration. Jos., xvm,
1. Silo devint dès lors le lieu ordinaire des assemblées
de la nation. A la première, on fit choix desliommes
qui devaient procéder à la délimitation des territoires
pour les sept tribus qui n'en avaient pas reçu de défini-
tif. Ibid., 2-8. Dans la seconde, tenue à leur retour et
présidée par le grand-prêtre Éléazar et par Josué, on
tira au sort la part de chacune d'elles. Ibid., 9-10; xix,
51. C'est à l'assemblée de Silo' que les lévites vinrent
réclamer la portion que leurattribuaientles institutions
de Moïse. Ibid., xxi, 1-2. Les guerriers des tribus orien-
tales avaient reçu de Josué leur congé à Silo. Avant de
repasser le Jourdain, ils avaient élevé un autel gigan-
tesque sur la rive du fleuve. Instruits de ce fait, les
anciens se réunirent de nouveau à Silo, dans l'inten-
tion de prendre les armes contre eux; mais ils furent
apaisés par les explications rapportées par Planées et.
les autres envoyés. Ibid., xxn. — Selon les Septante,.
1725
SILO
1726
ibid., xxiv, 1, 25, la grande assemblée convoquée par
Josué, vers la fin de sa vie, se serait tenue également à
Silo. Le texte hébreu et la Vulgate nomment Sichém,
et cette leçon parait la meilleure. Outre les souvenirs
se rattachant à cette ville avec lesquels Josué voulait
mettre le peuple en contact, à cause de l'abondance de
ses eaux, elle convenait mieux pour une assemblée plé-
nière que Silo. Ce motif fut vraisemblablement un de
ceux qui à celle-ci firent encore préférer Maspha et
Béthel, quand il s'agit de l'affaire du lévite de Belh-
léhem, Jud., xx, xxi. Et c'est à tort que le traducteur de
la Vulgate prend, ibid., xx, 18, et xxi, 2, la localité de
Béthel, pour bel 'élôhîni, « la maison de Dieu », c'est-à-
dire le lieu du tabernacle, et qu'à cette traduction erro-
son épouse, priant devant le tabernacle et bénie par le
grand-prêtre Héli, obtint de devenir la mère du pro-
phète. I Sam., 1,4-23. Quand l'enfant fut sevré,elle vint à
Silo avec son mari, pour le consacrer au service du
Seigneur, f. 24-28; n, 1-10. Samuel y grandit et y
entendit pour la première fois l'appel de Dieu au minis-
tère prophétique. Il l'inaugura en venant répéter à Héli
les menaces du Seigneur, que déjà lui avait annoncées
un homme de Dieu, contre sa maison, à cause des
scandales donnés par ses fils Ophniet Phinées.I Sam.,
ir, 11-36; m,l-18. — Le Seigneur continua à se manifes-
ter à Samuel à Silo et on s'y rendait de tout Israël pour
le consulter, f. 19-21. La ruine prédite de la maison
d'Héli ne tarda pas d'arriver et d'entraîner avec elle la
375. — Ruines de Silo. D'après une photographie de M. L. Heidet.
née il ajoute la glose hoc est in Silo; et ce n'est pas
moins arbitrairement qu'il remplace, ibid., xxt, 9, l'ad-
verbe Sâm, èxel, « là », c'est-à-dire à Maspha, par cum
essent in Silo. Josèphe, égaré de même, par l'expression
« ils se réunirent devant le Seigneur, » de xx, 1, l'in-
terprète aussi sîç tr|v St'Xouv, « à Silo ». Ant. jud., V, H,
9. Le peuple y revint en effet, la guerre contre la tribu
de Benjamin terminée, pour y rapporter l'arche sainte,
et c'est là qu'on amena au camp les 400 jeunes filles
de Jabès de Galaad épargnées au sac de cette ville. Jud.,
XXI, 12. Les 600 Benjamites survivants furent invités à
y venir pour les prendre. Les 200 qui restaient sans
épouse, suivant l'avis des anciens, se cachèrent dans
les vignes, et quand les filles de Silo, au jour de la
fête, sortirent de la ville pour exécuter leurs danses
usitées, ils se jetèrent sur elles, pour s'emparer chacun
d'une compagne. Jud.,xxi, 13-23. Pouraccomplir la loi,
Deut., xvi, 16, tous les Israélites devaient monter plu-
sieurs fois l'an à Silo où était le Sanctuaire. Elcana,
père de Samuel, s'y rendait régulièrement, avec sa
famille. I Sam., i, 3. C'est dans une de ses visites qu'Anne,
ruine du Sanctuaire de Silo. L'armée des Philistins
avait fait invasion sur le territoire de leurs voisins;
les Israélites en voulant les repousser avaient été
battus à Aphec et avaient envoyé chercher l'arche à
Silo. Défaits une seconde fois, les deux fils d'Héli avaient
péri dans la bataille et l'arche sainte était tombée aux
mains de l'ennemi. La triste nouvelle était arrivée à
Silo le même jour, apportée par un Benjamite aux
habits lacérés, à la tête couverte de terre, échappé du
combat. Toute la ville s'était aussitôt remplie de tumulte
et de cris. Héli, qui était assis sur son siège à l'entrée du
tabernacle, « en apprenant le sort de l'arche, tomba à la
renverse et mourutsur le coup. » I Sam., IV. — L'arche
ne devait plus revenir à Silo ; le tabernacle devait être
transporté ailleurs, suivi par les restes de la famille
d'Héli. Samuel quitta Silo pour retourner à Ramatha
sa patrie. A cause des profanations commises, « le Sei-
gneur avait répudié le tabernacle de Silo, la tente où il
avait habité parmi les hommes.» Ps. txxvii, 60. Silo dé-
laissée restera l'exemple des sévérités divines. Jer., vu, 12-
13; cf. xxvi, 6, 9. Vers la fin du règne de Salomon, le
1727
SILO
SILOE
1728
prophète Ahias, habitant de Silo, reçut la mission d'an-
noncer, en punition des fautes du roi, la division du
royaume après sa mort. III Reg., xi, 29; xn, 15; II Par.,
ix, 29; x, 15. A la femme du roi Jéroboam qui venait
déguisée le consulter à Silo au sujet de son fils malade
à Thersa, le même prophète lui annonçait qu'à cause
de l'infidélité de son mari à répondre au choix que
Dieu avait fait de lui, leur fils mourrait. III Reg., xiv,
1-18; XV, 29. — Cent trente ans après la prise de Sama-
rie et après la destruction de Jérusalem par les Chal-
déens, Silo avait des habitants fidèles au culte légitime :
une partie des pèlerins montant à Jérusalem pour y
offrir leurs présents et qui furent massacrés par Isma-
hel àMaspha, étaient de Silo. Jer., xli, 5. — Cette ville
resta cependant attachée à la province de Samarie jus-
qu'à l'époque des Machabées. Elle dut être annexée à
la province de Judée, en même temps que la toparchie
d'Acrahathène dont elle faisait partie, après la prise de
Sichem et du Garizim par Jean Hyrcan (128 av. J.-C).
Au IV e siècle Silo était déserte. Cf. S. Jérôme, InSoph.,
loc. cit. Seiloûn est complètement abandonné aujour-
d'hui. V. Guérin, Samarie, 1875, c. xxm, t. H, p. 21-27;
The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres,
1882, t. h, p. 367-370. L. Heidet.
SILOE (hébreu : haS-Sîloah et Silôah; Septante et
Nouveau Testament : 6 SiXtoifi), nom d'une source,
d'un canal par où coulent ses eaux, de la piscine où
elles aboutissent et de' la région au midi de Jérusalem
où ils se trouvent. — L'hébreu nlur, slh, II Esd., m,
15, a été vocalisé Sélah, par les massorètes; les Sep-
tante l'ont traduit par xwSiov, « peau », lui attribuant
la signification de l'arabe Juo,de iL*o, «écorcher»; la
Vulgate l'a transcrit Siloë comme ailleurs. Rien n'indi-
que que le nom écrit ici comme il devait l'être partout
avant la massore soit en effet différent. La glose : ô
lp|i.r]VEÛ£Tai à;ce7Ta).|jivo;, quod interpretatur Alissus,
ajoutée au nom par l'évangéliste, Joa., ix, 7, prouve
bien que l'appellation historique et traditionnelle se
prononçait avec h et dérivait de la racine lâlah, « il a
envoyé »; la finale y. de la transcription grecque aura
été prise par motif d'euphonie et la forme Silôân
constamment employée par les Arabes leur sera venue
par l'intermédiaire des Byzantins. Un grand nombre
d'exégètes croient voir dans cette glose l'intention de
l'évangéliste de rattacher ce nom, par un sens prophé-
tique ou mystique, au fait raconté par lui. Signifiant
littéralement emissio [aquarum], il est l'équivalent de
« canal » et de « tunnel », et le nom lui aura été donné
quand ceux-ci auront été faits pour envoyer les eaux
de la fontaine aux jardins du roi ou à la piscine. Du
canal le nom passa à la source, au réservoir et à la
région. Quelques auteurs cependant y voient une allu-
sion au « jet » précipité des eaux intermittentes de la
fontaine. Cf. I. Knabenbauer, In Jsaiam, Paris, 1887,
t. i, p. 202-204; P. Schanz, Commentarium ûber das
Evangelium des h. Johannes, Tubingue, 1885, p. 367;
Gesenius, Thésaurus, p. 1416.
I. Siloé (La fontaine de). — Elle est comprise dans
la locution générale : t»ê haS-Siloah, tô Oôtap toy Ei-
Xb>x[i, aquse Siloë, Is., vin, 6, désignant en même temps
le cours de ses eaux. Le prophète met en opposition
« les eaux de Siloé qui coulent en silence,'» image de
la maison de David, et « les eaux tumultueuses et
abondantes du fleuve, » c'est-à-dire de l'Euphrate qui
représentent * le roi d'Assyrie et toute sa puissance. »
La fontaine de Siloé est appelée simplement « la fon-
taine », hd-'Aîn, II Esd., ni, 15, parce qu'elle est la
fontaine unique de Jérusalem; les autres sont « les
fontaines du dehors de la ville. » Il Par., xxxiii, 4.
Les Juifs du premier siècle s'expriment de même par
la bouche de Josèphe : c Siloé, c'est le nom que nous
donnons à la fontaine. i> Bell, jud., V, îv, 1 ; cf. vi, 1 ;
xu, 2; Tacite, Hist., v, 12. L'historien juif distingue de
même entre « Siloé et les sources du dehors de la ville. »
Ibid., ix, 4. Il indique Siloé ou « la fontaine », vers
l'extrémité méridionale de la ville et de la vallée du
Tyropéon qui court entre la montagne du Temple et
la ville haute. Ibid., H, xvi, 2; "V, iv, 1, 2. Il désigne
ainsi la bouche du canal par où sortent les eaux. En
donnant, IIEsd.,m,15,le nom de «porte de la fontaine»
à la porte la plus voisine de la piscine où aboutissaient
376. — Piscine et église de Siloé.
D'après M. L. Heidet.
ces eaux et qui est sans doute la porte découverte en
1897, par M. Bliss, à la pointe sud-est de la montagne
supérieure, à 280 mètres à l'ouest du birket el-Hamrâ,
Néhémie, sous le nom de « fontaine », désigne évidem-
ment la même issue. Les indigènes arabes n'ont point
cessé de l'appeler 'aïn Silôân, tout en donnant parfois
le même nom à la source d'où viennent les eaux. Cf.
Guy le Strange, Palestine under the Muslems, Londres,
1890, p. 74, 162, 179, 212, 220. Celle-ci est plus com-
munément appelée par eux aujourd'hui « la fontaine des
Degrés », 'Ain Umm ed-Deradj, ou « la fontaine de la
"Vierge», 'Ain Sitti-Mariam. En décrivant cette source,
« dont les eaux ne sont pas continues, mais sortent seu-
lement à des heures irrégulières du jour, en bouillon-
nant et à grand bruit, des cavités de la terre dans
une grotte de rocher très dur, » saint Jérôme la nomme
positivement s la fontaine de Siloé ». In Is., vm, 6,
1729
SILOE
1730
t. xxiv, col. 116. Il l'indique, ibid., « au pied du
mont Sion », c'est-à-dire « au pied du mont Moria »,
comme il s'exprime, In Matth.,x, 28, t. xxvi, col. 66. —
Les auteurs du Targum, de la version syriaque et de
la version arabe remplacent, III (I) Reg., i, 33, 38, 45,
le nom de Gihon, par 'en êilôhà', 'aïn Silôhd, donnant
ainsi à entendre que ce dernier nom est le plus récent.
Les commentateurs juifs suivent généralement le même
sentiment. Cf. Estôri ha Parchi, Caflor va-Phérach,
édit. de Jérusalem, 1897, p. 204; Ishaq Chelo, dansCar-
moly, Itinér. de la T. S., 1847, p. 236. Voir Gihon, t. ni,
xvin, 17, et le nafral haS-Sôtêf be-(ôk hà-âréç, rivus gui
fluebat in medio terrœ. II Par., xxxu, 4. Il est fait
allusion au second dans le travail d'Ezéchias pour
dérober ce « courant », nafyal, à l'ennemi. C'est le te-
'àlâh établi pour conduire les eaux de Gihon, par-des-
sous, à la ville, IV Reg., xx, 20; II Par.,xxxn, 30; c'est
le percement du rocher avec le fer pour détourner les
eaux de Gog (Septante, pour Gihon) au milieu de la
ville. Eccli., xi.viii, 19. Voir Aqueduc, t. i, col. 803-808.
III. Siloé (Piscine de) (hébreu, II Esd., m, 15 : berê-
kat has-Sélah; Septante : xo).vi|i.6if|8pa tû>v xeoSiwv -uf.
377. — Birket Siloân. Restes de l'ancienne piscine et de l'église. Issue du canal.
D'après une photographie de M. L. Heidet.
col. 1503. La « piscine supérieure », IV Reg., xvin,
17; 1s., xxxvi, 2, est parfois aussi identifiée avec la
fontaine supérieure de Siloé. Cf. Piscine supérieure,
col. 441. Quelques-uns y voient encore la « fontaine de
Rogel ». Cf. col. 1108.
II. Siloé (L'aqueduc de). — La Bible, suivant un grand
nombre d'interprètes et d'archéologues, mentionne
deux cours des eaux de Siloé : 1" un cours à ciel
ouvert qui passait par la vallée de Cédron en contour-
nant la colline orientale deJérusalemoul'Ophel;2<> leur
passage par un conduit pratiqué dans le roc de la même
colline pour se rendre au sud-ouest. — Le premier,
antérieur au percement du tunnel, est le cours modeste
des eaux de Siloé, positivement nommé par Isaîe, vm,
6. Il passait, croit-on, par un canal en partie taillé
dans le rocher au bas de la colline, et dont divers
savants auraient reconnu le tracé. Il aurait été désigné
d'abord sous le nom de sinnôr. II (Sam.) Reg.. v, 8. Il
serait le « canal t,(e'âldh, d'Is., vli,3;xxxvi, 2; IV Reg.,
DICT. DE LA BIBLE.
xo'jpï toû pstTi'Xec*;; Joa., IX, 7 : xoXu[A6r|8pa toO 2iX>>>â[x,
réservoir ou étang destiné à recueillir les eaux de la
fontaine de Siloé au débouché du canal (fig. 377). —
1» L'étang de Siloé est une seule fois cité dans l'ancien
Testament, II Esd., m, 15, par son nom propre. Sellun,
fils de Cholhoza, chef du district de Maspha, releva
du temps de Néhémie la porte de la fontaine et le mur
de la piscine de Siloé près du jardin du roi et jusqu'aux
degrés descendant de la Cité de David. — A 60 mètres
au nord-est de la porte découverte en 1896 et qui a
l'apparence d'être la porte de la fontaine de Néhémie,
nous avons rencontré déjà le birket el-Ifamrd. Ses
caractères témoignent d'une assez haute antiquité. Il
est formé au midi par un mur de barrage s'étendant
de l'extrémité méridionale de la colline dite d'Ophel
à la montagne occidentale de Sion, sur près de
90 mètres. Ce mur, épais de deux mètres et demi,
repose sur un fondement de six mètres de largeur.
Aujourd'hui haut de sept mètres, il paraît avoir été jadis
V. — 55
1731
SILOE — SIMEON
1732
plus élevé pour servir de rempart. De puissants contre-
forts en blocs à bossage, au nombre de sept, soutiennent
le mur, et semblent avoir été construits pour l'empê-
cher de céder sous la poussée de l'eau. Divers autres
ouvrages en maçonnerie assez grossière sont venus
dans la suite renforcer celte digue. Le bassin resserré
entre les montagnes était de forme irrégulière et pouvait
se développer du midi au nord sur une étendue de plus
de cent mètres. La muraille, dont M. Bliss a retrouvé les
restes en même temps que la porte, arrivée de celle-ci àla
pointe sud-est du Sion et au barrage, remontait vers le
nord en suivant le bord de la piscine. Au delà un esca-
lier large de 7 à 9 mètres et dont on a découvert
34 degrés, descendait sur le flanc de la montagne occi-
dentale le long de l'escarpe et aboutissait à la piscine à
son angle nord-ouest. Il y a tout lieu de croire que c'est
bien l'escalier descendant de la Cité de David et par
conséquent que le birket el-J}.am.ra n'est pas différent
de la « piscine de Siloé » de II Esd.,in, 15. — Dans son
excursion nocturne pour reconnaître l'état des murs de
Jérusalem, Néhémie, venant par « la vallée », gê'[Hin
nom], était « passé à la porte de la Fontaine et à la
piscine du Roi », avant de remonter par ce le torrent»,
nahal [de Cédron]. Les exégètes admettent cependant
communément que cette piscine n'est pas autre que
la piscine de Siloé.
2° La piscine de Siloé où l'aveugle-né fut envoyé
par le Sauveur est, d'après une tradition séculaire, au
débouché du tunnel. On voit là un bassin formé de
mauvais murs dont celui de l'est est éboulé depuis
quelques années. La longueur est de 15 mètres sur 5 de
largeur et autant de profondeur. Quelques tronçons de
colonnes gisent au fond et les eaux du canal le traver-
sent. Les indigènes le nomment birkét Silôân. Dans
les fouilles pratiquées aux alentours en 1896, M. Bliss
a découvert les restes d'une piscine beaucoup plus
importante dont ce bassin n'occupe qu'une partie.
Fresque carrée, elle mesure 22 mètres du nord au sud,
23 d'est à ouest et 5 et demi de hauteur. Sur le bord
de la piscine, au nord, était une église à une nef. — Voir
Revue biblique, 1897, p. 299-306; F. I. Bliss, Excava-
tions of Jérusalem (1894-1897), Londres, 1898, p. 132-
210.
IV. Siloé (La. tour et le quartier de). — Jésus fait
allusion, Luc, xur, 4, à une tour qui, s'étant écroulée,
écrasa dix-huit Galiléens, Turris in Siloë. La tour ici
mentionnée est-elle la tour découverte par M. Bliss
près de la porte de la fontaine ou quelque autre, rien
n'autorise à formuler une identification précise. Il
ressort toutefois de l'expression que le vocable de Siloé
se donnait encore à la région en général. Plusieurs
fois Josèphe, dans les passages cités, l'emploie avec
cette signification. Les saints Pères en usent fréquem-
ment de même, particulièrement saint Jérôme. Cf. In
Jer., vu, 31, t. xxiv, col. 735; In Soph., i, 11, t. xxv,
col. 1349; In Matth., x,28,t.xxvi, col. 66. Cf.Épiphane,
Vitse prophet., vu, t. xliii, col. 397. Voir Ch. Warren
et Conder, Survey of Western Palestine, Londres, 1884,
part. 2, p. 345-371; Cari Mommert, Siloah, Brunnen,
Teich, Kanal zu Jérusalem, in-8°, Leipzig, 1908.
L. Heidet.
SILONI (hébreu : èilônî; Septante : Etjïwv!), des-
cendants de Séla, de la tribu de Juda, qui habitèrent
à Jérusalem à une époque difficile à préciser. I Par.,
ix, 5. Dans les Nombres, xxvi, 20, les descendants de
Séla sont appelés Sélaïles. Dans Néhémie, Siloni ou
Silonite,IIEsd., xi, 5, désigne un descendant de Phares.
*. 4, 6. L'article qui précède ce dernier nom dans le
texte hébreu, has-Sïlônt, indique que c'est unappellatif, .
ce qui peut signifier qu'il était de Silo. Voir Silonite.
SILONITE (hébreu : haS-Silônî; Septante : 6 ^.t,Xu>-
v:'ttiç), originaire de Silo ou habitant de celte ville. Le
p rophèteÀhias ou Ahiaesl surnommé le Silonite.IIIReg.,
xi, 29; xii, 15; xv, 29; II Par., ix,29; x, 15. Voir Ahia 3,
1. 1, col. 291.— Sur le Silonide II Esd.,xi,5, voir Siloni.
SI L VAIN (SiXouocvd;), nom par lequel Silas est
désigné dans les Épîtres. II Cor., l, 19; I Thess., i, 1 ;
I Pet., v, 12. Voir Silas, col. 1722. Dans la Vulgate le
nom est écrit (dans plusieurs éditions) Sylvanus.
SILVESTRE(VALLÉE),nomdelavalléedeSiddim
dans la Vulgate, Gen., xiv, 3, 8, 10 : Vallis Sylvestris.
Voir Siddim, col. 1702.
SIMÉON (hébreu : Sim'ôn; grec : Eu|j.£cJv), nom
d'un patriarche, d'une tribu et de plusieurs personnages
d'Israël.
1. SIMÉON, le second fils que Jacob eut de Lia. Gen.,
xxix, 33; xxxv, 23. Sa mère, en le mettant au monde,
s'écria : « Jéhovah a entendu (hébreu : iâma') que
j'étais haïe, il m'a encore donné celui-là. Et elle le
nomma Siméon (Sim'ôn). » Gen., xxix, 33. L'origine
de son nom repose donc sur ce jeu de mots. Quant à
son histoire, elle n'est marquée que par deux épisodes.
Le premier fut sanglant et imprima sur son front une
tache que son père lui-même sut lui rappeler. Gen.,
xlix, 5, 7. Pour venger l'honneur de sa sœur Dina, il
s'unit à Lévi, et tous deux, au mépris de la parole
donnée et de l'alliance contractée, traitèrent avee
cruauté les Chananéens au milieu desquels ils se trou-
vaient. Gen., xxxiv, 25-30. Voir LÉvi i, t. iv, col. 199.
Le second se passa en Egypte, où Siméon fut retenu
comme otage par Joseph et jeté en prison jusqu'à ce
que ses frères eussent amené Benjamin. Gen., xlh,
25, 36; xliii, 23. Expiait-il ainsi la dureté particulière
que son caractère violent lui aurait fait exercer
envers Joseph, comme il s'était manifesté contre les
Chananéens? Peut-être. On peut croire aussi qu'il
payait la dette de ses frères en sa qualité de second fils
de Jacob, Joseph n'ayant pas voulu retenir l'aîné,
Buben, dont il venait de découvrir le rôle bienveillant
à son égard, lors du crime commis par les autres. Les
fils de Siméon furent : Jamuel, Jamin, Ahod, Jachin,
Soar, et Saul fils d'une Chananêenne. Gen., xlvi, 10;
Exod., vi, 15. La liste de I Par., iv, 24-43, diffère un peu
et donne plus de détails sur les descendants du pa-
triarche. Voir ce qui concerne la tribu dont il fut le père .
A. Legendre.
2. SIMÉON, une des douze tribus d'Israël.
1. Géographie. — La tribu de Siméon occupait
l'extrême sud de la Palestine ou le Négéb. Son terri-
toire avait été détaché de celui de Juda. Jos., xix, 2.
L'Écriture ne décrit pas ses limites; elle donne seule-
ment la liste de ses villes principales.
/. villes principales. — Elles sont énumérées dans
Josué, XIX, 1-9, et dans I Par., iv, 28-33. Ces deux
listes présentent les mêmes noms, suivent le même
ordre, tout en offrant des variantes que nous allons
signaler. Les noms se retrouvent pour la plupart dans
le catalogue des cités de la tribu de Juda, Jos., xv,
26-32, mais dans un ordre un "peu différent. Nous
renvoyons, pour les détails, à ce dernier catalogue,
t. III, col. 1758-1759, en dehors des articles consacrés
à chaque nom dans le Dictionnaire. Les listes de Josué
et du premier livre des Paralipomènes partagent les
villes de Siméon en deux groupes. Voir la carte, fig. 378.
i" groupe. — 1. Bersabée, aujourd'hui Bir es-Séba',
40 à 45 kil. au sud-ouest d'Hébron. Voir Bersabée, t. i,
cot. 1629.
2. Sabée (hébreu : Séba' ; Septante, Codex Vati-
canus : Sijiaa ; Codex A lexandrinus : Sâëse), peut-être
la même que Sama. Jos., xv, 26. Mais elle manque
dans le texte hébreu de I Par., IV, 28, ce qui ferait
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caraeâêres penchés bleus y cezcœ/ qujùneysont
pas bibliques en caractères droits bleus.
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Imp. Jhtfi'énqifjhris.
1733
SIMÉON (TRIBU DE)
1734
■croire que §éba', Jos,, XIX, 2, n'est qu'une répétition
fautive de la dernière partie du nom précédent, Be'êr
Séba'. D'autre part, en la comptant,, la somme des
villes de ce premier groupe n'est plus de treize, comme
l'indique Jos., xix, 6, mais de quatorze. Cependant les
Septante ta maintiennent, I Par., iv, 28; Cod. Vat. :
Sifia; Cod. Alex. : SijAaa, et elle correspond à Tell
es-Séba', qui se trouve à une lieue environ à l'est de
Bersabée. Voir Sabée, col. -1306.
3. Molada (hébreu : Môlâdâh; Seplante, Cod. Vat. :
KiaXaBiji; Cod. Alex. : MwlaSi, Jos., xix, 2; Cod.
Vat. : MwacXSi; Cod. Alex. : M:uXaêâ, I Par., iv, 28),
généralement placée à Khirbet el-Milh, à l'est de Ber-
sabée. Voir Molada, t. iv, col. 1222.
4. Hasersual (hébreu : flàjar Sû'âl; Septante, Cod.
Vat. : l Apm>Xœ; Cod. Alex. : SepsouXà), Jos., six, 3;
Hasarsuhal (Septante, Cod. Vat.: 'EartpioxiXiê ; Cod.
Alex. ; Eosp'so'jct).), I Par., iv, 28. Inconnue. Voir
Hasersdal, t. m, col. 446.
5. Bala (hébreu : Bdlàh; Septante, Cod. Vat. : BioXi;
Cod. Alex. : BeXêwXa, Jos., xix, 3; Cod. Vat. : 'Aêz'û.ct;
Cod. Aléa-. : BaXai, I Par., w, 29); Baala, Jos., xv, 29.
Inconnue. Voir Baala 3, t. l, col. 1322.
6. Asem (hébreu : 'A féru), Jos., xix, 3; Asom,IPar.,
iv, 29; Ésem, Jos., xv, 29. Inconnue. Voir Asem, t. i,
col. 1078.
7. Éltholad (hébreu : 'Él(ôlad), Jos., xv, 30; xix, 4;
Tholad, I Par., iv, 29. Inconnue. Voir Eltholad, t. n,
col. 1707.
8. Béthul (hébreu : Be(ûl; Septante, Cod. Vat. :
Bo-jXâ; Cod. Alex. : BaBoûX), Jos., xix, 4; Bathuel
(hébreu : Befû'êl ; Cod. Vat. : Ba6oûv; Cod Alex. :
Baôo-jX), I Par., îv, 30; appelée Césil, Jos., xv, 30;
mais la forme Béthul, Bathuel, est probablement la
vraie. Inconnue. Voir Béthul, t. i, col. 1750.
9. Harma (hébreu : fformâh; Septante : 'Eppà),
Jos., xv. 30; xix, 4; Horma, Septante : 'Epui, I Par.,
iv, 30, identifiée avec Sebaita. Voir Horma 1, t. m,
<o\. 751.
10. Siceleg (hébreu : $iqlag) t généralement identi-
fiée avec Khirbet Zuhéilïqêh, à l 'est-sud-est de Gaza.
Voir Siceleg.
11. Bethmarchaboth (hébreu : Bêf-kam-markâbot ;
Septante, Cod. Vat. .•Bai8;i.ax e P i &; c od. Alex. .-Baieaii.-
p.apxa<r6ût, Jps., xix, 5; Cod. Vat. : Btxi6jucpst|ji(â6 ;
Cod. Alex. : Bae6tiapxa&48, I Par., IV, 31). On a cher-
ché à l'identifier avec Merqeb, à l'ouest de la pointe
méridionale de la mer Morte; ce qui est douteux. La
liste parallèle de Josué, xv, 31, donne Médémena. Est-
ce la même ville? On ne sait. Voir Bethmarchaboth,
t. i, col. 1696.
12. Hasersusa (hébreu : Qâçar Sûsâh;Septanle,Cod,
Vat. : Sapaotxreîv; Cod. Alex. : 'Asepaouiffi), Jos.,
xix, 5 ; Hasarsusim (hébreu : tfâ}ar Sûsîm; Cod. Vat. :
*H[ic<ru o-iffo pou; Cod. Alex. .''HiiHnjEuxjiu), I Par., iv,
31. On a proposé Susin ou Bei( Sûtîn, sur la route
des caravanes de Gaza en Egypte. Possible. La liste pa-
rallèle de Josué, xv, 31, porte Semenna; on se demande
si c'est la même ville. Voir HaSEHSUSA, t. m, col. 447.
13. Bethlebaoth (hébreu : Béf lebâ'ôf; Septante, Cod.
Val. : B«6ap<i6; Cod. Alex. : BstibaXëdtô), Jos., XIX, 6;
Bet obérai (hébreu Bê( bir'i; Septante, Cod. Vat. :
olxo; Bpao^Kwpeiij; Cod. Alex. : Bxpou|iaei>>peî{ji, union
fautive de BirH et du mot suivant, Sa'ârdim), I Par.,
iv, 31; Lebaoth, Jos., xv, 32. Inconnue. Voir Bethle-
baoth, t. i, col. 1688.
14. Sarohen (hébreu : Sàrûhén; Septante : omis),
Jos., xix, 6; Saarim (hébreu : Sa'ârdim; Septante :
compris dans la dernière partie du mot Bapou!«iE<i>pEtu),
I Par., iv, 31. Elle est appelée Sélim Jos., xv, 32, et
mentionnée dans les inscriptions hiéroglyphiques sous
la forme Sarahan. N'a pas été identifiée. Voir Saarim,
■col. 1284.
2» groupe. — t. Ain (hébreu : 'Ain; Septante : Cod.
I at. : Ep£[i(iiiv, par union avec le mot suivant, ce qui
suppose la lecture ' Ên-Rimmôn ; Cod. Alex. : 'Aiv) t
Jos., xix, 7; Aen (hébreu : 'Ain; Septante : v Hv), I Par.,
iv, 32. Il est probable qu'il faut l'unir au nom suivant.
Voir A» 2, t. i, col. 315.
2. Remmon (hébreu : Rimmôn ; Septante, Cod. Vat. :
'Epîiijujv; Cod. Alex. : Pe|ifieû6, Jos.,xiX, 7; *Pe|iv<âv,
'PeiiftiAv, I Par., IV, 32), identifiée avec Khirbet Umm
er-Bummâmin, au nord de Bersabée. Voir Remmon 3,
col. 1838.
3. Àthar (hébreu : 'Éfér; Septante, Cad. Vat.: 'IMp;
Cod. Alex. : BsGsp), Jos., xix, 7; Thachen (hébreu :
fôkén; Cod. Vat. : ©ixxa; Cod. Alex. : &o-/yà-i),
I Par., iv, 32. Il est probable que ce n'est pas la même
ville qu'Ether de Juda, Jos., xv. 42. It faudrait la
chercher dans les environs de la précédente. Voir Éther,
t. n, col. 2006.
4. Asan (hébreu : 'AMn; Septante, Cod. Vat. : 'AtoIv ;
Cod. Alex. : 'Atriu., Jos., xix, 7: Cod. Vat. : A!<rip;
Cod. Alex. : Aliiv, I Par., iv, 32), Inconnue. Voir
Asan, t. i, col. 1055.
5. Étam (hébreu : 'Êtâm; Septante : Alriv), mise
en tête de ce dernier groupe dans la liste de I Par.,
iv, 32. Inconnue. Voir Étam 2, t. u, col. 1995.
On remarquera que le premier groupe renferme
quntorze villes, Jos., xix, 1-6, bien que la sommeindi-
quée, f. 6, n'en porte que treize, chiffre de I Par., iv,
28-31. Il faudrait donc retrancher Sabée, qui ne se
trouve pas dans la seconde liste, et qui pourrait être
une répétition fautive de la dernière partie du mot Ber-
sabée. D'autre part, les Septante gardent ce nom et
omettent Sarohen, qui se trouve 1 Par., iv, 31, sous la
forme Saarim. Il est donc difficile de savoir s'il faut
retrancher d'un côté ou ajouter de l'autre. Il peut
aussi y avoir erreur de chiffre, comme dans plusieurs
endroits de l'Écriture. La même difficulté se présente
pour le second groupe. Josué, XIX, 7, ne cite que
quatre villes, alors que le premier livre des Paralipo-
mènes, rv, 32, en mentionne cinq. Si même Ain et
Remmon ne forment qu'une seule cité, nous en
aurons trois d'un côté et quatre de l'autre. Il est pro-
bable dans ce cas que le chiffre doit se ramener à
quatre. Les Septante, du. reste, portent, Jos., XIX, 7 :
'Epsjiiifiv xïI ©aXxSt xal 'II8ip xal 'Am£v, qui corres-
pondraient, I Par., iv, 32, à 'Pinuiiv ("Hv 'Ptpnuâ») «od
9oxxa «ai Aiviv v.a\ Alrip.
il, limites et DBSCMPTIOX. — La Bible ne trace
pas les limites de la tribu de Siméon comme elle l'a
fait pour Juda, Benjamin et plusieurs aulres. C'est
probablement parce que le territoire de cette tribu fut
découpé dans celui de Juda, dont les frontières sont
décrites avec une rigoureuse exactitude. Jos., xv, 1-12.
Voir Juda 6, col. 1766. La partie détachée fut celle du
midi ou du Négéb. Les villes mentionnées Jos., xrx,
1-9, et I Par., iv, 28-33, appartiennent principalement
au troisième et au quatrième groupe de cette contrée.
La limite méridionale était sans doute celle de Juda. Le
texte sacré, après avoir énuméré tes cités du second
groupe, ajoute bien : « ainsi que tous les villages aux
environs de ces villes, jusqu'à Baalal.lt- Béer, qui est
la Ramath du midi, » Jos., xix, 8; « jusqu'à Baal ».
I Par., iv, 33. Mais il ne s'agit peut-être que d'une
limite particulière, et puis Baalath-Béer nous est
inconnue. Voir Baalath-Béer-Ramath, t. i, col. 1324.
Quelle était la frontière nord)' Il est impossible de la
bien établir. Bans la liste des villes, dont la plupart
ne sont pas identifiées, nous n'avons comme points de
repère que Bersabée, Molada, et. plus haut, Siceleg et
Remmon. La ligne, de ce côté, devait être assez mal
délimitée : les Siméonites pouvaient posséder sur le
territoire de Juda des villes éparses qui, suivant les
circonstances, revinrent à Juda. Tel fut le cas de
1735
SIMÉON (TRIBU DE)
1736
Siceleg, dont la situation était importante, et qui des
mains d'Achis, roi de Geth, passa à celles de David.
I Reg., xxvii, 6.
Le territoire de Sitnéon, moins connu que celui des
autres tribus, comprenait l'extrême sud de la Palestine,
le Négéb ou « pays desséché». C'est le prolongement de
l'arête montagneuse qui traverse la Palestine, mais la
ligne de faîte est brisée; il n'y a plus que des sommets
épars, beaucoup moins élevés que ceux de Juda, des
plateaux séparés par des vallées parfois assez larges.
Tels sont le djebel Urnm Rudjiim, le djebel Scheqâ'ib,
le djebel et-Tûr, le dj. Zibliyéh, le dj. Hadiréh, le
dj. Muzeiqah, le dj. Maderah. Cet enchevêtrement de
hauteurs forme deux versants, l'un de la Méditerranée,
l'autre de la mer Morte. Le premier est caractérisé par
un réseau très long et très compliqué de torrents, qui
coupent le terrain dans tous les sens. Les uns descendent
des dernières pentes des montagnes de Juda, comme
les ouadis esch-Schéri'ah, el-Khâlil, el Butni, Sau'eh,
el-Milh. Les autres partent des sommets ou plateaux
que nous venons de signaler, les contournent et se
ramifient pour former des rivières qui s'unissent à
leur tour. Citons les ouadis Ar'ârah, es-Séba', es-Sani,
Ruheibéh, el-Abiad etc. Tous se déversent dans la mer
par deux canaux principaux, Vouadi Ghazzéh, et Vouadi
el-Arisch ou « Torrent d'Egypte». Le second versant
envoie ses eaux à la mer Morte, principalement par
Vouadi Muhauwat et Vouadi Fiqriih. La fertilité du
pays ne gagne rien à cette multitude de torrents, qui
sont à sec la plus grande partie de l'année. S'il y a des
coins verdoyants, quelques cultures, l'ensemble de la
contrée a l'aspect désertique. C'est la région des no-
mades, et il en fut ainsi dès les temps anciens, à en
juger d'après les noms de plusieurs localités, dans
lesquels le mot Hdsdr, Hdsèr, rappelle le campement
des tribus pastorales. Voir Haséroth, t. m, col. 445.
D'autres noms rappellent le désert, comme Hasersual,
« le douar du chacal » ; Bethlebaoth, « la maison des
lionnes ». Le pays était traversé par quelques routes,
que suivaient les caravanes pour venir du golfe d'Akaba,
du Sinaï, à Hébron et à Gaza. La route de l'Egypte le
longeait dans sa partie occidentale. Des noms comme
Bethmarchaboth, « la maison des chars ii;Hasersusa,
Hasersusini, « le village des chevaux », semblent in-
diquer certains relais ou certains entrepôts de matériel
de guerre. Voir NÉGÉB, t. IV, col. 1557.
IL Histoire. — Placé à l'extrémité de la Palestine,
Siméon n'a dans l'histoire qu'un rôle très effacé. Au
premier recensement, la tribu comptait 59300 hommes
en état de porter les armes. Num., i, 22-23. Elle occu-
pait ainsi le troisième rang, .venant après Juda et Dan.
Elle se trouvait, dans les campements et la marche au
désert, au midi du tabernacle, avec Ruben et Gad.
Num., il, 12. Elle avait pour chef Salamiel, fils de
Surisaddaï, Num., i, 6; II, 12, et ce fut par ses mains
qu'elle fit l'offrande de ses dons, à la dédicace du taber-
nacle et de l'autel. Num., vu, 36. Parmi les explorateurs
du pays de Chanaan, elle eut pour représentant Saphat,
fils d'Huri. Num., xm, 6. Ce fut le chef d'une de ses
familles, Zambri, qui fut tué par Phinées avec la
femme Madianite. Num., xxv, 14. Au second dénom-
brement, dans les plaines de Moab, elle ne comptait
plus que 22200 hommes, avec l'énorme décroissance
<le 37100, due sans doute à ce que beaucoup de Siméo-
nites avaient péri pour avoir pris part, comme Zambri,
au culte de Béelphégor. Nurn., xxvi, 14. Celui de ses
princes qui devait travailler au partage de la Terre
Promise fut Samuel, fils d'Ammiud. Num., xxxiv, 20.
Elle fut désignée, avec Lévi, Juda, Issachar, Joseph et
Benjamin, « pour bénir le peuple, sur le montGarizim,
après le passage du Jourdain. » Deut., xxvn, 12. Elle
prêta son secours à Juda pour attaquer les Chananéens.
Jud., i, 3, 17. Lorsque David se rendit à Hébron pour
recevoir la royauté, Siméon lui donna 7100 hommes.
I Par., xn, 25. — L'Écriture mentionne une double mi-
gration de la tribu. Plusieurs chefs, dont les noms sont
signalés I Par., iv, 34-37, jouèrent un rôle important
dans la première, qui eut lieu sous le règne d'Ézéchias, .
roi de Juda. L'expédition fut dirigée du côté de Gador
(plusieurs lisent Gerâr, Gérare, avec les Septante), où
se trouvaient de beaux pâturages. Voir Gador, t. m,
col. 34. Elle s'empara aussi du territoire des Me'ùnîm,
dans les montagnes de l'Idumée. Voir Maonites, t. iv,
col. 704. La seconde migration transporta les Siméonites
dans la montagne de Séir. 1 Par., iv, 39-43. La tribu,
comme les autres séparées de Juda, était tombée dans
l'idolâtrie, mais plusieurs de ses membres s'enfuirent
pour rester fidèles au vrai Dieu, et nous les voyons
s'unir à Asa pour immoler des victimes au Seigneur
à Jérusalem. II Par., xv, 8-11. Josias vint y poursuivre
le culte des faux dieux. II Par., xxxiv, 6. — Dans le
nouveau partage de la Terre Sainte, d'après Ézéchiel,
Siméon occupa le territoire du midi entre Benjamin et
Issachar. Ezech., XLvm, 24, 25. Dans sa reconstitution
idéale de la cité sainte, le même prophète, xlviii, 33,
met au sud « la porte de Siméon », avec celles d'Issachar
et de Zabulon. — Judith était de la tribu de Siméon.
Judith, viii, 1; ix, 2. Pour sa généalogie, voir Judith,
t. m, col. 1823.
III. Caractère. — Le rôle effacé de Siméon dans
l'histoire ne permet guère de découvrir et de tracer
son caractère. De plus, la Bénédiction de Jacob, Gen.,
xlix, qui, pour les autres tribus, nous donne des notes
si caractéristiques, ne comprend pour celle-ci que des
reproches amers et un châtiment. Elle confond dans
une même réprobation et une même peine Siméon et
Lévi, à cause de leur fourberie et de leur cruauté à
l'égard des Sichémites. Gen., xlix, 5-7; cf. Gen., xxxiv,
25-31. Pour la traduction du passage d'après l'hébreu,
voir Lévi (Tribu de), t. rv, col. 201. La punition est
celle-ci :
Je les diviserai dans Jacob,
Et je les disperserai dans Israël.
Siméon ne fut pas, comme Lévi, absolument privé de
territoire et dispersé en Israël, mais il n'eut qu'une
part dans l'héritage de Juda, et cette part fut la moins
bonne de toute la terre de Chanaan. Relégué à la
limite du désert, il ne trouvait point ce sol fertile où
coulaient le lait et le miel, que s'étaient partagé ses
frères. Dans cette situation, il n'eut point non plus à
se mêler aux combats et aux événements qui illustrèrent
d'autres tribus. Il est passé sous silence dans les Béné-
dictions de Moïse. Deut., xxxm. Pour quelles raisons?
On ne sait. Voir différentes conjectures dans F. de Hum-
melauer, Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 535. Le
manuscrit alexandrin et quelques autres portent bien,
Deut., xxxm, 6 b : KalEvjietiv sut<o tcoXùç sv àpiOpim, « et
que Siméon soit grand par le nombre ». Mais ces paroles
se rapportent à Ruben dans le texte original; il y a là
une correction que rien ne justifie. On a cherché une
solution en modifiant et transposant certains versets du
chapitre; mais ces sortes d'hypothèses n'ont d'autre
résultat que défaire violence au texte. Si nous pouvions-
juger le caractère de la tribu d'après celui du patriarche,
son père, et d'après les quelques points de l'histoire,
nous dirions qu'il fut violent, qu'il se distingua par
une énergie plutôt brutale. Siméon veut venger l'honneur
de sa sœur, mais il prend pour armes la ruse et la
cruauté. Les incidents du désert montrent ses fils entraî-
nés par des penchants grossiers. Cependant cette énergie-
s'unit à la force de Juda pour la conquête de Cha.
naan; elle cherche une expansion dans les expéditions
armées qui procureront aux émigrants de nouveaux
territoires. Enfin ' elle s'ennoblit dans le courage de-
Judith. A. Legendre.
1737
SIMÉON — SIMON MAGHABÉE
1738
3. SlMÉON, Israélite, « des fils de Hérem, » qui avait
épousé une femme étrangère et qui la répudia, du
temps d'Esdras. I Esd., x, 31.
4. SIMÉON, un des ancêtres de Mathathias et des Ma-
chabées, de la famille sacerdotale de Joarib. I Mach.,
H,l.
5. SIMÉON, fils de Juda et père de Lévi, un des an-
cêtres de Notre-Seigneur, dans la généalogie de saint
Luc, m, 30.
6. SIMÉON, vieillard plein de piété à qui le Saint-
Esprit avait révélé qu'il ne mourrait point avant d'avoir
vu le Messie promis à Israël. Il reçut Jésus dans ses
bras, quand Marie le présenta au Temple de Jérusalem
et il prononça alors le cantique prophétique que nous a
conservé saint Luc, n, 25-35. Voir Jésus-Christ, t. m,
col. 1443, 2°. L'Évangile apocryphe deNicodèmelequalifie
■de grand-prêtre. L'histoire de la descente de Jésus-
Christ aux enfers après son crucifiement est mise dans
la bouche de Charinus et de Lenthius, fils de Siméon,
qui la racontent à Anne, à Caïphe, à Nicodème, à
Joseph d'Arimathie et à Gamaliel. Gamaliel était fils
de Rabban Siméon, dont la grand'mère était de la
famille de David. Siméon succéda à Hillel comme
président du Sanhédrin, vers l'an 13 de notre ère. On
veut expliquer ainsi la bienveillance de Gamaliel pour
les Apôtres, Act., v, 38, mais ce ne sont que de pures
conjectures.
S1MÉONITES (hébreu : ha$-Simëôni; Septante :
•cû Sujjiewv; Vulgate : Simeonitae), descendants de Si-
méon, fils de Jacob. I Par., xxvn, 16.
SIMERON (hébreu : Simrôn; Septante : Sepisptov),
fils d'Issachar. I Par., vu, 1. Il est appelé par la Vul-
gate Semron dans Gen., xlvi, 13, et Semran dans
Num., xxvi, 24. Voir Semran, col. 1599.
SIMMAA, nom de deux Israélites dans la Vulgate.
1. SIMMAA (hébreu : Sammdh; Septante : Ha^aâ),
orthographe dans la Vulgate, I Par., H, 13, du nom
d'un frère de David, dont le nom est écrit ailleurs Sa-
maa, Samma, Semmaa. Voir Samma.2. col. 1430.
2. SIMMAA (hébreu : Sime'a' ; Septante : Eoc|iai),
nom d'un fils de David et de Bethsabée. I Par., m, 5.
Il est appelé ailleurs dans la Vulgate Samua. Voir
Samua 1, col. 1435.
SIMON (grec : Scrxwv), nom de quatorze Israélites
postérieurs à la captivité de Babylone, excepté le pre-
mier. Simon peut être une contraction de l'hébreu
Siméon ou bien un emprunt fait aux Grecs chez qui
il était usité.
1. SIMON (hébreu Simon; Septante : 2?)[i.wv), de la
tribu de Juda, père d'Amnon, de Rinna, de Bén-liânân
(voir Hanan 1, t. m, col. 412) et de Thilon. I Par.,
iv, 20.
2. SIMON (hébreu : Sim'ôn), fils d'Onias (hébreu :
Yôhânan), grand-prêtre. Eccli., L, 1. Il y a eu deux
grands-prêtres appelés Simon et qui ont eu tous les
. deux pour père un Onias. Voir Grand-prêtre, t. m,
col. 306. On n'est pas d'accord sur le point de savoir
si c'est du premier ou du second que parle Ben Sirach.
L'éloge de ce pontife termine, L, 1-23, dans un long
développement, les louanges données aux grands
tommes de l'Ancien Testament, xliv-l; il a été le con-
temporain de l'auteur et cette circonstance sert à déter-
miner l'époque de la composition de l'Ecclésiastique.
Josèphe, Ant. jud., XII, II, 24, voit dans ce grand-
prêtre Simon I« r qu'il identifie avec Simon le Juste.
Cette opinion rencontre de nombreuses oppositions.
Voir Ecclésiastique, t. h, col. 1546. Cf. H. Lesêtre,
L'Ecclésiastique, 1880, p. 3-10. Quoi qu'il en soit
Ben Sirach écrivit peu après la mort du Simon
qu'il loue. Ce grand-prêtre fit des réparations considé-
rables au Temple et embellit Jérusalem. Eccli., L, 1-5.
Il rendit de grands services au peuple, f. 4. Josèphe.
Ant. jud., XII, i, 1. Ceux qui entendent'ce passage de
Simon II, au lieu de Simon I er , y voient une allusion à
ce qui est raconté dans le troisième livre apocryphe
desMachabées, il, 2-20, où il est raconté que Ptolémée IV
Philopator, ayant vaincu, en 217 avant J.-C, Antiochus
le Grand à Raphia, envahit la Palestine, fit offrir un
sacrifice dans le temple de Jérusalem et voulut péné-
trer dans le Saint des saints. Simon fit une prière
solennelle pour que ce sacrilège ne fût point commis.
Le roi tenta néanmoins d'exécuter son projet, mais à
peine entré dans l'enceinte sacrée, il fallut l'emporter
à demi mort. Irrité de son échec, Ptolémée résolut de
s'en venger à Alexandrie contre les Juifs qui habitaient
cette ville, III Mach., vi, 18, mais ils furent miracu-
leusement sauvés. Voir t. ni, col. 498-499. Le fond du
récit parait vrai; Josèphe en fait aussi mention, seule-
ment il le place sous Ptolémée VII Physcon, au lieu de
Ptolémée IV Philopator. Ce serait à l'occasion de ces
événements que le grand-prêtre Simon aurait offert le
sacrifice solennel dont Ben Sirach avait été témoin et
qu'il décrit Eccli., L, 6-23.
3. SIMON MACHABÉE, surnommé Tbasi, I Mach., h,
2, le second des cinq fils de Mathathias, se montra
digne de ses frères par sa vaillance et se distingua par
la sagesse de ses conseils, qui avait déjà frappé son
père. I Mach., n, 65. Judas lui confia une campagne
contre la Galilée où il triompha avec trois mille hommes
des ennemis des Juifs qu'il poursuivit jusqu'aux portes
de Ptolémaïde, après leur avoir livré avec succès divers
combats, où il tua environ trois mille d'entre eux et fit
un butin considérable, ramenant avec lui en Judée les
Juifs qui étaient en Galilée et à Arbates. Voir Arbates,
t. i, col. 883. I Mach., v, 17, 20-23, 55. Quand son
frère Judas eut succombé sur le champ de bataille, en
combattant contre Bacchide, Simon emporta le corps
du héros avec son frère Jonathas et l'ensevelit à Modin,
ix, 19. Jonathas ayant succédé à Judas, Simon s'enfuit
avec lui au désert de Thécué pour échapper à Bacchide,
f. 33. Les fils de Jambri ayant massacré leur frère Jean,
Jonathas et Simon, pour le venger, allèrent les atta-
quer pendant des fêtes nuptiales, mais quand ils reve-
naient, après les avoir battus, Bacchide les attendait à
l'est du Jourdain, et ils eurent grand'peine à lui échap-
per en traversant le fleuve à la nage, f. 34-48. Plus
tard, Simon suivit son frère à Bethbessen et défendit
vaillamment cette place contre Bacchide, f. 62-68, qui,
impuissant à vaincre les Juifs, fit la paix avec Jona-
thas, f. 70-73. Pendant les années qui suivirent, deux
rois rivaux, Démétrius I er et Alexandre Balas, se dispu-
tèrent le royaume de Syrie et cherchèrent l'un et l'autre
à gagner Jonathas à leur parti. Celui-ci se prononça
pour Alexandre qui lui avait fait des offres plus avan-
tageuses. Le fils et successeur de Démétrius I et , Démé-
trius II Nicator, étant monté sur le trône, envoya son
général Apollonius contre les Juifs. Jonathas le battit
avec l'aide de Simon son frère, x, 74, 82. Antiochus VI
Dionysos, ayant été opposé, encore enfant, à Démétrius
par Tryphon, en 145 avant J.-C, donna à Simon le
gouvernement du pays qui s'étend de Tyr jusqu'aux
frontières d'Egypte, xi, 59. Quelque temps après, Si-
mon assiégea et prit Bethsur, f. 64-66. Voir Bethsur,
t. i, col. 1748. Plus tard, il se porta jusqu'à Asca-
1739
SIMON
1740
Ion et occupa .Joppé, xn, 33. Il bâtit aussi Adiacla et
la fortifia, dans la Séphéla, jr. 38. Voir Adiada, t. I,
col. 216.
Sur ces entrefaites, Jonathas devint prisonnier par
trahison de Tryphon. Voir Jonathas, t. m, col. 1623.
Cet événement remplit les Juifs de terreur. Simon
releva leur courage. Ils le proclamèrent leur chef. Aus-
sitôt, il acheva de relever les murs de Jérusalem et de
la fortifier. Tryphon partit de Ptolémaïde avec son
armée pour l'attaquer. Il avait emmené Jonathas pri-
sonnier à sa suite, et prétendant qu'il s'était emparé de
sa personne à cause de l'argent dont il lui était rede-
vable, il demanda à Simon pour le délivrer de payer
cette dette et de lui envoyer les deux fils de son pri-
sonnier comme otages. Simon ne crut pas à sa bonne
foi, mais il fit ce qu'il lui demandait, afin qu'on ne pût
point l'accuser de la mort de son frère. Tryphon ne tint
pas parole. Ayant conduit son armée sur la route d'Ador
ou Adaram (voir ADARAM,,t. i, col. 245), les Syriens, qui
tenaient garnison dans la citadelle de Jérusalem, lui
envoyèrenl demander de leur porter secours et de les
ravitailler en passant par le désert (de Thécué). Il partit,
mais la neige arrêta sa marche et il alla en Galaad,
d'après le texte grec, en contournant la mer Morte par
l'est. A Bascama, il mit à mort Jonathas et ses fils
(voir Bascama, t. i, col. 1490), et il retourna en Syrie,
xin, 1-24. Simon fit recueillir les ossements de Jona-
thas et il éleva à Modin un magnifique tombeau à toute
la famille des Machabées, xm, 25-30. Tryphon ayant fait
périr le jeune roi Antiochus pour s'emparer de sa cou-
ronne, Simon, après avoir remis toutes les places de
la Judée en état de défense, envoya des ambassadeurs
à Démétrius II pour lui faire acte de soumission. Dé-
métrius II reconnut l'indépendance des Juifs. Simon
porta le titre de grand-prêtre et d'ethnarque (142 avant
J.-C), jf. 31-32. Bientôt après, il s'empara de Gazara ou
Gazer (voir Gazer, t. ni, col. 131), f. 43-48, où il faut
lire Gazara au lieu de Gaza; cf. xiv, 7, 34; xv, 28, 35.
Il força ensuite la garnison syrienne de la citadelle de
Jérusalem à se rendre en la tenant étroitement assiégée,
}. 49-52. Il s'établit sur la montagne du temple qu'il
fortifia et il nomma son fils Jean (Hyrcan) général de ses
troupes avec résidence à Gazer, f. 53-54. Désormais la
Judée fut en paix pendant quelque temps et elle jouit
sous le gouvernement de Simon d'une grande pros-
périté, xiv, 4-15. Il renouvela alors l'alliance avec les
Romains et les Spartiates, ji. 16-24 a .
Le peuple juif (le latin porte à tort 4 romain », qui
n'est point dans le texte grec ni dans la version sy-
riaque) exprima alors sa gratitude à Simon en érigeant
en son honneur une inscription gravée sur une tablette
de bronze, qui rappelait ce qu'il avait fait avec ses
rères pour l'indépendance de la nation et qu i fu
placée sur une stèle dans le péribole du Temple, avec
une copie dans le trésor, xiv, 24M9.
Antiochus VII Sidètes (voir t. i, col. 704); lorsque
son frère Démétrius II Nicator eut été fait prisonnier
par les Parthes, I Mach., xiv, 3, pour s'assurer des
alliés afin de monter sur le trône écrivit à Simon une
lettre dans laquelle il confirmait les privilèges qui lui
avaient été déjà accordés et lui concédait le droit de
battre monnaie, xv, 1-9. Simon lui envoya à Dor deux
mille hommes et des présents. Antiochus qui triom-
phait de Démétrius II refusa de les recevoir et lui expé-
dia Athénobius (voir t. i, col. 1220) pour lui réclamer
Joppé, Gazara et la citadelle de Jérusalem ou bien
mille talents d'argent. Simon offrit cent talents d'argent.
Athénobius ne lui répondit même pas, f. 25-36. Après
qu'il eut raconté l'échec de sa mission à Antiochus,
celui-ci envoya contre Jnda son général Cendébée. Voir
t. h, col. 406. Simon, trop vieux pour se mettre à la
tête de l'armée israélite, en confia le commandement
à ses deux fils aînés, Judas et Jean, qui remportèrent
sur les Syriens une éclatante victoire, xv, 38-xvi, 10-
(138 avant J.-C.). En 135, au mois de sabath (janvier-
' février), le dernier des frères de Judas Machabée suc-
comba assassiné avec deux de ses fils, à Jéricho, par
son gendre Ptolémée, fils d'Abobus, dans la forteresse
de Doch, xvi, 21-17. Tous les glorieux fils de Matha-
thias moururent ainsi de mort violente, payant de leur
sang l'indépendance de leur patrie.
4. SIMON, intendant du Temple, sous le grand-prêtre
Onias III (t. iv, col. 1816). Il était, d'après II Mach., m,
4, de la tribu de Benjamin, et, si la leçon n'est pas
fautive, il ne pouvait être chargé que des affaires du
dehors relatives au Temple, puisqu'il n'appartenait pas
à la tribu de Lévi. Son frère Ménélas (t. iv, col. 964}
parvint plus tard à acheter le souverain pontificat. C'est
ce qui a fait supposer à divers critiques que c'était
par erreur que Simon était appelé benjamite, Ménélas-
devant être de la tribu de Lévi pour aspirer au suprême
sacerdoce. On a proposé de lire Mïnydmîn (Vulgate :
Miamin), nom d'un chef de famille sacerdotale, II Esd.,
xil, 17, au lieu de Benjamin, par le changement de
6 en m, mais il est difficile dans ce cas d'expliquer le
mot <puXr| qu'emploie II Mach., m, 4. Si Simon était
de la tribu de Lévi, on comprendrait plus facilement qu'il
exerçât une fonction dans le Temple. Quoi qu'il en soil,
cette fonction consistait sans doute à fournir des vic-
times pour les sacrifices au nom du roi Séleucus IV
Philopator .qui avait pris cette dépense à sa charge.
II Mach., m, 3. La Vulgate traduit f, 4, que Simon « en-
treprenait quelque chose d'inique dans la cité, » et c'est
ce <jue porte le grec du manuscrit Vaticanus. Mais
V Alexandrinus porte une leçon qui parait bien préfé-
rable : « Simon était en désaccord avec le grand-prêtre-
relativement au règlement du marché; » au lieu de
7tapovo|i!aç, « chose inique, désordre », il lit àyopavofAt'aç,
o règlement du marché », différend qui se comprend
sans peine, dès lors que Simon était chargé de procu-
rer les victimes qui devaient être offertes en sacrifice.
Ce qui est certain, c'est qu'une querelle surgit entre
Onias et Simon, probablement à cause de ces achats,
et qu'elle s'envenima de telle sorte que Simon cédant
à un mouvement de vengeance, dénonça à Appollonius,
gouverneur de Ccelésyrie et de Phénicie, et, par lui,,
au roi de Syrie, les trésors qui étaient accumulés,
disait-il, dans le Temple de Jérusalem. Séleucus envoya
Héliodore pour s'en emparer, mais il fut miraculeuse-
ment empêché d'exécuter sa mission. Voir Héliodore,.
t. m, col. 570. II Mach., m, 5-40. — Cet événement
n'était pas propre à ramener la bonne entente entre
Onias et Simon. Celui-ci disait du mal du grand- prêtre,
qui, pour arrêter ses calomnies, alla s'en plaindre auprès
du roi Séleucus IV. Le texte sacré ne nous fait pas
connaître le résultat de sa démarche et ne nous apprend
plus rien sur Simon, iv, 1-6, mais il ne dut pas être-
difficile à Onias de démasquer son ennemi.
5. SIMON, nom du prince des Apôtres, auquel Notre-
Seigneur donna le surnom de Céphas ou Pierre, ce qui-
fait qu'il est appelé aussi, en réunissant les deux noms,
Simon Pierre. Matlh., iv, 18; x, 2; xvi, 16, etc.; Marc,
m, 13; Luc, VI, 14; Joa., i, 42, etc.; Act., x, 5, 18. 32;.
xi, 13; Il Petr., i, 1. Voir Pierre, col. 366; Céphas,.
t. m, col. 429.
6. SIMON LE CHANANÉEN ou CANANÉEN (6 Ka-
vavÎTT];), ainsi appelé, Matth., x, 4, et Marc, m, 18,
pour le distinguer des autres Simon ses contemporains,,
un des douze Apôlres. Saint Luc, vi, 15; Act., i, 13, lui
donne le surnom de Z/iÀtotjJç, qui est la traduction
grecque de l'araméen p*:?, et a le même sens; il doit
indiquer que Simon faisait partie de ces Juifs à qui le
zèle pour la Loi et toutes les pratiques du culte mosaïque
1741
SIMON
1742
avaient fait donner ce titre. Voir Chananéen, t. 2, H,
col. 540. C'est de tous les Apôtres celui dont l'histoire
est la moins connue. Le Nouveau Testament se borne à
le nommer. Pusieurs le confondent avec le cousin de
Notre-Seigneur de ce nom. Voir Simon 7. Les traditions
conservées par le Bréviaire romain (au 28 octobre) lui
font prêcher la foi en Egypte, puis, avec l'apôtre saint
Jude, en Mésopotamie où ils souffrirent tous deux le
martyre. Les Bollandistes, Acta sanctorum, 29 octobre,
t. xn, 1867, p. 424, admettent la prédication de saint
Simon enPerse, et aussi enÉgypte; ils regardent comme
fabuleuse la prédication de cet Apôtre dans d'autres
parties de l'Afrique et dans la Grande-Bretagne.
7. SIMON, frère (dans le sens sémitique de cousin)
de Notre-Seigneur. Il est compté parmi les frères de
Jésus Matlh., xm, 55; Marc, vi, 3. Rien de certain
sur son histoire : les uns l'identifient avec Simon le
Cananéen, un des douze Apôtres; les autres avec le
Siméon qui devint évêque de Jérusalem après le mar-
tyre de l'apôtre Jacques le Mineur, l'an 02 (t. m,
col. 1084), Eusèbe, H. E., ni, 11, t, xx, col. 245, et qui
souffrit le martyre sous Trajan, en l'an 107 environ.
Eusèbe, H. E., m; 32, t. xx, col. 281. Contre cette
seconde identification, on objecte que, d'après Eusèbe,
le Simon qui fut évêque de Jérusalem était fils de
Cléophas et non le frère de Jacques et de Jude.
8. SIMON le lépreux, qui avait peut-être été guéri de
sa lèpre par Notre-Seigneur. Il était de Béthanie et
peut-être parent ou ami de Lazare. Quelques-uns ont
supposé qu'il était son frère, d'autres qu'il était le mari
de Marie, sœur de Lazare, ce qui ne s'accorde point
avec ce que l'on sait d'elle. D'après une tradition apo-
cryphe rapportée par Nicéphore, H. E., i, 27, t. cxlv,
col. 712, Simon aurait été le père de Lazare. En
l'absence de renseignements authentiques, l'imagina-
tion s'est donné à son sujet libre carrière. Ce qui est
certain, c'est qu'il donna un festin en l'honneur de
Notre-Seigneur, après la résurrection de Lazare, six
jours avant la Pâque, que Lazare y assistait et que
Marthe dirigeait le service. Marie y oignit les pieds de
Notre-Seigneur avec un parfum de nard. Matth., xxvi,
67; Marc, xiv, 3; Joa., xii, 1-3. Voir Marie-Madeleine,
t. iv, col. 812.
9. SIMON le Cyrénéen, ainsi surnommé parce qu'il
était probablement originaire de Cyrène. Voir Cyrénéen,
t. H, col. 1184. Il se trouvait à Jérusalem à l'époque de
la Passion, et ayant rencontré Notre-Seigneur, quand
on le conduisaitauCalvaire,les soldats le contraignirent
à aider le Sauveur à porter sa croix. Matth., xxvii, 32;
Marc, xv, 21; Luc, xxiii, 26. Cet acte de charité,
quoique d'abord involontaire, fut récompensé par la
conversion de ses fils Alexandre et Rufus, que saint
Marc, xv, 21, nomme comme des disciples bien connus
des chrétiens. Voir Alexandre, 3, 1. 1, col. 350; Rufus,
t. v, col. 1267.
10. SIMON le pharisien. Pendant un repas auquel
il avait invité Notre-Seigneur, une pécheresse entrant
dans la salle du festin arrosa de ses larmes les pieds du
Sauveur, les baisa et les parfuma. Simon, à ce spectacle,
se dit en lui-même : S'il était prophète, il saurait que
cette femme est une pécheresse. Jésus, répondant à sa
pensée, lui dit que, parce qu'elle aimait beaucoup, il
lui était beaucoup pardonné. Luc, vu, 36-50. C'est pro-
bablement à Capharnaûm, sur les bords du lac de Gali-
lée, que ce fait se passa. Sur l'identité de cette péche-
resse avec Marie-Madeleine, voir t. iv, col. 814-817.
11. SIMON, père de Judas Iscariote. On ne connaît
que son nom. Joa., vi, 71; xin, 2, 26.
12. SIMON LE MAGICIEN, Samaritain, contemporain
des Apôtres. Il était né à Gitton, village voisin de Sichem
(S. Justin, Apol., i, 26, t. VI, col. 368), et non point à
Citium, dans l'île de Chypre, comme plusieurs l'ont cru,
en le confondant avec un magicien cypriote portant le
même nom, dont parle Josèphe, Ant. jud., XX, vu, 2.
Si l'on s'en rapporte aux Homélies clémentines, n, 22,
t. n, col. 89, il fut élevé à Alexandrie, en Egypte, et c'est
là qu'il se familiarisa avec les erreurs gnostiques dont
il devint plus tard le propagateur. Il habitait la Sama-
rie et y avait acquis comme magicien une réputation
extraordinaire quand le diacre Philippe arriva dans le
pays pour y prêcher l'Évangile. Voir Philippe 7, col. 270.
On y regardait Simon « comme la vertu de Dieu », le
pouvoir divin « qui est appelé grand ». Act., vin, 10. Il
se donnait lui-même comme « quelqu'un de grand »,
^. 9, et saint Jérôme lui attribue ces paroles : Ego suni
sermo Dei, ego sum Speciosus, ego Paracletus, ego
Omnipotens, ego omnia Dei. In Matth., xxiv, 5, t. xxvi,
col. 176.
Le diacre Philippe opéra des miracles sous ses yeux
dans la ville de Samarie, guérisons de possédés, de
paralytiques et de boiteux qui le remplirent d'étonne-
ment et d'admiration, si bien qu'imitant les Samaritains
qui se convertirent, il demanda et reçut lui aussi le bap-
tême. Sur ces entrefaites, les Apôtres apprirent les
conversions opérées par Philippe, et Pierre et Jean
allèrent à Samarie et y conférèrent aux nouveaux chré-
tiens le sacrement de confirmation. Simon fut frappé du
pouvoir qu'ils avaient de conférer le Saint-Esprit par
l'imposition des mains; il s'imagina que c'était un don
vénal et il offrit de l'argent aux Apôtres pour l'obtenir,
ce qui a fait donner le nom de simoniaques à ceux qui
ont voulu depuis acheter les dignités ecclésiastiques.
Pierre lui répondit avec indignation : Pecunia tecum
sit in perditionem, quoniam donum Dei existimasti
pecunia possideri. Simon lui demanda de prier pour
lui afin que les maux dont il l'avait menacé ne tombas-
sent point sur lai. Act., vin, 5-24. L'Écriture ne nous
apprend plus rien sur Simon.
En revanche, la littérature ecclésiastique des premiers
siècles et surtout la littérature apocryphe s'est occupée
très longuement de Simon. Son compatriote saint Jus-
tin martyr, vers 150, nous a laissé quelques renseigne-
ments sur son compte. Apol., 1,26, 56; Dial.cum Tryph.,
120, t. vi, col. 368, 413, 755. Cf. Apol., n, 15, col. 468.
Simon était à Rome, nous dit il, sous le règne de l'em-
pereur Claude, et il y opéra par l'art des démons des
« miracles magiques » qui le firent considérer comme
un dieu, de sorte que les Romains lui érigèrent dans
l'Ile du Tibre, entre les deux ponts, une statue portant
cette inscription romaine : Simoni deo sancto. Col. 367.
Saint Justin racontait ces faits dans son apologie, adres-
sée à l'empereur Antonin le Pieux, au sénat et à tout
le peuple romain. On admet généralement aujourd'hui
qu'il s'est trompé au sujet de l'érection de la statue à
Simon le Magicien. On a trouvé en 1574 dans l'Ile du
Tibre, c'est-à-dire à l'endroit dont parle Justin, un
fragment de marbre, appartenant probablement au
socle d'une statue, où on lit cette inscription: Semoni
Sanco Deo Fidio. Saint Justin a confondu Simon le
Magicien avec un dieu Sanco, adoré par les Sabins.
Sur les anciens auteurs ecclésiastiques et en parti-
culier sur la littérature apocryphe primitive concer-
nant Simon le Magicien, voir A. C. Headlam, Simon
Magus, dans J. Hastings, A Diclionary of the Bible,
l. iv, 1902, p. 520-527. Les Homélies Clémentines et
les Récognitions ont en particulier parlé de lui. Voir
Migne, Patr. gr., t. i et n. Comme ces écrits sont ébio-
nites, Baur y a cherché des passages où il s'est imaginé
que Simon représentait saint Paul et il en conclut que
Simon le Samaritain n'était pas un personnage histori-
que, mais le représentant de la lutte du paulinisme
1743
SIMON
1744
contre le pétrinisme. Voir Baur, t. I, col. 1522. La théo-
rie de Baur qui a rencontré tant de partisans, surtout
en Allemagne, est aujourd'hui morte et à peu près aban-
donnée. — Voir Simon Magus, dans Smith, A Dictio-
nary of Christian Biography, t. iv, 1887, p. 681-688;
Volkmar, Ueber den Simon Magus der Apostelge-
schichte, dans Theologische Jahrbûcher, 1856, p. 279;
Lipsius, Die Quellen der rômischen Petrus-Sage
kritisch untersucht, Kiel, 1872; Id., Die apokryphen
Apostelgeschichten und Apostellegenden, Brunswick,
t. n, 1,1887.
entra à l'Oratoire de Paris en octobre 1659. 11 en sortit
bientôt pour y rentrer en 1662. A deux reprises pro-
fesseur à Juilly, il revint bientôt à la maison mère de
Saint-Honoré qu'il habita jusqu'à son exclusion de
l'Oratoire le 21 mai 1678. Il se retira à ce moment
dans son prieuré-cure de Bolleville en Normandie
mais s'en démit au bout de deux ans pour revenir
reprendre à Paris le cours de ses travaux littéraires.
Il y resta jusqu'en 1681, puis se retira à Dieppe où il
mourut chrétiennement.
Avant de mentionner ses principaux ouvrages, une
379. — Maison dite de Simon le corroyeur à Jalîa. D'après une photographie.
13. SIMON LE CORROYEUR, chrétien de Joppé qui
donna l'hospitalité à saint Pierre. L'Apôtre eut dans sa
maison la vision qui lui apprit que les païens étaient
appelés au don de la foi. Cette maison était située sur le
bord de la mer, l'eau étant nécessaire à Simon pour
exercer son métier. On montre encore aujourd'hui aux
pèlerins à Jaffa l'emplacement traditionnel de la mai-
son du corroyeur (fig. 379).
14. SIMON NIGER ou le Noir, chrétien d'Antioche
(en grec : Eu[ie<jSv), mentionné seulement, Act., xiii, 1,
comme un des docteurs et des prophètes de l'Église
d'Antioche. Ob ne connaît sur lui rien de certain. Son
nom de Simon doit indiquer son origine juive. Le sur-
nom de Noir lui fut donné sans doute à cause de sa
eomplexion pour le distinguer de ses homonymes, sans
qu'on puisse conclure de là qu'il était nègre et Afri-
cain, comme quelques-uns l'ont supposé.
SIMON Richard, exégète français, né à Dieppe le
*3 mai 1638, mort dans cette ville le 11 avril 1712. Il
remarque s'impose : R. Simon a été attaqué, non seule-
ment par les savants et critiques de son temps, aussi
bien jésuites que jansénistes, aussi bien par Bossuet,
Huet, Mabillon que par les prolestants orthodoxes, mais
« par presque tous les auteurs qui ont écrit sur
l'Ancien Testament à la lin du xvn» siècle et dans la
1™ moitié du xvnr» siècle, » dit le pasteur Bernus,
Richard Simon, 1869, p. 132. Or, quelle raison donner
de ce fait, si R. Simon avait été dans le vrai? Mettre
la chose sur le compte de son mauvais caractère, de la
méchanceté de ses satires, de ses mensonges continuels,
de sa vanité, n'explique pas suffisamment que tous
les ailleurs se soient ainsi unis contre lui. Si l'on peut
le regarder comme un précurseur du modernisme
« par sa manière habile de déguiser les témérités de
sa critique, ses ruses et sa mauvaise foi, ses diatribes
contre les Saints Pères si révoltantes » (expressions
de la Biographie Michaud), il l'est bien davantage
encore par toute sa tendance rationaliste, ce dont
Renan s'est bien rendu compte, par son manque de
sens catholique, et peut-on même dire par son esprit anti-
1745
SIMON — SIMPLICITE
1746
chrétien. Bossuet a bien montré tout le danger des I
idées de R. Simon. Il est de mode aujourd'hui de le
trouver injuste et sévère; mais quand il était question
de l'intégrité de la foi, le grand évêque ne transigeait
point. La condamnation par Rome de la plupart des
écrits de R. Simon justifie amplement le zèle de Bossuet
sans qu'il soit besoin d'insister. Reconnaissons cepen-
dant en R. Simon une science incontestable, une éru-
dition étonnante, une grande sagacité de critique
notamment pour le discernement des bons manuscrits.
Avec encore la réserve que personne ne sut faire
parade comme lui de choses qu'il ne savait pas, et que
ses ouvrages sont pleins plutôt de choses rares et cu-
rieuses que de faits exacts et contrôlés par un mûr
examen. Voici les principaux de ces ouvrages: nous ren-
voyons pour les autres aux sources indiquées plus loin.
Histoire critique du Vieux Testament, s. 1. et a.
(Paris), in-4», Billaine, 1678 (nous n'indiquerons que
les éditions princeps). Cette édition fut supprimée,
mais il s'en fit coup sur coup sept autres, sans parler
des traductions latines et anglaises. Dans cet ouvrage
R. Simon attaque l'authenticité mosaïque du Penta-
teuque (ch. v) puisqu'il n'en attribue à Moïse que la
partie législative. Voir Pentateuque, t. iv, col. 84. —
Histoire critique du texte du Nouveau Testament,
in-8», Rotterdam, R. Leers, 1689. Deux éditions et
deux traductions, en anglais et en allemand. — R. Simon,
comme a dit Bossuet, « y attaque directement l'inspi-
ration, » cherchant à prouver qu'il suffit que l'Écriture
soit inspirée quant à la substance et qu'on ne doit en-
tendre par l'inspiration qu'une assistance négative du
Saint-Esprit qui n'a pas permis que les écrivains sa-
crés soient tombés dans l'erreur. — Histoire critique
des Versions du Nouveau Testament, in-4°, Rotterdam,
R. Leers, 1690. Traduite en allemand et en anglais.
R. Simon y loue beaucoup trop certaines versions an-
ciennes, notamment la version arménienne d'Uscan. —
Histoire critique des principaux commentateurs du
Nouveau Testament, in-4», Rotterdam, R. Leers, 1693.
C'est contre cet ouvrage, où l'auteur attaque si imper-
tinemment les Pères, que Bossuet écrivit sa Défense
de la Tradition et des saints Pères, mais qui ne devait
paraître qu'en 1763. — Nouvelles Observations sur le
texte et les versions du Nouveau Testament, in-4»,
Paris, Boudot, 1635. — Le Nouveau Testament... tra-
duit sur l'ancienne Édition latine, 4 in-8», Trévoux,
Etienne Ganeau, 1702. On y a relevé non seulement des
nouveautés d'expressions toujours regrettables, mais
des tournures de phrases qui n'expriment pas la foi
catholique comme celles que l'auteur veut remplacer. —
Il y aurait aussi à mentionner les divers travaux de
R. Simon relatifs aux Églises orientales, aux juifs, ses
Lettres choisies, sa Bibliothèque critique, sa Nouvelle
bibliothèque choisie.
Par sa faute, dirons-nous en empruntant les expres-
sions de P. de Valroger, « R. Simon devait perdre le
fruit de ses facultés et de son immense érudition...
L'attention resta concentrée sur les parties dangereuses
■de ses ouvrages, dont les erreurs ont compromis la
partie saine et féconde, » Et pour terminer par le juge-
ment de Bossuet : « Richard Simon ne s'excusera
jamais... d'avoir renversé les fondements de la foi, et
avec le caractère de prêtre d'avoir fait le personnage
d'un ennemi de l'Église. »
Voir Batterel, Mémoires domestiques, Paris, 1907,
t. iv, p. 233, 295; Cochet, Galerie dieppoise, 1862,
p. 327-381; Graf, R. Simon, Iéna, 1847 (le meilleur tra-
vail d'ensemble, d'après Bernus) ; A. Bernus, R. Simon
et son Histoire critique du V. Testament (thèse), Lau-
sanne, 1869; Denis, Critique et controverse ou R. Simon
et Bossuet, Caen, 1870; A. Ingold, Essai de bibliogra-
phie oratorienne, article de M. Bernus, p. 121-163;
îi. Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, 1885,
ii, p. 422; R. de la Broise, Bossuet et laBible, Paris, 1891
(le ch. xii, p. 335-355); Margival, Richard Simon,
dans la Revue d'histoire et de littérature religieuses,
t. ii. (Sur cette dernière étude, tout à fait suspecte,
cf. le Bulletin de littérature ecclésiastique de Tou-
louse, nov. 1900; Revue thomiste, janvier 1901; Revue
d'histoire ecclésiastique de Louvain, t. i, p. 127.)
A. Ingold.
SIMONIS Johannes, né le 10 février 1698 à Drusen
près de Schraalkaden, mort le 2 janvier 1768, hébraï-
sant distingué. Il professa l'histoire ecclésiastique et
l'archéologie chrétienne à l'université de Halle. On a
de lui : Vorlesungen ûber die jûdischen Alterthûmer
nach Adrian Reland, ouvrage publié après la mort de
l'auteur par S. Mursinna, in-8», Halle, 1769; Onoma-
sticum Veteris Testamenti, 1741 ; Analysis et explicalio
lectionum masorethicarum Ketiban et Krijan vulgo
dictarum, ea forma quse illse in textu sacro exstant,
in-8», Halle, 1752; 2« édit., 1782; 3 e édit., publiée
par E. F. K. Rosenrnûller, 1824; Dictionarium Vete-
ris Testamenti hebrseo-ehaldaicum, ut cum Bibliis
hebraicis manualibus conjungi queat, in-8°, Halle,
1752; Introductio grammatico-critica in linguam
hebraicam, in-8°, Halle, 1753; Lexicon manuale
hebraicum et chaldaicum, in-8», Halle, 1756; edilio
altéra, priori longe auctior, cui accessit vita auctoris,
a Sam. Mursinna, curante Jh. Ludw. Schulzio, 1771 ;
3 e édit., auxit J. G. Eichhorn, 1793; 4» édit., auxit
F. G. Winer, in-8°, Leipzig, 1828; Onomasticum Novi
Testamenti et librorum Veteris Testamenti apocry-
phorum, in-4», Halle, 1762; Observationes Lexicse in
suppl. Lexici hebraici manualis, in-8», Halle, 1763;
Lexicon manuale grsecum, in-8», Halle, 1766. On lui
doit aussi une édition de la Bible hébraïque, Halle, 1752,
avec des corrections importantes, 1767, au texte de
Van der Hooght.
SIMPLICITÉ (hébreu : tôm; Septante : «tcXotyiç,
àqsEXÔTï];; Vulgate : simplicitas), vertu de celui qui
agit sans arrière-pensée, avec loyauté et sincérité, sans
chercher à tromper autrui et sans afficher lui-même
aucune prétention. Cette vertu est opposée à l'hypo-
crisie ou duplicité. Voir Hypocrisie, t. m, col. 795. Le
simple, âicXôoç, simplex, est ainsi l'antithèse du dou-
ble, SiTciôoç, duplex. — Les versions appellent souvent
« simplicité » des vertus désignées dans l'hébreu sous
les noms de « droiture, intégrité, innocence ». — Jacob,
Gen., xxv, 27, et Job, I, 1, 8; n, 3, sont appelés des
hommes « simples », c'est-à-dire francs et droits. Abi-
mélech s'empara de Sara d'un cœur simple, c'est-à-dire
sans arrière-pensée d'adultère. Gen., xx, 5. Deux cents
hommes partirent de Jérusalem à la suite d'Absalom
avec simplicité, sans se douter de ses projets de révolte.
II Reg., XV, 11. Salomon se propose d'agir d'un cœur
simple et droit. III Reg., ix, 4; IPar., xxix, 17. Achab
fut atteint par une flèche tirée simplement, par quel-
qu'un qui ne le visait pas. III Reg., xxn, 34. Les Juifs,
compagnons de Mathathias, veulent mourir dans la sim-
plicité de leur cœur, sans autre pensée que celle de la
fidélité à leur loi. IMach.,11,37. Les premiers chrétiens
prenaient ensemble leurs repas avec joie et simplicité.
Act., H, 46. Bien souvent, la simplicité est trompée
par le mensonge, Esth., xvi, 6, parce que, comme la
charité, « elle ne tient pas compte du mal, elle ne prend
pas plaisir à l'injustice, elle se réjouit de la vérité, elle
excuse tout. » I Cor., xm, 5-7. — La simplicité est
fréquemment recommandée dans la Sainte Écriture.
Elle est opposée aux détours des perfides. Prov., xi,
3, 20. La récompense lui est promise. Prov., n, 21. Il
faut chercher le Seigneur d'un cœur sincère. Sap., I,
1. Le Sauveur prescrit à ses disciples d'être « sans
mélange », àxépaioi, simplices, simples comme des
colombes. Matth., x, 16. Il remarque que, quand l'œil
1747
SIMPLICITÉ — SIN (DÉSERT DE)
1748
est simple, tout le corps est dans la lumière, Malth.,vi,
22, c'est-à-dire quand l'œil est sain, sans rien qui le
ternisse, il est capable de diriger tous les mouvements
et tous les actes du corps; de même, quand l'œil de
l'âme est simple,quand l'intention est pure et droite,
toute la conduite en ressent l'heureuse influence. Celui
qui fait les distributions aux autres doit s'acquitter de
sa tâche avec simplicité, sans préférences injustifiées,
parce que la charité doit agir à découvert, àvunJxpiTaç,
sine simulatione. Rom., xn, 8-9. Il faut être sage vis-
à-vis du bien, et simple vis-à-vis du mal. Rom., xvi,
19. Saint Paul se fait gloire de s'être toujours conduit
avec simplicité et sincérité. II Cor., I, "12. Il redoute que
l'astuce du démon fasse déchoir ses fidèles de la simplicité
qui vient du Christ. II Cor., xi, 3. Il félicite les églises de
Macédoine de s'être montrées très généreuses avec simpli-
cité et il demande aux Corinthiens de donner eux aussi
d'un cœur simple. II Cor., vm, 2; IX, 11. Les serviteurs
doiventobéirà leursmaîlres en toute simplicité de cœur.
Eph., vi, 5; Col., m, 22. La simplicité convient aux
enfants de Dieu, Phil., Il, 15, selon le précepte du Sei-
gneur. Saint Pierre veut aussi que les fidèles s'aiment
les uns les autres d'un cœur simple. I Pet., i, 22.
H. Lesètre.
SIMULATION (grec : ûicôxpimc ; Vulgate : sinm-
latio), acte par lequel on semble faire ce que l'on ne
veut pas faire, ou paraître ce que l'on n'est pas. — Pour
prendre la ville de Haï, Josué et ses guerriers simulent
une fuite qui attire les habitants dehors. Jos., vm, 15-
20. Les Gabaonites feignent de venir de très loin, afin
que Josué les épargne. Jos., ix, 3-15. Ce sont là des
ruses de guerre, 'ormâh, itavoupYta. Jos., ix, 4. De
même, les Israélites fuient devant les guerriers de Ben-
jamin, afin d'attirer ceux-ci dans l'embuscade. Jud., xx,
29-45. — Des personnes se font passer pour ce qu'elles
ne sont pas. Avec l'aide de sa mère Rébecca, Jacob se
présente à Isaac comme étant Ésaù. Gen., xxvu, 6-29.
Lia se fait passer pourRachel. Gen., xxix, 21-25. Rachel
feint la fatigue pour ne pas se lever devant Laban. Gen.,
xxxi, 35. Thamar prend les dehors d'une femme de
mauvaise vie. Gen., xxxvm, 14-19. Chez le roi de Geth,
David simule la folie. I Reg., xxi, 12-15. Amnon fait le
malade pour attirer Thamar auprès de lui. II Reg., xm,
5. Une femme de Thécué feint de demander justice à
David, aGn de ménager le retour en grâce d'Absalom.
, II Reg., xiv, 2--0. La femme de Jéroboam se déguise
pour aller consulter le prophète Ahias sans être recon-
nue de lui. III Reg., xiv, 2-6. Apollonius feint des
intentions pacifiques, pour tromper les Juifs qu'il
s'apprête à massacrer. II Mach., v, 25, 26. On veut déci-
der Éléazarà feindre de manger des viandes défendues,
afin d'épargner sa vie. Mais le vieillard se refuse à cette
simulation. II Mach., VI, 18-28. Les Juifs envoyaient
auprès de Notre-Seigneur des gens qui feignaient d'être
justes, afin de le prendre en défaut. Luc, xx, 20. Notre-
Seigneur feint lui-même de ne pas vouloir exaucer la
Chananéenne, Matth., xv, 23-27, et de s'abstenir d'aller
à la fête des Tabernacles. Joa., vu, 6-10. Après sa résur-
rection, arrivé à Emmaûs avec les deux disciples, il fait
semblant de vouloir aller plus loin. Luc, xxiv, 28.
Saint Paul qualifie de dissimulation la conduite de saint
Pierre, s'abstenant à Antioche de manger avec les chré-
tiens venus du paganisme, à l'arrivée des chrétiens de
Jérusalem. Gai., n, 12-14. Il y a donc des simulations
qui sont légitimes, d'autres qui sont repréhensibles.
Voir Hypocrisie, t. m, col. 795. — La simulation doit
être bannie des sentiments. I Pet., n, 11. On est porté
à flatter ceux qu'on redoute. Ps. xvm (xvn), 45; lxvi
(lxv), 3; lxxxi (lxxx), 16. Les Apôtres veulent que tout
soit sincère dans les rapports avec Dieu et avec le pro-
chain et que la simulation ne vicie ni la sagesse, ni la
charité. Rom., xn, 9; II Cor., vi, 6; I Tim., i, 5;
II Tim. ; n, 5; Jacob. ,m,17; II Pet., n, 3. H. Lesêthe.
SIN, nom dans le texte hébreu de la ville d'Egypte
que la Vulgate a rendu par Péluse. Ezech., XXX, 15.
Voir Péluse, col. 28.
SIN (DÉSERT DE), deux déserts qui portent le
même nom dans la Vulgate, mais dont l'orthographe
est différente en hébreu.
1. SIN (hébreu : midbâr-Sîn ; Septante : spui^oç Eîv),
nom du désert qui, d'après les Nombres, xxxm, 11, fut
la huitième station des Israéliles d'Egypte à la terre
de Chanaan.
I. Identification. — D'après l'Exode, xvi, 1, le désert
de Sin était « entre Élim et le Sinaï s, dans la presqu'île
sinaïtique. Dans le même livre, xvn, I, la station de
Raphidim est mentionnée entre le désert de Sin et le
désert de Sinaï. Enfin, dans le catalogue des stations des
enfants d'Israël, rapporté par les Nombres, xxxm, 3-49,
entre Élim'et le désert de Sin on fait mention d'un nou-
veau campement, celui de la mer Rouge, xxxm, 10-11 ; et
de deux autres entre le désert de Sin et le désertée Sinaï,
c'est-à-dire de ceux de Daphca et d'Alus, xxxm, 12-14,
avant d'arriver à Raphidim. De ces indications il ressort
qu'on doit chercher le désert de Sin dans la partie de
l'itinéraire des enfants d'Israël qui précéda la station
du Sinaï, et plus précisément entre la station des « bords
de la mer Rouge », Num., xxxm, 10, et la station de
Daphca, jf. 12. L'étude des lieux permet de fixer la station
des bords de la mer Rouge, avec assez de certitude, à
l'extrémité inférieure de l'ouadi Taiyibéh, ou à un
point quelconque du littoral, dans la plaine A'elMour-
kheiyéh. Presque tous ceux qui ont visité ce pays
s'accordent sur ce point, avec les savants de l'expédi-
tion scientifique anglaise. Cf. H. S. Palmer, Sinai,
Londres, 1878, p. 192-193; E. H. Palmer, The Désert
of the Exodus, Londres, 1871, t. i, p.238-239;Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. n,
p. 457-458; Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans
la Revue biblique, janvier 1900, p. 83. Pour ce qui regarde
la station de Daphca, son identification avec les mines
de Magharah, vers le point de jonction des ouadis
Sidréh, Gné ou Igné et Mokatteb, a en sa faveur un
ensemble considérable de probabilités. Voir Daphca,
t. il, col. 1291-1292. En acceptant ces deux points de l'iti-
néraire comme acquis, la station du désert de Sin doit
nécessairement être placée dans quelque endroit de la
plaine d'el-Markha, qui commence à une distance de
seize kilomètres, au sud de l'ouadi Taiyibéh, sur la
plage de la mer Rouge. Cette identification s'impose
même lorsqu'on veut faire suivre par le gros des Israé-
lites, avec les troupeaux, la voie de la côte, et le faire
remonter au Sinaï par l'ouadi Feiran, tandis que des
détachements isolés, pour éviter un détourne dix-sept
kilomètres de chemin, auraient quitté assez vite la plaine
d'el-Markha, pour aller rejoindre le ouàdi Feiran, re-
montant par le ouâdi Sidréh et le ouàdi Mokatteb. Voir
Raphidim, t. v, col. 981-982. Nous écartons, sans y in-
sister, l'hypothèse de l'identification du désert de Sin
avec le grand désert i'el-Qdah, qui s'étend près de la
mer Rouge, au sud de la péninsule, au pied du massif
granitique du Sinaï. Il est très éloigné d'Élim, qu'on ne
peut faire descendre au sud plus bas que la station au
bord de la mer, voir Llim, t. n, col. 1680-1683; aucun
nom moderne ne rappelle d'une façon plausible ni
Daphca, ni Alus, ni Raphidim, dans cette immense plaine
aride; aucune tradition ancienne n'a eu en vue ce che-
min.Cf. Lagrange, dans la Revue biblique,l900, p. 84. Mais
de l'ouadi Taiyibéh, sans parler de la route qui suit la
mer, et traversant la plaine d'el-Markha, monte ensuite
dans les montagnes, on peut se rendre au montSinaï par
la route dite du Nord. Celle-ci remonte l'ouadi Taiyi-
béh jusqu'à la naissance de la vallée, se continue dans
l'intérieur des terres, tourne ensuite au sud-est jusqu'à
1749
SIN (DÉSERT DE)
1750
l'extrémité occidentale de Debbet er-Ramléh, et après
avoir coupé plusieurs vallées latérales, rejoint la route
de la côte à trente-huit kilomètres du Sinaï. Dans cette
hypothèse le désert de Sin serait le Debbet er-Ramléh,
grande plaine de sable qui s'étend au pied du Djebel
et-Tih. On peut dire, il est vrai, qu'il est justement
au milieu entre l'ouadi Gharandel (Élim) et le massif
granitique du Djebel Mouça (Sinaï), en conformité
avec l'Exode, xvi, 1; mais cet itinéraire est dépourvu
de tout souvenir local; il va contre toutes les données
traditionnelles, et il est beaucoup moins praticable pour
une grande multitude. Au contraire, la route qui suit
la mer Rouge, et traverse la plaine d'el-Markha, est
plus praticable pour une multitude aussi considérable
que celle des enfants d'Israël; elle est mieux approvi-
sionnée d'eau; elle est, de plus, la seule qui passe par
l'ouâdi Feiran, avec lequel, dès une haute antiquité,
on a identifié Raphidim. Voir Raphidim, t. v, col. 982.
En outre, l'identification du désert de Sin avec la plaine
<ïel-Markha, qu'on trouve sur cette route, jouit de la
faveur de la tradition chrétienne et des préférences de
presque tous les savants d'aujourd'hui. La Peregrinatio
Sylviee (vers l'an 385), édit. Gamurrini, p. 140, qui en
est le premier écho, identifie le désert de Sin avec une
vallée large de six mille pas romains ou neuf kilo-
mètres et d'une longueur beaucoup plus grande. La
description de la pèlerine est un peu confuse, parce
que les montagnes, dont elle parle, ne cadrent guère
avec ce désert. Mais on doit avouer que l'unique plaine
de cette dimension, qu'elle a pu, rencontrer sur son
chemin entre Pharan et Élim, est la plaine d'el-Mar-
kha. Saint Jérôme, vers la même époque, indique le
désert de Sin entre la mer Rouge et le désert du Sinaï,
et plus précisément entre la mer Rouge et Raphidim,
De situ et nomin. hebr., t. xxm, col. 920; ce qui nous
amène à la plaine d'el-Markha. Ailleurs, cependant, en
parlant de toutes les quarante-deux stations des Israé-
lites dans le désert, il dit que la région entière jusqu'au
Sinaï s'appelait « désert de Sin ». Cf. Epist. lxxii,
ad Fabiolam, t. xxii, col. 705. On trouve cette dernière
opinion répétée parmi les auteurs jusqu'à Adrichomius,
Pharan, n. 90. Parmi les voyageurs et les savants mo-
dernes, l'identification du désert de Sin avec la plaine
d'el-Markha est adoptée par Lengerke, Robinson, Ritter,
Kurtz, Stanley, Strauss, Bartlett, Ebers, Vigouroux, et
beaucoup d'autres. Cf. Bartlett, From Egypt to Pales-
tine, p. 213. Palmer, Ebers, après Robinson, ont appuyé
cette identification sur divers arguments. Cf. Lagrange,
dans la Revue biblique, 1900, p. 84. Notons, en passant,
que l'étymologie même semble favoriser une opinion
traditionnelle aussi généralement répandue. Sin, en
hébreu, veut dire « boue ». Cf. Gesenius, Thésaurus,
p. 947. Même aujourd'hui, l'aspect topographique de la
plaine d'el-Markha, peut justifier jusqu'à un certain
point l'appellation de « désert boueux » qu'on lui aurait
donné à l'époque de l'Exode.
II. Description. — La plaine d'el-Markha commence
à une distance de seize kilomètres au sud de l'ouadi
Taiyibéh. Au nord, elle est limitée par les masses
sombres du Djebel el-Markha aux flancs bigarrés; au
midi, elle se rattache au désert d'el-Qaah; à l'est, elle
a pour limite le massif granitique entrecoupé par divers
ouadis; à l'ouest enfin elle aboutit à la mer Rouge. La
plaine mesure environ vingt-deux kilomètres de lon-
gueur du nord au sud, et a une étendue de huit kilo-
mètres de lest à l'ouest. L'aspect de la plaine est tout
à fait stérile pendant la plus grande partie de l'année;
cependant les pluies d'hiver y font germer une végéta-
tion relativement abondante, qui consiste en herbes
et en broussailles, parmi lesquelles se trouvent les
premiers acacias seyals. Le sol, noir et caillouteux,
contient beaucoup d'oxyde magnétique de fer et des
grenats. Il est jonché de blocs de granit rouge, de
feldspath rose et de basalte, charriés, aux temps pré-
historiques, de l'intérieur du pays. A ce propos,
notons qu'au sud de l'embouchure de l'ouadi Babah,
plusieurs éperons de la montagne portent des las
de scories de minerais de cuivre et des vestiges de
hauts-fourneaux. M. Pétrie suppose que les mineurs
égyptiens avaient transporté là les, minerais de l'ouadi
Babah et de l'ouadi Nasb où les broussailles sont rares,
pour les fondre au bord de la plaine d'el-Markha
abondante en combustible. Cf. Flinders Pétrie, Re-
searches in Sinai, Londres, 1906, p. 18. à l'extrémité
septentrionale de la plaine coulent deux sources, celle
de l'Ain-Dhafary dont l'eau est douce, et celle de
l'Aïn-Markha, dont l'eau est aujourd'hui très saumâtre.
Autour de cette dernière, marquée par un palmier,
existe une dépression du sol, qui, dans les temps plus
reculés, devait constituer un marais. Cf. "Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. n,
p. 460; Meistermann, Guide du Nil au Jourdain par
leSinaïet Pétra, Paris, 1909, p. 65.
III. Histoire. — Le désert de Sin est devenu parti-
culièrement célèbre dans l'histoire sacrée par la
manne qui y tomba pour la première fois. Les enfants
d'Israël y campèrent le quinzième jour du second mois
après la sortie d'Egypte, Exod., xvi, 1; et ils avaient
probablement dressé leurs tentes près de YAïn-Dha-
fary, qui est à vingt-deux kilomètres environ de
l'ouadi Taiyibéh. On trouvait en cet endroit l'eau
nécessaire au camp; on y trouvait aussi les maigres
pâturages du désert pour les troupeaux, mais rien pour
les hommes. Alors toute la foule des enfants d'Israël
murmura contre Moïse et Aaron, Exod., xvi, 2-3, man-
quant ainsi de confiance en Dieu. Le Seigneur leur
envoya, pour les nourrir, la manne, qui, pendant qua-
rante ans, à partir de ce jour, ne leur fit jamais défaut
jusqu'à l'entrée dans la Terre Promise. Exod., xvi,
4,13-15,31, 35; cf. Num.,xi,7-9; voir Manne, t. iv, col.656-
663; Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., t. i, n. 374,
p. 759. La veille du jour où Dieu avait fait pleuvoir
la manne, il avait aussi envoyé à son peuple, dans le
désert de Sin, des volées de cailles. Exod., xvi, 12-13. Voir
Caille, t.. h, col. 33-37. Dans la suite., il n'est plus
question de ce désert de Sin dans la Bible.
A. Molini.
2. SIN (hébreu : midbàr-$in ; Septante : spr)|j.oç S(v,
Num., xin, 22; xx, 1; xxvn, 14; xxxm, 36; xxxiv, 3;
Deut., xxxii, 51; Jos., xv, 18), nom du désert qui,
d'après les Nombres, xxxm, 36, fut la trente-troisième
station des enfants d'Israël, pendant leur voyage du
pays d'Egypte à la terre de Chanaan. L'opinion géné-
rale est aujourd'hui que le désert de Sin dont il est
question dans l'Exode, xvi, 1; xvii, 1, et dans' les
Nombres, xxxm, 11, est différent du désert de Sin
mentionné dans les passages des Nombres, du Deuté-
ronome, et de Josué, cités plus haut. C'est ce que
prouve l'orthographe même des deux noms en hébreu,
où le premier s'écrit avec un samech, et le second avec
un tsadé. S. Jérôme, Epist. lxxii, ad Fabiolam, t. xxn,
col. 716; Gesenius, Thésaurus, p. 977, 1165. D'après
les renseignements explicites du texte sacré, Exod.,
xvi, 1, le premier désert de Sin était « entre Élim et le
Sinaï s; l'autre, au contraire, est indiqué dans la
partie septentrionale du désert de Pharan, Num., xm,
1, 22: où était Cadès, xx, 1; xxvn, 14; xxxm, 36; à la
limite occidentale du territoire d'Édom, xx, 16; et à
la limite méridionale du pays de Chanaan, xxxiv, 3.
Voir Cadès, t. h, col. 21 ; Pharan, t. v, col. 189. Cf.
Quaresmius, Elucidatio Terrse Sanclse, Venise, 1881,
t. n, p. 741.
Le désert de Sin, dont il est question ici, occupait
donc la partie septentrionale du désert de Pharan,
c'est-à-dire la région montagneuse qui formait en
grande partie le pays des Amorrhéens, et en même
1751
SIN (DÉSERT DE) — SINAÏ
1752
temps la frontière méridionale du pays de Chanaan.
Voir Pharan, t. v, col. 187. Ce désert est décrit dans
la Bible comme un lieu affreux, où l'on ne peut semer;
qui ne produit ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, et où
l'on ne trouve pas même d'eau pour boire. Num.,xx, 5.
Les enfants d'Israël campèrent une première fois
dans cette partie du désert de Pharan appelée désert
•de Sin, lorsqu'ils venaient de Haséroth, Num., xm,
1, 22; et dressèrent leurs tentes à Cadès, xm, 27. Voir
Cadès, t. il, col. 13-22. Après la révolte du peuple,
occasionnée par le rapport décourageant des espions
«nvoyés parMoïse pour explorer le pays de Chanaan, il fut
le point de départ de leur égarement à travers le désert.
A la fin des trente-huit années de punition, il fut encore
leur centre de ralliement, xx, 1. Les enfants d'Israël
arrivèrent au désert de Sin dans le premier mois,
€t séjournèrent encore à Cadès, pas précisément, peut-
être, dans la même localité que la première fois, parce
que le nom de Cadès indique ici plutôt un grand dis-
trict du désert de Sin qu'une localité déterminée. Cf.
Cal met, Commentaire littéral sur les Nombres, Paris,
1709, p. 130. C'est là que mourut Marie, sœur de Moïse,
«t qu'elle fui enterrée selon Josèphe, Ant. jud., IV, IV,
•6, sur une montagne, appelée Sin, du même nom que
le désert où probablement elle se dressait. Pour ce qui
regarde les autres événements qui eurent lieu dans le
désert de Sin, voir Cadès, t. n, col. 21-22; Pharan,
t, v, col. 189. A. Molini.
SIN A, orthographe delaVulgate,l°dunom du désert
de Sin (Sin), Jos., xv, 3, voir Sin 1, et 2° du nom du
désert et de la montagne de Sinaï, Judith, v. 14;
Ps. lxvii, 18; Act., vu, 30, 38; Gai., rv, 24, 25.
SINAI (hébreu : Sînaî; Septante : Siva; Vulgate :
Sinaï, partout, excepté Judith, v, 14; Ps. lxvii [hébreu,
lxviii], 17; Eccli., xlviii, 7; Act., vu, 30, 38; Gai., iv,
24, 25, où l'on trouve Sina), montagne de la péninsule
sinaïtique sur laquelleDieu donna sa Loi à Moïse, Exod.,
xix, 11, 18,20, 23, etc., et désert qui l'environne. Exod.,
xix, 1, 2;Lev., vu, 38, etc. Ce lieu, un des plus célèbres
de l'histoire biblique, a donné son nom à la pointe de
terre qui sépare l'Asie de l'Afrique. Les faits qui s'y
rattachent rappellent la formation même du peuple de
Dieu. Nous avons à en défendre le caractère historique,
à en décrire la situation, à en résumer l'histoire.
I. Nom. — Il n'est pas facile de connaître l'origine
du mot »3'D, Sinaï. Quelques-uns, le rapprochant de
la racine inusitée îid, sûn, lui donnent le sens de
« dentelé, crevassé, hérissé de rochers ». Cf. J. Fûrst,
Hebràisches und chaldàisches Handwôrterbuch, Leip-
zig, 1876, t. n, p. 74, 79. C'est une étymologie plus que
douteuse. Elle devrait s'appliquer également, sans lui
convenir mieux, au désert de j>d, Sîn, situé entre Élim
et le Sinaï. Exod., xvi,l. Il y a, en effet, entre les deux
noms une étroite relation, qui a poussé certains auteurs
à voir dans >j>d, Sînaî, un adjectif se rapportant à
Sîn et désignant le Sinaï comme « la montagne du
désert de Sîn », en raison de leur voisinage. Cf. H. Ewald,
Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1865, t. Il,
p. 143; G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig,
1881, p. 392. D'autres rejettent cette explication et pré-
fèrent celle qui fait dériver Sînaî du dieu Sin, ou dieu
Lune, dont le culte aurait été attaché à la montagne.
On trouve du moins ce culte établi dans la contrée vers
la fin du vi« siècle de l'ère chrétienne, au temps
d'Antonin le Martyr. Cf. T. Tobler, Itinera Terrœ
Sanctm, Genève, 1877, t. i, p. 113. Les Arabes l'avaient
emprunté aux Babyloniens. Cf. F. Hommel, Die altisra-
elitische Uberlieferung, Munich, 1897, p. 275. Cette
opinion aurait besoin d'être appuyée par quelques do-
cuments prouvant que le dieu Sin était, dès les temps
les plus anciens, honoré dans le pays. — Le nom de
Sinaï a comme équivalent dans la Bible celui i'Horeb;
tous deux désignent la montagne de Dieu ou de la ré-
vélation. La loi est promulguée sur le Sinaï, d'après
Exod., xix, 18, 20, 23; Ps. lxvii (hébreu lxviii), 9,18;
II Esd., IX, 13; sur I'Horeb, d'après Mal., IV, 4 (hébreu
m, 22). La scène du veau d'or se passe au Sinaï, selon
Exod., xxxii, 4, à I'Horeb, selon Ps. cv (cvi), 19. Le
parallélisme identifie les deux mots Eccli., xlviii, 7.
Le Deutéronome dit toujours Horeb, sauf dans le can-
tique xxxiii, 2. Le mot Hôrêb signifie « sec, désolé »,
et répond bien à l'aspect des monts granitiques de la
péninsule. A-t-il été dès l'origine synonyme de Sinaï?
Il est possible qu'il ait indiqué quelque différence
locale, qui aurait disparu plus tard. Cependant si l'on
fait de Sînaî un adjectif, on pourrait expliquer comment
le mont ou massif d'Horeb aurait reçu cette épithète
en raison de son voisinage du désert de Sîn ou, suivant
plusieurs auteurs, à cause du dieu Sin. Nous croyons,
en tout cas, qu'il ne faut pas attribuer à chacun de ces
noms une localisation trop précise. A plus forte raison
n'a-t-on pas le droit d'y chercher deux lieux absolument
distincts, qui seraient séparés par une grande distance.
Quant à ramener le double nom de Sinaï et d'Horeb à
une idée cosmique, celle de la lune et du soleil, c'est
une opinion que nous laissons à la critique, ou plutôt
à l'hypercritique rationaliste. Cf. A. Jeremias, Das Aile
Testament im Lichle des Allen Orients, Leipzig, 1906,
p. 416. Le Sinaï est, aussi bien que I'Horeb, appelé « la
montagne de Dieu », en raison des manifestations di-
vines dont il fut le théâtre. Cf. Exod., m, 1; iv, 27;
xvin, 5; xxiv, 13; Num., x, 33; III Reg., xix, 8. Était-
il regardé comme un lieu sacré, même avant Moïse?
Quelques-uns le pensent. Cf. A. Dillmann, Exodus,
Leipzig, 1897, p. 31; F. de Hummelauer, Comment, in
Exod., Paris, 1897, p. 44. — Enfin le nom du Sinaï
s'applique tantôt à la montagne, Exod., xix, 11, 18, 20,
23, etc., tantôt au désert qui l'avoisine. Exod., xix, 2;
Lev., vu, 38; Num., i, 1, 19, etc. — Josèphe appelle le
Sinaï tô Sivetïov (opo;), Ant. jud., III, v, 1, et les Arabes
djebel et-Tûr ou Tûr Sînâ. Cf. Guy Le Strange, Pa-
lestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 73.
II. Site d'après la Bible et la critique. — Avant de
chercher dans la description du Sinaï les lumières né-
cessaires pour en bien comprendre l'histoire, nous
avons à résoudre une question des plus importantes,
soulevée par la critique contemporaine. Jusqu'ici la
tradition juive et chrétienne avait sans hésitation placé
le Sinaï dans le massif montagneux de la péninsule à
laquelle il a donné son nom. On discutait seulement
sur son site exact; on se demandait quel sommet pré-
cis pouvait le représenter, le djebel Serbal, par exemple,
ou le djebel Mûsa. La critique documentaire a com-
plètement changé l'aspect de la controverse. En dissé-
quant la Bible comme l'on sait, elle en est venue à
nier sur ce point la tradition biblique elle-même, ou
tout au moins à y trouver des variations qui lui en-
lèvent toute valeur. D'après elle, les auteurs des diffé-
rents documents apportent des témoignages qui ne
concordent pas ; il reste même à savoir si le Sinaï avait
un rôle quelconque dans la tradition primitive. Il nous
est impossible d'entrer ici dans toutes les subtilités des
exégètes rationalistes; nous ne pouvons présenter qu'un
aperçu de la question. On trouvera dans R. Weill, Le
séjour des Israélites au désert et le Sinaï, Paris, 1909,
p. 15-36, l'origine et l'histoire de cette controverse, ou
« le travail critique de la tin du xix e siècle et du début
du xx». »
Une première opinion place le Sinaï au sud d"Aqabah,
sur la côte orientale du golfe Élanitique, dans le pays
de Madian. C'est celle qui serait le mieux appuyée selon
J. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte IsraeU,
6= édit., Berlin, 1905, p. 343, n. 1. Elle a été surtout
Dictionnaire delaBMe.
letouzey el Anè,EditeuiS-
CARTE
, DE LA
PENINSULE
SINAÏTIQUE.
EchaHe.
GOLFJE ARABIQUE MER ROUGE
28"
Jrnp.J?ufrên0if-'Jtor'-t:
1753
SINAÏ
1754
développée par A. von Gall, Altisraehtische Kultstâtten,
Giessen, 1898, p. 1-22. Une seconde le cherche non
loin des limites méridionales de la Palestine, dans la
région &"Aïn Qedeis, l'ancienne Cadès, dans le pays
d'Édom. Cf. H. Winckler, Geschichte Israels, Leipzig,
1895, t. i, p. 29; R. Smend, Lehrbuch der Alttesta-
mentlichen Religionsgeschichte , Fribourg-en-Bris-
gau, 1899, p. 35, n. 2; R.Weill,£e séjour des Israélites
au désert, qui traite longuement la question. Toutes
les deux s'appuient naturellement sur la diversité des
sources que la critique contemporaine distingue dans le
Pentateuque, et cherchent à opposer un document à
un autre. Nous les suivons sur ce terrain pour les
combattre d'après leurs propres principes.
Le plus jeune des documents relatifs au voyage des
Hébreux à travers le désert est, nous dit-on, le cata-
logue des stations donné dans le livre des Nombres,
xxxiii. Il fait partie du Code sacerdotal (P) et est l'écho
de la tradition juive postérieure à l'exil. M. von Gall,
Altisr. Kult., p. 1, reconnaît que, pour l'auteur de ce
morceau, le Sinaï est certainement dans la péninsule
qui en tire son nom; il en est de même pour le rédac-
teur final du Pentateuque.il est incontestable, en effet,
que l'ensemble des stations, malgré les difficultés qu'il
y a souvent à les identifier, trace la route des Israélites,
d'abord sur la côte orientale du golfe de Suez, puis à
travers le dédale montagneux de la presqu'île sinaïtique,
enfin dans la direction du nord-est. C'est ce que nous
montrerons. Nous avons donc là un premier point
parfaitement acquis, à savoir, comme conclut lui-même
M. von Gall, op. cit., p. 2, que « la tradition qui cherche
le Sinaï dans la péninsule à laquelle il a donné son
nom s'affirme déjà vers 400 avant J.-C. » Nous pouvons,
avec le même auteur, remonter deux ou trois siècles
plus haut, et nous trouverons un témoignage analogue
dans la source éphraïmite ou élohiste (E), au moins
sous sa forme dernière. D'après ce document, les
Hébreux, ayant traversé la mer Rouge, se dirigent par
Mara, Exod., xv, 23; Élim, Exod., xv, 27; Raphidim,
Exod., xvn, 8, vers le Sinaï. Exod., xix, 2. C'est, en
résumé, la même marche que dans le catalogue,
Num., xxxiii, 8, 9, 14, 15. M. von Gall, op. cit., p. 4,
mentionne encore Exod., IV, 27, où il est dit que Dieu
envoya Aaron au-devant de Moïse, « dans le désert », et
que la rencontre des deux frères eut lieu auprès de « la
montagne de Dieu », Horeb ou Sinaï. Pour Aaron, qui
part de l'Egypte, le désert ne peut être que celui de
l'Arabie Pétrée, le chemin qu'avait pris Moïse dans sa
fuite. Donc l'élohiste plaçait encore l'Horeb dans la
péninsule. Mais ce dernier passage va contre la thèse
que M. von Gall prétend appuyer sur d'autres textes,
et qui place le Sinaï en Madian, à l'est du golfe Éla-
nitique. Si, en effet, la montagne sainte se trouve
dans ce pays, on ne peut plus dire qu'Aaron y a ren-
contré son frère; il est venu l'y chercher. Quoi qu'il
en soit, nous conclurons encore avec notre auteur,
op.cit.,p.4, que 700 ans avant l'ère chrétienne,la tradi-
tion juive, représentée par E, nous montre l'Horeb-
Sinaï dans la péninsule.
Mais tout autre, affirme-t-on, est la tradition du
Jahviste (J). Plus ancien que E, celui-ci plaçait le Sinaï
à l'orient du golfe d"Aqabah. On lit, en effet, Exod., n,
15, que Moïse, fuyant la colère du pharaon, chercha
un refuge dans « le pays de Madian », et s'établit près
« du prêtre de Madian », en épousant une de ses filles.
Exod., il, 16, 21. C'est en faisant paître les brebis de
son beau-père qu'il arriva un jour dans le désert, à la
montagne de Dieu, l'Horeb. Exod., m, 1. Plus tard,
Jéthro, apprenant l'heureuse délivrance du peuple
d'Israël, vint trouver Moïse « dans le désert, où il était
campé près de la montagne de Dieu. » Exod., XVIII, 1,
5. « Moïse habitait donc après sa fuite dans le pays de
Madian. Or, Madian était certainement situé à l'orient
de la mer Rouge, sur la côte occidentale de la pénin-
sule arabique, près de Maknâ actuel et pas plus bas
que Ainûna. » A. von Gall, op. cit., p. 8. — Nous ne
nions pas que telle ait été la situation de Madian. Mais
la conclusion qu'on en tire est fausse. Nous ferons
remarquer d'abord qu'il est difficile de donner des
limites fixes à un pays habité par un peuple, sinon
tout à fait nomade, au moins voyageur et changeant,
et dont les rameaux se sont dispersés en différents
endroits, peuple qu'on retrouve dans la région de
Moab, Gen., xxxvi, 35; à l'orient de la Palestine,
associé aux Amalécites et aux benê Qédém, Jud., vi, 3,
33; entre Edom et Pharan, sur la route de l'Egypte.
I (III) Reg., xi, 18. Voir Madian, Madianites, t. iv,
col. 532, 534. Est-il donc impossible que les limites de
ce pays se soient étendues de l'autre côté du golfe
d"Aqabah, sur sa côte occidentale? Rien ne le prouve.
En second lieu, la Bible, loin de confondre le Sinaï et
Madian, distingue les deux, en nous montrant que
Jéthro n'est pas chez lui au Sinaï, mais que, après son
entrevue avec Moïse, « il s'en retourne dans son pays. »
Exod., xvni, 27. Il en est de même de Hobab le Madia-
nite. Num., x, 29-30. On comprend enfin que Moïse,
comme tous les pasteurs de ces régions, se soit éloigné
de son beau-père pour aller chercher des pâturages
dans l'intérieur du désert. Exod., m, 1. Tout s'explique
en ne confinant pas exclusivement le pays de Madian
à l'orient du golfe Élanitique. Ajoutons que la tradition
concernant l'origine du beau-père de Moïse n'est pas
uniforme. A côté de celle du Madianite, il y a celle du
Cinëen (hébreu : Qênî). Jud., i, 16; iv, 11. Or, les
Cinéens habitaient certainement la péninsule sinaïtique.
Voir Cinéens, t. n, col. 768. Nous dirons en dernier
lieu que tous les auteurs n'admettent pas l'antériorité
de J par rapport à E.
L'argument qui suit montre avec quelle étonnante
facilité la critique bouleverse le texte biblique, quels
procédés elle emploie pour arriver à ses conclusions.
D'après Exod., m, 18, le peuple d'Israël devait faire un
voyage de trois jours dans le désert, pour sacrifier à
son Dieu. Cette fête du désert revient souvent dans
l'Exode et toujours dans le récit de J. Cf. Exod., v, 3;
vu, 16, 26 (hébreu; Vulgale, vm, 1), etc. Nous lisons,
Exod., xv, 22, que le peuple, après le passage de la
mer Rouge, marcha trois jours dans le désert de Sur,
sans trouver d'eau. Mais la suite de ce verset n'est pas
au jl. 23, puisqu'on rencontre à Mara de l'eau, quoique
amère. 11 faut aller la chercher au chapitre xvn, 1 sq.,
où il est dit que « le peuple n'avait pas d'eau à boire. »
Or l'endroit mentionné dans ce dernier passage est
Cadès, puisqu'il est appelé, f. 7, Massàh et Merîbdh,
et que Merîbâh équivaut à Cadès. Les Hébreux étaient
donc, au bout de trois jours, à Cadès, et c'est de là
qu'ilspartirent pour le Sinaï, c'est-à-dire au sud-est, dans
le pays de Madian. Cf. A. von Gall, op. cit., p. 9-10. —
II est facile de réfuter de pareils arguments. — 1° Les
trois jours de marche dont il est question, fussent-ils
à prendre dans un sens précis, et non comme chiffre
rond, n'indiquent pas nécessairement une marche à
partir du désert, mais plutôt à partir des établissements
israélites vers la limite du désert. — 2» Cette manière
de traiter le texte biblique est vraiment trop commode;
elle peut aboutir aux opinions les plus singulières. En
fait, y a-t-il raison suffisante de distinguer deux auteurs
dans les deux versets qui se suivent? Nous ne le
croyons pas. Les Israélites, ne trouvant pas d'eau dans
une station, vont une station plus loin. Là, l'eau est .
amère, mais un miracle la rend douce. Dans une des
haltes suivantes, à Raphidim, le manque d'eau se fait
encore sentir; un second et plus grand miracle la fait
sortir du rocher. Est-il nécessaire de bouleverser tout
un récit pour mettre un prétendu accord entre les
faits, lorsque cet accord est tout naturel en suivant
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SINAI
1756
l'historien sacré? — 3° En supposant même que les
trois jours partent de la limite du désert, Cadès est
certainement plus éloigné, et cette donnée à elle seule
fait tomber les conjectures critiques. — 4° Massa et
Mériba sont deux noms distincts qui se trouvent asso-
ciés, Exod., xvn, 7, par une sorte de liaison prover-
biale. L'histoire complète de Mériba est Num., XX, 1-13.
Là, Mériba est appelée mê Meribah (Vulgate : Eau de
contradiction, cf. t. Il, col. 1523); plus loin, Num.,
xxvii, 14, mè-Merîbat Qâdês, « les eaux de contradic-
tion de Cadès », de l'endroit où se passa la scène,
semblable à celle de Raphidim. Ce nom est donc venu
se joindre à celui de Massa dans le récit de l'Exode,
xvu, 7, à cause de la similitude des événements. C'est
peut-être le fait d'un glossateur; la Vulgate n'a pas ce
mot, soit que saint Jérôme ne l'ait pas trouvé dans son
texte, soit qu'il l'ait reconnu comme n'étant pas à sa
place. Si Mériba équivaut à Cadès, il n'est donc pas
juste de voir Méribat-Cadès dans le passage en question.
On ajoute d'autres arguments tirés du Deutéronome.
Il est dit, Deut., i, 2, qu'il y a « onze jours de l'Horeb
dans la direction du mont Séir jusqu'à Cadès Barné. »
M. von Gall voit là une glose, dont il cherche l'expli-
cation; puis il se demande, op. cit., p. M, « depuis
quand l'on va de l'Horeb à Cadès par le mont Séir. »
La marche indiquée ici ne se comprend que si l'on
place la sainte montagne sur la côte occidentale de
l'Arabie. — Notre auteur raisonne d'après l'hypothèse
qui identifie le mont Séir avec le djebel Scherra, la
chaîne de montagne qui s'étend à l'est de Y'Arabah,
entre la mer Morte et le golfe d"Aqabah. Dans ce cas,
on pourrait encore, à la rigueur, comprendre la route
qui va de l'Horeb dans la direction- de Séir, non pas
en le traversant, jusqu'à Cadès. En partant du Sinaï,
l'on se dirige vers le nord-est, c'est-à-dire vers le
mont Séir. Mais une nouvelle hypothèse, qui parait
bien appuyée, coupe court à toute difficulté en plaçant
cette montagne, non pas à l'est, mais à l'ouest de
Y'Arabah, dans le massif qui avoisine 'Ain Qedeis. Les
onze jours, qui semblent à M. von Gall trop longs de
l'Horeb traditionnel à Cadès, sont, au rapport des voya-
geurs, la distance exacte du djebel Mûsa à Mm Qedeis.
Enfin le même système s'appuie sur Deut., xxxm, 2,
dont le texte porte, d'après les justes corrections de la
critique :
Jéhovah est venu du Sinaï,
Il a brillé pour son peuple de Séir,
Il a resplendi du mont de Pharan,
Il est venu à (mieux de) Méribat Qadès.
On tire de ce passage les mêmes conclusions que de
Deut., î, 2 : la route de Cadès par Séir a comme point
de départie Sinaï de la côte occidentale de l'Arabie;
aucun autre chemin ne conduit en Palestine. Cf. A. von
Gall, op. cit., p. 11. Nous répondons que les étapes
divines sont beaucoup plus naturelles en plaçant le
Sinaï dans la péninsule et le mont Séir au sud de la
Palestine; elles vont directement du sud au nord. Si
on lit : « de Meribat Qadès », Dieu se rendant en Pales-
tine, la route : Madian, Séir, Pharan, Cadès, est im-
possible.
D'après Beke, Gunkel, Gressmann, la théophanie
sinaïtique d'Exod., xix, ne serait que la peinture d'une
éruption volcanique, tellement fidèle qu'il faut cher-
cher à cet épisode un fondement historique véritable.
Aussi E. Meyer, Die Israelilen und ihre Kachbar-
slàmme, Halle, 1906, p. 69, est-il heureux de constater
que les volcans sont nombreux dans l'Arabie occiden-
tale, notamment au sud-est de Madian, sur la route de
Tebûk à la Mecque par Médine. Répondons en deux
mots qu'on fausse le récit biblique en y voyant la
description d'un phénomène naturel; ensuite ^que,
même dans cette hypothèse, il ne serait pas nécessaire
d'aller si loin chercher des volcans, puisqu'il y en a
dans le voisinage de la Palestine.
Contre les partisans de la seconde opinion, qui place
le Sinaï aux environs de Cadès, nous invoquerons
d'abord l'autorité du catalogue de Num., xxxm, dont
les données s'appliquent incontestablement à la pénin-
sule sinaïtique. De plus, certains textes s'opposent
formellement à la proximité des deux endroits : les
« onze jours de l'Horeb à Cadès Barné dans la direction
du mont Séir, » Deut., I, 2; « le grand et terrible dé-
sert » par lequel les Hébreux ont passé pour se rendre
à Cadès. Deut., i, 19. R. Weill, Le séjour des Israélites
au désert, p. 69, admet également le voyage direct des
Israélites de la mer Rouge à Cadès, sans passer par le
Sinaï. Nous avons déjà réfuté cette assertion. Pour
prouver sa thèse, ii ramène autour de Cadès toute
l'histoire primitive du peuple juif, en même temps que
les différentes tribus avec lesquelles celui-ci fut en
contact, Madianites, Amalécites, Cinéens; il va jusqu'à
douter du séjour d'Israël en Egypte, tel que le
rapporte le récit mosaïque. Nous ne nions pas l'impor-
tance de Cadès dans cette histoire des origines, et nous
avons reconnu qu'il ne faut pas limiter trop étroite-
ment le territoire des tribus en question. Mais donner
toute l'importance à Cadès, pour refuser au Sinaï une
localisation précise, pour en faire « un lieu redoutable,
une montagne de flamme où réside le dieu, que nul
homme vivant n'a jamais visitée..., » pour voir, en un
mot dans Sinaï-Horeb « un concept mythologique »
(R. Weill, op. cit., p. 54-55), c'est là une exégèse avec
laquelle nous ne pouvons même pas discuter. Nous ne
trouvons aucun appui solide sur le terrain qu'elle nous
offre, avec un remaniement et un agencement du texte
biblique au sujet desquels nos adversaires ne savent
pas toujours s'entendre, avec le bouleversement radical
de l'histoire et le pur subjectivisme des hypothèses. 11
est facile, avec une pareille méthode, d'accuser d'igno-
rance géographique les auteurs des documents qui,
d'après la critique, nous racontent le voyage des
Hébreux à travers le désert. Nous avons vu cependant
que, dans ses grandes lignes au moins, la tradition
qu'ils nous ont conservée, peut se suivre jusqu'à une
période assez lointaine de l'histoire, et qu'elle main-
tient l'emplacement du Sinaï dans la péninsule qui
porte son nom. Il est étrange, en vérité, d'entendre
nos contemporains affirmer que les Hébreux n'ont pas
connu ce pays, ouvert depuis longtemps aux Égyptiens,
sillonné par les tribus nomades, ou qu'ils ont oublié,
au cours des siècles, le lieu qui tient une des plus
grandes places dans leur histoire. — On peut voir sur
celte controverse M..-J. Lagrange, Le Sireat biblique,
dans la Revue biblique, 1899, p. 369-389.
Nous aurions à chercher maintenant quel est, parmi
les sommets de la péninsule, celui qui représente,
d'une façon plus ou moins probable, le Sinaï. Notre
recherche sera plus facile lorsque nous aurons décrit
cette pointe de terre, d'ailleurs si remarquable.
III. Géographie de la péninsule. — 1° Configura-
tion physique (voir fig. 380). — La péninsule du Sinaï
forme un triangle dont les sommets sont marqués : au
sud par le Râs Mohammed, au nord-est par le fond
du golfe à"Aqabah, au nord-ouest par l'extrémité sep-
tentrionale du golfe de Suez. La ligne directe qui relie
la pointe sud à la pointe nord-est mesure 198 kilo-
mètres; celle qui la relie à la pointe nord-ouest a
320 kilom. ; celle qui relie les extrémités nord-ouest et
nord-est en a 250. Les limites sont nettement fixées à
l'est et à l'ouest par les deux golfes; mais elles sont
indécises au nord, et, suivant qu'on y comprend une
partie plus ou moins grande du plateau désert de Tih,
la superficie varie entre 25 000 et 35000 kilomètres
carrés. La presqu'île a exactement la forme d'une
pointe de flèche qui s'avance dans la mer, et elle pré-'
'-i-OUZ-.: et fi.
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LE MONT S! N A I
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1757
SINAÏ
1758
sente quelques traits orographiques bien saillants. Une
chaîne dé montagnes, qui prend naissance à l'est des
lacs Amers et du canal de Suez sous le nom de djebel
er-Ràhah, se prolonge au sud-est, puis au nord-est
jusqu'au golfe (V'Aqabah, sous le nom de djébél et-Tîh.
C'est une vaste muraille, dont les deux parties se ren-
contrent à angle droit vers le centre de la péninsule et
forment comme le saillant d'une immense forteresse.
Ses plus grandes hauteurs vont de 1 000 à 1 200 mètres.
Elle divise la presqu'île en deux zones bien distinctes.
Au nord s'étend le Bâdiet et-Tîh ou « désert de
l'Égarement ». Ce plateau calcaire, hérissé de collines
et semé de galets, s'incline légèrement vers la Médi-
terranée. Il n'est guère coupé que par quelques oua-
dis, qui, sauf l'ouadi Djéraféh, tributaire de l'Arabah,
constituent les ramifications de Vouadi el-'Arisch, ou
« Torrent d'Egypte », dont l'embouchure est près du
village du même nom, à mi-chemin entre l'ancienne
Péluse et Gaza. Cette large vallée, sans eaux courantes,
est cependant arrosée par l'eau des pluies en quantité
suffisante pour que des bouquets de tamaris en atté-
nuent çà et là la désolation. Le plateau de Tih n'en
est pas moins une vaste solitude aride et nue. Il forme
le prolongement méridional des terrasses de la Judée ;
mais, en avançant vers le nord, les sources, les terres
productives, les oasis deviennent plus nombreuses. Au
sud-ouest et au pied du djebel et-Tîh s'étend une large
zone plate et sablonneuse, appelée Debbet er-Ramléh,
qui le longe comme le fossé d'une fortification. Surgit
ensuite le massif triangulaire des montagnes sinaï-
tiques, qui avance sa pointe jusqu'à l'extrémité méri-
dionale de la péninsule. C'est là que se trouvent le
djebel Mûsa ou « montagne de Moïse » (2244 mètres
d'altitude), flanqué au sud du djebel Katherin
(2 602 m.), le sommet le plus élevé de toute la pénin-
sule. Plus au sud, se dressent d'autres cimes, parmi
lesquelles on distingue le dj. L'mm Schomer (2 575 m.),
et le dj. Thebt (2403 m.). A droite et à gauche de cette
ligne d'axe s'étendent les deux zones littorales, diffé-
rentes d'aspect. Celle qui longe le golfe d"Aqabah se
rapproche beaucoup du rivage, ne laissant entre la
montagne et la mer qu'une étroite ceinture de terres
basses. Cette chaîne côtière comprend en particulier le
dj. Sôra et le dj. Samkhi, qui se dirigent parallèle-
ment au littoral. Dans celle qui longe le golfe de Suez,
les montagnes sont en général assez éloignées de la
mer. On rencontre cependant sur le bord de celle-ci
des hauteurs peu importantes comme le dj. Gabeliyéh
et, plus au nord, le dj. Hammam Fir'ûn. A l'ouest
du dj. Mûsa, s'élève le dj. Serbal (2052 m.), dont nous
aurons à reparler. Ces montagnes du Sinaï, immense
amas de granit, de gneiss et de porphyres, ont un
relief extraordinaire et un aspect des plus grandioses,
que E. Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 712,
décrit' ainsi, et dont la peinture de Gérôme, fig. 381,
donne bien l'idée ; « Uniformes par la composition de
leurs roches, les monts du Sinaï ne le sont pas moins
par l'aridité de leur surface; ils sont d'une nudité for-
midable; leur profil à vives arêtes se dessine sur le
bleu du ciel avec la précision d'un trait buriné sur le
cuivre. Ainsi la beauté du Sinaï, dépourvue de tout
ornement extérieur, est-elle la beauté de la roche elle-
même : le rouge brique du porphyre, le rose tendre
du feldspath, les gris blancs ou sombres du gneiss et
du syénite, le blanc du quartz, le vert de différents
cristaux donnent aux montagnes une certaine variété,
encore accrue par le bleu des lointains, les ombres
noires et le jeu de la lumière brillant sur les facettes
cristallines. La faible végétation qui se montre çà et là
dans les ravins et sur le gneiss décomposé des pentes
ajoute par le contraste à la majesté des formes et à la
splendeur de coloris que présentent les escarpements
nus; sur les bords des eaux temporaires dans les oua-
dis, quelques genêts, des acacias, des tamaris des
petits groupes de palmiers ne peuvent en rien voiler
la fière simplicité du roc. Cette forte nature, si diffé-
rente de celle qu'on admire dans les contrées humides
de l'Europe occidentale, agit puissamment sur les es-
prits. Tous les voyageurs en sont saisis ; les Bédouins nés
au pied des moutagnesdu Sinaï les aiment avec passion
et dépérissent de nostalgie loin de leurs rochers. »
A travers la région montagneuse, les ouadis et les
vallées forment un réseau inextricable, qui la divise en
massifs irréguliers. Citons à l'ouest, descendant vers le
golfe de Suez : Vouadi Gharandel, Vouadi Feirân, qui
contourne au nord le massif dominé par le mont Serbal
et débouche sur la côte vers l'extrémité septentrionale
du djebel Gabeliyéh,Vouadi Hebrân et Vouadi Isléh ; à
l'est, vers le golfe d"Aqabah : Vouadi Kidd, Vouadi Nasb
et Vouadi el-'Aïn. Les plaines sont rares et n'existent
guère que le long de la côte occidentale. La première
commence en face de Suez et s'étend dans la direction du
sud-est sur une longueur de 90 kilomètres entre la mer
et le pied delà montagne. Sablonneuse et nue, presque
sans eau et sans végétation, elle mérite bien le nom
de désert. Plus bas est la plaine à'el-Markha, séparée
de la précédente par une chaîne de hauteurs qui ne
laisse parfois qu'un étroit passage entre ses parois et
la mer. Elle mesure environ 20 kilomètres de. longueur
du nord au sud, et 8 kilomètres de largeur de l'est à
l'ouest. Le sol noir et caillouteux, jonché de blocs de
granit, de feldspath et de basalte, est en apparence
stérile; cependant les pluies d'hiver y font germer une
végétation relativement abondante d'herbes et de brous-
sailles. Enfin, un peu plus au sud, s'étend la vaste
plaine d'el Qà'âh, séparée d'abord de la mer par le
djebel Gabeliyéh, se prolongeant ensuite sans inter-
ruption jusqu'à la pointe méridionale de la péninsule.
C'est une plage soulevée, haute de 800 mètres environ
à la base des montagnes et inclinée régulièrement vers
le rivage. Dans l'intérieur du massif, signalons la
plaine A'er-Râliah, au pied du djebel Mûsa. — Le ré-
gime hydrographique n'est représenté dans la pres-
qu'île sinaïtique que par des sources et les lits sinueux
des ouadis, qui ne laissent couler que les pluies d'hiver
et les torrents déversés par les orages. Les plus
fameuses sources sont celles A"Ayûn Mûsa ou « Fon-
taines de Moïse », situées à environ 20 kilomètres au
sud-est de Suez, sur le littoral ouest de la péninsule.
Légèrement thermales, elles entretiennent une riche
végétation dans les jardins qui les entourent. Plus au
sud, sur la même côte, se trouvent les sources ther-
males sulfureuses du Hammam Fir'ûn ou « Bains de
Pharaon », et, près de Tôr, celles du Hammam Mûsa
ou « Bains de Moïse ». Sur d'autres points de la pénin-
sule, des sources créent de véritables oasis, notamment
à Vouadi Gharandel, à Vouadi Feirân, dans les vallées
du djebel Mûsa. — Sur cet aspect général de la pénin-
sule sinaïtique, on peut voir : A. P. Stanley, Sinai and
Palestine, Londres, 1866, p. 3-19; Vivien de Saint-
Martin, Dictionnaire de géographie universelle, Paris,
1879-1895, t. v, p. 943-944; P. Loti, Le désert, Paris,
1895; A. Sargenton-Galichon, Sinaï, Ma'dn, Pétra,
Paris, 1904, p. 1-145, etc.
2° Formation géologique. — Les deux zones nord et
sud de la presqu'île diffèrent géologiquement comme
elles diffèrent topographiquement. (Voir fig. 382. D'après
Hull, Geology of Arabia Petrsea. Frontispice.) Le pla-
teau de Tih est une table calcaire qui a très peu souf-
fert de l'érosion, tandis que le massif montagneux du
sud constitue un formidable amas de roches cristallines,
granits et porphyres, dont les parties élevées sont dé-
nuées de tout revêtement sédimentaire, mais sur les
marges duquel apparaissent, en bandes irrégulières,
des roches métamorphiques, des schistes variés et d'im-
portantes formations de grès. La table calcaire du Tih
4759
SINAI
1760
appartient au plateau égypto-syrien, dont dépend la
Palestine cisjordane et transjordane. Le massif cristal-
lin, qui la domine de 1500 mètres, à une faible distance,
se rattache à ceux qui bordent les deux golfes de
Suez et d"Aqabah, du côté de l'Egypte et de l'Arabie.
Il suppose donc une grande rupture géologique. Il
forme, en effet, une sorte d'îlot arrêté de toutes parts
à des lignes de rupture, resserré à l'est et à l'ouest par
les deux effondrements rectilignes qui se rencontrent
à angle aigu dans le grand fossé syrien (voir Palestine,
Géologie, t. iv, col. 218), et se heurtant au nord au bu-
toir égypto-syrien. Il est beaucoup plus rapproché de
la falaise granitique de la côte arabique que de celle de
la côte égyptienne. Lorsque ce massif polygonal eut
surgi comme un coin, les assises sédimentaires quj le
recouvraient se trouvèrent tellement fracturées et défor-
mées par les dislocations que les agents atmosphériques
finirent par les balayer entièrement. Alors la niasse
cristalline des roches primitives apparut à nu sur le
sommet et sur le flanc des montagnes qu'on appelle
maintenant le dj. Serbal, le dj. Mûsa, le dj. Umm
Somer, etc. (flg. 383). Cette dénudation s'accomplit avec
uneinlensité décroissante en s'éloignant du noyau cen-
tral, de telle sorte qu'en descendant vers le nord, on
voit paraître d'abord les grès primaires reposant sur les
granits, et, plus loin, les calcaires reposant sur les
grès. Il en résulte une zone d'affleurement périphérique
pour chaque étage de roches.
Depuis les environs de Suez jusqu'à 80 ou 90 kilo-
mètres dans la direction du sud, la crête de la falaise
de Tlh se tient régulièrement à une trentaine de kilo-
mètres de la côte. La zone littorale est une plage sou-
levée, dont I'émersion est antérieure aux dépôts d'alluvion
qui forment sa surface et reposent sur le gypse, constaté
à 'Ayûn Mûsa, puis affleurant plus loin, L'ouadi Gha-
randel (fig. 383), orienté vers le nord-est, présente la
première ligne de rupture en relation avec le phénomène
sinaïtique; elle est transversale par rapport aux grandes
lignes du versant, qui sont parallèles à la côte. C'est
dans cette faille, au fond de la vallée, non loin de la
mer, que jaillissent les eaux chaudes du Hammam
Fir'ùn. La montagne qui porte le même nom est
formée de calcaires jaune clair, revêtus, au nord et à l'est,
d'une croûte peu épaisse de gypse argileux, dont le voi-
sinage des sources sulfureuses explique la formation.
A l'embouchure de Vouadi Tayibéh, on remarque, sur
la rive gauche, un ample dyke de basalte, dont la cou-
leur sombre contraste avec la blancheur des roches
crayeuses environnantes; c'est la première manifesta-
tion que nous rencontrons du vaste épanchement vol-
canique qui précéda, au Sinaï, les phénomènes de dé-
placements verticaux de l'écorce. Par l'ouadi Hamr,
nous entrons dans la zone des grès. Il longe la base
méridionale d'une hauteur, le Sarbut el-Djémel
(fig. 383) dont le flanc oriental nous permet d'étudier
la succession des terrains. On voit ainsi apparaître
successivement sous les couches de calcaire les diffé-
rents étages de grès secondaire et primaire, et, tout au
fond, un affleurement de schiste; au-delà, sur l'anti-
clinal, le terrain se relève et les grès réapparaissent
dans le même ordre, puis, après une grande faille,
orientée nord-nord-ouest, les assises reprennent leur
horizontalité. Cette masse de grès comprend deux
étages d'aspect différent : l'un, inférieur, est constitué
par un grès tabulaire rouge foncé, assez tendre, auquel
on a donné les noms de grès sinaïtique et grès du dé-
sert; l'autre, supérieur, comprend un grès plus com-
pact et plus dur, d'une teinte plus claire et identique
au grès de Nubie. Entre les deux se trouvent de minces
couches de grès métallifères renfermant des turquoises,
comme on le voit à Sardbit el Kkâdim et à Maghdrah.
Ces deux régions, intéressantes au point de vue histo-
rique, ne le sont pas moins au point de vue géologique.
Elles laissent voir, avec les différents terrains qui com-
posent le sol sinaïtique, les failles qui en marquent la
rupture. On remarque, en effet, dans celte partie occi-
dentale de la péninsule, un système de failles princi-
pales et secondaires, parallèles à la côte. Les plus im-
portantes.se suivent facilement dans les ouadis Schellal
Buderah, Moltatteb, Feirân, Nasb, Sûwig, Khamî-
léh, etc., et ont ainsi, avec les progrés de l'érosion,
donné naissance aux principales voies de la contrée.
Il* nous suffira, pour présenter une idée de la structure
et des accidents du terrain, de tirer une ligne partant
du golfe de Suez et traversant la presqu'île jusqu'au
plateau de Tih, en passant par les districts que nous
venons de mentionner. Voir fig. 382. On y verra la
succession et la superposition des différentes couches
depuis le granit jusqu'aux épanchements basaltiques,
les failles successives qui ont plissé le sol. Les mêmes
phénomènes de rupture reparaissent, du côté de l'est,
vers le fond du golfe d"Aqabah. La pointe méridionale
de la péninsule est constituée par les roches de granit,
porphyre, diorite, gneiss et différentes espèces de
schistes.
Mais il nous importe maintenant de connaître les
phénomènes principaux qui ont donné à la presqu'île
sinaïtique sa forme actuelle. Trois grands agents, pro-
venant de forces indépendantes, mais dont les effets se
subordonnent les uns aux autres, ont exercé et exer-
cent encore leur puissance pour modeler le massif
géologique dont nous avons examiné la composition;
ce sont la chaleur, le vent et l'eau. Dans ce pays, la
désagrégation superficielle des roches ne vient pas
principalement, comme dans nos contrées, de l'humi-
dité, que l'absence de végétation empêche d'agir pro-
fondément, et dont les effets sont simplement locaux,
très lents et secondaires. Elle tient aux variations de
température qui s'attaquent aux couches extérieures
des minéraux, tandis que la température intérieure
reste constante. Cette influence finit par ébranler, puis
séparer par écaillement les matériaux. Les parties
désagrégées tombent alors en morceaux au bas des
pentes, pour former des éboulis, et c'est le cas le plus
ordinaire dans les roches stratifiées, ou bien les par-
celles détachées de la surface sont emportées par le
vent, dont la puissance au désert est considérable. Cette
seconde action mécanique, appelée ablation éolienne
ou déflation, a une intensité considérable par sa con-
tinuité, s'exerçant en tout temps, et par sa généralité
portant sur tous les matériaux. Enfin les pluies, irré-
gulières, toujours très courtes, mais très abondantes
et souvent d'une extrême violence, continuent, par
l'érosion, le travail des deux agents précédents. Les
trombes d'eau balaient la surface des roches et les
ravins avec d'autant plus de facilité qu'elles ne ren-
contrent la plupart du temps'aucun manteau de végé-
tation, mais des éboulis mobiles. Ces différents phéno-
mènes expliquent comment, à l'embouchure des vallées
dans la plaine, le plus souvent au bord de la mer,
s'étend un large éventail de débris de toute grosseur
et de tout âge. Cette vaste zone de débris forme ainsi
lisière tout autour du massif granitique dénudé, prin-
cipalement au sud-ouest, où la grande plaine d'£ï-
Qd'ah a été en partie conquise sur la mer par les.
décombres issus des ravins. De même, en remontant
vers le nord-ouest, le littoral est presque partout séparé
du pied des montagnes par un glacis de déjections
analogues : telles sont la plaine d'El-Markha et la.
plaine côtière qui se rattache, à sa partie supérieure,
aux soubassements calcaires du djebel et-lîh. L'abla-
tion sèche d'une montagne stratifiée donne naissance
au désert de pierres, débris de couches résistantes,
fossiles, corps durs rebelles à la déflation, amoncelés
en quantité croissante et provenant de tous les étages
du massif détruit. De son côté, la montagne cristalline:
Dictionnaire delaBible.
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D1CT. DE Là BIBLE.
V. — 56
1763
SINAÏ
1764
fournit, par sa démolition, les matériaux du désert de
sable : tels le Debbet er-Ramléh et quelques petites
plaines ondulées, dans certains coins du granit et du
grès.
Malgré leur rareté et la rapidité de leur écoulement,
les pluies ne passent pas sur le désert sans alimenter
une certaine circulation souterraine. Le sable, qui s'en
imprègne, absorbe une partie de l'eau, qu'il rend plus
ou moins vite. D'autre part, l'averse ne coule pas sur
la surface des plateaux, le flanc des montagnes et des
vallées, sans qu'il pénètre un peu de cette eau dans les
couches profondes par les fissures superficielles. Cir-
culant alors le long des pentes naturelles de drainage,
elle se rassemble à la limite des couches imperméables
et finit par sourdre à l'extérieur. Ce principe méca-
nique de la formation des sources s'applique, quoique
dans une moindre proportion, à la péninsule sinaïtique ;
mais l'application varie suivant la nature géologique
du sol. Aussi distingue-t-on trois régions différentes au
point de vue hydrologique. Au nord, le plateau calcaire
du Tîh, peu élevé, ne reçoit qu'une petite quantité
d'eau; de plus, celle qui ne s'en va pas directement
dans les ouadis du désert, et de là à la mer, se perd
dans la profondeur des couches poreuses. La végéta-
tion y est donc très rare, et nous verrons que cette con-
trée a été plutôt faite pour la route des caravanes que
pour l'habitation des hommes. De l'est à l'ouest, la
région du grès a un relief très accidenté et une poro-
sité beaucoup moins grande; l'eau y estplus abondante,
les sources y rendent le voyage assez facile, et, en
d'autres endroits, l'humidité est suffisante pour que le
sable des vallées produise de beaux arbres ou des
broussailles qui servent de nourriture aux animaux.
La vie nomade y est déjà possible. C'est également une
région minière, que les égyptiens connurent de très
bonne heure. Au sud enfin, dans la montagne grani-
tique, se trouvent seulement réalisées les conditions
les plus indispensables de la vie sédentaire. La neige
qui, en hiver, tombe sur les hauts sommets, ruisselle
lentement, d'un bout de l'année à l'autre, et l'eau se
trouve retenue au fond des innombrables vallées et
ravins; partout où elle sort du sable, s'épanouit une
belle végétation de caractère tropical. Ainsi sont for-
mées les oasis, dont la plus étendue est celle de Féirân.
Cet aperçu géologique nous montre déjà ce que sera
dans l'histoire chacune des zones de la péninsule : le
plateau de Tih, désert sans eau et sans végétation,
simple voie de communication qu'on franchit rapide-
ment; la région du grès et des mines, station tempo-
raire des travailleurs étrangers, des bergers et des
nomades; le massif granitique, district, à certaines
époques, de la vie sédentaire. — Cf. E. Weill, La pres-
qu'île du Sinaï, p. 1-74. On peut voir aussi, sur la géo-
logie du Sinaï : F. W. Holland, Notes on the Geology
of Sinai, dans Quart. Journ. of the Geolog. Soc,
Londres, t. xxn (1866), p. 491-493; 0. Fraas, Ans dem
Orient, Stuttgart, 1867, p. 5-32; H. Bauerman, Note on
a Geological Reconnaissance made in Arabia Petrsea
in the Spring of i868, dans Quart. Journ. of the
Geolog. Soc, t. xxv (1869), p. 17-38 et pi. i; Raboisson,
Contribution à l'histoire stratigraphique du relief du
Sinai, et spécialement de l'âge des porphyres de
cette contrée, dans les Comptes rendus de l'Académie
des sciences, Paris, t. xcvi (1883), p. 282-285; Explo-
ration géologique de la péninsule sinaïtique, dans le
Bulletin de l'Institut égyptien, 1900, p. 25-31, 33-75;
E. Hull, Memoir on the Geology and Geography of
Arabia Petrxa, Palestine and adjoining districts,
Londres, 1889, avec carte; Mount Seir, Sinai and
Western Palestine, Londres, 1889; J. Walther, Die
Korallenriffe der Sinaihalbinsel, dans Abhandl. der
kôn. sâchs. Ges. der Wissenschaft., t. xxiv (1888)
p. 439-500, carte et planches; W. F. Hume, The topo-
graphy and geology of the Peninsula of Sinai (South-
Eastern Portion), Le Caire, 1906; T. Barron, The topo-
graphy and geology of the Peninsula of Sinai (Wes-
tern Portion), Le Caire, 1907, etc.
3° Climat, flore, faune. — Ce qui caractérise le dé-
sert, c'est l'irrégularité des pluies, toujours très courtes,
abondantes et réparties dans d'étroites limites. En
général, elles ne tombent guère qu'une vingtaine de
jours par an, du mois de décembre au mois de mars.
Lorsqu'un orage éclate, les eaux descendent des cimes
et des versants dénudés de la montagne, se précipitent
avec fracas au fond des gorges et des vallées, où elles
forment promptement des torrents impétueux. La tour-
mente passée, le fleuve temporaire baisse rapidement,
et, le lendemain, n'est plus qu'un filet d'eau que le
sable finit par absorber. Les pluies d'hiver raniment
ainsi, d'année en année, la maigre végétation de la pé-
ninsule. Alors la verdure reparait dans certains fonds,
dans les plaines, parfois sur les flancs de quelques col-
lines. Mais à partir de mars, le soleil donne une chaleur
ardente, parfois le khamsin déchaîne des tempêtes de
sable, l'humidité s'évapore et l'aridité dessèche les
plantes, qui, quoique brûlées, servent cependant de pâture
aux animaux. Nous avons vu néanmoins que le désert
renferme de charmantes oasis. Voir Élim 1, t. H, col. 1680;
Raphidim, col. 980. Le ciel est presque toujours sans
nuages, l'air est sec et pur, l'atmosphère d'une mer-
veilleuse transparence, la lumière resplendissante. La
température varie naturellement selon l'altitude et la
saison, et surtout du jour à la nuit, entre lesquels le
thermomètre marque quelquefois une trentaine de
degrés de différence. Pendant la journée, la chaleur
est tolérable sur les hauteurs, mais excessive dans les
plaines et les vallées. Pendant la nuit, la rosée est
parfois très abondante.
Les arbres paraissent partout où affleure l'eau. Les
espèces principales sont : le palmier sauvage et le pal-
mier dattier; l'acacia seyal, le ëittîm des Hébreux, au
tronc robuste, au bois très dur, quoique fort léger
(voir Auacia, t. i, col. 101); le tamaris, lamanix rnan-
nifera, le farfah des Arabes. Voir Manne, t. iv,
col. 656. Dans les vallées de la région granitique
méridionale, on rencontre la flore vigoureuse et variée
de Youadi Feirdn, avec les tamaris, les -figuiers nabk,
les palmeraies cultivées, dont les dattes sont recherchées
à l'égal de celles de Tôr, de nombreuses espèces d'ar-
i bustes et de buissons, au milieu des prairies baignées
par le ruisseau. Dans les jardins du couvent de Sainte
Catherine, on remarque des cyprès noirs de grande
taille. Parmi les espèces de buissons domine, surtout
dans le nord, le genêt blanc, Rétama Rœtam des bo-
tanistes, le rôpém des Hébreux, le rétém des Arabes.
Voir Genêt, t. m, col. 183. A la base des rochers, on
trouve le câprier, capparis spinosa, le lasafdes Arabes.
Parmi les plantes aromatiques, nous citerons : Yarle-
misia judaica, arabe : 'abeithirân; la myrrhe, pyre-
thrum santolinoides ; le fenouil, ferula sinaica, arabe :
schômer. Pour compléter ces indications sommaires
sur la flore sinaïtique, on peut voir : YOrdnance Sur-
vey of the Peninsula of Sinai, Southampton, 1869, 1. 1,
p. 247-249; H. Chichester Hart, A Naturalist's journey
to Sinai, Petra and South Palestine, dans Palestine
Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres,
1885, p. 231-255; G. E. Post, Flora of Syria, Palestine
and Sinai, Beirouth, s. d. (cf. H. Christ, Zur Flora der
biblischen Lânder, dans Zeitschrift des Deutschen
Palâstina-Vereins, t. xxm, 1900, p. 79-82).
Dans une contrée où l'eau est rare et la végétation
maigre, on ne peut, s'attendre à voir la vie animale
aussi développée que dans les régions plus favorisées
par la nature. Elle existe cependant à un plus haut
degré qu'on pourrait le croire au premier abord. Signa-
lons seulement : le léopard, Felis leopardus, arabe :
1765
SINAÏ
1766
nimr, qui habite dans les parties les plus élevées et
les plus inaccessibles de la péninsule; le loup, arabe :
dîb; le chacal, canis aureus; le renard appelé par les
Arabes abu'lhosein, canis famelicus; le bouquetin,
beden, cap ra s inai tica; la gazelle, dorcas gazella; le
lièvre, lepus sinaiticus, arabe : arneb, etc. Les trou-
peaux des bédouins, chameaux, chèvres et moutons,
trouvent une nourriture suffisante en différents en-
droits. — Parmi les oiseaux, nous citerons : le vautour
égyptien, Neophron percnopterus, Linn.; l'aigle; le
milan, Milvus segyptius, milvus migrant; le faucon,
Falco lanarius; le coucou, Cuculus canorus; le bul-
bul, Ixus xanthopygius; le traquet, Saxicola œnan-
the, sax, deserti; la fauvette, la bergeronnette,
l'alouette, le corbeau; la perdrix, Caccabis saxatilis,
caccabis heyii; la caille commune, Colurnix comniu-
nis, etc. Nous ne disons rien des insectes, mollusques,
reptiles. Cf. Ordnance Survey of the Peninsula of
Sinai, t. i, p. 251-272; H.Chichester Hart, op. cit., re-
produit dans Survey of Palestine.
4° Population. — D'après ce que nous venons de dire,
il est facile de voir que la péninsule sinaitique n'est
pas le désert complet, sans eau, sans végétation, inha-
bitable pour l'homme. C'est le demi-désert, et le ca-
ractère de l'homme qui est venu y fixer sa tente corres-
pond à celui de la nature. Simple dans ses goûts, il
arrive à les satisfaire sans peine et sans grand travail,
tirant des ressources naturelles du pays tout ce que
réclament ses besoins. Amant passionné de la liberté,
il erre, heureux et tranquille, à travers tous les che-
mins de la solitude, sans subir les contraintes de la vie
sédentaire. Il préfère la pauvreté à la moindre sujétion.
Peu vêtu, mal nourri, dormant sous le ciel, autour d'un
feu de branchages, sans souci des variations de tem-
pérature, il a une santé d'une extrême résistance. Dans
ce corps maigre et bien portant, l'esprit, dégagé de
toute préoccupation scientifique comme de tout souci
matériel, garde une fraîcheur et une vivacité qui rap-
pellent l'enfant. Mais l'enfant se retrouve aussi dans
l'impuissance à prévoir, l'incapacité d'agir avec ordre,
sans cris et disputes. Tel est, en deux mots, le Bédouin
du Sinaï. La population de la péninsule s'élève, d'après
les évaluations les plus probables, à environ cinq mille
personnes. Elle se divise en plusieurs tribus, réparties
dans les différentes régions de la presqu'île. La fortune
des Bédouins consiste dans les productions du sol et
dans les animaux, chèvres, moutons, ânes et chameaux,
qu'elles leur permettent d'élever. Leur principale res-
source vient de la location de leurs chameaux aux
voyageurs qui traversent le pays. Leur vie habituelle
est celle des pasteurs nomades. Ils se déplacent par
groupes dans les limites de leur territoire, et ont vite
fait de planter leurs tentes noires en poil de chèvre et
de chameau. Dans quelques endroits, notamment au
voisinage des principales sources et des cours d'eau
qui alimentent des plantations, la vie devient séden -
taire ou demi-sédentaire. C'est ce qu'on voit dans
Youadi Nasb et surtout dans Vouadi Feirân, où les Bé-
douins habitent des huttes en pierre, non loin des ruines
de la ville antique. — Sur les mœurs et coutumes des
Bédouins du Sinaï, on peut voirW. E. Jennings-Bram-
ley, The Bédouin of the Sinaitic Peninsula, dans le
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement ,
1905, p. 126-137, 211-219; 1906, p. 23-33, 103-109, 197-
205, 250-258; 1907, p. 22-33, 131-137, 279-284; 1908,
p. 30-36, 112-116; 1909, p. 253-258; 1910, p. 140-149.
5" Voies de communication. — On sait que les deux
golfes qui enserrent la péninsule sinaitique et s'avan-
cent profondément dans les terres ont toujours été
d'importantes voies de communication du monde
oriental. De l'océan Indien et de la mer Rouge, on
accédait, d'un côté, à la Basse-Egypte, de l'autre à la
Syrie par la vallée d'Arabah, la mer Morte et la vallée du
Jourdain, ou, en coupant au nord-ouest, aux ports de
la Méditerranée. Les extrémités septentrionales des
deux golfes étaient reliées par une route qui traversait
en droite ligne le désert de Tîh, et était une section de
l'antique chemin de terre d'Egypte en Arabie. La Table
de Peutinger compte de Clysma à Haila (Elath) une
distance totale de 170 milles (255 kilomètres), et marque
deux stations intermédiaires, Medeia (ouadi Mediléh)
et Phara. Au milieu, au point appelé aujourd'hui
Qala'at en-Nakhl, « le Fort du Palmier », se trouve
une bifurcation, conduisant au nord vers la Palestine,
au sud vers le djebel et-Tih, que l'on passe par des
gorges difficiles et abruptes, le naqb er-Rakinéh, le
naqb el-Varsah, le naqb el Mrêschi. C'est ainsi que
d'anciens pèlerins arrivaient au couvent du Sinaï par
Vouadi 'Arabah; d'autres, partant de Jérusalem, ga-
gnaient la région d'Hébron et de Gaza, puis se diri-
geaient, par le désert de Tih, vers la sainte montagne,
pour s'en aller ensuite en Egypte par la route ordinaire
de la côte. La voie de Suez à 'Aqabah est caractérisée
par l'extrême rareté de l'eau; en dehors de Qala'at en-
Nakhl, Bîr Kôresch, Bir eth-Themed, la végétation
est nulle, et, par suite, le séjour même des nomades
est impossible.
De Suez au Sinaï, les chemins sont naturellement
tracés par les plaines et les vallées dont nous avons
indiqué la formation géologique. Une fois sur la côte
orientale du golfe, on s'avance le long d'une vaste
plaine d'alluvion, dont le sol est composé de cailloux
et de gravier. On arrive ainsi à 'Ayûn Mûsa, d'où le
chemin se poursuit avec une extrême monotonie dans
la direction du sud-est, coupant, à longs intervalles,
des ravins peu profonds. Peu avant V ouadi el-Atha, la
route se divise en deux branches, dont l'une se rap-
proche de la côte et la suit de plus en plus près jusqu'au
djebel Hammam Fir'ûn et le Bas Abu Zeniméh;
l'autre se tient plus haut, mais parallèle à la première
jusqu'à l'oasis de Gharandel, d'où elle continue par
Y ouadi Guéséh. Au confluent de Youadi Schebeikéh et
de Youadi Tayibéh, se trouve une bifurcation impor-
tante. Une route s'en va vers l'est, par Youadi Hamr,
laissant à gauche le Sarbut el-Djemel, puis prend au
sud-est, contourne, par Youadi Suwig, Sarâbît el-
Khâdim, se dirige enfin vers le couvent de sainte
Catherine par les ouadis Khamiléh, Barak, Lebwéh,
Berrah, etc. Une autre descend vers le sud, rejoint
près de la côte le sentier littoral et suit le rivage jus-
qu'à la plaine à'el-Markha. De là, elle s'avance, paral-
lèlement à la précédente, vers le même point, par les
ouadis Schellal, Mokatteb, Feirân, Solaf. D'autres
chemins s'y rattachent pour rejoindre Tôr, au sud.
Enfin, du couvent de Sainte-Catherine, un sentier
descend vers le même village de Tôr, par les ouadis
Sebayéh, Tarfah, lsléh, et la plaine d'el-Qâ'ah.
Du Sinaï vers le nord-est, la route suit les ouadis
Sa'al, el-Il udherah, et va rejoindre celle du plateau de
Tih; un embranchement, partant d'Aîn Hudherah, et
touchant la côte à Aïn en-Nueibéh, remonte par le
littoral jusqu'à 'Aqabah. Une autre se dirige vers le
nord pour franchir le djebel et-Tih par l'une ou l'autre
de ses passes. Une branche s'en détache pour retrou-
ver la route du nord-est par les ouadis ez-Zelegah et
el-'Aîn. Ces détails nous permettront de mieux com-
prendre l'itinéraire des Israélites à travers la pénin-
sule.
IV. Histoire. — L'histoire de la péninsule sinaitique
est en rapport avec sa situation, sa configuration physique
et ses conditions de vie. Placée comme une sorte d'îlot
entre l'Asie et l'Afrique, défendue d'un côté par le dé-
sert, des deux autres par la mer, elle se trouvait en
dehors de la voie des nations de l'ancien inonde. La
pauvreté du sol et des habitants ne pouvait tenter au-
cun conquérant. L'absence de villes, de monuments,
1767
SINAÏ
1768
de toute civilisation ne pouvait lui donner un nom
dans les annales des peuples. Seule, la richesse de ses
mines devait attirer ses voisins d'Egypte, et c'est grâce
à eux que nous pouvons remonter très loin dans
l'histoire de ce petit coin de terre. Leurs inscriptions,
en effet, depuis qu'elles sont déchiffrées, nous ont
révélé un passé depuis longtemps inconnu. Il faut
ajouter cependant que la Bible a entouré le nom de
Sinaï d'une gloire qui a traversé les siècles jusqu'à
nous. Mais la péninsule n'a été pour les Hébreux qu'un
lieu de passage, qu'il ne nous ont pas suffisamment
fait connaître. Il nous a fallu les voyages, surtout les
explorations scientifiques de nos temps, pour pénétrer
la nature et l'histoire de cette contrée. Ce que nous
savons aujourd'hui nous permet de mieux comprendre
le récit biblique. Nous rattachons cette histoire aux
principaux peuples qui ont eu des rapports avec le Sinaï.
1° Les tribus primitives et les Égyptiens. — Les
Égyptiens avaient appliqué à la contrée que nous avons
décrite l'épithète caractéristique de Ta-Su, « le pays
sec, le désert ». Ils donnaient à ses habitants le nom
générique de Monitu. Cf. W. Max Mùller, Asien und
Èuropa nach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig,
1893, p. 17-24. Ils les nommaient encore Hiru-Sditu,
« les Seigneurs des Sables », Nomiu-Sdilu, «les Cou-
reurs des Sables », et ils les rattachaient aux Amu,
c'est-à-dire à la race sémitique. On retrouve, en effet,
dans le type de ces barbares, celui des Sémites, tête
forte, nez aquilin, front fuyant, barbe longue, cheve-
lure épaisse et souvent frisée. Voir fig. 385. Leur vie
était, à peu de chose près, celle des Bédouins actuels
du Sinaï. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 350. On com-
prend que les richesses accumulées dans le Delta
égyptien aient souvent excité leurs convoitises et leurs
instincts pillards. Les annales de l'Egypte mentionnent,
dés les commencements de l'histoire, leurs incursions
et les précautions prises par les pharaons pour leur
opposer une barrière. De bonne heure aussi, ils décou-
vrirent, au flanc de leurs montagnes, des veines abon-
dantes de minerais métalliques et des gisements de
turquoises. Ces richesses excitèrent, à leur tour, la
convoitise des pharaons, qui établirent de vive force
dans les cantons miniers des escouades de travailleurs.
L'ensemble de ces cantons, situés au nord-ouest, s'appe-
lait Mafkaît, le pays des turquoises. Le district le plus
anciennement exploré n'était pas très loin du rivage,
ce qui rendait l'exploitation plus facile. On en parlait
comme de la « contrée des Grottes », à cause des
nombreuses galeries qui y avaient été creusées ; le nom
actuel i'ouadi Uaghârah, « vallée de la Caverne »,
traduit donc simplement en arabe le vieux terme
égyptien. Les Monitu défendirent leurs droits, mais
ils succombèrent sous les coups des troupes égyp-
tiennes, d'abord sous Smerkhet, roi de la première
dynastie, puis sous Snefru, de la troisième. Les mines
furent abandonnées de la VI e à la XII e dynastie; il faut
ensuite venir jusqu'à la XVIII e pour trouver un der-
nier monument de l'occupation. Les Égyptiens, en
effet, ont laissé en cet endroit des bas-reliefs et inscrip-
tions qui ont permis d'en refaire l'histoire. Les monu-
ments se rapportent aux dynasties suivantes, avec les
noms des rois qui y sont mentionnés; I re dyn.,
Smerkhet; III e , Sa-nekht, Zeser, Snefru; IV e , Khufu
(Khéops); V e Sahu-Ra, Ra-n-User,Men-Kau-Hor,Assa;
VI e , Pepi I er , Pepi II; XII e , 'Amenemhat III, Amen-
emhat IV; XVIII e , Thothmès III. Aujourd'hui le site
archéologique de Maghârah n'est plus qu'un souvenir ;
les inscriptions, détachées des roches, ont été trans-
portées dans les musées, les mines antiques sont
détruites, un seul bas-relief est resté à sa place, celui
de Smerkhet, qui fut, au début, sur ces murailles, la
première empreinte d'un ait remarquable.
Les monuments que nous venons de signaler ne
représentent qu'une partie de l'histoire égyptienne au
Sinaï. Elle se déroule en même temps dans un autre
centre minier, Sardbît el-Khâdim,qai devint important
surtout sous la XII e dynastie. C'est alors qu'on entre-
prit la construction du temple qui couronne le sommet
du plateau, et qui, dans la suite, a été agrandi, res-
tauré et orné par un grand nombre de souverains. Les
ruines de cet édifice représentent, sur une longueur
de 200 mètres, une suite de salles, de cours, de por-
tiques, qui aboutissent au sanctuaire de Hathor, la
déesse de ces lieux, entièrement taillé dans le roc. Ce
qui frappe en cet endroit, c'est l'extraordinaire abon-
dance des stèles de pierre, rassemblées dans les petites
cours intérieures et annexes du temple, et qui donnent
à Sardbît l'aspect d'un cimetière. Les représentations
et inscriptions rappellent principalement les rois Amen-
emhat I, III, IV, de la XII e dynastie, Thothès III, IV,
Amenhotep III de la XVIII e , Ramsès IV, VI, de la XX e .
On trouve d'autres inscriptions sur paroi rocheuse, à
l'entrée ou aux abords des mines. Une remarque im-
portante a été fuite en explorant les ruines du temple.
On a reconnu que, déjà avant l'arrivée des mineurs égyp-
tiens, un culte purement sémitique se pratiquait sur
la montagne, auquel les pharaons se conformèrent
dans la suite. Les monceaux de cendres, les petits
autels destinés» recevoir l'encens, les pierres coniques
et les bassins à ablutions appartiennent, en effet, au
culte en usage chez les Sémites, et non à celui des
Égyptiens. Voir Archéologie, col. 1779. La Dame de la
Turquoise était donc probablement la déesse Istar, qui
devint pour les Égyptiens Hathor aux cornes de
vache.
Nous n'ajouterons qu'un mot à ce rapide résumé.
On a objecté contre le passage des Hébreux à travers
la péninsule sinaïtique la crainte qu'ils devaient avoir
de rencontrer à Maghârah ou à Sardbît el-Khddim les
troupes égyptiennes. Il est facile de répondre qu'il n'y
eut jamais au Sinaï de garnison permanente ni d'éta-
blissement de mineurs à longue durée. Les expéditions
partaient d'Egypte ordinairement au mois de janvier et
s'en retournaient à la fin de mars ou au mois d'avril,
au commencement des grandes chaleurs. Les Israé-
lites, en tout cas, n'avaient pas à redouter une poignée
de soldats, venus pour escorter les ouvriers, encore
moins quelques centaines de travailleurs, pour la plu-
part des prisonniers ou des esclaves, plutôt prêts à
s'unir à ceux qui savaient secouer le joug. — Voir, sur
cette partie de l'histoire : Ordnance Survey ofthe Pe-
ninsula of Sinaï, t. I, p. 168-193; G. Ebers, Durch
Gosen zum Sinaï, Leipzig, 1881, p. 144-173, 459-467;
Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906,
p. 34-121; R. Weill, Recueil des Inscriptions égyp-
tiennes du Sinaï, Paris, 1904; La presqu'île du Sinaï,
p. 141-183.
2° Les Israélites. — A) L'itinéraire : de la mer
Rouge au Sinaï. — Nous indiquons seulement ici les
différentes stations des Israélites à travers la péninsule,
renvoyant pour les détails aux articles qui concernent
chacune d'elles.
Au sortir de la mer Rouge, les Hébreux entrèrent
dans « le désert de Sur », hébreu : midbar Sûr, Exod.,
xv, 22, ou » d'Étham », hébreu : 'Éfâm, Num:, xxxm, 8.
Le mot Sur veut dire « mur »; c'est bien ainsi que
durent leur apparaître les monts er-Râhah et et-Tîh
qui bordent la plaine par laquelle s'ouvre au nord-
ouest la presqu'île sinaïtique. Voir Sur ; Etham 2, t, n,
col. 2003.
« Après avoir marché pendant trois jours, sans trou-
ver d'eau, ils vinrent à Mara (hébreu : Mdrâh), dont ils ne
purent boire les eaux, parce qu'elles étaient amères ;
d'où le nom de Mdrâh qui fut donné à cet endroit. »
Exod., xv, 22-23; Num., xxxiii, 8. Moïse adoucit mira-
1769
SINAÏ
1770
culeusement la source. Exod., xv, 24-25. Il s'agit ici,
selon l'opinion la plus commune, d"Aïn Hauarah. Le
nom de Mara semble conservé tout près, aux ouadis
Mereira et Amara. Voir Mara 2, t. iv, col. 707.
« Les enfants d'Israël vinrent ensuite àÉlim (héb. :
'Élîm), où il y avait douze sources et soixante-dix pal-
miers, et ils campèrent.près des eaux. » Exod., xv, 27;
Num., xxxih, 9. C'était donc une oasis qui offrait aux
Hébreux un lieu tout naturel de repos. Une des plus
belles de la péninsule, et qui se trouve à deux heures
et demie A'Hauarah, est Youadi Gharandel, où un
ruisseau perpétuel entretient des palmiers sauvages,
des tamaris et d'autres plantes du désert. Voir Élim 1,
t. il, col. 1680.
« En partant d'Élim, le peuple alla camper sur le bord
de la mer Rouge. » Num., xxxih, 10. Nous avons là
une précieuse indication concernant l'itinéraire, et
l'étude des lieux nous permet de la suivre avec préci-
sion. De Gharandel, on peut descendre directement à
la côte, pour la longer ensuite, mais le chemin devient
presque impraticable, à cause du promontoire avancé,
appelé Hammam Fir'îin. Les Israélites durent donc
prendre le chemin direct qui passe au pied opposé de
cette hauteur, par les ouadis Useit, Schebeikéh. Arri-
vés à Vouadi Tayibéh, ils rencontraient la bifurcation
dont nous avons parlé, et dont la route supérieure les
eût conduits du côté de Sarâbît el-Khâdim, et de là,
par les hautes vallées, au Sinaï. L'Écriture nous montre
qu'ils prirent le chemin qui descend vers la mer. Au
débouché de Vouadi Tayibéh, la plage s'étend auprès
du Râs Abu Zeniméh. C'est donc là ou dans les envi-
rons qu'il faut placer ce campement. Cf. E. H. Palmer,
The désert of the Exodus, Cambridge, 1871, t. i, p. 238-
239.
« Ils partirent d'Élim, et toute l'assemblée des enfants
d'Israël arriva au désert de Sin fhebreu : midbar Sin),
qui est entre Élim et le Sinaï. » Exod., xvi, 1. Les
Nombres, xxxm, 10, qui ont marqué la station au
bord de la mer, disent avec plus de précision : « Partis
de la mer Rouge, ils campèrent dans le désert de Sin. »
Il devient très difficile ici de suivre l'itinéraire des
Hébreux. Trois routes principales s'ouvraient devant
eux pour aller au Sinaï. L'une, suivant toujours la
mer, les eût conduits dans la grande plaine A'el-Qâ'dh,
d'où ils seraient remontés au Sinaï, soit par Vouadi
Feirdn, soit par Vouadi Hebràn, soit, plus au sud, par
Vouadi lsléh. La seconde, pénétrant dans la montagne
par Vouadi Baba, franchit un col escarpé, gagne Vouadi
Maghâràh, et retombe dans Vouadi Feirdn, pour con-
tinuer par Vouadi Soldf. La troisième,' entrant aussi
dans la montagne par Vouadi Baba, tourne au nord,
arrive au Debbet er-Bamléh, puis, par les ouadis
Khamiléh, Barak, etc., mène au Sinaï. Chacune de ces
directions a ses partisans parmi les auteurs qui ont
étudié l'itinéraire des Israélites. Le plus grand nombre
cependant place le désert de Sin dans la plaine A'el-
Markha. Pour quelques-uns, ce serait le Debbet er-
Ramléh. Voir Sin 1, col. 1748. C'est là que la manne
tomba pour la première fois. Voir Manne, t. îv, col. 656.
« Sortis de Sin, ils vinrent à Daphca (hébreu : Dofqâh) . »
Num., xxxm, 12. On a rapproché Daphca du nom
égyptien Mafka, donné à la région des mines du Sinaï.
Cette station serait donc vers Maghâràh. Pour ceux
qui font suivre aux Hébreux la route du nord, ce se-
rait plutôt Saràbit el-Khddim. Voir Daphca, t. h,
col. 1291.
« Partis de Daphca, ils campèrent à Alus (hébreu :
'Ah'ts). ■» Num., xxxm, 13. Ce point est inconnu. Voir
Alus, t. i, col. 424. Pour les partisans de l'itinéraire
du nord, Alus serait Vouadi el-'Esch, près du grand
ouadi Scheikh. Cf. M.-J. Lagrange, L'itinéraire des
Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain,
dans la Revue biblique, 1900, p. 86.
« Sortis d'Alus, ils fixèrent leuçs tentes à Raphidim
(hébreu : Refîdîm), où le peuple ne trouva pas d'eau
à boire. » Num., xxxm, 14. Moïse en fit sortir miracu-
leusement du rocher. Cf. Exod., xvn, 1-7. C'est là
qu'eut lieu le combat contre Amalec. Exod., xvn, 8-16.
Raphidim est généralement identifié avec Vouadi
Feirdn. Ceux qui préfèrent la route du nord le
cherchent un peu partout; quelques-uns signalent
Vouadi Erfayid, qui en rappellerait le nom, et qui
débouche dans Vouadi Emleisah, affluent de Vouadi
Solâf. Voir Raphidim, col. 980.
« Partis de Raphidim, ils campèrent au désert du
Sinaï, » Num., xxxm, 15; « Israël campa là, vis-à-vis
de la montagne. Exod., XIX, 2. On a calculé que, depuis
>îJFT,-»i
385. — Un barbare moniti du Sinaï. Karnak.
D'après Maspero, Hist. ancienne, 1. 1, p. 351.
Ayûn Mûsa jusqu'au Sinaï, en suivant la route la plus
longue, mais la plus praticable, les Hébreux avaient
parcouru près de 285 kilomètres, en onze marches. Ils
sont arrivés maintenant au lieu où doit s'accomplir un
des événements les plus importants de l'histoire. Il
nous faut donc en rechercher le site exact.
B) Le Sinaï. — Parmi les sommets du massif grani-
tique qui constitue le sud de la péninsule, peut-on dé-
signer avec certitude le vrai Sinaï? D'après les discus-
sions qui ont eu lieu jusqu'ici, le choix est entre le
mont Serbal et le djebel Mûsa. Le djebel Serbal ou
« montagne de la Cotte de mailles » est ainsi appelé,
parce que l'eau qui tombe sur les rochers de granit
qui en forment la cime donne à leurs parois brillantes
l'aspect de cette armure. Son altitude est de 2052 mètres.
Ce n'est donc pas la montagne la plus élevée de la pé-
ninsule, mais c'est peut-être la plus imposante par sa
masse et la majestueuse beauté de ses grandes lignes.
Au midi, c'est un vrai chaos d'éminences et de gorges
presque inaccessibles; mais, des autres côtés, trois val-
lées étroites l'entourent, les ouadis er-Rimm, 'Aleydt
et 'Adjéléh, qui descendent rapidement vers Vouadi
Feirdn. L'intervalle qui sépare ces ouadis est très acci-
denté; des collines escarpées émergent partout, de
1771
SINAÏ
1772
sorte qu'on n'y trouve aucun emplacement propice pour
l'établissement d'un camp. Les vallées elles-mêmes
sont encombrées de rochers énormes, détachés de la
montagne, dans les environs de laquelle on ne trouve
aucune plaine.
Le djebel Mûsa « est un massif élevé, de forme .
oblongue, d'environ 3200 mètres de long sur 1600
mètres de large, dirigé, dans sa plus large dimension,
du nord-ouest au sud-est. Voir fig. 363. Son altitude
est d'une hauteur moyenne de 2000 mètres au-dessus
du niveau de la mer; 450 mètres au-dessus des ouadis
environnants. Sa crête est terminée aux deux extré-
mités par des pics plus élevés : au sud, par un pic
unique, de 2244 mètres, appelé, comme la montagne,
djebel Mûsa; au nord-ouest, par trois ou quatre escar-
pements, nommés collectivement Râs Sufsafêh du
nom du plus haut d'entre eux, qui a 2 114 mètres au-
dessus du niveau de la mer. De tous les côtés, à l'ex-
ception du sud-est, la pente est très abrupte et très
rapide. Le pic méridional du djebel Mûsa s'appelait
autrefois djebel Mone'idjéh ou « mont de la Confé-
rence ». Le Sinaï est entouré de toutes parts par des
vallées; au nord-est, par Youadi ed-Deir, appelé aussi
ouadi Schoeib, c'est-à-dire Hobab, nom du beau-frère
de Moïse; au sud-ouest par Youadi el-Ledja. Ces deux
ouadis se dirigent vers le nord... Au nord-ouest du Râs
Sufsafêh se déploie la large plaine à'er-Rdhah, formée
par l'ouadi de ce nom; .elle commence à deux kilo-
mètres et demi du pied de la montagne, et vient, par
une pente douce, se confondre avec Youadi el-Ledja
et Youadi ed-Deii: Elle est partout couverte d'herbages;
detous ses points, on voit distinctement le pic du Râs. »
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6» édit., Paris, 1896, t. n, p. 499-500.
Pour fixer notre choix entre les deux montagnes, il
nous faut interroger la Bible et la tradition. La Bible
ne nous offre directement aucune lumière. Elle nous
dit bien que les Israélites allèrent de Raphidim au
Sinaï. A supposer que Raphidim soit l'ouadi Feirân,
le Serbal est plus rapproché que le djebel Mûsa. Mais
ne Pest-il pas trop? quelle est, au juste, la valeur de
cette station? Nous ne savons. On croit aussi que les
onze jours de l'Horeb à Cadès, Deut., i, 2, conduisent
plutôt au djebel Mûsa qu'au Serbal. Ce n'est qu'une
faible donnée. Quant à la tradition, on comprend qu'elle
n'ait pas gardé un souvenir bien durable du passage
d'étrangers dans un pays presque inhabité, où ils n'ont
laissé aucun monument, au milieu de nomades peu
intéressés à cet événement. S'il est certain pour nous
que la tradition juive n'a jamais placé le Sinaï ailleurs
que dans la péninsule qui porte son nom, nous sommes
obligés de reconnaître qu'elle n'a conservé aucun ren-
seignement précis sur le site qu'il faut attribuer à la
sainte montagne. Pour Josèphe, Ant. jud., II, xu, 1;
III, v, 1, ce serait la plus haute du pays. La question
entre le Serbal et le dj. Mûsa ne peut se trancher par
une différence de quelque deux cents mètres. La tra-
dition chrétienne elle-même ne repose parfois que sur
une simple combinaison de vagues données bibliques.
Telle est celle de YOnomasticon d'Eusèbe et de saint Jé-
rôme, Gœttingue, 1870, p. 112, 122, 150, 291, 298, 301.
Cependant la découverte du pèlerinage attribué à sainte
Sylvie, Peregrinatio ad Loca Sancta, édit. Gamurrini,
Rome, 1888, apporte des témoignages très précis, con-
formes à la topographie sinaïtique, et montre que la
tradition chrétienne, à la fin du IV e siècle, était abso-
lument fixée au djebel Mûsa. Malgré certains détails
un peu suspects, «■ est-il possible qu'on ait choisi sans
hésiter le dj. Mûsa, que de nombreux ermites s'y
soient fixés, loin de la petite ville de Pharan, exposés
aux incursions des Sarrasins qui les ont plus d'une
fois massacrés, sans aucun nom propre pour fixer ce
choix? Pourquoi ne pas situer sur le dj. Katherin,ip\us
élevé de plus de trois cents mètres, les entretiens de
Moïse avec Dieu? Une pareille tradition possède et
serait inébranlable si l'on pouvait prouver que le nom
de Sina s'était conservé. 11 est vrai que sainte Sylvie
prononce ce nom : « irions... qui specialis Syna dici-
tur » (p. 37), mais elle connaît malheureusement aussi
l'Horeb, « qui locus appellaturin Choreb » (p. 40), et
cela devient suspect, d'autant que dans Antonin
(Tobler, p. 112), l'Horeb parait très bien être ailleurs. »
M. J. Lagrange, Le Sinai biblique, dans la Revue
biblique, 1899, p. 391. On ajoute le témoignage d'« écri-
vains anciens qui vivaient dans le voisinage ou ont
visité la péninsule, et sont, par conséquent, les mieux
renseignés et les plus compétents : Ammonius, de
Canope, saint Nil, moine du Sinaï, Procope, Antonin
le Martyr, Eulychius, désignent clairement, non le
Serbal, mais le djebel Mûsa comme le Sinaï. Seul,
Cosmas Indicopleuste décrit le « mont Choreb, c'est-à-
« dire le Sinaï, » dit-il, comme étant à six milles de
Pharan, ce qui convient assez bien à la distance qui
sépare cette ville du Serbal. Mais le témoignage de ce
marchand devenu moine est sans autorité et sa descrip-
tion n'est nullement claire et précise. » F. Vigouroux,
La Bible et les découvertes modernes, t. n, p. 493. La
tradition la plus commune a. donc depuis longtemps
placé le mont Sinaï au djebel Mûsa actuel. Cependant
le Serbal a aussi ses partisans, dont les principaux sont
Burckhardt, Lepsius, Hogg, Bartlett, Forster, Stewart
et surtout G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, p. 392-
438, 599-600. Mais les raisons de convenance topogra-
phi que ne leur sont pas plus favorables que la tra-
dition.
Si, en effet, la Bible ne nous apporte aucune lumière
directe, elle fournit certains arguments indirects qui
permettent d'éliminer le Serbal pour choisir le djebel
Mûsa. D'après le récit sacré, le sommet de la montagne
sainte dominait le lieu où étaient rassemblés les Israé-
lites, non pas le lieu du campement, mais celui où
Moïse les réunit pour assister aux manifestations divines.
Il devait donc y avoir « au pied de la montagne » une
plaine assez grande pour contenir le peuple. Exod.,
xix, 17, 18. — La montagne devait être assez isolée
pour qu'on pût établir des limites qui empêchaient les
hommes et les animaux d'en toucher les bords. Exod.,
xix, 12, 13. — Le sommet devait être un pic bien
déterminé, visible de la plaine. Exod., xix, 11 ; xx, 18.
— Enfin la Bible suppose les environs du Sinaï assez
bien arrosés, puisque Moïse jeta le veau d'or, réduit en
poudre, « dans le torrent qui descend de la mon-
tagne. » Deut., ix, 21. D'aiileurs, comme les Hébreux
restèrent dans ces parages pendant un an, ils durent
y trouver des pâturages suffisants pour leurs troupeaux.
Ces différents traits ne peuvent s'appliquer au Serbal.
Il n'y a pas dans le voisinage de plaine suffisante pour
recevoir une grande foule. Les vallées qui l'entourent,
ouadi 'Aleyât et ouadi er-Rimm, sont aujourd'hui
obstruées par des masses d'éboulis qu'ont amenées les
pluies d'hiver; leur aspect ne devait pas différer au
temps de Moïse. D'autre part, les Israélites, en les
occupant, auraient été divisés en deux sections par les
hauteurs granitiques qui les séparent. Le pic le plus
élevé n'est visible d'aucun point de Youadi 'Adjeléh,
et l'est seulement d'un ou deux endroits dans Youadi
Feirân. Il y a bien une certaine quantité d'eau dans le
voisinage, mais aucun ruisseau ne descend de la mon-
tagne de manière à répondre au récit biblique. On a
voulu attribuer au Serbal un caractère religieux, en
raison de son nom, qui signifierait «c le Seigneur
Baal », Ser Ba'al, ou « le bosquet de palmiers de Baal »,
Serb Ba'al; mais ces étymologies sont fausses. Les
ruines qu'on trouve sur son sommet et qu'on rattache
au culte du même dieu sont relativement récentes.
Enfin les inscriptions sinaïtiques, dont on a cherché à
1773
SINAÏ
1774
tirer un argument, ne sont pas en plus grand nombre
près du Serbal que dans beaucoup d'autres parties de
la péninsule ; bien plus, la montagne même est un des
endroits qui en offrent le moins.
Le djebel Mûsa, au contraire, remplit les conditions
voulues. Cependant il faut distinguer ici entre le pic
de ce nom et un autre qui fait partie du même massif.
Bien que les moines du couvent de Sainte-Catherine,
suivant une tradition fort ancienne, regardent le djébél
Mûsa proprement dit comme la véritable montagne de
la Loi, l'examen topographique oblige plutôt à placer
la promulgation des commandements divins sur le Râs
Sufsaféh. Le seul endroit capable de contenir une
principales vallées qui y débouchent. Elle était donc
plus que suffisante pour contenir la multitude des
Israélites, quelque considérable qu'on la suppose. De
tous les points de ce vaste amphithéâtre, celle-ci pou-
vait suivre du regard ce qui se passait au sommet du
Râs Sufsaféh, qui, au fond de la plaine, s'élève brus-
quement à 600 mètres environ, comme une gigantesque
tribune. Voir fig. 386. L'isolement complet de la mon-
tagne sur trois de ses côtés, ses parois presque perpen-
diculaires expliquent ce qui est dit des barrières dont
on devait l'entourer. D'autre part, l'eau et les pâturages
qu'on trouve aux alentours du djebel Mûsa permirent
aux Hébreux un assez long séjour au Sinaï. Le ruisseau
386. — La plaine d'Er-Rahah et le Ras Sufsaféh. D'après Meistermann, Sindi et Pétra, p. 112.
grande foule est la plaine d'er-Rdhah; or, de là, le pic
du djebel Mûsa est complètement invisible, masqué
qu'il est par les hauteurs intermédiaires du Râs Suf-
saféh. Celui-ci est donc aujourd'hui généralement
considéré comme ayant été le théâtre' des événements
racontés dans l'Exode, xix, xx, xxxii. Cette hypothèse
n'atteint pas, du reste, le caractère sacré du djebel
Mûs.a, qui peut avoir été associé à bon droit, par la
tradition, avec la manifestation de Dieu à Moïse dans le
buisson ardent et dans les événements postérieurs de
la communication de la loi et des ordres pour la cons-
truction du tabernacle, comme le supposent son ancien
nom de Moneidjéh ou de « la Conférence », et les
autres légendes indigènes. Cf. H. S. Palmer, Sinai
from the fourth Egyptian dynasty to the présent day,
Londres, 1878, p. 174-176.
Il est impossible alors de trouver un lieu mieux
adapté à la scène mémorable de la promulgation de la
Loi. Exod., xix, xx. La plaine à'er-Râhah a une super-
ficie de plus de 300 hectares, si l'on y ajoute les pentes
basses des collines qui la bordent et l'entrée des trois
qui coule dans l'ouadi Schreich peut très bien être
celui dans lequel Moïse jeta le veau d'or réduit en
poudre. — Sur cette question topographique, on peut
voir Ordnance Survey, p. 139-149.
Sans chercher, ce qui est impossible, à localiser avec
certitude les incidents divers que l'Écriture place au
Sinaï, il est permis de signaler plusieurs points de la
région qui cadrent parfaitement avec les détails du
récit biblique. Ainsi, le djebel Moneidjéh, peu élevé et
visible de toute la plaine à'er-Rdhah, a pu servir d'em-
placement pour l'érection du tabernacle. Le djebel Mûsa
proprement dit est vraisemblablement le mont Horeb,
sur lequel Moïse eut la vision du buisson ardent et la
révélation du nom de Jéhovah. Exod., m, 1-14. Le nom
de cette montagne a peut-être survécu dans celui de
djebel Aribéh, pic voisin du couvent de Sainte-Cathe-
rine. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, t. H, p. 505-508.
C'est donc là, au sein de ces montagnes de granit,
qu'eut lieu l'alliance solennelle de Dieu avec son
peuple, que fut proclamée la Loi religieuse, morale et
1775
SINAÏ
1776
politique, qui devait faire des enfants d'Israël une
nation à part au milieu du monde, que furent déter-
minés tous les détails du culte divin, exécutés les
objets sacrés qui devaient en être les instruments.
Cf. Exod., xix-xl. C'est là que la race d'Abraham ajouta
aux liens du sang ceux d'une législation qui en fît un
peuple admirablement organisé, appelé à un rôle pro-
videntiel. On comprend dès lors l'impression profonde
que ressent l'âme du voyageur en face de ces souvenirs,
devant le spectacle grandiose des lieux qui les rappel-
lent. « Je constate, dit le P. Lagrange, dans la Revue
biblique, 1896, p. 641 , qu'à ce moment les doutes s'éva-
nouissent, une terreur religieuse s'abat sur les sens à
l'aspect de cette montagne triple et une. Cette plaine,
isolée dans le chaos des montagnes, parait disposée
comme un rendez-vous avec Dieu sur les hauteurs. Et
cette impression n'est pas nouvelle, car du temps de
sainte Sylvie, on tombait à genoux pour prier en
apercevant la montagne de Dieu. Oui, il faut remercier
Dieu d'avoir mis tant d'harmonie dans ses œuvres,
d'avoir promulgué sa loi éternelle du haut de cet esca-
beau de granit, d'avoir répandu dans les esprits sa
vérité pendant que sa lumière baignait les pics éblouis-
sants, d'avoir parlé où il semble qu'on ne peut
entendre que lui. Vraiment Dieu se révèle ici. La
nature et l'histoire crient à l'envi et on est tenté de
crier avec elles le nom du Seigneur Dieu. »
C) Du Sinaï à Cadès. — Les Israélites restèrent près
d'un an au pied du Sinaï. De là ils se dirigèrent vers
Cadès par une suite de stations qu'il nous reste à exa-
miner. Pour atteindre ce point, ils pouvaient aller au
nord-ouest franchir un des cols du djebel et-Tîh et
gagner Qala'at en-Nakhl, ou prendre la route du nord-
est vers 'Aqabah. Il y a tout lieu de croire qu'ils sui-
virent cette dernière direction. « La seconde année
après la sortie d'Egypte, le second mois, le vingt du
mois, la nuée se leva de dessus le tabernacle, et les
enfants d'Israël partirent, division par division, du
désert du Sinaï, et la nuée s'arrêta dans le désert de
Pharan, midbar Pâ'rân. » Num., x, 11-12. Ce désert,
dans un sens large, devait s'étendre jusque vers le
massif du Sinaï, voir Pharan 1, col. 187, où le texte
cité indique plutôt une direction générale.
La première station mentionnée Num., xxxm, 16, est
celle de Qibrôt hat-ta'âvâh, « les Sépulcres de concu-
piscence », ainsi nommée à cause du châtiment infligé
aux Israélites à la suite de leurs murmures contre la
manne, lors du second envoi des cailles. Num., xi, 4-6,
31-34. Beaucoup d'auteurs supposent que cette station
est identique à celle de Tab'êrâh, ou « l'Embrasement »,
nom qui fut donné en raison de l'incendie d'une partie
du camp, punition provoquée par les murmures du
peuple contre Dieu et contre Moïse. Num., xi, 1-3.
D'après les explorateurs anglais, le site le plus vrai-
semblable de Qibrôt hat-la'âvâh est celui d'Erweis el-
Ebeirig à un peu plus de dix heures de marche lente
du couvent de Sainte-Catherine. Pour y arriver, les
Hébreux n'eurent qu'à suivre Vouadi Sa'al. Voir
SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE, Col. 1665.
La seconde station est celle d'Haseroth, hébreu :
ffâsêrôf. Num.. xi, 34; xxxm, 17. Elle est depuis long-
temps identifiée avec 'Ain H.adrah ou Ifudrah, à huit
heures de la précédente. Voir Haséroth, t. m, col. 415.
A partir de là, il devient difficile de suivre l'itinéraire
des Israélites. A Vouadi el 'Ain, la route d"Aqabah
tourne dans la direction du sud pour descendre vers
la côte. Si les Hébreux avaient pris ce chemin, le texte
aurait sans doute mentionné la mer. Ils durent gagner
directement le plateau de Tih. Les stations indiquées
sont les suivantes :
Rethma (hébreu : Rifmdh). Num., xxxm, 18-19.
Inconnue. Voir Rethma, col. 1076.
Remmonpharès (hébreu : Rimmôn Parés). Num.,
xxxm, 19-20. On cherche cet endroit au sud-est du
djebel et-Tamad, à l'ouest de l'extrémité septentrionale
du golfe d"Aqabah. Voir Remmonpharès, col. 1040.
Lebna (hébreu : Libnâh). Num., xxxm, 20-21. Ce
nom signifiant « blancheur » pourrait correspondre à
celui A'el-Reida, « la Blanche », que porte une région
située sur le bord de Vouadi Djérâféh. Voir Lebna 1,
t. iv, col. 143, et Remmonpharès, col. 1040.
Ressa (hébreu : Rissdh). Num., xxxm, 21-22. On
croit généralement que c'est la Rasa de la carte de
Peutinger; elle serait à Vouadi Suega, au point où la
route d"Aqabah à Gaza coupe en écharpe un chemin
qui mènerait directement de Vouadi el-'Aïn à Lussân
(Lysa) et à Gaza. Voir Ressa, col. 1061; cf. M. J. La-
grange, L'itinéraire des Israélites, dans la Revue
biblique, 1900, p. 277-278.
Céélatha (hébreu : Qehêlâfdh). Num., xxxm, 22.
Cette station doit correspondre à la Gypsaria de la
carte de Peutinger et à l'actuel Contellet Quréiyéh. Cf.
M. J. Lagrange, op. cit., p. 277.
Mont Sépher (hébreu : har-Sâfér). Num., xxxm,
23-24. Peut-être le djebel 'Araïf, à six heures de
Vouadi Quréiyéh. Voir Sépher (Mont), col. 1620.
Arada (hébreu : Eiâràdâh). Num., xxxm, 24. Incon-
nue. Voir Arada, t. i, col. 873.
Macéloth (hébreu : Maqhêlôf). Num., xxxm, 25-26.
Inconnue. Voir Macéloth, t. iv, col. 479. Il y a proba-
blement ici, de même que pour les deux noms suivants,
un embarras textuel. Cf. M. J. Lagrange, op. cit., p. 278.
Thahath (hébreu : fâhat). Num., xxxm, 26-27. In-
connue. Voir Thahath.
Tharé (hébreu : fârah). Num., xxxm, 27. Inconnue.
Voir Tharé.
Methca (hébreu : Mifqdh). Num., xxxm, 28-29. In-
connue.
Hesmona (hébreu : #a3mô»iâh).Num., xxxm, 29-30.
Inconnue. Cependant on pourrait peut-être rapprocher
cette station d'une ville frontière de Juda, Asémona
(hébreu : ' Asemônâh), Num., xxxiv,4, située à l'extré-
mité méridionale de la Terre Sainte. Il est vrai que
l'orthographe des deux noms est différente, avec heth,,
schin d'un côté, 'Ain et tsadé de l'autre. Mais les
Septante pendent le texte massorétique très douteux
et la situation des deux endroits nous conduit à peu
près au même point. Or, Asémona a été identifiée avec
les ruines qui sont proches de l'Ain Qaséiméh, à l'est
du djebel iluweiléh. Voir Asémona, 1. 1, col. 1079. Nous
sommes ainsi dans les deux cas tout près de Cadès.
C'est une raison qui s'ajoute à celle du contexte pour
admettre ici, Num., xxxm, 30, une transposition,
c'est-à-dire pour transporter les versets 36 b -41» après
le f. 30». Voir Moséroth, t. iv, col. 1318.
De cette façon, l'on arrive à Cadès, hébreu : Qàdès,
Num., xxxm, 36, bien identifié avec 'Ain Qedeis. Voir
Cadès 1, t. n, col. 13. De Cadès, les Israélites redescen-
dirent vers Asiongaber, Num., xxxm, 36 b -41% 30 b -35,
pour remonter du côté de Moab.
D) Remarque sur l'Itinéraire. — Nous terminerons
ce tracé de l'itinéraire des Israélites par une simple
remarque. Nous avons suivi pas à pas les Hébreux
depuis la sortie de la mer Rouge jusqu'à la frontière
de Palestine, à travers le dédale des chemins de la pé-
ninsule sinaïtique. Sans doute, bien des points restent
obscurs; toutes les stations ne peuvent être identifiées
comme il serait possible de le faire dans un pays
habité. Nous avons cependant des points de repère
suffisants pour fixer avec une très grande probabilité
la voie des enfants d'Israël. Il y a un tel accord entre
la topographie de ce pays compliqué et les données
bibliques qu'il est impossible d'y voir un pur effet du
hasard. Si, comme le prétendent les rationalistes, le
récit sacré n'était qu'oeuvre d'imagination, ou si la tra-
dition hébraïque avait perdu tout souvenir du Sinaï
1777
SINAÏ
1778
comment arriverait-on à concilier d'une manière aussi
satisfaisante une géographie et une histoire aussi diffi-
ciles? Il est aisé de dire que l'adaptation des noms et
des faits aux lieux s'est opérée après coup, par des
moines chrétiens en quête de souvenirs bibliques.
Cette adaptation serait impossible si elle n'avait pour
base une conformité réelle entre les faits et les lieux.
Qu'on essaie donc de la transporter ailleurs, puisqu'on
transporte ailleurs le Sinaï. Dans leur impuissance
à le faire, les rationalistes sont obligés de bouleverser
le texte sacré, d'en effacer une partie. Nous pouvons
donc conclure d'après cela à la véracité et à l'authen-
ticité du récit mosaïque. Si l'auteur, écrivant plusieurs
siècles après les événements, n'avait eu aucune connais-
sance des lieux, comment aurait-il pu arriver à une
telle exactitude?
3° Les Nabatéens. Inscriptions sinaïliques. — La
péninsule sinaïtique est un pays singulier, non seule-
ment par sa configuration physique, mais encore par
le grand nombre et le caractère des inscriptions qu'on
y rencontre. On dirait que ses immenses murailles de
rochers étaient destinées à être des pages d'écriture.
Ces pages sont demeurées longtemps un mystère et
ont exercé la sagacité des savants. Il était tout naturel
qu'on y vit dans les commencements des vestiges du
passage des Hébreux. Nous ne parlons pas ici des ins-
criptions hiéroglyphiques que nous avons déjà signalées
à Maghdrah et à Sardbît el Khâdim, mais d'autres
monumentsépigraphiquesrépandusà travers unebonne
partie de la presqu'île. A part le grec et le latin qui y
sont parfois représentés, ils se composent surtout de
caractères dont la nature et le sens furent longtemps
ignorés. Il a fallu les découvertes modernes pour nous
donner la clef d'uneénigme qui avait intrigué les anciens.
Nous laissons de côté l'histoire des recherches et du dé-
chiffrement. Cf. Yigouroux, Mélanges bibliques, Paris,
1882, p. 233-313. Nous n'avons à étudier rapidement que la
nature, la localisation et l'origine de ces inscriptions.
Ce sont de simples graffiti, qui se composent presque
exclusivement de noms propres et de certaines exclama-
tions; par exemple : « Paix! Yati'u, fils de Waddu.
Qu'il soit béni à jamais! » Ils sont gravés sur les
rochers, ou sur ceux qui forment les parois des val-
lées, ou sur ceux qui sont tombés des sommets de la
montagne. Ils ont été tracés sur le grès au moyen d'un
silex pointu, et les lettres ainsi formées semblent
faites de petits trous juxtaposés. Mais sur le granit,
plus dur, on remarque les traces d'un instrument de
fer. La grandeur de l'écriture varie : dans la plupart
des inscriptions, les lettres sont hautes d'environ
quatre ou cinq centimètres; les petites n'en ont qu'un.
L'absence de polissage sur la surface du rocher, de
rectitude dans les lignes, d'ordre dans les sentences, tout
indique la précipitation et la négligence. Voirfig. 387.
Ces inscriptions sont surtout nombreuses aux envi-
rons du Serbal, du djebel el-Bendt, du djebel Mûsa,
le long des grandes vallées qui servaient de voies de
communication, les ouadis Schelldl, Mokatteb , Feirân,
Suwig, Khamiléh, Bark, Lebwéh, Berrâk. L'ouadi
Mokatteb tire même de là son nom de « vallée
écrite ». On en trouve quelques-unes vers le nord-est,
sur le chemin du Sinaï à 'Aqabah, jusqu'à Vouadi
Sa'al; mais on n'en rencontre aueune au nord-ouest, à
partir de Vouadi Hamr, sur la route de l'Egypte. On
n'en signale pas non plus sur la route qui traverse le
désert de Tih. D'où l'on conclut qu'il ne faut pas les
attribuer aux caravanes marchandes qui allaient d'Ara-
bie en Egypte et vice versa.
La langue est l'araméen, avec quelques mots em-
pruntés à l'arabe. Outre les noms propres, dont se
composent principalement les inscriptions, on trouve
un petit nombre de mots araméens, comme '2, ma,
c fils, fille »; 137, « faire »; mp jd, « devant » ■ NriN,
« terre », etc., et des exclamations, comme tfjw, «paix »,
-i>3T, « que se souvienne », -|na, « béni ». Cependant
les noms propres sont en grande partie arabes ; on y a
souvent ajouté la terminaison nabatéenne i; npaDbH,
Almobaqqeru; ils sont pour la plupart théophores :
inStnay, Abdallahi; tnhNiyxi?, èa'dallahi. Les noms des
divinités qui entrent dans la composition de ces mots
sont : «n^N, Allah, ibyabx, Elba'al, *nwn, DûSarâ, le
dieu des Nabatéens. On ne peut donc attribuer ces
inscriptions à des chrétiens. Les croix et les mono-
grammes du Christ qui sont mêlés aux inscriptions
sont distincts des graffiti nabatéens et ont été ajoutés
plus tard par des pèlerins.
Beaucoup d'inscriptions sont répétées en différents
387. — Inscription sinaïtique (Ouadi Mokatteb).
...SnSïN "13 [| >nVl7WT3yn «que fit Sa'dallahi|| fils d'A'là'...
D'après le Corpus inscriptionum semiticarum,
part. II, t. i, n. 914 b, pi. lxxvi.
endroits, gravées par la même main et dans le même
ordre. On pense donc que, malgré leur grand nombre,
ces monuments épigraphiques n'ont pour auteurs que
quelques groupes d'hommes, parcourant ensemble les
mêmes chemins, probablement unis en société; l'un
d'eux est appelé éparque, quatre ont le titre de prêtres.
Les inscriptions sont accompagnées de dessins gros-
sièrement tracés, représentant des hommes, des cha-
meaux, des chiens, des bouquetins, etc. Quelques-unes
sont bilingues; les mots grecs, en particulier les noms
propres, correspondent parfaitement aux mots sémi-
tiques. La manière dont elles sont gravées montre bien
qu'elles ont été écrites, dans les deux langues, par la
même main. Il est donc permis de supposer que ceux
à qui elles sont dues n'étaient pas desimpies nomades,
sans aucun rapport avec le monde romain.
En résumé, les inscriptions sémitiques du Sinaï sont
l'œuvre de Nabatéens (Vnlgate : Nabuthseï) qui, au second
et au troisième siècle de notre ère, occupèrent les val-
lées de la péninsule ou la visitèrent à différents inter-
valles. Voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444. Elles n'émanent
point de rois ou de peuples comme celles des temples de
l'Egypte ou des palais de Ninive et de Babylone. Elles ont
donc peu de valeur historique ; leur importance est plus
grande au point de vue épigraphique, l'écriture appar-
1779
SINAÏ
1780
tenant aune phase de l'alphabet sémitique. Voir Alpha-
bet hébreu, t. i, col. 402. — Cf. Corpus inscriptio-
num semiticarum, p. il, t. i, fasc. 3, p. 349-486, avec
cartes, Paris, 1902. On trouvera, en particulier, p. 356
357, la liste des ouvrages les plus importants parus
sur la question.
4° Les anachorètes et les moines. — Vers le milieu
du m e siècle, la violence de la persécution contre les
chrétiens peupla d'anachorètes le désert du Sinaï. Le
pays prit alors un nouvel aspect. Les grottes servirent
d'abri aux ermites; dans les vallées, près des sources,
s'élevèrent de petits monastères. L'industrie et le tra-
vail des solitaires créèrent des champs fertiles, des
vergers riches en oliviers, dattiers et figuiers. Pèlerins
et marchands accoururent des divers ports de la pénin-
sule. Le mont Sinaï fut habité par de nombreux
anachorètes, qui y bâtirent des églises. Mais, vers les
années 305, 370, 400, des bandes pillardes, Sarrasins
extrémités septentrionales des deux golfes, les seuls
points où la vie sédentaire fut plus ou moins longtemps
concentrée. Les vieilles cités ont disparu, sans laisser
un monument digne d'attention. Mais la presqu'île, qui
physiquement et historiquement est un pays à part,
a aussi ses richesses spéciales. Elles consistent dans
les mines, dans les inscriptions égyptiennes et naba-
téennes dont nous avons parlé. Les deux centres miniers
de l'ouadi el-Magkârah et de Sarâbît el-Khddirn ont
une importance que nous avons déjà relevée pour
l'histoire du Sinaï et celle de l'Egypte. Les recherches
qu'on y a entreprises ont, de plus, révélé la manière dont
les mines étaient exploitées, les instruments dont se
servaient les ouvriers, ciseaux, marteaux, mortiers,
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3S8. — Petits autels trouvés dans le temple lie Sarâbît el-Khadim
D'après Flinders Pétrie,
Researches in Sinai, pi. 143, n. 12, 15.
et Blemmyes, amenés par la cupidité, passèrent
comme un ouragan, dévastèrent les ermitages et les
églises et tuèrent un grand nombre de moines. Pour
donner à ceux-ci un rempart contre ces invasions,
Justinien fit construire en 527 le couvent actuel du
mont Sinaï, qui reçut plus tard le nom de Sainte-
Catherine. Une belle basilique fut érigée et tous les
bâtiments furent entourés de hautes et solides mu-
railles, qui donnent au monastère l'air d'une forte-
resse. La bibliothèque renferme de précieux trésors
dans ses manuscrits grecs, arabes, syriaques, etc. C'est
là, en particulier, que Tischendorf découvrit le ma-
nuscrit grec de la Bible qui porte le nom de Codex
Sinaiticus et que M mes Lewis et Gibson ont trouvé un
manuscrit syriaque des Évangiles. Pour la description
du couvent et de ses environ?, en peut voir M. J. La-
grange, Le Sinaï, dans la Revue biblique, 1897, p. 107-
130. Les guides et relations de voyage en donnent
également une description.
V. Archéologie et Religion. — La pénisule sinaï-
tique n'a jamais compté qu'une seule ville au sein de
ses montages; cefutPharan, dans l'ouadi Feirân, qui
devint, vers le V e siècle, le siège d'un évêché. Le village
actuel de Tûr représente le port de la côte occidentale.
Qala'at en-Nakhl, sur le plateau de Tih, doit marquer
l'emplacement de l'ancienne ville de Phoenicon, «la
Palmeraie ». Tels sont, avec les deux ports situés aux
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>r » *.,
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389. — Buste en grès U-ouvé dans le temple de
Sarâbît el-Khadim. Inscriptions en caractères inconnus.
D'après FI. Pétrie, Researches in Sinai, n. 138.
etc. Mais la dernière exploration de M. Flinders Pétrie,
décembre 1905 à mars 1906, a jeté un jour tout nouveau
sur certaines questions archéologiques et religieuses
que nous devons résumer en quelques mots.
Le temple de Sarâbît el-Khâdim, dégagé de toutes
les superfétations égyptiennes, apparaît avec son carac-
tère primitif de haut-lieu, sémitique, bâmah. La déesse
qu'on y adorait à l'origine, et qui régnait sur ce sommet
avant les premières expéditions pharaoniques, n'avait
pour sanctuaire qu'une grotte creusée dans le rocher.
Le culte que lui rendaient les populations indigènes se
rapproche de celui qu'on retrouve en Chanaan. Le long
du sentier qui conduit à l'antre sacré, on a reconnu
une série de cercles en pierres brûles, généralement
assez grands pour abriter une, deux, parfois même
trois ou quatre personnes. Dans un grand nombre de
ces cercles, une stèle, couverte d'hiéroglyphes, expose
les titres d'un officier égyptien ou son offrande à la
« Dame des Turquoises » pour s'assurer la proteclion
de la déesse ou lui exprimer sa reconnaissance. Une
petite table d'offrandes, au pied de la stèle, montre
l'accomplissement de l'acte religieux. Aux cercles
4781
SINAÏ
1782
de pierres succédèrent les édicules qui précèdent le
portique du temple, et qui ne sont ni des chapelles ni
des magasins sacrés, mais des abris permanents, rem-
plaçant les premiers refuges rudimentaires. Participant
à la sainteté du lieu, ils étaient destinés aux chercheurs
de turquoises, qui y venaient attendre le songe révéla-
teur dans lequel la déesse leur indiquerait quelque
bon gisement. On trouve aux abords de la grotte sacrée
un épais lit de cendres qui atteste le rôle important du
feu dans ce haut-lieu. Comme il y a peu de buissons
sur le sommet de la colline, il semble que le combus-
tible dût être apporté de la plaine ou des vallées envi-
ronnantes. Mais, pour l'apporter en telle quantité et
loin des habitations, il fallait qu'il y eût une autre raison
que les usages de la vie courante. Nous sommes ici en
présence de sacrifices religieux, dans lesquels le sang,
la graisse et d'autres parties facilement combustibles
des animaux immolés étaient la part de la divinité, la
■tW . .
390. — Nauâmis, construction en pierres sèches,
près de l'ouadi-Solaf.
D'après FI. Pétrie, Researches in Sinai, n. 178.
chair des victimes servant d'aliments à ceux qui les
offraient ou qui prenaient part à la fête. La nature des
cendres et l'endroit où elles se trouvent confirment cette
hypothèse. On a découvert aussi de petits autels, qui,
d'après leur forme même, étaient faits pour recevoir,
non un liquide ou autre offrande, mais de l'encens.
Voir fig. 388. Parmi les objets votifs, on remarque des
pierres taillées en forme de cônes, autre caractère du
culte sémitique. Enfin des réservoirs et des bassins à
ablutions rappellent certaines pratiques du culle juif.
Nous avons donc bien là un rituel sémitique, que les
Égyptiens s'approprièrent pour se concilier la faveur
de la divinité qui régnait primitivement en ces lieux.
En effet, les détails que nous venons de rappeler, rela-
tifs au temple, aux sacrifices, aux autels ou brûle-par-
fums, aux pierres coniques, sont tout à faitdistincts de
ce que l'on rencontre dans la religion égyptienne.
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 186-193.
Dans les ruines du temple, on a également découvert
plusieurs statues, un sphinx, un buste (fig. 389) et
d'autres objets sculptés par des mains étrangères à l'art
égyptien. C'était sans doute l'œuvre des 'Amu îu des
Rotennu, qui, dans les inscriptions, figurent parmi les
ouvriers employés aux mines du Sinaî. Un de ces 'Amu
ou Syriens est appelé Lua ou Luy, ce qui n'est autre
chose que l'hébreu Lêvî; et « il est intéressant, dit
Flinders Pétrie, op. cil., p. 124, ;de trouver ici ce nom
3000 ans avant Jésus-Christ.» Plusieurs de ces sculptures
un peu grossières portent des inscriptions en lettres
alphabétiques, qui ont une analogie frappante avec
certains caractères phéniciens archaïques. Voir fig. 389.
Nous aurions là, d'après le savant explorateur, le spéci-
men d'une écriture antérieure de cinq siècles peut-
être aux plus anciens textes phéniciens qui nous sont
connus. Quoi qu'il en soit de cette appréciation, il y
a dans ce fait une importante question d'épigraphie.
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 122-132.
On rencontre enfin dans la plupart des grandes vallées
du centre de la péninsule, sur le flanc des montagnes
et généralement au confluent de plusieurs ouadis, de
singulières constructions, que les Bédouins appellent
nauâmis. Ce sont des édifices en pierre sèche, les uns
ronds ou elliptiques, les autres carrés à toit plat. Les
premiers sont formés de murs droits jusqu'à 50 ou
70 centimètres au-dessus du sol, mais rapprochant en-
suite, à l'intérieur, les assises de leurs pierres plates,
de manière à constituer une coupole conique de 2 à
3 mètres d'élévation. Voir fig. 390-391. Tous les explo-
391. — Coupe d'un des Nauâmis.
D'après FI. Pétrie, ibid., n. 174.
rateurs font remonter ces monuments à une haute anti-
quité. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de
l'Orient classique, t. I, p. 352, y voit des abris où les
nomades pillards se réfugiaient, pour se défendre contre
les représailles des tribus voisines et surtout des troupes
égyptiennes. On croit plus généralement aujourd'hui
que ce sont des tombeaux dont on rapproche certaines
chambres funéraires de la Palestine et les dolmens cou-
verts d'autres régions. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris,
1907, p. 412. Ces sortes de ruches n'ont pu. servir
d'habitation ou de refuge. M. Currelly, qui en a fouillé
quelques-unes dans l'ouadi Nasb, y a trouvé des bra-
celets en coquillages, des pointes de flèche en silex,
des instruments en cuivre pur, etc., autant d'objets déjà
en usage sur les bords du Nil, aux temps préhistoriques.
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 243;
E. H. Palmer, The désert of the Exodus, t. u, p. 312,
316-319.
De l'ensemble des découvertes archéologiques et de
l'histoire, il résulte donc que, longtemps avant l'Exode,
une population sémitique habitait la péninsule du
Sinaï, avec une religion analogue à celle de Chanaan,
un système d'écriture déjà perfectionné, ce qui achève
de détruire la vieille thèse rationaliste prétendant que
Moïse n'avait pu écrire le Pentateuque. D'autre part, les
Égyptiens ont, de bonne heure, porté dans un petit
coin du pays un rayon de leur civilisation, trouvant
dans les mines un moyen d'exercer leur industrie,
d'augmenter leurs richesses, de perfectionner leur art.
Les Hébreux, en arrivant dans ces solitudes, n'étaient
pas dénués de ressources; ils avaient beaucoup appris
1783
SINAÏ — SINAITICUS (CODEX)
1784
à l'école de leurs maîtres de la vallée du Nil. Ils purent
donc sans difficulté construire au sein du désert les
instruments d'un culte qui, malgré son caractère spé-
cial et divin, se rattachait par certaines prescriptions
au rituel égyptien. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les
découvertes modernes, t. n, p. 510-560. Nul pays ne
convenait mieux que le Sinaï à la formation d'un peuple
qui devait avoir une si grande influence sur la vie reli-
gieuse et morale du monde : spectacles sublimes de
la nature, silence où l'on n'entend que la voix de Dieu,
solitude qui brise tout contact avec les nations païennes.
Cette voix de Dieu a retenti à travers tous les pays et
tous les siècles. Selon la parole du Deutéronome, xxxm,
2, c'est bien « du Sinaï que le Seigneur est venu, » qu'il
est parti à la conquête de l'humanité déchue. Ce pre-
mier pas devait le conduire à la crèche et finalement
au calvaire. Telle est, d'un seul mot, la synthèse de
l'histoire dont la première page est écrite aux lieux
sacrés que nous venons de parcourir.
VI. Bibliographie. — Aux ouvrages déjà nombreux
que nous avons indiqués dans le corps de cet article,
nous ajouterons les suivants : J. L. Burckhardt, Travels
in Syria and the Holy Land, Londres, 1882, p. 457-
630; J. Rappel, Reisen in Nubien, Kordofan und dern
Petrâischen Arabien, Francfort-sur-le-Main, 1829;
Léon de Laborde, Voyage dans l'Arabie Pétrée et au
mont Sinaï, Paris, 1830; Commentaire géographique
sur l'Exode et les Nombres, Paris et Leipzig, 1841;
Wellsted, Travels in Arabia; Sinai, Survey of the Gulf
ofAkabah, Londres, 1838, t. il, p. 1-168; Lepsius, Reise
von Theben nach der Halbinsel des Sinaï, Berlin,
1845; Lottin de Laval, Voyage dans la péninsule ara-
bique du Sinaï, Paris, 1857, 2 vol. in-4»; H. Brugsch,
Wanderung nach den Tùrkis-Minen und der Sinai-
Halbinsel, Leipzig, 1866; F. W. Holland, On the Pe-
ninsula of Sinai, dans Journal of Royal Geogr. Soc,
1868, p. 237-257; Récent explorations in the Peninsula
of Sinaï, dans Proceedings of Royal Geogr. Society,
1868, n. 3, p. 204-219; E. H. Palmer, The Désert of the
Exodus, Cambridge, 1871, 2 vol. in-8°; A. P. Stanley,
Sinai and Palestine, Londres, 1866 avec cartes en
couleurs ; W. H. Adams, Mounl Sinai, Petra and the
Désert, Londres, 1879 ; Isambert, Itinéraire de l'Orient,
Paris, 1881, t. n, p. 718-756; Raboisson, En Orient,
Paris, 1889, t. i ; E. Hull, Mounl Seir, Sinai and Wes-
tern Palestine, Londres, 1889, avec carte géologique ;
G. Bénédite, La péninsule Sinaïtique, Paris, 1891 ;
M. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893; P. Barnabe
Meistermann, Guide du Kil au Jourdain par le Sinaï
et Pétra, Paris, 1909; J. de Kergorlay, Sites délaissés
d'Orient, Paris, 1911. A. Legendre.
SINAITICUS (CODEX). Ce manuscrit est parmi
les plus célèbres et les plus importants de la Bible
grecque (fig. 392). Au printemps de 1844, Tischendorf
visitant le monastère de Sainte-Catherine, au mont
Sinaï, en découvrit des feuillets détachés qu'on avait
jetés au rebut; il put les acquérir, quarante-trois au
total, et les rapporter à Leipzig, où ils appartiennent
aujourd'hui à la bibliothèque de l'Université, et il les
édita dans une publication intitulée Codex Friderico-
Augvstanus, Leipzig, 1846, du nom du roi de Saxe
Frédéric-Auguste qui avait fait les frais de sa mission
au Sinaï. En 1845, deux fragments du même manus-
crit furent trouvés dans des reliures de manuscrits
plus récents, et communiqués à Tischendorf, qui les
publia dans son Appendix Codicum celeberrimorum,
Leipzig, 1867. En 1853, Tischendorf revint au Sinaï, et
il mit la main sur un fragment de la Genèse du même
manuscrit, et un feuillet contenant la fin d'Isaïe et le
commencement de Jérémie : il publia ces morceaux,
partie dans ses Monumenta sacra inedita, t. i, Leipzig,
1855, partie, ibid., t. n, Leipzig, 1857. En 1859 enfin, le
4 février, il eut la bonne fortune de découvrir le
manuscrit dont il n'avait encore eu que des morceaux;
il en exécuta aussitôt une copie. Les moines du Sinaï
l'autorisèrent, 28 septembre 1859, à transporter le
précieux manuscrit en Europe pour l'éditer; l'édition
fut entreprise aussitôt, et achevée en 1862. Mais le
manuscrit ne revint pas au Sinaï. Le 10 novembre 1862
Tischendorf le remit à Zarskoie Selo entre les mains
du tsar Alexandre II de Russie. Sept ans plus tard, en
1869, le manuscrit passa des archives du ministère russe
des affaires étrangères dans la bibliothèque impériale
de Saint-Pétersbourg. Tout n'est pas très clair dans
cette histoire : il est vraisemblable que les moines du
Sinaï se sont dessaisis un peu naïvement de leur
trésor. Les Russes font valoir que plus tard, en 1869, les
supérieurs de ces moines firent donation au tsar du
manuscrit, et qu'en retour le tsar donna 7000 roubles
(le rouble vaut quatre francs), à la bibliothèque du
mont Sinaï, 2000 au couvent du mont Thabor, et des
décorations russes à quelques-uns des moines susdits :
il resterait à établir que le manuscrit est venu en Europe
du plein consentement des moines, et que la dona-
tion que les moines en ont faite au tsar a été spontanée.
Le moins qu'on puisse dire est, avec M. Nestlé, que
toute cette histoire de la découverte et de la réception
du Codex Sinaiticus est presque romanesque. E. Nestlé,
Einfûhrung in das griechisches Neues Testament,
Gœttingue, 1897, p. 28. C. R. Gregory, Prolegomena,
p. 350-353, présente la défense de Tischendorf.
Le Codex Sinaiticus est un manuscrit de parchemin
in-folio (43x37 cent.), comptant 346 feuillets 1/2.
Chaque feuillet compte quatre colonnes, chaque colonne
quarante huit lignes. Le parchemin est d'une extrême
finesse, et fait de peaux d'ânes ou d'antilopes, croit-on.
L'écriture est onciale, d'une admirable pureté, sans
esprits, ni accents, ni majuscules, les initiales débor-
dant seulement sur la marge. Les sectionnements du
texte sont marqués par une ligne laissée en blanc. Tis-
chendorf distingue quatre scribes différents qui auraient
travaillé au Sinaiticus ; en d'autres termes, la copie
du. manuscrit total aurait été partagée entre quatre
copistes. Voir Gregory, p. 345; H. B. Swete, The old
Testament in Greek, Cambridge, 1887, t. I, p. xxi. Le
copiste qui a écrit à peu près tout le Nouveau Testa-
ment Ferait le même qui aurait copié ce que nous avons
de la Genèse, et quelques autres portions de l'Ancien
Testament; les prophètes seraient l'œuvre d'un second
copiste ; les livres poétiques reviendraient au troisième ;
Tobie et Judith au quatrième. Puis, des mains de cor-
recteurs seraient intervenues, cinq dans l'Ancien Tes-
tament, sept dans le Nouveau : la plus ancienne serait
contemporaine de la confection du manuscrit, la plupart
des autres seraient du vi e -vn e siècle, la plus récente du xn e .
Pour déterminer l'âge du Sinaiticus, on se fonde sur
l'aspect de son écriture, qui est d'une onciale répon-
dant à la plus ancienne qu'on connaisse. Le texte lui-
même représente un état ancien : ainsi les douze ver-
sets de la finale de saint Marc (xvi, 9-20) manquent. Au
Nouveau Testament sont joints l'épltre de Barnabe et
le Pasteur d'Hermas, comme s'ils appartenaient au
canon. Tischendorf a posé en thèse que le Sinaiticus
avait été copié au milieu du iv e siècle; et il a énoncé
l'hypothèse qu'il devait être un des cinquante exem-
plaires de la Bible que, au témoignage d'Eusèbe, Vita
Constantini, iv, 36-37, t. xx, col. 1184-1185, l'empereur
Constantin fit faire en 331, « par des copistes habiles
dans l'art d'écrire »; mais c'est aller trop loin, et il
reste simplement que le Sinaiticus peut être du
IV e siècle. Voir la discussion de V. Gardthausen, Grie-
chische Palaeographie, Leipzig, 1879, p. 133-148. On ne
peut f ien conclure de la souscription qui, dans le Sinai-
ticus, se lit à la fin du livre d'Esther, et qui énonce que
le texte en a été collationné sur i un très vieux exem-
Dict. de la Bible
Letouzey et Ane, éditeurs.
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CODEX SINAITICUS
Luc, xv, 30 — xvi, 25
(Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg).
4785
SINAITICUS (CODEX) — SINGE
1786
plaire corrigé de la main du saint martyr Pamphile, »
et que cet exemplaire de Pamphile avait été collationné
par lui sur les Hexaples d'Origéne : Tischendorf a
donné de bonnes raisons de penser que cette souscrip-
tion n'est pas du copiste original, mais d'une seconde
main, du vu» siècle sans doute. Gardthausen, p. 145-
146.
En ce qui concerne les cinquante manuscrits que
l'empereur Constantin demanda en 331 à Eusèbe de
ïaire exécuter, il paraît certain que ce devaient être des
bibles entières, o-wpieÎTta, faciles à lire, eûavâ-pjftxjTa,
écrites sur du parchemin de première qualité, écrites
par des calligraphes très habiles dans leur art, et ces
traits conviennent assez au Sinaiticus. Mais l'empereur
ajoute : xotl ïtpoç tyjv xpr^mv eù|iSTaxô'u.i<JTa, c'est-à-dire
faciles à transporter pour s'en servir, et vraiment ceci
ne s'applique guère à un manuscrit aussi volumineux.
Le mot xp^tiî désigne l'usage ecclésiastique, l'usage
dans les lectures publiques que comporte la liturgie :
or, il est clair que le Sinaiticus ne s'est conservé que
parce qu'il n'a pas servi, et qu'il n'était pas portatif.
Eusèbe fit exécuter les exemplaires commandés par
mier livre des Macchabées, quatrième des Macchabées,
Isaïe, Jérémie ; i, 1-n, 20 des Lamentations; Joël, Abdias,
Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie;
les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique
des Cantiques, la Sagesse, l'Ecclésiastique, Job. A la fin
du Nouveau Testament, prend place l'épltre de Barnabe,
et^avec une lacune de cinq feuillets, un fragment du
Pasteur d'Hermas. Les livres du Nouveau Testament
sont rangés dans l'ordre : Évangiles-Epitres paulines-
Actes-Épltres catholiques-Apocalypse. L'Epitre aux Hé*
breux est placée après II Thess. P. Batiffol.
SINDON (hébreu : sddin). Voir Linceul, t. iv,
col. 265.
SINÉENS (hébreu : kas-Sini; Septante : i 'Aaev-
vaïoç; Vulgate : Sinœi), nom d'une peuplade chana-
néenne, Gen., x, 17; I Par., i, 15, de la descendance
de Chanaan. Saint Jérôme, Quœst. in Gen., x, 15,
t. xxui, col. 954, mentionne non loin d'Arca en Phé-
nicie une ville appelée Sini, détruite par la guerre,
mais dont l'emplacement conserva son nom au pied du
393. — Singes et autres animaux ramenés comme butin d'Ethiopie en Egypte par Ramsès II.
D'après un bas-relief du temple de Beit-OuaJly, dans Champoliini, Monuments de l'Egypte, 1. 1, pi. 70.
l'empereuretilleslui envoya : lv 7to>.UTe\a»{ r)<jxn)|Uvotç
TE'i^eatv Tpcaaà xat TExpaacrà Siarceu.'J/ivTMV rj^wv. Vita
Cont., iv, 37, édit. Heikel, p. 132. Je traduis : Trans-
misimus triplicia et quadruplicia in libris arte fabri-
catis magnifiée. Les mots Tpi<r<rà et znpaoohne peuvent
se rapporter qu'à <7co|a<£ti<x, et donc désigner des exem-
plaires de la Bible complète, les uns en trois tomes, les
autres en quatre. On ne saurait voir là une allusion à
la répartition du texte sur trois ou sur quatre colonnes.
Nestlé, p. 29.
L'hypothèse de Tischendorf qu'un des copistes qui
ont copié le Sinaiticus serait le copiste qui a copié le
Vaticanus, n'a pas de fondement. Mais Tischendorf ne
s'est pas trompé en plaçant le Sinaiticus entête de tous
les manuscrits existants de la Bible, et en lui donnant
pour mieux signifier sa primauté le sigle n qui le
désigne désormais. Le Sinaiticus est véritablement le
plus ancien manuscrit de la Bible. L'hypothèse de
quelques érudits qui ont pensé que le Sinaiticus avait
été écrit en Occident, peut-être à Rome, parait dénuée
de preuves. — Le Sinaiticus porte dans la classification
•des manuscrits du Nouveau Testament de M. von Soden
le sigle 82. Voyez H. von Soden, Die Schriften des
Neuen Testaments, t. i, 1, Berlin, 1902, et Revue bi-
blique, 1904, p. 592-598.
Le Sinaiticus contient le nouveau Testament dans son
intégralité. L'Ancien Testament au contraire a beaucoup
souffert : il ne reste que des fragments des chapitres xxm-
xxiv de la Genèse; v-vi-vii des Nombres; ix, 27-xix, 17
du premier livre des Chroniques; ix, 9 à la fin du second
Jivre d'Esdras; puis Néhémie, Esther, Tobie, Judith, pre-
Liban. Strabon, XVI, n, 18, nomme aussi dans le Liban
la montagne de Etwôv. On trouve aussi dans les
inscriptions assyriennes le nom de la ville de Siftnn
entre Semar et Arqa. Frd. Delitzseh, Wo lag das Paro-
dies? p. 282; W. M. Mûller, Asien und Europa,
p. 289.
SINGE (hébreu : qôf; Septante : irCOrptoç ; Vulgate :
simia), mammifère de l'ordre des quadrumanes. Le
nom du singe est en sanscrit kapi, en égyptien gôf, gôfu ;
il se retrouve dans le grec xf|ëo; et xt)jto«. Pendant leur
séjour en Egypte, les Hébreux avaient pu voir cet animal
qu'on y emmenait des pays situés au sud et qu'on trouvait
partout représenté (fig. 393). Le singe n'est mentionné
dans la Bible que parmi les curiosités rapportées de
Tharsis par les vaisseaux de Salomon. III Reg., x, 22;
II Par., ix, 21. Il devait en effet beaucoup intriguer les
Israélites par sa grossière ressemblance avec l'homme,
ses quatre mains, son agilité, ses ruses et ses moeurs
qui le placent à la tête du règne animal et dans le
voisinage même de l'homme. Il existe un très grand
nombre d'espèces de singes, qui diffèrent par la taille,
la force et les habitudes. Les espèces particulières à
l'ancien monde se trouvent presque toutes à Ceylan et
dans l'Inde, où la flotte de Salomon alla chercher les
spécimens qu'elle rapporte. On en amenait aussi en
Assyrie et en Egypte, pour l'amusement des princes.
Voir t. H, fig. 547, 654, col. 1662, 2238. Ces animaux
ne s'acclimataient pas; il fallait les remplacer ou bien
ils disparaissaient complètement, comme cela eut lieu
pour ceux de Salomon. Il n'est pas possible de dire à
1787
SINGE
SION
1788
quelle espèce appartenaient ces derniers. On n'en trouve
ni en Palestine ni dans les pays voisins, bien que le
singe de Barbarie, inuus sylvanus, soit commun dans
la région de l'Atlas. Cf.Tristram, The natural History
of the Bible, Londres, 1889, p. 37. H. Lesêtre.
SÎNIM ('érés), contrée ainsi appelée dans Isaïe,
xlix, 10. Les Septante ont traduit Tlspaiî; la Vulgate,
de terra australi. Arias Montanus y a vu les
Chinois. Gesenius, Thésaurus, p. 948, a fortement dé-
fendu cette opinion; il fait remarquer que les Chinois
n'étaient pas inconnus en Egypte où l'on a trouvé des
vases à myrrhe avec inscriptions chinoises (fig. 394),
394. — Vases chinois trouvés en Egypte.
D'après Wilkinson, Manners, 2- édit., t. n, fig. 384, p. 153.
Rosellini, Monumenti delV Egitto, part, n, t. Il,
p, 337; Wilkinson, Manners and Customs of ancient
Egyptians, t. m, p. 108. Cette opinion trouve néan-
moins des contradicteurs. La raison principale qui
fait rejeter l'identification de érés Sinîm avec la Chine,
c'est que le nom de Tsin, d'où vient le nom de Chine,
est dérivé d'une dynastie qui n'a commencé à régner
qu'en 247 avant J.-C. et qui est par conséquent posté-
rieure de plusieurs siècles à Isaïe. Quelques exégètes
voudraient y voir Sin (Péluse) ou Syène, mais le texte
d'Isaïe parle d'une contrée et non d'une ville, et il
s'agit d'un pays plus éloigné que l'Egypte. Voir A. Kno-
bel, Jesaia, 1854, p. 364; J. Knabenbauer, Comment,
in Isaiam, t. n, 1887, p. 242.
1. SION (hébreu : $î'ôn; Septante : 2i)wv), un des
noms du mont Hermon ou d'un de ses pics. Deut., iv,
48. Voir Hermon, t. m, col. 634.
2. SION (hébreu : $iyôn; Septante : Eei'tov, Eeuôv et
St'uv, 2ct4v; on trouve dans l'Alexandrinus : Situ,
Is., xxxt, 9, et ,1er. , vin, 19; Nouveau Testament :
Stciv), nom primitif de la citadelle des Jébuséens, prise
par David. II Reg., v, 7; I Par/, xi, 5. Où faut-il, dans
l'ancienne Jérusalem, placer cette citadelle? C'est une
question qui a été vivement débattue, mais sur laquelle
aujourd'hui l'accord semble se faire de plus en plus.
Avant de l'exposer et de la discuter, nous avons à
rechercher d'abord le sens, l'emploi et les différentes
applications du nom.
I. Nom. — Le sens étymologique de l'hébreu, fisx,
Siyôn, n'est pas facile à déterminer. On en a donné
des explications plus ou moins compliquées. En somme,
« il y a deux façons d'envisager la forme jï»s : ou bien
comme une forme à terminaison on, ou bien comme
une forme qittdl d'une racine |>s. Dans cette dernière
hypothèse on pourrait recourir, étant donnée lacompé-
nétration des "iy et ">7,à la racine fis (sûn) qui existe
en arabe (^jya, sûn) avec le sens de « protéger ». Si
l'on recourt a une forme en on, il faut alors voir dans
p>ï un dérivé de la racine rvs, « être sec ». P. Dhorme,
Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 309. Il est pos-
sible encore que nous ayons là, comme pour millô",
II Reg., v, 9, un vieux mot chananéen dont la significa-
tion nous échappe. Quelle que soit l'étymologie de ce
nom, il est caractérisé dans la Bible par les deux mots
misa, mesûdâh, « citadelle », II Reg., v, 7; I Par.,
xi, 5, et in, har, « montagne », IV Reg., xix, 31;
Ps. xlvii (hébreu, xlviii), 3, etc. Mais il est impor-
tant de remarquer qu'il est employé tantôt dans un
sens topographique, tantôt dans un sens poétique,
religieux ou politique. C'est sous le premier rapport
surtout qu'on le trouve dans les livres historiques,
et il y est assez rarement mentionné, II Reg., v,
7; III Reg., vin, 1; I Par., xi, 5; II Par., v, 2;
I Mach., iv, 37, 60; v, 54; vi, 48, 62; vil, 33; x, 11;
xiv, 26. Il est, au contraire, fréquemment cité dans
les livres poétiques et prophétiques, avec le second
sens, à part certaines exceptions que nous aurons à
signaler, On le rencontre dans les Psaumes 39 fois,
dans Isaïe, 48, dans Jérémie, 32, etc. Il n'existe
cependant pas dans Ézéchiel, Daniel, Jonas, Nahum,
Habacuc, Aggée et Malachie. Au point de vue topogra-
phique, il désigne une colline de Jérusalem, dont nous
avons à chercher le site exact. Au point de vue reli-
gieux, il s'applique à la colline du Temple, « la mon-
tagne sainte », Ps., h, 6, sur laquelle Dieu est honoré
et prié, Ps. lxiv (heb. lxv), 2; Joël, n, 1, 15, sur
laquelle il réside, Ps, ix, 12; lxxih (heb. lxxiv), 2, il
se manifeste par la délivrance de son peuple, Ps. xm
(heb. xrv), 7, ou par le châtiment, Am., i, 2. Le nom
de Sion s'étend même à Jérusalem tout entière, où Dieu
habite en souverain, Is., x, 24; xxxm, 14, 20 etc., et
c'est ainsi que souvent les deux noms forment les
membres du parallélisme synonymique. De là les
expressions : « enfants de Sion », Ps. cxlix, 2; Joël, n,
23, « habitants de Sion », Is., xn, 6; Jer., li, 35, pour
« habitants de Jérusalem »; « filles de Sion », Is., in
16, pour « femmes de Jérusalem »; « montagnes de
Sicfi », Ps. cxxxn (héb. cxxxm), 3, pour l'ensemble
des collines sur lesquelles est bâtie la ville sainte.
Enfin Sion, représentant dans l'Ancien Testament
Jérusalem et le peuple de Dieu, figure dans le Nouveau
le royaume du Messie, l'Église chrétienne, qui combat
sur la terre et triomphe dans le ciel. Heb., xn, 22;
Apoc, xiv, 1. On voit comment ce nom, après avoir
primitivement désigné la forteresse des Jébuséens, a
pris peu à peu une signification très étendue. Il est
donc nécessaire de le dégager des sens dérivés, pour
rechercher l'emplacement exact de la citadelle.
II. Situation. — 1° État de la question. — Jusque
vers la dernière moitié du siècle dernier, conformément
à une tradition qu'on peut suivre à partir du IV e siècle
de l'ère chrétienne, on plaçait la citadelle et le mont
Sion sur la colline sud-ouest de Jérusalem, c'est-à-dire
celle qui est comprise entre Vouadi er-Rebabi à l'ouest
et au sud, et la vallée de Tyropœon à l'est. Voir Jéru-
salem, configuration et nature du terrain, t. m,
col. 1322, et le plan de Jérusalem ancienne, col. 1355.
Des palestinologues comme E. Robinson, Biblical
Researches in Palestine, 2 e édit., Londres, 1856, t. i,
p. 228;sq. ; A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres,
1866, p. 171, 177; V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889,
p. 193, et beaucoup d'autres ont admis cette opinion
que, pendant longtemps, on ne pensa même pas à con-
tester. Cependant, dès 1847, J. Fergusson cherchait le
mont Sion sur la colline du Temple, et T. Tobler,
Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. i, p. 44,
n. 1, traitait cette idée d'extravagante. En réalité, c'est
E. Caspari qui, le premier, en 1864, dans les Theol.
Sludien und Kritiken, p. 309-328, combattit systémati-
quement la croyance traditionnelle, pour lui substituai*
la théorie de Sion oriental. Cette dernière fut adoptée
ensuite par Riess, Biblische Géographie, p. 93, et Atlas,
pi. yi, Fribourg-en-Brisgau, 1872; le baron von Alten,
Zion, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
1789
SION
1790
Vereins, Leipzig, t. il, 1879, p. 18-47; Die Davidstadt,
der Salomoteich und die Grâber der Kônige in Jéru-
salem, dans la même revue, t. m, 1880, p. 116-176, etc.
On en est venu ainsi à placer Sion sur la colline d'Ophel,
le prolongement méridional du mont Moriah. Cette opi-
nion se répand de plus en plus en Allemagne, en
Angleterre et en France. Ses principaux défenseurs
sont : Klaiber, Zion, Davidstadt und die Akra inner-
halb des alten Jérusalem, dans Zeitschrift des Deut-
Pal.-Vereins, t. m, 1880, p. 189-213; t. iv, 1881, p. 18-
56; t. xi, 1888, p. 1-37; H. Guthe, Ausgrabungen bei
Jérusalem, dans la même revue, t. v, 1882, p. 271-377;
C. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem,
même revue, t. XVI, 1893, p. 237-246; Mùhlau, dans
Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums,
Leipzig, 1884, t. n, art. Zion, p. 1839; F. Buhl, Geo-
graphie des allen Palâstina, Fribourg-en-Brisgau,
1896, p. 133; W. F. Birch, The City of David, dans
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement,
Londres, 1885, p. 100-108, 208-212; 1888, p. 44-46;
A. H. Sayce, The Siloam inscription; the Topography
of prœ-exilic Jérusalem, dans Pal. Expl. Fund,
1883, p. 210-223; G. Perrot, Histoire de l'artdans Van-
tiquité, Paris, 1887, t. iv, p. 165; M.-J. Lagrange,
Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique,
1892, p. 17-38; P.-M. Séjourné, Revue biblique, 1896,
p. 657; 1897, p. 299-306; 1898, p. 125-126; Clermont-
Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, t. n,
1896-1897, p. 254-294; les Professeurs de Notre-Dame
de France dans leur guide La Palestine, p. 56-58;
D. Zanecchia, La Palestine d'aujourd'hui, trad. H. Do-
rangeon, Paris, t. I, p. 235-244. Cependant la thèse
traditionnelle a encore des partisans très convaincus,
qui lui ont consacré une ample défense : Soullier, Le
mont Sion et la cité de David, Tulle, 1895; K. Rùckert,
Die Lage des Berges Sion, avec plan, Fribourg-en-
Brisgau, 1898; G. Gatt, Sion in Jérusalem, avec deux
plans, Brixen, 1900; Barnabe Meistermann, La ville
de David, avec photographies et plans, Paris, 1905. —
Toute la question ici est de savoir quelle est l'opinion
la plus conforme aux données scripturaires et aux exi-
gences de la topographie. Nous croyons que c'est la
théorie de Sion-Ophel, pour les raisons qui suivent.
2» Sion = Cité de David. — C'est dans le II» livre
des Rois, V, 7, qu'il est pour la première fois question
de Sion. David, dès le - début de son règne, veut avoir
une capitale. Laissant Hébron, dont la situation ne
convient pas à cet effet, il entreprend la conquête de
Jérusalem. L'antique Urusalim, que les lettres d'El-
Amarna nous représentent, vers 1400 avant J.-C,
comme le centre d'un petit district, était restée, après
la prise de possession du pays par les Israélites, au
pouvoir des Chananéens. Sa position désavantageuse
au point de vue de la richesse du sol et du commerce
fait supposer qu'elle n'avait pas dû prendre de grands
accroissements. On peut se la figurer comme l'une des
cités fortifiées, Lachis, Mageddo, Ta'annak, dont les
découvertes modernes nous permettent d'apprécier la
superficie. Voir plus loin. Or donc, nous dit le texte
sacré, « David prit la citadelle de Sion (c'est la cité de
David), » H Reg., v, 7, et, plus loin, f 9, « puis David
habita dans la citadelle et on l'appela ville de David. »
Le même fait est raconté dans les mêmes termes
I Par., XI, 5, 7. L'expression « c'est la cité de David »
est évidemment une glose, destinée à montrer que
l'antique nom de la citadelle avaitété effacé par l'autre,
plus glorieux. On trouve l'inverse III Reg., vin, 1, où
Salomon veut a faire monter l'arche d'alliance de Jah-
véh de la cité de David (c'est Sion) ; » de même II Par.,
v, 2. Ici, l'auteur sacré a simplement pour but de rap-
peler l'origine de la cité davidique et du nom de Sion
qni avait, de son côté, illustré la colline du Temple et
la ville entière. Quoi qu'il en soit, l'identité de Sion et
de la cité de David ressort clairement de ces textes.
Or, la ville de David est fréquemment mentionnée
dans les livres historiques avec un sens précis; les
faits qui s'y rattachent, en nous révélant ce qu'elle fut,
peuvent nous guider dans nos recherches topographi-
ques. David, après s'y être bâti un palais, y fit trans-
porter l'arche d'alliance, et la plaça dans une tente
dressée pour la recevoir. II Reg., vi, 12, 17; I Par.,
xv, 1, 29; xvi, 1. C'est là qu'il eut son tombeau.
III Reg., n, 10. Salomon y amena la fille du pharaon,
qu'il avait épousée, jusqu'à ce qu'il eût achevé de bâtir
sa maison et le Temple, ainsi que le mur d'enceinte de
Jérusalem. III Reg., m, 1. Il la fortifia au prix de
grandes dépenses, et y fut enterré comme son père.
III Reg., xi, 27, 43. Ézéchias et Manassé y exécutèrent
également d'importants travaux de défense. II Par.,
xxxn, 30; xxxin, 14. Enfin, c'est cet endroit qui servit
de sépulcre aux rois de Juda. III Reg., xiv, 31; xv, 8,
24; xxn, 51, etc. — Dans ces passages et plusieurs
autres, l'Écriture distingue la cité de David de Jéru-
salem même. Ainsi, II Reg., v, 6-7, David, avec ses
hommes, marche sur « Jérusalem » contre le Jébuséen
qui habitait le pays, et il prend la citadelle de Sion,
qui est « la cité de David ». Il demeure dans la cita-
delle, appelée « ville de David », et il prend des
femmes à « Jérusalem ». II Reg., v, 9, 13. La fille du
pharaon est amenée dans « la cité de David » parce
que Salomon n'a pas achevé de bâtir son palais et le
mur d'enceinte de « Jérusalem ». III Reg., ni, 1. Salo-
mon rassemble près de lui à « Jérusalem » les anciens
d'Israël et tous les chefs des tribus, pour transporter
de « la cité de David », c'est-à-dire de Sion, l'arche
d'alliance du Seigneur. III Reg., vnr, 1. Nous avons
donc dans Sion = cité de David un quartier spécial
de la ville sainte. Où se trouvait-il ? Sur la colline sud-
est, et non sur celle du sud-ouest.
3° Arguments scripturaires. — A) Sion était plus
bas que la colline du Temple. David « monte », hé-
breu : vayya'al, pour aller sur l'aire d'Oman le
Jébuséen, emplacement fulur du Temple. II Reg., xxiv,
18-19. Salomon rassemble les chefs d'Israël pour « faire
monter », héb. leha'âlôt, l'arche d'alliance de la cité de
David sur la colline de Moriah ; le même verbe 'âlâh est
employé deux fois encore pour indiquer que les
prêtres « firent monter » l'arche. III Reg., vm, 1, 4.
Si le verbe hébreu n'indiquait ici qu'un « transport »
ordinaire, pourquoi n'aurait-on pas employé simple-
ment le mot vayydbi'û, comme au jf. 6, lorsqu'il ne
s'agit plus que de transporter l'arche à sa place? Nous
trouvons exactement les mêmes expressions II Par., v,
2, 5, 7. De même, Jer., xzvi, 10, les princes de Juda
« montent » de la maison du roi à la maison de
Jéhovah. Mais quand Joas est couronné roi, on le « fait
descendre », hébreu yôridû, forme hiphil de yârad,
« descendre », du Temple au palais. IV Reg., xi, 19.
Or, il est certain que la colline occidentale est plus
élevée que le mont Moriah, tandis que la colline
d'Ophel est plus basse.
B) La situation de Gihon ramène celle de Sion sur
la colline sud-est. C'est ce qui ressort de deux passages
historiques. Nous lisons II Par., xxxu, 30 : « Ézéchias
boucha la sortie des eaux de Gihon supérieur et les
dirigea par-dessous, à l'occident de la cité de David. »
On identifie aujourd'hui Gihon avec la Fontaine de la
Vierge, 'Ain Umm ed-Déredj, située sur le flanc orien-
tal d'Ophel. Voir Gihon, t. m, col. 239. Il s'agit donc
ici du canal souterrain de la piscine de Siloé. Voir
Siloé, col. 1729. Le II e livre des Paralipomènes, xxxilt,
14, nous dit également que Manassé « bâtit le mur
extérieur de la cité de David à l'occident de Gihon, dans
le torrent, et dans la direction de la porte des Poissons,
et autour d'Ophel, et il l'éleva beaucoup. » Malgré son
obscurité, ce texte nous montre encore Gihon en rap-
1791
SION
1792
port avec la cité de David. Voir Jérusalem, t. m
col. 1363.
C) La réparation des murs sous Néhémie, n, 11-m,
nous conduit à la colline d'Ophel. Voir, pour l'explica-
tion de ce passage, le plan de Jérusalem ancienne,
t. m, col. 1355. Les travaux commencent au nord-est
par la porte du Troupeau, et se continuent en allant
vers l'ouest à la porte des Poissons, puis la porte An-
cienne. On arrive ensuite, à l'ouest, à la tour des
Fourneaux, à la porte de la Vallée, et, au sud-ouest, à la
395. — L'Ophel. D'après Vincent, Canaan, pi. i-ii.
porte Sterquiline. On répare, au sud-est, la' porte de la
Fontaine, et le texte sacré ajoute, II Esdr., m, 15 :
« On fit en outre les murs de la piscine de Siloé, près
du jardin du roi, jusqu'aux degrés qui descendent de
la cité de David. » Après cela, on « travailla aux répa-
rations jusqu'en face des sépulcres de David et jusque
devant la piscine construite et jusqu'à la maison des
forts (hébreu : hag-gibbôrim). » II Esd., m, 16. « Aser,
fils de Josué, prince de Maspha, répara une autre sec-
tion, de devant la salle d'armes, vers l'angle. » f. 19.
Un autre travailla « vis-à-vis de l'angle et de la tour
qui est en saillie sur le palais royal d'en haut, et qui
est dans le parvis de la prison. » f. 25. Les réparations
se poursuivent «jusqu'à la porte des Eaux à l'orient et
à la tour en saillie,... depuis la grande tour en saillie
jusqu'au mur d'Ophel. » f. 26, 27. Enfin, de la porte
des Chevaux, on rejoignit la porte du Troupeau. Pour
les difficultés exégétiques de ces chapitres, on peut
voir H. Vincenl, Les murs de Jérusalem d'après
Néhémie, dans la Revue biblique, 1904, p. 56-70. Il est
impossible, en lisant cette description, de n'être pas
frappé de l'exactitude avec laquelle elle s'applique à la
colline sud-est depuis la porte de la Fontaine jusqu'à
la porte des Chevaux en y plaçant la cité de David.
Pour la partie méridionale de la colline, murs, piscine
de Siloé, escaliers, voir les fouilles de M. Bliss dans
Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1896, p. 298-
305; 1897, p. 11-26, 91-102, 173-181,' 260-268, avec
plans; cf. résumé et conclusions de P.-M. Séjourné dans
la Revue biblique, 1897, p. 299-306; 1898, p. 125. Pour
les tombeaux de David et des rois de Juda et pour le
tunnel-aqueduc de Siloé, voir le très curieux mémoire de
M. Clermont-Ganneau, dans son Recueil d'archéologie
orientale, t. h, p. 254-294. La piscine construite, hé-
breu : hâ'âsûyâh, doit être « la piscine de Salomon »
que Josèpbe, Rell.jud., V, IV, 2, mentionne auprès du
mur oriental et d'Ophel. Creusée au fond du Cédron,
elle était destinée à arrêter les eaux de la vallée, rece-
voir celles de Gihon et les déverser dans les jardins du
roi. La salle d'armes est l'arsenal indiqué par Isaïe,
xxn, 8; cf. IIIReg.,x, 17, où Salomon fait déposer dans
ft la maison de bois du Liban » les boucliers d'or et
d'argent portés par la garde royale. Enfin le parvis de
la prison est localisé par Jérémie dans la maison du
roi de Juda. Jer., xxxn, 2-12; xxxm, 1; xxxvn, 21;
xxxviii, 6-13; xxxix, 14.
Nous arrivons à la même conclusion en suivant les
deux chœurs qui font le tour des murailles, au jour
de la dédicace. II Esdr., xil, 31-40. Le point de départ
paraît avoir été la porte de la Vallée. « Le premier se
mit en marche du côté droit sur la muraille, vers la
porte Sterquiline;... et, à la porte de la Fontaine, ils gra-
virent droit devant eux les degrés de la cité de David,
par la montée de la muraille, vers le palais de David
et jusqu'à la porte des Eaux, à l'orient. » Le second,
marchant en sens opposé, à gauche, c'est-à-dire vers
le nord, rencontre l'autre du côté de l'est, et les deux
s'arrêtent dans la maison du Seigneur. — Ce double
récit de Néhémie est absolument incompréhensible si
l'on cherche Sion sur la colline occidentale.
D) Les Psaumes et les prophètes donnent au mot
Sion un sens un peu plus étendu, en l'appliquant à la
montagne du Temple, mais Sion reste encore sur la
colline orientale. Asaph, dans le Ps. lxxvii (hébreu,
lxxviii), 68-69, racontant les bienfaits de Dieu, s'écrie :
Il choisit la tribu de Juda,
La montagne de Sion qu'il aimait ;
H éleva comme les hauteurs son sanctuaire.
On cite surtout ce début du Ps.xlvii (hébreu, xlviii), 1-3:
II est grand, Jêhovah, et très digne d'être loué,
Dans la cité de notre Dieu,
Sa montagne sainte, belle dans son élévation,
Déh'ces de toute la terre ;
C'est le mont Sion, l'angle du nord,
La ville du grand roi.
L'expression yarkfê sâfôn, « les extrémités du nord »,
est une apposition à har Çiyôn, « la montagne de
Sion ». On peut discuter sur son sens exact; il est diffi-
cile cependant de l'appliquer à Jérusalem prise dans
son ensemble. Il s'agit ici d'une colline regardée comme
un lieu saint, qui frappe agréablement la vue par sa
hauteur, situé au nord. Il est naturel de penser à la
colline du Temple, revêtue d'une sainteté spéciale depuis
que l'arche d'alliance avait été transportée dans la mai-
son de Dieu. La colline occidentale n'est belle à voir
que du côté du sud, où elle s'élève d'une manière
abrupte du fond de la vallée. La colline orientale, au
contraire, couronnée au nord par le Temple, faisait
l'admiration du Psalmiste.
1793
SION
1794
Isaïe, vm, parle aussi de Jéhovah des armées « qui
habite sur la montagne de Sion. » Il montre, xviii, 7,
nn peuple mystérieux apportant des présents à Jéhovah
des armées, « au lieu où le nom de Jéhovah des armées
est invoqué, à la montagne de Sion. » Il distingue Sion
de Jérusalem, en disant, xxiv, 23, que « Jéhovah des
armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusa-
lem. » De même Joël, n, 32 (heb. ni, 5), annonce le sa-
lut « pour la montagne de Sion et pour Jérusalem. »
Cf.. Joël, il, 1; m, 17 (heb., iv, 17). — Conclusion : S'il
est vrai, comme nous l'avons dit, que, dans les livres
poétiques et prophétiques, le mot Sion a un sens étendu
qui s'applique à Jérusalem et à la communauté juive,
il est incontestable aussi que l'expression « mont Sion »
a un sens bien déterminé, et désigne la montagne où
Dieu habitait, la colline du Temple.
E) Du reste, s'il peut y avoir difficulté pour ces
livres, il faut s'incliner devant la clarté du I er livre des
Machabées, où le mont Sion est cité huit fois. Après
avoir battu Lysias à Béthoron, Judas s'empresse de pu-
rifier le Temple : « Alors Judas et ses frères dirent :
Voilà nos ennemis brisés; montons purifier les Lieux
saints (ta âvta) et en faire la dédicace. Tout le camp se
rassembla et ils montèrent au mont Sion (eîç ô'poçSitiv).
Et ils virent le sanctuaire (xb à-;ia<7^.a} désert, l'autel
profané, etc. » I Mach., iv, S6, 37. Pour ajouter eDCore
à la précision de ce texte, il est bon de remarquer ici
que les Machabées n'avaient pas reconquis la ville tout
entière ; les Syriens occupaient encore la citadelle ou
Acra, d'où ils menaçaient le Temple. C'est pour cela
que Judas et les siens, voulant se prémunir, « construi-
sirent autour du mont Sion de hautes murailles et de
fortes tours, afin que les gentils ne vinssent pas fouler
aux pieds les saints lieux, comme ils l'avaient fait au-
paravant. » I Mach., iv, 60. Après une campagne en
Ualaad, « ils montèrent sur le mont Sion avec joie et
allégresse, et ils offrirent des holocaustes, parce qu'ils
étaient heureusement revenus, sans perdre aucun des
leurs. » I Mach., v, 54. Les sacrifices nous ramènent
bien au Temple. Victorieux à leur tour, « ceux de l'armée
du roi montèrent vers Jérusalem à rencontre des Juifs,
et le roi établit son camp contre la Judée et contre le
mont Sion. » I Mach., vi, 48. Ce verset est expliqué
plus loin, jr. 51 : « Le roi établit son camp devant le
lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des
tours à balistes, des machines de guerre, etc. » C'est
donc le Temple qu'il assiégea, et où il entra : « Mais
le roi entra sur le mont Sion, et il vit la force du
lieu, et il viola le serment qu'il avait juré et donna
l'ordre de détruire les murailles toutautour. » I Mach.,
vi, 62. Les Syriens étaient ainsi maîtres du Temple et
de l'Acra. Aussi, vaincus par Judas à Capharsalama, les
soldats de Nicanor « se réfugièrent dans la cité de
David. Et, après ces événements, Nicanor monta au
mont Sion, et quelques-uns des prêtres sortirent du lieu
saint, accompagnés de plusieurs anciens du peuple,
pour le saluer amicalement et lui montrer les holo-
caustes qui étaient offerts pour le roi. » I Mach.,
vu, 32-33. A son tour, Jonathas « commanda aux ou-
vriers de reconstruire les murailles et d'entourer le
mont Sion de pierres carrées pour le fortifier. »I Mach.,
x, 11. Enfin, Simon, ayant définitivement conquis
Jérusalem, « fortifia la montagne du Temple, située
près de la citadelle. » I Mach., xm, 53. En reconnais-
sance de ses services et de ceux de ses frères, on grava
des tables d'airain « qu'on suspendit à des colonnes sur
le mont Sion. » I Mach., xiv, 27. Après en avoir donné
là copie, le texte sacré ajoute, f. 48 : « On décida de
graver ce document sur des tables d'airain, et de les
placer dans le péribole des Lieux saints. » Il est im-
possible de ne pas reconnaître dans ces récits des
Machabées la distinction entre la ville de Jérusalem
théâtre de la lutte, la cité de David ou Acra, occupée
D1CT. DE LA BIBLE.
jusqu'à Simon par les Syriens, et le mont Sion, empla-
cement du Temple.
4» Arguments topographiques. — Il ne faut pas
oublier ici qu'il s'agit d'une acropole chananéenne, qui
fut le noyau primitif de Jérusalem. Or, la colline sud-
est offre des avantages topographiques que n'a pas
celle du sud-ouest.
i° Beaucoup plus facile à défendre, elle possédait en
outre la seule source de Jérusalem; elle se rattache
nécessairement à l'ensemble des constructions élevées
par David et Salomon. Voir Jérusalem, Sous David et
Salomon, t. m, col. 135L-1357, où ces raisons sont
assez longuement développées.
2» Elle répond bien à l'idée que les découvertes ré-
centes nous donnent des anciennes acropoles et cités
"chananéennes. La grande objection qu'on fait généra-
lement contre l'emplacement de Sion sur Ophel porte
sur l'exiguité de la colline. C'est précisément là un des
caractères des anciennes villes, même dans leur déve-
loppement le plus considérable. « Et cette exiguité
impressionne bien autrement encore lorsqu'en remon-
tant les périodes historiques indiquées par les fouilles,
on se trouve en présence de l'aire tout à fait primi-
tive de la cité. L'observation a déjà été faite par
MM. Perrot et Chipiez, à propos des villes grecques
archaïques. La plus célèbre de toutes, grâce à la muse
d'Homère, Troie, dont les ruines ont été mises à jour
sur le coteau à'Hissarlih, eût tenu très à l'aise dans
certaine cour du Louvre. Il en va de même pour les
cités chananéennes, réduites, en somme, au rôle de
simples acropoles, avec néanmoins en chacune un
château plus fortifié qui constituait selon l'occurrence le
palais, le sanctuaire, et la citadelle. » H. Vincent,
Canaan, Paris, 1907, p. 27. Nous empruntons au même
auteur, ibid., n. 3, quelques chiffres qui permettent de
comparer Ophel aux antiques villes de Chanaan. La
superficie totale de Tell-el-Hésy (Lachis), évaluée
d'après le plan de FI. Pétrie, atteindrait à peu près
12 hectares; maisBliss montre que la ville proprement
dite, à l'angle nord-est, était moitié moins grande et
l'acropole n'excédait pas 65 mètres de côté. A TellZaka-
riyâ, la plus grande longueur du plateau est de 305 mè-
tres, sa largeur maxima de 152 m 50; mais la forme
triangulaire du plateau en réduit la superficie à 3 hec-
tares et demi tout au plus; dans cet espace, l'acropole
ne couvre qu'une aire de 60 mètres sur 37 en chiffres
ronds. Le plateau central de Ta'annak mesure 140 mè-
tres sur 110, et le plus grand développement de la ville,
mesuré sur le plan général, n'excède pas 300 mètres
sur 160, soit 4 hectares 80. La colline d'Ophel (voir
fig. 395) offre une superficie de 4 hectares et demi, en
calculant seulement l'esplanade supérieure déterminée
par le mur méridional du Haram, la ligne du mur
oriental retrouvée par MM. Warren et Guthe et les
premiers escarpements du rocher à l'ouest sur la val-
lée du Tyropœon. La Jérusalem primitive n'était donc
guère moins grande que Mageddo [Tell el-Mutesellim,
5 hectares 02) et on peut l'estimer plus grande que
Ta'annak,au moment le plus prospère de leur histoire.
L'argument principal des partisans de la colline sud-
ouest est la tradition. Depuis le IV e siècle, c'est là
qu'on place le mont Sion. Nous le reconnaissons. Mais
ce qu'ils appellent « la parole vivante » ne peut réduire
au silence « la parole écrite ». Il n'y a pas de tradition
qui tienne devant des textes bibliques aussi formels
que ceux dont nous avons donné l'interprétation.
Aucun d'eux ne peut s'appliquer à la colline en question,
qui d'ailleurs n'avait nul droit au titre de « montagne
sainte ». En supposant même, en effet, que David y
ait eu son palais, et que l'arche d'alliance y soit restée
temporairement, est-ce que ce séjour transitoire eût
suffi pour que les prophètes célébrassent la sainteté
spéciale du mont, en face de la colline du Temple, qui
V. - 57
1795
SION — SIS
1796
était devenue la demeure permanente de Dieu, un
foyer de sainteté pour tout le peuple? 11 est difficile
d'ailleurs de rattacher cette tradition à l'Ancien Testa-
ment, alors que, depuis les Machabées, le nom de
Sion est resté dans l'oubli ; on ne le trouve pas dans
Josèphe;leNouveau Testament ne l'a que dans les cita-
tions de l'Ancien. Enfin il est aisé de comprendre que
la tradition chrétienne l'ait appliqué à la colline du
Cénacle, berceau de l'Église, théâtre des manifestations
divines, comme la colline orientale avait été le centre
de l'Église juive. Il y a donc ici déviation plutôt que
falsification, en ce sens qu'on a transporté le nom
ancien sur un lieu nouveau en l'appliquant à une
situation nouvelle. A. Legendre.
SIOR (hébreu Si'ôr; Septante : Erâp6; Alexandri-
nus : Siiip), ville de la partie montagneuse de la tribu
de Juda. Jos., XV, 54. C'est probablement le Sa'ir
actuel. V. Guérin, Judée, t. m, p. 150-151, dit que ce
village, de quatre cents habitants, « s'étend dans une
vallée et sur les flancs d'une colline... [Il] porte des
traces évidentes d'antiquité. Dans les flancs d'une
montagne voisine, je remarque plusieurs beaux tom-
beaux creusés dans le roc; ils sont précédés d'un petit
vestibule dont la porte est cintrée... Ils servent encore
aux habitants de Sa'ir à y enterrer leurs morts. »
Une mosquée du village renferme un tombeau vénéré
sous le nom de tombeau d'Ésaù, sans doute parce
qu'on a confondu faussement Sa'ir avec le mont Séir
où s'établit Ésaû. Sa'ïr est à deux heures au nord-est
d'Hébron sur la route de cette dernière ville à Thécué.
Voir Van de Velde, Memoir to accompany the map of
the Holy Land, Gotha, 1858, p. 355; Ed. Robinson, Bi-
blical Besearches in Palestine, 2 e édit., 1. 1,1856, p. 488.
SIRA (hébreu : has-Sirâh; Septante : ô Eeeipctu.),
puits près duquel se trouvait Abner partant d'Hébron,
lorsque Joab le fit rappeler traîtreusement pour le
tuer. II Reg (Sam.), m, 26. D'après Josèphe, Ant. jud.,
VII, i, 5, il était à vingt stades ou une heure de
marche au nord d'Hébron. Plusieurs voyageurs mo-
dernes l'identifient avec 'Aïn Sarah, à deux kilomètres
au nord d'Hébron, un peu à l'ouest de la route de Jé-
rusalem. Son nom arabe moderne « signifie, comme le
nom hébreu, retiré, parce que le puits, dit Conder,
Tentivork in Palestine, t. I, p. 86, est au-dessous d'un
arceau en pierre à l'extrémité d'une petite allée en
murs de pierre et est ainsi à l'écart de la grande
route. » Cette identification est cependant contestée
et n'est pas universellement admise. Voir Palestine
Exploration Fund, Memoirs, t. m, p. 314.
SIRACH (hébreu : N-i>D,'Sïrà'; grec : Seipix), père
eu grand-père de Jésus ou Josué, surnommé Ben
Sirach, auteur de l'Ecclésiastique. Eccli., l, 29 (hébreu,
27); li, 1. On n'a aucun détail sur son histoire. Voir
Ecclésiastique, t. n, col, 1543, 1544.
SIRÈNES (Septante : Ssiprjveç; Vulgate : Sirènes). Ce
mot a été employé par une fausse identification dans
la version des Septante et dans celle de saint Jérôme,
mais non pour traduire le même mot hébreu. En grec
il répond, Is., xm, 21, à l'hébreu benôf ya'ânâh, l'au-
truche, voir t. i, col. 1279-1280; dans la Vulgate, j. 22,
à tannim un des noms du chacal. Voir t. n, col. 474.
Les Grecs et les Latins plaçaient les Sirènes qu'on
trouve pour la première fois décrites dans l'Odyssée
d'Homère, entre Caprée et la côte d'Italie. Ces êtres
fabuleux étaient censés avoir un corps de femme jus-
qu'à la ceinture et au-dessous la forme d'un oiseau
(fig. 396), ou bien une tête de femme sur un corps
d'oiseau. Elles avaient été transformées par Cérès en
monstres marins et elles attiraient par la douceur de
leur chant les voyageurs imprudents, qui se noyaient à
leur poursuite dans les flots. Cette fable, très populaire
en Grèce et dans l'Italie méridionale, avait porté les
396. — Une Sirène. D'après une figure antique.
anciens traducteurs à voir des êtres analogues dans les
animaux sauvages énumérés, Is., xm, 21-22, dont ils
ignoraient la véritable identification.
SIRIUS, étoile fixe, la plus brillante du ciel, faisant
partie de la constellation du Grand Chien. — Les
Égyptiens la nommaient Sopdit (Sothis),etla représen-
taient, en compagnie d'Orion, sous la figure d'une déesse
debout, le sceptre en main et le diadème sur la tête,
ou sous celle d'une vache portant entre ses cornes une
étoile brillante. Voir t. iv, fig. 494, col. 1891. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i, p. 96, 97. Dans le Poème de la
création, v, 82, le nom de kakkabu qaêtu, « étoile de
l'arc », désigne Sirius, comme l'ont démontré les calculs
astronomiques d'Epping, dans Die Keilinschriften und
das A. T., 3 e édit., p. 426. Df. Dhorme, Choix de textes
religieux, Paris, 1907, p. 63. — Sirius n'est pas nommé
dans la Sainte Écriture, ce qui a lieu d'étonner, étant
donnée la splendeur sans égale de cette étoile. Mais
Stern, dans Je Geigers Jûd. Zeitschrift, 1865, p. 258,
et Hoffmann, dans le Zeitschrift fur die altestestam.
Wissenschaft, t. m, p. 107, pensent que le mot kîmdh,
qui désigne les pléiades pour les anciens et la plupart
des modernes, voir Pléiades, col. 464, pourrait être le
nom de Sirius. Ce nom ne peut se rapporter à Ja fois
aux Pléiades et à Sirius, car la constellation du Grand
Chien, dont fait partie Sirius, et celle du Taureau, à
laquelle appartiennent les Pléiades, sont séparées par
la constellation d'Orion. Ce qui détermine à garder le
sens des anciens, c'est que, d'une part, kimâh est joint
à deux autres noms de constellations, Job, IX, 9, et que,
d'autre part, il est supposé que klmâh est serré par
des liens, Job, Xxxvm, 31, ce qui convient beaucoup
mieux à une constellation qu'à une étoile. L'étymologie
de kîmdh, qu'on fait venir d'un radical kûm, « rassem-
bler », conduit à la même conclusion. Cf. Frz. Delitzsch,
Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 127, 500.
H. Lesêtre.
SIS (hébreu : ma'âléh has-Sis; Septante : àvi6a<rtç
'Adffeiç), montée qui s'élève de la plaine de la mer
Morte près d'Engaddi jusqu'au plateau qui forme le
désert de Juda. Voir Juda, carte, t. m, vis-à-vis
col. 1755. Les Moabites, les Ammonites et les Maonites,
s'étant réunis, pour piller Juda, à Engaddi, en contour-
nant la mer Morte, se préparaient à envahir le terri-
toire du roi Josaphat par la montée de Sis. II Par., xx,
16. C'est encore par ce passage que les Arabes marau -
1797
SIS
SISTRE
1798
•deurs envahissent aujourd'hui la Palestine du côté de
Thécué. Ils contournent la mer Morte par le Sud, re-
montent jusqu'à Aïn Djidi (Engaddi) et de là gravissent
la montée pour aller à Thécué. Robinson, Biblical Re-
searches in Palestine, 1856, t. i, p. 508. Le passage de
Sis, quoique très raide est toujours fréquenté. Tristram,
Land of Moab, p. 41. Le plateau, au-dessus de la
montée, appelé aujourd'hui el-Husdsah, conserve, pro-
bablement, un souvenir du nom antique. Du temps de
Josaphat, le roi et ses troupes n'eurent qu'à constater le
désastre des alliés qui s'étaient battus les uns contre
les autres. II Par., xx, 1-30.
SISA (hébreu : Sîsd; Septante : SyjSâ), père d'Éli-
horeph et d'Ahia, scribes ou secrétaires du roi Salo-
mon. III Reg., lv, 3. Son nom est écrit Susa I Par.,
xvni, 16, d'après certains commentateurs qui pensent
que le Susa, scribe de David d'après IPar., xvm, 16,
est le même que le père d'Élihoreph et d'Ahia. Voir
aussi Siva.
SISAI, nom d'un Énacite et d'un Israélite, dans la
Vulgate. Leur nom a une orthographe un peu différente
en hébreu.
1. SISAI (hébreu : Sêêaï; Septante : Sêdcrf), géant,
le second des trois fils d'Énac qui habitaient Hébron et
qui furent tués par Caleb, fils de Jéphoné. Num.,xin,
23. Son nom est écrit Sésaï, Jos., xv, 14; Jud., i, 10.
Voir Sésaï, col. 1684.
2. SISAI (hébreu : &<Maï; Septante : Seuei), Israé-
lite, « fils de Bani », qui avait épousé une femme étran-
gère et qui la renvoya du temps d'Esdras. I Esd., x, 40.
SISAMOI (hébreu : Sismâï ; Septante : 2o<rou.oci),
fils d'Élasa et père de Sellum, de la tribu de Juda et de
la descendance de Jéraméel par Sésan. I Par., h, 40.
1. SISARA (hébreu : Sîsrd' /Septante : Si<râpa),chef
■de l'armée de Jabin, roi de Chanaan. Voir Jabin, t. m,
col. 1055. — Jabin opprimait Israël depuis vingt ans.
Ses neuf cents chars de fer étaient commandés par
Sisara, qui résidait à Haroseth des nations. Voir Haro-
seth, t. m, col. 433. Lorsque Barac, accompagné de
Débora, se mit en marche avec 10000 hommes {pour
délivrer son peuple, Sisara, informé de ce mouvement,
rassembla ses chars dans la vallée du Cison. Mais il
fut mis en déroute par les guerriers de Barac et dut
quitter son char pour s'enfuir à pied, pendant que
toute son armée était exterminée. Il se réfugia dans la
tente de Jahel, femme de Héber le Ginéen, qui sembla
l'accueillir avec bienveillance, le couvrit d'un manteau
et lui donna du lait à boire. Mais pendant qu'il dormait
profondément, accablé de fatigue, Jahel prit un pieu de
la tente et, à l'aide d'un marteau, le lui enfonça dans
la tempe. Barac survint alors et elle lui montra le ca-
davre de son ennemi. Jud., iv, 2-22. Dans son cantique,
Débora dit que les étoiles ont combattu contre Sisara,
•c'est-à-dire que le ciel a pris parti contre lui. Elle
décrit ensuite l'exploit de Jahel, et montre ironiquement
la mère de Sisara attendant son fils et s'imaginant qu'il
préside au partage des dépouilles. Jud., v, 20, 24-30. Au
Psaume lxxxiii (lxxxii), 10, la fin de Sisara est rappelée.
H. Lesètre.
2. SISARA (hébreu : Sîsrd; Septante : Sicrâpa), chef
-d'une famille de Nathiaéens. Cette famille retourna de
la captivité de Babylone en Pal estine avec Zorobabel.
I Esd., h, 53; II Esd., vu, 55.
SISTRE (hébreu : mena'an'im ; Septante : <reï(rcpov),
instrument de percussion consistant en un cerceau de
métal (on de bois), allongé en fer à cheval, fixé à un
manche et traversé horizontalement de verges mobiles
en métal retenues dans leurs trous par les extrémités
recourbées. Ces baguettes, souvent au nombre de trois,
pouvaient être aussi de grosseurs diverses, afin de
produire ensemble un plus grand nombre de vibra-
tions différentes ou de multiplier les timbres, lorsqu'on
les secouait ou qu'on les frappait d'un bâtonnet d'airain.
On les garnissait quelquefois d'anneaux ou de sonnailles
en métal. 1° le mot mena 'an'ïm se lit une seule fois
dans la Bible, II Sam. (Reg.) vi, 5 : [En avant de l'Arche,]
David ettoule la maison d'Israël se réjouissaient avec...
des harpes, et des nables, et des tambourins, et des
mena'ane'îm et des cymbales. Vulgate : in sistris.
Les Septante omettent la traduction de ce mot, mais
ajoutent xa\ èv aùXoï;. Théodotion et Symnaque tra-
duisent (jstarpo'.ç. Le mot hébreu a pour racine »>i
« secouer, agiter », comme ceîiiTpov provient de asiu>,
« agiter, secouer ». Le sistre était l'instrument favori
397. — Sistres égyptiens.
Musée du Louvre et British Muséum.
des Égyptiennes. Tambourins ou sistres accompa-
gnaient, comme les autres instruments de percussion,
la danse et les chants. Wilkinson, Manners and cus-
toms, t. h, p. 323, 325. D'Egypte il passa en Italie avec
les mystères d'Isis. Les représentations du sistre sont
nombreuses sur les monuments de l'Egypte, non tou-
tefois sur les plus anciens. Voir fig. 397-401.
2° La Vulgate a rendu aussi par sistre l'instrument
de percussion appelé dans l'hébreu : SdlU, I Sam.
(Reg.), xvm, 6 : « Comme David revenait de la déroute
des Philistins, les femmes de toutes les villes d'Iraël
sortaient en chantant et en dansant, pour recevoir le
roi Saûl, avec des tambourins, des cris de joie et des
sâlisim (triangles [?]). Vulgate : in tympanis Isetitise et
in sistris. Septante : lv t-jUTiavocç, xai èv y<ip\j.o<rivy,
xai èv xv>|i6<xXot«. La racine liStf, t trois *, montrerait
que le nom de l'instrument était tiré soit de sa forme
(c'est ainsi que les Syriens appellent rëbi'â le tambou-
rin t carré »), soit du nombre des pièces dont cet
instrument était composé. Le triangle oriental, dont
provient le nôtre, était fait de fer ou de cuivre, et par-
fois chargé d'anneaux ou de pièces de métal sonore.
On le frappait d'une baguette métallique ou on Ië
secouait comme le sistre. Il convient de noter que le
triangle, comme instrument de musique, n'a pas été
1799
SISTRE — SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE
1800
trouvé encore sur les monuments, quoique toutes les
espèces d'instruments bruyants de percussion tiennent
une grande place dans les manifestations musicales de
l'Orient antique et moderne. J. Parisot.
SITNAH, nom donné par Isaac à un puits creusé par
ses bergers dans la vallée de Géram. Voir Inimitiés (nom
par lequel la Vulgate traduit l'hébreu), t. m, col. 877.
SI VA (hébreu .: Seyâ'; kerî : Sevd'; Septante :
Souo-dc), scribe ou secrétaire du roi David. II Sam. (Reg.),
xx, 25. Ailleurs, il est appelé Saraïas. II Sam., vin, 17.
On l'identifie aussi avec Sisa, III Reg., rv, 3; et Susa,
I Par., rvm, 16. Voir ces noms.
notes de P. Milante, dominicain, 2 in-f°, Naples,
1742. Cette Bibliothèque est divisée en huit livres :
1° division et autorité des Écritures ; 2° index historique
et alphabétique; 3» interprétation des Livres Saints;
4° liste alphabétique des interprètes catholiques;
5° herméneutique (publiée aussi séparément sous ce
titre : Ars interpretandi Sacras Scripturas absolutis-
sima, Cologne, 1577) ; 6» et 7° dissertations exégétiques;
8° apologie des Écritures.
SIZA (hébreu : Sizâ' ; Septante : SacÇà), de la tribu
de Ruben, père d'Àdina. I Par., xi, 42. Adina fut un
des plus vaillants chefs des soldats de David. Voir
Adina, t. i, col. 218.
398. — Champollion,
Monuments, t. ni, pi. 215.
398-401. — Personnages égyptiens avec sistres.
399. — Champollion, 400. — Lepsius, Denkmaler,
Monuments, t. n, pi. 197. t. iv, pi. 64.
401.
Lepsius, Denkmàler,
t. m, pi. 245.
SIVAN (hébreu : Sivàn; Septante : Seiouo).), troi-
• sïème mois de l'année hébraïque, comprenant trente
jours. Il commençait à la nouvelle lune de juin et finis-
sait à la nouvelle lune de juillet. Il est nommé deux
fois dans l'Écriture. Esth., 7111, 9 (Vulgate : Siban);
Baruch,i,8.Les Septante, dans Esther, au lieu «du troi-
sième mois qui est appelé Sivan, » portent oc du pre-
mier mois,du mois de Nisan. » Voir Calendrier, t. 11,
col. 66.
SIXTE DE SIENNE, juif italien converti au catho-
licisme, né à Sienne en 1520, mort à Gênes en 1569. Il
embrassa le christianisme et entra chez les cordeliers,
mais il les quitta et apostasia, ce qui le fit enfermer à
Rome dans les prisons du Saint-Office. Il fut condamné
à être brûlé, mais le commissaire général du Saint-
Office qui devint depuis le pape saint Pie V le conver-
tit, obtint sa grâce et le fit recevoir dans l'ordre de
saint Dominique. Ses prédications eurent beaucoup de
succès en Italie. On a de lui un ouvrage qui jouit long-
temps d'une grande réputation : Bibliotheca sanota ex
praecipuis catholicss Ecclesise auctoribus collecta, Ve-
nise, 1566, souvent réimprimé, entre autres, avec les
SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Sous la
dénomination de « Slaves » on comprend les peuples,
dont la langue appartient à la même famille des langues
'< slaves ». Le siège des Slaves primitifs était au sud de
la Russie. La langue commune des Slaves primitifs
n'est pas connue. Les Slaves n'ont pas une langue litté-
raire commune, mais on doit distinguer chez eux des
dialectes plus ou moins différents. — La langue, dite la
vieille slave (palaioslavica), n'est pas la mère des
langues slaves, mais leur sœur. Au temps des saints
Cyrille et Méthode, cette langue était la langue vivante
des Slaves aux environs de Salonique et de Byzance.
Elle était la langue littéraire de plusieurs peuples
slaves, mais elle est devenue une langue morte, conser-
vée dans la liturgie et dans les livres liturgiques. La litté-
rature biblique commence chez la plupart des peuples
slavesavecl'évangélisation des saints Cyrille et Méthode.
I. Saints Cyrille et Méthode. — Ces deux saints
furent les apôtres des Slaves et les fondateurs de leur
littérature ecclésiastique et nationale. Constantin, qui
reçut le prénom de Cyrille, était le plus jeune de sept
enfants d'un sous-chef militaire grec (droungarios),
Léon, né à Salonique en 826 ou 827. Méthode était
1801
SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE
1802
son aine. Salonique (Thessalonique) était alors habitée
par des Grecs, mais ses environs étaient remplis de
Slaves, et les deux frères purent apprendre la langue
slave dans le pays. Constantin fut élevé à Constanti-
nople, où il fut disciple de Photius et où il enseigna
plus tard la philosophie. Méthodius, son frère, avait été
probablement tout d'abord occupé dans l'administra-
tion d'une province habitée par les Slaves (du pays
Strymon, à ce qu'on croit, en Macédoine). Plus tard il
se retira dans un couvent sur le mont Olympe en Bi-
thynie, où son frère Constantin le suivit. En 860 environ
l'empereur grec envoya Constantin en mission extraor-
dinaire aux Khazares de la Crimée et du Nord de la
mer Noire. Il eut son frère pour compagnon. Là ils
travaillèrent à la conversion de Khazares juifs au
christianisme. Constantin trouva à Cherson, dit-on,
un Psautier et les Évangiles, écrits en lettres russes
(peut-être en langue des Varingues-Varyagues?). A
son retour, Cyrille (c'était le nom qui fut donné à
Constantin) demeura à Constantinople ; Méthode devint
higoumène (supérieur) du couvent de Polychrom sur la
côte d'Asie. En ce même temps l'empereur Michel
reçu ta Constantinople une légation du prince Rostislave,
venant de la Moravie pour lui demander des maîtres,
qui pussent enseigner la foi aux Moraves (qui étaient
déjà chrétiens) en langue du peuple. L'empereur
Michel y envoya Cyrille et Méthode, qui savaient le
Slovène. Cyrille donna aux Moraves l'écriture nom-
mée glagolitique, d'après l'écriture cursive grecque
de cette époque. Jusqu'alors les Slaves n'avaient pas
d'écriture propre. Saint Cyrille traduisit aussi les
leçons évangéliques, dont on fait usage dans la liturgie.
On peut présumer qu'ils ont apporté à la Moravie l'évan-
géliaire (leçons des dimanches, à partir de Pâques) en
langue slave ou Slovène de Salonique. Les documents
palseoslovènes nous présentent la langue dans un état
développé. Mais le dialecte de la Moravie ou de la
Pannonie, pays où les deux saintsont travaillé, n'avait pas
encore d'expressions pour les idées religieuses chré-
tiennes ; Cyrille et Méthode les exprimèrent très bien
selon -le grec; on n'y trouve aucune influence de la
Vulgate. 11 y a là quelques mots d'origine occidentale,
par exemple oltar, post, komokati (communicare, com-
munier), mais vraisemblablement on les y a ajoutés
plus tard.
Les Moraves avaient certainement leur dialecte
propre, mais ils pouvaient cependant comprendre la
langue des saints apôtres, parce qu'on peut bien sup-
poser que les dialectes slaves de ce temps-là n'étaient
pas encore très différents.
On ne connait pas sûrement quels furent les livres
de l'Écriture traduits par saint Cyrille et saint Méthode.
Ils traduisirent peut-être Yhorologion (c'est-à-dire le
Psautier avec la leçon journalière et les oraisons),
•et Yeuchologion (leçons du Nouveau Testament) en
langue palseo-slovène et ils disposèrent les quatre Évan-
giles selon l'évangéliaire.
En 867, les saints frères firent un voyage à Rome. Le
pape Hadrien les reçut avec une grande solennité.
Méthode et ses disciples y furent ordonnés prêtres.
Cyrille y mourut en 869 (14 février).
Méthode, étant revenu une deuxième fois à Rome, y
fut consacré évéque de Pannonie et de Moravie. De
retour en Moravie, il y mourut en 885, (le 6 avril).
D'après une tradition, saint Méthode traduisit toute la
Rible du grec en langue palaeo-slovène, excepté les livres
des Machabées. On ne peut l'établir par des arguments
décisifs. Le Nouveau Testament : les Évangiles, l'Apôtre
(c'est-à-dire Actes et Epitres) étaient pour la liturgie
plus importants que l'Ancien Testament; on peut
supposer que les livres du Nouveau Testament ont été
traduits avant l'Ancien. De ce dernier on traduisit
d'abord les leçons des heures et des épitres du missel.
Les Psautiers conservés en langue vieille-slovène,
présentent un texte très ancien, pareillement aussi les
parties du Pentateuque et des prophètes, contenues
dans le parimeynik, un livre composé des leçons
bibliques. Le livre de Job, les Proverbes, l'Ecclésiasle
sont aussi anciens. Le livre de Josué, les Juges, Ruth,
le Cantique et les Rois sontplus récents. Quand Gennade
au xv« siècle chercha à faire la collection de tous les
livres en une Bible vieille-slovène, il ne trouva pas
d'autres livres que ceux qui viennent d'être nommés.
II. Les documents pal^eo-slovènes de la. Bible de
la récession la plus ancienne. — Voici les documents
palaeo-slovènes bibliques conservés, écrits en glago-
litique :
1. Tetraevangelium de Zographe. — Écrit en 304
feuilles, dont les feuilles 41-57 sont d'une origine plus
récente. Ce document peut être de la fin du X e ou du
commencement du XI e siècle. Ce manuscrit était à Zo-
graphe, au couvent du mont Athos ; en 1860, il est donné
au tzar et on le conserve à la bibliothèque impériale
de Saint-Pétersbourg. — I. I. Sreznevski en a édité quel-
ques parties en un livre dans lequel il a assemblé les
plus anciens documents glagolitiques : Drevnie gla-
goliceskie pamatniki, Saint-Pétersbourg, 1866 (p. 115-
157). Jagié a édité tout le manuscrit en lettres cyril-
liques : Quattuor evangel. Codex glagoliticus olim
Zographensis notis criticis, prolegomenis, appendi-*
cibus auctum, Berlin, 1879, 176 p.
2. Codex Marianus. — Écrit en 471 feuilles. Ainsi
dénommé, parce qu'il se trouvait au couvent de Marie
à Athos. Grigorovic le transporta à Odessa; à présent
il est au musée de Rumiantzov à Moscou. Il contient
les quatre Évangiles copiés d'un original du meilleur
temps de la littérature bulgare palœo-slovène du
X e siècle. Janië a édité ce Tetraevangelium en lettres
cyrilliques : Quatuor Evang. conversiones palseoslo-
venicx, Berlin, 1883, 607 p.
3. Psautier du mont Sinaï. — En 117 feuilles, sur la
dernière on trouve le Psaume cxxxvu e ; le reste est
perdu. L'archimandrite Porphyre l'a trouvé au couvent
du Sinaï en 1850. Geitler l'a édité à Zagreb en 1882 en
lettres cyrilliques.
4. L'Évangéliaire d'Assémani. —En 159 feuilles. Ce
manuscrit contient les évangiles des dimanches et peut
être considéré comme le plus ancien. Assemani l'a
trouvé à Jérusalem en 1736; à présent il est conservé
au Vatican. Racki l'a publié à Zagreb, en 1865, en gla-
golitique; Crncic l'a publié en lettres latines en 1878,
à Rome.
5. Les Fragments glagolitiques de Kiev du xi« siècle
(publiés par Jagië dans Glagolitica, Vienne, 1890) et
le fragment de Vienne. Ils contiennent quelques orai-
sons liturgiques, formulaires de messes (de saint
Clément, des Apôtres) du rite latin. Les textes de la
Bible (par exemple, Rom., xm, 11-14 ; xiv, 1-4, etc.)
sont empruntés aux versions Slovènes faites du grec.
— Les fragments de Prague contiennent l'office du
vendredi-saint; ils sont de la recension tchèque-slo-
vène (pannono-slovène).
III. Documents pal^o-slovènes bibliques en lettres
cyrilliques. — 1. évangile de Sabbas (Sava). C'est
l'Évangéliaire du prêtre Sabba, écrit en 129 feuilles.
Il est gardé à la bibliothèque synodale à Pétersbourg.
Publié par Sreznevski dans le Drevnie slav. pamat-
niki, Pétersbourg, 1868 (1-154); JagiË a recensé cette
publication, Archiv fur slavische Philologie, t. v,
p. 580-612. — 2. Évangile de V. M. Vndolski; il n'y a
que deux feuilles, fragments d'un Évangéliaire,
comme le sont aussi l'Évangile de Novgorod, I'jiv. de
Tyrnovo, lePsautier de Sluk. Publiés par SreznevskL —
3. Évangile de Reims du xi-xii e siècle; publié par
Silvester à Paris 1843 et de nouveau en 1899. C'est un
évangéliaire. — 4. Parimeynik du Grégorovic du
1803
SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE
1804
xn e siècle, publié et comparé avec d'autres parimeyniks
par Brandt 1894 dans un journal russe (Ctenie v obsc.
istorii). — 5. Codex de Cristinopole (couvent de
basiliens en Galicie) ou de Galicie, du xn« siècle (à
présenta Léopol); il contient les Actes et les Épltres.
Publié par Kaluzniacki.
IV. RECENSION RUSSE DES LIVRES BIBLIQUES EN PAL.EO-
slovéne. — Les documents palseo-slovènes de la recen-
sion russe sont écrits en caractères cyrilliques. Les
copies des livres particuliers ou de la collection de
livres bibliques ont été faites d'après le texte des
parimeyniks ou d'après la version commune palaeo-
slovène de la Bible. On trouve des corrections et des
changements de mots, qui sont ou le travail d'un ré-
dacteur, ou celui d'un nouvel interprète.
Lebëdëv a comparé le texte Slovène du livre de Josué
selon les versions des xiv-xvn e siècles et il y a trouvé
quatre rédactions d'après lesquelles on a copié ce livre.
Voir V. Lebëdëv, Slavjansky perëvod knigi Jisusa
Navina, Saint-Pétersbourg, 1890. Jevsëjev a trouvé dans
Isaïe un texte, qui correspond au texte du parimeynik
et un texte tout à fait différent de la version vulgaire
de ce livre. Voir J. Jevsëjev, Kniga proroka Isaia v
dre vnëslavjanskom perêvodé,i897 . Voskresenskij a étu-
dié en manuscrits de l'Évangile de saint Marc (et Épi très)
des xi e -xvi e siècles quatre rédactions du texte palaeo-
slovène. Voir G. A. Voskresenskij, Evangelia ot
Marka, 1894, Charakt. Zerty cetyrech redakcij slavj.
perevoda evang. ot Marka. — Le texte le plus ancien
des Évangiles se trouve dans le Tetraevangelium
d'Ostromir (1056; publié par Vostokov 1843, phototyp.
1883), de la Galicie (1144; publié par Amphilochij, Mos-
cou, 1882-1883, en 3 vol.). Le texte le plus ancien de
l'Apôtre (Hpîtres et Actes) représente un manuscrit de
l'année 1220. La dernièïe rédaction pourrait être vue
dans les manuscrits de la bible synodale de Moscou
(n. 1-3), quoique un autre les place au temps le plus
ancien.
Tous les livres bibliques de l'Ancien et du Nouveau
Testament (avec les deutérocanoniques et II. Esd. apo-
cryphe) sont réunis en langue palseo-slovène à la fin
du XV e siècle dans la Bible, nommée de Gennadios
{1499). Antérieurement on ne trouve pas une Bible
slave complète. L'archevêque de Novgorod, Gennadie,
ne trouva pas dans les anciens manuscrits tous les
livres bibliques en palseo-slovène et il eut soin de faire
traduire les livres, ceux qui manquaient, et de com-
pléter ainsi toute la Bible Slovène. L'ordre des livres
dans la Bible de Gennade est celui de la Vulgate. Le
texte des livres de Moïse et des prophètes s'accorde
avec le texte des parimeyniks; il est ancien et assez
bien conservé, Les livres de Josué, Juges, Ruth pré-
sentent un texte plus récent, un peu différent des
livres des Rois. Job est assez ancien, autant que les
Proverbes, l'Ecclésiaste et le Cantique. Les livres
des Paralipomènes, les quatre livres d'Esdras, Tobie
et Judith ont été traduits pour la Bible de Gen-
nade en langue palseo-slovène de la Vulgate. Dans
Esther les premiers 9 chapitres sont traduits du texte
grec, les autres de la Vulgate. Le livre de la Sagesse
est de la Vulgate, l'Ecclésiastique en partie du grec
en partie du latin; les livres des Machabées sont de la
Vulgate. Voir : Gorskij et Novostrujev, Opisanie slavj
rukopisej Moskov. synod. bibliolheki, 1885. Aussi :
S. Solskij, Obozrënije trudov po izuëenije Eiblii v
Hossii (en Pravosl. obozrënije, 1869).
Peut-être tous les livres de la Bible sont traduits en
palaeo-slovène avant le xv« siècle, mais quelques-uns
furent perdus dans la dévastation tartare, qui n'a rien
épargné. On envoya aux xiv e et xv" siècles quelques
hommes à Constantinople pour qu'ils y traduisissent
la sainte Bible. Du temps du métropolite Philippe
(+1474), un Hébreu baptisé, dont le nom était Théodore,
traduisit le Psautier et Esther de l'hébreu; on dit qu'il
traduisit aussi le Pentateuque et les Prophètes.
Le métropolite Alexis de Moscou a corrigé à Cons-
tantinople le Nouveau Testament en palaeo-slovène en
1355. Son manuscrit est gardé au couvent de Saint-Ar-
change à Moscou. (Publié par l'archim.Amphilochie et
Lëontëv, 1892.) Amphilochie a écrit une étude sur les
Psautiers : Drevnë-slavjanskaja Psaltir xm-xiv.
vëku (2 e édit.). Voir aussi Brandt, étude sur le pari-
meynik (Ctenije v obSc. istorii i drevn. Ross. 1894).
Après la découverte de l'imprimerie, on imprima le
Psautier en lettres cyrilliques à Cracovie en 1481.
Cette version était influencée par la version tchèque.
Les Évangiles ont été imprimés en Ugrovalachie 1512
par mandat de Jean Basaraba, ensuite à Zabludov 1569,
1570 le Psautier, 1576 à Vilna (1575 les Évangiles);
l'Apôtre 1574 à Léopol, 1580 le Nouveau Testament à .
Oslrog.
Le prince de Ostrog, gouverneur deVolyiî,Constantin r
a publié, à Ostrog toute la Bible slovène en 1581; on la
nomme ostroiskâ Bible. Dans cette édition on a.
traduit les Paralipomènes, Esdras et Néhémie du grec,
Tobie et Judith, le 1 er et 2 e Machab. et le 3 e Esd. (aussi
quelques parties de Jérémie et des Proverbes) étaient
de la Vulgate. Esther, Cantique et la Sagesse étaient
des Septante. Le texte grec était celui de la polyglotte
de Complute et de Londres. La Bible tchèque de
1488 était peu estimée. De même l'édition de la Bible
en litéen-russe du Fr. Skorina à Prague (1517-1519;
publiée à Vilna 1525-1528).
Les éditeurs voulaient rendre les expressions de la
Bible slovène plus compréhensibles au peuple, et à
cause de cela ils ont remplacé quelques mots vieillis-
par les expressions nouvelles, usitées en langage litur-
gique. La bibliothèque synodale de Moscou garde encore-
trois Bibles manuscrites du texte de Novgorod : de-
l'année 1499 (1002 feuilles), de l'année 1558 (1011 feuil-
les) et la troisième aussi du xvi e siècle (1013 feuilles);,
ces Bibles mêmes pouvaient être conseillées par les-
éditeurs de la bible d'Ostrott.
Le texte de cette bible d'Ostrog n'était pas uniforme,
quand on a complété les parties d'anciennes versions-
par des versions nouvellement faites. La langue de
divers livres présentait des fautes grammaticales et des
lacunes. La même bible a été réimprimée en 1583 à
Ostrog. En 1614 on en a publié les Évangiles à Moscou,,
en 1623 le Nouveau Testament à Vilna avec plus de
soin, et en 1644 à Léopol.
En 1663 a été faite l'édition de la Bible dite de-
Moscou; elle présente le texte de la Bible d'Ostrog,
corrigé quant à l'orthographe. Le patriarche Nicon ne
put pas la corriger entièrement. Les « Razkolniki »
(schismatiques de l'orthodoxie) ont conservé le texte-
palseo-slovène des Bibles plus anciennes et n'acceptent
pas les éditions revisées après l'an 1663.
En 1674, on voulut avoir une nouvelle version slovène-
selon le texte grec des Septante. Déjà antérieurement
Épiphane Slavineckij avait fait une version nouvelle -
des livres de Moïse selon le texte des Septante- et les
manuscrits palseo-slovènes, ainsi que le manuscrit
d'Alexejev. On a aussi traduit et publié les Actes et les-
Épltres en 1671. En ce même temps, antérieurement à.
Pierre le. Grand, on a publié plusieurs fois les livres-
de la Sainte Écriture avec ou sans explications; par-
exemple, les Évangiles avec l'explication du Théophy-
lacte (Moscou, 1698), le Psautier avec les additions -
accoutumées (symbole d'Athanase, a., Moscou, 1698), le
Nouveau Testament à Kiev, 1703, le Psautier in-24 et-
l'autre 1704, les Evangiles à Moscou 1711, les mêmes
avec le texte hollandais et palseo-slovène à Saint-Péters-
bourg, 1716-1719. L'archevêque Stachovski a publié
à Cernigov,. 1717, le Nouveau Testament expliqué. En.
1805.
SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE
1806
1721 on a publié encore le Psautier en palaeo-slovène.
Pierre le Grand a publié en 1712 (14 nov.) un édit
dans lequel il chargeait l'archimandrite Lopatinski
et le Grec Likhud, de corriger la Bible de 1663 selon le
texte grec. Ils travaillèrent pendant dix années et pré-
parèrent en 1724 l'impression de la revision nouvelle.
Lorsque le tsar mourut en 1725, l'impression n'était pas
faite. Le manuscrit a été déposé â la bibliothèque
synodale de Moscou.
En 1744, l'impératrice Elisabeth ordonna de publier
une nouvelle édition de la Bible. Le synode en
confia la rédaction aux moines H. Grigorovic, J. Blon-
nicki et B. Ljasëevskij de Kiev. En 1748, Ljasëevskij
prit le travail en mains, aidé par le philosophe Slo-
nimskij. La Bible d'Elisabeth parut en 1750-51. C'est
la Bible de 1663, rédigée dans toutes ses parties selon
le grec d'après le texte des polyglottes, les éditions de
Lambert Voss (1709), de Breitinger (1730-32), la version
de Flaminius Nobili (Rome 1588), la Synopsis criti-
corum, de Matthias Polus, et quelques manuscrits
grecs, surtout le codex Alexandrinns. Nouvelles édi-
tions en 1757, 1759,... 1872 etc. Cette bible avait été
publiée avec des explications de Bajbakov (1785-87),
Petrov, Smirnov,Fialkovskij, Bratanovskij.etc. (surtout
quant au Nouveau Testament). Le texte pala?o-slovène
avec la version tchèque de la Bible des Frères bohèmes
a été publié par le synode de Saint-Pétersbourg en
1892. Le texte tchèque de cette édition est conforme
au grec et au Slovène.
Les versions russes en langue de la Russie blanche
commencent par celle de l'archimandrite Grégoire et
de Fr. Skorina (1517-1519). L'édition synodale de la
Bible (avec les deutérocanoniques) est de l'an 1876, etc.
Les Ruthènes ont la Bible palseo-slovène dans la re-
cension russe. Leur Ancien Testament a été imprimé à
Pïem-ysl, 1863. En recension bulgare on a du palaeo-slo-
vène quelques Tétraévangiles; .chez les Serbes il y a
des : manuscrits palaeo-slovèaes du xm 8 -xv e siècle. En
recension. glagolitique chez les Croates on trouve des
bréviaires et des fragments de la Bible (édités par
BerfcicV ,1864-71).
V.. Versions polonaises de la. bible. — A partir du
X e siècle b,n a donné la dénomination « de Polonais »
(antérieurement ; Lechové), « de Polaques » aux tribus
slaves en petite Pologne, dans la Russie bleue, sur le
Visla et à Polock'(Mazures). Leur nombre total pourrait
être évalué à 23000000. Le christianisme fut apporté aux
Polonais de la Moravie. Mëôislav I er (Mësko) épousa en
965 la Doubravka, une fille de Boleslav I er , prince de
Moravie, et fut baptisé en 966. En 968, un évêché fut
érigé à Poznan avec l'évêque Jordan. L'archevêché
de Hnëzdno fut fondé par Boleslav Chrabry (Fier).
La liturgie était toujours en latin; seulement au
xiv siècle on trouve par exception la liturgie en palseo-
slovène à Cracovie.
Les Psaumes furent le premier livre biblique traduit
en polonais. Il y a une remarque ou notice indiquant
que le Psautier a été traduit au XIII e siècle. On ne
trouve que des fragments des versions du Psautier.
Tout le texte polonais du Psautier est dans le Psautier
dit de Saint-Florien, du XIV e siècle, gardé au couvent
de Saint-Florien près de Linz en Autriche supérieure.
Il contient les textes latins, polonais et allemand des
Psaumes. On l'a nommé aussi « le Psautier de la reine
Marguerite », fille de Charles IV, épouse du roi hon-
grois et polonais, Louis. Quelques-.uns l'ont attribué
à Marie, fille du même Louis. Dunin Borkowsky en
a publié le texte à Vienne, 1834, Nehring, à Poznan,
en 1883. La langue de cette version était peut-être
influencée par la version tchèque. Hanka a cher-
ché cette version tchèque dans la Bible de Dresde,
Kucharski dans le texte du Psautier de Wittemberg, qui
est de la première recension des Psautiers tchèques.
J. Jirecek le conteste. La version cherche à répondre
à la Vulgate.
Le Psautier de la reine Hedwige (Jadwiga) ou le
Psautier de Poltawa, ne pouvait pas être des mains de
Hedwige, car il est de la fin du xv e siècle. Kucharski pen-
sait que la version qu'il contient est prise de la Bible de
la reine Sophie (de l'an 1455). lia été gardé à Poltawa, à
présent on le conserve à la bibliothèque des Czartoryskis^
à Cracovie. Il est en accord avec le psautier de Saint-
Florien, mais tous les deux sont d'un exemplaire plus
ancien. 11 a été publié par les soins de Jean, comte
Dzalynski de Kornik, en 1880.
La Bible de la reine Sophie (quatrième femme de
Ladislas Jagellon, et fille d'un prince de Kiev, André
Ivanovic). Cette Bible est le second manuscrit le plus
ancien de la version polonaise biblique. Du temps de
Rakoczy on l'a transportée à Saros-patak en Hongrie,
d'où on la nomme aussi la Bible de Saros-patak. D'après
une notice de l'an 1562, cette bible a été écrite en 1455
à Nové mësto (Villeneuve) près de Cracovie. Elle repré-
sente peut-être la copie d'une bible polonaise, plus
ancienne, qui aurait été écrite selon un original
tchèque et selon la Vulgate. On y observe cinq copistes.
Elle contient : Genèse, Josué, Ruth, I, III, IV Rois,
I, II Parai., I Esdras, Nehémie, III Esdras, Tobie et
Judith. Malecki l'a publié à Léopol, 1871.
Au temps de l'imprimerie, on a publié, 1522, la version
polonaise de l'Écclésiaste à Cracovie.
Valentin Wrôbl a traduit en une version libre le
Psautier de David, quia été publié à Cracovie 1539
(nombreuses éditions). Poznanczyk a publié l'Ecclésias-
tique en 1536, Tobie, Sirach en 1541. Kramsztyk en 1878,
Nirstein en 1895 les Proverbes. Corne! Ujejski le Can-
tique en vers en 1846 (Poznan). Jean Kochanowski a
publié son Psautier à Cracovie, 1578; on l'a souvent
réimprimé, de même que le Psautier de Lêopolite, 1579,
de Wujek, 1594, de Karpinski, 1783, 1829, de Bujnicki
à Torùn, 1875. Toute la Bible a été traduite de la Vul-
gate par Jean Lêopolite (de Léopol) et par Léonard,
Ces traducteurs ont respecté la Bible tchèque et on
peut expliquer la ressemblance avec le texte de la
Bible de Sophie. On l'a publiée à Cracovie, 1561, cor-
rigée, 1574 et 1577. Le Nouveau Testament a été publié
à part, 1556, 1564, 1658.
Jacques Wujek, S. J., a publié une version du Nou-
veau Testament avec l'approbation ecclésiastique à
Cracovie, 1593; la Bible de Wujek fut imprimée en 1599.
Le prêtre Just. Rabe a fait la revision du texte de
cette Bible en se servant de Wujek. La version est faite
d'après la Vulgate, en s'aidant du texte original et des
versions polonaises plus anciennes.
En 1890-1898, le prêtre Kozlowski a publié une nou-
velle version avec un commentaire en 4 volumes.
Les prolestants publièrent le Psautier de Nie. Rej en
1555, le Psautier de Maciej Rybinski à Cracovie et à
Gdânsko en 1605, etc. Albert le Prussien chercha à faire
publier toute la Bible protestante en polonais. Leprince
Nicol. Radziwill fit préparer une version calviniste, dite
la Bible de Brest ou de Radziwill, 1563, faite sur les
textes originaux et les versions récentes. Le pasteur Sim.
Budny, un socinien, lui reprocha de n'être pas con-
forme aux originaux, et il prépara la Bible de Nieswies,
1572, dont le Nouveau Testamment fut publié en 1574 sé-
parément. Czechowicz a traduit et publïé à Rakov,1577,
le Nouveau Testamment(il écrit : immersion pour bap-
tême), une autre version duNouveauTestamenta été faite
par Smalcius, 1606. Le synode évangélique d'Ozarowiece
1600, désira une version nouvelle. Ianicki, MikotajewskL
Turnowski ont publié une version du Nouveau Testa-
mentà Gdânsko, 1632 (rééditée à Amsterdam 1660, Halle,
1726, etc.). Stojanowski a traduit les Psaumes de l'hé-
breu, 1861; Cylkôw, un juif, les a publiés en une ver-
sion nouvelle à Varsovie, 1S83.
1807
SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE — SMITH
1808
VI. Tchèques. Versions bohèmes de la bible. — Les
Slaves de Bohême, de Moravie et de Silésie emploient
la langue tchèque. Le christianisme fut apporté en
Bohême d'Allemagne. Le besoin d'une traduction de
livres liturgiques et bibliques en langue vulgaire
tchèque fut bientôt senti. Le Psautier glossé du musée
tchèque de Prague offre le document le plus ancien. Il
est écrit en latin et n'a que peu de notes tchèques
interlinéaires. (Publié par Patera dans la revue Casopis
ôeského Musea (6&M.1879, p. 398). Il date de- la fin du
xiii" siècle. Un autre Psautier «du musée» dit du com-
mencement du XIV e siècle offre déjà quelques spéci-
mens d'une traduction tchèque (GCM. 1886, 129-139).
Le Psautier de la bibliothèque de Wittenberg, daté de
la seconde moitié du XIV e siècle, a une version tchèque
interlinéaire de tous les Psaumes. La version n'est pas
parfaite; quelquefois on n'a pas compris les mots
latins. Publié par Gebauer en « Ëaltâf Wittenbersky »
à Prague, 1880.
Un autre Psautier de Podëbrady (1395) offre toute la
version de l'original comme le Psautier précédent.
Les Bibles ont le texte de ces Psautiers.
Les Nouveaux Testaments tchèques sont à Mikulov
(en Moravie) de l'année 1406, de 1422(aumusée tchèque
à Prague) et de 1425.
Parmi les Bibles tchèques anciennes on peut nom-
mer : La Bible de Dresde (nommée aussi Leskoveckâ);
sans date, peut être de 1390-1410. La bible de Litomë-
rice, écrite entre 1411-1414 par Mathié de Prague. La
Bible d'Emm'aus ou glagolitique (tchèque) en écriture
glagolitiqué de 1416 (à la bibliothèque universitaire de
Prague). La Bible de Olomûc (en Moravie) écrite en 1417.
La Bible de la reine Christine de Suède (la bible du
Vatican) n'est pas complète ; le texte est semblable au
texte des Bibles nommées.
. Les Bibles postérieures offrent la nouvelle orthographe
de Hus et un texte, qui est plus différent et corrigé.
Hus lui-même a fait une revision du texte biblique
tchèque selon une Vulgate plus ancienne et il l'a
corrigé, comme on peut l'observer dans la Bible de
Schaffhouse, 1450. Dans cette Bible on trouve le texte
du Nouveau Testament arrangé par un prêtre en 1406
et les corrections de Hus. La revision du Nouveau
Testament faite par Martin Lupéô (f 1468), hussite, est
conservée en manuscrit à la bibliothèque de la cour
impériale à Vienne et dans le texte de la Bible de
Lobkovic (à Stockholm) 1476-1480. Les Bibles d'autres
recensions sont: La Bible de Tâbor (1420-1430), Moscou,
Litomërice 2., Mikulov 3., Padarov (1433-1435), Prague
(.1435-1450), Musée (1462), etc. Toutes ces Bibles sont fon-
dées sur la Vulgate, Jean Warlowsky de Warta a fait
une. version de l'hébreu et du grec, mais selon la para-
phrase d'Érasme de Rotterdam. ■ . . .
• Lès Tchèques ont fait usage de l'imprimerie très
tôt. En 1475 on a imprimé le Nouveau Testament à
à Plzen (Pilsen), une nouvelle édition en 1480. L'édi-
tion de Plzen est catholique; celle de Prague (1488) et
de Kutnâllora (1489) était dans les mains desUtraquistes.
L'édileur de Mladâ Boleslav (1500), Litomysl (1507), Bëlâ
(1519) sont des Frères bohèmes.
La première Bible de Prague (1488) a le texte de
Martin Lupâë, revisé. Les lettres sont dites des moines
ou des Schwabes. Les Psaumes sont traduits de l'hé-
breu selon la version de saint Jérôme. Cette Bible a
tous les livres deutérocanoniques. Le même texte bi-
blique se trouve dans la Bible imprimée à Kutné Hory,
1489. La Bible de Venise, 1506, est des utraquistes
et son texte est la base de beaucoup d'éditions posté-
rieures. Un texte amélioré et plus moderne se trouve
dans la Bible de Prague, 1529, 1537.
La version du Nouveau Testament d'Érasme de
Rotterdam, faite en tchèque par Optât et Gzell en 1533,
a été très estimée.
La fameuse Bible des «Frères bohèmes», imprimée en
1579-1593 en 6 vol. à Krâlice en Moravie, « Bible kràli-
cczâ », a été souvent réimprimée; le même texte est
dans les Bibles tchèques de la société anglaise de la
Bible (protestante).
Pendant les temps de guerre en Bohême on n'a pas
pu publier une Bible catholique. L'archevêque Mat.
Ferd. de Bietenberg a confié l'édition d'une Bible catho-
lique aux jésuites. Les prêtres Styr, Konstanc et
Barner ont travaillé à la traduction de la Vulgate. On
a respecté la Bible de Venise (1506) et les Bibles qui ont
été faites avant Luther. Le Nouveau Testament catho-
lique a été publié, en 1677, aux frais d'une société, dite
de Saint-Wenceslas, ce qui a fait appeler ce Nouveau
Testament l'édition de saint Wenceslas. Prochâzka a
publié encore une autre revision du Nouveau Testament
à Prague 1786, et toute la Bible en 1804. — Les autres
éditions du xix e siècle ou sont fondées sur la Bible du
Prochâzka ou elles peuvent être considérées comme les
améliorations du texte de la Bible des Frères. On peut
nommer la Bible de Haase, 1851, de l'hérédité de saint
Jean, 1857 et 1883-89, la Bible de Bezdeka, 1860.
Les Bulgares se servaient, dans leurs lectures, de la
Bible palœo-slovène. Les versions en langue bulgare
vulgaire commencent par l'Évangile de saint Matthieu,
1823. Sapunov et Serafim ont traduit le Nouveau Tes-
tament (Bucarest, 1828); le moine' Néophyte de Rho-
dope aussi (1840). D'autres versions sont faites par
les sociétés protestantes.
Les Serbes ont le Nouveau Testament traduit par Vuk
Karadzic (1847), l'Ancien Testament par Danicic (1868).
Katancic a traduit la Bible pour les catholiques. ■
Les Sloventsi (Vendes) de la Syrie, Carinlhie et
Graine ont la traduction du Nouveau Testament par
Primus Trubar à Tubingue (1554); l'Ancien par-Jurit
Dalmatin (1584, à Wittenberg). L'autre version est de
Japelj, 17911-1802.
Les Slovaques ont les Bihles tchèques, et une ver-
sion en leur dialecte par Palkovic (1829-1831).
Les Luzitsi (Vendes de la Saxe et de la Prusse) ont
une version catholique faite par Svetlik (1650), dont le
Nouveau Testament a été ' imprimé en 1707. L'autre
version est faite par Lnscansky et Hornik (Nouveau
Testament, 1896).
Sur toutes les versions slaves, voir Sedlacek, Vvod
do knili Starého Zâkona (Introduction en tchèque,
p. 89-139). .1. Sedlacek.
SMITH (William), né à Londres le 20 mai 1813,
mort dans cette ville le 20 octobre 1893. En religion il
était non-conformiste. Après avoir essayé de diverses
carrières, il finit par adopter celle qui convenait le
mieux à ses aptitudes intellectuelles et à ses goûts : il
fut lexicographe, sinon exclusivement, au moins prin-
cipalement. Ceux qui l'ont connu semblent s'accorder
pour lui attribuer plus de mémoire que de science di-
recte, de savoir-faire que de puissance et d'originalité.
Suivant l'un d'eux, dans l'Athenœum, 14 octobre 1893, il
emprunta de John Kitto la conception et la disposition de
son Dictionnaire de la Bible et probablement de George
Long l'idée de grouper, au service de ce beau travail, un
grand nombre de collaborateurs. Un autre affirme, dans
le Times,i0 octobre 1893, que la part de sir William, dans
ses multiples et savantes publications, fut« souvent plus
nominale que réelle ». C'est ainsi, continue-t-il, que
sir George Grove est le véritable auteur du Dictionnaire
de la Bible et le Dr. Henry Wace l'auteur du Dic-
tionnaire de biographie chrétienne. — Quoi qu'il en
soit, on ne peut nier que son nom .reste attaché à
nombre de travaux importants. Ses publications plus
directement bibliques comprennent : 1. A Dictionary
of ihe Bible, 3 in-8», 1860-1863 — 2. A Dictionary of
Christian Antiquities, 2 in-8», 1875-1880, en collabora-
1809
SMITH — SMYRNE
1810
tion avec l'Archdeacon Cheetham. — 'S. A Diclionary of
Christian Biography, Literalure, Secls and Doctrines
during the first eight Centuries, 4 in-8°, 1877-1887. —
4. An Atlas of biblical and classical Geography, 1875.
J. Montagne.
SMYRNE (Sfiupvâ), ville d'Asie Mineure (fig. 402).
— 1° Description. — La ville de Smyrne était bâtie en
402. — NEPÛN SEBAETQN. Tête de Néron, à droite. — $. EIII
. EPMOrENOrs KAAPOrs SMrP(v«i«iv).Fleuvecouché,àgauche,
tenant un roseau, appuyé sur une urne d'où l'eau s'épanche.
amphithéâtre et dans une situation admirable, au fond
du vaste golfe de la mer Egée qui porte son nom. Elle
Elle était située à l'endroit appelé aujourd'hui Bourna-
bat, au nord-est et à environ 20 stades, c'est-à-dire à une
heure de marche, de la Smyrna nova, dont l'emplace-
ment, décrit plus haut, se confond avec celui de la Smyrne
actuelle. Antérieurement à l'année 688 avant J.-C, elle
tomba au pouvoir des Ioniens, et ne tarda pas à acqué-
rir une splendeur et une richesse extraordinaires, qui
lui permettaient de lutter avantageusement même avec
les Sardes. Hérodote, i, 150. Vers l'an 580 avant J.-C,
elle fut détruite par le roi lydien Alyattes, et demeura
en ruines pendant plus de trois cents ans. Ses habi-
tants furent dispersés dans de simples villages, et,
durant cette longue période, elle n'a laissé aucune trace
dans l'histoire. Strabon, XIV, i, 37; Pausanias, vu, 5;
Pline, H. N., v, 29. Alexandre le Grand conçut le pro-
jet de la relever et de lui rendre son ancienne prospé-
rité; mais il n'en n'eut pas le temps. C'est un de ses
successeurs, Antigone (323-301 av. J.-C), qui commença
à la rebâtir, sur l'emplacement que nous avons indiqué.
Lysimaque (301-281) l'agrandit encore et la fortifia.
Strabon, XIV, i, 37. Aussi ses monnaies les plus an-
« . ■ "■ - --■ «, iZJL— v*J* , kl , ■ . I . ■» - ilF<3
403. — Smyrne. Vue du Pagus.
recouvrait en partie les flancs et s'étalait au pied du
mont Pagus, dont l'altitude est d'environ 250 mètres.
La rivière Mélès, célèbre dans la littérature ancienne,
parce qu'on rattachait à ses rives la naissance d'Homère,
-avait là son embouchure. Strabon, XIV, i, 37. Un pro-
verbe disait : « Trois et quatre fois heureux ceux qui
habitent le Pagus et au delà du Mélès sacré ! » Voir
E. Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 610 (fig. 403).
2» Histoire de Smyrne. — Elle se divise en deux
périodes très distinctes. Il y eut d'abord, en effet, la
« vieille Smyrne », comme on l'appelait, Strabon, XIV,
*, 37, qui avait été fondée plus de mille ans avant J.-C,
par des colons de Lesbos, et qu'on désigna longtemps,
pour ce motif, par le surnom de « Smyrne l'éolienne ».
ciennes consistent-elles en tétradrachmes de ce prince.
Depuis lors, elle n'a pas cessé d'être l'une des villes les
plus considérables de la province d'Asie. Possédant un
excellent port et une route qui la mettaient en commu-
nication avec le cœur de l'Asie Mineure, jouissant en
outre d'un territoire très fertile, la nouvelle cité devint
rapidement un des centres commerciaux les plus riches
des temps anciens. C'est surtout par elle qu'avait lieu
le trafic de la vallée de l'Hermus. Les Séleucides lui
continuèrent jusqu'au bout leurs faveurs- Elle, passa
sous la domination romaine en 133 avant J.-C, avec
le royaume de Pergame, dont elle faisait alors partie.
Ses nouveaux maîtres la comblèrent à leur tour d'hon-
neurs et de privilèges; ils firent d'elle le siège d'un
1811
SMYRNE
1812
conventus .judiciaire et d'une fabrique de monnaie. I v, 29. Ses destinées furent très variées- sous les empe-[
Elle posséda aussi, sous l'empire, une école de rhéteurs. reurs byzantins. A partir de 1344, Smyrne appartint
Elle pouvait se dire alors, comme on le voit encore pendant une assez longue période aux chevaliers de
par ses monnaies, « la première en grandeur et en I Malte. En 1402, elle fut prise par Tamerlan et ses Mon-
Si
\f i suit * Jr _ P 1 '"*^
404. — Une rue de Smyme. D'après Fisher, Constantinople and the Scenery of the Seven Churches of Asia Minor,
Londres, s. d., 2 in-4'. Dernière planche du t. i.
beauté », ou « la première d'Asie ». En 178 et en 180
après J.-C., elle fut en grande partie renversée par un
tremblement de terre; mais Marc-Aurèle mit sa gloire
à la rebâtir. Strabon, XIV, i, 37; Dion Cassius, uxj,
33; Philostrate, Vitse Sophist., I, xxv, 2; Pline,fi. N.,
gols;puis, en 1424, parles Turcs, qui s'en étaient déjà,
rendus maîtres plusieurs fois d'une manière temporaire,,
et qui n'ont pas cessé de la posséder depuis cette époque.
On est surpris de ne trouver à Smyrne que fort peu de
restes des temps anciens; peu de villes de l'Orient sonfr
1813
SMYRNE — SOBAGH
1814
aussi dépourvues d'antiquités. La plupart des ruines
sont enfouies sous le sol ; de nombreux monuments
grecs et romains ont été démolis, et leurs matériaux
ont servi à construire la ville actuelle (fig. 404). On
voit cependant quelques restes intéressants du stade
et du théâtre, et aussi, au sommet du Pagus, les
ruines de l'acropole, en partie grecques, en partie by-
zantines.
3° Smyme dans l'Écriture. — Elle est mentionnée
dans l'Apocalypse, i, 11, au second rang parmi les sept
Églises de la province d'Asie, auxquelles Notre-Seigneur
voulut que saint Jean adressât un message spécial ; puis
ce message est cité intégralement, Apoc, il, 8-11. Ce
fait suppose qu'à la fin du I er siècle de notre ère,
Smyme possédait une chrétienté très riche en vertus,
car la lettre est exempte de tout reproche et contient
même de grands éloges. Les chrétiens qui compo-
saient cetle communauté avaient alors beaucoup à
souffrir de la part des Juifs, que l'apôtre nomme « sy-
nagogue de Satan ». La Smyrne païenne était entiè-
rement livrée au culte des faux dieux; Cybèle était sa
divinité tutélaire, et on la voit souvent représentée,
elle aussi, sur les anciennes monnaies de la ville. Des
rues nombreuses portaient les noms des temples qui y
étaient bâtis. Sous les empereurs romains, la cité avait
obtenu le privilège, fort envié, d'en construire un en
l'honneur de Tibère. Tacite, Ann., m, 68; iv, 56. — Il
est peu probable que saint Paul ait abordé à Smyrne
durant ses voyages apostoliques. Néanmoins, son in-
fluence dut s'y faire sentir pendant son long séjour à
Éphèse, alors que « tous ceux qui habitaient l'Asie en-
tendirent la parole du Seigneur. » Act., xix, 10. Celle
de saint Jean s'y exerça certainement ensuite, car la
lettre signalée plus haut montre qu'il connaissait à
fond la situation des chrétiens de Smyrne. Ceux-ci,
à l'occasion du martyre de leur illustre évêque, saint
Polycarpe, sous Marc-Aurèle (en 169), écrivirent
une lettre aux églises du Pont, pour leur raconter
sa vaillante mort. — Placés d'abord sous la domi-
nation des métropolitains d'Éphèse, les évêques de
Smyrne devinrent plus tard métropolitains à leur
tour.
4° Bibliographie. — Lequien, Orieris christiamts t.i,
p. 737-740; t. m, p. 1075; von Prokesch-Osten, Denkwûr-
digkeiten und Erinnerungen aus dem Orient, Stutt-
gart, 1836-1837, t. il, p. 157-165; von Schubert, Reise in
das Morgenland, in-8°, Erlangen, 1838, t. I, p. 272-283;
Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres,
1842, t. I, p. 44-95; Texier, Asie Mineure, description
géographique, historique et archéologique des pro-
vinces et des villes de la Chersonèse d'Asie, in-8°, Paris,
1862, p. 302-308; Curtius, Beitrâge zur Geschichte und
Topographie Kleinasiens, in-8°, Berlin, 1872 ; von Scher-
zer, Smyrna, mit besonderer Rùcksicht auf die geo-
graph., wirlhschaftlich. und intellektuellen Verhâlt-
nisse von Vorder-Asia, in-8°, Vienne, 1873; 1" édit.
en français, Leipzig, 1880; W. M. Ramsay, Historical
geography of Asia Minor, in-8», Londres, 1882, p. 107-
109, 115-116; Id., The Letters to the seven Churches
of Asia, in-8°, Londres, 1904, p. 251-267; Georgadès,
Smyrne et l'Asie Mineure au point de vue économique,
in-8°, Paris, 1885; Rougon, Smyrne, situation com-
merciale et économique, in-8°, Paris, 1892 ; Le Camus,
Les sept Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896,
p. 100-118; J. E. Ritchie, The Ciliés of the Daim,
in-12, Londres, 1897, p. 71-76. L. Fillion.
SOAM (hébreu : Sôham; Septante : 'Itjoôjn.), lévite
de la descendance de Mérari. Il vivait du temps de
David. I Par., xxiv, 27. Les familles mérarites men-
tionnées dans ce chapitre, 26-27, ne figurent pas dans
la liste du ch. xxm, 21-23, et elles paraissent incom-
plètes.
SOAR (hébreu : Sôl.iar; Sepiante : 2aàp), cinquième
fils de Siméon. Exod., VI, 15. Son nom est écrit, par la
Vulgate, Sohar dans Genèse, xlvi, 10, et Zara, I Par.,
iv, 24." — Un Héthéen, qui porte le même nom en
hébreu, est appelé dans la Vulgate Séor. Gen., xxm,
8; xxv, 9. Voir Séor, col. 1613.]
SOBA (hébreu : Sôba', I Sam., xiv, 47; II Sam.,
x, 6, 8; Sôbdh, II Sam., vm, 3, 5; xxm, 36, etc.;
Septante : Eouëa), territoire de Syrie qui formait un
royaume particulier dans les premiers temps de l'éta-
blissement de la monarchie en Israël. La position
exacte et les limites en sont difficiles à déterminer. Son
nom complet est Aram Soba.II Reg. (Sam.),x, 6, 8 (Vul-
gate : Syrùm Soba); Ps. lx (lix), 2 [1] (Vulgate : et
Sobal). Le nom du royaume de Soba lui venait proba-
blement de sa capitale. De l'ensemble des textes bi-
bliques, comparés avec les documents cunéiformes, on
peut conclure que le royaume de Soba était au nord
de la Palestine, entre l'Euphrate à l'est et l'Oronte à
l'ouest. Voir Eb. Schrader, Keilinschriften und Ge-
schichtsforschung, p. 122; Id., Die Keilinschriften und
das alte Testament,^ édit., p. 172, 182, 580. Cf. I Par.,
xviii, 3. — Soba est nommée pour la première fois
dans l'Écriture au temps de Saiil. Ce prince combattit
avec succès contre les rois de Soba, mais nous n'avons
aucun détail sur la guerre qu'il leur fit. 1 Sam. (Reg.),
xiv, 47. David fit aussi une première campagne contre
Adarézer, roi de Soba, le battit vers Émath et emporta
un butin considérable. II Sam., vm, 4, 12; I Par., xvm,
3-4. Une seconde campagne, qu'on ne peut guère con-
fondre avec la précédente, voir Adarézer, t. i, col. 212,
quoique quelques interprètes l'aient supposé, amena de
nouveau la défaite du roi de Soba, qui avait reconstituéson
armée et avait porté secours aux Ammonites. Joab rem-
porta sur les Syriens de Soba une première victoire.
II Sam., x; 6-14; I Par., xix, 6-15. Le roi de Soba fit
alors appel aux Syriens qui étaient à l'est de l'Euphrate
et rassembla une armée puissante, placée sous le com-.
mandement de Sobach ou Sophach. Pour en triompher,
David rassembla « tout Israël », passa le Jourdain et
les atteignit à Hélam (voir-HÉLAM, t. ni, col. 564), où.
il défit complètement tous les Syriens. II Sam., IX, 15-
19; I Par., xix, 16-19; Ps. lx, 1. — Le nom de Soba
n'apparaît plus qu'une fois dans l'Écriture. Razon, fils
d'Éliada, qui s'était emparé de Damas à la tête d'une
bande, avait appartenu à l'armée d'Adarézer, roi de
Soba. Voir Razon, t. v, col. 995. «Il fut ennemi d'Israël
pendant toute la vie de Salomon. » III Reg., xi, 23-25.
— Un des braves qui avaient rejoint David, pendant
qu'il fuyait la persécution de Saûl, Igaal, était fils de
Nathan de Soba. II Sam. (Reg.), xxm, 36. Voir Igaal, ,
t. m, col. 833. Voir aussi Sobal 3.
_ SOBAB (hébreu : Sôbdb), nom de deux Israélites.
Sôbab signifie « réfractaire, rebelle ». Is., lvii, 7;
Jer., m, 14, 22.
1. SOBAB (Septante : EûSâê), un des fils du roi
David, le second nommé de ceux qui lui naquirent à
Jérusalem. II Sam. (Reg.), v, 14; I Par., m, 5; xiv, 4.
2. SOBAB (Septante : 2ouêi6; Alexandrinus ;
2wt5àS), le second nommé des trois fils que Caleb, fils
d'Hesron,eut de sapremière femme Azuba. IPar.,n,18.
SOBACH (hébreu : Sôbak; Septante : Ztùêix), gé-
néral qui commandait les troupes d'Adarézer, roi de
Soba, à la bataille d'IIélam, où il fut battu par David.
Voir Soba, col. 1814. Il succomba sur le champ de ba-
taille. II Sam. (Reg.), xix, 16, 18. Dans le passage pa-
rallèle, I Par., xix, 16,18, son nom est écrit : Sophach.
Voir Sophach, col. 1835.
1815
SOBAÏ
SOGHO
1816
SOBAÏ (hébreu : Sôbaï; Septante : Swêai), chef
d'une famille de lévites, portiers du Temple, dont les
descendants revinrent de la captivité de Babylone en
Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 42; H Esd. , vu, 46
(hébreu, 45).
SOBAL (hébreu : Sôbdl; Septante : SwëâX), nom
d'un Horréen et d'un Israélite. Sobal est aussi écrit une
fois pour Soba, Ps. lx (lix), 1 (2) et dans la version
latine du livre de Judith, m, 1, 14.
1. SOBAL, le second des sept fils de Séir l'Horréen.
Gen., xxxvi, 20; 1 Par., i, 38. Il eut lui-même cinq fils,
Gen.,xxxyi, 23; I Par., i, 40, et il fut un des chefs
Çallûf) d'Édom. Gen., xxxvi, 29.
2. SOBAL, fils aîné de Caleb, fils d'Hur, de la tribu
de Juda; « père » c'est-à-dire fondateur ou restaura-
teur de Cariathiarim. I Par., n, 50, 52. Il eut pour fils
Raïa, iv, 1-2.
3. sobal, mentionné dans la traduction latine de
Judith, m, 1, 14, est le royaume de Soba en Syrie.
Voir Soba, col. 1814. Son nom ne se lit pas dans le
texte grec. — Sobal est aussi pour Soba dans le titre
du Ps. lx (lix), 1 (2). Voir col. 1814.
SOBBOCH Ai' (hébreu : Sibkaï; Septante :.2o6ox«î;
Alexandrinus : Eo6ëoxa')i un des vaillants guerriers
de David, I Par., xi, 29. Son nom est écrit ailleurs
Sobochaï. Voir ce nom.
SOBEC (hébreu: Sôbêk; Septante : SwSéx), un des
chefs du peuple qui signèrent l'alliance avec Dieu du
temps de Néhémie. II Esd.,x, 24.
SOBI (hébreu : Sôbî; Septante : OCs<j6i)> fll s de
Naas, de Rabbath Ammon. Lorsque David s'enfuit de
Jérusalem, au moment de la révolte d'Absalom, Sobi
fut le premier, avec quelques autres, à lui apporter à
Mahanaïm (Vulgate : castra) des objets de campe-
ment et des vivres. II Sam. (Reg.),xvn, 27-29.
SOBNA (hébreu : Sebnâ"; dans IV Reg., xvm, 18,
26; xix, 2, Sebnâh; Septante : Soavâ?), personnage de
la cour du roi Ézéchias. Son père n'est pas nommé,
contrairement à l'usage, ce qui a fait supposer qu'il
était d'origine étrangère. Il fut d'abord intendant du
palais royal, 'al-hab-bâî(. (La Vulgate traduit inexacte-
ment prœpositum templi.) Is., xxii, 15. Plus tard,
Is., xxxvi, 3; IV Reg., xix, 2, un Sobna apparaît en-
core, mais comme secrétaire royal, ce qui a fait sup-
poser à divers commentateurs qu'il y avait eu deux
Sobna différents. D'après les uns, il n'y a pas lieu de
les distinguer. La prophétie d'Isaïe, xxii, 15-25, contre
l'intendant du palais, explique, disent-ils, comment
de cette haute fonction il était descendu à la position
inférieure de secrétaire royal. Il faisait sans doute,
disent-ils, opposition à Isaïe et s'efforçait de détour-
ner le roi de suivre les conseils du prophète, en s'ap-
puyant sur l'Egypte pour résister à l'Assyrie. Isaïe lui
reproche son luxe et ses chars magnifiques, ainsi que
le fastueux tombeau, qu'il se faisait creuser dans le roc,
et il lui annonce que l'intendance du palais lui sera
enlevée et conférée à Éliacim, fils d'Helcias. Or, dans
tous les passages postérieurs où l'Écriture parle de
Sobna le secrétaire, Helcias, est mentionné avant lui.
IV Reg., xvni,18, 26, 37; xix, 2; Is., xxxvi, 3, 11, 22;
xxxvn, 2. C'est là, assurent-ils, l'accomplissement de la
prophétie : Sobna est descendu à un rang inférieur. —
D'autres interprètes croient que la prophétie d'Isaïe,
xxii, 15-25', prédit un châtiment plus grave que celui
d'un simple abaissement de rang et entendent d'un
autre Sobna tous les passages des Rois et d'Isaïe où il
est question du secrétaire. Voir Éliacim 1, t. n,
col. 1666.
SOBOBA (hébreu : Sôbêbâh; Septante : SaêaOi;
Alexandrinus : 2a>gir|6dt), second fils (ou peut-être fille)
de Cos de la tribu de Juda. I Par., iv, 8.
SOBOCHAÏ (hébreu : Sibkaï; Septante : 2Ego-/â;
Sooay.ai), un des vaillants soldats de David, nommé le
huitième parmi les trente. I Par., xi, 29. II est appelé
Husathite, parce qu'il était originaire de Husat ou Hu-
sati. Voir Husathite, HusATi,t. in, col. 784. Il descen-
dait de Zara, fils de Juda et de Thamar. I Par., xxvn,
11. David en fitle chef du huitième corps de son armée,
composé de 24000 hommes et chargé du service pen-
dant le huitième mois de l'année. I Par., xxvn, 11. Il
s'était particulièrement distingué dans une guerre
contre les Philistins, dans laquelle il avait tué Saphaï
de la race des Raphaïm. I Par., xx, 4. On admet assez
généralement que Mobonnaï, voir t. iv, col. 1478,
malgré la différence orthographique, II Sam. (Reg.),
xxm, 2, est le même que Sobochaï.
SOBRIÉTÉ. Voir Tempérance.
SOCCOTH,orthographede Socoth dansNum.,xxxm,
5 (voir Socoth 1), et dans Jud., vm (voir Socoth 2).
SOCHO (hébreu : Sôkô, Sôkôh), nom de deux villes
delà tribu de Juda. Une troisième localité de ce nom
dans la Vulgate, I Reg., xix, 22, s'appelle en hébreu
has-Seku.
1. SOCHO (Septante : Saw/^) 2ox-/ai6, So^wû), ville
de la tribu de Juda, dans la Séphélah. Elle est mentionnée
entre Adullamet Azéca.Jos., xv,35. — 1° D'après YOno-
masticon, édit. Larsow et Parthey, p. 343, Socho était
à neuf milles romains ou à un peu plus de 13 kilomètres
d'Éleuthéropolis sur la route de Jérusalem. On identifie
Socho avec le Khirbet Schoueikêh, au sud d'Azéca.
« Sur un plateau oblong, dit V. Guérin, Judée, t. m,
p. 332, s'élevait jadis une petite ville, dont il ne reste
aujourd'hui que des ruines. J'aperçois partout des
caveaux creusés dans le roc, qui formaient autrefois le
sous-sol d'autant de maisons. Beaucoup de citernes,
pratiquées également dans le roc, sont, les unes à sec,
les autres encore pleines d'eau. A l'époque d'Eusèbe et
de saint Jérôme, comme cela résulte de l'Onomasticon,
elle s'appelait Socchoth et était formée de la réunion de
deux villages, l'un supérieur, et l'autre inférieur. J'ai
signalé les débris du premier sur le plateau de la col-
line de Choueikéh, le second, qui s'étendait probable-
ment sur les flancs ou au pied de cette même colline,
a été complètement rasé ; on n'y voit plus que quelques
cavernes pratiquées dans le roc. s — 11 y avait une autre
ville du même nom dans le district montagneux de la
tribu de Juda. Voir Socho 2.
2° C'est entre Socho et Azéca que campaient les Phi-
listins quand David combattit Goliath, du temps de
Saûl. Les Israélites se trouvaient dans la vallée du
Térébinthe. I Reg., xvii, 1-3. Voir Goliath 1, t. m,
col. 268. — Socho fut une des villes que fortifia Roboam
après le schisme des dix tribus, pour se mettre en
état de résister à l'invasion égyptienne. II Par., xi, 7.
— Sous le règne du roi Achaz, cette place tomba au
pouvoir des Philistins qui s'y établirent. II Par., xxvm,
18. Après cette époque, son nom n'apparaît plus dans
l'Écriture.
2. SOCHO (Septante : Sco/â), ville située dans la
partie montagneuse de la tribu de Juda, aujourd'hui
Khirbet Schoueikêh. Jos., xv, 48. Elle est nommée
1817
SOCHO — SOGOTH
1818
après SamiretJéther. On en retrouve les ruines à seize
kilomètres au sud-ouest d'Hébron. « Ces ruines consi-
dérables couvrent les flancs de deux collines que sépare
un ravin. Le nombre et la direction des rues de cette
ancienne cité sont faciles à reconnaître. Beaucoup de
maisons sont encore debout. Elles affectent toutes la
même forme,... celle d'un carré ou d'un rectangle cou-
ronné extérieurement par une terrasse plane et voûté
à l'intérieur, la voûte étant soit cintrée, soit légèrement
ogivale. Les portes d'entrée sont ordinairement rectan-
gulaires et consistent en deux pieds droits supportant
un linteau monolithe; plusieurs aussi sont cintrées.'
Des citernes et des magasins souterrains pratiqués
dans le roc abondent de tous côtés et sont pour la plu-
part assez bien conservés. Les débris de deux mosquées
bâties en belles pierres de taille et qui ont remplacé
deux églises chrétiennes attestent que cette localité a
joui encore d'une certaine importance depuis l'invasion
musulmane. Au nord s'étendait une espèce de faubourg
dont il ne reste plus qu'une trentaine d'habitations
renversées, plusieurs citernes et un bîrket. » V. Guérin,
Judée, t. m, p. 201. Socoth de la montagne de Juda
n'a joué aucun rôle dans ce que nous connaissons de
l'histoire sainte.
3. SOCHO (hébreu : has-Sekû; Septante : 2e?i)>
localité où se trouvait une grande citerne et où Saûl, à
la poursuite de David et de Samuel, demanda de leurs
nouvelles aux gens du pays qui lui répondirent qu'ils
étaient à Naïoth. I Sam. (Reg.), xix, 22. D'après le con-
texte, cette citerne était dans les environs de Rama;
elle pouvait être dans la ville même de Socho ou dans
le voisinage. On a proposé diverses identifications, près
de Gabaon, près d'el Biréh, etc., mais aucune n'est
satisfaisante et le site de Sekû est inconnu.
SOCHOTH, orthographe de Socoth dans la Vulgate,
III Reg., vu, 46, et II Par., iv, 17. Voir Socoth 2.
SOCHOTH-BENOTH (hébreu : Sukkôp Benôf,
Septante : Smh^ùjô Bevi'O), idole que les Babyloniens
transportés en Samarie par les Assyriens continuèrent
à adorer dans le lieu de leur exil. IV Reg., xvii, 30.
Avant les découvertes assyriologiques, les commenta-
teurs traduisaient ces deux mots comme s'ils étaient
hébreux : « les tentes des filles », et y voyaient une
allusion à la coutume infâme dont parle Hérodote, i,
199, et d'après laquelle à Babylone les jeunes filles
devaient se prostituer une fois en leur vie en l'honneur
de la déesse Milytta, à la fête des Sacées. Cf. Strabon,
XI, vm, 5. Voir Calmet, Dictionnaire de la Bible,
Socoth Benoth, édit. Migne, t. iv, col. 593; Fr. Lenor-
mant, Manuel d'histoire ancienne de l'Orient, t. il,
p. 249; Id., Commentaire de Bérose,p. 167-174. L'ana-
logie porte à croire que Sukhôf benôp cache un nom
de divinité comme tous les autres noms propres énu-
mérés IVReg.,xvn, 30-31. H. Rawlinson suppose (dans
G. Rawlinson, Herodotos, 3 e édit., note, t. i, p. 654),
qu'il faut reconnaître dans les mots hébreux, auxquels
on a donné un sens dans cette langue, selon une ten-
dance linguistique bien connue, la déesse Zarbanit
(cf. la transcription des Septante), épouse du dieu
Mardouk, laquelle était en effet spécialement adorée à
Babylone. Cf. Jensen, Literarisches Centralblatt, 1896,
n. 50, col. 1803; E. Schrader, Succoth -Benoth, dans
E. A. Riehm, Bandwôrterbuck biblischen Altertums,
2' édit., t. il, p. 1600.
1. SOCOTH (hébreu : Sukkôf; Septante: Soxxtie),
premier campement des Israélites en Egypte, lorsqu'ils
partirent pour aller à la conquête de la Terre Promise.
Exod., xii, 37; xin, 20; Num., xxxm, 5-6 (Vulgate :
Soccoth). Le district de Phithom et Phithom lui-même
portent sur les monuments égyptiens le nom de Teku,
c'est-à-dire Sukkôt. Voir F. Vigouroux, La Bible et les
découvertes modernes, 6 e édit., t. u, p. 222, 405. Moïse
mit à profit la halte de Socoth pour fixer les détails
de la marche et attendre ceux des Israélites qui y
venaient rejoindre leurs frères avant de se mettre en
marche vers Étham à la frontière du désert. Voir
Phithom, col. 321.
2. SOCOTH, soccoth (hébreu : Sukkô}, « tentes » ;
Septante : SxYjvat, Gen., xxxni,17; Eox/wÔâ, Jos.,xni,
27; 2oy.y_<i9, Jud., vm, 5, 6, 7, 8, 14, 15), localité à l'est
du Jourdain. La Genèse, xxxm, 17, raconte que Jacob,
à son retour de Mésopotamie, s'arrêta en ce lieu, y
bâtit pour lui une maison et y dressa des tentes ou
plus exactement des cabanes de feuillages (sukkôt) pour
abriter ses troupeaux, d'où le nom de Sukkôt, Socoth,
qui lui fut donné. — Les divers passages de la Bible
qui mentionnent Socoth la placent toujours à l'est du
Jourdain. Jos.,xm, 27, nous apprend qu'elle avait fait
partie du royaume de Séhon et qu'elle fut donnée en
405. — Plan de Deir'AUa (Socoth) et de Talûl edh-Dhahab.
D'après S. Merrill, East of the Jordan, 1881, p. 390.
partage à la tribu de Gad. — Lorsque Gédéon, après
avoir vaincu les Madianites, poursuit les fugitifs, il
passe à Socoth après avoir traversé le Jourdain. Jud.,
vin. Voir Gédéon, t. m, col. 148. (La Vulgate écrit le
nom Soccoth dans Jud., vm.) La vengeance qu'il tira
des habitants de la ville, qui lui avaient refusé des
vivres est, avec le passage de Jacob, le seul fait connu
de son histoire. Socoth est encore nommée III Reg.,
vu, 46 (Vulgate : Sochoth), et II Par., iv, 17 (Vulgate :
Sochot), pour déterminer l'emplacement de la vallée
(kikkar) du Jourdain où l'on trouvait le terrain argi-
leux qui fut choisi pour faire fondre les vases d'ai-
rain du temple de Salomon. Voir Sarthan, col. 1494.
Les Psaumes lx, 8, et cviii, 8 (Vulgate : lix, 8; cvn,8,
convallis tabernaculorum), mentionnent la vallée de
Socoth. Josué, Mil, 27, nous apprend que Socoth, avec
Bétharan, Béthnemra et Saphon, était en effet, dans
une vallée ou plaine (hébreu : 'émég), qui devait être
d'une certaine étendue, puisqu'elle contenait plusieurs
villes, dans le voisinage du Jourdain. — Parmi les di-
verses identifications qu'on a proposées de l'ancienne
Socoth, l'une des plus récentes est celle de Tell Deir-
'ala, à un kilomètre environ au nord du Jaboc. Ce nom
rappelle celui de nbrn, ou nSj-in, donné à Socoth par
le Talmud de Jérusalem, Schebiith, vi, 2, qui dit : « Le
nom moderne de Succoth est Taréla. » Le Talmud de
Jérusalem, trad. M. Schwab, t. n, 1878, p. 415. Le Tell
Deir'ala est une colline artificielle d'environ 20 mètres
de hauteur (fig. 405). Voir Selah Merrill, East of the
Jordan, 1881, p. 387; Conder, Heth and Moab, 1889,
p. 183; Id., Palestine, 1889, p. 261; G. A. Smith, Bis-
1819
SOGOTH — SŒUR
1820
torical Geography of the Holy Land, 1894, p. 585.
L'identification est contestable, mais on peut admettre
que Socoth était dans ces parages. Voir Phanuel,
col. 185.
1. SODI (hébreu : Sôdî; Septante : Eou3î)> de la
tribu de Zabulon, père de Geddiel. Ce dernier fut un
des douze espions que Moïse envoya dans la Terre
Promise pour l'explorer. Num., xm, 10.
2. SODI (grec : Soj5), « rivière », c'est-à-dire canal
de Babylonie sur les bords duquel habitaient une partie
des Juifs qui avaient été emmenés en captivité à Baby-
lone. Baruch, i, 4. Nous savons que la Babylonie était
arrosée par un réseau de canaux dérivés de l'Euphrate
qui portaient des noms particuliers, dont quelques-uns
ont été retrouvés dans les documents cunéiformes.
Nous ignorons quelle était l'orthographe sémitique
de Sodi, le sigma étant en grec le transcription de
plusieurs sifflantes assyriennes et hébraïques.
SODOMIE (hébreu: Sedôm; Septante : S68o[ia), la
principale des cinq villes de la vallée fertile de Siddim,
qui fut engloutie dans la catastrophe de la mer Morte
du temps d'Abraham. Voir Pentapole, col. 46-50. Elle
était située dans une vallée à laquelle sa température
tropicale assurait la plus grande fertilité, et ses habi-
tants, vivant dans l'abondance, s'étaient laissé aller à
tous les excès de la corruption : ils s'abandonnaient
aux crimes contre nature les plus honteux, et ils atti-
rèrent sur eux la vengeance du ciel. Gen., xni, 13;
xviii, 20; xxi, 4-5; cf. Is., m, 9; Ezech., xvi, 49. Ils
ne sont' pas comptés parmi les habitants de la terre
de Chanaan, Gen., x, 19; xin, 12, mais leurs mœurs
étaient encore plus corrompues que celles des Ghana-
néens. Dieu les châtia d'abord par l'invasion deChodor-
lahomor, roi d'Élam, et de ses alliés. Voir Chodorla-
homor, t. il, col. 711. Le roi de Sodome et les quatre
autres rois de la Pentapole furent battus dans la vallée
de Siddim; celui de Sodome et celui de Gomorrhe
périrent dans la bataille et Lot, neveu d'Abraham, que
la fertilité de Sodome avait attiré dans le pays, lorsque
Je nombre de ses troupeaux l'avait fait se séparer de
son oncle, fut fait prisonnier et emmené par les vain-
queurs. Il dut sa délivrance à son oncle qui poursuivit
et battit les confédérés près de Laïs (Dan) au nord de
la Palestine. Gen., xiv. Voir Abraham, t. i, col. 77;
Lot, t. iv, col. 364. — Ce châtiment fut insuffisant pour
convertir les habitants de Sodome. Lot y était revenu;
la corruption y augmentait de jour en jour. Dieu révéla
à Abraham par ses anges, qu'il reçut avec honneur,
que Sodome allait être détruite. Le saint patriarche
obtint d'eux la promesse que la ville serait épargnée,
s'il s'y trouvait dix justes, mais ils ne s'y trouvèrent
point. Lot donna l'hospitalité aux anges, et s'efforça de
les défendre contre la brutalité des passions des habi-
tants; ceux-ci n'exécutèrent point leurs criminels des-
seins, parce que les envoyés divins les frappèrent de
cécité. Lot échappa à la ruine de la ville en fuyant
avec sa femme et ses filles à Ségor, pressés par les
anges de se mettre en sûreté. Du lieu de leur retraite,
ils virent Sodome périr par le soufre et le feu.
Gen., xvm-xix. Nous retrouvons l'écho de cette ter-
rible catastrophe dans un grand nombre de livres de
l'Ancien et du Nouveau Testament. Deut., xxix, 33;
xxxii, 32; Is., i, 9, 10; m, 9; xm, 19; Jer., xxm, 14;
xlix, 18; l, 40; I,am., rv, 66; Ezech., xvi, 46-56; Amos,
iv, 11; Soph., il, 9; Matth., x, 15; xi, 23, 24; Luc, x,
12; xvii, 20; Rom., ix, 29; Il Petr., n, 6; Judœ, 7;
cf^ Apoc, xi, 8. La main de Dieu se manifesta ainsi
d'une manière visible dans le châtiment des villes cou-
pables. Il se servit d'éléments naturels pour les frapper
miraculeusement en faisant tomber sur elles une pluie
de soufre et de feu et en enflammant sans doute les
puits de bitume dont était remplie la vallée de Siddim,
Gen., xix, 24; cf. xiv, 10, de sorte que le ciel et la terre
tout à la fois servirent à leur punition et à leur ruine,
« leçon terrible donnée aux impies. » I Petr., il, 6;
cf. Judœ, 7. Cf. aussi Josèphe, De bell. jud., IV, vin,
4; Strabon,XVI, h; Tacite, Hisl., v, 5.
La mer Morte ne dut pas son apparition au désastre
des cités criminelles, comme on l'a cru longtemps.
D'après les travaux et les recherches modernes, elle
existait déjà avant l'époque d'Abraham, mais à ce mo-
ment, elle engloutit la région où avaient fleuri Sodome
et Gomorrhe et s'agrandit ainsi dans sa partie méridio-
nale. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1306-1309. — Les opi-
nions sur le site des villes de la Pentapole sont très
diverses; il paraît cependant tout à fait vraisemblable
qu'elles étaient vers l'extrémité sud-est du lac, préci-
sément dans cette partie dont l'origine paraît plus
récente. C'est là qu'était située la ville voisine de
Ségor où se réfugia Lot. Gen., xix, 20. C'est aussi dans
ces parages que la tradition plaçait la statue de sel de
la femme de Lot. La ville de Sodome devait avoir son
emplacement dans une partie de la plaine qui fut sub-
mergée par l'envahissement des eaux et qu'il est im-
possible de déterminer aujourd'hui d'une manière
précise. — Sur la pomme dite pomme de Sodome,
voir Jéricho, t. m, col. 1291.
SODOM1TES (hébreu : 'Anëê Sedôm; Septante :
oî èv 2o8<$[j.oiç), habitants de Sodome. Gen., xm, 13.
SŒUR (hébreu : 'âhôt, féminin de 'âh, « frère i>;
Septante : àSeXçrj; Vulgate : soror), celle avec laquelle
on a le même père ou la même mère, ou les deux
ensemble.
1» Sœurs proprement dites. — Un bon nombre d'en-
fants étaient frères et sœurs comme étant nés du même
père et de la même mère. Mais très souvent, à raison
de la polygamie, des frères et des sœurs pouvaient
venir du même père par des mères différentes. Gen.,
xx, 12; IIReg., xm, 2, 5; etc. D'autres fois, on pouvait
avoir une sœur de la même mère, mais non du même
père, en cas de second mariage de la mère et spécia-
lement par suite du lévirat. Lev., xvm, 9, 11; xx, 17.
La Loi proscrivait sévèrement l'inceste avec la sœur.
Lev., xviii, 9, 11; Deut., xxvn, 22; II Reg., xm, 1-32.
— Abraham fit deux fois passer Sara pour sa sœur,
afin de sauvegarder sa propre vie. Gen., xn, 13, 19;
xx, 2, 5, 12. — Le Sauveur veut qu'on le préfère aux
sœurs et aux autres parents que l'on peut avoir.
Matth., xix, 20; Marc, x, 29, 30; Luc, xiv, 26.
2° Sœurs célèbres. — Parmi les sœurs que mentionne
la Sainte Écriture, on peut citer spécialement Lia et
Rachel, Gen., xxix, 20-30; Dina, sœur des douze fils
de Jacob, Gen., xxxiv, 1; Marie, sœur de Moïse, Exod.,
H, 4; Num., xxvi, 59; les trois filles de Job, i, 4; xlii,
13,14;Thamar, sœurd'Absalom,IIReg., xm,l; Marthe
et Marie, Luc, x, 39; Joa., xi, 1, et la sœur de Marie,
mère de Jésus. Joa., xix, 25.
3" Sœurs au sens large. — Le nom de sœur, comme
celui de frère, s'applique parfois à une parenté quel-
conque. Gen., xxiv, 60; Job, xlii, 11; Tob.,vin, 9. C'est
ainsi que les « sœurs de Jésus » ne sont que des cou-
sines, qui n'ont nullement Marie pour mère. Matth.,
xm, 56; Marc, vi, 3. Voir Frère, t. h, col. 2403. —
Le nom de sœur est quelquefois donné à l'épouse.
Cant.,iv, 9, 10, 12; v, 1, 2; vm, 8. — On appelle sœurs
les femmes d'une même tribu. Num., xxv, 18. Les
enfants d'Israël et de Juda sont frères et sœurs. Ose.,
n, 1. Les deux populations de Juda et d'Israël sont
sœurs. Jer., m, 8, 10. Par extension, on donne le nom
de sœurs à deux villes dont les dispositions morales
sont analogues, Samarie et Jérusalem, Ezech., xvi, 46,
Î821
SŒUR — SOIF
1822
sous les noms d'Oolla et d'Ooliba, Ezech., xxm, 31, et
même Sodome et Jérusalem, Ezech., xvi, 48, etc. —
Le mot sœur peut aussi caractériser des relations de
diverse nature. On dit à la sagesse : « Tu es ma sœur. »
Prov., vu, 4, Job, xvii, 14, dit aux vers : « Vous êtes
ma mère et ma sœur, » pour signifier qu'il est tout
voisin du tombeau. — Enfin l'expression singulière
^issâh 'êl 'ôhôtâh, « femme à sa sœur », veut dire sim-
plement « l'une et l'autre, » même en parlant d'objets
■du genre féminin, comme des tentures, des agrafes,
Exod., xxvi, 3, 5, 6,17, des ailes, Ezech. ,i, 9; m, 13, etc.,
<le même que l'expression 'i$ 'él 'âhiiv, « homme à son
frère », signifie « l'un et l'autre », Gen., Xm, 11; xxvi,
31,- même en parlant d'objets. Ezech., xxv, 20; xxxvn, 9.
4° Sœurs spirituelles. — Le Sauveur appelle son frère
■et sa sœur ceux qui font la volonté de son Père. Matth.,
xii, 50; Marc, m, 35. Les chrétiens sont donc ensemble
frères et sœurs. Rom., xvi, 1; I Cor., vu, 15; Jacob.,
h, 15. Saint Paul revendique le droit de se faire accom-
pagner par une sœur, comme les autres apôtres. I Cor.,
ix, 5. Il recommande à son disciple de traiter les jeunes
filles comme des sœurs, I Tim., v, 2, lui prescrivant
ainsi la réserve absolue au point de vue naturel et le
■dévouement au point de vue spirituel.
H. Lesëtre.
SOHA (hébreu : Siha, Septante : S-rçâ), chef d'une
famille de Nathinéens. II Esd., vu, 47 (hébreu, 46).
Dans I Esd., n, 43, son nom est écrit Siha. Voir
•col. 1719.
SOHAR (hébreu : $ôhar; Septante : Saip ), fils de
Siméon et petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 10. Son nom
■est écrit Soar, dans l'Exode, vi, 15 (col. 1814), et, par
interversion des deux dernières consonnes, Zaré (Sep-
tante : Zapâ), Num., xxvi, 13, et Zara (Zapéç), I Par.,
iv, 24. Il fut le chef de la famille des Zaréites.
Num., xxvi, 13.
SOHORIA (hébreu : Seharyâh; Septante : Saapîaç),
le second nommé des six fils de Jéroham, de la tribu
■de Benjamin, qui habitèrent à Jérusalem. I Par.,
vin, 26.
SOIE (grec : <n)pixôv; Vulgale : sericum), étoffe
fabriquée avec les cocons du ver à soie. Certains
insectes lépidoptères du genre bombyx (fig. 406), par-
ticulièrement le bombyx du mûrier, bombyx mori ou
sericaria, produisent des larves qui, après différentes
mues, filent un cocon dans lequel elles restent enfer-
mées de 15 à 18 jours à l'état de chrysalides, pour
en sortir sous forme de papillons. Le cocon est fait
d'une matière filamenteuse qu'on peut dérouler et au
moyen de laquelle, après différentes préparations, on
fabrique les fils de soie. Dès la plus haute antiquité, les
Chinois ont su préparer la soie. L'industrie se pro-
pagea ensuite dans l'Inde, en Perse, en Phénicie et en
•Grèce. A l'époque des Ptolémées, elle constituait un des
principaux articles du commerce d'Alexandrie. Les
étoffes de soie étaient d'un très grand prix. Cf. Aristote,
Hist. anim., v, 19; Pline, H. N., vi, 20, 21; Josèphe,
Bell, jud., VII, v, 4; Mischna, Kilaïm, 9, 2; Suétone,
Calig., 52; Martial, xi, 9; Vopiscus, Aurel., 45; Hélio-
•dore, JElhiop., x, 25. — Saint Jean nomme la soie parmi
les matières précieuses qui affluaient sur les marchés
•de la grande Babylone. Apoc, xvm, 12. — Ezéchiel,
xvi, 10, 13, représente le Seigneur prenant soin de
Jérusalem et la revêtant de niésî. D'après les auteurs
juifs, ce mot désignerait la soie, et quelques commen-
tateurs ont admis cette interprétation. Le mot méSî,
venant probablement de riidsàh, « tirer, extraire », ne
fournit par lui-même aucune indication. Les Septante
ont traduit par Tpr/omTov, « tissé avec des cheveux »
ou « tissu très fin «.Saint Jérôme adopte ce dernier
sens, subtilibus, et explique qu'il s'agit ici d'un tissu
de fils ayant la finesse de cheveux. Lés autres versions
ne rendent mésî que par à peu près. Il ne serait pas
impossible qu'à l'époque de Salomon on eût rapporté
de l'Inde quelques tissus de soie. Mais les textes n'en
parlentpas et, en tous cas, l'industrie de la soie n'a pas
été importée à cette époque en Palestine ou en Phéni-
cie, de manière que les étoffes de soie pussent servir à
l'habillement au temps d'Ézéchiel. Il est donc beaucoup
plus probable que le prophète ne veut parler ici que
d'étoffes fines et précieuses dont la nature ne nous est
pas connue ni le nom expliqué. — Amos, m, 12, dit que
les grands et les riches d'Israël sont assis sur des
coussins deméséq, ou, selon beaucoup de manus-
crits, deméséq. Les Septante et la Vulgate ont reconnu
dans ce mot le nom de la ville de Damas, qui s'écrit
Daméèéq. Il serait donc ici question de coussins ou de
Fig. 406. — Larve. Ver à soie. Cocon. Papillon.
tapis provenant de Damas, quelle qu'en ait d'ailleurs
été la nature. Comme Damas est devenu célèbre par ses
soieries, quelques auteurs ont pensé que deméséq dési-
gnerait l'étoffe de soie fabriquée à Damas, et qui, du
nom même de la ville, s'appelle encore dans nos langues
« damas, damask, damast, damasco ». C'est là une con-
jecture très peu probable. Au temps d'Amos, on fabri-
quait certainement des étoffes et des tapis de prix à
Damas; mais rien ne permet d'affirmer que ces étoffes
fussent de soie. — Isaïe, xix, 9, décrit la consternation
de ceux qui, en Egypte, travaillent le lin peigné, èerî-
qô(, xô Xi'vov t6 ff^terrév, linuni pectentes . Le mot hébreu
vient de èâraq, « peigner ». Cf. Lin, t. iv, col. 260.
D. Calmet conjecture que ierîqôt désigne la soie. La
seule ressemblance de ce mot avec <jr)ptx6v ne suffit pas
à le démontrer. H. Lesêtre.
SOIF (hébreu : sdtnd, sim'dh; Septante: èityx; Vul-
gate : sitis), besoin de boire.
1" Au sens propre. — Les Hébreux souffrirent de la
soif au désert, à Baphidim et à Meriba, et Dieu fit
sortir l'eau du rocher. Exod., xvn, 3; Num., xx, 5;
Is., xlviii, 21; II Esd., ix, 15, 20; Sap., xi, 4. La soif
est un des maux dont seront frappés les Israélites inû-
1823
SOIF — SOIR
1824
déles. Deut., xxvm, 48; Is., v, 13; Lam., iv, 4; Ose.,
n,3; Am., vm, "13; Jer., h, 25. — En Orient, la soif
est un des besoins les plus fréquents et les plus pres-
sants pour ceux qui se donnent du mouvement. Sisara
a soif et demande un peu d'eau à boire. Jud., iv, 19.
Les soldats de Gédéon ont soif. Jud., vu, 5-7. Samson
est dévoré par la soif et Dieu fait sortir l'eau du rocher
de Léchi. Jud., xv, 18. Les moissonneurs avaient avec
eux des cruches d'eau pour se désaltérer. Booz dit à Ruth
d'aller boire aux cruches quand elle aura soif. Ruth,
h, 9. David fugitif et les siens eurent à souffrir de la
soif. II Reg., xvn, 29. A Béthulie, la soif se fit dure-
ment sentir pendant le siège. Judith, vu, 14, 17; xvi,
13. Les envoyés de Sennachérib disaient aux habitants
de Jérusalem que, s'ils en croyaient Ezéchias, ils péri-,
raient par la famine et par la soif. Il Par., xxxil, 11.
Mais on avait pris soin de creuser un aqueduc pour
assurer l'eau à la ville, IV Reg., xx, 20; II Par., xxxn,
30, voir Aqueduc, t. i, col. 804, et l'on avait couvert
toutes les sources pour priver d'eau les assiégeants.
II Par., xxxil, 3, 4. — « Venez avec de l'eau au-devant
de celui qui a soif! » dit Isaïe, xxi, 14, en parlant de
l'Arabie châtiée par le Seigneur. En proie à la soif, les
malheureux défaillent, Ps. cvii (cvi), 5, et c'est pitié
que parfois le pauvre artisan souffre de la soif en fou-
lant la vendange. Job, xxiv, 11. L'insensé agit de
manière à priver de breuvage celui qui a soif, Is.,
xxxu, 6, mais le Seigneur exauce le pauvre dont la
langue est desséchée par la soif. Is., xli, 17. Le besoin
d'étancher la soif est si impérieux qu'il est recom-
mandé de donner à boire même à un ennemi. Prov.,
xxv, 21; Rom., xn, 20. Celui qui a soif a beau rêver
qu'il boit, il reste altéré. Is., xxix, 8. Une bonne nou-
velle venue de loin est comparée à l'eau fraîche pour
celui qui a soif. Prov., xxv, 25. — Les animaux aussi
sentent la soif; les sources étanchent celle des onagres,
Ps. civ (cm), 11, et, faute d'eau, les poissons meurent
de soif. Is., l, 2. — Notre-Seigneur promet la récom-
pense à celui qui donne une. simple tasse d'eau fraîche
à celui qui a soif, Matth., x, 42, tant ce bienfait est
appréciable en Orient, et il déclare qu'il traitera ceux
qui ont donné ou ceux qui ont refusé à boire au pro-
chain comme s'ils l'avaient fait à lui-même. Matth.,
xxv, 35, 37, 42, 44. Lui-même eut soif au puits de
Jacob, après une marche par la grande chaleur, Joa.,
IV, 6-8, et surtout sur la croix, à la suite de l'effusion de
son sang et des supplices de sa passion. Joa., xix, 28.
Il était prophétisé que, dans sa soif, on l'abreuverait
de vinaigre. Ps. lxx (lxix), 22. La prophétie fut réali-
sée. Joa., xix, 29. — Saint Paul souffrit aussi de la
soif dans ses courses apostoliques. I Cor., iv, 11;
II Cor., xi, 27.
2» Au sens figuré. — La soif figure le besoin ou le
grand désir que l'on a d'un bien quelconque. Celui
qui compte être heureux, tout en transgressant la loi
de Dieu, pourrait entraîner les autres au mal par son
exemple, et ainsi celui qui est assouvi., grâce aux biens
qu'il possède, détournerait du devoir celui qui a soif
de ces biens. Le Seigneur mettra ordre à cette préten-
tion. Deut., xxix, 19. Après la restauration messianique,
Israël n'aura ni faim ni soif, c'est-à-dire ne manquera
d'aucun bien spirituel, Is., xlix, 19, tandis que les
ennemis de Dieu auront soif de ces biens. Is., lxv,
13. — Le Seigneur enverra une faim sur la terre,
« non une faim de pain, ni une soif d'eau, mais
d'entendre les paroles de Jéhovah. v Am., vin, 11. Dieu
fait cette invitation à ses serviteurs :
O vous tous qui avez soif, venez aux eaux ;
Venez, achetez sans argent,
Sans rien donner, du vin et du lait. Is.. lv, 1.
Ces eaux, ce vin et ce lait promis à ceux qui ont soif
désignent les gTâces spirituelles qui seront accordées
gratuitement à ceux qui les désireront. Déjà les justes de
l'Ancien Testament ont soif de Dieu . Ps. xlii (xli) , 3 ; lxiii
(lxii), 2. — Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux
qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassa-
siés. Matth., v, 6. A la Samaritaine, il promet une eau
grâce à laquelle on n'aura plu s jamais soif. Joa. , iv, 13, 15 .
Cette eau est celle de la vérité et de la vie divines,
communiquées aux âmes par le Rédempteur. Lui-même
en est la source inépuisable. Aussi dit-il : « Celui qui
croit en moi n'aura jamais soif, » Joa., vi, 35, et « Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. »
Joa., vu, 37. — Au ciel, les bienheureux n'auront plus
soif, Apoc, vu, 16, parce que possédant la félicité par-
faite ils n'auront plus rien à désirer. « A celui quia soif,
je donnerai gratuitement de la source de l'eau de la
vie, » Apoc, xxi, 6, source qui n'est autre que Dieu
même, se communiquant aux âmes bienheureuses pour
les faire participer à sa vie divine, glorieuse et éter-
nelle. Saint Jean termine son Apocalypse, xxn, 17, par
cette invitation : « Que celui qui a soif, vienne! Que
celui qui le désire prenne de l'eau de la vie gratuite-
ment! » L'eau de la vie est ici la grâce. qui procure
la vie surnaturelle en ce monde, pour aboutir à la
gloire ou vie éternelle en l'autre. H. Lesètre.
SOIR (hébreu :'éréb; Septante : é.<ntépa, ô'J/1; Vul-
gate : vesper, sero), partie du jour qui précède et suit
immédiatement le coucher du soleil. — 1° Les Baby-
loniens et les Égyptiens comptaient le jour d'un matin
au matin suivant. Les Hébreux le comptaient au con-
traire d'un soir à l'autre. Cet usage provenait probable-
ment de ce que, leurs mois étant lunaires, ces derniers
tinrent à faire commencer le jour à l'heure où commen-
çait le mois, c'est-à-dire le soir. Voir Néoménie, t. iv,
col. 1588. Néanmoins, il ne serait pas exact de rattacher
à cette manière de compter ce qui est dit dans le récit
de la création : « Il y eut un soir et il y eut un matin;
ce fut le premier jour. » Gen., i, 5, 8, 13, 19, 23, 31.
Après la création de la lumière et sa séparation d'avec
les ténèbres, le jour se trouva naturellement divisé par
deux phénomènes successifs : d'abord, il y eut un soir,
quand la nuit approcha, ensuite il y eut un matin,
quand la lumière réapparut. Cf. de Hummelauer, In
Gen., 1895, p. 95. — 2° A cause de l'approche de la
nuit, le soir marquait la fin du travail, Gen., xxx, 16;
Jud., xix, 16; Ps. civ (cm), 23, etc.; le moment où l'on
payait le salaire du journalier, Lev., xtx, 13; Deut.,
xxiv, 15; Matth., xx, 8; l'heure où les voyageurs s'arrê-
taient, Luc, xxiv, 29, où ceux qui avaient de mauvais
desseins se mettaient en campagne, Prov., vu, 9; etc. —
3° Le soir marquant aussi la fin du jour légal, les
impuretés même rachetées duraient jusqu'au soir,
Lev., xi, 24-40; xiv, 46; xv, 5-27; Num., xix, 7-22;
Deut., xxiii, 11; las suppliciés étaient alors retirés de
l'instrument de supplice, Deut., xxi, 23; Jos.,
vin, 29; x, 26; le jeûne cessait, Lev., xxm, 32;
II Reg., i, 12; le sabbat était fini, Matth., xxvm,
1; le second sacrifice quotidien était offert, Exod.,
xxix, 39. Ce sacrifice se célébrait « entre les deux
soirs » et l'immolation de l'agneau pascal avait
lieu dans les mêmes limites. Exod., xu, 6; xvi, 12;
xxx, 8; Lev., xxiii, 5. L'expression « entre les deux
soirs » ne vise pas deux soirs consécutifs, de manière
à comprendre vingt-quatre heures. Elle s'applique à
la même soirée. D'après les Caraïtes et les Samaritains,
elle comprenait le temps qui s'écoule entre le coucher
du soleil et le crépuscule. Pour les pharisiens, obligés
de compter avec les nécessités liturgiques pour l'immo-
lation de milliers d'agneaux à la veille de la Pàque, le
temps ainsi désigné s'étendait du déclin du soleil à son
coucher. — 4" Quand <t le jour baisse, les ombres du
soir s'allongent. » Jer., vi, 4. Le soir, en Palestine, on
peut pronostiquer le temps du lendemain. Matth.,
1825
SOIR
SOLEIL
1826
xvi, 2. Parfois « du matin au soir le temps change. j>
Eccli., xvili, 26. — 5° « Du matin au soir » désigne le
temps d'une journée et ce temps est court. Job, iv, 20;
Is., xxxviii, 12, 13. « Le soir, le matin, le milieu du
jour » comprennent la journée entière. Ps. lv (liv),18.
On prédit en ces termes, à l'Israélite infidèle, ses per-
pétuelles angoisses : « Le matin tu diras : Que ne suis-
je au soir? et le soir tu diras : Que ne suis-je au
matin? » Deut., xxvm, 67. Pour le juste éprouvé, au
contraire, « le soir viennent les pleurs et le matin
l'allégresse. » Ps. xxx (xxix), 6. H. Lesêtre.
SOIXANTE-DIX. Voir Nombre, vu, 13°, t. iv,
col. 1690.
SOLDAT (hébreu : 'îs milhâmâh; grec : arpï-
tkJtïjc), homme de guerre. Voir Armée, 1. 1, col. 971 sq.
— Saint Jean-Baptiste recommande aux soldats qui
l'interrogent de se contenter de leur solde et de ne faire
violence à personne. Luc, m, 14. — Saint Paul, IITim.,
il, 3, recommande à son disciple de travailler comme un
bon soldat du Christ.
SOLDE (grec : ô^wviov; Vulgate -.stipendium), paye
donnée au soldat. — La solde paraît avoir été inconnue
aux anciens peuples. Dans les armées égyptiennes, les
troupes qui partaient en campagne recevaient les armes
et les vivres, mais, en fait de solde, ne touchaient
qu'une part du butin, proportionnelle au grade et aux
exploits de chacun. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
t. il, 1897, p. 220, 228. Abimélech, après avoir reçu
soixante-dix sicles d'argent, s'en sert pour prendre
à sa solde des gens de rien et des aventuriers. Jud.,
xi, 4. Les Ammonites prennent à leur solde des Syriens
et des gens de Maacha etdeTob pour tenir tête à David.
II Reg., x, 6; I Par., xix, 6, 7. Sous Joratn, roi d'Israël,
les Syriens s'imaginent que desHéthéens et des Égyp-
tiens ont été pris à solde contre eux. IV Reg., vu, 6.
Chez les Assyriens, il y avait un noyau permanent de
troupes qui résidaient dans la capitale et dans les
villes principales, et qui devaient naturellement être
entretenues; mais on ignore si les contingents qui
venaient s'y adjoindre en cas de guerre recevaient une
paye journalière pendant la campagne. Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. h, p. 626, 627. Comme Nabucho-
donosor n'a rien tiré de sa campagne contre Tyr, le
Seigneur lui donne à piller l'Egypte, pour la solde de
son armée. Ezech., xxix, 18-20. Les soldats israélites
servaient à leur compte, sans autre avantage que
«elui de défendre leur pays et d'avoir part au butin
pris sur l'ennemi. Mais quand les rois, à partir de
•David et de Salomon, eurent des troupes en perma-
nence, il leur fallut bien les entretenir et proba-
blement leur assurer une solde. Celle-ci s'imposait
quand on faisait appel à des troupes étrangères. Ainsi
Amasias, roi de Juda, fit affaire, en vue d'une campagne,
avec 100000 mercenaires israélites au prix de cent
talents d'argent, soit 85X1000 francs, ce qui ramène la
part de chacun à 8 fr. 50, à supposer que le chiffre
de 100000 n'ait pas été majoré par les copistes. II Par.,
xxv, 6. Il faut se rappeler d'ailleurs qu'à cette époque
l'argent avait une tout autre valeur qu'aujourd'hui. En
Grèce, le soldat en campagne avait droit à une solde
journalière, augmentée d'une certaine somme pour son
entretien. Il pouvait recevoir ainsi de quatre oboles
(0 fr. 64) à une drachme (0 fr. 97). Le marin touchait de
trois oboles (0 fr. 48) à une drachme. Cf. Gow-Reinach,
Minerva, Paris, 1890, p. 120, 121. Les monarchies d'ori-
gine grecque payaient une solde à leurs troupes. Au
temps des Machabées, Antiochus Ëpiphane donne une
année de solde à son armée pour qu'elle se tienne prête
à marcher. I Mach., m, 28. Timothée, général syrien,
■enrôle des Arabes dans son armée. I Mach., v, 39.
DICT. DE LA BIBLE.
Antiochus Eupator a aussi à sa solde des mercenaires
de tous pays. I Mach., vi, 29; IMach., m, 28. Les princes
machabéens durent se conformer à cet usage. Simon
soldait les troupes qu'il employait, bien qu'elles fussent
composées de ses compatriotes. I Mach., xiv, 32. Jean
Hyrcan, pour payer les siennes, prit dans le tombeau
de David trois mille talents d'argent (25 500 000 fr.), du
moins au rapport de Josèphe, .4nt. jud., XIII, vin, 4. En
406 avant J.-C, les Romains instituèrent le stipendium
dans leurs armées. Le fantassin recevait deux oboles
(0 fr. 25) par jour, le centurion le double, et le cavalier
le triple, avec déduction des frais de nourriture et
d'équipement. La solde annuelle du fantassin, qui était
à l'origine de 120 deniers (128 fr. 40), fut portée par
César à 225 deniers (240 fr. 75), et par Domitien à 300
(321 fr.). Cf. Gow-Reinach, Minerva, p. 234, 259. Les
auxiliaires qui servaient en Palestine sous les ordres
du procurateur recevaient la solde fixée parCésar.Ils la
trouvaient probablement un peu maigre et ne se fai-
saient pas faute de l'arrondir au moyen de déprédations
de toutes sortes. Voilà pourquoi saint Jean-Baptiste
disait aux soldats qui se rendaient auprès de lui sur
les bords du Jourdain : « Contentez-vous dé votre solde. »
Luc, m, 14. D'ailleurs ces soldats n'étaient ni des lé-
gionnaires, ni des Juifs, exemptés du service militaire,
mais des auxiliaires recrutés en Syrie et dans les pays
voisins. Cette solde est appelée oij/tiviov, « approvi-
sionnement», parce qu'elle consistait en majeure partie
dans les vivres assurés au soldat. — Saint Paul, reven-
diquant pour lui-même et pour ses collaborateurs le
droit de vivre aux dépens de ceux qu'il évangélise, s'ap-
puie sur cette analogie tirée du service militaire : « Qui
donc fait métier de soldat à sa propre solde, » c'est-à-
dire à ses frais! I Cor., ix, 7. Il ajoute d'ailleurs que,
pour éviter d'être à charge aux Corinthiens, il a exercé
son ministère auprès d'eux à la solde d'autres églises,
recevant de chrétientés étrangères ce qui lui permet-
tait de vivre à Corinthe. II Cor., xi, 8. — Comparant
ailleurs le service de Dieu à celui du péché, il dit que
la récompense du premier est la sanctification et la vie
éternelle, tandis que « la solde du péché, c'est la mort. » •
Rom., vi, 23. H. Lesêtre.
SOLEIL (hébreu :SéméS, et poétiquement : hdmmâh,
« chaleur », et hérés; Septante : tJXioç ; Vulgate : sol),
astre qui produit le jour sur la terre et autour duquel
gravitent les planètes.
I. Le soleil dans la. Sainte Écriture. — 1» Nature
et rôle du soleil. — Le soleil n'estqu'une créature de
Dieu. Au quatrième jour de la création, Dieu fit deux
grands luminaires dont le principal fut destiné à prési-
der au jour. Gen., i, 16. L'apparition de la lumière au
premier jour de la création et du soleil seulement au
quatrième ne présente pas de difficulté sérieuse. Ceux
qui veulent expliquer scientifiquement cette double
apparition successive distinguent le lluide lumineux
d'avec l'astre qui peut servir à le mettre en mouve-
ment sur un point donné de l'univers, ou bien ils
rapportent au premier jour la création du soleil et au
quatrième son apparition sur la terre, quand la nébu-
leuse solaire fut assez condensée pour émettre un
rayonnement capable de percer les épaisses vapeurs
qui entouraient le globe terrestre. Voir Cosmogonie,
t. Il, col. 1049. Si l'on ne reconnaît qu'un caractère
purement idéaliste au récit de Moïse, la place assignée
à la création du soleil importe peu en elle-même. Il
faut remarquer néanmoins que cette place est secon-
daire. L'auteur sacré a voulu sans doute enseigner par
là que le soleil n'est nullement le principe des choses,
comme le pensaient la plupart des hommes qui ado-
raient en lui le dieu générateur de l'univers, mais
une simple créature qui a reçu' du Dieu Créateur sa
mission spéciale et vient à son rang, au même titre que
V. - 58
1827
SOLEIL
1828
les autres êtres. C'est Dieu qui a fait le soleil.
Ps. lxxiv (lxxiii), 16. Dieu lui commande, Job, ix, 7,
et il obéit, Bar., vi, 59, il connaît l'heure de son cou-
cher, c'est-à-dire se couche à l'heure que Dien lui
marque. Ps. crv (cm), 19. La Sainte Écriture parle du
cours du soleil d'après les apparences, selon le langage
habituel aux hommes. Elle ne préjuge en rien la ques-
tion scientifique du rapport réel qu'ont entre eux le
soleil et la terre au point de vue du mouvement. Elle
parle donc du lever du soleil, Gen., six, 23; xxxn, 31;
Exod., xxiii, 3; Ps. civ (cm), 22; Eccli., xxvi, 21; etc.,
et de son coucher. Gen., xv, 12; Exod., xxii, 26; etc.
Le soleil se lève, le soleil se couche,
Et il se hâte de retourner à sa demeure,
D'où il se lève de nouveau. Eccle., i, 5.
On avait remarqué les « retours périodiques » du
soleil, c'est-à-dire probablement les solstices, qui ser-
vaient à régler les « vicissitudes des temps » et le cours
des années. Sap., vu, 18. Le soleil a un splendide
aspect. Eccli., xlii, 16. Sa clarté n'est pas la même que
celle de la lune. I Cor., xv, 41. Il préside au jour, qu'il
constitue par sa présence au-dessus de l'horizon. Ps.
cxxxvi (cxxxv), 8; Eccli., xxxm, 7; Jer., xxxi, 35. En
Orient, l'action du soleil se manifeste plus sensiblement
encore par sa chaleur que par sa lumière. Celte chaleur
se fait sentir dès son lever, Jud., v, 31; I Reg., xi, 9;
II Reg., xxiii, 4; II Esd., vu, 3; Sap., xvi, 27, et s'ac-
croît à mesure que le soleil monte dans le ciel, Exod.,
xvi, 21, dissipant les nuées, Sap., n, 3; mûrissant les
fruits, Deut., xxxm, 14; brunissant les visages, Cant.,
i, 5, et faisant parfois souffrir gravement les hommes
et les plantes. Eccli., xlhi, 4; Is., xlix, 10; Bar.,n,25;
Jon., iv, 8; Matth., xm, 6; Marc, iv, 6; Jacob., i, 11;
Apoc.,vn, 16. Il s'obscurcit miraculeusement à la mort
du Sauveur. Luc, xxm,45. Voir Éclipse, t. h, col. 1562.
Pendant les tempêtes, les nuages le dérobent complè-
tement à la vue durant un temps variable. Act.,
xxvn, 20. En remplissant ainsi son rôle, le soleil loue
le Seigneur à sa manière. Ps. cxlviii, 3; Eccli., xlhi,
2; Dan., m, 62.
2° Locutions diverses. — Le lever et le coucher du
soleil désignent les points de l'horizon où le soleil
paraît et disparaît, le levant, orient ou est, Jos., i, 15;
xn, 1; 1s., xli, 25; xlv, 6; Ezech., xi, 1; etc., le cou-
chant, occident ou ouest. Deut., xi, 30; Jos., i, 4; etc.
« Du levant au couchant » indique toute la surface de
la terre. Ps. l (xlix), 1; cvn (cvi), 3; cxin (cxn), 3;
Mal., 1, 11; etc. — « Sous le soleil » est une expres-
sion fréquemment employée par l'Ecclésiaste, i, 3, 10,
13, 14, etc., pour désigner le séjour des hommes, la
terre. — Ceux qui voient le soleil sont les vivants.
Eccle., vu, 12.11 est doux de voir le soleil, c'est-à-dire
de vivre. Eccle., xi, 7. Ne pas voir le soleil, c'est ne
pas naître, Ps. lviii (lvii), 9; Eccle., vi, 5, ou seule-
ment être aveugle. Act., xm, 11. Le soleil s'obscurcit
pour le vieillard dont la vue s'affaiblit. Eccle., xn, 1.
Il se couche pour celui qui meurt, Jer., xv, 9, ou qui
n'a plus l'assistance de Dieu.'Mich., m, 6. — « A la
face du soleil », en plein soleil, marque qu'une action
s'accomplit à la vue de tous. Num., xxv, 4; — « Tant
que subsistera le soleil » signifie toujours, Ps. lxxii
(lxxi), 5, 17; lxxxix (lxxxviii), 38; Eccli., xxvn, 12,
bien que le soleil lui-même doive cesser d'exister.
Eccli., xvn, 30. — Dieu « fait lever son soleil sur les
méchants et sur les bons, » c'est-à-dire accorde à tous
les hommes sans exception les dons de la nature.
Matth., v, 45. — Il ne faut pas que le soleil se couche
sur la colère, c'est-à-dire la colère doit être apaisée
avan t la fin du jour. Eph., iv, 26.
3° Comparaisons. — Dans un songe, Joseph. voit le
soleil, la lune et onze étoiles se prosterner devant lui,
et Jacob reconnaît qu'il est lui-même ici représenté
par le soleil. Gen., xxxvii, 9, 10. — Dieu a sa tente
dans le soleil, par conséquent au sein de la gloire,
Ps. xix (xvm), 6. Ses yeux sont plus brillants que le-
soîeil. Eccli., xxiii, 28. Lui-même est le soleil des-
justes, Is., lx, 19, 20; le soleil de justice-, Mich., iv, 2,.
Jésus-Christ transfiguré, Matth., xvu, 2, et glorieux,
Apoc, i, 16, brille comme le soleil. Dans le ciel, il 1
sert de soleil aux bienheureux. Apoc, xxi, 23;.
xxn, 5. — L'épouse du Cantique, vi, 9, est belle comme-
le soleil; la sagesse est plus belle que lui. Sap., vu, 29..
Au soleil sont encore comparés le grand-prêtre Simon,.
Eccli., l, 7; les justes, Matth., xm, 43; les bonnes
œuvres. Eccli., xvn, 16. Les idoles n'ont rien de com-
mun avec cette ressemblance. Bar., vi, 66. — Le soleil
de l'intelligence est la lumière de la sagesse. Sap., vi,
6. Dans le songe de Mardochée, le soleil représente la-
sécurité et la prospérité rendues aux Juifs. Esth.,
x, 6; xi, 11. Saint Paul voit sur le chemin de Damas
une lumière plus éclatante que le soleil. Act., xxvi, 13-
Dans ses visions, saint Jean voitun ange dont le visage
brille comme le soleil, Apoc, x, 1; un autre ange-
debout dans le soleil, Apoc, xix, 17, et une femme
revêtue du soleil. Apoc, xn, 1. Ces images donnent
l'idée de la gloire divine dont ces personnages sont
environnés. — Dans les grandes manifestations de la-
justice divine, le soleil, figure de la bonté et de la
grâce du Seigneur, est obscurci et voilé. Is., xm, 10;
xxiv, 23; Ezech., xxxn, 7; Jo., n, 10, 31; m, 15;
Am., vin, 9; Hab., ni, 11; Matth., xxiv, 29; Marc,
xm, 24; Luc, xxi, 25; Act., n, 20; Apoc, vi, 12,
vin, 12; ix, 2; xvi, 8. Pour annoncer le salut, au
contraire, le soleil devient plus éclatant que jamais. Is.,
xxx, 26.
II. Culte du soleil. — 1° La défense. — Dieu inter-
dit à son peuple de se tailler des images, afin de n'être-
pas entraîné à rendre un culte au soleil et aux astres
du ciel. Deut., IV, 16-19. Il ordonne de lapider ceux
qui se livreront aux pratiques d'un pareil culte. Deut.,.
xvn, 3-5. Cette prohibition et cette menace étaient
gravement motivées. De Chaldée, les ancêtres des-
Hébreux avaient rapporté le souvenir du dieu Scha-
masch (fig. 38, t. i, col. 238), le soleil, qui verse sur-
la terre non seulement la lumière, mais aussi la vérité-
et la justice. Il est appelé 6e! di-nim, « seigneur dui
jugement », on le consulte et on lui offre des sacri-
fices. Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babylo-
niens, Paris, 1903, p. 20, 300. En Egypte, les Hébreux
avaient vu aussi adorer sous le nom de Râ le soleil,,
représenté sous douze formes différentes d'épervier, de-
veau, d'homme, etc., suivant les heures de la journée,
et dentifié soit avec Horus, le ciel lui-même, soit avec-
l'œil d'Horus. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I,.
p. 136-138. Dans le pays de Chanaan, où le culte du<
soleil était en vigueur, voir Baal, t. i, col. 1317, le dan-
ger de séduction menaçait les Israélites. Il y avait donc
à les prémunir. La peine de mort portée contre la pra-
tique de ce culte idolâtrique indiquait la gravité de la
transgression. — Job, xxxi, 26-28, dans sa confession,
se défend d'avoir commis cette faute :
Si, en voyant le soleil jeter ses feux,
Et la lune s'avancer dans sa splendeur,
Mon cœur s'est laissé séduire en secret,
Si ma main s'est portée à ma bouche :
C'est là encore un crime que punit le juge,
J'aurais renié le Dieu très-haut.
D'après Baudissin, dans la Reatencyclopxdie, 3 e édit.,
t. xvm, Sonne bei den Hebrâern,\>. 514, le culte du soleil
n'aurait pas existé chez les anciens Hébreux; son intrc-
duction chez eux serait due à des influences étrangères.
Les grands propagateurs de ce culte sont les Araméens,
qui l'ont eux-mêmes probablementemprunté aux Baby-
loniens. Le Schamasch de Sippar serait le type de tous-
1829
SOLEIL — SOMMEIL
1830
les dieux solaires sémitiques. Cf. Revue biblique, 1907,
p. 620.
2» La transgression. — Sous certains rois de Juda,
particulièrement Manassé et Amon, le culte du soleil
fut établi à Jérusalem même et aux environs. On offrait
des parfums à Baal et au soleil. A l'entrée du Temple,
des chevaux étaient dédiés au soleil et il y avait des
chars du soleil. Josias chassa les prêtres qui prati-
quaient ce culte, fit disparaître les chevaux et brûla les
chars. IV Reg., xxm, 5, 11. On sait que les Perses
offraient des sacrifices au soleil, Hérodote, i, 131, que
les mages lui immolaient parfois des chevaux blancs,
Hérodote, vu, 113, et que ces mêmes Perses consacraient
au soleil un char et des chevaux. Xénophon, Cyrop.,
vin, 3, 12. Les chars de Jérusalem étaient sans doute
destinés à promener l'idole solaire, et les chevaux
étaient gardés vivants pour traîner ces chars et ensuite
servir de victimes en l'honneur du dieu. Mais il n'est
guère probable que !e culte pratiqué à Jérusalem à
l'époque de Manassé ait pu dériver de celui des Perses.
Il n'y a entre les deux formes de culte qu'une simple
analogie. Les honneurs divins rendus au soleil étaient
d'ailleurs si répandus dans l'ancien monde qu'on ne
peut s'étonner d'en constater l'usage en Palestine. La
forme qu'ils y prennent s'inspirait vraisemblablement
d'exemples plus voisins que ceux des Perses. — L'au-
teur de la Sagesse, xm, 2, se moque de ceux qui, pre-
nant les créatures pour des dieux, ont honoré en
conséquence les « flambeaux du ciel ». D'après Josèphe,
Bell, jud., II, vm, 5, 9, les Esséniens, sans adorer le
soleil, lui rendaient cependant une sorte de culte; ils
« lui adressaient des vceux traditionnels, comme pour
le prier de se lever, ? et ils dérobaient à sa lumière
tout ce qui aurait pu offenser les rayons du dieu, Ta;
a-liyai toû 6ea0. — Au commencement de l'ère chré-
tienne, le culte du soleil se perpétuait encore à Asca-
lon, à Gaza, à Damas et dans le Hauran. Cf. Schùrer,
Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, 3 e édit.,
t. H, p. 22, 25, 30, 35.
Sur l'arrêt du soleil à la bataille de Bethoron, Jos.,
x, 9-14; Eccli., xliv, 4-6, voir Bethoron 1, t. i,
col. 1703. — Sur le cadran solaire d'Ézéchias où l'ombre
rétrograde, voir Cadran solaire, t. h, col. 27. — Sur
la fontaine du soleil, Jos., xv, 7; xvm, 7, voir Ensé-
mès, t. il, col. 1815. — Sur la cité du soleil, Jos., xix,
41, voir Hirsémès, t. m, col. 722, et Bethsamès, t. i,
col. 1732. — Sur la cité du soleil, Is., xix, 18, voir
Héliopous, t. m, col. 572. — Sur la maison du soleil,
Jer., xliii, 13, voir Héliopolis, t. m, col. 572, et
Bethsamès, t. i, col. 1737. H. Lesêtre.
SOLEIL (FONTAINE DU) (hébreu : 'Ên-èéméS;
Septante : -S) ■K-t\fr\ toô ^a(ou), aujourd'hui « Fontaine
des Apôtres», à l'est de Jérusalem et du Mont des Oli-
viers, Jos., xv, 7; xvm, 17. Voir Ensémês, fig. 575, t.ii,
col. 1815-1816.
SOM ER, nom, dans la Vulgate, de quatre personnages
qui ont une orthographe différente en hébreu.
1. SOMER (hébreu: Sémér; Septante : 2eji7ip), pro-
priétaire de la montagne sur laquelle Amri, roi d'Israël,
bâtit la capitale du royaume d'Israël et qu'il appela
Samarie, du nom de celui à qui il en avait acheté
l'emplacement. III Reg., xvi, 24. Voir Samarie 1 et 2,
col. 1401.
2. SOMER (hébreu : Sômêr; Septante : Supi^p),
nom, dans IV Reg., xli, 21, du père de Jozabad, l'un
des deux serviteurs du roi Joas qui le mirent à
mort. Dans le passage parallèle, II Par., xxiv, 26, au
lien de Somer, nous lisons « Sémarith, la Moabite »,
qui apparaît ainsi comme la mère de Jozabad. On peut
supposer que la terminaison t est tombée dansIV Reg.,
xii, 21, ou qu'elle a été ajoutée en trop II Par., xxrv,
26. On a imaginé diverses hypothèses pour expliquer la
divergence entre les Rois et les Paralipomènes. Peut-
être le texte a-t-il été corrompu dans un des deux pas-
sages. Voir Sémarith, col. 1591.
3. SOMER (hébreu : Sâmér, à la pause; Septante :
Ssjjnrjp), fils de Moholi et père de Boni, de la tribu de
Lévi et delà descendance deMérari.I Par.,vi, 47 (hé-
breu, 32).
4. SOMER (hébreu : Sômér, nnW; Septante :
2aMp, I Par., vu, 32, et f. 34, Sàmér, ££ft|ir,p), de la
tribu d'Aser, le second nommé des quatre fils d'Héber.
Il eut quatre fils : Ahi, Roaga, Haba et Aram. I Par.,
vu, 32, 34.
SOMMEIL (hébreu : Sênà', sênâh, Senât, nûmdh,
tenûtnâh, miskàb; chaldéen: sendh; Septante: îmvoç;
Vulgate : somnu$,dormitio, dormitatio), état de repos
durant lequel la vie active, intellectuelle et consciente
est comme suspendue. Se livrer au sommeil ou dor-
mir se dit yâsan, râdam, nûm, ûîrvdw, vv<TTà?M, xot-
Oe-JSw, dormire, dormilare, obdortnire.
1° Ses conditions. — Le sommeil est une nécessité de
nature et le besoin s'en fait sentir régulièrement
chaque jour. Voilà pourquoi l'expression « se coucher
et se lever » est mise pour l'ensemble des différentes
actions de la journée. Deut., vi, 5; Marc, IV, 27. Le
sommeil est un besoin si impérieux qu'on ne peutfacile-
ment y résister. Lorsque saint Paul discourut à Troade
jusqu'à minuit, le jeune Eutyquene put s'empêcher de
dormir et tomba par la fenêtre. Act., xx, 9. Celui qui
dort n'entend pas, Eccli., xxn, 8, et n,'a pas conscience
de ce qui se passe autour de lui. Pour se livrer au
sommeil, on se couche en s'étendant horizontalement
de manière à assurer au corps un équilibre stable. En
Palestine, on dormait habituellement sur un lit, Lev.,
xv, 4, voir Lit, t. iv, col. 285, et dans une chambre
haute. I Reg., ix, 25. Voir Maison, t. iv, col. [590. Mais
souvent on dormait dans des conditions moins confor-
tables, sur une simple natte, II Reg., xi, 13, sur le toit,
Jos., il, 8, sur le sol même, Gen., xxvm, 11, auprès
des gerbes, pendant la moisson, Ruth, m, 7, sous un
arbre, III Reg., xix, 5, sous le rebord d'un toit,
Tob., h, 11, dans un cilice, en temps de deuil. III Reg.,
xxi, 27. On dormait en barque quand on naviguait.
Prov., xxm, 34; Jon., i, 5; Matth., vm, 24; Marc, îv,
38. En temps de guerre, on couchait dans le camp, au
milieu des chars. I Reg., xxvi, 5. — Différentes pré-
cautions étaient prises en vue du sommeil. On avait au
moins une pierre pour servir d'oreiller. Voir Pierre,
col. 417. On s'enveloppait d'une couverture ou d'un
manteau, contre le froid de la nuit. Exod., xxn, 27.
Ceux qui couchaient ensemble se réchauffaient mutuel-
lement. III Reg., i, 2-4; Eccle., iv, 11. Le guerrier
gardait sa lance auprès de lui. I Reg., xxvi, 12. Pen-
dant la nuit, le dormeur ne manquait pas de conser-
ver à ses côtés sa cruche d'eau et sa lampe allumée.
Voir Cruche, t. n, col. 1136; Lampe, t. iv, col. 59. On
était heureux alors de pouvoir dormir en paix. Ps. vi,
9; Prov., ni, 24; Ose., h, 18. Mais une femme se ren-
dait gravement imprudente en faisant coucher son
petit enfant avec elle. 111 Reg. , m, 19. — Au sommeil
de la nuit, on ajoutait la méridienne. II Reg., iv, 5. Le
paresseux abusait du sommeil et subissait les consé-
quences de son inaction. Prov., vi, 9, 10; xx, 13; xxm,
21 ; xxiv, 33. — La Sainte Écriture signale spécialement
le sommeil d'Adam, Gen., n, 21, celui de Jacob, Gen.,
xxvii, 11, celui d'Élie, III Reg., xix, 5, celui de Notre-
Seigneur, Matth., vm, 24, celui des Apôtres, Matth.,
xxvi, 40, etc.
1831
SOMMEIL
SONGE
1832
2° Ses obstacles. — Le sommeil est contrarié par
différentes causes dont les unes empêchent le corps de
prendre son repos et dont les autres tiennent l'esprit
en éveil malgré lui. La tempérance favorise le sommeil,
l'intempérance entraine les insomnies. Eccli., xxxi,
24. Les passions violentes agitent le dormeur sur sa
couche et lui causent des rêves effrayants. Eccli., xl,
5-7. Le sommeil est encore chassé ou troublé par les
grandes préoccupations, Dan., VI, 18, par les réflexions
trop intenses, Eccle., vm, 16, par le souci d'un père
pour sa fille, Eccli., xlii, 9, par l'envie de devenir
riche, Eccli., xxxi, 1, par le chagrin, I Mach., vi, 10,
par les desseins criminels, Prov., iv, 16, etc.
3» Métaphores empruntées au sommeil. — 1. Dor-
mir, c'est ne pas se soucier de ce qui se passe. De là
cette adjuration adressée à Dieu par les persécutés :
« Réveille-toi. Pourquoi dors-tu, Seigneur? » Ps.
xuv (xlhi), 24. Par contre, ne pas dormir, c'est faire
attention, s'employer activement à procurer un résul-
tat. Celui qui veille sur Israël ne dort pas. Ps. cxxi
(cxx), 4. David ne dormira pas tant qu'il, n'aura pas
trouvé un emplacemeut pour le Temple. Ps. cxxxil
(cxxxi), 4. Saint Paul exhorte les Romains à sortir de
leur sommeil pour se convertir. Rom., xm, 11. Il ne
faut pas dormir pour exécuter les ordres reçus, Is., v,
27, pour se dégager du péril. Prov., vi, 4. Le mal qui
ronge Job ne dort pas. Job, xxx, 17. La ruine des
méchants ne s'endort pas, c'est-à-dire les menace sans
cesse. II Pet., h, 3. — 2. Le verbe Sâkab, yoi^âu, « se
coucher », que la Vulgate traduit habituellement par
dormire, est très fréquemment employé pour désigner
les rapports sexuels entre l'homme et la femme, cf.
Sap., iv, 6; vu, 2, mais presque toujours dans des con-
ditions criminelles. Gen., xix, 32, 33; xxx, 15, 16;
xxxix, 7; Exod.,,xxn, 16; etc. Il sert aussi à désigner
des rapports contre nature. Lev., xvm, 22; xx, 13;
Exod., xxii, 18; Deut., xxvii, 21. Deux fois seulement
il suppose des unions licites. II Reg., xi, 11; Mich.,
vu, 5. Ces dernières sont habituellement indiquées par
les verbes ydda', « connaître », Gen., iv, 17, 25;
II Reg., I, 19; Malth., i 25; etc., nàgas, « s'approcher »,
Exod., xix, 15, et qdrab, «s'approcher », Gen., xx, 4;
Is., vm, 3; etc. — 3. Le même verbe Sâkab, traduit
semblablement par les versions, sert encore à indiquer
le repos du tombeau. « Dormir avec ses pères » ou « se
coucher avec ses pères », c'est aller au tombeau.
Gen., xlvii, 30; Deut., xxxi, 16; II Reg., vu, 12;
III Reg., xi, 43; II Mach., xii, 45; II Pet., m, 4; etc.
Être mort, c'est « dormir son sommeil », Ps. lxxvi,
(lxxv), 6, « dormir son sommeil éternel », Jer., j,i, 39,
57, « dormir dans la poussière ». Job, vu,. 21; xx, 11;
xxi, 26; Dan., xn, 2. Comme le sommeil paraît être une
mort transitoire, la mort est très souvent appelée un
sommeil, par ceux des auteurs sacrés qui ont une idée
plus nette de la résurrection, Job, m, 13; vu, 21;
xiv, 12; I Cor., vu, 39; xi, 30; I Thés., iv, 12, et sur-
tout par Jésus-Christ. Matth., ix, 24; xxvii, 52; Marc,
v, 39; Luc, vm, 52; Joa., xi, 11. H. Lesètre.
SOMORIA (hébreu : Semarydh; Septante : Safiopîa),
le second des trois fils qu'eut Roboam, roi de Juda, de
sa seconde femme Abihaïl. II Par., xi, 19.J
SON (hébreu : qôl, « voix », gâv, « son d'une
corde », Semés, « son fugitif »; Septante : ^x o? > çWï"
■yo;, çwv^ ; Vulgate : sonus, sonitus), effet produit sur
l'ouïe par certains mouvements de l'air. — La
Sainte Écriture a l'occasion de mentionner toutes
espèces de sons : le son des cieux, c'est-à-dire la grande
voix de la nature, Ps. xix (xvni), 5, image de la voix
des Apôtres évangélisant le monde, Rom., x, 18; le
grondement du tonnerre, Job, xxxvii, 2 ; le bruit de
la mer, Jer., vi, 23; l, 42; Luc, xxi, 25, et des grandes
eaux, Is., xvii, 13; Jer., li, 55; le bruit du vent, Act.,
H, 2; celui de la pluie qui tombe, III Reg., xvm, 41;
celui de la feuille agitée, Lev., xxvi, 36; le pétillement
des épines ou du chaume qui brûlent, Eccle., vu, 7;
Jo., il, 5; le bruit des ailes qui volent, Ezech., i, 24;
x, 5; Sap., v, 11; celui du serpent qui s'en va, Jer.,
xlvi, 22; le son des divers instruments, de la trom-
pette, Exod., xix, 19; Job, xxxix, 24; Ezech., xxxiii,
4, des cymbales, Ps. cl, 5; I Cor., xm, 1, du tambou-
rin, Job, xxi, 12, de la harpe, Is., xxiv, 8, des instru-
ments divers, Dan., m, 5; le murmure de la parole,
Job, xxvi, 14, et le son plus léger encore d'une appa-
rition, Job, iv, 16; le son du carquois, Job, xxxix, 23,
le bruit d'une foule, Is., xm, 4, d'une armée, Ezech.,
xxvi, 10, d'un camp, Ezech., i, 24, des chars, Jo., il,
5, des clameurs, I Reg., iv, 14; le bruit des pas, II Reg.,
v, 24; III Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32; celui de la chute
d'une ville, Ezech., xxxi, 16, et les vains bruits que
croit entendre le méchant. Job, xv, 21. La Sagesse,
xvn, 17, 18, mentionne dans une même énumération le
sifflement du vent, le chant des oiseaux, le bruit des
eaux, le fracas des pierres qui roulent, le bruit des
animaux qui bondissent, les hurlements des bêtes et
enfin l'écho répercuté sur les lianes des montagnes.
L'homme émet des sons au moyen de sa voix, et les
animaux font entendre des cris particuliers, indiqués
pour chacun d'entre eux. Tous les sons n'ont pas le
même caractère. Dans le psaltérion, les sons changent
de rythme, c'est-à-dire de ton en gardant ce qui est
propre à l'instrument. Sap., xix, 18. Les instruments
ont chacun un timbre différent, au moyen duquel on les
reconnaît. I Cor., xiv, 7, 8. H. Lesètre.
SONGE (hébreu : hâlôm; Septante : £vÛ7tviov, xaO'
OVvov, xocx'ôvap; Vulgate : somnium, in soninis), scène
représentée à l'imagination pendant le sommeil.
I.Les songes naturels.— 1° Les songes ou rêves sont
des phénomènes qui se produisent pendant le sommeil
sous l'influence de certaines conditions physiologiques.
Le cerveau travaille alors et l'âme a conscience de
certains actes auxquels il lui semble que la personne
entière prend part et dont elle garde ou perd le sou-
venir à l'état de veille. Mais comme l'âme, à raison du
sommeil, n'a pas l'entière disposition de son instru-
ment corporel, l'imagination est le principal agent dans
le songe. Cette faculté assemble des souvenirs et des
images sans que l'attention et la raison interviennent
pour en régler les combinaisons. De là, très souvent,
l'incohérence ou la singularité des songes. Les occu-
pations et surtout les préoccupations donnent lieu aux
songes et les caractérisent. « De la multitude des occu-
pations naissent les songes. » Eccle-, v, 2. Cf. Is., xxix,
8. Ainsi la femme de Pilate, vivement préoccupée de
l'arrestation de Jésus, qu'elle considérait comme un
juste, eut à son sujet des songes qui la tourmentèrent
toute la nuit. Matth., xxvii, 19, — 2» Les anciens atta-
chaient une grande importance aux songes, surtout
quand ils se produisaient pendant le dernier tiers de
la nuit. Odyss., iv, 837. Ils les regardaient comme des
indications fournies aux hommes par la divinité. Iliad.,
î, 63; Macrobe, Somn. Scip., i, 3; Quinte Curce, m, 3;
Artémidore, Oneirocrit., H, 70; IV, 2; Cicéron, Dedivi-
nat., Il, 72. Les songes jouaient un grand rôle dans les
cultes idolâtriques. Dans les sanctuaires d'Esculape, en
particulier, à Ëpidaure, à Cos, à Tricca et à Pergame,
les malades recevaient en songe l'indication des remè-
des qu'ils avaient à employer pour leur guérison.
Cf. Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P.,
Rruxelles, 1858, t. i, p. 141, 297; t. m, p. 285. Comme
il s'en fallait que les songes fussent toujours clairs, il
y avait des interprètes chargés d'en indiquer le sens.
Les oniromanciens de Chaldée étaient renommés.
Dan., il, 2; iv, 3. Artémidore a écrit cinq livres d'ôvti-
4833
SONGE
1834
poxpttixj, et Phiion cinq livres, dont trois de perdus,
irè&t toû BsttitsaTctou; Etvac toi; ovst'pou?, « de l'origine
divine des songes ». Edit. Mangey, t. i, p. 620-658.
Josèphe, Ant. jud., XVII, xm, 3, mentionne l'Essénien
Simon, qui expliqua un songe à Archélaûs, et il
raconte que le grand-prêtre Matthias ne put officier à
la fête de l'Expiation, à cause d'un songe malencontreux
qu'il avait eu la nuit précédente. Ant. jud., XVII, vi,
4. La Sainte Écriture défend d'attacher aucune impor-
tance aux songes ordinaires. Ils sont l'image des choses
éphémères qui passent sans laisser de trace. Job, xx,
8; Ps. lxxxiu (lxxii), 11 ; Is., xxix, 7.
Les songes excitent l'attente des sots.
C'est vouloir saisir une ombre et prendre le vent
Que de s'arrêter à des songes.
Une chose d'après une autre, c'est ce que l'on voit en songe,
C'est comme l'image d'un homme en face de son visage...
Divination, augures et songes sont choses vaines ;
Le cœur, comme chez une femme enceinte, y cède à l'imagi-
S'ils ne sont envoyés par une visite du Très Haut, [nation.
N'y prête aucune attention.
Car nombreux sont ceux que les songes ont égarés ;
A s'appuyer sur eux, l'espérance est déçue. Eccli., xxxiv, 1-7.
Ce texte met en lumière le rôle des souvenirs et de
l'imagination dans les songes. Il indique en même
temps que parfois les songes peuvent être le résultat
d'une action divine. Cf. Fr. Delitzsch, System der
biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 277-286.
II. Les songes d'origine divine. — 1» L'action de
Dieu peut s'exercer au moyen des songes, mais à des
degrés différents. Dieu effraie par des songes. Job, iv,
12-21; vu, 14; Sap., xvm, 17. Il parle aussi par les
songes. Job, xxxm, 15-18. C'était même un des moyens
officiellement prévus pour faire connaître à l'homme
les volontés divines. Num., xn,6. Au temps de Saùl,les
songes étaient mis au même rang que l'Urim et que
les prophètes. I Reg., xxvm, 6, 15. Il est prédit qu'au
temps du Messie les enfants d'Israël auront des songes,
c'est-à-dire, d'une manière générale, recevront d'abon-
dantes communications divines. Jo., H, 28; Act., n,
17. — 2° Comme le songe n'a pour garantie immédiate
que la parole de celui qui en a été favorisé, il fallait
s'attendre à ce que des imposteurs se vantassent d'avoir
entendu, sous cette forme, la voix de Dieu. Certains
devaient même autoriser leur parole par des signes ou
des prodiges diaboliques, afin de détourner le peuple
du vrai Dieu. Le Seigneur avertit les Israélites qu'il y
a là une épreuve vis-à-vis de laquelle ils doivent se
tenir en garde. Deut., xm, 1-5. A l'époque de Jérémie,
il y eut de nombreux faux prophètes, « se racontant des
rêves les uns aux autres » et voulant faire croire que
Dieu leur avait parlé. Jer. , xxm, 25. Mais il y a songe
et songe.
Que le prophète qui a eu un songe raconte ce songe,
Que celui qui a ma parole rapporte fidèlement ma parole.
Qu'a de commun la paille et le froment? dit Jéhovah.
Jer., xxm, 27-28.
« Ne vous laissez pas séduire par vos prophètes qui
sont au milieu de vous, ni par vos devins, et n'écoutez
pas les songes que vous vous donnez. C'est faussement
qu'ils vous prophétisent en mon nom ; je ne les ai pas
envoyés, dit Jéhovah. n Jer., xxix, 8, 9. On devait donc
pouvoir discerner d'avec les autres les songes envoyés
par Dieu. Ces derniers avaient pour garanties le carac-
tère du personnage qui en était favorisé, leur confor-
mité avec les enseignements divins et leur réalisation.
Les faux prophètes qu'interpelle Jérémie tendaient aux
pratiques idolâtriques; cela suffisait à montrer qu'ils ne
venaient pas de Dieu, sans parler du démenti que les
événements donnaient aux prédictions déduites de leurs
songes. — Cette affinité des songes supposés avec les
pratiques idolâtriques fait que parfois les versions
mentionnent des songes là où il n'est question que de
divination ou de magie. Lev., xix, 26; Deut., xvm, 10 ;
II Par., xxxm,6.
III. Les songes historiques. — 1° Dieu révèle en
songe à Abimélech, roi de Gérare, le sort qui le menace
pour avoir pris Sara. Gen., xx, 3. Laban est également
averti en songe de n'avoir rien à dire à Jacob.
Gen., xxxi, 24. — 2° Les songes de Joseph sont remar-
quables par leur simplicité et leur conformité parfaite
avec l'événement. Le récit qu'il en fit excita l'étonne-
ment de son père et la jalousie de ses frères. Ceux-ci
l'appelaient ba'al haftâlomôf, « l'homme aux songes »,
âvuTcviaffTrjc, sonmialor. Gen., xxxvii, 19. Leur jalousie
fut précisément le moyen dont la Providence se servit
pour procurer l'accomplissement de ce que les songes
avaient annoncé. Car si Joseph n'avait pas raconté ce
qu'il avait vu, ses frères n'auraient pas pensé à se débar-
rasser de lui et à le vendre aux marchands qui devaient
le conduire en Egypte. Gen., xxxvn, 5-28. — 3» Joseph
avait reçu de Dieu le don d'interpréter les songes. Dans
la prison, il expliqua les songes de l'échanson et du
panetier du roi. Trois jours après, l'événement justifia
sa double interprétation. Gen., XL, 5-22. — 4° Le pha-
raon eut à son tour les deux songes des vaches grasses
ou maigres, et des épis maigres ou pleins. Les sages
d'Egypte furent incapables de les expliquer. On fit alors
venir Joseph. 11 en donna l'interprétation et ce fut le
commencement de sa haute fortune. Les faits répon-
dirent exactement à ce qu'il avait annoncé. Gen., xli,
1-57. Les songes qu'a Joseph et ceux qu'il explique ont
ensemble un air de parenté indéniable. Leur harmo-
nieuse et vivante disposition, en accord si complet avec
les événements prédits, est la marque de leur caractère
providentiel. — 5° De même nature est le songe du
Madianite dont Gédéon entendit le récit et qui lui annon-
çait sa victoire. Jud., vu, 13-14. — 6° Dans un songe,
Salomon demanda à Dieu la sagesse, et ce don lui fut
accordé, avec toutes les prospérités terrestres par sur-
croit. III Reg., ni,5-15. — 7» Daniel, i, 17; v, 12, qui
possédait le don d'interpréter les songes, expliqua ceux
de Nabuchodonosor. Le premier songe, sur la statue
composée de différentes pièces, est assez compliqué. Le
roi ne put se le rappeler et ses sages furent encore
moins capables de fournir aucune interprétation. Le roi
les fit mourir. Dans une vision de nuit, Daniel reçut
communication du songe et de l'interprétation qui lui
convenait. Celle-ci portait sur l'avenir; mais, pour lui
servir de garantie, il y avait la révélation que le pro-
phète avait faite au roi du songe oublié par lui. Dan., u,
1-47. Le second songe, dans lequel Nabuchodonosor vit
un grand arbre qu'on ordonnait d'abattre, était d'une
interprétation d'autant plus difficile à formuler qu'il
s'agissait d'un châtiment à annoncer au roi en personne.
Daniel cependant fut cru et les choses arrivèrent comme
il l'avait dit. Dan., iv, 1-34. — 8» Le prophète eut lui-
même un songe, durant lequel lui furent montrées en
visions les destinées des royaumes de la terre et du
royaume de Dieu. Dan., vu, 1, 2. — 9» Mardochée vit
dans un songe une petite source d'où sortait un grand
fleuve, symbole de ce qu'Esther devait devenir pour
son peuple. Esth., x, 5, 6; xi, 5-12. — 10» Judas Macha-
bée eut un songe dans lequel lui furent montrés le
grand-prêtre Onias et Jérémie priant pour le peuple.
II Mach., xv, 12-16. — 11» Saint Joseph reçoit en songe
toutes les communications divines qui lui sont néces-
saires pour régler sa conduite dans des circonstances
où sa seule sagesse ne suffirait pas. C'est ainsi qu'il
est successivement averti d'avoir à garder Marie,
Matth., i, 20-24, à fuir en Egypte avec l'Enfant et sa
mère, Matth., n, 13, à revenir en Palestine, Matth., n,
19, et à se retirer en Galilée. Matth., Il, 22. — 12» Les
Mages apprennent en songe qu'ils doivent retourner
dans leur pays par un autre chemin. Matth., n, 12.
H. Lesêtre.
1833
SONNETTE
SOPHONIE
1836
SONNETTE. Voir Clochette, t. h, col. 807.
SOPATER (grec : Ewiraxpo;), fils de Pyrrhus, de
Bérée, Act., xx, 4, d'après la Vulgate. Les mots « fils de
Pyrrhus » ne se lisent pas dans le texte grec ordinaire,
mai» ils sont dans plusieurs manuscrits grecs. Tischen-
dorf, Novum Testamentum grœcc, édit. 8 a minor,
p. 578. Il accompagna saint Paul de Grèce en Asie à
son retour de son troisième voyage de missions.
Act., xx, 4. D'après les uns, Sopater est le même que
Sosipater mentionné comme un des parents de saint
Paul dans l'Épitre aux Romains, xvi, 21 ; d'après
d'autres, il en est différent. Voir Sosipater 2.
SOPHACH (hébreu : Sôfak; Septante : Ewçie), gé-
néral de l'armée d'Adarézer. I Par., xix, 16. Son nom est
écrit Sobach, II Sam. (Reg.), x, 16. Voir Sobach, col. 1814.
SOPHAÏ (hébreu : $ôfaï; Septante : Sou?t')> lévite,
de la famille de Caath, fils d'Elcana et père de Nahath.
I Par., vi, 26 (hébreu, 11). On l'identifie avec Suph,
I Sam. (Reg.), i, 1; I Par., vi, 35, un des ancêtres de
Samuel. Voir SupiT.
SOPHAN (hébreu : Sôfàn; Septante : 2o?ip), ville
de Gaddans la Vulgate. Num.,xxxn, 35. Le texte hébreu
porte 'Atarôt Sôfân, comme nom composé d'une seule
ville, qui est ainsi distinguée de l'autre 'A tarai, nom-
mée dans le verset précédent. La Vulgate transcrit
Étroth dans le f. 35 et Ataroth dans le j. 3i. Site
incertain. Voir Étroth, t. n, col. 2041.
SOPHAR (hébreu : Çôfar; Septante: Ewçâp), le troi-
sième des amis de 16b qui allèrent le visiter dans son
épreuve. Il est qualifiédeNaamathite. Voir ce mot, t. iv,
eol. 1427. Dans la discussion qui s'engagea entre Job
et ses trois amis sur la cause de ses malheurs, Sophar
se montra le plus sévère. Dans son premier discours,
Job, xi, il exagère ce qu'a dit Baldad dans ses accusa-
tions contre Job. Il lui reproche de parler avec pré-
somption contre la sagesse divine, qui est insondable.
Dans le second discours, Sophar est plus violent encore
et il déclare que le coupable ne peut échapper au'
châtiment. Job, xx. Il se tut ensuite et ne fit pas un
troisième discours comme ses deux amis, qui méritèrent
d'ailleurs comme lui la désapprobation de Dieu. Job,
xlii, 7-9.
SOPHER (hébreu : has-sôfér), nom commun dé-
signant un scribe, sans doute le principal, de Jérusalem,
quand cette ville fut prise par les troupes de Nabucho-
donosor. Fait prisonnier avec d'autres personnages, il
fut amené avec eux à Réblatha, à Nabuchodonosor qui
les fit mettre à mort. Les Septante ont exactement tra-
duit -ypotîi[i.aTÉa. IV Reg., xxv, 19.
SOPHÉRET, SOPHÉRETH (hébreu: has-Sôféréf;
Septante : Esqjrpi, Saçapà-r), chef d'une famille dont
les descendants revinrent de la captivité de Babylone
en Palestine parmi ceux qui sont appelés « serviteurs
de Salomon ». I Esd., il, 55; II Esd., vu, 57.
SOPHONIE (hébreu : Çefaniydh, celui que « Jého-
rah cache », c'est-à-dire, protège; Septante : Eoçovfaç),
nom dans l'Ancien Testament de quatre personnages.
1. SOPHONIE, fils deMaasias (Jer., xxi, 1; xxix,2-5;
xxxvil, 3); prêtre qui vivait du temps du roi Sédécias,
lors de fc» prise de Jérusalem par les Chaldéens. Il est
appelé hôhén miSnéh, « second prêtre », celui qui
occupe le second rang après le grand-prêtre. IV Reg.,
xxv, 18; Jer., m, 24. Il succéda à Joïadé (t. iv, col. 1596)
et fut chargé spécialement comme lui du soin du
Temple, ainsi que de la surveillance des faux pro-
phètes. C'est à ce dernier titre que lui écrivit Séméias
le Néhélamite pour lui reprocher de n'avoir pas puni
Jérémie qu'il accusait d'envoyer de fausses prophéties
à Babylone. Jer., xxix, 25-30. Le roi Sédécias chargea
une première fois Sophonie de consulter en son nom
Jérémie sur l'issue du siège de Jérusalem par les Chal-
déens, xxt, I, et une seconde fois de le prier d'obtenir
la délivrance des assiégés par ses prières, xxxvn, 3.
Quand la ville eut été prise, Sophonie fut lui-même
une des victimes de la guerre. Il fut conduit auprès de
Nabuchodonosor à Réblatha et le roi le fit mettre à
mort. IV Reg., xxv, 18, 21; Jer. lu, 24, 27.
2. SOPHONIE, lévite, de la famille de Caath, fils de
Thahath et père d'Azarias. 1 Par., VI, 36 (21). H parait
être le même que le lévite nommé Uriel, y. 24
(hébreu, 9).
3. SOPHONIE. Le neuvième des petits prophètes. —
Ceux des prophètes qui nous ont laissé quelque écrit ne
mentionnent d'ordinaire, à côté de leur propre nom,
que celui de leur père. Sophonie, I, 1, remonte jusqu'à
la quatrième génération : « fils de Chusi, fils de Godolias,
fils d'Amarias, fils d'Ézéchias. » Ce fait exceptionnel
rend assez vraisemblable la conjecture, admise par de
nombreux interprètes, d'après laquelle Ézéchias, le tri-
saïeul de Sophonie, ne différerait pas du roi de Juda. Cf.
IV Reg., xvm, 1-xx, 21; II Par., xxix, 1-xxxn, 33. La
Vulgate le nomme ici Ezecias; mais le texte hébreu em-
ploie la forme accoutumée, Ifizqiyâh. Les raisons allé-
guées contre cette hypothèse se réfutent facilement. 1° Il
n'est pas surprenant que le titre de roi ait été omis à la
suite du nom d'Ézéchias, car ce titre est cité dans la
même phrase, pour caractériser Josias, le roi alors ré-
gnant. Du reste, les contemporains savaient fort bien de
qui il s'agissait. 2° Ézéchias n'aurait eu qu'un seul fils,
Manassès, d'après IV Reg., xx, 21; xxi, 1, et II Par.,
xxxii, 33; xxxiii, 1. Cette assertion est exagérée, car le
passage IV Reg., xx, 18, donne à supposer qu'il en eut
plusieurs. En outre, les textes indiqués nomment seu-
lement le successeur d'Ézéchias. 3° On compte trois
générations entre Sophonie et son aïeul Ézéchias; deux
seulement, représentées par Manassès et Amon, entre
les rois Josias et Ézéchias. Mais le fait n'a rien de sur-
prenant, et la plupart des familles en pourraient pré-
senter de semblables. Dans le cas actuel, il s'explique
par la paternité relativement tardive de Manassès, qui
était âgé de quarante-cinq ans lorsque naquit son fils
Amon. Amarias,son frère dans l'hypothèse où Ézéchias
aurait été l'ancêtre de Sophonie, pouvait très bien avoir
alors un petit-fils (Chusi). — Cette opinion est confirmée
par l'étude même, du livre de Sophonie, car nous y
voyons le prophète parfaitement au courant des mœurs
de la cour et des classes élevées. Il paraît tout au moins
certain que Sophonie était né à Jérusalem, dont il
connaît et nomme les divers quartiers, i, 10-11, dont
il spécifie en détail les pratiques idolàtriques et les
mœurs dissolues, I, 4-8, 12, etc. — C'est tout ce que
nous pouvons affirmer avec vraisemblance au sujet de
son histoire personnelle. Il vivait sous le règne de Josias
(640-609 avant J.-C), comme il nous l'apprend en tête
de sa prophétie. Il fut par là-même contemporain de
Nahum et de Jérémie. — Clément d'Alexandrie, Strom.,
v, 11, t. IX, col. 116, cite une prophétie qu'on attribuait
de son temps à Sophonie : « Et l'esprit me saisit et
m'enleva au cinquième ciel, et je contemplai des anges
appelés Seigneurs, et leurs diadèmes avaient été placés
(sur leurs têtes) dans l'Esprit -Saint, et le trône de
chacun d'eux était sept fois plus brillant que la lumière
du soleil à son lever; ils habitaient dans des temples
de salut, et ils louaient le Dieu ineffable, le Très-Haut. »
On a publié de cette œuvre apocryphe d'autres frag-
1837
SOPHONIE (LE LIVRE DE)
1838
ments qui ont été retrouvés naguère dans une traduc-
tion copte. Voir Cheyne, Encyclopœdia biblica, 1. 1, au
mot Apocrypha, § 21; Schùrer, Theologische Litera-
turzeitung, 1899, col. 8, et Geschichte des jûdischen
Volkes, 3 e édit. , t. m, p. 271-272. L. Fillion.
4. SOPHON1E (LE LIVRE DE). — I. Le SUJET DU LIVRE.
— Ce livre est remarquable par son unité. On voit
qu'il a dû être composé d'un seul jet, comme un résumé
fidèle de la prédication du prophète. Son thème prin-
cipal, c'est le « jour du Seigneur », jour terrible où la
justice triomphera de l'iniquité des hommes, et où le
vrai Dieu réglera ses comptes avec ses ennemis, à
quelque race qu'ils appartiennent, surtout avec les élé-
ments impies de Juda et de Jérusalem, et ne laissera
subsister que les bons, après les avoir purifiés par la
•souflrance. En ce grand jour, !a vengeance du Seigneur
se manifestera sous la forme d'une catastrophe univer-
selle, que l'écrivain sacré décrit tantôt comme un épou-
vantable carnage, i, 7, tantôt comme une guerre désas-
treuse. C'est cette seconde image qui est la plus déve-
loppée : nous entendons les trompettes de guerre et
les cris des combattants, i, 10-11, 16; nous voyons le
sang couler sur le champ de bataille ei les cadavres
joncher le sol, i, 17 b ; nous assistons au pillage et au
■sac des villes, I, 16, à la dévastation complète des ré-
gions parcourues par l'ennemi victorieux, i, 13 et il,
4; etc.
Le prophète ne détermine pas quel sera l'instrument
•des vengeances du Seigneur, quel conquérant étranger
viendra châtier Juda et Jérusalem, Moab et Ammon,
les Philistins, Assur et l'Ethiopie. Il ne peut pas être
question des Assyriens, encore très puissants, il est
vrai, mais qui sont eux-mêmes menacés, H, 13-15, et
qui devaient bientôt sombrer. F. Schwally, Ssefanja,
1890, a pensé aux Égyptiens; mais la suggestion n'est
pas heureuse, puisque, d'après n, 12, l'Egypte, repré-
sentée par sa partie la plus méridionale, l'Ethiopie (hé-
breu, Kué), devait subir aussi le jugement divin. Au
■dire des anciens historiens, et spécialement d'Hérodote,
i, 103-105, les Scythes envahirent l'Asie antérieure entre
les années 627-607, et y causèrent de grands ravages. De
nombreux exégètes contemporains, à la suite de Hitzig
•et d'Ewald, ont conjecturé que Sophonie aurait em-
prunté quelques traits de sa description du « jour du
Seigneur s à l'impression produite par l'arrivée de ces
hordes sauvages. Mais les allusions sont trop générales,
par conséquent trop vagues, pour donner du poids à
cette hypothèse. Et surtout, l'ennemi que le prophète
contemplait en esprit devait être encore plus redoutable
et plus universel que les Scythes, puisqu'il menaçait
non seulement la Palestine et ses alentours, mais aussi
les lointains et puissants pays d'Assur et d'Ethiopie. En
fait, ce furent les Chaldéens, dont la puissance gran-
dissait alors rapidement, qui devaient servir d'instru-
ments à la colère du Seigneur; mais notre prophète
■est muet à leur sujet.
II. Division et analyse. — Le thème, tel que nous
venons de l'indiquer brièvement, se dédouble sous la
plume de Sophonie, car, à la manière des prophètes
antérieurs, il ne manque pas de faire succéder à la
menace la douce et brillante promesse pour un avenir
plus ou moins lointain. Entre les deux, il place un
grave avertissement, destiné à mieux attirer l'attention
■et les réflexions des coupables sur la proximité de la
vengeance céleste. — Le livre se divise donc en trois
petites sections, qui sont très ostensiblement marquées,
non seulement par la variété des pensées dominantes,
mais aussi par une sorte de refrain, qui termine la
première et la seconde partie : « Toute la terre sera
•dévorée par le feu de son (ou de mon) indignation. »
>Cf. î, 18; m, 8.
1° Première section : la menace, i, 2-18. — Après le
titre, $ . 1 , qui détermine le caractère général et l'auteur du
livre, la famille et l'époque de ce dernier, Sophonie prend
la parole au nom du Seigneur, contre tous les hommes
sans exception, les menaçant de son jugement inexo-
rable. C'est vraiment le Dies irse de l'Ancien Testament
qui retentit dans ce passage. Cf. 14-18. Le prophète déve-
loppe avec éloquence les pensées suivantes : — a) Tout
ce qui a vie sur la terre subira le jugement du Seigneur,
I, 2-3; — b) ce jugement atteindra surtout le royaume
de Juda el Jérusalem, sa capitale, à cause des excès
idolàtriques des habitants, i,4-7; — c) un jugement plus
spécial encore est réservé à chacune des différentes
classes de citoyens, surtout aux princes et aux grands,
comme aussi aux esprits forts qui, parmi leurs dé-
bauches, tournaient en dérision les menaces divines,
i, 8-13. — d). Ce jour du Seigneur arrivera bientôt, et
il n'est pas possible d'en décrire les terreurs, i, 14-18.
2° Seconde section : l'avertissement motivé,u, 1-m,
8. — De la menace, le prophète passe tout à coup à
l'exhortation pressante, et, pour donner à celle-ci plus
de poids, il revient, sous une autre forme, à l'annonce
réitérée des vengeances de Jéhovah, soit contre plu-
sieurs peuples païens des environs et des régions loin-
taines, qui avaient maltraité les Israélites, soit contre
ces derniers eux-mêmes. L'exhortation proprement dite
n'occupe que quelques lignes,- H, 1-3 ; la plus grande
partie de cette section, n, 4-in, 8, est consacrée à pro-
mulguer de nouvelles sentences de ruine contre les
Philistins, II, 4-7, contre les Moabites et les Ammonites,
n, 8-11, contre les Éthiopiens, il, 12, contre les Assy-
riens, il, 13-15, enfin contre Jérusalem et ses habitants,
m, 1-8.
3° Troisième section : promesses de salut, ni, 9-20.
— Sophonie proclame. maintenant avec joie le salut
futur. Sa belle description nous montre les Gentils qui
se soumettent au Seigneur et l'adorent, Juda qui se
convertit et sert fidèlement son Dieu. Pour tous les
hommes s'ouvre une ère de profonde paix et de bonheur
parfait (l'âge d'or messianique). Trois promesses reten-
tissent l'une après l'autre. La première, m, 9-10, regarde
les païens, dont elle prédit la conversion à venir. La
seconde, m, 11-13, est relative aux Israélites : ils seront
à jamais rétablis comme peuple théocratique, et Dieu
éloignera d'eux toute iniquité. La troisième promesse,
m, 14-20, s'adresse spécialement à Jérusalem, dont elle
décrit la gloire et le bonheur, après qu'elle aura été
comme transfigurée.
4» Accomplissement de l'oracle. — Comme on l'a
fort bien dit, « la prophétie de Sophonie commença à
se réaliser par les désastres qui atteignirent les nations
voisines (d'Israël). Elle s'accomplit davantage encore
par les grandes convulsions qui secouèrent les peuples
de l'est, peu de temps après. Elle s'accomplit pour Juda
par la captivité (de Babylone) et la destruction de la
nation coupable. Ce furent là, en effet, autant de pas
vers le terme grandiose, des éléments qui contribuèrent
à amener la plénitude des temps, des périodes de l'éta-
blissement du royaume universel de Dieu. » Kirkpa-
trick, Doctrine of the Prophets, p. 262.
III. Authenticité. — 1» La tradition. — a) Le livre
de Sophonie, des mains de la Synagogue a passé dans
celles de l'Église, comme l'œuvre de l'écrivain auquel
il a toujours été attribué. Toutes les anciennes listes
du canon biblique le mentionnent en ce double sens.
— 6) Les preuves intrinsèques s'ajoutent aux anciens'
témoignages. En examinant le livre à fond, l'on se rend
compte qu'un témoin oculaire pouvait seul parler de
l'époque de Josias comme le fait Sophonie. C'est pour
cela en particulier que l'auteur, du livre signale, sans
les expliquer ni les développer, un certain nombre de
traits qui sont plus ou moins obscurs pour nous, mais
dont ses contemporains avaient la clef. Par exemple,
i, 3 : (Je détruirai) les objets de scandale et aussi les
1839
SOPHONIE (LE LIVRE DE)
18*0
méchants (Vulgate, ruinx impiorum erunl); i, 4, les
restes de Baal; i, 5, ceux qui adorent sur les toits l'ar-
mée des cieux; i, 9, tous ceux qui sautent par-dessus
le seuil; i, 10, des hurlements depuis la porte des pois-
sons et des cris jusqu'à la ville basse; i, 11, les ha-
bitants de MaktèS, etc. Il n'est pas un trait concernant
soit Juda, soit les peuples voisins, qui ne convienne à
un prophète écrivant sous le règne de Josias.
2° Les néo-critiques. — a) Leurs assertions. —
Durant ces dernières années, ils n'ont pas manqué
d'appliquer leurs principes destructeurs à cet écrit,
qui était demeuré tellement indemne, que, naguère
encore, Robertson Smith pouvait dire dans l'Encyclo-
psedia biblica de Cheyne, t. iv, col. 5402 : « L'authen-
ticité et l'intégrité de la petite prophétie attribuée à
Sophonie ne semblent pas pouvoir donner lieu à un
seul doute raisonnable. » Voici le résumé de leurs
négations et de leurs attaques ; elles ne portent actuel-
lement que sur les chapitres II et m, en attendant
qu'elles atteignent aussi le chap. 1 er . Le rationaliste
hollandais Oort fut le premier, croyons-nous, qui
tenta d'entamer le livre de Sophonie : il contesta
vivement l'authenticité de n, 7-11 et de m, 14-20. Voir
les Goddelijke Bijdragen, 1865, p. 812-825. Le D'.
B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1887,
t. i, p. 644, rejette n, 1-3, 11, et le chapitre m tout
entier, lequel, d'après lui, serait certainement posté-
rieur à l'exil. Le D r Schwally, Zeitschrift far die
alttestamentliclte Wissenschaft, t. x, p. 665-680,
n'attribue à Sophonie, indépendamment du chap. I er ,
que II, 13-15. A l'en croire, le passage n. 5-12, daterait
de l'exil, et le chap. m serait d'une époque postérieure
à l'exil. M. Schwally ne se prononce pas avec certi-
tude sur n, 1-4, qui pourrait bien, pense-t-il, appar-
tenir à Sophonie. Wellhausen, Skizzen und Vorar-
beilen, t. v, 3 e édit., Berlin, 1898, p. 153-154, enlève au
prophète le chap. ni en entier; au chap. H, il ne lui
conteste que les f. 7 el 8-11, peut-être aussi les f. 2-
3. Budde, Die Bûcher Habakkuk und Sophonia, dans
les Studien und Kritiken, 1883, p. 393-399, affirme
que le chap. n, à part les f. 1-3, est d'une époque plus
récente que Sophonie; mais il accepte l'authenticité
d'une grande partie du chap. m, n'exceptant que les f.
9-10 et 14-20. Nowack, op. cit., p. 275, se range à peu
près au même sentiment; il essaie néanmoins de
sauver du naufrage, au chap. h, les vers. 3, 7 partielle-
ment, 8-11, 12-15, où il voit cependant quelques rema-
niements tardifs. A. Kuenen, Hist.-kritische Einleitung
in die Bûcher des Alten Testaments, trad. allemande,
2 e partie, Die prophetischen Bûcher, Leipzig, 1892,
p. 370-380, se montre relativement libéral, car il
consent à regarder la presque totalité du livre comme
l'œuvre de Sophonie; il n'excepte guère que m, 14-20.
M. Cornill, Einleitung in das Alte Test., 3 e éd., 1896,
§ xxxv, 3, accepte en gros les conclusions de Budde;
il croit à un remaniement tardif, « insignifiant » au
chap. il, plus considérable au chap. m. Le professeur
Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, p. 100-
103, malgré quelques hésitations au sujet de il, 14-15,
maintient l'authenticité du chap. n tout entier; il
sacrifie m, 14-20, avec la plupart des exégètes protes-
tants. MM. G. A. Smith, The twelve Propliets, t. n,
p. 42-45, et J. Selbie, article Zephaniah, dans Hastings,
Dictionary of the Bible, t. iv, p. 976, rejettent, ce der-
nier « avec confiance », m, 14-20, et aussi il, 8-11, ni,
9-10. Wildeboer, Die Litteratur des Alten Testant.,
trad. allem., 1895, p. 190, 192-193, ne permet le doute
que pour m, 14-20. A ce'texte, M. Baudissin, Einleitung
in das A. T., in-8°, 1901, p. 553-555, ajoute n, 7 (en
partie du moins) et 8-11. M. Marti, Das Dodekapro-
pheton erklârt, 1904, p. 360, distingue les étapes sui-
vantes pour la composition du livre : 1° La part authen-
tique du prophète, datant de 627 ou 628 avant J.-C,
serait formée, d'après l'ordre nouveau que M. Marti
établit entre les versets, de i, l a , 7, 2, 3", 4, 5, 8, 9, 10 r
11, 12, 13, 14-17 (ou plutôt, 17»); h, 1, 2s 4, 5, 6, 7s
12-14. Encore eut-elle à subir plus d'un remaniement.
2» Le passage m, 1-7, a été ajouté au v» siècle avant
notre ère, peut-être même seulement au n> siècle, à
l'époque des Machabées. 3° Le livre n'a été rédigé sous
sa forme actuelle qu'à la fin du H" siècle. C'est alors
qu'on a ajouté m, 8, 10-13, 14-15, 17-19, et fait les
petites insertions secondaires i, 3 b , 6, 8 a , 10% 12 a , 17 b r
18; n, 2 b , 3, 7 1 ', 8-10, 15. 4° Enfin, plus tard encore, on
a introduit n, 1, et m, 9-10, sans parler de petites
gloses et d'autres corruptions du texte.
b) Leurs misons sont encore plus faciles à résumer,,
car elles sont uniquement de nature subjective, par
conséquent très arbitraires. Il suffira d'en mentionner
ici quelques-unes. Stade supprime tels passages, parce
qu'ils lui «semblent » désigner une époque plus récente
que celle de Sophonie. Kuenen rejette m, 14-20, sous
prétexte que l'auteur « ne pouvait pas parler ainsi »
à ses contemporains. Budde exclut le même passage,,
parce que, dans le reste du livre, Sophonie s'adresse à
une Jérusalem rebelle et souillée de crimes, à laquelle
il prédit les châtiments divins, tandis qu'à partir de
ni, 14, il s'adresse à une Jérusalem transformée, pour
l'engager à se livrer à l'allégresse, Dieu devant bientôt
la rétablir et la délivrer de ses ennemis. Davidson
trouve pareillement que « le ton jubilant » de ces ver-
sels contraste trop avec la sombre peinture de m, 1-7,
et aussi avec m, 11-13. Pour Nowack, les passages m,
9-10, 14-20, « supposent des situations... manifestement
étangères à l'époque où Sophonie a exercé son minis-
tère. » On a signalé aussi, dans le style, quelques ara-
maïsmes et l'emploi de plusieurs expressions qui n'au-
raient pas eu droit de cité dans la langue hébraïque au
temps de Sophonie.
3° L'appréciation de ces raisons est faite de main de
maître, non seulement par les commentateurs croyants,,
mais aussi par les néo-critiques eux-mêmes. En effet,
parmi ces derniers, les uns regardent comme authen-
tique tel verset où telle série de versets que les autres
condamnent, et il se trouve finalement que leurs thé-
ories se détruisent l'une l'autre, de sorte que notre
petit livre demeure debout tout entier. — Mais il est
aisé de répondre plus directement aux objections pro-
posées. Elles se ramènent à deux principales, tirées
d'abord du fond, puis de la forme de l'écrit de Sopho-
nie. — A) En ce qui concerne le fond, on prétend
découvrir dans l'oracle de Sophonie un certain nombre
d'idées qui, par elles-mêmes, dénoteraient l'époque de
la captivité de Babylone, et même une période posté-
rieure à l'exil. Mais un exemple suffira pour montrer
combien cette spécification, moralement impossible en
principe, est arbitraire en fait. A la suite de Schwally,
M. Selbie affirme, loc. cit., que l'emploi du mot 'anav
(Vulgate, mansuetus), Soph., n, 3, exprime, « une
notion qui n'avait pas encore reçu la signification
morale et religieuse que lui donne notre livre. »
L'assertion est inexacte, car des écrivains antérieurs
se sont servis de cette expression dans un sens ana-
logue. Cf. Num., xn, 3; Is., xi, 4; Am., vm, 4, etc.
Aussi M. Davidson, loc. cit., p. 101, trouve-t-il à bon
droit que l'argument est « spécieux », c'est-à-dire
sans valeur. M. Selbie riposte qu' « un sentiment ins-
tinctif peut être plus fort que la logique. » L'exégèse
deviendrait-elle donc une affaire d'instinct? — Les néo-
critiques prétendent encore qu'en plusieurs passages
du livre de Sophonie la liaison est interrompue; ce
qui serait un signe infaillible d'interpolation, de rema-
niements malhabiles. Mais ils oublient que, dans les
écrits des prophètes comme dans ceux des poètes, la.
pensée prend souvent un nouvel essor, et que ce n'est
point là un motif suffisant pour croire à un change-
1841
SOPHONIE (LE LIVRE DE)
1842
ment d'auteur. — Parcourons rapidement les chap. n
et m de Sophonie, pour montrer que tout s'y tient
étroitement. De l'aveu de Kuenen, depuis le commen-
cement du livre jusqu'à il, 15, le discours prophétique
« suit une marche régulière », de sorte qu'il n'y a
aucune raison de mettre en cause l'authenticité de h,
1-14. Les versets 1-3, souvent rejetés, se rattachent de
très près au chap. I er , dont ils sont « la contre-partie
presque nécessaire ». Driver, dans Cheyne, Encyclo-
pxdia biblîca, t. iv, col. 5406. Les Israélites coupables
sont invités, dans ce passage, à implorer la divine
miséricorde, s'ils veulent échapper au châtiment. Il
est rare, en effet, que les prophètes d'Israël se bornent
à menacer, surtout lorsqu'il s'agit de leur peuple. Ils
savent fort bien, comme le dit nettement Sophonie un
peu plus loin, m, 11-20, que le but des châtiments de
Dieu n'est pas d'anéantir, mais de corriger, de puri-
fier; d'où il suit qu'on peut toujours essayer d'y échap-
per par le repentir. Cf. Is., iv, 4; Jer., vu, 5-7; xvni,
7; Joël, il, 12; etc. — Le passage II, 4-17, où les nations
étrangères sont menacées à leur tour du jugement
divin, ne serait pas en harmonie, nous assure-t-on,
avec le sentiment profond que Sophonie a manifesté
plus haut (chap. I) de la culpabilité de ses compa-
triotes. Cette allégation est d'une faiblesse extrême.
Les crimes de son propre peuple n'empêchent pas le
prophète de constater aussi que les nations voisines
sont gravement coupables; en outre, nous l'avons vu,
son but est précisément d'annoncer l'universalité du
« jour du Seigneur ». Ajoutons que ceux qui sup-
priment les versets 8-10, relatifs aux Moabites et aux
Ammonites, détruisent la symétrie de l'oracle lancé
contre les païens : Moab et Ammon, situés à l'est de la
Palestine, correspondent aux Philistins, qui habitaient
à l'ouest, de même qu'Assur, au nord-est, correspond
à l'Ethiopie du sud. Les versets 13-15 prédisent la
ruine de Ninive, qui eut lieu vers 607 avant J.-C; ils
sont donc antérieurs à cette date et conviennent fort
bien à l'époque de Sophonie. — Passons au chap. m.
Kuenen se fait de nouveau l'avocat de notre prophète,
et revendique pour lui la composition des y. 1-13. Ce
passage, dit-il, forme la continuation naturelle du
discours; la pensée et le style démontrent qu'il appar-
tient au même auteur que ce qui précède. « On ne
peut, écrit de son côté Davidson, loc. cit., p. 102, pro-
poser aucune objection raisonnable contre l'authenti-
cité de m, 1-7. » Il en est de même des f. 11-13, car
« nous sommes ici dans la Jérusalem d'avant l'exil,
sans aucune trace de la captivité et de ses expé-
riences. » Driver, dans Cheyne, loc. cil. Ce passage
présente donc « toutes les marques d'authenticité. » Les
versets 11-13 décrivent la Jérusalem de l'avenir, puri-
fiée par le châtiment; il n'est pas étonnant que le ton
n'y soit pas le même qu'aux versets qui précèdent. Le
tableau qu'ils tracent est « en contraste, trait pour
trait, avec la Jérusalem des jours du prophète, m, 1-7. »
Quant aux versets 8-10, «ils établissent la liaison entre
1-7 et 11-13. » Davidson loc. cit., p. 103. Restent les
versets 14-20, rejetés d'une manière générale par les
néo-critiques. Que leur reproche-t-on ? Simplement de
présenter Jérusalem sous un nouvel aspect. Mais, dit
M. Driver, An Introduction to the Literature of the
O. T., 5 e édit., p. 342-343, ils contiennent « un tableau
d'imagination »; or, « il reste à savoir s'il est suffi-
samment démontré que l'imagination de Sophonie était
impuissante à le créer. » A coup sûr elle ne l'était
pas, même indépendamment de l'inspiration, puisque
des prophètes plus anciens avaient esquissé des
peintures idéales du même genre, pour décrire l'avenir
de gloire et de bonheur que Dieu réservait à la Jérusa-
lem messianique, après qu'elle aurait été sanctifiée
par l'épreuve. Cf. Is., iv, 2-6; ix, 1-7; xi, 1-16, etc. La
répétition des mots « au milieu de toi », à travers les
différentes parties du chap. m — cf. 3, 5, 11, 12,
15, 17 — semble hien insinuer, pour sa part, l'unité
de style et d'auteur. — B) Par rapport au style, un
exemple a déjà montré plus haut (col. 1840) à- quel
point il faut se défier des affirmations émises à ce
sujet par les néo-critiques. Il en est de même des.
autres expressions qu'ils prennent, assez timidement,
pour des aramaïsmes plus récents que Sophonie. Voir
van Hoonacker, op. cit., p. 504. Le D r Kbnig, l'un des
hébraïsants contemporains les plus en renom, assure,
Einleilung in das A. T., p. 353-354, que rien, dans la
style du livre, n'exige pour la composition une époque
postérieure à l'exil. Au chap. il, on s'appuie aussi,
pour éliminer l'oracle contre Moab et Ammon, y. 8-11,
sur ce fait qu'on ne retrouve point, dans ce passage, le
rythme élégiaque qui est employé aux versets 4-7,
12-15. L'objection est bien superficielle, comme le dit
M. Driver, dans Cheyne, loc. cit. De quel droit impose-
rait-on à l'auteur l'obligation de recourir à un rythme
absolument uniforme? — Aucune des difficultés sou-
levées de nos jours contre l'authenticité et l'intégrité du
livre de Sophonie ne résiste donc à un examen sérieux.
IV. L'époque de la composition. — Elle a été fixée
plus haut (col. 1837) d'une manière générale. Nous avons
à déterminer ici, dans la mesure du possible, la période
du règne de Josias qui semble le mieux coïncider avec
les données historiques du livre. Les interprètes ne ,
sont pas d'accord sur ce point. — Le gouvernement de
Josias est divisé en deux phases très distinctes par un
fait très important, sa grande réforme religieuse, qu'il
entreprit en 621, la dix-huitiéme année de son règne,
et qui mit fin à l'idolâtrie dans Israël. Cf. IVReg., xxn,
3-xxm, 27; II Par., xxxiv, 3-xxxv, 19. D'après l'opinion
la plus commune — parmi ses partisans les plus récents,
citons Kaulen, Keil, Kuenen, von Orelli, Wildeboer,
Driver, Wellhausen, Cornill, Nowack, Davidson, Rudde
— c'est avant cette date que Sophonie aurait mis sa
prophétie par écrit. Divers traits insérés dans ses des-
criptions, tout particulièrement au chap. 1 er , semblent,
en effet, désigner clairement celte première phase.
Nous pouvons même préciser davantage encore, et as-
signer la composition du livre à la période comprise
entre la douzième et la dix-huitième année de Josias,
car ce prince, monté sur le trône à l'âge de huit ans,
IV Reg., xxii, 1; II Par., xxxiv, 1, fut d'abord impuis-
sant pour lutter contre le mal, et c'est seulement à
vingt ans qu'il put attaquer l'idolâtrie avec quelque
succès. II Par., xxxv, 3. Or Sophonie, tout en suppo-
sant que le culte des faux dieux est encore en vigueur-
dans Juda et à Jérusalem, montre que des efforts ont
déjà été tentés pour l'extirper. Voici quelques détails-
dans ce double sens : i, 4, « les restes de Baal »; i, 5,
l'adoration des astres; i, 6, l'apostasie des habitants de
Jérusalem; i, 8, des mœurs païennes jusque dans la
famille royale; i, 9, des pratiques superstitieuses; i, 4,
et m, 1-7, la corruption des prêtres, des prophètes et
de toutes les classes de la société. — Plusieurs critiques,
entre autres, Schwally, Kleinert, Schulz, etc., pensent,
au contraire, que le livre de Sophonie appartient à la
seconde phase du gouvernement de Josias. Ils s'appuient
en particuler sur le fait suivant : n, 8, le prophète
signale les « fils du roi » comme se livrant à l'idolâtrie;,
or, lorsque. Josias atteignit la dix-huitième année de
son règne, ses fils aînés, Joakim et Joachaz, n'étaient
âgés que de douze et dix ans. Cf. IV ;Reg., xxm, 26,
31. C'est donc difficilement sur eux que retombe la
menace divine. On répond à l'objection en disant que
les mots « fils du roi » sont employés ici dans un sens
large, et qu'ils désignent en général les princes de la
famille royale. Cf. IV Reg., xi, 2. — Kônig, Einleitung
in das Aile Testament, p. 352-353, retarde davantage
encore la composition du livre, qu'il place durant les
dix années qui suivirent la mort de Josias. Mais, si sa
1843
SOPHONIE (LE LIVRE DE)
1844
■conjecture était exacte, comment Sophonie n'aurait-il
tpas blâmé nommément le roi d'alors, qui aurait été le
fameux Manassès? — Concluons donc avec von Orelli,
■op. cit., p. 336 : « Le jugement porté par le prophète
sur Jérusalem, avec ses divers partis d'adorateurs de
Jéhovah, de Baal, de Moloch et des astres, avec ses pro-
phètes sans conscience et ses prêtres arrogants, ses
-chefs livrés au brigandage, et tous ses habitants qui
■refusent d'écouter la voix de la vérité et n'acceptent
aucune discipline, tout cela... suppose trop de paga-
nisme positif » pour que la réforme du roi Josias ait
été alors complète. — Les néo-critiques attribuent très
-arbitrairement à l'exil ou à la période subséquente, sans
pouvoir s'accorder entre eux, les passages de Sophonie
•dont ils rejettent l'authenticité.
Y. Caractère et enseignement religieux du livre
.de Sophonie. — Sans offrir rien de bien neuf et de
bien saillant, ce petit oracle a cependant ses particu-
larités intéressantes. Nous avons vu que « le jour
•du Seigneur » y tient une place considérable. Isaïe, h,
12-21; xiii, 6, et tout d'abord Joël, h, 1-2, etc., avaient
fait valoir cette idée avant notre prophète ; mais il l'ex-
pose avec plus d'ampleur et plus de force, et c'est à
lui que la belle prose Dies irrn dies Ma a emprunté
plusieurs de ses images si expressives. Comme Isaïe, i,
3; vi, 13, etc., et comme Michée, iv, 7, il attire l'atten-
• tion, m, 12-13, sur l'humble « reste » qui, dans la
cation théocratique, survivra au châtiment divin, et
qui formera pour ainsi dire la base d'un nouveau peuple,
celui du Messie. Il est toutefois entièrement muet sur
•la personne même du futur rédempteur d'Israël et du
monde, quoiqu'il décrive admirablement, dans sa der-
nière page, le salut dont le Messie sera l'intermédiaire.
D'après Sophonie comme d'après les autres prophètes,
•ce salut sera universel. Une extension extraordinaire du
royaume de Dieu sur la terre sera le résultat final des
jugements par lesquels tous les coupables sans excep-
tion auront été châtiés : les païens reconnaîtront et ado-
reront le vrai Dieu; Jérusalem sera honorée de tous
les hommes, comme la source de la vraie connaissance
■religieuse. Sophonie insiste avec une éloquence très
pathétique sur les devoirs d'Israël envers son Dieu. On
admirera toujours le ton simple, grave et austère de
«a prédiction. Il semble avoir composé son livre sous
l'impression très vive que Juda était mûr pour le châ-
timent, et que, si l'exécution de la sentence pouvait
•être retardée, il était moralement impossible qu'elle
fût révoquée :1a mesure de la culpabilité était comble;
déjà le bras du Seigneur s'étendait pour frapper un
■coup terrible sur les pécheurs, en quelque endroit qu'ils
fussent. Sophonie insiste cependant d'une manière
touchante sur la valeur purifiante et moralisatrice du
châtiment. Cf. m, 7-13. Il ne le cède point à Amos, non
plus qu'à Isaïe, pour le courage avec lequel il dénonce
les péchés de son peuple, et spécialement les scandales
■des grands : grâce à lui, nous apprenons à connaître le
syncrétisme religieux, extrêmement blâmable, que les
rois impies-Manassès et A mon avaient favorisé et encou-
ragé, les emprunts idolâtriques et autres que le peuple
de Dieu, pour son grand malheur, avait faits au peuple
voisin. Tout cela est fort instructif et présente un excel-
lent résumé de tous les oracles antérieurs. On conçoit
qu'une telle prédication ait dû être un puissant auxi-
liaire pour la réforme religieuse de Josias. Voir B. Duhm,
Die Théologie der Propheten, in-8», Bonn, 1875, p. 222-
225; E. von Orelli, Die alttestamenlliche Weissagung
von der Vollendung des Gotlesreiches, Vienne (Autriche) ,
1882, p. 357-362; Kirkpatrick, Doctrine of the Pro-
phets, Londres, 1905, p. 255-268; P. Kleinert, Die Pro-
pheten Israels in sozialer Beziehung, in-8°, Leipzig,
1905, p. 69-71. — Nous devons signaler aussi, comme
un caractère propre à Sophonie, les échos, relativement
fréquents, des livres plus anciens qui retentissent dans
son écrit. Cf. i, 13, et Deut., xxvm, 39; n, 7, et Deut.,
xxx, 3; m, 5,etDeut.,xxxii, 4; m, 7,etDeut.,xxviii,13;
i, 7, et Hab., n, 20, cf. Joël, i, 15, et Is., xm,3; i, 13, et
Àm., v,ll;i, 14-15, et Joël, n, 1-2; i, 16, eiAm., H, 2;i,
18, etls., x,23; H, 8, 10, etls., xv, 8, cf. Am., i, 13; etc.
VI. Style. — Sophonie est assez ordinaire sous le
rapport de la diction. On ne trouve dans ses pages ni
la grâce ni la beauté de la plupart des prophètes qui
avaient écrit avant lui. Son langage est correct; c'est,
quoi qu'on ait prétendu en sens contraire, pour nier
l'authenticité de plusieurs passages, un hébreu pur et
correct, sans aramaïsmes marqués. Le style est géné-
ralement clair; mais, simple d'ordinaire et peu orné, il
ne s'élève pas beaucoup au-dessus de la prose. 11 est
plus pathétique que poétique. Cependant, il ne manque
ni de vigueur, ni de fraîcheur, ni de vie. Généralement
peu riche en images et dénué d'originalité, il présente
çà et là des figures remarquables ; entre autres les sui-
vantes : i, 12, « Je fouillerai Jérusalem avec des lampes ; »
« Les hommes qui reposent sur leur lie; » i, 17, « Ils
marcheront comme des aveugles. » Voir aussi u, 1-2,
11, 13-15, etc. Les passages m, 11-13 et 14-20, sont d'une
grande beauté, En somme, si Sophonie n'est pas à la
hauteur des prophètes du vm e siècle sous le rapport du
style, il possède néanmoins des qualités solides comme
écrivain.
VII. Texte. — Le texte primitif du prophète a été en
général bien conservé. On le voit par l'accord qui règne
presque partout à son sujet entre les anciennes ver-
sions. Cet accord prouve qu'elles ont eu pour base un
texte original à peu près identique, lequel différait à
peine de celui de la Massore. Les divergences peuvent
s'expliquer d'ordinaire par des erreurs de traduction.
Voir L. Reinke, Der Prophel Zephanja, p. 15-40, et
Bachmann, Zar Textkritik des Propheten Zephanja
dans les Studien und Kritiken, 1894, p. 641. Les obscu-
rités que l'on rencontre çà et là proviennent sans doute
des copistes, qui auront maltraité le texte en ces en-
droits. Les corrections proposées par les néo-critiques,
en particulier par Wellhausen, Schwally, Nowack,
Marti, G. A. Smith, ne sont pas toujours heureuses.
VIII. Bibliographie. — 1° Commentateurs catho-
liques.— Voir S. Jérôme, Comment. inSoph.prophetam
liber I, t. xxv, col. 1337-1388; Théodore de Mopsueste,
Comment, in Sophon. prophel., t. lxvi, col. 444-473 ;
Théodoretde Cyr, Interpret. Sophon. prophetx, I.lxxxi,
col. 1837-1860; P. Ackermann, Prcphetx minores,
Vienne, in-8", 1830, p. 553-589; P. Schegg, Die kleinen
Propheten ùbersetzt und erklârt, in-8», Ratisbonne,
185i; 2« édition en 1862,3* partie, p. 157-226 ; L. Reinke,
Die messianische Weissagung des Zephanja, dans les
Messianische Weissagungen, t. m, Munster en West-
phalie, 1861; Id., Der Prophet Zephanja, Einleitugn
und Ûbersetzung nebst einem vollstândigen philol.
krit. und historischen Kommentar, in-8°, Munster,
1868; A. van Hoonacker, Les douze petits prophètes
traduits et commentés, in-8°, Paris, 1908, p. 498-537.
— 2° Commentateurs hétérodoxes. — J. A. Nolten, De
prophetia Zephanjœ, in-8», Francfort-sur-1'Oder, 1719 ;
F. Adolphe Strauss, Vaticinia Zephanjse commentario
illustrata, in-8», Berlin, 1843; Kleinert, Obadjas, Jonas,
Micha, Nahum, Habakuk, Zephanja, in-8», Bielefeld,
1868, p. 159-184; Fergusson, The... Teslimony of tlie
Prophet Zephaniah, dans le Journal of the Society
of biblical Literature and Exegesis, 1883, p. 42-53;
F. Buhl, Einige textkrit. Bemerkungen zu den kleinen
Propheten, spec. zu Zephaniah, il, 11, 14; m, 17-20,
dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, 1885,
p. 182-184; C. von Orelli, Dos Bue h Ezechiel und die
zwôlf kleinen Propheten ausgelegt, in-8°, Nordlingue,
1888, p. 336-347, 3« édit. 1898; F. Schwally, Dos Buch
Ssefanja, dans la Zeitschrift fur die alttestam. Wis-
senschaft, 1890, p. 165-240; W. Schulz, Kommentar
1845
SOPHONIE (LE LIVRE DE) — SORGHO
1846
ûber den Propheten Zephanja, in-8°, Leipzig, 1892;
A. Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, in-18,
1896, p. 95-136. L. Fillion.
5. SOPHONIE, père de Josias, Zach., vi, 10 (et de
Hem, x-14, d'après la Vulgate. Voir Hem, t. in, col. 586).
■Sur Josias, voir Josias 2, t. m, col. 1683.
SORCELLERIE, art prétendu de capter les forces
■de la nature ou les influences du monde invisible, au
moyen de pratiques mystérieuses sans rapport avec
l'effet à produire. La sorcellerie n'est qu'une forme
plus populaire et plus grossière de la magie. Voir
Magie, t. iv, col. 562. Le sorcier et surtout la sorcière
abusent du pouvoir occulte qu'ils s'attribuent pour
■servir leurs intérêts personnels, nuire à qui leur
déplaît et ainsi porter un grave préjudice à la société.
•Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques,
Paris, 1905, p. 11-15, 224. La sorcellerie est sévèrement
prohibée par différents textes de la loi mosaïque.
Lev., xx, 27; xxii, 18; Deut., xvm, 9-12. Cf. Sap., xn,
4. Elle persista néanmoins, en se dissimulant plus ou
moins suivant les circonstances. Malachie, m, 5, est
■encore obligé d'appeler le jugement de Dieu contre les
sorciers, mekaès'efîm, çapuaxoJç, maleficis.
H. Lesêtre.
SORCIER, celui qui pratique la sorcellerie. Voir
Magicien, t. îv, col. 562; Magie, col. 566. D'après le
■code d'Hammourabi, art. 1, celui qui ensorcelait un
homme sans raison était digne de mort. S'il lui jetait
un maléfice, le maléficié se plongeait dans le fleuve, et,
•s'ily restait, il était censé avoir mérité son sort; si, au
•contraire, le fleuve le laissait sain et sauf, son ennemi
était digne de mort. Art. 2. H. Lesêtre.
SOREC (VALLÉE DE) (hébreu : nalyal Sôrêq;
Septante : 'AXniop/,-/, k\ est probablement la finale de
nafyal; Alexandrinus : Xei|iâppouç Supin/), vallée dans
laquelle demeurait Dalila, Jud., xvi, 4. Voir Dalila,
t. il, col. 1208. La vallée de Sorec, célèbre dans l'his-
toire de Samson, est longée aujourd'hui par la ligne du
chemin de fer de Jaffa à Jérusalem, qui la suit en re-
montant jusqu'à Vouadi Sikkéh. « La vallée de Sorec
prend naissance au nord de Jérusalem, près d'el-Biréh
descend entre Nébi-Samouil et la Ville Sainte et ser-
pente ensuite entre Qoloniyéh et Aïn Kareni, devenant
de plus en plus étroite et profonde. Au sortir des col-
lines de Juda, son torrent traverse la plaine ondulée
de Séphéla et, sous le nom de Nahr Roubin, se jette
dans la mer entre Yebnah et JafTa. » B. Meistermann,
Nouveau guide de Terre Sainte, 1907, p. 39. L'ouadi
Surâr, comme on l'appelle aujourd'hui, est un des oua-
dis principaux de la Palestine méridionale. Une partie
des scènes de la vie de Samson se sont passées dans
cette vallée; Saraa, où il est né, se voit longtemps de
l'ouadi sur le sommet de la montagne où il se dresse,
au nord, de même qu'Esthaol. Entre Saraa et Esthaol
«st Mahanéh-Dan (castra Dan, Jud., xm, 25), où
commença à se révéler la force de Samson. Sur les
pentes méridionales de la vallée est Bethsamès ('Ain
Schems) — La vallée de Sorec est la voie naturelle qui
permet de monter de la Séphélah aux montagnes
■de Juda et à Jérusalem et les Philistins la suivirent
plusieurs fois au temps des Juges et de David pour aller
attaquer les Israélites. Elle n'apparait cependant qu'une
fois sous son nom dans l'Écriture,. Jud., xvi, 4, pour
désigner l'endroit où demeurait Dalila. — Le mot de
iôrêq se lit trois autres fois dans l'Écriture, mais
comme nom d'une espèce de plant de vigne. Gen., xlix,
11 (hébreu : Serêqâh ; Vulgate : vitis); Is., v, 2 (sôrêq;
fvineam] electam) ; cf. xvi, 8 (hébreu : serûqim; pro-
pagines); Jer., il, 21 (sôrêq; vinea electa). Gesenius,
Thésaurus, p. 1343, croit que Sorec tirait son nom de
ses vignes qui produisaient l'espèce de raisin rouge
bleuâtre, ainsi appelé de la racine sâraq, « être brun ».
SORGHO (Hébreu : dohan; Septante : xêy/po«; Vul-
gate tmilium, Ezech., iv, 9), une des céréales les plus
répandues en Orient.
I. Description. — Souvent rapproché du Millet pour
ses graines alimentaires, ce genre de Graminées en
diffère notablement par ses caractères botaniques. La
tige robuste et très élancée, presque simple, estpubes-
cente sur les nœuds. Les feuilles glabres sur la gaine
ont un limbe largement linéaire à bords scabres, et une
ligule courte, lancinée, poilue. L'inflorescence termi-
nale est une grande panicule à rameaux denses, chargée
d'épillets biflores de deux sortes, les uns aristés et her-
Ni»
407. — Sorgho vulgare.
maphrodites, les autres stériles et mutiques. Les glu-
mes pubescentes, sans arête, deviennent coriaces à ma-
turité, et protègent le caryopse arrondi. Le Sorghum
Ralepense de Persoon, à rhizome vivace, est surtout
employé comme fourrage, mais les espèces annuelles,
et spécialement le S. vulgare (fig. 407), originaire de
l'Inde, sont aussi cultivées pour leurs graines fari-
neuses. Le S. saccharatum, qui n'en est peut-être
qu'une variété à glumes pubescentes, a le chaume sucré
dont la sève fournit après fermentation une liqueur
spiritueuse. F. Hy.
II. Exégèse. — l&dohan, qui servait à faire du pain,
Ezech., IV, 9, est traduit plus communément par mil-
let. Voir t. iv, col. 1198. Ce nom pouvait également
comprendre quelque céréale voisine du millet, telle
que le sorgho commun. Pline, H. N., xvm, 55. Le
texte d'Ézéchiel suppose qu'on mélange avec le fro-
ment certains grains d'espèce inférieure. Ce qui con-
vient bien au sorgho,<juiest en Orient la nourriture des
pauvres. C'est une des céréales les plus habituellement
cultivées par les Égyptiens modernes, et aussi dans
l'Afrique équatoriale, l'Inde et la Chine. Les Arabes. du
commun, dit Niebuhr, Description de l'Arabie, Paris,
1779, in-8°, t. i, p. 215, n'ont presque d'autre pain que
1847
SORGHO — SORT
1848
celui de dourah, en Egypte, en Babylonie, en Syrie, en
Palestine.
Mais il y a controverse pour savoir si les anciens
Égyptiens et les habitants de la Palestine connaissaient
et cultivaient le sorgho. Bon nombre d'auteurs croient
voir dans certaines scènes de récoltes des pein-
tures égyptiennes la moisson du doura (fig. 408). Wil-
kinson, The manners and customs, t. n, p. 427, 428;
Lspsius, Denkmâler, t. m, pi. 78; Erman, Life in
ancient Egypt, trad. Tirard, Londres, 1894, in-8°,
p. 435; Fr. VVoenig, Die Pflanzen im alten Aegypten,
Leipzig, 1886, in-8°, p. 172, etc. D'autres savants croient
que la plante récoltée, ainsi représentée dans ces
scènes de Thèbes et de El-Kab, n'est autre que le lin :
ils invoquent en faveur de leur opinion le peu d'é-
lévation des tiges, la forme des épis, etc. Schweinfurth,
Zeiischrift fur Ethnologie, 1891, p. 654; Ch. Joret,
Les plantes dans l'antiquité, t. i, p. 32. Sans doute
dans ces scènes la récolte se fait en arrachant la plante
avec ses racines, comme on procédait pour le lin;
mais le sorgho s'arrachait de même; et on suit une
408. — Récolte du dourah ou du lin.
semblable pratique en certaines parties de l'Egypte; en
d'autres endroits on le coupe comme le blé.
Il est vrai que les plantes représentées ne vont qu'à
la ceinture des moissonneurs, ce qui n'est pas ordinaire
pour le sorgho. Mais le blé qu'on récolte à côté n'est
pas plus élevé.
Dans les peintures des monuments, à la suite de la
moisson du blé est représentée celle de cette plante.
Si l'o n a voulu donner les récoltes qui se font à la même
époque, ce ne pourrait être que celle du lin, qui a lieu
en avril comme celle du blé; la moisson du dourah au
contraire n'a lieu qu'en juillet, et encore pour les pays
qui ont une seconde récolte en novembre. Maison a pu
vouloir aussi bien représenter la récolte des céréales
sans tenir compte des temps, et alors la moisson du
dourah viendrait très bien à la suite de celle du blé.
Quant à la Babylonie où nous transporte le passage
d'Ézéchiel, iv, 9, le dourah était certainement connu et
cultivé.
Le mot Dâgan, qui désigne en hébreu les céréales
en général, sans spécifier l'espèce, peut servir, en cer-
tains textes, à désigner le sorgho ou dourah aussi bien
que le blé ou l'orge. A. de Candolle, Origine des plan-
tes cultivées, in-8», Paris, 1886, p. 305; H. B. Tristram,
Thenatural Hislory of lheBible,in-i%, Londres, 1889,
p. 469. E. Levesque.
1. SORI (hébreu : Sert; Septante : 2oup0> Lévite,
fils d'Idithun. I Par., xxv, 3. Au f. 11, il est appelé
Isari. Voir Isari, t. m, col. 986.
2. SORI, nom hébreu d'un parfum. Voir Balanite,
t. i, co'l. 1408.
SORT (hébreu : gôrdl, pur; Septante :»lf,po;; Vul-
gate : sors), procédé employé pour obtenir une déci-
sion qu'on ne veut pas laisser au libre choix. — Les
mots gôrdl et x^o; désignent originairement la petite
pierre ou le caillou dont on se servait pour tirer au
sort. Le mot latin sors a la même signification ; c'est le
nom de la boule de bois ou du jeton au moyen duquel
on tirait au sort. Les cailloux ou les boules, distincts
parla couleur ou quelques autres signes, étaient mis
dans un récipient quelconque, sac, pan de manteau,
coupe, urne, etc., et, sans faire intervenir la vue, on
tirait l'un deux, qui indiquait le parti à prendre ou le
choix à adopter. Le tirage au sort a été un usage chez,
tous les peuples. Le sort a été plusieurs fois employé
chez les Hébreux dans des circonstances importantes.
Sur un dieu du Sort, mentionné par Isaïe, lxv, 12,
voir Meni, t. iv, col. 968.
1» Dans les partages. — Le sol de la Palestine a été
partagé entre les tribus par voie de tirage au sort.
Num., xxvi, 55; xxxm, 54; Deut., i, 38; Jos., i, 6;
xvui, 6; Act., xm, 19. Les villes lévitiques furent dési-
gnées par le sort dans toutes les tribus. Jos., xxi, 4;
I Par., vi, 65. Au retour de la captivité, on tira au sort
ceux qui devaient habiter à Jérusalem, à raison d'un
I sur dix parmi tout le peuple. II Esd., xi, 1. On ne
tirait pas au sort quand tous devaient être pris.
Ezech.,xxiv, 6. Les ennemis se partageaient au sort les
dépouilles, Abd., 11, les terres conquises, I Mach., m,
36, et les prisonniers. Jo., m, 3; Nah., m, 10. Confor-
mément à la prophétie, Ps. xxn (xxi), 19, les dépouilles
du Sauveur furent partagées entre les soldats et sa
robe tirée au sort. Matth., xxvii, 35; Marc, xv, 24;
Luc, xxiii, 34; Joa., xix, 24. Les parts d'héritage
étaient tirées au sort. Eccli., xiv, 15. Le tirage au sort,
dans les partages, avait pour effet de couper court aux
contestations. Prov., xvm, 18. C'était donc un moyen
de conserver la paix parmi les ayants-droit. Voici com-
ment, aujourd'hui encore, on tire au sort en Palestine,
quand le gouvernement turc a attribué à une commune
quelque morceau de terre arable : « Après qu'il a été
préalablement et dûment établi à quelle étendue de
terre chaque membre de la commune peut prétendre,
d'après l'importance de sa maison, le territoire est di-
visé en lots d'égale grandeur, et, autant que possible,
d'égal rapport, dont les noms sont écrits sur de petits
cailloux renfermés dans une sacoche. Les habitants du
village se réunissent et se placent en demi-cercle au-
tour de l'iman. Celui-ci fait tirer de la sacoche, par un
enfant qui n'a pas encore cinq ans, un des petits cail-
loux, garai, tandis qu'en même temps un autre enfant
proclame le nom d'un des habitants du village, à qui
est alors adjugé le lot qu'on vient d'annoncer. On ne
peut en appeler de ce partage. » F. Buhl, La société
israélite d'après l'A.T., trad. de Cintré, Paris, 1904,p.93.
2° Dans la désignation des fondions. — A l'époque
des Juges, on désigna par le sort, à raison d'un sur
dix par tribu, les guerriers qui devaient prendre part
à la lutte contre Benjamin. Jud., xx, 10. Quand les Israé-
lites voulurent un roi, Samuel le fit désigner par le sort;
le sort tomba sur la tribu de Benjamin, sur la famille de
Mélri et enfin surSaûl. I Beg., x, 21. Beaucoup de fonc-
tions sacrées furent attribuées aux lévites et aux prêtres
par la voie du sort. I Par., xxiv, 5, 31; xxv, 8; xxvi,
13. Un nouveau tirage au sort se fil dans ce but après
le retour de la captivité. Il Esd., x, 34; Luc, i, 9. Voir
Prêtre, col. 649, 650. Pour désigner le successeur de-
Judas, les Apôtres recoururent au sort, après avoir
prié Dieu de faire connaître son choix. Le sort tomba
sur saint Matthias. Act, I, 26. A ce cas, comme à celui
de l'élection de Saiil, déjà sacré par Samuel, s'applique-
visiblement la remarque des Proverbes, xvi, 33
On jette les sorts dans le pan de la robe,
Mais c'est Jébovah qui décide.
1849
SORT — SOT
1850
3° Dans les cas douteuse. — Achan ayant attiré la
colère de Dieu par une contravention grave à la loi de
f anathème, Josué demande au sort la désignation du
coupable inconnu. Le sort indiqua successivement la
tribu de Juda, la famille de Zaré, la maison de Zabdi et
enfin Achan. Jos., vu, 16-18. Saûl fit décider par le
sort qui était responsable, de lui ou de son fils Jona-
thas. I Reg., xiv, 38. Les marins de Joppé procédèrent
de même pour savoir qui d'entre les passagers attirait
sur eux la tempête, et le sort désigna Jonas. Jon.,
i, 7. Dans ces cas, le sort était manifestement dirigé
par Dieu; il ne s'en suit nullement qu'il le soit toujours
dans les cas analogues. Habituellement, Dieu laisse
agir les causes naturelles et il ne s'engage nullement
à faire connaître la vérité ou sa volonté par la voie du
sort. A la fête de l'Expiation, le sort réglait celui des
deux boucs qui devait être immolé et celui qui devait
être chassé au désert. Lev., xvi, 9, 10. On recourait au
sort pour savoir, en certains cas, le parti à prendre.
Jos., xvm, 6, 8. Voir Urim et Thummim. A l'instigation
d'Aman, les Perses décidèrent par le sort le jour où
les Juifs seraient massacrés dans tout l'empire. Voir
Phurim (Fête des), col. 338. Le roi de Babylone
demandait au sort la désignation du pays qu'il devait
attaquer. Ezech., xxi, 26, 27. Voir Rabdomancie,
col. 920. Cf. Ose., iv, 12. — Josèphe, Bell, jud., III,
vin, 7, raconte un curieux exemple de désignation par
le sort. — Dans beaucoup d'autres endroits, la Vulgate
appelle « sort » le résultat du partage, la destinée de
chacun, les conditions de la vie humaine. Voir Coupe,
t. il, col. 1075; Héritage, t. m, col. 611; Part, t. iv,
col. 2171. H. Lesêtre.
SORTS (FÊTE DES). Esther, ix, 26. Voir Phurim,
col. 338.
SOSIPATER (grec : 2Wîi««Tpo;, « sauveur de son
père »), nom de deux Israélites.
1. SOSIPATER, un des généraux de Judas Machabée.
Avec Dosithée (voir Dosithée 2, t. h, col. 1494), il
s'empara d'une forteresse qui n'est pas nommée et où
les Juifs massacrèrent dix mille de leurs ennemis.
II Mach., XII, 19. Timothée,le chef de l'armée syrienne
battu par Judas Machabée, tomba entre les mains de
Dosithée et de Sosipater qui lui rendirent la liberté
sur son engagement de renvoyer libres les nombreux
prisonniers juifs qu'il avait entre les mains, f. 23-25.
2. SOSIPATER, parent de saint Paul qui était avec
lui lorsque l'Apôtre écrivit aux Romains. Il est énu-
méré parmi ceux qui envoient leur salutation aux
destinataires de PÉpltre. Rom., xvi, 21. Beaucoup
admettent qu'il est le même que celui qui est appelé
Sopater (de Bérée), Act., xx, 1. D'autres le nient
et la question est douteuse. Voir Acta Sanctoruni,
t. v, junii 25, p. 4. Le nom de Sosipater se lit
sur une liste de politarques de Thessalonique. Voir
Secundus, col. 1556.
SOSTHÉNE (grec : S<o<jôivr,c). 1» Chef de la syna-
gogue de Corinthe du temps de saint Paul, après la
conversion de Crispus. Voir t. il, col. 1119. Les con-
versions opérées par saint Paul dans cette ville ayant
irrité les Juifs, ils l'amenèrent de force au tribunal du
proconsul Gallion, t. Tir, col. 98, .qui leur répondit
dédaigneusement qu'ils démêlassent eux-mêmes les
affaires concernant leur loi, et il les éconduisit de la
sorte. La foule battit alors Sosthène devant le tribunal
et le proconsul romain laissa faire. Act., xvm, 12-17.
Les plus anciens manuscrits grecs et le texte latin ne
précisent point si ce sont les Juifs ou les païens qui
maltraitèrent Sosthène, le textus receptus grec dit que
ce furent oi "EàXyjveç, et il semble plus vraisemblable
que ce soient les païens, peu favorables aux Juifs, qui
voyant le mépris que faisait d'eux Gallion, en profi-
tèrent pour satisfaire leurs mauvaises dispositions à
leur égard en s'en prenant à leur chef. D'autres pen-
sent cependant, et saint Jean Chrysostome est du
nombre, In Act. hom. xxx, 2, t. lx, col. 278, que
Sosthène était disciple et ami de saint Paul et que ce
sont les Juifs qui en cette circonstance le traitèrent
comme un ennemi dont ils voulurent se venger.
2° Saint Paul, dans sa première Épitre aux Corin-
thiens, i, 1, leur écrit non seulement en son nom,
mais aussi au nom de son « frère » Sosthène. Plusieurs
en ont conclu que ce Sosthène était celui dont parlent
les Actes, lequel était bien connu à Corinthe et qui,
s'il était devenu chrétien, devait s'intéresser particu-
lièrement à cette Église et y jouir d'une certaine auto-
rité. Eusèbe, H. E., i, 12, t. xx, col. 117, le mentionne
comme un des soixante-dix disciples du Sauveur,
d'après quelques-uns, qui par conséquent ne l'identi-
fiaient point avec le chef de la synagogue corinthienne.
En réalité la tradition est flottante et indécise à son
sujet. Voir Calmet, Dictionnaire de la Bible, édit.
Migne, t. iv, col. 610-611.
SOSTRATE (grec : 2w<jrpdcTo;), commandant de' la
citadelle de Jérusalem au nom du roi de Syrie Antio-
chus IV Epiphane. Il pressa le grand-prêtre Ménélas,
mais inutilement, de payer au roi de Syrie les sommes
qu'il lui avait promises pour obtenir le souverain pon-
tificat. II Mach., iv, 27-29. D'après le texte latin, Sos-
trate et Ménélas furent appelés pour cette affaire à
Antioche, et Ménélas fut privé du sacerdoce et remplacé
par son frère Lysimaque, tandis que Sostrate reçut le
gouvernement de Cypre. D'après le texte grec, Ménélas
laissa son frère Lysimaque pour tenir sa place et Sos-
trate (laissa) Cratès qui était gouverneur des Cypriotes,
de sorte que c'est Cratès qui aurait eu le commande-
ment de la citadelle de Jérusalem. Le Vaticanus lit
■/.pat^aa; au lieu de KpdrniTa, de sorte 'que le sens est le
même que dans la Vulgatelatine: Sostrate reçut le gou-
vernement de Cypre. — Le résultat du voyage de Mé-
nélas et de Sostrate à Antioche est passé sous silence,
sans doute parce que lorsqu'ils arrivèrent dans cette
ville, le roi en était déjà parti, f. 30, pour aller répri-
mer une sédition qui avait éclaté subitement en Cilicie.
SOT (hébreu : 'ëvil, kesil, nâbûb, nâbdl,sâbâl, yâ'al;
Septante: àçpwv, àa-sôr,;, èrciXïiTrro; ; Vulgate : stultus,
insipiens, insanus), celui qui n'a pas la dose commune
de bon sens ou d'intelligence.
1» Le sot ne sait pas se tirer d'affaire dans les diffi-
cultés de la vie, ni même dans la prospérité. Son inter-
vention entraine toutes sortes d'inconvénients, pour lui
et pour les autres, d'autant plus qu'il se croit sage, alors
qu'il marche dans les ténèbres. Eccle., n, 16; Prov.,
xix, 15. C'est donc un homme à éviter. Ces idées
reviennent fréquemment, sous différentes formes, dans
Job, les Proverbes, l'Ecclésiaste et l'Ecclésiastique.
D'après les versions, « le nombre des sots est infini. »
Eccle., I, 15. Le texte hébreu dit seulement que « ce
qui manque ne peut être compté. » Le Sauveur quali-
fie de sot celui qui bâtit sa maison sur le sable, Matth.,
vu, 26, et celui qui pense à élever des greniers pour
sa récolte, quand la nuit même il va mourir. Luc, xii,
20.
2" Parmi ceux qui s'accusent ou sont accusés d'avoir
agi en sots, il faut ciler Aaron, Num., xii, 11, les Isra-
élites, Deut., xxxii, 6, la femme de Job, n, 10, Saûl,
I Reg., xiii, 13; xxvi, 21, David, I Reg., xxiv, 10, Nabal,
I Reg., xxv, 25, Asa, II Par., xvr, 9, les sages d'Egypte,
Is., xix, 11, et de Babylone, Jer., l, 36, les faux pro-
phètes d'Israël, Ose., iv, 7; Jer., xxiii, 13, le peuple de
1851
SOT — SOUDE
1852
Jiida, Jer., v, 21, les scribes et les pharisiens, Matth.,
xxiii, 17; Luc, xi, 40, les. disciples d'Emmaûs, Luc,
xxiv, 25, les sages de la gentilité, Rom., i, 22, etc.
3° L'impiété qui se refuse à reconnaître Dieu,
Ps. xiv (xm), 1; Jer., iv, 22; v, 4; Eccîe., vu, 26, est
considérée comme le fait d'un sot. Le sot ne comprend
rien aux œuvres de Dieu. Ps. xcn (xci), 7. Aussi la fin
de l'injuste est-elle celle du sot. Jer., xvn, 11. Le servi-
teur de Dieu est traité de sot par le monde ; mais ce sot
est sage «ux yeux de Dieu, tandis que le sage selon le
monde est sot en realité, s'il ne connaît pas Dieu et ne
le sert pas. I Cor., i, 20, 25, 27; iv, 10. Il faut donc
devenir sot selon le monde pour être sage selon Dieu,
I Cor., m, 18, et se conduire ainsi en sage, non en sot.
Eph., v, 15. Le ministre de Dieu doit également rejeter
les questions sottes et inutiles, II Tim., n, 23; Tit.,
m, 9, c'est-à-dire celles qui sont plus capables de
nuire à la religion que de lui être utiles.
H. Lesètre.
SOTAÏ, SOTHAÏ (hébreu: Sôtaï; Septante : Swtcu,
Ho-jtel). Ses descendants, formaient une famille des
a serviteurs de Salomon » qui retournèrent de la cap-
tivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd.,
h, 55; II Esd., vu, 77.
SOTTISE (hébreu: 'ivvélét, hôlêlah, hôtêlût, kesîlût,
késél, kislàh, sékél, siklût, Hklût,(ahpûkâh, piflâh; Sep-
tante l'àtppoavvr!, fitopîa, àyXripia, 7tapacpopâ; Vulgate :
stultitia, insipientia), défaut d'intelligence et de sens
pratique. Six des mots hébreux qui désignent la sottise
ne se lisent que dans l'Ecclésiaste.
1° La sottise est comme une femme bruyante, stupide
et ignorante. Prov., ix, 13. Elle déborde de la bouche
de l'insensé, Prov., xv, 2, 14, et vient à la suite de la
colère. Prov., xiv, 17, 29. Le sot met sa joie dans sa
sottise, Prov., xv, 21, et a plaisir à la manifester.
Prov., xii, 23; xm, 16. En face du malheur, Job, i, 22,
n'a proféré aucune parole de sottise. L'Ecclésiaste a
cherché à connaître la sottise aussi bien que la sagesse,
Eccle., i, 17, afin de les comparer. Eccle., il, 12. Il a
reconnu que la sagesse l'emporte de beaucoup sur la
sottise. Eccle., h, 3, 12, 13. Néanmoins, il a constaté
que la sottise est au cœur des hommes, Eccle., ix, 3,
que l'insensé ne dit que sottises, Eccle., x, 13, que la
sottise occupe parfois des postes élevés, Eccle., x, 1, 6,
et qu'il est fou de se laisser conduire "par elle. Eccle.,
vu, 25. Mieux vaut donc cacher sa sottise que cacher sa
sagesse. Eccli., ai, 18 (15).
2° La pire sottise est celle qui se détourne de Dieu.
Le pécheur est victime de sa sottise. Ps. xxxvm
(xxxvn), 6. Dieu connaît sa sottise, Ps. lxix (lxvhi), 6,
et il pardonne, pourvu qu'on ne retourne pas lekislâh,
« à la sottise ». Ps. lxxxv (lxxxiv), 9. Les versions ont
traduit que Dieu pardonne « à ceux qui reviennent à
leur cœur », ce qui suppose que le mot hébreu a été
décomposé en lêb, « cœur », séldh, « pause », avec
substitution d'un a à un 3. Les anciens Israélites ont
été une race de sottise impie. Deut., xxxn, 20. C'est du
cœur que viennent l'orgueil et la sottise. Marc, vu, 22.
La prédication de la croix est une sottise aux yeux des
impies et des gentils. I Cor., i, 18, 21, 23; n, 14. Mais
la vraie sottise, aux yeux de Dieu, c'est la sagesse de ce
monde. I Cor., i;i, 19. H. Lesêtke.
SOUDE (hébreu : bôrît; Septante : rcoc'a; Vulgate :
herba bovith, herba fullonum), désigne certaines
plantes herbacées, dont les cendres fournissen t le carbo-
nate de soude, et aussi l'extrait même de ces plantes ou
carbonate de soude employé dans les lessives et dans
la fabrication du savon.
I. Description. — Les plantes riches en sels de
sodium appartiennent à la famille des Salsolacées qui
en lire son nom. Elles se tiennent sur le littoral mari-
time, ou vivent à l'intérieur dans les sols imprégnés de-
sel. Nombreuses sont les espèces croissant en Pales-
tine, spécialement dans les régions désertiques. Parmi
409. — Salsola kali.
les principales citons VAtriplex Halimus de Linné,
arbrisseau à feuilles blanchâtres qui abonde sur les
rives de la mer Morte. Les vrais Salsola ont les feuilles-
410. — Salicornia.
charnues et subulées, piquantes dans le 5. Kali (Sg. 408),.
terminées par une soie molle dans le S. Soda. Quant
aux Salicornia (%. 409), ils se reconnaissent aisément
à ieurs rameaux articulés et sans feuilles. F. Hy.
II. Exégèse. — On a vu, t. i, col. 1853, que le mot
1853
SOUDE
SOUFFLET
1854!
bôrît dans Jer., n, 22, et Mal., in, 2, désigne une plante
qui fournit une espèce de savon végétal. Les Septante,
la Vulgate, et les traductions rabbiniques l'ont ainsi
entendu. Dans Jer., n, 22, nétér, « natron », soude ou
alcali minéral, est mis en parallèle avec bôrîf, soude
ou alcali végétal. Plusieurs exégètes ont pensé que dans
Job, ix, 30, et Is., i, 25, le mot bôr avait la même signi-
fication. Dans Job, ix, 30, en effet, bôr est mis en paral-
lèle comme moyen de purification avec l'eau pure pro-
venant de la neige : il semblerait que la mention d'une
sorte de savon serait assez naturelle dans ce passage.
Cependant l'expression bebôr kappékâ se retrouve plus
loin, Job, xxii, 30 et signifie certainement c< par la
pureté de tes mains ». Il paraît bien avoir le même sens,
dans le premier cas. Quant à Is., i, 25, il semble y avoir
une transposition de lettres, et au lieu de 133, kebôr,
comme [avec] la soude, il faut lire 133, bahkur, « dans
la fournaise, le creuset»; sens plus naturel dans le
contexte.
Les Arabes désignent les plantes maritimes,
employées à la fabrication de la soude sous le nom de
Kali (avec l'article al-kali, d'où vient notre mot alcali).
Ils appellent de même les substances extraites de ces
plantes, comme la soude, et ils comprennent égale-
ment sous ce nom général les carbonates de potasse.
Parmi ces plantes les plus habituellement employées
sont les Salsola Kali, Salsola Soda etc., les Salicornes
Salicornia fruticosa, S. herbacea. Les tribus arabes
des bords de la mer Morte en récoltent d'abondantes
quantités, qu'elles brûlent pour extraire de leurs cen-
dres des alcalis, soude ou potasse destinés à leur usage
ou à l'exportation. On les utilise en Palestine pour la
Tabrication du savon, qui est spécialement développée
à Jaffa, à Naplouse, à Jérusalem. W. M. Thomson, The
Land and the Book, in-8, Londres, 1885, p. 532; H. B.
Tristram, The naluralHistory ofthe Bible, in-8°, Lon-
dres, 1889, p. 481-482; 0. Celsius, Hierobotanicon, in-
8°, Amsterdam, 1748, p. 449. E. Levesque.
SOUFFLE (hébreu hébél, néfés, nUmâh;
Septante : ôrtiiCc, 7tvEÛ[<.a, xw&ïi, ^V"/ 1 !» Vulgate : aura,
halitus, fiatus, spiritus, spiracu lum) , air mis en mou-
vement par le mécanisme de la respiration.
1° Au sens propre. — Dieu a mis en l'homme niS-
ma( hayyîm, 7tvo-<î Çwïi;, spiraculum vitse, le souffle
de vie, de manière à faire de lui néfês Ijtayyïm, i/vy^
Çùffa, anima vivens, un être animé et vivant. Gen., n,
7. Ce n'est pas le souffle qui constitue la vie, mais il
en est le signe le plus évident. Aussi. « tout ce qui a
souffle de vie », Gen., vu, 22, équivaut-il à « tout être
vivant ». Cf. Gen., i, 20, 30; Sap.. xv, 11; Is., xlii, 5.
Le souffle dans les narines, c'est donc la vie. Job,xxvn,
3. Les idoles n'ont pas ce souffle et, par conséquent, ne
sont pas vivantes. Ps. cxxxv (cxxxiv), 17; Jer., x, 14;
Bar., vi, 24; Hab., n, 19. Quand la vie diminue, pour
une cause ou pour une autre, le souffle s'épuise,
Job, xvn, 1; Dan., x, 17, on n'a plus qu'un souffle,
II Mach., m, 31, on rend le dernier soupir, II Mach.,
vu, 9, ou l'esprit, Matth., xxvn, 50; Joa., xix, 30, on
expire. Marc, xv, 37; Luc, xxm, 46; Act., v, 5, 10.
Alors il n'y a plus de souffle dans le corps, il est mort.
III Reg., xvn, 17. Dieu tient en ses mains le souffle
des rois, c'est-à-dire leur vie. Dan., v, 23. Comme ce
souffle est très léger, les impies le comparent à une
fumée, Sap., n, 2, assimilant ainsi la vie et l'âme qui
en est la cause à quelque chose qui périt totalement
sans laisser de traces. — Le souffle du crocodile
allume des charbons, c'est-à-dire que la vapeur que
rejette l'animal paraît toute enflammée aux rayons du
soleil. Job, xl, 12.
2° Comparaisons. — Le souffle est une chose légère
et faible. Un souffle emportera les idoles, Is., lvii, 13,
elles disparaîtront au moindre effort dirigé contre elles.
L'homme est semblable à un souffle, tant sa vie est
faible et éphémère, Ps. xxxix (xxxvm), 6 ; cxliv (cxliii),
4; ses jours ne sont qu'un souffle. Job, vu, 16. Les-
trésors mal acquis sont comme le souffle d'un homme-
qui va mourir, Prov., xxi, 6, ils n'ont rien de stable.
Les coutumes des nations idolâtres ne valent pas
mieux. Jer., x, 3. Le souffle donne son nom à la vanité
elle-même, c'est-à-dire à tout ce qui n'a ni valeur, ni
durée. C'est pourquoi l'Ecclésiaste appelle les choses de
ce monde habêl hâbdlim, n vanité des vanités », c'est-
à-dire choses vaines, inconsistantes, éphémères, qui>
ne méritent pas d'occuper sérieusement l'esprit de-
l'homme. Eccle., i, 2, 14; n, 17, 23; iv, 4, 8; v, 9; vi,
9. — Comme la respiration normale est signe de vie et
de santé, « commencer à respirer » c'est obtenir la-
paix, II Mach., xm, 11, et « respirer à l'aise », c'est se
donner satisfaction.
3° Au sens figuré. — Le souffle de Dieu désigne sa-
puissance. La sagesse est le souffle de la puissance de
Dieu. Sap., vu, 25. Si Dieu retirait son souffle, toutes-
choses périraient à l'instant. Job, xxxiv, 14. Ce souffle
fait mourir les méchants, Is.,xi, 4, dessèche l'herbe et
les fleurs, Is., xl, 7, et précipite la course du fleuve-
encaissé dans ses rives. Is., lix, 19. Voir Vent.
H. Lesêtre.
1. SOUFFLET (grec : pântana ; Vulgate : alapa, cola- '
phus), coup frappé avec la main sur le visage de quel-
qu'un. En hébreu, il n'y a pas de mot pour désigner-
ce coup; on se sert de l'expression « frapper sur la
joue ». Le grec du Nouveau Testament emploie presque
toujours le verbe xoXaçiÇsiv, qui n'est pas classique et
a été formé du substantif xôXaifoi;, « soufflet ». — Aux
yeux des Orientaux, un soufflet est une des plus graves-
injures que l'on puisse subir. Les coups de bâton se
supportent patiemment, mais le soufflet déshonore efr
appelle la vengeance. Cf. Landrieux, Aux pays du
Christ, Paris, 1897, p. 414. Aussi de fortes amendes,
étaient-elles la conséquence de cet affront : pour un
soufflet sur l'oreille, une mine, soit 141 francs; pour-
un soufflet sur la mâchoire, 200 zouz, soit 176 francs-
Baba kamma, vm, 6. — Quand le prophète Michée,
fils de Jemla, annonça à Achab et à Josaphat que leur
expédition en commun serait sans succès, Sédécias, fils-
de Chanaana, le frappa sur la joue. III Reg., xxh, 24;.
II Par., xvm, 23. C'est le seul exemple d'un pareil
affront infligé à quelqu'un dans l'Ancien Testament-
Job, xvi, 11, parle au figuré quand il accuse ses enne-
mis de lui frapper la joue avec outrage. Il est bon que
celui qui est soumis à l'épreuve « tende la joue à celui-
qui le frappe », car le Seigneur viendra à son aide.
Lam., m, 30. L'ennemi de Jérusalem frappe de la
verge sur la joue le juge d'Israël, Mich., v, 1 (iv, 14),.
c'est-à-dire outrage les princes de la nation. — Notre-
Seigneur dit que, si on est frappé sur la joue droite,,
il faut présenter la joue gauche. Matth., v, 39; Luc, vi,
29. C'est un conseil signifiant que son disciple doit
supporter patiemment les plus graves injures et se-
tenir disposé à en subir de plus graves encore. Pendant
sa passion, le Sauveur montre lui-même en quel sens
il faut entendre ce conseil. Quand il décline l'interro-
gatoire qu'entreprend sans droit le grand-prêtre Anne,.
un valet lui donne un soufflet. Joa.,<xvm, 22. Notre-
Seigneur se contente alors de faire remarquer l'injus-
tice de ce traitement, qui n'est pas seulement une
odieuse brutalité, mais encore un humiliant outrage.
Durant la nuit, entre les deux séances du sanhédrin,
d'autres valets, lui ayant bandé les yeux, le frappent au
visage et le soufflettent en lui disant : « Devine qui t'a
frappé. » Matth., xxvi, 67; Marc, xiv, 65; Luc, xxh,
64. A leur tour, les soldats de Pilate le tournent en
dérision et lui donnent des soufflets, Matth., xxvn, 30;.
Joa.. xix, 3, de telle sorte que Juifs et gentils s'accor-
dent pour le maltraiter ainsi. — Par ordre du grand-
1855
SOUFFLET — SOUFRE
1856
prêtre Ananie, saint Paul est frappé sur la bouche.
Act., xxiii, 3. L'Apôtre rappelle que, dans la prédication
de l'Évangile, il est accablé de soufflets. I Cor., iv, 11.
Les J uifs en effet se permettaient d'autant plus volontiers
cette violence envers lui qu'ils y attachaient plus de
mépris. Saint Paul parle aussi de l'ange de Satan qui
le soufflette, II Cor., xii, 7, c'est-à-dire de l'infirmité
de sa chair qui le tente et l'humilie. — Saint Pierre
dit qu'il n'y a pas de gloire à être souffleté pour une
faute commise, mais que la patience a du mérite devant
Dieu quand le traitement injuste est supporté avec
patience. I Pet., n, 20. H. Lesêtre.
2. SOUFFLET (hébreu : mappuâh; Septante : ipuar,-
tïjp; Vulgate : sufflatorium), instrument qui sert à
projeter l'air dans un foyer afin d'activer la combus-
tion. — L'idée du soufflet a été naturellement suggérée
par l'expérience très simple des joues qui se gonflent
pour lancer un jet d'air sur le feu que l'on désire faire
prendre. Cf. Eccli., xxvm, 14. Le procédé ne suffisait
plus quand il s'agissait d'activer un foyer pour le ren-
'dre capable de fondre les métaux. Les Egyptiens se
servaient dans ce but de soufflets ingénieusement dis-
posés. Voir t. il, fig. 677, col. 2312. Sur un socle posé
à terre se fixait un récipient de peau alternativement
comprimé par le pied et soulevé par la main à l'aide
d'une corde. Le même homme pouvait ainsi manœuvrer
deux pédales, et un autre homme en pouvait faire
autant de l'autre côté du foyer. On obtenait ainsi un jet
d'air presque continu. Pour mettre la peau des
soufflets hors des atteintes de la trop grande chaleur,
des tuyaux de métal ou d'argile conduisaient l'air de la
pédale au foyer. Jérémie, vi, 29, fait allusion à un
soufflet de ce genre, mapùah, de nâfal.i, « souffler ».
Il suppose qu'on a produit un feu si ardent pour
réduire un métal rebelle à l'épuration, que le soufflet
lui-même a été atteint et consumé, ce qui rend impos-
sible la continuation du travail. Les tuyaux conducteurs
d'air n'étaient donc pas assez longs. Des soufflets plus
importants fonctionnaient dans les grandes forges. C'est
un soufflet de cette sorte que paraît mettre en mouve-
ment l'ouvrier placé à gauche dans la figure 679, t. n,
col. 2313. On ne voit pas que le soufflet à main, com-
posé de deux planches réunies par une peau, et
connu à l'époque classique, cf. Rich, Dict. des antiq.
rom. et grecq., p. 277, sous les noms de <pj(ja, follis,
ait été en usage chez les Hébreux. — Une autre allu-
sion est faite au soufflet dans l'Ecclésiastique, xliii, 4,
qui compare le soleil ardent à une « fournaise soufflée »,
kûr nàfûali, une fournaise dont le soufflet active la
chaleur; Septante : xâu.ivov ç-jo-ûv, « un four souf-
flant »; Vulgate, en lisant <pvMc<T<jtov au lieu de <puirwv,
fornacem custodiens, « gardant la fournaise ». — Isaïe,
liv, 16, montre le forgeron soufflant sur les charbons
ardents et en retirant l'arme qu'il doit travailler. Il se
servait pour cela du soufflet. H. Lesêtre.
SOUFFRANCE (hébreu : 'dvén, hariob, ke'ib,
mak'ôb, ma'âsêbàh, 'êséb, 'oséb, hébél, hll, halhâlâh,
iîrîm; Septante : ôSuvï], jiaOijtia, Xùit/|; Vulgate : dolor,
passio), effet produit sur l'homme par tout ce qui
l'atteint dans son bien-être. La souffrance peut être
morale, voir Deuil, t. u, col. 1396; Pénitence, t. v,
col. 40; Tristesse, ou physique. Voir Mal, t. iv,
col. 600; Maladie, col. 611; Supplices; Tourments;
Tribulation.
1° Cause initiale. — A la suite du péché d'origine,
Dieu condamna la femme à des souffrances multipliées,
surtout à l'occasion de l'enfantement, et il ajouta la
peine et la fatigue au travail de l'homme. Gen., m, 16,
17. Il ne suit pas de là pourtant que, sans le péché ori-
ginel, la souffrance eût été absolument épargnée à
l'homme; car toute nature créée est nécessairement
imparfaite, exposée, par conséquent, à souffrir par le
fait même de son imperfection. Mais, sans le péché,
l'homme eût été mieux armé pour éviter ou combattre
la souffrance, et, en tous cas, la principale souffrance,
la mort avec tout ce qui la précède et la cause, eût été
supprimée. Voir Mort, t. iv, col. 1286.
2° Causes secondaires. — 1. La condition humaine.
Job,xiv,22;Ps.xc(Lxxxix),10; Jer.,xx,18. — 2. L'enfan-
tement. La souffrance qui accompagne l'enfantement
est la conséquence du péché d'origine. Gen., m, 16;
xxxv, 17. Cette souffrance paraissait si dure aux Hébreux
que les auteurs sacrés la prennent très fréquemment
comme le type des plus grandes douleurs humaines.
I Reg., iv, 19; I Par., iv, 9; Ps. xlviii (xlvii), 7 ; Eccli.,
xxxiv, 6; xlviii, 21; Is., xm, 8; xxi, 3; xxvi, 17; lxvi,
7; Jer., yt, 24; xm, 21; xxn, 23; l, 43; Ose., xm, 13;
Mich., iv, 9; Joa., xvi, 21; I Thés., v, 3. — 3. La cir-
concision, Gen., xxxiv, 25, et les autres blessures. —
4. Les accidents. Luc, xm, 2; etc. — 5. Le travail.
Gen., m, 17; Ps. cxxvn (cxxvi), 2. — 6. Les privations.
Phil., iv, 12, la faim, la soif, etc. — 7. Le péché, avec
les conséquences diverses qu'il entraîne. Job, n, 13; v,
6; xv, 35; Prov., xxn, 8; Ps. xxxn (xxxi), 10; Sap., xi,
21; xix, 12; Is., xiv, 3; l, 11; II Mach., vu, 32; etc.
Aussi s'étonne-t-on que souvent il n'y ait pas de souf-
frances pour l'impie. Ps. lxxiii (lxxii), 4. Voir Impie,
t. m, col. 846. — 8. La persécution. Exod., m, 7, 8;
Ps. lv (liv), 4; lxix (lxviii), 30 ; etc. — 9. L'épreuve.
Job, n, 13; xxxiii, 19; Ps. x (xi), 14; xxxi (xxx) 11;
II Thés., i, 5; etc. — 10. Le deuil. Gen., xxiv, 67;
xxxvn, 35; II Reg., i, 26; xix, 2; Zach., xn, 10;
Sap., xiv, 15; etc.
3° Souffrances du Christ. — Elles ont été prédites
par Isaïe, lui, 2-12, et par le Sauveur lui-même.
Matth., xvi, 21; xvn, 12;Marc, vin, 31 ; ix.ll ; Luc, ix,
22; xvii, 25; Act., m, 18. Elles ont été endurées par
lui, surtout pendant sa passion. Voir Jésus-Christ, t. m,
col. 1438, 1473-1476. Le Sauveur en a ensuite affirmé la
nécessité. Luc, xxiv, 26, 46; Act., xvn, 3.
4» Souffrances du chrétien. — Saint Paul eut à
souffrir pour le Christ. Act., ix, 16. Tous les chrétiens
sont associés aux souffrances du Christ, II Cor., 1,5, 7;
Phil., m, 10; I Pet., rv, 13, complètent dans leur corps
ce qui manque à la passion du Christ, Col., i, 24, et en
même temps souffrent les uns pour les autres. I Cor.,
xn, 26. Toutes ces souffrances du temps se changeront
en gloire dans l'éternité. Rom., vin, 18.
H. Lesêtre.
SOUFRE (hébreu : gofrîf; Septante : ôeîov; Vul-
gate : sulphur). métalloïde de couleur jaune s'en-
flammant à une température d'environ 150». Le
soufre se trouve abondamment auprès des volcans, soit
en activité, soit éteints. Les anciens désignaient sous le
nom de soufre toutes les matières inflammables, parce
qu'ils croyaient que le soufre entrait dans leur compo-
sition. — La destruction de Sodome et des villes cou-
pables est attribuée à une pluie de soufre et de feu.
Gen., xix, 24; Deut., xxix,23; Luc, xvn, 29. Ces villes
étaient situées dans une région volcanique; elles ont
été victimes d'éruptions de matières incandescentes
dans lesquelles le soufre et le feu exerçaient nécessaire-
ment leur action. — Ces mêmes agents sont considé-
rés comme intervenant dans le châtiment des impies.
Job, xvm, 15; Ps. xi, 6; Ezech., xxxvm, 22. Le souffle
de Jéhovah embrasera Assur comme un torrent de soufre.
Is., xxx, 33. La terre d'Édom sera changée en pous-
sière de soufre, c'est-à-dire deviendra calcinée et sté-
rile comme les régions qui sont le siège de phénomènes
volcaniques. — Saint Jean voit des chevaux couleur de
soufre dont la bouche jette le feu, la fumée et le soufre.
Apoc, ix, 17, 18. Leurs cavaliers sont les exécuteurs
des vengeances divines. Le séjour des châtiments de
l'autre vie est représenté comme un étang de feu et de
1857
SOUFRE — STACTE
1858
coufre, dans lequel sont plongés Satan, les démons et
les impies. Apoc, xrv, 10; xix, 20; xx, 9; xxi, 8. ^Cette
image est empruntée à la catastrophe de Sodome et des
villes coupables. H. Lesètre.
SOUILLURE (hébreu : m'ûm, mûm; Septante :
àxaôapo-ia, àxpowia, gjiO.o;; Vulgate : macula, immundi-
tia, sordes), difformité morale provenant du vice on du
péché. Sur la souillure physique, voir Impureté légale,
t. m, col. 857. — La souillure de l'âme vient de l'infi-
délité à Dieu, Deut., xxxn, 5; Eccli., xlvii, 22; de
l'iniquité, Jer., il, 22; Ezech., xxiv, 13; de l'idolâtrie,
Rom., i, 24; vi,19; II Cor., xn, 21; de la fréquentation
des méchants, Eccli., i, 33; de la mauvaise langue,
Jacob., III, 6; de l'hypocrisie, Matth., xxm, 25; des
doctrines perverses, II Petr., n, 10, 13; Jud., 8, 12; des
œuvres de la chair. Gai., v, 19; Eph., iv, 19; v, 3;
Col., m, 5; Jud., 23. Les démons, instigateurs de toute
souillure, sont ordinairement appelés « esprits impurs».
Matth., x, 1; xn, 43; Marc, i, 23, 27; m, 11; Luc, iv,
33; vi, 18; Act., v, 16; vin, 7; Apoc, xvi, 13; xvm, 2;
etc. Les méchants appellent « souillure » la conduite
des bons. Sap., Il, 16. La souillure est une cause de
ruine. Mich., n, 10. — Ce n'est pas à la souillure- que
Dieu appelle ses serviteurs. I Thés., iv, 7. Job, fidèle à
Dieu, s'est abstenu de toute souillure. Job, xi, 15;xxxi,
7. Le chrélien doit rejeter toute souillure, Jacob., i, 21,
et garder les commandements sans souillure. I Tim.,
vi, 14. L'Église est l'épouse sans souillure du Christ.
Eph., v, 27. Les âmes sans souillure seront près du
trône de Dieu. Apoc, xiv, 5. Voir Mal, t. iv, col. 598;
Péché, t. v, col. 11. H. Lesètre.
SOULIER. Voir Chaussure, t. n, col. 631.
SOUPER (Vulgate: cœna). Voir Repas, col. 1046;
Cène, t. n, col. 408.
SOURCE. Voir Fontaine, t. n, col. 2302.
SOURD (hébreu : héréS ; Septante : xwpô;; Vulgate :
survins), celui qui est privé du sens de l'ouïe. — Jého-
vah a faille sourd et le muel, c'est-à-dire a permis leurs
infirmités. Exod., iv, 11. La loi défend de proférer des
malédictions contre le sourd, bien qu'il ne les entende
pas. Lev., xix, 14. Le persécuté est délaissé par ses
amis, comme un sourd duquel on ne peut se faire
entendre. Ps. xxxvm (xxxvii), 14. Le juge inique res-
semble à la vipère qui fait la sourde oreille. Ps. lviii
(lvii), 5. Voir Charmeur de serpents, t. n, col. 598.
Les idoles sont sourdes. Ps. cxv (cxm),5. Il y a une surdité
volontaire qui empêche d'entendre la parole du Sei-
gneur. Is., xlii, 18,19; xliii, 8. — A la venue du Messie,
les sourds entendront. Is.,xxix, 18;xxxv,5. La prophétie
s'est accomplie au moral et au physique. Matth., xi, 5;
Luc, vu, 22. Saint Marc, vu, 32, 37; ix, 24, raconte la
guérison d'un sourd et celle d'un possédé que le dé-
mon rendait sourd et muet. Voir Muet, t. iv, col. 1331.
— Les nations devaient être assourdies à la nouvelle
du salut d'Israël. Mich., vu, 16. Voir Oreille, t. iv,
col. 1857. H. Lesètre.
SOURIS (hébreu : 'akbâr; Septante : pù>s; Vulgate :
mus), petit quadrupède, du genre rat, au pelage gris-
roussâtre, plus clair en dessous, â l'allure très vive et
se multipliant prodigieusement. La souris est origi-
naire d'Europe. Elle est actuellement répandue partout
et depuis longtemps. Le mot hébreu 'akbâr désigne en
général tous les animaux du genre rat. Il peut donc
s'appliquer aux souris, surtout dans deux passages ds
la Sainte Écriture. Lev., xi, 29, et Is., lxvi, 17. Voir
Rat, col. 990.
H. Lesètre.
DICT. DE LA BIBLE.
SPARTIATES (grec . EmxpTuiTai). I Mach., xn,
xiv, xv. Voir Lacédémoniens, t. iv, col. 7.
SPIRITUEL (SENS). C'est le nom principal, donné
par les Pères et les exégètes catholiques au sens mys-
tique ou typique de l'Écriture Sainte. Voir t. IV, col. 1370.
Il a été emprunté à saint Paul. L'Apôtre a nommé
pptojia 7iveu(j.aTiy.ôv, nô|xa itvEu(iatixôv èx irvsopiaTtXïjç
TUTpaeç, la nourriture des Hébreux au désert (manne),
l'eau qui sortait du rocher, nourriture et breuvage,
qui étaient des tûxoi. I Cor., x, 3-6. Il déclarait donc
que ces événements historiques du séjour des Hébreux
au désert avaient une signification spirituelle, dési-
gnant des faits analogues qui se produisent dans
l'Église. La Loi tout entière était même à ses yeux wveu-
îiaTixoç, Rom., vu, 14, c'est-à-dire par la volonté du
Saint-Esprit et par l'esprit du chrétien figurative de
l'économie nouvelle du christianisme. Il opposait la
lettre à l'esprit, Rom., n, 29; vu, 6, et il reconnaissait
que la lettre tue et l'esprit vivifie. II Cor., m, 6. Par
suite, on a donné le nom de spirituel à un sens, que
la lettre ne signifie pas immédiatement, mais qui appar-
tient à l'esprit animant ce corps, qui est perçu sous
cette lettre par les yeux de l'esprit, et qui désigne des
choses spirituelles et supérieures au sens littéral. Cette
dénomination, dont la dérivation biblique n'est peut-
être pas très heureuse, a été et est encore d'un emploi
général dans l'Église. Les théoriciens de nos jours lui
préfèrent la désignation, également paulinienne, de
sens typique; mais l'usage a fixé la signification pré-
cise du sens spirituel, qui est identique aux termes de
sens mystique et de sens typique. Il est nécessaire
toutefois de distinguer soigneusement les sens spiri-
tuels certains, voulus par le Saint-Esprit, auteur prin-
cipal de l'Écriture, et exprimés médiatement sous le
sens littéral, des interprétations spirituelles, proposées
avec plus ou moins de fondement par les Pères et les
exégètes catholiques. Chacun sait que l'exégèse allégo-
rique a multiplié au delà de toute limite les explications
spirituelles de l'Écriture. L'abus de cette interprétation
a nui, dans les temps modernes, à la reconnaissance
des véritables sens spirituels. Voir t. iv, col. 1369-1376.
Sur les recueils d'interprétations spirituelles de l'Ecri-
ture, voir l'article Allégories bibliques, dans Je Dic-
tionnaire de théologie catholique, t. i, col. 835-836.
E. Mangenut.
STACHYS (grec : Sts/o;, « épi de blé »), chrétien
de Rome, salué par saint Paul, Rom., xvl, 9, qui
l'appelle dilectum meum. Quoique le nom soit rare,
on le trouve néanmoins parmi les membres de la
maison impériale. Corpus inscript, lat., t. VI, n. 8607.
D'après Nicéphore Calliste, H. E., vnr, 6, t. cxlvi,
col. 28, il fut établi, par l'apôtre saint André, évêque de
Byzance, dont il occupa le siège pendant seize ans et
où il eut pour successeur Onésime. D'après Hippolyte,
De LXX Apostoiis, 23, t. x, col. 955, et Dorothée de Tyr,
Chron. pasc., t. xcxn, col. 521, n. 11, il fut un des
soixante-douze disciples.
STACTE. Traduction latine du grec <rrax-cf|,
« goutte », ce mot désigne ordinairement une sorte de
gomme de myrrhe. Mais dans la Vulgate il s'applique à
divers produits. Ainsi il sert deux fois à traduire le
mot hébreu lot, le ladanum, Gen., xxxvil, 25; xliii,
11; une fois pour rendre qiddâh, la casse, Ezech.,
xxvn, 19, enfin une fois plus exactement pour expri-
mer le sens du mot nataf, qui a proprement le sens
de « goutte», Exod. xxx, 34, et désigne le styrax. Sauf
dans Ezech., xxvn, 19, où ils semblent avoir lu une
leçon différente, les Septante ont mis également araxTrj
dans les passages ci-dessus mentionnés. Ils l'ont aussi
employé pour 'âhâlôp, l'aloès, Ps. xlv (Vulgate, xliv), 9 ;
pour môr, la myrrhe, Cant., i, 13 (Vulgate, 12) ; pour beià
V. - 59
1859
STACTE - STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE D'EGYPTE
1860
mini les parfums en général. Is., xxxix, 2. Il est mis
même pour rendre néiéq, qui signifie, armes, armure,
III Reg., x, 25; II Par., rx, 24. Ainsi <xt5<xtt„ stacte, n'est
mis exactement que dans Exod., xxx, 34, où il traduit
nâtâf, goutte de styrax. Voir Styrax.
E. Levesque.
STADE (grec : ariStov). — 1» Mesure grecque de
longueur, dans le second livre des Machabées et dans
le Nouveau Testament, équivalant à 600 pieds grecs et
625 pieds romains ou 125 pas romains. Pline, H. N.,
II, xxiii, 85. Le stade vaut donc 185 mètres. II Mach.,
xi, 5; xn, 9, 10, 17,29; Luc, xxiv, 13; Joa., vi, 19; xi,
18; Apoc, xiv, 20; xxi, 16. — 2° Dans saint Paul,
I Cor., ix, 24, le stade désigne l'arène pour la course
à pied. On l'appelait ainsi parce que l'arène d'Olympie
avait exactement la longueur d'un stade.
STHARBUZANAI (hébreu : Selar Bôznaî; Sep-
tante : SaOapéouÇava'i), officier perse, sous-gouverneur
ou bien secrétaire du satrape Thatanaï qui commandait
pour le roi de Perse à l'ouest du fleuve (de l'Euphrate),
sous le règne de Darius, fils d'Hystaspe. I Esd., v, 3,
6; vi, 6, 13. Ces deux personnages écrivirent à Darius
pour savoir de lui s'ils ne devaient pas empêcher les
Juifs de rebâtir le temple de Jérusalem, mais la réponse
du roi autorisa la réédification de la maison de Dieu.
Voir Thatanaï.
STATÈRE (grec : (TTarrjp), pièce de monnaie men-
tionnée une fois dans le Nouveau Testament. Matth.,
xvn, 26. Les familles juives payaient annuellement un
impôt d'un didrachme pour l'entretien du Temple.
Voir Capitation, t. n, col. 214-215. Le didrachme ou
double drachme valait un demi-sicle ou un demi-
statère. Le statère valait donc quatre drachmes ou un
sicle. Si le statère de saint Matthieu correspond exac-
tement au sicle hébreu, il devait valoir seulement
2 fr. 83 environ; si c'était le statère ordinaire des
Grecs, qui pesait à peu près 15e312, il valait en
moyenne 3 fr. 83. Quand les collecteurs de l'impôt le
réclamèrent à saint Pierre, l'apôtre, sur l'ordre de
Notre-Seigneur, prit dans le lac de Génésareth un
poisson dans lequel il trouva un statère qui lui servit à
payer l'impôt pour son maître et pour lui. Matth., xvn,
23-26. Il y avait à celte époque en circulation en Pales-
tine des tétradrachmes d'Athènes et des tétradrachmes
d'Antioche. Ceux d'Antioche étaient frappés à l'effigie
d'Auguste (fig. 410). C'est probablement dans la gueule
« drachme ». Saint Jérôme a plusieurs fois rendu par
« statère » dans sa version des livres hébreux le mot
« sicle », êéqél. I Sam. (Reg.), ix, 8; II (IV) Reg., vu,
1, 16, 18 ; Jer., xxxm, 9; Ezech., iv, 10. Voir Sicle.
410. — Tétradracbme d'Auguste frappé à Autiocbe. Argent.
Tête d'Auguste laurée, à droite. KAIEAPOE EEBAETOr. —
^. ET01"2 ^$f KIKHE. Tyché tourelée, avec un voile tom-
bant sur la nuque et les épaules, vêtue du chiton talaire,
assise sur un rocher, tenant une palme. A ses pieds, l'Oronte
nageant à droite. Dans le chrmp, le monogramme jKà suivi de
IB?et le monogramme TA; grênetis sur le pourtour.
d'un chromis que fut trouvé le statère. Voir Poisson,
Chromis Simonis, t. v, col. 496, fig. 113.
Le mot « statère », de même que le mot « didrachme »,
ne se lit qu'une seule fois dans le Nouveau Testament.
Dans l'Ancien, le didrachme est aussi nommé II Mach.,
iv, 19; x, 20, par la Vulgate, mais le texte grec porte
STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE
D'EGYPTE. Chaque station des Israélites à l'époque
de l'Exode est traitée à sa place alphabétique dans un
article spécial. Voici la" liste complète des stations,
d'après les renseignements fournis par l'Exode, les
Nombres et le Deutéronome (fig. 411) :
/. DE L'EGYPTE AU SINAI.
1» Rassemblement des Hébreux à Ramessés. Exod.,
xn, 37; Num., xxxill, 3.
2» Socoth. Exod., xn, 37; Num., xxxm, 5.
3° Étham. Exod., XIII, 20; Num., xxxm, 6.
4» Phihahiroth. Exod., XIV, 2; Num., xxxm, 7.
5» Traversée de la mer Rouge et campement à l'en-
trée du désert de Sur. Exod., xv, 22; Num., xxxm, 8.
6° JMara, Exod., xv, 23; Num., xxxm, 8, après trois
jours de marche dans le désert de Sur.
7» Élim. Exod., xv, 27; Num., xxxm, 9.
8° Campement près de la mer Rouge. Num., xxxm,
10.
9» Désert de Sin. Exod., XVI, 1; Num., xxxm, 11.
10» Daphca. Num., xxxm, 12.
11° Alus.Num., xxxm, 13.
12° Raphidim. Exod., xvn, 1; Num., xxxm, 14.
13° Désert du Sinaï. Exod., xix, 1, 2; Num., xxxm, 15.
//. du sinÀ'i a cadès. — Num., x-xx.
14° Pharan (Désert de), Num., x, 12; Thab'êrâh
(Vulgate : Incensio). Num., xi, 3; Deut., ix, 22. Omise
'dans la liste Num., xxxm.
15° Qibrot Hafta'âvdh (Vulgate : Sepulcra Concu-
piscentise). Num., xxxm, 16; Deut., IX, 22.
16° Haseroth. Num., xi, 34; xxxm, 17.
17° Rethma. Num., xxxm, 18.
18° Remmon-pharès. Num., xxxm, 19.
19» Lebna. Num., xxxm, 20.
20» Ressa. Num., xxxm, 21.
21» Céélatha. Num., xxxm, 22.
22° Mont Sépher. Num., xxxm, 23.
23" Arada. Num., xxxm, 24.
24» Macéloth. Num., xxxm, 25.
25° Thahalh. Num., xxxm, 26.
26° Tharé. Num., xxxm, 27.
27» Methca. Num., xxxm, 28.
28° Hesmona. Num., xxxm, 29.
29» Cadès. Num., xxxm, 36. Envoi des espions dans
la terre de Chanaan. Num., xn, 16; xm, 26 (Vulgate,
xill, 1, 26); Deut., 1, 19-20. De là, les Israélites revien-
nent sur leurs pas et errent pendant trente-huit ans.
Num., xiv, 25-30; Deut., n, 1.
30» Mont Hor. Num., xxxm, 37.
III. DE CADÈS A ASIONGADER.
31° Moséroth. Num., xxxm, 30.
32° Benéjaacan. Num., xxxm, 31.
33° Mont Gadgad. Num., xxxm, 32.
34» Jétébatha. Num., xxxm, 33.
35° Hébrona. Num., xxxm, 34.
36» Asiongaber, sur la mer Rouge. Num., xxxm, 35.
Cf. Deut., m, 1.
IV. D' ASIONGABER AU JOURDAIS.
37» Salmona. Num., xxxm, 41; cf. xxi, 4.
38» Phunon. Num., xxxm, 42; cf. xxi, 6.
39» Oboth. Num.. xxxm, 43; cf. xxi, 10.
40» Jéabarim. Num., xxxm, 44; cf. xxi, 11.
41» Torrent de Zared. Num.,xxi, 12; Deut., n, 13-14.
42» L'Arnon. Num., xxi, 13. Cf. Deut., n, 24.
43» Dibongad. Num., xxxul, 45.
44» Helmondéblathaïm. Num., xxxill 46. '
45» Béer (le puits). Num., xxi, |6 |g_
46° Matthana. Num., xxi, 18.
Dictionnaire delà Bible.
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1861
STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE D'EGYPTE — STÈLE
1862
47° Nahaliel. Num., xxi, 19.
48» Bamoth, Num., xxi, 19, 20.
49° Mont Abarim, devant le mont Nébo ou Phasga.
Num., xxi, 20; xxxm, 47. Cf. Deut., m, 27.
50° Plaines de Moab. Num., xxxm, 48.
51» Bords du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho. Num.,
xxxm, 49.
STATUE (hébreu : nesîb, sémél, sémêl, félém ; Sep-
tante : eixtôv, [iopipTi; Vulgate : statua), représentation,
en plein relief, d'un être animé ou supposé tel, à l'aide
d'une matière dure, pierre, bois, bronze, argile, etc. —
Les statues étaient nombreuses chez les anciens peuples.
Les Hébreux en virent de grandioses et magnifiques
en Egypte et plus tard en Assyrie. Mais la statuaire
antique était largement au service de l'idolâtrie. L'au-
teur de la Sagesse, XIV, 15-21, montre comment on fut
amené à faire des statues des hommes regrettés ou
vénérés, et ensuite à leur rendre un culte et à les ado-
rer. On en vint même à se prendre de passion pour
elles. Sap., xv, 5. Des statues de toute taille et de toute
nature représentèrent les faux dieux; on les désigne
sous le nom d'idoles. Voir Idole, t. m, col. 817-822. Il
fut expressément défendu aux Israélites de représenter
aucun être vivant et de se prosterner devant de pareilles
représentations. Exod., xx, 4, 5; Deut., iv, 15-19. Par
contre, il leur fut ordonné de détruire toutes celles
qu'ils trouveraient dans le pays de Chanaan. Exod.,
xxni, 24; xxxiv, 13; Num., xxxm, 52; Deut., vu, 5;
xn, 3. — La décoration du Temple ne comporta aucune
statue. La loi ne tolérait en ce genre que les deux ché-
rubins de l'Arche, dont l'attitude était celle de servi-
teurs de la divinité, et non de personnages divins.
Voir Arche d'alliance, t. î, col. 917, 918. 11 y eut tou-
jours grand scandale quand des rois impies osèrent
introduire des statues idolâtriques jusque dans le
Temple. II Par., xxxm, 7; II Mach., vi, 2. Des statues
des faux dieux furent néanmoins fabriquées à presque
toutes les époques. Aaron avait commencé au désert,
en faisant le veau d'or, Exod., xxxn, 4, 8; Jéroboam
l'imita, III Reg., xn, 28, et les instincts idolâtriques du
peuple trouvèrent toujours des fabricants disposés à les
satisfaire. Isaïe, xliv, 12-17, montre ceux-ci à l'œuvre;
le forgeron façonne la statue à la lime et au marteau,
après l'avoir passée au feu. « Le sculpteur étend le cor-
deau, il trace la forme au crayon, la façonne avec le
ciseau, et en fait une figure d'homme, la belle figure
humaine. » Voir Maçon, t. iv, fig. 163, col. 514. Un
autre fabrique l'idole avec un tronc d'arbre, dont une
partie lui a servi à se réchauffer. — Dans un songe,
Nabuchodonosor vit une grande statue, immense et
d'une grandeur extraordinaire; son aspect était terrible ;
elle avait la tête d'or, la poitrine et les bras d'argent,
le ventre et les cuisses d'airain, les jambes de fer, les
pieds en partie de fer et en partie d'argile; une petite
pierre vint la frapper, tout se brisa et fut emporté par
le vent. Daniel expliqua au roi que cette statue symbo-
lisait les différents empires qui devaient se succéder :
celui des Babyloniens, des Mèdes, des Grecs et des
Romains; la petile pierre qui la ruinerait serait le
royaume du Messie. Dan., il, 31-45. Plus tard, Nabu-
chodonosor lui-même érigea, dans la plaine de Dura,
une immense statue d'or, haute de soixante coudées
et large de six, et il commanda de se prosterner devant
elle et de l'adorer. Voir Or, t. IV, col. 1845.
H. Lesêtre.
STÈLE (hébreu : massëbah, massêbéf, siyyûn; Sep-
tante : (tttiXïi, <r/;(uTov, ).î8oç; Vulgate : titulus), pierre
dressée, avec ou sans inscription, pour consacrer un
souvenir.
1» Chez les anciens peuples. — Rien n'est plus natu-
rel que de dresser des pierres pour perpétuer, d'une
manière durable, le souvenir d'un événement impor-
tant, une victoire, une alliance, la mort d'un person-
nage puissant, etc. Aussi constate-t-on cet usage chez
tous les anciens peuples. Les Égyptiens gravaient sur
des stèles l'image et le récit des hauts faits de leurs
rois. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 237, 251,
253, 291, 485; t. n, p. 102, 295; t. m, p. 45, 109. La plus
curieuse, au point de vue biblique, est la stèle de
Ménephtah I«>\ Voir Ménephtah, t. îv, fig. 253, vis-à-vis
col. 967. Les Assyriens dressaient aussi des stèles par-
tout où ils passaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
t. h, p. 657, 659; t. m, p. 17, 208, 213, 260, 374, 375, 543.
Certaines stèles servaient au bornage des propriétés
412. — Stèle-limile égyptienne (Thothmoès IV).
D'après Mariette, Monuments divers, pi. 47.
(fig. 412). En Chaldée, elles étaient consacrées à la divi-
nité afin que celle-ci prît les champs sous sa protection,
comme en témoignent les inscriptions : « Nabù, garde la
borne des champs, » ou « Ne franchis pas la limite, n'en-
lève pas la borne, hais le mal, aime la justice. » Cf. Scheil,
Textes élamitiques-sémitiques, t. i, p. 91. Voir Bornes,
1. 1. col. 1854. D'autres stèles avaient une destination re-
ligieuse. Quand Théglathphalasar I er découvrit les stèles
votives de son père Chamchi-Ramman, il les oignit
d'huile, épanditdes libations, les remit en place et de-
manda qu'on en fit autant pour les siennes. Cf. Schra-
der, Keilinschriftliche Bibliotheh, t. i, p. 44. Mésa, roi
de Moab, prit soin de graver sur une stèle le récit des
principaux événements de son règne. Voir Mésa, t. îv,
col. 1015-1016. On a retrouvé trois stèles dans les
ruines du vieux sanctuaire chananéen de Tell es-!$âfy ;
il y avait à leur base des quantités d'ossements d'ani-
maux, indiquant qu'on avait offert des sacrifices en cet
endroit. Ces stèles sont en effet dressées à l'intérieur
1863
STELE
1864
du sanctuaire dont on a pu reconstituer le plan (413).
A Gazer, huit stèles ont été retrouvées, alignées dans
le haut-lieu chananéen (flg. 414). Entre ces stèles et le
rocher, une multitude d'enfants en très bas âge ont été
ensevelis dans des jarres. Cf. Vincent, Canaan, Paris,
1907, p. 102-126. On connaît un bon nombre de stèles
phéniciennes et puniques. Voir t. i, flg. 238-240,
col. 909, 910; t. n, fig. 599, 675, col. 1903, 2295; t. ni,
flg. 75, col. 342; t. rv, fig. 178, 308, 309, col. 586, 1225,
1226, etc. Ce ne sont point des pierres sacrées conte-
nant ou figurant le dieu, comme les bétyles, voir
Bétyle, t. i, col. 1765, mais de simpies monuments
commémoratifs, comme les stèles des autres peuples.
11 ne s'ensuit pas cependant que, dans le cours des
âges, la stèle n'ait pas été confondue parfois avec le
bélyle et ne soit pas devenue l'objet d'un culte idolà-
trique. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémiti-
ques, Paris, 1905, p. 197-204.
2° Chez les Hébreux. — 1 . Pendant qu'il se rendait
en Mésopotamie, Jacob s'endormit un soir près d'un
413. — Sanctuaire chananéen de Tell es-Çàfy.
D'après Bliss-Macalister, Excavations in Palestine,
Londres, 1902, fig. 9.
endroit appelé Luz, et Dieu lui apparut en songe pen-
dant la nuit. A son réveil, reconnaissant que Dieu était
en ce lieu, il prit la pierre sur laquelle avait reposé sa
tête durant son sommeil, la dressa en massêbah et
versa de l'huile sur elle. Il nomma ce lieu Béthel,
«maison de Dieu », et fit vœu que, si son voyage était
favorable, à son retour, il ferait de la massêbah une
« maison d'Élohim ». Gen., xxvm, 18-22; cf. xxxi, 13.
En effet, quand il fut revenu de Mésopotamie, Jacob se
rendit à Bethel, sur l'invitatiou même de Dieu et il y
éleva un autel qu'il appela El-Bethel. Gen., xxxv, 1-7.
A la suite d'une nouvelle apparition divine, Jacob
dressa une massêbah, fit sur elle une onction d'huile
et une libation et appela le lieu Bethel. Gen., xxxv,
9-15. Voir Béthel, t. i, col. 1673, 1674; Bétyle,
col. 1766. — 2. Après la promulgation de la loi au
Sinaï, Moïse éleva un autel au pied de la montagne et
dressa douze massêbôt, selon le nombre des douze tri-
bus. Exod., xxrv, 4. Ces douze stèles sont purement
commémoratives. A la suite du passage du Jourdain,
Josué dressa de même douze pierres prises dans le lit
du fleuve, en souvenir du grand événement qui venait
d'avoir lieu. Jos., iv, 20-24. Ces pierres ne sont pas
appelées massêbôt, mais simplement 'âbanîm, « pier-
res ». Elles n'en sont pas moins de véritables stèles
que Josué « éleva », hêqîm. — 3. Le pays dans lequel
les Hébreux allaient s'installer était rempli de stèles
de caractère idolâtrique, soit par leur présence dans
les hauts-lieux, soit par le caractère divin que leur
attribuaient les Chananéens. La Loi défendit donc de
dresser aucune stèle sacrée pour se prosterner auprès
d'elle, Lev., xxvi, 1 , parce que la massêbah est en aversion
à Jéhovah. Deut., xvi, 22. Il fut même enjoint de
détruire toutes les stèles de cette nature que l'on trou-
verait dans le pays de Chanaan. Deut., vu, 5; xu, 3.
La prescription ne fut sans doute pas exécutée en
toute rigueur, ou plusieurs stèles, comme celles de
Tell es-Sàfy et de Gézer, durent probablement à leur
enfouissement partiel leur persistance jusqu'à nos
jours. — 4. Il y avait des stèles funéraires, comme
celle du tombeau de Rachel, Gen., xxxv, 20, et celle
qu'Absalom s'érigea de son vivant pour perpétuer son
souvenir. II Reg., xvm, 18. Voir Main d'Absalom, t. rv,
col. 585. C'est une stèle de cette espèce que Job désirait
élever sur sa tombe, pour y graver l'expression de sa
414. — Les stèles de Gazer.
D'après Vincent, Canaan, p. 112.
foi et de son espérance dans la résurrection. Job, xix,
24-27. Sous Josias, le sépulcre du prophète qui avait
annoncée Jéroboam la destruction de l'autel de Bethel,
était désigné par un siyyûn, un cippe, cr>tQ7ce).ov, « un
rocher élevé », titulus. IV Reg., xxm, 17. Ézéchiel,
xxxix, 15, parle aussi d'ossements humains auprès
desquels on dresse un siyyûn, <rr|[jiEÏav, titulus. — 5. La
stèle sert à limiter les champs. Jacob dresse une pierre
en massêbah, pour témoigner des conventions fami-
liales et territoriales faites entre lui et Laban. Gen.,
XXXI, 45, 51. Il offre ensuite un sacrilice sur la monta-
gne, mais la stèle qu'il a élevée n'est ni un autel, ni
une représentation divine; c'est un simple témoin des
conventions intervenues. Isaïe, xix, 19, annonce qu'un
jour il y aura une massêbah consacrée à Jéhovah sur la
frontière d'Egypte, pour marquer que ce pays se sera
converti à Jéhovah. — 6. Jérémie, xxxi, 21, dit à son
peuple exilé auquel il promet le retour : « Dresse-
toi des sîyyunîm, pose-toi des jalons, fais attention à
la route. » Ces cippes sont destinés à indiquer le che-
min. Les Septante ne comprennent pas le mot hébreu
et le rendent par Siûv, la Vulgate par spécula, « obser-
vatoire ». — 7. Le mot massébèl est employé par Isaïe,
vi, 13, pour désigner la souche qui reste quand un
arbre a été abattu, et la souche d'Israël; par Jérémie,
1865
STELE
STIGMATES
1866
xliii, 13, en parlant des obélisques d'Héliopolis, ce qui
indique que les massebôt pouvaient atteindre de gran-
des dimensions; et parÉzéchiel, xxvi, H, à propos des
colonnes de Tyr. Septanle : arvioi, inzôuzairii;; Viil-
gate : statuas. H. Lesêtre.
STELLfON. Voir Lézard, 5», t. iv, col. 226.
STÉPHANAS (grec: ÏTeqjavâi;), chrétien de Co-
rinthe. Il fut un des premiers convertis de saint Paul
dans cette ville et l'apôtre lui conféra lui-même le
baptême, ainsi qu'à « sa maison », c'est-à-dire à toute
sa famille, y compris ses serviteurs. I Cor., T, 16. Il
appelle, xvi, 15, « la maison de Stéphanas » àira?x''i>
« les prémices (de son apostolat) en Achaïe ». La Vul-
gate ajoute à son nom celui des familles de Fortunat et
d'Achaïque, mais le texte grec nomme Stéphanas seule-
ment dans le versetl5,et beaucoup de critiques pensent
que Fortunat et Achaïque ne doivent se lire qu'au f. 17.
Saint Paul loue donc Stéphanas comme son premier
converti à Corinthe et, de plus, à cause des œuvres de
bienfaisance spirituelle et corporelle qu'il a faites
in ministerium sanctorum, f. 15. Il était auprès de
l'Apôtre, f. 17, et, d'après la conclusion du texte grec
de l'Epitre, il fut chargé par saint Paul de porter sa
lettre à Corinthe, avec Fortunat et Achaïque, ce qui est
cependant contesté. Voir t. n, col. 986.
STÉRILITÉ (Vulgate : sterilitas), impossibilité de
produire des fruits, des rejetons, des enfants. Ce qui
est stérile est appelé galmûd, 'âqâr, 'âqârâh, ayovoç,
areïpa, sterilis. Le verbe Sâkôl, « priver de rejetons »,
s'applique à la stérilité par avortement.
1» Les choses. — Le sol du désert est stérile.
Job, xxx, 3. Le juste, sous la pression de l'épreuve,
souhaite que la nuit qui l'a vu naître soit comme un
désert stérile. Job, m, 7. Si le peuple est fidèle
à Jéhovah, la vigne ne sera plus stérile. Mal., m,
11. — 2° Les animaux. — Dieu promet que, si son
peuple lui obéit, il n'y aura pas de bêtes stériles dans
les troupeaux. Deut., vu, 14. Il n'y en eut point dans
les troupeaux que gardait Jacob, Gen., xxxi, 38, ni
dans ceux de l'Épouse. Cant., iv, 2; vi, 5. — 3° Les
hommes. — Si le peuple est fidèle, il n'y aura point
d'homme stérile, c'est-à-dire impuissant à remplir les
devoirs du mariage. Deut., vu, 14. La maison de
l'impie est stérile, l'homme n'y a pas d'enfants. Job, xv,
34. Jérémie, xxn, 30, parlant du roi de Juda, Jéchonias,
dit qu'on l'inscrira comme un « homme stérile », qui
ne réussit pas dans ses jours et dont les descendants
ne régneront pas. C'est en effet ce qui arriva. D'après
le Zohar, il, 109", « si un homme prend femme, mais
n'a point d'enfants, son existence ici-bas est considérée
comme nulle et non avenue. » Cf. Sépher ha-Zohar,
édit. Lafuma, t. m, 1908, p. 429. — 4» Les femmes. —
La même promesse divine est répétée au sujet des
femmes; si l'on obéit à Dieu, il n'y aura en Israël ni
femme stérile ni femme qui avorte. Exod., xxiii, 26;
Deut., vu, 14. La stérilité est considérée comme un
châtiment. Ose., ix, 14. Plusieurs femmes célèbres sont
stériles, c'est-à-dire n'enfantent pas dans les premières
années de leur union et s'en désolent. Telles sont Sara,
Gen., xi, 30; Heb., xi, 11; Rébecca, Gen., xxv, 21;
Rachel, Gen., xxix, 31; la femme de Manué, Jud., xin,
2, 3; Anne, I Reg., i, 2; n, 5; Elisabeth, Luc, i, 7, 36.
Elles regardent ensuite leur fécondité comme une
faveur de Dieu, qui fait de la stérile une mère joyeuse
au milieu de ses enfants. Ps. cxm (exil), 9. L'impie
dévore la femme stérile, qui n'a pas d'enfants pour la
défendre. Job, xxrv-, 21. Les gens de Jéricho se plaigni-
rent à Elisée que les eaux de la ville étaient mauvaises
et causaient l'avortement. Le prophète assainit ces eaux,
au nom de Jéhovah, en y versant du sel, et dans la
suite il n'y eut plus ni mort, ni avortement, mesahka-
lét, ârsKvoy(isvï], sterilitas. IV Reg., n, 19-21. Voir
Elisée (Fontaine d'), t. n, col. 1696. La stérilité accom-
pagnée de la vertu est préférable à une postérité nom-
breuse avec le vice. Sap., m, 13. Notre-Seigneur pro-
clame bienheureuses les femmes qui seront stériles au
moment de la catastrophe nationale, car il leur sera
plus facile de se dérober au danger. Luc, xxra,29. Le
père de famille se demande avec anxiété si sa fille, une
fois mariée, ne sera pas stérile. Eccli., xlii, 10. — Au
figuré, Sion rendue stérile doit se réjouir, car désor-
mais ses fils seront nombreux. Is., xlix, 20, 21 ; uv, 1 ;
Gai., rv, 27. Voir Famille, t. n, col. 2172.
H.Lesêtre.
STHUR (hébreu : Setûr, « caché »; Septante:
Sado-jp), fils de Michaël, de la tribu d'Aser, un des
douze espions qui furent envoyés par Moïse dans la
terre de Chanaan pour l'explorer. Num., xm, 14
(hébreu, 13).
STIER Ewald Rudolf, théologien protestant, né le
17 mars 1800 à Fraustadt in Posen, mort le 16 dé-
cembre 1862 à Eisleben. Après de nomBreuses varia-
tions et occupations, il devint pasteur en 1829 à Frank-
leben, près de Merseburg, et ensuite (1838-1846), à
Wichlinghausen in Wupperthal. Plus tard, en 1849, il
fut Superintendent et Oberpfarrer à Schlenditz et en
1857 à Eisleben où il finit sa vie. Il publia à Bâle en
1833, Lehrgebâude der hebrâisclier Sprache; Der
Brief an die Hebrâer, in-8», Halle, 1842; Berlin, 1849;
lier Brief Jacobi, in-8», Barmen, 1845; Die Reden des
Herrn Jesu, 1844-1846, 1847; 1851-1853; Polyglotten-
Bibel fur praklisches Handgebrauch (avec R. Theile.
Voir Polyglotte, col. 528) ; Der Brief Judà, in-8°, Berlin,
1850; Jesaias, nicht Pseudo-Jesaias. Auslegung seiner
Weissagung Kap. 40-66. Nebst Einleitung wider die
Pseudo-Kritik, in-8°, Barmen, 1851 ; Die Apokryphen.
Vertheidigung ihres althergebrachten Anschlusses an
die Bibel, in-8°, Brunswick, 1853; etc. — Voir G. et
F. Stier, E. R. Stier, 2 parties, Wittenberg, 1867-1871 ;
K. J. Nitzsch,iî. Stier als Theologe, Barmen et Elber-
feld, 1865.
STIGMATES (hébreu : kî, qa'âqa' ; grec : cttc'y-
uatoc; Vulgate : sligmata), marques imprimées sur
la chair. — Il était défendu aux Hébreux de se faire ni
incisions ni qa'âqa', Ypâ(A.naTa «tiixtô, stigmata, des
figures incrustées dans la peau, comme une sorte de
tatouage. Lev., xix, 28. Cette pratique avait un carac-
tère idolâtrique ou superstitieux. — Isaïe, m, 24, dit
aux élégantes de Jérusalem qu'un jour il y aura pour
elles kî {ah.af yofî, « stigmate au lieu de beauté ». Le
mot kî, pour kevî, vient de kavah, « brûler », et dési-
gne des marques faites sur le corps par le feu, des
brûlures. Les versions n'ont pas rendu ces trois mots.
— Saint Paul demande qu'on ne lui suscite plus d'em-
barras, parce qu'il porle sur son corps les « stigmates
de Jésus ». Gai., vi, 17. Les stigmates étaient des mar-
ques au fer rouge que l'on imprimait sur le corps des
prisonniers de guerre réduits en esclavage. Cf. Héro-
dote, vu, 133; Pétrone, Sat., cm, 2; Senèque.De benef.,
iv, 37; Quintilien, Instil., VIII, iv, 14; Suétone, Calig.,
xxvii, 2; Pline, H. N., XXX, rv, 10; etc. L'Apôtre veut
donc dire qu'il porte sur lui, comme de glorieuses
marques, les cicatrices des coups qu'il a reçus pour le
nom de Jésus-Christ, et les traces de toutes les souf-
frances qu'il a endurées dans son ministère apostoli-
que. Ces stigmates sont les « stigmates de Jésus », cf.
II Cor., iv, 10, parce qu'ils ont été reçus à cause de lui
et à l'imitation des blessures que le Sauveur a reçues
lui-même pour le salut des hommes. D'autres stigmates
étaient tracés à la pointe sur le bras des conscrits en-
gagés pour le service militaire, de manière à les recon-
1867
STIGMATES — STYLE A ÉCRIRE
1868
naître ensuite. Vegèce, De re mil., 1, 8; n, 5. Il se
pourrait encore, d'après quelques commentateurs, que
l'Apôtre fit allusion à ces stigmates militaires, figurant
l'engagement qui le liait au Christ. Il n'y a donc pas
lieu d'inquiéter l'Apôtre au sujet de sa mission, puis-
qu'il porte, douloureusement écrit sur son corps, le
témoignage qu'il appartient à Jésus-Christ, dont il est
l'esclave, le serviteur et l'envoyé. Ses stigmates sont ses
lettres de créance. Il ne faut pas songer à identifier ces
stigmates avec les phénomènes mystiques qui se sont
produits dans le cours des siècles sur le corps de plu-
sieurs saints personnages. Voir Ribet, La mystique
divine, Paris, 1879, t. n, p. 454-467; Fillion,£a Sainte
Bible, 1904, t. vm, p. 321. H. Lesëtre.
STORAX, dans la Vulgate, Gen., xliii, 25, est la
traduction de l'hébreu neko't, qui, Gen., xxxvn, 25, est
rendu par « aromates ». C'est probablement la gomme
qui découle de l'astragale, t. I, col. 1188. Dans l'Ecclé-
siastique, xxiv, 21, le mot slorax de la Vulgate n'a pas
de correspondant en grec. Voir Styrax.
STRANGULATION, asphyxie qui se produit quand
on serre la gorge de manière à empêcher la respiration.
— Achitophel se donna la mort en s'étranglant lui-
même. II Reg., xvil, 23. Après la défaite de Benadad,
ses serviteurs se présentèrent devant Achab pour
implorer sa clémence. Ils s'étaient mis des sacs sur
les reins et des cordes sur la tête. III Reg., xx, 32. Ils
voulaient sans doute signifier par là qu'eux et leur
maître méritaient d'être étranglés ou pendus. — Le
lion étrangle sa proie pour nourrir sa lionne et ses
petits. Nah., Il, 13. — La strangulation ne figurait pas
parmi les supplices mentionnés par la loi mosaïque.
Mais d'après Sanhédrin, vu, 3, elle aurait été en usage
après l'exil. Pour l'infliger, on fixait le coupable dans
le fumier jusqu'auxgenoux, pour l'empêcherde remuer,
puis on lui passait autour du cou une bande de linge
que deux hommes tiraient de chaque côté jusqu'à ce
qu'il expirât. Ce genre de supplice passait pour le plus
doux de tous : on l'appliquait dans les cas où l'Écri-
ture ne spécifiait pas de quelle manière devait mourir
le condamné. On étranglait six sortes de coupables :
1° celui qui avait frappé son père ou sa mère; 2° celui
qui avait injustement réduit en esclavage un Israélite;
3° le vieillard rebelle aux décisions du sanhédrin; 4° le
faux prophète ou celui qui prophétisait au nom d'une
idole; 5° l'adultère masculin; 6» celui qui avait désho-
noré ou faussement accusé de déshonneur la fille d'un
prêtre. Cf. Iken, Anliquitates hebraicse, Brème, 1741,
p. 420. H. Lesétre.
STRAUSS David Friedrich, théologien rationaliste
allemand, né à Ludwigsburg en Wurtemberg, le 27 jan-
vier 1808, mort dans son pays natal, d'un cancer, le
6 février 1874. Il devint de bonne heure un adepte de
la philosophie hégélienne et résolut de l'appliquer aux
Evangiles et à la vie dejésusqui,àsesyeux, n'est qu'une
collection de mythes. Le surnaturel pour lui ne peut
exister. Jésus était un Juif pieux qui fut touché par la
prédication de Jean-Baptiste et en reçut le baptême.
Après cela, il se persuada qu'il était le Messie promis
et, par l'élévation de ses principes de morale et par
toute sa conduite, il se rendit très populaire et réunit
un certain nombre de disciples enthousiastes, mais il
s'attira la haine des pharisiens qui le firent crucifier.
Ses disciples lui restèrent fidèles et leur imagination
remplit sa vie de miracles qui ne sont que des mythes.
Bas Leben Jesu kritisch bearbeitet, 2 in-8°, Tubingue,
1836 (en réalité 1835); 2= édit., 1837; 3« édit., 1838-
1839; 4» édit., 1840 Voir Mythique (Sens), t. iv, col. 1386;
Il fut réfuté avec tant de force, qu'il modifia ses con-
clusions; mais, comme on lui fit remarquer qu'il tom-
bait en contradiction avec lui-même, il revint tout
simplement, dans sa 4 e édition, à ce qu'il avait d'abord
affirmé, quoiqu'il en eût reconnu lui-même l'inexac-
titude. En 1864, réveillé par le fracas que fit la Vie de
Jésus de .Renan, parue en 1863, il publia Leben Jesu
fur das deutsche Volk bearbeitet, Leipzig. Sur beau-
coup de points, elle est la conlradiction de son précé-
dent ouvrage. Il conserve pour la forme le nom de
mythes, mais le mythe n'est plus une création incon-
sciente, c'est une invention plus ou moins réfléchie. Le
Christ qu'on admire, c'est le Christ idéal, et le Christ idéal
c'est l'Humanité. Strauss devait varier encore dans Der
alte und der neue Glaube, Leipzig, 1872. Il est devenu
athée et darwiniste. Il confesse que la critique n'avait
pu réussir à détruire le miracle, mais Pévolutionisme
explique sans Dieu et sans miracle l'origine et le
développement de l'univers. Il avait ainsi épuisé
toutes les négations et sombré dans le nihilisme. Voir
Strauss, C/esanvmelte Schriften herausgpgeben von
Zeller, 12 in-8», Bonn, 1876-1878; Ausgewâhlte Briefe
von D. Fr. Strauss, herausgegeben von Zeller, Bonn,
1895; Zeller, D. Fr. Strauss in seinem Leben und
seinen Schriften, in-8°, Bonn, 1874; Hettinger, D. Fr.
Strauss, Ein Lebens- und Literaturbild, Fribourg, 1875 ;
Hausrath, D. Fr. Strauss und die Théologie seiner
Zeit, 2 in-8», Heidelberg, 1876-1878; F. Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 36-
96; Les Livres Saints et la critique rationaliste,
6' édit., t. h, p. 513-549.
STROPHES dans la poésie hébraïque. Voir
Hébraïque (Langue), t. m, col. 491.
STYLE (hébreu : 'et; Septante : •ypaqjEÏov), instru-
ment pour écrire. Les meilleures autorités latines
415. — Style à écrire.
D'après A. Rich, Dictionnaire des antiquités romaines
et grecques, 1873, p. 602.
écrivent stilus et non stylus. Dans la Vulgate, stylus
traduit 1° le mot hébreu : 'et, Job., xix, 24; Jer., vm,
8; xvn, 1, et dans le premier et le troisième passage, il
est. suivi du. mot barzél, « fer »; il désigne par consé-
quent une sorte de ciseau en fer dont on se servait
pour graver des caractères sur la pierre, Job., xix, 24,
comme on avait coutume de le faire en Egypte, comme
l'avait fait Mésa pour son inscription, t. iv, Gg. 268,
p. 1019. — 2» Stylus traduit dans Isaïe, vm, 1, hérêt,
qui désigne également une espèce de ciseau avec lequel
on peut graver des caractères sur un fi'ba, table ou
tablette de bois, de pierre ou de métal, comme le fait
le prophète. — 3° Saint Jérôme, IV Reg., xxi, 13, a
traduit la phrase hébraïque : « Je nettoierai Jérusalem
comme un plat (has-sallahat) qu'on nettoie et qu'on
retourne sur sa face » de la manière suivante :
« J'effacerai Jérusalem comme on a coutume d'effacer
les tablettes et en l'effaçant je tournerai et je repasse-
rai le style sur sa face. x> Le saint docteur a vu dans
ce passage une comparaison tirée des tablettes couvertes
d'une légère couche de cire sur lesquelles on écrivait
de son temps avec un style. Cet instrument, en fer ou
en os, était pointu à l'un de ses bouts et portait à
l'autre extrémité une large lame plate (fig. 415). La
pointe servait à tracer les caractères et la lame plate
servait à les effacer, en la passant sur la cire, pour faire
des corrections ou pour permettre d'y écrire de nou-
veau. Les Romains faisaient grand usage des tablettes
couvertes de cire. Elles étaient très minces et revêtues
1869
STYLE A ÉCRIRE
SUA
1870
d'un rebord pour garantir le contenu du frottement. Il
y en avait à deux et plusieurs feuillets. Nous ne voyons
pas dans l'Écriture que les Hébreux aient connu cet
emploi de la cire. Voir Cire, t. h, col. 780.
STYRAX (hébreu : nâtdf; Septante : oraxr/i ; Vul-
gate : stricte), arbuste et son exsudation odorante,
laquelle s'appelle aussi storax.
I. Description. — Le Styrax officinale (fig. 416) est
un arbuste de la région Méditerranéenne, surtout orien-
tale, d'où il s'élève des forêts de la plaine sur les
premières pentes des montagnes. Son écorce jaune est
entièrement recouverte de poils étoiles. Ses fleurs sont
blanches, odorantes comme celles de l'oranger, mais
légèrement duvetées et groupées en petites cyme ren
dantes à l'extrémité des rameaux. C'est le type dune
petite famille longtemps rattachée aux Ébénacées,
parmi les gamopétales à étamines plus nombreuses
416. — Styrax officinale.
que les lobes de la corolle, mais qui en diffère surtout
par ses fleurs hermaphrodites. Le fruit ovoïde, coriace,
enchâssé à sa base dans le calice persistant, s'ouvre au
sommet en 3 valves, et renferme une seule graine arron-
die. Les feuilles ovales et entières sont alternes le long
des rameaux d'où s'écoule par incision le Storax ou
Stacté, baume de couleur brune à saveur piquante et
odeur de vanille. F. Hy.
II. Exégèse. —Le nâtâf est un des trois ingrédients
qui devaient s'ajouter à l'encens pour composer le par-
fum sacré destiné aux encensements. Exod., xxx, 34.
Avec l'encens on mélangeait en proportions égales le
galbanum, l'onyx et le nataf, que les Septante rendent
par atax-ri) et la Vulgate par stade. Le nom hébreu,
comme le grec et le latin, a la signification de « goutte ».
Dans Job, xxxvi, 27, il a gardé son sens premier et ori-
ginal, nitefê mayim, « gouttes d'eau », tandis que
dans l'Exode, xxx, 34, il a pris l'acception spéciale de
« gouttes du styrax ». Le même mot devait se trouver
dans l'original hébreu de l'Ecclésiastique, xxiv, 21, qui
s'inspire du passage de l'Exode dans cette comparaison :
Comme le galbanum, l'onyx et le stacte,
Et comme une exhalation d'encens dans une demeure,
Celsius, Hierobotanicon, in-8, Amsterdam, 1748, t. i,
p. 529, pense avec Théophraste, iv, 29, et Pliae, H. N.,
xn, 40, que le nâtâf ou stacte n'est que la plus
pure espèce de myrrhe. Mais la myrrhe supérieure
et liquide a un nom en hébreu, mor deror. Exod., xxx,
23. Il ne s'agit pas non plus du Baume Liquidambar,
fourni par le Liquidambar (Liquidambar styraci-
flua), qui croit dans les parties méridionales des États-
Unis, la Louisiane, la Floride, etc. : il n'était pas connu
des anciens Hébreux. Le nâtâf est l'exsudation rési-
neuse du Styrax officinale, la seconde espèce de
stade, décrite par Dioscoride, i, 73, commune en
Cilicie, au Liban, et dans les régions subalpines de
Palestine. Il ne fallait pas que les produits entrant
dans la composition de l'encens sacré fussent trop
rares et trop difficiles à se procurer, lbn El. Beithar,
Traité des simples, t. m, n. 2096, dans Notices et
extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
in-8», Paris, 1883, t. xxvi, p.350. Les Arabes l'appellent
a'bher ou lobna. L'arbre se nomme aussi hauz. Le nom
deLobna par lequel les Arabes désignentle Styraxoffici-
nale, l'aliboufieret sonproduit,aportéquelquesauteurs
à identifier cet arbre avec le libnéh hébreu, Gen., xxx,
37, et Ose., iv, 13. Mais il nous semble préférable d'y
voir le peuplier. Voir t. v, col. 176. Le Styrax offici-
nale commun en Syrie, était aussi connu en Egypte.
Les Scalse coptes ont un mot aminakou traduit par
styrax, qui rappelle un arbre de l'ancienne Egypte
nommé 555. I, minaqu,et son produit parfumé 5555 ,
minaqi. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., in-8",
Paris, 1892, p. 63. Peut-être cet aromate était-il déjà
mélangea l'encens dans les encensements de l'ancienne
Egypte? H. B. Tristram, The natural history of the
Bible, 8= édit., in-12, Londres, 1889, p. 395. — La Vul-
gate rend par storax le mot nétiot de Gen., xliii, 11,
qui est l'astragale, t. i, col. 1190. Dans Eccli., xxiv,
21, elle ajoute au texte grec le mot storax, qui paraît
être une explication marginale de stacte, le styrax,
introduite ensuite dans la version latine.
E. Levesque.
SUA (hébreu : So'; Septante : Sr^wp ; Sibu, dans les
inscriptions assyriennes. Annales de Sargon, lig. 27,
29; Inscription des Plaques, lig. 26, 27, dans Winckler,
Die Keilschrifttexte Sargons, 1889, 1. 1, p. 7, 101), roi
d'Egypte. La forme massorétique So' est incorrecte et
la forme assyrienne montre qu'il faut la vocaliser Sève.
Le v est une corruption du b, ce qui donne pour la
lecture originale Sib'e. W. M. Mùller, art. So, dans
Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, t. rv, col. 4665.
On cite onze manuscrits grecs, dont trois semblent
remonter à une source égyptienne, qui portent Soba,
Zoba, Somba. Olmstead, Western Asia in the Days of
Sargon of Assyria, 1908, p. 55, note 29.
I. Histoire. — Vers 725, Sua intrigua contre l'Assyrie
auprès d'Osée, roi d'Israël. Ce dernier lui envoya des
ambassadeurs, « pour n'être plus obligé de payer le
tribut aux Assyriens, comme il faisait tous les ans. »
IV Reg.,xvn, 4. En conséquence, Salmanasar accourut,
bloqua Samarie et la prit après un siège ds trois ans,
IV Reg., xvii, 4-6; xvm, 9-10, vérifiant ainsi la pro-
phétie d'Isaïe, vin, 4; xvm. Olmstead, loc. cit., p. 45,
note 9, montre que la Samara'in de la Chronique
babylonienne, i, 28, est bien Samarie et que sa prise
eut lieu en 723. Voir la thèse contraire du P. Dhorme,
Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la Revue biblique,
juillet 1910, p. 370. En 722. Sargon succéda à Salmanasar.
Profitant du changement de règne, la Syrie tenta de
secouer le joug. Hannon, dépossédé naguère de la
ville de Gaza, reprit possession de son trône avec l'appui
de Sua. Annales de Sargon, et Fastes, loc. cit. Mais
en 720, Sargon, victorieux des Élamites, se retourne
contre la Syrie, la soumet et reprend Gaza pendant
qu'Hannon gagne la frontière d'Egypte, suivi de près
par son vainqueur. A Raphia les troupes égyptiennes
unies à celles de Gaza font face aux Assyriens. Sargon
les défait en ce même endroit où les Lagides et les
Séleucides devaient plus tard se disputer la possession
de la Syrie méridionale et où se trouve aujourd'hui
1871
SUA
1872
encore la limile entre l'Egypte et la Syrie. « Sibu
s'enfuit comme un berger à qui on a dérobé son trou-
peau. » Annales, lig. 27-31; Fastes, lig. 25-26, dans
Winckler, loc. cit., p. 6-7, 100-101. Sargon ne profita
pas de l'avantage et s'arrêla au seuil de l'Egypte. Plus
tard, il se vantera d'avoir étendu ses limites jusqu'au
nahal Musri ou « Torrent d'Egypte ». Inscription des
Barils, lig. 13, dans Place, Ninive et l'Assyrie, 1870,
t. h, p. 292.
Désormais il n'est plus question de Sibu dans les
textes de Sargon, mais seulement de Piru de Musri
ou Pharaon d'Egypte. En 715, parallèlement à Itmara
de Saba et à Samsi, reine d'Arabie, Piru envoie un
tribut à Sargon. Annales, lig. 97-99, dans Winckler>
loc. cit. p. 20-21. Pour la fixation de cette date, cf.
Olmstead, loc. cit. p. 10, note 40. Après six années de
tranquillité, la Syrie s'agita de nouveau, en 713. Pour
la date de 713 donnée par l'Inscription du Prisme,
contre celle de 711 donnée par les Annales, cf. Olms-
tead, loc. cit., p. 11, note 42, et p. 78, note 6i. La ville
philistine d'Azot était le centre du mouvement. Poussée
par Piru, elle agissait sur Juda, Moabet Édom. Sargon
envoya contre elle un tartan ou général. Is., xx, 1;
Canon des Limmu, 998, dans Johns, Assyrian Deeds
and Documents, 1898, t. n, p. 69. La répression fut
prompte. Iamani, le chef d'Azot, se réfugia en
Miloukka (Ethiopie), c'est-à-dire dans l'Egypte, gou-
vernée alors par les Éthiopiens. Olmstead, loc- cit.,
p. 79, note 68. Il fut extradé et envoyé à Sargon. Azot
pillée, ses habitants emmenés en captivité, on la repeu-
pla avec des colons étrangers. Pour toute cette cam-
pagne : Annales, lig. 215-228; Fastes, lig. 90-109;
Fragment de la campagne contre Ashdod, dans
Winckler, loc. cit. p. 36-39, 114-117, 186-189. C'est en
vertu de l'usage assyrien que Sargon, Annales, lig. 222,
et Fastes, lig. 97, se vante d'avoir mené la campagne
en personne. Jusqu'à la mort de Sargon, 705, la Syrie
vécut en paix.
II. Identification de Sua. — 1° Le côté certain de
l'idenlilication, c'est que Sua est un personnage de la
vallée du Nil. A plusieurs reprises, mais surtout par
son article Musri, Meluhha, Ma'in, I, dans Mitthei-
lungen der vorderasialischen Gesellschaft, t. m, 1898,
p. 1-56, Winckler a tenté de prouver que Sibu n'aurait
été que le tartan d'un certain Piru, roi, non d'Egypte,
mais d'un grand royaume de Musri, royaume indépen-
dant, situé dans un canton de l'Arabie Pétrée, quelque
chose comme le Négeb ou la contrée des Nabatéens.
Mais d'abord la Bible nomme Sibu « roi de Misraim »,
IV Reg., xvii, 4, tout comme Sésac, III Reg., xi, 40;
xiv, 25, et l'on accordera bien que ce dernier était un
roi égyptien. Bien mieux, Sibu, s'il était à Gaza en 720,
avec une partie de ses. troupes, lultant aux côtés
d'Hannon, ainsi que semblent le supposer les Annales,
loc. cit., pourquoi, après la défaite, prend il avec son
allié la route du sud-ouest, la route du Torrent
d'Egypte et d'El-Arisch, au lieu de la route du sud-est
vers Khalassa (Élusa), qui aurait été le vrai chemin
dans l'hypothèse d'un Sibu tartan d'un roi du Négeb?
Si, comme le laisseraient croire les fastes, loc. cit., il
n'avait pas encore rejoint Hannon, pourquoi les deux
alliés se rencontrent-ils à Raphia, sinon parce que
l'un venait du sud-ouest et que l'autre y courait, sur
la grande route suivie de tous temps par les armées
entre l'Egypte et la Syrie? Les événements nes'expliquent
donc que si Sibu est un Égyptien. Il faut en dire autant
de Piru qui, à partir de 715, remplace Sibu dans les
documents de Sargon. Piru est la transcription cunéi-
forme deper-aa, pharaon, et désigne le roi d'Egypte. A
l'époque qui nous occupe, ce mot apparaît tantôt seul,
tantôt avec le nom du roi, aussi bien dans les textes
égyptiens que dans la Bible. De part et d'autre il est cou-
ramment employé comme nom propre. Voir Pharaon,
col. 191-192. Les Assyriens ne pouvaient l'ignorer.
Eux-mêmes traitaient pareillement le mot ianzu qui
en cassite signifie « roi ». C'est donc tout naturelle-
ment que Sargon désigne le roi d'Egypte par l'expres-
sion per-âa assyrianisée en Piru. D'autant mieux qu'au
moment de la campagne d'Azot, l'action de l'Egypte
en Syrie est très naturelle. Depuis 715, la 25 e dynastie
était montée sur Je trône avec l'Éthiopien âabaka.
C'était un prince énergique, maître absolu de l'Egypte
et dont le souci dut être de s'immiscer dans les affaires
syriennes comme avaient fait ses devanciers, comme
feront bientôt ses successeurs. L'Egypte fut toujours
dans la situation d'un camp retranché ouvert aux
attaques, principalement sur sa frontière nord-est. Par
suite, à toutes les époques, elle s'efforça de maintenir
ses lignes avancées aussi loin que possible sur le sol
syrien. Le jour où ce rôle ne lui fut plus permis,
l'étranger devint son maître, et ce maître à son tour,
pour garder sa conquête, dut suivre la même politique.
On ne voit donc pas pourquoi, à l'encontre des faits,
on voudrait substituer à l'Egypte, pour l'espace com-
pris entre 948 et 674, dans une région où les ruines
417. — Bulle d'argile de Sabacon (Sua) avec son sceau.
D'après Layard, Nineveh and Babylon, p. 156.
les plus anciennes sont romaines et chrétiennes, un
empire arabe, surgi à l'improviste, portant le même
nom qu'elle, la supplantant dans ses intrigues contre
l'Assyrie, puis s'en allant comme il était venu, pen-
dant que l'Egypte reprenait sa course historique. Pour
toute cette question, voir Olmstead, loc. cit., p. 56-71,
note 34, qui démonte pièce à pièce la théorie de
Winckler et écarte sans réplique les conséquences
qu'on a voulu en tirer contre les récits bibliques.
2" On a rapproché Sua, Sève, Sibu de Sabaka^
( Mil ^fe If Sa-ba-ka, le Sabacon des Grecs, pre-
mier roi de la 25 e dynastie (fig. 417). Oppert, Inscrip-
tions assyriennes des Sargonides, 1862, p. 22 ; Grande
inscription dupalais de Khorsabad, 1863-1865, p. 74-75;
Mémoire sur les rapports de l'Egypte et de l'Assyrie,
1869, p. 12-14, reconnaissait dans le ka final de ce
nom un article éthiopien, par conséquent un suffixe.
Il a été suivi en cela par Brugsch, Ëgypt under the
Pharaons, 1879, t. H, p. 273, et par Pétrie, A History
of Egypt, t. ni, 1905, p. 284. Ces auteurs n'ont donc
pas de peine à retrouver Sua-Sibu dans ëabaka. A
noter cependant que Steindorff, Beitrâge zur Assyrio-
logie, i, p. 342, ne veut voir dans ka que la terminai-
son du datif-accusatif. D'autre part, W. M. Mûller,
loc. cit., col. 4664, déclare impossible le passage du
s égyptien à Vs sémitique. C'est là nn obstacle que,
après l'avoir envisagé, ni Brugsch ni Pétrie n'ont pris
au sérieux et Olmstead, loc. cit., p. 55, note 29, est de
leur sentiment. Une difficulté plus grave est la chrono-
logie. Sua apparaît déjà vers 725. Or, selon toute pro-
babilité, c'est Bocchoris qui règne alors en Egypte et
qui y régnera jusqu'en 715. On échappe à cette diffi-
culté en faisant de Sua-Sibu un simple tartan, avec les
1873
SUA
SUAIRE
1874
Annales de Sargon, lig. 27-29, soit de Bocchoris, soit
du roi de Napata. Dans le premier cas, il aurait été un
chef mercenaire au service de Bocchoris; dans le
second, il aurait agi en qualité de vice-roi de l'Éthio-
pien Piankhi ou de son successeur Kasta et maintenu
leurs droits à l'orient du Delta. Cf. Pétrie, loc. cit.,
p. 283. En 715, ce même Sibu est régulièrement
appelé Piru par Sargon, puisqu'il est monté sur le
trône, et le tribut dont il est question pourrait bien
n'être « qu'un présent envoyé par ëabakon à son
frère d'Assyrie afin de lui notifier son avènement. »
Maspero, dans Sphinx, t. xn, 1908, p. 126. C'est tou-
jours le même Piru, c'est-à-dire Sabaka, qui soutient
lamani d'Azot et le conduit à sa perte. Les cartouches
SUAA (hébreu : Sû'oV; Septante : SwXà), fille
d'Héber, de la tribu d'Aser, dont les trois fils sont éga-
lement nommés. I Par., vu, 32. La raison de la nomi-
nation exceptionnelle d'une fille dans la descendance
d'Héber n'est pas donnée.
SUAIRE (grec : couoiotov; Vulgate : sudarium),
linge dont on se servait J tuessuyerla sueur du visage.
1° Les suaires ordinaires. — Le mot grec n'est que
la reproduction du mot lalin sudarium. Il désigne donc
un objet dont l'usage avait passé de Rome en Orient.
Plusieurs écrivains latins le mentionnent. Catulle, xn,
14; xxv, 7; Martial, xi, 39, 3; Quintilien, lnstit., VI,
m, 60; XI, m, 148; Suétone, Ner., 25, 48, 51; etc. Une
statue de femme, de la collection Farnèse, tient un
sudarium de la main gauche (fig. 419). Pendant que
saint Paul était à Ephèse, on se servait de suaires et de
ceintures qui l'avaient touché, pour guérir des malades.
418. — Sua. D'après Lepsius, Denkmâler, Abth. ni, Blatt 301.
de Sabaka ont été retrouvés à Koyoundjik qui fut
la résidence de Sargon bien plus que celle de Senna-
chérib. Layard, Nineveh and Babylon, 1853, p. 156.
Aussi Budge, History of Egypt, 1902, p. 127, n'hésite
pas à attribuer ces cartouches à l'époque de Sargon. Ils
forment cachet sur une bulle d'argile qui devait sceller
un traité. Cf. Olmstead, loc. cit., p. 68-69 (fig. 418).
En résumé, tout concorde à nous montrer que, de
725 à 713, le Musri qui intrigue en Syrie contre Salma-
nasar et Sargon ne peut être que l'Egypte. L'agent
égyptien, l'âme de l'intrigue, semble bien être ëabaka,
d'abord comme simple chef d'armée, autant que nous
permettent de le conjecturer la chronologie et le titra
que lui donne Sargon; puis, à partir de 715, comme
pharaon (piru) régnant sur l'Egypte entière après y
avoir rétabli partout l'autorité éthiopienne partielle-
ment mise en échec un instant par Bocchoris. Ses
menées n'empêchèrent pas Salmanasar de prendre
Samarie, ni Sargon de dominer en Syrie et de pousser
ses limites jusqu'au Torrent d'Egypte. Il demeure le
commentaire vivant de la parole d'Isaïe, xxx, 7, savoir
que, pour Israël et Juda, « le secours de l'Egypte n'était
que néant et vanité. » C. Lagier.
419. — Sudarium.
D'après Rica, Dict. des antiq. gr. et rom., 1859, p. 612.
Act., xix, 12. Un suaire était un linge de dimension
restreinte, à peu près comme nos mouchoirs. Il suffi-
sait pour envelopper une somme d'argent que l'on
voulait conserver. Luc, xix, 20. On donnait aussi le nom
de suaire à la pièce d'étoffe dont on entourait la tête
d'un défunt, Joa., xi, 44.
2» Le suaire de Jésus. — Pour ensevelir le corps du
Sauveur, Joseph d'&rimalhie l'enveloppa <nvl6vi,insin-
done. Matth., xxvil, 59; Marc, xv, 46; Luc, xxm, 53.
C'était le linceul. Voir Linceul, t. iv, col. 266.
Saint Jean, xix, 40, dit que le corps fut lié « dans des
linges », à la manière dont les Juifs ont coutume d'en-
sevelir. Parmi ces linges étaient donc compris le suaire
et les bandelettes, comme pour Lazare. Joa., xi, 44.
Après la résurrection, Pierre vit les linges posés, « et
le suaire qui couvrait la tête de Jésus, non pas posé
avec les linges, mais roulé dans un autre endroit. »
Joa., xx, 7. Le mot iOoviot, diminutif de iQôvvi, « linge
fin », ne peut guère désigner que de menus linges,
comme des bandelettes. Pour Jésus, comme pour
Lazare, il n'est ensuite question que de suaire envelop-
pant la tête, sans mention de linceul. C'est donc que
saint Jean n'a pas jugé à propos de parler du linceul
qui enveloppait tout le corps. Saint Luc, de son côté,
distingue très bien le ffivSwv, qu'il mentionne seul à
propos de la sépulture du Sauveur, d'avec le cjovSâpiov.
Toujours est-il que, par la suite, on donna le nom de
Saint-Suaire au linceul dans lequel le Sauveur avait été
enseveli. Hugues de Saint-Cher (1263) dit, à propos de
S. Jean, xx, 7, qu'à son époque on appelait sudarium
1875
SUAIRE — SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINAVES
1876
« la pièce d'étoffe qui est placée sur un mort des pieds
à la tête. » — Des Saints-Suaires sont conservés à
Besançon, Cadouin, Cahors, Carcassonne, Compiègne et
Turin. Cf. Rohault de Fleury, Mémoire sur les instru-
ments de la passion de N.-S. J.-C, Paris, 1870, p. 22i-
243. Des fragments de suaires se conservaient au
moyen âge à Clermont, Corbeil, Halberstadt, Vézelay,
Reims, Troyes et Zante. On en garde encore un à Rome.
Beaucoup de ces objets étaient des suaires bénits que des
pèlerins avaient rapportés d'Orient après les avoir fait
toucher au Saint-Sépulcre. Les autres ne seraient que
des nappes sur lesquelles on peignait autrefois le corps
du Christ au tombeau et que l'on étendait ensuite sur
l'autel pour célébrer la messe de Pâques. De vives dis-
cussions se sont élevées naguère au sujet de l'authen-
ticité du Saint-Suaire de Turin, le plus célèbre de tous.
L'authenticité, combattue par U. Chevalier, Le Saint-
Suaire de Turin est-il l'original ou une copie"? Ctiam -
béry, 1899, a été soutenue par Ml'Emm. Colomiatti, De
l'authenticité du Saint-Suaire de Turin, Lille, 1899, et
appuyée d'arguments scientifiques, basés sur l'étude
d'une photographie de la relique, par A. Loth, Le por-
trait de N.-S. J.-C. d'après le Saint-Suaire de Turin,
Paris, s. d., et P. Vignon, Le linceul du Christ, Paris,
1902. Cf. en outre U. Chevalier, Étude critique sur
l'origine du Saint-Suaire de Lirey-Chambéry-Turin,
Paris, 1900; H. Thurston, Apropos du Saint-Suaire de
Turin, dans la Revue du clergé français, 15 nov. 1902 ,
p. 564-578; 15 déc. 1902, p. 155-178; U. Chevalier,
Le Saint-Suaire de Turin et le N. T., dans la Revue
biblique, 1902, p. 564-573. H. Lesètke.
SUAL, nom d'un Israélite et d'une région.
1. SUAL (hébreu : Sû'âl, « chacal »; Septante :
SouSâ), le troisième des onze fils de Supha, de la tribu
d'Aser. I Par., vu, 36.
2. SUAL (hébreu : ëâ'âl; Septante : Swyi),), région
où abondaient probablement les chacals, dans les en-
virons de Machmas.Elle n'est nommée qu'une fois dans
l'Écriture. I Sam. (Reg.), xm, 17. Une des trois bandes
de Philistins qui sortirent pour piller du temps de
Saùl, pendant que leurs compatriotes campaient à
Machinas, « prit le chemin d'Éphra vers la terre de
Suai. » La seconde bande de maraudeurs se dirigea
vers l'ouest du côté de Béthoron et la troisième sans
doute du côté de l'est vers le désert. La terre de Suai,
où l'on se dirigeait parle chemin d'Éphra, devait être
au nord de Machmas et les maraudeurs qui en prirent
la direction durent prendre leur route par conséquent
vers le nord, où se trouvait Éphra, qui est générale-
ment identifiée avec Thayebéh. Voir Éphrem 1, t. u,
col. 1885. Cf. Palestine Exploration Fùnd, Memoirs,
t. il, p. 293.
SUAR (hébreu : Sû'âr; Septante : S^ip), père de
Nathanaël, de la tribu d'Issachar. Son fils Nathanaël
était chef de la tribu à l'époque de l'exode. Num., i,
8; u, 5; vu, 18, 23 ; x, 15.
SUBA (hébreu: Sôbâh; Septante : [R*i]iu>èi),
orthographe de Soba dans la Vulgate. II Par., vin, 3.
Suba est ajouté au nom d'Émath, et Émath Suba ou
Soba désigne une ville conquise par Salomon. Voir
Emath Suba, t. vi, col. 1723.
SUBAËL (hébreu : Sùbaêl), nom de deux Lévites.
1. SUBAEL (Septante : SwgariX), Lévite, chantre du
temps du roi David. I Par., xxiv, 20; xxvi, 24. Il "est
appelé, xxm, 16, Subuël. C'était un descendant de
Gersom, xxm, 16. Il fut préposé à la garde des trésors
de la maison de Dieu, xxv, 24. Voir Subuël 1.
2. SUBAEL (Septante : Eouêaïi>.;, Lévite, le troi-
sième nommé des quatorze fils d'Héman, chef de la
treizième classe des musiciens de la maison de Dieu,
composée de douze de ses fils et de ses frères. I Par.,
xxv, 4, 20. Au f. 4, la Vulgate écrit son nom Subuël.
Voir Subuël 2.
SUBMERSION, mort de ceux qui, plongés dans
l'eau, n'y peuvent plus respirer et périssent par asphy-
xie. — Ainsi périrent les contemporains de Noé, dans
les eaux du déluge, Gen., vu, 23, et les Égyptiens, qui
poursuivaient les Hébreux, dans les eaux de la mer
Rouge. Exod., xv, 4, 10; Sap., x, 19. Au milieu de la
tempête, Jonas fut jeté à la mer, où il aurait péri sub-
mergé sans un miracle. Jon., i, 15. Les habitants de
Joppé invitèrent sournoisement les Juifs et leurs
familles à monter dans des barques et les coulèrent au
large au nombre de plus de deux cents. II Mach., xn,
4. Le Sauveur dit qu'il serait préférable pour le scan-
daleux d'être jeté à la mer avec une meule au cou.
j Matth., xviii, 6. Sur les causes accidentelles de submer-
sion, voir Inondation, t. m, col. 881 ; Naufrage, t. iv,
| col. 1491. — Au figuré, Babylone sera submergée comme
une pierre qu'on jette au fond de l'Euphrate. Jer., li,
64. Les malheurs et les épreuves sont comparés à ' des
eaux qui submergent. Job, xxvn, 20; Ps. lxix (lxviii),
3, 16; cxxiv (cxxiii), 4. — Quand on se plonge volon-
tairement dans l'eau pour s'y baigner, il y a immersion
et non submersion. Ce fut le cas de Naaman. IV Reg.,
v, 14. — D'après le code de Hammourabi, on plongeait
dans le fleuve soit pour mettre à l'épreuve ceux qui
étaient soupçonnés, art. 23, 132, soit pour faire périr
certains coupables. Art. 108, 129, 133, 155. Les Hébreux
ne connaissaient pas ce supplice, parce que les bords
de leur fleuve n'étaient pas habitables comme ceux de
l'Euphrate. Néanmoins, ils avaient retenu l'usage de
l'eau pour l'épreuve de la femme soupçonnée d'adultère.
Seulement, au lieu de la plonger dans l'eau, comme à
Babylone, art. 132, ils la lui faisaient avaler. Voir Eau
de jalousie, t. n, col. 1522. H. Lesêtre.
SUBUËL 1 et 2. Voir Subaël 1 et 2.
SUÉ, nom de trois Israélites et d'un Chananéen
dans la Vulgate. Le nom en est écrit différemment en
hébreu.
1. SUÉ (hébreu : Sââh; Septante : Sood, Smî), le
sixième et dernier des fils qu'Abraham eut de Cétura.
Gen., xxv, 2; I Par., i, 32.
2. SUÉ (hébreu : Sà'a; Septante : Exuï), Chananéen
dontJuda, fils de Jacob, épousa la fille et dont elle eut
trois fils : Her, Onan et Séla. Le nom de la fille de Sué
n'est pas connu. Sué était d'Odollam. Gen., xxxvm,
2-5, 12; I Par., n, 3.
3. SUÉ (hébreu : Sevd'; Septante : Sioî), le qua-.
trième et dernier des fils que Caleb, fils d'Hesron, de
la tribu de Juda, eut de Maacha, une de ses femmes de
second rang. Sué fut le père, c'est-à-dire le fondateur
ou le restaurateur de Machbéna et de Gabaa. I Par.,
n, 49.
4. SUÉ (hébreu :Sûâh; Septante : Sous), l'aîné des
onze enfants de Supha, de la tribu d'Aser. I Par., vu, 36. •
SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINA-
VES. — I. Versions danoises. — Hans Mikkelsen
publia, 1524, une première version danoise. Elle fut
1877 SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINAVES — SUEUR DE SANG 1878
suivie en 1529 d'une autre version par Kvisten Peder-
sen, lequel fit aussi une traduction de toute la Bible,
publiée en 1550. Elle avait été préalablement examinée
par quelques théologiens. Cette version est connue sous
le nom de Bible de Chrétien III. Toutes ces versions sont
principalement basées sur celle de Luther.
H. P. Resen fit le premier une version danoise du
texte original, laquelle filt publiée en 1607. — Les deux
versions de la Bible (de Pedersen et de Resen) ont eu
plusieurs éditions. — La version officielle acluelle du
Nouveau Testament est de 1819. Celle de l'Ancien Tes-
tament de 1871. — A. S. Poulsen et J. L. Ussing out
publié en 1895, par ordre du ministère des Cultes, une
nouvelle traduction du Nouveau Testament, qui a été
depuis soumise à l'examen d'une commission biblique,
laquelle est encore occupée à la perfectionner. — En
dehors de ces travaux, des traductions indépendantes de
la Bible ont été publiées par J. K. Lindberg, 1835-1859,
et par K. et K. Kalkar, 1845-1847. Cette dernière est
munie de notes. — Une « nouvelle traduction par Kalkar,
Martensen et autres » a été achevée en 1872,A.Sôrensen
a publié en 1881 : « Les livres historiques du Nouveau
Testament, » et en 1892 : « Les Épitres du Nouveau Tes-
tament. »
II. Versions suédoises. — Une première version
suédoise, due principalement à Olaus Pétri et Lauren-
lius Andrece, fut publiée en 1541. Pendant les règnes
de Charles IX, de Gustave II Adolphe et de Charles XI,
des travaux préparatoires furent faits pour obtenir une
meilleure version, mais ces travaux n'eurent que des
résultats insignifiants. — Une nouvelle édition de la
Bible fut cependant publiée en 1703 par ordre de
Charles XII, mais les améliorations du texte de la version
ne sont pas considérables. C'est cette édition qui est,
encore aujourd'hui la Bible officielle de l'Eglise sué-
doise. — Gustave III forma en 1773 une « Commission
biblique », laquelle a, depuis cette époque, publié
plusieurs traductions des Saintes Écritures qui n'ont pas
été approuvées. — La dernière traduction du Nouveau
Testament, publiée « à titre d'essai » en 1882 par la
Commission biblique, fut en 1883 soumise à l'Assemblée
de l'Eglise (Kyrkomôte) qui l'approuva, sauf quelques
modifications, et en recommanda l'adoption; après
quoi le roi la déclara, la même année, « adoptée pour
l'enseignement dans les églises et les écoles. » — Mais
il fut en même temps prescrit de continuer à faire usage
du texte de la Bible de 1703 dans tous les actes litur-
giques, jusqu'à ce que la revision de la version de
l'Ancien Testament fût terminée et adoptée. — Une
« édition normale » de la nouvelle version du Nouveau
Testament fut en conséquence publiée en 1884, mais
déjà en 1889 l'Assemblée de l'Église réclama et obtint
une nouvelle revision de la version. Cette revision n'est
pas encore terminée. — En 1903 la traduction de l'An-
cien Testament, enfin terminée par la Commission
biblique, fut recommandée par l'Assemblée de l'Église
afin qu'elle fût adoptée pour l'enseignement dans les
églises et les écoles, et une « édition normale » en fut
publiée en 1904. L'adoption officielle de cette version a
cependant été différée jusqu'à ce que la question de la
version du Nouveau Testament soit définitivement
réglée. — Une version suédoise de la Versio vulgatada
Nouveau Testament a été publiée en 1895 par le
Père J. P. E. Benelius.
III. Versions norvégiennes. — Une version norvé-
gienne de l'Ancien Testament, due à la coopération
de plusieurs personnes, a été publiée pendant les années
1842-1873. La version correspondante du Nouveau Tes-
tament fut publiée en 1873. — La Société biblique
norvégienne commença plus tard, en 1876, la publica-
tion d'une nouvelle version norvégienne; celle de l'An-
cien Testament en 1887 et celle du Nouveau Testament
en 1904. — E. Blix a publié en 1890 une version en
dialecte populaire norvégien (Landsmol). Voir Nordisk
Familjebok, 1905, t. m, p. 250. Article de J. Per-
sonne.
IV. Versions islandaises. — Le Nouveau Testament
a été publié en 1540 en islandais, par Odd Gottskalkssôn
d'après la version allemande de Luther, et la Bible
entière en 1584 par Gudbrand Fhorlakson. Voir
Nordisk Familjebok (Encyclopédie générale suédoise) ,
édition de 1905, t. m, Articles intitulés : Bibelofver
Latiningar, Bibelkommission.
J. Personne.
SUEUR (hébreu : zê'dh, yéza' ; Septante : i8pwç;
Vulgate : sudor), liquide qui passe à travers la peau et
apparaît sous forme de gouttelettes, par l'effet de la
chaleur, d'un effort violent, de certaines émotions très
vives et de divers états maladifs. — A la suite de son
péché, l'homme a été condamné à manger son pain « à
la sueur de son visage », Gen., m, 19, c'est-à-dire au
prix d'efforts pénibles pour cultiver la terre et récolter
le grain nourricier. —Dans le Temple idéal d'Ezéchiel,
xliv, 18, les prêtres porteront des mitres et des cale-
çons de lin, mais rien qui puisse exciter la sueur. —
Au figuré, « suer » signifie se donner beaucoup de
peine pour aboutir à un résultat. L'auteur des livres
des Machabées dit qu'il s'est imposé beaucoup de sueurs
et de veilles pour abréger Jason de Cyrène. II Mach.
n, 27. Les versions introduisent l'idée de sueur dans
des passages où il n'est question que de labeur. Eccle.,
il, 11; Ezech., xxiv, 12. La Vulgate parle aussi de pain
in sudore, gagné à la sueur, là où le texte grec ne
mentionne que la subsistance. Eccli., xxxiv, 26.
H. Lesêtre.
SUEUR DE SANG ou hématidrose, hémorragie
dans laquelle le sang s'échappe comme de la sueur à
travers les pores de la peau intacte. — Cette hémor-
ragie paraît avoir pour siège les glandes sudoripares.
Le sang s'échappe en gouttelettes d'un rouge plus ou
moins vif, et peut former une véritable pluie, comme
si le liquide s'écoulait d'une plaie. Ce liquide est du
sang normal. Le phénomène se produit de préférence
aux endroits où la peau, plus mince, donne plus facile-
ment passage à la sueur. Sa durée peut varier de
quelques minutes à plusieurs heures. L'hématidroseest
un accident rare, qui affecte presque exclusivement la
jeunesse et l'âge moyen. Il a pour causes ordinaires les
perturbations nerveuses, les douleurs aiguës et les vio-
lentes émotions, telles que la frayeur, la colère, le
chagrin, etc. La réalité de l'hématidrose, mise en doute
par certains savants, ne peut être contestée à la suite
des faits observés par les modernes comme par les
anciens. Pour l'ordinaire, la sueur de sang n'entraîne
pas de graves conséquences d'anémie. Cf. Maur. Ray-
naud, dans le Nouv. Dict. de méd. et de chir. prati-
ques, Paris, 1873, t. xvn, p. 265 268. — Pendant son
agonie à Gethsémani, le Sauveur fut violemment saisi
de tristesse, d'ennui et de frayeur. Matth., xxvi, 37;
Marc, Xiv, 33. Dans ces conditions, l'hématidrose pou-
vait naturellement se produire. Saint Luc, xxn, 44, la
décrit en médecin. Il y eut une sueur, &aû 8pô(i6ot
otfpiaroç, :< comme des caillots de sang », découlant
jusqu'à terre. Le mot grec dit plus que le mot gutlse,
«gouttes», de la Vulgate. L'hémorragie était abondante;
le sang commençait à se coaguler en tombant jusqu'à
terre. L'évangéliste ne dit pas quelles parties du corps
affectait le phénomène; l'hématidrose dut se produire
au moins sur le visage et probablement aussi aux
endroits où coule or Jinairement ia sueur. Ici le mot
<i(TEc n'est pas comparatif, mais indicatif, comme Joa.,
i, 14. Aussi les Pères entendent-ils le texte d'une vraie
sueur de sang. Cf. S. Irénée, Hser., III, xxn, 2, t. vu,
col. 957; S. Augustin, InPs.,CXL,4, t. xxxvii, col. 1817,
etc.; Lœnartz, De sudore sanguinis, Bonn, 1850.
H. Lesêtre.
1879
SUFFIXES — SUNAM
1880
SUFFIXES, terme grammatical par lequel on dési-
gne les particules qui sont placées en hébreu à la fin
de certains mots. Voir Hébraïque (Langue), t. m,
col. 473.
SUFFOCATION (hébreu : mahânag, de Ifânaq,
« étrangler »), pression qui empêche de respirer et
amène la mort. — Job, vu, 15, préférerait la suffoca-
tion à son malheureux état; Septante : « Retire de ma
vie le souffle; » Vulgate : « Je préfère la pendaison,
suspendium. » Achitophel s'étrangla lui-même. IIReg.,
xvn, 23. Voir Pendaison, col. 34. Le mauvais serviteur
étranglait son compagnon pour lui faire rendre ce
qu'il devait. Matth., xvm, 28. — Le lion étrangle ses
victimes pour nourrir sa lionne et ses petits. Nah., n,
12. D'après la Vulgate, David étranglait des lions. I Reg.,
xvn, 35. D'après l'hébreu, il les tuait. Cf. Ezech., xxxvi,
13. Les pourceaux qui se précipitèrent dans le lac y
furent étouffés par asphyxie. Marc, v, 13; Luc, vm,
33. — Par analogie , les plantes sont étouffées quand
elles manquent d'air. Matth., xm, 7; Marc.,iv, 7; Luc,
vin, 7. La parole de Dieu est de même étouffée par les
richesses et les soucis de ce monde. Matth., xm, 22;
Marc, îv, 19; Luc, vm, 14. — Il était rigoureusement
défendu aux Israélites de manger du sang. Lev., ni,
17. Aussi saignaient-ils avec grand soin les animaux
dont ils devaient manger la chair. L'animal étranglé
garde tout son sang; sa chair était donc prohibée. Cette
prohibition fut maintenue par les apôtres, même pour
les chrétiens qui venaient de la gentilité. Act., xv, 20,
29; xxi, 25. Elle manque dans plusieurs anciens textes,
probablement parce qu'elle était équivalemment com-
prise dans la simple défense du sang. Cf. H. Coppie-
ters, Le décret des Apôtres, dans la Revue biblique,
1907, p. 37-40. H. Lesètre.
SUHAM (hébreu : ëûham; Septante : Eajié), fils de
Dan, chef de la famille des Suhamites. Nura., xxvi, 42.
SUHAMITES (hébreu : haS-Sûhamû; Septante :
à S»[i£t), unique famille danile, descendant de Suham,
qui se composait de soixante mille quatre cents mem-
bres, lors du recensement fait par Moïse dans les
plaines de Moab.Num., xxvi, 42, 43.
SUHITE (hébreu :has-Siihî; Septante : 4 Sauxîrr,ç),
qualification ethnique de Baldad, un des trois amis de
Job, il, 11; vm, 1; xvn, 1; xxv, 1; xlii, 9. Le livre de
Job, d'après ses indications, fait penser que Baldad
habitait une région située à l'ouest de l'Euphrate, sur
les frontières de l'Arabie septentrionale. Les documents
cunéiformes mentionnent sur la rive droite de l'Eu-
phrate, au sud de Carchamis., la tribu des Suchi, dont le
nom est le même que celui de Sûfyi.
SUICIDE, acte par lequel on se donne la mort à soi-
même. Quelques cas de suicide sont mentionnés dans
la Sainte Écriture. Abimélech, atteint à la tête par une
pierre qu'une femme avait lancée du haut d'une tour,
ne voulut pas qu'on pût dire : « C'est une femme qui
l'a tué! » et il se fit transpercer par son écuyer.
Jud., IX, 53, 54. Saûl, pressé parles Philistins, ordonna
aussi à son écuyer de le transpercer. Sur le refus de
celui-ci, Saûl se jeta sur son épée et mourut; l'écuyer
se donna aussi la mort de la même manière. I Reg.,
xxxi, 3 5. Le traître Achitophel, mécontent qu'Absalom
ne lui confiât pas le soin de poursuivre David, se retira
chez lui, donna des ordres à sa maison, puis s'étrangla.
II Reg., xvn, 23. Zambri, qui fut roi d'Israël à Theras
pendant sept jours, se voyant assiégé par Amri, mit le
feu à la maison du roi et s'y fit périr dans les flammes.
III Reg., xvi, 18. A la suite de sa trahison, Judas, pris
de désespoir, alla se pendre. Matth., xxvil, 5. « Étant
tombé en avant, il se rompit par le milieu et toutes ses
entrailles se répandirent. » Act., i, 18. Ces suicides ont
pour cause la honte ou le désespoir. Le cas de Samson
est différent. Il commence par invoquer Jéhovah, puis
fait écrouler le palais dans lequel il se trouve. Il périt,
mais trois mille Philistins périssent avec lui. Jud., xvi,
27-30. Il est clair que Samson a la conscience d'accom-
plir un acte de légitime vengeance, pour lequel Jého-
vah ne peut manquer de lui venir en aide. Il n'y a pas
de suicide dans le fait de courir au-devant de la mort,
dans une bataille, pour accomplir une action utile,
comme le fit Éléazar Abaron. I Mach., vi, 43-46. Mais
voici un vrai suicide, accompli dans des conditions
atroces et avec un sang-froid extraordinaire, sous
l'empire de sentiments très honorables. A l'époque des
Machabées, Razias, appelé le « père des Juifs », pour
échapper à Nicanor qui a envoyé cinq cents soldats
pour le prendre, se perce de son épée, ensuite se pré-
cipite du haut d'une tour, se relève tout ruisselant de
sang, arrache ses entrailles, les jette à la foule et expire.
II Mach., xiv, 37-46. Voir Razias, col. 994. L'historien
sacré raconte ce fait sans l'approuver, mais néanmoins
avec une sympathique admiration, à cause des senti-
ments qui animaient Razias. Il est encore raconté que
Ptolémée Macron s'empoisonna lui-même. II Mach. ,x,
13. — La loi mosaïque ne prévoit pas le suicide, dont
la prohibition est certainement comprise dans celle qui
vise l'homicide. Josèphe, Bell, jud., III, vm, 5, fait à
ses compatriotes révoltés un long discours contre le
suicide. H. Lesètre.
SULAMITE (hébreu : has-Sûlammi{ ; Septante :
r| SouvajitTiç), nom donné à l'épouse du Cantique des
Cantiques, d'après l'interprétation la plus générale.
Cant., vi, 12; vu, 1. Il paraît être la forme féminine
du nom de Selômôh (Salomon), de même que Salomé
et Salomith. Quelques interprètes l'ont confondue, mais
sans raison, avecAbisag (t. i, col. 58), en prenant Sula-
mite pour Sunamite, parce que Abisag était deSunam.
Voir Cantique des Cantiques, t. n, col. 185.
SUNAM (hébreu : Sûnêm ; Septante : Touvân, Swvân,
Swixiv), ville de la tribu d'Issachar. Jos., xix,18 (Vulgate :
Sunem). — 1° La forme actuelle de son nom, Soulem,
remonte à une haute antiquité. Elle est située sur la
pente sud-ouest du Petit Hermon ou Djebel- ed-Dahy,
qui déjà du temps de saint Jérôme était connu sous le
nom d'Hermoniim, par opposition au grand Hermon.
Soulam ne renferme que quelques centaines d'habi-
tants, mais le site en est très gracieux. Au milieu du
village est une fontaine (fig. 420) qui, au moyen d'un
conduit, arrose des jardins plantés d'orangers, de
citronniers, de grenadiers et de figuiers. La plupart
des maisons sont bâties avec de petits matériaux. On
n'y trouve point d'antiquités. On y montre seulement
dans une maison une chambre voûtée en plein cintre
qui, sans remonter très haut, passe pour fort ancienne.
On donne à cette maison le nom de Beit Soulamiéh
et l'on y rattache le souvenir d'Elisée et de son hôtesse.
2° Sous le règne de Saûl, les Philistins, avant de
livrer la bataille du mont Gelboé, qui devait être fatale au
roi d'Israël, campèrent à Sunam. I Sam. (Reg.),xxvin, 4.
— Abisag, que sa beauté fit choisir pour servir David
devenu vieux, était originaire de Sunam, III Reg., i,
1-4, et plusieurs commentateurs croient que c'est elle
qui est nommée dans le Cantique des Cantiques. Voir
Sulamite. — Elisée, dans ses courses, passa souvent
par Sunam. Une femme pieuse et riche lui donnait
l'hospitalité et le logeait dans une chambre haute qu'elle
avait meublée pour lui d'accord avec son mari : c'est
celle dont on a conservé le souvenir dans le Beit Sou-
lamiéh. Le prophète pour récompenser son hospitalité
obtint de Dieu pour elle un fils, quoiqu'elle fût avancée
4881
SUNAM — SUPERSTITION
1882
en âge et stérile. Quand ce fils eut grandi, il était allé
un jour aux champs trouver son père au milieu des
moissonneurs. 11 y fut frappé d'une insolation et mou-
rut. Sa mère, pleine de foi, alla aussitôt au mont Car-
mel, et par ses instances où éclate un admirable
amour maternel, elle obtint qu'Elisée vint en personne
à Sunam, où il lui ressuscita son fils, ce que n'avait pu
faire son serviteur Giézi. IV Reg., IV, 8-37. Des com-
mentateurs modernes se refusent à placer Sunam au
Soulam actuel, parce que, disent-ils, Elisée ne devait
point passer par cet endroit pour aller de Galgala au
Carmel. Voir Galoala 2, t. m, col. 87. Mais rien ne
prouve qu'il allât au Carmel par le chemin le plus court,
naire ou habitant de Sunam. Abisag, III Reg., r, 3, 15;
II, 17, 21, 22, et l'hôtesse d'Elisée, dont le nom est
inconnu, sont appelées Sunamites. Voir Abisas, t. n
col. 58; Sunam, col. 1880. La Sulamite du Cantique
des Cantiques est ainsi appelée, d'après plusieurs inter-
prètes, parce qu'elle était de Sunam (Sulam) ou qu'elle
est la même qu'Abisag. Voir Sulamite, col. 1880.
SUNEM, orthographe du nom de Sunam dans la
Vulgate. Jos., xix, 18. Voir Sunam.
SUNI (hébreu : Sûnî; Septante: 2 o-jvQ, le troisième
des sept fils de Gad, et petit-fils de Jacob. Il fut père
- u
i5*-'^*
420. — Soulem. Sa fontaine. D'après une photographie de M. L. Heidet.
et il pouvait avoir des raisons particulières de passer
par Sunam, même quand il se rendait au mont Car-
mel.— Quelque temps après la résurrection du fils delà
Sunamite, une famine désola le pays. Elle devait alors
avoir perdu son mari, car il n'en est plus question.
Sur le conseil d'Elisée, elle partit avec les siens pour
aller dans le fertile pays des Philistins et pour y atten-
dre la fin de la disette qui dura sept ans. Quand elle
revint à Sunam, elle dut recourir au roi d'Israël pour
rentrer en possession de sa maison et de ses champs.
Au moment où elle se présenlait à lui, le serviteur
d'Elisée, Giézi, lui racontait comment son maître avait
rendu la vie au fils de la Sunamite, et le roi donna aus-
sitôt l'ordre de 1 ui faire restituer tout ce qui lui apparte-
nait avec les revenus de ses champs depuis son départ.
IV Reg., vin, 1-6. Voir V. Guérin, Galilée, 1. 1, p.112-114.
SUNAMITE (hébreu : has-Sûnnamit [haS-§unna-
minif, III Reg., il, 22]; Septante : Swiiivitiç), origi-
de la famille appelée de son nom famille des Sunites.
Num., xxvi, 15.
SUNITES (hébreu : haS-Sûnî; Septante : 6 Souvî),
famille gadite descendant de Suni. Num., xxvi, 15.
SUPERBI Augustin, de Ferrare, mineur conventuel,
mort à Ferrare le 9 juillet 1634. On a de lui le Deca-
chordon scripturale super Canticum Virginia Magni-
ficat, in-4°, Ferrare, 1620, et des ouvrages historiques,
entre autres, Apparato degli nomini illustri di Fer-
rara, Ferrare, 1620, etc. Voir G. Moroni, Dizionario
di erudizione storico-ecclesiastica, t. xxiv, Venise,
1844, p. 64, 112.
SUPERSTITION (grec: 8s«riSaesj.ovta; Vulgate : s.u-
perstitio), pratique religieuse de légitimité contestable.
— Saint Paul, après avoir constaté les nombreux
sanctuaires élevés par les Athéniens dans leur cité, les
1883
SUPERSTITION
SUPPLICE
1884
complimente d'être 8eKri8avi|ji.oe<jr&poi, superstitiosio-
res. Act.,xvn, 22. Il n'entend pas approuver toutes leurs
manifestations religieuses; mais il se sert d'un terme
qui marque habituellement le respect pour les dieux,
bien qu'il comporte parfois un sens défavorable. — Le
procurateur Festus appelle 8et<rc6ai(iOvîa, superstitio,
la religion au sujet de laquelle saint Paul a été en dis-
cussion avec les Juifs. Act., xxv, 19. Un païen ne pou-
vait pas se servir d'un autre mot. — S'adressant aux
Colossiens, n, 23, saint Paul fait allusion à certaines
coutumes humaines qui se recommandent par leur
ê6e).o6pir]<îxeïa, superstitio. Le terme grec suppose une
religion qu'on se fait à soi-même, par conséquent une
vraie superstition. — La superstition proprement dite
apparaît dans la Sainte Écriture sous différentes formes.
Voir Amulette, 1. 1, col. 527; Divination, t. n, col. 1443;
Magie, t. iv, col. 562. H. Lesètre.
SUPH, nom d'un Lévite et d'un pays.
1. SUPH (hébreu : Sûf; Septante, Alexandrinus :
EoiSit), Lévite de la descendance de Caath, ancêtre
d'Élcana,père de Samuel. ISam. (Reg.), i,l; IPar., vl,
35 (hébreu, 20). Au f. 26 (hébreu, 11) de I Par., vi, il
est appelé Sophaï. Voir Sophaï,co1. 1835.
2. SUPH (hébreu: Sûf; Septante : Sicp), région d'une
étendue plus ou moins considérable dans laquelle se
trouvait probablement Ramathaïm-Sophim. Voir
col. 944. Saûl passa dans cette région, quand il recher-
chait les ânesses perdues de son père et arrivé là et ne
les ayant pas trouvées, il se proposait de revenir sur
ses pas auprès de son père, avant qu'il eût résolu d'aller
consulter Samuel. I Reg. (Sam.), IX, 5. 11 a été jusqu'à
présent impossible de déterminer avec quelque préci-
sion ce qu'était la terre de Suph.
SUPHA (hébreu : Çôfah; Septante : Swçi), fils
aîné d'Hélam, I Par., vu, 35 (ou Hotham, jr. 32), de la
tribu d'Aser. Il eut pour fils Sué, Harnapher, Suai,
Beri, Jamra, Bosor, Hod, Summa, Salus, Jéthram et
Bara (J. 37).
SUPHAM (hébreu : Sefûfâm ; Septante : Swçiv),
fils de Benjamin et chef de la famille des Suphamites.
Num.,xxvi, 39. Son véritable nom est incertain. Il est
appelé Mophim, Gen., xlvi, 21; il semble n'être que
le petit-fils de Benjamin et donné comme fils de Balé,
I Par., -vin, 5, sous le nom de Sephuphan, col. 1623.
Le texte semble avoir souffert. Voir aussi Sépham,
col. 1613; Mophim, t. îv, col. 1258. Il fut le père de la
famille des Suphamites.
SUPHAMITES (hébreu : has-Sûfâmt; Septante :
ol Ecoqxxvî), famille descendant de Supham. Num.,
xxvi, 39.
SUPPLICE (Septante : pâdavoç, pa<ravt(7|J.ôç, izaapô:,
xôXaatç, tmwpt'a, t0|ntavov; Vulgate : supplicium, tor-
menlum, tortura), châtiment corporel infligé pour une
faute grave et entraînant souvent la mort. Le bourreau
qui inflige le supplice s'appelle $aaa.vi<rrr,i, tortor.
Malth., Ï.VIH, 34. Voir Bourreau, t. i, col. 1895.
I. Supplices Israélites. — 1» Flagellation. La flagel-
lation Israélite ne devait jamais être un supplice mor-
tel; elle l'était souvent chez les Romains. Voir Flagel-
lation, t. n,col.2281.— 2» Lapidation. C'était chez les
Israélites le supplice le plus ordinairement infligé pour
déterminer la mort d'un coupable. Voir Lapidation,
t. îv, col. 89. — 3° Combustion. On faisait périr par le
feu la prostituée, du moins avant la loi mosaïque.
Gen., xxxviii, 24. La Loi condamnait au supplice du
feu la fille de prêtre qui se prostituait, Lev., xxi, 9, et
les coupables de l'inceste commis par un homme avec
la mère et la fille. Lev., xx, 14. On consumait par le
feu ceux qui avaient été lapidés. Jos., vu, 25. Voir Feu,
t. il, col. 2225. Les Juifs infligeaient ce supplice de
deux manières différentes : on enflammait des fagots
autour du condamné, c'était la « combustion du corps » ;
ou bien on lui versait du plomb fondu dans la bouche,
c'était la « combustion de l'âme ». Ce second mode
était le plus souvent employé. Cf. Iken, Antiquitates
hebraicse, Brème, 1741, p. 423. — 4" Mort par le glaive
ou une arme perforante. Exod., xix, 13; xxxii, 27;
Num., xxv, 7, 8; I Reg., xv, 33; xxn, 18; II Reg., i,
15; iv, 12; III Reg., n, 25; xix, 1; Jer., xxvi, 23; etc.
Quelquefois on procédait par le glaive à la décapitation.
II Reg., xx, 22; Matth., xiv, 8, 10; Act., xn, 2. La
mort par le glaive était réservée à l'homicide et aux
habilants d'une ville tombée dans l'idolâtrie. —
5° Pendaison. Infligée quelquefois comme supplice
indépendant, elle n'était d'ordinaire que la suite d'un
autre supplice ayant causé la mort. Voir Pendaison,
' col. 34. — 6° Strangulation. La Sainte Écriture ne dit
rien de ce supplice. Mais les docteurs juifs en parlent
comme du genre de mort le moins pénible. On faisait
entrer le coupable dans la boue jusqu'aux genoux, et
deux hommes tiraient de chaque côté les extrémités
d'un linge passé autour de son cou, jusqu'à ce qu'il
expirât. La strangulation faisait périr celui qui avait
frappé son père ou sa mère, celui qui avait mis un
Israélite en esclavage, le vieillard rebelle aux décisions
du sanhédrin, le faux prophète, l'adultère, celui qui
avait commis le mal avec la fille d'un prêtre ou avait
accusé faussement celle-ci de l'avoir fait. Cf. Sanhé-
drin, vu, 3; Iken, Ant. hebr., p. 420. — Sur les cas
qui entraînaient la peine de mort, voir Pénalités,
col. 131.
II. Supplices non Israélites. — 1° Crucifixion.
C'était le supplice infligé par les Romains aux esclaves
et à ceux qui n'avaient pas le droit de cité. Voir Croix,
t. n, col. 1127. — 2" Submersion. Exod., I, 22; Matth.,
xviii, 6; Marc, ix, 42. Voir Meule, t. iv, col. 1054.
Saint Jérôme, In Matth., m, 18, t. xxvi, col. 129, dit
que ce supplice était en usage chez les anciens Juifs de
la province. Il n'en est pas fait mention ailleurs que
dans les deux passages des évangélistes. Le xaraitov-
ti<t|X(5;, précipitation dans la mer ou les fleuves, était en
usage chez les Phéniciens, les Syriens, les Grecs et les
Romains. Chez ces derniers, la submersion était le
châtiment du parricide. Cf. Cicéron, Pro Rose. ,25; Ad
Herenn., i, 13.; Juvénal, vm, 204. Plus tard, on reten-
dit à tous les crimes graves. Cf. Suétone, Octav., 67;
Quinte-Curce, x, 4; Josèphe, Bell, jud., I, xxh, 2;
Ant. jud., XIV, xv, 10. — 3° Précipitation du haut
d'un rocher. II Par., xxv, 12; Ps. cxli(cxl), 6; II Mach.,
vi, 10; Luc, iv, 29. Cf. Suétone, Calig., 27. — 4° Di-
c/jotomie,supplice qui consistait à couper quelqu'un en
morceaux. I Reg., xv, 33. Il était en grand usage chez
les Égyptiens, cf. Hérodote, il, 139; xm, 3, chez les
Perses, cf. Hérodote, vu, 39; Diodore de Sicile, xvii,
83, et surtout chez les Babyloniens. Dan., n, 5; m, 96.
Le prophète Isaïe aurait subi ce supplice sous le roi
Manassé. Heb., xi, 37. Voir Isaïe, t. m, col. 940. Ptolé-
mée VIII Lathurus, pendant son expédition en Judée,
faisait égorger et déchiqueter en morceaux des femmes
et des enfants, dont ensuite on cuisait les membres
dans des marmites, afin de faire croire que les soldats
égyptiens étaient cannibales et d'effrayer par là les popu-
lations. Josèphe, Ant. jud., XIII, xn, 6.-5° Mutila-
tion, supplice consistant à couper un ou plusieurs
membres, à crever les yeux, à déchirer de coups,
Matth., xxiv, 51; Luc, xn, 46, sans que toujours la
mort suivit. Voir Mutilation, t. iv, col. 1360. — 6° Bas-
tonnade. Dans le monde grec, on l'administrait au
moyen d'un instrument appelé -rûixiravov, «c tambour ». -
1885
SUPPLICE
SUR
1886
II Mach., "VI, 19, 28. Ce tambour était vraisemblable-
ment une sorte de roue qui servait à distendre le corps
du condamné que l'on voulait bastonner. Voir Baston-
NAUE, t. i, col. 1501. L'auteur du De Machab., vm,
faussement attribué à Josèphe, énumère les instruments
de supplices employés par Antiochus Épiphane : les
roues, les instruments pour comprimerles articulations,
les instruments de torsion, les roues d'une autre
espèce, les entraves, les chaudières, les poêles, les ins-
truments pour les doigts, les mains de fer, les coins,
les soufflets à feu. Il est probable que les roues repré-
sentent ici ce que le texte sacré appelle des tambours,
Heb., xi, 35 : fTupmavioOriCTiiv, distend sunt, « ils ont
été distendus ». Cf. Prov., xx, 26. — 7° Fournaise. Le
supplice de la fournaise ardente, dans lequel on préci-
pitait le condamné, était commun chez les Babyloniens,
jer., xxix, 22; Dan., m, 15-23, 46-48. Antiochus Épi-
phane fit brûler dans une poêle une de ses jeunes vic-
times. II Mach., vu, 5-6. On peut voir II Mach., vu, 3-
41, la variété des supplices employés par le persécu-
teur. Le traitement infligé par David aux Ammonites ne
comporlait ni une mise au four, ni le supplice des
scies et des instruments de fer, comme traduisent les
versions, II Beg., xn, 31, mais une simple réduction
en esclavage. Voir Four, t. m, col. 2338; Moule a
briques, t. iv, col. 1328. Le roi Hérode lit périr par le
feu les principaux de ceux qui avaient abattu l'aigle
d'or fixé au-dessus de la porte du Temple. Josèphe,
Bell, jwd., I, xxxiii, 4. — 8° Bêtes. Les Perses livraient
les condamnes aux bêtes. Dan., VI, 10, 23, 24.
Saint Paul dit qu'à Éphèse il a eu à combattre les bêtes.
I Cor., xv, 32. On croit généralement que l'Apôtre
parle ici au figuré, parce que les citoyens romains
n'étaient pas livres aux bêtes, et qu'il n'est pas fait
mention de ce combat dans les Actes, ni dans II Cor.,
xi, 23-28, où saint Paul énumère toutes ses tribulations.
II emploie d'ailleurs la même figure. II Tim., iv, 17.
Hérode avait inslitué à Jérusalem même des jeux où
des hommes combattaient contre les bêtes féroces.
Josèphe, Ant. jud., XV, vm, 1. Cf. Ad bestias, dans le
Dict. d'archéol. chrét., t. i, col. 449. — 9° Tour de
cendres. Il y avait à Bérée une tour de 50 coudées
remplie de cendres, couronnée d'une machine tour-
nante au moyen de laquelle on précipitait le condamné
qui périssait ainsi étouffé dans la cendre sans pouvoir
s'échapper. Ménélas subit ce supplice. II Mach., xm,
5-8. Valère Maxime, ix, 2, 6, décrit un édifice à hautes
murailles rempli de cendres et recouvert d'un plancher;
on y accueillait aimablement ceux qujon voulait faire
périr, et, pendant qu'ils dormaient après avoir bu et
mangé, le plancher s'entr'ouvrait et ils étaient engloutis.
Les Perses connaissaient aussi_ le supplice de la cendre.
Ctésias, Persic, 51. — 10° Écrasement. Ce supplice
était ordinairement infligé aux petits enfants après la
prise des villes. IV Reg., vm, 12; Is., xm, 16, 18;
Ose., x, 14; xiv, 1; Nah., m, 10; Ps. cxxxvii (cxxxvi),
9. — 11° Êventrement. Dans les mêmes circonstances,
on ouvrait le ventre des femmes enceintes. IV Reg.,
vm, 12; xv, 16; Ose., xiv, 1; Am., i, 13. Ces deux
derniers supplices sont moins des châtiments, que de
barbares représailles exercées contre des vaincus.
H. Lesètre.
SDR, nom de deux personnages, et aussi, de plus,
dans la Vulgate, d'un désert et d'une porte du Temple
de Jérusalem dont le nom en hébreu est différent,
ainsi que d'une ville dans le texte grec de Judith.
1. SUR (hébreu :Sûr; Septante : Sovp), chef ma-
dianite. Il est nommé le troisième des cinq princes
madianites qui tachèrent d'arrêter la marche des
Israélites, lorsque ces derniers allaient prendre posses-
sion de la Terre Promise, et qui appelèrent Balaam à
leur aide pour les maudire. 11 périt avec le faux pro-
phète et les autres chefs madianites dans la bataille
que leur livrèrent les Israélites, après que, sur le con-
seil perfide de Balaam, les filles des Madianites eurent
fait pécher les enfants d'Israël. Num., xxxi, 8. Parmi
les filles madia'nites qui pervertirent les Israélites, le
texte sacré nomme expressément Cozbi qui séduisit
Zambri, le chef de la tribu de Siméon : c'était la fille
de Sur, et elle fut tuée par Phinées, en même temps
que Zambri. Num., xxv, 15. Le livre de Josué, xm, 21,
nous apprend que Sur, comme les quatre autres chefs
de Madian, était soumis à la suprématie de Séhon, roi
des Amorrhéens.
2. SUR (hébreu : Sûr; Septante : SoCp), le second
des fils de Jéhiel ou Abi-Gabaon (voir Abigabaon, t. i,
col. 47j et de Maacha, de la tribu de Benjamin. I Par.,
vm, 29-30; ix, 35-36.
3. SUR (hébreu : Sûr; Septante: Soûp), désert à
l'est de l'Egypte. Les Israélites y entrèrent au sortir du
passage de la mer Rouge et y marchèrent trois jours
sans trouver de l'eau jusqu'à Mara. Exod., xv, 22. Les
Nombres, xxxm, 8, appellent' Étham le désert de Sur.
Voir Étham 2, t. n, col. 2003. Le mot Sûr signifie en
araméen « muraille » et beaucoup de commentateurs
croient que ce nom vient de ce que le Djebel er-Rahah,
longue chaîne de montagnes qui en forme la frontière
orientale, a l'aspect d'une muraille. F. W. Holland, The
Recovery of Jérusalem, p. 527; E. H. Palmer, The
désert of the Exodus, p. 38. D'après d'autres, le nom
de Sûr tire son origine des murs ou de la ligne de
forteresses que les Égyptiens avaient établies à l'est de
leur pays pour arrêter les invasions des Sémites. Cf.
H. Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 119, 195.
Le trait le plus caractéristique du désert de Sur,
c'est qu'il est « sans eau ». Exod., xv, 22. « La plaine
nue et stérile, où l'on aperçoit seulement quelques
herbes et quelques arbrisseaux misérables, des cail-
loux noircis et du sable, un soleil brûlant, une mono-
tonie affreuse, l'absence totale d'eau, excepté l'eau
saumâtre qu'on rencontre dans une demi-douzaine de
creux sur une superficie de mille milles carrés, tout
cela ne produit que trop vivement sur le voyageur l'im-
pression d'un désert sans eau. » H. Sp. Palmer, Sinai,
p. 189-190. Sa largeur est de quinze à vingt kilomètres.
Plusieurs savants ont admis l'existence d'une ville
de Sur, en s'appuyant sur des textes bibliques qui
manquent de précision et que d'autres commenta-
teurs expliquent, non sans vraisemblance, du désert de
Sur. Lorsque Agar, maltraitée par Sara, s'enfuit vers
l'Egypte, « elle s'arrêta près d'une source d'eau dans le
désert, qui est sur le chemin de Sur. » Gen., xvi, 7.
Voir Béer-Lahaï-Roï, t. i, col. 1549. — Abraham
habita entre Cadès et Sur. Gen., xx, 1. — Les fils
d'Ismaël « habitèrent depuis Hévila jusqu'à Sur, qui
est en face de l'Egypte ». Gen., xxv, 18. — « Saûl battit
Amalec depuis Hévila jusqu'à Sur qui est en face de
l'Egypte. » I Sam. (Reg.), xv, 7. — « David et ses
hommes montaient et faisaient des incursions (de
Siceleg) chez les Gessuriens, les Gerziens et les Ama-
lëcites, et ces peuples habitaient dès les temps anciens
la contrée du côté de Sur et jusqu'au pays d'Egypte. »
I Sam. (Reg.), xxvii, 8. Dans tous ces passages, Sur
s'entend sans difficulté du désert de Sur, qui s'appelle
aujourd'hui en arabe el-Djifar. Il résulte clairement
des indications que nous fournissent les textes bibli-
ques qui viennent d'être rapportés, que la principale
route des caravanes qui se rendaient d'Hébron et de
Bersabée ou du sud de la Palestine en Egypte, passait
par le désert de Sur.
4. SUR (hébreu : Sûr; Septante : tû>v o3<Jv), porte
du temple de Jérusalem, IV Reg., xxm, 6, appelée
1887
SUR — SUSANNE
1888
Yesôd (Vulgate : Fundamentum). II Par., xxm, 5. On
a proposé de l'entendre de la porte des chevaux (voir
Jérusalem, t. in, col. 1365, n. 12), qui est mentionnée
quelques versets plus loin dans II Par., xxm, 15, en
lisant Susîm, «. chevaux», au lieu de Sûr ou de Yesôd.
5. SUR (Septante : Eoûp), ville dont le nom se lit
seulement dans les Septante, Judith, il, 28. Elle est
énumérée parmi les villes maritimes de la Palestine
qui furent saisies d'effroi à l'approche de l'armée
d'Holoferne. On a proposé de l'identifier avec Dor, voir
Dor, t. il, col. 1487; avec Sora nommée par Etienne de
Byzance parmi les villes de Phénicie; avec Sarepta,
parce qu'elle est nommée entre Tyr et Okina qu'on
suppose être Accho, mais ce ne sont que des hypothèses
plus ou moins vraisemblables.
SURENHUSIUS (SURENHUYS) Willem, hébraï-
sant hollandais, qui ilorissait à la fin du xvn e siècle et
au commencement du xviii». Il professa le grec et
l'hébreu à Amsterdam. On lui doit une œuvre estimée,
Mischna sive totius Hebrœorum Juris, Rituum, Anti-
quitatum et Legum Oralium Systema, cum clarissi-
morum Rabbinorum Maimonidis et Bartenorœ Com-
mentants integris, 6 parties en 3 volumes in-f°, Ams-
terdam, 1698-1703. Cet ouvrage est divisé en six parties
suivant le nombre des sedarim ou sections de la Mi-
schna. Des 61 traités que renferme la Mischna, 21 avaient
déjà été traduits. Surenhusius traduisit les 40 autres
et publia du tout une traduction latine qui accompagne
le texte hébreu avec des notes. Le P. Souciet fit la
critique de cette publication. Voir Michaud, Biographie
universelle, t. XL, p. 451. — On a du même savant mm
mSD sive B:6).o; KotraXXay^ç in quo secundumVeterum
Theologorum Hebrseorum formulas allegandi et modos
interpretandi conciliantur loca ex Velere in Testa-
mento Novo allegata, in-4°, Amsterdam, 1713, ouvrage
estimé.
SURIEL (hébreu : fyûrVêl, « £11 est mon rocher »;
Septante : Soupir,).), fils d'Abihaiel, chef de la famille
lévitique de Mérari au temps de l'Exode, Num., m, 35,
laquelle se partageait en deux branches, les Moholites
et les Musites, f. 33. Voir t. iv, col. 1188, 1360.
SURISSADAI (hébreu : $ûrî8addaï, « Saddaï (le
Tout-Puissant) estmon rocher»; Septante : SoupiuaSac),
père de Salamiel, de la tribu de Siméon. Num., i, 6.
Son fils Salamiel était le chef de sa tribu à l'époque de
l'exode. Num., i, 6; n, 12; vu, 36, 40; x, 19.
SURPRISE, attaque inattendue. — La surprise est
souvent employée à la guerre. Ainsi Gédéon surprend
les Madianitesau milieu de la nuit et les met en déroute.
Jud., vu, 19-22. Saùl fond sur le camp des Ammonites
aux dernières heures delanuit. IReg., xi, ll.Jonathas,
par son initiative hardie, jette la panique dans le camp
des Philistins. I Reg., xiv, 13-15. David surprend de
nuit le camp de Saûl. I Reg., xxvi, 7-12. Il tombe sur
les Amalécites au milieu de leurs réjouissances. I Reg.,
xxx, 16, 17. Achab sort de Saraarie et surprend au
milieu de leurs festins Bénadad et les Syriens. III Reg.,
xx, 16-20. Plus tard, les Syriens qui assiègent Samarie
sont pris de panique en s'imaginant que des alliés
viennent au secours du roi d'Israël. III Reg., vu, 6, 7.
Les Bédouins du désert surprennent ceux qu'ils veu-
lent dépouiller. Job, i, 15, 17; II Par., xxi, 16, 17.
Judas Machabée tombe à l'improviste sur les villes et
les villages et choisit la nuit pour ses expéditions, afin
de mieux surprendre les ennemis. II Mach., vm, 6, 7.
Il prend Bosor par surprise et, à la suite d'une marche
de nuit, fond sur l'armée de Timothée, qui assiège Da-
théman, et la met en déroute. I Mach., v, 28-34. Jona-
thas, avec ses hommes, surprend un cortège de noce et
massacre tous ceux qui le composent, pour venger son
frère Jean. IMach., ix, 37-42; etc. — Le voleur, comme
l'ennemi, procède par surprise. Le Sauveur veut que
ses disciples se tiennent toujours prêts, car il viendra
à eux comme un voleur. Matth., xxiv, 42-44; Luc, xn,
39, 40; I Thés., v, 2, 4. « Si tu ne veilles pas, je vien-
drai à toi comme un voleur. » Apoc, m, 3; xvi, 15.
H. Lesêtre.
SUSA (hébreu : SavSa'; Septante Eoujdc), scribe ou
secrétaire du roi David. I Par., xvni, 16. Certains com-
mentateurs croient qu'il est le même que Saraïas,
II Sam. (Reg.), vm, 17; que Siva, II Sam. (Reg.), xx,
25, et que Sisa, III Reg., IV, 3. Voir col. 1797.
SUSAGAZI (hébreu : Sa'asgaz; Septante : Taf),
eunuque du roi Assuérus, chargé de la garde de ses
femmes. Esth., n, 14. Cf. Egée, t. n, col. 1599.
SUSANÉCHÉENS (hébreu : èûSankdyê' ; Septante:
Soutravocxa'oi), habitants de la ville de Suse et de la
Susiane qui avaient été transportés en Samarie avec
d'autres peuplades par Asénaphar (Asaraddon ou Assur-
banipal), roi d'Assyrie. Ils tentèrent avec d'autres
déportés d'empêcher les Juits de reconstruire le temple
de Jérusalem et ils sont nommés dans la lettre que
Réum-Béeltéem et Samsaï écrivirent à cette occasion
au roi Artaxercès, I Esd., îv, 9. Voir Suse.
1. SUSANNE (grec : Souo-àwâ), femme de Joakim,
qui vivait à Babylone au moment de la captivité des
Juifs dans cette ville. Son nom vient de l'hébreu Susân,
« lis ». Diodore de Sicile, n, 6, dit queNinus avait une
fille appelée Susanne.
I. Texte. — Son histoire ne se lit point dans la Bible
hébraïque; elle se trouve dans les Septante et dans la
version de Théodotion, dans la Vulgate latine, etc.
Voir Daniel, t. n, col. 1266. Elle a été écrite en hébreu
ou en araméen, mais le texte original est perdu. Saint
Jérôme l'a traduite d'après Théodotion, dont le texte
diffère notablement de celui des Septante. La traduc-
tion des Septante a même été longtemps perdue et on
ne la connaît encore aujourd'hui que par un seul ma--
nuscrit, le Chisianus, cursif du IX e siècle, coté 87. —
Dans les éditions grecques, l'histoire de Susanne est
placée en tête du livre de Daniel; dans notre Vulgate,
elle y forme le chapitre xm. Dans la version latine pri-
mitive et dans la version arabe, elle estaussi au com-
mencement du livre. — Il existe plusieurs versions
syriaques de l'histoire de Susanne. La version syro-
hexaplaire est une traduction du texte des Septante.
On trouve une recension différente, désignée par le
sigle Wi , dans la Polyglotte de Walton, dans le Codex
Ambrosianus de Ceriani et dans les Libri Veteris
Testamenti apocryphi syriace de Paul de Lagarde.
Dans cette dernière collection, Lagarde reproduit du
verset 42 et suivants, deux autres recensions différentes,
Ll, et L2, qui se distinguent entre elles de la précé-
dente par plusieurs particularités. Une autre version,
appelée harkléenne, a été aussi publiée par Walton,
d'où sa désignation par le sigle W2. Voir les versions
syriaques publiées par Walton, ainsi que la version
arabe, dans sa Polyglotte, t. iv, Daniel, p. 2-13.
II. Canonicité. — Elle est admise par l'Église catho-
lique. Voir Canon, t. n, col. 156. On trouve l'histoire
de Susanne dans la Bible grecque, et dans la Bible
syriaque, comme dans la Vulgate. Saint Irénée, Cont.
hser., IV, xxvi, 3, t. vu, col. 1054, la cite comme Écri-
ture canonique. De même Tertullien, De corona, iv,
t. iy,co1. 81. Voir aussi Origène, Epist. ad Africanum,
9, t. xi, col. 65; cf. les citations de Susanne faites par
cet auteur, dans Schûrer, Geschichte des jûdischen.
Volkes, 1886, t. n, p. 717.
1889
SUSANNE — SUSE
1890
IV. Histoire. — Susanne, fille Ou Juif Helcias, avait
épousé Joakim, uu des Juifs qui avaient été déportés
à Babylone au commencement de la captivité. 11 était
riche et possédait un parc (itapàSsiaoç), dont il laissait
l'accès libre à ses coreligionnaires. Deux vieillards
juifs qui rendaient la justice à leurs concitoyens,
furent séduits, à l'insu l'un de l'autre, par la beauté de
Susanne, égale à sa piété. S'étant avoué leur coupable
passion, pendant qu'ils cherchaient à la satisfaire, ils
surprirent leur victime, au moment où elle était seule
pour prendre un bain et la menacèrent de l'accuser de
l'avoir trouvée avec un jeune homme, si elle leur ré-
sistait. Elle leur résista pour ne pas offenser Dieu, et
les deux vieillards la calomnièrent devant le peuple
assemblé, qui, croyant à leur témoignage, se préparait
à la lapider, lorsque survint le jeune Daniel. 11 proposa
d'interroger les vieillards, séparément. Sous quel arbre
as-tu surpris Susanne? demanda-t-il au premier. 'Tub
croit qu'elle est mentionnée dans des documents
babyloniens de l'époque de la seconde dynastie de
la ville d'Ur (2400 ans environ avant J.-C). En 2285
avant notre ère, Koudour Nankoundi, roi d'Élam,
emporta la statue de la déesse Nana d'Êrech à Suse,
comme le raconte Assurbanipal, roi de Ninive, dans
une de ses inscriptions. Cylindre A, col. vu, lig. 9,
dans G. Smith, History of Assurbanipal, 1871, p. 234.
Assurbanipal s'empara à son tour de Suse vers 647
avant J.-C, il y brisa la puissance élamite qui y domi-
nait alors et rasa la ville jusqu'à ses fondements. Ses
bas-reliefs nous ont conservé une représentation de
Suse (fig. 421). On ne sait à quelle époque fut restaurée
la ville détruite. Xénophon, Cyr., VIN, vi, 22, et Stra-
bon, XV, m, 2, nous apprennent que Cyrus en fit sa
capitale. Cf. Hérodote, m, 30, 65, 70. C'est ce qui nous
explique comment Daniel, vm, 2, eut une de ses visions,
'hâzôn, à Suse, in Susis Castro, hébreu : SflSan hab
421. — Ville de Suse. Bas-relief d' Assurbanipal. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. Il, pi. 49.
ayl'io-j, « sous un lentisque », répondit-il. Voir Len-
tisque, t. iv, col. 167. — Ayant fait ensuite la même de-
mande au second, celui-ci répondit : 'IVo itpîvoj, « sous
une yeuse ». Leur mensonge devint ainsi manifeste,
par leurs réponses contradictoires, aux yeux de tout le
peuple, qui lapida sur-le-champ les deux criminels.
Ainsi fut vengée l'innocence de Susanne. — Jules
l'Africain tirait du nom des deux arbres et du jeu de
mots que fit Daniel à leur sujet un argument contre
l'authenticité d'un original hébreu. Origène répondit
à ses objections, Epist. ad Africanum, t. xi, col. 61.
Voir Lentisque, t. iv, col. 167-168. — Cf. les deux textes
grecs comparés des Septante et de Théodotion dans
H. B. Swete, The Old Testament in Greek,t.m, 1884,
p. 576-585.
2. susanne (grec : Eou<7awi),une des femmes qui
suivaient Xotre-Seigneur pour le servir dans son mi-
nistère. Luc, vm, 3. On ne connaît d'elle que son nom.
SUSE (hébreu : Sûsan; Septante : SoCcra, Sojadtv),
ville de l'Élam, qui devint, sous la domination perse,
une des trois capitales des rois Achéménides; ils y
faisaient leur résidence en hiver. Esther, i, 1. Athé-
née, xn, 513, dit qu'elle tirait son nom des lis (hébreu :
Sùsan) qui croissaient en abondance dans son voisinage ;
mais cette étymologie ne parait pas fondée.
La ville de Suse est d'une très haute antiquité. On
DICT. DE LA BIBLE.
birdh, uù il avait été transporté sans doute en esprit,
d'une manière extatique, d'après l'explication d'un
grand nombre d'interprètes, sur le bord du fleuve
Ulaï. Voir Ulaï. Daniel détermine la partie de la ville
de Suse où il eut sa vision prophétique, c'est SûSan
hab-bîrâh, c'est-à-dire l'Acropole de Suse, la demeure
des rois, que le livre d'Esther désigne de la même
manière, i, 2, 5; n, 3, 5, 8; m, 15; vm, 14; ix, 6, M,
12, ainsi que le livre de Néhémie. H Esd., i; 1. la
Vulgate a traduit dans ce dernier passage, in Susis
Castro, comme dans Daniel. Cf. I Esd., VI, 2. Dan*
Esther, elle ne marque pas nettement la distinction de
la ville et de ¥ Acropole : le texte original qui parle de
l'Acropole dans les passages cités ci-dessus, parle de la
ville simplement dite, en tant que distincte de l'Acro-
pole, Esth., ix, 13,14, 15, 18, et raconte que le massacre
fait par les Juifs de leurs ennemis la veille dans l'Acro-
pole, fut continué le lendemain dans la ville même,
en dehors delà bîrâh. Le traducteur ne s'est pas rendu
exactement compte, ne connaissant pas les lieux, de la
distinction qu'il y avait entre la bîrâh, l'Acropole, et la
ville habitée par le peuple, quoique le texte hébreu
marque cette distinction avec soin. De la la confusion
qui existe dans la version grecque et latine et la plupart
des traductions. Les fouilles de Suse montrent l'exacti-
tude du langage du texte hébreu d'Esther, ix, 6, 11.
12-15, qu'il faut traduire ainsi : « Dans l'Acropole de
Suse, les Juifs tuèrent et firent périr cinq cents hommes
V. - 60
1891
SUSE — SYCOMORE
1892
et ils égorgèrent... les dix fils d'Aman... Le jour même,
le nombre de ceux qui avaient été tués dans l'Acropole
de Suse fut rapporté au roi. Et le roi dit à la reine
Esther : Les Juifs ont tué et fait périr cinq cents hom-
mes et les dix fils d'Aman dans l'Acropole de Suse;
qu'auront-ils fait dans le reste des provinces du roi? Que
demandes-tu (encore) et cela te sera accordé? que veux-
tu encore et ce sera fait? — Et Esther lui dit : Si le roi
le trouve bon, qu'il soit permis aux Juifs qui sontà Suse
(dans la ville proprement dite, en dehors de l'Acropole)
de faire demain (dans la ville) comme aujourd'hui (dans
l'Acropole) et que les dix fils (déjà morts) d'Aman
soient pendus à la potence. — Et le roi dit de faire
ainsi. Et l'édit fut publié (dans la ville de) Suse. On
pendit les dix fils d'Aman. Et les Juifs qui se trou-
vaient dans (la ville de) Suse se rassemblèrent le qua-
torzième jour du mois d'Adar et ils tuèrent dans (la
ville de) Suse trois cents hommes, mais ils ne mirent
pas la main au pillage. »
Suse comprenait donc l'Acropole, où était la résidence
royale, et la ville proprement dite qui était habitée par
le peuple. De la ville, il ne reste que des ondulations
de terrain à peine sensibles. Les édifices qui cou-
vraient l'Acropole sont ensevelis sous trois monticules
de terre qui viennent d'êlre explorés en partie par
M. Dieulafoy et par M. de Morgan. La superficie de
l'Acropole était considérable: elle mesurait 123 hectares,
à partir des parements extérieurs des murailles. Les
ouvrages défensifs couvraient un dixième de son éten-
due. Elle était complètement séparée de la ville et
n'avait de communication avec elle qu'au moyen d'un
pont, situé au sud, à l'entrée du donjon qui défendait,
à l'angle sud-est, l'habitation royale. Voir le plan de
l'Acropole de Suse, t. n, fig. 607, col. 1974. A l'angle
occidental, du côté sud, était la citadelle. Le côté
oriental était occcupé par les palais où le roi de
Perse et sa cour résidaient pendant l'hiver. Ces
palais se composaient de deux groupes principaux
d'appartements, enfermés chacun dans une enceinte
spéciale, mais tous compris dans la large ceinture de
murailles qui enveloppait l'Acropole entière. C'était
d'abord le palais du roi et ensuite les appartements des
femmes. Au nord-ouest s'élevait Vapadàna ou salle du
trône, immense salle hypostyle entourée de jardins,
appelée bilan dans Esther, i, 5; vie, 7, 8. Tels étaient
les lieux où se passèrent du temps du roi Assuérus ou
Xerxèsl 1 "' (435-466 avant J.-C.) les événements racontés
dans le livre d'Esther. Voir Assuérus 1, t. i, col. 1141.
Les palais dont les explorateurs français ont exhumé
les restes et reconstitué le plan ne sont pas les mêmes
complètement que ceux qui avaient été habités par
Assuérus et Eslher. Ils avaient été construits par
Darius et turent brûlés, vers 440 avant J.-C, sous le
règne d'Artaxerxès I er , tandis que ceux dont on a
retrouvé les ruines avaient été rebâtis par Artaxerxès II
Mnémon (405-359); mais il est à croire qu'il avaitrétabli
les édifices tels à peu prèsqu'ils étaient du temps de ses
prédécesseurs. — Néhémie, II Esd., I, 1, fut à Suse
éebanson du roi Artaxerxès I er , ou selon quelques-uns,
d'Artaxerxès II. Voir Néhémie, t. IV, col. 1565.
Lorsque Alexandre le Grand, vainqueur du dernier
roi des Perses, entra dans Suse, il y trouva d'immenses
richesses dans le trésor royal. Arrien, Exp. Alex., m,
15. Après sa mort, sous la domination des Séleucides,
Suse fut remplacée par Babylone et par Séleucie. Elle
déchut peu à peu et quand le royaume des Sassanides
eut été conquis par les Arabes, elle fut abandonnée.
Voir W. K. Loftus, TraveU nnd Researches in Chaldsea
and Susiana in 1849-1852, in-8°, Londres, 1857;
Jane Dieulafoy, A Suse. Journal des fouilles, 1884-
1886, in-4», Paris, 1888; M. Dieulafoy, La Perse, la
Chaldée, et la Susiane, 1887; Id., L'Acropele de Suse
d'après les fouilles exécutées en 1884, 1885, 1886,
in-4«, Paris, 1893; A. Billerbeck, Susa, in-8», Leipzig,
1893; J. de Morgan, Mission scientifique en Perse,
4 in-4», Paris, 1894-1896; G. Perrot, Histoire de l'art
dans l'antiquité, t. v, 1890, p. 756-769.
SUSI (hébreu : Sûsî; Septante : Soucti'), de la tribu
de Manassé, père de Gaddi. Celui-ci fut un des douze
explorateurs envoyés par Moïse en Palestine. Num., xiii,
•12. Voir Gaddi, t. m, col. 32.
SUTHALA (hébreu : Sûtélah; Septanle : Sou6a).i,
-w8a)iâ8, A lexandrinus : ©oytraXi), fils d'Éphraïm et
petit-fils de Joseph, Num., xxvi, 35, ancêtre de Josué,
fils de Nun. I Par., vu, 20-27. Il eut pour fils Héran,
d'après Num., xxvi, 36, et Bared, d'après I Par., vu,
20. La généalogie de ses descendants est très obscure
et difficile à expliquer dans I Par., vu, 20-21. Le texte
paraît tronqué, f. 21. La Vulgate traduit ce verset
comme si Suthala, fils de Zabad, avait eu pour fils Ézer
et Élad.Ces deux derniers furent tués par les habitants
de Geth (les Hévéens, d'après Deut., Il, 23). Éphraïm,
leur père, les pleura, f. 22. Si la traduction de la
Vulgate était exacte, Ephraïm aurait vécu encore à la
huitième génération de ses descendants et serait alors
devenu père de Beria, f. 23. Mais la paternité de ce
second Suthala ne repose que sur une traduction
inexacte. Le texte hébreu contient un membre de
phrase tronqué : « Ézer et Élad... » La version latine le
complète en disant, hujus (Suthala) filins Ezer et Elad.
Elle aurait dû dire filii, au pluriel, puisqu'ils sont
deux, mais elle a employé le singulier qui se lit pour
tous les noms précédents des f. 20 et 21. Quoi qu'il
en soit de ce point, il est certain que le texte actuel
hébreu ne dit point qu'Ézer et Élad étaient fils de Su-
thala, et le f. 22 dit au contraire que leur père était
Éphraïm. Il y a donc quelque altération dans le f. 21.
Ézer et Élad devaient être frères de Suthala et fils
d'Éphraïm. Voir Élad et Ézer, t. n, col. 1629, 2163.
Les Nombres, xxvi, 35, mentionnent expressément
trois fils d'Éphraïm, mais le second et le troisième
sont appelés Bêcher et Théhén, et non Élad et Ézer.
Parmi les commentateurs, les uns admettent deux
Suthala, croyant que celui du f. 21 de I Par., vu, est
différent de celui du jr. 20; les autres n'en comptent
qu'un seul, parce qu'ils pensent que l'expression du
f. 21, « Suthala, son fils »,' c'est-à-dire fils de Zabad,
est une altération du texte. D'autres interprètes sup-
posent que l'Éphraïm du JF. 22 est, non pas le fils de
Joseph, mais un de ses descendants éloigné. Aucune
de ces hypothèses n'est complètement satisfaisante ni
assez bien établie; on n'a pu réussir jusqu'à présent à
rétablir le texte dans sa pureté primitive, à cause des
lacunes qui s'y trouvent.
SUTHALAÏTES (hébreu : has-Sutalhî ; Septante :
ô SouOaXâv), famille descendant de Suthala, le fils
aîné d'Éphraïm. Num., xxvi, 35.
SYCOMORE (hébreu : siqmim, siqmot ; Septante :
duxdtjiivoi;, et Nouveau Testament : cruxo[iopéa; Vulgate :
Sycomorus), arbre d'Orient.
I. Description. — Cet arbre de la Haute-Egypte, cul-
tivé dans les régions les plus septentrionales, appartient
au vaste genre des Figuiers. Il en a le fruit, ou mieux
le réceptacle fructifère en forme de toupie, brièvement
stipité, légèrement velu, naissant sur de petits rameaux
tortueux et sans feuilles, insérés eux-mêmes sur le tronc
ou sur les vieilles branches. Les feuilles sont persis-
tantes, petiolées, à limbe ovale-cordiforme, obtus et
entier, glabres, sauf le long des nervures qui sont sail-
lantes et un peu hérissées. Le Ficus Sycomorus (fig. 422)
est un bel arbre d'avenue par sa cime formée de branches
horizontales supportant un épais feuillage. F. Hy.
1893
SYCOMORE
1894
II. Exégèse. — Le sens du mot hébreu Hqmim est
parfaitement déterminé : il désigne le sycomore, non
pas l'espèce d'érable (Acer pseudo-platanus) qu'on
appelle vulgairement de ce nom, mais le Ficus Sycomo-
rus. Le nom ne se présente qu'au pluriel dans l'Ancien
Testament: mais dans la Mischna on le rencontre
plusieurs fois au singulier, siqnidh; en araméen il se
di siqmâ' et en syriaque seqmo'. Aquila et Symmaque
ressemble à la figue; c'est-à-dire le mûrier et le
sycomore. En effet le sycomore ressemble au figuier par
le fruit, et il se rapproche du mûrier par la feuille :
c'est ce qu'exprime la composition de son nom formé
de o-uxïj, « figue », et de jjiôpoç, « mûrier».
Cet arbre que les textes bibliques nous montrent dans
les plaines, sur le bord des chemins, étalant ses larges
branches au feuillage épais en masses globuleuses
422. — Le sycomore, en Palestine. D'après une photographie.
traduisent par <jux6y.opoç. Il est curieux de constater
que les Septante ne se servent jamais du mot propre
ouxôiiopor, mais traduisent partout par le mot <7uxâu.t-
voç, lequel est proprement le nom du Mûrier noir.
423. — Branche fruitière du sycomore.
Cependant sous cette dénomination, les traducteurs grecs
entendaient bien le Sycomore proprement dit. Plusieurs
auteurs anciens faisaient de même : Strabon, xvii, 3;
Théophraste, Hist. plant., iv, 11; Diodore de Sicile, i,
34. Ce dernier distingue deux espèces de (ruxâu.ivoç :
celle qui produit des mûres, et celle dont le fruit
incapable de supporter le grand froid, donnant en abon-
dance un fruit médiocre et un bois de qualité inférieure,
cet arbre est bien le sycomore. Il était en effet abon-
damment répandu dans les plaines de la Palestine. Da- ,
vid établit Balanan de Géder comme intendant chargé
des oliviers et des sycomores de la Séphélah. I Par.,
xxvn, 28. Au temps de Salomon, pour évaluer la quan-
tité des cèdres importés, on dit qu'ils « sont aussi
nombreux que les sycomores qui croissent dans la
Séphélah. » III Reg., x, 27; II Par., i, 15. Le bois de
sycomore, léger, facile à travailler, servait dans les
constructions : il passait pour un bois commun en
regard du cèdre plus beau et incorruptible. <c Les syco-
mores sont coupés, disait Samarie dans son orgueil,
Is., ix, 9, nous les remplacerons par des cèdres. »
Théodoret, dans son commentaire sur Isaïe, ix, 9
(P. L., t. lxxxi, col. 299), constatait que de son temps
le sycomore très abondant en Palestine servait à la
charpente des maisons. Sur le bord des routes, le syco-
more étale à peu de distance du sol ses longues
branches touffues : il pouvait fournir à Zachée,
Luc, xix, 4, une place commode pour contempler
facilement Jésus à son passage. Assis sur les rameaux
les plus bas, il pouvait aisément entendre l'invitation
que lui fit le Sauveur de descendre dans sa maison. La
figue du sycomore est douce, mais assez fade, aussi est-
elle peu estimée. Cependant les pauvres s'en nourris-
saient volontiers; et la récolte est abondante et peut se
faire 4 ou 5 fois par an. Il devait en être dans la
Palestine comme pour les fellahs d'Egypte ou de Nubie.
« Le peuple pour la plus grande partie mange de ces
fruits et croit se bien régaler quand il a un morceau de
pain, des figues de sycomore et une cruche d'eau du
Nil. » Norden, Voyage d'Egypte et de Nubie, in-8»
1895
SYCOMORE
1896
Paris, 1795, t. i, p. 86. Pour que le fruit mûrisse ou
soit de meilleure qualité, il faut le piquer ou y faire une
incision, par laquelle s'écoule un suc laiteux. Cinq ou
six jours après, la figue est bonne à manger. C'est l'in-
dustrie qu'aurait exercée Amos selon pi usieurs exégètes :
« Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète, je suis
berger et je cultive les sycomores. » Amos, vu, ib.Bôlês
iiqmim est traduit par les Septante et par certains
commentateurs dans le sens de piquer les figues. Mais
d 1 », bâlas, rappelle étroitement le mol arabe balesu,
éthiopien, balas, qui désigne. la figue de sycomore.
Bâlas serait un verbe dénominatif, comme le grec
«ruxâÇeiv (d'Aristophane, De avibus), cueillir des figues.
Rosenmûller, Prophètes minores, t. n, p. 211; J. Tou-
zard, Le livre d' Amos, Paris, 1909, in-12, p. 78. Cepen-
dant la charge de les cueillir devait impliquer les soins
à donner aux fruits pour en assurer la maturation, et
G. Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887,
in-8», p. 15, fig. 11, plan d'une maison thébaine avec
jardin. Voir t. m, col. 1129, fig. 204. « Tu as planté
autour de ta demeure des sycomores en allées, » dit le
vieux scribe Khonsouhotpou à son fils Ani, en le félici-
tant des améliorations faites à son domaine. Papyrus
■moral de Boulaq. Dans le tombeau du graveur Apouï qui
vivait du temps de Ramsès II, au cinquième registre on
voit deux larges sycomores à l'ombre desquels on a
installé deux chadoufs pour l'arrosage du jardin.
V. Scheil, Le tombeau d'Apouï, dans Mémoires de la
Mission du Caire, in-8°, t. v, 1894, p. 607. L'ombrage
épais des sycomores les faisait estimer dans un pays
brûlé par les ardeurs du soleil. « Son ombre est fraîche
et éventée de brise, » est-il dit dans le chant du Syco-
more. G. Maspero, Études égyptiennes, t. i, fasc. 3,
p. 226. Respirer le frais à l'ombre de ses sycomores
42i. — Cueillette des figues de sycomore. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. Il, pi. 53.
par conséquent le piquage des figues. Cette condition
est notée par Théophraste, H. N., iv, 2. « Les fruits ne
peuvent arriver à maturité que quand on y pratique une
incision; mais cette incision une fois faite ils mûrissent
en quatre jours. Quand ils ont été enlevés, d'autres
repoussent à la même place, et cela peut se répéter
jusqu'à trois fois et davantage même, dit-on, chaque
année. Cet arbre distille un suc laiteux. » Pline, H. N.,
xni, 14, fait les mêmes observations.
Si le sycomore était très commun dans la Palestine
il était plus répandu encore dans la vallée du Nil,
tellement qu'au temps de l'Ancien Empire, l'Egypte est
appelée « la terre des sycomores ». Le nom de cet
arbre revient fréquemment dans les textes : _ 4,
neh, en copte itoirgi, nouhi, nom dérivé de l'ombre
fournie par son épais feuillage (neh, « protéger »).
Il était si commun qu'il devint presque synonyme
d'arbre en général : ainsi pour désigner des espèces
exotiques encore peu connues, on se contenlait d'ajouter
au mot neh une épithète spéciale, par exemple « syco-
more à encens » pour le Boswellia ou arbre à encens;
sycomore à résine pour le térébinthe. On ne rencontre
guère de représentations de jardins dans les tombeaux
sans y voir figurer des sycomores, parfois très sommai-
rement dessinés ou sous leur forme schématique.
passait pour une suprême jouissance. Aussi dans les
inscriptions funéraires trouve-ton souvent pour le
mort des souhaits comme celui-ci : « Que je me promène
au bord de mes étangs, que je me rafraîchisse sous
mes sycomores. » K. Piehl, Petites notes de critique et
de philologie, dans Recueil de travaux relatifs à
l'archéologie égyptienne, t. i, Paris, 1870, p. 197. On
trouve dans les tombeaux quantité de fragments de cet
arbre, branches ou feuilles placées près des momies, des
corbeilles entièrement remplies de ses figues.
Dès la IV e ou V« dynastie, sur une pierre tombale de
Gizéh, était représentée la cueillette des fruits du syco-
more. Lepsius, Denkmàler, Abth. n, pi. 53. Des Égyp-
tiens, montés sur les branches de l'arbre, en Gueillent
les figues et les jettent dans des corbeilles sur le sol
(fig. 424). Dans un tombeau de la VI e dynastie de Sauiet-
el-Meitin (fig. 425), on voit des manœuvres en train
d'abattre des sycomores et d'autres débitent le bois qui
servira sans doute à fabriquer un sarcophage. Lepsius,
Denkmàler, Abth. il, pi. 111. C'est en effet de préférence
avec ce bois qu'on fabriquait les cercueils pour les mo-
mies. Ce bois se prêtait au travail du ciseau : aussi
trouve-t-on dans les musées bon nombre de statues, de
meubles, d'objets divers en bois de sycomore.
On voit par tout ce que nous venons de rapporter
quelle était en Egypte la place du sycomore. Combien
1897
SYCOMORE — SYMMA.QUE
1898
la perte de ces arbres, frappés par la gelée, dut être
sensible, pendant les plaies d'Egypte, aux habitants de
la vallée du Nil.
D (Dieu) détruisit leurs vignes par la grêle
Et leurs sycomores par la gelée.
Ps. lxxviii, 47 (Vulg. 77).
Im. Low, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig,
1881, p. 386; Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten
Aegypten, in-8», Leipzig, 1886, p. 288-291; V. Loret, La
flore pharaonique, in-8», Paris, 1892, p. 46; O.Celsius,
Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. i, p. 310-
321; H. B. Tristram, Thenatural History oftheBible,
peu abondante sur les deux rives : on n'y voit que quel-
ques palmiers et quelques petits jardins. Au contraire,
vis-à-vis d'Assouan, la petite lie d'Éléphantine, au
milieu du fleuve, présente une végétation luxuriante.
Syène formait une frontière très forte pour l'Egypte.
Le Nil était en cet endroitdifficilem,entnavigable. Aucun
sentier sur la rive occidentale; sur la rive orientale
seulement un long et étroit défilé parallèle au fleuve.
Voir la carte d'Egypte, t. n, fig. 530, col. 1606.
SYMBOLE, dans les Proverbes, xxm, 21, dantes
symbola, fait allusion à un usage qui existait chez les
anciens et qui consistait à apporter chacun, dans les
425. — Abatage de sycomores. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. n, pi. Ml.
in-8», Londres, 1889, p. 397-400; Ch. Joret, Les plantes
dans l'antiquité, in-8», Paris, 1897, p. 81,112; Ch. E.
Moldenke, Ûeber die in altàgyptischen Texlen erwâhn-
ten Baume, in-8», Leipzig, 1887, p. 82-86.
E. Levesque.
SYÈNE (hébreu : Sevenêh; Septante : Evrivr)), ville
d'Egypte, située à l'extrémité méridionale du pays.
Ézéchiella mentionne deux fois, xxix,10; xxx, 6. Dans
ces deux passages, Syène marque la frontière méridio-
nale de l'Egypte : « Je ferai de la terre d'Egypte un
désert et une solitude depuis Migdol jusqu'à Syène et
aux frontières de l'Ethiopie » (texte hébreu xxix, 10).
Les Égyptiens « de Migdol à Syène tomberont par l'épée »
{texte hébreu). Migdol a été pris par la Vulgate comme
un nom commun et le membre de phrase a été mal
rendu : « Depuis la tour de Syène [jusqu'aux frontières
de l'Ethiopie] » Migdol désigne en réalité une place, ainsi
nommée à cause de la tour ou forteresse qui la défendait
et qui était située à la frontière septentrionale de l'Egypte,
•du côté de l'est, par laquelle les envahisseurs pouvaient
pénétrer dans le pays. Voir JIagdal 2, t. iv, col. 538.
Syène était située sur la rive orientale du Nil, au-
dessus de la première cataracte, la frontière méridio-
nale de l'Egypte, comme l'indique l'expression d'Ezé-
chiel. Elle survit encore dansl'Assouan actuel. Là, au
oord, les collines entre lesquelles coule le Nil se rétré-
cissent des deux côtés et la ville est bâtie contre des
rochers de calcaire qui s'élèvent au-dessus du granit.
Au sud d'Assouan les roches de granit forment une
carrière que le Nil franchit en se précipitant. C'est là
que se trouve la première cataracte. La végétation est
repas qui se faisaient en commun, une portion de vin
ou de viande. Les Septante, J. 20, (ujBI èxTeivou <ru|x6o-
),aï;, s'expriment d'une façon analogue. Ce mot vient
de <rj(iëâM.etv et a le sens de collatio, « contribution de
ce que plusieurs mettent ensemble », et le proverbe
signifie dans ces versions, que ceux qui passent le temps
à boire et à manger dans des réunions où l'on met les
mets en commun se ruineront. Le texte hébreu re-
commande simplement la tempérance :
Ne sois pas parmi les buveurs de vin (les ivrognes),
Parmi ceux qui font des excès de viandes.
Car le buveur et le gourmand s'appauvrissent. 20-21.
SYMMAQUE, traducteur de l'Ancien Testament
en grec, il était Samaritain et florissait, selon l'opinion
commune, du temps de l'empereur Sévère (193-211).
Ms r Mercati, L'età di Simmaco interprète e S. Epi-
phanio, Modène, 1892, le fait vivre sous l'empereur
Marc-Aurèle (161-180). Mécontent de ses compatriotes,
il se fit juif et composa en grec une version nouvelle
de la Bible. Eusèbe, saint Jérôme et la tradition ara-
méenne font de lui un ébionite. Eusèbe, H. E., vi, 17,
t. xx, col. 560; Dem. Ev., vm, 1, t. xxn, coi. 582;
S. Jérôme, Comm. in Hab., m, t. xxv, col. 1326; De
vir. ill., uv, t. xxm, col. 655; Assemani, Biblioth.
oriental., t. m, 1, p. 17. La traduction de Symmaque
se distingue par l'élégance et par la clarté. Il n'en reste
que fort peu de fragments. — Voir Hody, De Bibliorum
textibus originalibus, p. 584-589; Symmachus der
Uebersetzer der Bibel, dans la Jùdische Zeitsehrift,.
Breslau, 1862, t. i, p. 39-64. F. Vigouroux.
1899
SYMPHONIE — SYNAGOGUE
1900
SYMPHONIE (chaldéen : sumpônyâ; Septante :
<7U[i(p<,>v(<x; Vulgate : symphonia), instrument de mu-
sique. Daniel, m, 5, 15. Au y. 10, nous lisons sifônyâ,
pour simfônyâ vraisemblablement. Les Sémites ren-
daient l'u grec par û plus souvent que par î. Le même
nom est transcrit encore sëfûnyâ dans la Peschitto.
L'étymologie du nom grec indique.qu'il s'agit de l'accord
ou de la réunion de plusieurs sons, et l'on peut sans
difficulté assimiler l'instrument babylonien à celui que
les Syriens modernes appellent encore sambônià et
sambônyâ. Voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1353.
C'est la musette ou cornemuse des Arabes, suqqara et
ar'ûl (arghoul). Les Italiens la dénomment de même
zampogna. C'était au moyen âge la cyfoine, cifoine,
passée sous ce nom d'Orient en Occident, à la suite des
croisades. Nous l'appelons aujourd'hui musette, corne-
muse, chevrette, biniou. D'après les auteurs juifs eux-
mêmes, la sumpônyâ babylonienne n'est autre que la
tibia utricularis des Romains. Voir Ugolini, Thésaurus,
t. xxxn, p. 39-42; et, suivant le Talmud, c'est expres-
sément une « outre à flûtes », D'b>Sn non. Kelim, 20, 2.
— La tibia utricularis était, comme les modernes cor-
nemuses et musettes, une outre de peau, àcrxdç, d'où
àaxaûXriç, « joueur de cornemuse » ; formant un réser-
voir d'air, propre à alimenter deux ou plusieurs tuyaux
ie clarinette, hautbois ou flûte proprement dite. Le
musicien ayant rempli suffisamment son outre d'air,
est dispensé de l'effort d'un souffle continu, parti-
culièrement pénible dans le jeu prolongé de la flûte
double (voir Flûte, t. h, col. 2294), et l'on s'expliquera
aisément que ces sortes de musettes aient supplanté la
flûte à plusieurs tuyaux. Dans ces instruments un des
tuyaux, celui de la main droite, fait le chant mélodique;
un autre, ou deux autres, guidés par la main gauche,
bourdons ou cornets, produisent une teneur d'accom-
pagnement rudimentaire. — La coïncidence des noms
et la similitude des types d'instruments ne permettent
pas de nous arrêter aux explications des interprêtes
qui présentent la symphonie comme un instrument à
cordes ou à percussion. Un autre instrument à tuyaux
multiples, la syringe, ou flûte de Pan, répond au nom de
maêrôgitd plus vraisemblablement qu'à celui de sum-
pânyâ. Voir Syringe. Enfin, dans saint Luc, XV, 25,
ff-j|Aipw via n'est plus un instrument de musique, mais
désigne la réunion des instrumentistes et des chan-
teurs, dont le a concert » récréait le festin. Ainsi l'ont
entendu, parmi les anciens, les auteurs de la version
syriaque : « la voix du chant (ou de la musique) de
beaucoup », et de la version arabe : « les voix concer-
tantes et le bruit ». J. Parisot.
SYNAGOGUE (grec " ouvafwyii; Vulgate : syna-
goga), lieu de réunion religieuse pour les Juifs.
1. L'édifice matériel. — 1" Ses noms. — La synago-
gue est appelée dans la Mischna bêt hak-knêsét,
« maison d'assemblée ». Berachoth, vu, 3; Terumolh,
xi, 10; Pesachim, iv, 4; etc. Son nom araméen est bêt
knUfa' ou simplement knUfa'. Le nom grec a\jvafu>n,
fréquent dans le Nouveau Testament, se trouve aussi
dans Josèphe, Ant. jud., XIX, vi, 3; Bell, jud., II, xiv,
4, 5; VII, m, 3; dans Philon, Quod omn. prob. liber,
12, édit. Mangey, t. n, p. 458, et fréquemment dans
les écrits postérieurs et dans les inscriptions. Sur le
nom de nptxreuxïi, désignant parfois la synagogue,
Josèphe, Vit., 54, voir Oratoire, t. iv, col. 1850. On
trouve encore les noms de 3cpo<rsvxTr,ptov, auvafiiyiov,
diminutifs des précédents, Philon, Vit. Mos., m, 27;
Leg. ad Caj-, 40, t. n, p. 168, 591, et de daéëateïov,
« maison du sabbat ». Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 2.
2» Sa destination. —La synagogue n'était pas, comme
le Temple, la « maison de la prière s. Matth., xxi, 13;
Marc, xi, 17; Luc, xrx, 46. Sans doute, la prière n'en
était pas bannie; mais la synagogue était avant tout
consacrée à l'enseignement de la Loi. Le législateur,
écrit Josèphe, Cont. Apion., n, 17, voulant que la Loi
fût notre règle de vie, « n'a pas cru suffisant pour
nous de l'entendre une fois, deux fois et plus souvent;
mais il a ordonné à tous de se réunir chaque sabbat, à
l'exclusion de toute autre occupation, pour en entendre
la lecture et nous en pénétrer l'esprit profondément. »
Nicolas de Damas dit aussi : « Nous consacrons le sep-
tième jour à l'étude de nos coutumes et de nos lois,
voulant que, par notre application à les méditer, ainsi
que toutes les autres, nous arrivions à les suivre pour
éviter le péché. » Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, il, 4.
Philon, Vit. Mos., m, 27, Leg. ad Caj., 23, t. n, p. 168,
568, appelait les synagogues des 8i8a<ixaXEïa, des
écoles où l'on enseignait la philosophie des ancêtres et
la manière de pratiquer la vertu. C'est sous cet aspect
que les synagogues apparaissent dans le Nouveau Tes-
tament; on y enseigne et on s'y instruit. Matth., iv, 23;
Marc, î, 21; vi, 2; Luc, iv, 15, 31; vi, 6; xm, 10;
Joa., vi, 59; xvin, 20.
3» Son origine. — Les Juifs voisins de l'époque
évangélique, dans le désir de se rattacher à Moïse lui-
même, faisaient remonter jusqu'au grand législateur
l'origine des synagogues. C'est ce que professent Josè-
phe, dans le passage cité plus haut, et Philon, Vit.
Mos., ni, 27; De septenai:, 6, t. n, p. 168, 282. Mais
on ne trouve aucune mention de synagogues avant
l'exil. Tout au plus cette institution remonte-t-elle à
cette époque ou à celle d'Esdras. Saint Jacques, à
l'assemblée de Jérusalem, témoigna que, depuis les
anciennes générations, on lisait Moïse dans les syna-
gogues le jour du sabbat. Act., xv, 21. Cette attesta-
tion suppose une institution déjà ancienne de quelques
siècles, mais elle n'oblige pas à remonter au delà de
l'exil. Toujours est-il qu'à l'époque de la prédication
évangélique, les Apôtres trouvèrent partout des syna-
gogues établies. Act., xm, 14, 27, 42, 44; xv, 21; xvi,
13; xvn, 2; xvin, 4.
4° Son établissement. — Il fallait une synagogue
dans toute localité ayant une communauté ou assemblée
de dix Israélites libres et majeurs. Quand les Juifs
étaient les maîtres dans une localité, le devoir de cons-
tituer une ou plusieurs synagogues incombait aux
autorités locales. Dans le cas contraire, les Juifs for-
maient eux-mêmes une communauté religieuse et
organisaient leur synagogue. Cf. Nedarim, v, 5; Me-
gilla,ui, 1. Il est à supposer qu'alors la synagogue avait
une existence indépendante de l'administration civile,
tandis que dans les localités où dominaient les Juifs,
les anciens de la cité devaient être en même temps les
anciens de la synagogue, au moins quand celle-ci était
unique. Mais, dans les grandes villes, il pouvait exis-
ter plusieurs synagogues, quand on disposait des élé-
ments nécessaires pour constituer plusieurs assemblées
avec leurs dignitaires. La fondation de synagogues
distinctes s'imposait quand des Juifs d'origine étran-
gère se trouvaient en nombre dans une même ville.
C'est ainsi qu'à Jérusalem, les Affranchis, les Cyrénéens,
les Alexandrins, les Ciliciens, et les Asiates formaient
des communautés distinctes ayant chacune leur syna-
gogue. Act., vi, 9. Des synagogues sont signalées non
seulement en Palestine, à Nazareth, Matth., xm, 54,
à Capharnaûm, Matth., xn, 9, mais aussi à l'étranger,
à Damas, Act., ix, 2, à Salamine, Act., xm, 5, à Anlio-
che, Act., xm, 14, à Icône, Act., xiv, 1, à Éphèse,
Act., xvin, 19; xix, 8, à Thessalonique, Act., xvn, 1, à
Béroé, Act., xvn, 10, à Corinthe, Act, xvm, 4, à
Alexandrie, à chaque entrée de la ville, Philon, Leg.
ad Caj., 20, t. n, p. 565, à Rome, où il y en avait plu-
sieurs, Philon, ibid., 23, t. n, p. 568, et dans beaucoup
d'autres villes où leur existence est indiquée par des
inscriptions ou par des ruines. Le nombre de 480 syna-
1901
SYNAGOGUE
1902
gogues mentionnées à Jérusalem par le Talmud, 1er.
Megilla, m, 1, f° 73 ci, doit être tenu pour légendaire.
Le Pèlerin de Bordeaux n'en suppose que sept sur le
mont Sion. Cf. Tobler, Palsest. descript., 1869, p. 5.
5° Sa construction. — On trouve encore en Terre
Sainte des ruines de synagogues pouvant remonter au
premier ou au second siècle de notre ère (fig. 426).
Leurs dimensions et leur plan sont naturellement assez
différents. La grande synagogue d'Alexandrie affectait
la forme basilicale. Les ruines montrent que presque
toutes les synagogues étaient orientées du sud au nord,
de préséance. Cf. Bull, de corresp. hellen., t. x, 1886,
p. 327-335. Dans les villes qui possédaient plusieurs
synagogues, chacune d'elles se distinguait par un nom
emprunté à ceux-qui la fréquentaient, comme à Jéru-
salem. A Rome, il y avait les synagogues des Auguste-
siens et des Agrippésiens, esclaves ou affranchis d'Au-
guste et d'Agrippa, des Campésiens ou voisins du Champ
de Mars, des Sibourésiens ou habitants du quartier de
la Subura, desHébreux ou Juifs parlant encore l'hébreu.
Une synagogue s'appelait « synagogue de l'olivier »,
sans doute à cause d'un emblème. De même, à Sep-
426. — Restes antiques de la synagogue de Kefr Bir'im.
l'entrée étant du côté du sud. Leur forme habituelle
était rectangulaire et souvent deux rangées de colonnes
divisaient l'édifice en trois nefs. La synagogue de Tell
Hum, l'ancienne Capharnaùm, avait cinq nefs. La
façade était percée de trois portes, une grande au milieu
et deux plus petites latéralement. Quelquefois un por-
tique ornait cette façade. Le style a son cachet parti-
culier, bien qu'influencé par l'art gréco-romain; il
comportait une riche ornementation. Quelquefois des
particuliers faisaient acte de munificence en cons-
truisant une synagogue à leurs frais. Tel ce centurion
qui bâtit la synagogue de Capharnaùm. Luc, vu, 5.
A Rome, une inscription appelle Vétuna Paula « mère
des synagogues du Champ de Mars et de Volumnus »,
c'est-à-dire constructrice ou au moins bienfaitrice. Cf.
Corp. Ins. lai., t. vi, n. 29756. A Phocée, Tation, fille
de Straton, avait construit à ses frais l'édifice et le
péribole du parvis, en reconnaissance de quoi la syna-
gogue lui avait décerné une couronne d'or et un droit
phoris, il y avait une « synagogue de la vigne ». Jer-
Nasir, vu, 1, f° 56 a. A Porto, une synagogue des
Carcarésiens tirait sans doute son nom des calcarien-
ses, ou fabricants de chaux. Cf. Schûrer, Geschichte des
jûd. Volkes, t. ni, p. 4446.
6" Son ameublement. — Le meuble principal d'une
synagogue était la fêbdh ou coffre qui renfermait les
rouleaux de la Loi et les autres livres sacrés (fig. 427).
Megilla, m, 1; Nedarim, v, 5; Taanilh, II, 1, 2; Josè-
phe, Ant. jud., XVI, vi. 2. Ces rouleaux étaient enve-
loppés dans des toiles de lin, niitpafrôf, et placés dans
un étui, fiq. Kilayim, ix, 3; Schabbath, ix, 6; xvi, 1;
Megilla, m, 1; Kelim, xxvm, 4; Negaim, xi, 11. Un
voile cachait aux regards le contenu de la têbâh. Au
milieu de la synagogue, du moins à l'époque du Tal-
mud, se dressait une estrade sur laquelle on plaçait le
pupitre ou à'iaXoY»îov pour recevoir les rouleaux et le
siège destiné à l'orateur. Jer. Megilla, m, 1, f» 73 a.
La synagogue possédait aussi des lampes, dont l'une
1903
SYNAGOGUE
1904
était suspendue au plafond et brûlait nuit et jour,"
Terumoth, xi, 10; Pesachim, iv, 4, des ëôfârôt ou
trompettes pour le jour de la nouvelle année, et des
fyâsôsrôt ou instruments analogues pour le jour de
l'Expiation. Bosch haschana, m, rv; Taanith, h, m.
Lesassistantsprenaient place surdes sièges déterminés.
Les principaux personnages occupaient ceux qui se
trouvaient entre la tâbâh et l'estrade, tournant le dos
à la première et faisant face au peuple. C'étaient là les
places d'honneur, 7tpMToxaflE3pîa, primas calhedrss, que
les scribes et les pharisiens aimaient à s'attribuer dans
les synagogues. Matth., xxm, 6; Marc, xii, 39; Luc,
xi, 43; xx, 46. Saint Jacques, h, 3, protestait contre ces
distinctions. Les autres assistants étaient assis entre
la porte d'entrée et l'estrade, les hommes et les femmes
séparés les uns des autres. Le placement variait d'ail-
leurs suivant la disposition des locaux. Dans les gran-
des synagogues d'Alexandrie, les hommes étaient même
séparés par professions. Jer. Sukka, v, 1, f° 55 ab.
427. — Coffre renfermant les rouleaux sacrés.
Une place à part était parfois ménagée pour un lépreux.
Negaim, XIII, 12.
7» Sa dignité. — La synagogue ne servait qu'après
avoir été consacrée par des prières, que le bâtiment fût
neuf ou seulement approprié à cet usage. Sa dignité
était cependant considérée comme inférieure à celle
de l'école. Aussi pouvait-on convertir une synagogue en
école, mais non une école en synagogue. Toutefois,
dans les localités trop pauvres, on pouvait utiliser
la synagogue pour faire l'école en semaine. Il n'était
permis de démolir une synagogue que pour des rai-
sons très graves, et l'emplacement, du moins en Pales-
tine, demeurait saint. Cet emplacement et les maté-
riaux provenant de l'édifice ne pouvaient être donnés
ou vendus qu'avee des clauses restrictives. Megilla,
m, 3. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741,
p. 101, 105.
II. Fonctionnement le la synagogue. — 1» Le per-
sonnel. — 1. Chaque synagogue avait un chef, le rôS
hak-kenését, « chef de l'assemblée », Sota, vu, 7, 8,
appelé en grec kpy >.<rnif u>ia^, archisynagogus. Marc,
v, 35; Luc, xm, 14; Act., xvm, 8. Ce dignitaire se
retrouve avec le même nom dans toute la Palestine et,
en général, dans tout l'empire romain. Les inscriptions
montrent qu'un même personnage pouvait être à la
fois chef de la synagogue et ap/uv, ou chef de la com-
munauté juive; mais souvent l'un était distinct de l'au-
tre. Le chef de la synagogue, ordinairement choisi parmi
les anciens de la communauté, avait la haute surveil-
lance de tout ce qui se rapportait au service religieux.
Comme il n'existait aucun fonctionnaire spécial pour
faire les prières, les lectures ou les prédications, c'est
lui qui désignait dans l'assistance ceux qui devaient
remplir ces offices. Il veillait au maintien de l'ordre
dans l'assemblée, Luc, xm, 14, et à l'entretien de l'é-
difice. Certaines synagogues semblent avoir eu plusieurs
chefs. Act., xm, 15. — 2. Le collecteur des aumônes,
gabbd'ê sedâqâh, n'avait point de fonction spécialement
religieuse à exercer. Mais comme la population se ras-
semblait à la synagogue, il était naturel qu'on y fit la
collecte. Déniai, m, 1; Kidduschin, iv, 5. Il fallait être
à deux pour recueillir les aumônes et à trois pour les
distribuer. On les acceptait soit en argent, soit en
nature. Pea, vm, 7; Pesachim, x, 1. — 3. La synago-
gue avait un serviteur, hazzân hak-kenêsêt, intipizr,/;,
minister, Luc, rv, 20, qui était chargé de prendre
soin des livres sacrés, de les présenter au lecteur, Sota,
vu, 7, 8; Yoma, vu, 1, d'infliger les châtiments aux
coupables, Makkoth, m, 12, et d'apprendre à lire aux
enfants. Schabbath, i, 3. — 4. Le seliafr sibbûr ou
« héraut de l'assemblée » récitait certaines prières au
nom de la communauté. Berachoth, v, 5; Rosch hatch-
chana, iv, 9. On a rapproché de ce fonctionnaire
I' « ange de l'église », Apoc, i, 20; n, 1; etc., qui serait
plutôt figuré par le chef de la synagogue. — 5. Les
« dix oisifs », 'âsârâh batlânîn, étaient des hommes
qui, dans les grandes villes, recevaient un salaire pour
assister à toutes les réunions de la synagogue, afin
qu'on y fût toujours en .nombre suffisant. Megilla, i,
3; Jer. Megilla, i, 6, 70 b; Bab. Megilla, 5 a; Sanhé-
drin, 17 b; etc.
2° Ordre des réunions. — Les réunions de la syna-
gogue se composaient régulièrement des exercices sui-
vants : 1. La récitation du Schéma et du Schmoné-Esré.
^ir Prière, col. 671. Le chef annonçait la prière
par la formule bârkû 'et (Yehôvâh), «bénissez (Jého-
vah) », dont le nom était prononcé autrement (Élohim). ■
Berachoth, vu, 3. Voir Jéhovah, t. m, cot. 1223. Pen-
dant la récitation de ces formules, on se tenait debout
et le visage tourné du côté de Jérusalem. Matth., VI, 5;
Marc, xi, 25; Luc, xvm, 11 ; Berachoth, v, 1 ; Taanith,
n, 2; Ezech., vm, 16; III Reg., vin, 48; Dan., vi, 11;
Berachoth, rv, 5, 6. La prière était récitée par celui des
assistants qu'avait désigné le chef de la synagogue, et
l'assemblée répondait 'dmên. Berachoth, v, 4; vm, 8;
Taanith, II, 5; 1 Cor., XIV, 16. — 2. La lecture du
texte sacré. Voir Lecteur, t. iv, col. 146. Le hazzdn
remettait le rouleau sacré à celui qu'avait désigné le
chef de la synagogue. On lisait debout, Luc, iv, 16;
Yoma, vu, 1; Sota, vu, 7, sauf pour la lecture d'Esther,
à la fête des Phurim, où il était permis de s'asseoir.
Megilla, iv, 1. On lisait d'abord un morceau de la Loi.
Sept lecteurs au moins devaientse succéder, le premier
commençant par une formule de bénédiction et le der-
nier terminant par une formule semblable. Chacun
devait lire trois versets ou plus. Megilla, iv, 2, 4. Chez
les Juifs de la dispersion, le même lecteur lisait le
morceau tout entier. Jer. Megilla, iv, 3, f" 75 a. On
lisait ensuite un passage des prophètes, Luc, iv, 17;
Act., xm, 15; Megilla, iv, 1-5, sans qu'il fût nécessaire
de suivre ce qui avait été lu précédemment, le lecteur
pouvant faire son choix. Megilla, iv, 4. Dans les pays
où l'hébreu n'était plus compris du peuple, un traduc-
teur, melûrgemdn, mettait le texte en langue vulgaire
à la suite de chaque verset pour la Loi, et tous les
trois versets pour les prophètes. Megilla, iv, 4, 6,
10. — 3. La prédication. Le chef de la synagogue appe-
lait à cetie fonction celui qu'il savait capable de la
remplir. Celui-ci s'asseyait, Luc.iv, 20, et développait,
en vue de l'utilité pratique, le passage qui venait
d'être In. C'est ainsi que le Sauveur put prendre la
parole dans les synagogues. Matth., iv, 23; Marc, i,
21 ; vi, 2; Luc, iv, 15; vi, 6; xm, 10; Joa., vi, 59; xvm,
20. — 4. La bénédiction. Elle était donnée par un
prêtre faisant partie de la réunion, ou à son défaut par
le Seliah sibbûr, et tous répondaient 'dmên. Berachoth,
1905
SYNAGOGUE — SYRACUSE
1906
v, 4; Megilla, iv, 3, 5-7; Sota, vu, 6. — Sur les réu-
nions de la synagogue, on peut voir les descriptions de
Philon, De septenar., 6; Hypoth., I, t. n, p. 282, 630.
3» Époque des réunions. — Une première réunion
avait lieu le matin du sabbat dans l'ordre précédemment
décrit. Une seconde réunion se tenait l'après-midi du
même jour, mais on n'y lisait que la Loi et trois lecteurs
seulement se succédaient. Megilla, m, 6; iv, 1. On se
réunissait encore en semaine, le lundi et le jeudi, et à
la néoménie; ce dernier jour, on se contentait de
quatre lecteurs. Megilla, iv, 2. Tous les jours de fête
avaient aussi leurs réunions, avec des lectures assignées
d'avance. Megilla, m, 5, 6. On pouvait même venir à
la synagogue tous les jours pour prier en commun. Il
ne parait pas que l'assistance aux séances ait été obli-
gatoire, surtout les jours de la semaine ; sinon, il n'eût
pas été nécessaire de recourir à l'institution des « dix
oisifs ». — On se rendait aussi à la synagogue pour
circoncire les enfants. Voir Circoncision, t. n, col. 776.
4° Juridiction de la synagogue. — On voit qu'après
le retour de la captivité, on retranchait de l'assemblée
ceux qui n'obéissaient pas aux ordres émanés de l'auto-
rité. I Esd., x, 8. A l'époque évangélique, ce pouvoir
d'exclusion était exercé dans chaque synagogue, non par
le chef seul, mais par le conseil des anciens, et spé-
cialement par ceux qui prenaient de plus en plus d'in-
fluence sur la direction morale du peuple, ies scribes.
Moed katan, m, 1, 2. On prononçait contre certains
membres de la communauté, soit le niddây, ou exclu-
sion temporaire, soit le hêrém, anathème ou retran-
chement définitif de la communauté. Voir Anathème,
t. i, col. 5i8. Les évangélistes font plusieurs fois allu-
sion à ces sortes de sentences. La synagogue pouvait
àcpopïÇeiv, separare, mettre de côté. Luc, vi, 22. On
était alors àTtoo'jvâfwTo;, extra synagogam , hors de la
synagogue. Joa., ix, 22; xn, 42; xvi, 2. La Mischna ne
fait ordinairement allusion qu'à l'exclusion temporaire.
Taanith, ni, 8; Eduyoth, v, 6: Middotli, n, 2. Quand
l'Evangile fut prêché, les Juifs, dans leurs synagogues,
prononcèrent l'anathème contre les chrétiens en géné-
ral, mais sans pouvoir donner aucune suite à leur sen-
tence. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryph., 16, t. VI,
col. 512.
5° Les synagogue^ et la prédication évangélique. —
On voit que les synagogues exerçaient sur la vie reli-
gieuse d'Israël une influence beaucoup plus pratique
et efficace que le Temple. Le Temple était le centre
unique du ritualisme mosaïque. Mais l'enseignement,
c'est-à-dire la formation de la conscience religieuse, se
donnait dans les synagogues. Cet enseignement attei-
gnait tous les Juifs, jusque dans les moindres centres,
en Palestine et à l'étranger; il créait et entretenait
entre tous les Israélites du monde une communauté de
foi, d'espérances et de vie qui constitua le vrai lien de
la nationalité juive et survécut à la destruction du
Temple. Comme la parole était accordée, dans les
synagogues, à quiconque pouvait la prendre honora-
blement, les Apôtres et les autres prédicateurs évan-
géliques d'origine juive, trouvèrent dans chacune d'entre
elles une chaire et un auditoire tout préparés. Il y eut
là un moyen disposé par la Providence pour frayer la
voie à lévangélisation. Sans doute, les synagogues
devinrent souvent des foyers d'opposition très vive con-
tre le christianisme. Saint Jean donne à plusieurs
d'entre elles le nom de « synagogue de Satan ». Apoc,
n, 9; m, 9. Mais il y avait toujours un certain nombre
de leurs membres qui se convertissaient à la foi nou-
velle et qui, par leurs relations, contribuaient à la
répandre parmi les gentils. C'est aussi aux synagogues
que l'Eglise emprunta la forme de ses communautés.
Les « presbytres » ou prêtres correspondaient aux
« anciens » de la synagogue. Excommuniés par les chefs
groupe nouveau, schismatique par rapport à l'ancien,
avec ses réunions à part, son esprit, sa doctrine, ses
directeurs spéciaux. Ainsi se fonda la chréti enté locale,
la corporation des fidèles de Jésus-Christ, l'église. »
Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903,
p. 6. Les emprunts faits à la liturgie de la synagogue
furent encore plus marquants. L'église adopta les
lectures, les chants, les homélies et les prières de la
synagogue, n'y ajoutant que les textes du Nouveau
Testament et spécialement de l'jivangile. Les syna-
gogues avaient dû réserver au Temple l'offrande du
sacrifice. L'Église, qui ne pouvait se passer de cet élé-
ment essentiel, se contenta de le faire succéder, dans
ses réunions, au service emprunté à la synagogue. Cf.
Duchesne, ibid., p. 46-49. — Voir Jlaimonide, Hilchoth
Te/ihilla, 1™ part., p. 257-341, Saint-Pétersbourg, 1850-
1852; Vitringa, De synagoga vetere, Franecker, 1696;
Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 64-71;
S. J. Cohen, Hist.-kritische Darslellung des jûdisch.
Gottesdienles, Leipzig, 1819; Fretté, Les synagogues,
dans la Revue biblique, 1892, p. 137-147; Schûrer,
Gesch. des judisch. Volkes, Leipzig, 1898, t. n, p. 427-
459. H. Lesêtre.
SYNTIQUE (grec : Suvrûxi). femme de l'Église de
Philippes. Phil., îv, 2-3. Elle avait aidé saint Paul avec
Évodie (voir Évowe, t. h, col. 2131) dans son œuvre
d'évangclisation à Philippes, mais un désaccord était
survenu entre elles. L'Apôtre leur recommande la
concorde et prie un chr'étien de Philippes (qu'il appelle
Synzigue, germane compar, voir SynziGUE) de tra-
vailler à leur réconciliation. On ignore en quoi con-
sistaient leurs divisions.
SYNZIGUE, SYZIGUE (grec : S^u-fo:, Svî;-jy°«),
nom propre d'homme, Phil., îv, 3, d'après certains
commentateurs. Pour la plupart, c'est un nom com-
mun, qui signifie littéralement « compagnon de joug »
et, dans un sens général « compagnon, camarade ».
D'après quelques-uns, il signifie « époux », et dé-
signe le mari d'Évodie ou de Syntique. D'autres, qui
prennent le mot grec dans le sens de collaborateur,
l'entendent du chef actuel de l'Église de Philippes. Il y
en a qui ont imaginé que Syzigue était un nom de
femme et celui de la femme de saint Paul. Clément
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., m, 30, t. xx, col. 277.
Mais la tradition chrétienne, s'appuyant sur les paroles
mêmes de saint Paul, admet généralement qu'il ne fut
jamais marié. I Cor., vu, 7-8. De plus, l'épilhète fVT,(jie
qui accompagne le nom de Syzigue est masculin.
SYRACUSE (grec : SupaxoOaai), ville de Sicile,
Act., xxvin, 12 (fig. 428). — 1» Description. — Syracuse
était bâtie vers le milieu de la côte orientale de la
Sicile, au sud de Catane et au nord du cap Pachinum.
A l'époque de sa plus grande prospérité, elle atteignait,
comme on le voit par les ruines de ses murs d'enceinte, •
non seulement 180 stades de circonférence, c'est-à-dire
environ 25 kilomètres, comme le dit Strabon, VI, n, 4,
mais jusqu'à33 kilomètres, de sorte queson étendue éga-
lait presque celle du Paris actuel. Fondée d'abord dans
l'îlot d'Ortygie, à l'est, elle ne tarda pas à déborder sur
la grande île sicilienne, dont cet îlot, appelé aussi Nêsos,
ou Xasos en dorien, 1' « lie » par antonomase, n'était sé-
paré que par un canal étroit. Cf. Tite-Live, XXV, xxiv, 30.
Peu à peu, quatre quartiers considérables se formèrent
à l'ouest et au nord-ouest d'Ortygie : 1' « Achradine »,
au centre, sur le bord de la mer, avec l'agora, le temple
de Zeus et d'autres édifices aussi riches que nombreux ;
« Tyché » au nord, quartier ainsi nommé en l'honneur
de la déesse de la Fortune ; « Néapolis » au sud, avec un
théâtre gigantesque et le temple de Cérès; « Epipolœ »
au nord-est de Néapolis, à l'est de Tyché. Dans la ban-
1907
SYRACUSE — SYRIAQUE (LANGUE)
1908
lieue méridionale coulait, parmi des terrains très maré-
cageux, l'Anapos, qui recevait les eaux de la célèbre
fontaine de Cyane ou d'Arélhuse. Strabon, VI, il, 4;
Pausanias, V,vn, 2-4. Au nord d'Ortygie était le « petit
port», nommé Lakkios, assez profond pour recevoir les
navires de guerre. Entre la pointe sud-estd'Ortygie et le
cap Plammyrion, se trouvait le «grand port », appelé
encore aujourd'hui Porto Maggiore. Il avait une super-
ficie de 232 hectares el pouvait contenir toutes les flottes
de l'ancien monde; en temps de guerre, on en fermait
l'accès avec d'énormes chaînes de fer. Strabon, loc. cit.
Ortygie fut mise en communication avec les quartiers
de l'ouest par une digue de pierre, puis par un pont.
On a évalué la population de l'ancienne Syracuse à
500000 habitants; quelques auteurs ne reculent même
pas devant le chiffre d'un million,
2° Histoire de Syracuse. — Cette grande cité avait
eu des commencements très modestes. Elle ne fut
d'abord qu'une petite colonie phénicienne ; en 734 avant
J.-C, d'autres colons, venus de Corinthe, expulsèrent
les premiers fondateurs. Strabon, VI, 1, 12, et il, 4. En
- Monnaie de Syracuse.
LÏPAKOEIQN. Tête de Proserpine à gauche, couronnée d'épis.
— R). Torche dans une couronne de lauriers.
grandissant, elle changea son premier nom d'Ortygie
en celui de Syracuse, qui provenait de la vallée maré-
cageuse, nommée Syrako, dont il a été question plus
haut. Elle fut pendant assez longtemps le théâtre de
luttes intestines, qui renaissaient constamment entre
une démocratie turbulente et le parti aristocratique.
Les aristocrates possédèrent d'abord le pouvoir; mais,
renversés par la faction ennemie, ils appelèrent à leur
secours Gélon, « tyran », c'est-à-dire prince de Gela,
qui, après les avoir rétablis, travailla pour son propre
compte et s'empara de l'autorité (485 avant J.-C). Son
administration fut avantageuse pour la cité, qu'il sut
rendre très florissante, à tel point, que la plupart des
villes siciliennes durent bientôt subir son influence.
En 480, Gélon remporta une brillante victoire navale
sur les Carthaginois, qui avaient déjà des visées sur la
Sicile. A Gélon succédèrent ses frères Hiéron I« (476-
467) el Thrasybule; mais celui-ci fut renversé l'année
même où il entra au pouvoir, et la constitution rede-
vint démocratique. En 415, plusieurs villes de Sicile qui
dépendaient de Syracuse voulurent secouer son joug,
et elles implorèrent le concours des Athéniens. Athènes
envoya une flotte considérable, qui, après s'être emparée
d'ÉpipoIse (414), fut ensuite totalement battue (413) :
7000 Athéniens furent faits prisonniers, et périrent
presque tous misérablement dans les « latomies » (car-
rières) où on lesavait jetés. A la suite d'autres querelles
intestines, les Syracusains confièrent le pouvoir au chef
de l'armée, Denys I er ; celui-ci se proclama « tyran »
(405), et combattit avantageusement contre les Cartha-
ginois, qui voulaient s'emparer de la partie occidentale
de la Sicile (397). C'est à lui qu'est due la construction
du mur d'enceinte. En 277, menacés de nouveau par
Carthage, les Syracusains firent venir Pyrrhus, qui
guerroyait alors en Italie ; il repartit en 276. L'année
suivante, ils élurent comme général, et plus tard comme
roi (369), Hiéron II, qui, durant les deux premières
guerres puniques, se fit l'allié fidèle des Romains.
Son fils et successeur Hiéronymos (216) prit au contraire
le parti des Carthaginois (214) : décision funeste, qui
amena la perte de Syracuse. En effet, attaquée, cernée et
affamée par le général romain Marcellus, elle fut prise
en 212, malgré la défense vigoureuse et habile que diri-
geait l'illustre Archimède. Dès lors elle appartint à la
province romaine de Sicile et déclina rapidement. Sous
la domination romaine, elle fut la résidence du préteur,
et, à ce titre, le siège de l'administration de la province
entière. Elle était aussi le centre d'un conventus judi-
ciaire. Elle conserva pendant assez longtemps de l'im-
portance sous le rapport de la navigation. Les vaisseaux
qui allaient d'Egypte à Rome, chargés de blé, y faisaient
escale et renouvelaient leur provision d'eau à la fon-
taine d'Arétuse. Cicéron, In Verr., iv, 52-53, mentionne
Syracuse comme une ville belle encore de son temps.
Cf. Tusc,, v, 10; De Republ., i, 21. Auguste y envoya
une colonie militaire. Strabon, VI, H, 4; Pline, H. N.,
m, 14; Ptolémèe, III, iv, 9. Caligula releva en partie
ses murs et ses monuments. Suétone, Caius, xxi. Depuis
cette époque, Syracuse partagea d'une manière géné-
rale les destinées de la Sicile.
3° Syracuse dans la Bible. — Il n'est question de
Syracuse qu'au livre des Actes, xxvui, 12, à l'occasion
du premier voyage de saint Paul à Rome. Le navire qui
transportait l'apôtre de l'île de Malte à Pouzzoles, y
toucha et y demeura trois jours à l'ancre, attendant
sans doute un vent favorable pour se diriger versRhé-
gium. Une église qui est dédiée à saint Paul conserve
le souvenir de son passage. — Voir Bonanni,Ze antiche
Siracuse, 2 in-f°, Palerme, 1717; J. G. Seume, Spa-
ziergang nach Syrakus, in-8°, Brunswick, 1802; 2 e éd.
en 1805; Goller,DesitM et origine Syracusarum , in-8»,
Leipzig, 1818; Privitella, Storia di Siracusa antica e
moderna, 2 in-8°, Naples, 1870; la Rèmische Quartal
schrift fur christliches Allertum,Rome, 1896, p. 1-59
V. Strazzulla, Muséum epigraphicum, seu inscriptio-
num chris tianarum quse in Syracusanis catacumbis
repertœ suni corpusculum, in-4», Palerme, 1897
L. Filuon.
SYRIAQUE (LANGUE). Les Septante et la Vul-
gate identifient avec raison les langues araméenne et
syriaque : ils traduisent « Parle en araméen »,IVReg.,
xviii, 26; Is., xxxvi, 11, par : «. Parle en syriaque ». Il
en est de même dans I Esdras, iv, 7, et Daniel, H, 4. La
« langue de Syrie » mentionnée II Mach., xv, 37, dans
laquelle Adar est le douzième mois (voir le grec), est
encore la langue araméenne, car les Syriens comptaient
déjà l'année à partir d'octobre, et Adar était pour eux
le sixième mois. L'arainéen semble en effet avoir sup-
planté tous les autres idiomes en Syrie et en Mésopo-
tamie, longtemps avant la captivité. Après la captivité,
il envahit même la Palestine. Le Christ et les Apôtres
en ont parlé un dialecte, le latin n'a eu aucune influence
sur lui, le grec l'a influencé, mais l'arabe seul l'a sup-
planté. Excepté dans quelques cantons de la Perse et
de l'est de la Turquie et dans quelques villages du
Liban ou du Malabar (néo-syriaque) et de la Palestine
(samaritain), l'araméen n'estplus qu'une langue morte.
Au sens large, le mot syriaque peut donc être pris
comme synonyme d'araméen, au sens strict, il désigne
les dialectes araméens, parlés par les chrétiens orien-
taux. Nous allons donc dire quelques mots seulement
de l'araméen judaïque et de l'araméen païen pour nous
arrêter à l'araméen chrétien ou syriaque.
I. Araméen judaïque. — Il nous est connu d'abord
par des fragments de Daniel et d'Esdras (chaldéen bi-
blique) et par quelques inscriptions et papyrus; il évo-
lue ensuite dans les Targums et dans le Samaritain.
La Palestine était enserrée au milieu de peuplades
qui parlaient araméen, car l'inscription syrienne de
Bar-Hadad (vin" siècle avant notre ère) est écrite en
cette langue, que parlait aussi la majorité de la popu-
1909
SYRIAQUE (LANGUE) - SYRIAQUE (MASSORE)
1910
lation de l'Assyrie, H. Pognon, Inscriptions sémitiques,
Paris, 1908, p. 156-178, il n'est donc pas étonnant
qu'elle ait été adoptée peu à peu par les Juifs à la place
de l'hébreu. Le livre d'Esdras, IV, 8-vi, 18, et vu, 12-
26, cite, sans doute sous leur forme originale, des do-
cuments chaldêens du V e au vi« siècle avant notre ère.
Daniel aussi, après avoir rapporté un document ara-
méen, continue à écrire en cette langue, n, 4-vn ; vm-
xii. A la même époque appartiennent les papyrus ara-
méens d'Éléphantine : papiers de famille, lettres des
Juifs au gouverneur de Judée, histoire et sagesse
d'Ahikar. Cf. A. H. Sayce et A. E. Cowley, Aramaie
papyri discovered at Assuan, Londres, 1906; W. Staerk.
Die jùdisch-aramâischen Papyri von Assuan, in-8»,
Bonn, 1907; E. Sachau, Drei Papyrusurkunden aus
Elephantine, in-4°, Berlin, 1908 (extrait des Abhandl.
der kôn. Ak. der Wiss., 1907); F. Nau, Histoire et sa-
gesse d'Ahikar l'Assyrien, in-8°, Paris, 1909, p. 288-
291. Quelques mots araméens se lisent aussi dans les
plus anciens livres de la Bible, par exemple, Gen.,
xxxi, 47, où îgar sahdoutâ est donné comme l'équiva-
lent (araméen) de l'hébreu Gal'ed. De plus, Jer., x, 11,
est un verset araméen; et c'est encore par un jeu de
mots basé sur l'araméen, que M. Nestlé explique xx ,
3, du même prophète. Zeitschrift der deutschen morg.
Ges., t. lxi (1907), p. 196-197. Le nom donné par Isaïe
à son fils, vin, 3, serait aussi un nom double hébreu
et araméen. En dehors des papyrus, inscriptions et
tablettes à annotations araméenne, les Targums et Tal-
muds du commencement de notre ère sont les pre-
miers documents étendus qui nous restent en araméen
à partir du V e siècle. Voir ces mots. On trouve ensuite
des midraschim, quelques traductions ou paraphrases
d'ouvrages deutérocanoniques (Ecclésiastique, Tobie,
Machabées), des livres liturgiques et les fantaisies de
la cabbale pour aboutir au Zohar, vers le xiii e siècle.
Les Talmuds sont moins importants que les Targums
pour l'étude de l'évolution des dialectes araméens, car
ils ont été écrits par des savants qui possédaient très
bien la langue hébraïque, et qui ont d'ailleurs fondu
ensemble des matériaux de toute provenance. C'est
surtout cette langue du Talmud qui est désignée sous
le nom de néo-hébreu. De même le Samaritain, que
l'on fait figurer parmi les dialectes araméens, est plutôt
l'hébreu moins pur des tribus du nord de la Palestine,
altéré encore par l'influence de plus en plus croissante
des langues araméennes et par le mélange de mots
non sémitiques apportés par les colons étrangers. Voir
ce mot.
II. Araméen païen. — C'est le Nabatéenou Nabuthéen.
voir ce mot, t. IV, 1444, et le mandéen. Ce dernier est
un araméen très corrompu qui se rapproche plus du
syriaque que du chaldéen biblique. Ses caractères
essentiels sont l'emploi constant des trois lettres quies-
centes comme voyelles, même comme voyelles brèves,
la confusion et l'élision fréquente des gutturales, les
agglutinations des mots, une tendance à n'écrire que
ce qui est prononcé. Parmi les dialeetes sémitiques
écrits, le mandéen ou rnandaïte est le plus dégradé.
III. Araméen chrétien ou syriaque. — Nous nous
bornerons à quelques indications relatives au dialecte
édessénien, dont relèvent à peu près tous les ouvrages
syriaques, jacobites et nestoriens conservés .
L'araméen était écrit d'abord en caractères phéni-
ciens, comme l'inscription de Bar-Hadad, ou bien en
caractères qui se rapprochaient plutôt du nabatéen,
comme les papyrus d'Éléphantine. Voir Alphabet, t. i,
col. 407 à 410. L'écriture dérive toujours d'un même
type, mais diffère donc suivant l'époque et le pays,
A Édesse même, dès le premiersiècle de notre ère, « l'al-
phabet ressemble énormément à l'alphabet estranghélo
de l'époque chrétienne, s H. Pognon, Inscriptions sé-
mitiques, Paris, 1907, p. 19; quelques lettres sont déjà
liées, Ibid., pi. xiv. Quelques améliorations condui-
sirent à l'écriture cursive appelée « écriture de l'Évan-
gile » ou estranghélo. De celle-ci dérivèrent, dès le
VI e siècle, un cursif jacobite ou occidental et beaucoup
plus tard, à partir du XIV e siècle, un cursif nestorien
ou oriental, qui remplacèrent peu à peu presque com-
plètement l'estranghélo. Le syro palestinien ressemble
beaucoup à l'édessénien et a toute chance d'en prove-
nir, avec quelques modifications, ou locales ou dues à
l'influence du grec. La plupart des lettres ont quatre
formes suivant qu'elles sont isolées, finales, initiales
ou placées entre deux lettres. Nous reproduisons les
quatre formes du caractère jacobite (appelé aussi le
trait simple ou simplement le trait, sertà) et la forme
isolée de l'estranghélo, du nestorien et du syro-palesti-
nien :
Les voyelles ne s'écrivaient pas. On y suppléa plus
tard par un usage plus large des trois consonnes | , -», O,
par des points placés au-dessus ou au-dessous du mot,
selon qu'il devait avoir la prononciation forte ou faible,
et enfin par des signes (voyelles jacobites et voyelles
nestoriennes), que l'on plaçait au-dessus ou au-dessous
des consonnes.
Les pronoms, isolés ou affixes, la formation des
noms et la conjugaison des verbes offrent de grandes
analogies avec ce qu'on a vu pour l'hébreu; l'état
emphatique des noms, qui est propre au syriaque, a
déjà été signalé, voir Hébreu (Langue), le pluriel se
u
forme parfois avec les finales «.J — pour le masculin et
9
• — pour le féminin. Le plus souvent le pluriel s'écrit
comme le singulier, dans ce cas on surmonte le mot
de deux points appelés riboui. La prononciation diffère
| ^\ ^' le roi; j a,\ y^ les rois. Pour les autres par-
ticularités, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 465.
Bibliographie. — Rubens Duval, Traité de gram-
maire syriaque, Paris, 1881; Th. Noeldeke, Kurzge-
fasste syrische Grammatik, 2 e éd., in-8°, Leipzig, 1898,
avec une table des divers alphabets, par J. Euting;
E. Nestlé, Brevis linguse syriacse grammatica, littera-
tura, chrestomathia cum glossario, in-12, Carlsruhe,
1881, et Syrische Grammatik mit Litleratur, Chresto-
mathie und Glossar, in-12, 2 e édit., Berlin, 1888;
C. Brockelmann, Syrische Grammatik mit Paradig-
men, Literatur, Chrestomathie und Glossar, in-8»,
Berlin, 1905; A. Merx, Grammatica syriaca quam post
opus Hoffmanni refecil, in-8°, Halle, 1867 ; H. Gismondi,
Linguse syriacse granim. et chrest. cum glossario,
2 e édit., Beyrouth, 1900. —Dictionnaires : Payne Smith,
Thésaurus syriacus, in-f», Oxford, 1868-1901; C. Bro-
ckelmann, Lexicon syriacum, in-8°, Berlin, 1895;
P.-J. Brun, Dictionarium syriaco-latinum, in-8°, Bey-
routh, 1895; R. Duval,i Lexicon syriacum auctore
Hassano Bar Eahlule, in-4°, Paris, 1901.
F. Nau.
SYRIAQUE (MASSORE). L'écriture syriaque
ne comportait à l'origine que les consonnes sans
voyelles ni points diacritiques, il devint donc indis-
pensable, comme chez les Hébreux, d'inventer ces
voyelles et ces points pour fixer la prononciation et la
lecture des textes sacrés. Ce travail est désigné chez
les Jacobites par ] ^ - Q Af. A |/nl<ft\ aV>, » la
tradition Karkaphienne», que l'on a traduit longtemps
à tort par « la version Karkaphienne ».
I. Les auteurs de la massore syrienne. — 1° Leur
époque. — C'est à l'école d'Édesse, au commencement
du V e siècle, pour apprendre à leurs disciples à pro-
noncer exactement les mots, que « les maîtres de lec-
1
j Hébreu
1
Cursif Jacobite
Transcriptions
Estranghelo
Cursif
Nestorien
Syro-
Palestiiùen
lettres
isolées
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1913
SYRIAQUE (MASS.ORE) — SYRIAQUES (VERSIONS]
1914
ture » marquèrent soit sur la ligne, soit au-dessus ou
au-dessous des mots, des points ou groupes de points
que l'on appelle « des accents » et que l'on divise en
accents logiques et en accents rhétoriques. Ce travail
semble avoir été terminé au vm e siècle.
2» Leurs écoles. — De l'école d'Édesse la massore fut
transportée à Nisibe à la fin du v e siècle lorsque les
nestoriens chassés d'Édesse fondèrent une école dans
cette ville. Au VI e siècle, Joseph d'Ahwaz, professeur à
l'école de Nisibe, changea la lecture édessénienne, con-
servée jusque-là, en la lecture orientale que les nesto-
riens suivirent désormais. Cette modification porta non
sur les voyelles, mais sur les points qui marquaient
les différents membres de la phrase. Le système nes-
torien des points, des voyelles et de l'accentuation,
fut répandu au VII e siècle chez les monophysites par
Sabrowai, le fondateur d'une école à Bsit-Schehak près
•de Nisibe, et par ses fils Ramjésus et Gabriel, moines
du couvent de Mar Mattai. Jacques d'Edesse (f 708)
écrivit des traités sur la grammaire et l'orthographe,
imagina des voyelles qui ne furent d'ailleurs pas adop-
tées, et, dans sa revision de la Bible, divisa les livres
bibliques en chapitres et mit en tête de chaque cha-
pitre un sommaire du contenu; une partie des gloses
marginales avait pour but d'indiquer la prononcia-
tion exacte des mois. Tous les travaux précédents
furent synthétisés par les moines du couvent de Kar-
kaphta (le crâne), situé près de la ville de Sergiopolis
ou Reschaina. Aussi les massorètes jacobites sont dési-
gnés sous le nom de Karkaphiens et leur œuvre porte
le nom de « Tradition karkaphienne » dans les ma-
nuscrits de la massore et dans les ouvrages de Bar-
Hébrseus.
II. Les manuscrits. — Les principaux manuscrits
massorétiques sont : le manuscrit 152 du Vatican, ré-
digé au couvent de Mar Aaron de Chigar l'an 980, ana-
lysé par Wiseman, Horse Syriacae, Rome, 4828, p. 151
à 193, le ms. 101 Barberini, daté d'après Wiseman de
l'an 1093 de notre ère, ibid., 193 à 202; les manuscrits
de Londres add. 12178 du IX e ou du x e siècle et
add. 7183, probablement du xn» siècle ; le ms. syriaque 64
de Paris, du xi e siècle; le ms. 117 du musée Borgia
conservé maintenant au Vatican, copié sans doute sur
un ms. de Mossoul daté de l'an 1015; ces manuscrits
d'ailleurs ne sont pas identiques; ils développent plus
ou moins et ne commentent pas toujours les mêmes
passages. Ils se complètent donc mutuellement. La
massore nestorienne est conservée dans un seul ma-
nuscrit de Londres, add. 12138, écrit en 899, au cou-
vent de Mar Gabriel ou des Confesseurs, près deHarran.
La massore syrienne est tout à fait analogue à la
massore hébraïque, elle s'est préoccupée de fixer l'or-
thographe et la prononciation et par suite le sens de
tous les passages et de tous les mots qui pouvaient être
ambigus dans la Bible syriaque. Elle est à peu près
contemporaine de la massore hébraïque qui ne paraît
cependant pas avoir influé sur elle, car les Syriens
semblent s'être préoccupés surtout du grec et peu de
l'hébreu. Il parait cependant peu vraisemblable que
deux procédés littéraires analogues aient pu coexister
dans les mêmes régions sans influer l'un sur l'autre.
Le syriaque a l'avantage d'avoir conservé des textes
antérieurs à la massore, qui permettent de la complé-
ter ou même de la rectifier, comme Bar-Hébrasus l'a
fait souvent.
Bibliographie. — R. Duval, La littérature sy-
riaque, Paris, 1907, p. 55-61 ; Nie. Wiseman, Horse
Syriacse, Rome, 1828; P. Martin, La Massore chez les
Syriens,dans \eJournal asiatique, VI e série, t. xiv(1869),
p. 245-378. Lasser Weingarten, Die syrische Massora
nach Bar Hébrxus, Der Pentateuch, Halle, 1887.
M. Gustave Dietrich a publié la Massore pour Isaïe, Die
Massorah der ôstlichen und westlichen Syrer,
Londres, 1899, et pour le Cantiqne des Cantiques dans
Zeitschrift fur die altlesl. Wissenschaft, 1902. p. 193.
Voir encore un spécimen de massore nestorienne et
jacobite dans Studia biblica, Oxford, 1891, p. 93-100.
SYRIAQUES (VERSIONS). Nous traiterons des
diverses versions de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment : La Peschitto, l'hexaplaire, la revision de
Jacques d'Édesse, Je Diatessaron, l'Évangéliaire de
Cureton et du Sinaï, la Philoxénienne, l'Héracléenne
et la version syro-palestinienne.
I. Versions de l'Ancien Testament. — /. la pes-
ChlTTO. — Son importance tient aux anciens manuscrits
qui nous la conservent, pour ainsi dire sans aucune va-
riante importante, et à son antiquité. — 1" Manuscrits
principaux. — Le ms. de Londres, add. 14425 , conte-
nant le Pentateuque, est daté de l'an 464 de notre ère.
Il est à remarquer que les anciens mss. grecs ne sont
pas datés et présentent d'ailleurs entre eux de notables
divergences. On rapporte au vi e siècle les manuscrits
de Londres add. 14427 (Pentateuque); 17102 (Josué);
14438 (Juges); 14431 (Samuel); 17104 (Paralipo-
mènes); 14443 (Job, Proverbes, Ecclésiaste, Sagesse,
douze petils prophètes); 17108 (Proverbes); 14432
(Isaïe); 17105 (Jérémie, les deux lettres de Baruch) ;
47*07 (Ezéchiel); 14445 (Daniel). Quatre autres
manuscrits sont du VII e au vm e siècle. Voir le mémoire
de Cériani : Le edizioni e i manoscritti délie vers,
siriache del Vecchio Testamento, dans les Mémoires
de l'Institut lombard des sciences et lettres, t. xi (t. H,
de la III e série).
2° Livres contenus dans la Peschitto. — Au V e siècle,
elle comprenait tous les livres proto et deutérocano-
niques, car on les trouve dans le canon nestorien aussi
bien que dans le canon jacobite; leur traduction est
donc antérieure à la séparatiou des deux Églises; il
semble même que tous les deutéro-canoniques étaient
traduits dès le commencement du iv e siècle, car
Aphraate, vers 340, cite la Sagesse, l'Ecclésiastique, le
second livre des Machabées; il est possible cependant
qu'il n'ait pas connu les épisodes de Susanne et du
dragon. Cf. Palrologia Syriaca, t. i, p. xlii. Tous les
deutérocanoniques sont traduits du grec, hors l'Ecclé-
siastique qui a été traduit sur l'hébreu.
3° Éditions. — On trouve le texte de la Peschitto
dans la Polyglotte de Lejay, Paris, 1629-1645, dans la
polyglotte de Wallon, Londres, 1654-1657; et dans les
éditions : de Samuel Lee, Londres, 1823, publiée par
la société biblique; d'Ourmiah, publiée en 1852 par
des missionnaires protestants américains; de Mossoul,
publiée, en 1888, par des dominicains. Les éditions de
Lee et d'Ourmiah ne renferment pas les livres deutéro-
canoniques; Paul de'Lagarde a édité ces livres (Ecclé-
siastique, Sagesse, Tobie, Lettres de Baruch et de Jéré-
mie, Judith, prière d'Ananias, Bel, le dragon, Susanne,
I Esdras, trois livres des Machabées), d'après la Poly-
glotte de Walton et six mss. de Londres, Libri Vete-
ris Test, apocryphi syriace, Leipzig, 1861. Enfin Céri-
ani a reproduit un manuscrit jacobite du VI e siècle
qui contient tout l'Ancien Testament y compris les
deutérocanoniques : Translatio Syra-Pescitto Veteris
Test, e codice Ambrosiano sseculi fere VI, photolitho-
graphice édita, 2 in-f°, Milan, 1876-1883. Parmi les
éditions partielles, nous allons faire connaître seule-
ment trois éditions critiques récentes qui nous rensei-
gnent sur la valeur comparée des éditions et le remar-
quable état de conservation de la Peschitto dans les
manuscrits. Dans Ein apparat us criticus zur Pesilto
zum propheten lesaia (Beihefte zur Zeitschrift fur
Alttest.. Wiss.), Giessen, 1905, M. G. Dietrich constate
que la Polyglotte de Lejay reproduit le manuscrit
sjriaque n° 6 de Paris et ne s'en écarte qu'en sept
endroits; Walton se borne à reproduire la Polyglotte
4915
SYRIAQUES (VERSIONS)
1916
de Lejay, il s'en écarte en 28 endroits, mais il y a là
22 fautes d'impression, cinq modifications purement
orthographiques, il ne reste donc qu'une amélioration;
Lee utilise deux manuscrits d'Oxford et deux de Cam-
bridge et s'écarte en 55 endroits des précédents, mais
il y a là-dedans huit fautes d'impression, il lui reste
donc 47 améliorations; les éditions d'Ourmiah et de
Mossoul utilisent des manuscrits nestoriens et diffèrent
toutes deux de Lee en 94 endroits (dont sept fautes),
Ourmiah seul s'écarte de Lee en 25 endroits (dont
quatre fautes) et Mossoul seul en 31 endroits (dont six
fautes). Pour le court chapitre xx, M. Dietrich com-
pare entre eux 5 éditions, 25 manuscrits du VI e au
xix" siècle et deux commentateurs, et relève seulement
treize variantes, encore faut-il noter que deux sont des
modifications d'orthographe, trois sont des interver-
sions de deux mots successifs, une est une omission
d'un membre de phrase pour homoiotéleutie, six
autres sont des fautes propres chacune à un manuscrit :
omission d'un ou de plusieurs mots, addition d'une
particule, modification d'une lettre finale, singulier
pour pluriel. Il reste en somme une seule variante
intéressante fournie aussi par un seul manuscrit, mais
qui est ancien. Pour les Paralipomènes, M. W. E. Bar-
nes a constaté que Walton et Lee ont reproduit la Poly-
glotte de Paris: ce dernier a introduit six améliora-
tions et autant de fautes d'impression; enfin Ourmiah
s'est borné à reproduire Lee en caractères nestoriens.
Cf. An apparalus criticus to Chronicles in the Pe-
shitta version, Cambridge, 1897. Le même auteur a
donné une édition critique du Psautier basée sur onze
éditions et vingt-huit manuscrits qui sont presque tous
des manuscrits à usage liturgique ne renfermant que
les Psaumes et les cantiques liturgiques; ces mss.
s'échelonnent d'ailleurs du VI e au XVI e siècle et sont de
provenance jacobite, nestorienne el melkite. Même
dans des conditions si désavantageuses à la conserva-
tion du texte, M. Darnes n'a relevé que 29 variantes
pour les neuf premiers psaumes; encore se trouve-t-il
sur ce nombre six modifications purement orthogra-
phiques et cinq fautes évidentes de copiste, ce qui
réduit le nombre des variantes à moins de vingt pour
les neuf premiers Psaumes. Cf. The Peshitta Psaller,
according to the Wesl Syrian text, edited with an appa-
ratus criticus, by W. E. Barnes, Cambridge, 1904. Ces
trois éditions critiques — les seules jusqu'ici consacrées
à l'Ancien Testament — mettent bien en évidence le re-
marquable état de conservation de la version syriaque :
les variantes sont peu nombreuses et la plupart sont
des particularités orthographiques et des fautes de
scribe. On peut donc utiliser l'une quelconque des
éditions qui diffèrent si peu, mais de préférence, si
elle est accessible, la reproduction du Codex Ambro-
sianus B. M, du vi e siècle, mentionné plus haut. Les
livres sont disposés dans l'ordre suivant :Pentateuque,
Job, Josué, Juges, Samuel, Psaumes, Rois, Proverbes,
Sagesse, Ecclésiaste, Cantique, Isaïe, Jérémie, Lamen-
tations, Lettre de Jérémie, deux lettres de Baruch, Ézé-
chiel, les douze petits prophètes, Daniel avec Bel et le
dragon, Ruth, Susanne, Esther, Judith, Ecclésiastique,
Paralipomènes, Apocalypse de Baruch, I Esdras (IV des
Latins), Esdras et Néhémie, cinq livres des Machabées,
dont le dernier est le livre VI du De Bello judaîco de
Flavius Josèphe. M. Barnes a montré que ce manuscrit
est d'accord avec les plus anciens : ceux-ci concordent
avec l'hébreu plus souvent que les manuscrits mo-
dernes, car ces derniers ont subi quelques retouches
d'après le grec. Cf. An Apparatus criticus to Chronicles
in the Peshitta Version with a discussion of the value
of the codex Ambrosianus, Cambridge, 1897.
4" Origine de la Peschitto. — D'après une légende
syrienne, consignée par Jésudad dans le livre composé
par lui sur les passages difficiles et sur les mots
obscurs que l'on rencontre dans la Sainte Ecriture,
« le Pentateuque, Josué, les Juges, Ruth, Samuel,
David, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique et Job
ont été traduits au temps de Salomon à la demande de
Hiram, roi de Tyr. Le reste de l'Ancien Testament a
été traduit, avec le Nouveau, à l'époque d'Abgar, roi
d'Édesse, par les soins d'Addaï et des autres Apôtres. »
D'autres ont imaginé que l'auteur delà Peschitto est le
prêtre Asa (ou 'Asiâ) qui avait été envoyé pour cet
objet à Samarie par le roi d'Assyrie. Cf. P. Martin,
Introduction à la critique textuelle du Nouveau Tes-
tament, p. 99; G. Dietrich, lsô'dàdh's Stellung in der
Auslegungsgeschichle des Alten Testamentes an sei-
nen Commentaren.., Giessen, 1902. Plus digne d'atten-
tion est l'opinion de Jacques d'Édesse, d'après qui la
Peschitto de l'Ancien Testament a été traduite sur
l'hébreu au temps d'Abgar, P. Martin, loc. cit., p. 101,
car cette version, écrite dans le dialecte de la Mésopo-
tamie, doit avoir été faite dans ce pays, tandis que les
chrétiens de la Syrie proprement dite faisaient usage
des Septante. L'attribution de cette traduction au temps
d'Abgar est basée sur la légende d'Addaï, nous retien-
drons du moins qu'elle a été faite sur l'hébreu, à
l'usage des chrétiens, probablement vers le commence-
ment du second siècle. Méliton, évêque de Sardes vers
170, et plus tard Origène dans les Hexaples, la citent
sous le nom de à Eûpoç. Quelques-unes de ces particu-
larités du « syriaque » ne se trouvent plus dans nos
manuscrits, ce qui est une nouvelle preuve que la tra-
duction primitive a subi une ou plusieurs revisions. Un
autre argument en faveur de l'ancienneté, de la Pe-
schitto de l'Ancien Testament se tire des citations bibli-
ques de la Peschitto du Nouveau Testament, car un
nombre important de ces citations concorde avec le
texte de la Peschitto de l'Ancien Testament et s'écarte
à la fois de l'hébreu et du grec. Cf. F. Berg, The influ-
ence of the Septuagint upon the Peschitta Psalter,
New- York, 1895, p. 137-150. « En raison du grand nom-
bre de ces cas, il est difficile d'expliquer cette concor-
dance par une révision harmonistique postérieure; il
est plus admissible que la Peschitto de l'Ancien Testa-
ment a précédé la Peschitto du Nouveau Testament. R.
Duval, La littérature syriaque, 3 e édit., Paris, 1907,
p. 28. Or, Eusèbe, analysant un ouvrage d'Hégésippe,
nous apprend que cet auteur du milieu du second
siècle se dénote comme un Juif converti à cause des
emprunts qu'il fait c< à l'évangile selon les Hébreux et
au syriaque. » T. xx, col. 384. Même si ce syriaque est
celui du Nouveau Testament, il s'ensuit, d'après la
remarque précédente, que la Peschitto de l'Ancien Tes-
tament est antérieure. Cette version est donc portée
par les manuscrits, au V e siècle, par les témoignages, à
la fin du premier siècle et, par les légendes, au temps
de Salomon.
5» Auteurè et nature de la traduction. — On
s'accorde à reconnaître que plusieurs traducteurs ont
traduit, à différentes époques, les livres protocano-
niques sur l'hébreu et les livres deutérocanoniques sur
le grec, hors l'Ecclésiastique qui a aussi été traduit sur
l'hébreu. Il est probable que les premiers traducteurs
n'étaient ni des juifs ni des chrétiens grecs mais des
judéo-chrétiens; car cette version n'a jamais été adop-
tée par les juifs qui repoussaient même en général les
Septante, parce qu'ils regardaient toute traduction de
l'hébreu comme une profanation; les chrétiens grecs
par contre utilisaient les Septanle, c'est donc vers la
Mésopotamie que l'on dut éprouver le besoin d'une
traduction araméenne; or d'après les traditions
syriennes, c'est parmi les communautés juives que le
christianisme commença à se répandre en Mésopo-
tamie.
Addaï, l'apôtre de l'Osroène, descend à Édesse chez
le Juif Tobie et convertit les Juifs comme les païens,
1917
SYRIAQUES (VERSIONS)
1918
c'est évidemment dans ce milieu que nous devons
chercher les premiers traducteurs. De plus on a rele-
vé, surtout pour Job, des ressemblances entre la Pe-
schitto et lesTargums, ce qui se comprend très bien si
le traducteur est un Juif converti, car il est naturel
qu'il ait eu recours aux targums pour interpréter les
passages difficiles. Lorsque les Targums que nous pos-
sédons sont plus récents que la Peschitto, ils peuvent
s'être inspirés tous deux de targums araméens plus
anciens, cependant la dépendance inverse n'est pas
impossible, c'est ainsi que l'on s'accorde maintenant à
reconnaître que le Targum des Proverbes dépend de la
Peschitto.
L'influence des Septante se fait aussi sentir déjà dans
le PentateuqueetJosué,mais surtout dans les Psaumes
et les prophètes. Il est peu probable que les premiers
traducteurs aient fait une sorte de traduction critique
en utilisant les targums et les Septante en même temps
que l'hébreu, il est plus probable que la traduction
primitive a été revisée une ou plusieurs fois. C'est
vers l'an 200 que Palout a été créé évêque d'Édesse par
Sérapion, évêque d'Antioche, et a ainsi inféodé Édesse
à la métropole des chrétiens hellénisants de Syrie, il
est donc naturel que l'on ait cherché alors à mettre
l'ancienne version syriaque en harmonie avec les
Septante seuls utilisés à Anlioche. Cette revision doit
être postérieure à Origène qui cite des leçons du
syriaque absentes de notre texte actuel, mais elle était
achevée au commencement du IV siècle, car Aphraate,
vers 340, et saint Éphrem, mort en 373, utilisent une
version très proche de celle qui nous a été transmise.
Cf. R. Duval, La littérature syriaque, p. 32-33. Par
contre M. Driver et M. Stockmayer ont relevé un cer-
tain nombre de passages de la recension grecque de
Lucien (Paul de Lagarde, Librorum Veteris Testa-
ments canonicorum paru prior grssce, Gœttingue, 1883),
qui concordent avec la Peschitto contre l'hébreu et les
Septante, et se demandent donc avec raison si l'hébreu
dont, au lémoignage de Suidas, Lucien se serait servi
pour constituer sa recension, ne serait pas la Peschitto.
Cf. Driver, Notes on the Hebrew Text of the Books of
Samuel, Oxford, "1890; Th. Stockmayer, Zeitsckrift
fur alltest. Wiss., t. xii, 1892, p. 218.
L'Ecclésiastique mérite une mention spéciale : En de
nombreux endroits, il est conforme à l'hébreu retrouvé
et tous deux s'écartent du grec. Cf. La Sainte Bible
Polyglotte, t. v, p. 889-970, Eccli., m, 7,' 29, etc. Aussi
on admet que le syriaque de l'Ecclésiastique, à la dif-
férence des autres livres deutérocanoniques, a été tra-
duit directement sur l'hébreu. Il semble cependant que
le syriaque a influé sur les manuscrits hébreux con-
servés. Cf. ibid., Eccli., m, 27, 34, etc. En quelques
rares endroits aussi, le syriaque se rapproche plutôt
du grec, par exemple, xliii, 1-10, ce qu'on peut expli-
quer par la volonté du traducteur qui aurait, eu cet
endroit, préféré le grec à l'hébreu, ou par une revision
postérieure.
La version syriaque deTobie est formée de deux mor-
ceaux de provenance différente : i-vu, 11, provient de
l'HexapIaire, la suite vu, 12-xiv, 15, provient d'une
autre source, qui est peut-être ce le chaldéen » utilisé
par saint Jérôme pour faire sa traduction latine, car le
syriaque, comme le latin, porte Achior au lieu d'Ahi-
kar, xi, 18.
6° Origine du mot Peschitto. — Ce mot employé pour
désigner la principale des versions syriaques ne se
trouve pas dans les manuscrits antérieurs au ix« ou
au X e siècle. Il semble que la première mention expli-
cite en soit faite par Moyse bar-Képha (-J- 913) qui écrit :
« Il faut savoir qu'il y a en syriaque deux traductions
de l'Ancien Testament, l'une, celte Peschitto que nous
lisons a été traduite de l'hébreu en syriaque, mais
l'autre, celle des Septante, a été traduite du grec en
syriaque. » Cf. P. Martin, Introduction à la critique
textuelle du Nouveau Testament, Paris, 1883, p. 101.
Saint Éphrem écrit s notre version ». Opéra syriaca,
t. i, p. 380. Thomas d'Héraclée et le pseudo-Zacharie le
rhéteur au vi e siècle, et Jacques d'Édesse au vir 3 , écrivent
simplement « l'ancienne version syriaque » ou « l'exem-
plaire syrien » ou,, plus brièvement « le syriaque ».
Dans les manuscrits massorétiqnes du IX e au X" siècle,
le mot Peschitto désigne le Nouveau Testament syriaque,
par opposition à la revision de Thomas d'Héraclée qui
est appplée s le grec ». D'après le sens littéral du mot
If A - ■*■ ft . c'est la (version) simple, c'est-à-dire celle
qui est entre les mains du peuple, tandis que « le
grec » ou Hexaplaire était plutôt une curiosité à
l'usage des savants. Ce mot correspondrait donc assez
bien à notre mot Vulgate, On a voulu aussi lui donner
une origine plus savante : Ce serait la traduction de xi
ànXi qui désigne les manuscrits renfermant le seul
texte des Septante, par opposition à zh iia-Kki qui
renfermaient à côté de la transcription de l'hébreu,
les diverses versions grecques. 11 est clair que l'ana-
logie est assez faible ; et que Peschitto semble plutôt
correspondre au mot Vulgate.
//. version PHILOXÉNlENNE.—Les controverses chris-
tologiques, commencées au v e siècle, firent éprouver le
besoin d'une version syriaque calquée sur le grec, parce
que c'était le grec qui faisait autorité, non seulement
dans l'Église grecque mais encore dans la Syrie hellé-
nisée et en Egypte. D'ailleurs les protagonistes du
schisme jacobite étaient souvent des hommes, comme
Sévère d'Antioche, qui sortaient des écoles grecques.
Philoxène, évêque jacobite de Mabboug, chargea donc
un chorévêque nommé Polycarpe, de faire sur le grec
une version littérale de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment. Cette traduction se place vers l'an 508. Elle dut
jouir d'un certain crédit durant le VI e siècle, car Moïse
d'Aghel (vers 570) mentionne les Psaumes et le Nouveau
Testament, mais elle a été supplantée un siècle plus
tard par l'HexapIaire syriaque de l'Ancien Testament et
l'Héracléenne du Nouveau. On n'est même pas sûr d'en
posséder encore des fragments. Le manuscrit de
Londres add. 17106, fol. 74-87, du VII e siècle, contient
trois fragments d'Isaïe qui ne s'accordent avec aucune
autre version et que l'on est convenu d'attribuer à
Polycarpe. Ces fragments ont été édités par Cériani
avec la partie correspondante de la revision de Jacques
d'Édesse dont nous allons parler. Ces fragments d'Isaïe
contiennent très peu des signes critiques usités dans les
Hexaples, sans notes marginales ni annotations. Ceriani
a encore édité, Monumenta, v, 1, p. 5, un fragmentd'une
ancienne traduction des psaumes qu'il croit être celle
de Polycarpe.
///. version hexaplaire. — 1° Origine. — Cette
version a été composée de 615 à 617 par Paul, évêque
de Telia de Mauzelat (Constantine de Syrie), à la de-
mande du patriarche d'Antioche, Mar Athanase I".
On lit, par exemple à la fin du manuscrit syriaque de
Paris n" 27, f» 90 (renfermant le IV e livre des Rois dans
cette version) : « Ce livre a été traduit du grec en
syriaque d'après la version des Septante, dans la grande
cité d'Alexandrie, par le religieux Abbas Mar Paul,
évêque des fidèles, sur l'ordre et par le soin de Sa Béa-
titude Mar Athanase, patriarche des fidèles, du couvent
de Mar Zachaï, près de Callinice, lorsque tous deux
étaient à Alexandrie, l'an 928 (617 de notre ère) indic-
tion cinquième. »
2° Manuscrits. — L'HexapIaire ne nous est pas par-
venue intégralement; le plus célèbre de ses manuscrits
est YAmbrosianus C. 313, conservé à Milan, provenant
du monastère Notre-Dame des Syriens de Scété. C'est
le second volume d'un exemplaire complet. Le premier
tome qui renfermait le Pentateuque, Josué, les Juges,
1919
SYRIAQUES (VERSIONS)
1920
les Rois, Esdras avec Néhémie, Judith et Tobie, a été en
la possession d'Andréas Masius (André du Maes) et n'a
pu être retrouvé après la mort de ce savant en dépit de
nombreuses recherches. A Londres, on trouve les
manuscrits suivants : add. 14442 du VII e siècle; qui
contient la Genèse avec des lacunes. Le texte renferme
les marques critiques des Hexaples d'Origène et l'on
trouve en marge les leçons différentes d'Aquila, Sym-
maque et Théodotion ; add. 13 134, daté de 697, contient
l'Exode; en sus des marques et leçons comme le pré-
cédent il renferme des variantes « du Samaritain » ;
add. 14437, du vm e siècle, qui contient le livre des
Nombres et III Rois avec des lacunes. 11 est dit à la lin
de III Rois : « Le livre sur lequel fut traduit le pré-
sent ouvrage du grec en syriaque provenait des hexa-
ples, c'est-à-dire à six colonnes, de la collection des
Hexaples de la bibliothèque de Césarée en Palestine,
et il avait été collationné avec l'exemplaire à la fin du-
quel il élait écrit : Eusèbe a corrigé soigneusement du
mieux qu'il a pu. La traduction du grec en syriaque a
été faite au mois de Schebat (février) l'an 827 du com-
put d'Alexandre (616 de notre ère), la quatrième indic-
tion, à Enaton (à neuf milles) d'Alexandrie au monas-
tère d'Ennaton; i> add. 12133, du VIII e siècle, contient
le livre de Josué et nous apprend qu'il était écrit, sur
l'exemplaire qui servit à la traduction : « transcrit sur
les Hexaples et collationné avec les Tétraples; » add.
11 103, du vm« siècle, contient les Juges et Ruth.
Enfin add. 14434, et 14 668, du VIII e siècle, contien-
nent des fragments des Psaumes, la fin du livre d'Ezé-
chiel et les douze petits prophètes. A Paris le manus-
crit syriaque n° 37, écrit en l'an 720, renferme le IV e
livre des Rois. Une note finale porte : « Ce IV e livre des
Rois, dont la traduction a été faite du grec en syriaque,
et celui (l'exemplaire) que nous avons entre les mains
a été tiré des Heptaples, c'est-à-dire des sept colonnes,
de la bibliothèque de Césarée de Palestine, duquel
aussi des interprétations ont été ajoutées (en marge). Il
a été collationné soigneusement avec l'exemplaire des
sept colonnes sur lequel on avait écrit à la fin : Qua-
trième livre des Rois, selon les Septante, soigneusement
corrigé; (moi) Eusèbe, je l'ai corrigé, Pamphile le col-
lationnant. » Cf. Middeldorpf, p. 465.
3" Éditions. — Le manuscrit de Milan a été repro-
duit par Ceriani : Monumenta sacra et profana, t. vu,
Codex syro-hexaplaris Ambrosianus photolithogr.,
Milan, 1874. Ma r T. Skat Roerdam, archevêque de See-
land, a édile Ruth et le livre des Juges : LibriJudicum
et Ruth secundum versionem syriaco-Hexaplarent,
eum dissertaliotie prsemissa de regulis grammaticis,
quas xeculus rat Paulus Tellensis in Veteri Testamenlo
ex grseen syria^e verlendo; le syriaque et le grec cor-
respondant sont imprimés sur colonnes parallèles,
Copenhague, 1 859 et 1861. Paul de Lagarde a édité en
caractères hébreux, dans les Veteris Testamenti ab
Origène recensili fragmenta, Gœttingue, 1880, les
fragments contenus dans les manuscrits de Londres et
de Paris, à savoir des fragments de l'Exode, des Nom-
bres, de Josué et des Rois; il a repris les mêmes frag-
ments avec quelques additions (Genèse, Exode, Ruth,
Juges, III et IV Rois) en caractères syriaques dans sa
Bibliotheca syriaca, p. 1-256, sous le titre : Veteris
Testamenti grœci in sermonem syriacum versi frag-
menta octo, Gœttingue, 1892. Andréas Masius, d'après
son manuscrit aujourd'hui perdu, a édité le livre de
Josué : Josum intperatoris historia Hluslrala atque
explicata, Anvers, 1574. Des fragments d'Esdras et de
Néhémie ont aussi été recueillis dans la catena syria-
que du tus. Add . 12168 de Londres par Ch. C. Torrey,
Portions of /irst Esdras and Nehemiah in the Syro-
Hexa./ lar Version, dans The American Journal of
Semitic Lj.r.yt âge and lit t., t. xxm (1906-1907), p. 65-
74. Avant Ceriani, le manuscrit de Miian avait déjà été
édité, à savoir Jérémie et Ézéchiel par Norberg, Lund
{Londini Gothorum), 1787; Daniel et les Psaumes par
Caietanus Bugatus, Daniel secundimi editionem lxx
interpretum ex Tetraplis desumptum, Milan, 1788;
les Psaumes ont paru en 1820, à Milan, quatre ans
après la mort de Bugati. Le reste du manuscrit de Milan,
en dehors des deutérocanoniques, avait été publié par
H. Middeldorpf, d'après la copie de Norberg, avec le
IV e livre des Rois d'après le manuscrit de Paris, Codex
Syro-Hexaplaris, Berlin, 1835. Ceriani aussi, avant
de donner la reproduction photolilhographique du
manuscrit de Milan, avait commencé par en éditer
quelques pièces dans les tomes I et n des Monumenta
sacra et profana; dans le t. i, Milan, 1861, il avait
édité la version hexaplaire de Baruch, des Lamentations
et de la lettre de Jérémie; dans le t. v il a édité les
fragments d'Isaïe conservés à Londres.
4° Caractère et importance de cette traduction. —
Paul s'est proposé de traduire le grec mot à mot en
conservant même l'ordre et le nombre des mots, il a
donc écrit du syriaque barbare qui est vite tombé en
désuétude, puisqu'il ne paraît pas avoir été lu après le
IX e siècle, mais il nous a conservé fidèlement l'original
grec aujourd'hui perdu. Cet original grec était une édi-
tion critique faite d'après les Hexaples, probablement
par Origène lui-même, qui compilait et complétait les
versions antérieures : des sigles insérés dans le texte
même indiquent les additions faites aux Septante qui
sont ou qui ne sont pas conformes à l'hébreu et les
variantes empruntées à certaines versions qui font
doublet dans ce texte. Cette compilation pouvait former
une septième colonne dans l'exemplaire de Césarée
copié et collationné par Eusèbe et Pamphile et consti-
tuer l'exemplaire « à sept colonnes » dont parle le
manuscrit de Paris. Des copies en furent faites qui por-
taient encore en marge^d'autres variantes empruntées
aux versions réunies par Origène. C'est une de ces
copies qui fut traduite en syriaque à Alexandrie en 616.
L'Hexaplaire syriaque est donc très importante pour la
reconstitution desHexaples d'Origène, cf. Field, Origenis
Hexaplorum fragmenta, Oxford, 1875 ; Migne, Pair. Gr.,
t.xv-xvi,maiscetleversion,faitepar lesjacobites, ne fut
presque pas utilisée par les auteurs syriens et, chez les
jacobites eux-mêmes, elle resta le privilège des savants
qui l'appelaient « le grec ». Elle les dispensait de re-
courir au texte grec lui-même, ainsi Bar-Hébrseus, par
exemple, la cite fréquemment dans ses commentaires
sur la Bible, mais la masse continua à utiliser exclusi-
vement la Peschitto. Le Pentateuque et la Sagesse ont
été traduits en arabe d'après cette version par Hâreth
ben Sinân. Cf. Arabes (Versions) des Écritures, t. i,
col. 849. Chez les nestoriens on ne cite que Timothce I er
qui l'ait recommandée, et Jésudad, vers 850, qui en ait
(f 823) fait usage. Cf. R. Duval, La litt. syriaque, Paris.
1907, p. 53.
IV. REVISION DE JACQUES D'ÉDESSE ET VERSIOSb
perdues on fragmextaires. — 1» Durant les années
704 et 705, Jacques d'Édesse a donné une revision soi-
gnée de la version syriaque de l'Ancien Testament,
d'après les textes grec, hébreu et même samaritain. Il
ne reste de sa revision que le Pentateuque (avec des
lacunes) et Daniel, conservés à Paris, avec I Rois à
III Rois, il, 11, conservé à Londres. Cf. Jacques d'Édesse,
t. m, col. 1100.
2» On attribue à Mar Aba, patriarche nestorien de 536
à 552, une traduction de la Bible, dont il ne reste pas de
trace. Cf. Assémani, Bibl. Or., t. H, p. 130, 411-412;
t. m, p. 75, 407-408; Bar-Hébrœus, Citron, eccl., édiL
Abbéloos et Lamy, t. il, p. 89-91; Oriens chrislianus,
t. n, p. 457. Cf. infra, IV, 2».
3» Assémani, Bibl. Or., t. u, p. 83, mentionne une autre
traduction des Psaumes qui aurait été faite par Siméon,
supérieur du monastère de Licinius dans la montagne-
1921
SYRIAQUES (VERSIONS)
1922
noire; mais le document sur lequel il s'appuyait, édité
par M. Guidi, Rendiconti délie sedute délia R. Acca-
demia dei Lincei, classe des sciences morales, histori-
ques et philologiques, 20 juin 1886, p. 547-554, ne
semble viser que la lettre de saint Athanase à Marcel-
lin « sur l'explication des Psaumes ». C'est cette lettre
seule qui aurait été traduite par Siméon; la traduction
syriaque se trouve en tête des Psaumes dans le Codex
Ambrosianus. Cf. Ceriani, Monumenta, t. v, I, p. 5.
III. Anciennes versions du Nouveau Testament. —
Ce sont le Diatessaron, la Peschitto du Nouveau Tes-
tament, les Évangéliaires de Cureton et du Sinaï.
/. CARACTÈRE, ORIGINE, MANUSCRITS, ÉDITIONS. —
1° Le Diatessaron. — L'harmonie syriaque des jivangiles
ou Diatessaron a été composée par Tatien, disciple de
saint Justin. On est d'accord pour placer sa composition
en 172-173, lorsque Tatien revint de Rome. M. Hjelt,
Die altsyrische Evangelien-Uebersetzung und Tatians
Diatessaron, Leipzig, 1903, p. 162. Tatien trouva, à son
retour en Mésopotamie, les quatre Évangiles traduits
en syriaque; c'est avec cette traduction qu'il composa
son harmonie; il apporta peut-être un manuscrit occi-
dental dont il se serait servi pour modifier un peu
l'ancienne traduction, cela expliquerait quelques res-
semblances que l'on a cru trouver entre les restes du
Diatessaron et la recension occidentale. Il semble que
Tatien avait introduit quelques passages apocryphes,
cependant il ne doit pas avoir fait de modifications
importantes, puisque son ouvrage prit facilement la
place des Évangiles canoniques et que saint Éphrem
prit la peine de le commenter; il supprimait les généa-
logies Matth., i, 1, et Luc, ni, 23, comme tout ce qui
indiquait que le Christ descendait de David, probable-
ment à cause des tendances gnostiques de l'auteur.
C. Holzhey, Der neuentdeckte Codexsyrus Sinaiticus,
Munich, 1896, p. 4. Théodoret, évêque de Cyr en Syrie,
dit que le Diatessaron n'était pas seulement en usage
à son époque parmi les sectateurs de Tatien, mais
encore parmi les orthodoxes qui n'en voyaient pas la
malice; il en trouva plus de deux cents exemplaires
révérés dans les églises qui dépendaient de lui, il les
fit réunir, les supprima et les remplaça par les Évan-
giles des quatre évangélistes. Migne, Pair. Gr.,t. lxxxhi,
col. 380.
Il ne reste aucun manuscrit du Diatessaron. Saint
Éphrem \f 373) en a fait un commentaire dont il
existe une traduction arménienne. Cf. G. Moesinger,
Evangelii concordantis expositio fada a S. Ephreenw
in latinum translata a P. I. B. Aucher, Venise, 1876.
A l'aide du travail de Moesinger et des citations
d'Aphraate et de saint rJphrem, M. Zahn tenta de recons-
tituer le Diatessaron : Forschungen zur Geschichte des
neutest. Kanons, iTheil, Tatians Diatessaron, Erlangen,
1881. Les passages du Diatessaron cités dans les com-
mentaires de saint Éphrem ont été réunis et traduits
en anglais par H. Hill et Armitage Robinson, A disser-
tation on the Gospel, commentaires of St. Ephrem the
Syrian, Edimbourg, 1895. R. Harris et H. Goussen ont
publié des extraits qu'ils ont tirés des commentaires de
Jésudad et d'autres auteurs. Des restes d'un Diatessaron
syriaque ont été relevés dans un lectionnaire du couvent
syrien de Jérusalem. Voir le texte dans Zeitschrifl der
deutschen morgenl. Gesellschaft, t. LXl (1907), p. 850,
Spuren eines syrischen Diatessarons, par H. Spoer.
La traduction et les notes se trouvent dans Journal of
biblical Literature, t. xxiv, 1905, p. 179, Traces ofthe
Diatessaron of Tatian in Harklean Syriac Leclionary.
Cette harmonie qui figure en marge est différente de
celle qui existe dans plusieurs lectionnaires de la ver-
sion héracléenne, par exemple dans les manuscrits de
Paris 51 et 52. Cette dernière qui porte sur la Pâque
et la passion n'a rien à voir avec le Diatessaron de
Tatien. L'autre au contraire présente en substance,
DICT. DE LA BIBLE.
avec le texte de Phéracléenne, la même disposition que
la version arabe du Diatessaron éditée par A. Ciasca :
Tatiani Evangeliorum harmonise arabice, Rome, 1888.
Cette version arabe, signalée dans le manuscrit n. XI V
du Vatican, et trouvée depuis dans un meilleur manus-
crit de provenance égyptienne, se donne comme l'ou-
vrage même de Tatien qui aurait été traduit en arabe
par Abou-1-Pharag Ben-at-Tlb, auteur nestorien connu
par ailleurs et mort en 1043, sur un exemplaire syriaque
transcrit par Isa ben Ali Almotattabbeb, disciple de
Honaïn (f 873). Le R. P. Cheikho a depuis fait con-
naître trois feuillets de la même version.
2» La Peschitto du Nouveau Testament. — C'est la
version « simple » reçue par tous les Syriens : Maro-
nites, Jacobites, Nestoriens, Melkites. — a) Son impor-
tance provient surtout de l'ancienneté et de l'accord
presque parfait des manuscrits qui nous l'ont conser-
vée. Ces manuscrits sont énuruérés dans les prolégo-
mènes de C. R. Gregory, Novum Testamentum grsece,
recensuit C. Tischendorf, editio octava, t. m, Leipzig,
1894, p. 828 sq.; Textkritik des Neuen Testam entes,
Leipzig, 1902, t. n, p. 508-521. Les principaux ont été
classés par G. H. Gwilliam, The materials for the criti-
cism ofthe Peshitoof the New Testament, dans Sludia
biblica, t. m, Oxford, 1891. Citons les suivants : les ma-
nuscrits du British Muséum add. 14459 et 17117 au-
raient été écrits probablement aux environs de 450. Les
quatre manuscrits add. 14453, 14476, 14480 et Craw-
fordianus I peuvent être aussi du v° siècle ou du moins
du commencement du VI e . Les manuscrits de Londres
add. 14479 et 14459 sont datés de 534 et de 530 à 538;
un Évangéliaire du Vatican est daté de 548 et un de
Florence de 586. M. l'abbé Paulin Martin classant les
principaux manuscrits de la Peschitto du Nouveau
Testament, en comptait onze du v° siècle (contre quatre
grecs et trois latins), trente-trois du VI e siècle (contre
cinq grecs et quatorze latins), onze du vn e siècle (con-
tre un grec et cinq latins). Introduction à la critique
textuelle du Nouveau Testament, p. 132 à 133. Les
chiffres sont moins favorables au syriaque dans Gre-
gory, Prolegomena, 1234-1237. L'accord complet qui
existe entre ces divers manuscrits de toute époque est
encore plus remarquable ; on a pu écrire qu'il n'y a
pas une variante importante par chapitre. On a accusé
à tort les nestoriens d'à voir corrompu la version syriaque ;
en dehors des différences orthographiques, c'est à peine
si leurs manuscrits diffèrent en deux endroits, Heb.,
H, 9, el Act., XX, 28. Il est exact par contre que la Pe-
schitto diffère de la Vulgate : elle ne renfermait pas la
2 e Épitre de saint Pierre ; la 2 e et la 3 e Épitres de saint
Jean ; l'Épitre de saint Jude; l'Apocalypse; l'histoire
de la femme adultère ; Joa., vu, 53-vni, n, et I Jean., v, 7.
6) Éditions. — Cf. C. R. Gregory, loc. cit., p. 815-
822. La première édition fut publiée à Vienne, grâce à
J. Alb. Widmanstadius, d'après un manuscrit apporté
de Mésopotamie par Moïse de Mardin, Liber sacrosancti
Evangelii, characteribus et lingua syra, Jesu Christo
vernacula, Vienne, 1555; quelques exemplaires paru-
rent plus tard avec la nouvelle date de 1562. Le travail
de Widmanstadt fut plusieurs fois réimprimé avec
quelques corrections et quelques variantes de 1569 à
1621. Cette dernière année, Martin Trost ajouta une
version latine au bas des pages : Novum Domini no-
stri Jesu Christi Testamentum syriace cum versione
latina, ex diversis editionibus diligentissime recensv-
tum, accesserunt in fine notationes variantis lectionis
ex quingue impressis editionibus diligenter collecte,
Cothenis Anhaltanorum. Dans toutes ces éditions man-
quaient la 2 e Épitre de saint Pierre, la 2 e et la 3 e de
saint Jean, l'Épitre de saint Jude, l'Apocalypse, ainsi
que Joa., VIII, 1-10, IJoa., v,7, avec quelques mots dans
Matth., x, 8; xxvn, 35; et deux versets de saint Luc,
xxn, 17-18. En 1627, Louis de Dieu édita à Leyde un
V. - ei
1923
SYRIAQUES (VERSIONS)
1924
texte de l'Apocalypse qui semble provenir de la version
héracléenne. En 1630, Pococke publia à Leyde les
quatre Épitres catholiques qui manquaient dans la ver-
sion Peschitto, d'après un manuscrit de la Bodléienne
d'Oxford (Or. 119) qui représente peut-être la Philoxé-
nienne. Cf. John Gwynn, The older SyriacVersion of the
four minor catholic Epistles, dans Hermathena, n. xvi
(t. vu), 1890, p. 281-314. Quant à l'épisode de la femme
adultère qui manquait à l'origine dans la Peschitto, il
y en avait au moins trois traductions différentes dès le
temps de Mara, vers 520. Cf. Bernstein, Zeitsch. der
deutschen morg. Gesellsch., t. vm, p. 397; Gwynn, On a
syriac MS. belonging to the collection of archbishop
Ussher, Dublin, 1886, dans les Transactions of the
Royal Irish Academy, t. xxvn, 8. Louis de Dieu l'édita,
en 1627, d'après un manuscrit d'Ussher. C'est la Peschitto
ainsi complétée que toutes les éditions suivantes ont
reproduite. Parmi ces dernières signalons l'édition
Gutbir, Hambourg, 1664, à cause du lexique syriaque
qui lui fut ajouté en 1667. L'édition de Leusden et
Schaaf, Leyde, 1708, était aussi accompagnée d'un
lexique, 1709. La première partie jusqu'à Luc, xvm, 27,
porte surtout des voyelles nestoriennes, la fin, impri-
mée après la mort de Leusden, porte plutôt des voyelles
jacobites. Cette édition était regardée comme la meil-
leure et a été utilisée par Tischendorf pour relever les
variantes de la Peschitto. Signalons encore les éditions
de la société biblique anglaise, dont la première a été
donnée par Samuel Lee en 1816 et delà société biblique
américaine, dont la première édition donnée par
J.Perkins(Ourmiah, 1841), d'après des manuscrits nes-
toriens, a été reproduite plusieurs fois à New-York.
L'imprimerie des Dominicains de Mossoul a publié le
Nouveau Testament en 1891. Enfin une édition critique
des Évangiles vient d'être donnée par P. E. Pusey et
G. H. Gwilliam, Tetraevangelium sanclum, simplex
Syrorum versio, Oxford, 1901. La bibliographie com-
plète a été donnée par M. Nestlé, dans sa grammaire
syriaque et la Realencyklopâdie fur prot. theol.,
3" édit., article Bibelûbersetzungen, t. m, col. 167.
3° L'évangrtiaire de Cureton. — En 1858, paraissait
à Londres une ancienne version syriaque différente de
la Peschitto sous le titre : Remains of a very ancient
Recension of the four Gospels in syriac, hintherto
unknown in Europe, discovered, edited and transla-
ted by W. Cureton, xcx et 87 pages. C'était l'édition du
manuscrit de Londres add. 14451, qui compte 88 feuil-
lets, mais les feuillets 12-15 et 88 sont des restitutions
du XII e et du XIII e siècle. Trois autres feuillets du
même manuscrit ont été apportés d'Egypte à Berlin
par H. Brugsch; ils furent édités par jEmilius Rœdi-
ger dans Monatsbericht der Kœnigl. Preussischen
Akademie d. Wiss. zu Berlin, 1872, p. 557-559 et 1-6,
puis réédités par W. Wright, Fragments of the Cure-
tonian Gospels, Londres, 1872. Ce manuscrit, d'après
Cureton, serait du milieu du V e siècle ; il contient Mat-
thieu, i, i-viii, 22; x, 32-xxih, 25; Marc, xvi, 17-20;
Jean, i, 1-42; m, 6-vn, 36; [vu, 37-52; vm, 12-19;] xiv,
10-12, 16-18, 19-23, 26-29; Luc, n, 48-m, 16; vu, 32-xv,
21; [xv, 22-xvi, 12; xvii, 16-23;] xvn, 24-xxiv, 44. Les
passages entre crochets figurent sur les feuillets de
Berlin. Les feuillets 12-15 récemment ajoutés, comme
nous l'avons dit, portent Matth., vm, 23-x, 31 d'après
la Peschitto et le feuillet 88 porte Luc, xxiv,41 à la fin.
Le texte syriaque de Cureton a été retraduit en grec
par J. R. Crowfoot, Fragmenta evangelica quse ex an-
liqua recensione Novi Testamenti (Peschito dictae) o
Gui. Curelono vulgata sunt, grâce reddita textuique
syriaco editionis Scharfianse et grseco Scholzianae
(ideliter collata, Londres, 1870-1871. Wildeboer a relevé
une liste des variantes que ce texte syriaque ajoute
à l'édition de Tischendorf : De waarde der nyrische
Evangelien door Cureton ontdekt en uitgegeven^
Leyde, 1880. Enfin, en 1885, Fr. Baethgen a donné une
nouvelle reconstruction du grec : Der griechische Text
des Curetonschen Syrers wiederhergeslellt, Leipzig.
4° Le palimpseste syriaque du Sinai. — Il fut dé-
couvert par M me Smith Lewis et M me Dunlop Gibson
qui en photographièrent quelques pages dans un pre-
mier voyage et la totalité dans un second. Cf. How the
codex was found, a narrative of two visits to Sinaï
fromMrs. Lewis's Journal* 1892-1893, by M™ Dunlop
Gibson. Les photographies étaient plus petites que
l'original et il fallut un troisième voyage pour termi-
ner le déchiffrement, auquel prirent part les profes-
seurs Bensly, Rendel Harris et Burkitt. Ce voyage fut
raconté par M me Bensly : Our joumey to Sinaï, a visit
to the couvent of St. Catarina, Londres, 1896. Le
texte et une traduction anglaise parurent en 1894 :
The four Gospels in syriac, transcribed from the
Sinaitic palimpsest by R. L. Bensly, J. R. Harris,
F. C. Burkitt, with an introduction by Agnes Smith
Lewis, Cambridge; et A translation of the four Gos-
pels from the syriac palimpsest by Agnes Smith Lewis,
Cambridge; et A translation of the four Gospels from
the syriac palimpsest by Agnes Smith Lewis, Londres.
En 1896, à la suite d'un nouveau voyage fait au Sinaï
au printemps de l'année 1895, M rs Smith Lewis a publié
un complément à l'édition précédente : Some pages
of the four Gospels retranscribed from the sinaitic
palimpsest, Londres. M. Burkitt a réédité le texte de
Cureton avec une traduction anglaise et a donné en
notes les variantes du palimpseste du Sinaï avec cer-
tains passages du Diatessaron ; dans un second volume
le même auteur expose ses recherches et ses conclu-
sions sur les anciennes versions du Nouveau Testa-
ment : Evangelion da-Mepharreshê. The Curetonian
Version of the four Gospels with the readings of the
Sinai palimpsest and early syriac patristic évidence,
edited, collected and arrangea, 2 in-4", Cambridge,
1904. M. Cari Holzhey a donné les variantes parallèles
des manuscrits Cur. et Sin. : Der neuentdeckte Codex
syrus Sinaiticus, Munich, 1896. Cette même année,
M. Alb. Bonus éditait à Oxford un travail analogue :
Collatio codicis Lewisiani rescripti Evangeliorum
sacrorum syriacorum cum codice Curetoniano, cui
adjectse sunt lectiones e Peshitto desumptœ. Enfin
M. A. Merx a traduit en allemand et commenté le texte
syriaque, Die vier kanonischen Evangelien, Berlin,
1897, 1902, 1905. Le manuscrit du Sinaï portait comme
texte supérieur des vies de saintes femmes écrites en
778 de notre ère par Jean le stylite de BeitMarQonoun,
monastère de la ville de Mearrath Mesrén, dans le dis-
trict d'Antioche. Ces vies ont été éditées par Agnès
Smith Lewis : Select narratives of holy women from
the Syro-Antiochene or Sinai palimpsest, Londres,
1900. Pour écrire ces vies, Jean le stylite a utilisé
l'évangéliaire syrien, une partie d'un Évangile grec de
saint Jean et quelques feuilles des actes de saint Tho-
mas. Il manque malheureusement dix-sept feuilles de
l'Évangéliaire syrien; lesl42 qui ont été retrouvées, sur
lesquelles Jean a récrit les vies mentionnées plus haut,
comprennent : Matth., i, i-vi, 10; vm, 3-xn, 1; xn, 31-
xiv, 13; xiv, 31-xvi, 15; xvn, 11-xx, 24; xxi, 20-xxv,
12; xxvi, 17-xxvm, 7; Marc., i, 12-44; n, 21-m, 21; iv,
2-iv, 16; iv, 41-v, 26; vi, 5-vm, 15; vm, 26-xn, 19; xu,
30-xv, 4; xv, 19-xvi, 8;Luc, i, 1-16; i, 38-vi, 6; vi, 15-
rx, 13; ix, 27-x, 6; x, 11-xi, 13; xi,32-xih 12; xm, 22-
xvn, 16; xvn, 22-xxiv,53; Joa., i, 25-47; n, 16-m, 31;
iv, 7-37; v, 12-19; v, 46-vi, 20; vi, 31 -vu, 11; vu, 16-
viii, 22; vm, 26-41; vm, 44-x, 38; xi, 5-xn, 28; xii, 47-
xv, 7; xv, lô-xvn, 13; xvn, 21-xvni, 31; xix, 40-xxi,25.
Il a d'ailleurs quelques fragments qui n'ont pu être
déchiffrés et, par suite, quelques lacunes qui portent ou
sur quelques mots ou même sur des versets. L'édition
reproduit le manuscriUigne pour ligne afin de faciliter
1925
SYRIAQUES (VERSIONS)
1926
le contrôle. Enfin, M me A. S. Lewis a réédité le texte
du Sinaï avac les dernières corrections et additions et
les variantes du texte de Cureton, The old Syriac
Gospels or Evangelion da-Mepharreshê, Londres, 1910.
//. COMPARAISON DES ANCIENNES VERSIONS ! DiateS-
saron (T.), Pesckitto (P.), Cureton (Se), Sinaiti-
cus (Ss.j. — Les manuscrits Se et Ss représentent pour
M. Burkitt l'évangile «des séparés » lj *-f ft V»« =
damefarresê) par opposition à l'évangile «des mêlés»
ou diatessaron. Voici la synthèse que ce savant a mise
en tête de son édition signalée plus haut; voir aussi
Urchristentum im Orient, von V. Crawford Burkitt,
deutsch von Erwin Preuschen, Tubingue, 1907, in-8°,
p. 25-51 ; R. Duval, La littérature syriaque, in-8°,
Paris, 1907, p. 38-40. Le Diatessaron est la forme la
plus ancienne de l'évangile syriaque. Il a été écrit pri-
mitivement en grec, probablement à Rome, par Tatien,
4e disciple de Justin le martyr, et traduit en syriaque
durant la vie de Tatien, vers 170 de notre ère. Cela ne
peut être plus tard que 172-173; quelques années avant
que Hystaspe ne convertit Bardesane et que Palout ne
fût ordonné comme évêque d'Édesse par Sérapion d'An-
tioche, car Sérapion était un grand adversaire des évan-
giles extracanoniques, cf. Eusèbe, H. E., VI, 12, t. xx,
col. 545, et il n'est pas probable que Palout, ordonné et
dirigé par lui, aurait permis l'introduction du Diates-
saron, surtout de la part d'un homme à tendances hé-
rétiques comme Tatien. Comme on peut l'attendre d'un
document d'origine occidentale, le texte du Diatessaron
est proche parent du Codex Bezse et des différentes
formes de l'ancienne version latine. Tatien, aidé de ses
compagnons, fut peut-être été le premier mission-
naire de la vallée de l'Euphrate; il aurait composé l'har-
monie des Évangiles pour seconder leurs travaux et ce
pourrait être là le premier Évangile que l'on ait connu
à Édesse.
Le texte de l'Évangile « séparé » peut avoir été apporté
d'Antioche par Palout, mais il trouva le Diatessaron
en faveur et ne put le remplacer. Le texte de l'Évangile
«séparé», en tant que traduction directe du grec,
reproduit pour nous le texte qui «tait en usage à An-
tioche, à la fin du u e siècle, texte d'une grande valeur
critique, très médiocrement représenté dans lès manus-
crits grecs existants. L'emploi du Diatessaron par le
traducteur a introduit des leçons qui appartiennent aux
textes ayant cours dans les pays occidentaux. Ss et Se
contiennent tous deux des leçons qui ont été rendues
conformes au Diatessaron par les copistes. Se repré-
sente, en outre, un texte qui a été en partie revisé sur
des manuscrits grecs postérieurs. La version du Nouveau
Testament introduite par Palout comprenait les Actes
et les Épîtres de saint Paul; il apporta aussi une édi-
tion de l'Ancien Testament préparée d'après le grec
surtout pour Isaïe et les Psaumes, et complétée par la
traduction de quelques deutérocanoniques.
Enfin la Peschitto est une revision de l'Évangile
« séparé » ayant surtout pour but de conformer davan-
tage la traduction au texte grec lu, à Antioche, au
commencement du v e siècle. Elle a été préparée par
Rabboula, évêque d'Édesse de 411-435, et elle a été
promulguée par son autorité pour être substituée au
Diatessaron. Lorsqu'elle s'éloigne du Diatessaron et
de l'ancienne version syriaque, elle représente donc le
texte en usage à Antioche aux environs de l'an 400.
Elle n'est d'ailleurs pas employée par les écrivains du
siècle précédent comme Éphrem et Aphraate. M. Bur-
kitt a déjà signalé quelques objections à sa théorie :
— a) Le canon de la Peschitto, qui ne comprend ni
l'Apocalypse ni quatre Épîtres catholiques semble indi-
quer une origine plus ancienne. M. Burkitt répond
que l'Église d'Antioche ne les admettait pas non plus,
cf. Ca.non des Écritures, t. h, col. 175, et que
l'ancienne Église syrienne n'admettait probablemen
que « la loi, les prophètes, les évangiles, les lettres
de Paul et les actes des douze Apôtres » dont la
doctrine d'Addaï, conservée dans un manuscrit du
vi e siècle, dit : « Vous lirez ces livres dans l'église
de Dieu et aucun autre. » Il s'ensuivrait que l'auteur
de la Peschitto aurait déjà assez élargi le canon syrien
en y introduisant trois Épîtres catholiques et que,
même au v« siècle, on ne pouvait lui demander plus.—
b) Rabboula, d'abord favorable à Nestorius, devint en-
suite le champion de saint Cyrille, et il n'est pas vrai-
semblable que les nestoriensauraientadopté la Peschitto
si cette version était de lui. M. Burkitt suppose qu'elle
était faite et adoptée avant le concile d'Éphèse. — c) Les
citations d' Aphraate, si elles ne concordent pas entiè-
rement avec la Peschitto, diffèrent encore plus du texte
de l'évangile « séparé». Il pouvait citer de mémoire et
être encore influencé par le Diatessaron. Saint Éphrem
écrivait en vers et il est difficile de l'utiliser pour des
discussions de détail. — d) Il a pu y avoir un grand
nombre de recensions syriaques particulières, comme
cela avait lieu, d'après saint Jérôme, pour le latin où
chacun compilait à son gré son propre exemplaire, il
ne serait donc pas impossible que l'évangile « séparé »
et la Peschitto soient contemporains, au lieu d'être
successifs, et qu'ils procèdent de trois remaniements
simultanés du Diatessaron, les deux premiers (Se et
Ssc) n'étant que des curiosités littéraires. La théorie de
M. Burkitt ne s'impose pas.
IV. Versions plus récentes du Nouveau Testament.
— 1» La Philoxénienne et V Héracléenne. — a) Ori-
gine. — Comme nous l'avons dit pour l'Hexaplaire de
l'Ancien Testament, la Peschitto différait encore en
bien des points du texte grec reçu et ces différences
devinrent surtout sensibles durant les controverses
christologiques avec les Grecs. Philoxène, évêque de
Mabboug de 485 à 523, chargea donc, vers 508, le chor-
évêque Polycarpe de faire sur le grec une traduction
littérale de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sa tra-
duction du Nouveau Testament, revue à Alexandrie sur
deux ou trois manuscrits grecs par Thomas d'Harkel
(ou d'Héraclée), évêque de Mabboug, constitue l'Héra-
cléenne conservée dans de nombreux manuscrits. Les
dates de ces deux traductions sont l'an 508 et 616 de
notre ère, d'après une note qui se trouve dans la plu-
part des manuscrits.
b) Les manuscrits. — Ici encore le travail de Poly-
carpe a jeté complètement effacé par celui de son suc-
cesseur. M. Gwynn a publié, d'après un ms. du comte
de Crawford, une ancienne version de l'Apocalypse
qu'il croit représenter la traduction de Polycarpe (ou
Philoxénienne), tandis que la version éditée par Louis
de Dieu en 1627 appartiendrait à la revision de Thomas
d'Harkel, The Apocalypse of St. John in a syriac ver-
sion hitertho unknoivn, Dublin, 1897. M. J. H. Hall
croyait trouver le vieil original de Polycarpe sur les
Évangiles dans un ms. de Beyrouth ; il a donné une re-
production phototypique des quatrelettresqui manquent
dans la Peschitto, The syrian Antilegomena Epistles,
Baltimore, 1886. Cf. The Academy, 18 août 1877,
col. 170. Nous ne parlerons donc plus que de l'Héra-
cléenne. Il en reste de nombreux manuscrits. C. R. Gre-
gory, Prolegomena, p. 853-859, mentionne 29 manus-
crits des Évangiles, dix des Actes et des Épîtres
catholiques ; et six qui contiennent l'Apocalypse. Il existe
encore d'ailleurs d'autres manuscrits, cf. Revue bi-
blique, 1907, p. 254-258, où M. Delaporte fait connaître
un manuscrit d'Émèse, copié en l'an 841 de notre ère
et analogue au manuscrit 268 du Vatican; voir aussi
Zeitschrift fur neutest. Wiss., 1905, p. 282. Il faut no-
ter que les dates attribuées chez Grégory aux .tvangé-
liaires 25 et 27 sont celles de la rédaction et non
celles des manuscrits qui sont plus récents. Le ms. 27
1927
SYRIAQUES (VERSIONS)
1928
(Vat. 268) est daté de 859 (cf. fol. 172 v^), d'après
P. Martin. De même si le ms. 26 est le manuscrit dé-
crit par Adler, p. 64-65, il n'est pas du VIII e siècle,
mais de l'an 1483, comme le dit Adler. Le plus ancien
manuscrit semble donc être de l'an 757, mais il y en a
plusieurs du IX e siècle.
c)Éditions. — J. Witte a édité deux volumes : S. Evan-
geliorum versio syra Philoxeniana, Oxford, 1778, et
Actuum Apostolorum et Epistolariim, Oxford, 1779-
1803, d'après deux manuscrits que Samuel Palmer avait
envoyés à Ridley; l'un de ces deux manuscrits portait
en marge des annotations de la main de Denys Bar Salibi
et fut donc désigné par ce nom. Cette édition ne con-
tient ni l'Apocalypse, ni la fin de l'Épltre aux Hébreux.
M. Bensley a comblé cette dernière lacune d'après un
manuscrit de Cambridge provenant de Jules Mohl, The
Harkleian version of the Epistle to the Hebrews,xi, 28-
JT/7J, 35. G. H. Bernstein crut à tort trouver la version
elle-même de Polycarpe dans un manuscrit de Rome du
XIV e siècle et l'utilisa pour éditer l'Évangile de saint
Jean : Bas heilige Evangelium des Johannes, Leipzig,
1853. C'était encore l'Héracléenne. Le même auteur avait
publié : De Charklensi Novi Testamenti translatione
syriaca commentatio, Breslau, 1837 (2 e édition aug-
mentée, 1854). D. Gottlob Christ. Storr publia une
longue étude sur l'édition de White dans Repertorium
fur Biblische und morgenlândische Litteratur, t. vu,
Leipzig, 1780, p. 1-77. Adler a décrit les manuscrits
qu'il connaissait et a transcrit l'index des leçons
d'après le ms. 105 Barberini; enfin il a relevé un
grand nombre de notes marginales, Novi Testamenti
rersiones syriacse, Copenhague, 1789, p. 43-134 et 203-
206. Nous avons déjà signalé qu'on a complété la Pe-
schitto avec des manuscrits de la Philoxénienne ou
Héracléenne.
d) Caractère de cette version. — Elle est d'une
grande importance pour la critique, car elle est faite
avec soin d'après plusieurs manuscrits grecs qui re-
montent, en ce qui concerne Polycarpe, au V e siècle;
les mots grecs sont rendus avec une fidélité servile, de
plus les manuscrits portent des notes marginales qui
sont des variantes, elles diffèrent beaucoup avec les
manuscrits et on ne peut dire que toutes remontent
jusqu'à Thomas ou à Polycarpe : Adler, op. cit., p. 79-
131, a publié 437 de ces notes marginales; J. White en
a publié 346 dont 105 qui figurent seulement dans ses
manuscrits, par exemple Matth., i, 7, en face de Abia,
on trouve Abiud, leçon qui ne figure que dans le Codex
Bezse. De même, xx, 28, on trouve la longue addition
qui ne se trouve que dans des manuscrits latins, dans
le seul manuscrit D et dans Cureton, mais la Philoxé-
nienne ajoute la note suivante : « Dans les anciens ma-
nuscrits ces choses ne se trouvent que dans Luc,
chap. lui, mais on les trouve ici dans des manuscrits
grecs, c'est pourquoi elles ont été aussi ajoutées par
nous en cet endroit. » Ces manuscrits grecs (il en
mentionne jusqu'à trois) ressemblaient donc aux ma-
nuscrits C, D, L. Cf. Adler, op. cit., p. 130. Enfin ce
texte renferme des astérisques et des obèles comme
l'édition critique faite par Origène, mais on n'a pas pu
se mettre d'accord sur leur sens qui n'est pas expliqué
par ailleurs.
2» Les biographes de Rabboula, évêque d'Édesse de
411 à 435, et de Mar Aba, catholicos nestorien de 536
à 552, leur attribuent une traduction du Nouveau Tes-
tament dont on ne sait rien par ailleurs.
V. La version syro-palestinienne de l'Ancien et
du Nouveau Testament. — 1 • Manuscrits et éditions.
— a) L'attention a été attirée sur ce dialecte par un
lectionnaire des Évangiles conservé au Vatican. Décrit
par Assémani, Biblioth. apost. Valicanx Codicum
mss. catalogus, Rome, 1758, t. I, 2 e part., p. 70-103
(description du manuscrit XIX), il a été analysé et
commenté par Adler, loc. cit., p. 137-202, et édité d'abord
par le comte Miniscalchi Erizzo, Evangelium Hieroso-
lymitanurn ex codice Vaticano, 2 in-4°, Vérone,
1861-1864, puis par Paul de Lagarde, Bibliothecx
syriacse a Paulo de Lagarde collectée quse ad philolo-
giam sacram pertinent, p. 257-401, Gœttingue, 1892.
Le manuscrit avait été écrit en 1030 par Élie, prêtre
d'Aboud, dans le monastère de Moyse, à Antioche. —
Deux lectionnaires analogues ont été découverts depuis
lors au Sinaï; M"» es Lewis et Gibson ont publié le texte
de l'un d'eux et donné les variantes du second et du
manuscrit du Vatican d'après l'édition de Paul de La-
garde : The Palestinian Syriac Lectionary of the
Gospels, Londres, 189U.
6) D'autres lectionnaires contiennent aussi des textes
de l'Ancien Testament comme A Palestinian syriac
Lectionary containing Lessons from the Pentateuch,
Job, Proverbs, Prophets, Acts and epistles edited by
Agnes Smith Lewis with critical notes by professor
E. Nestlé and a glossary by Margaret D. Gibson,
Londres, 1897. Dans une publication subséquente,
M rs Lewis a reproduit quelques pages du lectionnaire
précédent qui figuraient dans les fragments édités par
Fr. Schulthess, dans Zeitschr. der deutsch. morg.
Gesell., t. lvi, p. 253-254, et par Hugo Duensing, dans
ses Christlich-Palàstinisch-Aramâische Texte und
Fragmente, Gœttingue, 1906, à savoir Isaïe, xxv, 3-12;
Joël, ii, 28-ui, 8; Actes, n; 1-21; Rom., xm, 7-14;
Ephes., iv, 25-v, 2; Job, xvi, 10-20 : Supplément to a
Palestinian Syriac lectionary, Cambridge, 1907; cf.
Zeitschr. der deutsch. morg. Gesell., t. lxi, 1907, p. 630-
632. La publication du Duesing contient encore des textes
de l'Ancien et du Nouveau Testament, des histoires mo-
nacales et des fragments d'une traduction des catéchèses
de Cyrille de Jérusalem qui complètent des fragments
« théologiques» édités par M. Land, Anecdota Syriaca,
t. iv, Leyde, 1875. Dans ce volume M. Land avait recueilli
tous les fragments syro-palestiniens de Londres et de
Saint-Pétersbourg, dont un bon nombre du Nouveau
Testament, des Psaumes, etc. Tous les fragments de
Saint-Pétersbourg proviennent encore du Sinaï. Cf.
Zeitschr. der deutsch. morg. Gesell., loc. cit., p. 208.
D'après MM. Nestlé et Schulthess le lectionnaire de
M" Lewis est une simple traduction d'un lectionnaire
grec; M. Duesing croit qu'il est extrait d'une Bible
palestinienne traduite auparavant. Ibid.
c) Sous une traduction syriaque de Jean Climaque
dans un palimpseste, M rs Lewis a trouvé un texte syro-
Palestinien plus ancien que tous les précédents qu'elle
a édité : Codex Climaci rescriptus, fragments of
sixth century Palestinian syriac texts of the Gospels,
of the Acts of the Apostles and of S. Pauls Epistles.
Also fragments of an early palestinian lectionary of
the old Testament, Cambridge, 1909. On trouve ici en
particulier II Petr., I, 1-12 et m, 16- 18; et, aussitôt à
la suite, I Joa., 1,1-9. D'autres fragments palimpsestes,
que M. Bruno Violet découvrit en 1900 dans la mos-
quée des Omayades à Damas, ont été publiés par
M. Fr. Schulthess, Chrisllich Palâstinische Fragmente,
Berlin, 1905. Parmi des fragments de l'Ancien et du
Nouveau Testament on remarque des fragments de
l'Ecclésiastique.
d) On a édité encore un certain nombre d'autres
fragments moins étendus : deux feuillets provenant du
Sinaï et contenant des fragments de l'épltrê" aux Galates
publiés par Rendel Harris : Biblical fragments front
Mount Sinai, Londres, 1890, réimprimés par Schwally
dans Idioticondes christlich -palâstinischen Aramâisch,
Giessen, 1893, p. 131-134. M" Lewis a publié deux autres
feuillets contenant des fragments de saint Matthieu etde
saint Jean dans Catalogue ofthe syriac mss. of St. Ca-
larina. on Mount Sinai, Londres, 1894, p. 99-102. Sept
fragments palimpsestes provenant de la Gueniza de la
1929
SYRIAQUES (VERSIONS) — SYRIE
1930
synagogue du Caire qui avaient été recouverts au
xn e siècle de Mischna hébraïque ont été édités : les cinq
premiers, par G. H. Gwilliam : The Palestinian ver-
sion of the Roly Scriptures. Five more fragments re-
cently acquired by the Bodleian library, Oxford,
1893 (Anecdota oxoniensia, I, 5, trois planches) ; les
deux derniers, par G. H. Gwilliam, F. G. Burkitt et
J. F. Stenning, BibUcal and Patristic relies of the
Palestinian Syriac Literature, Oxford, 1896 (Anec-
docta oxon., i, 9). On trouve ici Sagesse ix, 8-11 et ix,
14-x, 2; D'autres fragments palimpsestes de même
provenance ont été édités par M mes Lewis et Gibson :
Palestinian Syriac Texts from palimpsest Fragments
in the Taylor-Schechter collection, Londres, 1900. On
trouve ici des passages du Pentateuque, des Prophètes
et des Épitres paulines.
e) M. G. Margoliouth a édité, dans le Journal of the
Royal Asiatic Society, octobre 1896, des leçons pour
le rite de la bénédiction du Nil (Gen., h, 4-19; II Rois,
II, 19-22; Amos, ix, 5-19; Actes, xvi, 16-34) contenues
dans le ms. or. 4951 du ISrit. Muséum : c'est une tra-
duction du grec. Le texte grec a été édité par A. Dmi-
tryewshi, Euchologia, p. 684-691, d'après un manus-
crit du Sinaï. La liturgie du Nil peut donc provenir
du Sinaï, elle aussi; elle aurait été rédigée et traduite à
l'usage de ses clients qui habitaient l'Egypte. M. Mar-
goliouth a encore édité quatre fragments des Psaumes
et de l'évangile de saint Luc, The Palestinian Syriac
version of the holy Scriptures, Four recently disco-
vered portions, avec fac-similé, traduction, introduc-
tion, vocabulaire et notes, Londres, 1897, voir, du
même auteur, sur ces fragments, Proceedings of the So-
ciety of BibUcal Archaeology, t. xvm (1896), p. 223-236,
275-285; t. xix, p. 39-60.
2° Caractère et importance de cette version. — Elle
portait sur toute la Bible et comprenait aussi les deu-
térocanoniques. La langue est inculte et grossière, on
y cherchait l'influence du chaldéen, peut-être pourrait-
on aussi y chercher l'influence de l'arabe, l'orthographe
est vague et arbitraire, elle tient plus de compte de
l'oreille que de l'étymologie ; V écriture dérive de
l'édessénien avec peut-être la préoccupation de le
rapprocher de l'onciale grecque, cf. Land, Anecdota
syriaca, IV, p. 212. Sur le dialecte, cf. Noeldeke, dans
Zeitschrift der deutschen morgendt. Gesellschaft,
t. xxil, p. 443 sq.; Fr. Schwally, Idioticon des christ-
lich. pal. Aramâisch, Giessen, 1893. La version faite
sur le grec, même pour l'Ancien Testament, semble
fidèle, le traducteur s'est borné souvent à transcrire
les mots {,'recs. M. Adler a relevé un certain nombre
de leçons communes avec le Codex Bezse et a conclu
que les manuscrits grecs utilisés pour l'évangéliaire
appartenaientà la même famille que les manuscrits grecs
de Thomas d'Harkel, p. 201 ; cependant cette version a
des caractères d'un grand nombre de manuscrits et ne
concorde avec aucun d'eux, ni pour l'uvangile, ni pour
les Psaumes, Land, Anecdota syriaca, iv, 199; elle dif-
fère aussi des autres versions syriaques. La date de la
traduction peut sans doute être fixée vers le vi e siècle.
Elle nous représente des manuscrits grecs du VI e au
V e siècle, mais on ne sait si elle n'a pas subi de retou-
ches et son caractère composite en rend l'utilisation
difficile pour la critique des textes grecs.
3° Origine de la version syro-palestinienne. — On
l'a rapprochée à tort de Jérusalem. Le manuscrit xix
du Vatican a été écrit par Élie, prêtre d'Aboud, dans
le monastère de Moyse, dans la ville d'Antioche au bourg
d'Adqous. Assémani a proposé de lire ' /**»a e\ ^ au lieu
de . /v<a A»J et a traduit : in urbe Anliochia dilionis
{Urbis) sanctse. C'est la seule raison pour lequelle on a
donné à cet Évangile le nom de Hierosolymitanum et
au dialecte celui de Palestinien. En réalité El-Douqs
est un village près d'Antioche et Aboud est situé entre
Jaffa et Césarée. Tous les fragments syro-palestiniens
que l'on possède aujourd'hui proviennent donc de la ré-
gion d'Antioche-Damas et du Sinaï. Ce fait établi, comme
on savait depuis Assémani que l'évangéliaire romain
offrait la même disposition de leçons que chez les mel-
kites, Land, loc.cit., 202, il devenait facile de conclure
que tous les fragments syro-palestiniens sont des restes
de livres d'offices à l'usage de certaines communautés
de rite melkite. Ils diffèrent des livres officiels melkites
d'aujourd'hui.
Bibliographie. — Elle a été relevée dans le plus grand
détail par M. Eb. Nestlé dans Syrische Grammatik,
2 e éd., Berlin, 1888, p. 17 sq., et dans Realencyklo-
pâdie fur protest. Théologie und Kirche, 3 e édition,
Bibelûbersetzungen, t. m, col. 117 sq., et reproduite par
M.Rubens Duval, dans La littérature syriaque, 3 e éd.,
Paris, 1907. Voir aussi W. Wright, A short history of
syriac Literature, in-8°, Londres, 1894. Mentionnons
ici : 1» Ancien Testament. Aux principales éditions indi-
quées plus haut, i, 3° et n; 2°, ajoutons celles du Psautier
qui a été édité souvent à cause de son utilité liturgique :
Th. Erpenius, Psalmi Davidis régis et prophètes, lingua
syriaca, Leyde, 1625, édition princeps avec version
latine, rééditée à Halle, 1768. Gabriel Sionita, Liber
Psalmorum Davidis régis..., Paris, 1625, donnée aussi
comme édition princeps et réimprimée dans les Poly-
glottes de Paris et de Londres, et dans l'édition de
5. Lee. Joseph David, Psalterium syriacum... oui acce-
dunt x cantica sacra, Mossoul, 1877. Psalterium tetra-
glottum par S. G. F. Perry et E. Nestlé, Tubingue, 1879,
contient le syriaque. P. Bedjan a imprimé le Psautier
à la fin du Breviarium Chalda ; .cum, Paris, 1887. Une
édition a été donnée à Ourmia, en 1891, par la mission
protestante. Voir L. Schermann, Orientalische Biblio-
graphie, 8°, 1887 sq., xxi e année (pour 1907), Berlin,
1908-1909. E. Barnes, The Peshitta Version of 2 Kings,
dans The journal oftheol., Studies, t. xi (1910), p. 533-542.
F. Nau.
SYRIE (hébreu : 'Ardm; Septante : Supia), pays
situé sur la côte orientale de la Méditerranée, habité
primitivement par les Araméens et des peuples d'origine
différente, englobé plus tard dans le royaume des
Séleucides, puis devenu province romaine. Gen., xxvni,
6, 7; Jud., m, 10; I Mach., m, 13, 41; Matth., iv, 24;
Luc, II, 2, etc. Nous avons à en étudier les noms et les
limites, qui ont varié avec le temps, la géographie et
l'histoire générale, la religion.
I. Noms. —La Bible hébraïque appelle régulièrement
ce pays mu, 'Ardm, nom que porte le cinquième fils
T - :
de Sem, père des tribus araméennes. Gen., x, 22, 23;
III Reg., XV, 18; xx, 1, 20, 21, etc. On retrouve ce
nom dans les inscriptions assyriennes, mais avec une
application plus restreinte, sous les formes Aramu,
Arumu, Arimu et Arma. Cf. E. Schrader, Die Keil-
inschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883,
p. 115-116; Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies?
Leipzig, 1881, p. 257-258. Les Septante le traduisent
par 2-jpfa, excepté : Jud., x, 6, où on lit, Cod. Vat.,
'ApàS, dans d'autres manuscrits 'Apip.; Is., vu, 1, 2,4,
5, 8, où se rencontre le même mot 'Apixu,; I Par., XIX,
19; Is., xvn, 3, où il y a 2-jpoc, et Jer., xxxv, 11.
'Aroupfot. Dans trois endroits, II Reg., vm, 12, 13;
III Reg., xi, 25, ils ont lu n'm, 'Edôm, au lieu de ai* ;
'Ardm, en mettant *I8ou|iaîa et 'Eôwji. La Vulgate porte
régulièrement Syria. On croit généralement que les
noms de Svipîoe, Sûpioi, S-Jpcu, sont des abréviations de
'Afftrupïa, 'A(j(iûpioi,''A<i<Tupoi, et datent du temps de la
domination assyrienne sur les contrées araméennes.
On remarque, en effet, qu'Homère, II., p, 783, et
Hésiode, Theog., v, 304, ne connaissent encore les
habitants du pays que sous la dénomination de 'Afppai,
1931
SYRIE
1932
Strabon, I, h, 34; XIII, iv, 6; XVI, iv, 27, dit que les
Syriens s'appelaient autrefois Araméens, 'Apafiafot,
'Api|j.aîot, 'Apt'tioi. Cependant cette étymologie est
aujourd'hui contestée par quelques savants, entre autres
par H. Winckler, Altorientalische Forschungen,
II« série, Leipzig, 1900, p. 412. Elle paraît peu satisfai-
sante à J. N. Strassmaier, Zeitschrift fur Keilschrift-
forschung, Leipzig, janv. 1884, p. 71. Elle viendrait
plutôt, d'après eux, d'un pays mentionné dans les ins-
criptions sous le nom de mât Su-ri, et dont la Mésopo-
tamie eût été le point central. Voir, en particulier, dans
les tablettes de Tell El-Amarna le n» 108, Knudtzon,
Leipzig, 1907, p. 476. Mais cette opinion repose sur une
lecture qui est regardée par d'autres comme douteuse.
Cf. E. Meyer, Die lsraeliten und ihre Nachbarstàmme,
Halle a. S., 1906, p. 469; Geschichte des Altertums,
Stuttgart et Berlin, 1909, t. i, p. 465. — Sur les monu-
ments égyptiens, la Syrie porte fréquemment le nom
de Rutennu, avec des limites qu'il n'est pas toujours
facile de fixer. Cf. W. Max Millier, Asien und Europa
nach âltâgyplischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 143-
147. — Le nom arabe est esch-Schâm, « la gauche »,
c'est-à-dire « le nord », par opposition à YYemen, « la
droite » ou « le sud », d'après la manière ancienne,
chez les Orientaux, de déterminer les points cardinaux
en regardant le soleil levant. — Les appellations
d'Aram et de Syrie sont loin, nous le verrons, de
représenter, aux différentes époques de l'histoire, dans
les documents sacrés ou profanes, une même étendue
de territoire.
IL Division d'après la Bible. — L'Ancien Testament
distingue plusieurs contrées araméennes :
1° Le 'Aram-nahâraim, ou « Aram des deux fleuves »,
le Tigre et l'Euphrate; Septante : MsuoitoTaïu'a 2upi'a« ;
Valgate : Mesopotamia Syrise, Ps. lix (hébreu, lx), 2
(titre), appelé ailleurs simplement Mésopotamie, Gen.,
xxiv, 10; Jud., III, 8 (Septante : Svpîa uoTatiwv); lPar.,
six, 6 (lxx : Supfa TA^aaitaxa^la.). Cette première divi-
sion correspond, mais en partie seulement, au Naharîn
des inscriptions égyptiennes, qui indique le territoire
situé entre l'Euphrate et l'Oronte et aussi le royaume
de Mitanni sur le bord oriental de l'Euphrate. Voir la
' carte, fig. 430. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa,
p. 249-255. Cependant les lettres d'El-Amarna dis-
tinguent le Nahrim du Mitani et les placent côte à
côte. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-
'Amarna, Berlin, 1896, n» 79, p. 172. Dans la Genèse,
le nom de 'Aram-naharaîm, comme appliqué à la partie
septentrionale de la Mésopotamie, est remplacé par
celui de Paddan-' Aram. Cf. Gen., xxv, 20; xxvm, 2,
5, 6, 7; xxxi, 18; xxxm, 18; xxxv, 9, 26; xlvi, 15;
XLViii, 7 (Paddan seulement). Les Septante traduisent
tantôt par M£<roitoTa(jua, Gen., xxvm, 2, 5, tantôt par
MetroTtoTaîii'a Eupt'aç ou -rrjc Supcaç, Gen., xxv, 20;
xxvm, 6, 7; xxxi, 18; xxxm, 18; xxxv, 9, 26; xlvi, 15;
xlviii, 7. En assyrien, padânu signifie « voie, route »,
et se rapproche ainsi de harrânu, d'où est venu le nom
de la ville de Haran, en Mésopotamie. Gen., xi, 31,
32; xil, 4, 5, etc. Voir Haran 3, t. m, col. 424. C'est
l'équivalent d'un mot sumérien (Gana), qui veut dire
«champ ». Aussi l'expression d'Osée, xii, 12, èedê
'Aram, « les champs d'Aram », Septante : iteSeov Suoiocç,
peut-ejle être regardée comme une traduction de Pad-
dan-'Aram. Un ancien roi de Babylone, Agu-kak-rimi
(environ 1700 avant J.-C), s'appelle « roi de Padan et
Alman». — Voir Mésopotamie, t. iv, col. 1022.
2» Le 'Âram-Sôbâh (avec hé final, Ps. Lix (héb. LX),
2; avec aleph, II Reg., x, 6,8); Septante : Supe'a 2ou8â,
II Reg., x, 6, 8; Supi'a Swêâ)., Ps. lix, 2. On connaît
en assyrien une ville de $ubiti, qu'on place entre
Hamath et Damas. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften
und das Allé Testament, 3 e édit., Berlin, 1902, p. 135.
Voir Soba.
3°Le'Aram-bê(-Rel.iôb ; Septante: t] Supia Bai8paâ[i;
Codex Vaticanus : -fj Supta xaè 'Potig; Vulgate : Syrus
Rohob. II Reg., x, 6. D'après Jud., xvm, 28, Bê{ Rehôb
devait se trouver non loin de Laïs ou Dan (Tell-el-Qâdï).
Voir Rohob 3, col. 1112.
4° Le 'Aram Ma'âkih; Septante: Sypfa Maa^â; Vul-
gate : Syria Maacha, I Par., xix, 6, ou simplement
Ma'âkâh, II Reg., x, 6, 8. Il faut sans doute chercher
ce petit royaume là où était l'ancienne ville A"Abêl bê(
Ma'âkâh, II Reg., xx, 14, aujourd'hui 'Abil, à la hauteur
de Tell el-Qâdi, mais en deçà du Jourdain. Voir Abel-
beth-Maacha, t. i, col. 31; Maacha 10, t. iv, col. 466.
5° Le 'Aram Damméséq ; Septante : Supin Aap.a<rxo0,
Supi'a î| xaièt Aatiamiôv, ou « Syrie de Damas ». II Reg.,
vin, 5, 6; I Par., xvm, 6. Le plus important des
royaumes araméens d'après la Bible. Voir Damas, t. n,
col. 1213.
III. Géographie. — /. populations et divisions
anciennes. — La division que nous venons de donner
ne concerne que les royaumes araméens qui ont pris
une part plus ou moins grande aux événements de
l'histoire biblique; excepté l' Aram-naharaîm, elle ne
comprend que ceux qui avoisinaient immédiatement la
Palestine. Elle est donc loin de présenter dans toute
leur extension et leurs ramifications les tribus ara-
méennes. Celles-ci, du reste, n'ont été jusqu'ici
connues qu'en partie; il a fallu le déchiffrement des
inscriptions cunéiformes pour nous révéler l'existence
et l'histoire d'une foule de ces peuplades qui furent
mêlées au mouvement des grands empires de Ninive et
de Babylone. Leur nombre est assez considérable,
comme il arrive pour ces tribus orientales, moitié no-
mades, moitié sédentaires, qui se morcellent selon les
liens du sang, les besoins de la vie ou les événements
politiques. Aujourd'hui même, il nous est impossible
d'assigner à beaucoup d'entre elles un territoire bien
déterminé, que ne comportent ni leurs migrations vo-
lontaires ni souvent leurs déportations forcées. La
difficulté vient aussi de l'imperfection de nos connais-
sances. Nous sommes cependant suffisamment fixés sur
plusieurs de ces noms, qui viennent ajouter d'impor-
tantes contributions à l'histoire du peuple araméen
et de la Syrie. Pour établir l'aire géographique dans
laquelle ont évolué les tribus de l'ancien Aram, et pour
nous rendre compte des changements administratifs
qu'a subis la Syrie, nous devons successivement inter-
roger les documents bibliques, assyriens, grecs et
romains.
1° Données bibliques. — La Bible, Gen., x, 23, men-
tionne quatre fils d'Aram : Us, Hul, Géther et Mes. Le
dernier (hébreu : Mas) représente, suivant une opinion
généralement reçue, les tribus qui habitèrent le mont
Masius, to Mâo-tov ôpo;, Strabon, XVI, i, 23;Ptolémée,
V, xvm, 2, au nord de Nisibe, appelé aujourd'hui Ti'ir-
'Abdin. Voir Mes, t. iv, col. 1013. On signale dans le
même massif montagneux, d'après les inscriptions
d'Asaurnasirpal, un district dont le nom Hu-li-(J)a
rappellerait celui de Hul (hébreu : ifûl). Cf. Frd.
Delitzsch, Wo lag das Paradies? p. 259. D'autres
cherchent un rapprochement entre Hul et le nom que
porte actuellement la région qui est au nord du lac
Mérom, Ard el-Hûléh. Voir Hul, t. m, col. 777. Géther
(hébreu : Gé(ér) est inconnu. Us (hébreu : 'Us) a fait
penser au pays de Vssa dont il est question dans une
inscription de Salmanasar II, et qui se trouvait non loin
de l'Oronte au nord de Hamath. Cf. Frd. .Delitzsch,
Wo lag das Paradies ? p. 259. Si l'on y voit le pays de
Job, la terre de Hus, les recherches iront plutôt du
côté du Hauran ou d'Édom. Voir Hus 4, t. m, col. 782.
— La Bible nous montre Nachor, frère d'Abraham,
établi en Mésopotamie, à Haran, Gen., xxiv, 10, où sa
famille se fixa, Gen., xxvn, 43. Les douze fils de ce
patriarche, Gen., xxn, 20-24, devinrent les éponymes
1933
SYRIE
1934
d'autant de tribus araméennes qui se répandirent à
l'ouest de l'Euphràte et au sud jusque vers les mon-
tagnes de Galaad. Voir Nachoe 2, t. iv, col. 1456. Ces
tribus sont pour la plupart difficiles à identifier. Cepen-
dantles inscriptions d'Asarhaddon mentionnent les pays
de Bdzu et de Ifazû dont les noms rappellent ceux de
Buz (hébreu : Bûz) et de Azau (hébreu : IJazû). Gen.,
tribu araméenne. de même nom et probablement
de commune affinité, les Chaldéens mentionnés avec
les Sabéens dans l'histoire de Job, i, 17, ce qui nous
transporte bien dans les contrées habitées par les des-
cendants d'Àram. Le nom de Pheldas (hébreu : PildâS),
Gen., xxn, 22, a été retrouvé dans les inscriptions
nabuthéennes. Voir Pheldas, col. 227. Tabée (hébreu :
430. — Carte de Syrie.
xxn, 21,22. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiez?
p. 306-307; A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 1892,
p. 295. Camuel, Gen., xxii, 21, est dit « père d'Aram »,
ce que les Septante traduisent par irorrïip Sôpuv et la
Vulgate par pater Syrorum. Mais il ne s'agit évidem-
ment pas ici desAraméens ou des Syriens en général.
Ara m peut désigner on homme en particulier ou une
famille unie aux Araméens ou la famille de Ram, d'où
était issu Éliu. Job, xxxii, 2. Voir Camuel 1, t. il,
col. 105. Cased (hébreu : Kéèéd), Gen., xxii, 22,
ne représente pas l'ancêtre des Chaldéens, appelés
en hébreu Ka&dîm, mais il peut être le père d'une
Tébab), Gen., xxii, 24, est à rapprocher d'une ville
d'Aram Soba, appelée Bété (hébreu : Bétal}) II Reg.,
vin, 8, mais Thébath (hébreu : Tibhaf) dans le passage
parallèle de I Par., xvm, 8, et qui est la Tubihi des
Lettres d'El-Amarna, cf. H. Winckler, Die Thontafeln
von Tell el-Amama, Berlin, 1896, p. 238 ; en égyptien
Tbhu, cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 173,
396. De même Tahas (hébreu : TafraS), Gen., xxii, 24,
rappelle, selon Winckler, Mitteilungen der Vordera-
siatischen Gesellschaft, Berlin, 1896, p. 207, la ville de
Tifyesi des monuments égyptiens, située au nord de
Qadèt. Cf. W. Max Mûller, Asien und Europa, p. 251,
1935
SYRIE
1936
258. Enfin Maacha (hébreu -.Ma'âkâh), Gen., xxn, 24, est
le nom même du royaume araméen signalé plus haut.
2° Documents égyptiens et assyriens. — Les tribus
araméennes, dont nous venons de montrer l'origine et
Fextension d'après la Bible, et celles que nous allons
signaler d'après les monuments anciens, n'occupaient
qu'une partie de la Syrie. Si nous prenons ce pays
dans toute son étendue, nous devrons y reconnaître, à
côté des descendants d'Aram, une foule d'autres peu-
plades, dont le mélange présente à la géographie et à
l'histoire de sérieuses difficultés. L'Écriture elle-même
nous donne l'idée de ce mélange, lorsqu'elle parle des
tribus primitives du pays de Chanaan. VoirCHANANÉENl,
t. ir, col. 539. L'embarras n'est pas moindre quand il
s'agit de distinguer, d'après les autres documents an-
ciens, les divisions du territoire. Pour l'intelligence de
cet article, nous n'indiquons que les régions princi-
pales: au midi le Haru, correspondant, selon certains
auteurs, à la terre de Chanaan (voir Palestine, Noms,
t. îv, col. 1975), VAmurru dans le Liban et l'Anti-Liban,
lejpattup\usau nord, le Naharîn et leMitanni du côté
de l'Euphrate. Grâce aux monuments égyptiens et assy-
riens, nous pouvons aujourd'hui reconstituer en grande
partie la géographie des vieilles cités syro-palestiniennes,
dont la Bible seule a longtemps gardé les noms. C'est
ainsi, en particulier, que les listes de Thothmès III et de
Séti I er , et les tablettes d'El-Amarna nous permettent de
dresser la carte du pays dès les premières conquêtes
égyptiennes. Voir pour la Palestine les cartes des diffé-
rentes tribus. Pour l'étude de ces documents géogra-
phiques, on peut consulter les ouvrages suivants :
H. Brugsch, Geographische lnschriften altàgyptischer
Denkmâler, Leipzig, 1857-1860, t. h, p. 17-77; A. Ma-
riette, Les Listes géographiques des pylônes de Kar-
nak, Leipzig, 1875; G. Ma?pero, Sur lesnoms géogra-
phiques de la Liste de Thoutmos III qu'on peut
rapporter à la Judée, à la Galilée, deux extraits des
Transactions of the Victoria lnstitute, avec cartes,
1886, 1888; W. Max Mùller, Asien undEuropa, p. 143-
267; Die Paluslinalisle Thutmosis 111, Berlin, 1907,
dans les Mitteilungen der Vorderasiatischen Gesell-
schaft; H. Clauss, Die Stâdte der ElAmarnabriefeund
die Bibal, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâs-
tina-Vereins, Leipzig, t. xxx, 1907, p. 1-79; P. Dhorme,
Lespays bibliques au temps d'El-Amarna, dans laiîe-
vue biblique, 1908, p. 500-519; 19C9, p. 50-73, 368-385.
Si nous revenons maintenantaux tribus araméennes,
nous verrons que leurs plus anciens représentants
dans les inscriptions cunéiformes sont les Alflamû ou
Ahlamê. On les trouve mentionnés dans les Lettres
d'El-Amarna. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell
El-Amarna, n. 291, p. 387. Mais il est probable que
nous avons là un nom collectif pour l'ensemble des
tribus nomades araméennes, qui parcouraient soit la
Mésopotamie, soit les régions babyloniennes etélamites.
Ceux dont la mention revient le plus souvent dans
les documents assyriens sont les Puqudu, dont le
nom, Peqôd, se lit dans deux passages de la Bible :
Jer., l, 21; Ezech., xxm, 23. Voir Peqod, col. 123. Il
est permis de les regarder comme la plus importante
des tribus araméennes de Babylonie. Malgré cela, il
est encore difficile de déterminer leur territoire avec
certitude. Cependant on les place généralement sur la
frontière élamito-babylonienne, le long du fleuve
Vknû (le Choaspes des classiques, la Kerha actuelle).
Voir la carte de Babylonie, t. i, col. 1361.
Après eux viennent les Gambulu, dont Sargon,
Annales, 264, soumit six cantons, à la tête desquels il
plaça un gouverneur. Lme colonie de ce peuple dut
être transplantée, c'est-à-dire déportée par les rois
assyriens dans le nord de la Syrie, où Procope, Bell.
Pers., i, 18, signale les ra[i6o-jXoi. Il existe encore
aujourd'hui entre ginnesrîn, au sud d'AIep, et l'Eu-
phrate un village dont le nom Gabbûl ou Djebbûl repré-
sente celui de l'ancienne Gabbula et celui de la iribu
araméenne.
' Les monuments de Théglathphalasar III, de Sargon
et de Sennachérib mentionnent, outre celles-ci, une
foule d'autres peuplades araméennes. Voir plus loin,
Histoire, pour les références. Nous ne pouvons citer
que les plus importantes. Le nom des Itu'a revient
souvent dans certains documents, mais nous n'avons
rien de fixe sur leur demeure. Les Ifamrânu habitaient
peut-être dans le nord de la Babylonie, non loin de
l'Euphrate; leur nom a probablement survécu dans le
djebel Hamrîn ou la ligne de hauteurs qui sépare la
Babylonie et l'Assyrie. Les Ragarânu font penser à la
ville d'Agranum que Pline, H.N.,\i, 30, place en Ba-
bylonie, à Y'Agrûnia', Hagrûnia' , du Talmud. Cf. A. Neu-
bauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 347.
Les Nabatu sont regardés par un certain nombre
d'auteurs comme les ancêtres des Nabuthéens ou Na-
batéens; la question est discutée. Voir Nabuthéens,
t. IV, col. 1444. En tout cas, il faut les distinguer des
Nabaitai, mentionnés dans d'autres inscriptions. Les
premiers sont des araméens, les seconds des arabes.
Voir Naeaioth, t. iv, col. 1430. Les Rabilu rappellent,
par leur nom, celui d'un ancien roi de Pétra, Pao6v)Xoç,
Poiê-qloi. Nous pouvons ajouter les tribus suivantes :
Rubu', Luhûatu, Rapiqu, Ru'a, Labdudu, etc. Cf.
Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies? p. 237-241;
M. Streck, Keilinschriftliche Beitràge zur Géographie
Vorderasiens, Berlin, 1906, dans les Mitteilungen der
Vorderasiatischen Gesellschaft.
3" Auteurs gréco-romains. — Les géographes clas-
siques nous donnent de la Syrie une description plus
ou moins complète selon les limites qu'ils envisagent.
L'ensemble des renseignements fournis par Strabon,
XVI, n, 1-33, Pline, H. N., v, 13-21, et Ptolémée, v, 15,
peut se réduire aux divisions suivantes. — 1. Au nord
était la Commagène, entre le Taurus et l'Euphrate,
avecSamosate, aujourd'hui Samsat, comme capitale.—
2. Au-dessous, la Cyrrhestique, ainsi appelée du nom
de sa capitale, Cyrrhus, probablement représentée au-
jourd'hui par la village de Corus, au nord-ouest de
Killis. — 3. Venait ensuite la Chalybonitide, qui tirait
également son nom de la ville principale, Chalybon,
mot qui s'est transformé en Haleb ou Alep. — 4. Plus
bas encore, la Chalcidique, de Chalcis, actuellement
Kinnesrin, sa capitale. — 5. La Séleucide s'étendait
le long de la Méditerranée, depuis le golfe d'Issus jus-
qu'à la Phénicie, depuis l'Amanus jusqu'à la Cœlé-
Syrie. Elle était aussi appelée la Tétrapole, à cause de
ses quatre villes principales : Séleucie, Antioche, Lao-
dicée et Apamée, dont Ptolémée fait des cantons dis-
tincts. — 6. La Cœlé-Syrie, avec Héliopolis, Baalbek,
comme 'capitale. Voir Cœlé-Syrie, t. n, col. 820. —
7. La Palmyrène comprenait la partie du désert bor-
née au nord par la Chalybonitide et la Chalcidique,.
à l'est par l'Euphrate, au sud par le grand désert
d'Arabie, à l'ouest par la Séleucide ou plus directement
par l'Apamène. Voir Palmyre, t. iv, col. 2070. — 8. La
Damascéne ou pays de Damas. — 9. La Batanée ou
pays de Basan. Voir Basan, t. I, col. 1486. Ces con-
trées formaient la Syrie proprement dite; mais, dans 1»
suite des temps, on appliqua ce nom à tout le pays qui
s'étend, du nord au sud, de l'Amanus à la frontière
égyptienne, et, de l'ouest à l'est, de la Méditerranée à
l'Euphrate et au désert syro-arabe. C'est ainsi que-
Strabon, xvi, p. 749, renferme dans la Syrie la Phé-
nicie et la Judée.
On voit, en somme, que les documents bibliques,
assyriens et gréco-romains s'accordent pour placer les
peuples araméens-syriens au nord et au nord-est de la
Palestine, jusqu'à l'Euphrate principalement, bien que
plusieurs tribus soient disséminées au delà du fleuve.
1937
SYRIE
1938
n. description. — Pour mieux marquer les rapports
qui existent entre la géographie et l'histoire, nous pre-
nons ici la Syrie dans toute son étendue, laissant de
côté VA ram-naharaîm ou la Mésopotamie et le terri-
toire de certaines tribus araméennes enclavé dans la
Babylonie.
1° La Syrie est constituée d'abord par la longue
chaîne de montagnes qui, de l'Amanus aux collines
méridionales de la Palestine, descend directement du
nord au sud, parallèlement à la côte méditerranéenne.
Elle comprend ensuite les plateaux et les plaines qui
s'étendent à l'est, s'élargissant vers le nord pour suivre
la courbe de l'Euphrate, se rétrécissant vers le sud
pour éviter le désert. On peut distinguer dans la chaîne
un noyau central, dont les massifs du nord et du midi
ne sont que les prolongements. Ce noyau, c'est le
Liban, avec la ligne parallèle de l'Antiliban, dont les
hauts sommets dépassent tous ceux de la Syrie. Voir
Liban, t. iv, col. 227; Anti-Liban, t. i, col. 664. Le
Liban projette ses racines, au sud, dans les collines de
Galilée, on peut dire même jusque dans l'arête monta-
gneuse de la Palestine, au nord, dans le Djebel Ansa-
riéh. L'Amanus, aujourd'hui Akma-Ddgh ou Elma-
Ddgh, qui couvre la frontière septentrionale, appar-
tient plutôt au système du Taurus, dont il est un
contrefort avancé. Cette longue chaîne montagneuse
descend en pentes plus ou moins raides vers le litto-
ral, où il ne reste souvent qu'une étroite bande de
terre, excepté vers le midi où la plaine s'élargit à
mesure que la côte s'infléchit à l'ouest. Du golfe
d'Alexandrette à Beyrouth, plusieurs pointes de terre,
le Râsél-Khanzir, le Rds el-Bazit, le Rds Ibn-Hdni,
le Rds esch-Schuka, laissent entre elles des baies assez
profondes et abritent des villes comme Lataqiyéh,
l'ancienne Laodicée, Tarabulus ou Tripoli. De Beyrouth
au Carmel, la côte n'offre plus guère que quelques dents
de scie, avec les ruines des villes phéniciennes, Sidon
et Tyr, et la vieille cité d"Akka ou Saint-Jean-d'Acre.
Mais, à partir du Carmel jusqu'à Gaza et la frontière
égyptienne, les sinuosités s'effacent et l'on ne trouve
plus que quelques criques ensablées. Ce rivage oriental
de la Méditerranée a eu un rôle très important dans
l'histoire du monde ancien. Voir Méditerranée (Mer),
t. iv, col. 927; Phénicie, col. 228.
La chaîne bordière ne s'ouvre que pour livrer passage
à certains fleuves qui viennent se perdre dans la Médi-
terranée, le Nahr el-Asi, ou Oronte, le Nahr el-Kebir,
le Nahr el-Qasimiyéh, le Nahr el-Muqatta ou Cison.
Le premier et le troisième de ces fleuves font partie
d'un système hydrographique tout à fait remarquable.
Quatre grands cours d'eau prennent naissance à peu
près au même point pour s'en aller ensuite dans des
directions absolument opposées, de manière à former
la croix. Deux d'entre eux ont leur source près de
Baalbek dans la plaine de Ccelé-Syrie. L'Oronte coule
directement au nord, dans un lit profond, forme, en
amont de Homs, un vaste lac, s'étale plus bas, au-
dessous de Hamath, en marécages riverains, puis, con-
tournant les contreforts du Casius, vient, par un brusque
détour au sud-ouest, se jeter dans la mer. Le Nahr el-
Leitani, qui prend ensuite le nom de Nahr el-Qasi-
miyéh, descend d'abord dans la direction du sud-ouest,
longeant le flanc oriental du Liban, puis tourne à angle
droit vers l'ouest pour atteindre son embouchure. Le
Jourdain sort des flancs de l'Hermon et se précipite au
sud vers la mer Morte, traçant son cours sinueux dans
la longue et profonde vallée qui constitue un des traits
caractéristiques de la Palestine. Voir Jourdain, t. m,
col. 1704. Enfin d'une des hautes crêtes de l'Anti-Liban
s'échappe le Barada, le fleuve de Damas, qui, après
avoir traversé la montagne, où ses eaux mugissent
entre les parois des rochers, débouche dans la plaine
et, se dirigeant vers l'est, va se perdre dans un grand
lac. Voir Abana, t. i, col. 13. On pourrait ajouter à
cette dernière branche l'autre fleuve de Damas, le
Nahr el-Auadj, qui, des pentes orientales de l'Hermon,
s'en va, vers l'est, se jeter dans un lac marécageux.
Voir PharphaR, col. 219.
Entre le cours inférieur de l'Oronte, l'Amanus et
l'Euphrate, la région septentrionale de la Syrie, dont
Alep est le centre, est un plateau généralement inculte
et d'une certaine élévation. Cette élévation, de 330 à
380 mètres au-dessus du niveau de la mer, est cepen-
dant loin d'égaler celle des hautes plaines qui s'étendent
plus bas, à l'orient du Jourdain. Damas est à 696 mètres
d'altitude; la hauteur moyenne des plaines du Hauran
est de 500 à 600 mètres, celle des plateaux de Galaad et
de Moab est encore supérieure. Entre le Liban et l'Anti-
Liban, s'étend la grande vallée de Cœlé-Syrie, qui, après
avoir suivi la direction nord-est sud-ouest se rattache
ensuite à la grande faille de la vallée du Jourdain et
de l'Arabah. Enfin, au-dessous de Damas, le pays est
fermé par la chaîne volcanique des montagnes du Hau-
ran et du Safa. Voir Palestine, 2, Région transjor-
dane, t. iv, col. 1998.
2» Le climat de la Syrie diffère selon les latitudes,
dont l'écart est sensible, et selon la division naturelle
du terrain en pays bas et pays haut, plaines et mon-
tagnes. Pendant l'hiver, la chaîne de montagnes se
couvre de neige, les terres inférieures n'en ont pas ou
ne la gardent qu'un instant. On trouve en général un
climat chaud sur la côte et les plateaux intérieurs, un
climat tempéré dans la montagne ; sous ce dernier,
l'ordre des saisons est presque le même qu'au centre
de la France. Dans les plaines, l'été est souvent acca-
blant, mais l'hiver est si doux que les orangers, les
dattiers, les bananiers et autres arbres délicats croissent
en pleine terre. Cependant l'hiver est plus rigoureux
dans les parties du nord et à l'est des montagnes. On
peut dire, en résumé, que la Syrie réunit sous un
même ciel, et à de très petites distances, des climats
différents : si les chaleurs de juillet incommodent sur
la côte, il suffit de quelques heures pour trouver dans
la montagne la fraîcheur de mars ou avril. Aussi les
poètes arabes disent-ils que le Sannin, un des sommets
du Liban, porte l'hiver sur sa tête, le printemps sur
ses épaules, l'automne dans son sein, pendant que l'été
dort à ses pieds. On comprend dès lors que la Syrie,
avec un travail constant et intelligent, pourrait produire
les richesses végétales des contrées les plus éloignées.
A côté de parties incultes, elle en a aussi qui sont d'une
extrême fertilité. Damas est entourée dejardinsoùl'on
trouve tous les arbres fruitiers de l'Europe, dont les
produits sont d'excellente qualité. Les plaines de
l'Oronte donnent du froment, de l'orge, du dourah, du
sésame et du coton ; celles du Hauran sont regardées
comme le grenier de la Syrie. Sur les coteaux où
s'étage la ville de Beyrouth, croissent des mûriers, des
amandiers, des chênes verts, des figuiers, des oliviers,
des lilas de Perse, des cyprès et quelques palmiers; les
figues ne le cèdent en rien à celles de la Provence et
de la Calabre. Les montagnes, autrefois surtout, four-
nissaient un bois excellent. Les pâturages sont encore
abandonnés aux troupeaux des nomades. — Pour la des-
cription complète du pays, on peut voir en particulier :
E. Sachau, Reise in Syrien und Mesopotamien, Leipzig,
1883, avec cartes; Elisée Reclus, L'Asie antérieure,
Paris, 1884, p. 685-825; M. Blanckenhorn, Grundzûge
der Géologie und physikalischen Géographie von
Nordsyrien, Berlin, 1891; M. Hartmann, Beitrâge zur
Kenntniss der Syrischen Steppe, dans Zeitschrift des
Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxn, 1899,
p. 127-149, 153-177; t. xxm, 1900, p. 1-77, 97-158,
sans compter les nombreux ouvrages sur le Liban,
Damas et la Palestine. Pour la population actuelle et
la division territoriale, cf. Vivien de Saint-Martin,
1939
SYRIE
1940
Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1879-
1895, art. Syrie. !
IV. Histoire. — L'histoire du pays que nous venons
de décrire répond à sa constitution physique et à sa
situation. L'ossature des montagnes le morcelle en
bassins isolés, où de petits peuples ont vécu en de per-
pétuelles hostilités les uns contre les autres, ne faisant
trêve à leurs luttes que sous le joug d'un maître étran-
ger, contre lequel ils n'ont pas su s'unir, ne vivant
d'une vie personnelle que dans l'intervalle des conquêtes
qui les ont asservis. S'ils se liguent parfois ensemble,
c'est pour se jeter dans les bras d'un ennemi, en vou-
lant échapper à un autre. Les vieilles tribus araméennes
forment dans les plaines qui avoisinent l'Euphrate des
hordes turbulentes, contre lesquelles les conquérants
assyriens auront souvent à lutter. Les Phéniciens se
sont cantonnés entre le Liban et la mer. Après les peu-
plades chananéennes, les Israélites se sont enfermés
dans les collines et les plaines au-dessous du Liban,
dans le bassin du Jourdain. A l'est de l'Anti-Liban,
Damas s'est étendue jusqu'aux confins du désert. Idu-
méens, Moabites, Ammonites, Amorrhéens, Héthéens
ont occupé des lambeaux du pays et évolué dans la
même orbite. A ce morcellement des peuples s'ajoute
pour la Syrie un autre désavantage, sa situation, qui
en fait comme le carrefour où la plupart des races
militaires de l'ancien monde se sont choquées violem-
ment. Resserrée entre la mer et le désert, elle offre aux
armées la seule route facile pour passer d'Afrique en
Asie, des bords du Nil aux rives de l'Euphrate et du
Tigre. Elle est donc de ces régions qui sont vouées à la
domination étrangère; aussi subira-t-elle tour à tour le
joug des puissantes nations qui l'entourent, Chaldée,
Assyrie, Egypte, Perse, en attendant que les empires
d'Occident s'en emparent. Son histoire n'est autre chose
que le récit de ses luttes intestines et de ses servitudes
successives. Nous la résumons à grands traits, en
nous tenant spécialement aux Araméens-Syriens.
D'où sont venus les Araméens? C'est encore une
question discutée. Amos, IX, 7, les fait venir de Qîr,
mais la situation précise de cette région n'est pas dé-
terminée. Voir Cyrène 1, t. h, col. 1176. On se demande
même s'il ne faudrait pas plutôt lire ici Qêdâr.
Cf. A. van Hoonacker, Les douze petits Prophètes,
Paris, 1908, p. 212, 280. En tout cas, nous les trouvons
assez haut dans l'histoire.
1» Premières conquêtes chaldéennes et égyptiennes.
— Les découvertes d'El-Amarna nous font nécessai-
rement remonter à une longue suprématie de l'antique
Chaldée sur la Syrie : la langue employée et l'état
de choses décrit rendent manifeste l'influence pré-
pondérante de Babylone sur les peuples situés entre
l'Euphrate et la Méditerranée. Cf. M. Jastrow, On
Palestine and Assyria in the days of Joshua, dans
la Zeitschrift fur Assyriologie, Berlin, t. vu, 1892,
p. 17 ; A. H. Sayce, Patriarchal Palestine, Londres, 1895,
p. 55 sq. Aussi loin, en effet, que nous pouvons remonter
dans l'histoire, nous trouvons la Syrie beaucoup plus
dans l'orbite de l'empire chaldéen que dans celui de
l'Egypte. Sargon d'Agadé et Naram-Sin s'attribuent la
domination de l'Occident; ils régnaient ainsi de l'Élam
à la Méditerranée. Cf. Zimmern.-Winckler, Die Keilin-
schriften und das Alte Testament, Berlin, 1A02, p. 15.
Un roi d'Élam, Kudur-Mabug, prend dans ses ins-
criptions le titre de « prince du pays d'Occident », et
l'on sait que Chodorlahomor ou Kudur-Lagamar eut
aussi la suzeraineté sur ces contrées, qui restèrent
longtemps vassales de Babylone ou de Suse, suivant la
prédominance de l'Élam ou de la Chaldée. Voir Cho-
dorlahomor, t. h, col. 711; Élah 8, t. H, col. 1630.
Cependant l'influence babylonienne, autant qu'on en
peut juger, fut très intermittente. De son côté, l'Egypte,
après avoir rejeté les Hyksôs, et alors que Babylone ne
pouvait plus soutenir sa domination séculaire, prit le
chemin des régions syriennes, dont elle convoitait les
richesses. De là les conquêtes de Thothmès III, d'Amé-
nothès II, Séti I er , etc. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. h, p. 255-
265, 291-292, 370-372; J. H. Breasted, Ancient Records
ofEgypt, Chicago, 1906, t. il. A l'époque où les tablettes
d'EI-Amarna ont été écrites, l'Egypte était maîtresse du
pays, ayant imposé sa tutelle à tous les petits rois,
depuis les Héthéens jusqu'aux Chananéens. Cependant
les Héthéens qui, débordant de l'Asie Mineure, étaient
venus s'installer dans le nord, provoquèrent parmi les
indigènes un mouvement qui finit par rendre à la con-
trée une certaine indépendance. En même temps les
Hébreux, secouant le joug égyptien, venaient s'établir
en Chanaan. La décadence de l'Egypte et de la Baby-
lonie avait permis ces événements.
2° Conquêtes assyriennes. — Mais bientôt l'Assyrie
allait jeter les yeux du côté de l'occident. Déjà les rois
Enlil-nirari (vers 1370-1345), Arik-dén-ili (vers 1345-
1320), et Adad-nirari I«- (1320-1290) avaient eu à dé-
fendre leurs frontières contre des bandes araméennes,
entre autres les Ahlamu. Cf. Inscription d'Adad-
nirari I er , dans Budge et King, Annals of the hings of
Assyria, Londres, 1902, t. i, p. 4 sq. Téglathphalasarl er
(vers 1115-1100) marcha lui aussi contre « les Ahlamu
du pays d'Aram », mais ce fut pour aller plus loin et
pousser sa conquête jusqu'aux pays de Hattu et
d'Aniurru. Cylindre, col. v, 46; vi, 39-45; Obélisque
brisé, iv, 39. L'Assyrie mettait ainsi la main sur des
peuples qui avaient été auparavant sous la domination
égyptienne ou héthéenne. Cependant, elle n'étendait
pas encore son empire sur la Cœlé- Syrie, Damas et la
terre de Chanaan, et les royaumes araméens de Soba,
de Damas et de Befh-Rohob, en face des Héthéens
affaiblis, consolidaient leur indépendance. Le roi avait
même poussé trop loin ses conquêtes; ses successeurs
ne surent pas les maintenir. Sous ASur-rabi, les Ara-
méens réussirent à reprendre la ville de Pitru, sur le
Sagura, une des branches de l'Euphrate à l'ouest, et
celle de Mutkinu, sur la rive opposée du fleuve. Sal-
manasar II s'en emparera de nouveau. Cf. Monolithe
de Salmanasar II, col. h, 36-38, dans Eb. Schrader,
Keilinschriftliche Bibliothek, Berlin, 1889, t. i, p. 162-
165. Aëur-nasir-abal (884-860) entreprit, lui aussi, une
campagne au pays de Hattu et la poussa jusqu'au
Liban, recevant les tributs de Sangar, roi des Héthéens,
de Lubarna, roi du pays de Patin, et, après avoir
franchi l'Oronte, conquérant les villes du Luhuti, au-
dessous de Hamath, sur la rive gauche du fleuve. Il vit
ensuite les rois de la côte, de Tyr, Sidon, Byblos (Gu-
tal-ai), etc., lui apporter leurs présents. Cf. Annales,
col. m, 65-92, dans E. Schrader, Keilinschr. Bibliothek
1. 1, p. 106-111.
Il n'est pas question dans cette marche triomphale
des royaumes araméens situés à l'est de l'Anti-Liban.
C'est que Damas prenait une importance de plus en
plus grande. Un siècle auparavant, Razon, Bis d'Éliada,
s'y était établi roi et rival d'Adarézer, prince de Soba;
il fut un des principaux adversaires de Salomon.
III Reg., XI, 23-25. Les Araméens de Damas profitèrent
aussi du schisme qui suivit la mort de Salomon pour
se fortifier et consacrer leur indépendance; leur appui
fut recherché des deux royaumes d'Israël et de Juda.
C'est ainsi qu'Asa réclama l'alliance de Bénadad contre
Baasa, et le roi de Syrie vint ravager les contrées sep-
tentrionales d'Israël. III Reg., xv, 18-20; II Par., xvi,
2-4. Pour tous les détails de ces guerres entre Damas
et les Hébreux, voir Damas, III, Histoire, t. h, col. 1224.
Celait Adad-idri (Bénadad II selon certains auteurs),
qui régnait à Damas lorsque Salmanasar II (860-825)
fit sa grande expédition en Syrie. Le monarque assy-
rien eut en face de lui une coalition de douze rois,
1941
SYRIE
1942
parmi lesquels Irhulêni de Hamath et Achab d'Israël,
avec Adad-idri pour chef. La bataille eut lieu à Qar-
qar, près de l'Oronte, probablement là où fut plus
tard Apamée. Les princes ligués furent battus. Cf. Mo-
nolithe, col. il, 78-101; E. Schrader, Keilinschr. Bibl.,
t. 1, p. 170-175 : Amiaud et Scheil, Les inscriptions de
Salmanasar II, Paris, 1890, p. 40-43. Salmanasar
n'usa pas de sa victoire contre Damas, qui refît ses
forces pour une ligue nouvelle. Cinq ans plus tard,
en 849, il fut obligé de reprendre le chemin du pays
de IJattu et de Hamath et de combattre à nouveau
les rois coalisés, qui furent encore défaits. En 846,
il voulut frapper un dernier coup. Cf. Obélisque et
Inscription des taureaux, dans Amiaud et Scheil, Les
inscriptions de Salmanasar II, p. 52-57; F. Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, Paris,
1896, t. m, p. 475-477. Sur Adad-idri, on peut voir
P. Dhorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la
Revue biblique, 1910, p. 63-64, 70-72. La lutte cepen-
dant, reprit avec Hazaël de Damas, qui osa supporter
seul le choc de l'Assyrien. Il commença par se fortifier
dans la partie nord de l'Anti-Liban, afin d'arrêter
lenvahisseur; mais, chassé de ses positions, il fut
obligé de se replier sur Damas, où Salmanasar l'en-
ferma. Celui-ci partit ensuite pour les montagnes du
Hauran, dévasta ces régions, et, revenant vers la côte,
reçut le tribut des Tyriens, des Sidoniens, et de Jéhu
d'Israël. Cf. Obélisque de Nimrud, dans E. Schrader,
Keil. Bibl., p. 140-143; Fragment d'annales de Salma-
nasar II, estampage conservé au British Muséum,
dans Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, Leipzig,
4 e édit., 1900, p. 51.
Après toutes ces expéditions, Salmanasar II laissa
répit à la Syrie. Les royaumes de Damas et de Hamath,
d'Israël et de Juda auraient dû en profiter pour s'unir
contre les invasion futures. Ils passèrent leur temps à
s'entre-déchirer. Hazaël chercha à établir sa prépon-
dérance sur ses voisins. Pour ses luttes avec Israël et
Juda, cf. IV Reg., vin, 28-29; x, 32-33; xii, 17-18; xm,
1-7, 22-23. Voir Hazaël, t. m, col. 459. De son côté, le
royaume de Hamath s'était relevé, grâce à l'affaiblisse-
ment de l'Assyrie sous le successeur de Salmanasar II.
Un usurpateur, nommé Zakir, vit se Coaliser contre lui
plusieurs rois, dont le chef était le fils d'Hazaël, Béna-
dad II (Bénadad III pour d'autres). Les alliés vinrent
mettre le siège devant la ville de Hazrak, l'Hadrach de
Zach., îx, 1 (voir Hadrach, t. m, col. 394), qui devait
se trouver entre Damas et Hamath. Zakir délivra la
ville et, en témoignage de reconnaissance envers le
dieu qui le protégea, éleva une stèle sur laquelle sont
relatés ces faits. Cf. H. Pognon, Inscriptions sémi-
tiques de la Syrie, de la Mésopotamie et de la région
de Mossoul, Paris, 1908, p. 160. Le royaume d'Israël
profita de l'échec de Bénadad pour reprendre les villes
conquises par Hazaël. Cf. IV Reg., xm, 24-25.
Cependant l'Assyrie revenait à ses desseins ambitieux.
Adad-nirari III (811-783) vint assiéger dans Damas le
successeur de Bénadad III (II), Mari' (que quelques-
uns identifient avec Bénadad lui-même), et ramena
ainsi la puissance de l'Assyrie aux frontières qu'elle
avait eues à l'époque de Salmanasar II. Parmi ses con-
quêtes il compte les pays de Hatti, d'Amurru, de Tyr,
de Sidon, d'Omri (royaume d'Israël), d'Édom et de
Philistie. Cf. Inscription des dalles de Kalah, dans
E. Schrader, Keil. Bibl., t. i, p. 190. Le même mo-
narque eut à combattre une peuplade araméenne que
nous avons mentionnée plus haut, les ltu'a, contre les-
quels son successeur Salmanasar III (781-772) dut
également guerroyer. Cf. Canon des éponymes avec
notices, Keil. Bibl., t. i, p. 210-211. Le successeur de
Salmanasar III, Asur-dân II (771-754), malgré un règne
malheureux, fit plusieurs campagnes contre le nord
de la Syrie. Le roi d'Israël, Jéroboam II, sut habile-
ment profiter de ces événements pour secouer le joug
de Damas et de Hamath, reconquérir même des terri-
toires perdus. IV Reg., xiv, 24-28.
Les tribus araméennes avaient, depuis un certain
temps déjà, envahi la Mésopotamie et devenaient une
menace perpétuelle pour l'Assyrie. Téglathphalasar III
(745-727), qui en énumère trente-cinq, dit qu'il eut à
lutter pendant tout son règne contre ces Araméens
« qui habitaient sur les rives du Tigre, de l'Euphrate
et du fleuve Surappu, jusqu'au fleuve Dknû (la Kerfia
actuelle) aux bords de la mer inférieure (le golfe Per-
sique). » Cf. Inscription de la tablette d'argile de Nim-
rud, 1. 5-10, Keil. Bibl., t. h, p. 10-11. Mais il eut aussi
à porter ses armes du côté de l'ouest, où Azriiahu de
Iaudi (qu'on identifiait autrefois avec Azarias de Juda)
avait groupé autour de lui plusieurs principautés
des environs de Hamath. Vainqueur des rebelles, il
transforma leurs territoires en provinces assyriennes.
Cf. Annales, Keil. Bibl., t. H, p. 26-27. Parmi les
princes qui lui apportèrent le tribut, il mentionne Ku-
us-ta-aS-pi de Kummuh (Commagène), Rasin (Ra-sun-
nu) de Damas, Manahem (Me-ni-hi-me) de Samarie,
Hiram (Hi-ru-um-mu) de Tyr, Si-bi-it-ti-bi-'-li de Gé-
bal, 1-ni-ili de Hamath, Pa-na-am-mu-u de Sam'al, etc.
Cf. Annales, Keil. Bibl., t. n, p. 30-31. Rasin II, dont
il est ici question, s'étant ligué avec Phacée, roi
d'Israël, contre Juda, Achaz implora le secours de Té-
glathphalasar III, qui mit à la raison les deux alliés.
Voir Achaz, t. i, col. 130; Damas, III, Histoire, col. 1228;
Phacèe, col. 178. En étendant ses conquêtes jusqu'au
sud de la Palestine, le monarque développa la supré-
matie assyrienne dans des limites et avec une stabilité
qu'elle n'avait pas connues autrefois.
Pour les campagnes de Salmanasar IV et de Sargon
en Palestine, voir Salmanasar IV, col. 1377; Sargon,
col. 1486; Samarie, col. 1401. Les tribus araméennes
qui peuplaient le pays de Kaldu, les Sutû, les Puqudu,
I les Bu a, les Blindant avaient réussi à asseoir sur le
trône de BabylonieMérodach-Baladan. Sargon les sou-
mit et les incorpora aux provinces assyriennes. Voir
Mérodach-Baladan. t. iv, col. 1001. Mais il n'était pas
facile de maintenir sous le joug ces peuplades toujours
rebelles. Sennachérib (705-681) mentionne dix-sept de
ces tribus qu'il appelle « les Araméens insoumis », et
parmi elles les Gambulu, les Puqudu, les Nabatu, etc.
Ses soldats eurent raison de ces bandes indisciplinées.
Cf. Cylindre de Taylor, lig. 40-62, Keil. Bibl., t. Il, p. 84-
85. Tranquille du côté de l'est, le roi d'Assyrie voyait
aussi dans l'impuissance de lui nuire les royaumes
syriens de Hamath et de Damas. Israël n'existait plus;
restait Juda ; c'est de ce côté que Sennachérib portera
ses armes. Voir Sennachérib, col. 1603. Asarhaddon
(681-668) étendit les conquêtes de l'Assyrie jusqu'en
Egypte. Parmi les « 22 rois de la terre de IJatti sur
les côtes de la mer et au milieu de la mer » qui lui
payaient tribut il compte : Ba'lu, roi de Tyr, Manassé
(Mi-na-si'i), roi de Juda, QauSgabri, roi d'Edom,
Musuri, roi de Moab, etc. Cf. Prisme brisé, Keil. Bibl.,
t. n, p. 148-151. Ce fut probablement vers l'époque de
sa campagne d'Egypte qu'il transporta en Samarie les
peuplades dont il est question I Esd., iv, 2, 9. Voir
Asarhaddon, t. i, col. 1058. Assurbanipal, pendant ses
campagnes contre l'Egypte, vit les mêmes rois de IJatti
et des côtes de la mer lui faire hommage de vassalité.
Cf. Keil. Bibl., t. Il, p. 238-241. Mais ils se soule-
vèrent bientôt, à l'instigation de Samassumukin, le
plus jeune de ses frères, qui voulait le supplanter. Le
monarque les soumit en leur imposant des gouver-
neurs assyriens. Cf. Cylindre de Rassam, col. m,
lig. 96-106, Keil. Bibl., t. n, p. 184-185; The cuneiform
Inscriptions of Western Asia, t. m, pi. xxi, col. v,
lig. 38-39. Manassé fut conduit prisonnier à Babylone.
Voir Assurbanipal, t. i, col. 1144. Après la ruine de
1943
SYRIE
1944
Ninive, Nabuchodonosor voulut chasser de la Syrie et
de la Palestine les Égyptiens qui en étaient maîtres
depuis quelques années. Il marcha sur Charcamis, la
principale place forte du pharaon, mit en déroute
l'armée ennemie, et, poursuivant sa route vers le sud,
reçut l'hommage de tous les rois du pays. Il se rendit
de nouveau en Syrie pour y étouffer les mouvements
de révolte qui s'y produisaient sans cesse. C'est dans
une de ces expéditions qu'il mit fin au royaume de
Juda. Voir Nabuchodonosor 1, t. iv, col. 1437. Cf. P.
Dhorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la Re-
vue biblique, 1910, p. 54-75, 179-199, 368-390, 501-520;
1911, p. 198-218.
3° Les Perses. — L'empire babylonien étant tombé
aux mains des Perses, la Syrie fut soumise à ces nou-
veaux maîtres. Ceux-ci virent dans la variété des élé-
ments que renfermait chaque région de leur immense
territoire une garantie de paix pour le souverain. Ils
laissèrent donc subsister côte à côte les royaumes et
les nations tributaires, et conservèrent à tous leurs
dynasties locales, leur législation particulière, leur
religion. Darius I er distribua l'ensemble de son empire
en différentes circonscriptions. La Syrie fit partie de
VArabayd, qui allait du Khaburau Leïtani, au Jourdain
et à l'Oronte. Cf. Inscriptions de Persépolis, dans
F. H. Weissbach, Die Keilinschriften der Achâme-
niden, Leipzig, 1911, p. 82-83. Il mit à la tête de ces
provinces des satrapes; mais, pour ne pas concentrer
dans les mêmes mains l'autorité civile et le comman-
dement militaire, il adjoignit à ceux-ci deux autres
officiers, le secrétaire royal et le général; tous trois,
indépendants l'un de l'autre, relevaient directement
du roi. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, Paris, 1895-1899, t. m, p. 686,
688. C'est ainsi que la Syrie suivit les vicissitudes du
royaume des Perses. Voir Perse, t. v, col. 449;
Satrape, col. 1497.
4» Les Séleucides. — Après n'avoir été longtemps
qu'une province du vaste empire de Sargon, de Nabu-
chodonosor, de Darius et d'Alexandre, la Syrie retrouva
son indépendance et joua un rôle important sous les
Séleucides, qui régnèrent de l'an 312 à l'an 65 avant
J.-C. Cependant l'étendue de ce royaume varia aux di-
verses époques de son histoire Le fondateur, Séleu-
cus I er Nicator, se bâtit une magnifique capitale sur
l'Oronte, Antioche, qui fut, de longs siècles, la reine de
l'Orient. Il construisit aussi ou agrandit d'autres villes,
comme Séleucie, Apamée, Laodicée, Edesse, Bérée.
L'histoire des Séleucides n'est qu'une triste énuméra-
tion de tragédies domestiques, de révoltes et de guerres
malheureuses. Pour le tableau chronologique des rois
de Syrie, voir Ère des Séleucides, t. n, col. 1906.
Leurs possessions étaient disséminées sur une trop
grande étendue et vulnérable par trop d'endroits pour
rester longtemps intactes. Les rois d'Egypte, du reste,
ne cessaient d'encourager les peuples à la révolte.
Vers 124-123, la Syrie fut partagée entre plusieurs
souverains de la même race. Fatigués de ces dissen-
sions, les Syriens se donnèrent à Tigrane, roi d'Ar-
ménie, et finirent par accueillir avec joie Pompée, qui
assura leur tranquillité en réduisant le pays en pro-
vince romaine. Pour les démêlés des rois de Syrie avec
les juifs, voir Machabées, t. iv, col. 479. Voir Séleu-
cides et la bibliographie, col. 1579.
5° Les Romains. — Devenue province romaine en
65 avant J.-C, la Syrie fui administrée par des propré-
teurs. Le Nouveau Testament, Luc, n, 2, cite seule-
ment le nom de celui qui était en fonction lors du re-
censement fait en Judée, à l'époque de la naissance de
Notre-Seigneur. Voir Cyrinus, t. n, col. 1186. Jusqu'à
quel point les procurateurs de Judée leur étaient-ils
soumis? Voir Procurateurs romains, col. 689. Nous
donnons ici la liste des gouverneurs de Syrie de 65
avant J.-C. à 69 après J.-C. d'après E. Schûrer, Ge-
schichte desJûdischen Volkesim ZeitalterJesuChristi,
Leipzig, 1901, t. i, p. 304-337.
I. Fin de la répudlique (65-30 av. J.-C.)-
M. iEmilius Scaurus ..... 65-62
Marcius Philippus 61-60
Lentulus Marcellinus ..... 59-58
A. Gabinius 57-55
M. Licinius Crassus ..... 54-53
C. Cassius Longinus 53-51
M. Calpurnius Bibulus .... 51-50
Q. Metellus Scipio ...... 49-48
Sextus Csesar . 47.46
Caecilius Bassus . 4g
C. Antistius Vêtus ...... 45
L. Statius Murcus ...... 44
C. Cassius Longinus ..... 44.42
Decidius Saxa . 41-40
P. Ventidius . 39-38
C. Sosius 38-37
L. Munacius Plancus. .... 35
L. Calpurnius Bibulus .... 32-31?
II. Empire (30 av. J.-C. -70 ap. J.-C).
Q. Didius 30
M. Messalla Corvinus 29
M. Tullius Cicero 28?
Varro jusqu'à 23
M. Agrippa 23-13
M. Titius vers 10
C. Sentius Saturninus .... 9-6
P. Quintilius Varus 6-4
P. Sulpicius Quirinius .... 3-2?
C. Cœsar 1 av. J.-C.-4ap.J--C?
L. Volusius Saturninus. . . . 4-5
P. Sulpicius Quirinius .... 6 ss.
Q. Caecilius Creticus Silanus . 12-17
Cn. Calpurnius Piso 17-19
L. jElius Lamia .... jusqu'à 32
L. Pomponius Flaccus .... 32-35?
L. Vitellius 35-39
P. Petronius 39-42
C. VibiusMarsus 42-44
C. Cassius Longinus 45-50
C. Ummidius Quadralus. . . . 50-60
Cn. Domitius Corbulo 60-63
C. Cestius Gallus 63-66
C. Licinius Mucianus 67-69
L'étendue de la province de Syrie changea constam-
ment au 1 er siècle avant notre ère. Pompée restaura les
franchises des nombreuses villes grecques dans un sens
aristocratique. Chez les peuples nomades, on main-
tint les dynastes, responsables et tributaires. Le royaume
de Chalcis changea plusieurs fois de limites et de pos-
sesseurs. La tétrarchie d'Abilène passa en 44 sous le
gouverneur de Judée, puis sous le légat de Syrie.
Damas, tributaire, mais administrée par un ethnarque
des rois nabatéens, fut incorporée à la Syrie, proba-
blement sous Néron. La Judée avait été de fait annexée
dès le commencement. On sait comment Ilérode y fut
établi roi et ses fils se partagèrent ses domaines. Elle
fut ensuite gouvernée par des procurateurs, subor-
donnés au légat de Syrie. — Cf. Schôpflin, Chronologia
Romanorum Syrise prxfectorum, dans les Com-
mentationes historiées et cHticse, Bàle, 1741, p. 465-497;
H. Gerlach, Die rômischen Statthalter in Syrien und
Judâa von 69 vor Christo bis 69 nach Christo, Berlin,
1865; Mommsen et Marquardt, Manuel des antiquités
romaines, t. ix, et x, trad. Weiss et Lucas; V. Chapot,
art. Provincia, dans le Dictionnaire des antiquité»
1945
SYRIE
1946
grecques et romaines de Daremberg et Saglio, Paris,
t. vu, p. 716 sq.
V. Type et costume. Religion. — 1» Le mélange des
races en Syrie finit par éliminer en grande partie leurs
caractères particuliers et produire un type unique que
l'on retrouve partout sur les monuments assyriens et
égyptiens, sous des noms différents. C'est le type sémi-
tique : haute stature, tête grosse, un peu étroite,
aplatie ou déformée artificiellement, joues creuses,
pommettes saillantes, barbe frisée et dense, nez aquilin.
Le type est moins fin dans l'ensemble que celui des
Égyptiens, moins pesant que celui des Chaldéens de
Goudéa. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, t. n, p. 149; W. Max Mûller,
Asienund Europa, p. 293-294. Quelques auteurs cepen-
dant distinguent plusieurs types, entre autres l'héthéen
et l'amorrhéen. Voir Héthéens, t. m, col. 670.
Cf. A. H. Sayce, Patriarchal Palestine, p. 47-48. Le
costume ne permet guère non plus de caractériser les
431. — Syriens. Tombeau de Khamhàit.
Vers la fin de la XVIII' dynastie.
D'après Maspero, Hist. anc, t. it, p. 151.
peuples et les époques. Les gens de classe inférieure se
contentaient d'un pagne analogue à celui des Égyptiens,
ou d'une chemise jaune ou blanche qui leur flottait
jusqu'à mi-jambe, comme la kefônép des Hébreux.
Ceux de la haute classe ajustaient par-dessus une
bande d'étoffe assez longue, couverture de laine rayée,
surchargée de dessins éclatants, qui, après leur avoir
serré les hanches et la poitrine, revenait s'évaser en
pèlerine sur leurs épaules. Les plus élégants ou les
plus riches substituaient à la draperie unique deux
grands châles rouge et bleu, dont ils s'enveloppaient
avec art en alternant les couleurs : une ceinture de cuir
amassait les plis autour de la taille. Un mouchoir, un
bonnet mou, un voile lié d'une bandelette, parfois une
perruque à l'égyptienne, complétaient le costume. Voir
fig. 431. Cf. Maspero, Hist. anc., t. n, p. 150-154.
2° Pour la religion, nous n'avons à envisager ici que
celle des Araméens. Chez les sédentaires, elle nous
est connue principalement par les inscriptions. La
plus ancienne de ces inscriptions est probablement
celle que M. Pognon a récemment découverte dans
la région d'AIep, et qui nous a fait connaître un roi
de Hamath et de La'as, Zakir, dont nous avons parlé
plus haut. Elle remonte jusque vers l'an 800 avant
J.-C. Le début porte : <r Stèle qu'a érigée Zakir, roi
de Hamath et de La'as, à Alur. s Cette divinité était
jusqu'alors inconnue. Elle doit représenter « un dieu
local, peut-être le Genius loei de Hazrak, où la stèle
paraîtrait avoir été dressée. C'est même, sans doute,
pour ce motif que le monument aura été consacré à
Alour, car il est assez curieux de noter que dans tout
ce qui suit le grand rôle n'est point attribué à cette
divinité, mais bien à Ba'al Samain. » R. Savignac,
Revue biblique, 1908, p. 597. Viennent ensuite trois
inscriptions trouvées par des explorateurs allemands à
Sendjirli, entre Antioche et Mar'asch. La première,
dite de Hadad, est la plus ancienne, mais peu antérieure
à la seconde, celle de Panammu, datée du règne de
Théglathphalasar III (754-727 avant J.-C); la troisième
de Barrekub est de la même époque. L'inscription de
Hadad énumère ainsi au commencement les dieux
honorés par le roi de Iadi : «C'est moi, Panammu, fils
432. — RaSpu.
D'après les monuments égyptiens, dans W. Max Mûller,
Asien und Europa, p. 311.
de Qrl, roi de Iadi, qui ai élevé cette statue à Hadad,
parce que se sont tenus avec moi les dieux Hadad et El
et RéSef et Rekub-El et ëamaS... » Celle de Panammu se
termine par ces mots : « Et ceci est un mémorial, et
que Hadad et El et Rekub-El, maître de maison, et
Samas et tous les dieux de Iadi... » Dans la troisième,
Barrekub se déclare roi par la grâce de Rekub-El. Voir
les textes dans M. J. Lagrange, Études sur les religions
sémitiques,ysxi&, 1905, p. 492-499.
Le mot 'El est, chez les Hébreux, le nom générique
du vrai Dieu. Voir El, t. Il, col. 1627. Chez les Ara-
méens, il indique une des divinités du panthéon,
qui cependant n'occupait pas le premier rang. Le
dieu le plus vénéré était Hadad. Voir Hadad 2, t. m,
col. 391; Bénadad, t. i, col. 1572, fig, 481, 482. —
RéSef ou RaSuf, "}Wi, incarnait l'éclair et la foudre.
L'orthographe égyptienne est Raspu; c'était un nom
commun à toute une catégorie de divinités delà foudre
et de la tempête. Les inscriptions phéniciennes nous
montrent plusieurs RaSuf locaux. On s'imaginait ce
dieu comme un soldat armé de la javeline, de la masse,
de l'arc et du bouclier ; une tête de gazelle aux cornes
pointues se dresse sur son casque, et peut-être lui sert
1947
SYRIE — SYRINGE
1948
parfois de chapeau. Voir fig. 432. Cf. Clermont-Gan-
neau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, 1888,
1. 1, p. 176-182; Ledrain, Mgypto-Semitica, dans la
Gazette archéologique, 1880, p. 199-202; W. Max
Mùller, Âsien und Europa, p. 311-312. — Rekub 'El,
"mwi, « la monture de El », ou Rakkab 'El, « le cocher
de El », dont on retrouve le premier élément dans
Barrekub, est à rapprocher du cocher du dieu-soleil
que connaissaient les Assyriens. — Samaé, ïraw, est le
dieu Soleil; c'est une divinité d'un nom général, et qui
fut très honorée, surtout à Palmyre. Les Syriens s'atta-
chèrent principalement au dieu-lune, comme nous
l'apprennent d'autres inscriptions.
En 1891, on a trouvé à Neirab, au sud-est d'Alep,
deux de ces inscriptions qui datent de la même époque,
probablement du vi e siècle avant J.-C. La première
débute ainsi : ï De Sin-zir-ban, prêtre de Sahar en
Neirab, défunt, et c'est son image et sa couche. Qui que
tu sois qui déroberais cette image et couche de son
lieu ! que Sahar et ëamas et Nikkal et Nusk arrachent
ton nom et ton lieu de la vie... » Les mêmes impréca-
tions existent sur la seconde : « De Agbar, prêtre de
Sahar en Neirab, c'est sa statue... Qui que tu sois qui
fais injure ou qui me pilles, que Sahar et Nikkal et
Nusk rendent misérable sa mort et que sa postérité
périsse. » Ici cependant ëamas a disparu ; il ne reste
plus que le dieu-lune avec sa femme et son fils. Cf.
Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 499-
501. Sahar, "vw, en effet, est le dieu Lune; c'était le
dieu principal de Harran. Nikkal, hD2, est Nin-gal,
« la grande dame », épouse de Sin, le dieu-lune assyrien.
Nusk, ")tm, est Nusku, fils de Sin, et personnification
du croissant d'après les uns, du feu d'après les autres.
Enfin, sur la stèle de Teima, en Arabie, les Araméens
désignent « dieu » ou « ba'al » par le mot Salm, nbs,
« image, statue », dans le sens d'« idole », ou bien, sui-
vant Lagrange, ibid., p. 503, il faut reconnaître ici un
dieu assyrien, Salmu, le g. sombre », ou la planète
sombre, un nom de Saturne. Deux divinités spéciales
y sont mentionnées : Singalla, ïoi:w, le « grand Sin »;
et Àsîra, mmn, qui correspond à VAsêrah des Chana-
néens. Voir Aschéra, t. i, col. 1073.
Les inscriptions de Sendjirli et de Neirab sont des
textes funéraires, qui nous font connaître les idées des
Araméens sur la vie d'outre-tombe. Ce qui survivait du
mort s'appelait néféS, «âme », mais c'était un principe
matériel, puisqu'il pouvait manger et boire, s'associer
aux sacrifices alimentaires qui sont offerts aux dieux :
« Que mange l'âme dePanammu avec toi et que boive
l'âme de Panammu avec toi, pourvu qu'il mentionne
l'âme de Panammu avec Hadad... ce sacrifice... qu'il
s'y complaise comme un présent (?) à Hadad... » Inscrip-
tion de Hadad, lig. 17, 18. Le mort a aussi le grand
désir de rester tranquille dans la tombe : « Ils n'ont
mis avec moi aucun objet d'argent ni de bronze, on
m'a mis avec mon habit, afin que tu ne pilles pas ma
couche en faveur d'un autre. » Inscription de Neirab,
2, lig. 6-8. — Cf. P. Dhorme, Où en est l'histoire
des religions? dans la Revue du clergé français,
1 er décembre 1910, p. 513-519, et la bibliographie, p. 541-
542; G. Maspero, Histoire ancienne, t. u, p. 154-164;
R. Dussaud, Notes de mythologie syrienne, Paris, 1903.
Le culte des dieux syriens pénétra jusqu'à Rome.
Un sanctuaire a été découvert au .ïanicule, dans les
jardins de la villa Sciarra. Un petit autel en marbre
blanc porte en avant cette dédicace" :
0CCO AAA
ACO ANCOH
Sur le côté droit, Adad est qualifié de Libanais,
AIBANCCOTH, et, sur le côté gauche, de dieu du som-
met des montagnes, AKPOP£ITH. Cf. P. Gauckler, Le
bois sacré de la nymphe Furrina et le sanctuaire des
dieux syriens, au Janicule, à Rome, dans les Comptes
rendus de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, mars 1907, p. 135-159. — Pour VÉpigraphie,
voir Syriaque (Langue), col. 1909.
VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages cités dans
le corps de l'article, nous indiquons encore : E. Rey,
Rapport à S. E. le ministre de l'Instruction publique
sur une mission scientifique dans le nord de la Syrie,
dans les Archives des missions scientifiques, t. m,
2 8 série ; Carte du nord de la Syrie, au 1 500000 e , Paris,
1885; Fr. Hommel, Die altisraelitische Ûberlieferung,
Munichn, 1897, p. 203-236; Grundriss der Géographie
■und Geschichte des Alten Orients, Munich, 1904, t. i,
p. 187-194; G. Hoffmann, Aramaïsche Inschriften aus
Nêral bei Aleppo : Neue und alte Gôtler, dans Zeit-
schrifl fur Assyriologie, Weimar, t. xi, 1897, p. 207-
292 ; P. Jensen, Nik(k)al-Sarralu, dans la même revue,
1897, p. 293-301 ; A. Sanda, Die Aramâer, Leipzig, 1902.
A. Legendre.
2. SYRIE DE DAMAS (hébreu : 'Âram Damméséq ;
Septante : Eupîa AocjjLao-xoO), partie de la Syrie dont
Damas était la capitale. II Sam. (Reg.), vm, 5, 6; I Par.,
xvin, 5-6. La Syrie de Damas porta secours à Adarézer,
roi de Soba, contre David. Celui-ci, ayant vaincu
Adarézer et ses alliés, mit des garnisons dans la Syrie
de Damas et" lui fit payer tribut. Voir Damas, t. n,
col. 1255; Syrie, col. 1932.
3. SYRIE DE ROHOB (hébreu : 'Âram Rêf Rehôb;
Septante : 'Powé), petit royaume de Syrie qui avait
Rohobpour capitale et dont Hanon, roi des Ammonites,
avait tiré des mercenaires pour résister à Joab, géné-
ral de David. Ces mercenaires s'enfuirent quand Joab
s'avança pour les attaquer. Il Sam. (Reg.), x, 6-8. Voir
Rohob, 3, col. 1113. Rohob devait être près de la ville
de Laïs ou Dan, à l'extrémité septentrionale de la
Palestine. Voir Syrie, col. 1932.
4. SYRIE DE SOBA. Voir Soba, col. 1814; Syrie,
col. 1931.
SYRINGE (chaldéen : maSrôqîtâ; Septante, Théo-
dotion : «jûpcy?; Vulgate : fistula). C'est le deuxième
instrument musical de la nomenclature babylonienne,
dans Daniel, m, 5, 7, 10, 15; non toutefois d'origine
grecque comme les quatre qui le suivent, voir Corne,
t. n, col. 1010; Sambuque, t. v, col. 1428; Psaltérion,
col. 803; Symphonie, col. 1899, mais d'origine orien-
tale. La racine p-w>, èâraq, qui est en effet sémitique,
ne permet pas de préciser ce qu'était l'instrument
biblique, mais la syringe grecque, <7ÛpiYii ou <rOptY?> à
laquelle les traducteurs assimilent la maêrôqîtâ, était,
dans sa forme la plus primitive, le roseau sans embou-
chure; on eut ensuite les « roseaux percés », TpY]To0ç
Sâvaxaç, Théocrite, Epigramm., B',3; le tuyau entaillé
d'une sorte de languette, ancêtre du hautbois, ou
muni d'une embouchure à sifflet, comme le flageolet,
mais de plus petites dimensions. La syringe grecque
désignait ces diverses sortes d'instruments, à sons aigus,
par opposition à aûXôç, nom générique des hauthois,
clarinettes et flûtes proprement dites, qui jouaient
dans les tons graves. Voir Flûte, t. u, col. 2293. Mais
syrinx devint aussi le nom spécial du sifflet à plu-
sieurs tuyaux appelé vulgairement flûte de Pan, et qui
se composait de plusieurs pièces de roseaux, neuf
dans Théocrite; ldyll., vm, 18, 21, <s-jpiy(OL èvveipwva,
« à neuf notes », par conséquent à neuf tuyaux, atta-
chés par de la cire ou des liens légers et diversement
ornés. Ces tuyaux, de longueur inégale, sont alignés
par leur partie ouverte et sans embouchure, et on les
fait glisser le long des lèvres en soufflant pour pro-
duire les sons. L'ivoire ou le métal remplacèrent plus
tard le roseau, mais le procédé d'exécution ne varia
4949
SYRINGE — SYZIGUE
1950
pas. La flûte de Pan s'emploie de nos jours comme dans
l'antiquité. La syringe n'a pas été jusqu'ici retrouvée
sur les monuments égyptiens, voir V. Loret, dans le
Journal asiatique, 1889, p. 130-131 ; mais elle dut appar-
tenir à tous les pays où il y eut des bergers. Les Baby-
loniens la tenaient peut-être des Mèdes. Voir Trochon,
Commentaire sur Daniel, Paris, 1880, p. 117.
Au livre des Juges, v, 16, seriqôf, « sifflements »,
n'est pas certainement un instrument de musique. Il
peut ne désigner que les cris du troupeau; ieréqâ, Jer.,
vin, 16 ; il, 37, provenant toujours de la même racine,
et ayant le même sens, prend la nuance de « raillerie,
moquerie :>.
La racine voisine, piT, zdraq. dont un dérivé, miz-
râqô(, se lit dans l'énumération des ustensiles en métal
du Temple, II (IV) Reg., xn, 14, pourrait à la rigueur
être rapproché de pltf, et mizrâqôt indiquerait des
sifflets ou flûtes, d'or ou d'argent, mentionnés avec
les trompettes, mizmârôt, les « harpes (?) » et « tous
les ustensiles d'or et d'argent ». Mais les mizmârôt
sont plus exactement des ciseaux ou mouchettes (voir
Mizmôr, t. m, col. 1137), et mizrdqôf désigne des vases
ou des coupes. Les trompettes liturgiques étaient à la
vérité faites de métal précieux. Voir Trompette. Mais
nous n'avons aucun texte montrant les flûtes employées
dans la musique du Temple; au contraire, les flûtistes
sont exclus de toutes les énumérations de lévites musi-
ciens. Voir Flûte, t. n, col. 2295. Pour ces raisons
nous ne comptons pas mizrâqôf parmi les instruments
de musique. ,1. Parisot.
SYRO - PHÉNICIENNE (Nouveau Testament :
Supoçoiviao-a, Sjpopoivi'itKToa), Phénicienne de Syrie
ou Chananéenne. Marc, vu, 26. Saint Matthieu, xv,
22, l'appelle Chananéenne. Voir Chananéenne, t. n,
col. 540. Les uns croient que le nom de Syro-Phénicie
fut inventé par les Romains pour distinguer les Phé-
niciens de Syrie des Carthaginois qui étaient d'origine
phénicienne, mais d'autres le nient et pensent que la
Syro-Phénicienne de l'Évangile était une Syrienne qui
habitait en Phénicie ou bien une Chananéenne qui par-
lait le grec. Les Homélies clémentines, n, 19; m, 73,
t. Il, col. 88, 157, appellent Justa la Chananéenne qui
implora du Sauveur la guérison de sa fille, à laquelle
elles donnent le nom de Bérénice.
SYRTE (grec : S-jpctç), nom donné à deux bancs de
sable, sur la côte de l'Afrique septentrionale, entre
Cyrène et Carthage, qui étaient dangereux pour les
anciens navigateurs et très redoutés des anciens. Stra-
bon,XVII, ni, 20; Ptolémée, iv, 3; Pline, v, 4; Horace,
Od., i, 22, 5; Ovide, Fast., iv, 499; Tibulle, n, 4, 91;
Virgile, JEn., i, 111. L'un de ces bancs de sable s'appelait
Syrtis Major ou Magna et l'autre Syrtis Minor. La
première porte aujourd'hui le nom de golfe de Sidra et
la seconde, celui de gslfe de Gabès. Elles s'étendent sur
une longueur de 975 kilomètres de côtes. La grande,
comprise entre le cap Mezrata et le cap Montktar, a
une étendue de 357 kilomètres. Ouverte aux vents
du nord et imparfaitement protégée contre les vents
du sud par les basses terres qui la bordent, elle est
alternativement balayée par deux courants atmosphé-
riques très violents, qui déterminent tour à tour
d'énormes accumulations d'eau vers le centre ou de
grands ras de marée à la circonférence. Voir Ch. Tissot,
Exploration scientifique des côtes de la Tunisie,
2 in-4°, Paris, 1884-1888, t. i, p. 225-226. — Lorsque
saint Paul prisonnier était conduit de Césarée à Rome,
le vaisseau qui le portait fut poussé par le vent, dont
la direction était nord-est, vers la grande Syrte. Pour
éviter d'y être porté et afin de diminuer le tirant d'eau,
on jeta d'abord la plus grande partie de la cargaison
à la mer et puis les agrès mêmes du vaisseau. On laissa
alors le bâtiment aller au gré de la tempête et, récon-
fortés par saint Paul, les passagers furent sauvés en
échouant sur la côte de Malte. Act., xxvii, 17.
SYZI6UE.Phil.,iv,3(grec).Voir Sïnzigue, col. 1905 .
T, consonne qui rend dans notre langue les lettres
hébraïques teth et thav. Voir ces deux mots. Dans les
noms propres, le teth et le thav sont rendus tantôt par
t, tantôt par th. Voir à Ta, Te, Ti, To, Tu, les noms
propres qui ne se trouvent pas à Tha, The, Thi, Tho,
Thu, et réciproquement.
TABBAOTH (hébreu : Tabbd'ôt; Septante : TotêatiO),
Nathinéen dont les descendants ou la famille retourna
de la captivité de Babyloneen Palestine avec Zorobabel.
I Esd., Il, 43; II Esd., vu, 46. Dans ce dernier passage,
la Vulgate écrit le nom Tebbaoth.
TABÉE (hébreu : Tébatt; Septante : Taêlx), le plus
âgé des quatre fils qu'eut Nachor de Roma, sa femme
de second rang. Gen., XXII, 24. Certains commentateurs
ont établi une relation entre ce nom et celui de la ville
syrienne de Thébath, I Par., xvm, 8, nommée Bété.
II Sam. (Reg.), vm, 8. Voir Bété, t. i, col. 1645.
TABÉEL (hébreu : Tâbe'êl; Septante : Taêerpi),
père d'un personnage anonyme que les ennemis d'Achaz
voulaient établira sa place roi de Juda. Is., xn, 6. « Le
fils de Tabéel s nous est inconnu. On a supposé qu'il
pouvait être le père de Rasin. H. Winckler, AUtes-
lamentliche Untersuchungen, 1892, p. 74-75. Cette
hypothèse, comme beaucoup d'autres, anciennes et
modernes, qui en font un Êphraïmite de l'armée de
Phacée ou un Syrien de l'armée de Rasin, etc., ne peut
se fonder sur aucune preuve sérieuse. L'étymologie
même du nom est controversée : Gesenius, Thésaurus,
p. 546, l'explique simplement « Dieu est bon t et cette
interprétation est la plus naturelle. Plusieurs savants
modernes, prenant la syllabe finale 'el pour l'adverbe de
négation, y voient un jeu de mots dérisoire el traduisent
« bon à rien, vaurien ».. — Dans le texte hébreu, I Esd.,
IV, 7, un des représentants du roi de Perse en Samarie
qui écrivirent à Artaxercès pour empêcher la reconstruc-
tion des murs de Jérusalem, s'appelle aussi Tabéel. La
Vulgate écrit Thabéel. Voir Thabéel. Ce nom semble
indiquer qu'il était d'origine syrienne. Cf. Tabrémon,
III Reg., xv, 18.
TAB'ÊRAH (Septante: 'E|Aitups<7[jL.(S{),nom d'une sta-
tion des Israélites dans le désert de Pharan, dans la
péninsule du Sinaï. La Vulgate l'appelle Incensio,
Num., xi, 3, et Incendium, Deut., ix, 22. Voir Embra-
sement, t. h, col. 1729; Incendie, t. m, col. 864.
TABÉLIA S (hébreu: Tebalyâhû, «Jéhovah purifie);
Septante : TaêXaî; Alexandrinus : TageXia;), lévite de
la descendance de Mérari, le troisième des quatre fils
d'Hosa, un des portiers de la maison du Seigneur du
temps de David. I Par., xxvi, 11.
TABERNACLE, construction portative servant de
sanctuaire aux anciens Israélites.
I. Ses noms. — 1° 'Ohél, o-xïjvyî, tabernaculum, la
tente qui sert de demeure à Jéhovah au milieu de son
peuple. D'autres substantifs sont parfois joints à ce mot
pour le qualifier. Il y a d'abord 'ôhél mô'êd, « tente de
réunion », dans laquelle Dieu donne rendez-vous à son
peuple, et spécialement à ceux qui ont mission de le
représenter, les prêtres et les lévites. Les versions
rendent ces deux mots par m-w<\ xoû p.ap-njp(ou, taberna-
culum testimonii, « tente du témoignage ». Exod.,
xxvii, 21; xxx, 26; xxxm, 7; Deut.,xxxi, 14; Act., vu,
44, etc. Elles font venir mô'êd de 'ëd, « témoin »,
tandis qu'il doit être rattaché à yd'ad, « appeler, con-
voquer «.D'ailleurs, le tabernacle est aussi appelé 'ôhél
hâ-êdut, « tente du témoignage », Num., IX, 15; xvn,
7; xvm, 2. Ce nom lui venait sans doute de ce qu'il
contenait les tables de la loi, appelées elles-mêmes
'êduf, « témoignage ». Exod., xxv, 16, 21 ; xxxi, 18. —
2° Miskân, <txi)vy|, tabernaculum, « habitation », la
résidence de Dieu. Exod., xxv, 9; xxvi, 1; xl, 9; etc.
On trouve encore les appellations miskân hâ'èdûf,
ffxïivïi toO [/.apTupi'ou, tabernaculum testimonii, « rési-
dence du témoignage », Exod., xxxvm, 21; Num., i,
50, 53; x, 11, tabernaculum fœderis, « tente de l'al-
liance», et miskân 'ôhél, Exod.,xxxix, 32, <rxïivr|ToO |i«p-
■cupiov, tabernaculum et tectum testimonii,Exod., XL,
2, 6, 29. On voit par Exod., xxvi, 7, que les deux mots
ne sont pas absolument synonymes, miskân désignant
la demeure, uxyjviq, tabernaculum, et 'ôhél, la couver-
ture, le toit, <rxe7rij, tectum. — 3° Bêf Yehovâh, oîxo;
xupiov, domus Domini, « maison de Jéhovah », du
Seigneur. Exod., xxm, 19; xxxrv, 26; Jos., vi, 24; ix,
23; Jud., xvm, 31; etc. — 4» Qodés, désignant le taber-
nacle en général, âY ia(IT ^P IOV > sanctuarium, Lev., xu,
4, ou la partie appelée le Saint, àyiov, sanctuarium,
Exod., xxvi, 33; Lev., iv, 6; Num., m, 38; iv, 12, ou
même le Saint des saints, âytov êawxepov, sanctuarium,
Lev., xvi, 2. — 5° Miqdâs, àfiaffiia, sanctuarium,
Exod., xxv, 8; Lev., xn, 4; xvi, 12; Num., x, 21; xvm,
1 ; etc. — Hêkâl, vaii;, templum, I Reg., i, 9, « temple».
— Ces différents noms indiquent déjà la destination du
tabernacle : c'est un lieu sacré, dans lequel Dieu veut '
bien résider spécialement, pour que les hommes
puissent s'y rencontrer avec lui. Josèphe, Ant. jud. ,111,
VI, 1, l'appelle vab; |*eTaq?£pO|ji£voî xal <ru|j.irspcvo<TT<3v,
« un temple portatif et circulant », faisant ainsi allu-
sion à ses translations.
II. Sa disposition. — Les chapitres xxvi, xxvn et
xxxvm de l'Exode donnent la description du taber-
nacle. Les mesures y sont évaluées en coudées. Il est
probable que l'on s'est servi de la coudée égyptienne,
valant m 525. Le tabernacle comprend deux parties très
distinctes, une enceinte fermée ou parvis, et, à l'inté-
rieur de cette enceinte, le tabernacle proprement dit
(flg. 433).
1° L'enceinte ou parvis. — Cette enceinte formait
un rectangle long de cent coudées (52™50) et large de
cinquante (26 m 25). Les grands côtés étaient au nord et
1953
TABERNACLE
1954
au sud, et l'entrée à l'est. Cet espace, d'environ
1 350 mètres carrés, diminué de celui qu'occupaient
l'autel et le tabernacle, ne pouvait guère recevoir que
les lévites et les prêtres chargés du service religieux
de chaque jour. — La clôture consistait en rideaux
soutenus par des colonnes. Il y avait vingt colonnes
sur chacun des grands côtés, et dix sur chacun des
autres, ce qui formait un total de soixante colonnes,
bien qu'à la suite de Philon quelques auteurs en aient
réduit à tort le nombre à cinquante-six. Il est naturel,
en effet, de supposer que la mesure des entrecolonne-
ments était représentée par un nombre simple et entier,
soit cinq coudées. Cette mesure, portée vingt fois sur
les grands côtés, donnait cent coudées réparties entre
vingt et une colonnes; portée dix fois sur les petits
de lin tordus ensemble, de manière à fournir une
étoffe solide et consistante. Ce lin gardait sans doute
sa couleur naturelle, car il n'est pas dit qu'il dût être
teint. Il en était autrement pour le rideau qui fermait
l'entrée de l'enceinte. Le petit côté oriental continuait
l'enceinte avec ses trois colonnes de droite et de gauche.
Mais les quatre colonnes du milieu servaient à suppor-
ter un rideau, large de vingt coudées, et fait de lin
retors, avec des dessins variés en fils de pourpre vio-
lette ou écarlate et de cramoisi. Le texte ne parle que
d'une seule tenture ; par conséquent le rideau d'entrée
était d'une seule pièce. On l'écartait sur les côtés pour
entrer, et peut-être l'élevait-on tout entier jusqu'à la
tringle, quand il fallait rendre libre toute la largeur de
l'entrée. La hauteur de ce rideau était de cinq coudées
lit
»? ' y-v.-»
_ ^ s * ***"
r, i
v r .
1 / -
- jj— --
433. — Le Tabernacle. D'après Riehm, Handwbrterbuch der bibl. Alterth., 2- édit., 1894, t. H, p. 1586.
côtés, elles donnait cinquante coudées réparties entra
les deux colonnes extrêmes, déjà comptées, et neuf
colonnes intermédiaires; d'où un total général de
soixante colonnes. En réalité, on voyait vingt et une
colonnes sur les grands côtés et onze sur les petits;
mais de la sorte, les colonnes d'angles figuraient deux
fois. On ne comptait donc, en somme, que les entre-
colonnements, ou, si l'on veut, les colonnes, mais en
n'attribuant qu'une colonne d'angle à chaque côté. —
Il n'est pas dit de quelle matière étaient faites les
colonnes; elles devaient être en bois, comme celles du
tabernacle lui-même. Des socles d'airain leur servaient
de bases, et leurs chapiteaux étaient revêtus d'argent.
Les colonnes et leurs socles ne faisaient qu'un, sans
doute. Quant aux chapiteaux, seulement revêtus d'argent,
ils devaient être en bois, comme le fût de la colonne.
Josèphe, Ant. jud., III, VI, 2, prétend que les socles
étaient dorés, mais que la partie enfoncée en terre
était d'airain et avait la forme d'une pointe de lance,
(raupM-rijptT!;. Ces pointes seraient les pieux d'airain,
yetêdôt, nza-oa/oi, paxilli, dont il est question Exod.,
xxxvm, 30. A ces colonnes étaient fixés des crochets
d'argent, pour soutenir des tringles d'argent auxquelles
on suspendait les tentures. — Les tentures étaient en
lin retors, SêS, c'est-à-dire en tissu fait de plusieurs fils
DICT. DE LA BIBLE.
(2 m 62), comme d'ailleurs celle de toute l'enceinte. A
supposer que la tenture formant enceinte tombât jus-
qu'à terre, il était impossible à un homme de voir par-
dessus ce qui se passait à l'intérieur. Exod., xxvil, 9-
19; xxxvui, 9-20. — Au dedans du parvis, entre la porte
et le tabernacle, s'élevait l'autel des sacrifices; du côté
nord était placée la cuve d'airain. Voir Autel, t. i,
col. 1268; Mer d'airain, t. iv, col. 982.
2" Le tabernacle. — Les parois du tabernacle étaient
en planches d'acacia, voir Acacia, t. I, col. 103, longues
de dix coudées (5 m 25) et larges d'une coudée et demie
(0 m 79). Josèphe, Ant. jud., III, vi, 3, leur assigne une
épaisseur de quatre doigts (0 m 08). 11 fallait vingt
planches pour les deux parois latérales, ce qui donnait
à l'ensemble une longueur de trente coudées (15 m 75),et
six planches pour le fond. Chaque planche était munie,
à sa partie inférieure, de deux tenons destinés à s'em-
boîter chacun dans un socle d'argent. Aux six planches
du fond s'en ajoutaient deux autres pour former les
angles. Chacune de ces dernières était double, composée
de deux parties solidement assemblées, probablement
à angle droit, et ne reposant pourtant que sur deux
socles d'argent. La partie qui faisait angle devait
s'abattre sur la dernière planche du grand côté. Le fond,
comprenant ainsi huit planches, donnait à la construc-
V - 62
1955
TABERNACLE
1956
tion une largeur de douze coudées (6 m 30). D'après
Munk, Palestine, p. 155, qui prétend s'appuyer sur les
anciens, la largeur n'aurait été que de dix coudées, ce
qui obligerait à réduire la largeur des deux planches
extrêmes à une demi-coudée. Le texte n'impose pas
cette idée; mais on fait valoir en sa faveur qu'elle permet
de donner au Saint des saints la figure d'un cube
parfait. La solidité étant assurée par le bas, au moyen
des tenons emboîtés dans les socles, des traverses la
maintenaient dans la hauteur. Elles étaient au nombre
de cinq pour chacun des trois côtés, celle du milieu
devant aller d'une seule pièce d'une extrémité à l'autre.
Les quatre autres se complétaient probablement deux
à deux, les unes au-dessus, les autres au-dessous de la
traverse la plus longue. Ces traverses étaient d'acacia
et passaient dans des anneaux assujettis aux planches.
Les planches, les traverses et les anneaux devaient être
revêtus d'or. Exod., xxvi, 15-30; xxxvi, 20-34. — L'inté-
rieur était divisé en deux parties au moyen d'un voile,
tendu à dix coudées de la paroi du fond, selon Josèphe,
Ant.jud., III, vi, 4. Le voile était soutenu par quatre
colonnes d'acacia, revêtues d'or, avec des crochets d'or
et des socles d'argent. Le voile, de lin retors, tissu de
fils de pourpre violette et écarlate et de cramoisi, repré-
sentait des chérubins brodés. L'espace qui s'étendait
de ce voile jusqu'à la paroi du fond s'appelait le Saint
des saints et renfermait l'Arche d'alliance. La partie
antérieure, de l'entrée jusqu'au voile, s'appelait le Saint
et renfermait la table des pains de proposition, le
chandelier et l'autel des parfums. Un rideau semblable
au voile du Saint des saints, mais sans figures de chéru-
bins, occupait toute la largeur du côté oriental. Il était
soutenu par cinq colonnes d'acacia, revêtues d'or, avec
des crochets d'or et des socles d'airain. Exod., xxvi,
31-37; xxxvi, 35-38. — Quatre couvertures s'étendaient
au-dessus du tabernacle, à la hauteur des planches
latérales, c'est-à-dire à dix coudées (5 ffi 25 . La première
était de même étoffe que le voile, avec des chérubins
brodés. Elle se composait de dix pièces, longues de
vingt-huit coudées (14 m 70), larges de quatre (2 m 10)
et assemblées cinq par cinq. Les deux assemblages
étaient réunis au moyen de lacets de pourpre violette
et d'agrafes d'or. La couverture avait alors vingt-huit
coudées (14 m 70) dans un sens et quarante (21 m ) dans
l'autre. Il va de soi qu'elle était posée sur le tabernacle
de manière que les dimensions se correspondissent. De
la sorte, la couverture dépassait de dix coudées la lon-
gueur totale du tabernacle, et de quatorze coudées
(8 m 40) la largeur; elle retombait ainsi sur les parois
latérales dans tous les sens, mais à l'intérieur, et non
à l'extérieur, de manière qu'au dedans le tabernacle
fût vraiment une tente, '« en sorte que le nûskân forme
un tout. » Exod., xxv, 6. Cf. Bàhr, Symbolik, t. i,
p. 63, 64; Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888,
p. 105; etc. La seconde couverture était en poil de
chèvre. Elle se composait de onze pièces ayant trente
coudées (I5">75) de long et quatre (2 m 10) de large, dont
l'assemblage, en deux parties de cinq et de six pièces,
réunies par des lacets et des agrafes d'airain, donnait
une dimension totale de quarante-quatre coudées
(23 m 10). Cette couverture dépassait donc la précédente,
de quatre coudées dans un sens et de deux dans l'autre
Le texte sacré règle l'emploi de ce surplus : il y avait
une retombée d'une coudée sur le.s côtés extérieurs,
et une de deux sur l'arrière; il en restait alors une
autre de deux sur le devant. Josèphe, Ant. jud., III,
vi, 4, remarque qu'ainsi les couvertures retombaient
abondamment sur le sol et que, sur le devant du taber-
nacle, elles formaient une espèce de portique ou d'au-
vent. Complètement rabattues, elles servaient à fermer
le tabernacle sur le côté oriental qui n'avait que des
colonnes et un voile. Il y avait une troisième couverture
en peaux de béliers teintes en rouge, et une quatrième
en peaux de dugong. Voir Dugong, t. h, col. 1510. Les
dimensions de ces deux couvertures ne sont pas indi-
quées. Mais, par leur épaisseur, ces peaux suffisaient
amplement pour mettre le tabernacle à l'abri de loutes
les intempéries. Exod., xxvi, 1-14; xxxvi, 8-19. Des
cordages, mêferim, mentionnés Num., m, 37; iv, 32,
servaient à maintenir en place les différentes pièces de
la construction. — Quelques auteurs ont supposé que
le toit du tabernacle était agencé de manière à former
deux plans inclinés, comme les toits de nos pays.
Cf. Ancessi, Atlas géog. etarchéol., Paris, 1876, pi. m.
La largeur des couvertures eût été ainsi utilisée, sans
qu'elles retombassent jusqu'à terre. Mais l'idée de
pareils toits était étrangère aux Orientaux et le texte
sacré ne fournit aucune indication qui permette de la
supposer. Les couvertures étaient donc posées à plat,
au-dessus des planches verticales, et peut-être soutenues
par des traverses dont l'Exode ne parle pas. L'intérieur
du tabernacle se trouvait ainsi hermétiquement clos,
et le jour n'y pouvait pénétrer que quand on écartait le
rideau de l'entrée. En retombant jusqu'à terre, les cou-
vertures empêchaient tout accès de la lumière par-
dessous les parois latérales. — On voit que, par sa
disposition générale, le tabernacle reproduisait celle
des temples égyptiens. Ceux-ci se composaient essen-
tiellement d'une cour entourée de portiques, d'un
édifice situé au fond de cette cour ou parvis, et donnant
lui-même accès à un autre édifice plus petit, qui cons-
tituait la maison du dieu ou Saint des saints. Cf. Mas-
pero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1889, p. 69, 70.
Le temple d'Edfou (fig. 434) fait voir clairement cette
disposition, qui se retrouve exactement dans le tabernacle,
à cette exception près que le parvis débordait de tous
côtés la construction principale.
III. Son symbolisme. — 1° En prescrivant l'érection
du tabernacle, le Seigneur avait dit : « Ils me feront
un sanctuaire et j'habiterai au milieu d'eux. » Exod.,
xxv, 8. Le peuple alors habitait sous les tentes et se
déplaçait pour se rapprocher de la Terre promise. Il
fallait donc que Dieu aussi habitât dans une tente et
que cette tente fût mobile, pour suivre le peuple dans
ses déplacements. II Reg., v, 6; I Par., xvn, 5. De là
les noms donnés au tabernacle, « tente, habitation,
maison ». Seulement il fallait que la tente rappelât la
demeure ordinaire de Dieu, le ciel, de même que le
parvis rappelait la terre, demeure de l'homme. Jéhovah
résidait dans le Saint des saints, où l'homme n'avait
point accès, sinon une fois l'an, quand le grand-prêtre
venait intercéder pour les péchés du peuple. Les chéru-
bins de l'Arche, du voile et de la couverture, figuraient
la cour céleste du Dieu invisible; La lumière divine se
suffisant à elle-même, il était inutile que celle du soleil
pénétrât dans la résidence de Jéhovah. L'or des parois
et des ustensiles, l'incorruptibilité du bois d'acacia, les
couleurs des étoffes et la richesse des broderies rappe-
laient et honoraient les perfections divines. Les usten-
siles d'or disposés dans le Saint, la lumière du chan-
delier, les pains, l'encens, signifiaient les pensées et les
sentiments qui devaient animer les prêtres dans le
culte de Jéhovah. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a II*,
q. en, a. 4, ad 8 um . — 2° Le tabernacle était encore
la « tente de convocation » ou de « réunion ». Le Sei-
gneur, après avoir dit qu'il se rencontrerait là avec
Moïse et Aaron pour leur parler, avait ajouté : t Je me
rencontrerai là avec les enfants d'Israël, et le lieu sera
consacré par ma gloire... J'habiterai au milieu des en-
fants d'Israël et je serai leur Dieu. » Exod., xxrx, 42-45.
C'est donc là, dans ce sanctuaire unique, qu'Israël, par
l'intermédiaire de Moïse, Exod.,xxx, 6, entrait en com-
munication avec le Dieu unique, Jéhovah. Le tabernacle
constituait ainsi le centre social et religieux de tout le
peuple, et le lien puissant de l'unité entre les douze tri-
bus. — 3" Il était aussi la « tente du témoignage ». Là
1957
TABERNACLE
1958
était déposé le témoignage de la volonté divine, formulée
sur les tables du Décalogue; là le Seigneur intimait à Moïse
les ordres que devaient exécuter les enfants d'Israël.
Exod., xxv, 21-22. La présence du tabernacle au milieu
de leur camp rappelait donc sans cesse aux Israélites
les droits de Jéhovah, sa puissance souveraine et l'obéis-
sance qu'ils lui devaient. — 4° Les nombres 3, 4, 7, 10,
qui interviennent fréquemment dans la description du
tabernacle et de son mobilier, avaient leur signification
mystique. Voir Nombres, t. rv, col. 1688. Chaque objet
cachait aussi un sens symbolique. Voir Arche d'alliance,
même le Nouveau, qui contient la vérité dans le Saint
des saints. S. Augustin, In Heptat., h, 112, t. xxxiv,
col. 635. Pour S. Jérôme, Epist., lxiv, 9, le parvis et le
Seigneur figuraient le monde présent, et le Saint des
saints, le ciel. Cl. Hebr.,vm, 2; ix.ll; Apoc, xm, 6; xv,
5; xxi, 3; S. Thomas, Sum. tkeol., I a II», q. cil, a. 4,
ad 4 am . On peut aussi trouver dans le parvis l'image
de l'ancienne Loi, dans le Saint celle de l'Église mili-
tante et dans le Saint des saints celle de l'Église triom-
phante. Le tabernacle, prototype du Temple, Sap., IX
8, est également celui des églises chrétiennes, avec leur
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434. — Le temple d'Edfou. D après Maspero, L'arohéologie égyptienne, 1887, p. 73.
1. 1, col. 918; Propitiatoire, t. v, col. 747; Chandelier,
t. ii, col. 545; Encens, col. 1773; Pain, t. iv, col. 1957;
Parfum, col. 2164; Voile. Le tabernacle tout entier
pouvait encore symboliser l'univers, par lequel Dieu se
révèle lui-même et dans lequel il se choisit une
demeure pour habiter au milieu des hommes et tra-
vailler à leur salut. Cf. Bilhr, Symbolik des mosai-
schen Cultus, Heidelberg, 1837, t. î, p. 75-91. — 5° Le
tabernacle était appelé « Saint » et « Saint des saints »,
non seulement à cause de la présence de Jéhovah qui
daignait s'y manifester par son action surnaturelle,
mais encore à cause de sa valeur typique par rapport
aux réalités du Nouveau Testament. I Cor., x, 6, 11. 11
figurait d'abord Jésus-Christ, le Verbe incarné, habitant
au milieu de nous, Joa., I, 11, et son humanité, dans
laquelle habitait corporellement la plénitude de la
divinité. Col., î, 19; h, 9. Cf. S. Thomas, Sum. theol.,
I a II», q. en, a. 4, ad 6 am ; I Joa., H, 2; Joa., vi, 51; vm,
12. — L'Église était aussi figurée par le tabernacle. Le
parvis représentait l'Ancien Testament, et le tabernacle
nef, leur chœur et leur sanctuaire. — Enfin, au point
de vue moral et ascétique, le parvis, avec son autel des
sacrifices et sa cuve aux ablutions, représentait la vie
purgative; le Saint, avec le chandelier, la table des
pains et l'autel des parfums, la vie illumina tive; le Saint
des saints, avec l'Arche, la vie unitive. Cf. Zschokke,
Historia sacra, p. 110.
IV. Son histoire. — 1° Sa construction. — Au Sinaï,
Dieu lui-même ordonna la construction du tabernacle;
il fit même connaître à Moïse les principaux détails de
son agencement. Exod., xxvi, 1-37. Les prêtres et les
lévites devaient célébrer le culte dans ce sanctuaire
portatif. Béséléel et Ooliab furent désignés comme
devant exécuter le travail avec compétence. Exod., xxxi.
1-7. — Un grave événement intervint, qui obligea de
surseoir à l'exécution. Pendant que Dieu parlait à
Moïse sur le Sinaï, les Hébreux adressaient leurs hom-
mages au veau d'or. La colère divine ne s'apaisa que
sur les instances de Moïse; mais une sorte d'excommu-
nication pesa sur le peuple rebelle, au milieu duquel
1959
TABERNACLE
1960
Jéhovah ne voulut plus résider. Sur son ordre, Moïse
érigea hors du camp «ne tente, 'ôhêl, <m\'ir\, laberna-
culum, qu'il appela 'ôhél mô'êd, « tente de réunion »,
trxrjv/, napT'jpt'ou, tabernaculum fœderis . Exod., xxxm,
7. Ce n'était pas le tabernacle décrit sur le Sinaï, avec
son autel à holocaustes et son service assuré par Aaron
etses fils. Sans doute, la nuée miraculeuse se tenait à
l'entrée de cette tente; mais Moïse seul y pénétrait et,
Josué la gardait quand Moïse revenait au camp.
Jéhovah ne résidait donc plus au milieu de son peuple
•st ne communiquait avec lui que par l'intermédiaire
de son serviteur Moïse; celui-ci ne se rencontrait avec
Dieu que hors du camp et à distance du peuple. Le nom
de « tente de réunion » ne supposait ici d'autres rela-
tions que celles de Jéhovah avec Moïse. Exod., xxxm,
7-11. Cet état de choses dura un certain temps, jusqu'à
ce que Moïse, intercédant de nouveau, dît à Jéhovah :
« Daigne le Seigneur marcher au milieu de nous,... et
prenez-nous pour votre héritage. » Dieu renouvela
alors l'alliance antérieure avec Israël, et Moïse redes-
cendit de la montagne pour faire exécuter les ordres
précédemment reçus au sujet du tabernacle, du sacer-
doce et du culte nouveau. Exod., xxxiv, 9-10, 27-29.
Cf. de Broglie, La loi de l'unité de sanctuaire en Israël,
Amiens, 1892, p. 22-26. — Le tabernacle avait été décrit
avec tout le détail nécessaire. L'attention que Dieu
apportait à cette œuvre devait donner à Israël une idée
de l'importance qu'il fallait attacher au nouveau culte
et à toutes les prescriptions qui le concernaient. L'expé-
rience venait d'ailleurs de démontrer combien ce peuple
grossier avait besoin des choses sensibles pour être
solidement attaché à son devoir envers Jéhovah. Un
appel fut adressé à tous les Israélites, pour qu'ils
offrissent les matériaux nécessaires à la confection du
tabernacle et des divers objets du culte. L'appel fut
entendu; les offrandes en nature arrivèrent avec une
telle profusion, que Moïse se vit obligé d'arrêter l'élan
de la générosité populaire. Exod., xxxv, 4-29; xxxvi,
2-7. Béséléel et Ooliab se mirent à l'œuvre, aidés de
tous les hommes capables de les seconder habilement.
Le tabernacle fut construit si exactement que sa des-
cription ne fait que répéter les termes mêmes du plan
arrêté au Sinaï. Exod., xxxvi, 8-38. — On a élevé des
doutes sur la véracité de ce récit. Comment les Hébreux
purent-ils exécuter de pareilles œuvres d'art en plein
désert, eux qui plus tard furent incapables de travail-
ler les métaux, I Reg., xiii, 19, et durent, même sous
Salomon, recourir aux Phéniciens pour fabriquer des
objets analogues? D'où pouvaient-ils tirer l'or, l'ar-
gent, le cuivre et les étoffes précieuses que mentionne
le texte? Comment tant de travaux purent-ils être exé
cutés en moins de dix mois? Exod., xix, 1; XL, 1. Ces
difficultés ont paru si fortes à certains auteurs, qu'ils
se sont crus en droit de nier l'existence même du taber-
nacle et de ne voir dans sa description qu'une réplique
postérieure de la description du Temple. Cf. Vigouroux,
Les Livres Saints et la critique rationaliste, 3" édit.,
t. IV, p. 389-404. L'esprit de Dieu animait Béséléel et
Ooliab; mais, en outre, il est certain que beaucoup
d'Israélites avaient dû exercer différents métiers en
Egypte, qu'ils s'y étaient formés aux procédés tech-
niques de la fonte des métaux et du tissage, et que,
sortis à peine du pays de servitude, ils n'avaient rien
oublié de ce qu'ils avaient appris. Par la suite, leurs
descendants, occupés à d'autres soins et d'ailleurs peu
artistes par nature, n'héritèrent point de l'habileté de
leurs pères et durent recourir à des étrangers plus
expérimentés qu'eux pour l'exécution de travaux diffi-
ciles : rien de plus naturel que ce genre de décadence
chez les Hébreux. Au désert, l'or et l'argent abondaient,
sous forme de bijoux emportés d'Egypte. Les étoffes
précieuses ne manquaient pas non plus. Exod., xxxv,
22-24. Il y avait, près du Sinaï, des mines de cuivre
exploitées parles Égyptiens et dont les Hébreux surent
se servir. Voir Ccivre, t. n, col. 1156. L'acacia seyal
est une des rares espèces d'arbres qui se rencontraient
dans la péninsule Sinaïtique. Moïse fit appel à « tous
ceux qui avaient du bois d'acacia chez eux. » Exod.,
xxxv, 24, c'est-à-dire sur le territoire occupé par leur
campement, leurs troupeaux, etc. Les chèvres et les
béliers pouvaient aisément fournir le poil et les peaux,
et les dugongs abondaient dans la mer Rouge. Il ne
faut pas s'imaginer d'ailleurs que lés Hébreux fussent
seuls dans le désert. La presqu'île servait de séjour à
des tribus nomades, qui savaient en exploiter les res-
sources. Des caravanes la traversaient et y écoulaient
en partie leurs marchandises. Peut-être des mineurs
égyptiens y étaient-ils encore au travail. Il était aisé aux
Hébreux de prendre à leur service tous ces concours-
dans la mesure où ils en avaient besoin. Le temps fut.
assez court, il est vrai, pour exécuter tous les travaux
décrits par l'Exode. Mais, d'une part, les bras ne man-
quaient pas; d'autre part, on peut admettre que le
principal seulement fut terminé à temps, et rien
n'oblige à croire que tous les objets fabriqués pour le
culte fussent des chefs-d'œuvre artistiques. Le veau d'or
avait été rapidement exécuté, mais ne devait pas être
une merveille. Il n'y a donc vraiment pas de raison
suffisante pour révoquer en doute le récit de Moïse
touchant le tabernacle. — Quand tout fut terminé, le
tabernacle fut dressé, le premier jour du premier mois
de la seconde année de séjour au désert, et consacré
avec l'huile d'onction. A partir de ce moment, la nuée
le couvrit et la gloire de Jéhovah le remplit, si bien que
Moïse même n'osait plus y entrer. Exod., XL, 1-35. Il y
pénétrait pourtant quand Jéhovah l'y appelait ou que
lui-même avait à le consulter. Pour éviter toute tenta-
tive d'idolâtrie, il fut plus tard défendu d'égorger
ailleurs que devant le tabernacle aucun animal propre
aux sacrifices, bœuf, brebis ou chèvre. Lev., xvil, 3-9.
2° Ses translations. — Le transport du tabernacle ne
rencontrait, quoi qu'on en ait dit, aucune impossibilité
pratique. Le matériel, bien qu'assez encombrant, se
démontait aisément, avec le concours de nombreux
lévites, et se transportait, soit à dos de chameaux, soit
sur des chariots traînés par des bœufs. Dans les stations,
le tabernacle occupait le milieu du camp; les lévites et
les prêtres s'installaient immédiatement auprès. Voir
Camp, t. n, col. 95. Dans les marches, on suivait l'ordre
des campements; le tabernacle, accompagné des lévites,
venait à la suite des tribus de Juda, Issachar, Zabulon.
Ruben, Siméon et Cad, les six autres tribus ne s'avan-
çant qu'après lui. Num., n, 3-34. Au désert, le taber-
nacle dut être installé dans les stations où les Israé-
lites demeurèrent assez longtemps, comme le Sinaï et
Cadès. Il est probable que, quand le séjour devait être
très court, on s'abstenait de le dresser. Lorsqu'on
arrivait à l'emplacement choisi, les lévites chargés du
tabernacle, c'est-à-dire les Gersonites, Num., iv, 24-33,
qui marchaient vraisemblablement les premiers de leur
tribu, se mettaient en devoir de l'ériger, avant même
que les autres fussent parvenus à la station. On y
introduisait ensuite les ustensiles sacrés et enfin
l'Arche d'alliance. Num., x, 21, 36. — Après le passage
du Jourdain, le tabernacle fut nécessairement dressé à
Galgala, pour la célébration de la Pâque. Jos., v, 10, 11.
L'Arche en fut tirée pour être portée autour des murs
de Jéricho. Jos., vi, 12. Il est à croire que, durant la
période de la conquête, le tabernacle resta à Galgala.
Ensuite, encore du vivant de Josué, on l'érigea à Silo,
à l'occasion d'une assemblée des enfants d'Israël. Jos.,
xvm, 1. L'Arche avait été apportée précédemment entre
le mont Hébalet lemontGarizim, pour les bénédictions
et les malédictions solennelles, Jos., vm, 33; mais on
sait qu'elle sortait parfois du tabernacle, spécialement
pour suivre Israël à la guerre. Silo était une ville de
1961
TABERNACLE — TABERNACLES (FÊTE DES)
1962
la tribu d'Éphraïm, située en un point central du pays.
Voir Silo, col. 1723. Le tabernacle y demeura long-
temps. Il y était encore au temps d'Héli, I Reg., i, 24;
m, 3, 15, 21, et l'Arche en fut retirée, à l'occasion de
la guerre contre les Philistins. I Reg., iv, 4. Il fut
ensuite transporté, sous Saùl, à Nobé, I Reg., xxi, 1-6,
puis, sous David, à Gabaon. I Par., xvi, 39; xxi, 29.
David établit Sadoc et d'autres prêtres pour le service
du culte devant le tabernacle de Gabaon. C'était
encore le principal lieu de culte au commencement du
règne de Salomon. Ce roi vint y offrir des sacrifices
et y fut favorisé d'un songe divin. III Reg., m, 4, 5;
II Par., i, 3. Là se trouvait l'autel d'airain fabriqué jadis
par Béséléel. Le tabernacle mosaïque, bien que privé
de la présence de l'Arche, servait ainsi de centre au
culte liturgique, dans les mêmes conditions que plus
tard le second Temple. — Depuis les jours malheureux
•d'Héli, l'Arche n'était pas rentrée dans le tabernacle
destiné à l'abriter. Elle avait été successivement trans-
portée à Cariathiarim, chez Abinadab, I Reg., vu, 1, où
.elle demeura pendant tout le règne de Saûl, puis chez
Obédédom de Geth, où elle demeura trois mois.
II Reg., vi, 10, 11 ; I Par., xm, 13, 14. Cette seconde
translation avait été ordonnée par David. Au lieu de
.faire rapporter l'Arche dans le tabernacle de Gabaon,
le roi se proposait de l'amener à Jérusalem, dont il
voulait faire la capitale religieuse et politique du pays.
Il vint bientôt après la reprendre dans la maison
d'Obédédom, et l'introduisit dans la cité de David. Il
avait disposé une tente, 'ôhél, pour la recevoir. II Reg.,
vi, 17; I Par., xv, l;xvi, 1. Cette tente ne reproduisait
pas les dispositions du tabernacle mosaïque, car l'Arche
y était placée au milieu, befôq hâ-ôhél. La tente était
également recouverte de peaux. II Reg., vu, 2; I Par.,
xvn, 1. David mit Asaph et ses frères à la tête du ser-
vice liturgique qui devait être célébré devant l'Arche.
I Par., xvi, 37. L'apparition de l'ange près de l'aire
d'Ornan persuada plus tard au roi d'offrir ses sacrifices
en ce dernier endroit, au lieu de se rendre à Gabaon.
I Par., xxi, 30. Il y eut ainsi deux lieux de culte prin-
cipal en Israël, Gabaon avec le tabernacle, et la cité de
David avec l'Arche. Cette situation ne cessa qu'à l'inau-
guration du Temple, destiné à remplacer définitivement
le tabernacle et à abriter l'Arche. Alors Salomon fit
transporter dans le Temple le tabernacle et tous les
ustensiles sacrés qu'il renfermait. III Reg., vin, 4;
II Par., v, 5. Ces objets furent conservés, selon les uns,
dans une des chambres supérieures du Temple, et, selon
les autres, dans les sous-sols. Cf. Reland, Antiq. sacr.,
p. 40. D'après une lettre transcrite au commencement
du second livre des Machabées, Jérémie, après la prise
■de Jérusalem, avait emporté le tabernacle, l'Arche,
l'autel des parfums et le feu sacré, et les avait cachés
dans une caverne du mont Nébo. II Mach., n, 4, 5. —
Reland, Antiquilates sacrée, Utrecht, 1741, p. 9-30;
Iken, Antiquilates hebraicœ, Brème, 1741, p. 42-64.
H. Lesêtre.
TABERNACLES (FÊTE DES) (hébreu : hag has-
sukkôt; Septante : ioprï] <rxi)vc3v, wrfioTrriyla ; Vulgate:
ferise Tabernaculorum, solemnitas Tabernaculorum,
■scenopegia), l'une des fêtes des Juifs.
I. Les prescriptions de la. loi. — 1» Caractère de la
fête. — Le quinzième jour du septième mois, ou mois
de tisri (septembre-octobre) par conséquent cinq jours
après la fête des Expiations, Lev., xxoi, 27, commen-
çait la fête des Tabernacles, qui durait sept jours. Tous
les produits du pays étaient alors déjà récoltés. Le pre-
mier jour était solennel et les œuvres serviles y étaient
défendues. Des sacrifices particuliers étaient offerts
-chacun de ces jours. Aux sept jours de la fête s'ajoutait
un jour solennel de clôture, qui comportait, comme le
premier, l'abstention des œuvres serviles. Dès le pre-
mier jour, les Israélites devaient avoir en mains du
fruit de beaux arbres, des branches de palmiers, des
rameaux d'arbres touffus et des saules, en se ré-
jouissant devant Jéhovah. De plus, pendant sept
jours, ils devaient demeurer sous des huttes de feuil-
lage, afin de se rappeler le temps où ils habitaient
sous la tente après la sortie d'Égyple. Lev., xxxui, Si-
se, 39-43. La fête est appelée dans l'Exode, xxiii, 16;
xxxiv, 22, hag hâ'âsif, « fête de la récolte », Ioç>-.t\
) suvTEXei'oe;, solemnitas inexitu anni. Au Deutéronome,
! xvi, 13-16, son caractère d'actions de grâces après la
récolte est seul rappelé. — 2» Les sacrifices. — Chacun
des sept jours de la fête, outre les victimes du sacri-
fice perpétuel, il fallait offrir en holocauste de jeunes
taureaux, deux béliers et quatorze agneaux d'un an,
et, en oblation, de la fleur de farine pétrie à l'huile,
3/10 d'éphi (ll'i'65) pour chaque taureau, 2/10 (7>»77)
pour chaque bélier, et 1/10 (3 lil 88) pour chaque agneau.
Chaque jour, on ajoutait un bouc en sacrifice pour le
péché. Le nombre des taureaux variait; il en fallait 13
pour le premier jour, 12 pour le second, et ainsi en
diminuant d'une unité, de sorte que le nombre tombait
à sept le septième jour. Le huitième jour, on offrait
en holocauste un taureau, un bélier et sept agneaux,
avec les oblations correspondantes. On ajoutait aussi le
bouc en sacrifice pour le péché. Num., xxix, 12-38. —
3° Les feuillages. — Quatre sortes de feuillages sont
indiqués. Le premier est appelé péri 'êz hâdàr, xapTt'oç
$jXoj «patoç, fructus arboris pulcherrimx, « le fruit
d'un bel arbre », ou «le beau fruit d'un arbre ». Il est
possible que l'arbre ait été déterminé avec plus de
précision. Le chaldéen traduit hâdàr par citronnier.
Voir Cédratier, Citronnier, t. n, col. 373, 791. Le se-
cond feuillage est celui du palmier. Le troisième est
celui d'arbres 'dbot, « touffus », îaoeïç, densarum fron-
dium. (de « myrtes », d'après le chaldéen et le syriaque).
Le quatrième est celui des saules. Lev., xxni, 40.
A l'époque de Néhémie, on employait pour la fête des
Tabernacles des branches d'olivier, zaï/ii, èXaîaç, olivse;
d'olivier sauvage, 'es Sémén, « arbre à huile », ?-jXwv
x-jTiapKjGi'vcov, « de bois de cyprès », ligni pulcherritni,
« de bois très beau » ; de myrte, de palmiers et de 'âbo(,
Sa<réoç, nemorosi, « de bois touffus ». II Esd., vin, 15.
Le myrte, hâdas, est ici nommé à part; il ne peut donc
être désigné par le mot 'âbôf. Josèphe, Ant. jud., III,
x, 4, ne nomme que quatre espèces, le myrte, le saule,
le palmier et le pommier de Persée. Ailleurs, Ant. jud.,
XIII, xm, 5, il parle seulement de palmiers et de ci-
tronniers. Il suit de là qu'une certaine latitude était
laissée aux Israélites pour choisir les arbres dont ils
devaient cueillir les branches, suivant les circons-
tances. — 4° Les cabanes. — La Loi ordonnait d'habi-
ter pendant sept jours bas-sukkôt, êv <rxr,v«ï;, in um-
braculis, pour rappeler aux Israélites le séjour de leurs
pères bas-sukkôf, êv uxrivasç, in tabernaculis . Lev.,
xxiii, 43. Le texte, qui a énuméré les divers genres de
feuillages qu'il faut prendre pour la fête, ne dit pas de
quelle matière doivent être faites les cabanes. Le mot
sukkâh signifie « hutte, feuillage, abri » et en général
«habitation ». Il ne diffère pas beaucoup, quant au
sens, de 'ohél, c< tente » et en général « habitation ».
De là les traductions des Septante, ox»)vr É , et de la Vul-
gate, tabernaculum, « tente ». Il est certain qu'au
désert les Hébreux ont habité sous des tentes plutôt
que dans des cabanes de feuillage. La fête des Taber-
nacles avait pour but de rappeler ce séjour sous les
tentes; des tentes auraient donc mieux rappelé que
des cabanes les 'ohàlîm du désert. Exod., xvi, 16;
xxxiii, 10; etc. Mais, avec le temps, peut-être même
dès les débuts de l'installation en Chanaan, on comprit
que les branches des arbres mentionnés devaient servir
non seulement à être portées, mais encore à former les
cabanes de feuillage. Cet usage est en vigueur et rattaché
à la Loi au temps de Néhémie. II Esd., vin, 15, 16. Ce
1963
TABERNACLES (FÊTE DES)
1964
dernier texte montre aussi qu'on faisait des cabanes de
feuillage sur les toits des maisons, dans les cours, dans
le parvis du Temple et sur les places de la ville. La
fête est mentionnée par Zacharie, xiv, 16-19, qui rap-
pelle qu'on doit venir à Jérusalem pour la célébrer.
Sous Judas Machabée, les Juifs empêchés une année
de célébrer la fête, parce qu'ils se trouvaient dans des
montagnes, la célébrèrent un peu plus tarda Jérusalem,
« en portant des thyrses, des rameaux verts et des
palmes, » sans qu'il soit fait mention de cabanes.
II Mach., x, 6, 7.
II. Signification de la fête. — 1° Le souvenir du
désert. — Cette idée est indiquée dans le texte même
de la loi. Lev., xxm, 43. Pendant quarante années, les
Hébreux n'ont pas habité dans des maisons, comme un
peuple sédentaire, maître du pays qu'il occupe. Ils
ont passé à travers le désert en nomades, dans des
abris provisoires appelés tantôt sukkôtfhev., xxm, 42,
43, tantôt 'ohâlîm. Num., xvi, 26; xxiv, 5; Lev., xiv, 8;
Deut., i, 27; xi, 6; Ps. cvi (cv), 25. Ce souvenir est
donc rappelé aussi bien par des cabanes que par des
tentes. Il n'était point triste et, pour le célébrer, on
devait se réjouir devant Jéhovah, car le séjour au
désert avait été le passage de l'Egypte, terre d'oppres-
sion, au pays de Chanaan, terre féconde et tranquille.
Deut., vin, 1-18; XI, 8-12. Ce séjour avait d'ailleurs été
marqué par de mémorables interventions de Jéhovah
en faveur de son peuple, pour le diriger, le protéger,
le nourrir, le désaltérer, le préparer à devenir une
nation indépendante et prospère. Les sept jours passés
dans les cabanes de feuillages rappelaient cette époque,
durant laquelle Jéhovah s'était montré si bon pour les
Hébreux et leur avait fait tant de promesses si merveil-
leusement tenues dans la suite des 1emps. Ils appre-
naient par là combien Dieu méritait leur reconnais-
sance pour le passé et leur confiance pour le présent
et l'avenir. — 2° L'action de grâces pour la récolte. —
Cette fête arrivait à la fin de l'année, quand toutes les
récoltes avaient été recueillies. Deut., xvi, 13. La ré-
colte était un bienfait actuel, qui se renouvelait chaque
année et dont jouissait chaque génération. En l'accor-
dant, Dieu accomplissait encore une de ses promesses.
Deut., vin, 7-14; xxvm, 3-6. La fête des Tabernacles
complétait, à ce point de vue, ce qu'avaient commencé
celles de la Pâque et de laPentecôte. Voir Fêtes juives,
t. il, col. 2218. Aussi était-elle la fête la plus joyeuse de
toute l'année, celle qu'on appelait simplement hag, la
« fête » par excellence, « la fête de beaucoup la plus
sainte et la plus grande » et « la fête la mieux obser-
vée ». Josèphe, Ant. jud., VIII, iv, 1; XV, m, 3. —
3° Le symbolisme des feuillages. — Ces feuillages
étaient empruntés à des arbres remarquables, les uns
par leurs fruits, les autres par leur verdure. Ils signi-
fiaient pour les Israélites les fruits de la terre dont le
Seigneur les comblait et le repos qu'il leur assurait sous
les épais ombrages. L'habitation dans des cabanes cons-
truites avec ces feuillages marquait donc l'aisance, le
repos, la sécurité qu'assurait à son peuple la bénédic-
tion de Dieu. La diversité des feuillages symbolisait la
multiplicité des bienfaits reçus. — 4° Le symbolisme
des sacrifices. — En aucune fête, on n'offrait autant de
sacrifices publics, ce qui faisait appeler le premier
jour yôm hamm-arûbâh, « jour de la multiplication ».
Menoxhoth, xiii, 5. Le grand nombre des animaux do-
mestiques était encore un bienfait du Seigneur; il con-
venait de l'en remercier par des holocaustes plus
nombreux qu'à l'ordinaire. Le nombre sacré « sept »
présidait au compte des victimes, puisqu'il y avait pour
les sept jours 70 taureaux, 14 béliers et 7 fois 14
agneaux. Voir Nombre, t. rv, col. 1694. Le bouc offert
chaque jour unissait l'idée de la pénitence à celle de
la reconnaissance, les Israélites devant se rappeler que
trop souvent ils s'étaient montrés infidèles et ingrats.
— 5° Le huitième jour. — Comme la Pàque, Deut.,
xvi, 8, la fête des Tabernacles se terminait par un jour
appelé 'âsérét, è%68iov,cœtus. Lev., xxm, 36. Seulement,
ici, ce jour s'ajoutait aux sept jours de la fête. Il était
lui-même considéré comme jour de fête, avec exclusion
d "œuvres serviles et offrande de sacrifices différents de
ceux des sept jours précédents, mais semblables à ceux
des autres fêtes et des néoménies. Ce jour surnumé-
raire avait sans doute pour but de servir de conclusion
à toutes les fêtes de l'année, qui se terminaient avec la
fête des Tabernacles. En cette fête particulière, on résu-
mait tous les sentiments d'adoration, d'actions de grâces
et de repentir qui avaient inspiré les âmes dans les
autres fêles, on complétait ce qui avait manqué et on
réparait ce qui avait été défectueux dans les solennités
précédentes. Cf. Biihr, Symbolik des mosaischen Cul-
tus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 652-664.
III. Les additions juives. — Le traité Sukka de la
Mischna traite de tout ce qui concerne la fête des
Tabernacles. — 1° Réglementations diverses. — Les
docteurs juifs ne manquèrent pas, tout d'abord, dérégle-
menter jusque dans les moindres détails l'exécution
des prescriptions légales. En ce qui concerne les cabanes
de feuillages, ils avaient réglé la forme, qui pouvait
d'ailleurs être très variable, la largeur, la hauteur, les
ouvertures, etc. Les cabanes devaient être construites
sous le ciel même, et non sous un arbre. La hauteur
était au moins de dix, et au plus de vingt coudées. Les
Caraïtes prétendaient qu'il n'y avait aucun compte à
tenir de ces règles, étrangères au texte .de la Loi. — On
portait à la main gauche une branche de citronnier,
'étrôg, y.iTpiov, et à la droite le lûldb, <poîvi?, bouquet
composé d'une branche de palmier, de deux branches
de saule et de trois branches de myrte. Siphra, f° 258,
2. La branche de citronnier est quelquefois confondue
avec le lûlâb, Menachoth, m, 6, mais d'autres fois en
est distinguée. Sukka, m, 4; Gem. Sukka, 31, 2. D'après
les Caraïtes, ces branches d'arbres n'avaient pas à être
portées; elles ne servaient qu'à la construction des
cabanes. Cf. II Esd., vin, 16. — 2»La libation d'eau. —
Voir Libation, t. iv, col. 236. On attachait une grande
importance à cette cérémonie, qui se répétait chacun
des sept jours de la fête, mais que les Caraïtes regar-
daient comme une institution purement humaine,
parce que la Loi n'en fait aucune mention. On ignore
à quelle époque elle fut introduite. Il est probable
qu'elle avait pour but de commémorer les miracles par
lesquels Dieu avait étanché la soif des Hébreux, en fai-
sant jaillir l'eau du rocher. — 3° Les candélabres. —
Afin de pouvoir continuer la célébration de la fête
même la nuit, on disposait dans le parvis des femmes
quatre grands candélabres d'or, hauts de 50 coudées
(26 m 25). Ces candélabres portaient des récipients d'une
contenance de 120 logs (34 lil 80) remplis d'huile et
pourvus de mèches de lin provenant des vêtements
sacerdotaux hors d'usage. On allumait ces lampes le
premier jour, après le sacrifice du soir. Comme le mur
qui entourait le parvis des femmes n'avait que 25 cou-
dées (13 m 12) de haut à l'intérieur, Josèphe, Bell, jud.,
V, v, 2, la lueur pouvait être aperçue de divers endroits
de la ville. — 4° Les réjouissances. — La loi ordonnait
des réjouissances auxquelles devaient prendre part tous
les membres de la famille, les esclaves, les lévites, les
étrangers et les pauvres. Deut., xvi, 14. 11 y avait donc
partout des festins joyeux. Au Temple, pendant la nuit,
des lévites et des prêtres descendaient dans les parvis
en jouant de la trompette et en chantant des Psaumes;
des personnages notables, tenant des torches à la main,
exécutaient des danses sous les yeux du peuple et pro-
nonçaient diverses formules de bénédiction. Cependant
il n'y avait ni chants ni danses les deux nuits qui pré-
cédaient le sabbat et le huitième jour. Chaque jour, on
faisait le tour de l'autel en tenant à la main le lûlâb ou
1965
TABERNACLES (FÊTE DES) — TABITHE
1966
des branches de saule et en chantant hosanna. Le
septième jour, le tour se répétait sept fois en souvenir
de la prise de Jéricho. Jer. Sukka, 54, 3. Il se peut
que le Psaume lxxxi (lxxx) ait été composé pour cette
solennité. — 5° Hors de Jérusalem. — La loi prescri-
vait de célébrer la fête dans le lieu choisi par le Sei-
gneur. Deut., xvi, 15. On comprend donc que certaines
cérémonies ne pouvaient avoir lieu qu'à Jérusalem.
Néanmoins, il est certain que tous ne se rendaient pas
à la capitale pour la célébration de la fête. Or, tous les
Israélites étaient tenus d'habiter pendant sept jours
sous les cabanes de feuillages. Lev., xxm, 42. Il est
donc à croire que ceux qui, pour diverses raisons, ne
se rendaient pas à Jérusalem, observaient dans leur
résidence les prescriptions mosaïques. A l'étranger, les
Juifs de la dispersion prenaient des repas en commun
sous des cabanes de feuillages. Cf. Schûrer, Geschichte
des jud. Volkes im Zeit. J. C, t. m, p. 96. Dans les
synagogues, on lisait les passages du Pentateuque con-
cernant la fête, on tenait à la main des branches
d'arbres et l'on faisait le tour du coffre sacré placé au
centre de l'édifice. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse,
Brème, 1741, p. 319-325; Reland, Antiquitates sacres,
Utrecht, 1741, p. 240-245.
IV. Mentions historiques de ia fête. — Il est pos-
sible que la « fête de Jéhovah » célébrée à Silo par des
danses déjeunes filles, au temps des Juges, ait été celle
des Tabernacles, Jud., XXI, 19-21, bien qu'il y ait des
raisons pour supposer plutôt une fête locale. Cf. Rosen-
mflller, Judices, Leipzig, 1835, p. 423. — La dédicace
solennelle du Temple de Salomon fut célébrée le septième
mois et dura deux périodes de sept jours. III Reg., vm,
2, 65; II Par., v, 3. Salomon ne renvoya le peuple que
le vingt- troisième jour du mois. II Par., x, 10. C'est
donc que la seconde période de sept jours fut consa-
crée à la fête des Tabernacles, que le roi célébrait
exactement. II Par., vin, 13. Ce fut vraisemblablement
cette fête que Jéroboam reporta, pour le royaume
d'Israël,, au quinzième jour du huitième mois. III Reg.,
xn, 32. — Dans Osée, xn, 10, Dieu menace son peuple
infidèle en disant : « Je te ferai encore habiter dans
les tentes, comme aux jours de fête. » Zacharie, xiv, 16,
19, mentionne également la fête. Ëzéchiel, xlv, 25, en
rappelle l'obligation. — La fête des Tabernacles est cé-
lébrée sous Néhémie, conformément aux prescriptions
mosaïques, II Esd., vin, 14-17, et équivalemment sous
Judas Machabée. II Mach., x, 6-8. — Sous Jean Hyrcan,
Antiochus Sidètés, qui assiégeait Jérusalem, suspendit
les opérations pendant sept jours, afin de permettre aux
Juifs la célébration de la fête des Tabernacles; il envoya
lui-même des taureaux aux cornes dorées pour les sa-
crifices, avec des aromates et des vases d'or et d'argent.
Josèphe, Ant. jud., XIII, vm, 2. — Aune autre fête des
Tabernacles, le roi-pontife Alexandre Jannée, détesté du
parti pharisien, se tenait près de l'autel pour le sacrifice,
quand le peuple se mit à jeter sur lui les cédrats que
chacun tenait en main, en l'insultant et en le déclarant
indigne de sacrifier, parce qu'il étaii né d'une captive. Le
même reproche avait déjà été adressé à son père Jean
Hyrcan. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5. Alexandre, pour
se venger de l'offense, fit avancer ses troupes et massa-
crer 6000 hommes. Puis il fit élever dans le Temple une
enceinte qui le préservait du contact immédiat avec le
peuple. Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 5; Bell. jud.,I, iv,
3. — La fête est .encore mentionnée dans l'Évangile. Ses
proches l'ayant invité à se rendre à Jérusalem pour la
solennité des Tabernacles, Jésus tarda à partir et ne
parut au Temple que vers le milieu de la fête. Joa.,
vu, 2, 14. Il est dit que le dernier jour de la fête était
le plus solennel. Joa., vu, 37. Il s'agit ici du hui-
tième jour, qui était un jour de fête excluant les œuvres
serviles. Ce jour-là, faisant allusion aux libations solen-
nelles des jours précédents, le Sauveur dit à haule
voix : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il
boive. » Joa., vil, 37. Saint Paul dit que le Christ avait
déjà été, au désert, le rocher qui désaltérait spirituelle-
ment les Hébreux. I Cor., x, 4. Il étail là maintenant,
prêt à donner un breuvage spirituel bien supérieur à
celui d'autrefois. De même, le lendemain, au souvenir
des grandes lampes dont la lumière venait d'être
éteinte, il pouvait dire : « Je suis la lumière du monde,
celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. »
Joa., vm, 12. — A la suite de chaque septième année,
on devait donner au peuple lecture du Deutéronome
pendant la fête des Tabernacles. Deut., xxxi, 10 11.
En l'an 41, Hérode Agrippa I er , petit-fils d'Hérode le
Grand, dont la mère était Iduméenne, assistait à cette
lecture. En entendant les paroles : « Tu ne pourras
pas te donner pour roi un étranger qui ne serait pas
ton frère, » Deut., xvii, 15, il se mit à fondre en larmes
au souvenir de son origine, bien que, d'après la loi,
les fils d'origine iduméenne pussent entrer dans la
société israélite à la troisième génération. Deut., XXIII,
8. Le peuple lui cria alors : « Ne t'inquiète pas,
Agrippai Tu es notre frère. » Sota, vu, 8. — Une in-
scription provenant de Bérénice, en Cyrénaïque, et un
peu antérieure à l'ère chrétienne, mentionne le cuXXàyo;
t?,î (TxrivoitïiY'aî» « réunion de la scénopégie ». Cf. C.I.G.,
t. m, 5361; Musée de Toulouse, Cat. des antiq., 225. Il
y avait donc en cette ville une colonie célébrant la fête
des Tabernacles. Le nom grec delà fête est axy)voitï]Yt'a
du verbe <rxïivo7cr)YSïv, sr fixer une tente ». — Plu-
tarque, Sympos., iv, 6, 2, a laissé une description de
la fête des Tabernacles : « La fête plus grande et la
plus parfaite des Juifs est, par sa date et son rite, ana-
logue à celle de Dionysios. Ils l'appellent « jeûne ». A
l'époque de la vendange, à l'arrière-saison, dans tout le
pays, ils dressent des tables et demeurent sous des tentes
entrelacées surtout de branches de vignes et de lierre.
Ils nomment le premier jour de la fête « tente ». Les
jours suivants, ils célèbrent une autre fête, qui, sans
équivoque, se rapporte directement à celui qu'on appelle
Bacchus. Ils ont une fête où l'on porte des coupes et
des thyrses; ils se rendent dans leur temple, sans
qu'on sache ce qu'ils font, une fois entrés : ce doit
être une fête de Bacchus. Ils se servent de petites trom-
pettes pour appeler le dieu, comme les Argiens dans
les dionysiaques; d'autres, qu'ils nomment lévites, ont
des harpes pour invoquer soit Lysion, soit plutôt
Bacchus. » L'auteur, peu au courant des mœurs et des
croyances des Juifs, se méprend sur des points impor-
tants, sur le jeûne qui a précédé de cinq jours et qu'il
confond avec la fête, sur le nom de « tente » qu'il
n'attribue qu'au premier jour, et surtout sur l'objet de
la fête. Mais il mentionne exactement l'importance de
la solennité, sa date, les cabanes de feuillages, la
y.pïTr,poyopta ou libation d'eau, Bupcropôpta ou port du
lùlâb, enfin les trompettes et les harpes qui servent à
manifester la joie et à accompagner les chants.
H. Lesêtre.
TABITHE (Nouveau Testament : TaSiôâ), chrétienne
de Joppé. Act., ix, 3642. Son nom est araméen, Nn'Ta,
t • :
et correspond à la forme hébraïque n'as, sebîyâh,
« gazelle (femelle) ». Cet animal était regardé par les
Hébreux et les Arabes comme un type de beauté. >33,
sebî,en hébreu, signifie « beauté ». On appelait Tabithe,
en traduisant son nom en grec, Aopxi;, et c'est ainsi
que les Septante rendent le nom de l'animal, sebi,
dans leur traduction, Deut., xn, 15, 22; II Reg. (Sam.),
il, 18; Prov., vi, 5. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, m, 5.
Les Grecs, comme les Orientaux, donnaient volontiers
ce nom à leurs filles. Chez les Hellènes, il désignait
spécialement la beauté des yeux. Il est possible que
Tabithe ait été connue sous les deux noms, araméen et
grec, comme on en a plusieurs exemples à cette époque.
1967
TABITHE
TABLE
1968
— Tabithe était « disciple », c'est-à-dire chrétienne, en
grec, \i.a^-f]Tpix, mot employé au féminin dans ce seul
passage du Nouveau Testament. Elle devait avoir une
certaine aisance, car elle consacrait son temps à faire
des aumônes et de bonnes œuvres, et à confectionner des
tuniques et des vêtements pour les veuves. Étant venue
à mourir, pendant que saint Pierre était non loin à
Lydda, les disciples lui envoyèrent deux hommes pour
le prier de venir à Joppé. Il trouva Tabithe morte dans
l'ÛTcepùov, cœnaculum, ou partie supérieure de la mai-
son. Voir Maison, t. iv, col. 590, et fig. 182, col. 591.
Les veuves qu'elle secourait supplièrent l'Apôtre de lui
rendre la vie. Saint Pierre, touché de leurs supplica-
tions, se mit à genoux pour prier, et ayant fait sortir
tout le monde, il dit à la défunte, à l'exemple de Notre-
Seigneur ressuscitant la fille de Jaïre : « Tabithe, lève-
toi. » Elle ouvrit alors les yeux et s'assit, et l'Apôtre lui
donnant la main la releva et « ayant appelé les saints
et les veuves, » il la leur rendit vivante. Ce miracle fit
grand bruit et fut connu de tous à Joppé, où il produisit
beaucoup de conversions. Act., ix, 36-43. .
1 . TABLE (hébreu : Sulhân; Septante : xpotiteÇa;
Vulgate : mensa), meuble composé d'un plan solide
435. — Table des pains de proposition.
Arc de triomphe de Titus. Rome.
fixé horizontalement sur des pieds verticaux, et servant
à poser des aliments ou d'autres objets.
1. Tables liturgiques. — 1° Table des pains de pro-
position. — Moïse eut ordre de faire fabriquer une
table de bois d'acacia, longue de deux coudées (l m 50),
large d'une coudée (0 m 525) et haute d'une coudée et
demie (0 m 79). Elle fut revêtue d'or avec une guirlande
d'or tout autour. De plus, un châssis haut d'une palme
(0 m 262), entouré lui-même d'une guirlande d'or, s'éle-
vait au-dessus. Quatre anneaux d'or, fixés aux quatre
coins de la table, permettaient de passer des barres
pour la transporter. Exod., xxv, 23-30; xxxi, 8; xxxv,
13; xxxvii, 10-16; xxxix, 35. Cette table fut consacrée
par une onction, Exod., xxx, 27, et placée dans le
sanctuaire, en avant du voile qui cachait l'Arche. Exod.,
xxvi, 35; xl, 4, 20, 22; Hebr., ix, 2. On y mettait
chaque semaine les pains de proposition. Lev., xxiv, 6.
Voir Pain, t. rv, col. 1957, et fig. 514, col. 1958. Les
lévites étaient préposés à la garde de cette table, Num.,
m, 31, et chargés de l'envelopper avant de la transpor-
ter. Num., iv, 7. — Salomon fit exécuter pour le
Temple une nouvelle table toute en or, III Eeg., vu,
48, afin d'y placer les pains de proposition. II Par.,
rv, 19; xih, 11. — Sous Achaz, les ustensiles du
Temple furent profanés par le culte idolàtrique; Ézé-
chias fit purifier l'autel, la table de proposition et les
autres objets sacrés. II Par., xxix, 18. — Il fallut
fabriquer une nouvelle table de proposition pour le
second Temple. Antiochus Ëpiphane l'enleva. I Mach.,
I, 23. Après avoir 'repris Jérusalem, Judas Machabée'en
fit une autre. I Mach., iv, 47, 51. Celle qui servait au
moment de la ruine du Temple fut emportée par les
Romains. Elle estreprésentée sur l'arc de Titus (fig. 435).
— 2° Tables d'immolation. — Salomon fit fabriquer,
sans doute pour cet usage, des tables d'or et d'argent,
au nombre de dix, placées cinq à droite et cinq à
gauche. I Par., xxvm, 16; II Par., IV, 8. Ézéchiel, XL,
39-42, suppose dans son Temple douze tables sur les-
quelles on immolait les victimes destinées aux divers
sacrifices, et, en outre, quatre tables de pierre pour y
déposer les instruments servant aux immolations. Le
prophète semble aussi ne faire qu'un de la table de
proposition et de l'autel des parfums. Ezech., xli, 22;
xliv, 16. Malachie, i, 7, 12, appelle également l'autel la
« table de Jéhovah », qui ne fournissait aux prêtres
qu'une chétive nourriture, quand les animaux qu'on y
apportait étaient estropiés ou malades. — 3° Tables iclo-
lâtriques. — Isaïe, lxi, 11, reproche aux Israélites les
repas sacrés qu'ils faisaient à la table des idoles Gad et
le Destin. Daniel, xiv, 12-20, raconte qu'il y avait dans
le temple de Bel une table sur laquelle on plaçait
chaque soir les aliments destinés au dieu, mais que,
par une ouverture pratiquée sous la table, les prêtres
venaient la nuit pour enlever tout ce qui avait été offert
et le manger eux-mêmes. Saint Paul dit que manger
les victimes offertes aux idoles, dans certaines condi-
tions, c'est prendre part à « la table des démons », à
laquelle il oppose la « table du Seigneur », où l'on par-
ticipe à la nourriture eucharistique. I Cor., xi, 20, 21.
2. Tables des repas. — 1° La table du roi. — Il est
parlé de la table de Saùl, I Reg., xx, 29, 34, et surtout
de la table de Salomon, célèbre par sa magnificence.
III Reg., iv, 27; x, 5; II Par., ix, 4. Daniel était admis
à la table de Cyrus. Dan., xiv, 1. Cependant, « manger
à la table du roi » veut souvent dire seulement que
l'on est nourri à ses frais. On voit ainsi admettre Mi-
phiboseth à la table de David, II Reg., ix, 7-13; xix,28;
les fils de Berzellaï à la table de Salomon, 111 Reg., h,
7, ainsi que les courtisans, III Reg., IV, 27; les pro-
phètes de Baal à la table de Jézabel, III Reg., xvm, 19;
les 150 notables à la table de Néhémie. II Esd., v, 17.
Daniel, i, 8, refusa de se souiller en acceptant les mets
de la table du roi. Voir des tables royales assyriennes,
t. h, fig. 650, col. 2215; t. iv, fig. 97, col. 289. - 2° Les
tables ordinaires. — Seules, les personnes aisées se
servaient d'une table pour prendre leur repas. Esth.,
xiv, 17; Luc, xvi, 21; etc. Les gens du commun man-
geaient simplement assis et sans table, comme en
Egypte, voir t. n, fig. 649, col. 2213, ou même en se
servant du boisseau renversé comme de table où ils
posaient le plat. Par considération pour Elisée, la Su-
namite mit une table dans la chambre qu'elle lui pré-
para. IV Reg., iv, 10; cf. III Reg., xm, 20. Pour
les repas, on dressait la table, Is., xxi, 5, ou on la
faisait dresser par celui qu'on regardait comme un
obligé. Eccli., xxix, 33. On la chargeait parfois de mets
succulents. Job, xxxvi, 16. Les miettes qui tombaient
sous la table, c'est-à-dire les reliefs, étaient pour les
chiens, Matth., xv, 27; Marc, vu, 28, ou pour les gens
que Ton méprisait. Jud., i, 17. Encore ces derniers ne
les obtenaient-ils pas toujours. Luc, xvi, 21. Aussi
n'était-ce pas vivre que d'avoir à jeter des yeux d'envie
sur la table des autres. Eccli., xl, 3. Il était recom-
mandé de bien se tenir à une table copieusement ser-
vie. Eccli., xxxi, 12. Les fils de la famille prenaient
place à table autour du père. Ps. cxxvm (cxxvii), 3.
Sur le placement des convives, voir Lit, t. iv, col. 291;
Place d'honneur, t. v, col. 446. Les amis étaient joyeux
à table, Act., xvi, 34; mais à table prenaient quelquefois
place l'avare qui trouvait moyen d'y avoir faim, Eccli.,
1969
TABLE — TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE
1970
xiv, 10, l'ami infidèle qu'éloignait le malheur, Eccli.,
vi, 10, le débauché, Is., xxviii, 8, et le traître. Luc.,
xxn, 21.-3° Au figuré. — La table figure la nourriture
en général, Ps. lxxviii (lxxvii), 19; Act., vi, 2; les
bienfaits temporels de Dieu, Ps. xxm (xxn), 5; lxix
(lxviii), 25; Ezech., xxxix, 20, ses bienfaits spirituels,
Prov., ix, 2, et le bonheur éternel. Luc, xxn, 30.
3. Tables de marchands. — Les changeurs avaient
installé leurs tables dans le parvis du Temple, où le
Sauveur les renversa. Joa., n, 15; Matth., xxi, 12;
Marc, xi, 15. Voir Changeurs de monnaie, t. n, col. 548.
Les mots xpi-xafr, mensa, désignent aussi la banque
proprement dite, c'est-à-dire le trafic qui fait valoir
l'argent. Luc, xix, 23. H. Lesètre.
2. TABLE, plaque de pierre, de métal ou de bois,
sur laquelle on peut graver des lettres ou incruster
d'autres matières. Différentes sortes de tables sont
mentionnées dans la Bible.
1° Tables de la loi (hébreu : lûah; Septante : tùM,
jtuîiov; Vulgate : tabula). — Le Seigneur promit de les
donner à Moïse. Exod., xxiv, 12. Il les lui donna
en effet, écrites de sa main. Exod., xxxi, 18. Elles
sont appelées lulfôf 'ébén, n).i-/.£; ÀiBivxi, tabulée lapi-
dese, « tables de pierre »; luhôt haêdflt, iu.i-t.ec toj
(j.apTupi'ûU, tabulée testimonii, « tables du témoignage »,
Exod., xxxi, 18, et luhôt hab-berît, itXâzs; 8ia6r,x7i;,
tabulée fœderis, « tables de l'alliance ». Deut., IX, 11.
Moïse descendit de la montagne en portant les deux
tables sur lesquelles l'écriture divine était gravée de
part et d'autre, au recto et au verso. Ces tables n'étaient
pas de dimension considérable, puisqu'un seul homme
pouvait les porter. Apercevant le désordre auquel se
livraient les Hébreux, Moïse jeta les labiés au pied de
la montagne et les brisa. Exod., xxxn, 15-19. Quand la
faute du peuple eut été pardonnée, Moïse reçut ordre
de tailler lui-même deux nouvelles tables de pierre, sur
lesquelles furent écrites les paroles de l'alliance. Moïse
redescendit en portant ces tables avec lui. Exod., xxxiv,
1-4, 28, 29. Cf. Deut., iv, 13; v, 22; ix, 9-17. Le texte de
l'Exode ne dit pas clairement si, la seconde fois, les
paroles furent gravées sur les tables par Dieu lui-même
ou par Moïse. Le Deutéronome, x, 1-5, affirme positi-
vement que Dieu lui-même écrivit les dix paroles sur
les labiés taillées par Moïse. Les deux tables de la loi
furent déposées dans l'Arche d'alliance. Deut., x, 5.
Elles s'y trouvaient encore à l'époque de Salomon.
II Par., v, 10; Hebr., ix, 14. Elles disparurent en même
temps que l'Arche à l'époque de la captivité. — Méta-
phoriquement, le cœur de l'homme est comparé à une
table sur laquelle est écrite la loi de Dieu. Prov., m,
3; vu, 3. Saint Paul dit que ses fidèles Corinthiens
sont pour lui comme une lettre du Christ, écrite « non
sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair. »
II Cor., m,3.
2° Tables à inscriptions. — Isaïe, vin, 1, reçoit
l'ordre de prendre une grande tablette, gilldyôn, Tojio;,
liber, pour y écrire la prophétie contre Damas et Sa-
marïe. Habacuc, n, 2, dut aussi graver sa prophétie sur
des tables, luhôt, irj^îa, tabulée. Les Romains gravèrent
sur des tables, SéXtol, tabulée, d'airain et envoyèrent à
Jérusalem le traité passé avec Judas Machabée. 1 Mach.,
vm, 22. Ils gravèrent sur des tables semblables le
traité renouvelé avec Simon. I Mach.,xiv, 18. Les Juifs
gravèrent sur des tables d'airain, qu'on plaça dans la
galerie du Temple, l'énumération des services rendus
par Simon. I Mach., xiv, 26-48. Cf. Job, xix, 24. Voir
Stèle, col. 1861.
3° Panneaux de bois ou d'airain. — Les panneaux
du Tabernacle sont appelés qerâsim, <r:J).oi, tabulée;
ils sont en bois d'acacia et destinés à être placés debout.
Exod., xxvi, 15, 17-29; xxxvi, 20-33. Dans le Temple
de Salomon, les murs sont recouverts de panneaux,
sal'ôt, îO.supai', tabulée, tàbulata, de cèdre et de pin-
III Reg., vi, 15, 16, 18; vu, 3; II Par., m, 5. Les bas-
sins roulants avaient des panneaux, luhôt, cruyxXeiajjiaTa,
tabulala, d'airain, représentant des chérubins, des
lions et des palmes. III Reg., vu, 36. Voir Mer d'airain,
t. iv, col. 986. Les panneaux d'une porte sont aussi
formés d'un lûah, eravtj, tabula. Cant., Vin, 9. Ézéchiel,
xxvii, 6, appelle qéréS, transtrum, un banc incrusté
d'ivoire. Il désigne sous le nom de sel.ûf, stralum, les
panneaux de bois qui revêtaient son Temple idéal.
Ezech., xli, 16.
4° Tables généalogiques. — Voir Généalogie, t. m,
col. 159. Une table généalogique est appelée sêfer hay-
yahai, piS).i'ov tri; tmvoSiaç, liber census, « livre de
famille ». II Ësd., vu, 5. Le mot yahas, d'origine
obscure, a donné naissance au verbe hifyahas, « se
faire inscrire sur les tables généalogiques ». I Par.,
v, 17; ix, 1; I Esd., il, 62; II Esd., vu, 64. Le même
mot désigne aussi ce qui est inscrit sur les tables gé-
néalogiques. I Par., iv, 33; v, 1, 7; vu, 5, 7, 9, 40; ix,
22; II Par., xn, 15; xxxi, 16-19; I Esd., vm, 1, 3;
II Esd., vu, 5. Ce terme n'apparaît d'ailleurs que dans
les livres les plus récents de la Bible hébraïque.
H. Lesètre.
TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE.
— I. Elle est contenue dans le ch. x de la Genèse.
C « est un document unique parmi ce que nous a légué
l'antiquité. Il montre d'une manière éclatante la supé-
riorité du point de vue des livres sacrés d'[Israël] sur
celui des autres peuples anciens, même de leurs philo-
sophies les plus avancées, quand il s'agit de concevoir
les rapports des diverses nations de l'antiquité. Généra
lement, dans le monde antique, chaque peuple, ou du
moins chaque famille ethnique, regarde les autres
peuples comme des barbares qui n'appartiennent pas à ~
la même espèce que lui. Les Égyptiens, par exemple, en
reconnaissant dans l'humanité de grandes races qui
correspondent à celles que la Bible fait descendre des
trois fils de Noé, leur refusent toute fraternité d'origine.
Chacune d'elles est le produit d'une création différente,
l'œuvre ou l'émanation d'un dieu particulier. Israël, au
contraire, a beau être fier de son caractère de peuple
choisi de Dieu, jaloux de se maintenir à l'égard des
autres nations dans un isolement qui lui permet de
mieux sauvegarder le dépôt à lui confié de la vérité
religieuse, il ne cesse pas de se regarder comme un
simple membre de l'ensemble de l'humanité. Tous les
hommes et tous les peuples, issus d'un couple unique,
appartiennent au même sang, ont la même dignité
et la même vocation. Ils sont donc entre eux parents
et frères. De cette grandeur et de cette unité de l'es-
pèce humaine découle la conception, fondamentale
dans la pensée biblique, qui donne pour pivot à ses
destinées l'histoire et le développement religieux d'un
seul peuple, du peuple de Dieu, et pour but final de
l'évolution générale de l'humanité la réunion de tous
les peuples dans le règne de Dieu, promise à Abraham...
C'est cette parenté fondamentale de tous les peuples,
gage d'un avenir commun dans la voie montrée par
Israël, que le tableau du ch. x de la Genèse est destiné
à présenter sous une forme sensible. » Fr. Lenormant,
Les origines de l'histoire, t. n, part. I, 1882, p. 307-308.
La descendance des peuples issus de Noé et de ses
trois fils est exposée sous la forme d'un arbre généalo-
gique, à la façon des Orientaux. Les individus, les noms
des fils de Noé et quelques autres noms y person-
nifient des races. Voir A. Delattre, S. J., Le Plan de la
Genèse, dans la Revue des questions historiques, juillet
1876, t. xx, p. 46. Génies... fuisse, non homines, dit
saint Augustin, en parlant de la table ethnographique,
De civ. Dei, XXI, m, 2; cf. n. 1, t. xli, col. 481 et 480
C'est ce qui explique la forme plurielle de plusieurs
noms.
1971
TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE — TAILLE
1972
II. Moïse énumère les descendants des trois fils de
Noé, Sem, Cham et Japhet, et les pays qu'ils occupèrent.
Il commence par les Chamites. — 1° Chamites. — Ce
furent les premiers hommes qui, après le déluge»
s'éloignèrent du centre commun. La Genèse nomme
quatre fils de Cham : — 1. Chus, dont les descendants
s'établirent depuis Babylone jusqu'à l'Ethiopie en tra-
versant l'Arabie. Voir Chus 1, t. h, col. 743-746. —
2° Mesraïm dont les fils peuplèrent l'Egypte. VoirMES-
raïm, t. iv, col. 1028. — 3. Phuth, t. v, col. 341, peupla
les côtes septentrionales de l'Afrique. — 4. Chanaan
habita la contrée à laquelle il donna son nom et qu'ont
rendue célèbre les Phéniciens et les diverses peuplades
dont le nom revient si souvent dans l'histoire de l'An-
cien Testament; elles occupèrent le pays situé entre la
Méditerranée et la mer Morte avant l'établissement des
Hébreux dans la Terre Promise. Voir Chananéen 1 , t. n,
col. 539.
2» Sémites. — La postérité de Sem occupa les pays
qui s'étendent entre la mer Méditerranée et l'Océan
indien, d'une part, et de l'autre depuis l'extrémité nord-
est de la Lydie jusqu'à la péninsule arabique : Aram
s'établit en Syrie et lui donna son nom sémitique;
Arphaxad peupla la Mésopotamie ; Assur, l'Assyrie ; Élam,
l'Élymaïde, qui devint plus tard une province persane;
Jectan, l'Arabie. Voir ces différents noms.
3°Japhétites. — De Japhet sortirent : 1. Gomer, père
des races kymris ou celtes, qui s'étaient d'abord éta-
blies au nord duPont-Euxin, puis au midi de cette mer,
Hérodote, iv, 11-13; 2. Magog, des races scythiques et
teutoniques;3. Madaï, des races iraniennes : Bactriens,
Mèdes et Perses; 4. Javan, d'Élisa, Tharsis, Céthim;
Dodanim, des races pélasgiques, hellènes, italiotes, etc. ;
5. Thubal des Thabuliens, Ibères; 6. Mosoch des Cappa-
dociens; 7. Thiras d'une partie des races scythes et
slaves. Voir Japheth 1, t. m, col. 1125.
III. « Moïse, en exposant la filiation des peuples,
dit la Civiltà cattolica, 15 février 1879, p. 436-437, se
borne à une seule des grandes races humaines, à celle
qui tient indubitablement le premier rang et l'emporte
sur toutes lesautres,c'est-à-direla race blanche; il ne dit
rien des trois races inférieures, la jaune, la rouge et la
noire, qui sont pourtant une partie de l'espèce humaine.
...Le but de Moïse ne fut pas de décrire l'origine de
tous les peuples qui composent l'humanité, mais seule-
ment de ceux que connaissait le peuple hébreu ou
qu'il lui importail le plus de connaître. De ce nombre
furent naturellement exclus ceux de l'extrême Orient
asiatique, comme les Chinois, les Mongols, etc. (race
jaune); ceux de l'Amérique, alors inconnue (race rouge),
et ceux du Grand Océan, Papouans, Mélanésiens, etc.
(race nègre océanique) . : les Hébreux ne les connais-
saient pas et ils n'avaient nul besoin de les connaître.
Quant aux nègres de l'Afrique intérieure, les Hébreux,
qui avaient demeuré en Egypte, les connaissaient cer-
tainement, car [ils étaient nombreux dans ce pays]...
Moïse ne parle point d'eux, peut-être parce qu'ils avaient
toujours été... étrangers à l'histoire du peuple hébreu. »
Voir Nègres, t. iv, col. 1561.
Quant à l'origine de ces races, rien n'empêche de
croire qu'elles proviennent d'autres descendants de
Noé. Ce patriarche, après le déluge eut d'autres enfants
que Sem, Cham et Japhet et ces derniers eurent aussi
des fils dont la Genèse ne nous a pas transmis les noms.
Elle dit expressément, xi, 11, que Sem « engendra des
fils et des filles » dont elle ne nous fait pas connaître
les noms. L'analogie porte à croire qu'elle ne nous a pas
fait connaître non plus tous les enfants de Cham et de
Japhet et tous leurs petits-fils, lesquels durent donner
naissance à des familles et à des peuples qui vécurent
dans un isolement complet des autres et demeurèrent
ainsi séparés de l'histoire des Hébreux.
Voir S. Bochart, Phaleg sou de dispersione genlium,
in-f°, Caen, 1646; Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis,
in-8°, Giessen, 1850; E. F. K. Rosenmûller. Handbuch
der biblischen Alterthumskun.de, 4 in-8», Leipzig, 1823-
1830; C. von Lengerke, Kenaan, in-8°, Kœnigsberg,
1844; E. de Ujfalvy, Aperçu général sur les migrations
des peuples, in-8°, Paris, 1873; Fr. Lenormant, Les
origines de l'histoire d'après la Bible (inachevé), t. n,
in-8», Paris, 1882; H. Sayce, The liaces of the Uld Tes-
tament, in-16, Londres, 1891.
TABRÉMON (hébreu : Tabrimmôn; Septante :
Taëepend), fi' s d'Hézion et père de Bénadad I er , roi
de Damas. III Reg., xv, 18. Voir Remmon 3, col. 1036;
Damas, t. n, col. 1225. Il n'est nommé dans l'Écriture
que comme père de Bénadad.
TADMOR, nom hébreu, Tadmôr, de la ville de
Palmyre. Voir Palmyre, t. iv, col. 2070.
TAHAS (hébreu : Tafras; Septante : Tox<5?), le
troisièmedes quatre fils qu'eut Nachor, frère d'Abraham,
de Roma, sa femme de second rang. Gen., xxn, 24.
Tahas en hébreu désigne le dugong. Voir Dugong, t. n,
col. 1510.
TAHKEMÔNI, Thahkemônîte, mot hébreu sans ar-
ticle, qualificatif de Jesbaam, dans le passage altéré de
II Sam. (Reg.), xxm, 8. Voir Jesbaam, t. m, col. 1398.
Il faut probablement lire Hachamoni, hé au lieu de
thav, comme! Par., xi, 11, « fils de Hachamoni ». Cf.
Josèphe, Ant. jud., VII, xn, 4.
TAHTIM HODSI (Septante : -yr| ©a<ja<ràiv iî io-civ
'ASaaai; Vulgate : in terram inferiorem Hodsi), pas-
sage probablement altéré, II Sam. (Reg.), xxiv, 6.
Joab passa dans cette localité, quand il fit- le recensement
du peuple sous le règne de David. Elle était située
entre le pays de Galaad et Dan-Yaan ou Dan-la-Silvestre.
On a fait toute sorte d'hypothèses pour restituer le
texte 'primitif. On peut supposer qu'il faut corriger
Cédés des Héthéens. Voir CÉDÉS 2, t. Il, col. 369.
1. TAILLE (hébreu : niidddh, qômâh; Septante :
t|A(xcoc, [léyEOo;, O'^oç; Vulgate : statura, altitude),
dimension en hauteur du corps d'un homme. — Sur
les géants antérieurs au déluge, Bar., m, 26, voir
Géants, t. m, col. 135. Quand les explorateurs israélites
furent envoyés en Chanaan, ils remarquèrent la haute
taille des habitants du pays. Num., xm, 33; Deut., i,
28. Saûl était de haute taille; ses concitoyens ne lui
venaient qu'à l'épaule. I Reg., x, 23, 24. Éliab, fils
d'Isaï, était également remarquable par sa taille.
I Reg., xvi, 7. Samuel crut tout d'abord que, pour cette
raison, il était l'élu de Dieu. Chez les anciens, on
aimait assez que le souverain fût d'une taille avanta-
geuse. Cf. Hérodote, m, 20; vu, 187. Banaïas, un des
héros de David, tua un Égyptien qui avait cinq coudées
de haut. IPar., xi, 23. Goliath était encore plus grand;
sa taille atteignait six coudées et une palme. I Reg.,
xvii, 4. L'Épouse du Cantique, vu, 7, ressemblait au
palmier par sa taille. Ici la comparaison ne porte évi-
demment pas sur la hauteur, mais sur la grâce et
l'élégance delà stature. Les Sabéens avaient une haute
taille. Is., xlv, 14. Ézéchiel, vin, 18, parle d'oreillers
faits pour les têtes de toute taille, c'est-à-dire d'accom-
modements ménagés pour les hommes de toute condi-
tion. — Il est parfois question de la taille des arbres,
Is., x, 33; xxxvii, 24; Ezech., xix, 11, des statues,
Dan., n, 31, et d'objets divers. Gen., vi, 15; Exod.,
xxv, 10, 23; Ezech., i, 18; etc. — Zachée était petit de
taille. Luc, xix, 3. Notre-Seigneur dit que personne,
avec toute son industrie, ne peut ajouter une coudée
à sa taille. Matth., vi, 27; Luc, xn, 25. Le mot grec
1973
TAILLE — TALENT
1974
f É ).tx[a, employé dans ce passage, signifie « haute sta-
■ ture », mais bien plus ordinairement « temps de la
vie », et « jeunesse » ou « vieillesse ». Ce dernier sens
paraît préférable ; car, s'il s'agissait de la taillé, Notre-
Seigneur aurait sans doute pris la plus petite mesure
de longueur, non la coudée (0 m 525), mais le doigt
(0 m 0218). Personne ne peut allonger sa taille même
d'un doigt. La coudée s'adapte mieux à une longueur
plus considérable : personne ne peut allonger sa vie
d'une coudée, la vie étant assimilée à un chemin,
Matth., v, 25, au bout duquel une coudée est une lon-
gueur insignifiante. Il est dit aussi que l'enfant Jésus
croissait TiXixia, très probablement en taille, plutôtqu'en
âge, selate, comme traduit la Vulgale. Luc, n, 52.
H. Lesêtre.
2. TAILLE (Septante : zoy.-^; Vulgate : putatio),
opération qui consiste à émonder les végétaux pour
activer leur production. — La Bible ne parle que de la
taille de la vigne. La taille est plus nécessaire à la vigne
qu'à tout autre arbre. En Orient, on ne coupe pas tous
les sarments jusqu'à la souche, comme en France on
le fait chaque année. On en laisse trois ou quatre [sur
une tige principale, haute de cinq à six pieds. La
récolte en est plus hâtive et meilleure. Cf. Tristram.
The naturalHistory of the Bible, Londres, 1889, p. 408-
Notre-Seigneur fait allusion à la taille de la vigne et à
ses effets : « Tout sarment qui porte du fruit, il
l'émonde, afin qu'il en porte davantage. » Joa., xv, 2.
La taille de la vigne était défendue l'année sabbatique.
Lev., xxv, 3, 4. C'était une année de repos pour la terre,
et aussi pour la vigne dont la vigueur se dépensait
alors en faveur de la plante aux dépens de ses fruits.
Isaïe, v, 6, compare Juda infidèle à une vigne qui ne
sera plus taillée ni cultivée et qu'envahiront les ronces
et les épines. — Dans sa description du printemps,
l'auteur du Cantique, H, 11-13, mentionne la disparition
de la pluie, l'éclosion des fleurs, le chant, zâmîr, qui
retentit, la voix de la tourterelle, les fruits naissants
du figuier et le parfum de la vigne en fleur. Les ver-
sions ont traduit zàmîr par to\>.r\, putatio, Aquila et
Symmaque pandaSe-Jcn;, le Chaldéen par qittûf, et le
Syriaque par qashâ', tous mots qui signifient « taille »
de la vigne. Cette taille se pratique en mars, cf. Rosen-
mùller, Canticum, Leipzig, 1830, p. 333, et même en jan-
vier, cf. H. Vincent, dans la Revue biblique, 1909, p. 251 ;
elle peut, par conséquent, servir à caractériser le prin-
temps. Il est singulier cependant qu'une opération aussi
prosaïque ait pris place dans une description poétique
qui ne mentionne que des phénomènes naturels.
Gomme le verbe zâmar signifie à la fois « tailler » et
« jouer des instruments », plusieurs pensent que zâmîr
doit se prendre avec le sens de «chant », comme dans
Job, xxxv, 10; Is., xxiv, 16; xxv, 5; etc. Il s'agit ici
du chant des oiseaux et le parallélisme semble exiger
ce sens :
Le temps des chants est arrivé,
La voix de la tourterelle se fait entendre.
Isaïe, XVIII, 5, fait allusion à une seconde taille de la
vigne : « Avant la moisson, quand la floraison sera
achevée et que la fleur sera devenue une grappe
bientôt mûre, il coupera les sarments à coups de serpe,
il enlèvera et coupera les grandes branches. » Cet
élagage, qui se pratique aujourd'hui couramment, a sa
grande utilité. « Après la formation des grappes, c'est-
à-dire à l'entrée de l'été, quand déjà orges et blés sont
moissonnés, les vignerons soigneux émondent les ceps,
coupent même parfois la pointe des sarments laissés ou
la replient, afin que la sève se concentre dans le
raisin au lieu de se disperser dans une trop vigou-
reuse et vaine frondaison, très nuisible à la qualité de
la récolte au moment de sa maturité. » H. Vincent, dans
la Revue biblique, 1909, p. 251. Comme le marque le
prophète, cette opération s'exécute dans les jours
chauds de l'année, quand on est en repos et dans sa
demeure, probablement dans la tour de garde de la
vigne. On y vit à l'aise et dans un repos relatif, et l'on
charme les loisirs des fraîches soirées en jouant de
divers instruments, surtout d'une flûte de roseau à
double tuyau appelée zoumerah ou zoummarah, dont
le nom reproduit l'hébreu zimrâh, « chant ». Le
P. Vincent pense que l'époque de cette seconde taille
est celle que vise la description du Cantique, n, 11-13,
parce qu'au moment de la première les vignes ne sont
pas encore en fleur et n'embaument pas. Voir ÉMON-
dage, t. h, col. 1764. II. Lesêtre.
TALENT (kikkâr, Septante : -ra).avTdv), poids et
monnaie de compte. C'était le poids le plus élevé et
il équivalait à 3000 sicles. Son nom hébreu de kikkâr,
« objet rond, de forme ronde », lui venait sans doute
de ce qu'il avait ordinairement une forme arrondie.
Sa valeur, dans notre système métrologique, est appro-
ximativement de 42 kilogrammes 533 grammes. On a
trouvé, près de l'enceinte sacrée du Temple de Jéru-
salem, un de ces poids qui a la forme d'une grosse pas-
tèque. Voir la Conférence (du P. Gré) sur le kikkar ou
talent hébreu découvert à Sainte-Anne de Jérusalem,
dans la Revue biblique, juillet 1892, p. 416-432. —
Pour la confection des travaux du sanctuaire, Moïse
employa 29 talents d'or et 1775 sicles, Exod., xxxvm,
24, cent talents et 1775 sicles d'argent, f. 25 (26), 27;
70 talents et 2400 sicles d'airain (cuivre), y. 29. Voir
aussi Exod., xxv,39; XXXVII, 24. — Le diadème d'or du
roi de Rabbath Ammon dont s'empara David pesait un
talent d'après le texte actuel de II Sam. (Reg.), xii, 30 ;
I Par., xx, 2, ce qui semble un poids tout à fait excessif
pour un ornement de ce genre, mais peut s'entendre
de sa valeur et non pas littéralement de son poids.
Voir Couronne, I, t. n, col. 1083. — Hiram, roi de
Tyr, envoya à Salomon cent vingt talents d'or pour
l'ornement du temple de Jérusalem. III Reg., ix, 14.
La flotte d'Ophir rapporta à Salomon quatre cent vingt
talents d'or, III Reg., ix, 28 (II Par., rai, 18, quatre
cent cinquante). D'après I Par., xxix, 4, ce roi aurait
consacré à l'ornementation du Temple trois mille ta-
lents d'or d'Ophir et sept mille talents d'argent; il
n'est pas dit que cet or d'Ophir eût été porté par la
flotte israélite. Les chefe d'Israël offrirent aussi pour le
service et l'embellissement du Temple cinq mille ta-
lents d'or, dix mille talents d'argent, dix-huit mille
talents d'airain et cent mille talents de fer. I Par.,
xxix, 7. Ces chiffres ont été exagérés par les trans-
criptions des copistes, d'après divers commentateurs,
de même que les cent mille talents d'or et le million
de talents d'argent qui, d'après I Par., xxn, 14,
avaient été recueillis par David pour préparer la con-
struction du Temple. Salomon revêtit d'or pur le Saint
des saints pour une valeur de six cents talents. II Par.,
m, 8. — La reine de Saba fit présent à Salomon de
cent vingt talents d'or. II Par., ix, 9. — Ce roi rece-
vait chaque année six cent soixante -six talents d'or.
II Par., ix, 13. — Amri, roi d'Israël, acheta pour deux
talents d'argent la colline où il éleva Samarie, sa capi-
tale. III Reg., xvi, 24. — Un prophète estime, auprès
d'Achab, la vie d'un homme un talent d'argent. III Reg. ,
xx, 39. — Lorsque Naaman alla trouver Elisée pour se
faire guérir de sa lèpre, il emporta avec lui dix talents
d'argent et six mille sicles d'or. IV Reg., v, 5. Le pro-
phète refusa d'accepter ses présents, mais son serviteur,
Giézi, courut après Naaman pour lui demander frau-
duleusement un talent d'argent. Il en reçut deux et il
fut puni par la lèpre de son avarice, f. 22-27. — Mana-
hem, roi d'Israël, paya à Phul = Théglathphalasar,
roi d'Assyrie, pour qu'il l'aidât à s'affermir sur le trône,
mille talents d'argent qu'il se procura en faisant payer
1975
TALENT — TALITHA CUMI
1976
cinquante sieles d'argent aux riches Israélites. IV Reg.,
sv, 19. — Amasias, roi de Juda, avait pris à sa solde
cent mille Israélites pour cent talents d'argent. II Par.,
xxv, 6, 9. — Joatham, roi de Juda, fit payer aux
Ammonites pendant trois ans cent talents d'argent
avec d'autres redevances. [I Par., xxvn, 5. — Ézéchias,
roi de Juda, paya, à Lachis, à Sennachérib, roi
d'Assyrie, une somme de trois cents talents d'argent et
de trente talents d'or. IV Reg., xvih, 14. — Néchao,
roi d'Egypte, fît payer au royaume de Juda une contri-
bution de cent talents d'argent et d'un talent d'or.
IV Reg., xxin, 33 ; II Par., xxxvi, 3. — Le roi de Perse,
Artaxercès, donna l'ordre aux gouverneurs des provinces
à l'ouest de l'Èuphrate de donner à Esdras une somme
d'argent jusqu'à concurrence de cent talents d'argent.
I Esd., vu, 22. — Esdras, près du fleuve d'Ahava, remit
à douze chefs des prêtres juifs six cent cinquante ta-
lents d'argent et cent talents d'or, avec d'autres objets
précieux. I Esd., vm, 26. — Tobie, i, 16-17; iv, 21,
avait prêté à Gabélus dix talents d'argent. — Aman avait
promis au roi Assuérus de verser mille talents d'argent
au trésor royal après avoir fait massacrer les Juifs qui
étaient dans ses états. Esth., ni, 9. — Dans Zacharie,
v, 7, le prophète voit en vision une masse ou un disque
de plomb, d'après l'hébreu. La Vulgate traduit, à la suite
des Septante, « un talent d'argent », mais le ^.8 montre
bien qu'il s'agit d'une masse de plomb, massa plunibi,
comme traduit la Vulgate elle-même, et non d'un va-
leur monétaire. — L'hébreu kikkar a le double sens
de talent et d'objet rond. — Les deux livres des Macha-
bées parlent souvent de talents; dans plusieurs pas-
sages ils ne marquent pas de quel métal étaient ces
talents. I Mach., xi, 28; xv, 35; II Mach., v, 21; vm,
10, 11, mais ils devaient être d'argent, comme dans les
endroits où la matière est précisée. I Mach., xm, 16, 19;
xv, 31; II Mach,, m. 11; iv, 8, 24. — Dans le Nouveau
Testament, saint Matthieu raconte la parabole du servi-
teur qui devait dix mille talents, d'argent sans doute,
au roi son maître, xvm, 24, et celle du maître qui, en
partant pour un voyage, confie cinq, trois et un talent,
probablement d'argent, pour qu'ils les fassent valoir,
xxv, 15-28. Le mot talent n'est employé dans la para-
bole que comme signifiant une somme élevée. Saint
Luc, en la rapportant, xix, 13-25, se sert du mot mine,
ce qui laisse aux paroles de Notre-Seigneur le même
sens général. — Saint Jea*i, dans l'Apocalypse,
xvi, 21, parle de la grêle miraculeuse qui s'échappa
de la coupe du septième ange et dont le poids était
d'un talent.
TALION, peine consistant à faire subir à quelqu'un
le même dommage qu'il a infligé à un autre. — 1° La
peine du talion est formellement édictée par le code
d'Hammourabi : œil crevé pour œil crevé, art. 196;
membre cassé pour membre cassé, art. 197 ; dent brisée
pour dent brisée, art. 200. La loi du talion s'étend
même à d'autres qu'au coupable. On tue la fille de
celui qui a fait avorter une femme, art. 210; on met à
mort l'architecte d'une maison qui s'est écroulée sur
le propriétaire, art. 229; on tue le fils de l'architecte
si la maison a tué le fils du propriétaire, art. 230.
Quand la perte porte sur des animaux, bœuf pour bœuf,
mouton pour mouton, art. 263. Parfois l'amende est
substituée au talion, art. 198, 201, etc. La peine du
talion présentait certains avantages. Elle simplifiait la
législation pénale, donnait satisfaction à celui qui
avait subi le dommage, empêchait ce dernier d'exagérer
ses exigences et prévenait les violences en menaçant
d'une peine bien déterminée celui qui était tenté de les
commettre. Cette pénalité n'était pas cependant toujours
équitable, malgré ses apparences de justice. Celui qui
avait agi par malice délibérée méritait une peine plus
grave que celle qu'il avait inlligée. Parfois aussi sa
culpabilité était atténuée par diverses Circonstances et
il ne méritait pas une peine égale au mal qu'il avait
causé. C'est ce qui fait que la peine du talion disparut
peu à peu, à mesure que les législations se perfection-
nèrent. Chez les anciens Romains, une loi des XII Tables
était ainsi conçue : Si membrum rupit, ni cum eo
pacit, talio esto, « que celui qui a brisé un membre
subisse le talion, à moins d'arrangement ». A celte loi
du talion, on ne tarda pas à substituer l'amende, à
cause de la difficulté de sa juste application. Cf. Aulu-
Gelle, IX, x, 14-41; Pline, H. N., vu, 54, 55. A Athè-
nes, Solon avait aussi adopté le principe du talion. Cf.
Diogène Laerce, i, 57; Diodore de Sicile, xn, 17. —
2° La loi mosaïque a conservé la législation chaldéenne
du talion : « Vie pour vie, œil pour œil, dent pour
dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour
brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour
meurtrissure. » Exod., xxi, 23-25. « Celui qui frappe
un homme mortellement sera mis à mort. Celui qui
frappe mortellement une tête de bétail en donnera une
autre : vie pour vie. Si quelqu'un fait une blessure à
son prochain, on lui fera comme il a fait: fracture pour
fracture, œil pour œil, dent pour dent; on lui fera la
même blessure qu'il a faite à son prochain. » Lev., xxiv,
17-20; Deut., xix, 21. L'exécution de la peine du talion
n'était pas laissée à l'arbitraire de la partie lésée; les
juges intervenaient pour décider. Mais comme l'exécu-
tion de la peine légale avait en elle-même quelque
chose d'odieux, il devait être permis à la partie lésée
de se contenter d'une compensation pécuniaire, sou-
vent plus avantageuse pour elle que la mutilation du
coupable ou de l'imprudent. Ainsi l'entend Josèphe,
Ant. jud., IV, vm, 35, interprète de la pensée de ses
contemporains : « Que celui qui en a mutilé un autre
endure la même peine, privé lui-même de ce dont il
a privé l'autre, à moins que le mutilé ne préfère rece-
voir de l'argent; la loi laisse alors au lésé plein pouvoir
d'estimer l'accident qui lui est arrivé et l'autorise à
agir ainsi, s'il ne veut se montrer trop cruel. » Il est
donc probable que les sévices corporels furent d'un
usage très restreint chez les Hébreux et que la compen-
sation pécuniaire les remplaça habituellement. Excep-
tion était faite pour le meurtre, la victime n'étant plus
là pour consentir une commutation. — LesHébreux cou-
pèrent les pouces des mains et des pieds au roi chana-
néen Adonibésec, qui lui-même avait infligé le même
traitement à soixante-dix autres rois. Jud., i, 6, 7.
Ménélas, qui avait profané le feu et la cendre de
l'autel, périt étouffé dans une tour pleine de cendres.
II Mach., xm, 5, 8. Ces faits et d'autres semblables ne
sont pas des applications de la loi du talion, mais de
simples coïncidences providentielles qui rappellent les
lois de la justice divine aux coupables ou aux témoins
de leur supplice. — 3° Le Sauveur abolit la loi du talion,
tombée depuis longtemps en désuétude, mais dont on
cherchait encore à abuser pour satisfaire des vengeances
privées. Matth., v, 38, 39. A l'ancien droit, il opposa un
conseil nouveau, celui d'aller au-devant de l'injure. Le
devoir est entre les deux : ne pas tirer vengeance du
mal, sans cependant être obligé de s'y exposer de soi-
même. Toutefois, il y a une loi du talion qui reste
en vigueur dans l'ordre spirituel. Qui fait miséricorde
obtiendra miséricorde. Matth., v, 7. Qui ne juge point
n'est point jugé, car on sera jugé comme on aura jugé,
et on sera mesuré avec la mesure au moyen de laquelle
on aura mesuré les autres. Matth., vu, 1, 2; Marc, iv,
24; Luc, vi, 38. De là le précepte apostolique concer-
nant la pratique de la charité mutuelle : « Portez les
fardeaux les uns des autres. » Gai., vi, 2. Cf. Matth.,
vu, 12. H. Lesétre.
TALITHA CUMI, expressions araméennes, qui si-
gnifient « jeune fille, lève-toi », et que Notre-Seigneur
1977
TALITHA CUMI — TALON
1978
prononça pour ressuciter la fille de Jaïre. Marc, v, 41,
L'évangéliste a transcrit >a*p KrvVo par TaXiGà xoOu.f
et il explique lui-même ces mots : tô xojâmov iftipw
TALMUD, commentaire de la Mischna. Voir Mis-
chna, t. iv, col. 1127. — 1» Sa composition. — La
Mischna, qui était un premier commentaire de la Loi,
fut à son tour l'objet d'une explication appelée
gemârâ' « complément », de gâmar, « compléter ».
La Mischna et la Gemara forment un ensemble appelé
talmud, « enseignement », de lâmad, « enseigner »,
bien que le nom de Talmud ait été dans le principe
et soit encore souvent réservé à cette seconde partie.
Deux centres d'études donnèrent naissance à deux ré-
dactions différentes du Talmud. Au III e et au IV e siècle,
les docteurs palestiniens, surtout ceux de Tibériade,
enrichirent la Mischna de commentaires juridiques
et casuistiques sur chaque proposition. Leur œuvre
constitue le Talmud de Jérusalem, qui serait plus jus-
tement appelé Talmud de Palestine. On y mentionne
encore les empereurs Dioclétien et Julien, mais on
n'y fait allusion à aucun docteur juif postérieur au
milieu du IV e siècle. Ce Talmud est rédigé en ara-
méen; les citations des docteurs plus anciens sont en
hébreu. La Halacha y occupe la place principale, bien
que d'importants morceaux relèvent de la Haggada.
Voir t. iv, col. 1078-1079. On ne sait pas si le Talmud
de Jérusalem commentait la Mischna entière. On ne
possède que les commentaires sur les quatre premiers
Sedarim, moins les traités 37, Eduyoth, et 39, Aboth,
et le commentaire sur le traité 58, Nidda. — Au v e et
au VI e siècle, ud autre Talmud fut rédigé à Babylone,
où la Mischna avait été apportée par un disciple de
R. Juda, Abba Areka, surnommé Rab. L'œuvre est
rédigée en araméen babylonien, avec citations en
hébreu des plus anciens docteurs. La Haggada y est
plus développée que dans le Talmud de Jérusalem.
Il ne s'étend pas non plus à toute la Mischna. Il y
manque tout le premier Sédér, sauf le traité 1, Bera-
ehotli, puis les traités 15, Schekalim, 37, Eduyoth,
39, Aboth, 50, Middoth, 51, Kinnim, la moitié du 49,
Tamid, et tout le sixième Sédér, sauf le traité 58,
Nidda. Voir t. iv, col. 1127. Bien que le Talmud de
Jérusalem porte sur 39 traités et celui de Babylone sur
36 1/2 seulement, ce dernier a plus de quatre fois le
développement du précédent, et c'est lui qui est le
plus habituellement cité. Les citations de la Mischna
se font par chapitres et versets : Berachoth, iv, 3;
celles du Talmud de Jérusalem se font de même, sous
la forme suivante : Jer. Berachoth, iv, 3; celles du
Talmud de Babylone se font par folios, avec indication
du recto, a, ou du verso, b : Bab. Berachoth, 28 b, ou
quelquefois simplement : Berachoth, 28 6.
2° Sa valeur. — On attribue à R. Ismaël, docteur
palestinien du second siècle, les treize modes de raison-
nement qu'employèrent les rédacteurs des Talmuds.
Ces règles sont formulées d'une manière assez obscure
et plusieurs d'entre elles sont incohérentes. Cf. Drach,
De l'harmonie entre l'Église et la synagogue, Paris,
1841, t. i, p. 175-177. Le style du Talmud n'est rien
moins que clair, les pensées sont embarrassées et
souvent elliptiques, les objections et les réponses se
suivent sans rien qui les distingue, les formes d'argu-
mentation déroutent par leur étrangeté et leur subti-
lité. Ces défauts, particulièrement saillants dans le
Talmud de Jérusalem, furent probablement la cause
qui détermina les docteurs de Babylone à entreprendre
une autre compilation. Cenx-ci se proposèrent « 1,
d'expliquer les raisons des opinions contradictoires
énoncées dans la Mischna, afin d'arriver parce moyen
à la décision définitive en faveur de l'une de ces opinions ;
2, de donner la solution des cas douteux, conformément
à la doctrine des Tannaïtes et des Amoraïm (anciens
docteurs) les plus graves; 3, d'enregistrer les décisions,
les constitutions et les règlements adoptés par les
rabbins depuis la clôture de la Mischna; 4, de donner
des explications allégoriques de plusieurs passages de
l'Écriture, des paraboles, des légendes, des instructions
mystiques. » Drach, ibid., p. 163. La Mischna est rela-
tivement courte et claire. « Les Gemaras sont beaucoup
plus longues à lire et leur étude est des plus fasti-
dieuses... Il n'y a, dans ces pages interminables, ni
style, ni ordre, ni talent; la langue en est aussi déplo-
rable que la pensée, la forme que le fond. L'une est
barbare, l'autre est inintelligible. C'est un fatras, un
insupportable fatras dont l'ensemble forme un des
ouvrages les plus repoussants qui soient au monde. Il
faut le lire cependant, car on y trouve çà et là une
pierre précieuse. » E. Stapfer, La Palestine au temps
de J.-C., Paris, 1885, p. 24. Ces défauts sont particu-
lièrement sensibles dans le Talmud de Babylone. Voir
Caraïte, t. H, col. 242. C'est dans le Talmud que
les docteurs juifs ont. consigné les blasphèmes et les
plus odieuses insinuations contre Jésus-Christ et sa
sainte Mère, et qu'ils ont formulé leurs principes sur
le déni de toute charité, de toute loyauté et de toute
justice envers les chrétiens. Cf. Aboda sara, fol. 13 b,
20 a; Baba kamma, fol. 29 b; etc. Un synode juif de
1631 en Pologne, pour éviter de soulever l'indignation
des chrétiens, prescrivit de ne plus imprimer les pas-
sages concernant Jésus de Nazareth, mais de les rem;
placer par un signe avertissant les maîtres d'avoir à
les enseigner oralement. Cf. Drach, op. cit., p. 166-168.
Il y a en somme peu d'utilité à retirer du Talmud pour
l'intelligence des Livres Saints. Il peut servir néan-
moins à indiquer comment, du iv 8 au vi e siècle, on
entendait certains textes de la Mischna et subsidiaire-
ment de la loi mosaïque. — Sur l'influence des Talmu-
distes par rapport au texte hébreu de la Bible, voir
Massore, t. iv, col. 855. Sur les Caraïtes, ennemis des
traditions talmudiques, voir t. H, col. 243. — Les deux Tal-
muds ont été publiés à Venise par Bomberg, de 1520 à
1524. OnadansUgolini,37i0s<z«rMS,une traduction latine
de 19 traités du Talmud de Jérusalem, t. xvn, xvm,
xx, xxv, xxx, et de trois traités duTalmudde Babylone,
t. xix, xxv. Cf. M. Schwab, Le Talmud de Jérusalem,
traduit, Paris, 1878-1889; Pinner, Compendium des
hier, und bab. Talmud, Berlin, 1832; Bédarride, Étude
sur le Talmud, Montpellier, 1869 ; Darmesteter, Le Tal-
mud, dans Reliques scientifiques, Paris, 1890, 1. 1, p. 1-53 ;
Mlelziner, Introduction to tlie Talmud, Cincinnati,
1894; Bernfeld, Der Talmud, sein Wesen, seine Bedeu-
tung und seine Geschichte, Leipzig, 1900; Schiirer,
Gesch. des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig,
t. i, 1901, p. 125-136; Herm. Strack, Einleitung in
den Talmud, Leipzig, 4 e édit., 1908. H. Lesétre.
TALON (hébreu : 'dqêb, qarsôl; Septante : wripva;
Vulgate : talus, calcaneum, calx), partie postérieure
du pied. — Dans la sentence portée contre le serpent
tentateur, il est dit que la postérité de la femme lui
écrasera la tête, mais que lui la meurtrira au talon.
Gen., m, 15. Le coup porté par Satan sera donc guéris-
sable, tandis que celui qu'on lui portera sera mortel.
Quand Jacob vint au monde, il tenait par la main le
talon de son frère Ésaù, ce qui lui fit donnerlenomde
ya'âqob, « Jacob ». Gen., xxv, 25 — Lever le talon
contre quelqu'un, c'est faire acte d'hostilité contre lui,
en cherchant à écraser celui qui est à terre. Ps. xli
(XL), 10; Joa., xiii, 18. Entourer le talon de quelqu'un,
c'est le talonner, le poursuivre pour lui faire du mal.
Ps. xlix (xlviii), 6. Le talon de Juda sera meurtri à
cause de ses iniquités, Jer., xm, 22, ce qui signifie que
ses ennemis l'attaqueront et le blesseront dans sa fuite.
Dans le même sens, Job, xvm, 9, souhaite que le filet
soit sur les talons de l'impie. Les talons qui ne chan-
1979
TALON
TAMARIS
1980
cellent pas sont le signe de la sécurité. Ps. xvm (xvn),
37; II Reg., xxn, 37. Les versions traduisent le mot du
Psaume par ïjçvoç, vestigium, « trace ». C'est d'ailleurs
le sens que prend parfois le mot « talon », à cause de
l'empreinte qu'il laisse sur un sol meuble. Ps. lvi (lv),
7; Cant., i, 18. — Le prophète a de l'eau jusqu'à la
plante des pieds, 'afsâyîm, que la Vulgate traduit
par « talons ». Ezech., xlvh, 3. Les deux idées sont
d'ailleurs connexes. La Vulgate met la « plante » pour
les « pieds », Prov., vi, 28. La plante des pieds s'appelle
kaf raglayim, « le creux des pieds », fJrj[«x iroSôç, ve-
stigium pedis, îyyoi toO noS(î{, pes. Deut., n, 5; xi, 24;
xxvm, 65; cf. Gen., vm, 9. L'expression mik-kaf ragla-
yim ve'ad qôdqod, àra> ?x v0U Ç tûv woBûv êa>; iî)ç xopu-
çr,;, o plantapedis usque ad verticem, désigne le corps
— Tamaris syriaca.
tout entier. Deut., xxvm, 35; Job,n, 7; Is., i,6. — On
a retrouvé des amulettes chananéennes fabriquées avec
des talons humains. Gf. H. Vincent, Canaan, Paris,
1907, p. 176. H. Lesêtre.
TAMARIS ou TAMARISC (hébreu : 'êsél; Sep-
tante : «poupa; Vulgate : nemus), arbre aux longs
rameaux étalés à feuilles menues.
I. Description. — Ces arbrisseaux à rameaux effi-
lés et pourvus de feuilles écailleuses ont un port élégant
comparable à celui des bruyères et des cyprès. Leurs
fleurs très petites aussi sont réunies en panicules très
ramifiées d'un rose plus ou moins vif. Chacune d'elles
comprend un calice persistant à 4 ou 5 divisions
alternant avec autant de pétales libres et des étamines
en nombre double. L'ovaire supère et trigone se ter-
mine par un style à 3 stigmates dilatés, et contient à
maturité plusieurs graines pourvues d'aigrette. La
floraison qui se fait soit au printemps en grappes laté-
rales portées par le vieux bois, soit dans la fin de l'été
à l'extrémité des rameaux de l'année, permet d'y re-
connaître deux séries. Toutes d'ailleurs habitent les
sables arides et imprégnés de sel, près de la mer ou
dans les dépressions du désert dont elles forment la
végétation la plus remarquable. En Palestine on les
trouve surtout au pourtour de la mer Morte, sur les
rives du Jourdain inférieur, ou le long du littoral médi-
terranéen.
Les espèces vernales sont le T. syriaca (fig. 436) à
fleurs pentaméres et le T. tetragyna à 4 divisions
florales. Le T. Jordanis pour ses inflorescences portées
â la fois par le bois d'un an et par les pousses nou-
velles forme la transition vers les espèces du second
groupe. La plus importante parmi ces dernières est le
T. mannifera, le Tarfa des Arabes, qui garde sa
fraîcheur au milieu de l'aridité désertique, principale-
ment au voisinage du Sinaï. Sous la piqûre d'une
cochenille ses rameaux gonflés de sève exsudent un
liquide qui se concrète en manne gommeuse d'un
jaune sale, d'un goût agréable et aromatique. Le
T.Nilotica d'Egypte en est très voisin et s'en distingue
surtout par la teinte de son feuillage vert et non
-sT
1 0\vV/ .
437.-
Tamaris articulata.
glauque. On reconnaît enfin le T. articulata (fig. 437) à
ses feuilles qui sont engainantes à la base. F. Hy.
II. Exégèse. — Le mot 'êsél se présente trois fois
dans la Bible. Dans Gen., xxi, 33, on voit Abraham
planter un 'êïél près du puits de Bersabée, et y invo-
quer le nom du Seigneur. C'est sous un 'êSél, dans le
haut-lieu, que se tient Saùl, à Gabaa, entouré de sa
cour. I Reg., xxn, 6. Les os de Saûl et de ses fils sont
enterrés sous le 'êSél de Jabès. I Reg., xxxi, 13. (Dans
le passage parallèle, I Par., x, 12, sans doute par une
méprise de copiste le 'êSél est remplacé par un térébin-
the, 'élâh.) Dans ces trois rencontres la Vulgate traduit
'êSél par nemus, « un bois » ; les Septante ont rendu ce
mot par ôépoupa, qui désigne proprement un champ,
une terre cultivée, mais aussi un lieu planté d'arbres,
un bois, et c'est sans doute dans ce dernier sens qu'il
parait pris ici, sens suivi par la Vulgate. Aquila traduit
par 8£-;Spwva, et Symmaque, par çu-retav. Sous l'in-
fluence de ces traductions et des commentaires de'cer-
tains rabbins, Celsius, Hierobolanicon, t, i, p. 539,
n'a voulu voir dans ce mot hébreu qu'un nom d'arbre
en général, ou un bois. Mais son opinion est victorieu-
sement combattue par J. D. Michaêlis, Supplementa
ad lexica hebraica, Gœttingue, 1792, 1. 1, p. 134-136. II
1981
TAMARIS — TAMBOUR
1982
montre que le mot hébreu 'êsél est apparenté à l'arabe
,Jof , athal, ou plutôt asal (le th étant prononcé s (z) par
les Syriens et. les Égyptiens) et c'est le nom du tama-
ris. Le rapprochement s'impose également avec l'hié-
roglyphe I I, aser, asri, nom égyptien du tamaris,
oci en copte. C'est, dit Ibn Beïthar, Traité des simples,
dans Notices et extraits des manuscrits de laBiblioth.
nationale, t. xxm, Paris, 1877, p. 25, un arbre de grande
taille et étalé (flg. 438), ayant un bois et des rameaux
verts avec des reflets rouges. Sa feuille ressemble au
tharfa (Tamaris nilotica). Mais Vaser égyptien, outre
le Tamaris articulata, comprenait sans doute plusieurs
autres espèces : on en trouve maintenant huit en
Egypte. Les débris de la plante recueillis dans les tom-
beaux, les inscriptions hiéroglyphiques comme celle
du scribe Ana (XVIII e dynastie) ou celle de Knoumhotep
(XII« dynastie),"Lepsius,.Denft»âte>-,Abth. Il, pi. 124,
sudation d'une espèce de tamaris. Voir t. iv, col. 659-
661. Le latin myrica signifie le tamaris, et par exten-
sion la bruyère : c'est dans ce dernier sens qu'il faut
entendre la Vulgale dans Jer., xvil, 6, et xlviii, 6 (t. i,
col. 1955).
Voir Prosper Alpin, De plantis JEgypti, Leyde,
1735, t. H, p. 18; E. F. C. Rosenmùller, Handbuch
der biblischen Alterthumskun.de, Leipzig, 1830, Th. IV,
p. 244; Fr. Wœnig, Die P/lanzen im alten Aegypten,
1886, Leipzig, in-12, p. 341 ; V. Loret, Flore pharao-
nique, 2» édit., Paris, 1892, p. 79; H. B. Tristram, The
natural history of the Bible, 8« édit., Londres, 1889,
p. 356. E. Levesque.
TAMBOUR, TAMBOURIN (hébreu : 0f; Sep-
tante : xiijiitavov;' Vulgate; lympanum), instrument
de percussion formé d'une peau tendue sur un châssis
et que l'on frappe avec les doigts pour obtenir un bruit
■ Le tamaris.
prouvent qu'à des époques reculées le tamaris existait
en Egypte et y était cultivé. La Palestine et la Syrie
comptent à peu près le même nombre d'espèces : et il
en est qui atteignent des proportions considérables, trois
à quatre mètres de circonférence, et douze à quinze
mètres de hauteur.
Si Abraham planta un arbre près du puits de Bersa-
bée, c'est, reconnaît-on généralement, en témoignage
que ce puits était sa propriété. Mais pourquoi choisit-il
le tamaris? C'est, dit-on, parce qu'il n'y a guère d'autre
espèce d'arbre qui puisse croître dans ces régions.
Peut-être aussi attachait-on dans les traditions du pays
une vertu spéciale au tamaris. « J'ai souvent entendu
dire aux vieux fellahin, raconte M. Clermont-Ganneau,
dans la Revue critique, Paris, 1879, p. 182-183, que
lorsqu'on voulait fixer à jamais une limite contestée,
on creusait après accord une fosse dans laquelle on
enterrait des coquilles d'oeufs et du charbon et à côté
l'on plantait un tamaris (arbre de longue vie), c'est-à-
dire l'arbre même planté par Abraham. » Chez les
Egyptiens le tamaris passait pour un arbre sacré : il
en était sans doute de même dans le pays de Chanaan :
de là, la coutume d'enterrer aux pieds d'un tamaris
(comme on le faisait pour le chêne, Gen., xxxv, 8, ou
pour le térébinthe). C'est encore la coutume de faire
reposer les santons près d'un arbre sacré.
Certains auteurs ont voulu voir la manne dans l'ex-
rythmé, propre à marquer les mouvements de la danse
et la mesure des chants.
I. Description. — L'archéologie égyptienne nous
fournit de nombreuses représentations d'un type de
tambourin carré ou rectangulaire, dont le châssis est
déformé, sous l'effet de la traction de la peau tendue, par
la courbure des bords vers l'intérieur et par les angles
terminés en pointe. Voir Danse, t. n, fig. 474, col. 1287.
Tel était vraisemblablement l'instrument que la Bible
met aux mains deMarie et des femmes d'Israël après le
passage de la mer Rouge. Exod., xv, 20. Ce tambourin
carré est demeuré en usage chez les tribus sahariennes.
Salvador Daniel, La musique arabe, Alger, 1879, p. 69.
Il semble avoir disparu du reste de l'Orient; cependant
il a existé jadis en Syrie, comme l'indique le nom de
JL^_»^J, « carré »,dans la version syriaque. Exod., xv, 20;
Judith, ni, 7. Mais le tambourin syrien, adopté sans
doute par les Hébreux après leur entrée en Palestine,
était de forme circulaire, tel qu'on le trouve dans tout
le reste de l'Asie dès une haute antiquité. Dans l'Orient
moderne, le cercle de bois formant le châssis de
l'instrument, est recouvert d'une peau corroyée de
chèvre, de gazelle ou d'antilope, qu'on assujettit par
une ligature ou un collage. Des rondelles légères en
métal, engagées dans les irous du cerceau et mises en
vibration par la percussion sur la peau tendue ou par
1933
TAMBOUR, TAMBOURIN
1984
les secousses données à l'instrument, produisent un
composé du battement sourd de la peau et du tinte-
ment métallique des sonnailles (fig. 439). Exception-
nellement, un second disque de peau recouvre l'autre
côté du châssis.
Le tambourin est tenu de la main gauche devant la
poitrine; on le tapote avec les doigts de la main droite,
et aussi de la main gauche quelquefois. On varie les
sons en frappant tantôt au milieu du disque de peau,
où la résonnance est plus pleine, tantôt plus ou moins
près de la circonférence, pour rendre le son plus aigu
et plus maigre. Les chanteuses et les danseuses orien-
tales s'accompagnent elles-mêmes avec le tambourin,
qu'elles agitent au-dessus de l'épaule et au-dessus de
la tête, en le secouant et en le frappant avec les mains.
Le cerceau du tambourin, diversement orné, se fait en
-_ Egyptienne moderne jouant du tambourin
bois très léger. Il mesure 0,05 centimètres environ de
hauteur, sur 0,20 à 0,25 de diamètre. 5
Les monuments égyptiens mettent le plus souvent le
tambourin aux mains des femmes, comme le sistre et
les castagnettes, et la Bible confirme cet usage, comme
le montreront les textes ci-après; tel est l'usage actuel
en Orient. Cependant en Assyrie, même en Egypte, et
dans l'Orient moderne, les hommes battent aussi du
tambourin dans les marches religieuses ou militaires
et dans les concerts musicaux. Voir fig. 381. t. iv,
col. 1349, le dixième musicien.
Le mot hébreu fôf (« frapper », « tapoter »,
cf. ^ni), qui désigne le tambourin, répond à l'arabe ^l>,
du/f, nom sous lequel sont comprises différentes sortes
de tambourins, notamment le petit tambourin de con-
cert appelé Jj., riqq, et le ,Uà, {dr, «cerceau », surtout
employé dans les harems. Le type de ces instruments
et ses procédés de percussion se retrouvent exacte-
ment dans l'usage du tambour de basque, Yaduffa
espagnole, dont le nom n'est autre que le duff arabe.
Le tambour de basque se joue de même dans tous les
pays méditerranéens. Anciennement, les Grecs l'attri-
buaient aux Bacchantes et aux prêtresses de Cybèle.
L'Orient possède d'autres sortes de tambourins,
dont le principal, darabukkék, est fait d'une sorte
d'entonnoir en bois, d'un vase à long col en terre
cuite, d'une courge, qui porte' une peau tendue sur la
partie la plus évasée. L'extrémité allongée formant le
manche se tient sous le bras gauche. Cet instrument
est aussi soutenu par une courroie passant sur le cou.
On le frappe avec les doigts. Les sons sourds mais nets
s'entendent de très loin et rythment fortement la
danse et le vers. Le même type d'instrument existe en
Perse, avec son nom modifié de danibeqe. On le fait
de bois léger et on le soutient à l'aide d'une courroie.
Les Persans emploient aussi pour la musique de
chambre le tambourin en forme de cerceau, de bois de
saule, très plat, garni d'anneaux de métal; et, dans la
musique populaire, le tabele de bois dur en forme de
cône tronqué, joué avec deux baguettes. V. Advielle,
La musique chez les Persans en 1885, Paris, 1885,
p. 13, 14.
L'extension des formes du tambourin a produit en
" 'itl
''il
'• Il /
, ' (- m
440. — Tambour égyptien. Musée du Louvre.
Orient diverses formes de tambours. Citons le bendir,
grand tambour arabe, du diamètre de m 40 et dont le
cercle est aussi garni de lamelles de métal et la peau
soutenue à l'intérieur par cinq cordes de boyau pour
renforcer la vibration; le tabb, dont il existe deux
variétés, le tabb égyptien et le tabb damasquin ou
syrien, monté en cuivre et garni de parchemin. Il
s'emploie dans les réjouissances et spécialement dans
les processions de derviches. En Perse, le dohol, tam-
bour de grande dimension, se fait de même en cuivre
ou en terre cuite. Il est de forme arrondie. Enfin la
naqqara arabe, nagere persane, est un double tambour
demi-sphérique, en cuivre, mais aussi en bois ou en
terre. L'une des deux parties est plus petite que l'autre.
L'exécutant les frappe alternativement ou conjointement,
au moyen de baguettes. Ces types de grande dimension
ont obligé en effet les exécutants à substituer au mode
primitif de percussion manuelle l'emploi d'une, puis de
deux baguettes de bois ou même de métal, ou encore
d'un os de bœuf rembourré.
Les anciens Égyptiens avaient aussi le tambour mili-
taire, en forme de cylindre ou de tonneau, garni de peau
sur les deux surfaces (fig. 440). On le portait horizon-
talement à la hauteur de la ceinture et soutenu par une
courroie passant sur la nuque ; le musicien frappait à
coups de poing à droite et à gauche. Voir fig. 441. Lors-
1985
TAMBOUR — TANIS
1986
qu'il ne jouait pas, le fambourier portait son instrument
sur le dos.
2° Usage. — Comme tous les instruments de percus-
sion, le tambourin appartient à une antiquité très recu-
lée et se trouve, en effet, dans les plus anciennes par-
ties de l'Écriture. C'est toujours un signe de joie et de
441. — Tambourier égyptien portant son instrument.
D'après Wilkinson, Manners, 2* édit., t. i, fîg. 229, p. 460.
fête, et il figure dans la Genèse, avec les petites harpes, aux
mains des serviteurs de Laban. Gen., xxxi, 27. Il accom-
pagne le chant, sans autres instruments. Exod., xv, 20.
Aujourd'hui encore le tambourin est souvent le seul
accompagnement du chant. La Bible le joint aussi à la
danse, Jer., xxxi, 4; à la danse et au chant, I Sam.
ix, 39. Nous le trouvons enfin dans la procession du
transport de l'Arche, avec tous les instruments de
musique, II Sam. (Reg.), VI, 6; I Par., xm, 8. Dans
cette circonstance le tambourin est joué par des
hommes. L'emploi religieux du tambourin est aussi
attesté par les textes des Psaumes cxlix, 4, et CL, 4.
Jouer du tambourin se dit ^sn. Ps. lxviii (lxvii), 26.
La Bible ne donne pas de texte relatif à l'usage du tam-
bour.
C'est à l'exemple des Arabes que les Européens au
xn e siècle donnèrent définitivement place au tambour
dans la musique instrumentale. C'est d'eux aussi que
les timbales, sorte de tambours hémisphériques en
métal, très sonores, dont usaient les troupes sarrasines,
passèrent en Occident avec leur nom arabe de naqqa-
rah, naqqayrah, transcrit nacaire par nos chroni-
queurs. Joinville, Histoire de saint Louis, c. liv,
édit. Wailly, Paris, 1881, p. 112. Voir aussi Du Cange
au mot nacara. Le tambour perfectionné dans sa
construction et dans son emploi, et surtout la timbale,
maintenant harmonisée, possèdent dans nos orchestres
une place que ne faisait pas soupçonner le tambourin
primitif dont ces instruments descendent.
J. Parisot.
TANCHUMA BEN ABBA, auteur d'un commen-
taire hagadique du Pentateuque. Voir MidrasCh, i, 7,
t. iv, col. 1078.
TANIS (hébreu: Sô'an; Septante : Tav(«), ville de
la Basse-Egypte (fig. 442). — I. Description. — Tanis,dit
Brugsch, dans une conférence faite en français à
Alexandrie, La sortie des Hébreux d'Egypte, Alexan-
drie, 1874, p. 20, Tanis c< était située sur les deux côtés
de la branche tanitique du Nil, qui, aujourd'hui est
réduite à un simple canal. Au temps antique de l'his-
toire et au moins trente siècles avant notre époque,
l'embouchure tanitique avait une telle largeur, près de
Tanis, que les galères, qui avaient traversé la mer,
jetaient l'ancre au port de la ville... Nous possédons un
dessin de Tanis, gravé grosso modo sur une des mu-
railles du grand temple de Karnak. Ce curieux dessin
442. — Tanis. État actuel.
{Reg.), xvn, 6; Jud.,xi, 34; aux cymbales, Judith, xxvi,
2; à la danse et aux autres instruments, Judith, m,
10; aux instruments à cordes pour accompagner le
chœur de danse, Ps. cxlix, 4; Is., xxix, 8; xxx, 32,
ou dans un cortège, Ps. lxviii (lxvii), 26; aux flûtes
et aux cordes, Job, xxi, 12, dans le festin, Isaïe, v, 12;
à divers instruments dans un cortège nuptial. IMach.,
DICT. nE LA BIBLE.
date de l'époque de Sêti I", père de Ramsès II. Il n'est
pas difficile, malgré la simplicité des lignes, d'y dis-
tinguer aux deux bords du Nil, les deux parties de la
ville, jointes l'une à l'autre au moyen d'un pont. Le
fleuve y est indiqué par la présence de crocodiles et de
plantes aquatiques. La mer, également reproduite, est
caractérisée, dans un coin du dessin, par des figures de
V. - 63
1987
TANIS
1988
poissons de mer. » L'ancienne branche tanitique n'est
plus aujourd'hui qu'un canal, le canal du Mûiz, qui,
quoique petit, est cependant navigable et encore au-
jourd'hui souvent sillonné parles barques des pécheurs
qui font dans le lac Menzalëh d'abondantes captures.
Mariette, et d'autres voyageurs après lui, ont remarqué
que ces pêcheurs et les autres habitants indigènes des
environs ont un type différent de celui du fellah des
autres parties de l'Egypte. Par la structure de leurs
membres, leur taille, le profil moins fin de leur visage,
ils se distinguent du Copte qu'on retrouve dans le
reste du pays; ils rappellent exactement les figures
plaine avec le centre de Tanis, le nom de Sokkot Zoân,
« la plaine de Zoân », nom dont l'origine remonte jus-
qu'à l'époque de Ramsès II. L'auteur du Psaume lxxviii
(Vulgate, lxxvii), 12, 43, se sert exactement de la même
expression (sedêh-Sô'an) en voulant rappeler aux Hé-
breux contemporains les miracles que Dieu fit devant
les ancêtres des enfants d'Israël en Egypte dans la plaine
de Zoân. »
II. Histoire. — Le livre des Nombres, xm, 23, dit
que Tanis fut bâtie sept ans après Hébron, mais nous
ignorons à quelle date remonte la fondation d'Hébron;
nous savons seulement que c'est une ville très an-
443. — Sphinx représentant un roi Hyksos. Musée du Louvre.
des sphinx qui représentent les Hyksos ou rois pas-
teurs (fig. 443), de. l'un desquels Joseph fut premier
ministre. Ce sont des Sémites, descendants de ceux
qui furent maîtres de ces contrées sous les rois pas-
teurs et qui devinrent ensuite les serfs de ceux dont
ils avaient été d'abord les vainqueurs. Sur ces Khalou,
restes des Sémites dans le Delta, voir A. Mariette, Note
sur les Baschmourites et les Biamites, dans les Mé-
langes d'archéologie égyptienne et assyrienne, Paris,
1873, p. 91-93; Deuxième lettre de M. Mariette à
M. de Rougé sur les fouilles de Tanis, dans la Revue
archéologique, mai 1862, p. 297-304.
L'emplacement de Tanis, devenu aujourd'hui une
plaine sablonneuse, est couvert, dit Brugsch, L'Eœode et
les monuments égyptiens, 1870, p. 19-20, « de ruines
gigantesques, de colonnes, de piliers, d'obélisques, de
sphinx, de stèles et de pierres de construction; tous
ces débris taillés dans la matière la plus dure du gra-
nit de Syène représentent la position de cette ville de
Tanis à laquelle les textes égyptiens et les auteurs clas-
siques s'accordent à donner Fépithète d'une grande et
splendide ville en Egypte (fig. 444). Selon les inscrip-
tions géographiques, les Égyptiens ont donné à .cette
cienne. Les monuments égyptiens nous apprennent
qu'elle fut embellie par les pharaons de la XII» et de
la XIII" dynastie. G. Maspero, Histoire ancienne des
peuples de l'Orient, 4« édit., 1886, p. 100, 122, 124. Elle
devint la capitale des rois pasteurs, qui se plurent à
l'orner, et c'est sous l'un d'eux que Joseph devint
premier ministre et que Jacob et sa famille s'établirent
dans le Delta, dans la terre de G-essen. Les Hyksos
furent vaincus par le pharaon indigène, Ahmès, et
Tanis tomba en ruines. Mariette, Notice des monuments,
p. 272-273. Ramsès II la restaura et en fit un de ses
séjours préférés. Mariette, Lettres sur les fouilles de
Tanis, dans la Revue archéologique, 1860, t. iv, p. 97
sq. Pour les campagnes des Égyptiens en Asie, la
grande route qui les conduisait en pays ennemi partait
de ce point et c'est là que les pharaons concentraient
leur armée pour se mettre en marche vers l'Orient.
H. Brugsch, La sortie des Hébreux d'Egypte, p. 19-
20. Ramsès II résidait probablement à Tanis au mo-
ment de la naissance de Moïse; son fils et successeur y
habitait certainement lorsque Moïse vint l'y forcer par
les plaies d'Egypte de permettre aux Israélites de se
rendre au SinaL. Ni la Genèse ni l'Exode ne nomment
1989
TANIS — TANTE
1990
Tanis, mais le Psaume lxxvii, 12, 43, dit formellement
que les miracles libérateurs se produisirent» dans la
plaine de Tanis. »
Après le grand événement de la délivrance du peuple
hébreu du joug égyptien, Tanis ne reparaît plus que du
temps d'Isaïe. Le grand prophète, prédisant l'invasion
de l'Egypte par les Assyriens sous leur roi Asaraddon
(t. i, col. 1059) ou Assurbanipal (t. i, col. 1144), et le
mal qu'elle fera à ce pays, dit que les princes de
Tanis donneront au pharaon des conseils insensés.
Is., xix, 11, 13. Asaraddon battit Tharacaet le repoussa
criptions historiques de ce roi, racontant cette expédi-
tion, a été publié parPinches, A new Fragment ofthe
History of Nebucadnezar III, dans les Transactions
ofthe Society of Biblical Archmology , t. vu, 1882, p. 210-
225. Voir aussi Schrader, Keilinschriftiche Bibliothek
t. m, part 2, p. 140-141.
TANNAÎTES ou « répétiteurs » de la tradition, nom
donné à sept célèbres docteurs juifs qui, aussitôt après
la prise de Jérusalem par Titus, se groupèrent autour
de Jochanan, le principal d'entre eux, à Jamnia ou
■-■.*- « .
ié i-
-1— — „»-.. ■**.
414. — Monuments ruinésde Tanis, mis au jour partesfouilles.D'après Ebers, Aegypten in Bild und Wort, Stuttgart, 1879, in-f*, 1. 1, p. 111.
en Ethiopie. G. Smith, Egyptian Canipaign of Esar-
haddon, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache,
1868, p. 91-94; Budge, The History of Esarhaddon,
p. 124-129. Son fils Assurbanipal fut obligé de faire
une nouvelle campagne contre Tharaca, cinq années
après; il le battit de nouveau et établit des gouverneurs
dans les principales villes d'Egypte. Après son départ
éclata une révolte nouvelle dont Sarloudari de Tanis
était un des principaux chefs. Les gouverneurs assy-
riens parvinrent à étouffer la révolte et à saisir les chefs
de la conjuration. Sarloudari fut envoyé à Ninive chargé
de chaînes et Tanis saccagée. H. Brugsch, Geschichte
Aegyptens nach den Denkmâlern, in-8°, Leipzig, 1877,
p. 120-121.
Ézéchiel nomme aussi Tanis dans une de ses pro-
phéties : il annonce qu'elle sera brûlée dans la cam-
pagne que fera Nabuchodonosorcontre l'Egypte. Ezech.,
xxx, 14 (texte hébreu). Dans ce passage, la Vulgate a
rendu §oan par Taphnis. C'est la dernière fois que son
nom se lit dans l'Ancien Testament. La campagne de
Nabuchodonosor' en Egypte eut lieu, d'après Josèphe,
Ant. jud., X, ix, 7, cinq ans après la prise de Jéru-
salem par les Chaldéens. Un fragment des rares ins-
Jabné, situé à quatre heures au sud de Jaffa,et y recon-
stituèrent le sanhédrin dont l'autorité fut reconnue par
l'ensemble des Juifs. Jochanan eut pour successeur
l'an 80 Gamaliel II et celui-ci eut pour un de ses plus
importants successeurs Rabbi Akiba (voir t. I, col. 697).
Le petit-fils de Gamaliel II, Rabbi Juda Ben-Simon,
transféra le sanhédrin de Jamnia à Sepphoris dans la
Haute- Galilée et clôtura l'ère des Tannaïtes, en fixant
par écrit la Mischna. Voir Mischn^, t. iv, col. 1729;
W. Bâcher, Die Agada der Tannaïten, in-8», Stras-
bourg, 1884.
TANNEUR (Nouveau Testament : pup<re-j;). Simon
qui logea saint Pierre à Joppé était tanneur. Act., ix,
43. Voir Corroyeur, t. n, col. 1027; Simon 13, t. v,
col. 1743.
TANTE (hébreu : dôdâh, féminin de dûd, t ami,
oncle »; Septante : ôyyâTr.p toO àSelçou tq-j iraTpô;), se
dit spécialement dans l'Écriture de la sœur du père.
Lev., xviii, 14; xx, 20. Dans ce dernier et seul passage
la Vulgate traduit omit», dans xyiii, 14, uxor patrui.
Amram épousa sa tante (Vulgate : patmelem suam),
1991
TANTE — TAPHNÈS
1992
Jochabed, dont il eut pour fils Aaron et Moïse. Exod.,
vi, 20. Ailleurs la qualité de tante n'est marquée qu'in-
directement et par périphrase, comme pour Josaba qui
sauva son neveu Joas de la fureur d'Athalie. IV Reg.,
xi, 2.
TAON. Voir Mouche, t. iv, col. 1325.
TAPHETH (hébreu : Tâfap, « ornement » ; Septante :
Te<pâ8), fille de Salomon et femme de Benabinadab, un
des douze préfets de Salomon, chargé du district de
Nephath-Dor. IV Reg., iv, 11.
1. TAPHNÈS (hébreu : Tahpenês; Septante :
©énerva), belle-sœur de l'Iduméen Adad et femme d'un
pharaon qui donna en mariage la sœur de sa propre
femme à Adad, lorsque celui-ci s'était retiré à la cour
d'Egypte, probablement dans le Delta. L'Egypte était
alors divisée en plusieurs dynasties et par conséquent
sa puissance était affaiblie. Le nom du pharaon auprès
de qui Adad s'était réfugié ne peut être déterminé. —
Les Septante, dans une addition au chapitre xn de
III Rois, disent que Sésac donna pour femme à Jéroboam
Ano, sœur de Thékémina. Quelle que puisse être la
valeur de ce passage de la version grecque, il ne peut y
être question, tant d'années après, d'une sœur de
Taphnès, la femme du pharaon. Voir F. Vigouroux, La
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 263.
2. TAPHNÈS, TAPHNIS (hébreu : Tahpanhes,
Jer., xliii, 7, 8, 9, etc.; fehafnehês, Ezech., xxx, 18;
Septante zTaçvdcçiTaçvai'; Yulgate : Taphne, Taphnis),
ville d'Egypte. Elle était située à la frontière orientale
du Delta. Sa situation, longtemps inconnue, est mainte-
nant fixée : c'est la Daphné des auteurs classiques;
aujourd'hui Tell Defnéh, souvent écrit Tell Defennéh,
à 16 milles romains de Péluse. Murray's Handbook for
travellers in Egypt, 6 e édit., Londres, 1880, p. 328. L'éty-
mologie du nom est incertaine; la dénomination actuelle
parait provenir du grec. Ce n'est plus qu'un monceau
désolé de ruines, à peu de distance des marais du lac
Menzaléh, non loin du désert. Autrefois ce pays était
au contraire une plaine cultivée et fertilisée par la
branche pélusiaque du Nil, aujourd'hui obstruée.
Ce qui rend Taphnés particulièrement intéressante,
c'est qu'il y a eu une colonie sémitique dès l'époque de
Jérémie (fig. 445). M. Flinders Pétrie a fait en 1886
sur l'emplacement de la ville ancienne, des fouilles
dont il a rendu compte dans son livre, Nebesheh and
Defennéh, Londres, 1888. Il y a là trois monceaux de
ruines séparés les uns des autres par une distance qui
varie d'un à trois ou quatre kilomètres. L'espace
intermédiaire est couvert de débris de pierres et de
poteries, avec des restes de fondations en briques; un
des monceaux parait ptolémaïque et romain. Le troi-
sième est entièrement composé d'un vaste amas de
briques brûlées et noircies, restes d'un vaste édifice
qui dominait au loin la plaine. En arrivant en ce lieu
vers le soir, M. Pétrie vit ces ruines, se dressant dans les
airs et tout empourprées par les feux du soleil couchant.
Il apprit alors des habitants du pays, non sans surprise,
qu'on désignait ce Tell sous le nom d'El-Kasr el-Bint
el-Yahudi, « le Château de la fille du Juif ». Ayant
fouillé les ruines et en particulier le Kasr ou forteresse,
qui formait la partie pincipale, il constata que cet édi-
fice avait été construit par Psammétique I er , vers 666
J3 665 avant J.-C, et il trouva dans une des chambres
un sceau de bronze d'Ahmès (fig. 446). Mais sa décou-
verte la plus intéressante est celle qu'il raconte en ces
termes dans un extrait de son journal, publié par le
Times, Pharaoh's Bouse in Tahpanhes, 18 juin 1886 :
« En dehors des bâtiments du Kasr, je découvre, au
moyen de tranchées répétées, une surface d'environ
trente mètres de long sur dix-huit mètres de large,
toute pavée en briques reposant sur le sable devant
l'entrée de l'édifice, à l'angle oriental. La route faisait
un coude entre les bâtiments et cette plate-forme. Cette
plate-forme n'offre aucune trace de chambres et semble
avoir été en plein air, afin de servir aux usages exté-
rieurs, tels que chargement et arrangement d'objets
divers, etc. C'est juste la place dont on a besoin pour
la vie journalière et telle que se la ménagent les pauvres
villageois eux-mêmes devant leurs maisons, où ils
nivellent une couche de limon, après l'avoir battue, et
l'entretiennent bien unie et bien propre. C'est une
l[i * * '
i *-» un'-'"' ii> ' . » - . .*i. .
445. — Dieu sémitique de Taphnés. Musée du Caire.
D'après W. M. Miiller, Egyptological Researches, in-4%
Washington, 1906, pi. 40.
chose curieuse combien tout cela correspond exacte-
ment à l'aire en briques qui était placée à l'entrée de
la maison du pharaon à Taphnès. Jer., xliii, 9. » Le
prophète Jérémie avait été en effet emmené de vive
force à Taphnès par les Juifs qui s'étaient enfuis de
Jérusalem et il avait fait cette prophétie : « Prends de
grosses pierres dans la main et cache-les, en présence
des hommes de Juda, dans le mortier, dans la plate-
forme en briques qui est à l'entrée de la maison du
pharaon à Taphnès, et dis-leur : Ainsi parle Jéhovah
Sabaoth, Dieu d'Israël : Voici que j'enverrai et que je
prendrai Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon ser-
viteur, et je placerai son trône sur ces pierres que j'ai
cachées, et il dressera sa tente royale au-dessus d'elles
et il viendra et il frappera l'Egypte. » Jer., xliii, 9-10.
La Vulgate a traduit la plate-forme en briques par
« la crypte qui est sous le mur de briques ». — « Cette
plate-forme oamastaba, dit M. Pétrie, Nebesheh (Am)
and Defennéh {Tahpanhes), p. 51, est, àne pas s'y mé-
prendre, l'ouvrage en brique ou pavé qui est à Ventrée
de la maison du pharaon à Tahpanhes. C'est là qu'eut
1993
TAPHNÈS — TAPHUA
1994
lieu la cérémonie décrite par Jérémie devant les
chefs des fugitifs rassemblés sur la plate-forme et
c'est là que Nabuchodonosor dressa sa tente royale. »
Les pluies ont détérioré la plate-forme et en ont dé-
nudé la surface de sorte que, quoiqu'elle ait près
du palais de soixante à quatre-vingt-dix centimètres,
elle est réduite en beaucoup d'endroits à quelques
centimètres et a tout à fait disparu à l'angle nord-
ouest.
La maison du pharaon a été détruite par le
feu; elle était au milieu d'un camp où l'on a re-
trouvé des pointes de flèches et de nombreux débris
de poteries grecques et romaines. Dans les fondations
du bâtiment central, on a découvert le nom de Psam-
métique I er , son fondateur. On n'a guère de traces de
l'existence de Taphnès avant ce pharaon. Mais elle
devint alors une localité importante, comme il ressort
416. — Sceau en bronze d'Ahmès.
D'après FI. Pétrie, Tanis, part, n, Nebesheh (Am) and Defenneh
(Tahpanhes), in-4% Londres, 1888, part. II, pi. xli, flg. 76.
du livre de Jérémie qui la nomme, II, 16 ; xliv, 1 ; xlvi,
14, en la mettant au même rang que Memphis. Les poids
qu'on a trouvés dans ces ruines attestent par leur
nombre et leur variété qu'il y eut là un grand centre
de commerce; et sa position prés de la frontière la
rendit un poste de défense qu'il fallut fortifier soigneu-
sement contre les invasions. Hérodote, n, 30, raconte
que Psammétique avait établi une garnison à Daphné
comme étant un des trois principaux postes de la fron-
tière et que ce pharaon, il, 154, avait formé un camp
de soldats ioniens dans la région. C'est !à ce qui explique
comment les Juifs de Jérusalem allèrent y chercher
un refuge, par crainte des représailles babyloniennes,
après le meurtre de Godolias. Mais, comme l'avait
prédit Jérémie, Nabuchodonosor, probablement dans
sa seconde campagne en Egypte, racontée dans une
inscription malheureusement mutilée (Schrader,
KeilinschriftlicheBibllothek, t. in, part. 2, p. 140-141),
battit les troupes d'Amasis, vers 568 avant notre ère.
Il dut s'enparer de la place forte de Taphnès et y dresser
sa tente, selon la prophétie rapportée plus haut. S'il
en est ainsi, l'oracle du même prophète contenu dans
le chapitre xliv contre les Juifs établis en Egypte et
nommément contre ceux qui habitaient Taphnès, f. 1,
lequel date du règne d'Apriès ou Hophra, f. 30, est
antérieur à celui du chapitre xliii, par suite d'une
inversion chronologique dont le livre de Jérémie offre
plusieurs exemples. Un autre chapitre, le XLVi e , dont la
date est inconnue, annonce aussi à Taphnès, f. 14, la
campagne de Nabuchodonosor et le mal qu'il fera à
l'Egypte. Ézéchiel, captif en Chaldée, parle aussi des
campagnes de Nabuchodonosor contre l'Egypte et il
annonce spécialement les malheurs qui fondront sur
Taphnès, xxx, 10, 18 :
Ainsi parle le Seigneur, Jéhovah :
Je ferai disparaître la multitude de l'Egypte,
Par la main de Nabuchodonosor, roi de Babylone...
A Taphnès le jour s'obscurcira
Quand j'y briserai le joug de l'Egypte
Et que l'orgueil de sa force y prendra fin
Un nuage la couvrira
Et ses Allés iront en captivité.
Taphnès est nommé dans le texte grec de Judith, I,
9, parmi les villes que Nabuchodonosor somma de se
soumettre à sa puissance. La Vulgate n'en fait pas men-
tion en cet endroit.— Hérodote raconte, n, 30, que sous
la domination perse, il y avait à Daphné une garnison
persane. — Quelques commentateurs ont proposé, mais
avec peu de vraisemblance, d'identifier Hanès, nommée
par Isaïe, xxx, 4, avec Taphnès (voir Hanès, t. m,
col. 418), comme le fait de Targum et comme on le lit
en marge sur un manuscrit hébreu, signalé par Rossi,
codex 380. J. Knabenbauer, In Isaiam, 1887, t. I,
p. 532-533. F. Vigouroux.
TAPHSAR (hébreu : tifsâr), mot assyrien que la
Vulgate a pris pour un nom propre, mais qui doit se
prendre pour un substantif commun, comme l'a lait la
Vulgate avec raison dans le seul autre endroit de l'Écri-
ture où on le retrouve, Nahum., m, 17; elle traduit le
pluriel par parvuli, en lui attachant le sens de tâf,
dans ce prophète. L'étymologie de tifsâr est très
obscure mais on s'accorde généralement aujourd'hui à
lui donner le sens de chef militaire.
TAPHUA, nom d'un Israélite,
d'une fontaine.
de deux villes et
1. TAPHUA (hébreu : Tappuâl}, « pomme, pommier » ;
Septante : ©ampoyç), le second nommé des quatre fils
d'Hébron, de la tribu de Juda et de la descendance de
Caleb. I Par., n, 43.
2. TAPHUA (Septante : Cod. Vat. : 'ATaçoOt; Alex. :
®xf<po\>), ville chananéenne, dont le roi fut vaincu par
Josué. Jos., xii, 17. Elle est mentionnée entre Béthelet
Opher. Or il est probable que Béthel ne représente pas
ici l'ancienne Béthel-Luza d'Éphraïm, mais une ville du
sud de la Palestine. Voir Béthel 2, t. i, col. 1680.
D'autre part, Opher devait se trouver dans la tribu de
Juda. VoirÛPHER 2, t. iv, col. 1828. Enfin si Taphua, qui
est donné comme fils d'Hébron, I Par. , n, 43, est en réa-
lité le nom d'une localité peuplée par des descendants
d'Hébron, voir Hébron 2, t. m, col. 554, nous sommes
encore ramenés vers le midi. La cité chananéenne prise
par Josué serait donc à chercher dans la contrée méri-
dionale. Son site estinconnu. 11 faut peut-être l'identifier
avec la ville suivante, à moins qu'on ne l'assimile à
Beththaphua. Jos., xv, 53. Voir Beththaphua, t. i,
col. 1750. A. Legendre.
3. TAPHUA (Septante : Vat. .•'IXouftcJO; Alex.: 'ASiot-
Oasip.), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 34. Elle appar-
tient au premier groupe des villes de la Séphélah, dans
lequel on distingue comme bien identifiées : Estaol =
Eschu'a, à l'ouest de Jérusalem ; Saréa = Sara'a, au
sud-ouest de la précédente ; Zanoé = Zânu'a, au sud ; Jé-
rimoth = Yarmûk, au sud-ouest de Zânu'a, etc. C'est
donc dans ces parages qu'il faudrait chercher Taphua.
Aucun nom actuel cependant ne nous permet de l'y re-
connaître. Les Septante ont omis ou déformé le nom hé-
breu, ou ils l'ont remplacé par un autre, Adiathaim.
Cf. Jos., xv, 36. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra,
Gœttingue, 1870, p. 156, 260, font de cette ville la cité
chananéenne prise par Josué. Jos., xn, 17. Il est certain,
1995
TAPHUA — TARGUMS
1996
en tous cas, qu'elle est distincte de Beththaphua, ap-
partenant aussi à Juda, mais située dans la montagne.
Jos., xv, 53. A. Legendre.
4. TAPHUA (Septante : Vat. : Taçoû; Alex. : 'E<p-
çoui), ville située sur la frontière d'Éphraïm et de Ma-
nassé. Jos., xvi, 8. Elle faisait partie du « territoire »
de Taphua (Septante: Vat.:&y.<péfi;Alex.:&a.<?bt»f)),3os.,
xvii, 8, dans lequel se trouvait aussi 'En Tappûafr ou «la
Fontaine de Taphua » (Septante : iniyri Qaçdwfl). Jos.,
xvn, 7. Ces trois points sont indiqués dans la description
des limites d'Éphraïm et de Manassé; mais le texte est
si obscur qu'il est très difficile de les localiser. Voir
Éphbaïm 2, t. ti, col. 1874; Manassé 7, t. iv, col. 644.
V. Guérin, Samarie, t. i, p. 256, donne comme pro-
bable l'emplacement de Taphua à Khirbet 'Atûf, à l'est
de Naplouse, au nord de Youadi Fârah. D'autres
cherchent 'Ën-Tappûafy près de Yasûf, au sud de
Naplouse, où une source se trouve près de la naissance
de Vouadi Qanah. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et
Conder, Nantes and places in the Old and New Testa-
ment, Londres, 1889, p. 60. C'est dans cette région
aussi qu'il convient de la placer d'après F. Buhl,
Géographie des Alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 178.
A. Legendre.
TAPIS (hébreu : hâlubôf; Septante : à[i?itâiioi;;
Vulgate : tapetia), étoffes épaisses qu'on étend sur le
sol ou sur des meubles. — La courtisane a garni son
lit de couvertures et de tapis de fil d'Egypte, àpispiTâitoi,
« tapis laineux des deux côtés », tapetia picta, « tapis
teints » de diverses couleurs. Prov., vu, 16. Dedan
échangeait avec Tyr les bigdê-hofés, tapis tissés, housses
pour monter à cheval, tapetia. Ezech., xxvn, 20. Les
Septante traduisent par « troupeaux de choix ». Les
versions rendent encore par ày-yi-ri-Koi, tapetia, les
saffôt, « marmites » que Ton apporte à David. II Reg.,
xvn, 28. H. Lesêtre.
TAPISSERIE, tissu épais fait de fils de toutes sortes
et de différentes couleurs, avec plus ou moins d'art et
447. — Tapisserie égyptienne.
D'après G. Maspero, Archéol, égypt., p. 281.
de régularité. — Les hâtubôf 'êtûn misrayîm, « tapis
de fil d'Egypte », Prov., vu, 16, étaient en tapisserie.
Les Égyptiens savaient fabriquer au métier (fi g. 447) des
tissus ornés de dessins géométriques, zigzags ou damiers,
pour faire des tentures ou des tapis. Cf. Maspero,
L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 281, 282. Sur
les tissus ornés de figures et de dessins irréguliers,
voir Broderie, 1. 1, col. 1937. H. Lesêtre.
TAPPÙAH, arbre et fruit plusieurs fois nommé
dans l'Écriture et dont l'identification est très discutée.
Voir Pommier, col. 529; Abricotier, t. i, col. 91;
Citronnier, t. h, col. 791; Cognassier, col. 826; Cé-
dratier, h, 2», col. 374.
TARGUMS, versions de l'Ancien Testament en
langue araméenne, qu'en appelle encore, dans le lan-
gage courant, paraphrases chaldaïques : paraphrases,
parce que les targums les plus récents sont réellement
de véritables paraphrases plutôt que de simples traduc-
tions; chaldaïques, parce que la' langue, dans laquelle'
elles ont été faites, a été r>endant longtemps nommée
abusivement chaldaïque. Voir t. n, col. 510.
I. Des targums en général. — 1« Nom. — n^nn est
un nom araméen, qui est dérivé du verbe djifi, « tra-
duire », et qui signifie proprement « traduction, ver-
sion ». Ce nom se retrouve en arabe et en éthiopien.
Le traducteur lui-même est nommé fûrgemân, et ce
mot francisé est devenu drogman, interprète. Le nom
araméen de targum désigne une traduction de la Bible
en n'importe quelle langue, même en grec, Talmud de
Jérusalem, traité Meghilla, I, 9, trad. Schwab, Paris,
1883, t. VI, p. 213; traité Qiddouschin, I, 1, 1887, t. IX,
p. 203, et spécialement en langue araméenne. Ibid.,
traité Schabbath, xvi, 1, 1881, t. iv, p. 161; traité Me-
ghilla, I, 9, t. VI, p. 213. L'usage a restreint ce nom aux
versions araméennes. Bâcher, Die Terminologie der
Tannaiten, p. 205. sq. La langue dans laquelle elles
sont faites est l'araméen judaïque, qui a été la langue
populaire des Juifs de Palestine et de Babylonie. Voir
Syriaque (Langue), t. v, col. 1908.
2° Origine. — Quand la langue araméenne se fut peu
à peu substituée à l'hébreu, qui ne fut plus qu'une
langue savante et liturgique, voir t. m, col 504, l'usage
s'établit, dans le service des synagogues, de faire suivre
la lecture des sections, parSiyô} de la Loi et haf 'tarât des
Prophètes, voir t. iv, col. 2155; t. m, col. 421, en hébreu
d'une traduction dans la langue vulgaire, que tous
les auditeurs comprenaient, en araméen. Ginsburger,
Die Thargumim zur Thoralection am 7 Pesach- und
i Schabuoth-Tage, dans Monatschrift fur Geschichte
und Wissenschaft des Judenthums, 1895, t. xxxix,
p. 97 sq., 193 sq. Cette interprétation était simplement
orale. D'après le Talmud de Jérusalem, traité Me-
ghilla, iv, 1, trad. Schwab, t. vi, p. 244, 245, si on
pouvait lire le rouleau d'Esther assis ou debout, la
lecture et l'interprétation araméenne de la Loi devaient
être faites debout par honneur pour la Loi, et R. Sa-
muel ben R. Isaac blâma un interprète qui s'appuyait
à une colonne tandis qu'il traduisait la Loi. Le même
rabbin déclarait que le président de l'assemblée ne
pouvait traduire lui-même la section lue, sans l'adjonc-
tion d'un interprète, parce que la Loi ayant été trans-
mise à Israël par l'intermédiaire de Moïse, il faut un
interprète pour la traduire en araméen. A l'école, le
maître ne devait pas lire la version chaldéenne ou tar-
gum dans un livre; il devait répéter oralement ce
qui a été transmis oralement. Pour la lecture de la Loi
et des Prophètes, il ne devait y avoir qu'un lecteur et un
traducteur, et pas deux lecteurs ou traducteurs, mais
pour lire Esther, il pouvait y avoir indifféremment plu-
sieurs personnes : un lecteur et un interprète, ou un
lecteur et deux interprètes, ou deux lecteurs et un inter-
prète, ou même- deux hommes pour chacune de ces
opérations. L'interprétation araméenne n'était pas tou-
tefois indispensable dans les assemblées de la syna-
gogue, et les savants, réunis à l'office pour un jeûne
public, lisaient la Loi sans la traduire. Cependant, bien
qu'elle ne fût pas indispensable, on devait recom-
mencer cette lecture si on s'était trompé, à partir de
l'erreur commise. Si par erreur le lecteur avait omis
un verset que le traducteur avait cependant traduit, le
devoir était rempli. Ibid., h, 1, p. 229. Le lecteur de
la Loi ne devait pas lire à l'interprète plus d'un verset
à la fois, mais pour la section des Prophètes, on pouvait
lire trois versets de suite, parce que l'erreur que com-
mettrait l'interprète serait moins grave que pour la
Loi. Ibid., iv, 5, p. 250. Un aveugle pouvait remplir le
rôle d'interprète. Ibid., iv, 6, p. 252. Le traducteur
1997
TARGUMS
1998
devait modifier à dessein le texte concernant les unions
prohibées, Lev., xvm, 7-23, et on lui imposait silence;
on l'apostrophait, quand conventionnellement il tradui-
sait inexactement. Lev., xvm, 21. lbid., iv, 10, p. 253,
254. Quelques passages, la plupart scabreux, l'histoire
de Ruben, Gen., xxxv, 22, la fin du récit du veau d'or,
Exod., xxxn, 21-25 (ou 35), la bénédiction sacerdotale
Num., VI, 24-27, réservée pour le rite de la bénédiction
et pas permise pour la simple lecture, l'adultère de
David et l'inceste d'Amnon, II Sam., xi, xm, étaientlus,
mais pas traduits. On traduisait toutefois l'histoire de
Thamar, Gen., xxxvm, parce que Juda s'est repenti, et
le commencement du récit du veau d*or, Exod., xxxn,
1-20, parce qu'il tournait à la honte d'Aaron seulement
et non à celle du peuple. lbid.,iv, 11, p. 254-255. Juda
ben liai, disciple d'Akiba, déclarait qu'il fallait rendre
l'original strictement et que toute addition devait être
considérée comme un blasphème. Talmud de Babylone,
traité Kiddouschim, 49a.
La version araméenne servait aussi à l'enseignement
de la Bible ou Mikra, dans les écoles, et nous avons
cité plus haut le sentiment d'un rabbin qui interdisait
au maître d'école de lire le targum dans un livre. Les
allusions au targum comme objet d'étude sont extrême-
ment rares dans la littérature juive. D'après le Sifré
sur le Deutéronome, 161, le targum est une branche
d'étude intermédiaire entre le Mikra et la Mischnah.
La tradition rabbinique reporte l'usage de traduire
les lectures publiques de la Bible en araméen à l'époque
d'Esdras. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla,
I, 9, t. vi, p. 212, voit la version araméenne mentionnée
dans Esd., iv, 8, et il entend Neh., toi, 8, de la lecture
de la Loi, suivie de sa traduction en langue vulgaire.
Ibid., iv, 1, p. 246. Il parle d'un targum de Job pré-
senté à Gamaliel I er . Traité Schabbath, xvi, 1, t. iv,
p. 161. On a voulu trouver des preuves de l'existence
des targums dans le début du psaume xxi, cité en ara-
méen par Jésus sur la croix, Matth., xxvn, 46; Marc,
xv, 34, et dans la citation du ps. lxviii (heb.), 4, par
saint Paul, Eph., IV, 8, citation du texte du targum,
disait-on, plutôt que du texte hébraïque. Ces preuves
n'ont aucune valeur. Paul de Lagarde a supposé qu'une
partie de la version des Septante avait été faite sur un
targum et pas sur le texte original. Il s'appuyait sur les
additions et les explications que contiennent quelques
livres de la version grecque. L'abbé Paulin Martin a
aussi expliqué comme variantes de targum les diver-
gences notables que la version des Septante présente
en certains passages des livres de Samuel et des Rois
relativement au texte massorétique. Introduction à la
critique générale de l'Ancien Testament. De l'origine
du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 47-
50, 61-69. Quoi qu'il en soit, l'usage de la traduction
araméenne dans le service liturgique des synagogues
juives est antérieur à l'ère chrétienne et contemporain
du second Temple. On ne peut guère lui assigner de
date précise, et il n'y a à ce sujet que des hypothèses
plus ou moins fondées.
La traduction araméenne, d'abord orale et transmise
par la tradition, finit par être mise par écrit pour l'en-
seignement des écoles, sinon pour l'usage liturgique.
On discute beaucoup sur la date à laquelle aurait eu
lieu cette transcription de la version araméenne, et on
ne s'entend pas sur l'époque de la composition des
plus anciens targums. On a pensé longtemps que le
targum officiel de la Loi et des Prophètes, rédigé
du 1" au m e siècle, d'abord en Palestine, dans le dia-
lecte de la contrée, avait passé ensuite chez les Juifs
de la Babylonie, qui le reconnurent comme texte d'en-
seignement scolaire, après lui avoir fait subir des rema-
niements au double point de vue de la langue et des
idées. La recension babylonienne, dans laquelle il nous
est parvenu, serait tardive et daterait au plus tôt du
V e siècle de notre ère, mais on y reconnaîtrait encore
des éléments antérieurs. Deux amoraim palestiniens
du II e siècle, Josué ben Lévi et Amni, disciple de Jona-
than, auraient fait, en leur propre nom, un targum sur
les parUyôf de la Loi. L'avis de plus en plus prédomi-
nant aujourd'hui est que certains targums sont d'ori-
gine babylonienne et d'autres de provenance palesti-
nienne.
Les plus anciens sont, dans l'ensemble, de véritables
versions à peu près littérales, où l'interprétation aurait
introduit peu d'additions. Les plus récents sont para-
phrasés davantage, envahis qu'ils sont par des légendes
juives ; c'est le cas notamment des targums des Hagio-
graphes, œuvres individuelles sans autorité officielle.
L'emploi des targums a cessé chez les Juifs, quand
ceux-ci n'ont plus parlé araméen. On les a négligés
peu à peu. Ils étaient abandonnés en Espagne au
xi c siècle. On sait aussi que les sections liturgiques
étaient paraphrasées en persan à la synagogue de
Bokhara.
3° Utilité. — Elle est multiple et variée, selon les
cas. — 1. Au point de vue critique. — Ces versions ara-
méennes sont faites sur un texte hébraïque qui repré-
sente, dans l'ensemble et sauf quelques leçons spéciales,
le texte massorétique, dont il prouve la fixité. — 2. Au
point de vue exégétique. — Elles nous font connaître
la façon dont les Juifs interprétaient leur Bible à
l'époque où elles ont été composées ; elles sont donc
des documents intéressants de l'exégèse juive, notam-
ment pour les interprétations plus anciennes qu'elles
ont conservées. — 3. Au point de vue de la langue
araméenne. — Composées en Palestine ou en Baby-
lonie, elles représentent les nuances des différents
dialectes que parlaient les Juifs dans ces deux contrées.
4° Nombre. — Il existe des targums sur tous les
livres de la Bible hébraïque, sauf trois, Daniel et les
deux livres d'Esdras, trois écrits dont une partie est
rédigée en araméen.
On peut les classer suivant les trois grandes divisions
de la Bible hébraïque : la Loi, les Prophètes et les
Hagiographes. On peut les ranger aussi suivant l'ordre
chronologique de leur composition. Nous suivrons ce
dernier ordre.
II. Des targums en particulier. — î. targum baby-
lonien DU PENTATEUQUE, DIT TARGUM D'ONFELOS. —
1° Auteur. — Il est inconnu, car l'attribution à Onkelos,
disciple de Gamaliel, est aujourd'hui généralement
rejetée par les critiques, qui pensent que Onkelos a
été confondu par les rabbins de Babylonie avec le pro-
sélyte Aquila, traducteur de la Bible hébraïque en grec.
Voir Aquila 2, t. i, col. 811; Onkelos, t. iv, col. 1819-
1820. Le passage du Talmud de Jérusalem, traité
Meghilla, i, 9, est traduit par M. Schwab, t. IV, p. 213
Le Talmud, lorsqu'il rapporte des leçons du targum du
prosélyte Aquila, donne toujours des termes grecs.
Ainsi, dans son targum, il traduit les ac boîtes de par-
fums » dont parle Isaïe, m, 20, moy.àx<>v xeipîai. Traité
Schabbath, vi, 4, trad. Schwab, t. iv, p. 73. Cf. Drach,
Pat. gr., note, t. xvi, col. 1633; J. Field, Origenis
Hexaplorum quœ supersunt, Oxford, 1875, t. n, p. 437.
Le complément ma-by, Ps. xlviii, 15, est traduit dans
la version d'Aquila par àdavasioc, « immortalité ». Traité
Meghilla, II, 4, trad. Schwab, t. VI, p. 232. Le mot -fin,
Lev., XXIII, 40, est traduit dans Aquila parûSiap, « eau »,
pour indiquer que l'arbre dont il est question (le cè-
dre) croît près de l'eau. Traité Soucca, m, 5, ibid.,
p. 25. Le passage de Daniel, v, 5 : en face de la lumière,
est traduit par Xaixitâç dans Aquila. Traité Yoma, m, 8,
trad. Schwab, t. v,p. 198. Cf. Fûrst, op. cit., t. Il, p. 919.
Ce traducteur a entendu Lev., xix, 20, d'une esclave
touchée par un homme. Traité Qiddouschim, i, 1,
trad. Schwab, t. ix, col. 203. Le Talmud de Jérusalem
ne connaît donc qu'une version grecque d'Aquila. Voir
1999
TARGUMS^
200O
encore J. Fûrst, op. cit., t. Il, p. 833, 924, pour Ezech.,
xxm, 43, et pour Daniel, tiii, 13. La confusion avec
Onkelos et l'attribution d'un targum araméen à ce per-
sonnage ne datent que de la période post-talmudique.
L'uniformité du vocabulaire et du style, si elle n'est pas
l'œuvre de la dernière revision, trahirait une seule
main, et prouverait que la verBion araméenne de la Loi
a été faite par un seul auteur.
2° Patrie. — Pour plusieurs critiques contemporains,
ce Talmud est d'origine babylonienne. Le Talmud de
Babylone l'appelle « notre targum » et il le cite en di-
sant : « Comme c'est traduit, » Au sentiment de Geiger
et de Frankel, ce targum aurait été écrit dans le dialecte
babylonien. Il contient quelques mots persans. Gen.,
xxv, 27 ; xliii, 30. M. Noldeke, Histoire littéraire de
l'Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 372,
en comparant ce targum avec le targum de Jérusalem
sur le Pentateuque, y a reconnu le dialecte palestinien
pour le fond. Il y retrouvait aussi des passages anciens
de l'époque de Jean Hyrcan. Ibid., p. 371. Il a précisé
plus tard sa pensée, en disant que ce targum palestinien
avait été rédigé en Babylonie, car la langue, qui est
palestinienne dans l'ensemble, a été fortement in-
fluencée en quelques points par le langage parlé de la
Babylonie. Litterarisches Centralblatt, 1877, p. 305.
M. Dalinan toutefois réduit au minimum l'influence
babylonienne sur la langue de ce targum, qu'il dit être
le pur dialecte galiléen. Vie Worte Jesu, Leipzig, 1898,
p. 6. Passé de Palestine en Babylonie, ou composé dans
cette dernière contrée, ce targum y a été officiellement
reconnu et y a servi de texte dans les écoles. C'est au
moins à ce titre qu'il peut être nommé le targum baby-
lonien du Pentateuque. Les Juifs de l'Yémen l'ont reçu
avec la ponctuation babylonienne.
3° Date. — Si on en juge d'après son contenu, il
aurait été composé en Palestine au II e siècle. Il repro-
duit la halaka et l'hagada de l'école d'Akika et spé-
cialement celle de l'époque des tannaïtes. Primitive-
ment, il était identique au targum de Jérusalem,
comme on le voit encore, par exemple, pour Lev., vi,
3, 4, 6, 7, 9, 11, 18-20, 22, 23. Leurs différences ac-
tuelles proviendraient d'une double revision. Il aurait
eu peu de vogue en Palestine. Révisé en Babylonie au
IV e ou au v« siècle, il y aurait été reconnu comme la
version autorisée du Pentateuque. Les critiques qui en
font une œuvre purement babylonienne, placent sa
rédaction définitive au V e siècle.
4° Caractères. — Comme traduction, ce targum rend
le texte hébraïque d'une façon à peu près littérale, sans
addition, sauf en quelques passages poétiques, les can-
tiques, qui sont difficiles à comprendre et qui n'ont pas
été traduits exactement. La version a été faite sur le
texte hébraïque, ses hébraïsmes le prouvent, et sur un
texte peu différent de l'édition massorétique, en sorte
qu'elle a peu d'importance pour la critique textuelle
du Pentateuque. Toutefois, ce texte est traduit d'après
les idées du temps. On trouve donc dans ce targum
quelques traces de l' halaka et de l'hagada (juives).
L'auteur évite les anthropomorphismes et les anthro-
popathismes, et il attribue à la niemra, à la schekïna,
à la gloire ou à l'ange de Jéhovah ce qui est dit de
Jéhovah lui-même. Dieu ne descend pas pour voir la
tour de Babel ou Sodome, il apparaît pour se venger
ou pour juger. Il ne voit pas les choses; elles lui sont
découvertes. Il protège les Israélites, non comme la
prunelle de son œil, mais du leur. Deut., xxxil, 10. Il
ne dit pas : « Je lève ma main vers les cieux, » mais
« J'ai fondé dans les cieux le séjour de ma demeure. »
Deut., v, 40. Au lieu de traduire : & Adam est devenu
comme l'un de nous, » on dit : «Adam est seul dans le
monde à connaître par lui-même le bien et le mal. »
Gen., m, 22. Dieu ne se repent pas; il revient sur sa
parole. Il n'est pas affligé en son cœur; il parle en
son oœur. Quelques passages sont atténués : les fils de
de Dieu sont les fils des grands. Gen., VI, 1. Des
termes figurés sont expliqués : l'épée et l'arc de Jacob
sont la prière et l'oraison. Gen., xlviii, 22. Voir encore
Gen., xlix, 25; Exod., xv, 3, 8, 10; xxix, 35. Les an-
ciens noms de villes et de peuples sont remplacés par
les noms de l'époque : Qardu au lieu A'Ararat, Gen. r
vm, 4; Babylone au lieu de Sennaar, Gen., x, 10; les
Arabes pour les Ismaélites, Gen., xxxvn, 25; Tanis
pour Tsoan, Num., xm, 22. On trouve une interpréta-
tion cabalistique. Num.,xn, 1. Le passage, Gen., m, 15 r
est traduit comme dans la version des Septante, quoi-
que le sens messianique n'y apparaisse pas. Deux en-
droits seulement, Gen., xlix, 10; Num., xxiv, 17, sont
nettement messianiques. Les patriarches sont loués et
exaltés. Gen., xx, 13; xxvn, 13; xlviii, 22. Quelques
mots hébreux sont rendus d'après leur signification
étymologique.
5" Éditions. — La première a été faite à Bologne, ea
1482. Son texte a été imprimé dans les Bibles rabbi-
niques deBomberg(1517) et de Buxtorf (1619), dans les
quatre grandes Polyglottes d'Alcala, d'Anvers, de Paria
et de Londres. Sabbioneta l'avait réédité en 1557.
A. Berliner a reproduit le texte de cette édition, avec
des notes, Targum Onkelos, 2 vol., Berlin, 1884. Les
premières éditions n'étaient pas vocalisées. La vocalisa-
tion actuelle, faite par Buxtorf, est souvent erronée et
sans valeur. Il faudrait la corriger d'après la ponctua-
tion supralinéaire des manuscrits de l'Arabie du Sud
ou de l'Yémen, qui vient de Babylone. Voir Merx, Be-
merkungen ûber die Vocalisation der Targume, dans
Abhandlungen und Vortrâge des fûnflen internatio-
nalen Orientalisten-Congress zu Berlin 1881, sect. n,
Berlin, 1882, p. 142-225; Joannes Buxtorf s des Vaters
Targumcommentar Babylonia, dans Zeitschrift fur
wissenschaftliche Théologie, 1887, p. 280-299, 462-471;
1888, p. 41-48; Chrestomathia targurnica (avec voyelles
babyloniennes), Berlin, 1888; Landauer, Studien zu
Merx Chrestomathia targurnica, dans Zeitschrift fur
Assyriologie, 1888, t. m, p. 263-292; E. Kautzsch,
Mittheilung ûber eine alte Handschrift des Targum
Onkelos (codex Socini, n. 84), Halle, 1893; H. Barn-
slein, The Targum of Onkelos to Genesis (ms. de
l'Yémen), Londres, 1896; Diettrich, Einige gramma-
tische Beobachtungen zu drei im Brilisch Muséum be-
findlichen jemenitischen Handschriften des Onqelos-
targumes, dans Zeitschrift fur die alttestamentliche-
Wissenschaft, 1900, p. 148-159.
Des versions latines accompagnent le texte araméen
ponctué dans les grandes Polyglottes; elles ne sont
pas toujours exactes. P. Fagius en a publié une à part
à Strasbourg, en 1546. J. W. Etheridge en a fait une
traduction anglaise ainsi que des deux autres targums
sur le Pentateuque, The Targums of Onkelos and
Jonathan ben Uzziel on Ihe Pentateuch, with ther
fragments of Jérusalem Targum, front the Chaldee,
2 vol., Londres, 1862, 1865. Une version allemande a-
commencé à paraître dans Monumenta judaica. ParsI-
Bibliotheca targurnica. Aramaica. Die Targumijn
zum. Pentateuch, Vienne, 1906, t. i, fasc.l. Bâcher lui
a reproché de nombreuses inexactitudes. Theôlogische-
Literaturzeitung, 1906, p. 373-376.
Les Juifs babyloniens ont eu pour le targum dit
d'Onkelos une telle estime qu'ils lui ont consacré au
xm e siècle une Massore spéciale. A. Berliner, Die
Massorah zum Targum Onkelos, auf Grund neuer-
Quellen lexikalisch geordnet und kritisch beleuchtet,
Amsterdam, 1896. Elle indique les différentes explica-
tions des écoles de Sura et de Nehardea, les concor-
dances du texte dans les termes et les idées, et contient
des notes explicatives de diverse nature. E. Brederek a
fait une concordance de ce targum : Koncordanz zum-
Targum Onkelos, Giessen, 1906,
2001
TARGUMS
2002
6° Bibliographie spéciale. — G. B. Winer, De On-
keloso ejusque paraphrasi chaldaica, Leipzig, 1820;
S.D.Luzzatto,"u :nw Philoxenus sive de Onkelosi chal-
daica Pentateuchi versione (en hébreu), Vienne, 1830;
2 e édit. corrigée, Cracovie, 1895; Levy, Ueber Onkelos
und seine Uebersetzung des Pentateuch, dans Wissen-
schaftliche Zeitschrift fur jûdische Théologie, 1844,
t. v, p. 175-198, et dans Literaturblatt des Orients,
1845, p. 337, 354 sq.; R. Anger, De Onkelo chal-
daico quem ferunt Pentateuchi paraphraste et quid
ei rationis intercédât cum Akila grssco V. T. inter-
prète, deux parties, Leipzig, 1845, 1846; Schônfelder,
Onkelos und Peschittho. Studien ùber das Aller des
Onkelos'schen Targums, Munich, 1869; A. Ueiger, Das
nach Onkelos benannte babylonische Thargum zum
Pentateuch, dans Jûdische Zeitschrift fur Wissenschaft
undLeben, 1871, t. ix, p. 85-104; Neubùrger, Onkelos
und die Stoa, dans Monatsschrift fur Geschichte und
Wissenschaft des Judenthums, 1873, p. 566-568; 1874,
p. 48; S. Singer, Onkelos und das Verhâltniss seines
Targums zur Halacha, Francfort-sur-le-Main, 1881 ;
M. Friedmann, Onkelos und Akylas, Vienne, 1896;
E. Brederek, Bemerkungen ûber die Art der Ueberset-
zung in Targum Onkelos, dans Theologische Studien
und Kritiken, 1901, p. 351-377. Voir aussi les articles
sur Onkelos dans les encyclopédies de Ersch et Gruber
et de Herzog.
II. LE TARGOM DES PROPHÈTES DE JONATHAN BEN
uzziel. — 1° Auteur. — Ce targum sur les livres pro-
phétiques, antérieurs et postérieurs, de Josué à Mala-
chie, est attribué à Jonathan ben Uzziel. Le Talraudde
Jérusalem n'en parle pas. Il est impossible de concilier
les données divergentes que fournit à son sujet le Talmud
de Babylone. Quelques rabbins font de lui le plus grand
des 80 disciples de Hillel et le condisciple de Jonathan
ben Zakkaï. Baba bathra, fol. 134a; Soucca, fol. 28a.
D'autres le mettent en rapport avec les prophètes Aggée,
Zacharie et Malachie. Meghilla, fol. 3 a. Ces derniers
ajoutent qu'il aurait « dit » le targum des prophètes,
que la terre d'Israël a tremblé à l'apparition de ce tar-
gum et qu'une voix du ciel lui a demandé à lui-même
compte de sa révélation des secrets célestes aux fils des
hommes. Les secrets ainsi révélés sont les passages
obscurs des livres prophétiques. Si l'on retenait seu-
lement de ces données disparates que Jonathan a été
un disciple de Hillel, il en résulterait qu'il serait anté-
rieur à Onkelos. On lui a attribué aussi le targum hié-
rosolymitain du Pentateuque et un targum sur les Hagio-
graphies. Cf. The Jewish Encyclopsedia, New-York, 1904,
t. vu, p. 238. Il semble bien que le targum des Pro-
phètes, qui porte son nom, n'est pas son œuvre, car
il ne peut pas remonter au I er siècle de notre ère. Cer-
tains passages de ce targum sont attribués, dans le
Talmud de Babylone, à Joseph l'Aveugle (270-333), pré-
sident de l'école de Pumbadita, enBabylonie. Hai Gaon
a soutenu cette attribution. L'auteur est donc inconnu.
2° Patrie et date. — Tant qu'on l'a rattaché en quel-
que manière à Jonathan ben Uzziel, on y a vu une
œuvre palestinienne, composée au II e siècle pour le
service liturgique des synagogues dans une langue très
apparentée à celle d'Onkelos. Il aurait passé en Baby-
lonie, où il aurait, comme le précédent, été retouché
pour la langue et les idées, et où il aurait été générale-
ment reconnu au m e siècle. Au v e siècle, on le citait
eomme une autorité ancienne. De l'Académie de Pum-
badita, il se serait répandu dans tous les pays où les
Juifs étaient dispersés. C'est encore la thèse soutenue
dans The Jewish Encyclopsedia, New-York, 1906, t. xii.
Mais Geiger et Frankel en font, comme du précédent,
une œuvre babylonienne, commencée par les rabbins
de ce pays au ni" siècle et définitivement rédigée au
IV e . Ce targum est postérieur à celui d'Onkelos, qui a
été utilisé en quelques passages où l'accord est visible.
Eichhorn et Berthold y avaient distingué plusieurs
mains, manifestées, pensaient-ils, par la différence des
traductions. Mais Hâvernick et Frankel ont soutenu,
avec plus de raison, l'unité de rédaction, établie par le
rédacteur définitif. Les passages parallèles, Is., xxxvi-
xxxix ; II Reg., xvm, 13-xx, concordent mot pour mot,
et les passages poétiques des livres historiques ont
reçu des additions analogues à celles qu'on trouve dans
les prophètes. Cf. Jud., v, 8, avec Is., x, 4; II Sam.,
xxm, 4, avec Is., xxx, 26. Des parties anciennes ont-
elles été conservées au milieu d'interpolations posté-
rieures, et y a-t-il lieu de distinguer la composition du
II" ou du m e siècle de l'édition définitive du v» ? Les
avis des spécialistes sont partagés.
3° Caractères. — Ce targum est moins littéral et plus
paraphrasé que celui d'Onkelos. Dans les livres histo-
riques, il est fait d'après la même méthode et il traduit
le texte à peu près littéralement. Dans les livres pro-
phétiques strictement dits, qui sont plus obscurs et
plus difficiles, la version est paraphrasée davantage. On
y trouve aussi des légendes hagadiques. "Voir, par
exemple, ls., x, 32. L'auteur évite encore les anthropo-
morphismes et les anthropopathismes, et il remplace
souvent le nom de Jéhovah par la schekina. Il explique
les métaphores en termes propres; s'il maintient les
anciens noms géographiques, il leur donne une forme
moderne. L'influence des idées du temps est moins
sensible que dans le targum d'Onkelos, quoiqu'elle se
fasse néanmoins remarquer. L'auteur interprète un
certain nombre de passages prophétiques dans le sens
messianique : I Sam., n, 10; xxm, 8; I Reg., iv, 33;
Is., IV, 2; vu, 14; ix, 6; x, 27; xi, 1, 6; xvi, 1-15;
xxyhi, 5; xlii, 1; xlv, 1 ; lu, 13; lxih, 10; Jer., xxm,
5; xxx, 21; xxxm, 13, 15; Ose., m, 5; xiv, 8; Mich.,
iv, 8; v, 2; Zach., m, 8; iv, 7; vi,'12;x, 5; mais toutes
ses explications messianiques ne sont pas fondées. Il
n'admet pas le sens messianique d'autres oracles qui
ont réellement cette signification, et dans Is., lui, il ne
veut pas reconnaître un Messie humble, méprisé, con-
damné à mort, et il applique ces traits de la prophétie
à d'autres objets.
4° Éditions. — La première date de 1494 et a vu le
jour à Leiria. Elle a été reproduite dans les Bibles
rabbiniques de Bomberg (1517) et de Buxtorf et dans les
quatre grandes Polyglottes. Paul deLagarde en a donné
une édition manuelle, non vocalisée, d'après un manus-
crit de Reuchlin, Prophétie chaldaice, Leipzig, 1872.
Cf. Klostermann, dans Studien und Kritiken, 1873,
p. 731-767. Merxa reproduit des spécimens de la ponc-
tuation babylonienne dans sa Chrestoniathia rab-
binica, déjà citée. On a publié aussi des parties de ce
targum d'après des manuscrits de l'Yémen, ayant la
même ponctuation. F. Prsetorius, Das Targum zu Josua
nach jemenischer Ueberlieferung, Berlin, 1899; Dos
Targum zum Buch der Bichler in jemenischer Ueber-
lieferung, Berlin, 1900. Cf. Bâcher, dans Theologische
Literaturzeitung, 1900, p. 164; 1901, p. 131; L. "Wolf-
sohn, Das Targum zum Propheten Jeremias in jeme-
nischen Ueberlieferung c. i-xn, Halle, 1902; S. Sil-
bermann, Das Targum zu Ezechiel nach einer
sûdarabischen Handschrift c. i-x, Strasbourg, 1902;
M. Adler, Targum to Nahum, dans Jewish Quarterly
Beview, Londres, 1895, p. 630-637.
Après les versions latines des Polyglottes, signalons
la traduction anglaise du targum sur Isaïe : Pauli, The
chaldee paraphrase on the prophet Isaiah translated,
Londres, 1871; H. S. Levy, Targum on Isaiah I, avec
commentaire, Londres, 1889.
5° Bibliographie spéciale. — Z. Frankel, Zu dem
Targum der Propheten, Breslau, 1892; W. Bâcher,
Kritische Untersuchungen zum Prophetentargum, dans
Zeitschrift der deutschen morgenlândischen Gesell-
schaft, 1874, t. xxvin, p. 1-72; Klein, Bemerkungen
2003
TARGUMS
2004
zu Bacher's kritischen Untersuchungen, ibid., 1875,
t. xxix, p. 157-161; Bâcher, Gegenbemerkungen, etc.,
ibid., p. 319-320; C. Cornill,Z)os Targum zu den Pro-
pheten, dans Zeitschrifl fur die alttestamentliche
Wissensehaft, 1887, p. 177-202 (pour Isaïe, Jérémie et
les petits prophètes) ; Das Buch des Propheten Eze-
chiel, 1886, p. 110-136 ; H. YVeiss, DiePeschitta zuDeu-
terojesaia undihrVerhâltniss zu massoret. Text. LXX
und Targum, Halle, 1893; M. Selbôk (Schonberger),
Die syrische Uebersetzung der zwôlf kleinen Prophe-
tenund ihrVerhâltniss zudem Targum, Breslau,1887;
A. Adler, dans Jeivish Quarterly Beview, 1895, t. vu,
p. 630-657(surNahum); Bacher,i6i'd v 1899, t. xi, p.651-
655; A. Wunsche, Einige Lesearien des sogenannten
Targum Jonathan zu den Propheten, dans Viertel-
jahresbericht fur Bibelkunde,i$Ob, 1. 1, p. 274-275.
III. LES TARGUMS LE JÉBUSÂLEM SUR LE PEXTA-
tmuque. — Il y en a deux, sinon même trois. — 1° Le
targum du pseudo-Jonathan. — Hai Gaon l'attribuait
aux anciens sages de Palestine (ni'-v» siècle). Ce n'est
qu'à partir du xiv e siècle qu'on l'a attribué à tort à
Jonathan ben Uzziel. On explique généralement cette
erreur d'attribution par une fausse lecture de l'abré-
viation >n, Targum Jeruschalmi, comme si elle si-
gnifiait : Targum Jonathan. Son origine palestinienne
est certaine; il est écrit dans le dialecte araméen de la
Palestine. Il est complet et traduit le Pentateuque
entier, sauf 12 versets. On l'appelle aujourd'hui le
premier targum de Jérusalem sur le Pentateuque. Il
date du vu» siècle. Il nomme les six ordres de la
Mischna, Exod., xxvi, 9, la femme et la fille de Maho-
met. Gen., xxi, 21. Son auteur a utilisé le targum
d'Onkelos. Les preuves qu'on a données parfois de son
antiquité ne sont pas fondées. Voir G. Dalman, Die
Worte Jesu, p. 67-69. C'est une paraphrase plutôt
qu'une version. 11 adopte les légendes de Yhagada et
développe l'histoire sainte conformément aux idées
populaires du temps. Il explique les métaphores,
■ écarte les anthropomorphismes, idéalise les héros et
cache leurs fautes. Son angélologie et sa démonologie
sont assez développées. Il remplace les anciens noms
géographiques par les noms modernes. L'auteur y a mis
ses idées religieuses, métaphysiques et morales. Tout
cela est d'un intérêt fort secondaire pour l'exégèse.
Ce targum a été édité pour la première fois à
Venise, en 1591. Il est aussi dans la Polyglotte de
Londres. M. Ginsburger l'a réédité d'après un ma-
nuscrit de Londres (British Muséum, addit. 27032).
Pseudo-Jonathan, Thargum Jonathan ben Usiël zum
Pentateuch, Berlin, 1903. Ce manuscrit avait été signalé
et décrit par W. Barnstein, dans Jeivish Quarterly
Beview, 1899, p. 167-171. La Genèse a été éditée avec
une traduction allemande par M. Altschùler, dans
Orbis antiquitatum, part. I, t. i, fasc. 1, Leipzig,
1910. Version anglaise par Etheridge. Voir plus haut.
Cf. Winer, De Jonathanis in Pentateuchum para-
phrasi chaldaica, Erlangen, 1823; H. Petermann, De
duabus Pentateuchi paraphrasibus chaldaicis, part. I,
De indole paraphraseos qux Jonathanis esse dicitur,
Berlin, 1829; S. Baer, Geist des Jeruschalmi, dans
îlonatschrift fur Geschichte und Wissensehaft des
Judenthums, 1851-1852, p. 235-232; S. Gronemann,
Die Jonathan'sche Pentateuch-Ueberselzung in ihrem
Verhâltnisse zur Balacha, Leipzig, 1879; A. Mar-
morstein, Sludien zum Pseudo-Jonathan Targum,
1. Das Targum und die apokryphe Literatur, Pres-
bourg, 1905; S. Landauer, Ein intéressantes Fragment
des Pseudo- Jonathan, dans Festschrift dédié au D' A.
Karkavy, Saint-Pétersbourg, 1908.
2° Les fragments d'un targum sur le Pentateuque,
ou le second targum de Jérusalem. — Ce targum n'est
pas complet, il ne comprend qu'un certain nombre de
sections ou de versets du Pentateuque.il n'a peut-être
jamais été achevé. Il ressemble au targum précédent.
On a expliqué leurs ressemblances et leurs relations
de différentes manières. Zunz a cru y reconnaître deux
recensions du même targum, indifféremment citées
sous le nom de targum de Jérusalem; le targum frag-
mentaire aurait été autrefois complet. Geiger y a vu
une collection de quelques gloses, non pas du pseudo-
Jonathan, mais d'une recension primitive. Seligsohn
et Volck ont cru y reconnaître un supplément haga-
dique et une collection de gloses marginales et de va-
riantes du targum d'Onkelos. Pour Bâcher, ce serait un
recueil de morceaux d'un plus ancien targum palesti-
nien, fait d'après Onkelos et le pseudo-Jonathan. Bass-
freund en fait une version d'un targum de Jérusalem,
rédigée d'après Onkelos et plus ancienne que le pseudo-
Jonathan, ^ette conclusion est adoptée par Ginsburger
pour le fond, et les critiques les plus récents tiennent
généralement le targum fragmentaire comme antérieur
à celui du pseudo- Jonathan, et ils le considèrent comme
un essai d'adaptation du targum d'Onkelos au milieu
palestinien avec des additions prises de diverses sources,
talmudiques et posttalmudiques. Il serait du VII e siècle
et d'origine palestinienne.
Il a été édité pour la première fois en entier dans la
Bible rabbinique de Venise, 1517, sous le nom de
Targum Jeruschalmi, et réédité dans la Polyglotte de
Londres; une partie avait été imprimée à Lisbonne, en
1491. Le manuscrit hébreu, n. 1, de la bibliothèque de
la ville de Nuremberg, ressemble à cette édition.
M. Ginsburger a publié les variantes du Vaticanus 440
et du manuscrit de Leipzig, n. 1, Das Fragmenten-
targum ( Targum jeruschalmi zum Pentateuch) , Ber-
lin, 1899, à la suite de l'édition du manuscrit n. 110 de
la Bibliothèque nationale de Paris, avec les citations
qui en sont faites dans les anciens écrivains; sur ces
citations, voir les additions de Marx, dans Zeitschriftfùr
hebràische Bibliographie, 1902, p. 55-58, 91-122, et par
Ginsburger, p. 122-123.11 a comparé le manuscrit du Va-
tican et celui de Paris, dans Zeitschrift der deutschen
morgenlândischen Gesellschaft,1903,p. 67-80. Il a édité
de nouveaux fragments, une feuille provenant d'une
gueniza et contenant le commencement du Deutéro-
nome. Ibid., 1904, p. 375-378. M. Weiss, Ein intéres-
santes Targumfragment in der Geniza, 1903. Dalman
a décrit le ms. addit. 27031 du British Muséum, dans
Monatschrift fur Geschichte und Wissensehaft des
Judenthums, 1897, p. 454-456. Cf. Barnstein, dans
Jewish Quarterly Beview, 1899, p. 167-171. La Genèse
a été éditée, en texte araméen et traduction allemande,
avec le targum du pseudo-Jonathan, par M. Altschùler,
dans Orbis antiquitatum, Leipzig, 1910, part. I, t. i,
fasc. 1. P. Tayler a publié une version latine de l'édition
de Venise, Targum Hierosolymitanuminquinquelibros
legis lingua chaldaica in latinam conversum, Londres,
1649. Etheridge en a donné une version anglaise dans
l'ouvrage déjà cité.
Cf. Seligsohn et Traub, Veber den Geist der Ueber-
setzung des Jonathan ben Vsiel zum Pentateuch und
die Abfassung des in den Editionen dieser Ueber-
setzung beigedruckten Targum Jerusclwlmi, dans Mo-
natschrift de Frankel, 1857, p. 96-114, 138-149; Geiger,
Das jerusalemische Thargum zum Pentateuch, dans
Urschrift und Uebersetzungen der Bibel, p. 451-480;
Seligsohn, De duabus Hierosolymitanis Pentateuchi
paraphrasibus, Breslau, 1858; W. Bâcher, Das ge-
genseitige Verhâltniss der pentateuchischen Targu-'
mim, dans Zeitschrift fur deutsche morgenlândische
Gesellschaft, 1874, p. 59-71 ; P. de Lagarde, Eine ver-
gessene Handschrift des sogenannten Fragmenttar-
gums, dans Nachrichten von der kônigl. Gesellschaft
der Wissenschaften zu Gôttingen, 1888, p. 1-3;
J. Bassfreund, Das Fragmenten-Targum zum Penta-
teuch, sein Ursprung und Charakter und sein Ver-
2005
TARGUMS
2006
hàltnis zu den anderen pentateutischen Targumim,
Breslau, 1896; M. Ginsburger, Zum Fragmenten-
Targum, dans Monatschrift fur Geschichte und Wis-
senschaft des Judenthums, 1897, p. 289-296, 340-349;
M. Neumark, Lexikalische Untersuchungen zur Sprache
der Jerusalemischen Pentateuch- Targum, Berlin, 1906,
fasc. 1 (hébraïsmes).
3° Fragments d'un troisième targum de Jérusalem.
— Ils ont été réunis par M. Ginsburger, Das Frag-
mententargum, p. 71-74. Voir aussi A. Epstein, To-
sefta du Targoum Yérouschalmi, dans la Revue des
études juives, 1895, t. xxx, p. 44-51 (additions faites au
second targum de Jérusalem ; au jugement de l'édi-
teur, elles ont peut-être été faites hors de Palestine).
4° Fragments d'un targum de Jérusalem sur les
Prophètes. — P. de Lagarde a recueilli et publié ceux
qu'il a trouvés aux marges du manuscrit de Reuchlin,
Prophétie chaldaice, p. vi-xm.
iv. targums svr les HAGIOGBAPHES. — L'attribution
d'un targum sur ces livres à Jonathan ben Uzziel est
purement légendaire. Ceux que nous avons sont de
date tardive; ils ont paru après la clôture du Talmud et
probablement longtemps après. Ce sont des travaux
individuels, composés sur le modèle des targums pré-
cédents; ils n'ont pas été faits, sinon ceux d'Esther,
pour l'usage public des synagogues, mais pour l'étude
particulière, et ils n'ont jamais été officiellement
reconnus comme faisant autorité. Depuis le XIII e siècle,
on les attribue en bloc à Joseph ben Chia ou l'Aveugle.
Mais la variété de méthode qu'on y constate impose d'y
reconnaître l'oeuvre de plusieurs auteurs; ils n'appar-
tiennent pas même à une seule école. Leurs particula-
rités dialectales trahissent leur patrie : ils ont, pour la
plupart, été rédigés en Palestine, mais quelques-uns
auraient subi, pour la langue, l'influence babylonienne.
Il vaut mieux les étudier séparément.
1° Targum sur les Psaumes et sur Job. — Au senti-
ment de M. Bâcher, le même auteur a traduit les
Psaumes et Job : le vocabulaire, les règles d'hermé-
neutique et l'usage de la même hagada manifestent
la communauté d'origine. Le targum du Ps.xvn (hébreu)
est emprunté textuellement au targum des Prophètes.
II Sam., xxii. La traduction suit généralement de près
le texte hébreu. On trouve des traces de Y hagada
juive dans les Ps. ix, xvm, xxm, xlix; les Ps. xci,
cxvui et cxxxvn sont fortement dramatisés. On cite
parfois deux ou trois traductions du même passage.
Deux traductions se suivent aussi dans le livre de Job,
par exemple, xiv, 18, 22; xv, 10, 20, 32; xxiv, 19, 20;
xxv, 2; xxix, 15; xxx, 4, 19, etc. Le thème constant de
l'interprétation de Job est la loi de Dieu et son étude,
la vie future et la rétribution. Au Ps. cvm, 12, Rome et
Constantinople sont appelées les deux capitales; ce
targum aurait donc été fait avant la chute de Rome, en
476. Il y a une allusion au partage de l'empire romain.
Job, IV, 10. On le rapporte cependant au VIII e ou IX e siècle
seulement. On y trouve des mots grecs et latins. Le
texte hébreu traduit diffère du texte massorétique plus
que celui des autres targums, surtout dans le Psautier;
le texte de Job est un peu plus court. Le targum des
Psaumes est cité par Nahmanide sous le nom de tar-
gum de Jérusalem. Cf. W. Bâcher, Das Targum zu
den Psalmen, dans Monatschrift fur Geschichte und
Wissenschaft des Judenthums, 1872, p. 408-416, 462-
473; Das Targum zuHiob, ibid., 1871, p. 208-223, 283-
284; A. Mandl, Die Peschittha zu Hiob nebst einem
Anhang ùber ihr Verhâltniss zu LXX und Targum,
Leipzig, 1892; Weiss, De libri Jobi paraphrasi chai'
daica, Berlin, 1873; Levin, Targum und Midrasch '
zum Bûche Hiob, Mayence, 1898; L. Techen, Das
Targum zu den Psalmen, I, Weimar, 1896 ; II, Leip-
zig, 1908. j
2° Targum des Proverbes. — Il ressemble à la Pes- '
chitto, dont il ne paraît être qu'une revision à l'usage
des Juifs syriens. Bien des versets sont identiques.
Dans les parties moins ressemblantes, le dialecte
employé est un mélange de l'araméen des targums et
du syriaque de la Peschitto. Il serait de la même date
que le précédent (vin* ou ix e siècle). La traduction est
ordinairement littérale et les additions sont extrême-
ment rares. Les plus longues paraphrases sont xxiv,
14; xxvm, 1. Ce targum est cité comme targum de
Jérusalem dans l'Arouch et par Nahmanide. Cf. J. A.
Dathe, De ratione consensus versionis chaldaicse et
syriacas Proverbiorum Salomonis, Leipzig, 1764;
Th. Noldeke, Das Targum zu den Sprùchen von der
Peschila abhândig, dans Archiv fur wissenschaftliche
Erforschung des Allen Testamentes de Merx, t. n,
p. 246-249; Maybaum, Veber die Sprache des Targum
zu den Sprùchen und dessen Verhâltniss zum Syrer,
ibid., 1871, p. 66-82; H. Finkusz, Die syrische Veber-
setzung der Proverbien, dans Zeitschrift fur die
alttestamentliche Wissenschaft, 1894, p. 65-141,
161-222.
3° Targum das cinq Megillolh (Cantique, Ruth, La-
mentations, Ecclésiaste, Esthor). — C'est une para-
phrase très développée à la façon homilétique et con-
tenant des légendes. On y fait des rapprochements his-
toriques, qui sont de véritables anachronismes, et on y
expose les causes des événements. L'étymologie des
noms propres y est expliquée; les métaphores sont
rendues sans figure. L'allégorie- remplace fréquemment
l'histoire. On y parle souvent du Sanhédrin; les
généalogies sont continuées. La paraphrase est très
longue dans Ruth et dans les Lamentations. Le cantique
est un véritable midrasch : c'est une allégorie con-
tinuelle de l'histoire israélite, depuis Moïse jusqu'au
Talmud. On y distingue deux Messies : l'un fils de David
et l'autre fils d'Éphraïm. Dans l'Arouch, le targum des
Megilloth est dit targum de Jérusalem. Cf. A. Hûbsch,
Die funf Megilloth nebst dem syrischen Targum, in-8°,
Prague, 1886; Kingsburg a traduit en anglais le targum
sur l'Ecclésiaste dans son Commentary, Londres, 1861;
Armin Abelesz, Die syrische Vebersetzung der Kla-
gelieder und ihr Verhâltniss zu Targum und LXX,
Giessen, 1896; A. Levy, Das Targum zu Koheleth nach
sûdarabischen Randschriften, Breslau, 1905; S. Lan-
dauer, Zum Targum der KlagelieUer, dans Orienta-
Usche Studien, publiées en l'honneur de Noldeke,
Giessen, 1906, t. i, p. 505-512.
Il y a deux principaux targums d'Esther. Le premier
(rischon), publié dans les Polyglottes d'Anvers et de
Londres, est littéral sauf exception. L'édition de laPoly-
glotte de Londres contient le même texte que celui qui
est édité dans la Polyglotte d'Anvers, toutefois avecquel-
ques additions hagadiques. Le second (sheni) est plus
volumineux; il combine et amalgame d'autres targums
et des midraschim, et il est cité parfois comme hagada
ou midrasch. On y a ajouté encore de nouvelles légendes.
Cf. S. Posner, Das Targum Rischon zu dembiblischen
Ruche Esther, Zurich, 1896 (dissert.); L. Munk, Tar-
gum scheni zum Bûche Esther (avec des variantes
extraites des manuscrits et une introduction), Berlin,
1876; P. Cassel, Zweites Targum zum Bûche Esther
(texte vocalisé et traduction allemande), 1878; AusLite-
ratur und Geschichte, Leipzig, 1885 (traces du temps
de Justinien); M. David, Das Targum scheni zum
Bûche Esther nach Handschriften, Berlin, 1898;
J. Reis, Das Targum scheni zu dem Bûche Esther
(comparaison du texte imprimé avec celui d'un ma-
nuscrit), dans Monatschrift fur Geschichte und
Wissenschaft des Judenthums, 1876, p. 161, 276,
398 sq.; J. Reiss, Zur Kritik des Targum scheni
zu dem Bûche Esther, ibid., 1881, p. 473-477; S. Gelb-
haus, Das Targum scheni zum Bûche Esther, Franc-
fort-sur-le-Main, 1893 ; W. Bâcher, Zur jûdischen per-
2007
TARGUMS — TARSE
2008
sischen Litteratur, dans Jewish Quarterly Review,
t. xvi, p. 225 sq. (second targum d'Esther).
Une version latine des deux targums d'Esther a été
faite par F. Tailer, Targum prius et posterius in E$-
theram, Londres, 1655. Une version allemande du se-
cond targum est due à P. Cassel, Das Buch Esther,
Berlin, 1878.
4° Targum des Chroniques. — Il n'est pas cité avant
l'Arouch. Il n'a été édité qu'au xvn e siècle par Beck,
d'après un manuscrit d'Erfurth, 2 in-4°, Augsbourg,
1680, 1683. Une meilleure édition, d'après un manus-
crit de Cambridge, est due à D. Wilkins, Paraphrasis
chaldaica in librum priorem et posteriorem Chroni-
corum, in-4°, Amsterdam, 1715. Les deux éditions
présentent de nombreuses divergences. La version est
parfois presque littérale, mais elle contient ailleurs
des amplifications midraschiques. L'auteur a connu les
deux targums de Jérusalem sur le Pentateuque et il
cite parfois le second mot à mot. Il s'est servi largement
du targum sur les Prophètes, des livres de Samuel et
des Rois, et il a utilisé le targum des Psaumes.
I Chron., xvi. Rosenberg et Kohler ont pensé que le
fond remontait au IV e siècle. Le manuscrit d'Erfurth
est du vm e siècle ; celui de Cambridge du commence-
ment du xi e . La version a subi aussi l'influence du
Talmud de Babylone, et sa langue ressemble à celle
des targums de Palestine. C'est une paraphrase haga-
dique. Cf. M. Rosenberg et K. Kohler, Das Targum zur
Chronik, dans Jùdische Zeitschrift de Geiger, 1870,
t. vm, p. 72-80, 135-163, 263-278.
Les targums sur les Hagiographies, en dehors de celui
des Chroniques, ont été édités dans la Bible de Bom-
berg (1517) et par P. de Lagarde, Magiographa chal-
daice, Leipzig, 1873 (d'après la Bible rabbinique de
1517 et d'après l'édition de Beck pour les Chroniques).
Des spécimens sont reproduits dans Marx, Chrestoma-
thia targumica, p. 154-164. S. Waldberg, rvn naa,
Forschungen : 1° Ueber die Entstehungszeit der Tar-
gume zu den Hagiographen. 2» Die Erkldrungsweise
der Targume zur Bibel. 3» Die Irrtûmer in den Tar-
gumen und deren Richtigstellung, Cracovie, 1904.
Un targum de Tobie a été publié par Neubauer, The
Book of Tobit, Oxford, 1878. Munka signalé l'existence
d'un targum manuscrit de Daniel à la Bibliothèque
nationale de Paris, ancien fonds, n. 15. Les premiers
mots sont en chaldéen et le reste en persan. Notice
sur Saadia, Paris, 1838, p. 87.
III. Bibliographie générale. — 1» Sur les éditions
des targums. — Le Long, Bibliotheca sacra, édit. Masch,
part. II, 1781, t. i, p. 23, 49; Rosenmuller, Bandbuch
fur die Literatur der biblischen Kritik und Exégèse,
1799, t. m, p. 3-16; -Furet, Bibliotheca judaica, t. il,
p. 105-107; t. ni, p. 48; Steinschneider, Catalogus
librorum hebraicorum in bibliotheca Bodleiana,
col. 165-174.
2° Sur les targums en général. — Helvicus, De
chaldaicis Bibliorum paraphrasibus, Giessen, 1612;
J. Morin, Exercitationes ecclesiasticse et biblicse, part.II,
I. II, exerc. vm, in-f», Paris, 1669, p. 318-347; R. Si-
mon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. II,
C. xvill, Rotterdam, 1685, p. 296-305; Carpzov, Critica
sacra V. T., Leipzig, 1748; p. 430-481 ; Zeibich, Depa-
raphrasium chaldaicarum apud Judieos auctoritate,
Wittemberg, 1737; Wolff, Bibliotheca hebrœa, t. n,
p. 1135-1191 ;£. iv, p. 730-734; Eichhorn, Enleitung in
das A. T., 4»*édit., 1823, t. n, p. 1-123; L. Zunz, Die
gottesdienstlichen Vortrâge der Juden, Berlin, 1832,
p. 61-83; Hâvernick, Handbuch der historisch-kriti-
schen Einleitung in das A. T., 1837, t. I, 2, p. 73-89;
2« édit. , 1854, 1. 1, p. 387-402 ; Gfrôrer, Das Jahrhundert
des Heils, 1838, t. i, p. 36-59; J. Frankel, Einiges zu
den Targumim, dans Zeitschrift fur die religiosen
lnteressen des Judenthums, 1846, p. 110-120; Herzfeld,
Geschichte des Volkes Jisrael, 1857, t. m, p. 61»
551 sq. ; Geiger, Urschrifl und Uebersetzungen der
Bibel, Breslau, 1857, p. 162-167; Langen, Das Juden-
thum in Palàstina, 1866, p. 70-72, 209-218, 268 sq.,
418 sq. ; de Wette-Schrader, Lehrbuch der hisloris-
chkritischen Einleitung in die kanonischen und apo-
kryphen Bûcher des A. T., 1869, p. 123-129; Th. N61-
deke, Histoire littéraire de l'Ancien Testament, trad.
franc., Paris, 1873, p. 369-378; Bôhl, Forschungen
nach einer Volksbibel zur Zeit Jesu, 1873, p. 140-168;
L. Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique
jusqu'à nos jours, Paris, 1881, p. 143-157; F. Weber,
Jùdische Théologie auf Grund des Talmud und ver-
wandter Schriften, 2 e édit., Leipzig, 1897, p. xvi-xxiv;
Buhl, Kanon und Text des A. T., 1891, p. 168-184;
Hausdorff, Zur Geschichte der Targumim nach tal-
mudischen Quellen, dans Monalschrift fur Geschichte
und Wissenschaft des Judenthums, 1894, p. 203,
241, 289 sq. ; G. Schûrer, Geschichte des jùdischen
Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3 e édit., Leipzig, 1901,
t. i, p. 147-156; J. Felten, Neutestamentliche Zeitge-
schichte, Ratisbonne, 1910, t. i, p. 548-552.
On peut consulter aussi toutes les Introductions
générales ou les Introductions particulières de l'Ancien
Testament. Nommons parmi les catholiques, Trochon,
Introduction générale, 1886, t. i, p. 411-418; F. Kaulen,
Einleitung in die heilige Schrift, 3 e édit., Fribourg-
en-Brisgau, 1890, t. i, p. 110-117; R. Cornely, lntro-
duclio generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 413-427;
F. Vigouroux, Manuel biblique, 12* édit., Paris, 1906,
t. i, p. 178-183, et parmi les protestants, H. Strack,
Einleitung in das A. T., 6 e édit., Munich, 1906, p. 205-
210. Voir encore les articles Targum ou Versions des
encyclopédies et dictionnaires bibliques, dont les plus
récents sont Realencyclopàdie fur protestantische
Théologie und Kirche, 3 e édit., Leipzig, 1897, t. m,
p. 103-110; Hastings, Dictionary of the Bible, Londres,
1902, t. IV, p. 678-683; The Jewish Encyclopœdia, New-
York, 1906, t. xii, p. 57-63.
3» Sur la langue des targums. — Dictionnaires :
J .Levy,Chaldaisches Wôrterbuch ûber die Targumim
undeinen grossen Theil des rabbinischenSchriftthums,
2 in-4°, Leipzig, 1867, 1868; A. Kokut, Aruch comple-
tum, 8 vol., 1878-1892; M. Jastrow, A Dictionary of
the Targumim, the Talmud Babli and Yerushalmi
and the Midraschic Literature, part. I-XV, Londres,
1886-1902; G. Dalman, Aram&isch-neuhebrâisches
Wôrterbuch zu Targum, Talmud und Midrasch,
part. I, 1898; Krauss, Griechische und Lateinische
Lehnwôrter in Talmud, Midrasch und Targum, 2 par-
ties, 1898, 1899. — Grammaire : G. Dalman, Gramma-
tik des jùdisch-palâstinischen Aramâisch. Nach den
Idiotismen des palàst. Talmud und Midrasch, des
Onkelos targum und der jerusalemischen Targume
zum Pentateuch, Leipzig, 1894; 2 e édit., 1905, p. 21-27.
4° Sur le genre d'interprétation. — Maybaum, Die
Anthropomorphien und Anthropopathien bei Onkelos
und den spâtem Targumim mit besonderer Berûck-
sichtigung der Ausdrûcke Memra, Jekara und Sche-
chintha, Breslau, 1870; M. Ginsburger, Die Anthropo-
morphismen inden Thargumim, dans Jahrbûcher fur
protestantische Théologie, 1891, p. 262-280, 430-458.
Cf. F. Weber, Jùdische Théologie, p. 155-157, 180-184.
E. Mangenot.
TARSE (grec : Tapcxd;), ville de Cilicie, en Asie-
Mineure (fig. 448), patrie de l'apôtre saint Paul. Elle
n'est nommée dans l'Écriture, à part une révolte de
ses habitants mentionnée II Mach., iv, 30, qu'en con-
nexion avec l'histoire de l'apôtre des Gentils.
I. Saint Paul a Tarse. — 1» Il y naquit, Act., ix,ll ; xxi-
39; xxn, 3, y reçut sa première éducation et y revint
de Jérusalem au bout d'un certain temps après sa
conversion, ix, 30; il y séjourna jusqu'à ce que Bar-
2009
TARSE
2010
nabé vint l'y chercher, xi, 25, pour aller travailler
avec kii à la propagation du christianisme parmi les
Gentils, à Antioche. Cf. xsii, 21. Pendant le séjour qu'il fit
à Tarse, on ne peut douter qu'il n'y ait prêché la religion
nouvelle qui y a toujours compté depuis des fidèles.
Cf.Act.,xv, 23, 41; Gai., i, 21. Il visita peut-être aussi sa
ville natale avant d'entreprendre son second et son troi-
sième voyage de missions qu'il commença en partant
d'Antioche. Voir Paul, t. iv, col. 2201. — 2° « Je suis...
de Tarse, en Cilicie, citoyen de cette ville qui n'est pas
sans renom, » dit saint Paul au tribun Lysias qui
l'avait fait arrêter à Jérusalem. Act., xxi, 39. Tarse doit
surtout sa renommée au grand Apôtre à qui elle donna
le jour, mais elle était de fait une ville importante au
premier siècle et Dieu voulut y faire naître « son vase
d'élection », Act., IX, 15, qu'il prédestinait à porter
son nom devant les Gentils, pour que cet enfant d'ori-
gine juive pût y recevoir l'éducation grecque qu'il
était nécessaire de lui donner afin qu'il pût travailler
efficacement à la conversion des Grecs et des Romains
qu'il devait évangéliser.
II. Histoire. — 1° Quand Paul vint au monde à
Tarse (fig. 449), cette ville était un des plus grands
centres intellectuels de l'empire romain. Une légende
448. — Monnaie de Tarse des premiers temps de l'époque
impériale romaine. — tapeeqn. Zeus, vêtu de l'himation
autour des membres inférieurs, assis, à gauche, sur un trône;
sur sa main droite, Nikê, la Victoire, avec une guirlande; de
la main gauche il tient le sceptre; devant lui, étoile et crois-
sant. — Sj. Massue avec un cordon. — A droite et à gauche,
monogrammes. MHTPO. Le tout dans une couronne de chêne.
en attribue la fondation à Sardanapale, c'est-à-dire à
Assurbanipal, roi d'Assyrie (voir t. i, col. 1144), dont
les Grecs défigurèrent complètement l'histoire. Cf. Ar-
rien, De exped. Alexandri, n, 5, édit. Didot, p. 38;
Cléarque de Soli, Histor. grsec. Fragm., 5, édit. Didot,
t. Il, p. 305. D'après Alexandre Polyhistor et Abydène,
dont Eusèbe nous a conservé le récit, Chron., 1. I. v,
1; ix, 1, t. xix, col. 118, 123, le fondateur de Tarse fut
Senmachérib, le grand-père d' Assurbanipal, et il la bâtit
sur le modèle de Babylone, de sorte que le Cydnus
coulât au milieu de la cité nouvelle, comme l'Euphrate
à Babylone. Les monuments assyriens nous montrent
que Tarse est antérieure à Sennachérib. L'obélisque
noir de Nimroud, où Salmanasar raconte ses guerres,
mentionne dans sa vingt-sixième campagne, ligne 138,
la prise de Tarse et le tribut d'argent et d'or qu'il fit
payer aux habitants (831 avant J.-C). Il semble bien
■être le premier roi de Ninive qui porta ses armes à
Tarse. F. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient,
9' édit., 1. iv, 1885, p. 201; Eb. Schrader, Keilin-
schriftliche Bibliothek, t. i, 1889, p. 144-145.
Quand plus tard les Grecs s'établirent à Tarse, leur
imagination inventive lui trouva une autre origine.
Elle fut fondée, dit Strabon, XIV, x, 12, par les
Argiens qui étaient allés avec Triptolème à la recherche
d'Io. Dion Chrysostome, Orat., xxxm, ad Tars. ; Liba-
nius, Orat., xxvm, 6, 20, disent que les habitants de
Tarse attribuaient la fondation de leur cité à Persée ou à
Hercule; cette dernière attribution est le mélange des
traditions orientales avec les traditions grecques :
Persée était un personnage oriental et assyrien, Héro-
dote, vi, 54; Héraclès ou Hercule était un dieu tyrien
■colonisateur.
2° Sous les Perses. — A part là mention de la ville
dans les documents assyriens, l'histoire de Tarse est
inconnue sous la domination assyrienne, qui fut rem-
placée par celle des Perses. Les premières monnaies
furent frappées par les satrapes perses qui la gouver-
naient et y avaient établi leur résidence. Voir Hill, Ca-
talogue of British Muséum Coins of Lycaonia, IsauHa
and Cilicia, p. lxxvi-xcviii, 162-230. Il y avait dès lors
beaucoup de Grecs qui y avaient été attirés par le
commerce, car les monnaies les plus anciennes sont
frappées d'après des types helléniques dans leur en-
semble et avec un mélange de caractères grecs, aussi
bien qu'araméens.
3° Sous les Grecs. — Xénophon, Anabas., i, 2, 23,
vers l'an 400 avant notre ère, atteste que Tarse était
alors une grande ville opulente, où se trouvait le palais
de Syennésis, roi de Cilicie. Sous les Séleucides, Tarse
fut soumise à leur domination ; elle frappa alors des mon-
naies autonomes et, de ville orientale, devint surtout une
cité hellénique. Sous Antiochus IV Épiphane (175-164),
elle prit le nom d'Antioche sur le Cydnus qu'elle porta
sur les monnaies de cette époque. Le Baset Wadding-
ton, Inscriptions d'Asie-Mineure, n. 1486. Vers 171 avant
J.-C, ce roi, suivant une coutume des rois de Syrie,
avait attribué les revenus de la ville de Tarse à une
de ses concubines, appelée Antiochide, II Mach., iv, 30,
ce qui amena une révolte parmi ses habitants, sans
doute trop pressurés, Épiphane alla lui-même en per-
sonne calmer la sédition, et il y réussit, sans doute en
lui conférant de nouveaux privilèges. Le nom d'An-
tioche qu'il lui conféra ne fut pas longtemps en usage
et celui de Tarse reprît bientôt le dessus. Il est pro-
bable que c'est alors que les Juifs y affluèrent, comme
dans d'autres villes d'Asie-Mineure où les Séleucides
les appelaient comme colons.
4» Sous les Romains. — De la domination des rois
Séleucides, Tarse passa sous celle des Romains, qui se
rendirent peu à peu complètement maîtres de la Cilicie.
Le pays fut définitivement conquis par Pompée en 66
avant notre ère et la Cilicie fut organisée en province,
en 64, avec Tarse pour capitale. Tarse n'eut qu'à se
louer de la façon dont elle fut traitée par Jules César,
par Antoine et par Auguste. Elle prit le nom de Julio-
polis en l'honneur de Jules César. Dion Cassius, xlvii,
26. Cassius en 43 lui fit expier son dévouement à César,
mais Antoine l'en récompensa bientôt en lui donnant
les privilèges d'une cité libre, civitas libéra; il y établit
même pendant quelque temps sa résidence et c'est là
qu'il reçut en 34 la visite de Cléopàtre, reine d'Egypte,
à laquelle il la donna pour faire partie de son royaume.
Lorsque Auguste eut battu Antoine, il augmenta les
privilèges de Tarse et la Cilicie fut unie à la Syrie
pour former une vaste province.
Telle était la situation de Tarse lorsque Saul y vint
au monde. Elle atteignait alors l'apogée de son éclat et
de sa splendeur, et elle était devenue une des trois
grandes villes intellectuelles de celte époque dans
l'empire romain. Non seulement elle luttait avec les
deux autres grandes écoles de ce temps, Athènes et
Alexandrie, mais elle les dépassait, dit Strabon, XIV,
v, 13, quoiqu'elle ne comptât guère que des maîtres et
des étudiants indigènes. Et le polygraphe grecénumère
les nombreux savants, philosophes, grammairiens,
rhéteurs, qui illustrèrent alors Tarse et se firent admi-
rer à Rome. Strabon, XIV, v, 14-15. Le jeune Saul put
connaître et entendre quelques-uns de ces personnages
célèbres, comme Nestor qui florissait de son temps et
vécut 92 ans. C'est à leur école qu'il apprit à connaître
les philosophes et les littérateurs grecs qu'il cita depuis
dans le cours de son apostolat.
5° Tarse moderne. — Après avoir passé par les vicis-
situdes les plus diverses depuis l'époque de saint Paul,
Tarse n'est plus aujourd'hui qu'une ville déchue de
2011
TARSE
2012
l'empire turc, mais riche de ses illustres souvenirs.
Elle ressemble à un vaste et frais jardin, dont les bos-
quets d'orangers, de figuiers, de mûriers, de très grands
oliviers cachent les maisons à l'ombre de leur végéta-
tion luxuriante, entretenue par les eaux d'un des bras
du Cydnus. Une partie des maisons actuelles est en
terre, avec un toit en forme de terrasse, où l'on voit
ordinairement un fragment de colonne qui sert de rou-
leau pour égaliser le sol de la terrasse, quand il a été
raviné par la pluie. Les constructions en pierre sont
faites surtout avec les débris de la ville antique : comme
à Antioche, il suffit de creuser à un mètre environ au-
dessous du sol pour en extraire les matériaux néces-
saires, pierres taillées, débris de colonnes, fragments
de statues, qu'on rencontre dans les murs, etc. Partout
M. Debbas a trouvé dans le fond une inscription
grecque, dont il ne restait plus qu'un fragment où on
lisait le nom de IIA.TAOE. C'est à la suite de cette dé-
couverte qu'il donna au puits le nom de saint Paul. Il
assure qu'il y avait là autrefois une église dédiée à
saint Paul. L'inscription, qui avait été encastrée dans
un mur, a été volée depuis (notes prises sur place en
avril 1888). —L'empereur Maurice (583-602) fit bâtira
Tarse une église en l'honneur de saint Paul.
Le jeune Juif avait appris dans sa patrie le métier de
faiseur de tentes, qu'on dressait avec des tentures,
tissées à Tarse même, et qui étaient célèbres dans
l'antiquité sous leur nom d'origine, celui de « cilice ».
Les tisserands y sont devenus rares, mais on y en
trouve encore. Leurs instruments de tissage sont très
449. — Vue de la ville actuelle de Tarse. D'après une photographie.
dans la ville actuelle, aux angles des rues comme dans
les murs, on aperçoit ces pierres mutilées, restes d'in-
scriptions et de sculptures de toutes sortes dont le
marbre a été fourni, non loin de là, par une carrière de
la chaîne du Taurus, qui apparaît à l'horizon, couverte
de neiges d'une blancheur éblouissante au soleil,
avec la gorge d'où sort le Cydnus pour venir arroser
Tarse. Saul a dû souvent, dans sa jeunesse, contempler
cet admirable panorama, et il a goûté cette eau du
Cydnus, un peu trouble et jaunâtre àla fonte des neiges,
mais fraîche et agréable aux indigènes; elle est lim-
pide en été, avant d'avoir franchi les cascades, situées
au-dessus de la ville, où tombe un bras du fleuve, à
travers des roches abruptes, sur une longueur d'une
cinquantaine de mètres, en creusant des grottes pro-
fondes, recouvertes de ponts naturels.
Les principales ruines qui attirent l'attention à Tarse,
sont ce qu'on appelle le Tombeau de Sardanapale et
qui paraissent être la substructure de la plate-forme
d'un temple bâti à l'époque romaine. Les souvenirs
chrétiens sont incertains et rares. L'ancien consul des
États-Unis, Âbdon Debbas, donne sa maison comme
située sur l'emplacement de celle de saint Paul. On y
voit un puits très profond avec une margelle en marbre,
usée par le temps. Ce puits est creusé dans le roc.
primitifs. « De belles mèches de poils de chèvre sont
disposées dans un coin de l'atelier; un homme les
prend, les met à sa ceinture et les file. Le fil qu'il a
produit par un mouvement en arrière, se double par
un mouvement en avant, et enfin se triple par un nou-
veau retour en arrière, qui lui donne sa forme et sa
force définitives. Quand la pelote a le poids voulu, on
la dépose dans une corbeille, où un autre ouvrier la
reprend pour tisser en parties noires, grises ou rou-
geâtres, les toiles grossières qui serviront à faire des-
sacs et des tentes à l'usage des hommes du désert. Le
jeune tisseur, que nous trouvons assis à terre et courbé
sur son métier, a une tête intelligente et énergique. Il
me figure ce petit Juif tarsois, à l'âme religieuse, au
cœur de feu, au courage indomptable, qui acheva, dans
un semblable atelier, son éducation de rabbi, en s'ini-
tiant à l'un des arts manuels que tout docteur juif
devait connaître pour s'assurer la vie matérielle dans
un moment critique. Paul fabriqua des tentes à
Corinthe, chez le Juif Aquilas, d'après les principes
qu'il avait reçus ici. » E. Le Camus, Notre voyage aux
pays bibliques, Paris, 1890, t. m, p. 113-114. — Yoir
W. M. Ramsav, The Cities of St. Paul, in-8», Londres,
1907, p. 285-334.
F. VlGOUROUÏ.
2013
TARTARE — TAUPE
2014
TARTARE (Vulgate : tartarus), lieu situé dans les
profondeurs de la terre où, selon la mythologie grecque
et romaine, sont plongés les coupables en châtiment de
leurs fautes. La Vulgate emploie ce mot, II Pet., n, 4,
dejectos in tartarum, là où le texte original grec porte
le mot dérivé TocpTocpwo-a;, « ayant précipité dans
l'enfer (les anges rebelles) ». L'idée duTartare correspon-
dait à celle de la géhenne ou de l'enfer. Voir Géhenne,
t. m, col. 155.
TASHÊT ('al), locution qu'on lit dans le titre de
plusieurs Psaumes : lvii (hébreu), 1 ; lviii, 1 ; lix, 1 ;
lxxv, 1. La Vulgate l'a rendue tantôt par ne disperdas
et tantôt par ne corrumpas. 'Al fasfyêt marque que l'on
doit chanter le Psaume sur l'air connu désigné par
ces mots. Voir Psaumes, col. 815.
TATIEN, écrivain chrétien du II e siècle. Il était
Assyrien d'»rigine, quoiqu'il soit qualifié de Syrien
450. — Jeune Égyptienne tatouée.
D'après Ed. W. Lane, Manners and Custqms of the modem
Egyptians, 2 in-12, Londres, 1837, t. i, p. 57.
par Clément d'Alexandrie et d'autres Pères. Il voyagea
beaucoup et devint très versé dans la littérature gréco-
romaine; dans ses œuvres, il ne cite pas moins de
quatre-vingt-treize auteurs classiques. S'étant rendu à
Rome, il y publia sa Cohortatio ad (ïrsecos, Aôyot
7upôç "EHriva:, où il se déclare un converti au chris-
tianisme. Il fut dans cette ville élève de saint Justin
et, après la mort de ce dernier, il alla en Syrie où il
enseigna les erreurs du gnosticisme. Son œuvre la plus
célèbre est le Diatessaron ou Concorde des quatre
Évangiles, EjotffÉXiov 8tà T£<j<rdip«)v. Cf. S. Irénée,
Adv. User., I, xxvm, 1, t. vu, col. 690; Eusèbe, H. E.,
iv, 29, t. xx, col. 400; S. Jérôme, De vir. ill., xxix,
t. xxiu, col. 645; dom Ceillier, Histoire des auteurs
sacrés et ecclésiastiques, t. H, p. 123 sq. ; R. Harris,
Tatian and the fourth Gospel, dans Contemporary
Review, décembre 1893. — Saint Éphrem avait com-
menté le Diatessaron. On en a retrouvé et publié une
traduction arménienne, Evangelii concordantis expo-
sitio facta a S. Ephrsemo in latinum translata a
J. B. Aucher, Mechitarista, Venise, 1877; Th. Zahn,
Forschungen zur Geschichte des neutestamentlicken
Kanons und der altkirchlichen Literatur. I. Tatian's
Diatessaron, in-8°, Erlangen,1881; A. Hjelt, Die altsy-
rische Evangelienûbersetzung und Tatians Diates-
saron, besonders in ihrem gegenseitigen Verhâltniss,
dans les Forschungen zur Geschichte des neutesta-
mentlichen Kanons, in-8», Leipzig, 1903, t. vu, 1.
TATOUAGE, dessins qu'on fait sur la peau d'un
homme ou d'une femme, en y introduisant des ma-
tières colorantes (fig. 450). Le goût du tatouage est très
ancien en Orient et y est toujours en usage. On ren-
contre encore en Palestine et en Egypte beaucoup de
femmes tatouées, surtout dans le peuple. L'opération
se fait sur les jeunes filles généralement à l'âge de cinq
à six ans. On leur tatoue la figure, le front, les bras,
la poitrine, les mains et les pieds au moyen d'aiguilles
attachées ensemble, d'ordinaire au nombre de sept, et
avec lesquelles on forme les dessins voulus en piquant
la peau; on introduit dans les piqûres un mélange de
noir de fumée de bois ou d'huile et de lait de femme
et au bout d'une semaine environ, avant que la peau
soit guérie, on applique sur les piqûres une pâte de
feuilles fraîches de rave blanche ou de trèfle, pilées, qui
donne aux dessins qu'on a formés une couleur bleue
ou verdâtre. La loi de Moïse interdit aux Hébreux le
tatouage : Nonincidetis carnem vestram neque figu-
ras aliquas aut stigmata (hébreu : qa'àqa', nota cuti
incisa) facietis vobis. Lev., xix, 28. — Voir Thomson,
The Land and the Book, p. 66; J. de Morgan, Re-
cherches sur les origines de l'Egypte, in-4°, Paris,
1897, t. i, p. 56-57.
TAUPE (Septante : àarcaXa?; Vulgate : ialpa)^
petit mammifère insectivore. — La taupe (fig. 451) a
451. — Talpa vulgaris.
le corps cylindrique, couvert d'un poil court et fin, la
têle allongée, terminée par une espèce de boutoir que
soutient un os spécial, les membres antérieurs pour-
vus d'une main en forme de pelle, avec cinq ongles
plats et tranchants, et les yeux extrêmement petits. La
taupe se creuse des galeries sous terre, où elle vit iso-
lément. Elle se nourrit de larves, de petits animaux et
de racines, ce qui la rend à la fois utile et nuisible à la
culture et la fait détruire à cause de ses méfaits appa-
rents, bien compensés pourtant par ses services réels.
— Les versions traduisent par « taupe » le mot finSé-
méf, qui est le nom du caméléon, rangé parmi les ani-
maux impurs. Lev., xi, 30. Voir Caméléon, t. n,coI. 90.
Dans Isaïe, il, 20, la Vulgate dit que les idoles ne sont
que « des taupes et des chauves-souris ». Le mot
« taupes » rend ici l'hébreu hâfarperât, Théodotion :
93cpçapu6, Septante : fiavatoç. L'animal ainsi désigné
n'est pas la taupe ordinaire, talpa vulgaris ou eu-
ropsea, qui ne se trouve pas en Palestine. D'autres
espèces de taupes s'y rencontrent, mais elles vivent
dans les terres arables et non dans les trous de rochers,
comme le suppose le passage d'Isaïe. La hâfarpêrdh,
de hâfar, « creuser », et perd h, « rat», est probable-
ment une sorte de rat du genre spalax, ou rat-taupe,
qui appartient à l'ordre des rongeurs, se creuse aussi
des galeries sous terre et ne vit que de racines. On
trouve en Syrie le rat-taupe, spalax typhlus (fig. 452),
qui ressemble assez à la taupe ordinaire, mais a
plus de largeur, avec une longueur de 27 à 30 centi-
2015
TAUPE
TEBETH
2016
mètres. La queue n'est pas apparente; la fourrure d'un
gris argenté cache l'ouverture très large des oreilles.
Les yeux sont complètement atrophiés. Le museau
dénudé est plus long et plus large que celui de l'écu-
reuil, dont le rat-taupe a les puissantes incisives. Ce
rongeur se creuse sous terre de vastes abris, commu-
niquant entre eux; il y vit en communautés souter-
raines et y garde ses petits et ses provisions. Il affec-
tionne les décombres et les tas de pierres où il se
réfugie à la moindre alerte. Sa nourriture, exclusive-
452. — Spalax typhlus.
ment végétale, se compose surtout de tubercules;
aussi fait-il de grands dégâts parmi les carottes et les
oignons des jardins. Inactif pendant le jour, il est sans
cesse en mouvement durant la nuit. Les rats-taupes
sont nombreux autour des murs de Jérusalem, où ils
se cachent aisément dans les ruines. Cet animal
parait visé par Isaïe bien plutôt que la taupe. Cf. Tris-
tram, The natural history of the Bible, Londres, 1889,
p. 120, 121 ; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 61. H. Lesêtre.
TAUREAU (hébreu : par, 'abbîr; Septante : Tocjpoç,
(A^uy.oç, [loTxâpiov; Vulgate : laurus, juvencus, vitu-
lus), ruminant de la fcmille des bovidés. — Le taureau
désigne dans nos pays l'animal qui a été conservé pour
la reproduction et qui n'a pas subi la castration. Comme
cette opération était interdite aux Hébreux, le far
désignait pour eux le bœuf en général et spécialement
le veau ou jeune bœuf. Voir Bœuf, t. i, col. 1826. De là
les expressions par bén bàqâr, « taureau fils de
bœuf », Exod., xxix, 1; par haS-sôr, « taureau de
bœuf ï, Jud., vi, 25; sôrpar, p.(S<rx°? vioz, vitulus novel-
lus, « bœuf veau » ou jeune veau. Ps. lxix (lxvhi), 30.
Le mot par peut même s'appliquer à un taureau de
sept ans. Jud., vi, 25. Isaïe, xxxiv, 7, parle de pârîm
'îm-'abbirîm, « taureaux avec des bœufs », c'est-à-
dire bœufs jeunes et vieux. Cf. Ps. xxn (xxi), 13. —
II est surtout question de jeunes taureaux, ordinaire-
ment d'un an, à propos des sacrifices. Jud., vi, 25;
III Reg., i, 25; xvm', 23; Ps. li (l), 21; etc. Ils
figurent dans les holocaustes, Num., vu, 15; vin, 12;
xv, 24; etc., et dans les sacrifices expiatoires. Exod.,
xxix, 36; Lev., iv, 14; Ezech., xliii, 19; etc. —
Dans Osée, xiv, 3, il est dit qu'on offrira à Dieu pârîm.
ëefdtênû, « les taureaux de nos lèvres », Vulgate : vi-
tulos labiorum nostrorum, c'est-à-dire les victimes,
les sacrifices de nos lèvres, nos louanges. Les Sep-
tante ont lupeH sefàfênû, xapirbv -/eillcov f,|iwv, « le
fruit de nos lèvres ». On a une teçon préférable en
faisant passer le mem final du premier mot, négligé
par les Septante, au commencement du second : perî
misfetênû, « le fruit de nos bercails ». Cf. Van Hoo-
nacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 127.
H. Lesêtre.
TAVELLI Giovanni, de Tossignano, évêque de Fer-
rare, mort en 1446. Il assista au concile de cette ville
que le pape Eugène IV y transféra de Bâle en 1438.
On lui a attribué une traduction de la Vulgate en ita-
lien. Voir Italiennes (Versions) de la Bible, t. m,
col. 1016.
TAVERNES (TROIS). Act., xxvm, 15, Tp £ i«
Taêepvai, forme grécisée du latin Très Tavernse,
station de la voie Appienne que suivit saint Paul captif
pour se rendre de Pouzzoles à Rome. Des chrétiens de
cette dernière ville étaient allés à sa rencontre. Les
uns se rendirent jusqu'au Forum d'Appius, les autres
l'attendirent aux Trois Tavernes. L' Itinéraire d'Anto-
nin place le Forum Appii à quarante-trois milles de
Rome et les Trois Tavernes à trente-trois. Fortia
d'Urban, Recueil des itinéraires anciens, in-4°, Paris,
1845, p. 31-32. Le latin taberna, pour trabena, désign,e
une maisonnette ou chaumière faite avec des trabes ou
planches. Cf. Horace, Carm., I, xiv, 13 : Pauperum
tabernas regumque turres. Il se dit par suite des bou-
tiques de marchand, Horace, Sat., I, iv, 71, et spéciale-
ment des marchands de vin et de comestibles. Horace,
Epist., I, xiv, 24. On en trouvait naturellement sur les
routes fréquentées, pour le service des voyageurs. Il y
en avait sans doute trois aux Trois Tavernes, de là le
nom qui avait été donné à ce lieu. Une lettre de Cicé-
ron à Atticus, n, 12, nous apprend qu'une voie qui
arrivait d'Antium (Anzio) aboutissait précisément à cet
endroit-là qui devenait ainsi l'occasion d'une halte.
Les Trois Tavernes se trouvaient à trois milles de la
ville moderne de Cisterna, près de la Torre d'Annibale
actuelle. On y voit aujourd'hui trois ou quatre con-
structions modernes, à une petite distance de la roule
qui suit la direction de l'ancienne Via Appia, et à
l'endroit qui correspond à l'indication de l'Itinéraire
d'Antonin au mille XXXIII. C'est là que dut s'arrêter
un moment saint Paul prisonnier, avant de continuer
sa route vers Rome, avec les pieux fidèles qui étaient
accourus au-devant de lui. — Voir F. Vigouroux, Le
Nouveau Testament et les découvertes archéologiques
modernes, 2Ȏdit., 1896, p. 348.
TAYLOR John, savant dissenter anglais, né près
de Lancaster en 1694, mort à Warrington, dans le Lan-
cashire, le 5 mars 1761. Parmi ses œuvres, on remarque
A Hebrew-English Concordance, 2 in-f°, Londres,
1754. Elle contient tous les mots de la Bible hébraïque,
avec toutes leurs formes et leurs significations. Il avait
publié en 1745 à Londres A Paraphrase on Romans,
dont les notes ne sont pas sans mérite, mais imprégnées
d'arianisme.
TCHÈQUES (VERSIONS) DES ÉCRITURES.
Voir Slaves (Versions), col. 1807.
TEBBAOTH (hébreu: Tabbd'ôf; Septante; Tagaw6),
chef d'une famille de Nathinéens. II Esd., vu, 47
(hébreu, 46). La Vulgate écrit ce nom Tabbaoth, IEsd.,
il, 43. Voir Tabbaoth, col. 1967.
TEBBATH (hébreu : Tabbâf, Septante : Tagâfr),
localité dont le site n'a pas été retrouvé. Les Madia-
nites, poursuivis par Gédéon, s'enfuirent jusqu'à
Bethsetta, vers Séréra (inconnu; omis dans la Vulgate),
jusqu'au bord d'Abel Méhula, prés de Tebbath. Jud.,
vu, 22 (Vulgate, 23). Le contexte montre qu'on est dans
les environs du Ghôr du Jourdain. Quelques inter-
prètes croient que Tebbath peut être le Tubuhhat
Fahil ou « Terrasse de Fahil » que décrit Robinson,
Biblical Researches in Palestine, t. in, 1856, p. 321,
325. Il est probable en tous cas que Tebbath était au
sud deBethsan.
TÉBETH (hébreu : têbét; Septante : àoip [le mois
est changé]; en assyrien : tibituv), dixième mois de
l'année juive, de 29 jours, comprenant la fin de dé-
cembre et la première partie de notre mois de janvier.
Il n'est nommé qu'une fois dans l'Écriture. Esth., n,
16. Voir Calendrier, t. n, col. 66.
2017
TEHINNA — TELEM
2018
TEHINNA (hébreu : Tehinnâh, « supplication »;
Septante : ©«i[i.ocv; Aleœandrinus : Qavâ), le dernier
nommé des trois fils d'Esthon, de la tribu de Juda,
descendant de Galeb, frère de Sua. Il est appelé
' ' Abî-ir-nal.ias , «père de la ville de Naas » (voir
Naas 4, t. iv, col. 1430), et il est dit de lui et de ses
frères : « ce sont là les hommes de la ville de Récha, »
I Par., iv, 12, ville également inconnue. Voir Récha,
col. 1000.
1. TEIGNE (hébreu : sâs, 'dsySeplante : afc; Vulgate:
tinea), insecte lépidoptère, de la famille des nocturnes
et de la tribu destinéidés (fig. 453). — Les teignes sont
de petits insectes qui ont les ailes étroites, la tête large
et velue et l'abdomen cylindrique. Leurs chenilles, de
couleur jaune blanchâtre, ont huit pattes ; elles vivent
et se métamorphosent dans des fourreaux fusiformes,
de même couleur que les substances dont elles se
nourrissent. Ce sont les chenilles de la teigne qui dé-
truisent les étoffes de laine, les tapisseries, les tissus
de crin, les pelleteries, les grains, etc. Leur action
est souvent redoutable, parce qu'elles réduisent à
l'état de poussière les tissus qu'elles ont rongés. Elles
causaient de grands ravages chez les Hébreux, impuis-
453. — La Teigne.
sants à défendre leurs vêtements contre leurs attaques.
Aussi est-ce à la teigne rongeuse de vêtements que
les auteurs sacrés font communément allusion. Les
deux mots hébreux, éds et 'âS, répondent aux deux
mots assyriens sâsu et asasu. Les versions les en-
tendent tous les deux de la teigne, bien qu'ils puissent
désigner des espèces différentes, chacune d'entre
elles s'attaquant à des objets divers. Cf. Tristram,
The natural Hislory of the Bible, p. 326; Gesenius-
Buhl, Handwôrterb., p. 571,646. — L'homme sera
réduit en poudre, comme les vêtements le sont par la
teigne. Job, iv, 19; xiii, 28. Elle se bâtit dans les
étoffes une demeure fragile, à laquelle ressemble la
demeure du méchant. Job, xxvn, 18. Isaïe, li, 8, dit
de ne pas craindre les méchants, parce que
Le 'âS les dévorera comme un vêtement,
Et le sàs les rongera comme la laine. Is-, L, 9.
La tristesse est au cœur de l'homme ce que la teigne
est au vêtement. Prov., xxv, 20 (LXX, Vulg.). Dieu sera
pour Ephraïm comme la teigne, c'est-à-dire une cause
de destruction. Ose., v, 12. Les idoles, parées de riches
vêtements, ne peuvent se défendre de la teigne.
Bar., vi, 11. Des vêtements provient la teigne, c'est là
qu'elle se nourrit et devient nuisible. Eccli., xlii, 13.
Notre-Seigneur ne veut pas qu'on amasse de trésors
sur la terre, où la teigne les ronge. Malth., vi, 19;
Luc, xii, 33. 11 s'agit ici de vêtements luxueux, dont
s'emplissait la maison des riches. Saint Jacques, v, 2,
revient sur la même pensée quand il dit aux riches que
leurs vêtements sont mangés des vers. Voir Ver.
H. Lesêtre.
2. TEIGNE, maladie qui atteint le système pileux.
On distingue plusieurs espèces de teignes : la teigne
faveuse et la teigne tonsurante, dues toutes deux à l'action
d'un champignon microscopique, l'alopécie ou teigne
pelade, congénitale ou provenant de lésions de la peau,
et la teigne granulée ou impétigo du cuir chevelu. La
teigne est favorisée par la malpropreté, les conditions
malsaines de l'habitation, la faiblesse naturelle, etc.
DICT. DE LA BIBLE.
On a longtemps confondu la teigne avec les dartres,
l'impétigo et d'autres affections analogues. Il est à
croire que Moïse a inclus la teigne dans la désignation
commune que comprend le mot nétéq. Lev., xm, 30.
Voir Impétigo, t. m, col. 844. H. Lesêtre.
TEINTURE (Vulgate : tinctura), couleur dans la-
quelle on trempe une étoffe pour la lui faire prendre.
— Les frères de Joseph teignirent sa robe dans le sang
d'un chevreau, pour faire croire à Jacob que son fils
avait été dévoré par une bête féroce. Gen., xxxvn, 31.
— Les tentures qui servirent au Tabernacle et les
étoffes dont furent faits les vêtements sacerdotaux
reçurent des teintures diverses. Voir Cochenille, t. n,
col. 818; Couleurs, col. 1066; Pourpre, t. v, col. 583.
— Sisara comptait sur un butin dans lequel il y aurait
des sebd'îm, « des vêtements de diverses couleurs »,
ffxOXa pa[i[j.âT(i)v, « des dépouilles de teintures », c'est-
à-dire des étoffes teintes, vestes diversorum colorum.
Jud., v, 30. — Là où il est dit qu'on ne peut mettre
en parallèle avec la sagesse l'or d'Ophir et l'or pur,
Job, xxviii, 16, 19, la Vulgate parle de « teintures de
l'Inde » et de « teinture très pure », en prenant kétém,
« or caché », pur, comme venant de kâtam avec le
sens de « tacher », teindre. — Isaïe, lxiii, 1, repré-
sente le vainqueur d'Édom avec des vêtements rougis
par le sang, comme sont rougis par le vin les vêtements
de celui qui foule au pressoir. — Sur l'oiseau bigarré
de la Vulgate, tincta per totum, Jer., xn, 9, voir
Hyène, t. m, col. 791. H. Lesêtre.
TEL-ABIB (hébreu: TêVAbib; Septante: [jisTÉtopoç;
Vulgate : ad acervum novarum frugum), localité si-
tuée sur un des canaux de Babylone, appelé Kebar
(Vulgate : Chobar). Ce canal était dérivé de l'Euphrate,
au sud-est de Babylone. Tel-Abîb devait être dans les
environs de Nippour. Les Septante et saint Jérôme, ne
connaissant pas cette localité, ont traduit son nom
comme si c'était un substantif commun. Pendant la
captivité, des familles juives s'étaient établies sur les
bords du canal de Kabara, comme il résulte des in-
scriptions cunéiformes du temps d'Artaxerxès I er trou-
vées à Nippour. Voir Hilprecht et Clay, Business Do-
cuments of Murashû Sons, 76. Ézéchiel, m, 15, passa
sept jours dans la tristesse à Tel-Abib au milieu des
Israélites qui y étaient en captivité.
TELAIM (hébreu : hat-Telâ'im, « agneaux » [dans
Is., xl, 11]; Septante : èv raX-yâXotç; Vulgate : quasi
agnos), localité où Saiil fit la revue et le recensement
de son armée avant de faire la guerre aux Amalécites.
I Sam. (Reg.), xv, 4. Josèphe, Ant. jud., VI, vu, 2,
porte Gai gala, comme les Septante, mais on ne s'ex-
plique pas pourquoi Saûl aurait rassemblé ses troupes
à Galgala pour marcher contre les Amalécites au sud
de la Palestine. Aussi plusieurs interprètes modernes
pensent-ils que Telaïm ne diffère pas de Télem 2.
Cf. I Sam. (Reg.), xxvn, 8.
TÉLEM (hébreu : Télém), nom d'un Israélite et
d'une ville de Palestine.
1. TÉLEM (Septante : Te).|ujv), lévite d'entre les
portiers qui avait épousé une femme étrangère du
temps d'Esdras et qui fut obligé de la répudier. I Esd.,
x, 24.
2. TÉLEM (omis dans les Septante; Alexandrinus v
Ts)é;i.), une des villes les plus méridionales de la tribu
de Juda, dans le Négeb. Jos., xv, 24. Elle était située
entre Ziph méridional et Baloth, dont l'emplacement
précis est inconnu. C'est probablement la même ville
que le Talmud appelle Talmia. Neubauer, Géographie
V. - 64
2019
TËLEM — TÉMOIN
2020
du Talmud, p. 121. Une variante des Septante par rap-
port au texte hébreu, II Sam. (Reg.), m, 12, porte au
lieu de tahtav, « de sa part », xpô; ©aiXàu. ou ï|V.
« Il (Abner) envoya des messagers àTélem où il (David)
était ». David avait été dans ces parages, I Sam. (Reg.),
xxvn, 8-11, mais il est difficile de savoir quelle est
l'origine de cette leçon des Septante et quelle est sa
valeur. — Divers interprètes croient que Telàïm de
I Sam., xv, 4, n'est pas différent de Télem. Voir
Telaïm.
TELMON (hébreu: Talmôn, « oppresseur»; Sep-
tante : Ts).fj.'iv), Lévite, chef d'une famille de portiers
du Temple. I Par., ix, 17; II Esd., xi, 19. Ses descen-
dants retournèrent de la captivité en Palestine avec
Zorobabel. I Esd., H, 42; II Esd., vu, 45. Ils reprirent
leurs fonctions à Jérusalem du temps de Néhémie.
II Esd., xii, 25.
TÉMÉRITÉ (Vulgate : temeritas), hâte irréfléchie
dans l'action et dans la parole. — Le mari peut désa-
vouer le vœu témérairement formulé par sa femme.
Num., xxx, 9. Dieu frappa Oza à cause de sa faute,
sal, d'après la Vulgate : « de sa témérité ». II Reg., VI, 7.
Il ne faut pas se presser de parler pour ne point parler
témérairement. Eccle., v, 1. L'homme prompt à parier
vaut moins qu'un insensé. Prov., xxix, 20. D'après la
Vulgate : « Le téméraire s'attire la haine par son langage. »
Septante : « Leprophète sera détesté pour ses discours, »
sens conforme à l'hébreu qui porte le mot maàià'
« oracle », traduit dans la Vulgate par « téméraire ».
Eccli., ix, 25. — Le grammate d'Éphèse recommanda
à ses concitoyens d'éviter toute témérité, tout acte
inconsidéré. Act., xix, 36. H. Lesêtre.
TEMOIGNAGE (hébreu : 'cd, 'êddh, iâliâdûld ';
Septante : (naprûpiov ; Vulgate : testimonium), assurance
donnée officiellement à un fait.
I. De la. part de Dieu. — 1° Différentes institutions
de l'ancienne Loi portent le nom de « témoignages »,
en tant que représentant l'intervention de Dieu au
milieu des hommes. Les préceptes du Seigneur sont
fréquemment appelés « témoignages », 'edôf, jiapTÛpia,
testimonia, Deut., iv, 45, etc., parce qu'ils sont l'attes-
tation du souverain domaine de Dieu et l'expression de
sa volonté. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 329; Morale,
col. 1260. Cette loi est probablement le « témoignage »
que le grand-prêtre Joïada remit au jeune Joas après
l'avoir fait proclamer roi. IV Reg., xi,12; II Par., xxm,
11. Comme Jéhovah résidait au milieu de son peuple,
les objets qui étaient le siège de sa présence portaient
le nom de « témoignages ». Il y a ainsi 1' « Arche du
témoignage », 'ârôn hâ-'êdut, xigwrôç toj napTupîov,
Exod., xxv, 22, etc., le « Tabernacle de réunion »,
'ohél mô'êd, que les versions appellent « Tabernacle du
témoignage », ctxïjv^ tou [lap-rupi'ou, tabernaculum
testimonii, Exod., xxvn, 21, etc., le voile qui est devant
le témoignage, vélum teslimonii. Lev., xxiv, 3. A pro-
prement parler, le « témoignage » n'est autre que le
propitiatoire. Voir Propitiatoire, col. 747. — 2° Isaïe,
vm, 16, appelle « témoignage » l'enseignement qu'il
donne au nom de Dieu, l'autel que Dieu fait dresser en
Egypte, Is., xix, 20, et le livre prophétique qu'il écrit
en vue de l'avenir. Is., xxx, 8. — 3° Jésus-Christ est
venu pour rendre témoignage â la vérité, Joa., xvm,
37, et il s'acquitta de cette mission. Joa., m, 11, 33; v,
31-39; vu, 7; vm, 13-18. Plus tard, l'Esprit lui rendra
témoignage. Joa., xv, 26; I Joa., v, 8. Le témoignage
du Christ, I Cor., i, 6; n, 1; I Tim., n, 6; vi, 13, est
devenu l'Évangile prêché par les Apôtres, Matth., xxiv,
14; Marc, xm, 9; Luc, xxi, 13; II Tim., i, 8, et auquel
le Seigneur a rendu témoignage par des miracles.
Act., xiv, 3. — 4° Autrefois, Dieu s'était rendu témoi-
gnage à lui-même parmi les gentils, en comblant tous
les hommes de ses bienfaits. Act., xiv, 16. Il a témoigné
qu'il voulait l'admission des gentils dans son Église,
en leur donnant Je Saint-Esprit. Act., xv, 8. Il avait
rendu témoignage aux anciens patriarches, en leur
parlant et en les bénissant. Heb., xi, 2-39. Les Israélites
l'ont prié de leur rendre témoignage en intervenant
pour leur cause. Eccli., xxxvi, 17.
II. De la part des hommes. — 1° Des témoignages
matériels sont constitués pour rappeler des conventions,
des souvenirs ou des enseignements. De cette nature
sont les sept brebis données par Abraham à Abimélech,
Gen., xxi, 30, le monceau de pierres de Yegar- Sâhadâ(a
ou Galaad, érigé en souvenir de l'alliance conclue entre
Jacob et Laban, Gen., xxxi, 44, 52, le cantique de
Moïse, Dent., xxxi, 19, l'autel élevé sur les bords du
Jourdain par les tribus transjordaniques, Jos., xxn,
27, 34, la pierre dressée à Sichem par Josué, Jos.,
xxiv, 27, le soulier donné par celui qui renonçait à
son droit de lévirat, Ruth, iv, 7, le sacrifice offert par
le lépreux, Matth., vm, 4; Marc, i, 44; Luc, v, 14,
la poussière des sandales secouée sur la maison inhos-
pitalière, Marc, VI, 11; Luc, îx, 5, la rouille qui
témoigne contre les possesseurs de trésors. Jacob., v,
3. — 2° On rend témoignage en justice pour ou contre
quelqu'un. Le faux témoignage, dont le but est parfois
de plaire au méchant, est sévèrement condamné.
Exod., xx, 16; xxm, 1; Matth., xv, 19; xix, 18; Marc,
x, 19; Luc, xvm, 20; Rom., xm, 9; etc. On ne peut
pas condamner sur le témoignage d'un seul. Num.,
xxxv, 30; Deut., xxn,' 6; cf. Joa., xvm, 23. —
3° Ceux qui le méritent reçoivent bon témoignage de
leurs semblables. Job, xxix, 11; Act., vi, 3; x, 22;
xvi, 2; xxn, 12; xxvi, 5; Rom., x, 2; II Cor., vin, 3;
Gai., iv, 15; Col., iv, 13; III Joa., 3, 6, 12; I Tim., m,
7;v, 10. Jésus-Christ a reçu le témoignage des pro-
phètes, Act., x, 43, de Jean-Baptiste, Joa., i, 7, 8, 15-34,
de la Samaritaine, Joa., IV, 39, des foules qui l'enten-
daient, Luc, iv, 22; Joa., xn, 17, de Jean l'Évangéliste,
Joa., xix, 35; xxi, 24; Apoc, xxn, 20, de ses propres
œuvres. Joa., x, 25. — 4° La conscience rend témoi-
gnage, en formulant des arrêts indépendants de l'homme
lui-même. Rom., Il, 5;ix, 1; II Cor., i, 12. La perversité
des méchants témoigne contre eux. Sap., xvii, 10. Les
Juifs témoignaient contre eux-mêmes qu'ils étaient bien
les fils des meurtriers des prophètes. Matth., xxm, 31.
— 5" Moïse a été fidèle à rendre témoignage à Dieu.
Heb., m, 5. Les Apôtres et les disciples ont été appelés
à rendre témoignage au Sauveur, c'est-à-dire à procla-
mer sa divinité en dépit de toutes les persécutions.
Matth., x, 13; Act., iv, 33; II Thess., i, 10; Apoc, i, 2, 9;
vi, 9; xi, 7; xn, 11, 17; xix, 10; xx, 4. Mais le témoi-
gnage de saint Paul ne put pas être reçu à Jérusalem.
Act., xxn, 18. H. Lesêtre.
TÉMOIN (hébreu : 'éd, et une fois iahêd, Job, XVI,
19; Septante : (j.âpx'j<;; Vulgate : testis), celui qui
garantit la vérité d'un fait ou d'une parole.
1° Dieu pris comme témoin. — Dieu, qui sait tout et
voit tout, est invoqué par l'homme comme témoin, soit
d'une convention, Gen., xxxi, 50; Jud., xi, 10, soit de
la sincérité d'une affirmation, I Reg., xn, 5; Job, xvi,
20, soit de la gravité d'une faute commise. Jer., xxix,
23; xlii, 5; Mich., i, 2; Mal., m, 5. Il est en effet le
témoin des pensées et le scrutateur des cœurs. Sap., i,
6. Saint Paul emploie volontiers la formule « Dieu
m'est témoin », pour donner plus de force à ce qu'il
affirme. Rom., i, 9; II Cor., I, 23; Phil., i, 8; I Thess., H,
5, 10. Sans doute, Dieu n'intervient pas pour rendre
témoignage; mais on sait bien qu'on ne l'invoquerait
pas impunément, si l'on disait le contraire de la vérité.
— Jésus-Christ est le « témoin fidèle » par excellence
parce qu'il a révélé aux hommes tout ce que le Père
2021
TÉMOIN — TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE
2022
lui avait commandé de leur enseigner. Apoc, i, 5; m,
14; cf. Ps. lxxxix (lxxxviii), 38; Is., lv, 4.
2° Témoins inanimés. — On prend parfois comme
témoins le ciel et la terre, c'est-à-dire des êtres en
dehors desquels l'homme ne peut rien faire, et qui
d'ailleurs comprennent toutes les créatures intelligentes.
Deut., iv, 26; xxx,19; 1 Mach., n, 37.
3° Témoins juridiques. — Le témoin qui a été cité
en justice doit déclarer ce qu'il a vu, ce qu'il sait, sous
peine de porter les conséquences de son iniquité. Lev. ,
v, 1. Si les témoins font défaut pour prouver l'adultère,
on a recours à l'épreuve de l'eau de jalousie. Num., v,
13. On ne peut pas prononcer une peine capitale sur la
déposition d'un seul témoin. Num., xxxv, 30. Deux ou
trois témoins sont requis pour entraîner une condam-
nation à mort, et ces témoins sont les premiers exécu-
teurs de la sentence. Deut., xvn, 6-7. A l'époque évan-
gélique, l'exigence de deux ou trois témoins était
étendue à toutes sortes de condamnations. Matth., xvm,
16; II Cor., xm, 1; I Tim., v, 19; Hebr., x, 28. Les
deux ou trois témoins requis devaient se présenter
devant Jéhovah, c'est-à-dire devant les prêtres et les juges
en fonction pour décider en son nom. Si, après enquête,
le témoin était reconnu coupable de fausseté, il encou-
rait la peine qu'il avait dessein de faire subira l'accusé.
Deut., xix, 15-18. On n'acceptait pas comme témoins
les femmes, les esclaves, les mineurs, les sourds, les
muets, les aveugles, les impies, les éhontés, les proches
et ceux qui avaient été déjà convaincus de fausseté.
Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 405,
— Les anciens et tout le peuple servaient de témoins
à certains contrats, comme l'acceptation du lévirat.
Ruth, iv, 9. — Job, x, 17, plaidant son innocence, se plaint
que Dieu lui oppose de nouveaux témoins. — Isaïe,
vin, 2, prend deux témoins de l'acte symbolique qui
figure le pillage de Damas et de Samarie. Il met les
idoles au défi de produire les témoins de prophéties
qu'elles auraient faites et qui se seraient vérifiées. Is.,
xliii, 9-12; xliv, 8, 9. —.Pour l'acquisition du champ
d'Anathoth, Jérémie prend des témoins devant lesquels
il pèse l'argent. Ces témoins ont signé l'acte qui est
ensuite remis devant eux à Baruch, pour être conservé.
Jer., xxxn, 10, 12, 25, 44. Des témoins figurent égale-
ment dans les contrats babyloniens, cf. Maspero, His-
toire ancienne, t. i, p. 731, et élamites. Cf. Scheil,
Textes élamites-sémitiques, Paris, 1902, p. 170, 172,
174, 176, etc.
4° Témoins ordinaires. — Josué prend tout Israël à
témoin que le peuple a choisi Jéhovah pour le servir.
Jos., xxiv, 22. — Les fils illégitimes sont des témoins
vivants de l'inconduite de leurs parents. Sap., iv, 6. —
Dans la primitive Église, de nombreux témoins assis-
taient à l'ordination des ministres sacrés, I Tim., vi,
12, et à la transmission de la doctrine. II Tim., n, 2.
— Les saints du ciel constituent une nuée de témoins
dont la pensée doit encourager les fidèles au combat.
Hebr., xn, 1.
5° Témoins du Christ. — Le Sauveur a chargé ses
Apôtres et ses disciples d'être ses témoins à travers le
monde. Luc, xxiv, 48; Act., i, 8. Ce sont des témoins
choisis à l'avance par Dieu, Act., x, 41, et ayant mission
d'attester devant tous les hommes les actes, les paroles,
et surtout la mort et la résurrection de Jésus-Christ'
Act., i, 22; n, 32; m, 15; v,32; x, 39;xm, 31; I Cor.,
xv, 15. Saint Pierre se présente comme témoin des
souffrances du Christ. I Pet., v, 1. Saint Jean écrit en
qualité de témoin. Joa., xix, 35; xxi, 24; I Joa., i, 1-3.
Saint Etienne, Act., xxii, 20, saint Paul, Act., xxn, 15;
xxvi, 16, Antipas, Apoc, il, 13, sont des témoins du
Christ. Voir Martyr, t. iv, col. 829. — A la fin des
temps, Dieu enverra deux témoins, qui seront munis
de pouvoirs miraculeux, mais qui, leur témoignage
rendu, seront mis à mort par la bête. Apoc.,xm, 3-8.
6° Faux témoins. — Malgré la peine du talion portée
contre eux, Deut., xix, 15-18, les faux témoins ne
paraissent pas avoir été rares chez les Israélites. Job,
xvi, 9, se plaint du témoin qui s'élève en traître contre
lui. Les Psalmistes s'indignent contre les faux témoins.
Ps.xxvn(xxvi),12; xxxv(xxxiv),ll. Dans les Proverbes,
le faux témoin est opposé au témoin véridique. Prov.,
xiv, 5, 25. Il sème la discorde, Prov., vi, 19, trahit ses
intentions perfides, Prov., xn, 17, ment, Prov., XIV, 5,
se moque de la justice, Prov., xix, 28, accable le pro-
chain, Prov., xxv, 18, mais ne restera pas impuni.
Prov., xix, 5, 9. Cette punition n'a pas cessé de lui être
infligée. Seulement, à l'époque évangélique, les Phari-
siens voulaient qu'on sévit contre le faux témoin dés
que son mensonge était connu, tandis que les Saddu-
céens différaient le châtiment jusqu'à ce que le faux
témoignage eût produit son effet. Cf. MaJikoth, I, 6. —
En quatre circonstances célèbres, les faux témoins
intervinrent. — 1. Pour faire passer aux mains d'Achab
la vigne de Naboth, Jézabel fit accuser ce dernier, par
deux méchants hommes, d'avoir maudit Dieu et le roi,
et une condamnation à mort fut prononcée. III Reg.
xxi, 10, 13. — 2. Deux vieillards firent œuvre de faux
témoins contre Suzanne, en déposant calomnieuse-
ment contre elle. Daniel les fit interroger à part, et
l'assemblée leur infligea la peine du talion. Dan., xm,
21, 36-40, 51-62. — 3. Beaucoup de faux témoins dépo-
sèrent contre Jésus devant le sanhédrin à l'instigation
des grands-prêtres; mais leurs dires n'étaient pas rece-
vables, même à un tribunal de juges prévenus. Deux
vinrent enfin accuser le Sauveur au sujet du Temple;
mais leurs témoignages n'avaient pas non plus la concor-
dance nécessaire et l'on n'en put taire aucun cas. Matth.,
xxvi, 59-61; Marc, xiv, 55-59. Si, en effet, un témoin
était en contradiction avec un autre, même sur un
point de détail, le témoignage devait être récusé.
Sanhédrin, v, 2. Rien ne prouve que saint Matthieu :
« Je puis détruire... », xxvi, 61, et saint Marc : « Je
détruirai... », xiv, 58, citent chacun la déposition d'un
témoin différent. L'impossibilité de concilier les deux
témoignages vient plutôt de circonstances passées sous
silence par les évangélistes. Car, d'après les règles en
vigueur, les témoins devaient être examinés sur sept
questions concernant l'année, jubilaire ou ordinaire, le
mois, le jour, l'heure, le lieu et la personne. Sanhédrin,
v, 1. Si bien stylés que fussent les faux témoins, il leur
était difficile de s'accorder sur tous ces points. En fait,
ils n'y réussirent pas. Cf. Lémann, Valeur de l'assem-
blée, Paris, 1876, p. 74-79. —4. Saint Etienne fut aussi
accusé par de faux témoins, qui ensuite procédèrent à
sa lapidation. Act., vi, 13; vu, 57. — Sur le rôle des
témoins dans l'exécution de la sentence, voir Lapidation,
t. iv, col. 90. H. Lesêtre.
TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE.
« Je donnerai à mes deux témoins, est-il dit à saint
Jean dans l'Apocalypse, xi, 3-13, [la mission] de pro-
phétiser pendant 1260 jours... Quand ils auront achevé
de rendre leur témoignage, la bête qui monte de
l'abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera.
Mais ils ressuscitent et montent au ciel. » « D'après
l'ensemble de ce passage, dit M. Fillion, La sainte
Bible commentée, t. vm, p. 385, le Seigneur enverra
(ces deux témoins) aux Juifs, pour donner à ceux-ci
un dernier avertissement, pendant l'occupation de leur
ville par les païens... D'après le sentiment tradition-
nel, qui remonte jusqu'au second siècle, les deux
témoins du Christ à la fin des temps seraient Enoch et
Élie, grands et saints personnages qui ont l'un et
l'autre quitté ce monde d'une façon mystérieuse, sans
passer par la mort (cf. Gen., v, 24, et Heb., xi, 5;
IV Reg., il, 11), mais qui reviendront sur la terre aux
derniers jours, pour remplir une mission prophétique
2023
TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE — TEMPLE
2024
auprès des Juifs, et qui mourront martyrs de leur '
zèle (cf. f. 7)... Il ne saurait y avoir de doute au sujet
d'ÉIie, d'après la suite de la description, et surtout
d'après Malachie, iv, 5. L'accomplissement que cet
oracle du dernier prophète de l'Ancien Testament a
reçu en saint Jean-Baptiste (cf. Matth., xvn, 12; Luc,
i, 17, etc.) n'est que partiel et temporaire, comme l'a
dit expressément Notre-Seigneur. Cf. Matth., xvn, 11 sq.
Elie réapparaîtra donc avant le second avènement de
Jésus-Christ, et il lui préparera une voie dans les cœurs
avec tout son ancien zèle. Quant à Enoch, saint Jude,
f. 14 sq., reconnaît aussi son caractère de prophète et
de prédicateur de la pénitence, et la croyance juive
associe son retour à l'arrivée de la fin du monde. »
C'est là l'interprétation que les Pères et les anciens
auteurs ecclésiastiques ont généralement donnée de ce
passage de l'Apocalypse (voir Trochon, Apocalypse,
1873, p. 109), quoiqu'elle ne soit plus admise aujour-
d'hui par un certain nombre de catholiques qui substi-
tuent Moïse à Enoch, ou voient dans les deux témoins
l'Église et la Synagogue, ce qui est difficilement conci-
liable avec le texte de saint Jean.
TEMPE (hébreu : raqqâh; Septante : xpoxâçoç;
"Vulgate : tempus), partie latérale de la tête, sur le côté
du front. A l'endroit de la tempe, différents os du crâne
se réunissent et forment un point plus vulnérable. —
Jahel tua Sisara en lui enfonçant dans la tempe une
cheville de bois. Jud.,iv, 21, 22; v, 26. —Par extension,
le nom de raqqâh est donné à la joue, située elle-
même au-dessous de la tempe. Cant., iv, 3; vi, 7. —
Au Psaume cxxxu (cxxxi), 5, les versions nomment les
tempes au lieu des paupières. H. Lesêtre.
TEMPERANCE (grec : crwçpotTÛvïj, atoçpovitjfjuiî,
èyxp«T£i'a; Vulgate : sûbrietas, abstinentia), modération
dans l'usage des choses de ce monde, spécialement du
boire et du manger. La Sagesse, vm, 7, range la tempé-
rance au nombre des quatre vertus que nous appelons
cardinales. L'EcclésiasIique, xxxi, 19-22, en rappelle les
règles. — Ces règles s'imposent aussi aux chrétiens. La
sobriété doit être la vertu de tous,I Thess., v, 6,8; I Pet.,
I, 13; v,8, surtout des ministres sacrés, I Tim., m, 3;
TH., 1,7, des vieillards, Tit.,n, 2, et des femmes. I Tim.,
m, 11. On ne doit pas se laisser aller aux excès de la table
et du vin, Rom., xm, 13, parce que le royaume de Dieu
n'est ni le manger ni le boire. Rom., xiv, 17. Dieu a
donné aux chrétiens l'esprit de modération, II Tim., i,
7; il faut donc renoncer aux convoitises mondaines
pour vivre dans le siècle avec tempérance, TH., n, 2,
vertu qui doit être unie à la foi. II Pet., i, 6.
H. Lesêtre.
TEMPÉRATURE en Palestine. Voir Palestine,
t. iv, col. 2021-2023.
TEMPÊTE (hébreu : Sa'âvâh, sod, sô'âh, êa'ar,
ée'ârâk; Septante : xaToaytç, xX'Mtov, XaO,a<l, j^sipiûv;
Vulgate : procella, tempestas), agitation produite sur
terre ou sur mer par le vent violent.
1» Au sens propre. — Les écrivains sacrés décrivent
des tempêtes qui soulèvent les flots de la mer, Ps. cvn
(cvi), 24-29; celles que subirent Jonas, i, 4-16, et saint
Paul, Act., xxvii, 14-26, sur la Méditerranée, et celles
qui s'élèvent sur le lac de Génézareth. Matth., vm, 24-
26; Marc, iv, 37-39; Luc, vm, 23, 24. Voir Tibériade
(Mer de). Un ciel rouge permet de prévoir la tempête.
Malth., xvi, 3. Mais elle sort de retraites cachées, Job,
xxxvii, 9, et échappe à l'œil de l'homme. Eccli-, xvi,
21. Dieu la déchaîne, Eccli., xliii, 18, et la calme à sa
volonté. Ps. cvn (cvi), 29; Tob., m, 22. Elle disperse
l'écume légère, Sap., v, 15, et renverse le mur mal
bâti. Ezech., xm, 11. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930;
Tonnerre.
2° Au sens figuré. — Les phénomènes atmosphériques
qui ont accompagné la théophanie du Sinaï, Heb., xn,
18, font dire que la tempête est autour de Jéhovah,
Ps. li (l), 3, et qu'il marche dans la tempête. Nah., I,
3. — La tempête est l'image des châtiments que Dieir
déchaîne contre les coupables. Ps. lxxxiii (lxxxii), 16;
Jer., xxiii, 19; xxx, 23; Ezech., xm, 13. A la tempête
ressemblent le jour de la colère du Seigneur, Is., xm,
6, l'épouvante qui assaille les méchants, Prov., i, 27, 1&
malheur qui fondra sur Jérusalem, Is., xxix, 6; liv,
11, les ennemis qui arrivent à l'improviste, Is., xxvm,
2, Gog, Ezech., xxxvni, 9, et le roi du septentrion,
Dan., xi, 40, le châtiment qui brisera les impies, Job,
IX, 17, et emportera les juges iniques, Ps. lvih (lvii),
10, et les pervers au milieu de la nuit. Job, xxvii, 20.
L'hypocrite est comme un vaisseau au milieu de la
tempête. Eccli., xxxm, 2. — Le méchant passe comme
la tempête, Prov., x, 25, et un roi juste e%t un abri
contre la tempête, c'est-à-dire contre les calamités.
Is., xxxn, 2. H. Lesêtre.
TEMPLE (hébreu : bayît, bîrâh, hëkal; Septante :
oîxoç, vaô;, iepo'v, àysaff^a, ayiov; Vulgate : domus,
templum, sancluarium), édifice destiné à la célé-
bration du culte divin. — Les anciens peuples
élevaient des temples à leurs dieux. Il y en eut de
plus ou moins magnifiques chez les Egyptiens, les Ba-
byloniens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, etc.
Les Chananéens, prédécesseurs des Israélites en Pales-
tine, avaient aussi les leurs, beaucoup plus modestes,
dont les ruines ont été retrouvées à Tell es-Safieh, à
Gazer, à Mageddo, à Tell Ta'annak. Cf. Revue biblique,
1900, p. 113; 1903, p. 115, 288; 1907, p. 123. De leur
entrée en Chanaan jusqu'à Salomon, les Israélites
n'eurent qu'un sanctuaire portatif, le tabernacle.
Voir Tabernacle, col. 1952. Salomon bâtit le premier
Temple, qui fut détruit par les Chaldéens, relevé par
Zorobabel, agrandi et embelli par Hérode le Grand. Les
Israélites en élevèrent en Egypte à Éléphantine et à
Léontopolis, et les Samaritains se bâtirent un temple
schismatique sur le mont Garizim.
I. Templede Salomon.— j. préparatifs.— 1°David eut
le premier l'idée d'élever un temple définitif à Jéhovah,
pour remplacer le Tabernacle. Il avait acheté, sur le
mont Moriah, voirMoRiAH (Mont), t.iv, col. 1283, l'aire
d'Areuna ou Oman, le Jébuséen, sur laquelle l'ange du
Seigneur lui était apparu, et il y avait élevé un autel.
II Reg., xxiv, 15-25; I Par., xxi, 18-30. C'est à cet
endroit qu'il se proposait de bâtir le Temple. I Par.,
xxii, 1; II Par., m, 1. Mais Nathan, après avoir en-
couragé le roi à exécuter son projet, vint le lendemain
lui dire de la part de Dieu que cette exécution était
réservée à son fils. II Reg., vu", 13; I Par., xvii, 12.
David, en effet, avait trop versé le sang pour être admis
à entreprendre une pareille œuvre. I Par., xxn, 7-10;
xxvm, 2, 3. Il se contenta donc de préparer les maté-
riaux, les ouvriers et les ressources nécessaires à la
construction future. Il accumula l'or, l'argent, l'airain
et le fer. Le texte parle de cent mille talents d'or et d'un
million de talents d'argent, I Par., xxn,14, somme qui
comporterait plusieurs milliards et a été évidemment
le produit d'une majoration due aux copistes. Il n'en
faut pas moins conclure que David laissait à Salomoit
des ressources très considérables en vue de l'œuvre à
exécuter. Il ordonna également aux chefs d'Israël de
seconder l'entreprise de tout leur pouvoir. I Par., xxn,
2-19. Il fit à son fils les recommandations les plus
expresses à ce sujet. Il lui remit des plans et des mo-
dèles de tout ce qui devait être exécuté, porlique, bâti-
ments, chambres, ustensiles, etc. ce Tout cela, lui dit-il
tous les ouvrages de ce modèle, Jéhovah m'en instrui-
sit par un écrit qui, de sa main, est venu à moi. »
I Par., xxvm, 2-19. David veut faire entendre par là que-
2025
TEMPLE
2026
la disposition du Temple futur n'est pas son œuvre per-
sonnelle, mais que Dieu y a mis la main, sans doute
par l'intermédiaire d'un prophète, comme Nathan,
favorisé lui-même d'une révélation directe, ou inter-
prétant les indications fournies à Moïse pour la con-
struction du Tabernacle. Sap., IX, 8. Ne pouvant con-
struire le temple lui-même, il en fît les préparatifs,
afin que son fils n'eût qu'à s'occuper de l'exécution. Il
provoqua aussi la générosité de son peuple pour en
obtenir une contribution volontaire. Lui-même affectait
à l'entreprise trois mille talents d'or (281891250 francs,
en eslimant le poids du lalent à 30 kil 300, voir Mon-
naie, t. IV, col. 1239), et sept mille talents d'argeni
(42420000 francs). Leschefs et les princes y ajoutèrent
cinq mille talents d'or (469818838 francs), dix mille
dariques (260000 francs), dix mille talents d'argent
(60600000 francs), dix-huit mille talents d'airain
(545400kil.) et cent mille talents de fer (3030000 kil.).
On fournit aussi beaucoup de pierres précieuses. I Par.,
xxix, 1-9. Quoi qu'il en soit de la valeur réelle de ces
indications, surtout si on les compare à celles des chif-
fres cités plus haut, il est certain que les Israélites, à
l'imitation de leur roi, surent se montrer généreux,
comme l'avaient fait leurs pères au désert. Exod.,
xxxv, 20-29.
2° Salomon, dès qu'il fut monté sur lé trône, se
préoccupa de mettre à exécution les plans reçus de son
père. Il savait bien qu'il ne trouverait pas en Israël les
ouvriers nécessaires à la construction du Temple. Déjà
David, pour bâtir son palais, avait demandé des char-
pentiers, des maçons et des matériaux à son voisin
Hiram, roi de Tyr. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1 ; XXII,
4. Après la mort du roi dont il était l'ami, Hiram reçut
un message de Salomon, qui l'informait de ses projets
€t réclamait son concours. Il se hâta de donner son
assentiment et accepta les conditions que Salomon lui
proposait. Celui-ci devait lui fournir annuellement
20 000 cors de froment (77 760 litres) et autant d'orge,
vingt cors d'huile (7776 lit.) et 20 000 baths de vin
(7 776 hectol.). II Reg., v, 11; II Par., n, 10. Il était
aisé à un pays de culture comme la Palestine de four-
nir ces denrées. Le texte ne dit pas si ce fut là tout
l'avantage qu'Hiram tira de son concours. On voit seu-
lement que, pour la construction du Temple et du pa-
lais, Hiram procura à Salomon des bois de cyprès et
de cèdre, et de l'or tant qu'il en voulut, et que cepen-
dant, vingt ans après, celui-ci était encore débiteur de
cent vingt talents d'or. III Reg., ix, 10-14. — La con-
vention avec Hiram une fois arrêtée, Salomon leva les
hommes qu'il fallait pour aller travailler dans le Liban
à la taille et au transport des arbres. Voir Corvée, t. n,
col. 1032; Salomon, t. v, col. 1390. Adoniram, déjà
intendant des tributs sous David, fut chargé de sur-
veiller ces ouvriers. Ceux-ci, au nombre de 30000, tra-
vaillaientalternativementlOOOO par mois dans le Liban.
Les bois coupés étaient conduits par mer jusqu'à Joppé,
d'où Salomon les faisait transporter à Jérusalem. Il
avait à sa disposition 70000 porteurs pour exécuter ce
travail. D'autres, au nombre de 80000, sous la conduite
de 3300 contremaîtres, travaillaient dans les carrières.
Parmi ces derniers se trouvaient des Gibliens envoyés
par Hiram. Gébal ou Byblos était une ville phénicienne
renommée pour l'habileté de ses maçons et de ses tail-
leurs de pierre. Voir Gébal, t. m, col. 139. La pierre
abondait à Jérusalem même, dans les carrières royales.
Voir Carrière, t. n, col. 319. Le texte ne dit pas que
l'on ait utilisé d'autres carrières plus éloignées. La
quantité des ouvriers employés par Salomon ne doit
pas surprendre; ces levées de milliers d'hommes pour
les grands travaux publics étaient coutumières en Orient.
Cf. Hérodote, n, 124; Pline, H, N., xxxvi, 9. D'après
les Septante, III Reg., v, 18, les travaux préparatoires
durèrent trois ans. 'II Reg., v, 13-18; II Par.,n, 17-18.
//. la plate-forme. — Le Temple devait être construit
à la partie supérieure du mont Moriab.Ce mont forme
l'extrémité d'un contre-fort qui court du nord au sud
en s'inclinant peu à peu. Là se trouvait l'aire d'Oman,
que David avait achetée au prix de six cents sicles d'or
(15000 francs environ). I Par., xxi, 25. L'aire était située,
selon la coutume, à un endroit élevé et exposé au vent,
pour la facilité du vannage. L'espace qu'elle occupait
mesurait une centaine de mètres de long sur trente ou
quarante de large. Ce n'était pas suffisant pour un
édifice tel que le projetait Salomon. Il fallait donc
agrandir cet espace. Les fouilles pratiquées dans le
sous-sol du Haram ech- Chéri f parWilson etWarren,
The Recovery of Jérusalem, Londres, 1871, t. i,
p. 298, ont permis de reconstituer la configuration du
454. — Configuration du roc du mont Moriah.
D'après The Recovery of Jérusalem, t. i, p. 298.
sol primitif (fig. 454). L'espace ALFG forme un trapèze
dont lesgrands côtés ont 462 et 491 mètres, etles petits
281 et 310 mètres. Le niveau adopté est inférieur d'à
peu près cinq mètres au sommet de la roche primitive.
Pour obtenir ce niveau, il a fallu creuser dans le roc à
l'angle nord-ouest A ; par contre, on a dû élever des
substructions considérables dans les autres parties, de
sorte que le sommet de la plate-forme surplombait de
beaucoup les terrains environnants. Des débris de
toutes sortes, accumulés au cours des siècles, ont no-
tablement atténué les différences de niveau ; mais les
sondages ont permis d'atteindre le sol primitif. L'angle
sud-est G est à 14 mètres du sol actuel, mais le mur
descend à 24 m 32 plus bas à travers les débris. Le pied
du mur est à 20"»60 au-dessous du sol actuel à l'angle
sud-ouest F, et à 22™19 entre E et C. Cf. t. m, fig. 250,
col. 1357. Pour asseoir la plate-forme à cette hauteur,
on exécuta des travaux gigantesques. Josèphe, Ant.jud.,
VIII, m, 2, dit que Salomon « jeta les fondements du
Temple à une grande profondeur, à l'aide d'une masse
de pierres très solidement établies et capables de résis-
ter victorieusement aux injures du temps, de manière
2027
TEMPLE
2028
que, faisant corps avec la terre, elles pussent servir de
base et de fondement aux futures superstructions etpor-
ter aisément le poids de l'édifice à construire, grâce à la
puissance inexpugnable de leurs assises. «Ailleurs, Ant.
jud., XV, xi, 3, l'historien complète ainsi sa descrip-
tion : « La colline était rocheuse, très en pente, s'incli-
nant doucement vers la limite orientale de la ville jus-
qu'à son extrême sommet. Salomon, qui régna sur nous,
fut le premier, par un instinct divin et à grands frais,
à l'entourer d'un mur par en haut vers le sommet, et
aussi par en bas, en commençantpar sa base, qu'entoure
une profonde vallée au sud-ouest. Il l'établiten grandes
pierres reliées entre elles avec du plomb, enfermant
ainsi de plus en plus d'espace et pénétrant si profond
que la construction était aussi merveilleuse par sa gran-
deur que par sa hauteur, avec sa forme carrée. De la
sorte, on pouvait voir d'en face la grandeur des pierres
à leur surface, alors qu'à l'intérieur le fer en mainte-
nait les jointures à jamais inébranlables. Le travail se
continuait de manière "à rejoindre le sommet de la col-
line, dont il avait quelque peu atténué la hauteur et
rempli les vides à l'intérieur du mur, et il aplanit et
£'/-,<?■> y
455. — Appareil à refends.
D'après de Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. 5.
égalisa tout ce qui pouvait dépasser à la surface. Le
tout formait une enceinte de quatre stades de tour,
chaque côté ayant un stade de longueur. Ensuite un
autre mur de pierre entoura intérieurement le sommet;
il supportait du côté oriental un double portique, de
même longueur que le mur, et tourné vers les portes
du Temple qui se dressait vers son milieu. Beaucoup
des anciens rois travaillèrent à constituer ce portique. »
Josèphe décrit ici la, plate-forme telle qu'on la voyait
avant la restauration d'Hérode. Dans Bell, jud., V, v,
1, il ajoute : « Lorsque le roi Salomon, qui bâtit le
Temple, eut ceint d'un mur le côté oriental, un por-
tique fut alors placé sur la terre amoncelée; sur les
autres côtés, le Temple demeurait nu. » Il suit de là que
la plate-forme n'eut primitivement de portique que sur
le côté oriental. Au sud, elle était limitée par le palais
royal; à l'ouest, elle se dressait à pic sur la vallée du
Tyropoeon; au nord un fossé de six mètres de large,
creusé dans le roc, et retrouvé par les explorateurs
anglais, séparait le Moriah du Bézétha. L'esplanade du
Temple était ainsi isolée de tous les côtés, et close sur
trois d'entre eux par le palais royal, le portique et les
hauteurs du Bézétha, le côté occidental ne portant que
la partie postérieure de l'édifice. — Comme Hérode ré-
para et agrandit la plate-forme du Temple, on se de-
mande ce qui, dans les assises encore debout, peut
remonter jusqu'à Salomon. Les pierres employées par
ce roi et ensuite par Hérode proviennent des carrières
royales qui s'étendent sous le-quartier nord-ouest de
la ville. Le calcaire qu'elles fournissent est blanc,
compact et darcissant à l'air. Les blocs ont été taillés à
refends, c'est-à-dire avec une rainure qui accuse les
joints et encadre une tablette qui fait légèrement saillie
(fig. 465). Cet appareil se retrouve à Hébron, dans le
Haram el-Khalil, cf. t. m, fig. 120, col. 559, à la
Tour de David, cf. t. m, fig. 259, col. 1374, etc. Les
pierres étaient taillées dans la carrière même. Quelques-
unes portent encore des caractères gravés ou peints,
qui constituaient des marques de carriers, et qui se
sont conservés dans les parties profondes de la mu-
raille enterrées depuis de longs siècles (fig. 456). Les
lettres ont été tracées avant la mise en place des pierres,
comme on le constate par le qof dont la peinture a
coulé et se trouve maintenant horizontale. Ce qof est
araméen; par contre, le aïn et le tau appartiendraient
plutôt à l'ancien hébreu. A l'angle sud-ouest, un bloc
a 12 mètres de long et 2 de haut ; les autres varient de
m 80 à 7 mètres de long. Les assises diminuent de hau-
teur à mesure qu'elles se superposent; elles vont ainsi
de l m 90 à un peu moins d'un mètre. Elles sont en re-
456. — Caractères peints sur les murs du Haram.
D'après la Revue biblique, 1893, p. 98.
trait l'une sur l'autre de m 05 à m 10. Au sud-est, les
blocs sont posés les uns sur les autres sans ciment, et
des lits ont été creusés dans le rocher pour les recevoir.
Cette méthode coûteuse s'imposait du temps de Salo-
mon, tandis qu'à l'époque d'Hérode on eût plutôt
employé, pour asseoir les blocs, le ciment romain qui
avait fait ses preuves. En tenant compte de ces données,
de Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, Perrot
et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, Paris,
t. iv, 1887, p. 213, estiment que tout l'appareil à re-
fends ne date que d'Hérode. De Saulcy, Voyage en
Syrie et autour de la Mer Morte, Paris, 1853, t. n,
p. 190-217, croit, au contraire,à une origine salomo-
nienne. Warren, The Recovery, t. i, p. 324, pense
qu'une partie des murs remonte à Salomon et que le
reste a été construit par Hérode. C'est aussi l'opinion
de V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 220-231. En
somme, une partie des murs daterait réellement de-
Salomon, et l'on aurait bâti le reste sous Hérode, en
imitant autant que possible la construction primitive.
On croit pouvoir attribuer à Salomon, au sud, une-
partie qui va de la porte Double jusqu'au delà de
l'angle sud-est (fig. 457) ; à l'ouest, la partie qui va de
l'arche de Wilson jusqu'à la porte du Prophète, et qui
comprend le « mur des Pleurs », cf. t. iv, fig. 377,
col. 1341, et probablement les assises inférieures du mur
oriental. Cf. Lagrange, Comment s'est formée l'enceinte
du Temple de Jérusalem, dans le Revue -biblique,
1893, p. 90-113. — On accédait à l'esplanade par diffé-
rentes portes, aujourd'hui presque entièrement obstruées
2029
TEMPLE
2030
par suite de l'exhaussement du sol. A l'ouest, la porte
occidentale, avec un linteau monolithe de 5 mètres, est
enfoncée dans le sol, à l'exception des deux assises su-
périeures; en outre, deux viaducs, dont il reste les
porte Double (fig. 458). Le côté oriental n'avait qu'une
porte, la porte Dorée. Du côté nord, rien ne subsiste
des ouvertures primitives. Cf. de Vogué, Le Temple,
p. 7-12. De ces portes, des rampes oudes escaliers pas-
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457. — Angle sud-est du Haram. D'après de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, p. 246.
arches de Robinson et de Wilson, cf. t. m, fig. 254-257,
col. 1367-1372, passaient par- dessus le Tyropœon et
mettaient l'esplanade en communication avec la ville
haute. Dans le mur méridional s'ouvraient la porte
Simple, qui n'est qu'une poterne, la porte Triple et la
saient à travers la muraille et débouchaient sur la
plate-forme mâme. — Le dessous de cette plate-forme
se composait de substructions voûtées, comprenant
des galeries diverses et même de vastes salles, comme
celle qu'on appelle Écuries de Salomon. Josèphe,
331
TEMPLE
2032
M/
* '
Q
6
Bell, jud., VI, vu, 3; vin, 4; ix, 4; VII, n, mentionne
ces souterrains dont les Juifs tirèrent parti pendant le
siège de Titus. Tacite, Hist., y, 12, dit à se sujet : « Le
Temple est en forme de citadelle, il y a une source inta-
rissable, des montagnes creusées à l'intérieur, des pis-
cines et des citernes pour conserver l'eau de pluie. »
Sous la roche qui émerge sur 17 m 70 de long et
ÎS^ÔU de large, et qui est connue sous le nom d'Es'-
Sakra, il existe une excavation de 7 m sur 6 m 90 et3 m de
profondeur. Le roc primitif était lui-même creusé
dans tous les sens, formant des égouts, des aqueducs,
des passages secrets. De vastes réservoirs, en partie
laillés dans le roc et en partie construits, recevaient les
eaux de pluie et celles d'un aqueduc. Voir Aqueduc,
t. i, col. 800. De fait, pendant les six mois du siège de
Titus, l'eau ne fit pas défaut aux assiégés. Cf. Perrot,
Histoire de Vart, t. iv, p. 197-199.
m. l'édifice. — La description duTemple de Salomon
se trouve sommairement indiquée dans III Reg., VI, 2,
38, et dans II Par., m, 3-iv, 22. Elle se rapporte à l'édi-
fice lui-même, à son ornementation et à son mobilier.
Le texte des Rois est ici reproduit d'après la traduction
et les remarques de H. Vincent, La description du
temple de Salomon, dans la Revue biblique, 1907,
p. 515-542. — 1° Il est noté tout d'abord que Salomon
commença la maison de Jéhovah au deuxième mois de
la quatrième année de son règne. « Voici les fondements
que posa Salomon pour bâtir la maison de Dieu.
II Reg., VI, 2. La maison que le roi Salomon édifia à
Jéhovàh avait 60 coudées (de l'ancienne mesure) de
long, 20 coudées de large et 30 coudées de haut. » La
coudée dont il est ici question est celle de m 525. Les
Septante ont des chiffres différents, 40 coudées de long,
20 de large et 25 de haut; il est possible qu'ils ne
comptent pas la longueur du Saint des Saints. En tous
cas, on n'a ici qu'un édifice de médiocres dimensions,
formant un rectangle de 31 m 50 sur 10 m 50 de large. —
« 3. Le pylône, 'ûldm, aiXân, porticus, devant l'hêkal,
vaôr, templum, delà maison avait 20 coudées de long,
correspondant à la largeur de la maison, 10 coudées
de large dans le sens de la longueur de la maison (et,
d'après II Par., m, 4, 120 coudées de hauteur). » Ce
pylône a la même largeur que la maison, 10 m 50, et le
double de profondeur, soit 21 m . D'après les Paralipo-
mènes, il avait 63 m de haut, dimension considérable que
l'auteur des Rois n'aurait sans doute pas manqué de
signaler si elle avait répondu à la réalité. — « 4. Il fit à
la maison des fenêtres à châssis grillés. » Ces ouvertures,
à treillis de bois, de métal ou de pierre, étaient destinées
à ménager l'éclairage du Temple. — « 5. Il érigea
contre le mur de la maison un bâtiment latéral tout
autour, par rapport à l'hêkal et au debir, et il fit des
chambres latérales tout autour. 6. Le bâtiment latéral
inférieur avait 5 coudées (2° 1 62) de large, l'intermé-
diaire 6 coudées (3 m 15) de large, et le troisième 7 cou-
dées (3 m 67) de large," car on avait ménagé des retraits
tout autour de la maison à l'extérieur, pour n'avoir pas
à prendre dans le mur de la maison... 8. L'ouverture
de l'étage inférieur était au flanc droit de la maison;
par des escaliers tournants, on montait ensuite à l'étage
intermédiaire et de l'intermédiaire au troisième. 9. Il
acheva de construire la maison et il la couvrit en cavi-
tés et en rangées de cèdres. 10. Il construisit le bâti-
ment latéral tout autour de la maison ; sa hauteur était
à chaque élage de 5 coudées (2 m 62); il s'attachait à la
maison au moyen de bois de cèdre. » L'expression
« tout autour »ne doit pas se prendre à la lettre; il est
évident que ces bâtiments n'existaient pas devant le
pylône. Le mur extérieur du Temple formait des gra-
dins en retraits successifs d'une coudée, et sur chaque
saillie s'appuyaient les poutres des trois étages de
chambres (fig. 459). Les ouvertures mentionnées plus
haut ne pouvaient naturellement prendre jour que dans
2033
TEMPLE
2034
la partie supérieure du mur principal, qui dépassait
d'environ d5 coudées Çl m 81) la toiture des chambres.
Au milieu de cette description des chambres latérales a
été intercalé un verset concernant la toiture, dont il
n'est pas question ailleurs. Elle élait faite de poutres
et de planches de cèdre et constituait probablement
un plafond à solives, dans lequel alternaient les vides
et les pleins. Le genre de toiture était le même pour
le Temple et pour les chambres. Quant aux escaliers
tournants qui permettaient d'accéder à ces dernières,
ils n'avaient rien de nos escaliers à vis modernes; mais
le texte sacré ne fournit aucune indication sur leur
agencement. On a dans ce qui précède la description
sommaire, mais complète, du gros œuvre du Temple,
avec ses murs, son pylône, ses dimensions, ses fenêtres,
ses chambres adjacentes et sa toiture.— «7. Durant sa
construction, la maison fut bâtie de pierre parfaite dès
la carrière : marteaux, haches, aucun instrument de fer
ne fut entendu dans la maison tandis qu'on la con-
struisait. » Ce verset se lit au milieu des précédents,
dont il interrompt la suite. On en peut conclure qu'il
n'est pas à sa place. Il exprime seulement cette idée
que les pierres étaient apportées tout appareillées de
la carrière et qu'il ne restait plus qu'à les poser. Il ne
s'agit donc pas ici de pierres brutes, comme pour
l'autel. Deut., xxvil, 5. Sur la fable du ver garnir, dont
Salomon se servait pour tailler les pierres, d'après les
Talmudistes, Gittin, fol. 68; Sola, fol. 48 b, voir
Drach, De l'harmonie entre l'Eglise et la Synagogue,
Paris, 1844, t. ii,p. 489-492.
2° L'intérieur de l'édifice fut entièrement lambrissé
de bois de cèdre et de cyprès, avec une ornementation
sculptée et des revêtements d'or. « 15. Il revêtit les
parois de la maison de lambris de cèdre, depuis le sol
de l'édifice jusqu'aux poutres du plafond; il couvrit le
sol de la maison en planches de cyprès. » La pierre
disparaissait donc complètement à l'intérieur sous un
revêtement de cyprès pour le sol, et de cèdre, plus
précieux, pour les murs. « 16. Il érigea les 20 coudées
qui étaient à l'arrière de la maison, avec des planches
de cèdre depuis le sol jusqu'aux poutres du plafond, en
debir ; 40 coudées constituaient Vhëkal devant le debir. »
C'est la division de l'intérieur en debir ou Saint des
Saints, long de 20 coudées (I0 m 50), et en hêkal, ou
Saint, long de 40 coudées (21 m ). « 18. A l'intérieur de
la maison, il y avait du cèdre sculpté en coloquintes
et en guirlandes de fleurs ; tout était en cèdre, pas une
pierre ne se voyait. 19. Il érigea un debir au milieu
de la maison à l'intérieur pour y placer l'Arche de
l'alliance de Jéhovah. 20. Le debir avait 20 coudées de
long, 20 coudées de large et 20 coudées de haut, et il
le revêtit d'or pur. 29. Sur toute l'étendue des murailles
tout autour, il sculpta une ornementation en creux
figurant des chérubins, des palmiers et des guirlandes
de fleurs, à l'intérieur et à l'extérieur. » Il ne peut être
question ici de l'extérieur de l'édifice ; il s'agit sans
doute de l'intérieur du debir et de son extérieur, soit
de \' hêkal. A cette description se mêlent d'ailleur3 dans
le texte des répétitions et même des indications diffi-
ciles à comprendre, comme celle-ci : « 30. Il revêtit
également d'or le sol de la maison à l'intérieur et à
^extérieur. » Le texte des Paralipomènes suppose une
décoration encore plus riche : « Il couvrit la maison
de pierres précieuses pour la décorer, et l'or était de
Parvaïm... Il couvrit d'or la maison... 11 fit la maison
du Saint des Saints... Il la couvrit d'or pur, pour une
valeur de 600 talents (56 377 800 fr.)... Il couvrit aussi
•d'or les chambres hautes. » Les détails de cette déco-
ration n'ont pas été conservés avec assez de précision
pour qu'on puisse s'en faire une idée exacte. Il est bien
clair que les lambris étaient sculptés, les uns en relief,
les autres en creux, et que l'or était prodigué pour les
décorer. Mais il ne paraît pas que cet or fût en placages
d'une certaine épaisseur. Rien n'eût été plus facile à
Sésac que de l'enlever, et il n'est pas dit qu'il l'ait fait.
III Reg., xiv, 26. L'or était donc apparemment employé
en feuilles très légères que les ennemis n'eussent eu
aucun profit à retirer. Les Égyptiens savaient dorer par
l'application de feuilles aussi fines que celles des
orfèvres modernes, ou à l'aide de lames forgées à l'en-
clume. Voir Or, t. iv, col 1838. Les Phéniciens chargés
de la décoration du Temple n'étaient pas moins habiles.
Ils savaient soit appliquer des feuilles d'or, soit fixer
de minces lames à l'aide de clous d'or. Cf. Babelon,
Manuel d'archéologie orientale, Paris, 1888, p. 238. —
L'auteur sacré mentionne encore l'autel de cèdre revêtu
d'or placé devant le debir, les chérubins en bois d'oli-
vier revêtu d'or, hauts de 10 coudées (5 m 25), qui occu-
459. — Chambres latérales du temple.
D'après Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 296.
paient l'intérieur du debir, voir Chérubins, t. n, col.
661, la porte du debir formée en bois d'olivier, avec
deux vantaux ornés de chérubins, de palmiers et de
guirlandes revêtus d'or, et celle de Y'hêkal, avec des
jambages en bois d'olivier et des vantaux à double valve
repliante en bois de cyprès, ornés de la même manière
que la porte du debir. Il faut ajouter à cette énumé-
ration le voile brodé de chérubins, voir Voile, et les
deux colonnes dressées devant V hêkal. II Par., m, 14-
17. Voir Colonnes du Temple, t. n, col. 856. — « 36. Il
érigea en outre le parvis intérieur : trois assises de
pierres de taille et un rang de poutres de cèdre. » Dans
les Paralipomènes, II, v, 9 : « Il fit le parvis des prêtres
et le grand parvis avec ses portes, qu'il couvrit d'ai-
rain.» Les anciens élevaient des murailles relative-
ment légères en intercalant des poutres dans les assises
de pierre. Le parvis intérieur était limité par un mur
élevé à quelque distance autour de l'édifice ; c'était le
parvis des prêtres, dans lequel se dressait l'autel des
sacrifices. Il était probablement plus élevé que le parvis
extérieur. Jer., xxxvi, 10. Le parvis extérieur, plus
vaste, s'étendait autour du parvis des prêtres. Les deux
parvis sont nettement distingués, II Par., vu, 7, quand
2035
TEMPLE
2036
il est dit que, l'autel d'airain ne pouvant contenir toutes
les victimes, aux fêtes de la consécration du Temple,
Salomon offrit les sacrifices dans le grand parvis. —
L'ordonnance générale du temple de Salomon est donc
aisée à reconstituer dans les grandes lignes. Sur la
vaste plate-forme du mont Moriah, délimitée à l'orient
par un portique, a été ménagée une première enceinte,
délimitant le grand parvis, dans lequel tout le peuple a
accès. Une seconde enceinte, en avant de l'édifice,
4C0. — Plan du temple de Khons.
D'après Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
t. il, p. 552.
mais en plein air, constitue le parvis des prêtres, dans
lequel se trouvent l'autel des sacrifices et la mer d'ai-
rain, et qui n'est accessible qu'aux prêtres. L'édifice
qui vient à la suite est couvert et se compose de deux
parties : Vhêkal ou Saint, occupant les deux tiers du
bâtiment total, et renfermant l'autel des parfums, le
chandelier et la table des pains, et le debîr ou Saint
des Saints, qui occnpe le dernier tiers, n'a d'autre ou-
verture que la porte et renferme l'Arche d'alliance et
les chérubins. Comme on le voit, c'est la reproduction
agrandie du plan du tabernacle. Voir Tabernacle,
col. 1953. Au lieu d'être constitués par une simple
tente, le Saint et le Saint des Saints devenaient un
solide bâtiment de pierre et de bois, avec la même
division et la même destination. Le parvis des prêtres
remplaçait l'enceinte ménagée devant la tente sacrée.
Les seules additions étaient celle de chambres élevées
sur les côtés de l'édifice et celle du grand parvis,
annexe qui s'imposait pour permettre au peuple l'accès
du monument. Cette disposition générale imitait celle
de certains temples égyptiens ; elle répondait heureu-
sement aux nécessités du culte mosaïque. Elle n'était
pas une imitation servile des monuments de l'Egypte.
David et Salomon en avaient arrêté le plan d'après le
souvenir du Tabernacle et en conformité avec les exi-
gences liturgiques du culte de Jéhovah. Les Phéniciens
l'avaient exécuté d'après leurs procédés architecto-
niques et décoratifs, dont le caractère était éminemment
éclectique et empruntait ses éléments aux différents
peuples avec lesquels ils étaient en rapport. Cf. de
Saulcy, Histoire de l 'art judaïque, Paris, 1858, p. 194;
Perrot, Hist. de l'art, t. iv, p. 300. Néanmoins, qu'il y
ait eu imitation ou nécessité de répondre à des besoins
analogues, on ne peut s'empêcher de remarquer l'ana-
logie généiale qui existait entre le Temple de Salomon
et certains temples égyptiens, analogie qui avait déjà
inspiré le plan du Tabernacle, voir fig. 433, col. 1953,
dont l'édifice salomonien ne faisait que reproduire en
plus grand les dispositions. Ainsi, au temple de Khons, à
Karnak (fig. 460), le monument dont la porte A s'ouvre
entre deux pylônes, comprend d'abord une cour B,
correspondant au grand parvis, une salle hypostyle C,
dont la place est occupée par le parvis des prêtres,
un sanctuaire D, auquel répond le hêkal, et qui est
isolé par le couloir E, et enfin l'opisthodome F, qui est
comme le debîr, avec des chambres de service aux
côtés du sanctuaire et autour de l'opisthodome. La
porte et ses pylônes (fig. 461) peut fournir elle-même
quelque idée de celle qui donnait accès dans le parvis
des femmes. Ces dispositions répondaient trop bien aux
nécessités du culte israélite pour que Salomon et ses
ingénieurs phéniciens, si au courant des procédés
architectoniques du monde oriental, égyptien ou baby-
lonien, ne les aient pas empruntées pour les adapter
au Temple de Jérusalem.
3» Le prophète Ézéchiel, XL, 5-xlii, 20, a laissé du
Temple une description détaillée et presque technique,
avec de nombreuses indications de mesures qui con-
cernent surtout le plan, et exceptionnellement l'éléva-
tion. Comme il était prêtre et avait dû exercer les
fonctions sacerdotales dans le premier temple, on a
pensé que sa description devait porter sur des données
précises, dont il y a lieu de tenir compte. Perrot et
Chipiez sont partis de cette observation pour tenter une
reconstitution de l'antique monument. « Si, observent-
ils, les matériaux du Parthénon et du temple de Jupiter
à Olympie avaient disparu comme ceux du temple de
Salomon, personne n'aurait même songé à entreprendre
une restauration de ces monuments à l'aide du'seu,
texte de Pausanias... Phénomème étrange et vraiment
inattendu ! C'est le moins artiste des grands peuples
de l'antiquité qui nous a transmis les renseignements
les plus développés et les plus complets que nous
possédions sur un édifice antique. » Histoire de l'art,
t. iv, p. 474. Les auteurs ne prétendent pas d'ailleurs
que le temple d'Ézéchiel soit celui de Salomon, ni même
celui des derniers rois de Juda. Le monument décrit
par le prophète est un « unique et curieux mélange
de réalité et de fiction ; c'est cet édifice ou plutôt ce
groupe d'édifices que le prophète présente à ses com-
patriotes comme la consolation et la revanche des
malheurs du passé, comme le symbole et le gage de la
nouvelle alliance qui va être conclue. » Histoire de
l'art,i. iv, p. 241. Dans la restitution proposée (fig. 462),
l'ensemble paraît, en effet, beaucoup plus compliqué
qu'il n'a pu l'être même à la fin de la période royale,
et l'auteur des Paralipomènes, qui entend faire une
2037
TEMPLE
2038
description historique, ne tient pas compte des addi-
tions d'Ézéchiel, pourtant son devancier. Ce que le
prophète dit ensuite du torrent qui sort de dessous le
seuil de la maison, Ezech., xlvii, 1, et la configuration
qu'il attribue à la nouvelle Terre Sainte, Ezech., xlviii,
•1-35, ont évidemment un caractère idéal. Mais la des-
cription du Temple n'est pas de même ordre. Elle forme
un ensemble bien distinct dans lequel, sans doute, tout
ne peut pas être pris à la lettre, mais qui renferme des
indications utiles, soit pour éclairer le récit des Rois
et des Paralipoménes, soit pour renseigner sur les
projets d'agrandissement et d'embellissement duTemple
les ustensiles et des crochets pour suspendre les corps
et les écorcher. XL, 38-43. Près des portes du nord et
du midi, semblables à celles de l'orient, sont des
locaux réservés, au nord, pour les prêtres de service,
au midi, pour les chantres. XL, 44-46. Le parvis des
prêtres est carré, et mesure 100 coudées (52 m 50) de
côté. L'autel y est placé en face du hêkal. XL, 47. Celui-
ci a en façade un pylône formant vestibule et orné de
deux piliers à l'entrée. Le pylône, qui déborde de cha-
que côté de 5 coudées sur la largeur du hêkal, a donc
60 coudées de largeur totale (31°> 50), 20 coudées de
profondeur (10 m 50) et 11 coudées (5 m 77) d'ouvertures
461. — Entrée du temple de Khons. D'après Maspero, Histoire ancienne, t. ir, p. 553.
conçus en vue de sa reconstruction future. — Le pro-
phète suppose une enceinte carrée de 500 coudées
(262 m 50) de côté, les roseaux dont il se sert devant
être entendus de coudées, d'après les Septante. Ezech.,
xlii, 16-20; xlv, 2. Il décrit ensuite le portique oriental,
qui borde la plate-forme en face de l'entrée du temple.
Au centre est un vestibule, muni à droite et à gauche
de loges pour les portiers, faisant saillie sur le parvis
et orné d'un haut pylône du côté du Temple. Ezech.,
xl, 4-16. Au midi et au nord s'ouvrent des portes sem-
blables, ayant les mêmes dimensions, xl, 24, 35. Le
parvis intérieur est dallé ; il contient, probablement sur
chacun de ses trois côtés, trente chambres ou locaux
ayant des destinations diverses, xl, 17. L'ensemble
constitue des portiques à colonnes, xlii, 6, et forme
la clôture du parvis ouvert à tous les Israélites. Vient
ensuite le parvis intérieur ou des prêtres, dans lequel
on entre par une porte à pylônes, avec des portiques à
droite et à gauche. On y rencontre d'abord an local
dans lequel on lave les holocaustes, puis, de chaque
côté, des tables pour immoler les victimes ou déposer
où l'on monte par des marches. D'après les rapports
qui président à ces sortes de constructions, le pylône
aurait eu en hauteur le double de sa base, soit
120 coudées (63'»). Ezech., xl, 48, 49. Le hêkal a
40 coudées de long (21 m ) et 20 de large (10 m 50). Le
Liban pouvait aisément fournir des poutres ayant celte
portée. On entre dans le hêkal par une porte large de
10 coudées (5™ 25). A sa suite, le debïr forme un carré
de 20 coudées (10 m 50) de côté. Autour du bâtiment,
des cellules sont disposées sur trois étages, au midi,
à l'ouest et au nord. La hauteur de l'édifice n'est pas
indiquée; on la suppose de 30 coudées (15™ 75), comme
dans le temple de Salomon. Ezech., xli, 1-11. Le pro-
phète place, en arrière du debîr et séparé de lui par
un espace libre, un bâtiment de 100 coudées de large
(52"> 50), autour duquel il n'y a qu'un étroit passage.
Ezech., xli, 12-15. Deux autres bâtiments parallèles,
de 100 coudées de long (52 m 50), sont disposés à droite
et à gauche du Temple et de la cour des prêtres. Ils ont
trois étages de chambres, dont la dimension diminue
à mesure que l'on monte. Ces chambres servent aux
2039
TEMPLE
2040
prêtres pour y manger ce qui leur revient des sacrifices
et pour y déposer leurs vêtements sacrés. Ezech., xlii,
1-14. Le prophète mentionne encore le lambrissage
« en bois uni » qui recouvrait tout l'intérieur du tem-
ple, et par-dessus ce revêtement, des tentures décorées
de chérubins et de palmiers. La porte du hëkal et celle
du debîr sont à deux battants qui forment chacun deux
panneaux se repliant, xli, 16-26. Il n'est nullement
question de placage d'or ni de décorations en métaux
précieux. En somme, à part les trois grands bâtiments
situés sur les trois côtés du temple, l'édifice décrit par
Ézéchiel ne s'écarte pas trop du plan général du Temple
de Salomon, et sera reproduit, dans ses éléments
essentiels, par le Temple d'Hérode. Toutefois, il faut
prendre ses indications pour ce qu'elles sont et ne
voir que matière à description idéale dans les additions
et les complications dont l'histoire ne justifie pas la
réalité. Cf. Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 243-301.
iv. le mobilier. — Pour la fabrication du mobilier
du Temple et de tous les ouvrages de métal, Salomon s'as-
sura le concoursd'un habile orfèvre phénicien, Hiram.
Yoir Hiram, t. m, col. 718. D'après II Par., v, 13, le roi
de Tyr lui-même l'aurait envoyé à son voisin, comme
un homme très habile à travailler non seulement sur
les métaux, mais encore sur les étoffes et le bois.
C'était comme un grand entrepreneur d'art et d'in-
dustrie, qui ne manqua sans doute pas d'amener de
son pays diverses équipes d'ouvriers. Il était fils d'une
femme de Dan, qui, mariée à un homme de Nephthali,
était devenue veuve et s'était remariée à un Tyrien.
Hiram tenait ainsi par sa mère au peuple israelite. En
avait-il gardé la religion ? On l'ignore. Toujours est-il
que les ouvriers phéniciens employés à la construction
et à la décoration du Temple de Jéhovah étaient des
adorateurs de Baal et d'Astarthé. Hiram présida à l'exé-
cution des sculptures et du mobilier du Temple. III
Reg., vu, 13, 14. On doit lui attribuer l'autel d'airain,
qui se dressait dans le parvis intérieur et servait aux
holocaustes et aux autres sacrifices, II Par., IV, 1, voir
Autel, t. i, col. 1270; la mer d'airain et les bassins,
III Reg., vu, 23-39; II Par., iv, 2-6, voir Mer d'airain,
t. IV, col. 982 ; les chandeliers d'or, II Par., iv 7, voir
Chandelier, t. h, col. 542, les tables, les coupes, les
cendriers, les pelles, II Par., iv, 8-11, 19-22 ; les deux
colonnes de bronze, III Reg., vu, 15-22 ; II Par., iv, 12,
13, voir Colonnes du temple, t. n, col. 856, les bat-
tants des portes du Saint et du Saint des Saints, et tous
les différents ustensiles du sanctuaire. II Par., iv, 16,
18. La fonte des grandes pièces d'airain fut exécutée
dans la plaine du Jourdain, entre Sochoth et Saréda ou
Sarthan, où l'argile était propre à faire des moules.
II Par., iv, 17; III Reg., vu, 46. Yoir Sarédatha, Sar-
than, t. v, col. 1486, 1494 ; Revue biblique, 1910, p. 555.
— Cf. Reland, Antiquitates sacrœ, Utrecht, 1741, p. 30-
41 ; Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 64-
100 ; Villalpand, In Èzechielem explanationes et appa-
ratus urbis ac templi Hierosolymitani, Rome, 1596-
1608, 3 in-f»; B. Lamy, De labernaculo fœderis, de
sancta civitate Jérusalem etdetemploejus, in-f°, Paris,
1720; Lightfoot, Opéra onmia.Anvers, 1699, 1. 1, p. 553;
Keil, Der Tempel Salomo's, Dorpat, 1839; Bâhr, Der
Salomonische Tempel, Carlsruhe, 1848; Thenius, Dos
vorexilische Jérusalem und dessert Tempel, Leipzig,
1849 ; Fergusson, The Temple of the Jews and tlie
other Buildings in the Haram Area at Jérusalem,
Londres, 1878 ; X. Pailloux, Monographie du Temple
de Salomon, Paris, 1885 ; O. Wolf, Der Tempel von
Jérusalem und seine Maasse, Gratz, 1887 ; Perrot et
Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. iv, p. 243-
330 ; Yigouroux, La Bible et les découvertes modernes,
6 e édit., t. ni, p. 284-346 ; Meignan, Salomon, Paris,
1890, p. 91-140 ; Em. Schmidt, Salomon's Temple in
the Light of other oriental Temples, Chicago, 1902;
P. Berto, Le Temple de Jérusalem, dans la Revue des
études juives, t. xl, 1910, p. 1-23.
v. l'histoire. — Le Temple, commencé le second
mois de la quatrième année de Salomon (1011), fut
achevé le huitième mois de la onzième année (1004).
La construction avait duré sept ans. Au septième mois
de l'année suivante, Salomon y fit transporter l'Arche
d'alliance et en célébra la dédicace par d'innombrables
sacrifices. Les fêtes durèrent sept jours et se prolon-
gèrent sept autres jours, pour la solennité des
Tabernacles. III Reg., vin, 1-66 ; II Par., v, 2-vn, 10.
Mais dès ce moment il fut prédit que si Israël aban-
donnait son Dieu, Jéhovah abandonnerait la maison
qu'il venait de consacrer par sa présence. III Reg.,
ix, 6-9. Dieu, en effet, avait pris possession du nouveau
temple en y manifestant sa gloire par une nuée mira-
culeuse. III Reg., vin, 10-11. Les infidélités commen-
cèrent quand Salomon lui-même éleva un haut lieu
pour Chamos et pour Moloch sur la montagne qui fait
face au temple. III Reg.,xi, 7. — Dès le règne du fils
de Salomon, Jéroboam, le nouveau roi d'Israël, prit
des mesures pour empêcher ses sujets de fréquenter
le Temple de Jérusalem. A cette occasion, les lévites et
les prêtres du royaume d'Israël émigrèrent pour venir
s'établir en Juda. III Reg., xii, 27-33 ; II Par., xi, 13-17.
Peu après, le roi d'Egypte, Sésac, monta contre Jéru-
salem et s'empara des trésors^Iu Temple, c'est-à-dire
de tout ce qui, dans l'édifice sacré, pouvait tenter sa
cupidité. « Il prit tout, » sans que le détail en ait été
noté. III Reg., xiv, 25, 26 ; II Par., xn, 9. — Asa mit
dans le temple l'or, l'argent et différents objets consa-
crés par son père et par lui-même, sans doute pour
remplacer en partie ce qui avait été enlevé par Sésac.
III Reg., xv, 15 ; II Par., xv, 18. Pour s'assurer l'al-
liance de Ren-Hadad contre Baasa, roi d'Israël, il tira
do l'or et de l'argent de son propre trésor et de celui
du temple, II Par., xvi, 2, jugeant sans doute qu'il
valait mieux employer les trésors sacrés à la défense
du pays, que de les exposer au pillage, comme sous
Roboam. — Lorsque Athalie usurpa le trône, le jeune
Joas, l'héritier légitime, fut caché pendant six ans dans
la maison de Jéhovah, c'est-à-dire dans quelqu'une des
dépendances du Temple. III Reg., xi, 3 ; II Par., XXII,
12. La conspiration qui devait substituer Joas à Athalie
eut son dénouement dans l'enceinte sacrée. Le peuple
occupait le grand parvis et les lévites, de concert avec
les Céréthiens ou gardes royaux gagnés par le grand-
prêtre Joïada, étaient postés à droite et à gauche de la
maison et près de l'autel, de manière à entourer le
jeune roi. Ils étaient armés avec des lances et des bou-
cliers qui se trouvaient dans le Temple et provenaient
de David. Us avaient en outre à surveiller trois portes :
celle qui communiquait avec le palais royal, au sud, la
porte de Sur ou de la Fondation et la porte des Coureurs,
qui ouvrait aussi sur le palais royal. Athalie entendit
le bruit des acclamations de son palais, qui donnait
sur le parvis extérieur, et elle accourut. Elle fut en-
traînée par le chemin de l'entrée des chevaux, c'est-à-
dire du côté des écuries royales, et là elle fut mise à
mort, tandis que Joas était conduit au palais par la
porte des Coureurs, celle près de laquelle avaient leur
poste les gardes et les courriers royaux. IV Reg., xi,
4-20 ; II Par., xxm, 1-15.
Le Temple existait alors depuis cent vingt-sept ans ;
il était nécessaire de pourvoir à son entretien et aux
réparations, d'autant qu'Athalie avait laissé à l'abandon
la maison de Dieu et même avait permis d'en détour-
ner différents objets pour le culte des Baals. Joas ré-
solut d'entreprendre une restauration, ce qui pouvait
se faire aisément grâce à l'impôt perçu pour le Temple,
voir Capitation, t. H, col. 213, et aux offrandes volon-
taires. Il ordonna donc aux prêtres d'exécuter toutes
les réparations nécessaires. Mais, la vingt-troisième
««
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2043
TEMPLE
2044
année du règne, ils n'avaient encore rien fait. Joas prit
alors en main la direction de l'œuvre. Les offrandes et
les taxes furent dès lors versées dans un coffre, dont le
grand-prêtre et le secrétaire du roi vérifiaient de temps
en temps le contenu. Les sommes recueillies étaient
ensuite remises à des intendants intègres, qui payaient
directement les fournisseurs de bois et de pierres et
les ouvriers maçons et charpentiers. Afin d'assurer le
complet achèvement des réparations, on s'abstint de
distraire aucune somme d'argent pour la fabrication
d'ustensiles précieux, jusqu'à ce que l'œuvre entreprise
fût terminée. IV Reg., xn, 4-16 ; II Par., xxiv, 4-14.
Joas, à l'exemple de son ancêtre Asa, fut pourtant
obligé de recourir aux trésors du Temple pour préser-
ver Jérusalem d'une invasion du roi de Syrie, Hazaël.
IV Reg., xii, 18. Il commit le crime de faire lapider
dans les parvis du Temple le grand-prêtre Zacharie, fils
de son bienfaiteur Joïada. II Par., xxiv, 20-22. — Sous
Amasias, Joas, roi d'Israël, entra à Jérusalem et pilla
l'or, l'argent et. les vases du temple. II Par., xxv, 24.
— Ozias, roi de Juda, fut frappé de la lèpre dans le
temple, pour avoir osé tenir l'encensoir afin d'offrir
des parfums sur l'autel. II Par., xxvi, 16-20. — Joatham
bâtit la porte supérieure de la maison de Jéhovab,
c'est-à-dire refit ou restaura complètement l'une des
portes, probablement celle du portique qui servait
d'enceinte au parvis intérieur, plus élevé que l'autre.
IV Reg., xvi, 35 ; II Par., xxvn, 3. — L'impie Achaz,
voulant se débarrasser de ses ennemis, Rasin, roi de
Syrie, et Phacée, roi d'Israël, appela à son secours le
roi d'Assyrie, Théglathphalasar, et prit l'or et l'argent
du Temple, pour lui envoyer des présents. IV Reg., xvi,
8; II Par., xxvm, 21. Il se rendit ensuite à Damas,
pour rendre hommage au roi assyrien. Là, il vit un
autel qui servait probablement au culte pratiqué par
le monarque. Par flatterie, sans doute, pour le puissant
suzerain, il en envoya le dessin à Jérusalem au prêtre
Urias, pour que celui-ci se hâtât d'en faire exécuter
un semblable. A son retour, Achaz trouva le nouvel
autel en place, y offrit des sacrifices et ordonna qu'il
servit désormais pour les holocaustes et les autres
sacrifices quotidiens, particuliers ou publics. On
relégua sur la droite, au nord du parvis, l'ancien autel
d'airain. Il fit ensuite démonter les bassins roulants et
descendre la mer d'airain de dessus les bœufs qui la
portaient, afin de la poser sur un socle de pierre. Il
modifia également le musach, voir Musach, t. iv, col.
1345, ou portique du sabbat, ainsi que l'entrée exté-
rieure du roi. IV Reg., xvi, 10-18. Ces innovations ne
concilièrent à Achaz ni la faveur de Théglathphalasar,
ni celle de Dieu. Le roi impie en vint alors jusqu'à
mettre en pièces les ustensiles sacrés et à fermer les
portes du Temple, pour se livrer éperdûment aux pra-
tiques idolâtriques. II Par., xxvm, 24. — Le premier
soin d'Ézéchias, fils d' Achaz, fut de rouvrir les portes
du Temple, de les réparer, de faire purifier l'édifice
sacré de toutes les impuretés qui le profanaient, et de
restaurer le culte par de nombreux sacrifices et une
célébration solennelle de la Pâque. II Par., xxix, 3-xxx,
27. La quatorzième année de son règne, pour essayer
d'écarter Sennachérib, Ezéchias fut obligé à son tour
de faire appel au trésor du Temple et de sacrifier
les lames d'or dont il avait lui-même décoré les portes
et les linteaux. IV Reg., xvm, 15, 16. — Sous Manassé,
le culte fut de nouveau interrompu dans le Temple. Au
lieu de fermer l'édifice, comme Achaz, le roi y éleva
des autels idolâtriques et, dans les deux parvis, offrit
ses sacrifices à l'armée du ciel, c'est-à-dire au soleil, à
la lune et aux astres. Il installa même l'idole d'As-
tarthé dans le lieu saint. C'était la profanation la plus
complète, à un degré qui n'avait pas été atteint jnsque-
là et qui provoqua la vengeance divine. IV Reg., xii,
4-7; II Par., xxxm, 4-7. Sur la fin de sa vie seulement,
Manassé, humilié par ses épreuves, fit disparaître du
Temple toutes les abominations qu'il y avait introduites,
releva l'autel de Jéhovah et rétablit le culte mosaïque.
II Par., xxxm, 15, 16. — Sous son petit-fils, Josias,
des mesures furent prises pour la restauration du mo-
nument. A cette occasion, le grand-prêtre Helcias
annonça qu'il avait trouvé dans le Temple le livre de la
loi, découverte qui fut le point de départ d'un retour
général au culte de Jéhovah. Ce qui restait d'objets
idolâtriques dans le Temple fut brûlé hors de Jérusalem.
Les maisons de prostituées que Manassé avait bâties
dans l'enceinte sacrée furent abattues, et les autels
qu'il avait dressés dans les parvis furent détruits.
Enfin, les rois impies avaient installé, à l'entrée de la
maison de Jéhovah, dans les dépendances adossées aux
parvis extérieur, des chars du soleil et des chevaux
pour les traîner. Voir Pharurim. t. v, col. 220. Josias
lit disparaître les chevaux et brûla les chars. IV Reg.,
XXII, 3-xxiii, 12. Le roi avait dans le parvis intérieur
une estrade sur laquelle il se tenait en certaines cir-
constances ; c'est de là qu'il renouvela solennellement
l'alliance de son peupleavec Jéhovah. II Par., xxxiv, 31.
Le Temple n'en était pas moins condamné, à raison
de toutes les abominations qui s'y étaient commises.
Le Seigneur dit en effet : « Je rejetterai cette ville de
Jérusalem quej'avais choisie et cette maison de laquelle
j'avais dit : Là sera mon nom. » IV Reg., xxm, 27. Le
prophète Jérémie, vu, 4-15, prédit qu'en vain l'on met-
tait sa confiance dans la maison de Jéhovah, qu'on
avait souillée de crimes et dont on avait fait une
caverne de voleurs : elle serait traitée comme le sanc-
tuaire de Silo en rJphraïm. Dans le parvis même du
Temple, le prophète annonçait le châtiment imminent.
Jer., xix, 14. Cf. Mich., m, 12. Nabuchodonosor ne
tarda pas à apparaître. Sous le roi Joachin, il emporta
tous les trésors de la maison de Jéhovah et brisa les
ustensiles d'or qui subsistaient encore depuis Salomon,
pour les comprendre dans son butin. IV Reg., xxiv,
13 ; II Par., xxxvi, 7. Les faux prophètes annonçaient
que bientôt tous ces objets seraient rapportés de Baby-
lone. Jer., xxvn, 16. Jérémie répondait en assurant
que tout ce qui restait encore serait également em-
porté. Jer., xxvn, 21, 22. Il continuait d'ailleurs à faire
entendre ses oracles dans le Temple. Jer., xxvi, 2;
xxvm, 5. Il mentionne en passant différentes chambres
occupées par des gardiens du Temple. Jer., xxxv, 2, 4.
Enfin, dans une dernière campagne, les Chaldeens
prirent Jérusalem, brûlèrent le Temple, emportèrent
les derniers ustensiles d'or et d'argent, ainsi que l'ai-
rain des colonnes, des bassins et de la mer d'airain
qu'ils avaient brisés. IV Reg., xxv, 9-17 ; II Par., xxxvi,
18-19.
Cet événement eut lieu en 587. Le Temple avait donc
duré 417 ans. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 3, dit que
beaucoup des premiers rois avaient orné le Temple,
complétant ainsi l'œuvre de Salomon. L'histoire a
mentionné quelques-uns de leurs travaux. Mais leur
palais était contigu au parvis du Temple et le Seigneur
se plaint que leur seuil fût auprès de son seuil. Ezech.,
xmi, 8. Ils avaient donc tendance à regarder le Temple
comme un sanctuaire royal, placé sous leur dépen-
dance. L'inconvénient devenait grave sous des rois
impies comme Athalie, Achaz ou Manassé. Le sort du
culte suivait le caprice ou la passion du prince et les
lois mosaïques étaient odieusement foulées aux pieds.
D'autre part, il n'apparaît pas que le sacerdoce lévi-
tique ait jamais opposé grande résistance aux entre-
prises sacrilèges des rois. Quand ces derniers l'exi-
geaient, les sacrifices cessaient et le Temple se fer-
mait ou se changeait en sanctuaire idolâtrique, sans
protestation apparente ni surtout opposition effective
de la part des prêtres. Il fallait que le roi fût bien
assuré de son pouvoir absolu vis-à-vis d'eux pour que
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TEMPLE
2046
Joas pût, sans rencontrer de résistance, faire lapider
le grand-prêtre Zacharie dans les parvis mêmes de
''édifice sacré. Il y avait là une situation qui n'était
tolérable qu'avec des rois sincèrement religieux, tels
qu'Asa, Josaphat ou Ézéchias. Comme le Temple était
entièrement revêtu de cèdre à l'intérieur, que la toiture
était toute en bois et que les poutres s'encastraient
dans la maçonnerie, l'incendie détruisit tout et ne
laissa guère que des pierres calcinées. En mémoire de
cet événement, un jour de jeûne fut institué le dixième
jour du cinquième mois. Cf. Jer., LU, 12. On se
lamenta sur la ruine du Temple :
L'eDnemi a tout ravagé dans le sanctuaire ;
Te» adversaires ont rugi au milieu de tes saints parvis...
On les a vus pareils au bûcheron
Qui lève la c ognée dans une épaisse torèt.
Et maintenant, ils ont brisé toutes les sculptures
A coups de hache et de marteau. .
Ils ont livré au feu ton sanctuaire,
Ils ont abattu et profané la demeure de ton nom.
Ps. lxxiv (i.xxiii), 3-7.
Jérémie consola ses compatriotes en leur annonçant
que le Temple serait vengé et qu'au retour de l'exil on
offrirait encore l'holocauste et le sacrifice quotidien.
Jer., xxxiii, 16-18; l, 28 ; li, 11. — C'est qu'en effet,'
comme en témoignent les psalmistes, le Temple tenait
une place essentielle dans la vie religieuse d'Israël. La
demeure de Jéhovah était aimable par-dessus tout; on
soupirait après le jour où l'on entrerait dans ses parvis
et l'on portait envie à ceux qui y habitaient. Ps. lxxxiv
(lxxxiii), 2-5. On était dans la joie quand venait le
moment de partir pour le Temple. Si l'on admirait
Jérusalem et si on lui souhaitait la paix, c'était surtout
« à cause de la maison de Jéhovah. » Ps. cxxn (cxxi),
1, 9. A l'arrivée au Temple, on demandait joyeusement
aux prêtres d'ouvrir les portes, et les justes, ceux qui
étaient purifiés, étaient admis à entrer. « Voici le jour
que Jéhovah a fait, s'écriait-on, livrons-nous à l'allé-
gresse et à la joie ! » Alors les prêtres bénissaient et
menaient les victimes à l'autel. Ps.cxvm (cxvn), 19-27.
Au départ, on invitait les lévites à faire leur service de
nuit dans le Temple et à lever les mains vers le sanc-
tuaire. Ps. cxxxrv (cxxxni), 1, 2. « Louez Dieu dans
son sanctuaire, » disait-on aux musiciens. Ps. cl, 1.
La ruine du Temple constituait donc pour les Israélites
le plus déplorable des malheurs.
II. Temple de Zorobabel. — Les renseignements
font à peu près complètement défaut sur l'agencement
du Temple de Zorobabel. C'est donc surtout par son
histoire qu'il arrête l'attention. — 1° Sa construction.
— La première année de son règne (536), Cyrus porta
un édit pour permettre le retour des Israélites en
Palestine et prescrire la reconstruction du Temple. Il
provoqua en outre les offrandes destinées à favoriser
cette reconstruction et fît rendre les ustensiles d'or et
d'argent, au nombre de cinq mille quatre cents, qui
avaient été emportés de Jérusalem à Babylone. I Esd.,
i, 2-11. Cf. Is., xliv, 28. Zorobabel revint donc en
Palestine à la tète d'une caravane de 42360 personnes.
Les chefs de famille firent une première donation de
61 000 dariques (1586 000 fr.), de 5 000 mines d'argent
(787500 fr.) et de cent tuniques sacerdotales. Au sep-
tième mois, on s'assembla à Jérusalem et l'on com-
mença par rétablir l'autel sur ses anciennes fondations,
afin de pouvoir célébrer la fête des Tabernacles. On se
prépara ensuite à reconstruire le Temple. De l'argent
fut assuré aux tailleGrs de pierres et aux charpentiers,
et, comme au temps de Salomon, on s'entendit avec
des Sidoniens et des Tjriens pour la fourniture des
bois de cèdre. On leur donnait des vivres, du vin et de
l'huile ; en retour, ils coupaient les cèdres du Liban et
les faisaient arriver par mer jusqu'à Joppé, avec l'au-
torisation de Cyrus. I Esd., n, 64-iit, 7. — Le travail
commença effectivement le second mois de la seconde
année du retour (535), sous la conduite de Zorobabel
et du grand-prêtre Josué. On posa solennellement les
fondements de l'édifice, au milieu des cris de joie du
peuple, et aussi des gémissements de ceux qui avaient
vu l'ancien Temple. I Esd., m, 8-13. L'antique plate-
forme construite par Salomon subsistait toujours; les
Chaldéens n'avaient pas perdu leur temps et leur peine
à la détruire. Il est vraisemblable que les fondations
furent assises à la place des anciennes, comme on
l'avait fait pour l'autel, dont l'emplacement commandait
la disposition de l'édifice. Mais, dès le commencement
du travail, tout ce peuple mélangé qu'Asarhaddon
avait envoyé pour coloniser la Samarie, IV Reg., xvn,
24-41, et qui se prenait pour la vraie descendance
israélite, formula la prétention d'être admis à coopérer
avec les Juifs à la réédification du temple. Zorobabel
et les autres chefs refusèrent, en s'appuyant sur la
teneur de l'édit de Cyrus. Les Samaritains cherchèrent
alors à intimider les constructeurs et leur suscitèrent
toutes sortes d'embarras. Ils intriguèrent tant qu'ils
purent dans l'entourage de Cyrus ; sous son succes-
seur, Cambyse, ils réussirent même à faire arrêter
complètement les travaux. I Esd., iv, 1-6. Il est vrai
que le caractère de ce prince et sa campagne en Egypte
ne lui permettaient guère de prêter attention aux in-
térêts des Juifs. Voir Cambyse, t. il, col. 89. Les tra-
vaux restèrent suspendus jusqu'à la seconde année du
règne de Darius (520). On hésitait encore sur l'oppor-
tunité de les reprendre et l'on se contentait d'attendre
l'occasion propice, quand, à la suite d'une récolte
insuffisante, le prophète Aggée intervint pour déclarer
que la sécheresse avait été la marque du mécontente-
ment divin et que la volonté de Jéhovah était qu'on se
remît à l'œuvre. Agg., i, 1-13. Le prophète Zacharie,
vm, 9-13, encouragea aussi les travailleurs, et, le
sixième mois de cette année, on recommença à bâtir.
Le gouverneur du pays en deçà de l'Euphrate, Thatha-
naï, s'enquit alors de ce qui se faisait et demanda si
l'on avait l'autorisation. Il laissa néanmoins continuer
les travaux, et se contenta d'en référer à Darius pour
l'informer de ce qui se passait et lui dire que les Juifs
se prévalaient d'un édit de Cyrus en leur faveur. Darius
fit chercher l'édit dans les archives d'Ecbatane. Quand
on l'eut trouvé, il ordonna non seulement de laisser
les Juifs continuer leur œuvre, mais aussi de les pro-
téger contre toute agression, de les aider aux frais de
la maison du roi et de leur fournir ce qui était néces-
saire pour les sacrifices. Les travaux furent dès lors
poussés avec plus d'activité. I Esd., v, 1-vi, 13. Le
vingt-et-unième jour du septième mois, dernier jour
de la fête des Tabernacles, Aggée reprit la parole au
nom de Jéhovah : « Quel est parmi vous le survivant
qui vit cette maison dans sa gloire première, et en
quel état la voyez-vous maintenant ? Ne parait-elle pas
rien à vos yeux ? Et maintenant, courage, Zorobabel,
dit Jéhovah, courage, Jésus, fils de Josédec, grand-
prêtre, courage, vous tous, peuple du pays, dit Jéhovah,
et à l'œuvre ! Car je suis avec vous, dit Jéhovah des
armées... Je remplirai de gloire cette maison... Plus
grande sera la gloire de cette dernière maison que de
la première, dit Jéhovah des armées, et dans ce lieu
je donnerai la paix. » Agg., n, 3-9. Cf. Van Hoonacker.
Les petits prophètes, Paris, 1908, p. 559-565. C'était
l'annonce mystérieuse de la destinée promise au second
Temple : un jour, il verrait dans ses murs celui qui
était plus que Salomon, Matth., XII, 42 ; Luc, xi, 31,
le Messie en personne. Au neuvième mois, le prophète
promettait qu'aux calamités récentes allaient succéder
les bénédictions divines, pour récompenser les con-
structeurs. Agg., il, 15-19. — Le Temple fut achevé le
troisième jour d'adar de la sixième année de Darius
(516). La seule donnée que l'on ait sur sa structure est
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TEMPLE
2048
celle que contient le dci ret de Cyrus : « Que la maison
soit rebâtie pour que l'on offre des sacrifices, et qu'elle
ait de solides fondements. Elle aura 60 coudées de
hauteur et 60 de largeur, trois rangées de pierres de
taille et un appareil de charpente ; la dépense sera
payée par la maison du roi. » I Esd., vi, 3, 4. La con-
struction comportait, à la manière ancienne, des alter-
nances de trois assises de pierre et d'une rangée de
poutres de cèdre, ce qui assurait la solidité des murs
de l'édifice. Le Temple de Salomon avait 60 coudées de
long, 20 de large et 30 de hauteur. II Reg., vi, 2. Les
dimensions du second Temple auraient donc été supé-
rieures à celles du premier. Mais cette conclusion n'est
point certaine. Les chiffres ont facilement pu être
altérés ; s'ils ne l'ont pas été, ils sont indiqués dans
un projet qui a fort bien pu être modifié à l'exécution.
Peut-être les 60 coudées de largeur doivent-elles s'en-
tendre de la longueur, dont il est surprenant qu'il ne
soit pas fait mention. L'étonnement et le chagrin des
Juifs qui avaient vu le premier Temple suppose que le
second était de proportions plus modestes. Josèphe,
Ant. jud., XV, xi, 1, dit que le Temple de Zorobabel avait
en hauteur 60 coudées de moins que celui de Salomon,
chiffre qui peut concerner le portique, II Par., m, 4,
mais qui, dans plusieurs manuscrits, se réduit à sept
coudées, et peut dès lors s'appliquer à l'édifice prin-
cipal. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 467. Rien
ne peut donc être précisé à cet égard ; il est très pro-
bable néanmoins que le nouveau Temple s'élevait
exactement sur les dimensions de l'ancien, mais qu'il
en différait notablement par l'élévation, par l'impor-
tance des matériaux et par la richesse de la décoration.
— Hécatée d'Abdère, contemporain d'Alexandre le
Grand, décrit ainsi ce Temple : « Il y a au centre de la
ville une enceinte de pierre de 5 plèthres de long
(147™ 85), de 100 pèques de large (44 nl 36), avec deux
portes. Il s'y trouve un autel cubique formé par l'assem-
blage de pierres blanches non polies ; les côtés en
ont chacun 20 pèques (8 m 87) et la hauteur 10 (4» 43).
Au delà de cet autel est un édifice contenant un autre
autel et un candélabre, l'un et l'autre en or du poids
de deux talents. Une lumière y brille jour et nuit sans
jamais s'éteindre. Il n'y a ni statue, ni ex-voto, ni
plantation, ni bois sacré, ni rien qui y ressemble. » Cf.
Josèphe, Cont. .4pion., i, 22. D'après Middoth, i, 3, la
ville de Suse était représentée en bas-relief au-dessus
de la porte orientale du parvis extérieur, pour recon-
naître la suzeraineté du roi de Perse. Un écrivain grec,
Eupolème, probablement juif du temps de Démétrius
Soter (162-150 avant J.-C), voir Eupolème, t. h,
col. 2050, a laissé une description du temple qui a été
conservée par Eusèbe, Prsep. evang., îx, 34, t. xxi,
col. 751-753. Il prétend décrire le Temple de Salomon,
mais il est à croire que sa description se rapporte
surtout à l'édifice qu'il avait sous les yeux. Il y note
quelques traits intéressants. Les fondations, d'après
lu], occupaient un espace de 60 coudées de long sur 60
de large. Ce sont les chiffres du livre d'Esdras. « Il
voulut que toute la structure fût agencée de manière
que les assises de pierre alternassent avec des poutres
de cyprès, les deux assises étant assujetties par des
crampons d'airain en forme de haches, du poids d'un
talent... Au nord de l'édifice, il ouvrit un grand por-
tique soutenu par quarante-huit colonnes d'airain... Il
ajouta, non loin du bassin, une estrade d'airain, haute
de deux coudées, sur laquelle le roi se tenait pour prier,
de manière à être vu facilement par le peuple qui l'en-
tourait. » Il décrit ensuite un appareil qui, prétend-il,
dépassait le faite du Temple de 20 coudées, et auquel
étaient suspendues quatre cents clochettes d'airain
qu'on mettait en mouvement pour effrayer les oiseaux
et les empêcher de se poser sur le Temple. Il est aussi
parlé du Temple de Zorobabel dans la Lettre d'Aristée,
cf. Eusèbe, Prsep. evang., ix, 38, t. xxi, col. 156, ce
Juif qui cherche à faire valoir les coutumes de sa nation
en revêtant le personnage d'un païen d'Egypte. Il
écrivait presque certainement vers l'an 200 avant J.-C.
Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. m,
p. 468. Voici ce qu'il dit du Temple : « Tout à l'ex-
trémité (de la ville) était établi le sanctuaire distin-
gué par sa splendeur, avec les trois périboles dépassant
70 coudées en hauteur sur une largeur proportionnée
et une longueur adaptée à la dimension du Temple :
tout cela construit avec une magnificence et un décor
absolument extraordinaires. La porte même, avec son
assemblage de montants et son inébranlable linteau,
trahissait déjà toute l'abondance prodigue des res-
sources employées. Quant au rideau, son adaptation aux
montants de porte était aussi exacte que possible. Le
tissu recevait surtout du mouvement de l'air une agita-
tion constante ; le gonflement du rideau, commençant
dès le sol, se prolongeait jusqu'à son attache supé-
rieure, ce qui produisait un spectacle charmant auquel
on ne s'arrachait qu'avec peine... Le sol entier est dallé,
avec des pentes aux endroits convenables pour l'écou-
lement des grands lavages nécessairement destinés à
nettoyer le sang des sacrifices. C'est en effet par nom-
breux milliers que les animaux sont présentés aux jours
de fêtes. » Il parle ensuite des canaux qui amènent
l'eau en abondance des réservoirs ménagés à distance
de la ville. Puis, feignant toujours d'être un étranger,
il raconte qu'il est monté, afin de mieux voir toutes
choses, sur la citadelle bâtie auprès du Temple pour le
défendre. La citadelle en question n'est autre que la
tour Baris, remplacée plus tard par l'Antonia. Ce
qu'Aristée dit du Temple trahit le désir d'imposer le
monument à l'admiration des lecteurs, mais, pour le
fond, ne s'écarte pas trop de la réalité. Il mentionne
trois périboles ou trois enceintes dépassant 70 coudées
en hauteur, soit 31 m 50 en coudées communes. Cette
hauteur n'est évidemment pas celle des portiques, mais,
par approximation à vue, celle des pylônes qui devaient
surmonter les portes donnant accès au parvis des
femmes, au parvis d'Israël et au hêkal. Aristée est en
admiration devant la porte du hêkal, mais il omet de
la décrire. Il est frappé par le spectacle pittoresque
que produit le jeu du vent sur le rideau qu'il fait
onduler. Ce rideau est celui qui fermait la porte du
vestibule précédant le hêkal. L'écrivain lui donne son
nom technique, xxTaicltacr(j.a. Il n'aurait pu l'entrevoir
si, simple étranger, il avait été confiné en dehors de
l'enceinte sacrée, et il aurait probablement ignoré son
nom, s'il n'eût été Juif. Quand il pilla le Temple de
Jérusalem, en 169, Antiochus Épiphane emporta le
xa-caitÉTauna. I Mach., i, 23. C'était le voile qu'avait vu
Aristée. L'écrivain connaît encore un détail qu'il eût
été impossible de constater du haut de la tour de Baris :
des pentes sont habilement ménagées dans le dallage
du parvis des prêtres, pour l'écoulement facile des
eaux de lavage. Cf. H. Vincent, Jérusalem d'après la
lettre d'Aristée, dans la Revue biblique, 1908, p. 520;
1909, p. 555.
2° Son histoire. — Quand le Temple fut terminé, on en
fit solennellement la dédicace en offrant de nombreux
sacrifices. Le service des prêtres fut organisé et la
Pàque célébrée. I Esd., vi, 16-21. — La septième année
d'Artaxerxès (459), Esdras vint à Jérusalem avec un
nouveau contingent d'exilés. Il apportait avec lui de
nombreux présents pour le Temple et des instructions
du roi afin qu'on fournit en son nom ce qui était
nécessaire pour l'offrande des sacrifices. I Esd., vil, 12-
26; vin, 35, 36. — Sous Néhémie, il fut décidé que
chacun paierait annuellement un tiers de sicle (Ofr. 93)
pour le service du Temple. La fourniture du bois fut
répartie régulièrement entre plusieurs familles, et des
lévites furent préposés à la garde des chambres du
2049
TEMPLE
2050
Temple dans lesquelles on recueillait les prémices, les
dîmes, les ustensiles du sanctuaire, ou dans lesquelles
se tenaient les prêtres de service, les portiers et les
chantres. 11 Ësd., x, 32-39; xn, 43-45. Éliasib, inten-
dant des chambres, ayant aménagé l'une d'elles pour y
faire habiter Tobie, son parent, Néhémie fit remettre
les choses en état, et prit de sévères mesures pour que
les droits de la maison de Dieu fussent respectés.
HEsd., xiii, 4-13, 30, 31. — Pendant le règne d'Ar-
taxerxès II Mnémon (405-359), le. petit-fils d'Éliasib,
Jean, devenu grand-prêtre, tua dans le Temple son frère
Josué, qui briguait le souverain pontificat, avec l'appui
de Bagosès, gouverneur perse. Celui-ci pénétra alors
dans le Temple, malgré la résistance des Juifs, et leur
imposa une redevance de 50 drachmes (70 francs) par
victime immolée. On paya cet impôt pendant sept ans.
Josèphe, Ant. jud., XI, vit, 1. — Quand Alexandre le
Grand fit la conquête de l'empire perse, le grand-prêtre
Jaddus provoqua la colère du roi grec par son loyalisme
envers Darius Codornan. Mais, en approchant de Jéru-
salem (332), Alexandre se calma. Il suivit jusque dans
le Temple le grand-prêtre venu à sa rencontre et y fit
offrir des sacrifices. Il accorda ensuite aux Juifs diffé-
rents privilèges. Josèphe, Ant. jud., XI, xiii, 5. —Dans
son éloge du grand-prêtre Simon, fils de Johanan ou
Onias, lequel est probablement Simon II (219-199), voir
Ecclésiastique (Le livre de l'), t. h, col. 1546, l'auteur de
l'Ecclésiastique, L, 1, dit que, de son temps, la maison
fut visitée et le Temple fut fortifié. Il y a là l'indication
de travaux exécutés dans le Temple pour le réparer et y
ajouter des constructions destinées à le mettre à l'abri
d'une agression. La précaution n'était pas inutile. Car
si Ptolémée Évergète (247-222), cf. Josèphe, Cont. Apion.,
il, 5, offrit des sacrifices dans le Temple, Ptolémée IV
Philopator (222-205), venu à. Jérusalem après sa victoire
sur Antiochus III à Raphia, aurait tenté de pénétrer
dans le Saint des Saints. IIIMach., i-vii. "Voir Ptolémée
IV Philopator, t. v, col. 851. — Le roi de Syrie, Antio-
chus III le Grand (223-187), qui avait intérêt à ménager
les Juifs, voir Antiochus III le Grand, t. i, col. 690,
voulut contribuer aux dépenses des sacrifices et autorisa
les travaux à entreprendre ou à achever dans le Temple,
entre autres un portique. Les matériaux devaient être
pris en Judée, au Liban et même ailleurs. Il inter-
dit également à tout étranger de pénétrer dans le par-
vis du Temple, réservé aux Juifs en état de pureté.
Josèphe, Ant. jud., XII, III, 3, 4. — Sous Séleucus eut
lieu l'attentat commis contre le Temple par l'envoyé
d'Apollonius, Héliodore. II Mach., m, 1-40. Voir Apol-
lonius, t. i, col. 777; Héliodore, t. m, col. 570. On
voit par cet épisode que les Juifs, comptant sur l'invio-
labilité du Temple, y mettaient en dépôt l'argent des
veuves et des orphelins et même celui de certains
riches personnages. II Mach., m, 10,11. Héliodore put
arriver jusqu'au trésor; mais là il fut arrêté par une
force divine. — Le règne d'Antiochus IV Épiphane
(175-164) fut néfaste pour le Temple de Jérusalem. Voir
Antiochus IV Epiphane, t. i, col. 693. Afin d'obtenir le
souverain pontificat et de payer les sommes pro-
mises au roi en retour de cette faveur, Ménélas enleva
un certain nombre de vases d'or du Temple. II Mach.,
IV, 32. Pour châtier une révolte des Juifs, Antiochus
vint à Jérusalem (170), pénétra dans le Temple, sous la
conduite de Ménélas, et pilla lui-même les objets sacrés
et le trésor. IMach.,i, 21-25; II Mach., v, 15, 16. Parmi
les objets ainsi enlevés, le premier livre des Macha-
bées mentionne l'autel d'or, le chandelier, la table des
pains, des coupes d'or, le rideau, des couronnes et des
ornements d'or qui décoraient la façade, et tout le
placage d'or, sans parler des trésors cachés qu'il put
découvrir. Cette énuinération donne une idée de la
manière dont les Juifs avaient su meubler et orner le
Temple de Zorobahel. Arrêté par les Romains dans sa
Dlirr. tir ia bible.
quatrième expédition contre l'Egypte, Antiochus se
vengea sur Jérusalem. Son envoyé, Apollonius, y multi-
plia les massacres, las pillages et les, incendies. Il fit
de la cité de David une forteresse dressée comme une
embûche contre le sanctuaire. Ce dernier fut. souillé
par le sang des meurtres et resta désolé comme un
désert. 1 Mach., i, 30-42; II Mach., v, 24-26. Mais
là ne s'arrêtèrent pas les entreprises sacrilèges.
Bientôt après, Antiochus envoya à Jérusalem uii
prêtre d'Athènes avec mission d'y installer le culte
grec. Le Temple fut consacré à Jupiter Olympien; sui*
l'autel, on immola des victimes à ce faux dieu et toutes
les pratiques de l'ancienne religion furent proscrites
sous peine de mort. I Mach., I, 43-56; II Mach., vi,
1-11. La désolation fut complète, mais elle devint le
signal de l'insurrection religieuse et patriotique des
Machabées. A la fin, frappé d'une horrible maladie,
le roi de Syrie promit de rendre au Temple tout ce
dont il l'avait dépouillé. Mais il ne tarda pas à mou-
rir. — Après de brillants succès remportés sur les
troupes syriennes, Judas Machabée reprit la ville
sainte et le'Temple (164). Il fit disparaître toutes traces
d'idolâtrie, remplaça par un nouvel autel celui qui
avait été profané, restaura et purifia le sanctuaire,
orna la façade de couronnes et d'écussons et répara
les chambres et les portes. La dédicace du nouvel autel
fut célébrée trois ans, jour pour jour, après la profana-
tion de l'ancien. IMach., iv, 36-61; II Mach., x, 1-8.
Puis, pour protéger le Temple, Judas construisit sur
Sion une enceinte de fortes murailles flanquées de
hautes tours. Mais ces fortifications ne tardèrent pas à
être démolies, en violation des traités, par Antiochus
Eupator. I Mach., vi, 61-63. — Nicanor, général de
Démétrius I er Soter, roi de Syrie, voulant se faire livrer
Judas Machabée, vint au Temple et déclara que, si l'on
n'obtempérait pas à ses ordres, il raserait le sanctuaire
et lui substituerait un temple dédié à Bacchus. Mais il
fut vaincu par les Juifs et périt. Judas lui fit couper la
tête et la main, et les suspendit en face du Temple que
l'impie avait sacrilègement menacé. I Mach., vu, 34,
35, 47-49; II Mach., xiv, 31-33; xv, 33-35. - En 159, le
grand-prêtre Alcime, dévoué au parti helléniste, voir
Alcime, 1. 1, col. 338, entreprit de démolir les murs du
parvis intérieur qui servaient de barrière aux gentils.
Mais il fut frappé d'un mal soudain et expira dans les
tortures. I Mach., ix, 54-56. — Jonathas fit de nouveau
entourer Sion de murailles. II Mach., x, 11. Simon
fortifia la montagne du Temple du côté de la citadelle
prise aux Syriens. I Mach., xiii, 53. Pour reconnaître
les services rendus par ce dernier, on grava sur des
tables d'airain une inscription qui fut placée en évi-
dence dans la galerie du Temple, et dont une copie- fut
déposée dans la chambre du trésor. I Mach., xiv, 25-
49. — Jean Hyrcan avait bâti, au nord du Temple, un
palais appelé Baris, « forteresse », et qui devint plus
tard la tour Antonia. Voir Antonia, 1. 1, col. 712. Comme
Jean Hyrcan était à la fois roi et grand-prêtre, il avait
ménagé un passage souterrain qui menait directe-
ment du palais au parvis du Temple. C'est dans
ce souterrain que, par suite d'une intrigue de cour,
Antigone, son fils, périt assassiné. Josèphe, Ant. jud.,
XIII, xi, 2. — En 95, un autre de ses fils, Alexandre
Jannée, exerçait ses fonctions de grand-prêtre dans le
Temple pour la fête des Tabernacles. Des hommes du
parti pharisien, mécontents de lui, l'insultèrent et lui
lancèrent les branches de verdure qu'ils tenaient en
main. Alexandre fit avancer sa garde, composée de
Pisidiens et de Ciliciens, et 6 000 hommes furent vic-
times de sa vengeance. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii,
5. — En 65, Aristobule, fils et successeur d'Alexandre
Jannée, poursuivi par les Arabes d'Arétas, gagnés à la
cause de son frère Hyrcan, grand-prêtre, se retrancha
dans l'enceinte du Temple, pendant les fêtes de la
V. - 65
2051
TEMPLE
2052
Pâque qui furent naturellement interrompues. Il
eût succombé sans l'intervention du général romain,
Pompée. Mais, deux ans après, pour réduire Aristobule
qui l'avait mécontenté, Pompée fut obligé de faire le
siège de Jérusalem et la prit à la suite de pénibles
opérations qui durèrent trois mois. Il pénétra jusque
dans le Saint des Saints avec une nombreuse suite;
mais il ne toucha à rien. Le lendemain, il ordonna de
purifier le Temple et d'y offrir les sacrifices accoutumés,
et il rendit à Hyrcan ses fonctions sacerdotales. Josèphe,
Ant. jud., XIV, iv, 4. A dater de ce moment, la Judée
devenait province romaine, — En 54, Crassus, légat de
Syrie; vint piller le trésor du Temple, pour subvenir
aux dépenses d'une expédition contre les Parthes.
Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 1. — Lorsque Antigone,
fils d' Aristobule, tenta de recouvrer le pouvoir de son
père, il disputa à Hérode, nommé par les Romains
tétrarque de Palestine, la ville de Jérusalem. II occu-
pait la montagne du Temple, pendant qu'Hérode campait
dans la forteresse de Baris. Il y eut de sanglants com-
bats pendant les fêtes de la Pentecôte de l'an 40.
Josèphe, Ant. jud., XIV, xm, 4. — Couronné roi de
Judée à Rome, en 39, Hérode dut revenir pour con-
quérir son royaume. Il parut devant Jérusalem au
printemps de l'an 37. Le siège coûta cinq mois d'etforts
aux légions romaines. La ville prise, les Juifs, partisans
d'Antigone, se réfugièrent sur la montagne du Temple.
Le monument sacré dut encore une fois subir l'assaut
des ennemis. Ceux-ci, après s'en être emparés, se pré-
cipitèrent pour voir ce qu'il contenait. C'était au jour
même où, vingt-sept ans auparavant, Pompée y était
entré en vainqueur. Josèphe, Ant. jud., XIV, xvi, 2-4.
Ici se termine l'histoire du Temple réédifié par Zoro-
babel. Il avait été, depuis 479 ans, le théâtre d'événe-
ments très divers, grandes solennités religieuses, mais
aussi pillages, crimes, profanations et assauts. Cepen-
dant, le monument lui-même n'avait pas souffert dans
ses parties essentielles. Hérode ne mit la main aux
nouvelles constructions qu'en l'an 17. Le Temple de
Zorobabel subsista donc 499 ans, c'est-à-dire 82 ans de
plus que celui de Salomon.
III. Temple d'Hérode. — Les Juifs ne distinguent
pas le Temple d'Hérode d'avec celui de Zorobabel. C'est
toujours le miqdâS Sênî, le « second temple » après le
miqdâs r'iSôn, le « premiertemple », bâti par Salomon.
Le Temple ruiné par Titus était bé{ sênî, la « seconde
maison ». Cf. Gem.Baba metzia, 28,1; EchaRabbati,
62, 1. Cette appellation tient à ce que le Temple de
Salomon a été complètement ruiné par les Chaldéens,
tandis que le Temple de Zorobabel n'a été qu'agrandi,
orné, ou en partie rebâti par Hérode, sans que le ser-
vice divin fût interrompu et sans que l'identité morale
entre les deux édifices eût à souffrir.
/. sa construction. — La dix-huitième année de son
règne, Hérode, qui n'avait pas encore réussi à vaincre
les antipathies de ses sujets, se résolut à entreprendre
une œuvre capable de les flatter. Il convoqua donc les
principaux Juifs, leur fit remarquer combien le Temple
de Zorobabel, construit dans des temps difficiles, lais-
sait à désirer au double point de vue des dimensions
et de l'ornementation. Il faisait contraste, en effet, avec
les monuments somptueux qu'Hérode avait élevés à
Jérusalem dans le style grec. Le roi proposait en consé-
quence la réfection du Temple. Les Juifs restèrent
étonnés et défiants. Il leur donna alors l'assurance
qu'on ne toucherait pas à l'ancien monument avant que
ne fussent préparés tous les matériaux nécessaires à la
construction nouvelle. La proposition acceptée dans
ces conditions, Hérode se procura mille chariots_pour
amener les pierres; il engagea dix mille ouvriers
habiles, et, pour le travail à exécuter dans les endroits
sacrés, il fournit des costumes à mille prêtres auxquels
il fit enseigner l'art d'employer la pierre et le bois. —
Le dessein d'Hérode était de donner plus d'étendue au
péribole du Temple, et plus de hauteur au Temple lui-
même. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 1. Il fallait donc
exécuter des travaux pour agrandir l'ancienne plate-
forme de Salomon. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 3,
entreprenant de décrire les portiques construits par
Hérode, commence par parler de la plate-forme salo-
monienne qui devait leur servir de support; il men-
tionne le portique oriental bâti par Salomon, mais en
ajoutant que plusieurs rois d'autrefois y travaillèrent.
Ailleurs, il donne des détails plus circonstanciés.
Après avoir observé que la plate-forme de Salomon,
pourvue d'un portique à l'orient, laissait le Temple à
découvert sur les trois autres côtés, il écrit : « Avec le
progrès du temps, le peuple ne cessant pas de combler,
la colline se trouva de niveau. On perça le mur du nord
et on prit tout l'espace que renferma plus tard le péri-
bole du Temple. Quand on eut entouré la colline de trois
murs à partir de la base, en exécutant plus de travail
qu'on n'eût pu l'espérer (car de longs siècles y furent
employés, ainsi que tous les trésors sacrés constitués
par les tributs envoyés à Dieu du monde entier), on
construisit le péribole supérieur et le Temple à l'inté-
rieur. La partie la plus basse avait 300 coudées, ailleurs
il y en avait davantage. Cependant toute la profondeur
des fondements n'était pas visible ; car les vallées étaient
en grande partie comblées par de la terre rapportée,
afin d'être au niveau des rues de la ville. » Bell, jud.,
V, v, 1. Il avait dit plus haut, en parlant des travaux
d'Hérode : « Il refit le Temple, et entoura d'un mur le
terrain environnant, de manière à le doubler, à frais
énormes et avec une incomparable munificence. On en
eut la preuve dans les grands portiques qui entouraient
le Temple et dans la forteresse qui en occupait le
nord. » Bell, jud., I, xxi, 1. Il suit de là que, depuis
l'époque de Salomon, il s'était accompli un travail
continu, et qu'autour de la plate-forme le terrain
s'était exhaussé peu à peu en même temps que s'élevait
le niveau des rues de la ville, par le fait des décombres
provenant des démolitions, des ruines et de plusieurs
autres causes. Hérode jugea à propos de donner à
l'enceinte une surface double. Il ne pouvait l'agrandir
ni à l'est, ni au sud, ni à l'ouest, où la plate-forme
surplombait à pic des vallées profondes. Il se contenta
donc de percer le mur du nord, construit jadis au delà
du fossé creusé dans le roc au temps de Salomon, et
de donner à la plate-forme un périmètre de 6 stades
(1ll0 m ). Plus tard, on l'agrandit encore en poussant
davantage vers le nord, car le périmètre du Haram est
de 1544 m . Il faut donc attribuer à Hérode les parties
du mur qui ne remontent pas jusqu'à Salomon :
l'angle nord-est, du côté oriental, et, du côté nord,
jusqu'à la tour Antonia, puis le mur qui va de la tour
Antonia au mur des Lamentations, à quoi il faut ajou-
ter le couronnement de l'angle sud -ouest (fig. 463).
Cf. Lagrange, Comment s'est formée l'enceinte du
Temple, p. 103-113. — Hérode laissa les prêtres con-
struire eux-mêmes le Temple proprement dit et les
annexes comprises dans l'enceinte où ils pouvaient
seuls pénétrer. « On enleva les anciennes fondations
pour en jeter d'autres sur lesquelles on éleva le temple
sur 100 coudées de long (45 m ), 120 de haut (54"');
hauteur qu'on abaissa parce que les fondations s'affais-
saient, mais qu'on se décida à relever à l'époque de
Néron. Ce Temple fut bâti en pierres blanches et dures ;
chacune avait en longueur près de 25 coudées (ll m 25),
8 en hauteur (3 m 60) et près de 12 en largeur (5 m 40).
Tout le Temple était, comme le portique royal, plus
bas de chaque côté et plus élevé au milieu, de sorte
qu'il apparaissait aux habitants à plusieurs stades de
distance, surtout quand on résidait en face ou qu'on
arrivait par là. » Josèphe, Ant. jud.,X\, xi, 3. Josèphe
se sert dans ses évaluations de la coudée commune de
2053
TEMPLE
2054
m 45, commele prouve la conformité des mesures qu'il
donne avec des monuments encore existants. Le rem-
placement des fondations ne dut pas être bien difficile,
puisque le rocher affleurait de toutes parts. Si la con-
struction fléchit, ce fut par suite de mauvaises disposi-
tions, car le rocher ne pouvait céder. Les dimensions
que Josèphe attribue aux pierres ne concernent tout au
plus que quelques-unes d'entre elles. Les prêtres
terminèrent leur tâche en dix-huit mois. Ils avaient dû
remplacer les unes après les autres les différentes
jud., XX, ix, 7. Des milliers d'ouvriers avaient donc
été employés aux constructions et à la décoration depuis
le temps où Hérode avait commencé. Aussi le Temple
qui porte le nom de ce prince est-il loin d'être son
œuvre exclusive.
//. sa description. — Le Temple d'Hérode a été décrit
par Josèphe dans deux de ses ouvrages, Bell, jud., V,
v, et Ant. 'jud., XIV, xi. L'historien juif parle d'un
monument qu'il connaissait bien. Mais, comme dans
ses deux ouvrages il se place à des points de vue diffé-
463. — Angle sud-ouest du Haram. D'après The Recovery of Jérusalem, 1. 1, frontispice.
parties de l'édifice, sans interrompre le service reli-
gieux. Hérode se chargea directement des portiques et
de toutes les enceintes extérieures, en même temps
qu'il s'occupait de la transformation de l'Antonia. Il mit
huit ans à achever son œuvre. Josèphe, Ant. jud., XV,
xi, 5, 6. Il s'agit vraisemblablement ici du gros œuvre;
Car il avait engagé dix mille ouvriers qui ne cessèrent
pas de travailler aux murs d'enceinte, aux portiques,
et aux différentes parties du Temple. Du temps de
Notre-Seigneur, le trai'ail de décoration se poursuivait
dans le Temple. « On a mis quarante-six ans à bâtir ce
Temple, » lui disaient les Juifs. Joa., H, 20. Hérode
avait commencé en l'an 19 avant J.-C; on était donc
alors en l'an 26 ou 27 après J.-C. Les Juifs trouvaient
encore dans le Temple des pierres pour les jeter sur le
Sauveur. Joa., vm, 59; x, 31. C'étaient sans doute des
déchets de sculptures en caurs d'exécution. Le Temple
ne fut complètement achevé qu'en 64. Cet achèvement
laissa plus de 18 000 ouvriers sans travail. Josèphe, Ant.
rents, il y a lieu de préciser la description du parvis
extérieur de Bell, jud., par celle à'Ant. jud., et réci-
proquement; pour tout le reste, de compléter le second
ouvrage par le premier. 11 donne beaucoup de mesures,
ordinairement justes quand elles portent sur le détail,
trop faibles ou plus souvent exagérées quand elles se
rapportent à l'ensemble. On dirait que l'historien
possédait des documents précis, mais dans lesquels les
totaux n'étaient point établis. On peut donc en général
se fier à ce qu'il écrit, en corrigeant quelques-unes de
ses affirmations. Le Nouveau Testament fournil un
certain nombre de renseignements précieux sur l'état
du Temple au temps de Notre-Seigneur et des Apôtres.
Ces renseignements s'accordent bien avec les descrip-
tions de Josèphe. Dans la Mischna, le traité Middoth,
« mesures », est plutôt un relevé de mesures précises
qu'une description duTemple. Ces mesures sont souvent
étriquées, bien qu'elles dussent paraître grandioses aux
rabbins, par comparaison avec celles de leurs syna-
2057
TEMPLE
2058
gogues. On est obligé de préférer les indications de
Josèphe. Le traité Middoth n'est vraiment utilisable
que par ses renseignements sur le nom et la destination
des différentes parties de l'édifice, et encore ne faut-il
accepter qu'avec hésitation des indications dont beau-
coup sont peut-être postérieures à la ruine du Temple.
Cf. Aucler, Le Temple de Jérusalem au temps de
N.-S. J.-C, dans la Revue biblique, 1898, p. 193-206.
M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, a
reconstitué le Temple d'Hérode dont il donne une vue
cavalière (fig. 464) et un plan (fig. 465) qu'il faut avoir
sous les yeux pour se faire une idée exacte du monu-
ment et des différentes parties qui le composaient.
1° Le portique royal. — Il s'élevait au-dessus du mur
méridional de l'enceinte, par conséquent du côté où se
trouvait le palais des anciens rois de Juda. Il allait de la
vallée du Tyropœon à celle du Cédron. Il excitait l'ad-
miration, tant par sa magnificence que par sa hauteur
au-dessus de la vallée. Quatre rangées de colonnes
formaient une triple allée. Chaque colonne avait 27
pieds de haut (7 m 98), portait sur un double tore de
pierre, était couronnée d'un chapiteau corinthien et
pouvait à peine être embrassée par trois hommes. Il y
avait 162 colonnes ou plutôt peut-être 164, formant
quatre rangées de 41. Les deux allées latérales avaient
30 pieds de large (8 m 87), un stade de long (185 m ) et plus
de 50 pieds de haut (14 m 78); l'allée centrale était une
fois et demie plus large (13 m 30) et double de hauteur
(29 m 56). La toiture était ornée de sculptures de bois
en haut relief et de formes diverses, et le pignon avait
des colonnes engagées et une architrave. Josèphe,
Ant. jud., XV, xi, 5. L'allée centrale du portique
royal aboutissait à un pont, dont il reste l'arche de
Robinson, voir t. m, col. 1371, et qui, par-dessus la
vallée du Tyropœon, rejoignait le Xyste, près du palais
des Asmonéens. Dans le récit de la tentation de Notre-
Seigneur, il est dit que Satan le transporta sur le pi-
nacle du temple, xo itrepOf iov toù iepoû, et l'invita à
se précipiter en bas. Matth., iv, 5. L'angle sud -est du
portique royal surplombait le Cédron de 400 coudées
(180 mètres), si bien qu'on ne pouvait regarder en bas
de cette hauteur sans risquer d'avoir le vertige. Josèphe,
Ant. jud. , XV, xr, 5; XX, ix, 7. Il est probable que ce
sommet est l'endroit où est localisée la tentation. Cf. Le
Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, 1. 1, p.270.Le
pylône qui surmontait le vestibule du kèkal n'avait que
100 coudées (45 mètres) de haut. De là, le Sauveur fût
descendu dans le parvis des prêtres, dont l'accès lui
était légalement interdit. Restait le portique de la Belle-
Porte, à l'entrée du parvis des femmes. Mais ce por-
tique n'avait que 40 coudées (18 mètres) de haut et pou-
vait difficilement prendre le nom de pinacle.
2° Le portique de Salomon et les deux autres. — Le
portique de Salomon existait depuis la construction
du premier Temple. Il avait dû être réparé bien des fois
et, quoique Josèphe n'en dise rien, il est possible
qu'Hérode l'ail restauré à son tour. Le portique sep-
tentrional et le portique occidental n'avaient, comme
celui de Salomon, qu'une double allée. « Ils étaient
portés par des colonnes de 25 coudées de haut (ll m 25)
en belles pierres blanches, et recouverts d'une char-
pente de cèdre, ...mais sans aucun ornement extérieur
de peinture ou de sculpture. » Josèphe, Bell, jud., V,
v, 2. Ces portiques servaient d'abris contre la chaleur
ou contre la pluie. On s'y promenait et l'on s'y reti-
rait pour s'entretenir ou entendre les docteurs. Joa.,
x, 23; Act., m, 11; v, 12. Là se trouvait le bêt hak-
kenését, « lieu d'assemblée » où se réunissaient les
docteurs. Luc, n, 46. Les marchands d'animaux et les
changeurs y avaient leurs places, mais ils empiétaient
plus que de raison sur les parvis. Joa., H, 14; Jer.
Yoma, 61, 3; Jer. Chagiga, 78, 1. Ce n'est pas à l'inté-
rieur, mais hors du Temple, près du Xyste, qu'il faut
placer les hanôf, chambres où d'après Schabbath, 15a;
Rosch haschana, 31 a; Sanhédrin, 41 a, se réunissait
le sanhédrin lorsque, quarante ans avant la ruine du
Temple, il cessa de tenir séance dans le lieu appelé
Gazif. Voir t. ni, col. 1843. C'est à tort que d'après des
informations rabbiniques, on y place des chambres ser-
vant aux lévites pour prendre leurs repas ou leur som-
meil, quand ils n'étaient pas de garde, pour manger
certaines victimes, ou brûler celles qui avaient été
souillées. Gem. Berachoth, 49 6.
3° Les portes de l'enceinte. — Josèphe, Ant. jud.,
XV, xi, 5, mentionne quatre portes à l'ouest, celle qui
menait au palais royal par un pont, deux sur le fau-
bourg et une sur la ville; il dit qu'il y en avait aussi
au milieu du mur méridional, sous le portique royaL
La porte orientale s'appelait « porte de Suse», en sou-
venir de la suzeraineté bienfaisante des Perses. On la
nomma depuis la Porte Dorée (fig. 466). Cf. fig. 328,
col. 1544. Au-dessus de cette porte était une chambre
dans laquelle on conservait deux étalons de coudées. Ke-
lim, xvn, 9. La porte qui, à l'ouest, aboutissait à l'arche
de Wilson,cî. t. ni, col. 1371, s'appelait « porte de Copo-
nius». Enfin la porte du nord, entre l'Antonia et l'angle
nord-est, se nommait « porte de Théri», nom d'un autre
personnage moins connu que le précédent. Middoth, i,
3. — En outre, la tour Antonia communiquait directe-
ment avec le parvis extérieur, dont elle occupait l'angle
nord-ouest en coupant les portiques. Sa tour centrale
et ses quatre tours d'angle avaient été élevées par Hé-
rode pour la sécurité et la garde du Temple. De la tour
du sud-est, on voyait tout ce qui se passait dans l'édi-
fice sacré. Deux escaliers mettaient la forteresse en
communication directe avec les parvis du nord et de
l'ouest. Par là descendaient les soldats chargés de
maintenir l'ordre dans l'enceinte aux jours de fête
« Le Temple veillait sur la ville, et l'Antonia veillait
sur le Temple, » Josèphe, Bell, jud., V, v, 8.
4" L'intérieur de l'enceinte. — Tout l'espace libre
encadré par les portiques était dallé en pierres de di-
verses sortes. L'accès en était permis à tous, même aux
gentils, depuis surtout que les rois perses avaient fa-
vorisé la construction du second Temple. C'est pour-
quoi l'on appelle habituellement « parvis des gentils »
l'espace compris entre les portiques et le péribole.
Mais cette dénomination est ignorée des anciens Juifs.;
d'ailleurs les étrangers ne pénétraient qu'assez rare-
ment à l'intérieur des portiques. Dans cette enceinte se
dressait autour du Temple un mur élégant de 3 coudées
de haut (l m 35), muni de treize ouvertures, avec autant
de colonnes portant une inscription pour défendre
aux étrangers d'aller plus loin sous peine de mort.
Voir Péribole, t. v, col. 142. L'espace compris entre ce
mur et le Temple s'appelait hèl, « fortification »,
7cpoTsfx 1!I ( ia 7 spatium antemurale. On y montait par
14 marches, au sommet desquelles s'étendait, tout au-
tour du Temple, un palier large de 10 coudées (4 m 50).
Sur ce palier s'élevait la construction rectangulaire du
hiéron. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, attribue aux
murs 40 coudées de haut (18 œ ) à l'extérieur, et 25
(ll m 25)à l'intérieur, sans doute à raison de la suréléva-
tion du sol. Ces hauteurs se concilient difficilement
avec celles qu'il assigne aux portes. Tout autour de ces
murs, Hérode avait suspendu les trophées pris sur les
nations étrangères et tout récemment sur les Arabes,
ainsi que ce qu'il offrait lui-même en ex-voto, àvé87]«.
Il sera fait allusion à ces objets quand, au sortir du
hiéron, les disciples',diront un jour au Sauveur qu'il y a
là de belles pierres et de riches ex-voto, ocva8r,(jiaTŒ
dona. Luc, xxi, 5.
5» Les portes du Temple. — On montait cinq degrés
pour passer du fiel dans l'enceinte sacrée ou Upôv. Dix
portes, dont neuf extérieures, y donnaient accès. Ces
portes, en bois magnifiquement orné d'or et d'argent,
Pont *
7 ,- t
2061
TEMPLE
2062
avaient 30 coudées de haut (13 m 50) et 15 de large (6"»75)
elles s'ouvraient sur un portique carré de 30 coudées de
côté et de 40 (18 m ) de haut, formant vestibule, et sou-
tenu par deux colonnes de 12 coudées (5 m 40) de tour.
Chacune de ces portes était double. La porte orientale
s'appelait la « Belle Porte ». Voir Belle Porte, t. i,
col. 1568. Elle menait au parvis des femmes. Les deux
premières portes latérales y conduisaient également.
Six autres portes ouvraient sur les parvis d'Israël et
des prêtres; au midi, les portes de l'Embrasement, des
Premiers -Nés et des Eaux; au nord, celles de Nisôs ou
de l'Étincelle, de POblation et de la Maison du foyer.
Middoth, i, 4; Gem. Yoma, 19, 1; Gem. Keluboth.
5.
466. — Porte Dorée. D apies une photographie.
106. La dixième porte était à l'intérieur, faisant face
à la Belle Porte, à l'autre extrémité du parvis des
femmes. Elle était en bronze, haute de 50 coudées
(22 m 50) et large de 40 (18 m ). On l'appelait porte de
Nicanor, probablement du nom de celui qui, croyait-
on, l'avait sauvée du naufrage en la rapportant
d'Alexandrie. C'est celle que Josèphe, Bell, jud., V, v,
3, appelle « la Corinthienne », semble-t-il, bien que
son texte soit assez ambigu. Elle surpassait toutes les
autres portes par sa magnificence. C'était la seule porte
du Temple qui eût la mézuza, Gem. Yoma, ii, 1. Voir
Mezuza, t. iv, col. 1057.
6° Le parvis des femmes. — C'était un espace à ciel
ouvert qui allait de la Belle Porte à celle de Nicanor.
Il avait 135 coudées de long (60-75) et autant de large.
Il n'était pas exclusivement réservé aux femmes; mais
il portait ce nom parce que les femmes ne pouvaient
s'avancer au delà. Josèphe parle de ce parvis, mais
sans en donner de description. On en est donc réduit
aux maigres renseignements fournis par la Mischna.
D'après Middoth, h, 5, il y avait autour du parvis des
femmes un podium surélevé d'où elles pouvaient voir
d'en haut, sans se mêler aux hommes qui se tenaient
en bas. Cette indication est plus que problématique,
car il y avait sur les deux côtés du parvis des dépen-
dances auxquelles tous devaient pouvoir accéder. Aux
quatre angles du parvis étaient quatre chambres car-
rées de 40 coudées de côté (18 m ) et couvertes seule-
ment en partie. Al'angle nord-est, la chambre des pro-
visions de bois, Eduyoth, vin, 5; à l'angle nord-ouest,
la chambre des lépreux, où ceux-ci faisaient leurs ablu-
tions avant de se présenter à la porte de Nicanor, Ne-
gaïm, xiv, 8; à l'angle sud-ouest, la chambre des provi-
sions de vin et d'huile; al'angle sud-est, la chambre des
nazaréens, où ils coupaient leurs cheveux et cuisaient
leurs sacrifices. Entre ces deux dernières chambres en
étaient deux autres consacrées au trésor. Voir Gazophy-
lacium, t. m, col. 133. Celles-ci étaient précédées d'un
portique à hautes et magnifiques colonnes. Josèphe,
Bell, jud., V, v, 2. En face, sur le côté nord, devait se
trouver un portique semblable, et, en arrière, deux
autres chambres dont la destination n'est pas indiquée.
De ce même côté étaient placés les treize troncs en
forme de trompettes dans lesquels on déposait les
diverses offrandes. Voir t. m, col. 134.
7° Le parvis d'Israël. — Du parvis des femmes,
quinze marches de faible hauteur conduisaient à la porte
de Nicanor. A cette porte se présentaient pour leur
purification les lépreux, les femmes devenues mères et
celles qui étaient soupçonnées d'adultère. Sota,l, 5. Là
aussi s'accomplissaient tous les actes qu'il fallait faire
« devant la face de Dieu ». Jer. Sota, 17, 1. En réalité,
la porte de Nicanor divisait le hiéron en deux parties
très distinctes : à l'orient, le parvis des femmes, à l'oc-
cident, le grand parvis, dont les prêtres occupaient la
plus grande partie, mais à l'entrée duquel les simples
Israélites avaient accès. Du parvis des femmes, on n'a-
percevait qu'imparfaitement ce qui se passait dans le
grand parvis, car l'ouverture de la porte de Nicanor
ne laissait libre que le tiers central de la clôture et ne
permettait guère que devoir l'autel. Dans l'épaisseur de
la clôture étaient ménagées différentes chambres ouvrant
sur le parvis d'Israël. A droite, une première chambre
dans laquelle on cuisait les pains destinés à l'autel, et
une seconde appelée bê( môqéd, « maison du foyer »,
dans laquelle on entretenait un feu constant pour ré-
chauffer les prêtres qui servaient pieds nus dans le sanc-
tuaire. Middoth, \, 6; Schabbath,ï, 11. On y gardait, sus-
pendues dans un réduit pratiqué sous le pavé, les clefs
du parvis et là dormaient les prêtres qui devaient com-
mencer leur service dès l'aube. A ces deux chambres
se rattachaient des locaux où l'on préparait les pains de
proposition, celui où l'on gardait les agneaux destinés
au sacrifice quotidien, toujours au nombre de six au
moins, Erachin, m, 5, et un autre où l'on conservait
les pierres de l'autel profané sous Antiochus le Grand.
I Mach., iv, 46; Gen. Yoma, 15, 1. Cf. Tamid, m, 3.
A gauche, le-vestiaire des prêtres, la chambre des ins-
truments de musique et la chambre des vases ou usten-
siles du Temple. Temura, 1,6; vu, 1, 2; Erachin, vnu
6; Schekalim, iv, 8; v, 6. L'espace réservé aux simples
Israélites au delà de la porte de Nicanor avait toute la
largeur du parvis des femmes, 135 coudées (60 m 75),
mais seulement 11 coudées (4 m 95) de profondeur, ce qui
parait bien peu de chose à côté des dimensions attri-
buées au parvis des femmes. Aussi plusieurs auteurs
ont-ils pensé que l'indication fournie ici parla Mischna,
Middoth, il, 6, était défectueuse. Malheureusement on
n'en a pas d'autre à lui substituer. Il faut donc admettre
que les hommes avaient également accès dans le
parvis des femmes, comme le prouvent d'ailleurs la
présentation des lépreux devant la porte de Nicanor, et
la présence de Notre-Seigneur, de ses disciples et de
beaucoup d'autres auprès des chambres du trésor. Luc,
xxi, 5; Joa., vin, 20. Le parvis d'Israël, avec ses 300
mètres carrés, pouvait contenir aisément un millier
2063
TEMPLE
2064
d'hommes, et, en général, on ne venait là que quand
on avait à assister à des sacrifices particuliers. Deux
portes ouvraient directement sur le parvis d'Israël, la
porte de la Maison du foyer, au nord, et celle des Eaux,
au midi. Le niveau du parvis des prêtres était plus
élevé que celui du parvis d'Israël de 2 coudées 1/2
(l m 12). Pour passer de l'un à l'autre, des degrés étaient
ménagés, au moins au centre, de manière à fournir le
dôkan ou y.pY)-iu';, l'estrade sur laquelle les lévites se
tenaient pour chanter devant l'autel. II Par., v, 12;
II Mach., x, 26; Eccli., xlvii, 9.
8" Le parvis des prêtres. — Ce parvis, aussi large
que les précédents, avait une longueur de 176 coudées
(79 m 20), depuis le parvis d'Israël jusqu'au mur qui était
derrière le Saint des Saints. A droite et à gauche ré-
gnaient des portiques derrière lesquels alternaient de
chaque côté trois salles et trois des portes. Au nord,
après la porte de la Maison du foyer, la salle où on la-
vait les entrailles des victimes, à portée de l'endroit où
on les avait égorgées et écorchées. Tamid, IV, 2. Après
la porte de l'Oblation, la chambre où on salait les peaux
des victimes, et après la porte de Nisôs ou de l'Étin-
celle, la chambre du sel dont on se servait à l'autel.
Du côté du midi, après la porte des Eaux, la salle du
puits, d'où l'on tirait l'eau au moyen d'une roue. Après
la porte des Premiers-Nés, la chambre du bois, dans
avait dit en effet, en parlant de cet endroit : « C'est ici
la maison du Seigneur Dieu, et ici l'autel des holo-
caustes pour Israël. » I Par., xxn, 1. Il ne suit pas de
là rigoureusement que l'autel ait occupé le sommet
même de la roche. Mais on peut penser légitimement
que l'ange apparu à David « près de l'aire d'Oman »,
II Reg., xxiv, 17, se tenait à l'endroit le plus visible,
par conséquent au sommet même, et que l'emplace-
ment ainsi sanctifié fut désigné pour l'autel futur.
Cf. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. m-v, 62, 63;
Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 198 ; Tenz, Position de
l'autel des holocaustes, dans le Palest. Explor. Fund?
Quart. Stat., avril 1910. Lorsqu'en 636 Omar s'empara
de Jérusalem, il déblaya lui-même le sommet de cette
roche des immondices qui la recouvraient et jeta les fon-
dements de la mosquée qui garde encore son nom, mal-
gré sa reconstruction. Les musulmans y vénèrent, sous
le nom de Sakrâ,n rocher», l'antique sommet de l'aire
d'Oman. Ce rocher a 17 mètres de long sur 13 mètres
de large et dépasse le sol de l m 25 à 2 mètres. A l'angle
sud-est, une petite porte ouvre sur un escalier de-
onze marches, qui conduit dans une grotte ou chambra
souterraine de 8 à 10 mètres de diamètre. Sur le solde
cette chambre se trouve une dalle qui sonne le creux
quand on la frappe et donne ainsi à supposer l'exis-
tence d'une cavité sous-jacente. Les musulmans appellent
467. — Autel égyptien avec sa rampe. D'après Naville, Deir el-Bahari, t. i, pi. vm.
laquelle on remisait le bois nécessaire aux sacrifices,
après avoir soigneusement écarté, parmi les provisions
accumulées dans la chambre du parvis des femmes,
tout le bois atteint de pourriture ou travaillé par les
vers. Enfin, à l'angle sud-ouest, la chambre appelée
Liskat gazit, cf. t. m, col. 1843, dans laquelle le sanhé-
drin tenait ses séances. Cette salle avait une entrée
sur le parvis des prêtres, mais aussi une autre sur le
hêl pour ceux de ses membres qui n'étaient pas
prêtres. Aux jours de fête, les juges siégeaient sur le
hêl même, à cause de l'affluence des assistants. Gem.
Sanhédrin, 88, 2; Gem. Yoma, 21, 1; Middoth, I, 5.
D'autres chambres sont signalées au-dessus de celles-là.
Au-dessus de la chambre du bois, il y en avait une où
le grand-prêtre séjournait pendant les sept jours qui
précédaient la lète de l'Expiation. Yoma, i, 1. On cite
encore une salle de bains pour les prêtres, sous la
chambre de la maison du foyer, et d'autres chambres
appelées icauToifôpta, I Mach., iv, 57, dans lesquelles
les prêtres pouvaient s'asseoir pour manger les ali-
ments sacrés ; car il ne leur était jamais permis de
s'asseoir dans leur parvis. Les talmudistes'ne s'ac-
cordent pas toujours sur la dénomination ou la desti-
nation des locaux ou des portes du Temple; leurs indi-
cations, en faisant la part de ce qu'elles peuvent avoir
de conjectural, suffisent cependant pour donner une idée
générale de l'édifice et de ses dispositions intérieures. —
Dans la partie antérieure du parvis des prêtres, tout
convergeait vers l'autel des sacrifices, dont la forme
était empruntée à celle des autels égyptiens (fig. 467),
avec des adaptations spéciales aux exigences du culte
mosaïque. Il s'élevait à peu près dans l'axe de la porte
deNicanor, et, selon toutes les probabilités, sur le som-
met de la roche de l'ancienne aire d'Oman. David
cette cavité Bir el-Arwah, « puits des âmes », et pré-
tendent que les âmes des défunts s'y réunissent chaque-
semaine pour prier Dieu. On croyait et on disait géné-
ralement que cette dalle recouvrait le point de départ
d'anciens conduits souterrains par lesquels, à l'époque
du Temple juif, le sang des sacrifices et les eaux de-
lavage s'écoulaient jusqu'au Cédron. Pendant les nuits
du 2 au 14 avril 1911, les explorateurs de la mission an-
glaise ont fait des sondages réitérés dans le puits des
âmes, par une petite anfractuosité ménagée entre la
dalle sonore et le rocher sur lequel elle porte. Ils ont
constaté que la cavité avait une profondeur maxima de
25 centimètres et qu'il n'y a là par conséquent ni ca-
veau ni conduit. Cf. Lagrange, La prétendue violation
de la mosquée d'Omar, dans la Revue, biblique, 1911,
p. 440. A supposer que la grotte de la Sakrd soit l'an-
cienne citerne d'Oman et que l'autel du Temple ait été
construit au-dessus, c'est donc ailleurs qu'il faudra
probablement chercher l'ouverture des anciens canaux,
lorsque des investigations méthodiques seront possibles.
— L'autel du Temple juif était en pierres non polies
qu'on blanchissait deux fois l'an. Middoth, m, 4. Voir 1. 1,
col. 1271. La rampe d'accès, sans marches, partait du
midi, large de 16 coudées (7 m 20), longue de 32 (14">>40)
et seulement de 30 (13 m 50) en plan. On y répandait du
sel pour empêcher les pieds de glisser à la montée
ou à la descente. Erubin, x, 14. On montait ordinai-
rement par la droite et on descendait par la gauche.
Sur les actes qui s'accomplissaient à l'autel, voir Liba-
tion, t. iv, col. 234; Oblation, col. 1725; Sacrifice,
t. v, col. 1322-1329. En avant de la rampe, à 10 cou-
dées (5 m 25) vers le nord à partir de son commencement,
se trouvait une fosse dans laquelle on versait les cen-
dres. Tamid, i, 4. Cette fosse devait communiquer avec
2065
TEMPLE
2066
les souterrains. Au nord de l'autel, des anneaux fixés
dans le sol par rangées de quatre servaient à attacher
les victimes avant de les égorger; celles-ci étaient en-
suite suspendues à dix colonnes munies d'une triple
rangée de crocs, afin d'être écorchées. Dix tables de
marbre recevaient les membres dépecés et les entrailles
déjà lavées. A l'ouest de la rampe, on posait sur une
table de marbre les parties des victimes qui devaient
être portées à l'autel, et sur une table d'argent les us-
tensiles d'or et d'argent servant aux sacrifices. Tamid,
ni, 4; Gem. Chagiga, 79, 4. Au delà de l'autel, du côté
du midi, se trouvait le grand bassin qui remplaçait la
mer d'airain de Salomon. Jer. Yebamoth, 12, 3; Siphra,
57, 1. A considérer les objets qu'on y voyait et les actes
qu'ony accomplissait, cette partie du Temple présentait
plutôt l'aspect vulgaire d'un abattoir et d'une boucherie
que celui d'un lieu de culte en l'honneur du vrai Dieu.
Mais les anciens ne jugeaient pas comme nous. Les
sacrifices sanglants étaient pour eux l'expression de
l'adoration et de l'obéissance dues à Dieu, et plus les
sacrifices étaient nombreux, plus ils frappaientl'esprit,
plus aussi ils excitaient dans l'âme les sentiments qui
convenaient à la religion encore imparfaite de ces
temps antérieurs à la rédemption.
9° Le vestibule. — Le sanctuaire proprement dit ou
naos était long de 100 coudées (45 m ), et laissait derrière
lui un espace de 11 coudées (4 m 95) jusqu'au mur exté-
rieur. Le vestibule s'élevait donc à une distance de 65 cou-
dées (29 m 25) de l'entrée du parvis des prêtres. Ce vestibule
est décrit par Josèphe, Bell, jud., V, v, 4. On y accé-
dait par 12 marches, hautes d'une demi-coudée (0 nl 22),
et séparées en groupes de trois par des paliers. Il avait
100 coudées (45 m ) de large et autant de haut, mais seu-
lement 11 coudées (4 m 95) de profondeur. Ses deux
parties extrêmes formaient, dit Josèphe, « comme deux
épaules » de 40 coudées (18 m ) chacune, de sorte que
le vestibule était de 80 coudées (36 m ) plus large que le
hêkal, qui venait ensuite. Il avait une ouverture de
70 coudées (31 m 50) de haut sur 25 (ll m 25) de large, sans
portes pour le fermer. Au-dessus, le mur était constitué
par des alternances de pierres et de poutres dont la
longueur croissait en montant de 22 coudées (9 m 90) à
30 (13 m 50). Middoth, m, 7. La baie était close par un
riche et épais rideau, qu'une étoffe plus grossière pro-
tégeait au dehors contre les injures de l'air. Schekalini,
vin, 5; Gem. Tamid, 63, 2. Les talmudistes ne
donnent à cette ouverture que 40 coudées de haut (18 m )
sur 20 de large (9 m ). A l'intérieur du vestibule, aux
poutres de cèdre qui allaient de l'ouverture au mur du
fond, était suspendue une vigne d'or dont les grappes,
prétend Josèphe, avaient la hauteur d'un homme. Elle
provenait du produit d'offrandes particulières, Middoth,
ni, 8; Gem. Tamid, 63, 1, et symbolisait Israël, la vigne
du Seigneur. Jer.,n, 11; Ezech., xix, 10. Le vestibule
contenait en outre une table de marbre pour y déposer
les pains qui devaient être placés devant le Saint des
Saints, et une tabled'or pour recevoir ceux qui en avaient
été enlevés. Menacholh, xi, 7; Schekalim, vi, 4.
10° Le Saint. — Le Saint ou hêkal avait 60 coudées
de haut (27»), 40 de long (18°°) et 20 de large (9-). La
porte, de bois orné d'or, avait 20 coudées de haut (9 m )
et 10 de large (4°>50). Elle se composait de quatre van-
taux et était protégée par un voile. Une petite porte
ménagée au nord permettait d'entrer pour ouvrir la
grande, de l'intérieur. Tamid, m, 7. Au-dessus de cette
porte était suspendue une lampe d'or, don postérieur
de la reine Hélène d'Adiabène. Quand cette lampe ren-
voyait les rayons du soleil levant, les prêtres reconnais-
saient que l'heure était venue de réciter le Sema'.
Gem. Yoma, 37, 2. Le Saint contenait trois objets en
or, le chandelier à sept branches, la table des pains de
proposition, et, entre les deux, l'autel sur lequel on
brûlait les parfums.
11° Le Saint des Saints. — Le debir avait 20 coudées
(9 m ) dans tous les sens. Ni mur ni porte ne le sépa-
raient du Saint, mais seulement deux voiles tendus à
une coudée l'un de l'autre. Le grand-prêtre seul péné-
trait dans ce lieu, au jour de l'Expiation. L'Arche d'al-
liance en étantabsente, on n'y voyait plus qu'une pierre
s'élevant de trois doigts (O^OO) au-dessus du sol. On
l'appelait 'ébe'n sefiyâh, « pierre de position ». Yoma,
v, 2. Etait-ce la pierre sur laquelle reposait jadis
l'Arche d'alliance ? Cf. Le Camus, Notre voyage aux
pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 352. Il est dit que,
dans le debir salomonien, tout était recouvert de
cèdre et qu'on ne voyait pas la pierre. III Reg., vi, 15,
18. Peut-être faut-il excepter la « pierre de position »,
à moins qu'elle fût recouverte par le parquet. Son
origine salomonienne est d'ailleurs problématique.
Mais ce qui est inacceptable, c'est la confusion de cette
pierre avec le sommet de la roche Sakrâ, comme
l'admettent les rabbins et Chaplin, The stone of foun-
dation, dans Palest. Explor. Fund, Quart. Stat., 1876,
p. 23-28. L'emplacement du debir était beaucoup trop
voisin du mur occidental pour coïncider avec le som-
met de l'aire d'Oman.
12° Les chambres. — Autour du monument, sur
trois de ses côtés, comme dans le Temple de Salomon,
il existait trois étages de chambres, qui communi-
quaient entre elles et reproduisaient les dispositions
anciennes. On y arrivait par les deux côtés du vesti-
bule. Chaque étage comptait cinq chambres au sud et
au nord, et huit à l'ouest, dont deux seulement à l'étage
supérieur, en tout 38. Middoth, iv, 3. La destination
de ces chambres n'est pas indiquée. En tous cas, à
raison de leur emplacement, elles n'étaient accessibles
qu'auxlévites. Au-dessus d'elles, la muraille était percée
de fenêtres pour éclairer le Saint. Josèphe fait monter
le toit des chambres à 60 coudées (11 m ), sur une hau-
teur totale de 100 coudées (45 m ). Il restait donc 40 cou-
dées (18 m ) pour l'emplacement des fenêtres. Aux extré-
mités du vestibule, deux autres chambres servaient à
déposer les couteaux des sacrifices.
13° La toiture. — Elle était faite de poutres, peut-
être recouvertes de dalles de pierre. Au lieu d'être
plate, comme les toitures ordinaires, elle était inclinée,
sans doute sur deux plans en angle. Comme les toits
des maisons, Deut., xxn, 8, elle avait une balustrade
protectrice haute de 3 coudées (l m 35). Elle était
hérissée d'aiguilles ou obèles en or, pour empêcher
les oiseaux de s'y poser et de souiller l'édifice
sacré.
14» Les mesures. — La Mischna, Middoth, v, 1,
indique les mesures suivantes pour les diverses parties
du temple.
A la hauteur de l'autel, transversalement du nord au
sud :
Du mur du nord aux colonnes 8 coudées ( 3-60)
Des colonnes aux tables de marbre . . 4 — ( 1-80)
Des tables aux anneaux 4 — ( 1-80)
Les anneaux 24 — (10-80)
Des anneaux à l'autel 8 — ( 3"60)
L'autel et la rampe 62 — (27-90)
De la rampe au mur du sud 25 — (11-25)
135 coudées (60-75)
De la porte de Xicanor au mur du fond :
Delà porte au parvis des prêtres. . . 11 coudées (4-95)
Du parvis à l'autel 11 = ( 4-95)
L'autel 32 — (14-40)
De l'autel au vestibule 22 — (9-90)
Le Temple 100 — (45- )
Du Temple au mur occidental. ... 11 — ( 4-95)
187 coudées (84-15)
2067
TEMPLE
2068
Hauteur du temple, Middoth, iv, 6 :
Soubassement en pierre 6 coudées ( 2"70)
Mur des chambres 40 — (18" )
Toiture des chambres 5 — ( 2"25)
Mur supérieur du temple 40 — (18" )
Toiture du temple 5 — ( 2"25)
Balustrade 3 — ( 1-35)
Aiguilles 1 — ( 0"4S)
. 100 coudées (45" )
Les Paralipomènes, II, ni, 4, dans leur texte actuel
attribuent 120 coudées (63™ d'après la coudée du temple,
54 m d'après la coudée commune) au grand pylône du
Temple de Salomon. Mais ces chiffres sont probable-
ment altérés. Le Temple lui-même n'avait que 30 coudées
de hauteur (15™ 75 ou 13» 50). III Reg. , vi, 2. Le Temple
de Zorobabel était ou devait être haut de 60 coudées
(31 m 50 ou 27 m ). IEsd., vi, 3. Sous ce rapport, le Temple
d'Hérode l'emportait donc sur les deux précédents.
Plus tard, Agrippa II voulut élever le Temple de
20 coudées, pour atteindre la hauteur marquée dans
les Paralipomènes. Dans ce but, il fit venir à grands
frais des bois du Liban. Mais la guerre survint, et Jean
de Giscala employa ces matériaux à des travaux de
défense. Josèphe, Bell, jud., V, i, 5.
Largeur du vestibule du midi au nord :
Mur extérieur méridional 5 coudées ( 2"25)
De ce mur à celui des chambres. . . 10 — ( 4 n, 50)
Du mur des chambres au hêkal. . . 25 — (11»25)
Largeur du hêkal 20 — ( 9" )
Du hêkal au mur des chambres. . . 25 = (11*25)
Dumurdeschambresaumurextérieur. 10 — ( 4"50)
Mur extérieur septentrional 5 — ( 2"25)
100 coudées (45" )
Longueur du Temple de l'est à l'ouest 4_
Mur du vestibule 5 coudées ( 2"25)
Vestibule 11 — ( 4"95)
Mur du Saint 6 — ( 2-70)
Le Saint 40 — (18" )
Intervalle des voiles 1 — ( 0"45)
Le Saint des Saints 20 — ( 9" )
Murdufond 6 — ( 2-70)
Chambres 6 — ( 2"70)
Mur des chambres 5 — ( 2"25)
100 coudées (45" )
15° Aspect général. — Josèphe, Bell, jud., V, v, 6,
termine sa description du Temple par quelques ré-
flexions dans lesquelles il exagère peut-être, mais qui,
adressées à des hommes qui avaient vu, ne peuvent
s'écarter trop de la vérité. « L'extérieur du Temple
n'avait rien que d'admirable pour l'esprit et pour les
yeux. La façade était partout recouverte d'épaisses
lames d'or. Aussi, au lever du soleil, il rayonnait d'un
éclat pareil à celui du feu, et ceux qui avaient à le
contempler devaient en détourner les yeux comme des
rayons solaires. Aux hôtes qui arrivaient de loin, il
apparaissait comme une montagne de neige ; car, là
où il n'était pas revêtu d'or, il était complètement
blanc. Sur le faîte, il était hérissé d'aiguilles d'or très
aiguës, pour empêcher les oiseaux de s'y poser et de le
souiller. » Tacite, Hist., v, 8, dit que le Temple était
d'une «c immense opulence ». Il est difficile de se
rendre compte de l'effet produit. La situation du monu-
ment, dont rien n'obstruait la vue, permettait de l'aper-
cevoir dans son ensemble, surtout du mont des Oliviers.
Mais on ne peut dire si, à la richesse des matériaux,
répondait le caractère artistique de l'ensemble et des
détails. On voit que ce qui frappait surtout les Apôtres,
.d'ailleurs peu artistes, c'était la dimension des pierres.
Matth., xxiv, 1 ; Marc, xni, 2 ; Luc, xxi, 5. Mais
Hérode avait une prédilection pour le style grec ; il le
fit prédominer dans son œuvre. Les portiques, les exè-
dres, les colonnes, les chapiteaux, Jes portes s'inspi^
raient de ce style. Sans doute, ce furent les prêtres qui
construisirent le hiéron. Mais on a vu qu'Hérode les
avait fait initier à l'art de bâtir, et ce fut certainement-
aux règles de l'art grec qu'il les forma. L'agencement
général était juif ; c'était imposé par la tradition et par
les nécessités du culte ; mais ce monument juif était
habillé à la grecque. D'ailleurs, même dans le hiéron,
bien des objets, comme la porte de Nicanor, arrivaient
tout préparés, et par conséquent avaient le caractère du
style adopté. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen
Volkes, t. il,. 1898, p. 48. L'intérieur du Saint et du
Saint des Saints n'est pas décrit par Josèphe. Il devait
être entièrement lambrissé de cèdre et rehaussé de
sculptures et d'ornements d'or, comme dans le Temple
de Salomon. Ces revêtements de bois, les poutres inter-
calées dans la bâtisse et toutes celles de la toiture expli-
quent comment le feu put consumer l'édifice et le ruiner
tout entier. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 41-64.
m. s A dignité. — Le Temple était pour les Juifs le lieu
saint par excellence. C'était le centre religieux vers
lequel ils se rendaient de toute la Palestine et même
de tous les pays étrangers. Voir Pèlerinages, t. v,
col. 24. Il était le symbole visible de la nationalité
israélite et il semblait aux Juifs que, aussi longtemps
que subsisterait le Temple, ils n'auraient pas à déses-
pérer de voir se réaliser leurs espérances de domina-
tion universelle. De là, l'acharnement avec lequel les
assiégés de 70 le défendirent et leur consternation en
voyant que les Romains allaient le détruire. Ce senti-
ment explique l'accusation portée contre Notre-Sei-
gneur. Il avait dit qu'on pouvait détruire le Temple de
son corps et qu'il le reconstituerait en trois jours.
Matth., xxvi, 61 ; Marc, xiv, 58 ; Joa., h, 19. On lui fit
de cette parole un grief de mort, et, quand il fut sur
la croix, on se moquait de lui en la lui rappelant.
Matth., xxvn, 40; Marc, xv, 29. La même accusation
fut formulée contre saint Etienne, Act., vi,14, et contre
saint Paul. Act., xxi, 28. Parler de détruire le temple,
c'était en effet attenter à l'honneur et à l'existence
même de la nation. Ces sentiments dataient de loin.
Déjà, du temps de Jérémie, VU, 4, on répétait: « C'est
ici le Temple de Jéhovah, le Temple de Jéhovah, leTempIe
de Jéhovah ! » et l'on pensait que tout était dit pour assu-
rer le salut commun. — Si le Temple ne justifiait pas cette
confiance présomptueuse, il méritait le plus grand res-
pecta cause de sa destination religieuse. Il représentait
le ciel, qui est souvent appelé le temple de Jéhovah.
Ps. xi (x), 4 ; xxviii (xxvn), 2 ; xxix (xxvm), 9 ; Is., vi,
1 ; Dan., m, 53 ; Apoc, xi, 19 ; etc. C'était la maison de
la prière. Matth., xxi, 13; Marc.,xi, 17. Aussi le Sauveur
exerça-t-il sa sévérité pour empêcher qu'on ne la profa-
nât par un trafic malhonnête et par la licence qu'on se
donnait de la traverser avec des fardeaux, comme un lieu
profane. Matth., XXI, 12; Marc, xi, 15, 16; Joa., il, 14.
Les rabbins disaient eux-mêmes : <> Quel respect est dû
au Temple ? C'est que personne ne vienne dans le parvis
avec son bâton, avec ses chaussures, avec sa bourse,
avec de la poussière aux pieds, qu'on ne s'en serve
pas comme de chemin en le traversant et qu'on n'en
fasse pas un endroit à cracher par terre. » Berachoth,
ix, 5 ; Bab. Jebamoth, 6 6. On jurait par le Temple,
comme par une chose sacrée se rapportant directement
à Dieu. Mais les docteurs, habiles à compliquer la loi
du serment pour en éluder les obligations, distinguaient
de manière à ne prêter aucune valeur aux serments
faits avec certaines formules. Cf. Schebuoth, î. 35,2. Ils
disaient donc : Jurer parle Temple ne vaut, mais jurer
par l'or du Temple oblige. Sur quoi basaient-ils cette
distinction ? On ne le sait. Mais Notre-Seigneur corrige
leur interprétation, en enseignant que jurer par l'or du
Temple, c'est jurer par le Temple lui-même qui sanctifie
l'or, et que jurer par le Temple, c'est jurer par le Dieu
2069
TEMPLE
2070
qui habite [dans le Temple. Matth., xxil, 16-21. Les
étrangers connaissaient bien ces serments captieux que
les Juifs faisaient par le Temple. Martial, Epigram., xi,
94, 2, disait à un Juif:
Eece negas, jurasque mihi per templa Tonantis;
Non credo : jura, verpe, per Anchialum.
Anchialus est ici hay hd-'êl, le Dieu vivant, qui offrait
au poète beaucoup plus de garantie que le Temple. —
L'ordre était assuré dans le temple par une police spé-
ciale, sous les ordres d'un capitaine du Temple. Voir
Pouce, t. v, col. 503. Sur les cérémonies particulières
qui se célébraient dans le Temple à certaines fêtes, voir
Expiation (Fête del'), t. n, col. 2136 ; Néoménie, t. iv,
col. 1588; Paque, col. 2096; Pentecôte, t. v, col. 120;
Tabernacles (Fête des), col. 1961; Trompettes (Fête
des). — La sainteté et la dignité que les Juifs recon-
naissaient au Temple donne une importance significative
à la comparaison dont les Apôtres se servent, quand ils
disent aux chrétiens qu'ils sont les temples de Dieu.
I Cor., m, 16, 17 ; vi, 19 ; II Cor., vi, 16 ; Eph., n, 20.
IV. son histoire. — Quand Hérode eut achevé son
œuvre, au moins dans sa partie essentielle, qui était
la construction du Temple par les prêtres, il l'inaugura
par un jour de fête et de nombreux sacrifices. Le peuple
y prit part avec d'autant plus d'empressement que, ce
même jour, se célébrait l'anniversaire du roi. Josèphe,
Ant. jud., XV, xi, 6. — Sur la fin du règne, le Temple
fut l'occasion d'un tragique incident. Hérode avait fait
placer au-dessus de la porte du Temple, vraisemblable-
ment de la Belle Porte, un grand aigle d'or. Cet aigle
symbolisait probablement Ja suzeraineté romaine. En
tous cas, le rigorisme pharisaïque n'admettait aucune
représentation humaine ou animale, en dehors de
celles que la Loi autorisait en dedans du Temple. Dans
la suite, le palais de Tibériade, bâti par Hérode le
tétrarque. sera incendié, à cause de ses réprésentations
animales. Josèphe, Vit-, 12. Le roi Hérode s'imagina
qu'après avoir donné satisfaction aux pharisiens en rebâ-
tissant le Temple, il pouvait impunément froisser leurs
sentiments bien connus par l'apposition de son aigle
d'or. On n'osa rien dire tout d'abord. Mais, apprenant
que le roi était frappé d'une maladie incurable, deux
docteurs de la loi, Judas de Sariphée et Matthias de
Margalolh, excitèrent des jeunes gens à abattre cet
aigle, qui constituait un affront pour la nation. La
fausse nouvelle de la mort du prince précipita l'exécu-
tion du projet. En plein midi, l'aigle futabattuà coups
de hache. Le gouverneur royal fit alors arrêter qua-
rante jeunes gens, ainsi que les deux docteurs. Le roi
ordonna de brûler vifs les principaux exécuteurs et ses
officiers unirent les autres à mort. Josèphe, Ant. jud.,
XVII, vi, 2-4; Bell, jud., I, xxxm, 2-4. — Les esprits
élaient encore sous l'empire de la colère causée par
ces rigueurs, quand Hérode mourut, laissant sa suc-
cession à Archélaûs. De nombreux pèlerins, arrivés
pour célébrer la Pâque, s'unirent aux mécontents. Les
soldats envoyés pour maintenir l'ordre dans le Temple
furent lapidés par le peuple. Archélaûs fit alors donner
toute la garnison dans l'édifice sacré et trois mille
hommes périrent. Josèphe, Ant. jud., XVII, îx, 1-3;
Bell, jud., II, i, 1-3. — A la Pentecôte suivante, le
peuple se souleva contre Sabinus qui, chargé d'admi-
nistrer provisoirement la succession d'Hérode, avait
commencé par mettre la main sur le trésor royal.
Montés sur les portiques du Temple, les Juifsaccablaient
de pierres les soldats qui combattaient dans les parvis.
Ceux-ci mirent alors le feu aux portiques. Le bois qui
entrait dans leur construction et la cire qui avait servi
à fixer l'or fournirent au feu un aliment propice. Tout
fut consumé et tous ceux qui étaient montés sur les
toitures périrent dans les flammes. Passant alors à
travers le feu, les soldats romains allèrent piller le
trésor du Temple, dont Sabinus préleva sa bonne part.
Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 1, 2; Bell, jud., II. m,
1-3. — A cette époque, le Temple eut la gloire de rece-
voir la visite de celui qui devait l'illustrer à jamais.
Avant les tragiques événements qui suivirent la mort
d'Hérode, l'ange était apparu au prêtre Zacharie,
pendant qu'il brûlait l'encens dans le hêkal. Au dehors,
on attendait Zacharie, et l'on s'étonnait qu'il tardât
tant à sortir. Luc, i, 10-12, 21. Quelques années
auparavant, une jeune fille de Juda, Marie, était venue
s'offrir au Seigneur dans son Temple. Mais elle n'y
habita pas, aucun local du parvis des femmes ou de
l'enceinte n'étant apte à servir de demeure à des jeunes
filles. Voir Marie, t. iv, col. 783. Elle reparut au Temple
après la naissance de son enfant, pour le consacrer au
Seigneur et se purifier elle-même. Luc, n, 22-38. Douze
ans après, Jésus resta au Temple à converser avec les
docteurs, dans une des salles reconstituées sous les
portiques qu'on avait restaurés à la suite de l'incendie,
sans doute avec moins de magnificence. Luc, II, 46.
— Sous le procurateur Coponius (6-9), par conséquent
vers l'époque du pèlerinage de Jésus, mais à une autre
Pâque que celle-là, des Samaritains firent acte d'impiété
dans le Temple. Profitant de ce que, pour les solennités
pascales, les portes du lieu sacré s'ouvraient dès le
milieu de la nuit, ils s'introduisirent subrepticement
et semèrent des ossements humains dans les parvis et
le Temple même. Il fallut interrompre la fête et faire
meilleure garde à l'avenir. Josèphe, Ant. jud., XVIII,
;i, 2. — Le procurateur Ponce-Pilate (26-36) s'empara
du trésor du Temple pour construire un aqueduc, d'où
mécontentement des Juifs, émeute et massacre par les
soldats romains. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 2;
Bell, jud., II, ix, 4. — Sous le gouvernement de ce
procurateur, Jésus-Christ paraît souvent dans le Temple,
à l'occasion de ses voyages à Jérusalem. A sa première
visite, il en chasse les marchands. Joa., n, 14-20. Plus
tard, il enseigne dans le Temple à la fête des Tabernacles.
Joa., vu, 14. Il y absout la femme adultère. Joa.,vin,2.
Les Juifs y tentent de le lapider. Joa., vin, 59. A la fête
de la Dédicace, en hiver, il se promène sous le portique
de Salomon, où les Juifs viennent discuter avec lui et
cherchent encore à le lapider et à l'arrêter. Joa., x, 22-
24, 31, 39. Au jour des Rameaux, il est conduit en
triomphe dans le Temple par le peuple. Il se contente
d'en faire l'inspection et le quitte. Marc, xi, 11. Le
lendemain, il en chasse de nouveau les marchands.
Matth., xxi, 12; Marc, xi,15, 16; Luc, xix, 45. Chaque
jour, il vient enseigner dans le Temple. Luc, xix, 47.
Les princes des prêtres, les scribes et les anciens, c'est-
à-dire les membres du sanhédrin l'y accablent de ques-
tions, pour le prendre en défaut. Matth., XXI, 23; Marc,
XI, 27; Luc, XX, 1. Il vient s'asseoir dans le parvis des
femmes, près du trésor, et y enseigne. Marc, in, 41;
Luc, XXI, 1; Joa., vm, 20. Un jour qu'il sort de cet
endroit, ses disciples lui font remarquer la beauté des
constructions, la dimension des pierres et la richesse
des ex-voto. Jésus leur répond : « Un jour viendra où
il n'en restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit. »
Matth., xxiv, 1-3; Marc, xm, 1-4; Luc, xxi, 5-7. Il
prédit ensuite la grande catastrophe qui fondra bientôt
sur Jérusalem, le Temple et toute la nation. Cf. Dan.,
IX, 26, 27. Chaque matin, le peuple venait de bonne
heure au Temple afin de l'entendre. Luc, xxi, 38. Il
est à remarquer que le Sauveur, qui n'était point de
race sacerdotale, ne pénétra jamais dans le Temple
plus loin que le parvis d'Israël. Le parvis des prêtres,
le hekâl, le debïr, n'eurent donc jamais l'honneur de
sa présence, bien qu'il fût le Fils du Dieu qu'on y
adorait. Il n'en payait pas moins le tribut du didrachme
pour le Temple. Matth., xvn, 23-26. Pendantsa passion,
Jésus rappelle ses entretiens dans le Temple. Matth.,
xxvi, 55; Marc, xiv, 49; Luc, xxn, 53; Joa., xvm, 20.
2071
TEMPLE
2072
On cherche à l'accuser d'avoir voulu détruire le Temple.
Matth., xxvi, 61; Marc, xiv, 58. Judas vient jeter dans
le Temple les trente pièces d'argent qu'il a reçues.
Matth., xxvn, 5. Pendant que Jésus est sur la croix, on se
moque de lui en rappelant la prétention qu'on lui
prêtait de pouvoir détruire le Temple. Matth., xxvn,
40; Marc, xv, 29. A sa mort, le voile du Temple se dé-
chire en deux du haut en bas. Matth., xxvn, 51; Marc,
xvi, 38; Luc, xxm, 45. Voir Voile du Temple. —
Après la Pentecôte, les Apôtres et les premiers disciples
fréquentaient le Temple chaque jour. Act., H, 46. Un
jour qu'ils y montaient pour la prière du soir, Pierre y
guérit un boiteux qui demandait l'aumône près de la
Belle Porte. Il en prit ensuite occasion pour prêcher
Jésus-Christ au peuple sous le portique de Salomon.
Act., m, 2-11. Les membres du sanhédrin survinrent
alors et mirent les Apôtres en prison jusqu'au lende-
main. Act., IV, 1-5. Après leur délivrance, ceux-ci conti-
nuèrent à se réunir tous ensemble sous le même por-
tique. Act., v, 12, 42. Etienne fut accusé de proférer des
propos contre le Temple et contre la Loi. Act., vi, 13, 14.
— Hérode Agrippa I er (38-44), courtisan de Caligula, avait
été mis en prison à Rome par Tibère. Caligula, devenu
empereur, lui rendit la liberté et lui accorda le titre de
roi. En outre, il le gratifia d'une lourde chaîne d'or, du
même poids que la chaîne de 1er de sa prison. Le nou-
veau roi la fit suspendre dans le Temple au-dessus du
trésor, après avoir offert des sacrifices d'actions de
grâces. Josèphe, Ant. jud., XIX, vi,l. Il affectait de se
montrer Adèle observateur des rites mosaïques.
Ant. jud., XIX, vu, 3. En l'an 41, à la fête des Taber-
nacles, il lisait le Deutéronome au peuple dans le
Temple, Deut., xxxi, 10, ce qui fut l'occasion d'une
manifestation sympathique en sa faveur. Sota, vu, 8.
De son temps, le Temple et la nationalité juive cou-
rurent le plus grand danger. Caligula s'était mis en tête
de faire placer sa statue dans le Temple de Jérusalem
et de se faire adorer comme dieu. Le légat de Syrie,
Pétronius, fit tout au monde pour empêcher ou du
moins retarder l'exécution de ce projet, qui soulevait
une opposition irréductible de la part des Juifs. Tout
fut heureusement arrêté par la mort de Caligula (41).
Si la volonté de l'empereur eût été obéie rapidement,
on peut dire que la guerre finale eût été avancée de
trente ans. Josèphe, Ant. jud., XVIII, vin, 1-9; Beurlier,
Le culte impérial, Paris, 1891, p. 263-270. — Après la
mort d'Hérode Agrippa I er , Cuspius Fadus devint procu-
rateur de Judée (44). L'empereur Claude accorda alors
à Hérode de Chalcis, frère d'Agrippa, le pouvoir de
nommer les grands-prêtres et d'avoir la haute main
sur le Temple et le trésor sacré. Josèphe, Ant. jud.,
XX, i, 3. — A cette époque, la reine Hélène d'Adiabène,
qui résidait à Jérusalem, gagna la faveur des Juifs par
ses bienfaits et les largesses qu'elle fit au Temple.
Yonia, m, 10; Bab. Baba bathra, f. dl a. — Sous le
procurateur Cumanus (48-52), un soldat de garde dans
le Temple, pendant les fêtes de la Pâque, révolta les
Juifs par ses indécences. Les réclamations n'ayant
abouti à rien, les Juifs se mirent à lapider les soldats,
puis, pris de panique à l'arrivée de renforts, s'écrasèrent
en voulant fuir du Temple. Josèphe parle de plus de
10000 morts, Bell, jud., II, xn, 1, et même de 20000.
Ant. jud., XX, v, 3. — A son dernier voyage à Jéru-
salem, saint Paul reçut de saint Jacques le conseil de
se rendre au Temple, afin de dissiper les préventions
des Juifs contre sa prédication. Quand il y fut, les
Juifs le virent et crurent qu'il avait introduit avec lui
un gentil dans l'enceinte sacrée. Ils se jetèrent sur lui,
l'entraînèrent hors de cette enceinte et voulaient le
tuer. Le tribun Lysias, informé de l'émeute, accourut
de l'Antonia avec des soldats et se saisit de Paul pour
le faire emmener dans la forteresse. Arrivé sur les
marches de l'escalier qui menait du portique septen-
trional à l'Antonia, Paul demanda à parler et s'adressa
à la foule. Devant l'exaspération des auditeurs, le
tribun le fit entrer dans la forteresse. Le lendemain,
Paul redescendit pour comparaître devant le sanhédrin,
mais il fallut encore le ramener dans l'Antonia pour
le soustraire à la fureur de ses ennemis. Act., XXI, 20-
xxiii, 10. — D'après Hégésippe, saint Jacques le
Mineur aurait été précipité, lapidé et assommé dans le
Temple même (62). Eusèbe, H. E., n, 23, t.xx, col. 197-
204. — Hérode Agrippa II destitua le grand-prêtre
Hanan qui avait fait commettre ce meurtre. Mais lui-
même, dans le palais des Asmonéens qui était près du
Xyste, de l'autre côté de la vallée du Tyropœon, il éleva
un grand bâtiment qui dominait le Temple, si bien que
du triclinium on pouvait voir tout ce qui se passait à
l'intérieur du parvis. Le sanhédrin s'indigna, parce que
les prêtres seuls avaient le droit de voir les cérémonies
qui s'y accomplissaient. On éleva alors une muraille
sur l'exèdre du Temple intérieur, c'est-à-dire au-dessus
du vestibule, ce qui eut pour effet d'intercepter la vue
du côté du palais hérodien et en même temps du côté
du portique occidental, où les Romains se tenaient en
faction les jours de fête. Agrippa et le procurateur
Festus, fort mécontents, exigèrent la démolition du
mur. Les Juifs en appelèrent à l'empereur et, grâce à
l'appui de Poppée, qui était des leurs, ils obtinrent
gain de cause auprès de Néron. Josèphe, Ant. jud.,
XX, vm, 11. En 64, tous les travaux du Temple furent
achevés et plus de 18 000 ouvriers se trouvèrent sans
travail. Pour leur en fournir et en même temps
pour empêcher que l'argent du trésor ne passât aux
mains des Romains, on demanda au roi la réfection
de la porte orientale, qui donnait entrée au portique
de Salomon par la vallée du Cédron. Agrippa recula
devant l'importance de l'entreprise. Mais il autorisa le
dallage des rues de la ville. Josèphe, Ant. jud., XX,
ix, 7. — Les brutalités du procurateur Florus (60-62)
poussèrent les Juifs aux dernières extrémités. Ce fonc-
tionnaire fit prendre dans le trésor sacré dix-sept
talents, soi-disant pour le service de l'empereur.
Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 6. Une émeute s'ensuivit,
dont la répression coûta la vie à 3600 Juifs. Bell, jud.,
II, xiv, 9. Ensuite, les troupes romaines tentèrent de
s'emparer du Temple. Les Juifs les accablèrent de
pierres du haut des maisons, puis, pour empêcher tout
attentat, coupèrent les portiques qui communiquaient
avec l'Antonia. Florus dut s'arrêter. Bell, jud., II, xv,
5, 6. Sur les instances d'Agrippa, les esprits se cal-
mèrent et l'on se mit à reconstruire les portiques.
Bell, jud., II, xvn, 1. — Mais déjà se préparait l'insur-
rection finale. Le capitaine du Temple, Éléazar, inter-
prète du parti des zélateurs exaltés contre la domina-
tion étrangère, déclara qu'il fallait refuser les victimes
des païens, et cesser par conséquent les sacrifices
offerts pour l'empereur et pour Rome. Bell, jud., II,
xvn, 2. Au mois d'août 65, à l'occasion d'une fête, les
zélateurs refusèrent l'entrée du Temple à leurs adver-
saires et, trois jours après, s'emparèrent de l'Antonia
et massacrèrent la garnison romaine. Bell, jud., II,
xvn, 6, 7. Manahem, petit-fils de Judas le Galiléen,
s'était installé dans le parvis du Temple. Éléazar. qui
craignait un rival, l'attaqua et fit grand carnage des
hommes de son parti. Bell, jud., II, xvn, 9. — Parmi
les prodiges précurseurs de la catastrophe, plusieurs
eurent le Temple pour théâtre. Une nuit, pendant les
fêtes de la Pâque, le Temple et l'autel parurent envi-
ronnés d'une vive clarté durant une demi-heure. Une
autre fois, à minuit, la porte de Nicanor, que vingt
hommes avaient peine à fermer, s'ouvrit d'elle-même.
A une fête de la Pentecôte, pendant la nuit, les prêtres
entendirent des voix confuses qui criaient : Sortons
d'ici ! Sous le procurateur Albinus (62-64), un campa-
gnard, nommé Jésus, commença à crier par toute la
2073
TEMPLE
2074
ville : Voix sur Jérusalem et sur le Temple ! Malheur
à Jérusalem! Il ne s'arrêta que quand une pierre
le tua pendant le siège. Josèphe, Bell, jud., VI, v, 3. Cf.
Tacite, Hist., v, 13. — A la veille du siège (70), Jean de
Giscala occupait le Temple comme une place forte, à la
tête de 6000 zélateurs. Simon de Gioras était maître de
la ville. Les deux chefs se combattaient mutuellement.
Cependant, Jean laissait pénétrer dans le Temple, à
leurs risques et périls, ceux qui demandaient à offrir
des sacrifices. Aux fêtes de la Pâque, il fit couler à
flots, dans les parvis du Temple, le sang de ceux qui
n'étaient pas de ses partisans. Bell, jud., V, m, 1;
Tacite, Hist., y, 12. Quand les Romains eurent pris
l'Antonia, on cessa d'offrir les sacrifices dans le Temple
{17 thammouz). Le 22, les Juifs mirent le feu auxparlies
nord-ouest du portique qui communiquait avec l'An-
tonia. Le 27, ils remplirent de matières inflammables
le portique occidental, y attirèrent les Romains en
feignant de fuir et y mirent le feu, qui fit périr beaucoup
de leurs adversaires. Le 28, les Romains incendièrent
le portique du nord. Le2ab, ils commencèrent à battre
le mur nord du Temple. Le 12, le feu fut mis aux portes
du hiéron, et l'incendie entoura bientôt le parvis des
femmes, pour se continuer toute la nuit suivante. Le
14, Titus tint un conseil de guerre, dans lequel il mani-
festa son intention de sauver le Temple. Le lendemain,
les Juifs firent une sortie par la porte orientale du
Temple, mais furent repoussés à l'intérieur, c'est-à-dire
au delà de la porte Nicanor. C'était le 15 ab. Titus
voulait remettre au jour suivant l'assaut définitif. Mais
une nouvelle sortie des Juifs ayant provoqué un com-
bat, les Romains s'avancèrent jusqu'au vestibule du
hêkal. Alors un soldat, mû par une sorte d'impulsion
supérieure, jeta un brandon enflammé à travers une
petite porte d'or donnant sur les chambres situées au
nord de l'édifice. L'embrasement commença. Titus
accourut et voulut faire éteindre l'incendie; la confusion
générale et la fureur de tous ne le permirent pas.
A peine eut-il le temps d'entrer avec ses officiers dans le
hêkal et d'en contempler un moment la splendeur. Cet
incendie se produisait au même jour que celui dont
avait été victime le Temple de Salomon. Le feu fut
ensuite propagé à toutes les autres constructions encore
debout. Josèphe, Bell, jud., VI, i, 1-iv, 8; de Saulcy,
Les derniers jours de Jérusalem, Paris, 1866, p. 346-
382. — Quand toute la ville eut été prise, Titus la fit
ruiner de fond en comble, ainsi que le Temple. Josèphe,
Bell, jud., VII, I, 1. A la pompe triomphale qui eut
lieu ensuite à Rome, on porta, parmi les dépouilles
prises au Temple, la table d'or des pains de proposition,
le chandelier d'or et le livre de la Loi. Bell, jud., VII,
v, 5. — Sous Adrien, à en croire une tradition rabbi-
nique, Bereschith rdbba, 64, les Juifs furent sur le
point d'obtenir l'autorisation de rebâtir le Temple. Mais
les dimensions tolérées étaient si petites qu'ils ne
purent adopter le projet. Bientôt après, par suite de
l'insurrection de Bar-Cochëba, Jérusalem assiégée de
nouveau fut prise, rasée, et dut échanger son nom
pour celui d'jElia Capitolina. Sur l'emplacement du
Temple, un sanctuaire fut élevé à Jupiter (130). Dion
Cassius, lxix, 12. Cf. Germer Durand, Mlia Capito-
lina, dans la Revue biblique, 1892, p. 369-387. Une
médaille de l'époque (fig. 468) représente ce monument
avec quatre colonnes et trois niches, celle du milieu
occupée par un Jupiter Sérapis coiffé du modius. —
Les destinées du Temple de Jérusalem s'achevèrent
sous Julien l'Apostat. Cet empereur se mit en tête de
rebâtir le Temple pour démentir la prophétie de Notre-
Seigneur annonçant sa ruine. Matth., xxiv, 1-2. Sur son
invitation, les Juifs commencèrent le travail avec des
crédits illimités sur le trésor impérial. Le déblaiement
des décombres ne présenta pas de difficultés. Mais,
quand on voulut creuser pour asseoir les nouvelles
fondations, des flammes sortirent du sol à plusieurs
reprises, faisant périr un certain nombre d'ouvriers et
décourageant les autres. L'entreprise ne put donc avoir
de suite. Ammien Marcellin, xxm, 1," Duchesne, His-
toire ancienne de l'Église, Paris, 1907, t. n,p. 334; Va-
candard, Julien l'Apostat et la tentative de restaura-
tion du Temple de Jérusalem, dans la Revue du clergé
français, i" août 1911, p. 359-365. — Pour l'histoire
des destinées subséquentes de l'emplacement du
Temple, voir Guérin, Jérusalem, p. 363-372.
IV. Temple d'Éléphantine. — Voir Sanctuaire, col.
1448. Éléphantine est une île du Haul Nil, à 800 kilo-
mètres au sud de laMéditerranée. Environ 4000 ans avant
J.-C, les pharaons de la dynastie memphite en avaient
déjà fait l'entrepôt de leur commerce avec le Soudan.
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 424. A la pointe
sud, il y avait une ville bâtie sur un plateau à l'abri
des crues. Plus tard, Aménôthès II et Aménôthès III y
élevèrent des obélisques et de petits temples à Khnoum,
le dieu du lieu. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. H,
p. 303. Les Juifs y arrivèrent, probablement à l'époque
468. — Temple d'jElia Capitolina.
D'après la Revue biblique, 1892, p. 379.
Tète Iaurée de Diaduménianus (217-218). c.ant. diadvmenianus.
— fil. coL.AELia capitolina. En exergue pf. Jupiter Sérapis
assis à gauche entre deux personnages debout dans un temple "
tétrastyle.
de la captivité de Babylone, ou peut-être même avant,
attirés par le désir d'y faire du commerce. On a re-
trouvé des papyrus araméens, datés de 470 à 411 avant
J.-C. ; ce sont des titres, des donations ou des quittances,
destinés à rester dans les archives du Juif Mahsyah,
de sa fille Mibtahyah et de ses petits-fils, Iedoniah et
Mahsyah. Cf. A. H. Sayce, Aramaic Papyri discovered
at Assuan, Londres, 1906; Lagrange, Les papyrus
araméens d' Éléphantine, dans la Revue biblique,
1907, p. 258. Des fouilles pratiquées dans l'île ont per-
mis à M. Clermont-Ganneau de retrouver un grand
nombre i'ostraca araméens, sur plusieurs desquels il
a pu lire le nom de Jahô seb'aôt. Il y avait donc là un
quartier juif. Cf. Lagrange, dans la Revue biblique,
1908, p. 260. Enfin, en 1907, de nouveaux papyrus ont
été découverts, qui constatent l'existence d'un temple
juif à ïléphantine. Cf. Ed. Sachau, Drei aramâische
Papyrusurkunden aus Eléphantine, Berlin, 1908;
Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale,
t. vin, fasc. 6-9, 1907. Les papyrus datent du règne de
Darius II (423-405). Dans le premier, des Juifs, Jedo-
niah et ses confrères, prêtres dans la cité de Ièb,
s'adressent à Bagohi, gouverneur de Judée. Ce Bagohi
est le même que Bagosès, dont Josèphe, Ant. jud., XI,
vu, 1, fait un général d'Artaxerxès II, et qui, mécontent
des Juifs, parce que le grand-prêtre Jean avait tué son
propre frère, Josué, protégé de Bagosès, dans le Temple
même, leur imposa une redevance de cinquante
drachmes par agneau immolé. On voit immédiatement
que ce gouverneur ne devait pas être en bons termes
avec le grand-prêtre Jean ou Jochanan. Bagohi exer-
çait déjà ses fonctions sous Darius II. Les Juifs d'Élé-
phantine lui écrivent donc pour l'informer des faits
suivants. L'an 14 (410) de Darius II, en l'absence d'Ar-
cham ou Arsam, l'Arxanès de Ctésias, Persic., 47,
2075
TEMPLE
2076
satrape d'Egypte, Widrang, soudoyé par les prêtres
égyptiens de Knoub, leurs voisins à Iêb, a fait venir
des renforts de Syène et a détruit à main armée leur
sanctuaire. Ils décrivent ainsi les dégâts commis : « Ils
sont arrivés à ce sanctuaire et l'ont détruit jusqu'au sol,
ils ont brisé les colonnes de pierre qu'il y avait là.
Même il arriva encore que des portes de pierre au
nombre de cinq, construites en pierres de taille, qui
étaient dans ce sanctuaire, ils les ont détruites, et ils
. ont enlevé leurs vantaux et les armatures de ces van-
taux en bronze; et la toiture en bois de cèdre, tout
entière, avec le reste de la décoration et les autres
choses qu'il y avait là, ils ont brûlé dans le feu; et les
coupes d'or et d'argent, et tout ce qu'il y avait dans ce
d'alliance. Le tout était nécessairement de dimensions
restreintes. Mais on sait quelle importance les Juifs
attachaient à la splendeur de leur culte. Leur temple
avait donc ses vases et ses ustensiles d'or et d'argent et
sa décoration proportionnée à la richesse des commer-
çants qui s'étaient établis à Iêb. Ils ne voulaient pas que
leur temple fit piètre figure à côté du sanctuaire de
Ehnoub, et c'est peut-être par là qu'ils excitèrent
contre eux la jalousie des prêtres de ce dernier. Les
Juifs d'Éléphantine s'inspirèrent forcément de l'archi-
tecture locale. Un gracieux petit lempled'Amènôthès III,
aujourd'hui détruit (fig. 469), était sous leurs yeux et
s'imposa à l'attention, peut-être même à l'imitation
des constructeurs en certaines parties de leur œuvre.
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9. — Temple égyptien d'Éléphantine. D'après Description de l'Egypte, Antiq., t. i, pi. 35.
sanctuaire, ils l'ont pris et se le sont approprié. » Ce
texte ne permet évidemment pas de reconstituer le
monument, qui n'avait qu'une ressemblance lointaine
avec le Temple de Jérusalem. Néanmoins, les prêtres
juifs d'Éléphantine connaissaient la disposition tradi-
tionnelle du tabernacle mosaïque et du Temple de Salo-
mon. Le culte qu'ils pratiquaient comportait, comme
le montre la suite de leur lettre, des sacrifices, des ho-
locaustes, des oblations, de l'encens « sur l'autel du
Dieu Jahô. » Les dispositions devaient donc être prises
pour que ce culte pût s'exercer selon la Loi. Il n'est
point question de parvis des Israélites, hommes et
femmes; mais on peut le supposer , d'autant plus que
l'édifice a cinq portes considérables, avec des colonnes
de pierre pouvant servir à constituer des portiques.
Un autel à holocaustes nécessite un parvis en plein air,
avec les dépendances indispensables au service du
culte. La toiture en bois de cèdre suppose soit des por-
tiques avec un toit au-dessus des colonnes, soit aussi
un bâtiment couvert, un hêkal, où l'on offrait l'encens
et où brûlait le chandelier traditionnel, mais' probable-
ment sans debîr, puisque l'on ne possédait pas d'Arche
— Les Juifs d'Éléphantine font observer dans leur
lettre que leur temple a été bâti « dès le temps du roi
d'Egypte,» c'est-à-dire avant l'invasion des Perses (525),
et que le conquérant Cambyse a respecté leur sanc-
tuaire, bien qu'il n'ait pas été aussi tolérant pour
d'autres. Depuis que leur temple est détruit, ils se la-
mentent et sont d'autant plus en peine qu'ils ont déjà
écrit une première fois à leur seigneur Bagohi, au
grand-prêtre Jochanan ou Jean, aux prêtres de Jéru-
salem et aux principaux Juifs. Ils se croyaient dans leur
droit en adressant leur supplique et, par conséquent,
en rebâtissant un temple israélite à l'étranger. Peut-
être ne pensait-on pas de même à Jérusalem. Le temple
de Léontopolis n'existait pas encore; mais il était ques-
tion d'établir un lieu schismatique de culte au mont
Garizim, et le grand-prêtre et les notables de Jérusa-
lem ne devaient pas être disposés à répondre favora-
blement aux Juifs d'Éléphantine, alors que la tradition
et aussi la Loi, leur semblait-il, n'acceptaient comme
légitime que le Temple de Jérusalem. De là leur si-
lence. Depuis lors, le désaccord était survenu entre le
grand-prêtre et Bagohi, et les fils de Sanaballat avaient
2077
TEMPLE — TEMPS
2078
naturellement pris parti pour la nouvelle institution
religieuse du Garizim. Était-on informé de la situation
àÉléphantine et cherchait-on à la mettre à profit? Tou-
jours fest-il que la seconde demande d'intervention
est adressée seulement à Bagohi et aux deux fils de
Sanaballat, Delaiah et Chelémiah. Les trois person-
nages s'exécutèrent, satisfaits, sans doute, de faire
pièce au grand-prêtre de Jérusalem et de légitimer,
par un exemple venu de l'étranger, l'entreprise schis-
matique de Samarie ; car Bagohi, lui aussi, était pro-
bablement un Juif investi, comme Néhémie, d'une
fonction administrative par le roi de Perse. Mais
comme ils n'avaient à exercer aucun pouvoir en Egypte,
ils durent se contenter de faire remettre à Archam une
note dont le texte a été retrouvé. « Tu auras à dire en
Egypte, par devant Archam, au sujet de la maison
d'autel du Dieu du ciel qui a été bâtie dans la cité de
Iêb auparavant, avant Cambyse, que ce détestable
Widrang a détruite en l'an 14 du roi Darius, qu'elle
soit rebâtie à sa place comme auparavant, et qu'on
offre des sacrifices non sanglants et de l'encens sur
cet autel, comme auparavant il était pratiqué. » Il s'agit
470. — Restes du temple de Samarie.
D'après la Revue biblique, 1909, p. 438.
donc d'un temple, d'une « maison d'autel ». Il n'est
plus parlé d'holocaustes, comme dans la supplique,
parce que les sacrifices sanglants étaient de nature à
indisposer contre les Juifs les adorateurs du dieu bé-
lier, honoré à Kléphantine. Dès 404, les Égyptiens
reconquirent leur autonomie, pour ne la perdre à nou-
veau qu'en 342, quand les Ptolémées installèrent la do-
mination grecque. On ignore quelle suite fut donnée à
la recommandation de Bagohi. Il est à croire que le
temple d'Éléphantine ne se releva pas de ses ruines.
Il est ignoré de Josèphe et de la Mischna, et, sans la
découverte des papyrus, on n'en aurait pas soupçonné
l'existence. Cf. Lagrange, Les nouveaux papyrus d'Élé-
phantine, dans la Revue biblique, J1908, p. 325-349;
E. Tisserant, Une colonie juive en Egypte au temps
de la domination persane, dans la Revue pratique
d'apologétique, 15 juillet 1908, p. 607-618.
V. Temple de Samarie. — Des fouilles récentes, exécu-
tées par lamission américaine, ont permis de reconnaître
sur la colline de Samarie les traces deplusieurs temples
successifs : le temple dédié à sainte Marie sous l'em-
pereur Zenon; par-dessous, le temple consacré à Jupi-
ter par Adrien, Dion Cassius, XV, 2, recouvrant le
temple bâti par Hérode, Josèphe, Ant.jud., XV, vm,5
sur l'emplacement de l'ancien temple des Samaritains
qui avait été détruit par Jean Hyrcan. Josèphe, Ant.
jud., XIII, ix, 1. Il est probable que ce dernier avait
été lui-même édifié sur les ruines de la « maison de
Baal » construite par Achab. III Reg., xvi, 32. Il n'est
point certain que ces sanctuaires successifs aient été
détruits de fond en comble ; ils ont été plutôt reconsti-
tués l'un après l'autre au moyen de remaniements plus
ou moins profonds. On constate actuellement sur le
sommet de la montagne, qui constitue un splendide
belvédère, les restes d'un temple dont l'axe est dirigé
du nord au sud, sur 25 m de large et plus de 40 de long
(fig. 470;. Au fond d'une cour A, il y a un autel B encore
intact de 4™ sur 2"> et 2 m de haut. A la suite vient un
escalier monumental G comprenant 10 marches, un
palier et 6 autres marches. Il aboutit à une plate-
forme dallée D, qui elle-même en recouvre une autre
d'un niveau un peu inférieur, à laquelle appartiennent
quatre énormes bases de colonnes. Vient ensuite un
mur a b d, À façade bien appareillée, mais à un niveau
très inférieur à la seconde plate-forme. Les matériaux
employés dans chaque partie proviennent fréquemment
de constructions antérieures. Ainsi la partie carrée a d,
qui semble appartenir au temple de l'époque grecque,
renferme des matériaux utilisés dans une construction
antérieure. Le roc sous-jacent présente des traces de
taille ayant précédé toute construction. Les fouilles
actuelles ne permettent pas de tirer de plus amples
conclusions sur la disposition du temple primitif de
Samarie. Cf. H. Vincent, Les fouilles américaines à
Samarie, dans la Revue biblique, 1909, p. 435-445.
VI. Temple de Léontopolis. — Voir Onias IV, t. iv,
col. 1818. M.Flinders Pétrie croit avoir retrouvé, à Tell
el-Yehoudyéh, les restes du temple d'Onias. Mais ce qui
a été découvert a trop peu d'importance pour permettre
de se faire une idée de l'ancien édifice. Cf. Flinders
Pétrie, Hyksos and Israélite Ciliés, Londres, 190(5,
p. 19-27. H. Lesètre.
TEMPS (hébreu : 'ë(, et rarement zemân, yâmîm,
« les jours », (or, « période »; chaldéen : zeman; Sep-
tante : ypôvoc, xoaptjç; Vulgate : tempus), mesure de la
durée des choses créées.
1° Divisions du temps. — L'apparition de la lumière
amena une première division du temps en jours; le jour
se composait du soir et du matin, c'est-à-dire de la nuit
et du jour proprement dit ou période de lumière. Gen.,
I, 5. Les grands astres eurent ensuite pour fonction de
séparer la nuit et le jour, et de marquer les époques,
les jours et les années. Gen., i, 14; Ps. crv (cm), 19;
Eccli., xliii, 6. Sur celte division du temps chez les
Hébreux, voir Calendrier, t. n, col. 63. Encore aujour-
d'hui, dans diverses parties de l'Orient, comme en Asie
Mineure, le jour de 24 heures commence non à minuit,
mais au coucher du soleil. Voir Jour, t. H, col. 1702.
Il y a, pour chaque jour, le temps du matin, le temps
de midi, Jer., xx, 16, le temps du soir, Gen., xxiv, 11;
Zach., xiv, 7, ou du coucher du soleil. Il Par., xvm,
3i. — Il y a aussi, pour l'ensemble des ternes, « le com-
mencement, la fin et le milieu, » c'est-à-dire le passé,
l'avenir et le présent, « les vicissiludes des temps et
les cycles des années. » Sap. , vu, 1S, 19. On dislingue
le temps primitif, ri'Hdh, èv àpyr,, ab inilio, Ezech.,
xxxvi, 11 ; le temps final ou à venir, 'ahârit, tôc ïayjtta,
prœfinitum tempus, Dan., xn, 8; xatpoO Ttépa;, tempus
/inis,Dan.,viii,17;èu / (âToç)rpôvoç, novissimum tempus,
Jud., 18; le moment présent, fugitif comme un clin
d'œil, réga', ypôvoç (iixpri;, punctum, momentum, Is.,
LIV, 7, 8; le temps sans fin, 'ôldm, eê? tov œîwvoc, in
sempiternum. II Par., xxxm, 7; etc. Le mot temps
s'emploie parfois pour désigner une période indéter-
minée. Nabuchodonosor sera saisi par son mal pendant
« sept temps ». Dan., iv, 20, 22, 29. Le prophète priait
« trois temps », c'est-à-dire trois fois par jour. Dan.,
vi, 10, 13.
2° Époques diverses. — Les divers phénomènes qui
se produisent dans la nature, dans la vie des hommes,
dans l'histoire, etc., ont leur place marquée dans le
temps. — 1. Dans la nature. — Il y a le temps de la
pluie, Zach., x,l; IEsd.,x, 13; le temps du printemps,
Gen., xxxv, 16; xlviii, 7; le temps de la sécheresse,
Jer., xvii, 8; Eccli., xxxv, 26; le temps de la moisson,
Gen., xxx, 14; Jos., m, 15; Jer., i, 16; li, 33; Matth.,
2079
TEMPS — TÉNÈBRES
2080
xin, 30; le temps de l'abondance, Jer., li, 6; Eccli.,
xvm,25; xliv, 17; le temps des chants, où les oiseaux
font entendre leur voix, Cant. Il, 12; voir Taille 2,
col. 1973; le temps où les animaux mettent bas, Job,
xxxix, 1, 2; le temps des fruits. Ps. I, 3; Matth., XXI,
34; Marc, si, 13. — 2. Dans la vie des hommes. — Il
y a pour toutes choses un temps convenable, qui est
celui où elles doivent être faites. Lev., xxvi, 3; Num.,
IX, 7, 13; xxni, 23; Deut., xxvm, 12; III Reg., iv, 27;
Ps. civ (cm), 27; cxliv, 15; Prov., xxv, 11; Eccle., vin,
6; Sap., iv, 4; Eccli., xx, 6, 7; Matth., xxi, 41; elc.
L'homme, quand il est maître de ses actions, doit les
accomplir dans le temps convenable. Eccle., m, 1-8.
C'est pourquoi il doit observer le temps et se garder
du mal. Eccli., iv, 23. Il y a le tempsde l'enfantement,
Gen., xxv, 24; Exod., i, 16; Luc, I, 57, le temps des
amours, Ezech., xvi, 8, le temps du sommeil, Eccli.,
XL, 5, le temps de la guérison, Jer., vm, 15; xiv, 19,
le temps de la conversion, Sap., xn, 20, le temps de
fouler le blé, Jer., li, 33, le temps de rassembler les
troupeaux, Gen., xxix, 7, le temps de la vieillesse,
Gen., xxiv, 1; Jos., xm, 1; Job, xxxii, 7; Ps. lxxi
(lxx), 9, le temps de faire la guerre, III Eeg., xi, 11;
Eccli., m, 8, le temps de mourir. Eccli., xxxm, 24;
II Tim., IV, 6, etc. — 3. Dans l'histoire. — Il y a des
temps mauvais ou temps de malheur, Ps. xxxvn (xxxvi),
19; Eccle., IX, 12; Eccli., H, 2; m, 34; li, 14; Jer., n,
27; xi, 12; Am., v, 13; Mich., H, 3; II Mach.,i, 5; des
temps detribulation, Ps. xxxvn (xxxvi), 39; Eccli., xxn,
29; Is., xxxm, 2; Tob., m, 13; Esth., xiv, 12; II Esd.,
IX, 27; de détresse, Eccli., x, 29; xxix, 2; Dan., ix, 25;
xn, 1; d'angoisse, Jer., xxx, 7; I Mach., il, 53; le temps
de la justice divine, Deut., xxxii, 35, de la vengeance,
Eccli., v, 1, 9; Jer., xvm, 23, du jugement, Jer.,xxvn,
7; li, 6; Matth., xm, 33; I Thes.,v, 5; le temps final de
l'iniquité, Ezech., xxi, 30; les jours de ténèbres, Eccle.,
xi, 8; le temps des nations, soit celui où elles exercent
leur puissance, Ezech., xxx, 3, soit celui où elles seront
jugées, Luc, xxi, 24; le temps où Dieu montre sa face,
pour châtier les méchants, Ps. xxi (xx), 10; le temps
de la visite du Seigneur qui vient punir ou sauver,
Jer., vi, 15; vm, 12; x, 15; xlvi, 21 ; xlix, 8; Luc, xix,
44;I Pet., v, 6; le temps de la pénitence, Apoc, II, 21;
le temps de chercher Jéhovah, Ose., x, 12; le temps de
la miséricorde, Ps. en (ci), 14; le temps favorable de
la grâce, Ps. lxix (lxviii), 14; Is., xlix,8; II Cor., vi,
2; le temps du rafraîchissement, Act., m, 20; le temps
de l'accomplissement des promesses, Act., vu, 17; le
temps de l'apparition de l'étoile, Matth., n, 7; le temps
delà ruine de Jérusalem. Luc, xxi, 8, etc. — 4. Dans
la religion. — Il y a un temps marqué pour célébrer
les fêtes. Exod., xxxiv, 23; Lev., xxm, 4; III Reg.,
xix, 29; Esth., ix, 31; etc.
3° Emploi du temps. — Le temps passe comme une
ombre, Eccle., vu, 1; Sap., Il, 1, 5; IX, 5; I Cor., vu, 17.
Il est instable et changeant. Dan., H, 21. Par conséquent,
« pendant que nous avons le temps, faisons le bien
envers tous. » Gai., vi, 10. Il faut racheter le temps,
Eph., v, 16; Col., iv, 5, c'est-à-dire mettre à profit
toutes les circonslances favorables à l'accomplissement
du bien. Car le moment viendra où il n'y aura plus de
temps. Apoc, xxu, 10.
4° Le temps messianique. — Daniel, vm, 17, l'appelle
le temps de la fin. Au moment où Jésus parut, il y
avait des « signes des temps ». Matth., xvi, 4; Luc,
XII, 56. Le Sauveur commença sa prédication en disant :
« Le temps est accompli, » c'est-à-dire l'époque de la
rédemption est arrivée. Marc, I, 15. Celle époque est
appelée la « plénitude des temps ». Gai., lv, 4; Eph.,
I, 10. Le Sauveur parle plusieurs fois de« son temps »,
c'est-à-dire du temps où doit s'accomplir la rédemption.
Matth., xxvi, 18; Joa., vu, 6, 8. Le mot « heure » est
fréquemment employé dans le même sens par saint
Jean, il, 4; IV, 21, 23; v, 25; vu, 30; vm, 20; xn, 23,
27; xm, i; XVI, 32; xvn, 1. Tous les événements de la
vie du Sauveur ont été accomplis au temps marqué.
Rom., v, 6, 8; Gai., iv, 2; I Tim., vi, 15; Tit., 1,3.
Quant aux temps de l'avenir, le Père s'en est réservé
la connaissance. Act., i, 7. H. Lesêtre.
TENEBRES (hébreu : 'ofél, 'âfêlâh, hoSék, hâsêkah,
mahsâk, mà'ûf, néSéf, 'èfdh, 'âltdh, salmavët, qadrùf;
chaldéen : hâSûkâ' / Septante : axoroç, <r/.oita, av-oteta,
axi'a; Vulgate : tenebrse, caligo), absence de lumière.
I. Au sens propre. — 1° Les ténèbres initiales. —
Dans le principe, les ténèbres enveloppaient l'univers
et particulièrement la terre. Gen., I, 2. Par sa puis-
sance, Dieu créa la lumière et la sépara des ténèbres,
c'est-à-dire fit en sorte que, sur la terre, la lumière
apparût pendant un temps déterminé, et ensuite laissât
dans les ténèbres les régions qu'elle avait éclairées :
de là, la distinction du jour et de la nuit. Gen., I, 4, 5.
Ces assertions mosaïques supposent deux faits incon-
testables, à savoir qu'il a fallu une action créatrice pour
que la lumière se produisît à la place des ténèbres, et
que cette lumière n'est pas inhérente à la terre « informe
et vide », mais qu'elle lui vient d'ailleurs. A la science
appartient d'expliquer, autant qu'elle le peut, la nature
de la lumière, sa propagation, et le phénomène de ses
alternances avec les ténèbres sur la terre. Isaïe, xlv, 7,
dit que Dieu a « formé la lumière et créé les ténèbres. »
Les ténèbres sont l'absence d'un phénomène positif, la
lumière ; elles ont été créées en ce sens qu'elles sont
concomitantes aux premiers êtres créés, quand la
lumière ne les éclairait pas encore. Cf. II Cor., iv, 6.
La lumière n'a rien de commun avec les ténèbres,
II Cor., vi, 14, parce que les deux phénomènes s'excluent
mutuellement. — 2° Les ténèbres de la nuit. — Dieu
amène les ténèbres, et il fait nuit. Ps. civ (cm), 20. Il
revêt les cieux de ténèbres, comme s'il les couvrait
d'un sac. Is., L, 3. — Il change, chaque matin, les
ténèbres en aurore. Am., v, 8. — L'horizon est le point
de division de la lumière et des ténèbres, Job, xxvi, 10,
mais « quelle est la demeure des ténèbres ? » Job, xxxvin,
19. — Sous le coup de l'épreuve, Job, m, 4, 5, voudrait
que le jour de sa naissance fût changé en ténèbres. —
Les malheureux tâtonnent dans les ténèbres. Job, xn,
25. Cf. Judith, ix, 7. — « L'homme met fin aux ténèbres »
qui régnent au sein de la terre, en creusant des mines
et en s'éclairant pour les exploiter. Job, xxvm, 3. —
3° Les ténèbres accidentelles. — La neuvième plaie
d'Egypte consista dans des ténèbres telles qu'on pou-
vait les palper de la main. Exod., x, 21, 23;Ps. cv (civ),
28. Ces ténèbres ont été l'effet du khamsin. Voir Oura-
gan, t. iv, col. 1930. La Sagesse, xvn, 2-xvm, 4, décrit
plus au long cette plaie des ténèbres. — Sur la colonne
de nuée, ténébreuse et lumineuse, qui accompagne les
Hébreux à leur sortie d'Egypte, voir Colonne de nuée,
t. il, col. 853. — Des ténèbres se produisirent à la mort
du Sauveur. Matth., xxvn, 45; Marc, xv, 33; Luc, xxm,
44. Elles n'étaient point naturelles. Voir Éclipse, t. n,
col. 1562. — Les anciens d'Israël se cachaient dans les
ténèbres pour pratiquer l'idolâtrie. Ezech., vm, 12;
cf. Is., xxix, 15. — La peste exerce ses ravages dans les
ténèbres. Ps. xci (xc), 6. Mais c'est en vain que le mé-
chant se croit couvert par les ténèbres; les ténèbres
n'ont pas d'obscurité pour Dieu, elles sont pour lui
comme la lumière, Ps. cxxxix (cxxxvm) 11, 12; I Joa.,
I, 5, et Dieu poursuit ses ennemis jusque dans les
ténèbres. Nah., I, 8. Cf. Job, xxxiv, 22. C'est pourquoi
les ténèbres sont invitées à louer Dieu aussi bien que
les autres créatures. Dan., m, 72. — 4» Les ténèbres,
de l'aveugle. — Comme l'aveugle a des yeux qui ne
peuvent percevoir la lumière, il vit comme si les
ténèbres régnaient sans cesse autour de lui. Il tâtonne,
Deut., xxvm, 29, et est assis dans les ténèbres. Tob.,
'2081
TÉNÈBRES
TENTATION
2082
v, 12. Les ténèbres tombèrent sur Saul, quand Dieu le
rendit aveugle sur le chemin de Damas. Act., xin, 1.
Le Messie devait changer pour les aveugles les ténèbres
en lumière. Is., xlii, 16. Notre-Seigneur dit que l'œil
est la lampe du corps, mais que si l'œil est en mauvais
état, tout le corps est plongé dans les ténèbres, Matth.,
vi, 22-23, parce que la lumière n'est plus perçue.
II. Au sens figuré. — Les ténèbres, qui paralysent
la vie physique, sont l'image de tout ce qui peut faire
souffrir l'humanité. Elles figurentdonc: — {«L'ignorance
et l'erreur. — Dieu met au jour les choses cachées dans
les ténèbres, c'est-à-dire inconnues. Job, xn, 22; Dan.,
n, 22. Il fait naître la lumière dans lésâmes à la place
des ténèbres, c'est-à-dire substitue en elles la vérité à
l'erreur ou au mensonge. Job, xxix, 3; II Reg., xxn,
29; Ps., xvm (xvn), 29; cxn (cxi), 4; Mich., vu, 8;
I Cor., iv, 5; I Joa., n, 8. Il y a entre la sagesse et la
folie, Eccle., h, 13, le bien et le mal, Is., v, 20, la même
différence qu'entre la lumière et les ténèbres. — Le
Messie viendra sur la terre pour dissiper les ténèbres
qui enveloppent les âmes : le peuple qui marche dans
les ténèbres verra la grande lumière, Is,, IX, 1, les
aveugles sortiront des ténèbres, Is., xxix, 18, et le
Messie éclairera ceux qui sont dans les ténèbres. Is.,
xi.ii, 7; xlix, 9. La lumière succédera alors aux ténèbres
qui couvraient la terre. Is., lx, 2. Notre-Seigneur a
tenu cette promesse. A sa venue, « la lumière luit dans
les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie, » où
-xaTe'Xaësv, non comprehenderunt , « ne l'ont pas
comprise » ou « ne l'ont pas arrêtée ». Joa., i, 5.
Quand on marche après lui et qu'on croit en lui, on
n'est pas dans les ténèbres. Joa., vm, 12; xn, 46. Les
chrétiens sont ainsi passés des ténèbres à la lumière,
Act., xxvi, 18; Eph., v, 8; I Pet., n, 9; ils sont
lumière et non plus ténèbres. I Thés., v, 4, 5. — Les
docteurs juifs avaient la prétention d'être la lumière
dans les ténèbres. Rom., ic, 19. Les faux prophètes
d'autrefois n'étaient eux-mêmes que des producteurs de
ténèbres. Mich., m, 6; cf. I Joa., i, 6. Parmi ceux qui
vivent et marchent dans les ténèbres, les écrivains
sacrés rangent les méchants, Job, xxn, 11; Ps. xxxv
(xxxiv), 6; Prov., n, 13; iv, 19; les faux prophètes,
Jer., xxiii, 12; les faux docteurs, Eph., iv, 18; les
incrédules, Joa., ni, 19, les insensés, Eccle., n, 14, les
juges iniques, Ps. lxxxii (lxxxi), 5, les misérables,
Ps. cvn (cvi), 10. — % L'épreuve et l'adversité. — Le
malheur fait qu'on marche dans les ténèbres, Job, m,
23; xvn, 12, 13; xix, 8, et qu'on a la face voilée de
ténèbres. Job, xxm, 17. On espère la lumière, et l'on
est plongé dans les ténèbres. Job, xxx,26; Ps. Lxxxvili
(lxxxvii), 7; Is., lix, 9, 10; Lam., m, 2, 6. Toute sa vie,
l'homme mange dans les ténèbres, c'est-à-dire dans la
tristesse. Gesenius, Thésaurus, col. 53i. Mais celui qui
marche dans les ténèbres doit se confier en Jéhovah.
Is.,L, 10; cf. Tob., iv, 11. — 3° Le châtiment. —Les
méchants périront dans les ténèbres. 1 Reg., n,9; Job,
xv, 22, 23, 30; xvm, 18; Ara., v, 20. L'impie rencon-
trera les ténèbres en plein jour. Job, v, 14. Les ténèbres
envelopperont le pays des Israélites, Is., v, 30, vin, 22,
Babylone, Is., xlvii, 5, et l'Egypte. Ezech., xxxn, 8. —
4» La mort et le tombeau. — Si longues que soient les
années, l'homme doit songer aux jours de ténèbres, qui
seront nombreux, c'est-à-dire à son séjour dans le tom-
beau. Eccle., xi, 8. Le tombeau est la « terre des
ténèbres et de l'ombre de la mort, où le jour même est
une profonde nuit. » Job, x, 21, 22. « Si quelqu'un
maudit son père et sa mère, sa lampe s'éteindra au sein
des ténèbres. » Prov., xx, 20; cf. Exod., xx, 12. Voir
Lampe, t. iv, col. 59. Haïr son frère, c'est être dans les
ténèbres. I Joa., n, 9, 11. — 5° Le jugement de Dieu.
— Le jour où Dieu doit exercer son jugement sera un
jour de ténèbres et d'obscurité. Joël, n, 2; Am., v,
18, 20; vin, 9; Soph., i, 15. Ce jour-là, le soleil se chan-
DICT. DE LA BIBLE.
géra en ténèbres. Joël, n, 31; Act., n, 20. —6» L'enfer.
— Notre-Seigneur dit que les méchants seront rejetés
dans les « ténèbres extérieures ». Matth., vm, 12; xxn,
13; xxv, 30. Le séjour de la vie éternelle étant comparé
à une salle de festin, éclairée par des lampes, et dans
laquelle les noces royales sont célébrées durant la nuit,
celui qui est exclu de la salle tombe dans les ténèbres
du dehors, images dé l'enfer qui est en dehors du ciel
où l'on jouit de Dieu, et qui est privé de la lumière
divine. Ces ténèbres sont réservées, en particulier, aux
docteurs de mensonge. II Pet., n, 17; Jud., 13. Les
œuvres qui conduisent à ce séjour du malheur sont
appelées « œuvres de ténèbres ».Rom., xm, 12; Eph.,
v, 11. Ceux qui les accomplissent sont enfants de la
nuit etdes ténèbres. I Thés., v, 5. Satan, inspirateur de
ces œuvres et de tout mal, est la « puissance des
ténèbres >>. Luc, xxn, 53; Eph., vi, 12; Col., i, 13. Un
jour, le royaume de la bête sera définitivement plongé
dans les ténèbres. Apoc, xvi, 10. — 7° Le mystère. —
Quand Jéhovah se manifesta sur le Sinaï, la montagne
fut enveloppée d'une nuée épaisse et comme d'une
fumée intense. Exod., xix, 16,18. Voilà pourquoi il est
dit que le feu et les éclairs brillaient à travers les
ténèbres, les nuées et l'obscurité. Deut., lv, 11; v, 23.
Les ténèbres enveloppent Dieu comme un manteau; il
est entouré des eaux obscures et de sombres nuages.
Ps. xvm (xvn), 12; II Reg., xxn, 12. Ce manteau de
ténèbres dont Dieu s'entoure signifie l'impossibilité où
est l'homme de le voir et de le comprendre. — Notre-
Seigneur ordonne à ses disciples de publier à la lumière,
c'est-à-dire manifestement et publiquement, ce qu'il a
enseigné dans les ténèbres, c'est-à-dire d'une manière
privée. Matth., x, 27; cf. Luc, xn, 3. Mais il n'a pas
eu de doctrine ésotérique, il n'a rien dit dans le
secret, mais a toujours parlé pour tous. Joa., xvm, 20.
Il ne s'agit donc ici que de ténèbres relatives, c'est-
à-dire d'un enseignement qui n'a eu qu'un nombre
restreint d'auditeurs, auxquels le Sauveur a parlé à
l'oreille, et que les disciples devront transmettre en
plein jour et publier sur les toits, à l'adresse de tous
les hommes, en Palestine et en dehors de la Palestine.
— Au jugement, Dieu mettra à la lumière ce qui est
caché dans les ténèbres, c'est-à-dire dans le secret des
consciences. I Cor., iv, 5. H. Lesétre.
1. TENTATION, nom dans la Vulgate, Exode, xvn,
7; Deut., vi, 16; ix, 22; xxxm, 8, d'une station des
Israélites dans le désert. Voir Massah, t. IV, col. 853.
2. TENTATION (hébreu : massdh; Septante : nei-
pacrfioç; Vulgate : tentatio), expérience destinée à faire
connaître la valeur morale de quelqu'un. — Le mot
tentation est pris en différents sens dans la Sainte
Écriture.
I. Tentation de Dieu. — Tenter Dieu, c'est mettre
sa patience à l'épreuve, en manquant à son égard de
confiance, de soumission, de sincérité. Les Hébreux,
au désert, ont souvent tenté Dieu en se défiant de son
assistance et en murmurant. Exod., xvn, 7; Num.,
xiv, 22; Deut., ix, 22; xxxm, 8; Judith, vm, 11;
Ps. lxxviii (lxxvii), 18, 41, 56; xcv (xciv), 9; cvi (cv),
14; Act., xv, 10; Heb., m, 8. Aussi Moïse leur dit-il :
« Vous ne tenterez point Jéhovah, votre Dieu, comme
vous l'avez tenté à Massah; mais vous observerez avec
soin les commandements de Jéhovah. » Deut., vi, 16,
17. Tenter Dieu, c'est donc surtout lui désobéir, par
conséquent révoquer pratiquement en doute sa puis-
sance, sa sainteté, sa justice et sa providence. Avant
d'accomplir un acte religieux, il faut faire attention,
afin de n'être pas « comme un homme qui tente le
Seigneur. » Eccli., xvm, 23. Dieu se laisse trouver par
ceux qui ne le tentent pas. Sap., i, 2. Achaz refusait
hypocritement de tenter le Seigneur, quand Isaïe lui
V. - 66
2083
TENTATION
2084
proposait de demander un signe. Is., vu, 12. Les im-
pies tentent Dieu et échappent à la vengeance, au
moins pour un temps. Mal., III, 15. Ananie et Saphire
tentèrent le Saint-Esprit par leur dissimulation. Act.,
v, 9. Saint Paul recommanda de ne point tenter le
Christ, comme les Hébreux ont tenté Jéhovah. I Cor.,
x, 9. Dans ces différents cas, celui qui tente Dieu fait
une expérience de laquelle il conclut implicitement
à la non-existence de quelque perfection divine. — Ce
n'est pas tenter Dieu que de lui demander un signe de
sa volonté, comme firent Gédcon, Jud., vi, 29, Zacharie,
Luc, î, 18, etc.
II. Tentation de l'homme. — Elle se présente sous
diverses formes. Elle peut provenir soit du dehors,
par le mal physique servant d'épreuve ou de châtiment,
ou par Satan qui porte au péché en diverses manières,
soit du dedans, par l'effet de l'infirmité ou de la corrup-
tion de la nature elle-même.
1. Épreuve du juste. — Dieu tente Abraham en lui
demandant le sacrifice de son fils. Gen., xxii, 1. Abra-
ham se montre fidèle dans l'épreuve et se dispose à
obéir au Seigneur. Eccli., xliv, 21 ; IMach., n, 52. Les
Hébreux sont tentés enÉgjpte parles calamités qui les
accablent, Deut., iv, 34; vu, 19; xxix, 2, et au désert
par divers incidents fâcheux. Exod., xv, 25; xvi, 4;
Deut., VIII, 2; xm, 3. Job est soumis à des épreuves
qui ont pour but de faire éclater sa fidélité. Job, i, 8,
22; h, 3, 10, La tentation se complique pour lui de
l'intervention de Satan et des mauvais conseils de sa
femme. Job, h, 9. Au comble des maux, il se plaint
que Dieu se rit des épreuves de l'innocent. Job, ix, 23.
Finalement, il triomphe de la tentation. Jacob., v, 11.
Dieu éprouve Ézéchias en permettant la visite que lui
font les envoyés de Babylone et au cours de laquelle le
roi succombe à une pensée de vaine confiance dans ses
ressources. II Par., xxxii, 31. Tobie, n, 12, est soumis
à une épreuve destinée à mettre en relief sa patience.
Le Psalmiste demande à Dieu de le mettre à l'épreuve,
pour avoir l'occasion de montrer sa fidélité. Ps. xxvi
(xxv), 2. Dieu éprouve les justes et les trouve dignes
de lui. Sap., m, 5. Il les éprouve comme un père qui
avertit. Sap., xi, 10. L'épreuve suprême de la mort
atteint aussi les justes. Sap., xvm, 20. Sur la tentation
que constitue pour les justes la prospérité des impies,
voir Impie, t. m, col. 846. Le Sauveur tente Philippe
en lui demandant où l'on pourra trouver du pain au
désert. Joa., vi, 6. Les Apôtres sont restés fidèles à
Jésus dans ses épreuves. Luc, xxn, 28. Saint Paul a
enduré des épreuves par les embûches des Juifs. Act.,
xx, 19. L'infirmité de sa chair a été une épreuve pour
les Galates. Gai., iv, 13. La recherche de la richesse
fait tomber dans la tentation. ITim., vi, 9. Les épreuves
qui accablent les chrétiens doivent être pour eux un
sujet de joie. Jacob., I, 2; I Pet., 1, 6, 7. Le Seigneur
délivre de l'épreuve les hommes pieux. II Pet., n, 9.
L'épreuve viendra uu jour sur le monde entier. Apoc,
m, 10.
2. Épreuve du méchant. — Le méchant ne sait pas
faire face à la tentation qui, dès lors, devient pour lui
une cause de péché et de châtiment. Les Hébreux qui
n'ont pas accepté les épreuves avec crainte du Seigneur
et patience ont été frappés de mort. Judith, vm, 24,
25. Les impies ont changé l'épreuve en un châtiment
sévère pour eux. Sap., xi, 10. Us ont fait l'expérience
de la colère de Dieu. Sap., xvm, 25. Les âmes incon-
stantes se retirent de Dieu au moment de l'épreuve.
Luc, vm, 13.
3. Intervention de Satan. — Elle est manifeste dans
la tentation d'Adam et Eve, où elle réussit, Gen., m,
1-6, et dans l'épreuve de Job, où elle demeure^sans
succès. Job, i, 12; II, 5. Satan enlève la semence de la
parole jetée dans les cœurs. Marc, iv, 15. Il a demandé
à passer au crible les Apôtres. Luc, xxn, 31. Il a tenté
avec succès Judas, Joa., xm, 2, Ananie et Saphire.
Act., v, 3. Il dresse des embûches, Eph., VI, 11, et
tend des lacets pour faire tomber dans le mal. I Tim.,
m, 7; vi, 9; II Tim., n, 26. Il rôde comme un lion
pour dévorer. I Pet., v, 8. Il est par excellence le ten-
tateur, 6 iteïpdcÇiov, Matth., iv, 3; I Thés., m, 5. Il ne-
faut pas donner à Satan lieu de tenter, I Cor., vu, 5,
pour ne pas lui laisser l'avantage sur nous. II Cor.,
n,ll. Il faut lui résister, pour le mettre en fuite. IPet. r
v, 9; Jacob., iv, 7. Satan fait jeter des chrétiens en
prison pour les tenter. Apoc, n, 10.
4. Tentation intérieure. — La nature imparfaite et
déchue est pour l'homme la cause la plus dangereuse
de la tentation. « Le péché ne se tient-il pas à ta porte ?
Son désir se tourne vers toi. » Gen., iv, 7. Le mal
cherche donc à s'unir à l'âme, à pénétrer en elle;,
mais elle doit dominer sur lui, en lui refusant son.
consentement. « Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise :
C'est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté
de mal et lui-même ne tente personne. Mais chacun»
est tenté par sa propre convoitise, qui l'amorce et
l'entraîne. Ensuite la convoitise, lorsqu'elle a conçu,
enfante le péché, et le péché, lorsqu'il est consommé,
engendre la mort. » Jacob., i, 13-15. L'apôtre emploie
la même image que la Genèse : le péché résulte d'une
sorte d'union du mal avec l'âme. Dieu ne tente pas, il'
permet seulement la tentation, condition du mérite, et
la tentation, qu'elle vienne du dehors ou de l'homme
même, n'a d'efficacité que si l'âme obéit volontairement
à ses suggestions.
5. Conduite vis-à-vis de la tentation. — L'homme
doit s'attendre à être tenté, car la vertu sans combab
serait pour lui sans mérite. « Celui qui n'a pas été
éprouvé sait peu de choses. » Eccli., xxxiv, 9. Il a été
dit à Tobie : s Parce que tu étais agréable à Dieu,
il a fallu que la tentation t'éprouvât. » Tob., xn, 13.
L'épreuve du serviteur de Dieu ne doit donc pas l'éton-
ner, comme s'il lui arrivait quelque chose d'extraor-
dinaire. I Pet., iv, 12. Dès lors, « heureux l'homme-
qui supporte l'épreuve ! Devenu un homme éprouvé, il
recevra la couronne de vie. » Jacob., i, 12. — En-
entrant au service du Seigneur, il faut se préparer à-
l'épreuve, Eccli., n, 1, prendre garde à la tentation,
Gai., vi, 1, et avoir confiance que Dieu ne permettra,
pas de tentation au-dessus de nos forces, mais ména-
gera une heureuse issue en aidant à la supporter..
1 Cor., x, 13. — Dans l'Oraison dominicale, Notre-
Seigneur nous fait dire: |aï) eîo-Evrptr,; rinâ; à» netpoctr-
[iôv, ne nos inducas in tentationem. Matth., vi, 13;
Luc,, XI, 4. Le verbe grec correspond à l'hiphil hébreu
hêbi\ « faire entrer, mener dans» un lieu. La tentation-
est comme un pays ennemi et dangereux, dans lequel
on prie Dieu de ne pas nous faire entrer. Ce n'est pas
Dieu qui fait entrer dans la tentation; il laisse seule-
ment y entrer. Ici, néanmoins, comme dans bien,
d'autres cas, on regarde comme voulu par lui ce qu'il
se contente de permettre. Le Sauveur emploie la même
image, quand il recommande à ses apôtres de veiller
et de prier, pour « ne pas entrer en tentation. «Matth.,.
xxvi, 41; Marc, xiv, 38; Luc, xxn, 40, 46.
III. Tentation du Sauveur. — Dès le début de son.
ministère public, le Sauveur fut conduit par l'Esprit
dans le désert pour y être tenté par le démon. C'était
donc la volonté divine qu'il en fût ainsi. Au baptême-
qui venait d'avoir lieu, une voix du ciel s'était fait
entendre pour dire : « Tu es mon Fils bien-aimé,
l'objet de mes complaisances. «Matth., m, 17; Marc, i,.
11; Luc, m,22. Satan, voulant se renseigner sur la signi-
fication de ces paroles, demande à Jésus, s'il est le Fils
de Dieu, d'accomplir certains actes qui permettront de
juger s'il est simplement un homme ou plus qu'un
homme. Il l'invite à changer des pierres en pain, pour
apaiser sa faim, à se jeter du haut du Temple, pour se-
2085
TENTATION
TENTE
2086
faire porter par les Anges, enfin à l'adorer lui-même,
pour en obtenir la jouissance de tous les royaumes du
monde. A chaque invitation, le Sauveur oppose un
texte de l'Écriture qui l'autorise à la décliner, de
manière que Satan n'est pas plus renseigné qu'avant et
ne s'éloigne du Sauveur que pour un temps. Matth. ;
iv, 1-11; Marc, i, 12, 13; Luc, IV, 1-13. Les trois ten-
tations se rapportent à la sensualité, à la vaine gloire
et à la jouissance des biens de ce monde. Nos premiers
parents ont succombé à cette triple tentation, le Christ
en triomphe. Il faut noter cependant que la tentation
pouvait avoir et eut en effet un écho dans le cœur
TENTE (hébreu : 'ohél, sukkdh; Septante : oxr,vïj,
oïxo;; Vulgate : tabernaculum, tentorium, papilio),
abri mobile à l'usage des nomades, des soldats en
campagne, et de ceux qui sont obligés de passer leur
vie loin des habitations fixes (fig. 471).
1° Sa disposition. — Les tentes ont été de première
nécessité pour les nomades, obligés de changer con-
stamment de place, à la recherche de pâturages suffi-
sants pour leurs troupeaux. La Bible en fait remonter
l'usage à l'un des descendants antédiluviens de Caïn,
Jabel,« le père de ceux qui habitent sous des tentes et
au milieu des troupeaux. » Gen., iv, 20. Déjà aupara-
471. — Tentes arabes.
d'Adam et d'Eve, tandis que l'âme du Sauveur était inac-
cessible à toute suggestion extérieure. Les termes don
se servent les Évangélistes donnent à penser que la
tentation ne fut pas seulement imaginative, mais réelle,
que Satan se montra à Jésus sous une forme sensible,
qu'il lui fit remarquer les pierres à changer en pains,
le transporta au sommet du Temple et lui montra
du haut d'une montagne les royaumes de ce monde.
Comme la tentation n'eut pas de témoins, il faut en con-
clure qu'elle a été racontée par Jésus lui-même à ses
Apôtres. — Satan revint plusieurs fois à la charge, pour
savoir si Jésus était vraiment le Fils de Dieu; mais le
Sauveur agissait de manière à ce qu'il ne fût pas ren-
seigné. Marc, v, 7; Luc, iv, 41; vm, 28; Matth., xxvn,
40. — Les ennemis du Sauveur le tentèrent souvent,
c'est-à-dire, cherchèrent, par des questions captieuses,
à obtenir de lui des réponses capables de le compro-
mettre. Ce fut toujours en vain. Matth., xvi, 1 ; six, 3;
xxii, 18,35; Marc, vin, 11; x, 2;xn, 15; Luc, x, 25;
xi, 16; xx, 23; Joa., vm, 6. — « C'est parce qu'il a
souffert et a été lui-même éprouvé, lenlatus, que le
Christ peut secourir ceux qui sont éprouvés, tenlan-
ivr. » Heb., h, 18. H. Lesètre.
vant, les hommes s'étaient groupés pour habiter dans
une ville. Gen., iv, 17. Les tentes servaient à préserver
des ardeurs du soleil, Is., iv, 6, du froid de la nuit et
des intempéries. A l'origine, elles furent faites avec
des peaux d'animaux. Exod., xxvi, 14. On employa
ensuite des étoffes grossières fabriquées en poils de
chèvres ou de chameaux. Exod., xxvi, 7. Voir Cilice,
t. il, col. 760. Ces étoffes étaient de couleur sombre ou
noire. L'Épouse, au teint hâlé par le soleil, se dit
« noire comme les tentes de Cédar. » Gant., i, 4.
Aquila et saint Paul exercèrent le métier de fabricants
de tentes, <rxï)vojio'.oé. Act., xvm, 3. Divers accessoires
étaient nécessaires pour que la tente fût mise en place.
Isaïe, liv, 2, y fait allusion : « Élargis l'espace de ta
tente, qu'on déploie les tentures de la demeure, ne
ménage pas la place, allonge tes cordages et affermis
tes pieux. » Les pieux plantés en terre maintenaient les
étoffes à la hauteur voulue. De leur sommet parlaient
des cordages, solidement attachés à de fortes chevilles
de bois enfoncées dans le sol, et destinés à assurer la
stabilité de l'ensemble. Jahel prit une de ces chevilles
pour l'enfoncer dans la tête de Sisara. Jud., iv, 21. Les
pieux, ainsi que d'aulres pièces transversales, per-
2087
TENTE — TENTES (VALLÉE DES)
2088
mettaient de suspendre différents objets, comme dans
les anciennes tentes assyriennes. Judith, xur, 8. Voir
t. h, fig. 36, col. 99; t. iv, fig. 94, col. 287. Les nattes
servant à s'asseoir et à dormir, ainsi que les différents
ustensiles, reposaient sur le sol même. Aussi y avait-
il inconvénient quand les épines envahissaient la
tente. Ose., ix, 6. Anciennement, la tente n'était pas
ouverte sur un côté entier; mais elle avait une porte,
c'est-à-dire un pan d'étoffe pouvant clore l'ouverture
ou être écarté. Gen., xvm, 10. Les deux parois laté-
rales s'appelaient « mains » ou côtés. Voir Main, t. iv,
col. 582. Pour demeurer auprès de quelqu'un, on pou-
vait « fixer ses pieux dans ses parois et dresser sa tente
contre la sienne. » Eccli., xvi, 24, 25. Les tentes étaient
plus ou moins vastes, selon le nombre de ceux qu'elles
devaient abriter. Il est probable que les plus grandes
comportaient des divisions, pour les hommes, les
femmes, les esclaves et souvent le bétail. Au désert, un
Israélite avait introduit une Madianite dans sa qubbâh,
xâ[«vo;, lupanar, l'arrière-tente, la partie la plus
retirée, ce qu'on a appelé depuis, d'après le mot qubbâh,
V « alcôve ». Num., xxv, 8. Les Arabes ont conservé,
en ce qui concerne leurs tentes, les usages qui devaient
être en vigueur chez les anciens Israélites. « Les
Arabes n'ont point d'autres logements que leurs tentes,
qu'ils appellent maisons; elles sont toutes noires, d'un
tissu de poil de chèvre, que les femmes filent, et dont
elles sont aussi les tisserands. Ces tentes sont tendues
d'une manière que l'eau de la pluie coule aisément par*
dessus sans les pénétrer. Toutes leurs familles, leurs
ménages et leurs écuries logent dessous, particulière-
ment en hiver. Celles de l'émir sont de la même étoffe,
•et ne diffèrent d'avec celles de ses sujets que par la
grandeur... Lorsque l'hiver commence à revenir... ils
campent dans des vallons ou sur le rivage de la mer,
où il y a quelques arbrisseaux, à l'abri du vent, et sur
le sable, pour n'avoir point l'incommodité des boues;
les hommes et le bétail logent alors tous pêle-mêle,
pour être plus chaudement. » De la Roque, Voyage
dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 173, 175. Les
Israélites dressaient quelquefois des lentes sur le toit de
leurs maisons, II Reg.. XVI, 22, pour s'y mettre à l'abri,
■comme on le fait encore en Orient.
2° Son établissement. — La tente constituait une
habitation essentiellement mobile, qu'on déplaçait
toutes les fois qu'il était utile. Ézéchias, menacé de
mourir, dit que sa demeure est « enlevée comme une
tente de bergers. » Is., xxxvm, 12. De là les expres-
sions suivantes : 'â(aq, ànéixTr), àitupà;, transgrediens,
profectus, « lever sa tente », Gen., xii, 8; xxvi, 22;
'âhal, Èjx»ivtoffev, habitavit, « établir sa tente », Gen.,
XIII, 12; yahêl, Bié>8a)<7i'/, ponet lentoria, « dresser sa
tente », Is., xm, 20; ndta', TcrjEst <rxr,v^v, figet taber-
naculum, n. fixer sa tente », Dan., xi, 45; tâqa', « fixer
sa tente en clouant », ïnrfe, ioT^ve., exlenderat, fixit,
Gen., xxxi, 25; Jer., VI, 3; etc. AuThabor, saint Pierre
parle de « faire des tentes », 7roiirj3co[j.ev mrjvâ;, facia-
mus tabernacula, Matth., xvn, 4; Marc, ix, 4; Luc,
ix, 33, parce qu'il s'agissait alors de fabriquer des tentes
de toutes pièces. — Les tentes d'une même famille ou
d'une même tribu formaient un groupement plus ou
moins régulier. Voir t. n, fig. 35, col. 93. Au désert, les
tentes des Israélites étaient disposées de manière à
constituer un camp aussi bien ordonné que le per-
mettait la nature des emplacements. Voir Camp, t. n,
col. 94. Ce spectacle fit l'admiration de Balaam :
« Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob, tes demeures,
ô Israël! » Num., xxiv, 5; cf. Exod., xix, 2; Num., Il,
3-31 ; xm. 1 ; xxiv, 2. — L'établissement des tentes a
inspiré plusieurs métaphores. Les auteurs sacrés parlent
de la voûte des cieux comme d'une tente que Dieu a
étendue au-dessus de la terre. Job, ix, 8; Is., xm, 5;
xliv, 24. « Il déploie les cieux comme une tente. »
Ps. civ (cm), 2. « Il étend les cieux comme un voile et
les déploie comme une tente pour y habiter. »Is.,xl, 22.
Saint Paul compare le corps de l'homme à une tente
qui sera détruite par la mort. II Cor., v, 1, 4. Saint
Pierre reprend la même métaphore; il tient à exhorter
les fidèles « tant qu'il est dans cette tente, » qu'il sait-
devoir quitter bientôt. II Pet., 1, 13, 14.
3° Ses habitants. — La Sainte Écriture mentionne
les tentes de Noé, Gen., ix, 21; de Sem, Gen., IX,
27; de Lot, Gen., xm, 5; d'Abraham, Gen., xm, 18;
xvm, 10; etc.; d'Ismaël, Gen., xvi, 12; d'Isaac, Gen.,
xxvi, 25; de Jacob, Gen., xxv, 27; xxxm, 17; etc.;
des Israélites au désert, Exod., xvi, 16; xix, 2; etc.;
des lévites autour du Tabernacle, Num., i, 53; de
Dathan et Abiron, Num., xvi, 24, 26, 32; d'Issa-
char, Deut., xxxm, 18; des Madranites, Jud., vi, 5;
des Arabes, Jud., vm, 10; de Saùl, I Reg., xxvi, 5, 7;
de David, I Reg., xvn, 54; des hommes de Juda en
guerre, II Reg., xi, 11; des Syriens, IV Reg., vu, 8;
d'Holopherne, Judith, x, 16; xn, 4; des Chaldéens
autour de Jérusalem, Jer., vi, 3; de Cuschan et de
Moab, Hab., m, 7; etc. — Des tentes particulières
sont quelquefois attribuées à des femmes, à Sara,
devenue veuve, Gen., xxiv, 67, à Lia, à Rachel, aux
deux esclaves Bala et Zelpha, Gen., xxxi, 33, à Jahel,
Jud., iv, 18. La polygamie rendait nécessaire la distinc-
tion des tentes pour les femmes d'un même mari. La
famille des Réchabites persista toujours à habiter sous
des tentes. Jer., xxxv, 7, 10. Aux tentes des person-
nages aisés étaient attachés des serviteurs. Job, xxxi,
3L. — On se tenait assis à la porte de sa tente, de
manière à jouir de l'ombre pendant la chaleur du jour.
Gen., xvm, 1. On préférait parfois rester dessous. Gen.,
Xvm, 9; xxv, 27. Au désert, quand la colonne de nuée
descendait sur le Tabernacle, les Israélites se proster-
naient à l'entrée de leurs tentes. Exod., xxxm, 8, 10.
Plusieurs fois, ils murmurèrent dans leurs tentes.
Deut., i, 27. — Comme les tentes furent longtemps
l'habitation des Israélites, les expressions suivantes
restèrent en usage, justifiées d'ailleurs littéralement au~
cours des campagnes militaires : « renvoyer chacun
dans sa tente », Jud., vii, 8; I Reg., xm, 2 ; « retourner
à sa tente », Jud., xx, 8; « fuir à sa tente », I Reg.,
iv, 10; II Reg., xvm, 17; xix, 8; IV Reg., vm, 21; xiv,
12. Le cri : « Chacun à sa tente! » était le signal de
l'abandon d'un parti. II Reg., xx, 1; III Reg., xii, 16.
— Le sort des habitants d'une tente était attribué à la
tente elle-même. Bien que la paix soit exceptionnelle-
ment sous la tente du brigand, Job, xn, 6, la tente des
impies est vouée au malheur et à la destruction, Job,
vm, 22; xv, 34; xvm, 6, 14, 15; xx, 26; xxi, 28; Dieu ,
en arrachera le méchant. Ps. lu (li), 7. Au contraire,
le bonheur est sous la tente du juste, Job, v, 24; Dieu
l'y visite, Job, xxix, 4; le fléau n'en approche pas,
Ps. xcil (xci), 10; on y entend retentir les cris de joie,
Ps. cxviii (cxvn), 15, et la tente des justes fleurira,
c'est-à-dire verra toutes les prospérités. Prov., xiv, 11.
Cependant malgré le soin qu'on prend d'écarter l'ini-
quité de sa tente, Job, xi, 14; xxn, 23, cela n'empêche
pas qu'elle soit momentanément assiégée par les
épreuves. Job, x, 12. H. Lesêtre.
2. TENTE DE TÉMOIGNAGE (Vulgate : Taber-
naculum testimonii). Voir Tabernacle, col. 1051.
3. TENTES [VALLÉE DES], (hébreu : 'Êméq
Sukkô( ; Septante: t| xot'Xa; xûv ctxtjvoùv). La Vulgate
traduit Ps. lix (lx), 6; cvil (cvm), 8, le nom propre
Sukkôt par tabernacula, « tentes », lequel devait venir à
cette vallée des tentes qui y avaient été dressées. Dieu
prophétise à David qu'il partagera et divisera à son gré,
comme le faitunpropriétaire, Sichemet Soccoth.CeSoc-
cothest, d'après les uns, le Soccoth à l'est du Jourdain,
2089
TENTES (VALLÉE DES) — TÉRÉBINTHE
2090
mentionné dans la Genèse, xxxm, 17 ; Jos. , XIII, 27, situé
non loin du fleuve Jaboc. Cette identification est contestée
par d'autres, mais elle est la plus vraisemblable, et ce
nom semble bien convenir à la plaine du Jourdain, au
sud du Jaboc, l'actuel Nahr-ez-Zerqa, cf. Jos., xvi, 27,
près du Djisr ed-Damiéh. Voir Jourdain, carte, fig.300,
t. m, col. 1726.
TEPHILLIM. Voir Phylactères, col. 349.
1. TÉRÉBINTHE (VALLÉE DU) (hébreu : Éméq
hâ-'Êlâh; Septante .* r\ xotXàc xf,ç Sptidç; Y] -xoiXàç 'HXot),
vallée où campaient les Israélites quand David tua Goliath.
I Sam. (Reg.), xvii, 2, 19; xxi, 9. C'est probablement
la vallée qui porte aujourd'hui le nom de Ouadi es-
Sent (Térébinthe), la troisième et la plus méridionale
des vallées qui débouchent dans le pays des Philistins.
Les Philistins étaient campés entre Socho (Schouékéh)
et Azéca (t. I, col. 1303). Voir ibid., fig. 384. Plusieurs
voyageurs modernes identifient cette dernière avec
Beit Nettif. La position des deux armées ennemies était
si forte qu'il était dangereux pour l'un des adver-
saires d'aller attaquer son antagoniste et de s'exposer à
recevoir ses coups en gravissant la montée au haut de
laquelle il s'était établi. David assura la victoire aux
Israélites : il alla courageusement attaquer Goliath qui,
comptant sur la supériorité de sa force personnelle,
défiait les Israélites, et il le tua. Voir Goliath, t. m,
col. 268; David, t. n, col. 1911.
2. TÉRÉBINTHE (hébreu 'êlâh,'àllâh, pluriel 'êlim;
Septante: TEpl6iv9oç, Tspé]juv8oç; Vulgate: terebinthus),
grand et bel arbre de Palestine.
I. Description. — Cet arbre est rattaché par les bota-
nistes au genre Pistacia, commeleLentisque. Voir Pista-
chier et Lentisque, col. 445; t. îv, col.. 166. Mais landis
que ce dernier a des feuilles persistantes, celles du Téré-
binthe, fig. 472, sont caduques etpourvues en outre d'une
foliole impaire à leur extrémité. Les fleurs en panicules
latérales et composées naissent sur les rameaux de
l'année précédente, au-dessous des feuilles. Calice brun,
anthères et stigmates pourpres.: à la maturité, fruit en
drupe sèche, globuleuse apiculée, de la grosseur d'un
pois, rouge puis brune. L'arbre, de taille moyenne,
peut atteindre dans certaines circonstances favorables
de grandes proportions. Les rameaux en sont étalés en
parasol, et l'écorce rugueuse d'un brun rougeàtre laisse
échapper, surtout après incision, un suc résineux qui,
concrète, donne la Térébenthine de Chio. F. Hy.
II. Exégèse. —1° Noms et identification. De la racine
ul, 'il, qui a ridée de force, dérivent plusieurs noms
d'arbres vigoureux et d'un beau port : 'êldh, 'allâh, et
'èlôn, 'allon. On remarquera que 'allâh, qui ne se pré-
sente qu'une fois, est avec sa voyelle brève et son da-
guesch, rrtN, l'équivalent de 'êlâh, muni d'une voyelle
T -
longue. Il en est de même de 'allôn, par rapporta 'êlôn.
Aussi sans leur ponctuation, ces formes diverses se
ramènent à deux qui ne diffèrent que par la terminai-
son : nbs et pbx. Ce sont certainement deux noms
d'arbres différents, comme le prouvent Isaïe, vi, 13, et
Osée, iv, 13. Isaïe, vi,13, juxtapose dans la même phrase
nbN et pbx :
Comme le 'êlâh et le 'allôn conservent leur souche.
Osée, iv, 3, fait de même :
Ils brûlent l'encens sur les collines
Sous le 'allôn, le peuplier, et le 'êlâh.
Or 'allôn qui se présente neuf fois dans la Bible est
toujours rendu dans la Vulgate par chêne et de même
par les Septante, sauf une fois. Le sens, comme on
peut le voir, t. n, col. 653, est donc bien celui de chêne.
'Êlâh doit donc désigner un autre arbre. Il est vrai
que les versions sont très variées et très inconstantes
dans la traduction de ce mot. Peut-être faut-il l'attri-
buer à des leçons différentes ou à des erreurs de lec-
ture du texte hébreu. Parfois on rencontre la traduction
chêne qui ne saurait se soutenir, en face des textes,
Is., vi, 13, et Ose., iv, 13, cités plus haut. Plus générale-
ment les versions tiennent pour le térébinthe. Et les
caractères du 'êlâh soulignés dans les textes convien-
nent parfaitement au térébinthe. II Beg., xvm, 9, 10,
14; Ose., iv, 13; Eccli., xxiv, 22 (grec 16).
J. D. Michaëlis, Supplementa ad lexica hebraica,
Gœttingue, 1792, in-8», t. i, p. 73, attribue à 'êlôn un sens
autre qu'à 'allôn et semblable à 'êldh. Pour l'établir, il
rappelle qu'au lieu nommé 'Êlônê Mamré, l'historien
Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 7, constate l'existence d'un
antique térébinthe. Mais il oublie qu'au même endroit
472. — Pistacia terebinthus.
Josèphe, dans ses Antiquités juives, I, x, 4, place un
chêne. Nous avons d'ailleurs montré, t. u, col. 657, que
primitivement Mambré avait un bois de chênes, une
chênaie, mais que les Septante ayant traduit 'êlonê par
un singulier 5p-jç, on en vint insensiblement à identi-
fier 'Êlônê Mamré avec le plus beau chêne de la région,
et à son défaut avec le plus bel arbre, comme le téré-
binthe qui, le chêne disparu, prenait sa place dans les
localisations populaires du passage d'Abraham.
Quant à 'êlim, ce mot peut être ou le pluriel de 'êl, avec
le sens de divinités, idoles, ou bien le pluriel (forme
masculine) de 'êldh. Dans Is., lvii, 5, 'êlim est pris par
plusieurs exégèles dans le sens de térébinthe, mais il
est préférable d'y voir des divinités, des idoles. Dans
Is., I, 29, la comparaison avec le verset suivant porte au
contraireà prendre 'êlim pour le pluriel de 'êlak (t. 30),
comme gannôf, «. les jardins », du jp. 29, répond au singu-
lier gan, « jardin », du f. 30. Il s'agit des Israélites qui
dans les bois sacrés, honoraient les idoles, et le pro-
phète leur fait cette prédiction :
Us auront honte des tërébinthes qui les charment,
Us rougiront des jardins qui leur plaisent.
Ils seront comme le térébinthe dont le feuillage tombe,
Comme le jardin qui n'a plus d'eau.
2091
TEREBINTHE
TERRE
2092
I saïe, lxi, 3, compare les Is raéliles assagis par la cap-
tivité au térébinlhe, à cause de son tronc vigoureux et
de son feuillage vert :
On les appellera des térébinthes de justice
Une plantation de Jahvéh pour sa gloire.
Cependant dans ces deux exemples le sens de téré-
binthe pour 'êlim, assez généralement adopté par les
exégètes, Condamin, Le livre d'haïe, in-8°, Paris, 1905,
p. 14, et 354, n'es! pas absolument cerlain. Ce mot
pourrait bien n'avoir que le sens général de « grand
arbre ». Ce sens général du moins se comprend mieux
dans Exod., xvi, 1, où le nom de 'Elim est donné à un
lieu où il n'y avait pas de térébinthes, mais soixante-dix
beaux palmiers. En araméen, 'ilênâ ilônô est le nom
d'arbre en général. Dan3 Daniel, IV, 10,11, 14, 20, 23,
26, 'ilân a le sens du mol arbre.
2° Le térébinthe dans la Bible. — Le livre de l'Ecclé-
siastique, xxiv, 22, dans l'éloge de la Sagesse, fait allu-
sion au port majestueux du térébinlhe :
Comme un térébinthe j'ai étendu mes rameaux,
Et mes rameaux sont des rameaux de gloire et de grâce.
C'est la même image qu'on rencontre dans la pro-
phétie de Jacob, xlix,21, entendue avec les leçons lues
par les Septante :
Nephthali est un térébinthe qui étale ses rameaux,
Il fournit des branches splendides.
Dans les pays brûlés par le soleil, on cherche volon-
tiers l'ombre des grands arbres. Le prophète de Béthel
trouva l'homme de Dieu venu de Juda assis sous le
térébinthe, III Reg., xm, 4; c'est sous le térébinthe
qui était à Éphra que Gédéon Irouva l'ange du Sei-
gneur et vint lui offrir des pains sans levain et la chair
d'un chevreau. Jud., VI, 11, 19. Les rameaux s'étalent
souvent à peu de distance du sol : Absalom s'en-
fuyant sur son mulet s'embarrassa dans les branches
touffues d'un térébinthe et resta suspendu par la che-
velure. II Reg., xvm, 9, 10, 14. Chez les Hébreux, le
peuple, vivant près des Chananéens ou des Arabes, en
adopta souvent les pratiques et eut ses arbres sacrés.
P. Lagrange, Études sur les religions sémitiques,
in-8°, Paris, 1903, p. 168-179; H. Vincent, Canaan,
in-8°, Paris, 1907, p. 144-146; A. Jaussen, Coutumes
des Arabes au pays de Moab, in-8°, Paris, 1903, p. 330,
334. Les beaux térébinthes étaient, comme les chênes,
choisis de préférence. Au pied du térébinthe on offrait
des sacrifices. Ose., IV, 3. Sous le térébinthe de Sichem,
Jacob enfouit les téraphims que les membres de sa
famille portaient avec eux. Gen., xxxv, 4. C'est au pied
du térébinthe de Jabès qu'on enterra les corps de Saûl
et de ses fils. 1 Par., x, 12. Soit à cause d'un térébinthe
célèbre, soit à cause d'une futaie de ces arbres, la
vallée près de Masépha avail pris le nom de vallée du
Térébinthe. C'est là quel es Israélites rencontrèrent les
Philistins et que David frappa Goliath et lui trancha
latêle. I Sam. (Reg.), xvii, 2, 19; xxi, 9. Elle se nomme
aujourd'hui Ouadi-es-Samt. Le térébinthe dont les
branches ont été coupées et repoussent sert de compa-
raison au prophète pour annoncer la vie nouvelle que
reprendra la souche d'Israël. Is., l, 29, 30.
3" Produit du térébinlhe. — Parmi les objets et les
productions de la Palestine portées par les enfants de
Jacob au minisire du pharaon, Gen., xliii, 11, figurent
les bolnitn que les Septante traduisent par TepéëivOoç
et la Vulgale par terebinthus. Il ne saurait s'agir du
fruit du térébinthe, mais bien des noix du pistachier
(voir t. v, col. 444). Au contraire le sôri ou sert du
même passage de la Genèse que les Septante traduisent
par pTJTtviic et la Vulgate pair retina, paraît bien être la
résine du Pistacia Terebinthus. Comme on le sait, le
suc résineux de cet arbre, qui exsude par les fissures
de l'écorce durant tout l'été, coule avec plus d'abon-
dance lorsqu'on a soin au printemps de pratiquer des
incisions au tronc et aux principales branches. On fait
tomber la résine sur des pierres plates placées au pied
de l'arbre et on la ramasse après qu'elle a été un peu
durcie par la fraîcheur de la nuit. Un térébinthe de
grande taille, d'un mètre cinquante de circonférence
environ, n'en produit que 300 à 350 grammes par an.
C'était donc un produit assez rare et il était très appré-
cié. « Nous savons, dit Galien, que la meilleure de
toutes les résines est la térébinthine; nous l'employons
pour la confection des médicaments. » Ces caractères
conviennent exactement au sôri biblique. C'était un
produit de Galaad. Gen., xxxvm, 25; Jer., xlvi, 11. C'est
dans la forêt d'Éphraïm, à l'est du Jourdain, qu'un téré-
binthefutfatalaAbsalom.il Sam. (Reg.), xvm, 14. Des ca-
ravanes de marchands ismaélites venant de Galaad l'em-
portaient en Egypte. Gen., xxxvn,25. Jérémie conseille
à l'Egypte malade de monter en Galaad pour y trouver
le sôri bienfaisant. Jer., xlvi, 11. Comme on le fait
d'une substance rare et précieuse, on peut en ofïrir
sans déshonneur une petite quantité. Gen., xliii, 11,
Jacob remet à ses enfants pour le ministre du Pharaon
modicum résinée. C'est un des produits qu'Israël con-
tinua d'exporter sur les marchés de Tyr. Ezech., xxvtr.
Ce produit servait à préparer des médicaments.
Jer., vin, 22; xli, 11; li, 8.
N'y a-t-it plus de sôri en Galaad?
Ne s'y trouve-t-il plus de médecins?
Pourquoi n'as-tu pas mis un bandage
A la fille de mon peuple?
Il n'est pas sans intérêt, pour l'identification présente
du sôri, de dire que chez les Arabes la résine du lenlisque
s'appelle seri, seru, et qu'ils confondaient le lentisque et
le térébinthe en les appelant du même nom. Les tribus
arabes du nord de l'Afrique utilisent pour les menus
usages la résine d'une espèce voisine du lerebinlhus,
le Pistacia atlantica.
La résine du térébinlhe était connue en Egypte so:is
le nom de H s= •, sounter (en copte corrre). On
I « » •
trouve le nom dans les plus anciens texles. On voit par
le papyrus médical de Berlin (p. 3, lig. 5) qu'il était em-
ployé dans les remèdes. On voit par les allusions de
Jérémie, xli, 11, que les Égyptiens le faisaient venir
de Galaad. Les inscriptions de Deir-el-Bahari nous
montrent qu'ils le trouvaient aussi sur les bords de la
mer Rouge, au pays de Pount.
Voir O. Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam,
1748, 1. 1, p. 34-58; Gesenius, Thésaurus, p. 50-51 ; V. Lo-
ret, La flore •pharaonique, 2 e cdit., in-8°, Paris, 1892,
p. 97; A. P. Slanley, Sinai and Palestine, in-8°, Londres,
1858, p. 518-520. E. Levesque.
TERPHALÉENS (hébreu : Tarpeldyë' ; Septante :
TaryaXXaîoi), peuple vaincu par le roi d'Assyrie Ase-
naphar (forme altérée du nom d'Assurbanipal, t. i,
col. 1080, selon toute probabilité) et déporté par lui en
Samarie. I Esd. r iv, 9. L'identification des Terphaléens
est incertaine. On a rapproché ce nom des Tanovpoî
de Ptolémée, vi, 2,6; Arrien, Alex., III, 8, 7, Tàjtvpoi,
dans Strabon, XI, vin, 6 ; ix, 1 ; xm, 3, tribu mède
à l'est de l'Elymaïde, etaussi des Tap«?,Ts; de Strabon,
XI, H, 11, tribu Méotide (Mïiùtol'.). Rawlinson a proposé
de les reconnaître dans les Tuplai des inscriptions
assyriennes, c'est-à-dire dans les Ti6apr,voî du Pont;
Hitzig dans Tripoli de Phénicie, etc. Toutes ces conjec-
tures sont loin d'être établies, et aucune n'est satisfai-
sante.
TERRE (hébreu : 'érés, la terre en général, 'add-
mdh, la matière dont la terre est formée ou un pays,
(êbêl, terme poétique; chaldéen : 'aras, 'âraq; Sep-
2093
TERRE
2094
' tante : y^ ; Vulgate : terra, humus), la planète qui
■sert d'habitation aux hommes. — La Sainte Écriture
prend le mot « terre » en divers sens.
I. Sens cosmologique. — 1» État de la terre. — La
terre a été, comme le ciel, créée par Dieu à l'origine
■et méthodiquement agencée par sa puissance. Gen., i,
1-25. Voir Cosmogonie, t. n, col. 1034. Pour les
Hébreux et pour les écrivains sacrés, qui, sur les
questions scientifiques, ne sont que l'écho des idées
populaires de leur temps, la terre forme un tout paral-
lèle au ciel visible. Le ciel et la terre composent l'uni-
vers, Gen., I, 1; xiv, 19; Exod., xxxi, 17; etc.; les
astres du firmament éclairent la terre et y divisent les
temps. Gen., i, 14-18. Les Égyptiens imaginaient la
terre comme une sorte de table formée des continents
■et des mers, et entourée de montagnes dont quatre,
situées aux points cardinaux, soutenaient le plafond de
fer qui constituait le firmament et d'où pendaient les
étoiles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 16-17.
Les Chaldéens se la figuraient comme une sorte de
couffe renversée, formant la partie basse du monde.
Elle s'exhaussait peu à peu jusqu'aux régions neigeuses
des sources de l'Euphrate, où elle avait son point cul-
minant. Elle était entourée d'une mer mystérieuse au
delà de laquelle se dressait une muraille uniforme et
continue, appelée la « levée du ciel », parce que le ciel
s'appuyait sur elle. Le ciel élait une coupole de métal
dur que le soleil illuminait pendant le jour et qui était
semée d'étoiles pendant la nuit. Cf. Maspero, Histoire
ancienne, t. I, p. 543-544. Les écrivains sacrés s'ins-
pirent de ces idées, mais sans les préciser. Dieu a posé
les fondements de la terre, il en a déterminé les
dimensions et a tiré sur elle le cordeau, il en a posé
la pierre angulaire sur laquelle reposent ses bases.
Job, xxxviii, 4-6. Il a fondé la terre et affermi les
cieux. Prov., m, 19; vm, 29; Is., xl, 21; Jer., xxxi,
37; Mich., VI, 2; Zach., XII, 1; Eccli., xvi, 19; Heb., i,
10. Il a affermi la terre sur ses bases et elle est à
jamais inébranlable. Ps. civ (cm), 5. Pour Isaïe, XL, 22,
la terre est un l.iûg, f-Opoç, orbis, un cercle, expression
qui ne suppose point l'idée de globe, mais qui
•exprime seulement celle de l'horizon circulaire.
Cf. Prov., vm, 27. La surface terrestre repose sur des
colonnes, I Reg., n, 8; Job, ix, 6; Ps. lxxv (lxxiv), 4,
manière de parler qui peut être purement poétique,
car ailleurs il est dit que Dieu « étend le septentrion
sur le vide, il suspend la terre sur le néant. » Job,
xxvi, 7. Cette dernière conception est en harmonie
avec la réalité, à condition de prendre le vide et le
néant dans un sens relatif. En Chaldée comme en
Egypte, on croyait le monde en équilibre sur les
■eaux éternelles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i,
p. 543. Moïse suppose aussi des eaux au-dessous de la
terre, Exod., xx, 4, et des auteurs postérieurs disent
•que Dieu a « fondé la terre sur les mers et l'a affermie
sur les lleuves, » Ps. xkiv (xxiii), 2; « il a étendu la
terre sur les eaux. » Ps. cxxxvi (cxxxv), 6. La Vulgate
parle du « sommet de la terre jusqu'à ses limites ».
Deut., xxvm, 64. Cette expression semblerait se référer
à la conception chaldéenne sur la figure de la terre.
Mais dans l'hébreu il n'est question que des « extré-
mités de la terre », miqsëh ve'ad-qesêh, à.%' axpou îtoç
axpou, « d'une extrémité à une extrémité ». Les extré-
mités de la terre, dont il est question, Ps. lxxiv
{lxxih), 17; Prov., xxx, 4; Is., XL, 28; Dan., iv, 8; etc.,
sont les bords inconnus de la surface terrestre. Chaque
peuple regardait son pays comme le centre de cette
surface plus ou moins circulaire. Voir t. m, fig. 172,
col. 841. Israël est de même le centre des nations et de
la terre. Ezech., v, 5; xxxvm, 12. Le mot orbis, em-
ployé parla Vulgate, correspond habituellement àfêbêl,
I Sam. (Reg.), il, 8; Ps. xvm (xvn), 16; Is., xiv, 17, 21;
Jer., x, 12; etc., qui ne préjuge rien sur la forme de
la terre, puisque sa racine yâbal signifie « produire »
et indique que têbêl désigne la terre au point de vue
de sa fécondité. Les Septante rendent ce mot par
o!xo'j|xsvï], Ps. xvm (xvn), 16; Is., xiv, 17; Jer., x, 12;
Dan., m, 45; etc., qui se rapporte à la terre en tant
qu'habitée. En somme, les anciens Hébreux savent que
la terre a été créée par Dieu ; mais il n'y a pas à s'éton-
ner qu'ils ignorent son étendue, sa rotondité, sa rota-
tion, sa révolution autour du soleil et sa place cos-
mique, toutes choses d'ordre scientifique dont la révé-
lation n'avait pas à s'occuper. Les observations astro-
nomiques des Babyloniens et des Égyptiens avaient
surtout un but utilitaire. Les Grecs donnèrent aux
leurs un caractère plus scientifique. Thaïes de Milet, le
premier, 600 ans avant l'ère chrétienne, parait avoir
enseigné la sphéricité et l'isolement de la terre
Cf. P. Puiseux, La terre et la lune, Paris, 1908, p. 3.
Plus tard, Aristote démontra la sphéricité. — 2° Son
agencement. — L'aménagement de la terre pour le
séjour de l'homme est sommairement décrit par Moïse.
Gen., i, 2-25. Dans le principe, elle était tohû vàbohû,
état de désordre et d'inorganisation dont l'idée est
restée attachée à l'expression française « tohu-bohu »,
Septante : «ôpa-roç xai à/.xra<r.tE'ja<TToç, « invisible et
inorganisée », inanis et vacua, « informe et vide ».
Gen., i, 2. L'Esprit de Dieu, c'est-à-dire sa puissance,
créatrice et organisatrice, se mouvait au-dessus des)
eaux, de manière à produire une distinction effective
entre les continenls et les mers, d'où le sens de "
« terre » opposé à celui de « mer », la terre, la mer et
tout ce qu'ils renferment désignant l'ensemble du
globe. Gen., i, 10; Exod., xx, 11; Job, xi, 9; Ps. lxv
(lxiv), 6; lxix (lxviii), 35; cxxxv (cxxxiv), 6; Tob.,
vm, 7; I Mach., vm, 23; Act., iv, 24; Apoc, v, 13; etc.
Dieu voulut ensuite que la terre fit pousser les végé-
taux et apparaître les animaux, Gen., i, 11, 24, non
que la terre eût ce pouvoir par elle-même, mais parce
que Dieu avait nécessairement déposé en elle les germes
de tous ces êtres ou qu'il les y produisait successive-
ment. Toutes ces œuvres du Seigneur sont énumérées
dans le Cantique des compagnons de Daniel et invi-
tées à louer leur créateur. Dan., m, 64-82. Dans l'en-
semble, aussi bien que dans le détail, Dieu a « tout
réglé avec mesure, avec nombre et avec poids, » Sap.,
xi, 21 ; aussi s'est-il rendu ce témoignage que l'œuvre
accomplie par lui sur la terre était bonne. Gen., i, 11, 13,
21, 25, 31. Job, xxxvm, 4-30, décrit le magnifique
spectacle que présente la terre, quand, illuminée par
les clartés de l'aurore, « elle prend forme, comme
l'argile sous le cachet, et se montre parée comme d'un
vêtement, » avec le relief de ses montagnes et de ses
vallées, de ses champs et de ses eaux, de sa verdure et
de ses rochers.
II. Sens géographique. — Dieu a mis l'homme sur
la terre pour s'y multiplier et la remplir. Gen., i, 28;
ix, 1. Les hommes se sont dispersés pour occuper peu
à peu les différentes régions de la terre. Gen., x, 2-31.
Afin de s'y reconnaître, ils en ont désigné les parties
par rapport au mouvement apparent du soleil. Voir
Cardinaux (Points), t. n, col. 257. Puis le nom de
terre, 'érés et quelquefois 'âdâmâh, a été donné aux
régions particulières occupées par des nations, des tri-
bus, etc. — \"Pays d'une nation. — Le mot terre a sou-
vent le sens de région, de pays particulier. La Bible mcn-
tionnela terre d'Ethiopie, Gen. , n, 13, la terre de Chanaan,
donnée à Abraham et à ses descendants, Gen., xi, 31;
xil, 7, la terre de Sennaar, Gen., xi, 2, la terre d'Egypte,
Gen., xxi, 21, la terre de Séïr, Gen., xxxn, 3, la terre
d'Édom, Gen., xxxvi, 31, la terre de Gessen, Gen., xlv,
10, la terre de Moab, Deut., i, 5, la terre des Héthéens,
Jos., i, 4, la terre d'Israël, I Reg., xm, 19, la terre des
Philistins, I Reg., xxvn, 1, la terre des Arméniens,
IV Reg., xix, 37, la terre des Assyriens, Is., vil, 18;
2095
TERRE
2096
xxvn, 13; la terre des Chaldéens, Is., xxm, 13, etc. —
2" Pays d'une tribu. — Il y a la terre d'Éphraïm et de
Manassé, Deut., xxxiv, 2, la terre de Benjamin, Jud.,
XXI, 21, la terre de Gad, I Reg., xm, 7, la terre de
Nephthali, IV Reg., xv, 29, la terre de Juda. I Par., vi,
55; .1er., xxxvn, 23, la terre de Zabulon, Is., ix, 1, etc.
La terre du Jourdain, Ps. xlii (xli), 7, désigne les envi-
rons du lleuve. Il y a encore la terre de Sodome, Matth.,
x, 15, la terre de Génézareth, Matth., xiv, 34; Marc, vi,
53, etc. Toutes les tribus de la terre, Matth., xxiv, 30;
Apoc, i, 7, représentent les divers peuples qui habitent
le globe. — 3° Pays d'un homme. — C'est la terre de
sa naissance, Gen., xxiv, 7, la terre desespères, Gen.,
xxxr, 3, sa patrie, Num., x, 30; III Reg., xi, 21; Is., xiv,
17. Voir Patrie, t. iv, col. 2184. Les autres pays sont
pour un homme une lerre de passage, Gen., xvn, 8;
Exod., VI, 4; Ruth, i, 22, ou une terre d'exil. Bar., n>
30, 32. Le pays de Chanaan a été pour Abraham et ses
descendants la terre de la promesse. Heb., xi, 9. —
4° Toute la terre. — Cette expression, qui revient souvent
dans la Sainte Écriture, n'y a pas toujours le sens
d'universalité absolue. Les eaux du déluge se répan-
dirent sur la terre et couvrirent toutes les hautes mon-
tagnes qui sont sous le ciel. Gen., vu, 10, 19, 24. Cette
manière de parler ne suppose pas nécessairement
l'universalité géographique. Voir Déluge, t. n, col. 1351-
1355. A propos de la famine qui sévit en Chanaan et en
Egypte, la Vulgate dit qu'elle atteignit « toute la terre »,
alors que les autres textes disent seulement» la terre »,
c'est-à-dire le pays. Gen., xli, 30; xliii, 1. Il est à re-
marquer que le mot torzerouf, « la terre entière »,
était usité en Egypte pour désigner les deux parties du
pays, celle du nord et celle du sud, sans qu'il y eût à
étendre au delà le sens de ce mot. Cf. Maspero, Les
contes populaires de l'Egypte ancienne, Paris, 3 e édit.,
p. 3. Quand Cyrus dit que Dieu lui a donné tous les
royaumes de la terre, II Par., xxxvi, 23; I Esd., i, 2, il
entend se borner à ceux que comprenait l'ancienne do-
mination assyrienne. Holoferne dit à Judith que son
nom deviendra célèbre « dans toute la terre », c'est-à-
dire dans tout le pays. Judith, xi, 21. Toute la terre,
tout le pays de Syrie et d'Israël ne sera que ronces et
épines. Is., vu, 24. Alexandre « poussa jusqu'aux extré-
mités de la terre », et « la terre se tut devant lui, »
I Mach., i, 3, expressions qu'il faut restreindre aux
pays occupés par ce roi. Le nom de Judas Machabée
devint célèbre « jusqu'aux extrémités de la terre »,
I Mach., m, 9, la foi des Romains est célébrée « dans
le monde entier », Rom., i, 8, la famine du temps
d'Élié s'étendit « dans toute la terre », Luc, iv, 25,
celle que prédit Agabus devait aussi se faire sentir à
« toute la terre ». Act., XI, 28. Dans ces divers passages,
et d'autres analogues, « toute la terre » ne signifie que
certains pays. Il en faut probablement dire autant des
ténèbres qui, à la mort de Jésus-Christ, couvrirent
« toute la terre ». Matth., xxvn, 45. — 5° L'ensemble
des hommes. — La terre est quelquefois prise pour
l'ensemble des hommes qui l'habitent. Avant le déluge,
la terre se corrompit devant Dieu et se remplit de vio-
lence. Gen., vi, 11. L'arc-en-ciel fut choisi comme
signe entre Dieu et la terre. Gen., ix, 13. A un moment,
toute la terre n'avait qu'une seule langue. Gen., xi, 1, 9.
Moïse, Deut.,xxxn, 1, etlsaïe, xxxiv,l, demandent que
la terre écoute leurs paroles. Les anges disent que la
terre est en repos, Zach., i, 11; cf. Is., xiv, 16; ils
annoncent la paix sur la terre. Luc, II, 14. Le Sauveur
vient apporter le feu sur la terre, Luc, xn, 49; un
jour, y trouvera-t-il de la foi? Luc, xvm, 8. Avant la
ruine de Jérusalem, la détresse sera grande sur la terre.
Luc, xxi, 23. — 6° Connaissances géographiques des
Hébreux. — Elles étaient naturellement peu étendues,
comme celles de tous les peuples sédentaires. Le
chapitre x de la Genèse renferme des notions générales
sur l'état du monde habité par les descendants de Noé.
Voir Table ethnographique, col. 1970. Au temps de
Josué, on dressa une sorte de table des villes de Cha-
naan, afin d'en faire le partage-entre les tribus. Jos.,
xvm, 8, 9. Mais, en dehors de leur propre pays, les
Hébreux ne connaissaient guère que les contrées limi-
trophes, l'Egypte, l'Arabie, la Syrie et la Phénicie. A
l'époque de Salomon, leurs relations commerciales les
mirent en rapport, d'ailleurs assez vague, avec les
rivages de l'Inde. Voir Ophir, t. iv, col. 1831. Les inva-
sions et surtout la captivité leur firent connaître de
plus près l'Assyrie, la Babylonie, la Médie et la Perse.
Ces pays étaient pour eux les pays du nord, parce que
les envahisseurs arrivaient en Palestine par le nord.
Voir Nord, t. îv, col. 1699. Les pays de l'est étaient
ceux des benê-Qédém, « fils de l'Orient ». Voir Orien-
taux, t. iv, col. 1868. Les régions occidentales, insu-
laires ou continentales, que baignait la Méditerranée,
étaient appelées « îles ». Voir Ile, t. m, col. 841. Après
la captivité, le commerce et les émigrations mirent les
Israélites en relations plus suivies avec les populations
du monde connu, surtout avec celles qui occupaient
les différents territoires de l'empire romain. Les Juifs
de la dispersion contribuèrent à étendre et à préciser
les notions géographiques de leurs compatriotes, Voir
Monde, t. iv, col. 1234.
III. Sens physique. — 1» La terre cultivable. — La
terre est souvent considérée comme productive des
choses qui servent à l'alimentation des animaux et de
l'homme. Ps. civ (cm), 10-23. C'est le sens spécial du
mot tèbêl. Cf. Gen., i, 11. L'homme est placé dans
l'Éden pour le cultiver, Gen., m, 15, et, après son pé-
ché, il a encore à cultiver la terre. Gen., m, 23. Noé
cultive la terre et y plante la vigne. Gen., ix, 20.
Abraham achète une terre qui est un champ. Gen.,
xxm, 13, 15. C'est Dieu qui donne la graisse de la
terre, c'est-à-dire qui la fait produire abondamment.
Gen., xxvn, 28. Les Égyptiens viennent vendre leurs
terres à Joseph pour avoir du blé. Gen., xlvii, 19. Les
fruits de la terre sont les récoltes. Exod., xxm, 19. Le
pays de Chanaan est une terre de lait et de miel, riche
en produits de toutes sortes. Exod., xxxm, 3; Num.,
xvi, 13. Cette terre devra se reposer l'année sabbatique.
Lev., xxv, 4. Les autres années, elle est fendue par la
charrue. Deut., xxi, 3. Toutes les terres ne sont pas
également fertiles. Caleb avait donné à sa fille Axa une
terre desséchée; elle en demanda une qui fût arrosée.
Jos., xv, 19; Jud., i, 15. La terre a été maudite à cause
du péché d'Adam; elle produit des ronces et des épines,
et il faut un rude travail à l'homme pour en tirer sa
nourriture. Gen., m, 17-18. Cependant il y a encore
des terres bonnes, Exod., ni, 8; Num., xiv, 7; Deut.,
xi, 17; Jud., xvm, 9; Matth., xm, 8; Marc, iv, 8;
Luc, vin, 8, dans lesquelles le grain est jeté et meurt,
Joa., xn, 24, pour donner ensuite beaucoup de fruit.
Is., xxxvi, 17; Jacob., v, 7, 18. Il y a aussi la terre
d'airain, Lev., xxvi, 19, la terre mauvaise, Num., xm,
20, la terre aride, Deut., xxxn, 10, la terre de sel, Job,
xxxix, 6; Ps. cvii (cvi), 34, la terre sans profondeur,
Matth., xm, 5; Marc, iv, 5, la terre stérile et digne de
la malédiction. Heb., vi, 8. — De cette terre qui pro-
duit les végétaux, Dieu a formé le corps de l'homme,
Gen., Il, 7; m, 19, et tous les animaux. Gen., il, 19.
2° Le sol sur lequel on vit. — La terre est le sol sur
lequel vivent et agissent les hommes. Elle forme le
rivage solide sur lequel on arrive après avoir navigué
sur mer. Joa., vi, 20; xxi, 9; Act., xxvn, 39, 43. Sur
la terre on s'assied, Matth., xv, 35; Marc, vin, 6, on
s'étend, II Reg., xn, 16, on dort, Gen., xxvm, 13, on
gît, Jud., ni, 25, on tombe, Act., ix, 4, on se roule,
Marc, xix, 19, on se prosterne, Gen., xix, 1 ; xxxm,
3; xliv, 14; Job, i,20; 1 Reg., xx, 41 ; Marc, xiv,35,on
écrit, Joa., vm, 6, on crache, Joa., ix, 6, elc. Sur la terre
2097
TERRE — TESTAMENT
2098
tombent la pluie, Exod., ix, 33, la manne, comme le
givre, Exod., xvi, 14, la neige, Job, xxxvn, 6, les che-
veux, Matth., x, 19, le sang du juste, Gen., iv, 10;
Matth., xxm, 35; etc. Les animaux marchent ou ram-
pent sur la terre. Lev., xi, 41. On cache des objets
dans la terre. Matth., xxv, 18. Le Fils de l'homme a
été mis dans le cœur de la terre, c'est-à-dire dans son
sépulcre. Matth., xii, 40. Un arbre stérile occupe la
terre inutilement. Luc, xm, 7. La maison posée sur
terre sans fondement s'écroule. Luc, VI, 49. Égaler
une ville au sol, c'est la ruiner complètement. II Mach.,
ix, 14. Parfois, la terre tremble. Voir Tremblement de
terre. Sur le sort de la terre dans les derniers temps,
Luc, xvi, 17 ; xxi, 33, voir Fin du monde, t. n, col. 2264.
— Une terre est sainte quand Dieu l'a sanctifiée par sa
présence ou son action. Exod., m, 5. Elle est souillée
par les péchés des hommes. Lev., xvm, 25; Deut., xxi,
23; xxiv, 4. — En raison de son habitation par les
hommes, la terre est appelée « terre des vivants », par
opposition au tombeau. Ps. xxvn (xxvi), 13; cxlii
(cxli), 6; Is., xxxviii, 11; lui, 8.
IV. Sens métaphorique. — 1° La vie présente. —
Il ne faut pas s'amasser de trésors sur la terre. Matth.,
Vi, 19. Les riches y vivent dans les délices. Jacob., v, 5.
Les disciples du Sauveur doivent s'accorder ensemble
sur la terre pour prier. Matth., xvm, 19. Notre-Seigneur,
qui avait toute puissance au ciel et sur la terre, Matth.,
xxvin, 18, pouvait remettre les péchés sur la terre,
Matth., ix, 6; Marc, H, 10, et a laissé à ses apôtres le
pouvoir de lier et de délier sur la terre. Matth., xvm,
18. Lui-même a glorifié son Père sur la terre. Joa.,
xvn, 4. — 2° L'escabeau de Dieu. — La terre est l'esca-
beau des pieds du Dieu dont le trône est dans le ciel,
c'est-à-dire que Dieu y exerce sa puissance, son amour
et ses perfections, mais d'une manière bien moins
complète et éclatante que dans le séjour de sa gloire.
Act.; vu, 49. Voilà pourquoi, par respect, il ne faut
pas jurer par elle. Matth., v, 35; Jacob., v, 12. Les
doux posséderont la terre, Matth., v, 4, parce que la
douceur les associe au Maître de la terre. — 3» Le
champion de Dieu. — Toute la terre combattra avec
Dieu contre les impies. Sap., v, 21. Quand le serpent
infernal déchaîne un fleuve pour entraîner la femme
qui représente l'Église, la terre ouvre son sein et en-
gloutit le fleuve. Apoc, xn, 16. — 4" Les pensées ter-
restres. — « Celui qui est de la terre est terrestre, et
son langage aussi. » Joa., m, 31. L'homme, terrestre
par son origine, ne possède naturellement que des
pensées et des goûts terrestres. Jésus-Christ, qui vient
du ciel, veut associer l'homme à sa \ie divine et lui
communiquer des idées, des sentiments et des volon-
tés d'ordre surnaturel. I Cor., xv, 47-49. En consé-
quence, le chrétien doit s'affectionner « aux choses
d'en haut, et non à celles de la terre. » Col., m,
2. — 5° La terre nouvelle. — Isaïe, lxvi, 22, appelle
de ce nom le nouvel état de choses qui constituera le
royaume messianique. Les Apôtres désignent sous ce
nom la rénovation qui suivra le second avènement du
Christ. II Pet., m, 13; Apoc, xxi, 1. Voir Fin du
monde, t. n, col. 2266. H. LesètRE.
TERTIUS (nom latin, écrit en grec Téptto;), chré-
tien qui servit à saint Paul de secrétaire pour écrire
l'Épître aux Romains. Rom., xvr, 22. 11 écrit en son
propre nom la salutation aux destinataires de l'Épître.
Il se trouvait alors à Corinthe. Les Grecs honorent sa
mémoire le 10 novembre comme évêque d'Icône et
successeur de Sosipalre, mais son histoire est fort
obscure. Voir Acta sanctorum, 20 junii, t. iv, p. 68.
TERTULLUS (Nouveau Testament : Tépiutto;, di-
minutif du latin Tertius), p^Tiop, orateur (avocat) qui
fut chargé par le grand-prêtre juif et le Sanhédrin
d'être l'accusateur de saint Paul à Césarée devant le
tribunal du procurateur romain Antonius Félix. Act.,
xxiv, 1-8. C'était sans doute un de ces causidici latins
qui étaient assez nombreux dans les provinces ro-
maines, où l'on était obligé de suivre les règles de la pro-
cédure romaine et par conséquent de recourir à leurs
services, surtout s'il fallait, comme plusieurs le pensent,
plaider en latin. Son discours montre qu'il connaissait
toutes les habiletés de son métier. Il commence par un
exorde insinuant : il loue comme pacalor provincise
(quum in rnulla pace agamus perle, y. 2) et réforma-
teur prudent, faisant sentir partout sa prévoyance (et
multa corrigantur per tuam providentiam,semper et
ubique suscipimus, f. 2-3), ce Félix dont Tacite a
écrit, Hist-, v, 9 : Antonius Félix per onineru ssevitiam
ac libidineni, jus regium servili ingenio exercuit, et
Ann., xn, 54 : Intempestives remediis delicta accen-
debat. Tel était en réalité celui que Tertullus appelle
oplime Félix; il avait calmé, il est vrai, quelques sé-
ditions, mais il était vénal et espérait recevoir de
l'argent de son prisonnier (jf. 26), et il s'était montré
en plusieurs circonstances cruel et sanguinaire. —
Saint Luc était peut-être présent à la plaidoirie de
Tertullus. Après avoir rapporté les compliments de
l'orateur à Félix, l'auteur des Actes fait de son discours
un résumé qu'on dirait la reproduction un peu hachée
de notes prises à l'audience même, sans une suite
rigoureuse. De ce résumé ressortent très bien les trois
principaux griefs des Juifs, au nom desquels parle l'o-
rateur en se servant de la première personnedu pluriel,
invenimus : Paul est 1» un provocateur de séditions,
concilans seditiones; 2° le chef d'une secte dangereuse,
auctorem sedilionis secte Nazarenorum, et 3» un pro-
fanateur du Temple, templum violare conatus est. y.
5-6. Ces accusations sont très habilement choisies pour
exciter Félix contre Paul, qui lui est ainsi représenté
comme un homme dangereux pour la tranquillité de
la province dont le procurateur a la responsabilité.
Cependant Félix était trop intelligent pour se laisser
prendre aux artifices du rhéteur et il ne traita pas son
prisonnier avec la rigueur qu'on cherchait à lui ins-
pirer.
TESSON (hébreu : héréi; Septante : ourpaxov ; Vul-
gate : testa), fragment de vase d'argile. — Job, n, 8, se
servait d'un tesson pour gratter ses plaies. On utilisait
un tesson pour y prendre du feu. Is., xxx, 14. Le tesson
d'argile est l'image d'un corps desséché par la souffrance,
Ps.xxn(xxi), 16; celui-ci devient alors aride comme un
tesson. Il estdifficilede recollerun tesson, ilne tient pas:
il en est de même de l'instruction donnée à un sot.
Eccli., xxii, 7. Pour indiquer que Jérusalem boira jus-
qu'au fond la coupe du châtiment, Ézéchiel, xxm, 34,
dit qu'elle en mordra même les tessons. — Le croco-
dile a sous le ventre des écailles aiguës comme des
tessons, Septante : ô6eXî<jxoi, « des pointes ». Job, xli,
21. H. Lesétre.
1. TESTAMENT (grec :8ia8r,itYi; Vulgate: testamen-
tum), disposition que prend quelqu'un pour l'attribu-
tion, de ses biens après sa mort. — Le testament est
une sorte de contrat. Voilà pourquoi les versions se
servent de ce mot pour désigner l'alliance contractée
entre Dieu et son peuple d'Israël. Ps. xxv (xxiv), 10,
14; xliv (xliii), 18; Zach., ix, 11; Mal., m, 1; Rom.,
IX, 4; etc. L'Arche, signe de cette alliance, est appelée
« Arche du témoignage », et par les versions « Arche
du Testament ». Exod., xxx, 26; Num., xiv, 44; Jer.,
m, 16; etc. L'alliance substituée par Jésus-Christ à
l'ancienne prend le nom de m Nouveau Testament »,
Matth., xxvi, 28; I Cor., xi, 25; etc. Voir Nouveau
Testament, t. iv, col. 1704. — Chez les Hébreux, l'usage
des testaments proprement dits ne se constate guère
2099
TESTAMENT
TETE
2100
qu'à l'époque où se fit sentir l'influence des civilisations
occidentales. La transmission des biens après la mort
s'opérait d'après les lois qui réglaient les héritages.
Voir Héritage, t. in, col. 610. De son vivant, chacun
pouvait faire des donations. Eccli., xiv, 11-13. II n'y
avait donc pas lieu de prendre des dispositions exécu-
toires après la mort. Saint Paul, s'adressant à des
hommes étrangers aux coutumes juives, leur dit qu'un
testament en bonne forme, bien que l'engagement soit
pris par un homme, n'est annulé par personne, et que
personne n'y ajoute. Gai., m, 15. L'Épitre aux Hébreux
argumente sur le sens du mot SiocSijxiri, qui signifie à
la fois « alliance » et « testament ». Par rapport aux
anciens, il n'y avait qu'alliance; la loi nouvelle comporte
à la fois alliance et testament. Or, « là où il y a un
testament, il est nécessaire que la mort du testateur
intervienne, parce qu'un testament n'a son effet qu'en
«as de mort, étant sans force tant que le testateur est
en vie. » Heb., ix, 16-17. C'est ce qui ressort de la
nature même du testament. « Le testament est la juste
■expression de notre volonté sur ce que quelqu'un veut
qu'on fasse après sa mort. » Ulpien, Digest., xxvin, i,
1. Cette volonté n'est donc valable et exécutoire qu'après
la mort du testateur; de son vivant, elle demeure tou-
jours révocable et, en tous cas, ne peut être exécutée.
Pour rendre son testament exécutoire, Jésus-Christ est
mort volontairement, et son testament, comporlant une
alliance nouvelle, a mis hors d'usage l'alliance d'autre-
fois. Heb., vin, 13. — En de rares circonstances, on
voit des personnages sur le point de mourir prendre
certaines dispositions pour manifester leur volonté.
Ainsi font Jacob, Gen., xlviii, 22, David, III fieg., h,
2-9, ainsi est invité à le faire Ézéchias, IV Reg., xx, 1.
Quand l'usage des testaments devint plus habituel, les
docteurs juifs en réglèrent la forme. Un testament,
'p'nn, 8iaévjx7|, pouvait se faire de vive voix ou par écrit.
Le testateur devait manifester sa volonté en plein jour
■et devant des témoins convenables. On pouvait léguer ses
biens à qui l'on voulait, même à l'exclusion des proches ;
on n'approuvait pas cependant que quelqu'un déshéritât
ses enfants, même si la conduite de ces derniers était
répréhensible. Le testament qui déshéritait n'était
d'ailleurs valable que s'il instituait un héritier déter-
miné, pris parmi ceux qui pouvaient naturellement
prétendre à l'héritage. Cf. [ken, Antiquiiales hebraicx,
Brème, 1741, p. 607. Cette réglementation ne put entrer
en vigueur que quand l'état social imposé aux Juifs ne
leur permit plus de suivre l'ancienne législation sur les
héritages. H. Lesètre.
2. TESTAMENT (ANCIEN, NOUVEAU). Voir ANCIEN
Testament, t. i, col. 557; Nouveau Testament, t. iv,
col. 1704; Texte de' l'Ancien, du Nouveau Testament.
3. TESTAMENT DE JOB. Voir Apocryphes, t. i,
col. 771-772. —Pour les autres testaments apocryphes,
voir ibid., col. 769-771. Le Testament de Moïse est
attribué à des gnostiques séthiens. Trochon, La Sainte
Bible, Introduction générale, t. i, 1886, p. 483.
4. TESTAMENT DES DOUZE PATRIARCHES,
écrit apocryphe qui parait avoir été composé en Pales-
tine par un juif converti au christianisme. Comme il
était connu d'Origène, Rom. xv in Jos., t. xii, col. 904,
et de Terlullien, Adv. Marcion., v, 1, t. il, col. 469,
on peut en conclure qu'il a été rédigé au moins au
II e siècle de notre ère. A l'exemple de Jacob, ses douze
fils, avant de mourir, donnent en douze livres à leurs
enfants des enseignements et des conseils en rapport
avec leur caractère, réel ou fictif, et se rattachant aux
faits certains ou imaginaires de leur vie. Ils sont
censés prédire, en particulier, la vie, les souffrances,
la mort et la résurrection du Sauveur. Voir Patr. Gr.,
t. il, col. 1037-1149; R. Sinker, Testamentaxn Patri-
archarum ad fidem Codicis Cantabrigiensis édita,
in-12, Cambridge, 1869; Id., Testamentum xn Patri-
archarum Appendix, Cambridge, 1879; F. Schnapp,
Die Testamente der zwôlf Patriarchen untersucht,
in 8°, Halle, 1884; Kautsch, Apokryphen und Pseude-
pigraphen des Alten Testaments, 1900, t. n, p. 458-506;
K. H. Charles, Testaments of the xnPatriarchs, dans
Hastings, A dictionary of the Bible, t. IV, 1902,
p. 721-725; R. Sinker, Testamenla xfl Patriarcharum,
dans Smith et Wace, A dictionary of Christian bio-
graphy, t. iv, 1887, p. 865-874.
TÉTANOS, maladie caractérisée par des convulsions
musculaires accompagnées de douleurs. — La maladie
est causée par un bacille spécial, très répandu dans le
sol, là surtout où demeurent des chevaux, et s'intro-
duisant dans l'organisme par les moindres blessures.
Quand le tétanos est général, tout le corps prend une
rigidité que rien ne peut fléchir. Mais parfois, il
n'affecte que certaines parties : dans le trismus, la
convulsion n'atteint que la mâchoire inférieure; dans
l'opislhotonos, la tête et le tronc sont renversés en
arrière; dans l'emprosthotonos, ils le sont en avant;
dans le pleurosthotonos, le renversement est latéral.
D'ordinaire, le mal commence par le trismus ou con-
traction des mâchoires, se propage rapidement dans le
tronc et les membres, est accompagné de crampes et de
convulsions plus ou moins violentes, intéresse bientôt la
respiration et la déglutition et finit presque toujours par
amener la mort. —Il est dit qu'Alcime mourut de para-
lysie. I Mach., ix, 55-56. Voir Paralysie, t. iv, col. 2153.
Il est probable qu'il faut ici comprendre sous ce nom
général le tétanos , comme le donnent à penser l'impuis-
sance du malade à prononcer une seule parole et ses
grandes tortures. H. Lesètre.
TÊTE (hébreu : r'ôs; chaldéen : rês; Septante :
xeçadïj ; Vulgate : caput), partie du corps qui renferme
le cerveau et les principaux organes des sens. Sa forme
arrondie est indiquée par le mot gulgoléf, de gâlal,
« rouler », xpavLovJ calvaria. IV Reg., IX, 35.
I. Au sens propre. — 1» Attitudes. — On met une
pierre sous sa tête pour dormir. Gen., xxvin, 11 ; Matth.,
vin, 20; Luc, ix, 58. On peut avoir la tête nue, Lev.,
xin, 45, la tête couverte, en signe de deuil, II Reg., xv,
30; xix, 4; Jer., xiv, 3, la tête baissée, par crainte,
Job, xxxii, 6; III Reg., xxi, 27, sans oser la lever, Job,
x, 15, ou par respect, Eccli., iv, 7, la tête haute, par
juste fierté, Ps. ex (cix), 7; Eccli., xi, 1; xx, 11, ou par
orgueil. Jud., vm, 29; Ps. lxxxiii (lxxxii), 3; Zach., i,
21. « Branler la tête » est un geste fréquemment men-
tionné dans la Sainte Écriture; il indique le mépris et
la moquerie. Job, xvi, 5; Ps. xxn (xxi), 8; cix (cviii),
25; Eccli., xn, 19; xm, 8; Is., xxxvii, 22; Jer., xvm,
16; Lam., n, 15; Matth., xxvn, 39; Marc, xv, 29; etc.
Une tête blanche est celle du vieillard. Lev., xix, 32.
Mais personne ne peut rendre un seul de ses cheveux
blanc ou noir; voilà pourquoi Notre-Seigneur ne veut
pas qu'on jure par sa tête, puisqu'on n'en est pas le
maître. Matth., v,36. —2» Ce quela tête peut recevoir.
— La tête peut porter des fardeaux, Gen., XL, 16, et
des coiffures. Exod., xxix, 26; etc. Voir Coiffure, t. n,
col. 828. Elle reçoit les bénédictions, Deul., xxxm, 16,
l'imposition des mains, Gen., xlviii, 14; etc., voir Impo-
sition des mains, t. m, col. 847, et les onctions, Exod.,
xxix, 7; etc., voir Onction, t. iv, col. 1805. En signe
de deuil, on jette sur la tête la cendre ou la poussière.
Jos., vu, 6; etc. Voir Cendre, t. n, col. 407; Poussière,
t. v, col. 589. Saint Paul veut que, dans l'assemblée des
fidèles, l'homme ait la tête découverte et la femme la
tête voilée. I Cor., xi, 4-7. — 3» Souffrances. — On peut
avoir mal à la tête pour une cause interne, IV Reg., iv,
2101
TÊTE — TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2102
19, ou externe. Jon., iv, 8. II est plusieurs fois question
de têtes coupées, celles de l'officier du pharaon, Gen.,
XL, 19, de Goliath, I Reg., xvn, 51, de Saûl, I Reg.,
xxxi, 9, d'Isboseth, II Reg., iv, 7, d'Holoferne, Judith,
xm, 10, de Nicanor, IIMach., xv, 30, de saint Jean-
Baptiste, Matth., xiv, 8, 11, de saint Jacques le Majeur,
Act., xn, 2, etc. Notre-Seigneur fut couronné d'épines
et frappé à la tête. Matth., xxvn, 29, 30; Marc, xv, 19;
Joa., xix, 2. Il inclina la tête en mourant. Joa., xix,
30. — 4° Par extension. — La tête est prise pour la
personne. On compte par têtes, c'est-à-dire par per-
sonnes. Exod., xvi, 16; Num., i, 18; m, 47, etc. On
prend une tête sur cinquante. Num., xxxi, 30. Les gardes
de la tête sont les gardes de la personne. I Reg., xxvm,
2. Être, aux yeux de quelqu'un, une tête de chien, c'est
être traité par lui comme un animal. II Reg., m, 8. La
tête est prise aussi pour la vie elle-même. I Reg., xxix,
4. Condamner sa tête, c'est courir péril de mort. Dan.,
i, 10.
II. Au sens FIGURÉ. — 1» La responsabilité. — Une
chose repose sur la tête de quelqu'un quand il en est
responsable. Jos., n, 19; I Reg., xxv, 39; II Reg., I,
16; III Reg., n, 32, 37, 44; vm, 32; Ezech., xxn, 31;
Dan., xin, 55, 59; Act., xvm, 6; etc. —2° La puissance.
— Relever la tête de quelqu'un, c'est le rétablir plus ou
moins dans son état primitif. IV Reg., xxv, 27. La tête
qui touche aux nues marque un orgueil démesuré.
Job, XX, 6. La race de la femme doit écraser la têle du
serpent, c'est-à-dire sa puissance. Gen., m, 15. Pour les
charbons mis sur la tête, voir Charbons ardents, t. n,
col. 582. — 3° La primauté. — Celui qui est à la tête
est le chef. Am., vi, 1. Être à la tête, c'est occuper le
premier rang, dans l'armée, Num., i, 16; x, 4, etc.,
dans une tribu, I Reg., xv, 17; I Par., v, 12; ix, 34;
etc., parmi les nations, II Reg., XXII, 44; Jer., xxxi,
7; etc. Israël sera à la tête ou à la queue des nations,
suivant sa fidélité. Deut., xxvm, 13, 44. La tête et la
queue désignent aussi deux classes opposées d'une na-
tion. Is., ix, 14; xix, 15. La ville la plus importante
d'un pays en est la tête, la capitale. Is., vu, 8; etc.
L'homme est la tête, c'est-à-dire le chef de la femme.
Epi)., v, 23. Jésus-Christ est la tête de l'Église. Eph., i,
22; Col., i, 18; H, 10. — 4" L'emplacement. — La tête
du lit est l'endroit du lit où la tête repose. Gen., xlvii,
31. Il en est de même de la tête et des pieds d'une
tombe. Joa., xx, 12. Un guerrier dort la lance à sa tête.
I Reg., xxvi, 7, 16. Élie vit à sa têle un gâteau tout
cuit. III Reg., xix, 6. « Des pieds à la tête » désigne la
totalité. Lev., xm, 12; cf. Joa., xui, 9. On donne aussi
le nom de tête à ce qui est au commencement : l'em-
branchement d'un lleuve, Gen., H, 10, le commencement
des chemins, Prov., i, 21; Is., Ll, 20; Lam., H, 19; IV,
1; Ezech., xvi, 31; xxi, 19, 21, la pierre qui forme
l'angle d'un mur, Ps. cxvm (cxvn), 22; Matth., xxi, 42,
l'endroit qui est marqué pour être lu le premier dans
un livre. Ps. xl(xxxix), 8; Heb., x, 7. De même, la 1ête
d'une montagne est sa cime, Ose., iv, 13; Jo., n, 5, et
la tête d'une colonne est son chapiteau. III Reg., vu,
16; etc. H. Lesêtre.
TETH (hébreu : r), neuvième lettre de l'alphabet
hébreu, dont le nom désigne le serpent, et dont le son
est celui du t emphatique. Les Septante l'ont rendu
ordinairement par t : Sitocvô; = Sdtân; TuSîa; =
Tôbiyâ/t (excepté II Sam. (Reg.), v, 16 : 'EXcçaÀàe —
Élifâlét).
TÉTRAD RACHME, monnaie de la valeur de quatre
drachmes ou d'un statère. Voir Monnaie, 3°, t. iv,
col. 1253; Statère, t. v, col. 1859.
TÉTRAPLES d'Origène. Voir Hexaples, t. m,
col. 689.
TÉTRARQUE (Nouveau Testament : T£Tpip-/r)ç),mot
qui désignait primitivement un chef qui gouvernait le
quart d'une région divisée en quatre parties. On ren-
contre le mot de Texpapxsa pour la première fois dans
Euripide, A test., 1154, appliqué aux quatre divisions de
l'administration civile de la Thessalie partagée en
quatre parties. Voir aussi Démosthène, Philip., m,
26; Strabon, IX, v, 3. Chacune des trois tribus de
Galatie avait également quatre tétrarques. Strabon, XII,
v. 1. Pompée en réduisit le nombre, mais en conserva
le nom. Appien, Mithrid., 46; Syr. 50; lite-Live, E pi-
tome, 94. Le sens propre du mot fut dénaturé par l'usage
et les Latins donnèrent le titre de tétrarques à des chefs
subalternes, qui jouissaient cependant de quelques-uns
des droits de la royauté, tout en étant inférieurs aux rois
et aux ethnarques. On les rencontre surtout en Syrie.
Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 9; Pline, H. N., v, 74;
Salluste, Ca<i!., xx, 7: Cicéron, Mto,xxvm, 36; Horace,
Satir., I, m, 12; Velleius Paterculus, u, 55; César-
Bell. civ., m, 3; Tacite, Ann., xv, 25; Plutarque, Anto,
nin., 36.
Le titre de tétrarque fut conféré par Antoine à Hérode
le Grand, en 41 avant notre ère, et à son frère Phasaël,
Josèphe, Ant. jud., XIV, xm, 1, sans qu'il correspondît
à aucune division territoriale. Dans le Nouveau Tes-
tament, le titre de tétrarque est porté: —1° par Hérode
Antipas, qui est distingué ordinairement des autres
Hérodes par sa qualité de tétrarque, Matth., xiv, 1 ;
Luc, m, 1, 19; ix, 7; Act., xm, 1, bien qu'il soit aussi
qualifié de «roi » par Matth., XIV, 9, et Marc, vi, 14,
22, 25, 26. Saint Luc, avec sa précision ordinaire,
l'appelle toujours « tétrarque (de Galilée) ». Il avait
reçu effectivement, de même que son frère Philippe, un
quart de la succession du territoire de son père Hérode
le Grand, tandis qu'Archélaùs, « l'ethnarque », avait
hérité des deux autres quarts. Josèphe, Ant . jud., XVII,
xi, 4; Bell, jud., II, vi, 3. Sa tétrarchie comprenait
aussi, d'après Josèphe, Ant. jud., XVII, vm, 1 ;
Bell, jud,., II, vi, 3, la Pérée. Quand il eut été banni,
sa tétrarchie fut donnée par Caligula à Hérode
Agrippa I er . Josèphe, Ant. jud., XVIII, vu, 2. —
2° Hérode Philippe II, fils d'Hérode le Grand et de
Cléopâtre, fut tétrarque de Trachonitide et d'Iturée.
Luc, m, 1. Voir Hérode 5, t. m, col. 649. —3° Lysanias
est aussi qualifié par saint Luc, m, 1, tétrarque d'Abi-
lène. Voir Lysanias, t. iv, col. 455.
1. TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT. 11 est im-
possible, faute de documents suffisants, d'écrire l'his-
toire de ce texte, au sens strict du mot. Les manuscrits
hébreux sont récents et ne témoignent que de l'état de
la recension massorétique. Les anciennes versions,
directement faites sur l'hébreu, les citations et les
explications des rabbins et des Pères de l'Église qui
ont recouru au texte original fournissent seules quel-
ques indications ou des termes de comparaison avec
l'édition des massorètes. Grâce à elles, il est permis
d'esquisser une histoire bien incomplète du texte de
l'Ancien Testament. On peut la diviser en quatre
périodes : 1» celle qui précède la version des Septante;
2° celle qui va de l'époque de cette version à la consti-
tution du texte massorétique ; 3° la période des masso-
rètes; 4° celle qui leur est postérieure.
I. PÉRIODE QUI PRÉCÈDE LA VERSION DES SEPTANTE. —
C'est la plus obscure de toutes, car nous ignorons dans
quelles conditions le texte original des livres de l'an-
cienne alliance s'est transmis depuis l'époque de leur
composition en hébreu ou, pour une minime partie,
en araméen, jusqu'au moment où la version grecque,
dite des Septante, la plus ancienne de toutes, nous
renseigne sur l'état dans lequel se trouvait le texte
original qu'elle traduit.
Quelques Pères de l'Église, sur la foi, sans doute, du
2103
TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2104
IV e livre d'Esdras, xiv, 22, 44, ont pensé qu'Esdras
inspiré avait restitué tout l'Ancien Testament, détruit
partiellement sous le règne de l'impie Manassé et tota-
lement dans l'incendie de Jérusalem et du Temple par
Nabuchodonosor. TerlaMien, De cultu feminarum, i. 3,
t. i, col. 1308; S. Irénée, Cont. hser., m, 21, n. 2, t. vu,
col. 948-949; Clément d'Alexandrie, Strom., i, 22, t. vm,
col. 893; S. Basile, Epist., xlii, 5, t. xxxn, col. 357;
Théodoret, Explanatio in Cant., praef., t. lxxxi, col. 29;
Pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 20, t. xxvm,
col. 332; S. Isidore, Etym., 1. VI, m, 2, t. lxxxii,
col. 235. Mais l'Apocalypse d'Esdras n'a aucune autorité,
et, dès son retour, Esdras reconstitua le service divin
conformément à la loi écrite par Moïse, I Esd., vi, 18;
II Esd., vm, 1. D'ailleurs les captifs avaient emporté la
loi afin de l'observer, II Mach.,n, 2, et ils en instruisaient
leurs enfants. Dan., ix, 11 ; xm, 3. D'après le texte grec
de saint Irénée, conservé par Eusèbe, H.E.,\, 8, t. XX,
col. 453, et d'après le Pseudo-Chrysostome, Synopsis
Script. Sac, t. lvi, col. 539, Esdras aurait seulement
recueilli, rétabli et mis en ordre ce qui restait des
Livres Saints, précédemment incendiés. Mais tous les
Livres de l'Ancien Testament hébreu n'étaient pas encore
composés du temps d'Esdras. Les critiques qui pen-
saient que ce scribe avait clos le canon biblique ont pu
s'imaginer qu'il av3it fait une sorte d'édition des Livres
Saints, de concert avec les membres de la Grande
Synagogue. Cf. J. Buxtorf, Tiberias, Bâle, 1620, p. 93-
181. Son rôle dans la formation du canon doit être
restreint davantage, et les données rabbiniques sur la
Grande Synagogue sont fort sujettes à caution. "Voir
t. Il, col. 139-141. Esdras a rapporté la Loi du pays de
la captivité, I Esd., vu, 14, et il a restauré le culte
divin conformément au livre de Moïse. Voir t. v,
col. 69. Les rabbins prétendaient qu'au retour de la
captivité on avait trouvé au parvis du Temple trois rou-
leaux du Pentateuque, qui servirent à constituer le
texte, en le conformant à deux de ces documents lors-
qu'ils étaient d'accord contre le troisième dans les
cas de divergence. Talmud de Jérusalem, traité Taa-
nilh, IV, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179-180.
Cf. t. v, col. 81. Tout au plus peut-on supposer, sans
pouvoir en fournir la preuve directe, qu'Esdras
a veillé à la transmission d'un texte correct du Penta-
teuque et des autres Livres Saints, qui lui étaient
antérieurs.
Il est légitime de penser que ces Livres Saints
n'avaient déjà plus du temps d'Esdras leur pureté
originelle. Soumis aux conditions ordinaires de la
transcription des livres, ils avaient dû subir les injures
du temps et être victimes de l'incurie des copistes.
Des fautes s'étaient inévitablement introduites dans les
copies successives, puisque Dieu n'avait pas jugé bon
d'intervenir par un miracle pour empêcher toute alté-
ration des écrits, dont il était l'auteur. Leur nombre
et leur importance dépendaient de la multiplication
des copies. Or, nous ignorons si les Livres Saints des
Juifs étaient copiés souvent. Restreints à un petit
peuple peu lettré et confiés à la garde des prêtres, qui
surveillaient au moins les copies de la Loi, ils n'ont
vraisemblablement pas subi de graves altérations.
Cependant ils n'ont pas pu échapper à toute modifica-
tion, involontaire ou même volontaire. Dans sa décision
du 27 juin 1906, la Commission biblique en admet le
principe et le fait même pour le Pentateuque qui
était mieux surveillé, voir t. v, col. 63, sans toutefois
distinguer les époques et les temps. Il en a été de
même des autres livres, aussi bien dans la première
période de leur histoire que dans les suivantes. On a
pensé avec raison que le changement d'écriture qui
s'est produit après le retour de la captivité, voir t. u,
col. 1580-1582, a amené quelques modifications de détail
dans la transcription du texte sacré, surtout dans les
chiffres. Paulin Martin, De l'origine du Pentateuque
(lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 85-98.
Du reste, nous ne sommes pas réduits à de simples
hypothèses, plus ou moins vraisemblables, sur l'état
dans lequel se trouvait le texte hébreu avant la
version des Septante. Le Pentateuque samaritain,
transmis dans l'ancienne écriture, est au moins anté-
rieur à cette version. Or, il présente un certain nombre
de variantes comparativement au texte massorétique.
Les plus connues sont celles qui concernent l'âge des
patriarches antédiluviens et postdiluviens. Voir t. n,
col. 721-724. Les autres plus nombreuses sont pour la
plupart des transpositions, des additions et des modi-
fications, que les critiques actuels attribuent générale-
ment aux Samaritains eux-mêmes. Voir t. v, col. 1422-
1423. Quelques-unes peuvent provenir aussi de l'incurie
des copistes samaritains. Elles peuvent donc rarement
servir à reconstituer le texte primitif du Pentateuque.
Elles montrent à tout le moins comment le texte sacré
se transcrivait et se transmettait à l'époque qui a pré-
cédé la plus ancienne version de l'Écriture. Voir
R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. 1,
c. x-xm, Rotterdam, 1685, p. 63-83; P. Martin, De
l'origine du Pentateuque (lithog.), t. I, p. 71-85.
Un autre moyen de nous rendre, avec certitude,
compte de la manière dont le texte hébreu s'est trans-
mis avant la version des Septante consiste à étudier
les passages qui sont plusieurs fois reproduits en
différents livres de la Bible et que l'on appelle deuté-
rographes. Ils ont été diversement transcrits dans les
divers endroits où ils sont reproduits. Quelques-uns
sans doute ont été originairement distincts, tels que
le Ps. xiv et le Ps. lui, et il y a par suite des variantes
qui sont originales et ne dépendent pas de l'histoire du
texte. D'autres, tels que le Ps. xvm reproduit II Sam.,
xxii, les Ps. cv, l-15,etxcvi, qui sont répétés I Par., xvi,
8-36, et les chapitres xxxvi-xxxix d'Isaïe, qui corres-
pondent, sauf le cantique d'Ézéchias, à II Reg., xvm,
17-xx, 20, ont eu un sort différent et n'ont pas été sujets
aux mêmes accidents et aux mêmes modilications. Les
derniers présentent, en outre, cette curieuse particula-
rité que le ch. xxvni d'Isaïe est plus notablement altéré,
tandis que la majeure partie de la narration est restée
en assez bon état dans les deux exemplaires. Voir
J. Touzard, De la conservation du texte hébreu. Étude
sur lsaïe, xxxvi-xxxix, dans la Revue biblique, 1897,
t. vi, p. 31-47, 185-206; 1898, t. vu, p. 511-524; 1899,
t. vm, p. 83-188. Par l'examen comparé de ces deutéro-
graphes nous pouvons nous faire une idée des modifi-
cations de détails que les Livres Saints ont subies
par le fait des copistes dans les temps qui se sont
écoulés depuis leur composition jusqu'à leur traduction
en grec. F. Vodel, Die consonantischen Varianten in
den doppell ïiberliefertenpoetischenStûcken desntas-
soretischen Textes, Leipzig, 1905. '
On peut comparer encore les généalogies de la
Genèse, v, x et xi, avec celles de I Par., i, 1-27, les
passages parallèles des livres de Samuel et des Rois
avec ceux des Paralipomènes; II Reg., xxiv, 18-xxv,
30, avec Jer., lu; Is., h, 2-4, avec Mich., iv, 1-3. Beau-
coup de changements sans doute ont été faits inten-
tionnellement par les écrivains sacrés, qui ont donné
comme une seconde édition du même morceau. Cepen-
dant, d'autres sont accidentelles «t trahissent la négli-
gence des copistes. Ces deutérographes nous apprennent
ainsi que les textes sacrés ont été, durant la première
période de leur existence, légèrement altérés; ils nous
montrent aussi dans quelle mesure ces altérations se
sont produites : elles ne constituent que des fautes de
détails, qui sont sans grande importance et laissent
intacte la substance du récit historique ou du cantique,
qui a été deux fois transcrit.
II. PÉRIODE QUI VA LE LA VERSION DES SEPTANTE A LA
2105
TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2106
constitution du texte massorétique. — 1» Compa-
raison de la version des Septante avec le texte masso-
rétique. — Cette comparaison permet de constater que
le texte hébreu sur lequel la traduction grecque a été
faite différait du texte massorétique. Les divergences
portent sur différents points. — 1. Disposition dutexte
en plusieurs livres. — Les transpositions sont nom-
breuses dans le livre de Jérémie, voir t. m, col. 1277,
moins fréquentes dans les Proverbes, voir t. v, col. 793,
et dans l'Ecclésiastique. Voir t. H, col. 1548. Elles s'ex-
pliquent par la divergence des manuscrits et proviennent
vraisemblablement, au moins pour les Proverbes et
Jérémie, du déplacement de plusieurs feuillets dans
un manuscrit. — 2. Diversité de leçons dans les
manuscrits. — Elle n'est pas la même dans tous les
livres et elle est plus grande dans les uns que dans les
autres. Elle est notablement considérable dans les
livres de Samuel et des Rois. Voir t. v, col. 1143, 1160-
1161. On y a pu voir à juste titre deux recensions diffé-
rentes de ces livres, dont le texte est tantôt plus court
et tantôt plus développé. Les additions les plus saillantes
sont celles de I Reg., m (19 lignes au début); m, 46
(20 lignes); xn, 24 (68 lignes). Ce pouvaient être des
targums, destinés à compléter un récit simplement
esquissé ou à expliquer un passage obscur. D'autres
moins considérables donnent un récit mieux suivi que
le texte hébreu actuel et semblent mieux représenter
le texte original. Ainsi I Sam., xiv, 41. Le texte grec est
plus court dans les récits qui concernent les premiers
rapports de Saûl et de David. I Sam., xvm, 6-xix, 1.
Il omet les versets 9-11, 17-19, 28 &-30. Certains manu-
scrits omettent au ch. xvn du même livre les }. 12-31,
41, 50, 55-58, et les six premiers versets du ch. xvm,
et plusieurs autres les ont marqués d'un astérisque.
D'autres omissions existent dans les livres des Rois,
I Reg., m, 35-46; iv, 20, 21, 25, 26; vi, 11-13, 18, 22,
32, 33; vin, 12, 13; ix, 15-25; xi, 39; xn, 17; xm, 27;
xiv, 1-20; xv, 6, 32; xxn, 47-50: Il y a aussi de nom-
breuses omissions dans le livre de Jérémie. Voir t. m,
col. 1277. Le livre des Proverbes a encore dans la ver-
sion grecque des omissions, des additions, des transpo-
sitions et des modifications. Voir t. v, col. 793; J. Kna-
benbauer, Commenlarius in Proverbia, Paris, 1910,
p. 14-19. Chaque livre grec, même le Pentateuque, a
plus ou moins de variantes, mais toutes ne sont pas
bonnes. Le manuscrit hébreu dont se servait le traduc-
teur grec avait des fautes de copiste ou présentait des
anomalies, dont quelques-unes semblent provenir de
l'irrégularité dans la transcription des voyelles dites
aujourd'hui lettres quiescentes. — 3. Fautes de traduc-
tion. — Quelques-unes proviennent d'une fausse
lecture, soit par la confusion de lettres phéniciennes,
ou de l'écriture carrée, soit par la manière de couper
les mots d'un manuscrit à écriture continue. Voir t. il,
col. 1579-1580; t. v, col. 1645-1646; P. Martin, op.cit.,
1. 1, p. 45-71. Il faut donc, au point de vue de la valeur
critique et de la reconstitution du texte original, exa-
miner à part chacun des livres de la version grecque
des. Septante, voir, par exemple, pour Isaïe, t. m,
col. 977-978, et chacun des passages où se présente une
variante. Quoique le texte hébreu qui se trouve à la
base de cette traduction soit fréquemment différent du
texte massorétique, les divergences, pour notables
qu'elles soient parfoiSj n'atteignent jamais la substance
des faits et des doctrines. Cf. Ginsburg, The newniasso-
retico-critical text of the hebrew Bible, 1894, p. 158-
162, 291-296; A. Baumgârtner, L'état du texte du livre
des Proverbes, Leipzig, 1890, p. 272-282. Voir les tra-
vaux cités, col. 1648-1650.
La conservation substantielle du texte hébreu, à
l'époque à laquelle se fit la version des Septante, nous
est attestée, au moins pour le Pentateuque, par le Livre
des jubilés, on la Petite Genèse. Ce livre est, au senti-
ment commun des critiques récents, du temps des
Machabées et avant Hérode, et suppose un texte qui
n'a que deux leçons communes avec le Pentateuque
samaritain, qui s'accorde parfois avec le texte massoré-
tique contre la version des Septante, mais qui suit
le plus souvent cette traduction dans les passages où
elle s'écarte du texte hébreu postérieur. Il a cependant
aussi quelques leçons propres. Certaines de ces parti-
cularités proviennent du but de l'auteur qui était
l'exaltation et la glorification du peuple élu de Dieu.
Sur la valeur critique de ce livre, voir A. Dillmann,
Beitrâge aus déni Bûche der Jubilâen zur Krilik des
Pentateuch-Texles, dans Sitzungsberichte der Berl.
Akademie der Wissenschaften, 1883; H. Charles,
Ethiopie version of the hebrew booh of the Jubilees,
Oxford, 1895, p. xx-xxv; E. Littmann, Das Buch der
Jubilâen, dans Kaulzsch, Die Apokryphen und Pseud-
epigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. H, p. 38.
2° Travail critique des scribes avant les massorètes.
— Il rentrait dans le rôle des scribes de veiller à la
transcription du texte sacré. Voir col. 1537. Il semble
qu'ils aient apporté à ce travail un soin plus minutieux
que les premiers copistes. Ils se préoccupaient de
transcrire ce texte ou de le faire transcrire exactement
par respect pour les livres canoniques de leur nation et
de leur religion. Josèphe, Cont. Apion., I, 8, etPhilon,
dans Eusèbe, Prsepar. ev., vin, 6, t. xxi, col. 600-601,
déclarent que, dans leur nation et de leur temps, per-
sonne n'oserait ajouter ou retrancher aux Livres Saints,
surtout à la Loi de Moïse, ou y changer quoi que ce soit.
Certains Pérès de l'Église, il est vrai, ont reproché aux
Juifs d'avoir altéré le texte de l'Ancien Testament dans
les passages prophétiques et messianiques, que les chré-
tiens faisaient valoir en faveur de la divinité de Jésus-
Christ et du christianisme. Mais leur reproche n'est pas
fondé. D'ailleurs, quand saint Justin, par exemple, ac-
cuse les Juifs d'avoir falsifié l'Écriture, il vise la traduc-
tion d'Aquila, ayant substitué veSviç â TtapSsvo; dans
Isaïe, vu, 14. Dial. cum Tryph., 71, 84, t. vi, col. 644,
673. La critique porte donc sur l'interprétation et non pas
sur la teneur du texte hébreu. Les autres exemples, pro-
posés par saint Justin, ne sont pas justifiés, ni Jer., xi, 19,
qui ne manque pas dans le texte hébreu, ni la leçon
du Ps. xevi, 10: ànb toO £ûXou, qui est absente aussi des
anciennes versions, et le passage qu'il ajoute à I Esd.,
vi, 21, est une addition d'une main chrétienne, lbid.,
72, 73, col. 644-645. Saint Justin se servait d'un exem-
plaire des Septante, qui contenait des interpolations.
Voir aussi plus haut, col. 1637-1630. Du reste, Tryphon
repousse le reproche de saint Justin et il tient pour
incroyable que ses coreligionnaires aient altéré l'Écri-
ture. Saint Irénée, Cont. hser., m, 21, t. vu, col. 946,
reprend aussi les fausses interprétations d'Aquila par
comparaison avec la version des Septante, mais il n'ac-
cuse pas les Juifs d'avoir corrompu le texte, sinon par
leurs fausses traditions, iv, 15, col. 1004. Il suppose, au
contraire, qu'ils n'ont pas falsifié l'Écriture, c'est-à-dire
la version grecque, parce qu'ils n'ont pas prévu qu'elle
servirait de preuve aux chrétiens, ajoutant que s'ils
avaient prévu ce service, ils auraient brûlé cette traduc-
tion. Si Tertullien, De cultu feni., i, 3, t. i, col. 1308, dit
que les Juifs avaient retranché des Écritures plusieurs
choses concernant le Messie, il parle de livres entiers
qui auraient été supprimés, tels que le. livre d'Hénoch
dont il soutenait la canonicité. Son argument ne vaut
pas mieux que son sentiment. Dans sa lettre à Jules
Africain, 19, t. xi, col. 69, 72, Origène reproche avec
raison aux Juifs d'avoir écarté du canon biblique les
livres deutérocanoniques, mais lorsqu'il donne l'assu-
rance qu'ils ont supprimé à dessein et par malice plu-
sieurs Écritures, il n'en apporte pas de preuve et il se
range à l'opinion des docteurs précédents. Il n'est pas
constant dans son sentiment, puisque si parfois il répète
2107
TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2108
son accusation, In Jer., hom. xvi, 10, t. xm, col. 449,
452, d'autres fois il en montre l'injustice. Saint Jérôme,
de son côté, supposait que les Juifs avaient retranché
quelques mots du Deutéronome. In Epist. ad Gai.,
1. II, t. xxvi, col. 357. Il pensait que saint Matthieu avait
cité inexactement Michée pour reprendre les scribes et
les prêtres de leur négligence à citer l'Écriture. In Mich.,
1. Il, t. xxv, col. 1197. Ailleurs, il défend les Juifs du crime
d'altération des Écritures sur l'autorité même d'Origène,
qui a dit que Notre-Seigneur et les Apôtres, qui ne ce-
laient pas lés torts des scribes et des pharisiens, ne le
leur ont pas reproché. Si on prétend que les falsifica-
tions des Juifs sont postérieures à Jésus et aux Apôtres, il
ne pourra retenir un éclat de rire, puisque le Sauveur
et les évangélistes ont cité les passages que les Juifs
devaient fausser plus tard. Ira ls., 1. III, t. xxiv, col. 99.
Il est le défenseur de la veritas hebraica, au point
d'être parfois injuste à l'égard de la version des Septante.
Saint Chrysostome, In ilalth., hom. v, 2, t. lvii, col. 57,
à propos d'Isaïe, vu, 14, reproche seulement aux traduc-
teurs juifs postérieurs aux Septante, d'avoir à dessein
traduit obscurément les prophéties messianiques. Le
pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 78, t. xxviii,
col. 438, parle de la perte de livres entiers, supprimés
par les Juifs. Saint Augustin repousse catégoriquement
l'accusation portée contre les Juifs d'avoir altéré leurs
Écritures etil appuie son jugement sur.le grand nombre
de manuscrits répandus partout, qu'ils auraient dû al-
térer. De civ. Dei, XV, xm, 1, t. xli, col. 452. Il recon-
naît dans les Juifs, adversaires du christianisme, des
gardiens des Écritures où les chrétiens vont puiser les
arguments messianiques, lbid., XVIII, xlvi, col. 608-
609. Cf. pseudo-Justin, Cohortatio ad Grxcos, 13, t. VI,
col. 268. Les reproches des Pères qui ne savaient pas
l'hébreu visent généralement les traductions grecques
d'Aquila, de Sjmmaque et deThéodotion, que les Juifs
préféraient à la version des Septante et opposaient aux
chrétiens dans la polémique. Plus littérales que la pre-
mière, ces versions n'en diffèrent pas seulement quant
à l'interprétation; elles avaient été faites aussi sur un
texte hébreu qui se rapprochait plus du texte des Sep-
tante que du texte massorélique, autant, du moins,
qu'on peut en juger par les fragments qui nous sont
parvenus. Cette constatation est une preuve nouvelle
que les Juifs n'avaient pas altéré à dessein et par ma-
lice leurs Écritures pour faire pièce aux chrétiens. Cf .
R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. I>
ch, xvn-xix, p. 97-111.
Dès le II e siècle de notre ère, le texte hébreu était
fixé déjà et d'une façon uniforme au point que tous les
témoins, à partir de cette époque, représentent une
seule et unique recension, celle que les massorètes
stéréotyperont plus tard, sauf quelques légères diffé-
rences seulement. La version syriaque, faite directement
sur l'hébreu, voir col. 1916, les traductions déjà citées
d'Aquila, de Symmaque et de Théodotion, les Hexaples
d'Origène et la version de saint Jérôme témoignent
qu'aux II*, III e et iv« siècles le texte hébreu était à peu
près identique au texte massorétique. Il n'y a que des
divergences accidentelles, de celles qu'on rencontre
toujours dans les manuscrits d'une même famille. Les
commentaires de saint Jérôme, qui était si bien au cou-
rant des choses rabbiniques, montrent que les rabbins
notaient déjà les moindres détails de l'orthographe
traditionnelle x tels- que la présence ou l'omission des
matres lectionis. Voir, par exemple, Qusest. in Gene-
sim, 16, t. xxui, col. 973. Les plus anciens targums
du Pentaleuque et des livres prophétiques, qui sont
un peu postérieurs, sont généralement d'accord avec la
recension massorétique, sauf le targum d'Onkelos qui
est d'accord de temps en temps avec la version des
Septante. Voir Targums, t. v, col. 1995.
Les Talmuds supposent aussi le texte hébreu défini-
tivement fixé et ils ne connaissent pas de variantes au
sens précis du mot. Leurs citations bibliques et celles
des midraschim ont été recueillies par Strack, Pro-
legomena critica in V. T. hebraico, Leipzig, 1872,
p. 59-111. Ils distinguaient déjà le keri du ketib et ils
signalaient la présence ou l'absence des matres lectio-
nis, du vav consécutif. Traité Sopherim, c. vi, vu. Au
traité Nedarim, fol. 37 6-38 a, le Talmud de Babylone
rapporte quelques exemples du travail des scribes et
leur manière d'écrire certains mots : o'iso, =>atf, y"in;
des suppressions faites, Gen., xvm, 5; xxiv, 55; Num.,
xxxi, 2; Ps. lxviii, 26; XXXVI, 7; des leçons à lire qui
nesontpas écrites, II Sam., vm, 3; xvi, 23; Jer., xxxi,
38; L, 29; Ruth., Il, 11; m, 5, 17; des leçons écrites
qu'il ne faut pas lire, II Reg., v, 18; Deut., mi, 1; Jer.,
i.i,3; Ezech., xlviii,61; Ruth., m, 12. Cf. J. Buxtorf,
Tiberias, p. 37-43. Ils avaient aussi marqué plusieurs
passages de points extraordinaires, dont la signification
exacte n'était déjà plus connue de tous les talmudistes.
A propos de -pm, Num., ix, 10, marqué d'un point en
haut, selon la Mischna, quelques-uns pensaient qu'il
ne fallait pas tenir compte des lettres ponctuées, quand
elles étaient en minorité, mais que, si elles étaient en
majorité, elles l'emportent et il faut leslire ; Rabbi ajoutait
que, n'yeùt-il qu'une lettre ponctuée par en haut, on en
tenait compte et qu'on annulait seulement le reste de
ce qui était écrit. Talmud de Jérusalem, traité Pesa-
chim, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1882, t.v, p. 137, 138.
Ces points soulignaient donc une lettre ou un mot soit
pour les supprimer soit pour attirer sur eux l'attention.
Cf. M. Schwab, Des points-voyelles dans les langues
sémitiques, Paris, 1879, p. 26. Selon saint Jérôme, ce
point indiquait que la chose est incroyable. Quxst.
in Gen., xix, 35, t. xxm, col. 966. Voir Massore, t. iv,
col. 856. Le Talmud de Jérusalem signale aussi l'écri-
ture différente de quelques mots. Traités Kilaini, m, 1 ;
v, 4; Schebiith, i, 6, trad. Schwab, Paris, 1878, t. H,
p. 250-251, 277, 311.
III. Période des massorètes. — Cette période va du
VI e au xi e siècle. On a déjà exposé ici la double tâche
accomplie par les massorètes : 1° la vocalisation du
texte hébreu par l'invention des points-voyelles, voir
t. m, col. 504-508; t. v, col. 531-538; 2» l'ensemble des
notes ou remarques qui constituent la grande .et la
petite massore et qui forment la « haie » de la Loi ou de
l'Écriture, élevée en vue de la préserver de la moindre-
altération. Voir t. iv, col. 854-860. Il ne reste plus qu'à
rappeler quelle a été l'œuvre des massorètes relative-
ment au texte qu'ils ont vocalisé et à apprécier la va-
leur critique de leur texte biblique.
1° Le texte massorétique. — Les massorètes n'ont
pas, à proprement parler, constitué une recension du
texte hébraïque de la Bible. Ils n'ont fait que trans-
crire, en en fixant la prononciation traditionnelle, le
texte qui était établi d'une façon à peu près uniforme
depuis le II e siècle de notre ère. La vocalisation qu'ils
ont adoptée, qu'elle soit palestinienne ou babylonienne,,
voir t. I, col. 1359, ou distincte de ces deux espèces,
M. Friedlânder, Some fragments of the hebrew Bible
with peculiar abbreviations and peculiar signs for-
vowels and accents, dans les proceedings of the So-
ciety of biblical archieology, mars 1896, p. 86-98, n'a
fait que marquer au moyen de signes conventionnels
assez compliqués la prononciation usuelle, transmise
depuis des siècles par la tradition orale. Toutes les
versions antérieures la supposent et la confirment. Les
massorètes n'ont guère changé les consonnes, et quand
le texte écrit leur paraissait fautif, loin de le corriger-
ils le transcrivaient fidèlement tel qu'ils le trouvaient
écrit, c'est le kelib, sauf à noter, à la marge des ma-
nuscrits, la leçon qu'il fallait lire, le keri. Voir t. m,
col. 18S9. Les keri sont des variantes discutées entre les
docteurs palestiniens et les docteurs babyloniens. Ils-
2109
TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2110
sont au nombre de 216 pour tous les livres de la Bible,
hormis le Pentateuque qui n'en a que quelques-uns, et
ils ont été édités, par Jacob benChajim, dans la seconde
Bible rabbinique de Bomberg à Venise, en 1524-1525.
Bien que fixé jusque dans les moindres détails, le
texte massorétique n'était pas cependant uniforme
dans les plus anciens manuscrits. Les docteurs juifs
postérieurs ont relevé les variantes d'un manuscrit
qu'ils attribuaient faussement à Hillel et celles de la
Bible de Jéricho; or, les variantes du premier ne
portent que sur des minuties grammaticales ou des
variétés de ponctuation massorétique. Dans la première
moitié du x e siècle, Aaron ben Moïse ben Ascher a
écrit, à Tibériade, un manuscrit, qui a passé longtemps
au xix e siècle comme le type le plus parfait du texte
massorétique palestinien. Or, il différait du manuscrit
de son contemporain et compatriote Moïse ben David
ben Nephthali. Les variantes de ces deux manuscrits
ont été transcrites aux marges des manuscrits posté-
rieurs et Jacob ben Chajim en a recueilli 864 (867) et
les a fait imprimer en appendice à la troisième Bible
rabbinique de Bomberg, Venise, 1548, t. IV. Elles ont
été reproduites dans la Polyglotte de Londres, t. vi,
p. 8 sq. Elles ne portent que sur des minuties de voca-
lisation ou de grammaire, et quelques-unes seulement
constituent des leçons présentant des consonnes diffé-
rentes. Elles ne sont pas identiques à celles de tous les
manuscrits. On a voulu y voir les divergences de textes
massorétiques qui avaient cours en Palestine et en Ba-
bylonie. Elles ne sont plutôt que l'œuvre de ces deux
docteurs, sur laquelle nous sommes, d'autre part,
imparfaitement renseignés.
2° Valeur critique du texte massorétique. — Elle a
été vivement discutée au xvn e et au xvm e siècle. Un
protestant, Louis Cappel, voir t. h, col, 218, ayant sou-
tenu la nouveauté des points- voyelles, Arcanum pun-
ctatiohis revelatum, Leyde, 1624, puis la non-intégrité
du texte massorétique, Critica sacra, Paris, 1650, les
deux Buxtorf, voir t. i, col. 1980-1982, défendirent ces
deux points, le père dans Tiberias, Bâle, 1620, le fils,
dans son Tractatus de panctorum vocalium in libris
V. T. hebraicis origine, antiquilate et aulhoritale,
Bàle, 1648, et dans son Anticritica, Baie, 1653. La thèse
des Buxtorf prédomina en Allemagne et en Suisse, et
la Confession de foi, dressée par Heidegger en 1675 et
adoptée par le Consensus helveticus, la même année,
can. 2 et 3, canonisa les points-voyelles et déclara le
texte massorétique absolument authentique et intègre.
Les protestants voulaient jeter le discrédit sur la version
des Septante, que l'Église avait suivie si longtemps. A
l'encontre, l'oratorien Jean Morin, voir t. iv, col. 1283,
soutint, pour faire valoir celte version et le Pentateuque
samaritain qu'il avait édité, que le texte hébreu était
corrompu dans la plupart des passages où il différait
des autres textes. Exercilaliones ecclesiasticse et biblicse,
in-f°, Paris, 1699, part. II, 1. I,exc. i-ix, p. 1-222; 1. II,
exe. i-xxiv, p. 223-634. Isaac Vossius, quoique protestant,
regardait la version des Septante comme inspirée et
prétendait que le texte hébreu avait été volontairement
altéré par les Juifs. De LXX interprelibus eorumque
translatione, 1661. La vérité, qui tient le milieu entre
ces deux extrêmes et qui est que le texte hébreu masso-
rétique, sansêtre exempt de fautes accidentelles, s'était
cependant conservé dans sa pureté substantielle, trouva
dès lors des défenseurs. Nommons R. Simon, Histoire
critique du Vieux Testament, part. I, c. xvm, xix,
p. 101-111; part. II, c. iv, p. 202-211; dom Martianay
(voir t. IV, col. 827), Défense du texte hébreu et de la
chronologie de la Vulgate, Paris, 1689, p. 116 sq. ;
Continuation de la défense du texte hébreu de la
Vulgate, Paris, 1693; PaulPezron (voir t. v, col. 177),
L'antiquité des temps rétablie et défendue, Paris,
1690; Défense de l'antiquité des temps, Paris, 1691; |
Michel Lequien, L'antiquité des temps détruite, Paris,
1697; le P. Fabricy, Des titres primitifs de la révéla~
tion (1772), dans le Cursus completus Sac. Scripturse
de Migne, t. xxvn, col. 505-914, etc. C'est le sentiment
commun des critiques modernes.
Du reste, le texte massorétique porte en lui-même
des traces d'altérations accidentelles. Il contient, en
effet, des fautes évidentes. Le chiffre qui indiquait l'âge
de Saûl, quand il commença à régner, a disparu en
laissant une lacune béante. I Sam., xm, 1. Une autre
lacune se remarque un peu plus loin, I Sam., xiv, 41,
au sujet du sort jeté entre Saûl et son fils Jonathas. Le
récit des relations du même roi avec le jeune David,
I Sam., xvi, 15-xvin, 5, manque d'ordre et de suite et
il est rempli d'inconséquences manifestes; il ne nous
est pas parvenu dans sa teneur primitive. Le récit de
la mort d'Aaron, Deut., x, 6, est en contradiction avec
Num,, xx, 25-30; xxxm, 37; Deul., xxxu, 50, et la con-
tradiction ne s'explique que par i'altération du premier
passage cité. Le texte original a dû souffrir aussi, Exod.,.
xi, 3-xu, 17, parce que tous les détails ne cadrent
pas ensemble. Cf. P. Martin, De l'origine du Pen-
tateuque (lithog.), t. i, p. 27-39. Dans le Ps. cxliv, qui
est alphabétique, le vers qui commençait par aa dis-
paru du texte hébreu, mais se retrouve dans la version-
des Septante. Dans les Lamentations, ii-iv, les strophes
débutant par la lettre y ont été vraisemblablement
transposées après celles qui commencent par d. La
comparaison des versions anciennes avec le texte masso-
rétique montre que parfois ce dernier a une leçon
moins bonne. Exemples : Ps. lxi, 8; I Sam., n, 32;.
Jer., vi, 11; Jon., i, 9. P. Martin, loc. cit., p. 40-43.
Toutefois, les leçons des versions anciennes, diver-
gentes du texte massorétique, ne prouvent pas néces-
sairement que ce texte est fautif, ces versions ne se
sont pas toujours conservées pures; elles ont été
enrichies parfois de gloses explicatives, et leur texte a
subi les altérations des copistes, voire même de correc-
teurs et de reviseurs. Sur la comparaison des Septante
et du texte massorétique, voir col. 1644-1650.
L'imperfection relative du texte massorétique s'ex-
plique par deux causes. La première est que le texte
hébreu avait subi les injures du temps et des altérations-
de détails avant l'époque des massorèles. La seconde
est que ce texte n'a pas été établi par un travail critique
sur un certain nombre de manuscrits qu'on aurait
comparés et corrigés l'un par l'autre. Il a été fixé, au
cours du il" siècle de notre ère, par le choix fait d'un
seul manuscrit, ancien ou non, sans comparaison avec-
d'autres. Voir P. de Lagarde, Materialien zur Kritik
und Geschichte des Pentaleuchs, Leipzig, 1867, t. I,
p. xn, 231. Le manuscrit adopté fut reconnu comme
autorité unique et devint le prototype à peu près uni-
forme du texte copié et recopié sans appréciation de sa
valeur intrinsèque. On le reçut et on le transcrivit tel
qu'il était, avec ses fautes qu'on ne chercha pas à cor-
riger. Le kétib, même erroné et fautif, fut maintenu,
sauf à signaler à la marge le keri ou la leçon à intro-
duire. Ce respect pharisaïque de fautes, parfois gros-
sières, a assuré la transmission séculaire d'un texte
imparfait, il est vrai, mais, en le stéréotypant avec ses-
fautes originelles, elle l'a préservé de toute altération
nouvelle, même accidentelle ou secondaire. En le voca-
lisant et en l'accentuant, les massorètes ne l'ont ni
corrigé ni modifié; ils n'ont fait qu'augmenter sa fixité
première et sauvegarder davantage son intégrité.
IV. PÉRIODE POSTÉRIEURE AUX MiSSORÈTES. — Elle
comprend la copie du texte dans les manuscrits, ses
éditions après l'invention de l'imprimerie et sa correc-
tion critique.
1» Manuscrits. — Voir t. iv, col. 667-672. Les rou-
leaux, transcrits pour le service des synagogues, donnent
identiquement le même texte les copistes étant prému-
2111
TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT
2112
nis contre l'insertion de toute variante par les règles
méticuleuses du Talmud. Les manuscrits, copiés pour
l'usage des particuliers, offrent bien quelques diver-
gences, mais elles sont peu nombreuses et peu impor-
tantes. Ces variantes ont été en partie recueillies par
B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicum cum va-
riis lectionibus (de 615 manuscrits), Oxford, 1766-1780,
et par Jean-Bernard De Rossi, Variœ lectiones V. T.,
Parme,1784-1788; Supplementum, 1798 (d'après 780 ma-
nuscrits); Spécimen variarum leclionum sacri textus
(d'un manuscrit de Pie VI), Rome, 1782, p. 29-74. Voir
Kennicott, t. m, col. 1887; De Rossi, 2, t. v, col. 1211.
2° Editions imprimées. — L'art de l'imprimerie, en
multipliant les exemplaires de la Bible hébraïque, n'a
pas beaucoup modifié l'état du texte. Les premières
éditions ont été faites sur un petit nombre de manu-
scrits, ceux qui étaient à la disposition des éditeurs et
dont ils ne discutèrent pas la valeur. Le Psautier fut
imprimé le premier, in-f», en 1477, probablement à
Bologne, avec le commentaire de Kimchi; le Ps. i a les
points-voyelles en rouge. Le Pentateuque parut, in-f»,
Bologne, 1482, avec le Targum d'Onkelos et le commen-
taire de Raschi. Les Prophètes furent publiés ensuite,
2 in-f», Soncino, s. d. (1485), sans points ni accents, avec
le commentaire de Kimchi. Les cinq Meghilloth paru-
rent au même lieu, la même année. Tous lesHagiogra-
phes furent imprimés à Naples en trois parties, enl486
et 1487; ils étaient vocalises, mais sans accents. La pre-
mière édition complète, avec voyelles et accents, parut
à Soncino, au mois de février 1488; la seconde, s. 1. n. d.
(Naples, 1491-1493) ; la troisième, à Brescia, en mai 1494.
Quelques auteurs en citent une autre, publiée à Pesaro
la même année. — Au XVI e siècle, la Bible entière fut
imprimée en 2 in-f», Pesaro, 1511, 1517; puis vint la
Polyglotte d'Alcala, 1514-1517, voir t. v, col. 515-516. La
première Bible rabbinique, préparée par Félix Pratensis,
4 in-f°, Venise, 1516-1517, a les chapitres modernes en
marge et partage en deux les livres de Samuel, des Rois,
d'Esdras et des Paralipomènes. Une édition du même
texte, sans targums ni commentaires, parut la même
année, sortant des mêmes presses de Daniel Bomberg.
Après trois autres Bibles rabbiniques,voirt. v, col. 919,
il faut mentionner la Polyglotte d'Anvers. Voir t. v,
col. 519. Parmi un grand nombre d'autres éditions, in-
diquons seulement celles de Bomberg, in-4», Venise, 1521,
1525-1528, de Robert Estienne, 1539 sq., de Sébastien
Munster, 2 in-f», Bâle, 1534-1535, et d'Èlie Hutter,
in-f», Hambourg, 1587. — Au xvn e siècle, nous men-
tionnerons d'abord la 5 e Bible rabbinique de Bomberg,
Venise, 1617-1619, et la 6» publiée à Bâle, 1618-1619, par
,1. Buxtorf, le père, puis les deux Polyglottes de Paris
et de Londres, voir t. v, col. 521, 522-524, ensuite
l'édition de Joseph Athias, Amsterdam, 1667, qui
donne un texte revisé sur d'anciens manuscrits et qui
a servi de base aux suivantes; elle a été préparée par
J. Leusden, et elle fut corrigée par Japlonsky, Berlin,
1699. — Au xvm e siècle, Everard van der Hooght,
Amsterdam et Utrecht, 1705, suivit Leusden. L'édition
de Salomon ben Joseph Props, in-8°, Amsterdam, 1725,
est supérieure à la précédente. La 7 e Bible rabbinique,
due à Moïse de Francfort, parut dans la même ville,
4 in-f», 1724-1727. Voir t. v, col. 919. J. H. Michaelis,
collationna un manuscrit d'Erfurt et donna la première
édition critique, Halle, 1720. Une autre édition critique
parut àMantoue, in-4», 1742-1744, avec un commentaire
massorétique de Salomon Norzi. Voir encore, pour
l'édition de Simonis, col. 1746. B. Kennicott collationna
beaucoup de manuscrits, mais sans valeur, dont il
donna les variantes ; son texte est, au fond, celui de
Hooght, 2 in-f», Oxford, 1776, 1780. — Au xix» siècle,
la Bible de Hooght fut corrigée par J. d'Allemand,
Londres, 1822, et souvent rééditée. Elle fut retouchée
par A. Hahn, Leipzig, 1831 (nombreuses rééditions),
par Theile, Leipzig, 1849 (nombreuses rééditions), par
Letteris, Vienne, 1852 (adoptée et souvent reproduite
par la Société biblique d'Angleterre et des pays étran-
gers). Une Bible rabbinique a paru à Varsovie, 12 petits
in-f», 1860-1868. Voir t. v, col. 919. S. Baer et Frz.
Delitzsch ont publié à Leipzig des éditions séparées très
correctes : la Genèse, 1869, Josué et les Juges, 1891, les
deux livres de Samuel, 1891, des Rois, 1895, d'Isaïe,
1872, de Jérémie, 1890, d'Ézéchiel, 1884, des petits
prophètes, 1878, des Psaumes, 1880, des Proverbes,
1880, de Job, 1875, des cinq Meghilloth, 1885, de Daniel,
Esdras et Néhémie, 1882, et des Paralipomènes, 1888.
3» Travaux et éditions critiques. — 1 . Travaux. — Au
xiii» siècle déjà, Meïr ben-Todrôs (Abulafia), de Burgos
(■}• 1244), constatait que les meilleurs manuscrits du
Pentateuque ne s'accordaient pas et que les notes mas-
sorétiques n'étaient pas sûres. Son ouvrage : La Mas-
sore, haie de la Loi, min 1 ) 3'd mon, imprimé à Flo-
rence en 1750, est une édition du Pentateuque d'après
les manuscrits les meilleurs ; en cas de divergence de
ses sources, l'auteur adoptait la leçon qu'il trouvait
dans le plus grand nombre des témoins. Son contem-
porain Iakutiel ben Iehuda, pour les mêmes raisons, a
collationné six manuscrits espagnols du Pentateuque
qu'il jugeait anciens et corrects. Ces essais de correc-
tions restèrent isolés et furent sans influence sur la
transmission du texte. Au xvn e siècle, Menahen de
Lonzano compara dix manuscrits, la plupart espagnols,
avec l'édition in-4» de Bomberg, Venise, 1554. Son
ouvrage est intitulé : min "nx, La lumière de la Loi,
Venise, 1618. Le commentaire critique, composé en
1626, par Salomon de Norzi et publié dans la Bible de
Mantoue, 1742 1744, s'étend à toute la Bible hébraïque
et il est fondé sur une collation sérieuse de plusieurs
manuscrits, la plupart encore espagnols. Au xix» siècle,
les critiques protestants furent amenés à discuter les
leçons massorétiques de différents livres de l'Ancien
Testament; ils ne se contentèrent pas de proposer les
corrections que leur suggérait la comparaison du texte
hébreu avec les anciennes versions, ils y joignirent
des corrections conjecturales qui ne furent pas toujours
heureuses.
2. Éditions. — Au xvill" siècle, l'oratorien Houbigant
entreprit une correction du texte hébreu. Voir t. m,
col. 756. Les travaux de Kennicott et de De Rossi firent
connaître les nombreuses variantes des manuscrits et
montrèrent leur insignifiance. Auxix e , David Ginsburg
a publié une édition critique de la Bible hébraïque,
2 vol., Londres, 1894; 2» édit., Vienne, 1906. L'édition
polychrome (rationaliste), faite sous la direction de
P.Haupl:27ie sacredbooks of the Old Testament, in-4» .
Leipzig, Baltimore et Londres, a donné jusqu'ici la
Genèse par Bail, 1896, leLévitique, par Driver et White,
1894, les Nombres, par Paterson, 1900, le Deutéronome,
par Smith, 1906, Josué, par Bennett, 1895, les Juges,
par Moore, 1900, Samuel, par Budde, 1894, les Rois,
par Stade, 1904, Isaïe, par Cheyne, 1899, Jérémie, par
Cornill, 1895, Ézéchiel, par Toy, 1900, les Psaumes, par
Wellhausen, 1895, les Proverbes, par Mùller et Kautzsch,
1901, Job, par Siegfried, 1893, Daniel, par Kamphausen,
1896, Esdras et Néhémie, par Guthe et Balten, 1901, et
les Paralipomènes, par Kittel, 1895. R. Kittel, avec la
collaboration de Béer, Buhl, Dalman, Driver, Lôhr,
Nowack, Rothstein et Ryssel, a publié sous le texte de
la Bible rabbinique de 1524-1525 les variantes les plus
importantes des anciennes versions et les meilleures
conjectures des critiques modernes, Biblia hebraiea,
2 in-8», Leipzig, 1905-1906; 2 e édit., ibid., 1909.
Bibliographie. — 1° Pour l'histoire critique du texte
hébreu, voir R. Simon, Histoire critique du Vieux
Testament, 1. I, c. x-xxvii, Rotterdam, 1685, p. 63-160;
U. Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam,^ édit.,
Rome, 1882, t. u, p. 488-499; C. Trochon, Introduction
2113 TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT — TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 2114
générale, Paris, 1886, 1. 1, p. 274-290 ; P. Martin, Intro-
duction à la critique générale de l'A. T. De l'origine
du Pentateuque (lith.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 27-
104; F. Buhl, Kanon und Texte des A. T., Leipzig,
1891, § 23 sq. ; A. Loisy, Histoire critique du texte
et des versions de la Bible, dans L'enseignement
biblique, Paris. 1892, p. 101-204; R. Gornely, Intro-
ductio generalis, 2= édit., Paris, 1894, p. 263-293;
Kenyon, Our Bible and the ancient manuscripts being
a hislory of the text and Us translations, 2 e édit.,
Londres, 1896; Copinger, Tho Bible and Us transmis-
sion, Londres, 1897; Weir, A short hislory of the
Hebreiv text of the Old Testament, Londres, 1899;
H. Strack, Einleitung in das A. T., 6 e édit., Munich,
1906, p. 191-20i; Realencxjclopâdie fur protestantische
Théologie und Kirche, Leipzig, 1897, t. u, p. 713-728;
Hastings, Dictionary of the Bible, Londres, 1902, t. IV,
p. 726-732; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit.,
Paris, 1906, t. i, p. 165-174.
2" Pour l'étude des éditions imprimées de la Bible
hébraïque, voir ,1. C. Wolf, Bibliotheca hebrxa, Ham-
bourg, 1721, t. n, p. 36i-385 (Bible complète), p. 385-
413 (livres séparés); 1733, t. iv, p. 108-123 (Bible com-
plète), p. 123-154 (livres séparés); ,T. Le Long, Biblio-
thèque sacrée, Paris, 1723, t. i, p. 1587; édit. Masch,
Halle, 1778, t. i, p. 1-186; J.-B. De Rossi, Annales
hebrseo-lypographici ssec. XV, Parme, 1795; Annales...
ab anno mdi ad mdxl digesti, Parme, 1799; De ignotis
nonnullis antiquissimis hebraici textus editionibus ac
crilico earum usu, Erlangen, 1782; B.W. D. Schulze,
Vollslàndigere Kritik ûber die gewôhnlichen Ausgaben
der hebràischen Bibel, Berlin, 1766; M. Steinschneider,
Catalogus librorum hebrsorum in bibliotheca Bod-
leiana, Berlin, 1852-1860, col. 1-164; B. Pick, Hislory
of the printed additions of the Old Testament, dans
Hebraica, 1892-1893, t. ix, p. 47-116; C. D. Ginsburg,
Introduction lo the massoretico-critical text of the
hebrew Bible, Londres, 1897, p. 779-976; British
Muséum. Catalogue of printed books, Bible, Londres,
1892-1899, part. II, col. 245-726. E. Mangenot.
2.TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT I. His-
toire du texte manuscrit. — 1» Perte des autogra-
phes. — Qu'ils aient été écrits sur papyrus, II Joa.,
12, matière fragile, voir t. iv, col. 2079-2084, ou sur
parchemin, II Tim., IV, 13, matière plus solide, voir
t. iv, col. 2158-2161, les autographes des écrivains du
Nouveau Testament ont vite disparu, à cause sans
doute du fréquent usage ou de la fragilité des maté-
riaux. D'ailleurs, il faudrait entendre ces autographes
dans un sens large, puisque saint Paul semble avoir
eu l'habitude de dicter ses lettres, Rom., xvi, 22, se
bornant à écrire de sa main la salutation finale. II Thess.,
m, 17; I Cor., xvi, 21; Col., iv, 18; cf. Gai., vi, 11. Ils
n'ont pas laissé de trace certaine dans l'histoire. Les
passages des anciens écrivains ecclésiastiques, dans
lesquels on avait cru les voir mentionnés, disent tout
autre chose. Saint Ignace, Ad Philad., vm, 2, dans Funk,
Patres aposlolici, 2 e édit., Tubingue, 190i, t. i, p. 270,
dans sa discussion avec les hérétiques, n'en appelait
pas aux autographes des évangélistes, mais à des argu-
ments, tirés des Évangiles, arguments dont ses adver-
saires niaient l'existence ou discutaient la signification.
Quand Tertullien se référait aux ipsse authenticse lit-
terse des Apôtres et qu'il renvoyait à Corinthe, à Phi-
lippes, à Thessalonique et à Rome pour y trouver celles
de saint Paul, De prœsc, 36, t. n, col. 49, il pouvait ne
pas penser aux autographes eux-mêmes, mais au texte
grec original, au grec authentique, comme il dit ail-
leurs, De monog., 11, t. n, col. 946, c'est-à-dire au texte
qui fait autorité. Saint Irénée ne parle que de vieux
manuscrits pour autoriser une leçon spéciale d'Apoc,
xni, 18. Cont. hssr., t, 30, 1, t. vu, col. 1204. Origène
[filCT. DE LA BIBLE.
n'a pas d'autorité ancienne à opposer à l'exemplaire de
saint Jean, dont se servait Héracléon. In Joa., tom. xm,
11 , t. xiv, col. 416.
Les renseignements postérieurs, fournis sur les auto-
graphes de saint Jean et de saint Matthieu, n'ont aucune
valeur historique. Saint Pierre d'Alexandrie (f 311),
De paschate, 7, t. xvm, col. 517, 520, dont le témoi-
gnage est rapporté dans le Chronicon pascale, t. XCH,
col. 77, dit bien que l'autographe du quatrième Évan-
gile était conservé à Éphèse et vénéré par les fidèles.
Cette attestation tardive et isolée ne suffit pas à prouver
le fait. Plus lard, Philostorge, H. E., vu, 14, t. lxv,
col. 551-552, a prétendu qu'un manuscrit de saint Jean,
dont le début était en lettres plus grandes, avait été
retrouvé dans les ruines du Temple de Jérusalem, lors-
que Julien l'Apostat en entreprit la reconstruction. Si
Pantène a trouvé, dit-on, dans les Indes (en Ethiopie)
un manuscrit de saint Matthieu, écrit en lettres hébraï-
ques, que saint Barthélémy aurait apporté en cette
contrée, Eusèbe, H. E., v, 10, t. xx, col. 456, il n'est pas
question de l'autographe, mais d'une copie du texte ori-
ginal araméen. Au milieu du vi» siècle, le moine Alexan-
dre publia un Éloge de Barnabe, dont le texte grec
est édité Acta sanctorum, t. n junii, p. 431-447, et
une version latine dans la Pat. gr., t. lxxxvii, col. 4087-
4106, où il prétend qu'on a retrouvé en Chypre l'auto-
graphe même de saint Matthieu dans le tombeau de
saint Barnabe. Cet Éloge dépend des Actes de saint
Barnabe', publiés en grec par le pseudo-Marc, dans les
Acta sanctorum, ibid., p. 425-429, dans Tischendorf,
Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 64-74,
et par M. Bonnet, Acta Philippi et Acta Thomse,
Leipzig, 1903, p. 292-302, et en version française dans
le Dictionnaire des apocryphes de Migne. Paris, 1858,
t. n, col. 143-148. Mais ces Actes disent seulement que
Jean Marc avait déposé le corps de saint Barnabe avec
les écrits que cet apôtre avait reçus de saint Matthieu.
A la fin du vi e siècle, Théodore le Lecteur, Collect., n,
2, t. lxxxvi, col. 184, reproduit la légende du pseudo-
Marc. Or, les Actes de Barnabe et l'Éloge du même
saint par le moine Alexandre sont des ouvrages cypriotes,
composés dans un but intéressé, pour prouver l'auto-
céphalie de l'Église de Chypre contre les prétentions
des patriarches d'Antioche. Ils sont postérieurs à la
découverte historique du tombeau de saint Barnabe,
survenue en 489 sous Zenon, et attestée par Sévère,
patriarche d'Antioche. Assémani, Bibliotheca orien-
talis, t. il, p. ,81. Dans ce tombeau, on aurait trouvé,
non pas l'autographe de saint Matthieu, mais un manu-
scrit grec du premier Évangile transcrit luxueusement
et transporté au palais impérial de Constantinople. Cf.
R. Simon, Histoire critique du texte du Nouveau
Testament, Rotterdam, 1689, p. 43-45; R. A. Lipsius,
Die apocryphen Apostelgeschichten und Apostellegen-
den, Brunswick, 1884, t. n, 2, p. 270 sq. ; L. Duchesne,
Saint Barnabe (extrait des Mélanges J.-B. De Rossi,
Rome, 1892, p. 9-13). Quant à l'autographe de saint
Marc, que Venise et Prague se glorifiaient encore de
posséder au xvm e siècle, ce n'est qu'un fragment d'un
manuscrit latin de la recension de saint Jérôme, datant
du VI e siècle et dont le reste se trouve à Friuli. Il a été
édité par J. Bianchini, Evangelium quadruplex, Rome,
1748, appendix, p. dxlviii-dlii, et par J. Dobrowsky,
Fragmentum Pragense Evangelii S. Marci, vulgo au-
tographi, Prague, 1778.
Les originaux des écrits du Nouveau Testament ayant
disparu, il n'est pas possible défaire une édition diplo-
matique du texte primitif.
2» État du texte auli'et au iif siècle. — Les anciennes
copies, prises immédiatement ou médiatement sur les
originaux, n'ont pas été non plus conservées. A leur
défaut, nous ne pouvons nous rendre compte de l'état
du texte grec, 'à cette époque, que par les [citations
V. — 67
2115
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2116
qu'en ont faites les écrivains du temps et par les pre-
mières versions exécutées alors.
1. Les citations du Nouveau Testament par les écri-
vains du temps. — Celles des Pères apostoliques,
n'étant pas verbales et n'étant guère que des allusions
au texte, nous renseignent peu sur l'état du texte.
Ainsi on ne sait pas toujours à quel Évangile ils
se réfèrent, et ils mêlent peut-être de mémoire des
passages parallèles. Leurs citations du Nouveau Testa-
ment ont été réunies et publiées par le comité de la
Société d'Oxford pour la théologie historique. The
New Testament in the Apostolic Fathers, Oxford, 1905.
"Voir aussi les Indices scripturaires des éditions de leurs
œuvres, par exemple, ceux de Funk. Notons seulement
que ces Pères reproduisent déjà certaines leçons
intéressantes qu'on retrouve dans les écrivains ou les
manuscrits postérieurs. Ainsi saint Clément de Rome,
I Cor., xm, 2, édit. Funk, t. i, p. 116, cite une parole
de Noire-Seigneur, qui n'est pas dans les éditions ac-
tuelles des Évangiles et qui est reproduite par Clément
d'Alexandrie, Strom., n, 19, t. vin, col. 1015, et par-
tiellement par saint Polycarpe, Ad Phil., il, 2, édit.
Funk, 1. 1, p. 298. Cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testa-
ment dans l'Église chrétienne, Paris, 1911, 1. 1, p. 41-43.
Une citation de ce dernier Père présente une leçon
intéressante, qui se retrouvera dans certains manu-
scrits postérieurs. Le texte, Act., n, 25, est ainsi
reproduit : X-Jo-x; tk; wSïva; toO Soou. Ad Phil., I, 2,
p. 296. Pour l'ensemble des leçons propres aux Pères
apostoliques, voir Herm. von Soden, Die Schriften des
Neuen Testaments, Berlin, 1906, t. i, p. 1629-1631
(pour les Évangiles). Saint Justin, citant de mémoire,
mêle parfois les leçons parallèles, ainsi Joa,, m, 3-5,
avec Matfh., xvm, 3, et il emprunte peut-être des élé-
ments à la tradition orale ou à des sources extracano-
niques. Cf. W. Bousset, Die Evangelien-Citate Juslins,
1891; E. Preuschen, Anlilegomena, Giessen, 1901,
p.. 21-38; Ë. Lippelt, Quœ fuerint Justini Martyris
àito(j.vY)iiOveû[iaTa quaque ratione cum forma Evange-
Horum syro-lalina cohxserint, Halle, 1901; H. von
Soden, op. cit., p. 1621-1624; E. Jacquier, op. cit.,
t. i, p. 100-111. Son disciple Tatien, par son Diates-
saron ou harmonie des quatre récits évangéliques,
composé en grec ou en syriaque, a combiné beau-
coup de passages parallèles et a ainsi formé des
leçons nouvelles, qui ont pénétré dans les manuscrits
du temps et par leur intermédiaire dans les œuvres des
écrivains ecclésiastiques postérieurs et dans les plus
anciennes versions du Nouveau Testament. Si ces faits
sont constants, son œuvre aurait exercé une fâcheuse
influence, très réelle, quoique peut-être exagérée par
von Soden, sur le texte des Évangiles, notamment sur le
texte dit occidental. H. von Soden, op. cit., p. 1536-
1544, 1 609-1610, 1632-1646 ; E. Nestlé, Einfûhrung in das
Griec.hische Neue Testament, 3 e édit., Gœttingue, 1909,
p. 232-240. Athénagore et Théophile d'Antioche citent
rarement les Évangiles, et leurs citations présentent
des particularités sans importance. H. von Soden, op.
cit., p. 1620-1621. Le témoignage de saint Irénée est
peu important, parce que nous n'avons qu'une partie
de ses œuvres en grec. Il fournit cependant quelques
leçons particulières. H. von Soden, p. 1615-1620,1838-
1840, 1893-1894, 1989-1990, 2095. Une des plus intéres-
santes est celle qu'il emprunte à de vieux exemplaires
sur le chiffre de la Bête. Apoc, xm, 18. dont, hier.,
v, 30, n. 1, t. vu, col. 1203; E. Jacquier, op. cit., t. i,
p. 182. Clément d'Alexandrie présente quelques leçons
particulières, qui se sont transmises dans les manu-
scrits, mais qui sont secondaires. M. Barnard, The
biblical text of Clément of Alexandria in the four
Gospels and the Acts of the Apostles, dans Texls and
Studies, Cambridge, 1899, t. v, fasc. 5; H. von Soden,
op. cit., p. 1594-1604, 1837, 1893, 1990-1995. Saint Hip-
polyte connaît les Évangiles dans un texte qui ressemble
de très près à celui de Clément d'Alexandrie; mais
pour l'Apocalypse, citée dans son commentaire de
Daniel, il a beaucoup de leçons propres, H. von Soden,
op. cit., p. 1604-1609, 2095-2096.
A côté des écrivains ecclésiastiques de langue grecque,
on peut interroger encore les écrivains d'autres lan-
gues, qui témoignent indirectement de l'état du texte
grec, quand ils y recourent personnellement, comme
c'est le cas pour Tertullien. Il prend moins de liberté
avec ce texte que les Pères grecs et il le suit de plus
près dans ses nombreuses citations des Évangiles. Il
n'a pas subi l'influence de Tatien et il a un petit nom-
bre de leçons propres, qui pourraient bien être origi-
nales. H. Rônsch, Das Neue Testament Tertullian's,
Leipzig, 1871; H. von Soden, p. 1610-1615, 1837-1838,
1893, 2023-2028, 2094.
On peut consulter aussi, mais avec beaucoup plus
de précautions, sur l'état du texte grec du Nouveau
Testament, les hérétiques du temps. Les Pères, leurs
contemporains, leur ont reproché d'avoir altéré le texte
sacré, non pas seulement par de -fausses interpréta-
tions, S. Irénée, Cont. hser., i, praef., t. vu, col. 437;
Clément d'Alexandrie, Strom., vu, 16, t. ix, col. OSI-
ONS, mais encore par des altérations volontaires, muti-
lations, additions et modifications. S. Denys de Corin-
the, dans Eusèbe, H. E., iv, 23, t. xx, col. 389. Caius
de Rome adresse ce reproche à Asclépiade, à Théodote,
à Hermophile et à Apollonide, et le résultat de leur
audacieuse entreprise se conslate aisément par la
variété que présentent leurs exemplaires du Nouveau
Testament. Eusèbe, H. E., v, 28, t. xx, col. 517. Les
écrits de ces guostiques ont disparu sans laisser de
traces et sans avoir d'influence sur le texte du Nouveau
Testament qui était fixé dans l'Église avant l'apparition
des hérésies. Nous sommes mieux renseignés sur le
texte de Marcion, qui ne contenait que le troisième
Évangile et dix Épitres de saint Paul. Voir Th. Zahn,
Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen
et Leipzig, 1891, t. n, p. 409-529. Ses omissions sont
volontaires, comme les additions qu'il opérait en con-
formité avec ses doctrines particulières et son antiju-
daïsme. Il a cependant gardé sans altération des traces
du texte usité de son temps. Les leçons qu'il a créées
par abréviation du texte, par rapprochement des pas-
sages parallèles, par correction du style, par intérêt
didactique ont été parfois adoptées par Tertullien et
Origène, dans leurs écrits polémiques contre lui,
quand elles n'importaient pas à la doctrine; elles
n'ont pas eu d'influence sur la transmission du texte
original. H. von Soden, op. cit., p. 1624-1629, 2028-
2035; E. Nestlé, Einfûhrung, p. 226-232. Cependant
Corssen, dans Zeitschrifl der neutes tamentliche Wis-
senschafl, 1909, p. 1-45, 101 sq., et von Soden,
op. cit., p. 2034-2035, s'appuyant sur un article de dom
de Bruyne, dans la Revue bénédictine, octobre 1908,
p. 423-430, avaient prétendu que Marcion ne connais-
sait pas les chapitres xv etxvi de l'Épître aux Romains,
qu'il avait fabriqué lui-même, ou ses disciples, la
doxologie, Rom., xvi, 24-26, qu'il l'avait placée à la
suite de Rom., xiv, 23, et qu'elle avait passé du Nou-
veau Testament marcionite dans les manuscrits grecs
et latins de l'Église orthodoxe. Tout en reconnaissant
l'origine marcionite de la doxologie, dom de Bruyne
soutient que Marcion connaissait les chapitres xv et
xvi, puisqu'il a emprunté au verset 24 de ce dernier le
souhait final qu'il a généralisé par une raison doctri-
nale. Revue bénédictine, avril 1911, p. 133-143. Des
leçons particulières du Nouveau Testament, attestées
par des écrivains gnostiques du n e siècle, se retrouvent
dans quelques manuscrits postérieurs. Ainsi la leçon
de Matth., xv, 4 6, citée par Ptolémée, Epist. ad Flo-
ram, dans saint Épiphane, Hœr., xxxm, 4, t. xli, col.
2117
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2118
561. On n'a pas de preuve que ce soient des altérations
■produites par les disciples de Valenlin; elles pouvaient
avoir cours dans les manuscrits orthodoxes du temps.
Sur les citations du quatrième Évangile par le valen-
tinien Héracléon, voir A. E. Brook, The fragments of
Herakleon, dans Texts and Sludies, Cambridge, 1891,
t. I, n. 4. Sur les citations des Évangiles par le païen
Celse d'après Origène, voir E. Preuschen, Antilego-
mena, p. 38-43.
De tout ce qui précède, il résulte clairement que le
texte grec du Nouveau Testament ne s'était pas transmis
intégralement pur et qu'il circulait, au cours du II e siècle
déjà, avec des variantes. Quelle est l'origine de ces
leçons différentes ? Beaucoup proviennent de la négli-
gence des anciens copistes, qui n'apportaient pas à la
transcription du texte le soin qu'auraient mérité les
livres du Nouveau Testament. Toutefois, bien qu'il n'y
eût pas -d'édition officielle, chacun ne traitait pas le
texte comme il l'entendait. Les livres du Nouveau Tes-
tament avaient été édiles à la façon des autres livres du
temps; ils étaient l'œuvre d'auteurs respectés; tant
qu'ils ne furent pas tenus pour des écrits canoniques,
■on ne se préoccupait pas des variantes des diverses
copies, mais on ne cherchait pas non plus à les cor-
riger ni à les modifier. Leur texte se transmettait donc
purement, abstraction faite des fautes de copistes.
■Quand les hérétiques surgirent, l'Église avait un texte
à peu près officiel. Ils purent bien l'altérer pour leur
compte; leurs altérations doctrinales ne pénétrèrent
pas dans le texte reçu par l'Église. Tatien seul aurait nui
■à la pureté du texte des Évangiles par son harmonisa-
tion des passages parallèles dans une narration unique.
D'autres causes, dont on constate l'action plus tard,
telles que des méprises de lecture, la coupe différente
des mots très rapprochés dans les manuscrits, des
fautes de dictée, comme les itacismes, des gloses mar-
ginales introduites dans le texte, ont pu agir déjà au
II e siècle et nuire à la pureté du texte dans différentes
copies. Tous les critiques reconnaissent que la plupart
des variantes du Nouveau Testament, surtout les plus
notables, existaient dès le n e siècle ou le commence-
ment du III e . Cela ressort de l'état du texte tel que le
présentent les premières versions, plus encore que des
citations des écrivains du temps, catholiques ou héré-
tiques.
2. Les versions du il» et du III e siècle. — Ces versions
sontles plus anciennes traductions syriaques et latines.
a) Versions syriaques. — On trouvera plus haut,
col. 1921, les indications nécessaires sur les questions
■soulevées par la comparaison du Diatessaron de Tatien,
la version sinaïtique, découverte par M me Lewis,la version
■dite de Cureton, son premier éditeur, et la Peschito.
L'opinion prédominante chez les critiques actuels est que
la sinaïtique et la curetonienne, qu'elles aient précédé ou
plus probablement suivi le Diatessaron, représentent le
texte du li« siècle, mieux que la Peschito qui, si elle
•existait alors (ce que plusieurs contestent), a été revue
au IV e siècle et ne nous renseigne plus exactement sur
l'état du texte au II e siècle. Ces deux versions anciennes,
malgré les différences qu'elles présentent, sont étroi-
tement apparentées et ont un bon nombre d'omissions
■communes. M. von Soden pense que beaucoup pro-
viennent du Diatessaron. Ces deux versions ont un fond
commun, que l'auteur de la curetonienne semble avoir
■modifié. Sans parler des leçons qui proviennent du
génie de la langue syriaque, on constate pour les Évan-
giles l'existence de lectures spéciales que les critiques
apprécient diversement. M. von Soden', op. cit., t. I,
.p. 1572-1594, les rapporte partiellement à Tatien et
partiellement au texte courant du II e siècle. Mais les
autres critiques les attribuent au texte qu'on est convenu
d'appeler occidental, parce que les premiers témoins
connus appartenaient à l'Occident, quoiqu'il ait été ré-
pandu en Orient, surtout dans l'Église syrienne. Or,
beaucoup d'entre eux le regardent comme impur et très
altéré. Us font ressortir ses omissions, ses additions, ses
modifications, ses combinaisons de passages parallèles.
Voir Hort et Westcott, The New Testament in the ori-
ginal Greek, Introduction, Cambridge et Londres, 1882,
p. 120-126. Toutefois, il y a eu récemment en sa faveur
un essai de réhabilitation, depuis que F. Blass a soutenu
l'hypothèse d'une double édition originale des deux
écrits de saint Luc, le troisième Évangile et les Actes,
le texte occidental pourrait bien, parmi ses leçons pro-
pres, avoir conservé seul un petit nombre de leçons
originales, notamment dans les Actes des Apôtres.
6) Versions latines.— On trouvera,! iv, col. 111-123,
des renseignements sur leur pluralité, leur date et leur
classement. Nous n'avons à parler ici que de leurs ca-
ractères critiques et du témoignage qu'elles fournissent
sur l'état du texte grec qu'elles supposent et qu'elles
ont traduit en latin. Or la version africaine, qui remonte
aux vingt premières années du 111 e siècle, qui nous
est connue par les citations de saint Cyprien, voir Hans
von Soden, Das lateinische Neue Testament in Afrika
zur Zeit Cyprians, dans Texte und Untersuchungen,
Leipzig, 1909, t. xxxm, p. 11-105, et d'autres écrivains
africains, ibid., p. 242-305, aussi bien que dans les
manuscrits k, e et h, p. 106-242, et qui est éditée,
p.364-610(cf. pour l'Apocalypse, J.Hausleiter, Die latei-
nische Apokalypse der alten afrikanischen Kirche,
dans Forschungen zur Geschichte des neutestament-
lichen Kanons und der altkirchlichen Literatur de
Zahn, Erlangen et Leipzig, 1891, t. iv, p. 80-175), reflète,
au sentiment commun des critiques, nonobstant les vues
divergentes de dom de Bruyne, dans la Revue bénédic-
tine, juillet 1910, p. 439-442, un texte grec, qui ne
présente pas la moindre variation dé nuance et n'est
pas formé de types distincts. Ce texte est, comme celui
des anciennes versions syriaques, le texte occidental,
qui est foncièrement le même, sinon plus accentué
encore, dans les textes européens et italiens, malgré
les caractères propres et distinctifs des deux versions.
C'est un gros problème de la critique textuelle du Nou-
veau Testament d'expliquer l'existence des leçons occi-
dentales à la fois dans l'Église de Syrie et dans celle
de l'Afrique. M. Sandaya supposé, sans fondement his-
torique, que la version latine avait été faite à Antioche.
M. Hermann von Soden, Die Schriften des NeuenTesta-
ments, 1. 1, p. 1547-1551, y reconnaît, pour les Évangiles
du moins, l'influence commune de Tatien, qui avait
composé son Diatessaron en grec à Rome avant de partir
pour l'Orient, où son œuvre a été traduite en syriaque.
Il est plus naturel de conclure que les premières
versions latines du Nouveau Testament ont été faites
sur le même texte grec que les anciennes versions sy-
riaques. Il en résulterait que ce texte, dit occidental,
était très répandu dans l'Église à la fin du II e siècle et
au commencement du m e . Cf. K. Lake, The text of the
New Testament, 4 e édit., Londres, 1908, p. 73-84. Les
leçons des autres livres du Nouveau Testament pré-
sentaient, moins que celles des évangiles, les caractères
propres du texte occidental et reproduisaient plus
exactement, d'après von Soden, op. cit., 1. 1, p. 1802-
1810, 1883-1886, 2008, 2020-2023, 2084-2090, le texte
courant au II e et au 111 e siècle.
Nous sommes donc ramenés, en définitive, à un texte
commun, qui n'était plus le texte original pur, mais
qui avait été partiellement retouché, altéré même, le
texte occidental de Hort et de Westcott, qui, pour les
Évangiles en particulier, comptait un certain nombre
d'additions, diversement distribuées, que Burkitt a
recueillies, The old Latin and the Itala, dans Texts
and Studies, Cambridge, 1896, t. IV, n. 3, p. 46-53, et
qu'il tient pour des interpolations. Mais le jugement
de ce critique radical ne s'impose pas, et l'authenticité
2119
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2120
de quelques-unes des grandes interpolations des Évan-
giles, telles que le récit de la femme adultère, la des-
cente de l'ange à la piscine probatique, la sueur de
sang, a été démontrée, t. m, col. 1173-1182; t. iv,
col. 386-391. Ce texte se caractérise, en outre, par des
omissions, dont les unes sont propres aux versions
syriaques et les autres aux versions latines, et par
l'harmonisation des passages parallèles sous l'influence
de Tatien, ou à son imitation.
Cependant, au sentiment de Hort et Westcott, en
même temps que le texte occidental, qui était altéré,
existait en diverses régions, notamment à Alexandrie,
un texte plus pur, que ces critiques ont nommé
« neutre », parce qu'il ne représente aucune tendance,
et qu'ils retrouvaient principalement, quoique mêlé à
d'autres leçons, dans les manuscrits du iv* siècle, le
Vaticanus et le Sinaiticus. The New Testament in the
original Greek, Introduction, p. 126-130, 169-172. De
cette sorte, le texte grec du Nouveau Testament, ré-
pandu au II e et au m e siècle, n'était pas partout un
texte altéré ; il s'était conservé, dans certains milieux,
dans une pureté, relative sans doute, mais assez rap-
prochée de l'original.
M. von Soden donne aux mêmes faits constatés une
autre interprétation, qui aboutit à une conclusion ana-
logue, mais plus conservatrice, sur l'état de conser-
vation du texte grec du Nouveau Testament en usage
dans l'Église aux n« et m s siècles. Tous les documents
de cette époque nous livrent un texte que ce critique
désigne par le siglel-H-K, parce qu'il a précédé les trois
recensions, I, H, K, faites, selon lui, à la fin du m e ou
au commencement du IV e siècle, sur ce texte antérieur,
et parce qu'il leur a servi de fond commun, en sorte
qu'on le retrouve partiellement dans les leçons com-
munes à ces trois recensions, ou aux deux meilleures,
I et H. Toutefois ce texte n'existe pas également pur
dans tous les documents de l'époque. Beaucoup d'entre
eux présentent, à des degrés divers, des leçons diffé-
rentes, qui consistent, pour la plupart, dans les Évan-
giles surtout, en variantes provenant du mélange des pas-
sages parallèles. Elles apparaissent soudain dans saint
Irénée et dans Clément d'Alexandrie; elles se remar-
quent dans les anciennes versions latines et syriennes :
rares dans la version africaine, plus nombreuses dans
la traduction dite européenne, et par suite, dans l'ita-
lienne, qui n'en est qu'une retouche, et en quantité
bien plus grande dans la vieille version syriaque, re-
présentée par les textes sinaïtique et curetonien. Or,
selon M. von Soden, le Diatessaron de Tatien, primi-
tivement fait en grec en Occident, puis traduit en sy-
riaque, est l'unique source des leçons des Évangiles,
divergentes de texte I-H-K. L'influence de Tatien se
fait remarquer aussi, au sujet des Évangiles, dans
Origène et dans les Pères égyptiens du III e siècle. Ses
leçons propres, qui sont secondaires et ajoutées au texte
original, pénétreront ainsi en plus ou moins grand
nombre dans les recensions du IV e siècle, surtout direc-
tement dans K ou la Koivïj, ou du moins dans cer-
tains manuscrits de ces recensions. Op. cit., t. i,
p. 1359-1648. Ainsi donc ce critique n'admet pas l'exis-
tence du texte dit occidental et il explique les leçons
qu'on lui attribue par l'influence néfaste de Tatien qui
avait, dans son Diatessaron, combiné les particularités
des quatre récits évangéliques pour en former une
narration unique de la vie de Notre-Seigneur. Tatien,
et lui seul, serait responsable des altérations qui ont
pénétré au II e et au ni" siècle dans le texte original des
Évangiles et ont persévéré plus tard dans la recension E
et dans des manuscrits de I et de H.
Il faudrait en dire autant des additions, nombreuses
et importantes, faites au texte des Actes des Apôtres.
Elles ne se trouvaient pas dans le texte I-H-K. Plusieurs
ont été produites par la combinaison des passages pa-
rallèles. D'autres sont de pures additions, soit qu'elles
ne modifient pas le contenu du livre, soit qu'elles en
changent la teneur. Il n'y a pas de preuves convain-
cantes qu'elles existaient toutes au III e siècle, et elles
ne sont pas toutes également attestées. Elles provien-
nent cependant de la même source, qui aurait toute-
fois été exploitée avec plus ou moins de zèle. C'est une
source grecque antérieure à saint Irénée, à Tertullien
et à saint Cyprien; elle a été répandue en Orient, sur-
tout en Syrie, aussi bien qu'en Occident. Il y a des
leçons qui ne sont que des corrections de style et qui
aboutissent à rendre le texte plus souple et plus cou-
lant. Elles n'appartiennent pas à l'original et à une
première édition, comme l'avait prétendu Blass. On ne
s'explique pas les omissions. Les additions témoignent
que le texte de I-H-K a été retouché, surtout au point
de vue du style; elles sont donc des éléments secon-
daires, étrangers au texte primitif. Or, Eusèbe, H. E.,
iv, 29, t. xx, col. 401, rapporte que Tatien avait cor-
rigé quelques phrases de l'apôtre pour les rendre plus
élégantes; mais la version syriaque de l'Histoire ecclé-
siastique dit « des Apôtres ». E. Nestlé, Die Kirr.hen-
geschichte des Eusebius aus dem Syrischen ùbersetzt,
dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1901, t. xxi,
fasc. 2, p. 163. D'autre part, on ne voit aucune trace
de ce genre de travail dans les Épîtres de saint Paul.
M. von Soden émet, à titre d'hypothèse, que Tatien
aurait fait pour les Actes des apôtres une correction de
style. Quel qu'en soit l'auteur, cette correction est
l'œuvre d'un rhéteur, et c'est d'elle que proviendrait
le texte que Hort et Westcott ont nommé « occidental ».
Op. cit., t. i, p. 1772-1840, surtout p. 1822-1836.
Pour les autres livres du Nouveau Testament, à sa-
voir les Epitres catholiques, les Épîtres de saint Paul
et l'Apocalypse, le texte I-H-K du II e et du m e siècle,
qui se retrouve dans le fond commun des recensions
du iv e siècle, n'a pas été altéré par des additions de
même nature que celles qui avaient pénétré dans les
Évangiles et les Actes, lbid., p. 1887-1898, 1962-2007,
2075-2084.
En tout état de cause, le texte original du Nouveau
Testament se serait donc transmis dans une grande
pureté, en un certain nombre de" documents, quoiqu'il
ait été contaminé en d'autres, par des altérations assez
notables, spécialement pour les Évangiles et les Actes.
Ce second état constaté a amené des essais de correc-
tion et a donné occasion à l'établissement de diverses
recensions du Nouveau Testament grec.
3° Corrections ou recensions faites au III e et au
IV siècle. — 1. Part qu'Origène aurait eue à ce tra-
vail. — Le rôle d'Origène dans la transmission du texte
du Nouveau Testament a été diversement expliqué et
apprécié. En 1808, Hug soutenait qu'il y avait eu, avant
saint Lucien et Hésychius, une première recension du
texte grec des Évangiles, au moins, faite à Césarée par
Eusèbe et Pamphile sur les travaux d'Origène. Einlei-
tung in die Schriften des Neuen Testaments, 4 e édit.,
Stuttgart et Tubingue, 1847, t. I, p. 191-204. Griesbach
refusa d'accepter cette opinion et déclara que la forme
du texte, que cette recension était censée représenter,
ne datait que du V e ou du vi« siècle. Eichhorn rejeta
aussi la recension d'Origène en 1827, et plus tard, Tis-
chendorf dit qu'elle n'avait existé que dans l'imagina-
tion de Hug. Pour Hort et Westcott, le texte d'Origène
était un texte mélangé de leçons neutres et de leçons
qui entreront plus tard dans le texte alexandrin. L'abbé
Paulin Martin, qui n'admettait pas non plus qu'Origène
ait fait une recension du texte grec des Evangiles,
Introduction à la critique textuelle du Nouveau Tes-
tament, Partie pratique (lithog.), Paris, 1883-1884,
t. i, p. 231-236, prétendait que ce célèbre écrivain avait
traité très librement le texte sacré, qu'il l'avait altéré
notablement et que ces altérations avaient passé dans
2121
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2122
les manuscrits anciens du iv e et du v e siècle. Ibid.,
p. 94-231; Origène et la critique textuelle du Nouveau
Testament (extrait de la Revue des questions histo-
riques, janvier 1885, t. xxxvii, p. 1 sq.), Paris, 1885.
Maintenant que les citations du Nouveau Testament,
faites par Origène, sont mieux connues, ayant été étu-
diées méthodiquement dans les manuscrits, et non plus
dans les éditions imprimées, par E. Hautsch, De quatuor
Evangeliorum codicibus origenianis, Gœttingue, 1907
(sur saint Marc et saint Jean); Die Evangeliencitate
des Origenes, dans Texte und Untersuchungen,Lei$i\g,
1909, t. xxxiv, fasc. 2 a, il est plus facile de se rendre
un compte exact du rôle d'Origène dans la critique tex-
tuelle du Nouveau Testament. En ne tenant pas compte
des citations, faites souvent de mémoire et plus ou moins
librement, parce qu'elles ne représentent pas toutes
le manuscrit dont se servait cet écrivain, on se trouve
en présence du texte reproduit dans les commentaires
des livres du Nouveau Testament. Or, si on consulte
les manuscrits, on constate que ce texte ne répond pas
toujours aux explications du commentaire; ce qui
prouve qu'il a été modifié ou corrigé par les copistes.
Dans l'ensemble, le texte d'Origène ressemble à celui
des plus anciens onciaux et des meilleurs cursifs, mais
on ne peut dire que ces manuscrits soient des recen-
sions faites sur les commentaires d'Origène. M. von
Soden a précisé davantage encore la situation. Pour
les Évangiles, les nombreuses citations, faites de mé-
moire et librement, constituent des paraphrases du
texte, des combinaisons diverses de passages parallèles
et contiennent des modifications et des additions, né-
cessitées souvent pour relier le texte au contexte. Ces
combinaisons sont fréquentes, surtout pour saint Mat-
thieu et pour saint Marc. Elles varient de forme, et,
quoiqu'elles changent le texte, elles modifient rare-
ment le sens. Plusieurs combinaisons qui proviennent
du mélange des passages parallèles et dont quelques-
unes sont dues à l'influence, au moins indirecte, de
Tatien, ont passé dans les manuscrits et chez des Pères
postérieurs. On en trouve dans les trois recensions du
IV e siècle, et elles y sont venues des livres d'Origène.
D'autre part, Origène a fait lui-même des corrections
en quelques passages des Évangiles. Le Père Lagrange
a étudié tout particulièrement les trois leçons Bï]8a-
6apî, Joa., i, 28, repY£<7Y]V«v, Matth., vin, 28, et la dis-
tance d'Emmaùs à 160 stades, Luc, xxiv, 13. Origène, la
critique textuelle et la tradition topographique, dans
la Revue biblique, 1895, t. iv, p. 501-524; 1896, t. v,
p. 87-92. Mais, décompte fait de ces corrections, qui
sont souvent arbitraires, et des combinaisons de pas-
sages parallèles, le texte des Évangiles, commenté et
cité par Origène, est substantiellement le texte I-H-K,
antérieur aux trois recensions du IV e siècle. Origène ne
connaît aucune des leçons particulières de la recension
H, exécutée à Alexandrie. Il a suivi le texte reçu de
son temps; il n'en a pas fait un, comme il l'a déclaré
lui-même très explicitement. In Matth., tom. xv, 14,
t. xiii, col. 1293-1 294. Quelques-unes de ses leçons propres
représentent elles-mêmes le texte alors courant dont
il est un bon témoin. Die Hchriften des N. T., t. I,
p. 1510-1520. Pour les Actes, les Épîtres catholiques et
les Épitres de saint Paul, Origène suit aussi, sauf de
légères différences et de rares exceptions, le texte I-H-K,
et il n'a pas connu d'autre recension. Ibid., p. 1836-
1837, 1893, 1995-2007.
Les manuscrits d'Adamantius ou d'Origène, que saint
Jérôme mentionne à côté de ceux de Piérius et dont
il signale de curieuses omissions, par exemple, neque
Filius, Matth., xxiv, 36, In Matth., 1. IV, t. xxvi,
col. 181; In Epist.ad Gai., m, 1, ibid., col. 348, ne
peuvent être que des manuscrits qu'Origène lui-même
aurait annotés, ou que d'autres auraient corrigés
d'après les commentaires de cet écrivain. Ainsi M. von
der Goltza découvert et publié un manuscrit de l'Athos,
du X e siècle, qui, en dehors des scolies tirées d'Origène,
reproduit le texte d'un manuscrit plus ancien, revisé
sur le texte d'Origène. Eine textkritische Arbeit des
zehnten bezw. sechsten Jahrhunderts, dans Texte und
Untersuchungen, Leipzig, 1899, t. xvn, fasc. 4.
2. Les recensions réelles faites au iif et au IV siècle.
— Hug, op. cit., t. i, p. 168-191, outre la recension d'Ori-
gène déjà mentionnée, admettait deux autres recensions,
l'une faite à Antioche par le martyr saint Lucien,
l'autre à Alexandrie par le prêtre Hésychius. Comme
tous sesargumeuts n'étaient pas probants, les critiques
n'adoptèrent pas ses conclusions et se bornèrent à
classer les documents en familles distinctes. Hort et
Westcott, revenant dans la ligne de Griesbach, distin-
guèrent, outre le .texte occidental et le texte neutre, qui
avaient cours au II e siècle, deux autres textes : le texte
alexandrin et le texte syrien. Le texte alexandrin leur
parut être l'œuvre.d'une main savante et habile et avoir
vu le jour au . commencement du III e siècle, sinon
même avant. C'est une retouche du texte neutre, faite
principalement au point de vue du style et de l'ortho-
graphe. Il n'a aucun représentant qui soit pur. On le
trouve dans les plus anciens onciaux, dans les versions
coptes, surtout la memphitique, dans les citations de
Didyme et de saint Cyrille d'Alexandrie, Le texte syrien,
qui est formé des trois textes précédents, a des leçons
mixtes ou confluantes. On n'en trouve pas de trace
dans les citations des Pères anténicéens, mais il est
cité par les Pères antiochiens du iv e siècle, saint Chry-
sostome, Théodoret et Diodore de Tarse ; il est aussi
dans la Peschito, qui est du même siècle. Il a été formé
à Antioche avant 250, à ce qu'il semble, puis remanié
peut-être avant 350. Il n"estpas prouvé que saint Lucien
y ait mis la main. Au iv e siècle, les deux formes sy-
riennes ont été mêlées, et ce texte, véritable amalgame
d'éléments hétérogènes, a passé à Conslantinople et a
prévalu dans tout le monde grec. Il est reproduit dans
les onciaux les plus récents et dans la majorité
des cursifs. C'est un mauvais texte, d'origine récente,
qui s'éloigne plus que tous les autres du texte original.
The New Testament in the original Greek, Introduc-
tion, p. 130-443. Voir t. iv, col. 407.
Par l'étude comparée des textes dans les manuscrits,
les citations des Pères et les versions, M. von Soden
est parvenu à dégager trois recensions bien distinctes,
qu'il a désignées par les sigles I, H, K, et qui ont été
faites au tournant du III e et du IV e siècle sur le même
texte I-H-K, courant au n e et au m e siècle, d'après des
principes critiques différents. La recension K, ou Koivri,
lui est apparue très distincte, dans les Évangiles, les
Actes et les Épîtres. Dégagée des influences qu'elle a
subies plus tard de la part des deux autres recensions,
elle se présente avec ses leçons particulières exclu-
sivement propres, et avec un caractère général bien
déterminé. Au point de vue de la forme, elle a corrigé
les barbarismes réels ou prétendus du texte I-H-K, en
affectant de rapprocher le plus possible le grec néo-
testamentaire du grec classique. Des termes ont été
changés pour que la phrase soit plus coulante; les
temps des verbes d'une même phrase ont été unifor-
misés, le style a été arrangé de façon à établir une
sorte de parallélisme dans les propositions. On a évité
la répétition des mêmes mots, même quand la clarté
l'exigeait. D'ordinaire toutefois, le recenseur a cherché
la clarté du sens et toujours la correction du texte.
Quelques leçons propres des Évangiles ont une certaine
relation avec le texte de l'ancienne version syriaque et
il est possible qu'elle ait subi son influence. Sa ressem-
blance avec la Peschito est plus forte; elle n'en dépend
pas toutefois, et les points communs proviennent plu-
tôt de l'ancienne tradition syrienne du texte. La Kamî
ressemble notablement au texte que citaient saint
2123
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2124
Chrysostome, les Pères cappadociens et Théodoret. Cf.
S. K. Gifforth, Pauli Epistolas qua forma legerit
Joannes Chrysostomus, dans Dissertationes philolo-
gicœ Halenses, Halle, 1902, t. xvi, fasc. 1. Elle était
donc très répandue en Syrie et dans l'Asie Mineure, au
moins dans la seconde moitié du IV e siècle. Elle est à la
base de la version gothique des Évangiles, voir Ulfi-
las, et elle a été constituée probablement à Antioche par
saint Lucien (f 312). Die Schriften des Neuen Testa-
ments, 1. 1, p. 1456-1472, 1760-1761, 1873-1874, 1875-1877,
1919-1921, 2043-2046.
La recension H a gardé une grande unité et elle est
nettement caractérisée. Elle est contenue, pour les
Evangiles au moins, en une cinquantaine de manuscrits,
dont les principaux, parmi les onciaux, sont le Vati-
canus (8 1), le Sinaiticus (S 2), V Ephrsemiticus (8 3) et
le manuscrit W, de l'Athos (8 6). Elle a été très répan-
due à une époque ancienne. Ces manuscrits, malgré
des divergences de détails, présentent un fond unique
et ne forment pas des doublets. Les versions coptes,
sahidique et bohaïrique, s'en rapprochent. Les leçons
« égyptiennes » ne sont pas primitives dans la recension;
elles proviennent, dans les manuscrits, des copistes
ou des versions coptes. Une partie du fond commun
aux manuscrits et à ces traductions vient d'Origène,
et on constate l'influence directe de ses commen-
taires de saint Matthieu et de saint Jean. La recen-
sion H n'a aucune des leçons propres aux versions syria-
ques. Elle s'écarte rarement du texte I-H-K, sinon pour
des formes de langage ou dans des leçons combinées
de passages parallèles. Elle omet ce qui lui paraît
superflu; elle introduit de légers changements de con-
struction ou de dialecte, et modifie quelques mots.
C'est une véritable recension. L'auteur s'attache le plus
qu'il peut à l'ancien texte, dont il retient même la
forme, sauf pour l'orthographe et la langue, pour
lesquelles il sacrifie aux goûts de son milieu. Fréquem-
ment, il fait attention à la place des mots et il se complaît
à mêler les passages parallèles, presque autant que
l'auteur de la Kcuvrj. Il a fait peu de modifications im-
portantes, et on ne peut signaler, dans les Évangiles,
que Matth., xxvn, 49 (addition d'après Joa., xix, 34);
Luc, xi, 53; xxi, 24. Il faut rapprocher de son texte
les Pères alexandrins, non pas ceux de la seconde
moitié du III e siècle, qui citent I-H-K, voir ibid.,
p. 1521-1524, mais ceux du IV e siècle, saint Athanase,
Didyme l'Aveugle et saint Cyrille d'Alexandrie. Cf.
E. Klostermann, Ueber den Didymus von Alexan-
drien in Epistolas canonicas, dans Texte und Unter-
suchungen, Leipzig, 1905, t. xxvm, fasc. 2; G. Bardy,
Didyme l'Aveugle, Paris, 1910, p. 199-201, 210-217 ;
J. Sickenberger, Fragmente der Homilien des Cyrill
von Alexandrien zum Lukasevangelien, dans Texte
und Untersuchungen, Leipzig, 1909, t. xxxiv, fasc. 1,
p. 64-108. Il faut en rapprocher aussi les versions
coptes. Voir t. H, col. 948-949. Cette recension a donc
été faite en Egypte, puisqu'il n'y a que des Pères égyp-
tiens pour la citer et qu'elle a servi de fond aux ver-
sions coptes. Le Vaticanus et le Sinaiticus, qui la repré-
sentent, sont d'origine égyptienne. C'est la recension
que saint Jérôme attribue à Hésychius. Voir W. Bous-
set, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1894,
t. xi, fasc. 4, p. 74-110. Voir aussi plus haut, t. m, col.
667-668. Elle n'est pas identique an texte alexandrin
de Hortet Westcott et elle est postérieure à la date que
ces critiques attribuaient à ce texte. Elle a été faite
Vers le même temps que la recension d'Antioche, à la
fin du m e siècle ou au commencement du IV e . Die
Schriften des N. T., t. i, p. 1000-1040, 1471-1492, 1653-
1686, 1861-1868, 1921-1931, 2067-2074.
En plus de ces deux recensions du rv e siècle, un
texte distinct et bien caractérisé s'est manifesté à
M. von Soden dans les manuscrits; il a donc fallu
conclure à l'existence d'une troisième recension. Elle
ne s'est pas conservée dans les anciens manuscrits
aussi pure que celle d'Hézychius et elle a duré moins-
longtemps; elle n'est pas restée non plus identique à
elle-même comme la précédente, qui a été presque sté-
réotypée, et elle a reçu de fortes altérations par l'in-
troduction des leçons de K dans son texte. Dégagée de
ces altérations et fixée dans les parties communes à ses
différents types, elle peut être reconstituée avec certi-
tude dans la plupart des cas, et elle se retrouve pure-
dans quelques fragments onciaux, et peu mêlée en
divers manuscrits, notamment dans le groupe n, com-
prenant les manuscrits de pourpre, £17-21, du vi" siècle,
copiés à Constantinople ou en Asie Mineure. Elle n'avait
probablement pas la section de la femme adultère. Ses
leçons particulières ne sont pas essentiellement
plus nombreuses que celles de K. Elle omet quelque»
passages ou mots peu importants. Ses variantes les
plus caractéristiques sont ses additions. Dans l'ensem-
ble, elle a conservé très fidèlement le texte antérieur,
et elle y a introduit peu de particularités sous le rap-
port de la langue, moins que H, et les textes modifiés
par l'influence des passages parallèles y sont aussi
moins nombreux. Elle est donc, des trois recensions,
celle qui se rapproche le plus de l'ancien texte. Il est
impossible de déterminer si ses leçons proviennent
d'Origène ou de la recension d'Hésychius, parce
qu'elles auraient pu n'être introduites dans les docu-
ments de cette troisième recension qu'après coup.
Quoi qu'il en soit, ce texte a joui longtemps d'une
grande considération, puisque tous les témoins de H
ont subi son influence. Il en est sorti un grand nombre
de types, formés par le mélange de ses leçons avec ■
celles de K. Les Antiochiens et les Cappadociens eux-
mêmes, dans des contrées où dominait la Koivyj, n'ont
pas échappé à son influence. Son texte se retrouve dans
les citations de saint Cyrille de Jérusalem et d'Eusèbe
de Césarée, aussi bien que dans le Lectionnaire pales-
tinien, édité en 1905 par M mes Lewis et Gibson. Ces
coïncidences nous ramènent en Palestine. Or, saint
Jérôme parle d'un texte répandu en cette contrée,
qu'Origène aurait préparé et qu'Eusèbe et Pamphile
auraient édité. Apologia contra Rufinum , i, 10; II, 27,
t. xxiii, col. 404, 451. Voir t. n, col. 2053. D'autre part,
Eusèbe lui-même nous apprend que, par ordre de
Constantin, il fit exécuter, en 331, cinquante manu-
scrits du Nouveau Testament, qui furent portés à Con-
stantinople et distribués dans l'empire. De vita Con-
stantini, iv, 36, 37, t. xx, col. 1185. On peut penser
qu'ils reproduisaient la recension qu'il avait faite lui-
même avec Pamphile. Ce dernier étant mort en 309,
la recension à laquelle il a collaboré date donc du
tournant du III e au iv ê siècle. Comme elle est d'origine
palestinienne, von Soden l'a désignée par le sigle I, ou
le texte de Jérusalem. Le texte des Actes des Apôtres-
ressemble encore aux citations de saint Épiphane. Von
Soden, op. cit., t. i, p. 1353-1358, 1492-1506, 1759, 1868-
1873, 1948-1954. Notons que la recension I n'existe pas
pour l'Apocalypse. Elle est remplacée par une recen-
sion dont le texte est reproduit dans le commentaire-
de saint André de Césarée sur ce livre prophétique et
que M. von Soden désigne par le sigle Av (André), quoi-
qu'il ne soit pas certain que cet évêque en ait été le-
créateur. En tout cas, elle est d'origine palestinienne.
Ibid., 1. 1, p. 2051-2067.
On savait, d'ailleurs, par une inscription à l'encre
rouge, que le codex Coislianus, H, des Épitres de saint
Paul, du v« siècle, avait été collationné sur un exem-
plaire écrit de la main de saint Pamphile et déposé
dans la bibliothèque de Césarée. Voir t. H, col. 830. La
même notice est reproduite dans les cursifs 88, 1836,
1898, 181 et 623, et dans la version syriaque de Thomas
d'Harkel. Le troisième correcteur du Sinaiticus, «',
2125
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2126
a corrigé le texte reproduit d'après un manuscrit de
même nature, et les minuscules qui contiennent la
notice signalée, ont des leçons anciennes, qui dérivent
peut-être de la recension de saint Pamphile. W. Bous-
set, Textkritische Studien zum Neuen Testament,
dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1894, t. xi,
fasc. 4, p. 45-73. L'auteur de cette correction est Évagre
du Pont. Un manuscrit du X e siècle se rapproche aussi,
pour les Actes des Apôtres, du Codex Pamphili. Ed.
von der Goltz,dans Texte und Untersuchungen, Leipzig,
1899, t. xvn, fasc. 4, p. 17.
4° Histoire du texte manuscrit du rv« au xv e et au
xvf siècle. — Elle est tout entière dans la transcrip-
tion de nombreux manuscrits du Nouveau Testament.
Elle n'est pas encore écrite. Longtemps, les critiques
se sont bornés à former de longues listes des manu-
scrits onciaux et cursifs. Voir t. iv, col. 682-688. Plus
récemment, l'attention s'est portée sur quelques feuilles
de papyrus, qui sont du m e au V e siècle et dont on fait
maintenant, à juste titre, une catégorie spéciale, qui
s'enrichira, il faut l'espérer, de nouvelles découvertes.
Voir t. IV, col. 2087-2090. Le texte que reproduit la plu-
part est celui de la recension d'Hésychius. Pendant long-
temps, on s'est contenté d'étudier les plus anciens manu-
scrits onciaux, notamment ceux du iv e et du v e siècle, le
Vaticanus, le Sinaiticus, Y Alexandrinus, YEphrsemi-
ticus, le Codex Bezse, etc. On avait constaté que le texte
des premiers, quoique n'étant pas absolument pur,
était le moins altéré et se rapprochait le plus du texte
original. On relevait les variantes les plus importantes
de certains autres onciaux et de quelques cursifs, qui
avaient paru plus intéressants. La masse des copies était
négligée et on se contentait d'en dresser le catalogue
le plus complet possible. On savait qu'elles reprodui-
saient, pour la plupart, le texte le moins bon, la recenr
sion syrienne, qui avait fini par supplanter les autres
textes et par prédominer dans le monde chrétien de
langue grecque. Les textes présyriens avaient cepen-
dant pénétré plus ou moins dans les manuscrits du
texte syrien, ou même avaient persévéré, plus ou moins
purs, à l'état sporadique, dans quelques manuscrits
cursifs. Hort et Westcott, The New Testament in the
original Greek, Introduction, p. 139-146. On étudia
quelques-uns de ces cursifs, et on fixa quelques groupes,
le groupe Ferrar, d'abord composé des quatre cursifs
13, 69, 124, 346 des Évangiles, successivement enrichi
des cursifs 543, 788, 826, 828 (sans parler des cursifs
211, 561,624, 626, 709, qui auraient avec eux des affi-
nités); le groupe de Lake, comprenant les cursifs 1,
118, 131 et 209. On avait signalé aussi la parenté de
quelques autres. Voir t. iv, col. 687.
Mais ce n'était là que des résultats de détails. Une
étude d'ensemble n'avait pas été tentée. Grâce à la
libéralité princière de M l|e Élise Kœnigs, le professeur
de Berlin, Hermann von Soden, put envoyer une
pléiade de jeunes collaborateurs dans les centres dif-
férents où se trouvent les manuscrits grecs du Nouveau
Testament, collationner suivant un plan uniforme une
grande partie des manuscrits connus. Les variantes
recueillies par eux ont permis au maître d'esquisser,
sinon l'histoire du texte du IV e au xvi* siècle, du moins
un classement méthodique de la masse des manuscrits
du Nouveau Testament. Ces documents reproduisent
tous l'une ou l'autre des trois recensions, qui existaient
dès le début du IV e siècle, mais ils n'ont pas le texte
parfaitement pur. En tous, il est plus ou moins mêlé
de leçons empruntées aux autres recensions, et ces
mélanges variés ont donné naissance à des types dis-
tincts, au moins dans les deux recensions K et I. La
recension H, nous l'avons déjà dit, a gardé seule son
uniformité primitive; le mélange des leçons étrangères
a bien existé, plus ou moins important, dans chacun
des manuscrits qui nous sont parvenus, mais il n'a
pas été assez notable et assez suivi pour donner nais-
sance à des types distincts de textes de cette recen-
sion.
1. De la recension I, M. von Soden a distingué, pour-
les Évangiles, différents types dont il a discerné les
manuscrits et déterminé les caractères distinctifs.
C'est le type H r , que représentent, entre autres, les
cursifs du groupe Lake, et qui joint au fond de I cer-
taines leçons spéciales de H et quelques leçons propres.
On n'a pas d'indices certains sur sa patrie, mais il
semble n'avoir pu se produire qu'en Occident. Ce type
est ancien, bien qu'il ne se trouve plus que dans des
cursifs. Vient ensuite le type J, que reproduisent le*
cursifs du groupe Ferrar et beaucoup d'autres manu-
scrits apparentés à ce groupe. C'est un fils bâtard de I,
parallèle à HA II a gardé la plupart des leçons de I, en
y joignant des leçons des autres recensions, surtout de
K. (à savoir, K 1 avec peut-être quelques leçons de K 1 ,
voir plus loin), et quelques-unes de H avec des leçons
spéciales. Ses manuscrits viennent de la Sicile ou de 1»
Calabre. Le plus ancien (s 173) est de l'an 1013, mais il
est déjà fortement modifié par des leçons de K. Son
archétype est assez antérieur; il n'est pas certain qu'il
ait été constitué en Calabre ou en Sicile, car il a pu être
apporté en Occident et y être copié au XI e siècle dans
les monastères calabrais. Le type<ï> se trouve dans une
série de manuscrits, dont le plus grand nombre se
groupe en trois familles, et représente le même texte :
sang plus ou moins pur de I, mêlé fortement de leçons
de K. La troupe fondamentale $ a est dans cinq ma-
nuscrits. «£ b a un plus grand nombre de représentants
avec plus de leçons de K. $ c dérive de * a , mais a gardé
d'autres leçons de I. Ces trois familles sont demeurées
longtemps parallèles. Une autre fille de *, * r , a elle-
même trois branches, mais n'a aucune valeur critique.
Un type postérieur est le type B, dont le plus grand
nombre des manuscrits se rapprochent de K. Ces ma-
nuscrits forment deux familles : l'une représente l'ar-
chétype et l'autre est plus fortement influencée par K.
Au XV e siècle, Georges Hermonymos a copié le texte de
la seconde famille dans ses manuscrits, e 520-526, sur
le même original, e 605. Le type K» est peut-être sorti
parallèlement de la même racine que B, mais il est
encore plus rapproché de K (d'où le sigle K a ) : il repré-
sente une nuance de K, fortement infiltrée de I, et il
est formé de K 1 et de I; toutefois, il parait plus vraisem-
blable que les leçons de K ont été introduites en très
grand nombre dans un texte de I. Le but de l'auteur
était de faire disparaître les ditférences qui existaient
entre I et K 1 . Le type 1' a un très petit nombre de leçons
particulières ; c'est un simple mélange de K (9 %) et de I
(1 %). Les manuscrits qui le représentent forment trois
groupes. La collation des Évangiles, faite à Jérusalem
dans les commentaires des Pères antiochiens A», ressem-
ble à I r . Ces deux textes sont donc le produit du même
travail critique exécuté au v* et au VI e siècle à Antioche
et à Jérusalem. Die Schriften des N. T., t. I, p. 1042-
1179. Signalons encore le type 0, dont les manuscrits ,
proviennent de Yàyloi Spo; (de la sainte montagne de
ï'Alhos), qui mêle au texte de I des leçons du K 1 . Mais
le type le plus rapproché de I est K 11 est représenté,
entre autres, par le Codex Bezse (3 5); il contient des-
leçons propres avec des leçons de K (modifications de
passages parallèles), lbid., p. 1259-1348.
Pour les Actes des Apôtres et les Épîtres, les manu-
scrits de la recension I ne forment que trois types de-
textes : I a , l b et I e . Pour les Actes, I b et I e se présentent
sur deux lignes différentes : des groupes de fond, I M et
I cl , et des groupes distincts, I b2 et I e2 . Les commentaires
d'André de Césarée sur les Actes repr ésentent I*. lbid.
I p. 1686-1709, 1841, 1931-1947.
2. Les typesde la KotvTJ sont assez nombreux encore;
ils se trouvent dans la masse des manuscrits, et cela se-
2127
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2128
comprend aisément, puisque cette recension, étant
prédominante, a été copiée le plus souvent. Son texte
a subi les modifications les plus variées, principalement
dans les Évangiles. La plus ancienne forme pour ces
livres est K 1 . Elle est contenue dans trois onciaux,
Q, M, 3, desquels sont sorties de nombreuses copies
du XI" au XII e siècle, alors qu'il n'y en a que trois du XIII e
et six du XIV e ; ce sont les derniers témoins de cette
forme, qui a été très répandue. Son texte est altéré
par un certain nombre de leçons de H, surtout pour
l'orthographe, qui se trouvent pour une part dans les
types plus anciens, H r , ,1, ou dans le type postérieur
K r . Voir K. Lake, Texts front Mount Alhos (Q), dans
Studia biblica et ecclesiastica, Oxford, 1903, t. v,
p. 91-185. Une autre forme, K.', a des leçons de ,1. Elle
se rencontre dans les quatre onciaux, E (S 55), F (S 86),
G (B87) et H (8 88), mais dans aucun des cursifs étudiés
jusqu'ici. Le mélange des leçons est un peu différent
dans chaque manuscrit; leur parenté résulte d'un petit
nombre de leçons spéciales, qu'ils ont en commun. La
forme K ik représente K, influencé par J k ; elle est
reproduite dans un très grand nombre de manuscrits
et dans un commentaire de l'école d'Antioche. Certaines
particularités montrent qu'elle a été adaptée à l'usage
liturgique. On ne sait rien sur l'époque de sa forma-
tion. Quelques fragments qui la contiennent sont
antérieurs au X e siècle. Les manuscrits de la forme K x
sont nombreux aussi; leur texte, malgré de légères
différences, a gardé une grande unité. C'est un type
intermédiaire entre K' et K'. Il a été prédominant au
moyen âge à partir du X e ou du XI e siècle. K r est une
revision de K, une édition ecclésiastique, faite à Con-
stantinople au XII e et peut-être déjà au XI e siècle pour
l'usage liturgique. Elle a passé ensuite à l'usage des
particuliers. On en connaît 196 manuscrits, échelonnés
du xn« au xvi" siècle. Ceux qu'a copiés Théodore
Hagiopetrita sont du nombre. Cette recension n'a pas
été répandue en Occident. Mais la plus ancienne forme
connue de K est K a . L'Alexandrinus (8 4) est son plus
ancien témoin. Elle se retrouve dans des manuscrits,
qui reproduisent vraisemblablement le texte de saint
Marc, commenté par Victor d'Antioche, et celui de
saint Luc, commenté par Tite de Bostra. Sur ce dernier,
voir J. Sickenberger, Titus von Bostra. Sludien zur
dessen Lukashomilien, dans Texte und Vntersu-
chungen, Leipzig, 1901, t. xxi, fasc. 1. C'est la Koivrj,
telle qu'elle existait à Antioche, Die Schriften des
N. T., t. i,p. 717-893. _
Pour les Actes, les Épitres catholiques et les Épîtres
de saint Paul, M. von Soden n'a distingué que deux
types de la recension K : K r , qui est une forte revision,
très conservatrice, faite pour l'usage liturgique, et K c ,
qui se rencontre dans les manuscrits qui ont servi à
établir l'édition de la Polyglotte de Complute. lbid.,
t. I, p. 1760-1772, 1873-1877, 1915-1921. Pour l'Apoca-
lypse, il a constaté dans les manuscrits de K de nom-
breuses leçons particulières avec quelques leçons du
texte de saint André de Césarée. Cependant d'autres
variantes permettraient de conjecturer l'existence de
deux types distincts. Les manuscrits du commentaire
d'Œcuménius forment, au moins, un groupe à part. Il
y a lieu encore de distinguer ici le type K r . lbid.,
p. 2043-2050.
Il reste beaucoup à faire pour déterminer la date et
la patrie de ces différents types de textes aussi bien
que la méthode suivie pour leur établissement, lbid.,
p. 2129-2130. Les groupements obtenus sont un premier
résultat fort appréciable, et personne ne peut refuser
à M. von Soden l'honneur d'avoir répandu déjà une
grande lumière dans le chaos des manuscrits grecs du
Nouveau Testament du V e au xvi e siècle.
II. Histoire du texte imprimé. — Si l'imprimerie à
ses débuts a multiplié les éditions de la Bible, elle n'a
édité que la Bible latine. Du texte grec du Nouveau
Testament, il ne parut, avantl516, que des fragments :
le Magnificat et le Benediclus à la suite du Psautier
grec, Milan, 1481; Venise, 1486; les qualorze premiers
versets du quatrième Évangile, chez Aide Manuce, à la
suite des Constantini Lascaris Erolemata, Venise,
1495; les six premiers chapitres de cet Évangile, chez le
même imprimeur, dans une édition latine des poèmes
de saint Grégoire de Nazianze, Venise, 1504; les quatorze
premiers versets de saint Jean avec l'oraison dominicale,
Tubingue, 1512, 1514. A partir de 1516, le nombre des
éditions du Nouveau Testament grec est fort considé-
rable. Edouard Reuss, en 1872, en avait compté 484
réellement différentes, 98 dont le titre seul avait été
changé et 149 rééditions. Il avait examiné personnelle-
ment 535 éditions et 120 rééditions. Bibliotheca Kovi
Testamenti grseci, Brunswick, 1872. Quelques anciennes
éditions avaient cependant échappé à ses recherches,
et depuis l'apparition de son livre, de nouvelles édi-
tions ont été publiées encore. Malgré ce nombre consi-
dérable d'éditions, l'histoire du texte grec imprimé du
Nouveau Testament est assez peu compliquée, parce que
le plus grand nombre des éditions ne se distinguent
de quelques types importants, tels que les éditions
d'Érasme, des Estienne, de Théodore de Bèze, que par
d'insignifiantes corrections. Nous n'exposerons ici cette
histoire que par les sommets, en mentionnant les édi-
tions qui comptent et en indiquant les principes suivis
pour l'établissement de leur texte.
Elle se partage tout naturellement en trois périodes
distinctes par les principes suivis : la première, de
1514 à 1658; la deuxième, de 1675 à 1830, et la troisième,
de 1831 à 1911.
1" période, 1514-1658. — Le premier texte grec
complet du Nouveau Testament qui ait été imprimé
est celui de la Polyglotte de Complute ou d'Alcala, t. v,
achevé d'imprimer le 10 janvier 1514, mais publié
seulement en 1522. Voir t. v, col. 517. Le premier qui
ait été publié est celui d'Érasme, in-f°, Bâle, février
1516; 2 e édit., mars 1519; 3 B , 1522 (avec le verset des trois
témoins célestes); ,4 e améliorée, 1527; 5 e , 1535. Voir
t. H, col. 1903-1905; A. Bludau, Die beiden erslen Eras-
mus-Ausgaben des N. T. undihre Gegner, dans Biblische
Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. vu, fasc. 5. Les
Aides avaient reproduit à Venise, en 1518, la première
édition d'Erasme, un peu corrigée. En 1534, Simon de
Colines publia à Paris un Nouveau Testament grec,
selon la troisième édition d'Érasme, dans laquelle il
introduisit, d'après des manuscrits inconnus, quelques
leçons nouvelles, que les critiques modernes ont
trouvées excellentes. Robert Estienne, dont la mère avait
épousé en secondes noces Simon de Colines, publia
successivement quatre éditions du Nouveau Testament
grec : la première nommée O mirificam, des premiers
mots de la préface, qui louait la munificence du roi
Henri II, est de 1546, 2 vol.; elle est faite d'après la
5 e édition d'Érasme et celle de la Polyglotte d'Alcala j
la seconde, de 1549, diffère de la précédente en 67 pas-
sages; la troisième, dite regia parce qu'elle est dédiée au
roi de France, est la plus célèbre et la plus importante,
car elle est le fond du textus receptus; la quatrième,
Genève, 1551, a la division en versets, marquée pour la
première fois en chiffres. Voir t. Il, col. 1982-1983. De
nombreuses éditions postérieures ne font que mêler les
leçons d'Estienne à celles d'Érasme. Théodore de Bèze
donna, à Genève, quatre éditions du Nouveau Testament
grec, 1565 (4 e édition d'Estienne), 1582 (pour laquelle il
s'est servi des deux manuscrits onciaux qui lui appar-
tenaient alors, le Codex Bezee et le Cantabrigiensis),
1588 et 1589 (peu différente de la seconde), 1598 (repro-
duction de la troisième). Voir t. i, col. 1773. Le texte
de la Polyglotte d'Anvers, t. v, 1571, et t. vm, 1572, est
emprunté à la Polyglotte d'Alcala avec quelques leçons;
2129
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2130
de Robert Estienne. Voir plus haut, t. v, col. 519-520.
Diverses éditions mêlent le texte de la Polyglotte
d'Anvers avec celui de Robert Estienne. Les Elzévirs
donnèrent à Leyde ou à Amsterdam sept éditions suc-
cessives : 1624, 1633, 1641, 1656, 1662, 1670, 1678. Dans
la préface de l'édition de 1633, on lit ces mots devenus
célèbres : Textum ergo habes nunc ab omnibus recep-
tum, in quo nihil immutatum aut corruptum damus.
C'est de là qu'est venu au texte de cette édition et des
suivantes le nom de texte reçu. Le texte est emprunté
à la quatrième édition d'Erasme, à celle de la Polyglotte
d'Alcala, à la troisième et à la quatrième de Robert
Estienne et enfin à la première de Bèze; quelques leçons
seulement ont été directement extraites des manuscrits.
La Polyglotte de Lejay ou de Paris ne fait que rééditer,
en 1630 et 1633, le texte de la Polyglotte d'Anvers.
Voir t. v, col. 521. Celle de Walton ou de Londres,
1657, t. v, répète le texte de Robert Estienne, en y
ajoutant quelques variantes. Ibid., col. 523. Etienne
de Courcelles fait imprimer à Amsterdam, chez les
Elzévirs, en 1658, un Nouveau Testament grec, dont le
texte était emprunté à l'édition elzéviriennede 1633 un
peu modifiée. Une liste de variantes est donnée à la fin
du volume. Des rééditions sans changement ont paru
en 1675 et en 1685.
Les premiers éditeurs du Nouveau Testament grec
étaient des lettrés, des hellénistes, déterminés dans
leur travail, tous, par l'amour du grec et le désir d'offrir
au public les sources de la littérature chrétienne, et
plusieurs par l'idée de la supériorité du texte grec sur
la Vulgate latine. Ils n'avaient à leur disposition qu'un
petit nombre de manuscrits : Érasme, cinq, qu'il trou-
vait à Bàle (ils sont parmi les premiers numéros des
cursifs); Robert Estienne, seize, de la bibliothèque
royale à Paris. Nous ignorons ceux dont disposèrent
les éditeurs de la Polyglotte d'Alcala et les Elzévirs.
C'étaient presque tous des cursifs récents, reproduisant
le texte prédominant dans l'Église grecque depuis le
V e siècle. Théodore de Bèze consulta bien deux onciaux,
mais pour leur emprunter seulement quelques leçons.
Ces éditeurs publiaient le texte de leurs manuscrits, et
pas toujours avecune parfaite correction. Robert Estienne
y ajouta quelques varianles dans son édition de 1550.
Les derniers éditeurs de cette période multiplièrent
progressivement le nombre des variantes. Mais ils ne
relevaient que les leçons les plus importantes, ne se
préoccupant pas des différences de détail; leurs colla-
tions sont à vérifier. Bref, sauf la Polyglotte d'Alcala et
Pédition de Bèze, qui ont quelques bonnes leçons, le
texte imprimé durant toute cette période n'est que le
texte syrien de Hortet Westcott, celui de la lïoivr,, selon
von Soden, le moins bon qui ait jamais existé. Aussi
l'adage s'est-il répandu chez les critiques plus récents
que le texte reçu, que reproduisent ces éditions, est à
rejeter: Textus receptus, sed non recipiendus.
2" période, Î615-1830. — John Fell.évêque d'Oxford,
édita en 1675, à Oxford, un Nouveau Testament grec
complet. Il reproduisait le texte reçu, mais en y joignant
un nombre considérable de variantes, tirées des éditions
de Robert Estienne, de Walton, etc., de plus de cent
manuscrits, collationnés par lui pour la première fois,
en particulier ceux de la bibliothèque bodléienne, et des
versions copte (bohaïrique) et gothique. John Gregory
réédita cette édition presque sans changement, en 1703.
En 1707, John Mill publiait à Oxford une nouvelle
édition, in-f». Le texte reproduit était celui de Robert
Estienne (1550), un peu. corrigé; mais il était accom-
pagné de 30000 variantes, a-t-on dit, extraites de
78 manuscrits, dont huit onciaux, et des anciennes
versions latines, de la Vulgate et de la Peschito. De
savants prolégomènes précédaient l'édition. L. Kusteren
donna une seconde édition, avec quelques nouvelles
variantes, Amsterdam, 1710. Comme elle ne s'écoulait
pas, elle reçut de nouveaux titres, à Leipzig, en 1723,
et à Amsterdam, en 1746.
En 1707, commença à se dessiner un mouvement qui
devait aboutir à l'abandon du texte reçu. N. Toinard
édita à Orléans une Evangéliorum harmonia grseco-
latina, d'après deux manuscrits du Vatican seulement,
mais très anciens, et d'après la Vulgate latine, très
ancienne aussi. De 1709 à 1719, Edouard Wells publia
en dix parties tout le Nouveau Testament grec avec une
version anglaise et des notes critiques. Le texte était
corrigé d'après les manuscrits, et il présentait de nou-
velles leçons, que les éditeurs modernes adopteront.
Gérard de Maëstricht réédita à peu près fidèlement le
texte de Fell, en 1711, avec quelques notes et variantes,
Wettstein en fit un seconde édition en 1735. En 1713.
Richard Rentley projetait une édition, fondée exclusi-
vement sur les manuscrits grecs et latins les plus
anciens, abstraction faite des récents. Il fit collationner
plusieurs onciaux, entre autres le Vaticanus. Mais son
projet fut chaudement discuté et l'édition ne parut pas.
Le premier, il distingua les manuscrits en familles.
Dans son édition, publiée à Londres en 1729, G. Alace
introduisit dans le texte un certain nombre de nouvelles
leçons, qui ont obtenu le suffrage des critiques récents.
En 1734, Bengel édita encore à Tubingue le texte reçu,
modifié cependant en plusieurs endroits; mais, au lieu
d'entasser les variantes sans ordre, comme le faisaient
ses prédécesseurs, il les classa, le premier, d'après leur
caractère et leurs ressemblances. Il en distingua cinq
classes : les authentiques, celles qui sont meilleures
que les leçons du texte imprimé, celles qui sont de
valeur égale aux leçons imprimées, celles qui sont
moins fondées, enfin celles qu'on ne peut accepter.
Voir t. i, col. 1586. Tout en donnant la préférence aux
leçons des plus anciens manuscrits, aux citations des
Pères grecs, aux versions anciennes, Wettstein cependant
suivit encore de très près le texte reçu, tant était forte
la tyrannie de l'usage, dans son édition publiée à
Amsterdam en 1751 et 1752. Semler ne fit pas d'édition
du Nouveau Testament grec. Ses idées influèrent
cependant beaucoup sur la critique textuelle néo-testa-
mentaire. Il employa le premier le mot de recension et
il en distingua deux d'abord (1765) : la recension orien
taie ou de Lucien, la recension occidentale, égypto-
palestinienne, ou d'Origène ; puis (1767) trois : l'alexan-
drine, l'orientale (Antioche et Constantinople) et
l'occidentale. Elles étaient mêlées dans les manuscrits
récents. Son disciple, Griesbach, suivit la même voie
et groupa les anciens documents par familles ou recen-
sions. Son texte du Nouveau Testament, édité à Halle
de 1774 à 1777, contenait un certain nombre de leçons
nouvelles, qui ont été maintenues dans les- éditions
critiques postérieures. Une seconde édition, publiée à
Halle en 1796 et en 1806, présentait quelques modifica-
tions, sept leçons nouvelles seulement, mais elle était
accompagnée d'un apparat critique plus développé
encore que celui de la précédente. En 1776, Edouard
Harwood avait donné à Londres une édition, fondée
surtout sur le codex Bezse, pour les Évangiles et les'
Actes, sur le Claromontanus pour les Épîtres de saint
Paul et sur Y Alexandrinus pour les passages qui
manquaient dans ces deux manuscrits. Voir t. m,
col. 348-349.
Christian Frédéric Matthâi réagit contre la tendance
de ses prédécesseurs à établir leur texte principale-
ment sur les anciens manuscrits. Son édition, publiée
en 12 tomes, Riga, 1782-1788, repose sur les manu-
scrits récents et donne par conséquent un texte peu
différent du texte reçu; mais elle est importante pour les
variantes nouvelles qu'elle contient, tirées de manu-
scrits qui n'avaient pas encore été collationnés. Matthâi a
ainsi fourni à ses successeurs des matériaux excellents,
qu'ils ont pu utiliser grâce à lui. Il a publié une autre
2131
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2132
édition moins volumineuse, en 3 tomes, de 1803 à 1807.
Voir t. iv, col. 869-870. F. C. Aller édita à Vienne, en
3 vol., 1786 et 1787, un texte formé d'après quelques
cursifs sans valeur critique ; il a collationné, mais sans
ordre, de nouveaux manuscrits. André Birch publia à
Copenhague, en 1788, une édition des Évangiles, avec
de nombreuses variantes. Du reste du Nouveau Testa-
ment, il n'a publié que des variantes, 1798, 1800, 1801.
Les nouveaux manuscrits, qu'il avait collationnés lui-
même ou fait collationner par ses amis, sont des cur-
sifs de basse époque. Un professeur catholique de Bonn,
Scholz, termine la seconde époque. Après de nombreu-
ses recherches dans les bibliothèques de diverses con-
trées, il fit une édition à Leipzig en 2 vol., 1830 et 1836.
Son texte est à peu près identique à celui de Griesbach
et se rapproche par conséquent du texte reçu. Il a col-
lationné, mais avec négligence, des manuscrits qui
n'avaient pas été examinés avant lui. 11 donnait la pré-
férence à la famille des manuscrits de Byzance, et c'est
pourquoi il est revenu au texte reçu.
Toute cette période est caractérisée par l'abandon
progressif du texte reçu et par l'exploration méthodique
des anciens documents. Au début de la période, le
texte reçu est reproduit, mais il est accompagné d'un
nombre de plus en plus considérable de variantes,
puisées un peu partout. On remarque parmi elles de
bonnes leçons, qui pénètrent petit à petit dans les édi-
tions. On classe ensuite les leçons et on ébauche la
théorie des familles. De plus en plus, on se rend
compte de la supériorité des anciens manuscrits sur
les plus récents. Les éditeurs qui abandonnent résolu-
ment le texte reçu ne sont pas suivis, et on y reste
fidèle par habitude. Les progrès de la critique devaient
conduire à sa répudiation définitive, qui eut lieu au
cours delà troisième période.
3" période, 1831-1911. —En 1831, C. Lachmann
publia à Berlin un texte grec du Nouveau Testament,
constitué uniquement d'après d'anciens manuscrits,
qui rentraient dans les recensions alexandrine et occi-
dentale de Griesbach. Cette petite édition stéréotypée
fut tirée de nouveau en 1837 et en 1846 sans autres
changements que la correction de quelques fautes d'im-
pression. En 1842 et en 1850, avec la collaboration de
Buttmann, il donna en 2 vol. un Nouveau Testament
grec et latin, dont le texte ne différait guère de celui
de la précédente. Il pensait qu'il était impossible de
rétablir le texte original dans son état primitif, et il se
contentait d'éditer le texte le plus ancien qu'il ait re-
trouvé, à savoir, celui qui était le plus répandu au
iv« siècle et que contenaient les plus anciens manu-
scrits onciaux, les Pères et la Vulgate. Il laissait donc
définitivement de côté le texte reçu et il donnait la
première édition critique du Nouveau Testament. Elle
était sans doute bien imparfaite encore et elle fut for-
tement discutée, mais elle ouvrait une voie nouvelle ,
et Lachmann a été le précurseur des critiques mo-
dernes. Voir t. iv, col. 27-29. Les éditions manuelles de
Hahn et de Theile, souvent reproduites depuis 1840 et
1844, ont popularisé de bonnes leçons anciennes, em-
pruntées à Griesbach, à Lachmann et à Tischendorf.
Celles de Bloomfield ont obtenu le même résultat en
Angleterre et en Amérique. Edouard de Murait, en
1848, n'a fait que fournir des variantes, extraites des
manuscrits de Saint-Pétersbourg.
Constantin Tischendorf a donné huit éditions diffé-
rentes du Nouveau Testament grec. La première parut
à Leipzig, en 1841. Elle reproduit beaucoup de leçons
de Griesbach et de Lachmann et d'autres tirées des ma-
nuscrits. Elle a été dépassée par les suivantes. En l'an-
née 1842, il fit paraître à Paris deux éditions : la pre-
mière, dédiée à Guizot, ne diffère de celle de Leipzig
qu'en un petit nombre de passages, mais elle est rem-
plie de fautes d'impression; la seconde, demandée par
l'abbé Jager et dédiée à Mgr Affre, est destinée aux
catholiques et elle reproduit les leçons grecques qui
sont les plus ressemblantes au texte de la Vulgate. La
quatrième est de 1849; elle fut imprimée à Leipzig.
Elle a plus de valeur critique .que les précédentes; les
principes de la critique textuelle y sont appliqués avec
plus de rigueur et on y trouve davantage de bonnes
leçons, attestées par les anciens manuscrits. La cin-
quième édition est une édition manuelle stéréotypée,
qui parut à Leipzig en 1850 et qui reproduisait, sauf
quelques corrections, le texte de l'édition précédente.
Elle a été rééditée en 1862; mais en 1873, elle a été
mise en rapport avec la 8 e édition pour les leçons adop-
tées du Sinailicus. M. Oscar von Gebhardt l'a revue
ensuite plusieurs fois, et dans une édition à grand
format, des leçons de Tregelles et de Hort et Westcott
ont été introduites par lui dans le texte grec. La sixième
édition, dite «académique j>, parut d'abord à Leipzig, en
1854, dans le Novum Testamentum triglottum, puis à
part, l'année suivante. Rééditée quinze fois, elle a eu
30000 exemplaires. La septième édition est de 1859;
elle fut publiée en deux formats à Leipzig. La major
contient un apparat critique le plus développé qui ait
paru jusqu'à présent. Le texte grec différait assez nota-
blement de celui de l'édition de 1849, et Tischendorf
se rapprochait davantage, surtout dans les Évangiles,
du texte reçu. La huitième, elle aussi major et minor,
comprend 2 vol. publiés à Leipzig, en 1869 et en 1872.
Tischendorf avait la prétention de reproduire le texte
du Nouveau Testament le plus ancien possible. Il
trouvait ce texte dans le codex Sinaiticus, qu'il avait
eu l'honneur de découvrir et qu'il avait édité en 1863.
Il adopta donc un grand nombre de leçons, fournies
par ce manuscrit, au point que sa huitième édition
diffère de la 7 e en 3369 passages, selon Scrivener, et en-
3572, selon Gregory. Il avait accepté 145 leçons sur la
seule autorité de ce manuscrit et avait rejeté 956 leçons
du Vaticanus, qu'il avait précédemment reçues. Sa
confiance en ce manuscrit fut véritablement excessive.
Voir Tischendorf, col. 2244.
Samuel Prideaux Tregelles, qui, en 1844, avait édité
à Londres l'Apocalypse d'après les anciens manuscrits Y
donna successivement une édition du Nouveau Tes-
tament en six parties, 1857, 1861, 1865, 1869, 1870,
1872; 2= édit., Londres, 1887. Il avait collationné
beaucoup de manuscrits, les versions anciennes, et
recueilli les citations des Pères. Lui aussi, il veut
donner le texte le plus ancien possible. Comme il
ne connaissait pas le Sinaiticus, au moins pour les-
Évangiles, son texte est assez différent de celui de
Tischendorf. Ces deux critiques appliquaient bien le
même principe de recourir aux documents les plus
anciens, mais le classement de ces documents était
encore flottant, et l'appréciation individuelle de la
valeur de différentes leçons anciennes conduisait à des
résultats inévitablement variables.
Henry Alforda édité aussi à Londres, de 1849 à 1861,
le texte grec du Nouveau Testament. Il consultait les-
manuscrits récents aussi bien que les anciens; il a amé-
lioré ce texte à chaque nouvelle édition; il se rapproche
plus de Tregelles que de Tischendorf. Scrivener revint
au texte reçu. Il fit imprimer à Cambridge en 1859 le
texte de la 3 e édition de Robert Estienne (1550) avec les
variantes des éditions de Bèze, des Elzévirs, de Lach-
mann. de Tischendorf et de Tregelles. Il édita, en
1881, le texte grec dont s'étaient servis, en 1611, les
auteurs de la version anglaise m autorisée », avec les
leçons suivies, en 1881, par les auteurs de la version
« revisée ». Dans son Introduction, 1861, rééditée plu-
sieurs fois, 1874, 1883, et par Miller, 1894, il publia la
collation qu'il avait faite de nombreux manuscrits, et
recueillit aussi de bonnes leçons anciennes. Green, en
1865, publia à Londres, d'après les anciens manuscrits,
2133
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT
2134
une édition dont le texte se rapproche des textes de
Tregelles et de Tischendorf.
Après trente ans de travail préparatoire, Hort etWest-
cott publièrent à Cambridge et à Londres, en 1881, The
New Testament in the original Greek.Vn volume con-
tient le texte, et un autre l'introduction, rédigée par
Hort. Pour constituer leur texte, les deux critiques
anglais ont écarté résolument les leçons syriennes. Ils
ont adopté comme originales les leçons antésyriennes,
lorsqu'elles sont d'accord et, dans le cas de leur désac-
cord, ils ont ordinairement préféré le texte neutre aux
textes alexandrin et occidental. Comme ils recon-
naissaient le texte neutre pour une bonne part dans le
Vaticanus et le Sinaiticus, leur édition est faite prin-
cipalement d'après ces deux onciaux, du rv e siècle. Elle
ne donne pas l'original grec, qu'annonce le titre, mais
un texte ancien et un bon texte.
Bernard Weiss a publié successivement dans les
Texte und Untersuchungen, de 1892 à 1899, une édition
complète du Nouveau Testament grec, t. 'vil, fasc. 1;
t. viii, fasc. 3; t. IX, fasc. 3 et 4; t. XIX, fasc. 2; 2« édit.,
1902-1905. Comme il juge de la valeur des leçons d'après
leur caractère intrinsèque, son texte est plus éclec-
tique que celui des éditeurs précédents, qui fixent leur
choix'sur l'autorité des documents. Il suit principa-
lement, lui aussi, le codex \aticanus ; par suite, son
édition ne diffère pas énormément de celle de Hort et
Westcott.
R. F. Weymouth s'est borné à choisir les leçons
adoptées par la majorité des éditeurs antérieurs depuis
la Polyglotte d'Alcala jusqu'à B. Weiss, The résultant
Greek Testament, Londres, 1886,1892, 1905. E. Nestlé
a formé un texte très convenable, en choisissant les
meilleures leçons des quatre éditions de Tischendorf,
Westcott-Hort, B. Weiss et Weymouth, avec quelques
variantes, Stuttgart, 1898 (plusieurs éditions un peu
amendées). F. Schjott a dressé un texte d'après les
plus anciens manuscrits et a relevé les variantes des
éditions des Elzévirs et de Tischendorf, Copenhague,
1897. J. M. S. Baljon a corrigé le texte de Tischendorf,
en y introduisant des leçons nouvelles, qui ne sont pas
toujours bien attestées, et des corrections conjecturales,
Groningue, 1898. A. Souter a édité le texte grec que
suppose la version anglaise revisée de 1881 avec
l'apparat critique des documents qui le justifient,
Oxford, 1910. On annonce pour 1911 l'édition de
Hermann von Soden.
Signalons, en terminant, trois éditions qui ont été
faites récemment par des catholiques. F. Brandscheid,
Novum Testamentum grte.ce et latine, in-4», Fribourg-
en-Brisgau, 1893; 2» édit., 1901 ; 3" édit., 2 in-16, 1906;
M. Hetzenauer, ^ xaivr) ôcaBïjxï) éXXïivicrri, 2 in-12, Ins-
pruck, 1896, 1898; 2" édit., corrigée, 1904; [E. Bodin,]
Novum Testamentum D. N. Jesu Christi, grsece e
' codice Vaticano, latine e Vulgata, in-16, Paris, 1911.
Les deux premiers se sont proposés de choisir régu-
lièrement, parmi les diverses leçons grecques, celles
qui se rapprochent le plus de la Vulgate. Le troisième
a pris comme fondement de son édition le codex
Vaticanus, dont il a corrigé les fautes ou abandonné
les mauvaises leçons pour adopter celles des autres
manuscrits grecs qui lui ont paru les meilleures. Pour
les Épitres pastorales et l'Épitre aux Hébreux, il a
reproduit le texte de YAlexandrinus. L'Apocalypse est
tirée de ce même manuscrit et du Vaticanus 2066.
Le patriarcat grec de Constantinople a fait paraître,
en 1904, un Nouveau Testament grec, qui reproduit
pour le fond le texte reçu avec quelques leçons nouvelles.
Bibliographie. — L. Hug, Einleitung in die Schriften
des N. T., 4« édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, p. 120-
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le texte et le style du Nouveau Testament, Paris,
1856; S. P. Tregelles, An introduction to the textual
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La plupart des introductions bibliques traitent du
texte du Nouveau Testament. Citons celles duP. Cornély,
2* édit., Paris, 1894, p. 294-336; de Trochon, Paris,
1886, t. i, p. 300-362; de Chauvin, Paris, s. d. (1897),
p. 257-283, etc.
Des articles spéciaux sont consacrés au texte grec
du Nouveau Testament dans les dictionnaires de la
Bible : Westcott, dans Diclionary of the Bible de
Smith, Londres, 1863, t. n, p. 505-534; édition améri-
caine, New-York, 1876, t. m, p. 2112-2143; O. de-
2135
TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT — THABOR
2136
Gebhardt, dans Realencyclopâdie de Hauck, 1897,
t. il, p. 728-773; E. Nestlé, dans Dictionary of the
Bible de Hastings, "1902, t. iv, p. 732-741; J. 0. F.
Murray, Textual criticism, ibid., extra volume, 1904,
p. 208-236; F. C. Burkitt, dans X Encyclopsedia biblica
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C. H. Turner, dans Illustrated Bible dictionary de
Murray, Londres, 1908, p. 585-596; F. G. Kenyon, dans
le petit Dictionary of the Bible de Hastings, Edim-
bourg, 1909, p. 916-929 ; Barnard, dans Dictionary of
Christ and the Gospels de Hastings, Edimbourg, 1908,
t. il, p. 717-725 (pour les Évangiles seulement).
Plus particulièrement encore pour l'histoire du texte
imprimé, J. A. Fabricius, Bibliotheca grseca, édit.
Harles, 1795, part. IV, p. 755-895; J. Le Long, Biblio-
theca sacra, édit. Masch, Halle, 1778, t. i, p. 189-424;
Rosenmùller, Bandbuch fur die Literatur der bibli-
schen Kritik und Exégèse, 1797, t. i, p. 278; Tregelles,
Account of the printed textofthe N. î\, Londres, 1854;
Ed. Beuss, Bibliotheca Novi Testamenti grseci, Bruns-
wick, 1872; J. H. Hall, A crilical bibliography of the
Greek New Testament as published in America, Phila-
delphie, 1883; Ph. Schaff, A companion to the Greek
Tes tament and the english version, 3 e édit. , New- York,
1888, p. 497; Hundhausen, Editionen des neutestamen-
tlichen Textes und Schriften zur neutest. Textkritik
seit Lachmann, dans Litterarisches Handweiser, 1882,
n. 315-317, 319, 321, 323-325; C. Bertheau, Novum Te-
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Litleralurzeitung, 1882, p. 553 sq.; A. Rûegg, Die
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Nye Testamenters historié lilligemed en indledning-
dertil og et anhang, Christiania, 1907.
E. Mangenot.
TEXTUS RECEPTUS. Les critiques désignent
par ce nom le texte couramment reçu du Nouveau
Testament grec, qui est celui des éditions des Estienne,
et spécialement celui de l'édition de 1633, où on lit dans
la préface, en parlant de l'édition que reproduisait !
l'imprimeur : « Editionem omnibus acceptam denuo [
doctorum oculissubjicimus. » — On donne aussi le nom
de textus receptus au texte massorétique de la Bible
hébraïque édité par Van der Hooght.
THAAN (hébreu : Tahan; Septante : ©aév), fils de
Thalé et père de Ladan, de la tribu d'Éphraïm. I Par.,,
vu, 25. — Un autre Éphraîmite, qui porte le même nom
en hébreu, est appelé par la Vulgate Théhen. Voir
Théhen, col. 2368.
THABÉEL (hébreu : Tâb'êl ; Septante : Taêev)).), per- j
sonnage qui était un des officiers du roi de Perse en
Samarie et qui écrivit avec ses collègues à Arlaxercès
pour empêcher les Juifs de relever les murs de Jéru-
salem après le retour de la captivité. I Esd., IV, 7.
Voir Tabéel, col. 1951.
THABOR (hébreu : Tâbôr, signifiant locus ag-
gestus, editus), nom d'une montagne, d'une localité et
d'une ville.
1. THABOR (Septante : ôpo; QxStip; zo TraS-Jpiov,
dans Jérémie et dans Osée), montagne de Palestine,
remarquable par sa forme et par sa beauté (lig. 473).
1° Elle est située à l'extrémité nord-est de la riche
plaine d'Esdrelon, à vingt kilomètres environ au sud-
ouest du lac de Tibériade et à sept kilomètres au sud-
ouest de Nazareth. Elle porte aujourd'hui dans le pays le
nom de Djebel Tour, « la montagne » par excellence
« Entre tous les monts de la Palestine, le Thabor est
l'un des plus remarquables et des plus renommés. Sa
forme est celle d'un cône tronqué, et il affecte l'appa-
rence d'un volcan ; toutefois, il est de nature calcaire.
Sa hauteur au-dessus du lac de Tibériade est d'environ
780 mètres, de 595 au-dessus de la Méditerranée, et de
400 au-dessus de la plaine d'Esdrelon. Ses flancs arrondis
et verdoyants sont revêtus de chênes de différentes
espèces, de caroubiers, de térébinthes, de lentisques, de
mélias, de cistes et d'autres arbres et arbustes. Un
sentier un peu raide, mais praticable jusqu'au sommet
pour les mulets et pour les chevaux du pays, serpente
en zigzag, le long de la montagne, à travers un fourré
plus ou moins épais. Çà et là des degrés ont été ména-
gés dans le roc. Une heure tout au plus suffit pour
gagner le plateau supérieur. Celui qui gravit ce sentier...
ne peut se défendre d'une secrète et vive émotion, en
songeant qu'il foule les traces de tant de générations
qui l'ont parcouru et celles du Messie lui-même qui y
a imprimé ses pas divins... Le chant des oiseaux qui
peuplent ces pentes boisées est comme un hymne éternel
qui s'élance de tous les points de la sainte montagne,
et ce n'est point sans raison que l'on a comparé le
Thabor à une sorte d'autel sublime que le Tout-Puis-
sant s'est érigé pour lui-même. — La plate-forme du
sommet mesure environ 800 mètres de long sur une
largeur moyenne de 400. Elle est hérissée en beaucoup
d'endroits, et notamment sur ses bords, d'arbres,
d'arbustes et de broussailles, où l'on heurte à chaque
pas des débris de toute sorte... A l'époque chrétienne
byzantine se rapportent, selon toute apparence, les restes
d'une petite église qui a été relevée de ses ruines
depuis quelques années...
« Bien que la hauteur du Thabor au-dessus de la
Méditerranée n'atteigne pas tout à fait 600 mètres,
néanmoins sa position isolée au nord de la vaste plaine
d'Esdrelon permet à celui qui se place sur son sommet
et qui, de là, vers les quatre points du ciel, interroge
l'horizon, de jouir de l'un des panoramas les plus
grandioses et les plus variés que la Palestine puisse
lui présenter... Au nord-est, par-dessus de nombreuses
chaînes de montagnes appartenant à la basse et haute
Galilée, se dresse la masse gigantesque du Grand-
Hermon, couronné de neiges presque éternelles. Situé
aux dernières extrémités septentrionales de la Terre
Promise, il borne de ce côté l'horizon. A ses pieds
jaillissent les trois principales sources du Jourdain.
Plus près de nous, le Djebel Safed montre, sur l'une
de ses cimes, la ville du même nom. Plus près encore,
les Koroun Hattin, consacrées par la tradition comme
étant les deux sommets de la montagne des Béatitudes
de l'Évangile..., dominent du côté de l'est le beau lac
de Génésareth, dont nous apercevons un coin du lieu
où nous sommes, et autour duquel dorment aujour-
d'hui les ombres solitaires de Capharnaùm, de Co-
rozaïn, de Bethsaïda... Non loin de nous, vers l'ouest-
nord-ouest, les montagnes qui environnent Nazareth
cachent sur leurs flancs inclinés l'immortelle petite
ville de ce nom, dont nous distinguons seulement la
blanche coupole de l'Oualy Neby Ismaïl. Au delà, dans
la même direction, les hauteurs qui bordent la plaine
de Sainl-Jean-d'Acre nous laissent voir, partout où
elles s'entr'ouvrent ou s'abaissent, les flots brillants de
la Méditerranée... A l'ouest, la chaîne du Carmel se
déploie tout entière jusqu'au promontoire que cou-
ronne le couvent de Saint-Élie. Si nous nous tournons
maintenant vers le sud, nous voyons se dérouler à nos
pieds l'immense plaine d'Esdrelon, traversée oblique-
ment à l'est par les deux chaînes presque parallèles
du Djebel Dahy ou Petit-Hermon et du Djebel Fou-
kou'ah, l'antique Gelboé. Au pied septentrional de la
première de ces montagnes, Naïm et Endor attirent
a
G
2139
THABOR
2140
plus particulièrement notre attention, Naïm, qu'a jadis
consacrée l'un des plus touchants miracles du Christ
dans la résurrection du fils unique d'une pauvre
■veuve; Endor, où Saûl, dans le déclin de sa puissance
■et de son règne, alla consulter la pythonisse... Au
sud-ouest apparaissent les petits villages de Fouléh et
•de A'fouléh, témoins, le 16 avril 1799, de la glorieuse
bataille du mont Thabor. Plus loin, vers le sud, les
montagnes de la Samarie dessinent à nos yeux leurs
formes diverses. A l'est, enfin, notre vue plonge dans
•la vallée du Jourdain ; au delà, se montrent les hauteurs
-de [Galaad] et les plateaux accidentés de l'Auranitide
et de la Batanée. Puis le regard se perd dans un loin-
deux montagnes, entre toutes celles de la Palestine, la
première comme étant la plus pittoresque, la seconde
comme étant la plus haute et la plus imposante.
5. Osée, v, 1, fait allusion aux nombreux oiseaux du
Thabor, à qui le chasseur tend des filets. — Jérémie,
XL vi, 18, compare Nabuchodonosor, roi de Babylone, au
Thabor : il est, parmi les rois, ce qu'est le Thabor entre
les montagnes.
6. Ce qui a rendu le Thabor particulièrement célèbre
chez les chrétiens, c'est que, d'après une tradition très
ancienne, c'est sur le sommet de cette montagne qu'eut
lieu la Transfiguration de Notre-Seigneur. Les trois
synoptiques, en racontant ce grand miracle, Matth.,
474. — État actuel du plateau du mont Thabor.
tain vaporeux. » V. Guérin, Galilée, 1880, t. i, p. 143-
151.
2» Histoire. — 1. Le Thabor est nommé pour la
première fois dans l'Écriture comme formant la limite
•entre les tribus d'Issachar et de Zabulon. JoS., xix,
22; Josèphe, Ant. jud., V, I, 22; Eusèbe et S. Jérôme,
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 208,
•209.
2. C'est sur le Thabor que se rassemblèrent les tri-
Jjus d'Israël, réunies parBarac, obéissant à l'appel de la
prophétesse Débora, afin d'aller combattre Sisara sur
les bords du Cison. Jud., iv, 6-14. Le lieu du rendez-
vous sur la montagne avait été très habilement choisi
pour réunir, sans avoir rien à craindre, les combattants
■et les préparer à la bataille en sécurité. Cf. Josèphe.
Sell. jud., IV, i, 8.
3. Les chefs des Madianites, Zébée et Salmana,
massacrèrent les frères de Gédéon sur le mont Thabor.
•Gédéon mit à mort les princes meurtriers, en qualité
•de goêl de ses frères. Jud., vm, 18-21.
4. Le Psalmiste, Ps. lxxxviii (hébreu : lxxxix), 13,
nous montre le Thabor et l'Hermon comme tressaillant
de joie au nom de Dieu. Il semble avoir choisi ces
xvii, 1-8; Marc, ix, 1-8; Luc, ix, 28-36, ainsi que
saint Pierre, II Petr., i, 16-18, disent simplement qu'il
eut lieu sur une (haute) montagne, sans la nommer;
cependant, de bonne heure, c'est sur le Thabor qu'on le
localisa. Saint Cyrille de Jérusalem, vers 350, semble
être le premier chez qui l'on constate cette identifica-
tion, Catech., xn, 16, t. xxxm, col. 744, mais il en
parle comme d'une chose admise de son temps et sans
conteste en Palestine, et non comme d'une tradition
nouvelle et douteuse. Saint Jérôme parle de même
dans son épitaphe de sainte Paule, Epist. cvm, 13,
t. xxn, col. 889, et il ne se serait pas exprimé si affir-
mativement : Scandebat montem Thabor, in quo
transfiguratus est Dominus, s'il y avait eu alors des
contradicteurs. L'Évangile des Hébreux désigne déjà le
Thabor comme étant le lieu de la Transfiguration. Dès
le iv e siècle, à cause de cette croyance, la montagne
était déjà couverte d'églises (fig. 474). Voir V. Guérin,
Galilée, t. I, p. 158-163; Barnabe Meistermann, Le
mont Thabor, notices historiques et descriptions, in-8°,
Paris, 1900; Id., Nouveau guide de Terre Sainte,
in-16, Paris, 1907, p. 386-393. Cette tradition séculaire
est maintenant rejetée par de nombreux contradic-
2141
THABOR — THALASSA
.2142
teurs. On soutient que la montagne était habitée du
temps de Notre-Seigneur et qu'une forteresse la dé-
fendit depuis une époque reculée jusqu'à l'an 50 ou
53 de notre ère. Josèphe répara en quarante jours Jes
fortifications de la montagne pendant la guerre de
Vespasien, Bell, jud., II, xx, 6; Vila, 37, et bon
nombre de Juifs s'y réfugièrent à cette époque; mais,
quelle que pût en être la population du temps de
Jésus-Christ, elle ne pouvait pas l'empêcher de s'y
retirer à l'écart et de s'y transfigurer isolément,
xaO'iûtocv, seorsum, Matth., xvii, 1; Marc, IX, 1, devant
ses trois apôtres seuls. On veut trouver une objection
plus grave dans le fait que, huit jours auparavant,
Jésus et ses disciples étaient au pied de l'Hermon, à
Césarée de Philippes ; Matth., xvn, 1 ; Marc, IX, 2;
Luc, ix, 28, et on place la scène du miracle sur un des
sommets de l'Hermon. On ne peut nier cependant que
le Sauveur n'ait eu largement le temps de se rendre
en une semaine, sans forcer les étapes, de Césarée au
Thabor. — L'omission du nom de la montagne dans le
récit des évangélistes fournit une dernière difficulté
contre le Thabor à ceux qui rejettent l'ancienne
créance. Pourquoi le nom propre de la montagne de
la Transfiguration n'a-t-il pas été mentionné par les
évangélistes? Il est difficile de ;le dire, mais cette
objection n'a pas moins de force contre l'Hermon,
«ette chaîne de montagnes si importante et si connue,
qui n'est pas nommée non plus. Si l'on rejette le Tha-
bor et l'Hermon, il ne reste plus qu'un mont innommé,
qu'on né saurait déterminer. Le fait incontestable, c'est
que de bonne heure les chrétiens admirent que le mi-
racle de la Transfiguration s'était produit sur le mont
Thabor. — Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs,
t. 1, p. 367, 388-391; Ed. Robinson, Biblical re-
searches, 2 e édit, Londres, 1856, t. h, p. 356-360.
2. THABOR (CHÊNE DU) (hébreu : 'Êlân Jâbôr;
Septante : i\ Epûç ©aëiip; Vulgate : quercus Thabor).
I Sam. (Reg.), x, 3. Saûl, après avoir été oint comme
■roi par Samuel, lorsqu'il cherchait les ânes de son
père, passa, en retournant à Gabaa, à l'endroit auquel
<;e chêne donnait son nom. Il était situé entre le tom-
beau de Rachel sur la frontière de Benjamin à Çélsah
<(Vulgate : in meridie) et la colline de Dieu ou Gabaon.
Le site précis est inconnu. 0. Thenius, Die Bûcher Sa-
muels, 2 e édit., Leipzig, 1864, p. 40, propose de lire
'Élôri Debôrâh, mi3T, « le chêne de Déborah »,la nour-
rice de Rachel qui fut enterrée dans ces parages. Voir
Gen., xxxv, 8. D'autres ont proposé de lire 'Êlôn Bahut,
« le chêne des pleurs », au lieu de 'Êlôn Tâbôr. Voir
-Gesenius, Thésaurus, p. 1493.
3. THABOR (Septante : ®<xg<ip), ville lévitique de
la tribu de Zabulon, qui fut donnée avec ses dépen-
dances aux fils de Mérari. I Par., vi, 77. Ce nom ne se
lit point dans la liste des villes lévitiques de Zabulon.
Jos., xxi, 34-35. Les uns ont supposé que « Thabor »
•est ici une abréviation de « Céséleththabor », Jos.,xrx,
12, laquelle est aussi abrégée en « Casaloth », Jos.,
xix, 18, d'après certains géographes. Voir Casaloth,
t. il, col. 326. Si cette identification est exacte, la ville
•était voisine du mont Thabor et sur la frontière de
Zabulon. D'après d'autres, le nom de la ville est altéré
-dans le passage des Paralipomènes, et doit se lire
Dabéreth, Jos., xxi, 28, ville de la tribu d'Issachar, sur
les frontières de Zabulon, aujourd'hui Debûriyéh, à
l'ouest et au pied du Thabor. Voirt. H, col. 1195-1196.
Pour d'autres enfin, c'est une ville qui était sur le mont
Thabor ou bien le mont Thabor lui-même.
THACASIN (hébreu : 'Iltàh Qâsîn; Septante : itoXt;
KaTotain), ville frontière de la tribu de Zabulon, nom-
anée après Gethhépher (t. m, col. 228). Jos., XIX, 13.
Le hé de 'Ippâh est probablement le hé locatif, comme
Gippdh Ifêfér pour Gap Héfér, dans le même verset,
de sorte que le nom de la ville devait être 'Ep qâsin.
Thacasin, qui est mentionnée après Japhié, était sans
doute peu éloignée de cette dernière et par consé-
quent assez proche de Nazareth (voir Japhié, t. m,
col. 1126), mais le site est inconnu.
THADAL (hébreu : Tid'dl; Septante : QapyâX), roi
des Goïm d'après l'hébreu, rex Gentium d'après la
Vulgate, un des rois confédérés avec Chodorlahomor
dans sa campagne contre l'Asie antérieure et la Pales-
tine. Gen., xiv, 1. Son nom, d'après une tablette assy-
rienne mutilée, déchiffrée parM. Pinches, est Tudghula.
Voir Goïm, t. m, col. 267. Tudghula, iils de Gazza[ni],
y est nommé avec Éri-Aku ou Arioch de Larsa, Hammu-
[rabi] de Babylone, Kudur-Laghamar ou Chodor-
lahomor d'Élam. Une autre tablette, signalée par
M. Sayce, dans Hastings, A dictionary of the Bible,
t. iv, 1902, p. 761, porte : « Qui est Kudur-Laghamar,
le malfaisant? Il a rassemblé les Umman-Manda, il a
dévasté le peuple de Bel (les Babyloniens), et il a mar-
ché à leur côté. » Les Umman-Manda ou Hordes de
Barbares, dont le nom équivaut au Goïm hébreu,
étaient des montagnards qui vivaient au nord de l'Elam.
Thadal venait donc probablement des montagnes situées
au nord-est de Babylone.
THADDÉE (grec : ©aêôaîo;,), nom d'un des douze
Apôtres. Matth., x, 3; Marc, m, 18. Dans saint Mat-
thieu, le Codex Vaticanus porte Thaddée, comme le
textus receptus. La leçon corrigée du Codex Ephrœmi
dit Asëëaïo; 6 êiîixiïjOîiç ©a88aîo;. Saint Luc, VI, 15;.
Act., i, 13, ne nomme ni Thaddée ni Lebbée, mais à la
place il met Judas Jacobi, Jude. De la comparaison de
ces textes, il résulte que Lebbée, voir t. iv, col. 143, et
Thaddée sont des surnoms de l'apôtre saint Jude, qui
était ainsi désigné pour le distinguer de l'apôtre infi-
dèle, Judas Iscariote. Voir Jude 1, t. m, col. 1806. Pour
l'étymologie de Thaddée, voir Lebbée, t. iv, col. 143.
THADMOR. Voir Palmïre, col. 2070.
THAHATH (hébreu : Tahap), nom de deux Israé-
lites et d'une station dans le désert de l'Exode.
1. THAHATH (Septante : 0ai6), lévite de la descen-
dance de Caalh, un des ancêtres de Samuel et d'Héman.
I Par., VI, 24, 37 (hébreu, 9, 22).
2. THAHATH (Septante : Gad;9, Sïà6), fils de Bared
et arrière-petit-fils d'Éphraïm et de Joseph. I Par., vu,
20. Le nom se lit deux fois dans le texte hébreu et dans la
Vulgate, comme si Éphraïm avait eu deux descendants
du même nom. Les Septante ont différencié les deux
noms en Thahath et Saath. Le second est donné comme
fils d'Élada.
3. THAHATH (Septante : KaT<x<x8),un des campements
des Israélites dans le désert, entre Macéloth et Tharé.
JVum., xxxiii, 26-27. Le site en est inconnu.
THALASSA (grec : Aairafa; Vaticanus : Aacia;
Alexandrinus : 'Winna.; Sinailicus : Aa<j<jat'a), ville
voisine de Bonsports. Act., xxvn, 8. Voir Bonsports,
t. i, fig. 567, col. 1848. Le vaisseau qui conduisait saint
Paul prisonnier de Césarée à Rome longea la côte de
Crète et vint à Bonsports, localité près de laquelle est
la ville que la Vulgate appelle Thalassa et les manu-
scrits grecs, avec diverses variantes, Lasée. La carte de
Peutinger mentionne une ville de Crète appelée Lisia.
C'est sans doute la même que Pline, H. N., îv, 12,
nomme Lasos, ou, d'après quelques manuscrits Alos.
2143
THALASSA
THAMMUZ
2144
Le site en a été découvert en 1856. Il est à peu près au
milieu de la côte méridionale de' l'Ile, à l'est de Bons-
ports et près du cap Léonda. J. Smith, Voyage and
shipwreck of St. Paul, append. IV, 2 e édit., p. 262. On
y voit des ruines d'anciens édifices, parmi lesquelles
des restes de deux temples.
THALASSAR (hébreu: TeVassâr, IV Reg., xix, 12;
Jelaéèdr, Is., xxxvi, 12; Septanle : ©ae<r6év; Alexan-
drinus: ©aXaioôp; Vulgate: Thelassar, IV Reg., Tha-
lassar, Is.), ville où habitaient « les enfants d'Éden ».
Elle avait été prise par les prédécesseurs de Senna-
chérib et son envoyé, le Rabsacés, la citait parmi les
places qu'il énumérait aux habitants de Jérusalem
comme conquises par les rois d'Assyrie, afin de les
convaincre de la nécessité de se soumettre à sa puis-
sance. Les autres villes mentionnées par le fonction-
naire assyrien, Gozan, Haran et Réseph, étaient situées
dans la Mésopotamie occidentale. Dans cette même
contrée se trouvait Bil-'Adini, dont les habitants
s'étaient établis à Thalassar, et ce Bit-'Adini était situé
sur les deux rives de l'Euphrate, probablement entre
Balis et Béredjik. Voir Eden 3, t. n, col. 1588. Des
documents cunéiformes rapportent que Gozan, Haran,
Réseph et Bit-'Adini avaient été détruites par les pré-
décesseurs de Sennachérib. E. Schrader, Die Keilinr
schriften und das Alte Testament, 2 e édit., p. 327. Til-
Assuri, dont Thalassar est sans doute la transcription
hébraïque, veut dire en assyrien « Colline d'Assur ».
Les rois de Ninive avaient donné ce nom à plusieurs
localités. Il indique un lieu ou bien un temple consacré
à honorer le dieu Assur. On en rencontrait plusieurs
dans l'empire assyrien. L'un d'eux se trouve dans les
inscriptions de Théglathphalasar III, P. Rost, Ann.,
176, et parait avoir été situé en Babylonie; ce n'est donc
pas celui dont la prise est rappelée par l'envoyé assy-
rien. Asaraddon nomme un autre PU Assuri, voisin du
pays de Mitanni et dont il s'empara. E. Schrader, Kei-
linschriftliche Bibliothek, t. n, p. 219. Il est possible
que ce soit le Thalassar biblique. On en trouve un
troisième à l'est du Tigre. J. M. Price, dans Jewish En-
cyclopedia, t. xn, 1906, p. 77.
THALCHA (Septante : ©aXx<i), ville de Siméon,
nommée dans une addition des Septante. Jos., xix, 7.
VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1867, p. 212,
213, dit que c'était une bourgade, dont le nom avait
été transformé en Telia, et qui était située à seize milles
au sudd'Éleuthéropolis.
THALÉ (hébreu: Télah; Septante : ©aXslç; Alexan-
drinus : ©aXs), descendant d'Éphraïm, un des ancêtres
de Josué. I Par., vn, 25.
THALLUS (Septante : 9âX>.0{), branche d'olivier.
Alcime en offrit une en or au roi de Syrie, Démé-
trius I«. II Mach., xvi, 4. Le grec porte : « quelques-
unes des branches d'olivier accoutumées du temple, »
c'est-à-dire semblables à celles qu'on donnait en pré-
sent au temple de Jérusalem. Elles étaient en or ciselé.
La traduction de la Vulgate : « des rameaux qui sem-
blaient être du Temple, » paraît signifier qu' Alcime les
aurait dérobés au Temple.
THAMAR (hébreu : fâtnâr, «palmier »; Septante :
©aujip; 0ri(iâp), nom d'une femme chananéenne, de
deux femmes Israélites et d'une localité.
1. THAMAR, femme chananéenne qui fut épousée
successivement par Her et Onan, fils de Juda, et petit-
fils de Jacob. L'un et l'autre moururent sans lui don-
ner d'enfants. D'après les usages reçus alors et d'après
la coutume du lévirat, Juda aurait dû la marier avec '
son troisième fils Sélah, mais il ne se pressa pas de
remplir cette obligation, par la crainte peut-être
qu'elle ne portât aussi malheur à Sélah. Thamar,
voyant sa mauvaise volonlé, se déguisa en courtisane
et se plaça à un carrefour du chemin que devait
suivre son beau-père, au moment de la tonte de
ses brebis. Voir Thamnas, col. 2346. Juda ne la re-
connut point, mais il succomba au piège qui lui avait
été tendu, il lui promit un chevreau et lui laissa en
gage son anneau. Sa belle-fille le lui fit remettre plus
tard, lorsqu'il voulut la punir en apprenant qu'elle avait
donné le jour à deux jumeaux, Phares et Zara. Gen.,
xxxviii ; Ruth, iv, 12; I Par., n, 4. Elle devint ainsi un
des ancêtres de Notre-Seigneur et elle figure à ce titre
dans la généalogie de saint Matthieu, i, 3.
2. THAMAR, sœur d'Absalom.Son demi-frère Amnon
lui fit violence et la traita ensuite avec le plus grand
mépris. C'est pour venger l'outrage fait à sa sœur
qu'Absalom fit mettre Amnon à mort par ses gens,
après l'avoir invité avec tous ses autres frères à un
festin à Baalhasor. Il Sam. (Reg.), xm. Voir AbsalomI,
Amnon 1, t. i, col. 92-93, 500-501.
3. THAMAR, fille d'Absalom. II Sam. (Reg.), xiv, 27.
D'après une addition des Septante, f. 27, elle devint la
femme de Roboam et la mère d'Abia. Ils semblent
l'avoir identifiée avec Maacha. I (III) Reg., xv, 2; II Par.,
xi, 20-22.
4. THAMAR (hébreu : Tâmâr; Septante : ©at'uav),
ville de Juda, nommée deux fois par Ézéchiel, xlvii,
19; xlviii, 28. Elle devait tirer son nom de ses pal-
miers. Quelques-uns pensent que c'est la même loca-
lité qu'Asasonthamar (t. i, col. 1060), nom primitif
d'Engaddi (t. n, col. 1796), dont le prophète n'aurait
conservé que la seconde partie du nom. D'autres le
nient, parce que, disent-ils, Engaddi est près du milieu
de la côte occidentale de la mer Morte et est men-
tionnée sous ce nom dans Ézéchiel, xlvii, 10. Il ne
lui aurait pas donné deux noms différents dans le
même chapitre. Dans sa division idéale de la Terre
Sainte, au ch. xlvii,' on voit qu'il a sous les yeux les
frontières marquées par les Nombres, xxxiv, et que
Thamar doit se trouver dans le voisinage de la montée
du Scorpion ou Akrabbim, au sud de la mer Morte.
Cf. Jos., xv, 1-4. Ce Thamar peut être le Thamara
de VOnomasticon d'Eusèbe et de saint Jérôme, Pair,
lat., t. xxiii, col. 862, qui avait de leur temps une gar-
nison romaine, sur la route qui allait d'Hébron à
Élath. Elle figure sous le nom de Thamaro dans la
carte de Peutinger, sur la route d'Hébron à Pétra.
Ptolémée, v, 16, 8, la mentionne comme une ville, de
Judée. Le site n'en a pas été retrouvé. /
1. THAMMUZ (hébreu : ha(-Tammûz; SepHante :
ô ©aajjioûÇ; Vulgate : Adonis), divinité syrjéhne à
laquelle les Juives idolâtres rendaient un cuits, en
célébrant une lamentation annuelle en son honneur.
La 6 e année de la captivité du roi Joachinj 'le 5 du
sixième mois, Ézéchiel vit dans une vision des femmes
assises « qui pleuraient Thammuz » à la porte septen-
trionale du temple de Jérusalem. Ezech. ; vin,- 14-15.
On croit retrouver aussi une allusion' à ces lamenta-
tions dans Amos, vin, 10, parlant du deuil du fils
unique. Cf. Zach., xn, 10; Jer., xxn,18. Saint Jérôme,
In Ezech., vm, 12-14, t. xxv', col. > 82, commente ainsi
ce passage : Quem nos Adonidem interpretati su-
mus et Hebrseus et Syrus sermo Thamuz vocat : unde
quia juxta gentilem fabulant, in mense junio ama-
sius Veneris et pulch'errimus juvenis occisus, et
deinde revixisse narratur, eumdeni junium mensem
eodem appellant- nomine et anniversariam ei celé-
2145
THAMMUZ — THAMNATHA
2146
brant solemnitatem, in qua plangitur a mulieribus
quasi mortuus, et postea reviviscens canitur atque
laudatur. Saint Jérôme nous apprend, Epist. lviii,
ad Paulin., t. xxn, col. 581, qu'il y eut à Béthléhem
un bois consacré à Adonis et qu'on se lamentait sur sa
mort dans la grotte où naquit le Sauveur.
Le culte de Thammuz était d'origine babylonienne.
C'était primitivement le dieu Soleil, fils d'Éa et de la
déesse Sirdou, le fiancé de la déesse Istar. Il habitait à
l'ombre de l'arbre de vie dans le jardin d'Éridou,
arrosé par le Tigre et l'Euphrate. Les poèmes babylo-
niens le représentent comme un berger, mort à la fleur
de l'âge ou tué par un sanglier. Macrobe,Sa£wra.,i,21.
Istar descendit aux enfers pour le retrouver etlui rendre
la vie, en franchissant les sept portes du séjour des
morts. C'est ce qui est raconté dans le poème de la Des-
cente d'Istar aux enfers. Le second jour du quatrième
mois de l'année babylonienne, correspondant à la fin
475. — Culte d'Adonis. Plat d'argent de Curium (Chypre),
maintenant conservé au Metropolitan Muséum de New- York.
— Adonis avec une pomme et Astarté devant une table sacrée ;
procession de musiciens et d'adorateurs apportant des pré-
sents. A une autre table sacrée, derrière les musiciens, trois
autres personnages portent divers présents à Adonis.
de juin et au commencement de juillet, on récitait ce
poème pour célébrer le souvenir de la mort de Tham-
muz, et c'est à cause de cette fête que ce mois portait
le nom de Thammuz. Son culte passa de Babylonie en
Phénicie, où il fut honoré sous le nom d'Adôn ou
d'Adonaï, d'où les Grecs firent Adonis, comme ils firent,
d'Istar ou d'Astoreth, Aphrodite, lorsque sa légende
passa en Grèce. Elle avait déjà pris pied en Palestine,
mais non sans subir de transformations dans ces diffé-
rents voyages. On ne le confondait plus avec le soleil,
il était devenu le symbole de la végétation qui s'épa-
nouissait et se développait au printemps et était ensuite
desséchée et brûlée par les chaleurs de l'été, ce qu'on
exprimait par la mort d'Adonis, mais comme la séche-
resse arrivait plus tard en Chanaan qu'en Babylonie,
l'anniversaire de la mort d'Adonis se célébrait deux
mois plus tard en Phénicie.
A l'époque de la XXVI e dynastie égyptienne, Adonis
de Byblos fut identifié avec Osiris l'Égyptien et la fête
de sa résurrection fut célébrée avec l'anniversaire de sa
mort, sur le récit des Alexandrins, d'après lesquels Isis
avait retrouvé à Byblos les membres épars d'Osiris.
Lucien, De dea Syra, 7. Le même auteur raconte
comment on l'honorait, ibid., 6, dans le Liban. La fête
anniversaire de la mort et de la résurrection d'Adonis
se célébrait surtout à Byblos. A la fonte des neiges, le
fleuve Adonis, aujourd'hui Nalir Ibrahim, roule des
eaux rougies par les terrains qu'il traverse. On croyait
que c'était le sang d'Adonis qui leur donnait leur couleur
sanglante. Ce phénomène se renouvelle à la suite de
DICT. DE LA BIBLE.
violents orages. Les femmes pleuraient tous les ans la
mort d'Adonis. On les voit représentées sur les bords
d'une coupe où sont reproduits les principaux épisodes
de son culte (fig. 475). Pour rappeler la mort du dieu,
elles plantaient dans un vase, qu'on exposait sur la
terrasse des maisons, de la laitue, de l'orge et du fenouil.
Dans les sanctuaires, on faisait brûler des parfums. Là
se trouvait le simulacre d'Adonis qu'on enterrait. Le
sixième jour, le dieu ressuscitait et on célébrait sa
résurrection par de hideuses bacchanales. — Voir
H. Zimmern, Der babylonische Tamûz, in-8°, Leipzig,
1909; St. Langton, Sumerianand Babylonian Psalms,
in-8», Paris, 1909.
2. thammuz, THAMMOUZ, quatrième mois de l'année
hébraïque, de 29 jours, comprenant la fin de juin et
le commencement de juillet. Il n'est pas nommé dans
l'Écriture, mais seulement dans les anciens écrits juifs.
THAMNA (hébreu : Timna' ; Septante : Oajrvi), nom
de deux personnes et de deux villes.
1. THAMNA, femme de second rang d'Éliphaz, fils
d'Ésaù, et mère d'Amalec, père des Amalécites. Gen.,
xxxvi, 12; I Par., i, 36 (où l'on doit probablement regar-
der Thamna comme une fille). Elle était sœur de Latan.
Gen., xxxvi, 22; 1 Par., i, 39.
2. THAMNA, un des chefs d'Édom, descendant
d'Ésaù, le premier nommé dans la liste de Genèse,
xxxvr, 40, et de I Paralipomènes, i, 51. D'après le texte
de la Genèse, cette liste contient plutôt les noms des
familles et des territoires des 'allûfim que leur nom
propre.
3. THAMNA (hébreu : Timnâh, «portion »; Septante :
)Jëa), ville voisine de Bethsamès. Jos., xv, 10; II Par.,
xxxvm, 18. La Yulgate l'appelle ordinairement Tham-
natha. Yoir Thamnatha.
4. THAMNA (hébreu : Timnâh ; Septante : ©au,va6â),
ville de la partie montagneuse de la tribu de Juda.
Jos., xv, 57. Elle faisait partie du groupe d'Accaïn et
Gabaa. C'est aujourd'hui Tibna, près de Gabaa, à deux
heures et demie environ à l'ouest de Béthléhem. On y
voit encore quelques fondements de vieilles construc-
tions. Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. m,
p. 53. Il est possible que ce fut là que Juda, le fils de
Jacob, rencontra Thamar. Voir Thamnas.
THAMNAS (hébreu : Timnâh; Septante : ©a^vâ),
ville sur le chemin de laquelle se tenait la belle-fille
de Juda, déguisée en courtisane, Gen., xxxvm, 12, 13,
14, et dont il eut Phares et Zara, f. 29-30. Voir
Thamna 4. j
THAMNATA (Septante : @au.vâ8a), place forte de
Judée, reconstruite par Bacchide (t. I, col. 1373). Elle
est nommée entre Bélhel et Pharathon. I Mach., IX,
50. D'après un grand nombre de savants, c'est la même
ville que Thamnatha ; d'après d'autres, elle est différente.
La première opinion paraît la plus probable. Josèphe,
Bell, jud., III, m, 5, nous apprend qu'elle était le chef-
lieu d'une toparchie.
THAMNATHA (hébreu : Timnâh; Septante : 0au.v5,
0ap.va95), ville située sur la frontière septentrionale de
la tribu de Juda. Jos., xv, 10. C'était une ville phi-
listine enclavée dans la tribu de Dan, Jos.,xix, 43 (Vul-
gate : Themna), dont le nom s'est transformé en Tib-
néh, sur la pente méridionale de la vallée de Sorec,
Ouadi es-Surar, à l'ouest de Bethsamès. Voir Sorec,
col. 1845. Le site est aujourd'hui désert, mais on y
V. - C8
2147
THAMNATHA — THANAG
2148
remarque encore des débris de murailles, des citernes
et des pressoirs. Dans la partie septentrionale des
ruines se trouve une source. Entre Tibnéh et VOuadi
es-Surar, sur le penchant des collines, croissent la
vigne et l'olivier. Palestine Exploration Fund, Me-
moirs,t. n, p. 417, 441. Cf. t. u, col. 1234.
Samson, qui était né dans le voisinage, à Saraa,
épousa une femme de Thamnatha et lua, en s'y ren-
dant, le lion qui lui fournit la matière de l'énigme
proposée au festin denoces.Jud., xiv,l,2,5.Son beau-
père est appelé Thamnite. Jud., xv, 6. Voir Samson,
col. 1434. — Les Philistins perdirent Thamnatha sous
les rois de Juda, lorsqu'ils furent soumis par le roi
niers passages, la Vulgate écrit le nom Thamnathsaré.
Le vrai site de Thamnath Saraa est très controversé.
V. Guérin le place à Khirbet Tibnéh.\oir Jostjé, t. m,
col. 1687. Le P. Séjourné le place à el-Fakhdkhïr. Voir
Gaas, t. m, col. 2; Éphraïm, t. u, fîg. 592, col. 1875.
THANAC,THANACH (hébreu: Ta'anak; Septante:
Tavi-/, ©avait, ©avaà/J, ville de la demi-tribu de
Manassé occidental. Jos., xxi, 25. C'était une ancienne
ville chananéenne, dont le roi fut défait par les Israé-
lites du temps de Josué. Jos., xn, 21 (fîg. 476). Elle fai-
sait partie du territoire qui était échu à Issachar, mais
elle fut donnée à Manassé et devint une ville lévi-
476. — Tell Ta'annek, vu de l'ouest.
D'après E. Sellin, Denkschriften der K. Akad. der Wiss. Phil.-hisl. KL, in-f*, Vienne, 1904, t. l, fasc. iv, 8g. 1, p. 2.
Ozias, mais ils la reprirent bientôt après sous le
règne d'Achaz. II Par., xxvm, 18 (Vulgate : Thamna).
— Lorsque Sennachérib fit sa campagne en Palestine,
il s'empara de Thamnatha (Tamnâ). Eb. Schrader,
Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2 e édit.,
p. 170.
THAMNATHÉEN (hébreu : hat-Timnî; Septante :
6 ©a|ivi), originaire de Thamnatha. Le beau-père de
Samson était Thamnathéen. Jud., xv, 6.
THAMNATH [SARAA, THAMNATHSARÉ (hé-
breu: fimnat Serai), dans Josué; Tininat Hérés, dans
Jud.; Septante : ®a\3yaaapiy, 0a|Avi9<7âpa-/, 0a[i.vaEla-
pé;), ville de la tribu d'Éphraïm. Elle fut donnée à
Josué, comme part de son héritage dans la Terre Pro-
mise, par les Israélites. Elle était située dans la partie
montagneuse de cette tribu, au nord du mont Gaas.
Jos., xix, 50. C'est là que le successeur de Moïse fut
enseveli. Jos.,xxiv, 30; Jud., H, 9. Dans ces deux der-
tique, attribuée aux Caathites. Jos., xvn, 11, Vulgate :
Thenac; xxi, 25; Jud., i, 27; 1 Par., vu, 29. Ce fut
dans le voisinage de Thanach que Barac, encouragé
par Débora, remporta la grande victoire qui affranchit
les tribus du nord de la Palestine du joug des rois
chananéens. Jud., v, 19. Les Chananéens étaient restés
jusqu'alors dans cette ville; ils n'en avaient pas été
chassés, mais soumis seulement dans la suite à un
tribut et à la corvée. Jud.,l, 27-28. Du temps de Salo-
mon, elle faisait partie du district soumis à Baana, un
des douze commissaires de ce prince chargés de
l'entretien de la maison royale. III Reg., IV, 12.
Thanach était une place forte destinée à défendre la
plaine d'Esdrelon. Elle est mentionnée avec Mageddo-
dans les listes de Thothmès III à Karnak et aussi dans
celles de Sésac. W. Max Mûller, Asien und Europa,
in-8°, Leipzig, 1893, p. 158 note, 170, 195.
A l'époque d'Eusèbe et de saint Jérôme, Thanach
était encore un gros village, situé à trois ou quatre
milles romains de Legio, probablement l'ancienne;
2149
THANAC — THAPHUA
2150
Mageddo. Onomasticon, édit. Larsow et Parlhey,
p. 209, 215. « Ce village, dit V. Guérin, Samarie, t. il,
1875, p. 226, est aujourd'hui réduit à une dizaine de
misérables habitations, sur les pentes d'une colline
oblongue. Jadis, les flancs méridionaux de cette émi-
-nence et son plateau supérieur tout entier étaient
occupés par des constructions, comme le prouvent les
innombrables fragments de poterie épars sur le sol et
rortiùcatio&M
Fouilles 1302
.. 1903
- 1904
477. — Plan des ruines de Thanach.
D'après E. Sellin, Nachlese auf dem Tell Ta'annek, dans les
Denkschriften der Akad. der Wissenschaften, Ph.-histor.
Klasse, Vienne, 1906, t. ni, fasc. m.
les matériaux de toute sorte que l'on y rencontre à
chaque pas; les pierres les plus considérables ont dû
être transportées ailleurs. Au bas du village, est une
petite mosquée, qui passe pour avoir été une ancienne
église chrétienne; elle est, en effet, orientée de l'ouest
à l'est, et les pierres avec lesquelles elle a été bâtie
proviennent toutes de constructions antérieures; quel-
ques-unes, comme celles qui forment les pieds-droits
delà porte, sont décorées de sculptures. Plus loin, dans
la plaine, plusieurs citernes creusées dans le roc et un
puits appelé Bir Ta'annak datent également de l'anti-
quité. »
Des fouilles ont été faites à Thanach en 1902-1904
(fig. 477). Voir Ernest Sellin, Eine Nachlese auf dem
Tell Ta'annek in Palàstina. Skizze der Graben und
Schachte. Nebst einem Anhange, von D r Friedrich
Hrozny, Die neuen Keilschrifttexte von Ta'annek
mit 5 Tafeln und 49 Textfiguren. Dans Denkschriften
der K. Akademie der Wissenschaften. Phil.-hist.
Klasse, in-f», Vienne, 1906, t. lu, fasc. m. Le plateau
central de Thanach mesure 140 mètres surllO; le plus
grand développement de la ville, 300 mètres sur 150,
ou 4 hectares 80. H. Vincent, Canaan, 1907, p. 27-28.
Voir E. Sellin, Tell Ta'annek; Bericht ûber eine Aus-
grabung in Palàstina, gr. in-4«, Vienne, 1904 (fasci-
cule iv, 123 p., 13 pi., 132 ill. et 6 plans, dans le t. i. des
Denkschriften de l'Académie de Vienne).
THANATHSÉLO (hébreu : Ta'ânat $ilàh; Sep-
tante : 6ï)va(rà xat 2sMt)ç), ville frontière d'Éphraïm.
Elle est nommée, entre Machméthah et Janoé, dans un
seul passage de la Bible. Jos., xvi, 6. La situation de
Machméthah est douteuse (t. iv, col. 512) ; celle de
Janoé est très probablement au sud-est de Naplouse, au
village actuel de Yanûn. Voir Janoé 1, t. m, col. 1121.
Thanathsélo, aujourd'hui Ta'na, est également au sud-
est de Naplouse, sur la route de cette dernière ville à
la vallée du Jourdain. Ptoléinée, v, 16, 5, qui la nomme
0T|VB,"la mentionne avec Neapolis ou Naplouse, comme
étant, avec cette dernière, une des deux principales
villes de Samarie. Voir Palestine Exploration Fund,
Memoirs, t. n,p. 232, 245.
THANEHUMETH (hébreu : fanlmmét; Septante :
0ava[x.â6, IV Reg.; ©avaeniO, Jer.), père de Saraïa ou
Saréas, contemporain de Jérémie et de Godolias. IV Reg.,
xxv, 23; Jer., xl, 8. Voir Saraïa 3, col. 1477.Thanehu-
meth était Nétophatite, IV Reg., xxv, 23, c'est-à-dire
originaire de Nétophati. Voir Nétophati, t. iv, col. 1610.
THAPHSA (hébreu Tifsah; Septante : 0ep<ra),
ville frontière du royaume de Salomon. III Reg., iv,
24. La domination de ce prince s'étendit depuis Thaphsa
au nord jusqu'à Gaza au sud. Thaphsa est la ville bien
connue des Grecs et des Romains, qu'ils appelaient
0ât|/a*o;, Thapsacus. L'hébreu Tifsah paraît signifier
« gué »,etThapsaque, située dans la Syrie du nord, était
l'endroit où il y avait un gué de l'Euphrate. Strabon,
XVI, î, 21. Sa situation en avait fait une ville très im-
portante. Xénophon, Anab., I, iv, 11, l'appelait, de son
temps, lieyâXri xai eù8a!u.">v. Darius Codoman la traversa
avant et après la bataille d'Issus. Alexandre le Grand,
son vainqueur, passa l'Euphrate sur deux ponts de ba-
teaux en le poursuivant. Arrien, m, 7. Sous les Séleu-
cides, on l'appela Amphipolis. C'était, en aval, le der-
nier endroit où le fleuve fut guéable. Cf. Strabon, XVI,
i, 23. C'est là qu'on embarquait les marchandises qu'on
transportait en barque sur l'Euphrate pour toutes les
villes situées le long de son cours, depuis Thaphsa jus-
qu'à la mer, Quinte-Curce, x, 1, et c'est là aussi qu'on
débarquait en amont les marchandises qu'on transpor-
tait de là par terre à leur destination. Strabon, XVI,
m, 34. Thapsaque était donc une place commerciale de
très grande importance, le centre du trafic entre l'Orient
et l'Occident, et l'on conçoit sans peine combien sa pos-
session était précieuse pour le commerce de Salomon
avec l'Asie centrale, où ses caravanes allaient de là par
Thadmor (Palmyre), ou bien y faisaient halte en rêve
nant. L'Euphrate peut encore être passé à gué aujour-
d'hui à Béredjik, excepté au moment de la crue du
fleuve. — Les commentateurs juifs ont souvent identi-
fié, à cause de la ressemblance de nom, la Thaphsa de
Salomon avec la Thapsa de Manahem, IV Reg., xv, 16,
mais à tort, puisque cette dernière était dans le voisi-
nage de Thersa. Voir Thapsa, col. 2151.
THAPHUA (hébreu : Tapuâh ; Septante : 0aw8ov f ),
fils d'Hébron, de la tribu de Juda. I Par., h, 43. Dans
2151
THAPHUA — THARACA
2152
plusieurs éditions de la Vulgate, son nom est écrit
Taphua. Voir Taphua 1, col. 1994.
THAPSA (hébreu : fifsah; Septante : Qépaa.), ville
d'Israël. IV Reg., xv, 16, nous lisons : « Manahem
frappa Thapsà et tous ses habitants, avec son territoire
depuis Thersa, parce que les habitants n'avaient pas
voulu lui en ouvrir les portes et il en tua toutes les
femmes enceintes. »"! C'est vraisemblablement la Tafsa
actuelle, au sud de Sichem.
THAPSAQUE. Voir Thaphsa, col. 2150.
THARA (Septante : ®appâ), un des deux eunuques,
portiers du roi Artaxercès — Assuérus, qui avaient conçu
le dessein de le mettre à mort. Mardochée déjoua leur
complot en révélant au roi le péril qui le menaçait et
celui-ci les prévint en les faisant exécuter. Esther, XII,
1-3. Voir Bagathan, t. i, col. 1383. Thara est le même
que Tharès, Esth., u, 21-23, où le même fait est ra-
conté, et vi, 2, qui rappelle ce même événement. Voir
Tharès, col. 2157.
THARAA (hébreu : Tahrê'a,\ Par.,ix, 41; Ta'erê'a,
I Par., vin, 35, par le changement du heth, n, en N,
aleph; Septante: ©apdc/J, fils de Micha et petit-fils de
Méribbaal ou Miphiboseth, de la tribu de Benjamin et
de la descendance de Saiil.
THARACA (hébreu : Tirhàkâh; Septante : ©apaxà;
le [ j-j  1 Tharaka ou Tahr(u)k des hiérogly-
phes; leTarqu-udes cunéiformes; leTâpxoçou Tapaxôç
de Manéthon, Muller-Didot, Fragmenta historicorum
grsecorum, t. H, p. 593; le Teapx.<i; ou TEâpxwv de
Strabon, I,m, 21, et XV, i, 6; le Tctpcrîxïiç de Josèphe,
Ant. jud., X, 1,4), roi d'Egypte et d'Ethiopie (fig. 478).
I. Le personnage, -r- Tharaca est le troisième des
quatre pharaons éthiopiens qui remplissent la XXV e dy-
nastie, de 712 à 663, à la suite des victoires de Piankhi.
Legrain, Recherches généalogiques, dans Recueil de
travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie
égyptiennes et assyriennes, t. xxxi, 1909, p. 8. L'ordre
de succession, Sabaka, Sabataka, Tahraka, nous est
garanti par la série des cotes du Nil à Thèbes, Legrain,
Textes gravés sur le quai de Karnak, dans Zeitschrift
fur àgyptische Sprache und Alterthumskunde,
t. xxxiv, 1896, p. 114-116, et confirmé par Manéthon,
dans Syncelle, Chronographia, édit. Dindorf, 1829,
t. i, p. 140. Il règne quelque incertitude sur les liens
de parenté qui unissent entre eux ces souverains d'une
même famille. On sait toutefois, par la stèle de Psam-
métique I er , lig. 3, Legrain, Deux stèles trouvées à
Karnak en février 1897, dans Zeitschrift fur âgypt.
Sprache, t. xxxv,1897, p. 16, que Tharaca était le frère
de Sapenapit II. Or, celle-ci était la fille de Piankhi,
Golenischeff, Catalogue du Musée de l'Ermitage, 1891,
p. 220, probablement le Piankhi vainqueur de Taf-
nekht. Legrain, Recherches généalogiques, loc. cit. ;
Breasted, Ancienl Records, t. îv, 1906, p. 481. Cf.
Amélineau, Nouvelles fouilles d'Abydos, 1905, t. i,
p. 52; Daressy, Notes et remarques, clxxiv, dans
Recueil de travaux, t. xxn, 1900, p. 142. Quoi qu'il en
soit, Tharaca était sûrement le neveu de Sabaka et le
cousin de Sabataka, si ce dernier est le fils de Sabaka,
comme le veut Manéthon (Syncelle), loc. cit. Tharaca
était donc tout qualifié pour être envoyé dans le Delta,
comme Sabaka y avait été envoyé avant lui, voir Sua,
col. 1870, et y jouer un des premiers rôles. Et cela d'au-
tant mieux qu'il parait avoir été d'un caractère très
entreprenant à côté de Sabataka, pharaon quelque peu
effacé. Il avait vingt ans lorsqu'il quitta Napata, se
, séparant de sa mère, « sœur de roi et mère de roi »,
dont le nom reste problématique. Cf. toutefois E. de
Rougé, Élude sur quelques monuments du règne de
Tahraka, dans Mélanges d'archéologie égyptienne et
assyrienne, 1873, 1. 1, p. 12; Maspero, Histoire ancienne
de l'Orient classique, 1899, t. m, p. 361 et n. 2, qui la
nomment Akelaou Akelak, Akalouka, d'après Lepsius,
Denkmâler, v, 7 c. Bien accueilli à la cour du nord,
probablement par Sabataka, il reçut une dotation en
terres fertiles, prit rang parmi les enfants royaux et
plus que tous le roi l'aima. Stèle de Tanis, dans Pétrie,
Tanis, part. 2,1888, pi. ix. lig. 1-13, et p. 29-30 (Fourth '
Memoir of the Egypt Exploration Fund). Cf. E. de
Rougé, loc. cit., p. 16, 21-22. On convient assez géné-
ralement que Tharaca monta sur le trône vers 693.
E. de Rougé, loc. cit., p. 13; Maspero, loc. cit., p. 361;
Pétrie, A history of Égypt, 1905, t. m, p. 296; contre
Breasted, loc. cit., p. 451, 465 et 492, qui le fait régner
de 688 à 663 et le regarde comme le prédécesseur
immédiat de Psammétique I e '. S'il faut en croire une
tradition postérieure, Tharaca s'empara du pouvoir par
la violence. Unger, Chronologie des Maneiho, 1867,
p. 251. Cf. Muller-Didot, loc. cit. Aux fêtes de son
couronnement, il associa sa mère, mandée de Napata.
Stèle de Tanis, dans Pétrie, loc. cit. Plus tard, dans
une chapelle qu'il éleva à Karnak, sur le quai septen-
trional du Lac sacré, il reproduisit les cérémonies de
son intronisation. Tharaca gouvernait donc l'Egypte
entière : le royaume de Napata; Thèbes, devenue sous
les Éthiopiens une principauté théocratique régie par
des femmes, filles ou sœurs et épouses du roi régnant;
le reste du pays, partagé entre des dynastes dont on
avait reconnu les droits au prix de leur allégeance.
Vingt ans durant, les Assyriens furent retenus au loin
ou leur élan se brisa à la frontière de l'Egypte. Ce répit
permit à Tharaca de bâtira Thèbes et surtout à Napata.
Cf. Maspero, loc. cit., p. 363-366. Ses malheurs datent
de ses dernières années. Il régnait encore en 667 ou
666, puisque l'Apis mort à la fin de l'an XX de Psammé-
tique I" et enterré au début de l'an XXI était né l'an
XXVI de Tharaca. Chassinat, Textes provenant du
Serapeum de Memphis, dans Recueil de travaux,
t. xxn, 1900, p. 19-20; Breasted, loc. cit., p. 492.
II. Ses luttes contre les Sargonides. — 1° Contre
Sennachérib (701). — Tout portait les pharaons à s'im-
miscer dans les affaires de Syrie : leur antique supré-
matie sur ce pays, la nécessité d'y exciter à l'occasion
une révolte où, loin du Nil, s'épuiserait le choc assyrien,
les appels des populations courbées sous la dure tutelle
du Sargonide, pour qui « dévaster était le cri de son
cœur, » Is., x, 7; cf. xxx, 1-9, populations confiantes,
malgré tout, dans la vieille gloire et les chars de
l'Egypte. Is., v, 28; xxxvi, 5-8; cf. xxx, 16; xxxi,l, 3.
A ce jeu dangereux, qui réussit un temps, mais qui
allait attirer sur lui tout le poids de la colère ennemie,
Tharaca se trouva mêlé bien avant son intronisation.
Profitant des embarras de Sennachérib, aux prises, ses
quatre premières années, avec Mérodach-Baladan et
les Cosséens, les pays d'Amourrou et de Canaan
avaient refusé le tribut. Padii, roi d'Accaron, demeu-
rant fidèle à Ninive, fut livré par ses sujets à Ézéchias
de Juda. Libre enfin du côté du midi et de l'orient,
Sennachérib parait en 701. Comment il parcourt en
vainqueur la Phénicie et la Philistie, prend Ascalon et
pousse vers Accaron, il nous le raconte lui-même.
Prisme de Taylor, col. Il, lig. 34-73, dans Schrader,
Keilinschriftliche Bibliothek, t. n, p. 80 sq.; Vigou-
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6« édit.,
1896, t. iv, p. 24-26. Cf. Dhorme, Les pays bibliques
et l'Assyrie, dans Revue biblique internationale, 1910,
p. 506-509. Accaron avait commis le crime d'appeler à
son aide * les rois d'Egypte (Mu$uri) », c'est-à-dire les
dynastes, et« le roi d'Ethiopie {Méluhha) » , c'est-à-dire
Dict. de la Bible
Letouzey et Ane, Edit.
(m -Hf^^W^^sôïMnlDn^V V 1
Ais»A$M\
iIfMlQSMN=
THARACA FAISANT UNE OFFRANDE A AMON-RA
D'après Lepsius. Denkmxkr, Abth. Y, Bl. v
. ..
2153
THARACA
2154
Sabataka, avec « leurs archers, chars et chevaux de .
guerre. » Prisme de Taylor, loc. cit., lig. 73-76. Mais j
Sabataka ne se mit pas à la tête de ses contingents. Il
les confia à Tharaca. La Bible, IV Reg., xix, 9, et Is., '
xxxvii, 9, nous l'apprend: « Et Sennachérib reçut une
nouvelle au sujet de Tharaca, roi d'Ethiopie. On lui
dit : Voici qu'il s'est mis en marche pour vous com-
battre. » La qualification de mélek Cus, BaaiXe-Jî
Aî8!(Sir<i>y, n'a rien d'insolite pour Tharaca, personnage
de sang solaire, délégué de Napata en Basse-Egypte, y
faisant fonction de vice-roi avec autorité sur les roite-
lets vassaux. Il intervenait naturellement en la cir-
constance comme bras droit du pharaon. Il est donc
inutile de couper en deux le récit biblique et de ren-
voyer les événements contenus IV Reg., xvm, 17 ; xix,
à une seconde campagne de Sennachérib diffférente de
celle de 701 et qui aurait pris place en 690, alors que
Tharaca était devenu pharaon à son tour. La meilleure
exposition de cette hypothèse, due à Winckler; se
trouve dans Dhorme, loc. cit., p. 512-513, 516-518,
qui l'admet. Cf. Condamin, Babylone et la Bible, dans
A. d'Alés, Dictionnaire apologétique, col. 356 et n. 1,
qui, avec beaucoup d'autres, la rejette comme insuffi-
samment fondée.
Donc Tharaca arrivé, « l'armée coalisée se cantonne
à Altaqu-u (Elteqéh), ville lévitique de la tribu de
Dan. Dans la suite du récit, cette Altaqu-u est mise en
relation avec Taamnaa, qui est la ville danite de Timnâ
(aujourd'hui Tibnéh), au sud-ouest d'Ain Sems (Be(-
Séméë). C'est dans la grande plaine qui s'étend au sud
d'Accaron et à l'ouest de Timnâ qu'il faut localiser
Elteqéh, le champ de bataille où vont se heurter de
front les deux armées. » Dhorme, loc. cit., p. 509.
« Grâce à la protection de mon seigneur Asur, nous
dit Sennachérib, je combattis avec eux et je les défis.
Au milieu du combat, mes mains prirent vivants le
chef des chars et les enfants d'un roi des Égyptiens,
ainsi que le chef des chars du roi d'Ethiopie. J'assié-
geai Elteqéh et Tamnâ, je les pris et j'emmenai leur
butin. >> Prisme de Taylor, col. n, lig. 76-83, traduc-
tion Dhorme, loc. cit. En somme, ce n'est là qu'un
maigre bulletin de victoire, tenant peu de place dans
l'ensemble du récit. On n'enregistre ni le nombre des
tués et des prisonniers ni le montant du butin. Cela
dit assez que l'action ne fut pas décisive et que Tha-
raca put se replier en bon ordre. Cf. Vigouroux, loc.
cit., p. 36. Sennachérib n'en fut que plus acharné à se
frayer le chemin de l'Egypte, l'âme de toutes les
coalitions et le principal objet de sa haine. En toute
hâte, il prend Accaron, quarante-six villes fortes de
Juda, envoie investir Jérusalem et sommer par deux
fois Ézéchias de se rendre, cet Ézéchias auquel le
rabSaqê dit : « Tu as pris pour soutien ce roseau brisé
qui perce et blesse la main de celui qui s'y appuie.
Tel est le pharaon, roi d'Égyple, pour tous ceux qui
espèrent en lui. » Is., xxxvl, 6. A la première somma-
tion, le saint roi consent à rendre la liberté à Padii
d'Accaron et à payer un tribut. A la seconde, et quand
tout semble perdu, il reprend confiance, car Isaïe lui
promet le salut. Pour tous ces faits, voir IV Reg., xvm-
xix;Is., xxxvi-xxxvii;II Par. xxxn ; Prisme de Taylor,
col. 3, dans Vigouroux, loc. cit., p. 37-60; Josèphe,
Ant. jud., X, i. Pour la discussion des faits, voir Vigou-
roux, loc. cit., p. 37-60; Condamin, loc. cit.; Dhorme,
loc. cit., p. 509-513, 516-518. Et voici que Sennachérib,
laissant Ézéchias bloqué et enfermé dans Jérusalem,
« comme un oiseau dans sa cage, » Prisme de Taylor,
col. n, lig. 20, se porte vers les frontières de l'Egypte.
« Or, l'ange du Seigneur sortit et frappa cent quatre-
vingt-cinq mille hommes dans le camp des Assy-
riens. Et quand on se leva le matin, c'étaient tous des
cadavres sans vie. Alors Sennachérib partit et s'en alla,
et s'en retourna et il demeura à Ninive. » Is., xxxvii,
36-37; IV Reg., xix, 35-36. Du coup, Jérusalem était
délivrée et l'Egypte sauvée. Le récit biblique de cette
catastrophe, probablement une peste violente, est
confirmé par Hérodote, n, 141. C'est le même fait, avec
intervention divine, mais expliqué autrement et loca-
lisé à Péluse. Cf. Josèphe, loc. cit., v;Maspero, loc. cit.,
p. 293-295.
2» Contre Asarhaddon (676-669). — Héritier de la
haine de son père, Asarhaddon ne se repose de ses
autres campagnes qu'en préparant l'invasion de l'Egypte.
Aux menées de Tharaca, dont il faut voir la main dans
la révolte de la Phénicie en 676, il répond par la prise
de Sidon. « J'approchai, nous dit-il, sa muraille et son
assise, je les jetai dans la mer, je détruisis l'endroit où
elle était située. « Prismes A et C, col. i, lig. 10-54, et
Prisme brisé, col. i, lig. 27-30, dans Schrader, loc. cit.,
t. n, p. 124-127 et 144-145. — En 675, il marche contre
l'Egypte. Chronique babylonienne, col. iv, lig. 10;
Winckler, Babylonische Chronik B, dans Schrader,
loc. cit., p. 282. Mais rappelé en Asie, il ne dépasse
pas le torrent d'Egypte, nahal Musri, c'est-à-dire
î'Ouadi el-Arisch. Prismes A et C, col. i, lig. 55-58,
loc. cit., p. 130-131. — En 674, nouvelle expédition
contre l'Egypte, Chronique babylonienne, col. IV.
lig. 16, loc. cit.. p. 284-285, sans y pénétrer encore,
car dans les inscriptions des prismes qui datent de
l'année suivante, la titulature d'Asarhaddon ne com-
prend pas « la mention de sa souveraineté sur l'Egypte, »
et parmi les vassaux qu'énumère le Prisme brisé,
col. v, lig. 12-26, Budge, The history of Esarhaddon,
1880, p. 100-103, « ne figure aucun souverain du Delta
ou de l'Ethiopie. » Dhorme, loc. cit., 1911, p. 207.
Quelques-uns même interprètent ici la Chronique ba-
bylonienne dans le sens d'une défaite des Assyriens.
Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott, 1893,
t. i, p. 59. Et l'on s'explique alors que Tharaca ait
fait graver dans la grande cour de Karnak et sur la
base de sa statue, Mariette, Karnak, 1875, pi. xlv a et
p. 66-67, des listes de peuples empruntées à Séti I er et
à Ramsès II, où figure Asour parmi les vaincus. Mas-
pero, loc. cit., p. 368. On s'explique aussi la stèle
triomphale de l'an XIX, gravée à mi-chemin entre
Kalabséh et Taféh, en Basse-Nubie, sur la rive ouest,
par Tharaca, <i l'aimé d'Amon-rà, maître de Karnak,
donnant la vie, la stabilité, la force, la puissance,
comme Râ, éternellement. » Weigal, Vpper egyptian
Notes, dans Annales du service des Antiquités, t. ix,
1908, p. 105-106. Recul ou même défaite, Asarhaddon
n'en avait pas moins pacifié le désert arabe et trans-
formé les tribus en auxiliaires pour les campagnes à
venir. « La Syrie, la Palestine, le nord de l'Arabie »
sont désormais « autant de relais sur La route
d'Egypte. » Dhorme, loc. cit., p. 207-209, 215-216. —
En 671, Baal, roi de Tyr, rompt un traité qui le liait à
Asarhaddon, Winckler, Altorienlalische Forschungen,
t. il, 1893, p. 10, pour s'unir à Tharaca. C'est l'occa-
sion d'une nouvelle offensive. « Dans le cours de ma
campagne, dit Asarhaddon, contre Baal, roi du pays de
Tyr, qui, s'étant fié sur Tarqou, roi d'Ethiopie, son ami,
avait secoué le joug de mon seigneur Asour et avait
répondu des insolences, j'élevai solidement contre lui
des travaux de siège et je lui fermai les vivres et l'eau
qui sont la vie de leur âme. » Winckler, Keilinschrift-
liches Textbuch zum Allen Testament, 3 e éd., p. 52-
53; Dhorme, loc. cit., p. 213. Tyr demeurant bloquée,
le Sargonide s'engage dans le désert avec le gros de
son armée et parvient à Raphia, à côté du torrent
d'Egypte, « endroit qui n'a pas de fleuve. » On eut re-
cours à l'eau des citernes et à l'eau apportée à dos de
chameau par les Bédouins alliés. Sur l'itinéraire
d'Asarhaddon, cf. Dhorme, loc. cit., p. 214. Mais le Nil
n'était plus qu'à quelques journées. « Au mois de
Tammouz, nous dit la Chronique babylonienne, col. iv,
2155
THARACA — THARÉ
2156
lig. 24-28, le troisième, le seizième, le dix-huitième
jour, trois fois a lieu le massacre au pays d'Egypte.
Le vingt-deuxième jour, Memphis, sa ville royale, est
prise, son roi s'était sauvé. Les enfants de son frère
sont faits prisonniers. Son butin est emporté, ses gens
sont pillés; on enlève son trésor. » La stèle du Nahr el-
Kelb, qu'Asarhaddon fit graver à côté des stèles de
Ramsés II, et la stèle de Sendjirli complètent ce récit.
On lit sur la dernière, mieux conservée, Schrader,
Inschrift Asarhaddon's Kônigs von Assyrien, dans
Luschan, Ausgrabunden in Sendchirli, t. I, p. 30-43 :
« Quant à Tarqou, roi d'Egypte et d'Ethiopie, maudit
de leur divinité auguste, depuis la ville d'Ishupri (à la
limite orientale de l'Egypte) jusqu'à la ville de Mem-
phis, sa ville royale, marche de quinze jours, chaque
jour sans interruption, je lui tuai beaucoup de guer-
riers et lui-même, cinq fois, par la flèche, le javelot,
d'une blessure inguérissable je le frappai. Puis sa ville
royale Memphis, en un demi-jour, par la mine, le
bélier, la nabalkatlu (escalade?), je l'assiégeai, la pris,
la dévastai, la détruisis; je l'incendiai par le feu. Son
épouse royale, ses dames du palais, Oushanahorou, son
propre fils, le reste de ses fils, de ses filles, ses biens,
son trésor, ses chevaux, ses bœufs, son petit bétail
sans nombre, j'emportai au pays d'Asour. J'arrachai du
pays d'Egypte la racine d'Ethiopie, et je n'y en laissai
pas un pour se soumettre. » Traduction Dhorme,
loc. cit., p. 215. Tharaca disparut en Ethiopie. Le
vainqueur ne le suivit pas, mais sans retard il organisa
sa conquête. « Sur tout le pays d'Egypte, j'installai en
masse des rois, des gouverneurs, des lieutenants, des
hauts dignitaires, des fonctionnaires, des scribes.
J'établis pour toujours des sacrifices permanents à
Asour et aux dieux grands mes seigneurs. Je lui im-
posai un tribut et une redevance à ma seigneurie,
pour chaque année, sans cesser. » Ces « rois, gouver-
neurs, préfets », au nombre de vingt, étaient des Égyp-
tiens, Cylindre A d'Assurbanipal, col. i, dans G. Smith,
History of Assurbanipal, 1871, p. 20-22, et parmi eux
figure le gouverneur de Thèbes, ce qui nous prouve
que tout s'inclina devant le vainqueur, de la première
cataracte à la Méditerranée. Dès lors, sur ses monu-
ments, Asarhaddon allonge son protocole, et il s'inti-
tule « roi des rois d'Egypte (Musur), de Patros [Patu-
risi, voir Phatubès, t. v,col. 225-226) et d'Ethiopie », à
commencer par la stèle de Sendjirli. Sur ce dernier
monument, fig. 620, t. h, col. 2011, on le voyait
« debout, et agenouillés devant lui deux prisonniers
qu'il bridait au moyen d'une corde et d'un anneau de
métal rivé à travers leurs lèvres, Baâl de Tyr et
Taharqou de Napata, l'urœus au front. » Maspero,
loc. cit., p. 375 et fig. Ainsi commençait de s'accom-
plir la prophétie faite au temps de Sargon, Is., xx,
3-6 : « Et le Seigneur dit : De même que mon servi-
teur Isaïe est allé nu et déchaussé trois ans, signe et
présage contre l'Egypte et l'Ethiopie; ainsi le roi
d'Assyrie emmènera les captifs de l'Egypte et les exilés
de l'Ethiopie; jeunes et vieux, nus et déchaussés, et
les reins découverts. Et ceux qui comptaient sur
l'Ethiopie, et qui étaient fiers de l'Egypte, seront cons-
ternés et confus. Les habitants de ces côtes diront ce
jour-là : Les voilà donc ceux sur qui nous comptions,
vers qui nous voulions fuir, chercher refuge et protec-
tion contre le roi d'Assyrie ! Et nous, comment échap-
per? » Encore un peu et l'on verra la prophétie en-
tièrement réalisée.
3° Contre Assurbanipal (669-664). — A peine était-il
de retour à Ninive qu'on vint dire à Asarhaddon que
Tharaca avait repris l'offensive. Le pharaon était de
nouveau maître de Thèbes et de Memphis (669). S'il
ne put aller plus loin, c'est que Néchao, dynaste de
Sais, et ses voisins n'osèrent pas prendre parti contre
l'étranger. Annales d'Assurbanifal, col. i, lig. 52-63;
G. Smith, loc. cit., p. 5-17, 36-37. Bien que malade,
Asarhaddon partit à la tête de ses troupes, mais il
mourut sur le chemin de l'Egypte, le 10 du mois de
Marchesvan (octobre-novembre, 669). Chronique ba-
bylonienne, col. iv, lig. 30-32; Vigouroux, loc. cit.,
p. 618; Maspero, loc. cit., p. 381 et n. 1. L'armée
assyrienne, aux ordres d'un tartan, Tablette K 2675-
K 228 du Brilish Muséum, lig. 11-13; G. Smith,
loc. cit., p. 38, n'en continua pas moins sa marche. La
rencontre eut lieu à Karbaniti, dans le Delta oriental
ou central. Vaincu de nouveau, Tharaca « sortit de
Memphis, sa ville royale, sa forteresse, et, pour sauver
sa vie, il monta sur un bateau, quitta son camp, s'en-
fuit tout seul et entra dans Thèbes. » Tablette K 2675
et K 228, lig. 20 sq.; Dhorme, loc. cit., p. 347. Des
renforts survenus aux Assyriens leur permirent de
s'enfoncer au sud. Tablette K, loc. cit., lig. 25-29;
G. Smith, loc. cit., p. 40-41. Allèrent-ils jusqu'à
Thèbes? Il ne le semble pas. Goodspeed, A history of
the Babylonians and Assyrians, 2 e édit., 1906, p. 303-
304. Derrière eux, les princes du Delta se révoltèrent,
d'intelligence avec Tharaca, Et les généraux assyriens •
« rebroussèrent, saisirent les chefs de la conjuration,
Sarloudari de Tanis, Paqrourou de Pisoupti et Néchao,
qu'ils envoyèrent à Ninive chargés de chaînes; ils
saccagèrent, pour l'exemple, Sais, Mendès et Tanis,
qui avaient été les premières du complot, et leurs suc-
cès arrêtèrent la marche de Tharaca. L'Éthiopien se
retira à Napata, abandonnant Thèbes à son sort. »
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient,
6 e édit., 1904, p. 537. Tout rentra dans l'ordre, un
lourd tribut fut exigé. Thèbes elle-même dut se rache-
ter « par la remise d'une moitié du trésor sacré que le
temple d'Amon possédait. » Maspero, loc. cil. C'en
était assez pour qu'Assurbanipal se vantât d'avoir em-
porté Thèbes : « Je pris .celte ville, j'y fis enlrer mes
troupes et les y installai. » Cylindre de Rassam,
col. i, lig. 89; Dhorme, loc. cit., p. 347. Sur cette cam-
pagne contenue dans les tablettes K 2675-K 228, et où
Assurbanipal prend à son compte tous les débuts en
s'attribuant les exploits de ses généraux, voir Maspero,
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique,
t. m, 1899, p. 380, 384-385; G. Smith, loc. cit., p. 15-
23, 30-44 ; Jensen, Inschriften Aschurbanipal's, dans
Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek, t. H, p. 158-
159; Dhorme, loc. cit., p. 345-349. Pendant qu'Assur-
banipal rétablissait Néchao dans tous ses droits et s'en
faisait un appui désormais fidèle, G. Smith, loc. cit.,
p. 44-47; pendant que Montoumhat, gouverneur de
Thèbes, réparait les désastres de l'invasion en Haute-
Egypte et restaurait le trésor des temples, E. de Rougé,
loc. cit., p. 17-20; Breasted, loc. cit., p. 458-465, Tha-
raca se tenait coi à Napata, abandonnant de gré ou de
force le pouvoir au fils de sa femme, à Tanoutamen.
Il ne tarda pas à mourir, et, par ses intrigues, Tanou-
tamen attira une dernière fois les Assyriens. A ce
coup, l'ouragan passa sur Thèbes (666), voir No-Amon,
t. iv, col. 647, 651, marquant la fin des Éthiopiens
en Egypte et le suprême effort de Ninive avant la
déchéance. C. Lagier.
THARANA (hébreu : Tirhânâh; Septante : ©àpoeu.),
fils de Caleb l'Hezronite et de Maacha, sa femme de
second rang. I Par., H, 48.
1 . THARÉ (hébreu : Téralf; Septante : ©àppot, ©âpoc),
ancêtre des Hébreux, père d'Abraham, de Nachor et
d'Aran. Il descendait de Sem et fut engendré par Na-
chor, fils de Sarug, à l'âge de vingt-neuf ans. De lui
sortit une nombreuse postérité : Israélites, Ismaélites,
Édomites, Madianites, Moabites et Ammonites. Gen., xi,
24r32;IPar.,i, 26. Il avait été polythéiste, Jos.,xxiv,2, et
habitait à Ur en Chaldée. Gen., xi, 28. Dans un âge
2157
THARÉ — THASI
2158
avancé et sans doute à cause de quelque invasion ou de
quelque guerre, il quitta sa patrie avec son fils Abram,
sa belle-fille Saraïetson petit-fils Lot dont le père,Aran,
était déjà mort. Il se dirigea vers l'ouest pour aller dans
la terre de Chanaan, mais il s'arrêta à Haran, en Mé-
sopotamie. Voir Haran 3, t. m, col. 424. C'est là qu'il
mourut à l'âge de deux cent cinq ans. Gen., xi, 31-32. —
Josèphe, Ant. jud., I, VI, 6, attribue le départ de
Tharé delà Chaldée à la douleur que lui causa la mort
de son fils Aran. Les anciens Juifs imaginèrent à son
sujet beaucoup de fables dont un grand nombre se
trouve dans le Bereschit Rabba.
Saint Etienne, dans le discours qu'il prononça avant
son martyre, Act., vi, 1-4, rappelle la migration de
Tharé et d'Abram. Il présente l'ordre de quitler la
Chaldée comme adressé par Dieu à Abraham lui-même,
parce que ce qui concernait le père concernait
aussi spécialement le fils et que c'était la vocation
d'Abraham qui intéressait particulièrement les Juifs du
premier siècle de notre ère. Voir Abraham, t. i, col. 74-
75. Sur les difficultés historiques que présente le dis-
cours du premier diacre, voir Etienne, t. i, col. 2034.
2. THARÉ (hébreu : Tarai.; Septante : Tapie), sta-
tion des Israélites dans le désert du Sinaï. Elle est
nommée entre celle de Thahath et celle de Methca.
Num., xxxm, 27-28. La situation en est inconnue.
THARÉLA (hébreu: Tar'âlâh; Septante : ©aperça),
ville de la tribu de Benjamin. Jos., xvm, 27. Elle est
nommée entre Jaréphel et Séla. Sa position est in-
connue.
THARÈS (hébreu : TéréS ; omis dans les Septante;
excepté Esther, xn, 1 : ©appà), eunuque du roi Assuérus,
qui conspira contre lui et fut pendu. Esth., il, 21-23;
vi, 2. Voir Thara, col. 2151.
THARSÉE(Septanle: ©pacraïoç; Vulgate: Tharsseus),
père d'Apollonius. Celui-ci fut gouverneur de la Cœlésy-
rie et de la Phénicie, sous Séleucus IV Philopator.
II Mach., m, 5. Voir Apollonius 4, t. i, col. 777.
THARSIS (hébreu : TwUS), nom de trois person-
nages et d'un pays.
1. THARSIS (Septante : ©ipo-siç), fils de Javan, petit-
fils de Japhet. Gen., x, 4; I Par., i,7. Il peut être l'épo-
nyme de Tharsis 4.
2. THARSIS (Septante : ©apcrf), (ils de Balan, descen-
dant de Jadihel, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 10.
3. THARSIS (omis dans Septante), un des sept grands
de Perse qui voyaient la face du roi. Esth., i, 14 % Voir
F. Vigouroux, Le livre d'Esther, dans La Bible et les
découvertes modernes, 6 e édit., t. îv, p. 665-666.
4. THARSIS (Septante : ©apafç), ville du sud de
l'Espagne où les Phéniciens s'étaient établis et faisaient
un grand commerce, d'étain et d'argent. Cf. Jer., x, 9;
Ezech., XXVII, 12. Le nom de Tharsis apparaît pour
la première fois comme celui d'un fils de Japhet. Voir
Tharsis i. Lorsque les Phéniciens en eurent fait un de
leurs centres commerciaux importants, ils construisirent
pour leurs voyages à cette destination éloignée des na-
vires de fort tonnage qui s'appelèrent « des vaisseaux de
Tharsis », et ce nom s'appliqua dès lors, non seulement
aux grands vaisseaux qui allaient à Tharsis, mais aussi
à ceux qui allaient ailleurs au loin, comme à Ophir,
quand ils avaient de grandes dimensions. III Reg., x,
22;Ps. xlviii(xlvii), 8; II Par., x, 21; XX, 36, 37; Is.,n,
16. Voir Fillion, La sainte Bible commentée, 4 e édit.,
t. m, 1902, p. 171.
Le commerce phénicien était très florissant à Tharsis
du temps des rois de Juda et les voyages assez fréquents
entre cette ville et la Phénicie. C'est sur un vaisseau
qui partait pour Tharsis que Jonas s'était embarqué à
Joppé au lieu d'aller à Ninive. Jon., i, 3; iv, 2. — Dans
sa prophétie contre Tyr, Isaïe, xxm, 1, 6, 10, 14, prédit
que ses habitants seront obligés d'aller chercher un
refuge à Tharsis, et que celle-ci sera affranchie du joug
de la métropole. A l'époque messianique, les vaisseaux
de Tharsis seront au service de Jérusalem triomphante.
Is., lx, 9. La Vulgate a traduit naves maris au lieu de
naves Tharsis. Elle a également rendu, Is., lxvi, 19,
Tharsis par mare. Le texte hébreu de ce passage porte
que Jéhovah enverra ses prédicateurs aux Gentils pour
leur prêcher la foi nouvelle et il énumère parmi eux
plusieurs peuples en tête desquels est nommée Tharsis.
Cf. Ps. lxxi (lxxii), 10.
On identifie généralement Tharsis avec Tartessus,
région du sud de l'Espagne, à l'ouest dès colonnes
d'Hercule. Le nom de Tartessus est celui par lequel
les auteurs grecs et romains désignent cette contrée.
D'après l'ensemble des passages où Tharsis est nommée
dans l'Ancien Testament, on voit que son nom dési-
gnait pour les Hébreux la partie la plus occidentale de
la terre, telle qu'elle leur était connue. Les auteurs
latins, Ovide, Metam., xiv, 416; Silius Italicus, m,
399; Claudien, Epîst., III, v, 14, placent aussi Tartessus
à l'ouest. — Le commerce de Tharsis, alimenté par la
Phénicie, s'étendant en Afrique et jusqu'aux Cassité-
rides, dans le pays de Cornouailles en Grande-Bretagne,
Slrabon, I, m, 263; Hérodote, iv, 196, l'avait élevée à
un très haut degré de prospérité. Strabon, III, m, 15.
L'histoire de sa décadence est inconnue, mais elle
paraît remonter assez haut; vers le commencement
de l'ère chrétienne, on ne savait plus rien de bien
précis à ce sujet. — Tharsis, Judith, n, 13, désigne
Tarse en Cilicie.
THARTHAC (hébreu : Tarfâq; Septante : ©apôcbi),
divinité adorée par les Hévéens (de 'Avah), qui avaient
été transportés en Samarie par les Assyriens après la
ruine du royaume d'Israël. IV Reg., xvil, 31. Ils lui
rendaient un culte en même temps qu'à Nébahaz
(Nibhaz). D'après le Talmud de Babylone, Hanhedr.,
f° 63 b, Tharthac était honoré sous la forme d'un
âne, mais c'est là probablement une fable populaire. On
n'a point constaté jusqu'ici dans la religion assyro-
babylonienne l'existence d'un dieu à forme d'âne.
THARTHAN (hébreu : (artân; Septante : 6af.0àv,
IV Reg., xvm, 17; TavaOàv, Is., xx, 1), chef d'armée.
Ce mot a été pris pour un nom propre pendant des
siècles, jusqu'aux découvertes assyriennes de la der-
nière partie du XIX e siècle. C'est en réalité un titre de
dignité correspondant dans l'armée assyrienne à celui
du général. Dans la liste des grands personnages assy-
riens, Western Asiatic Inscriptions, t. n, pi. 31, lig. 26,
27, on trouve mentionné le turtanu îmnu ou tartan
de droite, et turtanu Sumêlu ou tartan de gauche, c'est
à dire le général en chef et le général en second. Voir
Frd. Delilzsch, Assyrisches Handwôrterbuch, sub voce,
p. 716. On lit tartan deux fois dans l'Écriture. Isaïe, xx,
1, date une de ses prophéties de l'année ou le tartannu
de Sargon, roi d'Assyrie, prit la ville philistine d'Azot.
Quelques années plus tard, Sennachérib, fils et suc-
cesseur de Sargon, envoya son tharthan, avec son rab-
saris et son rabsacès, à Jérusalem, pour sommer la
ville de se rendre. IV Reg., xvm, 17. Le tartannu n'est
pas mentionné dans le passage parallèle d'Isaïe, xx, 1,
mais seulement le rabsacès.
THASI (grec : &x.iati), surnom de Simon Machabée.
I Mach., il, 3. On l'a expliqué comme signifiant « zélé »,
2159
THASI — THEBBATH
2160
de la racine D:n, « fermenter », mais la signification en
est inconnue. Voir Simon 3 Machabée, col. 1738.
THATHANAI (hébreu : Tafnaï; Septante: ©avavvoct,
0av8avàç, ©av9avai),gouverneur(peAaA) de la Cœlésyrie
et de la Phénicie, du temps de Darius, fils d'Hystaspe.
I Esd., v, 3, 6, 13.
THAU, THAV (ri), vingt-deuxième et dernière lettre
de l'alphabet hébreu etphénicien. Elle a, dans l'ancienne
une colline. Des escaliers divisaient cet hémicycle en
sections et de larges couloirs couraient autour des
rangées. Au bas et au centre de l'hémicycle, un espace
muni d'un plancher artificiel était réservé à la danse
et aux évolutions du chœur : c'était l'orchestre, en
plein air comme les gradins. La scène, élevée sur une
plate-forme en pierre, en face de l'orchestre et des gra-
dins, s'ouvrait sur le théâtre, mais était fermée des
trois autres côtés. Le théâtre contenait toujours un
grand nombre de places. Celui d'Athènes en avait près
479. — Plan d'un théâtre grec.
a, Sièges pour les spectateurs. — b, Passage. — c, Portique couvert. — d, Autel de Bacchus.
e, Orchestre. — f, Scène. — mm, Entrée des acteurs.
écriture hébraïque, la forme d'une croix, + . Voir Alpha-
bet, t. I, col. 411. Dans Job, xxxi, 35, le thav sert de
signature : « Voici mon thav » (texte hébreu). Vulgate :
desiderium meum. Dans Ézéchiel, ix, 4, Jéhovah dit
à celui qui lui sert de secrétaire : Signa thau super
frontes virorum gementium, le thau devient ainsi leur
signe distinctif.
THÉÂTRE (grec : OlaTpov; Vulgate : thealrum),
lieu des représentations scéniques. — Le théâtre grec,
le seul auquel il soit fait allusion dans la Sainte Écri-
ture, se composait de trois parties principales : le
théâtre proprement dit, l'orchestre et la scène (fig. 479).
Le théâtre comprenait un certain nombre de rangées
de gradins en demi-cercle, ordinairement adossés à
de 30000, et celui d'Éphése, dit-on, plus de 56000
(fig. 480). Cf. Gow-Reinach, Minerva, Paris, 1890, p. 279,
280. — C'est dans le théâtre d'Éphése que se produisit
l'émeute soulevée à l'occasion de la prédication de
saint Paul. Le peuple se porta au théâtre, assez vaste
pour contenir une multitude, et dont les gradins en
pierre n'avaient rien à craindre d'une pareille inva-
sion. Paul voulait s'y rendre aussi; mais on l'en dis-
suada. Quand le peuple eut crié durant deux heures,
le grammate, monté sans doute sur la scène, finit par
ramener le calme. Act., xix, 29-35. H. Lesêtre.
THEBBATH vhébreu : Tibhat ; Septante :MeTa6r,-/.»;).
une des villes d'Adarézer, roi de Soba. David s'en
empara et en emporta beaucoup d'airain. I Par., xvnr,
2161
THEBBATH — THECUE
2162
8. Dans II Sam. (IIReg.), vm, 8, elle est appelée Bété,
par suite d'une transposition de lettres. Sa situation est
inconnue. Voir Bété, t. i, col. 1645.
THÈBES (hébreu : Nô", Nô'-'Amôn), ville d'Egypte.
La Vulgate a rendu son nom par Aleœandria. Voir Ko-
Amon, t. iv, col. 1635.
THÉBÈS (hébreu : Têbês; Septante : ©r^ç), ville
du centre de la Palestine. Jos., îx, 50; II Sam. (IIReg.),
xi, 24. Abimélech, le fils de Gédéon, fut tué en en fai-
sant le siège, par une femme qui lui lança du haut des
murailles une meule de moulin à bras. Thébès porte
aujourd'hui le nom de Tûbds. C'est un gros village,
retrouvé par Robinson, Biblical Researches in Pales-
tine, 2« édit., t. il, p. 317; t, m, p. 305. Il est bâti sur
le flanc occidental d'une vallée fertile, riche en blés et en
oliviers, 'ainsi qu'en troupeaux de brebis et de chèvres.
480.
■ Ruines du théâtre d'Éphése, telles qu'on les voyait
encore en 1888.
On y voit des citernes taillées dans le roc et aussi des
habitations creusées également dans le roc, dont les unes
sont encore habitées, dont les autres sont à moitié com-
blées et hors d'usage. V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 357-358.
THEBNI (hébreu : Tibnî; Septante : ©au.v£i'j. Il était
fils de Gineth et, après les sept jours de règne de Zambri,
lorsque celui-ci périt dans son palais en flammes, il
disputa le trône d'Israël à son compétiteur Amri. La
lutte dura quatre ans et ne prit fin que par la mort de
Thebni et de son frère Joram. Ce dernier est connu
par une addition des Septante. III Reg., xvi, 15-22.
THÉCEL (chaldéen : Teqêl; Théodotion : Uv.i\), un
des mots que Baltassar vit écrits sur la salle du festin,
à Babylone, au moment où l'on buvait dans les vases
sacrés emportés-du temple de Jérusalem. Dan., v, 25,
27. Thécel signifie : « tu as été pesé ». Voir Baltassar 2,
1. 1, col. 1422.
THÈCLE. Sur les Acta Pauli et Theclse, voir
Actes apocryphes des Apôtres, v, t. i, col. 163. Cf.
J. Gwinn, Thecla, dans AV. Smith, A dictionary of
Christian biography, t. rv, 1887, col. 882-896.
THECUA, nom de deux Israélites et d'une ville de
Juda.
1. THÉCUA (hébreu : Jiqvâh; Septante : ©exoudtv),
père de Sellum. Sellum était le mari de la prophétesse
Holda. IV Reg., xxn, 14. Son nom est écrit Thécuath
dans II Par., xxxiv, 22.
2. THÉCUA (hébreu : Teqô'a; Septante : ©exws), fils
d'Ashur ou Assur, de la tribu de Juda. I Par., n, 24; iv,
5. La qualification de père de Thécua, donnée à Ashur,
peut signifier qu'il fut le fondateur ou le restaurateur
de Thécua ou Thécué, ou bien l'ancêtre de ceux qui s'y
établirent. Voir Ashur, t. i, col. 1091; Assur 1, t. i,
col. 1143.
3. THÉCUA, orthographe du nom de la ville de
Thécué, dans plusieurs passages de la Vulgate. Il Reg.
(Sam.), xiv, 2; xxm, 26; Jer., vi, 1; Amos, i, 1;
I Mach.,ix, 33 (désert de Thécué). Voir Thécué.
_THECUATH, orthographe du nom de Thécua 1, dans
la Vulgate. II Par., xxxiv, 22. Voir Thécua 1.
THÉCUÉ, nom d'un Israélite et d'une ville de Juda.
1. THÉCUÉ (hébreu : Tiqvâh; Septante: 'Ia?:'ac),père
de Jaasia, probablement de race sacerdotale. I Esd., x,
15. Voir Jaasia, t. m, col. 1053.
2. THÉCUÉ (hébreu : Teqô'a; Septante : ©sxwe, ©sxoCe,
©exwp., ©exéuç), ville de la tribu de Juda. Josué ne la
mentionne pas dans le partage de la Palestine (texte
hébreu et Vulgate) , les Septante la nomment avec deux
autres villes qu'ils ajoutent. Jos., xv, 59. La Vulgate
l'appelle tantôt Thécua, tantôt Thecue.
1° Thécué dans l'histoire biblique. — David, fuyant
la persécution de Saùl, se cacha un certain temps dans
le voisinage de Thécué, comme devaient le faire plus
tard d'autres fugitifs. C'est de là que lui vint un des
vaillants hommes qui se joignirent à lui, Hira. II Reg.
(Sam.), xxm, 26; I Par., xi, 28. — La femme adroite
qui„par son habileté, obtint de lui le retour d'Absalom
à Jérusalem, après le meurtre d'Amnon, était de
Thécué. II Reg. (II Sam.), xiv. — Roboam fortifia la
ville contre les invasions étrangères. II Par., xi, 6. —
Du temps de Jérémie, VI, 1, elle étaitencore entretenue
en état de défense. Le prophète recommande aux fils
de Benjamin de sonner de la trompette à Thécué et
d'élever un signal sur Bethcara, le Djebel Furéidis
actuel ou la montagne des Francs. Voir Bëthacarem,
t. I, col. 1651. Le prophète fait à cette occasion un jeu
de mots, bi-Teqô'â (iq'û. « dans Thécué sonnez (de la
trompette) » (cf. aussi (aqe'it, f. 3). — Josaphat, II Par.,
xx, 20, défit les Ammonites dans le désert de Thécué,
qui s'étend de cette ville à la mer Morte. — Après la
captivité, les Thécuéns travaillèrent à la reconstruction
des murs de Jérusalem. II Esd., m, 5, 27. — Les deux
frères Machabées, Simon et Jonathas, échappèrent aux
poursuites de Bacchide, général de Démétrius, en se
retirant dans le désert de Thécué. I Mach., ix, 33. —
Thécué est particulièrement célèbre comme patrie du
prophète Amos, I, 1. Voir Amos, t. i, col. 512.
2° État actuel. — Les ruines de Thécué, aujourd'hui'
Khirbet Tekua', « recouvrent, dit V. Guérin, Judée,
t. m, p. 141, une haute colline oblongue, du sommet
de laquellele regard embrasse, versl'estprincipalement,
un horizon très étendu et imposant par son austère
grandeur. Des montagnes nues, coupées par des gorges
profondes, et qui semblent se précipiter par des pentes
abruptes vers la mer Morte; le bassin de ce vaste lac,
que l'on aperçoit à travers plusieurs échancrures; au
delà, les monts de la Moabitide, sur l'un desquels, vers
le sud-est, le cheik me montre du doigt la ville et le
château de Kerak ; tel est le spectacle qui se présente aux
regards. — Quant au Khirbet Tekoua', il consiste en
un assez grand nombre de petites habitations renver-
sées, dont les arasements sont encore reconnaissables.
2163
THÉCUE
THEGLATHPHALASAR III
2164
Au milieu de ces maisons démolies, on remarque les
restes d'une église chrétienne presque complètement
détruite. — Au nord-est, et sur le point culminant de la
colline, quelques pans de murs en pierres de taille
paraissent être les débris d'une petite citadelle, boule-
versée de fond en comble. — La ville était alimentée
d'eau par une source et par de nombreuses citernes
pratiquées dans le roc. Ces citernes, avec des magasins
souterrains, des silos et des tombeaux, en sont les
restes les plus anciens, car les constructions dont les
• vestiges recouvrent le sol appartiennent évidemment à
une date bien moins reculée, cette petite cité ayant
été rebâtie plusieurs fois et étant encore habitée à
l'époque des croisades. » L'huile d'olive de Thécué
passait autrefois pour la meilleure de la contrée et
l'excellence de son miel était devenue proverbiale. La
vie pastorale est encore florissante dans les environs de
Thécué, comme au temps d'Amos et de saint Jérôme.
On y élève de nombreux troupeaux de brebis et de
chèvres, avec quelques bœufs. Quia humi arido atque
arenoso nihil omnino frugum gignitur, dit saint
Jérôme, Prol. in Amos, t. xxv, col. 990, cuncta sunt
plena pastoribus, ut sterilitatem terrée compensent
pecorum multitudine. Les environs de Thécué sont
encore aujourd'hui ce qu'ils étaient autrefois.
THÉCUÉN (hébreu : haf-Tegô'i; Septante : 6 ©sxweî-
tïi«, é ©ex<i, à @exuive£tt|;; Vulgate : Thecuites, Thecui-
tis, Thecuenus), originaire de Thécué ou habitant de
cette ville. Joab se servit d'une femme de Thécué, dis-
tinguée par son adresse, afin d'obtenir de David le
retour d'Absalom en Palestine après le meurtre d'Am-
non. II Reg. (Sam.), xiv, 2-20. — Hira, xxm, 6; I Par.,
xxvil, 9, ou Ira, XI, 28, un des braves de David, était
de Thécué. — Des Thécuéns, Thecueni, travaillèrent à
la reconstruction des murs de Jérusalem, du temps de
Néhémie. II Esd., m, 5, 27.
THEGLATHPHALASAR III (hébreu : -iDNbs-nb:n,
Tiglat-piVésérf, altéré en iDjbs-rbin, Tïglath-pilnéser,
I Par., v, 6, 26; Septante : ©aXyaSipeXXâffap, ©oq-Xad-
çaXvâffap, avec les variantes 'AXYa6<peXXâ<rap, ©aXvaXipsX-
Xdtaap, ©aXYaqpeXXâSap, ®ayvatpa;ii<7oep, ©oeXYaëavàaap;
assyrien : | t]M ~]{ îB^,] Mil! Â tt],
Tuklatapal-esarra ou Tukulti-abal-esarra, « ma con-
fiance [est] le [dieuNin-eb] fils d'Esarra »), roi d'Assyrie
qui régna de 745 à 727, entre Assor-nirari IV et Salma-
nasar V; de 731 à 727, il régna également en Babylonie
sous le nom de bis, Pûl; Septante, *oûX($oja), *aX<i/,
*aX<iç ; "Vulgate, Phul ; assyrien Pu-lu ; canon de Ptolé-
mée, n<ôpoç. Ce prince (fig. 481), fut le premier des rois
d'Assyrie dont la suzeraineté s'étendit sur le royaume de
Juda, peut-être [sous Azarias, et sûrement sous Achaz,
son fils. Il inaugura l'ère des lointaines conquêtes suivies
de transplantations en masse des populationsconquises.
Malheureusement le nombre des inscriptions retrouvées
jusqu'ici ne parait pas répondre à l'étendue des succès
de Théglalhphalasar : le texte de ses annales formait la
frise ou le couronnement des plaques sculptées qui re-
couvraient les murs de son palais, sur la partie ouest de
la grande plate-forme de Calach (actuellement Nimrud,
voir Chalé, t. n, col. 510), sur le Tigre; elles ont été
arrachées de leur place primitive, dispersées sans ordre
et utilisées pour la construction d'édifices plus récents ;
quelques tablettes nous donnent en outre un résumé
de ce règne; la Chronique babylonienne nous instruit
sur ses relations avec Babylone, et finalement sur la con-
quête de cette capitale; enfin les listes des limu ou épo-
nymes et des campagnes assyriennes nous permettent
de fixer la chronologie des principaux événements de
son règne. — A la fin du règne d'Assur-nirari, des
troubles avaient éclaté dans la capitale, qui était alors
Calach; au mois d'Airu (Iyyar), au jour xin e , en l'an
745, Théglathphalasar monta sur le trône : dans les"
inscriptions des tablettes où des annales, il omet, à la
différence de la plupart des autres monarques assyriens,
de nous donner sa généalogie : il n'était donc pas fils
d'Assur-dan-il ni d'Assur-nirari, ses prédécesseurs; les
peuples voisins avaient profité des troubles survenus
en Assyrie pour se fortifier ou s'étendre : le nouveau
roi se hâta d'aller attaquer les plus menaçants; l'année
même de son accession au trône, il alla réduire en
Babylonie les Arumu ou hordes araméennes qui s'y
étaient cantonnés du nord au sud, sur les rives de l'Eu-
phrate, du Tigre et jusqu'à la mer Inférieure : Nabu-
natsir, le Naëovairffâpoî du Canon de Ptolémée, y ré-
gnait alors : le texte de la Chronique babylonienne
n'indique pas clairement si Théglathphalasar s'y rendit
pour le combattre, ou pour le soutenir contre les
Arumu : cette dernière opinion est celle de Hommel,
Winckler et Maspero. Il traversa les villes renommées
de Sippar, Nippur, Babylone, Borsippa, Kuta, Érech,
offrant partout des sacrifices aux dieux du pays.
L'année suivante, 744, il fit une expédition ana mat
Namri, c'est-à-dire dans les régions montagneuses qui,
du nord-est de la Babylonie, s'élèvent jusqu'au pays
des Mèdes : Théglathphalasar et ses généraux y péné-
trèrent et en ramenèrent 60500 prisonniers et des
troupeaux en nombre considérable. De 743 à 740, nous
le voyons occupé dans les environs de la ville d'Arpad:
c'était l'une des villes principales des Araméens de
l'Ouest; l'Arménien Sharduris essaya en vain de la
secourir, il fut battu et perdit 73000 hommes, tués ou
faits prisonniers, et la ville tomba au pouvoir des
Assyriens. Les deux amnées suivantes, il étend et assure
sa conquête en remontant encore plus au nord : c'est
alors qu'il rencontre un roi Az-ri-ya-hu de Ya-u-di,
qu'après G. Smith et Eb. Schrader la plupart des
Assyriologues identifiaient avec Azarias, roi de Juda;
Oppert et Menant, sans admettre cette identification
pour des raisons phonétiques et chronologiques d'ail-
leurs peu solides, le confondaient avec le fils de Tabéel,
que Phacée et Razin voulaient substituer à Achaz, d'après
Isaïe, vu; actuellement, Maspero, le P. Scheil et le
P. Dhorme, pour les raisons indiquées par Winckler,
préfèrent y voir un prince de la Syrie septentrionale,
d'une localité voisine de l'Amanus qui porte dans les
inscriptions le nom de Yaudi ou Yôdi, >w, dans le dis-
trict de Samalla. Il est certain que les localités mention-
nées dans le passage le moins incomplet des Annales de
Théglathphalasar sont des villes de la Syrie septentrio-
nale, Uznu, Ziannu, Simirra, les pays de Baalsephon
jusqu'à l'Amanus, Hadrach, Ellitarbi, Zitanu et Hamath :
les inscriptions montrant qu'il s'y trouve aussi un pays
de Yaudi, il semble assez naturel d'y retrouver le
royaume de cet Azariyahu. D'autre part, il est certain
qu'Azarias de Jérusalem vivait à cette époque, et l'on
peut aisément souscrire jusqu'à nouvelle découverte aux
conclusions de G. Smith et de Eb. Schrader ainsi
résumées par M. Vigouroux : «A en juger par les frag-
ments que nous avons cités, le royaume de Juda intervint
alors pour la première fois dans les luttes contre l'Assyrie ;
Azarias ou Ozias, roi de Jérusalem, l'un des plus belli-
queux descendants de David, s'était allié, nous ne savons
dans quel but, avec le roi de Hamath contre l'Assyrie, et
le royaume de Hamath avait secoué le joug de Théglath-
phalasar III. Le monarque assyrien recouvra pied à
pied ses conquêtes. Un des faits les plus mémorables
de cette guerre fut la prise de Kullani, probablement
la Calano ou Calno dont parle Isaïe, x, 9, en 738. Elle
ouvrit au vainqueur les portes de la Syrie et il battit les
forces confédérées, réunies sous le commandement
d'Azarias, roi de Juda, que ses talents militaires avaient
fait placer sans doute à la tête de la ligue. » La Bible
et les découvertes modernes, 6* édit. , t. m, p. 617.
2165
THÉGLATHPHALASAR III
2166
La prise d'Arpad, la défaite d'Azarias de 'Yaudi, la
prise de Calno ou Kullani furent suivies de la dépor-
tation en masse des habitants, aussitôt remplacés
par des prisonniers du Naïri ou Mésopotamie septen-
trionale, sous la surveillance des préfets assyriens :
« Les captifs de Quti, 12000 hommes du pays d'Illil,
6208 hommes de Nakkip et Buda... je transportai dans
les villes de Simirra, Arqa, Uznu et Ziannu... »
« ...19 districts et la ville de Hamath avec les villes en-
vironnantes près du rivage de la mer du soleil cou-
chant... aux frontières d'Assyrie j'ajoutai, etj'établis sur
elles mes généraux comme gouverneurs. » Effrayés par
ces succès de Théglalhphalasar, les rois voisins, même
ceux qui étaient demeurés étrangers au soulèvement
d'Azarias, se hâtèrent de faire leur soumission et d'en-
passer sur le trône de Samarie, Pékah ou Phacée, fils
de Romélie, ayant mis à mort ce dernier, s'empara de
la couronne. Désireux de faire sortir Juda de son infé-
riorité vis-à-vis d'Israël depuis Joas et Jérohoam II,
Joafham, puis Achaz avaient profité de ces troubles en
Samarie pour relever les fortifications de Jérusalem et
la mettre en état de soutenir un siège. A plusieurs
reprises, Phacée, ayant faitalliance avecRasindeDamas,
avait essayé d'y mettre obstacle. Finalement les deux
alliés avaient envahi la Palestine dans le dessein avéré
de détrôner Achaz et d'installer à sa place un inconnu, •
le fils de Tabéel : en même temps, ils soulevaient contre
1 ui à l'ouest les Philistins, au midi les Iduméens. L'ayant
vaincu dans les premières rencontres, les alliés lui
avaient tué 100000 hommes et fait 200000 prisonniers,
48t. — Théglathphalasar sur son char de gterie. Britiih Muséum. D'après Layard, Nineveh and Babylon, p. 527.
voyer leur tribut : les principaux de ceux que mention-
nent les Annales sont Kustasp de Kummuh, Rasunu
(Rasin) de Damas, Mifrinmu (Manahem) de Samarie,
Hiram de Tyr, Pisiris de Carchémis, Éniel de IJamat,
Panammu de Samal, et Zabibiéh, reine d'Arabie. Ma-
nahem, général de Zacharie, était monté sur le trône
d'Israël après avoir tué son maître, il avait donc jugé
utile de s'assurer la protection de Théglathphalasar en
se déclarant son vassal et en lui envoyant un tribut de
«îille talents, dont il s'acquitta en imposant chacun de
ses sujets pour une somme de cinquante sicles.IVReg.,
xv, 19-20.
L'Arménie avait été depuis longtemps l'instigatrice
de ces révoltes contre l'Assyrie : en deux campagnes,
736 et 735, Théglathphalasar réduisit à l'impuissance le
roi de ce pays, Sarduris II, et ses alliés, les Madaï ou
Mèdes : malgré les montagnes qui leur servaient de
, refuge, il les atteignit presque tous, ravagea toute la
contrée, mais ne put se saisir de la personne de Sar-
duris, abrité derrière les murs de la citadelle de Dhus-
pana ou Van : toutefois, l'Urarthu ne se releva jamais
de ce coup. — De 734 à 732, il mène trois campagnes
ana Pilista et ana Dimaska, contre la Philistie et
contre Damas : l'Écriture nous en fait connaître l'oc-
casion. Manahem etPhacéia; son fils, n'ayant fait que
d'après II Par., xxvm, 6-8; voir aussi II Reg., xvi, 6.
Achaz, réfugié derrière les murs de Jérusalem et peu
confiant dans le secours de Dieu qui lui était promis
par Isaïe, ne vit d'autre ressource que d'appeler Thé-
glathphalasar à son aide; on sait comment Isaïe l'en
reprit: sans doute avant peu Damas et Samarie tombe-
ront aux mains de l'Assyrien, mais Juda lui-même, pour
avoir dédaigné le secours divin, éprouvera des calamités
telles qu'il n'en vit jamais depuis sa séparation d'avec
Ëphraïm; le grand fleuve, c'est-à-dire le roi d'Assyrie,
sortira de son lit, inondera Juda et le submergera
jusqu'au cou. Is., vil-vm. Malgré ces menaces, Achaz
avait envoyé à Théglathphalasar tout l'or et l'argent du
temple et du palais royal avec cette missive : « Je suis
ton fils et ton serviteur, viens, délivre-moi de la main
du roi de Syrie et de la main du roi d'Israël qui se
lèvent contre moi ! » IV Reg., xvi, 3; H Par., xxvm, 3.
Le roi d'Assyrie arriva aussitôt, en 734, et les deux
alliés, abandonnant le siège de Jérusalem, se hâtèrent
d'aller défendre leur royaume. La liste des campagnes
assyriennes nous indique d'une façon générale la
marche de Théglathphalasar : les Philistins, qui avaient
envahi Juda par l'ouest, furent les premiers attaqués :
Hanon, roi de Gaza, impuissant à se défendre, dut
chercher refuge en Egypte, et abandonna son pays au
2167
THEGLATHPHALASAR III
THELASSAR
2168
pillage des Assyriens. Les années suivantes, 733 et 732,
les deux principaux adversaires d'Achaz eurent leur
tour : Damas tint jusqu'à la seconde campagne; mais
Phacée d'Israël succomba à la première attaque, le
vainqueur envahit Bit-Humri, le territoire d'Amri, ainsi
que les Assyriens appelaient ce pays, s'en empara, men-
tionnant spécialement Abilakka, Abel- beth-Maacha,
à l'ouest de Dan; IV Reg.,'xv, 29, y ajoute l'énumé-
ration : Aïon, Janoé, Cédés, Hazor, Galaad, la Galilée et
toute la tribu de Nephthali dont les habitants furent
transportés en Assyrie : ce qui est confirmé par le témoi-
gnage 'des Annales, où nous lisons : « Bit-Humri... la
totalité de ses habitants je transportai en Assyrie. Paqah
leur roi ils renversèrent, et Ausi sur eux j'établis : je
reçus d'eux en tribut dix talents d'or, (mille) talents
d'argent... » Il s'agit d'événements mentionnés dans
IV Reg., xv, 30, en ces termes : « Osée, fils d'Éla,
conspira contre Phacée, fils de Romélie, lui tendit des
embûches, le tua et régna à sa place la XXIII e année
de Joatham. » En 732, Damas eut son tour : toute la ré-
gion fut mise au pillage, puis la capitale assiégée et for-
cée, Rasin mis à mort et 8000 de ses sujets déportés à
Kir (Vulgate : Cyrenen), rapproché de l'Élam danslsaïe,
XXII, 6, mais dont on ignore la situation exacte. C'est
sans doute le début de cette campagne qui est raconté
dans un fragment fort mutilé : « Damas, sa ville, j'as-
siégeai, comme un oiseau dans sa cage je l'enfermai.
Ses plantations... qui étaient sans nombre, je les
coupai sans en laisser une seule;... la ville deHadara,
l'habitation du père de Rasin... j'assiégeai et je pris
800 personnes avec leurs biens, leurs bœufs, leurs
troupeaux, j'emmenai en captivité... seize districts de
Damas comme une inondation je balayai... » Un préfet
assyrien fut établi sur la nouvelle conquête, et Théglath-
phalasar y convoqua tous ses vassaux de l'Occident,
afin de recevoir leur hommage et leur tribut : ses ins-
criptions en énumèrent vingt-cinq, au milieu desquels,
outre les noms déjà connus, on retrouve Ya-u-ha-zi Ya-
hu-daai, Achaz de Juda, entre Mitinti ou Mathan
d'Ascalon et Kamos-mélek d'Édom. — De la sorte,
l'ancienne suprématie de l'Egypte sur la Syrie était
passée totalement aux mains des monarques assyriens. —
Tranquille au nord et à l'occident, Théglathphalasar vit
renaître les difficultés du côté de la Babylonie. Des
troubles y avaient signalé la mort de Nabu-nazir, dont
les successeurs Nabu-nadin-zira et Nabu-s'um-ukin ne
firent que passer sur le trône; en 732, Ukin-zira, l'un
des chefs de ces tribus araméennes que Théglathpha-
lasar avait combattues au commencement de son règne,
s'empara du pouvoir et de la ville de Babylone. Sans
lui donner le temps de s'y consolider, le monarque
assyrien reparut, écrasant successivement toutes les tri-
bus araméennes de Bit-Shilani, de Bit-Shaalli et autres.
Ukin-zira abandonna Babylone et se réfugia dans le
Bit-Amukkani, à Sapia, son lieu d'origine. Après une
lutte assez longue, où tout fut ravagé comme de cou-
tume, de 731 à 729, la ville succomba, Ukin-zira fut
pris, et Babylone ouvrit ses portes : Théglathphalasar,
suivant les rites anciens, « y prit les mains de Bel » et
s'y fit proclamer roi de Sumer et d'Akkad; sur ces
enlrefaites, il reçut l'hommage des chefs des tribus de
la Basse-Chaldée, spécialement celui de Mérodach-
Baladan de Bit-Yàkin, qui devait plus tsrd s'emparer
de la couronne babylonienne.
Dans le royaume nouvellement conquis, Théglath-
phalasar prit lé nom de Pulu, conservé dans le canon
royal babylonien et transcrit sous la forme Ilrâpoç
dans le canon de Ptolémée, avec changement de I en
r d'origine perse; la Chronique babylonienne lui garde
au contraire son nom assyrien : le texte hébreu a em-
ployé alternativement les deux formes, et même, dans
le texte actuel de II Par., sans doute sous l'influence
de IV Reg., xvi, 7-10, et IV Reg., xv, 19, on a superposé,
en deux leçons juxtaposées, les deux noms royaux :
« Le Dieu d'Israël suscita l'esprit de Phul, roi d'Assyrie,
et l'esprit de Théglathphalnasar, roi d'Assyrie, » qu'il
faut interpréter : « l'esprit de Phul, c'est-à-dire de Thé-
glathphalasar, roi d'Assyrie. » Il ne porta pas longtemps
ce second sceptre, car sa mort arriva en 727, au mois
de Tébeth : son fils Salmanasar IV (ou V) lui succéda.
Comme tous les monarques assyriens, Théglathpha-
lasar s'était bâti un palais, à Calach {Nimrud), à côté de
ceux d'Assur-natsir-apal et de Salmanasar III : il en dé-
crit la construction dans la tablette d'argile de Nimroud:
les boiseries en étaient de cèdre, venant de l'Amanus;
il était enrichi d'ivoire et de métaux précieux, orné de
bas-reliefs d'albâtre, surmontés d'une frise d'inscrip-
tions; malheureusement le palais fut ruiné peu après,
et les matériaux utilisés par Asarhaddon ; les textes
ont été brisés ou effacés par endroits, et il n'est pas
facile de les rétablir dans leur ordre primitif; de plus,
lui-même, dans la tablette d'argile de Nimroud, énumère
ses conquêtes dans l'ordre géographique et non pas dans
l'ordre chronologique : on comprend dès lors les hési-
tations des assyriologues et des historiens quant à la
suite des événements de ce règne glorieux. — G. Raw-
linson, The five great monarchies, 1879, t. H, p. 122-125,
129-135; Maspero, Histoire ancienne des peuples de
l'Orient, les empires, p. 115-211; J. Menant, Annales
des rois d'Assyrie, p. 137-148: Schrader, Keilinschrift-
liche Bibliothek, t. n, p. 2-23; Schrader-Whitehouse,
The cuneiform inscriptions and the Old Testament,
1885, t. i, p. xxxn, 208-257; Vigouroux, La Bible et
les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 497-530;
D. Phorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la
Revue biblique, 1910, p. 189; Rodwell, dans Records of
the past, 1" sér., t. v, p. 49-50; Strong, ibid., new scr.,
t. v, p. 115-128; Rost, Die Keilschrifttexte Tiglat-
Pilesers Illnach den Papierabklatschen und Origina-
len des Brilischen Muséums, 20, Leipzig, 1893; The
cuneiform inscriptions of the Western Asia, t. H,
pi. 67; t. m, pi. ix, x. E. Pannier.
THÉHEN (hébreu : Tahan; Septante : Tavâyh
troisième fils ou descendant d'Éphraïm. Num., xxvi, 35.
La Vulgate écrit son nomThaan, I Par., vu, 25, et dans
ce passage- il est donné comme fils de Thalé, fils
d'Éphraïm. Voir Thaan, col. 2135.
THÉHÉNITES (hébreu : hat-Tahânî; Septante :
4 Tava/c), famille éphraïmite descendant de Théhen
ou Thaan. Num., xxvi, 35.
THEILE Karl Gottfried Wilhelm, théologien évan-
gélique, né à Gross-Korbetha, près de Merseburg, le
25 février 1799, mort à Leipzig le 8 octobre 1854. Il
fut professeur à Leipzig à partir de 1830. On a de lui,
entre autres ouvrages, Commenlarius in Epistolam Ja-
cobi, Leipzig, 1833; Polyglotlen-Bibel zum praktischen
H andgebrauch : Die ganze heilige Schrift Alten und
Neuen Testaments in ûbersichtliche Nebeneinander-
stellung des Urtexles, der Septuaginta, Vulgata und
Luther-Uebersetzung sotvie derwichtigsten Varianten
der vornehmsten deutschen Uebersetzungen (publié
avec R. Stier); Neues Testament, Bielefeld, in-8°, 1845-
1846; Altes Testament, 3 in-8°, 1817.
THÉLARSA (hébreu: Tel Jiarsci' ; collis siivse; Sep-
tante : QaapïiTo!), ville de Babylonie, où habitaient, à
la fin de la captivité, un certain nombre de Juifs qui
ne purent pas établir leur généalogie, mais retournèrent
en Palestine avec Zorobabel. I Esd., u, 59; II Esd.,
vu, 61. Le site de cette localité est inconnu.
THELASSAR, orthographe, dansla Vulgate, IV Reg.,
six, 12, de la ville qu'elle appelle Thalassar. Is., xxxvi,
12. Voir Thalassar, col. 2143.
2169
THELMALA — THÉODORE DE MOPSUESTE
2170
THELMALA (hébreu : TêlMélah, «colline de sel »;
Septante: QspuiXsô, ©eXpiXeû), ville inconnue deBaby-
lonie nommée IEsd., Il, 59; II Esd., vu, 61. Quelques-
uns l'identifient avec la ©eX[i7) de Ptolémée, v, 20, dont
le nom rappelle aussi les salines et qui est près du
golfe Persique.
THEMA, nom, dans la Vulgate, d'un Ismaélite,
d'une famille de Nathinéens et d'une tribu arabe. Le
nom est différemment écrit en hébreu.
1. THÉMA (hébreu : Têmd' ; Septante : ©ai[j.àv),
neuvième fils d'Ismaël, qui donna son nom à une tribu
arabe. Gen., xxxv, 15; I Par., i, 30.
2. THÉMA (hébreu : Tâmah ; Septante : &t\>À). Les
« fils de Théma » étaient une famille de Nathinéens qui
retournèrent de la captivité en Palestine avec Zorobabel.
I Esd., il, 53; II Esd., vu, 55. Dans' ce dernier passage,
les Septante écrivent le nom @7][j.â.
3.THÉMA (hébreu : Têmd'; Septante : ®ai|/.avwv),
tribu arabe, descendant de Théma 1, mentionnée par
Job, vi, 19; Is., xxi, 13, 14; Jer., xxv, 23. Elle avait
donné son nom à la ville de Teymâ' (située entre la
frontière delà Syrie et Vouadi el-Kurà, sur la route du
pèlerinage de Damas à la Mecque, dans le voisinage
de Dumatrel-Djendel, la Dumah ismaélite) et le pays
de Cédar. La ville de feymâ' était défendue par une
forteresse, aujourd'hui ruinée, dont on attribuait la
construction à Salomon. Isaïe, xxi, 13, 14, dit que la
tribu de Théma donnait de l'eau à l'altéré et du pain
au fugitif. Wallin, qui visita cette ville en 1848, Journal
of the R. geographical Society, t. xx, p. 332, ditqu'on
y cultive les céréales de bonne qualité et que les jar-
dins, arrosés par un puits abondant, produisent des
dattes de différentes espèces, dont l'une est estimée la
meilleure de l'Arabie.
THÉMAN (hébreu : Têmdn; Septante : ©ainiv),
nom de deux Iduméens et d'une tribu, ainsi que du
pays qu'elle habitait.
1. THÉMAN, fils d'Éliphaz et petit-fils d'Ésaù et
d'Ada, le premier nommé des phylarques ou 'alluflm
d'Édom. Gen., xxxvi, 11, 15; I Par., i, 36.
2. THÉMAN, autre 'allûf ou chef d'Édom, men-
tionné entre Cénez etMabsar. Gen.,-xxxvi, 42; I Par.,
i, 53.
3. THÉMAN, tribu iduméenne et pays qu'elle habi-
tait. Son nom signifie « sud », ce qui fait penser que
les Thémanites occupaient le midi de l'Idumée, mais
on n'y a pas retrouvé trace de leur nom. La Vulgate a
rendu plusieurs fois Théman par « midi», Abdias, 8;
Habacuc, m, 3; Ezech., xxv, 13, mais on reconnaît
qu'il faut lire dans ces passages le nom propre et non
un des points cardinaux. Théman est nommé par six
prophètes. Baruch, m, 23, fait allusion à son commerce;
Abdias, 9 (Vulgate : in meridie), à ses guerriers; Jéré-
mie, xlix, 7; Abdias, 8-9; cf. Job, n, 11, etc., à sa sa-
gesse, quoique cette sagesse ne fût pas la véritable. Ba-
ruch, m, 22-23. — Jérémie, xlix, 20-21; Ézéchiel, xxv,
13 (Vulgate : ab austro); Amos, i, 12, prédisent, comme
Abdias, les maux qui fondront sur Théman. — Habacuc,
m, 3 (Vulgate : ab austro), dans sa description de la
théophanie, dit qu'Éloah (un des noms de Dieu) vient
de Théman, c'est-à-dire du côté du Sinaî, où Dieu s'est
manifesté autrefois à son peuple, du temps de Moïse.
— Bureliiardt a identifié la ville de Théman avec Maan,
à l'est de Pétra.
THÉMANI (hébreu : Tèmnî; Septante : ©at(jiâv),
fils d'Assur, de la tribu de Juda, et de Naara. I Par.,
iv, 6.
THÉMANITE (hébreu : hat-Têmânî; Septante :
©ounaviSç), de Théman. Husam était roi de la terre
des Thémanites. Gen., xxxvi, 34; I Par., i, 45 (Vul-
gate : de terra Themanorum). Éliphaz, un des amis
de Job, élait Thémanite (Vulgate : Thémanites). Job,
H, 11; iv, 1; xv, 1; xxii, 1; xlii, 7, 9.
THEMNA (hébreu : Timnâlâh; Septante : 0a|r;a9ri),
ville de Dan. Jos., xix, 43. La Vulgate l'appelle ailleurs
Thamnatha. Voir Thamnatha, col. 2146.
THÉNAC (hébreu : Ta'ânak; Septante : ©avâx).
nom, dans la Vulgate, Jos., xn, 21; xvn, 11, de la ville
de Palestine qu'elle appelle ailleurs Thanach. Voir
Thanach, col. 2148.
THÉODAS (Nouveau Testament : ©E-j5àç), chef
d'une sédition dont parle Gamaliel, dans le discours
qu'il adressa au sanhédrin pour défendre les Apôtres
qui prêchaient la foi nouvelle. « Il y a quelque temps,
dit-il, Act., v, 36, s'éleva Théodas, qui prétendait être
un personnage, et quatre cents hommes environ
s'attachèrent à lui. Il fut tué, et tous ceux qui avaient
adhéré à lui furent dissipés. » Cette sédition n'est
mentionnée expressément que dans ce discours et,
pour cette raison, des critiques en ont nié la réalité, en
disant que Josèphe n'aurait pas manqué d'en parler, si
elle avait eu lieu. A vrai dire, cette révolte eut peu
d'importance, à une époque où l'on en compta un
assez grand nombre de plus graves. A la mort d'Hérode
le Grand, il y eut plusieurs révoltes et Josèphe ne
nomme les chefs que de trois d'entre elles, passant les
noms des autres sous silence. Il est possible d'ailleurs
que l'historien juif mentionne Théodas sous un autre
nom, par exemple, celui de Simon, Bell, jud., II, iv,
2 ; Ant. jud., XVII, x, 6. Cf. Sonntag, dans les Theo-
log. Studien und Kriliken, 1837, p. 622. Le double nom
porté alors successivement par la même personne,
quand elle changeait de position sociale, était alors
relativement fréquent. Voir F. Vigouroux, Les Livres
Saints et la critique rationaliste, 2" édit., t. IV, p. 514-
515.
THÉODORE DE MOPSUESTE, écrivain ecclé-
siastique, né à Antioche, vers 350, mort vers la fin de
428. Il avait pour frère Polychronius, qui devint évêque
d'Apamée. Ami d'enfance de saint Jean Chrysostome,
il fut comme lui élève de Libanius, puis de l'école mo-
nastique de Carterius et de Diodore. Théodore quitta
cette école dans l'intention de se marier et Jean. lui
écrivit à cette occasion ses deux écrits ad Theodorum
lapsum, qui, joints aux efforts de ses autres amis,
l'arrêtèrent dans son dessein. Il revint à l'école de Dio-
dore, où il demeura jusqu'à l'élévation de ce dernier au
siège épiscopal de Tarse. Il outra les principes d'in-
terprétation littérale de Diodore et publia un commen-
taire des Psaumes dont il reconnut lui-même plus tard
l'exagération. Il parait avoir été ordonné prêtre à
Antioche, en 383, à l'âge de 33 ans. Vers 386, il alla
rejoindre Diodore à Tarse et y demeura jusqu'en 392, où
il devint évêque de Mopsueste, dont il occupa le siège
pendant les trente-six dernières années de sa vie. La
pureté de sa foi fut suspecte. Évagre, H. E., i, 2,
t. lxxxvi, col. 2425, dit que ce fut lui qui sema dans
l'esprit de Nestorius, lors de son passage à Mopsueste,
les germes de son hérésie. Dès 431, Marius Mercator,
Lib. subnot. in verba Juliani, Prsef., Pat. Lai., t. xlyih,
col. 110, l'accuse d'être le véritable auteur de l'hérésie
pélagienne. Le cinquième concile général, cent vingt-
2171
THÉODORE DE MOPSUESTE — THÉODULPHE
2172
cinq ans après sa mort, le condamna sous l'empereur
Justinien.
La plus grande partie de ses œuvres a péri. Outre
les nombreux fragments conservés dans les Chaînes,
on possède Expositio in Psalmos (fragments), Migne,
t. lxvi, col. 648-696; In duodecim prophetas mi-
nores, col. 124-636; In Novum Testamentum, col. 705-
968. Sa méthode d'interprétation est grammaticale et
historique, et en opposition avec l'allégorisme alexan-
drin. Voir Antioche (École exégétique d'), t.i, col. 683.
— Cf. W. Srriith etWace.A dictionary of christ, bio-
graphy, t. iv, 1887, p. 934-948; 0. F. Fritsche, De
Theodori Mopsuesteni vita et scriptis, Halle, 1836;
Bickell, Conspectus rei Syrorum Ut ter., Munich, 1871;
H. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Afri-
canus, Fribourg-en-Brisgau, 1880.
THÉODORET DE CYR, écrivain ecclésiastique, né
à Antioche vers Tan 390, mort en 457 ou 458. Il fut
élevé à Antioche avec Nestorius et eut pour maître
Théodore de Mopsueste. Il devint diacre d' Antioche à
25 ans et, vers 420, évêque de Cyr, en Syrie, petite ville
voisine de l'Euphrate. Il prit parti pour ceux qui reje-
taient le troisième concile œcuménique (d'Ephèse),
mais en 425, il se réunit aux orthodoxes sans aban-
donner complètement les nestoriens. Le concile mo-
nophysite ou eutychien d'Ephèse, en 449, décréta sa
déposition, mais, sur son appel, le pape saint Léon le
Grand le reconnut comme évêque légitime et, quelque
temps après, il siégea au concile de Chalcédoine.
Depuis cette époque, il vécut dans un monastère, en
gouvernant son diocèse. Dans ses commentaires sur
l'Écriture Sainte, qui sont pleins de mérite, il suit
ordinairement le sens littéral et donne peu de place à
l'allégorie. On a de lui : Qusesliones in loca difficilia
Scripturse Sacrse, in Genesim, t. lxxx, col. 35-225;
InExodum, col. 225-297; In Leviticum, col. 297-349;
In Numéros, col. 349-400; In Deuteronominm, col. 401-
456; InJosue, col. 457-485; In Judices, col. 485-517;
In Ruth, col. 517-528; In libros Regnorum, col. 528-
800; In Paralipomena, col. 801-858; lnterpretatio in
Psalmos, col. 857-1997; Explanatio in Canlicum Can-
ticorum, t. lxxxi, col. 28-213; In Isaiam, col. 216-
493; In Jeremiam, col. 496-760; In Baruch, col. 760-
780; In Threnos, col. 780-805; In Ezechielem, col. 808-
1256; In Danielem, col. 1256-1545; In duodecim pro-
phetas minores, col. 1545-1988; In omnes S. Pauli
Epistolas, t. lxxxii, col. 36-877.
THÉODOTE (grec : ©eo5ÔToç, « donné par Dieu »),
envoyé avec Posidonius et Matthias par Nicanor, géné-
ral syrien, à Judas Machabée, pour qu'ils lui donnassent
leur main droite en signe de réconciliation et de
paix, II Mach., xiv, 19. Voir Nicakor, t. iv, col. 1613.
THÉODOTION, traducteur de l'Ancien Testament
hébreu en grec. Origène avait placé sa version dans ses
Hexaples. Voir t. xv-xvi. Nous ne savons presque rien
de sa personne. Le peu qui nous en est connu nous a
été conservé par saint Irénée; Cont. hser., III, xxi, 1 ;
cf. t. vu, col. 946. Cf. Eusèbe, H. E., v, 8, t, xx,
col. 452. Ceux qui sont venus après lui n'ont guère
fait que reproduire ces maigres renseignements. Voir
G. Williams, dans W. Smith et H. Wace, A dictio-
nary of Christian biography, t. iv, 1887, p. 970-979.
D'après saint Irénée, Théodotion était un prosélyte
juif d'Ephèse; d'après saint Jérôme, In Abac, ni,
11, t. xxv, col. 1326, un Ébionite, mais ce dernier Père,
Prsef. in Dan., t. xxv, col. 493, dit : Danielem non
juxta lxx interprètes sed juxta Theodotionem Eccle-
sias légère, gui utique post adventum Christi incre-
dulus fuit, licet eum quidam dicunt ebionitam, qui
altero génère Judœus est. Saint Épipliane, De mens.
et ponder., il, t. xlih, col. 264, en fait un Marcionite
du Pont qui passa au judaïsme, mais il ne parait pas
avoir été bien renseigné.
La date de la version de Théodotion est inconnue.
Elle est antérieure à l'ouvrage de saint Irénée, Contra
hsereses, qui fut composé avant 180 ou 189; elle est
postérieure à la traduction d'Aquila, d'après tous les
historiens, qui la placent au commencement ou à la
fin du second quart du II e siècle. Théodotion a donc
traduit la Bible au plus tôt en 130, au plus tard en 189.
Le style de Théodotion n'a pas un caractère aussi
marqué que celui d'Aquila et de Symmaque. II a con-
servé sans les traduire un plus grand nombre de mots
hébreux que ces deux derniers et que les Septante :
çE-f-fciX, Lev., xni, 2; \>.i<TyZa, Lev., XIII, 6; Bios).,
Lev., xvni, 23; etc. Il a fait grand usage des versions
grecques antérieures. — Les parties deutérocanoniques
de Daniel, dans notre Vulgate, sont traduites de la
version de Théodotion. Dan., ni, 91-100; xm-xiv.
La version du prophète Daniel par Théodotion est si
supérieure à celle des Septante qu'elle a été acceptée
de préférence par l'Église, dès les premiers temps du
christianisme. C'est d'après lui qu'a été faite dans
notre Vulgate la traduction de l'histoire de Susanne et
de la fin du livre de Daniel. Il avait traduit aussi
Baruch, la finde Job etlesparties de Jérémie qu'omettent
les Septante. — Voir H. Hody, De Bibliorum texti-
bus originalibus, versionibus grsecis et latinis, in-f",
Oxford, 1705, p. 579-585.
THÉODULPHE, Visigoth d'origine [Geta, Getulus,
comme il se nomme dans ses poésies), naquit proba-
blement dans la Septimanie, qui faisait alors partie du
royaume des Visigoths ou Espagne. Cf. Theodulfl car-
mina, t. cv, col. 286. Chassé des environs de Narbonne
par une invasion sarrasine, il vint en France, où il fut
accueilli avec faveur par Charlemagne à cause de son
savoir. Il devint évêque d'Orléans vers 787, et abbé de
Fleury-sur-Loire en 798. Dans ce monastère et dans
ceux de Saint-Aignan d'Orléans et de Saint-Liphard de
Meung, il établit des écoles qui devinrent célèbres. Ses
talentslittéraires et surtout poétiqueslui donnèrent grand
crédit près de Charlemagne, qui en 798 l'envoya dans
les régions méridionales de son empire en qualité de
missus dominicus. Maissous Louis leDébonnaire, accusé
d'avoir trempé dans la révolte de Bernard, roi d'Italie,
neveu de l'empereur,' il fut disgracié et relégué à Angers
dans un monastère, en 817 ou 818. Il mourut le 18
septembre 821. Au point de vue biblique, Théodulphe
est connu par sa récession' du texte de la Vulgate. On
la trouve dans deux manuscrits primitifs; le premier,
connu sous, le nom de codex Mesmianus (Bibl. natio-
nale, fol.lat.93S0), parait être l'original établi sous les
yeux de Théodulphe et par ses soins; le second, la Bible
du Puy (conservée dans le trésor de la cathédrale),
semble être la copie du précédent. « L'écriture de l'une
et l'autre (Bible), dit Samuel Berger, est le chef-d'œuvre
de la calligraphie du commencement du ix e siècle.
Rien ne dépasse, comme finesse et comme élégance,
cette gracieuse minuscule écrite, en plus de soixante
feuillets de l'un comme de l'autre manuscrit, sur par-
chemin pourpré, en des traits déliés d'argent rehaussé
d'or. » Dans le manuscrit de Mesmes (ainsi appelé
parce qu'il a autrefois appartenu à la famille de Mesmes)
« entre les lignes et sur les marges, on remarque un
grand nombre de .corrections et de variantes d'une
écriture plus fine que celle du manuscrit, mais certai-
nement contemporaine. Les passages condamnés par
le correcteur sont généralement ponctués, quelquefois
barrés. » La Bible du Puy a beaucoup moins de correc-
tions et de variantes marginales. Ces notes semblent
de la même main que celle qui a écrit les variantes
du manuscrit de Mesmes. Après ces indications exté-
2173
THÉODULPHE — THÉRAPHIM
2174
rieures, M. Samuel Berger, étudiant le texte des manu-
scrits, conclut que la Bible de Théodulphe est espagnole
dans sa disposition extérieure, mais avec un texte mêlé
où l'influence des textes du Languedoc et du midi de la
France se fait sentir à côté des textes irlandais. L'in-
fluence de la revision théodulfienne n'a pas été très
étendue. M. Delisle et M. Samuel Berger en ont étudié
les traces dans un certain nombre de manuscrits. Mais
elle a cédé le pas à la revision d'Alcuin, qui d'ailleurs
était préférable. Histoire littéraire de la France, in-4°,
Paris, 1738, t. îv, p. 459-474; Léopold Delisle, Les
Bibles de Théodulphe, dans la Bibl. de l'École des
chartes, t. xl, 1879, p. 5-47; Ch. Cuissart, Théodulphe,
èvêque d'Orléans, sa vie et ses œuvres, in-8°, Orléans,
1892; S. Berger, Histoire de la Vulgate pendant les
premiers siècles du moyen âge, in-8°, Nancy, 1893,
p. 145-184; Ul. Chevalier, Répertoire bio-bibliogra-
phique, 2« édit., Paris, 1907, t. n, col. 4433.
E. Levesque.
1. THÉOPHILE (grec : ©eôçiioç, « ami de Dieu »),
personnage auquel saint Luc a dédié son Évangile, i,
3, et les Actes, i, 1. Le titre de xpitcars, optime, « très
illustre, excellent », que lui donne l'évangéliste,
s'appliquait aux personnes de haut rang, qui avaient
une position officielle. Cf. Act., xxm, 26; xxrv, 3;
xxvi, 25. Il semble, d'après cette dédicace, que Théophile
a encouragé saint Luc à écrire ses deux ouvrages. Mais
nous ne savons rien de certain sur son histoire. Les
uns ont nié jusqu'à son existence et l'ont pris pour un
être fictif, ce qui n'est pas vraisemblable. Les autres en
ont fait ou un gouverneur romain, ou un citoyen im-
portant d'Antioche, ou un habitant de marque de
Rome, etc. Ce ne sont que des conjectures très pro-
blématiques.
2. THÉOPHILE, grand-prêtre juif, qui n'est pas
nommé dans le Nouveau Testament, mais qui était
probablement, d'après la chronologie de l'époque, celui
qui donna mission à Saul de Tarse d'aller arrêter ceux
de ses coreligionnaires qui s'étaient convertis au
christianisme. Il était fils d'Anne ou Ananus et gendre
de Caïphe. Le préfet romain Vitellius, étant allé à Jéru-
salem, à la fête de Pâques de l'an 37, y déposa Caïphe
et nomma à sa place Jonathan, frère de Théophile. Il
n'en fut pas satisfait et, peu de temps après, à la fôte
suivante de la Pentecôte, il conféra le souverain ponti-
ficat à Théophile. Josèphe, Ant. jud., XVIII, IV, 3; v, 3.
Hérode Agrippa I e ', quand il reçut le gouvernement
de la Judée, en 41, déposa à son tour Théophile, qui
avait exercé ses fonctions pendant environ cinq ans.
Josèphe, Ant. jud., XIX, vi, 2. C'est pendant ce laps
de temps que Saul dut être envoyé à Damas.
THËOPHYLACTE, commentateur du Nouveau
Testament, au xi» siècle. On croit qu'il était originaire
d'Eubée. Il devint archevêque de Bulgarie entre 1070
et 1077 et mourut en 1107 ou un peu plus tard. Il a
suivi surtout saint Jean Chrysostome dans son exégèse,
qui est textuelle et précise. Ses commentaires ont été
toujours estimés. On a de lui Enarratio in Evange-
lium S. Mattlmi, t. cxxm, col. 143-487; S. Marci,
col. 488-681; S. Lucse, col. 684-1125; S. Joannis,
col. 1128-1348; t. cxxiv, col. 9-317; Commenlarius in
omnes D. Pauli Epistolas, col. 335-1357; t. cxxv,
col. 12-404; Expositio in Acta Apostolorum, col. 484-
1132; Expositio in Epistolam catholicam S. Jacobi,
col. 1133-1189; In Epistolam 1 (et 11) S. Pétri,
col. 1189-1288; In Epistolam 1 (Il et III) S. Joannis,
t. cxxvi, col. 9-84; In Epistolam S. Judse, col. 85-104;
Expositio in Oseam, col. 564-820; In Habacuc,
col. 820-904; In Jonam, col. 905-968; In Nahum,
col. 969-1048; InMichxam, col. 1049-1189.
THÉRAPHIM (hébreu : terâfîm; Septante : Ospoeçiv,
YXvittdc, 8ï)).o(, xevotâçpta, àitoq>6efï'6'usvoi, eîSwXaJ Vul-
gate : theraphim, idola, simulacra, statux, figurée
idolorunx, idololatria), figures superstitieuses en usage
chez les Israélites.
1» Leur nature. — On a proposé diverses étymologies
du mot fêrâfim. Les uns le rattachent à l'arabe (ârfâ,
t vivre aisément », qu'on rapproche 'du sanscrit trip,
482. — Idoles chananéennes.
D'après Vincent, Canaan, pi. m, 7, 8.
« charmer », et du grec TspTto), « rassasier, réjouir ».
Les theraphim seraient ainsi des sortes de porte-bonheur.
D'autres tirent le mot de râfd\ « guérir », ce qui
ferait des theraphim des dieux guérisseurs, ou de refà'îm,
« mânes », ce qui tendrait à les assimiler aux morts
exerçant leur action parmi les vivants. La manière
dont la Bible parle des theraphim ne justifie guère ces
étymologies. La dernière surtout est en contradiction
483. — Un théraph archaïque trouvé à Tell es-Safy.
D'après BUss-Macalister, Excavations, p. 142, pi. lxxii, 1.
avec les coutumes des Sémites, qui sculptaient volon-
tiers dans le bois des statuettes de dieux ou de
monstres familiers, destinées à écarter les démons,
mais qui n'introduisaient pas dans ce mobilier surnatu-
rel l'image des ancêtres, les morts étant considérés
comme trop faibles pour protéger comme les dieux
ou nuire comme les démons. Cf. Lagrange, Études sur
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 229, 230. Les
theraphim ont été importés de Chaldée en Israël. Gen.,
xxxi, 19, 34; Ezech., xxi, 26 (21). Toutefois, il en exis-
tait probablement en Chanaan, avant l'arrivée des
Israélites. On a trouvé à Mageddo et à Gazer de gros-
sières figures, taillées dans le calcaire blanc et repré-
sentant, d'une façon conventionnelle et plus que som-
maire, un corps surmonté d'une tête à peine dégagée
de la masse (ug. 482). On pense que ces figurines ne
sont autre chose que des espèces de theraphim. La
gaucherie de l'œuvre pouvait être voulue, comme celle
2175
THÉRAPHIM — THERSA
2176
des statuettes analogues (fig. 483), à moins que les
essais de quelques vieux sculpteurs néolithiques
n'aient été recueillis par des Chananéens postérieurs
pour servir de fétiches ou d'amulettes. Cf. Vincent,
Canaan, Paris, 1907, p. 153-157; Lagrange.Xe livre des
Juges, Paris, 1903, p. 272. Ces formes rudimentaires
expliquent la possibilité de les prendre vaguement,
dans certains cas, pour le corps d'un homme. I Reg.,
XIX, 13, 16. On voit que, dans ce dernier texte, les Sep-
tante traduisent ferà/îm par xevoTtitpta, et la Vulgate
par statux, en songeant sans doute à ces cercueils
égyptiens qui reproduisaient extérieurement la forme
humaine. Voir t. il, fig. 144, 145, col. 435.Lesthéraphim
devaient d'ailleurs différer par la taille, la matière
employée et la perfection plus ou moins grande du
modelé. Les versions les appellent parfois eïôwî.a, idola,
simulacra, à cause de leur ressemblance avec des
idoles, Gen., xxxi, 19; Jud., xvm, 20; I Reg., xix, 13;
IV Reg., xxm, 34; fXuitTii, parce qu'ils étaient ciselés
grossièrement ou finement, Ezech., XXI, 26 (21); dmo-
ytiz^yénivoi, « rendant des oracles », Zach., x, 2; 8y]W,
« manifestes », exprimant clairement ce qu'on voulait
savoir, Ose., m, 4; le mot grec &r\\oi est peut-être choisi
pour identifier les théraphim avec l'Urim hébreu, 'urim,
« lumières », que les Septante traduisent par 8rç),[i><Tiç,
Exod., xxvm, 30; idololatria, à cause de leur caractère
idolâtrique, I Reg., xv, 23. Toutes ces traductions ne
sont pas nécessairement justes; elles trahissent l'em-
barras des traducteurs, qui se contentent parfois de
reproduire le mot hébreu, 8spaçîv ou Oepaçefv, Jud. , xvii,
5; xvm, 14, 18, 20; I Reg., xv, 23; IV Reg., xxm, 24;
théraphim, Jud., xvii, 5; xvm, 14, 17; Ose., m, 4.
Josèphe, Ant. jud., I, xix, 8, 9, les appelle tutuoi twv
8ïwv, « figures des dieux », et lepâ udcTpia, « choses
sacrées des ancêtres ». Aquila traduit par [topcpcotiocToe,
« figures », et <pn>u<x|ioi, « lumières », c'est-à-dire
'urim; Symmaqueet la Veneta, par EÏStoXa, « idoles »;
le Chaldéen, par salmânayyâ', « figures », et mehavvëy,
« indiquant » l'avenir.
2» Leur usage. — Plusieurs des noms donnés aux
théraphim par les versions impliquent l'idée d'objets
servant à faire connaître l'avenir ou les choses cachées.
C'est cette idée qui s'accorde le mieux avec l'ensemble
des textes bibliques, bien qu'il soit impossible de dire
de quelle manière les théraphim révélaient ce qu'on
voulait savoir. Il y avait là évidemment un procédé
purement superstitieux, dont toute la valeur provenait
de la crédulité de ceux qui l'employaient, et qui ne
manifestait la vérité que par pur hasard, à moins que
parfois ce ne fût par influence diabolique. Quand
Nabuchodonosor entre en campagne, pour savoir le
chemin à prendre, il .agite les flèches, interroge les
théraphim et examine le foie. Ezech., xxi, 26 (21). Les
théraphim sont ainsi associés à deux procédés divina-
toires ; ils sont donc de nature analogue. Dans un de
ses oracles, Zacharie, x, 2, suppose le même usage :
Les théraphim ont dit ce qui n'est pas,
Et les devins ont des visions de mensonge.
— On comprend dès. lors que les théraphim aient été
en faveur en Chaldée dès les plus anciens temps. Laban
les avait reçus de ses ancêtres. Rachel les lui déroba,
au moment de sa fuite avec Jacob. II est fort à croire
que, partageant elle-même quelque peu la superstition
paternelle, elle voulut priver son père du moyen de
savoir où se trouvaient les fuyards. Les théraphim de
Laban n'étaient ni fragiles ni volumineux; car elle put
les cacher dans la selle de son chameau et s'asseoir
dessus. Laban les appelait ses dieux, 'ëlohây, ÔeoO; jaou,
c'est-à-dire des objets auxquels il attribuait une puis-
sance surnaturelle. Sa réclamation prouve qu'à la
nouvelle du départ de ses filles, il avait voulu commen-
cer par interroger ses théraphim, afin de savoir par eux
de quel côté il devait se diriger. Gen., xxxi, 19, 30,34.
Les théraphim, ainsi qualifiés de « dieux » par Laban,
furent sans nul doute enterrés sous le chêne de
Sichem, par ordre de Jacob, avec tous les autres objets
superstitieux ou idolâtriques dont sa famille était en
possession. Gen., xxxv, 2-4. — Les théraphim seretrouvent
au temps des Juges, soit que les Hébreux en aient con-
servé l'usage en Egypte et au désert, soient qu'ils les
aient empruntés aux Chananéens. Un Éphraïmite,
nommé Michas, s'était installé une « maison de Oieu »,
dans laquelle il prétendait honorer Jéhovah, mais qu'il
pourvut d'un matériel sacré, composé d'une image
taillée, d'un éphod et de théraphim. Jud., xvii, 5.
L'image, l'éphodet les théraphim étaientaussi contraires
à la loi les uns que les autres. Le lévite que Michas
avait pris à son service consultait Dieu au moyen de
ces objets. Jud., xvin, 5. Des Danites se saisirent un
jour du lévite, de l'image, de l'éphod et des théraphim,
et les installèrent à Laïs. Jud., xvm, 14-31. —A l'époque
de Samuel, les théraphim maintenaient leur crédit, bien
que réprouvés par le prophète, qui déclarait la résis-
tance à Jéhovah aussi coupable que l'idolâtrie et les
théraphim. I Reg., xv, 23. Michol, femme de David,
possédait son théraphim . I Reg. , XIX, 13. Le mot terâfim,
traité ici comme un singulier, montre que les théraphim,
malgré la forme plurielle de leur nom, ne représen-
taient pas toujours des objets multiples. Voulant faire
croire que David, appelé par Saûl, était malade, bien
qu'il fût alors loin de là, Michol mit dans le lit, à sa
place, le théraphim, avec une peau de chèvre à l'endroit
de la tête; une couverture fut jetée sur le tout. L'en-
semble imitait assez un homme endormi pour que les
envoyés de Saùl s'y soient trompés. I Reg., xix, 13-16.
— Les théraphim tenaient une telle place parmi les pra-
tiques superstitieuses ou idolâtriques des Israélites, que
Josias crut devoir prendre des mesures pour les faire
disparaître. IV Reg., xxm, 24. Mais ils survécurent et
traversèrent même la période de la captivité, puisque
Zacharie, x, 2, les suppose toujours en faveur. — Osée,
m, 4, prédisant la captivité d'Israël, dit que, pendant
de longs jours, les Israélites « demeureront sans roi
et sans prince, sans sacrifice et sans stèle, sans éphod
et sans théraphim. » Le prophète veut signifier que,
durant leur exil, ils n'auront plus à leur disposition ce
qui a été cause de leurs fautes dans le pays de Samarie,
les princes infidèles à Dieu et les objets qui favorisaient
l'idolâtrie. Cf. V. Hoonacker, Les douze petits pro-
phètes, Paris, 1908, p. 27. — On voit,d'après ces textes,
que les théraphim ne sont pas des idoles proprement
dites, puisque Samuel fait la distinction entre les deux.
I Reg., xv, 23. Ce ne sont pas non plus des espèces de
dieux Pénates, bien qu'on les trouve chez des particu-
liers, Laban, Michas, Michol. Les textes qui s'expliquent
le plus clairement sur leur usage montrent que ce sont
des instruments de divination, et les autres textes s'en-,
tendent sans difficulté dans ce sens. Voilà pourquoi il
est encore question de théraphim dans Zacharie, x, 2, à
une époque où les idoles n'existaient plus en Israël.
H. Lesêtre.
THERSA, nom d'une Israélite et d'une ville de
Palestine.
1. THERSA (hébreu : firfâh; Septante : 0epaâ), la
plus jeune des cinq filles de Salphaad, en faveur des-
quelles il fut réglé que, lorsque le père n'aurait point
de fils, ses filles seraient ses héritières. Num., xxvi,
33; xxxvi, 11; Jos v xvii, 3. Voir Salphaad, col. 1396.
2. THERSA (hébreu : Jirsdh; Septante : ©aptrâ,
©epdâ, ©apdïfta), ville de Samarie qui fut quelque
temps la capitale du royaume d'Israël. — 1° On l'iden-
tifie généralement avec la Thallouza actuelle, à l'est de
Sébastien. Elle est située sur une colline élevée, d'où
2177 THERSA — THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX) 2178
l'on a une vue étendue. Sa situation explique le choix,
qui en avait été fait par Jéroboam I er pour y établir sa
résidence. Beaucoup de maisons sont aujourd'hui dé-
truites ou à moitié renversées. Elle ne possède point de
source, mais des citernes antiques fournissent encore
de l'eau aux habitants. Pendant l'été, la sécheresse les
oblige, faute de pâturages, à conduire leurs troupeaux
dans les vallées voisines du Rhôr. Voir V. Guérin, Sa-
marie,t. I, p.365. Le Cantique des Cantiques, vi, 4 (texte
hébreu) vante la beauté de Thersa.
2" Thersa est nommée pour la première fois dans
l'Écriture, lors de la conquête de la Palestine. Son roi
fut battu par Josué, avec les trente autres rois chana-
néens qui s'étaient confédérés contre lui. — Lors du
schisme des dix tribus, Jéroboam établit sa résidence
à Thersa. III Reg., xiv, 17. Baasa, son successeur, fit de
mème,ainsi que son fils Éla. Ce dernier y fut assassiné
par Zambri, qui s'empara de son trône, mais Amri alla
assiéger Thersa et y serra de si près le nouveau souve-
rain que celui-ci, se sentant incapable de lui résister,
mit le feu à son propre palais et périt dans l'incendie.
Amri passa à Thersa les six premières années de son
règne, au bout desquelles il l'abandonna pour aller fon-
der Samarie, dont il fit sa capitale. III Reg., xv, 33;
xvi, 6, 8-10,16-18,23-24. — Un des derniers rois d'Israël,
Sellum, périt à son tour sous les coups de Manahem,
fils de Gadi de Thersa, qui le tua à Samarie et s'empara
de son trône. IV Reg., xv, 13-14. C'est le dernier pas-
sage de récriture où on lit le nom de Thersa.
THESBITE (hébreu : hat-Tïébî; Septante : & ©ect-
ëiViiç), originaire de Thisbé (Thesbé) ou habitant de
cette ville. Le prophète Élie est surnommé le Thesbite.
III Reg., xvn, 1; xxi, 17, 28; IV Reg., I, 3, 8; ix, 36.
Voir Thisbé, col. 2194.
THESSALONICIEN (0e<7<raXovixlu«), habitant de
Thessalonique ou originaire de cette ville. Act., xx, 4
(Aristarque); xxvii, 2 (Aristarque); I Thess., i, 1;
II Thess., i (chrétiens habitant Thessalonique).
THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE
AUX). — I. Importance. — L'intérêt spécial qui s'attache
aux deux lettres adressées à l'Église de Thessalonique
provient de ce qu'elles sont, suivant toute apparence,
les premières en date des écrits de l'Apôtre, du moins
parmi ceux qui sont parvenus jusqu'à nous. Elles offrent
ainsi les premiers essais de la littérature paulinienne.
Simple échange de souvenirs et de sentiments affectueux
avec une Église récemment fondée, elles marquent
toutes deux la transition entre l'enseignement oral de
l'apôtre et les controverses dogmatiques avec les judaï-
sants, qui remplissent les Épîtres aux Galates et aux
Corinthiens. Tracées en pleine mission, pendant la fon-
dation de l'Église de Corinthe, elles reflètent l'état
d'âme de saint Paul, au plus fort de son activité apos-
tolique, sous l'effet des consolations mêlées d'an-
goisses de ses premières expériences dans les pays de
Macédoine et d'Achaïe. Son grand cœur s'y révèle en
traits de vive et délicate tendresse, I Thess., il, 7,11, 17;
m, 5, 10; son amour des âmes ne se montre nulle part
ni plus prévoyant ni plus jaloux. I Thess., il, 6, 9. On
le voit plein de sollicitude pour ceux qu'il a gagnés au
Christ, I Thess., n, 6, 9, prêt à leur sacrifier, s'il le
fallait, sa propre vie, n, 8, la pliant, en toute occasion,
aux mille renoncements d'un apostolat volontairement
gratuit, il, 9, se rendant accessible à tous, Juifs et
Gentils, par d'inlassables condescendances, H, 7. Avec
cela, une pureté d'intention défiant la calomnie, n,l-10,
une dignité de vie capable d'être, sans orgueil, proposée,
par Paul lui-même, en exemple aux fidèles, i, 6; ses
appels incessants à la perfection, i, 2; rv, 1-10; v, 11,
son indignation menaçante envers ceux qui entravent
DICT. DE LA BIBLE.
l'œuvre de l'Évangile, n, 16; iv, 6, le sentiment intime
de son union avec le Christ, iv, 1, son esprit de prière
si intense et si profond, i, 3; m, 11-13; v, 23. Voilà ce
que saint Paul laisse entrevoir dans ces lignes, les
premières tombées de sa plume. On retrouvera, plus
tard, ces mêmes sentiments, mais intensifiés par les
ardeurs de la lutte et les nécessités de l'apologie per-
sonnelle, dans la seconde Épitre aux Corinthiens.
L'image des premières Églises se dégage, à son tour,
de cette correspondance avec la communauté naissante
de Thessalonique. Tous les fidèles ne font qu'un seul
corps, qu'on appelle ixxliiata, I Thess., i, 1, nom habi-
tuel des assemblées populaires dans les cités grecques.
Act., six, 40. Un lien étroit de foi ardente, d'espérance
et de charité maintient les frères dans une unité par-
faite, i, 3. L'esprit fraternel est fortifié par la commu-
nauté des souffrances et des persécutions du dehors,
II, 14. On ne reconnaît qu'un seul Dieu, le Père, un
seul Seigneur, le Fils, i, 1, à qui l'on applique, sans
hésiter, les attributs réservés à Jéhovah dans l'Ancien
Testament. Le Christ est le Seigneur, v, 2, le Fils de
Dieu, I, 10, le Sauveur dont la mort expiatrice nous
a rachetés, v, 9, le Juge des derniers jours, m, 13; on
le prie comme le Père, demandant à l'un et à l'autre
les grâces et les bénédictions temporelles et spiri-
tuelles, m, 11 ; v, 18, 28. L'Esprit-Saint répand sur les
membres delà nouvelle communauté ses charismes les
plus divers, 1,5, 6; iv, 8. Il y a des exercices spirituels
de glossolalie et de prophétie, v, 19-21. Le soin de
veiller à l'ordre des assemblées liturgiques et de main-
tenir la discipline est confié à un groupe d'anciens, v,
12-22. Néanmoins, l'Apôtre garde la haute direction
générale de la communauté qu'il a fondée. On recourt
à lui dans les cas difficiles, on lui soumet les doutes et
les inquiétudes des fidèles, par exemple, relativement
à la date de la Parousieou au sort de ceux qui meurent
avant ce grand jour. I Thess., iv, 12-17; II Thess., lien
entier. Bien que les frères aspirent tous à la perfection
chrétienne, on distingue ceux qui y font des progrès,
les spirituels, de ceux qui sont moins expérimentés
dans la pratique des vertus. Aux premiers à surveiller
les seconds, toutefois avec douceur et charité, I Thess.,
v, 14. Pour lutter contre les tendances anciennes, on
s'applique spécialement à la sévérité des mœurs et à
l'honnêteté dans les affaires, iv, 3-6. Celui qui s'écarte
de ces prescriptions est repris par les autres et, s'il per-
sévère dans son égarement, on le signale à l'Apôtrej
on l'évite jusqu'à ce qu'il revienne à résipiscence.
II Thess. , m, 6, 14, 15. Dans les réunions liturgiques, on se
donne le baiser de paix, en signe de charité et d'union
fraternelle. I Thess., v, 26. Les Églises d'une même
région ne vivent pas isolées, mais communiquent entre
elles par un commerce suivi de lettres et de messagers.
I Thess., I, 8, 9. Une immense espérance, celle du pro-
chain retour du Christ, soulève tous les cœurs, enflamme
les courages, stimule les impatiences, égare parfois les
esprits. II Thess., tout entière.
II. Date et lieu de rédaction. — Les Actes, xvn,
xvm, combinés avec certaines données de l'iipitre elle-
même, déterminent assez exactement l'endroit et le
temps où elle fut écrite. La présence simultanée, dans
l'adresse, des trois noms de Paul, Silas et Timothée,
fait penser au premier séjour de l'apôtre à Corinthe.
Act., xviii, 5; II Cor., xi, 9. Passée cette époque, en
effet, Silas ne fait plus partie de son entourage et
parait s'être attaché désormais à la personne de saint
Pierre. I Pet., v, 12. C'est donc vers les premiers mois
de son arrivée dans la capitale de l'Achaïe que Paul
dut dicter cette première Épitre auxThessaloniciens. La
suscriplion de quelques manuscrits('EYpâçpv} àno 'A8-<]-
vwv) porte, il est vrai, qu'elle fut rédigée à Athènes, mais
celte note finale semble provenir de la fausse interprétation
d'un passage de l'Épitre, m, 1. Aussi n'a-t-elle été suivie
V. - 69
2179
THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX)
2180
que par quelques Pères grecs (Théodoret,Théophylacte)
et par quelques modernes (Wurm, Tûbing. Zeitschr.
Theol., p. 247; Hemming, Bullinger, Baldwin). Il est
difficile d'admettre que Silas et Timothée soient venus
tous deux trouver Paul à Athènes et qu'ils en soient
immédiatement repartis avec la présente lettre. On ne
pourrait alors trouver un espace de temps suffisant
quand il s'agirait d'expliquer les diverses tentatives
de l'Apôtre pour retourner à Thessalonique, n, 18, les
morts survenues dan s la communauté depuis son départ,
IV, 12, la renommée presque universelle dont jouit la
jeune Église en Macédoine et en Achaïe, T, 8, peut-être
même plus loin, jusqu'à Éphèse et Antioche (Zahn,
Einleitung, p. 147), les secours de charité aux com-
munautés voisines, iv, 10, les nombreux exemples
d'édification qui la font prendre en modèle par les
autres Églises, i, 7. Tous ces faits ne sauraient prendre
place dans le court intervalle qu'exigent le séjour de
saint Paul à Bérée et son passage à Athènes. D'autre
part, il ne faudrait pas verser dans l'excès contraire et
retarder la rédaction de l'Épitre au delà des premiers
mois de l'arrivée de l'Apôtre en Achaïe. Les souvenirs
de son passage parmi les Thessaloniciens, tels qu'ils
sont relatés ici, paraissent si récents et si vivaces qu'il
n'est pas permis de dépasser cette limite. En résumé,
si l'on adopte l'année 52 comme point de départ de
l'activité de saint Paul à Corinthe, cette même année
peut servir à dater sa première lettre aux Thessaloni-
ciens.
[II. But et occasion. — Les circonstances auxquelles
on doit cette Épître résultent des événements qui sur-
vinrent à Thessalonique, après le départ de l'Apôtre.
La violente persécution qui l'avait obligé à quitter la
ville continuait à s'acharner sur les nouveaux fidèles.
On s'efforçait d'arrêter, par l'intimidation et les tracas-
series de toutes sortes, le mouvement des conversions,
n, 14. Qu'allait devenir cette belle moisson battue par
tant d'orages? L'obstination des persécuteurs n'arri-
verait-elle pas à ébranler des néophytes à peine dégagés
du paganisme et de la synagogue? Cette pensée agitait
sans cesse l'esprit de l'Apôtre depuis qu'il avait été
forcé lui-même de quitter leur ville. A deux reprises
différentes, il avait essayé, mais en vain, de retourner
à Thessalonique; les Juifs, toujours en éveil, faisaient
bonne garde et lui eussent fait un mauvais parti. Ils
vinrent même le poursuivre jusqu'à Bérée, Act., xvn,
13, et l'obligèrent à fuir plus loin. C'est alors que
saint Paul se dirigea vers Athènes. Il envoya Timo-
thée à Thessalonique pour voir ce qui s'était passé et
pour porter à l'Église éprouvée ses encouragements et
ses conseils, m, 1-2. Quelques critiques pensent que
Paul remit à son disciple une lettre très courte, à la-
quelle répondirent les fidèles. Cf. Expositor, sept. 1898,
p. 167-177. Quoi qu'il en soit, le message de l'Apôtre
eut les plus heureux effets. Les néophytes, pressés par
leurs adversaires, ne cédèrent point. Aussi, quand
Silas et Timothée vinrent rejoindre leur maître à
Corinthe, ils n'eurent à lui apporter que des nouvelles
consolantes. Rien n'avait pu abattre le courage des
fidèles de Thessalonique. La lutte avait affermi leur
foi, animé leur espérance, vivifié leur charité. Leur
exemple avait rempli d'admiration les églises nouvelles.
On en parlait des deux côtés de la mer Egée. Profondé-
ment attachés à leur Apôtre, les Thessaloniciens gar-
daient de lui le plus affectueux souvenir et souhaitaient
ardemment de le revoir, m, 6. Toutes ces consolations
venaient à propos pour compenser les difficultés que
Paul rencontrait à Corinthe, au début de son apostolat.
Cependant, il y avait, même dans ces joies, quelques
sujets d'inquiétude. Les Juifs, pour détacher les néo-
phytes de leur Apôtre, répandaient,sur sa personne et
sur son nom, les plus noires calomnies : on le traitait
d'imposteur, d'homme intéressé, ami de l'argent,
d'ambitieux, se faisant des adeptes à force de flatteries,
d'orgueilleux, avide de gloire et de vaines satisfactions
d'amour-propre, II, 3, 5, 6.
A la longue, ces insinuations pouvaient jeter le
trouble dans les esprits. D'un autre côté, certains
points, signalés par les nouveaux arrivants, Silas et
Timothée, accompagnés peut-être de quelques Thessa-
loniciens, exigeaient une intervention de l'Apôtre, au
moins par lettre. Le sentiment d'indépendance, si
fortement ancré dans la race grecque, commençait à se
faire jour chez quelques-uns à l'égard des anciens, v,
12. On ne respectait pas toujours leur autorité. Les
assemblées liturgiques s'en étaient particulièrement
ressenties. Il y avait des abus dans l'exercice des dons
spirituels : le mauvais grain se mêlait au bon, v, 21 ; les
pensées personnelles se substituaient aux sugges-
tions de l'Esprit. La prophétie, source d'ardeur et d'édi-
fication, avait baissé, v. 19. Languissante, elle menaçait
de s'éteindre : il fallait la ranimer. Au milieu de la
corruption générale, plusieurs fidèles étaient tentés de
retourner à leurs premiers penchants pour la luxure et
la fraude, rv, 3, vices habituels des villes maritimes.
En outre, on avait exagéré la portée de certaines pa-
roles de l'Apôtre, touchant les événements des derniers
jours. Le décès de quelques frères, avant le retour du
Christ, qu'on croyait imminent, avait causé une émo-
tion profonde dans la nouvelle Église, iv, 13. On se
demandait avec anxiété quel sort leur était réservé.
Seraient-ils admis au royaume messianique? L'attente
presque quotidienne de la fin du monde tenait les
es prits dans une excitation continuelle. Certains enthou-
siastes se couvraient du prétexte de l'approche immi-
nente de la Parousie pour négliger leurs devoirs d'état
et vivaient aux dépens de la communauté, iv, 11. Une
situation aussi aiguë ne pouvait se prolonger sans
menacer l'avenir. Paul écrivit donc, sur-le-champ, à
ses chers Thessaloniciens une lettre touchante où se
lisent ses desseins : resserrer le lien d'affection qui
l'unissait à leur vaillante Église, la détacher de plus en
plus des habitudes païennes, l'éclairer sur les cir-
constances du dernier jour.
IV. Authenticité. — Moins largement favorisée que les
grandes Épitres au point de vue de l'exposition doctri-
nale, la première lettre aux Thessaloniciens a été plus
rarement citée dans la littérature ecclésiastique. Les
traces qu'on croit en découvrir dans les écrits de saint
Clément de Rome, I Corinth., xlii = I Thess., i, 5;
iv, 2, la Didaché, xvi, 6=1 Thess., rv, 15, 17, deux
passages de saint Ignace d' Antioche, ad Polyc, 1; ad
Ephes., 10, et deux phrases de saint Polycarpe, adPhi-
lipp., H, 4 = IThess., v, 22; iv =1 Thess., v, 17, n'ont,
en stricte rigueur, qu'une probabilité relative. Un fait
plus concluant, pour la haute antiquité de cet écrit,
c'est sa présence dans le recueil de Marcion, le canon
de Muratori et la Peschito. Dans le dernier tiers du
III e siècle, saint Irénée, Hser., v, 6, 1, t. vu, col. 1138;
Clément d'Alexandrie, Psedag., I, p. 88, édit. Sylb.;
Tertullien, De resurrect. carn., 24; Advers. Marc,
v, 15, t. n, col. 827; saint Épiphane, User., xlii, 9,
t. xli, col. 721, font divers emprunts et attestent expli-
citement son origine paulinienne. A ces témoignages
s'ajoutent des caractères internes d'une solide valeur.
« Les émotions intimes que trahit toute cette lettre,
écrivait Godet, lntrod. au N. T., t. i, p. 179, les effu-
sions pleines de tendresse qui la caractérisent, ces
réminiscences si vives d'un temps marqué par les fa-
veurs du Ciel toutes extraordinaires, ces expressions
d'une sollicitude toute paternelle pour de jeunes églises
exposées déjà à de si rudes épreuves de la part de leurs
compatriotes, ces recommandations si parfaitement
appropriées à la situation d'une Eglise naissante, placée
au milieu d'une grande cité païenne commerçante et
corrompue, ces encouragements à la constance dans la
2181
THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX)
2182
foi, au milieu de la souffrance, ce sont là des accents
inimitables, qu'il est impossible d'attribuer à la plume
d'un faussaire des temps postapostoliques. » D'ailleurs,
c'est bien là le style de saint Paul, sa touche person-
nelle, à tel point que les adversaires de cette Épltre
en font une copie des Épîtres aux Corinthiens, surtout
de la seconde, avec laquelle, en effet, les affinités sont
si sensibles! Qu'on note enfin la concordance si exacte
des traits historiques, semés ici et là, dans le courant
delà lettre, avec la situation générale des Églises fon-
dées par saint Paul : une grande avidité de la parole
évangélique, un vif attachement pour les Apôtres, une
foi ardente, ferme devant la persécution, une préoccu-
pation constante de la Parousie que l'on croit prochaine;
l'exercice régulier des dons spirituels, l'inquiétude et
la curiosité au sujet de la condition des frères récem-
ment décédés, tous ces détails, d'une couleur si vraie,
attestent une époque très rapprochée des faits et
rendent invraisemblable l'hypothèse d'une composition
apocryphe. Au reste, les premiers doutes, à ce sujet,
ne remontent qu'à la première moitié du XIX e siècle.
Schrader commença par signaler dans l'Épitre quelques
expressions étrangères à la langue de saint Paul. Baur,
élargissant la portée de ces simples remarques, s'en
servit pour diriger une attaque à fond contre l'authen-
ticité même de l'Epître tout entière. Ses arguments
ont, avec le temps, perdu de l'importance qu'on leur
avait d'abord prêtée, surtout depuis que la plupart de
ses anciens disciples sont revenus, sur ce point, à la
thèse traditionnelle. A vrai dire, ces objections n'offrent
qu'un intérêt diminué. On ne s'y arrête que dans la
mesure où elles fixent l'attention sur telle ou telle par-
ticularité de l'Épitre et en font mieux saisir le caractère.
La première raison alléguée par Baur, et à laquelle il
semble avoir accordé le plus de crédit, est la frappante
ressemblance de cette première Épitre avec les deux
Épîtres aux Corinthiens, d'où il conclut qu'elle n'en
est qu'un décalque décoloré, pour un cercle de lecteurs
tout différent de ceux auxquels elle paraît adressée.
A cet effet il note, dans les moindres détails, une série
de coïncidences verbales entre les deux genres d'écrits,
I Thess., i, 2 = I Cor., i, 4; 1 Thess., i, 5 = 1 Cor.,
n, 4; I Thess., i, 6 = I Cor., xi, 1; I Thess., i, 9; n,
1, 5, 9, 10, 11 — I Cor., h, 1, 3; m, 1; II Cor., i, 12;
I Thess., n, 3-6 = II Cor., xii, 16; I Thess., n, 1 sq.,
= II Cor., m, 12; I Thess., il, 7, 11 = II Cor., xil, 14;
I Thess., iv, 3 = I Cor., vi, 18; I Thess.,. iv, 4, 6 =
I Cor., vi, 8; I Thess., v, 19 = I Cor., xiv, 39, 40, mais
il ne ressort de ce parallèle qu'une preuve de plus en
faveur de l'authenticité de cette Épitre, car on com-
prend mieux ces ressemblances en les expliquant par
l'identité d'auteur et l'analogie de situation entre deux
Églises qui se trouvaient à peu près dans les mêmes
conditions. Si, dans la lettre aux Thessaloniciens, les
traits sont plus sobres, la partie dogmatique très res-
treinte, c'est parce que, les Épîtres étant des lettres
de circonstance et non des traités doctrinaux propre-
ment dits, saint Paul parle spécialement des choses
demandées par l'état de l'Église à laquelle il écrit et
cet état différait sur plusieurs points en Macédoine et
à Corinthe. Quant aux points de contact, ils sont autre-
ment nombreux entre l'Épitre aux Galates et l'Epître
aux Romains, sans que Baur ait cru devoir en tirer
aucune conclusion contre leur authenticité respective.
Cf. l'article de Lipsius, Ueber Ziceck und Yeranlas-
sung des ersten Thessalonischer Br-iefs, dans Studien
und Kritiken, 1854, p. 905. Un passage de cette Épître,
il, 16, offre, dit-on, une autre difficulté, celui où l'au-
teur, écrit des Juifs : La colère divine les a atteints
jusqu'à la fin, mots qui se vérifient mieux après les
événements de l'an 70 que sous le règne de Claude. De
fait, il y avait déjà quelque chose du passé. La colère
de Dieu était déjà sur leur tête; elle avait commencé à
exécuter ses jugements contre eux. Le verset incriminé
peut s'expliquer sans y voir une allusion expresse à la
ruine de Jérusalem. Objectera-t-on que plusieurs ver-
sets du ch. il, 1-6, dans lesquels l'Apôtre réfute les
calomnies de ses adversaires et justifie sa conduite,
appartiendraient plutôt à la période de lutte avec les
Juifs qu'à celle des débuts, par conséquent, à une
date postérieure ? L'hostilité des Juifs deThessalonique
contre l'Apôtre, rapportée par les Actes, xvn, 5-13.
suffit à elle seule pour légitimer cet essai d'apologie,
Juifs orthodoxes et judaïsants se sont efforcés, par des
moyens parfois différents, parfois identiques, à ruiner
l'autorité morale de l'Apôtre. Les uns allaient jusqu'à
la violence et aux voies de fait, les autres se contentaient
d'ordinaire des insinuations malveillantes, mais tous les
deux usaient, à son égard, des armes de la calomnie.
Il n'y a aucune raison, ni de déplacer la date assignée
d'habitude à cette Épître, ni, a fortiori, de l'attribuer
à un autre, qu'à saint Paul. Cf. Holtzmann, Einleit.,
p. 213, 3 e édit., où la question est traitée en détail.
V. Intkgrité. — Deux représentants de l'école
« hypercritique », Pierson et Naber, Verisimilia,
Amsterdam, 1886, donnent cette Épître pour le rema-
niement d'une sorte d'homélie, adressée par un auteur
juif aux Gentils, dans le but de leur annoncer la venue
du Messie et de leur faire embrasser la morale juive.
Plus tard, un évêque chrétien, nommé Paul, aurait
inséré, dans cet écrit, quelques phrases chrétiennes
et une justification de son enseignement. Cette hypo-
thèse, si tant est qu'on puisse donner ce nom à de
pareilles imaginations, prétend se baser sur la diffé-
rence des tons de l'Epître : tantôt celui de prophète,
tantôt celui de pasteur, le manque de suite et de
liaison dans les versets, l'usage de certains mots inu-
sités (r|(jiépà, YpvjyopEÏv), le manque de doctrines positi-
vement chrétiennes. La saine critique n'accorde aucun
crédit à un genre d'arguments, dont le plus clair
résultat serait de la discréditer elle-même. Clemen,
Die Einheitlichkeit der paul. Briefe, Gœttingue,
1894, admet quelques interpolations dans la présente
Épître, mais en les limitant à deux principales, n,
15-16, etv, 27. L'exégèse de ces passages montre qu'il
n'y a pas à les transformer en additions postérieures
et qu'ils sont, comme les autres, de la main de saint
Paul.
VI. Analyse du contenu. — L'Épitre présente, dans
ses grandes lignes, le cadre qui sera celui des autres
lettres de saint Paul.
a) exorde épistolâire, i, 1-10, avec adresse, i,
1, et action de grâces, i, 2-10. Silas et Timothée figurent
avec Paul dans l'en-tête de l'Epître, à titre de collabo-
rateurs. Les proportions ei le développement de l'ac-
tion de grâces indiquent combien l'Apôtre est -satis-
fait de la jeune Église de Macédoine. Il la loue, ne
termes fort élogieux, de ses admirables sentiments de
foi, d'amour et de ferme endurance; il se porte garant
de l'élection divine de ses membres, certitude basée
sur la façon merveilleuse dont ils ont accueilli la
parole évangélique, et sur les prodiges et les miracles
dont elle a été appuyée durant son séjour parmi eux.
EnBn, il se fait l'écho des louanges qu'a provoquées,
dans les Eglises environnantes, leur ardeur pour la foi
nouvelle.
b) corps de l'Épitre. h, 1-v, 24. — Par sa nature,
cette lettre ne se prête pas à des divisions rigoureu-
sement marquées. C'est plutôt une évocation de souve-
nirs communs à l'Apôtre et à ses chers Thessaloniciens,
qu'un ensemble logique d'idées. Pourtant, on y voit
poindre, dans une certaine mesure, les deux grandes
catégories habituelles aux Épîtres postérieures : la
partie dogmatique et la partie morale. Seulement, la
première, consacrée an retour vers le passé, s'appel-
lerait plutôt ici historico -apologétique, la seconde,
2183
THESSALONICIENS (PREMIÈRE EPITRE AUX)
2184
où les conseils l'emportent sur les préceptes, paréné-
tique. ." ,
1. Partie historico-apologétique. ii-iii, 13. — La
narration comprend les deux périodes qui se sont écou-
lées depuis que saint Paul est entré en rapport avec les
fidèles de Thessalonique : celle de son séjour parmi eux
et celle qui a suivi son départ.
a) Première période. n, 1-16. — En revenant sur les
débuts de son. apostolat à Thessalonique, saint Paul
trouve l'occasion de faire justice des insinuations et
des calomnies de ses adversaires. Il rappelle quelle fut
sa manière d'agir pendant qu'il était avec eux : ses
souffrances, ses épreuves, l'assurance de sa parole,
empreinte d'une conviction sincère, désintéressée, forte
de la puissance même de Dieu, appuyée qu'elle était de
prodiges et de miracles. En un mot, sa vie a été sainte,
juste, irréprochable. Dans son apologie, il insiste plus
particulièrement sur deux points : son extrême condes-
cendance pour ses chers néophytes et son parfait désin-
téressement, poussé jusqu'à l'héroïsme. Cette sollicitude
n'est pas restée sans récompense. Les Thessaloniciens
ont répondu à ce dévouement par un zèle sans précé-
dent à accueillir la parole évangélique, à la tenir pour
divine, à s'y fortifier, en dépit des attaques du dehors.
Ils se sont ainsi rendus dignes d'être comparés aux
saints de Palestine, persécutés comme eux par les Juifs
incrédules.
6) Deuxième période. Il, 17-in, 13. — La séparation
n'a pas affaibli les liens d'étroite affection qui s'étaient
formés, à Thessalonique, entre saint Paul et ses
néophytes. En un sens, elle les a resserrés, fortifiés.
L'Apôtre énumère tout ce qu'il a fait, de son côté, pour
témoigner son attachement aux fidèles, depuis qu'il les
a [quittés. En premier lieu, il a essayé de revenir à
Thessalonique, mais en vain, échec qu'il attribue à
Satan; puis, ne pouvant retourner en personne vers sa
chère Église, il lui a envoyé, lors de son passage à
Athènes, son disciple préféré, Timothée, se privant de
lui à un moment où sa présence lui était si néces-
saire. Ce qui l'a surtout déterminé à ce sacrifice, c'est
la nouvelle des persécutions suscitées contre les nou-
veaux fidèles. Une autre preuve de l'intérêt et de l'atta-
chement profond de l'Apôtre pour l'Église de Thessa-
lonique, c'est la joie vive qu'il a ressentie, quand,
tout récemment, Timothée, revenu de Macédoine, lui
a appris les dispositions admirables dans lesquelles
il a trouvé les fidèles de cette communauté, leur foi,
leur charité, le souvenir toujours vivace qu'ils gardent
de leur premier pasteur, le désir intense de le revoir.
Le tout s'achève par des prières et des vœux de
retour.
2. Partie parénétique. rv-v, 24. — Les préceptes
et les exhortations ne se suivent pas dans un ordre
strictement déterminé. On peut cependant les divi-
ser par groupes, d'après le thème général auquel
ils se rattachent. Dans le premier groupe d'avis, IV,
1-12, l'Apôtre, après avoir tracé l'idéal de la vie
chrétienne, insiste sur les vertus qui étaient plus par-
ticulièrement en péril dans une grande cité commer-
çante, comme Thessalonique, capitale de la Macé-
doine, port de mer très fréquenté par les navires
d'Occident et d'Orient. Il n'était pas superflu de
recommander par-dessus tout, en pareil milieu, la
pureté des mœurs et la probité dans les affaires. A pro-
pos de la charité fraternelle, précepte central du chris-
tianisme, il n'y a que des louanges à leur adresser
et des souhaits de persévérance dans cette voie
excellente.
Le second groupe d'avis, iv, 13-v, 11, vise la vigilance
chrétienne, mise en éveil par l'attente de la Parousie.
Ces conseils ont été provoqués par l'inquiétude des
fidèles au sujet des frères qui s'étaient endormis dans
le Seigneur, depuis le départ de saint Paul. On se
demandait avec anxiété s'ils auraient leur part dans le
royaume messianique, étant morts avant le grand jour
de son apparition. Paul rassure les néophytes et décrit
avec sobriété l'ordre dans lequel se passeront les der-
niers événements : la résurrection des morts, le départ
simultané des vivants et des ressuscites à la rencontre
du Christ dans les airs, pour juger le monde. Quant à
la date, il ne précise rien, se tenant dans le mot d'ordre
du Christ, qu'il fait sien : Veillez sans cesse, tenez-vous
prêts. De là, ses appels à une vigilance de tous les ins-
tants, comme le soldat sous les armes. Après cet aver-
tissement solennel, un dernier groupe de recomman-
dations de circonstance : le respect, l'affection envers
les chefs de la communauté, la paix, la concorde entre
fidèles, les spirituels reprenant avec douceur ceux qui
s'écartent de la voie tracée, le pardon des injures, la
bienveillance pour tous, le bon ordre dans les assem-
blées liturgiques, la pratique régulière des exercices
spirituels, surtout de la prophétie. Un vœu ou plutôt
une bénédiction complète ces divers conseils. L'Apôtre
prie Dieu de sanctifier les frères et de les préserver
intégralement de toute souillure.
c) Épilogue, v, 25-28. — C'est une sorte de post-scrip-
tum ajouté par Paul, de sa propre main. Il demande
aux frères de prier pour lui, de se saluer les uns les
autres par un saint baiser, de lire sa lettre en assem-
blée publique.
VII. Bibliographie. — 1° Au point de vue critique,
touchant la question d'authenticité contre l'origine
paulinienne : * Schrader, Der Ap. Paul, 1836, p. 1-58;
"L. de Wette Kurzgefassl. exeg. Hanclb. , 1841, t. n,
p. 3; *Baur, Ap. Paul, 2" édit., t. n, p. 94-107, 341-
369; "Van der Vies, De beide brieven aan de Th.,
Leyde, 1865; 'Holsten, Jahrb. fur prol. Theol., 1877,
p. 731; Steck, Ibid., 1883, p. 509-524. En sa faveur,
Lipsius, Theol. Stud. und Krit., 1854, p. 905-934;
'Hilgenfeld, Zeitschrift fur wiss. Theol., 1862, p. 225-
242; Von Soden, Theol. Stud. und Krit., 1885, p. 263-
310 ; * Monnet, Les Épîtres aux Thessaloniciens, Tou-
louse, 1889; "Hausrath, Neut. Zeitgesch., t. n, p. 254;
m, 198, 506; *0. Pfleiderer, Paulin., p. 38; "Bahnsen,
Jahrb. fur prol. Theol., 1880, p. 681 ; 'Weizsâcker,
Das Apost. Zeitaller, p. 258, 521; *H. Holtzmann,
Bibl. Lex., t. v, 1875, p. 499; Westrick, De echtheid
van den tweden brief. aan de Thess., 1891. — Parmi
les auteurs catholiques, voir Cornély, lntrod., t. iv,
p. 409-411; Jacquier, Hist. des livres du N. T.,
t. i, p. 84 sq.; Vigouroux-Brassac, Man. bibl., t. iv,
p. 185 sq.; Toussaint, Ép. de saint Paul, Leçons d'exé-
gèse, t. i, p. 95 et sq.
2» Au point de vue exégétique : S. Jean Chrysostome,
dont le commentaire homilétique est si particulière-
ment remarquable, t. lxh, col. 405; Théodore de
Mopsueste,t. Lxvi,col.931;Théodoret,t. lxxxii,co1.628,
*Pelt, 1830; "Olsbausen, 1840; * Baumgarten-Crusius,
1848; *Koch, 1849-1855; 'Lûnemann, dans la collection
Meyer, 1850, 1878; * Jowett, The Epistles of St. Paul to
the Thessalonicians, Galatians, Romans, 1856;*Elli-
cott, 1865 ; * Eadie, 1877 ; Hutchinson, 1883 ; * Riggenbach,
dans la collection Lange, 1864, 1884; "Reuss, Les
Épîtres pauliniennes , Paris, 1878; *P. Schmidt, Der
I Thess. Brief neu erklârt..., 1885; 'Cambridge Bible
for Schools d'Ellicott, Alford, Findlay; Lightfoot, A'oies
on Epistles of St. Paul, 1895; *W. Schmiedel, Hande.
z. N. T., 1892; chez les catholiques, Rôhm, 1885;
Panek, 1886; Schâfer 1890; Drach, Épîtres de saint
Paul, 1871; Padovani, In Epist. ad Thess., 1894;
Mg r Le Camus, L'œuvre des Apôtres, 1905, t. n,
p. 335 sq.; A. Prat, La théologie de saint Paul, 1. 1,
p. 104 sq.; Toussaint, op. cit., t. i, p.- 102-132.
3° Sur des points de détail : Field, pour l'exégèse de
il, 6; v, 4, Notes on Trans. of A'. T.; F. Zimmer,
Theol. Stud., 1891, explique n, 3-8; Askwilh, lntrod. to
2185
THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX)
2186
Thess. Ep., 1902; Findlay, Thessalonicians, 1904, App. i,
p. 170-180; Atzsberger, Die christ. Eschat., dans
Studien ûber Offenbarung in A. und N. Testamenle,
in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1890.
C. Toussaint.
THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE
AUX). — I. Importance. — Cette seconde lettre, moins
étendue que la première, ne lui est pas inférieure en
intérêt, au double point de vue du dogme et de l'his-
toire. Elle a surtout le mérite de la préciser et de la
compléter sur ce point difficile de la Parousie, quand
on veut se rendre un compte exact de ce qu'en pensait
l'Apôtre. Elle aide aussi, d'une certaine manière, à
éclaircir plusieurs passages de l'Apocalypse qui, sans
elle, resteraient enveloppés d'une impénétrable obscu-
rité. Le morceau capital de cette seconde Épître est
celui qui a trait à l'Antéchrist, personnage mystérieux
sur lequel les exégètes et les théologiens de tous les
temps ont épuisé leurs conjectures. On -admire avec
quelle sagesse l'Apôtre réprime les impatiences fié-
vreuses des premiers fidèles relatives aux théories
apocalyptiques qui avaient cours dans les communau-
tés chrétiennes. Pas un instant, il ne sort de la ligne
tracée par le Seigneur, basant ses prédictions sur les
paroles du Maître : incertitude du moment précis,
proximité de l'événement final, qui pourtant doit être
précédé de certains signes avant-coureurs : recru-
descence du mal, apparition de l'Antéchrist. Sans se
perdre dans des conjectures plus ou moins fondées,
qui frapperaient l'imagination et piqueraient la curio-
sité, saint Paul donne aux préoccupations eschatolo-
giques des fidèles une tournure pratique. La conclu-
sion, en cette matière, est perpétuellement la même :
se tenir prêt, par la pureté de conscience, à la
réapparition du Sauveur Jésus. A côté de ces pas-
sages célèbres sur la Parousie de l'Antéchrist, il y
en a d'autres moins en vue qui ont leur prix, tels
que ceux où se révèlent les règles du gouverne-
ment introduites par saint Paul dans les Églises,
pour y maintenir l'ordre et la discipline, n, 14; m, 4,
6, 10-15. A noter aussi le fameux f. 17 du chap. m,
qui nous apprend que l'Apôtre, pour prémunir ses
lettres de toute fraude apocryphe, écrit, de sa propre
main, quelque formule de salutation. Il dictait donc le
reste.
II. Ordre de succession. — Plusieurs critiques mo-
dernes (Ewald, Bunsen, Baur, Renan) regardent cette
lettre, classée d'ordinaire la seconde, comme ayant été
écrite la première. C'était déjà l'opinion de Grrotius,
qui, voulant identifier l'Antéchrist avec l'empereur
Caligula, mort en l'an 41, avait intérêt à faire remonter
aussi haut que possible la date de cette rjpitre. Ceux
qui ont reproduit son hypothèse l'ont fait pour des
raisons diverses : Ewald, parce qu'il place la rédaction
de notre lettre à Bérée, aussitôt après que Paul eut
quitté Thessalonique; Renan, parce que les Épîtres
pauliniennes ont été classées d'ordinaire par ordre de
longueur, et que celle-ci est plus courte que l'autre.
L'examen comparatif des deux Épîtres ne permet pas
un instant cette supposition, la deuxième Épître étant
en gradation marquée sur la première. Dans l'une en
effet, I Thess., I, 3, 6, 9, l'Apôtre loue l'empressement
des fidèles à recevoir l'Évangile; dans l'autre, II Thess.,
i, 3, il renforce ce premier éloge. Ici, I Thess., IV, 13,
l'un est tout préoccupé du sort des fidèles morts avant
la Parousie; là, II Thess., n, 2, c'est l'imminence du
retour du Seigneur qui agite les esprits, sans doute à
cause du nos qui vivimus, qui residui sumus, de la
lettre précédente. 1 Thess., iv, 14-16. De plus, les dé-
sordres, à peine insinués d'abord, I Thess., iv, 11,
deviennent dans cette lettre, II Thess., 6-12, l'objet
principal des recommandations pratiques de l'Apôtre,
qui ne se contente plus d'avertir, mais qui prend contre
les délinquants des mesures répressives. Enfin, le y. 14
du chapitre n coupe court à toute autre raison, puis-
qu'il mentionne explicitement une épître antérieure. On
pourrait, par surcroît, montrer la dépendance étroite
des deux lettres, et de quel côté se trouve la priorité,
en mettant en regard les passages suivants : I Thess.,
I, 3 = II Thess., i, 3 ; I Thess.,"i, 4 = II Thess., n, 13;
I Thess., i, 6 = 11 Thess., i, 4; I Thess., I, 8, 9 =
II Thess., I, 4; I Thess., Il, 6-9 = II Thess., ni, 9;
I Thess., Il, 12 =11 Thess., i, 5; I Thess., III, 2 =
II Thess., il, 17; I Thess., iv, 1, 10; v, 11 = II Thess.,
m, 4; I Thess., v, 9=11 Thess., il, 14; I Thess., v, 14,
15 = II Thess., m, 13.
III. Date et lieu de rédaction. — D'après les divers
indices que fournit l'Epitre elle-même, on ne peut
guère en séparer l'apparition de la première que par
un intervalle de quelques mois, par suite, la dater
de l'an 53 ou, tout au plus, du commencement de
l'an 54. Elle est certainement antérieure à l'an 70,
puisqu'elle suppose le Temple de Jérusalem encore de-
bout, n, 4; elle est écrite à Corinthe, en pleine activité
apostolique, quand saint Paul est aux prises avec les
difficultés de sa grandiose entreprise, m, 2, et que
Silas est encore à ses côtés, i, 1. L'état de l'Église de
Thessalonique n'est pas très différent de celui que
représentait la lettre précédente; c'est le même cou-
rage dans la persécution, i, 4, la même impatience de
la venue du Christ, n, 2, les mêmes désordres, aggravés
toutefois par la fièvre dans laquelle vivaient certains
fidèles, m, 6, 11-13, les mêmes conseils pratiques plus
fortement accentués, m, 11-12. De tous ces traits se
dégage cette conclusion : la seconde Épître aux Thessa-
loniciens ne doit pas être placée trop loin de la pre-
mière, assez cependant pour permettre à l'Apôtre
d'être renseigné sur elle par des messagers, àxoijo|j.ev,
m, 11, et aux abus de se produire sous une forme plus
-/caractérisée. La distance de six mois est généralement
adoptée comme s'harmonisant bien avec ces diverses
considérations.
IV. But et objet de l'Epitre. — Le thème principal
de la lettre en fait connaître l'origine et la fin. Il ressort
de la première missive de saint Paul aux fidèles de
Thessalonique, à quel point leur curiosité était inquiète
et pressante au sujet des événements de la fin du
monde. La réponse de l'Apôtre, loin de calmer leur
impatience, ne servit qu'à la stimuler davantage. Le
désir de hâter le moment de la grande manifestation du
Christ suggéra aux plus ardents de pieuses fraudes
pour prédire l'heure avec certitude. Ils allèrent jusqu.'à
alléguer de prétendues révélations d'en-haut, des
paroles et même une lettre faussement attribuées à
l'Apôtre, n, 2. Ce problème hantait les imaginations
et les exaltait vivement. Certains s'autorisaient de ces
prophéties à courte échéance pour renoncer au tra-
vail. Sous prétexte que le monde allait finir, on jugeait
inutile de continuer à s'occuper d'autre chose. Ces
chimériques espoirs favorisaient l'oisiveté et appau-
vrissaient la communauté, composée en majorité, ici
comme ailleurs, de gens de travail, vivant au jour le
jour. Saint Paul, mis au courant de la situation par
des frères venus de Macédoine, m, 11, se hâta d'y por-
ter remède. Il dicta cette seconde lettre, précisant da-
\antage ce qu'il leur avait écrit la première fois, tou-
chant les événements des derniers jours. D'abord, il
déclare que la date n'en est pas si rapprochée que le pré-
tendent les enthousiastes de Thessalonique. Avant qu'ar-
rive le retour du Seigneur, nombre de phénomènes et de
présages doivent se produire. Bien que proche et incer-
tain, le dernier jour du monde doitêtre précédé, suivant
la parole même du Maître, de signes avant-coureurs dont
le plus notable de tous sera la Parousie de l'Antéchrist.
Comme ce signe n'a pas encore paru, il y a lieu de
patienter et de se remettre au travail. Tels sont Ies'mo-
2187
THESSALONIGIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX)
2188
tifs qui ont amené l'Apôtre à parler assez longuement
de la personne et de la mission de l'Antéchrist. De là
aussi, la couleur apocalyptique de cette Épltre et la
raison pour laquelle on la met en parallèle avec les
prophéties de l'Apocalypse johannique.
V. Authenticité. — La tradition de l'Église a, sans
défaillance ni exception, tenu cette Jipilre comme ve-
nant de saint Paul. Les témoignages en sont nombreux.
La partie apocalyptique de la lettre avait attiré l'atten-
tion des premiers siècles et on y faisait de larges
emprunts. Saint Polycarpe, tout en se trompant sur
la lettre où il puisse sa citation, utilise sans doute
II Thess., m, 15, quand il écrit aux Philippiens, c. xi,
t. v, col. 1013-1014 : « Agissez avec modération, vous
aussi, en ceci (l'exercice de la discipline) et ne traitez
pas de tels hommes comme des ennemis, mais cherchez
à les regagner comme des membres malades et éga-
rés. «Dans les Dialogues de saint Justin, XXXII, c. x,
t. vi, col. 544, se lit une phrase qui rappelle visiblement
II Thess., il, 3 : « Lorsque l'homme d'apostasie, qui
prononce des choses orgueilleuses contre le Tout-
Puissant, se sera enhardi à faire sur la terre contre
nous, chrétiens, des choses iniques. » Certains termes :
'O avop.oç, tia-zapyr^ti, xptvet, de l'Epître dite de Bar-
nabe, écrit d'une haute antiquité, semblent venir de
la présente lettre. La Didaché, c. xvi, a une description
de l'homme du péché qui répète presque mot pour
mot celle de Thess., Il, 8, 12. La même reproduction
littérale se retrouve dans la Lettre des martyrs de Lyon
et de Vienne, conservée par Eusèbe, H.E., v, 1. A ces
raisons s'ajoute la présence de l'Épltre en cause dans
le recueil de Marcion, ce qui est toujours un signe très
apprécié d'authenticité paulinienne ; sa mention par le
canon de Muratori, son insertion dans la Vêtus llala
et la Peschito. — Quant aux preuves d'évidence interne,
elles se puisent surtout dans l'étroite intimité de forme
et de fond de cette seconde Épitre avec la première, sa
structure générale, sa phraséologie, mais, par-dessus
tout, sa manière élevée, concise et pratique avec
laquelle est traitée la théorie apocalyptique de l'Anté-
christ, manière qui contraste si singulièrement avec
les imaginations grotesques, plates et fantaisistes des
apocryphes qui ont abordé le même sujet. Pourtant, il
est peu d'Épîtres que la critique issue de Baur ait plus
obstinément refusé d'admettre. Les premiers doutes
relatifs à son origine remontent à Christian Schmidt,
1801, 1804, 1809, Schrader, Mayerhoff, Kern. L. de
Wette, qui les avait d'abord pris au sérieux, revint plus
tard, après les travaux de Guericke et de Reiche, aux
données traditionnelles. En 1839, Kern reprit l'attaque
avec une ardeur nouvelle. Baur adopta la thèse de
Kern, l'amplifia, l'enrichit d'arguments nouveaux qui,
avec certaines variantes, ont longtemps fait loi dans
son école, Cependant, ses disciples ont eu une attitude
différente envers l'une ou l'autre des deux Épîtres.
Tandis que certains, Wolkmar, Holsten, les re-
jettent en bloc, d'autres, Lipsius, Hilgenfeld, Weisse,
Pfleiderer, Weizsâcker, ne font de réserves que pour
la seconde. Il ne manque pas néanmoins de critiques
indépendants (Reuss, Sabatier, Weiss, Renan, Jûlicher),
pour déclarer que « les raisons par lesquelles on a
voulu attaquer les deux Epîtres aux Thessaloniciens
sont sans valeur. » Renan, Les Apôtres, p. xli. Quelques
auteurs, Schmidt, Davidson, Hase, prennent une po-
sition intermédiaire et tiennent cette présente lettre
pour le remaniement d'une courte Ëpttre de saint
Paul. Les objections les plus en vue gravitent presque
toutes autour de l'élément eschatologique, où l'on veut (
à toute force, voir un emprunt caractérisé au livre de
l'Apocalypse et, par suite, lui attribuer une origine
postpaulinienne. A cet effet, Holtzmann a relevé avec
soin, entre les deux écrits, les points de contact sui-
vants : 1" Y&voazama, II Thess., il, 3= Apoc, xm, 4,
8, 12, 14, 15; 2» l'attentat sacrilège et blasphématoire
de l'Antéchrist, qui veut se faire adorer dans le temple
même de Dieu, II Thess., H, 4 = Apoc, xm, 4, 8, 12,
14, 15; xix, 20; 3° la Parousie de Satan èv xàjr) Byvàp.ei
xa't OYin£;ovç xai TÉpanv J/euSo-jc;,IIThess.,Il,9 = Apoc,
xm, 2, 12-14; xvi, 13; xix, 20; 4» l'expression uloç Tri;
àinoXei'aç, II Thess., il, 3 = Apoc, xvn, 8-11 ; 5° le Rete-
nant, II Thess., il, 7, est à la fois un individu et un
être abstrait, n, 6, comme dans l'Apocalypse, xm, 1-8;
xvn, 11; 6° la même description du dernier jour,
àyyéXwv Suvà[/.eù)ç aù-roû, II Thess., i, 7 = Apoc, xix,
14; Tiûp floyài, II Thess., i, 8 = Apoc, xix, 12;
ô'XeBpo; aîtovtoç, II Thess., i,9=Apoc, xx, 10; 7» la fin
tragique de l'Antéchrist, II Thess., n, 8 = Apoc, xix,
15, 21. De tous ces traits communs, Holtzmann conclut
que la lettre a pour auteur un disciple de Paul qui a
voulu faire pénétrer l'eschatologie apocalyptique dans
l'intuition des Églises pauliniennes et réprimer les dé-
sordres qui venaient de l'attente fiévreuse de la Parou-
sie. Il aura rattaché son écrit à l'Église de Thessalonique
en raison d'une certaine analogie de sujet et, pour
donner plus de crédit à sa composition, il aura calqué
son style sur celui de la première lettre aux Thessalo-
niciens. De la sorte, notre Épitre aurait été écrite aux
alentours de l'an 70, plutôt après qu'avant. On ajoute à
ces raisons l'invraisemblance de lettres apocryphes
durant la vie de saint Paul, II Thess., n, 2, surtout la
distance qui sépare l'eschatologie de cette composition
d'avec celle des vraies Épitres. — Pour se défendre de ces
divers griefs, il suffit de remonter jusqu'aux sources
communes auxquelles l'apocalyptique chrétienne, tant
celle de saint Jean que celle de saint Paul, a puisé, en
grande partie, ses prédictions. On retrouvera dans
nombre de passages d'Isaïe, n, 10, 19,21; xi, 4; xlix, 3;
lxvi, 5, 14; de Jérémie, x, 25; d'Ézéchiel, xxvm, 27;
surtout de Daniel, vu, 25; ix, 27; xi, 36; dans le second
Livre d'Esdras, v, 1; les Psaumes de Salomon, xvn,
13, 20; les oracles Sibyllins, m, 60; l'Apocalypse de
Baruch, xl; l'Ascension d'Isaïe, IV, la plupart des
images, parfois même des mots qui ont servi aux au-
teurs du Nouveau Testament à décrire les événements
des derniers jours, sans qu'il soit nécessaire d'établir
entre ces mêmes écrivains une dépendance de fond ou
de forme. En réalité, ils ne font que reproduire, à peu
de chose prés, la même tradition, souvent dans les
mêmes termes. Ici et là, cependant, émerge un trait
original. Tel, par exemple, le personnage mystérieux
que Paul décrit sous le nom de « Retenant » et qui
manque dans le livre de l'Apocalypse. On conviendra,
d'autre part, que l'apocalyptique chrétienne de cette
Épitre, mise en parallèle avec celle de saint Jean, est
extraordinairement sobre en symboles et en descrip-
tions et qu'elle se rapproche beaucoup plus, par là, de
l'eschatologie des grandes Epitres de saint Paul. Les
différences qu'on a voulu établir entre l'enseignement
habituel de l'Apôtre et celui de cette lettre n'ont rien de
fondé. Si la partie eschatologijue y est prépondérante
et en plus forte proportion que dans les autres Epitres,
cela tient uniquement aux circonstances qui en ont
déterminé la rédaction. Voudrait-on que l'Apôtre ait
dû répéter le même thème dans tous ses écrits .
D'ailleurs, une excellente pierre de touche pour discer-
ner l'authenticité de cette seconde lettre aux Thessa-
loniciens, c'est son harmonie parfaite avec la première.
En les comparant, on se rend compte qu'elles se com-
plètent et s'enchaînent. C'est le passage relatif au sort
de ceux qui sont morts avant la Parousie, qui a surexcité ,
au lieu de la calmer, la curiosité inquiète des fidèles
de Thessalonique, et spécialement la célèbre phrase,
iv, 15, nos qui vivimus, qui residui sumus, qui aura
été interprétée, par les plus exaltés, dans le sens d'une
Parousie imminente, devant arriver dans un très bref
délai. Au milieu de cette effervescence, quelques-uns
2189
THESSALONICIENS (DEUXIÈME ËPITRE AUX)
2190
seront allés jusqu'à appuyer leur opinion par de pré-
tendues lettres venues de l'Apôtre. De pareils procédés
n'ont rien pour surprendre, quand on connaît la
psychologie des foules mises en fièvre par l'exaltation.
La précaution de m, 17, justifiée par ce qui était arrivé
(il, 2, ]yr\iz 8t* ÈTttffToXïic, 'jjç St' ritiwv) n'est donc pas un
artifice d'auteur apocryphe, mais un fait qui cadre avec
la situation générale reflétée par l'Épttre. En résumé,
la partie adverse n'apporte ni dans l'ensemble, ni dans
le détail, aucun poids de raisons assez solides et assez
cohérentes pour mettre en doute l'opinion tradition-
nelle. Spitta, dans un travail qui ne manque ni de
perspicacité ni de profonde analyse, Zur Gesch. und
Lilt. des Urchristenthums, t. i, p. 111-154, a voulu
prendre entre les deux camps une position intermé-
diaire. Il suppose que Paul, au lieu de dicter cette
lettre comme il en avait l'habitude, en aura laissé la
rédaction à Timothée. Celui-ci rappellerait même
expressément, dans un certain endroit de l'Épître, u,
5, l'enseignement eschatologique qu'il avait donné à
Thessalonique, lors de sa dernière visite. La note de
m, 17, serait la signature de l'Apôtre, faisant sienne la
lettre de son disciple. Ainsi disparaîtraient les diver-
gences de doctrine et de style que l'opposition met en
avant contre l'attribution de cet écrit à l'apôtre saint
Paul. Mais il ne semble pas nécessaire de recourir à
une hypothèse qui n'est, après tout, qu'un expédient,
surtout quand, après un examen attentif, on voit
s'évanouir ces prétendues différences d'idées et de
mots. Au reste, conçoit-on l'apôtre ratifiant une doc-
trine étrangère à la sienne et peut-on admettre que
Timothée ait eu, même en eschatologie, une autre
théologie que celle de son maître? Ne vaut-il pas mieux,
rejetant toutes ces suppositions plus ou moins gra-
tuites, s'en tenir à ce qu'a pensé, sur ce sujet, la
tradition primitive?
VI. Intégrité. — Quelques auteurs, Schmidt, David-
son, Hase, frappés de la façon dont le passage eschato-
logique, u, 1-12, tranche sur le reste de la lettre, ont
cru à une interpolation. La partie authentique, ne
comprendrait que i, 1-4 + n, 1, 2 + u, 13 à m, 18.
Cette insertion daterait de l'an 69. Elle aurait été pro-
voquée par les événements tragiques de cette période
si troublée. Hausrath, au contraire, pense que le
passage en question, u, 1-12, est le seul noyau pauli-
nien de cette composition apocryphe, le reste ayant été
emprunté à la première Epître aux Thessaloniciens. Il
est bon de dire qu'aucun manuscrit n'appuie ces
conjectures et que les preuves d'authenticité de l'Épître
suffisent à les contredire. Cf. Clémen, Die Einheitlich-
keit der Paul. Briefe, p. 17-18.
VII. Analyse. — /. Le prologue, i, 1-12, remplit tout
le chapitre I er . Sous l'adresse, i, 1-2, figurent encore les
noms de Paul, Silas et Timothée. L'action de grâces,
i, 3-12, renfermée dans une seule phrase, longue et
embarrassée, contient trois idées principales, un éloge
flatteur pour les progrès en foi et en charité de la
vaillante communauté, une mention spéciale de leur
patience, de leur fidélité au- milieu de persécutions
sans fin, de leur courage qui remplit d'admiration les
fcglises voisines, sans doute celles de Philippes, deBé rée
et de Corinthe; enfin, les vœux et les prières que
l'Apôtre offre à Dieu pour qu'il achève leur œuvre en
eux, les amènent à ce point de perfection et de foi qui
leur fasse mériter les honneurs de la glorification
suprême, le jour de la venue du Seigneur.
il. corps de l'Épître. u, I-iii, 15. — Il renferme
deux parties : l'une dogmatique, l'autre morale.
a) Partie dogmatique. — Le thème essentiel se con-
centre sur l'apparition de l'Antéchrist, qui doit être le
signe précuseur le plus marquant de l'inauguration du
royaume messianique. Jusque-là, il faut se tenir tran-
quille. Quand l'Antéchrist apparaîtra, il sera encore
temps de prévoir le retour du Seigneur. L'Apôtre avait
dit ces choses de vive voix, mais les Thessaloniciens
l'avaient mal compris. Dans leur impatience de voir
arriver la catastrophe finale qui, pour eux, serait le com-
mencement de la récompense, ces bons fidèles croyaient
l'époque de la Parousie très rapprochée. Il y avait, dans
leurs assemblées liturgiques, des discours prophétiques
où l'on annonçait la proximité imminente de ces événe-
ments. On interprétait dans ce sens certaines paroles
qu'on disait tenir de l'apôtre lui-même. Il circulait des
lettres censées écrites par Paul pour appuyer ces inter-
prétations individuelles, IV, 2. L'Apôtre rappelle briève-
ment ce qu'il avait prêché touchant ce sujet délicat.
L'avènement du Christ n'est pas aussi proche qu'on le
prétend : il doit être précédé d'un fait très important qui
ne saurait passer inaperçu, t la grande apostasie n,
c'est-à-dire un débordement inouï d'impiété et de cor-
ruption. Le personnage qui concentre en lui ce flot
d'iniquités est comme l'incarnation du péché, une
sorte de Messie de Satan, qui essaie d'anéantir l'œuvre
du Christ. Il a toutes les audaces. Il s'élève au-dessus
de tout ce qui se nomme Dieu, se donnant lui-même
pour Dieu et osant se faire adorer jusque dans le
Temple. Il paraît déjà exister au moment où saint Paul
écrit, puisque, si une force mystérieuse ne le retenait,
il ferait irruption dans le monde, f. 7. Déjà se fait
jour la recrudescence de mal et d'abominations qui,
avec l'Antéchrist — c'est le nom que l'Apocalypse
donnera à cet être étrange — arrivera à son maximum
d'intensité. A cette heure seulement, cet ennemi de
Dieu fera son entrée dans le monde. Il sera l'agent de
Satan, son organe, accomplissant toutes sortes de
miracles et de prodiges pour séduire les hommes, f. 9.
Mais soudain éclatera la Parousie du Seigneur Jésus.
Le Sauveur n'aura qu'à paraître pour anéantir son
adversaire par le souffle de sa bouche, f. 8. Ainsi l'inau-
guration du royaume messianique aura pour prélude
la ruine définitive du royaume de Satan par la défaite
de l'Antéchrist, qui était son fondé de pouvoir.
L'Apôtre achève son apocalypse, en bénissant Dieu de
ce que ses lecteurs ont été mis, par la foi à l'Evangile
et par le Saint-Esprit, à l'abri de la défection univer-
selle et des séductions de l'Antéchrist. Il les engage,
en conséquence, à tenir ferme cet Évangile qui doit
être la cause de leur salut, et à garder intacte la doctrine
qu'ils ont reçue de lui, soit de vive voix, soit par lettre,
J. 13. En finissant, il souhaite que Notre-Seigneur Jésus-
Christ et Dieu le Père achèvent de les affermir dans le
bien, jp. 15.
b) Partie morale, m, 1-15. — C'est une suite d'avis très
courts, donnés au courant de la plume. L'apôtre com-
mence par demander les prières des Thessaloniciens
pour que le succès de sa parole, à Corinthe, égale celui
qu'elle a eu parmi eux, et afin que Dieu le protège
contre les embûches de ses adversaires, f. 1-2. Il
exprime ensuite la confiance qu'il a en leur fidélité,
sur d'avance qu'ils suivront la voie qu'il leur a tracée,
t. 3-5. Arrivant maintenant à l'abus qui s'était glissé
dans l'Église de Thessalonique, il prescrit aux frères
de faire rentrer dans l'ordre ceux qui, sous prétexte
d'une Parousie imminente, avaient abandonné le tra-
vail et se faisaient nourrir aux frais de la communauté,
jl. 6-11. Saint Paul rappelle, à ce propos, l'exemple
qu'il leur a donné lui-même, en travaillant de ses
propres mains, afin de n'être à charge à personne. Les
« spirituels » s'efforceront de ramener au devoir les
égarés, dussent-ils, pour cela, les priver, pour un temps,
de la vie commune et les amener, par ce moyen, à
résipiscence, ji. 12-15.
m. épilogcb. m, 16-18. — La lettre s'achève par
un vœu, 1. 16, et la salutation autographe de l'Apôtre,
t. 17.
VIII. Bibliographie. — 1» Pour la question de l'au-
2191 THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX) — THESSALONIQUE 2192
thenticité, chez les catholiques, les principaux défen-
seurs sont : Cornely, Introd., t. iv, p. 408; Jacquier,
Hist. des livres du N. T., 1. 1, p. 94; Vigouroux-Brassac,
Man. bibl., t. iv, p. 195 ; Belser, Einl., 2 e édit., p. 437-444 ;
Toussaint, Epit. de saint Paul, 1. 1, p. 133-145. Contre :
J. C. Schmidt, Biblioth. fur Krit. und Exeg., 1881.
p. 380 sq.; Einleilung iris N. T., 1804, 1818, p. 256;
de Wette, Einleitung, 1826, p. 225, dans les trois pre-
mières éditions; il change d'opinion dès la 4 e édition,
1855, p. 141-168; Kern, Tûbing. Zeitsch. fur kirchl.
Wiss., 1839, H, 145-214; Baur, Ap. Paul., t. i, p. 480-492;
t. il, 94-107; Tûbing. Theol. Jahrb., 1855, p. 141-168;
Hilgenfeld, Zeitsch. fur wiss. Theol., 1862, p. 242-264;
VanManen, Echth.vanll ÏVi.,Utrecht, 1865 ; Michelsen,
Theologisch Tidjschrift, 1876, p. 70-82; 1877, p. 222;
Bahnsen, Jahrb. fur protest. Theol., 1880, p. 681-705;
Spitta, Offenb. des Joh., 1889, p. 497-500; Der II Brief
an die Thess., p. 109-154, dans Zur Gesch. und Litt.
des Urchrist., 1893, t. i; Sehmiedel, Handcommentar,
p. 7-11; H. Holtzmann, Theolog. l.iteraturzeitung,
1880, p. 26; Hilgenfeld, Zeitsch. fur wiss. Theol., 1891,
p. 233. Tous ces auteurs sont protestants. Parmi eux,
ont défendu l'authenticité : Reiche, Aulhenlia posle-
rioris ad Th. epistolœ, 1829; Pelt, Theol. Mitarbeiten,
1841, t. Il, p. 74-125; Grimm, Theol. Stud. und Krit.,
1850, p. 753-816; Schneckenburger, Jahrb. fur deutsch.
Theol., 1859, p. 405-467; Bernhardt Weiss, Stud.
und Krit., 1869, p. 7-29; Westrik, .De echtheid van.
11 Thess., Utrecht, 1879; Klôpper, Der II Brief an die
Thess., dans Theol. Stud. undSkizzen aus Ostpreussen,
t. n, 1889, p. 73-140; Jûlicher, Einleitung, 1900, p. 42-
51; Zahn, Einl., 1900, p. 160-162; Moffatt, Historical
N. T., p. 142-148; Bôrnemann, Meyers Comment, zum
N. T. — 2° Pour l'exégèse, les commentaires mentionnés
dansla bibliographie de la I™ Épitre auxThessaloniciens.
— 3° Pour l'interprétation du texte esehatologique, i, 1-
10. Chez les Pères : S. Irénée, Cont. hier., v, 25,
28, t. vin, col. 1189-1192, 1198; Tertullien, De resur.
carn., 24, t. n, col. 874-877; S. Cyrille de Jérusalem,
Catech., xv, 9-17, t. xxxm, col. 881-893; S. Jérôme,
Epist. ad Algasiam, cxxi, II, t. xxii, col. 1035-1038;
S. Augustin, De civil. Dei, xx, 19, t. xli, col. 685-687.
Chez les modernes, Bousset, Der Antéchrist, 1895;
Labauche, Leçons de théol. dogm., t. I, p. 337, 410;
Findlay, Thessalonicians, 1904, en appendice; F. Prat,
Théol. de S. Paul, t. i, p. 118. Voir aussi Antéchrist,
t. i, col. 658. C. Toussaint.
THESSALONIQUE (grec : ©euoaXov™,)), ville de
Macédoine, aujourd'hui Saloniki (fig. 484). Elle est, de
nos jours, la cité la plus importante de la Turquie
d'Europe après Constantinople. — 1" On croit que son
nom lui fut donné par Cassandre, fils d'Antipater, en
l'honneur de sa femme Thessalonique, fille de
Philippe I er , roi de Macédoine Elle s'appelait aupara-
vant Therma, d'où le nom de Thermaïque donné autre-
fois au golfe au fond duquel elle s'élève. Cassandre la
rebâtit et l'agrandit. Elle tomba au pouvoir des Ro-
mains après la bataille de Pydna et devint le chef-lieu
de la seconde des quatre divisions de la Macédoine.
Tite-Live, xliv, 10, 45; xlv, 29. Elle était dans tout
l'éclat de sa prospérité quand saint Paul y arriva par
la via Lgnatia, une des plus notables voies romaines,
qui reliait la capitale de l'Empire aux pays situés au
nord de la mer Egée. Thessalonique en était la station
principale, le centre d'un commerce très considérable.
C'était un lieu très propice pour la prédication de
l'Evangile, qui devait rayonner de là dans toute la con-
trée, et l'Apôtre devait y trouver une synagogue pour y
commencer, selon sa coutume, son enseignement au
milieu de ses compatriotes. Lorsqu'il y entra pour la
première fois, « Thessalonique se trouvait coupée en
long, de l'ouest à l'est, par la voie Egnatia. Les deux
points par lesquels celle-ci abordait et quittait la ville
sont encore faciles S retrouver, marqués qu'ils furent
par deux monuments bien connus, l'arc triomphal
d'Octave, sous lequel on passait en arrivant de Pella,
et, au levant, l'arc de Constantin, par où entraient les
voyageurs venant d'Apollonia et d'Amphipolis. De ces
deux édifices, le premier (fig. 485) existait quand
Paul vint dans la métropole macédonienne. Bien
qu'on n'en ait pas de preuve décisive, tout porte à
croire qu'il avait été érigé en souvenir de la bataille
de Philippes. » lia été démoli, il y a peu d'années, par
un entrepreneur en quête de matériaux de construc-
tion. E. Le Camus, Les sept Églises, p. 291-292. La
synagogue où prêcha l'Apôtre n'existe pas non plus.
Tant de choses ont changé en ces lieux, dans le cours
des siècles, quoique le site soit resté également mer-
veilleux! Thessalonique est toujours une ville floris-
sante, riche et populeuse. Bâtie en amphithéâtre, comme
Gênes, elle monte du bord de la mer sur les pentes de
la colline qui, au nord, « vers les sommets du Kurtiah,
484. — Monnaie de Thessalonique.
Tête de Néron, à gauche. KAISAP NEPQN ïEBASTOS. —
^. Aigle tenant une palme dans ses serres. Au-dessous, dans
le champ, eESSAAHMKAlQN.
forme un quadrilatère que domine l'Eptapurghion,
ou la citadelle. Seule la partie des fortifications qui
longeait jadis le port a été détruite pour faire place à
des quais, où une fourmilière humaine crie et s'agite
de grand matin. Les sveltes minarets et les graves
coupoles, les maisons échafaudées régulièrement et
d'où émergent des arbres..., les remparts en zigzag,
semblables à de longs escaliers de marbre blanc,
quelques cyprès gigantesques, se dressant çà et là dans
la partie haute, qui est le quartier turc, les teintes
claires et variées des constructions nouvelles alter-
nant avec la note dure et sombre des vieux édifices,
tout contribue à donner au paysage... un aspect fée-
rique » (fig. 486). E. Le Camus, Les sept Églises de
l'Apocalypse, p. 280.
2° Saint Paul à Thessalonique. — Les Juifs s'y
étaient établis de bonne heure et les Actes, xvn, 1,
remarquent qu'il y avait une synagogue. C'est là que
l'Apôtre se rendit tout d'abord « selon sa coutume »,
dit le texte, v, 2; il y prêcha aussitôt l'Évangile pen-
dant trois sabbats et opéra quelques conversions parmi
les Juils. Beaucoup de Gentils et des femmes influentes
embrassèrent la foi. Ses succès irritèrent ceux de ses
anciens coreligionnaires qui ne se laissaient pas tou-
cher par sa parole, et il eut beaucoup à en souffrir
avec ses néophytes, in tribulatione multa. I Thess.,
1, 6. On excita contre lui ce .qu'il y avait de pire dans
la ville. Act., xvn, 5. Une foule ameutée alla pour
s'emparer de lui, dans la maison de Jason, qui lui ser-
vait sans doute de résidence, et, ne le trouvant pas, elle
emmena de force Jason et quelques chrétiens avec lui
devant les magistrats de la ville, appelés dans le texte
grec, du nom local de leur dignité, jtoAivâpxa;, ]f. 8.
Voir Politarque, col. 505. Elle les accusa de mettre le
trouble dans la ville, et sans doute parce que l'Apôtre
avait parlé du « royaume » de Jésus, cf. I Thess., il,
12, de violer les « décrets de César, soutenant qu'il y a
2193
THESSALONIQUE — THISBE
2194
un autre roi, Jésus, ■» f. 7-8; les politarques, ayant reçu
caution (t<> txavrfv) de Jason et des autres chrétiens, les
remirent en liberté, mais, la nuit suivante, pour laisser
calmer l'orage, Paul et son compagnon Silas quittèrent
la ville et partirent pour Bérée, f. 10.
Ces événements se passèrent pendant le second
voyage de missions de saint Paul. Il dut visiter de
nouveau Thessalonique pendant son troisième voyage de
missions, où fut comprise la Macédoine, Act., XX, 1-4,
et peut-être aussi plus tard, après sa première capti-
vité à Rome, pour réaliser son désir de revoir les
THERAS (hébreu : fîrâs; Septante : ©eîpaç), le der-
nier fils de Japhet.Gen.,x, 2. D'après Josèphe, Ànt.jud.,
I,vi, 1, les Targumistes et d'autres anciens, S. Jérôme,
Qussst. in Gen., x, 2, t. xxm, col. 950, il fut le père des
Thraces; d'après quelques autres, des Perses. Les
Thraces sont apparentés aux Gètes et ces derniers, aux
Daces. Strabon, VII, iv, 13.
THIRATHIM (hébreu : Tir 'âtîtn; Septante :©«pva-
8ii[i), famille de scribes qui résidait à Jabès.I Par.,n,
55. La Vulgate a traduit leurnom par Canentes, «chan-
48Ô. — Are d'Auguste (porte de Vardar). D'après Cousinery, Voyage dans la Macédoine, 1831, _t. i, p. 25.
chrétientés de ce pays. Phil., i, 25-26; n, 24; I Tim.,
1,3; II Tim.,iv, 13;Tit., m, 12.
Plusieurs chrétiens de Thessalonique sont nommés
dans le Nouveau Testament : Jason, voir Jason 5, t. m,
col. 1141; Aristarque, t. i, col. 963; Démas, t. n,
col. 1358, qui se retira dans cette ville; Gaïus, proba-
blement, voir Gaïus 1, t. m, col. 44; Secundus, t. v,
col. 1556.
3° Voir abbé Belley, Observations sur l'histoire el
sur les monuments de la ville de Thessalonique, dans
l'Histoire de l'Académie des inscriptions, Paris, 1777,
t. xxxviii, 1, p. 121-146; G. L. Frid. Tafel, De Thes-
salonica ejusque agro, in-8°, Berlin, 1839; E.-M. Cou-
sinery, Voyage dans la Macédoine,ï in-4°, Paris, 1831
(avec planches), t. i, p. 23-56 ; S. Gopcevic, Macédo-
nien, in-4°, Vienne, 1889, p. 41-74 (avec planches et
gravures). F. ViGOUROUx.
THILON (hébreu : Tôlôn (chethib); Tîlôn (keri);
Septante : 'Ivâ>v; Alexandrimis : 0i),(iv), le dernier
nommé des fils de Simon, de la tribu de Juda. I Par.,
iv, 20.
tant ■». Le passage où sont nommés les Thiratites est
tout à fait obscur.
THIRIA (hébreu : Tïryâ' ; Septante : ©iptà), fils de
Jaléléel, descendant de Caleb, fils de Jéphoné, de la
tribu de Juda. I Par., rv, 16.
THISBÉ (Septante : ©iogy;), ville de Nephthali,
mentionnée dans le texte grec du livre de Tobie, i, 2.
D'après ce texte, c'est de là que Tobie fut emmené en
captivité. La situation en est inconnue. Le grec dit que
Thisbé est à droite, c'est-à-dire au sud, « de Cydros de
Nephthali, en Galilée, au-dessus d'Aser. » Cydros parait
être une altération de Cadès de Nephthali. Plusieurs
savants, comme Ad. Reland, Palsestina, in-4», 1714,
ont pensé que le prophète Élie était originaire de Thisbé
de Nephthali, et que c'était pour cette raison qu'il était
surnommé le Thesbite. D'autres pensent qu'il était
Galaadite d'origine, parce qu'il habitait le pays de
Galaad, dit III Reg., xvll, 1, la première fois qu'il le
nomme, mais il pouvait y avoir résidé sans en être ori-
ginaire. Les Septante traduisent, 111 Reg., xvn, 1 :
2195
THISBÉ — THOLA
2196
'HXtoî 6 itpof r,Tï)5 0£ixët'Tï)ç 6 ix ©ecrë&v Tri; TaXaiiS. On
ne connaît pas cependant de Thisbé ou Thesbé en
Galaad.
THOBADONIAS (hébreu : Tôb 'Adônîyâh; Sep-
tante : TiflëaétDVtaç), un des lévites que Josaphat envoya
dans les villes de Juda pour enseigner au peuple la
loi de Moïse. II Par. , xvn, 8. Comme les deux lévites
nommés avant Thobadonias sont appelés Adonias
et Thobias et que la forme Tôb 'Adônîyâh est insolite,
celle-ci peut n'être qu'une répétition et une contrac-
phétie contre Gog, il énumère parmi les troupes de
son armée, avec les soldats de Gomer, ceux de Tho-
gorma, xxxvm, 6. On identifie généralement le pays de
Thogorma avec l'Arménie. — Plusieurs assyriologues
placent aujourd'hui Thogorma à l'est de l' Asie-Mineure.
Saint Jérôme, Qusest. in Gen., x, 3, t. mil, col. 951,
identifie Thogorma avec la Phrygie. Voir Arménie, 1. 1,
col. 1003.
THOHU (hébreu : Tôhû; Septante : @oxl; Alexan-
drinus : ©ooO), un des ancêtres du prophète Samuel,
486. — Vue de Salonique.
tion des deux noms précédents, due à une erreur de
copiste.
THOBIAS (hébreu : Tôbîyûhâ; Septante: Tuâs'a.;),
un des trois lévites envoyés par Josaphat dans les villes
de Juda pour instruire le peuple. II Par., xvii, 8.
THOCHEN (hébreu : Tôkén; Septante : ©oxxa;
Alexandrinus : 0oy_x« v )> vu ' e de Siméon, nommée
seulement I Par., IV, 32. Dans la liste correspondante,
Jos., xix, 7, Thochen n'y figure pas. Les Septante
ajoutent cependant ©ïl^i entre Remmon et Athar, ce
qui a fait penser à plusieurs critiques que Thochen
était mentionnée dans quelques manuscrits hébreux
ou bien, comme le croient certains autres, que 0a),x<x
était là pour Télem.
THOGORMA (hébreu : Tôgarmàh; Septante : ©op-
•yafiâ), fils de Gomer et petit-fils de Japhet. Gen., x,
3. — Ézéchiel, xxvn, 14; xxxvm, 6, parle du commerce
que faisait de son temps Thogorma avec les Tyriens, à
qui il vendait ses chevaux, xxvll, 14, et dans sa pro-
fils de Suph, et père d'Éliu ou Éliel, de la tribu de
Lévi. I Sam. (Reg.), i, 1; I Par., vi, 34.
THOLA (hébreu : J'ôlâ'; Septante : ©coXâ), nom de
deux Israélites.
1. THOLA, fils aîné d'Issachar, père de la famille
des Tholaïtes, qui, du temps de David, comprenait
vingt-deux mille six cents vaillants soldats. Gen., xlvi,
13; Num., xxvi, 23; I Par., vu, 1, 2.
2. THOLA, juge d'Israël. D'après l'hébreu, il était
« fils de Phua, fils de Dodo, homme d'Issachar. » Les
Septante et la Vulgate ont pris l'hébreu dôdô comme
substantif commun, « oncle », et traduit : « Thola, fils
de Phua, (son) oncle paternel (d'Abimélech, dit la
Vulgate), homme d'Issachar. » Il habitait à Samir, dans
la montagne d'Éphraïm, et il fut enseveli dans cette ville,
après avoir jugé Israël pendant vingt-trois ans. S'il
s'agit d'Abimélech, fils de Gédéon, il était de la tribu
de Manassé, non d'Issachar. La leçon de la Vulgate ne
serait donc pas exacte. Thola jugea Israël après Abi-
2197
THOLA
THOMAS
2198
mélech, fils de Gédéon, mais le texte hébreu ne dit pas
qu'il fut son successeur.
THOLAD (hébreu : fôlâd; Septante : @ouXa(i;
Alexandrinus : ©a>Xà8), ville de Siméon. I Par., IV,
29. Elle avait appartenu d'abord à Juda. Dans Josué,
xv, 30; xix, 4, elle est appelée Eltholad. Site inconnu.
Voir Eltholad, t. ir, col. 1707.
THOLMAÏ, nom de deux personnes dans l'Écriture.
1. THOLMAÏ (hébreu: Talmaï; Septante : ©eXapiî,
Ôa/.anc, ©oX[ii)j un des n ' s d'Enac, qui habitaient
Hébron (Cariath Arbé). Num., xm, 22. Galeb, fils de
Jéphoné, de la tribu de Juda, extermina les enfants
d'Énac et s'empara de la ville. Jos., xv, 14; cf. Jud.,
i, 10.
2. THOLMAÏ (hébreu : Talmaï; Septante : ©o>[/.t,
@oX|iai; Alexandrinus : ©oÀ^eî, @oÀo|ia'f, ©o>.|j.at), fils
d'Ammiud, roi de Gessur. II Sam. (Reg.), xm, 37. La
Vulgate écrit son nom Tholomaï, dans ce passage,
tandis qu'elle l'écrit Tholmaï, II Sam. (Reg.), m, 3, et
I Par., m, 2, où Tholmaï est nommé comme père de
Maacha, une des femmes de David et mère d'Absalom.
C'est auprès de lui que se réfugia son petit-fils, après
avoir fait tuer son frère Amnon pour venger sa sœur
Thamar. Voir Thamar 2, col. 2144.
THOLOMAÏ, orthographe du nom de Tholmaï, roi
de Gessur, dans la Vulgate. II Sam., xm, 37. Voir
Tholmaï 2.
THOLUCK Frédéric-Auguste-Gottreu, théologien
protestant allemand, né à Breslau, le 30 mars 1799,
mort le 10 juin 1877. Après une enfance malheureuse,
tourmentée par les tracasseries de la seconde femme de
son père, et après une jeunesse agitée par l'incrédulité,
il devint l'adversaire du rationalisme et un prédicateur
très apprécié. En 1821, il fut privat-docent à l'Univer-
sité de Berlin, en 1822, docteur en philosophie d'Iéna,
en 1823, professeur extraordinaire, en 1825, professeur
de théologie à l'Université de Halle. La collection de
ses œuvres a paru à Gotha, 11 in-8», 1862-1873, ses
Vermischte Schriften, 1839; 2 e édition abrégée, 1867.
Parmi ses écrits, on peut signaler : Commentai- zum
Brief an die Rômer, 1824; 5 e édil., 1856; Commentai'
zum Johannes Evangelium, 1827; 7 e édit., 1857; Bas
Alte Testament in Neuen Testament, 1836; 6 e édit.,
1872; Die Glaubwùrdigkeit der evangelischen Ge-
schichte, zugleich eine Kritik des Lebens Jesu von
Strauss, 1837 (Essai sur la crédibilité de l'histoire
évangélique, en réponse au D T Strauss, traduction
abrégée et annotée, par l'abbé H. de Valroger, in-8°,
Paris, Lecoffre, 1847). Le P. de Valroger a aussi publié
une Introduction historique et critique aux livres du
Nouveau Testament, par Reithmayr, Hug, Tholuck, etc.,
traduite et annotée par H. de Valroger, 4 in-8°, Paris,
1861. — Voir L. Witte, Dos Leben Tholûck's, 2 in-8°,
Bielefeld et Leipzig, 1884-1886.
1. THOMAS (Nouveau Testament, Su>(iàt), un des
douze Apôtres (fig. 487), saint Jean, xi, 16; xxi, 2,
explique son nom araméen comme signifiant « jumeau » ,
i Xe-fo^evoî AiSu^oç. Les auteurs des anciens livres
apocryphes chrétiens, à cause de cette circonstance, ont
imaginé diverses fables pour savoir quel était son
jumeau. On lui donna pour sœur jumelle Lysia ou
Lydia. Voir Chronic. pasch., IX, t. xcil, col. 1076. Les
Homélies clémentines, hom. Il, 1, Pair, gr., t. n,
col. 77, disent que Thomas avait un frère jumeau qui
est appelé Éliézer. Dans les Actes apocryphes qui por-
tent son nom, ainsi que dans la Doctrina Apostolorum,
il est appelé lui-même (t Judas Thomas ». Eusèbe,
//. E., i, 6, t. xx, col. 126, dans l'histoire d'Abgar
d'Édesse, cite un fragment où il est désigné ainsi :
'Io - j5aç ô xoci 0w|j.âç.
Les synoptiques se contentent de mentionner saint
Thomas dans le catalogue apostolique. Matth., x, 3;
Marc, m, 18; Luc, vi, 15; Ac't., i, 3. Saint Jean nous
a conservé trois épisodes qui mettent en plein relief
487. — Saint Thomas. D'après Raphaël.
Dans les représentations de cet apôtre qui ne sont pas anté-
rieures au XIII e siècle, il a l'équerre pour attribut, parce qu'il
est le patron des architectes et des maçons. Mrs Jameson,
Sacred and legendary art, in-8°, Londres, 1850, p. 147.
son caractère : 1" Quand les autres Apôtres s'efforcent
en vain de dissuader Jésus d'aller à Béthanie: « Allons
aussi et mourons avec lui, » Joa., xi, 16, leur dit-il,
montrant ainsi son dévouement au divin Maître. —
2» Il voulait se rendre compte de l'enseignement du
Sauveur et le bien comprendre. Aussi, quand, à la der-
nière Cène, Jésus dit aux siens qu'il va leur préparer une
place auprès de son Père et qu'ils en connaissent le
chemin, Thomas l'interrompt : « Seigneur, nous ne
savons pas où vous allez, comment pouvons-nous con-
naître le chemin? » Joa., xv, 14. — 3" La passion fut
pour lui un coup terrible. 11 ne se sépara point des
autres Apôtres, Joa., xx, 25, mais quand ils lui racon-
tèrent qu'ils avaient vu, en son absence, Jésus ressus-
cité, f. 24, il ne se rendit pas à leur témoignage et dé-
clara que, pour être convaincu, il lui faudrait toucher
lui-même les plaies du Crucifié. 11 devait fournir ainsi
aux générations à venir une preuve incontestable de la
2199
THOMAS — THUYA
2200
réalité de la résurrection. Huit jours après, le Sauveur
apparut de nouveau aux disciples assemblés et, cette
fois, Thomas était présent. Jésus entra au milieu
d'eux, les portes fermées, et, s'adressant à Thomas, il
lui dit, en lui montrant ses mains percées, et en répon-
dant mot pour mot aux paroles de l'apôtre incrédule :
« Introduis ton doigt ici et vois mes mains ; approche
aussi ta main et mets-la dans mon côté; et ne sois pas
incrédule, mais fidèle. » Thomas toucha-t-il les cica-
trices du Sauveur? Le texte sacré ne le dit pas, mais
l'apôtre, rempli d'admiration et de foi, s'écrie :
« Mon Seigneur et mon Dieu ! » Le divin Maître tira la
conclusion de cette scène : « Parce que tu m'as vu,
Thomas, tu as cru : heureux ceux qui n'ont pas vu et
qui ont cru! » Joa., xx, 26-29. Plus nobis Thomse infi-
delitas ad (idem, quam fides credentium discipulo-
rum profuit, dit saint Grégoire le Grand, Rom. xxvi in
Evang.,1, t. lxxvi, col. 1201.
Après cette scène, le nom de saint Thomas n'appa-
raît plus que deux fois dans le Nouveau Testament :
1° dans le récit de la pêche miraculeuse, à laquelle il
prit part avec Pierre, Nathanaël, les fils de Zébédée, et
deux autres disciples, Joa., xxl, 2, et 2° dans l'énumé-
ration des Apôtres réunis au Cénacle, après l'Ascension
de Notre-Seigneur. Act., i, 13.
Après la dispersion des Apôtres, saint Thomas porta
l'Évangile chez les Parthes, d'après Eusèbe, H. E.,
III, 1, t. xx, col. 216; Socrate, H. E., i, 19, t. lxvii,
col. 125; Recognit., ix, 29, Pair, gr., t. i, col. 1415,
et aussi en Perse, d'après saint Jérôme, De vit. Apo-
stol., 5, t. xxm, col. 721. Il fut enterré à Édesse.
Rufin, H. E., m, 5, t. xxi, col. 513; Socrate, H. E.,
IV, 18, t. lxvii, col. 504. Saint Jean Chrysostome,
tiom. xxvi in Heb., 2, t. lxiii, col. 179, mentionne
son tombeau comme l'une des quatre tombes aposto-
liques connues, les trois autres étant celles de saint
Pierre, de saint Paul et de saint Jean. Une autre tra-
dition lui fait prêcher ]a foi et souffrir le martyre
dans l'Inde. S. Grégoire de Nazianze, Orat. xxxm ad
Arian., 11, t. xxxvi, col. 228; Pseudo-Dorothée de Tyr,
Patr. gr., t. xcn, 7, col. 1072; Nicéphore, H.E.,n, 40,
t. cxlv, col. 851. L'apostolat de saint Thomas dans
l'Inde est mentionné dans une inscription d'Oodeypure,
près de Sagur, dans l'Inde orientale. Voir Beilage zur
Allgemeinen Zeitung, 8 janvier 1900, p. 7. Les chrétiens
de l'Inde, connus sous le nom de chrétiens de saint
Thomas, qui habitent le Malabar et appartiennent à
l'Église syrienne, considèrent cet apôtre comme leur
fondateur, mais ils paraissent tirer leur origine d'un
missionnaire nestorien appeléThomas. — L'Église latine
célèbre la fête desaintThomasle21 décembre et l'Église
grecque, le 6 octobre. Le Bréviaire romain, au 21 dé-
cembre, le fait mourir martyr dans l'Inde, à Calamine. —
Plusieurs écrits apocryphes portent son nom ou racontent
ses actes. Voir Acta Thomœ (llpaÇet;, De miraculis
B. Thomas, Passio S. Thomse), recensuit Max Bonnet,
in-8°, Leipzig, 1883 ; W. Wrgiht, Apoci-yphal Acts of
the Apostles, from Syriac manuscripts, 2 in-8°,
Londres, 1871; S. C. Malan, The con/licts of the holy
Apostles, an apocryphal book of the early Eastern
Church, in-18, Londres, 1871; R. A. Lipsius, Die Apo-
kryphen Aposielgeschichlen, in-8», Brunswick, 1883-
1890, t. i, p. 225-347. ■ F. Vigouroux.
2. THOMAS (ACTES DE SAINT). Voir Actes apo-
cryphes des Apôtres, 1. 1, col. 160-161.
3. THOMAS (APOCALYPSE DE SAINT). Voir APO-
CALYPSES APOCRYPHES, 6, t. i, col. 766.
4. THOMAS (ÉVANGILE DE SAINT). Sur cet évan-
gile apocryphe, voir Évangiles apocryphes, 4, t. n,
col. 2116.
THOPHEL (hébreu : Tôfél; Septante.: Toçé).), lo-
calité située à l'est de la Palestine. Voir carte du pays
de Moab, t. iv, col. 1146. Elle est nommée, Deut., i, 1,
pour déterminer l'endroit où Moïse résuma dans un
discours l'histoire d'Israël au désert. C'est le Tafiléh
actuel, situé sur l'ouadi du même nom, qui coule dans
la direction nord-ouest, vers le Ghôr, au sud-est de la
mer Morte. Ed. Robinson, Biblical researches in Pa-
lestine, 2 e édit., 1856, t. n, p. 167. Thophel est dans une
région très fertile et bien arrosée, où abondent les arbres
fruitiers. L'identification de Thophel avec Tafiléh n'est
cependant pas universellement acceptée.
THOPO (grec : Ts:pwv), ville fortifiée par Bacchide,
pendant les guerres contre les Machabées. I Mach., IX,
50. Elle était située en Judée, avec les autres villes qui
sont nommées en même temps. C'est peut-être Beththa-
phua, aujourd'hui Taffouh, à cinq kilomètres à l'ouest
d'Hébron. Voir Beththaphua, t. i, col. 1750.
THORA, nom hébreu du livre de la loi de Moïse.
Voir Pentateuque, col. 51.
TH OS AiTE (hébreu : fial-Tisî; Septante : ô ®w<rai').
I Par., XI, 45. Joha, fils de Samri, et frère de Jédihel,
un des vaillants soldats de David, est appelé le Tho-
saïte.On ne saurait déterminer si ce qualificatif désigne
sa famille ou sa patrie, l'une et l'autre étant également
inconnues.
THOÙ (hébreu : Tô'û; Septante : ©ovoJ, Il Sam.
(Reg.), vin, 9-10; dans I Par., xvm, 9-10, Jô'û; &u>i),
roi d'Émath, sur l'Oronte. Il avait été en guerre avec
Adarézer, roi de Soba, et quand David eut battu ce
dernier, Thoû envoya ses félicitations au roi d'Israël
par son fils Joram ou Adoram, avec des vases d'or,
d'argent et d'airain qu'il lui offrit en présents.
THRACE (grec : ®p3£), originaire de la Thrace.
Un cavalier thrace est mentionné dans II Mach.,xn, 35,
comme ayant sauvé la'vie du gouverneur de l'Idumée,
Gorgias, dans une bataille contre Judas Machabée, vers
163 avant notre ère, sous le régne du roi de Syrie
Antiochus IV Épiphane. La Thrace, à cette époque, com-
prenait la Bulgarie et la Roumélie de nos jours.
THUBAL (hébreu : Tûbal, Tubal; Septante :
©6ês)i), fils de Japhet. Gen., x, 2; I Par., i, 5. De lui
descendirent les Tibaréniens, peuple dont nous trou-
vons le nom dans Hérodote, m, 94; vu, 78, et qui
habitait à l'est de Thermodon, dans les montagnes du
sud-est de la mer Noire. Il est plusieurs fois mentionné
dans les inscriptions assyriennes. Eb. Schrader,
Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 155.
Isaïe, lxvi, 19,1e nomme, avecMèsech et Javan, parmi
les peuples éloignés. Ézéchiel, xxvii, 13, le montre
comme faisant avec Tyr le commerce des esclaves et
des vases de cuivre; xxxii, 26, il signale les adversités
qui l'ont frappé; xxxvm, 2, 3, et xxxix, 1, il l'énumère
parmi les alliés de Gog.
THiIMMI M (hébreu : Tummîm ; Septante : SïJJ.oktlç;
Vulgate : doctrina). Exod., xxviii, 30. Voir Urim et
Thummim.
THUYA (Apoc. : |ii).ov Sdt'vov; Vulgate : lignum thyi-
num), bois précieux.
I. Description. — C'est le bois de Citre des anciens
Romains, qui l'employaient à fabriquer des objets
d'ébénisterie de luxe; il est formé par une conifère de
l'Afrique septentrionale, le Thuya articulata, devenu
Callitris quadrivalvis de Ventenat (fig. 488). Ce nou-
veau genre diffère surtout par les écailles de son fruit,
2201
THUYA — THYATIRE
2202
qui sont verticillées parqualre, au lieu d'être opposées.
Les feuilles sont aplanies etsubulées sur les jeunes ra-
meaux; plus tard, sur les branches adultes, elles de-
viennent fortement apprimées-soudées et squamiformes,
paraissant verticillées, mais réellement opposées-décus-
sées et inégales deux à deux. Le fruit est un strobile
pointu, de la grosseur d'une noisette, formé par quatre
écailles cordiformes, un peu inégales, concaves en
dehors, brièvement mucronulées au-dessous du sommet,
recouvrant six graines irrégulièrement coniques, bor-
dées de chaque côté d'une aile membraneuse.
L'arbre atteint rarement plus de six mètres de hauteur,
ramifié dès la base, puis formant une cime pyramidale
ou même dilatée en parasol. Les ramules terminaux
sont articulés, comprimés et presque dichotomes. Il
forme un élément très important des massifs boisés de
l'Algérie, sur les coteaux d'altitude moyenne. De végé-
tation lente, il a un bois dense, blanc dans l'aubier,
488. — Thuya articulata.
rouge-brun vers le cœur, doué d'une odeur caractéris-
tique, et imprégné de résine sandaraque. Son grain fin
et homogène, lourd et presque indestructible, le rend
propre à une foule d'usages : il fournit en outre un
charbon de bonne qualité. Mais ce sont surtout les
broussins souterrains, provoqués sur les souches par
les incendies dus aux pasteurs arabes, qui fournissent
à l'ébénisterie un bois de placage de nuances riches et
finement moucheté (fig. 489). F. Hv.
II. Exégèse. — Le £û).ov 6i5ïvov, lignum thyinum,
n'est mentionné que dans l'Apocalypse, xvm, 12. Il
figure parmi les produits précieux que la Babylone
symbolique ou Rome recevait de l'étranger : à côté des
marchandises d'or, d'argent, de pourpre, on voit le
bois de thuya. Les auteurs grecs et latins parlent sou-
vent de ce bois, qu'ils appellent titre. Pline, dans son
H. N., xui, 29, 30, donne une longue description de
ce bois, de ses qualités, de ses emplois. Il cite les
tables les plus célèbres, fabriquées avec ses racines.
« On conserve encore aujourd'hui la table de Cicéron,
payée malgré sa fortune médiocre un million de ses-
terces (210000 fr.). On cite aussi celle d'Asinius Gallus,
qui coûta 1100000 sesterces (231000 fr.). Un incendie
a consumé récemment une table qui venait de Céthé-
gus et qui fut vendue 1400000 sesterces (294000 fr.).
La plus grande table qu'on eût encore vue est celle de
Ptolémée, roi de Mauritanie : elle était faite de deux
demi-circonférences réunies ensemble; elle avait quatre
pieds et demi de diamètre et trois pouces d'épaisseur;
et l'art, en cachant la jointure, avait rendu cette table
plus belle que si elle avait été naturellement d'une seule
pièce. La plus grande d'une seule pièce est la table de
Nomius, affranchi de l'empereur Tibère : elle a quatre
439. — Coupe de bois.
pieds moins trois quarts de pouce, et elle est épaisse
de six pouces environ. Ce qui sert à faire les tables est
un nœud de la racine; on estime surtout les nœuds qui
ont été tout entiers sous la terre... Le principal mérite
de ces tables, c'est d'avoir des veines disposées en che-
veux crêpés ou en petits tourbillons. Dans la première
disposition, les veines courent en long : tables tigrées;
dans la seconde, elles reviennent surelles-mèmes : tables
panthérines. Il y en a encore à ondulations crêpées, re-
cherchées surtout si elles imitent les yeux de la queue du
paon. . . Pour toutes, la qualité prééminente est la nuance ;
la nuance de vin miellé avec des veines brillantes est au
premier rang. Après la couleur, c'est Ja grandeur qu'on
prise : on veut des troncs entiers et plus d'un dans
une seule table. » Pline, H. N., xin, 29, 30. Le bois
est très odorant. On faisait venir ce bois de la région
de l'Atlas, ou encore de la province de Grenade, Strabon,
XVI, m, 4; 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amster-
dam, 1748, t. n, p. 22-29. — La Vulgate, dans III Keg.,
x, 11, 12, et dans le passage parallèle, II Par., IX, 10, 11,
traduit par thuya le mot hébreu algûmîm. 11 s'agit du
bois de Santal. Voir t. v, col. 1468.
E. Levesque.
THYATIRE (Nouveau Testament : ©udtTeipa), ville
de Lydie (fig. 490), aujourd'hui .A fc Hissar dans la vallée
490. — Monnaie de Ttayatïre.
Néron lauré à droite. NEPQN KAAVd KAIcAP CEBA. r). Hache
bipenne. erATEIPHNQN.
du Lycus. — ■. 1° Séleucus Nicator, roi de Syrie, y établit
une colonie de Macédoniens entre 301 et 281 avant notre
ère. La ville existait sans doute auparavant, mais c'est
alors qu'elle commença à prendre de l'importance
et à devenir le centre d'un commerce florissant. Elle
rendait un culte au soleil, ■npoxxrcop 8eoç "HXioç IIûOioç
T-jptp.vaîo; 'AnoXXwv (Clerc, De rébus Thyat., 1893,
p. 71), comme on le voit par ses inscriptions et par
ses monnaies. Les colons macédoniens, sous les rois
2203
THYATIRE — THYRSE
2204
Séleucides, puis les rois de Pergame et les Romains
s'appliquèrent à en faire une cité commerçante et riche.
Elle est en plaine, ce qui est une exception assez rare
dans ces contrées, et cette plaine se distingue par sa
fertilité. Elle produit de riches moissons et on y cul-
tive la vigne. Deux bosquets de cyprès encadrent Thya-
tire à l'est et à l'ouest (fig. 491). On n'y voit point de
ruines d'anciens monuments, mais on y trouve encore
les industries anciennes qui l'avaient enrichie, en par-
ticulier la tannerie et la teinturerie. La teinturerie des
étoffes en rouge se faisait au moyen de la garance. La
découverte de l'aniline fait disparaître cette industrie
d'Ak Hissar. CXerc, De reb. Thyatir., p. 93. Une despre-
christianisme mêlé d'éléments disparates et idolâtriques.
Les nombreuses inscriptions qu'on a trouvées à Thya-
tire montrent que la population de cette ville était
très mélangée, Latins, Grecs, Orientaux, et la nouvelle
Jézabel, qui se donnait pour prophétesse, aurait altéré
la foi en la dénaturant par des éléments idolâtriques.
— Voir de Peysonnel, consul de France à Smyme,
Observations historiques et géographiques sur les
peuples barbares qui ont habité sur les bords du Da-
nube et du Pont-Euxin, suivies d'un voyage à Magné-
sie, à Thyatire, etc., Paris, 1675; Ferd. Stosch, Anti-
quitatum Thyatirenarum libri duo, Zwollse, 1763;
M. Clerc, De rébus Thyatirenorum commentatio
491. — Thyatire, d'après une photographie.
mières chrétiennes de Thyatire, Lydie, que saint Paul
convertit à Philippes, Act., xvi, 14, 40, était wopçvipô-
ictoXi;, « marchande de pourpre ». Voir Lydie 1, t. iv,
col. 447. Ce fut elle peut-être qui, de retour dans sa
patrie, y travailla à la propagation du christianisme.
2» Lorsque saint Jean écrivit son Apocalypse, quelques
années plus tard, le nombre des chrétiens s'était mul-
tiplié à Thyatire. L'apôtre loue leurs œuvres et leur
foi, mais il leur reproche d'écouter Jézabel, qui se
donne pour prophétesse et qui les entraine à la forni-
cation et à l'usage des viandes consacrées aux idoles,
et il les menace de châtiments. Apoc, H, 18-25. On
admet généralement que le nom de Jézabel esl ici
symbolique, par allusion à l'impie Jézabel, femme
d'Achab, roi d'Israël. D'après les uns, c'est la sibylle
Sambatha, qui avait en dehors de la ville un sanc-
tuaire dont l'enceinte s'appelait « le péribole du Chal-
déen », et qui était d'origine chaldëenne, perse ou
juive. Suidas, voce Sambatha; alien, Hist. var., xii,
36. Dans ce cas, elle serait la personnification d'une
secte analogue à celle des nicolaïtes. D'après d'autres,
c'était un personnage individuel, qui enseignait un
epigraphica, in-8", Paris, 1893; E. Schùrer, Die
Prophetin Isabel in Thyatira, dans les Theologische
Abhandlungen, "in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1892,
p. 39-57.
THYRSE (grec : Mpo-oç; Vulgate : thyrsus), bâton
surmonté d'une pomme de pin, ou d'un bouquet de
lierre ou de feuilles de vigne, que l'on portait dans
les fêtes de Bacchus (fig. 492). Cf. Horace, Od., h, 19,
8; Stace, Theb., ix, 614. C'était primitivement une
lance dont la pointe était entourée d'une pomme de
pin 'ou de feuillages. — A une fête célébrée pour rem-
placer celle des Tabernacles, les Juifs compagnons de
Judas Machabée portaient des thyrses, des rameaux
verts et des palmes. II Mach., x, 7. Les thyrses dé-
signent ici le lûlâbou le 'étrôg (cédrat), t. H, fig. 117,
col. 373, qu'on tenait en main pendant les fêtes des
Tabernacles. Voir Tabernacles (Fête des), col. 1961.
Dans sa description de la fête juive, Plutarque, Sym-
pos., IV, VI, 2, parle aussi de Oupuoçôpta, « port de
thyrses », parce qu'il ne connaissait pas les termes hé-
breux correspondants. . H. Lesêtre.
2205
TIARE — TIBÉRIADE
2206
TIARE (hébreu : iebûlîm, misnéféf, pe'êr, sânîf;
Septante : xiêapit, pfrpa; Vulgate : liara, mitra, cida-
ris, diadema, corona, vitta), espèce de coiffure. —
1° La tiare est la coiffure d'Aaron. Elle est faite de lin.
Exod., xxvm, 4, 39; xxix, 6; xxxix, 28. Elle avait la
forme d'une espèce de turban. Voir t. III, fig. 64,
col. 296. Elle est appelée misnéféf ou pe'êr. Zacharie,
m, 5, lui donne le nom de sânîf. — 2° Le prince
d'Israël porte aussi le misnéfép. Ezsch., xxi, 31. Le
pe'êr est encore le (urban des Israélites, Ezech.,xxiv,
492, — Thyrses romains.
Celui de gauche porte un bouquet de feuilles de vigne; celui
du milieu, une pomme de pin; celui de droite, des feuille» de
lierre.
17, 23, celui du fiancé, Is., lxi, 10, et la coiffure des
femmes élégantes. Is., m, 20. Ces dernières mettent
aussi le sdnîf, Is., m, 23, et les nomades le portaient
au désert. Job, xxix, 14. Les turbans que coiffaient les
Chaldéens s'appelaient des tebûlîm. Ezech., xxm, 15.
Les versions donnent le nom de « tiare» au pelas, qui
se portait à Babjlone et était une pièce de vêtement
plutôt qu'une coiffure. Dan., m, 21. Les mêmes noms
servent ainsi à désigner des coiffures analogues de
forme, mais sans doute différentes par la richesse et
les ornements. Voir Mitre, t. iv, col. 1135.
H. Lesêtre.
Tl BÈRE (grec : Tt6ipioc), le second empereur ro-
main. Il régna seul de l'an 14 à l'an 37 de notre ère,
mais il avait été associé par Auguste au gouvernement
dans l'Évangile, Luc, m, 1, mais il est désigné plu-
sieurs fois indirectement. C'est sous son gouvernement
que Notre-Seigneur accomplit son ministère public et
que les Apôtres commencèrent à prêcher le christia-
nisme en Palestine. Jean-Baptiste inaugura son minis-
tère « sous Tibère César, la quinzième année de son
gouvernement. » Luc, m, 1. De savants chronologistes
pensent que, dans cette date de la quinzième année de
son règne, lévangéliste compte les années pendant
lesquelles Tibère fut associé à Auguste dans l'adminis-
tration de l'empire. Tibère n'exerça seul le pouvoir que
l'an 14, mais il avait été appelé à partager l'autorité
avec le mari de sa mère quelque temps auparavant, à
493. — Monnaie de Tibère.
Tibère lauré, à droite, ti. caesar divi aug. f. avgvstvs.
r^. Livie assise tenant une palme, maxim. pontif.
de l'empire, quelque temps auparavant, à une époque
dont la date précise est incertaine. Sa mère était Livie,
qui l'avait eu de son premier mari, Tibère Claudius
Néron. Elle épousa plus tard l'empereur Auguste et
c'est grâce à ce' mariage que son fils devint empereur.
Il était né à Rome,lel6 novembre de l'an 45 avant l'ère
chrétienne et il avait 55 ans quand il devint empereur
(fig. 493). Il s'était déjà distingué dans plusieurs
guerres, Horace avait célébré ses exploits et ceux de
son frère Drusus, Carrn., IV, 4, 14, et il s'était acquis la
réputation d'un orateur de mérite et d'un administra-
teur de talent. Toutes ses qualités s'éclipsèrent dès
qu'il eut atteint le pouvoir suprême; il se montra dis-
solu, cruel, despotique, dissimulé, et abandonna le
gouvernement aux mains des plus indignes favoris. Il
mourut à 78 ans, après un règne de vingt-trois.
Tibère (fig. 494) n'est nommé qu'une fois par son nom
494. — Buste de l'empereur Tibère. Musée du Louvre.
une époque qui n'est pas certaine, en l'an 11, disent
les uns, en l'an 13, disent les autres. Sur ses monnaies,
son règne date de Tan 765 de Rome, an 12 de notre
ère. Il est le César auquel font allusion les passages de
saint Matthieu, XX, 17, 21; de saint Marc, xii, 14, 16, 17;
de saint Luc, xx, 22, 24, 25 ; xxm, 2 ; de saint Jean, xix, 12,
15. II était encore à la tête de l'empire, lorsque eut lieu
la conversion de saint Paul et le commencement de sa
prédication.' C'est lui qui avait nommé Ponce-Pilate
procurateur de la Judée. Son ami Hérode Antipas bâtit
en son honneur Sa ville à laquelle il donna Je nom de
Tibériade.
1. TIBÉRIADE (Nouveau Testament : Ti'geptiç),
ville de Palestine (fig. 495), sur les bords du lac auquel
elle a donné son nom.
1° Elle fut fondée par Hérode Antipas, qui lui donna
ce nom en l'honneur de l'empereur Tibère, entre Tan
20 et l'an 30 de notre ère, à peu de distance, un mille
environ, au nord des bains chauds d'Emmaiïs, le
Hammath de Josué, xix, 35. Il fallut déplacer une né-
cropole, probablement celle de Hammath, pour avoir
largement la place nécessaire à la construction de la
405. — Vue de TiberUde.
2209
TIBÉRIADE — TIBÉRIADE (LAC DE)
2210
nouvelle ville, et pour ne pas exposer les habitants aux
impuretés légales que pouvait leur faire contracter
la présence de ces tombeaux. Cette circonstance éloigna
d'abord les Juifs de la cité naissante. « Elle fut peuplée
d'abord, dit Josèphe, Ant, jud., XVIII, h, 3, au moyen
de toutes sortes d'étrangers et aussi d'un grand nombre
de Galiléens. Beaucoup d'habitants de la contrée appar-
tenant à Hérode y furent également transplantés de force.
Parmi ceux-ci, quelques-uns étaient revêtus de dignités.
Mais il admit pareillement avec eux un ramassis de
pauvres et même de gens dont la condition libre n'était
pas suffisamment établie. Il leur accorda des immunités
et les combla de bienfaits. Il leur fit construire des
maisons à ses frais et leur donna des terres, à la con-
dition de ne jamais quitter Tibériade, car il savait qu'il
répugnait aux Juifs d'habiter cette ville, parce qu'on
avait dû enlever beaucoup de tombeaux sur l'emplace-
ment où on la bâtit, ce qui, d'après nos lois, rendait
ceux qui devaient l'occuper impurs pendant sept jours. »
Cette répugnance ne persévéra pas et, dans la suite,
elle devint pour les Juifs une ville privilégiée. Hérode
Antipas l'embellit avec soin et y résida lui-même dans
un palais, qu'il orna de représentations animées, con-
trairement à la loi mosaïque, et qui fut livré plus tard aux
flammes. Josèphe, Vita, 12. —Au moment de la révolte
contre la domination romaine, Tibériade ouvrit ses
portes à Vespasien. Les Juifs, après la ruine de Jéru-
salem, obtinrent l'autorisation d'y résider et reçurent
même certains privilèges, ayant seuls le droit d'habiter
la ville, à l'exclusion des païens, des Samaritains et des
chrétiens. Le grand sanhédrin, après avoir séjourné
quelque temps à Jamnia, puis à Sepphoris, s'établit à
Tibériade, et il s'y fonda une école talmudique célèbre,
qui fut illustrée par plusieurs rabbins de grande répu-
tation. C'est là que fut rédigée la Mischna du Talmud
de Jérusalem et élaborée la Massore. Le rabbin qui
aida saint Jérôme à traduire les Paralipomènes était de
Tibériade. Pair, lat., Vita, ix,3, t. xxii, col. 30.
2» Notre-Seigueur n'entra jamais à Tibériade; du
moins les Évangiles ne le disent pas. Une grande partie
de sa vie publique se passa à l'extrémité septentrionale
du lac et il le traversa souvent, mais c'est à peine si la
ville est nommée trois fois dans saint Jean, vi, 1, 23;
xxi, 1, deux fois, non à cause d'elle-même, mais comme
donnant son nom au lac, et une fois, xvi, 23, ponr
marquer l'endroit d'où sont parties les barques qui ar-
rivent près du lieu où s'est opéré le miracle de la mul-
tiplication des pains. Les autres Évangélistes désignent
le lac sous le nom de mer de Génésareth ou mer de Ga-
lilée. Voir Tibériade (Lac de) 2. On s'est demandé
pourquoi le Sauveur avait ainsi évité la ville de Tibé-
riade. C'est sans doute parce qu'elle était considérée
comme impure par les Juifs fidèles et aussi parce qu'elle
était le séjour ordinaire d' Hérode, le meurtrier de saint
Jean-Baptiste. Saint Luc, xxm, 8, nous apprend que
ce roi, malgré son désir, n'avait jamais vu Jésus, avant
que Pilate le lui eût envoyé.
2. TIBÉRIADE (LAC OK) (grec : r, MAtmn ttjc Ti6t-
ptâîoç), lac de Palestine. Saint Jean, xxi, 1; cf. vi,
1, est le seul écrivain sacré qui ait désigné ce
lac, ou, comme il l'appelle, cette « mer», sous le nom
de Tibériade, sans doute parce que, écrivant loin de la
. Palestine, ce nom était plus familier que le nom indi-
gène à ceux qui n'habitaient pas la Terre Sainte, à
l'époqne où il écrivait. Saint Luc l'appelle « lac »,
\l\u\v rewïjaapift, v, 1, 2; cf. vni, 23, tandis que tous
les autres auteurs sacrés le désignent par l'appellation
sémitique de « mer ■». Voir Lac, t. iv, col. 7. Il est
aussi le seul qui le nomme « de Génésareth ». L'auteur
de I Mach., xi, 67, emploie la dénomination analogue
xo û$up rtvvrpâç, aqua Genesar. Saint Matthieu, iv,
18; saint Marc, vu, 31; cf. Joa.,vi,i, l'appellent « mer
DtCT. OR LA BIBI E
de Galilée ». Dans les Nombres, xxxrv, 11, et Josu é,
xni, 27, c'est « la mer de Cènéreth » ou « de Cénéroth «.
Jos., xn, 3. Voir Cènéreth 2, t. h, col. 420.
1° Description. — Le lac de Tibdriade (voir carte,
t. m, col. 88) forme un ovale long de 21 kilomètres du
nord au sud et large de 9 kilomètres et demi. L'extré-
mité nord est un peu plus arrondie que celle du sud.
Son niveau est de 212 mètres au-dessous de la Médi-
terranée. En hiver et au printemps, les pluies peuvent
le faire élever de plus de deux mètres. Le bassin du
lac parait avoir été formé par la rupture nord-sud qui
s'est produite dans les couches crétacées formant les
montagnes environnantes, au moment où se sont sou-
levés les filons de basalte de la rive occidentale et les
masses volcaniques du Ojolan, vers la fin de l'époque
tertiaire. Vu des hauteurs qui le dominent en venant
de Nazareth, le lac apparaît scintillant au soleil comme
une immense coupe d'argent liquide; vue de près, l'eau
du lac est ordinairement d'un beau bleu. Pendant les
orages, qui n'y sont pas très rares et sont fort dange-
reux, l'eau prend une couleur violet foncé. Le soir elle
reflète le bleu du ciel et a l'éclat du saphir. La profon-
deur du lac est en moyenne de 50 à 70 mètres; à l'en-
trée du lac, on voit les indigènes passer à pied d'une
rive à l'autre, à la barre qui s'est produite à la ren-
contre des eaux du fleuve avec celles du lac. Vers le
milieu du grand bassin nord, la profondeur est de plus
de 250 mètres. On ne trouve dans le fond ni algues ni
conferves, mais un grand nombre de diatomées. Les
poissons y abondent et servent à l'alimentation des gens
de Tibériade, et même de Nazareth, où on les tran-
sporte, surtout au moment des pèlerinages. On les prend
surtout à l'épervier, à l'embouchure du Jourdain, au
nord du lac, et à Ain Tabagha, à l'endroit où le Ain se
jette dans le lac, d'après le témoignage des indigènes
qui jettent là leurs filets pour faire jouir les pèlerins du
spectacle. Le lac est si peuplé qu'on y prend fréquem-
ment des poissons par milliers. Quelques-uns sont très
remarquables, comme le Clarias macracanthus qui se
traîne comme un serpent, le Chromi» Simonis, ou pois-
son de saint Pierre. Voir Poisson, fig. 113, 114, col. 486,
497. «c L'eau du lac de Tibériade est désagréable A boire
a cause de son odeur marécageuse; elle est fade, quoi-
qu'elle laisse cependant dans la gorge un arrière-goût
légèrement saumâtre. » L. Lortet, La Syrie, p. 512.
2« Le lac de Tibériade dan» l'Écriture, — Il occupe
peu de place dans l'Ancien Testament, où il n'est
guère nommé qu'en passant, pour marquer une limite,
Num., xxxiv, 11 ; Jos., xii, 3; xm, 27, et l'endroit où
campa une fois Jonathas Machabée. I Mach., xi,67.
Mais l'Évangile lui a donné un reiletde gloire incom-
parable : c'est le lac de Noire-Seigneur, le lac qu'il a
sillonné bien des fois avec ses Apôtres, où il semble
qu'on le voit encore, comme un reste de lui-même, qu'il
nous a laissé, relique précieuse, après son ascension.
C'est là qu'il a travaillé à la formation et a l'instruction
de ses disciples, c'est là qu'il a opéré des miracles et
calmé d'un mot ses dangereux orages qui soufflent
avec violence des gorges occidentales d'Arbèle et sou-
lèvent les flots avec fureur. Matlh., vin, 24; xiv, 24;
Marc, iv, 37; vi, 48; Luc, vin, 23; Jm., vi, 18. Wilson,
Recovery of Jérusalem, in-8 4 , Londres, 1871, p. 340,
décrit ainsi une de ces tempêtes : « Des tempêtes sou-
daines, comme celles mentionnées dans le Nouveau
Testament, ne sont pas rares. J'eus une excellente
occasion d'observer l'une d'entre elles, des ruines de
Gamala, sur les collines orientales. La matinée était déli-
cieuse; une brise agréable soufflait de l'est; pas le
moindre nuage dans le ciel ne faisait prévoir ce qui
allait arriver. Soudain, vers midi, éclata un coup de
tonnerre lointain, et un petit nuage, « pas plus grand
« qu'une main d'homme, » se leva sur les hauteurs de
Lubiéh à l'occident. En très peu de temps, le nuage
V. - 70
2211
TIBÉRIADE (LAC DE) — TIGRE
2212
grandit et roula en grandes masses noires, descendant
des collines vers le lac, et plongeant dans une obscurité
complète le Thabor et Hattin. A ce moment, la brise
cessa; il y eut quelques minutes de calme complet,
pendant lequelle soleil brilla, éclatant, et la surface du
lac fut égale et unie comme un miroir; Tibériade,
Medjdel et d'autres constructions se dessinaient en
plein relief en avant du fond ténébreux qui s'étendait
derrière, mais elles disparurent bientôt au regard quand
les grondements du tonnerre les dépassèrent et que la
tempête, s'avançant rapidement sur le lac, transforma
ses eaux tranquilles en une nappe blanche d'écume.
Elle atteignit promptement les ruines, me chassant avec
mon compagnon et nous obligeant de nous réfugier
dans une citerne, où nous fûmes emprisonnés pendant
près d'une heure, entendant les grondements roulants
du tonnerre et des torrents de pluie. La moitié du lac
était tranquille et en repos, pendant que l'autre était
toute bouleversée de façon sauvage et offrait un spec-
tacle saisissant. Malheur à la barque légère qui aurait
été surprise au milieu du lac par cette tourmente. Nous
ne pouvions nous empêcher dépenser à cet événement
mémorable où la tempête est décrite d'une façon si
vivante, comme « tombant » sur le lac.» Matth. vm,
24-26.
Le lac de Tibériade, par sa situation et la dépression
de terrain où il se trouve, était isolé des grandes voies
de communication de l'antiquité. Les Égyptiens quand ils
allaient en Syrie ou dans l'Asie antérieure, les Assyro-
Chaldéens quand ils descendaient sur les bords du Nil,
longeaient la Méditerranée. On ne voit que le Mohar
égyptien qui, au xiv e siècle avant notre ère, ait visité
le Jourdain. F. Ghabas,Voyage d'un Égyptien en Syrie,
en Palestine, in-f», Chalon-sur-Saône, 1860, p. 206. Ce
n'est que vers les commencements de l'ère chrétienne
qu'il a vu des Romains et des étrangers visiter ses
bords, où florissaient alors des villes dont le nom re-
vient souvent dans l'Évangile, Capharnaùm,Bethsaïde,
Corozaïn, Magdala. Voir ces noms.
F. Vigouroux.
TICHON (MAISON DE) (hébreu : ftâsêr Hat-Tî-
kôn; Septante : au M; toû Sauviv), localité inconnue qui
se trouvait sur les frontières duHauran(Auran).Ézech.,
xlvii,16. Domum autem sive atrium Thicon,Symma-
chus interpretatur atrium médium, quod pergit ad
terminas Auran, dit saint Jérôme, In Ezech., xlvii,
t. xxv, col. 477.
TICHONIUS ou TYCHONIUS, écrivain africain,
de la secte des donatistes, entre 380 et 420. Il parait
n'avoir été que simple laïque, mais il avait le goût et la
connaissance des choses théologiques. Saint Augustin
parle souvent de lui dans ses écrits et, dans sa Doctrina
christiania, ni, 30-37, t. xxxiv, col. 81-90, il expose et
commente les sept règles célèbres de cet auteur pour
l'intelligence des Saintes Écritures. Le Livre des Règles
se trouve dans la Bibliotheca Patrum, Cologne, 1522,
t. xv; Lyon, 1677, t. vi; Pitra, Spicilegiurn Solesmense,
t. m, p. 397. Tichonius avait aussi commenté l'Apoca-
lypse, dans un sens spirituel. Le commentaire qui avait
été publié comme étant celui de Tichonius n'est pas
le sien, mais emprunté à divers auteurs, dont Ticho-
nius. Il est reproduit dans Migne, t. xxxv, à la fin du
t. m des œuvres de saint Augustin, col. 2415-2452.
1. TIGRE (hébreu : ïiiddéqéï; Septante : Tiypi;),
fleuve d'Assyrie et de Babylonie. Strabon, XI, xrv, 8, et
Pline, H. N., vi, 27 (qui l'appelle Diglit), disent que
son nom lui vient de la rapidité de son cours, qui égale
celui d'une flèche, Tigra signifiant flèche en médo-perse.
I. « Le Tigre, le moins long des deux fleuves qui vont
s'unir au golfe Persique par les bouches du Chat-el-
Arab, naît dans le voisinage de l'Euphrate (voir la carte,
t. n, fig. 623, col. 2047). Près des mines de Sivan, les
sources principales, dites Outchgôl (les Trois Lacs),
jaillissent à un millier de mètres à peine de la cluse
profonde où coule le Mourad, et le torrent qu'elles
forment se dirige au sud-ouest comme s'il allait se jeter
dans l'Euphrate, à sa sortie des montagnes. Mais un
autre cours d'eau, qui prend aussi son origine dans
une haute vallée proche de l'Euphrate, vient à sa ren-
contre et l'entraîne dans la direction du sud-ouest et
du sud : c'est le Didjlé, que l'on considère comme la
branche maîtresse du Tigre, d'où son nom de Chat ou
« Fleuve » par excellence. Il coule d'abord dans la
région péninsulaire qui limite l'Euphrate en décrivant
une longue série de méandres, au nord, puis à l'ouest
et au sud des hautes plaines de Eharpout; né à
quelques kilomètres seulement d'un angle brusque de
l'Euphrate, le Didjlé commence par chercher sa voie
pour sortir du cercle immense que le fleuve rival trace
autour de lui. Un petit lac d'eau saumâtre, le Gôldjuk,
Gôldjik ou Gôlendjik, occupe, à une petite distance au
nord et à 200 mètres plus haut, une cavité du plateau
dont le rebord circulaire envoie des ruisseaux au Tigre
aussi bien qu'à l'Euphrate. Récemment, à la suite
d'années pluvieuses, le lac, élevant peu à peu son
niveau comme la mer de Van, a fini par atteindre une
brèche de rochers à son extrémité sud-orientale et par
épancher son trop-plein dans le Tigre : on a même
entrepris le creusement d'une tranchée pour régulariser
l'écoulement du lac et en faire une source constante
du fleuve. Ainsi se rapprochent les deux bassins flu-
viaux, au point de s'entremêler en apparence, comme
pour donner raison aux descriptions des anciens
auteurs. D'après une légende locale, la source du Tigre
aurait été visitée par Alexandre; on la désigne comme
le « Fleuve aux deux cornes »... Arrivé dans la plaine
de Diarbékir, le « Fleuve » grossit rapidement par les
affluents que lui envoient les montagnes du nord. Le
Batman-sou, l'un des plus abondants, est un autre
Tigre par la violence de ses eaux, et son bassin, comme
celui du Didjlé, commence dans le voisinage même du
haut Euphrate, sur le revers méridional des montagnes
de Mouch. Puis viennent l'Arzen-sou et un autre Chat,
le Botan-sou, dans lequel se jette la rivière de Bitlis,
née dans le massif de faible élévation qui limite au
sud-ouest le réservoir du lac de Van ; ce beau torrent de
Bitlis est probablement le cours d'eau qui a donné lieu
aux fables, répétées par Strabon et Pline, sur le passage
du Tigre à travers un lac qui ne renfermerait qu'une
seule espèce de poisson; on voyait dans les eaux du
Bitlis l'écoulement souterrain du lac de Van, mais le
courant du Bitlis prend son origine à un niveau plus
élevé que le lac et son eau n'est pas saline et chargée
de soude comme celle du réservoir fermé : c'est par la
composition de l'eau que l'on pourra reconnaître s'il
existe vraiment, parmi les affluents du haut Tigre, un
ruisseau issu du lac d'Arménie par des galeries sou-
terraines.
« En aval de la jonction des deux Chat, Didjlé ou Tigre
occidental, Botan Ou Tigre oriental, le fleuve, qui déjà
roule la moitié de la masse liquide que son courant
inférieur porte à la mer, tourne au sud-est pour s'en-
gager dans une série de cluses ouvertes à travers
d'âpres montagnes. Sur un espace d'environ 75 kilo-
mètres, les sentiers abandonnent les rives et gravissent,
soit à l'ouest, soit à l'est, les escarpements qui resserrent
le courant; çà et là, du haut des promontoires, on aper-
çoit les eaux glissant à la base de parois calcaires ou
de colonnades basaltiques. En aval de cette percée, où
n'osèrent pénétrer les Dix mille de Xénophon, s'ouvre
une large plaine, et le fleuve serpente à son gré dans
les terres alluviales; mais bientôt après, le courant
traverse d'autres remparts, et là encore ses bords sont
impraticables. Les falaises et les éboulis de calcaires,
2213
TIGRE
2214
d'argiles, de conglomérats sont baignés par le flot; les
sentiers, évitant le fleuve par de grands détours,
s'éloignent même de la partie inférieure des affluents,
qui coulent tous à 15 mètres de profondeur entre deux
murs d'argile.
Dans la série de défilés qui commence au confluent
du Botan-sou et qui se termine en amont de Mossoul,
le fleuve garde la direction normale qu'il suit jusqu'à
l'Euphrate, parallèlement aux chaînes bordières du pla-
teau d'Iran. Dans cette partie de son cours, comme dans
la région des sources, le Tigre ne reçoit de grands
affluents que sur la rive gauche ; le versant de la rive
droite n'est qu'une mince lisière de terrain et c'est du
côté de l'Euphrate que coulent presque toutes les eaux
du faîte de partage; les nuages pluvieux qui viennent
de la Méditerranée et de la mer des Indes se déchirent
aux versants méridionaux des hauteurs du Kourdistan,
et tandis que les pluies tombées sur les avant-monts,
immédiatement au nord du désert, s'écoulent vers
l'Euphrate, l'humidité que les vents du ciel apportent
sur les hautes montagnes de Van et de la Perse occi-
dentale revient en torrents vers le Tigre. Parmi ces
torrents, il en est qui ont un bassin considérable : tel
est le Grand Zab ou Zarb (Zarb el Kebir), dont les
rivières supérieures égouttent la région comprise entre
les deux lacs de Van el d'Ourmiah. Le Petit Zab (Zarb
Saghir) roule aussi beaucoup d'eau, dont une partie
lui vient du territoire persan. De même, la Diyalah,
qui rejoint le Tigre en aval de Bagdad, reçoit de la
Perse un grand nombre de ruisseaux, nés dans les dé-
pressions parallèles des chaînes bordières. Les affluents,
•comme le Tigre lui-même, ont à traverser des remparts
de montagnes parallèles avant d'échapper à leurs
anciennes cavités lacustres pour entrer dans la plaine
de la Mésopotamie. Le Grand Zab, issu des hautes
vallées du pays kourde, vient se heurter, à l'est de
Mossoul, contre des massifs de conglomérat, qu'il
perce d'un large lit, ayant en certains endroits un
kilomètre de rive à rive. Le petit Zab gagne aussi le
Tigre en passant successivement par des cluses de mon-
tagnes. Au sud-est d'une «Porte duTigre », une entaille,
dont les parois verticales ont 50 à 70 mètres de hauteur,
ouvre un passage aux eaux de la Diyalah à travers les
assises de grès rouge du Hamrin; pendant la saison
des pluies, les eaux s'accumulent en lac temporaire
dans la plaine de Kizilrobat, située en amont de la cluse.
Un autre affluent du Tigre, l'Adhim, né sur les pentes
d'un mont sacré, le PirOmar Goudroun (2500 mètres),
forme un marais permanent au-dessus de la « Porte de
Fer » ou Demir-Kapou, qui le sépare des plaines allu-
viales de la Mésopotamie. En aval de toutes les rivières
affluentes, le Tigre déborde en plusieurs parties de son
cours et projette à l'orient un rameau marécageux, le
Hadd, qui va s'unir à la Kerkha, la rivière du Louris-
tan. En hiver, toute la plaine qui s'étend du Tigre infé-
rieur aux avant-monts persans est une mer intérieure,
appelée souvent par ironie Oumm el-Bak ou la « mère
des Moustiques »; en été, il reste un réseau de sinueuses
coulées, que des bateaux parcourent facilement, du Tigre
à la Kerkha, sur plus de 150 kilomètres de distance.
Layard, Ninereh and Babylon, dans le Journal of the
Geographical Society, 1846.
« Au confluent avec l'Euphrate, à Korna, le Tigre est,
contrairement à ce que disait Strabon, le fleuve le plus
abondant (débit moyen du Tigre à Bagdad, d'après
Rennie : 4656 mètres cubes par seconde; de l'Euphrate,
à Hit: 2065). La rivière occidentale se perd dans son
flot sans paraître l'augmenter : de là, peut-être le nom
de « Tigre sans eau », Didjlat-el-Aoura, que l'on donnait
jadis aux fleuves unis, comme pour indiquer la dispa-
rition apparente de l'Euphrate. Le développement total
du Tigre, entre la source du « Fleuve aux deux cornes »
«t son entrée dans le Chat-el-Arab, est d'environ
2 000 kilomètres, deux fois moins que l'Euphrate, et
l'étendue de son bassin est aussi très inférieure; mais,
au lieu de serpenter dans le désert comme l'Euphrate
à la sortie du Taurus, il ne cesse de longer la base des
montagnes qui lui envoient leurs eaux de neige et de
pluie. Naissant à plusieurs centaines de mètres au-dessus
de la vallée de l'Euphrate et suivant dans la direction
du golfe Persique une vallée moins sinueuse, le Tigre
a sa pente beaucoup plus inclinée; il fuit rapidement
entre ses rives, d'où son vieux nom persan de Tigre
ou de « Flèche » remplaçant l'appellation assyrienne
de Hiddekel (Idiklat) ou « Fleuve aux bords élevés »
(Frd. Delitzsch, Wo lag dasParadiesf), qui se retrouve
dans l'arménien Dikla et dans l'arabe Didjlé. Gourant
plus vite, le Tigre perd moins d'eau par l'évaporation
et se répand dans les campagnes riveraines en moins
d'étangs et de marécages. Des bateaux à vapeur d'un
faible tirant le remontent jusqu'à Bagdad, et pourraient
même atteindre Tekrit, à près de 1 000 kilomètres de
la mer; en amont, jusqu'à Mossoul et Diarbekir, le
seul véhicule flottant est le kellek (voir t. IV, fig. 396,
col. 1459), ou plancher soutenu par des outres. » Elisée
Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. ix, Asie
antérieure, 1884, p. 387-391.
II. Le Tigre dans l'Écriture. — 1» Le Tigre est
nommé pour la première fois au commencement même
de la Genèse, n, 14, comme le troisième fleuve du
Paradis terrestre, « qui coule à l'est de l'Assyrie. » C'est
dans son voisinage que l'Euphrate prend aussi sa source,
ainsi que plusieurs des affluents des deux grands fleuves.
Voir fig. 272, 1. 1, col. 1003. Le Phison et le Géhon, les
deux autres fleuves de l'Éden, nommés avant le Tigre et
l'Euphrate, sont-ils deux des affluents qu'on voit là de
nos jours? On ne saurait le dire avec certitude.il a pu
se produire sur la terre, depuis la' création de l'homme,
des révolutions qui ont modifié et changé l'aspect des
lieux où fut créé le premier homme, mais on comprend
sans peine que l'opinion qui place en Arménie le paradis
terrestre, à la source des grands fleuves, ait eu et compte
toujours des partisans, parce que c'est celle qui s'ac-
corde le plus naturellement avec le texte sacré (voir
Paradis terrestre, m, t. iv, col. 2133), en admettant
qu'il n'y a pas eu un bouleversement complet du pre-
mier berceau de l'humanité.
2° Le Tigre n'est plus nommé dans l'Écriture jusqu'à
l'époque de la captivité. Mais le prophète Nahum, en
annonçant la chute de la grande ville, fait allusion à
l'inondation du fleuve qui, après avoir contribué à sa
grandeur, devait en ouvrir les portes à ses ennemis.
« Les portes des fleuves (le Tigre et le Khasr, son affluent)
sont ouvertes; son palais s'écroule. » Nahum, m, 6. Ces
« portes » sont des digues, d'après les uns, mais plus
vraisemblablement, d'après les autres, les portes de la
ville, qui étaient fortifiées et qui furent renversées par
l'inondation aux endroits par où entraient et sortaient le
Tigre et le Khasr. Diodore de Sicile, n, 27, qui ne con-
naissait pas la prophétie de Nahum, nous en a raconté à
son insu l'accomplissement. Depuis deux ans, écrit-il,
l'armée des Médo-Babyloniens réunis assiégeait Ni-
nive, sans pouvoir réussir à faire brèche dans les rem-
parts extrêmement solides et épais. De violents orages
suppléèrent à leur impuissance : ils produisirent un
débordement du Tigre qui inonda une partie de la ville
et en renversa les murailles sur une longueur de 20
stades (5700 mètres). Les ennemis y pénétrèrent par là
sans difficulté. Le roi de Ninive, désespéré, s'enferma
dans son palais, y mit le feu et périt dans l'incendie.
Le fleuve qui avait fait la gloire et la force delà capitale
de l'Assyrie venait de consommer sa ruine.
3° Quelques années avant cette catastrophe, Tobie
avait été emmené captif à Ninive. Quand il envoya son
fils auprès de Gabélus pour recouvrer l'argent qu'il lui
avait prêté, c'est sur les bords du Tigre que le jeune
2215
TIGRE — TIMOTHÉE
2216
voyageur prit le poisson qui devait lui servir plus tard
à rendre la vue à son père aveugle. Tob., vi, 1-9. On
ne peut déterminer avec certitude de quelle espèce
était ce poisson. Le fleuve abonde en poissons de
diverses espèces et quelques-uns sont de dimensions
considérables. Strabon, XI, xiv, 8. Voir Tobie.
4° Le Tigre est mentionné dans Judith, I, 6, mais
simplement comme une des limites géographiques de
la plaine de Ragaû.
5° L'Ecclésiastique, rappelant les fleuves du paradis
terrestre, dit, xxrv, 35, que Dieu répand sa sagesse
comme le Tigre répand ses eaux aux jours des nou-
veaux fruits, c'est-à-dire au moment de son inondation
annuelle. Au mois de mars, à l'époque de la fonte des
neiges, il croit rapidement, roulant ses eaux rapides et
troubles, et grossit jusqu'à la première ou seconde
semaine de mai, où il atteint sa plus grande hauteur.
Vers le milieu de mai, il commence à décroître. Au
milieu.de l'été, il reprend son niveau ordinaire. Une
nouvelle crue a lieu en octobre et en novembre, à la
suite des pluies d'automne, mais elle est insignifiante
relativement à la crue du printemps.
6° Le Tigre apparaît pour la dernière fois dans l'Ecri-
ture dans les visions de Daniel. C'est sur ses bords
qu'il eut quelques-unes des plus importantes. Dan.,x-xn.
Il l'appelle han-nâhâr hag-gâdôl, « le grand fleuve »,
x, 4. Voir Daniel, t. n, col. 1276.
2. TIGRE (Vulgate : tigris), carnassier de la famille
des félidés, à peu près de la même taille que le lion,
mais plus fort et plus féroce. Il vit surtout dans l'Asie
méridionale et les îles de la Sonde. Il n'en est pas
question dans la Bible. C'est à tort que la Vulgate a
traduit par « tigre » le mot layîs, qui est un des noms
du lion. Job, IV, 11. Voir Lion, t. iv, col. 267. Les
Septante s'éloignent encore plus du vrai sens en tra-
duisant parjj.upu.-r,xo).éo)v, «fourmilion ».
H. Lesêtre.
TIMÉE (grec : Tijjaioç), père de l'aveugle Bartimée,
à qui Notre-Seigneur rendit la vue à Jéricho. Marc,
x, 46. Voir Bartimée, t. i, col. 1474.
TIMIDITÉ (Septante : oXt-ro<I>uy.ia; Vulgate: pusil-
lanimitas), manque de courage en face du danger ou
du devoir. Le timide est appelé hârêd, yârê', nimhar,
rak lêbab, « chancelant de cœur », SetXô;, oXiyôil'u^oç,
ipoêoûfisvo;, àTîsiOûv, timidus, pavidus, trepidus,formi-
dolosus, pusillanimis.
1° En face du danger. — La Loi prescrivait de signi-
fier aux timides et aux peureux de se retirer de l'armée
avant la bataille, de peur que leur exemple n'entraî-
nât les autres. Deut., XX, 3, 8. — Israël infidèle, dis-
persé parmi les nations, y gardera un cœur tremblant.
Deut., xxvm, 65. — Avant de livrer bataille, Gédéon
dut écarter de son armée 22000 hommes qui avaient
peur et tremblaient. Jud., vu, 3. — Judas Maehabée
renvoya de même chez eux, « selon la Loi », tous ceux
qui avaient peur de combattre. I Mach., m, 56. —
Ézéchiel, xxi, 12, décrit la peur qu'excite en tous l'ap-
proche de l'épée de Nabuchodonosor : les cœurs se
fondent, les mains faiblissent, les esprits se troublent,
les genoux fléchissent. — Les écrivains sacrés donnent
plusieurs fois le nom de « femmes » à ceux qui
manquent d'énergie dans le danger. Is., m, 12; XIX,
16; Jer., li, 30; Nah., m, 13. Ils exhortent à n'avoir
pas peur devant l'ennemi. Is., vu, 4; Jer., li, 46. Il ne
faut pas s'adresser à un timide pour le consulter sur
la guerre. Eccli., xxxvii, 12. — Quand les méchants
comparaîtront au tribunal du souverain Juge, la timi-
dité succédera à leur arrogance. Sap., iv, 20. — Notre-
Seigneur reproche aux apôtres leur timidité et leur
manque de foi, pendant la tempête sur le lac. Matth.,
xiii, 26; Marc, iv, 40. — Le vent impétueux, ritah
so'âh, devient dans les versions àXiyotyvyJz, pusilla-
nimitas spiritus. Ps. lv (liv), 19.
2° En face du devoir. — Roboam se montra timide,
quand il eût fallu faire acle d'énergie pour rallier à lui
tout son peuple. II Par., xm, 7. Le cœur de Josias fut
intimidé par les menaces que contenait le Deutéronome.
IV Reg., xxii, 19. Il y a une timidité recommandable
et qui se résout en crainte de mal faire. Prov., xvm,
14. Mais il ne faut pas être timide dans le service de
Dieu, Is., xxxv, 4, ni dans la prière. Eccli., vu, 9. On
doit encourager et consoler les timides. Is., xxxv, 4;
I Thés., v, 14. Quant à ceux qui sont timides et lâches
dans l'accomplissement du devoir, ils auront un jour
le même sort que les pires pécheurs. Apoc, xxi, 8.
H. Lesêtre.
TIMON (grec : Tl'h&iv), le cinquième des sept
diacres choisis par les Apôtres pour s'occuper du soin
des veuves. Act., vi, 5. Son nom est grec et il était
probablement un Juif helléniste, comme les autres
diacres qui devaient veiller à ce que les veuves des
convertis non palestiniens fussent traitées convena-
blement. Le texte sacré ne nous apprend rien que son
nom. D'après la Synopsis de vita et morte Propheta-
rum,Apostolorum et DiscipulorumDoniini, du pseudo-
Dorothée, Patr. gr., t. xcn, col. 1001, c'était un des
soixante-douze disciples, et il devint évêque de Bostra,
où il subit le martyre du feu. Voir Acta sanctorum,
19 avril, aprilis t. Il, p. 619.
TIMOTHÉE (grec : Ttfj.68eo;), nom de deux étran-
gers qui combattirent contre les Machabées et d'un
disciple de saint Paul.
1. TIMOTHÉE, chef ammonite, qui fut battu à plu-
sieurs reprises par Judas Maehabée. Quelques commen-
tateurs supposent, à cause de son nom, qu'il était grec
d'origine. Judas Maehabée, ayant pénétré en Ammoni-
tide, y livra plusieurs combats dans lesquels il battit
Timothée, le chef des Ammonites. 1 Mach., v, 6. Mais
ce dernier porta, quelque temps après, les armes en
Galaad, où il fit beaucoup de mal. A la demande des
gens du pays, Judas et son frère Simon marchèrent à
leur secours. Timothée s'enfuit à leur approche; les
Juifs parvinrent à atteindre son armée et à lui infliger
une sanglante défaite. I Mach., v, 11, 20, 24-34, 37-44.
Timothée lui-même tomba entre les mains de Dosithée
et de Sosipater, qui consentirent à lui laisser la vie
sauve. II Mach., xn, 2-25.
2. TIMOTHÉE, général syrien, qui est le même que
le précédent d'après les uns, différent d'après les
autres. Il faisait partie de l'armée de Nicanor contre
Judas Maehabée. II Mach., vin, 30. On ne peut conclure
de la similitude des noms à l'identité des personnes,
car les Timothée étaient nombreux parmi les Grecs.
Si les passages II Mach., vm, 30; IX, 3, ne donnent
aucun détail particulier, et ne suffisent pas pour tran-
cher la question de non-identité, quoiqu'il n'apparaisse
pas comme général ammonite, il n'en est plus de même
du récit, x, 24-37. Après avoir été battu une première
fois avec Bacchide par Judas Maehabée, vm, 30, défaite "
qu'Ântiochus Épiphane avait apprise en Perse, x, 3,
Timothée, postérieurement à la mort de ce roi, pour
venger son échec, rentra en Judée à la tête d'une
armée formidable. Judas, avec le secours d'en-haut,
remporta contre son ennemi une éclatante victoire.
Timothée s'enfuit à Gazara (Gazer). Les Juifs allèrent
l'y assiéger, emportèrent la place et le mirent à mort
quand ils l'eurent découvert dans une cachette.
II Mach., x, 24-37. Ce fut plus tard, après la mort de
Timothée, le général syrien, que Judas Maehabée battit
définitivement Timothée 1, qui commandait aux
Ammonites à l'est du Jourdain, et dont la vie futépar-
2217
TIMOTHÉE — TIMOTHÉE (PR EMIÈRE ÉPITRE A)
2218
gnée. I Mach., v, 37-44; II Mach., xn, 2-25. Voir
Patrizzi, De consensu utriusque libri Machabseorum,
in-4», Rome, 1856, p. 259.
3. TIMOTHÉE (Ttjj.69soç), le plus fidèle et le plus aimé
des disciples de saint Paul, celui qu'il appelle son
vrai fils, 1 Tim., I, 2, son très cher fils, II Tim., i, 2,
son filsbien-aimé et fidèle dans le Seigneur, I Cor.,iv,
17, le copartageant de son esprit, Phil., v, 20, de ses
travaux dans le Seigneur, I Cor., XVI, 10, son collabo-
rateur, Rom., xvi, 21, son frère et ministre de Dieu,
I Thess., m, 2, l'esclave de Jésus-Christ, Phil., i, 1,
dévoué à la cause du Christ, H, 21, l'imitateur parfait
des vertus de son maître, initié à ses méthodes d'apos-
tolat. II Tim., m, 10; I Cor., xvi, 10. L'Apôtre l'avait
converti à la foi, I Cor., IV, 14-17, avec sa mère et
son aïeule, II Tim., I, 5, lors de la première mission
en Lycaonie. Etait-il de Lystres ou de Derbé? Les
textes, Act., xvi, 1, 2; xx, 4, sans dirimer absolument la
controverse, semblent indiquer plutôt Lystres. Peut-être
Timothée a-t-il habité successivement ces deux villes.
En tout cas, il était avantageusement connu à Lystres et
à Icône, Act., xvi,2, c'est-à-dire dans toute la région de
la Lycaonie. Il était né d'un mariage mixte, son père était
païen et sa mère juive ou du moins prosélyte des
synagogues. Act., xvi, 3; II Tim., 1,5. Aussi reçut-il,
à sa naissance, un nom très usité chez les Grecs,
I Mach., v, 6; IIMach.,vin,3, et, en même temps, facile
à se faire accepter des Juifs. L'enfant grandit entre
deux pieuses femmes, sa mère Eunice et son aïeule
nommée Loïde; elles relevèrent dans la crainte de
Dieu et l'étude des Écritures. II Tim., iv, 15. Le père
de Timothée devait être mort quand Paul et Rarnabé
arrivèrent dans ces parages. Act., xvi, 3. Le jeune
adolescent fut témoin des souffrances et des travaux
des deux vaillants missionnaires. II Tim., m, 10, 11;
Act, xiv, 22. A son second voyage, l'Apôtre se l'attache
comme disciple et compagnon d'apostolat à la place de
Jean-Marc, ayant déjà substitué Silas à Barnabe.
Act., xv, 40. D'après divers passages des Épitres pasto-
rales, I Tim., i, 18; iv, 24; II Tim., i, 6, ce fut
l'Esprit qui le désigna, dans quelque assemblée litur-
gique, à la fonction d'apôtre, ou peut-être d'évangé-
liste, Il Tim., iv, 5, par la voix des prophètes de ces
Églises. Paul, Silas et les presbytres de l'endroit lui
imposèrent les mains. Act., xm, 3; II Tim-, i, 6.
Dès ce moment, il est presque toujours, sauf de
rares intervalles, aux côtés de l'Apôtre, lui servant de
secrétaire dans la rédaction de la plupart de ses
Épitres. Afin de faciliter son ministère auprès des Juifs,
Paul le circoncit de sa propre main. Act., xvi, 3. Sa
carrière apostolique se confond, en général, avec celle
de son maître. A peine s'il s'en sépare, de temps en
temps, pour des mission spéciales, absences courtes et
rapides auxquelles l'un et l'autre ne consentaient
qu'avec peine. Timothée a de la sorte travaillé avec
l'Apôtre à la fondation des principales Églises, Phi-
lippes, Thessalonique, Bérée, Corinthe, Ephèse. Lors
de la seconde mission, il collabora, d'une façon parti-
culière, à l'établissement et au développement des com-
munautés de Macédoine. Il resta quelque temps à Thes-
salonique après l'expulsion violente de Paul et de Silas,
Act., xvil, 10, les rejoignit à Bérée, xvn, 14, et retourna
à Thessalonique pour y porter aux fidèles persécutés
les encouragements et les instructions de son maître.
I Thess., m, 1, 2. De là il revint sans doute à Bérée,
où était resté Silas, et, en sa compagnie, se dirigea
vers Corinthe. Leur arrivée marque, depuis l'activité
apostolique de Paul, un redoublement de zèle. Act.,
xvill, 5. Les trois ouvriers évangélistes séjournèrent
au moins dix-huit mois dans la capitale de l'Achaïe.
Silas dut quitter saint Paul vers la fin du second
voyage pour rester à Jérusalem, son r,glise d'origine.
Act., xv, 22. Timothée, au contraire, prit part au
troisième voyage. Durant les trois ans du séjour de
Paul à Éphèse, il ne s'éloigne de la métropole d'Asie
que pour une mission en Macédoine avec Éraste et
plusieurs frères, Act., xix, 22, puis, de là, à Corinthe,
I Cor., xvi, 11; iv, 17, où il était chargé de rétablir
l'ordre. Il semble qu'il ait échoué dans cette entre-
prise. D'un naturel doux et timide, I Cor., xvi, 10,
il était peu fait pour la lutte. Il ne parvint pas, sans
doute, à apaiser les désordres entre les divers parti»
en présence, I Cor., i, 12, et il dut retournera Éphèse
ou peut-être en Macédoine; c'est là qu'il se trouve au
moment où saint Paul écrit sa seconde Épître aux Corin-
thiens. II Cor. , 1, 1. Il le suit dans sa troisième visite à
Corinthe et figure dans l'Épitre aux Romains parmi
ceux qui envoient leurs saluts fraternels à cette Église.
Rom., xvi, 21. Quand l'Apôtre quitte Corinthe pour
Jérusalem, il fait partie de la caravane qui s'achemine
vers la Palestine. Act., xx, 4, 5.
A partir de ce moment, les Actes se taisent sur le reste
de la carrière de l'illustre disciple. Mais les Épitres de
la captivité suppléent, en partie, à ce brusque silence.
On peut affirmer, sans doute possible, que Timothée
suivit saint Paul à Jérusalem, puis à Césarée, s'embar-
qua avec lui vers l'Italie, l'assista dans sa prison. Son
nom se lit dans l'adresse des Épitres aux Colossiens,
i, 1, à Philémon, i, 1, aux Philippiens i, 1. Saint Paul
dit même formellement, dans cette dernière Épître,
qu'il espère envoyer « Timothée » vers eux, h, 19-24.
Durant la période qui suivit la première captivité, il
accompagna l'Apôtre à Éphèse et y resla encore quelque
temps après que celui-ci se fut acheminé de nouveau
vers Rome en passant par la Macédoine, l'Achaïe et
l'Épire. I Tim., i, 3. L'Apôtre le chargea de gouverner
l'Église d'Éphèse et lui adressa, à cette occasion,
une lettre (la première) pleine de sages conseils. Ti-
mothée resta en Asie jusqu'au moment où Paul, à la
veille d'une condamnation certaine, l'appela en toute
hâte pour qu'il assistât sans doute à ses derniers mo-
ments et recueillit, en dépôt, le précieux héritage de
son zèle et de ses suprêmes enseignements. II Tim.,
IV, 21. Par l'Épître aux Hébreux on apprend que le
disciple fut lui-même emprisonné, puis relâché, xm,
23. Le reste de son existence et de son activité semble
s'être passé à Éphèse, où il sera retourné après sa
sortie de prison. Suivantla tradition, Const. Apost., vu,
46, 1. 1, col. 1063; Eusèbe, H. E., n i, 44, t. xx, col. 220,
il aurait été martyrisé dans cette ville, sous Dona-
tien ou Nerva, en voulant s'opposer à certaines réjouis-
sances populaires qui tournaient à l'orgie et à la cruauté.
Ses ossements ont été transportés plus tard, sous Con-
stance, à Constantinople, Acta sanctorum, januar, t. m,
p. 562-569 ;Lipsius, Die apocryphen Aposlelgesch.,t. n,
372-400. Les Églises grecques et arméniennes célèbrent
sa fête le 22 janvier, l'Église copte, le 23, l'Église latine
et l'Église maronite, le 24 du même mois, bien que les
premiers calendriers latins l'aient placée le27 septembre,
peut-être pour faire suite au jour de la commémora-
tion de saint Jean, qui avait exercé son apostolat à
Éphèse. Lipsius, op. cit., p. 392; Nilles, Kalendarium
manuale utriusque Ecclçsise, Inspruck, 1896. D'après
plusieurs savants, c'est à lui que s'adresse, comme
évêque d'Ephèse, le message de l'Apocalypse, II, 1-7.
On ne sait rien de certain sur ce point. — "Voir
H. Usener, Acta sancti Timothei, par Polycrate, in-4°
Bonn, 1877. C. Toussaint.
4. TIMOTHÉE (PREMIÈRE EPITRE A). — 1» Impor-
tance. — Cet écrit appartient au groupe des trois lettres
que la critique appelle, depuis plus d'un siècle Épitres
pastorales. L'appellation se rencontre, pour la première
fois, dans un commentaire de P. Anton, Exeget. Abh.
Der Pastoralbriefe S. Pauli, 2 Theile. Halle, 1753, 1755,
2219
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2220
puis chez Wegscheider (1810), Eichhorn(1812), nom qui
caractérise avec assez d'à-propos (surtout pour la I re à
Timothée et l'Épitre à Tite) leur objet commun : tracer
à Timothée et à Tite les devoirs de leur charge. A elles
seules, ces trois Épitres forment un code parfait à
l'usage des pasteurs et des dignitaires de l'Eglise, un
véritable traité sur l'art de gouverner les communautés
chrétiennes. Le Canon de Muratori, voir Canon, t. n,
col. 170, en avait déjà perçu l'utilité pratique quand
il les mentionnait avec cette remarque : in honore
tamen Ecclesiie catholicse in ordinatione ecclesiasticse
disciplinscsanctificatse sunt (lignes 61-62). Lesprincipes
du droit public de l'Église se trouvent en germe dans
ces écrits et spécialement dans cette première Épitre à
Timothée. On y voit le pouvoir souverain émaner, non
de l'assemblée des fidèles, mais de l'autorité apostolique
transmise par le rite de l'ordination. Épiscopes, prêtres,
diacres tiennent leurs fonctions non de la communauté,
mais d'une transmission remontant plus ou moins
directement aux Apôtres ou à leurs délégués. L'épiscopat
apparaît déjà comme le futur héritier des pouvoirs apos-
toliques, le sommet et le pivot de la hiérarchie. I Tim.,
m; Tit., i. A côté de cette esquisse de la constitution
de l'Église trouvent place des règles de discipline, on
dirait presque de législation canonique. On y trace
les devoirs de l'évêque. Il doit être le modèle de ses
subordonnés, irrépréhensible aux yeux des fidèles et de
ceux du dehors. I Tim., iv, 12; Tit., n, 6-8. Une liste
d'irrégularités règle les choix des délégués de l'Apôtre.
Tit., I. 7. L'apparition des hérésies et des doctrines
d'erreur invite l'auteur à tracer la ligne moyenne de
l'orthodoxie et le soin que l'on doit apporter à se préser-
ver des nouveautés dangereuses. ITim., i, 33-10; vi, 3-
20. Les fonctions des membres de la hiérarchie sont
délimitées et réglementée s : cellesde l'évêque, du diacre,
des veuves attachées au service de l'Église. On entre,
avec ces détails, dans la vie intime des communautés
chrétiennes, telles qu'elles étaient vers la fin de l'âge
apostolique. Le livre qui se rapproche le plus, dans son
contenu, de ces trois précieuses lettres et qui s'en est le
plus largement inspiré, sont les Constitutions apos-
toliques. On peut aussi en saisir l'influence dans le
Ilepi ispw<rûv/)c de saint Jean Chrysostome, le De officiis
ministrorum de saint Ambroise et le De pastorali cura
de saint Grégoire.
2° Authenticité. — Depuis que la critique rationaliste
rejette en bloc les Épitres dites pastorales, on s'est habi-
tué, dans l'autre camp, à les défendre toutes ensemble.
Leur sort est, en effet, si étroitement lié qu'on ne saurait
les disjoindre. On suivra donc ce plan, réservant
néanmoins, à chacune d'elles, les raisons spéciales qu'il
y a lieu de faire valoir. Un premier fait à noter c'est
qu'au point de vue des témoignages anciens ce groupe
de lettres se trouve aussi favorisé que les autres Épitres
pauliniennes. A peine deux ou trois voix discordantes
dans l'antiquité : encore ces quelques exceptions
s'expliquent-elles sans difficulté. L'absence de ces
lettres dans l'Apostolicon de Marcion peut venir de ce
qu'il a ignoré leur existence, ces écrits n'étant pas adres-
sés à des Églises, peut-être aussi, comme le pense saint
Jérôme, en raison de la façon élogieuse dont ces Ëpttres
parlent de l'Ancien Testament, de la Loi, des œuvres.
Pour le même motif, Basilide et Tatien ne voulaient
pas y reconnaître la main de saint Paul. « Je veux parler,
écrit saint Jérôme dans sa Préface du Commentaire
de l'Épitre de Tite, t. xxvi, col. 555, de Marcion et de
Basilide, qui ont retranché des autres Épitres ce qui
était contraire à leur dogme, et qui ont même cru pou-
voir rejeter quelques Épitres tout entières, à savoir
les deux à Timothée, celle aux Hébreux et celle à Tite.
Toutefois, Tatien, le patriarche des Éncratites, qui, lui
aussi, a rejeté quelques Épitres de Paul, a cru devoir
affirmer tout particulièrement la composition de celle
à Tite par l'Apôtre, n'attachait aucun poids à l'opinion
de Marcion et de ceux qui sont d'accord avec lui sur ce
point. » Sauf ces contradictions intéressées, les Épitres
pastorales ont été unanimement admises et fort souvent
citées. Leur affinité d'idées, de tournures, d'expressions
avec la lettre de Clément de Rome est indéniable.
Comparer, à cet effet, Clem., lv, 3 = II Tim., n, 1;
Clem., xliii, 1; n, 3 = II Tim., m, 8; Clem., xxxv,
2; lv, 6; lxi, 2 = 1 Tim., i, 17; Clem., xxxvn, 1 =
I Tim., i, 18; II Tim., n, 3; Clém., i, 1; xlvii, 7 =
I Tim., vi, 1. Mêmes termes caractéristiques : npooSex-
tov, àitôSextov ; iriaTt; àyaôr,, XaTpeûe'.v èv xaOapôc
<Tvvei8r)ffei I tiaiêna, àvaÇtomipecv, àytoY^itKjTwBsîç, etc. ;
même ordre d'idées, Clem., n, 1 = I Tim., vi, 8;
Clem., i, 3, xliv, 4— ITim., v, 17; Clem., xlii, 4 =
I Tim., m, 10; Clem., liv, 3 = 1 Tim., m, 13; Clem.,
i, 3 — I Tim., n, 9; Tite, n, 4; Clem., xxix, 1 =
ITim., n, 8; Clem., n, 2; xxxn, 3 = II Tim., I, 9;
Tite, m, 5-7; Clem., n, 7 = Tite, m, 1; Clem., lxi, 1
= Tite, m, 1; I Tim., Il, 2. L'Épître à Barnabe offre, à
son tour, plusieurs points de contact : v, 6, xaTapyeïv
ibvBàvaTov, détruire lamort, semble venir de II Tim., i,
10; IV, 6, âm<7(ûps'jeivte<; taï; àfjuxpuat;, accumulant les
péchés, de II Tim., m, 6; çavepto6r|vai èv aâpxi, être
manifesté en chair, de ITim., ni, 16; surtout, xiv, 6,
XuTpaxjâjxevov tj^lcIç èx toO <jx6touç lioinàjou êauTûJ Xaôv
âyiov, nous ayant rachetés des ténèbres pour se pré-
parer un peuple saint, de Tite, n, 14. Point d'allusions
dans la Didaché ni dans le Pasteur d'Hermas, mais,
en revanche, de frappantes analogies avec les lettres de
saint Ignace et de saint Polycarpe (pour le détail, voir
Texte und Untersuchungen, XII, ni, p. 107-118, 186-
194) telles que avaÇo)Trjp£Îv, àva'Vj'/^î £T£po3i8a<r/.aXsrv,
xaTâdTV]fia, le Christ appelé -q èXm'î ï][j.à)v. Lettre de
saint Ignace ad Tull., ad Magn., 8; ad Polyc, 3 t. v,
col. 543 sq.). Dans l'Épitre de Polycarpe, IV, v, vm, IX,
xii, les recommandations aux veuves, aux diacres, aux
presbytres sont à peu près toutes tirées des Pastorales.
Von Soden reconnaît qu'à partir d'Ignace et de Poly-
carpe, la priorité littéraire, douteuse pour Clément et
l'Épitre à Barnabe, appartient certainement aux Pasto-
rales. Saint Justin a textuellement emprunté une phrase
de l'Épitre à Tite, m, 4, quand il dit, Dial., c. xlvii, t. vi,
col. 575 : « Car la bonté et la philanthropie de Dieu envers
les hommes... » Une influence de I Tim., m, 16, se
remarque aussi dans ce passage de YEpître à Diognète,
c. v, t. n, col. 1173 : Prêché par les Apôtres, il a été
cru par les païens. On rencontre de semblables em-
prunts dans Hégésippe, Eusèbe, H.E., III, xxxn, t. xx,
col. 284, dans la II a Clementis, chez Athénagore, Théo-
phile, la Lettre des Eglises de Vienne et de Lyon, t. v,
col. 1401 ; Eusèbe, H. E., v , 1, t. xx, col. 407 ; le Testa-
ment des douze Patriarches, t. ix, col. 1025. Enfin l'in-
sertion de ces lettres dans les versions syriaque et latine
ainsi que leur mention dans le Canon de Muratori prou-
vent qu'elles faisaient partie, dès le spcond siècle, du
canon des Églises de Syrie et d'Occident. D'autre part,
saint Irénée, Adv. hser., II, xiv, 7; IV, xvi, 3; III, xiv,
1, t. vu, col. 755, 914, 1017; Tertullien, De presser.,
c. vi, xxv, t. n, col. 18, 37; Clément d'Alexandrie,
Strom., II, xi, t. vin, col. 990, les attribuent formelle-
ment à saint Paul. En résumé, ces trois Kpitres offrent,
du côté des preuves de tradition, autant de garanties
que celles dont on ne songe pas à contester l'authen-
ticité. Pourtant, la majorité des critiques la leur refuse
encore à cause d'arguments internes dont on discutera
plus loin la valeur. Les premiers doutes remontent à
Schleiermacher, qui, à propos d& quelques objections
de J. E. B. Schmidt sur l'authenticité de la 1" à
Timothée, se mit à faire ressortir le manque de liaison
des idées, les tournures de style étrangères à Paul, la
j difficulté de situer cet écrit dans la vie de l'Apôtre.
' Ueber den sog. erslen Brief des Paulen an den Tim.,
2221
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2222
1807. Il en concluait que la première Épitre à Timothée
avait été composée par un plagiaire à l'aide des deux
autres Épitres pastorales. A son opinion se rallièrent
plus tard Usteri, Lûcke, Bleek, Neander, tandis que
Planck (1808), Beckhaus (1810) et Wegscheider (1810)
entreprirent la défense de l'Épitre incriminée. Ces
apologistes faisaient observer que les raisons alléguées
contre la première Épitre à Timothée pouvaient, au
même titre, être apportées contre les deux autres.
Eichhorn (1812) souscrivit à ce raisonnement, mais pour
le retourner contre les trois lettres ensemble; toutefois
il Jes rattachait encore à l'Apôtre par un lien, en
l'attribuant à un de ses disciples qui aurait consigné
là les directions de son maître. Pendant une vingtaine
d'années, les mêmes conclusions sont défendues par
de Wette, Schrader, Mayerhoff, combattues par Hug,
Bertholdt et Feilmoser. Mais Baur, en 1835, ne se con-
tenta pas de nier l'authenticité des Pastorales, il cher-
cha, dans son Die sog. Pastoralbriefe des Apostels
Paulus, les motifs de cette composition apocryphe et
crut les découvrir dans l'intention qu'aurait eue l'auteur
de combattre, sous le nom et l'autorité de Paul, les
erreurs gnostiques, surtout celles de Marcion et de
Valentin. Ces lettres ne seraient alors que de la moitié
du second siècle. A peu de choses près, telle est l'opi-
nion de Schwegler, Bruno Bauer, Hilgenfeld, Mangold,
Meyer, Schenkel, Hausrath, Weizsàcker, Davidson,
Harnack, Scholten, Beyschlag, Sabatier, Von Soden.
Quelques critiques (Lôftler, Usteri, Lûcke, Bleek,
Neander, Ritsehl et Krauss) acceptent la II e à Timo-
thée et l'Épitre à Tite mais repoussent obstinément
la première à Timothée. Du côté des défenseurs des
Pastorales se rencontrent, outre les commentateurs ca-
tholiques, bon nombre d'exégètes protestants, surtout
parmi ceux qui ont écrit des commentaires ex pro-
fesse). On peut leur adjoindre Otto, Kôlling, B. Weiss,
dans son Introduction et dans Meyer, 5 e édit., 1886;
Bertrand, Essai critique sur V authenticité des Épitres
pastorales, 1888; Bourquin, Étude critique sur
l'authenticité des Ep. past., 1890. D'autres n'osent se
prononcer : Rolle, De authentia epist. pastoralium,
1841; Scharling, Dieneuesten Untersuchungen ùberdie
sog. Pastoralbriefe, 1846. De nos jours, on est revenu,
dans le camp critique, à l'hypothèse admise dès 1836
par Credner et l'on reconnaît, dans les Pastorales, au
moins dans le II e à Timothée et l'épitre à Tite, un noyau
paulinien amplifié, vers la fin du I er siècle, par
quelque disciple de Paul à l'aide des autres écrits de
l'Apôtre. Chacun varie dans la part à faire aux éléments
authentiques. Ainsi Hausrath (1865) trouve les restes
d'une lettre de Paul dans II Tim., i, 1, 2, 15-18; IV, 9-
18; Krenkel (Paulus, 1869), Tit., m, 12, 13 + II Tim.,
iv, 19-21, 9-18; i, 16,18; Grau pense que Tite et Timo-
thée ont eux-mêmes développé, à l'aide de leurs sou-
venirs personnels, des billets qu'ils avaient reçus de
l'Apôtre. Ménégoz (1872) reconnaît le caractère pauli-
nien des trois lettres, mais, en même temps, il découvre
les traces d'interpolations certaines, postérieures à la
mort de l'Apôtre. Renan (1869), Beyschlag (1874) et
Sabatier (1881) admettaient l'existence de billets authen-
tiques adressés à Tite et à Timothée, puis amplifiés
plus tard pour appuyer le mouvement des Églises vers
la hiérarchie et la discipline ecclésiastique.
D'après Hesse (1889), la I re à Timothée comprend elle-
même des passages de source paulinienne, par exemple,
le premier et le sixième chapitre; la seconde est com-
posée de deux lettres, l'une apocryphe, l'autre à parties
authentiques, i, 16-18; IV, 9-22. La lettre à Tite serait
également de Paul, au moins quant au passage relatif
aux hérétiques, emprunté d'ailleurs à la I re à Timo-
thée. On aurait opéré ces fusions et ces amplifications
d'épitres pour donner aux évéques une sorte de manuel
de discipline ecclésiastique. Ces écrits précéderaient
de peu d'années les lettres de saint Ignace. Telles sont,
en général, les positions de la critique, à l'égard de
ce dernier groupe d'épitres pauliniennes. Voici main-
tenant les principaux arguments qu'elle a fait valoir,
et les réponses qu'on leur a opposées.
I. La situation historique. — On objecte l'impossi-
bilité absolue de faire entrer nos trois lettres dans la
contexture historique de la vie de saint Paul, telle
qu'elle résulte des données prises dans les Actes et
complétées par les Épitres certaines. Ni la première ni
la seconde Épitre à Timothée ni l'Épître à Tite ne peu-
vent trouver place dans les Actes. Ainsi, en ce qui
regarde la I™ à Timothée, aucune des deux hypothèses
imaginées à cet effet ne paraît donner satisfaction.
Celle qui, par exemple, essaie de dater cette lettre
du voyage que Paul fit en Macédoine après son séjour
de trois ans à Éphèse, Act., XX, 1, ne s'adapte pas aux
circonstances de cette partie de la vie de saint Paul.
Mais bien des raisons rendent cette supposition inad-
missible. En effet, d'après les Actes eux-mêmes, xix,
22, Timothée avait devancé son maître en Macédoine,
où Paul le rejoignit peu après et d'où il écrivit la se-
conde lettre aux Corinthiens. II Cor., I, 1. De plus,
quand Paul quitta Éphèse, après son long séjour de
trois ans, il avait l'intention de gagner Jérusalem sans
repasser parl'Asie. Act., xiv,21;xx, 1, 3,16; ICor.,xvi,
4; II Cor., 1,16. Or, dans cette Épitre, il annonce l'intention
de revenir à Éphèse. Imagine-t-on, d'autre part, l'oppor-
tunité des recommandations de l'Apôtre s'il ne s'agit,
pour Timothée, que de prolonger son séjour de quel-
ques semaines ou même de quelques mois? Dira-t-on,
pour écarter ces objections, qu'il est ici question,
I Tim., i, 3, d'un voyage non raconté dans les Actes,
voyage que Paul aurait fait durant ses trois ans de sé-
jour à Éphèse? En soi, il est vrai, cette supposition ne
serait pas inadmissible, car les Actes passent sous
silence nombre de faits importants dans la biographie
• de l'Apôtre. Elle aurait même l'avantage, si l'on pro-
longe l'itinéraire de Paul jusqu'en Crète, de rattacher
à cette période de la vie de Paul l'Épitre à Tite. Seule-
ment, le fatal verset I Tim., 1,3, estlà pour s'opposer à
toute idée d'un séjour prolongé à Éphèse, permettant,
tout au plus, une courte visite. Au surplus, il ne faut
pas multiplier, au delà de toute mesure, les allées et
venues de l'Apôtre pendant son séjour dans la métropole
d'Asie. Quand on a intercalé, durant cette période, un
voyage à Corinthe, pour se mettre d'accord avec la
teneur des deux Épitres adressées aux fidèles de cette
Église, c'est assez. L'activité de Paul se déploya plutôt
du côté de l'Orient et l'on conçoit mal une interrup-
tion de ses travaux apostoliques en Asie, pour un autre
motif que celui de parer à la situation critique survenue
tout à coup à Corinthe. Qu'on ajoute. à ces raisons les
différences de style et d'idées qui séparent cette
I re Épitre à Timothée, comme les autres pastorales, du
cycle des grandes Épitres, le genre d'hérésies dont elle
parle, l'organisation de la hiérarchie à Éphèse, toutes
choses qui ne conviennent guère au temps de la troi-
sième mission. Avec la deuxième Épitre à Timothée les
difficultés sont encore plus grandes. La lettre serait
écrite durant la première captivité de Paul à Rome.
Or, les traits épars, dans cette Épitre, ne s'accordent
pas avec les données fournies par les Actes et les autres
épitres de la captivité. D'après la seconde Épitre à Ti-
mothée, en effet, l'Apôtre est en prison, à Rome sans
doute (i, 8, 12, 16, 17; n, 9-10), Timothée, à Éphèse. On
donne, comme récent, un voyage de saint Paul à tra-
vers l'Archipel : à Milet, il a laissé Trophime malade,
iv, 20 ; à Troade, il a laissé son manteau et des notes
chez Carpus, rv, 13; Éraste est resté à Corinthe, iv, 20 :
l'Apôtre y a donc fait escale. Puis on donne des indica-
tions sur la marche du procès. Tous ces détails ne sau-
raient concorder avec ce que les Actes disent du voya ge
2223
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2224
de Paul captif. Paul ne traversa pas l'Archipel; il ne
put aller ni à Milet, ni à Troade, ni à Corinthe, la
tempête ayant poussé le navire vers la Crète, puis sur
Malte. Quant au* Épitres certaines de la captivité de
Rome, celles aux Colossiens et aux Éphésiens, à Philé-
mon, aux Philippiens, rien ne cadre entre la situation
qu'elles reflètent et celle que suppose la seconde Épitre
à Tiraothée. Essaiera-t-on avec plus de succès une
conciliation enlre les Actes et l'Épitre à Tite? Mêmes
impossibilités. Selon les Actes, saint Paul ne fait que
toucher la Crète, en naufragé et en prisonnier, non en
fondateur d'Églises. La lettre, d'ailleurs, n'aurait pu
être écrite qu'à Rome, en captivité. Comment Paul
pourrait-il écrire qu'il a l'intention d'aller passer
l'hiver à Nicopolis, voir m, 12? Pourquoi ne fait-il au-
cune allusion à son état de prisonnier? Ces incohérences
obligent donc les défenseurs de l'authenticité à rejeter
ces Épîtres en dehors du cadre des Actes. On a renoncé
aux essais tentés par quelques exégètes, Bartlet, Apos-
tolic âge, p. 179-182; Bowen, The dates of the Pas-
toral Epistles, Londres, 1900, pour intercaler les Pas-
torales dans la trame du livre des Actes. La seule voie
possible paraît être de reporter la rédaction de ces
trois écrits dans un période de la vie de Paul placée en
dehors des Actes. L'Apôtre, après deux ans de captivité,
aurait comparu devant Néron, aurait été acquitté et
aurait repris, du côté de l'Orient, peut-être même de
l'Occident, ses courses évangéliques. C'est durant cette
ère de liberté qu'il aurait visité l'Archipel, revu Éphèse,
la Macédoine, l'Achaïe, l'Épire. La première lettre à
Timothée et celle à Tite dateraient de ce voyage. Re-
venu à Rome, Paul aurait été de nouveau incarcéré; là,
il aurait écrit sa seconde missive à Timothée et aurait,
peu de temps après, subi le dernier supplice. L'histo-
ricité des Pastorales se trouve ainsi liée à la question de
la seconde captivité de saint Paul, point d'histoire dif-
ficile à établir, il est vrai, mais ayant pour lui un en-
semble de conjectures assez vraisemblables sans qu'il
soit nécessaire, comme le pense B. Weiss, de tourner
dans un cercle vicieux et de prouver l'authenticité de
nos trois lettres par le second emprisonnement de saint
Paul, et la réalité de celui-ci par l'existence de celle-là.
Il faut, avant tout, convenir que la mention d'une se-
conde période active de saint Paul, au delà des Actes,
n'est attestée formellement par aucun auteur antérieur
au iv« siècle. Eusèbe de Césarée, H. E., II, xxn, 2,
xx, col. 194, est le premier à parler en termes expli-
cites d'une seconde captivité à Rome, en alléguant deux
passages de la seconde Épitre à Timothée, iv, 6, 16-18.
Puis viennent les témoignages divers de saint Jérôme.
Le premier, où le voyage en Espagne est vaguement en-
veloppé dans l'expression : in Occidentis partibus^ De
vir. ill., 5, t. xxiii, col. 615; le second, où l'auteur
rapporte l'opinion des Nazaréens sur la prédication de
saint Paul, In ls., vm, 23; ix, 1, t. xxiv, col. 123, 125;
in terminos gentium et viam universi maris Christi
evangeliumsplendu.it; le troisième, où, parlant d'après
ses propres idées, il dit, In ls., xi, t. xxiv, col. .151 : Hic
ltaliam quoqueel, ut ipse scribit,ad H ispanias alieni-
genarmn portalus est navibus; le quatrième, Tract, de
Ps. LXXXIU, Anecd. Maredsol., m, 2, 805 : dsinde dicit
quod de urbe Ronia ierit ad Hispaniam. Voici, par
ordre, les indices d'après lesquels on peut conjecturer,
faute de textes catégoriques, une seconde captivité
de saint Paul à Rome : 1° Les espoirs de délivrance
prochaine qui se font jour dans plusieurs Epîtres
de la première captivité, notamment dans l'Épitre
à Philémon, f. 22, surtout dans l'Épître aux Philip-
piens, i, 19, 25; H, 21, espoirs qui ne paraissent pas
être de simples désirs mais des conclusions sur la
marche du procès. Les Actes, xxv, 25; xxvi, 32, laissent
déjà entrevoir cette issue, en montrant combien Festus
était favorable à l'Apôtre. Nul doute que son rapport à
l'empereur, pièce capitale de l'affaire en cours, n'ait
conclu à l'innocence du prisonnier, xxvi, 32, aucun
fait nouveau n'étant survenu, ni aucune nouvelle in-
trigue du côté de Jérusalem. Act., xxvm, 20. Le sanhé-
drin avait d'ailleurs suffisamment de difficultés, à
ce moment-là, avec l'autorité romaine, pour perdre de
vue son adversaire. On était proche des troubles qui
amenèrent la guerre de Judée.
2° La tradition romaine d'un voyage de saint Paul en
Espagne. Cette tradition semble attestée par le passage
célèbre mais tant discuté (c. v) dans lequel Clément de
Rome écrit : « Paul aussi a reçu le prix de la patience,
ayant porté sept fois les chaînes, ayant été fugitif, la-
pidé, après avoir prêché la justice en Orient et en Oc-
cident, il a obtenu la noble renommée de sa foi. Après
avoir instruit le monde entier dans la justice et être
arrivé au terme de l'Occident (rlpy.* xïjç S-Jtr£t«>c)
et avoir rendu témoignage devant les chefs, il a été
retiré de ce monde et s'en est allé dans le saint lieu,
étant devenu le plus grand modèle de constance. » Or,
l'expression -tipua Trjç 8-j<te«;, chez les auteurs grecs
(Strabon, II, i; Philostrate, VilaApoll.,\, iv; Appien,
Proœm., 3; Hispan., 1; Eusèbe, Vila Const., I, vm,
2-4), servit à désigner l'Espagne. On objecte sans doute
qu'en prenant Jérusalem pour point de départ de l'apos-
tolat de Paul, Clément peut, se permettre une hyper-
bole oratoire, placer Rome aux confins de l'Occident,
afin d'achever sa comparaison et assimiler la marche
de l'Apôtre à celle du soleil. L'Occident, pour les
Latins, commençait à la mer Adriatique et à la mer
Ionienne. Appien, liell.civ., V,64;Mommsen,iîes n'esta?
Augusti, p. 118. De la sorte on pouvait dire, à la ri-
gueur, que Paul avait prêché dans les deux mondes,
même s'il n'avait pas dépassé l'Italie. Mais, en regardant
de plus près, dans son contexte, la valeur dumotxépua,
il est difficile de ne pas lui laisser son acception pre-
mière. L'intention de l'auteur, en l'adoptant, parait être
d'avoir voulu préciser la locution précédente « le monde
entier » et marquer ainsi que la tâche de Paul avait at-
teint, avanlson martyre, une limite qu'elle ne pouvait
dépasser. Le programme apostolique comportait d'ail-
leurs, comme l'indique l'Épître aux Romains, x, 18,
complétée parxv, 24, 28, et II Cor., x, 16, l'évangélisation
de l'Espagne, point terminus du monde connu. On
conçoit mal que Clément de Rome, qui avait su les pro-
jets de l'Apôtre, eût osé dire que Paul avait instruit le
monde entier et touché le terme de l'Occident, si en
réalité les événements s'étaient opposés à l'exécution de
ce dessein. Il faut songer que les lignes émanent d'un
témoin oculaire et sont écrites trente ans après
la mort de saint Paul, et à des gens qui avaient connu
l'Apôtre et étaient au courant de sa vie et de ses tra-
vaux. Quelques auteurs, voir Zahn, Einleit., 3 e édit.,
1906, p. 449, insistent, en outre, pour établir une
seconde captivité romaine, sur les sept emprisonne-
ments mentionnés dans le même passage de la lettre
de Clément, le 1 er à Philippes, le 2« à Jérusalem, le 3 e à
Césarée, sous Félix, le 4 e sous Feslus, le 5 e en mer, le
6 e à Rome (l re captivité), le 7 e de nouveau à Rome
(seconde captivité). Mais il y a suffisamment de parties
solides dans la thèse exposée sans recourir à ces énu-
mérations subtiles et un peu arbitraires. Beaucoup
meilleur est l'appoint fourni par la phrase incorrecte
et mutilée du Fragment de Muratori, ligne 37, que l'on
peut traduire : « Comme Luc le montre lui-même avec
évidence en omettant la passion de Pierre et aussi le
départ de Paul pour l'Espagne. » L'auteur a voulu dire
pour expliquer, sans doute, la fin si brusque des Actes,
que saint Luc n'avait voulu raconter que des faits
qui s'étaient passés en sa présence, raison inexacte,
il est vrai, mais précieuse par la tradition dont elle se
fait l'écho. On tenait donc pour certain à Rome, vers la
fin du II e siècle, le voyage de Paul en Espagne, ce qui
2225
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2226
précise et corrobore le document de Clément Romain.
Trente ans plus tard, les Actes de Pierre, écrits d'ori-
gine gnostique, attestent que Paul est allé prêcher en
Espagne, à la suite d'une vision. Pendant son absence
de la Ville sainte, qui n'a duré qu'une année, Pierre
vint de Jérusalem à Rome pour combattre Simon le
Magicien et mourut avant le retour de l'Apôtre. Les
Actes de Xantippe et de Polyxène, Apocr. aned., édit.
James, 4893, i, 58-85, si étroitement apparentés aux
Actes de Pierre, font également émigrer Paul de Rome
vers l'Espagne pendant quelques mois, comme pour
donnera Pierre le temps de venir d'Orientluttercontre
son adversaire traditionnel, Simon de Samarie. Il n'est
pas sûr qu'Origène, xm, In Gen., t. xn, col. 233, ait
parlé du voyage de Paul en Espagne, mais on en trouve
une mention formelle dans saint Cyrille de Jérusalem,
Cal., xvn, 26; xxvm, 9, t. xxxm, col. 597; saint Épi-
phane, Hser., xxvn, 6, t. xli, col. 373, saint Éphrem,
Expos, ev. concord., 286 : Paulus ab urbe Jérusalem
usque ad Hispaniam [prxdicavit] ; saint Chrysostome
qui avait lu de confiance les Actes de Paul, In Epist.
Il adTim., Boni., x, 3, t. lxh, col. 659; etc. ; Théodoret,
In Phil., i, 25, t. lxiii, col. 568.
Toutes ces dépositions venues de points si divers ne
sauraient, du moins avec facilité, trouver leur raison
suffisante dans l'exégèse du passage si connu, xv, 2i, 28,
de l'Épitre aux Romains, où l'Apôtre forme le projet
d'aller en Espagne. Cela apparaîtra encore mieux si
l'on observe qu'Eusèbe de Césarée, le premier auteur
qui, dans l'antiquité, ait explicitement parlé des deux
captivités de saint Paul, ne dit rien et ne parait rien
savoir de ce voyage oulre-monts. Même silence chez
Euthalius (vers 350), qui compte dix ans entre les deux
captivités. Il semble donc résulter des variantes mêmes
de Ja tradition une donnée constante et apparemment
solide, celle d'un intervalle plus ou moins long entre
les deux captivités de l'Apôtre.
Peut-on, avec nombre d'auteurs, apporter à l'appui
de cette conclusion la fin si brusque du livre des Actes?
Il est à craindre que ce nouvel argument n'ajoute pas
grande lumière, soit que l'on suppose avec assez d'in-
vraisemblance, il faut en convenir, que saint Luc ait
eu l'idée de composer un troisième livre pour raconter
lu suite de la vie de son héros (Ramsay, Saint Paul,
p. 309; Spilta, Vie Apostelgeschickle, p. 318), soit qu'on
place la rédaction des.Actes avant la mort de saint
Paul. On peut croire, en effet, que ce silence — il y en
a bien d'autres dans ce livre et non moins étonnants
— vient, comme les précédents, du plan même de l'ou-
vrage qui, tout en narrant les exploits apostoliques des
Apôtres, n'avait cependant pas l'intention de faire des
biographies, mais d'exposer la diffusion rapide de l'Évan-
gile à travers le monde sous l'action divine de l'Esprit.
S'il n'est pas fait mention de la mort de Paul, ce pou-
vait être parce que cet événement ne servait en rien
à la thèse posée et que chacun avait dans la mémoire
la façon dont s'était terminée cette vie incomparable-
En résumé, tout compte fait, entre les deux opinions
adverses sur les dernières années de l'Apôtre, on ne
peut traiter de manifestement improbable celle qui, re-
cueillant les divers échos du passé, croit y démêler
l'attestation d'une activité postérieure au premier em-
prisonnement et pouvants'adapter à la situation histo-
rique des Pastorales. L'hypothèse du voyage de saint
Paul en Espagne n'y contredit pas : elle aide plutôt à
établir qu'on avait gardé à Rome le souvenir d'une
période d'évangélisation entre les deux captivités.
Quand même l'Apôtre aurait abandonné à Rome son
dessein primitif de prêcher aux confins de la terre,
réservant la fin de ses travaux aux Eglises d'Orient, il
resterait, de cette persistance à imaginer son action en
Espagne, le fait qu'on ne pouvait terminer par une
seule captivité la fin d'une existence si active et limiter
à Rome ses derniers travaux apostoliques. Qu'on sup-
pose maintenant, dans le même milieu, la certitude
absolue de la façon dont Paul avait terminé sa vie, en
l'expliquant par une exécution capitale, suite naturelle
de son procès devant César, on aura à chercher l'origine
commune de ces traditions.
II. Hérésies. — Les erreurs signalées par l'auteur des
Pastorales ont exercé, dès le début, l'art divinatoire de
la critique. Le terrain sur lequel se rejoignent toutes
les conjectures imaginées dans ces derniers temps,
c'est le fond de gnosticisme plus ou moins caractérisé
que l'on s'accorde à identifier avec ces rêveries fantas-
tiques. Les divergences — et ceia influe naturellement
sur la date et l'origine des Épîtres controversées —
portent sur les diverses formes de gnosticisme aux-
quelles répondent les indications que nous fournissent
ces mêmes Épitres. Baur, Paulus, p. 110, essaya de
prouver qu'on y trouvait les doctrines gnostiques du
second siècle, particulièrement celles de Marcion. Il
voyait dans l'expression J/EuSwvûftoy yvcôusmc, I Tim., VI,
20, l'appellation quasi officielle des théories marcionites
et croyait découvrir jusque dans le terme àvTi8£<j£iç,
I Tim., vi, 20, le titre de l'ouvrage de Marcion sur les
contradictions entre l'Ancien et le Nouveau Testament.
D'autre part, les [niOoi xa\ YsvEaXoyfai, I Tim., IV, 7, rap-
pelaient les doctrines émana tistes de la gnose. Déjà saint
Irénée, Adv. hser., Prsef., i, t. vu, col. 23; Tertullien,
Presser., 7, 16,33, t. H, col. 19, 29, 46; Adv. Valent.,3,
col. 545; De anima, 18, t. m, col. 678, et sainlÉpiphane,
Hxres., xxxm, 8, t. xli, col. 587, avaient pensé, en li-
sant ces passages, soit à Marcion soit à Valentin ; ils y
trouvaient longtemps écrite à l'avance, par l'Apôtre, la
condamnation de ces dangereux hérétiques. L'objection
capitale qui se présente comme d'elle-même en face de
cette opinion, c'est le caractère judaïque de ces erreurs.
Comment transformer Marcion et Valentin en scribes
et en partisans de la Loi (vou.oSi8i<xxa).oi), des ennemis
aussi déclarés.du mosaïsme? Plleiderer et Holtzmann,
pour parer l'argument, disent que le faussaire, afin de
mieux couvrir sa pieuse fraude, aurait prêté à ses doc-
trines une couleur de judaïsme, Paul ayant forcément
gardé quelque chose de sa lutte avec les judaïsanls, so-
lution bien subtile et fort au-dessus de la moyenne des
auteurs d'ouvrages apocryphes. Le sentiment de Baur
est néanmoins adopté, avec des variantes, par de Wette,
Zeller, Volkmar, Scholten, Pfleiderer, Krenkel. Ainsi
Hilgenfeld et Davidson quittent Marcion et Valentin
pour Saturnin et pour les marcosiens ; Lipsius et
Schenkel ont songé aux Ophites; Mayerhoff. à Cérinthe;
Michaëlis et Mangold, à des Esséniens christianisés ;
Wieseler, à des néopythagoriciens; Reuss et Néander,
à des judaïsants influencés par le gnosticisme latent
qui germait en Orient dès l'apparition du christia-
nisme; Otto et Doehne,au judaïsme alexandrin, nourri
des idées de Philon et échafaudant, sur tes généalogies
de la Genèse, des allégories spirituelles de toutes
sortes. Suivant Godet, qui reprend à son compte l'hypo-
thèse d'anciens critiques comme Grotius, Herder,
Baumgarten, on aurait, dans les Pastorales, un spéci-
men anticipé de cette philosophie juive Bi étrange et
si fantastique qui s'est développée si longtemps à côté
de la Loi et qui n'a été fixée par écrit que beaucoup
plus tard, sous le nom de Cabbale. Un choix ferme,
parmi tant de divergences, est chose bien difficile. Et
cela, pour deux raisons capitales : la première, c'es
que les origines du gnosticisme sont très obscures ; la
seconde, c'est que les erreurs désignées-là ne sont pas
suffisamment caractérisées pour qu'on puisse les iden-
tifier avec tel ou tel système d'hérésie nettement connu.
i Ne pourrait-on pas dire, avec Renan, qu' <c au lieu de
rejeter l'authenticité des passages du Nouveau Testa-
ment où f'on a trouvé des traces de gnosticisme, il faut
quelquefois raisonner à l'inverse et chercher dans ces
2227
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2228
passages l'origine des idées gnostiques qui prévalurent
au second siècle ?» On sait, en effet, que le gnosti-
cisme, qui a pris une si grande extension durant l'âge
postapostolique, ne peut être localisé dans un seul
pays d'origine ni dans une époque déterminée. Ses
racines se prolongent jusqu'à l'ère apostolique. On
observe, d'autre part, que le danger qu'offraient les
faux docteurs ici en cause était plutôt d'ordre moral
(itovïjpoi avBptoTtoi, cf. II Tim., iv, 3 ; II, 25 ; m, 2-7 ;
I Tim., vi, 4) que d'ordre dogmatique. Aussi l'auteur
des susdites Épîtres ne se perd-il pas contre eux en
discussions théoriques. Il flagelle leurs vices et leurs
dérèglements. Aux membres de l'Église, il trace, pour
les mettre en garde contre de tels exemples, une règle
de conduite à l'opposé de ces lamentables excès. De là,
ces conseils de tempérance, de modération, de justice,
de chasteté, de modestie, de désintéressement, d'hon-
nêteté, qui constituent la partie marquante de ce groupe
de lettres.
Au point de vue de l'enseignement doctrinal, voici
les traits fondamentaux qu'on a pu recueillir. Les
fausses théories contre lesquelles l'auteur met en garde
ses disciples et leur ordonne de combattre présentent
diverses faces. D'abord elles sont essentiellement juives
d'origine et de tendance. Ceux qui les exposent se
paient du titre de vouoSiSâaxaXoi, I Tim., I, 7 ; ils
appartiennent au parti de la circoncision, Tit., i, 10 ;
ils aiment les disputes de la casuistique d'école, [i.â-/ai
vou.ixaî, Tit., m, 9, discutent sur les mythes juifs,
'IouSaïxol nûôoi, les traditions rabbiniques, èvroXai
àvOptûiTwv, Tit., i, 14; ce sont des ennemis déclarés de
saint Paul ; ils nient ou mettent en doute son apostolat.
I Tim., i, 1, 20; n, 7. Ce judéo-christianisme n'est pas
celui que l'Apôtre a combattu dans ses grandes Épltres,
c'est-à-dire le pharisaïsme légal ; ce n'est pas non plus
l'essénisme asiatique et mystique des Épîtres aux Colos-
siens et aux Éphésiens ; c'est une forme de judaïsme
qui affecte une tournure puérile et fait penser aux
fables et aux extravagantes histoires du Talmud. Ce
sont des contes de vieilles femmes, |j.û8oi ^patiSs^,
I Tim., iv, 7, des fables profanes péérjXot des généalo-
gies interminables, YsveaXoyiat àirépavtoi, des disputes
vides de sens, tiwpai ÇïjTï|<j-etç- ITim., n, 23; Tit., m,
9, des batailles de mots, XoYO|/.ax ! 'a'- I Tim., vi, 4. On
peut avoir un exemple de ce fatras de mythes et de
légendes dans le livre d'Enoch, le livre des Jubilés et
le traité d'Antiquités bibliques attribué à Philon. Hort,
Judaïstic christianity, p. 130-146. L'histoire des pa-
triarches y est la base habituelle des contes les plus
fantastiques. A ces vaines et creuses spéculations se
mêlait un ascétisme exagéré, imposant des abstinences,
I Tim., iv, 1-4, établissant de rigoureuses distinctions
entre les choses pures et impures, condamnant le
mariage, I Tim., i, 4, 6, 7 ; iv, 3, 4, 7 ; II Tim., m, 1-9,
et favorisant, par contre, une licence de mœurs révol-
tante. C'est de ce côté surtout que l'affinité serait plus
apparente avec le gnosticisme. Cf. Clément d'Alex.,
Stron)., Hl,3; t. vm, col. 1114; Tertullien, Adv.Marc,
1,14, t. n, col. 262; S.Irénée,fîœr.,i, 28, t. vu, col. 690.
Le but pratique de ces théories malsaines, c'est un
gain sordide, Tit., I, 11, ala-/po-j xipSouc "/«P'v ,' I Tim.,
VI, 5, voeuÇovtmv Tropurp-bv gtvai ttjv eùtréëeiav ; c'est
même la débauche, pénétrant domos et captivas
ducunt mulierculas oneratas peccatis. II Tim., m, 6.
Bien que l'apparition de ces faux docteurs semble être
réservée à un avenir plus ou moins éloigné, en ce
qu'elle est mise en rapport avec des prédictions rela-
tives aux derniers temps, ï(s%cnai riu-spai, II Tim., ni,
1 ; êv ierrâpotç xaipoîç, I Tim., iv, 11, il n'est pas né-
cessaire de croire ici à une pure prédiction, mais à
une conjecture fondée sur l'état de choses actuel, que
l'imminence de la Parousie ne peut qu'aggraver, puis-
que alors doivent paraître tant de faux prophètes.
Matth.,xxii, 24. Il n'y a donc en résumé, dans l'analyse
des erreurs qui viennent d'être examinées, aucun motif
absolu de chercher les personnes ou les tendances
combattues dans ces Épîtres à une grande distance de
l'époque apostolique proprement dite, et, en particu-
lier, parmi les divers systèmes gnostiques du n« siècle.
L'opinion qu'on se forme là-dessus résulte, d'ordinaire,
de celle qu'on a déjà sur l'authenticité de ces Épîtres.
Dans ce large syncrétisme d'idées juives, grecques,
orientales, esséniennes, gnostiques qui faisaient le
fond de ces doctrines étranges, il y a place pour tous
les rapprochements, pour toutes les analogies, pour
toutes les suppositions.
III. Organisation ecclésiastique. — Les progrès qui,
d'après les Epîtres pastorales, se sont accomplis par
l'Église dans la discipline et la hiérarchie, fournissent
aux adversaires de l'authenticité un de leurs plus spé-
cieux arguments. Ils commencent par faire observer
que les idées de l'âge apostolique sur la proximité de
la Parousie paraissent mal s'harmoniser avec des règles
destinées à assurer l'avenir des Églises après la mort
de Paul. Ces préoccupations, disent-ils, se comprennent
mieux sur le seuil du second siècle, alors que les espé-
rances sur la fin du monde et la grande apparition
messianique s'éloignaient. L'Église dut alors songer à
s'organiser pour durer. On sentit le besoin d'institulions
stables et de lois proprement dites, condition essen-
tielle de vie pour toute société humaine. Pour leur
donner plus de crédit on s'imagina qu'elles avaient été
établies par les Apôtres. Toute une littérature s'employa
à fortifier cette idée dans les esprits. On en retrouve
les principaux fragments, remaniés et délayés dans les
Constitutions apostoliques, les canons des Apôtres, les
lettres d'Ignace. Or, les Épitres pastorales ont avec ces
divers écrits une affinité tangible de fond et de forme.
Il suffit, pour les saisir, de mettre sur une même page,
les prescriptions des Pastorales et de la Didascalie des
Apôtres, relatives à la hiérarchie ecclésiastique. Les
Épltres à Tite et la première à Timothée auront été
composées pour couvrir de l'autorité de Paul le mouve-
ment vers la hiérarchie et l'épiscopat unitaire qui,
sous la poussée des hérésies, devenait, pour l'Église, la
seule garantie de vivre. Pour le prouver, on compare
les mots et les idées de l'Apôtre touchant l'Église et
ses institutions hiérarchiques d'après les lipitres cer-
taines, I Cor., xii-xiv; xvi, 16; Rom., xn, 8 ;IThess., v,
12, 13, et d'après les Pastorales, d'où il ressort une
diversité de conceptions nettement tranchée. Cf. sur ce
point Holtzmann, Einleit.,p. 290 sq. On fait, en outre,
observer que ces écrits se rapprochent plutôt des lettres
de saint Ignace, dont le thème invariable porte, comme
les Épîtres à Tite et à Timothée, sur le choix des prêtres
et des évêques.
La croyance à l'approche de la Parousie n'a pas em-
pêché les Apôtres de donner, dès le commencement,
aux communautés nouvelles une organisation locale.
Ainsi, dans leur première mission, Paul et Barnabe,
au témoignage des Actes, xiv, 23 (grec), établirent,
partout où ils avaient réussi à fonder un noyau de
croyants, des collèges d'anciens ou d'épiscopes. Aucune
société, même purement démocratique, ne saurait
d'ailleurs subsister sans une organisation et sans hié-
rarchie. Qu'il y ait eu, sur la lin de l'âge apostolique,
une légère modification dans les formes et les condi-
tions d'exercice de ces autorités locales, nul ne songe
à le mettre en doute. Dans les sociétés comma dans
les individus, la tête suit les progrès des autres parties
du corps. Avec l'expérience et le temps — celle de saint
Paul atteint avec les Pastorales une durée de presque
trente ans — certaines mesures s'imposaient pour le
gouvernement des Églises. L'autorité personnelle de
Paul sur les communautés de son ressort ne pouvait
plus s'exercer de la même manière, à la fin de sa vie
2229
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2230
qu'au commencement de ses missions. A mesure que
le nombre des Églises augmentait, il devait laisser aux
autorités locales une plus grande part d'initiative et
de responsabilité. L'éloignement, par le fait de sa cap-
tivité à Rome, dut encore élargir les pouvoirs de ces
collèges de prêtres ou épiscopes. Enfin quand l'Apôtre,
à la veille de son martyre, eut à régler le sort de ses
chères Églises, il dut se préoccuper de la consolidation
de son œuvre et, particulièrement, de la transmission
de son autorité apostolique à ses deux principaux disci-
ples, I Tim., vi, 20; II Tim., i, 12, 14, et aux chefs
préposés aux centres de croyants. Tout cela explique,
dans une grande mesure, les nuances qu'on signale au
point de vue hiérarchie et discipline ecclésiastique,
entre les premières et les dernières Epitres de saint
Paul. Que le progrès de la hiérarchie soit en raison
inverse de celui des charismes, cela n'a rien d'étonnant
pour qui sait comprendre que ces dons spirituels ont
dû, pour ne pas devenir un danger, se discipliner peu à
peu et céder le pas à l'autorité des pasteurs. A Gorinthe,
Paul esquisse déjà ce mouvement. Les charismes sont
pour lui un phénomène transitoire qu'il faut toujours
subordonner à l'utilité générale de l'Église. Il est à ob-
server qu'à la période de diffusion de l'Évangile dans
les principaux centres de l'Empire romain, a dû succéder
une période d'organisation. Le personnel itinérant et
missionnaire, apôtres, prophètes, évangélistes, didas-
cales, s'est fixé dans certaines Églises et y a occupé des
fonctions hiérarchiques. On pourrait se faire une idée
de cette transformation progressive dans ce qui se passe
encore aujourd'hui, lorsqu'un vicariat apostolique, en
pays de mission, se change en diocèse régulier et en
acquiert les cadres et les organes essentiels. Dans les
Pastorales, la hiérarchie n'a pas encore le développement
qui se remarque dans les Constitutions apostoliques ni
même dans la Didascalie des Apôtres, où l'on parle déjà
du lecteur et du sous-diacre. Les termes désignant les
principales fonctions ecclésiastiques, 'ETct'eraowoc, izpeo-
ëûrspoc, ôiàxovo;, sont dans les Épitres antérieures de
saint Paul avec le même sens et la même portée. Ces
lettres précèdent donc l'époque où s'est formée la ter-
minologie hiérarchique. Cf. Prat, La théologie de saint
Paul, t. i, p. 488.
IV. Circonstances invraisemblables. — On relève,
dans le contenu des Pastorales, une foule de détails qui
semblent incompatibles soit par rapport à l'auteur
supposé, soit par rapport aux personnages auxquels
il est censé avoir écrit ces diverses Épîtres. On signale,
notamment, les inscriptions solennelles de ces Épitres,
qui contrastent si fort avec celle de la lettre àPhilémon,
quoique pourtant Paul ait été moins intime avec
Philémon qu'avec Tite et Timothée, on s'étonne des
développements dans lesquels entre saint Paul touchant
son apostolat, I Tim., i, n ; h, 7, comme si Timothée
avait besoin, pour croire à la mission de son maître,
d'une attestation de ce genre. On se demande pourquoi
cette énumération de vertus, II Tim., m, 10, 11, sous
la plume de l'Apôtre, avec un ton de panégyrique
auquel on n'était pas habitué. Phil., m, 12. On
n'est pas moins surpris de le voir si assuré du salut
final, II Tim., IV, 8, alors qu'auparavant, I Cor., IV, 3,
4 ; ix, 27, il redoutait les jugements de Dieu ; on ne
s'explique pas sa bienveillance pour les autorités
romaines, I Tim., il, 2, qui n'a vraiment pas de sens
si on l'applique aux dernières années de Néron. A re-
marquer aussi la citation empruntée au troisième
Évangile et prise sur le même pied d'autorité et de
canonicité que les paroles mêmes du Deutéronome,-
I Tim., v, 18; Luc, x, 7 ; la doctrine sur le mariage,
I Tim., 11, 15 ; rv, 3; v, 41, contraire aux principes
habituels de Paul en cette matière, I Cor., vu, 8; le
manque de salutations personnelles pour les Éphésiens
parmi lesquels il comptait tant d'amis !
Le titre d'« Apôtre » mis en tète des trois Épitres et
revendiqué quelques versets plus loin, ITim., H, 7;
II Tim., i, 11, sous la foi du serment, étonne sans doute
quand on songe que Timothée était bien le dernier des
hommes qui pût en douter, lui qui, depuis près de
quinze ans, partageait les travaux de saint Paul. Seule-
ment, on a peut-être tort de voir toujours une intention
apologétique dans l'emploi d'un mot qui, à force d'être
répété dans les lettres, était devenu comme inséparable
de ses correspondances. II n'y a pas lieu non plus
d'être choqué des soi-disant louanges que l'Apôtre est
censé se donner à lui-même. Ne lui était-il pas permis
ici, comme dans ses précédentes lettres, II Cor., vi, 4-
16; Phil., in, 17; iv, 8, 9, de rappeler ses lettres et ses
travaux? Ne s'était-il pas déjà proposé ailleurs comme
un modèle à suivre? I Cor., xi, 1. On connaît, au reste,
le correctif d'humilité qu'il ajoute, d'ordinaire, à ce
genre de déclarations. I Cor. , xv, 10. La certitude où il
se trouve sur la fin de sa carrière, par rapport au salut,
n'a rien qui doive surprendre. Cette confiance pouvait
lui venir, à la veille de sa mort, d'un coup d'œil gêné -
rai embrassant toute sa vie apostolique. L'historien n'a
qu'à enregistrer l'aveu de Paul sans le révoquer en
doute.
L'avis de prier pour ceux qui détiennent l'autorité
souveraine ne fait que confirmer l'attitude de l'Apôtre
envers le pouvoir civil, quel qu'il soit. Ses principes,
à cet égard, ne dépendaient en aucune manière de la
conduite des gouvernants. Il voyait en eux des déposi-
taires de l'autorité divine, Rom., xm, 6; cela lui suffi-
sait pour établir des règles de respect, de gratitude
envers eux. La vue des désordres et des cruautés qui
marquèrent la fin du règne de Néron ne pouvait rien
changera cette manière de voir, pas plus que le souve-
nir des folies sacrilèges de Caligula n'avait pas em-
pêché d'écrire le chap. xm de l'Épître aux Romains.
La maxime que l'auteur de la I re Épltre à Timothée (v,
18) place à la suite d'une citation du Deutéronome
n'est pas nécessairement tirée du troisième Évangile :
elle pouvait faire partie de ces paroles de Jésus que la
tradition gardait avec un soin jaloux et qui allaient être
bientôt fixées par écrit, si elles ne l'étaient déjà en
bonne partie. Le même fait s'observe dans I Cor., IX,
14. Dans les deux cas, le mot ypatpr) ne s'applique qu'à
l'Ancien Testament, nullement aux sentences parallèles
empruntées au Sauveur Jésus. On ne saurait sérieuse-
ment opposer les enseignements de saint Paul sur le
mariage, tels qu'ils se rencontrent dans les Pastorales,
I Tim., n, 15, avec la doctrine de I Cor., vu. Les cir-
constances sont, en effet, tout à fait différentes. Ici, on
compare le mariage et le célibat, là on oppose au désir
frivole d'enseigner qui tourmente certaines femmes les
graves devoirs de la vie domestique qu'impose à cha-
cune d'elles la nature de son sexe.
L'absence des salutations pour les principaux mem-
bres de l'Église d'Éphèse vient probablement du carac-
tère intime et privé de la lettre tout entière, qui ne de-
vait pas être lue en public. Si l'Epître à Tite, au con-
traire, se termine par une salutation aux Églises de
Crète, c'est parce que les directions apostoliques
qu'elle renfermait visaient plutôt la conduite des mem-
bres de la communauté que celle de Tite lui-même.
V. Divergences doctrinales. — Les idées théolo-
giques des Pastorales représentent, d'après la majorité
des critiques, un système doctrinal très différent de
celui des autres Épitres pauliniennes. Cela est parti-
culièrement sensible dans les points de dogme qui sont
communs à ces deux sortes d'écrits, ce qui témoigne
qu'ils ne peuvent être sortis d'une seule et même
plume. Ainsi la « foi » qui, dans les précédentes lettres
de Paul, désignait presque toujours un sentiment sub-
j jectif, prend désormais le sens objectif, c'est-à-dire ce
qu'il faut croire. Ce n'est plus la foi qui croit, mais celle
2231
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2232
qui est crue : c'est la foi de l'Église, condensée sous
forme d'enseignement réglé, imposé par l'autorité hié-
rarchique. Aussi s'appelle-t-elle indiféremment iifo-riç,
àXï|8eia, êi8aaxaXt<x, XôfOi tîjç ihVtewç, ■nnaafir i Y.r„ ûytaî-
vouffa 6i8a<TxocXta, i\ xoiv7j t«<ttiç; de là, encore les com-
posés suivants : èv -kIgtei Çrjv,etvo», ctt^xeev, expressions
qui impliquent toutes, d'une façon plus ou moins di-
recte, une règle de foi, un centre catholique, une
orthodoxie en exercice. On remarque, en outre, qu'une
part plus considérable est faite, dans la vie chrétienne,
aux bonnes œuvres. Au mot « justice » se substitue,
presque partout, celui de « piété » qui englobe l'exer-
cice de toutes les vertus. L'idéal du chrétien est la
8so<7£ëeia Si'ïpytav àya8wv, synonymisantavecl'eûiréëeia.
Ce genre de préoccupation, succédant aux thèses de la
justification par la foi, ne peut appartenir qu'à une
époque où l'Église était déjà une société complète, tout
absorbée par son gouvernement intérieur, sa discipline,
sa vie morale, ce qui n'est pas le fait de la première
génération chrétienne, mais plutôt celle de la seconde
et de la troisième. D'autre part, les espérances rela-
tives à la Parousie, si vives dans l'âme de Paul, font
place à une résignation tranquille qui confine presque
à l'indifférence. Comparer, par exemple, I Tim., vi,14,
avec Act., i, 7; II Petr., H, 12. L'auteur semble ajour-
ner indéfiniment ce qui a été le mobile central de toute
sa vie apostolique. On dirait qu'il ne partage plus
l'espoir immense qui a été si vif durant la première gé-
nération chrétienne. Ses préoccupations vont mainte-
nant vers l'organisation d'une société qui doit vivre.
Il n'est pas seul à renoncer à l'avènement prochain du
royaume de Dieu. Autour de lui, il y a des esprits qui
relèguent dans le domaine de la métaphore l'annonce
de la Parousie et des phénomènes connexes qu'on y
attachait. II Tim.. h, 18. Autre symptôme. La théodicée
chrétienne commence, dans ces écrits, à faire des em-
prunts à la philosophie grecque. Elle exalte, en Dieu,
son unité, I Tim., i,17; h, 5; vi, 15, son invisibilité, i,
17; vi, 16, sa vie, m, 15; iv, 10, sa puissance, i, 17; vi,
15, sa véracité, Tite, i, 2; II Tim., H, 13, son immorta-
lité, ITim., i, 17; vi, 16, sa félicité, vi, 15. Ce progrès
philosophique ne peut évidemment dater des dernières
années de Paul. Il est également difficile de concevoir
qu'une plume chrétienne ait pu, avant l'an 70, traiter
le judaïsme, avec ses prescriptions légales, de fable et
d'invention humaine. Tit., i. 10. En tout cas, Paul n'a
jamais rien dit de pareil, même au plus fort de la lutte
avec les judaïsants.
A ces diverses difficultés on peut répondre, en les re-
prenant par ordre, que l'emploi prépondérant et presque
exclusif du mot foi, au sens objectif, n'est pas abso-
lument inconnu aux autres écrits de saint Paul; il se
trouvé ici, il est vrai, dans la proportion de 9 à 3, mais
on comprend cette inégalité quand on songe qu'un des
buts principaux des ÉpHres à Timothée et à Tite est de
tracer à ces pasteurs modèles les devoirs de leur charge,
au premier rang desquels se place, tout naturellement,
le soin de veiller à la pureté de l'Évangile. Il n'est donc
pas nécessaire, pour justifier le point de vue où se place
l'auteur et les expressions dont il se sert, de songer à
une autre forme de doctrine qu'à ce type d'enseigne-
ment (tôwoç ffn Siôax'lCt Rom., vi, 17), que l'Apôtre,
en l'an 58, félicitait les Romains d'avoir pour règle de
leur nouvelle croyance. L'insistance avec laquelle
ces dernières Épîtres reviennent si souvent sur la
« saine doctrine », provient des erreurs nombreuses qui,
à ce moment, faisaient invasion dans l'Église, même du
vivant des Apôtres. S'il est souvent question des bonnes
œuvres, I Tim., n, 10; v, 10; vi, 18; Tite, i, 16; H, 7,
14; ni, 1, 5, 8, 14, c'est qu'on ne saurait jamais assez
exiger de ceux qu'on veut mettre à la tête des Églises,
qu'ils prouvent, par leur conduite, qu'ils sont dignes de
cet honneur, afin que leur exemple exerce une salu-
taire influence sur les fidèles dont ils ont la charge. Le
mot « piété » résume heureusement la somme des de-
voirs de celui qui est, par état, « l'homme de Dieu ».
I Tim., vi, 11 ; II Tim., m, 17. Tout en partageant avec
ses contemporains l'espoir d'un prochain retour du
Christ, saint Paul a parfois entrevu la possibilité de
mourir avant la grande apparition finale. Dans sa se-
conde captivité cette possibilité devenait certitude,
presque un fait réalisé. Il était alors très naturel, pour
l'Apôtre, de pourvoir à l'avenir des Églises en donnant à
ses disciples des règles de conduite pour conserver le
fruit de ses travaux. — Les erreurs d'Hyménée et de
Philète ne reflètent pas l'opinion commune du milieu
où vit l'auteur des Pastorales : d'ailleurs, le dogme de la
résurrection avait trouvé de bonne heure, parmi les
Grecs, d'ardents contradicteurs. I Cor., xv, 12. — Aucun
des attributs donnés à Dieu, par ces trois lettres, ne
dépasse le monothéisme de l'Ancien Testament. 11 se
peut, toutefois, que la forme quasi technique sous la-
quelle ils se présentent se ressente quelque peu du
contact avec les esprits grecs, mais on sait que l'Apôtre
a commencé lui-même ce travail d'adaptation qui, en
d'autres mains, ira en se perfectionnant. — Le ju-
daïsme contre lequel s'élèvent les Pastorales n'est pas
le judaïsme palestinien des premières Épitres, mais ce
mélange de vieilles théogonies de cabbale, de pratiques
théurgiques dont sortirent plus tard les diverses formes
du gnosticisme. Aucune épithète ne pouvait assez éner-
giquement flétrir cesélucubrations malsaines, si dange-
reuses, dont le foyer paraît avoir été en Asie Mineure.
VI. Style. — La langue des Pastorales est sensible-
ment différente de celle des Épttres précédentes.
D'abord, au point de vue du vocabulaire. D'après les
calculs de Holtzmann, on compte, sur les 897 mots de
ces trois lettres, une moyenne de 171 âitaÇ ^eyôp-eva,
dont 74 dans la I ie à Timothée, 46 dans la seconde, 28
dans l'Épître à Tite. Certains verbes fournissent de
multiples dérivés inconnus à la plume de Paul, tels
que (TMçppoviU''' qui donne au>ippovta\i.6f, <jo>çpc5va>5,
aâxppwv; StSiuxsiv avec tous ses composés, StSâcrxaXoç,
SiSseirxaXi'a, StSayrj, SiSaxTey.o;, vo|j.o8:8dc<rxaXo;, xâXo8i
SâoxocXoç, ârspoSiSaaxor.Xeîv ; oîxeïv et les mots qui en
viennent, olxoç, oixia, otxaioç, oïxovop.ta, oixoSeffuoTetv,
o't ovôp.o«et olxoupY<5;. On pourrait y joindre les mots for-
més avec fiâpmp, <pfXoç avec des procédés de dérivation
inusités chez Paul. Demême,deslocutionsentièresoudes
associations d'images en dehors de ses habitudes litté-
raires : s-ja-sêtài; Ç7JV, II Tim., ni, 12; Tit., n, 22; Siwxsiv
êixaioerjvïiv, I Tim., VI, 12; II Tim., Il, 22; çuXiaaeiv
xtjv TCapa6v;xrjv,I Tim., VI, 20; II Tim., i, 12, 14; itapaxo-
Xouôeîv tîj SiSa<jxaXfat, ITim., IV, 6; II Tim., m, 10; tôv
xaXôv àyâia àfwvi^eofiat, I Tim., VI, 12; II Tim., IV, 7;
puis la phraséologie spéciale contre les faux docteurs
et leurs doctrines, gé8/)Xoi pûSot, I Tim., iv, 7; (Sêgï]Xoi
xevoçwvi'cu, I Tim., VI, 20; II Tim., Il, 16; («opai Kwr-
<rei;, II Tim. ,11, 23; Tit., m, 9; Çr^iec; xoc\ XoTona/cai,
ITim., VI, 4; Àoyo^a/siv, II Tim., Il, 14; (jaTaioXoyia,
I Tim., i, 6; u.aTaioXoYoç, I Tit., I, 10; en opposition
avec Xoyoç Oyir,?, Tit., n, 8; ùfiahoycEi Xôyot, I Tim.,
vi, 3; II Tim., I, 13; ûytalveiv t^ iziarsi, Tit., i, 13;
-fl vifiaîvouOTt 8iSa<xxaXîa, I Tim., i, 10; II Tim., iv, 3;
Tit., 1,9; n, 1; des expressions comme av8pMi:oi xiteç-
Ôotppiévot, II Tim., m, 8; 8tecp6ap|Aévot, I Tim., vi, 5;
xXav(ip.£voi, II Tim., m, 13; Tit., m, 3; ôtv6p<oiîo; ©soû,
ITim., VI, 11; II Tim., m, 17; icoyic toû ôiaêdXou,
I Tim., Hl,7; II Tim., II, 26; xittôç 6 Xôyo;, I Tim., i,
15, m,l, iv, 9; II Tim., n, 11; Tit., m, 8; des mots
plus ou moins grecs tels que à<ff)a.pafa, èitejiven, alûvE(,
eyaiSeia, awypofrjvT) ; ou au contraire, du plus pur
héllénisme, ypxûôric, <TU|jiarixr| yj(i.va<r:a, yutivâîTEiv,
àvx^uTtupeiv, e'.XavSpojfti'a, mais peu ou point d'hé-
braïsmes;à peine une citation de l'Ancien Testament,
I Tim., v, 18, 19 On note pareillement l'absence de
2233
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2234
presque tous les mots favoris de l'Apôtre : aStxo;, àxï-
9aa<rta, ày.poêuTTÏa, i%o\iTçtaiai<:, yvtupiZeiv, SiaôrjxYj, Si-
xacoojvv], ô'.naiwij.a, Soxsïv, Iv.oktto;, eSUffriv, spY a vô|iou,
xàyti, xaTepYâÇEaôai, xpsîouMV, (asiÇcuv, picxpô;, [itopîa,
o[j.oioOv,65iotto(ia, ôuocioç, opxv, o'jpavoç, TrapàSoticç, îcapa-
).a[iêâvetv, îtEtôeiv, rceiTOtôévac, 7re7toi'9r É (riç, 7CEpi7raTeiv, ol
noXXot, o7cXâYxva, TOMretvô;, 'jio6c<y!a,uîô; toô 0eo3,<pù<nç,
xapfÇeaOoet, xP'I'toc- La syntaxe des Pastorales s'éloigne
fort de celle des écrits pauliniens. Le style y est lâche,
terne, prolixe, sans vigueur et sans vie. Plus de pensées
brillantes ni de vigoureuses antithèses. Aucun dévelop-
pement dialectique. On dirait que l'on a évité systé-
matiquement tout ce qui caractérise la manière litté-
raire de l'Apôtre.
Cette diversité de style est indéniable et beaucoup plus
tranchée qu'ailleurs. Mais doit-on en conclure rigou-
reusement à une diversité d'auteur? Le problème est
délicat, sans pour cela rester insoluble. N'y a-t- il pas à
faire valoir les circonstances toutes particulières dans
lesquelles ces trois lettres ont été composées? D'abord
la similitude de langue qu'on remarque entre elles
s'explique par cela qu'elles ont été écrites pour un but
à peu près identique et dans un laps de temps très court.
Si, au contraire, elles diffèrent notablement, sur ce
point, de celle des autres Épltres, c'est que, par leur
objet, elles s'écartent d'un façon notable du thème
ordinaire qu'on y traite. Saint Paul n'avait pas à enta-
mer ici des controverses dogmatiques sur la justifica-
tion avec ses deux disciples préférés ou à revenir sur
sa lutte avec les judaïsants des premières missions. De
plus, ses lettres étaient adressées généralement à des
communautés et s'adaptaient à des situations d'ensem-
ble, à des nécessités d'ordre général ; dans le cas pré-
sent, il s'agit de lettres privées et de conseils paternels.
La lettre à Philémon n'est-elle pas d'une facture tout
autre que celle des Épltres aux Colossiens et aux Éphé-
siens, encore qu'elle ait été écrite à la même époque et
portée par le même courrier? Les hapax legomena ne
sontpas un critérium infaillible pour solutionner la ques-
tion d'auteur. « Quand on songe, dit Reuss, combien
peu de pages nous avons de l'apôtre Paul, sur combien
d'années elles se répartissent, combien de sujets diffé-
rents il y traite et combien il fait preuve de liberté,
d'adresse, de génie même, dans le maniement d'une
langue très riche par elle-même, et qu'il s'agissait
maintenant de façonner pour le service d'un cercle
d'idées toutes nouvelles, on serait en droit de s'étonner
s'il y avait là une monotone uniformité et si son voca-
bulaire était moins riche. Si ce premier argument
(celui des hapax) devait être considéré comme démon-
trant la diversité des auteurs, il n'y aurait pas deux de
toutes ces Épîtres qui ne dussent finir par être attri-
buées à des plumes différentes. » Les locutions nou-
velles peuvent être une conséquence du changement
qui s'était opéré dans la vie de l'Apôtre et dans l'Église
elle-même. Certains latinismes : x*P tv ïz ctv > gratiam
habere; 81' îjv aîti'av, quam ob rem; xaxoûp-foç, male-
ficus; itpôxptjia, preejudicium, étaient d'usage courant
et pouvaient résulter d'un long séjour à Rome. Le manque
de discussion dialectique vient de ce que l'Apôtre ne
veut que signaler à ses disciples les erreurs à éviter
sans entrer avec elles en discussion. Tite et Timothée
n'avaient pas besoin, pour être persuadés, de ce
genre de démonstration. La dépression générale qui se
manifeste dans le style et les idées de l'écrivain est
peut-être un effet de l'âge. Paul était alors plus que
sexagénaire. Quoi qu'il en soit, ces pages refroidies,
dernier reste « d'une voix qui tombe et d'une ardeur
qui s'éteint, » laissent encore loin derrière elles les
longues amplifications de Clément de Rome et les pages
plus ou moins colorées des écrivains postapostoliques.
VII. Classement. — Certains critiques, tels que von
Soden, Handc, p. 159; Moffatt, Histor. N. T., p. 560;
MacGiffert, Apost. âge, p. 413, d'ailleurs hostiles à l'au-
thenticité des Pastorales, ont interverti l'ordre tradi-
tionnel suivant lequel on les trouve rangées dans la
Bible. D'après eux, notre seconde Épître à Timothée
serait, en réalité, la première en date, puis viendrait
l'Épître à Tite et enfin la première Épitre à Timothée.
Les preuves sur lesquelles ils s'appuient sont les sui-
vantes : l'auteur, dans la II" à Timothée, insiste moins
sur les faux docteurs que dans les deux autres lettres :
leurs doctrines paraissent aussi moins bien caractéri-
sées et ne préoccupent pas si vivement l'Apôtre que dans
la I re à Timothée. D'autre part, l'organisation ecclé-
siastique, qui se laisse à peine deviner dans la II e à
Timothée, fait en grande partie le thème des deux autres
Épltres pastorales, signe évident que celles-ci sont d'une
date postérieure. Aureste, le rapprochement de II Tim.,
IV, 9-22, avec les finales des Épltres aux Colossiens et
à Philémon prouve qu'à peu d'exceptions près, c'est le
même entourage qui se trouve autour de l'Apôtre, ce
qui fait penser à la première captivité, celle dont
parlent les Actes. Enfin, la preuve décisive semble
donnée par le fait de deux personnages, l'un nommé
Hyménée, l'autre Philète qui, d'après II Tim., n, 17,
continuent à troubler l'Église, alors que dans I Tim., I,
20, on les donne déjà comme excommuniés. — On répond
à ces difficultés que les avis sur la conduite à tenir
à l'égard des hérétiques devaient, au contraire, être
plus longuement développés et plus minutieusement
circonstanciés dans une lettre écrite à Timothée, à
Éphèse, où il demeure pour gérer, pendant quelque
temps, la place de son maître. Là surtout, au centre
même de l'erreur, il importait d'avoir des règles fermes
et très explicites pour préserver la communauté chré-
tienne des fausses doctrines qui menaçaient de l'envahir.
Act., xx, 29. Les mêmes explications n'étaient plus
nécessaires dans une lettre — c'est le cas de notre
II e à Timothée — où saint Paul ordonnait à son disciple
de quitter Éphèse pour se rendre à Rome auprès de
lui, II Tim., îv, 21. Quant aux longs développements de
la I re à Timothée et de l'Épître à Tite, relativement à
la hiérarchie et à la discipline ecclésiastique, la raison
en est dans le but, les circonstances de ces deux Épîtres.
Toutes deux, en effet, visent des situations analogues.
La I re à Timothée avait en vue le gouvernement de
l'Église d'Éphèse; l'Epître à Tite, l'organisation des
communautés de Crète. Cela ne pouvait se faire, on le
comprend, sans qu'il soit question des divers degrés
de la hiérarchie ecclésiastique. Tout autre est l'idée
principale de la II e à Timothée, qui est un message
de rappel et un testament. Rien d'étonnant non plus à
ce que ce soit à peu près le même personnel d'amis
qu'à la fin de la première captivité romaine qui entoure
l'Apôtre lors de son second emprisonnement. Les deux
événements ne sont d'ailleurs séparés que par un
intervalle de deux à trois années à peine. Il n'y a donc
rien de péremptoire dans l'argument qu'on prétend
tirer des deux Éphésiens, Hyménée et Philète. Même
après leur bannissement de l'Église, ils pouvaient con-
tinuer à exciter des troubles et devenir un danger par
leurs doctrines perverses et leur prosélytisme. La
seconde à Timothée signale l'habileté avec laquelle les
erreurs de ces deux hérétiques se glissaient parmi les
fidèles, ce qui n'implique pas qu'ils lissent encore partie
de l'Église. Au total, la seconde Épître à Timothée ren-
ferme quantité de détails qui ne permettent pas de la
reporter à l'époque de la première captivité. Comment
expliquer, par exemple, le manteau et les livres laissés
à Troade, la maladie de Trophime laissé à Milet, le
voyage dans l'Archipel? Toutes ces circonstances ne
cadrent pas avec le récit des Actes rapportant, escale
par escale, et presque jour par jour, la traversée de
Paul prisonnier. Ainsi, pour se borner à un seul fait
comment l'Apôtre peut-il dire qu'il vient de laisser
2235
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2236
Trophime à Milet, s'il s'agit du voyage de la troisième
mission, quand on voit plus loin, dans les Actes, xxi,
29, que Trophime accompagne Paul à Jérusalem? On
ne voit pas non plus, si Paul n'est pas repassé à Troade
depuis l'an 58, pourquoi il redemande des livres et un
manteau laissés depuis près de huit ans chez Carpus.
Est-il explicable que, parmi tant de messagers venus
d'Asie Mineure ou de Macédoine, aucun n'ait eu l'occa-
sion de les lui rapporter?
VIII. Situation historique. — D'après le contenu de
la lettre, Paul, allant en Macédoine, vient de passer
quelque temps à Éphèse, en compagnie de Timothée,
qu'il laisse à la tête de la communauté, avec mission
de s'opposer aux diverses erreurs qui commencent à
s'y glisser, i, 3. A peu d'intervalle de là, lui arrivent,
de la métropole d'Asie, des nouvelles très fâcheuses.
Timothée, avec son naturel timide, iv, 12, et un état de
santé des plus précaires, rencontrait, dans l'exercice de
sa charge, toutes sortes de difficultés. Paul lui écrit
alors, pour le guider et le soutenir au milieu de
l'épreuve, cette première lettre où il lui rappelle les
directions qu'il lui a précédemment données. L'idée
centrale de ces quelques pages est tout entière dans le
f. 15 du chap. m : l'va EtSvjç ir<5; Stï èv oîxo> ©eoO àvxsTpé-
<pss6ai.
IX. Temps et lieu de la rédaction. — L'opinion
sur ces deux points dépend, en grande partie, de
celle que l'on adopte par rapport à l'authenticité de
l'Épître elle-même. Or, d'après ce qui a été établi plus
haut, il faut placer cette première lettre vers l'année
64 ou 65, c'est-à-dire dans la période d'activité aposto-
lique qui sépare les deux captivités de l'Apôtre. On peut
donc conjecturer qu'elle a été écrite en Macédoine,
pendant la tournée pastorale qu'y fit Paul au sortir de
son premier emprisonnement, 1, 3.
X. Intégrité. — Aucun soupçon ne s'est jamais
élevé autrefois à cet égard. Les doutes ne commencent
qu'avec la mise en cause de l'authenticité. Ceux qui
cherchent à trouver dans ces lettres des billets authen-
tiques adressés par saint Paul à Timothée distinguent,
d'une façon plus ou moins arbitraire, les parties dues à
la plume de l'Apôtre et celles qui ont été ajoutées,
beaucoup plus tard, par une main étrangère. Le travail
le plus original et le plus complet, à ce point de vue,
est celui de Knoke, Comm. in den Past., 1889, qui
croit avoir retrouvé des éléments primitifs de cette
première lettre dans trois lettres antérieures, dont deux
de Paul à Timothée et la troisième due à un auteur
inconnu du II e siècle, qui aurait fondu ensemble ces
trois écrits, dans le but de mettre sous le patronage
vénéré d'un Apôtre bien connu les institutions ecclé-
siastiques qui commençaient à fleurir dans les commu-
nautés chrétiennes de l'Asie. Harnack, Chron., p. 482,
484, pense que m, 1-13; v, 17-20, sont des fragments
qui ne peuvent être antérieurs à l'an 138. Ce ne sont
que des affirmations sans preuves.
XI. Analyse du contenu. — r. prologue, i, 1-2. —
L'en-tête de cette lettre' est simple, bref et sans phrase,
comme on pouvait l'attendre d'un maître écrivant à un
disciple et à un collaborateur de tous les instants. Le
titre d'Apôtre se trouve associé au nom de Paul non
dans un but apologétique, mais uniquement pour
rappeler à Timothée à quel titre il doit recevoir cet
ensemble de règles et de mesures administratives,
surtout de quelle source dérive l'autorité qu'il lui a
déléguée. Le Christ est appelé « notre espérance » pour
écarter sans doute les fausses perspectives de ceux qui,
amusant les fidèles avec des rêveries extravagantes,
leur faisaient perdre de vue les grandes vérités du
christianisme.
il. corps se l'épure, i, 3- vi, 19. — Sans prétendre
enfermer les idées de la lettre dans un cadre trop ri-
gide, il semble qu'on peut cependant y distinguer deux
parties principales qui s'appellent et se répondent.
Dans l'une, il est surtout question de ce que Timothée
doit faire sur-le-champ, à Éphèse, au nom de l'Apôtre
et comme son délégué; dans l'autre sont indiqués les
devoirs habituels du même Timothée comme pasteur
d'âmes.
A) 1" partie. — Le mandat confié à Timothée, i, 3-
m, 16. — 1° S'opposer aux fausses doctrines, i, 3-20.
— Les ordres à exécuter, de la part de saint Paul, ont
été dictés par la situation grave où se trouvait l'Église
d'Éphèse au moment où l'Apôtre se rendait en Macé-
doine. Les sombres pressentiments dont il avait fait
part aux anciens, dans son discours de Milet, Act., xv,
29-30, ne s'étaient que trop réalisés. Des doctrines
étranges circulaient dans la communauté. Il était de
toute nécessité de s'opposer à leur diffusion. Timothée
reçut donc comme première tâche de dénoncer le péril
de ces nouveautés malsaines, dont le danger est ici,
avant tout, d'ordre moral. Le reproche à leur faire
est de volatiliser en chimères puériles la vertu sancti-
fiante de l'Évangile. En effet, elles s'éloignent de l'en-
seignement reçu dans l'Église (éTe?o8iSaoxa),E!v), se
perdent en mythes et en généalogies interminables,
peut-être au sujet de certains personnages ou de cer-
tains faits de l'histoire sacrée; ce sont des légendes
rabbiniques, dans le genre de celles du Talmud; elles
provoquent des discussions stériles (ÇriTTi<reiç), détournent
la doctrine évangélique de son vrai but, qui est de
promouvoir l'œuvre de Dieu, exaltent à tort et à travers
la Loi ancienne, obscurcissent l'éclat de l'Évangile.
Aussi l'Apôtre enjoint-il à son disciple, au nom même de
la consécration solennelle qui l'a voué au saint
ministère, de combattre ces erreurs pernicieuses et de
poursuivre l'œuvre de préservation qu'il a lui-même
inaugurée en rejetant de l'Église les deux principaux
fauteurs de ces doctrines, Hyménée et Alexandre.
2» Veiller à la célébration du culte, h, 1-15. — De
la doctrine l'Apôtre passe à la réglementation du service
religieux. Là encore il y avait à reprendre et à corriger.
Une première recommandation semble s'inspirer des
circonstances politiques du moment. Si l'on prescrit de
prier pour les autorités romaines, c'est qu'on a pour
cela, quelque part, des répugnances spéciales. On est
à la veille de la guerre de Judée et au lendemain des
massacres de Néron. Paul base son conseil sur les
principes de son universalisme : l'unité de Dieu et
l'unité du Sauveur. Si Dieu veut le salut de tous les
hommes, des bons comme des méchants, des justes
comme des pécheurs, nous n'avons pas à nous mon-
trer plus sévères que lui. Il est prescrit aux hommes
de n'élever vers le ciel que des mains pures, exemptes
de souillure morale, ef de ne s'approcher de Dieu qu'avec
des sentiments pacifiques, allusion discrète à des
querelles intestines dans l'Église d'Éphèse. Aux femmes
sont données des prescriptions qui rappellent, sur
quelques points, celles qui avaient été adressées aux
Corinthiens, I Cor., xi, 3-15, relativement à la tenue
extérieure dans les assemblées liturgiques.
3° S'appliquer à bien choisir le personnel ecclésias-
tique, m, 1-13. — A cet effet, l'Apôtre trace la liste
d'irrégularités qui doit servir d'indication à Timothée
pour écarter les indignes des fonctions saintes. Les
règles qu'il donne visent d'abord l'évêque (m, 1-7) qui,
en raison de la grandeur de sa charge, doit être, pour
tous, un modèle de perfection. Il doit avoir non seule-
ment les qualités d'un pasteur d'âmes, mais aussi celles
d'un intendant temporel. Celui qui brigue une si belle
fonction doit être irrépréhensible tant aux yeux des
fidèles qu'à ceux du dehors, n'avoir été marié qu'une
seule fois, être sobre, chaste, aimable, hospitalier,
capable d'enseigner. Il ne doit pas être violent mais,
au contraire, se montrer doux, pacifique, désintéressé,
exempt d'avarice. Sa famille doit être grave comme lui;
2237
TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A)
2238
ses fils, soumis, respectueux, à l'abri de tout soupçon.
Pas d'évêques néophytes, mais des hommes éprouvés
depuis longtemps. L'Apôtre ne se montre pas moins
sévère pour l'élection des diacres. On n'est admis à
cette fonction délicate qu'après une sérieuse épreuve.
Le passé du candidat doit être irréprochable. Avec
cela, une grande dignité de vie; pas de duplicité dans
ses rapports avec les membres de l'Église, une tempé-
rance exemplaire, une conscience scrupuleuse en
affaires, la haine de l'erreur et du mal. Des veuves
diaconesses on exigera une vie honnête, de la réserve
dans les conversations, de la sobriété 'et de la fidélité
à s'acquitter de leur ministère.
B) Seconde partie. — Les devoirs professionnels de
Timolhée comme serviteur de l'Église, m, 14-vi, 19.
— La pensée qui domine cette nouvelle série de con-
seils est toujours le danger des faux docteurs. On peut
les classer ainsi :
1° Devoirs envers la vérité, m, 15-iv, 16. — Le
morceau débute par une sorte de vision phrophétique
sur l'avenir de l'Église d'Éphèse. L'Apôtre voit, dans
ce qui arrive en Asie, l'image de ce qui se reproduira
plus tard, un peu partout, quand il aura disparu : d'un
•côté, l'Église de Dieu, dépositaire officielle de la vérité,
faisant briller aux yeux de tous le trésor dont elle a la
garde; de l'autre, les efforts des prophètes de men-
songe, qui essaient de renverser la colonne brillante
d'où rayonnent les bienfaisantes clartés de l'Évangile.
En face d'une pareille situation, le devoir du pasteur
d'âmes est tout tracé. Il doit garantir le troupeau de
la contagion, lutter par tous les moyens contre l'erreur,
faire resplendir, par l'enseignement de la parole et de
l'exemple, la vérité qui lui a été confiée. Les obligations
pastorales sont, pour ainsi dire, contenues dans la
notion de l'Église. L'Apôtre les résume en deux points:
la parole et l'exemple. Par le premier moyen, Timothée
inculquera aux fidèles les vrais enseignements de la
foi. Il ne prêtera pas l'oreille aux inepties doctrinales
et aux pratiques ridicules des faux docteurs. 11 utilisera
son temps d'une façon beaucoup plus profitable, en se
livrant à la piété. Puis, pour fortifier dans les cœurs
l'effet de sa parole, Timothée s'efforcera d'inspirer à
tous, même aux plus anciens, le respect dû à sa dignité,
suppléant au défaut de l'âge par la gravité d'une vie où
tout deviendra exemple : paroles, conduite, charité,
foi, intégrité morale. En même temps, il vaquera,
jusqu'au retour de Paul, aux fonctions normales du
ministère : lectures publiques, exhortations, didascalie.
Pour remplir avec succès ces divers offices, le disciple
n'a qu'à mettre en exercice le charisme qui est en lui et
qui lui a été communiqué, à la voix des prophètes,
lorsque les anciens de Lystres lui imposèrent les mains.
2° Devoirs envers les différents membres de l'Église.
v-vi, 3. — Dans l'art de gouverner, il faut savoir
s'adapter aux diverses catégories de personnes qu'on
a sous ses ordres. De là, les avis données à Timothée
quant à ses relations : — a) Avec les hommes, v, 1.
Ménager les vieillards, surtout s'il faut les réprimander:
exhorter plutôt que reprendre. S'il s'agit des jeunes
gens, les traiter comme des frères. — b) Avec les
femmes, v, 2. Se comporter envers elles, si elles
sont avancées en âge, comme avec une mère, et, si elles
sont jeunes, comme avec des sœurs, en toute pureté. —
c) Avec les veuves. 3-15. L'auteur distingue, dans
cette classe, deux catégories : la vraie veuve, celle qui
n'a ni enfants, ni parents pour la recueillir, qui met
en Dieu son espoir et passe sa vie en veilles saintes,
en prières continuelles. A celle-là est due naturellement
une part des aumônes recueillies par l'Église. Timo-
thée veillera à ce que la communauté acquitte avec
fidélité cette dette d'honneur. Il ne permettra pas, au
contraire, qu'on laisseà la charge de l'Église les veuves
qui ont encore des parents. Quant à la veuve consolée
qui vit dans les plaisirs, c'est la seconde sorte de
veuves. L'Église n'a aucun devoir envers elle, d'ailleurs
elle est morte au point de vue spirituel.
A partir du f. 9, l'Apôtre passe à un autre ordre
d'idées. Des veuves assistées il en vient aux veuves
chargées dans l'Église d'un ministère de charité. Il
exige que la veuve élue à cette fonction n'ait pas moins
de soixante ans, qu'elle n'ait été qu'une fois mariée et
qu'elle soit recommandable par ses bonnes œuvres,
par la manière dont elle a élevé ses enfants, par le
zèle qu'elle a mis à exercer l'hospitalité, à laver les
pieds des saints, à soulager les affligés, à faire le bien
sous toutes ses formes. Les jeunes veuves doivent être
écartées de ces fonctions ; car, au bout de quelque temps
donné au Christ, leur nouvel époux, elles sont exposées
à lui être infidèles et à ne plus penser qu'à se re-
marier.
d) Avec les presbytres. v, 17-22. — Faire en sorte que
l'Église sache reconnaître par de larges offrandes les
bons services de ses chefs, surtout lorsqu'ils joignent
à leurs fonctions administratives le travail de la parole
et de l'enseignement. Si quelqu'un de ces presbytres vient
à être soupçonné ou convaincu de quelque grave délit,
la première règle sera de ne pas prêter trop facilement
l'oreille aux dénonciations. C'est pour eux surtout
qu'il faut impliquer les principes de procédure indi-
qués par le Deutéronome, xiv, 15. Timothée ne devra
donc recevoir l'accusation que si elle s'appuie sur deux
ou trois témoignages. Mais si la preuve est faite, le
coupable doit être repris devant tous ses collègues. Il
va sans dire que le jugement doit être impartial. Pour
éviter autant que possible d'admettre, dans le collège
des anciens, des hommes indignes ou incapables, ne
pas faire de choix précipité.
e) Avec les esclaves, vi, 1-2. — L'auteur signale le
danger qu'il y aurait si l'adhésion à la foi chrétienne
rendait les esclaves enclins à la rébellion ou même à
la négligence dans leur service habituel. En consé-
quence, Timothée les persuadera, si leur maître est
païen, de redoubler de respect, pour éviter qu'on ne
blasphème le nom de Dieu et la foi qu'ils professent ;
quant à ceux qui ont un maître chrétien, il leur con-
seillera de n'être pas moins vigilants à s'acquitter de
leur service.
3° Désintéressement, vi, 3-19. — Ce paragraphe donne
à saint Paul l'occasion de revenir sur les faux doc-
teurs pour peindre leur cupidité. L'amour de l'argent
est, au fond, le mobile de ce pseudo-ascétisme. Aussi
la conduite de Timothée doit-elle contraster avec cet
amour effréné des biens de la terre. Simple en sa vie,
se contentant de peu, l'homme de Dieu ne se mettra
pas en peine d'amasser des richesses, mais il recher-
chera la justice et la piété, la foi, la charité, la con-
stance et la douceur. Les jl. 17 et 19 s'adressent aux
riches de la communauté d'Ephèse pour leur recom-
mander l'humilité, la confiance en Dieu seul et une
large libéralité.
ni. épilogue, 20, 21. — Ces deux derniers versets
résument toute l'Épltre. C'est le mot d'ordre du chef
à un subordonné qui est sous les armes, aux prises avec
l'ennemi, et qui défend avec courage un trésor qui lui
a été confié.
XII. Bibliographie. — \« Au sujet de l'authenticité
des Pastorales. — En dehors des catholiques, elle est
défendue intégralement par les protestants conserva-
teurs et par presque tous les commentateurs jusqu'à
B. Weiss dans Meyer, 5 e édit., 1886; plus tard, le même
auteur a changé d'opinion et se tient plutôt vers le
non liquet; par la plupart des anglicans. Godet, Introd.,
1. 1, p. 628 sq. ; Zahn, Einl. in das N. T., 4« édit., 1906,
p. 402 sq. ; Bertrand, Essai critique sur l'authen-
ticité des Epîtres pastorales, Paris, 1888 ; Salmon,
Introd. to the N. T., p. xx ; Findlay, dans son appen-
2239
TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A)
2240
dice à la traduction anglaise de l'ouvrage de Saba-
tier, The Apostle Paul, 1891 ; Lightfoot, Biblical
essaya, en. xi, xm. Ont admis une authenticité demi-
paulinienne : Eichhorn, Credner (1836), Ewald, Hitzig,
Hausrath, Pfleiderer, Hesse, Die Austehung derneutest.
Hirtenbriefe, Halle, 1889; Knoke, Comment., Gœttin-
gue, 1889; Harnack, Die Chronologie, 1897, p. 480-485 ;
Renan, Saint Paul, p. xlix ; Beyschlag, Die christliche
Gemeindeverfassung im Zeitalter des N. T., 1874 ;
Sabatier, Encyclopédie des sciences religieuses, t. x,
1881, p. 250 ; Clemen, Paulus, sein Leben und Werken,
Giessen, 1904, p. 146; Von Soden, Handcom., 1893 ;
Bovon, La théolog. du N. T., 1905, p. 327-339. Depuis
Baur, toute l'école de Tubingue a rejeté 'authenticité
des Pastorales. Consulter sur ce point le travail appro-
fondi de H. Holtzmann, Die Pastoralbriefe krilisch
und exegetisch behandelt, 1880 ; Reuss, Les epîtres
Pauliniennes (en exceptant la II e à Timothée dont il
reconnaît l'authenticité); Mac Giffert, Hist. of christ,
in tlie Apostolic âge, p. 398; Jûlicher, Einl., 1901,
p. 136-146 ; Moflatt, dans Encycl. biblica, Timothy
and Titus, col. 5079-5096.
2° Commentaires. — Dans l'antiquité, spécialement
ceux de saint Jean Chrysostome, de l'uéodore de
Mopsueste, de Théodoret, de l'Ambrosiaster ; plus près
de nous, Wegscheider (1 Tim.), 1810 ; Heydemeich,
1826-28; Mack, 1836-1841 ; Léo, 1837-1850; Mathias, 1848 ;
Wiesinger (Gomm. d'Olshausen), 1850; Ellicott, 1865 ;
Fairbairn, 1874 ; Kôlling, 1882 ; Meyer, XI, 6» éd., 1893;
von Soden, Handc, 1893 ; Walter Lock, The Pasto-
ral Epistles, dans The lntern. crit. Comm.; A. E.
Humphrey, dans Canib. Bible for schools, 1897.
3° Travaux particuliers. — Schleïermacher, Ueber
den sogen. ersten Brief des Paulus an den Timotheus,
1807; Planck, Bemerkungen ûber den ersten Brief an
Timoth., Gœttingue, 1808 ; Bœhl, Ueber die Zeit der
Abfassung und den paulin. Charakter der Brief e an
Timoth. und Titus, 1829 ; Ad. Curtius, De tempore
quo prior ad Timoth. exarata sit, 1828 ; Baur, Die
sogen., Pastoralbriefe, 1835; Baumgarten, Die Aech-
theit der Pastoralbriefe, 1837 ; Rolle, De authentid ep.
pastor., 1841; Scharling, Die neusten Untersuchungen
ûber die sogen. Pastoralbriefe, 1846; Good, Authenti-
cité des Epîtres pastorales, Montauban, 1848 ; Saintes,
Etudes critiques sur les lettres pastorales attribuées
à saint Paul, Paris, 1852 ; Rudow, De argumentis
historicisquibus épis t. pastoralium origopaulina impu-
gnata est, Gœttingue, 1852; Dubois, Étude critique
sur l'authenticité de la première Épître à Timothée,
Strasbourg, 1856 ; Mangold, Die Irrlehrer der Pasto-
ralbriefe, 1856 ; Otto, Die geschichtlichen Verhâltnisse
der Pastoralbriefe, 1860 ;Ruffet, Saint Paul, sadcuble
captivité à Rome, 1860 ; Ginella, De authencia ep.
Pauli pastoralium, 1865 ; Plitt, Die Pastoralbriefe,
1872 ; Herzog, Ueber die Abfassungzeit der Pastoral-
briefe, 1872 ; Pierre Bordier, Les Épîtres pastorales,
1872 ; Lemme, Dos echte Ermahnungsschr. d. Ap. P.
an Tim., 1882; Eylau, Zwr Chronol. der Pastoralbriefe,
1884 ; Spitta, Zur Gesch. und Litt. d. Urchrist., 1893,
p. 35, 49; l'article de B. Weiss dans American jour-
nal of theology, avril 1897. Voir F. Prat, sur l'état actuel
de la critique indépendante, dans Théologje de saint
Paul, 1908, p. 467.
5. TIMOTHEE (DEUXIÈME ÉPITRE A). — 1» Situation
historique. — L'Apôtre est à Rome, en prison, I, 8, 12,
16, 17; il, 9, 10, pour la cause du Christ, tandis que Ti-
mothée est à Éphèse, i, 16, 18 ; H, 17 ; îv, 14, 15, 19, où
les mauvaises doctrines continuent à pulluler, du fait
d'Hyménée et de Philète, m, 17. Il n'y a pas longtemps
que Paul est à Rome et en prison, puisqu'il donne à
Timothée, comme des nouvelles, certains détails sur
une tournée qu'il vient de faire dans l'Archipel ; à
Milet, il a laissé Trophime malade, iv, 20; à Troade,
il a laissé un manteau et des livres chez Carpus, n, 13 ;
Éraste est resté à Corinthe, iv, 20. Paul a donc tra-
versé récemment l'Asie Mineure et la Grèce, en com-
pagnie d'un groupe de disciples, Tit., m, 15, assez
nombreux (oî fier' Èjioy TtâvTEç), parmi lesquels on comp-
tait sans doute, outre ceux qui viennent d'être cités,
Tite, Démas, Crescent, Tychique et un certain nombre
d'Éphésiens. A Rome, les Asiates, entre autres Phigelle
et Hermogène, l'ont abandonné, i, 15. Un autre Éphé-
sien, au contraire, Onésiphore, un de ses anciens amis,
étant venu à Rome, l'a cherché, l'a trouvé et l'a soigné
dans sa captivité, i, 16, 18. L'Apôtre est plein du pres-
sentiment de sa fin prochaine, iv, 6-8, il craint, pour
son second procès, une issue fatale. A mesure qu'ap-
proche le dénouement, il sent le vide autour de lui.
Ses disciples sont loin de lui. Démas, peu fait à
l'épreuve, vient de le quitter pour suivre des intérêts
périssables ; il est retourné à Thessalonique, îv, 10
(texte grec) ; Crescent est allé en Galilée, Titus enDal-
matie, IV, 10. Tychique n'est pas encore revenu d'Ephèse,
où Paul lui-même l'a envoyé, lv, 12, en sorte que
l'Apôtre n'a que Luc auprès de lui. Dans l'intervalle,
ses adversaires exploitent son isolement. Un certain
Alexandre, ouvrier en cuivre, originaire d'Ephèse, lui
a fait beaucoup de peine et une vive opposition ; cet
Alexandre est maintenant de retour en Asie, IV, 14, 15.
Par rapport au procès en cours, voici où en sont les
choses : Paul a déjà comparu devant l'autorité romaine ;
dans cette comparution, personne ne l'a assisté, lv, 16,
mais Dieu l'a aidé et l'a arraché de la gueule du lion,
iv, 17. Dans le cas, malheureusement trop probable, où
la seconde audience se terminerait par une condam-
nation, il désire avoir, près de lui, ses plus chers
disciples. En conséquence, il prie Timothée de venir
avant l'hiver, iv, 9, 21, et d'amener Marc avec lui, iv,
11. Le voyage devra, vraisemblablement, s'effectuer en
repassant par la Macédoine et la Grèce, puisque l'ordre
est de passer par Troade. Là, Timothée prendra la
pénule, les livres et les feuillets de parchemin que son
maître a laissés chez Carpus, iv, 13. Mais, avant de
quitter Ephèse, le disciple fidèle ne manquera pas de
saluer Aquila et Priseille, ainsi que la maison d'Oné-
siphore, iv, 19. En lui faisant cette dernière recom-
mandation, Paul lui envoie les saluts des plus notables
chrétiens de Rome, tels qu'Eubule, Pudens, Linus,
Claudia, et les vœux de tous les autres frères. Tel est l'en-
semble des choses qui ressort de la lettre elle-même.
2° Emprunts littéraires. — Le ton général del'Épître
étant celui de l'intimité, non celui de l'argumentation,
il s'ensuit que les citations sont peu nombreuses. On
n'en trouve même aucune qui soit explicite. A peine
de vagues réminiscences, par exemple, il, 13 =
xvi, 5; Is., xxvi, 13 ; n, 20 = Sap., xv, 7 ; u, 24, 26 =
Is., xlii, 1-3 ; lv, 14 = Ps. lxii (hébr.) ; iv, 14, 17, 18
= Ps. xxn (hébr.). Quelques-unes ne nous arrivent
qu'à travers les paroles de Matth., vu, 23, 24; Luc, xm,
25-27. Saint Paul a-t-il, en revanche, usé ici de la
tradition juive ? Un seul mot pourrait y faire penser,
m, 8-9, là où il est question de Jannès et de Mambrés.
On croit aussi reconnaître, dans un autre passage de
cette lettre, n, 11-13, des fragments d'un hymne chré-
tien avec des pensées reproduites dans divers écrits
du Nouveau Testament. Rom., vi, 8; vm, 17 ; Matth., x,
33; Luc, XII, 9. Il y a peut-être des traces d'un Credo
primitif au n, 8. Burn, Introd. to the Creeds, p. 27-30.
Certaines paroles, il, 8 ; II, 19, ont aussi l'air d'être
empruntées à quelque proverbe alors en vogue dans les
Églises du temps. On soupçonne, en outre, la belle
sentence, iv, 8, d'être tirée d'un âf po?ov du Seigneur.
Enfin, la doxologie finale, rv, 18, semble imiter la der-
nière prière de Jésus. Les points de contact avec les
autres Epîtres sont assez nombreux, spécialement avec
2241
TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A)
2242
l'Épltre aux Romains. On pourra s'en rendre compte
par le tableau suivant : i,3 = Rom., i, 8 ; i, 7 = Rom.,
vin, 15; i, 8 = Rom., i, 16; Eph., iv, 1 ; i, 9 = Rom,,
xvi, 25 ; Eph., I, 4 ; n, 8 ; i, 11 = I Tim., n, 7 ; i, 14 =
Rom., vm, 11 ; n, 4-6 = I Cor., ix, 7 ; n, 11. 13 =
Rom., vi, 8; vm, 7; n,16 = Tit., m, 9 ; n, 22 = ITim.,
vi, 11 ; m, 5 = TH., i, 16 ; m, 7 = Tit., i, 16 ; m, 1 ;
iv, 6 = Phil., i, 23 ; n, 17.
3° Authenticité. — Du côté de la critique interne, la
seconde Épître à Timothée se trouve bien plus favorisée
que les deux autres Pastorales. On y sent davantage le
ton, les manières, les sentiments de saint Paul ; sa
profonde affection pour ses compagnons d'apostolat, sa
tendresse paternelle pour Timothée, sa délicate sensi-
bilité. Avec cela, sa haute idée de l'apostolat, son
insistance à rappeler, à tout propos, son enseignement
et ses souffrances, le même beau mépris de la mort, le
même dévouement pour la cause de l'Église, la même
promptitude à donner son sang comme libation pour
assurer le sacrifice de foi des fidèles, la même assu-
rance par rapport à la protection divine. On retrouve,
aussi, dans ces pages, l'amour de l'Apôtre pour ses
anciens coreligionnaires, i, 3; Phil., ni, 5, sa haute
estime, son culte pour les écrits de l'Ancien Testament,
ni, 16, 17, son respect des traditions juives, IV, 8.
Mêmes affinités avec les doctrines des grandes Épîtres :
la prédestination, la grâce, la victoire sur la mort, la
résurrection du Christ, base de notre espérance, la
nécessité de souffrir, le courage chrétien, les épreuves
de la foi. Aussi, dans toutes les parties, il n'y a rien
qui ne rappelle, d'une façon ou d'une autre, la plume
du grand Apôtre. Ajoutons que, dans le détail, les faits
répondent, sans trop d'effort, à l'état de choses général
qui ressort de l'ensemble de la lettre ou qui résulte des
autres données de l'histoire. « On peut même dire, dit
Reuss, qu'aucune autre, parmi les Épîtres pauliniennes,
ne lui est comparable à cet égard. Le fait que le ton y
change plusieurs fois, selon que l'auteur est dominé
momentanément par l'idée de sa fin prochaine ou qu'il
se dégage de cette préoccupation pour ne songer qu'à
la cause qu'il défend, ce fait n'est qu'une preuve de
plus que nous avons là des épanchements naturels qui
doivent provoquer la sympathie et désarmer la critique.
C'est à dessein, continue le même auteur, que nous
avons écrit cette dernière phrase. Car, de nos jours, la
majorité des savants qui se sont occupés de l'histoire
de la littérature apostolique ont exprimé la conviction
que les deux Épîtres à Timothée et celle à Tite sont
une production postiche du second siècle et ne sauraient
être attribuées à l'apôtre Paul. Nous ne nous trompons
pas en disant que, si celle que nous avons devant nous,
en ce moment, existait seule, et que nous ne possé-
dions plus les deux autres, il est peu probable que de
pareils doutes eussent jamais surgi. Car, à y regarder
de près, les arguments produits par la critique à
l'appui de sa manière de voir sont empruntés, à bien
peu d'exceptions prés, au texte de ces dernières. La
raison pour laquelle la deuxième à Timothée a été
comprise dans le même arrêt de réprobation, c'est
qu'on leur a trouvé à toutes les trois une certaine
physionomie commune, laquelle cependant, si l'on veut
rester dans les limites du positif, se réduit à bien peu
de chose. » Les Épîtres Pauliniennes, t. n, p. 2i9.
Renan a été si frappé de l'accent sincère de certains
versets de cette Epître que, tout en tenant l'écrit entier,
sous sa forme actuelle, pour une sorte de roman
historique, il ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle
habileté l'auteur a su conserver le sentiment très juste
de la situation de Paul à ses derniers moments. Aussi
ne trouve-t-il pas impossible qu'on se soit servi, pour
la rédaction des Épîtres pastorales, de billets authen-
tiques adressés à Tite et à Timothée, qu'on aurait
délayés dans un sens conforme aux idées du temps et
DICT. DE LA BIBLE.
avec l'intention de prêter l'autorité de l'Apôtre aux
développements que prenait la hiérarchie ecclésiastique.
Saint Paul, Introd., p. xlviii. La plus sérieuse diffl-.
culte contre l'authenticité de cette jipttre vient donc
de ses attaches littéraires avec les deux autres Pasto-
rales, surtout de cette forte proportion d'Hapax lego-
mena (il y en a 4i) et d'expressions stéréotypées qu'elle
a en commun avec ces deux écrits, et qui font soup-
çonner une main étrangère. Son sort est ainsi hé à
celui des deux autres Épîtres et en partage les vicissi-
tudes.
4° Intégrité. — Les hypothèses imaginées, dans ces
derniers temps, pour faire de cette Épître le résultat
d'un amalgame de lettres ou de billets pauliniens n'ont
d'autre appui théorique que des hypothèses de critique
interne. Les manuscrits ne portent trace d'altération
ni de juxtaposition d'aucune sorte. On allègue donc
contre l'unité du présent morceau diverses considéra-
tions tirées du contenu de la lettre. Il semble, obser-
vent certains critiques, que l'Épître poursuit simul-
tanément deux buts contradictoires, les premiers cha-
pitres donnant des instructions à Timothée, comme
s'il devait continuer son ministère, à Ephèse, les der-
niers, au contraire, le pressant de venir à Rome. Il y a,
d'autre part, des détails, dans certaines parties de la
lettre, qui contredisent d'autres passages du même
écrit, par exemple, m, 6=n, 17; iv, 11; iv, 21. Enfin,
plusieurs passages portent l'empreinte de Paul alors
que d'autres, par exemple, n, 14-nr, 9, ne sont que de
vagues généralités ou peuvent facilement se détacher
du contexte, I, 15-18. De là, les deux essais tentés, il y
a quelque temps, pour reconstituer, sous leur forme
primitive, les lettres ou billets qui ont servi à com-
poser cette unique Epître. Le premier essai retrouve
les fragments des deux lettres : l'une, I, l-iv, 8 + IV,
19-21 et 22, écrite par Paul lors de sa seconde capti-
vité ; l'autre, iv, 9, 18 + iv, 22, datant de la prison de
Césarée ou bien de la première captivité à Rome. Dans
la seconde tentative de reconstitution, on suppose que,
vers le règne de Domitien, un disciple de Paul recueillit
des fragments de lettres authentiques et en fit une seule
lettre. Son but était de soutenir le courage des fidèles
en face de la persécution et de les mettre en garde
contre certaines nouveautés doctrinales. Plusieurs cri-
tiques vont jusqu'à préciser les divers morceaux qui
ont été mis à contribution. L'auteur, d'après eux, aurait
d'abord utilisé une lettre très courte écrite par Paul
dans le cours de la troisième mission, et ayant pour
objet de rappeler Timothée auprès de lui, lettre com-
prenant iv, 9-15 + 19 ; 21 + 22 a, puis il aurait inséré une
autre missive dans laquelle, sur la fin de la captivité
de Rome, l'Apôtre encourageait le même disciple à
bien s'acquitter de sa tâche, i, 1 + n, 13 + m, 10 + IV,
8 + iv, 16, 18; enfin, il aurait ajouté de son propre
chef, tout un passage, n, 14 + m, 9. Voir, pour plus
de détails, Clemen, DieEinheitlickkeitder Paul. Briefe,
p. 142-156 ; Mac Giffert, The apostolic âge, p. 404-414 ;
Moffatt, The hist. N. T., p. 700-704. Une exégèse atten-
tive à faire ressortir, dans cette lettre, la liaison des
idées, leur harmonie parfaite avec la situation donnée,
leur couleur nettement paulinienne, sera le moyen de
démonstration le plus efficace pour montrer ce que
valent ces diverses suppositions. *
5° Importance. — Cette lettre n'ajoute que peu de
chose à la théologie de saint Paul. En fait de doctrine,
elle se borne à affirmer l'inspiration de l'Ancien Tes-
tament, son utilité pour la prédication chrétienne;
elle insinue peut-être une formule de prière pour les
morts, 1, 18, déjà en usage chez les fidèles; elle montre
la force qu'on peut puiser dans le dogme de la Résur-
rection du Christ, pour affronter la mort et les supplices.
Comme ecclésiologie, rien d'original. Avec la première
à Timothée, cette seconde lettre atteste la signification
V. — 71
2243
TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A.) — TISGHENDORF
2244
qu'on attachait déjà à l'imposition des mains : on y
voyait le signe de la transmission de l'autorité aposto-
lique; elle fait constater, en même temps, comment
cette sorte d'hérédité spirituelle, remontant aux Apôtres
en ligne continue, a été créée pour être la sauvegarde
du dépôt de la foi. Au point de vue historique, la
seconde à Timothée complète les Actes, fait connaître
les derniers instants de la vie de saint Paul, son second
emprisonnement à Rome, sa réconciliation avec
Jean Marc, le nom de quelques compagnons d'apos-
tolat dont ne parlaient pas les autres Épîtres.
6° Analyse du contenu. — I. Prologue, i, 1-5. —
Dans l'adresse, f. 1-2, Paul se déclare apôtre par la
volonté de Dieu pour prêcher aux hommes la vie que
Dieu promet à ceux qui croient en Jésus. L'action de
grâces, f. 3-5, rappelle, en termes émus, les bienfaits
de Dieu envers Timothée, manière délicate de faire son
éloge.
II. Corps de l'ÉpItre. i, 6-iv, 8.— Cette lettre est en
réalité le testament de saint Paul à Timothée, son fils
chéri. L'Apôtre y trace ses derniers conseils, en prévision
d'une mort prochaine. On peut les résumer en deux
grands devoirs, imposés à l'ouvrier évangélique dans
ces temps de trouble.
A) i™ partie. — Le courage. 1-6, m, 14. Le princi-
pal danger, pour les disciples de Paul, après la mort
de leur maître, était de se laisser envahir par les
impressions de tristesse, d'abattement, d'inquiétude
qui se dégageaient de la marche générale des événe-
ments depuis que l'Église était entrée dans l'ère des
persécutions. Déjà, le vide avait commencé à se faire
autour de l'Apôtre dans sa seconde captivité. Rien ne
s'adaptait donc mieux aux circonstances présentes
qu'une vive exhortation à la vaillance. Point de faiblesse
à cette heure critique. Et d'abord ne pas rougir de la
doctrine du Christ ni des chaînes de Paul. L'ouvrier
évangélique, Timothée en particulier, n'a, pour faire
face aux événements, qu'à mettre en exercice la force
divine contenue dans le charisme d'évangéliste, f. 7.
Trois idées inspireront son courage : 1° L'énergie
surnaturelle renfermée dans le charisme d'ordination,
f. 6-10; 2° la certitude du succès final, j. 12-13;
3° l'action de l'Esprit-Saint. Pour appuyer sa doctrine
par des exemples, l'Apôtre met en parallèle les Asiates
qui ont rougi de sa chaîne et l'excellent Onésiphore,
d'Éphèse, dont la visite lui a fait tant de bien! En
forme de conclusion, l'Apôtre réitère à Timothée des
pressantes exhortations pour lutter vaillamment. A cet
effet, il présente tour à tour l'ouvrier de l'Évangile
comme un soldat enrôlé dans la milice du Christ, un
athlète qui, pour gagner le |3pa6Etov, se soumet au
régime sévère de l'athlétique, un laboureur prodiguant
sans compter, à ses humbles travaux, ses peines et ses
sueurs. Timothée comprendra la leçon contenue dans
ces allégories. Le Seigneur, au reste, l'aidera à en faire
son profit. La grande pensée qui sera, pour le disciple,
comme elle l'a été pour le maître, le soutien de son
courage, sera l'espoir de vivre et de régner avec le
Christ, espoir basé sur la Résurrection du Christ et
sur le lien de mystique solidarité qui associe le croyant
aux destinées du Sauveur, à sa mort, à sa résurrection,
à sa gloire dans le ciel.
B) 2 S partie. — La lutte contre l'erreur, h, 14-iv,
8. — L'auteur distingue deux catégories d'erreurs :
celles d'aujourd'hui et celles de demain. Quant aux
premières, h, 14-26, Timothée devra conjurer devant
le Seigneur, c'est-à-dire par les plus graves attestations,
ceux qui sont chargés d'enseigner de ne point entrer
en discussion avec les faux docteurs. Ces controverses
seraient plus dangereuses qu'utiles, f. 14. Il faudra
employer, pour enrayer le mal, la parole et l'exemple.
A l'égard de ceux qui se sont laissés surprendre de
bonne foi par les doctrines erronées, supporter tout en
patience et reprendre avec douceur. Dans les cas
extrêmes, c'est-à-dire lorsqu'on n'a rien à attendre de
la clémence, mais qu'on se trouve en face d'hommes
pervers, décidés à ruiner l'Église, il n'y a qu'une
mesure à prendre, se séparer d'eux, les éviter, au
besoin les livrer à Satan comme Paul l'avait fait lui-
même pour Hyménée et Alexandre. Par rapport aux
erreurs futures, m, 1-iv, 8, Paul trace un tableau très
sombre des pseudo-prophètes de l'avenir. Il en fait
des hommes profondément égoïstes, avides d'argent,
vaniteux, hautains, insolents, ingrats, impies, sans
affection, insociables, enclins à la calomnie, à l'intem-
pérance, à la cruauté, à la débauche. Ils ont tous les
vices. Cependant, il n'y a pas à s'en effrayer _ outre
mesure. Timothée est dans les meilleures conditions
possibles pour leur tenir tête. Il a d'abord l'avantage
exceptionnel d'avoir été formé par Paul lui-même et il
sait, par l'exemple de son maître, comment Dieu arrache
ses apôtres aux plus fortes épreuves. Timothée n'aura
qu'à rester fidèle aux enseignements de son maître.
III. Épilogue, iv, 8-22. — L'Apôtre presse son dis-
ciple de venir avant l'hiver, saison peu propice aux
voyages par mer. Il a d'autant plus besoin de lui qu'il
se trouve presque seul, soit par l'abandon de certains
disciples, soit par l'éloignement des autres. Il lui
donne des nouvelles de son procès. Sa première com-
parution n'a pas donné lieu à une condamnation, mais
il n'en sera pas de même de la seconde. Aussi se
prépare-t-il à la mort. Suivent des saluts pour Aquila
et Priscille et pour la famille d'Onésiphore, qui sans
doute était mort. Paul, en terminant, présente à
Timothée les salutations des frères de la Ville éternelle :
Eubule, Pudens, Claudia, Linus.
Pour la Bibliographie, voir la I re à Timothée, col. 2238.
C. Toussaint.
TIRIN Jacques, commentateur belge, né à Anvers,
le 16 septembre 1580, mort dans celte ville le 14 juil-
let 1636. Il entra dans la Compagnie de Jésus et y
remplit diverses fonctions, entre autres, celle de pro-
fesseur d'Écriture Sainte. On a de lui : Commen-
tarius in Vêtus et Novum Testamentum, tomis tribus
comprehensus (avec le texte de la Vulgate), 3 in-f°,
Anvers, 1632. Ce commentaire a été très répandu et a
eu de nombreuses éditions. Voir E. Sommervogel,
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. vm, 1898,
col. 49-52.
TISCHENDORF Lobegott Friedrich Constantin,
théologien allemand, né le 18 janvier 1815, à Lengen-
feld, en Saxe, mort à Leipzig, le 7 décembre 1874. Il
commença en 1839 à préparer une édition critique du
Nouveau Testament. En 1840, #1 partit pour Paris et
passa plus de quatre ans en France, en Angleterre, en
Italie et en Orient. Il revint à Paris, à Londres et à
Oxford en 1849. En 1853, il visita pour la seconde fois
le mont Sinaï, et en 1859, il s'y rendit une troisième
fois; après quoi, il alla en Russie et de nouveau en
Italie, toujours en quête de découvertes littéraires. Sa
première publication importante fut le Codex Ephrsemi
rescriptus, manuscrit palimpseste de la Bibliothèque
nationale de Paris, dont le Nouveau Testament parut
en 1843 et l'Ancien en 1845. Voir t. h, col. 1872.
Il avait préparé en même temps l'édition du Codex
Claromontanus, mais il ne put la faire paraître qu'en
1852. En 1846, il avait mis au jour les Monumenta
sacra inedita et le Codex Friderico-Augustanus conte-
nant 43 feuillets du Codex Sinailicus, qu'il avait dé-
couverts au monastère grec de Sainte-Catherine au
mont Sinaï. Un nouveau voyage au mont Sinaï en 1859
lui fit découvrir le reste presque complet du Codex,
qu'il y avait cherché en vain en 1853. Voir Tischendorf,
Novum Testamentum grsece, édit. vm* critica major,
t. m, p. 345-354. Le Codex Sinaiticus parut en 1862,
2245
TISCHENDORF
TISSERAND
2246
4 in-f°. Le Nouveau Testament fut publié séparément
en 1863. Voir Sinaiticus (Codex), col. 1783. Le Codex
Palalinus des Évangiles latins parut en 1847, le Codex
Amiatinus en 1850, le Codex Claromontanus des
Épîtres de saint Paul, grec-latin, en 1852. Il donna en
1855 un volume d' Anecdota sacra et, de 1855 à 1870, sept
volumes de Monumenta sacra; De evangeliorum apo-
cryphorum origine et usu, in-8°, La Haye, 1851 ; De
Israelitarum per mareRubrum transitu, in-8°, Leipzig,
1847; Synopsis Evangelica, in-8°, Leipzig, 1851; Acta
Apostolorum apocrypha ex XXX anliquis codicibus
grsecis, in-8°, Leipzig, 1851 ; Apocalypses apocryphse,
1866 ; Wann wurden unsere Evangelien verfasst 9 in-8°,
Leipzig, 1865, publication populaire qui fut vendue àdes
milliers d'exemplaires et traduite dans la plupart des
langues européennes (traduction française par L. Du-
rand, A quelle époque nosÉvangiles furent-ils com po-
sés ?in-8°, Paris, 1866: et De la date de nos Évangiles-
in-12, Toulouse, 1867); huit éditions du Nouveau Testa-
mentgrec, Leipzig, 1841, une protestante et une catho-
lique, Paris, 1842; 4 e , Leipzig, 1849 ; 5», 1850; 6 e , 1854;
7 e (major et minor), 8 e (major et minor), 1869 ; cette
dernière est la meilleure. On aune traduction française
de sa Terre Sainte, avec les souvenirs de S. A. I. le
grand-ducConstantin, in -8°, Paris, 1868. Voir G. R. Gre ,
gory, Allgemeine deutsche Biographie, t. xxxvm,
1894, p. 371.
TISCHRI, septième mois de l'année juive. Il est
appelé Ethanim, III Reg., vi, 38. Voir Éthanim, t. h,
col. 2005. D'après les Talmudistes, c'est dans le mois
de tischri, qu'on dit venir de arvii, « commencer », que
le monde fut créé et que naquirent et moururent les pa-
triarches. Cependant, R. Josua place ces événements au
mois de nisan. Voir J. Levy, Chaldâisches Wôrlerbuch
ûber die Targumin, 2 in-4°, Leipzig, 1866-1868, t. Il,
p. 565.
TISON (hébreu : 'ûd; Septante : SaXô;; Vulgate :
titio, torris), morceau de bois dont une extrémité est
encore en feu. — Isaïe, vu, 4, appelle « deux bouts de
tisons fumants » Rasin de Syrie et Phacée d'Israël,
conjurés contre Juda. Us ont beau se rapprocher, ils ne
rallumeront pas l'incendie, car ils ne produisent plus
que de la fumée. — Samarie a été bouleversée comme
Sodome et Gomorrhe et, bien que devenue semblable à
un tison tiré du feu, elle ne s'est pas convertie. Am.,
îv, 11. — Les Israélites revenus de captivité sont aussi
comme ci un tison arraché du feu. » Zach., m, 2.
II. Lesètre.
TISSERAND (hébreu : 'orêg; Septante : û?ivT-r,ç,
èpYaî°!AÉvo;; Vulgate : teœens), celui qui tisse des étoffes.
« Tisser » se dit 'ârag, cf. à?iyyr\, le nom de l'araignée,
et sôkêh, ifxlim, texere, ordiri. Le « tissu », produit
de ce travail, s'appelle 'érég, niisbesôt, û:pao-[iévo'/ ,
'[otoç, textura, opus textile ou textrinum. — Pour
tisser, l'ouvrier se sert d'un métier composé d'un cadre
de bois, sur lequel sont disposés en haut et en bas deux
rouleaux ou ensouples. Sur ces rouleaux, on tend des
fils parallèles appelés chaîne, de manière que les fils
pairs puissent être écartés des fils impairs au moyen
d'un dispositif placé au bas de la chaîne. Quand ils sont
séparés angulairement, on fait passer entre eux hori-
zontalement un autre fil appelé trame, qu'on lance à
l'aide d'une navette sur laquelle il est enroulé, voir
Navette, t. iv, fig.402, col. 1493, et qu'on serre contre
la trame précédente au moyen d'un sorte de peigne.
A mesure que le tissu avance, on l'enroule sur l'en-
souple supérieure et on déroule la chaîne inférieure,
jusqu'à ce que la pièce entière soit achevée. Les an-
ciens Égyptiens savaient se servir du métier à tisser.
Deux femmes s'accroupissaient aux côtés d'un métier
horizontal, se lançaient mutuellement la trame et la ser-
raient ensuite au moyen d'une barre pressée par un effort
commun. Voir t. iv, fig.80, col.261. Quelquefois, au lieu
d'employer une ensouple inférieure, on se contentait de
tendrelesfils de la chalneeny attachant des poids (fig.496).
Dans une caverne troglodyte de Chanaan, on a retrouvé
une collection de poidsde tisserandsoud'autreséléments
de métier à tisser. Ces poids sont formés par de petits
disques ou des cônes d'argile ou de pierre perforés.
A une époque assez reculée, au moins dès les premières
invasions sémitiques, les Chanacéens savaient donc
utiliser plus ou moins habilement le poil de leurs chè-
vres et la laine de leurs brebis pour se fabriquer des
étoffes grossières. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907,
p. 214, 405, 406. — L'usage du métier était familiei
aux Hébreux; ils s'en servaient pour fabriquer diffé-
rentes espèces de tissus. Voir Étoffes, t. n, col. 2035.
Les patriarches nomades se procuraient vraisemblable-
ment des étoffes toutes faites. Mais, dès le désert, on
5?e
496.-
Métier grec. Torsion des fils de ta chaîne
au moyen de poids.
D'après Rich, Diction, des antiquités grecq. et rom., p. 634.
voit les Hébreux en fabriquer eux-mêmes, spéciale-
ment pour l'usage du Tabernacle et pour les vêtements
des prêtres. Exod., xxvm, 32; xx'xv, 35; Eccli., xlv,
12; etc. Il leur futdéfendu de se faire pour eux-mêmes
des étoffes dans lesquelles se mélangeraient des fils de
différentes espèces. Lev., xix, 19. Cette prohibition
tendait sans doute à signifier aux Hébreux qu'ils ne
devaient pas se mêler eux-mêmes à des races étran-
gères. Job, vu, 6, fait allusion au métier, quand il dit
que ses jours passent plus vite que la navette. Il com-
pare son corps à un tissu d'os et de nerfs composé par
Dieu. Job, x, 11. Un Psalmiste reprend la même idée,
quand il dit (dans le texte hébreu) que Dieu l'a tissé
dès le sein de sa mère. Ps. cxxxix (cxxxviii), 13. —
Samson suggéra à Dalila l'idée de lui tisser les che-
veux en même temps que sa toile. Elle les fixa en effet
avec la cheville de son métier; mais, en se réveillant,
Samson arracha la cheville et le tissu. Jud., xvi, 13-14.
Il est plusieurs fois question de 1' « ensouple de tisse-
rands », menôr 'orgîm, nio-a/.Xov ûsaivôvriav, liciato-
rium texenlium, à laquelle on compare la hampe de la
lance d'un géant. IReg.,xvn,7; II Reg., xxi, 19; I Par.,
XI, 23; xx, 5. — Les tisserands savaient mêler des fils
d'or à leur ouvrage. Ps. xlv (xliv), 14. — Des maisons
de prostituées avaient été ménagées dans le Temple
par Manassé, et les femmes y tissaient des tentes pour
2247
TISSERAND — TITE (ÉPITRE A)
2248
Astarthé, IV Reg., xxm, 7, sans doute en étoffes pré-
cieuses. — Isaïe, xix, 9, parle de ceux qui, en Egypte,
travaillent le lin peigné avec une carde (fig. 497), et tis-
sent le coton. — Ézéchias, déplorant sa mort prochaine,
dit que Dieu l'ôte de la trame pendant que, comme
un tisserand, il enroulait le tissu de sa vie. Is., xxxvm,
12. Le prophète compare encore l'œuvre des méchants
à celle que tissent les araignées. Is., lix, 5. — Anne,
femme de Tobie, travaillait à gages, yipcôsûero, pour
gagner sa vie ; la Vulgate ajoute qu'elle allait tous les
jours tisser de la toile. Tob., il, 19. — Ontissaitle byssus
à Beth-Aschbéa. I Par., iv, 21. Voir Aschbéa, 1. 1, col. 1073.
497. — Carde égyptienne pour peigner le lin.
D'après Wilkinson, Manners and customs of the ancient
Egyptians, 2- édit., t. n, p. 174.
A l'époque évangélique, il y avait dans le quartier neuf de
Jérusalem des marchands de laine et un marché aux
habits. Cf. Josèphe, Bell.jud., V, vin, 1. L'industrie des
lainages y florissait, Erubin, x, 9; Baba kamma, x, 9, de
même que celle des tissus de lin à Scythopolis,en Galilée.
Cf. 1er. Kidduschin, H, 5; Mùller, Geographi gr. min.,
31, t. n, p. 513; Edict . Dioci., 26-28. Voir Tarse, col. 2012.
H. Lesètre.
TITAN (FILS DE) (Septante : Uol Ti-révwv), géants
dans la mythologie grecque. La version des Septante, à
laquelle la Vulgate a emprunté cette expression, Judith,
xvi, 8, a traduit vraisemblablement ainsi dans un sens
figuré l'hébreu gibbôrîm, «. forts », de même qu'elle a
rendu refa'îm par ysyavrec, « géants ». D'après la
mythologie hellénique, les Titans étaient fils d'Uranus,
« le Ciel », et de Gaia, « la Terre ». Ils furent vaincus
par les dieux de l'Olympe et Zeus (Jupiter) les con-
damna à demeurer dans le Tartare. Les poètes latins,
Horace, Od,, m, 4, 42, etc., les confondirent avec les
géants. Dans l'usage, ces expressions étaient devenues
synonymes de « forts, valeureux ». Les Septante ren-
dirent l'hébreu Refa'îm par ily»Yteç, Gen., xiv, 5;
Jos., xn, 4, etc. Saint Jérôme conserva le mot hébreu
et le transcrivit par Raphaïm, dans plusieurs passages;
dans d'autres, il le rendit par giganles. Voir Raphaïm 1,
col. 976. Le mot Titan ne se lit dans la Vulgate que
Judith, xvi, 8.
1. TITE (grec Tréoç), l'un des plus chers et des plus
dévoués collaborateurs de saint Paul, qui l'a plusieurs
fois mentionné dans ses Epitres, Gai., n, 1, 2; II Cor.,
n, 13; vu, 6, 13; vm,6, 16,23; xn, 18; II Tim., iv, 16;
Tit., I, 4. Le silence des Actes à son égard a fait
conjecturer, par plusieurs critiques fWieseler, Chron.,
p. 204), queTite était le n.om d'emprunt d'un des com-
pagnons de saint Paul et on a cherché tour à tour à
l'identifier soit avec Timothée, soit avec Silas, soit avec
Titus Justus. Act., xvin, 7. Aucune de ces suppositions
ne mérite créance. La forme latine de ce nom ne donne
aucune indication sur l'origine ou le pays du disciple
en question. On ignore son lieu de naissance. Cepen-
dant diverses légendes le placent en Crète, saint
Chrysostome à Corinthe, les Actes de Thècle, c. n, à
Icône. Quelques-uns le mettent à Antioche parce que
c'est là qu'il semble avoir fait connaissance avec
l'Apôtre et s'être attaché à lui. Ce qu'on peut affir-
mer, c'est qu'il était d'origine païenne, Gai., il, 3,
et qu'il fut probablement converti par saint Paul
(l'vijdccp tsxvco, Tit., i, 4). L'Apôtre se rendit avec lui à
la conférence de Jérusalem, le présenta aux Apôtres et
aux anciens et s'opposa avec énergie aux injonctions
des judaïsants, qui voulaient qu'il fût circoncis. Gai.,
n, 3. A la troisième mission, Tite parait avoir pris la
place de Silas et, dès ce moment, avoir suivi partout
l'Apôtre dans ses courses évangéliques et ses fondations.
Il devait être du nombre de ceux dont parle l'Épitre
aux Galates, ot aùv ly.oi, i, 2. On suppose qu'il séjourna
longtemps à Éphèse avec son maître. C'est sans doute
de là qu'il se rendit à Corinthe pour remplacer Timo-
thée, calmer les esprits, organiser la collecte. Dans ces
diverses tâches il déploya tant de zèle, de courage et
d'intelligence qu'il rétablit la paix dans l'Église de
Corinthe, se conciliant les sympathies de tous. II Cor.,
vu, 13. Inquiet sur l'issue de sa mission, l'Apôtre
n'eut de repos que lorsqu'il vit son disciple le rejoindre
en Macédoine et lui apporter de consolantes nouvelles.
II Cor., n, 14; vu, 11, 15. Il l'envoya de nouveau à
Corinthe, en avant-garde, avec deux frères de Macé-
doine choisis par les Églises, II Cor., vin, 23, afin
d'achever la collecte pour les Saints de Jérusalem. Il
n'est plus question de Tite qu'après la première capti-
vité romaine. Cette omission, par saint Luc, d'un colla-
borateur de Paul aussi important est, dans les Actes,
un des points les plus obscurs. Sans les Pastorales, on
aurait complètement perdu la trace d'un des ouvriers
évangéliques les plus en vue du Nouveau Testament.
L'Épitre à Tite nous apprend, en particulier, qu'après
sa libération l'Apôtre se rendit en Crète, évangélisa
plusieurs villes de cette contrée (xatà ttiSaiv, i, 5), et
laissa Tite continuer l'œuvre commencée, avec mission
d'organiser les, nouvelles communautés. Le zélé dis-
ciple rencontra dans l'île de vraies résistances, surtout
de la part des Juifs, qui y étaient nombreux. Tite, 1, 10.
Ce n'est pas sans raison qu'on associe d'ordinaire les
noms de Tile et de Timothée. Tous deux semblent
avoir été les deux disciples préférés par l'Apôtre.
Chacun d'eux avait pourtant son individualité à part.
En comparant 1 Tim., m, 12, avec Tit., n, 15, on peut
conclure que Tite était plus âgé que Timothée, avec
plus d'expérience et de fermeté. I Cor., xv, 10; II Cor.,
vu, 15. Il était surtout apprécié par les Églises où
dominait l'élément d'origine païenne. II Cor., vu, 15.
Comme Timothée, il marche dans les voies de l'Apôtre,
II Cor., xn, 18, il est son fils chéri, Tit., i, 4, son frère
bien aimé, II Cor., H, 13, son précieux collaborateur.
Il Cor., vm, 23. On ignore l'histoire de ses dernières
années. La seconde Épitre à Timothée, IV, 10, indique
qu'il est en Dalmatie, peu de temps avant la mort de
saint Paul. Les écrivains ecclésiastiques le font vivre et
mourir en Crète. Eusèbe, H. E., III, iv, 6; t. xx,
col. 220; Const. Apost., vu, 46, t. i, col. 1053. Cf. Lip-
sius, Die Apokryph. Àpostelgeschichte, t. n, p. 401-
406. André de Crète en a fait un panégyrique, Orat.
xvi; Pair, gr., t. xcvn, col. 1141-1169. Le corps de
Tite a été conservé à Gortyne pendant plusieurs siècles,
puis transféré à l'église de Saint-Marc, à Venise.
L'Église latine célèbre sa fête le 6 février; les Églises
grecques, syriaque et maronite, le 25 août.
C. Toussaint.
2. TITE (épitre A). — I. Introduction. — 1» Situa-
tion historique. — Comme dans les lettres à Timothée,
on n'a pour se renseigner que ce que suggère l'Épitre
elle-même. Voici les faits. qu'elle suppose. Quand saint
2249
TITE [ÉPÎTRE A)
2250
Paul écrit à Tite, celui-ci est dans l'île de Crète, i, 5.
L'Apôtre, qui vient de visiter ce pays, y a laissé son
disciple pour achever l'organisation des Églises et pour
aller de ville en ville établir des presbytres et des
épiscopes, i, 5. Certains détails laissent entendre que
le christianisme était relativement assez ancien dans
l'ile, i, 10. Les erreurs dont on signale la présence
dans les Églises de cette contrée ne peuvent se conce-
voir, en effet, qu'après un temps plus ou moins long,
depuis la première prédication évangélique. On a donc
essayé de rattacher l'implantation de la foi chrétienne
dans cette contrée soit à la présence de quelques Juifs
ou prosélytes crétois convertis par les prodiges de la
Pentecôte, Act., n, 11, soit à une période de la vie de
Paul relatée par les Actes. Mais ces deux hypothèses
rencontrent les mêmes difficultés, disonsimpossibilités.
Selon les Actes, en effet, Paul ne touche la Crète qu'une
fois, et cela lors de son naufrage; il n'y fait qu'un très
court séjour, et durant ce séjour, il est captif. Ce n'est
sûrement pas à ce moment-là que Paul a pu fonder des
Églises dans l'île. De même, si le christianisme existe
là depuis près de trente ans, comment se fait-il que les
frères ne viennent pas, comme ceux d'Italie, Act.,xxvm,
15, au-devant de l'Apôtre, qu'ils ne lui prêtent pas se-
cours? L'auteur des Actes, si cela fût arrivé, n'aurait pas
manqué de le dire. S'il se tait, c'est que la foi nouvelle
était, à cette époque, ignorée ou peu connue des Cré-
tois. L'évangélisation de l'île est donc probablement
postérieure au premier passage de Paul. Ce qu'il est
permis de conjecturer, c'est que, peu de temps après,
c'est-à-dire pendant sa captivité à Rome, l'Apôtre eu
peut-être l'idée d'envoyer là quelqu'un de ses disciples,
Tite, par exemple, avec l'intention de le rejoindre aussitôt
après sa libération. Effectivement Paul y aurait fait un
court séjour avant de gagner Éphèse, confiant à Tite
le soin de poursuivre l'œuvre commencée. 11 semble
que ce dernier ait été, lui aussi, aux prises avec des
difficultés assez analogues à celles où se trouvait alors
Timothée. Les mêmes fausses doctrines se glissaient de
toutes parts dans les Églises d'Orient, les mêmes abus
s'y produisaient, les mêmes dangers s'y faisaient jour.
Paul venait à peine d'envoyer sa première lettre à
Timothée qu'il apprit, on ne sait comment, la situation
précaire des Églises de Crète. Il se mit aussitôt à
rédiger quelques avis pour Tite. Il n'eut guère pour
cela qu'à répéter ce qu'il venait d'écrire à Éphèse.
Apollos, qui était auprès de lui, reçut, avec un ancien
scribe nommé Zénas, la mission de porter ce message
à son destinataire. On comptait beaucoup sur l'élo-
quence du docteur alexandrin pour réduire au silence
l'opposition juive ou judaïsante. Act., xvm, 27, 28. En
outre, Paul promettait à Tite de lui envoyer bientôt
Artémas et Tychique qui, sans doute, devaient l'aider
dans ses travaux et le remplacer momentanément. Il
prie, en effet, son disciple de venir, dès qu'il aura
reçu ces deux frères, le rejoindre à Nicopolis, où il
compte passer l'hiver, ni, 12. Enfin, il recommande,
en terminant, de faire la conduite à Zénas et à Apollos
qui ne devaient guère que passer, et d'avoir grand soin
d'eux, m, 13.
2° Emprunts littéraires. — On a relevé, dans cette
Épitre, un certain nombre d'expressions, parfois même
des phrases entières, prises de divers côtés. Il y a
d'abord un vers d'Épiménide, i, 13, peu flatteur pour
les Crétois; puis une sorte de proverbe reçu dans les
milieux chrétiens du temps, m, 8. Bien que l'auteur
ne cite jamais expressément l'Écriture, il est pourtant
visible qu'il s'en inspire en maints endroits, i, 14 =
Isaïe, xxix, 13; h, 5 = Is., lu, 5; h, 14 = Ps. cxxx, 8;
Deut., xiv, 2; Ézéch-., xxxvii, 23; m, 6= Joël, m, 1.
On s'aperçoit, en outre, par nombre de réminiscences
et d'allusions, qu'il connaît les discours du Seigneur,
mais il n'y a pas trace, dans ce qu'il en rapporte, de
sources écrites ou d'emprunts directs aux Évangiles
canoniques, i, 15= Marc, vu, 9; Luc, xi, 41; m, 5 =
Joa., m, 5; m, 10= Matth., xvm, 15-17. Aurait-il subi
l'influence delà I a Pétri? Plusieurs critiques l'ont cru,
tant les points de contact entre les deux Épîtres sont
frappants, i, 5-9=1 Pet., v, 1-4; m, 1 = 1 Pet., n,
13; m, 4-7=1 Pet., i, 3-5. Plus nombreuses, on peut
même dire plus littérales sont les ressemblances avec
les autres écrits pauliniens : I, 1-4= Rom., i, 1; XVI,
25-27; 1,15= Rom., xiv, 20; n, 14= Gai., i, 4; m, 1 =
Rom., xni, 1; m, 3= Eph., n, 3; I Cor., vi, 9-11; m,
5= Eph., n, 8, v, 26, surtout avec la première à
Timothée. Ici, la similitude touche presque à l'identité.
Dans plusieurs passages, les deux lettres ont l'air de se
copier. L'entrée en matière est tout à fait pareille,
Tit., i, 5= I Tim., i, 3, le but général, le plan dans son
ensemble, la teneur des avis, la forme du langage elle-
même ne diffèrent point : Tit., i, 4= I Tim., i, 1, 2; i,
5-9= m, 1, 7; i, 11 = m, 9; il, 1, 6= v, 1-2; n, 7=
iv, 12; n, 9-10= vi, 1; n, 14= u, 6; n, 15= iv, 12;
m, 5=1, 9; m, 9= iv, 7. Cette analogie rappelle celle
qui existe entre l'Épître aux Colossiens et l'Épître aux
Éphésiens.
3° Temps et lieu de la composition. — De ce qui
précède^ il découle que l'Épître à Tite et la première à
Timothée ont été écrites à peu près vers le même temps,
à peu de distance l'une de l'autre. Toute hypothèse
qui mettrait entre elles un intervalle de plus d'un ou
deux mois devrait être repoussée. On serait même tenté
de les dater du même jour. S'il faut, pourtant, en repor-
ter la rédaction à des périodes différentes, la priorité
de temps semble être en faveur delà lettre à Timothée.
Le projet d'aller hiverner à Nicopolis paraît, en effet,
modifier les premières intentions de Paul, qui se pro-
posait d'abord de retourner sous peu à Éphèse, I Tim.,
ni, 14; iv, 13. Maintenant, s'il parle d'aller en Épire,
c'est qu'il a changé d'itinéraire. On objectera peut-être
qu'il s'agit de Nicopolis, en Thrace, sur le Nestus,
près des frontières de Macédoine ; mais la présence de
Tite en Dalmatie, à peu de temps de là, II Tim., iv.
10, rend fort improbable cette supposition. C'est bien
dans la Nicopolis d'Épire, l'ancienne Actium, bâtie par
Auguste en souvenir de sa victoire, que Paul a dessein
de passer l'hiver, en compagnie de Tite. On sait que
par une singulière coïncidence, Josèphe, Act., XVI, v,
3, Hérode le Grand avait largement contribué à la con-
struction de cette ville. La seule raison qu'on pourrait
alléguer contre l'antériorité de l'Épître à Timothée, c'est
que l'organisation ecclésiastique y paraît plus complète
et plus avancée que dans l'Épître à Tite. Mais l'obstacle
disparaît si l'on veut songer, un instant, à la différence
d'âge des Églises dans lesquelles travaillait chacun des
deux disciples. La communauté d'Jtphèse existait
depuis près de dix ans quand la Crète recevait à peine
les premiers germes de l'Évangile. S'il fallait en croire
la suscription des manuscrits grecs, Paul aurait écrit
de Nicopolis en Macédoine. Mais il n'y a là qu'une
glose de copiste fondée, sans doute, sur l'interprétation
de m, 12. On croit généralement que la lettre a été
composée dans quelque Église de Macédoine, Philippes,
Bérée ou Thessalonique, peu de temps avant le voyage
de Paul en Épire. L'Apôtre presse le départ de son
disciple, ffTto-jSxcrov êÀOeïv, parce que l'hiver approche
et que la navigation va devenir difficile. On peut sup-
poser qu'il lui fit indiquer, de vive voix, par Apollos,
le port où il l'attendait avant de prendre ensemble le
chemin de l'Occident. En tenant compte de toutes
ces circonstances, l'Épître devrait être datée du mois
de septembre ou, au plus tard, de fin octobre, l'an 65.
4° Authenticité. — Sans vouloir revenir sur un pro-
blème déjà traité (voir Épître [Première] a Timothée),
il n'est pas cependant sans intérêt de grouper quelques-
uns des traits particuliers de cette Épître qui en con-
2251
TITE (ÉPITRE A)
2252
Brmen l'origine paulinienne. Car non seulement il n'y
a. rien, ni comme doctrine, ni comme circonstances
personnelles, ni comme ton épistolaire, qui sorte,
dans cet écrit, du tour d'esprit propre à l'Apôtre ou qui
répugne soit aux données de l'histoire, soit aux con-
jectures qu'elle peut autoriser, mais encore on saisit,
ici et là, des particularités difficiles à expliquer, si l'on
admet que ces lignes sont d'une plume étrangère. En
tout cas, il faudrait conclure à une imitation extrême-
ment habile. Sans doute, on pouvait, avec les autres
Épltres, mettre en circulation des idées semblables à
celles de Paul, mais ce qui n'était guère possible,
c'était de les adapter, sans aucun heurt, à une situation
créée de toutes pièces, en dehors de la vie historique
qu'on met en scène, tout en gardant dans l'ensemble
le ton et la couleur individuelle des écrits du grand
Apôtre : sa manière de citer les auteurs grecs, I Cor.,
xv, 33, d'appliquer à sa thèse les textes de l'Ancien
Testament, de tirer d'un dogme des conclusions mo-
rales. Avec cela, les grands principes de l'universalisme,
la vie éternelle promise à tous, la grâce du salut appor-
tée au genre humain, II, 11, la mort rédemptrice du
Christ, l'effusion de l'Esprit parle baptême, la vie nou-
velle dans l'amour, le non-sens des distinctions entre
mets purs et impurs. Mais si le fond des idées est bien
de Paul, on ne peut, du moins avec la même assurance,
en dire autant du style. Le vocabulaire de l'Épître à
Tite n'a presque rien de commun avec celui des
grandes Épîtres. Les hapax legomena s'y rencontrent
dans une proportion par trop forte. On en compte jus-
qu'à 26 dans l'espace de 46 versets. Ce qui inquiète
encore d'avantage, c'est, à chaque instant, de trouver
quelqu'une de ces formules stéréotypées, exclusivement
propres aux Pastorales, par exemple, Èiriyvouiç à\-r\0eix<;,
|uz( f uvaixo; àvrip, xaXà epya, ô vûv aïâjv, 6 nÉyaç Bsbç,
XouTpàv TtaXivyevEai'aç, itia-ub; o XiSyoç, etc. Car tout cela
semble nous mettre en face d'un auteur qui a son style
à lui, ses expressions toutes faites, imposées peut-être
par une sorte de langage technique plus ou moins offi-
ciel, résultat d'une lutte déjà longue contre l'erreur. Ce
qui aggrave la difficulté, c'est que ces phrases conven-
tionnelles ne sont pas la propriété exclusive de l'Épître
à Tite, mais sont communes à toutes les Pastorales. On
a ainsi un groupe de trois écrits qui ont une langue
particulière, différente de celle des autres Epîtres pau-
liniennes, assez originalepour faire penser à un écrivain
distinct de Paul, mais écrites à une époque différente.
5° Intégrité du texte. — Les manuscrits ne laissent
. soupçonner aucune altération. On pourrait toutefois
supposer l'insertion de deux versets, i, 7, 9, et une
transposition maladroite, m, 18, à la place du f 14.
Mais, à la rigueur, il n'y a aucune raison pressante
de retoucher ces passages. La question ne se pose que
pour les critiques qui nient l'authenticité de presque
toute l'Épître, sauf quelques lambeaux de phrases em-
pruntés à des lettres que Paul aurait écrites à Tite,
lorsque celui-ci préparait la troisième visite de l'Apôtre
à Corinthe. II Cor., xu, 16. On s'est livré, de ce côté, à
des morcellements par trop arbitraires. En dehors des
versets III, 12-13 et 12-15, qu'on accepte d'abord
comme étant de Paul lui-même, chaque auteur démêle
à son gré ce qui est authentique d'avec ce qui ne l'est
pas. Cf. Me Giffert, Apostolic âge, p. 406; Harnack,
Chronologie, p. 480; Clemen, Die Einheitlich keit der
Paul.Briefe, p. 157-163; Mqffatt, Histor. N. T., p. 700.
6° Importance. — Cette Épitre est un document très
précieux sur l'organisation de la hiérarchie ecclésias-
tique, sur la persistance du danger juif dans les com-
munautés fondées par saint Paul, sur les obstacles op-
posés, par les influences païennes, à la foi du Christ, à
sa pleine expansion au sein des l'Églises, sur la dis-
cipline merveilleuse qui façonne tous les membres de
la nouvelle société pour en faire un corps social modèle,
capable d'attirer à Jésus, par sa belle tenue, sa dignité
morale, ses vertus de loyauté, de douceur, d'abnégation,
la vieille société grecque et romaine, qui s'abîmait de
plus'en plus dans le désordre, l'anarchie, l'égoïsme, la
corruption.
II. Analyse du contenu. — A) prologue, i, 1-4. —
L'adresse présente quelque ressemblance avec celle de
l'Épître aux Romains et la première Épitre de saint
Jean. L'Apôlre y résume, en quelques mots, l'origine,
le but, l'objet de l'apostolat ainsi que la force qui, au
milieu des difficultés de toutes sortes, en est l'appui et
le soutien. Paul n'écrit pas à Tite une lettre d'ami
mais une lettre de service. De là, le ton et l'objet de ce
préambule.
B) corps de l'Épître. i, 5-ih, 11. — Déduction
faite de quelques légères différences imposées par des
raisons locales, le fond de la lettre à Tite reproduit,
dans ses deux parties essentielles, la première Épitre à
Timothée. De part et d'autre, ce sont les mêmes avis,
les mêmes règles de gouvernement, les mêmes écûeils
à éviter, en sorte que l'un des deux écrits ne semble
être, en réalité, que la copie réduite de l'autre. Cela
s'explique par l'analogie de situation où se trouvaient,
tous deux, les destinataires de ces diverses flett»es. Il
n'est pas difficile de voir qu'à peu de ebose près, Tite
avait mission de fonder en Crète ce que Timothée
devait restaurer à Éphèse. Les règles de gouvernement
qui font l'objet de cette Épitre donnent lieu à une
division en deux parties :
a) i" partie. — Les devoirs des pasteurs. I, 5-16.
— Dans l'Église, comme dans toute société bien réglée,
les chefs suprêmes ont, pour gérer dignement leur
charge, un double devoir :1° bien choisir leurs subor-
donnés ; 2° leur donner une sage direction. Tels sont
les deux points sur lequels portent les premières
recommandations de Paul à son disciple. Il lui déter-
mine les conditions d'éligibilité des presbyteri ou
episcopi, i, 6-10. Ce sont les mêmes que dans l'Épître
à Timothée. Le côté moral des candidats est ce qu'on
doit le mieux examiner. Quant aux devoirs des élus,
9-16, ils sont résumés dans ces prescriptions : 1° prêcher
aux fidèles la doctrine sacrée ; 2° réfuter ceux qui la
combattent et la contredisent. Ce dernier devoir est
motivé, en Crète, par l'apparition de faux docteurs très
dangereux, greffant sur la nature vicieuse des Cretois
les défauts de la race juive.
b) S' partie. — Les devoirs du troupeau, n, i-m,
11. — C'est une esquisse de morale sociale à l'adresse de
la société chrétienne. On voit poindre, à travers cet
ensemble de préceptes, l'idée d'une sorte de code ecclé-
siastique. Chacun des membres de l'Église, fût-ce le
plus humble, a un devoir civique à remplir. Les préoc-
cupations de l'Apôtre ne vont pas seulement, dans cette
Épitre, au salut individuel des néophytes, elles embras-
sent maintenant l'Église tout entière, pour lui assurer,
au dedans, la prospérité, le bon ordre, l'harmonieuse
coopération de tous à l'œuvre commune et, au dehors,
la paix avec les pouvoirs publics, la bonne entente avec
les païens, le bon renom de la doctrine nouvelle.
1. A l'intérieur, n, 1-15. — Les vieillards doivent
être sobres, graves, modérés, gardant, dans toute leur
intégrité, la foi, la charité, l'attente ferme et patiente
de la Parousie. Aux femmes âgées on enjoint de se
donner en exemple aux personnes de leur sexe qui
sont jeunes ; éviter, en outre, la médisance, l'ivro-
gnerie. Une seule chose est recommandée aux jeunes
gens. La vertu de leur âge doit être la tempérance.
Éviter avec soin toutes sortes d'excès. Tite qui, comparé
à Paul, est encore, un jeune homme, devra par ses
actes leur servir de modèle pratique. On compte parti-
culièrement sur les esclaves pour faire briller, par leur
conduite, la divinité de la doctrine chrétienne. Par
leur condition, ils sont plus à même que personne de
2253
TITE (ÉPITRE A) — TITRE DE LA CROIX
2254
prouver les miracles de force régénératrice contenus
dans la foi nouvelle.
2. Au dehors, m, 1-11. — Paul veut que le chrétien
soit un homme d'ordre, en règle avec l'autorité romaine,
vivant en bons termes avec les païens et, en général,
avec tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Tous
les frères semontreront donc sujets soumis, obéissants
à l'égard des magistrats et des pouvoirs publics, prêls
à faire tout ce qu'on demandera d'eux, hormis ce qui
serait contraire aux intérêts de la conscience. Point de
mauvaises paroles ni de querelles avec les gens du
dehors, païens ou juifs non convertis ; se montrer, au
contraire, très polis à leur égard et faire preuve, en
toutes occasions, de la plus grande douceur. L'idée qui
doit inspirer ces sentiments, c'est le souvenir de ce
que les néophytes étaient eux-mêmes avant leur con-
Calig., xxxviii, 8; Dion Cassius, liv, 3. Eusèbe, H. E.,
v, 1, t. xx, col. 425, rapporte la lettre des chré-
tiens de Lyon sur le martyre d'Attale, où il est dit
qu'on portait devant lui une planchette, n(vx£, où il
était écrit : Outoç lerriv "AtioO.o; à -/pianavoç, « celui-
ci est Attale le chrétien ». Pilate se conforma à cet
usage après la condamnation de Jésus. La tablette sur
laquelle on écrivait était d'abord enduite de couleur
blanche et l'on y traçait les lettres en rouge. Pilate
rédigea lui-même le texte de l'inscription. Il voulut
qu'il fût écrit en hébreu, langue des habitants du pays,
en grec, langue des Juifs de la dispersion et des étran-
gers, et en latin, langue officielle du gouvernement.
Le titre fut fixé en haut de la croix et lu par un grand
nombre de Juifs, à raison de la proximité du Calvaire.
Joa., xix, 19, 20. Les quatre évangélisles mentionnent
. — Ce qui reste du titre de la croix de Notre-Seigneur, conservé dans l'église de Sainte-Croix de Jérusalem à Rome.
Demi-grandeur de l'original.
version. N'étaient-ils pas hier ce que les autres sont
aujourd'hui ? Si tout cela est changé, il ne faut en
reporter la gloire que sur l'amour miséricordieux du
Dieu Sauveur. La transformation qui fait d'un homme
un élu du ciel est le fruit, non de ses mérites, mais de
la miséricorde de Jésus-Christ et de l'efficacité de ses
sacrements. Il n'y a donc pas lieu de traiter les païens
avec hauteur et dureté.
C) épilogue, m, 12-15. — Saint Paul termine sa
lettre par diverses recommandations. Il prie Tite de
venir le rejoindre, avant l'hiver, à Nicopolis, en lipire,
dès que sera arrivé, pour le remplacer, soit Artémas,
soit Tychique, de prendre un soin tout particulier du
légiste Zénas et d'Apollos, porteurs de la présente mis-
sive. Suivent les salutations de la part de ceux qui lui
sont liés par l'affection chrétienne, puis le salut final.
— Pour la Bibliographie, voir Timothée 4, col. 2238.
C. Toussaint.
TITRE DE LA CROIX (grec : èm-rpa<pvi, tîiXos;
Vulgate : superscriptio, titulus), inscription fixée au
sommet de la croix pour indiquer le motif de la con-
damnation. — Chez les Romains, quand un condamné
élait conduit au supplice, on portait devant lui, ou il
portait lui-même suspendu au cou, un écriteau indi-
quant la cause de la condamnation. Cf. Suétone,
le litre et le citent plus ou moins complètement.
Saint Marc, xv, 26 : '0 BaoïXsù? ri5v 'Io'jBatmv, « le roi
des Juifs y>,rex Judseorum ; saint Luc, xxm, 38 : Outoç
èotiv ô BaffiXe'jç zib'i 'IouSaioiv, « celui-ci est le roi des
Juifs ï>,hic est rex Judmorum ; saint Matthieu, xxvn, 37 :
OOtoç ècjTiv 'iYjffoîj; ô BatrcXsuç toïv 'IouSaîcov, <( celui-ci
est Jésus, le roi des Juifs », hic est Jésus, rex Judmorum ;
saint Jean, XIX, 19 : 'I^aovz 6 NaÇrapatoç, ô Bao-iXeùç tûv
'IouSai'wv, « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs », Jésus
Nazarenus, rex Judseorum. Cette dernière rédaction
est la plus complète. Elle indique le nom du condamné,
son origine et la cause de sa condamnation. Il avait
dû être difficile à Pilate de trouver le libellé de cette
cause, après avoir reconnu lui-même qu'elle n'existait
pas. Joa., xvm, 38; xrx, 4, 6. Parmi tous les motifs
d'accusation portés à son tribunal, il choisit celui qui
avait vaincu ses hésitations, le titre de roi prêté à Jésus
et déclaré par les Juifs en opposition avec les droits de
César. Joa., xix, 12, 14. C'est pourquoi les quatre évan-
gélistes reproduisent en commun le titre de « roi des
Juifs ». Ce libellé excita le mécontentement des enne-
mis du Sauveur. Jésus, en effet, à s'en tenir au titre,
semblait avoir été crucifié parce qu'il était roi des Juifs.
Les pontifes allèrent donc trouver Pilate, soit au mo-
ment où le titre apparut à leurs yeux au départ du cor-
2255
TITRE DE LA CROIX
TOBIE
2256
tège, soit quand ils le virent en haut de la croix, et
ils lui demandèrent de le modifier. Ils auraient voulu
qu'il écrivit : « Je suis le roi des Juifs, » pour faire
ressortir ainsi la prétention qu'ils attribuaient à leur
victime. Pilate refusa sèchement d'acquiescer à leur
requête, «c Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit, » se contenta-
t-il de dire. Joa., xix, 20-22. — Le titre de la croix,
retrouvé en même temps que la croix elle-même, fut
apporté à Rome, où il est maintenant conservé dans la
basilique de Sainte-Croix de Jérusalem. La planchette
qui le constitue était de chêne, de peuplier ou de syco-
more; mais elle est tellement piquée qu'on n'en peut
plus déterminer exactement la nature. Elle a dû avoir
primitivement 65 centimètres sur 20; elle n'en a plus
que 23 sur 13. En 1492, les deux lettres uni du dernier
mot latin manquaient déjà. En 1564, les mots Jésus et
Judseorum n'existaient plus. Aujourd'hui, la relique
est encore bien plus réduite (fig. 498). Les lettres sont
rouges sur fond blanc; elles sont légèrement en creux,
soit qu'elles aient été tracées avec une sorte de gouge,
soit que la couleur rouge ait eu plus d'action sur le
bois que le blanc. Elles ont de 28 à 30 millimètres de
hauteur, ce qui permettait assez aisément de les lire
du bas de la croix et à petite distance. Uue particularité
de l'inscription prouve son authenticité : les mots
grecs et latins sont écrits à la manière de l'hébreu, de
droite à gauche. Dans le principe, les Grecs écrivaient
en eflet de cette manière; ils adoptèrent ensuite le
système (3ouorpo<p7iSov, celui des bœufs qui labourent,
commençant une ligne par la gauche, la suivante par
la droite et ainsi de suite. Le système actuel avait pré-
valu depuis plusieurs siècles en Grèce et en Italie, à
l'époque évangélique. Mais l'inscription de la croix fut
rédigée sous cette forme archaïque, soit pour répondre
à une coutume juive de l'époque, soit pour ménager
un certain parallélisme entre les trois textes. On voit,
par ce qui en reste, que l'inscription avait été exacte-
ment reproduite par saint Jean. Des mots hébreux, il
n'y a plus que la partie inférieure de six jambages assez
difficiles à identifier. Il est certain pourtant que l'ins-
cription hébraïque a été composée, non en hébreu an-
cien, mais dans le dialecte araméen alors parlé en Pa-
lestine, et que les lettres ont été tracées en écriture
cursive. Des jambages subsistants, les deux premiers à
droite représenteraient la partie inférieure du n, article
précédent le nom de Nazaréen ; le troisième est l'extré-
mité du 2, le quatrième celle du "i, le cinquième celle du
i très allongé dans l'ancienne écriture, et le sixième celle
du 3 tel qu'il s'écrivait alors. Dans l'inscription grecque,
assez inhabilement exécutée, au lieu de NocÇwpafoc, on a
transcrit le mot latin, NAZAPEN8C = NAZARENVS,
alors qu'il eût fallu plutôt NAZAPHNOC pour rendre
exactement Nazarenus. S. Ambroise,De obit.Theodos.,
45, t. xvi, col. 1401, dit que sainte Hélène trouva écrit
sur le titre de la croix : Jésus Nazarenus rex Judseo-
rum, et Sozomène, H. E., n, 1, t. lxvii, col. 929, ra-
conte que le titre fut trouvé écrit dans les trois langues;
et il en cite le texte grec avec le mot NaÇwpaîoç, qu'il
reproduit d'après saint Jean et non d'après le titre lui-
même. Il faut observer en outre que la dernière lettre
de gauche de l'inscription grecque parait bien être le
B de BaaOîJî, qui, par conséquent, n'aurait pas été
précédé de l'article O, comme dans le texte de saintjean,
— Cf. J. Bosius, Crux triumphans, Anvers, 1617, i,
11; H. Niquet, Titulus sanctse crucis, Anvers, 1670;
Gosselin, Notice historique sur la sainte couronne,
Paris, 1828, p. 40-55; Rohault de Flcury, Mémoire sur
. les instruments de la Passion, Paris, 1870, p. 183-
198; Vigouroux, Le N. T. et les découv. archéol. mod.,
Paris, 1896, p. 183-187; D. Donadiu y Puignau, Le
vrai titre de la croiœ, dans le Compte rendu du
IV' Congr. scient, internat, des catholiques, Fri-
bourg, 1898, \" sect., p. 65-77. H. Lesêtre.
TITUS (grec Tîtoc), nom de trois personnes dans
l'Écriture.
\. TITUS, prénom du légat romain Manilius.
II Mach., xi, 34. Voir Manii.ius, t. îv, col. 656.
2. TITUS JUSTUS, prosélyte de Corinthe, chez qui
logea l'apôtre saint Paul dans cette ville. Sa maison
était attenante à la synagogue. Act., xvm, 7. Le nom
de Titus ne se lit pas dans la plupart des manuscrits
grecs.
3. TITUS, disciple de saint Paul. Voir Tite.
TOB (TERRE DE) (hébreu : 'ères Tôb ; Septante :
Y?) Twê), endroit où se réfugia Jephté quand il fut
chassé par ses demi-frères. ,fud., xi, 3. Il y réunit
autour de lui une troupe de gens hardis et prêts à
tout, comme plus tard David persécuté par Saiil, et il
vécut avec eux de pillage, jusqu'à ce qu'il fut appelé
par les anciens de Galaad, opprimés par les Ammo-
nites, pour se mettre à leur tête. Voir Jephté, t. ni,
col. 1250. — Tob devait se trouver non loin de Galaad,
probablement dans le désert, à l'est, mais sa situation
précise est jusqu'à présent inconnue. On croit généra-
lement que le petit royaume araméen d'Istob, qui four-
nit des hommes aux Ammonites pour résister à David,
n'est pas différent de Tob. II Reg. (Sam.), x, 6, 8.
Voir Istob, t. m, col. 1010. — Les Tubianéens ou
habitants de Tubin, dont il est question I Mach., v,
13; II Mach., xn, 17, sontpeut-être aussi des habitants
de Tob. Voir Tubin. La position de Tubin est définie,
II Mach., xn, 3, 17, comme étant à 750 stades de Charax
ou Characa, voisine de Tob, en partant de Casphis,
mais ni Casphis ni Characa ne sont identifiés.
TOBIAH BEN ÉLIÉZER,juifdeMayence,mortvers
1107. Il consacra près de vingt ans de sa vie, 1088-1107,
à un commentaire du Pentateuque et des cinq Megil-
loth, c'est-à-dire du Cantique des cantiques, de Ruth,
des Lamentations, de l'Ecclésiaste et d'Esther. Ce com-
mentaire porte le nom de Leqah Tob, « leçon bonne »,
par allusion à son nom. Les commentaires duLévitique,
des Nombres et du Deutéronome ont.été publiés à Venise
en 1546; en traduction latine par Ugolino, Thésaurus
antiquil. sacr., t. xv et xvi, Venise, 1766. A. Jellinek a
publié des extraits des commentaires des cinq Megil-
loth, Leipzig, 1855-1858. —Voir M. Sel. TobiaBenMoses
ha-Abel, dans Jewish Encyclopedia, t. xn, 1906, p. 166 ;
Fùrst, Bibliotheca judaica, t ni, p. 427.
TOBIE, nom de six personnages de nationalité
diverse, dans la Vulgale. Dans le texte original, ils ne
sont pas tous écrits de la même manière. Voir ThOBIAs,
II Par., xvii, 8, col. 2195.
1. TOBIE (hébreu : Tôbïydh), chef d'une famille
dont les descendants retournèrent en Palestine avec
Zorobabel, mais sans pouvoir établir leur généalogie.
I Esd., il, 60; II Esd., vu, 62-65.
2. TOBIE (hébreu : Tôbïydh), esclave ammonite.
II Esd., n, 10, 19. C'était un homme intelligent, qui
fit la plus vive opposition à Néhémie. Il était le gendre
de Séchénias, fils d'Arèa, II Esd., VI, 18, et s'immisçait
ainsi dans les affaires des Juifs. Le moabite Sanaballat
partageait sa haine contre les enfants d'Abraham et
tous les deux, réunissant l'aversion de la race de
Moab et de celle d'Ammon contre Israël, s'entendaient
ensemble pour l'empêcher de relever Jérusalem de ses
ruines. Néhémie écarta avec soin ces loups qui vou-
laient se mêler à son troupeau pour le dévorer. « Vous
n'avez ni part, ni droit, ni souvenir dans Jérusalem, »
2257
TOBIE
2258
dit Néhémie, II Esd., n, 20, à Tobie, à Sanaballat et à
Gosem l'Arabe. L'irritation de l'Ammonite n'en devint
que plus vive. « Qu'ils essaient de rebâtir (les murs
de Jérusalem) ! s'écriait-il, rv, 3. Si un renard s'élance,
il renversera leurs murailles de pierres. » Cf. f. 7. Par
des intrigues de toute sorte, il travaillait à prendre pied
dans Jérusalem. Des affidés le tenaient par lettres au
courant de tout ce qui se passait et il les excitait en
leur écrivant lui-même. Plusieurs Juifs étaient liés
avec lui par serment, parce qu'il était gendre de Séché-
nias, fllsd'Arèa, et parce que son fils Johanan avait épousé
la fille de Mosollam, fils de Barachie, vi, 1-14, 17-19.
Profitant sans doute de l'absence de Néhémie, il poussa
l'audace jusqu'à s'établir dans le Temple, dans un
appartement que lui avait préparé le grand-prêtre Ëlia-
sib, xiii, 45. Voir Éliasib 5, t. ri, col. 1668. A son retour
de Perse, Néhémie, indigné, se rappelant que la Loi
interdisait l'accès du Temple aux Ammonites et aux
Moabites, xiii, 1, chassa l'intrus et fit jeter ses meubles
dehors, jf ." 7-8. Depuis lors, il n'est plus question de
lui. Voir Néhémie 2, t. rv, col. 1567.
3. TOBIE (Septante : Twêei'9, Twëei'ï, Ttoên), fils de
Tobiel et père de Tobie le jeune. Il était de la tribu et
de la ville de Nephthali en Galilée et fut emmené captif
à Ninive sous le règne de Salmanasar, roi d'Assyrie.
Son histoire est racontée dans le livre qui porte son
nom. Voir Tobie 7.
4. TOBIE, fils du précédent. Pour son histoire, voir
Tobie 7.
5. TOBIE (hébreu : Tôbîydhû; Septante : irapà tù>v
-/pïiit'iiwv), un des personnages revenus de la captivité
qui doivent donner les couronnes destinées à être mises
sur la tête du grand-prêtre Jésus. Zach., vi, 10, 14. Voir
Hélem 2; Idaïa 4, t. m, col. 566, 806.
6. tobie (grec : Twët'aî), père d'Hircan, riche habi-
tant de Jérusalem. II Mach., m, 11. Voir Hircan, t. m,
col. 719.
7. TOBIE (LIVRE DE), livre deutérocanonique qui ra-
conte l'histoire de Tobie, père et fils. Dans les anciens
manuscrits grecs, il porte simplement comme titre
T(o6c't, Twêeir; dans des manuscrits moins anciens,
Bi6Xo{ ï.6yu>w TuSix ; en latin, Tobis, Liber Thobis,
Tobit et Tobias, Liber utriusque Tobise; dans la Vul-
gate : liber Tobise. Le nom de Tobie devait être en
hébreu Tôbîyâh, « Jéhovah est bon « ou « Jéhovah
est mon bien ». Cf. I Esd., n, 60; Il Esd., ir, 10; iv, 3;
Zach., vi, 10, 14. La forme Twëi'r des versions grecques
et Tobis de l'ancienne Italique provient sans doute de
simples terminaisons t et s ajoutées à la forme hébraï-
que abrégée Tôbi, dans laquelle Yâh doit être sous-
entendu comme 'èl, «c Dieu », est sous-entendu dans le
nom Palti, I Sam., xxv, 44, qui est écrit Paltiel,
II Sam., m, 15 (Vulgate: Phalti, Phaltiet).
I. Do texte du livre. — 1° Tobie a été composé en
chaldéen, au témoignage de saint Jérôme, Prsef. in
Tob., t. xxix, col. 23; en hébreu, d'après d'autres, ou
même en grec, selon quelques-uns. Cette dernière
opinion est fausse. On ne peut apporter aucun argu-
ment décisif en faveur de l'une ou l'autre des deux
premières. On a découvert en 1877 et publié en 1878
un texte chaldéen de Tobie, mais ce n*est certainement
pas le texte original- The book of Tobit; a Chaldee
text from a unique m», in the Bodleian Library,
edited by Ad. Neubauer, Oxford. Les versions anciennes
sont notablement différentes les unes des autres, et
la critique est impuissante à rétablir le texte primitif.
2» Manuscrits. — On possède quatre manuscrits
grecs, plus ou moins complets, en lettres onciales, du
livre de Tobie : le Vaticanus, le Sinaiticus (Libellus
Tobit e codice Sinaitico editus et recensitus a Fr. H.
Reusch, Fribourg, 1870), Y Alexandrinus et le Venetus-
Marcianus. Le texte du Sinaiticus est reproduit avec
les principales variantes du Codex Alexandrinus, du
Codex Parisiensis Coislin vm, et du Codex Parisien-
sis, supplément grec 609, qui représente la revision de
l'évêque égyptien Hésychius (iv e siècle), dans F. Vigou-
roux, Bible polyglotte, t. m, p. 466-522. Les manu-
scrits grecs en lettres minuscules, de Tobie, sont assez
nombreux.
3° Classification et valeur des divers textes. — On
peut partager en quatre groupes principaux les diffé-
rents textes du livre de Tobie. — 1. Le premier com-
prend le Vaticanus, Y Alexandrinus, le Venetus, la
Peschito ou version syriaque, i-vn, 5, la version armé-
nienne et la version hébraïque de Fagius. — 2. Le
second, le Sinaiticus, l'ancienne Italique et la version
hébraïque de Sébastien Munster. — 3. Le troisième,
les manuscrits minuscules grecs 44, 106, 107, et la
dernière partie de la Peschito, vu, 10-xiv. — 4. Le
quatrième, la Vulgate. — Les critiques sont loin d'être
d'accord sur la valeur de ces divers textes. Les savants
catholiques ont donné communément la préférence à
la Vulgate. Un commentateur de Tobie, Gutberlet, est
porté cependant à croire que saint Jérôme, qui tra-
duisit le livre en un seul jour, d'après ce qu'il nous
apprend lui-même, Prsef. in Tob., t. xxix, col. 26, a
abrégé le texte original. Il se fonde principalement
sur ce que Tobie le père parle à la première personne
dans les textes grecs, tandis que le récit est à la troi-
sième personne dans la Vulgate. On comprend, dit-il,
qu'un abréviateur change la personne ; on ne compren-
drait pas que celui qui traduit simplement ou amplifie
l'original eût imaginé un pareil changement. « Sous
le rapport littéral, continue t-il, le texte du Codex
Sinaiticus et la version Italique méritent la préférence ;
sous le rapport dogmatique, la Vulgate doit être placée
au premier rang;... sous le rapport esthétique, le
codex du Vatican (ou le grec ordinaire) doit être
regardé comme le meilleur travail sur l'original, s
Das Buch Tobias, 1877, p. 19.
II. Auteur, date, canonicité. — 1" La tradition a
toujours attribué à Tobie père et fils la rédaction de
leur histoire : — a) parce que, dans les anciennes ver-
sions, à l'exception de celle de saint Jérôme et du
nouveau texte chaldéen en partie, Tobie le père parle
à la première personne depuis le ch. i jusqu'au com-
mencement de l'histoire de Sara, fille de Raguël, m,
7. — b) Le texte grec, xn, 20, porte que l'ange Raphaël
donna l'ordre à Tobie d'écrire son histoire et l'on ne
doit pas douter que celui-ci ne lui ait obéi, comme l'insi-
nue le verset suivant, xiii, 1, dans les versions grecques.
2» Date. — Le livre a dû être écrit quelque temps
après les événements qu'il raconte. Les deux derniers
versets, xiv, 16-17, qui marquent la mort de Tobie le
fils, doivent avoir- été ajoutés par une main étrangère,
comme le récit de la mort de Moïse à la fin du Deuté-
ronome. — Les protestants et les rationalistes, qui
nient maintenant le caractère historique du livre de
Tobie, en placent la composition aux époques les plus
diverses et rien ne montre mieux le caractère arbitraire
de leur critique que les résultats inconciliables aux-
quels elle arrive. Suivant Eichhorn, qui ne détermine
rien de plus précis, le livre a été écrit après le règne
de Darius, fils d'Hystaspe; suivant Bertholdt, après
Séleucus Nicator, entre 250 et 200, par un Galiléen ou
un Juif babylonien; suivant Ewald, vers la fin de
l'empire perse, vers 350; suivant plusieurs critiques
modernes, sous l'empereur Adrien, qui régna de 117
à 138 de notre ère, etc.
3° Canonicité. — La primitive Église a considéré le
livre de Tobie comme canonique. Les principales scènes
2259
TOBIE
2260
en sont reproduites dans les catacombes. « Les diverses
représentations de ce sujet qui sont arrivées jusqu'à
nous, dit Martigny, Dictionnaire des antiquités chré-
tiennes, 2 B édit., in-4°, 1877, p. 760-761, suivent à peu
près la succession des événements de la touchante his-
toire deTobie... Ces représentations, si souvent répétées
dans la primitive Église, alors que rien ne se faisait en
ce genre, soit dans les cimetières, soitdansles basiliques,
sans l'autorité des pasteurs, prouvent jusqu'à l'évidence
que le livre de Tobiefut dès les premiers temps placé
dans le canon des Livres Saints. » Cependant, comme il
ne se trouvait pas dans la Bible hébraïque en usage
chez les Juifs de Palestine, d'anciens écrivains ecclésias-
tiques, en particulier saint Jérôme, se sont exprimés
sur les livres deutérocanoniques et sur Tobie comme s'il
existait une différence entre eux et les livres hébreux de
l'Ancien Testament; ils les ont reconnus néanmoins
comme sacrés. Voir Canon, t. n, col. 154-155. Les
canons des papes et des conciles ont défini la canoni-
cité du livre de Tobie. Voir canon de saint Gélase,
t. H, col. 153; cf. col. 162; canon du concile de Trente,
ibid., col. 178.
III. Division et résumé du livre de Tobie. — Il forme
un tout parfaitement ordonné et disposé avec un art
admirable en six sections.
1» Vertus et épreuves de Tobie le père. — 1. Un Israé-
lite fidèle de la tribu de Nephthali est déporté à Ninive
avec Anne, sa femme, et Tobie, son fils. Il exerce les
œuvres de miséricorde envers ses frères et ensevelit les
morts, ce qui attire sur lui la persécution de Senna-
chérib, roi d'Assyrie,; il échappe en se cachant à la
colère du roi, et celui-ci ayant été tué par ses fils peu
de temps après, il recommence ses actes de miséri-
corde et de piété, i II. 9. — 2. L'épreuve allait commencer
pour lui. Quelque temps après, s'étant endormi au pied
d'un mur, la fiente d'un nid d'oiseaux lui tomba sur
les yeux et l'aveugla. Le nom des oiseaux est différent
dans les divers textes, ainsi que les circonstances dans
lesquelles se produisit la cécité. Elle amena pour Tobie
la privation et les misères, et les reproches de ses
amis et de sa femme. Accablé d'amertume, il prie Dieu
de le délivrer de la vie, n, 10-m, 6.
2° Vertus et épreuves de Sara, fille de Raguël. —A
ce point du récit, nous sommes transportés à Rages, en
Médie, d'après le texte actuel de la Vulgate, mais plus
vraisemblablement à Ecbatane, comme le portent les
versions grecques. Pendant que Tobie souffrait et
priait Dieu à Ninive, la fille d'un de ses parents, Sara,
fille de Raguël, souffrait et priait à Ecbatane, en Perse.
Sept fois, elle avait été mariée, et ses sept époux avaient
été tués au moment même de ses noces par le démon
Asmodée, dont le nom vient, d'après les uns, du perse
azmûden, « tenter », d'après les autres, de l'hébreu
Sâmad, « perdre ». Asmodée paraît être le démon de la
concupiscence. Une des esclaves de la jeune Sara lui
reproche la mort de ceux qui ont recherché sa main,
et la jeune fille, affligée, demande à Dieu de la secourir
ou de la délivrer de la vie, m, 7-23.
3 e Voyage du jeune Tobie en Médie. — Dieu exauce
la prière que lui adresse le père du jeune voyageur
et aussi celle de Sara, la fille de Raguël; il mettra fin
aux épreuves de ces deux justes par le ministère de Ra-
phaël, un de ses anges. Le vieux Tobie, croyant sa mort
prochaine, après avoir donné à son fils les plus sages
conseils, l'envoie en Médie pour recouvrer dix talents
d'argent (85 COO francs) qu'il avait prêtés à Gabélus,
un de ses coreligionnaires. L'ange Raphaël, qui a pris
une forme humaine, sert de guide au jeune Tobie sous
le nom d'Azarias. Le soir de la première journée du
voyage, ils s'arrêtèrent sur les bords du Tigre. Tobie
ayant voulu laver ses pieds dans le fleuve, un poisson
s'élançant, dit le Codex Sinailicus, « voulut dévorer le
pied du jeune homme. » On ignore à quelle espèce
appartenait ce poisson. Calmet a supposé que c'était
un brochet. On le trouve dans le Tigre et sa chair est
excellente. L'ange dit à Tcbie de saisir le poisson par
les ouïes, et, quand ils en eurent mangé, il lui recom-
ma nda de garder une partie du cœur et du foie pour
chasser le démon, et le fiel pour guérir la taie des yeux,
vi, 1-9.
4° Mariage du jeune Tobie avec Sara. — Les deux
voyageurs arrivèrent sans autre incident à Ecbatane et
ils allèrent loger chez Raguël, le père de Sara. Sur le
conseil de l'ange, Tobie demande la main de la jeune
fille, après avoir appris de son guide le moyen de
chasser le démon qui avait fait périr les précédents
maris de sa cousine; il l'obtient, chasse Asmodée en
brûlant une partie du cœur et du foie du poisson et
en passant en prières les trois premières nuits de leur
mariage. L'ange Raphaël relégua Asmodée dans le dé-
sert de la Haute- Egypte, de sorte qu'il ne pût agir en
dehors de ce lieu. Alligavit, hoc est ejus potestatem...
cohibuit atque frsenavit, dit saint Augustin, De civ.
Dei, XX, vu, 2, t. xu, col. 668, expliquant un passage
analogue de l'Apocalypse, xx, 2. Le nouvel époux de-
meura quatorze jours auprès de Raguël, son beau-père.
Pendant ce temps, Raphaël alla à Rages chercher l'ar-
gent prêté à Gabélus et amena ce dernier à Ecbatane
pour prendre part aux fêtes du mariage, VI, 10-IX.
5° Retour de Tobie à Ninive. — L'ange enseigna au
jeune Tobie, pendant le retour, le moyen de guérir son
père de sa cécité, à l'aide du fiel du poisson. Sara était
partie avec lui, après avoir reçu de Raguël de sages
conseils sur les devoirs d'une mère de famille. En
chemin, son jeune époux prit les devants, pour calmer
les inquiétudes des siens, et, à son arrivée, il guérit le
vieillard aveugle par les moyens que l'ange lui avait
indiqués, x-xi.
6° Conclusion: manifestation de Raphaël; dernières
années de Tobie. — Raphaël fit alors connaître aux
deux Tobie sa nature angélique et leur révéla les des-
seins de Dieu dans les épreuves qu'ils avaient eues à
subir, xu. Le vieux Tobie rend alors gloire à Dieu de
ses bienfaits et prédit la gloire future de Jérusalem,
xiii. Aux approches de la mort, il donne ses derniers
avis à sa famille et lui recommande de quitter Ninive,
qui sera détruite. Tobie le fils retourne auprès de Ra-
guël et meurt à l'âge de 99 ans, xiv. — L'intervention
de Raphaël, envoyé de Dieu, est un des traits princi-
paux du livre de Tobie, qui nous révèle ainsi quel est
l'office des anges gardiens et nous met sous les yeux
l'action de la Providence dans les incidents de la vie
ordinaire.
IV. Caractère historique du livre de Tobie. —
L'historicité du livre de Tobie a été longtemps admise
sans contestation. Tous les protestants le regardent au-
jourd'hui comme un roman pieux, ainsi que quelques
catholiques, mais la réalité de l'histoire de Tobie est
attestée par les détails minutieux du récit, la généalogie
du principal personnage, les renseignements précis sur
la géographie, l'histoire, la*chronologie, etc., qui nous
montrent que l'auteur a voulu parler en historien. Les
principales difficultés qu'on fait contre le caractère
historique du livre de Tobie sont les suivantes :
1° Les faits merveilleux qui y sont racontés. — Les
miracles contenus dans un récit ne sont pas une preuve
qu'il est historique, mais ils ne sont pas non plus une
preuve qu'il soit fictif, parce que Dieu peut, quand il
lui plaît, intervenir surnaturellement dans les affaires
de ce monde, comme le montrent tant d'autres miracles
rapportés dan3 la Sainte Écriture.
2° Inexactitudes qu'on prétend exister dans le récit.
— 1. Rages, la ville de Médie où l'auteur fait résider
Gabélus, au VIII e siècle avant notre ère, ne fut bâtie,
dit-on, que plusieurs siècles plus tard, par Séleucus
Nicator, d'après le témoignage de Strabon, XI, xm, 6.
2261
TOBIE
TOILETTE
2262
C'est là une fausse interprétation de Slrabon. Il dit
que Séleucus changea le nom de Rages, comme il le fit
pour d'autres villes, et l'appela Eurôpos. Le Zend-Avesta
la mentionne comme une ville déjà ancienne. — 2. On
prétend que c'est Théglathphalasar (745-727) et non Sal-
manasar (727-722), Tob., i, 2, qui déporta la tribu de
Nephthali en Assyrie. C'est peul-être Sargon qu'il faut
lire au f. 2, comme au f. 18, au lieu d'Enemessaros,
nom altéré que porte le texte grec, et qu'il faut corriger
en Sargon, d'après les documents assyriens. Mais, quoi
qu'il en soit, Théglathphalasar n'avait pas déporté en
Assyrie la tribu de Nephthali tout entière, et Salmana-
sar ou Sargon put encore trouver des hommes de cette
tribu dans le royaume d'Israël. — Quelques autres diffi-
cultés géographiques s'expliquent aussi par la perte de
l'original et par les altérations des noms propres
étrangers, que ne connaissaient pas les copistes, et
qu'ils ont défigurés dans leurs transcriptions.
3° L'histoire de Tobie et le conte d'Ahikar. — La
découverte d'un conte ou d'un roman connu sous le
nom d'Histoire du sage Ahikar fournit matière à une
objection nouvelle, contre le caractère historique du
livre de Tobie. Tout ce qu'on en connaît jusqu'ici a été
publié par MM. Rendel Harris, F. C. Conybeare et
Agnès Smith Lewis, The story of Ahikar, from
the Syriac, Arabie, Armenian, Ethiopie, Greek and
Slavonic versions, in-8°, Londres, 1898. Une partie
des aventures altribuées à Ahikar se retrouve, mais
démarquée, dans la vie d'Ésope le Phrygien, attribuée
au moine grec Planude et que La Fontaine a placée en
en tête de ses Fables. Son nom se lit aussi dans le livre
de Tobie. La Vulgate l'appelle Achior, Tob., x, 20, et
ne le mentionne que dans ce passage, mais les versions
grecques et l'ancienne Italique lui conservent son nom
'A-/Ei'-/.apoç (Sinaiticus), 'A-/iàxapoç (Valicanus),
Achicarus (Vêtus llala), et parlent de lui, I, 24-25,
où Tobie l'appelle le fils de son frère; il, 11, où Achia-
char nourrit son oncle devenu aveugle jusqu'à son
départ pour l'Élymaide; XI, 18 (Vulgate, 20), où
Achiachar (Achior) et Nasbas (Nabath) félicitent Tobie
de tous les biens dont Dieu l'a comblé; enfin xiv, 10,
Tobie dit avant de mourir à son fils, d'après le Sinaiti-
cus : « Mon fils, considère ce qu'a fait Nadab à Achi-
char, qui l'avait élevé; ne l'a-t-il pas mis vivant dans
la terre? Et Dieu l'a couvert de confusion, et Achichar
est revenu à la lumière et Nadab est tombé dans les
ténèbres éternelles parce qu'il avait cherché à tuer
Achichar. Parce qu'il avait pratiqué la miséricorde
envers moi, il a échappé au piège de mort que Nadab
lui avait tendu, et Nadab est tombé dans le piège de la
mort qui l'a fait périr. »
Des détails analogues se retrouvent dans le conte
d'Ahicar. Voir la reproduction des parties principales
de ce conte dans F. Vigouroux, Les Livres Saints et
la critique rationaliste, 5 e édit., t. iv, 1902, p. 557-569.
On veut en conclure que le livre de Tobie est aussi
fabuleux. Son auteur nous a suffisamment prévenus
du caractère purement imaginaire de son œuvre, dit-
on, en y mêlant des traits empruntés à un récit qui a
mérité d'être inséré dans le supplément des Mille et
une nuits. — A cela on peut répondre que la question
est de savoir si le texte primitif et original de Tobie
contenait les passages qui ont trait à Ahicar. Le texte
de notre Vulgate ne contient pas les passages relatifs à
Ahicar qu'on lit dans les textes grecs; il nomme bien
Achior et Nabath, xi, 20, mais ce verset ne renferme
pas d'allusion précise aux détails fabuleux du conte. On
prétend que saint Jérôme, ayant abrégé l'original, y a
supprimé ces passages, mais c'est une affirmation
qu'on ne peut prouver; nous ne possédons plus aujour-
d'hui le texte original; personne ne peut assurer qu'il
les contenait et se faire garant que le traducteur les
a omis volontairement. Leur présence dans les tra-
ductions grecques n'est pas suffisante pour établir
qu'ils viennent de l'original, il s'en faut d'autant plus
que les textes grecs ne concordent point entre eux ;
ils ont par conséquent souffert, et les allusions à Ahicar
en particulier se présentent avec toutes les apparences
d'additions postérieures. De plus, on est hors d'état
d'établir que Tobie est postérieur à Ahicar.
Voir*0. Fr. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith,
in-8°, Leipzig, 1853; H. Reusch, Das Buch Tobias ûber-
setzt und erklârt, in-8», Fribourg, 1857; C. Gutberlet,
Das Buch Tobias ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Muns-
ter, 1877; A. Schdlz, Commentai- zum Bûche Tobias,
in-8», Wurzbourg, 1889.
TOILE (Septante : îcttôç; Vulgate : tela), tissu fait
sur le mélier avec du fil de chanvre, de lin, ou de l'un
et l'autre mêlés ensemble. L'hébreu n'a pas de nom
spécial pour désigner la toile. —La toile d'araignée est
appelée en hébreu bêf, « maison », Job, vm, 14, ou
qûrîm, « fils fins ». 1s., lix, 5, 6. Sur Osée, vm, 6, où
les versions parlent encore de toiles d'araignée, voir
Araignée, 1. 1, col. 875. — Les mots i<rrô; et tela veulent
l'un et l'autre dire à la fois « métier, chaîne, trame,
tissu, toile ». Ils sont mis pour désigner le fil dans
Job, vu, 6, et Isaïe, xxx, 1. Dans un autre passage,
Is., xxv, 7, la Vulgate nomme la toile à la place d'une
couverture. Voir Linceul, t. iv, col. 265; Suaire, t. v,
col. 1874. H. Lesètre.
TOILETTE, ensemble de soins que l'on prend pour
la bonne tenue du corps, son vêtement et sa parure. —
Les Hébreux prenaient de leur corps le soin commandé
par l'hygiène. Voir Bain, t. i, col. 1386; Lavement des
pieds, Laver (se) les mains, t. iv, col. 132, 136. Les
prescriptions sur les impuretés légales tendaient à les
éloigner de toute souillure corporelle ou à les en puri-
fier. Voir Impureté légale, t. m, col. 857; Purifica-
tion, t. v, col. 879. Comme tous les Orientaux, ils
aimaient les parfums et en faisaient grand usage. Voir
Onction, t. iv, col. 1810; Parfum, col. 2163. — Les
vêtements étaient simples, amples, et ordinairement de
lin ou de laine. Voir Vêtement. Les hommes comp-
taient les pièces suivantes à leur costume : le manteau,
la tunique, deux ceintures, l'une sur la tunique et
l'autre sur le corps même, un vêtement plus court qui
se mettait entre la chemise et la tunique, la chemise,
la coiffure, la chaussure, le caleçon, les manchettes,
pour couvrir les mains et les bras jusqu'aux coudes,
deux mouchoirs, dont l'un pour essuyer les mains
après qu'on les avait lavées, un voile pour couvrir la
tête et les épaules, et un tour de cou dontles extrémités
pendaient en avant. Les femmes portaient la chemise,
une large tunique, une écharpe couvrant les épaules,
le caleçon, les chaussures, le voile, le manteau. Voir
ces mots. Cf. Iken, Antiquitates hebraiese, Brème, 1741,
p. 543-548. Toutes ces pièces n'étaient pas indispen-
sables et on n'en a sans doute point toujours fait usage
dans les anciens temps. — Aux étoffes s'ajoutaient des
ornementsde métal, anneaux, t. i, col. 632, bijoux, t.i,
col. 1794, bracelets, t. I, col. 1906, chaînes, t. il,
col. 479, colliers, t. n, col. 834, pendants d'oreilles, t. v,
col. 36, etc. Ézéchiel, xvi, 10-13, décrit ainsi la toilette
d'une Israélite de condition : « Je te vêtis de broderie
et je te chaussai de peau de tahas (voir t. n, col. 1512);
je te ceignis d'un voile de lin et je te couvris des plus
fins tissus. Je t'ornai d'une parure : je mis des bracelets
à tes mains et un collier à ton cou; je mis à ton nez un
anneau, des boucles à tes oreilles et sur ta tête un ma-
gnifique diadème. Tu t'ornas d'or et d'argent, et tu fus
vêtue de lin, du tissu le plus fin et de broderie. »
Isaïe, m, 16-24, fait le portrait des élégantes de son
temps, qui marchaient la tête haute, en faisant sonner
les anneaux de leurs pieds. Il énumère jusqu'à vingt-
2263
TOILETTE — TOLETANUS (CODEX)
2264
cinq objets entrant dans la composition de leur toilette.
On peut voir aussi la description de la toilette que fait
Judith, avant de se présenter devant Holoferne.
Judith, x, 3. Une fille de roi portait des tissus d'or et
une robe de couleurs variées. Ps. xlv (xliv), 15. Les
jeunes tilles avaient un goût particulier pour la parure.
Jer., il, 32; Bar., vi; 8. Il était recommandé de ne pas
tirer vanité de sa toilette : « Ne te glorifie pas des ha-
bits qui te couvrent. » Eccli., xi, 4. — Saint Jacques
ne veut pas qu'on ait plus d'égards pour le chrétien
portant un anneau d'or et un vêtement magnifique, que
pour un pauvre à l'habit sordide. Jacob., n, 2-4. Saint
Pierre recommande aux femmes la simplicité : « Que
votre parure ne soit pas celle du dehors : les cheveux
tressés avec art, les ornements d'or ou l'élégance des
habits. » Elles doivent se préoccuper avant tout de la
parure de leur âme. « C'est ainsi qu'autrefois se pa-
raient les saintes femmes qui espéraient en Dieu. »
I Pet., m, 3-5. Saint Paul dit de même : « Que les
femmes soient en vêtements décents, se parant avec
pudeur et simplicité, sans tresses, or, perles ou habits
somptueux, mais par de bonnes œuvres, comme il con-
vient à des femmes qui font profession de servir Dieu.»
I Tim.. il, 9, 10. Il veut également « que les femmes
figées fassent paraître une sainte modestie dans leur
tenue. »Tit.,n, 3. H. Lesèire.
TOISON (hébreu : gêz, gizzâh; Septante : mixoç,
xovpâ, « tonte »; Vulgate : vellus), laine de la brebis
qui a été tondue. — L'Israélite devait offrir les prémices
de ses toisons. Deut., xvm, 4. — Pour connaître la vo-
lonté divine, Gédéon se servit d'une toison, et demanda
successivement que la rosée s'arrêtât dans la toison
sans aller jusqu'au sol, et qu'ensuite elle humectât le
sol sans mouiller la toison. Jud., VI, 36-39. — On em-
ployait des toisons pour se couvrir pendant la nuit;
Job, xxxt, 21, eu prétait aux indigents pour cet usage.
— Mésa, roi de Moab, payait au roi d'Israël un tribut
de 100 000 agneaux et 100000 béliers avec leurs toisons,
c'est-à-dire avant la tonte. IV Reg., m, 4. — Il est dit
du Messie qu'il « descendra comme la pluie sur le gêz,
et comme des eaux qui gouttent sur la terre. »
Ps. lxxii (lxxi), 6. Il est possible que le psalmiste
fasse allusion au miracle de Gédéon, comme le fait elle-
même l'Église en se servant de ce texte. In Circumcis.
Dom., ad laud., ant. 3. D'autres pensent que gêz est
pris ici dans le sens d'herbe ou de gazon, qui est comme
la toison du sol. H. Lesêtre.
TOIT (hébreu : gdg, mikséh; Septante : Sôjia, axi-
yo;, Û7tai8pov, « en plein air » ; Vulgate : tectutn, sola-
rium, doma), couverture d'une maison ou d'un édifice.
' 1° Le toit oriental diffère des toits construits dans
les pays où il faut pourvoir à l'écoulement de pluies
fréquentes et de neiges. Ce toit est plat et en forme de
terrasse entièrement exposée au soleil, solarium, et au
grand air, <irou6pov. «Les maisons de Palestine et de
Syrie ont pour couverture une terrasse faite d'une
épaisse couche d'argile, reposant sur un plancher
grossier. L'herbe y pousse pendant l'hiver et se des-
sèche au soleil du printemps. Parfois, quelque mouton,
quelque chèvre y va brouter l'herbe; puis on arrache
le chaume pour serrer de nouveau la terre avec un
rouleau de pierre, aux premières pluies d'automne.»
M. Jullien, L'Égijpte, Lille, 1891, p. 263. Autrefois, on
avait des toitures plus solides, mais moins étanches,
composées de dalles de pierre ou de tuiles qu'on pouvait
facilement lever. Luc, v, 19. Ces sortes de toitures
avaient un inconvénient. A la saison des pluies, elles
laissaient parfois goutter l'eau à l'intérieur, de la- plus
désagréable façon. C'était alors une gouttière continue,
délêf torêd. Prov., xix, 13; xxvii, 15. Pour éviter les
accidents de chute, la loi ordonnait de mettre une ba-
lustrade tout autour du toit. Deut., xxn,8. On accédait
au toit par un escalier extérieur, qui permettait d'y
arriver de la cour, même quand la maison était pleine.
Luc, v, 19. Voir t. iv, fig. 181 ,183, col. 590, 592. L'herbe
poussait sur ces toitures, autrefois comme aujoud'hui;
mais elle se desséchait dès que le soleil succédait à la
pluie. Cette herbe était l'image de tout ce qui est éphé-
mère. IV Reg., xix, 26;Ps.cxxix(cxxvm),6; Is.,xxxvii,
27. Le toit n'avait pas seulement pour raison d'être
d'abriter la maison; il servait encore à toutes sortes
d'usages. Quand les espions israélites vinrent à Jéricho,
Rahab les cacha sur son toit, sous des tiges de lin. Jos.,
Il, 6, 8. On montait sur le toit pour converser à son
aise, I Reg., IX, 25, 26; pour éviter une compagnie
importune, Prov., xxi, 9; pour se baigner, mais seu-
lement d'après la Vulgate, II Reg., xi, 2; pour certains
actes qu'on voulait accomplir devant de nombreux
témoins, II Reg., xvi, 22; pour voir ce qui se passait
aux alentours, II Reg., xi, 2; pour se faire entendre
de loin à ceux qui étaient dans les rues ou sur les autres
terrasses, Malth., x, 27; Luc, xn, 3; pour se réjouir,
Is., xxn, 1; pour se lamenter, Is., XV, 3; Jer., xlviii,
38; quelquefois, pour se livrer à certains cultes idolâ-
triques. IV Reg., xxm, 12; Jer., xix, 13; xxxn, 29;
Soph., 1, 5. On élevait sur les toits des cabanes de
feuillage pour la fête des Tabernacles. IIEsd., vm, 16.
Notre-Seigneur dit à ceux qui devront fuir avantle siège
de Jérusalem de ne pas descendre de leur toit afin de
prendre quelque chose dans leur maison, mais de se
sauver sans arrêt, tant le péril sera pressant. Matth.,
xxiv, 17; Marc, xm, 15; Luc, xvn, 31. Quelquefois
un oiseau était solitaire sur le toit d'une maison. Ps.
en (ci), 8. — 2° La Sainte Écriture mentionne encore
le toit de l'arche de Noé, Gen., vin, 13, le toit du Ta-
bernacle, Exod., xxvi, 7, voir Tabernacle, col. 1955;
le toit de la tour de Thébès, du haut duquel une
femme lança sur la tête d'Abimélech un morceau de
meule, Jud., ix, 51, le toit du temple de Dagon, sur
lequel 3000 personnes avaient pris place pour voir
danser Samson, Jud., xvi, 27, et le toit du Temple de
Jérusalem. Ezech., XL, 13. — 3° Être sous un toit, c'est
êtredansune maison. Jud., xix,18; ,Ter.,xxx, 18; Sap.,
xvn, 2; Matth., vin, 8; Luc, vu, 6. H. Lesêtre.
TOLET François, théologien et exégète espagnol,
né à Cordoue, le 4 octobre 1532, mort le 14 septembre
1596. Il entra dans la Compagnie de Jésus le 3 juin
1558. Il fut appelé à Rome pour y professer la philoso-
phie et la théologie. Clément VIII le fit cardinal le
17 septembre 1593. On a de lui, sur l'Écriture Sainte :
In sacrosanctum Joannis Evangelium Commentarii,
in-f°, Rome, 1598, plusieurs éditions; In duodecim
capita... Evangelii secundum Lucam, in-f°, Rome,
1600; Commentarii in Evangelium secundum Lucam,
in-f°, Cologne, 1611; Commentarii et Annolationes
in Epistolam B. Pauli ad Romanos, in-4°, Rome,
m.cd.ii; Emendationes in Sacra Biblia vulgatse edi-
lionis, in-f°, 1590. — Voir C. Sommervogel, Biblio-
thèque delaCompagnie de Jésus, t. vm, 1898, col. 64-82.
TOLETANUS (CODEX). Ce manuscrit, un des ma-
nuscrits importants de la Rible latine, appartient à la
Bibliothèque nationale de Madrid, où il est coté « 2, 1 »,
sa cote de la bibliothèque du chapitre de Tolède, au
fonds duquel il appartient. L'écriture, wisigothique,
est du VIII e siècle. Il compte 375feuillets à trois colonnes,
chaque colonne de 63 à 65 lignes. Il mesure 438 mill.
sur 330. Notes arabes sur les marges. Le texte com-
mence avec Gen., l, 22, et, avec quelques lacunes acci-
dentelles, donne tonte la Bible. Ce manuscrit, en 158$^
fut collationné par le bibliothécaire du chapitre de
Tolède, Cristobal Palomarès, pour le cardinal Antoine
Carafa et la commission romaine qui préparait l'édi-
2265
TOLETANUS (CODEX) — TOMBEAU
2266
tion romaine de la Vulgate. Le Codex Toletanus, écrit
Samuel Berger, a presque en toutes ses parties des carac-
tères distincts et qui souvent sont uniques, tels beau-
coup des" sommaires qu'il met en tête des divers livres
de la Bible. C'est une Bible espagnole, antérieure de
texte à l'invasion arabe, avec de nombreuses leçons sin-
gulières, et en particulier de très curieuses variantes
inscrites sur les marges. Beaucoup de leçons de fort
bonne nature attestent en même temps l'antiquité de
ce texte, dit encore S. Berger. En tête des Épîtres de
saint Paul sont reproduits les canons de Priscillien,
accompagnés du proœmium sancti Peregrini episcopi.
En voir l'édition critique dans G. Schepss, Priscilliani
quse supersunt, Vienne, 1889, p. 109 147. On sait que
ce Peregrinus episcopus est identifié avec le moine
Bachiarius, vers 410. A la fin du manuscrit, une note de
seconde main, ancienne, mentionne que le codex a été
donné à l'église Sainte-Marie de Séville (Hispalis) par
Servandus, évèque de Cordone, en 988. Le codex n'en
est pas moins du viij» siècle, et Servandus n'en a été
que propriétaire et donateur au x e siècle. Voir Samuel
Berger, Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 12-14,
391. Un tac-similé est dans Ewald et Lœwe, Exempta
scripturœ wisigothicx, 1883, planche xi. La collation de
Palomarès, publiée par Bianchini, est reproduite dans
Migne, Patr. Lat., t. xxix. P. Batiffol.
TOMBEAU (hébreu : qébûrâh, qêbér, de qabâr,
« ensevelir »; bôr, « fosse », bêt, « maison ■», èal.iap,
« pourriture », ces trois derniers mots désignant le
tombeau par sa forme, sa destination ou ses effets;
Septante : u.vï)|j,eiov, pv^iia, tivoi ; Vulgate: sepulcrum,
monumentum), lieu où l'on dépose le corps d'un mort.
I. Les anciens tombeaux. — 1° En Chaldée. — Les
terres d'alluvions sur lesquelles étaient bâties les villes
ne permettaient pas la construction de grands monu-
ments funéraires. L'humidité du sol pénétrait partout
et décomposait rapidement les cadavres. On construisait
les tombeaux en briques sèches ou cuites, disposées de
manière à former une sorte de voûte (fig. 499), ou un
réduit assez étroit surmonté d'un petit dôme ou d'un
toi*, plat. Voir 1. 1, fig. 324, 325, col. 1162. Une natte im-
prégnée de bitume recevait le corps, autour duquel on
disposait des jarres et des plats d'argile, contenant les
aliments et les boissons nécessaires au mort, les armes
étaient simplement enfouis dans le sable, d'autres, plus
aisés, se faisaient ensevelir dans un modeste édicule de
briques jaunes ou creusaient leur sépulture dans les
parois de la montagne. Les plus riches se préparaient
un mastaba, tombeau isolé qui se composait d'une
chapelle intérieure, d'un puits et de caveaux souter-
499. — Tombe voûtée d'Ur.
D'après Taylor, Journal of the R. Asiat. Society, t. xv, p. 273.
rains. La chapelle avait la forme d'une pyramide tron-
quée, de trois à douze mètres de haut, de cinq à cin-
quante mètres de côté, et les quatre faces aux quatre
points cardinaux (fig. 500). A l'intérieur, était ménagée
une chambre oblongue, au fond de laquelle se dressait
une stèle représentant quelquefois le mort. C'était
comme la porte conduisant à sa demeure et c'est devant
cette stèle qu'on lui apportait les offrandes. Elle con-
stituait la partie essentielle du tombeau, celle qui en-
tretenait l'identité du mort, et autour de laquelle on
500. — Mastaba de Gizéh. D'après Lepsius, Denkmaler, H, 26.
pour les défendre et les objets servant à la parure des
femmes. Parfois, on procédait au préalable à la créma-
tion du corps, dont ensuite on enterrait les restes, en
ménageant jusqu'au sol des conduits de poterie qui
amenaient l'eau de pluie ou d'infiltration au défunt
pour qu'il se désaltérât. Les tombes, souvent superpo-
sées, s'effondraient sous l'envahissement du sable ou
des décombres et ne laissaient guère de traces. Les rois
seuls se faisaient inhumer dans des palais abandonnés
et y recevaient un culte. Cf. ilaspero, Histoire an-
cienne, t.i, p. 684-689.
2» En Egypte. — Pendant que les gens du peuple
se plaisait à figurer tous les objets dont il pouvait
avoir besoin. La figuration de ces objets équivalait à
leur réalité. Un puits de douze à trente mètres descen-
dait jusqu'au caveau, comprenant un couloir très bas
et la chambre funéraire. La momie était déposée dans
cette chambre avec des provisions; puis l'entrée du
couloir était murée et le puits comblé de matériaux et
de terre arrosés d'eau, qui ne tardaient pas à former
un ciment compact. Les plus anciens rois se construi-
saient également des pyramides, dans lesquelles l'accès
de la chambre mortuaire était dissimulé par les moyens
les plus ingénieux. Ces tombeaux étaient les hârâbût,
2267
TOMBEAU
2268
soliludines, les demeures solitaires dont parle Job, m,
14, et le bêf 'olàm, oTxoî aî&voç, domus sslernitatis,
la « maison éternelle » à laquelle fait allusion l'Ecelé-
siaste, xn, 5. Dès les premières dynasties, les tombeaux
égyptiens portent le nom de « maisons éternelles ». Cf.
Masperô, Les contes populaires de l'Egypte ancienne,
(flg. 501). On y pénétrait par un puits situé à l'une des
extrémités et fermé par une pierre. A l'extrémité op-
posée était pratiquée une cheminée conique, large
seulement de m 20 à l'orifice extérieur. La caverne a
servi primitivement à des incinérations, plusieurs
siècles avant notre ère. Dans la couche de cendres
/-" 5eciion vue cfe Jace
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2° Plan montrant les constructions environnantes
501. — Caverne funéraire de Gazer. D'après Q. St., Palest. Expl. Fund, oct. 1902, pi. 8.
Paris, 3 e édit., p. ltiii. Malgré les précautions prises
pour rendre ces maisons inviolables, les grands et les
rois n'ont pas toujours eu le pouvoir d'habiter celles
qu'ils avaient préparées, ou, plus souvent encore, y ont
été visités ou en ont été expulsés par les chercheurs
de trésors, de sorte que, comme dit Bossuet, Disc, sur
Vhist. univers., m, 3, Bar-le-Duc, 1870, t. ix, p. 522,
humaines, on a reconnu les restes d'une centaine de
personnes, dont la moitié d'adultes. La présence de la
cheminée est ainsi justifiée par l'usage auquel était con-
sacrée la caverne. A une époque moins ancienne, de
2500 à 1200, l'inhumation fut substituée à la crémation.
La caverne fut alors agrandie et le puits fut creusé
pour tenir lieu de l'escalier primitif, parce qu'il deve-
502. — Tombe chananéenne. D'après Vincent, Canaan, p. 215.
« ils n'ont pas joui de leur sépulcre. » Cf. Maspero,
Histoire ancienne, t. i, p. 248-258; L'archéologie égyp-
tienne, Paris, 1887, p. 108-161.
3» En Chanaan. — Les fouilles exécutées àGézerpar
M. Macalister ont mis au jour des tombes antiques qui
nous révèlent la manière dont les Chananéens primi-
tifs ensevelissaient leurs morts. Cf. Q. S., Palest.
Explorât. Fund, 1904, p. 320-354. Le plus ancien hy-
pogée qu'on ait retrouvé est une caverne taillée dans
une roche tendre du coteau de Gazer, mesurant
6*45 sur 7 m 50, et haute seulement de m 61 à l m 50
nait important de rendre inaccessible aux intrus l'hy-
pogée qui recevait des corps entiers. Des poteries
diverses renfermaient les aliments et la boisson dont
on approvisionnait les morts. Dans d'autres tombes, on
pénètre par un puits aboutissant à un passage surbaissé
par lequel on accède à la chambre funéraire (fig. 502).
Cette disposition est d'imitation égyptienne. Dans ces
tombes abondent toujours les offrandes funéraires, ali-
ments, boisson, lampes, armes, objets de parure.
AMageddo, on a trouvé, entre huit et dix mètres de pro-
fondeur, des tombes datant de 2000 à 1500,-auxquelles
2269
TOMBEAU
2270
on accède par un puits, et qui présentent cette parti-
cularité d'être régulièrement voûtées, avec une dalle
pour clef de voûte (flg. 503). Quelquefois, on utilisait pour
les sépultures des excavations naturelles. C'est ainsi qu'à
mètre de diamètre, pratiqué dans le plafond de la
chambre funéraire, et quelquefois accompagné d'un
autre trou latéral par lequel on pouvait se glisser jus-
qu'au sol de la caverne (flg.504). La chambre, à peuprès
503. — Tombe à puits de Mageddo. D'après Vincent, Canaan, p. 223
Gazer une suite de cavernes troglodytiques furent
mises en communication pour recevoir les morts d'une
colonie égyptienne établie dans le pays vers le
xxv e siècle. Abraham suivit cet usage, quand il acquit
ronde, avait de six à neuf mètres de diamètre. Quand
on agrandissait la caverne primitive, on ménageait un
pilier pour soutenir la voûte, si on le jugeait néces-
saire. Les morts étaient placés sur des banquettes de
504. — Anciennes tombes Israélites. D'après Vincent, Canaan, p. 226.
la caverne de Macpélah pour la sépulture de Sara et de
sa famille. Voir Macpélah, t. iv, col. 520.
4° Chez les Israélites. — Quand ils s'établirent en
Chanaan, les Israélites adoptèrent le genre de sépul-
tures que suggérait la nature du sol. Ils utilisèrent les
cavernes naturelles, mais en substituant aux puits
chananéens et égyptiens un simple trou d'environ un
pierre, mais souvent aussi sur le sol même, couchés
sur le côté gauche et les genoux ramenés sous le men-
ton. On les superposait ainsi les uns aux autres. Les
offrandes funéraires n'apparaissent plus guère dans
ces tombes qu'à l'état de simulacres, tellement la vais-
selle devient petite ou intentionnellement fragmentaire.
Aux environs de l'an 1000 doivent être rapportées deux
2271
TOMBEAU
2272
autres espèces de tombes, qui ne sont pas positivement
israélites, mais appartiennent probablement aux Phi-
listins et à d'autres peuples contemporains. Ce sont,
d'un part, des fosses munies de parements en gros blocs
calcaires soigneusement appareillés, avec caisson voûté
ou appareil en blocage au-dessus du sol, et, d'autre part,
les constructious en pierres brutes, d'allure plus ou
moins mégalithique. Cf. H. Vincent, dans la Revue
biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907, p. 205-
mêmes dimensions, et long de l^fë), débouche dans une
chambre de 2 m 40 sur l m 25, à mi-hauteur de laquelle ont
été évidés des bancs destinés à recevoir les morts. Le
plafond, à 2 m 06 de hauteur, est surélevé, au milieu, de
0"»35, de manière à former une sorte de toit à double
pente (fig. 505). Le tout est taillé dans la roche vive. Ce
tombeau et d'autres analogues ont subi des modifica-
tions ultérieures pour devenir d'abord des cellules de
reclus, puis aujourd'hui des caves etdes magasins. Sur
505. — Tombe Israélite de Siloé. D'après Vincent, Canaan, p. 236, 239.
239. — Les plus anciennes nécropoles israélites de-
vaient se composer d'un caveau, comprenant une ou
plusieurs chambres funéraires, avec un puits vertical
pour y donner accès, sans que l'on sache si ce puits
506. — Monument monolithe de Siloé.
D'après Ancessi, Atlas, pi. xx.
était surmonté d'un monument quelconque. En tous
cas, les monuments funéraires aujourd'hui recouverts
par le village de Siloé donnent une idée exacte des tom-
beaux de l'époque royale. On pénètre dans l'un d'eux
par une petite porte taillée dans une corniche de ro-
cher,avecl mètredehaut et0 m 82de large. Un couloir de
les tombes découvertes aux environs de Samarie, voir
Revue biblique, 1910, p. 113.
II. Tombeaux historiques. — l»_Le monolithe de Siloé.
— C'est un édicule de 6 mètres de long sur 5 de large et
2 m 65 de hauteur, surmonté d'une corniche égyptienne
et taillé dans le roc même, dont il est isolé de trois
côtés (fig. 506). Par une porte haute de l m 45 et large de
m 70, on entre dans une chambre carrée, précédée d'un
petit vestibule et dans les parois de laquelle ont été
pratiquées deux niches cintrées. Cet édicule ressemble
aux monuments monolithes qu'on rencontre en Egypte.
Il se pourrait que ce fût un tombeau, d'autant plus qu'il
se dresse au-dessus de l'ancienne nécropole jébuséenne
de Siloé. Il serait alors antérieur à Salomon. Mais
comme ce roi établit ses jardins précisément dans le
voisinage et qu'il n'eût pas supporté de tombeau si près
de lui, il est possible que l'édicule ait eu une destina-
tion différente, qu'il ait été construit, par exemple,
pour servir de sanctuaire privé à la fille du Pharaon
qu'il avait épousée. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la
mer Morte, Paris, 1853, t. n, p. 306-313; V. Guérin,
Jérusalem, Paris, 1889, p. 233-234. La première hypo-
thèse a été rendue beaucoup plus probable par la dé-
couverte des vestiges d'un texte hébreu archaïque, in-
diquant vraisemblablement le titre d'jine sépulture.
Cf. Le Camus, Voyage aux pays bibliques, Paris, 1894,
t.i, p. S82; Perrot, Histoire de l'art, t. îv, p. 306-313.
2» Le tombeau d'Absalom. — Voir t. i, fig. 10,
col. 98; Main d'Absalom, t. iv, col. 585. De Saulcy,
Voyage, t. n, p. 288-295, incline à croire que ce tom-
2273
TOMBEAU
2274
beau est de l'époque qu'on lui attribue. La plupart des
archéologues y voient un monument de la décadence.
V. Guérin, Jérusalem, p. 200, serait plutôt d'avis que la
partie monolithe est contemporaine de David et que des
enjolivements y ont été ajoutés dans les âges suivants.
Il faut d'ailleurs observer que le cippe qu'Absalom
s'étaitérigé lui-même de son vivant, II Reg., xvm, 18,
n'empêcha pas qu'on lui construisit après sa mort un
tombeau proprement dit, ce à quoi David dut se prêter
volontiers, à cause de l'affection qu'il portait à son fils
rebelle.
3° Tombeaux des Rois. — David fut enterré dans la
« cité de David ». III Reg., Il, 10. Il en fut de même
tel art que rien ne paraissait aux yeux de ceux qui
pénétraient dans le monument. » Josèphe, Ant. jud.,
VII, xv, 3; XVI, vill, 1. Le tombeau de David n'a sûre-
ment rien de commun avec le cénotaphe que les mu-
sulmans conservent dans une salle attenante à celle du
Cénacle. Mais à plus de deux kilomètres de cet endroit,
à environ 770 mètres au nord de la ville, on trouve la né-
cropole connue sous le nom de Kobour-el-Molouk,
« tombeaux des rois », ou Kobour-el-Selathin, « tom-
beaux des sultans ». Un escalier de vingt-cinq marches,
larges de 9àl0 mètres ettaillées dans leroc, donne d'abord
accès dans une cour de 27 mètres de côté, dont le niveau est
à 7 ou 8 mètres au-dessous du sol. De cette cour, on passe
*~jfc>rJ
TO /lèires
507. — Plan du tombeau des Rois.
des rois de Juda, ses successeurs, ainsi qu'il est rap-
porté de Salomon, II Par., ix, 31 ; III Reg., xi, 43, de
Roboam, III Reg., xiv, 31, d'Abia, III Reg., xv, 8, d'Asa,
III Reg., xv, 24, de Josaphat, III Reg., xxn, 51, de
Joram, IV Reg., vin, 24, d'Ochozias, IV Reg., ix, 28,
d'Amazias, IV Reg., xiv, 20, d'Ozias, IV Reg., xv, 7, de
Joatham, IV Reg., xv, 38, d'Achaz, IV Reg., xvi, 20,
d'Ézéchias, IV Reg., xx, 21 ; II Par., xxxji, 33. Le grand-
prêtre Joad fut aussi inhumé dans les sépulcres royaux,
à cause des services éminents qu'il avait rendus. II
Par., xxiv, 16. Par contre, le roi Joas fut inhumé dans
la cité de David, mais non dans le sépulcre des rois.
II Par., xxiv, 25; IV Reg., xii, 22. Sur l'emplacement
de la cité de David, voir Jérusalem, t. m, col. 1351-
1356. Cette cité occupait la colline d'Ophel. C'est donc
là que se trouvaient les tombeaux des rois. Cf. II Esd.,
m, 15, 16; Act., xi, 29. Le grand-prêtre Hyrcan et le
roi Hérode pénétrèrent dans l'hypogée royal pour y
prendre de l'argent ; « mais aucun d'eux ne parvint
aux retraites mystérieuses où reposaient les cendres
des rois ; car elles étaient cachées sous terre avec un
DICT. DE LA BIBLE.
dans un vestibule rectangulaire, dont l'entrée est sur-
montée de superbes motifs de sculpture (voir flg. 329,
col. 1545). Ce vestibule mène à une antichambre carrée
(flg. 507), par une porte très basse, que fermait un disque
de pierre roulant dans une rigole, le long de la paroi ex-
térieure. Cf. t. ni, col. 1477. Dans l'antichambre s'ouvrent
trois baies surbaissées, fermées jadis par des portes de
pierre qu'on poussait du dehors et qui, grâce à la dis-
position des crapaudines, se rabattaient d'elles-mêmes.
On trouve ensuite sept chambres funéraires, renfermant
trente et une tombes. Les sarcophages reposaient soit
dans des excavations, soit sur des banquettes sur-
montées d'arcades cintrées. De Saulcy découvrit, dans
une chambre basse inexplorée, un sarcophage intact,
maintenant au musée du Louvre (fig. 508), et portant
cette inscription en araméen : « Zodan » ou « Zoran,
reine », et en hébreu : « Sadah » ou « Sarah, reine ». Il
y avait donc là une sépulture royale. On pourrait croire
que, pour obéir à une observation d'Ézéchiel, xliii,
7-9, cf. Jer., vm, 1, 2, on a transporté les corps des
rois, au retour de le captivité, de la cité de David dans
V. - 72
2275
TOMBEAU
2276
une nécropole située hors de la ville. Exception aurait
été faite pour David et pour Salomon, dont les tombes
étaient encore dans la cité de David aux époques de
Néhémie, d'Hyrcan et d'Hérode. Mais il n'est fait aucune
mention de ce transport, et le passage d'Ézéchiel peut
ne s'appliquer qu'aux rois de l'avenir. Comme il est
fort probable que les rois seuls étaient inhumés dans
la cité de David, on a pensé que les Kobour-el-Molouk
étaient la sépulture destinée à leurs femmes et à ceux
de leurs descendants qui n'arrivaient pas au trône.
C'est ce que présume V. Guérin, Jérusalem, p. 215.
De Saulcy a défendu son identification des sépultures
royales dans plusieurs publications: Voyage autour de
la mer Morte, rp. 219-281 ; dans la Revue archéolo-
gique, t. ix, 1, 1852, p. 229 ; t. ix, 2, 1853, p. 398-407 ;
Voyage en Terre Sainte, Paris, 1865, t. i, p. 345-410 ;
dans les Comptes rendus de l'Acad. des Inscript, et
Belles-Lettres,\866,p. 105-113. Quatremère,dansiîeime
archéologique, t. ix, 1, 1852, p. 92-113, 157-169, a cru
reconnaître la sépulture des princes asmonéens, car
le tombeau du grand-prêtre Jean Hyrcan était voisin
des murs de la ville, à moins d'une portée de flèche.
Cf. Josèphe, Bell, jud., V, vi, 2 ; vu, 3 ; ix, 2 ; xi, 4.
4° Tombeaux des Juges. — Ils se trouvent à vingt-
cinq minutes au nord-ouest de Jérusalem, vers la
naissance de la vallée de Josaphat. Ils s'annoncent par
une façade décorée d'un élégant fronton avec acrotères
aux angles et au sommet (fig. 509). Ils se composent
d'une série de chambres funéraires, à différents niveaux,
renfermant soixante fours superposés en deux rangées
parallèles, dans lesquels on ne pouvait placer que des
corps sans sarcophages. Les Kobour-el-Kodha, « tom-
beaux des Juges s, n'ont pas contenu les anciens Juges
d'Israël, presque tous inhumés dans leur propre tribu,
mais probablement les magistrats présidents du tribu-
nal suprême, qui devint plus tard le sanhédrin. Le
monument parait être contemporain des rois de Juda.
L'ornementation a fort bien pu, ici comme dans d'au-
508. — Sarcophage juif. Musée du Louvre.
démontrer que cette nécropole était celle des Hérodes.
Cette opinion n'est plus soutenable aujourd'hui. Il
paraît beaucoup plus probable que ces tombes sont
celles d'Hélène, reine d'Adiabène, de son fils Izates, qui
eut à lui seul vingt-quatre garçons, et d'autres mem-
bres de la famille royale. Josèphe, Bell, jud., V, n, 2 ;
Ant. jud., XX, iv, 3, a signalé le tombeau d'Hélène au
nord et à trois stades de la ville. Saint Jérôme, Epist.
cvm, 9, t. xxii, col. 883, note aussi que, pour entrer à
Jérusalem, sainte Paule « laissa à gauche le tombeau
d'Hélène, reine d'Adiabène. » L'emplacement coïncide
donc bien avec celui du tombeau des Rois. La reine
Zoran, Zodan ou Zaddan, dont le sarcophage avait été
respecté par les pillards, serait une princesse d'Adiabène.
Plus récemment, on a retrouvé parmi les décombres
un morceau de terre cuite portant l'estampille ttihn
« Helena », en vieille écriture hébraïque. Cf. Euting,
Sitzungsberichte der Berlin. Akad., 1885, p. 679. Ces
indices confirment le bien fondé de l'attribution du
tombeau à la famille de la reine Hélène. L'identification
est acceptée par Robinson, Palâstina, 2 8 édit., Londres,
1856, t. m, p. 251 ; R. Rochette, dans Revue archéolo-
gique, t. ix, 1, 1852, p. 22-37 ; Renan, dans les Comptes
rendus de l'Acad. des lnscript. et Belles-Lettres, 1886,
p. 113-117 ; Sepp, Jérusalem, Schaiïhouse, 1873, t. i,
p. 307-317; Lortet, La Syrie aujourd'hui, Paris, 1884,
p. 295 ; Schûrer, Geschichte des jûd. Volkes, t. m,
p. 121; Socin, Palâstina und Syrien, Leipzig, 1891,
p. 111, etc. Il faut également écarter la pensée d'y
très nécropoles, être modifiée ou exécutée à une époque
très postérieure. Notre-Seigneur suppose ces remanie-
ments quand il remarque que les scribes et les phari-
siens bâtissent les tombeaux des prophètes et ornent
les monuments des justes. Matth., xxm, 29. Cf. F. de
Saulcy, Voyage, p. 332-336; V. Guérin, Jérusalem r
p. 268-270,
5» Tombeaux des prophètes. — Cette nécropole est
située à mi-côte du mont des Oliviers, à l'ouest. Elle,
se compose de deux galeries semi-circulaires, reliées
entre elles par trois galeries rayonnantes partant d'une
chambre centrale et par deux autres petites galeries
intermédiaires. La galerie la plus excentrique est
pourvue d'une trentaine de fours à cercueil. Sur la foi
du nom de Kobour-el-Anbia, « tombeaux des pro-
phètes », attribué à cette catacombe, on a longtemps
cru qu'elle était d'origine juive. On a même pensé qu'il
fallait y reconnaître le columbarium, 7uspt<rrepewv, dont
parle Josèphe, Bell, jud., Y, xra, 2. Cf. de Saulcy,
Voyage, p. 281-287 ; V. Guérin, Jérusalem, p. 270-271.
Un examen plus attentif du procédé de construction et
des graliltes tracés sur les parois anciennes a permis
de conclure qu'on était en présence d'une catacombe
creusée au rv« ou V e siècle de notre ère, à l'usage des
pèlerins chrétiens qui mouraient à Jérusalem. Cf.
H. Vincent, Le tombeau des prophètes, dans la Revue
biblique, 1901, p. 72 88.
6" Tombeau de Josaphat. — La vallée du Cédron,
appelée aussi quelquefois vallée de Josaphat, voir t. m,
2277
TOMBEAU
2278
col. 1652, est presque entièrement remplie de tombeaux
et de pierres sépulcrales. Voir t. n, fig. 121, 122, col. 381,
383; t. m, fig. 233, col. 1651. Un peu au nord-est du
tombeau d'Absalom, celui qu'on appelle le tombeau de
Josaphat est maintenant rendu inaccessible. Il a un
beau fronton élégamment sculpté, voir t. m, fig. 284,
col. 1653, dont la décoration a pu être ajoutée posté-
rieurement à la construction primitive. Il renferme
trois chambres sépulcrales. On ne sait à quel Josaphat
attribuer ce monument. Le roi de ce nom fut inhumé
dans la cité de David. III Reg., xxii, 51. Peut-être
avait-il fait préparer ce tombeau pour les membres de
sa famille. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 295, 296 ; V. Gue-
rin, Jérusalem, p. 272.
du tombeau de saint Jacques, le tombeau de Zacharie
est un monolithe isolé de la masse rocheuse (fig. 510).
Il est formé d'un cube de 5 m 53 de côté, couronné d'une
corniche égyptienne et surmonté d'une pyramide. Le
monument est considérablement enterré et les tombes
juives s'accumulent de plus en plus tout autour. La
porte en est obstruée et l'on n'y peut pénétrer. Les mu-
sulmans l'appellent Kabr-Zoudjet-Faraoun, « tombeau
de la femme de pharaon ». On ne saurait dire quel
Zacharie a donné son nom au mausolée. Au IV e siècle,
le Pèlerin de Bordeaux le' regardait comme le tombeau
d'Isaïe. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 303-306 ; V. Guérki,
Jérusalem, 273-274.
9» Tombeau des Hérodes. — D'après les indications
509. — Fronton du tombeau des Juges. D'après Ancessi, Atlas, p. xix.
7c Tombeau de saint Jacques. — Il est à un peu moins
de cent pas au sud du précédent. La façade est taillée
dans le roc, voir t. m, fig. 286, col. 1667, avec une frise
soutenue par quatre colonnes, et abrite un vestibule qui
donne accès à quatre chambres sépulcrales contenant
chacune plusieurs loges. Le nom de saint Jacques a
été donné à ce tombeau en vertu d'une tradition d'après
laquelle l'apôtre s'y serait réfugié pendant la passion
du Sauveur et y aurait été lui-même inhumé après ,
son martyre. Il est impossible de contrôler la réalité
de ces faits. Le monument est couvert d'inscriptions
hébraïques. Une plus ancienne que les autres, gravée
sur l'architrave, indique que le mausolée est celui de
huit membres de la famille sacerdotale des Beni-Hésir.
Les musulmans appellent ce monument Diouan-Fa-
raoun, « divan de pharaon ». Cf. de Saulcy, Voyage,
p. 296-303; V. Guérin, Jérusalem, p. 272-273; de Vogué,
Bévue archéologique, nouv. sér., t. IX, 1864, p. 200-209 ;
de Saulcy, ibid., t. xi, 1865, p. 137-153, 398-405.
8"'Tombeau de Zacharie. — A quelques pas au sud
de Josèphe, Bell, jud., V, m, 2 ; xn, 2, on pensait que
les tombeaux des Hérodes devaient se trouver dans le
voisinage du Birket-Mamillah, au revers occidental de
la colline qui renferme au nord-est les tombeaux des
Rois. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 325. Ils ont été retrouvés
en 1891, à l'ouest du Birket-es-Sultan. Cf. Schick, Q.St.
Palest. Fxplor. Fund, 1892, p. 115-120; Revue biblique.
1892, p. 267-272. Ils se composent de quatre chambres
spacieuses, disposées en croix, et d'une petite chambre
centrale communiquant avec les autres par des couloirs
(fig. 511). Les chambres ont toutes 2 m 70 de haut; les
troischambres égales ont4mètres de côté et la plus grande
7 m 20 sur3mètres. Un bel appareil do pierres blanches
revêt partout les parois du rocher. Une pierre ronde
se roulait pour fermer l'entrée du monument. Voir
t. m, fig. 268, col. 1478. Les chambres n'ont ni fours
funéraires ni banquettes. Les sarcophages étaient dé-
posés sur le sol ; on en a retrouvé deux dans la plus
grande chambre. Voir t. m, fig. 134, col 647.
Un grand nombre d'autres tombes, diversement con-
2279
TOMBEAU
2280
struites et ornées, se trouvent dans la vallée du Cédron
et dans celle de Ben-Hinnom, sans présenter d'intérêt
au point de vue biblique.
10» Le Saint-Sépulcre. — C'était la tombe construite
par Joseph d'Arimathie pour son usage personnel. Elle
avait été taillée dans le roc même, dans le jardin voi-
sin du Calvaire. Voir t. m, fig. 206, col. 1133, 1134 ;
t. v, col. 1651. Le mausolée comportait une chambre
sépulcrale d'assez faible dimension, dans laquelle on
pénétrait, en descendant quelques marches, par une
porte basse fermée au moyen d'une pierre roulante.
Voir Calvaire, t. n, col. 79 ; Jésus-Christ, t. m,
col. 1476-1477 ; Revue biblique, 1910, p. 121. Par la
suite, le tombeau a été isolé du rocher dont il faisait
partie et est devenu un édicule à part. Cf. A. Legendre,
Le Saint-Sépulcre depuis l'origine jusqu'à nos jours,
Le Mans, 1898, p. 7-20.
l'époque des Asmonéens ou à celle d'Hérode. Le plan,
assez régulier, comporte un vestibule donnant accès
dans une salle qui communique avec trois chambres à
fours (flg. 512). Les coupes longitudinale AB et transver-
sale CD donnent le profil de l'excavation. Les plafonds
vont en diminuant de hauteur, de 2 m 10 à l m 70. Il n'y
a ni inscriptions ni vestiges quelconques permettant
d'identifier l'hypogée. Cf. H. Vincent, Un hypogée juif,
dans la Revue biblique, 1899, p. 297-304.
III. Les tombeaux dans la Bible. — 1» La demeure
des morts. — En face du danger, les Hébreux deman-
dent à Moïse s'il n'y avait pas assez de sépulcres pour
eux en Egypte. Exod., xiv, 11. Le lieu où beaucoup
d'entre eux sont frappés dans le désert, à cause de leurs
murmures au sujet de la nourriture, prend le nom de
Qibrô{-hat-(a'âvâh, « Sépulcres de la concupiscence ».
Num., xi, 34 ; xxxm, 16 ; Deut., ix, 22. Les sépulcres
510. — Tombeau de Zaeharie. D'après Ancessi, Atlas, pi. xix.
11° Le tombeau de la Sainte Vierge. — Voir t. iv,
col. 802.
12° Autres tombeaux bibliques. — On peut spéciale-
ment signaler les tombeaux de Daniel, t. n, fig. 472,
col. 1253; d'Esdràs, t. n, fig. 603, col. 1931 ; d'Ézéchiel,
t. n, flg. 626, col. 2153 ; d'Aaron, t. m, fig. 152, 153,
col. 750, 751 ; de Lazare, t. iv, fig. 43, col. 139 ; de
Phinées, t. v, fig. 73, col. 320 ; de Rachel, t. v, fig. 211,
col. 925, etc. Voir aussi Nabuthéens, t. iv, col. 1448-
1450, et la nécropole de Pétra, t. v, fig. 31, col. 170;
la nécropole de Cyrène, t. n, fig. 450, col. 1177; le tom-
beau de Cyrus, t. n, fig. 458, col. 1193 ; ceux de Umm-
Queis, t. m, fig. 41, 42, col. 205, 207, etc. — Isaïe, xxii,
16-18, parle d'un fonctionnaire du temps d'Ézéchias,
nommé Sobna, qui se creusait un sépulcre dans un
lieu élevé et se taillait dans le roc une demeure. Pour
le punir de ses méfaits, Dieu le lancera comme une
balle à travers la plaine. — Le système de nécropoles
creusées dans le roc, avec chambres funéraires et fours
à cercueil, a toujours été en faveur chez les Juifs. En
1897, non loin du tombeau des Juges, on a découvert
une sépulture de ce genre qui donne une idée exacte
de ce que sont les nécropoles israélites. La façade est
ornée d'un fronton analogue à celui du tombeau
<les Juges. Les diverses sculptures, tant de l'extérieur
<|ue de l'intérieur, supposent l'influence de l'art grec,
ut permettent de fixer la construction du monument à
sont préparés pour Assur, pour Élam, pour Mosoch et
Thubal, Ezech., xxxn, 22, 24, 26, et pour Gog, au mi-
lieu d'Israël. Ezech., xxxix, 11. Dieu prépare le sépulcre
de Ninive. Nah., i, 14. Antiochus Épiphane voulait faire
de Jérusalem le tombeau des Juifs. II Mach., IX, 4, 14.
— On n'a jamais connu le tombeau de Moïse. Deut.,
xxxiv, 6. Au malheureux accablé d'épreuves, il ne reste
plus à espérer que le tombeau, Job, xvil, 1 ; il est
content de le trouver. Job, il, 22. Le juste y entre en
pleine maturité, comme la gerbe enlevée en son temps.
Job, v, 26. Mais souvent le méchant est porté avec
honneur à son sépulcre, et l'on veille sur son mausolée.
Job, xxi, 32. Tobie voulut que sa femme fût déposée
dans le même tombeau que lui. Tob., xiv, 12. Le roi de
Babylone devait être jeté loin de son sépulcre, comme
un rameau méprisé. Is., xiv, 19. Les témoins du Christ,
mis à mort, resteront aussi quelque temps privés de
sépulture. Apoc, xi, 9. Isaïe, xi, 10, annonce que la
racine de Jessé se dressera parmi les nations et que
sa demeure sera glorieuse ; d'après la Vulgate, « son
sépulcre sera glorieux ». Les gens du peuple n'avaient
point de sépulcres taillés dans le roc. On se contentait
de les enterrer simplement, avec une pierre sur leur
tombe, pour empêcher les hyènes de venir les dévorer.
Jérémie, xxvi, 23, raconte que le roi Joakim fit périr
le prophète Urie et jeta son cadavre dans les sépulcres
du commun du peuple. — A la mort du Sauveur, les
2281
TOMBEAU
TONNERRE
2282
sépulcres s'ouvrirent et des morts en sortirent. Matth.,
xxvii, 52. Dans sa vision de la résurrection, Ézéchiel,
xxxvn, 12, vit les morts sortir de leurs sépulcres. Ils
en sortiront réellement, à la fin du monde, sur l'ordre
du Fils de Dieu. Joa., v, 28. — Le sépulcre est quel-
quefois mis pour le scheol. Dieu n'a plus le souvenir
ds celui qui s'y trouve, le mort est soustrait à sa main
et la louange divine ne se fait plus entendre dans le
sépulcre, Ps. lxxxviii (lxxxvii), 6, 12, manières de
parler signifiant que les conditions d'existence sont
tout autres après la mort. — L'Ecclésiastique, xxx, 18,
fait allusion aux offrandes d'aliments que les idolâtres
mettaient sur les tombes et il les compare aux mets
présentés à une bouche fermée. — 2» Le refuge des
vivants. — Étant données les dimensions de certaines
511. — Tombeau des Hérodes.
D'après la Revue biblique, 1892, p. 268.
chambres sépulcrales, on conçoit que les vivants aient
pu quelquefois y chercher un refuge. Les Israélites
infidèles se retiraient dans des sépulcres pour y manger
de la viande de porc et des mets défendus. Is., lxv, 4.
Les démoniaques géraséniens habitaient dans des
sépulcres. Matth., vin, 28; Marc, v, 2-5 ; Luc, vm, 27.
— 3» Comparaisons. — Le sein de la mère est le tom-
beau de l'enfant mort avant sa naissance. Jer., xx, 17.
On compare à un sépulcre ouvert, prêt à recevoir les
cadavres, le gosier du méchant, qui dévore le prochain
par ses propos calomnieux, Ps. v, 11 ; Rom., m, 13, et
le carquois des Chaldéens, qui va faire tant de victimes.
Jer., v, 16. — 4» Impureté des tombeaux. — Celui qui
touchait un tombeau contractait une souillure légale.
Num., xix, 16. Voilà pourquoi Josias, après avoir réduit
en poussière l'idole d'Astarthé qui avait été installée
dans le Temple, en dispersa les restes sur les tombes
des enfants du peuple, comme pour les souiller encore
davantage. IV Reg., xxm, 6. En même temps, il enten-
dait par là rendre ce qui subsistait de l'idole à ses
anciens adorateurs. II Par., xxxiv, 4. Après le retour
de la captivité, on prit l'habitude de blanchir à la
chaux les tombeaux qui n'étaient pas suffisamment
reconnaissables par eux-mêmes, afin d'en signaler la
présence aux passants, surtout à l'époque des pèleri-
nages. Matth., xxm, 27. Notre-Seigneur compare les
pharisiens à des sépulcres qu'on ne voit pas et sur
lesquels on marche sans le savoir, Luc, xi, 44, ce qui
fait contracter une impureté. Cf. Ohaloth, xvn, xvm.
Josèphe, Ant. jud., XVIII, n, 3, raconte qu'Hérode
Antipas, après avoir bâti la ville de Tibériade sur l'em-
placement d'une ancienne nécropole, dut prendre
toutes sortes de moyens'pour attirer les habitants, les
Juifs se refusant à résider en pareil lieu.
H. Lesètre.
TONNERRE (hébreu : ra'am, qôl ou rêa' Yehôvàh,
qôlôt ; Septante : ppovtT,, qxovïj ©eoû; Vulgate : tonitru,
tonitruum, vox Domini), bruit que fait la foudre
quand elle éclate entre les nuages ou entre les nuages
et la terre. — Ce bruit, très puissant, peut devenir
formidable, quand il est répercuté par les échos des
montagnes. De là, les noms de « voix de Jéhovah » ou
« fracas de Jéhovah » qu'on lui donne en hébreu. On
l'appelle aussi qôlôt, « les voix », à cause de ses reten-
tissements multipliés. Les orages n'ont lieu en Palestine
qu'à la saison des pluies, en hiver. Cependant, il s'en
produit parfois tardivement en avril et jusqu'au com-
mencement de mai. Voir Palestine, t. iv, col. 2030.
Le tonnerre qui se fit entendre, à la voix de Samuel,
au temps de la moisson des blés, I Reg., xn, 17, 18,
c'est-à-dire à la fin d'avril ou en mai, était extraordi-
naire. Le coup que les Juifs crurent entendre dans le
Temple, Joa., XII, 29, se produisit en temps normal,
vers la fin de mars. — La septième plaie d'Egypte con-
sista en une grêle effroyable qu'accompagna le tonnerre
avec le feu delà foudre. Exod., ix,23, 28, 34; Ps. lxxvii
(lxxvi), 19. Le phénomène était d'autant plus signifi-
catif que la grêle et le tonnerre sont extrêmement rares
en Egypte. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes
modernes, 6 e édit., t. n, p. 333. Le tonnerre retentit
également au Sinaï. Exod., xix, 16. Voir Orage, t. iv,
col. 1849. — Job a parlé plusieurs fois du tonnerre.
L'idée qu'il a donnée des œuvres de Dieu n'est qu'un
« léger murmure », à côté du tonnerre de sa puissance,
c'est-à-dire de la grandeur foudroyante des merveilles
exécutées par Dieu. Job, xxvi, 14. Dieu a tracé la roule
aux éclairs et au tonnerre. Job, xxvm, 26; xxxvm, 25.
Il prend la foudre en ses mains et lui marque le but
qu'elle atteindra sûrement; son tonnerre le précède et
remplit d'effroi les troupeaux. Job, xxxvi, 32, 33.
Écoutez, écoutez le fracas de sa voix,
Le grondement qui sort de sa bouche !
Il lui donne libre champ sous l'Immensité des deux,
Et-son éclair brille jusqu'aux extrémités de la terre.
Puis éclate un rugissement,
Il tonne de sa voix majestueuse ;
Quand on entend sa voix, la foudre est déjà partie :
Dieu tonne de sa voix d'une manière merveilleuse.
Job, xxxvn, 2-4.
Un Psalmiste décrit aussi le tonnerre, qu'il appelle la
« voix de Dieu ». Elle gronde au-dessus des nuages,
brise les cèdres, ébranle les montagnes et le désert,
dépouille les forêts, fait jaillir des flammes de feu et
faonner les biches épouvantées. Ps. xxix (xxvm), 3-9.
Au bruit du tonnerre, les montagnes fuient. Ps. civ
(cm), 7. Il retentit pendant l'ondée et fait trembler la
terre. Eccli., XL, 13; xliii, 18. — Les écrivains sacrés
ne mentionnent aucun homme frappé de la foudre. Ils
font cependant allusion à ce genre de mort. I Reg., Il, 10.
Jéhovah tonna des cieux,
Le Très-Haut fit retentir sa voix.
H lança des flèches, et dispersa mes ennemis,
La foudre, et il les consuma.
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7% -■ 'S'''--?''-;'?''>''ZZ
Coupe longitudinale suivant A,B
512. — Plan et coupes d'une nécropole juive. D'après la Bévue biblique, 1899, p. 298, 302.
Coupe transversale suivant C.D
2285
TONNERRE — TOPHETH
2286
II Reg., xxn, 14, 15. Cf. Ps. xvm (xvn), 14, 15; cxliv
(cxliii), 6; Zach., ix, 14. Jérusalem sera visitée « avec
fracas, tonnerre et grand bruit, tourbillon, tempête et
flamme de feu dévorant. » Is., xxix, 6. — Le tonnerre
intervient souvent dans les événements décrits par
l'Apocalypse, iv, 5; vi, 1; vm, 5; x, 3, 4; xiv, 2; xvi,
18; xix, 6. — A raison de leur caractère impétueux,
Jacques et Jean, fils de Zébédée, reçurent de Notre-
Seigneur le nom de BoavvjpYé;, « fils du tonnerre ».
Marc, m, 17. — Les mages babyloniens tiraient des
pronostics de la production du tonnerre aux différents
mois de l'année. Le dieu du tonnerre et de la pluie,
Adad, annonçait le plus souvent des révoltes et des
calamités; mais quelquefois, il pronostiquait des faits
intéressant la vie agricole. S'il tonne en Tammouz,
« la récolte du pays marchera bien ; » en Éloul, « l'épi
pèsera quadruple; » en Tébét, « il y aura des pluies
dans les cieux, des crues dans la source; » en Sabat,
« invasion de beaucoup de sauterelles dans le pays. »
Cf. Ch. Virolleaud, L'astrologie chaldéenne, Paris,
1905, fasc. 1, p. 1. On sait que les Babyloniens n'ont pas
été les seuls à tirer des pronostics de ce genre, qui
s'inspirent plus ou moins heureusement, même dans
nos contrées, d'observations populaires. Cf. Revue bi-
blique, 1909, p. 324. H. Lesêtre.
TONTE DES BREBIS, récolte de la toison des
brebis. Cette opération se fait ordinairement au com-
mencement de l'été. Elle était une occasion de réjouis-
sances pour les pasteurs, comme la moisson pour les
cultivateurs. Le propriétaire des troupeaux ne man-
quait pas, à cette occasion, de se transporter au milieu
de ses pasteurs. Le tondeur, gozêz, xsi'ptov, tonsor,
coupait alors la toison des brebis et des agneaux. Il
était cependant défendu de tondre le premier-né des
hrebis, parce qu'il appartenait tout entier au Seigneur.
Deut., xv, 19. — Jacob profita de l'absence de Laban,
qui était allé assister à la tonte de ses brebis, pour s'en-
fuir lui-même avec sa famille et ses troupeaux. Laban
était à une certaine distance, car il ne fut informé de
l'événement que le troisième jour. Gen., xxxi, 19-22.
Quand le deuil de sa femme fut terminé, Juda s'en alla
à Thamna, où l'on tondait ses brebis. Gen., xxxvm,
12-14. Nabal se trouvait à Carmel, pour la tonte de ses
3000 brebis, quand David lui envoya demander des
vivres. Nabal ne voulut lui accorder ni pain, ni eau,
ni rien du bétail qu'il avait tué pour ses tondeurs.
I Reg., xxv, 2-11. Absalom, ayant ses tondeurs à Baal-
Hasor, près d'Éphraïm, invita à la fête tous les fils de
David et en profita pour faire tuer Amnon. II Reg.,
xiii, 23-29. — Les dents de l'Épouse sont comparées, à
cause de leur blancheur, à un troupeau de brebis
tondues qui remontent du lavoir. Cant., iv, 2. Le Messie
souffrant a été semblable « à la brebis muette devant
ceux qui la tondent. » Is., un, 7; Act., vm, 32. La
brebis reste muette, parce que la tonte ne la fait pas
souffrir. Le Sauveur a gardé le silence au milieu des
tourments, comme s'il n'avait pas senti la douleur.
H. Lesêtre.
TOPARCHIE (grec : Toitapyja), mot employé,
IMach., xi, 28, pour désigner trois divisions territo-
riales ou districts. Ces trois toparchies étaient Aphae-
réma (qui manque dans la Vulgate, t,34), Lyda (Lydda)
et Ramatha, t- 34, comprenant chacune la ville même
et ses environs ou dépendances. Voir Aph^eréma, t. I,
col. 721; Lydda, t. iv, col. 444; Ramatha, t. v, col. 944.
Le nom de « toparchie » est remplacé en grec par
véjio;, « division, section », et appliqué aux trois
mêmes villes. I Mach.,x, 30, 38; xi, 34 (Vulgate : civi-
tates). Vers 145 avant J.-C, Démétrius II Nicator
confirma la possession de ces trois toparchies de la
Samarie à Jonathas Machabée. IMach., xi, 34. Antio-
chus VI Dyonisos renouvela cette donation, en y ajou-
tant un quatrième « nome » (Vulgate : civitates), qui
n'est pas nommé. D'après Josèphe, Bell, jud., lit, m,
5, la Judée était divisée en onze toparchies.
TOPAZE (hébreu : pitddh; Septante : T<ma?iov;
Vulgate : topazius), pierre précieuse.
La topaze de la Bible n'est pas la belle pierre jaune
d'or que nous appelons aujourd'hui de ce nom, mais
que les anciens nommaient chrysolithe. La topaze des
anciens, d'un beau vert jaune, se rapprocherait plutôt
de la chrysolithe moderne. Pline, H. N., xxxvn, 32,
vante le beau vert de la topaze et en distingue deux
espèces, la prasoïde et le chrysoptère, lequel ressemble à
la chysoprase par sa couleur, qui est celle du suc de poi-
reau. Généralement on comprend sous le nom de topaze
des anciens une pierre dérouleur jaune verdâtre, ou
vert jaune, rapportée à la cymophane ou au péridot. Ce
n'est pas sans doute la même composition chimique;
l'une étant un aluminate de glucine, l'autre un silicate de
magnésie et de fer. Mais les anciens, dans leur dénomi-
nation des pierres précieuses, faisaient surtout attention
à l'aspect extérieur et rangeaient sous le même terme
des espèces en réalité différentes. A l'article Chryso-
lithe, t. n, col. 741, fig. 275, nous avons donné en
regard l'un de l'autre des cristaux de chrysolithe et de
topaze.
On a remarqué que les consonnes du mot grec ou
latin sont les mêmes que celles du mot hébreu, avec
une simple transposition : t. p. d. du grec et du latin
(on trouve topadius pour topazius) ne sont avec méta-
thèse que le p. t. d. de l'hébreu. On a aussi rapproché
ces dénominations du mot sanscrit pîla, qui signifie
jaune. Le Targum appelle cette pierre, Np"i» nSsio,
margela' yarqa', «la perle verte», qui rappelle Vuriku
assyrien, la pierre verte à reflets jaunes, c'est-à-dire la
chrysolithe.
La topaze ainsi entendue se rencontre- quatre fois
dans l'Ancien Testament et une fois dans le Nouveau.
C'est la seconde pierre du rational, d'après Exod., xxvm,
17, et xxxix, 19. Voir t. v, col. 422423, et la planche
en couleur. Dans l'énuméralion des pierres du ratio-
nal, Josèphe, Bell. jud. V, v, 7, et Ant. jud., III, vu, 5,
conserve le même rang à cette pierre et la nomme to-
7tai;o;. Sur cette pierre du rational, placée la seconde
du premier rang, devait être gravé le nom de Siméon.
— La topaze figure parmi les pierres précieuses qui
ornaient les vêtements du roi de Tyr. Elle est nommée
comme une pierre de très haut prix dans une compa-
raison du livre de Job, xxvm, 19 :
La possession de la sagesse vaut mieux que les perles,
La topaze d'Ethiopie ne l'égale pas.
Ce texte marque en même temps le lieu d'origine,
qui serait la terre de Cousch ou d'Ethiopie. C'est dans
une île d'Arabie appelée Cytis, ou en Thébaïde, que
d'après Pline on trouvait cette pierre précieuse. Cette
ile de Cytis n'est sans doute pas différente de celle que
Strabon, XVI, iv, 6, appelle Ophiodès, et où l'on ren-
contre une pierre transparente aux reflets d'or.
Nous retrouvons cette pierre dans l'Apocalypse, XXI,
20, comme un des fondements de la Jérusalem céleste ;
mais au lieu d'être placée au second rang comme dans
le rational, elle est au neuvième. Voir t. v, col. 424.
Cf. Ch. Barbot, Guide du joaillier, 4 e édit., Paris,
in-12, p. 74, 112, 279, 341 ; F. Leteur, Traité élémentaire
de minéralogie pratique, Paris, in-4°, p. 129; Cl. Mullet,
Essai sur la minéralogie arabe, Paris, 1868, in-8°,
p. 61; J. Braun, Vestilus sacerdotum hebrœorum,
Leyde, 1680, p. 638-520. E. Levesque.
TOPHETH (hébreu : Tôfèf; Septante : T09J6, Tu?é8,
Taqaê8), endroit où l'on offrait des sacrifices dans la
vallée de Hinnom. Il n'est nommé que dans IV Reg.,
2287
TOPHETH — TORTUE
2288
xxm, 10; Is., xxx, 33; Jer., vu et xix. — 1° Le mot tôfèt
est employé une fois dans Job, xvn, 6, comme nom
commun, signifiant quod conspicitur, mais il n'est pas
certain que le nom propre Topheth ait la même éty-
mologie que le substantif commun, quoique plusieurs
l'admettent. Les rabbins commeRaschi et DavidKimchi,
le font venir de tâfaf, « frapper, battre », en supposant
qu'on battait du tambour (fôf) et d'autres instruments
bruyants, pendant qu'on brûlait des enfants en sacrifice
Moloch. afin d'empêcher les parents d'entendre les
cris de ces tendres victimes. Parmi les hébraïsants
modernes, plusieurs dérivent le mot d'une racine à
laquelle ils attachent le sens de « brûler »;cf. perse:
toften; grec : «çpa, « cendre » ; latin : tepidus, « tiède ».
2° Saint Jérôme décrit ainsi Topheth, In Jer., vu, 31,
t. xxiv, col. 735 : Illum locuni significat, qui Silox
fontibus irrigatur et est amœnus atque nemorosus
hodieque hortorum prsebet delicias. 11 était donc situé
dans la vallée d'Ennom, comme le disent expressément
Jérémie, vu, 31, et IV Reg., xxm, 10. La situation pré-
cise de Topheth ne peut être aujourd'hui rigoureusement
déterminée, mais, comme le dit saint Jérôme, il devait
se trouver à l'endroit où les eaux de Siloé entretenaient
les jardins royaux et une végétation luxuriante, dans
'e voisinage de la jonction de la vallée d'Hinnom avec
celle du Cédron. Voir Gèennom, t. m, col. 154.
3° La première mention de Topheth se trouve dans
Isaïe, xxx, 31-33, dans le passage où il prophétise
l'échec de la campagne de Sennachérib contre Ézé-
chias :
Assur tremblera à la voix de Jéhovah.
[Jéhovah] le frappera de [sa] verge ;
A chaque coup de la verge qui lui est destinée,
Que Jéhovah fera tomber sur lui,
Au son des tambours (fuppîm) et des kinnors,
f Jéhovah] combattra contre lui à coups redoublés,
Car Topheth (Tcfféh) est depuis longtemps préparé,
Il est prêt pour le roi,
Il est large, il est profond ;
Sur le bûcher, il y a du feu et du bois en abondance ;
Le souffle de Jéhovah comme un torrent de soufre l'embrase.
Nous n'avons ici qu'une allusion au Topheth de la
vallée d'Hinnom, mais un passage des Paralipomènes
nous en explique toute la signification. Isaïe écrivait
sa prophétie sous le règne d'Ézéchias. Quelques
années auparavant, le père d'Ézéchias, Achaz, sous le
règne duquel Isaïe exerçait aussi sa mission prophé-
tique, avait fait passer ses enfants par le feu, dans la
vallée d'Hinnom. II Par., xxvin, 2. L'historien sacré
ne nomme pas Topheth en cet endroit, mais on ne peut
douter, d'après ce que nous savons par IV Reg., xxm,
10, que ce ne soit là qu'avaient eu lieu les sacrifices
inhumains d' Achaz. Faut-il prendre rigoureusement à
la lettre la prophétie d'Isaïe et l'entendre en ce sens
que l'on brûla en ce lieu les corps des Assyriens tombés
dans les environs de Jérusalem ou bien qu'ils furent
consumés en un autre endroit appelé par figure To-
pheth? Il est difficile de le déterminer. Ce qui est bien
certain, c'est que l'impie Achaz sacrifia des enfants
dans la vallée d'Hinnom. II Par., xxvm, 2. Son petit-
fils, le roi Manassé, commit les mêmes actes inhumains,
xxxiii, 6. L'un et l'autre eurent dans le peuple des
imitateurs. Jérémie, vu, 29-34; xtx, 1-13, stigmatisa
comme elles le méritaient ces pratiques barbares et le
roi Josias, pour en empêcher le retour, rendit Topheth
impur. IV Reg., xxm, 10.
TORRENT (hébreu : 'âfîq, nafyal; Septante : x£Î(J- a P"
pouc; Vulgate : torrens), cours d'eau coulant impétueu-
sement dans un lit très incliné. — Les torrents sont
nombreux dans un pays accidenté comme la Palestine.
Voir Palestine, t. iv, col. 1988-1992; 2000-2002; Arnon,
t. i, col. 1020; Besor, col. 1641; Cadumim, t. n, col. 28;
Carith, col. 285; Cêdron, col. 380; Cison, col. 781;
Egypte (Torrent d'), col. 1621 ;Escol, col. 1928; Gaas,
t. m, col. 1 ; Gérare. col. 198-199; Jaboc, col. 1056, etc.
— Les torrents sont ordinairement à sec hors de la sai-
son des pluies. II Reg., xvn, 7; Jos.,i,20. Par suite du
ravinement, leur lit est dénudé et formé de pierres.
Job,xxii, 24; IReg.,xvn, 40. Les orages les remplissent
parfois subitement, d'où souvent de grands dégâts. Voir
Inondation, t. m, col. 883. Ils roulent les cadavres des
morts. Ezech.,xxxv, 8. C'est par une bénédiction de Dieu
que l'eau y coule, Joa., m, 18, et, en passant, le guerrier
s'y désaltère. Ps. ex (cix), 7. — Les écrivains sacrés
comparent aux torrents impétueux la calamité qui fond
sur les hommes, Ps. xvm (xvn), 5; le souffle de
Jéhovah, dont la colère est un torrent de soufre, Is.,
xxx, 28, 33; les captifs revenant d'exil, Ps. cxxvi
(cxxv), 4; la gloire des nations affluant à Jérusalem,
Is., lxvi, 12; la sagesse qui se répand abondamment
de tous côtés, Prov., xix, 4; la justice divine déployée
contre les coupables, Am., v, 24; les ennemis qui
doivent assaillir les Philistins. Jer., xlvh, 2. — Ézéchiel,
xlvii, 5 19, suppose un torrent symbolique dans la
nouvelle Jérusalem. Job, vi, 15, compare les amis
perfides au torrent privé d'eau quand on en cherche.
Il faut mentionner aussi les torrents de lait et de miel,
Job, xx, 17, les torrents de délices, Ps. xxxvi(xxxv),9,les
torrents de larmes, Lam., n, 18, les torrents de poix cou-
lant dansÉdompoursuivi par la vengeance. Is.,xxxiv, 9.
H. Lesêtre.
TORTUE, reptile de l'ordre des chéloniens, pourvus
d'une carapace d'où sortent seulement la tête, les pattes
513. — Tortue de terre (Testudo grseca) de Palestine.
et la queue. Il y a des tortues de terre, des tortues de
mer et des tortues d'eau douce. En Palestine, on trouve,
parmi les tortues de terre, la testudo marginata, à
carapace aplatie par derrière, et surtout la testudo
grseca (fig. 513)i qui abonde en été sur les coteaux et
514. —Tortue d'eau (Emys caspica) de Palestine.
dans les plaines et qui, pendant l'hiver, se réfugie dans
les trous de rochers. Elle sert de proie à certains
oiseaux rapaces et de nourriture aux gens du pays,
ainsi que ses oeufs, à peu près gros comme ceux d'un
pigeon. La tortue aquatique, emys caspica (fig. 514), se
trouve dans les cours d'eau, les marais et surtout le
lac Houléh. On la rencontre parfois par myriades. Ces
tortues d'eau douce sont carnivores; elles mangent des
poissons, des grenouilles et de petits oiseaux. Elles
dégagent une odeur très désagréable, particulièrement
2289
TORTUE — TOUR
2290
pour les chevaux. Elles passent l'hiver dans la vase ou
dans les trous du rivage. Leurs œufs oblongs sont
déposés dans le sol, mais à l'abri de l'eau. La tortue
aquatique se distingue de la tortue terrestre par sa
carapace unie et par la longueur de sa queue et de son
cou. On a cru parfois que la tortue était mentionnée
sous le nom de sâb. Lev., xi, 29. Mais on admet géné-
ralement que ce nom désigne une espèce de lézard.
Voir Lézard, t. rv, col. 225. — Cf. Tristram, The natu-
ral history of the Bible, Londres, 1889, p. 256, 257;
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 476,
485, 511, 518, 547, 549. H. Lesêtre.
TOSTAT (Tostado Alfons), commentateur espagnol,
né à Madrigal, vers 1400, mort à Avila, le3 septembre 1455.
Il fit ses études à Salamanque et y enseigna la philoso-
phie et la théologie pendant 22 ans. En 1431, il se rendit
au concile de Bâle. Le pape Eugène IV le nomma
. évêque d' Avila, où il mourut avec une telle réputation
de science qu'on inscrivit sur sa tombe : hic stupor
est mundi, qui scibile discutit omne. Ses œuvres, dans
l'édition de Venise de 1728, remplissent 27 in-folio,
dont 24 contiennent ses commentaires sur la Sainte
Écriture, où l'on trouve, malgré des longueurs et des
inutilités, des observations intéressantes et ingénieuses.
TOTAPHOTH (hébreu : Totâfôf). Exod., xiii, 16;
Deut., vi, 4-9; xi, 13-21. Voir Phylactères, col. 349.
1. TOUR (hébreu : migdâl, serîâh, balzan, dâyêq,
ces deux derniers mots désignant des tours d'assiégeants ;
Septante : wiipyoç ; Vulgate : turris), construction élevée.
— Cette construction, faite en pierres, en briques ou
,en bois, est ordinairement à section ronde ou carrée,
et s'élève au-dessus des maisons, des palais, des rem-
parts, ou en rase campagne, pour favoriser la défense
ou la surveillance. Différentes espèces de tours sont
mentionnées par les écrivains sacrés.
1° Tour de Babel, Gen., xi, 4, voir Babel (Tour de),
t. i, col. 1346.
2° Tour de défense. — Les anciennes villes chana-
néennes avaient des remparts munis de tours. « Ces
tours, généralement sur plan rectangulaire, flanquaient
le rempart souvent sur ses deux faces, d'ordinaire à
l'extérieur seulement. Ce sont des constructions mas-
sives, peu saillantes sur les courtines — de m 92 à
3 m 66àGazer — ou de véritables bastions avec chambres
intérieures, comme dans l'enceinte de Tell el-Hésy. Les
portes sont rares, casées au fond d'un angle rentrant,
ou couvertes par des avancées massives. » A Gazer, « les
énormes tours massives sont en maçonnerie grossière,
avec un revêtement de briques d'épaisseur variable. »
H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 42, 43. D'autres
fois, les tours étaient isolées, comme le migdâl (fig. 515)
bâti par Séti I" sur la route de Syrie. Les tours
d'Ascalon, voir t. i, fig. 286, col. 1061, donnent l'idée
de ce qu'était autrefois une ville fortifiée. Les anciennes
cités paraissent avoir été flanquées de tours d'après le
même système (fig. 516). — Les historiens sacrés men-
tionnent la tour de Phanuel, rasée par Gédéon, Jud.,
vin, 9, 17, la tour de Sicbem, à laquelle Abimélech mit
le feu, Jud., ix, 47-49, la tour située au milieu de la
ville de Thébès, du haut de laquelle une femme lança
un morceau de meule sur la tête d' Abimélech, Jud.,
IX, 51-54, la tour de Jezraêl, d'où la sentinelle annonça
à Joram l'arrivée de Jéhu, IV Eeg., IX, 17, la tour de
la maison du roi, à Samarie, dans laquelle Phacéia fut
assassiné. IV fîeg., xv, 25. Le roi Asa bâtit des villes
munies de tours. II Par., xrv, 6. D'autres tours furent
élevées par Ozias dans le désert, II Par., xxv_, 10, et
par Joatham dans les bois. II Par., xxvn, 4. — Jéru-
salem était flanquée de tours. Azias en bâtit et les munit
de machines de guerre. II Par., xxvi, 9, 15. Jérémie,
xxxi, 38, parle de la tour de Hananéel. Cf. Zach., xiv,
10. Après le retour de la captivité, on trouve mention-
nées les tours de Méa, de Hananéel, des Fourneaux, la
haute tour et la tour en saillie. II Esd., m, 1, 11, 26,
27; xii, 37, 38. Voir Jérusalem, t. m, col. 1366, et la
tour de David, fig. 259, col. 1374. — A l'époque macha-
béenne, les Syriens entourèrent la cité de David d'une
muraille pourvue de puissantes tours et en firent leur
citadelle. I Mach., i, 35. Redevenus maîtres de la ville,
les Juifs bâtirent autour de Sion de hautes murailles
et de fortes tours, afin de protéger les saints lieux
contre les gentils. I Mach., iv,60. Judas brûla les tours
de Béan, avec tous ceux qui étaient dedans, I Mach., v,
5; il brûla de même les tours de l'enceinte d'Hébron.
I Mach., v, 65. Neuf mille Iduméens s'apprêtaient à
soutenir un siège dans deux tours très fortes; en
l'absence de Judas, les assiégeants juifs se laissèrent
gagner à prix d'argent et eussent permis aux ennemis
de s'échapper si Judas ne fût venu s'emparer des
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515. — Migdâl construit sur la route de Syrie par Séti I".
D'après Lepsius, Denkmaler, Th. ni, 1266.
tours. II Mach., x, 18-22. Judas mit encore le feu aux
tours de Gazara et s'empara de la ville occupée par
Timothée. II Mach., x, 36. Simon rebâtit les forteresses
de Judée et les garnit de hautes tours. I Mach., xm,33.
Il fit une brèche à une des tours de Gaza, ce qui lui per-
mit de s'emparer de la ville. I Mach., xm, 43, — Ézéchiel,
xxvi, 4; xxvii, 11, parle des tours de Tyr, qui sont défen-
dues par devaillants hommes, mais qui n'en seront pas
moins abattues par les assiégeants. L'auteur de Judith,
i, 2, mentionne une tour de cent coudées à Ecbatane.
Au temps de Notre-Seigneur, la tour de Siloé s'écroula
à Jérusalem et écrasa dix-huit hommes. Luc, xm, 4.
3° Tours de siège. — Pour saper plus efficacement
les murailles des villes qu'ils assiégeaient, les Assyriens
montaient des tours en charpente qu'ils recouvraient
de cuir ou de grossières étoffes de laine. L'appareil
était agencé sur des roues, qui permettaient de l'appro-
cher du mura attaquer. A l'étage inférieur manœuvrait
un bélier. Voir t. i, fig. 479, col. 1566. Au sommet de
la tourelle, des archers faisaient face aux défenseurs
de la place et s'efforçaient de les écarter du rempart
(voir fig. 373, col. 1715). Ces machines, que les Romains
perfectionnèrent beaucoup dans la suite et dont ils se
servirent pour assiéger Jérusalem, cf. Josèphe, Bell,
jud., V, VI, 4, produisirent grande impression sur les
Israélites. Isaïe, xxm, 13, parle de celles que les Assyriens
employèrent au siège de Tyr. Ézéchiel, rv, 2; xvn, 17;
2291
TOUR
2292
xxi, 27; xxvi, 8, fait plusieurs fois allusion aux tours
d'attaques dressées contre Jérusalem. Les Chaldéens
ne manquèrent pas de s'en servir pour prendre la ville.
xxvii, 25. On élevait dans les champs des tours de
gardiens chargés de surveiller les récoltes. IV Reg.,
xvii, 9; xviil, 8;Eccli., xxxvii, 14 (18). Des tours sem-
516. — Ville fortifiée prise par les Assyriens. British Muséum.
D'après Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, t. n, p. 634.
IV Reg., xxv, 1; Jer., lu, 4. — Ainsi sapées, les tours I blables existaient dans les environs d'Azot. I Mach.,
des villes s'écroulaient et livraient passage à l'ennemi. xvi, 10. Il y avait des tours du troupeau, pour y mettre à
C'est ce qui fait dire à Isaïe, il, 15; xxx, 25, qu'il y a, | l'abri les bergers et, au besoin, les bêtes elles-mêmes.
517. — Tour de garde dans une vigne. D'après Julllen, L'Egypte, p. 262.
contre les tours superbes, un jour de Jéhovah, un jour
de carnage et de la chute des tours.
4° Tours de garde. — Du temps de David, Jonathan
était préposé à la garde, des trésors royaux recueillis
dans la campagne et enfermés dans des tours. I Par.,
Mich., iv, 8. Enfin, des tours semblables étaient élevées
dans les vignes importantes, pour servir de refuge à
ceux qui défendaient le raisin contre les maraudeurs et
surtout contre les animaux sauvages. Is., v, 2; Matth.,
xxi, 33; Marc, xil, 1. VoirMlGDAL-ÉDER, t. iv, col. 1084.
2293
TOUR — TOURTERELLE
2294
« Dans la Palestine, le propriétaire construit sur sa
vigne une tour de pierres sèches en forme de tronc de
cône, terminée par une terrasse (fig. 517), sur laquelle
logent, jour et nuit, les serviteurs ou la famille du
vigneron durant tout le temps des fruits ou des raisins.
De là ils dominent les figuiers, les oliviers, et surveillent
la vigne, abrités sous des branchages contre le soleil
et contre le vent. Une échelle en bas, des pierres
saillantes en haut, leur servent d'escalier à l'extérieur;
l'intérieur de la tour est leur magasin. Dans les terrains
accidentés, la tour est remplacée par un simple abri,
élevé sur le point culminant et semblable aux cahutes
que les cultivateurs se construisent pour garder leurs
champs de melons ou de concombres. Après la saison,
on laisse tomber ces misérables abris. » Jullien,
L'Egypte, Lille, 1891, p. 263.
5» Autres tours. — Il y avait àBérée une tour remplie
de cendres à l'intérieur. On y jetait des condamnés
qui y périssaient par asphyxie. II Mach., xm, 5. — Les
Syriens employaient à la guerre des éléphants qui
518. — Tour portée par des éléphants.
D'après une pierre gravée (grossissement au double).
Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 684.
portaient sur leur dos des tours de bois capables de
contenir trente-deux combattants, sans compter le
cornac. I Mach., vi, 37. Une terre cuite du musée du
Louvre, reproduite t. I, fig. 272, col. 999, représente
un éléphant portant une tour de dimensions très réduites.
D'autres figures (fig. 518) montrent des tours mieux pro-
portionnées. — Celui qui voulait construire une tour
commençait par se rendre compte de ses ressources
pour ne pas se donner le ridicule de laisser son œuvre
inachevée. Luc, xrv, 28.
6» Comparaisons. — Dieu est une tour puissante
contre l'ennemi, Ps. lxi (lx), 4; le nom de Jéhovah est
une tour forte. Prov., xvm, 10. Le Cantique compare
le cou de l'Épouse à la tour de David, Cant., iv,4, et à
une tour d'ivoire, Cant., vu, 4, son nez à la tour du
Liban, Cant., vil, 5, et ses seins à des tours. Cant., vin,
10. La tour du Liban s'élevait dans le Liban, du côté de
Damas. Ces différentes comparaisons font ressortir la
rectitude, l'harmonie, la régularité etla grâce des formes
de l'Épouse. H. Lesêtre.
2. TOUR (Vulgate : tornus), instrument dont se sert
le tourneur pour donner à certains objets une forme
circulaire parfaitement régulière. — Le texte hébreu ne
connaît d'autre tour que la roue du potier. Voir Roue,
col. 1213; Potier, fig. 153, col. 178. Le tour qui sert à
travailler le bois ou d'autres substances n'était pas en
usage chez les Hébreux. Il n'en est question que dans
la Vulgate. Les mains de l'Épouse sont comme des
cylindres, gelîlè, d'or; d'après la Vulgate, elles sont
faites au tour, tornatiles. Cant., v, 14. Une coupe
arrondie devient également tornatilis, faite au tour.
Cant., vu, 2. La Vulgate suppose des ouvrages faits au
tour, tornatura, torno, là où il n'est question que de
sculptures. III Reg., vi, 18, 29. Elle fait aussi tourner
au compas des idoles façonnées avec le ciseau. Is.,
xliv, 13. — Gesenius, Thésaurus, p. 1243, et F. Bùhl,
Handwcrterb., 1899, p. 479, entendent le mot miqsâh
d'un travail fait au tour. Ainsi auraient été fabriqués
les chérubins de l'Arche, Exod., xxv, 18; xxxvn, 7, les
candélabres d'or, Exod., xxv, 31, 36; xxxvn, 17, 22;
Num., vm, 4, les trompettes d'argent, Nura., x, 2. Il
est plus probable qu'il s'agit d'ouvrages en or battu ou
en argent battu, dont les formes arrondies ont été
obtenues sans l'aide d'un tour proprement dit. Jérémie,
x, 5, compare les idoles à « une colonne faite au tour »,
tomér miqSâh. L'emploi du tour est plus plausible
pour une colonne que pour une statue. Au lieu de
tomér, la Vulgate a lu tdmâr, palmier, « elles sont
fabriquées en forme de palmier. » H. Lesêtre.
TOURBILLON. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930.
TOURMENT (grec : êàsavo;; Vulgate: tormentum),
dure souffrance iniligée à quelqu'un. Voir Supplice,
col. 1883. — Les méchants infligent des tourments aux
justes, dont pourtant l'âme n'est pas atteinte. Sap., h,
19; ni, 1. Les Égyptiens, pendant les dix plaies, ont
subi divers tourments, Sap., xi, 10; xn, 23; xvi, 1;
xix, 4, d'autant plus pénibles qu'ils en ignoraient la
cause. Sap., xvn, 2. Dieu se sert des créatures pour
tourmenter les méchants. Sap., xvi, 24; cf. Eccli.,
xxxix, 32, 33. — Antiochus Épiphane infligea d'atroces
tourments aux Juifs fidèles à leur loi. II Mach., vi, 18-
vii, 41. Lui-même mourut dans les tourments, II Mach.,
IX, 5, ainsi que le grand-prêtre prévaricateur Alcime.
I Mach., ix, 56. — L'enfer est un lieu de tourments.
Luc, xvi, 23, 28; Apoc, xiv, 11. Les tourments y sont
proportionnés aux crimes, Sap., vi, 7; Apoc,, xvm, 7,
et causent l'effroi de ceux qui en sont témoins. Apoc,
xvm, 10, 15. H. Lesêtre.
TOURTERELLE (hébreu : (or; Septante : Tpûyaiv;
Vulgate : turtur), oiseau du genre colombe, mais d'un
aspect plus délicat que le pigeon. Le plumage gris clair
est ordinairement orné d'un collier plus foncé. La tour-
terelle fait entendre un roucoulement triste et plaintif.
Elle émigré pour passer l'hiver dans les pays chauds.
II est très facile de l'apprivoiser. Le mâle et la femelle
vont habituellement ensemble, ce qui fait de la tourte-
relle le symbole de l'affection et de la fidélité. — On
trouve en Palestine trois espèces de tourterelles. La
tourterelle à collier ou tourterelle rieuse, turtur riso-
rius (fig. 519), abonde le long des cours d'eau qui avoi-
sinent la mer Morte, Ui où il y a des arbres. L'été, elle
remonte la vallée du Jourdain et fréquente même les
parties boisées du Thabor et de Galaad. L'Inde est son
habitacle ordinaire, etla Palestine paraît être, à l'ouest,
la limite extrême de sa résidence. L'oiseau a environ
35 centimètres de long. La tourterelle des palmiers
turtur senegalensis, ou tourterelle d'Egypte (fig. 520),
se rencontre surtout dans la plaine de Jéricho, autour
de la mer Morte, dans les jardins des environs de Jéru-
salem et sur l'esplanade du Temple. Dans la plaine de
Génésareth, sur les bords du lac, « les tourterelles se
trouvent en nombre réellement prodigieux. A chaque
pas, elles se lèvent par bandes et quelquefois se touchent
toutes sur les arbres où elles vont se percher. » Lortet,
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 526. Les pal-
miers sont sa résidence de prédilection ; à Jéricho, où
ils n'existent plus, cette tourterelle niche dans les
jujubiers et les buissons épineux. On la trouve abon-
2295
TOURTERELLE
TRACHONITIDE
2296
damment dans le nord de l'Afrique, en Arabie, et dans
la péninsule Sinaïtique, où elle servait de facile matière
aux sacrifices. Elle se familiarise très facilement avec
l'homme, dont elle ne se défie pas. On la distingue à sa
couleur châtain, à sa longue queue, à sa petite taille
et à son absence de collier, remplacé par des plumes
519. — Tourterelle à collier (Turtur risorius).
noires à reflet métallique. La tourterelle des palmiers
n'a guère que 27 centimètres de long. La tourterelle la
plus abondante en Palestine est le turtur auritus, ou
tourterelle commune ou des bois (fig. 521), longue de
30 centimètres, de couleur cendrée, avec gorge et poi-
trine rougeâtres, ventre blanc et petites plumes noires et
feu*. Mi:>'
520. — Tourterelle des palmiers {Turtur segyptiacus).
blanches sur les côtés du cou. C'est à elle surtout que
font allusion divers passages de la Sainte Écriture.
Jérémie, vm, 7, joint la tourterelle à la cigogne, à
l'hirondelle et à la grue, pour la connaissance des
temps où il leur faut émigrer. L'oiseau, en effet, quitte
les pays chauds pour se rendre, pendant l'été, dans
les pays tempérés. Au printemps, sa voix recommence
à se faire entendre dans les campagnes de Palestine.
Cant., il, 11, 12. La tourterelle, par sa simplicité et sa
faiblesse, représente le peuple de Dieu, au sujet duquel
il est dit : « Ne livre pas aux bêtes la vie de ta tourte-
relle. »Ps.lxxiv(lxxih), 19. Les tourterelles apparaissent
déjà dans le sacrifice offert par Abraham sur l'ordre de
Dieu. Gen., xv, 9. Elles figurent dans les holocaustes,
Lev., i, 14, dans les sacrifices pour expier l'impureté
de l'homme ou de la femme, Lev., xv, 14, 29, et dans
le sacrifice du Nazaréen. Num., vi, 10. Elles sont appe-
lées, conjointement avec les colombes, à remplacer
l'agneau ou le chevreau dans les sacrifices offerts par
les pauvres, après la délivrance d'une mère, Lev., x, 6,
8; Luc, il, 24, dans les sacrifices pour le péché, Lev.,v,
7, ou après la guérison de la lèpre. Lev., xiv, 22, 30. —
Cf.TristTam, The natural history of the .Bi&ie, Londres,
1889, p. 217-220; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 526, 540. H. Lesètre.
TRACHONITIDE (grec : ïj Tpa-/wvtTi? x">P a h P avs
situé à l'est du Jourdain, mentionné une seule fois dans
la Bible, Luc, m, 1, comme faisant partie de la tétrar-
chie de Philippe. Cependant, un certain nombre d'au-
teurs l'identifienl avec l'Argob de l'Ancien Testament,
Deut., m, 13. L'opinion est contredite par d'autres. En
521. — Tourterelle commune (Turtur auritus).
tout cas, le territoire d'Argob ne doit pas être restreint
à la seule Trachonitide, dont nous avons à rechercher
la situation et à esquisser l'histoire. Voir Argob 2, 1. 1,
col. 950.
1° Situation. — Strabon, xvi, 2, 20, p. 756, mentionne
les Tpâx<ov£ç comme deux collines des environs de
Damas: ÙTCspy.ecvrac 8'aux9); Sua À£you.£voi ^ôpoiTpà/wveç.
Comme le mot grec Tpa^tiv veut dire « lieu rude, ra-
boteux », on reconnaît ici les deux régions volcaniques,
pierreuses, très difficiles d'accès, qui s'appellent le
Safah, à l'est, et le Ledjah, au sud de Damas. Mais le
Safah étant trop éloigné, la province de Trachonitide
fut limitée au Ledjah et à ses environs, ainsi que nous
allons le voir. Josèphe et les auteurs anciens nous per-
mettent de déterminer approximativement les limites
de la contrée, que l'historien juif appelle ô Tpa^wv,
Ant. jud., XVI, ix, 1, et ï] Tpaxwi/i-nç, Ant. jud., XVII,
II, 1. Elle touchait, vers l'ouest, aux districts d'Ulalha
et de Panéas, qui se trouvaient au pied méridional de
l'Hermon. Ant. jud., XV, x, 3. Elle était voisine de la
Batanée. Ant. jud., XVII, u, 1, 2. Voir Ba.san, t. i,
col. 1486. Suivant Ptolémée, v, 15, elle s'étendait jus-
qu'au mont Alsadamus, aujourd'hui le djebel ed-Drûz.
Eusèbe et saint Jérôme, qui la confondent à tort avec
l'Iturée, la placent au-dessus de Bosra, en allant à
Damas. Cf. Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109,
135, 155, 268, 269, 298. Le Talmud dit de même : wns-iia
însiab Dnnm, « la Trachonide qui se trouve près de
2297
TRACHONITIDE — TRADITION
2298
Bosra ». Cf. A. Neubauer, La géographie du Tàlmud,
Paris, 1868, p. 19; H. Hildesheimer, Beitrâge zur
Géographie Palàstînas, Berlin, 1886, p. 55-57. Enfin
une inscriptipn de Musmiyéh, l'ancienne Phsena,
dans le nord du Ledjah, appelle cette ville [Aï)Tpoxtû[i£a
toO Tpâx w, ">C' Cf. Corpus inscriptionum grxcarum,
n. 4551; E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes,
Leipzig, 1901, t. I, p. 426. Ces indications nous con-
duisent au grand plateau volcanique qui s'étend au
nord-ouest des montagnes du Hauran, et qu'on appelle
le Ledjah. Voir la carte de la tribu de Manassé, t. iv,
col. 647-648.
2° Description. — Le Ledjah est un des pays les
plus singuliers que l'on puisse rencontrer. C'est une
immense coulée de lave sortie des cratères de la mon-
tagne voisine, mais brisée de nfille façons, boursouflée
comme la surface de l'eau de savon, sur laquelle on
s'amuse à former des bulles. La comparaison est d'un
voyageur qui a étudié cette contrée. Cf. G. Rey, Voyage
dans le Haouran, Paris, s. d., p. 117. Le terrain est
assez pierreux, avec un dédale de chemins difficiles et
une foule de cavités qui ont de tout temps servi de
& refuge » aux hommes, d'où le nom actuel de Ledjah.
11 a cependant par-ci par-là un peu de terre cultivable.
Pour plus de détails, voir Abgob. La description qu'en
donne Josèphe est d'une exactitude frappante. Parlant
du ramassis de pillards qui avaient choisi ce pays
comme un repaire inexpugnable, d'où ils sortaient
pour ravager les environs et surtout la campagne de
Damas, il représente les obstacles qu'il y avait pour
les mettre à la raison. N'ayant ni villes ni champs, ils
se retiraient dans des cavernes, où ils vivaient en
commun avec leurs troupeaux. Pour résister plus long-
temps à une attaque, ils avaient soin de se faire
d'avance des provisions d'eau et de froment. L'entrée
de leurs demeures souterraines était très étroite, mais
l'intérieur très vaste. Les sentiers qui y conduisaient,
tortueux et malaisés, étaient impraticables sans guide.
Il fallait un homme comme Hérode pour réduire des
gens qui, ne pouvant plus dépouiller leurs voisins, se
pillaient les uns les, autres. Ant. jud., XV, x, 1.
3° Histoire. — L'histoire de la Trachonitide ne com-
mence guère qu'avec l'apparition du nom grec. Le
pays était occupé par les Nabuthéens, au moment où
Pompée arriva à Damas avec ses légions, 65 avant J.-C.
Les Romains, venant au secours des cités grecques,
anéantirent dans le Hauran tout pouvoir juif ou arabe,
mais ne semblent pas s'être installés dans la contrée
elle-même. En 25 avant J.-C, nous voyons le Trachon
aux mains d'un certain Zénodore, qui, pour augmenter
ses revenus, y pratiquait !e brigandage, lançant sur les
régions environnantes les pillards dont parle Josèphe.
Ant. jud., XV, x, 1, 2. Les peuplades ainsi molestées
se plaignirent à Varron, gouverneur de Syrie, qui châ-
tia les malfaiteurs. Bell, jud., I, xx, 4. Mais bientôt il
reçut ordre de dépouiller Zénodore de sa province pour
la donner à Hérode le Grand, qui ramena la paix et la
sécurité dans la région. Ant. jud., XV, X, \ ; Bell, jud.,
I, xx, 4. Ce n'était que pour un temps, car, pendant
un voyage qu'il fit à Rome, les Arabes Trachonites,
répandant le bruit de sa mort, recommencèrent leurs
déprédations. Les généraux de son armée parvinrent
à réprimer les révoltés; mais, parmi les principaux
chefs de ces bandits, plusieurs, effrayés du sort de ceux
qui avaient été faits prisonniers, allèrent se réfugier
dans le pays des Arabes, d'où ils se mirent à faire des
incursions de tous côtés. A son retour de Rome, Hérode
envahit la Trachonitide, où il exerça de terribles repré-
sailles; mais les brigands, rendus plus furieux, ne
cessèrent de ravager ses États. Ce fut alors une véri-
table guerre. Le prince finit par aller les forcer dans
leur repaire et les réduisit à l'impuissance. Ant. jud.,
XVI, ix, 1, 2. Par son testament, il donna à son fils
Philippe la Trachonitide avec laGaulonitide, IaBatanée
et le territoire de Panéas. Ant. jud., XVII, vin, 1;
xi, 4; XVIII, iv, 6. Voir Hérode Philippe II, t. m,
col. 649. Après la mort de Philippe, en 34 après J.-C,
la Trachonitide, avec le reste de la tétrarchie, fut com-
prise dans la province de Syrie jusqu'en 37, où Cali-
gula donna tout le territoire à Hérode Agrippa I er . Ant.
jud., XVIII, vi, 10. C'est surtout depuis le règne de ce
prince que, suivant les inscriptions, l'architecture se
développa dans la contrée. En 53, la tétrarchie de Phi-
lippe passa aux mains d'Hérode Agrippa II, Ant. jud.,
XX, vu, 1, dont les inscriptions sont nombreuses à
travers la Trachonitide. Après lui, ce pays retomba
sous le pouvoir direct de Rome, et fit plus tard partie
de la province d'Arabie.
4" Bibliographie. — En matière géographique, ar-
chéologique et épigraphique, les études sur la Tracho-
nitide sont ordinairement unies à celles qui ont été
faites sur le Hauran. Nous donnons les principales :
J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran und die
2Yac/joraen,Berlin,in-8°, 1860; M. de Vogué, Syrie cen-
trale; architecture civile et religieuse du i" au vu e siècle,
2 in-4», Paris, 1866; W. Waddington, Inscriptions
grecques et latines de la Syrie, in-4°, Paris, 1870;
G. Rey, Voyage dans le- Haouran, in-S", Paris, s. d.,
avec atlas; H. Guthe, Dr. A. Stûbel's Reise nach der
Diret et-Tulul und Hauran 1882, dans la Zeitschrift
des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xn, 1889, p. 225-
302, avec carte; G. R'mdfteisch, Die Landschaft Hauran
in rômischer Zeit und in der Gegenwart, dans la même
revue, t. xxi, 1898, p. 1-46, avec carte; G."A. Smith,
The historical geography of the Holy Land, Londres,
1894, p. 611-638; P. -M. Séjourné, A travers le Hauran,
dans la Revue biblique, 1898, p. 275-287, 596-611.
A. Legendre.
TRADITION (grec : itapâSoui; ; Vulgate : traditio),
transmission d'une doctrine de génération en généra-
tion, ou la doctrine elle-même reçue par cette voie.
1» Tradition juive. — En dehors de la loi consignée
dans les Livres Saints, les Juifs se transmettaient ora-
lement des explications de toutes sortes au sujet de
cette loi. L'ensemble de ces explications constituait
déjà, au temps de Jésus-Christ, une loi orale en con-
currence avec la loi écrite. La loi écrite était d'inspira-
tion divine, et la loi orale d'inspiration humaine, ce
qui n'empêchait pas cette dernière d'être souvent pré-
férée à la première. La loi orale ou traditionnelle fut
mise par écrit, mais seulement après Jésus-Christ, dans
laMischna.VoirMiscHNA,t.iv,col.l077.Lespharisienset
les scribes prêtaient à la tradition une importance pré-
pondérante, auxdépens de la loi écrite, reléguée par eux
au second plan. Voir Pharisiens, col. 209;' Scribes,
col. 1536. Notre-Seigneur ne tenait point compte de cer-
taines de ces traditions, qui étaient pour le moins sans
autorité, et qui parfois se mettaient en contradiction
avec la loi divine. Un jour, les pharisiens lui repro-
chèrent de les laisser transgresser par ses disciples.
Ceux-ci, en effet, se dispensaient de les observer, comme
faisaient d'ailleurs la plupart de ceux qui ne profes-
saient pas le pharisaïsme. Dans l'occasion qui donna
lieu à l'observation des pharisiens, ils avaient négligé
de se laver les mains avant de manger. Saint Marc, vu,
3, 4, cite d'autres prescriptions analogues, auxquelles
les disciples contrevenaient, la purification au retour
de la place publique, celle des coupes, des vases, des
lits, etc. De même nature étaient les contraventions à
la loi traditionnelle du repos sabbatique, si souvent
reprochées au Sauveur. Voir Sabbat, col. 1291. Notre-
Seigneur ne répondit pas directement à l'observation
des pharisiens; il n'avait ni à condamner les purifica-
tions, qui n'étaient pas mauvaises en elles-mêmes, ni
à disculper ses disciples, qui n'avaient transgressé
aucun précepte. Mais, prenant l'offensive, il appliqua
2299
TRADITION — TRAITRE
2300
aux pharisiens, d'une manière générale, la remarque
d'Isaïe, xxix, 13, au sujet d'un peuple qui a l'hommage
sur les lèvres, mais dont le cœur est loin de Dieu. Il
leur reprocha leurs vaines observances, qui n'avaient
d'appui que sur des doctrines et des prescriptions
humaines. Puis, allant plus avant, il les accusa de
substituer ces traditions aux commandements de Dieu,
tl leur en cita un exemple frappant et qui indignait
justement le peuple. La loi ordonnait d'honorer et,
par conséquent, d'assister ses père et mère; les phari-
siens prétendaient que le don fait au Temple équiva-
lait à l'assistance prêtée aux parents et en dispensait.
Notre-Seigneur conclut en disant : « Vous annulez la
parole de Dieu par la tradition que vous vous trans-
mettez, et vous faites beaucoup d'autres choses sem-
blables. » Et il se mita instruire le peuple sur la néces-
sité de la pureté intérieure et l'inutilité des purifica-
tions d'origine pharisaïque. Matth., xv, 1-20; Marc,
vu, 1-23. La plupart des discussions qu'il eut avec les
pharisiens et les scribes furent occasionnées par le
peu de cas qu'il faisait de leurs traditions. — Saint
Etienne fut accusé d'avoir prétendu que Jésus de Naza-
reth devait détruire le Temple et changer les traditions,
d'après le grec : les coutumes transmises par Moïse.
Act., vi, 14. Les traditions peuvent comprendre ici etles
véritables institutions mosaïques, et lesrèglesposées par
les docteurs, en vertu de l'autorité qu'ils prétendaient
tenir de Moïse. Matth., xxm, 2. Saint Paul, avant sa
conversion, fut un fervent adepte des traditions phari-
siennes. Gai., i, 14. Il prémunit les Colossiens contre
les traditions humaines opposées à la doctrine de Jésus-
Christ, de quelque origine qu'elles soient. Col., n, 8.
Saint Pierre rappelle aux chrétiens venus du judaïsme
que la rédemption les a soustraits au régime de la tra-
dition de leurs pères. I Pet., i, 18.
2» Tradition chrétienne. — Elle n'est pas, comme la
tradition juive, le résultat des opinions des docteurs
antérieurs, mais la transmission de l'enseignement
même de Jésus-Christ, passant par la bouche des pas-
teurs de l'Église, autorisés et recevant grâce pour le
conserver intégralement. Le Sauveur a confié sa doc-
trine aux Apôtres, en leur prescrivant de l'enseigner à
toutes les nations, par conséquent de la transmettre
oralement. Matth., xxvm, 19, 20. Cette doctrine com-
prenait tout ce que Jésus-Christ avait mission de faire
connaître aux hommes : « Tout ce que j'ai entendu de
mon Père, je vous l'ai fait connaître. « Joa., xv, 15.
Saint Paul appelle cet ensemble doctrinal un « dépôt »,
qui doit être transmis intact par ceux auquel il est
confié. I Tim., vi, 20; II Tim., i, 14. C'est l'Évangile
qu'il prêchait parmi les Gentils, le même que Pierre et
les autres apôtres prêchaient parmi les Juifs. Gai., n, 2,
7-9. Lui-même faisait profession expresse de l'avoir
reçu. Il tenait du Seigneur ce qu'il enseignait sur
l'eucharistie. I Cor., xi, 23. Il avait également appris ce
qui concernait la rédemption. I Cor., xv, 3. Il adresse
à son disciple cette recommandation : « Les enseigne-
ments que tu as reçus de moi, en présence de nombreux
témoins, confie-les à des hommes sûrs qui soient
capables d'en instruire les autres. » II Tim., il, 2.
C'est tout le mécanisme de la tradition, reçue par
l'Apôtre, enseignée à de nombreux auditeurs, parmi les-
quels un pasteur, Timothée, est spécialement chargé
de la conserver intacte, pour la transmettre à des pas-
teurs qui auront le même soin et les mêmes devoirs
que lui, et qui la transmettront à leur tour. De leur
côté, les fidèles ont l'obligation de s'en tenir à cet en-
seignement traditionnel : « Gardez les traditions que
vous avez apprises, soit oralement, soitpar notre lettre. s
II Thess., il, 14. Ils doivent retenir la doctrine telle
qu'elle leur a été annoncée, autrement leur foi est
vaine. I Cor., xv, 2. C'est ce que font les vrais fidèles.
L'Apôtre les en félicite : « Je vous loue de ce que...
vous retenez mes instructions telles que je vous les ai
données. » I Cor., xi, 2. « Grâces soient rendues à Dieu
de ce que... vous avez obéi de cœur à la règle de doc-
trine qui vous a été enseignée. » Rom., vi, 17. Saint
Jude, 3, exhorte les chrétiens à « combattre pour la
foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes. »
Il y a donc là un système d'enseignement très formel-
lement arrêté, dont l'usage a commencé dès la Pente-
côte, antérieurement à celui des Écritures du Nouveau
Testament, et qui n'a fait que continuer le procédé
purement oral dont s'était servi Jésus-Christ pour la
prédication de son Évangile. La tradition est ainsi le
canal le plus ordinaire par lequel tout l'enseignement
de la foi arrive aux hommes. Les Écritures du Nouveau
Testament sont d'un emploi postérieur, elles ne con-
tiennent pas tout le dépôt de la foi et leur usage n'est
pas essentiel, puisque, pendant bien des années, il. y
a eu des disciples de Jésus-Christ, sans qu'aucune
partie de son enseignement eût encore été mise par
écrit. — Cf. P. Batiffol, L'Église naissante et le catho-
licisme, Paris, 1909, p. 146-156, 195-260, 317-337.
H Lfsftrp
TRADUCTIONS DE LA SAINTE ÉCRITURE.
VoirSEPTANTE.VuLGATE, COPTES, ÉTHIOPIENNE, GRECQUES,
LATINES, SYRIAQUES, FRANÇAISES.ALLEMANDES, ANGLAISES,
ESPAGNOLES, SLAVES (VERSIONS), etC. -
TRAGÉLAPHE (hébreu : 'Aqqô; Septante : xpayè-
Xaçoç; Vulgate : tragelaphus), un des animaux purs
que la Loi permettait aax Juifs de manger. Deut., xiv,
5. Sur l'identification de l'animal désigné par ce nom,
voir Chevreuil, t. n, col. 697.
TRAIT (hébreu : massd', nêség, êukkdh, ziqôt ;
Septante: péXo;, TÔ$eu[ia, SitXa ; Vulgate : telum, arma),
arme de jet, analogue à la flèche et au javelot. Voir
Flèche, t. n, col. 2285; Javelot, t. m, col. 1148. Le
trait était ordinairement une pièce de bois ayant la
forme d'un bâton, bardée de fer ou munie d'une pointe
de fer, comme le nêSéq barzél, uiSr,po;, arma ferrea,
Job, xx, 24, et capable d'être enflammée comme les
ziqôf, f\àl, flamma, Is., L, 11; $i\r\ iteituptojisva, tela
ignea. Eph., vi, 16. Les traits étaient lancés à la main
ou à l'aide d'instruments. Voir Catapulte, t. il,
col. 346. — On s'armait de traits pour le combat,
IV Reg., x, 2; Is., l, 11, et on en faisait provision en
temps de paix. III Reg., x, 25. Ils traversaient l'air
pendant la bataille, II Mach., v, 3, les assiégés les lan-
çaient contre les agresseurs. II Sam. (Reg.), xi, 20;
II Mach., xii, 27, et les combattants contre leurs adver-
saires. II Mach., x, 30. On fuyait devant eux, Job, xx,
24, et on se mettait la tête à l'abri pour ne pas les rece-
voir. Ps. cxl (cxxxix), 8. Les vainqueurs pouvaient
faire du feu avec les traits de leurs ennemis. Ezech.,
xxxix, 10. Les traits enflammés étaient particulièrement
redoutables, car ils mettaient le feu là où ils tom-
baient. Aux mains d'un furieux, ils pouvaient causer
de grands dégâts. Prov., xxvi, 18. Ces traits étaient
probablement pourvus de matières inflammables. Saint
Paul veut que les chrétiens se garantissent avec le
bouclier de la foi contre les traits enflammés de Satan.
Eph., vi, 16. — Les traits sont impuissants à percer la
peau du crocodile. Job, xl, 31; xli, 18.
H. Lesètre.
TRAITÉ. Voir Allfance, t. i, col. 383-387.
TRAITRE (grec : TtpoSôxm, itapa3t8oij; ; Vulgate :
traditor, proditor), celui qui trompe la confiance d'un
autre et lui cause du mal au lieu du bien qu'il lui
devait. — Caïn fut le premier traître, quand il entraîna
son frère Abel aux champs et le tua. Gen., iv, 8. — Les
fils de Jacob agirent en traîtres quand ils voulurent tuer
leur frère Joseph et ensuite le vendirent à des Ismaélites.
2301
TRAITRE — TRAVAIL
2302
Gen., xxxvn, 20, 28; cf. xlii, 22. — Samson fut trahi
par Dalila. Jud., xvi, 19-21. — Doëg, l'Édomite, trahit
David, I Sam. (Reg.), xxu, 9, 10, que les habitants de
Céïla se disposaient aussi à livrer, I Sam. (Reg.), xxm,
12, et que les Ziphéens dénoncèrent à Saùl. I Reg.,
xxvi, 1. Les Philistins craignirent que David ne les
trahît pendant le combat contre les Israélites. I Sam.
(Reg.), xxix, 4. — Joab attira traîtreusement Abner à
l'écart et le tua. II Sam. (Reg.), ni, 27. — David agit en
traître quand, après avoir pris Bethsabée, il s'entendit
avec Joab pour procurer la mort d'Urie. II Sam. (Reg.),
xi, 14-17. — Absalom fit traîtreusement assassiner son
frère Amnon. Il Sam. (Reg.), xm, 28, 29. — Siba trahit
son maître Miphiboseth. II Sam. (Reg.), XVI, 1-4. —
Achitopel, conseiller de David, le trahit en indiquant à
Absaloinles mesures à prendre contre son père. II Sam.
(Reg.), xvn, 1-4. — Joab tua Amosa d'un coup d'épée
en feignant de le baiser. II Sam. (Reg.), xx, 9, 10. —
Plusieurs rois d'Israël furent assassinés traîtreusement
par l'un de leurs sujets, Nadab par Baasa, III Reg., xv,
28, Éla par Zambri, III Reg., xvi, 10, Zacharie par
Sellum, IV Reg,, xv, 10, Sellum parManahem, IV Reg.,
xv, 14, Phacéïa par Phacée, IV Reg., xv, 25, Phacée
par Osée, IV Reg., xv, 31. En Juda, Joas fut frappé par
ses serviteurs, IV Reg., xn, 20, 21, et, en Syrie,
Benhadad fut étouffé par Hazaël, son courtisan.
IV Reg., vu, 15. Quand Elisée révélait à Joram les pro-
jets do Benhadad, celui-ci s'imaginait qu'il y avait un
traître dans son conseil. IV Reg., vi, 10, 11. — Job,
xvn, 5, dit à propos des traîtres :
Celui qui livre en proie ses amis
Verra défaillir les yeux de ses enfants.
Plusieurs fois, les Psalmistes s'élèvent contre lés
traîtres. Ps. lv (liv), 20-22 ; lxiv (lxiii), 3-7 ; cix (cvm),
2-20; etc. — A l'époque des Machabées, plusieurs
trahisons sont signalées : Simon, de la tribu de Ben-
jamin, dénonça le' trésor du Temple au gouverneur
Apollonius. II Mach., m, 4-6; iv, 1. Ménélas, « traître
envers les lois et envers sa patrie, » remit les vases
sacrés à Antiochus Épiphane. II Mach., v, 15, 16.
Ptolémée Macron, appelé traître pour avoir abandonné
Chypre, se donna la mort par le poison. II Mach., x,
13. Des Israélites furent gagnés à prix d'argent par
les Iduméens assiégés et en laissèrent échapper un
grand nombre, ce que Judas punit comme une trahison.
II Mach., x, 20-22. Un juif, Rhodocus, fut mis en pri-
son pour avoir livré des secrets à l'ennemi. II Mach.,
xm, 21. Tryphon trahit Jonathas en lui persuadant de
renvoyer ses soldats et en l'enfermant dans Ptolémaïde,
puis en gardant ses deux fils, malgré la foi jurée, et en
le tuant lui-même. I Mach., xn, 43-xnr, 23. A Jéricho,
Ptolémée, fils 'd'Abobus, fit aussi périr Simon par
trahison. 1 Mach., xvi, 15, 16. — Dans le Nouveau Tes-
tament, Judas est le traître par excellence. Les évan-
gélistes le désignent habituellement par ce nom. C'est
Judas Iscariote « qui le trahit », Matth., x, 4; Marc,
ih, 19, « qui fut le traître », Luc, vi, 16. Jésus savait
dès le principe « qui devait le trahir », et c'était Judas
Iscariote, fils de Simon, « qui devait le trahir, tout en
étant l'un des douze. » Joa., vi, 65, 72. La trahison fut
arrêtée à prix d'argent, Matth., xxvi, 14-16; Marc, xiv,
10, 11; Luc, xxu, 3-6, formellement dénoncée par le
Sauveur, Matth., XXVI, 21-25; Marc, xiv, 18-21; Luc,
xxu, 21-23; Joa., xm, 10, 11, 18-30; xvn, 12, exécutée
par Judas à l'aide d'un baiser, Matth., xxvi, 47-50;
Marc, xiv, 43-45; Luc, xxu, 47, 48; Joa., xvin, 2-5,
puis inutilement regrettée par IuL Matth., xxvm, 3-10;
Act., i, 16-18. — Saint Etienne accusa les Juifs d'avoir
trahi et mis à mort le Juste. Act., vu, 52. — Saint Paul
annonce que les hommes des derniers jours seront
« traîtres ». I Tim., ni, 4.
H. Lesêtre.
TRANSFIGURATION, changement dans les appa-
rences naturelles d'un être. — La transfiguration de
Notre-Seigneur, que la tradition ancienne localise sur
le mont Thabor, est indiquée par le verbe u.e-ce[i.opipto8ï),
transfiguratus est, qui suppose un changement, non
dans la personne elle-même", mais dans les formes et
dans la figure avec lesquelles elle se montre habituel-
lement. Les évangélistes expliquent ce qui résulta de
ce changement. « L'apparence de son visage devint
autre. » Luc, ix, 29. « Son visage resplendit comme le
soleil. » Matth., xvn, 2. En même temps, « ses vête-
ments devinrent blancs comme la lumière, » ou
« comme la neige », Matth., xvn, 2, « brillants et très
blancs comme la neige, tels qu'un foulon sur la terre
n'en peut faire d'aussi blancs, » Marc, ix, 2, « son
vêtement devint blanc fulgurant. » Luc, ix, 29. L'aspect
général du Sauveur resta donc le même; les trois
Apôtres ne cessèrent pas de le reconnaître, comme firent
plus tard Marie-Madeleine, Joa., xx, 14, les disciples
d'Emmaûs, Luc, xxiv, 16, et les Apôtres eux-mêmes
en diverses circonstances. Matth., xiv, 26; Joa., xxi, 4.
Pour affermir la foi de ses trois compagnons, Pierre,
Jacques et Jean, et les prémunir contre le scandale de
sa passion, le Sauveur permit à la gloire de sa divinité
de transparaître un moment à travers son humanité, et
ses vêtements eux-mêmes revêtirent une splendeur et
une blancheur éclatantes, par l'effet du rayonnement
que dégageait le corps du divin Maître. Cf. S. Léon,
Serm. li, 2, t. liv, col. 310. Quand le phénomène
commença, les Apôtres étaient encore appesantis parle
sommeil. A leur réveil seulement, ils aperçurent la
gloire du Seigneur, ils virent Moïse et Élie qui conver-
saient avec lui et ils entendirent la voix céleste qui
descendait de la nuée. Matth., xvn, 3, 5; Marc, ix, 3,
6; Luc, ix, 30, 32. Puis tout cessa, et Jésus leur
recommanda de ne pas parler de ce qu'ils avaient vu,
avant sa résurrection, confirmant par cette défense la
réalité du spectacle dont ils avaient été les témoins.
Saint Pierre rappela plus tard comment il avait été
spectateur de la grandeur de son Maître, de l'honneur
et de la gloire dont il fut alors entouré. II Pet., i, 16-
18. — Saint Paul parle des faux apôtres, artisans de
tromperie, qui se transfigurent, [*ETai7-/iriiJi.aTiÇ6jA6voi,
transfigurantes se, en apôtres du Christ, afin d'égarer
et de perdre les âmes. Il observe que cet artifice ne
doit pas surprendre, parce que Satan lui-même se trans-
forme en ange de lumière et que ses ministres se trans-
figurent en ministres de justice. II Cor., xi, 13-15.
Cf. S. Cyprien, Deunit. Eccles.,\, t. iv, col. 495. L'Apôtre
appelle du même nom la figure de langage dont il s'est
servi pour parler d'Apollos et de lui-même. I Cor., iv,
6. — Voir Thabor, col. 1683. H. Lesêtre.
TRAVAIL (hébreu : yegi'a, siblôt, 'âbodàh, 'âmâl,
êséb, po'al ; Septante: epyov, xôiioç, u-ôx"»;; Vulgate :
labor, opus), exercice de l'activité humaine.
I. La loi du travail. — 1° A l'origine. — Tout être
vivant, surtout s'il est pourvu d'intelligence, exerce
naturellement les facultés dont il est doué, et l'intensité
de sa vie se mesure à celle de son action. Dieu est
sans cesse actif. « Mon Père agit jusqu'à présent, et
moi aussi j'agis, » dit le Sauveur. Joa., v, 17. L'œuvre
de la création est représentée par l'écrivain sacré
comme un travail dont Dieu se repose. Gen., ii, 2. Une
fois créé, le premier homme ne fut pas abandonné à
l'oisiveté; il eut à cultiver et à garder le jardin d'Éden.
Gen., n, 15. Il trouvait dans le travail l'emploi de ses
forces corporelles, pendant que ses facultés intellec-
tuelles s'appliquaient au service de Dieu et à l'étude
de la nature. Gen., n, 19. Le travail n'est donc pas une
peine par lui-même; il apparaît comme la condition
normale de la vie de l'homme sur la terre. — Le péché
d'Adam modifia la nature primitive du travail, en y
2303
TRAVAIL
2304
ajoutant le caractère de châtiment. Dieu dit en effet à
l'homme pécheur : « La terre est maudite à cause de
toi; c'est par ton travail pénible que tu en tireras ta
nourriture tous les jours de ta vie C'est à la sueur
de ton visage que tu mangeras ton pain. » Gen.» m, 17,
19. Néanmoins la pénalité fut moins dure, en général,
que ne semblaient le comporter les termes de la sen-
tence. Comme se plaisent à le répéter les écrivains
sacrés, Eccle., ni, 13 ; v, 18 ; vin, 15 ; ix, 9; Prov., xii,
11 ; xxxi, 13 ; etc., le travail devient plus aisé à l'homme
à cause des biens qu'il lui assure. — 2° Législation
mosaïque. — La loi de Moïse, se référant à un précepte
antérieur, règle que le travail s'accomplira durant six
jours et que, le septième jour, il sera absolument sus-
pendu. Exod., xx, 9; Luc, xm, 14. Voir Sabbat,
col. 1293. Outre le repos de chaque nuit, le Seigneur
impose donc celui de tout un jour sur sept. C'est la
mesure qu'a jugée nécessaire l'auteur de la nature
humaine. Le travail était encore défendu certains jours
de fête, le premier et le septième jour de la Pâque, le
jour de la Pentecôte, le premier jour du septième
mois, pour la fête des Trompettes, le dixième jour du
même mois, pour la fête des Expiations, le premier et
le huitième jour de la fête des Tabernacles. Lev., xxm,
7, 8, 21, 24, 28, 35, 36. Quand un Israélite se mettait
en service chez l'un de ses frères, on ne devait pas
exiger de lui le travail d'un esclave. Lev., xxv, 39. Le
salaire de l'ouvrier devait être payé chaque jour.
Deut., xxiv, 15. Voir Artisans, t. i, col. 1044; Salaire,
t. v, col. 1365. — Les Septante et la Vulgate appellent
« œuvre servile », gpYOv îiarpsu-nSv, opus servile, c'est-à-
dire œuvre d'esclave, le travail défendu les jours de
sabbat et de fêtes. Lev., xxm, 7-36; Num., xxvm, 18,
25, 26; xxix, 1, 7, 12, 35. Cette traduction provient sans
doute de ce que, à l'époque où furent faites les versions,
tous les gros travaux étaient exécutés par les esclaves.
Le texte hébreu appelle le travail défendu meWkét
'âbôdâh, « œuvre de servitude », c'est-à-dire œuvre
pénible, par conséquent toute œuvre accomplie par
l'homme à la sueur de son front pour assurer sa sub-
sistance, tout travail fatigant pour le corps. Les œuvres
de ce genre étaient de nature très diverse. Ainsi
ramasser du bois était un travail prohibé. Num., xv,
32-36. Il en était de même d'une marche un peu longue
et de beaucoup d'autres actes que la loi ou l'usage
déterminèrent. — 3° Loi évangélique. — L'Évangile
n'innove rien sur la question du travail. Notre- Seigneur
accepte pour lui-même la loi du travail, et il est connu
comme charpentier, fils de charpentier. Matth., xm,
55; Marc, vi, 3. Les Apôtres qu'il se choisit sont tous
des hommes de travail, et lui-même, dans ses para-
boles, aime à mettre en scène des travailleurs de toute
nature, qui exercent leur activité dans des conditions
auxquelles le divin Maître ne trouve rien à redire.
Saint Paul résume toute la morale évangélique sur le
travail en cette sentence aussi brève que péremptoire :
« Si quelqu'un ne veut pas travailler, il ne doit pas non
plus manger. » L'Apôtre ne veut pas, en effet, que celui
qui peut travailler vive d'aumônes. Les oisifs volontaires
doivent « travailler paisiblement pour manger un pain
qui leur appartienne. » II Thess., m, 10, 12.
II. Le travail dans la Bible. — 1» Les travailleurs.
— Dès l'origine de l'humanité, Caîn se livre au travail
agricole et Abel au travail pastoral. Gen., iv, 2. Tubal-
caïn travaille les métaux. Gen., iv, 22. Le travail était
alors particulièrement pénible, parce que l'outillage
dont disposaient les hommes était fort imparfait. Aussi
Lamech appelle-t-il son fils Noé, nûah, « repos »,
parce que, dit-il, « celui-ci nous soulagera de nos
fatigues et du travail pénible de nos mains, que réclame
ce sol maudit de Jéhovah. » Gen., v, 29. Les patriar-
ches sont au travail que leur impose le soin de leurs
troupeaux. Jacob surtout est soumis pendant vingt ans,
chez Laban, à un rude labeur que Dieu récompense.
Gen., xxxi, 42; Sap., x, 10. En Egypte, les Hébreux
sont appliqués par leurs oppresseurs à des travaux
de plus en plus pénibles, pour les constructions et la
culture. Exod., i, 14 ; il, 11 ; v, 4, 5; vi, 6, 7 ; Sap., x,
17. Booz surveille sa moisson. Ruth, m, 7. Gédéon bat
le froment. Jud., vl, 11. Saûl, déjà roi, fait travailler
ses bœufs aux champs. I Reg., xi, 5. Le riche Nabal
préside à la tonte de ses brebis. I Reg., xxv, 2. Elisée
conduit lui-même l'une des douze paires de bœufs qui
labouraient ses champs. III Reg., xix, 19. Le proprié-
taire de Sunain, qui reçut chez lui Elisée, surveillait
lui-même ses moissonneurs. IV Reg., îv, 18. Cf.
Prov., xxxi, 13; Tob., il, 19. Plus tard, le Sauveur et
ses Apôtres travaillent chacun à un métier et saint
Paul gagne sa vie à fabriquer des tentes. Act., xvm,3;
xx, 34; I Cor., iv, 12; I Thés., n, 9; II Thés., m, 8, etc.
L'Apôtre suivait en cela l'usage des docteurs juifs, qui
associaient l'étude de la loi à l'exercice d'un métier.
« Ce double travail purifie du péché. L'étude de la loi
sans la pratique d'un métier finira par être troublée et
entraîne la faute avec elle. » Aboth, n, 2. Néanmoins,
le métier ne devait venir qu'au second rang pour un
docteur. « Donne-toi moins à ton métier et consacre-
toi davantage à la loi. » Aboth, iv, 10. Il suit de là
pourtant que le travail était universellement estimé et
pratiqué chez les Israélites et que, si grand et si savant
qu'on fût, on ne croyait pas déroger en s'y appliquant.
2° Le travail manuel. — L'élevage et les tracaux des
champs, bien que pénibles, doivent occuper beaucoup
d'hommes. « Ne hais pas les labeurs pénibles, ni le
travail des champs institué par le Très-Haut. » Eccli.,
vii, 15. C'est Dieu qui a assujetti l'homme à ce travail.
Eccle., m, 10. A raison des circonstances, la manne a
été la seule nourriture assurée à l'homme sans travail.
Sap., xvi, 20. L'élevage est recommandé. Prov., xxvii,
23-27. Il est souvent fait mention des travaux de la
culture. Ps. civ (cm), 23; IPar., xxvn, 26; Sap., xvii,
16; Joa., IV, 10; etc. Les gens de métiers sont fré-
quemment nommés. L'Ecclésiastique, xxxvm, 25-34,
parle du laboureur, du charpentier, du constructeur,
du graveur, dii forgeron et du potier. Il remarque que
chacun de ces hommes est « intelligent dans son
métier », qu'il s'y applique avec tout son soin et, par
conséquent, n'a pas le loisir d'acquérir la science qui
lui permettrait d'être juge ou docteur, que néanmoins
la vie ordinaire dépend du travail de ces hommes et
que ce sont eux qui « soutiennent les choses du temps » .
L'Ecclésiaste, iv, 4, a vu que « tout travail et toute
habileté dans un ouvrage est exposé à la jalousie (ou à
l'eovie) du prochain. » Cette jalousie pourrait bien
n'être pas autre chose que ce que nous appelons la
concurrence. Il est encore parlé du travail du forge-
ron, Is., xliv, 12, du fabricant d'idoles, Sap., xv, 4, 8,
du batelier, Marc, VI, 48, du pêcheur, Luc, v, 5, du
banquier, Matth., xxv, 16, du marin, Apoc, xvm, 17 ;
etc. Cf. Fr. Buhl, La société israélite d'après l'A. T.,
trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 105-121. A tous ces
métiers s'ajoutait le commerce. Voir Commerce, t. H,
col. 878. Le paresseux se soustrait au travail manuel,
Prov., xxi, 25, l'insensé s'en fatigue, Eccle., x, 15, et
l'impie qui prospère s'en exempte, au scandale des
justes. Ps. lxxiii (lxxii), 5. Le labeur pénible de la
guerre est assimilé à un travail. Ezech., xxix, 20.
Comme le travail est pour l'ordinaire fatigant et sou-
vent douloureux, plusieurs des mots qui signifient
« travail ï sont fréquemment pris dans le sens de
« peine, souffrance wyegVa, Job, xxxix, 16; Eccle.,
xn, 12; etc., 'dmdl, Gen., xli, 51; Deut., xxvi, 7 ; Job,
m, 10; xvi, 2; Is., lui, 11; etc., 'êséb, Gen., m, 16;
Prov. xv, 1 ; etc.
3» Fruits du travail. — L'homme travaille avant tout
pour se nourrir. Ps. cxxvm (cxxvn), 2. « Tout le travail
2305
TRAVAIL — TREMELLIUS
2306
de l'homme est pour sa bouche. » Eccle., vi, 7. « Le
travailleur travaille pour lui, car sa bouche l'y excite. »
Prov., xvi, 26. Celui qui travaille vaut donc mieux que
l'oisif ou le hâbleur manquant de pain. Eccli., x, 13.
Le travail procure même l'abondance et la richesse.
Prov., xn, 11; xxvn, 25-27; xxviii, 19; Eccli., xx, 30;
xxxi, 3. — Ce résultat ne se produit pourtant pas j
toujours, et tel travaille, qui reste pauvre et manque
de tout. Eccli., xi, 11 ; xxxi, 4. Il y a un travail qui ne
nourrit pas, Is., lv, 2, un labeur inutile et vain.
Eccle., iv, 6. Cette inutilité tient à des circonstances
malheureuses, à l'inhabileté du travailleur, mais aussi
à l'absence de la bénédiction divine. Prov., x, 22.
Parfois, Dieu amène la sécheresse sur le travail des
mains. Agg., i, 11. En vain bâtit-on, si Dieu ne bâtit
lui-même. Ps. cxxvn (cxxvi), 1. Il a donné aux saute-
relles le travail des Égyptiens, Ps. lxxviii (lxxvh), 46, ;
et a réduit à néant celui de Babylone. Jer., li, 58. Si j
l'on n'est point fidèle à Dieu, on voit son travail passer \
aux mains des autres. Prov., v, 10. Le fruit du travail j
est alors mangé par des étrangers, Deut., xxvm, 33; ]
Ps. cix (cvm), 11 ; Prov., v, 10; de même que les
Hébreux ont possédé le travail des peuples. Ps. cv (civ),
44. — L'idolâtre recommande en vain son travail à ses
faux dieux. Sap., xm, 19. Les idoles dévorent le produit
du travail. Jer., m, 24. C'est ce qui est arrivé aux
Israélites infidèles ; mais, s'ils reviennent à Dieu, les
étrangers ne prendront plus le fruit de leurs labeurs.
Is., lxii, 8. — L'homme n'emporte pas avec lui le fruit
de son travail. Eccle., v, 14. Il le laisse à d'autres,
Eccli., xiv, 15, qui entrent ainsi dans les travaux de
leurs prédécesseurs. Joa., iv, 38. On fait donc bien de
travailler pour avoir de quoi exercer la charité. Act., xx,
25; Eph., iv, 28.
4° Le travail intellectuel. — Moïse, au désert, se
livrait à un travail de juge que Jéthro estima fort au-
dessus de ses forces et qu'il lui conseilla de répartir
entre plusieurs autres. Exod., xvm, 18. L'acquisition
de la science est pénible. « Nous avons peine à deviner
ce qui est sur la terre, et nous n'apercevons pas sans
travail ce qui est devant nos mains. » Sap., IX, 16. Le
traducteur de l'Ecclésiastique, Prol., s'est imposé un
grand labeur. « Les labeurs de la sagesse produisent
les vertus. » Sap., vm, 7;ix, 7. Il faut cultiver la sagesse
comme on cultive la terre. Eccli., vi, 19, 20. Dans ces
conditions, on se ménage le repos et l'on contribue à
l'utilité des autres. Eccli., xxiv, 47 ; xxxm, 18; li, 35.
Ainsi font ceux qui, par opposition avec les artisans,
peuvent consacrer tout leur temps à l'étude de la loi,
à la réflexion, à la fréquentation des personnages im-
portants, aux voyages et à la prière. Eccli., xxxix, 1-11.
Tout en admettant la pratique modérée d'un métier,
les docteurs jugeaient « incapable de devenir un sage,
celui qui s'adonnait partrop au commerce. » Aboth,ll,5.
5» Le travail apostolique. — La prédication évangé-
lique est considérée comme un travail. Joa., iv, 38.
Ce travail n'est pas vain. I Cor., xv, 58. Saint Paul,
qui ne se fait pas gloire du travail des autres, II Cbr., x,
15, rappelle souvent ses travaux apostoliques. I Cor. , xv,
10; xvi, 16; II Cor., xi, 23, 27; Gai., iv, 11 ; Phil., u,
16 ; iv, 3; Col., i, 29; I Thés., v, 12 ; I Tim., n, 9; iv,
10; v, 17. Ce travail mérite son salaire. Matlh., x, 10;
Luc, x, 7. Saint Paul le revendique hardiment.
I Cor., IX, 3-18; II Cor., xi, 8, 9 ; Gai., vi, 6; Phil., iv,
10-18. Il exhorte Timothée à travailler comme un bon
soldat du Christ, II Tim., il, 3 ; iv, 5, à l'exemple du
soldat romain qui, en temps de paix, était employé à
la création des routes et aux constructions publiques.
Cf. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique, Paris, 1892,
p. 427-437. Saint Jean mentionne les travaux de
l'évêque d'Éphèse. Apoc, n, 2. — Au ciel, les serviteurs
de Dieu se reposeront de leurs travaux. Apoc, xrv, 13.
H. Lesètre.
DICT. DE LA BIBLE.
TREMBLEMENT DE TERRE, (hébreu : ra'aè;
Septante: attelas, (ju<7<Tee<Tfiôç; Yulgate : terrm motus),
mouvement du sol, sous l'influence de causes internes.
Ce mouvement peut provenir soit des forces volca-
niques agissant dans les profondeurs de certaines
couches terrestres, soit de la dislocation d'une partie
de l'écorce solide de la terre par suite du refroidisse-
ment de la planète. La Palestine a été, aux époques
géologiques, le théâtre de puissants phénomènes sis-
miques, d'où est résultée la profonde et extraordinaire
dépression' de la mer Morte et delà vallée du Jourdain.
L'activité volcanique a laissé des traces importantes
sur les rives orientales du lac de Tibériade et de la
mer Morte. Voir Palestine, t. iv, col. 2015. A l'époque
historique, la destruction de Sodome et des villes cou-
pables coïncida avec un mouvement sismique qui
abaissa une partie du sol au-dessous du niveau des
eaux. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1308. — Un trem-
blement de terre eut lieu à Machmas, au temps de Saùl.
I Reg., xiv, 15. Un autre se produisit sous le règne
d'Ozias. Am., i, 1; Zach., xiv, 5. Les livres historiques
se taisent à son sujet. Josèphe, Ant. jud., IX, x, 4, le
rattache à la tentative sacrilège du roi. II Par., xxvi,
16-20. — Quand la terre s'entr'ouvrit pour engloutir
Coré et ses partisans, Num., xvi, 32, il y eut plutôt un
phénomène miraculeux qu'un tremblement de terre. —
Celui dont fut témoin le prophète Ëlie, III Reg., xix,
11-12, n'exista probablement qu'en vision, comme celui
du songe de Mardochée. Esth., xi, 5. La chute des murs
d'Aphec, III Reg., xx, 30, ne suppose pas non plus né-
cessairement un tremblement de terre. — En l'an 31
avant Jésus-Christ, sous Hérode le Grand, au commen-
cement du printemps, un tremblement de terre secoua
la Palestine, y fit périr 30 000 hommes sous les ruines
des maisons et causa de grands ravages parmi les trou-
peaux. Josèphe, Bell, jud., I, xix, 3. Dans Ant. jud.,
XV, v, 2, l'historien ne parle que de 10000 victimes. —
Au moment de la mort de Notre-Seigneur, il y eut un
tremblement de terre par suite duquel les rochers se
fendirent, voir Calvaire, t. n, col. 82, et les sépulcres
s'ouvrirent. Matth., xxvn, 51,54. Le même phénomène
se reproduisit à l'heure de la résurrection du Sauveur.
Matth., xxvm, 2. Ces deux tremblements eurent un ca-
ractère surnaturel et peut-être tout local. — Un autre
tremblement de terre ébranla les fondements de la pri-
son dans laquelle Paul et Silas étaient enfermés, à
Philippes, et prépara la délivrance des deux apôtres.
Act., xvi, 26. — Le tremblement de terre est un phéno-
mène grandiose et effrayant, qui évoque l'idée de la
puissance de Dieu. Aussi les écrivains sacrés le font-ils
intervenir dans les théophanies. Exod., xix, 18; Jud.,
v, 4; II Reg., xxn, 8; Ps. lxxvi (lxxv), 9; lxxvh
(lxxvi), 19; xcvh (xcvi),4; civ (cm), 32; Am., vin, 8;
Hab., m, 10; Aci., iv, 31. Notre-Seigneur annonce que
la ruine de Jérusalem sera précédée de tremblements de
terre. Matth., xxiv, 7; Marc, xm, 8; Luc, xxi, 11. Les
historiens en ont enregistré plusieurs vers cette époque.
Cf. Tacite, Annal., xiv, 27; xv, 22; Sénèque, Quœst.
natur., vi, i; Josèphe, Bell, jud., IV, iv, 5. Saint Jean
en signale d'autres qui marqueront la fin des temps.
Apoc. , vi, 12 ; vm, 5 ; xi, 13, 19; xvi, 18. — Sur les trem-
blements de terre de Palestine, voir Palestine, t. iv,
col. 2031. — Pour atténuer les effets des tremblements
de terre, on assemblait solidement des charpentes à
travers les constructions. Eccli., xxn, 19.
H. Lesêtre.
TREMELLIUS Emmanuel, savant juif, né à Fer-
rare en 1510, mort en 1580. Il fut converti à la reli-
gion chrétienne par le cardinal Polus et par M. A. Fla-
minio, mais Pierre Martyr le poussa à embrasser le
protestantisme. Il quitta l'Italie et se rendit en Alle-
magne, puis en Angleterre, où il enseigna l'hébreu à
Cambridge. Il retourna en Allemagne après la mort
V. - 73
2307
TREMELLIUS — TRESOR
2308
d'Edouard VI et alla enfin à Sedan, où il fut appelé
pour professer l'héLreu. On a de lui entre autres :
Rudimenta linguse hebrsess, Vienne, 1541 ; Interpretatio
Syra Novi Testamenti hebraicis typis descripta,
Paris, 1569; Biblia sacra sive libri canonici latini
recens ex Uebrxo facti, Francfort, 1579; Londres, 1580.
Voir Latines (Versions), ii, 4», t. iv, col. 125.
TRENCH, Richard Chenevix, théologien anglican, né
à Dublin le 5 septembre 1807, mort à Londres le 28
mars 1886. Il commença ses études aux écoles de
Tuyford (1816) et de Harrow (1819) et les termina à
Cambridge, à Trinity Collège. En 1835, il devint vicaire
de Cardridge, dans le Hampshire. C'estlà qu'il inaugura
ses Lectures, dont les premières ont fourni la matière de
son ouvrage Notes on Parables, publié plus tard. En
1841 il devint le vicaire du recteur d'Alverstoke, Samuel
Wilerforce, futur évêque d'Oxford, son ami etprotecteur.
En 1844, Trench obtint le rectorat d'Ichenstoke, d'où
il fut promu, en 1846, à la chaire d'exégèse du Nouveau
Testament de King's Collège à Oxford. Doyen de West-
minster depuis le mois d'octobre 1856, il fut nommé,
en novembre 1863, archevêque anglican de Dublin.
En 1884, il résigna son siège à cause de son âge avancé
et de ses infirmités. Deux ans après, il mourut à Londres
et fut inhumé à Westminster.
Nous citerons de lui : Notes on the Parables of our
Lord, in-8°, 1841, plusieurs éditions; Les Paraboles de
Notre-Seigneur, traduit librement de l'anglais sur la
13 e édition, par Paul Duplan, pasteur, in-8°, Lausanne,
1879; Exposition of the Sermon on the Mount, in-8°,
1844; Notes on the miracles of our Lord, in-8°, 1846,
The Star of the wise men : being a cornmentary on
the second chapter of St. Matthew, in-16, 1850; Syno-
nyms of the New Testament, in-8°, 1854; Synonymes
du Nouveau Testament, traduit de l'anglais par
C. de Faye, in-8°, Bruxelles, 1869; Cornmentary on
the Epistles to the Seven Churches in Asia, in-8°,
1861; Studies on the Gospels, in-8», 1867. —Voir
L. Stephen, Diciionary of national biography, t. lvii,
1899, p. 190-194. 0. Rey.
TRÉSOR (hébreu : 'ôsâr, genâzim, frosén,matmôn,
mikmannîm, sefûnîm, tô'âfôf; chaldéen : ginezîm ;
Septante : 6i\aavpé(, -fâÇa; Vulgate : thésaurus, gaza),
ace umulation d'or, d'argent et de matières précieuses.
1° Au sens propre. — 1. Trésor des particuliers. —
Les frères de Joseph retrouvèrent dans leurs sacs les
trésors qu'ils avaient apportés. Gen., xliii, 23. Les
malheureux cherchent la mort plus ardemment qu'un
trésor. Job, m, 21. Le trésor des méchants est maudit,
parce qu'il est le fruit de l'iniquité. Job, xx, 26; Prov.,
xxi, 6; Mich., VI, 10. Le trésor que l'on possède dans
le trouble ne vaut pas la médiocrité avec la crainte de
Dieu. Prov., xv, 16. La bonne renommée vaut mieux
que mille trésors. Eccli., xl, 15. On peut amasser des
trésors, mais à condition de les utiliser libéralement,
selon le précepte de Dieu. Eccli., xxix, 14. Les mages
ti rèrent de leurs trésors les présents qu'ils offrirent à
l'enfant Jésus. Matth., 11, 11. Notre-Seigneur conseille
de ne pas amasser de trésors sur la terre, où ils peuvent
être la proie des voleurs; d'ailleurs le cœur s'y attache
plus qu'il ne faudrait. Matth., vi, 19-21. Il compare le
royaume des cieux à un trésor caché, enfoui dans un
champ. Celui qui l'a trouvé le cache de nouveau, vend
son bien et achète le champ, afin d'entrer en posses-
si on du trésor. Matth., Xlll, 44. On cachait les trésors
so us terre, afin de les soustraire aux atteintes des vo-
leurs. De là les noms de tnatmôn, mikmannîm etsefû-
n îm, qui désignent les trésors en tant que « choses
ca chées ». Le trésor dont parle Notre-Seigneur avait
été laissé là par un ancien propriétaire, mort sansavoir
pu en révéler l'existence. Le propriétaire actuel ignore
sa présence. Celui qui en fait la trouvaille a sans doute
loué le champ pour le cultiver. Il ne se croit pas en
droit cependant de s'emparer du trésor. Il achète donc
le champ, afin de devenir possesseur légitime de tout
ce qu'il contient. Il agit conformémentau droit d'alors,
le propriétaire naturel n'existant plus, et lui-même
n'étant pas obligé de révéler au propriétaire actuel la
valeur accidentelle de son terrain. Un trésor ainsi caché
ne sert à rien; mieux vaut employer l'argent à faire
le bien. Tob., xn, 8. — 2. Trésor du sanctuaire. —
Dès l'époque de Josué, il est question d'un trésor de
Jéhovah, dans lequel on verse certains objets précieux
pris sur les ennemis. Jos., VI, 19. Le Temple a un trésor
qui subit diverses vicissitudes. Il est constitué par les
soins de David et de Salomon. III Reg., vu, 51; I Par.,
xxviii, 12 ; xxix, 8; II Par., v, 1. Il est successivement
pillé par Sésac, roi d'Egypte, III Reg., xiv, 26; II Par.,
xii, 9, par Baasa, roi d'Israël, II Par., xvi, 2, par Ha-
zaël, roi de Syrie, auquel le roi de Juda, Joas est obligé
de le remettre, IV Reg., xn, 18, par Joas, roi d'Israël,
IV Reg., xiv, 14, et par Nabuchodonosor. IV Reg.,
xxiv, 13. Héliodore cherche en vain à s'emparer du
trésor du Temple, au nom du roi de Syrie, Séleucus [V.
II Mach., m, 740. Voir Héliodore, t. m, col. 570. Sur
le trésor du Temple et la manière dont il fonctionnait,
voir Gazophylacium, 1. 11, col. 133. Il y avait à Babylone
un trésor du dieu de Nabuchodonosor. Dan., 1, 2. —
3. Trésor des princes. — Les rois de Juda avaient un
trésor qui partagea souvent le sort du trésor du Temple.
III Reg., xiv, 26; xv,18; IV Reg., xiv, 14; xvi, 8;xvm,
15; xx, 13, 15; II Par., xxv, 24; xxxvi, 18. Ézéchias
s'était amassé des trésors. II Par., xxxn, 27. Il les fit
visiter avec complaisance par les envoyés du roi de
Babylone, Mérodach-Baladan. lsaïe lui prédit alors
qu'un jour tous ces trésors seraient emportés à Baby-
lone. IV Reg., xx, 13-17. Les tributaires de l'Egypte
portaient au pharaon des trésors empilés sur le dos des
chameaux. Is., xxx, 6. Il est fait mention des trésors
d'Holoferne, Judith, xn,l,d'Assuérus, Esth., m, 9; iv,
7, d'Artaxerxès, I Esd., vu, 20. Les trésors du roi de
Tyr seront pillés. Ezech., xxvni, 4. Par contre, Dieu
donnera à Cyrus des trésors cachés. Is., xlv, 3. En
Juda, les chefs de la nation s'emparent des biens et des
trésors des autres. Ezech., xxh, 25. Antiochus Épiphane
en fait autant partout où il passe. I Mach., 1, 24. —
4. Trésor des peuples. — Juda est un pays rempli de
trésors. Is., 11, 7. Le Seigneur les livrera au pillage.
Jer., xv, 13; xvn, 3; xx, 5; Ose., xm, 15. Babylone est
riche en trésors, jer., u, 13, qui seront pillés par
l'épée. Jer., L,37. Le même sort est réservé aux trésors
de Moab, Jer., xlviii, 7, d'Ammon, .1er., xlix, 4, et de
l'Egypte. Dan., xi, 43. Au temps de Zorobabel, on con-
stitua un trésor public pour la réfection des murs de la
ville. II Esd., vu, 70-72. Le trésor était gardé dans un
lieu appelé « maison du trésor », bét 'ôsâr, II Esd., x,
39, ou bétginezayyd'. IEsd., v, 17; vi, 1.
2° Au sens figuré. — 1. L'atmosphère. — Dieu a des
trésors d'où il tire les vents, Ps. cxxxv (cxxxrv), 7;
Jer.,x, 13; li, 16, les nuées, Eccli., xliii, 15, la pluie
et le temps favorable, Deut., xxvm, 12, la neige. Job,
xxxviii, 22. — 2. La sagesse. — Il faut creuser, c'est-
à-dire se donner de la peine, pour découvrir ce trésor.
Prov., u, 4. La sagesse est un trésor qui dépasse tous
les autres, Sap., vu, 14; Eccli., 1, 26; Heb., xi, 26, et
leur donne du prix. Prov., vin, 21 ; xxi, 20. La crainte
de Dieu, qui est la vraie sagesse, doit être le trésor
d'Israël. Is., xxxm, 6. De ce trésor, l'homme de bien
doit tirer toutes sortes de bonnes choses, à rencontre
du méchant qui n'en tire que de mauvaises. Matth., xn,
35; xm, 52; Luc, vi, 45. La sagesse qu'on tient cachée,
comme un trésor enfoui, ne sert de rien. Eccli., xx,
32; xli, 17; Matth., xxv, 25; Luc, xix, 20. Tous les tré-
sors de la sagesse étaient en Jésus-Christ. Col., 11, 3. —
2309
TRÉSOR — TRIBULATION
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3. Les biens de l'âme. — Trouver un ami fidèle, c'est
trouver un trésor. Eccli., vi, 14. Le Tout-Puissant est le
trésordu juste. Job., xxn, 25. Les chrétiens ont reçu la
grâce de l'Évangile, mais ils portent ce trésor dans des
vases de terre, c'est-à-dire dans une nature fragile, afin
que la puissance de Dieu paraisse davantage. II Cor.,
iv, 7. Ceux qui sacrifient les biens du temps s'acquièrent
■ un trésor dans le ciel. Matth., xix, 21; Marc, x, 21;
Luc, xii, 33, 34; xvm, 22. —4. Les secrets divins. —
Ils sont dans les trésors de Dieu. Deut., xxxn, 34.
H. Lesêtre.
TRÉSORIER (hébreu : gizbâr; chaldéen : geddbrîn;
Septante : o'cxovd[i.oç; Vulgate : custos arcse publiées,
arcarius), préposé à la garde du trésor. — Dès l'orga-
n isation de la royauté israélite, il y eut des fonction-
naires chargés de veiller sur le trésor du roi. David
choisit Asmolh, fils d'Adiel, pour trésorier, 'al 'op-ôt,
ItzX t<2v 6T|<raup<5v, super thésaurus. Jonathan, fils
"d'Ozias, remplissait la même fonction pour les trésors
des champs, c'est-à-dire pour les redevances en nature
qui se convertissaient en argent à travers tout le pays.
I Par., xxvn, 25. Salomon eut des intendants et des
préposés aux impôts qui remplissaient équivalemment
les fonctions de trésoriers. III Reg., IV, 2-7. — Des
lévites avaient la surveillance des trésors du Temple.
I Par., ix, 26 ; xxvi, 20, 22, 26, sous l'autorité d'un in-
tendant en chef des trésors. I Par., xxvi, 24. — A la
cour de Nabuchodonosor, il y avait des trésoriers,
■geddbrîn, que les versions appellent Tuptzwot, tyranni.
Dan., ra, 2,3. — Assuérus avait des fonctionnaires pré-
posés au trésor. Esth., m, 9. — Artaxerxès employait
aussi des gizzabrin, gardiens du trésor. 1 Esd., vu, 21.
— Un eunuque éthiopien était le trésorier de la reine
•Candace, im itâuriç x?,ç ygcÇyk aùxîjî, super onines gazas
■ejus. Act., vin, 27. — Saint Paul transmet aux Romains
le salut d'Éraste, trésorier de la ville d'où il écrit.
Rom., xvi, 23. H. Lesêtre.
TRIBU (hébreu : Sébét; Septante : çuXtj; Vulgate:
tribus), groupe de familles descendant de chacun des
douze fils de Jacob. La division en tribus était fréquente
parmi les Orientaux et elle existe encore chez les Arabes
modernes. Les tribus d'Israël, au nombre de douze,
sont énumérées dans la Genèse, xux : 1. Ruben;
■2. Siméon; 3. Lévi; 4. Juda; 5. Zabulon; 6. Issachar;
1. Dan; 8. Gad; 9. Aser; 10. Nephthali; 11. Joseph, dont
la descendance se divisa en deux tribus, Éphraïm et
Manassé; 12. Benjamin. Voir ces noms. La tribu de
Lévi, consacrée au service de Dieu, ne reçut point de
territoire spécial après la conquête de la Terre Promise
mais seulement des villes pour y habiter, en sorte que
la Palestine ne fut partagée qu'en douze portions,
quoique la division de la postérité de Joseph en deux
portât le nombre des tribus à treize. De même, la
vocation de saint Paul à l'apostolat porta plus tard le
nombre des Apôtres à treize. — Les Ismaélites, descen-
dants d'Abraham par Ismaël, comptèrent aussi douze
tribus. Gen. ,xxv, 13-15.— D'après Xénophon, Cyrop.,1,
3,4, les Perses étaient également partagés en tribus. —
La distinction des tribus d'Israël s'est perdue peu à peu
depuis la ruine de Jérusalem. Voir J. M. Jost, Allge-
meine Geschichte des Israelitischen Volkes, Berlin,
1832, t. I, p. 407 sq.
TRIBULATION, tout ce qui est de nature à faire
souffrir l'homme dans son corps ou dans son âme.
I. Ses différents noms. — L'hébreu a une très
grande variété de termes pour désigner les différents
maux dont l'homme peut souffrir : 'êd, ôirtoXesa, per-
ditio, Job, XXI, 30, xaxwai;, afflictio, Ps. xvm (xvn),
19, la calamité; — 'dvén, ôStjvt), dolor, Job, xv, 35;
àvouia, iniquitas, Ps. lv (liv), 4; itôvoç, dolor, Ps. XC
^lxxxix), 10; xouôv, malum, Prov., xxn, 8; it£v9oç, Ose.,
ix, 4; xénoî, iniquitas, Hab., m, 7, la douleur; —
hovâh, -caXaiJtwpîa, calamitas, Is., xlvii, 11; contur-
batio, Ezech., vu, 26, le malheur; — havvâh, àvouia,
iniquitas, Ps. lvii (lvi), 2, le malheur; — barsob,
Ps. lxxiii, 4, la douleur; — hêf, ô(iapTta, peccatutn,
Lam., m, 39,1a peine du péché; — hattâ'âh, àvoiu'a,
peccatum, Is.,v, 18, la peinedu péché; — hôlî, àppeoe-
Ti'a, miseria, Eccle., VI, 2, le grand malheur; — ke'ib,
itXïiyyi, Tpaû[ia, dolor, Job, II, 13; xvi, 7, la douleur;
— mak'ôb, xaxiieriç, afflictio, Exod., m, 7; (iaXocxt'a,
dolor, Job, xxxiil, 19; (j.«oti|, flagellum, Ps. xxxn
(xxxi), 10; wXïÎy'1, dolor, Is., lui, 3; Lam.,i, 12, la souf-
J france; — tnassdh, pœna, Job, ix, 23, l'épreuve; —
ma'âsêbâh, Xûmj, dolor, Is., L, 11, la douleur; ^~
môsaq, (rrevox«>pi'«, angustia, Is., VIII, 22, la détresse;
— mâsôq, 8Xi'i|hç, angustia, Ps. cxix (cxvm), 143 ;
itoXiopxfa, angustia, Jer.,xix, 9,1'angoisse; — mesûqâh,
OXfyiç, angustia, Job, xv, 24, l'angoisse; — mâsôr,
GTevo/wpia, angustia, Deut., xxvm, 53, la détresse; —
mêsar, extyic, tribulatio, Ps. cxvm (cxvn), 5; Lam.,
I, 3, la tribulation ; —murdâf, iù.-î\^i\,persequens, Is.,
xiv, 6, la persécution; — mârûd, StwYt^ç, transgres-
tio, Lam., m, 19, la souffrance; — 'âmdl, xôtioç, labor,
Ps. xc (lxxxix), 10, la peine; — 'âsqâh, oSûvtj, vis,
Is., xxxviii, 14, la violence; — 'âôn, ïcra/eîa, pauper-
tas, Ps. xxxi (xxx), 11, la douleur; — 'ënûf, Serjuiç,
deprecatio, Ps. xxn (xxi), 25, la souffrance; — 'ônî,
TaTisivcixjiç, afflictio, Gen., xvi, 11; xaxù><7i<;, afflictio,
Deut., xvi, 3; 68ûtr,, luctus, Prov., xxxi, 5, la douleur;
cf. Gen., xxxv, 18; voir Benoni, t. i, col. 1603; —
'issâbôn, XiSroi, œrumna, Gen., m, 16, la souffrance de
l'enfantement; voir Enfantement, t. il, col. 1792; —
'açsébéf, <juvTpf|j.(jia, contritio, Ps. cxlvii (cxlvi), 3, la
blessure; — 'êséb, XOroi, dolor, Gen., IH, 16, les dou-
leurs de l'enfantement; — pîd, ira/>fi.a, ruina, Job,
xxxi, 29; ruina, Prov., xxiv, 22, le malheur; — sôq,
angustia, Dan., ix, 25, le malheur; — sôqâh, cttevo-
Xwpi'a, angustia, Is., xxx, 6, l'angoisse; —sar, àvày^,
8Xîi}/i?, tribulatio, Ps. lv, 2; xvm (xvn), 7; cvi (cv), 44,
la détresse; — sârâh, ÔXi'^lç, angustia, tribulatio,
Gen., xlii, 21; Ps. cxx (cxix), 1; Is., xxx, 6; à7topfa,
tribulatio, Is., vin, 22, l'angoisse ; — râ'âh, xâxov, ma-
lum, Gen., xix, 19; xxvi, 29; xliv, 4; III Reg., h, 44,
le mal qu'on faità un autre; — Sâv', ôSûvvi, labor, Job,
vu, 3; Is., xxx, 28, la souffrance; — So'âh, à7c<iXEia,
miseria, Is., xlvii, 11 ; Ps., lxiii(lxii), 10, le malheur;
— fô'âh, woavr), insidise, II Esd., iv, 8, le mal fait à
une ville. — On rencontre quelquefois plusieurs de
ces termes dans le même verset, Prov., i, 27 : 'êd,
xaTocorpo^ïi, interitus ; sârâh, 6X(i|/ic, tribulatio; sôq,
TtoXiopxi'a, angustia; Is., xlvii, 11 : râ'âh, àitwXeia,
malum ; hovâh, "caXamwp :a, calamitas; so'âh, àitcoXeia,
miseria, etc. Voir Deuil, t. n, col. 1396; Mal, Maladie,
t. iv, col. 600, 611; Plaie, Ruine, Souffrance, Tour-
ment, t. v, col. 450; 1268, 1855, 2294.
II. Ses différentes espèces. — 1» Ses causes. —
Les tribulations ont pour cause première Dieu, qui les
envoie ou qui les permet. Il les envoie pour châtier les
hommes en particulier ou les nations, il les permet
pour éprouver, améliorer ou convertir les âmes. Il se
sert dans ce but du démon, à la malice duquel il fixe
des limites, des hommes, qui se font persécuteurs de
leurs semblables, ou des forces de la nature, qui
peuvent constituer en certaines circonstances des
fléaux généraux ou particuliers. L'homme est naturel-
lement sensible à tous ces genres de tribulations. Après
le péché, beaucoup de maux ont été déchaînés contre
l'homme, Gen., m, 16-19, qui a grand'peine à se dé-
fendre contre eux, n'y réussit pas toujours et finit par
succomber à la mort. Les tribulations ont donc des
causes variées et elles produisent des effets différents,
qui permettent de les classer en plusieurs catégories.
2» Les châtiments. — Le mal enfante le malheur.
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TRIBULATION
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Job, xv, 35. A la suite du péché commis par les pre-
miers parents, la souffrance a été infligée à la femme,
surtout quand elle doit enfanter, le travail a été rendu
pénible pour l'homme et la mort a été introduite dans
l'humanité. Gen., m, 16-19. Le déluge fut un châtiment
motivé par la méchanceté des hommes. Gen., vi, 5-7.
Sodome et les autres villes furent détruites par une
catastrophe soudaine, à cause des crimes qui s'y com-
mettaient. Gen., xix, 4-28. Les plaies d'Egypte furent
le châtiment de la persécution exercée par les Egyptiens
contre les Hébreux. Exod., vu, 1-xil, 51. A plusieurs
reprises, pendant le voyage à travers le désert, les Hé-
breux eux-mêmes sont châtiés, à cause de leurs mur-
mures et de leurs révoltes. Num., xi, 33; -xiv, 21-35;
xvi, 28-35; xxi, 6; xxv, 9. Il leur est annoncé que
leurs transgressions attireront sur eux les plus graves
châtiments. Deut., xxvin, 15-68. Pendant la période
des Juges, l'oppression étrangère, plusieurs fois renou-
velée, est la conséquence des infidélités d'Israël. La
victoire remportée par les Philistins châtie la faiblesse
d'Héli et les prévarications de ses lils. IReg., Il, 27-36.
Sous les rois, les mêmes causes produisent souvent les
mêmes effets. Ainsi en est-il sous Saùl, I Reg., xxxi, 1-
10, sous Roboam, III Reg., xn, 20; xiv, 25, 26 ; etc.' La
destruction du royaume d'Israël et la déportation de
ses habitants est le châtiment de l'idolâtrie des Israé-
lites. IV Reg., xvn, 7-23. La même cause entraîne le
même effet pourle royaume de Juda. II Par., xxxm, 9,
10; xxxvi, 14-16; Lam., m, 37-45. L'auteur du second
livre des Machabées, vi, 12-16, confesse que les cala-
mités qui ont accablé les Juifs, sous la domination
syrienne, ont été une punition, et il ajoute que la ra-
pidité du châtiment est une marque de grande bonté
de la part de Dieu. « En effet, le souverain Maître,
pour punir les autres nations, attend avec patience
qu'elles aient comblé la mesure des iniquités; ce n'est
pas ainsi qu'il a jugé à propos d'en agir avec nous, afin
de n'avoir pas à exercer sur nous sa vengeance, quand
nos péchés auront atteint leur pleine mesure. » Cepen-
dant, l'opposition des Juifs à leur Messie devient telle
que le Sauveur en vient à leur dire : « Comblez donc
la mesure de vos pères! » Matth., xxm, 32. Ils le font
en condamnant et en mettant à mort le Fils de Dieu.
La ruine de Jérusalem et de la nationalité juive et le
rejet définitif de l'ancienne race élue sont la consé-
quence de ce dernier forfait. Matth., xxm, 37-39 ; xxiv,
5-10; Marc, xm, 6-13; Luc, xxi, 10-24. De leur côté,
les prophètes ont prédit les châtiments qui durent
frapper les peuples ennemis et persécuteurs d'Israël,
Égyptiens, Assyriens, Babyloniens, Syriens, etc., et
leurs prédictions se sont accomplies d'autant plus exac-
tement que, ' pour les nations qui n'ont qu'une exis-
tence temporelle, la justice doit nécessairement s'exer-
cer sur la terre. — Ce qui est vrai des nations l'est
également pour chaque homme en particulier. Le péché
appelle nécessairement la réparation ou le châtiment,
et habituellement « ce qui sert à l'homme pour pécher
sert aussi à son châtiment. » Sap.,xi, 15. « Le méchant,
durant tous ses jours, est rongé par l'angoisse... Au sein
de la paix, il voit fondre sur lui la ruine, ...la détresse
et l'angoisse tombent sur lui. » Job, xv, 20-24. « Qui
sème l'injustice, moissonne le malheur. » Prov., xxn,
8. Le châtiment frappe donc les coupables, Caïn, Gen.,
iv, 11, 12, Cham, Gen., ix, 25, Sichem, Gen., xxxiv,
2-31, Marie, sœur de Moïse, Num.,xn, 10, Saiil, I Reg.,
xiii, 13; xv, 26, David, II Reg., xii, 11; xxiv, 10-14,
Salomon, III Reg., xi, 11, Jéroboam, III Reg., xiv, 10-
12, Jézabel, IHReg., xxi, 23, 24, Joram, IV Reg., IX, 25,
Âthalie, IV Reg., xi, 16, Ozias, II Par., xxvi, 19, Aman,
Esth., vu, 9, 10, Antiochus Épiphane, II Mach., ix, 5-
29, Judas, Matth, xxvn, 5 ; Act., ï, 18, Ananie et Sa-
phire, Act., v, 5, 10, Hérode Agrippa, Act., xn, 21-23, etc.
Le châtiment est infligé au serviteur impitoyable,
Matth., xvm, 34, au serviteur brutal et infidèle, Luc,
xn, 46, 47, aux vignerons homicides, Luc, xx, 16, etc.
— Bien que la tribulation soit la juste rémunération
du péché sur la terre, il n'est point rare que le pécheur
jouisse de la prospérité ici-bas. Ceux qui vivaient sous
le régime de l'Ancien Testament s'en étonnaient et
parfois même s'en scandalisaient, parce que les récom-
pences temporelles avaient été formellement promises,
aux justes, et le malheur annoncé aux impies. Les
amis de Job soutiennent contre lui, comme une règle
sans exception, que le malheur est le signe et le châ-
timent de la méchanceté. Asaph s'étonne aussi du bon-
heur des méchants :
Pour eux, point de douleurs jusqu'à la mort;
Leur corps est plein de vigueur,
Ils n'ont point part au labeur des mortels,
Ils ne sont point frappés comme le reste des hommes.
Ps. lxxiii (lxxii), 4, 5.
L'étonnement cesse quand, au lieu d'attendre le
triomphe de la justice dans la vie présente, on observe
que ce triomphe n'aura lieu que dans la vie future.
Sap., iv, 7-v, 23. Voir Impie, t. m, col. 846. C'est ce que
le Sauveur met en lumière dans sa parabole du mau-
vais riche et du pauvre Lazare. Luc, xvi, 19-31. Les
maux de la vie sont donc souvent des châtiments, mais
il s'en faut qu'ils aient toujours ce caractère.
3" Les persécutions. — Ce sont des tribulations cau-
sées à l'homme par ses semblables, et habituellement
aux justes par les méchants. Les persécutions ont com-
mencé avec le péché. Abel a été persécuté par Caïn,
Gen., IV, 5-8, Jacob par Esaû, Gen., xxvn, 41-45,
Joseph par ses frères, Gen., xxxvn, 18-28, et par Pu-
tiphar, Gen., xxxix, 7-20, les Hébreux par les Égyp-
tiens, Exod., 1, 8-21, et par les différents peuples du pays
de Chanaan et des environs, Jud., m, 7-xvi, 31, David
par Saûl, I Reg., xvm, 10-xxvi, 25, Élie par Achab,
III Reg., xvm, 3-18, Naboth par jézabel, III Reg., xxi,
5-16, Zacharie par Joas, II Par., xxiv, 20-22, Jérémie par
Joakimetles faux prophètes, Jer., xxxvi-xxxvm, les Juifs
par les Samaritains, IEsd., iv, 1-24, etlespeuplesvoisins,
II Esd., IV, 7-23, puis par Antiochus Épiphane, I Mach.,
ï, 17-67; II Mach., v, 11-vn, 41; etc. Notre-Seigneur
fut en butte aux persécutions d'Hérode, Matth., n, 7-
18, et ensuite des Juifs, particulièrement des membres
du sanhédrin, qui le condamnèrent à mourir. Le même
sanhédrin persécuta les Apôtres, Act., iv, 1-12; v, 17-
42; VI, 9-60, XII, 1-17. Saint Paul, d'abord persécuteur,
I Tim., ï, 13; I Cor., xv, 9; Gai., ï, 13.; Phil., m, 6,
fut à son tour en butte à toutes sortes de persécutions
de la part des Juifs et des Gentils. Act., xm, 50; xx,
23; Rom., vin, 35; I Cor., iv, 12; xn, 10; II Cor., vu,
5; Gai., v, 11; II Tim., m, 11; I Thés., ni, 4. Les pre-
miers chrétiens furent persécutés, à peu près partout, à
l'instigation des Juifs. Act., IX, 30; xm, 45-51; xiv, 18;
xvn, 5-9; xvm, 12; xxi, 27-36; etc. Saint Paul félicite
les chrétiens de Thessalonique d'être restés fidèles au
milieu des persécutions et des tribulations. II Thess.,
I, 4. Par contre, les.judaïsants préféraient abandonner
la foi plutôt que d'être persécutés pourle Christ. Gai.,
VI, 12. — La persécution est une sorte de nécessité
dans la vie chrétienne. « Ils m'ont persécuté, ils vous
persécuteront, » dit le Sauveur. Joa., xv, 20. « Tous
ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus
auront à souffrir persécution, » ajoute saint Paul.
II Tim., m, 12. Aussi Notre-Seigneur annonce-t-il les
persécutions à ses disciples. Matth.. xxiv, 9; Luc, xxi,
12. Il proclame bienheureux ceux qui souffrent persé-
cution pour la justice, Matth., v, 10-12, et va jusqu'à
i recommander de prier pour les persécuteurs. Matth.,
v, 40; Rom., xn, 14. « C'est par beaucoup de tribula-
tions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. »
Act., xiv, 21; Gai., rv, 29. Mais il ne faut pas s'en
2313
TRIBULATION — TRIBUNAL
2314
émouvoir, I Thés., m, 3, comme ceux qui se scanda-
lisent de la tribulation, dès qu'elle apparaît, et en pren-
nent prétexte pour abandonner la vie chrétienne.
Matth., xiii, 21 ; Marc, iv, 17. On doit alors se compor-
ter avec patience, Rom., xn, 12, et même avec con-
fiance, car Jésus-Christ a vaincu le monde persécuteur,
Joa., xvi, 33, et lui-même est si présent à ses servi-
teurs qu'il tient comme infligées à sa propre personne
les persécutions dont ils ont à souffrir. Aussi dit-il à
Saul, qui s'imaginait ne poursuivre que des disciples :
« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » Act.,
ix, 4, 5. — La récompense des persécutés est assurée,
déjà même en ce monde et surtout en l'autre. Matth.,
v, 11, 12; Marc.,x, 30. Un jour le bonheur et la gloire
seront assurés à « ceux qui viennent de la grande
tribulation. » Apoc, vu, 14.
4° Les épreuves. — Les persécutions sont souvent des
épreuves que Dieu permet pour rendre les justes meil-
leurs et plus méritants. Il y a d'autres épreuves qui ré-
sultent soit des conditions mêmes de la vie hnmaine,
soit de l'intervention des esprits mauvais. Satan a été
la cause des épreuves de Job, et sa malice a été excitée
par la droiture et la piété du saint homme. Job, 1, 8.
Il a voulu traiter de même les Apôtres. Luc., xxil, 31.
Voir Satan, col. 1496. Mais la plupart des maux vien-
nent à l'homme de l'infirmité de sa nature. « L'homme
né de la femme vit peu de jours et il est rassasié de
misères. » Job, xiv, 1. 11 éprouve ici-bas « bien des
détresses, bien des souffrances, d Ps. lxxi(lxx), 20. Les
années de Phomme s'élèvent à soixante-dix ans et
pour les plus forts à quatre-vingts, « et leur splendeur
n'est que peine et misère. » Ps. xc (lxxxix), 10. « Tous
ses jours ne sont que douleur, ses occupations que
chagrins; la nuit même, son cœur ne repose pas. »
Eccle., Il, 23. Son bonheur n'est jamais complet :
« même dans le rire, le cœur trouve la douleur, et la
joie se termine par le deuil. » Prov., xiv, 13. Aussi
Jacob disait-il au pharaon d'Egypte : « Les années de
mon pèlerinage sont de cent trente ans : court et mau-
vais a été le temps des années de ma vie. » Gen., xlvii,
9. Saint Paul a laissé la longue énumération de toutes
les tribulations par lesquelles passait un prédicateur de
l'Évangile. II Cor., xi, 23-28. Les peines morales
s'ajoutent d'ailleurs à toutes les autres. Même quand il
veut le bien, l'homme se sent incapable de l'atteindre :
«Je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je hais...
Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que
je ne veux pas. » Rom., vu, 15, 19. Il désire être
délivré de ce corps de mort, Rom., vu, 24, et dit avec
Job, vu, 2-3:
Comme l'esclave soupire après l'ombre,
Comme l'ouvrier attend son salaire.
Ainsi j'ai eu en partage des mois de douleur,
Pour mon lot, des nuits de souffrances.
Notre-Seigneur a voulu partager la condition de
l'homme et connaître par expérience la pauvreté, la
faim, la soif, la fatigue, la souffrance et la mort, toutes
nos infirmités, pour nous ressembler, hormis le péché.
Hebr., iv, 15. Il a déclaré bienheureux ceux qui sont
pauvres en esprit, ceux qui pleurent ou qui souffrent
persécution. Matth., v, 3-10. Les tribulations de la terre
ne sont donc que des maux relatifs dont il est possible de
tirer un plus grand bien. — Tout d'abord, elles servent
d'aiertissement à l'homme, pour le détourner du mal
« et le retirer de l'orgueil, afin de sauver son âme de
la mort. » Job, xxxm, 17, 18. Ensuite, elles contribuent
à l'expiation de ses péchés. Voir Pénitence, col. 39-40;
Satisfaction, col. 1496. Enfin, acceptées avec sou-
mission et courage, elles méritent la récompense éter-
nelle. Matth., v, 12; Luc, vi, 23. « Notre légère affliction
du momentprésent produit pour nous, au delà de toute
mesure, un poids éternel de gloire. » II Cor., iv, 17.
Voir Tentation, col. 2283. — Dieu d'ailleurs n'aban-
donne pas ses serviteurs en hutte à la tribulation, Il
vient en aide aux justes dans la détresse, Ps.xci(xc), 15;
II Cor., i, 4, et il les en tire au moment opportun,
Gen., xxv, 3; I Reg., x, 19; Tob., m, 21; Ps. ix, 10;
xxxn (xxxi), 7 ; xxxiv (xxxm), 5; cxxxvm (cxxxvil), 7 ;
Eccli., m, 17 ; 1s., xxxn, 2 ; Jer., xiv, 8, etc.
H. Lesêtre.
TRIBULE. Plusieurs exégètes identifient le tribulus
de la Vulgate avec une espèce de zygophillée, soit le
Tribulus terrestris, soit le Fagonia arabica. Peut-être
faut-il y voir plutôt un nom générique de plante épi-
neuse. De fait, il répond à plusieurs mots hébreux :
dans Gen., m, 18; Ose., x, 8, il traduit le mot dardar,
«centaurée »(t. h, col. 426). L'expression, Hebr.,vi, 8,
proferens spinas ac tribulos, est un souvenir de Genèse,
m, 18, et doit avoir le même sens. Dans Job, xxxi, 40,
tribulus est pris pour hoah, « chardon ». Dans Jud., vin,
7,16, il traduit barqanim, « ronces ». C'est probablement
dans ce dernier sens qu'il faut entendre le proverbe :
Cueille-t-on des raisins sur des épines
Ou des figues sur des ronces (de tribulis flous) 1 !
Matth., vil, 16.
car à la place de àxavBwv et TpîëoXwv, saint Luc donne
àxavSûv et (Jâxou (la ronce).
Quant à Eccli., xlhi, 21, o-xoXôtiov axpa, cacumina
tribulï,ï\ n'y a rien de semblable dans le texte hébreu
retrouvé. Au lieu des extrémités d'épines que forme le
givre en se congelant, l'hébreu porte qu'il produit des
fleurs pareilles au saphir. F. Vigouroux, La sainte Bible
polyglotte, t. v, p. 949. E. Levesque.
TRIBUN (Septante : yù.ià.^yjn ; Vulgate : tribunus),
officier supérieur exerçant un commandement dans la
légion romaine. Voir Armées, t. i, col. 994. — Comme,
à l'époque évangélique, la légion se composait de
6000 hommes et qu'au-dessous du commandant en chef,
consul, préteur, légat, etc., elle comptait six tribuns
militaires, on pouvait penser que chacun de ces der-
niers avait mille hommes directement sous ses ordres,
d'où le nom grec de ^iXtdcpxo?, «chef de mille ». Mais
il n'en était pas ainsi et les tribuns exerçaient à tour
de rôle le commandement sur toute la légion. — Un
tribun commandait à Jérusalem la cohorte de l'Antonia.
Joa., XVIII, 2. Au temps de saint Paul, le tribun Lysias
protégea l'Apôtre contre les Juifs ameutés. Act., xxi,
31-xxin, 30. Voir Lysias, t. iv, col. 458. — Par analogie,
la Vulgate donne le nom de « tribuns » aux èdrê 'alafîm,
« chefs de mille », établis par Moïse, Exod., xvm, 21 ;
Num., xxxi, 14, 48, 52; Deut., i, 15, à des officiers
royaux, I Reg., vm, 12; xvn, 18; xvm, 13; xxii, 7;
II Reg., (xvm, 1, à des chefs militaires, I Mach., m,
55; Apoc, vi, 15; xix, 19, et aux officiers d'Hérode
Antipas. Marc, vi, 21. H. Lesêtre.
TRIBUNAL (hébreu : kissê' ; Septante : {Sïma), lieu
où siège celui qui rend la justice. — Salomon s'était bâti
un portique du trône, où il rendait la justice, et un por-
tique du jugement. III Reg., vu, 7. A Jérusalem se trou-
vaient les tribunaux où l'on rendait les jugements dansles
affaires plus importantes. Ps. cxxn (cxxi), 5. Voir Juge-
ment, t. m, col. 1843. — Il est parlé des tribunaux du
gouverneur perse, à Jérusalem, II Esd., m, 7, de Lysias,
ministre syrien, à Ptolémaîde, II Mach., xiii, 26, de Pi-
late, à Jérusalem, Matth., xxvn, 19; Joa., xix, 13, de Gai-
lion, à Corinthe, Act., xvm, 12-17, et de Festusà Césarée,
Act., xxv, 6-17. Le tribunal romain se composait ordi-
nairement d'une estrade sur laquelle on plaçait le siège
du juge (fig. 522). Cette estrade occupait le fond de la
basilique, où l'on se réunissait pour les jugements, ou
se dressait en vue de la foule, quand la sentence devait
2315
TRIBUNAL — TRIBUT
2316
être rendue dehors, comme pour Notre-Seigneur. —
Tous les hommes auront à comparaître devant le tri-
522. — Tribunal.
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 613.
bunal du Christ, constitué juge des vivants et des morts.
Rom., xiv, 10; II Cor., v, 10. H. Lesêtre.
TRIBUT (hébreu : mas, maèèd', minhàh, ferûmâh ;
chaldéen: belô, midddh; Septante : <pôpoç, -zéXoq, Stopov ;
Vulgate : tributum, vectigal, munus), redevance payée
à un souverain étranger. Suivant la coutume orientale,
cette redevance prend assez souvent le nom de « pré-
sent », minhâh, (erûmdh, Scépov, munus, comme si
elle était purement volontaire.
1» Sous Josué et les Juges. — Il avait été prescrit de
soumettre au tribut les villes qui se rendraient aux
Israélites, ûeut., XX, 10. Les Chananéens furent assu-
jettis au tribut par les hommes de Manassé, Jos., xvn,
13, par ceux de Zabulon, Jud., i, 30, 33, 35, et en
général par les Israélites, qui aimèrent mieux les ran-
çonner que les chasser. Jud., I, 28. Au tribut s'ajoutait
ou se substituait parfois la corvée. Jos., xvi, 10. Voir
Corvée, t. n, col. 1031. — Il fut prédit à Issachar,
trop ami du repos, qu'il serait soumis au tribut. Gen.,
xliv, 15. En effet, la main indolente est destinée à
devenir tributaire. Prov., xn, 24.
2° Sous les rois. — Après avoir vaincu les Moabites,
David leur imposa un tribut ; il en fit autant pour les
Syriens. II Reg., vin, 2, 6. Salomon fit payer le tribut
à tous les peuples compris dans les limites de son
royaume. III Reg., iv, 21.. Les Philistins et les Arabes
étaient tributaires de Josaphat. II Par., xvn, 11. Le roi
d'Israël, Manahem, paya un tribut de 1 000 talents d'ar-
gent (8500000 fr.) à PhuJ, roi d'Assyrie. IV Reg., xv,
19-20. Les rois assyriens ne manquaient pas d'assu-
jettir au tribut les peuples qu'ils plaçaient sous leur
dépendance. Osée, roi d'Israël, payait tribut à Salma-
nasar. Quand il cessa de le payer pour se rapprocher
de l'Egypte, le roi d'Assyrie en profita pour détruire le
royaume d'Israël. IV Reg., xvn, 3-6. Jérusalem, elle
aussi, fut prise et rendue tributaire, Lam., i, 1. Les
Assyriens devaient payer tribut à leur tour. Is. xxxi,
8. — Au Messie, les rois de Tharsis et des îles, de Saba
et de Méroé, apporteront leurs tributs et leurs présents.
Ps. lxxii (lxxi), 10.
3° Sous les Perses. — Assuérus établit un tribut sur
tous les peuples qui dépendaient de sa domination.
Esth., x, 1. Quand les Juifs commencèrent à rebâtir
Jérusalem, leurs ennemis écrivirent à Artaxerxès I er que
cette ville, une fois relevée, ne voudrait plus payer ni
impôt ni tribut. I Esd., iv, 13. Le prince, constatant
qu'autrefois on payait tribut aux rois de Jérusalem, fit
surseoir aux travaux de reconstruction. I Esd., IV, 20.
Un nouveau décret d'Artaxerxès exempta des impôts
et des tributs les prêtres et les serviteurs du Temple.
I Esd., vu, 24. Plus tard, Darius ordonna qu'on prît
sur le produit des tributs pour l'achèvement du Temple.
I Esd., VI, 8.
4° Sous les Ptolémées et les Séleucides. — Alexandre
avait soumis au tribut un bon nombre de pays, de
nations et de souverains. I Mach., i, 5. Ses successeurs
procédèrent de même. Sous Ptolémée Evergète, le
grand-prêtre Oniàs II, qui était avare, négligea le
paiement d'un tribut de 20 talents (170000 fr.) par an.
Son neveu, Joseph, s'interposa pour le disculper.
Comme des spéculateurs syriens et phéniciens offraient
8000 talents (68000000 fr.) du fermage des impôts de
la Phénicie, de la Célésyrie, de la Samarie et de la
Judée, Joseph offrit le double, obtint 2000 soldats pour
se faire appuyer et exerça pendant vingt-deux ans avec
fermeté le poste de receveur des impôts. Cf. Josèphe,
Ant. jud., XII, iv, 1-6. — Les Romains, qui avaient
rendu tributaires l'Espagne et beaucoup de rois,
I Mach., vin, 2, 4, imposèrent un lourd tribut à An-
tiochus III le Grand. I Mach., vm, 7. Voir Antiochus
III, t. i, col. 691. Antiochus IV Épiphane, qui avait un
fort tribut à payer aux Romains, envoya à Jérusalem et
dans les villes de Judée un collecteur d'impôts qui
exerça toutes sortes de déprédations et de violences.
I Mach., i, 30-34. Comme ensuite les troubles suscités
dans le pays faisaient baisser considérablement le
produit des tributs, le roi résolut de se rendre en Perse,
afin d'y recueillir des ressources plus abondantes.
I Mach., m, 29-31. Pendant ce temps, un de ses géné-
raux, Nicanor, se flattait d'amasser le montant du tri-
but de 2000 talents (17 000000 fr.) dû aux Romains, en
faisant campagne contre les Juifs et en vendant les
nombreux captifs qu'il ferait, à raison de 90 pour un-
talent (8500 fr.). Mais il fut honteusement défait et
les mille marchands qu'il avait convoqués pour leur
vendre des Juifs durent s'en retourner comme ils
étaient venus. II Mach., vm, 10, 11, 34-36. Démétrius I«%
afin de s'attacher les Juifs, les déchargea des tributs
et de diverses autres redevances. I Mach., x, 29,31, 33;
xi, 35; xui, 39. On sait parAristote, Œconom., n, 1, i r
édit. Didot, t. I, p. 639, que les Séleucides exigeaient,
dans les pays de leur dépendance, des redevances « de
la terre, des produits du sol, du commerce, des douanes,
des troupeaux et d'autres choses. » Parmi ces autres
choses est mentionnée une capitation, ÈTtixqjiî.aiov,.
à laquelle Josèphe, Ant. jud., XIII, n, 3, fait allusion,
iiiïp xeçaXïiç êxâ<7T7)ç, et qui fut comprise dans la
décharge que Démétrius accorda aux Juifs. I Mach.,
x, 29. Antiochus VII Sidètes réclama plus tard à Simon
les tributs arriérés. Une victoire, remportée par les
fils de Simon sur le général syrien Cendébée, régla 1»
question. I Mach., XV, 30, 31; xvi, 8.
5° Sous Rérode. — Rien qu'Hérode le Grand fût
sous la dépendance assez étroite de Rome, il ne paraît
pas qu'il ait été tributaire régulier des Romains. Sans
doute, Pompée avait levé un tribut sur la Judée,.
Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 4; Bell, jud., I, vil, 6;
César avait réglementé le tribut juif par une séria
d'édits, Ant. jud., XIV, x, 5, et Antoine avait exigé un
tribut d'Hérode lui-même, au moment de sa promo-
tion à la dignité royale. Cf. Appien, Bell, av., v, 75.
Mais, à l'époque d'Auguste, il n'est plus question d'au-
cun tribut. On l'infère de ce fait que Josèphe, si bien
informé de l'histoire d'Hérode, ne fait allusion à aucun
paiement de tribut. Tout au contraire, il présente celui
qui fut établi en l'an 7 après J.-C. comme une inno-
vation et une charge inouïe pour les Juifs. Cf. Josèphe,
Bell, jud., II, vm, 1; xvn, 8; Schûrer, Geschichte des
jûd. Volkes, t. i, p. 530-533. A la mort d'Hérode, les
Juifs réclamèrent vivement une diminution des impôts
2317
TRIBUT — TRISTESSE
2318
levés par ce prince, mais ils ne firent aucune mention
d'un tribut romain. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 2.
• 6° Sous les procurateurs. — Le recensement de
Cyrinus eut pour but de préparer l'administration
directe de la Judée par les Romains. Il fallait, entre
autres mesures, déterminer le chiffre des impôts et
des tributs. Voir Cyrinus, t. n, col. 1189. Le cens
romain, imposé aux provinces, comprenait deux impôts
directs : le tributum soli ou agri, qui se payait soit
en nature, soit en argent, et le tributum capitis ou
tribut par tête. Cf. Digest., L, 15, 8, 7 ; Appien, Libyca,
135; Dion Cassius, lxii, 3; Tertullien, Apologet., 13,
t; i, col. 346. En Syrie, ce dernier tribut pesait égale-
ment sur les femmes et sur les esclaves. Les hommes
y étaient obligés à partir de 14- ans, les femmes à
partir de 12, et tous jusqu'à l'âge de 65 ans. Cf. Digest.,
L, xv, 3. La perception de ces tributs se faisait par les
publicains. Voir Publicains, t, v, col. 858. Le montant
s'en ajoutait aux autres redevances auxquelles les Juifs
étaient assujettis. Voir Capitation , t. n, col. 213; Cens,
col.422; Dîme, col. 1431; Impôts, t. m, col. 851. -
Dans le Nouveau Testament, il. est fait quelques allu-
sions aux tributs. Ils sont payés aux rois, non par leurs
fils, mais par des étrangers. Matth., xvn, 24, 25. Le
Sauveur, interrogé par des pharisiens et des hérodiens,
leur déclara que le tribut devait être payé à César,
dont la monnaie circulait parmi eux. Marc, xn, 14 ;
Luc, xx, 22. Cette déclaration formelle n'empêcha pas
les membres du sanhédrin de l'accuser devant Pilate
de défendre le paiement des tributs à César. Le pro-
curateur ne tint aucun compte de cette accusation.
Luc, xxnr, 2. — Saint Paul, recommandant la sou-
mission aux puissances établies, veut qu'on s'acquitte
envers elles de ce qui leur est dû, <p<5poç. tributum, et
téXoc, vectigal. Rom., xm, 1-7. Le premier terme
désigne les tributs. Le mot T éXo; s'applique aux droits
de douane et aux autres droits analogues, et le mot
vectigal à la fois aux tributs et aux impôts en général.
H. Lesêtre.
TRICLINIUM, mot qui désigne littéralement une
table où, pour manger, les convives s'asseyaient sur
trois lits. Voir Architriclinus, t. i, fig. 248, col. 935.
LaVulgate emploie trois fois le mot triclinium, I Reg.
(Sam.), ix, 22, pour rendre liëkdfâh, in conclave, où
Samuel donne un repas au jeune Saùl; IV Reg., xi,
2, pour traduire frâdar ham-mittôt, « chambre des
lits, gynécée », etEsther, n, 13, pour désigner le palais
où vivaient les jeunes filles qui, comme Esther, avaient
été choisies pour devenir les femmes du roi de Perse.
Le mot triclinium n'est doncjamais employé dans son
sens propre dans notre version latine.
TRIPOLI (grec : TptitoXi;)> ville de Phénicie, au-
jourd'hui Taraboulous. Elle est située sur la côte de
Syrie, au nord de Sidon, entre Byblos et Aradus, au
pied de la partie la plus haute de la chaîne du Liban,
dans un pays très fertile, qui ressemble à un jardin
fruitier (fig. 523). Elle avait reçu le nom de Tripoli
ou « les trois villes », parce qu'elle était composée de
trois colonies distinctes, des villes de Sidon, de Tyr et
d'Aradus. L'Ecriture la mentionne une fois, à l'époque
des Machabées. C'est au port de Tripoli que le roi de
Syrie. Démétrius I er , fils de Séleucus IV, s'embarqua,
II Mach., xiv, 1, probablement pour aller débarquer
à Séleucie, à l'embouchure de l'Oronte, et atteindre par
là Antioche, lorsqu'il s'échappa de Rome, où il était
otage, afin de s'efforcer de recouvrer le trône de ses
pères. Voir Démétrius I", t. n, col. 1358. Cf. Le Camus,
Notre voyage aux pays bibliques, 1890, t. m, p. 1-8.
TRIREME (grec : tp^pin;), navire à trois rangs de
rames. II Mach., iv, 20. Voir Navire, I, 6°, t. rv,
col. 1504.
TRISTESSE (hébreu : mar', roa' ; Septante : lim),
mxpc'a, xovYipi'a ; Vulgate : tristitia, amaritudo), senti-
ment pénible que le malheur fait naître dans l'âme. —
La Sainte Écriture signale la tristesse des officiers du
pharaon dans leur prison, Gen., XL, 6, de Job accablé
par les épreuves, Job, vu, 11 ; x, 1, des parents de
Tobie encore sans descendance, Tob., vi, 5, d'Esdras et
de Néhemie, à la pensée des prévarications et des
maux du peuple, I Esd., ix, 4; II Esd., h, 2, du Psal-
miste malheureux, Ps. xlii (xli), 6, 12 ; Ps. xlih (xlii),
2, 5, des Juifs persécutés, Esth., îx, 22, d'Antiochus
Épiphane contrarié dans ses projets, I Mach., vi, 4-13,
du riche auquel le Sauveur parle de renoncer à ses
biens, Matth., xix, 22; Marc, xiv, 34, des apôtres et
des disciples à cause des événements qui terminent la
vie de leur Maître, Luc, xxh, 45; xxiv, 17 ; Joa., xvi,
6, 20-22, de Notre-Segineur lui-même dontl'àme devient
Echelle
523. — Tripoli de Phénicie et ses environs.
« triste jusqu'à la mort », Matth., xxvi, 38 ; Marc, xiv,
34, de saint Paul à la pensée de ses compatriotes,
Rom., ix, 2, et à la suite de diverses épreuves, II Cor.,
n, 1-3; Phil., ii, 27, 28 ; etc. — La tristesse est causée
par des propos suspects, Prov., xxv, 23, par une mé-
chante femme, Eccli., xxv, 31, par le cœur pervers,
Eccli.,xxxvi, 22, par l'abandon d'un ami, Eccli., xxxvii,
2; etc. Les Juifs infidèles trouvaient triste le service
de Jéhovah. Mal., m, 14. Les pharisiens se composaient
un visage triste quand ils jeûnaient. Matth., vi, 16.
L'Ecclésiasté, vu, 3, dit que « mieux vaut la tristesse
que le rire, parce que le cœur peut être content malgré
un visage triste. » D'après les versions, « mieux vaut
la colère que le rire, car la tristesse du visage peut
améliorer le cœur, » à quoi la Vulgate ajoute « du
délinquant ». 11 est recommandé de ne pas trop se
laisser aller à la tristesse, Eccli., xxx, 22, 24, même
après un deuil. Eccli., xxxviii, 17-20. Il faut donner
sans causer de tristesseà celui qui reçoit, Eccli., xvm,
15, mais avec joie. II Cor., ix, 7. Il y a une tristesse
selon Dieu et une tristesse selon le monde. II Cor., vil,
10. Le chrétien doit vivre comme triste, mais toujours
joyeux, c'est-à-dire avec la joie qui vient de Dieu et en
renonçant à celle qui vient du monde. II Cor., vi, 10.
Saint Jacques, v, 13, assigne, comme remède à la tris-
tesse, la prière.
H. Lesêtre.
2319
TROADE
2320
TROADE (Nouveau Testament : Tpwâç), ville d'Asie
lineure (flg. 524), port de mer sur la côte nord-ouest
524. — Monnaie de Troade.
Troade tonrelée. COL.AV.TROA. — ïj. COL • A.VG • TRO.
Cheval broutant.
de la Mysie, vis-à-vis de la petite lie de Ténédos, non
loin des lieux où s'éleva l'ancienne Troie ou Ilion.
Voir Mvsœ, carte, t. iv, fig. 388, col. 4368.
beaucoup de bienveillance, en la considérant comme
l'héritière de Troie, d'où, selon la légende célébrée par
Virgile, elle tirait elle-même son origine. D'après
Suétone, Cses., 79, Jules César aurait imaginé d'en
faire le siège de l'-empire et Auguste caressa peut-être
quelque idée semblable. Cf. Horace, Carm., m, 3, 57.
Quoi qu'il en soit, Auguste en fit une colonie romaine,
sous le nom de Colonia Augusta Alexandria Troas;
elle jouit du jus italicum avec les privilèges qui y
étaient attachés, imniunitas et libertas, affranchisse-
ment de divers impôts et indépendance du gouver-
neur de la province, de sorte qu'elle fut gouvernée par
ses propres magistrats, deux duoviri et un sénat de
decuriones. Elle était divisée en dix vici et ses citoyens
faisaient partie de la tribu Aniensis. Rubitschek, lmp.
rom. tribut, descript., p. 247. Grâce à ses faveurs et à
sa situation, elle devint une des villes les plus floris-
santes de la province d'Asie. Son port fut le centre des
525. — Ruines de Troade. D'après Choiseul-Gouffler, Voyage pittoresque dans l'empire ottoman, Atlas, in-f, 1842, pi. 39.
I. Elle fut bâtie après la mort d'Alexandre le Grand,
par un de ses généraux qui était devenu maître du
pays, Antigone. Il lui donna le nom d'Antigonia Troas
et la peupla au moyen des populations voisines.
Quelques années après, en 300 avant J.-C, Lysimaque
embellit la ville et l'appela 'AXsÇivêpeia i\ Tpoiâr,
Strabon, XIII, i, 26; Pline H. N., v, 33. Le Nouveau
Testament la désigne toujours sous le nom de Troas
tout court. Elle passa sous la domination des rois
séleucides de Syrie; quelques-unes des monnaies
d'Antiochus II Théos (261-246 avant J.-C.) furent frap-
pées à Troade. Elle fut indépendante pendant un cer-
tain temps ou jouit au moins d'une certaine liberté,
puisqu'elle battit monnaie de 164 à 65 environ avant
J.-C. Plusieurs tétradrachmes de cette époque portent
le nom AAEEANAPEQN avec la tête et le nom
d'Apollon Sminthéen. Elle passa, en 133 avant notre
ère, sous la domination de Rome, qui la traita avec
communications entre l'Asie et la Macédoine. Act., xvi,
8; xx, 5; II Cor., il, 12. Elle continua à hanter l'imagi-
nation romaine pendant les premiers siècles de notre
ère. Quand Constantin voulut transférer en Orient la
capitale de l'Empire, il pensa à l'établira Troade, avant
de choisir Byzance-Constantinople. Zoiime, Hist., n, 30,
édit. de Bonn, 1837, p. 95; Zonaras, Annal., XIII, 3,
t. cxxxiv, col. 1105. Encore aujourd'hui, les ruines de
Troade portent le nom de Eski-Stambûl ou Vieille-
Constantinople.Ses restes sont considérables (fig. 525).
II. Troade était dans tout son éclat quand saint Paul y
arriva pour la première fois, pendant son second voyage
de missions. — 1° C'est là qu'il eut la vision qui le dé-
termina à aller prêcher en Macédoine et à commencer
ainsi l'évangélisation de l'Europe, Act., xvi, 8-10, qui
devait être si féconde. Il s'embarqua donc pour la
Macédoine et prêcha bientôt après à Philippes et à
Thessalonique. — 2" L'Apôtre passa de nouveau à
2321
TROADE
TROMPETTE
2322
Troade en se rendant d'Éphèse en Macédoine. II Cor.,
n,12-13. Il voulait évangéliser les habitants de la ville et
y retrouver Tite, mais son disciple n'étant pas venu, il
partit pour la Macédoine. — 3° Après avoir visité la
Grèce, il revint en Macédoine et se dirigea de là vers
Troade. Quelques-uns de ses compagnons l'y précé-
dèrent. Act., xx, 1-5. Il y avait déjà une chrétienté
dans cette ville. L'Apôtre y passa une semaine. Il devait
en repartir le lundi. Le dimanche soir, pendant qu'on
était réuni pour la célébration des saints mystères, il
adressa la parole aux fidèles et continua son discours
jusqu'au milieu de la nuit. Un jeune homme nommé
Eutyque s'endormit sur une fenêtre, tomba du troi-
sième étage et se tua. Paul le ressuscita, continua son
discours jusqu'à l'aube et se mit alors en route pour
Assos. Act., xx, 6-13. Voir Eutyque, t. n, col. 2057. —
4° Dans un de ses passages à Troade, saint Paul y avait
laissé, chez Carpus, voir t. n, col. 311, un manteau à
capuchon, pœnula, voir Manteau, t. iv, col. 665, 9°,
des livres et des parchemins. Voir Parchemin, t. iv,
col. 2161. Pendant sa captivité à Rome, l'Apôtre écrivit
à Timothéede lui rapporter ces objets de Troade, en ve-
nant le visiter. II Tim., rv, 13.
TROGLODYTES (hébreu : Sukkiyîm; Septante :
TpcoYo8iJTai; Alexandrinus : TpwyXoSO-ai), peuplade
ou tribu qui faisait partie, avec les Libyens et les
Éthiopiens, de l'armée de Sésac, quand ce pharaon
envahit la Palestine. II Par., xn, 3. Voir Sésac,
col. 1679. Les Sukkiyîm, d'après la signification de
leur nom, n'étaient pas des Troglodytes, c'est-à-dire des
habitants de cavernes, comme l'ont traduit les Septante
et la Vulgate, mais probablement des Scénites ou
nomades habitant sous la tente, comme leur nom
l'indique. Les anciennes versions en ont fait des
Troglodytes, peut-être parce que Pline, H.N., VI, xxxiv,
4, mentionne une ville (oppidum) appelée Suche parmi
les possessions troglodytes. Cf. to Soû^ou t'8p-jp.a, Stra-
bon, XVI, iv, 8. Gesenius, Thésaurus, p. 153, croit que
Sukkiyîm est un mot hébreu qu'on ne peut expliquer
que par in tentoriis viventes. Parmi les modernes,
Kautzsch, daris Riehm, Handwôrterbuch des bibl.
Alterthums, t. n, 1884, p. 1577, ainsi que Dillmann,
dans Schenkel, Bibel-Lexicon, t. I, 1869, p. 288, sont
portés à l'identifier avec Suakin, sur la mer Rouge,
et en font une peuplade éthiopienne, ibid., t. v,
p. 429. Cf. Calwer Bibellexicon, 1885, p. 911. Le Bibel-
■wôrterbuch de H. Guthe, 1893, p. 645, prétend que les
Sukkiyîm sont les habitants de Succoth (Téku), près
de Phithom. L'identification des Sukkiyîm est donc
obscure et incertaine. — Quoi qu'il en soit de ces auxi-
liaires de Sésac, l'Écriture parle ailleurs de véritables
Troglodytes qu'elle appelle Horî, Gen., xiv, 6; xxxvl,
20-30; Deut., n, 12, 22. Cf. I Par., I, 38-42. Cf. aussi
Job, xxx, 6. Voir Horréen, t. m, col. 757. Cf. F. Vigou-
roux, La sainte Bible polyglotte, t. m, 1902, p. 833.
TROGYLE (TpwyjXXtov ou TpojfjXiov, Trogilium),
promontoire rocheux situé à l'extrémité occidentale du
mont Mycale, sur la côte ionienne de l'Asie 'Mineure,
entre Éphèse au nord et Milet au sud, en face de l'Ile
de Samos, dont il n'est séparé que par un canal long
et étroit. Voir Ptolémée, V, II, 6; Strabon, XIV, 1, 13;
Pline, H. N., v, 31. Il est mentionné Act., xx, 15, dans
un certain nombre de manuscrits grecs (D, H, L,
M, etc.), où, après les mots Etç 2ip.ov, on lit : xat y.zi-
vzvTE? îv TpMyuXiu °u TpwyuXXîw, « étant demeurés
(c'est-à-dire nous étant arrêtés) à Trogyle ». Le Textus
receptus a adopté cette leçon, qu'on trouve aussi dans
les deux versions syriaques, le sahidique, l'arabe, le slave,
dans saint Chrysostome, In Act., hom. xliii, 1, t. lx,
col. 304, dans Œcumenius, In Act., xx, 15, t. cxxviii,
col. 256, etc. Mais elle est omise par les manuscrits les
plus importants, entre autres par x, A, B, C, E 2 , et éga-
lement par la Vulgate, l'éthiopien, l'araméen, le copte,
saint Jérôme, etc. Il est probable, comme le dit Ti-
schendorf, Novum Testant.' grsece, 8 e édit., Leipzig, t. n,
1872, p. 179, que c'est là une interpolation, mais très
ancienne, basée sans doute sur une tradition histo-
rique certaine. Divers exégètes, notamment Felten, Die
Apostelgeschichte ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1892, p. 376, et Belser, Beitrâge zur
Erklârung der Apostelgeschichte, in-8°, Fribourg-en-
Brisgau, 1897, p. 115, l'adoptent comme authentique.
Ce trait n'a rien que de très vraisemblable en lui-même.
Saint Paul se rendait alors par mer à Jérusalem, peu
de temps avant son arrestation dans cette ville. Le ba-
teau sur lequel il s'était embarqué, et qui naviguait
entre la rive asiatique et les îles voisines, put fort bien
être obligé de faire escale à Trogyle, soit que la nuit l'y
ait surpris, soit que le vent ait cessé tout à coup.
Cf. Ramsay, St. Paul the Traveller, in-8", 5 e édit.,
Londres, 1900, p. 292, 294. La navigation est très
compliquée dans ces parages. Non loin de la pointe
extrême du promontoire, existe un ancrage appelé
aujourd'hui « Port de saint Paul ». Voir Samos,
col. 1432; Milet, carte, n. 284, t. iv, col. 1086.
L. Fillion.
TROIS. Voir Nombre, vu, 30, t. iv, col. 1688.
TROIS TAVERNES, Act., xxvm, 15. Voir Ta-
vernes (Trois), col. 2016.
TROMM (TROMMIUS) Abraham, savant hollan-
dais, né le 23 août 1633, mort le 29 mai 1719. Il fut
pasteur à Harlem et à Groningue. On a de lui Concor-
dantise grsecx versionis vulgo dictée LXX interpre-
tum, 2 in-f», Ulrecht, 1718. Voir Concordances de
la Bible, t. n, col. 901-902. Il avait publié auparavant
une concordance pour la traduction flamande de l'An-
cien et du Nouveau Testament, Amsterdam, 1685-1692.
TROMPETTE (hébreu : Sôfâr, hâsôsërdh ; Sep-
tante : xepait'vTi, crâXiciy?; Vulgate : buccina, tuba),
instrument à vent, formé d'un tube auquel on fait
produire des sons au moyen de l'air insufflé.
I. Description de la trompette. — La trompette la
plus primitive, faite d'une corne d'animal, est désignée
dans la Bible par les noms de qérén, « corne », voir
Corne, 2, t. h, col. 1010; et de Sôfâr, son synonyme,
avec lequel il s'échange souvent. Jos., vi, 5, 8. Les
Septante traduisent Sôfâr et qérén par xepari'y/) et
oiimyZ, sans distinction. Josèphe emploie xépocç.
Ant. jud.,vi, 5. Cette trompette de corne est antérieure
à la trompette de métal, que l'Écriture mentionne à
partir de l'Exode, sons le nom de hâsôsërdh, aakm-f!;,
tuba. L'étymologie du terme hébreu est incertaine :
"lîin, « résonner » ; ou bien « étroit » ; yn, « diviser » (les
sons). Voir Musique, t. iv, col. 1348. Cf.^ôï-, «tailler,
diviser»; y^a^*., « rassembler ». Cette trompette est le
seul instrument musical dont s'occupe Moïse. Les
autres instruments furent introduits par David dans le
service divin; mais la trompette resta le seul instru-
ment sacré proprement dit, et, conformément à son
institution, l'usage en fut exclusivement réservé aux
prêtres. Nam., x, 2-9. Jouer de la trompette se disait
tdqa' êôfdr, Jer., vi,l,et tâqa' besôfâr, I Sam., xm, 3;
Is., xxvn, 10. MâSaq qérén, « tirer, prolonger le son de
la corne », Jos., VI, 5; Ose., v, 8. Tèqa' est le « son »
de la trompette, Ps. cl, 3 ; et taqô'a, la « trompette »
elle-même. Ezech., vu, 14. Par opposition, les sons
discontinus sont appelés (ërû'dh, « bruit, cri »; spécia-
lement les sons bruyants de la trompette, répétés comme
des cris. Num., xxix, 1; II Sam., VI, 15; Nam., x, 9.
On dit qôl sôfâr, le son, la « voix » de la trompette,
2323
TROMPETTE
2324
Exod., xix, 16; Ps. lxxxviii (lxxxvii), 6; II Sam., vi,
16. Les joueurs de trompettes sont les mahseserim
[mafrsôsërtm). I Par., xv, 24; II Par., v, 13.
Le texte cité des Nombres suppose un instrument
connu, sinon le législateur en décrirait la forme, les
dimensions, la matière, comme il le fait pour les autres
objets du mobilier sacré; la trompette du tabernacle
doit être l'instrument qui figure sur les monuments
égyptiens. D'ailleurs, les Hébreux emportaient d'Egypte
des vases et objets de métal précieux. Exod., xn, 35.
De plus, il est vraisemblable que. l'Assyrie fut aussi
tributaire de l'Egypte pour la trompette, alors que les
Grecs, puis les Romains, la reçurentdes Pélasges Tyrrhé-
niens, qui la tenaient des mêmes Égyptiens.
Au surplus, la description que donne Josèphe de la
trompette du Temple est pleinement confirmée par les
représentations monumentales. « La trompette, appelée
àffiicrpa, est une trompette droite de forme cylindrique,
en métal, longue de moins d'une coudée (la coudée
commune en Asie Mineure était de m 49; la coudée
égyptienne avait m 52 et la coudée grecque, m 44. Voir
Coudée, t. n, col. 1062). Son diamètre était à peu près
celui d'une grosse flûte syringe. Elle était munie d'une
embouchure et terminée par un pavillon, zwSmva, plus
«K-Sr'WtWP'i'ssia 1
526. — Trompette égyptienne. Musée du Louvre.
ou moins évasé. » Ant. jud., III, xi, 6. Les trompettes
égyptiennes sont généralement courtes, comme l'est
encore la trompette abyssinienne. Il en est figuré de
semblables sur les monnaies des Machabées et des
Hérodes. Toutefois, les trompettes de l'arc de Titus sont
deux tubes coniques allongés. Il y eut des trompettes
métalliques recourbées; enfin on possède des représen-
tations de trompettes droites dont le tuyau est renflé à
son milieu. Mais les types de fabrication ont peu changé .
Entre les spécimens égyptiens et assyriens, les diffé-
rences sont peu considérables. Cependant, en variant
la matière et les dimensions de leurs trompettes, les
Grecs obtinrent une famille d'instruments presque aussi
étendue que celle des flûtes. Voir Flûte, t. n, col. 2292.
La matière de ces instruments était le cuivre, le
bronze ou l'argent. Les deux trompettes mosaïques
furent faites d'argent massif, battu au marteau, qéséf
miqêâh, Num., x, 2; cf. II (IV) Reg., xn, 14 (13), soit
par honneur pour le service sacré, soit pour obtenir
une plus belle sonorité. On ne peut déterminer si les
trompettes employées hors du culte liturgique, par
exemple dans Osée, v, 8, étaient de cuivre, à la façon
de celles des Égyptiens et des Assyriens. Le métal était
réduit en lames et travaillé au marteau, suivant un
procédé de fabrication encore appliqué en Europe, au
moyen âge.
La trompette égyptienne du Musée du Louvre (fig. 526)
est peut-être le seul spécimen conservé en Europe. Elle
est en bronze doré et mesure m 54, deux centimètres
seulement de plus que la coudée égyptienne. Eprouvée
par V. Loret, L'Egypte au temps des Pharaons, Paris,
1889, p. 137, 138, cette trompette a donné la série d'har-
moniques :
8>
■3&z
ts~
Dépourvues de clefs et de soupapes, les trompettes
anciennes, forcément incomplètes au point de vue
mélodique, ne pouvaient avoir dans le concert instru-
mental le même usage que les flûtes et haubois, et
surtout que les instruments à cordes, dont les séries de
sons pouvaient être complètes pour chacune des diverses
gammes ou modes musicaux. C'est pourquoi, en dehors
de son emploi comme signal, nous voyons que la trom-
pette se joint aux instruments de percussion (fig. 527).
I Esd., m, 10. Voir I Par., xvi, 42. Elle concerte aussi
avec le Sôfâr. Ps. xcvm (xcvn), 6; Ose., v, 8. Dans la
fête du transport de l'Arche, les trompettes, les cymbales
et les tambourins figurent avec les harpes, les nables
et le chœur des chanteurs. I Par., xm, 8; xv, 24, 28.
Banaïas et Jaziel, prêtres, sont investis de la fonction
de joueurs de trompettes devant l'Arche. I Par., xvi, 6.
527. — Trompette et tambour égyptiens.
D'après Wilkinson, Manners, 1. 1, p. 456, fig. 224.
II. Usage de la trompette dans la Bible. — Les
trompettes du Tabernacle sont destinées à convoquer
le peuple, Num., x, 2, à annoncer les néoménies, les
fêtes, jr. 10. Ce sont les fils d'Aaron, les prêtres, qui
sonnent de la trompette dans les cérémonies religieuses.
Num.,x, 8. Cf. I Par., xv, 24, 28; xvi,6; II Par., vu, 6;
xm, 14; II Par., xxix, 28 ;I Esd., m, 10; II Esd., xn, 41.
La trompette sert aussi pour annoncer la guerre, Num.,
x, 9; Ezech., vu, 14; I Mach., iv, 40; v, 31, 34; xvi, 8 ;
Ose., v, 8; mais ce sont les prêtres qui la font entendre.
Num., xxxi, 6. On la trouve dans les solennités, par
exemple au couronnement de Joas. II (IV) Reg., il, 14;
II Par., xxiii, 13. Comme instrument sacerdotal, la
trompette faisait partie du mobilier sacré. Il(IV)Reg.,
su, 14; II Par., xm, 12; xxix, 26; I Esd., m, 10. Même
après l'introduction des instruments de musique dans
la liturgie hébraïque, la trompette conserva son emploi
sacré. Elle accompagnait l'offrande des sacrifices,
Num., x, 10, à part des chants et du jeu des autres
instruments. Dans le second temple, les deux prêtres
trompettes se tenaient, avec les joueurs de cymbales,
à droite et à gauche de l'autel des holocaustes, à dis-
tance des chanteurs. Leur sonnerie n'accompagnait pas
le chant, mais pouvait seulement, comme les instru-
ments de percussion, précéder, couper ou suivre l'exé-
cution des cantiques anciens, tels que ceux de l'Exode
et du Deutéronome. Les trompettes avaient en outre un
rôle semblable à celui de nos cloches d'église. On s'en
servait dans le second temple pour annoncer chaque
matin l'ouverture des portes, par une triple sonnerie,
2325
TROMPETTE — TROMPETTES (FÊTE DES)
2326
qui appelait les lévites et les serviteurs à leur office et
avertissait le peuple. On annonçait de même, le ven-
dredi, l'ouverture du sabbat, et les sacrifices du matin '
et du soir étaient accompagnés de neuf sonneries.
J. Weiss, Die musikalischen Instrumente in den
H. Schrifien, Graz, 1895, p. 97-98.
La trompette de corne, ou sôfâr, est employée comme
un signal ou un appel. I Sam., xm, 3; Is., xxvn, 13.
Elle annonce les néoménies, Ps. lxxxi (lxxx), 4 ; les
fêtes, Ps. xlvii (xlvi), 6; xcvm (xcvn), 6, cl, 3, le
sacre de Salomon, I (III) Reg., i, 39, le jubilé, Levit.,
xxv, 9. Elle sert aussi à la guerre. Jud., m, 27 ; Jer.,
VI, 1 ; Isaïe, xvm, 3 ; Job, xxxix, 24, 25. Ce sont encore
sept trompettes de corne, Sôfërôt hay-yôbèlîm, voir
Corne, t. n, col. 1011, que les prêtres font entendre
autour des murs de Jéricho, Jos., vi, 4-9, et que
Gédéon met aux mains de ses soldats. Jud., vm, 8.
Enfin un son de trompette très puissant, qôl Sôfâr hâ-
zâq më'ôd, se fait entendre au milieu du tonnerre et
des éclairs, au moment de la promulgation de la Loi.
Exod., xix, 16.
Le Sôfâr est le seul instrument ancien dont les Juifs
aient conservé l'usage, dans l'enceinte des synagogues,
aux deux fêtes du Premier de l'an et du Grand Par-
don, suivant le précepte du Lévitique, xxv, 9 [Sôfâr),
et xxm, 24 (terû'âh). On le sonne de trois manières.
La première sonnerie, appelée (eqî'âh, donne un son
prolongé, formé de la fondamentale suivie de sa quinte
supérieure :
=f=t
3=
ou encore de la quinte, puis de l'octave :
p. cresc. ff.
_Q_C£
Hli
^^=
La seconde sonnerie, ou (erâ'dh, qui alterne avec la
précédente, donne les deux premiers intervalles plu-
sieurs fois « répétés » :
fenT^^TT^
. Enfin, la dernière, dite êëbârîm, <n brisements », e st
un trille du son fondamental, terminé par sa quinte :
D'après S. Naumbourg, Agadat Schirim, Recueil de
chants religieux et populaires des Israélites, Paris,
1874, p. vi. Or, la formule musicale très simple de
cette sonnerie de trompette, analysée suivant les prin-
cipes de la musique orientale, appartient à un mode
mineur, et représente sous cette forme le noyau mélo-
dique sur lequel a été modulé l'hymne hébraïque de
la fête du Premier de l'an, 'Adonaî bëqôl Sôfâr, l'un
des plus beaux du répertoire ancien de la synagogue
orientale de Damas. Voir Musique, t. iv, col. 1356.
J. Parisot.
TROMPETTES (FÊTE DES) (hébreu: zikrôn ou
yôm (erû'dh; Seplante : (j.vr,(id<ruvov <ra).ii!YYwv ï|(jtipa
«rripairi'at ; Vulgate : memoriale clangentibus tubis,
dies , clangoris et tubarum), une des fêtes des Juifs.
1° Les prescriptions légales. — Cette fête se célébrait
le premier jour du mois de tiSri (septembre-octobre),
qui était le septième mois de l'année religieuse. Ce
jour devait être marqué par un repos solennel, un
rappel au son de la trompette, une assemblée sainte,
l'abstention des œuvres serviles et l'offrande de sacri-
fices particuliers. La sonnerie de trompettes était la
caractéristique de cette fête, appelée pour cette raison
zikrôn terû'âh, c< mémorial de retentissement », Lev.,
xxm, 24, 25, et, yôm terû'âh, « jour de retentisse-
ment ». On offrait en holocauste un jeune taureau, un
bélier et sept agneaux d'un an, accompagnés chacun
d'une offrande de fleur de farine pétrie à l'huile, 3/10
d'éphi (11 1. 65) pour le taureau, 2/10 (7 1. 77) pour
le bélier et 1/10 (3 1. 88) pour chaque agneau. On ajou-
tait un bouc en sacrifice pour le péché. Num., xxix,
1-6. Comme ce même jour était la néoménie du mois
de tiSri, voir Néoménie, t. iv, col. 1588, les sacrifices
de la fête s'ajoutaient à ceux de la néoménie et au
sacrifice perpétuel. Cf. I Esd., m, 6; II Esd., vm, 1. —
Il convenait que le premier jour de tiSri fût consacré à
Jéhovah d'une manière plus solennelle et plus complète
encore que le premier jour de chaque mois. Ce mois,
en effet, était particulièrement remarquable au point
de vue religieux, puisque la fête de l'Expiation se célé-
brait le dixième jour, et qu'à partir du quinzième on
solennisait pendant sept jours celle des Tabernacles,
Lev., xxm, 27, 34. Le son des trompettes représentait
la voix de Dieu, qui appelait son peuple à lui rendre
hommage et à le servir. Cf. Exod., xix, 16, 19; Is.,
LVHl, 1; Ose., vm, 1; Jo., Il, 1. La fête est appelée
zikrôn, « mémorial, rappel », sans doute pour une
raison qui est indiquée à propos de la guerre : « Vous
sonnerez des trompettes avec éclat, et vous serez rap-
pelés au souvenir de Jéhovah, votre Dieu, et vous serez
délivrés de vos ennemis. » Num., x, 9. Il y avait donc
là un signal spécialement destiné à faire souvenir le
peuple que Jéhovah serait toujours son protecteur, à con-
dition qu'on se rappelât qu'il fallait lui obéir. Mais sur-
touttiSri étaitle septième mois del'année religieuse, par
conséquent le mois sabbatique, et à ce titre il méritait
d'être inauguré plus solennellement que les autres. Il
marquait également le début des années sabbatiques et
jubilaires. Lev., xxv, 4, 9. Soa importance était donc
considérable à divers points de vue. Les sacrifices qu'on
offrait à la fête des Trompettes étaient les mêmes qu'aux
autres fêtes. Num., xxvm, 11-30. Leur signification ne
présentait donc rien de spécial. Cf. Bâhr, Symbolik
des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. u, p. 567,
592-601.
2° Les coutumes juives. — Elles sont consignées
dans le traité Rosch haschana de la Mischna. Comme
les néoménies ordinaires, la fête se célébrait durant
deux jours, à cause de la difficulté de déterminer à
temps la date de la néoménie pour toute la Palestine.
Voir t. iv, col. 1591. Mais le second jour de la fête était
aussi saint que le premier. Schabbath, xix, 5. On
apportait un soin spécial à la détermination de la néo-
ménie de tischri, à cause des fêtes qui dépendaient de
cette date. Néanmoins on s'arrangeait de manière
qu'elle ne tombât pas le premier, le quatrième ni le
sixième jour de la semaine. On ne voulait pas que la
fête de l'Expiation tombât le premier, le troisième ni
le sixième jour de la semaine. Cf. Reland, Antiquitates
sacrx, Utrecht, 1741, p. 247. Pour empêcher que le
dixième jour du mois fût un samedi, un lundi ou un
jeudi, il fallait éviter que le premier fût lui-même un
jeudi, un samedi ou un mardi. On se servait pour cette
fête du Sôfâr, ou corne de bélier, tandis qu'aux autres
néoménies et à la fête de l'Expiation on employait la
hâsosrâh. Voir Trompette, col. 2322. On sonnait de la
trompette du matin au soir ; mais si la fête tombait le
jour du sabbat, quand on n'avait pu faire autrement,
on ne sonnait qu'à Jérusalem. Rosch haschana, IV, 1.
— Nulle part, dans la Bible, le premier jour de tisri
n'est considéré comme le commencement de l'année.
Celle-ci commençait en nisdn. Exod., xn, 2. Ce fut
2327
TROMPETTES (FÊTE DES) — TROUPEAU
2328
seulement sous la domination macédonienne que les
Juifs, pour se conformer à l'usage grec, fixèrent le début
de leur année civile au premier jour de tisri, qui devint
ainsi rôs has-sânâh, « tête de l'année ». Voir Année,
t. i, col. 645-647. Mais la liturgie mosaïque de la fête
des Trompettes ne fait aucune allusion à cette circon-
stance, l'importance de tiSri lui venant surtout de ce
qu'il est le mois sabbatique. Le nom de Rosch hasehana,
que la Mischna donne à la fête des Trompettes, ne doit
donc pas faire illusion. — Cf. Reland, Antig. sacr.,
p. 255; Iken, Aniiquitates hebraicse, Brème, 1741,
p. 137-139, 325, 326. H. Lesêtre.
TRONC. Voir Ga.zophyla.cium, t. m, col. 134.
TRONE (hébreu: kissê' ; chaldéen : ftdrsê' ; Septante :
6p6voç; Vulgate : thronus), siège d'apparat à l'usage des
rois.
1» Le trône royal. — Salomon, devenu roi, prit
place sur son trône et fit asseoir sa mère sur un autre
trône, à sa droite. III Reg., Il, 19. Il se fit faire ensuite
un trône d'ivoire avec des ornements d'or pur. III
Reg., s, 18, 19. Voir Lion, t. iv, fig. 90, col. 278. Joa-
chin, captif à Babylone, fut placé par Évilmérodach
sur un trône, au-dessus du trône des autres rois
déportés comme lui. IV Reg., xxv, 28; Jer., lu, 32. —
Nabuchodonosor jurait par son trône d'exercer sa ven-
geance. Judith, i, 12. Jérémie, xlih, 10, prédit qu'un
jour le trône de Nabuchodonosor serait placé à Taph-
nès, en Egypte, sur des pierres qu'il venait lui-même
de faire disposer. Ce prince fut déposé de son trône
pendant sa folie. Dan., v, 20.
2° La royauté. — Le trône est pris parfois pour la
dignité royale de celui qui l'occupe. Dieu promit de
maintenir à jamais le trône de David. II Reg., ni, 10 ;
vu, 13, 16; III Reg., n, 33, 45; n, 6; vin, 20, 25;
I Par., xvii, 14 ; xxvm, 5 ; Ps. lxxxix (lxxxviii), 30, 38.
La femme de Thécué souhaitait que l'éloignement
d'Absalom ne nuisit pas au trône de David. II Reg., xiv,
9. Adonias tenta d'occuper ce trône, III Reg., i, 24, 27,
qui fut assuré à Salomon. III Reg., i, 47 ; m, 12 ; IX, 5;
x, 9; II Par., vi, 10, 16; vu, 18; ix, 8. Le trône de
David fut ensuite occupé par Joas, IV Reg., xi, 19, et
par toute une suite de rois. Jer., xm, 13 ; xxn, 2, 4.
Jérémie, xxxm, 17, 21, annonça qu'il ne manquerait
jamais de roi sur ce trône, ce qui se vérifia dans la
personne du Messie. — Le trône d'Israël fut assigné à
Jéhu pour quatre générations. IV Reg., x, 30 ; xv, 12.
— Un trône royal est affermi par la bonté et par la
justice. Prov., xx, 28; xxv, 5 ; xxix, 14.
3° Le trône de Dieu. — Comme Dieu est le Roi des
rois, un trône lui est attribué. Jérusalem est son trône
sur la terre. Jer., m, 17. Il a dans le ciel un trône de
justice et de majesté, Ps. ix, 5, 8; Eccli., i, 8, un trône
de saphir, Ezech., i, 26, et de flammes, Dan., vil, 9, où
il est béni. Dan., m, 54. Le Fils de Dieu occupe au
ciel un trône de grâce. Heb., i, 8; iv, 16. Saint Jean
fait souvent allusion au trône de Dieu. Apoc, I, 4; m,
21 ; iv, 5, 9, 10 ; v, 1-13 ; etc. — Notre-Seigneur défend
de jurer par le trône de Dieu, Matth., v, 34, parce que
c'est jurer par Dieu lui-même. Matth., xxm, 22.
4» Les trônes symboliques. — Dieu fait asseoir les
justes sur des trônes, comme les rois. Job, xxxvi, 7.
Les Apôtres siégeront un jour sur douze trônes, pour
juger les douze tribus d'Israël. Luc, xxn, 30. Les
vingt-quatre vieillards, représentant les douze chefs de
l'ancien peuple et les douze Apôtres, occupent des trônes
autour du trône de Dieu, dans le ciel. Apoc, iv, 4.
H. Lesêtre.
TROPH1ME (grec : Tpdqnnoç), compagnon de saint
Paul. Il était originaire d'Éphèse et païen de naissance.
Act., xxi, 28-29. Il fut un des compagnons de saint Paul,
à l'époque du troisième voyage de missions de l'Apôtre-
Il le suivit avec Tychique et quelques autres depuis la
Macédoine jusqu'à la province d'Asie. Act., XX, 4.
Tychique paraît n'être pas allé plus loin, mais Trophime
continua la route avec saint Paul jusqu'à Jérusalem et
là il devint l'occasion involontaire et inconsciente de
l'arrestation de l'Apôtre par les Juifs. Ceux-ci, très
irrités contre leur ancien coreligionnaire devenu l'une
des colonnes de l'Église naissante, voulaient se défaire
de sa personne et ils cherchèrent par conséquent à s'en
emparer. Pour justifier leur violence à son égard, les
Juifs d'Asie, ayant vu Paul dans le Temple, l'accusèrent
d'y avoir introduit, en violation de la loi, le gentil
Trophime, ce qui était inexact. Mais la foule soulevée
saisit Paul et il n'échappa à la mort que par l'inter-
vention du tribun romain, qui l'envoya ensuite au pro-
curateur romain, à Césarée. Que devint alors Trophime?
Son nom ne reparait plus qu'une fois, et longtemps
après, dans le Nouveau Testament. Dans sa seconde
lettre à Timothée, écrite peu de temps avant son martyre
à Rome, saint Paul dit à son disciple, II Tim., iv, 20,
qu'il a laissé « Trophime malade à Milet ». Ce dernier
avait donc accompagné son maître dans le voyage qu'il
avait fait en Orient entre sa première et sa seconde
captivité à Rome. L'Église d'Arles honore saint Tro-
phime comme son premier évêque. Saint Paul, après
sa délivrance de la première captivité de Rome, l'aurait
emmené comme un de ses compagnons en partant
pour l'Espagne et, en passant à Arles, il l'y aurait
institué évêque. VoirBaronius, Annal., adann. 62,' §4.
Que Trophime soit devenu évêque d'Arles à cette
époque, cela se concilie bien difficilement avec le
fait qu'un certain temps après, saint Paul fut obligé de
le laisser malade à Milet. II Tim., iv,20. « H est diffi-
cile, dit un savant historien de l'Église d'Arles, de fixer
précisément l'époque de la prédication de l'Évangile à
Arles. L. Bonnement, chanoine d'Arles, M émoires pour
servir à l'histoire de l'Église d'Arles, dans l'édition
Migne de Calmet, Dictionnaire de la Bible, 1846, t. iv,
col. 873... Des monuments respectables donnent [le titre
de fondateur] à saint Trophime... Il faut cependant
reconnaître que les monuments de l'histoire ne nous
apprennent presque rien de certain touchant les com-
bats et les conquêtes de notre premier apôtre. » On
célèbre sa fête, à Arles, le 29 décembre. Les grecs
l'honorent le 14 avril et disent qu'il eut la tête tranchée
à Rome, par ordre de Néron. Voir Acta sanctorum,
augusti t. i, p. 314.
TROUPEAU (hébreu : 'êdér; Septante ": (iouxoXtov,
« troupeau de bœufs », tioi'uvïi, 7rof(j.viov, « troupeau de
brebis et de chèvres », àyélri, « troupeau de porcs » ;
Vulgate : armentum, grex), assemblage de quadrupèdes
domestiques.
1» Au sens propre. — Abel fut le premier à faire
paître des troupeaux. Gen., iv, 4. Les patriarches, qui
menaient la vie nomade, étaient possesseurs de nom-
breux troupeaux. Comme de grands espaces étaient
nécessaires à la subsistance de ces troupeaux, les pro-
priétaires nomades se trouvaient dans la nécessité de
vivre à distance les uns des autres. Gen., xm, 8-11 ;
xxxvi, 6-8. Des disputes s'élevaient entre les bergers
de troupeaux différents, pour l'usage d'un pâturage ou
d'un puits. Gen., xm, 7:xxvi, 19-22. L'abreuvage des
troupeaux était en effet une question importante. Gen.,
xxix, 8; xxx, 38 ; Exod., n, 16; etc. Les troupeaux
étaient sous la garde des chiens. Job, xxx, 1. Le bouc
marchait à la tête, Jer., L, 8, et l'on faisait passer les
animaux sous la main pour les compter. Jer. , xxxm,
13. La disette effarait les troupeaux, Jo., i, 18, et le
lionceau épouvantait les brebis. Mich., v, 8. Les villes
ruinées devenaient des lieux de pacage pour les trou-
peaux. Is., xvn, 2 ; xxxn, 14; Soph., n, 14. Le maître
doit connaître l'état de son troupeau et en prendre soin.
2329
TROUPEAU
TRYPHON
2330
Prov v xxvn, 23. — En quittant l'Egypte, les Hébreux
emmenèrent avec eux tous leurs troupeaux au désert.
Exod., x, 26. Quand les Israélites réclamèrent un roi,
Samuel les avertit que celui-ci prendrait la dîme de
leurs troupeaux. I Reg., -vm, 17. David, II Reg., vu, 8;
I Par., xyii, 7, et Amos, vu, 15, menaient les troupeaux
quand le Seigneur les appela. Salomon fut possesseur
d'immenses troupeaux. Eccle., il, 7. Les armées
assyriennes menaient avec elles de nombreuxtroupeaux.
Judith, II, 8. Des bergers, qui gardaient leurs troupeaux
pendant la nuit, furent avertis par les anges de la nais-
sance du Sauveur. Luc, II, 8. Notre-Seigneur permit
aux démons de s'emparer d'un troupeau de porcs qu'ils
précipitèrent dans le lac de Tibériade. Matth., vin, 30;
Marc, v, 11 ; Luc, vm, 32. Voir Bœuf, t. i, col. 1826;
Brebis, col. 1911 ; Chèvre, t. n, col. 692.
2» Au sens figuré. — Les troupeaux sont naturelle-
ment l'image des peuples, conduits par leurs chefs qui
sont comme des pasteurs. Les Hébreux étaient comme
un troupeau que Dieu mena à travers le désert, Ps. lxxviii
(lxxvii), 52, et dont Moïse était le berger. Is., lxiii, 11.
Les Israélites sont fréquemment appelés le troupeau de
Jéhovah. Is., xl, 11 ; Jer., xm, 17, 20; xxiii, 1-3 ; xxxi,
10; li, 23; Bar., iv, 26; Mich., n, 12;Zach., ix, 16; x,
3 ; xi, 7-17. Les chefs du peuple sont les bergers de ce
troupeau, et souvent ils s'acquittent mal de leur fonc-
tion. Jer., x, 21; xxv, 34-36; l, 6; Ezech., xxxiv, 2-31 ;
Zach., x, 2. — Les Israélites étaient, en face'des Syriens,
comme deux petits troupeaux de chèvres. III Reg., xx,
27. Les enfants se multiplient, Job, xxi, 11, et Dieu
multipliera son peuple comme des troupeaux. Ezech.,
xxxvi, 37, 38. Les cheveux de l'Épouse sont comparés
à un troupeau de chèvres, et ses dents à un troupeau
de brebis tondues. Gant., iv, 1, 2; vi, 4, 5. — Notre-
Seigneur appelle aussi ses disciples un « petit trou-
peau », Luc, xn, 32, qui sera momentanément dispersé
quand le Pasteur sera frappé. Matth., xxvi, 31. Les
pasteurs de l'Église doivent veiller avec soin sur ce
troupeau. Act., xx, 28, 29. I Pet., v, 2, 3.
H. Lesêtre.
TRUELLE (Vulgate : trulla), instrument dont le
maçon se sert pour prendre et placer le mortier. — Ce
mot se lit deux fois dans la Vulgate. Une fois, il tra-
duit le pluriel yd'îm, qui veut dire * pelle ». IV Reg.,
xxv, 14. Le mot yâ'im, dont le singulier n'apparait
nulle part, a embarrassé les traducteurs. Il désigne un
des instruments en usage au sanctuaire. Il est ainsi
rendu dans les différents passages où il en est question :
Exod., xxvii, 3; xxxvm, 3 : xaXuxnfjp, « couvercle »,
forceps, « pince »; Num., iv, 14: xaXimnijp, fuscinula,
«fourchette »; III Reg., vil, 40, 45: 6£pu.ao-rpî;, « pince», I
scutra, <r plateau »; II Par., IV, 11 : xpedcYpa, creagra,
«fourchette»; II Par., IV, 16: àva\y]irnip, « vase à
puiser », creagra, IV. Reg., xxv, 14 : lau.ïv,qui n'a pas
de sens, Irulla; Jer., m, 18 : xpeâypa, creagra. Dans
le Targum, yd'îm désigne une pelle. — La Vulgate tra-
duit encore par trulla cœmentarii, « truelle de ma-
çon », le mot 'ânàk, dans Amos, vil, 7, 8. Les Septante
le rendent par àSâpiai;, « diamant ». Comme 'ânâk
signifie « plomb », on traduit ordinairement par « fil à
plomb ». Voir Fil a plomb, t. u, col. 2244. Knaben-
bauer, Proph. min., Paris, 1886, p. 314, suppose un
crépissage avec le plomb contenu dans la trulla, qui a
aussi le sens de «vase ». Le P. Condamin, Le prétendu
« fil à plomb » de la vision d'Amos, dans la Revue
biblique, 1900, p. 586-594, voit dans le 'ândk un métal
très dur, analogue au diamant des Septante, le fer,
symbole de la guerre, que le Seigneur va déchaîner sur
Israël. Pour V. Hoonacker,Xes douze petits prophètes,
Paris, 1908, p. 265-267, le 'ânâk désignerait 1' « afflic-
tion», d'après une racine arabe, ou même simplemeut le
« plomb », que Dieu veut mettre dans Israël afin de
l'avilir, comme on met du plomb dans un creuset con-
tenant des minerais divers dont on ne peut tirer parti.
En tous cas, on ne voit guère comment le mot hébreu
pourrait avoir le sens de « truelle ».
H. Lesêtre.
TRYPHÈNE (grec : Tpûçaiva), chrétienne de Rome,
que saint Paul salue dans son Epitre aux Romains,
xvi, 12. « Saluez, dit-il, Tryphène et Tryphose qui tra-
vaillent pour le [service du] Seigneur. » Ces deux
noms ont été retrouvés dans les inscriptions des colom-
baires de la maison des Césars à Rome. Corpus in-
sci'iptionum lalinarum, t. vi, n os 4866 (Tryphosa);
5035, 5343 (Tryphaena). Le nom de Tryphène, figure
aussi dans les Acta Pauli et Theclx, où « la reine
Tryphène » joue un rôle important à Antioche de
Pisidie. Une monnaie de Pisidie porte au droit
BASIAEQ2 IIOAEMQNOS et au revers BA2IAISSH2
TPÏ"*AINH2. Cette Tryphène était fille de Polémon,
roi d'une partie de la Lycaonie et de la Cilicie, femme
de Cotys, roi de Thrace, et mère d'un autre Polémon,
roi de Pont. Elle était arrière -petite -fille de Marc-
Antoine et parente éloignée de l'empereur Claude. Son
frère Polémon embrassa le judaïsme. Voir W. M. Ram-
say, The Church in the Roman Empire before A. D.
170, in-8°, Londres, 1893, p. 382.
TRYPHON (grec : Tpûçiov, « le dissolu »), usur-
pateur, roi de Syrie, 170-174 de l'ère des Séleucides,
528. — Monnaie d'argent de Tryphon, roi de Syrie.
Tête de Tryphon, à droite, diadémée. — i$. BASIAEQE ||
TPr*QNOE || AÏ"TOKPATOPO£. Dans une couronne, un casque
orné d'une corne. Monogramme.
142-139 avant J.-C. (fig. 528). Il s'appelait de son vrai
nom Diodote, Strabon, XVI, n, 10; Appien, Syr., 78, et,
d'après ce dernier, il prit le surnom de Tryphon en
s'emparant du pouvoir. Cf. Tite-Live, Epist., lui, lv.
Il était né à Casianes, place forte du district d'Apamée,
et il fut élevé à Apamée même. Strabon, XVI, n, 10.
Sous Alexandre Balas, il fut attaché à la cour. I Mach.,
xi, 39; Diodore, Fragm., xxi, dans Didot, Histor.
grsecor. Fragment., n, 17. Il semble avoir pris part,
vers la fin du régne de ce roi, à la conspiration desti-
née à livrer la Syrie à Ptolémée Philométor, roi
d'Egypte. Diodore, Fragm., xxi. Après la déchéance
d'Alexandre Balas, il se tourna d'abord vers Démé-
trius II Nicator, mais voyant son impopularité (Tite-
Live, Epist., lu; Justin, xxxvi, 1), il lui opposa le fils
d'Alexandre Balas, encore enfant, qui était élevé par
l'Arabe Émalchuel. I Mach., xi, 39. Celui-ci, après beau-
coup de résistance, avait fini par consentir à le confier
à ce dangereux protecteur. Voir Émalchuel, t. n,
col. 1714. Antiochus n'était encore qu'un enfant. Try-
phon se servit de lui pour combattre et chasser Démé-
trius II, qui s'était rendu impopulaire en Syrie, et il
gouverna sous le nom d'Antiochus VI, après s'être
emparé d'Antioche. I Mach., XI, 54-56. Il chercha à
s'attacher Jonathas Machabée, en le faisant confirmer
dans sa dignité de grand-prêtre par le roi, qui accom-
pagna cette faveur de plusieurs autres et de riches pré-
sents, f. 57-59. Voir Antiochus VI, t. i, col. 703. Cepen-
2331
TRYPHON — TUNIQUE
2332
dant Tryphon s'aperçut bientôt que Jonathas était trop
loyal pour se prêter à ses projets ambitieux; il s'em-
para de sa personne par trahison, et le mit finalement
à mort. IMach., xn, 39-49 ;xm, 12-24. Voir Jonathas 3,
t. m, col. 1623. Une fois débarrassé de celui qui pou-
vait être d'un puissant secours pour le jeune Antio-
chus VI, il se défit de son malheureux pupille, $à\u>,
dit le texte grec, I Mach., xni, 31 ; en faisant opérer
sur cet enfant de dix ans, dit Tite-Live, Epit., ly, une
opération chirurgicale mortelle, par les médecins qu'il
avait gagnés (170 avant J.-C). Tryphon prit alors le titre
de roi. Il exerça le pouvoir avec la cruauté, la cupidité,
la violence que présageaient ses antécédents. Sa tyran-
nie devait le rendre odieux à ses sujets. Il se montra
particulièrement rapace à l'égard des Juifs. Simon
Machabée eut recours alors contre lui à Démétrius II,
qui ne demanda pas mieux que de s'assurer un tel
auxiliaire contre son ennemi, I Mach., xm, 34-40, et
prépara une expédition pour combattre Tryphon. Mais,
étant allé en Médie pour se procurer des secours dont
il avait besoin pour sa campagne, Démétrius Nicator
fut fait prisonnier par un des généraux d'Arsace VI,
roi des Parthes, ou, selon le titre que lui donne l'Écri-
ture, « roi de Perse et de Médie ». I Mach., xiv, 1-3.
Voir Arsace VI, t. i, col. 1034. Le trône paraissait ainsi
assuré à Tryphon. Justin, xxxvi, 1; Diodore, Leg.,
xxxix. Celui-ci n'avait plus qu'à réduire les généraux
de Démétrius qui lui résistaient encore. Mais un adver-
saire plus dangereux se leva bientôt contre lui. Un
frère cadet du roi captif, connu depuis sous le nom
d'Antiochus VII Sidète, en apprenant à Rhodes, où il
était, le malheur arrivé à son aîné, s'empressa de
quitter l'Ile, pour tenter de ceindre sa couronne. Il
fut mal accueilli en Syrie, et n'eut pas d'abord le
succès qu'il avait espéré, à cause de la crainte qu'ins-
pirait Tryphon, mais sa belle-sœur Cléopâtre fit tourner
la fortune en sa faveur. Après avoir épousé Alexandre
Balas, elle était devenue la femme de Démétrius II et
possédait la ville de Séleucie. Pour la conserver, elle
offrit à son beau-frère de l'épouser, afin qu'il pût la
défendre contre Tryphon. Ce mariage mit Antiochus en
état d'attaquer l'usurpateur et lui amena de nombreux
partisans, qui abandonnèrent son ennemi. Celui-ci fut
réduit à s'enfuir à Dor, sur la côte de Phénicie.
Assiégé dans cette ville, il y fut serré de près. I Mach.,
xv, 10-14. Il n'eut d'autre ressource que de s'échapper
par mer pour aller se réfugier d'abord à Ptolémaïde,
Charax, Didot, Hist. grsec. fragm., t. m, n. 40, p. 644,
. puis à Orthosiade, I Mach., xv, 37, et enfin à Apamée,
où il fut de nouveau assiégé et où il périt, d'après Jo-
sèphe, Ant. jud., XIII, vu, 2. D'après Strabon, XIV, v,
2, Antiochus VII. l'obligea à se donner la mort à Cora-
césium. Cf. Appien, Syr., 68.
TRYPHOSE (grec : Tpuçùira), chrétienne de
Rome, saluée par saint Paul. Rom., xvi, 12. Voir Try-
phêne, col. 2330.
TSADÉ, s, ?, dix-huitième lettre de l'alphabet
hébreu. Les uns ont cru qu'elle représentait, sous son
ancienne forme phénicienne, voir Alphabet, t. i, col.
407-408, un hameçon; d'autres, une faulx ou une fau-
cille. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1143. — Le tsadé
est une sifflante dentale, qui se décompose en t et s.
Les Septante et, à leur suite, saint Jérôme, l'ont rendu
par une simple s, comme EaëatS!), pour Çeba'ôf; EeSe-
xtaç, pour §idqiydh; Siôtiv, §îdôn; Vulgate, Sabaoth,
Sedecias, Sidon, de sorte que, dans les versions, le
tsadé est rendu comme le samech, le sin et le schin.
TUBALCAIN (hébreu : Tùbal Qa'in; Septante :
& Q6êeX), Caïnite, fils de Lamech et de Sella. Gen. , iv, 22.
Il forgea toutes sortes d'ouvrages d'airain et de fer.
Vulgate : Fuit malleator et faber in cuncta opéra seris
etferri. C'est tout ce que l'Écriture nous apprend de
lui. Les rabbins ont raconté à son sujet diverses
légendes sans fondement. Josèphe, Ant. jud., I, n, 2,
dit que Tubaleaïn était distingué par sa force prodi- •
gieuse et par ses succès dans la guerre. On a donné de
son nom lesétymologies les plus diverses, mais aucune
ne s'impose. On a rapproché de Tubaleaïn les Thuba-
liens, qu'Ézéchiel, xxvn, 13, mentionne sous le nom de
Thubal, entre Javan (Vulgate: Grœcia) et Mosoch.
TUBIANÉENS (grec : Tovôuivot; Alexandrinus :
Touêeîvoi), habitants du pays de Tob. II Mach., xii, 17.
L'Écriture nomme ainsi des Juifs qui s'étaient établis
dans le pays de Tob et que Judas Machabée y rencontra
lorsqu'il poursuivait le général syrien Timothée, qu'il
avait pensé atteindre en cet endroit mais qui en était
déjà reparti. VoirToB, col. 2256; Characa, t. n, col. 577.
TUBIN.VoirTuBiANÉENS; Tob, col. 2256.
TUILE (grec : xÉpajio;; Vulgate: tegula), morceau
de terre cuite, ordinairement en forme de rectangle
ou de trapèze, et servant à la couverture des toits. Il
est possible que les, tuiles qui recouvraient les terrasses
de Palestine aient affecté la dimension et l'épaisseur
de dalles. — Pour descendre le paralytique devant
Notre-Seigneur,onfit une ouvertnre dans le toit. Marc,
II, 4. Saint Luc, v, 19, dit que l'on descendit le ma-
lade Stà râv v.Epâ[iwv, per tegulas. Cette expression
suppose des tuiles enlevées. Néanmoins, comme les
mots per tegulas, dans les classiques, signifient seu-
lement « à travers l'ouverture » ménagée au milieu d'un
atrium ou d'un péristyle, sans qu'il y ait eu déplace-
ment de tuiles, il se pourrait que saint Luc ait en vue
ce dernier sens et n'ait voulu parler que du trou pra-
tiqué par les porteurs. Cf. Rich, IHct. des antiq.
romaines et grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 627.
H. Lesêtre.
TUMEUR, excroissance qui se forme dansles tissus
du corps et peut être bénigne, quand elle ne gêne que
par son volume; ou maligne quand elle fait souffrir et
devient dangereuse. Moïse range les tumeurs parmi les
maux qui affligeront les Israélites infidèles. Sur le genre
de tumeurs auxquelles il fait allusion,voir Hémorroïdes,
t. m, col. 587 ; Ofalim, t. rv, col. 1757.
H. Lesêtre.
TUNIQUE, espèce de vêtement. Voir Vêtement.
I. Dans l'Ancien Testament. — En hébreu, plusieurs
mots servent à désigner ce que les versions appellent
« tunique ».
1» Ketànéf, y.iitiv, tunica, correspondant à l'assyrien
kitinnû, qui désigne un. vêtement de laine. Le kefônéf
est un vêtement assez étroit qui prend la forme du
corps. Dieu donne à Adam et Eve une tunique de peaux.
Gen., m, 21. Job, XXX, 18, se plaint que, par la vio-
lence du mal, son corps est tellement amaigri que son
vêtement a l'air d'une tunique. Cette tunique est à
l'usage d'Aaron et des prêtres, Exod., xxvm, 40; Lev.,
x, 5; xvi, 4, etc., de l'Épouse, Cant., v, 3, de l'inten-
dant Sobna. Is., xxil, 21. Joseph a un kefônét passîm,
vêtement qui descend jusqu'aux mains et aux pieds,
Xtttiv 7ioix£Xoi;, tunica polymita, tunique de diverses
couleurs. Gen., xxxvil, 3, 23, 32. C'était une tunique
de valeur supérieure aux tuniques ordinaires, puis-
qu'elle est la marque d'une tendresse particulière de la
part de Jacob. Thamar, sœur d'Absalom, portait une
tunique de même nom, yiTtbv xapitMtôç, tunique à
manches descendant aux poignets, tunica talaris, tu-
nique descendant aux talons. Il Reg., xm, 18, 19. Il y
a encore le ketônét tasbês, jtltwv y.O(rj(i6ô>Toç, une
tunique à franges, tunica et linea stricta, une tu-
nique de lin étroite, destinée à Aaron. Exod., xxvm,
2333
TUNIQUE
2334
4. — 2° Me'îl, probablement tunique de dessus, sans
manches, communément appelée par les versions
ShO.olc, pallium, chlamys, bien que cène soit pas un
manteau, comme l'indique l'usage qui lui est attribué
dans plusieurs passages. Voir Manteau, t. iv, col. 663.
C'est la tunique que la mère de Samuel fait chaque
année pour son jeune fils, I Reg., n, 19, celle de Job
II. Dans le Nouveau Testament. — 1° Notre-Sei-
gneur conseille à son disciple d'abandonner son man-
teau à qui lui prend sa tunique, Matth., v, 40; Luc,
VI, 29, c'est-à-dire d'être prêt à tous les sacrifices
plutôt qu'à celui de la paix et de la charité. Le prédi-
cateur de l'Évangile ne doit pas avoir deux tuniques,
Matth., x, 10; Marc, vi, 9; Luc, ix, 3, pour ne pas
529. — La sainte tunique d Argenteuil. — D'après A. Jacquemot.
Elle est représentée en noir sur une étoffe destinée à la soutenir.
530. — Le tissu de la sainte tunique.
D'après une photographie des Gobelins.
et de ses amis, initia, «rroVr,, vestimenta, vestes,
Job, i, 20; n, 12, de Samuel, I Reg., xv, 27; xxvni,
14, de Jonathas, ènôvSjrrj, tunica, I Reg., xvnr, 4, de
Saiil, I Reg., xxiv, 5, 12, et des filles du roi. II Reg.,
xhi, 18. — 3° Ma'âtâfâh, palliolum, tunique plus
ample à l'usage des femmes. Is., m, 22. — 4» Médév,
u.av£ûïi, tunica, sorte de casaque à l'usage d'Esdras.
I Esd., ix, 3. — 5° Pattîs, vestes, nom chaldéen des
tuniques que portent les trois jeunes hommes dans la
fournaise. Dan., m, 21. — Les versions traduisent en-
core par iiav5ij7;,£v8uu.:x, tunica stricta, tunique serrée,
le hâgôr que porte Joab, II Reg., xx, 8, mais ce mot
désigne une ceinture. I Reg., xvm, 4; Prov., xxxi, 24.
s'embarrasser du superflu. Celui qui a deux tuniques
doit en donner une à celui qui en manque. Luc, m,
11. A l'approche du siège de Jérusalem, il ne faudra
pas rentrer dans sa maison pour prendre sa tunique,
tant le danger sera pressant. Matth., xxiv, 18. La tu-
nique était donc un vêtement de dessus que l'on quit-
tait à la maison pour vaquer à différentes occupations
sur son toit. Les pêcheurs la quittaient pendant leur
travail. Joa., xxi, 7. Tabilha faisait des tuniques pour
les pauvres veuves. Aot., ix, 39. Saint Jude, 23, veut
que le chrétien haïsse « jusqu'à la tunique souillée par
la chair, » c'est-à-dire jusqu'aux apparences de la
corruption.
2335
TUNIQUE — TUTEUR
2336
2° La tunique du Sauveur était appaçoç, inconsutilis,
sans couture, par conséquent tissée d'une seule pièce
depuis le haut jusqu'en bas. Joa., six, 23. Elle était
ainsi à peu près semblable à celle des prêtres, dont
Josèphe, Ant. jud., III, vu, 4, fait cette description :
« C'est une tunique talaris, que nous appelons dans
notre langue iieeîp (me'îl)... Cette tunique ne se com-
pose pas de deux pièces, ayant des coutures sur les
épaules et sur les côtés; mais c'est un vêtement d'une
seule pièce, tissé danstoule sa longueur, que l'on entre
par le cou au moyen d'une ouverture en forme de
fente longitudinale allant depuis la poitrine jusqu'au
haut du dos, entre les épaules. On y ajoute un bord,
531. — La sainte tunique de Trêves.
D'après Friedlieb, Archéol. de la Passion, p. 377.
pour cacher la difformité de la fente. Elle a également
des ouvertures pour passer les mains. » Cf. Braun,
De vest. sacerd. hebrseor., Leyde, 1680, p. 342. Le
procédé employé pour fabriquer des vêtements sans
couture ne s'est pas perdu en Orient. Cf. Rosenmûller,
Dos alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. v,
p. 273. Il est clair qu'une tunique sans couture per-
drait toute sa valeur si on la divisait en plusieurs mor-
ceaux; aussi les soldats qui avaient crucifié le Sauveur
préférèrent-ils tirer la sienne au sort. — Il est à croire
que des disciples du Sauveur ont racheté ses vêtements
aux soldats. Cependant on ne possède à ce sujet aucun
document authentique qui soit antérieur au xi' siècle.
Des fragments de vêtements du Sauveur sont conservés
en différents endroits, particulièrement au Latran.
Mais les deux tuniques les plus célèbres sont celles
d'Argenteuil et de Trêves.
La tunique d'Argenteuil (fig. 529) mesurait l m 45 de
haut, quand elle était entière, elle avait une ouverture
au col et des manches. L'étoffe est un tissu de laine,
fabriqué sur un métier primitif, mais très régulier
(fig. 530). On y a reconnu, à l'analyse, des taches de
sang. La tunique de Trêves (fig. 531), également sans
couture, a été conservée entière. Elle mesure en hau-
teur 1<°48 par devant et l m 57 par derrière, en largeur
1 I °09 en bas et m 70 en haut, avec des manches larges
de m 33 et longues de m 46. Il est fort possible que
Notre-Seigneur ait porté plusieurs tuniques sans cou-
ture. On suppose que celle de Trêves était la tunique
de dessus, et celle d'Argenteuil la tunique de dessous.
Cf. £. Bessel, Geschichte des heiligen Rockes, Trêves,
1889 ; C. Willems, Der heilige Rock zu Trier, Trêves,
1891, trad. par Furcy Raynaud; La sainte robe de
N.-S. J.-C. àlTrèves, Trêves, 1891 ;Id., La sainte robe
de Trêves et la relique d'Argenteuil, Paris, 1894;
A. Jacquemot, La tunique sans couture de N.-S. J.-C,
conservée dans l'église d'Argenteuil, Lille, 1894;
J.-B. Vanel, Histoire de la sainte tunique d'Argen-
teuil (manuscrit de dom Wyard, bénédictin de Saint-
Maur du xvn e siècle), Paris, 1894; J. H. Friedlieb, Ar-
chéologie de la Passion, trad. Martin, Paris, 1897,
p. 358-381. H. Lesêtre.
TURBAN (hébreu : pe'êr; Septante : xi'Sapcç, [juTpa;
Vulgate : corona, coronula, vitta), espèce de coiffure.
Le turban de lin est attribué aux prêtres, concurrem-
ment avec la mitre, dout il ne devait pas différer beau-
coup, puisque les Septante les confondent. Voir Cidaris,
t. il, col. 750; Mitre, t. iv, col. 1135. La forme de cette
coiffure était celle d'une sorte de bonnet qui entourait
la tête et s'attachait par derrière. Voir t. v, fig. 172,
col. 647. La Vulgate l'appelle tantôt coronula, Exod.,
xxxix, 28, tantôt, vitta, Ezech., xliv, 18. En tous cas,
ce n'était pas une coiffure vulgaire, puisqu'elle servait
aux prêtres dans l'exercice de leurs fonctions sacrées.
Mais il est impossible de dire en quoi elle différait des
autres coiffures analogues. Voir Tiare, col. 2205. — Le
turban était aussi en usage dans la vie civile. Les
femmes élégantes le portaient. Is., m, 20. Il servait de
coiffure au nouveau marié. Is., lxi, 10. En rendant
pe'êr par 8ô?a, « gloire », et corona, Is., lxi, 3, les
versions donnent à entendre que c'était une coiffure de
fête, probablement pourvue de certains ornements.
Isaïe, lxi, 3, et Ezéchiel,xxiv, 17, 23, supposent que le
pe'êr se portait aux jours de joie et de paix, et rempla-
çait la cendre des jours de deuil. Dans les deux der-
niers passages d'iizéchiel, les Septante ne voient dans
le pe'êr qu'un agencement particulier de la chevelure,
Tpcxii[j.a, y.ûy.at. H. LESÊTRE.
TUTEUR'fgrec : èiuiTpÔ7uoç; Vulgate : procurator,
tutor), celui qui est chargé d'élever un mineur et de
gérer sa fortune. — Mardochée a rempli vis-à-vis d'Es-
ther le rôle de tuteur et de nourricier, 'omên. Esth.,
il, 7. Voir Nourricier, t. rv, col. 1699. — Lysias, pa-
rent d'Antiochus Eupator, fut le tuteur du jeune roi et
le régent du royaume. II Mach.,xi, 1; xm, 2; xiv, 2. —
Saint Paul dit que l'héritier encore enfant « est soumis
à des tuteurs, èirn-pônoi;, tutoribus, et à des curateurs,
oîxovô(j.ouç, actoribus, jusqu'au temps marqué par le
père. » Gai., iv, 2. Ces tuteurs et ces curateurs exercent
probablement leur charge après la mort du père qui,
de son vivant, prenait soin lui-même de l'éducation et
des intérêts de son enfant. C'est la loi qui fixait l'âge
de l'émancipation de l'héritier, ce qui porterait à con-
clure que les tuteurs sont ici de simples administrateurs
des biens ou des intendants aux pouvoirs desquels le
père, encore vivant, assigne le terme qu'il veut. Mais
rien ne prouve que saint Paul se réfère au droit ro-
main plutôt qu'au droit naturel, qui laissait au père le
pouvoir de fixer la durée de la tutelle. D'ailleurs, si le
père était encore vivant, il émanciperait son fils à
l'époque suggérée par les circonstances, tandis qu'il y a
2337
TUTEUR
TYR
2338
ici un « temps marqué à l'avance » ; irpo^suina, prsefi-
"nitum tenipus, qui a dû être réglé par le père avant
sa mort. L'Apôtre applique cette comparaison à l'huma-
nité, qui a été en état de servage, comme un héritier
en tutelle, pendant les siècles qui ont précédé, mais
qui entre en jouissance de l'héritage de salut, au mo-
ment librement fixé par les décrets divins. Cf. Cornely,
Epist. ad Galat., Paris, 1892, p. 591, 592; Pral, La
théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 251.
H. Lesètre.
TYCHIQUE (grec : Tjxixo?, nom qui a le même
sens en grec que Fortunatus et Félix en latin), com-
pagnon de saint Paul. — 1° Il était originaire de la pro-
vince d'Asie. Act., xx, 1, et il accompagna saint Paul
dans son troisième voyage de missions, f. 4, mais pas
d'une manière continue. Lorsque l'Apôtre se rendit à
Jérusalem avec Trophime, xxi, 29, Tychique resta en
Asie, probablement à Milet, xx, 15, 38. — 2" Pendant
l'emprisonnement de Paul à Rome, nous retrouvons
Tychique auprès de lui, sans que nous sachions précisé-
ment ce qu'il avait fait dans l'intervalle. Son maître
l'envoya auxColossiens, afin qu'il pût se rendre compte
de leur situation et l'en informer exactement, tout en
leurdonnant de ses nouvelles. Dans son Épitre, il le leur
présente comme un frère bien-aiméetun ministre fidèle,
serviteur comme lui du Seigneur, ainsi qu'Onésime,
leur compatriote, qui l'accompagne. Col., iv, 7-8. Ils
devaient porter l'un et l'autre la lettre que saint Paul
adressait aux Colossiens. — 3° Saint Paul avait chargé
aussi Tychique de porter aux Éphésiens l'Épitre qu'il
leur écrivait. Voir Éphésiens (épitre aux), t. n,
col. 1852. Il l'appelle de la même manière que dans
l'Épitre au* Colossiens, charissimus frater et fidelis
minister in Domino. Eph., iv, 21. — 4» Dans son
Épitre à Tite, m, 12, saint Paul lui annonce qu'il lui
enverra en Crète Tychique ou Artémas et il lui demande
de venir lui-même le rejoindre promptement à Nico-
polis, où il veut passer l'hiver. — 5° Dans sa seconde
Épitre à Timothée, écrite à Rome pendant son empri-
sonnement, saint Paul dit à son disciple, IV, 12,
qu'il a envoyé Tychique à Ephèse. Les commentateurs
ne sont pas d'accord sur l'époque précise de cette mis-
sion. — Le Nouveau Testament ne nous apprend pas
autre chose sur Tychique. Suivant la tradition, il
devint évêque de Chalcédoine en Bythinie. D'après le
Ménologe grec, au 8 décembre, il succéda à saint Sos-
thène, comme évêque de Colophon en Ionie. Voir Acla
sanctorum, t. m julii, p. 613.
TYMPANUM. Voir Tambour, col. 1982.
TYPIQUE (SENS), un des noms du Sens spiri-
tuel. Voir Sens de l'Écriture, h, 2, col. 1610; Spiri-
tuel (Sens), col. 1858.
TYR (hébreu : Sûr; Septante : Tûpo;; en assyrien :
Surru; iparra), aujourd'hui Sûr, ville de Phénicie, à
35 kilomètres au sud de Sidon, et à une distance un
peu moindre au nord de Saint-Jean-d'Acre, sur la Mé-
diterranée (fig. 532).
I. Situation. — Son nom, qui signifie « rocher », lui
vient de son emplacement. En effet, elle était bâtie, du
inoins en grande partie, sur un ilôt rocheux, alors
situé à environ 600 mètres du continent. Le papyrus
Anastasi I parle de Tyr comme d'une ville entourée
par les flots de la mer. Ézéchiel, xxvi, 4, 14, et xxvn,
4, dit aussi qu'elle s'élève « au cœur des mers », et
qu'après sa ruine elle sera semblable à « un rocher nu».
Cf. Is., xxiii, 4. Par sa situation, complétée par de
solides remparts, Tyr devint promptement une forte-
resse de premier ordre, Jos., xix, 29; II Reg., xxiv.
7, etc. Son territoire et celui de la tribu d'Aser étaient
limitrophes. Sa beauté et celle de ses alentours sont
DICT. DE LA BIBLE.
mentionnées plusieurs fois dans la Bible. Cf. Ezech.,
xxvn, 3, 4,10, 11; Ose., ix, 13. L'île tyrienne n'ayant
qu'une étendue restreinte (22 stades de périmètre,
c'est-à-dire environ 4000 mètres), on avait dû donner aux
maisons une élévation peu ordinaire chez les anciens ;
elles étaient plus hautes qu'à Rome. Strabon, XVI, Il
532. — Monnaie d'argent de Tyr.
Melkarth à cheval sur un hippocampe ai té; sous les flots, un
dauphin. — $. Chouette debout à droite portant le fléau et le
sceptre égyptien.
23. Manquant d'eau potable, elle s'en procura par
un système fort bien combiné de canaux, qui allaient
en chercher jusqu'aux sources abondantes du Ras-el-
Aïn, sur le continent, à environ une heure et demie
de marche de l'île, dans la direction du sud. Voir Mé-
nandre d'Ephèse, dans Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 1;
Arrien, Anabas., h, 20, etc. — Tyr (fig. 533) avait deux
ports naturels : l'un au nord, du côté de Sidon, et
nommé sidonien pour ce motif; l'autre au sud, le port
égyptien. Par des travaux considérables, dont on admire
encore les restes, on les avait abrités tout à la fois contre
le vent, les vagues et les ennemis extérieurs. Strabon,
533. — Plan de Tyr insulaire.
XVI, H, 23; Pline, H. N., v, 17; Arrien, Anab., il, 20
21. Cf. Ezech., xxvn, 3.
En face de la Tyr insulaire, dans la plaine peu large
(2 kil. seulement), mais très longue, qui s'étale entre
le rivage et les collines de l'est, voir le plan, fig. 535,
col. 2344, était construite la cité continentale, dont le
point central parait avoir été le rocher nommé aujour-
d'hui Tell-el-Machoûkh, et qui s'étendaitau sud, jusqu'au
Ras-el-Aîn. Elle dut être, aux jours les plus florissants
de son histoire, plus considérable encore que la ville
V. - 74
2339
TYR
2340
bâtie dans l'île. Les anciens historiens ou géographes
grecs et romains parlent d'elle sous les noms de Ila-
XatTvooç, 7] xâ).ai TOpo;, Vêtus Tyrus. Cf. Ménandre,
dans Josèphe, .Anf. jud. r IX, xiv, 2; Diodore de Sicile,
xvii, 40; Strabon, XVI, n, 24; Pline, H. N., v, 17;
Quinte-Curce, IV, il, 18; Justin, XI, x, II, etc. Pline
affirme que les deux villes réunies auraient eu un
périmètre de 19 milles romains (28 kil. 1/2) et une lar-
geur de 22 stades (4 kil.). Comme son nom même l'in-
dique, la ville continentale aurait été la plus ancienne.
L'emplacement de Palaetyr et l'époque de sa construc-
tion ont été de nos jours l'objet d'assez vives discussions.
Guthe, dans Realencylopàdie fur }frolest. Théologie,
3 e édit., t. xvin, p. 285. Voir la Tyr actuelle, fig. 534.
II. Le commerce et la richesse de Tyr, ses vices,
menaces de châtiments. — D'après la Bible, comme
au dire des écrivains classiques qui se sont occupés de
Tyr, cette ville était particulièrement renommée pour
son vaste commerce et pour les immenses richesses
qu'il lui procurait. Ses marins n'étaient pas moins
célèbres par leur hardiesse que par leur habileté, et
c'est grâce à eux surtout qu'elle était devenue, selon
le mot d'Isaïe, xxm, 3, « le marché des nations. »
Ézéchiel, xxvn, 12-27, commentant pour ainsi dire
cette parole, dresse une longue et éloquente nomencla-
ture des peuples avec lesquels Tyr était en relations
commerciales, et des marchandises qu'elle importait,
exportait et échangeait. Elle était vraiment, comme il
l'écrit, xxvn, 3, « le marchand de peuples d'îles nom-
breuses, » c'est-à-dire qu'elle trafiquait avec un grand
nombre de contrées. Au moyen de ses vaisseaux de
petites dimensions, qui, chargés de produits de toute
nature, longeaient les rives de la Méditerranée sans
en excepter une seule, remontaient le Nil, n'avaient
pas craint de franchir le détroit de Gibraltar et d'explo-
rer non seulement les îles Canaries et les côtes occi-
dentales de l'Afrique, mais même le littoral anglais,
elle avait fondé sur tous ces points des factoreries, des
centres commerciaux, des colonies. Elle entretenait
aussi un grand commerce par la voie de terre avec les
régions du nord et de l'orient. Elle était ainsi le trait
d'union des peuples et favorisait singulièrement l'in-
dustrie, la civilisation, les relations de contrée à con-
trée. En cela, elle envisageait avant tout son propre
profit. Si elle ne manifesta aucune envie de conquérir le
monde les aTnes à la main, elle chercha constamment
à s'enrichir le plus possible aux dépens des autres. Ses
produits spéciaux étaient le verre et la pourpre qui
portait son nom. Voir Phénicie, t. v, col. 233. 'Si les
prophètes hébreux signalent son opulence et sa grande
puissance, Is., xxm, 8; Ezech., xxvn, 25,33; xxvm, 5;
Zach., ix, 3, etc., ils n'oublient pas de lui reprocher
son orgueil, son luxe coupable, son avidité, sa ruse, et
de prédire les châtiments terribles que ces vices
devaient lui attirer de la part du Seigneur. Is., xxm,
8-14; Jer., xxv, 22; xxvn, 3; xlvii, 4; Ezech., xxvi, 2-
21; xxvn, 26-36; xxvm, 1-19. Cf. Matth., xi, 21-22;
Luc, x, 13-14.
III. Histoire. — L'histoire de Tyr, en tant qu'elle se
confond d'une manière générale avec celle des Phéni-
ciens, a été racontée plus haut. Voir Phénicie, col. 242-
247. Nous n'avons à en exposer ici que les traits par-
ticuliers les plus saillants.
1° Ses débuts sont très obscurs. Tyr remonte cer-
tainement à une haute antiquité, Is., xxm, 7; Strabon,
XVI, II, 22; mais ses origines, telles que les racontent
les anciens historiens, sont remplies de détails légen-
daires. C'est ainsi qu'Hérodote, n, 44, s'appuyant sur le
témoignage des prêtres du dieu tyrien Melkarth, fait
remonter sa fondation à l'année 2750 avant Jésus-Christ.
Il est frappant, sous ce rapport,' de constater que
Tyr n'est mentionnée nulle part dans le Pentateuque,
tandis que Sidon, qui fut tour à tour sa rivale, sa
suzeraine et sa vassale, est signalée dans la Table ethno-
graphique de la Genèse, x, 15. D'autre part, Josèphe;
An t. jud., VIII, m, 1, abaisse beaucoup trop l'origine
de Tyr, lorsqu'il affirme qu'elle ne fut bâtie que 240 ans
avant la construction du Temple de Salomon, vers
l'année 1250. Le passage biblique où elle fait sa pre-
mière apparition, Jos., XIX, 29, nous apprend qu'elle
était déjà une « ville forte » lorsque les Hébreux prirent
possession de la Terre Promise (environ 1450 av. J.-C).
Homère ne cite nulle part son nom. Cf. Strabon, XVI,
n, 22. Sur ses monnaies, Sidon se dit la « mère » de
Tyr comme de toutes les autres cités phéniciennes, et,
d'un autre côté, Isaïe, xxm, 12, nomme cette dernière
ville la « fille de Sidon »; mais ces termes sont géné-
raux, et ils ne signifient pas d'une manière absolue
que Tyr ait été fondée par Sidon. Elle existait depuis
longtemps déjà, lorsqu'elle fut « remplie par les mar-
chands de Sidon, » Is., xxm, 2, qui vinrent s'y réfu-
gier lorsque les Philistins eurent pris et saccagé leur
cité (1252 avant J.-C). C'est surtout à partir de cette
date que Tyr exerça sur la Phénicie entière une hégé-
monie qui dura jusqu'en 877.
2» Période d hégémonie. — Les relations de Tyr
avec les Hébreux appartiennent spécialement à cette
époque florissante. (D'après les Septante et la Vulgate,
Eccli., xlvi, 21, Samuel aurait écrasé les Tyriens,
mais l'original hébreu porte : « il soumit les chefs des
ennemis. » Sôr = «adversaire, ennemi ».) Un peu plus
tard, un des plus grands rois de Tyr, Hiram I er (voir
Hiram, t. m, col. 717-718), qui régna de 969-936, noua
des relations très étroites d'amitié et de commerce,
soit avec David, II Reg., v, 11, soit avec Salomon.
III Reg., ix, 11-14, 26-28; II Par., n, 11-16; vm, 2,
17-18. D'après de précieux fragments des historiens
grecs Dios et Ménandre, conservés par Josèphe, Con-
tra A-pion., i, 17-18 (cf. Ant. jud., VIII, v, 3), Hiram
agrandit et embellit notablement la Tyr insulaire, à
laquelle il réunit le petit îlot qui portait le temple
du Zeus phénicien. Il reconstruisit aussi les sanc-
tuaires de Melkarth et d'Astarté (Hérodote, n, 44), et
établit à l'est de la ville une grande place qui reçut
plus tard le nom i'Eurychnron. Un des successeurs
d'Hiram I", l'Ethbaal de la Bible (t. m, col. 2005), qui
donna sa fille Jézabel en mariage à Achab, roi d'Israël,
régnait tout à la fois sur Tyr et sur Sidon. Si l'esprit
de spéculation des Tyriens rendit quelques services
aux Hébreux, il pesa parfois lourdement sur le peuple
théocratique : de là, les graves dénonciations et les me-
naces des écrivains sacrés. Cf. Ps. lxxxii, 6-8; Joël,
m, 4-8; Amos, i, 9-10; Is., xxm, 1-14; Jer., xxv, 22, et
xlvii, 4; et surtout Ezech., xxvi-xxvm. Sur la descrip-
tion du commerce de Tyr par Ezéchiel, voir G. Raw-
linson, Pliœnicia, 1889, p. 150-164; id., History of
Phœnicia, 1889, p. 271-308. Même à l'époque de sa
grandeur et de son opulence, Tyr eut souvent à souffrir
de luttes intestines.
3» Tyr et l'Assyrie. — C'est dès le ix e siècle avant
J.-C., sous le règne d'Ethbaal, que les Assyriens com-
mencèrent à pénétrer dans l'histoire de Tyr. Vers 865,
cette ville est mentionnée sur le monolithe de Nimroud,
parmi les contrées qui payaient le tribut à Assurbani-
pal. Au vm* siècle, nous la retrouvons dans les listes
analogues de Salmanasar II, de Ramman-nirar III, de
Théglathphalasar III. Vers l'année 724, Salmanasar IV
ayant envahi la Syrie et la Phénicie, Tyr osa seule
lui résister. Il en fit le blocus pendant plusieurs
années, sans pouvoir s'en emparer. Sargon, son suc-
cesseur, ne fut pas plus heureux. Une transaction mit
fin à cet état de choses : le roi tyrien Élouli s'engagea
à payer un tribut annuel, et les Assyriens levèrent le
siège. Lorsque Scnnachérib eut succédé à Sargon, Élouli
crut le moment favorable pour supprimer sa rede-
vance; mais l'armée assyrienne accourut et réussit
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2343
TYR
2344-
cette fois à prendre Tyr. Cette défaite porta un grand
coup à la puissance tyrienne, qui avait déjà beaucoup
décru; néanmoins, la ville conserva sa flotte et son
commerce durant toute cette période de la domina-
tion assyrienne. Âsarhaddon, fils de Sennachérib, cite
à son tour la ville de Tyr parmi ses vassaux et tribu-
taires. En 667, elle eut encore quelque velléité de ré-
volte; mais les Assyriens s'en emparèrent de nouveau.
4» Tyr sous les Chaldéens et les Perses. — Au
vl e siècle avant notre ère, Tyr, alors gouvernée par
Ethbaal ou Ithobaal 111, était encore assez puissante
pour tenir tête au conquérant Nabuchodonosor II,
qui vint l'assiéger aussi. Le siège dura treize ans, et
les habitants résistèrent avec vaillance. Mais l'heure
était venue où devaient s'accomplir les oracles d'Isaïe,
de Jérémie et d'Ézéchiel : en 574, la ville fut prise
d'assaut. Voir Ménandre, dans Josèphe, Contr. Ap., i,
21. C'est probablement d'alors que date la disparition
de la Tyr continentale. Une période d'anarchie succéda
à ce grand malheur. Ibid. En 536, Tyr passa sous la
domination des rois de Perse, cf. I Esd., m, 7, dont
le joug fut moins lourd que celui de Babylone. Cyrus
rendit la liberté à ceux des Tyriens qui avaient été
emmenés en captivité par Nabuchodonosor.
5° Tyr sous la domination grecque et sous les
Romains. — Après la bataille d'Issus (333 avant J.-C),
Alexandre le Grand reçut la soumission de la plupart
des villes phéniciennes; mais Tyr, vaillante jusqu'à
l'audace, lui ferma ses portes. Elle s'était rangée du
côté de Darius Codoman, et elle voulut lui rester fidèle
même après sa défaite. Arrien, Anab., II, v, 10;
xvii, 5. Vivement irrité, le jeune conquérant en fit le
siège. Ne voulant pas perdre son temps à un long
blocus, il fit construire par ses soldats, avec les dé-
bris de Palaetyr, une chaussée gigantesque qui réunit
au continent l'Ile sur laquelle Tyr était bâtie. De la
sorte, il put s'approcher jusqu'au pied des remparts
et donner victorieusement l'assaut (332). Il fut d'ailleurs
aidé par sa propre flotte, qui immobilisa celle des
Tyriens. Sa vengeance fut terrible. Il détruisit la ville
en partie; 8000 habitants furent massacrés, 30000 vendus
comme esclaves. Cf. Arrien, Anab., II, xxi, 2; Diodore
de Sicile, xvii, 40; Quinte-Curce, IV, iv, 10-18. Après
la mort d'Alexandre, en 323, Tyr à demi ruinée partagea
le sort très accidenté de la Syrie. Elle appartint aux
Ptolémées jusqu'en 198 et passa ensuite aux Séleucides.
Les livres des Machabées la mentionnent trois fois
durant cette période. I Mach., xi, 59, et II Mach., rv,
18, 44. Grâce à ses relations commerciales d'autrefois,
elle parvint à reprendre une certaine vie. Strabon, XVI,
il, 23. L'an 126, elle acheta son autonomie, qui fut con-
firmée par Pompée, lorsque Tyr passa, avec toute la
Syrie, au pouvoir des Romains (64 avant J.-C). Cf.
Josèphe, Ant. jud., XV, iv, 1. Mais Auguste restreignit
ses libertés (20 avant J.-C.). Voir Dion Cassius, liv, 7.
6° Tyr durant lapériode chrétienne. — Les habitants
de Tyr sont cités, Marc, m, 8; Luc, vi, 17, parmi les
foules qui accouraient en Galilée pour voir et entendre
Notre-Seigneur. Jésus parait être allé lui-même jusque
sur son territoire. Matth., xv, 21; Marc, vu, 24. Il l'a
nommée avec Sidon, dans un de ses discours, comme
une ville très coupable, mais qui aurait pu se conver-
tir v à sa voix. Cf. Matth., xi, 21; Luc, x, 13-14. — Au
livre des Actes, xii, 20, il est dit que les Tyriens vinrent
trouver à Césarée, avec des paroles de regret, le roi
Hérode Agrippa I», dont ils avaient excité la colère.
Un passage du même livre, xxi, 3-6, nous apprend que,
lorsque saint Paul vint à Tyr par mer, au cours de son
voyage à Jérusalem qui s'acheva par un long empri-
sonnement (59 après J.-C), il y trouva une chrétienté
déjà considérable. — L'antique cité conserva long-
temps une certaine prospérité commerciale et indus-
trielle. Pline l'Ancien, H. N., ix, 60; xxi, 22; xxxv,
26, signale, dans la seconde moitié du i« siècle de notre-
ère, sa pourpre, ses tissus et sa métallurgie. Au iv e siècle,.
saint Jérôme écrit, In Ezech., xxvi, 7, et xxvn, 2, t. xxv,
col. 242, 247, que Tyr était encore la plus belle et la-
plus florissante des villes phéniciennes. Les Sarrasins-
s'en emparèrent, l'an 638 de notre ère, sous le khalifat
d'Omar. De 1124 à 1291, elle fut au pouvoir des croisés,,
qui en firent une place forte de premier ordre. Elle-
redevint ensuite la propriété des mahométans, qui ra-
sèrent ses murs. Elle ne recommença à avoir une his-
toire qu'en l'année 1766, grâce aux Arabes métoualis,
qui vinrent s'y établir. La nouvelle ville, détruite en-
partie par le tremblement de terre de 1837, fut relevée-
par Ibrahim-Pacha. Voir Phénicie, col. 241-247.
IV. État actuel. — La prédiction des prophètes-
535. — Tyr et ses environs.
D'apiès Gaillardot, dans E. Renan, Mission de Phénicie.
d'Israël s'est accomplie d'une manière saisissante sur-
Tyr, qui est à peine aujourd'hui l'ombre d'elle-même.
« Les deux tiers au moins de l'emplacement qu'occu-
pait (la cité) sont maintenant envahis par la solitude,,
par des cimetières, par des jardins et par des décombres-
informes. * V. Guérin, Galilée, t. H, p. 194. La ville
actuelle, réduite à moins de 6000 habitants (métoualis-
en majorité, grecs orthodoxes, chrétiens maronites,,
juifs, etc.), s'élève « sur une presqu'île autrefois entiè-
rement détachée du continent, auquel se rattache-
maintenant un isthme sablonneux; l'Ile primitive, basse-
et rocailleuse, était parallèle à la côte et mesurait
environ 1609 mètres de long. Les deux extrémités
forment les bras de la croix de chaque côté de l'isthme
.(voir le plan, fig. 535), et, se prolongeant encore par-
une ligne d'écueils, interceptent deux baies au sud et
au nord. La ville est construite de ce côté, au point
de jonction de l'Ile et de l'isthme. » Chauvet etlsambert,.
Syrie, Palestine, Paris, 1887, p. 563-564. La chaussée-
élevée par Alexandre existe donc toujours; par l'effet
des vents et des vagues qui, des deux côtés, ont apporté
des masses de sable, elle s'est même considérablement
•2345
TYR — TYROPŒON (VALLÉE DE)
2346
■élargie et consolidée. Dans sa partie la plus étroite, elle
mesure au delà de 600 mètres de largeur; sa longueur, y
•compris l'Ile, est d'environ 1 kil. et demi. Le port du sud
•est complètement ensablé; celui du nord l'est en partie
notable. — Les ruines de la Tyr insulaire, plusieurs
fois explorées scientifiquement (en particulier, au
xix« siècle, par MM. de Bertou, E. Renan, J. N. Sepp
■et V. Guérin), n'ont rien de bien remarquable. Elles
consistent dans les remparts, aux trois quarts détruits,
qu'avaient bâtis les croisés, dans les restes d'une cathé-
•drale construite au iv» siècle sur les débris d'une basi-
lique encore plus ancienne (Origène et Frédéric Barbe-
rousse y ont été ensevelis), en de nombreux fûts de
colonnes enfoncés sous terre, encastrés dans les murs
ou visibles dans les flots, lorsque la mer est calme,
"V. Guérin, Galilée, t. il, p. 182-184, 187, en plusieurs pi-
liers ou blocs gigantesques. La plupart de ces colonnes et
536. — Le tombeau d'Hiram.
piliers avaient été apportés d'Egypte et avaient servi à
orner les temples des dieux tyriens ou les autres édifices
publics. — De Palaetyr, la cité continentale, il reste
moins de souvenirs encore : pas un seul édifice, mais,
dans la plaine déserte et sans culture, seulement
quelques tombeaux (grottes sépulcrales taillées dans le
roc, hypogées funéraires, sarcophages), des cuves à
pressoir, des pans de mur, etc. Le monument qui porte
le nom de « tombeau d'Hiram » (fig. 536) remonte à une
haute antiquité, bien que la tradition qui le rattache au
roi Hirajn présente fort peu de garantie. — Quant au
commerce qui remuait tout l'ancien monde, il est
réduit à un peu de coton, de tabac, d'épongés et à
quelques meules de moulin. La flotte tyrienne se com-
pose de quelques barques de pêcheurs et de caboteurs,
qui ne se risquent qu'à de courtes distances.
V. Bibliographie. — Robinson, Palâstina und die
angrenzenden Lânder, in-8°, Halle, 1842, t. ni, p. 659-
684; comte de Bertou, Essai sur la topographie de
Tî/r, in-8», Paris, 1843; F. C.Movers, DiePhônizier, in -8»,
Bonn, 1841-1856, t. n, 1" part., p. 188-201 ; Poulain de
Bassay, Tyr et Palxtyr, in-8°, Paris, 1863; E. Renan,
Mission de Phénicie, in-fol., Paris, 1864, p. 527-694;
Thomson, The Land and the Book, nouv. édit., in-12,
Londres, 1876, p. 178-194; H. Prutz, Aus Phônizien,
JGeogr. Skizzen und litterar. Studien, in-8», Leipzig,
1876, p. 202-225; J. N. Sepp, Meerfahrt nach Tyrus
zur Ausgrabung der Kathedral, in-8», Leipzig, 1879,
et Dos Résultat derdeutschen Ausgraburtgen in Tyrus,
dans Historische Zeitschrift, t. vm (1880), p. 86-115;
V. Guérin, Description de la Palestine, La Galilée,
in-8», Paris, 1880, t. n, p. 180-231 ; G. Ebers et H. Gutbe,
Palâstina in Bild und Wort, in-fol., Stuttgart, 1884,
t. il, p. 67-80; D. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, in-
fol., Paris, 1884, p. 117-144; Fr. Lenormant etBabelon,
Histoire ancienne de l'Orient, jusqu'aux guerres mé-
diques, in-4», Paris, 1888, t. vi, p. 471-534; A. Jeremias,
Tyrus bis zur Zeit Nebukadnezar's, in-8», Leipzig,
1891; Lukas, Geschichte der Stadt Tyrus zur Zeit der
Kreuzzûge, in-8», Marbourg, 1895; H. Winckler, Alt-
orientalische Forschungen, in-8», Leipzig, 1898, t. n,
p. 65-70; E. Schrader- Winckler, Die Keilinschriften
und dasAlte Testament, in-8», Berlin, 1903, p. 126-132;
P. Cheminant, Les prophéties d'Ézéchiel contre Tyr
(xxvi-xxvm, 19), in-8°, Paris, 1912.
L. Fillion.
TYRAN (Vulgate : tyrannus). La Vulgate a traduit
par ce mot divers noms de dignité. — 1° Dans Esther, vi,
9; Dan., i, 3 (cf., m, 2, 3), les tyranni sont les grands
ou les premiers personnages de la cour de Perse que
l'hébreu appelle partemim. — 2° Dans Job, xxxiv, 19,
la Vulgate porte : (Deus) non cognovit tyrannum, cum
disceptaret contra pauperem. On lit dans l'original :
« Dieu ne distingue pas le riche du pauvre. » —
3» Dans Job, xxxv, 9, tyranni traduit le mot ràbbînx,
(t puissants?, et 4» Dans Habacuc, i, 10, le motrôznîm,
« princes ». Cf. Jud., v, 3; Ps. il, 2; Prov., vm, 13, 15;
xxxi, 4; Is., XL, 23. — 5° Le texte de l'Ecclésiastique,
xi, 5, multi tyranni sederunt in throno, rend inexac-
tement, d'après' les Septante, l'hébreu qui porte :
« Beaucoup qui étaient humiliés [a>toi:] ont occupé le
trône. » — 6° Dans Sap., xit, 14; xiv, 16; I Mach., I,
5; II Mach., IV, 40; v, 8, TÙpocvvo; = tyrannus, est pris
dans le sens de chef; II Mach., îv, 25: vu, 27, dans le
sens de cruel.
TYRANNUS (grec : T-jpawo;), rhéteur d'Éphèse,
dans l'école duquel logea saint Paul. Act., xix, 9.
L'Apôtre y prêcha l'Evangile pendant son séjour de
deux ans, après qu'il eut quitté la synagogue. Les salles
où enseignaient à cette époque les philosophes por-
taient le nom de tr^oXai. Tyrannus était sans doute
un rhéteur ou philosophe grec qui avait de nombreux
auditeurs et il pouvait mettre ainsi à la disposition de
Paul un local assez vaste pour y prêcher l'Evangile
aux païens qui voudraient l'entendre. Tyrannus n'était
pas sans doute chrétien lui-même quand il accueillit
saint Paul dans son école, puisque saint Luc ne lui en
donne pas le titre et l'appelle simplement « un certain
Tyrannus », mais il le. devint probablement dans la
suite. — Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, Halle,
1853, t. n, col. 1247, mentionne un sophiste appelé
Tûpawoç, mais on ne sait si c'est celui dont parlent
les Actes.
TYROPŒON (VALLÉE DE), à Jérusalem. Voir
Jérusalem, t. m, fig. 237, col. 1325-1326; fig. 247,
col. 1351-1352; fig. 249, col. 1355-1356.
u
U. Voir Vav, col. 2369.
UBIL (hébreu : Vïin; Septante : 'A6ia;; Alexan-
drinus: O-jëi'aç), intendant des chameaux du roi David.
I Par., xxvn, 30. Il était d'origine ismaélite. Son nom
signifie le chef des chameaux, d'après Gesenius, Thé-
saurus, p. 15. Les Ismaélites, vivant en Arabie, devaient
être plus entendus que les Juifs pour l'élève des cha-
meaux.
UCAL (hébreu : 'Ukâl), fils ou élève d'Agur, d'après
unejnterprétation assez commune parmi les modernes.
Prov., xxx, 1. Voir, sur le sens de ce passage obscur,
Agir, t. i, col. 288, Ithiel et Jakéh, t. m, col. 1039,
1111.
UGOLINO Blasio, savant juif converti de Venise,
né en 1748, est l'éditeur de la célèbre collection inti-
tulée Thésaurus antiquitatum sacrarum complectens
selcclissima clarissimorum virorum opuscula, in qui-
bus veterum Hebrseorum mores, leges, instiluta, ritus
sacri et civiles illustrantur, 34 in-f°, Venise, 1744-1769.
II contient les écrits des savants les plus célèbres du
XVII e et du xvm e siècle sur les antiquités bibliques,
avec une traduction de plusieurs traités du Talmud et
des Midraschim. Il y a là réunis de nombreux opus-
cules qu'il est aujourd'hui difficile de trouver ailleurs,
de Buxtorf, Hottinger, Bonfrère, Selden, Lowth, Reland,
Huet, Bochart, Carpzov, etc. Le t. xxxiv renferme
quatre index du contenu de l'œuvre entière : Index
auctorum, locorum S. Scriptures, dictionum hebrai-
carum, et Rerum et Verborum.
- ULAI (hébreu : 'Ûlâï; Septante : OùW), fleuve de la
Susiane, mentionné dans Daniel, vin, 2, 16. Les au-
teurs classiques l'appellent Eulœus et Pasitigris; il
porte aujourd'hui le nom de Karoun. Pline, U. N., vi,
27, dit qu'il entourait la ville de Suse. Daniel, vin, 2,
16, décrit une vision (celle du bélier et du bouc), qu'il
eut à la porte de Suse, appelée d'Ulaï. Les rivières de
la Susiane ont tellement modifié leur cours dans la
suite des siècles qu'il est difficile d'en faire une des-
cription certaine. Voici ce qu'on en sait aujourd'hui :
Le Karoun ou Eouran est formé des torrents de la
Susiane du nord et du Louristan méridional. Il était
autrefois navigable jusqu'à la mer, mais il « ne roule
plus qu'une faible partie de ses eaux directement au
golfe [Persique]; un canal artificiel l'a détourné vers le
•Chat-el-Arab, et maintenant il n'est plus guère qu'un
affluent du grand fleuve... [Près de Suse,] la rivière
Dizfoul, affluent du Karoun, se rapproche de la Karkha ;
les deux cours d'eau, développant leurs méandres à la
rencontre l'un de l'autre, ne sont plus qu'à une dis-
tance de quinze kilomètres, et la plaine qui les sépare
est assez unie pour qu'on y ait creusé de nombreux canaux
d'irrigation dérivés des deux rivières;- en outre, un
canal naturel d'écoulement, le Chapour ou Chahwer,
assez large et assez profond pour recevoir les embar-
cations dé commerce, s'est formé en amont de Suse,
et descend au sud-est vers la rivière Karoun : la plaine
de Suse est donc une petite Mésopotamie et le sol en
est aussi fécond que celui des bords de l'Euphrate;
c'est à peine si au printemps les chevaux peuvent tra-
verser l'herbe épaisse qui recouvre les campagnes
arrosées par le Chapour. » Elisée Reclus, Nouvelle géo-
graphie universelle, Paris, 1884, t. ix p. 177, 292. Voir
la carte de Babylonie, fig. 410, t. i, col. 1361-1362. Sur
le Karoun, voir J. Dieulafoy, La Perse, la Chaldée et
la Susiane, in-f», Paris, 1887, p. 525, 536-539, 718.
ULAM (hébreu
deux Israélites.
'Ûldm; Septante : O0),â(j.), nom de
1. ulam, fils deSarès. descendant de Galaad, le petit-
fils de Manassé. Il eut pour fils Badan. I Par., vu,
16-17. Voir Badan 2, 1. i, col. 1381.
2. ULAM (Septante : Aî>dcn; Alexandrinus : OùXâ[i),
fils aîné d'Ésec de la tribu de Benjamin et de la des-
cendance de Saùl. Ses fils furent de vaillants archers
et eurent cent cinquante fils et petits-fils. I Par., vm,
39-40.
ULCÈRE (hébreu : màzôr, sehîn; Septante : êXkoç;.
Vulgate : ulcus), lésion spontanée et purulente d'une
des parties molles du corps, spécialement de la peau
ou des membranes muqueuses. Cette lésion provient
essentiellement d'une cause interne ou d'un vice local.
Les versions ne rendent pas le mot mâzôr, Jer., xxx,
13, ou le traduisent par o8uv^, « douleur », vinculum,
« lien ». Ose., v, 13. — 1° A la sixième plaie d'Egypte,
Moïse prend de la cendre et la jette en l'air pour
qu'elle produise des ulcères sur les hommes et sur les
animaux. Les magiciens ne peuvent imiter ce fléau et
en sont eux-mêmes atteints. Exod., ix,9-ll. Ces ulcères
bourgeonnaient en pustules. Voir Pustules, col. 881.
Moïse désigne sans doute un mal de même nature,
quand il menace Israël infidèle de « l'ulcère d'Egypte »,
celui qui était endémique sur les bords du Nil et qui
s'était généralisé à la sixième plaie. Deut., xxvm, 27.
Il parle ensuite d'un ulcère malin et inguérissable,
qui frappera les rebelles aux genoux et aux cuisses.
Deut., xxvm, 35. Il s'agit ici probablement de l'élé-
phantiasis, dont Job fut également affligé. Job, II, 7.
Voir Éléphantiasis, t. u, col. 1662; Ebstein, Die
Medizin im A. T., Stuttgart, 1901, p. 93. — 2» Les
ulcères purulents accompagnent aussi la lèpre, à un
certain degré de son développement. Lev., xni, 18-20.
Voir Lèpre, t. iv, col. 176. — 3» La maladie d'Ézéchias
était causée par un ulcère. IVReg., xx, 7; Is., xxxvm,
21. Elle réduisait le patient à une extrême faiblesse :
« Comme un lion, il brisait tous mes os, » Is., xxxvm,
13, et elle allait causer sa mort. IV Reg., xx, 1. Le
siège en était cependant localisé, puisque Isaïe guérit
le malade par l'application d'un cataplasme de figues
sur l'ulcère. IV Reg., xx, 7; Is., xxxvm, 21. II n'y a
2349
ULCERE
ULFILAS
2359
pas de relations à établir entre cette maladie du roi et
la peste pernicieuse qui fit périr 185000 Assyriens
aux environs de Jérusalem. IV Reg., xix, 35. Car> bien
que les deux récits se suivent dans la Bible actuelle,
il est très probable que la maladie d'Ézéchias précéda
l'invasion assyrienne. Voir Ézéchias, t. n, col. 2145.
Les renseignements fournis par le texte sacré ne per-
mettent pas de déterminer exactement la nature de la
maladie. L'application du cataplasme de figues ne
paraît pas non plus très significative à cet égard, car
il ressort du texte que la guérison fut surtout mira-
culeuse. Voir Figue, t. n, col. 2241; Ebstein, Die Me-
dizin, p. 100. — 4° Le pauvre Lazare gisait T|).xu>[j.évoî,
ulceribus plenus, c< couvert d'ulcères », à la porte du
mauvais riche. Ses ulcères suppuraient et il n'avait
pas la force d'écarter les chiens qui venaient impuné-
ment les lécher. Luc, xvi, 20, 21. La misère et le
manque de soins avaient déterminé en lui cette décom-
position douloureuse. — 5° Jérémie, xxx, 13, compare
le péché d'Israël à un ulcère que personne ne soigne.
Osée, v, 13, appelle du même nom l'infidélité de Juda.
H. Lesêtre.
ULFILAS, évéque goth et auteur de la version
gothique de la Bible.
I. Vie et œuvres. — l°Wulphila (Wôlflin, le « petit
loup ») était le fils d'un Goth et d'une femme de l'Asie
Mineure, qui probablement avait été faite prisonnière
à la guerre et était esclave. Il était chrétien. Comme il
parlait grec, il fut choisi pour remplir la fonction de
lecteur. A l'âge de trente ans, il accompagna une ambas-
sade des Goths à la cour de l'empereur. Il fut sacré
évêque par Eusèbe de Nicomédie, probablement à
Antioche, lors du synode réuni en cette ville en 341. Il
adopta les erreurs ariennes et appartint au parti homéen,
dont les doctrines prévalurent au concile de Constanti-
nople en 360. Sa profession de foi, publiée au mois de
juin 383 peu avant sa mort, énonce les mêmes doctrines.
Il était retourné parmi les Goths, mais la persécution
d'Athanarich l'obligea à repasser sur le sol de l'empire
avec un grand nombre de ses fidèles. Selon Auxentius,
il aurait, après son sacre, vécu sept années au pays
barbare et trente-trois années en terre grecque. Il
mourut en 383, âgé de 70 ans environ.
2° Son disciple Auxentius nous apprend qu'il a
prêché en grec, en latin et en goth et qu'il a publié en
ces trois langues plures tractatus et multas interpreta-
tiones. De ces homélies et explications de l'Ecriture, il
ne nous est rien parvenu. On lui a attribué cependant
plusieurs écrits : 1. Krafft lui a rapporté les fragments
d'un commentaire arien sur l'Évangile de saint Luc,
publiés par le cardinal Mai, Scriptorum velerum col-
lectio, t. m, 2, p. 191-207, dont un morceau se trouvait
aussi dans le fragment de Bobbio, ibid., p. 208-239.
Cf. Mercati, Antique reliquie liturgiche Ambrosiano-
Romane, con un excursus sui fragmenti dogmatici
ariani del Mai, dans Studi e Testï, Rome, 1902, t. vu,
p. 47. Mais ces fragments de commentaire n'ont rien
à voir avec Ulfilas. Cf. Zeitschrift fur wissenschaft liche
Théologie, t. xlvi, p. 244-245. — 2. Au 44 e congrès des
philologues allemands, tenu à Dresde en septembre 1897,
Friedberg a prétendu qu'Ulphilas était l'auteur de
VOpus imper fectum in Matthxum, longtemps attribué
faussement à saint Jean Chrysostome. On a montré que
l'auteur de cet écrit, qui est, du reste, de la fin du
iv e siècle, sinon du v« siècle, n'était pas un Goth.
Cf. Allgemeine Zeitung de Munich, 1897, n»44; Zeit-
schrift fur deutsche Philologie,i898, t. xxx, p. 361-362,
431. F. KaufTmann a soutenu que ce commentaire
reproduisait au moins des parties d'un écrit goth. Zur
deutschen Alterlumskunde aus Anlass des sogenann-
ten Opus imperfectum, dans Zeitschrift fur deutsche
Philologie, 1899, t. xxxi, p. 451; 1900, t. xxxn,
p. 464-472; Zur Frage nach den Queilen des Opus im-
perfectum, ibid., 1902, t. xxxv, p. 4; 1903, t. xxxv,
p. 483-491; Th. Paas, Das Opus imperfectum in Mat-
thseum, Krefeld, 1907. — 3. Une explication de l'Évan-
gile de saint Jean en goth : Skeireins Aiivaggeljont
pairte Jôhannân, dont les fragments retrouvés ont été
publiés par Massmann, à Munich, en 1834, et par
W. Braun, DieMailânden Blàtter der Skeireins, dans
Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1898, t. xxxi,
p. 426-451, a été attribuée à Ulfilas par l'éditeur, par
Krafft, Kirchengeschichte, t. i, p. 348, et par Die-
trich, qui l'a rééditée : Die Bruchstùcke der Skeireins,
dans Texte und Untersuchungen zur altgermanischen
Religionsgeschichte. Texte, Strasbourg, 1902, t. il.
Mais le Skeireins diffère de la Bible gothique notam-
ment par l'emploi des participes absolus ; il n'est donc
pas d'Ullilas, quoiqu'il soit important pour l'étude de
la version gothique du quatrième Évangile. Cf. Stolzen-
berg dans Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1905,
t. xxxvn, p. 388; K. Marold, Die Schriftcitate der
Skeireins und ihre Bedeutung fur die Textgeschichte
der gotischen Bibel, Kœnigsberg, 1893. Cl. Auxentius,
Epistola de fide, vita et obitu Ulfilse, édit. par G. Waitz,
Ueber das Leben und die Lehre des Ulfila, Hanovre,
1840, et par F. Kauffmann, Aus der Schule des Wulfila,
dans Texte und Untersuchungen zur altgermanischen
Religionsgeschichte. Texte, Strasbourg, 1899, t. l;Phi-
lostorge, H. E., 1. II, n. 5, t. lxv, col. 468-469 ; Socrate.,
H. E., 1. II, c. xli; Sozomène, H. E., 1. IV, c. xxiv.;
1. IV, c. xxxvn, t. lxvii, col. 349, 1189, 1404-1408; Cas-
siodore, Historia triparlita, 1. VIII, c. xm, t. lxix,
col. 1118-1120; W. Krafft, Die Anfànge des Christen-
tums bei den germanischen Volkern, Berlin, 1854, t. i,;
W. Bessel, Ueber das Leben des Ulfilas und die Bekeh-
rung der Goten zum Christenthum, Goettingue, 1860 ;
E. Bernhardt, Wulfila oder die gotische Bibel, dans
Germanistische Handbibliothek de Zacher, Halle, 1875,
t. m; G. Kauffmann, Kritische Untersuchung der
Queilen zur Geschichte Ulfilas, dans Zeitschrift fur
deutsches Alterthum, t. xxvn, p. 193 ; F. Kauff-
mann, Der Arianismus des Wulfila, dans Zeitschrift
fur deutsche Philologie, 1898, t. xxx, p. 93-113;
Stamm, Ulfilas, 11 e édit., par Heyne, Paderborn, 1908;
H. Bohmer, art. Wulfila, dans Realencyclopàdie fur
proteslantische Théologie und Kirche, Leipzig, 1908,
t. xxi. p. 548-558.
II. Sa. version gothique de la Bible. — L'évêque
goth Ulfilas, voulant traduire l'Écriture Sainte en sa
langue maternelle, inventa l'alphabet goth, et sa traduc-
tion de la Bible fut le premier document écrit en goth.
D'après Socrate, il l'aurait faite au pays des Goths,
vers 369. Ses motifs étaient d'ordre pratique : le manque
de prêtres ou de lecteurs sachant le grec et pouvant
traduire le texte grec de l'Écriture et le grand nombre
d'églises chez les Goths le déterminèrent à faire une
traduction écrite pour le ' service liturgique. D'après
Philostorge, H. E.,\. Il, n.5,t.Lxv, col. 469, il n'aurait
pas traduit les quatre livres des Rois pour ne pas
exciter l'ardeur guerrière des Goths par la lecture des
récits de batailles et de victoires. La traduction de ces
livres n'existait pas encore vers le milieu du V e siècle.
On ne sait pas au juste si Ulfilas a traduit lui-même
tout le reste de lu Bible. De nos jours, les spécialistes
sont portés à ne lui attribuer personnellement que la
traduction des Évangiles; les autres livres du Nouveau
et de l'Ancien Testament auraient été traduits en goth
après lui. D'ailleurs [il est difficile de se prononcer
catégoriquement à ce sujet, puisqu'il ne nous reste
qu'un petit nombre de fragments delà version gothique
de l'Écriture. C'est exclusivement par ces fragments
que nous pouvons la juger.
1» Ancien Testament. — Il ne nous est parvenu que
de rares fragments : Gen., v, 3-30, d'après un manu-
scrit de Vienne; les deux versets 2 et 3 du Ps. lui (lii)
2351
ULFILAS
2352
dans le Skeireins avec les citations des Psaumes
qu'on trouve dans les Évangiles de saint Luc et de
saint Jean et dans l'Épître auxÉphésiens ;enfin quelques
noms propres, extraits de Neh. , v-vn plutôt que d'Esdras,
il. Cf. A. Uppstrôm (pour Néhémie), Upsal, 1868;
O/Ohrlolï, Die Bruchstûcke nom A. T. der Gotischen
Bibelûbersetzung kritisch untersucht, Halle, 1873; Die
alttestamenttictien Bruchstûcke der gotischen Ueber-
setzung, dans Zeitschrift fur deutsche Philologie,
Halle, 1876, t. vu, p. 251-295; E. Laugner, Die gothi-
schen Nehemiafragmente, Sprottau,1903(programme);
"J. Mùhlau, Zur Frage nach der gotischen Psalmen-
ûbersetzung, Kiel, 1904 (dissert.). Paul de Lagarde
avait supposé que cette version était faite sur la recen-
sion de Lucien. Librorum V. T. pars prior, p. xiv.
Cf. A. Kiseh, Der Septuaginta-Codex des Ulfdas, dans
M onatschrift fur Geschichte und- Wissenschaft des
Juclenthums, Breslau, 1873, t. xxn, p. 42-46, 85-89,
215-219. F. Kauffmann l'a clairement démontré. Zur
Quellenkritik der gotischen Bibelûbersetzung, dans
Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1897, t. xxix,
p. 315-337. Mais il conclut que, dans le fragment de
Néhémie, ce texte a été traité capricieusement, que la
version n'est pas d'Ulfilas et qu'elle n'a pas été faite au
IV e siècle.
2? Nouveau Testament. — Nous n'avons que des
fragments des quatre Évangiles et des Épîtres de saint
Paul. Il ont été successivement découverts, publiés et
étudiés.
■ 1> Les textes. — a) Le Codex Àrgenteus d'Upsal. Voir
son histoire, sa description et ses éditions, avec un
fac-similé, t. i, col. 948-949. Ajoutons seulement qu'en
1665 ce manuscrit se trouvait en Hollande en la pos-
session d'Isaac Vossius et qu'il fut transcrit ligne par
ligne par ûerrer. Le manuscrit et sa copie furent
achetés en 1662 par le comte Magnus Gabriel de la
Gardie, qui les donna à l'université d'Upsal. La copie
périt dans un incendieen 1702. Voir encore G. J. Heupel,
Dissertatio de Vlphila a versione 1 V evangelislarum
gothica, 1683; Vlphilas illustratus de Ihre, reproduit
avec d'autres écrits du même par Bùsching, Berlin,
1773. S. Haushall a publié saint Matthieu à Londres en
1807, et J. A. Schmeller de même à Stuttgart en 1827.
Sur l'édition d'Uppstrôm, voir Gabelentz et Lobe, Vpp-
strôm's Codex Argenteus. Eine Nachschrift zu der
Ausgabe des Ulfilas, Leipzig, 1860. Guillaume Uppstrôm
a réédité à Stockholm en 1861 les fragments de saint
Matthieu de l'édition de son père, André Uppstrôm.
N. Skeat a donné à Londres, en 1882, les fragments de
saint Marc. Voir enfin I. Peter, Die Zahl Blâlter des
Codex Argenteus, dans Germania, Vienne, 1885, nouv.
série, t. xviii, p.' 314-315; E. Meyer, dans Zentralblatt
fïir Bibliothekwesen, décembre 1911.
6) Le Codex Carolinus de Wolfenbûttel. — Sous
quelques feuilles d'un manuscrit, écrit en Espagne au
ix* siècle et reproduisant les Origines de saint Isidore
de Séville, F. A. Knittel, bibliothécaire de Wolfenbûttel,
découvrit quelques fragments de l'Épître aux Romains,
xi, 33-36 ; xii, 1-5, 17-21; xm, 1-5; xiv, 9-20; xv, 3-13,
à côté du texte latin correspondant. Il les publia à
Brunswick, en 1762. J. Ihre les réédita à Upsal l'année
suivante, et cette réédition est reproduite par Bùsching,
Berlin, 1773, p. 97. Zahn les réédita encore avec le
Codex Argenteus, en 1805. Ce manuscrit goticolatinus
est du v e siècle.
c) Nouveaux fragments des Évangiles et desEpîtres.
— Angelo Mai en 1817 découvrit à l'Ambrosienne de
Milan sous un palimpseste du VIII e siècle, provenantde
Bobbio et reproduisant les Homélies de saint Grégoire
le Grand sur Ézéchiel, G, 22, des fragments de toutes
les Épitres de saint Paul sauf les deux Épitres aux
Thessaloniciens et la lettre aux Hébreux. Sous un autre
palimpseste du IX e siècle, contenant en seconde écriture
le commentaire de saint Jérôme sur Isaïe, il remarqua
des extraits des mêmes Épitres hormis celles aux Bo-
mains et aux Hébreux. Un manuscrit latin des Évangiles
contenait une feuille d'un codex plus ancien, repro-
duisant en latin et en goth deux passages de saint
Matthieu, xxv,38-xxvi, 3; xxvi, 64-xxvn, qui comblaient
partiellement les lacunes du Codex Argenteus. Mai fut
aidé dans son travail de déchiffrement par le comte
Charles-Octave Castiglione, et ils publièrent ensemble
une notice sur leur découverte, avec la description des
manuscrits et un spécimen du texte, Milan, 1819. Mai,
devenu bibliothécaire du Vatican, laissa au comte
Castiglione le soin de la publication. Celui-ci s'en
acquitta par morceaux : en 1829, il donna II Cor.; en
1834, Rom., I Cor., Eph.; en 1835, Gai., Phil., Col.,
I Thés., eten 1839, II Thés., I et II Tim., Tit., Philem.,
le tout à Milan, avec une traduction, des notes et un
glossaire. J. F. Massmann trouva dans un manuscrit du
Vatican le Skeireins, dont nous avons déjà parlé, et le
publia à Munich en 1834. Ce commentaire de saint
Jean fournit, en dehors du texte du quatrième Évangile,
des citations des trois autres Évangiles et de l'Épître
aux Hébreux. H. C. de Gabelentz et J. Lobe recueil-
lirent tous les fragments connus tant de l'Ancien que
du Nouveau Testament, collationnèrent soigneusement
les manuscrits et, aidés par le comte Castiglione, ils
donnèrent un texte plus soigné avec une traduction
latine, un glossaire et une grammaire goths, rédigés
en allemand, Altenbourg et Leipzig, 1836, 1. 1; Leipzig,
1843, t. n. Cet ouvrage a été reproduit par Migne,
Patr. lat., t. xvm, col. 455-1558; mais la grammaire
et le glossaire ont été traduits de l'allemand en latin
par Tempestini. Ces textes ont été reproduits et étu-
diés, comme étant les plus anciens documents de la
langue allemande, par J.Gaugengigl, Vlfilas, Urschrift,
Sprachlehre,Wôrterbuch, Passau, 1848, et sous un titre
nouveau : Aeltesle Denkmàler der deutschen Sprache
erhalten in Ulfilas gotischen Vebersetzung, 3 e édit.,
1853; 4« édit., 1856; par lî. F. Massmann, Vlfilas,
Stuttgart, 1855, 1857; par F. L. Stamm, Ulfila oder die
uns erhaltenen Denkmàler der deutschen Sprache
(texte, grammaire et dictionnaire), Paderborn, 1858;
depuis la 5 e édit., en 1872, cet ouvrage a été revu par
M. Heyne; 11 e édit., 1908; A. Uppstrôm, Fragmenta
gothica selecta, Upsal, 1861; Codices gotici Am-
brosiani, etc., Upsal, 1868. Reilferscheid découvrit
à Turin quatre feuilles ayant appartenu au manu-
scrit de Milan, et Massmann les édita, Turiner Blàtler
der gotischen Bibelûbersetzung, dans Germania,
Vienne, 1868, t. xm, p. 271-284. Les fragments nou-
veaux étaient des Épîtres aux Galates et aux Colossiens.
E. Bernhardt, qui avait publié : Krilische Vntersu-
chungen ûber die gothische Bibelûbersetzung, Mei-
ningen, 1864, 1869, donna deux éditions de la version
gothique de l'Écriture : Vulfllaoder die gotische Bibel,
mit derti entsprechenden Text, Halle, 1875; Die
gotische Bibel des Vulfda (texte, variantes et glossaire),
Halle, 1884. G. H. Balg a édité cette Bible avec intro-
duction, syntaxe et glossaire : The flrst Teulonic
(Germanie) Bible, Milwaukee, 1891 ; P. Odefey, Das
gotische Lukas-Evangelium, Flensburg,1908; W. Streit-
berg, Die gotische Bibel, dans Germanische Bibliothek,
part. II, t. m, 1, Heidelberg,1908; t. m, 2 (dictionnaire
goth, grec, allemand), 1910. Cf. K. Marold, Stichometrie
und Leseabschnitte in den golhischen Episteltexten,
Kœnigsberg, 1890; J. M. N. Kapteijn, Die Uebersetz-
ungstechnik der gotischen Bibel in den Paulinischen
Briefen, dans Indogerm. Forschungen, 1911, t. xxiXi
fasc. 3 et 4.
d) Un nouveau fragment bilingue, gothique-latin,
comme le Codex Argenteus, a été acheté au cours des
années 1907-1908 auprès d'Antinoé dans la Haute-Egypte
et apporté à Berlin en 1908. Il appartient maintenant à
2353
ULFILAS
2354
la bibliothèque de l'université de Giessen, n. 651/20.
Deux pages de parchemin reproduisent incomplètement
le texte latin de Luc, xxm, 2-6;xxiv, 5-9, et le teste
gothique de Luc, xxm, 11-14; xxiv, 13-17. Le frag-
ment latin a été étudié par P. Glaue et le fragment goth
par K. Helm, Das gotisch-lateinische Bibelfragment
der Universitâls-bibliothek zu Giessen, Giessen, 1910.
M. Glaue a montré que le texte latin se rapprochait de
très près de celui du Codex Brixianus de l'ancienne
Italique et il pense que le fragment bilingue a été
apporté en Egypte par un soldat, un clerc ou un moine
goth. Des indices paléographiques permettent de le
dater du commencement du v B siècle, et le texte est
écrit per cola et commata. La reconstitution du texte
gothique a été d'autant plus difficile à M. Helm que le
texte est incomplet et qu'il n'a pas son pendant dans
les fragments connus jusqu'à présent. F. Ruhl a étudié
l'origine de ce fragment bilingue, et il conclut que
vraisemblablement il a été rédigé en pays vandale et
apporté en Egypte par les soldats. Zur Herkunft der
iateinisch-gotischen Bibelfragmente, dans Zeilschrift
fàr neutestamentliche Wissenschaft, 1911, t. xir,p. 85-
86. Cf. Journal of theological Sludies, 1910, t. xi,
p. 711-613. W. Streiberg s'en est occupé dans l'intro-
duction de la seconde partie de Die gotische Bibel,
Heidelberg, 1910. Cette découverte récente est venue
confirmer les conclusions qu'on avait précédemment
tirées sur les caractères de la version gothique du
Nouveau Testament.
2. Caractères de celte version. — Ils se rapportent à
deux points : a) dépendance directe du texte grec antio-
chien ou syrien; b) ressemblances avec la version latine
dite l'Itala. — a) Dépendance directe du texte grec
d'Anlioche. — E. Bernhardt avait cru que la version
gothique du Nouveau Testament se rapprochait de très
près du Codex Alexandrinus B et il en avait conclu
qu'Ulfilas avait traduit le texte grec sur un manuscrit
parent de B. La comparaison exacte de la traduction
gothique avec ce manuscrit n'autorise pas cette con-
clusion. En réalité, cette version a été faite sur un texte
grec semblable à celui que présentent les manuscrits
antiochiens du texte dit syrien, spécialement à celui
que cite et commente saint Jean Chryspstome dans ses
Homélies sur saint Matthieu et saint Jean, avec quelques
divergences toutefois. Sur les rapports de saint Jean
Chrysostome avec les Goths, voir Batiflol, dans la Revue
biblique, 1899, p. 568-569. Tous les critiques antérieurs,
depuis Fell, avaient reconnu cette parenté. F. Kauff-
mann, dans Zeilschrift fur deutsche Philologie, 1897,
t. xxix, p. 306-315. Les manuscrits onciaux, auxquels
ressemble la version gothique, sont EFGHSUVAIT.
F. Kauflmann, ibid., 1898, t. xxx, p. 143-183; 1899,
t. xxxi, p. 181-190; 1903, t. xxxv, p. 433-453, 458-463;
E. Dietrich, Die Bruchstucke des Skeireins, Strasbourg,
1903. H. von Soden a reconnu aussi à la base de la
versiota gothique un texte grec tout à fait analogue à
celui des Pères cappadociens et de saint Chrysostomei
un texte de la KolvVJ, dans lequel des leçons de /avaient
pénétré ça et là. Aussi comme cette traduction a peu
de leçons particulières au sens propre du mot, elle
peut servir à la reconstitution du texte de la Koivt|. Die
Schriften des N. T., Berlin, 1907, 333, p. 1469-1470.
Le traducteur, en effet, a suivi de très près le texte
grec, sur lequel il travaillait, et dans la plupart des
cas, il le traduit mot à mot; le plus grand nombre des
différences provient du génie propre de la langue
gothique, desrègleB de sa syntaxe; elles sont purement
grammaticales. H. Stolzenberg, Die Uebersetzungste-
chnik des Wulfila unlersucht auf Grund der Bibel-
fragmente des C. A., dans Zeilschrift fur deutsche
Philologie, 1905, t. xxxvn, p. 145-193, 352-388. Le
traducteur insère dans son œuvre des mots grecs et
latins. C. Elis, Ueber die Fremdworte und fremden
Eigennamen in der gotischen Bibelùbersetzung in
grammatischer und archâologischer Hinsichl (dissert.),
Gœttingue, 1903; K. Gaebeler, Die griechischen Besland-
teile in der gotischen Bibel, dans Zeitschrift fur
deutsche Philologie, 1911, t. xliii, p. 1-118.
6) Ressemblances avec l'Itala. — Cependant la ver-
sion gothique contient quelques leçons dites occiden-
tales, qui se rencontrent notamment dans la version
latine nommée l'Itala. Bangert, Der Einfluss lateinis-
cher Quellen auf die gothische Bibelùbersetzung des
TJlfila, Rudolstadt, 1880 (progr.), et Marold, Kritische
Untersuchungen ùber den Einfluss der lateinischen
auf die gotische Bibelùbersetzung (dissert.), Kœnigs-
berg, 1881, en avaient conclu qu'elle avait été revue au
VI e siècle, à l'époque où les Goths occupaient l'Italie,
sur la \'ulgate latine, qui n'est qu'une revision de
Yltala. Mais un examen plus attentif du sujet a montré
que la version gothique ressemblait étonnamment au
Brixianus et au Monacensis, deux manuscrits de
Yltald non revisée. Cf. F. Kauffmann, dans Zeitschrift
fur deutsche Philologie, 1899, t. xxxi, p. 177-180, 190-
194; F. Conybeare, dans The Journal of theological
sludies, 1899-1900, t. i, p. 129-134; H. C. Hoskier et
F. Conybeare, ibid., 1911, t. xn, p. 456-459; H. Stolzen-
berg, dans Zeitschrift fur deutsche Philologie, t. xxxvii,
p. 388-392. Bien plus, le Brixianus a les mêmes lettres
d'argent et la même écriture violette que le Codex
Argenteus d'Upsal; ils sont tous deux de la même
école calligraphique italienne. Or, le Brixianus contient
deux feuillets étrangers, que Bianchini avait édités,
Evangeliarium quadruplex, et qui sont reproduits
par Migne, Pair, lat., t. xn, col. 18-19, et par Ber-
nhardt avec une traduction allemande, Zeitschrift fur
deutsche Philologie, 1870, t. n, p. 295 sq. Voir aussi
J. Drâseke, Der Gothen Sunja und Frithila Prœfalio
zum Codex Brixianus, dans Zeitschrift fur wisscn-
schaftliche Théologie, 1907, t. L, p. 107-117. Ils con-
tiennent un fragment d'une polémique contre saint Jé-
rôme et le mode de traduction, qui tient compte du sens
plutôt que des mots, qu'il a suivi dans sa revision de
l'Itala. Or, le saint docteur répond aux mêmes reproches
que lui avaient faits deux prêtres goths, Sunnia et Fre-
tella, au sujet de sa traduction des Psaumes. Epist. cvr,
ad Sunniam et Fretellam, t. xxii, col. 857. Cf.
J. Mûhlau, Zur Frage nach der gotischen Psalmenù-
bersetzung, Kiel, 1904, p. 19-26. Enfin, on remarque
dans la version gothique des notes marginales sur les
étymologies des mots grecs et latins. Toutes ces consi-
dérations ont amené F. Kauffmann, dans Zeilschrift fur
deutsche Philologie, 1900, t. xxxu, p. 305-335, à conclure
que Sunnia et Fretella sont les auteurs de la préface,
intercalée dans le Brixianus, et qu'ils l'ont placée en
tête d'une édition critique de la version gothique, faite,
vers 410, par eux en vue de la rendre plus littérale.
Au vi e siècle, cette édition fut mise en rapport étroit
avec le Bi-ixianus et la Vulgale de saint Jérôme, en un
manuscrit bilingue ou peut-être même trilingue, dont
nous avons un reste dans le Carolinus de Wollfenbûttel.
Le Brixianus aurait été copié sur un manuscrit gotico-
latinus, dont le texte gothique est reproduit dans le
Codex Argenteus, écrit, comme le Brixianus, dans le
nord de l'Italie. La découverte du fragment gotico-
lalinus d'Antinoé vient confirmer ces conclusions, et
M. Glaue pense même que ce fragment, antérieur au
VI e siècle, est un reste du travail de Sunnia et Fretella.
Das gotisch-lateinische Bibelfragment der Universitâts-
bibliothek zu Giessen, p. 9-14.
Toutefois, M. von Soden, loc. cit., n'admet pas cette
revision de la version gothique et il croit que les ma-
nuscrits nous donnant le texte pur d'Ulfilas. Il explique
autrement les ressemblances de cette version avec les
manuscrits de l'Itala. Selon lui, elles proviennent de
ce que l'Itala a subi l'influence de la recension I, dont
2355
ULFILAS — UR DES GHALDEENS
2356
la version golhique reproduit certaines leçons. Mais
M. Nestlé y trouve avec raison des traces d'une revision
postérieure; et il en signale quelques-unes. Einfuhrung
indas GriechischeNeueTestament,3' édit., Gœttingue,
1909, p. 154-155. Cf. F. G. Kenyon, Randbook to the
textual criticism of theNew Testament, Londres, 1901,
p. 204; K. Lake, The text of New Testament, 4« édit.,
Londres, 1908, p. 46.
Cf. J. L. Hug, Einleitung in die Schriften desN. T.,
4« édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, § 130-142, t. i,
p. 431-460; E. Sievers, Gotische Literatur, dans
H. Paul, Grundriss der germanischen Philologie,
Strasbourg, 1889, t. h, p. 65-70; E. Eckstein, Ulfilasund
die gotische Uebersetzung der Bibel, dans Illustrierte
Monatschrift, décembre 1892, p. 403-407; Dictionary
of the Bible, de Hastings, Edimbourg, 1902, t. IV,
1. UR (hébreu: 'Ûr; Septante : ©upoçâp), nom pro-
bablement altéré du père d'un des vaillants soldats de
David, appelé Éliphal. I Par., xi, 35. Dans IIReg.,xxin,
34, Éliphal est appelé ÉliDhéleth, fils d'Aasbal. Voir
Éliphéleth 1, 1. 1, col. 1686.
2. UR DES CHALDÉENS (hébreu : 'Ûr Kasdim;
Septante x">P œ T&v XaXSSùiiv), ville de Chaldée. En
assyrien 'ûr signifie « ville », et c'est pour distinguer
cette ville des autres villes en général qu'elle est
appelée Ur des Chaldéens. — 1° La Genèse, xi, 28,
nous apprend qu'elle était la patrie d'Aran, fils de
Tharé et frère d'Abram (Abraham), et c'est de là que
partit Tharé avec Abraham, son fils, pour se diriger
vers la terre de Chanaan. Gen., xi, 31. — 2° Le second
livre d'Esdras, ix, 7, rappelle cette origine du père des
'«sm^^fs®^ t
.'.'■I '• lii!'-,.* "î*ii*i
iy£ ;jrrt*"
«Mat^
%jO$- u
'*■*•*
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B>-rp*^*/ '".
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■ ' iwaay gr:..'" *?'*<> . ..
537. — Ruines d'Ur (Mugheir). D'après- Taylor, Journal ofthe Asiatic Society, 1855, t. xv, entre p. 260 et 261.
p. 861-863; CE. Gregory, Textkritik des N. T., Leipzig,
1902, t. n, p. 730-733; 1909, t. m, p. 1343; E. Nestlé,
Einfuhrung in das Griechische Neue Testament,
3» édit., Gœttingue, 1909, p. 153-155; A. Risch, Die
gotische Bibel, dans Studien und Kritiken, t. lxxxiii,
1910, p. 515-619; F. Kauffmann, Zw Textgeschichte der
gotischen Bibel, dans Zeitschrift fur deutsche Philolo-
flfie, 1911, t. XLin,p. 118-132; Id., Beitrâgezur Quellen-
kritik der gotischen Bibelùberseltung,ibid., p. 401-428.
E. Mangenot.
UNICORNE (hébreu : re'êm; Septante : jjiovo/.épw;,
àaSpôç), animal sauvage nommé dix fois dans l'Écriture.
Num., xxiii, 22; xxiv, 8; Deut., xxxm, 17; Job,xxxix,
9,10;Ps. xxii, 22; xxix, 6; xlh, 10; xcn,ll; Is., xxxiv,
7. La Vulgate traduit re'êm par unicornis, Ps. xxi,
22; xxvm, 6; lxxvh (hébreu : lxxviii), 69 : « les hau-
teurs »; rdmîm); Ps. xci, 11; Is., xxiv, 7. Elle le rend
par rhinocéros, Num.,xxin, 22;xxiv, 8; Deut., xxxm,
17; Job, xxxix, 9, 10. Voir Rhinocéros, col. 1088. Le
re'êm ou rêm est en réalité le bœuf sauvage, l'aurochs.
Voir Aurochs, t. i, col. 1260 ; Licorne, t. iv, col. 244.
UPSAL (CODEX D'). Voir Codex Argenteus, 1. 1,
col. 948-949, le fac-similé, fig. 252, vis-à-vis col. 948;
Ulfilas, col. 2351.
Juifs sorti de 'Ûr Kaidîm pour aller dans la contrée
destinée à devenir le séjour de ses descendants. Dans
ce passage, les Septante traduisent yûçx twv Xoc).-
Saitov, comme ils l'avaient fait dans la Genèse, xi, 28,
mais la Vulgate latine, au lieu de Ur Chaldseorum,
nom dont elle s'était servie avec raison dans la Genèse,
traduit de igné Chaldseorum, en adoptant une légende
juive, fondée sur ce que le mot 'ûr en hébreu a, entre
autres significations, celle de « feu », ce qui avait fait
croire aux rabbins que les compatriotes d'Abraham
avaient voulu le faire brûler dans une fournaise. Rien
ne prouve que cette légende ait le moindre fondement.
— 3° Saint Etienne, dans son discours, Act., vm. 4,
dit en parlant d'une manière générale qu'Abraham
« sortit de la terre des Chaldéens, et alla habiter à
Haran, » indiquant ainsi d'une manière très précise le
pays où était situé Ur.
Ur Kasdim porte aujourd'hui le nom de Mughéir.
Quand le voyageur descend le cours de l'Euphrate, à
peu près à moitié distance entre Babylone et l'embou-
chure du Chat el-Arab dans le golfe Persique, il re-
marque à l'ouest, sur une légère élévation, un monceau
de ruines (fig. 537). Ce sont les restes d'Ur Kasdim.
La plaine à l'entour est si basse que, lorsque les eaux
grossissent annuellement, elle devient un véritable
2357
UR DES CHALDÉENS — URIE
2358
marais, au milieu duquel Mughéir prend l'apparence
d'une île où l'on ne peut aborder qu'en bateau. Il n'en
était pas ainsi quand y naquit Abraham. Les eaux de
l'Euphrate, « la vie de la contrée », comme l'appellent
les textes assyriens, Cuneifomi inscriptions of Western
Asia, t. il, pi. 51, 25, n'inondaient point alors impé-
tueusement la campagne, mais, emprisonnées dans
des canaux et savamment distribuées, elles la fertili-
saient au lieu de la rendre malsaine. La ville d'Ur était
florissante, luttant pour la grandeur et la civilisation avec
la Babylone contemporaine. Les sciences et les arts
y étaient cultivés et on y écrivait sur l'argile des livres
dont les copies nous ont été partiellement conservées.
On y a .trouvé les restes encore imposants d'un tem-
ple à étages (voir fig. 537), construit en l'honneur du
dieu Sin (la lune), d'où sans doute le nom de Kama-
rina (de kamar, en arabe, « la lune »), qui était donné à
Ur. Eupolème, dans Eusèbe, Prsepar. Ev., ix, 17, t. xxi,
col. 708. Ce temple avait été construit longtemps avant
Abraham. Ses ruines ont plus de vingt mètres de hau-
teur. Il était à trois étages, de forme rectangulaire,
parfaitement orienté et construit en larges briques. Il
s'élevait sur une plate-forme dont la longueur était de
plus de soixante mètres et la largeur de quarante-
538. — Maison chaldéenne d'Ur.
D'après Taylor, Notes on the ruins of Muqeyer,
dans Journal of the Royal Asiatic Society, t. xv, p. 266.
quatre. Abraham a dû voir souvent le monument dont
les débris subsistent encore, après avoir reçu plusieurs
réparations successives.
Les fouilles nous ont fait aussi connaître ce qu'étaient
les habitations des anciens habitants. « On a mis au
jour parmi les ruines (d'Ur)... les restes de quelques
maisons où logeaient sans doute des gens de bonne
famille. Elles sont construites en belles briques, dont
une couche mince de bitume cimente les lits, et elles
n'aventurent au dehors que des lucarnes percées irré-
gulièrement vers le haut des parois ; la porte basse,
cintrée, défendue de lourds vantaux en bois, forme un
corridor aveugle et sombre qui aboutit d'ordinaire à la
cour, vers le centre des bâtiments. On distingue encore
à l'intérieur de petites salles oblongues, tantôt voûtées,
tantôt couvertes d'un plafond plat que des troncs de
palmier soutiennent; les murs atteignent le plus sou-
vent une épaisseur considérable (fig. 538), dans laquelle
on pratiquait çà et là des niches étroites. La plupart
des pièces n'étaient que des magasins et contenaient
les provisions et la richesse de la famille; d'autres
servaient à l'habitation et recevaient un mobilier... fort
simple. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples
de l'Orient classique, t. i, p. 745-746.
C'est peut-être dans une maison de ce genre que
naquit Abraham et que s'écoula son enfance. Cepen-
dant un certain nombre de savants pensent que Tharé,
son père, menait la vie pastorale et vivait en nomade
sous la tente à Ur ou dans son voisinage. Les Septante,
ne connaissant pas d'ailleurs peut-être l'existence de la
ville d'Ur, le font vivre simplement s dans la terre des
Chaldéens. »
Les commentateurs ont été aussi très partagés et le
sont même encore sur l'identification d'Ur Kasdim. 11
n'est plus guère possible de soutenir avec quelque
vraisemblance, comme on l'a fait autrefois, que Ur
Casdim est Orfah ou Édesse en Mésopotamie. Ad.
Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris,
1868, p. 379, a émis l'opinion singulière que Cutha
est peut-être l'Ur Casdim de la Bible. Les titres de la
ville antique, sur les débris de laquelle s'élève aujour-
d'hui Mughéir, semblent bien les mieux établis pour
réclamer la gloire d'avoir donné le jour au patriarche
Abraham. — Voir F. Vigouroux, La Bible et les dé-
couvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 417-433.
URAI (hébreu: 'Irî ; Septante : Oùpi), cinquième fils
de Bêla, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 7.
URBAIN (grec: Oùpëdcvoç, nom latin grécisé), chré-
tien de Rome. Saint Paul le salue dans son Épitre aux
Romains, xvi, 9, et l'appelle « notre coopérateur (<yuv-
epY<Sv) dans le Christ Jésus. »I1 n'est connu que par ce
passage dans le Nouveau Testament. Il mourut martyr;
sa fête est marquée au 31 octobre. — Un esclave appelé
Urbain est mentionné Corpus inscript, lat., t. vi,
n. 4287.
URBINAS (CODEX). Ce manuscrit grec des Évan-
giles appartient au fonds d'Urbino de la Bibliothèque
Vaticane. Il fut apporté d'Urbino au Vatican par le
pape Clément VII. C'est un manuscrit d'écriture
cursive, XII e siècle, de 325 feuillets à une colonne, me-
surant 18 cent, sur 13. Majuscules dorées, exemplaire
de luxe, exécuté pour l'empereur Jean II Porphyrogé-
nète, et, croit-on, en 1128. Le texte en est composite et
présente des leçons anciennes remarquables. Il a été
collationné par Scholz, et avant Scholz étudié par
Bianchini. Voyez Gregory, Prolegoniena,^. 500-501.
P. Batiffol.
URI (hébreu : "Ûrî de 'ûr, « enflammé »), nom de
trois Israélites.
1. URI (Septante : Oùpeia;; Oùpec, dans I Par., Il,
20), fils d'Hur, descendant de Caleb, fils d'Hesron, de
la tribu de .Tuda, et père de Béséléel. Exod., xxxi, 2;
xxxv, 30; xxxvin, 22; I Par., n, 20; II Par., I, 5.
2. URI (Septante: 'A5ai; Lucien : 'ASôocî), père de
Gaber, l'un des préfets de Salomon, chargé de l'ap-
provisionnement de sa cour dans le pays de Galaad.
III Reg., iv, 19.
3. URI (Septante : 'Q8oû6; Alexandrinus : 'QSouî ;
Lucien: Oùpîa^), un des Lévites portiers. IEsd., x, 24.
Il avait épousé une femme étrangère et fut obligé de
s'en séparer du temps d'Esdras.
URIE (hébreu : 'Ûriyâh, 'Ûriydhû, « Jéhovah est ma
lumière » ou « flamme de Jéhovah »), nom d'un Héthéen
et de trois Israélites.
1. URIE (Septante : O-jpeca;), héthéen, un des trente
vaillants soldats de David, II Sam. (Reg.), xxm, 39;
I Par., xi, 41, et mari de Bethsabée. II Reg., xi, 3;
Matth., i, 6. Quoique étranger, son langage, II Reg.,
xi, 11, montre qu'il pratiquait la religion juive. 11
épousa Bethsabée, femme d'une rare beauté, et ce fut
pour son malheur. Sa maison à Jérusalem était au-
dessous du palais royal. David l'aperçut sur le toit de
sa demeure, lorsqu'elle prenait un bain, et conçut
pour elle une passion criminelle à laquelle elle ne
résista point. En ce moment, CJrie était loin, prenant
part au siège de Rabbath Ammon dans l'armée de Joab.
Pour dissimuler sa faute, David se fit envoyer Urie sous
prétexte de lui apporter des nouvelles de la guerre,
mais il ne put décider ce vaillant soldat à aller passer
2359
URIE
URIM ET THUMMIM
2360
la nuit dans sa propre maison. « L'arche de Dieu, et
Israël et Juda, lui répondit-il, habitent sous la tente,
et mon seigneur Joab et les serviteurs de mon seigneur
demeurent en rase campagne, et moi j'entrerais dans
ma maison! » II Reg., xi, 11. Sa généreuse conduite
fut la cause de sa mort. Le roi, n'ayant pu le déter-
miner à rentrer chez lui, le fit porteur d'une lettre
à Joab, dans laquelle il chargeait ce dernier d'exposer
Urie à l'endroit le plus dangereux du combat, afin
qu'il y trouvât la mort, et le général israélite n'hésita
pas à exécuter cet ordre inique et cruel et à faire périr
ce brave soldat. II Reg., xi. Le prophète Nathan repro-
cha au roi avec raison d'avoir frappé lui-même Urie par
l'épée des filsd'Ammon. II Reg., XII, 9. Ce fut là la grande
tache du règne de David, III Reg., xv, 5, et Dieu la lui
fit expier sévèrement, II Reg., xn, 11, 14-18, quoiqu'il
lui pardonnât à cause de sa pénitence exemplaire, y. 13.
2. urie (Septante : OOpt'a;), grand-prêtre du temps
d'Achaz, roi de Juda. Sur l'ordre de ce prince, il con-
struisit, IV Reg., XVI, 10, un autel au sujet duquel les |
opinions sont partagées, ainsi que sur la nature du
sacrifice qui y fut offert. D'après les uns, ce sacrifice
fut célébré en l'honneur des dieux de l'Assyrie, d'après
les autres en l'honneur du vrai Dieu, parce qu'il fut
offert par le souverain pontife et conformément aux
prescriptions de la Loi. Ces derniers, pour justifier
leur opinion, s'appuient sur ce que dit Isaïe d'Urie,
qui, vin, 9, le compte comme un des deux témoins
fidèles qui peuvent attester l'authenticité de la pro-
phétie concernant Maher-Salal-haS-baz. Il n'est pas
certain que l'Urie constructeur de l'autel soit le même
que celui dont parle Isaïe, mais c'est néanmoins fort
probable. Quoi qu'il en soit, le fait raconté dans Isaïe
est antérieur à l'événement rapporté dans les Rois;
Urie n'aurait donc été infidèle à son devoir que posté-
rieurement à ce que dit de lui le prophète. — Urie n'est
pas nommé dans la généalogie sacerdotale, I Par., vi,
4-15, mais il y a des lacunes entre Amasias, y. 11, et
Sellum, y. 13.
3. URIE (hébreu: 'Ûriydkû; Septante: OCipîaç), pro-
phète, fils de Séméi de Cariathiarim. Il prophétisa sous
le roi Joakim contre Juda et Jérusalem et ce prince
voulut le faire mettre à mort. Pour échapper à sa colère,
Urie se réfugia en Egypte, mais Joakim l'y fit pour-
suivre par ses gens qui, avec le consentement du pha-
raon, le ramenèrent en Palestine et le remirent entre
les mains du roi. Joakim le fit périr par le glaive et or-
donna de jeter son corps au milieu des tombeaux de la
populace. Jer., xxvi, 20-23.
4. URIE (Septante : Oûpia;), chef de la septième fa-
mille sacerdotale, cf. I Par., xxiv, 10, père de Méré-
moth. Celui-ci revint avec Esdras de la captivité en
Palestine. I Esd., vm, 33; II Esd., m, 21; vm, 4. Voir
Mérémoth, t. iv, col. 996.
URIEL (hébreu ': 'ÛrVêl, « El (Dieu) est ma lu-
mière *; Septante : OOpufjX), nom de deux Israélites.
1. URIEL, fils de Thaheth et père d'Ozias, Lévite,
chef des Caathites. IPar., vi, 24 (9); xv, 5, 11. Il vivait
-du temps de David et prit part, comme chef des Caa-
thites, avec 120 d'entre eux, au transport de l'arche de
la maison d'Obédédom à Jérusalem.
2. URIEL, de Gabaon, grand-père maternel d'Abia et
père de la reine Michaïa ou Maacha, femme de Roboam.
Il Par., xm, 2. Voir Maacha 4, t. iv, col. 465.
URIM et THUMMIM (hébreu : 'ûrîm ve-tùmmîm;
Septante : 6rjXa)<7i; ou 6tj).oi x«l àï.rfiv.x ou ôsiôtt,;; Yul-
gate : doctrina et veritas), oracle au moyen duquel
les anciens Israélites connaissaient la volonté de
Jéhovah. Ce qui concerne l'Urim et Thummim est en-
veloppé d'obscurité.
1° Signification des mots. — Les anciens traducteurs
ont attribué aux deux mots des étymologies qui trahis-
sent leur embarras. Si 'ûrîm vient de 'or, « lumière»,
ou de 'ûr, t feu », mots dont le sens était bien connu,
pourquoi les traductions 8r|Xw<rtî ou SïjXoi, « indication »,
action de rendre visible? Aquila rend plus littérale-
ment par 9<diH7,aoî, « illuminations ». La Vulgate traduit
par doctrina, donnant ainsi à 'urîm un sens intellec-
tuel qu'il n'a pas, et qui d'ailleurs ne convient pas à la
chose, puisqu'il ne s'agit pas ici de révélation sur le
dogme ou la morale. Quant à tùmmîm, qui ne^pour-
raitvenir que de fôm, « plénitude, totalité, perfection »,
Aquila : teXskôcti;, on ne voit pas qu'il puisse aboutir
régulièrement au sens de àXïjôsia, veritas, « vérité »,
ou âmÔTïiç, « sainteté ». Il est donc à croire que les
anciens traducteurs ne connaissaient plus exactement
le sens originel des deux mots 'ûrîm et (ûmmîm, et
qu'ils les ont rendus par à peu près, en s'écartant
notablement de la signification courante de 'or et de
tôm. Ils ont supposé d'ailleurs avec raison que la forme
539. — Pectoral égyptien, représentant le dieu Ra et la déesse Ma.
D'après Wilkinson, Manners and customs, édit. Birch,
t. m, p. 183.
plurielle des deux mots pouvait marquer l'excellence
des objets plutôt que leur pluralité. — Gerber, Die
hebrâisch. Verba denominativa, 1896, p. 195, pense
que 'ûrîm viendrait plutôt de 'ârar, « exécrer »,
en assyrien arâru, et Schwally, dans Zeitschrift fur die
àlltest. Wissenschafl, t. xi, p. 172, prête à tûmmîmle
sens de berâkàh, « bénédiction ». De la sorte, le Thum-
mim serait favorable et l'Urim défavorable. — Des
commentateurs croient retrouver en Egypte l'origine de
l'Urim et Thummim. Le grand-prêtre égyptien, quand
il rendait ses jugements comme souverain juge, portait
un pectoral sur lequel était représenté Ra, le dieu de la
lumière, d'où Urim, et Ma, avec l'article Tma, la déesse
de la justice (fig. 539), Riehm, Handwôrterbuch des bi-
blischen Altertums, 2 e édit., 1893, 1. 1, p. 931. — D'après
Dhorme, Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 124, le
sens des deux mots devrait être emprunté à l'assyrien :
'ûrîm viendrait de urê, de la même racine que urlu,
« précepte, loi », et fûmmim, pluriel de tummu, déri-
verait de tamû, « prononcer une conjuration, une
formule magique ». — L'Urim et le Thummin sont
ordinairement nommés ensemble. Une fois, Deut.,
xxxiii, 8, les deux termes sont intervertis, et deux
autres fois. Nom., xxvii, 21; I Reg.j xxvm, 6, l'Urim
est nommé seul. Le plus souvent, il est seulement
question de « consulter Jéhovah ».
2° Institution. — Moïse reçut nie Dieu cet ordre :
« Tu mettras au pectoral du jugement l'Urim et le
Thummim, pour qu'ils soient sur le cœur d'Aaron
lorsqu'il se présentera devant Jéhovah, et qu'ainsi il
porte constamment sur son cœur, devant Jéhovah, le
jugement des enfants d'Israël. » Exod., xxvm, 30
Lev., vm, 8. L'expression employée dans ce passage,
nàtatta 'él ItoSén, êTciÔïjtjeiç èiti tô Xofeïov, pones in
ralionali, « tu mettras dans le pectoral » ou « sur le
pectoral », est identique à celle qui ordonne de mettre
2361
URIM ET THUMMIM
2362
dans l'Arche les labiés de la loi : ndtatld 'él hd'ârôn,
è|/.6aXetç et; tt,v xiëtoTov, portes in arca. Exod., xxv, 16.
On peut déjà conclure de là que l'objet en question
est distinct du pectoral et qu'il est réel et visible. Sa
destination fait donner au pectoral le nom de « pec-
toral du jugement », c'est-à-dire au moyen duquel Dieu
fait connaître ses jugements, ses décisions. Il est néces-
saire qu'il soit sur le cœur d'Aaron. Dans le poème
chaldéen de la création, i, 137, on voit Tiamat donner
à son lieutenant, Qingou, « les tablettes du destin » et
les accrocher à sa poitrine. Cf. Dhorme, Textes reli-
gieux assyro-babyloniens, Paris, 1907, p. 19. De même,
l'Urim et Thummim sont fixés sur la poitrine du grand-
prêtre. Après Aaron, Eléazar se servira de l'objet pour
faire connaître à Josué les volontés de Jéhovah : c< Il
se présentera devant le prêtre Éléazar, qui consultera
pour lui le jugement de l'Urim devant Jéhovah; c'est
sur son ordre que Josué sortira, sur son ordre qu'il
entrera, lui, tous les enfants d'Israël et toute l'assem-
blée. » Num., xxvn, 21. Il suit de là que l'Urim et le
Thummim est comme l'oracle de Jéhovah, l'organe de
son pouvoir théocratique. Il est aux mains du grand-
prêtre, qui seul peut le consulter devant Jéhovah, c'est-à-
dire avec l'intention d'obtenir de Jéhovah une réponse.
Cependant l'oracle ne s'occupe pas des intérêts parti-
culiers; il est seulement à l'usage du peuple tout
entier et de son chef. Le texte sacré ne fournit pas
d'autres détails précis sur la nature et le fonctionne-
ment de l'oracle.
3° Consultations. — Les livres historiques enregis-
trent un certain nombre de consultations adressées à
Jéhovah par l'Urim et le Thummim, sans qu'on puisse
assurer qu'elles aient été les seules. Ces consulta-
tions fournissent certains renseignements sur la ma-
nière dont l'oracle répondait. Il est probable d'ailleurs
qu'on ne recourait à l'oracle que quand on ne pouvait
être éclairé par les moyens ordinaires. Quand Josué
et les Israélites se laissèrent tromper par la feinte des
Gabaonites, ce fut « sans consulter la bouche de Jého-
vah. » Jos., ix, 14. Ils auraient dû, en cette occasion,
en appeler à Jéhovah. Il est à croire que, conformé-
ment à l'ordre reçu, Num., xxvn, 21, Josué ne manqua
pas de le faire en plusieurs autres circonstances
importantes. Il est possible que les communications
faites à Josué par Jéhovah aient eu l'Urim et le Thum-
mim pour intermédiaire. Jos., i, 1; m, 7; iv, 1;
etc. — Après la mort de Josué, les Israélites deman-
dent à Jéhovah qui doit prendre la tête de l'invasion
contre les Chananéens, et l'oracle répond : « Juda mon-
tera; voici que j'ai livré le pays entre ses mains. »
Jud., 1, 2. — Pendant la guerre contre les Benjamites,
l'oracle est consulté par trois fois, et il commande à
Juda de marcher en avant, et à tout Israël de marcher
contre Benjamin. Jud., xx, 18, 23, 28. — Après l'élec-
tion de Saùl, l'oracle révèle la cachette où se tient le
nouveau roi. I Reg., x, 22. — Deux fois Saûl, devenu
infidèle, consulte Jéhovah, pour savoir s'il doit pour-
suivre les Philistins, I Reg., xiv, 36, 37, et ce qu'il
doit faire à Gelboé. I Reg., xxvm, 6. En ces deux
circonstances, l'oracle ne répond pas; les songes et les
prophètes n'en disent pas davantage. Jéhovah se refuse
donc formellement à diriger le roi réprouvé. — David,
déjà oint par Samuel, se réfugie à Nobé, près du
grand-prêtre Achimélech. Le traître Doëg rapporte
ensuite à Saûl qu' Achimélech a consulté Jéhovah pour
David. Pour se défendre, Achimélech dit à Saùl :
« Est-ce anjourd'hui que j'aurais commencé à consulter
Dieu pour lui ? » faisant entendre, sans doute, qu'il
avait déjà interrogé l'oracle à l'occasion des missions
confiées par le roi à son gendre, mais qu'il n'aurait
pas commencé à le faire le jour où Saûl accusait David
de rébellion. I Reg., xxn, 10-15. — A Ceïla, David dit
à Abiathar, successeur d'Achimélech : « Apporte
l'éphod, » et il demande si Saûl viendra et si les habi-
tants de Céïla le livreront. L'oracle répond : « Il des-
cendra » et « Ils te livreront. » I Reg., xxm, 9-12. On
voit ici que l'Urim et Thummim est inséparable du
pectoral et de l'éphod. — Une autre fois, David demande
de la même manière s'il doit poursuivre une bande
d'Amalécites, qui avaient fait captives deux de ses
femmes et celles de ses gens. Il lui est répondu de
poursuivre et qu'il recouvrera ce qu'on lui a pris.
I Reg., xxx, 7-8. — Après la mort de Saùl, il consulte
pour savoir s'il doit monter dans une ville de Juda et
dans laquelle. L'oracle répond : « A Hébron. » II Reg.,
h, 1. — Plus tard, il demande s'il faut marcher contre
les Philistins, et l'assurance lui est donnée qu'il leg-
battra. II Reg., v, 19. — Comme les ennemis revien-
nent à la charge, l'oracle lui dit de les tourner par
derrière et que Jéhovah marchera avec lui pour lui
assurer la victoire. II Reg., v, 23, 24. — Il est à remar-
quer que ces réponses ne sont pas faites seulement
par « oui » et.« non », mais que plusieurs d'entre elles
fournissent des indications circonstanciées qui dépas-
sent les termes de l'interrogation. Ces réponses sont
positives et claires ; elles n'ont rien du vague et de
l'ambiguïté des oracles païens. Ce qu'elles indiquent
s'accomplit toujours à la lettre. On ne les obtient que
par l'intermédiaire du grand-prêtre, sans qu'un autre,
pas même le roi, puisse les provoquer directement.
Malgré le caractère officiel de la consultation et la
promesse de Jéhovah, Dieu se réserve de refuser une
réponse quand il le juge à propos, comme il le fait
deux fois pour Saùl. L'exemple de Josué, dans l'affaire
des Gabaonites, montre d'ailleurs que l'on n'était pas
toujours fidèle à consulter l'oracle quand il l'aurait
fallu. Enfin, il faut encore observer que Jéhovah ne
prend jamais l'initiative de faire savoir sa volonté par
l'Urim et le Thummim. Il ne parle que quand il est
interrogé. Jéhovah parlait aussi dans le deblr ou sanc-
tuaire proprement dit. Il s'y adressait à Moïse ou au
grand-prêtre pour donner ses ordres, mais sans avoir
besoin d'être consulté, ce qui distinguait le debîr de
l'Urim et Thummim. Voir Oracle, t. iv, col. 1846. —
Après David, l'histoire n'enregistre plus de consulta-
tions de Jéhovah par l'Urim et le Thummim, d'où il
faut conclure probablement qu'elles cessèrent à partir
de la construction du Temple. On voit dès lors les
prophètes intervenir directement, et même dès les
derniers temps de David, pour faire connaître les
volontés de Dieu sur ce qui était à faire ou à éviter. Le
prophétisme remplaça donc l'Urim et le Thummim.
Après la captivité, on exclut du sacerdoce les prêtres
qui ne pouvaient justifier de leur généalogie, « jusqu'à
ce qu'il s'élevât un prêtre pour consulter l^Urim et le-
Thummim, » c'est-à-dire pour consulter Dieu efficace-
ment par l'ancien oracle sur la réalité de leur origine
sacerdotale. I Esd., h, 63; II Esd., vu, 65. Les versions-
traduisent kohên le'ûrîm ûletàmmim par iepeùç toîç
9(ou't;ou<7i xat totc TSAst'ocç, « prêtre pour les choses-
lumineuses et parfaites », sacerdos dodus atque per-
fectus, « prêtre instruit et parfait ». Josèphe, Ant.jud.,
III, vin, 9, dit que l'Urim et Thummim n'était disparu,
à son époque, que depuis deux cents ans. Mais son.
renseignement est suspect. Les rabbins affirmaient que
cinq choses manquaient dans le second Temple :
l'Arche d'alliance, le feu céleste, l'Urim et Thummim,
la Sekîndh (voir Gloire, t. m, col. 252) et l'huile sacrée.
Cf. Gem. Yoma, 21, 2. La disparition de l'oracle re-
montait donc très haut, peut-être même à la fondation
du premier Temple. Dans son éloge d'Aaron, l'Ecclé-
siastique, xlv, 12, dit qu'il était vêtu, entre autres
choses, Xoyeîcii xpioeut; SVjXotç Hrfielcn;, «t du pectoral du
jugement, des manifestations de la vérité », judicio
et veritate prsediti, <t doué de jugement et de vérité ».
II y a dans le texte hébreu : « du pectoral du jugement,.
2363
URIM ET THUMMIM
2364
de l'éphod et de la ceinture. » L'Urim etleThummim ne
sont pas nommés expressément. Ils peuvent être com-
pris dans l'éphod, comme le supposent plusieurs anciens
textes. I Reg., xxm, 9; xxx, 7.
4° Fonctionnement. — Les textes ci-dessus rappelés
permettent de conclure à l'objectivité et au caractère
surnaturel des réponses adressées au grand-prêtre par
l'Urim et le Thummim. Mais ils n'expliquent pas le
fonctionnement de l'oracle, soit qu'il fût bien connu à
l'époque où vivait l'historien sacré, soit plutôt qu'il
dût rester mystérieux et que le grand-prêtre et quelques
autres fussent seuls à connaître le secret. Ce secret n'a pas
été transmis; aussi s'est-on livré aux conjectures les
plus diverses pour expliquer de quelle manière l'Urim
et le Thummim rendaient des oracles divins. — 1.
Josèphe, Ant. jud., III, vm, 9, confond l'Urim et le
Thummim avec le pectoral lui-même, et il dit qu'avant
la bataille les pierres du pectoral rayonnaient avec un
éclat qui annonçait le secours divin et la victoire. Il
semble ainsi borner l'emploi de l'oracle aux cas de
guerre, ce qui ne se justifie pas au moins en deux cir-
constances. I Reg., x, 22; II Reg., il, 1. Abarbanel et
d'autres Juifs ont adopté la donnée de Josèphe en la
spécialisant. D'après eux, le grand-prêtre obtenait la
réponse en lisant les lettres qui brillaient successi-
vement à ses yeux parmi celles qui composaient les
noms des douzes tribus inscrits sur les pierres du
pectoral. « Les mots Urim et Thummim désigneraient
les lumières et les obscurités qui passaient sur la face
du pectoral, lorsque, placé vis-à-vis du chandelier à
sept branches, quelques-unes des lettres gravées sur
les pierres précieuses s'illuminaient, tandis que les
autres restaient baignées d'obscurité. Peut-êlre alors,
d'après des règles qui restaient un des secrets du
sanctuaire, le grand- prêtre groupait les caractères
lumineux pour former la réponse de l'oracle. » Ancessi,
Atlas géogr. et archéol., Paris, 1874, Index archéol.,
p. 19. Mais à l'ensemble des lettres qui formaient les
noms des douze fils de Jacob, il en manquait quatre
pour faire un alphabet complet : n, ts, s, ]3, de sorte
qu'on n'aurait pu, par exemple, lire le nom de la ville
d'Hébron, qui commence par un n, Hébrôn. Cf. II Reg.,
il, 1. Quelques rabbins supposent qu'à ces noms étaient
joints ceux des patriarches, Abraham, Isaac et Jacob,
ce qui ajoutait au total les trois lettres n, ï, p. D'autres
compliquaient encore la lecture en faisant intervenir
le nom de Jéhovah. Il est difficile de prendre en consi-
dération ces différentes hypothèses, parce qu'elles ne
maintiennent pas la distinction qu'imposent les textes
entre le pectoral et l'Urim et Thummim. — 2. Philon,
Vit. Mos., 3; De monarch., 2, édit.Mangey, t. n, p. 152,
226, imagine que deux images, ÔYc<>(<.aTa, appelées 8»j-
Xomtic et àMjOeia, étaient jointes au pectoral. D'autre
part, on sait par Diodore de Sicile, i, 48, 75, et Élien,
Var. Hist.,xiv, 34, que' le grand-juge égyptien portait
sur la poitrine une image appelée : Vérité. Voir plus
haut, col. 2360. Mais cet insigne n'ajoute rien à la
valeur personnelle du juge, tandis que l'Urim et
Thummim est l'organe essentiel des consultations
obtenues de Jéhovah, si bien que, s'il fait défaut, le
grand -prêtre ne peut plus rien. Dans les grandes
circonstances, les prêtres babyloniens suspendaient
aussi à leur cou une étoffe rouge garnie de plusieurs
sortes de pierres précieuses. Cf. Lagrange, Étud.
sur les relig. sémit., Paris, 1905, p. 236. Il ne faut
donc pas se hâter de tirer des conclusions de ressem-
blances extérieures qui ne suffisent pas à justifier la
parité entre les institutions hébraïques et celles des
autres peuples. — 3. D'après d'autres, l'Urim et Thum-
mim serait une espèce de Théraphim, voir col. 2174 ; cf.
Ose., III, 4; Spencer, De leg. Hebr.ritual., La Haye;
1686, III, 7, ou des sortes de dés de diamant, l'un bril-
lant, l'autre rouge, sur lesquels était gravé le nom de
Jéhovah, et dont le grand-prêtre interprétait les com-
binaisons, de préférence devant l'Arche. Zûllig, Comm.
inApoc, Stuttgart, 1834, Excurs., ii.Pour Braun, Vest.
sacerdot. Hebr., Amsterdam, 1701, t. il, p. 614, l'Urim
et le Thummim n'aurait été qu'un symbole et les com-
munications divines au grand-prêtre auraient eu un
caractère exclusivement interne. Cf. Bâhr, Symbolik
des mosaisch. Cuit., Heidelberg, 1835, p. 136-141. Il
serait difficile de justifier par les faits ces différents
systèmes. — 4. Plus commune est l'explication de
l'Urim et Thummim par un tirage au sort. Cette expli-
cation est suggérée par un épisode de l'histoire de Saûl.
Quand Dieu refusa de lui répondre pour la seconde
fois, le roi attribua son silence à une faute commise
soit par lui-même, soit par son fils Jonathas, soit par
le peuple. 4 Le texte hébreu paraît avoir souffert en cet
endroit. On y lit seulement : « Dieu d'Israël, fais
paraître la perfection, hàbâh famîn. » I Reg., xrv,
41. Le texte des Septante est beaucoup plus complet :
« Si l'iniquité est en moi ou en Jonathas, mon fils,
Seigneur, donne la clarté, Sôç ôrjî.ouç, et si telle est la
réponse, donne à ton peuple d'Israël, donne la sain-
teté, 8bç ô<ri(kï)Ta. » Le sort désigne alors Saûl et
Jonathas, et, à une seconde épreuve, Jonathas seul.
La Vulgate reproduit à peu près les Septante : da os-
tensionem,... da sanctitatem. Il est possible qu'ici les
mots SrjXoi, ostensio, traduisent ûrîm, disparu du texte
hébreu, et que ôctiott)?, sanctitas, soit mis pour {ûm-
niîm, que les massorètes ont lu fânitm. Cf. Dhorme,
Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 123. On aurait
alors ici, pris sur le vif, le fonctionnement de l'Urim
et Thummim. C'était un sort plus solennel, tiré à
l'aide de deux pierres que le grand-prêtre conservait
dans le pectoral, et qui était officiellement garanti
par Jéhovah. On n'y avait recours que dans les cir-
constances d'intérêt public ou en faveur des chefs de
la nation. Des consultations de ce genre étaient coutu-
mières chez les Babyloniens. « Aux consultations
précises adressées par le roi sur l'opportunité ou le
succès de ses entreprises, Shamash ou Adad devaient
répondre par oui, annu, ou par non, ullu, par une
réponse proprement dite, supiltu, par un oracle, tamit,
tertu, piristu, parsu, par un jugement, dîna dînu,
une sentence, purussu, par une illumination, napalm,
ou encore par une vision ou une parole... Le dieu
dictait ou inspirait son oracle, abîtu, à ses prêtres. »
F. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens ,
Paris, 1903, p. xxvi. Voir le texte de plusieurs consul-
tations, p. 28, 108, 300. Il y a donc analogie entre la
pratique babylonienne et celle des Israélites; de plus,
l'illumination, napafyu, se retrouve dans l'idée expri-
mée par 'ûrim, et l'oracle, tamit, dans tûmmim. Il
n'est pas anormal qu'une coutume babylonienne ait
été en vigueur chez les Hébreux; mais Jéhovah a
voulu faire pour son peuple ce que les divinités assy-
riennes ne pouvaient faire pour le leur. — Néanmoins,
quelques difficultés subsistent avec cette explication
de l'Urim et Thummim. Si l'on admet deux pierres
différentes qui, tirées au sort, pouvaient signifier
« oui » ou « non », à quoi reconnaissait-on le refus de
répondre? I Reg., xiv, 36; xxvm, 6. Michaelis, Mosa-
isch. Recht, Francfort-s.-M., 1775, t. i, p. 293; t. vi,
p. 162; Iahn, Archseol. biblic, m, 4, 358, dans le S.
Scripturae curs. compl. de Migne, t. n, col, 1040, etc.,
imaginent qu'aux deux premières pierres en était jointe
une troisième qui marquait l'absence de réponse. Mais
les textes ne mentionnent que deux objets ; ils auraient fait
allusion à un troisième, s'il avait réellement existé pour
remplir le rôle important qu'on lui attribue. Il faut
penser que le refus de réponse résultait d'une com-
binaison que nous ignorons. Une autre difficulté pro-
vient du genre de réponses fournies par l'Urim et
Thummim. Il est malaisé de les réduire toutes à des
2365
URIM ET THUMMIM — USURE
2366
réponses par « oui » ou « non ». On pourrait néan-
moins supposer que l'histoirien sacré a parfois résumé
sous forme d'indication positive ce qui résultait de
l'élimination de différentes hypothèses proposées par le
consultant. Ainsi, quand il est dit à David de monter
à Hébron, II Reg., h, 1, la réponse peut être la consé-
quence de plusieurs questions successives : Faut-il
monter dans une ville de Juda ? Oui. A telle ou telle
ville? Non. A Hébron? Oui. De même en est-il pour
l'attaque contre les Philistins, II Reg., v, 23, 24 : Faut-il
• monter contre les Philistins ? Non. Faut-il les prendre
par derrière? Oui. Du côté des mûriers? Oui. Jéhovah
marchera-t-il avec moi ? Oui. Me donnera-t-il un signe
de son assistance? Oui. Lequel? Fera-t-il un bruit dans
les cimes ? Oui; etc. — En tout cas, à s'en tenir au texte
de l'Exode, xxvm, 30, il semble bien que l'Urim et Thum-
mim n'était pas une institution récente qu'il'ait été néces-
saire de décrire en détail, mais plutôt quelque chose
d'ancien, qui fonctionnait déjà depuis longtemps et
que Dieu, pour détourner son peuple de la consultation
des oracles idolâtriques, jugea à propos de conserver
en lui communiquant un caractère sacré. Cf. De
Hummelauer, In Exod., Paris, 1897, p. 285.
H. Lesêtbe.
URINE (hébreu : sê'în; Septante : o 7 joo->: Vulgate :
urina), produit liquide de l'excrétion chez l'homme et
les quadrupèdes. — Il n'en est question qu'une fois,
dans l'apostrophe grossière que le rabsacès assyrien
adresse aux assiégés de Jérusalem pour les menacer,
s'ils ne se rendent, d'en être réduits à manger leurs
excréments et à boire leur urine. IV Reg., xvm, 27;
Is., xxxvi, 12. — Quand on veut parler d'exterminer
toute une population, on dit qu'elle sera détruite jus-
qu'à tnasfin beqîr, oùpoûvca Ttp'oç toix',v, mingentem
ad parietem, «celui qui urine au mur». Cette expres-
sion revient six fois, mais seulement dans les livres
des Rois. I Reg., xxv, 22, 34; lit Reg., xrv, 10; xvi,ll;
xxi, 21; IV Reg., IX, 8. Les rabbins ont prétendu
qu'elle désigne le chien; mais cet animal ne compte
pour rien en Orient. Voir Chien, t. n, col. 698. Plusieurs
pensent qu'elle indique seulement le sexe masculin,
ce qui devient insignifiant dans les textes cités, qui
supposent une extermination atteignant jusqu'à ceux
qu'elle épargne d'habitude. D'autres croient qu'il s'agit
plutôt ici des garçons en bas âge. La loi imposait des
précautions particulières pour certaines nécessités,
Deut., xxiii, 12-14, et les hommes s'y assujettissaient
même pour uriner. Cf. Hérodote, n, 35; Xénophon,
Cyrop., i, 2, 16; Ammien Marcellin, xxiii, 6. On ne
pouvait astreindre les jeunes garçons à ces prescrip-
tions et l'on se contentait de les faire tourner vers le
mur. Les Syriens avaient la même expression, cf. Asse-
mani, Bibl. orient., t. Il, p. 260, probablement avec le
même sens. Elle désigne l'universalité des êtres, dont
elle représente les plus humbles et les plus inoffensifs.
H. Lesêtre.
US (hébreu : '0?; Septante : "û;), fils aîné d'Aram,
descendant de Sem. Gen., x, 23. Dans I Par., i, 17, son
nom est écrit Hus. Voir Hus 1, t. m, col. 782.
USURE (hébreu :nésé k ; Septante : tôxoç; Vulgate :
usura), intérêt abusif tiré de l'argent. — L'intérêt tiré
de l'argent paraissait vexatoire aux anciens Israélites.
Du verbe nâsâh, « prêter », ils rapprochaient le verbe
nàsak, « mordre », auquel ils ajoutaient le sens de
« tirer intérêt, pratiquer l'usure ». Voir Pbêt, col. 617.
1° La loi. — Dans la pensée des anciens, le prêt d'un
objet quelconque était un service que l'on rendait gra-
tuitement à ses voisins. En Chanaan, l'abondance des
fruits de la terre donna lieu à des réalisations en
argent, au ccmmerce et à des prêts d'argent. La loi
dut prévoir cet état de choses. Une première disposi-
tion règle qu'on ne peut exiger d'intérêt pour l'argent
prêté à un compatriote, que le défaut de ressources
oblige à emprunter. Exod., xxn, 25. L'intérêt réclamé
en pareil cas serait donc de l'usure. Une seconde loi
étend la première au gêr, à l'étranger qui vit à de-
meure au milieu des Israéliles, et elle porte non plus
seulement sur l'argent, mais aussi sur les vivres. On
ne peut donc tirer intérêt ni de l'argent, ni des objets
d'alimentation, et on doit les prêter gratuitement au
compatriote et au gêr qui en ont besoin. Lev., xxv,
35-37. Une dernière loi aggrave considérablement celle
de l'Exode, en prohibant d'exiger intérêt « ni pour
argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se
prête. » Deut., xxiii, 19-20. Il était donc défendu de
tirer profit des prêts, quels qu'ils fussent, quand il
s'agissait des compatriotes ou des étrangers mêlés à la
vie de la nation. — Mais chez un peuple qui avait tant
d'aptitude et de goût pour les opérations commerciales,
il était difficile d'interdire tout prêt lucratif. L'Israé-
lite fut donc autorisé à se rabattre sur le nokrî,
l'étranger qui n'était pas assimilé au compatriote, celui
qui gardait son autonomie, ses mœurs, et en général
son habitation en dehors de la terre d'Israël. Avec le
Phénicien, le Philistin, le Syrien, l'Arabe et les autres
trafiquants analogues, le prêt à intérêt était permis.
Deut., xxiii, 20. Dieu promettait même à son peuple
que cette source de bénéfices lui serait largement ou-
verte, et que, par contre, l'Israélite deviendrait assez
riche pour n'avoir pas à emprunter lui-même. Deut.,
xv, 6; xxvm, 12. Voir Prêt, col. 618.
2° La pratique. — En général, les Israélites obser-
vaient la loi qui les liait vis-à-vis de leurs compatriotes.
On prêtait sans y regarder argent et vivres à ceux qui
se trouvaient dans l'embarras, et ces prêts n'exposaient
pa3 d'ordinaire à de grands sacrifices. Luc, xi, 5.
Parfois cependant on hésitait à risquer ce qui ne de-
vait rien rapporter. On prêtait sur gages, même dans
des conditions exorbitantes. II Esd., v, 2-12. La saisie
mettait aux mains du créancier la personne et les
biens de l'emprunteur, La loi du prêt gratuit était
ainsi tournée. D'autres préféraient éviter toute espèce
de risque et ils se refusaient à prêter. Notre-Seigneur
donne un conseil radicalement opposé à cette pratique.
Matth., v, 42. Il y en avait enfin qui transgressaient
ouvertement la loi et ne consentaient à prêter qu'à
intérêt, même à leurs frères. Ps. xv (xiv), 5; Ezech.,
xvm, 8, 13,17; xxn, 12. De leur côté, les emprunteurs
trouvaient quelquefois leur avantage à coopérer à l'in-
fraction de la loi. Vers l'époque évangélique, il s'en
trouva qui décidaient leur prêteur par un présent
préalable ou le dédommageaient par un présent subsé-
quent, au moment où ils se libéraient, ce que rabbi
Gamaliel appelait « usure préalable » et. « usure tar-
dive ». Cf. Baba mezia, v, 8 (11). Quant à ceux qui prati-
quaient ouvertement l'usure, ils étaient frappés d'inca-
pacité judiciaire. Cf. Sanhédrin, ni, 5, 6. — Le prêt a
intérêt restait toujours légitime vis-à-vis des étrangers,
et c'est sur sa pratique que se fondaient les opérations
de banque auxquelles Notre-Seigneur fait allusion.
Matth., xxv, 27; Luc, xix, 23. Sur le taux de l'intérêt,
voir col. 620. Le développement des affaires financières
amena d'autres combinaisons qui permirent de passer
à côté de la loi sans la heurter directement entre com-
patriotes. Il reslait défendu de prêter de l'argent aux
marchands avec stipulation d'intérêts. Alors le mar-
chand et le prêteur s'associaient pour une entreprise,
à la suite de laquelle le marchand retirait d'abord la
part qui revenait à son industrie personnelle; puis il
partageait également le bénéfice avec son bailleur de
fonds. Cette sorte d'association supposait donc une va-
leur active au capital-argent. Cf. Baba metsia, v, 3 (5).
On recourait encore au contrat de louage, qui per-
mettait non plus seulement de prêter à titre gratuit un
outil, un animal et même les bras d'un homme, mais
2367
USURE — UZAL
2368
de les louer et ainsi d'en tirer revenu. D'ailleurs, la
loi elle-même prévoyait déjà certaines locations. Voir
Location, t. rv, col. 319; Baba mezia, vi. Cependant
les docteurs maintinrent l'interdiction des spécula-
tions sur les objets fictifs ou sur les valeurs que l'offrant
n'avait pas en mains. Cf. Baba mezia, v, 1, 2. Mais ils
admettaient l'escompte sur les paiements anticipés.
Un logement d'un sicle par mois se payait seulement
10 sicles par an, si le paiement était effectué d'avance.
Cf. Baba mezia, v, 2; Schwalm, La vie privée du \
peuple juif, Paris, 1910, p. 409-431. I
H. Lesêtre.
UTHAI (hébreu : 'Ûfaï, « secourable » ; Septante :
Où9a':), « des fils » de Bégui. Lui et Zachur, de la même
famille, accompagnèrent Esdras à son retour en Pales-
. tine avec soixante-dix hommes de leur 1 parenté. I Esd.,
vin, 14. — Le texte hébreu mentionne un autre Israélite
qu'elle appelle aussi 'Ûlaî. La Vulgate a écrit son nom
Ôthéi. Voir Othéi, t. iv, col. 1926.
UTILITÉ (hébreu : bésa', et dans l'Ecclésiastique,
xli, 14 : tô'alàh, du même radical yâ'al que l'hiphil
ho'il,* être utile »; Septante : û>çé).£ia; Vulgate : Mi-
litas), ensemble d'avantages qu'un être peut procurer.
1° Ce qui est utile est souvent appelé tôb, « hon ».
Les auteurs sacrés énumèrent parmi les choses utiles :
les astres, Bar., vi, 59, les troupeaux, Eccli., vu, 24
(22), les meubles, Sap., xm, 11, les vases, Bar., vi, 58,
images des hommes utiles, II Tim., H, 21, certains re-
mèdes, Tob., vi, 5. Dans un sens supérieur, sont éga-
lement utiles les vertus, Sap., vin, 7, la pratique des
bonnes œuvres, Tit. , m, 8, la piété, I Tim . , îv, 8, l'épreuve,
Heb., xii, 10, la, manifestation de l'Esprit, ICor., xn, 7,
la Sainte Écriture. II Tim., m, 16. Onésime était utile
à Philémon et à saint Paul, Phil., 11, et Marc à ce
dernier. II Tim., iv, 11.
2° Ce qui est inutile peut aller jusqu'à devenir Sâve',
« mauvais ». Sont simplement inutiles le bois de la
vigne stérile, Ezech., xv, 4, le vase brisé, Bar., VI, 15.
le sel affadi, Luc, xiv, 35, le don de l'insensé, Eccli-,
xx, 14 (13), le trésor et la sagesse cachés, Eccli., xx,
32 (29); xli, 17 (14), le docteur qui ne sait se conduire
soi-même, Eccli., xxxvn,21 (19). Pour les chrétiens, la
loi ancienne, Heb., vu, 18, et la circoncision, Rom.,
m, 1, ont perdu toute utilité. Parmi les choses inutiles,
mauvaises et nuisibles, il faut ranger les idoles, Is..
xliv, 10; Ps. xxxi (xxx), 7; Sap., xm, 10, 18, 19; la
postérité des impies, Sap., IV, 3, 5; les œuvres des
méchants, Sap., m, 11; les paroles oiseuses, Matth.,
xn, 36; les disputes de mots. II Tim., n, 14; Tit., m, 9.
Les impies regardent le juste comme inutile. Sap., n,
11, 12. Le serviteur inutile aux yeux de Dieu sera châ-
tié dans l'autre vie. Matth., xxv, 30. Mais, en ce monde,
tout serviteur de Dieu doit, par une juste apprécia-
tion de son mérite, se regarder comme inutile. Luc,
xvii, 10. H. Lesêtre.
1. UZAL (hébreu : 'Ûzâl; Septante : Aîgr,À), fils de
Jectan, descendant de Sem. Gen., x, 27. Dans les Pa-
ralipomènes, I, i, 21, son nom est écrit Huzal. Voir
HuzAL,t.m,col. 786-787. VoiraussiMosEL, t. iv, col. 1318.
C'est sous cette dernière forme qu'est nommé le pays oc-
cupépar la descendance d'Uzal dans Ezéchiel, xxvn,19.
2. UZAL (hébreu : 'Uzal; Septante : Codex Vaticanus,
'ActtJ).; Cod. Alexandrinus : 'Aaxrik; Vulgate: Mosel)
nom hébreu d'une ville de l'Arabie dont il est question
dans Ezéchiel, xxvii, 19, comme fournissant aux
marchés de Tyr du fer travaillé et des parfums. Le
texte massorétique porte tiixd, me- ûzzal.La ponctuation
t :
semble indiquer un participe pu'al, et la comparaison
avec des racines semblables en araméen, en syriaque
et en arabe, amène au sens de « tissé, tissu ». Mais on
préfère généralement la leçon bi=iND,mé 'Uzâl, avec la
T
préposition min, leçon appuyée par plusieurs manu-
scrits hébreux. Cf. B. de Bossi, Variée lectiones Veteris
Testamenti, Parme, 1785, t. m, p. 147. Les Septante
ont lu de même : IÇ 'Ati-}]\; de même aussi Aquila et
la version syriaque. Il faut donc voir ici un nom
propre de ville, et traduire : « de Uzal ». On identifie
communément cette ville avec $an'à, la capitale de
l'Yémen. Malgré l'opinion contraire de .1. Halévy,
Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen,
Paris, 1872, p. 11, les voyageurs anciens et modernes,
les savants arabes et européens admettent l'identifi-
cation. On cite, en particulier, parmi les auteurs arabes,
le témoignage d'El-Hamdânî, mort en 945, qui a écrit
deux ouvrages sur les antiquités et la géographie de
l'Yémen. Il dit que le nom de la ville de $an'a était
autrefois Azâl (ou Izâl), et que les Syriens l'appellent
San'â le Château, tjfan'a el-qasbah. Un autre géographe,
El-Bakri, mort en 1094, nous apprend que « le premier
qui habita cette ville fut San'â, fils d'Udhâl (lisez : Uzâl),
dont elle tira son nom. » « D'autres, ajoute-t-il, pré-
tendent que les Abyssins, en y entrant et la voyant
bâtie en pierres, s'écrièrent: San'â, Çan'â, ce qui, dans
leur langue, signifie « château fort » et le nom lui en
resta. » De fait, l'éthiopien ijSene'e signifie « forteresse»,
comme le grec o/Opwjjia. Cf. Corpus inscriptionum
Semiticarum, part. IV, t. i, 1889, p. 1-2. Le nom de
Ijian'au a été retrouvé dans une inscription que Glaser
fait remonter au deuxième siècle avant notre ère. Cf.
E. Glaser, Die Abessinier in Arabien und Afrika,
Munich, 1895, p. 117, 121. D'après les descriptions qui
en sont données et les ruines qu'elle renferme, cette
ville mérite bien l'appellation de « forteresse ». La cita-
delle de Gumdân surtout était remarquable. Voir les
deux plans qui se trouvent dans le Corpus inscript.
Semit., part. IV, t. i, p. 3, 4. Uzal se rattache à la tribu
jectanide de ce nom. Gen., x, 27; I Par., i, 21. Voir
Huzal, t. m, col. 786 et fig. 160.
A. Legendfe.
V
V. Voir Vav.
VACHE (hébreu : pdrâh, la vache qui engendre,
égldh, la génisse ; Septante : <3o-jç, SâjjiaXtç ; Vulgate : bos,
vacca, vitula), la femelle du bœuf. — 1° La vache
est un animal précieux à différents titres. On l'em-
ploie à traîner des fardeaux, I Reg., VI, 7, à labourer,
Jud., xiv, 18, à fouler le blé. Ose., x, 11. Elle est fé-
conde, Job, xxi, 10, dès l'âge de 18 mois, et porte neuf
mois. Elle nourrit de son lait, Is.,vn, 21, et ensuite de
sa propre chair. Tob., vm, 22. Aussi est-ce un riche
présent que de donner des vaches à quelqu'un. Gen.,
xxxn, 15; Tob., x, 10. — 2» La génisse de 3 ans est
pleine d'ardeur et de vivacité. Is., xv, 5. (Quelques-uns
prennent cependant 'égla( selisiyâh, « génisse de trois
ans», pour un nom propre de lieu. Cf. Jer., xlviii, 34.)
La génisse bondit dans la prairie. Jer., l, 11. L'Egypte
est comparée à une génisse très belle, Jer., xlvi, 20,
Israël à une génisse rétive, Ose., iv, 16, Éphraïm à une
génisse bien dressée, Ose., x, 11, les femmes de Sama-
rie aux vaches de Basan, à cause de leur vie sensuelle,
Am., iv, 1, le veau d'or de Bethel aux génisses de Be-
thaven, par mépris. Ose., x, 5. L'homme des champs
prend souci de donner du fourrage à ses génisses. Eccli.,
xxxvin, 27. — Au Psaume lxviii (lxvii), 31, il est ques-
tion de veau et non de vaches. — 3° Les génisses
étaient utilisées pour les sacrifices. Gen., xv, 9; Lev.,
m, 1; I Reg., xvi, 2. Dans le cas d'homicide commis
par un inconnu, les anciens prenaient une génisse qui
n'avait pas encore travaillé, lui brisaient la nuque près
d'un ruisseau, et se lavaient les mains au-dessus de
son cadavre, pour protester de leur innocence. Deut.,
xxi, 3-7. -=- 4° Dans le songe du pharaon, sept vaches
belles et grasses étaient dévorées par sept vaches
laides et maigres. Joseph expliqua que c'était l'annonce
de sept années d'abondance, qui seraient suivies de
sept années de famine. Gen., xli, 2-4, 26, 27.
H. Lesètre.
VACHE ROUSSE (hébreu : pârdh 'âdummdh;
Septante : SôftaXiç mippà; Vulgate : vacca rufa), vache
dont la cendre servait à purifier du contact d'un mort.
1° La loi. — _ Elle est formulée dans le livre des
Nombres, xix, 2-22. La vache doit êlre rousse, sans
tache ni défaut, et n'ayant jamais porté le joug. Le
prêtre Eléazar la fait sortir du camp pour qu'on
l'égorgé devant lui. Avec son doigt trempé dans le sang
de l'animal, il fait sept aspersions du côté de l'entrée
du Tabernacle. Puis on brûle la vache intégralement
et on jette dans le brasier du bois de cèdre, de l'hysope
et du cramoisi. A la suite de cette opération, le prêtre,
celui qui a brûlé l'animal et l'homme pur qui a recueilli
les cendres pour les déposer en un lieu pur hors du
camp, ont à se purifier en lavant leurs vêtements et en
se baignant eux-mêmes; néanmoins leur impureté
persévère jusqu'au soir. — L'eau dans laquelle on a
mis de la cendre de la vache rousse sert pour la puri-
fication de celui qui a touché un cadavre humain. Celui-
ci demeurait impur pour sept jours; il avait à se
purifier avec cette eau le troisième et le septième jour,
DICT. DE LA BIBLE.
sous peine de retranchement. L'impureté atteignait
celui qui touchait un cadavre, ou même des ossements
humains ou un sépulcre. L'impur devait être aspergé
avec l'hysope trempée dans Peau de purification par
un homme pur; puis il lavait ses vêtements et se bai-
gnait, pour devenir pur le soir du septième jour. On
aspergeait avec la même eau la tente, les ustensiles de
l'impur et les personnes présentes. Celui qui faisait
l'aspersion, qui touchait l'eau ou l'impur, devenait lui-
même impur, mais seulement jusqu'au soir,
2° Signification du rite. — Le rite de la vache
rousse est un des plus compliqués et des plus mysté-
rieux du cérémonial lévitique. Il s'agit de purifier
l'homme du contact avec la mort et, chose singulière,
tous ceux qui participent à la confection du rile puri-
ficateur deviennent eux-mêmes impurs. La mort est en
effet le signe de la souillure par excellence. Elle est le
salaire du péché et sa conséquence; elle rappelle la
souillure de l'âme pécheresse dont la corruption cada-
vérique n'est qu'une image. La loi qui prescrit la puri-
fication à la suite du contact avec le cadavre symbolise
donc l'obligation beaucoup plus impérieuse qui com-
mande la purification de l'âme après le péché. — Les
détails du rite tirent leur signification de ce principe
général. Ce sont les Israélites eux-mêmes qui amènent
la victime au prêtre. Le rite est donc solennel et natio-
nal. Tous en effet sont, sans exception, coupables de
péché et sujets à la mort. La victime est un animal
femelle. Un animal de cette espèce est sans doute
préféré à cause de la rareté du rite, et aussi afin de
procurer une plus grande quantité de eendre. Comme
cette cendre doit servir d'antidote contre certaines
conséquences de la mort, on choisit pour la fournir un
animal qui ordinairement engendre à la vie. Il est pos-
sible aussi que le choix de la vache ait été inspiré à
Moïse par une idée de réaction contre la vénération
dont les Égyptiens entouraient cet animal.
En Egypte, on immolait des bœufs, mais jamais des
génisses, parce qu'elles étaieut consacrées à Isis. Cf.
Hérodote, n, 41. Moïse ne jugea pas à propos de per-
mettre l'immolation habituelle des vaches, à raison du
préjudice qui en fût résulté pour son peuple. Mais,
en prescrivant l'immolation et la combustion de la
vache rousse, en vue d'un rite de purification, il mon-
trait aux Israélites que cet animal ne méritait ni les
honneurs, ni l'embaumement que lui décernaient les
Egyptiens. — La vache devait être rousse. Les docteurs
prétendent que les vaches de cette couleur étaient de
plus grand prix, à cause de leur rareté. Cette assertion
est problématique. D'autres observent que la couleur
rousse était celle de Typhon, le principe mauvais,
Diodore de Sicile, Hist., I, 88, et qu'on disqualifiait la
vache, sacrée aux yeux des Égyptiens, en lui prêtant la
même couleur qu'au principe du mal. Cf. Spencer, De
leg. Hebrseor. ritual., Tubingue, 1732, t. Il, p. 489;
Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 162. On peut penser
aussi que, le rouge étant pris parfois comme la couleur
symbolisant le péché, Is., I, 18, voir Couleurs, t. h,
col. 1070, la couleur rousse était choisie comme celle
V. - 75
2371
VACHE ROUSSE — VAHEB
2372
qui se rapprochait le plus du rouge dans le pelage des
animaux. Ces explications ne s'imposent pas. L'Épître
aux Hébreux, ix, 13, établit une relation figurative entre
l'aspersion avec la cendre de la vache rousse et le sang
du Christ, d'où la conclusion tirée par saint Augustin,
In Heptat., iv, 33, t. xxxiv, col. 733, que la cou-
leur rousse figurait le sang rédempteur. A ce compte,
cette couleur eût été exigée à plus forte raison pour les
victimes immolées sur l'autel du Temple. Il est plus
probable que Moïse a suivi ici une coutume léguée par
les anciens, qui attachaient une signification sinistre à
la couleur rousse. Cf. De Hummelauer, In Num., Paris,
1899, p. 151. L'animal, destiné à un usage sacré, devait
être sans défaut, comme les victimes ordinaires, et
n'avoir servi à aucun usage profane. Il n'est pas remis
au grand-prêtre Aaron, mais à son fils Éléazar, par
conséquent à un dignitaire, qui aura la charge de faire
sortir la vache du camp et de présider à son immola-
tion. Cette victime a des rapports trop étroits avec la
mort et ses souillures pour qu'on l'immole à proximité
du Tabernacle, centre de sainteté et de vie. Avec son
sang, le prêtre fait des aspersions comme celles qui
sont de règle pour le péché du grand-prêtre ou de tout
le peuple, Lev., iv, 6, 17, mais de loin, puisque cette
victime dont la cendre purifiera garde elle-même une
souillure qu'elle communique. — La victime est brûlée
sous les yeux du prêtre, mais on jette dans le brasier
<lu cèdre, dé l'hysope et du cramoisi, trois matières
employées pour la purification du lépreux. Lev., xiv,
6, 49. Elles ont une signification d'incorruptibilité et de
purification. La cendre provenant de la victime est re-
cueillie avec soin et déposée dans un lieu pur. On en
met ensuite dans l'eau d'aspersion nécessaire pour les
purifications. Il est à remarquer que cette eau n'a
d'autre vertu que de purifier ceux qui sont souillés par
le contact d'un mort. Les autres qui s'en servent con-
tractent une souillure, Dieu voulant empêcher ainsi
l'emploi de cette eau pour des usages superstitieux. Le
rite de la vache rousse est appelé hattâ'f, « sacrifice
pour le péché », Num., xix, 9; cf. Lev., vi, 18, 23;
mais c'est un sacrifice d'un caractère exceptionnel, car
l'immolation et la combustion ont eu lieu loin du
sanctuaire. — La cendre joue ici un rôle très particu-
lier; elle semble renforcer l'action de l'eau, qui est
naturellement purificatrice; car la cendre est elle-
même le produit d'une purification complète par le feu,
qui détruit tous les éléments corrompus ou corrup-
tibles. Le mélange de la cendre avec l'eau, dans les
purifications, était familier aux anciens peuples,
Indiens, Perses, Grecs, Romains, etc. Cf. Virgile,
Eclog., vm, 101 ; Ovide, Fast., IV, 639, 725, 733; Rosen-
mûller, Dos dite und neue Morgenland, Leipzig, 1818,
t. h, p. 200; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus,
Heidelberg, 1839, t. n,p. 493-511.
3* La pratique. — Le rite de la vache rousse n'a pas
cessé d'être en vigueur chez les Israélites jusqu'à la
ruine de leur nationalité. Le traité Para de la Mischna
lui est consacré. Les docteurs avaient précisé certains
détails du cérémonial. Le prêtre appelé à présider à
l'immolation et à la combustion se purifiait pendant
sept jours à l'avance. Para, m, 1. Bien que la loi ne
prescrivît pas l'intervention du grand-prêtre, il prési-
dait ordinairement à l'accomplissement du rite, et re-
vêtait pour cette occasion ses plus riches vêtements.
Para, m, 8. La vache était achetée aux frais du trésor
du Temple, parce qu'il s'agissait d'un rite intéressant
la communauté tout entière. Elle devait être entière-
ment rousse. La Loi réclamait une vache 'adummâh
femîmâh, « rousse parfaite », c'est-à-dire sans défaut.
Les docteurs joignaient ensemble les deux mots et
exigeaient un animal d'un roux complet, cf. Josèphe,
Ant. jud., IV, iv, 6, si bien qu'on le rejetait si on lui
trouvait seulement deux poils blancs ou noirs. Cf.
Hérodote, n, 38; Maimonide, De voce. »■«/., i> 2, Ams-
terdam, 1711, p. 8. Le prêtre faisait sortir la vache du
Temple par la porte orientale et la conduisait au mont
des Oliviers. Mais, pour lui faire éviter toute espèce
d'impureté, on la menait par un chemin artificiel con-
struit sur étais au-dessus du sol. Para, m, 6. Quand la
vache était immolée, le prêtre recueillait de son sang
dans la main gauche et y trempait un doigt de la main
droite pour asperger sept fois du côté du Temple.
Après la combustion complète de la victime, la cendre
était recueillie avec soin et déposée en trois endroits :
au mont des Oliviers pour l'usage du peuple, au
Temple pour l'usage des prêtres, et dans le mur exté-
rieur de la ville, en souvenir de la combustion. Para,
m, 11. Les docteurs prétendaient que neuf vaches
rousses seulement avaient été brûlées depuis Moïse,
dont une par Éléazar, et les huit autres depuis Esdras.
Para, m, 5. Ce renseignement paraît absolument
invraisemblable. Chaque année, la combustion de la
vache rousse se faisait en adar, un mois avant la
Pàque. Cf. S. Jérôme, Epist., cvm, 12, t. xxn, col. 887.
Il est probable qu'à l'occasion de la Pàque on empor-
tait de la cendre dans les principaux centres du pays,
afin de rendre possibles les purifications dont le besoin
devait être assez fréquent. Autrement il faudrait admet-
tre que la plupart de ceux qui avaient été fouillés par
le contact d'un cadavre, d'ossements humains ou d'un
sépulcre, attendaient pour se purifier l'oceasion d'un
voyage à Jérusalem pour la Pàque ou quelque autre
fête ou pour l'offrande d'un sacrifice. — L'eau d'asper-
sion était puisée à la fontaine de Siloé. A défaut de cette
eau, il fallait de l'eau vive et pure. La quantité de
cendre à y mettre n'était pas déterminée; il suffisait
qu'on pût apercevoir cette cendre à la surface du li-
quide. Gern. Jer. Sota,18, 1. L'aspersion se faisait par
un homme en état de pureté légale, sans que ce fût né-
cessairement par un prêtre. Parfois même on faisait
remplir cette fonction par un enfant, afin que la con-
dition de pureté fût plus assurée. Cf. Reland, Anliqui-
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 114; Iken, Antiquitates
Hebraicm, Brème, 1741, p. 248. — Les formalités à
remplir à la suite du contact d'un mort expliquent
pourquoi Notre-Seigneur recommande à ses disciples
de laisser à, d'autres le soin d'ensevelir les morts.
Matth., vin, 22; Luc, ix, 60. — Quelques-uns ont pensé
que le baptême pour les morts, Otop tôv vsxpôv, dont
parle saint Paul, I Cor., xv, 29, pourrait être l'aspersion
reçue par les Israélites « à cause » des morts, la prépo-
sition iinsp ayant aussi ce sens. « Ceux qui se font
baptiser vizkp xôv vsxpûv » seraient alors des Juifs rési-
dant à Corinthe ou des chrétiens venus du judaïsme
et encore fidèles à cette ancienne pratique. L'Apôtre
invoque ce baptême comme preuve en faveur de la
résurrection. Ce raisonnement seul indique qu'il ne
saurait être ici question de l'aspersion de l'eau conte-
nant la cendre de la vache rousse, car cette aspersion
n'évoque aucune idée de résurrection et se base uni-
quement sur la souillure communiquée par le contact
du cadavre. Cf. Prat. La théologie de S. Paul, Paris,
1908, p. 189. H. Lesétre.
VAGAO (Septante : Ba-j-mac), eunuque d'Holoferne.
Judith, xii, 10-12 (15 grec) ; xm, 3 (grec); xiv, 13 (14).
Il lui servit d'intermédiaire auprès de Judith. — L'eu-
nuque qui emprisonna le roi de Perse Artaxerxès
Ochus s'appelait aussi Bagoas = Vagao. Pline, H. N.,
XIII, iv, 9, dit que ce nom en Perse est l'équivalent
d'eunuque (Bagou). Voir Bagoas, t. i, col. 1383.
VAHEB (hébreu : Vâhêb; Septante : Zu>6ê; ils ont
lu nn zaïn au lieu d'an vav) localité inconnue du
pays des Amorrhéens, nommée dans une citation obs-
cure, L peut-être altérée pour les noms propres, des
2373
VAHEB — VAN
2374
Guerres du Seigneur. Num., xxi, 14. Il est dit dans
le texte que Vaheb était en Suphah, ce qui a fait croire
à quelques commentateurs que Suphah était la Safiék
actuelle, mais la lettre initiale de Suphah est un sa-
medi, d, et celle de Satiéh est un ^j>, èad, qui ne peut
guère reproduire le samech hébreu. Suphah est aussi
inconnu. Quelques lexicographes ont pensé que Vaheb
pouvait être un nom de fleuve. Les Septante ont tra-
duit ; « On lit dans le livre : la guerre du Seigneur a
consumé Zoab et les torrents d'Arnon. » La Vulgate
porte : « Il est dit dans le livre des Guerres du Seigneur :
comme il a fait dans la mer Rouge, ainsi il fera dans
les torrents d'Arnon. »
VAISSEAU. Voir Navire, t. iv, col. 1502-1505.
1. VALLÉE(héhreu : 'afîq, biq'âh, gay' ou gê', nahal,
Vme'g/chaldéen; biq'â' ; Septante :xoc>âç> vora-r,, çâpayE ;
Vulgate : vallis, convdllis), dépression de terrain, entre
les flancs de collines ou de montagnes, qui va en
s'inclinant et en s'élargissant. — Il y a beaucoup de
vallées dans une région montagneuse comme la Pales-
tine. Voir Palestine, t. m, col. 1985, 2037. La vallée
dans laquelle coule le Jourdain est particulièrement
remarquable à tous les points de vue. Voir Jourdain,
t. m, col. 1710. Un certain nombre d'autres vallées
sont mentionnées dans la Bible. Voir Achor, t. i,
col. 147; Baca, col. 1372; Bénédiction, col. 1583;
Escol, t. il, col. 1928; Géennom,!. iii, co!. 153; Jeph-
tahel. col. 1249; Josaphat, col. 1651; Raphaïm, t. v,
col. 977; Salines, col. 1373; Savé, col. 1520; Séboïm,
col. 1552; Sorec, col. 1845; TérébinthitheI, col. 2089.
Sur la vallée des Bois, voir Morte (Mer), t. iv,
col. 1306. Il est aussi parlé d'une vallée des Artisans,
I Par., iv, 14; II Esd., xi, 35. Sur la vallée du Tyro-
pœon ou des Fromagers, voir Jérusalem, t. m,
col. 1328, Cf. Reland, Palsestina illuslrata, Utrecht,
1714, p. 347-359. — Les vallées de Palestine étaient
fertiles et bien cultivées. Job, xxix,10; Ps. lxiv(lxiii),
14;Cant., vi, 10; Jer.,XLix, 4. Les sources y coulaient.
Ps. civ (cm), 10. On y habitait de préférence.
Num., xiv, 25; Jud., i, 19. Balaam compare auxvallées
le beau spectacle des tentes d'Israël. Num., xxiv, 6.
Ailleurs, il y avait des vallées affreuses. Job, xxx, 6.
Les anciens Chananéens occupaient les vallées palesti-
niennes et ils y faisaient manœuvrer des chars de
guerre, ce qui empêcha parfois les Israélites de les en
déloger. Jud., i, 19. Par la suite, les Syriens ne pou-
vaient atteindre ces derniers dans les montagnes et
s'efforçaient de les attirer dans les plaines et dans les
vallées. III Reg., xx, 23. Les envahisseurs suivaient
naturellement le cours des vallées pour arriver dans le
pays.Is., xxii, 7; Judith, xvi, 5. C'est pourquoi les pro-
phètes annoncent qu'elles seront ruinées, Jer., xlviii,
8, el qu'elles se fondront comme la cire, Mich., i, 4,
au moment de l'invasion des ennemis. — Un jour,
Dieu comblera les vallées et abaissera les montagnes,
Is., xl, 4; Bar., v, 7; Luc, m, 5, c'est-à-dire qu'il
rendra aisé le chemin qui doit mener au salut.
H. Lesètre.
2. VALLÉE DES ARTISANS (hébreu : Gê' hârâ-
Htn; Septante : 'Ayeaôôaip, 1 Par., iv, 14 ; 'QvwYï)a-
pauei'i»., II Esd., xi, 35), vallée des environs de Jérusa-
lem, au nord, où étaient des artisans dont elle tirait
son nom, I Par., IV, 14, et qui étaient les fils ou les
descendants de Joab, de la tribu de Juda. Voir Joab 2,
t. m, col. 1549. Sa position est déterminée approxima-
tivement par II Esd., XI, 35, qui nous apprend qu'elle
était dans la plaine d'Ono. VoirONO 2, t. iv, col. 1821.
VAN (hébreu : mizréh, nâfdh, rahat; Septante :
xniov, Xt'xjioç; Vulgate : ventilabrum), ustensile qui
sert aux vanneurs, zârîm, ventïlatores, pour vanner,
zârâh, Xixjiîv, ventilare, c'est-à-dire pour séparer la
paille d'avec le grain. — Pour procéder au vannage,
les anciens se servaient d'une fourche à trois ou quatre
dents, ventilabrum, au moyen de laquelle ils enlevaient
la paille mêlée au grain et la lançaient très loin en
l'air. Le vent entraînait la paille, tandis que le grain
plus lourd retombait sur le sol. Ensuite on reprenait
ce grain avec une pelle de bois, ttcûom, et on le lançait
transversalement à la direction du vent, qui emportait
les fétus et les rebuts, ne laissant retomber que le
540. — Vanneurs égyptiens.
D'après Wilkinson, Manners of the ancient Egyptians,
1878 ; t. il, p. 423.
grain (fig. 540). Cf. Moisson, fig. 305, registre d'en bas, à
gauche, t. iv, col. 1217. Quand le vent faisait défaut, on
employait le vannus, grand panier d'osier peu profond,
et muni de deux anses (fig. 541). On y mettait le grain
on le projetait en l'air au moyen de brusques secousses
et on le ressaisissait quand il retombait, abandonnant à
chaque coup une partie des matières plus légères. Il
est probable que les Israélites se servaient de ces diffé-
rents procédés pour vanner. Les trois mots hébreux
désignent des instruments différents, dont les versions
n'ont pas toujours défini le sens précis. — Il n'est
question du van au sens propre que dans Ruth, ni, 2 :
Booz doit vanner la nuit l'orge qui est dans son aire.
Le travail se fait la nuit, pour éviter la chaleur du
jour; mais il ne l'occupe pas tout entière, car Booz
541.
■ Panier d'osier servant à vanner.
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 694.
doit prendre son repas et se coucher, bien avant le
milieu de la nuit. Ruth, m, 8. — Dans les autres
passages, il n'est parlé de van qu'au sens figuré.
Isaïe, xxx, 24, décrivant l'état d'Israël régénéré, dit
que les animaux qui travaillent la terre mangeront
l'herbe et le grain « que l'on aura vanné avec le ralfat
et le mizréh, » peut-être la fourche ou la pelle et le
van. Il ajoute que Dieu « vannera les nations avec le
van, nâfâh, de la destruction, » qui les dispersera
comme la paille. Is., xxx, 28. « Tu les vanneras, fis-
rêm, XixiiTJo-Eti;, ventilabis, et le vent les emportera. »
Is., XLI,16. — Jérémie, IV, 11,12, parlant du châtiment
qui va fondre sur Israël, le compare à un. vent violent du
désert, plus fort que celui qui sert à vanner et à chas-
ser la paille. Dieu vannera avec un van les Israélites
aux portes du pays. Jer., xv, 7. Cf. Job, xxvn, 21. Il
lâchera sur Babel « des vanneurs qui la vanneront. »
Jer., li, 2. — Ézéchiel, v, 2, pour figurer le châtiment,
doit prendre les cheveux et la barbe d'un homme, en
brûler un tiers, couper en menus morceaux le second
tiers, et vanner au vent le troisième tiers — Amos,
2375
VAN
VAPEUR
237&
ix, 9, dit que la maison d'Israël sera secouée au crible,
kebdrâh, cribrum. Les Septante traduisent par Xxpoc,
« van ». Voir Crible, t. n, col. 1118. — L'Ecclésiastique,
y, 9 (11), recommande de ne pas «vanner atout vent »,
c'est-à-dire de ne pas changer d'opinion à tout propos.
— Saint Jean-Baptiste annonce que le Messie va
paraître le van à la main pour nettoyer son aire et ne
garder que le bon grain, c'est-à-dire pour séparer les
542. — Paysan romain occupé à vanner.
D'après A. Bich, Dictionnaire des antiquités, p. 446.
méchants d'avec les bons et les envoyer au feu qui ne
s'éteint pas. Matth., tu, 12; Luc, m, 17. — Notre-Sei-
gneur dit que la pierre rejetée par les constructeurs
écrasera celui sur qui elle tombera, conteret eum;
dans le texte grec : Xix[nrjaei ocutôv, « le vannera », le
rejettera au loin comme le vent emporte la paille, ce
qui constitue une allusion à la parole de saint Jean-
Baptiste. Matth., xvi, 44 (Bg. 542). H. Lesëtre.
VAN ESS Léander, né le 15 février 1772 à War-
bourg en Weslphalie, mort le 13 octobre 1847 à Aiïbl-
derbach in Odenwald. Il entra en 1790 comme novice
chez les bénédictins et il fut ordonné prêtre en 1796
à l'abbaye bénédictine de Marienmûnster dans la prin-
cipauté de Paderborn. En 1812, il devint professeur
extraordinaire de théologie catholique à l'université de
Marbourg. Il se fit surtout connaître par ses travaux de
traduction de la Bible et par son zèle à en propager la
lecture. Il publia d'abord avec son frère Charles Die h.
Schriften des Neuen Testamentes, Brunswick, 1807,
et ensuite, avec la collaboration de H. J. Wetzer, un
de ses élèves, Die h. Schriften des Alten Testamentes,
mit beigesetzten Vergleichungen der lateinischen Vul-
gata und erhlàrenden Parallelstellen ûbersetzt, Sulz-
bach, 1822-1836. Sa version est faite sur le texte hébreu
et n'est pas sans reproche. Voir Werner, Geschichte der
katholischen Théologie, Munich, 1866, p. 398-400. On a
aussi de lui : Pragmatischkritische Geschichte der Vul-
gata in Allgemeinen, und zunâchst in Beziehung auf
das Tridentische Décret. Oder ist der Katholik gesetz-
lichan die Vulgata gébundenl Tubingue, 1824. On lui
doit également une édition stéréotypée des Septante,
Leipzig, 1824, une édition de la Vulgate, 1822-1824, et une
édition du Nouveau Testament grec avec la Vulgate,
1827, etc. — Voir H. Reusch, dans l'Allgemeine deutsche
Biographie, t. vi, Leipzig, 1877, p. 378 ; Wetzer et YVelte,
Kirchenlexicon, 2» édit., t. iv, 1886, col. 909-910.
VANIA (hébreu : Vanyâh; Septante : Oûouavfa), un
des fils ou descendant de Bani qui avait épousé une
femme étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer.
I Esd., x, 36.
VANITÉ (hébreu : 'avén, 'élil, hébél, Mqêr; Septante:
p-araiÔTir,;; Vulgate : vanitas), ce qui n'a aucune valeur,
qui ne mérite pas qu'on s'en occupe, qui est inutile
ou nuisible. — Le mot 'avén s'entend de tout ce qui
est vain, l'idolâtrie et les idoles, I Reg. r xv, 23; Is.,
lxvi, 3, voir Idole, t. m, col. 816; le mensonge, Ps.
xxxvi (xxxv), 4; Prov., xvn, 4, voir Mensonge, t. iv,
col. 973, de même que séqér, Ps. xxxm (xxxn), 17;
I Reg., xxv, 21; Jer., m, 23; la méchanceté, Num.,
xxiii, 21; Job, xxxvi, 21; l'épreuve. Ps. lv (liv), 4;
Prov., xxii, 8, et même la douleur. Gen., xxxv, 18;
Ose., ix, 4. Le mot 'élîl marque l'inutilité, Job, xiii t
4; Zach., xi, 17, et hébél le souffle, Lam., iv, 17; Jer.,
x, 3, 8. Voir Souffle, col. 1853. Les Hébreux rangeaient
donc ainsi très philosophiquement parmi les chose»
de néant les choses mauvaises elles-mêmes, parce
qu'elles ne participent pas à ce qu'il y a de positif et
de réel dans l'être. — Parmi les vanités, les auteurs
sacrés rangent en outre les hommes eux-mêmes, au
moins quant à leur nature mortelle, Ps. lxii (lxi), 10,
les méchants et leurs œuvres, Is., xli, 29, les Israélites
infidèles, Jer., n,5, les faux prophètes et leurs visions,
Ezech., xiii, 6 ; xxn, 28, les faux docteurs et leurs théories,
II Pet., n, 18, les gentils, leur conduite et leurs pensées;
Eph., iv, 17; I Pet., i, 18; Act., xiv, 14, les pensées de
l'homme en général, Ps. xciv (xcm), 11, même celles
des sages, I Cor., m, 20, les secours de l'homme, Ps.
cvm (cvn), 13, les espérances de l'insensé, Eccli.,
xxxiv, 1, la divination, les augures et les songes,
Eccli., xxxiv, 5, les disputes sur la loi, Tit., m, 9, la
religion de celui qui a mauvaise langue, Jacob, i, 26,
le trésor mal acquis, Prov., xxi, 6, la beauté, Prov.,
xxxi, 30. L'Ecclésiaste énumère avec complaisance ce
qu'il appelle hâbêl hâbàlim, « vanité des vanités ». Il
la trouve dans la sagesse humaine, i, 12-18, dans les
joies profanes, n, 1-11, dans la richesse, il, 18-25, dans
l'impuissance de l'homme en face des choses de. ce
monde, m, 1-15, et des maux de la vie, IV, 1-16, dans
l'ignorance de l'homme, vm, 16-17, dans le sort com-
mun du juste et de l'injuste, ix, 1-10, et il conclut
qu'une seule chose n'est pas vanité : craindre Dieu et
observer ses commandements, xn, 13. — Saint Paul
dit que « la création a été asservie à la vanité. i> Rom.,
vin, 20. En effet, les choses de la nature, mises par
Dieu à la disposition de. l'homme, ont été employées
par ce dernier, non pas uniquement au service de
Dieu et à sa propre utilité, mais encore à la satisfaction
de ses passions dépravées et de ses vices. Aussi la
nature attend son affranchissement de la vanité.
H. Lesètre.
VAPEUR, sorte de brouillard qui se dégage de
certains corps par suite de l'humidité, de la chaleur,
de la combustion d'un parfum, etc. La vapeur est ainsi
sensible soit à la vue, comme un nuage, soit au tou-
cher, comme une bouffée de chaleur, soit à l'odorat,
comme l'odeur d'un parfum. C'est en ce sens tout vul-
gaire que les auteurs sacrés parlent de vapeur. — Dans
le commencement, une vapeur, 'êd, montait de la
terre et arrosait la surface du sol. Gen., n, 6. C'est le
principe du phénomène de la pluie auquel la Sainte
Écriture fait plusieurs fois allusion. Job, xxxvi, 27;
Jer., x, 13; li, 16; etc. Voir Pluie, t. v, col. 470. Les
anciennes versions ont fait de 'êd une source, nifff\,
fons. On a cherché à expliquer ce mot par l'assyrien
édû, « flot, inondation ». On lui donne plus généra-
lement le sens de vapeur, par comparaison avec
l'arabe, sens qui d'ailleurs convient mieux dans Job,
xxxvi, 27. — Avant le feu s'élève la vapeur . de la
fournaise, ctT[u'ç, vapor, c'est-à-dire l'air chaud qui
précède la flamme^Eccli., xxn, 30. Cette vapeur brûle
les membres du forgeron. Eccli., xxxvm, 29. Au jour
du jugement, Dieu fera paraître du sang, du feu et
timrôp 'âsân, des « palmes de fumée ». Joël, H, 30. Les
versions traduisent par àf[iîç xa-icvoO, vapor fumi, et le
texte des Actes, n, 19, reproduit leur traduction. Le
sens général est d'ailleurs le même. La Sagesse, xi, 19,
parle d'animaux soufflant un air enflammé, jrupnvoov
aoBjia, vaporem ignium, « une vapeur de feu ». —La
2377
VAPEUR — VATABLE
2378
nuée du parfum qui doit couvrir te propitiatoire, 'ânan,
•est appelée vapeur par les versions. Lev., xvi, 13.
Ezéchiel, vm, 11, nomme aussi 'd(ar, « vapeur », la
■nuée qui s'élève de l'encens. La sagesse est la « vapeur »,
àîij.;';, vapor, de la puissance de Dieu, le doux parfum
•que cette puissance dégage. Sap., vu, 25. — Saint
Jacques, iv, 15, compare la vie .de l'homme à une
wapeur qui parait un moment pour s'évanouir ensuite.
H. Lksètee.
VAPSI (hébreu Vofsî; Septante : 2a6î; Alexandri-
nus : 'laaai), père de Nahabi, de la tribu de Neph-
Ihali. Nahabi fut rai des douze espions envoyés par
Moïse pour explorer la Palestine. Num., xm, 15 (hébreu,
14).
VASE (hébreu : keli, sinsénéf, éséb, mérqàl.iàh,
qérén.; chaldéen : mâ'n; Septante : àyYEÏov, axeûoç,
irr<i[Avoç ; Vulgate : vas, vasculum), récipient dans lequel
on peut verser du liquide et des matières sèches en
poudre ou en grains. — Le mot kelî, le plus ordinai-
rement employé, a des acceptions diverses : ustensile
en général, instrument, arme, outil, bagage, etc. Le
grec <tx£Ûoç se prête à des acceptions analogues. Dans
Ja Vulgate, le mot vas, qui traduit littéralement keli et
■ffxsûoç, ne signifie donc pas toujours un récipient.
1° Vases ordinaires. — Il y a des vases d'argile,
Ps. n, 9; Sap., xv, 7; etc., voir Poterie, col. 570, de
fcois ou de pierre, Exod., vu, 19, d'airain, II Reg., vm,
10, d'argent, Prov., xxv, 4, d'or, III Reg., x, 21, et de
grand prix. Jer., xxv, 34. Les vases peuvent contenir
de l'eau, Nuoo., xix, 17; de l'huile, Num., iv, 9;
IV Reg., iv, 3-6; Judith, x, 5; Matth., xxv, 4, quelquefois
enfermée dans le creux d'une corne, I Reg., xvi, 1, 13;
III Reg., i, 39; du miel, Gen., xliii, 11; III Reg., xiv,
3; du vinaigre, Joa., xix, 29; des parfums, Gen., xliii
11, spécialementenfermés dans une mérqâhdh, è?âXeiit-
ipov, Job, xli, 23; des liquides que l'on transvase,
Jer., xlviii, 11, 12; des provisions, II Reg., xvil, 28;
des poissons, Matth., xm, 48; des cendres, Exod., xxv,
38; etc. La manne conservée dans l'Arche avait été
versée dans un sinsénét, <rrà(jivo;, « cruche ». Exod.,
xvi, 33. Les vases servaient surtout à contenir les breu-
vages. III Reg., x, 21; xvil, 10; Esth., i, 7; etc. Voir
Coupe, t. h, col. 1074. — Les lois de purification con-
tiennent des prescriptions concernant les vases souillés.
Le vase dans lequel on a fait cuire une victime pour
le péché doit être brisé, s'il est de terre, nettoyé et
passé à l'eau, s'il est de métal. Lev., VI, 28. Le traitement
est le même pour le vase souillé par le cadavre d'une
bête impure, Lev., xi, 33, et pour celui qu'aura touché
un homme atteint d'une maladie impure ; le vase de
bois sera seulement lavé. Lev., xv, 12. A la mort d'un
homme, tout vase découvert qui se trouve dans sa de-
meure devient impur. Num., xix, 15. Cf. Matth., xxm,
25, 26; Luc, xi, 39, 40. — Les Juifs distinguaient six
espèces de vases sujets à la souillure, les vases de
terre, de peau (outres), d'os, de verre, de métal et de
bois. Us exigeaient des vases différents pour préparer
la viande et les autres aliments, lait, beurre, fromage,
poisson. Ils regardaient comme interdit de préparer
dans le même plat ces aliments, ou même de les manger
ensemble ou immédiatement l'un après l'autre. Cf.
Reland, Antiq. sacr., Utrecht, 1741, p. 105; Iken, Antiq.
hébr., Brème, 1741, p. 556.
2» Vases sacrés. — Parmi les ustensiles du sanctuaire
se trouvaient des vases proprement dits. Des vases
d'or de diverses sortes furent fabriqués pour l'usage
du Tabernacle. Exod., xxv, 38; xxvn, 3; xxxvii, 16,
23; xxxviii, 3; Num., vu, 84, 85. David offrit à Jéhovah
des vases d'or, d'argent et d'airain dont on lui avait fait
présent. II Reg., vm, 10. Salomon fit fabriquer d'autres
vases précieux pour le service du Temple. III Reg.,
vu, 45, 50. Asa en donna aussi. III Reg., xv, 15. Joas,
roi d'Israël, s'empara des vases du Temple, IV Reg.,
xiv, 14; II Par., xxv, 24. Les Chaldéens emportèrent
les vases sacrés qu'ils trouvèrent au moment de la
prise de la ville. IV Reg., xxv, 14; II Par., xxxvi, 18.
Balthasar s'en servit dans son festin de Babylone. Dan.,
v, 2, 3, 23. Cyrus les rendit aux Juifs. Jer., xxvn, 16;
I Esd., i, 7. Plus tard, Antiocbus Épiphane les pilla de
nouveau. I Mach., i, 23. Le grand-prêtre Ménélas en fit
autant à son époque. II Mach., iv, 32. — Isaïe, lu,
21, invite à se purifier ceux qui portent les vases de
Jéhovah. L'offrande est présentée au Temple dans un
vase pur. Is., lxvi, 20.
3° Comparaisons. — Le grand-prêtre Onias est com-
paré à un vase d'or massif. Eccli., l,10. Des ornements
d'argent ne vont pas mieux à un vase d'argile que des
lèvres brûlantes à un cœur mauvais. Prov.,xxvi, 23. Le
vase fêlé, brisé, vide, est l'image de ce qui est impuis-
sant et méprisable. Ps. xxxi (xxx), 13; Eccli., xxi, 17;
Jer., xxn, 28; li, 34; Bar., vi, 15. La sagesse vaut
mieux qu'un vase d'or fin. Job, xxvm, 17. — Les vases
d'élection, Act., ix, 15, de colère ou de miséricorde,
Rom., IX, 22-23, désignent les hommes qui sont l'objet
du choix de Dieu, de sa vengeance ou de sa bonté. —
Isaïe, xxn, 24, compare les membres d'une famille à
des vases de différentes tailles, depuis la coupe jusqu'aux
jarres. Le vase de terre dans lequel on porte le don de
Dieu est le corps fragile. Il Cor., iv, 7. Saint Paul donne
le nom de vase au corps du chrétien qu'il faut main-
tenir dans la pureté. I Thés., iv, 4. Saint Pierre appelle
la femme « un vase plus faible », que le mari doit
traiter avec honneur. I Pet., ni, 7. David emploie le-
mot kelim, vasa, dans un sens physiologique plus
étroit, pour certifier la continence de ses compagnons.
I Reg., xxi., 5. Cf. Dhorme, Les livres de Samuel,
Paris, 1910, p. 195. H. Lesètre.
VASES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM. Voir
Mer d'airain, t. iv, col. 982; bassins, col. 987.
VASSENI (hébreu: Vasnî; Septante : Eavi'), fils aîné
de Samuel, d'après I Par., vi, 28. Comme d'après I Sam.
(Reg.), vm, 2, le fils aîné de Samuel s'appelait Joël et le
secondAbia, il est probable quele nom deJoel est tombé
dans les Paralipomènes et que comme Vasseni signifie
« le second », il faut rétablir ainsi le texte des Paralipo-
mènes : « Fils de Samuel : le premier-né Joël et le
second Abia. » C'est ainsi qu'on lit dans la Peschito et
dans la version arabe de la Polyglotte de Walton.
VASTHI (hébreu : Vastî; Septante : 'Aort'v), reine
de Perse, femme d'Àssuérus. Son nom signifie peut-
être « excellente », d'après le perse vahista. Elle était
d'une beauté remarquable et le roi voulut la montrer
aux grands de sa cour pendant un festin. Elle donnait
elle-même un repas pendant ce temps à ses femmes, et,
pour ne pas violer les usages perses, elle refusa de se
montrer sans voiles et désobéit au roi. Assuérus la ré-
pudia etEsther devint reine à sa place. Esther, i, 9, 11,
12, 15, 16, 17, 19; n,l, 4, 17.
VATABLE ou VATEBLÉ François, hébraïsant fran-
çais, né à Gamaches en Picardie, mort à Paris le
16 mars 1547. Quand François I er fonda le collège de
France (1630), ii y fut le premier professeur d'hébreu
et ses cours eurent la plus grande réputation. Il n'a
rien écrit sur l'Écriture, mais Robert Eslienne publia à
Paris, sous le nom de ce savant, des notes prises à ses
cours, qu'il joignit à la Bible traduite en latin par Léon
de Juda sur le texte hébreu, in-8», Paris, 1545, avec
d'autres notes empruntées à Calvin, Munster, Fagius, etc.
L'imprimeur les attribua à Vatable, sans doute afin
d'empêcher la censure de la Sorbonne, mais cela n'em-
pêcha pas les docteurs de Paris d'en discerner le venin
2379
VATABLE — VATICANUS (CODEX)
2380
et de les condamner en 1547. Robert Estienne s'étant
retiré à Genève défendit son œuvre et la rendit encore
plus calviniste en la réimprimant, in-f°, Genève, 1547,
avec la traduction latine de Sanctes Pagninus et des
noteB tirées de ce dernier et d'autres, au lieu de la tra-
duction de Léon de Juda. Les docteurs de Salamanque
en publièrent en 1584 une édition corrigée. Nicolas
Henri, professeur d'hébreu au Collège royal, en donna
une autre, édition, 2 in-f°, 1729-1745. Les notes sont lit-
térales et critiques, claires et précises, et elles se dis-
tinguent par leur caractère philologique de celles des
commentaires de cette époque qui sont surtout dogma-
tiques et polémiques. Robert Estienne publia à part les
Psaumes, Genève, 1556, avec des notes plus étendues
qui avaient peut-être été recueillies aux cours deVatable.
Ges. notes furent insérées dans les Critici sacri et réim-
primées aussi à Halle, in-8», 1767, avec celles de Grotius,
par G. J. L. Vogel. — Voir H. Strack, dans Herzog-
Hauck, Real-Encyklopàdie fàrprot. Théologie, 3* édit.,
XX, 1908, p.431;Cl.-P. Gouget, Mémoires hist. et littér.
sur le collège de France, in-4°, Paris, 1758, p. 88-92.
VATICANUS (CODEX). Ce manuscrit célèbre de
la Bible grecque appartient à la bibliothèque du Vati-
can, où il est coté Vatican, gr. 1209 (fig. 543). L'écri-
ture est onciale, d'une main qu'on attribue au iv" siècle.
Chaque page a trois colonnes de texte, chaque colonne
42 lignes. Dans les livres poétiques, où le texte est dis-
tribué en stiques, on ne compte que deux colonnes à la
page. Le parchemin est d'une extrême finesse. Pas d'ini-
tiales plus grosses que les caractères courants, mais la
première lettre des chapitres (ou ce qui peut être
pris pour tel) dépasse un peu en marge. Pas d'accents,
pas d'esprits, de première main du moins. Ponctua-
tion très rare, remplacée le plus souvent par un léger
espacement des mots à interponctuer. Hauteur du ma-
nuscrit: 27 à 28 centimètres ; largeur : 27 à 28 aussi. Le
manuscrit compte 759 feuillets, dont 617 pour l'Ancien
Testament, 142 pour le Nouveau. Les livres des Macha-
bées n'ont jamais figuré dans le manuscrit. Par acci-
dent, il manque Gen., i, 1-xlvi, 28; Ps., cv, 27-cxxxvn,
6; Hebr., ix, 14-xm, 25; les deux Épitres à Timothée,
l'Épitre à Tite, l'Épitre à Philémon, l'Apocalypse. Les
parties accidentellement manquantes ont été suppléées
par un habile copiste du xv e siècle. Le texte oncial, si
l'on en croit Tischendorf, serait l'œuvre de trois co-
pistes ; le Nouveau Testament serait tout-entier du même
copiste. Le texte oncial aurait été corrigé successive-
ment par deux mains, dont la première serait contem-
poraine des copistes; la seconde serait du xi=-xn e siècle.
Ce manuscrit . est de premier ordre pour l'établis-
sement du texte grec de la Bible. Tischendorf a émis
l'opinion qu'il avait été copié dans le même scriptoriunt
que le Codex Sinaiticus, simple possibilité. On a dit
souvent qu'il figurait dans les anciens catalogues de
la- bibliothèque du Vatican de la fin du XV e et du XVI e
siècle : je l'ai cherché vainement dans l'inventaire du
pape Nicolas V, dans celui du pape Léon X, dans celui
du pape Paul III. Il n'a été classé à son numéro
d'ordre, Vat. gr. 1209, qu'à l'époque du pape Paul V
(1605-1621), car il est précédé de peu dans les rayons
d'un manuscrit (Vat. 1190) offert à ce pape par
Alexandre Turriano, et d'un autre (Vat. 1191) qui a
été acquis en 1612. Le Vat. 1208 qui le précède immé-
diatement est le célèbre manuscrit des Actes des Apôtres
écrit en lettres d'or, qui fut donné au pape Inno-
cent VIII par la reine de Chypre, manuscrit qui ne
figure pas davantage aux inventaires de Léon X et
de Paul III. Il est possible que, possédés par le Saint-
Siège pendant tout le xvr siècle, le Vat. 1208 et le
Vat. 1209 aient été conservés à part, car le Vat. 1209
était célèbre dès lors. En 1533, Jean Genesius de Sepul-
veda adresse à Érasme 356 leçons prises à ce manu-
scrit, leçons que lui a communiquées Paul Bombasio,
par une lettre datée de 1521. Nestlé, Septuaginta-
Studien, p. 5. En 1546, Sirleto écrit au cardinal Cer-
vini : In quello esemplare che e nella libreria di
N. S. il quale un tempo haveva don Basilio, ve son
le précise parole que allega S. Paolo, eùipp<iv6r)Te stivri
peza toû Xaou axrcov. Rom., xv, 10, pris à Deut., xxxn,
43. Cette lettre de Sirleto est mentionnée dans mon
petit livre sur La Vaticane de Paul 111 à Paul V,
Paris, 1890, p. 86. J'ignore qui est le don Basilio men~
tionné par Sirleto. En 1583, le même Sirleto écrit à
Barthélémy Valverde, qui l'a interrogé sur quelques
passages difficiles de la Bible, que les difficultés tien-
nent moins à la nature du sujet qu'à l'impéritie des
copistes ou des éditeurs. Donc, pour les résoudre,
Sirleto a le dessein de collationner ces passages cum
exemplari grxco Vaticanse bibliothecm, quod tam
mires vetustatis est, ut doctorum virorum judicio prse-
feratur omnibus quse in publicis vel in privatis biblio-
theds inveniuntur. Op. cit., p. 84. Nicolas Maggio-
rano, qui était correcteur à la Vaticane avant de devenir,
en 1553, évêque de Molfetta, a colligé une série obser-
vationum quas -ar grxco ulriusque Testamenti codice
vetustissimo Vaticano annotarat. Ibid. En 1560, Latino
Latini rapporte que Sirleto lui a dit que multa szmt in
eo codice non temere vulganda, ne novarum rerum
studiosis, id est Arianis et Macedonianis huius setatis,
maior insaniendi occasio prssbeatur. Op. cit., p. 85.
En 1586, l'édition sixtine des Septante est publiée par
ordre de Sixte-Quint et par les soins du cardinal Carafa
on a pris pour base notre manuscrit, dont Carafa dit,
dans la préface : lnlelleximus, cum ex ipsa collatione,
tum e sacrorum veterum scriptorum consensione, Va-
ticanum codicem non solum vetustate, verum etiani
bonitate cse.te.ris anteire; quodque caputest, ad ipsam
quant quserebamus Septuaginta interpretationem, si
non loto libro, maiori certe ex parte, quamproxime
accedere. Op. cit., p. 88.
L'édition sixtine des Septante suffit longtemps aux
besoins de la critique. En 1669, cependant, un correc-
teur de la bibliothèque Vaticane, Jules Bartolocci, prit
une collation du Nouveau Testament sur l'édition
d'Aide de 1518, collation que possède la Bibliothèque
nationale, Supp. gr. 53. Voyez Gregory, Prolegomena,
p. 361. Nouvelle collation en 1720, pour Bentley : elle
est conservée à Cambridge, dans la bibliothèque de
Trinity Collège B, 17, 3 et 20. Gregory, ibid. En 1809,
le manuscrit était à Paris, où il fut étudié par Léonard
Hug, qui publia peu après une dissertation De antiqui-
tate codicis Vaticani, Fribourg, 1810. Le manuscrit fut
restitué au Vatican, avec les autres trésors que Napoléon
avait enlevés ; puis le cardinal Mai entreprit d'en éditer
le texte : on l'imprima, de 1828 à 1838, mais le cardinal
Mai, conscient de l'imperfection de son travail, se re-
fusa à le publier jusqu'à sa mort, qui arriva en 1854. La
publication fut alors confiée au P. Vercellone, qui s'en
acquitta en 1857 une première fois, et à nouveau pour
le Nouveau Testament en 1859. Quand on sait quelle
difficulté, présente une semblable édition diplomatique,
on ne s'étonne pas que celle de Mai et de Vercellone
laisse infiniment à désirer. On s'y reprit une troisième
fois ; le travail échut, après la mort de Vercellone, au
P. Cozza, et l'édition parut de 1868 à 1881. La critique
la plus indulgente a estimé que cette dernière tentative
ne Tachetait pas le défaut des précédentes. Voyez H.
Swete, The Old Testament in greek, Cambridge, 1887,
t. i, p. xvm. Nous avons eu enfin une reproduction
photographique du Vaticanus, qui coupe court aux cri-
tiques, Codicese Vaticanis selecti phototypice expressi,
Rome et Milan, 1902 sq.; Bibliorum graecorum Codex
Vaticanus 1209, pars 1, Testamentum Velus, Milan,
1905-1906; pars 11, Testamentum A T owm, / Milan,1904.
P. Batiffol.
Dictionnaire dk la Bible
Letouzey et Ane, éditeurs
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2381
VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE
2382
VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. -
Ouand on parle aujourd'hui de versions « vaudoises »
de l'Écriture,on n'enlend plus des traductions en langue
vulgaire, faites, avant 1170, soit par le Lyonnais Valdo,
fondateur de la secte vaudoise, soit par ses premiers
adhérents. On entend par là des versions bibliques,
rédigées dans le dialecte parlé au xiv« siècle par les
habitants des Vallées vaudoises des Alpes. Si les pre-
miers vaudois du xn« siècle avaient à leur disposition
une traduction de la Bible (ce qui n'est pas démontré),
elle n'avait pas été faite dans ce dialecte, et nous igno-
rons en quel idiome roman elle aurait été composée.
Les manuscrits qui nous restent d'une version biblique
en dialecte des Vallées vaudoises sont plus récents et
reproduisent un texte différent de celui qu'on attribue
à Pierre Valdo de Lyon. Voir Ed. Reuss, Fragments
littéraires et critiques relatifs à l'histoire de la Bible
française, dans la Revue de théologie de Strasbourg,
juin 1851, t. il, p. 321-364. Les vaudois, du reste, ont
eu à leur usage une version provençale du xni" siècle,
qui a exercé de l'influence sur les traductions en idiome
vaudois. Voir t, v, cot. 775-776. Celles-ci comprennent
le Xouveau Testament en entier et des parties ou frag-
ments de l'Ancien Testament.
1. Nouveau Testament. — 1° Les manuscrits. —
1. Le plus ancien de tous a été signalé par le P. Lelong,
Bibliothèque sacrée, 1. 1, p. 369, comme appartenant à
Henri-Joseph de Thomassin, seigneur de Mazauges,
d'après Rémerville de Saint-Quentin, Pièces fugitives,
1704, t. n, p. 270. Après 1743, il fut acheté par l'évêque
de Garpentras, Inguimbert, qui le donna à sa ville
épiscopale. Il se trouve aujourd'hui encore à la biblio-
thèque Inguimbert de Carpentras. Il est du xrv s siècle
et d'une écriture arrondie du midi de la France. Il
contient, à la suite du Nouveau Testament, les livres
sapientiaux de l'Ancien. Chaque livre est précédé d'un
prologue ou argument. Rien ne prouve l'origine vau-
doise de ce manuscrit qui pourtant a dû être entre les
main» de vaudois, comme semble l'indiquer une note
italienne du xv» siècle dressant la liste des livres dcuté-
rocanoniques de l'Ancien Testament. S. Berger a publié
quelques extraits du texte, dans Romania, 1889,
t xvtii, p. 379-382.
2. Vient ensuite, par ordre de date, le manuscrit de
Dublin, Trinity Collège, A. 4, i3, daté de 1522. Il pro-
vient de l'archevêque Ussher, qui l'avait acheté vers
1634, avec une collection d'écrits vaudois, ayant appar-
tenu au ministre dauphinois J.-P. Perrin. Ces manu-
scrits avaient été recueillis dans la vallée du Pragela et
envoyés par le synode des Vallées à Perrin pour son
Histoire des vaudois, Genève, 1618. Cf. op. cit., t. i,
p. 57; J. Léger, Histoire générale des Églises évangé-
liques de» Voilées de Piémont ou vaudoises, Leyde,
1€69, t. i, p. 24. W. S. Gilly l'a signalé le premier, en
adonné un fac-similé et en a publié l'Évangile de saint
Jean, mais d'une façon très fautive. The romaunt
Version oftJie Gospel according to St. John, Londres,
1848. M. Herzog, en a pris une copie qu'il a déposée à
la bibliothèque royale de Berlin. Cf. Herzog, Die ro-
manisclien Waldenser, p. 55, 99; Grûzmacher, Jakr-
bûcher fur roman, und angl. Litteratur, 1862, t. iv,
p. 372; Todd, The Boohs of tlte Vaudois, Londres et
Cambridge, 1865, p. 1; P. Meyer, iîecuei! d'anciens tex-
tes, 1874, p. 32; Al. Muston, L'Israël des Alpes,ty èdit.,
1879, t. iv, p. 95; H.Haupt, DiedeutscheBibelûbersetzung
der mitteralterlichen Waldenser, Wurzbourg, 1886,
p. 20 ;K Comba, Histoire des vaudois d'Italie, 1887,
1. 1, p. 225; C. Salvioni, Bulletin de la Société d'histoire
vaudoise, 1889, n. 5, p. 35. Comme le précédent, ce
manuscrit contient le Nouveau Testament et les livres
sapientiaux; il n'en est pas cependant la reproduction,
puisqu'il s'étend jusqu'au c. xxm de l'Ecclésiastique,
alors que le manuscrit de Carpentras s'arrête à xvi, 4.
3. Les manuscrits de Grenoble, bibliothèque munici-
pale, U. 860, et de Cambridge, bibliothèque de l'univer-
sité, DD. i5. 34, sont du commencement du xv« siècle
et reproduisent le même texte, jusqu'aux fautes de copie
et aux erreurs. Le premier comprend tout le Nouveau
Testament avec une partie des livres sapientiaux de
l'Ancien, mais le second n'est qu'un abrégé du Nou-
veau Testament. Le manuscrit de Grenoble vient de
l'évêque Caulet (fl771). Entête de chaque livre, on lit
une préface ou argument, dont la traduction est diffé-
rente de celle du manuscrit de Carpentras et dont le
texte latin se rencontre, dès le milieu du xm e siècle,
dans presque tous les manuscrits de la Vulgate. A la fin,
une autre main, dont l'écriture n'est pas antérieure
au milieu du xv siècle, atranscritun lectionnaireque
l'abbé Misset, parle moyen des fêtes propres, a reconnu
pour un lectionnaire de Prague. Or, cette circonstance
démontre l'origine vaudoise du manuscrit, car on sait
qu'au xv e siècle les vaudois ont été en rapports étroits
avec les Bohémiens. Champollion-Figeac a publié la
parabole de l'enfant prodigue. Nouvelles recherches
sur les patois, Paris, 1809, p. 113. Voir encore Gilly,
: op. cit., p. xliv, qui donne un fac-similé; P. Meyer,
op. cit., p. 32; Muston, op. cit., p. 95; Comba, op. cit.,
p. 224. Le fragment de Cambridge a été retrouvé
par Bradshaw au milieu d'une collection de manu-
scrits vaudois rapportés en Angleterre en 1658 par sir
Samuel Morland, commissaire de Cromwel! auprès du
duc de Savoie. Morland les avait reçus de l'historien
J. Léger, modérateur des Eglises des Vallées. H. Brad-
shaw, On Ihe recovery of the long lost Waldensian
mss. (rapport lu le 10 mars 1862), Antiquarian com-
munications de la Cambridge antiquarian Society,
1864, t. n, p. 203, reproduit par ,1. H. Todd, op. cit.,
p. 214. Cf. Ed. Montet, Histoire littéraire des vaudois,
1885, p. 3; Comba, op. cit., p. 224. Son texte se
rattache étroitement à celui des manuscrits de Car-
pentras et de Dublin. Il présente cependant cette
particularité qu'à partir du c. xvi, 9, des Actes, com-
mence une nouvelle version qui n'est qu'une para-
phrase. Elle est faite littéralement sur le texte italien
de la version du dominicain frère Dominique Cavalca,
mort en 1342. S. Berger, La Bible italienne au moyen
âge, dans Romania, 1894, t. xxm, p. 37-39.
4. Une dernière copie du Nouveau Testament vaudois
se trouve à Zurich, bibliothèque de la ville, Ci69. Ce
manuscrit, qui présente quelques lacunes, a été donné
en 1692 à l'universitéde Zurich par Guillaume Malanot,
pasteur d'Agragne dans les Vallées vaudoises. Il avait
appartenu d'abord à un habitant de la vallée de Pragela,
Ed. Reuss, qui l'a étudié à fond, a démontré que le
texte a été copié sur un original retouché d'après le
Nouveau Testament d'Lrasme de 1522. Revue de tliéo-
logie, décembre 1852, t. v, p. 341-349; février 1853,
t. vi, p. 80-86. Il reproduit, en effet, le verset des trois
témoins célestes. Le manuscrit date donc de 1530,
époque à laquelle les vaudois piémontais se sont rap-
prochés des protestants et se sont initiés à la critique
biblique. L'original semble dériver de l'ancêtre com-
mun des manuscrits de Dublin et de Grenoble. Le texte
corrigé, et donc le moins bon, du manuscrit de Zurich
a été publié par C. Salvioni, dans VArchivio glottolo-
gico italiano de M. Ascoli, 1890, t. xi. Cf. Gilly, op. cit.,
p. lis ; Muston, op. cit., p. 96; Comba, op. cit., p. 226.
2» Caractères de cette version. — 1. Elle n'est pas
vaudoise de doctrine. Bien qu'elle ait été à l'usage des
vaudois comme l'attestent les citations bibliques des
ouvrages vaudois, qui sont évidemment empruntées à
un texte absolument identique à celui du manuscrit de
Carpentras; il n'est pas sûr cependant qu'elle soit leur
œuvre. M. Reuss croyait y découvrir quelques traces
de dualisme et des doctrines cathares, étrangères aux
idées vaudoises. Elle lui paraissait éviter le mot de créa-
2383
VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — VAUTOUR
2384
tion etles formules analogues et employer des expres-
sions qui rappelleraient l'éternité de la matière. L'exa-
men plus attentif des manuscrits y a fait retrouver les
termes qu'on prétendait avoir été écartés à dessein. Les
expressions qui ont paru trahir une tendance à l'ascé-
tisme n'ont pas de portée spéciale. Le mot « Fils de la
vierge » pour traduire Films hominis de la Vulgate se
retrouve dans une version normande du xm e siècle;
il est répété au xv e dans différentes traductions dû Nou-
veau Testament et on ne peut y voir une tentative pour
rompre le lien qui unit le Christ à la nature humaine
ou à la matière. Pas un mot ne trahit les opinions parti-
culières du traducteur, et la version vaudoise du Nou-
veau Testament est parfaitement orthodoxe.
2. Elle est faite, d'ailleurs, sur la Vulgate et, aussi
bien que les traductions provençales, sur le texte lan-
guedocien du xiu 8 siècle. Comme la version proven-
çale du manuscrit du Lyon, à laquelle elle ressemble,
voir t. v, col. 776, elle est littérale à l'excès. Cette exac-
titude littérale a été ici spécialement recherchée tant
au point de vue du vocabulaire, qui rend le mot latin
le plus près possible, que de la grammaire et de la
syntaxe. En outre, on remarque dans les deux versions,
vaudoise et provençale, certaines expressions singu-
lières et certaines traductions libres ou inexactes qui
leur sont communes, quelques leçons qu'on n'a pas
encore retrouvées dans aucun texte latin. Les versions
provençales ont donc influencé la traduction vaudoise
du Nouveau Testament. Leur origine n'est pourtant
probablement pas la même. On constate entre les deux
groupes des différences innombrables et de toute na-
ture. La plus importante peut-être est que leur texte
latin, quoique languedocien, n'est pas absolument le
même et présente des variantes de détail qu'un simple
travail de retouche n'expliquerait pas. Celui que repré-
sente la' version vaudoise n'est pas de très bon aloi;
il contient des interpolations, provenant d'un déplace-
ment des textes et des passages répétés ou doublets et
dont quelques-uns se retrouvent dans les manuscrits
languedociens les moins anciens, dans ceux qui ont déjà,
comme la traduction vaudoise, les chapitres modernes,.
Les textes vaudois ont peut-être été souvent retouchés,
parce qu'ils étaient d'un grand usage, et ces retouches
auraient été faites d'après les versions provençales.
II. Parties et fragments de l'Ancien Testament. — _
1° Les livres sapientiaux. — Nous avons déjà constaté
que les manuscrits de Carpentras, de Dublin et de
Grenoble contenaient, à la suite du Nouveau Testament,
les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, les dix pre-
miers chapitres de la Sagesse et les quinze ou vingt-
trois premiers de l'Ecclésiastique. Ces livres ne sont
complets dans aucun manuscrit, et il n'y a pas de rai-
son qu'ils l'aient jamais été. Le manuscrit de Grenoble
reproduit quelques versets de l'Ecclésiastique, xi, 15,
16; xii, 166-18 a, qui ne sont pas dans celui de Carpen-
tras. Le texte latin, sur lequel la traduction a été faite,
est ce texte parisien qui, sous l'influence de l'université
de Paris, est devenu peu à peu général en France, à
partir du milieu du xm e siècle. On y retrouve les inter-
polations qui le caractérisent. On n'y remarque par
contre aucune des particularités du texte languedo-
cien du xm e siècle, qui a servi de base à la version
vaudoise du Nouveau Testament. On peut par suite se
demander si la traduction des livres sapientiaux vient
du même atelier que la précédente. Dans les manu-
scrits vaudois, le Cantique est accompagné de rubriques
allégoriques, qui se présentent sous deux formes quel-
que peu différentes. Celles du manuscrit de Carpen-
tras semblent avoir été empruntées, presque sans chan-
gement, aux Bibles d'Alcuin les plus anciennes et les
meilleures. Celles du manuscrit de Grenoble dérivent
des manuscrits languedociens les plus anciens; elles
seraient donc les plus anciennes dans la version vau-
doise. Comme les autres livres sapientiaux ont été tra-
duits sur un texte parisien, qui n'avait pas ces ru-
briques, on peut se demander si le Cantique n'a pas
été traduit à part et peut-être le premier.
2° Autres fragments de l'Ancien Testament. — Les
manuscrits qui les contiennent sont vaudois d'origine^
ils ont été donnés à sir Morland par Jean Léger, l'his-
torien des vaudois. Ils paraissent remonter à la seconde
moitié du XV e siècle et sont conservés à la bibliothèque
de l'université de Cambridge, DD. 15, 29; DD. 15, 31.
1. Le ms. A de Morland contient, en tête de différents
traités, les neuf premiers chapitres de la Genèse. Le
texte latin, sur lequel cette traduction a été faite, n'est
pas le texte parisien du xm e siècle. La version est assez
exacte. — 2. Le ms. C de Morland, un des plus petits
manuscrits qu'on connaisse, contient dans la langue
des Vallées : à) le supplice des frères Machabées,
II Mac, vi, 5-41; 6) les trois premiers chapitres de Job
et le c. xlii sous le titre de c. ty; c) le livre entier
de Tobie. Le texte latin de Job ne semble pas être
exactement le texte parisien du XIII e siècle; la version
est généralement exacte; on remarque une leçon sin-
gulière, Job, i, 5.
Voir, sur ces versions, les études de Reuss, dans la
Revue de théologie de Strasbourg, juin 1851, t. n, p. 2-
23; décembre 1852, t. v, p. 321-349; février 1853, t. vi,
p. 65-96, et de S. Berger, Les Bibles provençales et
vaudoises, dans Romania, 1889, t. xvm, p. 377-414,
416-422, qui remplacent toutes les autres. Nous n'avons
fait que les résumer. E. Makgenot.
VAUTOUR, oiseau de proie, de l'ordre des rapaces
diurnes. — Les vautours ont une petite tête, un bec
robuste et recourbé vers la pointe, un cou long et
dénudé, de grandes ailes et une queue courte. Ils
s'élèvent très haut en tournoyant, mais d'un vol lourd.
Ils sont lâches et voraces, s'attaquent aux petits ani-
maux et, à leur défaut, se contentent de substances en
putréfaction. Ils répandent une odeur infecte. Leur
habitation ordinaire est dans les hautes montagnes.
Les vautours sont représentés dans la Bible par le
Gypaète, t. m, col. 371, et le Pernocptère.I. v, col. 124,
ou vautour d'Egypte. — Il y a trois mots hébreux qui
désignent pour les versions soit le vautour, soit le mi-
lan; dd'ah, yû'l/, « vautour », milvus, s milan »;
'ayyâh, ïxtivoç, « milan », vultur, « vautour »,
Lev., xi, 14; voir Dâ'âh, t. H, col. 1195; 'ayyâh et
dayyâh, le vautour et le milan, également interdits,
Deut., xiv, 13; dayyôf, rnilvi, « milans » qui se ras-
semblent dans les déserts, et que les Septante appellent
des « cerfs », eXaçoi, Is., xxxiv, 15; enfin le 'ayyâh
de Job, xxviii, 7, qui a l'œil perçant et dont les versions
font un vautour. Le 'ayyâh est plus probablement le
milan royal. Voir Milan, t. iv, col. 1084. D'après Bo-
chart, Hierozoicon, t. h, p. 196, et Gesenias, Thésaurus,
p. 335, dayyâh désignerait une espèce de vautour. 11
faut croire, avec la plupart des versions, que c'est le
nom d'un milan. Ce sens devient le plus probable, si
l'on observe que, chez les Arabes, h'dayah est le nom
du milan noir, le milvus migrans, distinct du milan
roux ou royal. Cet oiseau a environ m 55 de long. Il
porte un plumage uniforme d'un brun noir sur le dos
et fauve en dessous. Sa queue est longue, mais moins
fourchue que celle du milan roux. Sa ponte est de
deux ou trois œufs. C'est un oiseau migrateur, qui dis-
paraît de Palestine durant les trois mois d'hiver et
revient en mars. On le trouve alors un peu partout,
spécialement auprès des villages, qui lui procurent
une provende facile. Il n'attaque par les poules, mais
leur dispute leurs détritus. Quand on abat quelque
bétail, il est là en nombre, profitant de l'inattention
pour enlever quelque morceau et tenant à l'écart les
rusés et avides corbeaux. Il est très maladroit dans le
2385
VAUTOUR - VEAU D'OR
2386
choix d'un emplacement pour son nid, qu'il pose géné-
ralement sur un arbre, dans une gorge, mais parfois
entre les racines dénudées d'un arbuste et sur le bord
même du rocher. Ce nid est pitoyablement construit de
branchages et garni de tous les chiffons qui se peuvent
rencontrer. Néanmoins, le vol de l'oiseau est élégant
et ses mouvements sont agréables à l'œil. Le milvus
legyptius a le plumage plus clair. On le rencontre fré-
quemment en Palestine, mais les Arabes le confondent
avec le précédent. Comme tous les oiseaux de proie,
le milan a été prohibé par Moïse. Deut., xiv, 13. Cf.
Tristram, The natural history of the Bible, Londres,
1889, p. 181; Wood, Bible animais, Londres, 1884,
p. 358. H. Lesêtre.
VAV, sixième , lettre de l'alphabet hébreu, i, v.
« crochet, clou », objet dont elle a conservé la forme,
C'est une lettre servile dont la langue hébraïque fait
le plus grand usage.
VEADAR, mois complémentaire juif, Les mois de
l'année juive étaient comme les nôtres au nombre de
douze, mais leur année était lunaire, par conséquent
plus courte de onzejours que l'année solaire. Pour la
faire accorder avec l'année solaire, on ajoutait tous les
trois ans environ un treizième mois, qui n'est pas men-
tionné dans la Bible, Veadar, ainsi appelé parce qu'on
le plaçait entre adar et nisan.
VEAU (hébreu : par, 'égél; Septante : iiôa-^oç, \LoayJt-
ptov; Vulgate : vitulus, juvenculus), jeune taureau.
1° Le veau bondit dans les champs où on l'engraisse,
Ps. xxix (xxvm), 6; Mal., iv, 2, et y vit indompté.
Jer., xxxi, 18. Il paît là où s'élevaient autrefois des
villes, Is., xxvn, 10, et, avec les autres bêtes des
champs, il devient la proie des envahisseurs. I Reg.,
xiv, 32; Is., xxxiv, 7. A l'âge d'or, figure de la restaura-
tion spirituelle, il habitera avec le lion. Is., xi,6. Les
mercenaires d'Egypte sont comparés à des veaux gras,
à cause de leur force et de leur belle apparence. Jer.,
xl vi, 21. — 2» Le veau sert à la nourriture de l'homme,
et le veau gras figure dans les festins. Gen., xvm, 7;
I Reg.,xxvm, 24; III Reg., i, 9; Am., yi, 4; Luc, xv,
23. — 3° Le veau est employé dans les sacrifices pour
la consécration des prêtres, Exod., xxix, 1; Lev., vin,
2, dans l'holocauste, Lev., i, 5, dans le sacrifice pour
le péché, Lev., iv, 3; îx, 2; xvi, 3, ou pour l'erreur,
Kum., xv, 24, à la néoménie, Num., xxvm, 11, à la
Pâque, Num., xxvm, 19, à la Pentecôte, Num., xxvm,
27; Lev., xxm, 16, aux fêtes des Trompettes, Num.,
xxix, 2, de l'Expiation, Num., XXIX, 8, et des Taber-
nacles. Num., xxix, 13. Cf. Mich., vi, 6. Un veau gras
fut immolé pendant le transport de l'Arche à Jérusalem.
II Reg., vi, 13. Cyrus ordonna de fournir des veaux
pour les sacrifices des Juifs. I Esd., vi, 9. Le Seigneur
préférait la prière et la pratique de la vertu à de tels
sacrifices. Ps. lxix (lxviii), 32; Is., I, 11. — On passait
entre les deux moitiés d'un veau pour contracter une
alliance. Jer., xxxiv, 18. Voir Sacrifice, col. 1317. —
Les versions parlent quelquefois de veaux quand il
s'agit de taureaux dans le texte hébreu. Voir Bœuf,
t. i, col. 1833; Chérubin, t. n, col. 663; Taureau,
col. 2015. H. Lesêtre.
VEAU D'OR (hébreu : 'êgél massêkâh; Septante :
u.ô<r/oç 3( <oveUT0 'c i Vulgate : vitulus confîatilis), veau de
métal fabriqué pour être l'objet d'un culte idolâtrique.
1° Au désert. — Pendant les quarante jours que
Moïse demeura sur le Sinaî pour y recevoir la loi de
Jéhovah, Exod., xxiv, 18; Deut., ix, 11, les Israélites
se découragèrent en s'imaginant qu'il ne reviendrait
plus pour les guider. Ils s'adressèrent donc à celui qui
était le plus qualifié pour leur venir en aide, Aaron, et
lui demandèrent de leur faire 'ëlohim 'âsér yêlkû lepa-
nênû, ôîo'jç oi.'itpoTtopsûg'ovTixi T|[i<ôv, deos qui nos pro-
cédant. Ce pluriel, qu'on reproduira bientôt en l'ap-
pliquant à une effigie unique, Exod., xxxil, 1, 4, est
évidemment à entendre au singulier, sinon dans la
pensée du peuple, du moins dans celle d'Aaron. Peut-
être le peuple réclamait-il plusieurs simulacres, figu-
rant, comme en Egypte, les différents attributs de la
divinité. Il est possible d'ailleurs, comme l'insinue
saint Paul, I Cor., x, 7, que ce désir n'ait pas été
partagé par le peuple tout entier. Il était en effet radi-
calement contraire à la loi du Décalogue qui venait
d'être promulguée. Exod., xx, 4. Aaron ne se sentit pas
en mesure de résister à la requête qui luiétaitadressée
par des hommes égarés, capables de se porter à de
redoutables extrémités, peut-être même de reprendre
le chemin de l'Egypte. Quelle responsabilité n'eût-il
pas encourue aux yeux de Moïse, si celui-ci, à son re-
tour, n'eût plus retrouvé qu'un peuple révolté et disses
miné à travers le désert? Il se décida donc à faire ce-
qu'on lui demandait, mais à une condition qui devait
donner à réfléchir et qui peut-être ferait renoncer le-
peuple à son exigence. Il demanda qu'on lui apportât
les anneaux d'or que les femmes, leurs fils et leurs,
filles portaient aux oreilles. Le sacrifice fut consenti
sans hésitation et Aaron dut exécuter ce qu'on atten--
dait de lui. Il fit fondre le métal précieux et fabriquer-
un veau d'or. Voir Or, t. iv, col. 1839. Tenta-t-il, en
faisant exécuter hâtivement un simulacre grossier, de-
décourager les Israélites et de leur faire comprendre-
l'inconvenance de leur désir? Il n'y réussit certaine-
ment pas; car, dès que l'œuvre fut achevée, ses ins-
pirateurs dirent à tout le peuple : « Israël, voici tes.
dieux, qui t'ont fait monter du pays d'Egypte. » Les
Septante et le Syriaque attribuent ces paroles à Aaron
lui-même. Il serait donc possible que, par un change-
ment de ponctuation, les anciens transcripteurs hé-
breux aient mis le pluriel, pour atténuer la responsa-
bilité d'Aaron. Tous savaient que Jéhovah avait été
l'auteur de la délivrance de son peuple. On ne pouvait
donc voir dans l'effigie d'or qu'une représentation de
Jéhovah, que seuls les plus grossiers seraient tentés de
confondre avec lui. — Voyant l'état d'esprit du peuple
et ne sachant lui-même quand Moïse reparaîtrait,.
Aaron dressa un autel devant le veau d'or et dit i
« Demain, il y aura fête en l'honneur de Jéhovah ! »
C'était une manière d'affirmer la souveraineté de Dieu
qui s'était révélé à Moïse et d'empêcher des écarts
nettement idolâtriques. Par la célébration de la fête,
Aaron pouvait aussi gagner du temps et calmer l'impa-
tience inquiète des Israélites. Averti par le Seigneur,
Moïse intercéda pour son peuple et descendit de la
montagne. Il trouva tout le camp en fête, s'indigna
vivement et interpella Aaron : « Que t'a fait ce peuple,
pour que tu aies amené sur lui un tel péché ? » Aaron.
s'excusa en rappelant les exigences des Israélites..
Moïse broya le veau d'or et le fit réduire en poudre;,
il répandit cette poudre dans l'eau et ordonna aux-
enfants d'Israël de la boire. Profitant de ce que la plu-
part des coupables étaient désarmés, il fit appel à ceus.
qui voudraient venger l'offense faite à Jéhovah. Les
enfants de Lévi se présentèrent, fondirent sur les
prévaricateurs au milieu de leurs festins et en massa-
crèrent 3000 (et non 23000, comme porte la Vulgate
actuelle). De retour auprès de Jéhovah sur la montagne,
Moïse implora et obtint le pardon de son peuple.
Exod., xxxii, 1-35. — Cette tentative avait mis en lu-
mière les instincts idolâtriques des Israélites. Le-
grossier emblème du veau d'or fut détruit; mais, par
la suite, le Seigneur ordonna la construction de l'Arche-
d'alliance, qui devait être comme le signe sensible de
sa présence au milieu de son peuple. Moïse revint plus,
tard sur ce triste épisode. Il rappela combien Jéhovah
2387
VEAU D'OR — VENCE (BIBLE DE)
2388
avait été irrité contre son peuple, et particulièrement
contre Aaron qu'il eût fait périr sans la supplication de
Moïse. Deut., ix, 8-21. Aaron s'était donc montré gra-
vement coupable de faiblesse, en se prêtant à l'exécu-
tion d'un pareil attentat contre la gloire de Jéhovah.
Cf. Ps. cti {cm), 19-23; II Esd., ix, 18; Act., vu, 40,41.
2° En Samarie. — En attribuant à Jéroboam la
royauté sur dix tribus, le Seigneur lui promit, s'il
■était fidèle à ses lois, de bénir sa maison comme il
l'avait fait pour David. III Reg., xi, 37, 38. La division
•du royaume demeurait donc compatible avec le main-
tien du culte traditionnel. Jéroboam n'eut pas une foi
suffisante en cette promesse divine. Il s'imagina que
la fréquentation du Temple de Jérusalem par ses su-
jets porterait préjudice à la solidité de son pouvoir et
amènerait fatalement les Israélites à se replacer sous
la domination des descendants de David. Pour parer
à ce danger, il fit fabriquer deux veaux d'or, qu'il
544. — Taureau sacré.
Modèle de sculpture, au musée de Gizéh.
installa aux deux extrémités de son royaume, à Dan et
à Béthel. Puis il dit aux Israélites, comme on avait dit
autrefois au désert : « Israël, voici ton Dieu qui t'a
fait sortir du pays d'Egypte. » Enfin il institua
un nouveau culte et Un nouveau sacerdoce, pour que
son peuple n'eût rien à envier à celui de Juda. Le
Seigneur fit signifier à Jéroboam combien son entre-
prise lui déplaisait. III Reg., xn, 26-33; xm, 1-10. Le
roi d'Israël n'avait pas le dessein d'ériger des idoles,
mais seulement des représentations visibles de Jéhovah.
Néanmoins son initiative était condamnée par le texte
du Décalogue et par les suites qu'avait entraînées
l'aventure du veau d'or d' Aaron. En outre, la nouvelle
institution détournait pratiquement les Israélites du
culte qui leur était prescrit dans le Temple de Jéru-
salem. Abia, roi de Juda, reprocha en vain à Jéroboam
son entreprise sacrilège. II Par., xm, 8. Les deux
veaux d'or demeurèrent en place. Jéhu fit disparaître
les idoles de Baal, mais laissa subsister les veaux d'or.
IV Reg., x, 29. A quelques exceptions près, les Israé-
lites leur rendaient un culte assidu. Tob., i, 5. Osée,
vm, 6, prédit la mise en pièces du veau de Samarie. Il
reproche à Israël de s'abaisser à adorer des veaux. Ose.,
. xiii, 2. 11 était inévitable, en effet, que les Israélites en
vinssent peu à peu à prendre l'effigie pour la divinité
elle-même et à tomber ainsi dans la plus grossière
idolâtrie. Cette adoration des veaux d'or est signalée
comme l'une des impiétés qui amenèrent la ruine du
royaume d'Israël. IV Reg., xvn, 16. En souvenir de ce
culte idolàtrique, le nom de fiéthaven, « maison de la
vanité » ou « de l'idole », fut attribué à Béthel. Voir
BÉTHAVEN, t. I, col. 1666.
3» Raison du symbole. — Il y a lieu de se demander
quel motif put déterminer Aaron et plus tard Jéroboam
à choisir un jeune taureau comme symbole de Jéhovah,
Les Hébreux sortaient d'Egypte, où ils avaient vu les
habitants adorer un bœuf. En faisant fondre un veau
d'or, Aaron devait savoir qu'il répondrait ainsi à la
pensée des Israélites accoutumés à voir plusieurs divi-
nités égyptiennes qui se personnifiaient dans un tau-
reau, principalement le dieu Apis (Hapi) qui est la se-
conde vie de Phtah; il était honoré à Memphis. Apis
mort était Osiris, d'où les Grecs firent Sérapis. On
trouve aussi représenté sous forme de bœuf ou de tau-
reau : Mnévis ou l'âme de Rà à Héliopolis; le dieu
Kem à Thèbes; Mentou à Hermonthis. Voir APIS, t. I.
col. 741. Ces dieux étaient censés marquer de certains
stigmates les sujets qu'ils animaient. Ces stigmates
consistaient en taches noires disposées comme dans la
figure 544; Cf. Mariette, Notice des principaux monu-
ments, 1876, p. 222, n. 666; Maspero, Histoire ancienne,
t. I, p. 119. Le choix de cette représentation divine
rappelait d'ailleurs aux Hébreux de vieilles traditions
ancestrales. Les Babyloniens et les Assyriens avaient
un dieu Hadad ou Adad, qui présidait aux vents, aux
orages et aux tonnerres. Identique à Ftammàn, voir
Remmon, t. v, col. 1036, il était symbolisé par le tau-
reau, comme l'Indra védique. Or, au Sinaï, Jéhovah
venait de se manifester au milieu des éclairs et des
tonnerres. Exod., xix, 16-20. Il était donc naturel que,
pour rappeler à son peuple la présence de Jéhovah qui
l'avait tiré d'Egypte, Aaron empruntât le symbole du
dieu babylonien des orages, Hadad, le dieu sémite,
pour représenter la protection divine assurée à Israël.
Hadad devint le dieu le plus vénéré et le plus répandu
de la Syrie. Voir Hadad, t. m, col. 391. Les rois de
Damas, comme ceux d'Assyrie, aimaient à faire entrer
son nom dans la composition du leur. — Jéroboam fit
plus tard comme Aaron en érigeant sîs veaux d'or
à Dan et à Béthel. II fusionnait ainsi dans un même
symbole l'idée du vrai Dieu et celle d'une des divinités
sémites les plus populaires. Cf. Dhorme, Les Sémites,
dans Où en est l'histoire des religions, Paris, 1911,
1. 1, p. 147, 165, 166, 177; Lagrange, Études sur les re-
ligions sémitiques, Paris, 1905, p. 93, 94; H. Vincent,
Canaan, Paris, 1907, p. 467. H. Lesètre.
VÉGÉTAUX. Voir Arbres, t. i, col. 888-894; Her-
bacées (Plantes), t. m, col. 596-599, et les noms de
chaque plante.
VEILLE. Voir Heure, t. m, col. 683.
VEINE, conduit qui ramène le sang vers le cœur.
Il n'en est point parlé dans la Bible. Mais la Vulgate
se sert du mot vena pour désigner le canal naturel
par où passe l'eau d'une source, et ce mot traduit
mâqôr, Ti\fr\, e. source ». Il est ainsi question de veine
d'eaux vives, Jer., xvn, 13, de source de la mer, Jer.,
n, 36, de veine desséchée, Ose., xm, 15, ou corrom-
pue, Prov., xxv, 26, et, par métaphore, de la veine de
la vie, Prov., v, 18, et de la parole qui enseigne le
bien. Prov., x, 11. —La Vulgate emploie le même mot
pour parler du filon d'argent dans une mine, tradui-
sant ainsi mâqôm, toitoç, « lieu ». Job, xxvm, 1.
H. Lesètre.
VEL (hébreu :'Ûêl; Septante: OOriX), un des fils
ou descendants de Bani, qui avait épousé une femme
étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer. I Esd., x, 34.
VENCE (BIBLE DE). H. François, abbé de Vence
(vers 1675-1749), publia à Nancy, 22 in-12, 1738-1743, une
nouvelle édition de la Bible de Carrières (voir Carrières,
t. n, col. 323), en y ajoutant des dissertations. Ces dis-
sertations furent insérées depuis dans la Bible de
Calmet. Rondet (1717-1785) en donna une édition nou-
2389
VENCE (BIBLE DE) — VENGEANCE
2390
velle à Avignon, J7 in-4°, 1767-1773. Cette édition est
connue sous le nom de Bible de Vence.
VENDANGE (hébreu : bâçir; Septante: xpu-piTÔç;
Vulgate : vindemia), récolte des raisins (voir fig. 165,
col. 613).
1» En Palestine, la vendange commence dès le début
de septembre dans les vallées chaudes, pour se termi-
ner en octobre dans les régions plus froides. Elle rejoint
donc les semailles, qui se font en novembre. C'est ce
que le Seigneur avait promis à son peuple, s'il lui
restait fidèle. Lev., xxvi, 5; Am., ix, 13. La Vendange
des raisins spontanés ne devait se faire ni l'année sab-
batique, ni l'année jubilaire. Lev., xxv, 5, 11. Les
autres années, le vendangeur devait laisser de quoi
grappiller à l'étranger, à l'orphelin et à la veuve. Deut.,
xxiv, 21. Voir Grappillage, t. m, col. 308. Les pauvres
en étaient quelquefois réduits à marauder dans les
vignes de leurs oppresseurs. Job, xxiv, 6. — La ven-
dange devait manquer à Israël devenu infidèle. Deut.,
xxviii, 30; Is., xxxii, 10. — La récolte des raisins se
faisait avec d'autant plus de joie qu'elle terminait
toutes les autres. Ps., iv, 8. Ainsi on voit les gens de
Sichem vendanger, fouler, faire la fête et continuer
les festins dans la maison de leur dieu. Jug., ix, 27.
Le foulage du raisin s'exécutait en effet à mesure qu'il
était cueilli, les pressoirs se trouvant disposés dans
les vignes ou à proximité. Voir Pressoir, fig. 164-169,
col. 612-616. En temps de détresse, « dans les vignes,
plus de chants, plus de cris de joie. t> Is., xvi, 10.
« On ne foule plus au bruit des cris de joie; le cri de
joie n'est plus. » Jer., xxv, 30; xlviii, 33. La vendange
mettait tout le monde en fête, tant à cause de l'exten-
sion des vignobles qu'à raison de la richesse des pro-
duits et du profit qu'on en pouvait tirer.
2°, Le sort d'un peuple châtié par Dieu est comparé à
celui d'une vigne à la suite de la vendange et du grap-
pillage. Is., xxiv, 13; Jer., xlix, 9; Mich., vu, 1. Édom
est pillé comme par des vendangeurs qui n'ont rien
laissé. Abd., 5. Après le châtiment d'Israël, les restes
du peuple sont comme une vigne où le vendangeur ne
trouve plus que des sarments. Jer., vi, 9. Le Seigneur
a vendangé Jérusalem au moyen des Chaldéens. Lam.,
I, 12, 22; il, 20. Il vendange l'orgueil des puissants.
Ps. lxxvi (lxxv), 13. Le jugement du monde est com-
paré à une vendange. Apoc., xiv, 18, 19. — Gédéon, de
la famille d'Abiézer, dit aux Éphraïmites mécontents
de n'avoir pas pris part au combat contre les Madia-
nites : « Le grappillage d'Éphraïm ne vaut-il pas mieux
que la vendange d'Abiézer? » Judr, vm, 2. On ne
vendange pas des raisins sur des ronces, Luc, vi, 44,
c'est-à-dire on n'attend pas de bons fruits de mauvais
arbres. — La sagesse fait déborder la science comme
le "Géhon au temps de la vendange, Eccli., xxrv,
25 (37), c'est-à-dire comme un fleuve qui déborde au
commencement de l'automne, ainsi que le Nil. Le fils
de Sirach a recueilli la sagesse comme celui qui grap-
pille après la vendange, parce que d'autres l'ont pré-
cédé, mais qui cependant en trouve assez pour remplir
le pressoir comme le vendangeur. Eccli., xxxm, 16.
H Lfsètre
VENDEURS DU TEMPLE. Voir Marchand, t. iv,
col. 747.
1. VENETUS (CODEX), manuscrit important de
la Bible grecque, à la bibliothèque de Saint-Marc à Ve-
nise, sous la cote i . Écriture du vm-ix e siècle, format
in-folio. Le manuscrit a compté 360 feuillets, dont les
196 premiers ont disparu. Deux colonnes à la page,
soixante lignes à la colonne. Initiales en vedette dans
la marge. Le manuscrit, tel que nous l'avons, commence
au livre de Job (xxx, 8) et contient à la suite les Pro-
verbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse, l'Ecclé-
siastique, les petits Prophètes, Isaïe, Jérémie, Baruch,
les Lamentations, Daniel (avec ses portions deutéroca-
noniques), Tobie, Judith , les quatre livres desMachabées.
A l'issue de Daniel et du dernier Macchabée, le copiste
a transcrit une table chronologique, commençant à
Adam, s'arrêtant à l'empereur Justinien : on infère de
là que l'archétype du manuscrit remontait au VI e siècle.
— Le Codex Venetus a appartenu à la bibliothèque du
cardinal Bessarion, qui le légua à Saint-Marc. Il a
servi à l'établissement du texte de l'édition sixtine des
Septante, à laquelle il a, pense-t-on, fourni le texte
des trois premiers livres des Machabées qui manquent
au Codex Vaticanus. II a été décrit par Zanetti, Grseca
D. Marci bibliotheca codd.mss., Venise, 1740, p. 1-13.
Il fut collationné en 1789 par Holmes et Parsons.
Il a été utilisé pour les Machabées par H. B. Swete,
The Old Testament in Greek, Cambridge, 1894, t. m,
p. xrv-xvi. P. Batiffol.
2. VENETUS (CODEX), manuscrit grec oncial des
quatre Évangiles, à la bibliothèque de Saint-Marc à
Venise, sous la cote /, vin. Écriture du rx e -x" siècle,
format in-quarto, 491 feuillets, à deux colonnes.
Grande écriture onciale, avec accents et esprits,
grandes initiales en tête des paragraphes. Ce manuscrit
a été collationné par Tischendorf et par Tregelles.
Gregory, Prolegomena, p. 393; Mingarellr, Grseci co-
dices manuscripti apud Nanianos, Bologne, 1784, p. 1 .
P. Batiffol.
VENGEANCE (hébreu : nâqdm, neqâmâh; Sep-
tante : 6!xï), èxBfxviiriç, xpi'oi;; Vulgate : vindicta, ultio),
traitement de rigueur infligé à ceux qui ont fait le
mal.
1» Vengeance divine. — Dieu se réserve le droit de
vengeance : i A moi la vengeance et la rétribution! »
Deut., xxxn, 35; Rom., xn, 19; Hebr., x, 30. Le jour
où il exerce sa justice contre 'les coupables est appelé
« jour de la vengeance », Eccli., v, 7, ce qui est parti-
culièrement vrai du dernier jugement. Luc, xxi, 22.
La vengeance contre les méchants est pour Dieu comme
un vêtement, Is., nx, [18vTentourant ainsi que sa jus-
tice. Il se venge de ses ennemis, Deut., xxxn, 41, 43,
des impies et des pécheurs, Eccli., vu, 19(16); xn, 7
(6), des orgueilleux, Eccli., xxvu, 31 (28), des nations,
Mich., v, 14; Ps. cxlix (cxlviii), 7, des ennemis de son
peuple, Is., xxxv, 4, spécialement des Madianites,
Nnm., xxxi, 3, des Ammonites, Jud., xi, 36, des Phi-
listins, Ezech., xxv, 17, des Égyptiens, Jer., xlvi, 10,
des Iduméens, Is., lxiii, 4; Ezech., xxv, 14, de Tyr et
de Sidon, Jo., m, 4, de Ninive, Nah., i, 2, de Babylone,
Is., xl vu, 3; Jer., l, 15, 28; li, 6, 11, 36. Il venge sur
Jézabel le sang de ses serviteurs. IV Reg., ix, 7. — Il
exerce ainsi sa vengeance en faveur de son peuple.
Is., xxxiv, 8; lxi, 2. Mais, quand son peuple deviendra
infidèle, il se vengera aussi de lui. Lev., xxvi, 25;
Ezech., xxiv, 8. — Les éléments de la nature concour-
ront à l'exercice de cette vengeance divine. Sap., v, 18;
Eccli., xxxix,33,35 (28, 30). — Dieu vengera Caïn sept
fois, et Lamech soixante-dix fois sept fois. Gen., IV, 24.
Il vengera Jérémie contre les faux prophètes. Jer.,
XI, 20. Un jour, il vengera de même ses élus. Luc,
xviii, 7.
Les justes appellent la vengeance de Dieu contreleurs
persécuteurs. Ps. lxxix (lxxviii), 10; I Reg., xxiv, 13;
I Mach., il, 67; vu, 38. « Dieu des vengeances, parais...
Rends aux superbes selon leurs œuvres! » s'écrie le
Psalmiste. Ps. xciv (xcm), 1, 2. David remercie Jéhovah
de lui avoir accordé des vengeances. Ll Reg., xxii, 48;
Ps. xviii (xvn), 48 ; Judith, vin, 34. A ces désirs des
justes de l'Ancien Testament, Notre-Seigneur substitue
la règle évangélique : « Bénissez ceux qui vous mau-
dissent,... priez pour ceux qui vous maltraitent. »
Matth., v, 44. — Il reste toujours nécessaire de dire à
2391
VENGEANCE — VENT
2392
Dieu : « Ne tirez pas vengeance de mes péchés. » Tob.,
m, 3.
2° Vengeance humaine. — Dieu défendit la ven-
geance aux Israélites, au moins à l'égard de leurs
frères : « Tu ne le vengeras pas, tu ne garderas pas de
rancune contre les enfants de ton peuple. » Lev., xix,
18. « Celui qui se venge éprouvera la vengeance divine,
et le Seigneur conservera soigneusement ses péchés. s
Eccli., xxvm, 1. II y a cependant des vengeances justes,
celles que Samson tire des Philistins, Jud., xv, 7; xvi,
28; celle que David exerce sur ces mêmes Philistins
au nom de Saûl, I Reg., zvin, 25; celle des Hébreux
contre leurs ennemis à Gabaon, Jos., x, 13; celle de
Jonathas et de Simon contre les meurtriers de leur
frère, I Mach., ix, 42; celle du mari outragé contre
l'adultère. Prov., vi, 34. D'autres vengeances sont exa-
gérées ou même totalement injustes, celle de Siméon
et de Lévi contre les insulteurs de leur sœur, Gen.,
xxxiv, 27, celle de Joab contre Abner, II Reg., m, 27,
celle des ennemis de Jérémie contre le prophète, Jer.,
xx, 10, celle des Iduméens contre les Juifs, Ezech.,
xxv, 12. celle des Juifs de Perse contre leurs ennemis,
Esth.,viil, 13, celle des Syriens contre les Juifs. I Mach.,
111,15; cf. II Mach., vin, 11. — Saint Paul recommande
expressément aux chrétiens de ne pas se venger eux-
mêmes, mais de laisser agir la justice de Dieu. Rom.,
xii, 19. — Sur les sentiments de vengeance exprimés
dans les Psaumes, voir Imprécation, 5°, t. ni, col. 854.
H. Lesêtre.
VENIN. Voir Poison, col. 493.
VENT (hébreu irûdh; Septante : ctvsfio;,uvj0|jia,7cvoîi;
Vulgate : venins, spiritus), mouvement plus ou moins
rapide des masses d'air atmosphérique, généralement
dans le plan de l'horizon, et se propageant par insuf-
flation ou par aspiration. Le vent résulte des différences
de densité de l'air par suite de l'inégal échauffement
du sol terrestre, et de quelques causes accessoires. Les
anciens ignoraient la cause du vent. Les écrivains sa-
crés n'en parlent que comme d'un phénomène de la
nature qui les intéresse surtout par ses effets. — Sur
le régime des vents en Palestine, voir Palestine, t. iv,
col. 2026.
1° Origine du vent. — Dieu a créé le vent, Am., iVi
13, comme toutes les autres forces de la nature. Il le
tire de ses réservoirs, Jer., li, 16, et de ses trésors.
Ps. cxxxv (cxxxiv), 7. Lui-même en règle la force, Job,
zxviii, 25, et la direction. Eccli., xliii, 17. C'est pour-
quoi les écrivains sacrés appellent le vent « souffle
des narines de Dieu », Exod., xv, 8, « souffle de la
bouche de Dieu », Job, xv, 30, ou « souffle de Jého-
vah ». III Reg., xvm, 12; IV Reg., n, 16; Is., xl, 7;
lix, 19, etc. — Notre-Seigneur a commandé au vent et
s'en est fait obéir. Matth., vin, 26 27; Marc, rv, 37-40;
Luc, vin, 23-25.
2° Différentes espèces de vents. — Les Hébreux dis-
tinguaient quatre vents, correspondant aux quatre
points cardinaux d'après leur direction. Ezech.,
xxxvn, 9; Dan., vin, 8; Zach., n, 36; Matth., xxiv,
31; Apoc, vu, 1. Il y a des vents de diverses natures,
depuis la brise rafraîchissante, Gen., m, 8; Cant., n,
17; iv, 6, voir Souffle, col. 1853, jusqu'aux vents les
plus violents. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930. — Le vent
du midi, ddrôm, têmân, vôto;, auster, est un vent
chaud, Job, xxxvn, 17; Luc, xn, 55, qui fait exhaler
le parfum des fleurs. Cant., iv, 16. C'est celui qui, avec
le vent d'orient, amena les cailles au désert. Ps. lxxvih
(lxxvii), 26. Cf. Num., xi, 31. — Le vent du nord,
sdfôn, mezàrim, poppô;, aquilo, arcturus, amène les
frimas, Job, xxxvn, 9, la pluie, Prov., xxv, 23, et même
la gelée. Eccli., xun, 22 (30). — Le vent d'est, qddîm,
y.aOuwv, « le brûlant », venins urens, arrive du désert
et dessèche la végétation, Gen., xli, 6, 23, 27; Is., il,
7; Ezech., xvii, 10; xix, 12; Jon., rv, 8; Ose., xm, 15,
brise les vaisseaux de Tharsis, Ps. xlvhi (xlvii), 8,
amène les sauterelles en Egypte, Exod., x, 13, en
attendant que le vent de nord-ouest, rûâh yâm, àirb
6a).àa-(7ïi;, « de la mer », ab accidenté, les remporte.
Exod., x, 19. Dans ce dernier passage, les Septante
substituent au qddîm le vôto;, vent du midi, ce qui
supposerait que les sauterelles sont venues d'Ethiopie,
tandis qu'en réalité elles sont arrivées d'Arabie. Quant
au vent de mer, qui en Egypte souffle du nord ou du
nord-ouest, il n'est un vent d'ouest qu'en Palestine où
il apporte la pluie. III Reg., xvm, 44-45; Luc, xn, 54.
— Dans son récit de la traversée de saint Paul se ren-
dant en Italie, saint Luc mentionne plusieurs espèces
de vents : Xi'iJ;, africus, vent du sud-ouest; y&poq, co-
rus, vent du nord-ouest; vôtoç, auster, vent du sud;
âvejjio; T-jqjwvcx.ôç appelé eùpaxij},<i>v, ventus typhonicus,
euroaquilo, vent du nord-est. Le mot sùpaxùXwv,
composé du grec eîpo; et du latin aquilo, ne se lit
nulle part ailleurs. Ce devait être un mot imaginé par
les marins pour leur usage. Act., xxvn, 12-14. — A
Athènes, la tour octogonale des vents, construite vers
le 1 er siècle avant J.-C, représente sur chacune de ses
huit faces, répondant à la direction d'où soufflent les
vents principaux, l'image sculptée d'un d'entre eux.
3° Effets du vent. — « Le vent souffle où il veut et
tu entends sa voix ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où
il va. » Joa., m, 8. Suivant la vitesse dont il est animé,
il produit des effets plus ou moins énergiques. Il
pousse et dissipe les nuées. Jud., 12; Job, xxxvn, 21.
II emporte les choses légères, la poussière, Ps. xvm
(xvn), 43, la paille. Job, xxi, 18; Ps. i, 4; lxxxiii
(lxxxii), 14; Is., xvn, 13; xli, 2; lxiv, 6; Jer.,xni, 24;
Dan., h, 35. Il agite les feuilles des arbres, Job, xm,
25, secoue les roseaux, Matth., xi, 7; Luc, vu, 24;
Sap., iv, 4, et même casse des branches. Apoc, vi, 13.
Il renverse les palissades, Eccli., xxn, 21, et les
maisons sans fondements solides. Matth., .vu, 27. Il
pousse les vaisseaux sur la mer, Jacob., m, 4, refoule
la mer elle-même, Exod., xiv, 21, et y déchaîne des
tempêtes. Jon., i, 4; Dan., vu, 2; Matth., xiv, 24-32;
Marc, vi, 48-51; Joa., vi, 18; Aot., xxvn, 4-15; Jacob.,
i, 6. Voir Tempête, col. 2023. A la Pentecôte, un vent
violent, symbole sensible du Saint-Esprit, remplit tout
le cénacle. Act., n, 2.
4° Comparaisons. — Le vent violent, qui renverse
et emporte tout, est l'image de la vengeance divine qui
entraîne et ruine les méchants, Job, xxvn, 21; Is.,
xxvn, 8, les ennemis d'Israël, Is., xxvn, 8; Jer., xvm,
17, les pasteurs d'Israël, Jer., xxn, 22, les triûus arabes,
Jer., xlix, 32, Tyr. Ezech., xxvn, 26. — Il est recom-
mandé de ne pas vanner à tout vent, Eccli., v, 11,
c'est-à-dire de ne pas embrasser successivement toutes
les opinions qui courent, et de ne pas se laisser emporter
à tout vent de doctrine. Eph., iv, 14. — Le vent est
rapide; c'est pourquoi on lui prête des ailes, comme à
l'oiseau. II Reg., xxn, 11; Ps. xvm (xvm), il; civ (cm),
3; Ose., iv, 9. — Le vent change souvent de direction
et parait venir tantôt d'un point de l'horizon, tantôt
d'un autre. Job, xxx, 22, se plaint que Dieu le fait voler
au gré du vent. On est ainsi amené à désigner une
contrée par le nom du vent qui en vient, I Par-, ix,
24, et les quatre vents désignent les quatre points car-
dinaux. Jer., xlix, 36; Ezech., xn, 14; xxxvn, 9; xlii,
16-20; Dan., vin, 8; xi, 4; Zach., n, 6; Matth., xxiv,
31; Marc, xm, 27. — Le vent est chose légère, insai-
sissable, de nulle valeur, rien en apparence. Jer., v,
13. De là des expressions diverses pour signifier ce
qui est vain et inutile : tenir des discours de vent, Job,
xvi, 3; se gonfler la poitrine de vent, Job, xv, 2; se
repaître de vent, Prov., x, 4 (Vulgate); Ose., xn, 1,2;
enfanter le vent, Is., xxvi, 18; parler pour le vent,
Job, vi, 26; retenir le vent, Prov., xxvn, 7; saisir le
2393
VENT — VENTRE
2394
vent, Eccli., xxxiv, 2; travailler pour le vent, Eccli., v,
15; hériter le vent. Prov., xi, 29. — Qui observe le
vent, c'est-à-dire demeure oisif, ne sème point. Eccle.,
xi, 4. Par contre, qui sème le vent, récolte la tempête,
Ose., vin, 7, c'est-à-dire qui pose une cause funeste
doit s'attendre à en voir se produire les effets.
H. Lesêtre.
VENTE (hébreu : nùmkâr, minikéréf; Septante :
Ttpâtrtç; Vulgate : venditio), livraison d'un objet en
échange d'un prix convenu.
1° Les lois. — Outre la loi morale qui devait prési-
der à toutes les. transactions, il existait chez les Israé-
lites certaines prescriptions relatives à des cas parti-
culiers. L'Israélite pouvait vendre sa fille en esclavage,
mais non à des étrangers. Exod., xxi, 7, 8. Devenu
pauvre, il pouvait se vendre lui-même, mais seulement
jusqu'à l'année jubilaire; il devait être traité moins
comme un esclave que comme un serviteur. Lev., xxv,
39, 40. S'il se vendait au gêr, à l'étranger vivant dans
le pays, il pouvait toujours se racheter lui-même ou
être racheté par un parent. Lev., xxv, 47-54. D'après
une autre loi, l'Israélite, homme ou femme, ne pouvait
se vendre que pour six ans. Deut., xv, 12; Jer., xxxiv,
14. II n'était plus permis de vendre une esclave prise
à la guerre, si on l'avait épousée. Deut., xxi, 14. Vendre
un de ses semblables élait un crime digne de mort.
Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7. — L'Israélite qui ven-
dait une terre gardait toujours un droit de rachat et,
en tous cas, rentrait dans son bien à l'année jubilaire.
Lev., xxv, 23-28. Les maisons vendues ne l'étaient
qu'aux mêmes conditions, sauf le cas où la maison se
trouvait dans une ville entourée de murs; car alors le
droit de rachat cessait au bout d'un an. Lev., xxv, 29-
31. Les lévites conservaient un droit perpétuel de
rachat sur les maisons qu'ils vendaient, mais ils ne
pouvaient vendre leurs terres. Lev., xxv, 32-34. — Si
un bœuf en tuait un autre, on le vendait, et les deux
propriétaires se partageaient le bœuf tué et le prix de
vente de l'autre. Exod., xxi, 35. Celui qui volait un
bœuf ou une brebis, les tuait et les vendait, avait à
restituer cinq bœufs ou quatre brebis. Exod., xxn, 1.
— Il était naturellement interdit de vendre le jour du
sabbat. Néhémie dut prendre des mesures pour faire
respecter cette prohibition. II Esd., x, 31; xm, 15-20.
2» Les faits. — Ésaù vend son droit d'aînesse. Gen.,
xxv, 31-34; Hebr., xn, 16. Les fils de Jacob vendent
leur frère Joseph. Gen., xx'xvii, 27, 28; xlv, 4, 5. Joseph
vend du blé pendant la famine, Gen., xli,56; xlii, 6;
Act., vu, 9, et les Égyptiens lui vendent leurs terres.
Gen., xlvii, 20. — La veuve vend l'huile qu'Élie a
multipliée. IV Reg., iv, 7. La femme forte vend les
vêtements qu'elle a confectionnés. Prov., xxxi, 24.
Amos, vin, 6, stigmatise les spéculateurs de son temps,
qui vendaient jusqu'aux déchets du froment. La malé-
diction est sur la tête de l'accapareur qui vend le blé à
trop haut prix. Prov., xi, 26. Les ventes ne se faisaient
pas toujours honnêtement : « La cheville s'enfonce
entre deux pierres, le péché pénètre entre la vente et
l'achat. » Eccli., xxvn, 2. — Les ventes d'hommes
étaient fréquentes de la part des ennemis d'Israël. Joël,
m, 3, leur reproche d'avoir vendu le jeune garçon pour
le salaire d'une courtisane et la jeune fille pour du
vin. Antiochus fit vendre les femmes et les enfants des
Juifs, II Mach., v, 21, et Nicanor s'apprêtait à opérer
des ventes analogues. II Mach., vm, 14, 34. — Les
prêtres de Babylone vendaient à leur profit les victimes
offertes aux idoles. Bar., vi, 27. Minélas vendit une
partie des vases du Temple. II Mach., IV, 32. Lysias
voulait vendre chaque année le souverain pontificat.
II Mach., xi, 3. On vend ce qu'on possède pour acheter
quelque chose de préférable, Matth., xm, 44, 46, ou
pour le donner aux pauvres. Matth., xix, 21; Marc, x,
21; Luc, xn, 33; xvm, 22. Les marchands vendaient
dans le Temple les victimes destinées aux sacrifices.
Matth., xxi, 12; Marc., xi, 15; Luc, xix, 45; Joa., n,
14. Les premiers chrétiens vendaient leurs biens pour
en mettre le prix en commun. Act., H, 45; IV, 34; v, 1.
Pendant la persécution, on ne peut acheter ni vendre
si l'on n'a pas la marque de la bête. Apoc, xm, 17.
— 11 est recommandé d'acquérir la sagesse, mais de
ne pas la vendre, Prov., xxm, 23, c'est-à-dire de la
communiquer gratuitement.
3° Comparaisons. — Vendre le juste à prix d'argent,
c'est le condamner injustement. Am., n, 6. Vendre ses
frères, c'est les trahir. II Mach., x, 21. — Lia et Rachel
disent que leur père Laban les a vendues, parce qu'il
s'est montré intéressé à l'excès à l'égard de Jacob.
Gen., xxxi, 15. — Il est dit que Dieu vend son peuple
quand, pour le châtier de ses fautes, il l'abandonne à
ses ennemis. Deut., xxxm, 30; Jud., n, 14; m, 8; iv,
2; x, 7; Is., l, 1; Judith, vu, 13; Ps. xliv (xlih), 13.
— Se livrer au mal, c'est se vendre soi-même. Ainsi
ont fait Achab, III Reg., xxi, 20, 25, et les Israélites,
IV Reg., xvn, 17. Moïse a prédit à son peuple qu'une
vente effective serait le châtiment de cet abandon à
l'infidélité. Deut., xxvin, 28. H. Lesêtre.
VENTRE (hébreu : bétén, heréè, mêéh, gâl.iôn, « le
ventre des animaux »; chaldéen : me'âh; Septante :
xotXfa, Yairnjp; Vulgate : venter, pectus), partie du corps
qui renferme les organes de la digestion. Le mot est
quelquefois employé pour désigner des organes inté-
rieurs. Voir Cœur, t. ii, col. 823; Entrailles, col. 1817;
Sein, t. v, col. 1565.
1» L'extérieur. — Le ventre de l'Épouse est comparé à
un chef-d'œuvre d'ivoire. Cant., v, 14. Les reptiles
rampent sur le ventre. Gen., m, 14; Lev., XI, 42. L'hip-
popotame a le ventre robuste. Job, XL, 10. La statue du
songe de Nabuchodonosor avait le ventre d'airain.
Dan., n, 32.
2° L'intérieur. — C'est le ventre qui reçoit la nour-
riture, Jud., xix, 5; Luc, xv, 16, et en expulse les ré-
sidus. I Reg., xxiv, 4; Matth., xv, 17; Marc, vu, 19. Le
ventre et les aliments sont faits l'un pour l'autre. ICor.,
VI, 13. — Le parasite se montre compatissant dans l'in-
térêt de son ventre. Eccli., xxxvil, 5. Il en est qui se
font un dieu de leur ventre, c'est-à-dire ne vivent que
pour manger. Rom., xvr, 18; Phil., m, 19. Les Cretois
étaient appelés des « ventres paresseux », parce qu'ils
aimaient à la fois la bonne chère et l'oisiveté. Tit., i,
12. — L'impie s'emplit le ventre des trésors de Dieu,
Ps. xvn (xvi), 14, c'est-à-dire jouit de tous les biens
que la Providence accorde aux hommes. Mais ces biens
seront ôtés de son ventre, Job, xx, 15, son ventre ne
sera pas rassasié, Job, xx, 20, il souffrira de la disette,
Prov., xm, 25, et la colère de Dieu sera le pain qui le
remplira. Job, xx, 23. On ne se remplit pas le ventre
avec de l'or et de l'argent. Ezech., vu, 19. Nabuchodo-
nosor se remplissait le ventre des meilleurs mets des
Juifs, Jer., li,34, c'est-à-dire s'emparait de leurs biens
les plus précieux. — Jonas fut englouti dans le ventre
du poisson. Jon., n, 1; Matth., xn, 40. Aod enfonça son
épée dans le ventre d'Églon. Jud., m, 21. Dans l'épreuve
de la femme soupçonnée d'adultère, on souhaitait que,
si elle était coupable, l'eau sainte fit enfler son ventre
et maigrir ses flancs. Num., v, 22, 27. L'enfant prodigue
ne peut remplir son v*entre des siliques données aux
porcs qu'il était réduit à garder. Luc, xv, 16. — La
Vulgate mentionne l'estomac en trois endroits où il
n'est pas question de cet organe particulier, que d'ail-
leurs l'hébreu ne nomme nulle part. Jud., xix, 5; III
Reg., xxn, 34; Job, xv, 2. L'estomac, <jt6[i.ocx°?, stoma-
chus, est nommé par saint Paul, qui recommande à
Timothée de soigner le sien en buvant un peu de vin.
I Tim., v, 23. — Au figuré, le sage ne remplit pas son
ventre avec du vent, Job, xv, 2, c'est-à-dire ne se repaît
2395
VENTRE
VERGELLONE
pas de pensées vaines. — Ézéchiel, m, 3, reçoit l'ordre
de manger le livre qui lui est présenté et d'en remplir
son ventre, c'est-à-dire de se pénétrer intimement des
oracles qui lui sont révélés. Saint Jean reçoit un ordre
semblable. Apoc, x, 9, 10. — Notre-Seigneur promet
que, si quelqu'un croit en lui, « des fleuves d'eau vive
couleront de son ventre, » Joa., vu, 38, c'est-à-dire
qu'il sera rempli de l'Esprit-Saint au point de pouvoir
le répandre abondamment dans les autres âmes. Cf.
Eccli., xxi, 16 (13); xxiv, 30-34 (23-27).
H. Lesétre.
VER (hébreu : rimmâh, fôld' ; Septante : <jr.û>\r\?;
Vulgate : verrais, vemiiculus), animal à corps mou,
saris vertèbres ni membres articulés, rampant et con-
tractile, et comme composé d'anneaux juxtaposés. Ce
nom désigne à proprement parler les annélides, voir
Lombric, t. iv, fig. 110, col. 353, et les helminthes,
voir Helminthiase, t. m, fig. 123, col. 583. Mais on
étend vulgairement cette appellation à d'autres ani-
maux de forme analogue, chenilles, teignes, voir
Teigne, fig. 453, col. 2017, larves, myriapodes, scolo-
pendres, etc. Sur le iule ou spirostreptus syriacus,
myriapode extraordinairement abondant à Mar-Saba et
au Sinaï, voir Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 399. Les Hébreux ne distinguaient pas très
nettement entre elles ces différentes sortes de petits
animaux rampants, et ils. employaient comme syno-
nymes les deux mots dont ils disposaient pour les
désigner. Cf. Exod., xiv„ 20, 24; Job, xxv, 6; Is., xiv,
11. Les versions, qui n'ont pas de synonymes, rendent
parfois l'un des deux mots hébreux par oajcpi'a, putredo,
« pourriture ». — 1° Le ver est un tout petit animal,
symbole de ce qui est faible ou méprisable. L'homme
n'est qu'un vermisseau aux yeux de Dieu. Job, xxv, 6.
Les Israélites, réduits à rien par l'hostilité ' des na-
tions, sont appelés « vermisseau de Jacob ». Is., xli,
14. Le Messie, souffrant et méprisé, n'est plus un
homme, mais un ver, Ps. xxn (xxi), 7. — 2° Les vers
pullulent dans le corps de l'homme par l'effet de cer-
taines maladies. Ainsi furent atteints Job, vu, 5, An-
tiochus Épiphane, II Mach., IX, 9, et Hérode Agrippa,
Act., xn, 25. — 3» Les vers, ou plus probablement les
larves de certains insectes, s'attaquent aux substances
nutritives, comme la manne, Exod., xvi, 20, 24, et aux
végétaux, comme la vigne, Deut., xxvm, 39, voir
Pyrale, fig. 205, col. 896, le ricin, Jon., iv, 7, et,
d'après les versions, le bois en général. II Reg., xxm,
8; Prov., xxv, 20. Voir Calandre, Charançon, t. n,
fig. 21, 201, col. 54, 580. — 4» Ils se développent
dans les cadavres aux dépens desquels ils se nourris-
sent et dont ils hâtent la décomposition. Job, xvn, 14;
xxi, 26; Eccli, X, 13 (11). Quand la vie a quitté le corps
d'un homme, il s'en dégage aussitôt des odeurs qui
attirent des mouches sarcophages. Celles-ci déposent
leurs œufs aux endroits les plus propices. On a observé
que huit escouades de mouches différentes .viennent
ainsi apporter successivement leurs œufs sur les ca-
davres, soit avant soit après leur inhumation,et au mo-
ment de la décomposition qui convient à chaque espèce.
Ces œufs donnent bientôt des larves qui pullulent dans
le cadavre et s'y nourrissent des différentes parties de
sa substance. Le travail commencé par les premières
larves, une quinzaine de jours après la mort, est ter-
miné par les dernières au bout de trois ans environ.
Cf. Mégnin, La faune des cadavres, Paris, 1894;
F. Meunier, Les travailleurs de la mort, dans la Revue
des quest. seientif., Bruxelles, 1902, oct., p. 473-491.
— Au figuré, il est dit que les vers seront la couche de
Babylone,Is., xiv, 11, qu'ils feront leur proie du méchant,
Eccli., xix, 3, et que toute la gloire de l'homme s'en va àla
corruption et aux vers. I Mach., n,62. — 5°Lefeuetlesvers
sont associés dans le châtiment des impies. Eccli., vu,
19; Judith, xvi, 21. Isaïe, lxyi, 24, dit à propos de ces
derniers que « leur ver ne mourra point et leur feu ne
s'éteindra point. » Notre-Seigneur reproduit trois fois la
même formule. Marc, ix, 43, 45, 47. II ne s'agit pas ici
d'une peine temporelle, mais d'un supplice sans fin
dans l'autre vie. Quelques commentateurs entendent le
« ver » dans le sens propre; mais la plupart s'en
tiennent au sens métaphorique pour désigner soit le
remords, soit le supplice des méchants en général.
Cf. S. Augustin. De civ. Dei, xxi, 9, t. xli, col. 723.
Isaïe a emprunté l'image du feu et des vers à la vallée
de la Géhenne, jadis profanée par les sacrifice» d'en-
fants à Moloch, devenue depuis le dépôt des immon-
dices de la ville, où couvait un feu sourd et où pullu-
lait la vermine. Voir Géhenne, t. m, col. 155; Topheth,
2, t. v, col. 2286. H. Lesêire.
VÉRACITÉ, qualité de celui qui est digne de toute
créance dans ses paroles et de toute confiance dans ses
actes. Celui-là est appelé 'ëmét, yâsâr, tù.rfi-i\i, oXï|8ivoî,
iuittoî, verax. — La véracité convient éminemment à
Dieu. Exod.,. xxxiv, 6; Deut., xxxii, 4; Ps. lxxxvi
(lxxxv), 15; cxix (cxviii), 137; Joa., m, 33; vm, 26;
Rom., m, 4; Apoc, xix, 11. Les docteurs juifs la re-
connaissent en Jésus-Christ. Matth., xxn, 16; Marc,
xii, 14. Le Sauveur prouve sa véracité en ne cherchant
que la gloire- de son Père. Joa., vu, 18. — Les servi-
teurs de Dieu doivent posséder cette qualité, bien que
les méchants les accusent du contraire. IIEsd., vu, 2.
Il Cor., vl, 8. — La véracité est la caractéristique de
la parole de Dieu. Ps. xxxm (xxxn), 4.
H. Lesêtre.
1. VERBE DIVIN (grec : Aôyo;), seconde personne
de la sainte Trinité, qui s'est incarnée en Notre-
Seigneur Jésus-Christ. Joa., i, 1, 14; I Joa., v, 7;
Apoc, xix, 12. Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1441;
Incarnation, col. 863.
2. VERBE HÉBREU (grammaire hébraïque). Sur le
verbe hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. m, col.
475-480, 483-485.
VERCELLONE Carlo, savant bibliste italien, né le
10 janvier 1814, à Biella en Piémont, mort à Rome le
19 janvier 1869. Il entra à l'âge de seize ans à Gênes
dans la congrégation des barnabites. En 1847, après
avoir rempli des fonctions diverses à Turin, à Alexan-
drie, à Pérouse, à Parme, il devint supérieur de la
maison des barnabites de Rome, et, plus tard, supérieur
général de sa congrégation. Son ouvrage principal a
pour titre : Variée lecliones vulgatx latines editionis
Bibliorum, 2 in-f», Rome, 1860, t. i; 1864, t. n. La
mort l'arrêta lorsqu'il n'était encore arrivé qu'aux
livres des Rois inclusivement. Sur la proposition de
la Commission biblique, Pie X vient de confier la con-
tinuation de ce grand travail critique aux bénédictins
de Saint-Anselme à Rome. Vercellone avait travaillé
avec Joseph Cozza à la préparation d'une édition du
Codex Vaticanus. : le Nouveau Testament parut en
1868. Voir Vaticasds (Codex), col. 2379. On doit aussi à
Vercellone une excellente édition de la Vulgate : Biblia
sacra vulgatse editionis Sixti V et Glemenlis V11I
P. P. M. jussu recognila atque édita, in-4». Rome,
1861. Outre les prolégomènes remarquables de ses
VaHse lecliones, ses Dissertazioni accademïche di
vario argomento, Rome, 1864, contiennent plusieurs
travaux très intéressants : Dei Correttori biblici délia
Biblioteca Vaticana; Studii fatti in Romae mezzi
usatiper corregere la Bibbia volgata (con documenti);
Suite edizioni délia Bibbia fatte in ltalianelsecoloxr;
Del antichissimo Codice Vaticano délia Bibbia Greca
con un Appendice dalçav. G.-B.DeRossi,etc. Voir G. M.
Sergio, Notizie intorno alla vita edagliscritti dei P. D.
Carlo Vercellone, Rome, 1869.
2397
VERGE — VÉRITÉ
239*
VERGE (hébreu : hotér, mattéh, sébét; Septante :
pâëSoç, paxT>ipea; Vulgate : virga, verber), bâton léger,
assez long et plus ou moins flexible.
1° Au sens propre. — 1. Verges de Jacob. Pour
obtenir des agneaux à toison tachetée, Jacob plaçait
sous les yeux des brebis des verges ou baguettes dont
l'écorce était en partie enlevée. Gen., xxx, 37-42. Voir
Brebis, t. i, col. 1917. « Les iniluenees visuelles ne
semblent pas sans action sur la variation spontanée;
après la Bible, qui montre Jacob obtenant des brebis
d'un noir mélangé de blanc par la vue d'un bâton dans
l'eau au moment de l'imprégnation, on cite de nom-
breux faits qui corroborent l'influence visuelle sur le
foetus... Les éleveurs, comme Commyns, recomman-
dent d'isoler les volailles de couleur différente par des
cloisons opaques, si l'on veut éviter les mélanges de
coloris. » J. de la Perrière, Dieu et science, Paris,
1909, t, i, p. 277. — 2. Verge de Moïse. Pour accrédi-
ter la mission de Moïse, Dieu lui communiqua le pou-
voir d'accomplir des prodiges au moyen d'une verge
qu'il avait à la main. Pour commencer, Dieu changea
lui-même la verge en serpent, que Moïse eut à saisir
par la queue et qui redevint verge comme auparavant.
Exod., iv, 2-4, 17, 20. Moïse, de retour au milieu de
son peuple, reproduisit ce prodige sous ses yeux et
obtint ainsi sa confiance. Exod., iv, 30. Il se présenta
ensuite devant le pharaon avec son frère Aaron, que
Dieu lui avait assigné pour auxiliaire, et là il opéra
divers prodiges au moyen de la verge miraculeuse : il
la changea elle-même en serpent, et elle engloutit les
verges des magiciens, Exod., vu, 9-12; il l'étendit sur
les eaux de l'Egypte qui se changèrent en sang, Exod.,
vu, 19-20 ; il en frappa la poussière de la terre et les
moustiques apparurent, Exod., vin, 16-17; il l'élèva
vers le ciel et la grêle tomba, Exod., IX, 23; il l'étendit
encore et les sauterelles pullulèrent. Exod., x, 13. Dans
plusieurs de ces ]»assages, Exod., vu, 9, 10, 12; vin, 5,
16, 17, la verge parait être celle d'Aaron : « Prends ta
verge... Aaron jeta sa verge. » On en conclut que la
verge d'Aaron, associé à Moïse dans sa mission de déli-
vrance, avait la même vertu que celle de son frère.
Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897,
p. 80. Mais, d'après Exod., iv, 17, Dieu n'attribue le
pouvoir miraculeux qu'à la verge de Moïse, et saint Au-
gustin, In Heptat., h, 20, t. xxxiv, col. 602, dit que
Moïse ne fait que mettre s,a verge aux mains d'Aaron.
C'est aussi le sens le plus naturel du récit, et celui qui
est généralement accepté. Moïse se sert encore de sa
verge pour diviser les eaux de la mer Bouge, Exod.,
xrv, 16, pour frapper le rocher d'Horeb et en faire
jaillir l'eau, Exod., xvn, 5, 6, pour accompagner sa
prière pendant le combat contre les Amalécites, Exod.,
Xvii, 9, pour frapper de nouveau le rocher à Meriba.
Num., xx, 8-11. Depuis lors, il n'en est plus question.
Cette verge était un symbole de la puissance commu-
niquée par Dieu à son serviteur; elle servait à indiquer
aux spectateurs le moment où s'exerçait l'intervention
divine. — 3. Verge d'Aaron. Au désert, l'autorité de
Moïse et d'Aaron fut l'objet d'une contestation qui
dégénéra en révolte et fut sévèrement punie. Pour
consacrer le pouvoir sacerdotal de son frère et de la
tribu de Lévi, Moïse, sur l'ordre du Seigneur, fit dé-
poser devant l'Arche d'alliance douze verges représen-
tant les douze tribus, la verge de Lévi portant le nom
d'Aaron. La verge qui le lendemain serait trouvée
fleurie devait manifester le choix de Dieu. Celle d'Aa-
ron fut seule à porter des boutons, des fleurs et des
amandes. La verge miraculeuse fut ensuite replacée'
seule devant l'Arche, Num., xvii, 1-11, et plus tard
conservée à l'intérieur, avec les tables de la Loi et la
mesure de manne. Hebr., IX, 4. — 4. Instrument de
correction. Si un Hébreu et une esclave fiancée à un
autre couchent ensemble, ils doivent subir le châti-
ment, biqqorét, im<rt.oirr\, et d'après la Vulgate, les
coups de verge, vapulabunl. Lev., xix, 20. — Dieu
promet de châtier le roi infidèle de son peuple avec
une « verge d'homme », c'est-à-dire d'une manière qui
ne dépasse pas la correction que les hommes adminis-
trent ordinairement au moyen des verges. II Beg., vu,
14. La verge sert utilement à corriger l'enfant ou l'in-
sensé. Prov., x, 13, 24; xxii, 8, 15; xxm, 13, 14; xxvi,
3; xxix, 15. Le serviteur infidèle sera battu proportion-
nellement à sa culpabilité, ôaçtr^ira.:, sera châtié jus-
qu'à écorchement de la peau, vapulabit, recevra les
coups de verge. Luc, xn, 47, 48. Notre-Seigneur prédit
à ses Apôtres qu'ils subiront ce même traitement dans
les synagogues. Marc, xm, 9. A Philippes, Paul et Si-
las eurent à subir les verges, poeëSIfctv, virgis cœdi,
bien que citoyens romains, ce qui causa grande frayeur
aux magistrats de la ville quand ils l'apprirent.
Act., xvi, 22, 38. La loi Porcia défendait en effet de
battre de verges un citoyen romain. Cf. Cicéron, In
Verrem, n, 5, 53-57; Tite-Live, x, 9; Valère Maxime,
IV, I, 1 ; Denys d'Halicarnasse, IX, 39. Saint Paul subit
pourtant trois fois ce châtiment. II Cor., xi, 25; Heb.,
xi, 36. — On se servait aussi de la verge pour battre le
cumin, ls., xxvni, 27. Elle n'était qu'un simple instru-
ment passif aux mains de celui qui la levait. Is.,x, 15.
— Voir Bâton, t. i, col. 1512, et pour un autre sens
donné quelquefois à virga, Sceptre, t. v, col. 1526.
2" Au sens figuré. — La verge signifie l'épreuve, de
quelque nature qu'elle soit, Job, ix, 34; XXI, 9; xxxvil,
13, le châtiment divin, Ps. lxxxix (lxxxviii), 33; ls.,
x, 3; x, 5; xxx, 31-32; Lam., m, 1; Ezech., vu, 10,11,
et l'oppression par les peuples étrangers. Is.,x, 24; xiv,
29; Mich., vi, 9. La verge de la bouche de Dieu est sa
parole qui appelle le châtiment. Is., xi, 4. La verge de
l'orgueil dans la bouche de l'insensé est le mal qu'il
fait à lui et aux autres. Prov., xiv, 3. Saint Paul de-
mande s'il lui faut aller à Corinthe avec la verge, c'est-
à-dire avec les reproches. I Cor., iv, 21. — Sur un
autre sens figuré de virga, voir Rameau, col. 592.
H. Lesêtre.
VÉRITÉ (hébreu : 'omén, 'ômndh, 'ëméf, qoU; Sep-
tante : iXvfisia; Vulgate : veritas), conformité de la
pensée ou de son expression avec la réalité.
I. Dans l'Ancien Testament. — 1» En Dieu. Dieu est
vérité, Ps. xxxi (xxx), 6, parce qu'en lui la pensée et la
parole représentent toujours exactement la réalité. Sa
loi est la vérité, II Esd., ix, 13; Ps. cxi (ex), 8; exix
(cxviii), 142, 151, 160; Act., xxn, 3; Rom., n, 20, et
cette vérité demeure à jamais. Ps. cxvii (cxvi), 2. Dieu
a juré la vérité à David, Ps. cxxxii (cxxxi), 11; lui-
même fait combattre pour la vérité, Ps. xlv (xliv), 4, et
il la fera germer de terre. Ps. lxxxv (lxxxiv), 12. Le
livre de vérité est celui dans lequel sont consignées les
volontés divines. Dan., x, 21. — Il est dit très souvent
que Dieu est héséd vé'éméÇ, ce que les versions tra-
duisent par sXsoç xa\ à).T)8eta, misericordia et veritas,
« miséricorde et vérité ». Gen., xxiv, 27 ; II Beg., n, 6;
xv, 20; IV Reg., xx, 19; Tob., m, 2; Ps. ' xxv (xxiv),
10; xxxvi (xxxv), 6; xl (xxxix), 12; lxxxix (lxxxviii),
15, etc. Mais le mot 'ëmét signifie à la fois « stabilité,
fidélité » et « vérité ». Il s'agit plutôt dans ces passages
de la fidélité de Dieu à ses promesses, ce qui est une
conséquence de la conformité absolue que Dieu main-
tient entre sa parole et ses actes. — 2» En l'homme.
Dieu veut que la vérité soit dans le cœur de l'homme.
Ps. li (l), 8. C'est par sa grâce que l'homme exprime
la vérité dans sa parole et dans sa conduite. Gen., xlii,
16; ûeut., xxn, 20; Jos., vu, 20; Esth., v, 5; Ps. xv
(xiv), 3; xxv (xxiv), 5; exix (cxviii), 43; ls., xxvi, 2;
Dan., xi, 2. Servir Dieu en vérité, IReg., xn, 24; Tob-,
xrv, 10, 11, suivre le chemin de la vérité, Tob., I, 2;
Ps. xxvi (xxv), 3, c'est mettre sa conduite en harmonie
avec les sentiments que l'on professe pour Dieu. — Les
2399
VERITE — VERRE
2400
écrivains sacrés proclament qu'ils disent la vérité.
Prov., viu, 7; Eccle., xii, 10; Sap., vi, 24. La vérité a
été mise dans la bouche de Lévi et de ses descendants.
Mal., n, 6. Chacun doit la dire à son prochain. Zach.,
vin, 16. Il faut acquérir la vérité, et ne pas la vendre,
Prov., xxiii, 23; se confier à Dieu pour qu'il donne
l'intelligence de la vérité, Sap., m, 9 ; se rendre atten-
tif à la vérité, Dan., IX, 13, parce que la vérité retourne
à ceux qui la pratiquent. Eccli., xxvn, 10 (9). Jérusa-
lem restaurée sera appelée « ville de vérité ». Zach.,
vm, 3. — La vérité n'est pas dans la bouche des mé-
chants. Ps. v, 10. Voir Mensonge, t. iv, col. 974. Ils
errent loin du chemin de la vérité. Sap., v, 6. Les pro-
phètes se plaignent que la vérité trébuche sur la place
publique et disparaît, Is., Lix, 14, 15, et qu'il n'y a ni
vérité ni compassion dans le pays. Ose., iv, 2. Il en fut
de même parmi les Syriens. I Mach., vu, 18. Daniel,
vm, 12, prédit qu'une corne, Antiochus Épipbane,
jettera la vérité par terre, c'est-à-dire triomphera mo-
mentanément de la religion d'Israël et de sa nationa-
lité. — Le mot 'èmét est aussi traduit dans les versions
par « vérité », en des passages où il doit avoir le sens
de « fidélité ». Gen., xxiv, 49; xxxn, 10; xlvii, 29;
III Reg., n, 4; Prov., m, 3; xiv, 22; xx, 28; etc. Au
Psaume xii (xi), 2, en particulier, ce ne sont pas les
vérités qui diminuent parmi les enfants des hommes,
mais 'ëmûnîm, les « hommes fidèles » qui disparaissent.
II. Dans le Nouveau Testament. — 1» En Jésus-
Christ. — Le Sauveur vient plein de grâce et de vérité.
Joa., I, 14. Il est lui-même la vérité en personne.
Joa., xiv, 6; Eph., iv, 21; I Joa., v, 6. 11 apporte la
vérité au monde. Joa., i, 17 ; vm, 40; xvi, 7; xvm, 37.
II enseigne selon la vérité. Matth., xn, 14, 32; Luc,
xx, 21. Jean-Baptiste lui rend témoignage comme à la
vérité. Joa., v, 33. La parole du Sauveur est la parole
de vérité, Joa., xvn, 17; II Cor., vi, 7; Eph., i, 13;
Jacob., i, 18, la vérité de l'Évangile, Gai. n, 5; Col. i,5,
à la connaissance de laquelle Dieu veut que tous les
hommes arrivent pour qu'ils puissent êlre sauvés.
I Tim., n, 4. Le Sauveur a envoyé à ses Apôtres l'Esprit
de vérité, Joa., xiv, 17; xv, 26, pour enseigner aux
hommes toute vérité,Joa.,xvi,13;IJoa.,rv,6; il a établi
son Église pour qu'elle soit « la colonne de la vérité ».
I Tim., m, 15. — 2" En l'homme. — Les envoyés de
Dieu sont chargés de transmettre la vérité aux autres
hommes. C'est ce que font les Évangélistes, Luc, i, 4,
et les Apôtres, en particulier saint Paul. Act.,xxvi, 25;
Rom., ix, 11; II Cor., iv, 2; vu, 14; xi, 10; xn, 6;
I Tim., il, 7. Cf. III Joa., 8; II Tim., Il, 5. Ils n'ont pas
de pouvoir contre la vérité, mais seulement pour la
vérité. II Cor., xm, 8. — Le devoir des chrétiens, qui
ont reçu la pleine connaissance de la vérité, Hebr., x,
26, est de pratiquer la vérité, afin de ne pas craindre
de paraître à la lumière, Joa., m, 21, d'adorer le Père
en esprit et en vérité, Joa., iv, 23, de se sanctifier dans
la vérité, Joa., xvn, 19, d'avoir la charité qui se
réjouit de la vérité, I Cor., xm, 6, de confesser la
vérité en croissant dans la charité, Eph., iv, 15,
de dire la vérité aux autres. Eph., iv, 25; d'avoir
l'amour de la vérité, par laquelle on doit être
sauvé, II Thés., n, 10, de ne pas mentir contre la
vérité, Jacob., m, 14, de s'affermir dans la vérité, II
Petr., i, 12, et de marcher dans la vérité, c'est-à-dire
d'agir selon les lumières qu'elle apporte. II Joa., 4;
III Joa., 4. La vérité délivrera ceux qui agissent ainsi,
Joa., vm, 32, c'est-à-dire les soustraira au joug du
péché, de l'erreur et des sujétions mauvaises. — La
vérité a aussi ses adversaires, des insouciants, comme
Pilate, Joa., xvm, 38, des indociles, Rom., il, 8, de
faux sages, qui retiennent la vérité captive et la tournent
en mensonge, Rom., i, 18, 25, de faux docteurs, privés
de la vérité, I Tim., vi, 5, apprenant toujours, sans
parvenir à la connaissance de la vérité, II Tim., m, 7,
des hommes qui ne marchent pas selon la vérité de
l'Évangile, Gai., n, 14, qui s'éloignent de la vérité,
pour embrasser de fausses doctrines, II Tim., n, 18;
Tit., i, 14; Jacob., v, 19, qui résistent à la vérité,
II Tim., m, 8, qui lui ferment leurs oreilles, II Tim.,
iv, 4, et ne se convertissent pas à la vérité. II Tim., H,
25. Leur vrai maître est Satan, en qui n'est pas la
vérité. Joa., vm, 44. H. Lesêtre.
VERJUS, jus de raisins qui ne sont pas mûrs. —
Le raisin vert, bêsér ou bosér, oftixxË, uva acerba,
Job, xv, 33; Is., xvm, 5, donne un jus très acide
qui agace les dents. Se basant sur d'anciens textes
d'après lesquels le Seigneur châtie les péchés des
pères jusqu'à la quatrième génération, les Israé-
lites de la captivité rejetaient sur ceux qui les avaient
précédés la responsabilité des maux dont ils souffraient.
Ils répétaient en manière de proverbe : « Les pères ont
mangé du raisin vert et les dents des fils en sont aga-
cées. » Jer., xxxi, 29-30; Ezech., xvm, 2. Ils s'inno-
centaient ainsi eux-mêmes et se dispensaient de s'a-
mender. Les prophètes leur signifient qu'ils se font
illusion, que le proverbe ne s'applique pas à eux et
qu'en conséquence ils ont à réformer leur propre con-
duite. D'ailleurs, le Seigneur va faire cesser leurs maux
et ils n'auront plus désormais à s'en prendre aux fautes
de leurs pères. H. Lesêtre.
VERMILLON (hébreu : Sâsar; Septante : (iftto;;
dans Ézéchiel; êv YpacpfSi), couleur employée par les
Assyriens dans la décoration de leurs palais et de leurs
œuvres d'art. Jérémie, xxii, 14, parle de salles peintes
en cette couleur(Vulgate : in sinopide) ; Ézéchiel, xxm,
14, dit que des Chaldéens étaient représentés coloriés
en vermillon sur la muraille (Vulgate : coloribus), et
la Sagesse, xm,14, que des idoles de bois étaient cou-
vertes, comme traduit la Vulgate, de rubrica (Septante :
jji'Xto;). Chez les Latins, Virgile, Egl., x, 26, et Pline,
H. N., xxxv, 45; cf. xxxm, 36, nous apprennent que les
Romains ornaient de la même couleur quelques-unes
de leurs divinités. Voir Couleurs, t. n, col. 1068, 1069.
VERONENSIS (CODEX). Ce manuscrit gréco-
latin du Psautier, du VI e siècle, appartient à la biblio-
thèque du chapitre de Vérone. C'est un manuscrit de
format in-quarto, à une colonne par page, le grec sur
la page de gauche, le latin sur la page de droite. Le
grec est écrit en caractères latins. Le texte latin est
préhiéronymien. Aucune ponctuation, mais le texte
est, dans les deux langues, distribué en stiques. A la
suite des Psaumes, les cantiques, au nombre de huit :
Exod., xv, 1-21; Deut, xxxii, 1-44; I Reg., n, 1-10;
Is., v, 1-9; Jon., n, 3-10; Hab., m, 1-19; Dan., m,
27-67; enfin le Magnificat. Ce Psautier a été publié par
Bianchini, Vindiciss canonicarum scripturarum,
Rome, 1740, t. i. Voyez H. B. Swete, The Old Testa-
ment in Greek, Cambridge, 1891, t. n, p. ix-x.
P. Batiffol.
VERRE (hébreu : zekôkif; Septante : ûodo;; Vulgate :
vitrum), substance transparente et cassante, obtenue
par la fusion du sable siliceux avec des sels métalliques
de potassium, de sodium, de calcium ou de plomb
(fig. 545). — Les anciens connaissaient le verre. On a
dû être amené, en différents endroits, à le découvrir en
traitant les minerais par la fusion. En se liquéfiant, les
gangues de ces minerais donnent des laitiers qui sont de
vérilables verres. L'étude de la composition de ces gan-
gues a bientôt fait connaître les éléments requis pour
obtenir un verre transparent. Les Assyriens fabriquaient
le verre. Cf. Layard, tiineveh, t. Il, p. 42. On a trouvé
dans le palais de Nimroud, à Ninive, un vase de verre
portant le nom de Sargon (fig. 546), datant par consé-
quent du vu» siècle avant Jésus-Christ. Hérodote, m,
2401
VERRE
240^
24, mentionne des colonnes creuses et transparentes,
dans lesquelles on enfermait les morts, et qui étaient
faites de verre, -jodoç, tiré des mines du pays et facile
à travailler. Il ne s'agit ici que d'une pierre translucide,
l'albâtre probablement. Mais les Égyptiens possédaient
certainement l'art de produire et de travailler le verre.
Les monuments montrent leurs ouvriers occupés à
souffler le verre (fig. 547). Le même art était à l'usage
545. — Quatre ampoules antiques en verre.
Musée du Louvre.
des Phéniciens. Quand on part de Saint-Jean-d' Acre pour
Caïpha, on rencontre bientôt le Nahr el-Na'aman, petit
ruisseau large de huit à dix mètres, appelé par les
anciens Bélus. C'est là que les Phéniciens auraient
trouvé le procédé de la fabrication du verre. Cf. Pline,
H. N., xxxvi, 65; Strabon, xvi, 758; Josèphe, Bell,
jud., II, x, 2 ; Tacite, Hist., v, 7. Le ruisseau prend sa
source à quelques kilomètres de là, dans des marais que
Pline appelle palus cenderia, et qui, en hiver et au
printemps, font déborder le cours d'eau. Le sable qui
est à l'embouchure aurait été très propre à la fabri-
cation du verre. On trouve des traces des anciennes
546. — Vase de verre portant le nom de Sargon, roi d'Assyrie.
D'après Maspero, Histoire, t. m, p. 218.
verreries phéniciennes à Zaraphtha, la Sarepta d'autre-
fois, et dans l'ancienne nécropole de Tyr, qui abonde
en débris de verre ordinairement colorés en bleu et a
conservé d'élégants spécimens de vases (fig. 548).
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 113,
127, 142, 167. Hérodote, n, 44, vit à Tyr, dans le temple
d'Hercule, une colonne d'émeraude qui jetait grand
éclat pendant la nuit. On soupçonne que cette colonne
était en verre coloré et que des lampes l'éclairaient à
l'intérieur. Comme Moïse promet à Zabulon que cette
tribu jouira des « richesses cachées dans le sable, »
Deut., xxxm, 19, et que le Bélus se trouve sur son
DICT. DE LA BIBLE.
territoire, quelques commentateurs ont supposé qu&-
l'allusion portait sur le sable vitrifiable. Cf. Rosen-i-
muller, In Deuter., Leipzig, 1798, p. 532. Mais il ne>-
s'agit, dans ce passage, que des richesses communes à
tous les bords de mer. Tout en utilisant le verre de-
manières variées, les Orientaux n'ont pas su s'en servir.-
pour en faire des vitres ou des miroirs. — Dans une-
tombe philistine de Gazer, on a trouvé d'élégants petits.
547. — Egyptiens soufflant le verre.
D'après Wilkinson, The manners and custorns of the ancient
Egyptians, t. H, p. 140.
ustensiles de verre. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris,.
1907, p. 234. — Les Israélites ont également connu
le verre et l'ont fabriqué de bonne heure, si tant est,.
comme le croit Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 327,.
que les ateliers d'Hébron remontent jusqu'à l'époque
des rois de Juda. Le sable siliceux nécessaire à ces
548. — Verres colorés de Sarepta .
D'après Lortet, La Syrie, p. 127.
verreries provient de la contrée, et la soude est appor-
tée par les Arabes des bords de la mer Morte, et des
régions sablonneuses et salées qui sont à l'est du
Jourdain. On y fabrique du verre soufflé pour lampes,
bouteilles, fioles, etc., et des bracelets, des anneaux,
des bagues, des perles, etc. « Les fourneaux sont en
briques et recouverts par un dôme à réverbère. La
flamme, après avoir circulé dans le four, vient passer
sur les creusets qui renferment les matières vitreuses
en fusion, et sort par des ouvertures pratiquées dans
la région moyenne. C'est par ces orifices que les
ouvriers, assis ou debout autour des fourneaux, cueillent
V. — 76
2403
VERRE
VERTIGE
2404
le Terre liquide au moyen de leurs cannes de fer. Ils
soufflent rapidement les pièces et les réchauffent pen-
dant quelques instants aux flammes qui sortent du
four. » Lortet, ibid. Pour faire les perles et les brace-
lets, on teinte la pâte vitreuse au moyen d'oxydes
minéraux qui fournissent de belles nuances bleu
d'outremer, vert de malachite ou jaune de chrome. —
Dans Job, xxvm, 17, la sagesse est déclarée supérieure
à différentes substances précieuses, l'or, l'onyx, lesaphir,
le verre, lecorail, le cristal, les perles et la topaze. Le
verre, zekôkit, ne saurait ici être confondu avec le cris-
tal de roche, gâbîS, nommé lui-même dans l'énuméra-
tion. D'ailleurs, pour que le verre occupât une place au
milieu de toutes ces matières de prix, il fallait qu'il fût
employé en objets capables de servir de parures, perles
artificielles, pendeloques, bracelets, etc. — Il est dit
dans les Proverbes, xxm, 31 : « Ne regarde pas le vin,...
comme il donne son œil dans la coupe, » be-kôs, c'est-
à-dire comme il a belle apparence dans la coupe. La
Vulgate traduit in vitro, « dans le verre ». Mais il n'y
a là qu'une interprétation. — Il n'est plus fait mention
du verre que dans l'Apocalypse. Saint Jean voit en face
du trône de Dieu « comme une merde verre semblable
à du cristal. » Apoc, iv, 6. Cette mer est probablement
ici le firmament qui s'étend au-dessous du trône divin.
Une autre fois, il voit « comme une mer de verre,
mêlée de feu, et, au bord de cette mer, les vainqueurs
de la bête. » Apoc, xv, 12. Cette mer représente l'eau
et le feu des épreuves au travers desquelles les servi-
teurs de Dieu doivent passer. Cf. Ps. lxvi (lxv), 12.
Enfin, dans la Jérusalem céleste, les constructions sont
en or pur et translucide comme du verre. Apoc, xxi,
18, 21. Cet or ressemble donc au verre teinté de
chrome. — Sur certaines verreries sidoniennes, dont
plusieurs pensent qu'il est question dans Josué, xi, 8;
xiii, 6, voir Maséhéphoth, t. iv, col. 831.
H. Lesètre.
VERROU (hébreu : bad, berîah, metil; Septante :
jj.oyXà:, xXefOpov; Vulgate : veclis, sera), barre de bois
ou de fer, qui sert à assurer la fermeture d'une
porte. Voir Barre, fig. 453, t. i, col. 1468 — Les portes
des villes ont des verrous. Deut., m, 5; Jud., xvi, 3;
II Esd.,m, 3, 6, 13, 15, etc. Dieu brise les portes d'ai-
rain et les verrous de fer qui retiennent les captifs.
Ps. cvn (cvi), 16. Il les brise devant Cyrus. Is., xlv, 3.
Pour prendre une ville, on brise ses verrous. Il en est
ainsi pour Babylone, Jer., li, 30, pour Damas, Âm.,i, 5,
pour Ninive, Nah., m, 13, et pour Jérusalem. Lam.,
il, 9. On attaque plus facilement les populations qui
n'ont ni portes ni verrous. Jer., xtix, 31; Ezech.,
xxxviii, 11. Voir Barre, t. i, col. 1468. — Métaphori-
quement, on suppose que des verrous servent à clore
la mer, Job, xxxviii, 10, le sche'ôl, Job, xvn, 16, et
la surface du sol habitable. Jon., n, 7. Les querelles
des frères ennemis sont comme les verrous d'un palais ;
rien ne peut les réduire. Prov., xvm, 19. Les ver-
sions ont ici un teut autre sens. — Les os de l'hippopo-
tame sont comparés à une barre de fer, metîl barzél,
lamina ferrea, probablement à un verrou. Job, xl, 18
(13). — Dans Isaïe, xxvii, 1, Léviathan est appelé
nâhdS bdriah, « serpent fuyant ». Les Septante tradui-
sent exactement par o<piv (peiiyovra, « serpent fuyant ».
Mais la Vulgate rend l'hébreu par serpentent vectem,
<t serpent verrou », comme s'il y avait berîah en hé-
breu, ce qui n'a pas de sens clair.
H. Lesètre.
VERS HÉBREU. Voir Poésie hébraïque, col. 477-
480; Hébiuîoue ^Langue), t. m, col. 490-491.
VERSETS DANS LA BIBLE. Le mot versus, ver-
sUttlws, vient de verto, « tourner », et comme trn'xoc,
en grec, il désignait chez les Latins les lignes d'écriture
en général, soit en prose soit en vers. Dans de très
anciens manuscrits, les livres poétiques de la Bible,
Job, les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Can-
tique et les chants poétiques sont divisés par vers com-
mençant à la ligne. La division de tous les livres
bibliques par versets fut introduite dans un but pra-
tique. Pour qu'on put retrouver aisément dans l'Écri-
ture un passage particulier, on imagina d'abord de
partager chaque livre en chapitres et c'est ce que fit
le cardinal Etienne Langton (f 1228). Voir Chapitres
de LA Bible, t. n, col. 55 >. Afin de rendre les recherches
plus rapides, lorsque, vers 1240, le cardinal tlugues de
Saint-Cher compila la première concordance verbale du
texte latin de laVulgate,il subdivisa les chapitres en sept
parties qu'il distingua en marge par les lettres a, b, c,
d, e, f, g. Cette subdivision, après avoir été en usage pen-
dant environ trois cents ans, n'est mainlenueaujourd'hui
que dans les renvois de certaines éditions du Missel et
du Bréviaire; elle a disparu lorsqu'elle est devenue
inutile par l'introduction plus pratique et plus com-
mode des versets proprement dits qui, par leur brièveté,
rendent les recherches extrêmement faciles.
La numérotation actuelle des versets, qui a passé peu
à peu dans toutes les éditions de la Bible, en quelque
langue qu'elles soient, a pour auteur l'imprimeur
Robert Eslienne. Il l'introduisit pour la première fois
en 1555, dans une édition gréco-latine du Nouveau
Testament, et dans une édition complète de la Bible
latine. Il l'indiqua en marge. Théodore de Bèze
l'introduisit dans le texte même en 1565. Robert
Estienne avait eu d'ailleurs des précurseurs. En 1509
Jacques Lefebvre avait déjà numéroté les versets des
Psaumes dans son Psalterium quintuplex, et Santés
Pagnino avait numéroté toute la Bible en 1528. Robert
Estienne adopta la numérotation de Santés Pagnino
pour les livres protocanoniques de l'Ancien Testament,
en en introduisant une nouvelle pour les livres deu-
térocanoniques et pour tout le Nouveau Testament. La
division des versets par R. Estienne n'est pas toujours
heureuse, car en plusieurs endroits elle n'est pas en
parfait rapport avec le sens, par exemple dans le
Psaume lxxxix (xc), les versets 4 et 5, 9 et 10 sont mal
coupés et dans' le vers : {Quis novit) prse timoré tuo
iram luam — dinumerare ? les premiers mots appar-
tiennent au t. 11 et dinumerare commence le f. 12.
Le pape Sixte V réforma la division dans son édition
de 1590, mais on vit tant d'inconvénients dans le chan-
gement d'une numérotation universellement répandue
que l'ancienne fut maintenue par Clément VIII, malgré
ses imperfections, dans l'édition officielle définitive. —
Voir W. Wright, article Verse, dans Kitto, Cyclopxdia
of biblical literature, 1866, t. m, p. 1066-1070; Mac
Clintock et Strong, Cyclopœdia of biblical literature,
1891, t. x, p. 756-762; Ch. Graux, Nouvelles recherches
sur la stichométrie, dans Les articles originaux, pu-
bliés par Ch. Graux, édit. posthume, in -8°, Paris,
1893, p. 71-124 (stiques de tous les écrits de l'Ancien
et du Nouveau Testament), p. 90-103.
r
VERSIONS DE LA BIBLE. Voir les articles spé-
ciaux à chaque langue, grecque, allemande, anglaise,-
française, etc. ; Septante, Vulgate.
VERT. Voir Couleurs, 6», t. h, col. 1066.
VERTIGE, aveuglement intellectuel par suite duquel
on ne sait plus ce qu'on fait. Saùl, sous le coup de la
défaite, est saisi de vertige, Sâbâs, uxôto; Seivôv, angu-
stiee, et cherche la mort. II Reg., i, 9. — Les marins,
pendant la tempête, sont pris de vertige, yâhoggû,
ÈTapâx6r]<rav, turbati sunl. Ps. cvh (cvi), 17. — Dieu
frappe les princes de Memphis de l'esprit de vertige,
'îv'îm, n\air,aii,vertigo.ls., xix, 14. H. Lesètre.
2405
VERTU — VERTUS DES CIEUX
2406
VERTU (grec: àpsrïj; Vulgate : virtus), habitude de
faire le bien. Cette habitude, parfois naturelle, est sou-
vent acquise, développée par l'effort persévérant de la
volonté, et perfectionnée à l'aide du secours divin.
Ps. xvin (xvn), 33. — 1° La notion abstraite de vertu
n'existe pas en hébreu. Les hommes vertueux sont
appelés « justes », et la vertu s'y présente sous forme
de «justice », c'est-à-dire de fidélité à toutes les obli-
gations qu'impose la volonté divine. Voir Justice, t. m,
col. 1875. Les hommes de vertu sont 'anse f>ayîl,
ôuvaTr», induslrii, potentes, Gen., xlvii, 6; Exod.,
xviii, 21, 25, et la femme vertueuse 'éséf bayîl, yuvri
8wâu.eo>ç ou àvSpEi'a, mulier virtutis, diligens, fortis.
Rutli, m, 11; Prov., xil, 4; xxxi, 10. — Les différentes
vertus, représentant chacune une forme spéciale du
bien, n'en sont pas moins indiquées et recommandées
dans la Sainte Écriture. Voir Charité, t. h, col. 591;
Chasteté, col. 624; Espérance, col. 1965; Foi,
col. 2296; Humilité, t. m, col. 777; Justice, col. 1875;
Miséricorde, t. îv, col. 1131; Obéissance, col. 1720;
Patience, col. 2180; Pénitence, t. v, col. 39; Prudence,
col. 803; Reconnaissance, col. 1006; Renoncement,
col. 1045; Sagesse, col. 1349; Simplicité, col. 1746. —
L'auteur de la Sagesse, vm, 7, met à part les quatre
vertus cardinales, que Platon avait indiquées avant lui :
« Quelqu'un aime-t-il la justice? Ses labeurs sont les
vertus : elle enseigne la tempérance, o-cotppo<rijvï]v, sobrie-
iatam, la prudence, çpovïjoiv, prudentiam, la justice,
Scxacouûvïiv, justitiam, et la force, àvSpiav, virtutem. »
La justice mise en premier lieu comme génératrice des
vertus cardinales est la sedâqâh hébraïque, la justice
totale comportant la pratique de tous les devoirs envers
Dieu et envers les hommes. — 2° La notion de vertu,
âpsrr,, virtus, apparaît plus clairement dans le Nouveau
Testament. Les Apôtres ne dissertent pas sur la vertu,
mais, en toute occasion, ils en prescrivent la pratique,
qui n'est autre chose que la fidélité à la loi évangélique.
Voir Loi nouvelle, t. iv, col. 347. Ainsi saint Paul
recommande aux chrétiens de Rome la charité sincère,
l'amour fraternel, le zèle, la ferveur, l'espérance, la
patience, l'assiduité à la prière, l'aumône, l'hospitalité,
l'amour des ennemis, l'humilité, la concorde, en un
mot, le triomphe sur le mal par la pratique du bien.
Rom., xu, 8-21. C'est le résumé de tout ce qui s'impose
au chrétien vraiment vertueux. L'Apôtre fait de la
charité la première des vertus, supérieure à la foi et à
l'espérance. Mais il faut que la charité comporte la pra-
tique de toutes les autres vertus, la patience, la bonté,
la discrétion, le désintéressement, la douceur, la jus-
tice, le support, etc. ICor., xm, 4-13. Dans le chrétien,
la grâce agit pour aider à la fidélité et au progrès des
habitudes vertueuses, et c'est le Saint-Esprit qui pro-
duit dans l'âme la charité, la joie, la paix, la patience,
la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur et la
tempérance. Gai., v, 22. Aux Éphésiens, iv, 2, 3, saint
Paul recommande de faire honneur à leur vocation par
leur humilité, leur douceur, leur patience, leur charité
fraternelle et leur esprit d'union et de paix. Il dit aux
Philippiens : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est
honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur,
tout ce qui est de bonne renommée, s'il est quelque
vertu et s'il est quelque louange, que ce soit là l'objet
•de vos pensées. » Phil., iv, 8. Il ne veut pas que la
vertu soit superficielle ; elle doit saisir le plus intime
de l'âme. « Revêtez-vous d'entrailles de miséricorde,
■de bonté, d'humilité, de douceur, de patience, ...etsur-
tout de la charité, qui est le lien de la perfection. »
Col., m, 12-14. A ses disciples, Timothée et Tite, saint
Paul indique les vertus qui sont exigées des évêques
et des diacres. I Tim., m, 2-9; Tit., i, 8. Lui-même
félicite le premier de l'avoir suivi fidèlement dans sa
conduite, sa foi, sa longanimité, sa charité et sa con-
stance. II Tim., m, 10. Saint Pierre exhorte les chré-
tiens à joindre à leur foi la vertu, le discernement, la
tempérance, la patience, la piété, l'amour fraternel et
la charité. « Si ces vertus sont en vous et y abondent,
ajoute-t-il, elles ne vous laisseront ni oisifs ni stériles
pour la connaissance deNotre-Seigneur Jésus-Christ. »
II Pet., I, 5-8. Les Épitres de saint Jean parlent surtout
de l'amour de Dieu et de la charité fraternelle. — Dans
un très grand nombre de textes de l'Ancien et du Nou-
veau Testament, la Vulgate emploie le mot virtus dans
le sens de « puissance » et non dans celui de « vertu ».
Ainsi, dans le Psaume lxxxiv (lxxxiii), 8, il est dit des
pèlerins qui montent à Jérusalem : yelkâ meftayil
'él-tiayîl, « ils vont de force en force», en sentant s'ac-
croitre leur vigueur, ly. 8uvâu.ew{ e'tç Sùv»|),iv, de virtute
in virtutem, et non « de vertu en vertu ». De même,
la « vertu du Très-Haut », Luc, 1, 35, « la vertu qui éma-
nait » de Jésus, Luc, vi, 19, la « vertu du Saint-Esprit »,
Act., i, 8, est la 8iiva[/.iç, la force, la puissance divine.
H. Lesêtre.
VERTUS (grec : 8uvâu.ei;; Vulgale : virtutes), nom
donné à l'un des chœurs des anges. — On lit dans
le cantique de Daniel, m, 61 : « Puissances du
Seigneur, bénissez toutes le Seigneur. » L'expres-
sion 7tà<xa r| 8-Jvau.iç, omnes virtutes, ne peut dési-
gner les anges, nommés plus haut, f. 58. Ces puis-
sances, rangées après lescieux et les eaux supérieures,
et avant le soleil et la lune, sont celles de la milice
céleste, les étoiles. Plus loin, la 8ûvau.i; to\i oûpavov,"
virtutes cseli, désigne le hèl Semayyâ', « l'armée du
ciel », les étoiles. Dan., iv, 32. C'est saint Paul qui, le
premier, probablement d'après les traditions juives,
donne une liste des chœurs des anges, et désigne l'un
de ces chœurs par l'appellation de 8uvau.su;, virtutes,
les « vertus », distinctes des « puissances », iijoucjiai,
potestates. Il assigne au Christ ressuscité une place
supérieure à celle de tous ces chœurs angéliques.
Eph., i, 21. Dans une autre énumération, Col., i, 16, il
omet les « vertus ». Ailleurs, Rom., vm, 38, il dit
qu'aucune créature angélique, ni principautés, ni
vertus, ne pourra le séparer de l'amour du Christ Jésus.
Il est à remarquer cependant que, dans ce passage, les
& vertus » sont absentes du texte grec et ne sont men-
tionnées que par la^ Vulgate. Saint Pierre dit aussi que,
dans le ciel, tous les anges, les principautés et les
vertus, sont soumis au Christ. I Pet., m, 22. La Sainte
Écriture ne fournit aucun renseignement sur le rôle
particulier de ce chœur des vertus, ni sur la raison du
nom qui lui est attribué. H. Lesêtre.
VERTUS DES CIEUX (Septante : Suvàfiei; tûv
oùpavâv ; Vulgate : virtutes cœlorum), l'ensemble des
étoiles. — L'expression hébraïque koUsebd' has-sâmâ-
îm, « toute la milice des cieux », Vulgate : oninis
militia cœlorum, est rendue dans les Septante par
aï Suvàîietç tSv oûpavôv, « les puissances des cieux ».
Is., xxxiv, 4. Le prophète décrit le jugement de Dieu ;
il annonce que l'armée des cieux sera réduite en pous-
sière et que les cieux seront roulés comme un livre. Il
s'agit donc ici du firmament, et l'armée qui le peuple
est celle des étoiles. Ézéchiel, xxxil, 7, 8, parle de
phénomènes analogues précédant le jugement de Dieu.
Les Septante traduisent ordinairement par Sûvamc,
« puissance », le mot sebâ' désignant la milice du ciel,
cf. IV Reg., xvn, 16; xxi, 3; xxm, 4; Dan., vm, 10,
ou encore par crcpa-ui. Jer., vm, 2. Dans sa description
des signes avant-coureurs du jugement, Notre-Seigneur
reproduit quelques-uns des traits familiers aux pro-
phètes : « Le ciel s'obscurcira, la lune ne donnera plus
sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les puis-
sances des cieux seront ébranlées. » Matth., xxiv, 29;
Marc, xm, 24, 25. Le parallélisme qui règne dans ce
passage donne à conclure que les puissances ou vertus
des cieux ne sont autres que les étoiles. Le tçxte évan-
2407
VERTUS DES CIEUX — VÊTEMENT
2408
gélique suit celui des Septante, qui remplacent la
« milice » du texte -hébreu que les « puissances»,
appelées dans certaines traductions françaises, d'après
la Vulgate trop littéralement interprétée, les « vertus
des cieux ». Quelques commentateurs ont vu dans les
vertus des cieux les forces qui régissent les corps
célestes, ou les points cardinaux du ciel. Cette inter-
prétation s'harmonise moins bien que la précédente
avec le parallélisme et le contexte. Il est encore moins
probable qu'il s'agisse des anges, que de tels événe-
ments ne sauraient ébranler, et qui sont mentionnés
plus loin comme faisant partie du cortège du souverain
Juge. Matth., xxiv, 31. H. Lesètre.
VESCE. La Vulgate rend par vicia, « vesce », le
mot hébreu kussémet (pluriel : kussemîm). Is.,xxviii,
25; Ezech., iv, 9. Quelques auteurs rapprochent ce
nom du kirsenéh arabe, la vicia ervilia. Mais le mot
hébreu désigne l'épeautre et, selon d'autres, le sor-
gho. Voir t. H, col. 821. — Certains auteurs tradui-
sant le qèsafy hébreu par vesce, mais à tort : ce mot
signifie la nielle ou cumin noir, t. m, col. 244. —
Pour la vesce, vicia faba, voir Fève, t. ir, col. 2228.
VESTIAIRE (hébreu : méltâhdh), endroit où l'on
garde les vêtements. — Jéhu, voulant se défaire des
prêtres de Baal, prétexta un sacrifice à offrir dans le
temple du dieu, et, pour mieux distinguer ceux qu'il
avait en vue, ordonna de tirer du vestiaire des vête-
ments dont ils se pareraient. IV Reg., x, 22.11 s'agitici
du vestiaire du temple de Baal. Les prêtres idolâtres, aussi
bien que ceux du vrai Dieu, prenaient des costumes spé-
ciaux pour remplir leurs fonctions. Cf. Hérodien, v,
5; Silius Italicus, m, 24-27; Lagrange, Études sur les
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 149. Dans les ver-
sions, mél(âhdh est traduit par ô km toO oXy.o-j MerfiaX,
« le préposé à la maison de Mesthaal », Iris qui erant
super vestes, « les préposés aux vêtements ». — Il y
avait un vestiaire dans le palais de Salomon, II Par.,
ix, 4, et un autre dans le Temple, où les prêtres de-
vaient laisser leurs vêtements sacrés après avoir rempli
leurs fonctions. Ezech., xlii, 14; xliv, 19. — Job, xxvii,
16, parle de l'impie qui entasse les vêtements comme
la boue, c'est-à-dire qui remplit son vestiaire. Les tré-
sors que rongent les vers et que Notre-Seigneur recom-
mande de ne pas amasser, Matth., vi, 19, sont les dépôts
de vêtements. Saint Jacques, v, 2, y fait aussi allusion.
H. Lesètre.
VESTIBULE DU TEMPLE, portique, pylône. Voir
Temple, col. 2032.
VÊTEMENT, étoffe disposée pour couvrir le corps
de l'homme dans la vie habituelle. — Lé vêtement est
une nécessité imposée par le péché des premiers
parents. Gen., m, 7, 21. L'homme s'est ensuite fait des
vêtements d'abord avec la peau des animaux, voir
Peau, col. 3, cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907,
Ç. 398, puis avec des tissus de sa fabrication. Voir
Étoffes, t. h, col. 2035.
I. Noms des vêtements. — Les vêtements sont natu-
rellement très divers, quant à la matière et quant à la
forme, suivant les temps et les pays. Les monuments
anciens indiquent plus ou moins clairement la forme
des vêtements portés par Tes Babyloniens, les Égyptiens,
les Grecs et les Romains. Ils sont des plus rares en ce
qui concerne les Hébreux. Mais le grand nombre de
mots qui servaient chez eux à les désigner indique
qu'ils en avaient d'assez variés. Ces mots sont les sui-
vants : Bégéd, le vêtement que Joseph portait dans la
maison de Putiphar, {(«ma, pallium, Gen., xxxix, 12,
13, 15; celui que le Pharaon lui donna en l'établissant
chef de l'Egypte, otoXiq, stola, Gen., xli, 42, et celui
que portaient les rois Achab et Josaphat sur leur trône.
III Reg., xxii, 10; II Par., xvm, 9. C'était donc un
vêtement de dessus, destiné à des personnages d'im-
portance.— Kelî, mot à sens divers, servant à désigner
le vêtement ordinaire, (jxeùïj, <ttoàt|, vestis, Deut.,xxu,
5, et les atours d'une femme, x<5<7(ioi;, monilia. Is.,lxi,
10.— Kesût, TOp!oo).ae'ov, pallium, un vêtement de des-
sus. Deut., xxn, 12. — Lebûs, le vêtement commun
qu'ont les plus pauvres, Ifiiriov, indumentum, vesli-
tus, Job, xxiv, 7, 10; xxxi, 19, vestimentum, Job,
xxxvni, 14, vestis, Dan., m, 21. — Mad, tunique,
Xstwv, tunica, Lev., vi, 10 (3), îjiittov, vestimentum,
Ps. cix (cvm), 18, vêtement de dessous auquel on
compare la malédiction que le méchant ne quitte pas.
— Middâh, gvSvpa, vestimentum, le vêtement du
grand-prêtre, Ps. cxxxm (cxxxii), 2. — Médév, [lavo-j^i,
vestis, casaque portée par des serviteurs de David,
Il Reg., x, 4, tunica, IPar., xix, 4. — Mekasséh, vête-
ment splendide. Is., xxm, 18. Le mot n'est pas traduit
par les versions. — Malbùs, ev8uu.a, vestimentum,
vêtement fourni à des serviteurs du roi. IV Reg., x,
22. — Sû(, iteptëo),^, pallium, vêtement de dessus.
Gen., xlix, 11. — Tilbo&ét, IptâTiov, vestimentum^
vêtement de dessous d'un guerrier. Is., lix, 17. —
$éba' riqmdh, le vêtement de couleurs variées, pânijux
ttoixiXwv, vestis diversorum colorum, comme en por-
taient les Hébreux du temps des Juges, et dont Sisara
comptait s'emparer. Jud., v,3. Ézéchiel, xvi, 18, men-
tionne aussi des vêtements multicolores en usage de
son temps, bigdê riqnxâh, iv.oi.xt.aii.6i noixîXo;, vesti-
menta multicoloria. — Mesi, le vêtement de soie.
Ezech., xvi, 10, 13. Voir Soie, col. 1821. — Tekêlot, le
vêtement de pourpre. Exod., xxvi, 4, 31; Num., iv, 6;
Ezech., xxm, 6; xxvn, 7, 24. Voir Pourpre, col. 586.
— Tôld', le vêtement cramoisi. Lam., iv, 5; Is.,l, 18.
Voir Cochenille, t. h, col. 818. — Berômîm, lx>extâ r
polymita, vêtements de diverses couleurs vendus par
Tyr. Ezech., xxvn, 24. — Me'îl, vêtement long des prin-
cesses, èitev8ijTYi«, vestis, II Reg., XIII, 18, 8t7cXoiç r
pallium, vêtement de dessus, I Reg., xv, 27; xxvm,
14, iftaTi'ov, vestimentum, Job, I, 20, aio\r„ vestis, Job,
n,12. — Mahâlâsôt, èmëïr\\i.aT:x, nmtatoria, Is., m, 22,
rcoSïipï], Zach., m, 4, les vêtements de rechange, ou.
ceux qu'on quitte à la maison. — Saq, Gen., xxxvit,
34, le vêtement de deuil. Voir Cilice, t. H, col. 760,.
et deux Juifs revêtus d'un sac devant Sennachérib,.
fig. 347, col. 1607. Cf. Lachis, t. iv, fig. 11, col. 23. —
Les mois q6rhàh,Y.poY.r l ,superficies, etgabbal.ia(,Sipii.<x r
per totum, désignent l'endroit et l'envers du vêtement.
Lev., xiii, 55. — Les belô'ê, scissa et putrida, sont des
haillons. Jer., xxxvm, 12.
II. Vêtements des Hébreux. — 1° Les vêtements des
Hébreux étaient de laine ou de lin, auxquels on ajouta
plus tard le coton. La loi défendait de porter des tissus,
mélangés de laine et de lin. Lev., xix, 19; Deut., xxil,.
11. « Qu'en tout temps tes vêtements soient blancs, »
dit l'Ecclésiaste, ix, 8. Mais celte recommandation ne
faisait pas loi. La couleur blanchâtre était naturelle à
la laine et au lin. Mais elle se salissait aisément au.
milieu des occupations journalières, Zach., m, 4, et
dans le peuple on usait volontiers d'étoffes teintes, que
l'industrie phénicienne produisait à bon compte. Les.
plus aisés se servaient d'étoffes de couleurs éclatantes,
pourpre rouge et violette ou cramoisi, Prov., xxxi,.
22; Jer., iv, 30; Lam.,iv, 5,et empruntaient les modes
des étrangers. Soph., I, 8. Ils choisissaient de fins
tissus, Luc, vu, 25, et se procuraient parfois des
vêtements magnifiques. Jacob., il, 2. Le blanc était si
peu la couleur habituelle, à l'époque évangélique,
qu'on note la blancheur que prirent les vêtements de
Notre-Seigneur à la transfiguration, Matth., xvn, 2;.
Marc, IX, 2, et que, pour le ridiculiser, Hérode fit
mettre au Sauveur une robe éclatante, blanche d'après
la Vulgate, comme à un homme épris de la folie des.
2409
VÊTEMENT
2410
grandeurs. Luc, xxiii, 11. Les vêtements blancs
comme la neige étaient habituels dans les apparitions.
Dan., vu, 9; Matth., xxvm, 3; Marc.,xvi, 5;Luc,xxiv,
4; Joa., xx, 12; Act., i, 10; Apoc, m, 5, 18; iv, 4; etc.
Les vêtements bigarrés ou ornés de broderies étaient
aussi dans le goût des Hébreux. Jud., v, 30; Ezech.,
xvi, 18. — 2° Les principales pièces du vêtement des
Hébreux étaient la tunique, voir Tunique, col. 2132,
et le manteau, voir Manteau, t. iv, col. 663. Le man-
teau était le vêtement de dessus et la tunique celui de
dessous. Cette dernière se portait sur le corps même.
Mais parfois on mettait par dessous une chemise
d'étoffe plus fine, sddin. Jud., xiv, 12, 13; Is., m, 23;
Prov., xxxi, 24. Voir Linceul, t. iv, col. 265. Les cale-
çons n'étaient obligatoires que pour les prêtres. Voir
Caleçon, t. n, col. 60. Le costume des femmes différait
de celui des hommes par plus d'ampleur. Dans son
large manteau, une femme pouvait mettre jusqu'à six
mesures d'orge, charge qu'elle portait elle-même.
Ruth, m, 15. Les femmes avaient de plus le voile dont
«lies se couvraient la tête, mais qu'elles n'étaient pas
-astreintes à tenir toujours baissé. Gen., xn, 14; xxiv,
65; xxxvm, 14, 19; I Reg., i, 12; etc. Voir Voile.
On mettait aux jeunes garçons et aux jeunes filles de
distinction des robes longues. Gen., xxxvii, 3; II Reg.,
khi, 18. — 3° Il y avait des vêtements particuliers à cer-
taines conditions et à certains jours, les vêtements sacrés
des prêtres, voir Grand-Prètre, t. m, col. 299, fig. 64,
col. 296; Prêtre, t. v, col. 646, fig. 174, col. 647, les
vêtements royaux, Esth., v,l; Act.,xn,21, lesvêtements
de fête, Ruth, ni, 3; Judith, x, 3; Luc, xv, 22, les
vêtements de veuve, Gen., xxxvm, 14; Judith, x, 2;
xvi, 9, les vêtements de rechange, Jud.,xiv, 13, la robe
nuptiale, Matth., xxn, 10, etc. — Sur les autres pièces
du vêtement, voir Ceinture, t. il, col. 389; fig. 123-
126, col. 389-391; Chaussure, col. 631; fig. 225-236,
col. 634-640; Coiffure, col. 828; Chlamyde, col. 707,
fig. 271, col. 708; Langes, t. iv, fig. 32-34, col. 71-72;
Toilette, t. v, col. 2262. On faisait en sorte que les
vêlements exhalassent une bonne odeur. Gen., xxvii,
•27; Cant., îv, 11; Ps. xlv (xliv), 9. — 4» D'après
Iken, Antiquit. hebraic, Brème, 1741, p. 543, les Juifs
auraient compté dix-huit pièces d'habillement d'usage
ordinaire pour les hommes: un manteau, une tunique
d'étoffe souple, une ceinture large, un vêtement court
et étroit, une chemise, une autre ceinture sur la chair
même, un chapeau, une tiare, deux chaussures, deux
.jambières, deux gants couvrant les mains et les bras
jusqu'au coude, deux voiles légers servant l'un à
s'essuyer après les ablutions, l'autre à se couvrir la
tête et les épaules, et enfin un foulard noué autour du
cou et dont les extrémités retombaient par devant.
A ces différentes pièces, dont plusieurs ne sont pas
mentionnées dans la Bible, s'ajoutaient les franges,
voir Frange, t. n, col. 2394, et les phylactères. Voir
Phylactères, t. v, col. 319. Pour le costume des
femmes juives, voir Femmes, t. n, fig. 637-638, col. 2190.
III. Prescriptions législatives. — Il était interdit
à une femme de prendre des habits d'homme, et réci-
proquement, celte pratique étant en abomination
devant Dieu. Deut., xxn, 5. Cette défense était com-
mandée par le souci de la moralité. — Le mari devait
assurer le vêtement à sa femme. Exod., xxi, 10. Voilà
pourquoi, dans les temps de désolation où les hommes
faisaient défaut, sept femmes pouvaient demander au
même homme de porter son nom, en ajoutant : « Xous
nous vêtirons de nos habits. » Is., iv, 1. La captive
prise pour épouse devait quitter les vêtements d& sa
captivité, pour en recevoir d'autres de son nouveau
mari. Deut., xxi, 13. — Il n'était pas permis de prendre
en gage le vêtement de la veuve, Deut., xxiv, 17, car le
vêtement est une des choses de première nécessité.
Gen., xxvm, 30; Eccli., xxix, 28. — Le lépreux devait
porter des vêtements déchirés, qui permissent de le
reconnaître à distance. Lev., xm, 45. — A la suite de
certaines souillures, qui obligeaient les anciens à
changer de vêtements, Gen., XXXV, 2, la loi prescri-
vait de les laver. Exod., xix, 10; Lev., XI, 25, 28; XV,
5-27; etc. Voir Lavage, t. iv, col. 131. — Des règles
spéciales étaient imposées pour la purification de vê-
tements atteints de la lèpre. Lev., xm, 47-58. Voir
Lèpre, t. iv, col. 186.
IV. Usages divers. — Les pauvres couchaient dans
leur vêtement pour dormir; aussi le créancier qui
l'avait pris en gage devait-il le leur rendre le soir.
Deut., xxiv, 13. Cf. Marc, xiv, 51, 52. On couvrait
David de vêtements pour le réchauffer pendant son
sommeil. III Reg., i, 1. A l'époque d'Amos, n, 8, des
créanciers se donnaient le tort de coucher sur les vê-
tements pris en gage, au lieu de les rendre. — Les
vêtements faisaient partie du butin qu'on prenait à la
guerre et qu'on partageait ensuite. Jos., vu, 21; Jud.,
v, 30;. vin, 26. On les donnait en présents. I Reg.,
xvn, 38; xviii, 4; IV Reg., v, 5, 10, 23. — On déchirait
ses vêtements en sigjie de deuil. Voir Déchirer ses
vêtements, t. n, col. 1336. — On gardait ses vêtements
pour veiller la nuit sur les murs d'une ville, II Esd.,
iv, 24, ou dans le Temple. Voir Police, col. 503. Cf.
Apoc, xvi, 15. — Les femmes d'Israël se servaient de
leurs vêtements pour construire des tentes destinées
aux cultes idolàtriques. Ezech., xvi, 16,18. On les uti-
lisait pour faire des tapis sur les montures ou sur le
chemin des personnes qu'on voulait honorer. Matth.,
xxi, 7, 8; Marc, xi, 7; Luc, xix, 35, 36. Cet emploi
était d'autant plus facile que les vêtements de dessus
n'étaient pas ajustés, et qu'ils se composaient de
larges pièces d'étoffe que l'on drapait sur les épaules.
— D'après la loi romaine, appliquée à Notre-Seigneur,
les vêtements d'un supplicié appartenaient à ses exé-
cuteurs. Ps. xxn (xxi), 19; Matth., xxvn, 35; Marc, xv,
24; Luc, xxiii, 34; Joa., XIX, 23. — Les travailleurs
laissaient à la maison leur vêtement de dessus. Marc,
xm, 16. On le quittait pour exécuter une besogne quel-
conque, laver les pieds de quelqu'un, Joa., xm, 4,
pêcher, Joa., xxi, 7, lapider, Act., vu, 57, etc. — Pour
donner le change sur ses intentions, on prenait les
vêtements d'un autre. Matth., vu, 15; III Reg., xiv, 2.
— Les vêtements étaient parfois • rongés par la teigne,
Job, xm, 28; Prov., xxv, 20; Eccli., xlii, 13; Jacob.,
v, 2, et ils s'usaient. Ps. cil (ci), 27; Is., Li, 6; Hebr.,
1,11. Quand ils se déchiraient, Is., L, 9, il fallait les
rapiécer. On avait naturellement soin de ne pas mettre
à un vieux vêtement une pièce neuve, qui l'aurait
fatigué et fait déchirer davantage. Matth., IX, 16;
Marc, n, 21; Luc, v, 36. — Notre-Seigneur recom-
mande à ses disciples de ne pas se préoccuper du vê-
tement. Le Père, qui en donne un magnifique au lis des
champs, n'en laissera pas manquer ses enfants, et, à
plus forte raison, prendra soin de leur corps, qui est
plus que le vêtement. Matth., vi,25; Luc, xn,23. L'un
des moyens dont Dieu se sert pour accomplir sa pro-
messe estla charité des plus fortunés. L'homme juste
ne manque pas de donner un vêtement à celui qui est
nu. Ezech., xvm, 7, 16; Tob., I, 20; iv, 17. Le Sauveur
récompensera au jugement celui qui, dans la personne
du pauvre, l'aura vêtu quand il était nu. Matth., xxv,
36-40.
V. Faits historiques. — Les Hébreux, sur l'ordre de
Dieu, demandèrent aux Égyptiens des vêtements, juste
rémunération de tant de durs travaux qu'ils avaient
exécutés pour eux. Exod., ni, 22; xn, 35, 36. — Il est
remarqué, comme une chose extraordinaire et provi-
dentielle, que les vêtements des Hébreux ne s'usèrent
pas pendant le séjour au désert. Deut., vm,4,xxrx,
5; II Esd., ix, 21. — Isaïe, m, 6, prévoit une époque
telle, qu'on dira à quelqu'un : «. Tu as un manteau, sois
2411
VÊTEMENT
VEUVE
2412
notre chef. » La misère sera si grande, que le fait
d'avoir un manteau mettra hors de pair. — A Joppé,
Tabitha confectionnait des tuniques et des vêtements
pour les veuves. Act., ix, 39. — Les Apôtres recom-
mandent aux chrétiens d'éviter la recherche dans les
vêtements. ITitn., n, 9; I Pet., m, 3. Notre-Seigneur
avait conseillé à ses Apôtres, en les envoyant en mis-
sion, de n'avoir pas deux tuniques. Marc, vi, 9.
VI. Métaphores. — Les Israélites infidèles tissaient
des toiles d'araignée qui ne pouvaient leur servir de
vêtement, Is., lix, 6, c'est-à-dire formaient de vains
projets qui n'aboutissaient à rien. — Certains biens ou
certains maux qui s'attachent à l'homme sont compa-
rés à des vêtements. C'est ainsi qu'on est revêtu de
justice, Job, xxix, 14; Ps. cxxxu (cxxxi), 9, de salut,
Ps. cxxxn (cxxxij, 16; Is., lxi, 10, de gloire, Eccli.,
vi, 32; xlv, 9; Is.,Lit, 1, de force, Is., lii,1; Luc, xxiv,
49, d'immortalité, I Cor., xv, 54, de malédiction,
Ps. cix (cvin), 18, de honte. Ps. xxxv (xxxiv), 26 ;
cix (cvm), 29; cxxxn (cxxxr), 18; I Mach., i, 29. Dieu
lui-même se revêt de vengeance contre ses ennemis.
Is., Lix, 17. — Il est recommandé au chrétien de re-
vêtir le nouvel homme, Eph., iv, 24; Col., m, 10, qui
est Jésus-Christ lui-même. Rom., xm, 14; Gai., m,
27. — Saint Paul appelle le corps le vêtement de l'âme.
II Cor., v, 3, 4. — Cf. Jahn, Archeeol. bibl., dans le
Curs. compl. Scripturse Sacrée, de Migne, Paris, 1857,
t. ir, col. 902-906; Iken, Anlxquit. hebraic, p. 541-548.
H. Lesétre.
VEUVAGE (hébreu : 'almânïïf; Septante : yr,pz(a,
y w ï)peu(rc;; Vulgate: viduilas), condition de la femme qui
a perdu son mari. Chez les Hébreux, le veuvage com-
portait des vêtements particuliers, qui marquaient la dé-
solation de la veuve. Gen., xxxvm, 14, 19; Judith, x, 2;
xvi, 9. Anne, la prophétesse, sanctifiait son veuvage par
la prière et le jeûne. Luc, n, 37. Après la révolte d'Ab-
salom, qui avait pris possession des concubines de son
père, II Reg.,xvi, 22, David condamna ces dernières à
vivre dans l'état de veuvage. II Reg., xx, 3. —Au figuré,
le veuvage désigne la désolation et la ruine d'une
cité. Babylone sera réduite au veuvage. Is., xlvii, 9.
Jérusalem sera relevée de la honte du sien. Is., liv, 4.
H. Lesètre.
VEUVE (hébreu : 'almdnàh; Septante :-/r,p«; Vul-
gate : vidua), femme qui a perdu son mari.
I. Sa. condition légale. — Au point de vue des
biens, la veuve ne possédait que pour transmettre à
ses enfants. Voir Héritage, t. m, col. 610. D'après le
code d'Hammourabi, celle qui a des biens propres peut
les donner à l'un de ses fils, mais non à l'un de ses
frères. Art. 150. Celle qui a reçu de son mari un
trousseau et un douaire ne peut les aliéner, mais doit
les garder pour les transmettre à ses enfants; si elle
n'a pas reçu de douaire, elle a droit à une part d'en-
fant. Art. 171. Si elle se remarie, elle est tenue à trans-
mettre aux enfants du premier lit ce qu'elle a emporté
de sa première maison. Art. 177. Il en était à peu près
de même chez les Hébreux. La femme était toujours
la propriété d'un homme : jeune fille, elle appartenait
à son père; épouse, à son mari; veuve, aux héritiers de
son mari. II Reg., m, 7; xvi, 22; III Reg., n, 13-18.
Son avoir personnel se bornait à ce qu'elle avait ap-
porté en se mariant, spécialement ses esclaves, Gen.,
xvi, 2; xxx, 4, 9, et à ce que son mari lui donnait. Si
elle se remariait, elle n'emportait pas avec elle les biens
du mari défunt. Ainsi Abigaïl n'a que cinq esclaves
quand elle s'unit à Davjd après la mort de Nabal.
I Reg., xxv, 42. Si elle ne se remariait pas, elle pouvait
retourner chez son père, Lev., xxii, 13, ou rester avec
l'un de ses enfants. II Reg., xiv, 6, 7. Cf. Fr. Buhl,
La société israélite d'après l'A. T., trad. de Cintré,
Paris, 1904, p. 50. — La veuve recouvrait un droit que
la femme mariée n'avait pas : elle pouvait faire valide-
ment un vœu sans l'agrément de personne. Num. xxx,
10. Un prêtre ne pouvait épouser une veuve, Lev., xxi,
14, sauf celle d'un autre prêtre. Ezech., xliv, 22. Si la
veuve rentrait dans la maison de son père, elle pouvait
manger les aliments sacrés comme celui-ci, s'il était
prêtre. Lev., xxn, 13.
II. Sa situation morale. — 1» Le plus souvent, la
veuve se trouvait, à la mort de son mari, dans la situa-
tion la plus précaire, surtout s'il lui restait des enfants
en bas âge. Aussi la veuve et l'orphelin, auxquels les
auteurs sacrés associent habituellement l'étranger,
sont-ils des êtres qui se recommandent d'eux-mêmes
à la pitié. La loi défend de leur nuire, Exod., xxn, 22,
et de prendre en gage le manteau de la veuve. Deut.,
xxiv, 17. Elle veut qu'on abandonne à ces déshérités
le droit de glaner et de grappiller, Deut., xxiv, 19-21,
et qu'on les associe aux réjouissances du paiement
des dîmes, Deut., xiv, 29; xxvi, 12, 13, et des fêtes de
la Pentecôte et des Tabernacles. Deut., xvi, 11,14. Dieu
se déclare le protecteur de l'orphelin et de la veuve,
Deut., x, 18; il veut qu'on maudisse celui qui leur fait
tort. Dent., xxvn, 19. Il fait annoncer aux Israélites
que, s'ils sont infidèles, leurs femmes deviendront
veuves et leurs enfants orphelins. Exod., xxn, 24. —2°
La veuve n'avait pas toujours de proche parent pour
la défendre. Aussi était-elle à la merci des violents. On
la renvoyait les mains vides, on prenait son bœuf en
gage et on ne lui laissait rien. Job, xxn, 9; xxiv, 3,21.
Les mauvais princes et les mauvais juges la traitaient
sans pitié. Ps. xcv (xciv), 6; Sap., n, 10; Is.,i, 23; x, 2;
Jer.,vn, 6; Ezech., xxn, 7, 25; Mal., m, 5. Les idoles ne
pouvaient naturellement rien pour elle. Bar., vi, 37. A
l'époque évangélique, une veuve avait mille peines à
se faire rendre justice. Luc, xvm, 3. Les pharisiens
et les scribes vivaient aux dépens de celles qui étaient
riches. Matth., xxm, 10; Marc, xn, 40; Luc, xx, 47.
Même chez les premiers chrétiens, certaines veuves
croyaient avoir à se plaindre du sort qui leur était
fait. Act., vi, 1. — 3» Par contre, l'homme charitable
réjouissait le cœur de la veuve, Job, xxix, 13, ne lais-
sait pas languir ses yeux, Job, xxxi, 16, ne maltraitait
par la veuve et l'orphelin, Jer., xxn, 3; Zach., vn, 10,
leur faisait droit, Is., i, 17, et les visitait. Jacob., i, 27.
Dieu lui-même est le père des orphelins et le justicier*
des veuves. Ps. lxviii (lxvii), 6; cxlvi (cxlv), 9;
Prov., xv, 25; Eccli., xxxv, 17, 18 (13, 14); Jer.,XLix.
11. A l'époque des Machabées, on gardait dans le trésor
du Temple le bien des veuves et des orphelins,
II Mach., m, 10, et on leur donnait part au butin.
II Mach., vin, 28, 30. — 4» C'est par un effet du châti-
ment divin que les impies ne sont pas pleures de leurs,
veuves, Job, xxvn, 15; Ps. lxxviii (lxxvii), 64, que les
veuves se multiplient chez un peuple, Ps. cix(cvm), 9;
Jer., xv, 8; xvm, 21, et que Dieu n'a pas compassion
d'elles. Is., ix, 16. — 5» Au figuré, les villes coupables
se vantent en vain de ne pas devenir veuves. Is., xlvii, 8;
Apoc, xvm, 7. Jérusalem, la reine des nations, est
devenue veuve. Lam., i,l; v, 3; Bar., iv, 12, 16.
III. Veuves en particulier. —1° L'Ancien Testament
mentionne quelques veuves célèbres, Thamar, fille de
Juda et veuve d'Onan, Gen., xxxvm, 11; la veuve de
Thécué, II Reg., xiv, 5; la veuve de Sarepta, III Reg.,
xvn, 9; Luc, îv, 36; Judith, vm, 1. — 2» Dans le
Nouveau Testament, sont signalées Anne la prophé-
tesse, Luc, 11,37; la veuve de Naïm, Luc, vu, 12; la
veuve qui verse son obole, Marc, xu, 42; Luc, XXI,
2, 3; les veuves dont Tabitha prenait soin. Act., IX, 39,
41. — 3° Saint Paul conseille aux veuves de demeurer-
dans leur état. I Cor., vu, 8. Il prescrit les règles qui
doivent être imposées aux veuves chrétiennes. Que
celles qui ont des enfants s'occupent de leur famille,,
et que celles qui sont seules persévèrent dans la prière.
Quant à celles qui vivent dans les plaisirs, elles ne-
2413
VEUVE — VICE
2414
comptent plus pour l'Église. I Tim., v, 3-8. Certaines
veuves étaient inscrites sur le rôle de l'Eglise pour être
assistées et aussi pour remplir certaines fonctions.
Les conditions suivantes étaient requises pour l'admis-
sion de ces veuves : avoir soixante ans au moins, n'avoir
eu qu'un seul mari, jouir d'une bonne réputation au
double point de vue de l'éducation de ses enfants et de
la pratique des bonnes œuvres. I Tim., v, 9, 10. Ces
conditions montrent qu'il s'agissaitde faire de ces veuves
autre chose que de simples assistées. Avec elles com-
mençait déjà le ministère des diaconesses ou veuves,
qui se maintint quelques siècles dans l'Église pour
l'exercice de la charité et l'administration du baptême.
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903,
p. 342. SaintPaul veut que les jeunes veuves se remarient,
et que les autres, si elles ont de la famille, soient à la
charge de leurs parents et non à celle de l'Église.
I Tim., v, 11-16. H. Lesètre.
VIANDES. Voir Nourriture, t. iv, col. 1700; Ani-
maux impurs, t. i, col. 613.
VICE (hébreu :mûm; Septante : |ji(5(j.o{, irat^ixa; Vul-
gate : macula, vitium), défectuosité d'ordre physique
ou d'ordre moral.
1° Vice physique. — Certaines difformités corporelles
rendaient le lévite inapte au sacerdoce. Lev., XXI, 17-
21. Voir Prêtre, col. 645. Absalom, II Reg., xiv, 25,
et l'Épouse. Cant., iv, 7, sont signalés comme exempts
de tout défaut corporel. — L'absence de tout défaut est
également exigée dans les victimes destinées aux sacri-
fices. Lev., xxn, 20, 21, 25; Deut., xvn, 1. Voir Sacri-
fice, col. 1322. L'animal de caractère vicieux devait
être mis à mort. Exod., xxi, 29, 36.
2° Vice moral. — Les Hébreux, devenant race per-
verse et vicieuse, ne sont plus les enfants de Dieu.
Deut., xxxn, 5. Pour être sans vice, il faut diriger son
cœur vers Dieu et écarter de sa vie l'iniquité et l'in-
justice. Job, XI, 15. Dans sa confession, Job, xxxi,
1-40, énumère les vices dont il a eu soin de se préserver :
regards impudiques, mensonge et fraude, adultère,
injustice envers les serviteurs, dureté impitoyable pour
les pauvres, violence contre l'orphelin, avarice et cupi-
dité, culte des astres, haine des ennemis, inhospitalité,
hypocrisie, vol du bien d'autrui. Le Psaume xv (xiv),
2-5, signale les pratiques de vertu contraires aux vices
les plus répandus. Les prophètes font de fréquentes
énumérations des vices de leurs contemporains. Isaïe,
i, 21-23, dénonce les meurtres, les vols, la cupidité,
l'oppression de la veuve et de l'orphelin, l'orgueil et
le luxe des femmes, Is., m, 16-23, l'incurie, la dé-
bauche et l'idolâtrie des mauvais pasteurs, Is., lvi,
9-lvii, 5, le formalisme et la négligence dans le culte
de Dieu, Is., lviii, 3-14. Jérémie, v, 1-13, stigmatise
les vices qui régnent dans Jérusalem, injustice, impiété,
parjure, adultère et ceux des faux prophètes, Jer.,
xxiii, 10-15. Ézéchiel, xxm, 2-21, parle des vices qui
souillent Samarie et Jérusalem et du châtiment qui leur
est réservé. Osée, iv, 1, 2, 4, décrit ce qu'il constate
dans le pays : ni fidélité, ni charité, ni connaissance
de Dieu, on se parjure, on ment, on vole, on tue, on
commet l'adultère, on fait violence, le sang versé
s'ajoute au sang versé, « mon peuple périt, faute de
connaissance. » Amos, v, 11, 12, se plaint que le juste
est détesté et opprimé et que les jugements sont rendus
au préjudice des pauvres. Michée, H, 1, 2, menace les
grands à cause de leurs rapines et de leurs violences
contre le peuple, et les faux prophètes à cause de
leurs mensonges intéressés. Mich.,* m, 1-5. Il fait la
peinture des vices qui désolent la société et la famille.
Mich., vu, 1-6. Habacuc, l, 1-4; il, 5-15, trace un
tableau non moins lamentable. Tous les prophètes
s'accordent d'ailleurs à chercher dans l'abandon de
Dieu et dans la pratique de l'idolâtrie la cause qui
encourage et développe tous les vices. — Les Livres
sapientiaux," principalement les Proverbes et l'Ecclé-
siastique, signalent par le détail un grand nombre de
vices. L'auteur de la Sagesse, après avoir rendu l'ido-
lâtrie responsable de la propagation du vice, Sap.,
xiv, 12, 27, fait un résumé des formes qu'il revêt parmi
les impies : ignorance de Dieu, immolation des enfants,
mystères clandestins, débauches dans des rites étranges,
homicide et adultère, vol et tromperie, corruption et
infidélité, révolte et parjure, persécution, ingratitude,
souillure, crimes contre nature, rupture des mariages,
impudicité, joies folles, oracles mensongers, nulle
crainte du châtiment et idées perverses sur Dieu.
C'est tout le procès de l'idolâtrie. — Dans le Nouveau
Testament, Notre-Seigneur énumère les vices qui
viennent du cœur, d'après Matth., xv, 19 : les mauvaises
pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités,
les vols, les faux témoignages, les paroles injurieuses,
et d'après Marc, vin, 21 : les mauvaises pensées, les
adultères, les fornications, les homicides, les vols,
l'avarice, les méchancetés, la fraude, le libertinage,
l'œil malin, la calomnie, l'orgueil, la folie.
Dans sa prière orgueilleuse au Temple, le pharisien
accuse tous les autres hommes de vol, d'injustice et
d'adultère; il lui reste au moins l'orgueil. Luc., xvm,
11. — Saint Paul signale les vices qui caractérisent la
vie païenne et dont doit s abstenir la vie chrétienne. Il
déclare bannis du royaume de Dieu les impudiques,
les idolâtres, les adultères, les efféminés, les infâmes,
les voleurs, les avares, les ivrognes, les calomniateurs
et les rapaces. I Cor., vi, 9-10. Il appelle œuvres de
la chair l'impureté, le libertinage, l'idolâtrie, les malé-
fices, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les
emportements, les disputes, les dissensions, les sectes,
l'envie, les meurtres, l'ivrognerie, les excès de table et
autres choses semblables. Gai., v, 19-21. Parlant de la
charité, l'Apôtre en trace le portrait en indiquant ses
qualités et en notant les défauts qu'elle doit éviter ; elle
n'est pas envieuse ni inconsidérée, elle ne s'enfle pas
d'orgueil, ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son
intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal, ne
prend pas plaisir à l'injustice. I Cor., xm, 4-6. Aux
Romains, il décrit la vie des païens en signalant leurs
vices coutumiers, qui tous ont leur source dans la mé-
connaissance de Dieu : « Comme ils ne se sont pas
souciés de bien connaître Dieu, Dieu les a abandonnés
à leurs sens pervers pour faire ce qui ne convient pas,
étant remplis de toute espèce d'iniquité, malice, for-
nication, cupidité, méchanceté, coupables d'envie, de
pensées homicides, de querelles, de fraude, de mal-
veillance, semeurs de faux bruits, calomniateurs,
odieux à Dieu, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux
au mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence,
sans loyauté, sans affection, sans pitié. » Rom., i, 28-
31. A son disciple Timothée, saint Paul rappelle que
la loi n'est pas faite pour le juste, mais « pour les
méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs,
les irréligieux et les profanes, ceux qui maltraitent
leur père et leur mère, les meurtriers, les impudiques,
les infâmes, les voleurs d'hommes, les menteurs, les
parjures et quiconque commet tout autre crime contraire
à la saine doctrine. » I Tim., i, 9, 10. Des vices moins
graves sont à reprocher au faux docteur : «c C'est un
orgueilleux, un ignorant, un esprit malade qui s'occupe
de questions et de disputes de mots, d'où naissent
l'envie, les querelles, les propos injurieux, les mau-
vais soupçons, les discussions sans fin d'hommes qui
ont l'esprit perverti et qui, privés de la vérité, ne voient
dans la piété qu'un moyen de lucre. » I Tim., vi, 4, 5.
L'apôtre prévoit ce que deviendront un jour les hommes
opposés à la loi de l'Évangile. Ils seront « égoïstes,
cupides, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, re-
2415
VICE
VIE
2416
'belles-à leurs parents, ingrats, impies, sans affection,
-sans loyauté, calomniateurs, intempérants, cruels,
•ennemis des gens de bien, traîtres, insolents, enflés
■d'orgueil, amis des voluptés plus que de Dieu, ayant les
dehors de la piété sans en avoir la réalité. » II Tim.,
in, 2-5. Avant leur conversion, les chrétiens étaient
<( insensés, indociles, égarés, esclaves de toutes sortes
-de convoitises et de jouissances, vivant dans la mali-
gnité et l'envie, dignes de haine et se haïssant les uns
les autres. » Tit., m, 3. Saint Pierre décrit aussi cette
vie d'autrefois, dans « le désordre, les convoitises,
-l'ivrognerie, les orgies, les excès de boisson et le culte
•criminel des idoles. » IPet., iv, 2. Saint Jude, 8-16,
-fait un tableau détaillé de la vie que mènent les enne-
-mis de la doctrine du Christ, vie de honteuses souil-
lures, de blasphèmes, de bonne chère, d'inconstance,
■d'impiété et d'égoïsme. Enfin saint Jean réserve à la
-seconde mort, c'est-à-dire à la mort éternelle, « les lâches,
les incrédules, les abominables, les meurtriers, les
•impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les men-
teurs. » Apoc, xxi, 8. — Les chrétiens ont à combattre
•tous ces vices, en crucifiant leur chair avec ses passions
et ses convoitises. Gai., v, 24. Cf. Eph., rv, 31; v, 4;
»Col., m, 8. — On s'est demandé si ces énumérations
de vices, particulièrement dans saint Paul, ne laissaient
cas supposer une influence des écoles philosophiques
•grecques et surtout des stoïciens. L'influence est indé-
niable sur Phijoji, familier avec les longues énumé-
rations de vices qu'il rattache à l'amour du plaisir.
Sans doute, comme Philon, De virtut., 182, édit.
Mangey, t. u, p. 406, saint Paul fait de l'oubli de Dieu
le principe de tous les vices; mais ses énumérations
n'ont rien de systématique. Les épithètes dont il se sert
■sont quelquefois assez vagues et toujours sans prétention
philosophique. L'Apôtre, comme les autres écrivains
«acres, s'inspire bien plutôt de son expérience et du
spectacle qu'il a sous les yeux. Il ne nomme pas les
■vices dans un ordre logique, mais tels qu'ils se pré-
sentent à sa pensée ou à ses souvenirs, parfois peut-
être suivant leur influence ou leur gravilé dans le
milieu où il écrit. Ainsi procèdent l'auteur de la Sa-
gesse, les autres écrivains du Nouveau Testament, la
ûidachè, v, 1, le livre d'Hénoch, lxv, 6, 7; lxix, 3-14;
•xci, 4-8; xcix, 1-15, la Didascalie, 12, etc. Cf. Lagrange,
Le catalogue des vices dans Vépitre aux Romains,
■dans la Revue biblique, octobre 1911, p. 534-549. —
Sur les vices en particulier, voir Avarice, t, i, col. 1285;
Colère, t. n, col. 833; Fornication, col. 2314; Four-
berie, col. 2339; Fraude, col. 2398; Gourmandise, t. m,
col. 281; Haine, col. 400; Ignorance, col. 837; Impu-
dicité, col. 855 ; Incrédulité, col. 871 ; Ingratitude,
col. 877; Injustice, col. 878; Ivresse, col. 1048; Jalou-
sie, col. 1112; Luxure, t. iv, col. 436; Mensonge, col.
973; Mépris, col. 979; Moquerie, col. 1258; Oisiveté,
col. 1774; Orgueil, col. 1864; Paresse, col. 2162;
Parjure, col. 2169; Prostitution, t. v, col. 765; Ra-
pine, col. 987; Respect humain, col. 1056; Superstition,
col. 1882; Témérité, col. 2019; Vanité, col. 2376; Ven-
geance, col. 2390 ; Vol. H. Lesètre.
VICTIME (hébreu : zébaff, l.iag, mô'éd), être vivant
■qu'on immole dans un sacrifice. — L'hébreu n'a pas de
mot spécial pour désigner la victime proprement dite.
'Quand Isaac demande à son père où est la victime de
l'holocauste, le mot que la Vulgate rend par victima est
séh, 7rpd?aTov, « agneau ». Gen., xxii, 7. Les victimes
que la Sagesse immole pour les servir à ses invités
portent le nom de tébafy, Bûjia, animaux tués. Prov., ix,
2. Le zébafy. est le sacrifice, 6Wa, sacrificium, et, par
■métonymie, la victime elle-même, Is., 1, 11; Ps. LI (l),
18, spécialement la victime pacifique, zébafy seldmîm ,
offerte dans les sacrifices eucharistiques, Lev., m, 1;
rv, 10, par opposition à la minffâh, sacrifice non san-
glant, I Reg., h, 29; Ps. xl (xxxix), 7, et à l'holocauste,
'ôlàh. Voir Holocauste, t. m, col. 729, et Oblation,
t. IV, col. 1725. Le frâg, « jour de fête », est aussi parfois
la victime qu'on offre ce jour-là. Même alors les ver-
sions traduisent par èoptiri, solemnilas, dies solemnis.
Exod., xxm,18; Ps. cxvm (cxvii), 27; Mal., n, 3. Le
mô'êd a le même sens que le fydget est seniblablement
traduit. II Par., xxx, 22. — Dans le Nouveau-Testament,
la Ouata, victima ou hostia, désigne équivalemment le
sacrifice ou la victime. Marc, ix, 48; Luc, n, 24;
Act., vu, 41; Heb., ix, 26; x, 5; etc. Au désert, on n'a
point offert à Dieu de victimes et de sacrifices, <j?àyta
x«\ 8'j<r£a;, victimas et hostias. Act., vu, 42. Sur les
victimes dans les sacrifices de l'ancienne Loi, voir Sa-
crifice, t. v, col. 1322. — Les apôtres parlent de
victimes spirituelles, offertes à Dieu par la pratique
des vertus chrétiennes. Rom., xil, 1 ; Eph., v, 2; Phil.,
iv, 18; IPet., il, 5. H. Lesêtre.
VICTOIRE (hébreu: gebùrâh, «supériorité», yéSâ-
'àh, « délivrance », milhdmâh, « succès de guerre »),
succès remporté à main armée contre les ennemis. — La
victoire est la conséquence ordinaire de la guerre pour
l'un des deux partis combattants. Voir Guerre, t. m,
col. 362. Aussi la Sainte Écriture enregistre-t-elle un
grand nombre de victoires remportées tantôt par les Is-
raélites, tantôt par leurs ennemis. La victoire est souvent
appelée une délivrance, yesA'àh, I Reg., xiv,45; II Par.,
xx,17; Hab.,in, 8, quand elle soustrait les Israélites au
joug de leurs oppresseurs. Alors Dieu délivre, hôsîya',
c'est-à-dire donne la victoire. Deut., xx, 4; Jos., xxii,
4; II Reg., vin, 6, 16. La victoire, en effet, ne dépend
pas de l'effectif militaire. Ps. ixxxm (xxxii), 16, 17 ;
I Mach., m, 19. Elle n'appartient pas toujours au plus
vaillant. Eccli., îx, 11. Nul n'a droit de dire : « C'est
ma main qui m'a secouru. » Jud., vu, 2; Job, XL, 9,
14. Dieu seul a la main assez puissante pour assurer la
victoire aux autres. Ps. xliv (xliii), 4; xcvm (xcvn), 1,
et à lui-même. Is., lix, 16; lxiii, 5. Voilà pourquoi il
est dit que le Seigneur est avec celui auquel il veut
assurer la victoire. Exod., m, 12; Deut., xx, 1; Jos., i,
5; m, 7; Jud., vi, 12; etc. — On demande à Dieu de
ne pas permettre le triomphe de l'impie. Job, xvii, 4.
Le Messie viendra pour faire triompher la justice.
Matth., xii, 20. La vertu remporte la victoire et
triomphe dans l'éternité. Sap., rv, 2. La victoire de la
mort a été anéantie en droit par la résurrection du
Sauveur. I Cor., xv, 54-57. Jésus-Christ a triomphé de
toutes les puissances adverses par sa croix. Col., n, 15.
Dieu nous fait triompher nous-mêmes par le Christ,
II Cor., il, 14, et, grâce à lui, notre foi est victorieuse
du monde. I Joa, v, 4. — D'après la Vulgate, Prov., XXI,
28, « l'homme obéissant racontera sa victoire. » Le
sens est différent dans l'hébreu : « L'homme qui
écoute parlera toujours,» parce qu'il méritera toujours
d'être écouté. Septante : « L'homme obéissant et ré-
servé parlera. » L'erreur de la Vulgate, partagée par
Aquila, Symmaque et Théodotion, provient de ce qu'elle
fait dériver lânésab,, « pour toujours », du radical
chaldéen nesah, « vaincre ». H. Lesètre.
VIE (hébreu : hayim, fiayydh; chaldéen : hay), état
d'un être doué d'une activité propre et en mesure de
l'exercer. La vie appartient aux végétaux, aux animaux,
aux hommes et aux êtres purement spirituels; elle se
manifeste chez ces différents êtres par des phénomènes
particuliers. Les auteurs sacrés envisagent la vie à divers
points de vue, en Dieu d'abord, et ensuite dans l'homme,
I. En Dieu. — Dieu est vie par excellence. De toute
éternité, la vie est en lui et en son Verbe. Joa., i, 4. La
Sainte Écriture appelle souvent Dieu « le Dieu vivant ».
par opposition avec les faux dieux qui ne sont que
néant ou des êtres créés, comme les démons. Num., xiv,
2417
VIE
VIE FUTURE
2418
28; Deut., v, 26; Jos., ni, 10; I Reg., xvii, 26; Is., xxxvn,
4, 17; Dan., vi, 20; xn, 7; Ose., r, 10; Matth., xvi, 16;
xxvi, 63; Rom., ix, 26; Il Cor., m, 3; Hebr., IX, 14;
I Pet., i, 23, etc. Dieu appuie ses affirmations par la
formule « Je vis » comme s'il jurait par sa propre vie.
Deut., xxxit, 40; Rom., xiv, 11 ; etc. Cette formule revient
jusqu'à seize fois dans Ézéchiel, xiv, 16, 18, etc. La
formule « Dieu vit » est une formule de serment souvent
usitée; elle équivaut au serment fait « par la vie de
Dieu». Jud., vin, 19; Ruth, m, 13; I Reg., xix,6; xxvi,
10; II Reg., H, 27; III Reg., i, 29; Jer., v, 2; xn, 16;
Ose., IV, 15, etc. — Il ressort nettement du premier
chapitre de la Genèse que Dieu est l'auteur de toute
vie, par voie de création. Il a mis la vie dans l'homme.
■Gen., H, 7. Il la donne à tous, Act., xvn, 25, 28, et il
est maître de la vie et de la mort. Sap., xvi, 13; Eccli.,
si, 14; xxin, 1; II Mach., xiv, 46.
II. Dans l'homme. — 1° Vie physique. — Cette vie ré-
sulte de l'union de l'âme et du corps, et elle cesse par
la mort. Elle est fragile et éphémère, Deut., xxvni, 66;
Job, vu, 7; xxiv, 22; Jacob., iv, 15; elle est remplie
d'épreuves, Job, m, 20; vu, 1; Sap., n, 1, 3; xv, 9;
Eccli., x, 11, et les meilleurs sont amenés parfois à la
prendre endégoùt. Gen., xxvn, 46; Exod., i, 14; Job, ix,
21; x, 1; Eccle., H, 17; II Cor., i, 8. C'est une chose
fluide, héléd, ûjtônTaucç, subslantia, Ps. xxxix (xxxvm),
6; lxxxix (lxxxvih), 48; un souffle, chaldéen :nisûmâ\
ttvo/i, flatus, Dan., v, 23; un bien qu'on ne peut pos-
séder qu'une fois, ya!ûd, [iovoYEvrjç, unica, V « unique ».
Ps. xxii (xxi), 21; xxxv (xxxiv), 17. Sa conservation
s'appelle«i!/ij/d/i, Çwr,, Çwentoîr.cuç, salus, vita. Gen., xlv,
5; II Par., xiv, 12; I Esd., ix, 8, 9. On la demande à
Dieu, Ps. xxvi (xxv), 9; I Esd., vi, 10, qui l'accorde,
Ps. cm (en), 4; etc. Car on aime naturellement la vie
et les longs jours, Ps.xxxiv(xxxm), 13, qu'il faut cepen-
dant sacrifier au devoir. II Mach., VI, 20. Les années
sont parfois appelées les « jours », ydmîm, guipai, dies,
Gen., xxiv, 1; Jos., xm, 1; Job, xxxn, 7; etc., et les
vieillards meurent « rassasiés de jours ». Gen., xxxv,
5, 29; Job, xlii, 17; etc. Voir Longévité, t. iv, col. 355.
Le respect de la vie humaine est prescritpar la loi divine.
Voir Homicide, t. ni, col. 740. On jure par sa vie ou par
la vie d'un autre. Gen., xlii, 15, 16; I Reg., i, 26; xvn,
55; cf. I Reg., xxv, 6. — Elre à quelqu'un « à la vie
•et à la mort », c'est lui être irrévocablement dévoué.
II Reg., xv, 21; II Cor., vu, 3. Le « livre des vivants »
désigne l'ensemble des hommes qui vivent, Ps. lxix
(lxviii), 29, et la « terre des vivants » est celle sur la-
quelle se meuvent les hommes qui vivent, par opposi-
tion avec ceux qui sont descendus au schéol. Is., xxxvm,
11; Jer., XI, 19; Ezech., xxvi, 20; etc. Sur l'arbre de
vie, Gen., n, 9; Apoc, n, 7; xxii, 2, voir Arbres de
la vie ET DE LA. science, t. i, col. 895. L'expression
kâ'êf hayyàh, « au temps de la vie », que les versions
traduisent par ei; wpot;, wç r) wpa Z,S>aa, vita comité, si
vita cornes fuerit, Gen., xvin, 10, 14; IV Reg., iv, 14,
est expliquée par plusieurs dans ce sens : « Quand ce
temps revivra, » c'est-à-dire dans un an, idée que n'im-
plique pas le mot hayyâk. D'autres entendent ce « temps
de la vie » du temps de l'enfantement, du terme de la
grossesse, c'est-à-dire du temps où l'enfant vient à la
vie. Cette seconde explication est plus naturelle et plus
.probable. Cf. De Hummelauer, In Genesim, Paris, 1895,
p. 408.
2° Vie morale. — L'âme a sa vie propre, par laquelle
elle est immortelle; mais cette vie n'est une vraie vie
qu'autant que l'âme conforme ses actes à la volonté de
Dieu. Ainsi Dieu met devant Israël « la vie et le bien,
la mort et le mal,... la vie et la mort, la*hénédiction et
la malédiction. » Deut., xxx, 15, 19. « La mort et la
vie sont au pouvoir de la langue, » Prov., xvin, 21,
parce que l'homme se montre bon ou mauvais dans ses
paroles. Cf. Eccli., xv, 18; Jer., xxi, 8. Moïse a donné
à son peuple la loi de la vie. Eccli., xlv, 6. Dieu est la
source de cette vie. Ps. xxxvi (xxxv), 10. Ses préceptes
i sont les sentiers de la vie. Ps. xvi (xv), 11; Prov., n,
19; v, 6; x, 17; xv, 10; Act., n, 28; Bar., m,»9; Ezech.,
xxxiii, 15. Les conditions de cette vie sont la sagesse,
Prov., vin, 35; xvi, 22; Eccli., iv, 12-14; Bar., iv, 1;
Rom., vin, 6; la justice, Prov., xn, 28; xxi, 21; la
crainte de Dieu, Prov., xiv, 27; xix, 23; xxn, 4. Les
Livres sapientiaux rappellent les régies de la vie mo-
rale et leurs diverses applications. Il n'est donc pas vrai
que la vie présente soit un pur amusement, comme le
prétendent les impies. Sap., xv, 12.
3° Vie surnaturelle. — La vie morale de l'homme
n'est possible qu'avec le secours de Dieu. Le Nouveau
Testament met cette idée en pleine lumière et assigne
à la vie chrétienne un caractère essentiellement suriHf-
turel. Jésus-Christ se présente aux hommes comme la
source de cette vie. Il a la vie en lui, Joa., v, 26, il est
lui-même la vie, Joa., xiv, 6; il a les paroles dévie,
Joa., vi, 64, 69; Eph,, v, 26; il est le pain de vie, Joa.,
vi, 35, 48, 52, 55, et fait jaillir les eaux de la vie. Joa., iv,
10, 11; vu, 38. Il est venu pour communiquer la vie.
Joa., x, 10, et il la donne au monde. Joa., vi, 33. La
connaissance de Dieu et de son Fils, Joa., xvn, 3, et
la pratique des commandements sont la condition de
cette vie. Joa., xn, 50. — Les Apôtres tirent les consé-
quences de ces affirmations du Sauveur. La vie de
Jésus est la cause du salut de l'homme. Rom., v, 10;
II Cor., iv, 10, 11. Le chrétien vit pour Dieu dans le
Christ, Rom., vi, 11; xiv, 8, d'une vie cachée dans le
Christ, Col., m, 3, et dans l'Esprit. I Pet., iv, 6. Le
Christ est sa vie, Phil., i, 21, et le Christ vit en lui.
Gai., n, 20. C'est la vie de Dieu, Eph., iv, 18, et une
vie toute nouvelle, Rom., vi, 4, que le chrétien doit
vivre au milieu du monde, Tit., n, 12, bien qu'elle
attire sur lui la persécution. II Tim., m, 13. Cette vie
échappe aux sens et à la raison et « le juste vit de la
foi. » Rom., i, 17; Gai., m, 11; Hebr., x, 38. Cf. Hab.,
n, 4.
4° Vie future. — Elle est affirmée dès l'Ancien Tes-
tament. Tob., n, 18; xn, 9; Dan., xn, 2; II Mach., vu,
9, 14. Jésus-Christ est lui-même la résurrection et la
vie. Joa., xi, 25. Voir Ame, t. i, col. 466-472; Résurrec-
tion des morts, t. v, col. 1064. Dieu est le « Dieu des
vivants », c'est-à-dire de tous les hommes, même
quand ils sont passés dans l'autre vie. Matth., xxn, 32;
Marc, xn, 27; Luc, xx, 38.
5° Vie glorieuse. — C'est la vie des âmes justes dans
l'éternité. Les justes ressusciteront pour la vie, Joa., v,
29, et ils jouiront de la vie éternelle. Rom., n, 7. Cette
vie aura le caractère de récompense pour ceux qui y
auront été prédestinés, Act., xm, 48, qui auront s.uivi
la voie étroite par laquelle on y arrive, Matth., vu, 14,
qui auront tout sacrifié pour elle, Matth., xvin, 8, 9;
Marc, îx, 42, 44, et qui auront observé fidèlement les
commandements. Matth., xix, 17, 29; Marc, x, 17, 20;
Luc, x, 25; xvin, 18, 30. Voir Récompense, t. v, col.
1004. Par Jésus-Christ seul on arrive à cette vie glorieuse.
Joa., m, 15, 16, 36; iv, 14; v, 24, 40; vi, 40, 47 ; x, 28;
xvn, 2; Rom., vi, 23; Col., m, 4; I Joa., v, 11. Le
« livre de vie » comprend tous ceux qui ont atteint ou
doivent atteindre la vie éternelle. Phil., IV, 3; Apoc,
m, 5; xm, 8; xvn, 8; xx, 12, 15; xxi, 27; xxn, 19. Sur
la nature de la vie glorieuse, voir Ciel, t. n, col. 752.
H. Lesètre.
VIE FUTURE. Les saints après leur mort, quand ils
sont purifiés de toute souillure, jouissent du bonheur
du ciel. Voir Ciel, t. n, col. 752-756. Ceux à qui il reste
quelque chose à purifier achèvent leur purification
dans le purgatoire. Voir Purgatoire, col. 877-879.
Ceux qui ont le malheur de mourir en état de péché
mortel sont condamnés aux peines de l'enfer. Voir
Enfer, t. n, col. 1795-1796. Cf. Vie, 4».
2419
VIEIL HOMME
VIEILLESSE
2420
VIEIL HOMME, état d'âme de celui qui n'est pas
encore régénéré par la grâce. — Saint Paul se sert de
cette expression pour caractériser la situation morale de
la race d'Adam prévaricateur, par opposition avec celle
de Jésus-Christ rédempteur. « Comme, parla désobéis-
sance d'un seul homme, tous, malgré leur nombre,
ont été constitués pécheurs, de même aussi par l'obéis-
sance d'un seul, tous, malgré leur nombre, seront
constitués justes. » Rom., v, 18, 19. Cf. Prat, Théologie
de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 299. L'héritage du
premier, avec la concupiscence et le péché, constitue
le vieil homme; l'héritage du second, avec la vie de la
grâce, constitue l'homme nouveau ou intérieur. Saint
Paul explique que, par le baptême, le chrétien reçoit
une nouvelle vie, après que le vieil homme a été cru-
cifié et que le péché a été ainsi détruit en lui. Rom.,
VI, 4-6. La vieille vie disparaît alors pour faire place à
un esprit nouveau. Rom., vu, 6. Le chrétien doit donc
cesser de se conformer au siècle présent, pour se trans-
former par le renouvellement de l'esprit, Rom., xn, 2,
et devenir ainsi l'homme intérieur. Rom., vu, 22. Par
son sang, Jésus-Christ a créé l'homme nouveau, Eph.,
Il, 15, et son Esprit fortifie l'homme intérieur. Eph.,
m, 16. On ne comprend vraiment le Christ et son
œuvre que si l'on renonce à sa vie passée, en se
dépouillant du vieil homme, corrompu par des convoi-
tises trompeuses, pour revêtir l'homme nouveau, créé
selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables.
Eph., iv, 22-24. Le Christ est tout en tous, Grecs ou
Juifs, s'ils dépouillent le vieil homme avec ses œuvres,
pour revêtir l'homme nouveau, qui se renouvelle fans
cesse à l'image de celui qui l'a créé. Col., ni, 9-11.
Quiconque est ainsi en Jésus-Christ est une nouvelle
créature, pour laquelle les choses anciennes, qui con-
stituaient le vieil homme, sont passées et remplacées
par quelque chose de tout nouveau, la vie de Jésus-
Christ dans l'âme régénérée. II Cor., v, 17. Il importe
donc fort peu d'être circoncis ou incirconcis; « ce qui
est tout, c'est d'être une nouvelle créature. » Gai., vi,
15. De ces'différents textes, il résulte que le vieil homme
désigne l'héritage d'Adam se perpétuant en chacun
par les instincts pervers ou purement naturels et abou-
tissant au péché, tandis que l'homme nouveau est
constitué par la vie divine qui, de Jésus-Christ, passe
au chrétien et se traduit en actes surnaturellement
bons. H. Lesêtre.,
VIEILLARD (hébreu : zàqên, et celui qui a des che-
veux blancs : ydsis,ydsês, sàb ; chaldéen : 'affiq), celui
qui est avancé en âge. — l°Les vieillards n'ont des en-
fants que par miracle. Gen., xvm, 11; IV Reg., iv, 17;
Luc, 1,18; etc. Ils sont, comme les enfants, à l'une des
extrémités de la vie, si bien que par l'expression « des
enfants aux vieillards», on comprend tous les hommes.
Gen., xix, 4; Exod., x, 9; Deut., xxxh, 25; Jos., VI, 21;
Esth.,m, 13;Ps. cxlix(cxlviii),12; Jer.,xxxi,13;Li,22;
Lam., il, 21; Jo.,ll, 16. C'est une malédiction que dans
une famille il n'y ait pas de vieillards. I Reg., Il, 31 32.
Isaïe, LV, 20, annonce qu'à l'époque de la restauration
spirituelle, il n'y aura plus de vieillard qui n'accom-
plisse tout son temps. — 2" L'expérience est la cou-
ronne des vieillards. Eccli., xxv, 8. Aussi, bien qu'il y
ait des vieillards insensés, Eccli., xxv, 4, et qu'un roi
trop vieux ne soit pas désirable, Eccle., îv, 13, c'étaient
les vieillards ou anciens qui exerçaient l'autorité chez
les Hébreux dans toutes les questions qui ne ressortis-
saient pas au pouvoir royal. Voir Anxiexs, 1. 1, col. 554.
— 3° La loi ordonnait de respecter et d'honorer le
vieillard. Lev., xix, 32. De fait, le chef de famille
gardait l'autorité pleine et entière sur tous les siens
jusqu'à sa mort. Là où il y a des vieillards, le jeune
homme doit être sobre de paroles. Eccli., xxxn, 13 (9).
Saint Paul ne veut pas que l'évêque reprenne le vieillard
1 avec rudesse, mais qu'il l'avertisse comme un père,
I Tim., v, 1. Il doit recommander aux vieillards d'être
sobres, graves, circonspects, saints dans la foi, la cha-
rité et la patience. Tit., n, 2. Les jeunes gens doivent
être soumis aux anciens. JPet.,v, 5. — 4° Les vieillards
du temps de Zorobabel pleuraient en se rappelant les
magnificences de l'ancien Temple. I Esd., m, 12. —
Parmi les vieillards indignes de leur âge, la Sainte
Écriture signale les deux accusateurs de Suzanne,
Dan., xiii, 5-50, et ceux de la femme adultère. Joa.,
vin, 9. H. Lesétre.
VIEILLESSE (hébreu : zoqên, ziqnâh, sêb; Septante :
Yr,paç, yftgac, itp£<jge?ov), état de celui qui compte de
nombreuses années de vie. Voir Longévité, t. iv,
col. 355.
1° Ses caractères. — La vieillesse entraîne d'ordi-
naire avec elle un affaiblissement général des organes,
des forces, de la santé et quelquefois des facultés. On
remarque que, malgré son âge, Moïse avait gardé sa
vue et ses forces. Deut., xxxiv, 7, Mais, par suite de la
vieillesse, Isaac etle prophète Ahias devinrent aveugles,
Gen., xxvn, 12; III Reg., xiv, 4, David ne pouvait
plus se réchauffer, III Reg., i, 1, et le roi Asa fut
podagre. III Reg., xv, 23. Le grand-prêtre Héli n'avait
plus l'énergie nécessaire pour corriger ses fils, I Reg.,.
II, 22-26, et les Israélites, en voyant se prolonger la
vieillesse de Samuel, demandèrent un roi. I Reg., vm,
1. Tobieet sa femme, devenus vieux, appellent leur fils
leur « bâton de vieillesse ». Tob., v, 23; x, 4. La femme
n'enfante plus dans la vieillesse. L'enfantement de
Sara, Gen., xxi, 2, et d'Elisabeth, Luc, i, 36, sont pré-
sentés comme des faveurs divines. Si la vieillesse amène
des infirmités, elle-même vient prématurément chez
ceux qui ont beaucoup de soucis. Eccli., xxx, 26 (24).
— L'Ecclésiaste, xn, 2-7, a laissé une description sym-
bolique de la vieillesse : « Avant que s'obscurcissent le
soleil et la lumière, la lune et les étoiles (symbole de
tristesse), et que les nuages reviennent après la pluie
(peines sur peines), temps où tremblent les gardiens
de la maison (les bras), où se courbent les hommes
forts (les jambes), où celles qui moulent s'arrêtent
parce que leur nombre est réduit (les dents), où sont
obscurcis ceux qui regardent par les fenêtres (les yeux),
où les deux battants de la porte se ferment sur la rue
(les lèvres), tandis que s'affaiblit le bruit de la meule
(la parole devenant difficile), où l'on se lève au chant
de l'oiseau (le sommeil court), où disparaissent toutes
les filles du chant (les sons que n'entendent plus les
oreilles), où l'on redoute les lieux élevés (à cause de la
difficulté de monter), où l'on a des terreurs dans le
chemin (en prévision des obstacles), où l'amandier
fleurit (les cheveux blancs), où la sauterelle devient
pesante (les talons s'appesantissent), où la câpre n'a
plus d'effet (l'impuissance de rien produire), voir Câpre,
t. il, col. 222; car l'homme s'en va vers la demeure
éternelle et les pleureurs parcourent les rues; avant
que se rompe le cordon d'argent (le fil de la vie), que
se brise l'ampoule d'or (la vie dont le fil est brisé),
que le seau se détache sur la fontaine, que la poulie
se casse dans la citerne (le corps, que l'âme ne sou-
tient plus, s'abîme dans le tombeau), et que la pous-
sière, retournant à la terre, redevienne ce qu'elle
était, pendant que l'esprit retourne à Dieu qui l'a
donné. » Cf. Rosenmûller, Koheleth, Leipzig, 1830,
p. 226-241.
2» Ses prérogatives. — La vieillesse a l'expérience et
la sagesse, du moins chez le juste. Ps. xxvn (xxvi), 25;
xcn (xci), 15;' Eccli., xxv, 5 (4). Les cheveux blancs
sont une couronne d'honneur. Prov., xvi, 31. Il ne faut
donc pas mépriser la vieillesse, Eccli., vin, 7 (6), sur-
tout dans son père, Eccli., m, 14 (12), et dans sa mère.
Prov., xxni, 22. Toutefois, la vieillesse des impies ne
2421
VIEILLESSE
VIGNE
2422
mérite nul honneur. Sap., m, 17. La vraie vieillesse,
c'est celle que confère la vertu, quel que soit d'ailleurs
l'âge de celui qui fait le bien. Sap., îv, 8, 9; Dan., xm,
50. Le juste demande que Dieu ne le réjette pas au
jour de sa vieillesse. Ps. lxxi (lxx), 9, 18.
H. Lesêtre.
VIERGE (hébreu : befûldh; Septante : itapOsvo;),
celle qui est restée étrangère à toute union corporelle.
Elle est aussi appelée quelquefois na'ârâh betûlâh,
Tiatç irapôivoç, puella virgo, jeune fille vierge. Deut.,
xxii, 23, 28; Jud., xxi, 12. Voir également 'Almah,
t. i, col. 390. — 1° La législation. — La vierge était
particulièrement exposée à la séduction ou à la vio-
lence. Gen., xxxiv, 2; II Reg., xm, 2. La législation
prend des mesures pour la protéger. L'homme qui
séduit une vierge non fiancée et abuse d'elle, doit lui
payer sa dot et l'épouser. Si le père s'y refuse, le cou-
pable doit néanmoins lui payer la dot. Çxod.,xxn, 16,
17. La séduction de la vierge déjà fiancée revêtait un ca-
ractère plus grave, celui de l'adultère, passible de la
lapidation pour l'un et l'autre, si la vierge n'avait pas ap-
pelé au secours. Deut., xxn, 23, 24. Cf. Eccli., xlii, 10.
Cette dernière était indemne si tout était arrivé contre son
gré, et le séducteur seul était alors puni de mort. Deut.,
xxn, 25-27. Une disposition postérieure interdisait la ré-
pudiation à celui qui avait épousé la vierge violentée par
lui. Deut., xxn, 28, 29. — Le prêtre avait le droit de
porter le deuil de sa sœur encore vierge et vivant auprès
de lui. Lev.,xxi, 3. Il ne pouvait épouser qu'une vierge.
Lev., xxi, 13; Ezech., xliv, 32. — La loi morale interdit
de jeter les yeux sur une vierge, de manière à exciter
la passion ou à susciter des ressentiments. Job, xxxi,
1; Eccli., ix, 5. — Au sujet des vierges chrétiennnes,
saint Paul formule, non des règles, mais un conseil.
Il déclare la virginité préférable, dans l'un et l'autre
sexe, parce qu'elle permet de se consacrer exclusive-
ment aux choses de Dieu. Celui qui croit devoir marier
sa fille, fait bien; celui qui, de son plein gré, et aussi
du gré de sa fille, veut la garder vierge, fait mieux.
I Cor., vu, 25-38. A propos de ce texte, on a supposé
en usage dans la primitive Église la vie commune
entre un chrétien et une vierge faisant profession de
demeurer telle. Cf. H. Achelis, Virgines subintroductse,
Leipzig, 1902. Mais le texte de saint Paul parle seule-
ment d'un père qui marie ou ne marie pas sa fille, et
nullement d'un chrétien quelconque qui peut avoir
l'idée de vivre avec la vierge. Les « femmes-sœurs »
qui accompagnent les Apôtres, I Cor., ix, 5, ne sont
pas de jeunes vierges, mais des veuves ou au moins
des personnes d'un certain âge, comme le suppose le
mot yvvïÎ. Cf. Cornely, !*■ ad Cor., Paris 1890, p. 241.
— 2°ies faits. — Les Hébreux épargnèrent les vierges
des Madianites, Num.,xxxi,18, et quatre cents vierges
de Jabès de Galaad, pour en faire des épouses. Jud.,
xxi, 12. D'autres fois, les vierges étaient indignement
traitées et emmenées captives par les ennemis. Judith,
ix, 2; xvi, 6. Elles peuplaient la cour du prince, Ps.
xlv (xliv), 15, et le harem du roi de Perse. Esth., n,
2. On les sacrifiait parfois à un intérêt jugé supérieur.
Jud., XI, 39; xix, 24. — Les vierges demeuraient ordi-
nairement confinées dans les maisons. II Mach., 111,19.
Notre-Seigneur met en scène, dans l'une de ses para-
boles, cinq vierges sages et cinq vierges inconsidérées,
à l'occasion d'un festin de noces. Matth., xxv, 1-12. —
Au ciel, les vierges suivront partout l'Agneau de Dieu.
Apoc, xiv, 4. — 3° Les métaphores. — Les écrivains
sacrés désignent sous le nom de « vierge » des villes
ou des nations : « la vierge, fille de mon peuple, » Jer.,
xiv, 17, « la vierge d'Israël, » .1er., xvm, 13; xxxi, 4,
21; Am., v, 2, « la vierge, fille de Juda, » Lam., i, 15,
« la vierge, fille de Babylone, » 1s., XL vu, 1, « la vierge,
:fille de l'Egypte. » Jer., xlvi, 16. — Saint Paul appelle
son église de Corinthe « une vierge pure » qu'il a
fiancée à un époux unique, le Christ. II Cor., xi, 2.
— La Sagesse est à la fois une mère et une épouse
vierge, yuvt) itapSevîaç, muliera virginilate, en hébreu:
'êSép nëûrîm, « l'épouse de la jeunesse ».
H. Lesêtre.
VIGILANCE, soin qu'on apporte à se tenir attentif
pour remplir dignement son devoir. — On veille sur
des mausolées, Job, xxi, 32, sur des objets précieux,
I Esd., vin, 29, sur des troupeaux, Luc, H, 8, etc. On
veille en vain sur une cité, si Dieu ne la garde. Ps.
cxxvii (cxxvi), 1. — Dieu veille pour exercer soit sa
miséricorde, soit sa justice. Jer., xxxi, 28; xliv, 27;
Bar., il, 9; Dan., ix, 14. Dans une vision, Jérémie voit
rnaqqèl sàqêd, « une branche d'amandier », et le Sei-
gneur, jouant sur le mot sàqêd, lui répond : soqêd, je
veille sur ma parole pour l'accomplir. Jer., i, 11, 12.
— Il y a grand avantage à veiller pour acquérir la
sagesse. Prov., vin, 34; Sap., vi, 15. L'Épouse dort,
mais son cœur veille, c'est-à-dire reste fidèle à ses
pensées et à ses affections. Cant., v, 2. — Notre-Sei-
gneur recommande instamment de veiller et de prier,
pour ne pas succomber à la tentation, Matth., xxvi,
38-41; Marc, xiv, 34-38, pour échapper aux maux à
venir, Luc, xxi, 36, pour se disposer à l'heure incon-
nue de la mort. Matth., xxiv, 42, 43; xxv, 13; Marc,
xm, 33-37; Luc, xn, 37-39; Apoc, m, 2, 3. Les Apôtres
répètent le même avis. Eph.,vi, 18; Col., iv, 2;IPet.,
iv, 7. Ils veulent qu'on joigne à la vigilance la fermeté
dans la foi, 1 Cor., xvi, 13; Act., xx, 31, et la sobriété.
IThess., v, 6; I Pet., v, 8. Le ministre de Dieu doit
être spécialement circonspect. II Tim., iv, 5. Sur ceux
qui veillent et conservent leurs vêtements, Àpoc, xvi,
15, voir col. 503, 3». H. Lesêtre.
VIGNE (hébreu : géfen; Septante : atAmXo;; Vul-
gate : vitis, vinea), arbrisseau qui produit le raisin.
I. Description. — La seule espèce végétale qui mé-
rite proprement ce nom est celle qui, de temps immé-
morial, a fourni le vin. Elle appartient à la famille des
Ampélidées, parmi les Dialypétales disciflores, for-
mée tout entière d'arbrisseaux à entrenœuds longs et
llexibles, ayant pour fruits des baies pluriloculaires.
Les fleurs sans éclat, mais douées d'une odeur péné-
trante, sont groupées en cymes fournies, connues vul-
gairement sous le nom de grappes : elles ont un calice
presque nul, formé de quatre ou cinq dents peu sail-
lantes, autant de pétales à préfloraison valvaire, avec
des étamines superposées.
La vraie vigne, Vitis vinifera Linné, fig. 549, est
aussi la seule espèce de l'Ancien Monde composant ce
genre. Elle se distingue de ses congénères Cissus et
Ampélopsis A" par la singulière cohérence des pétales
qui, au lieu d'avoir leur pointe libre, l'ont soudée en
capuchon, ce qui fait que la corolle, au moment de
l'anthèse, se détache d'une seule pièce en forme
d'opercule convexe, puis d'une petite étoile après
qu'elle s'est étalée : 2° par les vrilles oppositifoliées,
vérilables inflorescences stériles, à ramifications allon-
gées, "nues et peu nombreuses, accrochantes par leur
extrémité, montrant d'ailleurs tous les intermédiaires
qui les rattachent aux grappes fructifères. Les pre-
mières feuilles basilaires en sont dépourvues, ainsi
que plusieurs des suivantes se succédant par périodes
régulières de trois en trois. Ces productions avortées
sont les seules à se montrer sur les pousses issues du
vieux bois, aussi la taille a-t-elle pour objet de régula-
riser la naissance des sarments sur les branches de
l'année précédente, condition indispensable de leur
fertilité.
La tige principale, recouverte par les débris fibril-
leux de l'écorce qui se renouvelle tous les ans, peut
atteindre une grande longueur, surtout grâce à l'appui
des arbres ou d'autres soutiens artificiels, mais elle
•2423
VIGNE
2424
est toujours faible et formée d'un bois mou, bon
seulement pour le feu. Les feuilles distiques, larges et
palminervées, présentent cinq à sept divisions de pro-
fondeur très variable, presque lancinées dans le type
sauvage. Chez ce dernier les fruits petits et acerbes
deviennent beaucoup plus gros par la culture et se
gorgent d'une pulpe sucrée. Ils renferment les graines
ou pépins , formés par un petit embryon dans un
albumen corné et protégé lui-même par un testa
osseux. À l'état naturel, ces baies sont saupoudrées sur
leur pellicule par les germes du ferment alcoolique
ou Saccharomyces dont les cellules dormantes repas-
sant à l'état de vie active dans la cuve où l'on écrase
la vendange ont pour rôle de transformer le moût en
vin.
La vigne paraît spontanée dans la partie orientale de
la région méditerranéenne : ailleurs, elle est seulement
sortie des cultures et disséminée par les oiseaux. Du
549. — Vitis vinifera.
Teste, introduite dès la plus haute antiquité sous tous
les climats où les étés sont assez chauds pour produire
habituellement la maturité des raisins, elle a par suite
donné naissance à d'innombrables variétés distin-
guées surtout par la saveur et la coloration des fruits.
F. Hy.
II. Exégèse. — 1° Noms. — La vigne se nomme
ordinairement géfén (assyrien : gupnu; arabe : iafri).
Le mot èorêq (arabe : surik) est employé pour dési-
gner une vigne de choix, Is., v, 2; Jer., H, 21, ou bien
il sert dans le parallélisme de synonyme à géfén; Gen.,
xlix, 11; Is., xvi, 8. Dans Lev., xxv, 5, 11, nàzir
•exprime une vigne non émondée, par allusion au
nâzîr (Vulgate : nazarœus ; Num., vi, 18), dont la che-
velure ne devait pas être coupée. Dans certains cas,
géfén désigne spécialement le cep ou tronc de la vigne,
Gen., xlix, n, en rapport avec les sàrxgim, Gen., xl,
10-12; Joel,l, 7, les branches ou sarments, ou bien avec
les Seluhôt, «r provins ». Is., xli, 8. Cf. Joa., xv, 1-5.
— Les 'askelôt sont les grappes, Is., lxv, 8; Mich., vu,
1; Cant., vu, 9. Comme il, peut y avoir des 'askelôt,
« grappes », de henné ou cypre, Cant., i, 14, on trouve
souvent l'expression plus précise 'aHkelôf 'ânâbim,
« grappes de raisins », Num., ni, 23, ou 'askelôt
géfén, « grappes de vigne », Cant., vu, 9, ou celle-ci équi-
valente, « les grappes, 'askelôt, ont mûri leurs raisins. »
■Gen., xl, 10. Cependant le mot peut s'employer seul :
le contexte plus ou moins éloigné suffit à préciser le
sens. — 'Éndb (assyrien : enbu; arabe : inab), le grain
de raisin, est employé d'ordinaire au pluriel, 'ânâbim.
Le bôsér est la grappe encore verie, non mûre. Job, XV,
33; Jer., xxxi, 29-30; Ezech., xvm, 2. Dans le grain de
raisin, 'ëndb, on distingue zdg, la peau, et harsannîm,
les pépins. Num., vi, 4. Le raisin sec se dit simmvq.
I Reg., xxv, 18. Semddar est la fleur de la vigne,
oivtti6>), Cant., h, 13, 15; vu, 13. La traduction de la
Vulgate dans ce dernier passage semble plutôt avoir
vu dans ce mot la première formation du fruit, le
raisin encore vert. — Une certaine quantité de pieds
de vigne forme le kéréni (cf. assyrien : karanu), le
vignoble. Le kéréni est originairement le lieu où l'on
plante la vigne, mais comme souvent on y mêlait des
figuiers, ce mot s'est entendu par dérivation d'un lieu
planté de figuiers ou d'oliviers, d'un verger. Dans
Jud., xv, 5, la. Vulgate a séparé les deux mots et rendu
par vineta et oliveta, le kérem zait, plantation d'oli-
viers. Kérem se prend aussi pour la vigne elle-même :
Aussi un kôrêm est un vigneron. Joël, i, 1 ; Is., lxi, 5.
— Avec le mot kérém se sont formés des noms de lieu,
par exemple: 'Abël-Kerâmim, le pré des vignes, que
la Vulgate rend par Abel quse est vineis consita.
Jud., XI, 33, — Le jus qui est sorti du ënâb ou grain
de raisin, et qui n'est pas encore fermenté est le 'dsîs,
Joël, i,5; iv, 18, oufiroS, Deut., xxxn, 28; IV Reg.,xvui,
32, Is., xxxvi, 17; lv, 31, s vin doux, moût ». Le
liquide exprimé qui a fermenté forme le vin propre-
ment dit, yain, ou poétiquement hémér.
2° Pays vignobles. — La vigne croît spontanément
dans l'Asie occidentale tempérée. En Arménie, dans la
région au sud du Caucase et de la mer Caspienne, et
dans celle de l'Oxus, la vigne pousse des rameaux
vigoureux qui s'attachent aux arbres des forêts jus-
qu'aux sommets les plus élevés et donne des fruits
excellents sans qu'il soit nécessaire de la tailler et de
la cultiver. « Dans la Margiane (portion de la Bactriane),
dit Strabon, 1. II, c. i, 14, le pays abonde en vignes,
et on y trouve des ceps si gros qu'il faut deux hommes
pour les embrasser, ainsi que des grappes de raisins
de deux coudées de longueur. » Il est intéressant de
constater, que la région de l'Ararat où la Bible place
Noé au sortir de l'Arche, et où il cultive la vigne,
Gen., ix, 20, est regardée comme l'endroit où se tou-
chent les trois rameaux principaux de la race cauca-
sienne, représentés par Sem, Cham et Japhet, et
comme la patrie primitive de la vigne. Ad. Pictet,
Les origines indo-européennes, Paris, 2 e édit., t. I,
p. 299.
Dès la plus haute antiquité on trouve la vigne en
Assyrie. Voir fig.552, col. 2429. Elle est représentée sur
d'anciens monuments, soit sous sa forme naturelle,
soit sous une forme hiératique. E. Bonavia, The flora
of the Assyrian monuments, in-8°, Londres, 1894,
p. 11, fig. 6; p. 49, fig. 21; p. 52, fig. 23; p. 61, fig. 27.
Sur les bas-reliefs de l'époque des Sargonides se
voient souvent des vignes, soit isolées, comme la
vigne de Koyoundjik grimpant sur un pin, Rawlinson,
The ftve great monarchies of the ancient eastern
world, Londres, in-8°, 4 e édit., 1879, t. i, p. 353, soit
disposées en berceau de verdure, comme celle à
l'ombre de laquelle repose Assurbanipal couché
(fig. 550). Rawlinson, t. i, p. 473; Perrot et Chipiez,
Hisl. de l'art, t. H, p. 107, 652. Assurbanipal parle
de plantations de vigne faites sur les bords du canal
de Kalakh. A Delattre, Les travaux hydrauliques en
Babylonie, dans la Revue des quest. scientif., 1888,
t. xxiv, p. 481. Sennachérib, dans V Inscription de
Bavian, H. Pognon, Paris, 1879, in-8°, p. 9, rappelle
les vignes qu'il a plantées aux environs de Ninive. — La
vigne était aussi cultivée en Perse, et c'est avec abon-
dance qu'on servait à la table royale les vins des meil-
2425
VIGNE
242&
leurs crus. Esther, i, 7. La couche de Darius était om-
bragée d'une belle vigne d'or. Hérod., vu, 27.
S'il fallait en croire Hérodote, H, 77, l'Egypte n'aurait
pas eu de vignes. Mais s'il ne veut pas parler d'une
région particulière, celle des marais, il se contredit
lui-même, n, 37, 168. La vigne était connue en Egypte
dès la plus haute antiquité; on y regardait Osiris
comme l'inventeur de sa culture. Gr. Woenig, Die
Pflanzen im altem Aegypten, in-8», Leigzig, 1886,
p. 259. La Bible fait allusion aux vignes de ce pays.
C'est le grand échanson qui est représenté pressant
des grappes de raisin dans la coupe du Pharaon, Gen.,
XL, 11; ce sont des Hébreux qui regrettent de ne point
trouver dans la contrée du Sinaï des vignes comme en
Egypte, Num., xx, 5; c'est la grêle qui dans une des
plaies d'Egypte détruisit les vignes du pays. Ps. lxxvih
(Vulgate, lxxvii), 47; Ps. cv (Vulgate, civ), 33. Les mo-
numents prouvent la culture de la vigne en Egypte;
même dès les temps les plus reculés ils représentent
la cueillette du raisin et la fabrication du vin.Lepsius,
la vigne et la fabrication du vin en Egypte dès les
temps les plus reculés. Dans les inscriptions, la vigne se
nomme I ^k <=• ^"J -arouri, de même le raisinl -=-
arouri, en copte «AoAi, aloli. Le raisin séché au
soleil s'appelait aschep ou schep; le raisin vert gan-
gani. Voir fig. 553, col. 2431.
En traversant la presqu'île du Sinaï, les Hébreux
n'avaient pas rencontré de vignes. Num., xvi, 14; xx,
5. Mais en se rapprochant du pays de Chanaan, ils en
trouvent dans le pays d'Édom. Num., xx, 17. Déjà, 22
ou 23 siècles avant notre ère, le fugitif Égyptien Sinou-
hit parle des vignes qu'il avait vues en ce pays. « Le
vin, dit-il, y est en plus grande quantité que l'eau. »
G. Maspero, Hist. ancienne, t. i, p. 471. Les Hébreux
rencontrent la vigne chez les Amorrhéens, Num., xxi,
21, et dans le pays de Moab, où les vignobles étaient
entourés de clôtures. Num., xxn, 24. Plus tard, Isaïe,
xvi, 8, vante les nombreux vignobles de l'ancien pays
de Moab.
550. — Le roi Assurbanipal et la reine se reposant et buvant au son de la musique, sous un berceau de vigne.
British Muséum.
Denkm., H, 13, 49, 53, 61, 96, m et 111, 11. Au tombeau
d'Amten (de la III" dynastie), on énumère parmi les
domaines du défunt, des vignobles qui produisent « du
vin en grande quantité. » Lepsius, Denkm., Il, 7 6;
Maspero, Journal asiatique, 1889, t. I, p. 390; Études
égyptiennes, t. Il, p. 231. Le scribe Anna avait fait
planter douze vignes dans son jardin; l'officier d'Amen,
hotep II en avait fait mettre vingt-quatre. Fréquem-
ment, les plans de maison et de jardin de la XVIII e ou
XIX e dynastie présentent des treilles disposées en ber-
ceaux, soutenues par des colonnettes sur lesquelles des
ceps de vigne étendent leurs rameaux chargés de
fruits. Au Ramesséum de Thèbes on a trouvé des cel-
liers remplis de grands vases et amphores portant sur
la panse, écrites en hiératique, la date de la récolte et
la mention a vin de transport ». G. Maspero, Guide du
musée de Boulaq, p. 287. Des feuilles de vigne, des
grains de raisin se rencontrent dans les tombes les
plus anciennes et on en a recueilli des spécimens dans
tous les musées, Bulletin de l'Institut égyptien, n. 5
(1884), p. 9; Botanische Jahrbùcher (1886), t. vin, p. 8.
Les grains du musée du Louvre sont à peau épaisse et
à gros pépins. Recueil de travaux, t. xvii, p. 194.
A toutes les époques, les monuments montrent des
rois ou des particuliers faisant aux dieux des libations
de vin dans des vases spéciaux. Cf. Erman, Life in an-
dent Egypt, Londres, 1894, in-8», p. 271; Ebers,
Aegypten und die Bûcher Mose's, p. 323-330.
Il ne saurait donc y avoir de doute sur la culture de
Mais c'est surtout la Palestine qui est le pays du blé
et de l'orge, mais aussi de la vigne et du figuier. Deut.,
vin, 8. Je vous donnerai, dit Dieu aux Israélites, Jos.,
xxiv, 13, du fruit de vignes que vous n'avez point
plantées. Cf. II Esd.,ix, 25. "Les espions envoyés dans
la terre de Chanaan, pour explorer le pays, trouvèrent
une vallée où les vignes étaient magnifiques et ils cou-
pèrent une branche de vigne avec sa grappe aux.
dimensions si extraordinaires que pour la rapporter
sans la froisser, ils la suspendirent à une perche et
la portèrent à deux. Num., xm, 24. Aussi, donnè-
rent-ils à cette vallée le nom de vallée d'Escol, ou
vallée de la Grappe. On voit encore de nos jours en.
Palestine des raisins d'une grosseur extraordinaire
(fig. 551).
Au pays de Galaad, les vignobles de Sabama et de
Jazer étaient particulièrement renommés. Is., xvi, 8-
10; Jer., xlviii, 32-33. On vantait aussi les vignes
d'Hébron et d'Engaddi, des collines de Samarie et du
Carme], delà vallée du Jourdain. Num., xm, 26; Jud..
ix, 27; III Reg., xxi, 1; II Par., xxvi, 10; Cant., i v
14; vin, 11; Jer., xxxi, 5; Ose., xiv, 8, etc., Par
toute la Palestine, spécialement sur "les collines,
sur les hauteurs, on voyait des vignobles. Is., v, 1;
XXVIII, 1.
3" Culture de la vigne. — Bien que le sol et le climat
de la Palestine fussent favorables à la vigne, elle de-
mandait cependant des soins. Soit pour la planter,
soit pour l'entretenir, on remuait soigneusement le
2427
VIGNE
2428
sol à la bêche, et on enlevait les pierres. Is., v, 2. Ce
n'est pas le travail auquel se livrait le paresseux qui
laissait croître les ronces et les épines. Prov., xxiv,
30-31. Pour préserver des vignobles ou champs de
vigne contre la tentation des passants ou contre les
pillages des Bédouins, Job, xxiv, 1, ou contre les cha-
cals, on les entourait de murs ou de haies, et dans
l'intérieur on élevait une tour ou une cabane pour
loger des gardiens au temps où les raisins commen-
çaient à mûrir. Num., xxn, 24; Is., i, 18; v, 2, 11;
Matth., xxi, 33. Ces tours ont d'ordinaire jusqu'à
4 m 50 de haut sur quatre coudées ou l m 80 de largeur.
Voir Tour, fig. 517, col. 2291.
S'il faut en croire Pline, #. N., xvn, 35, du moins
en ce qui regarde la Syrie, on aurait laissé la vigne
ramper à terre, comme on le voit encore en cer-
tains endroits de la Palestine. On avait en même temps
l'habitude de faire monter la vigne sur les arbres.
Is., cv, 33; Jer., vin, 13; Hab., iv, 17; Is., m, 12. Les
vignes de Silo, devaient êlre assez élevées puisque
les Benjamites purent s'y mettre en embuscade. Jud.,
XXI, 20, 21. Du moins près des habitations on faisait
grimper la vigne sur des figuiers; de là est venue
l'expression proverbiale : Se reposer sous sa vigne et
son figuier. III Reg., iv, 25; Mich., iv, 4; Zach., ni,
10, Luc, xin, 6.
Une fois plantée, la vigne exigeait encore des soins.
II fallait l'émonder, couper les branches inutiles. Joa.,
xv, 2-6. On taillait la vigne à la serpette, mazemêrâli.
Is., H, 4; v, 16; xvm, 5; Joël, iv, 10. Il fallait attendre
les fruits pendant trois ans après la plantation : ce
n'était qu'à la quatrième année qu'on pouvait en ré-
colter. Is., xxxvii, 30; Ma'aSer scheni, 5.
La vigne était une des richesses de la Terre Promise.
C'était donc une source de revenus : aussi les rois de
Juda ou d'Israël ne pouvaient la négliger. Samuel avait
prédit aux Israélites qui désiraient un roi, que celui-ci
leur prendrait la dîme de leurs vignes, I Reg., vin, 14-
15, et même donnerait leurs vignes à ses serviteurs. Le
fils d'Isaï, dit Saiil aux Israélites qui penchaient pour
David, vous donnera-t-il des champs et des vignes?
I Reg., xxn, 7. La vigne de Naboth convoitée par
Achab, roi d'Israël, et acquise par Jézabel au prix du
meurtre de son propriétaire, est célèbre par le châti-
ment qu'attira cette iniquité sur les deux coupables.
III Reg., xxi, i-24.
Pour l'administration des vignes qui lui apparte-
naient, David avait préposé Séméi de Rama. Zabdias
l'Aphonite était chargé des provisions de vin. I Par.,
xxvn, 27. Dans l'Ecclésiaste, n, 4, le sage se bâtit des
maisons et plante des vignes. La femme laborieuse du
livre des Proverbes, xxxi; 16, avec les fruits de son
labeur plante une vigne.
Chacun en Israël voulait se faire une vigne plus ou
moins considérable, et se reposer à l'ombre de sa
vigne et de son figuier. IV Reg., xvm, 31. C'est, pour
qu'ils ne s'attachent pas à un coin de terre et qu'ils
restent nomades, que Réchab défendit à ses fils de
planter de la vigne. Jer., xxxv, 7-9. Dans la disette
de blé, le peuple engagea sous Néhémie ses champs et
ses vignes. II Esd., v, 3-11.
Lorsque le peuple est infidèle, il est menacé de voir
périr ses vignes et le châtiment ne tarde pas à le faire
réfléchir. Dès le temps de Moïse la menace lui en est
faite : « Tu planteras une vigne et tu n'en jouiras pas,
tu n'en boiras pas le vin, » est-il dit dans les malédic-
tions du ch. xxvm, 30 et 39. Sophonie, i, 13, et Amos,
v, 11, reprennent cette menace. « Vos vignes et vos
figuiers, dit Amos, iv, 9, ont été dévorés par les saute-
relles. » « Je dévasterai ses vignes et ses figuiers, » est-il
annoncé à Israël dans Osée, n, 12. » Le jus de la
vigne est en deuil, le cep languit, » annonce Isaïe,
xxiv, 7. s En ce jour-là, dit-il, vu, 23, tout vignoble de
mille ceps de vigne valant mille pièces d'argent sera
couvert de ronces et d'épines. » Aussi le prophète,
xxxn, 12, dépeint le deuil de la nalion : « On se lamente
sur les belles vignes fécondes. » « Plus de raisins à la
vigne, dit Jérémie, vin, 13, ni de figues au figuier. La
feuille même est flétrie. » « Il n'y aura rien à récolter
dans les vignes, » dit aussi Habacuc, m, 17. Mais si
Israël se repent et retourne à son Dieu, il reviendra
en Palestine y planter la vigne. Ézech., xxvm, 26. La
vigne ne sera plus stérile dans ses campagnes. Mal.,
m, 11.
Un certain nombre de lois concernent la culture,
l'entretien ou la récolte de la vigne. La loi permettait
d'entrer dans la vigne du prochain, d'en cueillir des
grappes et d'en manger selon son désir, mais défendait
d'en emporter dans un panier. Deut., xxm, 24. Mais
551. — Raisin de Palestine.
si quelqu'un a fait du dégât dans un vignoble, il don-
nera en dédommagement le meilleur de son vignoble.
Exod., xxn, 5 (hébreu, 4). En faisant la cueillette des
raisins pour la vendange, on ne devait pas revenir sur
ses pas pour ramasser les grappes oubliées dans la
vigne, mais les laisser à la disposition des pauvres et
des étrangers. Lev., xix, 10; Deut., xxiv, 21. Pour le
vigneron qui donne tous ses soins à la vigne de celui
qui le prend à son service, il est juste qu'il participe à
son fruit. I Cor., ix, 7. Le repos de l'année sabbatique
concernait aussi les vignes. Durant la septième année,
on ne devait ni semer, ni tailler la vigne, ni récolter,
Exod., xxm, 11 ; la loi est reprise. Lev., xxv, 1-7. Cette
septième année doit être une année de repos, de sabbat
pour la terre. Lev., xxv, 4. Durant le naziréat, on ne
devait manger d'aucun produit de la vigne, pas même
les pépins ou la peau des raisins. Num., vi, 3-4; Jud.,
13-14. Quant à celui qui venait de planter une vigne
et n'en avait pas encore recueilli le fruit, il était
dispensé d'aller faire la guerre. Deut., xx, 6. On voit
une application de cette loi dans I Mach., m, 56.
4° Vendanges. — La vendange, bàçir, commençait
2429 s
VIGNE
2430
dans la Palestine au mois de septembre et devait
être achevée dans la première moitié d'octobre, époque
de la fêle des Tabernacles, qui indiquait la fin de
toutes les récoltes. Comme à la moisson, le temps des
vendanges était une époque de réjouissances. Vignes
et pressoirs retentissaient alors de chants. Ce chant, ce
hourra des vendangeurs se nommait hêdâd. Jud., IX,
27; 1s., xvi, 10; Jer., xxv, 30; xlviii, 33. Aussi pour
peindre la désolation de Moab, le prophète ne manque
pas ce trait :
Plus encore que sur Jazer,je pleure sur toi, vigne de Sabama.
Tes sarments s'étendaient jusqu'à la mer (Morte) et au delà
Ils touchaient à Jazer.
Le dévastateur s'est jeté sur ta récolte et sur ta vendange.
La joie et l'allégresse ont disparu des vergers
Et de la terre de Moab ;
exprimé, on le conservait dans des outres de peau de
chèvre, Jos., ix, 4;Job, xxx[l, 19; Matth.,ix, 17, ou bien
dans des vases ou amphores de terre. Jer., xm, 12;
xl vm, 11. On soutirait les vins pour les clarifier. Is.,
xxv,6; Jer., xlviii, 11. On rangeait les vases à vin dans
les celliers. I Par., xxvii, 27. Il s'agit là des celliers où
David faisait garder son vin; Ezéchias avait les siens,
II Par., xxxii, 18. Quant au cella vinaria de Cant.,
xi, 4, ce n'est pas le cellier, mais l'endroit où l'on boit
le vin, où l'on se réjouit. Voir t. n, col. 396.
5° Produit de la vigne. — Une partie des raisins était
réservée pour être mangée en nature, ou sous forme
de raisins secs entrer dans la fabrication de certaines
espèces de gâteaux, la debêldh, ou la 'âsisâh. Voir Gâ-
teau, t. m, col. 115. Mais la plus grande partie de la
récolte servait à faire du vin que l'on buvait avant ou
552. — Vignoble assyrien. D'après Layard, Homtments of Nineveh, t. i, pi. 81.
J'ai fait tarir le vin des cuves.
On ne le foule plus au bruit des hourras
Le hourra (hêdad) n'est plus le hourra! Jer., xlviii, 32-33.
Dans les vignes de Sabama, dit également Isaïe, xvi,
10, plus de chants, plus de cris de joie. Le hêdad a
■cessé.
Les vendangeurs cueillaient les raisins dans des
paniers et les jetaient dans le pressoir. Le pressoir
porte les noms de gaf, yéqéb, pûrâh. Zach., iv, 13;
Job, xxiv, et Joël, iv, 13; Is., xlih, 3, et Agg., n, 16.
A prendre les choses avec précision, le gaf est la
grande cuve où l'on entasse le raisin, le yéqéb est la
cuve placée sous l'appareil à pression, le pûrâh est
l'appareil à pression. Au lieu de l'appareil à pression,
on employait aussi le pressoir à torsion. Voir t. v,
col. 612. Le pressoir était d'ordinaire dans le verger
même : il consistait en une simple cuve en pierre où
l'on jetait les grappes, qui étaient foulées aux pieds
par les vendangeurs. Une ouverture dans le fond de
cette cuve laissait passer le liquide dans un réservoir,
souvent creusé dans la terre et maçonné. Cf. Van Len-
nep, Bible lands, t. i, p. 117; Robinson, Biblical
researches, t. m, p. 137. Quand le vin pressé était bien
après la fermentation. Voir Moût, t. iv, col. 1330; Vin
t. v, col.
6» Comparaisons, paraboles. — Les comparaisons,
les proverbes, les allégories tirées de la vigne sont
en grand nombre dans la Bible.
Dans l'apologue des arbres qui se cherchent un roi,
la vigne, comme l'olivier et le figuier, représente les
bons Israélites, qui, chacun dans leur situation, pro-
duisent des fruits utiles et appréciés de tous, par opposi-
tion au buisson qui n'a que des épines et qui ne peut
même pas fournir un ombrage commode contre l'ar-
deur des rayons du soleil, image d'Abimêlech, homme
méchant qui ne peut que blesser et nuire. Jud., IX, 7-20.
L'importance de la vigne en Israël, les soins mul-
tiples qu'elle exigeait ont amené les auteurs sacrés à y
voir une belle allégorie des soins de Dieu pour son
peuple, et à la développer très fréquemment. Israël est la
vigne de Jéhovah. Cette vigne a été apportée d'Egypte,
Ps. lxxx (lxxix), 8-14, plantée à la place des nations
qui occupaient la terre de Chanaan. Solidement enra-
cinée, ses rameaux se sont étendus depuis la mer j usqu'au
fleuve, c'est-à-dire ont couvert toute la Terre Promise.
Mais cette vigne qui fut longtemps prospère a vu ses
clôtures se rompre, et les bêtes sauvages l'ont dévastée;
2431
VIGNE — VIGNE DE SODOME
2432
le feu l'a brûlée et l'on a coupé ses rameaux. Ps.lxxx,
13-20. C'est la prise et la ruine de Jérusalem et la
captivité de Babylone qui sont peintes sous ces images.
Les mêmes idées et les mêmes images ont souvent été
reprises par les prophètes. C'est le sujet de la belle
parabole d'Isaïe, v, 1-7. Dans ce chant de l'amour de
Jéhovah pour sa vigne les deux premières strophes dé-
crivent l'amour et les soins de Dieu payés par l'ingrati-
tude de son peuple, les deux suivantes, le jugement;
puis les strophes 5 et 6, le châtiment, enfin les strophes
7 et 8, l'application à Israël. Ce petit chant décrit au
complet tous les soins qu'on donnait à la vigne en
Palestine.
Isaïe revient sur cette image, c. m. Les chefs du
peuple ont brouté la vigne, c. xxvii, 26 : c'est la
vigneau vin généreux gardée par Jéhovah. Après avoir
été châtié, Israël fleurira de nouveau et donnera des
rejetons. Jérémie, ri, 21, développe ce sujet à son tour :
Israël planté comme une vigne excellente, tout entière
d'une souche franche, s'est changée en sarments
553. — Treille égyptienne.
D'après Wilkinson, Manners and customs,
2- édit., fig. 153, p. 380.
bâtards d'une vigne étrangère. Il annonce, VI, 9, qu'on
grappillera comme une vigne les restes d'Israël. De
nombreux bergers détruiront la vigne. Jer., xii, 10.
Pour Ezéchiel, xv, 2-6, Israël est la vigne stérile dont
le bois n'est bon à rien. Au ch. xvn, il développe la
même image d'Israël, la vigne plantée dans une bonne
terre bien arrosée, et en la combinant avec l'image
des deux aigles de Babylone et d'Egypte, il en fait une
parabole sur les destinées de la maison de David.
De même au ch. xix, 10-14, c'est une lamentation sur
la vigne d'Israël si bien plantée et qui promettait du
fruit, et qui est maintenant arrachée, et consumée par
un feu sorti de l'une de ses branches, c'est-à-dire par
la faute de Sédécias. Dans Joël, i, 6-12, c'est une inva-
sion de sauterelles qui a dévasté la vigne de Jéhovah.
Pour Osée, x, 1, Israël est une vigne luxuriante, chargée
de fruits, qui est devenue infidèle à Dieu et idolâtre.
Mais qu'Israël revienne à Dieu et il fleurira comme la
vigne, xiv, 8. Samarie est aussi comparée à un plant de
vigne. Wich., i, 6.
L'allégorie de la vigne représentant Israël était si
bien reçue que dans le temple d'Hérode, à l'intérieur
du vestibule, était suspendue une magnifique vigne d'or
dont les grappes au rapport de Josèphe avaient la
hauteur d'un homme. Elle était placée en cet endroit
pour symboliser Israël, la vigne du Seigneur. Voir t. v,
col. 2065.
Rien donc de plus familier au peuple que cette
image. Les scribes et les Pharisiens n'eurent aucune
peine à comprendre la parabole de Jésus-Christ se ser-
vant de cette image de la vigne, familière aux pro-
phètes pour dépeindre ce que Dieu avait fait pour son
peuple et la façon dont furent reçus les envoyés du père
de famille, maître de la vigne, et son propre fils, et le-
châtiment des vignerons perfides avec la location de-
la vigne à d'autres vignerons, c'est-à-dire aux Gentils.
Matth., xxi, 33-46; Marc, xn, 1-12; Luc, xx, 9-19.
D'autres enseignements sont tirés aussi de la compa-
raison de la vigne. La Sagesse est comparée à la vigne
dont les pousses gracieuses sont chargées de fruits.
Eccli., xxiv, 23 (grec 17). Joseph est comparé à un sar-
ment fécond, planté près d'une fontaine et dont les-
branches couvrent la muraille. G-en., xlix, 22. Par la
parabole des ouvriers qui vont à différentes heures
travailler à la vigne, Jésus-Christ veut montrer aux
Pharisiens que pour entrer dans le royaume messia-
nique Dieu n'appelle pas d'après les mérites antérieurs,
mais par pure grâce. Matth., xx,l-16. A la fin des temps,
le Fils de l'homme préside à la vendange du monde,
Apoc, ix, 18-19. Pour exprimer la vie de la grâce, la
vie qu'il communique aux âmes, Notre-Seigneur em-
prunte une comparaison à la vigne. Tout sarment qui
en moi ne porte pas de fruit, mon Père, le divin vi-
gneron, le retranchera. Tout sarment au contraire qui
portera du fruit, il l'émondera pour qu'il en porte
davantage. Il faut que le sarment soit uni au cep pour
que la sève circule en lui et qu'il porte du fruit;
séparé du cep, il se dessèche. Ainsi, séparés de moi,
vous ne pouvez rien faire. Et les sarments inutile*
seront jetés au feu. Joa., xv, 1-9.
Voir Alph. de Candolle, Origine des plantes cultivées r
in-8», Paris, 1886, p. 151-154; Ad. Pictet, Origines indo-
européennes, in-8°, 2 e édit., Paris, p. 295-321; Ch. Joret,
Les plantes dans l'antiquité, in-8°, Paris, 1897, p. 138-
141,387, 450;V. Loret, La flore pharaonique, 2 a édit.,
Paris, 1892, in-8», p. 99-101; A. Erman, Life in ancient
Egypt, transi. Tirard, in-8», Londres, 1894, p. 196-199;
Fr. Wœnig, Die Pflanzen im allen Aïgypten, in-8°,
Leipzig, 1886, p. 254-276; H. B.Tristram, The natural
hislory of the Bible, 8 e édit., in-8«, Londres, 1889,
p. 402-413; D. Mallet, Les premiers établissements des
Grecs en Egypte, in-4», Paris, 1896, p. 345; Wilkinson,
Manners and customs, 2 e édit., t. n, p. i, 379-383.
E. Levesque.
VIGNE DE' SODOME (hébreu : géfén Sedôm;
Septante : â\i.Tiz\aç 2o86n<ov ; Vulgate : vinea Sodomo-
rum). Elle est mentionnée seulement, Deut., xxxn, 32 r
où Moïse dit en parlant des impies :
Leur vigne est du plant de Sodome
Et du terroir de Gomorrhe ;
Leurs raisins sont des raisins empoisonnés.
Leurs grappes sont amères.
Quelques auteurs, comme dom Calmet, ont cru que
ces vers font allusion à la « pomme de Sodome ».
Voir Jéricho, t. m, col. 1291. Josèphe en a donné la
description, Bell, jud., IV, vm, 4, et Tacite y fait proba-
blement allusion, Hist., v, 6. « Des cendres s'y pro-
duisent dans les fruits, dit l'historien juif; ils ressem-
blent par leur couleur à des fruits comestibles, mais
quand la main les saisit, ils se dissolvent en farine et
en cendres. » Mais cette plante (Callotropis procera)
n'a rien qui puisse même de très loin rappeler la vigne
et elle n'a point ses fruits en grappe. D'autres ont
pensé à la coloquinte, dont les feuilles ont de la res-
semblance avec celles de la vigne et dont les tiges
s'étendent sur le sol, comme les rameaux de celle-ci.
Voir Coloquinte, t. n, fig. 323, col. 859. Mais si elle a
dans son feuillage quelque apparence générale qui l'a
fait appeler « vigne sauvage », géfén èâdéh, III Reg.,iv,
39, elle n'a point son fruit en grappe. On a voulu aussi
y voir quelque espèce de Solanum comme le Solanum
nigrum ou leSodomeum (t. m, col. 1290, fig. 226), etc.,
mais ces plantes n'ont rien de l'aspect de la vigne.
Nous croyons qu'il n'y a pas à chercher ici de plante
particulière, existant sur les bords de la mer Morte.
•2433
VIGNE DE SODOME — VIN
2434
•C'est une image créée par l'auteur pour caractériser
Israël infidèle. Il ressemble aux habitants de Sodome
-et de Gomorrhe, comme s'il était de leur race au lieu
de descendre des patriarches. La corruption morale
-d'Israël est souvent comparée dans l'Ecriture aux péchés
de Sodome et de Gomorrhe. La vigne et ses fruits sont ici
•des termes figurés représentant le peuple et ses actes:
il est dégénéré et ne produit plus rien que de mauvais
■et d'empoisonné. C'est ainsi qu'au verset suivant on
compare ses actions à un vin qui serait un venin
•d'aspic. La mer Morte aux eaux très amères est censée
communiquer son amertume à tous les produits qui
.poussent sur ses bords et spécialement à ceux des
villes maudites de Sodome et de Gomorrhe.
E. Levesque.
VIGNERON (hébreu : korêm), celui qui cultive la
vigne. — La culture de la vigne tenait une grande place
dans la vie agricole des Israélites. Mais elle était relative-
>ment facile. Cf.Schwalm, La vie privée du peuple juif ,
Paris, 1910, p. 12-14. Le roi Ozias avait des vignerons
•qui travaillaient pour lui sur les coteaux des mon-
tagnes. II Par., xxvi, 10. Isaïe,Lxi, 5, prédit qu'à la res-
tauration les étrangers seront les vignerons d'Israël.
Les temps de sécheresse persistante faisaient la déso-
lation des vignerons. Joël., i, 11. Après la déportation
chaldéenne, Nabuzardan choisit dans le menu peuple
•des laboureurs et des vignerons pour demeurer en
Palestine et empêcher le sol de devenir improductif.
IV Reg., xxv, 12; Jer., lu, 16. — Notre-Seigneur met
•en scène des vignerons dans deux de ses paraboles.
Dans la première, il s'agit d'une vigne voisine de la ville.
Le propriétaire loue sur la place publique des vigne-
rons qui y vont travailler, moyennant un denier de
salaire pour la journée. Matth., xx, 1-15. Dans l'autre
parabole, il est question d'une exploitation éloignée et
•considérable, comme devaient être celles du roi Ozias.
Le maître l'a louée à des vignerons qui, pour leur
salaire, ont une part de la récolte, tandis que l'autre
-doit lui revenir. C'est pourquoi, à plusieurs reprises,
il envoie des serviteurs vers les vignerons pour recevoir
ce qui lui revient. Mais ceux-ci brutalisent et tuent les
envoyés, méritant ainsi d'être mis à mort à leur tour,
«près quoi le maître affermera la vigne à d'autres
vignerons. Matth., xxi, 33-39; Marc, xn, 1-8; Luc.,xx,
"9-15. H. Lesètre.
VILLA (grec : àyp<5ç), domaine rural. — La Vulgate
•emploie souvent le mot villa pour désigner le Ijtâsêr,
xup.ii, le village ou hameau situé dans la campagne et
-sans entourage de murs. Exod., vni, 13; Lev., XXV, 31 ;
Num., xxxiv, 4, 9; Jos., xv, 32-62; xix, 6-38; Cant.,
vu, 11; Esth., ix, 19; II Esd., xi, 30; xn, 28. Dans
l'Évangile, les villages ou hameaux, xwnai, dans les-
quels passe Notre-Seigneur, n'excluent pas le bien
de campagne, le domaine, àfpàç, villa, habité par un
certain nombre de personnes, mais constituant la
propriété d'un particulier. Marc, vi, 36, 56; Luc, vm,
34; ix, 12. A l'époque évangélique, en effet, les domaines
ruraux n'étaient pas rares en Palestine. Si le maître n'y
résidait pas, comme le père du prodigue, Luc, xv, 25,
des fermiers et des serviteurs les faisaient valoir,
sous la surveillance d'un intendant, quand le do-
maine avait de l'importance. Cf. Schwalm, La vie
privée du peuple juif, Paris, 1910, p. 485-511. L'un
des invités de la parabole vient de faire l'acquisition
d'une villa, à distance de la ville. Il lui faut aller la
visiter et il s'excuse de ne pas répondre à l'invitation
au festin qui lui est faite. Matth., xxii, 5; Luc, xiv, 18.
La villa comprenait certainement, avec des champs et
des vignes, des bâtiments d'exploitation et d'habitation.
•Celui auquel se loua le fils prodigue possédait une villa
dans laquelle on faisait de l'élevage, particulièrement
•celui des pourceaux. Luc, xv, 15. Simon le Cyrénéen
DICT. DE LA BIBLE.
revenait d'un domaine rural, quand on l'arrêta à la
porte de la ville pour aider le Sauveur à porter sa croix.
Marc, xv, 21; Luc, xxui, 26. Les deux disciples se
rendaient à une villa voisine d'Emmaûs, quand le Sau-
veur ressuscité se joignit à eux. Marc, xvi, 12. Saint
Luc, xxiv, 28, suppose que le lieu où ils s'arrêtèrent
ensemble se rencontrait avant qu'on arrivât dans la
bourgade. Gethsémani est appelé en grec xwpi'ov, c'est-
à-dire « emplacement, champ, domaine ou jardin », et
parla Vulgate villa. Matth., xxvi, 36. Il est vraisem-
blable qu'il n'y avait pas de domaine rural à une si
grande proximité delà ville, mais que Gethsémani était
un jardin, peut-être muni encore du nécessaire pour
le pressurage de l'huile. Saint Jean, xvm, 1, appelle ce
lieu un « jardin ». H. Lesêtre.
VILLALPANDO Jean-Baptiste, jésuite espagnol, né
à Cordoue en 1552 ou 1555, mort à Rome le 22 mai 1608.
Il fut l'élève du P. Prado, son collaborateur et son con-
tinuateur : In Ezeehielem explanaliones et appara-
tus Urbis ac Templi Hierosolymitani, 3 in-f°, Rome,
1596-1604. Il mourut avant d'avoir achevé le travail.
Voir Prado, col. 593. Cf. Ch. Sommervogel, Biblio-
thèque de la Compagnie de Jésus, t. vin, 1898, col. 768.
VIN, liquide extrait du raisin par pression. Voir
Pressoir, col. 613.
1° Ses noms. — La Palestine était un pays vignoble,
et le vin y avait une grande importance au double point
de vue alimentaire et commercial. Aussi un assez
grand nombre de mots sont-ils employés pour désigner
le précieux liquide. 1. Yaîn, mot probablement primi-
tif, qui se retrouve dans l'assyrien înu, l'éthiopien
vâyn, le grec oTvoc, le latin vinum, etc. — 2. flémér,
chaldéen : hâmar, de l}âmar, « bouillir, fermenter »,
oivo;, merum. — 3. Bobè', le vin de bonne qualité,
oïvo;, vinum. — 4. Sémér, le très bon vin débarrassé
de sa lie, olvo;, vindemia defxcata. Is., xxv, 6. — 5.
TiroS, le vin non fermenté ou vin doux. Voir MOUT,
t. iv, col. 1330. — 6. 'Âsîs, le premier vin, le vin doux,
Y>.uxac[jiô;, dulcedo; olvoç véoç, mustum. — 7. Mézég,
mésék, mimsdk, le vin mélangé, •x£pa<j|/.a, mixtum. —
Métaphoriquement, le vin est aussi appelé dam 'ânâ-
bim, at|x« (rtacpuX^ç, sanguis uvx, « le sang de la
grappe ». Gen., xlix, 11 ; Deut., xxxn, 14; Eccli.,
xxxix, 26.
2° Son origine. — Le vin est considéré comme un
don de Dieu. Isaac souhaite à Jacob que Dieu lui donne
l'abondance du froment et du vin. Gen., xxvn, 28.
La Palestine est un pays de froment et de vin, Deut.,
xxxin, 28, et Juda, en particulier, « lave son vêtement
dans le vin, » Gen., xlix, II. Dieu donne à son peuple
« le sang de la grappe, le vin généreux. » Deut., xxxn,
14; cf. xi, 14. Pour le juste, la cuve déborde de vin
nouveau. Prov. , m, 10. Mais il n'y aura pas de vin pour
Israël infidèle, Deut., xxvm, 39, 51, et le vin de ses
ennemis sera comme le venin des serpents. Deut.,
xxxn, 33.
3» Son traitement. — Noé s'était sans doute contenté
de boire le jus qu'il venait d'exprimer des raisins,
comme le fait supposer son inexpérience des effets du
vin. Gen., ix, 21. Plus tard, on recueillit le vin au sortir
du pressoir et on le conserva dans différents récipients,
cruches de terre, I Reg., x, 3; xvi, 20; Jer., xm, 12,
et outres faites de peau. Jos., ix, 13; I Reg., xxv, 18;
II Reg., xvi, 1; Judith, x, 5. Voir Outre, t.iv, col. 1936.
On gardait ces récipients dans des celliers, voir Cellier,
t. il, col. 396, et dans des magasins, pour l'usage du
Temple, I Par., ix, 29, ou des agglomérations. II Par.,
xi, 11 ; xxxn, 28. Le vin fermente et dépose au fond des
récipients la lie, composée de matières diverses qui,
à la longue, peuvent nuire à la qualité du vin. C'est
pourquoi l'on transvasait le vin d'un récipient dans un
V. - 77
2435
VIN
VINAIGRE
2436
autre, de manière à laisser la lie au fond du premier.
.1er., xlviii, 11, 12. On laissait vieillir le vin, pour le
rendre meilleur. « Vin nouveau, nouvel ami; qu'il
vieillisse, et tu le boiras avec plaisir. » Eccli., ix, 15
(10). Après avoir bu du vin vieux, on n'en demandait pas
aussitôt du nouveau, car on disait : & Le vin vieux est
meilleur. » Luc, v, 39. — Avant de boire le vin, on avait
coutume de lui faire subir quelque mélange. Isaïe, I,
22, parle en mauvaise part du vin coupé d'eau. Ce
mélange ne parait pas avoir été goûté des Israélites,
comme il l'était des Grecs et des Romains.' Cf. Ana-
créon, Od.,xxxvi, 10; Odys., m, 40. L'auteur du second
livre des Machabées parle selon la coutume de ces der-
niers, quand il écrit : « Il ne vaut rien de boire seule-
ment du vin ou seulement de l'eau, tandis que le vin
mêléà l'eau est bon et produitune agréable jouissance. »
II Mach., xv, 40. Mais ce qui plaisait beaucoup aux
Israélites, c'était le mélange avec le vin de certains aro-
mates qui lui donnaient un goût particulier et surtout
plus de force. Il est souvent question du vin aromatisé
comme d'un breuvage de choix. Ps. lxxv (lxxiv), 9;
Cant., vu, 3; vm, 2; Prov., xxm, 30, 31; Is., lxv, 11.
Pour soutenir Notre-Seigneur avant son crucifiement,
on lui présenta du vin mêlé de myrrhe, Marc, xv, 23,
que saint Matthieu, xxvvh, 34, dit mêlé de fiel, en pre-
nant sans doute ce dernier mot dans un sens large,
pour marquer le goût un peu amer que la myrrhe
communiquait au vin. Pline, H. N., xiv, 15, témoigne
que la myrrhe donnait au vin un goût fort apprécié
des anciens. On connaissait le vin àp(o|j.aTiTY)ç, aroma-
tique, cf. Dioscoride, v, 64, le vin nuppivî-tTiç, pré-
paré avec des baies de myrte, cf. Élien, Var. Hist., xn,
31; etc. « Mêler le vin », c'était le préparer en vue du
repas. Prov., ix, 2, 5.
4° Ses usages. — 1. Noé, après le déluge planta une
vigne et fut enivré par le vin dont il ignorait sans
doute la force. Gen., ix, 20-21.— Le vin était une bois-
son commune chez les Hébreux. Isaac en boit. Gen.,
xxvii, 25. Des échansons le versaient aux grands per-
sonnages. Gen., xl, 5. Voir Échanson, t. n, col. 1558.
Il figurait dans les festins et dans les simples repas,
Deut., xiv, 26; Job, i, 18; Prov., ix, 2, 5; II Par., n,
10; IIEsd., v, 18; Dan., v, 1, 2, 4, 23;.Iudith, xn, 12;
Esth., i, 7; Eccli., ix, 13 (9); Is., v, 12; xxn, 13; lvi,
12, etc., et même dans les repas funèbres. Tob., iv, 18.
L'Ecclésiastique, xxxix, 31 (26), énumère le « sang de
la grappe » parmi les choses qui sont de première
nécessité pour la vie des hommes. Notre- Seigneur fit
son premier miracle pour procurer du vin aux époux
de Gana. Joa., n, 3. C'était une désolation générale
quand le vin venait à faire défaut. Is., xxiv, 11 ; Jer.,
xlviii, 23; Jo., 1,10; Agg., i, 11. Aussi les faux pro-
phètes se faisaient écouter quand ils promettaient
l'abondance du vin. Mich., Il, 11. — 2. L'Ecclésiaste, IX,
7, recommande de boire son vin gaiment. C'est ce qui se
pratiquait, surtout quand le vin était de qualité supé-
rieure. Il en venait de tel du Liban, Ose., xiv, 7; celui
de Helbon faisait l'objet d'un commerce avec Tyr.
Ezech., xxvn, 18. Le récit du miracle de Cana nous
apprend que, dans le repas, on servait d'abord le meil-
leur vin, tandis qu'on réservait le moins bon pour la
fin, quand le goût des convives était émoussé. Joa., h,
10. Ce trait ne préjudicie pas à la remarque de Luc,
v, 39; car l'amphitryon qui servait du vin inférieur aux
convives déjà désaltérés ne leur demandait pas leur
avis et profitait plutôt de leur demi-inconscience.
Cf. Sap., n, 7. Le goût des Israélites pour le vin est
accusé par ces comparaisons du Cantique des can-
tiques, i, 1, 4; iv, 10; vu, 9, qui déclare que l'amour
de l'Époux est préférable au vin, et que la bouche de
l'Épouse est comme un vin exquis. — 3. L'usage du vin
n'était pas toujours suffisamment modéré. Les auteurs
sacrés en signalent les abus. Voir Ivresse, t. m,
col. 1048. Les ennemis vendaient des jeunes filles
israélites pour avoir du vin. Joël, m, 3. Les Israélites
eux-mêmes buvaient dans leurs sanctuaires idolâtriques
le vin de ceux qu'ils condamnaient à l'amende, Am., u,
8. Après la captivité, les Juifs exigaient de leurs débi-
teurs un intérêt d'un centième sur le vin. II Esd., v,
11, 15. — 4. L'abstention du vin était prescrite à Aaron
et à ses fils, quand ils avaient à entrer dans le sanctuaire,
Lev., x, 9; Ezech., xliv, 21, et à ceux qui se vouaient
au nazaréat. Num., vi, 3. Elle le fut à Samson, Jud.,
xiii, 4, 7, 14, et à Jean-Baptiste. Luc, i, 15. Les
Rechabites s'abstenaient volontairement de vin. Jer.,
xxxv, 2. Notre-Seigneur, qui en faisait usage, était
appelé par ses ennemis « buveur de vin ». Matth., xi,
19. — 5. Le vin servait encore au Temple pour les
libations sacrées. Exod., xxix, 40; Num., xv, 5, 7, 10;
xxvm, 7, 14; Ose., ix, 4. Voir Libation, t. iv, col. 234.
On faisait aussi des libations de vin aux faux dieux.
Deut., xxxn, 38; Esth., xiv, 17. Cyrus et Artaxerxès
ordonnèrent de fournir du vin pour le Temple de Jéru-
salem. I Esd., vi, 9; vu, 22. Le vin était soumis à la
loi des prémices, Num., xvm, 12; Deut., xvm, 4;
I Par., xxxi, 5; II Esd., x, 39; xm, 5, 12, et de la
dtme. Deut., xn, 17; xiv, 23. — A la dernière Cène, le
Sauveur consacra le vin pour le changer en son sang.
Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 23; Luc, xxn, 20; I Cor.,
xi, 25. Il en fit ainsi, avec le pain, la matière de l'eu-
charistie.
5° Ses effets. — 1. Le vin réjouit Dieu et les hommes.
Jud., ix, 13. Il réjouit le cœur de l'homme, Ps. civ
(cm), 15, et rend la vie joyeuse. Eccle., x, 19. C'est
pourquoi il est recommandé d'en donner aux affligés.
Prov., xxxi, 6. Cf. Zach., x, 7. — 2. Il est un réconfor-
tant. Melchisédech offre le pain et le vin à Abraham et
à ses serviteurs qui reviennent de poursuivre les enne-
mis. Gen., xiv, 18. On en apporte à David et à ses
fidèles partisans pendant leur fuite. II Reg., XVI, 2;
I Par., xn, 40. Le vin fortifie les vierges. Zach., ix, 17;
Cant., n, 4. Saint Paul conseille à Timothée d'en boire
un peu à cause de son estomac. I Tim., v, 23. — 2. Le
vin a aussi ses inconvénients. Il est moqueur, c'est-à-
dire porte à ne pas prendre le devoir au sérieux,
Prov., xx, 1; il est perfide, Hab., n, 5, et égare les-
sages. Eccli., xix, 2; Ose., iv, 11. — 3. L'Ecclésiastique,
xxxi, 30-41 (25-30), résume les effets du vin, avec lequel
il ne faut pas faire le brave, parce qu'il en a fait périr-
un grand nombre. Il est comme la vie pour l'homme, et
« quelle vie a celui qui manque de vin ? » Il réjouit quand
il est pris à propos et avec mesure. Mais, bu à l'excès,
il excite au mal et diminue les forces. Cf. Prov., xxi r
17. — 4. Le vin était quelquefois employé comme
remède. Le bon Samaritain pansa avec du vin et de
l'huile les plaies du blessé. Luc, x,34.
6° Métaphores. — 1. La sagesse offre aux hommes le-
vin, c'est-à-dire ses bienfaits spirituels. Prov., IX, 5.
A l'époque de la restauration messianique, on aura le
vin pour rien, c'est-à-dire que les dons divins seront
départis gratuitement. Is., LV, 1. — 2. Le vin de ver-
tige est l'aveuglement spirituel, Ps. lx (lix), 5; le vin
de la violence est l'esprit mauvais qui anime les mé-
chants. Prov., IV, 17. Le vin dont Babylone abreuve les-
nations est l'impiété et l'impudicité auxquelles elle
invite et entraine les autres. Jer., li, 7; Apoc, xvn,
2; xvm, 3. Le vin de la colère divine que boit le
méchant désigne le châtiment qui lui est infligé.
Ps. lxxv (lxxiv), 9; Jer., xxv, 15; Apoc, xiv, 8, 10;
xvi, 19; xix, 15. H. Lesêtre.
VINAIGRE (hébreu : homes), liquide acide qui ré-
sulte de la transformation du vin exposé à l'oxygène de
l'air, sous l'action d'un ferment naturelle mycoderma
aceti. — Il était défendu à ceux qui faisaient le vœu de
nazaréat de boire du vin ou même du vinaigre provenant
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CODEX VIENNENSIS GENESEOS
2437
VINAIGRE - VIRGINITÉ
2438
du vin. Xum., vi,3, — Les moissonneurs trempaient leur
!>ain dans du vinaigre, c'est-à-dire probablement dans
une boisson acidulée el rafraîchissante. Ruth,n, 14, — Le
vinaigre agace les dents, comme la fumée pique les yeux,
l'rov., x,26. Les Septante remplacentici le vinaigre par le
raisin vert, ôjif «Ç. Verser du vinaigre sur du nitre figure
uneaetion faite mal à propos. Prov., xxv, 20. VoîrNATRON,
t, iv, col. 1488. — Le juste persécuté se plaint qu'on lui
donne à boire du vinaigre. Ps. i.xix (lxviii), 22. Le même
traitement a été iniligê à Noire-Seigneur en croix.
Malth., xxvn, 48; Slarc.,xv,36;Lue.,xxîH, 36; Joa.,xix,
29, 30. On ne s'expliquerait pas que les exécuteurs aient
eu à leur disposition sur le Calvaire du vinaigre propre-
ment dit. Mais les soldats romains portaient avec eux
leur provision de posca, breuvage acide composé de
vinaigre, d'eau et d'œufs. Cf. Plaute, Mil. glor., III, u,
23; 7Vi»c, II, vu, 48; Pline, H. N., XXVII, iv, 12;
XX VIII, v, 14; Suétone, VîtelL, 12; etc. Hs présen-
tèrent une éponge remplie de ce liquide aux lèvres du
Sauveur, qui se contenta d'y goûter, mais n'en voulut
pas boire. Les circonstances supposent que l'offre avait
été faite avec une bonne intention, mais que le Sauveur
tint à se refuser tout soulagement. H. Lesètre.
VINOOBONENSIS (CODEX). Ce manuscrit est
constitué par vingt-quatre feuillets détachés, apparte-
nant au texte grec de la Genèse. L'écriture est d'encre
d'argent, d'onciale assez épaisse, irrégulière, que l'on
attribue à la lin du vi« siècle. Chaque page est décorée
dans sa partie inférieure d'une peinture : au total, qua-
rante-huit peintures. Toutes ces peintures ne sont pas
de la même main : le dessin est plus correct dans quel-
ques-unes, le coloris meilleur aussi. Le sujet représenté
dans la page reproduite (fig. 554) est divisé en deux
scènes, où figurent les mêmes personnages : la femme
de Putiphar dénonçant Joseph à son mari, en haut; la
même exhibant au même le manteau de Joseph. La
femme de Putiphar a près d'elle sa servante, le mari
est accompagné de trou serviteurs ou officiers, une
servante se tient à la porte. Le manuscrit appartient à
la Hofbibliothek de Vienne, où il est coté Cod. theol.
grxc. 11. Voyez Palseographical Society, Faenmilé»,
vol. i, planche 178. Les miniatures de la Genèse de
Vienne, très importantes pour l'histoire de Fart, ont été
publiées par Hartel et Wickhoff, Die Wiener Genesis,
dans le» Jahrb. der Kunstsammlung des ailerh. Kai-
se>'/ious,vol.xv-xvi, supplément, 1894-1895, et étudiées
par W. Lûdtke, Untersuch. zu den Miniaturen der
Wiener Genesis, Greifswald, 1897. P. Bàtiffol.
VIPÈRE (hébreu : 'êféh; grec : £x t6v «; Vulgate : vi-
pera), reptile venimeux de l'ordre des ophidiens et de
la famille des vipéridés, reconnaissable à sa tête plus
triangulaire et plus détachée du tronc que celle des
couleuvres, et à sa queue arrondie en cône au lieu
d'être aplatie en rame (flg. 555). On rencontre en Pa-
lestine plusieurs espèces de vipères. Les plus communes
sont la vipera ammodytes et la vipera euphratica, de
couleur claire, à tête large et plate et à queue subi-
tement contractile. La grande vipère jaune, daboia
xanthina, est la plHS grosse vipère de Palestine.
Ses mœurs nocturnes la rendent particulièrement
dangereuse. Elle est de taille à engloutir dans son
estomac un levraut, une caille, ou quelque autre animal
semblable. Le serpent que l'hébreu désigne par le mot
'e/V/net que les versions appellent o'ïk, «hks, pao-tXid-
xo;, vipera, regulus, ne diffère probablement pas de
Vel-ephah arabe, serpent venimeux du Sahara, Vechis
arenicoht ou vipère de sable, commune dans le nord de
l'Afrique, en Arabie et en Syrie. Elle est longue d'une
trentaine de centimètres et a des mouvements très rapi-
des. Sa morsure est fréquemment mortelle, bien que
moins redoutable que celle du cobra ou du céraste. On
la rencontre très souvent en hiver dans les pierres des
bords de la mer Morte, et dans les broussailles des
rivages du Jourdain. « Ces fourrés recèlent plusieurs
animaux peu agréables à rencontrer, surtout la vipère
echis arenicola, fort redoutable... Ces serpents, qui
dans d'autres contrées s'enterrent ordinairement dais
les sables arides, étant ici sans cesse exposés à être
noyés par les crues subites du Jourdain, ont pris la
singulière habitude de s'enrouler aux brandies, à
une grande hauteur, et de se cacher dans les troncs
des arbres. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris,
1884, p. 448, 455. — La vipère est nommée trois fois
dans l'Ancien Testament. Dans Job, xx, 16, il est dit que
la langue de la vipère tuera le méchant. La langue de
la vipère est inoflensive; l'animal porte des crochets
creusés en forme de tubes par lesquels s'écoule le
venin produit par des glandes spéciales et introduit
dans la chair de la victime au moyen de la morsure.
L'auteur sacré parle donc de la langue de la vipère
selon les apparences. Aujourd'hui encore nous appelons
« langue de vipère » celle qui calomnie. Isaïe, xxx, 6,
parle de la vipère comme infestant le désert qui sépare
la Palestine de l'Egypte. Ailleurs, il compare la
555. — Vipère.
conduite des méchants à un œuf qu'on écrase et dont
il sort une vipère. Is., ux, 5, Sur ce texte, voir Œuf,
t. tv, col, 1755. Sur les autres serpents analogues, voir
Aspic, Basilic, t. i, col. 1124, 1495; Céraste, t. ri,
col. 432. — Dans le Nouveau Testament, la vipère
devient l'image des pharisiens et des saddueéens. S*r
les bords du Jourdain, infestés de vipères, saint Jean-
Baptiste interpelle les sectaires en les appelant a mo-
de vipères » et en constatant qu'ils savent fuir la colère
qui vient, sans doute comme les vipères fuient l'inon-
dation. Jfatth., m, 7; Luc, m, 7. Notre-Seigfceor
applique le même nom aux scribes et aux pharisiens,
pour dénoncer leur influence perfide et leurs allures
cauteleuses. Matth., xu, 34; xxm, 33. — La vipère qui
mordit saint Paul à la main, dans l'île de Malte, Act,,
xxviii, 3, devait être la vipère méditerranéenne, vipera
aspis, qu'on trouve en Sicile et dans toutes les Mes do
la Méditerranée. La blessure était mortelle, car les
insulaires, habitués au* suites de pareils accidents,
s'attendaient à voir saint Paul enfler et tomber mort
subitement. Act., xxvm, 6. La vipère n'existe plus à
Malte, pas plus d'ailleurs que dans d'autres Iles où sa
présence était signalée par Pline, H. A'., iv, 12. L'Ile 1
était autrefois très boisée, de sorte que saint Paul
put y ramasser facilement des fogots; les reptiles pou-
vaient par conséquent s'y abriter à l'aise. Aujourd'hui,
par suite des défrichements successifs, on n'y rencontre
plus que quelques arbres. » Breusing, Die Ntmtik der
Alten, Brème, 1886, p. 191; Vigoureux, Le N. T. et
les découvertes archéologiques, Paris, 1896, p. 344;
Tristram, The natural history of the Bible, Londres,
1889, p. 275-277. H. Lesêtre.
VIRGINITÉ (hébreu : bef&lim), état de celle qui est
restée vierge. — La fille de Jephté pleure pendant deux
mois sa virginité, Jud., H, 37, non qu'elle soit perdue,
*2439
VIRGINITÉ — VISION
2440
mais parce qu'elle ne doit pas aboutir au mariage.
L'idée de la virginité volontaire n'apparaît qu'avec
l'Évangile, en la personne de Marie, Luc, i, 34, qu'imi-
teront ensuite les vierges chrétiennes. — Ézéchiel,
xxm, 3, accuse les deux sœurs, Samarie et Jérusalem,
d'avoir prostitué leur virginité. — La loi supposait
qu'un mari pouvait contester la virginité de sa jeune
épouse. Les parents de celle-ci produisaient alors,
devant les anciens, les signes de la virginité de leur
fille, appelés aussi befûlîm. La présentation de ces
preuves, qui étaient déployées, entraînait pour le mari
une amende de cent sicles d'argent à verser au père et
à la mère, et la perte du droit de répudiation. Dans le
cas où les preuves en sa faveur faisaient défaut, la jeune
femme était lapidée. Deut., xxn, 13-21. Chez les
Hébreux, comme chez d'autres peuples anciens, exis-
tait donc l'obligation, pour le jeune marié, la nuit
même des noces, de transmettre aux parents de
l'épouse, qui attendaientau dehors, un linge ensanglanté
qui constituait une preuve de la virginité et que ceux-
ci pouvaient plus tard produire en témoignage. C'était
une sûreté qu'aimaient à se donner les Orientaux et
dont leurs mœurs s'accommodaient. Chez les Arabes,
le nouveau marié, après avoir reçu sa femme dans sa
tente, « sort avec un mouchoir ensanglanté à la main,
qu'il va montrer aux parents et aux amis assemblés. »
De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam,
■1718, p. 226. Cf. de Hummelauer, In Deuteron., Paris,
1901, p. 400; Piérotti, La Palestine actuelle, Paris,
1865, p. 252. H. Lesêtre.
VISAGE. Voir Face, t. n, col. 2165.
VISION (hébreu : fyâzôn, lyâzât, Ifizâyôn, hîdâh,
mahâzéh, mar'éh, mar'âh; chaldéen : fypzév; Septante :
8p«[ia, ôxcauta; Vulgate : visio, visus), phénomène
surnaturel au moyen duquel Dieu montre ce qu'il veut
faire savoir ou faire dire.
I. Sa nature. — 1° Dieu communique de trois ma-
nières dillérentes, mais non exclusives l'une de l'autre,
ce qu'il veut faire entendre. La vision peut être cor-
porelle, quand un objet extérieur frappe les sens, comme
quand Moïse voit le buisson ardent, Exod., m, 3; ima-
ginative, quand la représentation surnaturelle saisit
l'imagination sans le secours des sens, comme quand
Ézéchiel, I, 4-28, a la vision des quatre êtres à face
d'homme, de lion, de taureau et d'aigle; intellectuelle,
quand la communication divine ne s'adresse qu'à l'in-
telligence, comme dans la prophétie des semaines.
Dan., ix, 20-27. La vision intellectuelle peut subsister
seule, mais les deux autres la supposent toujours;
autrement, elles seraient inintelligibles. Les trois formes
peuvent d'ailleurs être liées ensemble. Ainsi, dans le
mystère de l'annonciation, Marie a la vision sensible
de l'ange, la vision imaginative de l'ombre du Saint-
Esprit la couvrant pour la rendre mère, et la vision
intellectuelle de la volonté divine qui attend son con-
sentement. Luc, i, 28-38. Les mages ont la vision
sensible de l'étoile et la vision intellectuelle de sa
signification. Matth., h, 2. Saint Pierre a la vision
imaginative de la nappe pleine d'aliments divers et la
vision intellectuelle de la volonté de Dieu par rapport
à Corneille. Act., x, 11, 19, 20. — 2° La vision surna-
turelle est essentiellement objective, c'est-à-dire ayant
une cause réelle indépendante de l'esprit de l'homme.
Elle produit en celui qui la reçoit la conviction que
Dieu même est intervenu. Elle se distingue ainsi des
visions que s'attribuent les faux prophètes, et qui ne
sont que ténèbres et Snensonge, Mich., m, 6; Jer.,
xxiii, 16; Zach'., jkiji, 4, des songes ordinaires, qui
n'ont qu'une cause subjective, et de ces représenta-
tions fugitives et inconsistantes qui saisissent l'esprit
pendant la nuit sans laisser ; de traces. Job, xx, 28;
Is., xxix, 7. — Elle se distingue aussi de la parole que
Dieu adresse directement à quelqu'un, pour lui révéler
ses pensées et ses ordres. Cette distinction est expres-
sément notée au sujet de Moïse. « Si vous avez quelque
prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est
en songe que je lui parle. Tel n'est pas mon serviteur
Moïse... Je lui parle bouche à bouche, en me faisant
voir, et non par énigmes. » Num., xn, 6-8. — 3° Les
visions se produisent habituellement la nuit, alors que
l'attention de l'âme n'est pas distraite par le spectacle
des objets extérieurs. Gen., xl vi, 2; Job, iv, 13; vu,
14; xxxni, 15; Dan., vu, 7, 13; Act., xvi, 9; xvm, 9.
Elles peuvent se présenter sous forme de songes d'ori-
gine surnaturelle, comme ceux du pharaon d'Egypte,
Gen., xli, 1-7, et de Nabuchodonosor. Dan., n, 3, 27,
28; iv, 7-15. D'autres fois, les visions sont précédées
de l'extase. Act., x, 17; II Cor., xii, 1-4. La vision
surnaturelle peut aussi apparaître à quelqu'un en
plein jour. Luc, i, 22; Matth., xvn,9; Luc, xxiv, 23;
Act., xxvi, 19. Mais, pour l'ordinaire, il est parlé des
visions sans qu'aucun renseignement soit donné sur
l'état du sujet qui les reçoit. Dieu les accorde donc
sans s'assujettir à aucune condition particulière. —
4° Les visions surnaturelles ne sont pas l'apanage ex-
clusif des saints personnages. D'autres en peuvent re-
cevoir, comme Balaam, Num., xxiv, 4, 16; Baltasar,
Dan., v, 5, 6; Héliodore, II Mach., m, 25, 26; la femme
de Pilate. Matth., xxvn, 19; etc. — 5» Il peut se faire
que la vision soit, pour celui qui la reçoit, purement
corporelle ou imaginative, et que l'explication intellec-
tuelle en soit donnée par un autre, comme il arriva
pour les songes du pharaon et de Nabuchodonosor.
Parfois, la vision demeure comme un « livre scellé »,
dont l'intelligence est impossible à cause de l'indignité
de ceux qui devraient comprendre. Is., xxix, 11-12.
Le prophète ne donne pas non plus toujours l'explica-
tion de la vision dont il a été favorisé. Tels Ézéchiel,
i, 4-28 ; Daniel, x, 4-xi, 45 ; saint Jean, dans l'Apoca-
lypse, etc.
II. Les visions bibliques. — 1° La Sainte Écriture
raconte d'une manière anthropomorphique comment
Dieu parle à Adam, Gen.,n,16, 22, 23; m,9;àCaïn, iv,
6, 10, 15; à Noé, vi, 13. Il parla à Abraham en vision.
Gen., xv, 1. — Abraham et Lot ont la vision corpo-
relle des anges qui leur parlent au nom de Jéhovah.
Gen., xvm, 1-xix, 3. Jacob a une vision à, Béthel
pendant son sommeil, et voit l'échelle sur laquelle les
anges montent et descendent. L'explication de ce sym-
bole n'est pas donnée. Gen., xxvm, 12-15. Il ren-
contre ensuite des anges. Gen., xxxii, 1, 2. Il a plus
tard une vision de nuit, dans laquelle il est encouragé
à descendre en Egypte. Gen., xlvi, 2. — Moïse reçoit
sa vocation dans la vision du buisson ardent. Exod.,
m, 3. Balaam contemple la « vision du Tout-Puis-
sant », qui lui révèle les destinées d'Israël. Num.,
xxiv, 4, 16. Gédéon a la vision de l'ange. Jud., VI, 12.
La mère de Samson a une vision semblable. Jud.,
xiii, 3. A l'époque d'Héli, la vision n'était pas fré-
quente. I Reg., ni, 1. C'est alors que Samuel a sa
vision de nuit dans le sanctuaire et que le Seigneur
lui indique le châtiment qui va fondre sur Israël.
I Reg., m, 4-14. A partir de ce moment, « Jéhovah
continuait d'apparaître à Silo, et se manifestait à Samuel
en lui faisant connaître sa parole. » I Reg., m, 21;
Ps. lxxxix (lxxxviii), 20. Nathan a une vision de nuit,
qu'il est chargé de rapporter à David. II Reg., vu, 4-17.
David a la vision de l'ange qui déchaîne le fléau sur
son peuple. II Reg., xxiv, 17. Dans une vision à Gabaon,
Jéhovah accorde le don de la sagesse à Salomon. III
Reg., m, 4-15. Dans une seconde vision, il lui promet
la stabilité de son trône, s'il est fidèle. III Reg., vin,
2-9. — 2° Dieu multiplie ses visions aux prophètes.
Ose., xn, 1. Il y a ainsi les visions d'Addo le voyant
2441
VISION
VOCATION
2412
II Par., ix, 29, d'Isaïe, i, 1; II Par., xxxn, 32, d'Ab-
dias, 1, de Nahum, I, 1, d'Habacuc, u, 2. Beaucoup de
visions sont consignées dans les livres d'Ézéchiel, i-in,
vin-xi, xxxvii, 1-10, xl, 14; de Daniel, II, vu, 1-8, vm,
1, 2, ix, 21-27; d'Araos, vu, 1-9, ix, 1; de Zacharie, i.
7- vi, 8. Ces visions doivent se réaliser. Ezech., xii, 23,
Dieu communique sa sagesse à ceux auxquels il se
montre. Eccli., I, 15 (12). Mais vient le temps où l'on
cherche en vain les visions des prophètes, Ezech., vu,
21, car les prophètes ne reçoivent plus de visions. Lam.,
n, 9. Plus tard, à l'époque du Messie, les jeunes gens
d'Israël doivent avoir de nouveau des visions, Joël, II,
28, ce dont saint Pierre signale l'accomplissement à la
Pentecôte. Act., h, 27. L'Écriture ne note plus d'ici là
que la vision réelle de Judas Machabée, auquel appa-
raissent Onias et Jérémie, II Mach., xv, 11-16, et la
vision des anges dans le Temple à l'impie Héliodore.
II Mach., m, 25-30. — 3» Dans le Nouveau Testament
sont mentionnées plusieurs visions : celles de l'ange
Gabriel à Zacharie, Luc, i, II, et à Marie, Luc, I, 28;
celles des anges aux bergers, Luc, n, 913, et de l'étoile
aux mages, Matth., n, 2; les visions en songe à saint
Joseph, Matth., i, 21; n, 13, 19, et aux mages, Matth.,
il, 12; la vision de la transfiguration, Matth., xvn, 9;
la vision qui trouble la femme de Pilate au sujet de
Jésus, Matth., xxvu, 19; les visions angéliques au tom-
beau du Sauveur, Mallh., xxvm, 2-7; Marc, xvi, 5;
Luc, xxiv, 4, 23; Joa., xx, 12, et à l'ascension, Act., i,
10; les visions de saint Paul sur le chemin de Damas,
Act., ix, 3-7, d'Ananie, chargé d'aller chercher saint
Paul, Act., ix, 10, de saint Pierre, auquel ordre est
donné de baptiser les gentils, Act., x, 9-16, de Cor-
neille, auquel il est dit d'aller trouver saint Pierre,
Act., x, 3-8, de saint Pierre, tiré de la prison par un
ange, Act., xn, 7-9, de saint Paul appelé à l'aide par
un Macédonien, Act., xvi, 10, rassuré sur le sort du
vaisseau qui le porte, Act., xxvu, 23, et en plusieurs
autres circonstances. II Cor., xii, 1. Enfin, l'Apocalypse
se compose d'une suite de visions décrites par saint
Jean : celles de la cour céleste, iv, 2-v, 14, des sept
trompettes, vm, 2-6, des sept signes, xn, 1-xv. 4, des
sept coupes, xv, 5-8, de la grande Babylone, xvn, I-
xix, 10, et du Roi vainqueur, xix, 11-xui, 5. — Cf.
S. Augustin, De Gen. ad litt., xii, 7, 16; 11, 22, 24;
24, 51, t. xxxiv, col. 459, 462, 463, 474; Ribet, La mys-
tique divine, Paris, 1879, t. i, p. 437-501.
H. Lesêtre.
VISITATION DE LA SAINTE VIERGE. Voir
Marie, t. iv, col. 785.
1. VISITE, démarche que l'on fait auprès de quel-
qu'un pour le voir, le saluer, prendre de ses nouvelles,
etc. Cette démarche est indiquée par le verbe pâqad,
iTiimomïv, iicivxéicTEo6ai, visitare, invisere. — La
Sainte Bible mentionne la visite de Joseph à ses frères,
Gen., xxxvii, 14; de Samson à sa femme philistine,
Jud-, xv, 1; de David à ses frères, I Reg., xvn, 18; de
Thamar à Amnon, II Reg., xm,15; de la reine de Saba
à Salomon,IIIReg.,x, 1-13; II Par., ix, 1-9; d'Ochozias,
roi de Juda, à Joram, roi d'Israël, IV Reg., vm, 29; ix,
16; II Par., xxn, 6; des envoyés de Mérodach Baladan
à Ézéchias, IV Reg., xx, 12-19; des trois amis à Job,
u, 11; de Marie à Elisabeth, Luc, i, 39-56; de Moïse à
ses compatriotes persécutés, Act., vu, 23; cf. Exod., n,
11-15; de Paul et Barnabe aux chrétientés qu'ils ont
fondées, Act., xv, 36; etc. — Sur le cérémonial des
visites, voir Politesse, Salut, col. 505, 1397. — Les
visites sont recommandées envers les malades, Eccli.,
vu, 39 (35); Matth., xxv, 36, 43, les reclus, Matth.,
xxv, 36, 43, les orphelins et les veuves pour en prendre
soin. Jacob., i, 27. —Être visité par le malheur, Prov.,
xix, 23, c'est avoir à souffrir physiquement ou mora-
lement. H. Lesêtre.
2. VISITE DE DIEU (hébreu r pequdUâh'; Septante :
â7i!ffx£i]/i;, èmffxomfj, ex6c'xr|<Ti;), intervention 1 de Dieu
pour exercer sa miséricorde ou sa justice.
1° Visites de miséricorde. — Dieu visite Sara, Gen.,
xxi, 1, et Anne, I Reg., n, 21, c'est-à-dire leur accorde
la faveur d'avoir un enfant. Dieu visite l'hommechaque
matin, pour lui assurer son secours- providentie-1,
Job, vu, 18, et chaque nuit, par l'intermédiaire de la
conscience, pour juger sa conduite. Ps-, xvh(xvi), 3.
Il visite par des songes, pour faire connaître sa volonté.
Eccli., xxxiv, 6. Il visite, pour mettre en- mouvement
les instruments dont il se sert. Ezech., xxxvni, 8. —
On demande à Dieu sa visite, c'est-à-dire son secours.
Ps. cvi (cv), 4; Judith, iv, 17; Jer., xv> 15. Joseph-
promet aux Hébreux qu'un jour Dieu les visitera sur la
terre d'Egypte, c'est-à-dire les en fera- sortir. Gen., l,
24; Exod., xm, 19. Dieu les y visita- en effet pour les
délivrer de leurs épreuves. Exod., m, 16; iv, 31. Après
soixante-dix ans, Dieu visitera son peuple captif à
Babylone, Jer., xxix, 10, et le résultat de sa visite sera
le rétablissement de Juda, Soph., n, 7, et sa mise à la
tête des peuples. Zach., x, 3. Sédécias eût été visité
favorablement à Babylone, s'il avait su se soumettre
aux Chaldéens. Jer., xxxn, 5. — La visite de Dieu par
excellence a été la venue du Messie par l'incarnation.
Luc, i, 68, 78. A la vue des miracles du Sauveur, ses
contemporains reconnaissaient que Dieu a visité son
peuple. Luc, vu, 16. Malheureusement, les Juifs ne
surent pas reconnaître cette visite et en profiter. Luc,
xix, 44. — Dieu visite la terre quand il y fait naître
l'abondance. Ps. lxv (lxiv), 10. — Il visite les hommes
au jour de leur jugement; saint Pierre exhorte les fidèles
à se mettre en mesure de glorifier Dieu par leurs
œuvres ce jour-là. I Pet., n, 12.
2» Visites de justice. — 11 y a un temps où Dieu visite
les hommes pour exercer contre eux sa justice, à cause
de leurs péchés. Ps. lix (lviii), 6; lxxxix (lxxxvib),
33; Is., x, 3; xm, 11; Jer.; ix, 25. — Il visitera le pays
de son peuple, si le mariage y est profané. Lev., xvm,
25. — Sa visite châtie l'iniquité des pères jusqu'à la
quatrième génération. Exod., xx, 5; xxxiv, 7; Num.,
xiv, 18. — Elle aura raison des ennemis d'Israël, Judith,-
xvi, 20, spécialement de l'Egypte, Jer., xlvi, 21,25; du
roi d'Assyrie, Is., x, 12; de Moab, Jer., xlviii, 44; de
l'Idumée, Jer., xlix, 8; Lam., iv, 22; de Babylone et
de ses idoles. Jer., xxvu, 22; l, 18, 27, 31 ; Ll, 18, 44,
52. — Dieu, dans sa justice, visitera également son
peuple coupable, Exod., xxxn, 34; la maison de Jéhu,
Ose., i, 4; Séméïe, Jer., xxlx, 32, et les faux prophètes,
Jer., xxiii, 12 ; Juda, Ose., xn, 3, ses rois, ses prêtres
et son peuple, Ose., iv, 9; Jer., xxm, 2, 34; Jérusalem
et ses coupables habitants ; Is., xxix, 6; Jer., vi, 15;
vm, 12; xi, 23; les Juifs réfugiés en Egypte. Jer., xuu,
13, 29. H". Lesêtre.
VIVRES. Voir Nourriture, t. iv, col. 1700.
VOCATION (grec : -/.}.-ri<Ti;), appel par lequel Dieu
destine quelqu'un à une fonctionou àunétatdéterminés.
1» Vocations particulières. — La Sainte Écriture
mentionne expressément les vocations d'Abraham,
Gen., xn, 1, de Moïse, Exod., m, 4, d'Aaron, Exod.,
xxix, 4, de Josué, Deut., xxxi, 7, de Gédéon, Jud., VI,
14, de Samson, Jud., xm, 5, de Samuel, I Reg., m, 3,
de Saùl,I Reg., x, 1, de David, I Reg., xvi, 12, d'Isaïe.
Is., vi, 9, de Jérémie, Jer., 1, 5-10, d'Ézéchiel, Ezech.,
u, 3, de Jonas, Jon., i, 1, 2, de Jean-Baptiste, Luc, i,
13-17, de Marie, Luc, i, 31-33, des douze Apôtres,
Matth., iv, 18-21; ix, 9; Marc, i, 20; Luc, vi, 13-16;
Joa., i, 35-42, des soixante-douze disciples, Luc, x,
3-7, de Saul, Act., ix, 6, de Saul et de Barnabe. Act.,
xm, 2, etc. Ces vocations sont notifiées aux intéressés
tantôt directement, comme à Abraham, à Moïse, à
2443
VOCATION — VŒU
2444
Samuel, aux prophètes et aux Apôtres, tantôt par in-
termédiaire angélique ou humain. Beaucoup d'autres
vocations, dont la Bible ne parle pas, comme celles de
la plupart des prophètes, ont été au moins intérieures.
Les ministres du Seigneur ont une vocation spéciale-
ment sainte. II Tim., 1, 9. Cette vocation est indispen-
sable. Heb., v, 4. Mais Jésus-Christ appelle qui il veut.
Marc, iii, 13; Joa., xv, 16. Saint Paul se plaît à rap-
peler la vocation qu'il a reçue et qui autorise son mi-
nistère. Rom., I, 1; I Cor., I, 1; Gai., i, 15. Quelques-
uns sont infidèles à leur vocation, comme Judas. Joa.,
Tl, 70.
2» Vocations générales. — 1. Le peuple hébreu a été,
par vocation, le peuple de Dieu. Deut., xxvi, 18, 19; xxxn,
9; Is., li, 16; lxiii, 8; Jer., vu, 23; Ezech., xxxvi, 20,
28; Ose., H, 1, etc. Dieu le choisit pour en faire le
dépositaire de la révélation et des promesses messia-
niques et la figure du peuple racheté. Sa vocation prit
fin à la mort du Rédempteur. — 2. Le peuple chrétien
a pris la place du peuple juif pour devenir « une race
choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un
peuple que Dieu s'est acquis pour annoncer les perfec-
tions de celui qui l'a appelé des ténèbres à son admi-
rable lumière, » I Pet., n, 9, et à la liberté. Gai., v, 13.
■Ce peuple est l'objet d'une vocation divine. Rom., i, 6;
vin. 28, HÛ; ix, 24; I Cor., i, 2, 9; Gai., i, 6; II Thés.,
n,13; II Tim., i, 9; I Pet., i, 15. Il se recrute aussi
bien chez les Grecs que chez les Juifs. I Cor., i, 24. 11 est
appelé à la fois au royaume de Dieu sur la terre, IThes.,
11,12, età lagloiredela vieéternelle.Phil.,iii,14; ITim.,
vi, 12; Hebr., m,l; ix, 15; I Pet., v, 10; Jud., 1; Apoc,
xix, 9. Dans deux paraboles, les sujets du royaume de
Dieu sont divisés en xXtjto i,vocati, ceux qui ont reçu la
vocation et sont en grand nombre, et en èxXsxtoi,
electi, ceux qui sont choisis ou dignes de l'être, et
sont en petit nombre. Matth., xx, 16;xxn, 14. Voir
Él.rs, t. Il, col. 1708. Saint Paul remarque que, de son
temps, la vocation s'adressait surtout à ceux dont la
condition sociale était plus humble. I Cor., i, 26. Il ne
voulait pas que cette vocation les portât à se soustraire
à leur situation naturelle dans la société ou la famille.
ICor., vu, 15-24. De la part de Dieu, la vocation est
sans repentance, Rom., xi, 29. Il ne revient ni sur son
appel, ni sur son choix. Mais, delà part de l'homme,
la vocation réclame des efforts personnels. Il faut être
fidèle à sa vocation, Eph., IV, 1, c'est-à-dire y répondre
avec docilité et persévérance. Il faut mener une con-
duite digne de sa vocation. Eph., iv, 4; II Thés., i, 11.
Il faut s'efforcer d'assurer par des actes de vertu sa
vocation, xX-qatç, vocatio, et son élection, ÈxXoyir;, eleclio.
II Pet., i, 10. La- récompense viendra en son temps, et
un jour partageront la victoire de l'Agneau xXuiTot,
vocati, les appelés, èxXExroi, electi, les choisis, et
msTof, fidèles, les croyants. Apoc, xvn, 14.
H. Lesètre.
VŒU (hébreu : 'ësâr, 'issâr,nédér; Septante tsOy.vî),
engagement que l'on s'impose de consacrer à Dieu un
bien présent ou futur.
1» La législation. — 1. La pratique des vœux était
dans les coutumes des ancêtres d'Israël, comme le
montre l'exemple de Jacob, s'engageanl à fonder un
•lieu de culte et à payer une dlme, si Dieu veille sur lui
pendant son voyage en Mésopotamie. Gen., xxvm, 20-
22; xxxi, 13. — 2. La législation mosaïque s'occupe
d'abord des vœux au point de vue de leur objet. Les
personnes pouvaient se vouer à Jéhovah, soit en faisant
elles-mêmes leur vœu, soit en ratifiant celui qu'on
avait fait pour elles. Comme, en principe, le service
litnrgiqne de Jéhovah était assuré exclusivement par
les léi'i tes, ceux qui avaient été voués devaient se ra-
cheter, comme on le faisait pour les premiers-nés. La
loi suppose quatre catégories de personnes, hommes
ou femmes, vouées à Jéhovah : celles de vingt à soixante
ans, celles de cinq à vingt ans, celles d'un mois à cinq ans
etcelles qui dépassaient soixanteans. Le prix du rachat
variait suivant le sexe et l'âge, et, pour les pauvres, était
laissée l'estimation du prêtre. Lev., xxvn, 2-8. Voir Ra-
chat, col. 923. — On pouvait vouer des animaux, à condi-
tion qu'ils fussent bons et convenables. On les immolait à
Jéhovah, et ceux qui les avaient offerts pouvaient en man-
ger leur part, mais seulement le jour et le lendemain.
On rachetait les animaux qui n'étaient pas acceptés pour
les sacrifices. Lev., vu, 16; xxii, 18, 21, 23; xxvn, 9-
15; Num., xv, 3-8. — On vouait aussi des maisons ou
des champs, qui ensuite étaient rachetés. Lev., xxvn,
14-25. — Ce qui était voué sous forme d'anathème
appartenait, sans retour possible, à Jéhovah, et tout ce
qui avait vie, même les personnes, devait être mis à
mort. Lev., xxvn, 28, 29. On ne vouait par anathème que
les ennemis. — 3. La loi s'occupe ensuite des per-
sonnes qui font des vœux. Le vœu fait par un homme
doit toujours être accompli. Le vœu fait par une jeune
fille n'est valable que si son père ne la désavoue pas.
Le vœu fait par une femme mariée n'est valable que
si le mari, en l'apprenant, l'approuve au moins par son
silence. Si, après avoir appris les vœux faits par sa
femme, il acquiesce parson silence et ne les désapprouve
pas de suite, une désapprobation ultérieure le rend
responsable de leur inexécution. Le vœu d'une femme
veuve ou répudiée est valable, sans autre formalité.
Num., xxx, 3-16. Ces dispositions avaient pour but de
ne pas laisser la fille ou la femme engager définitive-
ment le chef de la famille à son insu ou contre son
gré. D'autre part, pour assurer la tranquillité de la
femme, le père de famille ne pouvait plus revenir sur
son approbation, celle-ci une fois acquise. — Sur le
vœu du nazaréat, voir Nazaréat, t. iv, col. 1515.
2° Les conseils. — Moïse remarque que rien n'oblige
à faire des vœux, mais que, si l'on en a fait, on doit
les exécuter sans tarder. Deut., xxm, 21-23. C'est une
duperie dont on est soi-même victime, que de vouer
une chose à la légère et de ne réfléchir qu'après coup.
Prov., xx, 25. Mieux vaux donc ne faire aucun vœu que
de ne pas accomplir ceux que l'on a faits. Eccle., v, 4.
Aussi les auteurs sacrés reviennent-ils souvent sur la
question des vœux pour recommander d'exécuter les
vœux ou pour promettre eux-mêmes de le faire. Job,
xxii, 27; Ps. lxv (lxiv), 2; cxvi (cxv), 14-18; Nah., i,
15; Jon., ii,10; Is., xix, 21.
3° La pratique. — Les Israélites font vœu de livrer
à l'anathème le peuple d'Arad, si Dieu le livre entre
leurs mains. Num.,xxi, 2, 3. Jephté, en exécution d'un
vœu inconsidéré, sacrifie sa fille, alors que, d'après la
loi, il aurait dû la racheter. Jud., xi, 30. Anne fait vœu
que, si elle obtient un fils, elle le consacrera au
Seigneur. I Reg., I, 11, 21. Absalom fait vœu d'offrir
un sacrifice à Hébron, si Dieu le ramène à Jérusalem.
II Reg., xv, 7, 8. David fait vœu de n'avoir pas de
repos tant qu'il n'aura pas trouvé un endroit favorable
pour bâtir un temple à Jéhovah. Ps. cxxxn (cxxxi), 2.
La femme impudique prétexte l'accomplissement d'un
vœu pour rencontrer celui qu'elle veut séduire. Prov.,
vu, 14. Malachie, i, 14, maudit celui qui, à la suite d'un
vœu, offre une bête chétive au lieu d'une victime sé-
rieuse. Des paroles de Marie à l'ange Gabriel, Luc, i,
34, on conclut qu'elle avait voué à Dieu sa virginité,
Saint Paul avait fait un vœu, en vertu duquel il fit
raser sa chevelure à Cenchrées. Act., xvm, 18.11 trouva
à Jérusalem quatre hommes qui avaient fait un vœu,
et paya les frais des sacrifices qu'ils avaient à offrir.
Act., xxi, 23. — On faisait aussi des vœux d'un carac-
tère plus ou moins idolâtrique. Ainsi la mère deMichas
consacre une somme d'argent à Jéhovah, mais pour
qu'on en fasse une image taillée et un objet en fonte,
ce qui était défendu par la loi. Jud., xvll, 3, 4. Les
Israélites faisaient des vœux à la reine du ciel, As-
2445
VŒU — VOIE
2446
tarthé. Jer., xnv, 25. Plus corrects sont les vœux que
des matelots phéniciens font à Jéhovah, après avoir
jeté Jonas à la mer. Jon., i, 16. Les idoles sont indiffé-
rentes aux vœux que l'on fait en leur honneur. Bar.,
vi, 34. — La casuistique rabbinique s'était exercée sur
les vœux pour tirer des conclusions vraiment abusives.
Voir Corban, t. h, col. 958. Par la formule : « Qônam
(corban) ! si tu tires quelque utilité de moi, » Neda-
rim, vin, 7, ils s'interdisaient de faire quoi que ce fût
pour quelqu'un, même pour un père ou une mère, sous
prétexte de tout consacrer à Dieu. Cette consécration
n'était d'ailleurs qu'hypothétique; elle n'engageait nul-
lement. Josèphe, Cont. Apion., 1, 22, cite Théophraste
disant que les lois tyriennes prohibaient les serments
étrangers, entre autres le corban. L'expérience avait
sans doute appris aux Tyriens qu'on ne pouvait pas se
fier à cette forme de serment juif. Voir Temple,
col. 2068. De même, par la formule : « Qônam ! si ma
femme tire de moi quelque plaisir, » on s'obligeait à
répudier sa femme. On pouvait même s'interdire par
vœu d'accomplir un acte prescrit par la Loi, comme la
construction des huttes pour la fête des Tabernacles,
le port des thephillin, etc. Nedarim, n, 2. Hors les cas
de légèreté de la part de celui qui avait fait le vœu,
d'erreur ou de contrainte, le vœu obligeait. Nedarim,
m; ix, 1. En cas de nécessité, on en était quitte pour
faire accomplir par un autre la chose qu'on s'était
interdite. Nedarim, v, 6. C'est contre ces abus que
Notre-Seigneur protesta, en déclarant que la loi de
Dieu devait avoir le pas sur les traditions humaines.
Marc, vu, 11-13. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc,
Paris, 1911, p 176. H. Lesêtre
VOIE (hébreu : dérék, 'orah, mesillâh, Sebîl; Sep-
tante : éSd;, Tpî6oç), route, chemin, sentier pour aller
d'un endroit à un autre. Voir Routes, col. 1229. Ces
mots sont pris par les auteurs sacrés, non seulement
dans leur sens propre, mais encore dans plusieurs sens
métaphoriques importants.
1° La voie matérielle. — Il y en a de différentes
sortes : la voie publique et entretenue avec un certain
soin, mesillâh, ôôô;, semita, Jud., XX, 31, 32; I Reg.,
vi, 12; Is, xl, 3; la voie droite, Ps. cvii (cvi), 7; Prov.,
xii, 15; xxi, 2; Eccli., xlix, 11 ; la belle route, Prov.,
m, 17; la voie aplanie, Eccli., xxi, 11; Is., xl, 4; Luc,
m, 5; la voie déserte, Eccli., xlix, 8; Lam., i, 4; Soph.,
ni, 6; la voie difficile, Eccli., xxxn, 25; Ps. xvn (xvi),
4; la voie non tracée, Ps. cvn (cvi), 40; la voie spa-
cieuse, et la voie étroite, miS'ôl, aïXal, angustia,
Num., xxn, 24; Matth., vu, 13; la voie tortueuse,
ma'âqasSïm, <rxoXtâ, prava, Is., xlii, 16; la voie téné-
breuse et glissante, Ps. xxxv (xxxiv), 6; Prov., n, 13;
iv, 19; Jer., xxm, 12; la voie boueuse et souillée,
Ps. x, 5; Eccli., ix, 10; Zach., x, 5; la voie semée
d'obstacles. Is., lvii, 14; Jer., l, 26; Lam., m, 9. —
La tête de route, r'oS dérék, ou mère de route, 'êm
dérék, Ezech.,xxi, 26, est le carrefour d'où partent une
ou plusieurs routes. Prov., vm, 2; Is.,ii,20; Ezech.,xvi,
25,31; Nah., m, 10; Matth, xxn, 9 : 8ie£ô8oi t&v 68&v,
exitus viarum, le point de départ ou d'arrivée des
routes. Il importait alors de montrer le chemin, yâlêr,
Prov., xn, 26, aux passants qui l'ignoraient. — Chaque
année, à partir du 15 adar, c'est-à-dire un mois avant
la Pàque, on mettait en état les voies de communica-
tion, à l'usage des pèlerins qui se rendaient à Jérusa-
lem. Cf. Reland, Antiquilates sacrx, Utrecht, 1741,
p. 228. — On réparait également les routes quand un
roi devait y passer. Is., xl, 3; Matth., m, 3, etc. Cet
usage subsiste encore en Orient.
2° La vie humaine. — Vivre, c'est être sur la voie,
in via. Matth., v, 25. On s'en va ainsi par le « chemin
de toute la terre », par celui qui mène tous les hommes
à la mort. Jos., xxm, 14. Malgré toute son industrie,
l'homme est incapable d'allonger ce chemin d'une
coudée. Matth., vi, 27. Sur ce chemin, les patriarches
se considéraient comme des voyageurs. Hebr., xi, 13.
Cf. Job, m, 22; vm, 19; Am., H, 7.
3° La condition de chacun. — Rachel suit la voie
des femmes, c'est-à-dire subit ce qui leur est ordi-
naire. Gen., xxxi, 35. Les voies de l'impie sont souvent
prospères. Ps. x (xi), 4. Il faut remettre à Dieu sa voie,
c'est-à-dire son sort. Ps. xxxvii (xxxvi), 5. La * voie de
l'Egypte » est le sort que Dieu a jadis infligé à ce pays.
Is., x, 24. Cf. Job, m, 23; xxiv, 4; Agg., i, 5.
4° La conduite de l'homme. — Il y a la voie des
bons, Prov., H, 20, qui est celle de la sagesse et de la
justice, Prov., ix, 6; xvi, 31, et la voie des méchants,
Ps. I, 1; Prov., rv, 14; xn, 15; Is., lv, 7, qui est la
voie du mal. Ps. cxxxix (cxxxvm), 24. Les « fruits de
la voie » sont les conséquences de la conduite. Prov„,
i, 31. « Garder sa voie », c'est veiller sur sa conduite,
III Reg., il, 4; vm, 25: Ps. xxxix (xxxvm), 2. Marcher
dans la voie ou dans les voies de quelqu'un, c'est imiter
ses exemples. III Reg., xv, 26,34; xvi, 2,19; xxn, 23;
IV Reg., vm, 18, 27; xvi, 3; II Par., xi, 17; Eccli.,
xl vin, 25; etc. Toutes les voies de l'homme sont fami-
lières à Dieu. Ps. cxxxix (cxxxvm), 3. 11 a laissé les
nations suivre leurs voies. Act., xiv, 15.
5° Les entreprises particulières. — David était ha-
bile dans toutes ses voies. I Reg., xvm, 14. La femme
forte veillait sur la voie, c'est-à-dire sur la marche,
hâlikâh, Starptëri, semitse, de sa maison. Prov.,
xxxi, 27.
6» La conduite de Dieu. — La voie de Dieu est par-
faite, Ps. xvm (xvn), 31, droite, Ezech., xvm, 25, et
juste. Deut., xxxn, 4; Job, xxi, 31; xxxvi,23; Ps.cxlv
(cxliv), 17; Ose., xiv, 10; Apoc, xv, 3. Les voies de
Dieu ne sont pas celles des hommes. Is., lv, 8,
7° L'œuvre de Dieu. — Dieu a créé la sagesse au
commencement de ses voies, c'est-à-dire de son action
créatrice. Prov., vm, 22. Les voies de Dieu sont ses
œuvres. Job, xxvi, 14; xl, 19.
8» La volonté de Dieu. — La voie de Dieu est la
conduite vertueuse qu'il prescrit aux hommes. Gen.,
xvm, 19; Ps. v, 9; xxv (xxiv),4; xxvn (xxvi), 11; Jer.,
v, 4 ; etc. On demande à Dieu qu'il fasse connaître et
aide à suivre cette voie. Ps. xxv (xxiv), 9; lxxxvi
(lxxxv), 11 ; Is., n, 3; Mich., iv, 2. Suivre les voies de
Dieu, c'est mener une vie conforme à la volonté divine.
Deut., vm, 6; x, 12; xi, 22; xix, 9; xxvi, 17; xxvni,
9; xxx, 16; Jos., xxn, 5; III Reg., m, 14; vm, 58; xi,
33; Ps. lxxxi (lxxx), 14; Is., xxn, 24; Zach., m, 7;etc.
Les pharisiens reconnaissent que Jésus-Christ enseigne
vraiment la « voie de Dieu ». Matth., xxn, 16; Marc,
xn, 14; Luc, xx, 21. Cf. Act., xm, 10.. Marcher dans
deux voies, Eccli., n, 14 (12), Vulgate, m, 28, c'est
tantôt suivre et tantôt transgresser la volonté divine.
9° La religion. — Le Psalmiste demande à Dieu de
voir s'il n'est pas dans la voie des idoles, dérék 'oséb,
686; àvo;ua<;, via iniquitatis, et de le mener dans la
voie d'autrefois, celle des ancêtres, dérék 'ôlâm, ôôé;
aiwvsa, via seterna'. Ps. cxxxix (cxxxvm), 24. Ces sen-
tiers d'autrefois sont la «voie du salut ». Jer., vi, 16;
xvm, 15. La « voie de Bersabée » est le culte idolâtrique
rendu au veau d'orde Bersabée. Am.,vin, 14.— Dans la
loi nouvelle, Jésus-Christ est lui même la voie, Joa.,
xiv, 6, qu'il faut suivre pour aller au Père. L'idée d'un
chemin à suivre se retrouve dans les appels du Sauveur
à embrasser son genre de vie. Matth., ix, 9; x, 38; xvi,
24; Marc, H, 14; vm, 34; Luc, ix, 23; xvm, 22; Joa.,
I, 43; etc. A le suivre, on ne marche pas dans les ténè-
bres. Joa., vm, 12. Celui qui ne suit pas le Sauveur et
ses disciples n'appartient pas à sa religion. Marc, ix,
37; Luc, IX, 49. Les Apôtres désignent par le nom de
« voie » la religion nouvelle. Act., ix,2; xvm, 26; xix,
9, 23; xxn, 4; xxiv, 22. Saint Pierre l'appelle ô5ôç tt,c
2447
VOIE
VOILE
244»
àlrfidut;, via verilatis, voie de la vérité. II Pet., Il, 2.
— Dans tous ces passages, le sens de la métaphore est
très clair. Elle rappelle que l'hoinmeici-basest dans un
état provisoire. Il marche vers un but, qui parfois est
purement temporel ou même mauvais, mais qui nor-
malement doit être conforme à la volonté de Dieu. Fi-
nalement la « voie »doit conduire à lui.
H. Lesètre.
VOILE, pièce d'étoffe pour couvrir le visage ou la
tête ; rideau ; toile qu'on attache aux vergues d'un bateau
pour recevoir le vent.
I. Voile de tète. — Le voile, voir fig. 556-559, est
désigné par diilérents mots. Moïse se voile le visage
pour ne pas voir Dieu. Exod., m, 6. Plus tard, après
son séjour sur le Sinaï, il couvre sa face d'un voile,
masvéh, y.àXvy.\j.a., velamen, pour parler aux enfants
d'Israël, mais il l'ote quand il retourne auprès du Sei-
gneur. Exod., xxxiv, 33-35. — Le sd'if, 6épicrTpov, pal-
liuni, est le voile dont se couvre Rébecca à l'approche
d'Isaac. Gen., xxiv, 65. Thamar prend le même voile,
tkeristrum, pour aller se prostituer. Gen., xxxvm, 14.
7 1
couvrait le visage, dit que les Juifs l'ont gardé pour
ne pas reconnaître le Christ dans les Écritures. If
Cor., m, 13-16.
II. Voile de navire. — Isaïe, xxxm, 23, comparant
l'Assyrie à un navire désemparé, lui dit : « Tes cordages*
sont relâchés,... ils ne tiennent plus la voile déployée. »
Le mot nés désigne ici la voile qui prend le vent et
fait avancer le navire quand elle est tendue par les
cordages, et non le pavillon, <7yj|jis?ov, signum , comme
traduisent les versions, celui-ci n'ayant pas d'action
sur la marche. D'ailleurs les Septante ajoutent que le
mât « n'abaissera pas les voiles, » x« to-Tca. — Dans
Ézéchiel, xxvir, 7, les voiles des navires de Tyr, en lin
lin d'Egypte et brodées de couleurs variées, sont ap-
pelées mifràf, o-TpwjivY), « couverture », vélum. Voir
Broderie, t. i, fig. 622, col. 1943. Cf. Navire, t. iv r
fig. 414, col. 1515.
III. Voile du Temple. — Dans le Tabernacle, il y
avait un premier voile, mdsdk, qui fermait l'entrée du-
Saint, Exod., xxvi, 36; xxxix, 38; XL, 5, et un second,
parokét, qui cachait le Saint des saints. Exod., xxvr,.
I*.
' * fi'- '•
Ogr*.
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't ■>. .
ii ;
556. — Dames égyptiennes 557. — Egyptiennes
voilées pour monter à cheval etenfants des basses classes.
ou pour la marche.
.; - ■ j *.■■■■
558. — Egyptienne
voilée pour la promenade.
559. — Égyptienne voyageant
à âne.
D'après Lane, Manners, t. ï, p. 66, 69, 72, 263.
— La samnidh est un voile transparent au travers du-
quel on aperçoit les yeux et les joues de l'Épouse.
Cant., iv, 1; vi, 7. Les versions ne rendent pas ce mot.
Il désigne aussi le voile qu'on ôte à Babylone pour
découvrir sa honte. Is., xlvii, 2. — Les re'dlôf, mitrse,
sont des voiles faisant partie de la toilette des femmes.
Is., m, 19. — Le lot, non rendu par les versions, est
un voile de deuil qui couvrait les nations avant la ré-
demption. Is., xxv, 7. Dans le deuil et l'affliction, on
avait coutume de se voiler la tête, II Reg., xv, 30; Esth.,
vi, 12; vu, 8; Jer., xiv, 4. Saint Paul dit que la longue
chevelure convient à la femme pour lui servir de voile.
I Cor., xi, 15. — Le mâsàk, operimenlum, est le voile
épais qui empêche de voir. Is., xxil, 8. On dit que Dieu
cache sa face quand il ne semble pas voir les épreuves
de ses serviteurs. Ps. x, 11; xxx (xxix), 8; lxxxviii
(lxxxvii), 15; en (ci), 3; civ (cm), 29; Is., liv, 8. — Le
sêtér, sijioxpucpyj, latibulum, est le voile qui cache Dieu,
la nuée, Job, xxn, 14, ou encore la nuée orageuse, qui
est le voile du tonnerre. Ps. lxxxi(lxxx), 8. C'est aussi
le voile, ov.ôtoç, caligo, dont se couvre l'adultère. Job,
xxiv, 15. — Le ma'atéh, aXtip-na, pallium, est un
voile de fêle. Is., lxj, 3. — Le liékyôn, abscondita est,
est un voile lumineux qui cache la majesté de Dieu,
Hab., m, 4, probablement le nuage. — Le kesûf, sic
T![nijv, in velamen, est métaphoriquement le voile dont
on recouvre un acte équivoque. Abimélech appelle de
ce nom l'argent qu'il donne à Sara pour excuser sa
conduite envers elle. Gen., xx, 16. — Saint Paul, rap-
pelant le voile, «àX-jusue, velamen, dont Moïse se
31; xxxm, 35; Lev., iv, 6, 17; xvi, 2; Num., iv, 5,
II Par., m, 14; etc. Ce dernier est parfois appelé
pârokét hammâsâk. Exod., xxxv, 12; xxxix, 34; XL,
21. Dans les Septante, mâsdk est traduit par xâXuu,p.a,
mais les deux mots hébreux sont indifféremment ren-
dus par xaTa7tÉTa(Tu.«, le voile abaissé d'en haut. Dans-
le Tabernacle, le voile ;du Saint des saints était fait de
pourpre violette, de pourpre écarlate, de cramoisi et de
lin. Des chérubins y étaient représentés. Il était sus-
pendu à quatre colonnes revêtues d'or et posées sur des-
pieds d'argent. Il dérobait la vue de l'Arche d'alliance,.
xaTa7téra<j[ta tô ffuffXKxÇov, « le voile qui cache », vélum
quod pendet ante fores, Num., rv, 5, rappelant ainsi
l'inaccessibilité de la majesté divine. Sur les autres voiles
du Tabernacle, voir Rideau, col. 1099. D'après Josèphe,.
Bell, jud., V, v, 4, les quatre couleurs qui composaient
le voile étaient symboliques, le cramoisi du feu, le lin de
la terre, le violet de l'air et la pourpre dé la mer. Pour
S. Thomas, Summ. theol.,l* II*, q. cil, a. 4, ad 4 um , le
voile figurait l'occultation des sacrifices spirituels dans-
les sacrifices anciens. Le lin représentait la pureté ; la
pourpre, les souffrances endurées par les saints pour
Dieu; le cramoisi, la charité, et le violet, la méditation
des choses célestes. Il faut remarquer encore que le-
voile maintenait une mystérieuse obscurité dans le-
Saints des saints, parce que Dieu est la lumière incréée,
qui n'a besoin d'aucune lumière étrangère à lui-même.
Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg,
1837, t. ï, p. 397-399. — Salomon fit exécuter pour le-
Temple un voile conforme aux prescriptions mosaïques.
2449
VOILE
YOIX
245a
II Par., m, 14. Cf. Josèphe, Anl. jud., VIII, m, 3. Dans
le second Temple, un premier rideau fermait l'entrée
extérieure du Saint. C'était un tapis de Babylone, dans
la confection duquel entraient les quatre couleurs
liturgiques. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 4; Middoth,
rv, 7. Un autre voile fermait le Saint des saints, bien
que ce lieu ne contînt plus l'Arche d'alliance. Antiochus
Epiphane s'empara de ce voile. I Mach., i, 22. D'après
le Talmud, ce voile était double et composé en réalité
de deux voiles distincts, espacés l'un de l'autre d'une
coudée. Au jour de l'Expiation, le grand-prêtre péné-
trait entre les deux par le côté sud et entrait par le
côté nord dans le Saint des saints. Cf. Reland, Anli-
quitates sacres, Utrecht, 1741, p. 63. «— Au moment de
la mort de Notre-Seigneur, le voile du Temple, xocraTO-
Ta7|ia toO vaoû, vélum templi, se déchira par le
milieu, depuis le haut jusqu'en bas. Matth., xxvn, 51;
Marc, xv, 38; Luc, xxm, 45. Mais de quel voile s'agit-
il ? On pense communément que le voile qui se déchira
fut celui du Saint des saints, celui qui est appelé « le
second voile » dans l'Épître aux Hébreux, ix, 3, et
to é(i(ûT«Tov xaTocTtsra<7[ia, « le voile intérieur », dans
Philon, De gigant., 12, édit. Mangey, t. i, p. 270. Cf.
Knabenbauer, Ev. sec. Matth., Paris, 1893, t. n, p.
536." Cependant, les textes évangéliques disent sim-
plement io xataitSTa(7|Jia toO vaov, expression qui semble
se rapporter plus naturellement au voile qui fermait le
Temple proprement dit ou naos, c'est-à-dire le Saint.
Ce voile était le seul visible du parvis des prêtres et
du parvis d'Israël, tandis que celui du Saint des saints
ne pouvait être vu que des quelques prêtres qui péné-
traient dans le Saint pour le service du culte; or les
Évangélistes font certainement allusion à une manifes-
tation extérieure et facilement constatable de la puissance
de Dieu. Aussi saint Jérôme dit-il formellement qu'il
s'agit du voile extérieur, de celui qu'on voyait du
dehors. Epist. cxx, 8, 2, t. xxn, col. 992. C'est aussi
l'avis de saint Thomas, Summ. theol., I a H 58 , q. cil,
a. 4, ad4 um ;etc. La signification symbolique de cet évé-
nement est importante, de quelque voile qu'il soit ques-
tion. Le Christ rédempteur est entré, par la vertu de
son sang, dans le véritable Saint des saints et nous en
a ouvert l'entrée, rendant ainsi le voile inutile. Hebr.,ix,
9. On peut dire aussi que, par l'établissement de la reli-
gion nouvelle, il a abrogé le culte ancien, spécialement
les cérémonies qui se pratiquaient dans le Saint, sup-
primant pour tous l'interdiction de contempler des
rites qui cessaient d'être sacrés. C'est à quoi fait pro-
bablement allusion l'Épitre aux Hébreux, x, 19-21 :
« Nous avons par le sang de Jésus libre accès dans le
sanctuaire, ta àyi'a, par la voie nouvelle et vivante
qu'il a inaugurée pour nous à travers le voile, xaxaité-
TacTjia, velamen, c'est-à-dire à travers sa chair. »
D'ailleurs, le second voile ne fermait qu'un emplacement
vide, tandis que le premier empêchait de voir des objets
permanents et des cérémonies quotidiennes; c'est donc
celui-ci, semble-t-il, qui perdait le plus sa raison d'être
à la mort de Jésus-Christ. Cf. Lagrange, Évang. sel.
S. Marc, Paris, 1911, p. 408. — Saint Jérôme, Epist.
cxx, 8, 2, t. xxn, col. 992; In Matth., iv, 27, t. xxvi,
col. 213, rapporte, d'après l'Evangile selon les Hébreux,
qu'à la mort du Christ le linteau du Temple, dont les
dimensions étaient considérables, se brisa et tomba.
Il est possible que cette rupture et cette chute aient
été l'effet du tremblement de terre et aient naturel-
lement entraîné la déchirure du rideau du haut en
bas. Bien qu'accompli avec l'intervention de causes
secondes, le miracle n'en eût pas été moins signi-
ficatif. H. Lesètre.
VOIX (hébreu : qôl; Septante : çmviq), son émis par
le larynx des êtres animés. — Dans la Sainte Écriture,
une voix est attribuée non seulement aux hommes et
aux animaux, mais anthropomorphiquement à Dieu, et
métaphoriquement aux êtres inanimés.
1» Voix de Dieu. — La voix de Dieu, appelée aussi
voix du ciel, s'est fait entendre à Adam, Gen., m, 8, à
Abraham, Gen., xxvi, 5, à Moise. Act., vu, 31. Elle »
retenti au baptême de Notre-Seigneur, Matth., m, 17;.
Marc, i. 11; Luc, m, 22, à sa transfiguration, Matth.,
xvn, 5; Marc, ix, 6; Luc, ix, 35; II Pet., i, 17, et une-
fois dans le Temple. Joa., zii, 28. —Mais ordinairement,,
la voix de Dieu désigne ses ordres, auxquels il ne faut
pas faire la sourde oreille. Exod., IV, 1; Deut., rv, 30;
v, 23; vin, 20; I Reg., xv, 2; Ps. xcv (xciv), 8; Hebr.,
m, 7; etc.
2° Voix 'de l'homme. — La voix de l'homme a un
timbre particulier à chacun, qui permet de le recon-
naître. Ainsi en fut-il pour Jacob, Gen., xxvn, 22, pour
le lévite de Michas, Jud., xvm, 3, pour David, I Reg. r
xxvi, 17, pour l'Époux, Cant., v, 2, pour saint Pierre,.
Act., XII, 14; etc. — L'homme fait entendre sa vois,
dans la prière, Jos., x, 14; III Reg., xvm, 27;.
Ps. xxvm (xxvii), 2; etc.; dans le chant, Exod., xxxii, 18,-
xxxvi, 6; Ezech., xxxm, 32;dansla joie, Ps. xlii (xu),
5; cxviii (cxvn), 15; Jer., vu, 34; xvi, 9, et surtout
dans la douleur qui, en Orient, est particulièrement
démonstrative et bruyante* Gen., xlv, 2; Jud., n, 4;
xxi, 2; Ruth, i, 9; 1 Reg., xi, 4; xxiv, 17; xxx, 4;
II Reg., H, 32; xm, 36; xv, 23; xix, 4; Ps. vi, 9 ;
I Esd., m, 12; Judith, xiv, 14; Jer., m, 21; ix, 19;
Dan., vi, 20; etc. — Il y a la voix de la femme qui
accouche, Jer., iv, 31; la voix du nouveau-né, Sap.,
vu, 3; la voix des sentinelles, Is., lu, 8; la voix des
exacteurs, Job, m, 18; Is.,xvi, 9, 10; la voix du ven-
triloque, Is., xxix, 4, 6; la voix des multitudes. I Reg. r
iv, 6; III Reg., i, 41; Dan., x, 6; I Mach., vi, 41; Luc.,.
xxiii, 23; Act., xiv, 10; xxn, 22; etc. — On n'entendra
pas au dehors la voix du Messie, Is., xlii, 2; Matth.,
xu, 19, ce qui sera la marque de son humilité et de sa
simplicité. Mais on a entendu la voix qui criait dans le
désert, Is., xl, 3; Matth., m, 3; Marc, i, 3; Luc, m, 4;
Joa., i, 23; la voix des prophètes, Act., xm,27; la voix
du Fils de Dieu appelant Lazare du tombeau, Joa., xr r
43, mourant sur la croix, Matth., xxvn, 46, 50; Marc,
xv, 34, 37; Luc, xxm, 46, apparaissant à Saul sur le-
chemin de Damas. Act., ix, 4. Les morts l'entendront
au moment du dernier jugement. Joa., v, 25. — Une
voix est attribuée aux anges, I Thés., iv, 15; Apoc, v,
2, 11, 12, et les démons se font entendre par l'organe
des possédés. Act., vm, 7; etc. — Quelquefois, la voix
est mentionnée pour la langue que l'on parle. Eccle.,
v, 2; II Mach., xv, 29, 37; I Cor., xiv, 10; Gai., iv,20;
II Pet., n, 16; etc. Les flatteurs s'écrient, après la ha-
rangue d'Hérode Agrippa : « C'est la voix d'un dieu,
non d'un homme. » Act., xu, 22.
3° Voix des animaux. — Il y a la voix des quadru-
pèdes domestiques, IReg», xv, 14; Tob., il, 21; Sap.,
xvn, 18; Jer., vm, 16; ix, 10, la voix des lions, Job, iv,
10; Jer., n, 15; Ezech., xix, 7; Am., m, 4; Zach., xi,
3, et la voix des oiseaux. Eccle., x,20; xu, 4; Cant., n,
12; Soph., il, 14; Nah., n, 8; Marc, xiv, 30.
4° Voix des choses inanimées. — Les auteurs sacrés
donnent le nom de voix au bruit que font certains
agents naturels. Ils mentionnent ainsi la voix du vent,
Joa., m,8; Act., n, 6; la voix du tonnerre, Job, xxxvn,
4, 5; Ps. xxix (xxvm),3-9; lxxvii (lxxvi), 19; Apoc, vi,
l;x, 3, qui est aussi appelée la voix de Dieu, Ps. xxix
(xxvni),3-9;la voix delà mer,Jer.,vi,23;L,42;Hab.,m,
10; la voix des grandes eaux, Ezech., i, 24; xliii, 2; Apoc,
i, 15; xiv, 2; la voix de la pluie, III Reg., xvik, 41 ; la
voix des ailes qui battent, Ezech., i,24 ; m, 13; la voix des
épines qui brûlent, Eccle., vu, 6; la voix d'une feuille
agitée. Lev., xxvi, 36. — D'autres bruits artificiels
prennent aussi le nom de voix. On prête ainsi une Voix
à la meule, Jer., xxv, 10; au marteau, Eccli., xxxvm,
2451
VOIX — VOLEUR
2452
30, et surtout à la trompette, Jos., vi, 5 ; III Reg., i, 41 ; i
Ps. xcvm (xcvil), 6; Jer., îv, 19, etaux instruments de I
musique. I Cor., xiv, 7; Apoc, xviii, 22. On note égale-
ment la voix des pas, II Reg., v, 24; III Reg., xiv, 6;
IV Reg., vi, 32; la voix des chars et des armées envahis-
santes, IV Reg., vu, 6; Jer.,iv, 29; Joël., n, 5; Nah., m, 2,
et la voix de la ba taille. Jer., l, 22. — La voix du sang est
l'appel de la justice contre le meurtrier. Gen., îv, 10. La
souffrance est comme une voix qui crie vers Dieu. Gen.,
xxi,17. Il y aune voix de la sagesse, Prov., i, 20;vni,l,
et une voix-du mensonge. Exod., xxm, 1 . L'Esprit de Dieu
connaît toute voix qui s'élève dans l'univers. Sap., i,
7. — La création tout entière a une voix qui célèbre la
gloire de Dieu. Ps. xix (xvm), 4. H. Lesètre.
1. VOL (Septante : xtaitri; Vulgate : furtum), prise
de possession illégitime du bien d'autrui. Voir Rapine,
col. 987. — Le vol est défendu par la loi naturelle et
le Décalogue. Exod., xx, 15; Lev. ; xix, 11; Deut., v, 19;
Matth., xix, 18; Luc, xvm, 20. Il est inspiré par les
désirs pervers du cœur. Matth., xv, 19; Marc, vu, 22.
II est coutumier chez les adorateurs d'idoles, Sap., xiv,
25, et les méchants ne s'en repentent pas. Apoc, ix,
29. Pour la nature mauvaise, le vol a l'attrait du fruit
défendu et l'on trouve pius douces les eaux dérobées,
genûbim, /./.oirô;, furlivse. Prov., ix, 17. Joseph se
plaint d'avoir été emmené de son pays par vol. Gen.,
XL, 5. Tobie était si scrupuleux, qu'il refusait de man-
ger un chevreau avant d'être sur qu'il ne provenait
pas d'un vol. Tob., n, 21. H. Lesètre.
2. VOL (Vulgate : volatus), moyen de locomotion
des oiseaux, qui sont pourvus d'ailes. — 1° Au sens
propre, le vol est attribué aux oiseaux en général,
Deut.. iv, 17; Job, xxxix, 13; Apoc, xix, 17, et particu-
lièrement à l'aigle, Deut., xxvjii, 49; xxxu, 11; Job,
ix, 26; Jer., xlviii, 40; xux, 22; Apoc, iv, 7; vin, 13, à
l'hirondelle, Prov., xxvi, 2, et au hibou. Rar., vi, 21.
L'homme est né pour la peine comme les fils de la
foudre, yagbihû '«/', « élèvent l'aile », ià yJ/ïiXà 7tiiovTat,
« volent vers les hauteurs », ad volatum, « pour voler».
Job, v, 7. Sur les -dragons volants, Is., xxx, 6, voir
Serpent, col. 1673. — 2° Au figuré, les auteurs sacrés
font voler Dieu sur les ailes du vent, Ps. xvm (xvii),
11; II Reg., xxn, 11, les séraphins, Is., vi, 2, 6, les
anges, Dan., ix, 21; Apoc, xiv, 6, Juda et Éphraïm
qui s'envolent sur l'épaule du Philistin pour le dompter,
Is., xi, 14, le cavalier qui vole sur sa proie, Hab., i,
S, l'homme qui désire s'envoler comme la colombe
pour gagner le lieu de. son repos, Ps. lv (liv), 7, la
femme qui s'envole au désert pour échapper au dragon,
Apoc, xii, 14, les âmes qui s'envolent du piège qu'on
leur a tendu, Ezech., xm, 20, l'homme qui s'envole de
ce monde par la mort. Ps. xc (lxxxix), 10. Ils prêtent
également des ailes pour voler au vent, Ps. xvm, 11,
aux nuées, Is., lx, 8, à la flèche, Ps. xci (xc), 5, au
songe, Job, xx, 8, aux richesses, Prov., xxm, 5, et à un
rouleau d'écriture. Zach.,v, 1.
H. Lesètre.
VOLCAN, montagne projetant à son sommet des
matériaux brûlants qui détruisent tout autour d'elle.
— Les terrains d'origine volcanique ne manquent
pas en Palestine ou dans les environs. Dans le Hau-
rân, en particulier, les cônes et les cratères se ren-
contrent très fréquemment. Voir Palestine, t. iv,
col. 2015. Mais, depuis de longues périodes, ces vol-
cans n'étaient plus en activité. Les allusions que les
auteurs sacrés font aux volcans leur sont donc inspirées
par les descriptions des voyageurs, spécialement des
navigateurs phéniciens, qui connaissaient bien les
volcans de l'archipel et de l'Italie, et des caravanes qui
avaient pu approcher ceux du Caucase et de l'Arménie.
L'allusion la plus probable aux volcans se lit dans
Jérémie, li, 25, 26, qui appelle Babylone « montagne
de dévastation, qui dévaste toute la terre, » que Dieu
roulera du haut des rochers et dont il fera une « mon-
tagne embrasée, » de telle sorte qu'on n'en puisse plus
tirer ni pierre d'angle, ni pierre de fondation. Tels
furent successivement l'action néfaste et le sort der-
nier de Babylone. Comme la montagne volcanique, la
cité célèbre s'écroula peu à peu sans rien laisser d'elle
qu'on pût utiliser. — Au Psaume cxliv (cxliii), 5, il est
dit : « Touche les montagnes, et qu'elles s'embrasent ;
fais briller les éclairs, et disperse les ennemis. » L'al-
lusion est ici moins claire. Il peut n'être question que
d'une théophanie, comme celle du Sinaï. — Dans
l'Apocalypse, viy, 8, saint Jean parle d'une sorte de
« grande montagne toute en feu, » qui est jetée dans la
mer. L'allusion à un volcan n'est pas non plus incon-
testable. H. Lesètre.
VOLEUR (hébreu : gannâb, gedûd, b.éféf, sôdêd;
Septante : xïiirrr,;, av)<tt7J{), celui qui, par ruse ou par
violence, s'empare du bien d'autrui.
1° Le brigandage en Palestine. — En Orient, les
populations nomades ont toujours considéré le brigan-
dage comme un moyen normal de se procurer les
moyens de vivre. On y attaque et on y pille les tribus
voisines à l'improviste. La Sainte Écriture en fournit de
nombreuses preuves. Les tribus qui environnaient le
pays de Chanaan ne perdaient jamais l'occasion de fondre
sur les riches récoltes des Israélites et de s'emparer
de tout ce qui était à leur convenance. De leur côté,
certains Israélites occupés à la garde des troupeaux,
incapables de s'assujettir au labeur de la culture, habi-
tués d'ailleurs à se tenir en alerte et en défense contre
les irruptions des brigands, n'hésitaient pas à mener
la vie aventureuse et facile de ces derniers, quand les
autres moyens d'existence semblaient leur faire défaut.
On voit ainsi Jephté, repoussé par sa famille, rassem-
bler autour de lui des gens de rien et faire avec eux
des excursions. Jud., xi, 3; cf. ix, 25. David mena
la même vie pendant que Saûl le persécutait. Le
recrutement de ses bandes est indiqué par le texte
sacré : « Tous les opprimés, tous ceux qui avaient des
créanciers ou étaient mécontents, se rassemblèrent
auprès de lui, et il devint leur chef. Il eut ainsi avec
lui environ quatre cents hommes, » IReg., xxn,2, qui
s'élevèrent plus tard à six cents. IReg., xxv, 13. Nabal
appelait cette troupe un ramassis de gens venus on ne
sait d'où et d'esclaves échappés de chez leurs maîtres.
I Reg., xxv, 10, 11. Avec eux, David opérait contre les
ennemis d'Israël, les Gessuriens, les Gerziens, les Ama-
lécites, « ne laissant en vie ni homme ni femme, enle-
vant les brebis, les bœufs, les ânes, les chameaux, les
vêtements. » I Reg., xxvn, 8, 9. Le fils de Saûl,
Isboseth, avait aussi à son service deux chefs de bandes,
Baana etRéchab. II Reg., iv, 2. Salomoneutà compter
avec un autre chef de bande, Razon. III Reg., xi, 24.
Des bandes de Sabéens et de Chaldéens enlevèrent les
troupeaux de Job et massacrèrent ses serviteurs. Job.,
i, 15, 17. Des pillards philistins et arabes prirent les
biens de Joram, roi de Juda, et emmenèrent ses fils et
ses femmes. II Par., xxi, 17; xxn, 1. Les Arabes se
postaient dans le désert pour rançonner les caravanes.
Jer., m, 2. Des bandes de Syriens, de Moabites et de
toutes sortes de pillards infestaient les frontières
d'Israël. IV Reg., v, 2; xm, 20; xxiv, 2.
Outre ces pillages par bandes, en Israël même, le
vol et le brigandage se pratiquaient, Ose., iv, 2; vu, 1,
parfois avec la connivence des princes âpres au gain.
Is., i, 23. Voir Rapine, col. 987. — A l'époque évangé-
lique, Notre-Seigneur pouvait accuser les autorités
religieuses d'avoir fait du Temple une s caverne de
voleurs », Matth., xxi, 13; Marc, xi, 17; Luc, xix, 46,
comme au temps de Jérémie, vu, 11. Il parle assez
2453
VOLEUR — VOLONTE
2454
souvent de voleurs dans ses paraboles et ses instruc-
tions, Luc, xvi, 1-8; Matth., vi, 19; etc., et, dans
l'histoire du bon Samaritain, il met en scène, aux
portes mêmes de Jérusalem, les brigands qui pillent et
tuent les passants. Luc, x, 30. Lui-même se plaint, au
moment de son arrestation, qu'on le traite comme l'un
de ces voleurs sur lesquels les autorités réussissaient
de temps en temps à mettre la main. Matth., xxvi, 55;
Marc, xiv, 48; Luc, xxn, 52. La passion du vol avait
saisi l'un de ses Apôtres, Judas, Joa., XII, 6; on le mit
lui-même en parallèle avec un voleur, Barabbas, Joa.,
XVIH, 40, et l'on eut soin de le crucifier entre deux
voleurs. Matth., xxvn, 38; Marc, xv, 27; Luc, xxm,
33. Voir Larron, t. iv, col. 94. Josèphe, Ant. jud., XIV,
ix, 2; XV, x, 1 ; XX, vm, 5, 10; Bell, jud., I, x,5; II,
xn, 2, parle des brigandages qui s'exerçaient à main
année en Galilée, en Pérée et en Thrachonitide, au
détriment des villes et des campagnes, des caravanes
et de tous ceux qui étaient incapables d'une résistance
efficace. Cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif,
Paris, 1910, p. 568-583. Dans ses courses apostoliques,
saint Paul avait à redouter les voleurs. II Cor., xi, 26.
2" Les procédés des voleurs. — Les brigands courent
de ville en ville, à la recherche de quelque coup à
faire. Eccli., xxxvi, 28 (26). Ils rôdent la nuit, pour
ne pas être vus, Job, xxiv, 14, et tombent à l'improviste
sur ceux qui ne les attendent pas. Matth., xxiv, 43;
Luc, xil, 39. Ils emportent alors tout ce qui leur plaît.
Jer., xliv, 9; Abd., 5. Ils se tiennent en embuscade
pour fondre sur les passants. Ose., vi, 9. Ils pénètrent
dans les maisons par les fenêtres, Joël, n, 9. ou percent
les murs en torchis pour s'introduire et dérober les
trésors. Matth., vi, 19; Luc, xn, 23. Us envahissent
les bergeries, non pas par la porte, qui pourrait être
surveillée, mais en escaladant par ailleurs; puis ils
dérobent, égorgent et détruisent. Joa., x, 1, 10.
Cf. Gen., xxxi, 39. Si le propriétaire est assez fort pour
résister et se tient sur ses gardes, ils s'arrangent pour
le surprendre, le ligotent et ensuite pillent à leur aise
ses meubles et sa maison. Matth., xn, 29. On a beau
être fort; si le voleur est plus fort et mieux armé, il
abat sa victime et emporte ses dépouilles. Luc, xi, 21.
22. La soudaineté de ces attaques fait que les Apôtres
disent que le « jour du Seigneur » se produira dans les
mêmes conditions. I Thés., v, 2, 4; II Pet., m, 10;
Apoc, m, 3; xvi, 15. Les voleurs, qui opéraient dans
le Temple même de Jérusalem, Matth., xxi, 13, ne res-
pectaient pas davantage les temples des faux dieux.
Bar., vi, 14, 17, 56. D'ailleurs, les voleurs trouvaient
des complices, Ps. l (xlix), 18, avec lesquels ils parta-
geaient leur butin. Prov., xxix, 24.
3° Les sanctions. — 1. La loi réglait ainsi la peine à
infliger aux voleurs. Celui qui dérobait un bœuf ou une
brebis, les égorgeait et les vendait, devait restituer
cinq bœufs ou quatre brebis. Si l'animal était encore
vivant entre ses mains, il en rendait le double. Si lui-
même était insolvable, on le vendait pour assurer la
restitution. Si le dépositaire d'argent ou de meubles
était volé et que le voleur fût pris, ce dernier rendait
le double. Si le voleur n'était pas pris, le dépositaire
attestait devant Dieu son innocence. En général, le
voleur avait à restituer le double de ce qu'il avait pris.
La loi ne laissait pas l'Israélite désarmé contre les
attaques. Si, la nuit, le voleur procédait par effraction
et était mortellement frappé, il n'y avait rien à dire;
mais, le soleil levé, on était responsable de la mort du
voleur, qu'on aurait pu paralyser sans recourir à une
pareille extrémité. Exod., xxii, 1-8. Voir Restitution,
col. 1062. Ces sanctions n'étaient que la conséquence
du précepte : « Tu ne déroberas point. » Exod., xx,
15. Chez les Arabes, celui qui a volé une brebis, une
chèvre, un bœuf ou un âne, est condamné à rendre
l'animal, et en plus'trois autres semblables. La jument
volée doit être rendue et en plus son prix en argent ou
en nature, l'Arabe ne possédant pas ordinairement
plusieurs juments. Cf. A. Jaussen, Coutumes arabes,
dans la Revue biblique, 1901, p. 599. —2. Job, xxii,6, se
plaint que souvent « la paix règne sous la tente des
brigands. » Mais il est certain que les voleurs seront
châtiés par la justice divine. Zach., v, 3, 4. Ils ne seront
pas admis au royame des cieux. I Cor., vi, 10. En
attendant, on hoche la tête en parlant d'eux. Jer.,
xlyiii, 27. Quand ils sont pris sur le fait, ils sont cou-
verts de honte. Jer., n, 26; Eccli., v, 17 (14). Aussi
saint Pierre veut-il que, quand des chrétiens sont pris et
condamnés, ce ne soit jamais comme voleurs. I Pet.,
iv, 15. H. Lesètre.
VOLONTÉ (hébreu : rê'a, quelquefois néfés, Gen.,
xxm, 8; IV Reg., ix, 15; I Par., xxvm, 9; chaldéen :
re'ôt, sebû), faculté par laquelle un être intelligent se
détermine à l'action.
1» Volonté de Dieu. — Il y a en Dieu une volonté
qui participe à l'infinité de tous les attributs divins.
Cette volonté a créé tout ce qui existe, Apoc, iv, 11, et
elle régit toutes les forces de la nature. Eccli., xliii,
17 (16). Rien ne peut lui résister. Gen., L, 19; Esth.,
xin, 9; Ps. cxxxv (cxxxiv), 6; Eccle., vin, 3; Sap., xn,
18; Is., xl vi, 10; Rom., ix, 19. Les anges lui obéissent
fidèlement. Ps. cm (cn), 21; Tob., xu, 18. Tout ce qui
arrive est permis ou décrété par cette volonté. Gen.,
xxvn, 20; IV Reg., xvm, 25; II Par., xxn, 7; I Esd.,
vu, 18; Rom., i, 10; xv, 32; etc. L'homme propose et
Dieu dispose, Prov., xix, 21, surtout quand il s'agit des
grands événements de l'histoire. Is., xuv, 28; xlviii,
14; etc. La volonté divine commande par la loi. Rom.,
il, 18; Eph., v, 17. Elle, intervient dans la vocation des
ministres sacrés. I Cor., i, 1; II Cor., i, 1; Gai., i, 4;
Eph., i, 1; Col., i, 1 ; II Tim., i, 1. Elle agit avec bien-
veillance. Ps. v, 3; Luc, n, 14. Il faut donc désirer son
accomplissement, I Mach., m, 60, lui obéir, Ps. xl
(xxxix), 9; Sap., vi, 5; II Mach., i, 3; Hebr., x, 7, 9,
et s'en remettre à elle. Tob., m, 6. 11 est dit parfois
que Dieu veut une chose et ne veut pas l'autre, pour
indiquer seulement qu'il préfère la première à la
seconde. I Reg., xv, 22; Matth., ix, 13;xn, 7. —L'obéis-
sance à la volonté de Dieu tient une place essentielle
dans la religion de Jésus-Christ. Le Sauveur apprend
aux hommes à prier pour que cette volonté soit faite.
Matth., vi, 10; Act., xxi, 14. Lui-même en accepte
humblement les arrêts. Matth., xxvi, 39, 42; Marc,
xiv, 36; Luc, xxn, 42. Il fait avec amour la volonté de
son Père. Joa., iv, 34; v, 30; Vi, 38. Il veut que ses
disciples l'imitent très fidèlement sur ce point. Matth.,
xn, 50; Marc, m, 35; Joa., vu,- 17; ix, 31; Eph., vi, 6;
Col., iv, 12; I Pet., n, 15; iv, 2. C'est la condition de
l'entrée dans le royaume des cieux, Matth., vu, 21, et
dans la vie éternelle. I Joa., n, 17/ Il faut donc tout
d'abord connaître cette volonté. Col., i, 9. Le Sauveur
révèle quelques-unes des volontés divines, concernant
le salut des petits, Matth., xvm, 14, celui du peuple
juif, Matth., xxm, 37, l'embrasement de la terre par le
feu de l'amour divin, Luc, xn, 49, le sàlut de tous les
croyants, Joa., vi, 39-40, la réunion de ses ministres
avec lui dans le ciel, Joa., xvn, 24, la longue survivance de
saint Jean. Joa., xxi, 22. Dieu veut encore la sanctifi-
cation des fidèles, I Thés., iv, 3, leurs joyeuses actions
de grâces, I Thés., v, 18, la répartition des dons de
l'Esprit, Hebr., n, 4, qui d'ailleurs souffle où il veut,
Joa., m, 8; 1 Cor., xn, 11, et le salut des hommes par
le sacrifice de la croix. Hebr., x, 10. Jésus-Christ fait acte
de volonté pour guérir les malades. Matth., vin, 2, 3;
Marc, I, 41; Luc, v, 13. Les Apôtres recommandent
de ne rien projeter qu'avec la clause : Si Dieu le veut.
Act., xvm, 21; I Cor., iv, 19; I Pet., m, 17; Jacob.i
iv, 15.
2455
VOLONTE
VULGATE
2456
2° Volonté de Vhomme. — Elle est continuellement
supposée eu exercice dans tous les actes humains
auxquels la Bible fait allusion. Il est parlé en particu-
lier de la volonté de la fiancée, Gen., xxiv, 57, du roi,
I Esd., v, 17, du père de famille, Malth., xx, 14, de la
fille d'Hérodiade, Marc, vi, 25, des fils de Zébédée.
Marc, x, 35, etc. La volonté de la chair et de l'homme,
Joa., i, 13; Eph., n, 3, est celle que guident les ins-
tincts purement terrestres. La prophétie ne dépend
pas d'une pareille volonté. II Pet., i, 21. Le salut ne
résulte pas de la volonté de l'homme, mais de celle de
Dieu. Rom., ix, 16. La volonté de l'homme est impuis-
sante à accomplir tout le bien qu'elle voudrait. Rom.,
vu, 15-21. Dieu seul opère en nous le vouloir et le faire
d'une manière surnaturelle. Phil., n, 13; II Thés., i,
11. Saint Paul parle de la bonne volonté des Corin-
thiens et de la sienne. II Cor., vm, 12, 19. Notre-
Seigneur prescrit de faire pour les autres ce que nous
voulons qu'ils fassent pour nous. Luc, vi, 31.
3» Volonté du démon. — Satan se vante de donner
les royaumes de ce monde à qui il veut. Luc, iv, 6.
Ses volontés ne tendent qu'à asservir les âmes. II Tim.,
il, 26. H. Lesètbe.
VOLUME, de volvo, « rouler ». Les anciens ma-
nuscrits hébreux avaient la forme de rouleaux, volu-
mina. Voir Livre, III, i, t. iv, col. 305-307, fig. 107,
col. 309.
VOLUPTÉ, voir Plaisir, col. 456.
VOMISSANT (hébreu : Yaqêh), traduction du nom
du père d'Agur, dans la Vulgate (Vomens). Prov.,xxx,
1. Voir Jakéh, t. m, col. 1111 ; L'kal, col. 2368.
VOMISSEMENT (hébreu :qê',qî'), expulsion parla
bouche de ce qui gêne l'estomac, et matière de cette
expulsion. — 1° Celui qui a trouvé du miel ne doit pas
en manger à l'excès, de peur qu'il ne le vomisse.
Prov., xxv, 18 (16). De pénibles vomissements sont la
conséquence de l'intempérance. Eccli., xxxi, 25 (20),
Un homme ivre erre dans son vomissement. Is., xix,
14. A la suite des orgies, les tables sont couvertes
d'immondes vomissements. Is., xxvm, 8. — Le chien
qui retourne à son vomissement est l'image du pécheur
qui recommence à mal faire. Prov., xxvi, 11; 11 Pet.,
il, 22. — Le monstre marin vomit Jonas sur le ri-
vage. Jon., n, 11. — 2° Au figuré, un pays vomit ses
habitants corrompus. Lev., xvm, 15, 28; xx, 22. Celui
qui mange le pain de l'envieux vomira le morceau
qu'il, aura mangé, c'est-à-dire qu'il n'y aura rien à
gagner en fréquentant un pareil homme. Prov., xxm,
8. L'impie vomira les richesses qu'il aura englouties,
elles ne lui profiteront pas. Job, xx, 15. Dfeu dit aux
nations ennemies de son peuple : « Buvez, enivrez-vous,
vomissez et tombez pour ne plus vous relever, devant
l'épée que j'envoie au milieu de vous, » c'est-à-dire
commettez le mal à satiété, le châtiment viendra.
Jer., xxv, 27. En particulier, « queMoab se vautre dans
son vomissement, » que son orgueil et ses crimes
fassent de lui la risée de tous. Jer., xlviii, 26. —
Dieu vomira de sa bouche celui qui est tiède, comme
on vomit de l'eau tiède. Apoc, m, 16.
H. Lesêtre.
VOYAGEUR (hébreu l'orêah, 'ôbêr), celui qui par-
court un chemin pour se rendre à un endroit assez
éloigné. En hébreu, le chemin lui-même est quelquefois
nommé pour ceux qui le parcourent : 'orah, ôSô;, se-
mita; hëlék, hâlikâh, àTpa7uô;,ifer.Job,vi,19; II Reg.,
xii, 4. — Sur le voyage en commun ou'orhâh, voir Cara-
vane,!, ii, col. 245, et Pèlerinages, t. v, col. 24. — Sur
les droits du voyageur et les devoirs envers lui, voir
Étranger, l.n, col. 2039, et Hospitalité, t. m, col. 760.
— Sur son gîte, voir Caravansérail, t. n, col. 250. —
Le voyageur remarque l'état des pays qu'il traverse.
Deut., xxtx, 22; Ezech., xxxvi, 34. Il cherche un abri
dans le désert, Jer., ix, 2, ou y dresse sa tente pour la
nuit. Jer., xiv, 8. Il compte sur l'eau des torrents, qui
souvent lui fait défaut, Job, vi, 19; il en est alors
réduit à boire toute eau qu'il rencontre. Eccli., xxvi,
15 (12). Il arrive à l'improviste chez son hôte, Prov.,
vi, 11; ou lui ouvre la porte, Job, xxxi, 32, et on lui
fait réception. II Reg., xii, 4. On l'interroge, Job,
xxi, 29, et on s'entretient avec lui, Eccli., xlii, 3, pour
apprendredunouveau. Ézéchiel, xxxix,ll, mentionne, à
l'orient de la mer Morte, une « vallée des Voyageurs »
dans laquelle Gog sera inhumé. Cette vallée est sym-
bolique. — Les patriarches se considéraient comme des
voyageurs sur la terre, où ils ne faisaient que passer.
Hebr., xi, 13. H. Lesètre.
VOYANT (hébreu : rô'êh; t<.ôzch; Vulgate : videns},
prophète. Voir Prophète, I, 1», 2», col. 706-707.
VOYELLES HÉBRAÏQUES. Voir Hébraïque
(Langue), t. ni, col. 467, 504.
VULGATE, version latine usitée depuis quatorze
siècles dans l'Église latine et déclarée authentique,
c'est-à-dire officielle, par le concile de Trente.
I.Nom et définition. — l*Nom.— L'adjectif féminin
vulgala, qualifiant d'abord divers substantifs du même
genre : editio, interpretatio, Biblia, a été ensuite isolé
et pris substantivement pour désigner le texte courant,
répandu universellement et accepté généralement, des
Livres Saints. On a d'abord nommé ainsi la version
des Septante et Veditio vulgata des Latins était la
traduction de la xotvr) 'ù.Soan des Grecs. S. Jérôme,
Comm. in ls., lxv, 20, t. xxiv, col. 647; xxx, 22,
col. 346; xlix, 6, col. 466; Comm. in Ose., vu, 13,
t. xxv, col. 880; S. Augustin, De civitate Uei, xvi, 10,
t. xli, col. 489. Ce nom distingue parfois l'ancienne
édition des Septante de celle qu'en fit Origène dans les
Hexaples. S. Jérôme, Epist., cvi, n. 2. t. xxn, col. 838.
Elle est dite alors vêtus anliqua editio. Id., Comm.
in Ose., xiii, 4, t. xxv, col. 953 ; Epist., xlix, n. 4,
t. xxn, col. 512; Comm. in Is., liv, t. xxiv, col. 513;
Preefatio in l. Josue, t. xxvm, col. 464. Cependant,
quoique ce docteur désigne le plus souvent les versions
latines : in latino, lalinus interpres, apud lalinos, nos,
nostra interpretatio, il nomme parfois vulgata editio
les versions latines qui ont précédé la sienne qui,
pour l'Ancien Testament, ont été faites sur les Septante,
Comm. in Is., xiv, 29, t. xxiv, col. 165, ou, pour le
Nouveau, ont précédé sa revision. Comm. in Matth.,
xiii, 35, t. xxvi, col. 92; Comm. in Epist. ad Gai., v,
24, ibid., col. 421. Cf. Orose, Apologia de arbit'rii
libertate, n. 9, t. xxxi, col. 1180. La version latine de
saint Jérôme ayant peu à peu supplanté les anciennes,
qui étaient dérivées des Septante, en prit lé nom. Ce
ne fut donc qu'à partir du VI e siècle et la substitution
du nom ne se produisit que graduellement. Durant le
haut moyen âge, la vulgata editio est encore la version
des Septante ; la version de saint Jérôme est dite :
translatio emendatior, recens, nova, posterior, he-
braica, ou translatio quam lenet ou recipit romana
Ecclesia, etc. Le Vénérable Bède la désigne par ces mots:
editio nostra, codices nostri. Roger Bacon, tout en ap-
pliquant fréquemment encore le noni de Vulgata : à la
version des Septante, est le premier qui l'emploie ré-
solument au sens moderne pour désigner la traduction
de saint Jérôme : Hsec quse vulgatur apud Latinos, illa
quam Ecclesia recipit his temporibus. Le concile de
Trente a consacré ce nom, en appelant vêtus vulgata
latina l'édition des Livres Saints, quse longo tôt sgscu-
lorum tisu in ipsa Ecclesia probata est. Décret, de
2457
VULGATE
2458
canonicis Scripturis, de edihone et usu sacrorum
librorum, sess. IV.
2» Définition. — La Vulgate latine est composée
d'éléments d'origine et de nature différentes. Il y en
a de trois sortes : 1. les uns proviennent des anciennes
versions latines, probablement de l'Italique, non revi-
sée par saint Jérôme : ce sont les livres deutérocano-
niques de l'Ancien Testament, à l'exception de Tobie
et de Judith qui rentrent dans la troisième catégorie;
2. les autres font partie de la revision que le saint doc-
teur a faite des versions antérieures, notamment de
l'Italique : ce sont tous les livres du Nouveau Testa-
ment et le Psautier dit gallican ; 3. les derniers enfin
appartiennent à la version nouvelle que le même doc-
teur a faite sur les textes originaux, hébreu ou chal-
déen : ce sont tous les livres protocanoniques de l'An-
cien Testament, sauf le Psautier, les livres de Tobie et
de Judith et les parties deutérocanoniques de Daniel et
d'Esther. La Vulgate latine est donc, dans sa majeure
partie, l'œuvre de saint Jérôme.
II. Origine et caractères de ces divers éléments. —
1° Livres provenant des anciennes versions latines. —
Saint Jérôme n'a retouché ni la Sagesse ni l'Ecclésias-
tique, ni Baruch, qu'il a laissé de côté à dessein, ni
probablement les deux livres des Machabées. Voir t. iv,
col. 99. La version antérieure de ces livres a donc con-
tinué à être lue et employée dans l'Église latine et elle
est demeurée dans la Vulgate. Sur les caractères de
cette ancienne version, voir t. iv, col. 97 sq., et sur
les manuscrits et éditions de ces livres non revisés,
voir ibid., col. 105-106.
2° Livres des anciennes versions revisés par saint
Jérôme. — Pour la biographie de saint Jérôme, voir
t. m, col. 1305-1306. Durant son séjour à Rome auprès
du pape saint Damase, dont il était le secrétaire, Jérôme
fut chargé par ce pape de reviser la version latine qui
était alors en usa'ge à Rome. L'Église romaine n'avait
pas de texte officiel et le plus grand désaccord existait
dans les manuscrits au point que le saint docteur pou-
vait écrire : Tôt sxtnt exeniplaria pêne quot codices,
et il indiquait trois sources de divergences : 1. la mul-
tiplicité des versions dont quelques-unes étaient mau-
vaises; 2. les corrections qu'y introduisaient des correc-
teurs présomptueux et malhabiles et qui les rendaient
plus mauvaises encore ; 3. des additions ou omissions,
faites par des copistes négligents. In Evangelia ad Da-
masum prœfatio, t. xxix, col. 525-527. La revision des
Évangiles fut faite en 383; celle du reste du Nouveau
Testament de 384 à 385. Epist. lxxi, ad Lucinium, 5,
t. xxn, col. 671-672; De viris, 135, t. xxm, col. 717-719.
Saint Jérôme a pris pour base le texte italique du Nou-
veau Testament, voir t. il, col. 115-118, dans la forme
même (ou au moins dans une forme très semblable) du
Codex Brixianus, f, et du Codex Monacensis, q, pour
les Évangiles. Voir t. iv, col. 107, 109. Il l'a corrigé,
non pas d'après des manuscrits latins, mais d'après
des manuscrits grecs anciens. Or, Wordsworth etWhite
ont déterminé, parla comparaison des passages corrigés,
que saint Jérôme avait à sa disposition, pour les
Évangiles, des manuscrits grecs de deux sortes : les
uns semblables à N, B, L et partiellement à D, et
les autres d'une famille différente, dont il ne nous est
parvenu aucun représentant, et pour les Actes des
Apôtres, non des manuscrits de la recension occidentale,
mais des témoins de la recension orientale, semblables
à n, A, B, C. Novum Testamentum D. N. J. C. latine,
t. i, fasc. 5, Oxford, 1898, p. 653-672; t. n, fasc. 1,
Oxford, 1905, p. x-xiii. Cf. E. Mangenot, Les manuscrits
grecs des Évangiles employés par saint Jérôme
(extrait de la Revue des sciences ecclésiastiques, jan-
vier. 1900). Saint Jérôme remplace des leçons italiennes
par de meilleures leçons grecques, en empruntant
peut-être parfois les termes latins aux autres versions
latines qui avaient ces leçons. Toutefois il n'a pas ap-
pliqué partout sa méthode avec la même rigueur et
la même perfection. Sa correction de l'Italique est com-
plète dans les deux premiers Évangiles et dans la pre-
mière partie du troisième. Dans la seconde partie de
saint Luc et dans les premiers chapitres de saint Jean,
il s'est borné à corriger le style et il a gardé les leçons
du Brixianus. Dans le reste du quatrième Évangile,
il a suivi une voie moyenne. L'Amiatinus et leFulchn-
sis sont les meilleurs représentants de sa version des
Actes. Pour les Épitres, l'auteur a adopté peu de leçons
grecques et il s'est contenté de polir le texte latin et
de le rendre plus élégant. Voir t. ni, col. 1306-1307.
M. H. von Soden est arrivé aux mêmes conclusions
que les critiques anglais. 11 les a complétées et mises
en rapport avec ses vues personnelles sur le texte grec
du Nouveau Testament. Voir col. 2122. Dans les Évan-
giles, saint Jérôme a amélioré l'Itala pour le style,
quand cela lui a paru nécessaire, et pour le fond, quand,
comparaison faite avec le texte grec, l'écart de la ver-
sion latine lui apparaissait trop fort. Il a donc gardé
des leçons de l'Itala. Il ne semble pas avoir pris en con-
sidération les textes latins africains. Le texte grec, suivi
par lui, est celui de I H K. et non pas celui des recen-
sions I, H, K. Saint Jérôme méprisait H et K et il ne
vojait en elles que des perversions du texte grec. Pree-
fatio ad Damasum, t. xxix, col. 527. On ne trouve
dans son texte aucune des leçons propres à I. Si le
saint docteur a connu le Diatessaron de Tatien, il lui a
reconnu peu d'autorité. Le texte grec qu'il suivait était
donc le meilleur texte qui ait eu cours alors. Quant
au style, il choisissait de nouveaux, mots latins pour
rendre les leçons grecques. Quelques traductions libres
ont été rapprochées par lui du texte original. Enfin,
l'orthographe a été modifiée. Le récit de la femme
adultère, qui manquait dans les textes africains et ita-
liens, aurait été introduit par saint Jérôme dans la ver-
sion latine d'après les manuscrits grecs. Die Schriflen
des Neuen Testaments, § 350, 351, Berlin, 1906, t. i,
p. 1524-1534. Pour les Actes des apôtres, le texte grec,
suivi par saint Jérôme, est encore celui de IHK. Quand
on trouve des leçons propres de K ou plus rarement de
I, elles ne viennent pas de ces recensions, mais des
anciennes versions latines. Ces dernières ont fourni
encore des leçons qui portent des traces de l'influence
des passages parallèles. Cependant quelques leçons
particulières viennent de documents grecs. Ibid.,
§ 442, p. 1798-1802. Dans les Épîtres de saint Paul,
saint Jérôme a suivi principalement l'ancien texte latin,
et quand il s'en éloigne, il est d'accord encore avec
IHK. Il n'a pas eu ici un texte grec différent de celui
qui nous est connu, et ce texte était parfois accidentel-
lement d'accord avec K. Ibid., § 512, p. 2010-2011.
Quant à l'Apocalypse, le texte de l'Itala est demeuré
dans la Vulgate, et saint Jérôme a fait peu d'emprunts
aux manuscrits grecs. Les leçons étrangères à IHK
n'étaient pas dans l'œuvre du saint docteur; elles ont
pénétré dans les manuscrits de la Vulgate. Le texte de
la Vulgate est donc, pour l'Apocalypse, un très bon
témoin du texte grec répandu avant la formation des
recensions de ce livre. Ibid., § 546, p. 2087-2088.
Vers le même temps, en 383-384, saint Jérôme revisa
à Rome le Psautier sur le texte grec des Septante. Il
le fit rapidement {cursim). Prœfatio, t. xxix, col. 117-
119. Ce texte fut adopté en Italie et dans la liturgie ro-
maine jusqu'au pontificat de saint Pie V, et c'est pour-
quoi il a été nommé Psautier romain. Ses leçons se
lisent aujourd'hui encore dans les anciennes Messes du
missel, dans l'invitatoire, les^antiennes et les répons du
Bréviaire. On le récite encore à la basilique Saint-
Pierre de Rome. Il n'est pas entré dans l'édition offi-
cielle de la Vulgate.
Plus tard, à partir de 387, saint Jérôme revisa à
2459
VULGATE
2460
Bethléhem plusieurs livres de l'Ancien Testament sur
le texte grec des Septante : d'abord, semble-t-il, le
Psautier sur les Hexaples d'Origène ; aussi y introduisit-
il les astérisques et les obèles. Prsefatio, t. xxix,
col. 119-120. Ce psautier, employé dans la liturgie des
Eglises des Gaules, fut appelé, pour cette raison, Psau-
tier gallican. Saint Pie V l'introduisit dans la liturgie
romaine, Sixte V et Clément VIII dans l'édition officielle
delà Vulgate.Voirt.m,col. 1307-1308.
A la même époque ou peu après, saint Jérôme revisa
encore sur les Septante Job, Prsefatio, t. xxix, col. 59;
voir t. m, col. 1308, puis les Proverbes, l'Ecclésiaste,
le Cantique et les Chroniques. Voir les préfaces,
t. xxvm, col. 1241-1244, 1323-1328. Mais cette revision
n'avait pas été trop profonde. La plus grande partie de
ce travail était perdu déjà même du temps de saint Jé-
rôme, et seul le livre de Job nous est parvenu dans cet
état. Il a été édité pour la première fois parMartianay
en 1693, puis par Vallarsi, en 1740 (dans Pal. lat.,
t. xxix, col. 61-114), puis par Sabatier en 1743.
P. de Lagarde Ta réédité, Mittheilungen, 1887, t. n,
p. 193-237; Caspari a publié une partie d'un manuscrit
de Saint-Gall, Christiania, 1893. Voir t. m, col. 1564.
3° Livres directement traduits sur le texte origi-
nal. — Saint Jérôme, qui avait commencé à apprendre
l'hébreu avec l'aide d'un rabbin converti durant sa re-
traite au désert de Chalcis (373-378), Epist. csxv, ad
Rusticum, n. 12, t. xxn, col. 1079, reprit cette étude,
lors de son séjour à Bethléhem. Il eut pour maître le
juif Bar Anina, qui se faisait payer très cher les le-
çons qu'il donnait de nuit. Epist. LXXXIV, ad Pamma-
chium et Oceanum, n. 3, col. 745. Rufin eut le mauvais
goût delenommerBarabbasetde dire que saint Jérôme
le préférait à Jésus. Apologia ad Hieronymum, 1. II,
n. 12, t. xxi, col. 595. Cf. S. Jérôme, Apologia adver-
sus libros Rufini, t. xxni, col. 407. Pour traduire le
livre de Job, Jérôme eut recours à un autre juif de
Lydda, très célèbre, mais dont les leçons étaient payées
chèrement. Prsefatio in Job, t. xxvm, col. 1081. 11
éprouva de grandes difficultés à cette étude. Prsefatio
in Daniel., t. xxvm, col. 1292; Epist. cviu, ad Eusto-
chium et Paulam, n. 26, t. xxn, col. 902. Il y avait
perdu son latin, car, depuis plus de quinze ans, écri-
vait-il en 386 ou 387, il n'avait pas ouvert Cicéron,
Virgile et tout autre auteur profane. Comment, in
Epist. ad Gal.,\. III, prol., t. xxvi, col. 399. Son but
en traduisant lesLivres saints sur le texte hébreu, était
de rendre plus claire pour tous la « vérité hébraïque »
et surtout de fournir aux apologistes chrétiens un
texte biblique sûr, qui leur servirait dans la polémique
avec les Juifs ; ils ne seraient plus ainsi exposés à s'en-
tendre dire : Ce passage n'est pas dans l'hébreu. Prse-
fatio in translat. Isaise, t. xxvm, col. 774. 11 y fut
occupé de 390 à 405, avec une interruption, causée
par la maladie, de 396 à 398. Epist. xltx, 4, t. xxn,
col. 512. Sur l'ordre dans lequel il traduisit les livres
de l'Ancien Testament, voirt. m, col. 1308. Son Psalte-
rium hebraieum n'est pas entré dans la Vulgate. Ses
préfaces et ses lettres témoignent de l'opposition que
souleva son projet : on lui reprochait de vouloir
supplanter les Septante. Saint Augustin, qui avait fait
bon accueil à sa revision du Nouveau Testament, ne
comprenait pas son but et lui conseillait de se borner
à revoir l'Ancien Testament sur les Septante. Epist.
cxn, 20, t. xxn, col. 928.
Saint Jérôme avait pu se procurer le manuscrit
hébreu dont on se servait à la synagogue de Bethléhem
et il l'avait copié lui-même. Epist. xxxyi, ad Damasum,
n. 1, t. xxn, col. 452. Il n'en avait pas d'autres à qui
il put le comparer, et il lui était impossible de faire le
travail de comparaison qu'il avait exécuté pour le
Nouveau Testament. Les critiques modernes ont cons-
taté que le texte dont il disposait ressemblait au texte
établi par les massorétes, sans lui être absolument
identique. Les différences sont peu nombreuses et ont
peu d'importance. L'identité existe jusque dans cer-
taines fautes de copistes, II Par., xxi, 5, 20; xxn, 1,
2; Is., xxxix, 1 (Mérodach-Baladan) ; IV Reg., xx,12
(Bérodach-Baladan); dans des coupes défectueuses de
mots, I Reg., 1,24; Ezech,, xlviii, 11 ; Os.,vi, 5; xi,
2; Zach., xi,7; Ps. xvi, 3; lxxi,3; lxxv, 2; lxxvi, 7;
cvi,7;dans l'omission des mêmes mots, III Reg.,
vin, 16; Jos., n, 1; I Reg., xiv, 24-26; xxix, 10, etc.;
dans des doubles leçons, gloses ou altérations diverses.
II Reg., VI, 3, 4; Jon., I, 8; I Reg., ni, 3-5; I Par., vi,
13; II Reg., m, 3. La conformité avec l'hébreu et l'op-
position avec les Septante existent non seulement par
la suppression des longues additions de la version
grecque dans les livres des Rois, dans Jérémie et dans
les Proverbes, mais encore en beaucoup de détails :
par exemple, pour les nombres, I Reg., ix, 22; xi, 8
(deux fois); xm, 5 ; xxm, 13; xxvn, 2; xxx, 9; II Reg.,
xv, 7; III Reg., ix, 28; x,16 (deux fois), 26; xii, 21;
pour des lettres confondues. Driver, Notes on the he-
brew text of the books of Samuel, Oxford, 1890,
p. lxvi-lxvii, a cité vingt exemples tirés des Psaumes
où les Septante ont lu i lorsque le texte massorétique
a >. Or, dix-sept fois, saint Jérôme est d'accord avec
les massorétes. Voir encore Zach., v, 6. De même, i
et t ont été confondus. Num., xxvi, 32, 36, 40, 57. Se-
lon Wellhausen, Einleitung in das A. T., de Bleek,
6 e édit., Berlin, 1893, P- 557, saint Jérôme différerait
des massorétes surtout dans la lecture des matres
lectionis. Cependant, même sur ce point, il est parfois
d'accord avec eux au sujet de l'écriture pleine. Ainsi
Gen.,xxm,16 :Ephron, Ephran, Qusest.in Gen.,t. xxm,
col. 973. Cf. W.Nowack, Die Bedeutung des Hieronymus
fi'trdie alttestamentliche Textkritik, Gœttingue, 1875;
H. P. Smith, The value of the Vulgate Old Testa-
ment for textual criticism, dans Presbyterian and
reformed Review, avril 1891.
Saint Jérôme mettait parfois un soin particulier à
lire son manuscrit. Ainsi pour le livre des Paralipo-
mènes, dont les noms propres sont si défectueux dans
les manuscrits grecs et latins, il en a collationné le
texte d'un bout à l'autre avec un docteur de la loi de
Tibériade, très renommé. Prsefatio ad Domninum et
Rogatianum, t. xxix, col. 401-402. D'autres fois, il était
plus pressé et c'est ainsi qu'il traduisit en un jour le
livre de Tobie. Prsefatio in librum Tobise, t. xxix,
col. 26. Il visita aussi toute la Palestine avec des juifs
très instruits, afin d'être à même de traduire plus exac-
tement les passages bibliques, qui ont trait à la
géographie de cette contrée. Prsefatio in libr. Pa>°a-
lipom., t. xxix, col. 401. Du reste, il se faisait aider
par ses maîtres hébreux pour la traduction des passages
difficiles. Il recourait enfin, quand il le jugeait néces-
saire, aux versions grecques faites par les Juifs Aquila,
Symmaque et Théodotion, qu'il connaissait par les
Hexaples d'Origène. Comment. inEccle., prol., t. xxm,
col. 1011-1012; Epist. xxxn, ad Marcellam, t. xxn,
col. 446. " • '
C'est à ces anciennes versions juives ou à la tradition
des rabbins qui furent ses maîtres qu'il a emprunté
certaines interprétations singulières ou même erronées r
qui s'écartent du texte hébraïque. Ainsi il doit à Sym-
maque la fausse traduction d'Eccle., vi, 5. Voici un
certain nombre d'exemples, pris dans la Genèse seu-
lement, où il a suivi la tradition rabbinique : a principio,
n, 8; usque ad convallem illustrem, xii, 6; in terrain
visionis, xxn, 2; abundantiàm, xxvi, 33; verno tem-
pore, xxxV. 6; vemum tempus, xlviii, 7; quo nato,
parère ultra cessavit, xxxvm, 5; in bivio, xxxvm,14.
Cependant, il rejette certaines traditions rabbiniques,
qu'il cite dans son Liber qusestionum hebraicarum in
Genesim. Ainsi il traduit Ur Chaldseorum, Gen.,xi,28„
2461
VULGA.TE
2462
quoiqu'il ait écrit in igné Chaldssorum, II Esd., ix, 7.
Cf. J. Lagrange, Saint Jérôme et la tradition juive
dans la Genèse, dans la Revue biblique, 1908, p. 563-
566. La plus célèbre dépendance de cette tradition est,
en dehors de la Genèse, la traduction de Josué,xiv,10.
Il a exposé maintes fois les principes qu'il a appliqués
dans sa traduction de l'Ancien Testament. Epist. cri,
ad Suniam et Fretellam, t. xxii, col. 837-867. Ce sont
ceux, d'ailleurs, qu'il avait indiqués pour la traduction
des livres profanes, dans son opuscule De optimo génère
interpretandi, Epist. LVH, ad Pammachium, t. xxii,
col. 568-579. Il évita avec soin de faire une traduction
littérale et servile, rendant le texte mot à mot; il
s'attacha plutôt à rendre exactement le sens de l'original.
Cependant pour traduire l'Écriture, où l'ordre des mots
n'est pas parfois sans un dessein mystérieux, il tint da-
vantage compte de lalittéralité. Prœfatio inJob,t. xxvm,
1081 ; Prœfatio in Judith, t. xxix, col. 39. Il cherchait
donc avant tout à comprendre le texte et il a pu se ren-
dre le témoignage de n'avoir rien changé à la vérité
hébraïque. Prologus galeatus, t. xxvm, col. 557-558.
Nous avons constaté plus haut sa fidélité au texte mas-
sorétique. Ayant compris le texte, il s'efforçait de
l'exprimer en latin correct et aussi élégant que possible.
Epist. cri, n. 54, t. xxii, col. 856. Il tenait compte
des propriétés de la langue latine et il a adopté des
locutions reçues, par exemple, ces termes de la my-
thologie ou des croyances populaires, acervus Mercurii
Prov., xxvi, 8; aruspices, IV Reg., xxi, 6; sirènes,
Is., xiii, 22; lamia, onocentauri, Is., xxxiv, 14; fauni,
Jer., L, 39; mulieres plangentes Adonidem, Ezech., vm,
14, etc., pour rendre des termes analogues de l'hébreu,
qui n'auraient pas été compris des lecteurs latins, s'ils
avaient été traduits littéralement, et qu'il était impos-
sible même de rendre autrement que par des termes
équivalents plus ou moins rapprochés. C'est encore pour
se conformer au génie de la langue latine que le saint
docteur a remplacé les phrases désarticulées de l'hébreu
par des périodes. Ainsi Gen., xxvm, 11; xxxi, 39; XL,
4. Un ablatif absolu traduit une phrase directe. Gen.,
xiii, 10 ; xix, 16. Voir d'autres modifications de cette
nature, Gen., xxxi, 32, 47; xxxn, 13; xxxix, 19; xl, 5;
xli, 14, etc.
Par amour de la clarté, le traducteur latin ajoute par-
fois quelques mots d'explication, ou, par contre, pour
éviter les répétitions, il abrège et résume, quand le
texte hébreu est pléonastique. Un exemple d'abréviation
se trouve, Eccle., vi, 2; des additions se rencontrent,
Gen., xx, 16; xxxi, 31, 32, qui sont de la main du tra-
ducteur. Il y a des passages assez librement traduits,
par exemple, Gen., xxxix, 10-19; XL, 21-23; Lev., VI,
2-5; Num., xv, 11-16. Comme l'a remarqué le P. de
Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et
Ruth, Paris, 1888, p. 20-22, les explications ajoutées
pour éclaircir le texte sont assez fréquentes dans le livre
des Juges. Voir quelques spécimens, il, 19; vm, 1, 11;
ix, 25, 36; xi, 39; xv, 9, 16, 19; xvn, 9; leur nombre
augmente à partir du c. XIX. Le saint docteur traduisait
alors currente calamo. Ses libertés de traduction se
rencontrent dans le Pentateuque et les Juges, livres
qu'il a traduits les derniers. Quelques menus chan-
gements, qui ne modifient pas le sens, semblent dus
encore à l'amour de l'élégance et de la clarté, par exem-
ple, I Sam., xxvm, 6; II Reg., iv, 19, 23. Quand le texte
hébreu présente un récit peu cohérent, saint Jérôme,
par une tournure plus claire, par un mot d'explication,
rend la suite des idées plus logique. Exemples : Gen., il
19;xv,3; xix, 29;xxxv,9;xxxvn,21,22,28; Exod.,xix,
25; Xum., xxii, 22; Deut., i, 37, 38; Jud., xx, 9, 10; xxi, 9.
Cf. F. Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868,
p. 176-179; A. Condamin, Les caractères de la traduc-
tion de la Bible de saint Jérôme, dans les Recherches
de science religieuse, 1912, t. m, p. 105-138.
Le souci de saint Jérôme pour l'élégance apparaît
surtout dans le soin qu'il mit à varier la traduction des
mêmes expressions, souvent répétées dans le texte
hébreu. Ainsi, au ch. I er de la Genèse, les mots :
vayômér 'Elôhîm, qui reviennent neuf fois, sont rendus
de cinq manières différentes : le vav est diversement
traduit ou le verbe est exprimé par différents verbes
latins. Au même endroit, leminô est traduit juccta
(secundum, in) genus (ou speciem). Cf. Gen., vi, 20;
vu, 14; Lev., xi, 14, 15, 16. Non seulement le même
terme est traduit par différents mots latins en des pas-
sages très éloignés l'un de l'autre, parfois même il est
rendu de deux façons dans le même verset. Gen., m,
2, 3, 6, 18, 19; xxiv, 1; Exod., vi, 14-19; III Reg., i,
1; Jos., xiii, 1; xxiii, 1, 2; IReg., IX, 4; Gen., xlix, 3;
I Reg., x, 5, 10; I Par., xxvn, 25, 27, 38; Job, i, 16-18;
Dan., m, 20, 21, 23, 25; v, 24, 25; il, 4, 6, 7, 9, 16, 24;
v, 7, 12, 15. Ces variations nuisent parfois au sens :
c'est le cas pour genus et species dans le ch. i« de la
Genèse. Belial est tantôt un nom propre, Deut., xm,
12; Jud., xix, 22; I Reg., i, 16; u, 12; x, 27; xxv, 17;
II Reg., xvi, 7; xx,l; xxn,5; III Reg., xxi, 10;Nah., i,
13; Ps. ci, 3; II Par., xm, 1; tantôt il devient un sub-
stantif commun ou un adjectif : impius, Deut., xv, 9;
Prov., xvi, 27; iniguus, I Reg., xxv, 25; xxx, 22;
Prov., XIX, 28; apostata, Prov., VI, 12; Job, xxxiv, 18;
prsevaricator, prsevaricatio, II Reg., xxm, 6; Nah., i,
11; diabolus, diabolicus, III Reg., xxl, 13; Ps. xvin,
5; xli, 9. Naharah devient coluber, Exod., IV, 3,
' draco, vu, 15; thanain, coluber, Exod., vu, 9, 10; draco;
12. Il en est ainsi pour les verbes : gû* est rendu par
I consumi, Gen., vi, 17; vu, 21; xxxv, 29; Num., xvn,
! 12; par deficere, Gen., xxv, 8, 17 ; par obire, Gen., xlix,
! 32; par ad internecionem, Num., xvn, 23; par perire,
i Num. , xx, 3; Jos., xxii, 20; par occumbere, Num.,xx,30;
I pur, employé douze fois, Num., xm et xiv, est traduit
■ considerare, explorare, inspicere, lustrare, circuire,
contemplari. Azâh qui, au ch. xvi des Nombres, désigne
ou bien l'assemblée d'Israël ou bien la troupe de Coré,
est traduit : synagoga, multitudo, concilium, populus,
frequentia populi, globus, congregatio, universus
populus. Une prescription faite pour toujours l'est ritu
perpetuo, jure perpétua, lege perpétua, religione per-
pétua, cultu sempiterno, legitimum, sempitemum
erit, prseceptum sempitemum. Pour éviter des syno-
nymes, des mots sont supprimés ou sous-entendus ou.
remplacés par des pronoms. Exemples : Laban, frère
de sa mère, Gen., xxix, 10, 11; et suburbana ejus,
Jos., xxv, 13-16; I Par., vi, 67, 81. Voir encore Gen.,
vm, 21; xii, 8; xix, 29; xx, 17; xxvi, 3, 34; Jos., x,
12; III Reg., xii, 27. Quelquefois cependant le terme
propre est conservé, malgré ses répétitions. Ainsi le
verbe mahah est rendu delere, Gen., vi, 7; vu, 4, 23;
dans le récit de plaies d'Egypte, Exod., vn-x, l.iàzaq
est traduit par indurare, sauf Exod., x, I, et kdbad
par ingravare. Dans les passages poétiques, la répé-
tition qui est volontaire dans l'original et qui produit
un effet poétique, disparait dans la traduction. Exemple :
Jer., iv, 23-26. Cependant, saint Jérôme, dans Osée, II,
19, 20, a employé trois fois sponsabo pour garder
l'image, explique-t-il dans son commentaire. Comment.
in Ose., t. xxv, col. 840. D'autres répétitions, qui, dans
la même strophe ou des strophes différentes, sont symé-
triques ou parallèles dans l'original, disparaissent dans
la traduction. Voir Prov., ix, 3, 14, 4, 16. Voir A. Con-
damin, Les caractères de la traduction de la Bible par
saint Jérôme, dans les Recherches de science religieuse,
1911, t. n, p. 425-440. Cependant le souci de l'élégance
cède parfois la place à celui de la clarté, et saint Jérôme,
malgré ses goûts classiques, emploie des mots et des
tournures populaires, qu'il estimait plus aptes à rendre
le sens de l'original. Comment, in Ezech., xl, 5, t. xxv,
col. 378. Ainsi il dit au masculin cubitus, cubiti,
2463
VULGATE
2464
Ezech., xl, 7, 9, 12, 14, 15, 19, etc. De même, il a
adopté les mots capitium, Job, xxx, 18; grossitudo,
III Reg., vu, 26; capilellum, ibid., 41 ; clusor, IV Reg.,
xxiv, 14; odientes, II Reg., xxn, 11 ; sinceriter, Tob., m,
5; uno pour uni au datif, Exod., xxvii, 14; Num., xxix,
14; numquid pour nonne, Gen., xvm, 23; adorare
Domino, Deut., xxvi, 10; benedixit eum, Gen., xxvm,
1. Cf. Kaulen, op. cit., p. 181-182.
Du reste, quelques-unes de ces expressions ou de
ces constructions populaires étaient conservées de l'an-
cienne version latine. Saint Jérôme, en effet, nous ap-
prend qu'en traduisant l'hébreu il a adapté son texte à
la traduction des Septante, quand elle ne s'éloignait pas
trop de l'original. Comment, in Eccle., prol., t. xxm,
col. 1011, Les lecteurs latins étaient habitués aux for-
mules anciennes, et on reprochait vivement à saint
Jérôme de s'en écarter. Prsefatio in Job, t. xxix, col. 61.
C'est pour ne pas heurter de front cet attachement à
l'ancienne version que le nouveau traducteur conserva
des hébraïsmes, qui avaient passé des Septante en elle.
Ainsi sermo est mis pour res, II Reg.,xn,21; verbumesl
de même employé souvent pour res ; eum consummasset
comedere, Amos, vu, 2; et adjeeit Dominus rursum
vocare Samuelem, I Reg., in, 6; addidit furor
Domini irasci contra Israël, II Reg., xxiv, 1; juravit
dicens : Si videbunt, Num., xxxu, 10; plorans ploravit,
Lam., i, 2; in odoren suaviiatis, Ezech., xx, 41, etc.
Le traducteur latin imitait ainsi, parfois peut-être
inconsciemment, l'ancienne traduction latine, et il
employait les expressions du latin populaire. Il dépend
aussi de la version grecque dans des passages difficiles,
qu'il ne comprenait pas très bien et qu'il traduisait
littéralement, si même il ne transcrivait pas les termes
grecs eux-mêmes. Kaulen a recueilli un certain nom-
bre d'exemples de cette nature. Geschichte der Vulgala,
p. 138-139. C'est par fidélité à l'ancienne version, faite
sur les Septante, que saint Jérôme adopte le sens mes-
sianique que le texte original ne comporte pas. Ainsi
Is., xi, 10; xvi, 1; Hab., m, 18; Jer., xi, 19; xxxi;
22. L'idée messianique est accentuée ou développée en
certains autres passages : Is., xii, 3; xlv, 8; li, 5,
Jer., xxm, 6; Dan., ix, 24-26. .
Bref, malgré ses mérites de fidélité et d'élégance, la
version de saint Jérôme, qui est la meilleure de toutes
les versions anciennes de la Bible, n'est pas absolu-
ment parfaite. Un mot hébreu incompris a été simple-
ment transcrit. II Reg., xvi, 18. On a relevé quelques
contresens, rares il est vrai, par exemple, Gen., xiv,
-5; xxvn, 39; Exod., h, 21; Deut., xxix, 10. Kaulen,
op. cit., p. 175-176, lui reproche encore la traduction
étymologique des noms propres, Gen., n, 8; Num.,
xxxiv, 7; I Reg., vu, 12, parfois différente, Gen., xii,
8; Deut., xi, 30; Jud., x, 1. Voir encore Is.,v, 2; îx,
13; xin, 22. Du reste, le mérite de la traduction varie
selon les livres, parce que l'auteur y a mis plus ou
moins de soin. Les livres historiques sont les mieux
traduits : le sens en est exactement rendu et le style en
-est coulant. La traduction de Job est aussi très bonne.
Dans les petits prophètes, la couleur hébraïque est
-souvent gardée ainsi que dans les grands prophètes.
Les livres de Salomoh sont soignés et bien rendus,
malgré le peu de temps que saint Jérôme mit à les tra-
duire. Le texte hébreu des Psaumes est fidèlement tra-
duit, mais les beautés poétiques du style ont souvent
disparu. Les livres de Judith et de Tobie se ressentent
delà hâte mise à leur traduction; aussi ressemblent-
ils beaucoup au texte de l'Itala. F. Kaulen, op. cit.,
p. 179-180. Voir t. h, col. 1308-1309. Ce qui fait la su-
périorité de la version de saint Jérôme sur les autres
traductions anciennes de la Bible, c'est qu'elle est une
• œuvre scientifique, le travail d'un lettré,"tandis que les
précédentes avaient plutôt les caractères d'oeuvres
-d'utilité pratique. Son auteur avait appris de son
mieux une langue étrangère ; il s'était entouré de tous
les secours qui étaient à sa disposition ; il combina
heureusement les traditions juives et chrétiennes et,
pour le style, il tint compte des exigences du bon
goût.
Sur les caractères de sa traduction, voirW. Novvack,
Die Bedeutung des Hieronymus fur die alttestament-
liche Texlkritik, Gœttingue, 1875; G. Hoberg, De
sancti Hieronymi ratione interpretandi, Fribourg-
en-Brisgau, 1886.
Sur la langue et la grammaire de la Vulgate, voir
J. Weitenauer, Lexicon biblicum, in quo explicantur
Vulgatse vocabula et phrases, 2 e édit., Augsbourg,
1780; H. Rônsch, Itala und Vulgata, 2 e édit., Mar-
bourg, 1875; F. Kaulen, Handbuch zur Vulgata,
Mayence, 1870; J.A. Hagen, SprachlicheErôrterungen
zur Vulgata, Fribourg-en-Brisgau, 1863; J. B. Heiss,
Beitrag zur Grammatik der Vulgata Formenlehre,
Munich, 1864; V. Loch, Materialien zu einer latein.
Grammatik der Vulgata, Bamberg, 1870; L. Hake,
Sprachliche Bemerkungen zu dem Psalmentexte der
Vulgata, Arnsberg, 1872 ; H. Gœlzer, Étude lexicogra-
phigue et grammaticale de la latinitéde saint Jérôme,
Paris, 1884; G. A. Salfeld, De Bibliorum Sacrorum
Vulgatse editionis grsecitate, Quedlinbourg, 1891;
A. Hartld, Sprachliche Eigenthùmlichkeiten der
Vulgata, Ried, 1894; W. M. C. Wibroy, The partici-
pa in the Vulgate New Testament, Baltimore, 1892;
L. B. Andergassen, Deber den Gebrauch des Infini-
tivs in der Vulgata, Bozen, 1891.
Conclusion. — De l'aveu unanime de tous les criti-
ques modernes, l'œuvre de saint Jérôme est la meilleure
des anciennes versions de l'Écriture. Cf. Brunati, Del
nome,dell' au tore, de' correctoriet delV autorité délia
versione Volgata, dans Dissertazioni bibliche, Milan,
1838, p. 69-75; Glaire, Sainte Bible selon la Vulgate,
3 S édit., 1889, 1. 1, p. xi-xn. Son mérite propre provient
des efforts consciencieux de l'auteur pour réaliser sé-
rieusement son entreprise. Les traductions précédentes
étaient ou bien des essais destinés à mettre les livres
sacrés des Juifs et des chrétiens à la portée de nom-
breux fidèles qui ignoraient les langues originales, ou
bien des versions de versions. Leurs auteurs ne se pro-
posaient qu'un but d'utilité pratique et n'avaient pas
l'intention de faire des œuvres scientifiques. En recou-
rant directement aux textes originaux, soit pour cor-
riger l'Itala du Nouveau Testament, soit pour faire
connaître aux chrétiens la veritashebraica, saint Jérôme
visait plus haut que l'utilité pratique; il voulait donner
à l'Église un travail scientifique. Il a réussi, dans une
bonne mesure, à atteindre ses fins. Sa version « com-
bine très heureusement les recherches personnelles
avec le respect de la tradition juive et chrétienne,
tient compte des justes exigences du bon goût et rem-
plit ainsi toutes les conditions nécessaires pour faire
un travail excellent. » F. Vigouroux, Manuel biblique,
12» édit., Paris, 1906, t. i, p. 222.
Ainsi supplanta-t-elle peu à peu les autres versions
latines et devint-elle la seule en usage dans l'Église
latine, ainsi que nous le montrerons en racontant son
histoire. Elle a fini par être approuvée solennellement
par le concile de Trente, et elle continue à être em-
ployée dans la pratique quotidienne et la liturgie offi-
cielle de l'Église latine. Son texte a été étudié par les
théologiens, expliqué et commenté par les exégètes,
prêché aux fidèles, lu par tous les chrétiens tant en lui-
même que dans les nombreuses traductions en langue
vulgaire qui en dérivent. 11 a donc servi pendant des
siècles et il servira longtemps encore à l'édification de la
foi, de la théologie et de la piété chrétienne dans la plus
grande partie du monde chrétien. La Vulgate a donc
exercé et elle exercera encore une influence, incompa-
rable à aucune autre, parmi les fidèles de l'Église la-
2465
VULGATE
246ff.
tine et romaine. C'est par excellence la version ecclé-
siastique de l'Écriture, l'instrument providentiel de la
diffusion de la révélation divine au sein de l'humanité,
et le véhicule de la pensée du Saint-Esprit à travers le
monde entier.
III. Manuscrits. —.Voir t. iv, col: 692, 695-698,
et la liste supplémentaire de Gregory, Textkritik des
N. T., Leipzig, 1909, t. m, p. 1335-1343, qui arrive au
total de 2472. Quelques-uns ont des articles spéciaux
dans ce Dictionnaire : l'Amiatinus, t. i, col. 480-483
(avec fac-similé) ; le higotianus, ibid., col. 1794; le
Bodleianus, ibid., col. 1825; le Cavensis, t. n, col. 353;
le Forojuliensis, ibid., col. 231 7-2318; \eFutdensis,ibid.,
col. 2413; le Gigas librorum, t. m, col. 238-239; le Ke-
nanensis, col. 1886-1887; le Legionensis (I, II et III),
t. iv, col. 159-160; le Lindisfarnensis, ibid., col. 267; le
Paulinus, ibid., col. 2232; le Toletaniis, i. v, col. 2264-
2265; le Vindobonensis, col. 2437; l' Urbinas, col. 2358.
IV. Histoire. — Cette histoire n'est pas encore par-
faitement tirée au clair pour toutes les époques, quoi-
qu'elle soit de jour en jour mieux connue. Ses premiers
temps sont les moins explorés et nous ne pouvons les
caractériser que par leurs traits généraux.
1° Au v» et au ri' siècle. — La nouvelle version de
saint Jérôme fut discutée du vivant même de son au-
teur, qui nous l'apprend lui-même en plusieurs de ses
préfaces, notamment dans ses deux préfaces au livre
de Job, t. xxvin, col. 1079; t. xxix, col. 61. Rufln,
devenu son adversaire, le traita d'hérétique et de
faussaire, dans ses Invectives. Cf. S. Jérôme, Apologia
adversus libros Rufini, II, 24-35, t. xxm, col. 447-456.
Saint Augustin n'approuva pas d'abord le dessein
de saint Jérôme de faire une version nouvelle sur
l'hébreu et il conseillait au saint docteur de se borner
à reviser l'ancienne traduction latine sur les Septante.
Epist. lvi, cir, t. xxii, col. 566, 832-834. Saint Jérôme
justifia son entreprise et exposa à l'évèque d'Hippone
les raisons qui l'y avaient engagé. Epist. cv, exil,
col. 834-837, 928-931. Vers la fin de sa vie toutefois,
l'évèque d'Hippone, satisfait par les explications de
saint Jérôme, Epist. cxvi, a. 34, t. xxii, col. 952,
reconnut le mérite de l'œuvre du solitaire de.Bethlé-
hem et il la cita pourprouver l'éloquence desprophètes
d'Israël. De doctrina christiana, iv, 15, t. xxxiv,
col. 95. Quant au Nouveau Testament, saint Augustin
suivait soit la revision de saint Jérôme, soit l'ancienne
version. Nous en avons deux exemples curieux dans
son traité De consensu evangelislarum, en 400, où il
se sert des deux versions des Évangiles, et dans sa
controverse avec le manichéen Félix, en 404 : il y
cite Luc, xxiv, 36-49, d'après le texte revu et Actes, i,
1-n, 12, selon le texte africain. De actis cum Felice
manichœo, 1. I, c. m-v, t. xlii, col. 520-522; Corpus de
Vienne, 1892, t. xxv, fasc. 2, p. 802-807. On retrouve
aussi des leçons africaines des mêmes chapitres des
Actes dans Contra epistolam quant vocant Fundamenti,
c. ix, t. xlh, col. 179-180; Corpus de Vienne, 1891,
t. xxv, fasc. 1, p. 203-205; Ad catholicos epistola, de
unitate Ecclesise, c. xi, n. 27, t. xlii, col. 409-410. Cf.
F. C. Burkitt, The Old latinand tke Itala, dans Texte
and studies, Cambridge, 1896, t. lv, n. 3, p. 57-58,
68-78. Du vivant de saint Jérôme, Sophrone, patriarche
de Constantinople, traduisit en grec la version latine des
Psaumes et des Prophètes. De viris, 134, t. xxm,
col. 715. £n 398, un évêque d'Andalousie, nommé Lu-
cinius, avait envoyé des scribes à Rome et à Bethléhem
pour prendre copie de la Bible sous les yeux de saint '
Jérôme; ils rapportèrent un exemplaire presque com-
plet, auquel il ne manquait que le Pentateuque.
S. Jérôme, Epist. LXXI, ad Lucinium, 4, t. xxil,
col. 671, cf. col. 683. Mais nous ne savons pas quel
était le texte de cette Bible.
Malgré sa supériorité sur les anciennes versions la-
OICT. DE LA BIBLE.
Unes, la traduction de saint Jérôme ne passa pas vite-
dans l'usage public et universel, tant était grand l'atta-
chement aux vieux textes, et ce ne fut que progressi-
vement qu'on en reconnut le mérite. Peu à peu on en>
vint à la préférer aux anciennes traductions. C'est en'
Gaule qu'elle se répandit d'abord insensiblement, sans-
qu'on puisse fixer la date de son introduction en ce
pays. Cassien, Collât., xxm, 8, t. xlix, col. 1259, l'ap-
pelle emendatior translatio. Prosper d'Aquitaine ap-
prouve l'œuvre de saintjérôme à Belhléhem. Chronic. r
ann. 386, t. li, col. 586. Saint Eucher de Lyon en fait
usage et cite une fois au moins le psautier hébraïque.
Voir Libellus de formulis spiritualis intelligentiss,
édit. F. Pauly, Graz, 1884. Dom Chapman, Notes on
the early history of ihe Vulgata Gospels, Oxford, 1908,
p. 173-177. Saint Vincent de Lérins, saint Mamert,
Fauste de Riez, Salvien se servent de la version de-
saint Jérôme. Dom Chapman, op. cit., p. 164-173. Saint
Césaire d'Arles remplace les citations des Psaumes,
faites par saint Augustin d'après l'ancien Psautier, par
les leçons du Psautier romain. G. Morin, dans la Revue
bénédictine, juillet 1899, p. 293. Le texte de ses ser-
mons est si mal assuré qu'on ne pourra déterminer
quel texte latin des Écritures il suivait que quand aura
paru l'édition critique de ses œuvres que prépare dom
Morin. Saint Avit de Vienne cite partiellement la ver-
sion de l'Ancien Testament par saint Jérôme, ainsi que
saint Grégoire de Tours, mais le texte est déjà un texte
mêlé de leçons de l'ancienne version. Cf. Sam. Berger,
Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du
moyen âge, Paris, 1893, p. 1-5; M. Bonnet, Le latin
de Grégoire de Tours, Paris, 1890, p. 54. Les poètes-
latins du v" siècle, Hilaire, Dracontius, Cl. Victor,
saint Avit et l'auteur du De Sodoma se sont inspirés-
surtout de la Vulgate et les emprunts qu'ils ont faits
à l'Italique sont assez rares. S. Gamber, Le livre de
la Genèse dans la poésie latine au V e siècle, 1899.
En Afrique, on garde les anciens textes. On croyait
qu'il en avait été de même dans la Grande-Bretagne et
que saint Patrice avait cité la vieille version. Dom
Chapman, op. cit., p. 162-164, a montré que ce saint
citait la Vulgate. Au commencement du V e siècle, la
version de saint Jérôme était citée dans les écrits du
Breton Fastidius. A Rome, le pape saint Léon cite en-
core la vieille traduction des Évangiles. SéduliusMarius
Mercator, Victor de Vite et le pape Vigile ont adopté la
version de saint Jérôme. Dans ses Morales sur Job,
saint Grégoire le Grand explique la nouvelle traduc-
tion, tout en recourant, à l'occasion, à l'ancienne et il
déclare que le siège apostolique se sert de ces deux ver-
sions. Epist. miss., c. v, t. lxxv, col. 516. Ce pape cite
aussi la Vulgate dans ses Homélies sur les Évangiles
et ses leçons ont exercé une grande influence sur les
manuscrits de la Vulgate. Dom Chapman, op. cit.,
p. 203-210. Au sud de l'Italie, Cassiodore possédait dans
son monastère de Vivarium un manuscrit de l'ancienne
version latine, et un autre de la traduction de saint
Jérôme, Dans son commentaire du Psautier, il inter-
prète le Psautier romain. Soucieux d'offrir à ses moines
un texte pur, il fit transcrire la version hiéronymienne
en neuf manuscrits, et pour faciliter la lecture, il avait
divisé le texte en cola et en commala. Instit. div.,
c. XII, t. LXX, col. 1124. Il a apporté un soin spécial à
l'édition du Psautier, des Prophètes et des Épîtres
apostoliques; malgré son grand âge, il a lu lui-même
les neuf codices en entier, en les collationnant avec .
d'anciens manuscrits que ses amis lisaient en sa pré-
sence. Ibid., prsef., col. 1109. En tête de chacun des
livres, il avait mis des sommaires analytiques, réunis à
part dans son Liber titulorum. Il conseille à ses
moines de recopier attentivement son texte et d'éviter
les fautes de transcription. Il donne les règles à suivre
pour corriger les fautes des copistes, ibid., c. xiv, xv,
V. — 78
2467
VULGATE
2468
col. 1126-1131, et il annonce qu'il publiera un traité
De orthographia, reproduit par Migne, ibid., col. 1239-
1270. Cf. Institue, xxx, col. 1144-1146. On ignore quelle
influence a exercée sur la transmission du texte hiéro-
nymien l'édition de Cassiodore. Voir t. h, col. 338-340.
Si VAmialinus reproduit un prologue cassiodorien, le
texte biblique de ce manuscrit n'est pas, selon le senti-
ment commun des critiques, celui de Cassiodore. Voir
t. i, col. 482. Voir plus loin le sentiment de dom
Chapman.
Deux cents ans environ après la mort de saint Jérôme,
sa version était reçue universellement dans l'Église
latine, au témoignage de saint Isidore de Séville. De
officiis ecclesiasticis, I, xn, 8, t. lxxxiii, col. 748.
Aussi, un siècle plus tard, Bède l'âppelle-t-il simplement
« notre édition » et ne connaît-il plus l'édition précé-
dente que sous le nom d'antiqua translatio. Hexaeme-
ron, 1. I; Super parabolas Salomonis allegorica expo-
sitio, 1. II, t. xci,col. 52,57, 1010. Cependant, des par-
ties des anciennes versions latines furent encore reco-
piées jusqu'au XIII e siècle, et parfois au milieu des
manuscrits du texte hiéronymien. Voir t. lv,col. 693-694.
La nouvelle œuvre avait donc mis du temps à prédo-
miner et à supplanter les anciens textes. Son triomphe
toutefois n'était pas complet, car, durant les deux siè-
cles qui l'avaient précédé, le texte de saint Jérôme ne
s'était pas transmis pur de tout alliage. Les leçons des
versions antérieures, que le saint docteur avait voulu
éliminer, en revisant les anciens textes ou en donnant
aux latins la vérité hébraïque, étaient rentrées dans
son propre travail. Écrites d'abord aux marges des ma-
nuscrits du nouveau texte par des lecteurs qui avaient
constaté leur disparition, elles étaient réintroduites
dans le texte même par de nouveaux copistes. Elles '
sont nombreuses surtout dans les livres de Samuel,
voir col. 1144, et dans les Proverbes, voir col. 794.
Les écrivains gaulois du v e et du VI e siècle, qui se ser-
vaient simultanément des deux versions, avaient déjà
en mains des textes mêlés, et leurs citations de saint
Jérôme étaient contaminées par des leçons « euro-
péennes » ou « italiennes ». La version hiéronymienne
aurait donc eu dès lors besoin d'être corrigée et ra-
menée à sa pureté première. Mais personne ne semble
l'avoir remarqué à cette époque, et il faudra attendre
jusqu'au vm e siècle pour que ce travail de revision fût
entrepris.
Nous ne pouvons, en effet, nous rallier à l'hypothèse,
plusieurs fois émise, sans succès du reste, par
M. A. Dufourcq, d'une correction ou expurgation des
textes bibliques, du Nouveau Testament surtout, faite
par les catholiques en Italie ou en Gaule, d'une façon
plus précise, à Lérins, à Vivarium etâ Rome, au v« ou
vi e siècle, à rencontre des néo-manichéens de l'époque
qui avaient altéré les textes sacrés. De manickseismo
apud Latinos quinto sextoque sseculo alque de latinis
apocryphis libris (thèse), Paris, 1900, p. 71-79 ; Étude
sur les Gesta martyrum romains, Paris, 1910, t, IV,
p. 240-260; Histoire del'Église du 1W au xi'siècle. Le
christianisme et les barbares, 3' édit., Paris, 1911,
t. v, de L'avenir du christianisme, p. 88. Cf. E. Mange-
not, Une recension delaVulgale en Italie au vou ri'
siècle (extrait de la Revue du clergé français, dul" dé-
cembre 1901), Paris, 1901. Les indices que M. Dufourcq
fournit de cette revision, à savoir, le prologue Primum
quseritur, de l'Épltre aux Romains, le prologue Non
idem est ordo, placé en tête des Épitres catholiques,
la préface Très libros Salomonis, qui précède le livre
des Proverbes, l'édition de Cassiodore et le décret
pseudo-damasien De libris recipiendis, prouvent bien
que les catholiques ont discuté avec les priscillianistes
et les néo-manichéens de cette époque sur le terrain
biblique, qu'ils ont tenu, comme Cassiodore, à joindre
des préfaces aux livres bibliques, que quelques-unes
d'elles ont été fabriquées et placées sous l'autorité de
saint Jérôme. Ces documents peuvent prouver encore
que l'ordre des Livres Saints a été modifié diversement
dans les manuscrits copiés alors; mais ils ne gardent
pas la moindre trace, sinon au sujet du fameux verset
des trois témoins célestes (ce qui est un cas tout parti-
culier), d'une recension de la version hiéronymienne,
entreprise en vue de faire disparaître les falsifications
manichéennes du texte sacré. Les manuscrits altérés par
les manichéens ont été brûlés par ordre de saint Léon
le Grand et personne parmi les catholiques n'a eu
besoin de les corriger. En tout cas, s'il y a eu àxette
époque une véritable recension du texte, il n'y a aucun
indice qu'elle a exercé une influence réelle sur le texte
de la Vulgate latine. C'est par un autre moyen, par
l'étude des manuscrits du vu" et du vm e siècle, que
nous pouvons nous faire quelque idée - de l'état du
texte de la Vûlgale au vi e siècle.
2° Les manuscrits latins du texte qui avait cours
avant le milieu du viw siècle. — Samuel Berger,
op. cit., p. 8-111, en a distingué deux catégories très
homogènes, ayant chacune leur couleur propre et lo-
cale, les Bibles espagnoles et irlandaises, qui ont en-
vahi la France à l'époque mérovingienne et lui ont
fourni des textes mêlés et sans caractère propre.
D'autres textes ont existé à Saint-Gall et au nord de
l'Italie.
1. Les Bibles espagnoles. — Elles nous ont conservé
le texte entier de l'Écriture. Dès leur première appa-
rition, elles se présentent avec un caractère absolument
à part et une originalité exclusive. Elles constituent
une recension unique par ses sommaires, par les
nombreuses leçons de l'ancienne Vulgate qu'elles
contiennent, notamment quelques-unes du texte « ita-
lien » qu'on a retrouvées dans les œuvres de l'évêque
d'Avila, Priscillien, et par ses interpolations propres.
Vercellone avait établi que leur texte est celui du bré-
viaire et du missel mozarabes, ce qui suffit à détermi-
ner leur patrie. Cette recension est reproduite avec
assez peu de variantes dans tous les manuscrits visi-
goths de la Bible. On la reconnaît dans les débris de
la plus ancienne Bible espagnole (palimpseste de la
cathédrale de Léon, dont le texte biblique est du
vii e siècle environ), et dans les beaux manuscrits espa-
gnols de l'occupation arabe, dont le Toletanus, du
vm e siècle, est le type. Le Cavensis (vm e -ix e siècle) est
aussi un texte visîgoth pur. L'éditeur de cette recension
est l'écrivain qui s'est caché sous le nom de Peregri-
nus et qui avait corrigé les canons de Priscillien sur
saint Paul. S. Berger avait cru reconnaître sous ce
pseudonyme le moine espagnol Bachiarius, qui avait
pris le surnom de peregrinus, t. xx, col. 1024. Mais
Bachiarius est resté simple moine et n'a jamais été
évêque; il ne peut donc pas être l'éditeur de la recension
espagnole. Wordsworth et White, Novum Testamen-
tum D. N. J. C. latine, Oxford, 1898, t. i, fasc. 5,
p. 708.
Les autres Bibles espagnoles, tout en reproduisant
foncièrement cette recension, forment deux groupes,
qui paraissent dériver l'un et l'autre du texte du Tole-
tanus. Le groupe le plus nombreux, qui est aussi bien
délimité géographiquement que constant dans son
texte, très rapproché de celui du Toletanus, se con-
centre dans le royaume de Léon et étend son influence
sur la haute vallée de l'Èbre. On peut le nommer
« léonais ». Il est représenté par la deuxième bible de
Ximénès (n.32 de l'université de Madrid), rx e -x e siècle,
la Bible de San-Millan, x e , celle de la cathédrale de
Léon, datée de 920, le Codex gothicus Legionensis
(collégiale de San-Isidro), de 960, le manuscrit 3,
2 de la cathédrale de Tolède, XI e , le manuscrit A, 2 de
la Bibliothèque nationale de Madrid, xi e , la Bible du
Museo arqueologico de Madrid, xn e , la troisième Bible
2469
VULGATE
2470
d'Alcala(n. 33 et 34 de l'université de Madrid), xn e -xin e ,
le manuscrit de San Isidro de Léon (n. 1-3), copie du
Legionensis, prise en 1162. Le second groupe, dit
« castillan », comprend deux manuscrits espagnols, la
première bible d'Àlcala (n. 31 de l'université de Ma-
drid), IX e siècle, et celle du maréchal de Noailles
(Bibliothèque nationale de Paris, latin 6), X e , qui dif-
fèrent beaucoup des manuscrits visigoths et sont rem-
plis du souvenir de saint Isidore de Séville. Cette
recension a été établie au IX e siècle en Castille et au X e
en Catalogne. "Voir encore dom Andrés, El codex visi-
gotico de la Bibla de San Pedro de Cardena (x e siècle),
dans Boletin de la Real Academia de la Historia,
1912, t. tx, p. 101.
2. Les Bibles irlandaises et anglo-saxonnes. —
L'usage de la version de saint Jérôme en Grande-Bre-
tagne et en Irlande n'est guère attesté avant le vm e siècle
que par les citations bibliques des écrivains irlandais
ou bretons. M. Haddan, dans Haddan et Stubbs,
Councils and eccl. documents relat. to Gr. Britain
and Ireland, Oxford, 1869, t. i, p. 192, l'a constaté
dans les œuvres de saint Gildas, au vi e siècle, et il a
conclu que le texte cité ressemblait à celui du Codex
Arniatinus, sans lui être pourtant identique. Aux vu"
■et vm e siècles, la nouvelle version a pénétré en Ecosse
et en Irlande et se retrouve dans les écrits de Cum-
mian et d'Adaman et dans les documents du droit canon
irlandais. L'ancien texte biblique, qui était usité en
Irlande et dont on rencontre des traces dans les cita-
tions irlandaises de la Vulgate hiéronymienne, était un
texte « européen », dont nous avons un témoin excel-
lent dans le Codex Vsserianus, pour les Évangiles. Les
manuscrits irlandais et anglo-saxons de la Vulgate sont
très nombreux, mais, sauf de rares exceptions, ils ne
«ont pas beaucoup plus anciens que le vm e siècle et
dis ne reproduisent pas une Bible complète. Ils sont
•étroitement groupés entre eux et leur témoignage est
unanime. Leur texte est formé de la fusion des manu-
scrits romains, apportés par les apôtres de la Grande-
Bretagne, et des manuscrits irlandais antérieurs. Cette
fusion a commencé dans le Kent et les manuscrits qui
portent le nom de saint Augustin de Cantorbéry (deux
Évangiles du VII e siècle : n. 286 à Corpus Christi Collège
•de Cantorbéry et Bodley 857, et un Psautier du
xv e siècle, ms. Cotton. Vespar. À. 1), ont déjà un texte
un peu mêlé, ayant la saveur du terroir irlandais. Dom
'Chapman a soutenu toutefois que les manuscrits de
saint Augustin de Cantorbéry n'avaient pas de leçons
irlandaises et étaient des textes romains purs. Notes
■on tlie early history of the Vulgate Gospels, Oxford,
1908, p. 181-202. Il a rapproché leur texte des Évan-
giles des citations des Homélies de saint Grégoire le
■Grand, p. 210-216. Les meilleurs manuscrits du type
irlandais proviennent de Murcie ou de Northumbrie :
ils reproduisent la version hiéronymienne avec les
interpolations irlandaises caractéristiques. L'introduc-
tion de ce texte en Angleterre est due à Théodore de
Tarse, archevêque de Cantorbéry (668-690), et à Wilfrid,
évêque d'York (667-709). Les abbés de Wearmeuth et
de Jarrow dans le Northumberland, Benoit Biscop et
•Ceolfrid, rapportent de Rome, à chacun de leurs pè-
lerinages, des copies de la Vulgate, desquelles dérivent
les manuscrits northumbriens. Le meilleur est le
-célèbre Codex Arniatinus, écrit en 716. Voir t. i,
■col. 480-483. Le texte des Évangiles a dû être copié
-sur le manuscrit napolitain du moine Adrien. Voir
•dom Morin, La liturgie de Naples au temps de
S. Grégoire, dans la Revue bénédictine, 1891, t. vin,
p. 481-483. Le fragment d'Utrecht et le fragment de Dur-
•ham (A. //, 17) sont deux frères et peut-être deux
frères jumeaux de l'Amiatinus. Il faut rapprocher du
même codex le Stonyhurst St. John et le manuscrit de
Ourham (A. n, 16), écrit de la main de saint Bède. Le
plus beau de tous les manuscrits northumbriens est le
Lindisfarnensis, Book of Lindisfarne, au British Mu-
séum (Nero D. IV). Il est signé d'jEdfrith, qui occupa
le siège de l'île sainte (698-721) et il reproduit un ca-
lendrier liturgique de l'Église de Naples. Voir dom Mo-
rin, loc. cit. ; dom Chapman, op. cit., p. 43-77. D'autres
manuscrits en grand nombre reproduisent le texte ir-
landais, mais plus mêlé de leçons étrangères. S. Berger
a étudié surtout les manuscrits de Dublin : le Codex
Durmachensis, Book of Durrow (Trinity Collège,
A. 4, 5), le Codex Kenanensis, Book of Kells (Trinity
Collège, A. l,6),\e deuxième manuscrit d'Ussher (Tri-
nity Collège, A. 4, 6), le Stowe St. John (bibliothèque
de Royal Irish Academy) et il se borne à citer 23 autres
manuscrits irlandais. Op. cit., p. 43-44. Il avait parlé
auparavant, p. 31-34, du Book of Armagh et du Book
of Mailing, les deux plus importants manuscrits natio-
naux de l'Irlande, qui sont du IX e siècle seulement, et
qui reproduisent des textes de transition entre les
anciens textes irlandais et le texte northumbrien pro-
prement dit.
Les Irlandais ont transporté leur texte biblique en
dehors des Iles britanniques. La Neustrie, l'Austrasie,
l'Alémanie, la Rhétie et l'Italie ont conuu des manu-
scrits du type irlandais. La première de ces contrées
nous offre d'abord trois manuscrits de Tours, aujour-
d'hui dispersés : le manuscrit de Saint-Gatien (Biblio-
thèque nationale de Paris, nouvelles acquisitions, 1587),
du vm e siècle, que J. M. Heer vient d'éditer, Evange-
lium Gatianum, Fribourg-en-Brisgau, 1910; le ma-
nuscrit de Marmoutiers (British Muséum, Egerton 609),
du IX e ; le n. 22 de la bibliothèque publique de Tours,
aussi du IX e . Deux autres manuscrits s'en rapprochent
par la géographie et le texte : le n» 13 169 de la Biblio-
thèque nationale de Paris, du X e siècle, et le n» 20 de
la bibliothèque d'Angers. Il faut mettre à côlé d'eux le
manuscritditd'vEthelstan(BritishMuseum, I.A.XV111),
du ix e -x e siècle, dont l'origine est inconnue, et enfin le
Codex Bigotianus (Bibliothèque nationale de Paris,
lat. 281 et 298), du vm e siècle, en écriture onciale. Tous
ces manuscrits ne contiennent que les Évangiles. Les
Épltres et l'Apocalypse sont reproduites dans un ma-
nuscrit (Harléien, 1772), du vm e -ix e siècle, dont l'orne-
mentation est irlandaise, sinon le texte lui-même. Pour
l'Ancien Testament, il n'y a à signaler sur le continent
que le Psautier double de Saint-Ouen (bibliothèque de
Rouen, 24), du X e siècle, et le manuscrit des prophètes
(Bibliothèque nationale, 9382), du IX e . En Austrasie, il y
avait à l'abbaye de Saint-Arnoul de Metz un manuscrit
anglo-saxon des Évangiles, qui est du VIII e siècle et
qui appartient aujourd'hui à la bibliothèque princière
d'Œttingen-Wallerstein. L'abbaye d'Echternach possé-
dait un autre manuscrit des Évangiles, écrit en une
belle semi-onciale saxonne du vm* siècle. Il est mainte-
tenant à la Bibliothèque nationale de Paris, 9389. Son
texte est nettement irlandais. Une note de première
main, copiée sur quelque vieil exemplaire, porte la
date 558 et déclare que le texte a été corrigé, au temps
de Cassiodore, avant d'être transcrit, sur le manuscrit
d'Eugippius, l'auteur de la vie de saint Séverin 'et
l'abréviateur de saint Augustin. Cette note rattache le
texte irlandais à un manuscrit napolitain du VI e siècle.
Des manuscrits de Wurzbourg, le manuscrit dit de
saint Eilian (M p. th. g. i a ) ne semble avoir rien
d'irlandais, mais trois autres proviennent véritablement
des Iles britanniques : pour les Évangiles, le ms. Mp.
th. f. 61, écrit au vm e siècle, et pour saint Paul, les
deux mss. Mp. th. f. 12, du IX e , etMp. th. f. 69, qu'on
dit être du vm e . Le Laudianus latin 102 de la Bod-
léienne vient de Wurzbourg et il est écrit en une
minuscule saxonne qui parait être du début du
X e siècle. Il contient les Évangiles et son texte, qui est
composite, a des leçons irlandaises. En Alémanie, nous
2471
VULGATE
2472
trouvons le ms. 10 de Saint-Gall, écrit au X e siècle par
l'irlandais Faelan, le ms. 51 des Evangiles, qui parait
être du vm* siècle, et le n° 60 de la -bibliothèque con-
ventuelle, du vni e -ix 8 siècle, qui ne contient que le
quatrième Évangile. Des manuscrits de Reichenau, on
conserve à Karlsruhe, à la bibliothèque du grand-duc,
VAugiensis 211, qui semble être de la fin du IX e siècle
et dont le texte a des leçons irlandaises caractéris-
tiques. La Suisse possède beaucoup de manuscrits
irlandais : à la bibliothèque de l'université de Berne,
le n° 671 est un joli petit manuscrit des Évangiles,
écrit entre le IX» et le XI e siècle; à Genève, un manus-
crit des Évangiles, n° 6, écrit entre le vin e et le IX e siècle.
De la Rhétie provient le Livre des confraternités de
l'abbaye de Pfâffers, du commencement du IX e siècle,
conservé aujourd'hui aux archives conventuelles de
Saint-Gall; il contient des extraits des Évangiles, dont
le texte est absolument irlandais. Enfin, un manuscrit
de Bobbio (1. 61 superior de la bibliothèque ambro-
sienne de Milan), d'une écriture semi-onciale irlandaise
du vm 5 siècle, présente des leçons et des corrections
irlandaises. Tous les textes irlandais avaient été exécu-
tés sur le continent par des moines irlandais.
L'étude des manuscrits irlandais de la Bible nous
a déjà fourni trois indices de rapports entre le texte
irlandais et le sud de l'Italie. Avec VAmiatinus est
venue à Jarrow la copie d'un prologue de Cassiodore;
Lindisfarne a reçu un livre d'Évangiles venant de
Naples; un manuscrit anglo-saxon, écrit probablement
à "York, reproduit un texte corrigé sur l'original d'Eu-
gippius. Ces renseignements ont amené dom Chapman
à rattacher le texte northumbrien des Évangiles de la
Vulgate au sud de l'Italie par Cassiodore et Eugippius.
Selon lui, VAmiatinus est en relation étroite avec
Cassiodore, non seulement par le prologue du feuillet
pourpré, mais encore par son texte, qui est cassiodo-
rien. L'archétype de ce manuscrit avait en marge des
leçons liturgiques de l'Église de Naples. Le manuscrit
d'Echternach nous ramène à Cassiodore et à Eugippius.
La note qu'il reproduit vient d'un ancêtre northum-
brien. Or, on peut supposer qu'elle est de la main même
de Cassiodore. La correction du texte vient donc de
Lucullanum, où furent écrites aussi les notes litur-
giques du Lindisfarnensis. Or, d'Eugippius à saint
Jérôme il n'y a pas loin, et son manuscrit a pu être
un manuscrit de saint Jérôme lui-même, provenant de
la bibliothèque de la gens Anicia. En 382, cette famille
comptait une femme, nommée Proba, qui était l'amie
de saint Jérôme, et un siècle plus tard, une autre
Proba, qui était l'amie d'Eugippius. Notes on theearly
history of the Vulgate Gospels, p. 1-44. Les rapports
de la correction du texte par Cassiodore sur le manu-
scrit d'Eugippius ayant été discutés par J. M. Heer,
Evangelium gatianum, p. xlih-xlviii, dom Chapman
a répondu en maintenant son interprétation. Cassio-
dorus and the Echternach Gospels, dans la Revue
bénédictine, 1911, p. 283-295. L'hypothèse du docte
bénédictin anglais est très ingénieuse.
Quant au texte irlandais, représenté surtout par le
Book of Armagh, il proviendrait de Lérins, et il aurait
été apporté en Irlande par saint Patrice. Les citations
bibliques de Vincent de Lérins, de Fauste de Riez et de
saint Eucher de Lyon représenteraient un texte de la
Vulgate, apparenté au texte irlandais,. Notes, etc.,
p. 177-180. Les ressemblances ne sont pas très frap-
pantes, et l'origine lérinienne du texte irlandais est loin
d'être prouvée.
3. Les Bibles françaises. — Elles ne représentent
pas une recension particulière, faite sur le territoire
franc, mais des textes étrangers, naturalisés français.
Ce sont des textes de pénétration et des rejetons des
Bibles espagnoles ou irlandaises. Les premières sont
venues de la Septimanie et par la vallée du Rhône ont
monté jusqu'à la Loire ; les secondes ont passé la Manche
et se sont arrêtées aux bords de la Loire; puis les deux
courants se sont réunis et confondus au cœur du pays.
a) Des Pyrénées à la Loire. — Les Bibles espagnoles
ont pénétré en France de la côte orientale de l'Espagne
par la vallée du Rhône. Aussi en trouvons-nous d'abord
à Lyon et à Vienne en Dauphiné. Le manuscrit de
Lyon, n° 356, du ix e siècle, représente un texte espa-
gnol analogue à celui du Complutensis. Un autre, qui
provient de Vienne et qui se trouve à la bibliothèque
de l'université de Berne, A, 9, est du XI e siècle, mais il
reproduit un texte ancien, dérivé en plusieurs parties
des Bibles espagnoles. Le manuscrit 15 de Saint-
Germain (Bibliothèque nationale de Paris, 1153), du
IX e siècle, a de première main un très bon texte espa-
gnol, corrigé de seconde main sur un mauvais texte
du même pays. Ce texte a donc passé d'Espagne par la
Catalogne et le Languedoc et il a été transcrit peut-être
dans les environs de Lyon. Aux textes visigoths se
rattache le texte languedocien, qui remonte à cette
époque, quoique nous n'en ayons plus de témoins
anciens, et qui a été usité en Languedoc, durant tout le
moyen âge. Ses leçons caractéristiques ont passé dans
les versions provençales, voir col. 774-776 (et par elles,
en partie, dans les versions vaudoises, voir col. 2381),
et dans la Bible allemande de Tepl. Catalan d'origine,
il se distingue des textes espagnols par ses nombreuses
interpolations, venues des anciennes versions latines,
et par des doublets; il est le résultat d'une compila-
tion. Ses principaux témoins sont, comme textes mé-
ridionaux : le Codex Aniciensis des bénédictins (Biblio-
thèque nationale de Paris, 4 et 4 2 ), écrit entre le IX e et
le x e siècle; la Bible de Mazarin (B. N., 7), du xi e ; le
Codex Colbertinus (B. N., 254), de la seconde moitié
du xii»; la grande Bible de la bibliothèque harléienne
(4772, 4773), du commencement du xni e ; le ms. 321 de
la Bibliothèque nationale, de la même date. Les témoins
proprement languedociens sont tous du xin» siècle et
ne contiennent presque tous que le Nouveau Testament,
à savoir, les ms. 342, 343 et 341 de la Bibliothèque
nationale, les deux Bibles du même dépôt, 11932 et
16262, le Codex Demidovianus ; enfin, du XV e siècle, le
Nouveau Testament, conservé au château de Wernige-
rode, en Bohême, et provenant de Saint- André d'Avi-
gnon. Le texte espagnol de la Bible a passé ensuite
dans le Limousin et la Touraine et on le retrouve dans
les manuscrits de Saint-Martial de Limoges : Bibles
(B. N., 5 et 5', du ix° siècle; 8 et 8 3 , du xi 8 , copie de
la précédente), le Codex Lemovicensis des Ëpitres-
catholiques (B. N., 2328), du viiimx» siècle, et le ms.
(B. N., 315), contenant les mêmes Épîtres, les Actes et
l'Apocalypse, du xii c -xm e ; dans ceux de Tours : B. N.,
112 et 113, Au X e , et dans ceux de Fleury-sur-Loire : le
ms. 16 de la bibliothèque d'Orléans, formé des débris
de cinq manuscrits, peut-être le ms. 9 de la reine
Christine de Suède contenant les Épltres de saint Paul,
du vii e -viil° siècle, et le ms. 18 de la bibliothèque de
Tours, du XI e siècle, reproduisant le livre de Job.
b) Les Bibles du nord de la France. — Leur texte
est un mélange de leçons espagnoles et de leçons
irlandaises. Le manuscrit de la cathédrale de Chartres
(B. N., 10439), du vm« siècle,' qui, pour les six pre-
miers chapitres de l'Évangile de saint Jean, reproduit
une version ancienne, européenne ou italienne, repré-
sente, à partir du c. vu, une Vulgate assez bonne. Le
ms. 3 du grand séminaire d'Autun est le mauuscrir
type du vm e siècle : son texte est la Vulgate, mêlée de
beaucoup de leçons irlandaises ou espagnoles. La
même fusion existe dans une famille de textes, éche-
lonnés entre le vn e et le ix« siècle et auxquels l'Église-
de Paris paraît avoir servi de centre : ms. de Notre-
Dame (B. N., 17226), ms. de Colbert, venant de Saint-
Denis (B. N., 256), ms. de Saint-Victor (B. N., 14407)-
2473
YULGATE
2474
Le ms. du British Muséum (addition. 5463), du com-
mencement du ix« siècle, a un texte fort rapproché de
celui du groupe parisien, sans lui être identique. Une
autre famille de manuscrits des Évangiles (B. N.,
9886, 264, S68), du ix" et du x« siècle, dont le texte est
apparenté à une bible provenant de Saint-Germain
{B. N., 11505), contient des interpolations irlandaises
et des particularités anglo-saxonnes. Une main récente
a introduit des leçons irlandaises dans un manuscrit
de Richelieu (B. N., 46273), qui parait être du X e siècle.
Les Bibles de Saint-Riquier (B. N., 11504 et 11505), et
le Codex regius (B. N., latin 45 et 93), qui ont été
copiés et corrigés sur le même modèle, sont appa-
rentés au texte catalan, étroitement uni au texte lan-
guedocien, mais ils ont aussi une relation étroite
avec celui des manuscrits français (B. N., 303 et 305),
du xi» siècle. Le pagus de la Moselle se servit d'un
texte plus mélangé encore que celui de Paris, ainsi
qu'en témoigne la demi-Bible qui porte le n° 7 à la
bibliothèque de Metz et qui est du commencement du
jx e siècle. A Corbie, entre la fin du vin» siècle et le
commencement du ix", la Vulgate présentait un texte
mêlé de leçons anciennes, témoin la Bible de Mor-
•dramnedu vin e siècle, qui esta la bibliothèque d'Amiens
en quatre volumes, n° s 6, 7,11 et 12. Plusieurs autres
•manuscrits plus récents: Psautier (Amiens, n» 18), les
quatre livres d'Esdras (Amiens, n° 10), les Actes, les
Épîtres catholiques et l'Apocalypse (B. N., 13174), la
Bible en deux volumes (B. N., 11533 et 11533), ont un
•texte mêlé, dont les leçons espagnoles sont adventices.
Le ms. 1190 de la bibliothèque impériale de Vienne a
été copié au commencement du ix e siècle, à Saint-
*Vaast d'Arras; il reproduit la recension française d'ori-
gine espagnole.
4. Les Bibles de Saint-Gall et de l'Italie du nord.
— a) Saint-Gall. — Outre les textes irlandais,' qui
ont pénétré à Saint-Gall et dont il a déjà été parlé voir
plus haut, outre les manuscrits bilingues, monu-
ments de calligraphie et de luxe, transcrits à Saint-
Gall par des mains irlandaises (le Sangallensis, n° 48,
Je Bœrnerianus, voir t. i, col. 1826, VAugiensis, col.
1233-1234, et les Psautiers bilingues, Saint-Gall, n» 11;
.bibliothèque de Bàle, A. VII, 3, etc.), la célèbre abbaye
-a connu un texte biblique, ayant un caractère propre
et formant une tradition strictement locale. Les docu-
ments qui le contiennent sont l'œuvre des savants cal-
ligraphies du VIII e et du IX e siècle, Winitharius et
Hartmut, et de leur école. Le ms. 70, contenant les
Épîtres de saint Paul, est signé par Winitharius. L'iden-
tité d'écriture permet de lui attribuer les manuscrits 2
(Actes et Apocalypse) et 907 (Épîtres catholiques et
Apocalypse). Quelques extraits de la Vulgate des divers
livres de la Bible se trouvent dans le ms. 11. Le texte
est assez mauvais et quelques-unes de ses leçons sont
apparentées aux leçons espagnoles ou languedociennes.
D'autres manuscrits de la même époque, 1398'- et 282
(fragments du I er livre des Rois), 43 et 44 (Ézéchiel,
petits prophètes et Daniel), 28 (livres sapientiaux), 6
(Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith et
Esther), 14 (Job) et 12 (Machabées), sont à la base du
texte traditionnel de Saint-Gall, établi par Hartmut. Ce
calligraphe, qui fut abbé de Saint-Gall (872-883), avait
copié lui-même ou fait copier neuf manuscrits bibliques
pour son monastère et une bible complète en neuf
volumes pour son propre usage. De ces 18 volumes,
S. Berger en a reconnu une dizaine en 13 codices,
conservés jusqu'aujourd'hui : 19 (Psautier hébraïque),
7 (livres sapientiaux et Chroniques), 81 (livres sapien-
tiaux, Job et Tobie), 46 (Ézéchiel, petits prophètes et
Daniel), 45 (Ézéchiel, Daniel, petits prophètes) à Saint-
Gall, BritishMuseum, addit. 11851 (Nouveau Testament
sans les Évangiles), 77, 78, 82, 79, 83, 75 de Saint-
Gall, qui semblent avoir fait partie d'une Bible complète.
Mais Hartmut était plutôt un éditeur qu'un copiste : il
corrigeait de sa main les livres qu'il n'avait pas copiés.
Son texte biblique était le texte, précédemment copié
à Saint-Gall, mais retouché, un texte mêlé par consé-
quent, d'origine méridionale, qui, dans la grande Bible,
n° 75 s'est croisé avec le texte de Tours. La transcrip-
tion des textes bibliques a persévéré à Saint-Gall.
Notker Balbulus fait transcrire III Esd., m et iv, dans
le ms. 14, et ajouter Baruch à la fin du ms. 39. Salo-
mon III a établi, en 909, une édition du Psalterium
quadruplex (bibliothèque royale'de Bamberg, A. 1. 14).
b) Reichenau et Einsiedeln. — Ces deux abbayes
furent tributaires de Saint-Gall pour le texte de la
Bible. La Glose ordinaire, attribuée à Walafrid Stra-
bon, abbé de Reichenau en 842, est faite sur le texte
biblique de Saint-Gall, et elle a fourni des leçons au
texte parisien du xiii 8 siècle. Le ms. 1 d'Einsiedeln a
été copié, au commencement du x e siècle, sur un
manuscrit de Saint-Gall et aussitôt après corrigé sur
un autre. Un autre ms., 5-7, de la même époque,
présente les mêmes caractères. Un des modèles est le
n° 17 de Saint-Gall, contenant les Évangiles.
c) Bobbio et Milan. — Les leçons espagnoles qu'on
remarque dans les bibles de Saint-Gall viennent pro-
bablement de la province ecclésiastique de Milan,
qui avait été elle-même en relation, pour son texte
biblique, avec le midi de la France et la côte orientale
de l'Espagne. En effet, de Bobbio provient le ms. E. 26
inferior de la bibliothèque ambrosienne de Milan; il
est du ix^x" siècle et contient la moitié d'une bible,
commençant aux Chroniques et finissant aux Épîtres de
saint Paul. Son texte, qui est étrangement mêlé et qui
est local, ressemble en divers livres aux manuscrits
espagnols ou catalans. Les archives de la collégiale de
Monza, n° 1 l, conservent les débris d'un manuscrit,
d'une écriture lombarde du X e siècle. Il semble être la
copie d'un manuscrit assez ancien et son texte des
Épîtres de saint Paul ressemble à celui du codex de
Bobbio. Le texte milanais s'est conservé dans un bon
nombre de manuscrits italiens du x* siècle, qui
représentent une véritable édition et dont le texte était
en usage au xv siècle dans l'jïglise de Milan, comme
l'a démontré le P. Vercellone. On la trouve dans la
Bible d'Avellana et dans les manuscrits apparentés,
groupés par le savant barnabite. Voir Variée lectiones
Vulgatse latinse Bibliorum, Rome, 1860, t. i,p. lxxxvii,
xci. C'est le texte qu'employait saint Pierre Damien
(-j- 1072) et qu'il avait fait copier pour ses moines
d'Avellana, ainsi qu'il le rapporte dans son Opusculum,
XIV De ordine eremitarum et facultatibus eremi t
fontis Avellani, Pat. lat.,t. cxlv, col. 334. Cf. Analecta
juris ponti/icii, 28 e livraison, p. 1016. S. Berger a joint
à cette liste cinq manuscrits italiens et deux manu-
scrits, copiés au xiir 3 siècle en Espagne, qui repro-
duisent ce texte italien.
3° Les manuscrits de l'époque carolingienne. —
L'unité, qui manquait dans les anciens manuscrits de
la Vulgate copiés jusqu'au milieu du ix a siècle et plus
tard encore dans les lieux reculés, apparaît dans une
nouvelle série de codices, qui forment des groupes
compacts et se rattachent aux noms de personnages
connus dans l'histoire. Elle fut provoquée par Charle-
magne, qui voulut pour son royaume un texte de la
Bible, correct au point de vue de la langue, conforme
aux règles de la grammaire et de la ponctuation et
aussi pur de toute altération. Si le puissant monarque
n'y a pas mis lui-même la main, comme on pouvait le
conclure de son capitulaire, qui sert d'introduction à
VHomiliaire de Paul Diacre, t. xcv, col. 1159-1160, et
de l'affirmation de son biographe, Thégan, t. cvi,
col. 409, c'est au moins par son ordre et avec ses en-
couragements que les clercs de sa cour et de son
royaume s'efforcèrent d'établir un boa texte biblique.
2475
VULGATE
2476
Voir ses Capitulaires, dans Pertz, Monumenta Germa-
nise. Leges, t. i, p. 44, 65. Deux hommes, Théodulfe,
évêque d'Orléans, et Alcuin, abbé de Saint-Martin de
Tours, ont cherché à réaliser les volontés de Charle-
magne, mais ils ont suivi des règles différentes et
abouti à des résultats divergents.
1. Bibles de Théodulfe. — Léopold Delisle a révélé
au public savant l'existence et l'importance de l'œuvre
de l'évêque d'Orléans. Les Bibles de Théodulfe, dans
la Bibliothèque de l'École des chartes, 1879, t. XL,
p. 73-137. Il en a signalé six témoins. Deux, qui sont
les chefs-d'œuvre de la calligraphie au début du
IX e siècle, ont été exécutés presque en même temps et
peut-être par le même copiste et ils se ressemblent
presque autant que deux épreuves tirées de la même
planche typographique. Ce sont la Bible de Mesmes
(B. N., 9380) et la Bible conservée au trésor de la ca-
thédrale du Puy. Elles reproduisent le travail de Théo-
dulfe lui-même. Elles ressemblent extérieurement aux
Bibles espagnoles : la décoration, l'ordre des livres sa-
crés, une partie des sommaires paraissent empruntés
à des manuscrits espagnols. Le texte de la première
main est une Bible mêlée, copiée vraisemblablement sur
des originaux différents, espagnols ou languedociens,
pour les Rois, les Épîtres de saint Paul, les Actes et
les Épîtres catholiques, irlandais ou anglo-saxons pour
les Évangiles; celui des autres livres n'est pas toujours
très bon. Entre les lignes et dans les marges se lisent
des corrections et des variantes d'une autre main, qui
représentent le travail de Théodulfe. Toutefois elles
sont moins nombreuses sur la Bible du Puy que
sur la Bible de Mesmes, dont la précédente est une
copie. L'évêque d'Orléans a exponctué les interpola-
tions et a cherché à se rapprocher d'un texte plus
pur. Son travail est inégal selon les livres, et ses
sources ont été différentes, à savoir, pour l'Ancien
Testament, un texte presque semblable à celui du
Vallicellanus, et pour la Bible entière, des textes espa-
gnols ou plutôt méridionaux,- qui lui ont fourni beau-
coup de variantes. Sa Bible est un retour à la vieille
érudition espagnole, et ce résultat n'est pas surprenant,
puisque Théodulfe était visigoth d'origine.
L'œuvre de l'évêque d'Orléans était tout individuelle;
elle ne pouvait donc pas être comprise et elle ne sur-
vécut pas à son auteur. On en remarque cependant
l'influence sur deux manuscrits de Fleury-sur-Loire,
qui reproduisent le texte des prophètes : l'un est du
IX e siècle (bibliothèque d'Orléans, n. 14), l'autre en
est une copie, plus jeune d'un siècle (même biblio-
thèque, wll et 13). Deux autres Bibles sont des copies
plus exactes, quoique indirectes, de l'œuvre de Théo-
dulfe : le ms. 9 de Saint-Germain-des-Prés (B. N.,
11937), et la Bible de Saint-Hubert (British Muséum,
addition, 24142), tous deux du ix e -x« siècle. Un frag-
ment assez étendu, conservé à la bibliothèque royale
de Copenhague (nouveau fonds royal, 1), a été signalé
par Léopold Delisle, Bibliothèque de l'École des chartes,
t. xlvi, p. 321. Il est de la même époque que les deux
Bibles précédentes, mais il présente quelques particu-
larités. Les copies que dom Martianay a vues au
XVII e siècle dans le trésor des cathédrales de Carcas-
sonne et de Narbonne, Pat. lat., t. xxvm, col. 136-137,
n'ont pas été retrouvées. L'œuvre de Théodulfe a donc
eu peu d'influence sur la transmission du texte de la
"Vulgate, sauf peut-être pour quelques-uns de ses som-
maires et notamment la recension des Épîtres de saint
Paul, faite par Peregrinus, ou au moins son édition
catholique des canons de Priscillien. Celle-ci, introduite
en France par l'évêque d'Orléans, s'est perpétuée dans
les manuscrits de France et d'Angleterre, jusqu'après
le milieu du xn e siècle. Voir col. 2172-2173.
2. Bibles d' Alcuin et de l'école de Tours. — Alcuin
exerça son activité sur la Bible latine à différentes
époques de sa carrière, soit comme maître de l'école
du palais royal, soit comme abbé de Saint-Martin de
Tours.
a) L'école chrysographique et palatine. — Les pre-
miers travaux d' Alcuin sur la Vulgate consistent dans
la transcription des manuscrits en lettres d'or qui
forment un groupe important et remontent pour la
plupart au règne de Charlemagne, sinon même à la
première partie de ce règne. Ce sont : les Évangiles
Hamilton 251, acquis en 1890 par M. Irwin d'Oswego
(État de New-York), l'évangéliaire de Godescalc
(B. N., nouv. acquisitions françaises, 1993), le Psautier
d'Adrien I« r (bibliothèque impériale de Vienne, n" 652),
le Codex Adse ou Codex Aureus de Trêves, le manu-
scrit de Saint-Riquier (bibliothèque d'Abbeville, n» 1),
le ms. n" 599 de la bibliothèque de l'Arsenal, le ms.
Harléien 2788, les Évangiles de Saint-Médard (B, N.,
8850), le ms. Palatin 50 et les n» s 8849, 11955 et 9383
de la Bibliothèque nationale. Leur texte est un texte
carolingien ancien, antérieur à la version de la Vulgate,
donc un texte mélangé, qui contient des leçons espa-
gnoles, mais surtout des leçons irlandaises et anglo-
saxonnes. M. Corssen a fait une étude spéciale du texte
du Codex Adse. Die Trierer Ada-Handschrift, in-fol.,
Leipzig, 1889, p. 29-61. Le texte de la première main
ressemble surtout à celui des plus anciennes bibles de
Tours, dont il sera question plus loin, et celui de la
seconde main reproduit le texte courant du IX e siècle
dans les manuscrits franco-saxons. Ces beaux manu-
scrits viennent de l'école palatine, qu'Alcuin dirigeai
dès 782.
6) La recension faite par Alcuin à Saint-Martin de
Tours. — Pour répondre aux désirs de Charlemagne,
Alcuin, devenu abbé de Saint-Martin de Tours, fit, entre
799 et 801, une revision de la Vulgate, à l'aide de ma-
nuscrits northumbriens qu'il avait fait venir d'York.
Voir t. i, col. 341-342. Il en fit remettre, à Aix-la-Cha-
pelle, un exemplaire à Charlemagne par son disciple
Frédégise pour la fête de Noël 800. Il en avait fait
exécuter d'autres copies pour des particuliers, comme
le prouvent des dédicaces en vers, composées par lui et
parfois transcrites en d'autres manuscrits. Malheureu-
sement, ces manuscrits autographes ne sont pas venus
jusqu'à nous, et nous ne connaissons le texte de la
recension d' Alcuin que par des copies postérieures,
faites à Tours. Les critiques modernes sont d'accord
pour reconnaître que le Vallicellanus est, de toutes
ces copies, celle qui reproduit le plus fidèlement la
recension d'Alcuin, quoique son texte ait déjà été
retouché. Ils en concluent que le texte alcuinien de la
Vulgate était un assez bon texte, de caractère anglo-
saxon relativement pur. Alcuin en avait exclu les leçons
des anciennes versions latines et avait presque rendu
à la traduction de saint Jérôme sa saveur première. Ses
disciples ne surent pas lui conserver cette pureté re-
conquise, et ils altérèrent successivement l'œuvre de
leur maître, en y faisant rentrer les leçons étrangères
qu'il en avait exclues.
c) Les Évangéliaires d'Adalbald. — Sous le gouverne-
ment de Frédégise (807-834), le moine Adalbald inventa
ou, au moins, amena à sa perfection, la semi-onciale
carolingienne qui constitue la caractéristique paléo-
graphique de l'école de Tours, au jugement de Léopold
Delisle, Mémoire sur l'école calligraphique de Tours
au IX' siècle, dans les Mémoires de l'Académie des-
inscriptions et belles-lettres, 1885, t. xxxn, i" partie.
Il nous reste plusieurs manuscrits signés de son nom.
L'Évangéliaire (B. N. 17727) représente sa plus an-
cienne manière d'écrire. Son texte se rapproche de
celui des plus anciennes grandes Bibles de Tours, dont
il sera bientôt question. Onze autres évangéliaires sont
des monuments du style le plus parfait de l'école
d'Adalbald ou reproduisent partiellement le même
2477
VULGATE
2478
texte. Ce sont les Évangiles de saint Gauzelin, évêque
de Toul (conservés au trésor de la cathédrale de Nancy),
voir L. Bigot, Les Évangiles du comte Arnold, Nancy,
1910, de Saint-Corneille (British Muséum, additionnel
11848), de Lothaire (B. N., latin, 366), de Du Fay
(B. N., 9385), les mss. 287, 267, S63 de la même bi-
bliothèque, l'IIamilton 248 (à la bibliothèque royale de
Berlin), le ms. B. Il, 11, de la bibliothèque de l'uni-
versité de Bâle, le Harléien 2790, provenant de Nevers,
enfin le ms. 324 de la Bibliothèque nationale. La plus
grande variété règne entre eux. Pour le texte, ils se
rangent en deux groupes. Le premier (ms. Harléien 2790,
B. N., 17227, Nancy, additionnel 11848, B. N., 267 et
9285) a un texte apparenté aux Bibles de Monza, de
Bamberg et de Zurich, qui viennent de Tours. Le
second (B. N., 274 et 266) contient un texte parent de
celui de la première Bible de Charles le Chauve, par
conséquent, un autre état du texte des Évangiles à
Tours. Il faut probablement en rapprocher le ms. Ha-
milton248 et celui de Bâle. Le n» 263 de la Bibliothèque
nationale, quoique interpolé, rentre dans un de ces
deux groupes.
d) Les grandes Bibles de Tours. — Sous le règne
de Charles le Chauve, entre 840 et 850, furent exécutées,
dans la semi-onciale carolingienne, les belles Bibles
entières de l'école de Tours. Les unes reproduisent
lidèlement le style traditionnel : les Bibles de Bamberg
(bibliothèque royale, A. 1. 5), de Zurich (bibliothèque
cantonale, 6, 1), de Grandval (British Muséum, addit.
10546), de Cologne (bibliothèque du chapitre, n° 1), de
la Bibliothôquo nationale (latin, 47 et 68), lems. Har-
léien 2805, la Bible du comte Rorigon (B. N., latin,
n° 3), la première Bible de Charles le Chauve (B. N.,
latin, n° 1). Les autres s'en écartent et forment des
manuscrits dissidents : la première Bible de Saint-
Aubin d'Angers (bibliothèque de la ville d'Angers, n° 1),
une autre Bible (même bibliothèque, n" 2), celle de
Monza (archives de la collégiale, Gf. 1), celle de Bâle
(bibliothèque de l'université, A. N. 1. 3), enfin le ms.
9397 de la Bibliothèque nationale de Paris. Il faut y
joindre un Nouveau Testament, venant de Saint-Denis
(B. N., latin, 250), qui se place au même rang que la
Bible de Grandval. Leur texte est assez divergent dans
les détails. Comparé à celui de Vallicellanus, il suit
cette progression descendante au point de vue de la
ressemblance : Monza, Angers, Bamberg, Zurich, Berne,
B. N., 47, Grandval, Cologne, B. N., 3 et 1. Les modi-
fications se font progressivement, et ce sont des alté-
rations. A l'origine, le texte diffère peu de celui du
Vallicellanus et il en arrive à ne lui ressembler en rien.
En 50 ans, surtout de 840 à 850, la recension d'Alcuin est
devenue un texte vulgaire et abâtardi ; elle a été succes-
sivement déformée par la réintégration des leçons étran-
gères dont l'exclusion avait constitué sa pureté relative.
3. Les écoles du nord de la France. — Après la dis-
persion des moines de Saint-Martin de Tours, l'art
calligraphique se développa au nord de la France. On
y transcrivit un texte dilférent de celui de Tours. On
le trouve dans trois Évangiles (B. N., 261), l'addition-
nel 11849 au British Muséum et le ms. 1171 de la
bibliothèque de l'Arsenal à Paris. A Reims, l'arche-
vêque Ebbon (816-835) fait transcrire les Évangiles
(bibliothèque de la ville d'Épernay, n° 1), duquel il faut
rapprocher un ms. provenant de Notre-Dame et signé
d'Antoine Loisel (B. N., 17968), mais copié pour l'Église
de Beauvais. Hincmar, successeur d'Ebbon, dotait sa
cathédrale d'une Bible, conservée aujourd'hui à la
bibliothèque de la ville de Reims, n» s 1 et 2, et qui
reproduit le texte alcuinien du Vallicellanus. La cal-
ligraphie franco-saxonne, dont Léopold Delisle a décrit
les caractères et catalogué les monuments, Mémoire
sur d'anciens sacramentaires, dans les Mémoires de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1886,
t. xxxn, l r » partie; L'évangéliaire de Saint- Vaast
d'Arras et la calligraphie franco -saxonne, in-f»,
Paris, 1888, a produit un certain nombre de manu-
scrits bibliques : la seconde Bible de Charles le Chauve
(B. N., latin, n» 2), qui provient de Saint-Denis, les
Évangiles de la bibliothèque royale de La Haye, n° 22,
ceux d'Utrecht, le manuscrit inachevé de la biblio-
thèque publique de Boulogne, n» 12, l'évangéliaire
n° 1045 de la bibliothèque d'Arras. S. Berger y a joint
quatre manuscrits des Évangiles : Bibliothèque de la
ville de Lyon, n» 357, B. N., 257, bibliothèque de
Leyde, n» 48, bibliothèque de la ville de Tours, n° 23,
Des manuscrits plus récents, du ix e au xii" siècle,
reproduisent le même texte : bibliothèque de Cambrai,
n» 309, bibliothèque royale de Berlin (ms. Hamilton
253), bibliothèque de l'Arsenal, n° 592, bibliothèque de
Lille, n° 15, et le Psautier n» 774 de la bibliothèque de
l'université de Leipzig. Leur texte, notamment celui
des Évangiles, se rapproche beaucoup de celui des
plus récents manuscrits en lettres d'or et plus encore
des manuscrits du groupe de Reims. On rattache avec
beaucoup de vraisemblance l'école franco-saxonne à
Saint-Vaast d'Arras. Une dernière série de manuscrits
de grand luxe est de la même contrée et du même
temps. Elle comprend le Codex Paulinus (Rome, Saint-
Paul-hors-les-Murs), les Évangiles de Saint-Emmeran
(bibliothèque royale de Munich, lat., 14000) et le Psau-
tier de Charles le Chauve (B. N., 1152). Leur texte est
un texte de compilation, diversement formé et pris de
divers côtés. M. Janitschek croit, non sans raison, que
ces trois manuscrits ont été copiés à Corbie; ils viennent
au moins de la Picardie.
4° Du X e au xn e siècle. — Cette époque est beaucoup
moins étudiée et beaucoup moins connue que les pré-
cédentes. « C'est l'époque des textes copiés sans
ensemble et sans règle, mais en même temps des textes
médiocres et de seconde main, » a écrit S. Berger,
Histoire de la Vulgate, p. 329. Différents personnages
se préoccupaient toutefois de corriger les manuscrits
fautifs ou de donner des copies correctes ; mais nous
sommes peu renseignés sur leur travail. L'auteur de la
Vie de saint Dunstan, n" 34, nous apprend que cet ar-
chevêque deCantorbéry (f 998), à ses heures de loisir,
lisait la Sainte Écriture et en corrigeait les manuscrits,
Pat. lat., t. cxxxvn, col. 443. Or, une partie du ms.
Bodléien, auct. F. 4. 32 à Oxford, comprenant des
fragments grecs-lalins de la Bible, est signée par saint
Dunstan. Haddan et Stubs, Councils and eccles. docu-
ments relat. to Gr. Britain and Ireland, Oxford, 1869,
1. 1, p. 192; H. Bradshaw, Collectedpapers, 1889, p. 455,
483. Au témoignage de Guibert de Nogent, auteur de sa
Vie, c. XV, un autre archevêque de Cantorbéry, leB.Lan-
franc(-j-1089), corrigea lui-même et fit corriger par ses
disciples secundum orthodoxam fidem tous les livres
de l'Ancien et du Nouveau Testament, comme ceux des
Pères, qui étaient corrompus par de trop nombreuses
fautes de copiste. Toute l'Église occidentale, au moins
celle de la France et de l'Angleterre, se servait de cette
correction. Pat. lat., t. cl, col. 55. Robert du Mont ré-
pète la même chose dans sa Chronique, ainsi que Flori-
genus, ibid., col. 94-95, et que Mathieu Paris, Historia
Anglorum, ann. 1089. Nous ignorons au juste quel fut
ce travail de Lanfranc, si ce fut une recension propre-
ment dite ou une simple correction des fautes de copie
et où on le retrouverait. Un autre moine du Bec, Gan-
dolphe, qui fut abbé de Saint-Alban, puis évêque de
Rochester, corrigea, lui aussi, les fautes de copie des
Livres Saints. On conservait à Rochester le premier
volume d'une Bible, perdu depuis, qui était signé de
sa main. Cf. Histoire littéraire de la France, t. vu,
p. 118; t. ix, p. 373-374; note de Fabricius, Pat. lat.,
t. clix, col. 813-814. Sigebert de Gembloux, De scrip-
toribus ecclesiasticis, c. clxiv, Pat. lat., t. clx, col. 585,
2479
VULGATE
2480
•dit que Franco (1060), également instruit dans la litté-
rature sacrée et profane, divinse Scripturae invigilavit-
Or, dans le ms. &5176 de la Bibliothèque nationale de
Paris, qui est du XI e siècle, un poème d'Alcuin sur les
Évangiles a les noms d'Odilo abba et de <Ï>PANK£J,
substitués aux noms de Carolus rex et d'Alcuin, qui
■ont été raturés. Franco est certainement le copiste du
manuscrit et l'abbé Odilon a commandé l'exécution
•de cette copie. Avant 1090, deux bénédictins, Théoger, de
Saint-Georges, etHeimon, moine d'Hirschau, sur l'ordre
<le Guillaume d'Hirschau, s'occupèrent à corriger les
fautes de copies des livres des deux Testaments, pour
l'usage de leur congrégation. Voir Mabillon, Annales
ordinis S. Benedicti, Paris, 1717, t. v, p. 277; Monu-
menta Germanise, t. xii, 'p. 451. Cf. E. Nestlé, Die
Hirschauer Vulgata-Revision, dans Theologische Stu-
■dien aus Wûrttemberg, 1889, p. 305-310.
Nous connaissons mieux l'essai de correction de la
Vulgate exécuté par saint Etienne Harding, le troisième
abbé de Citeaux (1109-1134). Mabillon avait révélé son
existence, en publiant une note de l'auteur sous le
titre : Censura dealiquot lotis Bibliorum, dans Opéra
S. Bernardi, t. m, p. xi, rééditée par Migne, Pat. lat.,
t. CLXVi, col. 1373-1376, et auparavant par Martianay,
Prolegomena ad divinam Bibliothecam S. Hieronymi,
Pat. lat., t. xxvni, col. 67-69. Or, la « Bible de saint
Etienne » a été conservée et à l'époque de la Révolution
française a passé de la bibliothèque de Citeaux à la
bibliothèque municipale de Dijon, n° 9 bis. Elle com-
prend 4 volumes, écrits par deux mains différentes, et
contient l'Ancien et le Nouveau Testament. Elle a été
terminée en 1109, ainsi que l'indique une note, t. il,
fol. 150v, qui est peut-être de la main de l'abbé. Cette
note, publiée par Mabillon, nous renseigne aussi sur
l'occasion, le but et la méthode de la correction. L'abbé
se proposait de fournir au monastère, récemment
fondé, un exemplaire type du texte sacré pour les
usages liturgiques et autres de la communauté. Dans
ce dessein, on rassembla des bibles et on s'adressa
même à diverses églises afin d'adopter le texte le plus
sûr. Or, l'une des bibles ainsi recueillies différait
notablement de toutes les autres : elle avait un texte
plus complet et contenait de nombreux passages qui
lui étaient exclusivement propres. Quelle était la valeur
de ces additions? Faisaient-elles partie du texte sacré '!
L'abbé de Citeaux la fit copier et fit servir la copie
pour les lectures publiques. Cependant les gloses qu'elle
renfermait troublèrent les religieux : l'œuvre de saint
Jérôme leur parut altérée. Pour en juger, l'abbé alla
trouver des juifs, versés dans la connaissance des Écri-
tures,- et il les interrogea en latin sur les passages du
texte plus complet, qui ne se lisaient pas dans les autres
Bibles latines. Ceux-ci, consultant leurs livres hébreux
et chaldaïques, n'y trouvèrent pas les additions qui
étaient en cause. Suivant donc « la vérité hébraïque
et chaldaïque » et beaucoup d'exemplaires latins, l'abbé
de Citeaux gratta sur son exemplaire tous les passages
superflus, qui étaient spécialement très nombreux dans
les livres des Rois. Les grattages indiquent suffisam-
ment les leçons raturées. Etienne Harding interdit de
les réintroduire dans le texte ou dans les marges et
d'ajouter des notes à l'exemplaire corrigé ainsi au prix
d'un si grand travail. Le Nouveau Testament, dont il
n'est pas question dans cette note, a été revisé aussi
bien que l'Ancien. Des notes marginales sur les Évan-
giles, il résulte que les corrections ont été faites d'après
le texte grec et de très anciens manuscrits latins.
Toutefois, le travail critique de saint Etienne n'a pas
consisté exclusivement à supprimer les additions, qui
n'avaient pas de texte correspondant dans l'original;
il a aussi fait quelques additions ou, pour mieux dire,
des modifications au texte gratté, dont l'existence est
manifestée par une seconde écriture plus serrée. Les
suppressions sont plus fréquentes dans l'Ancien Testa-
ment, et les additions dans le Nouveau. Quelques notes
marginales, en petit nombre et pour certains livres
seulement, indiquent les motifs des corrections
opérées. D'un examen partiel du manuscrit de Dijon,
l'abbé Paulin Martin a conclu que les omissions, notam-
ment dans les livres des Rois, portaient sur des pas-
sages des anciennes versions latines, faites sur la
traduction des Septante, qui avaient été réintroduits
dans l'œuvre de saint Jérôme. Saint Etienne Harding
et les premiers recenseurs de la Vulgate latine, Théo-
dulfe et Alcuin (extrait de la Revue des sciences ecclé-
siastiques), Amiens, 1887. La Bible cseteris plenior,
que l'abbé de Citeaux avait fait copier et qu'il corrigea,
était donc une Vulgate altérée, telle qu'elle était ré-
pandue au XI e siècle; les Livres Saints y étaient disposés
dans le même ordre que dans les manuscrits espa-
gnols et méridionaux; les manuscrits latins plus courts,
qui ressemblaient au texte hébreu, étaient des Vulgates
non interpolées. L'abbé de Cîteaux donna donc à son
monastère une Bible plus pure; mais sa tentative, mal
entreprise, n'eut peut-être aucun effet en dehors de
l'ordre cistercien, où elle a servi pour l'usage litur-
gique. Ph. Guignard, Les monuments primitifs de la
règle cistercienne, Dijon, 1878. Cf. H. Denifle, dans
Archiv fur Literatur und Kirchengeschichte des
MUtelalters, Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. iv, p. 266-
270; S. Berger, Quant notitiam lingux hebraicse
habuerint chrisliani medii ssvi temporibus in Gallia,
Paris, 1893, p. 9-11. A la même époque à Cluny, l'abbé
Pontius (1109-1125) corrigeait une bible sur le texte
d'un autre manuscrit. Bibliolheca cluniacensis, p. 1645.
A la fin du xn e siècle, un diacre de l'église de Saint-
Damase à Rome, Nicolas Maniacoria ou Maniacocia,
qui ne fut jamais cardinal ni bibliothécaire de l'Église
romaine, comme on l'a prétendu longtemps, fit aussi,
avec l'aide d'un juif qui le renseignait sur le texte
hébreu et les traditions hébraïques, une correction du
texte latin de la Vulgate. 11 savait d'ailleurs les langues
hébraïque, grecque et latine, au témoignage d'Odon de
Châteauroux,évêquede Frascati (1244-1273), Pitra, Ana-
lecta novissima, Frascati, 1888, t.. h, p. 298, et il est
l'auteur d'une version latine du Psautier, faite sur
l'hébreu. Son Suffraganeus bibliolhecse, ou introduc-
tion à ses remarques critiques, n'a été longtemps
connu que par un extrait qu'en avait fait le cardinal
Bessarion dans une dissertation inédite et que Linda-
nus avait publié, De optimo Scripluras inlerpretandi
génère, 1. I, c. v; 1. III, c. m, 1558, p. 28, 101-102.
L'abbé Paulin Martin, le premier, l'a publié en en-
tier, Introduction générale à la critique de l'Ancien
Testament. De l'origine du Pentateuque (lithog.),
Paris, 1887, t. i, p. ci-cvm, d'après le manuscrit de
Venise (Bibliothèque de Saint-Marc, lat. class.X, n°478,
fol. 141, ayant appartenu à Bessarion), du xv« siècle,
que le cardinal Pitra lui avait signalé et qu'il avait fait
venir à Paris par la voie diplomatique. De son côté,
le P. Denifle le publiait comme inédit, dans son A rckiv
fur Literatur und Kirchengeschichte des MUtelalters,
1888, t. iv, p. 270-276, ainsi qu'un extrait sur la Genèse,
ibid., p. 475-476; S. Berger reproduisait l'édition de
Denifle, Quam notitiam, etc., p. 12-14; Mgr Mercati,
qui avait découvert à Parme un manuscrit de la ver-
sion latine du Psautier, A leune note di letteraturapa-
tristica (extrait des Rendiconti del R. Ist. Lombardo
di se. e lett., II" série, 1898, t. xxxi), p. 43-51, réunis-
sait tous les renseignements connus jusqu'alors sur
Nicolas Maniacoria. Spécimen d'an Dizionario bio-
bibliografico degli scrittori italiani, série l re , n° 4.
Enfin, le P. Van den Gheyn signalait un second manu-
scrit du Suffraganeus et d'une partie de la version
latine du Psautier hébraïque à la bibliothèque royale de
Bruxelles, n° 5 4031-4033, fol. 1-32. Nicolas Maniacoria,
2481
YULGATE
2482
correcteur de la Bible, dans la Bévue biblique, 1899,
t. vin, p. 289-295. Sur les instances et aux frais de Cons-
tance, la ûlle de Roger II, roi de Sicile, et l'épouse de
l'empereur Henri VI, devenue religieuse, le diacre romain
composa sa Bibliothèque. Ayant constaté la diversité des
manuscrits latins, il rechercha quels étaient ceux qui
étaient d'accord avec le texte hébreu et il n'en trouva
aucun. Comparant donc les exemplaires latins avec les
manuscrits hébreux, il en retrancha les additions su-
perflues, réforma les transformations apportées au texte
et réintégra les passages omis. Il donne ensuite des
exemples de trois sortes de fautes qui corrompent les
manuscrits apponendo, commutando et subtrahendo.
Ses observations critiques s'étendent de la Genèse aux
Psaumes, mais la fin de son traité manque. Il s'est
servi des Qusestiones hebraicœ in Genesim de saint
Jérôme et des Qusestiones hebraicx in libros Begum,
attribuées à saint Jérôme, mais dont l'auteur était un
contemporain de Raban Maur. Le juif, que Nicolas avait
consulté, connaissait bien la Bible hébraïque et les
traditions juives, telles que nous les révèle Raschi
(-j- 1105). Nous ignorons l'influence qu'a pu exercer le
correctoire de Nicolas Maniacoria. Les correctoires du
XIII e siècle nous sont mieux connus depuis les travaux
du P. Denifle.
5° Les correctoires du xin' siècle. — Nous avons
déjà parlé ici, voir t. n, col. 1022-1026, du « texte
parisien », qui s'est constitué à Paris au début du
xin' siècle, que Roger Bacon a jugé si sévèrement et
qui a été l'occasion des correctoires entrepris un peu
plus tard par les dominicains et les franciscains.
Cf. A. Gasquet, English biblical criticism in the thir-
teanth century, dans Dublin review, janvier 1898,
t. cxxii, p. 1-21. Ajoutons seulement que le texte de Paris
s'est fusionné avec le texte languedocien du xiii 6 siècle,
dont il a été question précédemment, en un certain
nombre de manuscrits signalés par S. Berger, Histoire
de la Vulgate,p. 81. Ajoutons encore que le même savant
croyait avoir retrouvé un manuscrit (le seul connu) de
la Correctio Senonensis de 1236 dans la bible de
l'évèque de Strasbourg, Jean de Dûrbheim. Sur la part
de travail de Thibaut de Saxe, voir t. H, col. 1464. Le
manuscrit unique qui porte la préface de Hugues de
Saint-Cher est conservé à Vienne en Autriche, n° 1211.
Les correctoires ont réagi sur les manuscrits du texte
parisien. Les grattages, les chapitres nouveaux marqués
en marge par une seconde main, les préfaces nouvelles
ajoutées à la fin du volume en font foi. La réforme du
xui e siècle fut définitivement et universellement
acceptée au moins dans les accessoires de la Bible.
S. Berger, Les préfaces jointes aux livres de la Bible
dans les manuscrits de la Vulgate (mémoire posthume),
Paris, 1902, p. 27-31. D'après les notes manuscrites de
l'abbé Paulin Martin, conservées à la bibliothèque de
l'Institut catholique de Paris, nous pouvons signaler
quelques Bibles, reproduisant les notes critiques des
Correctoria, à savoir, les mss. latins 20, 22, 28, 31,
10420 de la Bibliothèque nationale de Paris et les
Bibles latines, 13 de la bibliothèque Mazarine elA.L.3,
de la bibliothèque Sainte-Geneviève de la même ville.
6° Du xiv au xvi' siècle. — Cette période de l'his-
toire de la Vulgate a peu d'importance. Elle se divise
en deux époques distinctes, séparées par l'invention de
l'imprimerie.
1 . Avant l'invention de l'imprimerie, —a) On conti-
nua à transcrire le texte latin de la Vulgate, et les
manuscrits de cette époque contiennent un texte mêlé
de leçons anciennes. On ne connaît qu'un seul essai
de correction, qui fut entrepris, dans la première
moitié du xv siècle, au couvent de Windesem (Hollande)
de la congrégation de Windesheim, de l'ordre des augus-
tins. Le Chronicon Windeshemense, de l'augustin
J. Busch, c. xxvi, édité par Grube, Gesckichtsquellen
der Provinz Sachsen, Halle, 1886, p. 311 sq., nous
apprend que les Pères de ce couvent corrigèrent l'Ancien
et le Nouveau Testament d'après les anciens manuscrits
réunis de diverses bibliothèques, de façon à ramener
la traduction de saint Jérôme à sa pureté première. Ils
mirent plusieurs années à faire un correctoire, qui
indiquait tous les passages à corriger, et le chapitre
général de la congrégation ordonna que tous les exem-
plaires des couvents seraient corrigés d'après le correc-
toire de Windesem, ainsi que tous les livres qui
servaient pour la récitation de l'office ecclésiastique.
Grube ne connaissait aucun exemplaire de la Bible,
corrigé d'après ce correctoire. Die literarische Tàtigkeit
der Windesheimer Congrégation, dans Der Katholik,
1881, t. i, p. 48-59. La bibliothèque ducale de Darm-
stadt possède un manuscrit en cinq volumes in-folio,
transcrit de 1428 à 1439 par le célèbre Thomas aKempis
et qu'on su ppose conforme au correctoire de Windesem.
A. Schmidt, dans Zentralblatt fur Bibliothekswesen,
1896, t. xin, p. 379. Cet exemplaire a servi à la lecture
publique de la Bible. Cf. F. Falk, Die Bibel am Aus-
gange des Mittelaltevs, ihre Kenntnis und ihre
Verbreilung, Cologne, 1905, p. 7-10.
b) Si on ne multipliait pas alors les correctoires, on
savait, du moins, que la Vulgate n'était pas parfaite,
et ceux qui connaissaient l'hébreu recouraient au texte
original pour corriger les fautes du texte latin. Tel, le
franciscain Nicolas de Lyre. Voir le second prologue
de sa Postilla. Il publia, du reste, un Tractatus de
dijferenlia nostrse translationis ab hebraica littera
in Vetere Testamento. Voir t. îv, col. 455. Pierre
d'Ailly, étant encore simple bachelier en théologie du
collège de Navarre, mais déjà professeur, écrivit, proba-
blement en 1378, une Epistola ad novos Hebrmos,
adressée à Philippe de Maizières. Il y attaquait les vues
de Roger Bacon et il y soutenait que la version de
saint Jérôme était absolument parfaite, en s'appuyant
sur l'autorité de l'uglise, qui l'a approuvée. Devenu
docteur, il composa une nouvelle apologie de_ la Vul-
gate, Apologeticus Hieronymianœ versionis, contre le
docteur anglais, mais il reconnut avec Roger Bacon la
nécessité d'en corriger les exemplaires et il exprima
le désir que l'université de Paris entreprît cette correc-
tion. Ces deux traités ont été publiés pour la première
fois par M. L. Salembier, Une page inédite de l'histoire
de la Vulgate (extrait de la Bévue des sciences ecclé-
siastiques, 1887, 1889, 1890), Amiens, 1890. Plus tard,
l'humaniste Laurent Valla (fl457) rédigea, en 1440, une
série de notes sur le Nouveau Testament dans lesquelles
il proposait des corrections à faire à la Vulgate surtout
au point de vue de la latinité. Annotationes in latinam
N. T.interpretationem ex collatione grsecorum exem-
plarium. Érasme les édita, Paris, 1505. Elles se
retrouvent dans ses Opéra, Bâle, 1540, p. 803 b -895 b .
Jacques Revius réédita ce traité : De collatione Novi
Testamenti libriduo, Amsterdam, 1638.
La Vulgate perdait ainsi peu à peu de la grande
autorité dont elle avait joui durant plusieurs siècles.
Les théologiens et les commentateurs recouraient de
plus en plus aux textes originaux, hébraïque ou grec.
On lui préférait des versions nouvelles, faites directement
sur les originaux. Le cardinal anglais Adam Easton
(•[-1397) traduisit l'Ancien Testament, sauf les Psaumes,
sur l'hébreu ; sa version, qui eut une grande diffusion,
est perdue. Par ordre du pape Nicolas V, l'Italien Ma-
netti {-j-1459) commença une version latine de toute la
Bible; il ne traduisit que le Nouveau Testament et une
partie des Psaumes. Son œuvre est inconnue. LePsautier
seul fut traduit par le carme Jean Creston de Pavie,
en 1480, et par l'humaniste Rodolphe Agricola de Gro-
ningue (1485).
2. Après l'invention de l'imprimene. — a) Les Bibles
imprimées. — On sait que l'art de l'imprimerie fut
2483
YULGAÏE
2484
inventé en vue de multiplier les exemplaires de la Sainte
Écriture. La première Bible imprimée fut celle de
Gutenberg, Fust et Schoffer à Mayence, sans indication
de lieu ni de date. La seconde parut à Bamberg chez
Pfister en 1460. La première qui soit datée est sortie
des presses de Fust et de Schôlfer à Mayence en 1462,
sans parler du Psautier daté de 1459. On évalue à près
d'une centaine les éditions de la Vulgate qui sont an-
térieures à 1500. W. A. Copinger en a dressé la liste.
Incunabula biblica or the first half century of the
latin Biblebeing abibliographicalaccount of thevarious
éditions of the latin Bible belween 1450 and 1500 with
an Appendix containing a chronological list of the
éditions of the sixteenth century, jn-f», Londres, 1892.
Elle contientl24 éditions, dontl3sontdouteuses.Léopold
Delisle en a retranché 12. Journal des savants, 1893,
p. 202-218. Il n'en resterait donc plus que 99. De 1501
à 1520, on en compte 57 de certaines. Voir encore
G. Vicaire, Les Incunabula biblica deW.A. Copinger et
la Bibliographical Society, Paris, 1893; H. F. Moule,
Historical catalogue of the printed éditions of Holy
Scripture in the library of the british and foreign
Bible society, Londres, 1909, t. n. M" e Marie Pelle-
chet a dressé la liste de toutes les Bibles imprimées
en France avant'1500, qu'elle a vues elle-même. Catalogue
général des incunables des bibliothèques de France,
1897, t. i, n. 2263-2386. Cf. F. Falk, Die Bibel am Aus-
gange des Miltelalters, p. 23-24, 91-97. La plupart de
ces éditions n'ont aucune valeur critique. Les impri-
meurs ne recouraient pas aux anciens manuscrits
antérieurs à Alcuin ni même aux Bibles d'Alcuin, mais
à des manuscrits récents, vulgaires, écrits au xjif et
au xiv e siècle, dont le maniement était facile en raison
de leur petit format, et qu'ils publiaient tels quels.
J. Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N .
J.'C. latine, Oxford, 1898, t. i, fasc. 5, p. 721. Les
premières éditions qui aient donné réellement un texte
corrigé d'après les manuscrits sont, en dehors de la
Polyglotte de Complute, voir t. v, col. 517-518. celles
d'Adrien Gumelli, Paris, 1504, d'Albert Castellani,
Venise, 1511, d'Hittorp, Cologne, 1520, de Robert Es-
tienne, de 1528, 1532, 1534, 1540, 1545, 1546, à Paris,
de 1555, 1557, à Genève, voir t. n, col. 1982 ; la meilleure
est celle de 1540. R. Gregory, Têxtkritik des Neuen
Testaments, Leipzig, 1902, t. n, p. 619. Sur les manu-
scrits dont s'est servi Robert Estienne, voir J. Words-
worth, OUI latin biblical texts, Oxford, 1883, 1. 1, p. 47-
54; G. Jacob, Zur Geschichte des Psalmentextes der
Vulgata in 1G Jahrhundert, dans Zeilschrift fur ait-
testamentliche Wissenschaft, 1900, p. 49-80. Nommons
encore l'édition de Jean Benoit, qui parut à Paris en
1541 et qui eut onze autres éditions jusqu'en 1569. Sur
l'édition de Castellani, voir t. Il, col. 1475. Cf. F. Kaulen,
Geschichte der Vulgata, p. 356-378.
b) Les corrections de la Vulgate. — Protestants et
catholiques se mirent aussi à corriger la Vulgate sur
les textes originaux. And. Osiander publia une édition
ainsi corrigée en 1522 à Nuremberg. Un libraire de
Nuremberg, Jean Petrejus, imprima en 1527 et 1529
deux éditions qui étaient corrigées plus complètement
et qui furent plusieurs fois réimprimées par d'autres.
La Bible de "Wittemberg, de 1529, contenait des cor-
rections plus arbitraires encore, et elle fut l'objet de
discussions de la part des protestants eux-mêmes. Con-
rad Pellican mit à la base de ses commentaires une
édition de la Vulgate, corrigée d'après le texte hébreu,
7 in-f°, Zurich, 1532-1640. Les catholiques imitèrent les
protestants et entrèrent dans cette voie nouvelle de
corriger à leur gré la Vulgate. Sur le correctoire du
dominicain Jacques de Gouda, voir t. n, col. 1475. En
1527, J. Rudel publia à Cologne une revision de la
Vulgate d'après les textes originaux, qui eut plusieurs
éditions. En Italie, le chanoine régulier Augustin
[ Steuchus, plus tard évêque de Gubbio, revisa l'Ancien
Testament sur le texte hébreu, et son œuvre parut à
Venise en 1529. Un peu plus tard, en 1542, le bénédictin
Isidore Clarius éditait à Venise une Bible entière cor-
rigée sur les textes originaux. Comme il suivait fré-
quemment le texte de Sébastien Munster, la Congré-
gation de l'Index interdit son œuvre qui n'était plus le-
texte de la Vulgate. F. Kaulen, op. cit., p. 322-336.
c) Nouvelles versions de la Bible. — Au début du
svi e siècle, on multiplia les versions de la Bible, direc-
tement faites sur les textes originaux. Félix Pratensis,
juif converti, traduisit les Psaumes sur le texte
hébraïque, en 1515, et Érasme, le Nouveau Testament
sur le grec, 1516. Voir t. il, col. 1903-1905; A. Bludau,
Die beiden ersten Erasmus-Ausgaben des Neuen
Testaments, und ihre Gegner, dans Biblische Studlen,
Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. vu, fasc. 5, p. 33-48.
L'opposition d'Érasme contre la Vulgate se manifestait
dans ses notes. Aussi le capucin Richard du Mans et
le futur cardinal Sirlet en entreprirent-ils plus tare!
une réfutation directe. Voir H. Hôpfl, Kardinal Wilhelm
Sirlet Annotationen zum Neuen Testament, ibid.,
1908, t. xni, fasc. 2, p. 68-81. Santé Pagnino et le
cardinal Cajetan traduisirent la Bible entière. Augus-
tin Giustiniani traduisit seulement le Psautier et Job.
Voir t. n, col. 1476-1477. Les protestants firent aussi
des versions latines nouvelles. Il suffit de rappeler
celles de Bucer, de Sébastien Munster, de Castalion
et de Léon de Juda. Voir F. Kaulen, op. cit., p. 336-
356.
Tous ces efforts, faits en des sens divers, eurent pour
résultat de discréditer de plus en plus la Vulgate et
de jeter la confusion la plus grande dans le monde
chrétien au sujet du texte sacré des Écritures. Il fallait
apporter un remède à cette situation troublée. Seule
l'autorité de l'Église catholique pouvait rétablir l'unité
que les travaux des particuliers avaient rompue. L'Église
le fit au concile de Trente.
V. Authenticité déclarée par le concile de Trente.
— 1° Rédaction et promulgation du décret. — La
question de la Vulgate fut mise en délibération dans
les congrégations particulières des théologiens, le
1 er mars 1546, à propos des « abus concernant les Livres
Saints ». Il s'agissait notamment de décider quelle
version on adopterait, et d'avoir une édition correcte.
Le cardinal de Sainte-Croix, résumant les avis, dit
qu'on choisissait la Vulgate, parce que, parmi tant
d'éditions, elle est verior et potior. Massarelli, Dia-
rium III, dans S. Merkle, Concilivm Tridentinum,
Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. i, p. 500, 504, 506, 507;
S. Ehses, ibid., 1911, t. v, p. 22, 27. Cf. A. Theiner,
Acta genuina ss. cecum. Concilii Tridentini, Agram,
1874, t. i, p. 60-63; Le Plat, Monument, ad historiam
concilii Tridentini, Louvain, 1783, t. ni, p. 393. Lès-
délégués furent nommés, le 5 mars, pour rédiger un
projet de décret sur les abus en question; ils se réu-
nirent, le 13 mars. Merkle, ibid., p. 508, 509, 512;
S. Ehses, t. v, p. 27. Leur projet fut lu à la congréga-
tion générale du 17 mars. « Le premier abus, y est-il
dit, est d'avoir des éditions diverses de la Sainte Écri-
ture et de les vouloir employer comme authentiques,
dans les leçons publiques, les discussions et les prédi-
cations. Le remède est d'avoir une seule édition, à
savoir, l'ancienne et vulgaire, que tous emploient
cqmme authentique dans les leçons publiques, les-
' discussions, les commentaires et les prédications et
■ que personne n'ose rejeter ou contredire, sans rien
enlever toutefois à l'autorité de la pure et véritable
traduction des Septante, dont les Apôtres se sont servis
quelquefois, et sans rejeter les autres éditions, autant
qu'elles aident à comprendre cette Vulgate authen-
tique. » Le second abus était l'altération des exemplaires
de la Vulgate qui étaient en circulation. Le remède
2485
VULGATE
2486
était de faire une édition correcte de cette version,
qu'on demanderait au pape en même temps qu'une
édition correcte des textes hébreu et grec. A. Theiner,
op. cit., t. i, p. 64; S. Ehses, t. v, p. 29. Cf. Merkle,
op. cit., t. i, p. 36. En congrégation particulière, le
23 mars, deux membres demandèrent que l'approbation
de la Vulgate entraînât le rejet des autres éditions.
L'êvêque de Fano répondit qu'on recevait la Vulgate,
parce qu'elle a toujours été reçue par l'Église et parce
qu'elle est ancienne, mais que les autres éditions
n'étaient pas rejetées. Quelques-unes sont bonnes; la
Vulgate est meilleure et il convient qu'elle seule soit
tenue pour authentique dans l'Église. S. Merkle, op.
cit., t. i, p. 527; S. Ehses, t. v, p. 37. Cf. A. Theiner,
op. cit., t. i, p. 70. Ces objections furent reprises à la
congrégation générale du 1 er avril, et l'évèque de Fano
les résolut de nouveau. L'abus, dit-il, ne consiste pas
à avoir plusieurs versions de la Bible, puisque dès
l'antiquité il y en a eu plusieurs ; il consiste à en avoir
plusieurs qui soient tenues pour authentiques. On n'en
veut qu'une seule authentique, et c'est la Vulgate,
parce qu'elle est ancienne, et pour que les adversaires
de l'Église n'aient pas l'occasion de dire que l'Église
n'a pas eu jusqu'ici de bons textes. Les autres versions,
même celles des hérétiques, ne sont pas rejetées pour
ne pas restreindre la liberté chrétienne. Merkle, op.
cit., t. i, p. 42; S. Ehses, t. v, p. 50; Theiner, op. cit.,
t. i, p. 79. La discussion continua en congrégation
générale, le 3 avril. Le cardinal de Trente accepterait
une édition authentique en quelque langue que ce
soit. Le cardinal de Jaen aurait voulu qu'on rejetât
toutes les autres versions, sauf celle des Septante, et
qu'on ne reçût la Vulgate qu'après sa correction. Son
avis fut adopté par d'autres Pères. Les votes furent,
d'ailleurs, assez divergents. Le président, le cardinal
del Monte, les résuma ainsi : La majorité semble
admettre que la Vulgate soit reçue, mais que le décret
soit rédigé de telle sorte que les autres versions ne
soient pas tacitement rejetées. Le cardinal Poole était
d'avis qu'on eût plusieurs éditions de la Bible et qu'il
allait approuver, en même temps que la Vulgate, les
Septante et les textes hébreu et grec. Celui qui a un
vase d'or et un vase d'argent, dit-il, ne brise pas le
second pour ne se servir que du premier. La question
mise aux voix, tous les membres acceptèrent que la
Vulgate seule serait reçue, qu'on ne mentionnerait pas
dans le décret les autres éditions et qu'on ne rejette-
rait pas expressément les éditions des hérétiques. La
majorité repoussa le projet d'avoir une édition authen-
tique en hébreu, en grec et en latin; elle ne voulait
que la Vulgate pour authentique. Theiner, op. cit.,
t. i, p. 79-83; Merkle, op. cit., t. i, p. 42-44; S. Ehses,
t. v, p. 59-66. Le décret fut rédigé en ce sens, lu et
unanimement approuvé le 5 avril, enfin solennellement
promulgué le 8.
En voici la teneur : « Considérant qu'il pourrait
résulter pour l'Église de Dieu une assez grande utilité
de connaître l'édition qu'il faut tenir pour authentique
parmi toutes les éditions latines des Livres Saints qui
ont cours, le même saint concile statue et déclare que
c'est l'édition ancienne et vulgate, approuvée par le
long usage de l'Église elle-même pendant tant de
siècles, qui doit elle-même être regardée comme
authentique dans les leçons, discussions, prédications
et expositions publiques, et que personne ne doit avoir
l'audace ou la présomption de la rejeter sous aucun
prétexte. » Enfin, le concile ordonnait que la Sainte
Écriture, surtout la vieille édition vulgate, fût impri-
mée le plus correctement possible. Decretum de
editione et usu sacrorum Librorum, sess. IV.
Cependant ce décret, quand il fut connu à Rome,
souleva de grosses difficultés. Les théologiens du pape
trouvaient qu'on avait donné à la Vulgate trop d'auto-
rité et ils refusaient d'approuver le décret en raison
des fautes qui existaient dans la version latine, seule
déclarée authentique. Ils délibérèrent s'il ne fallait
pas retarder l'impression du décret ou en modifier la
teneur. Les légats pontificaux durent expliquer par
lettres les raisons et le sens du décret. Ils rappelaient
en particulier que les traductions et les éditions de
la Bible, faites depuis vingt ans en si grand nombre
et si divergentes en des points très importants,
rendaient nécessaire l'adoption d'une seule version
comme authentique; qu'aucune version n'aurait pu
être préférée à l'ancienne Vulgate, si estimable en
elle-même, et qui n'avait jamais été suspecte d'hé-
résie. Leur correspondance publiée partiellement
par le P. Vercellone, Dissertazioni accademiche du
vario argotnento, Rome, 1864, p. 79, et plus complè-
tement par Druffel-Brandi, Monumenta Tridentina,
fasc. 4, Munich, 1897, donna satisfaction à tous les
esprits et décida Paul III à approuver le décret de
Trente.
2° Sens du décret. — Il a été diversement interprété
par les théologiens, les uns entendant l'authenticité
de la Vulgate dans le sens de sa conformité avec le
texte primitif des Livres Saints, et les autres recon-
naissant seulement dans cette authenticité une auto-
rité officielle qui rendait l'usage de la Vulgate obliga-
toire dans l'enseignement public et plaçait ainsi cette
version au-dessus des traductions privées qui avaient
cours à l'époque du concile.
1. Des débats précédemment résumés il résulte que
les Pères de Trente, dans leurs délibérations, n'ont pas
examiné la conformité de la Vulgate avec les textes
originaux, qu'ils n'en ont parlé qu'indirectement et
que cette conformité n'a pas été la raison pour laquelle
ils ont déclaré la Vulgate authentique. Ils voulaient
donner à l'Église un texte officiel des Livres Saints,
qui fit autorité dans les écoles, la prédication et la
liturgie, à l'exclusion implicite des versions récentes.
S'ils ont choisi la Vulgate latine pour en faire ce texte
officiel, c'est à cause de son usage ancien et universel
dans l'Église, qui garantissait suffisamment sa fidélité
essentielle aux originaux et son autorité ecclésiastique.
L'usage de cette antique traductionétait renduobligatoire
dans l'enseignement public, de telle sorte que personne
n'était en droit d'en rejeter l'autorité sous aucun pré-
texte. Le concile ne mettait pas cette version au-dessus
ni des textes originaux, hébreu et grec, ni des anciennes
traductions qui avaient été en usage dans l'Église et
l'étaient encore dans les Églises orientales. Il recon-
naissait implicitement le droit de recourir aux origi-
naux et aux anciennes traductions. Il imposait seule-
ment pour l'enseignement public un seul texte, celui
qui avait eu cours dans l'Église depuis tant de siècles
et que cet emploi séculaire avait approuvé et consacré.
Il n'approuvait pas l'œuvre de saint Jérôme, mais la
version reçue à laquelle il conférait un caractère officiel
pour les leçons et les prédications publiques. S'il avait
eu en vue l'exactitude de la traduction, il aurait dû
l'imposer même pour l'usage privé. Puisqu'il en fait
un document public et officiel, il ajoute que personne
n'a le droit de le récuser, quand il sera invoqué. Il
employait donc le mot authentique dans le sens que
lui donnaient alors les théologiens, les canonistes et
les juristes.
Tel est le sens qu'ont donné à ce décret les théolo-
giens du xv( e siècle, qui assistèrent au concile de
Trente, et les théologiens récents qui ont étudié les
Actes officiels de cette assemblée. Au nombre de ces
théologiens, nous pouvons citer A. Salraeron, Comment,
in evangelicam historiam, prolegom. III, Cologne,
1612, p. 24-25; A. Véga, qui rapporte le témoignage du
cardinal Cervino, De justificatione, 1. XV, c. ix,
Cologne, 1572, p. 692; J. Lainez, dont le témoignage
2487
VULGATE
2488
est invoqué par Mariana, Pro editione Vulgala, 21, dans
Cursus completus Scriptural Sacrée de Migne, 1. 1, col.
<569; le P. Sirlet, qui était le correspondant du cardinal
Cervino, voir H. Hôpil, Kardinal Wilhelm Sirlets
Annotationen zum N. T., dans Biblische Studien,
t. xiii, fasc. 8, p. 4-8; cf. P. Batiffol, La Vaticane de
Paul III à Paul V, Paris, 1890, p. 76-80; D. Payva de
Andrada, Defensio Tridentinse fidei, 1. IV. Lisbonne,
1578, p. 257; J. Ravesteyn, de Tielt (Tiletanus), Apo-
■logix seu defensionis decretorum sac. concilii Tri-
dentini, Louvain, 1568, p. 99; M. Zangerus, Simpli-
cis atque adeo prudentis catholicorum orthodoxise
cum novatorum sectariorumque nostri exulcerati
seculi idolomania collatio catholica, c. Il, Cologne,
1580 (qui cite et approuve Tiletanus) ; Bellarmin, De
verbo Dei, 1. II, c. x-xi; De editione latina Vulgata,
édit. Widenhofer, Wurzbourg, 1749 (où il cite la plu-
part des théologiens précédents) ; cf. J. de la Servière,
La théologie de. Bellarmin, Paris, 1908, p. 18; X. Le
Bachelet, Bellarmin et la Bible Sixlo-Clémentine,
Paris, 1911, p. 5-11, 15, 110-117; Pallavicini, Histoire
du concile de Trente, 1. VI, c. xv, trad. franc., édit.
Migne, t. n, col. 90-91; E. Du Pin, Dissertation préli-
minaire ou prolégomènes sur la Bible, Amsterdam,
1701, t. i, p. 204; Du Hamel, Institutiones bibliese,
c. ix, Louvain, 1740; .fahn, Introductio in libros
sacros V. F., 2= édit., Vienne, 1839, p. 64-65; Berti,
De theologicis disciplinis, Bamberg et Wurzbourg,
1773, t. v, p. 41; Haneberg, Histoire de la révélation
biblique, trad. franc., Paris, 1856, t. il, p. 446-448;
J. Danko, De Sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 230;
F. Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868,
p. 394-419; Einleitung in die Heilige Schrift,^" édit.,
Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 147-148; art. Vulgate,
dans Kirchenlexikon, 2 e édit., 1901, t. xn, col. 1140;
A- Loiay, Histoire du canon de l'A. T., Paris, 1890,
p. 210-211 ; J. Didiot, Logique surnaturelle subjective,
2» édit., Paris, 1894, p. 114-124; J. Corluy, dans la
Science catholique, 1894, t. vin, p. 438-445; Lingens,
dans Zeitschrift fur katholisclw Théologie, Inspruck,
1894, p. 759-769; trad. dans la Bévue des sciences
ecclésiastiques, 1894, t. lxxi, p. 147-151; A. Vacant,
Études théologiques sur les constitutions du concile
du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 428-429; J. Thomas,
Mélanges d'histoire et de littérature religieuse, Paris,
1899, p. 314-321. Léon XIII, dans l'encyclique Provi-
dentissimus Deus, du 18 novembre 1893, en recom-
mandant la Vulgate, déclare qu'elle a reçu son authen-
ticité, pour l'enseignement public, du concile de Trente.
Cette authenticité consiste donc proprement dans le
caractère officiel qui lui a été ainsi accordé et non dans
4a conformité de la version avec les originaux.
Du reste, les exégètes catholiques du xvi e siècle
savaient que la Vulgate n'était pas parfaite et recouraient
aux textes originaux pour expliquer ses obscurités,
«es ambiguïtés et ses inexactitudes. Dans son opuscule
De editione latina Vulgata, Bellarmin cite G. von
Linden (Lindanvs), De optimo génère Scripturas inter-
pretandi, 1. III, c. i, Cologne, 1558; Sixte de Sienne,
Bibliotheca sancta, 1. VIII, Venise, 1566; F. Foreiro,
Comment, in Isaiam, prasf., Venise, 1563 ; J. Oleaster,
Comment, in Pentateuchum, praef., Lisbonne, 1556;
G. Genébrard, Jra Psalmos, praef., Paris, 1577. Voir aussi
la réponse de Bellarmin à une consultation, dans Le
Bachelet, op. cit., p. 71-72, 178-179.
2. Cependant, dès le xvi e siècle, le décret de Trente
a été interprété dans un autre sens par les théologiens
qui n'avaient pas assisté au concile, et on en arriva au
point que des esprits indépendants, tels que Bannez et
Mariana, n'osaient pas se prononcer ouvertement sur la
-signification de l'authenticité de la Vulgate. Le fonde-
ment principal de la nouvelle explication se trouve
dans la mention de cette version dans le décret dogma-
tique du concile De canonicis ScripUiris. Il y est dit
que les Livres Saints, cum omnibus suis partïbus,
doivent être reçus pour canoniques prout in veteri
Vulgata editione habentur. Il en résulte seulement
que la Vulgate contient les Livres sacrés et canoniques
dans leur entier et avec toutes leurs parties. Néan-
moins, ce décret a donné lieu à deux opinions diffé-
rentes sur l'autorité de la Vulgate.
a) Une université, dirigée par des jésuites, doutait
du sens à donner à ce décret et elle demanda à la
S. G. du Concile, instituée par Pie IV en 1564, si, en
vertu de ce décret, on devrait imputer une erreur dans
la foi à ceux qui avanceraient quelque chose de con-
traire à la moindre période et au moindre membre de
phrase des livres canoniques, en y comprenant même
les passages qui sont omis par la Vulgate, mais qui se
trouvent dans les textes hébreu et grec; ou s'il fallait
imputer une erreur contre la foi seulement à ceux qui
rejetteraient soit un de ces livres tout entier soit une
des parties dont la canonicité et l'inspiration ont été
autrefois discutées. La S. C. répondit, le 17 janvier
1576, qu'on ne pourrait rien avancer qui fût contraire
à l'édition latine de la Vulgate, quand ce ne serait
qu'une période, une assertion, un membre de phrase,
une parole, un mot ou un iota, et elle reprit sévère-
ment A. Véga, qui, dans son traité rappelé plus haut,
avait tenu un langage audacieux. Cette décision fut
publiée par Allatius, qui la croyait inédite, dans Animad-
versiones in Antiquitatum Etruscarum fragmenta
ab Inghiramis édita, Paris, 1640, n. 101, p. 179. Elle
avait pourtant été éditée, en partie du moins, dans
divers recueils des Déclarations de la S. C. du Concile,
dont l'un parut à Francfort en 1608 et d'autres furent
publiés par Vincent de Marcylla, 1609, et par Jean Gal-
lemart, Cologne, 1619. Suarez, Defide, disp. V, sect.m,
n» 10, et Serarius, Prolegomena bibliaca, c. xix, q.xi,
Paris, 1704, p. 169, la connaissaient en manuscrit.
Cependant les théologiens ont douté longtemps de son
authenticité, ou ont prétendu au moins que son texte
avait été altéré. Mais M. Batiffol découvrit à la biblio-
thèque Vaticane, lat. 0326, un commentaire du concile
de Trente, fait par le cardinal Carafa, qui en 1576
était président de la Congrégation du Concile. Or, au
sujet des décrets de la IV session, le cardinal analyse
la décision de la S. C. P. Batiffol, La Vaticane de
Paul III à Paul V d'après des documents nouveaux,
Paris, 1890, p. 72-76. L'authenticité de la décision est
donc certaine. J. Thomas, Mélanges d'histoire et de
littérature religieuse, Paris, 1899, p. 308, note 1.
Mais quel en est le sens? Elle ne signifie pas, comme
on l'a cru, que la Vulgate était absolument parfaite,
parce qu'elle interdisait d'en mettre en question le
moindre mot et la plus petite syllabe. Elle n'adopte
pas, en effet, le premier sentiment exprimé dans la
consultation, d'après laquelle il aurait été de foi que
tous les membres de phrase et tous les mots de la
Vulgate, du grec et de l'hébreu seraient la reproduc-
tion exacte du texte original, inspiré et canonique, et
que ce texte n'aurait subi soit dans la Vulgate,"soit
dans les textes hébreu et . grec aucune altération de
l'étendue d'une phrase, d'un mot, d'une syllabe ou
d'un iota. Pour l'hébreu et le grec, la S. C. renvoie à
la troisième règle de l'Index, qui déclare toutes les
versions de la Bible non authentiques inférieures à la
Vulgate authentique. Quant à la Vulgate, elle dit qu'on
ne peut rien avancer contre elle, pas même une phrase
ni un iota, parce qu'elle contient l'Écriture inspirée et
canonique, les Livres Saints que le concile a reconnus
pour sacrés et canoniques et dont il a dressé la liste.
Cf. A. Vacant, Études théologiques sur les constitu-
tions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 435-
456.
Bien que la Congrégation du Concile n'ait pas admis
2489
VULGATE
2490
l'absolue perfection de la Vulgate, des théologiens,
surtout des Espagnols, l'admirent, en se fondant sur la
teneur même du décret de Trente, qui déclarait cette
version authentique. Bellarmin, jeune professeur à
Louvain, en parlait déjà dans une lettre qu'il adressait
au cardinal Sirlet, le 1 er avril 1575. Le Bachelet,
Bellarmin et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 104.
L. de Tefia, Isagoge in totam sac. Scripturam, Barce-
lone, 1620, p. 30 b; B. Ponce (f 1626), Qutestiones expo-
sitivse, id est, de Sac. Scriptura exponenda, q. m,
dans Cursus completus Sac. Scriptural de Migne, t. i,
col. 878 (qui dit que c'est l'opinion commune de son
temps); Jean de Saint-Thomas, In ll^ m II®, disp. III,
a. 3; C. Frassen, Disquisitiones biblicœ, Paris, 1682,
t. i. Cf. Mariana, Pro editione Vulgata, dans le Cursus,
1. 1, col. 590; Bannez, Scholastica commentaria in J am
partemSum. theol. S. Thomse, Salamanque, 1584, q. i,
a. 8. Ce sentiment était encore soutenu en 1753 par le
P. Frévier, La Vulgate authentique dans tout son
texte; plus authentique que le texte hébreu, que le
texte grec qui nous restent, Rome (Rouen). Voir Le
Bachelet, op. cit., p. 17-19. Cette opinion est évidem-
ment en opposition avec la pensée des Pères du concile
de Trente, et elle n'est plus depuis longtemps soutenue
par aucun théologien.
b) Dès le xvi e siècle cependant, la plupart des théo-
logiens soutinrent que la Vulgate, en raison de son
long usage dans l'Église et de son adoption officielle
par le concile de Trente, ne contenait aucune erreur
concernant la foi et les mœurs. Mais ils ne l'estimaient
pas si parfaite qu'on n'y remarquât non seulement des
fautes de copiste, mais même des erreurs de traduc-
tion dans des détails qui ne sont pas du domaine de la
foi et des mœurs, et qu'elle n'empêchât pas de recourir
aux textes originaux pour rectifier ses erreurs et expli-
quer ses obscurités et ses ambiguïtés. Dans une copie
du procès-verbal de la congrégation générale du
3 avril 1546, le cardinal de Jaen aurait émis l'avis que
la Vulgate devait être reçue quoad mores et dogmata.
Mais le procès-verbal officiel ne contient pas ces mots.
S. Ehses, Concilium Tridentinum, t. v, p. 59. J. Driedo,
De ecclesiasticis Scripturis et dogmatïbus, Louvain,
1550, 1. II, c. i, prop. 2", l'affirmait expressément.
M. Cano, De locis theologicis, Salamanque, 1563, 1. II,
c. xiu, et le cardinal Carafa, dans son commentaire
cité du concile de Trente, voir P. Batiffol, op. cit.,
p. 74, n'obligeaient à suivre la Vulgate que dans les
passages doctrinaux et moraux. Bellarmin, dès 1575,
dans sa lettre à Sirlet, dans ses Controverses profes-
sées à Rome dès 1576, De verbo Dei, 1. II, c. x-xi,
dans sa dissertation De editione latina Vulgata, dont
la seconde rédaction est de 1591, expose et soutient
très expressément ce sentiment; il relève les erreurs de
traduction de la Vulgate. Cf. J. de la Servière, La théo-
logie de Bellarmin, p. 17-24; Le Bachelet, Bellar-
min et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 10-16, 104, 107-
125, 178-179. Ce fut l'opinion de Bonfrére, Prseloquia
in Sac. Script., c. xv, sect. m, dans la Cursus comple-
tus Scripturse Sacrœ de Migne, 1. 1, col. 196, de Grégoire
de Valence, De objecta fidei, q. vm, §43, de Suarez,
De fide, disp. V, sect. x, n. 3. On peut dire que c'est
le sentiment commun des théologiens catholiques. Les
plus récents interprètent même dans ce sens l'authen-
ticité de la Vulgate, qu'ils entendent comme supposant
et entraînant la conformité substantielle de la Vulgate
avec les textes originaux, conformité affirmée publi-
quement par l'autorité officielle de l'Église au concile
de Trente. Noël Alexandre, Hist. eccl., saec. iv,
diss. XXXIX, a. 5, Paris, 1699, t. iv, p. 406-410;
P. Chrismaun, Régula fidei, § 64, dans Cursus comple-
tus theologiœ de Migne, t. vi, col. 917; H. Reusch,
Lehrbuch der Einleitung in das Alte Testament,
4 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1870, p. 210; Id., Erklâ-
rung der Décrète des Trienter Concils ûber die Vul-
gata, dans Der Katholik, 1860, t. i, p. 641; Fran-
zelin, Traclatus de divina traditions et Scriptura?
3 e édit., Rome, 1882, p. 512-514; Mazzella, De virtuti-
businfusis, Rome, 1879, p. 554-555; Hurter, Theologiœ
dogmaticse compendium, 3 e édit., Inspruck, 1880, t. r,
p. 165-166; Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit.,
Paris, 1906, t. i, p. 230-237; Gilly, Précis d'introduc-
tion générale et particulière à l'Écriture sainte,
Nîmes, 1867, t. I, p. 195-198; R. Cornely, Introduclio
generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 468-481; C. Chauvin,
Leçons d'introduction générale, Paris, 1898, p. 372-
375; J.-V. Bainvel, De Scriptura Sacra, Paris, 1910,
p. 180-192, etc. Toutefois, ces théologiens ne sont pas
d'accord au sujet de l'étendue de la conformité de la
Vulgate avec les textes originaux, et il y a en ces ma-
tières une part d'appréciation qui tient plus ou moins
compte des faits et de la critique du texte.
Voir encore Branca, De authentia Vulgalse Biblio-
rum editionis, Milan, 1816; L. von Ess, Pragmatica
doctorum catholicorum Tridentini circa Vulgatam
decreii sensum, nec non licitum textus originalis
usum testantium historia, Vienne, 1816; Pagmatisch-
kritische Geschichte der Vulgata, Tubingue, 1824;
J. Brunati, De nomine, auctore, emendatoribus et
authentia Vulgatee dissertatio, trad. lat. d'un écrit
italien, Vienne, 1827; C. Vercellone, Sulla autenti-
cità délie singole parti délia Bibbia volgata secondo
il decreto tridentino, Rome, 1866; trad. franc., dans
la Revue catholique de Louvain, 1866, p. 641, 687;
1867, p. 5; Ghiringello, dans la Rivista universate
de Gênes, février 1867; J. Corluy, dans les Études re-
ligieuses, novembre 1876, p. 627-631 ; dans la Contro-
verse,^ mai 1885, p. 55-63; 15 mars 1886, p. 379-382;
dans la Science catholique, 15 avril 1894, p. 438-
445; S. di fiartolo, Les critères théologiques, trad.
franc., Paris, 1889, p. 238-243; J. Didiot, Commen-
taire de la IV' session du concile de Trente théo-
logique; dans la Revue des sciences ecclésiastiques,
mai 1889, p. 390-419; historique, juin 1889, p. 481-
518; traditionnel, septembre et novembre 1890, p. 193-
226, 385-400; A. Durand, dans les Études, 1898,
t. lxxv, p. 216-229; Vindex, Zur Frage von der Auten-
ticitàtder Vulgata, dans Historisch-pblitische Blâtter,
Munich, 1899, t. cxxiv, p. 102-114; Bonaccorsi, Ques-
tione bibliche, Bologne, 1904; E. Mangenot, art.
Authenticité, dans le Dictionnaire de théologie catho-
lique, t. i, col. 2587-2590.
VI. La Bible sixto-clémentine. — 1° La revision de-
la Vulgate confiée au pape par le concile de Trente. —
Les Pères du concile savaient que le texte de la Vul-
gate était fautif dans les éditions courantes, et en
même temps qu'ils déclaraient cette version authen-
tique, ils résolurent de demander au pape d'en faire
une édition aussi correcte que possible. Voir les
procès-verbaux des délibérations, du 17 mars au
3 avril 1546, dans Theiner, op. cit., t. i, p. 65, 79, 85;.
S. Ehses, op. cit., t. v, p. 29, 37, 50, 59-66. Mais le
décret, publié le 8 avril, ne mentionnait pas ce détail
et ordonnait seulement d'éditer la Vulgate le plus
correctement possible. Les théologiens romains remar-
quèrent cette lacune, et le 17 avril, le cardinal Farnèse
écrivit aux légats pontificaux pour leur demander quelle
avait été l'intention -du concile à ce sujet. Les légats
répondirent, le 26, que le concile les avait chargés
de supplier le Saint-Père de faire corriger le plus tôt
possible la Bible latine et, s'il se pouvait, la Bible
grecque et la Bible hébraïque. Les théologiens romains
voyaient bien les difficultés de l'entreprise; ils pro-
mirent toutefois de chercher les moyens d'en triom-
pher. Les légats remercièrent le souverain pontife de sa
sollicitude et promirent le concours des théologiens du
concile. Voir Vercellone, Dissertazioni wcademiche,.
2491
VULGATE
2492
p. 79-84. Cf. Pallavicini, Histoire du concile de Trente,
1. VII, c. xh, édit. Migne, t. h, col. 192-194. Sur les
travaux entrepris à Trente, voir dom Hôpfl, Kardinal
Willwlm Sirlets Annotationen zum N. T., p. 9-13, 40;
Mercati, dans Theologische Revue, 1909, p. 60-62; Le
Fiat, Monument., t. iv, p. 104-110.
2» Éditions privées. — Comme les premiers travaux
furent vite interrompus, des particuliers entreprirent
de rcorriger le texte de la Vulgate. — 1. Éditions de
Louvain. — Les théologiens de Louvain y travaillèrent
les premiers. Sur l'œuvre du dominicain Jean Henten,
voir t. il, col. 1475. Après la mort de Henten (1566), son
édition fut perfectionnée, sous la direction de Luc de
Bruges. Elle eut, sous cette nouvelle forme, neuf édi-
tions (1573-1594) et celle de 1583 servit aux correcteurs
romains. — 2. Le Nouveau Testament de Zeger. —
Un franciscain flamand, Tacite-Nicolas Zeger, publia,
de son côté, en 1553, des Scholia et des Castigationes
sur le Nouveau Testament, et il se proposait de corri-
ger la Vulgate d'après les leçons des Pères et des ma.
nuscrits. Voir Critici sacri, 3 e édit., Amsterdam, 1698,
t. vu. Dans une lettre du 15 août 1553, ibid., p. xn-
xvi, il demandait au pape Jules III d'approuver sa
correction et de déclarer authentique son édition.
Cf. R. Simon, Histoire critique des commentaires
du N. T., Rotterdam, 1693, c. xxxix, p. 573-575;
Dissertation critique sur les principaux actes ma-
nuscrits du N. T. (à la suite de l'ouvrage précédent),
p. 78-79.
3° La Bible sixtine. — 1. Sa préparation. — Les
travaux de correction, entrepris à Rome dés 1546,
marchèrent lentement jusqu'en 1554; Sirlet s'occupait
du Nouveau Testament et Nicolas Majoranus de l'An-
cien. H. Hôpfl, op. cit., p. 24-25, 37; Mercati, loc. cit.
Pie IV qui, avant son élévation au siège pontifical, avait
favorisé Majoranus, institua une congrégation de car-
dinaux et de consulleurs. Quelques manuscrits, no-
tamment le Paulinus, furent collationnés, mais la mort
de Faernus en 1561 interrompit les recherches, et le
concile de Trente fut clos en 1563, avant que la correc-
tion officielle de la Vulgate ne fût terminée. Saint Pie V
confirma la congrégation établie par son prédécesseur
et nomma de nouveaux membres. On reprit tout ce
qui avait déjà été exécuté, afin de profiter des leçons de
manuscrits anciens, récemment apportés à Rome. On
avançait si lentement que, du 28 avril au 7 décembre
1569, au cours de 26 sessions générales, on n'avait re-
levé les variantes que de deux seuls livres, la Genèse
et l'Exode. Sous Grégoire XIII, à l'instigation du car-
dinal Perretti et sous sa direction, on édita la version
des Septante. Voir col. 1639-1641. Devenu pape sous le
nom de Sixte V, le cardinal Perretti, dès la seconde
année de son pontificat (1586), fit reprendre activement
la correction de la Vulgate. On avait fait venir d'excel-
lents manuscrits latins de différentes bibliothèques de
l'Italie, de l'Espagne et de la Flandre. Sixte V stimulait
le zèle des correcteurs. Après plus de deux années
d'étude, l'œuvre était achevée; elle fut présentée au
pape au commencement de 1589. Sixte V revit lui-
même le texte entier; il maintint la plupart des cor-
rections faites, mais il en rejeta un certain nombre,
malgré l'opposition du cardinal Carafa, et détermina
lui-même les leçons qu'il fallait admettre à leur place,
comme il s'en était réservé le droit, dès le 22 janvier
1588. Bullariurn romanum, Naples, t. vm, p. 996. Il
surveilla de très près l'impression, qui fut faite au
Vatican, non pas par Paul Manuce, mais par Domi-
nique Basa, de Venise. Voir Mgr Baumgarten, Die
Vulgata Sixtina von 1590 und ihre Einfûhrungsbulle,
Munster, 1911, p. 1-19, 135. L'impression avait com-
mencé avant que le pape n'eût achevé la revision de
l'œuvre des correcteurs. Ainsi, le 3 juin, Sixte V disait
à l'ambassadeur de Venise qu'il en était arrivé à '
l'Apocalypse et que le livre de la Sagesse était sous
presse. Ibid., p. 136. Les Avvisi di Roma annonçaient,
le 1 er novembre, que l'Ancien Testament allait paraître,
et le 25, qu'il était entre les mains des cardinaux de
la Congrégation de l'Index. Ibid., p. 22. L'impression
était terminée le 10 avril 1590. Les Avvisi di Roma
annonçaient, le 2 mai, que des exemplaires avaient été
distribués aux cardinaux et aux principaux officiers de
la cour pontificale, et que la vente était confiée au seul
imprimeur du palais, Dominique Basa. Ibid., p. 23.
Le 31 mai, Sixte V fit expédier aux princes 25 exem-
plaires de la nouvelle Bible, avec des brefs, datés du
29. Ibid., p. 24.
2. Sa description. — La Biblia sacra Vulgatse edi-
tionis ad concilii Tridentini prsescriptum emendata
a Sixto V P. M. recognita et approbata forme un
volume in-f» en trois parties de 1140 pages à deux
colonnes. Le texte est imprimé en grands caractères,
sans séparation des versets, dont les chiffres sont
indiqués à la marge et qui sont différents de ceux de
Robert Estienne. L'impression est fort belle et on n'y a
compté qu'une quarantaine de fautes typographiques.
Le texte est précédé de la bulle jEternus Me, qui
promulguait la nouvelle édition. On n'en connaît qu'un
petit nombre d'exemplaires : 15 en Italie, 8 en Alle-
magne, 4 en Autriche, 8 en Angleterre, 3 à la Biblio-
thèque nationale de Paris (cotés A 216, 216 bis et
216 ter, réserve), 1 à Saint-Pétersbourg, 1 à Madrid et
1 à New-York. Ibid., p. 66-82. On ignore quels sont les
détenteurs actuels d'autres exemplaires, dont on a
gardé la trace. Ibid., p. 82-85. Leur prix est très élevé.
Leurs dimensions ne sont pas les mêmes et le papier
est différent. Il y a des exemplaires de luxe. Des fautes
d'impression ont été corrigées par des moyens différents
et en nombre plus ou moins grand. Le pape lui-même
mettait la main à cette correction. Ibid., p. 24, 95; Le
Bachelet, op. cit., p. 193-194.
3. Sa publication. — On a prétendu que Sixte V
n'avait pas attribué à sa Bible une autorité définitive
et qu'il ne la considérait que comme un essai. Cette
opinion n'est plus soutenable. En effet, l'original de la
bulle 'JEternus Me, qui promulgue l'édition sixtine et
déclare qu'elle représente la Vulgate reconnue authen-
tique par le concile de Trente-, a été retrouvé aux
archives du Vatican (registre des Epislolse ad prin-
cipes, t. xxn), avec deux épreuves successivement
corrigées, et deux exemplaires d'une édition spéciale,
tirée le 22 août 1590. L'original contient l'attestation
des cursores, qui avaient affiché la bulle le 10 avril
1590 aux lieux fixés par le droit. La bulle est datée du
1 er mars 1589, mais aussi de la cinquième année du
pontificat de Sixte V, qui avait commencé le 24 avril
1585, par conséquent du 1 er mars 1590, selon notre
manière actuelle de compter les années à partir du
1 er janvier, tandis que, à cette époque, la cour romaine
faisait débuter l'année ecclésiastique au 25 mars. Cf.
Mgr Baumgarten, Biblische Zeitschrift, 1907, t- v,
p. 189-191; Die Vulgata Sixtina von 1590, p. 28-39.
Dans les brefs aux princes, dont Mgr Baumgarten
connaît douze exemplaires, le pape affirme qu'il a
décidé par une constitution perpétuelle, déjà éditée,
que sa Bible corrigée doit être reçue par tous. Les
témoignages opposés, recueillis par le P. Le Bachelet,
op. cit., p. 81-88, perdent ainsi toute valeur, et l'hypo-
thèse d'une anticipation de la promulgation de la bulle,
hypothèse imaginée par le P. Azor, entraînerait la fal-
sification d'un acte apostolique, soumise dès lors aux
peines tes plus graves. Mgr Baumgarten, Die Vulgata
Sixtina von 1590, p. 96-134. Pour une édition diplo-
matique et critique de la bulle, voir Biblische Zeit-
schrift, 1907, t. v, p. 337-354 ; Die Vulgata Sixtina von
1590, p. 40-65. Dans les derniers jours de sa vie,
Sixte V avait l'intention de faire imprimer une sorte
2493
YULGATE
2494
de correctoire, qui contiendrait toutes les modifica-
tions, les omissions et les additions de sa Bible et à
l'aide duquel chacun pourrait corriger son propre
exemplaire de la Vulgate. Mgr Baumgarten, op. cit.,
p. 25-26.
4. Son sort. — Sixte V mourut le 27 août 1590. Les
critiques, que les membres de la congrégation, dont il
n'avait pas admis toutes les corrections, avaient soule-
vées, de son vivant, contre sa Bible, redoublèrent
■après sa mort. Le 5 septembre, les Avvisi di Roma
annonçaient que les cardinaux, chargés de l'adminis-
tration de l'Église pendant la vacance du Saint-Siège,
avaient suspendu la vente de la nouvelle Bible et de
l'édition séparée de la bulle de Sixte V. Ibid., p. 96.
Le 26 septembre, ils rapportaient l'interdiction absolue
■de vendre la Bible sixtine. Ibid., p. 97. Cette interdic-
tion entraînait, de fait, la suppression de l'édition
■corrigée. A cette date, les dispositions de la bulle
JSternus ille n'étaient pas encore obligatoires dans
l'Église universelle, puisque Sixte V avait fixé un délai
■de quatre mois, expiré le 10 août, pour l'Italie, et de
huit mois, non encore expiré, pour les pays transal-
pins. En effet, du vivant du pontife, l'inquisiteur de
Venise avait voulu appliquer aux libraires de cette
ville les dispositions de cette bulle. Le doge fit présenter
par son ambassadeur Badoer des observations au pape,
qui déclara que l'inquisiteur faisait du zèle et n'avait
pas alors le droit d'interdire la vente des anciennes
Bibles. Ce fait prouve nettement, ainsi que d'autres
dépêches du même ambassadeur qui se trouvent aux
archives d'État de Venise, que Sixte V avait fait une
œuvre définitive et qu'il n'avait pas l'intention de la
corriger. Voir F. Amanu, Die Bibel Sixtus V, dans
Théologie und Glaube, Paderborn, 1912, p. 401-402.
En outre, dès le mois de février 1591, Grégoire XIV
confia à la Congrégation de l'Index le soin de réformer
la Bible sixtine. Ce pape, ne voulant pas condamner
l'œuvre de son prédécesseur, employa l'expédient que
lui avait suggéré Bellarmin. Le Bachelet, op. cit.,
p. 37-38.
Sur la demande de Bellarmin, Clément VIII ordonna,
le 15 février 1592, de racheter tous les exemplaires de
la Bible sixtine, qu'on pourrait retrouver. Le nonce
de Venise en rapporta plusieurs, le 24 août. Au mois
de février 1593, on s'occupait de ceux que les jésuites
avaient rachetés. Il était encore question de nouveaux
rachats, au mois de janvier et d'avril 1594. Le Bachelet,
op. cit., p. 54-56, 150-152, 198-199; Mgr Baumgarten,
op. cit., p. 99-10-1.
5. Sa valeur. — La Bible sixtine était loin d'être
dépourvue de valeur critique. Les changements, que
Sixte V avait faits de sa propre autorité, n'étaient pas
regrettables comme le prétendaient les adversaires
de sa Bible. Ceux qu'a relevés Bellarmin, Loca prsecipua
in Bibliis Sixti V mutata, dans Le Bachelet, op. cit.,
p. 130-134, cf. p. 44-45, sont peu importants. Voir
d'autres reproches d'un censeur anonyme, ibid., p. 61-
62. Sixte V avait appliqué des principes critiques un
peu différents de ceux qu'avait suivis la congrégation
présidée par le cardinal Carafa; il n'avait pas fait de
modifications arbitraires dans le texte sacré. Si parfois
il a choisi une leçon moins bonne, il a édité néanmoins
un bon texte de la Vulgate, et sa Bible est le fruit d'un
travail réellement scientifique. E. Nestlé, Ein Jubilâum
den Lateinischen Bibel zum 9 november 1892, Tu-
bingue, 1892, p. 17, et J. Wordsworth, Novum Testa-
mentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1898, t. i, p. 724,
ont expressément reconnu les mérites critiques de la
Bible sixtine.
4" La Bible clémentine. — 1. Sa préparation. —
D'après les Avvisi di Roma, Baumgarten, op. cit.,
p. 98, Grégoire XIV chargea la Congrégation de l'Index
de ramener la Bible sixtine à son ancienne forme, en
y introduisant les leçons qu'avait adoptées la congré-
gation présidée par le cardinal Carafa et que Sixte V
avait rejetées. Dans la première réunion, tenue le
7 février 1591, on traita de la méthode à suivre, et on
fixa cinq règles dans les séances suivantes. On en fit
ensuite l'application, mais la revision avançait lente-
ment, faute d'entente entre les consulteurs : on mit
40 jours à corriger la Genèse seule, et on commença
l'examen de l'Exode, le 18 mars. Bellarmin écrivit
probablement vers cette époque un mémoire De ratione
servanda in Bibliis corrigendis, édité par le P. Le
Bachelet, op. cit., p. 126-129. Il proposait de confier
la revision de la Bible latine à un petit nombre de
savants, qui l'exécuteraient rapidement. Le pape insti-
tua une congrégation spéciale de deux cardinaux et de
huit consulteurs, qui se retira à Zagarolo dans la
maison de campagne du cardinal Marc-Antoine
Colonna, son président, et qui paracheva le travail en
19 jours. Le 23 juin, les Avvisi di Roma annonçaient
ce rapide achèvement. Baumgarten, op. cit., p. 98. Cf.
Le Bachelet, op. cit., p. 40-44. "
2. Sa publication. — On s'occupa aussitôt à Rome
de décider si l'on publierait la nouvelle correction et
comment. Sur la demande du pape, Bellarmin rédigea
son avis, que le P. Le Bachelet a édité, p. 137-141. Cf.
p. 45-48. Conformément à cet avis, la correction fut
publiée, mais sous le nom de Sixte V : Biblia sacra
Vulgatse editionis Sixti Quinti Pont. Max. jussu
recognita atque édita. Ce ne fut qu'en 1604 que le
nom de Clément VIII fut ajouté dans le titre à celui
de Sixte V. Baumgarten, op. cit., p. vii-vih. La nou-
velleédition ne devait pas d'abord être déclarée obliga-
toire et les anciennes éditions latines devaient conti-
nuer à être vendues. Bellarmin avait fait un second
mémoire à ce sujet. Voir le texte dans Le Bachelet,
p. 142-144. Le 26 juin, les Avvisi di Roma annonçaient
cette décision, en ajoutant que la congrégation ne
tiendrait plus de séance ordinaire avant l'apparition
de la nouvelle Bible. Baumgarten, p. 98-99. Toutefois,
rien ne fut entrepris avant le pontificat de Clément VIII.
Peu après son élection (30 janvier 1592), il chargea
les cardinaux Frédéric Borromée et Auguste Valieravec
le P. Tolet de préparer le texte pour l'impression. Le
P. Tolet fit seul le travail. Baumgarten, p. 136-137. Il
avait fini le tout, le 28 août. Les cardinaux désignés
donnèrent leur approbation. Le 18 novembre, les Avvisi
di Roma annonçaient la prochaine apparition de la
nouvelle Bible, mais, le 25, ils expliquaient le retard,
en disant que le pape avait voulu la revoir par lui-
même et l'amender encore. Ibid., p. 101. L'impression
était surveillée par le P. Tolet, ibid., p. 104, note; elle
fut exécutée rapidement, et la nouvelle Bible parut
avant la fin de l'année 1592.
3. Sa description. — Cette Bible est un beau volume
in-folio, imprimé avec les mêmes caractères que la
sixtine et par le même imprimeur, Dominique Basa.
La préface, qui est de la main de Bellarmin, expose
que cette nouvelle édition réalise un projet de Sixte V,
qui avait voulu retoucher sa première œuvre dont il
n'était pas satisfait. Voir Le Bachelet, p. 53, 146-149;
Baumgarten, p. 108-110. Une bulle de Clément VIII,
datée du 9 novembre 1592, pourvoyait à la conservation
du nouveau texte corrigé. Sans condamner les anciennes
Bibles, il réservait à l'imprimerie vaticane pendant
dix ans le monopole de la nouvelle édition. Ce laps de
temps écoulé, tout imprimeur avait le droit de la repro-
duire, purement et simplement. On avait, repris la
division ordinaire des versets et on avait reproduit, en
dehors de la série des livres canoniques, le III* et le
IV e livre d'Esdras et la Prière de Manassé, que
Sixte V avait omis. Les fautes de typographie sont
nombreuses, tant l'impression avait été précipitée. Voir
Vercellone, Biblia sacra, in-4», Rome, 1861, p. v-vil.
2495
VULGATE
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4. Sa valeur. — Bellarmin, dans la préface, recon- |
naît que la nouvelle Bible n'est pas parfaite, et qu'on
y avait laissé à dessein des choses qui semblaient de-
voir être corrigées. Du reste, le travail des correcteurs-
n'a pas toujours été exactement reproduit, par l'incurie
de l'imprimeur. Les protestants ont violemment attaqué
à diverses reprises la revision pontificale de la Vulgale.
En 1600, Thomas James a publié à Londres un pamphlet
intitulé : Bellum papale sive concordia discors Sixti Y
et Clementis VIII circa hieronymianam editionem,
dans lequel il relevait environ 2000 différences entre
les deux Bibles. Une seconde édition parut en 1606, et
Cox a réimprimé encore ce livre en 1840 et en 1855.
L'argument est sans valeur, puisque les divergences
signalées étaient volontaires, et le P. Henri de Buken-
top en comptait 2134. Lux de luce l. III, Bruxelles,
1706. Le P. Vercellone en a remarqué 50 autres, de
minime importance, il est vrai, rien que dans le Pen-
tateuque. En 1906, le P. Hetzenauer reprenait la com-
paraison des deux textes et aboutissait au chiffre total
de 4900 divergences, p. 367*. Les protestants préten-
daient aussi que les éditeurs des Bibles sixtine et clé-
mentine n'avaient fait que choisir des leçons diffé-
rentes parmi les variantes des Bibles de Louvain. Ce
reproche n'est pas fondé. Bien qu'ils aient utilisé les
Bibles de Louvain, les correcteurs romains ont re-
couru directement aux manuscrits, aux textes origi-
naux et aux citations bibliques des Pères, et des le-
çons qu'ils ont adoptées la dixième partie seulement
se trouvait dans les éditions louvaniennes. Pour les
Évangiles, la Bible sixtine est le plus souvent d'accord
avec l'édition de Robert Estienne de 1538, tandis que la
Bible clémentine se rapproche surtout de l'édition de
Henten, imprimée en 1548. Cf. J. Wordsworth, op. cit.,
t.l, p. 721-723. Les critiques actuels sont unanimes à
reconnaître que la Bible clémentine est le fruit d'un
travail sérieux, aussi parfait qu'on pouvait le faire alors
avec les ressources critiques dont on disposait. Quoique
son texte ne soit pas absolument pur et qu'il ait con-
servé des leçons qui n'appartenaient pas à l'œuvre
primitive de saint Jérôme, il est meilleur que celui des
éditions qui l'ont précédé au XW siècle. Il est aussi
en progrès sur celui de la Bible sixtine. C'est donc une
édition, qui est bonne en elle-même, très bonne pour
l'époque, sans être parfaite. Cf. C. R. Gregory, Text-
kritik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. h, p. 621.
5. Ses éditions. — a) Éditions romaines. — En
vertu du décret de Clément VIII, l'imprimerie vaticane
devait publier seule, pendant dix ans, la Bible nouvelle.
On en lit, en 1593, une seconde édition, dans laquelle
on corrigea un certain nombre des erreurs typogra-
phiques de la première; mais celles qui furent repro-
duites et les nouvelles qui furent commises dépassèrent
le chiffre de la première. Une troisième édition sortit
des mêmes presses en 1598; elle ne corrigea qu'une
partie des fautes précédentes et surpassa les deux pre-
mières éditions en négligence. Pour porter remède à
un mal qui empirait, on imprima en appendice une
triple liste d'errata des trois éditions de 1592, 1593 et
1598, dont devaient tenir compte les imprimeurs posté-
rieurs. Mais cette triple liste n'était pas complète de
sorte que, pendant longtemps, des fautes de cette na-
ture se sont perpétuées dans les Bibles subséquentes.
En 1603, Luc de Bruges releva sur les éditions ro-
maines les principales divergences pour faciliter aux
imprimeurs, et notamment à Plantin d'Anvers, l'im-
pression , correcte de la nouvelle édition : Romanse
correctionis in latinis Bibliis editionis vulgatse jussu
Sixti V Pont. max. recognilis loca insigniora, Anvers,
1603; 2 e édit., 1618. En 1906, le P. Hetzenauer a
compté 270 différences entre l'édition de 1592 et celles
de 1593 et de 1598, 140 entre la seconde et la première
et la troisième, 830 entre cette dernière et les deux
précédentes. Le Nouveau Testament, imprimé à Rome,
en 1607, n'est qu'une reproduction partielle de l'édition
de 1598. Le P. Vercellone y a remarqué les mêmes
fautes caractéristiques. Une table d'errata, qui y est
ajoutée, contient des fautes qui n'ont jamais été corri-
gées dans les éditions romaines antérieures et posté-
rieures. Celles de 1618 et de 1624 diffèrent à peine
de la troisième. Des éditions plus correctes ont paru
à Rome en 1671, 1765, 1768 et 1784. Elles ont donné
occasion à cette assertion fausse que les souverains
pontifes auraient introduit de nouvelles corrections
dans la Bible clémentine.
6) Autres éditions. — Celles qui ont paru au xvn*
et au xvi[i e siècle sont trop nombreuses pour être men-
tionnées. Voir Le Long, Bibliothèque sacrée, Paris,
1723, t. i, p. 234, qui en avait dressé une liste, com-
plétée par Copinger. Elles ne présentent pas d'intérêt,
parce qu'elles dérivent toutes plus ou moins directe-
ment des éditions romaines, surtout de celle de 1598
avec sa triple liste d'errata. Toutefois, les fautes signa-
lées n'ont pas toujours été exactement corrigées, et
quelques erreurs se sont perpétuées d'édition en édi-
tion. On peut dire qu'aucune n'est absolument pure
sous ce rapport. Au cours du xix e et du xx* siècle,
quelques éditeurs ont eu à cœur de viser à une cor-
rection plus parfaite. L'édition de Francfort en 1826,
quoique louée par Léon XII, est remplie d'un grand
nombre de fautes. Trois éditions constituent un progrès
sérieux, dans cette voie de correction typographique :
celle de Léonard van Ess, Tubingue, 1824, de Valentin
Loch, Ratisbonne, 1849, l'édition de Marietti, Turin,
1851 ; cette dernière a été louée par la S. C. de l'Index
pour sa fidélité. Voir Analecta juris pontificii, 1857,
col. 2712. Deux autres, extrêmement soignées, sont
l'œuvre du P. Vercellone, Rome, 1861 (reproduite par
beaucoup d'éditeurs) et du P. Hetzenauer, 2 in-4".
Inspruck, 1906. Voir la préface de l'édition du P. Ver-
cellone.
5° Travaux particuliers pour l'amélioration de la
Vulgate. — Si Clément VIII avait interdit aux catho-
liques de publier des éditions de la Vulgate, différentes
de la' correction romaine, et d'ajouter des variantes aux
marges de cette édition, il n'avait pas défendu de rele-
ver dans les manuscrits les leçons nouvelles, qui pour-
raient y être découvertes et qui pourraient servir à
améliorer le texte officiel de la Vulgate. En 1605, Luc
de Bruges publiait les variantes qu'il avait recueillies
dans les manuscrits de l'ancienne Vulgate et du texte
grec sur les Évangiles : Notarum ad varias lectiones
in quatuor Evangeliis occurrentes libellus duplex}
quorum unogrsecee, aller 'o lalinse varietates explican-
tur, Anvers. Cet ouvrage était dédié à Bellarmin. Le
cardinal, après avoir promis de le lire, ajoutait : « S'il
me paraît certain que le texte sacré puisse être avanta-
geusement modifié quelque part, j'en parlerai au sou-
verain pontife et aux cardinaux intéressés dans la
question. Mais vous vous rendez bien compte vous-
même qu'il n'est pas facile de faire dans un texte sacré
des changements de cette sorte; il n'en est pas moins
fort utile que les gens doctes soient informés de
diverses leçons et de l'avis d'hommes experts comme
vous et vos semblables. » Lettre du 1 er novembre 1606.
Cf. Le Bachelet, op. cit., p. 69-70, 170-173. En 1618,
Luc de Bruges ajouta à la seconde édition de ses Ro-
mans: correctionis... loca insigniora, un autre petit livre
continens alias lectionum varietates in iisdem Bibliis
latinis, ex vetustis manuscriptis exemplaribus col-
lectée, quibus possit perfectior reddi, féliciter cœpta
correctio, si accédât sumnn Pontificis auctoritas,
Anvers. Ibid., p. 70, 174-185.
An xix e siècle, un barnabite, le P. Charles Vercellone,
encouragé par Pie IX, recueillit dans les documents
manuscrits des correcteurs romains, dans les manu-
2497
VULGATE
2498
scrits latins de la Vulgate qui sont à Rome, dans les
livres liturgiques et dans les textes originaux, les
-variantes qui étaient de nature à servir à la correction
•de la Vulgate. II a publié en 2 in-4» les résultats de ses
■recherches sous le titre : Variée lectiones Vulgatse
latinae Bibliorum editionis, Rome, 1860, 1864; le t. I
■contient les variantes du Pentateuque et le t. H celles
■de Josué, des Juges et des livres des Rois. Cette œuvre
monumentale, interrompue par la mort de l'auteur,
"vient d'être reprise par ordre de Pie X et confiée aux
bénédictins. Voir la lettre du cardinal Rampolla, pré-
sident de la Commission biblique, à l'Abbé primat de
l'ordre bénédictin en date du 30 avril 1907. Il ne s'agit
d'abord que de collationner les manuscrits de la Vul-
gate, d'en relever exactement les leçons, en vue d'en-
treprendre plus tard une revision delà version officielle
•de l'Église catholique. Pie X a caractérisé d'une façon
■très précise le but et la méthode des travaux prépara-
toires de cette future revision, dans sa letlre à dom
•Gasquet du 3 décembre 1907. On peut voir les travaux
•déjà accomplis dans les deux Rapports de dom Gasquet
(1909 et 1911). Quand cette œuvre de longue haleine
•sera terminée, l'autorité ecclésiastique entreprendra
peut-être une nouvelle revision de la Vulgate, en
d'autres termes, la restitution la plus fidèle possible
■de l'œuvre de saint Jérôme dans sa pureté première.
Voir la Revue biblique, janvier 1908, p. 102-113.
6° Éditions de manuscrits latins et de la version de
saint Jérôme. — Dans l'intervalle qui s'est écoulé
entre la publication de la Rible clémentine et la nou-
velle entreprise des bénédictins, divers travaux de
■critique textuelle ont reproduit un certain nombre de
variantes latines du Nouveau Testament extraites des
manuscrits. Voir Texte du Nouveau Testament. D'antre
part, des manuscrits de la Vulgate ont été édités :
ainsi le Codex Amiatinus, par Tischendorf, Leipzig,
1854, le Codex Fuldensis, par Ranke, Marbourg, 1868,
l'Evangelium Gatianum, par M. Heer, Fribourg-en-
Rrisgau, 1910. Des éditions critiques de la Divina
bibliotheca de saint Jérôme ont été publiées, d'après
les manuscrits, par les bénédictins Martianay et Pou-
get, dans S. Hieronymi opéra, Paris, 1693, par Val-
larsi, S. Hieronymi opéra, Vérone, 1738, 1740, t. ix et
x; 2° édit., Venise, 1770, 1771, t. ix et x (reproduite
par Migne, Pat. lat.,\. xxvm et xxix). Paul de Lagarde
a donné : Psalterium juxta Hebrseos Hieronymi,
Leipzig, 1854; Probe einer neuen Ausgabe der la-
teiniscken Uebersetzungen des Alten Testaments,
-Gœttingue, 1885; C. Tischendorf, Novum Testamentum
latine, textum Hieronymi... restituât, Leipzig, 1864;
Ch. Heyse et T. Tischendorf, Biblia sacra lalina Vete-
ris Teslamenti, etc., Leipzig, 1873; P'. Corssen, Epistula
adGalatas, Berlin, 1885. J.Wordsworth et H. J. White
ont commencé une édition critique du Nouveau Testa-
ment latin selon l'édition de saint Jérôme : Novum
Testamentum D. N. J. C. latine, secundum editionem
sancti Hieronymi, ad codicum manuscriptorum fidem,
Oxford. Le t. I er , comprenant les Évangiles, est com-
plet : S. Matthieu a paru en 1889, S. Marc en 1891,
S. Luc en 1893, S. Jean en 1895 et un Epilogus en
1898. Du t. il nous avons déjà les Actes des apôtres,
1905; l'Épître aux Romains paraîtra en 1912. M. White
vient de publier, Oxford, 1911, sous le même titre, une
édition manuelle du Nouveau Testament entier; elle
reproduit le texte déjà édité dans l'édition critique avec
un choix de variantes et la suite des Épîtres et de
l'Apocalypse, qui sera dans la grande édition. C'est un
travail de toute première valeur.
Sur les Bibles de Sixte V et de Clément VIII, voir
Lettera apologetica interno all'edizione fatta inRoma
per comando di Sixto V délia Volgata latina l'anno
MDCX, Louvain, 1754; A. M. Ungarelli, Prselectiones
de Novo Testamento et historia vulgatse Bibliorum
DÎCT. DE LA BIBLE.
editionis a concilia Tridentino, édit. Vercellone, Rome,
1847, p. 113-224; la seconde partie de cet ouvrage, qui
a pour titre spécial : De castigatione vulgatse Biblio-
rum editionis peracta jussu concilii Tridentini, a été
reproduite par le P. C. Vercellone, Varise lectiones
Vulgatse latinse Bibliorum editionis, Rome, 1860, t. i,
Prolegomena, p. xvii-lxxvi (avec des notes nouvelles);
C. Vercellone, Studi fatti in Roma e mezzi usati per
corregere la Bibbia Volgata, dans Dissertazioni acca-
demiche di vario argomento, Rome, 1864; trad. franc,
dans les Analecta juris pontiftcii, 1858, col. 1011-1025;
Reusch, Zur Geschichte der Entstehung der officiellen
Ausgabe der Vulgata, dans Der Katholik, 1860, t. n, n. 1 ;
P. de Valroger, Introduction historique et critique aux
livres du Nouveau Testament, Paris, 1861, t. i,
p. 507; A. Giovannini, lllustrazione di un documenlo
inedito relativo alla correzione délia Bibbia volgata
fatta da Clémente VI11, dans Giornale arcadico di
scienze, leltere ed arti, nouv. série, Rome, 1865, t. li
(à part, Rome, 1867); Gilly, Le concile de Trente et la
Vulgate de Clément VIII, dans Précis d'introduction
à l'Écriture Sainte, Nimes, 1867, t. i, p. 243 ;
F. Prat, La Bible de Sixte-Quint, dans les Études,
1890, t. l, p. 565-584; t. li, p. 35-60,205-224; E. Nestlé,
Ein Jubilâum der Lateinischen Bibel zum 9 november
1892, Tubingue, 1892 ; J. Turmel, La Bible de Sixte-
Quint, dans la Revue du clergé français, 1905,
t. xli, p. 431-435; X. Le Bachelet, Ce que Bellar-
min dit de la Bible de Sixte-Quint en 1591, dans les
Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. I,
p. 72-77; Id., Bellarmin et la Bible sixlo-clémen-
tine. Étude et documents inédits, Paris, 1911;
P. M. Baumgarten, Die Vulgata Sixtina von 1590 und
ihre Einfùhrungsbulle, Acktenstûcke und Vntersu-
chungen, Munster, 1911; J.-B. Nisius, Zur Geschichte
der Vulgata Sixtina, dans Zeitschrift fur Katholische
Théologie, Inspruck, 1912, p. 1-47, 209-251; F. Amana,
Die Bibel Sixtus V (une monographie), 1912; L. Gra-
matica, Délie edizioni délia « Clementina », dans La
Scuola cattolica, 1912, p. 186-199, 465-494.
VII. Bibliographie. — Outre les nombreux travaux
cités au cours de l'article: — 1° Monographies . — L. van
Ess, Pragmatisch-kritische Geschichte der Vulgata
im Allgemeinen und zunàchst in Beziehung auf das
Trienlische Décret, Tubingue, 1824; G. Riegler, Kri-
tische Geschichte der Vulgata, Soulzbach, 1820;
A. Schmitter, Kurze Geschichte der Hieronymiani-
schen Bibes'ùberletzung, Freising, 1842; F. Kaulen,
Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868; S. Berger,
Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles
du moyen âge, Paris, 1893; un résumé de cet impor-
tant ouvrage par E. Mangenot, dans la Revue des
sciences ecctésiasti</ues,juillet-septembre 1893 (et tirage
à part). — Pour la critique textuelle, Ph. Thielmann,
Beitrâge zur Textkritik der Vulgata, inbesondere
des Bûches Judith, Speyer, 1883; E. von Dobschûtz,
Studien zur Textkritik der Vulgata, Leipzig, 1894.
2° Introductions critiques. — R. Simon, Histoire
critique du Vieux Testament, 1. II, c. xi-xiv, Rotter-
dam, 1685, p. 242-270; Histoire critique des versions
du Nouveau Testament, ch. vii-xii, Rotterdam, 1690,
p. 68-159; C. Kortholt, De variis Scripturse editionibus
tractatus theologico-historico-philologicus, c. ix-xiv,
1686, p. 93-251; J. G. Carpzov, Critica sacra Veteris
Teslamenti, part. II, c. VI, Leipzig, 1729; B. Walton,
Apparatus biblicus, dans la Polyglotte de Londres,
t. I, et à part, Zurich, 1673; H. Hody, De Bibliorum
textibus originalibus, versionibus grsscis et latina
Vulgata, Oxford, 1705, p. 342-569; J. Mill, Novum
Testamentum cum leclionibus varianlibus, Oxford,
1707, dissert, préliminaire, p. lxxxi; J. L. Hug,
Einleitung in die Schriften des Neuen Testaments,
¥ édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, t. i, p. 403-431;
V. — 79
2499
VULGATE
250O
H. J. White, The latin versions, dans Scrivener-Miller,
Introduction to the criticism of the New Testament,
4« édit., Londres, 1894, t. n, p. 56-90; C. R. Gregory,
Novum Testamentum grsece. Prolegomena, Leipzig,
1894, t. h, p. 971-1108 ; Id. , Textkritik des Neuen Testa-
ments, Leipzig, 1902, t. h, p. 613-729; 1909, t. ni,
-p. 1332-1343; F. G. Kenyon, Handbook to the textual
criticism of the New Testament, Londres, 1901,
p. 184-203; F. Vigouronx, Manuel biblique, 12 e édit.,
Paris, 1906, t. i, p. 217-251; F. Kaulen, Einleilung in
die HeiligeSchrift,3 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890,
p. 135-153; C. Trochon, Introduction générale, Paris,
1886, t. 1, p. 429-448; R. Cornely, Introductio generalis,
2 e édit., Paris, 1894, p. 438-501; C. Chauvin, Leçons
d'introduction générale théologique, historique et
critique aux divines Ecritures, Paris, s. d. (1897),
p. 335-377.
3° Encyclopédies et dictionnaires. — B. F. "Westcott r
art. Vulgate, dans Diclionary of the Bible de Smitb,
Londres, 1863, t. m, p. 1696-1718; O. F. Fritzsche, art.
Lateinische Bibelûbersetzungen, dans Realencyclopâ-
die de Herzog, Leipzig, 1881, t. vm; E. Nestlé, ibid.,
3« édit., 1897, t. in, p. 36-49; à part sous le litre : Vr-
text und Uebersetzungen der Bibel in ûbersichtlicher
Darstellung, Leipzig, 1897, p. 96-109 ; F. Kaulen, art.
Vulgata, dans Kirchenlexikon, 2 e édit., Fribourg-en-
Brisgau, 1901, t. xii, col. 1127-1142; H. J. White, art.
Vulgate, dans Dictionary of the Bible de Hastings r
Edimbourg, 1902, t. iv, p. 873-890.
E. Mangenot.
w
WAHL Christian Abraham, né à Dresde le 13 no-
vembre 1773, pasteur à Friesdorf, conseiller ecclésias-
tique à Dresde, publia un Biblischer Handwôrterbuch,
Leipzig, 1825, et une remarquable Clavis Novi Testa-
menti philologica, Leipzig, 1822 ,- 2 e édit. , 2 in-8", 1829.;
3» édit., in-4», 1843; édit. abrégée, 1831.
WALAFRID STRABON. Voir Glose, III, 1°, t. m,
col. 256.
WALTON Brian, né en 1600, à Seamer, dans le
Yorkshire, mort évêque de Chester, le 29 novembre
1661. On lui doit la célèbre Polyglotte de Londres.
Voir Polyglotte, col. 522.
WEITENAUER Ignace, jésuite allemand, né à In-
golstadt, le 1 er novembre 1709, mort à Inspruck, le
4 février 1783. Parmi ses nombreux ouvrages, on re-
marque Lexicon biblicum, in quo explicantur Vulgatx
vocabula et phrases, in-8°, Inspruck, 1758; Augsbourg,
1780; Avignon, 1835; Paris, Naples, 1857; Paris, 1863;
in-16, Turin, 1866. Voir Ch. Sommervogel, Biblio-
thèque de la Compagnie de Jésus, t. vm, 1898, pi. 1051-
1059.
WELTE Benedict, théologien catholique, né le 25 no-
vembre 1805 à Ratsenried, mort le 27 mai 1885 à Rot-
tenburg. Il fît ses études à Tubingue et fut ordonné
prêtre en 1833. Il y succéda en 1836, comme professeur
d'Écriture Sainte, à J. G. Herbst dont il publia VHis-
torisch-kritischer Einleitung in das Alte Testament,
1840-1844, 4 in-8°; le quatrième volume, consacré aux
livres deutérocanoniques, est tout entier de Welte. En
1841 il donna son Nachmosnisches in Pentateuch be-
leuchtet, in-8°; en 1849, Das Buch Hiob erleuchtet und
erklàrt. Il commença en 1846, avec J. H. Wetzer, la
rédaction du Kirchenlexicon qui fut publié par Herder
à Fribourg de 1847 à 1860, 12 grand in-8». La 2 e édition,
commencée par le cardinal Hergenrôther, a élé conti-
nuée par Fr. Kaulen, de Bonn, grand in-8», 1880-1901.
— Voir Allgemeine deutsche Biographie, 1896, l. xxi,
p. 692; Kirchenlexicon, t. xii, col. 1319.
WETSTEIN Johannes Jacob, né à Bàle le 5 mars
1693, mort à Amsterdam le 22 mars 1754, devint pro-
fesseur de philosophie et d'histoire ecclésiastique à
Amsterdam. On lui doit une édition remarquable du
Norum Testatnentum grzeeum, 2 in-f°, Amsterdam,
1752.
WETTE (Wilhelm Martin Leberecht de), théologien
protestant, né le 12 janvier 1780 à Ulla, près de Wei-
mar, mort à Bàle le 16 juin 1849. Il fit son éducation
à Iéna et à Weimar. Herder, Griesbach et Paulus
eurent sur lui une influence Considérable. En 1807, il
devint professeur extraordinaire de théologie à Iéna;
en 1809, professeur ordinaire de théologie à Heidel-
berg, et en 1810, à Berlin, puis, quand il fut exilé de
Prusse pour avoir écrit une lettre de sympathie à
Sands, le meurtrier de Kotzebue, à Bâle en Suisse. Il
fut un des plus grands fauteurs du rationalisme biblique
et l'un des principaux représentants dn mythisme
appliqué à l'Ancien Testament. On a de lui : Lehrbitch
der Einleitung in die Bûcher der Allen unâ Neuen
Testaments, 2 in-8 , Berlin, 1817, plusieurs éditions ;
Lehrbuch der Hebr. Jûd. Archàologie, Leipzig, 1814,
plusieurs éditions ; De heiligen Schriften des Alten und
Neuen Testaments ûbersetzt, Heidelberg, 1831 , plusieurs
éditions; Commentai' ûber die Psalmen, Heidelberg,
181 1 , 4 e édit. ,1836 ; Kurzgefasstes exegelisehes Handbach
zum Neuen Testament, 1836-1848, plusieurs éditions.
Ce dernier commentaire a particulièrement joui d'une
grande réputation. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints
et la critique rationaliste, 5 e édit., t. i, p. 494-510.
WETZER Heinrich Joseph, théologien catholique,
né le 19 mars 1801, à Anzefahr, dans la Hesse électorale,
mort à Fribourg-en-Brisgau le 5 novembre 1853. Il
étudia les langues orientales à Tubingue en 1823. En
1824 il fut reçu docteur en théologie à Fribourg. Il
alla alors à Paris, où il suivit les cours d'arabe de
Silvestre de Sacy et le cours de syriaque de Quatre-
mère. De retour à Fribourg, il y devint, en 1828, pro-
fesseur extraordinaire et, en 1830, professeur ordinaire
de philologie orientale. Son œuvre principale fut, à la
demande de l'éditeur Herder, la publication du Kir-
chenlexicon oder Encyklopàdie der katholischen Théo-
logie, dans laquelle il eut pour auxiliaire Welte (voir
col. 2501), 12 in-8», Fribourg, 1847-1860. Il mourut avant
l'achèvement complet de l'ouvrage. Une seconde édition
en a paru sous la direction de J. Hergenrôther, puis de
Fr. Kaulen, 12 in-8°, 1880-1901.
WICLEF (John de YVicliffe), né en 1324, au village
de Wicliffe, dans le comte d'Tork en Angleterre, mort
à Lutterworth le 31 décembre 1384. Il eut une vie très
agitée et fut un des précurseurs du protestantisme en
Angleterre. Il est surtout connu par la traduction des
Écritures en anglais de son temps. Voir Anglaises
(Versions), t. i, col. 596.
WILKE Christian Gottlob, théologien allemand, a
publié une Clavis Novi Testamenti philologica, 2 in-8°,
1839; 2« édit., 1850. Voir t. h, col. 1421. W. Grimm en
a donné des éditions remaniées. Voir Grimm, t. m,
col. 351.
WINER George Benedict, théologien allemand, né
à Leipzig, le 15 avril 1789, mort le 12 mai 1858. Il
passa la plus grande partie de sa vie, comme pro-
fesseur de théologie, à Leipzig. Il publia un grand
nombre d'ouvrages, parmi lesquels le plus connu est
son Biblisches Realwôrterbuch, 2 in-8°, Leipzig, 1820 ;
3 e édit., 1847-1848. Voir Dictiosnalp.es de la Bible, t. h,
col. 1425. Mentionnons aussi sa Grammatik des Neuen
Testaments Sprachidioms, 1822; 6 e édit. , 1855; Simonis
2503
WINER
WOUTERS
2504
Lexicon Rebraïcum et Chaldaicum ordine etymologico
descriptum, in-8°, 1828.
WOIDII CODEX, manuscrit contenant la partie du
Nouveau Testament conservée dans le Codex Alexan-
drinus et transcrite en 1786 par Charles Godfrey
Woide qui la publia en fac-similé. Voir Alexandrins
(Codex), t. i, col. 364. Woide était un ministre socinien,
né en Pologne en 1725, mort à Londres le 7 mai 1790.
Il avait été élevé à Francfort-sur-1'Oder et à Leyde; il
s'établit en Angleterre en 1770 et devint en 1782 aide-
bibliothécaire au British Muséum où il s'occupa des
langues orientales et d'études coptes et égyptiennes.
WOLF Johann Christoph, hébraïsant allemand, né
à Wernigerode le 20 février 1683, mort le 25 juillet
1739. Il fit des voyages scientifiques en Hollande et en
Angleterre et publia des ouvrages remarquables, entre
autres Historia Lexicorum Hebraicoruni, Wittenberg,
1705; Bibliolheca Hebrxasivenotilia auctorum Hebr.,
4 in-4 û , Hambourg, 1715-1733; Cura philologicse in
Novum Testamentum, 1725-1735; 5 in-4°, Bâle, 1741.
WOLFENBÙTTEL (MSS. DE). Codex Guelferby-
tanus Q. 1» manuscrit fragmentaire de l'Évangile de saint
Luc : treize feuillets palimpsestes, format in-quarto,
à deux colonnes de vingt-huit lignes : écriture attri-
buée au v e siècle, grandes lettres onciales, des esprits,
mais pas d'accents, ponctuation par simples points-
Ces fragments ont été édités par Tischendorf, avec un
fac-similé, dans ses Monumenta sacra inedita, Leipzig,
1860, t. m, p. 262-290, — 2» Même bibliothèque, Codex
Guelferbytanus P, manuscrit fragmentaire des quatre
Évangiles : quarante-trois feuillets palimpsestes, format
in-folio, à deux colonnes de vingt-quatre lignes : écri-
ture attribuée au vi'siècle, très grandes lettres onciales,
des esprits, pas d'accents, ponctuation par simples
points, grandes initiales. Ces fragments ont été édités
par Tischendorf, avec un fac-similé, op. cit., Leipzig,
1869, t. vi, p. 249-338, les deux palimpsestes appar-
tiennent à la bibliothèque grand-ducale de Wolfen-
bûttel, où ils sont cotés Weissemburg 64. Voir Gre-
gory, Prolegomena, p. 386-388. P. Batiffol.
WOUTERS Martin, de l'ordre des Ermites de Saint-
Augustin, professeur d'Ecriture Sainte à l'université de
Louvain, vivait au milieu du xvii» siècle. On a de lui
Dilucidatio selectarum Sacrée Scripturse qusestionum .
Le Cursut Scripturse Sacrse de Migne renferme de lui
ses Dïlucidatse qusestiones in historiam et concordiam
evangelicam, t. xxm, col. 769-1098; in Actus Apostolo-
rum, col. 1375-1464; InEpistolas S. Pauli Dilucidatio,
t. xxv, col. 469-646; in Epislolas catholicas, col. 1003-
1038; in Apocalypsim qusestionesselectse, col. 1039-1174.
X
XANTHIQUE (grec : SavSiy.ô:), sixième mois de
l'année macédonienne. II Mach., xi, 30, 33, 38. Il cor-
respondait à peu près au mois de nisan des Juifs. Antio-
chus IV Épiphane le nomme dans sa lettre aux Juifs,
f. 30, 33, et les Romains, f. 38, dans leur lettre aux
mêmes, lettre qu'ils leur écrivirent le 15 xanthique.
XERXÈS I er , roi de Perse. L'Écriture l'appelle
Assuérus. Voir Assuérus, t. i, col. 1141.
XIMÉNÉS de Cinéros Francisco, cardinal, né en
1436 à Tordelaguna, mort le 8 novembre 1517. Il fit ses
études à Salamanque (1450-1456), alla en 1460 à Rome,
où il étudia le droit, continua pendant plusieurs
années l'étude des langues orientales qu'il avait com-
mencée à Salamanque, entra en 1483 au novicia,
des franciscains à Tolède, devint confesseur de la reine
Isabelle en 1492 et en 1495, archevêque de Tolède et
grand-chancelier de Castille. En 1502 il commença à
recueillir les matériaux pour la première Polyglotte,
dont il avait eu l'idée et qui demanda de longs travaux;
elle parut en 1517. Voir Polyglotte, 1», col. 514. Il mou-
rut peu de mois après avoir achevé sa grande œuvre.
En voir l'histoire dans Hefele, Der Cardinal Ximenes,
2 e édit., Tubingue, 1851, p. 113-147 ; trad. franc, par
Ch. Sainte-Foy et de Rermond, Le cardinal Ximénès,
in-8», Paris, 1856, p. 130-165.
Y
Y. Voir Ion, t. m, col. 919.
YAHVEH, prononciation du nom divin en hébreu.
Voir Jéhovah, III, 3», t. m, col. 1227.
YAQÉH. Prov.,xxxi, i. Voir Jakéh, t. m, col. 1111.
YAREB. Voir Jareb, t. m, col. 1136.
YEUSE, chêne vert. Voir Chêne, t. h, col. 654.
YEUX. Voir Œil, t. iv, col. 1748.
Z. Voir Zaïx, col. 25-28.
ZAANAN (hébreu : Sa'ândn; Septante : SE'/vocài;
Vulgate : in exitu), ville de Juda. Michée, I, 11, faisant
un jeu de mots sur son nom, dit : « L'habitante de
iia'ânân n'ose sortir. » Saint Jérôme, traduisant le
nom propre, dit : Non est egressa quse habitat in
exitu. C'est probablement la ville qui est appelée
Sanan (hébreu : $enân) dans Josué, xv, 37. Voir Sa-
han, col. 1443.
ZABAD (hébreu : Zâbâd, forme apocopée de Zaba-
dia), nom de six Israélites et d'un Ammonite.
1. ZABAD (Septante: Za6é6; Alexandrinus : Eaôâi),
fils de Nathan et père d'Ophlal, de la tribu de Juda et
de la descendance d'Hesron. I Par., n, 36, 37. D'après
certains commentateurs, ce Zabad aurait eu pour mère
Oholi et serait le même que Zabad 3.
2. ZABAD (Septante : ZaoaS), fils d'Éphraïm, père de
Suthala. I Par., vu, 20-21.
3. ZABAD (Septante : Za6ét), fils d'Oholi et un des
vaillants soldats de David. I Par., xi, 41. En hébreu,
le nom d'Oholi est écrit de la même manière que
Oholaï. Voir Oholaï, t. iv, col. 1760; Zabad 1.
4. ZABAD (Septante : Zaë£6; Alex. : Za§é6), Ammo-
nite, un des deux meurtriers de Joas, roi de Juda, à
Mello. Il était fils de Semmaath. II Par., xxiv, 26. Dans
IV Reg., xu, 21, il est appelé Josachar. Voir Josachar,
t. m, col. 1647.
5. ZABAD (Septante : ZagdcS), Israélite de la famille
deZéthua, qui a\ ait épousé une femme étrangère et qui
futobligéde laquitterdu temps d'Esdras. I Esdr., x, 27.
6. ZABAD (Septante : Za8â8; Alexandrinus : Zot-
êi8), Israélite de la famille de Hason, qui avait épousé
une femme étrangère et qui fut obligé de la quitter du
temps d'Esdras. I Esdr., x, 33.
7. ZABAD (Septante : ZocgîS), Israélite de la famille
de Xébo, qui avait épousé une femme étrangère et qui
fut obligé de la quitter du temps d'Esdras. I Esdr., x, 43.
ZABADÉENS (grec : ZnêaSafoi), tribu arabe qui fut
battue par Jonathas Machabée. I Mach., xu, 31. Leur
nom paraît survivre dans le district de Zabadani, entre
Damas et Baalbek. ~~
ZABADIA, ZABADIAS (hébreu : Zebadyâh, Ze-
badydhû, « Jéhovah a accordé »), nom de sept Israé-
lites, dans la Vulgate.
1. ZABADIA (Septante : ZaSaStâ), quatrième fils de
Baria, de la tribu de Benjamin. I Par., vin, 15.
2. ZABADIA (Septante : ZaêaSià), tils d'Elphaal, de la
tribu de Benjamin. I Par., vin, 17.
3. ZABADIA (Septante : ZaêaSii), fils de Jéroham de
Gédor.Il alla grossir la troupe de David, fugitif à Siceleg,
pendant la persécution de Saùl. I Par., xu, 7.
4. ZABADIA (Septante : ZaëaSià), lévite de la des-
cendance de Coré, troisième fils de Mésélémias. I Par.,
xxvi, 2.
5. ZABADIAS (Septante : ZagaStâç), fils d'Asahel et
neveu de Joab, qui, du temps de David, était avec son
père à la tête de 24 000 hommes. I Par., xxvii, 7.
6. ZABADIAS (Septante : ZaëSefa;), un des lévites
envoyés par Josaphat, dans les villes de Juda, pour en-
seigner la Loi de Moïse au peuple. II Par., xvn, 8.
7. ZABADIAS (Septante : Zaë&i'a;), officier du roi de
Juda, Josaphat, qui lui confia des fonctions judiciaires.
Il était fils d'Ismahel. II Par., xix, 11. Il était chargé
des causes civiles et le grand-prêtre Âmarias des causes
ecclésiastiques.
ZABBAI (hébreu : Zabbaï; Septante : ZaêoO), un
des fils ou descendants de Bébaï. Il avait épousé une
femme étrangère et Esdras l'obligea à la répudier.
I Esd., XI, 28. — Dans Néhémie, le père de Baruch,
qui travailla à la reconstruction des murs de Jérusa-
lem, est aussi appelé Zabbaï dans le texte hébreu,
mais le keri porte Zaccaï et la Vulgate lit Zachai.
II Esd., 'm, 20.
ZABDI (hébreu : Zabdî; Septante : Zcengpî), nom
de quatre Israélites dans l'hébreu. Dans la Vulgate,
l'un des quatre est appelé Zabdias et le quatrième
Zébédéi.
1. ZABDI, fils de Zaréet ancêtre d'Achan, de la tribu
de Juda. Jos., vu, 1, 17, 18.
2. ZABDI, un des fils de Séméi, de la tribu de Ben-
jamin. I Par., vu, 19.
ZABDIAS (hébreu : Zabdî ; Septante : ZaëSQ, surin-
tendant des celliers dans lesquels on conservait le vin
du roi David. L'hébreu l'appelle « le Séphamite s); les
Septante le qualifient à toû Èeçvi, la Vulgate Aphonites.
Il devait être originaire de Séphamot dans le sud de la
Palestine ou de Séphama, dans le nord. I Par., xxvn,
27. Voir Aphonite, t. i, col. 735.
ZABDIEL (hébreu : ZabdVêl), nom de deux Israé-
lites et d'nn Arabe.
1. ZABDIEL (Septante : ZaoScrjÀ), père de Jesboam.
Jesboam fut chef de la première division de l'armée de
■2509
ZABDIEL - ZABULON
2510
David qui était chargée du service pendant le premier
tnois de l'année. I Par., xxvii, 2. Voir Jesboam, t. m,
col. 1397.
2. ZABDIEL (Septante : Baoïr,),), chef d'une section
importante de prêtres, au nombre de cent vingt-huit,
qui habitèrent Jérusalem au retour de la captivité de
Babylone. II Esd., xi, 14.
3. ZABDIEL (Septante : Z<x6Siï|)>), chef arabe qui
•coupa la tête d'Alexandre Balas, roi de Syrie. I Mach.,
xi, 17. Voir Alexandre I ct Jîalas, 1. 1, col. 350.
ZABINA (hébreu : Zebind'; Septante : Zs6ei/v<z;), un
« des fils deNebo », qui avait épousé une femme étran-
gère et qui fut obligé de la répudier du temps d'Esdras.
IEsd.,x, 43.
ZABUO (hébreu; Zâbâd; Septante : ZxSo-JO), fils du
prophète Nathan, « ami du roi» Salomon, c'est-à-dire
son conseiller intime. III Reg., iv, 5. Voir Ami 2,
7», t. i, col. 479-480.
ZABULON (hébreu : Zebulûn, écrit tantôt ]ibaj,
tantôt fiw, une fois, Jud., i, 30, riva-; Septante :
Zoc6ouXtiv), nom d'un patriarche, fils de Jacob, et d'une
tribu d'Israël.
1. zabulon, le sixième fils que Lia donna à Jacob.
■Gen., xxx, 19, 20; xxxv, 23. En le mettant au monde,
sa mère s'écria : « Dieu m'a fait un beau don, » zebâ-
■dani 'Élôhîm '6(1 zébéd tvb; « cette fois mon mari
habitera avec moi (oSst', izbelêni), puisque je lui ai en-
fanté six fils. » « Et elle le nomma Zabulon, Zebulûn. »
<Jen., xxx, 20. Il y a ici, comme pour les autres fils de
Jacob, une paronomase. Mais comment l'expliquer?
Zâbad et zébéd sont des anal ieyopiiva; on les trouve
cependant dans les noms propres hébreux : Zâbâd,
I Par., il, 36, 37; Zebadydhû, I Par., xxvi, 2; Yehô-
zâbâd, IV Reg., xn, 22; palmyréniens : ist, Zébed,
N13T, Za6da',Si3im, Zabdibol, etc.; cf. E. Ledrain,
Dictionnaire des noms propres palmyréniens, Paris,
-1887, p. 20-22; de même en sabéen, D13T. D'après
l'arabe et l'araméen, la signification de « donner, don »
■n'en est pas moins certaine. Le sens de zâbal, qui est
également un «TtaÇ Aeifo;jLsvov, n'est pas si facile à déter-
miner. Le substantif zebul, zebûl, se rencontre
III Reg., vin, 13; II Par., vi, 2; Ps., xlvih (hébreu,
xlix), 15; Is., lxiii, 15; Hab., m, 11, avec le sens
de « demeure, habitation ». C'est d'après cela que la
Vulgate a traduit izbelêni par mecum erit, « sera » ou
« habitera avec moi ». Avec les verbes d'« habitation »,
-on a souvent l'accusatif. Cf. Gen., iv, 20; Ps. v, 5; Is.,
xxxiu, 14. Aquila a de même auvoix^asi p.ot. Mais les
Septante ont aîpeueï jie, ce qu'Hésychius explique par
irpoTifioTspav jj.EY)-pi' reTai > * il méjugera préférable, plus
estimée», et S. Jérôme par diliget me, « il m'aimera ».
■Ordinairement, en effet, ils rendent par aipetiÇu) les
verbes bâhar, « choisir », hâfês, « se complaire dans ».
Comment néanmoins accorder les deux sens? Plu-
sieurs auteurs rapprochent zâbal de l'assyrien zabâlu,
<jui veut dire « porter », d'où aussi « élever, honorer »,
zebul, de bit zabal, « maison élevée ». Cf. Frz. Delitzsch,
Genesis, Leipzig, 1887, p. 387; Brown, Driver et Briggs,
Hebrew and english Lexicon of the Old Testament,
Oxford, 1907, p. 259. Ce rapprochement donnerait une
raison à la traduction des Septante. Il est combattu par
Halévy, Revue des études juives, 1885, p. 299. Quoi
qu'il en soit, la parole de Lia revient au même sens dans
les deux cas : « après tant de fils donnés à mon mari,
il habitera plus volontiers avec moi, il m'honorera,
«l'aimera plus qu'auparavant, peut-être même plus que
Rachel. » Mais faut-il voir dans Gen., xxx, 20, une
double explication du nom de Zabulon, l'une s'appuyant
sur zâbad, l'autre sur zâbal? C'est l'opinion de
A. Dillmann, Genesis, Leipzig, 1892, p. 345, de
H. Holzinger, Genesis, Tûbingen, 1898, p. 198, et d'au-
tres, qui attribuent les deux étymologies à deux auteurs
diiférents. Dans le premier cas, il faudrait supposer
une forme Zebudûn, ou permutation du 1, daleth, avec
le h, lanied, Zebulûn. Mais la double assonance ne
prouve pas du tout une double source. Après s'être
félicitée du don que Dieu vient de lui faire, Lia exprime
la raison pour laquelle son mari la recherchera davan-
tage, et c'est sur izbelêni qu'elle appuie le nom de
son fils. — Zabulon est mentionné dans la liste des fils
de Jacob, Gen., xlvi, 14; Exod., i, 3; I Par., n, 1. Il
eut lui-même trois fils : Sared, Elon et Jahelel.
Gen., xlvi, 14; Num., xxvi, 26. Son nom ne parait plus
ensuite que dans l'histoire de la tribu dont il fut le
père. Voir Zabulon 2. A. Legendre.
2. ZABULON, une des douze tribus d'Israël (fig. 560).
I. Géographie. — Le territoire de la tribu de Zabu-
lon était situé au nord de la Palestine, enclavé entre
ceux d'Aser et de Nephthali, à l'ouest, au nord et à
l'est, et celui d'Issachar, au sud. Voir la carte. Nous
avons à en étudier les limites, les villes principales et
les caractères topographiques.
j. limites. — La Bible décrit les frontières de Zabu-
lon. Jos., xix, 10-16. Malheureusement le texte offre des
difficultés, que la critique ne parvient pas toujours à
résoudre. Nous le suivons d'aussi près que possible. —
f. 10. « Le troisième lot échut par le sort aux fils de Za-
bulon, selon leurs familles, et la frontière de leur héri-
tage s'étendait depuis Sarid. » L'hébreu actuel porte 'ad-
Sârtd, « jusqu'à Sarîd ». Il semble étonnant que la des-
cription commence par l'extrémité de la ligne-frontière
sans parler du point de départ, d'autant plus que Sarid
va servir de repère pour déterminer la limite méridio-
nale, du côté de l'ouest d'abord, du côté de l'est ensuite.
On peut donc, au lieu du texte massorétique, admettre
la lecture mê'ir Sârîd, « depuis la ville de Sarîd »,
le d, mem, ayant disparu par suite d'une confusion
avec le mem final du mot précédent. Cf. F. de Hum-
melauer, Josue, 1903, p. 414. Sàrid, Septante : Cod.
Vaticanus : 'EoefiexYwXâ, mélange du nom avec le mot
suivant; Cod. Alexandrinus : Sapât'8; plus loin, f. 12,
SeSSo-Jx; Peschito : }OJ.Û.J,.ESdûd. Les leçons grecque
et syriaque supposent donc Sddîd, ou Sâdùd. Aussi
identifie-t-on généralement cette première ville avec
Tell Schadâd, à l'extrémité nord de la plaine d'Esdre-
lon, au sud-ouest de Nazareth. Voir Sarid, col. 1491. —
Ji. 11. « Puis leur frontière montait vers l'occident,
vers Merala » (hébreu : Mar'alâh; Septante : Cod.
Vat. : Mapayciêi; Cod. Alex. : MapiXœ, Texte reçu:
MayeXSâ), peut-être Ma'lûl, au nord-ouest de Tell
Schadâd. Voir Mérala, t. iv, col. 988. « Elle touchait
à Debbaseth »(héb. : Dabbâséf; Septante : Cod. Vat. :
BaiBapaëâ; Cod. Alex. : Aaëâci92t), peut-être Djebata,
à l'ouest de Tell Schadâd (Debbaseth, t. h, col. 1327);
« puis au torrent [qui coule] devant Jéconam » (heb. :
Yoqne'dm; Septante: Vat. : 'Iexîiiv; Alex. : 'Iexvâ(j.),
probablement Tell el-Qaimûn, près de la pointe sud-
est du Carmel. Mais quel est ce torrent? L'ouadi
Malih ou le Nahr el-Muqatla (Cison)? Nous croyons
plutôt qu'il s'agit de ce dernier, qui se trouve « devant »,
c'est-à-dire à l'est de Tell el-Qaimûn. — f. 12. « De
Sarid, elle tournait à l'orient, vers le soleil levant,
jusqu'aux confins de Céséleth-Thabor » (héb. : Kislôf
Tdbôr, « les flancs du Thabor »; Septante : Vat. :
Xa<xe.X<i>9ai8; Alex. : Xa<raXw8ëâ8wp) qui correspond
certainement à Iksâl, au sud-ouest du mont Thabor.
Voir Casaloth, t. n, col. 326. Cette dernière ville fai-
2511
ZABULON
2512
sant partie du territoire d'Issachar, la frontière de Za-
bulon passait dans les environs. « Elle se prolongeait
vers Dabereth » (héb. : had-Ddberat, avec l'article;
Septante : Vat. : Aaëeipwû; Alex. : Aaêpâô), aujour-
d'hui Debûriyéh, à l'ouest et au pied du Thabor
(Dabereth, t. n, col. 1195), « et montait à Japhié »
(héb. : Ydfîa' ; Septante : Vat. :<t>3.y{ai; Alex. ; 'Ioeça-
ya£), dont le nom est représenté par Yafa, au sud-
ouest de Nazareth. Japhié, t. m, col. 1126. — f. 13.
« De là, elle passait vers l'orient à Geth-Hépher »
(héh. : Gittâli Qêfér, avec hé local après le premier
nom; Septante : Vat.:reêzpi; Alex. : FaMâ), généra-
lement identifié avec El-Meschhed, au nord-est de
Nazareth (Gethhéfher, t. m, col. 228), « et Thacasin »
(héb. : 'ltfdh Qâçîn, avec hé local à la fin du premier
nom; Septante: Vat. : iiz\ izôliv Kataran; Alex.: Kaaly.;
il y a ici un embarras textuel qui rend difficile toute
localisation), « et se dirigeait vers Remmon » (héb. :
Rimmôn; Septante : Vat. : 'Petinwvà ; Alex. : 'Ps|i[jiw-
vâp.), aujourd'hui Rummdnéh, au nord-nord-est de
Seffûriyéh (voir Remmon 4, col. 1038), « qui confine
à Noa » (héb. : Jiam-mefô'dr han-Ré'dh ; Septante :
Vat. : 'AjiaOip 'AoSoi; Alex. : Ma6ap!p>'Avvo-ji), in-
connu. Voir Amthar, t. i, col. 527; Noa 2, t. îv,
col. 1635. — f. 14. « Elle tournait du côté du nord
vers Hanathon » (héb. : Hanndtôn; Septante : Vat. :
"A[j,w8; Alex.: 'Ewa6u>6), actuellement Kefr 'Anân,
au sud-ouest de Safed (voir Hanathon, t. m, col. 415),
« et aboutissait à la vallée de Jephtahel » (héb. : gê Iflal.i-
'Èl; Septante : Vat.': raiçav, ; Alex. : Tat 'IeoSar,'/.),
située peut-être près de Djéfat, l'ancienne Jotapata.
Voir Jephtahel, t. m, col. 1249.
Il est facile de voir que cette description est incom-
plète et ne nous permet pas, à elle seule, de fixer sur
tous les points les limites de la tribu. Seule, la ligne
méridionale est assez bien tracée, et encore a-t-elle
des incertitudes, soit quant aux noms, soit quant à la
direction. Partant de Sarid, elle s'en va d'abord vers
l'ouest jusqu'au Cison; peut-être rejoignait-elle, de ce
côté, le coin où se rencontrent les frontières de Manassé,
Issachar et Aser. Ce qui peut empêcher de la prolonger
jusque-là, c'est que Abès, identifiée avec Kh. el-Béida,
appartient à Issachar; mais l'identification 6st problé-
matique. Revenant ensuite du côté de l'est, elle passe
vers le Thabor; mais pourquoi le crochet vers Japhié,
si réellement cette localité correspond à Yafa ? Il est
difficile de le savoir. L'auteur sacré semble, après cela,
vouloir esquisser la frontière orientale, mais Géthhépher
et Remmon sont les deux seuls points à peu prés connus.
Enfin le nord et l'ouest n'ont chacun qu'un jalon :
Hanathon et la vallée de Jephtahel. De trois côtés, nous
sommes donc réduits à un tracé approximatif, en nous
guidant sur certains points qui limitent les tribus voi-
sines.
//. villes principales. — La liste des villes prin-
cipales est également tronquée; nous n'avons ici qu'un
fragment comprenant cinq noms, au lieu de douze.
1. Cathed (hébreu : Qattàt; Septante.- Vat. .-KatavâB;
Alex. : K«Tta6). Inconnue. Voir Cathed, t. n, col. 349.
2. Naalol (héb. : Nahâlâl; Septante : Vat. : Naêai). ,
Alex. : NaaXœ).), Ma'lûl suivant les uns; 'AïnMdhil,
suivant les autres. Voir Naalol, t. îv, col. 1425.
3. Sémeron (héb. -.Simrôn; Septante : Vat. .•Sujiowv;
Alex. : SeftpMv), peut-être Semûniyéh, à l'ouest de
Nazareth. Voir Sémeron 1, col. 1597.
4. Jérala (héb. : Yd'àlâh; Septante : Vat. : 'ltç,s.iyw;
Alex. : 'IaSriXà). Inconnue. Voir Jédala, t. m, col. 1216.
5. Bethléhem (héb. : Bit Lahém; Septante : Vat. :
BatSjxâv; Alex. : Bai6).sé|i.), bien identifiée avec Beit
Lahm, au nord-ouest de Semûniyéh. Voir Bethléhem 2,
t. i, col. 1695.
A ces villes, il faut joindre les cités lévitiques, Jos.,
xxi, 34; Jecnam (héb. : Yoqne'dm ; Septante : Val. :
t] Maiv; Alex. : 'E/.vâ^), appelée ailleurs Jéconam, et
dont nous avons parlé à propos des limites de la tribu;.
Cartha (héb : Qarlâh; Septante : Val. : Kâôr,;; Alex. :
KapOi), inconnue; Damna (héb. : Dimndh; Septante:
Val.: omis ou remplacé par 'SC/li; Alex. : Activa),
probablement identique à Remmono de I Par., vi, 77,
et à Remmon, dont il est question plus haut; voir
Damna, t. n, col. 1231; Célron (héb.: Qitrôn; Septante,
omis), inconnue; voir Cétron, t. n, col. 471.
/;/. description. — La tribu de Zabulon était
établie au centre de la Basse Galilée. Sa limite suivait,
au midi, le contour des collines qui bordent la plaine
d'Esdrelon, à l'est, les premières pentes qui descendent
vers le lac de Tibériade; au nord, elle passait au pied
des montagnes qui marquent la Haute Galilée, Djébeh
Zabûd (1114 mètres), Djebel Djarmûk (1198 mètres); à
l'ouest, elle contournait le versant qui s'incline vers
la plaine côtière. Dans cet espace assez restreint, se
déroule un pays montueux, dont le niveau moyen va
'de 250 à 300 mètres, avec quelques points qui approchent
de 600 mètres, Djebel el-Kummanéh (570 m.), Djebel
Tur'dn (541 m.), Djebel el-Tûr ou Thabor (562 m.). Il
est coupé de vallées et de plaines, dont la plus impor-
tante est celle d'Asochis ou de Zabulon, actuellement
Sahel el-Ballaûf, longue et très fertile. Les sommets
que nous venons de mentionner forment une ligne de
faite d'où partent des ouadis dans la direction de
l'ouest, de l'est et du sud. En dehors de ces traits par-
ticuliers, le territoire de Zabulon participait aux ca-
ractères généraux de la Galilée, au point de vue de 1»
fécondité du sol et de la population. Voir Galilée, t. m,
col. 87.
II. Histoire. — Dans le dénombrement qui fut fait
au désert du Sinaï, la tribu de Zabulon comptait 57400'
hommes en état de porter les armes. Num., i, 30. Elle
occupait ainsi le quatrième rang au point de vue de la
force, et avait pour chef Eliab, fils d'Hélon, Num., i, 9;.
Il, 7; x, 16. Dans les marches à travers le désert, elle-
était à l'est du tabernacle avec Juda et Issachar. Num., n,
3, 7. C'est par les mains de son prince, Eliab, qu'elle
fit ses offrandes au sanctuaire. Num., vil, 24-29. Parmi-
les explorateurs du pays de Chanaan, elle était repré-
sentée par Geddiel, fils de Sodi. Num., xm, 11. A»
second recensement, elle comptait 60500 guerriers,
Num., xxvi, 27. Au nombre des commissaires chargés-
d'effectuer le partage de la Terre Promise, fut l'un de
ses membres, Elisaphan, fils de Pharnach. Num.,xxxiv,
25. — Après l'entrée en Palestine, elle se tint au pied
du montHébal, pour les malédictions. Deut., xxvil, 13,
et elle obtint le troisième lot dans la division du pays.
Jos., xix, 10. Quatre de ses villes furent données aux
Lévites fils de Merari : Jecnam, Cartha, Damna et
Naalol, Jos., xxi, 7, 34; le I er livre des Paralipomènes,
VI, 63, 77, n'en signale que deux : Remmono et Thabor.
Voir ces noms. — Comme plusieurs autres tribus, Za-
bulon ne chassa pas les Chananéens de son territoire,,
en particulier des villes de Cétron et de Naalol. Jud., i,
30. Pour les combattre, Nephthali et Zabulon durent
fournir dix mille hommes à Barac. Jud., iv, 6, 10; v,
14, 18. La même tribu aida également Gédéon contre
les Madianites. Jud., vi, 35. Elle donna naissance à urt
juge, Aïalon, qui gouverna Israël pendant dix ans,
mourut et eut son tombeau dans le pays de Zabulon.
Jud., XH, 11, 12. — Elle envoya à David un corps auxi-
liaire de 50000 hommes. I Par., xn, 33, 40. — A l'appel
du roi Ezéchias une partie de la population consentit
à venir au temple et à célébrer la Pâque. II Par., xxx r
10, 11, 18. — Zabulon est associé à Nephthali dans la
prophétie d'Isaïe, IX, 1, dont saint Matthieu, lv, 13-15,.
montre l'accomplissement au début du ministère de
Jésus. — Dans le nouveau partage de la Terre Sainte^
d'après Ezéchiel, la tribu se trouve au midi, entre-
Issacliar et Gad. Ezech., xlviii, 26-27. Dans sa recon-
Dictionnaire de la Bible.
Letouzey et Ané— Paris.
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TRIBU DE ZABULON
Les noms d'après la Vulgate jo/^ «■«&■
erv caractères droits rouges — /as- /ztf77zj-
bibliques qui se IrouztenLsur les morwments
égyptiens et assyriens sont en. caractères
penchés bleus-.ceiu: qui ne sont pas bibliques
en- caractères droits bleus.
Echelle
4 S
j Zer "ûi
1AËLÇ*
fl-Baoua
mû/abboù
Itnp. G. Deberqiie
2513
ZABULON
ZACHARIE
2514
• slitulion idéale de la cité sainte, le même prophète,
xlviii, 33, met au midi « la porte de Zabulon », avec
celles de Siméon et d'Issachar. — Enfin saint Jean,
dans l'Apocalypse, vu, 7-8, cite Zabulon entre Issachar
et Joseph.
III. Caractère. — Comme on le voit d'après ce résumé
historique, la tribu de Zabulon n'a rien qui la distingue
parmi les autres. Elle eut seulement l'honneur de don-
\ ner un Juge à Israël.et ses guerriers se signalèrent dans
certains combats. Jud., v, 18; xn, 12. L'Écriture men-
tionne aussi les richesses que lui valait le voisinage des
ports de mer. Deut., xxxm, 19. S'il fallait prendre à la
lettre le texte de Gen., xlix, 13, on pourrait croire
qu'elle s'étendait réellement jusqu'à la Méditerranée :
Zabulon habite au rivage de la mer,
Et encore au rivage des vaisseaux,
Et son flanc s'appuie sur Sidon.
Il semble bien cependant, d'après Jos., xix, 10-16;
24-31, qu'elle en était séparée par Aser, comme elle
était séparée par Nephthali du Lac de Tibériade. Jos.,
xix, 32-39. La mention de Sidon, qui représente ici la
Phénicie, montre assez qu'il ne s'agit pas de relations
immédiates avec la mer. Tout au plus Zabulon pouvait-il
avoir quelque débouché du côté du Carmel et de la mer
occidentale. Cf. Josèphe,Awt. jud., V, i, 22. On sait,du
reste, qu'en certains endroits les limites des tribus se
confondaient et qu'elles purent varier dans la suite des
temps. C'est dans ce sens qu'il faut expliquer Deut.,
xxxnl, 18-19, où Zabulon est associé à Issachar pour le
trafic maritime. Tous deux pouvaient avoir des entrepôts
sur la côle et tirer des trésors du rivage. — Le pays
de Zabulon a eu la gloire d'abriter l'enfance et la
jeunesse de Notre-Seigneur, à Nazareth, et d'être le
théâtre de son premier miracle, à Cana.
A. Legendre.
ZABULONITE (hébreu : Zebûlônî; Septante; ZaSov-
).b>vÎTri;; Vulgate : Zabuloniles), de la tribu de Zabulon.
Num., xxvi, 27 (hébreu). Le juge d'Israël Ahialon était
Zabulonite, Jud., xn, 11; ainsi que Jesmaïas, qui, du
temps de David, fut à la tête des Zabulonites. I Par.,
xxvii, 19 (Vulgate).
ZACCHUR, orthographe exceptionnelle de Zachur.
Voir Zachur, col. 2527.
ZACHAI (hébreu : Zakkaï; Septante : Zax/o-j), chef
d'une famille dont les membres, au nombre de sept
cent soixante, retournèrent de la captivité de Babylone en
Palestine avec Zorobabel. I Esd., h, 9; II Esd., vu, 14.
Son nom est la forme hébraïque du nom de Zachée,
laquelle est grécisée dans le Nouveau Testament.
ZACHARIE (hébreu :Zekaryâh,<i Yâhsesouvient»),
nom de trente et un Israélites.
1. ZACHARIE (Septante : /.a/apia;), fils de Jéro-
boam II, quatorzième roi d'Israël, ledernier de la dynastie
de Jéhu. IV Reg., xiv, 29; xv, 8-12. Son règne ne dura
que six mois et fut sans éclat. Il fit le mal devant le
Seigneur et périt par la main de Sellum, fils de Jabès,
qui régna à sa place. La chronologie biblique à l'époque
de son règne offre des difficultés. On peut placer le.
règne de Zacharie en 744 avant J.-C. Voir Chronologie
biblique, t, il, col. 732; cf. col. 738.
2. ZACHARIE (Septante : Zax<*p''ou), père d'Abi,
IV Reg., xviii, 2, ou Abia, II Par., xxix, 1, laquelle
devint la femme d'Achaz et la mère du roi Ézéchias.
3. ZACHARIE (Septante : Zix«pta), chef des Rubé-
nites, avecJéhiel, lorsqu'on en fit le dénombrement.
I Par., v, 7.
4. ZACHARIE (Septante : Zayapia:), descendant de
Coré, de la tribu de Lévi, homme très sage, portier de
la porte septentrionale du Tabernacle, du temps de
David. I Par., ix, 21; xxvi, 14. Il était fils de Mosol-
lamia, f. 21, et l'aîné de sa famille; xxvi, 2 (où le
nom de son père est écrit Mésélémia); par abréviation
Sélémias, xxvi, 14. '
5. ZACHARIE (Septante : Za/.yojp), un des fils de-
Jéhiel, père ou fondateur de Gabaon. I Par., ix, 37. Il
est appelé Zacher (Septante : Zay./o-jp). I Par., vin, 31.
6. ZACHARIE (Septante : Za/apt'aç), lévite qui vivait
du temps de David, le premier mentionné parmi ceux
qui jouaient du nable, 'al- 'âldniôt. Sur cette dernière-
expression, voir Chantre du Temple, t. h, col. 557. Il
est nommé le premier des lévites du second ordre.
1 Par., xv, 18, 20. Il était en même temps portier. Il est
possible qu'il soit le même que Zacharie 4.
7. ZACHARIE (Septante : Za/.oeps'a), un des prêtres qui-
sonnaient de la trompette devant l'arche, quand on la
transporta de la maison d'Obédédom à Jérusalem..
I Par., xv, 24.
8. ZACHARIE (Septante : Zay_ap;a;), lévite, le second'
d'Asaph, établi par David pour louer le Seigneur-
devant l'arche. I Par., xvi, 5.
9. ZACHARIE (Septante : Zay.ap!*), lévite, fils de Jé-
sias, de la descendance de Caath et d'Oziel. I Par., xxiv v
25.
10. ZACHARIE (Septante : Za/apia;), lévite, qua-
trième fils d'Hosa, de la descendance de Mérari, un
des portiers du sanctuaire. I Par., xxvi, 11.
11. ZACHARIE (Septante: Zaôaiaç), père de Jaddo,.
de la tribu de Manassé. Jaddo fut chef de la tribu de
Manassé en Galaad, sous le règne de David. I Par.,
xxvii, 21.
12. ZACHARIE (Septante : Zayjxpiac), un des princes-
de Juda que le roi Josaphat envoya dans les villes de
son royaume avec des prêtres et des lévites pour en-
seigner au peuple la loi de Moïse. II Par., xvii, 7.
13. ZACHARIE (Septante : Zay_aptœ;), lévite, père de-
Jahaziel, de la descendance d'Asaph. Jahaziel vivait
sous le règne de Josaphat. II Par., xx, 14. Voir Jaha-
ziel 2, t. m, col. 1106.
14. ZACHARIE (Septante : Zot/api'ar), un des fils de-
Josaphat, roi de Juda. II Par., xxi, 2.
15. ZACHARIE (Septante : A^aptx;), fils du grand-
prêtre Joïada et cousin germain de Joas, roi de Juda,
I Par., xxiv, 20. Après la mort de Joïada, auquel il
devait sa couronne, Joas se laissa entraîner à l'idolâtrie
par les grands de son royaume, et comme Zacharie
reprochait au peuple son infidélité, le peuple se souleva
contre lui et il mourut lapidé avec la complicité du roi.
}'. 20-22. On admet généralement que c'est à ce crime-
que fait allusion Notre-Seigneur, Matth., xxm, 35,
lorsqu'il parle « du sang de Zacharie, fils de Barachie,
tué entre le Temple et l'autel.» Le fils de Joïada est le-
seul Zacharie dont l'Écriture nous fasse connaître le
meurtre dans le Temple. S'il s'agit vraiment de lui, la
qualification de fils de Barachie peut provenir de la-
confusion de quelque copiste qui, le prenant pour le-
Zacharie, fils de Barachie, le témoin d'Isaïe, vin, 2, inséra
les mots « fils de Barachie », dans son manuscrit de
saint Matthieu. Voir Barachie 9, 1. 1, col. 1447. L'addition.
2515
ZACHARIE
2516
peut provenir aussi de la confusion erronée d'un
manuscrit entre Zacharie, fils de Joïada,et le onzième
des petits prophètes, Zacharie, qui était réellement fils
de Barachie. Zach., i, 1. Quoi qu'il en soit, le meurtre de
Zacharie, fils de Joïada, avait laissé un souvenir profond
dans les traditions juives, comme on le voit dans le
Talmud de Jérusalem, Taanith, fol. 69, où il est raconté
que Nabuzardan, général de Nabuchodonosor, vengea
par nn grand massacre le crime commis contre Za-
charie. On a imaginé d'autres explications de la diffi-
culté : on a supposé que Zacharie n'était que le petit-
fils de Joïada et que son père s'appelait Barachias, que
Barachias était un des noms-, ou un surnom de Joïada,
etc. Saint Jérôme affirme avoir lu « fils de Joïada », au
Heu de Barachie, dans l'Évangile des Nazaréens, et telle
a pu être la leçon primitive.
16. ZACHARIE (Septante : Zaj(ap!a;), prophète qui
vivait sous le règne du roi Ozias et fut son conseiller.
I Par., xxvi, 5. Le texte hébreu dit qu'il avait « l'intel-
ligence des visions de Dieu », m>m, birëôt. Mais divers
manuscrits hébreux portent ïiin-|>2, bîr'ôt, « de la
crainte (de Dieu) », ce qui signifie de la religion, et c'est
ainsi qu'ont lu les Septante : èv çôêo) Kupt'o-j, le Targum,
la Peschito et plusieurs rabbins. — On ne sait plus
rien de son histoire.
17. ZACHARIE (Septante : Zuyaçlat), lévite, des-
cendant d'Asaph, qui, sous le règne d'Ézéchias, fut un
de ceux qui purifièrent le temple de Jérusalem. II
Par., xxix, 13.
18. ZACHARIE (Septante : Za/.apîa;), lévite musicien
descendant de Caath, un des chefs préposés aux travaux
du Temple sous le règne du roi Josias, II Par., xxxiv,
12, et à la distribution des victimes pour la célébration
solennelle de la fête de la Pàque sous le même Josias.
II Par., xxxv, 8.
19. ZACHARIE (Septante : Za-/.apia;), fils de Bébaï
qui revint de la captivité de Babylone en Palestine
avec vingt-huit hommes, sous la conduite d'Esdras.
I Esd., vin, 11.
20. ZACHARIE (Septante : Zaxxpt'ac), chef des des-
cendants de Pharos, qui revint de la captivité de
Babylone en Palestine, avec cent cinquante hommes, en
compagnie d'Esdras. I Esd., vin, 3.
21. zacharie (Septante: Zax«pi'a;)> un des chefs du
peuple qu'Esdras envoya sur les bords de la rivière
Ahava avant le retour de la seconde caravane en Pa-
lestine. I Esd., vin, 16. Il se tint à la gauche d'Esdras,
quand celui-ci expliqua la Loi au peuple à Jérusalem.
II Esd., vin, 4.
22. ZACHARIE (Septante : Zaxapia), fils ou des-
cendant d'Elam. Il avait épousé une femme étrangère
et Esdras la lui fit répudier. II Esd., x, 26.
23. ZACHARIE (Septante : Zay.apia), de la tribu de
Juda. Un de ses descendants, Athaïa, habitait Jérusalem
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 4.
24. ZACHARIE (Septante : Zxyapia), Israélite de la
descendance de Phares, fils du Silonite. II Esd., xi, 5.
25. ZACHARIE (Septante : Zay.apîa), prêtre, fils de
Pheshur et père d'Ainsi. Il habita Jérusalem après le
retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 12.
26. ZACHARIE (Seplante : Zctyapi*), prêtre qui, au
temps du roi Joacim, était chef de la famille sacerâo-
taled'Adaïa. II Esd., xii, 16.
27. ZACHARIE (Septante : Za/apc'a;), prêtre, fils de
Jonathan, qui sonna de la trompette lors de la dédi-
cace des murs de la ville de Jérusalem du temps
d'Esdras et de Néhémie. II Esd., xii, 34, 40 (hébreu,
35, 41).
28. ZACHARIE (Septante : Zay.api'a;),filsde Barachie,
contemporain d'Isaïe, que ce prophète prit comme
témoin, avec le prêtre Urie, de sa prophétie d'Emma- *"
nuel. Is., vin, 2. Cf. Zacharie 15.
29. ZACHARIE, le onzième des petits prophètes. —
1° Il était, nous apprend-il lui-même, fils de Barachie
et petit-fils d'Addo. Esdras, v, 1; vi, 14, l'appelle fils
d'Addo, mais c'est dans le sens large de descendant. —
Le martyr Zacharie, également fils de Barachie, que
Notre- Seigneur signale, Matth., xxm, 35, comme ayant
été tué à Jérusalem « entre le parvis et l'autel », n'a
certainement rien de commun avec notre prophète.
Voir le t. i, col. 1447. — 2° Il n'est pas douteux que
Zacharie naquit sur la terre étrangère, durant la cap-
tivité babylonienne. Il devait être tout jeune lorsqu'il
quitta la Chaldée avec son grand-père, en 536 avant J.-C,
pour venir en Palestine. En effet, il résulte de Zach.,
il, 4, que, dix-huit ans avant la fin de l'exil, au début
de son ministère prophétique, il était encore na'ar,
« jeune homme ». Il est vrai que cette expression était
assez élastique chez les Hébreux, et pouvait convenir
à un homme de trente ans. On ne peut pas se fier aux
renseignements mêlés de légendes que nous fournissent
le Pseudo-Ëpiphane et le Pseudo -Dorothée, qui font
de Zacharie un vieillard lorsqu'il s'établit à Jérusalem.
Cf. Pseudo-Épiphane, De vitis prophetarum, t. xliii,
col. 412. Il commença à prophétiser seize ans après la
fin de la captivité, pendant la seconde année du règne
de Darius, fils d'Hystaspe, c'est-à-dire, en 520 avant
J.-C, deux mois après Aggée. Cf. Zach., i, 17; lEsd., v,
1-2; Agg., i, 1. Nous ignorons quelle fut la durée de son
rôle prophétique. D'après Zacharie, vu, 1, il l'exerçait
encore la quatrième année de Darius, en 518. Mais il est
probable que sa mission se prolongea au delà de cette
époque, car les oracles contenus dans les chap. ix-xiv
paraissent être un peu plus récents que les précédents.
— Plusieurs passages sont datés : i, 1, au huitième mois
de la deuxième année de Darius, c'est-à-dire en no-
vembre 520; i, 7, le vingt-quatrième jour du onzième
mois de la même année; vu, 1, la quatrième année de
Darius, le quatrième jour du huitième mois, c'est-à-
dire en décembre 518. La première date domine i, 1-6,
ou l'entrée en matière; la seconde concerne le livre
des visions, i, 7-vi, 8; la troisième, la première section
du livre des discours, chap. vu-vin. — C'est pour
n'avoir pas fait attention à ces dates, que plusieurs
anciens rabbins ont confondu notre petit prophète avec
son homonyme Zacharie, fils de Barachie, qui vivait
au temps d'Isaïe. Cf. Is., vin, 2; J. Fûrst, Kanon des
Alt. Testant., p. 44. — 3° Zacharie appartenait proba-
blement à la famille sacerdotale. Voir Cornely. lntrod.
in utriusque Testam. lib., t. il, 2, p. 594; F. Vigouroux,
Manuel bibl., t. h, n. 1108. « Sa qualité de prêtre
explique l'insistance qu'il met à relever le rôle du
grand-prêtre Joïada, m, 1-10; vi, 9, à côté du prince
Zorobabel, dans la direction de la communauté. » Hoo-
nacker, Les petits prophètes, p. 577. C'est pour le même
motif qu'il attache une importance considérable aux
choses du culte. Esdras, I, v, 1 et vi, 14, vante le zèle
qu'il déploya, de concert avec Aggée, pour la reconstruc-
tion du Temple. Il consacra ainsi tout son zèle de prêtre
et de prophète à faire sortir la théocratie de ses ruines.
La tradition juive nous montre aussi les deux prophètes
contemporains s'intéressant à la liturgie sacrée et com-
posant ou revisant des Psaumes. Voir les titres des
Ps. cxi et cxlv dans la Vulgate, des Ps. cxxxvii, cxlv-
2517
ZACHARIE — ZACHARIE (LIVRE DE)
2518
•cxlviii dans les Septante, et des Ps. cxxv-cxxvi dans la
version syriaque. La même tradition les range aussi
parmi les membres de la Grande Synagogue qui aurait
•organisé le canon des Saintes Écritures. Megilla, f° 17<z-
186. Voir Zacharie (Livre de) 32.
L. Fillion.
30. ZACHARIE (Septante : Zor/apiaç), père de Joseph.
Ce dernier était un des chefs des combattants juifs à
l'époque de Judas Machabée. I Mach., v, 18. Voir Joseph
, S, t. m, col. 1670.
31. ZACHARIE (grec :Za/apîaî), prêtre de la famille
d'Abia, époux de sainte Elisabeth et père de saint Jean-
Baptiste. Son histoire nous est racontée par saint Luc,
i, 5-23; 57-80. Il n'avait point de flls. Un jour qu'il
remplissait ses fonctions sacerdotales dans le temple de
Jérusalem, l'ange Gabriel lui apparut et lui annonça
qu'il allait devenir le père d'un flls qu'il appellerait
Jean et qui serait le précurseur du Messie. Zacharie
•avait peine à croire à la réalisation de cette promesse,
•étant déjà vieux, ainsi que sa femme. L'ange lui révéla
alors sa dignité et lui annonça qu'en punition de son
incrédulité, il serait muet jusqu'à la naissance de son
fils. Lorsque la foule, étonnée du long temps qu'il res-
tait dans le sanctuaire, le vit enfin sortir, il était muet,
•et elle comprit qu'il avait eu une vision. Il retourna
•alors dans la ville de Juda, où il habitait. Voir Juda 12,
t. ni, col. 1776, et Jeta, col. 1917. Sur ces entrefaites eut
lieu l'Annonciation de la Très Sainte Vierge et l'ange
■Gabriel révéla à Marie que sa cousine Elisabeth allait
devenir mère. Marie se rendit aussitôt auprès d'elle et
il y eut entre elles un échange de félicitations et
•d'actions de grâces à Dieu. Quand l'enfant d'Elisabeth
vint au monde, ses parents et ses voisins vinrent la
. -congratuler et, le huitième jour, comme on allait le
•circoncire, ils voulaient l'appeler, comme son père,
.Zacharie. Sa mère déclara qu'il s'appellerait Jean. On
fit alors appel au père et il écrivit sur des tablettes :
« Jean est son nom, » ce qui produisit un grand éton-
nement. El aussitôt Zacharie recouvra la parole et il
•remercia Dieu par son cantique Benedictus. — Zacharie
•est encore nommé comme père de Jean-Baptiste, Luc,
•m, 2.
32. ZACHARIE (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVI-
SION. — 1° L'horizon de Zacharie, dans son écrit
prophétique, est plus vaste que celui d'Aggée, son con-
temporain. Il ne prend pas pour thème direct la recon-
struction duTemple, quoiqu'il s'en occupe aussi, mais le
rétablissement de la théocratie, et le futur royaume du
Messie. Prononcés tandis que le peuple travaillait avec
ardeur à rebâtir le sanctuaire, ses oracles l'encoura-
geaient, le consolaient, l'exhortaient, en montrant le
brillant avenir réservé à Israël, et les bénédictions
abondantes qui devaient se rattacher à la restauration
•du temple. Tel est le sujet général du livre.
2° On a partagé cette prophétie de différentes ma-
nières. Mais, au fond, tout le monde est d'accord, tant
les divisions sont nettement marquées par l'auteur lui-
même. Les chap. i-vi forment un tout inséparable; les
■chap. vu et vm sont pareillement associés d'une façon
très étroite; enfin, il existe une remarquable unité
•entre les chap. ix-xiv. On reconnaît généralement
aussi que les chap. vu et vm sont comme un trait
d'union entre ceux qui les précèdent et ceux qui les
suivent. Au point de vue soit du sujet, soit de la forme
■extérieure, la division qui nous paraît la meilleure et
la plus exacte consiste à admettre seulement deux
parties : le livre des visions, i, 1-vi, et le livre des dis-
cours, vu, 1-xiv.
a) La première partie, qui s'ouvre par une courte
exhortation à la pénitence, 1, 1-vi, 15, contient une série
de huit visions, révélées à Zacharie durant une seule et
même nuit, et se rapportant aux destinées futures du
peuple de Dieu, i, 7-vi, 8. Elle s'achève par une action
symbolique, vi, 9-15. Prenant pour point de départ
l'état de détresse où se trouvait alors Jérusalem, elle
annonce clairement la transfiguration et l'heureux
avenir de la nation théocratique. Ces visions furent
réelles, objectives, et non pas une création personnelle
du prophète, qui aurait eu recours à ce stratagème
littéraire pour présenter ses pensées avec plus de
force. Un ange les expliquait à Zacharie, au fur et à me-
sure qu'il les contemplait. Chacune d'elles forme un
tableau à part; mais leur groupe constitue un bel en-
semble, puisqu'elles se rapportent toutes à la restaura-
tion présente et future du peuple de Jéhovah. La pre-
mière est celle du cavalier parmi les myrtes, I, 7-17;
la seconde, celle des quatre cornes et des quatre forge-
rons, i, 18-21; la troisième, celle de l'homme au cor-
deau, il, 1-5; un petit discours explicatif lui est rattaché,
il, 6-13. La quatrième nous montre le grand-prêtre
Josué accusé par Satan devant l'ange du Seigneur, m,
1-5; de magnifiques promesses lui sont associées, m,
6-10. La cinquième est celle des deux oliviers, iv, 1-7 ;
elle est complétée par un petit discours du Seigneur,
îv, 8-10, et par les interprélations de l'ange, iv, 11-14.
La sixième est celle du rouleau de parchemin qui s'en-
vole, v, 1-4; la septième, celle de la femme placée dans
l'amphore, v, 5-11; la huitième, celle des quatre chars,
vi, 1-8.
b) La deuxième partie, ou livre des discours, repro-
duit, relativement à l'avenir du peuple théocratique
qui se reformait lentement, humblement, les- mêmes
pensées consolantes que le livre des visions. Elle com-
prend trois discours, nettement séparés, qui se com-
posent d'éléments identiques à ceux que renferment
les écrits des autres prophètes : les reproches, les
menaces et les promesses y apparaissent tour à tour;
mais c'est la joyeuse et glorieuse promesse qui domine.
— A. Premier discours : Israël dans le passé et dans
l'avenir, vu, 1; vm, 23. Les désobéissances des Hébreux
aux ordres du Seigneur ont été la cause de leurs mal-
heurs; néanmoins, Dieu est disposé à les bénir avec une
générosité sans bornes. Zacharie indique brièvement
l'occasion du discours, vu, 1-3 : les habitants de Béthel
avaient fait demander aux prêtres et aux prophètes de
Jérusalem s'il fallait continuer de célébrer le jeûne
institué en souvenir de l'incendie de la capitale et du
temple par les Chaldéens. Le Seigneur chargea Zacha-
rie de communiquer sa réponse, dont la première
moitié, vu, 4-14, est aussi sévère que la seconde, vm,
1-23, est douce et réconfortante. — B. Second discours :
prophéties relatives au peuple de Dieu et aux païens,
ix-xi. — a) Tout d'abord, IX, 1-x, 12, nous apprenons que
les païens seront humiliés, tandis qu'Israël sera sauvé.
— 1° Annonce des jugements divins contre trois des
nations païennes qui entouraient le territoire juif : les
Syriens, les Phéniciens et les Philistins, ix, 1-7. —
2° Touchant contraste : le roi pacifique de Sion et son
empire universel, IX, 8-10. — 3° Israël recouvrera sa
liberté entière et triomphera des Gentils, rx, 11-17. —
4° La délivrance du peuple juif sera complète,-x, 1-12. —
fi) Le prophète fait entendre ensuite de sinistres me-
naces : Israël sera rejeté du Seigneur, dont il aura mé-
prisé les bontés paternelles, xi, 1-17. — 1° Prélude me-
naçant; xi, 1-3. — 2° Parabole du bon et du mauvais
pasteur, xi, 4-17. Tout ce passage est allégorique, et
expose sous d'émouvantes figures le motif pour lequel
Jéhovah traitera si sévèrement sa nation privilégiée. —
C. Troisième discours : Les jugements redoutables et
les précieuses bénédictions de l'ère messianique, xn,
1-xiv, 24. — a) Les luttes et le triomphe, la conversion
et la sanctification des Juifs, xii, 1-xni, 6. — 1° Le Sei-
gneur viendra au secours de Sion opprimée, xn, 1-8. —
2° Le grand deuil d'Israël, xii, 9-14. — 3° Dignes fruits
2519
ZACHARIE (LIVRE DE)
2520
de repentir au sein du peuple de Dieu, xm, 1-6. —
(J) Après avoir encore été purifié dans le creuset de la
souffrance, Israël sera transfiguré par le Seigneur, xm,
7-xiv, 21. — 1» Le troupeau sera frappé en même temps
que le pasteur, xm, 7-9. — 2° Le grand jour du Sèigneu r
et la nouvelle Jérusalem, xiv, 1-21 : tableau vivant et
grandiose qui achève dignement la prophétie. Voir une
analyse détaillée dans Cornely, Historica et critica
Introductio in libros sacros, t. n, p. 596-601.
II. Le style et le genre littéraire. — 1» La diction
de Zacharie est assez pure, surtout pour l'époque de
décadence littéraire où il écrivit ses oracles. Son style
est frais, imagé, vivant. Il emploie des comparaisons
très expressives. Cf. n, 8-9; ix, 15-16; x, 3-5; xi, 7,10,
14; xn, 3,4, 6, 8; xiv, 4, 20, etc. Certaines formules
prophétiques produisent un bel effet par leur répéti-
tion. Cf. i, 3, 4; 1, 17 et n, 13; iv, 9 et vi, 15; vu, 9-10
et vin, 16-17, etc. Zacharie a formé sa diction d'après
celle des anciens prophètes; aussi les aramaïsmes
sont-ils assez rares chez lui. Comme écrivain, il a
beaucoup plus de vie et d'entrain que son contempo-
rain Aggée. Les chap. i-vi sont composés en prose
ordinaire. On rencontre déjà plus d'élan dans les
chap. vu et vm. Les chap. ix-xiv sont en général bien
écrits et rappellent les oracles d'Isaïe par leur profon-
deur, leur ampleur, leur variété, les ornements de leur
langage. Cf. Knabenbauer, Proph. Min., t. n, p. 215.
Zacharie demeure original, même lorsqu'il prend les
anciens écrivains pour guides. Toutefois, la multiplicité
des images et le brusque passage de l'une à l'autre
créent souvent une certaine obscurité, comme c'est
également le cas pour le prophète Osée (t.iv, col. 1917).
Les rabbins s'en sont plaints avec quelque amertume,
cf. Fùrsl, Zum Kanon des A. Test., Leipzig, 1868,
p. 43. Saint Jérôme, à leur suite, t. xxv, col. 1417,
nomme Zacharie « le plus obscur » des petits pro-
phètes. Ce qui est vrai, c'est que « de nombreux
détails— spécialement dans les chap. ix-xiv — demeu-
reront toujours incompréhensibles et obscurs pour
nous, parce que nous ne sommes que très imparfaite-
ment renseignés sur toute llépoque d'après l'exil. »
Cornill, Einleitung in das A. T., 2« édit, p. 200. Cf.
Reinke, Beitrâge zur Erklârung des A. T., t. vi,
p. 112. — 2" Le texte hébreu ne nous a pas été trans-
mis dans un état de parfaite préservation. On a pu,
en. divers endroits, le corriger au moyen du texte des
LXX.Cf. Kaulen, Einleitung in die h. Schrift,& édit.,
p. 367; Klostermann, dans la Theologische Literatur-
zeitung de Schûrer, t.iv, 1879, p. 561 sq.
III. Authenticité et unité du livre. — 1° Chap. i-
viu. — La question d'authenticité ne présente aucune
difficulté en ce qui concerne les chap. i-vm, car elle
est tellement garantie de toutes manières, par les ar-
guments extrinsèques et intrinsèques, que les critiques
eux-mêmes ne songent pas à la contester. Voir Cornill,
Einleitung in das Alte 2'esiam.,2' , édit.,p. 195; Driver,
An Introduction to tlie lileralure of the Old Testa-
ment, 5 e édit., p. 322. La tradition de la synagogue et celle
de l'Église, la situation historique et religieuse, tout
indique bien l'époque marquée par l'auteur lui-même.
2° Chap. ix-xiv. — Il s'est ouvert depuis de longues
années, au sujet de cette seconde moitié du livre, un
grand débat, dont nous devons d'abord exposer l'ori-
gine et les phases principales. — a) Comme l'on sait,
saint Matthieu, xxvil, 9, attribue à Jérémie le passage
Zach., IX, 12. Sans autre motif que celui de sauvegar-
der la véracité de l'évangéliste, l'Anglais Joseph Alede
(-{•1638) prétendit que le prophète d'Anathoth était l'au-
teur non seulement de ce verset, mais de tout l'ensem-
ble des chap. ix-xi de Zacharie, dont il fait partie.
Plusieurs autres Anglais du XVII e et du xvm e siècle,
entre autres, Whiston, Hammond, Kidder, etc., accep-
tèrent cette théorie. Dans son commentaire du livre de
Zacharie publié en 1785, An attempt towards an im-
proved version and an exploration of the twelve
Minor Prophets, l'archevêque anglican W. Newcome
enseigne que les chap. ix-xiv sont tous antérieurs à
l'exil, avec cette différence pourtant, que les chap. jx-
xi ont été composés quelque temps avant la fin du royau-
me des dix tribus (722 avant J.-C), et les chap. xn-
xiv, un peu avant la ruine du royaume de Juda et la
prise de Jérusalem par les Chaldéens. Presque en
même temps avait paru l'ouvrage d'un prédicateur pro-
testant de Hambourg, B. G. Flûgge, Die Weissagungen
welche den Schriften des Prophète», Zacharias beîge-
bogen sind, Hambourg, 1784, qui développe une thèse
analogue, mais par des procédés plus violents, puisque
Flùgge morcelle Zach., ix-xiv, en neuf fragments, qui
auraient été composés à différentes époques, mais bien,
avant la captivité de Babylone. On les aurait ensuite-
juxtaposés et rattachés au livre de Zacharie. C'est sur-
tout l'ouvrage de Flùgge qui mit à l'ordre du jour la
question de l'origine de ces six chapitres. Jusqu'alors
aucun doute ne s'était élevé à leur sujet, malgré les
assertions de Mede et de ses premiers imitateurs. —
6) Pendant près d'un siècle, jusqu'en 1881, les critiques
et les exégètes rationalistes se laissèrent fasciner par-
cette théorie, qui, à la manière de Newcome, faisait
remonter la composition de Zach., ix-xi, au vm" siècle
avant J.-C. et les chap. xn-xiv à la fin du vu" siècle ou
un peu plus tard. La section Zach., ix-xi, aurait donc eu.
pour auteur un contemporain d'Osée et d'Isaïe, peut-
être le Zacharie, fils de Barachie, qui est mentionné Is. r
vm, 2; elle se rapporterait surtout au royaume des
dix tribus et à la catastrophe qui devait amener sa.
ruine. La section Zach., xh-xiv, formerait un oracle
parallèle, concernant le royaume de Juda et la période
qui précéda immédiatement sa fin. Sentiment assez
extraordinaire en soi, puisque, dans le monde de la
critique avancée, on est beaucoup plus porté à donner-
une date récente qu'une date ancienne aux écrits bi-
bliques. D'assez nombreux critiques contemporains,
appartenant tous au protestantisme, s'y sont ralliés et
l'ont soutenu avec énergie, entre autres, L. Diestel,.
dans le Bibel-Lexicon de Schenkel, t. v, p. 129-134;.
Ewald, Propheten des AltenBundes, 2 e édit., t. il, p. 248;
Bleek, Einleitung, 4 e édit., p. 438-439; Kuenen, On-
derzoek naar het onstaan en de venameling van de
boeken des Ouden Verbonds, Leide, 1889, p. 402-426-;
E. Reuss, La Bible : les Prophètes, t. i, p. 176-193,
347-360. Le nombre de ses partisans a beaucoup dimi-
nué de nos jours. Les principaux sont actuellement,
Orelli, Das Buch Ezechiel und die zwôlf kleinen
Proph., p. 361-363; Duhm, Théologie der Propheten,
u. 141-143, 225-228; H. Kônig, Einleitung in das
A. T., p. 364-376; Driver, Introduction, p. 324-332. Ces
divers critiques ne sont pas d'accord sur les dates à
assigner à chacune des deux sections. En outre,
Kuenen suppose que les chap. ix-xi, auxquels il joint le
passage xm, 7-9, remontent dans leur ensemble au
vin e siècle avant notre ère, mais que certains détails
ont subi des modifications et ont été accommodés à
une époque plus tardive par un prophète qui vivait
après l'exil. — c) Dès l'année- 1864, au tome H, p. 216,
de sa Neue exeget. krit-Aehrenlese, in-8°, Leipzig,
Bottcher protestait contre l'opinion qui regarde les
chap. ix-xiv de Zacharie comme plus ou moins anté-
rieurs à l'exil. A son sens, ils furent écrits au temps
des guerres que se livrèrent Séleucus de Syrie et
Ptolémée d'Egypte, après la mort d'Alexandre le Grand.
Eichborn, dans la 4 e édit. de son Einleitung in das
A. T., descendit encore plus bas. Vatke, Einleitung,
1882, p. 709, qui avait d'abord placé la composition de
ces chapitres sous le règne d'Artaxercès Longue-Main
(464-425 avant J.-C), se décida ensuite pour l'époque
des Machabées (années 170 et suiv.). Toutes ces varia-
2521
ZACHARIE (LIVRE DE)
2Ô22
tions et fluctuations ne sont pas une preuve de la soli-
dité du système. Chacun veut aller au delà de ses
devanciers, et modifie pour cela ses propres théories
inconsistantes. C'est le professeur Stade qui s'est faille
défenseur le plus habile et le plus écouté de la théorie
nouvelle,- dans trois articles successifs publiés par la
Zeitschrift fur altteslam. Wissenschaft, 1881 et 1882.
Tout en maintenant que les chap. !X-xrv sont d'un seul
et même auteur, il affirme qu'ils n'ont pas été composés
antérieurement à l'année 280 avant J.-C. Cornill,
Wellhausen, Wildboer ont admis cette conclusion.
Nowack. Rubinkham et Marti ont trouvé cette date trop
ancienne. Selon Marti, Oodekapropheton, p. 396,
« l'époque qui rend intelligibles toutes les indications
et allusions historiques deZach., ix-xiv, est l'année 160
avant J.-C. » C'est donc alors seulement que cette partie
du livre aurait été rédigée. Le passage Zach., xn, 7-8, ne
daterait même que du début du I er siècle avant notre ère.
IV. Réfutation des théories des néo-critiques
■OPPOSÉES A L'AUTHENTICITÉ ET A L'UNITÉ DU LIVRE. —
Pour répondre à tous ces adversaires de l'unité et de
l'intégrité des oracles de Zacharie, nous avons à prou-
ver brièvement : 1° que les chap. ix-xiv sont véritable-
ment du même auteur que la première moitié du livre;
2» qu'on n'est pas autorisé à regarder ces chapitres
comme antérieurs à la captivité de Babylone; 3° qu'il
n'est pas permis non plus de retarder leur composition
jusqu'après le régne d'Alexandre le Grand.
1» Arguments qui démontrent l'authenticité du livre
de Zacharie envisagé dans sa totalité. — a) Si la tra-
dition juive et chrétienne est un garant suffisant de
l'authenticité des huit premiers chapitres, elle l'est
aussi des six derniers. En effet, ni les Juifs, ni, à leur
suite, les chrétiens des premiers siècles, n'ont jamais
regardé les chap.ix-Xlv comme provenant d'un auteur
distinct de celui des chap. l-vm. Cf. Fùrst, Der Kanon
des A. T., p. 45; tr. Sanhédrin, 89a. Jamais leur tra-
dition n'a laissé percer le moindre doute sur l'unité
de la composition. Dans les plus anciens mss. hébreux
et dans les plus anciennes versions, les quatorze chapi-
tres du livre sont placés de la même manière sous la
dépendance du titre « Zacharie ». Cette preuve a ici
une force toute spéciale, caria tradition juive remonte
jusque vers l'époque où Zacharie composa et publia
ses oracles, puisque le canon juif de l'Ancien Testament
a été établi peu de temps après. Ajoutons que les Juifs
attachaient une importance spéciale aux écrits prophé-
tiques," or, leur valeur dépendait de l'autorité du pro-
phète qui les av^it composés. Pour ce motif, on dut
déployer une attention spéciale pour empêcher des
écrits anonymes de se glisser dans la littérature sacrée.
L'existence de livres prophétiques très courts, par
exemple ceux d'Abdias, de Nahum, d'Aggée, etc., montre
qu'on ne se souciait pas de les allonger en leur ratta-
chant des oracles dont on ne connaissait pas l'auteur.—
6) L'unité du livre entier est aussi manifestée par celle
des sujets traités dans ses deux moitiés. Dans la pre-
mière, l'auteur prédit le châtiment des ennemis d'Is-
raël, 1, 14-15, et vi, 8; dans la seconde, ix, 1-8, il signale
à part quelques-uns d'entre eux, et il indique la nature
de leur punition. De part et d'autre, le Messie est pré-
senté tout ensemble comme roi et comme prêtre. Cf.
m,8; VI, 12-13; ix, 9-17. Des deux côtés, on prophétise
la cessation complète de l'exil, vm, 7-8; K, 11-12, 16;
x, 8-12; une prospérité de tout genre, i, 17; m, 10;
vm, 3-5; 11, 13; xiv, 7-10; la sainteté du royaume
messianique, m, t-10; v, 1-10 ou 11; xm, 1-6 ; la pro-
tection toute paternelle de Dieu, H, 9; ix, 8, etc. Voir
Cornely, Introd., t. il, p. 605. Cet argument n'a pas
une valeur absolue, mais il mérite quand même d'être
signalé. — c) Les chap. ix-xiv insistent, plus encore que
Jes premiers, sur l'avenir messianique d'Israël, avenir
■tout heureux et glorieux. Or, cette perspective conso-
lante ne pouvait être que très utile au moment du re-
tour d'exil, alors que tant d'obstacles s'opposaient soit à
la réinstallation des Juifs à Jérusalem et aux alentours,
soit à la reconstruction du temple. L'idée messianique
soude donc, pour ainsi dire, les deux parties l'une à
l'autre. — ci) La division qui règne entre les adver-
saires de l'authenticité des chap. ix-xiv est aussi une
preuve en son genre. Ils sont incapables de s'entendre
sur l'origine et sur la date des pages qu'ils enlèvent à
Zacharie. Et notons bien qu'il ne s'agit pas seulement
de divergences légères, de simples nuances d'opinion,
mais de détails essentiels. Il y a entre eux de longs
siècles d'intervalle. De plus, ils ne peuvent alléguer que
des preuves intrinsèques, dont la faiblesse est mise en
évidence par les graves divergences que nous venons
de signaler. Les néo-critiques reconnaissent eux-
mêmes cette faiblesse, lorsqu'ils expriment toute leur
pensée. « La date de cette prophétie (Zach., ix-xi), dit
entre autres M. Driver, Introd., 5 e édit., p. 325, est
extrêmement difficile à déterminer, et en fait les argu-
ments intrinsèques marquent des directions diffé-
rentes. » En effet, continue-t-il, p. 326, « il y a des in-
dications qui semblent montrer clairement que la
prophétie est antérieure à l'exil. » Et, d'un autre côté,
elle « contient aussi certains passages qui semblent
impliquer une date postérieure à la captivité. » 11 suit
de là que c'est la tradition qui doit juger en dernier
ressort, et non pas une appréciation purement person-
nelle. — e) Les adversaires de l'unité ne réussissent
pas à expliquer pourquoi et comment les chap. ix-xiv
ont été rattachés aux chap. i-vm, avec lesquels ils
n'auraient, dans l'hypothèse, aucune relation. D'après
une conjecture de Bertholdt, Einleitung, p. 1728,
l'auteur des chap. ix-xiv se nommait aussi Zacharie. et
était pareillement fils de Barachie. L'identité des noms
aurait occasionné cette suture, au momenl où fut
organisé le recueil biblique. Ou bien, ditM.Wildeboer,
Litteratur des A. Test., p. 361, ces chapitres formaient
une prophétie anonyme qui, dans une première collec-
tion, était placée tout d'abord à la fin du livre des
petits prophètes, etc. On voiteombien tout cela est ar-
bitraire. — f) Rien dans la forme et le style du livre
n'exige la pluralité d'auteurs. 1° Quelques hébraïsants
distingués, comme M. Kbnig, Einleitung in dasA. T.,
p. 366, croient pouvoir reconnaître dans le style l'ab-
sence de tout élément constitutif de l'hébreu posté-
rieur à l'exil; mais d'autres, notamment Bôttcher,
Aehrenlese, t. il, p. 246, voient au contraire dans les
chap. ix-xiv un coloris tardif. Cela prouve combien cet
argument est négatif. Cf. E. Reuss, Geschichte der heil.
Schriflen Allen Testaments, p. 266. La différence allé-
guée n'est pas telle, qu'elle exige des époques et des
auteurs distincts. Elle s'explique fort bien par celle des
sujets traités, comme le montrent des dissemblances
analogues dans les'prophéties d'Osée, d'Isaïe, de Jéré-
mie, etc. C'est pour cela que, suivant la remarque
faite plus haut, le style a un essor plus poétique dans
la deuxième partie. Le langage est vraiment partout
le produit de la même imagination très vive et très
inventive. — 2" On signale aussi, comme preuve de la
pluralité d'auteurs, les titres placés en tête de divers
oracles, soit dans les premiers, soit dans les derniers
chapitres. Là, ils indiquent la date de la révélation
divine et le nom du prophète. Cf. Zach., 1,1, 7; vu, 1.
Ici, Zach., ix, 1, et xn, 1, ils demeurent vagues et im-
précis. « Cela est visiblement contre l'unité d'auteur, »
dit Kônig, loc. cit., p. 365. Assurément non, car le
prophète n'était pas tenu de répéter son nom et les
dates en avant de tous ses oracles. Cf. Is., 1,1; vi, l;Xin,
1; XV, 1; xvil, 1; XX, 1-2, où les titres des prophéties
varient pareillement. Jérémie et Ézéchiel ne datent
aussi qu'un nombre' limité de leurs oracles. Enfin, si
les prophéties des chap. ix-xrv .'rie _ portent aucune
2523
ZACHARIE (LIVRE DE)
2524
indication de temps, cela tient sans doute à ce qu'ils
s'occupent surtout d'un avenir lointain, d'un avenir
messianique. — 3° Autre objection. Dans les premiers
chapitres, on rencontre fréquemment les formules :
«Ainsi parle le Seigneur, » i, 3, 4, 14, 16, 17; n,8; m,
7; vi, 12, etc.; « La parole du Seigneur vint à..., » i, 7;
iv, 8; vi, 9; vu, 1, 4, 8; vm, 1, 18. Or, la première de
ces formules n'apparaît qu'une fois, xi, 4, dans Zach.,
ix-xiv, et la seconde, pas une seule fois. En outre, les
mêmes chap. ix-xiv emploient souvent la locution « en
ce jour-là», ix, 16; xi, 11; xn, 3, 4, 6, 8, 9, 11;xih, 1,
2, 4; xiv, 4,6, 8, qui est très rare dans les chap. i-vm.
Cf. m, 10, et vi, 10. Mais qui ne voit que cette préten-
due divergence est toute de surface, et qu'elle s'ex-
plique par les différences du ton et du sujet dans les deux
parties? — 4» Enfin, en comparant les chap. ix-xiv
aux premiers, de graves auteurs, qui sont en même
temps d'excellents juges en fait d'hébreu, constatent
plutôt une affinité entre eux sous le rapport du langage.
C'est ainsi que plusieurs expressions rares, telles que
« les allants et les venants », vil, 14, et IX, 8; hé'éldr
dans le sens d'enlever, m, 4, et xm, 2; la désignation
symbolique de la providence par l'expression « l'œil de
Dieu », m, 9; IV, 10; IX, 1, 8; la désignation du peuple
théocratique par les termes synonymes de Juda, d'Israël,
de Joseph, d'Kphraïm, I, 12; H, 2, 12; vm, 15; IX, 9 ou
13 ; x, 6; xi, 14, etc., se retrouvent de part et d'autre.
Voir Keil, Einleitung, p. 341-342.
2» Les chap. ïx-xtv n'ont pas été composés avant
l'exil, au vi/i e ou au VIP siècle avant J.-C. —
a) Preuve tirée du sujet traité. Ces chapitres supposent,
pour le peuple juif, des conditions semblables à celles
qui existaient après la captivité de Babylone, telles que
nous les connaissons par Aggée, Esdras, etc. ; sembla-
bles aussi à celles qui sont décrites dans les chap. i-
vni. Quelques détails suffiront pour nous en convain-
cre. Zach., ix, 11-12, les exilés sont invités à revenir
au plus vite à Sion; trait qui convient spécialement à
l'époque de Zorobabel et de Zacharie (cf. n, 6-8); Zach.,
x, 2, la dispersion et la captivité de Juda sont présen-
tées comme des faits du temps passé; x, 6, il en est de
même en ce qui concerne les deux anciens royaumes
israélites; x, 8, il est dit que les membres de la tribu
d'Éphraïm reviendront à leur tour d'exil; d'où il suit
que tous les Juifs n'avaient pas encore quitté la terre
de captivité ; x, 10, le prophète annonce que les captifs
reviendront d'Egypte et d'Assyrie, et qu'ils habiteront
Galaad et le Liban ; cela prouve que Jérusalem et ses
.alentours étaient déjà repeuplés. Cf. Knabenbauer,
Proph. Minores, t. n, p. 217. D'autre part, la colonie
juive à laquelle s'adresse l'auteur des chap. ix-xiv est
encore humble et faible, et il lui promet qu'elle s'agran-
dira et se fortifiera. Il ne mentionne pas de rois, mais
des chefs, ix, 7; xii, 5-6. S'il parle de la maison de
David et lui promet la gloire et la prospérité, c'estseule-
ment pour un avenir lointain. Cf. xii, 7-8; xm, 1. Les
ennemis d'Israël ne sont plus les Égyptiens et les Assy-
riens, ix, 13; la captivité a donc pris fin. Le passage xn,
11, est généralement regardé comme se rapportant à la
mort du roi Josias (609 av. J.-C), et à la lamentation
mentionnée IV Reg., xxm, 29-30; II Par., xxxv, 22-
25. Or ce trait nous rapproche beaucoup de la ruine
de Jérusalem (586) et de l'exil. La « maison de Lévi »
est signalée comme jouissant d'une situation indépen-
dante, à côté de la « maison de David ». Celle-ci, après
la captivité, avait perdu beaucoup de son prestige;
celle-là avait au contraire ajouté au sien. On le voit, la
situation historique indique nettement l'époque d'après
l'exil, comme le reconnaissent Stade, Cornill, et la plu-
part des critiques contemporains. Si divers traits
semblent revendiquer, comme date de la composition,
une période antérieure à l'exil, c'est par suite d'une
fiction littéraire qui n'est pas rare chez les écrivains
sacrés. Dans les chap. ix-xiv, nous l'avons dit, c'est
vers l'avenir que le prophète porte surtout ses regards;
c'est l'avènement et la splendeur des temps messia-
niques qui sont l'objet principal de ses oracles : il les
décrit en employant les couleurs du passé et de l'ave-
nir. Ainsi, bien qu'ils n'existassent plus comme
royaumes au temps de l'auteur, Éphraïm et Juda sont
encore mentionnés, parce qu'ils formaient les éléments
constitutifs de l'ancienne théocratie, et parce que la
petite communauté revenue d'exil représentait ces
deux anciens Éiats. — b) Une autre preuve que les
chap. ix-xiv n'ont pas été écrits avant l'exil, c'est qu'ils,
font, comme du reste la première partie du livre, de
fréquents emprunts à des oracles prophétiques datant
de la captivité. Ces emprunts sont faits particulière-
ment à Jérémie et à Ézéchiel. On peut comparer Zach. r
ix, 2-3, et Ez., xxvm, 3-4; Zach., x, 3, et Ez., xxxiv,
17; Zach., xi, 3, et Jer., xxv, 36; Zach., xi, 4, et Ez., xxxiv,
4; Zach., xi, 5; et Jer., x, 7; Zach., vi, 7, 11, et Jer.,Lix,
20; L, 45; Zach., xi, 8, et Jer., n, 8, 26; Zach., xi, 9,
et Jer., xxxiv, 17; Zach., xi, 16, et Ez., xxxiv, 3-4,
etc. Voir van Hoonacker, Les douze petits prophètes,
p. 583; Cornely, Introd., t. il, p. 604-605. Hengstenbergf
a fort bien mis ce fait en lumière, et le rationaliste
de Wette en a été tellement frappé, qu'après avoir nié
d'abord l'unité d'auteur, il l'a ensuite admise pour ce-
motif. Einleitung, 4 e édit., p. 337.
3° Les chap. ix-xiv n'ont pas été composés à l'époque
tardive imaginée par les néo-critiques. —A la démons-
tration positive qui vient d'être donnée, s'ajoute la
preuve négative, qui consiste dans le caractère inaccep-
table des interprétations proposées-en maint endroit.
Citons quelques exemples. L'Assyrie et l'Egypte, men-
tionnées Zach., XI, 10-11, ne représenteraient pas les-
deux grands empires situés sur les rives du Tigre et du
Nil, mais la Syrie des Séleucides et l'Egypte des Ptolé-
mées. Leurs noms nous transporteraient donc à l'époque
des successeurs d'Alexandre le Grand, entre les années-
306 et 278 avant J.-C. De même, au passage Zach., ix, 13,
les benê Yavdn, vaincus par les fils de Sion, ne seraient
autres que les Grecs postérieurs à Alexandre. Ceux qui
parlent ainsi oublient que la lutte de Darius fils d'Ilys-
taspe avec les Grecs, qui eut un retentissement si con-
sidérable, suffisait pour qu'un prophète d'Israël annon-
çât alors un conflit futur entre son peuple et Javan-
On prétend aussi que, dans les chap. ix-xiv, l'espé-
rance messianique revêt un caractère « fantastique »,
qui est l'indice d'une époque récente. Mais ce sont là
des assertions non fondées. — En résumé, on n'a aucune
raison suffisante d'abandonner la tradition juive et
chrétienne qui regarde le livre entier de Zacharie comme
l'œuvre d'un seul et même auteur. Telle est toujours-
l'opinion, non seulement des interprètes catholiques,
mais aussi d'un nombre assez considérable de protes-
tants orthodoxes.
V. L'importance théologique du livre. — 1. L'im-
portance du livre de Zacharie est très grande sous le
rapport théocratique, car toutes les visions qu'il décrit,
tous les discours qu'il reproduit, annoncent tour à tour
que la nation sainte ne périra pas, mais que, reconsti-
tuée sur de nouvelles bases, elle durera jusqu'à la fin
des temps. Or, il est évident qu'une telle prédiction
n'intéresse pas moins l'Église chrétienne que la syna-
gogue, puisque c'est par l'Église du Christ que la théo-
cratie juive devait être et est en réalité continuée,
complétée. Il suit de là que le livre de Zacharie est
tout du long messianique dans son ensemble.
2. Il ne l'esl pas moins dans ses détails qui, en nom-
bre relativement considérable, se rapportent directe-
ment à la personne et à l'œuvre du Messie. Les princi-
paux passages de ce genre sont : m, 8, où nous trou-
vons le beau nom de germe, zémah, déjà employé dans
le même sens par Isaïe, iv, 2, et par Jérémie, xxm, 5,
2525
ZACHARIE (LIVRE DE) — ZACHÉE
2526
pour désigner le futur libérateur d'Israël ; vi, 13, où
il est prédit que le Messie sera simultanément prêtre
et roi; ix, 9-10, qui prophétise son entrée triomphale
dans la capitale juive, cf. Matth., xxi, 4, etparall.; xi,
12-13, qui annonce la trahison de Judas, cf. Matth.,
xxvn, 9; xn, 10, où nous voyons d'avance le Sauveur
transpercé par la lance du soldat romain, cf. Joa.,
xix, 37; xiii, 7, qui prédit le lâche abandon des Apôtres,
cf. Matth., xxvi, 31. Voir F. Vigoureux, Manuel bi-
blique^. H,n.903; Frz. Delitzsch, Messianic Prophéties,
in-8», Edimbourg, 1880, p. 96-108; E. Bôhl, Christologie
des A. Test., in-8», Vienne, p. 288-332. S'il est vrai que
les chap. i-vm, d'après l'appréciation de Cornill, « font
partie des morceaux les plus remarquables et les plus
importants de la littérature d'Israël, » cela est encore
plus exact des chap. ix-xiv.
VI. Bibliographie. — 1» Questions relatives àl' Intro-
duction. — F. Burger, Études exégéliques et critiques
sur le prophète Zacharie, in-4°, Strasbourg, 1841;
E. F. von Ortenberg, Die Bestandtheile des Bûches Za-
charja, in-8», 1859; Vollers, Das Dodekapropheton
der Alexandriner, l re partie, Naûm, Ambakûm...,
Zacharias..., in-8», Berlin, 1880; B. Stade, Deuteroza-
charja, dans Zeitschrift fur alttestamentl. Wissen-
sçhaft,im, p. 1-96; 1882, p. 151-172, 275-309; F. Montet,
Etude historique sur la date assignée aux six derniers
chapitres de Zacharie, Genève, 1882; K. Marti, Der
Prophet Sacharja, der Zeilgenosse Serubbabels, ein
Beilrag zum Verstàndnis des A. Testam., in-8°, Fri-
bourg-en-Brisgau, 1892; W. Staerk, Untersuchungen
ûber die Komposition und Abfassungszeit von Zach.
ix-xiv, 1891 ; G. K. Grùtzmacher, Untersuchung ûber
den Ursprung der in Sach. ix-xiv vorliegenden Pro-
phetien, in-8°, 1892; Rubinkam, The second part of
the book of Zacharja, in-8" , Bâle, 1892; Kuenen, Hist.
kritische Einfùhrung in die Bûcher des A. T., t. n,
Leipzig, 1892, p. 386-409; E. Eckardt, Der Sprachge-
brauch von Zach. ix-xiv, dans Zeitschrift fur alttes-
tam. Wissenschaft, 1893, p. 76-109, et Der Religions-
r/ehalt von Zach. ix-xir, îbid., p. 311-331 ; A. K. Kuiper,
Zacharja ix-xiv, eene exegetisch-critische studie,
1894; G. L. Robinson, The prophéties of Zechariah,
ivilh spécial référence to the origin and date of
chaplers ix-xiv, Chicago, 1896; J. Bôhmer, Vas
Râthsel von Sach. ix-xi, und von Sach. xir-xiv, dans
Evangelische Kirchenzeitung, 1901, n. 17 et 39;
A. van Hoonacker, Les chap. ix-xiv du livre de Za-
charie, dans la Revue biblique, 1902, p. 161-163,
347-378; Ch. Bruston, Les plus anciens des prophètes,
Etude critique, broch. in-8°, Paris, 1907, p. 28-37.
2° Commentaires. — a) Dans l'antiquité. Chez les
Grecs : Théodore de Mopsueste, t. lxvi, col. 493-596;
Théodoret de Cyr, t. lxxxi, col. 1873-1960. Chez les
Latins : saint Jérôme, t. xxv, col. 1415-1544; Haymon
d'Halberstadt, t. cxvil, col. 221-278; Rupert de Deutz,
t. clxviii, col. 699-814. — 6) Au moyen âge et dans les
temps modernes. Voir Knabenbauer, Comment, in
Proph. Min., p. 6-8, 11; Albert le Grand, Opéra, t. vm,
Lyon, 1651 ; Sanchez, Commentarii in Zachariam,
Lyon, 1616. — c) De nos jours : 1» Exégètes catholiques :
Ackermann, Prophétie minores perpétua annotatione
illustrati, in-8», Vienne, 1840, p. 614-647; P. Schegg,
Die kleinen Propheten, Ratisbonne, 1854, t. m, p. 265-
500; L. Reinke, Beitràge zur Erklârung des Alt.
Testam., t. vi, iu-8», Munster-en-Westphalie, 1864 (le
volume entier est consacré à Zacharie); J. Knabenbauer,
Commentarius in Proph. minores, in-8", Paris, 1886,
t. n, p. 210-409; Trochon, Les Petits Prophètes, Introd.
critiq. et commentaires, in-8», Paris, 1889, p. 393-493;
L. Cl. Fillion, La Sainte Bible commentée, in-8», t. vi,
Paris, 1903, p. 553-608; van Hoonacker, Les douze Petits
Prophètes traduits et commentés, in-8°, Paris, 1908,
p. 577-703. — 2° Exégètes protestants et rationalistes :
Hitzig, Die zwôlf kleinen Propheten, in-8», Leipzig,
1838, 3» édit., 1863, p. 317-391; H. Ewald, Die Pro-
pheten des Alten Bundes, in-8», Stuttgart, 1840-1841 ;
2 e édit., 1867; C. Umbreit, Praktischer Commentai'
ûber die kl. Propheten, in-8», Hambourg, 1844, p. 349-
452; M. Baumgarten, Die Nachtgesichte Zacharia's,eine
Prophetenstimme an die Gegenwart, in-8», Bruns-
wick, 1854-1855; W. Neumann, Die Weissagungen
Sakharjah ausgelegt, in-8», Stuttgart, 1860; A. Kôhler,
Die Weissagungen, Sakarjias, in-8°, Erlangen, 1861-
1863; C. F. Keil,jBtfcJ. Commentar zu den zwôlf kleinen
Proph., in-8», Leipzig, 1866, 2» édit., 1873, p. 525-676;
W. Pressel, Commentar zu den Schriften der Pro-
pheten Haggai, Sacharja..., in-8», Gotha, 1870, p. 33-
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Commentary on Zachariah Hebr. and LXX, in-8°,
1872; Pusey, The Minor Prophets, in-4», 1876; E.
Reuss, La Bible : Les Prophètes, in-8», Paris, 1876,
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Propheten Haggai, Sacharja, Maleachi, in-8°, Bielefeld,
1876, p. ix-xvi, 20-116; ,1, Bredenkamp, Der Prophet
Sacharja erklârt, in-8», Erlangen, 1879; C. R*. Wright,
Zacharjah and Us Prophéties, in-8», Londres, 1879;
Drake, Zachariah, dans la Speakers Bible, in-8», Lon-
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dans La Bible annotée par une société de théologiens
et de pasteurs, in-8°, Paris, s. d., p. 225-297; C. von
Orelli, Das Buch Ezechiel und die zwôlf kl. Propheten,
in-8», Nbrdlingen, 1888, p. 359-402; W. H. Lowe, Ze-
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Londres, 1892, t. v, p. 555-593; J. Wellhausen, Die kl.
Propheten ùbersetzt, mit Noten, in-8», Berlin, 1893,
p. 172-196; 3 e édit., 1898; Perowne, Haggai and Ze-
charial with Notes and Introd., in-16, Cambridge, 1893,
p. 47-149; W. Nowack, Die kleinen Propheten, in-8°,
Gœttingue, 1897, 314-388; 2«édit., 1903; G. A. Smith,
The Book of the twelve Prophets, Londres, 1898, 8 e édit. ,
t. n, p. 255-328, 449-490; K. Marti, Dodekapropheton
erklârt, in-8», Tubingue, 1904, p. 391-455; B. Duhm,
Anmerkungen zu den kleinen Propheten, in-8°,Giessen,
1911, p. 73-86. L. Fillion.
ZACHÉE (grec: Zax/aîoç, forme grécisée de l'hébreu
Zakkaï, « pur »; voir Zachaï, col. 2513), nom de deux
Israélites.
1. zachée, officier de Judas Machabée, qui fut laissé
par ce dernier avec Simon et Joseph, et une troupe
suffisante, à Jérusalem, pour continuer le siège de deux
citadelles en Idumée pendant qu'il allait lui-même com-
battre ailleurs. Il Mach., x, 19.
2. ZACHÉE, publicain ou collecteur d'impôts qui
habitait à Jéricho du temps de Notre-Seigneur. L'évé-
nement quia immortalisé son nom nous est connu seu-
lement par saint Luc, xix, 1-10. 11 était le chef des
publicains chargés par les Romains de lever les impôts
dans cette région, ôcpxite).mvy]ç, princeps publicano-
rM.m. Quoiqu'il fût Juif par sa naissance, uiô; 'A6poci|x,
filiusAbrahse, il était méprisé et mal vu par ses com-
patriotes, à cause de sa fonction qui leur était odieuse.
Notre-Seigneur étant passé à Jéricho, Zachée désirait
vivement le voir, et comme il était petit de taille, il monta
sur un sycomore, afin de pouvoir l'apercevoir au milieu
de la foule qui l'entourait. Voir Sycomore, col. 1894.
Jésus l'aperçut et, sachant que ses dispositions étaient
bonnes, il s'adressa à lui et lui dit de descendre de
l'arbre, parce qu'il irait loger dans sa maison. Ces
paroles provoquèrent des murmures parmi ceux qui
les entendirent, mais Zachée était plein de joie et il se
montra digne de la bonté que lui témoignait le Sauveur :
il le reçut avec empressement et il déclara qu'il don-
nait la moitié de ses biens aux pauvres et que, s'il avait
•2527
ZACHÉE — ZAMBRI
2528
fait du tort à quelqu'un, il le réparerait en lui rendant
le quadruple. Il était devenu riche dans l'exercice de
•ses fonctions. Les palmiers de Jéricho et ses jardins de
baume, uniques au monde, étaient d'un grand revenu
et par suite une source de bénéfices pour les employés
-du fisc. Josèphe nous apprend qu'Antoine en avait fait
don à Cléopâtre. Hérode le Grand les avait ensuite
acquis et en avait retiré beaucoup d'argent. Ant. jud.,
XV, IV, 2. — Les palmiers, comme les sycomores, ont
disparu aujourd'hui de Jéricho, à cause de l'incurie
•.de ses habitants et quoique le sol du pays reste un des
plus fertiles de la terre. Mais il était alors parfaitement
■cultivé, et comme c'était là un lieu de transit des plus
' importants pour le commerce avec les contrées situées
sur l'autre rive du Jourdain, les droits de douane que
les Romains y prélevaient étaient fort considérables.
Cachée devait être le représentant du chevalier romain
à qui était confiée la levée des impôts dans ces pa-
rages, soit qu'il en eût totalement la charge, soit qu'il
l'eût seulement en partie. De l'ensemble du récit, on
peut conclure que Zachée n'avait pas volontairement
commis d'injustice dans l'exercice de ses fonctions;
mais la grâce du Seigneur l'avait tellement touché qu'il
s'engagea à réparer au quadruple les torts qu'il pour-
rait avoir commis sans le savoir. La loi mosaïque obli-
geait le voleur à payer le quadruple ou le quintuple
duvol qu'il avait commis.Exod., xxn, 1 ; IIReg. (Sam.),
xn, 6; cependant si celui qui avait commis l'injustice la
réparait de son plein gré, il n'était tenu qu'à rendre
l'objet volé en y ajoutant un cinquième de sa valeur.
Lev., vi, 5; Num., v, 7. Zachée fait beaucoup plus que
ne demandait la Loi; il se montre déjà rempli des
■sentiments de la charité chrétienne. — Il est question
dans le Talmud d'un Zaccaï, père du célèbre Rabbi
Jochanan, mais il est différent du Zachée de l'Évangile.
Voir Lightfoot, Eorx hebraicse, in Luc, xix, 2, Opéra,
2« édit., Franecker, 1699, t. n, p. 555. 11 est cependant
possible qu'il fût de la même famille.
D'après les Homélies Clémentines, m, 63-72, et les
Récognitions, m, 65, 74, t. n, col. 152-157; t. i,
col. 1310, 1314, Zachée devint dans son apostolat le
compagnon de saint Pierre, qui l'établit, malgré ses
résistances, évêque de Césarée. Cette tradition se lit
aussi dans les Const. Apost., vi, 8; vu, 46, t. i,
col. 927,1049. D'après Clément d'Alexandrie, Stroni.,
iv, 6, t. vin, col. 1248, quelques-uns ont cru que
l'apôtre saint Matthias n'était pas différent de Zachée.
D'après une croyance du Quercy, Zachée se serait rendu
,«n Gaule après la dispersion des Apôtres, et il y aurait
prêché le christianisme, sous le nom d'Amator, au
lieu qui s'appelle de son nom Roc-Amadour (Lot).
C'est encore aujourd'hui un lieu de pèlerinage célèbre.
Au sommet du rocher qui domine le village se trouve
un oratoire formé de deux chapelles superposées,
dédiées à la sainte Vierge et à saint Amadour, où l'on
accède par un escalier de deux cents marches taillées
<lans le granit. Voir Ollivier, 0. P., Les amitiés de
Jésus, Paris, 1895; p. 357-368. Les Bollandistes n'ad-
mettent point ces diverses traditions. Acla Sanclorum ,
augusti t. iv, p. 18, 25.
ZACHER (hébreu : Zakér, à la pause, « mémorial »;
Septante: Zaxxoûp), fils d'Abigabaon ou Jéhiel, qui s'éta-
blit à Gabaon. Il était delà tribu de Benjamin. I Par.,
vin, 31. Voir Abigabaon, t. i, col. 47. Zacher est ap-
pelé Zacharie, I Par., ix, 37. Voir Zacharie 5.
ZACHUR (hébreu : Zakkûr,<s dont on se souvient»,
nom de sept Israélites.
1. ZACHUR (Septante : Zax/.ovp), fils de Hamuel
et père de Séméi, de la tribu de Siméon. I Par.,
iv, 26.
2. ZACHUR (Septante : Sax-/oôp), le troisième des
« quatre fils de Mérari », lévite qui vivait du temps de
David. I Par., xxiv, 27.
3. ZACHUR (Septante: Sax/oûp, Zoix/oûp), le premier
nommé des quatre fils d'Asaph qui firent partie des
lévites musiciens sous le règne de David. Zachur fut le
chef de la troisième classe. 1 Par., xxv, 2, 10; II Esd.,
xn, 3i (Vulgate : Zéchur). *
4. ZACHUR (hébreu; Zabbùd; Septante : Zago-jS),
un « des fils de Bégui », qui, avec Uthaï, rentra en Pa-
lestine à la tête de soixante-dix hommes et à la suite
d'Esdras. I Esd., vm, 14. Le chethib en hébreu porte
Zabbûd, mais le Keri a Zakkûr, qui parait bien être
la leçon véritable, confirmée parla Vulgate.
5. ZACHUR (Septante : Zax/ojp), fils d'Amri, qui re-
bâtit une partie des murs de Jérusalem du temps de
Néhémie. Il Esd., m, 2.
6. ZACHUR (Septante : Zaxxtop), un des lévites qui
signèrent l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie,
II Esd., x, 12.
7. ZACHUR (Septante : Zaxxoûp), fils de Mathanias
et père de Hanan. Hanan fut un de ceux que choisit
Néhémie pour distribuer aux lévites les dîmes appor-
tées par le peuple. II Esd., xm, 13.
ZAJN, T, z, septième lettre de l'alphabet hébreu,
« trait », telum. Voir Alphabet, t. i, col. 408. Il est
rendu ordinairement en grec et en latin par Z.
ZAMBRI, nom de deux Israélites et d'un pays dans
la Vulgate. Deux autres Israélites portent le même
nom, Zimrî, en hébreu, et notre traduction latine écrit
leur nom Zamri. La racine zâmar signifie « chanter ».
1. ZAMBRI (Septante : Za|iépi), fils de Salu, un des
chefs de la tribu de Siméon. Num., xxv, 13. Il se laissa
séduire, avant l'entrée des Israélites en Palestine, à
Settim, parCozbi, fille d'un chef madianite, qui l'initia,
au culte de Béelphégor. Phinées les tua l'un et l'autre
dans l'acte même de leur crime. Num., xxv, 1-3, 6-8,
15-18. Voir Cozbi, t. n, col. 1098-1099.
2. zambri (Septante : Zaaâp;), cinquième roi d'Israël
qui ne régna que sept jours. Il commandait la moitié
de la cavalerie du roi Éla, fils de Baasa. Zambri se ré-
volta contre lui, l'attaqua et le mit à mort au milieu
d'un festin que lui donnait Arsa, chef de la maison
royale à Thersa. Il s'empara ainsi du royaume, mais
ce ne fut pas pour longtemps. Après avoir fait périr
tout ce qui restait de la maison de Baasa, il succomba
lui-même au bout d'un règne de sept jours sous les
coups d'Amri, autre général d'Ela, qui faisait à ce
moment-là, à la tête de l'armée, le siège de Gebbethon.
Se voyant hors d'état de lui résister, il se brûla dans
son palais. I (III) Reg., xvi, 9-20.
3. ZAMBRI, contrée dont Jérémie, xxv, 25„ mentionne
les rois, après avoir nommé les rois d'Arabie et des
peuples qui habitent le désert, et avant les rois d'Élam
et des Mèdes. On croit généralement qu'il désigne une
tribu arabe de ce nom. D'après quelques-uns, ce serait
celle qui descendait de Zamran, fils d'Abraham et de
Cétura. Gen., xxv, 2; I Par., i, 32. Voir Zamran. Les
inscriptions cunéiformes n'ont pas fourni sur ce pays
d'explication satisfaisante et sa situation est encore un
problème. Quelques-uns proposent de lire Namri, pays
mentionné dans les documents assyriens au nord-est
d'Élam.
2529
ZAMIRA — ZARA
2530
ZAMIRA (hébreu : Ziniri; Septante : Zeu-cpà), fils
de Béchor, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 8. Sur
Béchor, voir t, i, col. 1536.
ZAMMA (hébreu : Zimmâh; Septante: Zajiuàl)),
nom de deux Lévites.
1. ZAMMA, Gersonite, fils de Jahath et père de Joah,
delà tribu de Lévi. I Par., VI, 20 (hébreu, 5).
2. ZAMMA, Lévite, fils de Séméi et petit-fils de Jeth,
père d'Éthan, de la descendance de Gersom. I Par., vi,
42-43 (hébreu, 27-28). Plusieurs pensent que c'est le
même que le précédent. D'autres croient que c'est un
Gersonite postérieur qui vivait du temps d'Ézéchias.
II Par., xxix, 12. Dans ce dernier passage, la Vulgate
l'appelle Zemma.
ZAMRAN (hébreu : Zimrdn; Septante : Za^ôpâv,
Gen., xxv, 2; Z^pâ^, I Par., i, 32), le premier des
neuf fils qu'Abraham eut de Cétura. Ses descen dants
ne sont pas nommés dans l'Écriture. Les uns ont cru
les retrouver dans les habitants de Zaëpdtjj., Ptolémée,
VI, vu, 5, ville située à l'ouest de la Mecque, sur la
mer Rouge, mais dont l'ancienneté est douteuse.
D'autres l'identifient avec le Zambri de Jérémie, xxv,
25, sur lequel on ne sait rien de positif. Voir Zambri 3.
On a proposé aussi de le reconnaître dans Zimiris,
district d'Ethiopie, Pline, S. N., xxxvi, 25; dans les
Zamereni, tribu de l'intérieur de l'Arabie, Pline, H. N.,
vl, 32; dans Zimara en Asie Mineure, Ptolémée, V,
vu, 2; Pline, H. N., x, 20; dans Zi|iOpoc, en Asie.
Ptolémée, VI, xvii, 8. Voir Arabie, Zamran, t. i,
col. 859.
ZAMRI (hébreu : Zinirî; Septante : Zaptêpi), nom
. de deux Israélites dans la Vulgate. Deux autres Israé-
lites et un pays qui sont appelés également Zimrî dans
l'hébreu sont orthographiés Zambri dans la Vulgate.
Voir col. 2530.
1. ZAMRI, le premier nommé des cinq fils de Zara,
un des fils de Juda. I Par., n, 6.
2. ZAMRI, troisième fils de Joada et père de Mosa, de
la descendance de Saûl. I Far., vin, 36. Dans la généa-
logie de Saûl, telle qu'elle est répétée, I Par., ix, 42,
Joada est appelé Jara, avec une variante d'orthographe.
Voir Jara 2, t. ni, col. 1128.
ZANOÉ, nom de deux localités de la tribu de Juda.
1. ZANOÉ (hébreu : Zânôa!,i; Septante : Tavti; Codex
Alexandrinus : Zavii, Zavwà), ville de la tribu de
Juda, dans la Séphéla, mentionnée entre Aséna, qui
vient après Saréa, et Engannim. Jos., xv, 34. Le nom
de la localité est transcrit Zanoa, II Esd., xi, 30,
entre Jérimuth et Odollam. Au iv siècle, il existait
encore un village du nom de Zanoua dans le district
d'Éleuthéropolis, près de la route de Jérusalem. Ono-
masticon, édit. Klostermann, Leipzig, 1904, p. 93.
La même appellation, à la différence fréquente dans les
noms palestiniens, de la transformation du h en 'a, se
retrouve attachée à une grande ruine de la Séphéla, le
khirbet Zanù'a. Cette ruine est à moins de 7 kilomètres
au sud-sud-est de Sara'a et à 5 au sud-est d'Umm-
Djînâ, probablement Engannim; à 7 kilomètres plus
au sud, le nom de la ruine 'Aid el-Mà rappelle celui
d'OdolIam. Beit Djebrin, l'ancienne Éleutheropolis est
à 12 kilomètres au sud-ouest de la ruine précédente.
Située au côté occidental de l'ouâd en-Nadjil, la
ruine de Zanû'a occupe-un assez vaste espace, mais ne
présente aucun caractère particulier. — Après la
DICT. DE LA BIBLE.
captivité de Babylone, Zanoé fut habitée de nouveau
par les fils de Juda, II Esd., xi, 30, et c'est par ses
habitants que fut reconstruite la porte deJa Vallée, à
Jérusalem, m, 13. — Voir E. Robinson, Biblical
researches in Palestine, Boston, 1841, t. n, p. 343 ;
V. Guérin, Judée, t. n, p. 23.
2. ZANOÉ (hébreu : Zânôah; les Septante, faisant
un seul nom de celui-ci et d'Accain, cité après, trans-
crivent : Zotxavaiji.; Codex Alexandrinus : Zavwaxet'iJi),
Jos. xv, 56, ville de la région montagneuse de Juda.
Elle est recensée parmi des villes dont le site se
trouve au sud d'Hébron. On la reconnaît communément
dans le khirbet Zdnûtah, à 18 kilomètres au sud-ouest
d'Hébron et à 12 kilomètres A'Yattd (Jota). La diffé-
rence dans les noms peut s'expliquer par le fait, qui
se rencontre ailleurs, de l'affaiblissement de l'aspirée
finale qui, devenue h, devait, avec la forme féminine,
se transformer en t. C'est probablement cette Zanoé de
la montagne dont la fondation est attribuée à Icuthiel,
fils de Judaia. I Par., îv, 18. II ne reste guère de cette
antique bourgade que les citernes creusées au sommet
du mont sur lequel elle s'élevait. Voir V. Guérin,
Judée, t. m, p. 200 ; The Survey of Western Palestine,
Memoirs, t. h. p. 410. L. Heidet.
ZARA (hébreu : Zérah [à la pause Zdrah, I Par., n,
4; Gen., xxxvm, 30]; Septante : Zocpâ et quelquefois
Zaps, Zapsç; zérah en hébreu signifie ortus [lucis]),
nom de six personnages dans l'Ecriture. La Vulgate
écrit quelquefois le nom Zaré au lieu de Zara. Voir
Zara 2, 4.
1. ZARA, le second nommé des trois fils de Rahuel
et petit-fils d'Ésaù. Gen., xxxvi, 13-17; I Par., i, 37-75,
fut un des allouf ou chefsde tribu deslduméens. Gen.,
xxxvi, 17.
2. ZARA, père de Jobab de Bosra. Jobab fut un des
premiers rois d'Édom. Gen., xxxvi, 33; I Par., i, 44.
Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit son nom Zaré.
3. ZARA, fils de Juda et de Thamar, frère jumeau de
Phares. Gen., xxxvm, 30; I Par., n, 4; Matth., i, 3.
Voir Phares, col. 205. Zara eut cinq fils,Zamri, Ethan,
Éman, Chalcal et Dura. I Par., n, 6. Ses descendants
sont appelés Zaréites. Num., xxvi, 20 (Vulgate : Zave,
Zareitse). Achan, qui s'attribua une partie du butin de
Jéricho, malgré la défense de Josué, était un Zaréile.
Jos., vu, 1, 17, 18, 24; xxn, 20. Voir Aciian, t. I,
col. 128. — Des descendants de Zara par Jéhuel et
d'autres frères de ce dernier s'établirent à Jérusalem
après la prise de cette ville au nombre de 690. I Par.,
x, 2-3, 6. Après le retour de la captivité, un Zaréite,
appelé Phatathia, fut du temps de Néhémie in manu
régis, c'est-à-dire agent du roi de Perse au milieu de
ses frères en Palestine. II Esd., xi, 24. — Sur Ezrahite,
descendant de Zara, voir t. n, col. 2163.
4. ZARA, le quatrième des cinq fils de Siméon le
fils de Jacob. I Par., iv, 24. Gen., xlvi, 10, il est appelé
Sonar, voir col. 1821, comme Exod., vi, 15 (Vulgate :
Soar, voir col. 1814). Il fut le chef de la famille des Za-
réites. Num., xxvi, 13 (Vulgate : Zaré).
5. ZARA, lévite, de la descendance de Gersom, fils
d'Addo et père de Jéthraï. I Par., vi, 21. Il fut un des
ancêtres d'Asaph, ;f. 4L
6. ZARA (hébreu : Zerah; Septante : Zapi), probable-
ment un Osorkon, roi d'Lgypte. — On lit, II Par., xiv,
9-15, que Zara l'Éthiopien sortit contre Asa avec une
armée d'un million d'hommes et trois cents chars, et
V. - 80
2531
ZARA — ZARED (TORRENT DE)
2532
qu'il s'avança jusqu'à Marésa. Asa marcha contre lui et
rangea son armée en bataille dans la vallée de Sephata,
près de Marésa. Il pria le Seigneur qui jeta l'épouvante
parmi les éthiopiens, et ceux-ci prirent la fuite. Asa
les poursuivit jusqu'à Gérare et les Éthiopiens tombèrent
jusqu'au dernier. Le vainqueur ravagea toutes les villes
des environs de Gérare, pilla les bergeries, et regagna
Jérusalem chargé d'un butin énorme, traînant après
soi une grande multitude de moutons et de chameaux.
Au sujet de cet événement, que racontent les seuls
Paralipomènes, plusieurs opinions se sont fait jour :
1° L'opinion qu'on peut appeler radicale : le récit est
apocryphe et fabuleux. Wellhausen, Prolegomena
zur Geschichte Israels, 1886, p. 214; B. Stade, Ge-
schichte des Volkes Israël, 1887, t. i, p. 355, note 2;
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient
classique, t. n, 1897, p. 774, note 2, et Histoire ancienne
des peuples de l'Orient, 6 e éd., 1904, p. 413 et note 1;
Budge, A hislory of Egypt, t. vi, 1902, p. 77-78. A
l'avance, Wiedemann, Aegyptische Geschichte, 1884,
p. 155, s'est élevé contre ce scepticisme portant sur
une époque peu connue, mais sa conjecture d'un en-
vahisseur éthiopien avant Piankhi, et qui aurait poussé
jusqu'en Palestine, n'est qu'une pure hypothèse.
2° L'opinion de ceux que hante plus ou moins le
mirage de l'Arabie. L'armée envahissante, caractérisée
par ses chameaux, ne peut être, nous dit-on, qu'une
armée arabe. Le nom deZerah, Zirrih,a été récemment
trouvé dans des inscriptions sabéennes; c'est le nom
deplusieurs chefs de la région de Djebel §ammar(Hâïl).
L'armée de Zara était donc composée de Couschites
du sud de l'Arabie. Fr. Hommel, Zerah the Kushite,
dans Expository times, t. vm, 1897, p. 378. D'ailleurs,
ajoute-t-on, Kûs, dans l'Ancien Testament, à une excep-
tion près, qui est certaine, IV Reg., xix, 9= Is., xxxvil,
9, et trois autres douteuses, Is., xi, 11, Nahum, m, 9,
et Jer., xlvi, 9, désigne l'Arabie. Zaré n'est donc qu'un
scheikh arabe du pays de Saba. Id., Explorations in
Arabia, dans Hilprecht, Explorations in Bible lands
during the 19 lh cenlury, 1903, p. 732-742. Cf. Er. Nagl,
Die nachdavidische Koenigsgeschichte Israël, 1905,
p. 200-204; I. Benzinger, Die Bûcher der Chronih, 1901,
p. 101 ; R. Rittel, Die Bûcher der Chronih, 1902, p. 132.
Mais on oublie de nous expliquer comment ce scheikh
était à la tête de trois cents chars et de l'armée consi-
dérable que suppose le nombre rond d'un million
d'hommes. En outre, que devient, dans cette hypothèse,
le passage parallèle, II Par., xvi, 8, où les Libyens,
Lubîm, nous sont donnés comme faisant partie de l'ar-
mée des envahisseurs, tout ainsi qu'ils faisaient naguère
partie de l'armée de Sésac, II Par., XII, 3? Cf. Revue
biblique internationale, 1897, p. 333.
3° L'opinion commune. — Pour Champollion, Précis
du système hiéroglyphique, 2» édit., 1828, p. 257-262;
Mariette, Le Sérapéum de Memphis, 1882, t. i, p. 171;
Pétrie, A history of Egypt, t. m, 1905, p. 242-243,
Zara ne serait autre que le successeur de Sésac, Osor-
kon 1 er , ou Serakh(on), le second roi de la XXII e dynas-
tie, et Pétrie place la victoire d'Asa vers l'an 904 avant
J.-C. Pour Ed. Naville, Bubaslis, 1891, p. 50-51, The
festival hall of Osorkon II (Mémoires VIII et X de
l'Egypl Exploration Fund], et Sayce, The Egypt of
the Hebrews/fc édit., 1902, p. 110-112, ce serait plutôt
Osorkon II dont les rapports avec l'Ethiopie et la Pa-
lestine (Haut Routenou) étaient consignés à Eubaste
dans la salle de la grande fête d'Amon. Reste le fait
troublant que le chroniqueur donne à Zara l'appella-
tion d'Éthiopien. Peut-être le devons-nous à ce que
les pharaons Sua et Tharaca étaient d'origine éthio-
pienne, ceux-là même qui vont bientôt intervenir dans
les affaires de la Palestine. Sayce, loc. cit., p. 111. Quoi
qu'il en soit du chiffre d'un million d'hommes pour
l'armée des agresseurs, chiffre peut-être altéré, ou sim-
plement à prendre en général pour une grande mul-
titude, il n'en reste pas moins vrai qu'il y a de solides
raisons de voir là une invasion égyptienne menée par
un pharaon égyptien. En effet, l'Egypte seule pouvait
fournir une armée aussi considérable. Après une dé-
faite sanglante, usque ad internecionem, les vaincus
s'enfuient vers l'Egypte, non à l'est, vers l'Arabie. Les
villes frappées sont les villes autour de Gérare, au sud
de Gaza, sur la route de l'Egypte, villes frontières de la
Palestine que très vraisemblablement avaient occupées
les Égyptiens après la victoire de Sésac. III Reg., xiv,
25. De plus, les envahisseurs étaient des Éthiopiens et
des Libyens, II Par., xvr, 8, ce qui peut uniquement
être le fait d'une armée égyptienne. Pétrie, loc. cit.
Quant à l'argument des chameaux, il est permis de
ne pas le prendre au sérieux. C. Lauieh.
ZARAHI ou plutôt ZARAHITE (hébreu : (haz)-
Zarhî; Septante : tôZapcu; Vulgate : de stirpe Zarahi),
patronymique de Sobochaï qui était descendant de Zara,
fils de Juda, et était à la tête d'un des douze corps
d'armée de David. I Par., xxvn, 11. Voir Sobochaï,
col. 1816. — Un autre Zarahite est nommé au i. 13; la
Vulgate écrit Zaraï. Voir Zaraï.
ZARAHIAS, ZARAÏAS (hébreu : Zerahydh, « Vàh
a fait resplendir i>; Septante : Zapat'ot), fils d'Ozi et père
de Meraïoth, de la descendance d'Aaron. I Par., vi, 6,
51 (hébreu, v, 32; vi, 30); I Esd., vu, 4. La Vulgate
écrit son nom I Par., vi, 6, Zaraïas, et Zarahias, f. 51,
etl Esd., vu, 4.
ZARAÏ (hébreu : (haz)-Zarlfî; Septante : iS> Zapat;
Vulgate : de stirpe Zaraï), descendant de Zara, fils de
Juda, patronymique de Maraï, un des douze comman-
dants de corps d'armée de David. I Par., xxvii, 13. La
Vulgate écrit le même mot, Zarahi, au f. il.
ZARÉ, la Vulgate a orthographié plusieurs fois Zaré
le nom propre Zara. Voir Zara 2, 3, 4.
ZARED (TORRENT DE) (hébreu : nal.ial Zéréd ;
Septante : <papay? Zapév, ZapéS), vallée prés de laquelle
campèrent les Israélites, à la lin de la 38 e année de
l'exode et avant de pénétrer dans le désert de Moab.
Num., xxi, 12; Deut., h, 14. Voir Moab, carte, fig. 300,
t. iv, col. 1145.
1° Identification et histoire. — Les auteurs de VOno-
masticon se contentent d'indiquer le Zared in parte
deserti. Les éditeurs des Nantes and places in the
Old Testament n'osent proposer aucune identification.
Pour F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la
Terre Sainte, Paris, 1877, p. 315, le campement de la
vallée de Zared et celui de Dibon-Gad désignent un
seul et même endroit; le torrent devrait être par con-
séquent un affluent de l'Arnon dans le voisinage de
ûibân.
D'après le rabbin Schwarz, Tebuoth ha-Arez,
Jérusalem, 1900, p. 68-69, plusieurs le voyaient dans
Vouâdi béni Hamad, au nord d'el-Kérak. Gesenius,
Thésaurus, p. 429, et un grand nombre après lui
l'identifient avec*i.'oudd' el-Kérak lui-même. On re-
connaît communément aujourd'hui le torrent de Zared
dans Youâd' el-Résâ ou el-Hésy. Cette vallée et sa
rivière, limite actuelle entre le Djebâl et le territoire
de Kérak, a formé certainement de même en tout
temps la frontière entre la Gabalène et l'Humée au
sud et le pays de Moab au nord. Voir loc. cit. Les
Israélites, dans leur marche vers le nord, se sont
arrêtés à la frontière méridionale de Moab pour con-
tourner ensuite le pays par l'est : c'est donc aux bords
du Hesa qu'ils ont campé avant d'opérer ce mouve-
ment, et cette rivière est bien le torrent de Zared de
2533
ZARED (TORRENT DE) — ZEBÉDÉE
2534
l'Écriture. L'identification devient plus certaine et le
récit biblique plus clair si l'on admet, avec nous,
l'identité deleabarim appelée Iyym, D»y Num., xxxm,
45, et de 'Ayimeh, 3L*-^*- Voir Moab, t. m, col. 1140.
Arrivés à Jéabarim, les Israélites se trouvaient « aux
confins de Moab. » Num. xxxm, 44. 'Ayimeh est à
25 kilomètres environ de la rivière el-Ifésd. Le cam-
pement devait se développer du côté de l'est, dans les
campagnes qui vont rejoindre le désert se prolongeant
à l'orient de l'Idumée et de Moab; d'où l'auteur sacré
pouvait dire que les Hébreux « campaient au désert se
trouvant devant Moab, vers l'orient. » Num., xxi, 11.
De là, sans doute, Moïse envoya au roi de Moab la
députation chargée de demander le passage par son
territoire, Jud., xi, 17. L'autorisation en ayant été
refusée et Dieu ayant défendu d'attaquer les Moabites,
il ne restait aux émigrants qu'à prendre le chemin du
désert, en se détournant vers l'orient. Deut., u, 8-9-
Se levant donc pour franchir le torrent de Zared, ils
vinrent sur ses bords. Deut., n, 13; Num., xxi, 12. La
frontière orientale naturelle du pays de Kérak, qui a
dû être celle de l'ancien Moab, c'est la lisière du désert.
Elle est marquée aujourd'hui par le chemin du pèleri-
nage de Damas à la Mecque, qui divise nettement du
désert la région où l'on trouve des habitations séden-
taires. Au sud-est de ce pays, ce chemin aboutit au
qal'at el-tfesd, château près duquel jaillit la source
abondante appelée ras el-Ifesd. Le lieu est à 30 kilo-
mètres environ à l'est de 'Ayimeh et d'éf-J'afilèh.
C'est là, selon toute probabilité, l'endroit où Moïse et
les enfants d'Israël, arrivant de Jéabarim, établirent
leurs tentes avant de passer le torrent.
Plusieurs interprètes tiennent le torrent des Saules,
nafyal hà-'Arâbîm d'Isaïe, 15, 7, pour identique au
Zared dont le nom, dans le targum de Jonathan, est
d'ordinaire rendu par des expressions désignant
diverses variétés de saules. Voir t. v, col. 1510, et
t. iv, col. 1151.
2° Description. — h'oudd' el-Ifésd offre une grande
similitude avec le Môdjeb, la vallée d'Arnon. Comme
celle-ci, c'est une large et profonde déchirure à travers
le haut plateau qui s'étend à l'orient de la mer Morte
et de l'Arabah. La vallée commence à la « hauteur »
Taouil Sehâq par le mefra' el-Sfésy sa « première ra-
mification », à 25 kilomètres environ au sud-est du
rds el-Ifésd, d'où elle se développe jusqu'au ghôr es-
Sdfiyeli sur une étendue de plus de 50 kilomètres. Les
lianes escarpés et ravinés de la vallée laissent voir,par-
dessus les rochers de grès rouge qui sont à la base,
des couches superposées de calcaires divers et de
marnes couronnées de roches basaltiques. Le torrent
ou seil el-lfesd est entretenu et augmenté par les eaux
d'une vingtaine de petits affluents dont le principal est
le seil el-'Afrâ qui, non loin de son embouchure, reçoit
les eaux thermales et minérales du ' Ain-tfammdm
Selimân ibn Ddoud. Le torrent pénètre au ghôr es-
t$àfiyeh près du lieu appelé fahouâin es-Sukkar,
regardé par quelques-uns, à tort toutefois pensons-
nous, comme Ségor. Là il se divise en deux branches
dont la plus septentrionale va se jeter à la mer Morte,
après avoir parcouru encore près de cinq kilomètres,
et l'autre va se perdre dans les marais de la Sebghah.
— Les rives du torrent sont bordées de lauriers roses,
de tamariscs mêlés d'autres essences. De distance en
distance apparaissent des touffes de roseaux gigan-
tesques. A partir de son point de jonction avec le seil
el-'Afrâ, 15 kilomètres en amont de son embouchure
où, ainsi .que l'ouddi, il prend le nom de Qèrâfyy, la
végétation devient luxuriante. En cette partie surtout
les saules, particulièrement les deux espèces appelées
par les Arabes safsâf et ghaordb ou 'asdb, abondent
comme nulle part ailleurs. Ce fait peut expliquer
l'application du qualificatif nafral hd-'Arabîm, ou c des
Saules », au torrent de Zared et appuie l'identification
de l'un avec l'autre. — Le Qal'at el-Ifesd a donné son
nom à une des stations du chemin de fer de la Mecque.
— Voir A. Musil, Arabia Petrœa, Edom, in-8°, Vienne,
1907-1908, 1. 1, p. 28, 313; t. u, p. 243. L. Heidet.
ZAREHÉ (hébreu : Zerahydh; Septante : Eapai'a),
père d'Élioénaï, un des fils de Phahath-Moab qui
ramena avec lui deux cents hommes" de la captivité
sous la conduite d'Esdras. I Esd., vnr, 4.
ZARÉITES (hébreu : haz-Zarlii; Septante : ô Zapai),
membres de deux familles israélites, descendant l'une
de Siméon, Num., xxvi, 13, l'autre de Juda, f. 20. Voir
Zara 3 et 4.
ZARÈS (hébreu : Zérés; Septante : Zioo-àpa), femme
d'Aman, favori du roi Assuérus. Esth., v, 10, 14; vi,
13. Elle conseilla à son mari de faire dresser une
potence pour y pendre Mardochée, v, 14, mais elle
prévit qu'Aman ne pourrait triompher de son ennemi,
quand elle apprit que Mardochée était Juif, vi, 13.
ZATHAN (hébreu : Zêtâm; Septante : Zsôôu.).
Lévite, de la descendance de Gersom par son aïeul
Léédan. I Par., xxni, 8. Il fut chargé avec son père
Jahiel ou Jéhiéli de la garde des trésors de la maison
du Seigneur du temps du roi David. I Par., xxvr, 22.
Voir Jahiel 2, t. m, col. 1107.
ZAVAN (hébreu : Sa'dvân; Septante : Zouxâ[i), chef
horréen, nommé le second des trois fils d'Éser. Gen.,
xxxvi, 27; IPar., i, 42.
ZEB (hébreu : 3>u, « loup »; Septante : ZVj6), un des
chefs, sarîm, madianites qui, sous la conduite des
deux rois Zébée et Salmana, avaient envahi la Palestine
du temps des Juges et furent battus parGédéon. Comme
il s'enfuyait avec Oreb, autre chef madianite, les
Éphraïmites les poursuivirent et les tuèrent, probable-
ment au moment où ils allaient passer le Jourdain,
Oreb à la pierre d'Oreb et Zebau pressoir deZeb, ainsi
appelé de son nom en mémoire de cet événement. Ils
apportèrent leur tête à Gédéon qui poursuivait les
Madianites fugitifs à l'est du fleuve. Jud., vu, 25;
vin, 3. Le Psaume lxxxiii (lxxxii), 12, rappelait plus
tard cette marque de la protection de Dieu envers son
peuple. Cf. Is., x, 26. Voir Oreb, t. iv, col. 1856. L'em-
placement du pressoir de Zeb et de la pierre d'Oreb
n'est pas connu. Tristram, Bible places, p. 230, sup-
pose que « le pressoir de. Zeb» est le Trivil el-Diab,
« antre du loup », dans l'ouadi el-Diab.
ZÉBÉDÉE (grec : ZegeSaToi;, probablement forme
grecque de Zabdi ou de Zabadias, Zébédias), mari de
Salomé et père des apôtres Jacques le Majeur et Jean.
Matth., iv, 21 ; xxvii, 56; Marc, xv. 40. Il gagnait sa
vie en péchant dans le lac de Galilée, et il jouissait d'une
certaine aisance, ayant des serviteurs pour l'aider à la
pêche, Marc, I, 20, et son fils Jean étant connu du
grand-prêtre Anne. Joa., xvm, 15. Il habitait probable-
ment à Bethsaïde ou dans le voisinage de cette ville.
Ses fils Jacques et Jean réparaient avec lui leurs filets
quand le Sauveur les appela à le suivre. Matth., iv, 21-
22; Marc, i, 19-20. Ce sont les seuls traits de sa vie
que nous raconte l'Évangile. U n'y est plus nommé
que comme père des apôtres Jacques et Jean ou à pro-
pos de leur mère. Matth., x, 3; xx, 20;xxvi, 37; xxvii,
56; Marc, m, 17; x, 35; Luc, v, 10; Joa., xxi, 2. —
Sa femme n'est désignée que comme « mère des fils de
Zébédée », en deux circonstances : lorsqu'elle demanda
à Notre-Seigneur pour ses fils les deux premières
places dans son royaume, Matth., xx, 20-23, et lorsque,
2535
ZÉBÉDEE — ZÈLE
2536
après avoir suivi le divin Maître dans ses courses apos-
toliques, elle assista à sa mort sur la croix, xxvii, 55-
56. Zébédée était sans doute mort avant la Passion.
ZÉBÉDÉI (hébreu : Zabdi; omis dans les Septante),
fils d'Asaph etpère de Micha. Le fils de ce dernier, Ma-
thanias, était un des chefs des Lévites dont la fonction
consistait à louer le Seigneur du temps de Néhémie.
H Esd., XI, 17. Zébédéi est appelé Zéchur (hébreu :
Zakkur) II Esd., XII, 34 (hébreu, 35), et Zéchri (hébreu :
Zikri) I Par., ix, 15. Voir Zéchri 5 et Zéchur 2.
ZÉBÉDIA (hébreu : Zebadyâh, « don de "Yàh »;
Septante : ZaêaSi'aç, . ZaêSîa), nom de deux Israélites
dans la Vulgate. Six autres portent le même nom dans
l'hébreu et la Vulgate les appelle Zabadia, Zabadias.
1. ZÉBÉDIA, fils de Michaël, « des fils de Saphatias, »
qui revint de la captivité de Babylone avec quatre-vingts
hommes de sa parenté sous la conduite d'Esdras.
I Esd., vin, 8.
2. ZÉBÉDIA, prêtre, « des fils d'Emmer, » qui avait
épousé une femme étrangère. Esdras la lui fit répudier.
I Esd.,x, 20.
ZÉBÉE (hébreu : Zébah; Septante : Ziêté), un des
deux rois madianites qui. du temps de Gédéon avaient
envahi la Palestine. Il fut battu, poursuivi et mis à
mort avec Salmona son confédéré par Gédéon. Jud.,
vm, 6-21. Voir Gédéon, t. m, col. 148; Madianites,
t. iv, col. 535. Le Psaume lxxxii (lxxxiii). 12, rappelle
cet événement.
ZEBIDAH (hébreu : Zebidddh; qerl : Zebûddh;
Septante : 'Ie).8diy), fille de Phadaïa, de Ruma, femme
du roi Josias et mère du roi Joakim. IVReg., xxm, 36.
ZÉBUL (hébreu : Zebul; Septante tZeêoO)), gouver-
neur (hébreu : pâqîd; Septante : litc'cxoitoç ; Vulgate :
princeps), de Sichem, placé par Abimélech à la tête de
cette ville pendant son absence. Les Sichémites s'étant
révoltés contre le fils de Gédéon, ayant à leur tête
Gaal, fils d'OBed, Zébul fit prévenir aussitôt secrètement
Abimélech, qui vint attaquer Gaal sans retard. Lorsque
apparurent les troupes conduites contre Sichem, Zébul
se mit à railler son ennemi, Gaal marcha contre elles,
mais elles le forcèrent à fuir; il perdit beaucoup de
monde en s'efforçant de rentrer dans Sichem et Zébul
l'en chassa avec le reste de ses gens. Jud., ix, 26-41.
On ne sait plus rien de Zébul.
ZÉCHRI (hébreu : Zikri), nom de douze Israélites.
1. ZÉCHRI (Septante : Zeypeî), le dernier des trois
fils d'Isaar. Isaar était fils d'Amram et petit-fils de
Caath, qui était lui-même fils de Lévi. Exod., VI, 21.
Voir Caath et Caatiiites, t. n, col. 1 et 3.
2. ZÉCHRI (Septante : Za/pî), le second des neuf
fils de Séméi, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 19.
3. ZÉCHRI (Septante : Z£-/pi), le cinquième des onze
fils de Sésac, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 23.
4. ZÉCHRI (Septante : Ze ZP s), le dernier des six fils
de Jéroham, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 27.
5. ZÉCHRI (Septante : Zsypi), lévite, fils, c'est-à-
dire descendant d'Asaph, père de Micha. I Par., ix, 15.
II estappelé Zébédéi, II Esd., xi, 17, et Zéchur,' II Esd.,
xii, 35. Voir Zébédée et Zéchur 2, col. 2534, 2536.
6. ZÉCHRI (Septante : Zey.pî), descendant d'Éliézer,
fils de Moïse. Son père s'appelait Joram (voir Joram 4,
t. m, col. 1646) et son fils, qui fut trésorier des choses
saintes du temps de David, Sélémith. I Par., xxvi, 28.
Voir Sélémith, col. 1579.
7. ZÉCHRI (Septante :ZsxpOiR u Wnite,pèred'Éliézer.
Celui-ci fut chef de la tribu de Ruben sous le règne de
David. IPar., xxvm, 16. Voir Éliézer 5, t. n, col. 1680.
8. ZÉCHRI (Septante : ZtxpQ, père d'Amasias, de la
tribu de Juda. Amasias vivait sous le règne de Josaphat,
roi de Juda, et commandait deux cent mille hommes de
son armée, d'après II Par., xvii, 16.
9. ZÉCHRI (Septante: Zaxapi'aç), père d'Élisaphat.
Ce dernier fut un de ceux qui aidèrent Joïada à établir
sur le trône de Juda le jeune Joas qui avait échappé
au massacre d'Athalie. II Par., xxm, 1. Voir Élisaphat,
t. h, col. 1690.
10. ZÉCHRI (Septante : Zsy_p:)> homme puissant
d'Éphraïm. Il était un des chefs de l'armée de Phacée,
fils de Romélie, roi d'Israël, qui fit la guerre à Achaz,
roi de Juda. Pendant cette guerre, Zéchri tua Maasias,
fils du roi Achaz, Ezricam, chef de la maison royale,
et Elcana, le second après le roi. II Par., xxvm, 7.
Quelques-uns ont supposé que ce Zéchri était le fils de
Tabéel que Phacée et Razin auraient voulu établir roi
de Juda. Cf. Is., vu, 6. Voir Maasias 4, t. iv, col. 469;
Ezricam 4, t. h, col. 2164; Elcana 8, col. 1647;
ïabèel, t. v, col. 1951.
11. ZÉCHRI (Septante : Zeypi), père de Joël. Celui-
ci, au retour de la captivité, sous Esdras, fut à la tête
d'une partie des Benjamites qui habitèrent Jérusalem.
II Esd., xi, 9. Voir Joël 14, t. m, col. 1582.
12. ZÉCHRI (Septante : Zey_p(), prêtre de la famille
d'Abia, qui vivait du temps du grand-prêtre Joacim.
II Esd.,, xii, 17.
ZECHUR (hébreu : Zakkûr), nom de deux Israé-
lites dans la Vulgate. Dans le texte hébreu, sept Israé-
lites portent le nom de Zakkur, notre version latine
n'a transcrit le nom que de cinq d'entre eux. Voir
Zachur, col. 2527.
1. ZÉCHUR (Septante : Za/ovp), Rubénite, père de
Sammua. Ce dernier est le premier des douze Israélites
qui furent désignés par Moïse pour aller du désert de
Pharan explorer la Terre Promise. Num., xm, 5
(hébreu 4).
2. ZÉCHUR (Septante : Zax/ojp), Lévite, fils d'Asaph
chef de la troisième division des chanteurs du Temple
telle qu'elle avait été organisée par David. II Esd., xn,
34. La Vulgate écrit son nom Zachur, I Par., xxv, 2, 10. •
Voir Zachur 3.
ZÈLE (hébreu : qin'dh; Septante), ardeur que l'on
déploie pour le bien ou ce qu'on croit tel. Le zèle est
souvent désigné, surtout dans l'Ancien Testament, sous
le nom de jalousie. Voir Jalousie, t. m, col. 1112. —
1» Les auteurs sacrés célèbrent le zèle, pour la loi
divine, de Phinées, Num., xxv, 13; I Mach., u, 54,
celui d'Élie, III Reg., xix, 10, 14; I Mach., n, 58, des
serviteurs de Dieu, Judith, ix, 3, de Jéhu, IV Reg., x,
16, de Mathathias, I Mach., n, 26-27. Le zèle du vrai
Israélite le consume, à la vue de ceux qui font mal.
Ps. cxix (cxvm), 139. — 2» A l'époque du Nouveau Tes-
tament, les pharisiens se montraient pleins de zèle
pour faire des prosélytes. Matth., xxm, 15. Voir Pro-
2537
ZÈLE — ZÉTHAN
2538
Sélyte, col. 759. Saint Paul, qui partagea ce zèle, Act.,
xxil, H; Gai., I, 14, jusqu'à se faire persécuteur des
premiers disciples du Christ, Phil., m, 6, reconnaît
l'ardeur des sentiments qui animent ses compatriotes,
cf. Act., xxi, 20, mais juge leur zèle mal éclairé. Rom.,
x, 2. Lui-même apparaît animé du plus grand zèle
pour la conversion des Juifs et des Gentils. Rom., iXi
3. — Saint Jacques, m, 14, recommande aux chrétiens
d'éviter le zèle amer, que le défaut de charité rend
plus nuisible qu'ulile. — A l'ange de Laodicée, dont il
déplore la tiédeur, saint Jean conseille d'avoir du zèle.
Apoc, m, 19. H. Lesêtrb.
ZÉLOTE (hébreu : qannd'), celui qui déploie une
grande ardeur pour la défense d'une cause. — Le mot
est employé pour marquer le caractère transcendant
de Dieu, qui est un Dieu « jaloux », ne pouvant tolérer
aucune atteinte à sa majesté suprême. Exod., xx, 5;
xxxiv, 14. — Un des Apôtres, Simon, porte le surnom
de Zélote. Luc, vi, 15; Act., i, 13. Ailleurs il est appelé
KavavaTo;, Cltananœus. Matth., x, 4; Marc, m, 18. Ce
dernier terme ne désigne nullement un « Chananéen »
ni un homme originaire de Cana; il n'est que la tra-
duction de qannd', devenu dans l'hébreu plus récent
qanna'y, qan'dn, qan'ânayyd', qannd'în. Cf. Sanhé-
drin, ix, 6. Lorsque les Romains prirent l'administra-
tion directe de la Palestine et y établirent le premier
procurateur, Coponius (6-9 après J.-C), un parti se
forma, à l'instigation de Judas de Gamala et du phari-
sien Sadduk, pour faire opposition à la domination
étrangère. Voir Judas le Galiléen, t. m, col. 1805. Les
partisans de cette opposition prirent le nom de « zélo-
tes ». Beaucoup d'entre eux obéissaient à une préoc-
cupation purement religieuse; la fidélité à leur loi et
l'attente du Messie, seul libérateur efficace de leur na-
tion, dominaient toutes leurs pensées. D'autres envisa-
geaient surtout le côté politique de la situation, et,
réduits à l'impuissance pour le moment, ils devinrent
plus tard des patriotes exaltés et contribuèrent plus que
personne à déchaîner la guerre de Judée. Cf. Josèphe,
Bell, jud., IV, m, 9; v, 1; vi, 3; VII, vm, 1. Simon
l'apôtre ne fut évidemment pas un zélote politique.
Il le fut au point de vue religieux, sans qu'on puisse
dire cependant s'il appartenait au parti qui portait ce
nom. Il se peut qu'il ait été simplement comme ces
zélotes, ardents partisans de la Loi, qui se convertirent
plus tard à l'Évangile, Act., xxi, 20, ou comme saint
Paul lui-même, zélote dévoué des traditions paternelles.
Gai., i 14. Pour mériter un pareil surnom, Simon dut
se distinguer par un zèle plus qu'ordinaire ou par
quelque action d'éclat. H. Lesétrk.
ZELPHA (hébreu : Zilpâh; Septante : Z<f).;pi), ser-
vante que Laban donna comme esclave à sa fille Lia,
lorsque celle-ci épousa Jacob. Gen., xxix, 34. Lia la
donna plus tard à Jacob comme femme de second
rang, xxx, 9, afin d'augmenter le nombre de ses enfants,
Zelpha devint ainsi la mère de Gad et d'Aser, xxxv, 26 ;
xxxyh, 2;xlyi, 18.
ZEMMA (hébreu Zimmâh; Septante : Zep.iJ.a6),
Lévite gersonite, dont le fils ou le descendant Joah
vivait du temps du roi Ézéchias. II Par., xxix, 12. Sur
ce Joah, voir Jo/jh 2, t. m, col. 1551. Cf. Zamma 2.
ZÉNAS (grec: Zrjvâ;, contraction de ZïivôSwpoç),
chrétien nommé par saint Paul, Tit., m, 13, qui le
recommanda à Tite et aux fidèles de Crète, en même
temps qu'Apollos. Il lui donne le titre de vou.ixôc, qui
désigne probablement un docteur juif, quoique quel-
ques-uns entendent par ce titre un jurisconsulte
romain. Le pseudo-Dorothée en fait un des soixante-
douze disciples. Chronic. pascli., lui, t. xcn, col. 524.
Voir.4cta Sanctorum, 27 septembre, t. vu septembris,
p. 390-391.
ZÉPHRONA (hébreu : Zifrônâk, pour Zifrôn avec
âh local; Septante : Aeçpuvâ; codex Alexandrinus :
Zef pwvi), ville à la frontière septentrionale de la Terre
Promise. Num., xxxiv, 9. Elle est mentionnée entre
Émath et Sedada d'une part et « le village d'Énan »
d'autre part. — Les exégètes, voyant dans la frontière
décrite en ce passage la frontière réelle du pays conquis
par Josué, cherchent Zéphrona au midi du Liban et du
grand Hermon. Le P. Van Kasteren propose de la recon-
naître soit dans Sarîfd, village de la haute Galilée
situé à 9 kilomètres environ au nord de Tibnin, soit
dans Furân voisin du précédent au nord-est, tous deux
au sud du nahar el-Qasmiyet et à peu de distance; ou
bien, dans le cas que Ziphron serait identique, comme
plusieurs le pensent, à la Sabarim d'Ézéchiel, xlvii,
16, on pourrait la voir au khirbet Sanbariyet, à moins de
4 kilomètres sud-ouest de Tellel-Qâdy et à 7 de Serâdà.
Voir Chanaan, t. n, col. 534-535; Revue biblique,
1895, p. 30-31. Les deux premières localités avaient été
proposées déjà par F. de Saulcy, Dictionnaire topo-
graphique de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 316. —
A la suite des anciens interprètes juifs et de saint
Jérôme, un grand nombre d'autres exégètes considèrent
la frontière du livre des Nombres comme condition-
nelle et purement idéale; ils cherchent en conséquence
Zëphrona et les aulres villes nommées avec elle beau-
coup plus au nord. Saint Jérôme, In Ezech., loc. cit.,
l'identifie avec Zéphyriuin de Cilicie, t. xxv, col. 477.
De l'avis des commentateurs modernes, c'est la chercher
trop loin; Zéphrona était au sud d'Émath, incontesta-
blement Hamah. Divers auteurs, tenant pour une seule
localité Zéphrona et Sabarim, croient reconnaître ce
dernier nom dans èômeriyeh à l'est e.t non loin du
lac de IJoms. C'est ce que semble exprimer Riess, JBi&eJ-
Atlas, 3 e éd., 1895, p. 29, en proposant l'opinion, avec
réserve toutefois, et en plaçant, carte iv, Siphron au
lieu où se trouve Sômeriyéh. Fûrrer, dans Zeitschrift
des deulschen Palâstina- Vereins, t. vm, p. 27-34,
identifie Zifrôn avec Zaferâné, village syrien situé à
environ 30 kilomètres au sud de liariiah et à 15 au
nord de IJoms. Le nom est écrit moins exactement ez-Za'-
ferdnéh par E. Robinson qui a été le premier à proposer
cetle identification, Biblical researches, Boston, 1811,
t. m, Appendix, p. 184; cf. Baedeker(Socin), Palestine
et Syrie, édit. franc., 1882, p. 584. Ce qu'elle a en sa
faveur, outre le sentiment général des anciens appuyé
par Deut., I, 7; xi, 24; Jos., I, 4, c'est la parité, on peut
dire parfaite, des noms dans le cas particulier et pour
la plupart des autres noms. La difficulté résultant de
la place de Zéphrona dans l'énumération qui rompt la
suite du tracé de la frontière, peut s'expliquer faci-
lement. On le voit par la plupart des descriptions des
territoires des tribus d'Israël, les écrivains hébreux
n'entendent pas indiquer seulement la suite régulière
des localités qui bordent la frontière de ce côté; mais ils
tiennentà faire connaître en même temps les principales
localités situées de ce côté dans l'intérieur du territoire.
L. Heidet.
ZÉRET, nom hébreu d'une mesure de longueur,
d'une demi-coudée. Les Septante l'appellent am^a.\i.r\
et la Vulgate palmus. Exod. , xxvm, 16 ; xxxix, 9 ; I Sam .
(Reg.), xvii,4;Is.,xl, 12; Ezech., xliii, 13. Dans notre
système métrique, il vaut m 262. Voir Palme 2, 1°,
t. iv, col. 2058; Mesures, II, 2», Empan, col. 1042.
ZETHAN, nom de deux Israélites dans la Vulgate.
1. ZÉTHAN (hébreu : Zê(dn, « olivier »; Septante :
ZouGâv), cinquième fils de Balan et petit-fils de Jédihel,
de la tribu de Benjamin. I Par., vil, 10.
2539
ZÉTHAN — ZIPH
2540
2. ZÉTHAN (hébreu : Zêtâm, « olivier » ; Septante :
Zrfiâ.v,\ Par., xxiil, 8; Ze6ô(i, xxvi, 22), Lévite gersonite,
fils ou descendant de Léédan. I Par., xxm, 8. Plus
loin, xxvi, 22, il est donné comme fils de Jéhiéli (Jé-
hiel) et petit-fils de Léédan.
ZÉTHAR (hébreu : Zétâr; Septante : 'AëaT«;«),un
des sept eunuques qui servaient le roi de Perse Assué-
rus, Esth., i, 10, et qu'il chargea d'amener la reine
Vasthi dans la salle où il donnait un festin aux grands
de sa cour.
ZÉTHU (hébreu : Zaftû'; Septante : ZaBovia), chef
d'une famille dont les membres retournèrent de la
III Reg., vi, 1, 37(Vulgate: mense Zio). C'est le même
mois qu'Iyar. Voir Gesenius, Thésaurus, p, 407.
Cf. Calendrier, t. h, col. 66.
ZIPH (hébreu : Zîf), nom d'une personne, de deux
villes et du désert voisin de l'une d'elles.
1 . Ziph (hébreu : Zîf; Septante : 2(6 ; Alcxandrinus :
Zitpai), fils atné de Jaléléel, de la tribu de Juda.
IPar., iv, 16.
2. ZIPH (hébreu : Zif, Jos.,xv, 24; omis dans les Sep-
tante, Vaticanus; son nom est confondu avec le précédent
dans YAlexandrinus, où pour Jethnam et Ziph on lit
561. — Tell ez-Zif. D'après une photographie de M. L. Heidet.
captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel et
qui signa l'alliance du peuple avec Dieu. II Esd., x,
14. Son nom est écrit Zéthua, I Esd., n, 8; III Esd., vu,
13. Son nom parait omis dans la liste. I Esd., vin, 5.
Cf. III Esd., vin, 32.
ZÉTHUA(hébreu : Zattû; Septante: ZaTOouâ), un
des chefs israélites dont les fils revinrent de Pa-
lestine avec Zorobabel au nombre de 945, d'après I Esd.,
n, 8, au nombre de 845, d'après II Esd., vu, 13
(Septante : ZaBoufa). La Vulgate écrit son nom Zéthu
dans II Esd., x, 14.
ZIÉ (hébreu : Zi'a; Septante : Zoîe), le sixième des
sept fils d'Abihaïl, fils d'Huri, de la tribu de Gad.
IPar., Y, 13.
ZIO ou ZIV (hébreu : Ziv ; Septante: ? au qua-
trième mois »), « le mois des fleurs », le second mois
de l'année hébraïque, commençant à la seconde partie
d'avril et comprenant la première partie de mai.
'I8vaSJ<p;Zi<p, IPar., il, 42, est sans doute le même nom),
localité indiquée, Jos., xv, 24, parmi les villes situées
a à l'extrémité de la tribu des fils de Juda, aux confins
d'Édom, au midi (Négéb). » Mésa, fils aîné de Caleb,
frère de Jeraméel, en est appelé le père, c'ést-à-dire le
fondateur. I Par.,n, 42. On peut inférer de laque Ziph, si
elle n'appartenait pas à la terre de Jeraméel, se trouvait
du moins sur ses confins. — A près de 40 kilomètres
au sud-sud-ouest de Tell'Arad, à 6 ouest-sud-ouest de
Qornub (Thamar) et sur la lisière du territoire de
Hadiréh, Qôzel-Badîrëh, on rencontre, marqué par des
citernes et quelquesmonceaux de pierres, l'emplacement
d'une ancienne localité désigné par les Bédouins sous le
nom de khirbet ez-Zeiféh, À-ÔJ : .C'est évidemment, avec
l'adjonction de la terminaison k, h, si fréquente dans
les anciens noms, le nom même de Ziph. La situation
correspondant si bien aux indications bibliques, il est
permis de croire qu'il est toujours demeuré attaché à
la même place (fig. 561). Voir Al. Musil, Arabia Pe-
trsea, Edom, II, in-8«, Vienne, 1907-1908, p. 30.
L. Heidet.
2541
ZIPH - ZIPH (DÉSERT DE)
2542
3. ZIPH (hébreu: Zif; Septante : ordinairement Zl<p),
ville de la région montagneuse de Juda. Elle est men-
tionnée, Jos., xv, 55, entre Maon et Carmel d'une part
et Jota d'autre part. L'Onomaslicon, édit. Klostermann,
Leipzig, 1904, p. 92, la rattache au territoire de la
Daroma dépendant l'Éleuthéropolis ou Bethdjibrin,
et la place près de Carmel de Juda, au huitième
mille d'Hébron, à l'orient. Cette dernière indication
fait sans doute allusion au désert voisin plutôt qu'à la
ville. — Le nom de Ziph est porté aujourd'hui par une
colline, Tell cz-Zîf, située à 7 kilomètres au sud-sud-est
d'Hébron. De 878 mètres d'altitude au-dessus de la
Méditerranée, elle domine toutes les hauteurs des
alentours. Yalta (Jota), à moins de 5 kilomètres au sud-
Ziph. Le même nom porté par un des fils de Jéleléeb
I Par., iv, 16, permet de le considérer comme le fon-
dateur de la ville. Au temps de Saûl, les habitants de
Ziph se montrèrent aussi peu généreux que ceux de
Céila, en allant, à deux reprises, dénoncer au roi la
retraite de David sur leur territoire, s'engageant en
outre à le lui livrer. I Reg. (Sam.), xxm, 19-24; xxvi,
1. David, Ps. LUI (liv), 5, les appelle des étrangers et
des ennemis et il invoque la justice de Dieu contre eux.
La ville fut fortifiée par Roboam. II Par., x, 8. Au iv«
siècle, elle était encore habitée. Onomabl., loc. cit. —
Voir Éd. Robinson, Biblical researches in Palestine,
Boston, 1841, t. n, p. 190-191; V. Guérin, Judée, t. m,
p. 159-160.
5fi2. — Désert de Ziph, à l'est du tell. D'après une photographie de M. H. Leidet.
ouest, a seulement 837 mètres; Carmel, à 5 kilomètres
au sud, 819; seul Tell-Ma'in (Maon), mais à 2 kilo-
mètres plus au sud, s'élève d'un mètre et demi plus
haut. Le site, on ne peut le nier, convenait admirable-
ment pour servir d'assiette à une ville fortifiée. Toute-
fois, on ne remarque à son sommet aucune trace ni de
fortifications ni d'habitations. La ruine khirbet ez-Zîf,
en contrebas sur le côté méridional, ne semble pas
remonter à une époque reculée ni avoir jamais été for-
tifiée. Aussi plusieurs palestinologues, entre autres
V. Guérin, tout en tenant le tell pour une partie du
territoire de Ziph qui a conservé son nom, croient-ils
devoir chercher l'emplacement et les restes de la ville
elle-même dans quelqu'une des ruines importantes qui
l'entourent. Plusieurs, particulièrement les khirbet
Abu el-Hamâm et khirbet el-Ghunâim, peuvent pré-
tendre à ce titre et, dans ces conditions, il est difficile
de se prononcer. Ce qui est certain, c'est que le nom
d'ez-Zîf fixe en général au moins le territoire de la
localité et désigne la région déserte et montueuse se
développant à l'est vers la mer Morte pour le désert de
4. ZIPH (désert DE) (hébreu : midbar Zif; Sep-
tante : ht -itj épïj|ji<!> " *<? opet Zt'f), I Reg., xxm, 14,
portion du désert de Juda entre la ville de Ziph et la
mer Morte (fig. 562). — Le texte l'indique simplement
« dans la montagne »,bd-har;lsL situation du désert de
Ziph à l'est du tell ez-Zif est incontestable. Il y a peu
d'années, nous y avons vu encore de nombreux buissons
de chênes-verts, que dévoraient les chèvres de Yattâ,
témoigner que jadis il y avait eu là d'épais bocages.
Le désert de Ziph est célèbre pour avoir donné refuge
à David fuyant la poursuite de Saûl après qu'il eut
quitté Céila. Il s'y tenait, avec ses six cents compagnons,
dans les lieux les plus inaccessibles, bam-messàdôt, in
firmissimis locis. IReg.,xxin, 14. Jonathas vint l'y trou-
ver pour l'encourager et renouveler avec lui l'alliance
contractée autrefois. La rencontre eut lieu « dans la
forêt » où demeurait David, selon la Yulgate; à Katv?,
ou Kaivîj Z?ç, « la nouvelle Ziph», d'après les Septante;
à l'endroit nommé tforëdh, d'après plusieurs inter-
prètes modernes, qui l'identifient avec la ruine IJurêsah
située à 2 kilomètres au sud-ouest de Tell ez-Zîf, à côté.
2543
ZIPH (DÉSERT DE) — ZODIAQUE
2544
A'et-Ghanàim. I Reg., xxm, 15-18. Cf. Buhl, Géographie
des alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 95. A l'approche
de Saiil, informé par les Ziphéens de la présence de
David dans leur voisinage, celui-ci passa au désert
contigu au midi de Maon. f. 19-24. Après y avoir erré
quelque temps et dans les régions voisines du désert
de Juda, David revint au désert de Ziph. Saùl, averti
de nouveau par les Ziphéens, descendit à son tour et
. vint camper avec les trois mille hommes d'élite qu'il
avaitpris avec lui, près de la colline d'Hachila où David
était caché. C'est là que le fils d'Isaï pénétra la nuit
jusqu'à la tente de Saùl, d'où il enleva la lance et la coupe
placées près de sa tête. 1 Reg., xxvi. Ne croyant pas
pouvoir se fier à la promesse du roi qui plusieurs fois
déjà avait manqué à sa parole, David prit le parti de
quitter le désert de Ziph et de se retirer au pays des
Philistins. I Reg., xxvn, 1-2. — Le désert de Ziph,
ainsi que celui de Maon, fait aujourd'hui partie du
territoire parcouru par les Arabes Djahâlin. — Voir
Hachila, t. in, col. 390-391; Ed. Robinson, Biblical
researches in Palestine, in-8», Boston, 1841, t. n, p. 190-
193; V. Guérin, Judée, t. h, p. 160-161.
L. Hf.idet.
ZIPHA (hébreu : Zlfàh; Septante : Zaçà), le se-
cond des fils de Jaléléel, de la tribu de Juda. I Par.,
IV, 16.
ZIPHÉENS (hébreu : Zifîm; Septante : Ziçocïoi),
habitants de Ziph. 1 Sam. (Reg.), xxm, 19; xxvi, 1;
Ps. liv, 1 (lui, 2). Ils dénoncèrent à Saiil la présence
de David dans leur pays.
ZIZA, nom de quatre Israélites dans la Vulgate.
Leur nom a une orthographe légèrement différente en
hébreu.
1. ZIZA (hébreu : Zdzd' ; Septante : 'OZây.), le second
et dernier des fils de Jéraméel, de la tribu de Juda.
I Par., n, 33.
2. ZIZA (hébreu : Zizâ' ; Septante : ZouÇà), fils de
Séphéi, de la tribu de Siméon. Il fut un des Siméonites
qui, sous le règne d'Ézéchias, allèrent attaquer à Gador
les descendants de Cham qui y faisaient paître leurs
troupeaux, les anéantirent et s'y établirent à leur place.
I Par., iv, 37-41.
3. ZIZA (hébreu : Zîzâh; Septante : ZtÇi), Lévite, le
second des quatre fils de Séméi de la descendance de
Gersom. I Par., xxm, 10-11. Dans le texte hébreu, f. 10,
le nom est écrit Zinâh, par suite d'une erreur de co-
piste.
4. ZIZA (hébreu : Zizâ'; Septante : Zrfcà), fils de
Roboam et de Maacha, fille ou plutôt petite-fille d'Ab-
salom. II Par., xi, 20.
ZIZANIE. Voir Ivraie, t. m, col. 1046.
ZIZYPHUS SPINA CHRISTI. Voir Couronne
d'épines, III, 1», t. ii, col. 1087 ; ; Jujubier, t. m, col. 1861.
ZOAR (hébreu : Sô'ar; Septante ordinairement :
2ïiY<ip; Vulgate : Segor). Voir Ségor, col. 1561.
ZODIAQUE(hébreu: mazzâlôt; Septante : (juxÇouptiS;
Vulgate : duodecini signa), zone céleste, d'environ 18»
de largeur, faisant le tour du ciel parallèlement à
l'écliptique, et dans laquelle se meuvent les planètes.
Cette zone est divisée en douze parties, dont chacune
porte le nom d'une constellation. Les anciens ont
laissé plusieurs représentations figurées du zodiaque.
Voir t. i, fig. 341, col. 1193. Sur un monument funèbre
trouvé en Nubie (fig. 563), le mort est représenté les
deux bras en l'air,encadrant quatre scarabées, symboles
de la résurrection. Les signes du zodiaque sont
figurés à ses côtés; à sa droite, le verseau, les poissons,
le bélier, le taureau, les gémeaux et le cancer; à sa
gauche, le lion, la vierge, la balance, le scorpion et le
563. — Le zodiaque sur un sarcophage.
D'après Ménard, Vie privée des anciens, t. n, fig. 80.
sagittaire. Le- capricorne est en haut, près de la main
droite du personnage, indiquant sans doute le signe
sous lequel il était mort. Les signes du zodiaque rap-
pellent ici les espaces célestes que le défunt doit par-
courir à Pexemple du soleil. — Il est raconté que
Josias chassa les prêtres des idoles qui offraient des
parfums à Baal, au soleil, à la lune, aux mazzdlôf
et à toute l'armée du ciel. IV Reg., xxm, 5. Les mazzalûl
sont ici des constellations; d'après Jensen, Die Kosmo-
logie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 348, les
astres qui servent d'habitations aux dieux, les manzallu
2545
ZODIAQUE — ZOMZOMMIM
2546
assyriens. La tradition, que représente la Vulgate, y a
vu les signes du zodiaque, en syriaque mavzal{u, en
arabe mendzil. Suidas rend (iaÇoupwS par ÇtoBia, « les
signes du zodiaque ». — Le mot employé par les
Septante traduit l'hébreu mazzârôf, qui se lit dans
Job, xxxvin, 32, et qui correspond aux mazarati
assyriens, les stations ou veilles de la nuit. Cf. Frz.
Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 502. L'auteur
de Job dit : « Est-ce toi qui fais lever les mazzârôt en
leur temps ? » Les Septante et Théodotion traduisent
ici par paÇoupûB, identifiant ainsi les mazzârôt et les
mazzalôt. Mais les mazzârôt sont pour le syriaque la
grande Ourse, pour la Vulgate Lucifer, pour d'autres
les Hyades. Il est probable que, de part et d'autre, il
s'agit des signes du zodiaque. H. Lesêtre.
ZOHAR (SÉPHER HA-), « Livre de la Splen-
deur », compilation rabbinique sur le Pentateuque.
— Cette œuvre, considérable par son étendue, aurait
été composée à l'époque de Titus par Simon ben
Yochaï, mais l'existence n'en fut révélée qu'à la fin du
xm e siècle par le rabbin Moïse de Léon. Drach, Le
l'harmonie entre l'Église et la Synagogue, Paris,
1844, t. i, p. 155, croit à sa haute antiquité dont l'ar-
chaïsme du style serait une preuve; il suppose même
que Simon ben Yochaï ne fit que mettre par écrit ce
qui s'était enseigné longtemps avant lui. Mais cette
attribution est contredite par les allusions qu'on trouve
dans le Zohar à des événements relativement récents,
comme les croisades, et surtout par le silence absolu
que dix siècles ont gardé sur une œuvre aussi impor-
tante pour le rabbinisme. Il est plus probable et com-
munément admis aujourd'hui que l'auteur du Zohar
n'est autre que Moïse de Léon, rabbin de la fin du
xiii" siècle, qui vivait en Espagne et compila son livre
en se servant de toutes sortes d'écrits antérieurs ou
contemporains, auxquels il mêla libéralement ses
propres élucubrations. On sait que beaucoup de rabbins
du moyen âge écrivaient l'araméen chaldaïque, la
langue talmudique, au moins aussi facilement que
l'hébreu, ce qui coupe court à toute prétention de
dater le Zohar d'après l'idiome employé.
L'ouvrage se compose d'ailleurs de commentaires
et de différents appendices portant des titres distincts :
le Livre des Mystères, la Grande et la Petite Assemblée,
le Mystère des mystères, les Palais, le Pasteur fidèle,
les Secrets de la Thorah, le Midrasch occulte, la
Spéculation du Vieux et celle du Jeune, Matnitin et
Tosefta. Dans ce soi-disant commentaire du Penta-
teuque, il n'est jamais question du texte qui sert de
thème au développement rabbinique. L'exégèse et la
théologie n'ont donc rien à y prendre. Par contre, on
y trouve toutes les idées de la Kabbale, voir Kabbale,
t. m, col. 1881, et les doctrines les plus étranges sur
Dieu, la création, l'homme, sa nature et sa destinée,
etc. Ces doctrines contredisent aussi formellement les
enseignements de l'Ancien Testament que ceux du
Nouveau.
Quand le Zohar parut, il fut accueilli avec enthou-
siasme par les Juifs kabbalistes, qui en firent le code
de l'occultisme, révélé par Dieu aux anges, transmis
par les anges à l'homme et parvenu de patriarche en
patriarche, de prophète en prophète jusqu'à Simon
ben Yochaï. Les chrétiens eux-mêmes s'y laissèrent
prendre et crurent y trouver la confirmation de leurs
croyances sur Dieu, la Trinité, le Messie, la rédemp-
tion et d'autres dogmes fondamentaux. La date mieux
connue de la composition du Zohar ôtait toute valeur
traditionnelle à ses affirmations dogmatiques, et l'im-
mense développement de ses élucubrations ne permet-
tait guère d'admettre qu'elles aient pu se transmettre
par voie de tradition orale. On renonça donc à l'idée
d'exploiter l'ouvrage dans un but apologétique pour la
conversion des Juifs, et Clément VIII, Constit. du
28 février 1692, frappa d'une même condamnation les
livres kabbalistiques, talmudiques et autres ouvrages
pernicieux des Juifs.
Le Zohar a été traduit en français par Jean de Pauly
et magnifiquement édité par Em. Lafuma-Giraud, 6
in-8», Paris, 1906-1911. Cette publication constitue
« un monument littéraire de tout premier ordre. » Cf.
H. Hyvernat, Sépher ha-Zohar, dans la Revue biblique,
1908, p. 588-592 ; S. Karppe, Étude sur les origines et
la nature du Zohar, Paris, 1901 ; Is. Broydé, article
Zohar, dans The Jewish Encyclopedia, in-8», New
York, t. xii, 1906, p. 689-693. H. Lesètre.
ZOHÉLETH [PIERRE DE] (hébreu: 'Ébén Zôh.éléi ;
Septante : Aî8t| to0 ZwsXéli), endroit où Adonias, fils de
David, fit préparer un sacrifice pour se faire proclamer^
roi par ses partisans et empêcher Salomon de monter
sur le trône. Voir Adonias, t. i, col. 225. Cette pierre
était située au sud de Jérusalem, près de la fontaine de
Rogel. III Reg., i, 9. D'après divers commentateurs,
Zohéleth signifiant « serpent », de zdhal, « ramper »,
Gasenius, Thésaurus, p. 413, est une pierre située près
ou sur la fontaine des Serpents (Vulgate : Fons Dra-
conis), dont parle II Esd., h, 13, ou * près de la pis-
cine des Serpents », tûv "Oopewv xoXupiSvjepa, que men-
tionne Josèphe, Bell, jud., V, m, 2. Plusieurs identi-
fient cette fontaine avec celle qu'on appelle aujourd'hui
« Fontaine de la Vierge ». Voir Rogel, col. 1107. Cette
identification n'est pas certaine; on peut cependant la
considérer comme très vraisemblable, quoi qu'il en
soit d'ailleurs de l'étymologie du mot Zohéleth, que les
lexicographes expliquent très diversement.
ZOHETH (hébreu Zôl.iêf; Septante: Zuâv; Lucien :
Zaw8), iils de Jési, de la tribu de Juda. I Par.,iv, 20.
ZOHRAB Jean, religieux mékihariste de Venise,
né à Constantinople en 1756, mort en 1829. On lui
doit la meilleure édition de la Bible arménienne.
Dans la première moitié du v e siècle (vers 432) les
Saintes Écritures ont été traduites en arménien par le
patriarche S. Isaac et le docteur Mesrob-Maschetotz,
avec le concours de leurs disciples, sur la version des
Septante de la recension d'Origène dite des Hexaples :
en effet, les manuscrits arméniens portent les signes
critiques d'obèles, de métobèles et d'astérisques fi
'Y' "%' 1 u ' en sont ' a P reuve évidente. La langue
en est du siècle d'or de la littérature arménienne
et quant à la version on l'a déjà proclamée la reine
parmi toutes les traductions de la Bible. Zohrab a eu
sous la main 9 manuscrits pour l'Ancien Testament et
30 pour le Nouveau; il a reproduit le meilleur texte,
en notant au bas des pages les différentes variantes
des autres manuscrits. Le livre de l'Ecclésiastique n'a
été inséré que dans l'Appendice, car il dénotait une
version récente : l'ancienne a été postérieurement dé-
couverte et publiée. Voir Pacradouni, t. iv, col. 1949.
On a fait deux éditions de la susdite Bible, l'une en un
volume in-4» et l'autre en 4 vol. in-8°, Venise, 1805.
J. Miskgian.
ZOMZOMMIM (hébreu -.Zamzummîm; Septante:
Zoxoji^v), nom de peuple qui ne se lit qu'une fois dans
l'Écriture, Deut., h, 20-21, où nous lisons : « [La terre
d'Ammon] était réputée terre des Rephaïm (Vulgate :
terra giganlum). Les Rephaïm y habitaient auparavant,
et les Ammonites les appellent Zomzommim. C'était
un peuple grand, nombreux et de haute taille comme
les Énacites. Voir Énacites, t. il, col. 1766. Jéhovah les
détruisit devant les Ammonites qui les chassèrent et
habitèrent à leur place. s C'est tout ce que nous savons
2547
ZOMZOMMIM — ZOROBABEL
2548
des Zomzommim, à inoins qu'on n'admette qu'ils sont
les mêmes que les Zuzim, lesquels, comme nous l'ap-
prend la Genèse, xiv, 5, furent battus par Chodorlaho-
mor et ses alliés. Nombre de savants modernes soutien-
nentcette identification, qu'ils expliquent différemment.
M. H. Sayce, The higher criticism, in-12, Londres,
1894, p. 160-161, croit que le nom de Zomzommim et
de Zuzim est le même, mais que les scribes bébreux,
qui lesonttrouvés dans les documents assyriologiques,
l'ont lu sous ces deux formes différentes. D'après plu-
sieurs Zomzommim et Zuzim sont une onomatopée
imitant le jargon inintelligible de ces Rephaïm.
D'autres rattachent leur nom à diverses racines arabes
dont aucune n'est satisfaisante. Voir Gesenius, Thésau-
rus, p. 419. Cf. Zuzim, col. 2550; Raphaïm 1, col. 976.
ZOOLOGIE BIBLIQUE.
col. 603.
Voir Animaux, t. i,
ZOOM (hébreu : Zâham; Septante : Zaiji.), fils de
Roboam, roi de Juda, et d'Abihaïl. II Par., xi, 19. Voir
Abmaïl 4, t. i, p. 50.
ZOROBABEL(hébreu: Zerwô&ciôéi; Septante :Zopo-
êi.6tl), chef des Israélites au retour de la captivité.
1° Ses deux noms. — Le nom de Zerùbbabél est
d'origine babylonienne. Il correspond à Zir-Babili,
« semence (rejeton) de Babel », comme l'hébreu Zera'-
Babel, et indique probablement que le personnage qui
le porte est né à Babylone. Zorobabel est également
désigné par le nom de Sêsbassar, Savaêiaoocpo; qui
peut représenter èamas-apla-usur, <c ô Schamasch
(ô soleil), garde le fils! » ou Sin-apla-usur, « ô Sin (ô
lune), garde le fils! t> Le nom de Së'sbassar, si cette
explication est fondée, serait donc théophore. On a
cru le reconnaître dans celui d'un fils de Jéchonias,
Sén'assar, Socvesàp. IPar., m, 18. Cf. Maspero, Histoire
ancienne, t. m, p. 639. L'identité du personnage
désigné par les deux noms différents résulte des
observations suivantes. Sessabasar est « prince de
Juda », et il reçoit de Cyrus les objets sacrés qui
doivent être rapportés au Temple de Jérusalem. I Esd.,
i, 8-11. Zorobabel prend ensuite la tête des exilés qui
retournent dans leur pays. IEsd., n, 2. L'absence de
Sassabasar ne s'explique pas dans ce second cas, s'il
est différent de Zorobabel. La seconde année de Darius,
Zorobabel est péhâh de Juda, c'est-à-dire gouverneur
du pays au nom du roi de Perse. Agg., H, 2. En cette
qualité, il préside à la reconstruction du Temple.
T Esd., in, 2-iv, 5; Zach., iv, 6-10. D'autre part, d'après
un rapport de Thathanaï, c'est Sassabasar qui rebâtit
le Temple. I Esd., iv, 14-16. Le tirSâtâ', « gouverneur »,
I Esd., n, 63; II Esd., vu, 65, 70, remplissant une fonc-
tion officielle au nom du roi, prend à la fois des me-
sures d'ordre civil, vis-à-vis des Samaritains, I Esd.,
IV, 3, et d'ordre religieux vis-à-vis des prêtres. I Esd.,
11,63; II Esd., vil, 65. Il est donc en même temps préfet
civil, pél.iâh, et préposé au soin des choses religieuses
au sein de son peuple, avec le titre équivalent de tir-
sdtâ'. Il n'y a pas à s'étonner qu'un même personnage
porte deux noms à cette époque en Babylonie. Voir
Sassabasar, col. 1495. Daniel et ses compagnons reçu-
rent des noms chaldéens à la place de leurs noms hé-
breux. Zorobabel, né en Babylonie et probablement
élevé dans l'entourage du roi, y fut connu bous le nom
de Sassabasar, qui se retrouve dans les passages où le
prince juif est en relations avec le monde officiel. I Esd.,
i, 8, .11 ; v, 14, 16. Mais comme ce nom impliquait un
hommage aux divinités chaldéennes, Schamasch ou
Sin, Zorobabel l'abandonna dans son pays pour en
prendre un autre qui froissât moins ses sentiments et
ceux de ses compatriotes. On s'explique ainsi la men-
tion de ce Sassabasar, qui parait tout d'abord investi
d'un rôle important par Cyrus et dont bientôt après on
ne voit plus trace. Il est vrai que, dans le troisième
livre apocryphe d'Esdras, VI, 18, on lit que Cyrus livra
les vases du Temple « à Zorobabel et à Sanabassar,
gouverneur. » Mais si telle est la leçon de VAlexan-
drinus, celle du Vaticanus identifie les deux person-
nages : « Il les livra à Sanabassar Zorobabel, gouver-
neur. » Quant au Sén'assar ou Sennéser qui est
indiqué comme fils de Jéchonias, et dont le nom voi-
sine avec celui de Zorobabel, I Par., m, 18, 19, l'état
du texte hébreu ne permet pas de conclure à une iden-
tification soit avec Sassabasar, soit avec Zorobabel.
2° Son origine. — D'après I Par., ni, 19, Zorobabel
est fils de Phadaïas et neveu de Salathiel, tous deux
fils du roi Jéchonias. Mais on ne peut se fier à ce texte
probablement altéré par les copistes, et dans lequel les
noms de Sassabasar et de Zorobabel étaient peut-être
primitivement juxtaposés, comme au troisième livre
d'Esdras. Partout ailleurs, Zorobabel est dit fils de Sa-
lathiel. I Esd., m, 2; v, 2; Agg., I, 1, 12; H, 3,24;
Matth., i, 12; Luc, m, 27. Voir Salathiel, col. 1368.
La faveur dont Jéchonias fut l'objet de la part du roi
de Babylone, Évilmérodach, IV Reg.,xxv,27; Jer., lu,
31, profita sans doute à son fils aine, Salathiel, et au
fils aîné de ce dernier, Zorobabel, que son droit d'aî-
nesse rendait d'ailleurs héritier royal. La suite des
événements montre que Zorobabel fut élevé confor-
mément à son rang, de telle sorte qu'il se trouva
prêt quand la Providence lui confia une importante
mission.
3° Sa mission. — Lorsque, en 539, Cyrus se fut emparé
de Babylone, il s'empressa de renvoyer dans leur pays
toutes les divinités que Nabonide avait réunies dans
cette capitale. La religion perse se rapprochait beau-
coup plus de celle des Israélites que du polythéisme
babylonien. Aussi le conquérant n'en fut-il que plus
porté à rendre leur liberté aux adorateurs de Jéhovah.
Cf. P.Dhorme, Cyrus le Grand, dans la Revue biblique,
1912, p. 22-49. Il fallait naturellement un chef qui pré-
sidât au retour des exilés et qui fût investi d'une autorité
assez grande pour les protéger en route et dans leur
patrie.' A ce titre, l'héritier des anciens rois de Juda
s'imposait. Les Israélites le reconnaissaient comme
leur prince, et Cyrus ne demandait sans doute pas mieux
que de lui confier le gouvernement d'une province
éloignée que devaient occuper ses compatriotes. Ainsi
procédaient les anciens rois assyriens pour l'adminis-
tration de certaines parties deleur empire.
« Cyrus apparaît comme le restaurateur des cultes
détruits. Son premier soin, à Babylone, est de faire
retourner les divinités locales chacune dans sa ville :
« Depuis le mois de Kisleu (nov.-déc.) jusqu'au mois
« d'Adar (fév.-mars), les dieux d'Akkad (Babylonie) que
« Nabonide avait amenés à Babylone retournèrent dans
« leurs villes. » Non seulement il les rend à leurs
cités, mais il prend soin qu'on y rebâtisse leurs temples,
afin qu'ils puissent habiter une demeure éternelle. »
Chron. Nabonide-Cyrus, verso, I, 21 ; Cyl. de Cyrus,
32; Dhorme, loc. cit., p. 44. Il ne peut renvoyer Jého-
vah à Jérusalem; mais, fidèle à sa ligne de conduite,
il publie un édit pour que sa maison soit rebâtie et
pour qu'il soit pourvu aux dépenses de cette recon-
struction. I Esd., I, 2-4. Au prince de Juda, Zorobabel,
il restitue les nombreux vases et ustensiles d'or et d'ar-
gent qui ont été pris à Jérusalem par Nabuchodonosor,
afin qu'il les emporte avec lui. I Esd., I, 8-11. Zoro-
babel se mit à la tête des exilés, au nombre de 42360,
qui formèrent sans nul doute plusieurs caravanes suc-
cessives. Son premier soin fut de s'assurer des titres
généalogiques des prêtres. On exclut du sacerdoce ceux
de ces derniers qui ne purent justifier authentique-
ment de leur descendance et le gouverneur leur inter-
dit de prendre part à la manducation des gâteaux et des
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ZOROBABEL - ZUZIM
2550
viandes provenant des sacrifices. I Esd., h, "62-65. A
Jérusalem, Zorobabel, de concert avec le grand-prêtre
Josué, fit aussitôt relever l'autel sur son ancien empla-
cement et on l'inaugura en célébrant solennellement
la fête des Tabernacles. I Esd., m, 1-7. On se mit en-
suite à la reconstruction du Temple, conformément aux
intentions de Cyrus. On fit appel aux Sidoniens et aux
Tyriens pour la fourniture des bois de cèdre et on s'as-
sura le concours des tailleurs de pierre et des charpen-
tiers nécessaires. Le second mois de la seconde année
du retour (535), Zorobabel et Josué prirent la direction
des travaux, qui commencèrent au milieu de grandes
démonstrations de joie. I Esd., m, 7-13. Mais les Sa-
maritains voulurent être admis à y prendre part. Zoro-
babel et Josué leur signifièrent qu'ils ne pouvaient
l'être, et dès lors ils s'employèrent de toutes manières
à entraver l'œuvre commencée et intriguèrent à prix
d'argent dans l'entourage du roi pour qu'on en inter-
dit la continuation. Ces menées ne paraissent pas avoir
réussi du temps de Cyrus. Elles reprirent sous Cam-
byse et aboutirent à l'interruption des travaux jusqu'à
la seconde année de Darius I ct (520). I Esd., iv, 1-5, 24.
A cette époque, les prophètes Aggée, i, 1-13, et Zacha-
rie, vin, 9-13, engagèrent les Juifs à se remettre à
l'œuvre. Thathanaï, satrape de Syrie et de l'hénicie,
vint s'enquérir du droit qu'ils avaient de le faire. Ils
répondirent «en disant les noms de ceux qui construi-
saient cet édifice, » par conséquent, en évoquant l'au-
torité de Zorobabel. Thathanaï se contenta d'en référer
à Darius, qui, après avoir fait rechercher dans les ar-
chives l'édit de Cyrus, ordonna à Thathanaï de laisser
toute liberté au gouverneur de Jérusalem, de favoriser
l'exécution de son entreprise et de châtier ceux qui y
mettraient obstacle. I Esd., v, 3-vi, 12. Aggée, II, 3-9,
dit alors : « Courage, Zorobabel, dit Jéhovah, courage,
Jésus, fils de Josédec! » et il annonça que la gloire de
cette maison dépasserait celle de la première. Le Temple
fut achevé le troisième jour d'adar de la sixième année
de Darius (516). I Esd., vi, 15. Le service religieux fut
réorganisé, sous l'autorité de Zorobabel et plus lard
de Néhémie. I Esd., vi, 18; II Esd., xn, 46.
En terminant sa prophétie, Aggée, n, 21-23, s'adresse
à Zorobabel et, après avoir annoncé la destruction des
ennemis d'Israël, ajoute : « En ce temps-là, dit Jého-
vah des armées, je te prendrai, Zorobabel, fils de Sala-
thicl, mon serviteur, et je ferai de toi comme un
anneau à cachet, parce que j'ai fixé mon choix sur toi. »
11 esta remarquer que, pour signifier à Jéchonias qu'il
le rejette, le Seigneur lui fait dire : « Quand Jéchonias
serait un anneau à ma main droite, je l'arracherais de
là. » Jer., xxn, 24. Il veut donc faire savoir à Zorobabel
que, par lui, la lignée des rois de Juda va rentrer en
grâce, et il l'appelle son serviteur. Une suit nullement
de cet oracle que Zorobabel sera personnellement
investi du pouvoir royal, comme ses ancêtres, ni qu'il
deviendra le libérateur définitif qu'ont prédit les an-
ciens prophètes. Zorobabel est un des types du Messie
futur, dont il eut l'honneur d'être l'ancêtre. Son rôle
historique fut d'ailleurs assez grand pour attirer Sur
lui l'admiration et la reconnaissance de ses contem-
porains. L'Ecclésiastique, xlix, 11, redit de lui le
même éloge : « Comment célébrer Zorobabel? Car il est
comme un anneau de cachet à la main droite. »
La fin de l'histoire de Zorobabel n'est pas connue,
car l'historien sacré passe de suite de l'achèvement du
Temple (516) à l'arrivée d'Esdras en Palestine sous
Artaxerxès I er (465-424).
Le troisième livre d'Esdras, II, 1-vn, 15, que suit ser-
vilement Josèphe, Ant. jud., XI, m, l-iv,9, voirEsDRAS
(Troisième livre d'), t. n, col. 1944-1945, fait un récit
différent des événements auxquels fut mêlé Zorobabel.
L'auteur de l'apocryphe ne prend pas assez garde que
les documents insérés I Esd., IV, 6-23, et datés des
règnes d'Assuérus (Xerxès I er ) et d'Artaxerxès I er , se
rappportent à la reconstruction des murs de Jérusalem,
et non des édifices du Temple, et il en fait état dans
l'histoire de Zorobabel. D'après lui, Cyrus remet les
vases du Temple à Salmanasar (Sassabasar, dans
Josèphe : Zorobabel), et celui-ci revient à Jérusalem ;
mais, en raison de l'opposition faite auprès d'Artaxerxès,
l'édification du Temple est empêchée jusqu'à la seconde
année de Darius. III Esd., il, 12-31. Cependant Zoro-
babel, qui remplit les fonctions de page à la cour du
prince, a le dessus dans une joute oratoire qui roule
sur la force du vin, du roi, des femmes et de la vérité.
Avant rendu la vérité triomphante, il demandée Darius
de restituer les vases sacrés de Jérusalem et de per-
mettre la restauration du Temple, III Esd., m, 4-iv,
63. Sa requête accordée, Zorobabel se met en route avec
une nombreuse troupe d'exilés, auxquels Darius adjoint
une escorte de mille cavaliers jusqu'à Jérusalem. Là,
Zorobabel se retrouve avec deux prêtres, Néhémie et
Astharas, qui excluent les indignes du sacerdoce, et il
commence la construction du Temple. Les Samari-
tains interviennent et arrêtent les travaux tout le temps
de la vie de Cyrus et jusqu'au règne de Darius.
III Esd., v, 40-73. On se remet alors à l'œuvre, Sisennès
(Thathanaï) et Sathrabuzanès (Stharbuzanaï) viennent
s'enquérir pour en référer au roi, et tout se termine
grâce au concours de Cyrus, de Darius et d'Artaxerxès.
III Esd., vi, 1-vn, 15. —Dans Josèphe, le rôle de Zoro-
babel est plus mouvementé. Cyrus fait remettre les
vases sacrés à Abassare, et Zorobabel, prince des Juifs,
part pour Jérusalem et se met à rebâtir le Temple.
Mais les intrigues des Samaritains font que Cambyse
arrête les travaux. Zorobabel se retrouve ensuite à
Babylone, sous Darius, et y triomphe dans la fameuse
discussion. Le roi lui accorde l'autorisation de bâtir le
Temple, lui restitue tous les vases sacrés et met des
ressources à sa disposition. Un nombreux retour
d'exilés a lieu, le Temple se relève, les Samaritains en
appellent à Darius, qui fait rechercher l'édit de Cyrus
et permet de poursuivre les travaux. L'édifice sacré est
enfin terminé et inauguré. Zorobabel retourne à Baby-
lone avec quatre notables, pour se plaindre des Sama-
ritains, et Darius écrit une lettre à ces derniers pour
les mettre à la raison. — Toutes ces additions et ces
modifications apportées au récit du livre canonique
d'Esdras ne méritent aucune créance. Elles sont
même parfois en contradiction les unes avec les autres,
et la scène oratoire qu'elles supposent à la cour de
Darius n'est qu'une hagada, comme il s'en rencontre
tant dans la littérature juive. — Cf. Van Hoonacker,
Zorobabel et le second Temple, Gand, 1892; Id., Notes
sur l'histoire de la restauration juive, dans la Revue
biblique, 1901, p. 5-10. H. Lesètre.
ZUZIM (hébreu : Zûzim; Septante : k'9vr) îu/upi),
peuple qui habitait à l'est duJourdain. Il fut battu avec
les Raphaïm par Chodorlahoinor et ses alliés, au temps
d'Abraham. Gen., xiv, 9. Les Zuzim sont mentionnés
entre les Raphaïm d'Astaroth-Carnaïm (Basan) et les
Emim qui occupaient alors le pays connu depuis sous
le nom de Moab; ils étaient donc à cette époque pos-
sesseurs du territoire où s'établirent plus tard les Am-
monites. Comme nous lisons, Deut., n, 10, que les
Zomzommim avaient occupé autrefois la même région,
divers savants en concluent que les Zuzim sont les
mêmes que les Zomzommim. Voir Zomzommim, col. 2546.
Mais Zuzim et Zomzommim ayant disparu sans laisser
d'autre trace de leur existence que cette brève notice
dans le Pentateuque, on ne peut faire sur leur histoire
que des hypothèses sans fondement.
F. Vigouroux.
FIN