Skip to main content

Full text of "Vigouroux, Dictionnaire de la Bible"

See other formats


DICTIONNAIRE 



DE LA BIBLE 



TOME CINQUIEME 

PREMIERE PARTIE 

PE — RUTH 



ENCYCLOPEDIE 

DES 



SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES 

RÉDIGÉE PAR 

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS 

Ï>E FRANCE ET DE L'ÉTRANGER 



1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE 

Publié par F, VIGOUROUÏ, prêtre de Saint-Sulpice 

Ancien professeur à l'Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commission biblique 



2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE 

Commencé sons la direction de A. VACANT, prof, au Sém. de Nancy, 
Continné sous celle de Eng. MANGENOT, professeur à l'Institut catholique de Paris. 



3° DICTIONNAIRE D'ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE 

ET DE LITURGIE 

Publié par le R ms dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ. 



4° DICTIONNAIRE D'HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE 

ECCLÉSIASTIQUES 

Publié par Mgr Alfred BAUDRILL ART, recteur de l'Institut catholique de Paris, 
Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain ROUZIÈS. 



5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE 

(En préparation) 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 



CONTENANT 

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLAINTES, d'aNTMAUX 

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES 

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES 

RELATIVES A l' ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT 

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES 



PUBLIE PAS 



F. VIGOUROUX 



â 



HETRE DE SAINT-SULPICE 



AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS 



DEUXIEME TIRAGE 



TOME CINQUIÈME 



PREMIERE PARTIE 



PE — RUTH 



CÂfcA^ 




PARIS 

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS 

76 bis , RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis 



1912 



TOUS DROITS HESERVES 



DICTIONNAIRE 

DE LA BIBLE 



PÉ, s, dix-septième letlre de l'alphabet hébreu. Son. 
nom signifie « bouche s, cf. le grec LU, mais les formes 
primitives de ce caractère dans l'alphabet sémitique 
n'ont rien qui rappelle la forme de la bouche. Celte 
lettre a toujours eu chez les Hébreux une double pro- 
nonciation, l'un aspirée, comme celle du ç grec par 
exemple dans vsin, 'Ofir, Ophir, et celle du p, ainsi 
que l'attestent les transcriptions grecques des mots 
îtfi'îB, niXXaÇ, « concubine; » nsur>, iâaraç, « jaspe; » 

DBns, xàpnaToç; Dn3, Perse. Les Massorètes distinguent 

le Phé aspiré, s, du Pé, par un daguesch doux, s. Saint 
Jérôme transcrit le p dur comme le plié par ph dans les 
noms propres, Phihahiroth, Phithom, au lieu de Pi- 
hahîrôt, Pithom, etc., excepté dans le premier élément 
du nom de Putiphar (Septante : nsTsçpvic) dans Palse- 
stini, Exod., xxin, 31, etc., paradUus, pascha, Persa, 
Perses, Persis. 

PEARCE Zacharie, théologien anglican, né à Lon- 
dres le 8 septembre 1690, mort à Little-Ealing le 
29 juin 1774. Ses premières études se firent à West- 
minster, puis il alla au collège de la Trinité à Cam- 
bridge. Il s'appliqua tout d'abord à l'étude des clas- 
siques et se distingua comme philologue. Il puhlia une 
édition du traité De subliniitate de Longin et des deux 
ouvrages de Cicéron De oratore et De officiis. Entré 
dans les rangs du clergé anglican, il fut chapelain du 
lord chancelier Parker. Après avoir rempli divers minis- 
tères il devint en 1739 doyen de Winchester, puis en 
1748 évêque de Bangor et en 1756 de Rochester et doyen 
de Westminster. Le seul ouvrage que nous ayons à 
mentionner de cet auteur est le suivant : A Commen- 
tary ivith notes on the four Evangelists and the Aets 
of the Apostles, together loith a neio translation of St. 
Paul's first Epistle to the Corinlhians, with a para- 
phrase and notes to which are added other theological 
pièces, 2 in-4°, Londres, 1774. En tête de cet ouvrage 
se trouve une vie de L. Pearce par Jean Derby. — Voir 
W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 343. 

B. Hedrtebize. 

PEARSON Jean, théologien anglican, né en 1613 
à Great Snoring dans le comté de Norfolk, mort à 
Chester le 16 juillet 1686. Il étudia au collège d'Eton 
puis à Cambridge et entra dans les ordres en 1639. Il 
obtint une prébende à Salisbury et devint chapelain du 
lord chancelier Finch, puis ministre à Thorrington 
dans le comté de Suffolk, et à Saint-Clément de Lon- 
dres. Dans ce dernier poste il prononça une série de 
sermons publiés sous le titre de Exposition of the 
Creed qui le rendirent célèbre. Charles II le combla 

DICT. DE LA BIBLE. 



d'honneurs. En 1660 il avait une prébende à Ely, puis 
devenait archidiacre du Surrey, maître du collège de 
la Trinité à Cambridge, et en 1673 évêque de Chester. 
Outre son Exposition of the Creed, in-4°, Londres, 
1659, on a de J. Pearson des Annales Paulini ou disser- 
tation critique sur la vie de saint Paul, ouvrage publié 
après sa mort dans ses œuvres posthumes, in-4°, Londres, 
1688. Une édition en a été publiée sous le titre : An- 
nales of St. Paul, translated with geographical and 
critical notes, in- 12, Cambridge, 1825. — Voir W. 
Orme, Bibl. biblica, p. 343; Chamber's Encylopsedia, 
t. vu (1901), p. 828. B. Heurtebize. 

PEAU (hébreu : 'ôr, et une fois, Job, xvi, 16 : géléd; 
Septante : Sspjia; Vulgate : cutis, pellis), membrane 
appliquée sur la surface du corps de l'homme et d'un 
grand nombre d'animaux. 

1° La peau de l'homme. — Dieu a revêtu l'homme 
de peau et de chair. Job, x, 11. La peau de l'homme a 
sa couleur propre, suivant les races, et l'Éthiopien ne 
saurait changer la couleur de sa peau. Jer., xm, 23. 
Job, xvi, 16, a cousu un sac sur sa peau, c'est-à-dire ne 
fait plus qu'un avec le deuil et la souffrance. La mala- 
die fait que les os sont attachés à la peau et à la chair et 
que l'on n'a que la peau sur les dents, Job, XIX, 20, 
expressions qui indiquent une excessive maigreur. 
Dans le même sens, l'épreuve use la chair et la peau. 
Lam., m, 4. La faim la rend brûlante comme un four, 
Lam., v, 10, à cause de la fièvre qu'elle engendre. 
Cicéron, Pro leg. agrar., n, 34. 93, dit que l'affamé est 
macïe torridus, brûlé, desséché de maigreur, et Quin- 
tilien, Declam., 12, parle de Yignea famés, une faim 
brûlante. Michée, m, 2, 3, accuse les riches cupides et 
injustes d'arracher la peau du corps aux pauvres gens. 
Le prophète emploie ici cette expression dans le sens 
figuré, pour montrer qu'on enlève aux faibles ce qui 
leur appartient le plus indiscutablement, ce qui fait 
partie de leur propre substance. Les Assyriens se plai- 
saient à écorcher en réalité leurs ennemis vaincus; ils 
ont plusieurs fois reproduit sur leurs monuments ce 
cruel spectacle (fig. 1). Cf. Botta, Le monument de 
Ninive, t. n, pi. 120. Voir aussi t. I, fig. 66, col. 990, 
des chefs élamites écorchés vifs après la bataille de 
Toulliz, d'après Layard, The monuments of Nineveh, 
t. il, pi. 47. D'après une légende, l'apôtre saint Bar- 
thélémy aurait été écorché vif. Voir Barthélémy, 
t. I, col. 1472. Job, xix, 26, affirme sa certitude d'être 
un jour de nouveau revêtu de sa peau et de voir son 
vengeur vivant. — Après avoir éprouvé Job dans ses 
biens extérieurs, Satan explique sa constance en disant : 
n Peau pour peau ! L'homme donne tout ce qu'il pos- 

V. - 1 



PEAU — PÊCHE 



sède pour conserver sa vie. » Job, n, 4. La locution 
proverbiale « peau pour peau » signifie donc ici que 
l'homme tient à sa vie, « à sa peau, » comme on dit 
vulgairement, plus qu'à tout le reste, mais que, quand 
il sera permis de toucher à ce bien, Job changera d'atti- 
tude. Satan demande que la peau, la vie même de Job 
soit attaquée. 

2° La peau des animaux. — 1° Elle sert de vêtement 
à l'homme. Après leur péché, Adam et Eve sont revêtus 
de tuniques de peau. Gen., m, 21. Rébecca couvre de 
peau velue de chevreau les mains et le cou de Jacob, 
afin qu'Isaac le prenne pour Ésaû. Gen., xxvn, 16. 
Parmi les premiers chrétiens, il y en eut qui durent 
errer âv jj.sî.toraïç, in melotis, « dans des peaux de 
brebis » et « dans des peaux de chèvres ». Heb., xi, 37. 
— Pour dissimuler l'absence de David, Michol plaça 
dans le lit une peau de chèvre à l'endroit de sa tête, 




1. — Yaloubid de Hamath écorché vif. D'après Botta, 
Monument de Ninive, pi. 120. 

avec une couverture par-dessus, un téraphim figurant 
le reste du corps. I Reg., xix, 13. — Les peaux servant 
pour le vêtement ou l'ameublement pouvaient contrac- 
ter certaines souillures ou une sorte de lèpre. 11 fallait 
alors les purifier. Lev., xr, 32; xn, 48; xv, 17; xyi, 27. 

— 2° On a employé les peaux d'animaux à recouvrir 
le Tabernacle et l'Arche. On utilisa pour cet usage des 
peaux de béliers teintes en rouge, et les peaux d'un 
mammifère marin, commun] dans la mer Rouge, le 
tahas, le dugong. Voir Dugong, t. n, col. 1511. Ces 
dernières, plus épaisses et plus résistantes que les 
autres, étaient placées par-dessus. Exod., xxv, 5; xxvi, 
14; xxxv, 7, 23; xxxvi, 19; xxxix, 33; Num., îv, 6-14. 

— Les tentes étaient souvent faites avec des peaux. De 
là vient que les versions parlent de peaux quand il est 
question de tentes. II Reg., vn, 2; I Par., xvn, 1 ; Ps. civ 
(cm), 2; Cant., i, 4; Jer., iv, 20'; x, 20; xlix, 29; 
Hab., m, 7. — La peau du crocodile est si dure qu'on ne 
peut la percer de dards. Job, xl, 26 (31). — 3° Dans les 
sacrifices, on commençait par enlever la peau des vic- 
times. Lev., i, 6. Les prêtres devaient s'acquitter de ce 
soin ; mais, quand les victimes étaient par trop nom- 
reuses, les lévites les suppléaient. II Par., xxix, 31; 



xxxv, 11. La peau de la victime offerte en holocauste 
appartenait au prêtre qui célébrait le sacrifice. Lev., vu, 8. 
liais on brûlait la victime tout entière avec sa peau 
dans le sacrifice pour le péché, Lev., IV, 11; xvi, 27, 
dans le sacrifice pour la consécration des prêtres, 
Lev., vm, 17; ix, 11, et dans le rite de la vache rousse. 
Xum., xix, 5. — Les victimes étaient égorgées dans le 
Temple, puis écorchées. Pour faciliter cette opération, 
on avait élevé au nord de l'autel huit colonnes de 
pierre qui supportaient des traverses de cèdre. Les 
victimes étaient suspendues à ces traverses par les pieds 
de derrière. La peau suivait le sort de la chair des 
victimes, et, en conséquence, elle était soit brûlée avec 
la chair, dans les sacrifices énuinérés plus haut, soit 
attribuée aux prêtres, dans les holocaustes et les autres 
sacrifices dont les victimes devaient être mangées par 
les prêtres, soit laissée à ceux qui avaient apporté la 
victime, dans les sacrifices de moindre importance. Cf. 
Siphra, f. 20, 2; f. 82, 1; Zebachim, xn, 3. Au nord du 
sanctuaire, à côté de la chambre du sel, il y en avait une 
autre où l'on salait les peaux, afin de les empêcher de 
se corrompre. Cf. Gem. Pesaehim, 57, 1; Reland, Anti- 
quitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 52, 163. — 4° Les peaux 
des animauxfurent encore utilisées comme matière pre* 
pre à recevoir l'écriture. Au il" siècle avant Jésus-Christ, 
sous le roi Eumène II, à Pergame, on perfectionna 
beaucoup, si on ne l'inventa pas alors, la préparation 
des peaux d'animaux pour suppléer au papyrus. On se 
servait surtout des peaux de bouc, de chèvre et de che- 
vreau, d'âne, de veau et d'agneau. Les peaux ainsi pré- 
parées furent connues sons le nom de pergamena ou 
parchemins. Saint Paul écrivait sur des parchemins. Il 
demande à Timothée de lui envoyer de Troade son man- 
teau, ses livres et surtout ns(jiëp:xvotç, membranas, c< ses 
parchemins .» II Tim., iv, 13. Josèphe, Ant. jud., III, 
xi, 6; XII, n, 11, parle aussi de peau apprêtée, SiçGspa, 
dont les Juifs se servaient pour écrire, quelquefois 
même en lettres d'or. Voir Livre, t. iv, col. 302. 

H. Lesétre. 

PÊCHE (hébreu : dûgâh; Luc, v, 9 : aypa i/Oûwv; 
Vulgate : captura piscium), emploi de moyens appro- 
priés pour prendre des poissons. Le mot hébreu dûgâh, 
dérivé de dàg, « poisson, » comme tous les autres mots 
qui se rapportent à la pêche, ne se lit que dans Amso, 
lv, 2 : « On enlèvera vos enfants avec des sîrôt dûgâh, 
épines de pêche » ou hameçons. Voir Hameçon, t. ni, 
col. 408. Les versions ne rendent pas le mot dûgâh. 

1» Différents procédés étaient employés pour la pêche. 
1. La ligne, terminée par un hameçon qui portait l'ap- 
pât, était usitée partout, en Egypte, en Assyrie, voir 
t. m, fig, 97, 98, col. 407, et en Palestine. C'est avec la 
ligne à hameçon que saint Pierre prend dans le lac de 
Tibériade le poisson porteur du statère. Matth., xvn, 
26. Isaïe, xix, 8, parle de ceux qui pèchent à la ligne 
dans le Nil. Habacuc, i, 14, 15, suppose l'emploi de la 
ligne à la mer. Amos, iv, 2, compare les ennemis d'Is- 
raël à des pêcheurs qui prendront les enfants à l'ha- 
meçon. — 2. La nasse et le harpon sont à l'usage des 
pêcheurs égyptiens. Les monuments représentent des 
pêcheurs qui relèvent la nasse, au milieu de nom- 
breuses scènes de pêche (fig. 2). Cf. l'aspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 1895, 
t. i, p. 61, 297. — 3. Le filet de. différentes espèces. 
Voir Filet, t. n, col. 2248-2249. L'homme, qui ne con- 
naît pas son heure, est comparé au poisson que le filet 
saisit à l'improviste. Eccle., IX, 12. Les Chaldéens 
prennent les Israélites comme des poissons dans leurs 
filets; ils sont si enchantés de ces filets qu'ils les 
traitent comme des divinités, leur sacrifient el leur 
offrent de l'encens. Hab.,i, 14-17. Les Apôtres péchaient 
au filet dansle lac de Tibériade. Du haut de leurs bar- 
ques, ils jetaient leurs filets en forme d'éperviers ou 
enfermaient les poissons dans une seine pour les trai- 



PÊCHE 



6 



ner jusqu'au rivage. Matth., IV, 18; xm, 47; Luc, v, 4; 
Joa., xxi, 6. Aujourd'hui, « le filet employé est ordi- 
nairement l'épervier; dans les endroits profonds, il est 
lancé de la barque; ou bien, s'il y a peu d'eau, le 



ne prissent rien du tout, quand les poissons se tenaient 
enfoncés dans les profondeurs. Luc., v, 5; Joa., xxi, 3. 
Il est vrai aussi qu"alors le lac était sillonné de bar- 
ques de pèche, tandis qu'aujourd'hui, à Tibériade, il 




- La pêche en Egypte. Musée Guimet. 



pêcheur descend sur le rivage, entre dans le lac jus- 
qu'à mi-jambes, et jette alors le filet sur les bandes de 
poissons qui se trouvent autour de lui. Ce bassin est si 
peuple que, dans l'espace de quelques minutes, nous 



n'en existe plus que quelques-unes. — L'Évangile fait 
plusieurs fois allusion aux pèches des Apôtres, Matth., 
iv, 18; Marc, l, 16; Luc, v, 2; Joa., xxi, 3; de plus, 
il relate deux pêches miraculeuses. Une première 




3. — La pêche sur la côte de Syrie. D'après une photographie de M. L. Heîdet. 



nvons vu chaque jour notre bateau rempli jusqu'au 
bord par des milliers de poissons de toute grandeur. » 
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 506. 

2» A l'époque évangélique, la pêche n'était pas toujours 
aussi fructueuse. Il n'était pas rare que des hommes du 
métier, travaillant pendant la nuit, qui est cependant 
le moment le plus favorable pour la pêche à l'épervier, 



fois, le Sauveur voit au bord du lac deux barques dont 
les pêcheurs lavent leurs filets. Il monte dans l'une 
d'elles, de là, prêche au peuple, puis commande d'aller 
au large et de pêcher. La pêche est si abondante, après 
toute une nuitinfructueuse, que les poissons remplissent 
les deux barques. Luc, v, 2-7. Une autre fois, après la 
résurrection, Jésus, de la rive du lac, ordonne aux 



PÊCHE — PÉCHÉ 



8- 



Apôtres de jeter le filet. Ceux-ci, qui n'ont rien pris 
la nuit précédente, obéissent et, d'un coup de filet, 
prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa., xxi, 
6-11. Une parabole évangélique fait allusion, Matth., xm, 
47-48, à un genre de pêche qu'on voit encore fréquem- 
ment pratiquer sur la côte de Syrie. Les pêcheurs, re- 
produits dans la figure 3, tirent le filet (sagena) qu'avec 
un bateau on a étendu à une assez courte distance dans 
la mer, et lorsqu'il arrive sur le rivage, les pêcheurs re- 
jettent dans l'eau le mauvais poisson. — La pêche mari- 
time n'était pas pratiquée par les Israélites, qui n'ont 
jamais été marins. Les Phéniciens au contraire s'y 
livraient avec activité; l'une de leurs principales villes 
porte le nom de Sidon, c'est-à-dire « pêcherie ». Voir 
Sidon. H. Lesètre. 

PÉCHÉ (hébreu : l.iêlë, h.âtd'âh, liattâ'âh, fyaud't, 
ma' al, 'dvôn, pesa, sêt, segî'âh, tahâlâh; chaldéen : 
hâtây, 'ivyâ', 'avyd'; Septante : àpxçizîa., àvo.ui'a, ôvd- 
[Mipia, itapouirtipia; Vulgate : peccatum, culpa, iniqui- 
tas, offensa, offensio, délie tum, scelus), transgression 
volontaire de la loi divine, naturelle ou positive. 

1° Sa genèse. — '1. Le péché apparaît pour la pre- 
mière fois au paradis terrestre, sous la forme d'un 
acte de volonté humaine en opposition avec la volonté 
souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous 
peine de mort. Ce qui a été dit de l'homme créé à 
l'image de Dieu, Gen., i,26, 27, la notion d'un Dieu puis- 
sant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du 
Livre sacré, et la défense imposée à l'homme par ce 
Dieu souverainement bon et parfait, supposent néces- 
sairement que l'homme jouit d'une volonté libre, intel- 
ligente et par conséquent responsable. Malgré la 
défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien 
que le récit sacré ne raconte que ce qui se voit, dans 
cet acte et ses conséquences, il va de soi qu'il faut 
aller ici au delà de la lettre. Le mal n'est pas dans 
l'acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit; le 
coupable n'est pas la main qui exécute, mais l'âme 
libre qui commande aux organes. Cette conclusion 
ressort clairement du châtiment imposé au coupable. 
Pour encourir un pareil châtiment de la part d'un 
Dieu juste, il a fallu qu'il y eût dans le péché, non 
seulement un acte extérieur, mais encore et surtout 
un acte intérieur, celui d'une volonté consciemment et 
librement en opposition avec la volonté du Maître tout- 
puissant. Il est vrai qu'un autre être intervient pour 
incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de 
la femme et, par elle, celle de l'homme. Mais celte 
influence, si perverse et si forte qu'elle soit, n'a d'ac- 
tion sur la volonté libre qu'autant que celle-ci le veut 
bien. Elle peut diminuer sa responsabilité, elle ne la 
supprime pas, parce que la volonté de l'homme est 
restée suffisamment maîtresse d'elle-même. C'est ce 
qu'il faut encore conclure de la sentence de condamna- 
tion, mitigée et laissant la porte ouverte à l'espérance 
du pardon, mais cependant sévère et supposant une 
culpabilité grave chez les deux coupables. Gen., ni, 1- 
19. — 2. Après avoir ainsi fait son apparition dans 
l'humanité, le péché s'y perpétue, par des actes volon- 
taires, à travers toutes les générations. Le meurtre 
d'Abel par Caïn a sans doute été précédé par bien 
d'autres fautes moins graves. Toujours est-il qu'avant 
son crime le meurtrier reçoit un avertissement qui 
marque l'atlitude que doit avoir l'homme en face du 
bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses 
passions et les sollicitations de la tentation : <; Si tu 
fais bien, ne seras-tu pas agréé? Et si tu ne fais pas 
bien, le péché ne se tient-il pas à ta porte? Son désir 
se tourne vers toi; mais toi, tu dois dominer sur lui. » 
Gen., rv, 7. Le premier phénomène se passe dans la 
conscience de l'homme, quand il a cessé de faire le 
bien, c'est-à-dire de conformer sa volonté à celle de 



Dieu. Il sent qu'il n'est plus agréable à son Créateur,, 
qu'il ne peut plus lever la tête vers lui avec assurance. 
Déjà le péché est à la porte, comme une bête fauve qui 
cherche à forcer l'entrée; il veut contracter une sorte- 
d'union avec l'homme; mais celui-ci reste le maître, il 
peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa 
volonté demeure assez armée pour se défendre et 
triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté. 
— 3. Saint Jacques, i, 13-15, analyse l'acte ordinaire 
du péché, tel qu'il se produit dans l'homme. « Que 
nul, lorsqu'il est tenté, ne dise : C'est Dieu qui me 
tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui- 
même ne tente personne. » On sait qu'Adam avait es- 
sayé de faire remonter jusqu'à Dieu la responsabilité 
de son péché, en disanl : « La femme que vous m'avez 
donnée pour compagne m'a présenté le fruit de l'arbre. » 
Gen., m, 12. L'excuse est vaine et injurieuse à Dieu. 
L'apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre con- 
voitise, qui l'amorce et l'entraîne. Ensuite la convoitise r 
lorsqu'elle a conçu, enfante le péché, et le péché, 
lorsqu'il est consommé, engendre la mort. » Ainsi, il y 
a tout d'abord, issu du fond même de la nature hu- 
maine, un désir immodéré et désordonné, qui se- 
porte ver3 une apparence de bien créé. Ce désir prend 
peu à peu une forme précise et consentie, bien que 
reconnue répréhensible par la conscience; la volonté 
s'ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui 
est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l'âme est 
frappée à mort. La tentation peut se produire, prove- 
nant des êtres extérieurs; le péché n'est possible que 
si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la. 
volonté. C'est ce qui permet à saint Augustin, De Gen. 
ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas r 
Sum. tkeol., I, q. xliv, a. 4, ad l u!n , de dire que la ten- 
tation n'aurait pas eu de prise sur Eve si celle-ci n'avait 
péché au préalable par un amour coupable de sa propre 
excellence. — 4. Le récit de la Genèse, m, 5, montre 
que cette pensée de complaisance personnelle fut d'ail- 
leurs aidée par l'habile tentateur : « Vous serez comme 
Dieu! » De là, à la source de tout péché, l'orgueil, la 
pensée de l'indépendance, l'idée que la créature peut 
se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre- 
que le Créateur. 

L'orgueil commence quand l'homme se sépare du Seigneur, 
Et quand le cœur s'éloigne de celui qui l'a fait : 
Car le commencement de l'orgueil, c'est le péché, 

ou, d'après la Vulgate : 

Le commencement de tout péché, c'est l'orgueil... 
Le malheur de l'orgueilleux est sans remède, 
Car la plante du péché a jeté en lui ses racines. 

Eccli., x, -15; m, 30. 

En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s'appellent 
l'un l'autre. Cf. Is., xm, 14. — 5. Cet orgueil lui-même, 
qui est le premier instigateur de la convoitise et du 
péché, a sa cause dans la nature de l'être créé, alors 
même qu'il n'est pas encore déchu. La Sainte Écriture 
ne le dit pas formellement; mais, avant de raconter la 
chute, elle commence par montrer que l'homme est un 
être créé. Or, plus un être créé a reçu de dons de la 
munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se 
complaire en ce qu'il est et en ce qu'il a, si sa volonté 
vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se 
produire le péché des anges et ensuite celui de l'homme. 
Voir Mal, t. rv, col. 598-600. 

2° Sa nature. — 1. Le péché consiste essentiellement- 
dans l'opposition de la volonté de l'homme à la volonté 
de Dieu. C'est ce que montrent les textes précédents. 
Le péché n'est donc pas dans l'acte extérieur, tel que le 
voient les hommes; il est dans l'âme, tetle qu'elle ap- 
paraît aux yeux de Dieu. I Reg., xvi, 7. Par conséquent, 
les sentiments et les pensées peuvent être coupables. 



"9 



PECHE 



10 



Le dernier précepte du Décalogue proscrit les simples 
convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur 
déclare que du cœur sortent les pensées mauvaises. 
Matth., xv, 19; Marc, vu, 21. Il aftirme en outre que 
certains désirs sont coupables, comme les actes eux- 
mêmes. Matth., v, 28. Ainsi les actes extérieurs ne suffi- 
rent pas à constituer le péché. Dans leur confession 
négative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des 
Morts, cf. W. Pleyte, Étude sur le chapitre cxxv du 
Rituel funéraire, Leyde, 1866 ; Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 
1895, t. i, p. 189, les Égyptiens ne savent s'accuser 
-que de fautes extérieures d'ordre moral, social ou par- 
fois purement liturgique. Les Babyloniens ont une 
confession analogue, où il est question d'adultère, 
d'homicide, de vol, d'autres fautes contre la morale ou 
la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la 
conscience. Cf. Zi/nmern, Beitràge zur Kenntniss der 
babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, n, 1. 47- 
-5i; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, 
Paris, 1905, p. 225, 226; Revue .fiiblique, 1906, p. 657. 
Cf. Ézéchiel, xvm, 14-17. Autrement significative est la 
confession qui se lit dans Job, xxxi, 4-37. L'auteur y 
énumère les principales fautes contre la morale qui se 
pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint 
ici et là des remarques comme celles-ci : 

Dieu ne connaît-il pas mes voies, 

Ne compte-t-il pas tous mes pas? 

Si mon cceur a suivi mes yeux... 

Si j'ai mis dans l'or mon assurance... 

Si, en voyant le soleil jeter ses feux, 

Kt la lune s'avancer dans sa splendeur, 

>Ion cœur s'est laisse séduire en secret... 

Si j'ai été joyeux de la ruine de mon ennemi... 

Si j'ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes, 

Et renfermé mes iniquités dans mon sein... 

— 2. En effet, la conscience morale, telle que la sup- 
pose la religion du vrai Dieu, obéit à cette règle posée 
à Abraham : « Marche devant ma face et sois irrépro- 
chable. » Gen., xvn, 1. C'est devant la face du Seigneur, 
sous son regard auquel rien n'échappe, qu'on est cou- 
pable ou irréprochable, et, si l'on est coupable, c'est 
tout d'abord dans i'àme elle-même que le péché existe. 

Dieu, tu connais ma folie, 

Kt mes fautes ne te sont pas cachées. Ps. lxix. (lxviii), 6. 

€f. Ps. x, 15; Eccli., xv, 21. — 3. Le péché outrage 
toujours Dieu, alors même qu'il semble viser exclusi- 
vement le prochain. Num., v, 6. 

Je reconnais mes transgressions, 

Et mon péché est constamment devant moi ; 

C'est contre toi seul que j'ai péché, 

J'ai fait ce qui est mal à tes yeux, 

dit le Psalmiste, Ps. li (l), 5-6, avouant que ses trans- 
gressions de toute nature ont avant tout offensé Dieu. 
De même le prodigue, qui a tant outragé son père, se 
reconnaît coupable contre lui, mais avant tout « contre 
le ciel ». Luc, xv, 18. « En péchant contre vos frères 
et en violentant leur conscience encore faible, vous 
péchez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., vin, 
12. — 4. Le péché est un acte par lequel l'homme 
s'écarte et s'éloigne de Dieu, en mettant sa volonté en 
opposition avec celle de Dieu, connue soit par la con- 
science, soit par la loi positive, qui rend mauvais des 
actes qui ne le seraient pas toujours par eux-mêmes. 
Rom., ni, 20; vu, 7, « Être infidèles à Jéhovah et le 
renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voilà comment 
Isaïe, lix, 13, caractérise le péché. Cette idée d'éloigne- 
■ment de Dieu par le péché revient souvent. Deut., xi, 
16; xxxii, 15; Jos., xxn, 16; Job, xxi, 14; xxo, 17; 
-Sap., m, 10; Bar., m, 8; Dan., ix, 5, 9, etc. En consé- 
quence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter 



dans un être soumis au péché, Sap., i, 4, et cet être, 
ainsi séparé de Dieu, ne peut manquer d'agir parfois 
par l'inspiration du démon, I Joa., m, 8, et d'en faire les 
œuvres, qui sont des œuvres de péché. Joa., vm, 41. Si 
Dieu hait tant le péché, Ps. v, 5, 7, c'est parce qu'il y voit 
nécessairement un attentat contre sa souveraineté inalié- 
nable. — 5. Saint Jacques, n, 10, dit que « quiconque 
aura observé toute la loi, s'il vient à faillir en un seul 
point, est coupable de tous ». Ce texte fait l'objet d'une 
consultation adressée à saint Jérôme par saint Augustin, 
Ep. cxxxi, t. xxn, col. 1138-1147. Ce dernier propose 
sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui trans- 
gresse un précepte est coupable envers tous, parce 
qu'il agit contre la charité de laquelle dépend toute la 
loi. Il est coupable de tout parce qu'il agit contre celle 
dont tout dépend. » Saint Jérôme, Ep. cxxxiv, t. xxn, 
col. 1161, s'excuse de ne pas répondre et dit qu'il n'a 
rien à reprendre à la solution proposée. Saint Thomas, 
Sum. theol., I» D>, q. lxxiii, a. 1, adl» m , explique que 
l'Apôtre parle ici des péchés, non par rapport à l'objet 
vers lequel ils portent et qui est variable, mais par 
rapport à celui dont ils détournent et qui est toujours 
Dieu. Tout péché comporte le mépris de Dieu. Quand 
on faillit en un point on est coupable de tous en ce 
sens qu'on encourt le châtiment que mérite le mépris 
de Dieu, mépris et châtiment communs à tous les pé- 
chés. Les péchés demeurent donc distincts, bien que 
le principe et les conséquences de tous soient les 
mêmes, et l'on peut en commeltre un sans commettre 
les autres. La pensée de saint Jacques revient à ceci 
que, quand on transgresse un commandement, on est 
svoj(_oc, passible de la peine qui châtie toutes les autres 
transgressions, non en quantité, mais en qualité, car 
dans tous les cas, c'est l'auteur même des lois qui est 
offensé et qui est obligé de sévir. — 6. Tous les péchés 
ne sont pas mis sur le même rang dans la Sainte Écri- 
ture, bien que tous supposent l'opposition de la volonté 
de l'homme avec celle de Dieu. Il y a des péchés plus 
particulièrement graves, l'adultère, Gen., xx, 9; xxvi, 
10; l'apostasie, Exod., xxxii, 21 ; la profanation du sacer- 
doce et le scandale, I Reg., n, 17; l'idolâtrie, Jer., xix, 
11; le péché contre le Saint-Esprit, Matth., xn, 31 ; Marc, 
m, 28; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc. 
Notre-Seigneur note lui-même une gradation entre cer- 
, tains péchés contre la charité. Mallh., v, 22. Il y a des 
péchés qui sont commis par ignorance, sans pleine 
conscience ou sans volonté complète. Lev., iv, 2, 27; 
v, 17; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s'excuse sur son 
ignorance des persécutions qu'il a exercées contre les 
chrétiens. ITim., 1,13. Mais, dans la SainteÉcriture, on ne 
trouve pas mention de ces culpabilités inconscientes et 
fatales, s'attachant inéluctablement à des êtres qui n'ont 
rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre 
dans les religions païennes, ni de ces fautes commises 
sans connaissance et sans volonté dont les idolâtres se 
croyaient si fréquemment coupables dans le culte de 
leurs dieux, par l'omission de formalités insignifiantes 
ou puériles. — 7. Puisque rien n'échappe aux regards 
de Dieu et que Dieu hait le péché, la conséquence 
s'impose : «. Tous les jours de ta vie, aie Dieu présent 
à ta pensée, et garde-toi de consentir jamais au péché. » 
Tob., iv, 6; cf. i, 10. 

Fuis le péché comme le serpent, 

Car, si tu en approches, il te mordra. Eccli., XXI, 2. 

Et pour déterminer sa volonté à s'éloigner du mal, 
l'homme doit songer à la fin de sa vie et au compte 
qu'il devra rendre à Dieu, Eccli., vu, 40, sans se lais- 
ser tromper par les charmes du présent ni par la pa- 
tience divine, car 

La voie des pécheurs est pavée de pierres, 

Mais à son extrémité est l'abîme de l'Hadès. Eccli-, xxr, li. 



11 



PÉCHÉ — PÉCHÉ ORIGINEL 



12 



■ 3» Ses conséquences . — 1. Le péché'sépare l'âme d'avec 
Dieu. Is., lix, 2. Si l'homme meurt dans son péché, 
/Ezech., m, 20; xn, 43; Joa., vin, 21, etc., cette sépara- 
tion devient définitive. « La justice du juste ne le sau- 
vera pas au jour de sa transgression,... le juste ne 
pourra pas vivre par sa justice le jour où il péchera. » 
Ezech., xxxin, 12. — 2. Par suite de l'affaiblissement 
moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui com- 
met le péché finit par devenir esclave du péché, et il a 
de plus en plus de difficulté à se soustraire à sa tyrannie. 
Joa., vin, 43; Rom., vi, 17. « Le méchant est saisi par 
les liens de son péché. » Prov., v, 22; Eccli., XXI, 3. 
Le trouble et le malaise régnent dans son âme. 
Ps. xxxviii (xxxvn), 4, 19. Ainsi «ceux qui commettent 
le péché et l'iniquité sont leurs propres ennemis ». 
Tob., "xii, 10. Le péché peut se généraliser dans une 
nation. 

La justice élève une nation, 

Mais le péché est l'opprobre des peuples. Prov., xiv, 34. 

— 3. Dieu menace et poursuit le péché des rigueurs de 
sa justice. Exod., xxxn, 34; Lev., XX, 20; Num., xxxn, 
23; Jos., xxiv, 19 : «Jéhovah est un Dieu saint, un Dieu 
jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos 
péchési... il se retournera, vous maltraitera et vous 
consumera. » Ps. lxxxix (lxxxvih), 33; Prov., xxir, 
8; Ezech., xvm, 4; Dan., ix, 11; II Mach., vu, 18, etc. 
La justice de Dieu contre Je péché s'exerce d'ailleurs 
par différents moyens, par les épreuves dans la vie 
présente, Jer., v, 25, etc., voir Mal, t, iv, col. 601, par 
les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et par les 
sanctions de l'autre vie. Sap,, v, 2-14. Voir Enfer, 
t. il, col. 1792; Purgatoire. — 4. Le péché a de plus 
une répercussion prévue sur les générations qui suivent 
celui qui l'a commis, de même que la fidélité a la 
sienne. Dieu le fait répéter plusieurs fois : « Je suis 
Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité 
des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la 
quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent, 
et qui fais miséricorde jusqu'à mille'générations à ceux 
qui m'aiment et qui gardent mes commandements. » 
Exod., xx, 5-6; cf. xxxiv, 7; Num., xiv, 18; Deut,, v, 
9; Jer., xxxn, 18j Lam., v, 7, etc. Cette répercussion, 
que l'expérience justifie fréquemment encore, ne fait 
pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose 
que ces derniers imitent les péchés de leurs pères, ou 
constitue pour eux une épreuve temporelle destinée soit 
à les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu 
et à augmenter leur mérite définitif. Dieu se réservait 
d'appliquer cette sanction; mais il n'a pas autorisé les 
hommes à châtier les enfants à cause de leurs pères. 
Deut., xxiv, 16; IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 4. Le 
prophète Ézéchiel, xvm, 10-20, explique la conduite de 
Dieu en cette matière : impie lui-même, le fils de l'im- 
pie mérite d'être châtié; vertueux et fidèle, il vit et ne 
porte pas le châtiment qu'ont attiré les crimes de son 
père. 

4» Sa rémission. — Dieu est un juge sévère, mais il 
n'est pas un père inexorable. Voir Miséricorde, t. iv, 
col. 1131. Il veuthien pardonner le péché. Job, vu, 21 ; 
Ps. xxv (xxiv), 11; xxxn (xxxi), 1; lxxix (lxxviii), 9; 
lxxxv (lxxxiv), 3; Sap., xi, 24; Is., xliii, 25; Jer., xxxi, 
34, etc. — 2. Cependant, pour pardonner le péché, 
Dieu exige certaines conditions, et tout d'abord l'aveu. 
Lev., xxvi, 40; II Esd., ix, 2; Job, xxxi, 33, 34; 
Matth., m,6; Marc, i, 5; I Joa., i, 9, etc. Voir Confes- 
sion, t. il, col. 907. — 3. Il veut ensuite le regret sin- 
cère. Joël., il, 13, etc. Voir Pénitence. — 4. Certaines 
œuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachètent le 
péché. Voir Aimône, t. i, col. 1252; Charité, t. n, 
col. 591 ; Jeûne, t. m, col. 1528; Sacrifice. —5. Dans le 
Nouveau Testament, les péchés sont remis au nom du 
Père, Matth., vi, 14 15; Marc, xi, 25; Luc, xi, 4, par 



le Fils, Matth., ix, 2-6; Marc, n, 5-10; Luc, v, 20-49; 
etc., qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission, 
Luc, xxiv, 27; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pou- 
voir de l'accorder dans le sacrement de pénitence,. 
Joa., xx, 23, et dans celui d'extrême-onction. Jacob., v, 
15. — 6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la 
rédemption opérée sur la croix. Daniel, IX, 24, avait 
annoncé que le Messie mettrait fin au péché, c'est-à- 
dire à son influence irréparable. Jésus-Christ, par sa 
croix, obtint à l'homme le pardon du péché. Matth., I, 
21 ; xxvi, 28; Joa., i, 29; Rom., vi, t3; I Cor., xv, 3; 
II Cor., v, 21; Gai., I, 4; Eph., 1, 7; Col., i,14;Heb., ix, 
28; I Pet., m, 18; I Joa., i, 7; Apoc, i, 5, etc. Ce 
pardon peut même atteindre les âmes dans l'autre vie, 
au purgatoire. II Mach., xn, 46. — 7. Les écrivains 
sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes ex- 
pressions caractéristiques pour marquer la réalité de 
la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent 
ne plus tenir rigueur, II Reg., xn, 13; III Reg., vm, 
3i; Tob., ni, 13, etc.; « remettre, » par conséquent ne 
plus rien exiger à ce sujet, Ps. xxxn (xxxi), 1 ; 
Matth., ix, 2; Luc, vu, 48, etc.; 'c ne pas imputer, » 
ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., xn, 
11; Rom., iv, 7, 8. etc.; « ne plus se rappeler, » tenir 
pour non avenu, Ezech., xxxm, 16; « couvrir, » de 
manière qu'on ne le voie plus, Ps. lxxxv (lxxxiv), 3; 
« fermer les yeux, » parce qu'on ne veut plus voir, 
Sap., xi, 24; « effacer, purifier, laver, » comme une 
tache que l'on veut faire disparaître, Ps. li (l), 4; 
Is., xliii, 25; « enlever, » Is., vi, 7; faire disparaître 
comme de la glace qui se fond, Eccli., ni, 17, comme un 
nuage qui se dissout, Is., xliv, 22; « ne plus trouver, » 
comme une chose qui n'existe plus, Jer., l, 20; 
« d'écarlate, rendre blanc comme neige, s c'est-à-dire 
remplacer la tache du péché par quelque chose qui en 
est l'opposé, Is., i, 18; «jeter derrière son dos, » comme 
une chose qu'on dédaigne et qu'on ne reverra plus, 
Is., xxxviii, 17; « mettre sous ses pieds, » comme une 
chose méprisable qu'on veut détruire, et « jeter au fond 
de la mer », comme ce qui doit périr définitivement. 
Mich., vu, 19, etc. Ézéchiel, xxxm, 14-16, exprime 
sans figure et de la manière la plus positive l'effet de 
la rémission du péché : « Lors même que j'aurai dit au 
méchant : Tu mourras! s'il se détourne de son péché et 
fait ce qui est juste etdroit,... on ne se rappellera plus 
aucun des péchés qu'il a commis : il a fait ce qui est 
droit et juste, il vivra. » La réalité objective de la rémis- 
sion du péché est d'ailleurs démontrée par la conduite 
de Dieu à l'égard de grands pécheurs, Adam, Sap., x, 
1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc. 

H. Lesêtre. 

PÉCHÉ ORIGINEL, péché commis par Adam, à 
l'origine de l'humanité, et par suite duquel tous ses 
descendants naissent dans un état de déchéance et de 
péché. 

1» La faute initiale. — 1. Le récit de l'épreuve im- 
posée à Adam, de la tentation, de la chute et du châti- 
ment, est consigné dans la Genèse, ni, 1-19. Ce récit 
peut être interprété avec une certaine largeur, à condi- 
tion de respecter la réalité du fait. Voir Adam, t. i, 
col. 175; Eve, t. n, col. 2119. Les Pères l'ont générale- 
ment entendu dans son sens littéral, mais l'Église n'a 
pas condamné le cardinal Cajetan qui l'a expliqué allé- 
goriquement. In Sacram Scnpluram Cotiimentarii,. 
5 in-f°, Lyon, 1639, 1. 1, p. 22, 25. Voir Vigouroux, Manuel 
biblique, 12 e édit., t, i, pi. 564. — 2. Rien dans le récit 
n'avertit formellement que le premier homme ait agi 
comme représentant de toute sa race. Il est seulement 
le premier de tous les hommes. Mais c'est de lui que 
les autres recevront la vie, et, étant données les lois 
ordinaires de la nature que l'auteur sacré suppose 
connues de ses lecteurs, il fallait s'attendre à ce qu'Adam , 
avec la vie et ses conditions essentielles, transmit à ses 



13 



PÉCHÉ ORIGINEL 



14 



descendants quelque chose de ce qu'il était devenu lui- 
même, par l'abus qu'il avait fait des dons extraordi- 
naires de son Créateur. Toutefois ce n'esY pas tocs la 
concupiscence que consiste à proprement parler le péché 
originel, mais dans la privation de la grâce. L'avenir 
de l'humanité est indiqué dans l'inimitié annoncée 
entre la postérité de la femme et celle du serpent et 
dans les conditions de vie imposées à Adam et à Eve, 
et par là même à leurs descendants. Du récit de la 
Genèse, les théologiens ont déduit que nos premiers 
parents avaient été élevés à un état surnaturel, et 
qu'ayant perdu par leur faute l'intégrité primitive, ils 
"étaient déchus de leur état et avaient transmis leur 
déchéance à leurs enfants. 

2° Dans l'Ancien Testament. — 1. Les écrivains ins- 
pirés de l'Ancien Teslament ne parlent du péché origi- 
nel qu'en fermes généraux. Job, xiv, 4, à propos de 
l'homme né de la femme, que Dieu, semble-t-ii, ne 
peut citer en justice sans s'abaisser lui-même, remarque : 
« Qui peut tirer le pur de l'impur? Personne. » La 
Vulgafe traduit un peu différemment : « Qui peut 
rendre pur celui qui a été conçu dans l'impureté? 
N'est-ce pas vous seul? » Les Septante ajoutent au texte 
les premiers mots du verset suivant : « Qui peut être 
pur de souillure? Personne, pas même celui dont la vie 
n'est que d'un jour sur la terre. » Les Pères ont com- 
menté le texte ainsi formulé. L'idée principale est que 
l'homme appartient à une race pécheresse et impure, 
et que l'on ne doit pas s'étonner qu'il soit si peu digne 
de l'attention divine, ayant hérité d'ancêtres pécheurs. 
— Au Psaume li (l), 7, on lit ces paroles : 

Je suis né dans l'iniquité, 

Et ma mère m'a conçu dans le péché. 

Comme pour le passage précédent, la doctrine du 
péché originel, sans être formulée d'une façon tout à fait 
explicite, donne seule à ces paroles tout leur sens. — On 
trouve ces autres paroles dans l'Ecclésiastique, xxv, 33 : 

C'est par une femme que le péché a commencé, 
C'est à cause d'elle que nous mourons tous. 

Le texte accuse avec raison Eve d'avoir commencé la 
première à pécher et d'élre la première cause de la 
mort de tous. Mais Adam, et non pas Eve, était le chef 
dé l'humanité, et par lui ont été transmis le péché et ses 
conséquences. — Il n'y a pas à s'arrêter au texte 
d'Isaïe, xi.ni, 27, disant à Israël : « Ton premier père a 
péché; » car il s'agit ici de Jacob. Cf. Ose., xn, 3-5. — 
L'auteur de la Sagesse, vin, 18-20, prenant le person- 
nage de Salomon, s'exprime dans des termes dont on 
pourrait s'étonner, s'il fallait les prendre absolument à 
la lettre : « J'étais un enfant d'un bon naturel, et j'avais 
repu en partage une bonne ùme, ou plutôt, étant bon, 
je vins à un corps sans souillure. » Cette affirmation ne 
peut porter que sur la vie purement naturelle. Un 
autre texte paraît plus significatif : « Vous saviez bien 
qu'ils sortaient d'une souche perverse,... car c'était une 
race maudite dès l'origine. » Sap., xn, 10, 11. Toute- 
fois, comme il s'agit ici des Cbananéens, il est clair 
que la malédiction dont parle l'auteur sacré est celle 
qu'encourut Chanaan. Gen., ix, 25. — 2. Mais si les 
textes sont peu explicites, on sent que, pour ainsi dire, 
tout le poids du péché originel pèse sur l'Ancien Tes- 
tament. Souvent les auteurs sacrés constatent le règne 
général du. péché. « Tous sont égarés, tous sont perver- 
tis; pas un qui fasse le bien, pas un seul! » Ps. six 
(xiii), 3; lu (lu), 4. « Qui dira : J'ai purifié mon cœur, 
je suis net de mon péché? » Prov., xx, 9. L'autre vie, 
dont l'attente aurait du réjouir les justes, ne leur appa- 
raît que sous de sombres couleurs. Ils se rendent 
compte que, même dans le sche'ûl, la paix ne sera pas 
encore faite entre eux et Dieu, parce que, dans le 
passé lointain de l'humanité comme dans ses généra- 



tions successives, il y a quelque chose qui empêche 
une réconciliation complète et définitive. Cette réconci- 
liation, les anciens l'attendent dans la personne du 
Messie futur. Au lieu de porter leurs regards vers 
ceiui qui fut l'origine de l'humanité, ils les tendent vers 
celui qui, dans l'avenir, en sera le réparateur et le 
Sauveur. N'ayant qu'une idée confuse du péché originel 
et de ses suites, ils sont peu capables par là même 
de se faire une notion exacte de ce que sera la rédemp- 
tion. Néanmoins cette attente du Messie libérateur est, 
dans l'Ancien Testament, la forme la plus concrète et 
la plus positive sous laquelle on puisse reconnaître la 
tradition du péché originel. 

3» Dans l'Évangile. — Quelques passages de l'Évan- 
gile font allusion au péché originel; mais cette allu- 
sion ne peut être comprise que si l'on a présente à 
l'esprit la notion de la chute et de ses conséquences. 
Ainsi la lumière du Yerbe « luit au milieu dés 
ténèbres », Joa., i, 5; le Sauveur vient éclairer ceux 
« qui sont assis dans les ténèbres et à l'ombre de la 
mort ». Luc, i, 79. Saint Jean-Baptiste présente Notre- 
Seigneur comme « l'Agneau de Dieu, celui qui enlève 
le péché du monde », Joa., i, 29, c'est-à-dire ce péché 
dont les conséquences pèsent sur le monde entier. « Si 
on ne renaît de nouveau, on ne peut voir le royaume de 
Dieu. » Joa., m, 3. C'est donc que la vie transmise par 
Adam ne suffit pas pour conduire l'homme au salut. 
Les justes de l'ancienne loi en font l'expérience dans 
le sche'ôl; mais « l'heure vient où ceux qui sont dans 
les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et 
ceux qui ont fait le bien en sortiront pour ressusciter 
à la vie >;. Joa., v, 25, 28, 29. Le Sauveur fait annoncer 
■ que « le royaume de Dieu approclae », laïc., "X., 9, cm 
conséquent que l'état de choses antérieur, même sous 
le régime de la Loi, n'était pas le royaume de Dieu, la 
vraie voie du salut. Il dit aux Juifs, qui se glorifiaient 
d'être enfants d'Abraham : « C'est seulement si le Fils 
vous délivre, que vous serez vraiment libres. » Joa., 
via, 36. Une servitude générale s'imposait donc à tous 
les hommes. Enfin, par deux fois, Joa., m, 3L; xw, 30, 
le Sauveur appelle Satan le « prince de ce monde ». 
Satan y règne en maître, en effet, depuis sa victoire sur 
le premier homme; mais « il va être chassé dehors », et 
d'ailleurs il n'a rien à lui en Jésus, qui a pris la des- 
cendance mais non la servitude d'Adam. — On ne peut 
tirer aucune conclusion, touchant le péché originel, 
du texte de Joa., ix, 2. Voir Mal, t. iv, col- €01, 
4°. Quand les pharisiens disent à l'aveugle guéri qu'il 
est « né tout entier dans le péché », ils ne songent 
pas au péché originel, car ils ne s'appliquent certes 
pas cette remarque à eux-mêmes. Joa., IX, 34. 

4° Dans saint Paul. — 1. Saint Paul dégage la notion 
du péché originel avec précision dans son Épître aux 
Romains. Pour faire ressortir toute la signification de 
la rédemption, il établit un parallèle entre Jésus-Christ 
et Adam, et il écrit : « Ainsi donc, comme par un seul 
homme le péché est entré dans le monde, et par le 
péché ]a mort, ainsi la mort a passé dans tous les 
hommes, parce que (è?'w) tous ont péché (Yulgate : 
in quo, « en qui » ou « en quoi » tous ont péché)... 
Par la faute d'un seul, tous les hommes sont morts.. 
Le jugement a été porté à cause d'une seule faute pour 
la condamnation... Par la faute d'un seul, la mort a 
régné par ce seul homme... Par la faute d'un seul, la 
condamnation est venue sur tous les hommes... Par la 
désobéissance d'un seul homme, tous ont été constitués 
pécheurs. » Rom., v, 12-19. Cet enseignement de 
l'Apôtre éclaire le récit de la Genèse. Au paradis ter- 
restre, Adam était donc, dans la pensée de Dieu, le 
représentant de l'humanité, représentant dont l'huma- 
nité serait mal venue à se plaindre, puisqu'il jouissait 
de l'innocence et de tous les dons divins. Adam subis- 
sait l'épreuve au nom de toute sa postérité. Seul il a 



15 



PÉCHÉ ORIGINEL — PÊCHEUR 



16 



péché personnellement, mais en lui et par lui, tous 
ont péché, tous ont désobéi, tous ont encouru la mort 
et la condamnation. En cela, Adam a été la figure de 
celui qui doit venir, t-jtios toû héXXovtoç, forma futtiri, 
Rom., v, 14; il a été pour l'humanité, au point de vue 
du péché et de la condamnation, ce que Jésus-Christ a 
été au point de vue de la réconciliation et de la vie. Con- 
formément à cette doctrine, l'Église enseigne que « la 
prévarication d'Adam a nui, non à lui seul, mais à sa des- 
cendance; qu'il a perdu à la fois pour lui et pour nous la 
sainteté et la justice qu'il avait reçues de Dieu; que 
souillé lui-même par son péché de désobéissance, il a 
transmis à tout le genre humain, non seulement les 
peines du corps, mais aussi le péché qui est la mort de 
l'âme ». Conc. Trid., sess. v, De j)ecc. or'ig., 2. — 




- Pêcheurs du tombeau de Rahotep à Meidoum. 
Caprès FJinders Pétrie, Meidum, in-4% Londres, 1892, pi. xn. 

2. Dans d'autres passages, saint Paul se réfère à la 
même doctrine. Il appelle « vieil homme » l'homme 
tel qu'il descendait d'Adam. Rom., vi, 6; Eph., IV, 22; 
Col., m, 9. Il écrit aux Corinthiens que « par un homme 
est venue la mort ». I Cor., xv, 22. Aux Éphésiens, il, 2- 
3 : « Vous étiez morfs par vos offenses et vos péchés, 
dans lesquels vous marchiez autrefois selon le train de 
ee monde, selon le prince de la puissance de l'air, de 
l'esprit qui agit maintenant dans les fils de la désobéis- 
sance... Nous étions par nature enfants de colère, 
comme les autres. » Fils d'Adam prévaricateur et 
volontairement soumis au prince de ce monde, les 
hommes ne peuvent qu'être désagréables et antipa- 
thiques à Dieu. 

Le péché originel, qui souille tout homme venant en 
ce monde, n'a pas atteint le Fils de Dieu incarné. 
I Pet., n,22; I Joa., m, 5; Joa., vin, 46. L'Église a 
défini que la Sainte Vierge, en vue des mérites de son 
divin Fils, a été préservée de cette souillure, et n'a 
pas cessé d'être un seul instant « pleine de grâce » 
aux yeux de son Créateur. Luc, i, 28. — Sur l'inter- 
prétation des Pères, à propos du péché originel, 



voir Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 
1904, p. 87, 226, 412. H. Lesètre. 

PÉCHERESSE de l'Évangile. Luc, vu, 37, 39. Voir 

MâRIE-MADELEINE, t. I, Col. 810. 

PÊCHEUR (hébreu : davvdg, ctayyâg; Septante : 
âXiEÛ? ; Vulgate : piscator), celui qui fait métier de 
pêcher des poissons. — 1» Isaïe, xix, 5-8, décrit la déso- 
lation des pêcheurs égyptiens lorsque le châtiment 
frappera leur pays, que le fleuve et les canaux tariront 
et que la pêche deviendra impossible. Les pêcheurs 
égyptiens faisaient de superbes captures. Sur une pein- 




5. — Pêcheurs de nos jours, à Aïn Tabagha, sur les bords 
du lac de Tibériade. — D'après une photographie de 
M. L. Heidet (1899). 

ture de Meidoum, on voit trois pêcheurs; deux d'entre 
eux transportent un latus presque aussi grand qu'eux 
(fig. 4). Sur un tombeau de Beni-Hassan, un pêcheur 
lient deux poissons qu'il a piqués d'un seul coup de 
fourche, cf. Rosellini, Monumenti civiU, pi. xxv, 1, et 
sur le tombeau de Ti, six pêcheurs montés sur deux 
barques sont occupés à relever une nasse. Voir Pèche, 
fig. 2, col. 5. Jéhovah appelle contre les Israélites infidèles 
« des pêcheurs pour les pêcher », c'est-à-dire des enne- 
mis pour s'emparer d'eux et les tenir en captivité. Jer., 
xvi, 16. Ézéchiel, xlvii, 9-10, prédit que, dans la nouvelle 
Terre Sainte, les eaux de la mer Morte seront assainies, 
qu'il y abondera des poissons de toute espèce, que des 
pécheurs se tiendront sur ses bords et qu'ils jetteront 
leurs filets d'Engaddi à Engallim. Cela signifie que, 
dans le royaume du Messie, il n'y aura point de pays 
deshérité et abandonné, mais que la vie de la grâce 
se répandra partout. — 2» Plusieurs des Apôtres 
exerçaient le métier de pêcheurs sur le lac de Tibériade 
(fig. 5) quand le Sauveur les appela à sa suite. Tels 
étaient André, Pierre, Joa., i, 40-41, Jacques le Majeur 



17 



PÊCHEUR — PECTORAL 



18 



•et Jean. Matth., iv, 21.- Pendant la vie publique de 
Notre-Seigneur, et même après sa résurrection, ils 
continuèrent à pêcher quand l'occasion s'en présenta. 
Matth., iv, 18; Marc, i, 16; Luc, v, 2; Joa., xxi, 3. — 
-3° En les appelant à lui, Notre-Seigneur leur signi- 
fia qu'il voulait faire d'eux des pêcheurs d'hommes. 
Matth., iv, 19; Marc, i, 17. Les Apôtres devaient donc 
consacrer à la conquête des âmes un labeur, une adresse, 
une patience analogues à ce qu'exigeait d'eux la pêche 
des poissons. En souvenir de cette mission, les pre- 
miers chrétiens représentèrent, dans les catacomhes, 
saint Pierre sous la figure d'un pêcheur dont la ligne 
lire de l'eau un poisson (fig. 6). Quant à l'anneau du 




6. 



Saint Pierre, pêcheur d'âmes. Cimetière de Saint-Calliste. 
D'après AUard, Rome chrétienne, pi. vi. 



pêcheur, dont se sert le Souverain Pontife, on ne com- 
mence à en faire mention qu'au xni e siècle. Cf. Dict. 
d'archéologie chrétienne, t. i, col. 2210. 

H. Lesètre. 

PÉCHEUR, PÉCHERESSE(hébreu : lialla, posim, 
hattâ'âh; Septante : à\i.a.ç,ïui\6z; Vulgate : peccator, 
peccalrix), celui ou celle qui commet habituellement 
le péché et y persévère. 

1° Il y a différentes sortes de pécheurs : celui qui est 
perverti dès le sein de sa mère, Ps. lviii (lvii). 4; celui 
qui fait le mal pendant une longue vie de cent ans, 
ls., lxv, 20; celui qui entasse péchés sur péchés, 
Eccle., vin, 12; Eccli., ni, 29; v, 5, 6; vu, 8; celui qui 
boit l'iniquité comme l'eau, Job, xv, 16; celui qui se rit 
du péché, Prov., xiv, 9; Eccli., xxvn, 14, et se glorifie 
de ses passions, Ps. x, 3; celui que la vue du juste fait 
entrer en fureur, Ps. cxu (cxi), 10; celui qui fait com- 
mettre le mal aux autres, III Reg., xv, 34; xvi, 19; voir 
Scandale; celui qui abuse de la patience de Dieu en 
disant : « J'ai péché, que m'est-îl arrivé de fâcheux? » 
Eccli., v, 3; celui qui se vante de sa prospérité, 
Ps. xciv (xcm), 3, 4; voir Impie, t. m, col. 846; le pé- 
cheur hypocrite qui a sur les lèvres les préceptes, 
Ps. l(xlix), 16, ou la louange de Dieu, Eccli., xv, 9; 
le pécheur impénitent, Joa., vin, 21, etc.; le pécheur 
persécuteur, Matth., xxvi, 45; Marc, xiv, 41 ; Luc, xxiv, 
7; et d'autre part le pécheur humble et pénitent, 
Luc, v, 8; xviii, 13, alors même que sa pénitence est 
tardive. Il Reg., xn, 13; Luc, xxm, 42, etc. — 2° Le 
pécheur, haï de Dieu à cause de son péché, Eccli., xn, 
7, peut fleurir comme l'herbe, il sera exterminé à 
jamais, Ps. xcn (xci), 8; le péché même le fera périr, 
Ps. xxxtv (xxxiii), 22; Prov., xm, 6, 21, et des maux 
de toutes sortes s'abattront sur lui. Ps. xxxn (xxxi), 
10; i.xxv (lxxiv), 9; xci (xc), 8; cxxix (cxxvin), 4; 
cxlvi, 6; Prov., xi, 31; Eccli., v, 7; XL, 8; ls., i, 28; 
Am., ix, 10, etc. Le Psaume xxxvn (xxxvi), 12-34, décrit 
longuement le sort malheureux qui attend le pécheur. 
Le livre de la Sagesse, h, 1-25; m, 10-13; iv, 16-20; 
v, 1-14, met en scène les pécheurs d'abord dans leurs 
joies coupables sur la terre, ensuite dans leur déses- 
poir de l'autre vie. — 3° Le juste ne doit pas fréquenter 



le pécheur. Ps. I, 1; Tob., îv, 18, etc. Ils ne sont pas 
plus faits pour aller ensemble que le loup et l'agneau. 
Eccli., xm, 21. Aussi mieux vaut habiter sur le seuil de 
la maison de Dieu que sous les tentes des pécheurs. 
Ps. lxxxiv (lxxxih), 11. — 4" Dans l'Évangile, Notre- 
Seigneur, sans cesser de condamner le péché, prend 
compassion du pécheur dont il veut sauver l'âme. Il 
permet aux pécheurs de venir à lui, Matth., ix, 10; 
Luc, xv, 1; mange avec eux, Matth., ix, 11; Marc, II, 
15, 16; Luc, v, 30; xv,2; xix, 7; se laisse appeler leur 
ami, Matth., xi, 19; Luc, vu, 34; déclare qu'il est venu 
pour les sauver, Matth., ix, 13; Marc, n, 17; Luc, v, 
32; I Tim., i, 15, et que leur conversion cause grande 
joie au ciel. Luc, xv, 7, 10. Traité lui-même comme 
un pécheur par les Juifs, Joa., îx, 16, il est défendu 
avec beaucoup d'énergie et de bon sens par l'aveugle 
qu'il a guéri. Joa., ix, 30-33. 11 appuie lui-même ses 
déclarations en faveur des pécheurs par la conduite 
qu'il tient envers la Samaritaine, Joa., iv,l-42; Matthieu, 
Matth., ix, 9-17; Marc, n, 13-22; Luc, v, 27-39; la 
pécheresse, Luc, vu, 36-50; la Chananéenne, Matth., xv, 
21-28; Marc, vu, 24-30; la femme adultère, Joa., vm, 
2-11 ; Zachée, Luc, xtx, 1-10; le bon larron, Luc, xxm, 
43; Pierre, Joa., xxi, 15-18; Paul. Act., IX, 3-6, etc. 
Tous les hommes sont pécheurs, à des degrés divers, 
Rom., v, 8, 19; Gai., n, 15 17; mais la volonté du Sau- 
veur est que tous soient sauvés. I Tim., n, 4. 

H. Lesêtre. 
PECTORAL (hébreu : hosén, et plu s habituellement: 
hoSén /tam-mispal; Seplanle : ).oy*îov tûv v.ptcrswv, et 



l 



rêâ'H 



^e**^'i:r f frmpT "tf rr - r P/*Wf 




7. — Pectoral égyptien en ci', avec un scarabée bleu au milieu 
et un encadrement de pierres précieuses. Musée du Louvre. 

une fois, Exod., xxvm, 4; Ttîpiavrfi:ov : Vulgate : ratio- 
nale /udiciï), ornement que le grand-prêtre portait sur 
sa poitrine quand il devait entrer dans le sanctuaire. 
On l'appelle aussi en français le rational. — 1° L'origine 
du mot hosén est incertaine. D'après l'arabe hasan, 
« être beau, » il pourrait avoir le sens d' « ornement »; 
mais les versions ne favorisent pas cette étvmologie. 
Dans le premier passage où il soit question du hosén, 
Exod., xxv, 7, l'auteur sacré en parle, sans aucune 
explication, comme d'une chose bien connue et suffi- 
samment désignée par son nom. Comme l'objet parait 
être d'origine égyptienne (fig. 7), il est assez probable 
que le nom l'est aussi. Beaucoup de personnages de 
l'ancienne Egypte sont représentés avec un pectoral 
(fig. 8), sorte d'ornement trapézoïdal qui se porte sus- 
pendu au cou. Cf. Lepsius, Das Todlenbitch der Aegyp- 
ter, Leipzig, 1842, c 125, pi. l; Mariette, Monuments 
divers recueillis en Egypte et en Nubie, Paris, 1872, 
pi. 24, 74, 92; Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 239. Le pec- 
toral trouvé sur la momie de la reine Aah-Hotep, mère 



19 



PECTORAL 



2a 



du premier roi de la XVIII e dynastie, antérieur à Moïse, 
est ainsi décrit par Mariette, Xotice des monumeûls du 
musée de Boulaq, p. 263-264 : « La forme générale du 
monument est celle d'un petit naos... Au centre, Amo- 
sis est représenté debout sur une barque. Deux divini- 
tés, Ammon et Phré, lui versent sur la tête l'eau de pu- 
rification. Deux éperviers planent au-dessus de la 
scène, comme des symboles du soleil vivifiant. Le tra- 
vail de ce monument est tout à fait hors ligne. Le 
fond des figures est découpé à jour; les figures elles- 
mêmes sont dessinées par des cloisons d'or dans 
lesquelles on à introduit des plaquettes de pierres dures: 
cornalines, turquoises, lapis, pâte imitant le feldspath 
vert. Ainsi disposée, cette sorte de mosaïque, où cha- 
que couleur est séparée de celle qui l'avoisine par un 




8. — Grand trésorier égyptien portant le pectoral. 
Statue du Musée égyptien du Louvre. 

brillant filet d'or, donne un ensemble aussi harmonieux 
que riche. » Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t. n, p. 513; Les Livres Saints et la 
critique rationaliste, 5 e édit., t. m, p. 123. Dieu vou- 
lut que le grand-prêtre de son peuple portât un orne- 
ment analogue à celui qui distinguait les grands per- 
sonnages égyptiens. Les versions grecques l'appellent, 
Septante : Xofstov, sans doute de lôyos, « parole, » et 
Ttsptarvjfkov, « ce qui eatoure la poitrine; » Josèphe, 
Ant, jud., III, vu, 5, et les autres versions grecques : 
Xôftov, « oracle; » Symmaque : Sôjaov, « réceptacle. » 
Ces noms sontjustifiés par la destination même du pec- 
toral qui, placé sur la poitrine du grand-prêtre, ren- 
fermait l'Urim et le Thummim, au moyen duquel Dieu 
faisait connaître ses oracles. Le mot rationale, adopté 
par la Vulgate, vise à traduire Xofsîov, en le dérivant 
de ),ôvo;, « raison, » au lieu de Xôyo?, « parole. » A 
hoSén s'ajoute le mot ham-mispât, « du jugement, » 
parce que Dieu rendait ses jugements ou ses décisions 
au moyen de ce que contenait le pectoral. — 2° Le texte 
sacré donne une description minutieuse de ce que doit 
être le pectoral. Il faut qu'il soit artistement travaillé 
et du même tissu que l'éphod, comprenant l'or, la 
pourpre violette et rouge, le cramoisi et le lin. Voir 
Éphod, t. h, col. 1865. Il a la forme quadrangulaire, 



mais pas nécessairement celle d'un carré parfait; il est 
double, c'est-à-dire replié sur lui-même de manière à 
former une sorte de poche renfermant l'Urim et le 
Thummim; sa longeur et sa largeur sont d'un zéret ou 
empan, mesure comprise entre les extrémités du petit 
doigt et du pouce étendus. II porte quatre rangées de 
pierres précieuses, toutes différentes et au nombre de 
trois par rangée. Chacune de ces pierres, enchâssée 
dans une rosette d'or, représente une des douze tribus 
d'Israël dont le nom est gravé sur elle (fîg> 9). L'or- 
dre dans lequel ces noms étaient disposés n'est pas 
indiqué. Josèphe, ibid., pense que l'ordre suivi était 
celui de la naissance, et c'est en effet ce qui parait fe 
plus naturel. Des chaînettes et des anneaux d'or ser- 
vaient à fixer le pectoral, deux en haut et deux en 
bas, aux épaulettes de l'éphod, de manière qu'il fût 




9. — Pectoral du grand-prêtre juif. Essai de restitution d'après- 
Schuster, dans Fillion, Atlas archéolog., 2" édit., pi. cvi, flg. 12. 

maintenu au-dessus de la ceinture de l'éphod. Josèphe, 
ibid., dit que le pectoral remplissait ainsi sur la poi- 
trine l'espace laissé libre par l'éphod (fig. 10). Le grand- 
prêtre ne pouvait entrer dans le sanctuaire sans porter 
ainsi sur son cœur les noms des fils d'Israël, « en sou- 
venir perpétuel devant Jéliovah. » Exod., xxyiii, 15-29; 
xxxix, 8-21 ; Lev., vin, 8. Voir Grand-prètre, t. m, fig. 64. 
col. 296. — Dans l'Ecclésiastique, xlv, 12, 13, le pectoral, 
est mentionné parmi les ornements d'Aaron. Le texte 
hébreu dit que Dieu lui fit porter « le pectoral du juge- 
ment, l'éphod et la ceinture, ouvrages tissés de cramoisi, 
fes pierres précieuses sur le pectoral, gravées comme- 
dès cachets pour l'inauguration (d'Aaron), chaque pierre 
ayan t une écriture gravée en souvenir, suivant le nombre 
(des tribus) d'Israël ». Les Septante rendent bemillu'im, 
« pour l'inauguration, » par 'ipyut XiOoûpyo'j, « oeuvre 
du graveur. » Le texte hébreu est d'ailleurs peu sûr dans 
ce passage, et le premier des deux versets est rendu 
par les versions avec des variantes assez considérables.. 
— 3° Les matières qui entrent dans la fabrication du 
pectoral, or, fils richement teints et pierres précieuses, 
symbolisent la dignité du grand-prêtre et surtout la 
royauté suprême du Dieu dont il est le ministre. Aaron 
porte le pectoral « sur les deux épaules » et « sur le 
cœur », Exod., xxxin, 12, 30, « en souvenir perpétuel 



21 



PECTORAL — PEINTURE 



22: 



devant Jéhovali. » comme pour représenter devant le 
Seigneur tout le peuple qui lui est consacré. Les pierres 
précieuses reflètent la lumière du ciel, dont Jéhovah 
est aussi le souverain. Elles sont disposées sur le pec- 
toral quadrangulaire à peu près comme les lsraélistes 
eux-mêmes le sont dans leur camp. Voir Càsip, t. il, 
col. 95, Il est évidemment impossible de déterminer 
quelle relation symbolique pouvait exister entre chaque 
pierre et la tribu dont elle portait le nom. Il n'y en 
avait pas moins là une expression saisissante de cette idée 
que, dans ïa personne du grand-prêtre, les douze tribus 
étaient présentes pour rendre hommage à Jéhovah et 
recevoir ses oracles. — Cf. Braun. De vestitn sacerdo~ 




10, — Le pectoral et l'épliod. — Essai de reconstitution 
d'après les monuments égyptiens, par V. Ancessi, Atlas 
biblique, in-4°, Paris, 1876, pi. vi. 



tum Hebrseorum, Leyde, 1680, n, 6, 7; Balvr, Symbolik 
des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. lOi- 
110, 127-136. H. Lesêtre. 

PEIKHART François, commentateur autrichien, 
né à Vienne le 14 janvier 1684, mort dans cette ville le 
29 mai 1752. Il entra dans la Compagnie de Jésus en 
1698 et fut longtemps professeur et prédicateur. Nous 
avons de lui, en allemand, de longs commentaires sur 
les quatre Évangiles : Erklàrung der Evangelischen 
Besehreibung der IV Evangelischen. Ils parurent 
d'abord à Vienne en 1752-1754, puis à Munich et à In- 
golstadt en 1753. L'édition de Munich est en 4 in-f°. 

P. Bliard. 

PEINES, châtiments. Voir Pénalités. 

PEINTURE, art d'imiter, à l'aide des couleurs appli- 
quées sur une surface, l'apparence naturelle des êtres 
vivants ou des objets. — La loi qui proscrivait toute 
image taillée et toute figure d'être animé, Exod., xx, 4, 



fut toujours prise par les Hébreux dans le sens le plus 
strict. Ils s'en inspirèrent dans leurs monuments. De 
plus, étant donnée la nature des matériaux employés 
dans leurs grandes constructions et leur caractère suffi- 
samment décoratif, on peut dire que la peinture leur fut 
à peu près étrangère. Aussi, pour exprimer l'idée de 
« peindre », sont-ils obligés de se servir du verbe hâqâh 
qui veut surtout dire « sculpter » et « graver ». Il est 
bon néanmoins d'avoir quelque idée de ce que fut la 
peinture chez les Égyptiens, les Assyriens, les Perses,, 
et les Grecs, à cause de quelques allusions bibliques et 
aussi des illustrations qu'on en tire pour l'explication 
du texte sacré v 

1° Chez les Egyptiens. — Les statues étaient souvent 
complètement peintes des pieds à la tète. Dans les bas- 
reliefs, les personnages et les figures étaient enluminés, 
sur un fond laissé à l'état naturel. Pour exécuter ces 
peintures, on se servait de couleurs dont la variété 
s'accuse de plus en plus avec le temps. Les couleurs trop 
coûteuses se remplaçaientpar des imitations plus simples, 
comme le bleu du lapis-lazuli par du verre coloré et réduit 
en, fine poussière. On délayait la couleur dans de l'eau 
additionnée de gomme adragante, et on l'étatait à l'aide 
d'un calame ou d'une brosse. Pour les surfaces planes, 
sur lesquelles on tenait à fixer des scènes plus ou 
moins compliquées, on commençait par dégrossir la 
paroi à décorer et l'on appliquait sur la muraille encore 
rugueuse un crépi d'argile noire et de paille hachée 
menu, mélange qui produisait un enduit analogue à la 
composition de la brique. La peinture fixée sur les sur- 
faces ainsi préparées constituait de l'enluminure 'beau- 
coup plus que de la peinture. L'artiste procédait par 
teintes plates, juxtaposées mais non fondues. Tout en- 
obéissant à l'inspiration de la nature, il ne s'écartait 
pas cependant de certaines formules de conventio'ri qui 
caractérisent les procédés égyptiens de la première â 
la dernière époque. On indiquait dans les ateliers la 
couleur qui convenait à tel être ou à tel objet, et l'on 
s'en tenait à cette donnée traditionnelle. Ainsi l'eau est 
toujours d'un bleu uni ou strié de zigzags noirs. Les 
chairs sont brunes chez les hommes et d'un jaune clair 
chez les femmes, sauf un certain nombre d'exceptions 
qui ne se constatent guère qu'à de rares et courtes pé- 
riodes. Voir 1. 1, fig. 616, col. 1932; t. n, fig. 384, col. 1067. 
La perspective est à peu près inconnue. Les objets 
représentés sont là, mais à leur place conventionnelle, 
un canal, par exemple, à mi-hauteur du tronc des pal- 
miers qu'il traverse, un bassin avec les plantations 
dressées perpendiculairement sur les quatre faces, 
des masses de soldats figurées par la reproduction, 
multipliée et identique du même individu, les diffé- 
rentes "scènes d'une même action juxtaposées ou super- 
posées pour ne négliger aucun détail, etc. L'artiste lais- 
sait au spectateur le soin d'interpréter, ce qui d'ailleurs 
était facile, puisque tous connaissaient parfaitement la 
convention traditionnelle qui réglait l'œuvre des pra- 
ticiens. La représentation de l'être humain ne s'écar- 
tait qu'assez rarement de certaines lois artistiques en 
contradiction avec celles de la perspective, mais per- 
mettant de caractériser facilement les principales 
parties du corps. Ainsi presque toujours la tête, munie 
d'un œil de face, se présente de profil, le buste de face, 
le tronc de trois quarts et les jambes de profil. « Les 
maîtres égyptiens continuèrent jusqu'à la fin à déformer 
la figure humaine. Leurs hommes et leurs femmes sont - 
donc de véritables monstres pour l'anatomiste, et cepen- 
dant ils ne sont ni aussi laids ni aussi risibles qu'on est 
porté à le croire, en étudiant les copies malencontreuses 
que nos artistes en ont faites souvent. Les membres 
défectueux sont alliés aux corrects avec tant d'adresse 
qu'ils paraissent être soudés comme naturellement. 
Les lignes exactes et les fictives se suivent et se com- 
plètent si ingénieusement qu'elles semblent se déduire 



23 



PEINTURE — PÈLERINAGES 



24 



nécessairement les unes des autres. La convention une 
fois reconnue et admise, on ne saurait trop admirer 
l'habileté technique dont témoignent beaucoup de mo- 
numents... Chaque mur est traité comme un tout, et 
l'harmonie des couleurs s'y poursuit à travers les re- 
gistres superposés : tantôt elles sont réparties avec 
rythme et symétrie, d'étage en étage, et s'équilibrent 
l'une par l'autre, tantôt l'une d'elles prédomine et 
détermine une tonalité générale, à laquelle le reste 
est subordonné. L'intensité de l'ensemble est toujours 
proportionnée à la qualité et à la quantité de lumière 
que le tableau devait recevoir. Dans les salles entière- 
ment somhres, le coloris est poussé aussi loin que 
possible; moins fort, on l'aurait à peine aperçu à la 
lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs 
d'enceinte et sur la face des pylônes, il atteignait la 
même puissance qu'au fond des hypogées; si brutal 
qu'on le fit, le soleil en atténuait l'éclat. Il est doux et 
discret dans les pièces où ne pénètre qu'un demi-jour 
voilé, sous le portique des temples et dans l'antichambre 
des tombeaux. La peinture en Egypte n'était que 
l'humble servante de l'architecture et de la sculpture.» 
Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 170, 
198., Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux avaient 
eu l'occasion de contempler certaines de ces peintures 
d'un caractère fréquemment idolâtrique et dans les- 
quelles les dieux étaient habituellement représentés 
avec des têtes d'animaux. Il était donc utile de les pré- 
munir contre toute idée d'imitation. Plus tard, l'auteur 
de la Sagesse, xv, 4, se moquera de ces idoles qui ont 
« une ligure barbouillée de diverses couleurs, vain 
travail d'un peintre ». 

2° Chez les Assyriens. — Les Assyriens enduisaient 
leurs maisons d'un stuc blanc, fait de plâtre et de 
chaux, et assez souvent le décoraient de peintures en 
détrempe, à teintes plates et sans modelé dans les 
figures. Cf. Perrot, Histoire de l'art, t. n, p. 291. Plu- 
sieurs de ces peintures remontent à la plus haute anti- 
quité chaldéenne. On a retrouvé d'élégantes rosaces 
formées par l'application sur le stuc de couleurs très 
tranchées, des bordures décoratives avec taureaux 
peints en blanc sur fond jaune et silhouettes accusées 
par une large bande noire, créneaux bleus et festons 
multicolores, etc. Les tours à étages ont les degrés 
peints, à partir du bas, en blanc, noir, rouge, jaune, 
vermillon, argent et or. A l'intérieur des salles, les bas- 
reliefs eux-mêmes étaient décorés en couleur, de sorte que 
les stucs ornés de peintures paraissaient en être la conti- 
nuation et le prolongement, ce qui évitait un contraste 
choquant entre la blancheur des sculptures et ta colo- 
ration des stucs. Cf. Babelon, Archéologie orientale, 
Paris, 1888, p. 126. La brique émaillée entrait aussi 
pour beaucoup dans la décoration des édifices. Voir Émail, 
t. H, col. 1712. Dans une de ses visions, au pays des 
Chaldéens, Ézéchiel, vm, 10, songe à ces peintures, 
imitées par des Israélites infidèles, quand il décrit, dans 
une salle retirée, « toutes sortes de figures de reptiles et 
d'animaux immondes, et toutes les idoles de la maison 
d'Israël dessinées sur la muraille tout autour. » Dans 
une autre vision, il voit Ooliba, c'est-à-dire Jérusalem, 
brûlant d'amour pour les fils de l'Assyrie représentés 
en peinture sur la muraille avec une couleur vermillon. 
Ezech,, xxiii, 14. Déjà Jérémie, xxn, 14, avait stigma- 
tisé les mauvais rois de Juda qui s'élevaient de vastes 
maisons couvertes de cèdre et peintes en vermillon. 
D'après les versions chaldaïque, syriaque et arabe, il 
s'agirait ici non pas seulement de vermillon, sdsar, 
mais de figures, sammâkin. Toutefois le sdsar désigne 
bien levermillon, [u'Xtoc, sinopis. Cf. Pline, H. N., xxxv, 
6, 13. ' 

3° Chez les Perses. — A Suse, la décoration poly- 
chrome à l'extérieur des monuments se composait de 
briques émaillées aux vives couleurs, avec des sujets 



en relief pour imiter la sculpture assyrienne. « L'inté- 
rieur de l'apadâna parait avoir été simplement colorié à 
l'aide d'un stuc rouge monochrome que dissimulaient 
d'ailleurs, à peu près complètement, les riches tapis 
et les draperies brodées dont les parois de toutes les 
salles étaient tendues. » Babelon, Archéologie orientale, 
p. 184. Le livre d'Esther, i, 6, mentionne ces tentures, 
et non des peintures, comme traduisent les versions. 
4° Chez les Crées. — La polychromie des édifices et 
des maisons était en grand honneur chez les Grecs. 
L'influence s'en fit naturellement sentir en Palestine à 
l'époque des Séleucides. On en a une preuve dans une 
remarque faite en passant par l'auteur du second 
livre des Machabées, il, 30 : « De même que l'architecte 
d'une maison nouvelle doit embrasser dans sa pensée 
tout l'ensemble de la construction, tandis que celui qui 
se charge de la décorer et d'y peindre des figures doit 
se préoccuper de ce qui regarde l'ornementation... » 
En tous cas, cet art ne pénétra jamais dans le Temple, 
où la couleur ne figurait que dans les tapisseries 
brodées ou, à l'état naturel, dans les riches matériaux 
plus ou moins ouvragés qui entraient dans la construc- 
tion, pierre, cèdre, bronze, or, etc. Josèphe, Bell.jud., 
V, v, 2, note que même dans l'ornementation des por- 
tiques du Temple, aucun peintre de figures, ÇwypciiyO::, 
n'avait eu à travailler. La peinture décorative, la seule 
dont il puisse être question, était donc exclue de l'édi- 
fice sacré. Différents textes semblent, au moins dans les 
versions, se rapporter à la peinture. Il Beg., vi, 29, 32; 
Prov., vu, 16; Jer., iv, 30; Ezech., XL, 6; Eccli.,xxxvm, 
28. En réalité, il n'y est question que de sculpture ou 
de teinture. H. Lesêtre. 

PEIRCE James, controversiste protestant, né à 
Londres en 1673, mort à Exeter le 30 mars 1726. 11 étu- 
dia en Hollande, à Utrecht et à Leyde. De retour en 
Angleterre, il prêcha à Londres, et en 1713 devint mi- 
nistre d'une église non conformiste à Exeter. Cinq ans 
plus tard il devait renoncer à ce poste à cause de ses 
doctrines sur la Trinité; mais peu après il ouvrait un 
nouveau temple dans la même ville. Prédicateur cé- 
lèbre, il eut de longues discussions avec les anglicans 
et presque tous ses écrits ont trait à ces controverses. 
Nous devons cependant mentionner l'ouvrage suivant : 
A paraphase and notes on the Epistles of Si. Paul to 
the Colossians, Philippians and Hebreivs, after the 
manner of Mr. Locke to ivich are annexed crilical dis- 
sertations on particular texts of Scripture. With a pa- 
raphrase and notes on the three last chapters of the 
Hebrews, left unfinished by Mr. Peirce; and an essay 
to discover the autor of the Epistle, and language in 
with it was ivritten, by Joseph Hallet, 2 a édition, in-4», 
Londres, 1733. Cet ouvrage, dont la l re édition avait 
paru en 1725-1727, fut traduit en latin par Michaëlis en 
1747. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. IV, p. 675, 
736; W. Orme, Biblioth. biblica, p. 344. 

lî. Heurtebize. 

PELAGE (hébreu : l.iâbarburôt ; Septante : uoixiltiara; 
Vulgate : varietates), la robe d'un fauve, dont les poils 
diversement colorés donnent un aspect spécial à chaque 
espèce. — Le mot hébreu, exactement rendu par les 
versions, désigne les taches noires qui sont dissémi- 
nées sur le dos jaune du léopard. L'Éthiopien ne peut 
pas plus changer sa peau que le léopard les taches de 
son pelage. Jer., xm, 23. Voir Nègres, t. ix, col. 1563. 

— Sur le procédé employé par Jacob pour obtenir des 
brebis tachetées de différentes nuances, Gen., xxx, 37- 
43, voir Brebis, t. i, col. 1918. H. Lesêtre. 

PELERINAGES, voyages que les Israélites étaient 
obligés de faire à Jérusalen aux trois fêtes principales. 

— 1° La Loi obligeait tous les hommes à se présenter 
trois fois l'an devant Jéhovah, Exod., xxm, 17; xxxiv, 



25 



PELERINAGES 



PELICAN 



26 



23, à la fête des azymes ou Pàque, à la fête des se- 
maines ou Pentecôte et à la fête des Tabernacles. La 
loi ajoutait qu'en ces occasions il ne fallait pas venir 
les mains vides, mais que chacun devait apporter ses 
offrandes selon les bénédictions que Dieu lui avait 
accordées. Deut., xvi, 46-17. Cf. II Par., vin, 13. Voir 
Fêtes juives, t. Il, col. 2218. — Sur la manière dont les 
pèlerins se rendaient à Jérusalem, voir Caravane, t. n, 
col. 249. 

2° L'obligation légale ne visait que les hommes. Pra- 
tiquement, on déclarait exempts de cette obligation les 
sourds, les faibles d'esprit, les enfants, les orphelins, 
les femmes, les esclaves, les estropiés, les aveugles, les 
malades, les vieillards, et en général tous ceux qui ne 
pouvaient faire le chemin à pied. Cf. Chagiga, I, 1. Par 
enfant, on entendait, d'après Schammaï, celui qui ne 
pouvait plus être transporté de Jérusalem au mont des 
Oliviers que sur les épaules de son père, et d'après Hillel, 
celui qui n'aurait pu faire ce chemin en tenant la main 
de son père. Du récit de saint Luc, H, 42, il ressort 
que l'enfant n'entreprenait le pèlerinage qu'à sa dou- 
zième année. Encore faut-il tenir compte de la dis- 
tance à laquelle il se trouvait de Jérusalem. Les 
docteurs étaient plus sévères pour la fête des Taber- 
nacles. Les femmes, les esclaves et les enfants en 
étaient exempts. Mais, parmi ces derniers, l'obligation 
s'imposait à ceux qui pouvaient se passer de leur mère 
et qui étaient capables d'agiter le rameau de la fête ou 
lulab. Cf. Sukka, n, 8;iii, 15. Les Israélites de l'étranger 
ne se dispensaient pas de ces pèlerinages; ils venaient 
à la ville sainte au moins de temps en temps. Ils arri- 
vaient par milliers de tous les points cardinaux, les 
uns par terre, les autres par mer. Cf. Philon, De 
monarch., n, 1, édit. Mangey, t. n, p. 223. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XVII, il, 2; XVI11, ix, 1; Yoma, vi, 4; 
Taanith, 1, 3. 

3" Un mois avant chacune de ces trois fêtes, on com- 
mençait à instruire le peuple de tout ce qui concernait 
la solennité. Quinze jours plus tard, ou procédait à la 
déçimation des troupeaux, on recueillait le montant de 
l'impôt et l'on tirait du trésor du Temple ce qui était 
nécessaire à l'usage commun pendant la fête. Cf. Sche- 
kalin, m, 1. Tout était préparé dans le pays pour 
l'utilité et la sécurité des pèlerins, les chemins remis 
en état, les puits débarrassés de leurs pierres, les 
sépulcres reblanchis, les ponts consolidés, les places et 
les rues de Jérusalem laissées à la disposition de ceux 
qui devaient y camper. Là où il y avait lieu de le faire, 
on donnait l'eau de jalousie à boire aux femmes sus- 
pectes d'adultère (voir t. n. 1522), on immolait et on 
consumait la vache rousse (voir t. n col. 407) et l'on 
perçait les oreilles des esclaves (voir t. iv, col. 1857). 
Deux ou trois jours avant la fête on purifiait soigneuse- 
ment les vases et les ustensiles qui devaient servir ce 
jour-là. 

4° Dans la Mischna, le traité Chagiga s'occupe de 
l'obligation d'aller à Jérusalem aux trois grandes fêtes 
et des devoirs qui s'imposaient alors à l'Israélite; le 
traité Moed katan a pour objet les jours intermédiaires 
de la fête, et le traité Beza ou Yoni tob indique ce 
qu'il est permis de faire les jours de fête' ou de 
sabbat. On voit dans ces traités que les Juifs recon- 
naissaient six jours de fête majeure, appelés yâmîm 
tobîm, « jours bons » ou « grands jours » : le premier 
et le septième de la Pàque, celui de la Pentecôte, le 
premier et le huitième des Tabernacles, et le premier 
de tischri ou commencement de l'année civile. Cf. Rosch 
haschana, I, 1. En ces jours, le travail était défendu, 
mais moins strictement qu'au jour du sabbat, car il était 
permis de cuire les aliments préparés la veille. 
Cf. Gem. Jerus. Yebamoth, 8, 4. Sur ces six jours, il 
y en avait quatre, le premier de la Pâque, celui de 
la Pentecôte, le huitième des Tabernacles et le 



premier de tischri qui se distinguaient des autres 
par les sacrifices qu'on offrait et les festins aux- 
quels on se livrait. Saint Jean, vu, 37, remarque 
que le dernier jour de la fête des Tabernacles était 
« le jour le plus solennel ». Les jours intermédiaires de 
la Pàque et de la fête des Tabernacles étaient moins 
solennels. Saint Jean, vu, 14, fait encore allusion à l'un 
de ces jours. On y pouvait terminer les travaux qui ne 
seraient pas restés en souffrance sans inconvénient ou 
dommage. Cf. Sota, ix, 10. Il était également permis 
de se livrer à des travaux d'utilité publique et immé- 
diate, comme le blanchissage des sépulcres à la chaux, 
ou à d'autres œuvres urgentes, comme l'arrosage d'un 
champ desséché, etc. 

5° On profitait de ces fêtes pour offrir un grand nom- 
'bre de sacrifices, qu'on réservait jusqu'à cette occasion, 
comme ceux qui étaient prescrits aux femmes devenues 
mères, à ceux qui étaient atteints de flux, etc. Cf. Joa., 
xi, 55 (ut sanciificarent seipsos). De plus, la Loi or- 
donnait expressément de ne pas se présenter les mains 
vides devant le Seigneur. Exod., xxm, 15; Deut., xvi, 
16. 17. Chacun se faisait donc un devoir d'offrir un 
holocauste pendant le cours la fête, et, le premier 
jour, un sacrifice pacifique dont on pouvait manger 
ce jour-là, la nuit et le jour qui suivaient. Ces 
sacrifices prenaient le nom de hagîgàh, ou sacrifices 
de la fête. Celui qu'on offrait le 14 nisan pouvait 
être mangé avant l'agneau pascal. Si ces deux sacri- 
fices n'avaient pas été offerts dès le premier jour, on 
pouvait les offrir les autres jours de la fête, et, pour 
la fête de la Pentecôte qui ne durait qu'un jour, pen- 
dant les six jours suivants. Cf. Moed katon, ni, 6; 
Chagiga, i, 6. 

6° A ces sacrifices devaient s'ajouter des festins de 
joie et de reconnaissance. Deut., xxvn, 7. L'Israélite 
devait inviter, au moins à la fête de la Pentecôte, outre 
son fils, sa fille, son serviteur et sa servante, Je lévite, 
l'étranger, l'orphelin et la veuve. Deut., xvi, 11, 14. 
On y mangeait ce qui avait été offert dans les sacri- 
fices pacifiques de la fête et même ce qui provenait de 
la dime des animaux. Les prêtres célébraient leurs fes- 
tins avec ce qui leur revenait de ces sacrifices. On re- 
gardait les femmes comme obligées à prendre part à 
ces festins. 

7» On profitait de l'affluence amenée par ces fêtes 
pour exécuter les criminels, afin d'inculquer à tous 
une crainte salutaire. Deut., xvn, 13; xix, 20. Cf. 
Sanhédrin, xi, 4. On ne procédait cependant à l'éxecu- 
tion qu'avant le commencement de la fête, comme il 
fut fait pour Notre-Seigneur, ou après son dernier jour, 
comme Hérode Agrippa se le proposait pour saint 
Pierre. Act., xn, 4. Cette afiluence et ces festins 
n'allaient pas sans occasionner parfois certains dé- 
sordres, surtout à l'époque de la domination romaine. 
Cf. Josèphe, Bell, jud., I, ni, 2-4; Matth., xxvi, 5. Aussi 
les procurateurs avaient-ils coutume d'être eux-mêmes 
présents à Jérusalem pendant les fêtes avec toute leur 
garnison, et même ils postaient une cohorte en armes 
sous les portiques du Temple afin de maintenir l'ordre 
et d'obvier à toute tentative de troubles. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XX, v, 3. — Reland, Antiquilates sacras f 
Utrecht, 1731, p. 224-228; Iken, Anliquilales hebraicœ, 
Brème, 1741, p. 305-307. — Sur les voyages entrepris 
pour porter les prémices à Jérusalem, voir Prémices. 

H. Lesëtre. 

PÉLICAN (hébreu : qâ'at; Septante : TrsXexâv; Vul- 
gate : pellicanus, onocrotalus), oiseau palmipède, type- 
de la famille des pélécanidés (fig. 11). — Le pélican 
est un oiseau dont la taille atteint quelquefois deux 
mètres. Son bec seul a près de cinquante centimètres; 
il est droit, large, déprimé, avec une mandibule infé- 
rieure composée de deux branches osseuses qui servent. 
de soutien à une grande poche nue et dilatable, dans 



■27 



PÉLICAN — PÉLUSE 



28 



laquelle l'oiseau amasse une forte quantité d'eau et de 
poissons. Le pélican fréquente les bords des fleuves, 
des lacs et de la mer. Il nage avec une merveilleuse 
habileté et est en mesure de faire une chasse très 
active aux poissons qui composent sa nourriture. Le 
nom scientifique d'onocrotalus a été attribué au pélican 
à cause d'une certaine ressemblance entre son cri et 
le braiment de l'âne. Sur le bord du lac de Tibériade, 
on trouve fréquemment « le pélican, pelecanus ono- 
crotalus, qui se tient ordinairement en troupes nom- 
breuses de plusieurs centaines d'individus, près de l'en- 
droit où le Jourdain forme un estuaire. Ces gros oiseaux 
se placent en cercles immenses sur un seul rang 
d'épaisseur, et, ainsi régulièrement disposés et espacés, 
se livrent à une pêche active, la tête toujours dirigée 
vers le centre du cercle. Ils sont trop sauvages pour se 




11. — Le pélican. 

laisser voir de près, mais avec la longue-vue nous 
avons pu souvent examiner leurs manœuvres singu- 
lières. Lorsque la pêche a été fructueuse et leur poche 
cervicale convenablement remplie de poissons, ils se 
retirent au milieu des roseaux, dans quelque golfe 
désert, pour se livrer alors en paix au travail de la 
mastication et de la digestion ». Lortet, La Syrie 
■d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 511. Le pélican dégorge 
les provisions qu'il a amassées en pressant sa mandi- 
bule inférieure contre son ventre. Il semble alors les 
vomir, d'où son nom hébreu de qtfat, tiré du verbe 
qô', « vomir. » Il agit ainsi, soit quand il est alarmé et 
que, pour fuir plus aisément, il se débarrasse du far- 
deau qui retarderait sa course, soit quand il veut 
■donner à manger à ses petits. D'une observation incom- 
plète de la manière dont se comporte le pélican, on a 
conclu qu'il s'ouvrait lui-même le ventre pour nourrir 
ses petits. Saint Augustin, In Ps. ci, 8, t. xxxvii, col. 1299, 
enregistre la légende sous la forme suivante : l'oiseau 
tue ses petits à coups de bec et ensuite porte leur deuil 
dans son nid pendant trois jours; au bout de ce temps 
la mère se fait à elle-même une grave blessure et ré- 
pand son sang sur ses petits, qui aussitôt reprennent 
la vie. Ce sang qui rend la vie serait l'image du sang 
du Sauveur. La légende et son application se sont géné- 
ralisées au moyen âge et ont pris place dans l'iconogra- 
phie chrétienne. Le pélican est alors représenté entouré 



de ses petils et les nourrissant au moyen d'une bles- 
sure qu'il s'est faite. Saint Thomas, dans l'hymne 
Adoro te, appelle Jésus-Christ « compatissant pélican »; 
mais, dans le développement de cette idée, il reste 
fidèle à la donnée de saint Agustin et considère l'acte de 
l'oiseau symbolique comme destiné à purifier et à vivi- 
fier au moyen du sang et non à nourrir. — La Sainte 
Écriture parle du pélican pour défendre de l'employer 
dans l'alimentation. Lev., xi, 18; Deut., xiv, 17. De fait, 
sa chair n'est pas mangeable. Un Psalmiste, en proie 
à de dures épreuves, se compare au pélican du désert 
et au hibou des ruines. Ps. eu (ci), 7. Le pélican au 
repos a un air grave et mélancolique qui figure bien 
les apparences du chagrin. Le désert qu'il habite est 
naturellement situé sur le bord des eaux, puisque cet 
oiseau ne vit que de poisson. La présence du pélican 
dans des endroits précédemment habités indique que 
ces lieux sont devenus déserts et en ruines. Il en sera 
ainsi du pays d'Édom, dont les torrents seront dessé- 
chés, Is., xxxiv, 9, l\, et de Ninive. Soph., il, 14. A 
Ninive, les pélicans trouveront à vivre dans les eaux 
du Tigre. Ils sont nombreux en Egypte sur les bords 
du Nil et dans les marécages du Delta. En Humée, ils 
n'auront à leur disposition que les eaux de la mer 
Morte et du golfe Élanitique. Mais il faut observer 
qu'ici le prophète Isaïe prend Édom comme type de 
toutes les nations condamnées par la justice divine et 
attribue à leurs territoires en général les signes de 
désolation qui ne conviennent qu'à certains d'entre 
eux. Les Septante traduisent qâ'at dans Isaïe par 
opveov, « oiseau, » et dans Sophonie par j;a l u.oa>iov, 
« caméléon. » II. Lesêtre. 

PELLEGR1N1 Alexandre, commentateur italien, né 
à Matelica en 1600, mort à Rome en 1647. Il entra au 
noviciat de la Compagnie de Jésus en 1621 et remplit 
diverses charges dans son Ordre. Il nous reste de lui 
un commentaire assez long et assez original : Evange- 
Uum secundum Matlhseum paradoxis ilhtstvaium. Il 
comprend deux volumes parus le premier a Rome en 
1638 et le second à Lorette en 1745. P. Bliard. 

PÉLUSE (hébreu :Sin; Septante: Sâïv, X^tÎvïj), ville 
d'Egypte. — I. Nom et site. — Le nom que la Vulgate 
rend par Péluse est Sin en hébreu. Les Septante le tra- 
duisent parSâïv, Ezech., xxx, 15, et Su^vï], 16. Le Codex 
Alexandrinus porte Tâviv au lieu de Sâïv, leMarchalia- 
nus a Sais aux deux endroits. Cela semble indiquer que, 
pour les Septante, ou du moins pour les copistes des 
plus anciens codices, le mot Sin n'offrait rien de précis 
et qu'on était embarrassé pour l'identifier. Evidemment 
Su-^VT] est ici fautif : il ne traduit pas Sin, mais Sevê- 

nêh, Ezech., xxix, 10, xxx, 6, laR.3fe>.^, Soun des 

Égyptiens, la ccnf*.iT des Coptes, la Syène des Romains, 
l'Assouan des Arabes. Il faut en dire autant de Tdtviç 

qui est le nom grec de ) çs,Zân ou Djan, en hébreu 

Sô'an. Ezech., xxx, 14. Cf. Is., xix, 4; Ps. xlvii (xlviii), 
12, 43. C'est la moderne San el-Haggar. Quant à Edci'v, ce 
pourrait être l'accusatif de Siï;_, et alors nous aurions la 

ville de ? Tk.©> Sa, Sais, aujourd'hui Sa el-Haggar, 
capitale de la xxvi« dynastie et située sur la branche de 
Rosette, dans le Delta occidental. Mais le contexte 
d'Ezéchiel nous interdit de songer à une pareille iden- 
tification. Contre les ennemis qui doivent venir de l'Asie, 
Sin est désignée comme « la force » ou « le rempart de 
l'Egypte », xxx, 15, et cela vise de façon assez claire la 
frontière orientale du Delta. C'est en cet endroit qu'il 
nous faut la chercher. Sàïv pourrait encore à la rigueur 
être un mot indéclinable et, dans ce cas, rendre tant 
bien que mal Sin qui relève du dialecte chaldaïque et 
devient Seyân dans le dialecte aramaïque. Or Sin, Seyân, 



29 



PELUSE 



30 



emporte le sens de « boue », tout comme ïlr{).o-Ji ! .ai 
qui en serait alors l'équivalent grec. Péluse était située 
à l'extrémité nord du Delta orienta], à la bouche même 
■de la branche du Nil à laquelle elle donna son nom, la 
Pélusiaque. Les marais et les fondrières l'entouraient. 
« Son nom, dit Stnibon, XVII, i, 21, lui vient précisé- 
ment de la boue et des marais : wvôu.a<rrat b'àizo to-j 
7:;;Xoi v.x\ toiv Tc).[j.àtwv. » C'est appuyé sur cette analo- 
gie, peut-être aussi sur quelque texte plus pur des 
Septante et sur quelque tradition juive, que saint Jérôme 
aura rendu Sin par Péluse. On n'a guère contesté cette 
assimilation de noms, assimilation que rappelle encore 
aujourd'hui la dénomination de Tinéh, «boue, » donniie 
parles Arabes à un fort en ruines de Péluse. Cf. d'An- 
viïfe, Mémoires sur l'Egypte ancienne et moderne, 
1766, p. 96-97; Steindorff, Beitràge xur Assyriologie, 
t. r, 1890, p. 589; Griffith, art. Sin, dans Hastings, Dic- 
tionary of the Bible, t. iv, p. 336. 

II. Sox importance. — Doublement importante était 
Péluse, comme station commerciale et comme poste 
militaire. Par la mer arrivaient à elle les' vaisseaux 
phéniciens, cypriotes et grecs. De là ils pénétraient dans 
l'intérieur du pays, surtout depuis Psammétique I er 
(&63-609 avant J.-C.) qui avait favorisé l'établissement 
des Grecs dans la région extrême de la brandie pélusia- 
que. Hérodote, u, 151. Par terre, six à sept jours de 
marche seulement séparaient Péluse de Gaza : elle 
était donc le confluent des caravanes et un point central 
du trafic entre l'Asie et l'Afrique. En conséquence, elle 
était aussi le poste le plus exposé aux ennemis de l'est : 
Péluse prise, les conquérants tenaient la clef de l'Egypte, 
et la route de Memphis s'ouvrait devant eux. Mais sa 
ceinture de marais la rendait difficilement abordable. 
« On s'explique par cette disposition des lieux comment 
l'entrée de l'Egypte est si difficile du côté du Levant, 
c'est-à-dire par la frontière de Phénicle et de Judée, 
seule route pourtant que puisse prendre le voyageur qui 
vient du pays des Nabatcens, bien que cette partie de 
l'Arabie, la Nabatée, soit elle-même contiguô à l'Egypte, 
'l'ont l'espace compris entre le Nil et le golfe Arabique, dont 
Péluse se trouve former le point extrême, appartient en 
offet déjà à l'Arabie et n'offre qu'un désert ininterrompu 
qu'une armée ne saurait franchir. » Strabon, XVII, i, 
21, traduction Amédée ïardieu, t. m, y. 420. C'est 
pourquoi les Pharaons qui se souvenaient des campagnes 
d'Asarhaddon et d'Assurbanipal durent mettre à profit 
cette situation avantageuse, ce chemin nécessaire des 
envahisseurs, et en faire le boulevard contre lequel, 
dans leur pensée, viendrait se briser la vague des 
peuples asiatiques. Quelques années après la première 
campagne de Nabuchodonosor (583), Amasis en éloigna 
même les mercenaires grecs et leurs colonies par 
crainte de les voir faire cause commune avec l'ennemi, 
et les remplaça par des troupes plus sûres. Hérodote, 
n, 154. Nabuchodonosor menaçait de nouveau l'Egypte. 
Dès 571, Ézéchiel, xxix, 1, avait annoncé le retour du 
Chaldéen. Malheureusement les documents égyptiens 
que l'on possède nous laissent ignorer jusqu'au nom de 
Péluse. Hérodote nous permet d'y suppléer. Il a connu 
la branche pélusiaque, ir, 17, 15i; il nous raconte l'en- 
trée en Egypte de Cambyse en 525, sous le règne de 
Psammétique III. Le Pharaon vint attendre le Grand- 
Roi à Péluse, mais ne put empêcher la ville d'être em- 
portée après une journée de lutte. Memphis ouvrit 
bientôt ses portes et la Haute-Egypte se plia docilement 
au joug du vainqueur. Hérodote, m, 10-13. C'est à peu 
près ce qui dut se passer quarante ans plus tôt, en 568, 
dans la deuxième campagne de Nabuchodonosor. Voir 
A t o-Amon, t. IV, col, 1652, 3". A n'en pas douter, Péluse 
était déjà ce que nous la voyons être sous Psammétique 
III. Quelques années avant cette même date, Dieu par 
la bouche d'Ézéchiel pouvait donc mettre Péluse en 
parallèle avec Memphis et Thèbes, et dire en toute 



vérité : « Je verserai mon indignation sur Péluse, la 
force de l'Egypte, j'exterminerai la multitude de No 
(Thèbes). Et je mettrai le feu dans l'Egypte. Péluse 
sera à la torture comme une femme en travail. No 
(Thèbes) sera détruite et Memphis sera chaque jour 
dans l'angoisse. » Ezech., xxx, 15-16. Après Nabuchodo- 
nosor et Cambyse, d'autres envahisseurs venus par la 
route d'Asie devaient montrer encore, dans l'ère an- 
cienne, qu'au sort de Péluse était lié d'ordinaire le sort de 
Memphis etdeia Haute-Egypte. Qu'il suffise de rappeler 
Xerxès I er , en 490, Artaxèrxes I Br en 460, Artaxerxès III 
ou Ochus en 341, Alexandre en 331, Gabinius et son 
lieutenant Marc-Antoine en 55, Octave en 30. C'est en 
vue de Péluse que Pompée fut lâchement assassiné (48). 
III. La fin de Péluse. — A l'époque romaine, Péluse 
devint la métropole de l'Augustamnique. Lequien, 
Orient Chrislianus,\. ir, p. 310. Longtemps encore elle 
compta parmi les places principales du Delta, bien que 
dès lors l'attention se portât surtout vers l'occident de 
l'Egypte. Au rv e siècle, ses monastères eurent du renom. 
Saint Isidore le Pélusiote (350-435 environ) nous a 
laissé un nombre considérable de lettres d'où l'on 
pourrait tirer le piquant tableau d'une ville gréco- 
romaine d'Egypte. Pour les Coptes, elle s'appela 
TiepeJULOfK' Parmi les évêques d'Éphèse, on rencontre 
Eusèbe de Peremoun, en grec n^XmxTÎov. Labbe, Sacro- 
sancta Concilia, t. m, col. 1084. Comparant le copte 
Peremoun avec l'égyptien Am, capitale du XIX e nome 
de la Basse-Egypte, Brugsch crut avoir retrouvé dans 
ce dernier le nom de Péluse par l'entremise de OMG 
« boue ». Dictionnaire géographique de l'Egypte an- 
cienne, Supplément, 1880, p. 1091; Die Aegyplologie, 
1891, p. 452. Mais en 1886 les fouilles de Tell-iVebeshéh 
ont révélé le site de Am à cinquante-cinq kilomètres 
environ à l'ouest de Péluse et à mi-chemin entre Taniset 
Salahieh. Cf. Pétrie, Tanis, Part, n, Tell-Nebesheh, 1888, 
p.[l-37 (V e Mémoire de VEgypf Exploration Fund). Pour 
les Arabes, Péluse (utEl-Fermâ ou Farmâ. «La liste des 
évêchés coptes donne l'égalité suivante : neAcifcicy = 
nepeM-O-yii = El-Fermâ. » Amélineau, La géographie 
de l'Egypte à l'époque copie, 1893, p. 317; cf. d'Anville, 
loc. cit.; Quatremére, Mémoires géographiques et his- 
toriques sur l'Egypte, 1811, t. i, p. 259-260; Champol- 
lion, L'Egypte sous les Pharaons, 1811-1814, t. n, p. 
82-87. — Renouvelant les exploits des Assyriens et des 
anciens conqnérants, les troupes de Chosroès prirent 
Péluse en 616; Amrou s'en empara en 640. Baudouin I er 
la brûla en 1117. Il n'en est plus question après le xn e 
siècle. La branche pélusiaque abandonnée à elle-même 
finit par s'envaser; la mer que l'eau du fleuve ne refou- 
lait plus pénétra dans les marécages, y détruisit les 
bandes cultivées et rendit la région déserte. « La plaine 
saline de Péluse... vaste et unie comme la surface des 
eaux d'un lac tranquille, dont elle offre une parfaite 
image, est formée d'un sable humide et gras à la marche. 
Toutes les parties n'en sont pas également fermes; car 
il en est de fangeuses et de mouvantes, dans lesquelles 
il serait dangereux de s'engager. » J.-M. Lepère, Mé- 
moire sur le canal des deux mers, dans Description de 
l'Egypte, t. xi, 2« édit. 1822, p. 334. A partir de Port- 
Saïd, sur une longueur de trente kilomètres, le canal 
de Suez sépare aujourd'hui cette plaine du lac 3Ienzaléh. 
Au-dessus de la morne étendue seules deux grandes 
buttes persistent, dont l'une, celle de l'ouest, s'allonge 
à deux kilomètres de la mer, à vingt stades, comme 
Strabon, XVII, i, 21, le disait de Péluse. Elle lui est 
parallèle et porte les débris d'un temple dans une large 
enceinte de briques rouges. Ce sont des ruines d'époque 
romaine ou byzantine qui recouvrent la vieille cité égyp- 
tienne. Leur éloignement de tout centre habité, la diffi- 
culté de s'y ravitailler ont empêché jusqu'à ce jour d'y 
entreprendre des fouilles. Ces fouilles cependant 
peuvent seules, dans un sens ou dans l'autre, lever les 



31 



PÉLUSE — PÉNALITÉS 



32 



doutes que la version des Septante laisse malgré tout 
subsister dans notre esprit au sujet de l'identification de 
Sin avec Péluse. C. Lagier. 

PENIBLE Guillaume, théologien anglais, puritain, 
né vers 1591, mort en 1623. Il étudia à Oxford au col- 
lège de la Madeleine et se fit promptement remarquer 
comme théologien et comme prédicateur. Dans ses 
œuvres publiées à Londres, in-f°, 1635, on remarque : 
Salomon's recantation and repentance, or the book of 
Ecclesiastes explained ; The period of the Persian mo- 
narchy wherein sundry places of Eira, Kehemiah 
and Daniel are cleared; A short and sweet Exposi- 
tion upon the first nine chapters of Zecharia. — Voir 
Walch, Bibliolh. theologica, t. îv, p. 479, 480; TV. 
Orme, Biblioth. biblica, p. 345. 

B. Heurtebize. 

PÉNALITÉS (hébreu : biqqorét, pequddâh, tûke- 
liâh, tokahat; Septante : litioxomî, eXsyh°«, ëXeyx°c> 
Vulgate : castigatio, increpatio, plaga), sanctions por- 
tées contre les transgresseurs d'une loi. 

I. Pénalités mosaïques. — 1° Comme toutes les lois, 
la loi mosaïque avait pour sanction des châtiments des- 
tinés à punir le coupable qui n'avait pas eu assez de 
fermeté dans la conscience et la volonté pour recon- 
naître le caractère impératif de la loi et s'y soumettre. 
L'application du châtiment servait en même temps de 
leçon aux autres ; sollicités par les avantages apparents 
de la transgression, ils devaient être retenus par les 
conséquences onéreuses qu'elle entraînait. Dieu lui- 
même a voulu donner le premier l'exemple d'une péna- 
lité annexée à un précepte. Au paradis terrestre, il dé- 
fendit aux premiers êtres humains de toucher à un 
fruit sous peine de mort. Gen., il, 17. L'homme, sur- 
tout quand il était dans l'état d'innocence, pouvait obéir 
au commandement par le seul amour du bien. Dieu 
jugea pourtant que, même alors, la crainte du châti- 
ment n'était pas inutile pour maintenir la volonté hu- 
maine dans la rectitude. Cette crainte elle-même fut 
loin de suffire toujours. — 2» La nation hébraïque est 
constituée en théocratie. Il suit de là que les lois reli- 
gieuses sont lois d'État au même titre que que les lois 
civiles et qu'à leur transgression sont attachées des 
pénalités analogues. Aussi Dieu intervient-il directe- 
ment, soit pour prescrire ces pénalités, soit pour les 
appliquer au besoin. Exod., xxn, 18 ; Num.,xxv, 4, 11; 
xxxv, 41; Lev., xx, 2, 4; Deut., xvn, 5, etc. — 3° Tout 
le peuple est intéressé au châtiment du coupable, afin 
que le mal soit été d'Israël. Deut., xvn, 7, 12, etc. 
Comme un crime ne peut rester sans auteur responsa- 
ble et sans châtiment, si le coupable est inconnu, les 
hommes du pays où le mal a été commis doivent se 
disculper publiquement et offrir une expiation. 
Deut., xxi, 1-9. La pénalité infligée au coupable doit 
servir d'exemple à tout le peuple. Deut., xvn, 7; xix, 
20; xxi, 21. — 4° En principe, la responsabilité est 
personnelle et les enfants ne sont pas punis pour les 
fautes des pères. Deut., xxiv, 16; IV Reg., xv, 5; IlPar., 
xxv, 4. Cependant, en certains cas, l'iniquité des pères 
était punie dans les fils, soit par une pénalité précise, 
Num., xvi, 27, 32; Jos., vu, 24; IV Reg., x, 7, soit par 
une malédiction divine qui entraînait le malheur d'une 
famille. Exod., xx, 5, etc. Il s'agissait surtout alors 
de crimes commis contre Dieu. Le code d'Hammourabi 
est beaucoup moins humain sous ce rapport. Il permet 
de mettre à mort la fille d'un injuste agresseur qui a fait 
périr une femme libre (art. 210), le fils d'un architecte 
dont la négligence a causé la mort du fils d'un proprié- 
taire (art. 230), etc. Chez les Perses, on avait gardé la 
coutume de faire mourir avec certains condamnés toute 
leur famille. Deut., vi, 24; Esth., ix, 7-10. 

II. Différentes pénalités. — Les pénalités prévues 
par la loi mosaïque sont les suivantes : — 1° Peine de 



mort, contre le blasphème, Lev., xxiv, 15,16; cf. ïlï 
Reg., xxi, 10, 13; Matth., xxvi, 65, 66; la profanation 
du sabbat, Exod., xxxi, 14; xxxv, 2; Num,, xv, 32-36; 
la pratique de l'idolâtrie par les sacrifices aux idoles, 
la divination, la nécromancie, etc., Exod., xxn, 18, 20; 
Lev., xx, 2, 27; Deut., xui, 6, 10, 15; xvn, 2-7; la 
prétention illégitime à la prophétie, Exod., xxn, 18 r 
Lev. xx, 27; Deut., xm, 5; xvm, 20; I Reg., xxvni, 9; 
— les coups ou la malédiction sur les parents, 
Exod., xxi, 15, 17; l'adultère, Lev., xx, 10; Deut., xxn, 
22; cf. Joa., vm, 5; la fornication découverte après le 
mariage, Deut., xxn, 21, commise par une fiancée, 
Deut., xxn, 23, ou la fille d'un prêtre, Lev., xxi, 9; le 
rapt, Deut., xxn, 25; l'inceste et les fautes contre na- 
ture, Exod., xxn, 19; Lev., xx, 11, 14, 16; l'homicide, 
Exod., xxi, 12; Lev., xxiv, 17; la vente de son semblable, 
Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7; le faux témoignage con- 
cluant à la mort de l'innocent. Deut., XIX, 16-19. — 
Tous ces crimes étaient graves, soit au point de vue 
religieux, soit au point de vue moral. Plusieurs d'entre 
eux, même parmi ceux qui ne se rapportent pas aux de- 
voirs religieux, n'encourent pas la mort dans nos légis- 
lations modernes. Par contre, le code d'Hammourabi 
est beaucoup plus rigoureux que celui de Moïse. Il con- 
damne à mort le sorcier malveillant (art. 1), le témoin 
injurieux (art. 3), le voleur et le receleur (art. 6-8), 
celui qui a favorisé la fuite d'un esclave (art. 15, 16), le 
brigand pris en flagrant délit (art. 22), l'architecte homi- 
cide par imprudence (art. 229), etc. La loi de Moïse 
avait plus de respect pour la vie humaine ; elle ne la 
sacrifiait que quand le cas était vraiment grave au point 
de vue de la religion, de l'intérêt familial ou social et 
des mœurs. — Sur l'application de la peine de mort, 
voir Goel, t. in, col. 260; Lapidation, t. iv, col., 89; 
Pendaison, Supplices. 

2» Retranchement, sorte d'excommunication, c'est-à- 
dire exclusion du peuple de Dieu et perte des droits 
religieux et civils. Celui qui n'appréciait pas suffisam- 
ment l'honneur d'appartenir au peuple de Dieu et con- 
trevenait à certaines lois graves imposées à ce peuple, 
méritait bien d'en être exclu. Le retranchement était 
prononcé dans les cas suivants : omission de la circon- 
cision, Gen., xvn, 14; Exod., iv, 24; omission de la 
Pâque, Num., IX, 13; omission de la fête de l'Expiation 
ou travail exécuté ce jour-là, Lev., xxni, 29, 30; man- 
ducation de pain levé pendant les Azymes, Exod., xn, 
15, 19; occision d'un animal, à l'époque de l'exode, 
sans l'amener à l'entrée du Tabernacle, Lev., xvn, 4,9; 
manducation de la graisse des sacrifices ou du sang des 
animaux, Lev., vu, 25, 27; xvn, 14; manducation d'une 
victime après le second jour, Lev., vu, 18; xix, 7, 8; 
manducation d'une victime pacifique sans être en état 
de pureté, Lev., vu, 20; contact des choses saintes par 
un prêtre qui est impur, Lev., xxn, 3; usage profane 
de l'huile sainte et du parfum de l'autel, Exod., xxx, 
33, 38; omission de la purification après le contact d'un 
mort, Num., xix, 20; travail exécuté le jour du sabbat, 
Exod,, xxxi, 14; consultation des devins et des nécro- 
manciens, Lev,, xx, 6; mépris habituel des préceptes 
divins, Num., xv, 30, 31; — quinze cas d'unions pros- 
crites par la Loi. Lev., xvm, 29; xx, 9-21. — Au retran- 
chement se rattache la menace de mourir sans enfants, 
Lev., xx, 21; cette peine est appliquée directement par 
Dieu, et elle aboutit au retranchement d'une famille à 
courte échéance. — Sur le retranchement, voir Aka- 
thème, t. i, col., 545; Excommunication, t. h, col., 2132. 

3° Talion, peine consistant à subir un mal semblable 
à celui qu'on a infligé à un autre. Exod., xxi, 24, 25. 
A'oir Talion. 

4° Flagellation, imposée pour certaines fautes de 
moindre gravité. Voir Flagellation, t. n, col. 2281. 

5° Amende, ou compensation en argent pour le tort 
causé. Comme il n'y avait pas de fisc hébraïque, 



33 



PENALITES 



PENDAISON 



34 



l'amende se payait à la personne lésée. Voir Amende, 
t. i, col. 476; Dommage, t. n, col. 1482. Le débiteur 
insolvable était sujet à la saisie de ses biens ou même 
pouvait être réduit en esclavage, lui et ses enfants. 
Toir Dette, t. h, col. 1395. 

6° Prison, non en usage chez les anciens Hébreux, 
et employée seulement à l'époque des Rois. Voir 
Prison. 

7° Sacrifice expiatoire, à la suite de certains délits. 
Voir Sacrifice. 

En somme, la loi mosaïque était relativement douce 
dans ses pénalités. Elle ne connaissait ni la torture, 
destinée à provoquer les aveux du coupable, ni ces 
supplices atroces que les autres peuples infligeaient 
sans pitié, les mutilations de toute nature, la perfora- 
tion des yeux, l'écorchement, le pal, l'exposition aux 
bêtes, la crucifixion, le travail des mines, la déporta- 
tion, etc. Quand ils infligeaient la peine de mort, les 
Hébreux ne cherchaient pas à prolonger ni à augmenter 
les souffrances du condamné; ils s'appliquaient au 
contraire à l'exécuter le plus rapidement possible, 



PENC1NI Innocent, théologien dominicain, né à 
Venise vers 1621, mort en 1689 ou 1690. Entré dans 
l'ordre des frères-Prêcheurs, il fut, en 1644, â l'âge de 
23 ans, choisi pour professeur de philosophie à l'uni- 
versité de Padoue. Il a publié parmi d'autres écrits . 
Nova veteris Legis mystico-sacra Galaxia Scripturse 
in cselo angelici prxceptoris Ecclesiseque doctoris D. 
Thomse Aq. phœbeo signato excursu, cingulo pressa 
lacteo, gemmis instrata stellis, h. e. luculenta Com- 
mentaria in Genesim, Exodum, Leviticum, Numéros, 
Deuteronomium, in quibus potissima, quse ubivis dis- 
persit altis sapientisi sporades decuriatim in coaetas 
phalanges candicant et collucent, litteralis, ntoraîis, 
allegoricus, anagogicus micant sensus; controversia- 
rum qusestionum coit lumen, in-f°, Venise, 1670; 
Nova evangelicee legis mystico-sacra Galaxia, Scrip- 
turse... h. e. luculenta commentaria in Matthseum, 
Marcum, Lucam et Joannem..., 2 in-f°, Venise, 1678- 
1685 : l'ouvrage demeuré inachevé devait avoir 4 vo- 
lumes; Commentarius in Cantica canticorum sub 
i nomine B. Thomœ Aq. e ms. codice primum tupis 




12. — Criminels auxquels on met la corde au cou pour Les pendre. D'après Rosellini, Monum. civili deW Egitto, 1834, pi. cxxrv. 



comme on le remarque dans leur manière de faire mou- 
rir par lapidation, le supplice presque exclusivement 
usité chez eux. Voir t. iv, col. 90. 

III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Plusieurs 
des pénalités mosaïques sont rappelées, la lapidation, 
Joa., vni, 5, le retranchement, Joa., ix, 22, la flagella- 
tion. Matth., X, 17, etc. — 2» 11 y est aussi question de 
pénalités étrangères à la législation juive, la décapita- 
tion, Marc, vi, 27; Act., xn, 2, etc. ; la crucifixion, 
Matth., xxvn, 35, etc.; l'exposition aux bêles, I Cor., xv, 
32; II Tim., iv, 17; différents supplices infligés par 
les païens, Heb., xi, 35-38; la prison pour dettes, 
Matth., v, 25; xvm, 34; la prison préventive, Act., îv, 
3; v, 18; xn, 4; xvi, 23, etc.; la garde militaire, 
Act., ixviii, 16; les coups. Matth., xxiv, 51; Luc, xn, 
46-48, etc. — 3» Enfin, il y est fait allusion à diffé- 
rentes peines spirituelles, temporelles ou éternelles, 
devant servirde sanction aux prescriptionsévangéliques, 
la dénonciation à l'Église et l'excommunication du 
coupable opiniâtre, Matth., xvm, 17; I Cor., v, 2-5, 9-1'i ; 
I Tim., i, 20; Tit. , ni, 10; la géhenne du feu pour l'in- 
sulteur de son frère, Matth., v, 21, 22, voir Géhenne, 
t. m, col. 155; les ténèbres extérieures dans lesquelles 
les coupables sont jetés pieds et poings liés, Matth., xxil, 
13; xxv, 30, ténèbres qui figurent les supplices de 
l'autre vie ; la non-rémission des péchés à certains 
pécheurs, Joa., xx, 23, et l'irrémissibilité du péché 
contre le Saint-Esprit, même en l'autre monde, 
Matth., xn, 31,32; l'enfer, Luc, xvi, 22, avec son sup- 
plice éternel. Matth., xx'v, 46. De plus, en conférant 
à ses Apôtres le pouvoir de lier, Matth., xvi, 19; 
xviii, 18, Xotre-Seigneur a autorisé son Église à 
instituer des pénalités spéciales pour le bien spirituel 
de ses enfants. H. Lesètre. 

DICT. DE LA BIBLE. 



editus, in-f°, Lyon, 1652. — Voir Echard, Scriptores 
Ord. Prssdicatorum, t. n, p. 726. 

B. Heurtebize. 
PENDAISON (hébreu : tâldh, « pendre, » yâqa' ; 
Septante : xpEu-.âo-9o-i; Vulgate : suspendo, crucifigo), 
suspension d'un corps humain à un poteau, une 
potence, une branche d'arbre, etc. — 1» La pendaison 
était ordinairement un supplice. Elle est infligée au 
chef des panetiers du pharaon, qui se trouvait en 
prison avec Joseph, mais elle est précédée pour lui de 
la décapitation, Gen., XL, 19; xli, 13, de sorte qu'elle 
servait surtout à exposer aux regards le cadavre du 
coupable. En Egypte, « la pendaison était le supplice or- 
dinaire pour la plupart des grands crimes. » Wilkinson, 
Manners and Customs of the ancient Egyptians, 
2» édit., t. i, p. 307. On voit sur les peintures des 
criminels auxquels on met la corde au cou (fig. 12). 
Eosellini, Monumenti civili, pi. cxxrv. — Au désert, 
Dieu ordonne de pendre les chefs du peuple qui 
avaient commis le mal avec les filles de Moab. Num., 
xxv, 4. Il est probable que les coupables furent aupara- 
vant percés 'du glaive et que leurs cadavres furent 
ensuite pendus pour l'exemple. Ainsi le comprennent 
les Septante : itapaSciTiiâTio-ov, « montre en exemple. » 
La suspension dut avoir lieu « à la face du soleil », 
c'est-à-dire pendant le jour. Plus tard, une loi défendit 
de laisser des cadavres à la potence après le coucher 
du soleil, car le pendu était l'objet de la malédiction de 
Dieu, à cause du crime qui lui avait mérité le châti- 
ment. Deut., xxi, 23; Gai., ni, 13. Les Hébreux n'em- 
ployaient pas la pendaison pour donner directement la 
mort; ils se contentaient de suspendre le cadavre du sup- 
plicié pour l'exposer aux regards et inspirer aux specta- 
teurs de salutaires réflexions. Deut., xxi, il, 22. Voir 

V. - 2 



35 



PENDAISON — PENDANTS D'OREILLE 



36 



Lapidation, col. 90; Potence. — Josuéfait pendre à un 
arbre jusqu'au soir le roi d'Haï, Jos., vm, 29, puis, 
après les avoir frappés de l'épée, les cinq rois pris 
dans la caverne de Macéda. Jos., x, 26. — Les Philis- 
tins pendent aux murailles de Bethsan les cadavres de 
Saûl et de son fils. I Reg., xxxi, 10-12. — Quand 
Réchab et Baana apportent à David la tête d'Isboseth 
qu'ils ont tué, le roi les fait mettre à mort, puis on 
les pend, pieds et mains coupés, au bord de l'étang 
d'Hébron. II Reg., iv, 12. — Les Gabaonites pendent 
sur la montagne « devant Jéhovah », c'est-à-dire en 
exécution de la loi de Jéhovah, cf. Num., xxv, 4, deux 
fils et cinq petits-fils de Saùl, et Respha, mère des 
deux premiers, veille sur leurs cadavres pendant toute 
une saison pour empêcher les bêtes de les dévorer. 
II Reg., xxi, 8-10. — Jérémie dit que les Ghaldéens 










■M 



13. — Pendants d'oreille égyptiens. Musée du Louvre. 

pendirent de leurs propres mains les chefs d'Israël. 
Lam., v, 12. Il s'agit sans doute des fils de Sédécias et 
des grands de Juda que Nabuchodonosor avait fait 
égorger, Jer., xxxix, 6, et aux cadavres desquels il 
infligea ensuite l'ignominie de la pendaison. — A Suse, 
les deux eunuques qui ont comploté contre le roi sont 
pendus. Esth,, II, 23. Quelque temps après, Aman est 
pendu à une potence de cinquante coudées qu'il avait 
fait préparer pour Mardochée, Esth., vu, 10, et les 
Juifs obtiennent que les dix fils d'Aman soient pendus 
comme leur père. Esth., ix, 13-14. La suspension au 
gibet est mentionnée par Hérodote, \i f 30; vu, 238, 
comme étant pratiquée chez les Perses. — En Pales- 
tine, p3ndant la persécution d'Antiochus, on suspend au 
cou ou aux mamelles de leurs mères les enfants qui ont 
été circoncis, et on précipite celles-ci du haut des 
murailles. I Mach., i, 64; II Mach., vi, 10. — 2» La 
pendaison est accidentelle pour Absalom, dont la che- 
velure se prend dans les branches d'un térébinthe, 
pendant qu'il fuyait sur son mulet. Le révolté se trouve 
ainsi suspendu sans pouvoir se dégager, et Joab vient 
le tuer en le perçant de trois traits. II Reg., xvm, 9-14. 
— 3°' La pendaison est un suicide pour Judas. Le traître 
se met la corde au cou et se pend à un arbre, ilatth., 



xxvii, 5, puis « il tombe en avant, rompt par le milieu 
et toutes ses entrailles se répandent ». Act., i, 18. La 
corde ou la branche d'arbre cassent sous le poids, 
probablement quand Judas est déjà mort, que son 
ventre se gonfle et que la putréfaction a déjà commencé 
son œuvre. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant 
que, par suite de la chute, la peau déjà entamée se 
rompe et laisse échapper les entrailles. 

H. Lesêtre. 
PENDANTS D'OREILLE (hébreu : 'âgîl, netîfôt, 
nézém; Septante : Ivomov; Vulgate : inauris), orne- 





14. — Pendants d'oreille assyriens. Moules assyriens pour les 
pendants d'oreille en or et en argent trouvés à Koyoundjik et 
à Nîmroud. D'après Layard, Discoveries in Nineveh and 
Babylon, 1853, p. 597. 

ment qui se suspend aux oreilles (fig. 13). — Les 
pendants d'oreille, comme toutes les autres parures, 
ont de tout temps été du goût des Orientaux. Les 
Égyptiens en portaient. On en voit aux oreilles des 
personnes assises à un festin, voir t. Il, fig. 649, 
col. 2214. La reine Nofrîtari, femme de Ramsès II, 
porte des anneaux aux oreilles. Cf. Lepsius, Denk- 
mâler, m, 189 b. En Babylonie et en Assyrie, les 
pendants d'oreille étaient familiers , même aux 
hommes. Sargon et son premier ministre en ont de 
considérables. Cf. Botta, Le monument de Ninive, t. i, 
pi. 12. Il en est de même pour Assurbanipal, t. i, 
fig. 312, 319, col. 1146, 1157. Les Phéniciens fabriquaient 
pour le commerce des pendants d'oreille dont un 
certain nombre de modèles ont été conservés. Cf. Ba- 
belon, Archéologie orientale, Paris, 1888, p. 310. — 
Les formes de pendants d'oreille étaient très diverses 
(fig. 14). On suspendait aux oreilles tantôt un anneau, 



37 



PENDANTS D'OREILLE 



PÉNITENCE 



38 



voir t. i, fig. 28i, col. 1058; t. n, fig. 619, col. 2009, 
tantôt des bijoux plus compliqués (fig. 15). Avant de 
se rendre à Béthel, Jacob se fit remettre les dieux 
étrangers qui se trouvaient dans sa famille et les 
anneaux que ses gens avaient aux oreilles et il enfouit 
le tout sous un chêne, à Sichern. Gen., xxxv, 2-4. 
Ceci donne à supposer que ces anneaux présentaient 
un caractère idolâtrique ou superstitieux. Pour fa- 
briquer le veau d'or, Aaron demanda les anneaux 
d'or qui étaient aux oreilles des femmes d'Israël, de 
leurs fils et de leurs filles. Exod., xxxn, 2-3. — Les 
Israélites possédaient aussi de vrais pendants d'oreille. 
Ils en trouvèrent dans le butin fait sur les Madia- 
nites, Num., xxxi, 50, et les offrirent à Jéhovah. Il 
y en eut également dans un autre hutin fait sur les 
mêmes Madianites par Gédéon. Jud., vin, 26. Isaïe, 
m, 20, nomme les netîfôf dans son énumération des 
bijoux des femmes de Jérusalem. Dans Ézéchiel, xvi, 
12. Jéhovah rappelle à Jérusalem les soins dont il l'a 




lu. — Pendants d'urcille assyriens. Musée du Louvre. 

entourée. 11 a mis un nézëm à ses narines et des 
'âgilim à ses oreilles. Les versions traduisent à tort ici 
nézém par » pendants d'oreille » et le second mot par 
« boucles ». Le premier mot désigne certainement la 
parure du nez et le second celle des oreilles. Judith, 
x, 3, avait des pendants d'oreille. — Dans quelques 
autres passages, les versions appellent « pendants 
d'oreille » des anneaux de nez, Gen., xxiv, 22, 30, 47, 
ou des anneaux dont l'usage n'est pas déterminé. 
Exod., xxxv, 22; Jud., vm, 24, 25; Job, xlii, 11, 
Prov., xxv, 12; Ose., n, 13. Cf. K. Hadaczeh, Der Ohr- 
schmuck der Griechen und Etrusker, dans les Abhand- 
l-ungen des arch.-epigr. Seminars der Unversitàt Wien, 
xiv, Heft, in-4°, Vienne, 1903. II. Lesêire. 

PÉNITENCE (hébreu : nôham, sûbâh, « conver- 
sion; » Septante : jjsrivo'.a; Yulgate : psenitentia), 
regret intérieur et effectif du mal que l'on a commis. 

I. Appels à la pénitence. — 1° Dans le Temple. — 
Au jour de la consécration du Temple, Salomon adressa 
une prière solennelle au Seigneur pour lui demander 
de pardonner à son peuple toutes les fois que, châtié à 
cause de ses péchés, il viendrait dans ce Temple im- 
plorer son pardon et ferait pénitence. III Reg., vm, 
33-52; Il Par., vi, 24-39. Le Seigneur daigna s'engager 
à pardonner quand le peuple serait sincèrement péni- 
tent. II Par., vu, 13-15. 



2» Par les prophètes. — Isaïe, xliv, 22, invite 
Israël à revenir au Dieu qui l'a racheté, en lui assurant 
que, s'il se tourne vers lui, il sera sauvé, Is., xlv, 22, 
et que Dieu fera grâce au méchant qui se convertira. 
Is., lvii, 7. Jérémie, m, 14; iv, 1; xvm, 11, renouvelle 
l'appel divin. Il déclare que si la nation revient de sa 
méchanceté, Dieu se repentira du mal qu'il voulait 
lui faire. Jer., xvm, 8. Ézéchiel, xiv, 6; xvm, 21, 30; 
xxxiii, 14, appelle le pêcheur à la pénitence en disant 
que, s'il se repent, il vivra et ne sera pas maltraité. 
Dieu dit par sa bouche : « Prendrai-je plaisir à la 
mort du méchant? N'est-ce pas plutôt à ce qu'il se 
détourne de ses voies et qu'il vive? » Ezech., xvm, 23, 
32; xxxin, 11. Le prophète a reçu mission de prêcher 
la pénitence au pécheur, et il sera responsable de la 
perte de ce dernier s'il ne parle pas pour le détourner 
du mal. Ezech., n, 18, 19; xxxm, 8, 9. Osée, xrv, 2; 
Joël, n, 12, 13, et Zacharie, i, 4, répètent la même 
invitation aux pécheurs. 

3» Par les saints personnages. — Tobie, xm, 8, 
exhorte les pécheurs de son temps à faire pénitence. 
Judith, v, 19, remarque que le Seigneur a toujours 
aidé les Israélites repentants, et que, comme il est 
patient, il pardonnera si on fait pénitence avec larmes. 
Judith, vin, 14. Le Psalmiste pénitent s'engage à en- 
seigner les méchants pour qu'ils se convertissent au 
Seigneur. Ps. u (l), 15. Dans le livre de l'Ecclésias- 
tique, on lit qu'il ne faut pas tarder de se convertir 
au Seigneur, Eccli., v, 8, que Dieu ménage un large 
pardon à ceux qui reviennent à lui, Eccli., xvn, 28, et 
qu'il est beau de se repentir quand on a été repris. 
Eccli., xx, 4. L'auteur de la Sagesse dit que Dieu 
ferme les yeux sur les péchés des hommes pour les 
amener à la pénitence, parce qu'il aime toutes ses 
créatures, et qu'il pardonne à tous parce que tout est 
à lui et que les âmes sont l'objet de son amour. Sap., 
xi, 24-26. Il ne punit que par degrés, pour laisser le 
temps de faire pénitence et ne pas désespérer ses 
enfants. Sap., xn, 10, 19. 

4° Par saint Jean-Baptiste. — Le précurseur 
prêche dans le désert le baptême de pénitence, c'est-à- 
dire le repentir et la purification du cœur dont son 
baptême est le symbole. Matth., m, 2; Marc, i, 4; 
Luc, m, o. Il invite les hommes à faire de dignes fruits 
de pénitence, par conséquent à témoigner par une 
conduite nouvelle la sincérité de leur repentir. Matth. 
m, 8; Luc, ni, 8; cf. i, 16; Act, xm, 24; xix, 4. 

5» Par Jésus-Christ. — Le Sauveur lui-même 
appelle les hommes à la pénitence. Matth., iv, 17; 
xvm, 3; Marc, i, 15. Il est venu pour appeler les pé- 
cheurs à la pénitence, Luc, v, 32; déclare que tous 
périront s'ils ne font pénitence, Luc, xm, 3, 5; parle 
de la joie que cause au ciel la pénitence d'un seul 
pécheur, Luc, xv, 7, 10; ordonne à chacun de par- 
donner à son frère repentant, Luc, xvn, 3, 4; invite à 
la pénitence par ses. paraboles de la brebis perdue, 
Luc, xv, 1-7, de la drachme égarée, Luc, xv, 8-10, 
de l'enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, du pharisien et du 
publicain, Luc, xyin, 9-14, et par l'accueil qu'il fait aux 
pécheurs, voir Pécheur, col. 18; et enfin, après sa ré- 
surrection, il envoie ses Apôtres dans le monde pour y 
prêcher la pénitence. Luc, xxrv, 27. 

6° Par les Apôtres. — Initiés à cette prédication 
par leur divin Maître, Marc, vi, 12, les Apôtres pro- 
clament la nécessité de la pénitence. Act., il, 38; m, 
19, 26; vin, 22, etc. Ils montrent comment le Sauveur 
est venu pour aider les hommes à faire une pénitence 
salutaire. Act., v, 31; xi, 18; xvn, 30. Saint Paul 
exhorte à la pénitence. Act., xx, 21; xxvi, 20. Il parle 
de la bonté de Dieu amenant les hommes à se repentir, 
Rom., il, 4, et rappelle que le devoir des ministres 
sacrés est de conduire leurs frères à la pénitence. 
II Tim., n, 25. Saint Pierre dit que si Dieu patiente 



39 



PÉNITENCE 



40 



c'est pour que les hommes fassent pénitence. II Pet., j 
m, 9; cf. Act., xi, 18. Saint Jacques, v, 20, enseigne 
que celui qui convertit un pécheur sauve son àme et 
couvre la multitude des péchés. Enfin saint Jean 
multiplie les appels à la pénitence. Apoc, il, 5, 16, 
21, 22; m, 3, 19. 

II. Conditions de la pénitence. — 1° La pénitence 
comporte toujours, pour celui qui y est soumis, 
quelque chose d'afflictif. On le voit par les exemples 
de nos premiers parents, Gen., m, 16-19; de David 
II Reg., xii, 11-14; xxiv, 10-14, etc. — 2« Mais elle 
implique nécessairement un acte de la volonté qui a 
péché en se détournant de Dieu et qui ne peut se 
repentir efficacement qu'en se retournant vers Dieu. Le 
Seigneur promet son pardon à celui qui remplira 
quatre conditions : s'humilier, prier, chercher sa face 
et se détourner du mal. II Par., vn, 14. Judith, voi, 
14-17, engage ses compatriotes qui veulent obtenir 
leur pardon à s'humilier et à prier avec larmes. Dans 
l'Ecclésiastique, xvn, 20, 21, les conditions de la péni- 
tence sont ainsi indiquées : 

Tourne-toi vers le Seigneur et quitte tes péchés, 
Prie devant sa face et diminue tes offenses, 
Reviens au Très-Haut, détourne-toi de l'injustice 
Et déteste fortement ce qui est abominable. 

Iî ne suffit donc pas de quitter le mal, il faut le 
détester et donner comme preuve de repentir les efforts 
qui aboutissent à une diminution des offenses. — 
3° Le prophète Joël, H, 12-17, énumère les conditions 
que doit remplir le peuple coupable qu'il appelle à la 
pénitence : 

Revenez à moi de tout votre cœur, 

Avec des jeûnes, des larmes et des lamentations ; 

Déchirez vos cœurs et non vos vêtements.w 

Que les prêtres, ministres de Jëhovah, pleurent 

Entre le portique et l'autel, 

Et disent : Jéhovah, épargnez votre peuple. 

Une vraie contrition doit saisir le cœur et le déchirer; 
le jeûne et la prière achèveront l'œuvre de la péni- 
tence. Sans doute, il existait sous l'ancienne loi des 
sacrifices pour le péché. Mais ni les sacrifices, ni les 
œuvres extérieures, comme le jeûne, ne constituaient 
une pénitence valable sans les sentiments du cœur et 
le renoncement au mal. 

Le Très-Haut n'agrée pas les offrandes des impies, (chés... 
Ce n'est pas sur la quantité des victimes qu'il pardonne lés pé- 
L'homme qui jeûne pour ses péchés, s'il va les renouveler, 
Qui entend sa prière, que lui sert son humiliation ? 

Eccli., xxxv, 19, 26. 

Aussi le Psalmiste termine-t-il son cantique de péni- 
tence en disant, Ps. li (l), 18, 19 : 

Tu ne désires pas de sacrifices, je t'en offrirais, 

Tu ne prends pas plaisir aux holocaustes ; 

Le sacrifice à Dieu, c'est un esprit brisé ; 

O Dieu, tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit. 

Rien n'est aussi étranger que ces sentiments inté- 
rieurs aux Psaumes de pénitence babyloniens. Les 
suppliants ne savent guère qu'y manifester leur peur 
des maux que. peut leur causer une divinité irritée 
et implorer d'elle les biens qui contribuent au bon- 
heur de la vie. Cf. Scheil, Psaume de pénitence 
chaldéen, dans la Revue biblique, 1896, p. 75-77; 
Dhorme, Deux textes religieux assyro-babyloniens, 
dans la Revue biblique, 1906, p. 274-285; Fr. Martin, 
Textes religieux assyriens et babyloniens, l re sér., 
Paris, 1903, p. 57. — 4° La prière est indiquée comme 
condition nécessaire à la pénitence. Dieu, en effet, 
n'impose pas son pardon; il convient qu'on le lui 
demande, * Fais-moi revenir, et je reviendrai, » dit 



Éphraïm au Seigneur. Jer., xxxi, 18. « Faites-nous 
revenir et nous reviendrons, s disent les Juifs de Jéru- 
salem. Lam., v,. 21. « Ayez pitié de moi qui suis un 
pécheur, » dit le publicain. Luc, xvm, 13. « Remettez- 
nous nos dettes, » c'est-à-dire « pardonnez-nous nos 
offenses », nous fait dire le divin Maître. Matth., vi, 
12. — 5° Dans la parabole de l'enfant prodigue, Luc, 
xi, 21, Notre-Seigneur montre quelles sont les condi- 
tions de la vraie pénitence '. le malheureux prodigue 
rentre en lui-même, regrette la perte des biens de la 
maison paternelle, prend la résolution d'aller retrouver 
son père, de lui faire l'aveu de son crime et de se 
soumettre ensuite au sort le plus humiliant, abandonne 
effectivement la vie indigne à laquelle il se trouvait 
réduit, reprend le chemin qui ramène à son père, lui 
fait son aveu et implore son pardon. — 6° Ce qui 
montre que la pénitence est véritable, ce sont les 
« dignes fruits » qu'elle porte. Matth., m, 8. Parmi ces 
fruits, saint Jean-Baptiste indique aux foules la pratique 
de la charité, aux publicains et aux soldats la justice et 
la fidélité dans l'accomplissement de leurs devoirs 
d'état. Luc, m, 10-14. Notre-Seigneur recommande de 
ne plus pécher. Joa., v, 14; vin, 11. 

III. Exemples de pénitence. — 1» Adam fit pénitence 
de son péché, Sap., x, 2, probablement en supportant 
avec humilité et résignation l'épreuve à laquelle il fut 
condamné. — Enoch fut pour les nations un exemple 
de pénitence. Eccli., xliv, 16. — Au temps de Noé, il 
y eut des esprits rebelles qui firent pénitence à la vue 
du châtiment, puisque le Christ put, après sa mort, 
leur prêcher dans la prison où ils étaient détenus. 
I Pet., xix, 20. — 2° L'époque des Juges fut pour les 
Israélites une succession d'infidélités à Dieu et de repen- 
tirs. Jud., m, 9; iv, 3; vi, 7; x, 10, etc. — Job fit péni- 
tence dans la poussière, après avoir reconnu sa pré- 
somption. Job, xlu, 6. — 3° A la suite de son double 
crime, David resta près d'une année sans écouter la 
voix de sa conscience; mais ensuite il se repentit sin- 
cèrement à l'appel de Nathan. II Reg., xii, 13; xvi, 
12. — Josias amena la nation au repeutir. Eccli., 
xlix, 3. — Captif à Babylone, Manassé s'humilia et 
demanda pardon au Seigneur. II Par., xxxm, 12, 13. 
— 4° Pour obtenir leur délivrance, les Juifs se 
livrèrent à des actes de pénitence à Suse, sur la 
demande d'Esther. Esth., rv, 16. — A la prédication de 
Jonas, le roi de Ninive se soumit avec ses sujets à une 
pénitence rigoureuse comprenant un jeûne absolu 
pour tout être vivant, homme ou bête, l'usage du sac 
et de la cendre, la prière instante adressée à Dieu et le 
renoncement au mal. Jon., m, 5-9. — 5° Une longue 
protestation de repentir fut signée par les principaux 
personnages et acceptée par tout le peuple, au temps de 
Néhémie. II Esd., ix, 1-38. — 6» Dans le Nouveau 
Testament, on trouve les exemples de pénitence des 
Juifs à la prédication de saint Jean-Baptiste, Matth., 
m, 7, Luc, m, 7; de la pécheresse Reliez Simon le 
pharisien, Luc, vil, 37, 38, 48; du publicain, Luc, 
xvm, 13; de Zachée, Luc, xix, 8; de saint Pierre pleu- 
rant amèrement après son reniement, Matth., xxvi,75; 
Marc, xiv, 72; Luc, xxir, 62; du bon larron se repen- 
tant sur la croix, Luc, xxm, 40-42 ; des Juifs qui par- 
tirent du Calvaire en se frappant la poitrine. Luc, 
xxm, 48. — 7° Notre-Seigneur lui-même donne l'exemple 
de la pénitence, à son jeûne du désert, Matth., rv, 2; 
Luc, iv, 2; pendant son ministère évangélique, n'ayant 
pas toujours le temps de prendre sa nourriture, Marc, 
ru, 20, ni où reposer sa tête, Matth., vin, 20; Luc, IX, 
58, et surtout pendant sa passion. — 8» Plusieurs 
milliers de Juifs font pénitence à la voix de saint 
Pierre. Act., n, 38, 41. — Saint Paul se convertit et, 
pendant le reste de sa vie, accepte en esprit de péni- 
tence l'accomplissement de la prédiction du Sauveur à 
son sujet : « Je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir 



41 



PÉNITENCE 



42 



pour mon nom. » Act., IX, 16. — A l'appel des Apôtres, 
on fait pénitence à Lydda et à Saron, Act., ix, 35; à An- 
tioche, Act., xi, 21; à Éphèse, où l'on brûle une multi- 
tude délivres de superstition, Act., xix, 18, 19; xx, 21; 
à Corinthe, II Cor., vu, 9, 10. Cf. I Pet., n, 25. 

IV. Exemples d'impénitence. — 1° Beaucoup de pé- 
cheurs se sont refusés à faire pénitence. Tels furent 
Caïn, Gen., iv, 10-13; la plupart des contemporains de 
Noé, Gen., vi, 5, 6; les habitants de Sodome et des 
villes coupables, Gen., xix, 12, 13 ; le pharaon d'Egypte 
qui se repentait un moment pour s'obstiner ensuite, 
Exod., Vin, 25, 32, ix, 27, 35; x, 16, 20, 24, 27; xn, 31; 
xiv, 5; les Israélites révoltés qui furent condamnés à 
périr au désert, Num., xiv, 27-33; les fils d'Hé)i,IReg.,rv, 
11; Saûl, I Reg., xm, 14; xvi, 35; les contemporains 
du prophète Élie, Eccli., xlviii, 16; les rois et le peuple 
d'Israël, IV Reg., xvn, 7-18-; une grande partie des rois 
et du peuple de Juda. IV Reg., xxrv, 3, 4. En vain 
Jérémie multiplia ses appels à la pénitence; on ne vou- 
lut pas se convertir. Jer., m, 1-22; v, 3; vm, 6. — Plus 
tard, le roi persécuteur, Antiochus Épiphane, frappé 
par la justice de Dieu, sembla vouloir se repentir du 
mal qu'il avait causé; mais sa pénitence n'était ni sin- 
cère ni désintéressée, II Mach., ix, 11-29. 

2° A plusieurs reprises, il est dit que Dieu endurcit 
le cœur de ceux qui ne veulent pas se convertir. 
Exod., iv, 21; vu, 3; ix, 12; x, 1, 20, 27; xiv, 4, 8, 17; 
Deut, il, 30; Is., lxih, 17; Rom., ix, 18. D'autre part, 
on lit dans Isaïe, vi, 10 : « Appesantis le cœur de ce 
peuple, rends ses oreilles dures et bouche-lui les yeux, 
en sorte qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende 
point de ses oreilles, ne se convertisse point et ne soit 
point guéri. » Cet oracle est répété par Notre-Seigneur, 
Matth., xm, 15; Marc, iv, 12; Joa., xn, 40, et par saint 
Paul. Act., xxviii, 27. A prendre les termes à la lettre, 
Dieu semble ainsi l'auteur de l'impénitence qu'ensuite 
il châtie. — Mais il y a là une manière de parler des- 
tinée à faire comprendre avec quelle certitude Dieu 
prévoit l'endurcissement et lui donne occasion de se 
produire en vue d'un bien supérieur. Saint Augustin, 
Quœst. in Heptat., n, 18, t. xxxiv, col. 601-602, expli- 
que ainsi le cas du pharaon : « La malice qui est au 
cœur d'un homme, c'est-à-dire sa disposition au mal, 
tient à sa propre faute et n'existe que par le fait de 
sa volonté libre. Toutefois, pour que cette disposition 
mauvaise agisse dans un sens ou dans l'autre, il faut des 
causes qui mettent l'espri t en mouvement. Or il ne dépend 
pas du pouvoir de l'homme que ces causes existent ou 
non; elles proviennent delà providence cachée, mais très 
juste et très sage, du Dieu qui règle et gouverne l'uni- 
vers qu'il a créé. Si le pharaon avait un cœur tel que la 
patience de Dieu le portât, non à la religion, mais bien 
plutôt à l'impiété, c'était par sa propre faute. Mais si 
les événements se produisirent de telle manière que 
son cœur, si mauvais par sa faute, résista aux ordres de 
Dieu, ce fut le résultat de la sagesse divine. » Pour 
expliquer le passage d'Isaïe, vi, 10, saint Jérôme, In 
Is., m, 6, t. xxix, col. 100, s'appuie sur la doctrine de 
VEpitre aux Romains, ix, 14-18, et dit que l'aveugle- 
ment volontaire des Juifs a procuré l'illumination des 
autres nations : « Ce n'est pas par cruauté, mais par 
miséricorde, que Dieu permet la perte d'une nation 
pour le salut de toutes les autres. Une parlie des Juifs 
n'ont pas vu clair, pour que le monde entier pût voir. » 

3° D'autres exemples d'impénitence se rencontrent 
dans le Nouveau Testament. Les villes de Gorozaïn, 
JBethsaïde et Capharnaùm ont refusé de se convertir, 
dans des conditions qui auraient décidé Tyr et Sidon à 
faire pénitence. Matth., xi, 20-24; Luc, x, 13-15. La 
génération contemporaine du Sauveur a montré le 
même endurcissement, alors que Ninive s'est convertie 
à la voix de Jonas. Matth., xn, 41; Luc, xi, 32. Jérusa- 
lem s'est dérobée aux appels du Sauveur qui voulait 



rassembler ses enfants comme la poule rassemble ses 
poussins sous ses ailes. Matth., xxm, 37. Après avoir 
refusé d'obéir, les pécheurs ont fait pénitence; après 
avoir promis fidélité, les Juifs ont refusé de faire péni- 
tence. Matth., xxi, 28-32. — Même si un mort ressusci- 
tait, certains pécheurs ne se convertiraient pas. Luc, xvi, 
31. — Juda fut saisi de repentir, mais sa pénitence fut 
dépourvue de confiance en Dieu et ne le sauva pas. 
Matth., xxvn, 3-10. — La résurrection du Sauveur 
laissa dans l'impénitence la plupart des Juifs. Matth., 
xxviii, 11-15. — La pénitence de Simon le magicien fut 
intéressée et sans valeur. Act., vin, 13, 18-24. — Beau- 
coup de pécheurs ont continué à refuser la pénitence. 
II Cor., XII, 21; Apoc, ix, 20-21; xvi, 9, 11. 

V. Le sacrement de pénitence. — 1» Jésus-Christ 
dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume 
des cieux : tout ce ^rae tu lieras sur la terre sera lié 
dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre 
sera délié dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit en- 
suite à tous ses Apôtres en général : « Tout ce que vous 
lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que 
vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matth., 
xvm, 19. Les Apôtres reçoivent par là le pouvoir d'éta- 
blir ou de supprimer dés obligations dans le domaine 
spirituel. Voir Lien, t. iv, col. 248. Le soir même dé sa 
résurrection, le divin Maître, qui vient de payer sur la 
croix la rançon du péché, applique à un point spécial 
le pouvoir qu'il a précédemment accordé : « Recevez le 
Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils 
leur seront remis; et ceux à qui vous les retiendrez, ils 
leur seront retenus. » Joa., xx, 22, 23. Les Apôtres re- 
çoivent donc ce jour-là, de celui qui a le pouvoir de 
remettre les péchés, Matth., ix, 5, la transmission de ce 
pouvoir. Saint Paul l'entend bien ainsi quand il dit : 
« Dieu nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ, et 
nous a confié le ministère de la réconciliation. » II Cor., 
v, 18. Ce ministère de la réconciliation, c'est l'ordre et 
le pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de 
pénitence. Le Concile de Trente, Sess. xiv, can. 2, 3, a 
défini que les paroles dites parle Sauveur le jour de sa 
résurrection doivent s'entendre du pouvoir de remettre 
et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence, 
comme l'Église catholique l'a toujours entendu depuis 
l'origine, et qu'on ne peut les détourner contre l'insti- 
tution de ce sacrement en les appliquant au pouvoir de 
prêcher l'Évangile. 

2» Le sacrement de pénitence précise et facilite les 
conditions nécessaires à la rémission du péché sous la 
Loi ancienne. 1. La contrition réclame toujours les 
même qualités qu'autrefois; il faut qu'elle soit au fond 
du cœur, qu'elle soit sincère et détache effectivement 
la volonté [du péché. Voir col. 39. Un nouveau motif 
s'ajoute aux précédents pour la faire naître dans le 
cœur; c'est la pensée de la rédemption et de tout ce 
que le Sauveur s'est imposé de souffrances pour l'expia- 
tion du péché. — 2. La confession prend une forme 
plus précise, dont l'obligation se déduit des paroles 
mêmes qui instituent le sacrement. Voir Confession, 
t. il, col. 907-919. — 3. La satisfaction demeure néces- 
saire comme autrefois, même après la rémission du 
péché, du moins pour l'ordinaire. Cf. Num., xx, 12; 
Deut., xxxn, 49-51; II Reg., xn, 14, etc. Saint Paul 
déclare qu'il « complète en sa propre chair ce qui 
manque aux souffrances du Christ, pour son corps, 
qui est l'Église ». Col., i, 24. — 4. Enfin Yabsolution 
est une grâce nouvelle que l'Ancien Testament ne con- 
naissait pas. Nathan put bien exceptionnellement dire 
à David : « Jéhovah a pardonné ton péché. » II Reg., xn, 
13. Les autres pécheurs, si repentants qu'ils fussent, 
ne pouvaient présumer leur pardon. Notre-Seigneur, 
qui dit lui-même à plusieurs pécheurs : « Tes péchés 
te sont remis,» Matth., ix, 2; Luc, v, 20; vil, 47, 48, 
donna à ses Apôtres, en vertu des paroles de l'institu- 



43 



PENITENCE 



PENSÉE 



M 



tion, le pouvoir non seulement de déclarer les péchés, 
remis, mais de les remettre effectivement : « Ceux à 
qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » 
Leur pouvoir s'étend donc plus loin que celui de Na- 
than, qui ne fit que déclarer à David que son péché 
était pardonné. — Cette rémission comporte l'effet 
déjà énoncé dans divers passages de la Sainte Écriture 
comme directement opéré par Dieu. Le péché, en vertu 
de l'absolution, est « couvert », Ps. lxxxv (lxxxiv), 3, et 
« non imputé », Num., xn, 11; Rom., iv, 7, 8, non pas 
seulement en ce sens qu'il existe toujours, quoique 
Dieu daigne n'en plus tenir compte. Il est réellement 
effacé, enlevé, radicalement détruit, comme le déclarent 
les autres textes inspirés. Voir Péché, 4°, col. 11 . En un 
mot, en vertu des paroles évangéliques, il est « remis », 
comme une dette qui n'existe plus et ne peut plus 
revivre, quand le créancier a rendu au débiteur le titre 
qui liait ce dernier. 

3° Le pouvoir conféré par Notre-Seigneur à son Église 
n'est pas limité par sa déclaration sur le péché contre 
le Saint-Esprit. Matth., xn, 82; Marc, m, 28. Voir 
Blasphème, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans PÉpître 
aux Hébreux, vi, 4-6 : « Il est impossible pour ceux qui 
ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, 
qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goûté la dou- 
ceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde 
à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler 
une seconde fois en les amenant à la pénitence. » De 
ce texte, plusieurs Pères, Clément d'Alexandrie, Strom., 
2, 13, t. vin, Col. 293; Tertullien, De pœnit., 7, 9, t, I, 
col. 1241, 1243; Origène, In Levit., Hom. xv, 2, t, xn, 
col. 565; S. Ambroise, De pmnit., Il, 95, t. xvi, 
col. 520 ; S. Augustin, Ep. cliii, 7, t. xxxiii, col. 656, 
ont conclu, sans justifier autrement leur assertion, 
qu'il n'y a qu'une pénitence, comme il n'y a qu'un 
baptême. Novatien et ses partisans s'appuyaient même 
sur ce texte pour nier la possibilité du pardon des 
péchés graves. Cf. Socrate, H. E.. i, 10, t. lxvii, 
col. 69, Au moyen âge, on l'entendit de la pénitence 
solennelle, qui en effet n'était jamais réitérée. Cf. Tur- 
mel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, 
p. 461. Il est évident que l'auteur de l'Épitre n'a guère 
pu songer à la pénitence publique. On explique assez 
souvent son texte de la difficulté et même de l'impossi- 
bilité morale qui empêche pratiquement l'apostat de 
se repentir avec efficacité. Mais plusieurs Pères pré- 
fèrent une autre explication. Ils font porter l'idée prin- 
cipale de l'auteur sur le mot « renouveler » ; il est im- 
possible, disent-ils, qu'une âme soit renouvelée par la 
pénitence comme elle l'est par le baptême. « Il n'exclut 
pas les pécheurs de la pénitence, mais il montre qu'il 
n'y a dans l'Église catholique qu'un baptême, et non 
deux... Celui qui fait pénitence cesse de pécher, mais 
il garde les cicatrices de ses blessures, tandis que celui 
quj est baptisé dépouille le vieil homme et est renou- 
velé par la grâce du Saint-Esprit qui lui donne une 
naissance supérieure. » S. Athanase, Epist. IV ad Sera- 
pion., 13, t, xxvi, col. 656. D'autres pensent que l'écri- 
vain sacré veut seulement montrer qu'il n'y a pas dans 
l'Eglise, comme chez les Juifs, plusieurs baptêmes 
successifs pour purifier des souillures. Cf. S. Thomas, 
Sum. theol., III, q. cxxxiv, a. 10, ad l ura . En toute hy- 
pothèse, le texte en question n'apporte donc aucune 
restriction à la rémissibilité des péchés. 

VI. Le repentir de Dieu. — La Sainte Écriture dit 
que Dieu s'est repenti d'avoir fait l'homme sur la terre, 
Gen., vi, 6; d'avoir établi roi Saûl, I Reg., xv, 11, 35: 
d'avoir voulu faire du mal à son peuple infidèle, 
Jer., xxvi, 3, 13, 19, et aux Ninivites coupables. Jon., ni, 
10. D'autres fois, on annonce que Dieu ne se repentira 
pas. Ps. ex (cix), 4; Jer., iv, 28; xx, 16. Ce sont là de 
purs anthropomorphismes, des locutions qui prêtent à 
Dieu la manière de parler et d'agir des hommes, mais 



qui présentent sous une forme relative ce qui est 
absolu en Dieu. Le repentir est impossible à Dieu, 
parce qu'il a tout prévu à l'avance, le bon ou mauvais 
usage que l'homme ferait de ses dons et la conduite 
qu'il tiendrait lui-même en conséquence. Samuel 
exprime ce qu'il y a d'immuable dans la volonté de 
Dieu, quand il dit à Saûl : « Celui qui est la splendeur 
d'Israël ne ment point et ne se repent point, car il 
n'est pas un homme pour se repentir. » I Reg., xv, 29. 
Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites 
aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu 
sont sans repentance ». Rom., xi, 29. 

H. Lesêtre. 
2, PÉNITENCE D'ADAM, livre apocryphe. Voir Apo- 
cryphes, t. i, col. 710. 

PÉNITENT1AUX (PSAUMES), nom donné aux 
sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvn, l, ci, cxxix et cxliii, à 
cause des sentiments de pénitence qu'ils expriment. 
L'usage de réciter ces Psaumes pour demander à Dieu 
pardon de ses péchés est très ancien dans l'Église. 

PENSÉE (hébreu : hâgût, de hâgâh, « parler dou- 
cement, méditer; » zammâh, niezimmâh, de zàmam, 
même sens; yesêf, deyâsar, « former ;» 'astûl, 'ésfonôt, 
de 'dsat, « former, imaginer ; » rêa', de re'âh, « penser; » 
Sêah, de sîah, « parler, méditer; » séiffim, se'iffîm, 
de sâ'af, « diviser; » sar'affîm; chaldéen : harhor, de 
hârâh, « concevoir; » ra'iôn, de re'âh, « penser; » 
Septante : 8ia),oyc<x|Jw5î, Siâ'joia, ëvvota, àvO-j^vi;, \xi)ixi] ; 
Vulgate : cogitatio, cogitalus, consilium), combinaisoii 
d'idées formée intérieurement par l'intelligence. — 
Cette combinaison peut être spontanée ou voulue, 
mais rapide; c'est la pensée proprement dite. Elle est 
exprimée extérieurement par la parole. Voir Parole. 
L'intelligence peut s'y arrêter avec attention, c'est la 
réflexion, ou même faire effort pour examiner la pensée 
plus longuement et sous divers aspects, c'est la médi- 
tation, èîhâh, (j.e).£T7j, meditatio. La pensée peut ensuite 
passer dans le domaine de la volonté, pour devenir 
projet, dessein ou résolution, et être communiquée à 
d'autres, sous forme de conseil, pour les diriger. — 
Dans le langage biblique, le cœur est habituellement 
considéré comme le siège de la pensée. Voir Cœur, 
t. il, col. 823. 

1» Les pensées de Dieu. — Elles sont d'une profondeur 
qui déconcerte l'homme. Ps. xcn (xci), 6. Elles ne 
sont pas celles des hommes, Is., lv, 8, et les dépassent 
autant que le ciel est au dessus de la terre. Is., lv, 9. 
Personne ne peut changer la pensée de Dieu. Job, xxni, 
13. Dieu a des pensées de paix à l'égard de son peuple. 
Jer., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pen- 
sées. Mich., iv, 12. 

2° Les pensées de l'homme. — 1. Dieu les connaît 
toutes; il les sonde, I Par., xxvm, 9; Ps. xciv (xciu), 
11; cxxxix (cxxxvm), 3; Sap., vi, 4; Eccli., xlii, 20; 
Is., lxvi, 18; Ezech., xi, 5; I Cor., m, 20; Heb., iv, 12; 
il les juge, Sap., i, 9, et les révèle. Luc, II, 35. Il a 
horreur des pensées mauvaises, Prov,, xv, 26, et son 
Esprit s'éloigne de celles qui manquent de sens. Sap., î, 
5. Xotre-Seigneur lisait dans les cœurs les pensées de 
ses interlocuteurs, et les étonnait profondément en les 
leur révélant. Matth., ix, 4.; xn, 25; Marc, il, 6, 8; 
Luc, v, 22; vi, 8; IX, 47; xi, 17; xxiv, 38. — 2. L'esprit 
de l'homme a des pensées multiples. Sap., IX, 15. Ces 
pensées sont incertaines, Sap., ix,14, et parfois causent 
grand trouble à l'homme. Dan., iv, 16; v, 6; vu, 28. 
Il ne faut pas s'élever dans ses pensées, Eccli., vi, 2, 
mais demander à Dieu qu'il en donne de bonnes, car, 
sans son inspiration, nous ne sommes pas capables de 
concevoir quelque chose par nous-mêmes, au moins 
dans l'ordre du salut. II Cor., ni, 5. — 3. Les bonnes 
pensées se rencontrent chez le juste. Ps. xlix (xlviii), 



45 



PENSEE — PENTAPOLE 



46 



4 ; Prov., su, 5. En lui, la charité ne pense pas le mal, 

I Cor., sm, 5. Lui-même pense à Dieu dans toutes ses 
voies. Prov., ni, 6. Le chrétien doit s'armer de la pen- 
sée de Jésus crucifié. I Pet., rv, 1. En dehors de là, 
l'objet ordinaire de ses pensées sera « tout ce qui est 
honorable, juste, pur, de bonne renommée, conforme 
à la vertu et digne d'éloge ». Phil., iv, 8. — 4. Les mau- 
vaises pensées, que fuit le juste, Job, xxxi, 1, sont 
celles des méchants : pensées impies contre Dieu, 
Sap., m, 14; pensées idolâtriques, Ezech., xx, 32; 
pensées égoïstes, Deut., xv, 9; pensées intéressées, 
Act., vin, 22; pensées d'erreur, Sap., n, 21, d'injus- 
tice, Jacob., n, 4, d'adultère, Dan., xm, 28, d'orgueil 
Dan., n, 29, 30, d'homicide, Gen., xxxvn, 18; I Reg., 
xxiv, il; pensées perverses de toute nature. ;Is., lv, 
7; lix, 7; I Reg., xvm, 25; Judith, v, 26; Sap., m, 10; 
xviii, 5; II Esd., vi, 2; Esth., ix, 24; Matth., xv, 19; 
Marc, vu, 21. Depuis la chute des premiers parents, 
toutes les pensées de l'homme inclinent vers le mal. 
Gen.. vi, 5; vm, 21. Les philosophes eux-mêmes n'ont 
abouti qu'à des pensées vaines. Rom., I, 21. En se con- 
duisant au gré de leurs pensées, Is.,lxv, 2; Jer,, xviii, 
12; Eph., n, 3, les méchants se séparent de Dieu, Sap., 
i, o\ se couvrent de honte, Sap., n, 14, attirent sur 
eux le malheur, Jer., vi, 19, et se préparent de terribles 
remords pour l'autre vie. Sap., iv, 20. — 5. L'insensé 
n'a que des pensées volages, qui se succèdent sans 
réflexion. 

L'intérieur de l'insensé est comme une roue de chariot, 
Et sa pensée comme un essieu qui tourne. Eccli., XXXlii, 5. 

II y a certaines pensées qu'il faut garder pour soi. 

Même dans ta chambre ne dis pas de mal du puissant; 
Même dans ta pensée ne maudis pas le roi. 
L'oiseau du ciel emporterait ta voix 
Et le volatile publierait tes paroles. Eccle., x, 20. 

— 6. La Sainte Écriture loue comme « une pensée 
sainte et pieuse » celle qui porta Judas Machabée à 
faire offrir des sacrifices pour les morts, et qui lui fut 
inspirée par ■< la pensée de la résurrection ». II Mach., 
xii, 43, 45. 

3» La réflexion. — 1. Tout homme agit avec ré- 
flexion. Prov., xin, 16. La réflexion doit précéder 
toute aclion, si l'on ne veut pas avoir à se repentir. 
Eccli., xxxii, 24; xxxvn, 20. Il est bon de fréquenter 
ceux qui réfléchissent. Eccli., xxvn, 13. L'enfant pense 
en enfant. I Cor., xm, 11. — 2. Les pharisiens réflé- 
chissent à ce qu'ils répondront à Notre-Seigneur. 
Matth., xxi, 25; Marc, xi, 31; Luc, xx, 5. Caïphe dit 
aux membres du sanhédrin qu'ils ne réfléchissent pas 
que la mort d'un seul est avantageuse à tout le peuple. 
Joa., xi, 50. — 3. Le juste réfléchit quand il est néces- 
saire. Judith, x, 13; II Esd., v, 7; II Mach., vi, 23; 
etc. Marie réfléchit aux paroles de l'ange, Luc, i, 29; 
Joseph, à ce qu'il doit faire par rapport à Marie, 
Matth., i, 20; les Apôtres, aux paroles que leur a dites 
le Sauveur, Matth., xvi, 7, S; Marc, ,'vni, 16, 17; saint 
Pierre, à sa vision de Joppé. Act., x, 19. — 4. Le cœur 
du juste médite sur ce qu'il doit répondre. ;Prov., xv, 
28. Cependant, Xotre-Seigneur recommande à ses dis- 
ciples de ne pas réfléchir sur ce qu'ils répondront de- 
vant les tribunaux, parce que l'Esprit de Dieu le leur 
nspirera. Matin., x, 19. 

4° La méditation. — 1. On médite sur ce qui inté- 
resse la vie présente. Dans la maison du deuil, le vivant 
médite sur sa destinée. Eccle., vu, 3. Isaac sortait dans 
les champs pour méditer, d'après la Vulgate. Gen., 
xxiv. 63. On a beau méditer et s'ingénier, on ne 
peut allonger d'une coudée sa taille, ou plutôt la durée 
de sa vie. Matth., vi, 27; Luc, xn, 25. Le riche fermier 
médite sur les moyens de serrer sa récolte abondante, 
Luc, xn, 17; l'architecte, sur les ressources qu'il lui 



faut pour achever son édifice, Luc, xiv, 28; le roi, sur 
les forces dont il dispose pour entreprendre la guerre. 
Luc, xiv, 31. En général, la méditation habituelle des 
gens de métier porte sur Ve-xécution de leur travail. 
Eccli., xxxvm, 24-34. — 2. Le méchant médite le mal 
sur sa couche, Ps. xxxvi (xxxv), 5, et ne songe qu'à 
tendre des embûches. Ps. xxxvm (xxxvn), 13. Il ferme 
les yeux pour méditer la tromperie. Prov., xvi, 30. — 
3" Il faut méditer jour et nuit sur la loi du Seigneur, 
Jos., I, 8, sur ses commandements, Eccli., VI, 37, sur 
la sagesse, Sap., vi, 16; vin, 17. Sur sa couche, pendant 
ses veilles, le juste médite sur Dieu et sur ses œuvres. 
Ps. Lxm (lxii), 7, 13; lxxvii (lxxvi), 7. Son cœur s'en- 
flamme à la méditation de la fragilité de la vie. Ps. xxxix 
(xxxvm), 4. Heureux qui médite ainsi! Ps. 1,2; Eccli., xiv, 
22, 28. L'auteur du Psaume cxix (cxvm) revient jus- 
qu'à douze fois (16, 27, 47, 70, 77, 92, 97, 99, 117, 143, 
148, 174) sur cette idée que la loi de Dieu est l'objet 
assidu et très aimé de sa méditation. — Marie conser- 
vait et méditait dans son cœur tout ce qu'elle voyait et 
entendait au sujet de l'enfant Jésus. Luc, il, 19, 51. La 
vierge n'a pas d'autre souci que de songer aux choses 
de Dieu. I Cor., vu, 34. Saint Paul recommande à 
Timothée de méditer sur les conseils qu'il lui a donnés. 
I Tim., IV, 15. 

5° Les projets. — Souvent on dit qu'on 'pense à une 
chose pour signifier qu'on a le dessein de l'exécuter. 

1. Ainsi Dieu a ses pensées, c'est-à-dire ses projets sur le 
juste, Sap., iv, 17; contre l'Assyrie, Is., Xiv, 26, et en 
face de ses desseins, ceux de l'homme ne tiennent pas. 
Prov., xxi, 30. Saint Paul a annoncé aux Éphésiens 
tous les desseins de Dieu. Act., xx, 27. Quand les 
Apôtres persistent à prêcher Jésus-Christ, Gamaliel dit 
au sanhédrin que si cette idée vient de Dieu, elle s'exé- 
cutera malgré eux. Act., v, 38. Salomon pense à bâtir 
une maison à Jéhovah. ill Reg., v, 5; vm, 18; I 
Par., xxvni, 2. Le navigateur pense à prendre la mer. 
Sap., xiv, 1. Beaucoup d'autres pensées ne sont autre 
chose que des desseins qu'on veut exécuter. Cf. Judith, 
n, 3; Esth., xn, 2; Ps. v, 11; xxxm (xxxn), 10; lvi 
(lv), 6; Prov., xvi, 3; xix, 21; Is., xxix, 16; etc. — 

2. Très fréquemment, ces desseins sont mauvais. 
Kxod., x, 10; Ps. x, 2; xxi (xx), 12; xli (xl), 8; 
Jer., xviii, 11, 18; xlviii, 2, etc. Tels sont en particu- 
lier ceux de se révolter contre le Seigneur, Ps. il, 1 ; 
Act., iv, 25; de s'emparer du Sauveur, Matth., xxvi, 4; 
de le mettre à mort, Joa., xi, 53; de traiter de même les 
Apôtres, Act., v, 33, etc. Zacharie, vu, 10; vm, 17, re- 
commande de ne pas méditer le mal les uns contre les 
autres. Un jour, du reste, Dieu manifestera tous les 
desseins des cœurs. I Cor., lv, 5. 

6» Le conseil (hébreu : timmâh, 'ésâh, tûsiyâh; 
Septante : poiAr,; Vulgate : cogitatio, consihum). — C'est 
la manifestation de fa pensée, pour la direction des 
autres. Des conseils, bons ou mauvais, sont souvent 
donnés. II Reg., xvn, 7; III Reg., xx, 25; Esth., i, 20; 
Ezech., xi, 2, etc. Il faut chercher conseil auprès des 
hommes sages. Tob., iv, 19; Prov., xix, 20. La sagesse 
est avec ceux qui se laissent conseiller. Prov., xm, 10. 
Grâce aux conseils reçus, leurs projets s'affermissent. 
Prov., xx, 18. Les conseils de l'amitié réjouissent le 
cœur. Prov., xxvn, 9. Mais, même les conseils de l'étran- 
ger ne sont pas dédaignés de l'homme de sens. 
Eccli., xxxn, 22. — Saint Paul conseille la virginité. 
I Cor., vu, 25. Voir Conseils évangéliql'es, X. n, 
col. 922. H. Lesétre. 

PENTAPOLE (grec : LUvraitô'/iî, « les cinq villes ») 
désigne, Sap., x, 6, la région où étaient Sodome et les 
autres villes qui furent condamnées par la justice di- 
vine à disparaître, à cause de leurs iniquités. 

1° Les cinq villes. — Dans les divers passages où il 
est fait allusion à la catastrophe, Sodome et Gomorrhe 



47 



PENTAPOLE 



sont le plus souvent nommées ensemble à l'exclusion 
des autres villes; ainsi Gen., xm, 10; Deut., xxxn, 32; 
Is., I, 9; m, 19; Jer., xxm, 14; xlix, 18; L, 40; Amos, 
iv, 11; Soph., it, 9; Math., x, 15; Rom., ix, 29; Juda, 
7. Ségor est désignée comme une des villes coupables 
et condamnée, mais épargnée à cause de la prière de 
Lot. Gen., xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et 
Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut., 
xxix, 23, et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois pré- 
sentée seule, soit parce qu'elle était la principale 
d'entre les cinq par son importance ou sa suprématie 
ou bien parce qu'elle fut la plus coupable. Cf. Is., m, 9; 
Thren,, iv, 6; Ezech.,xvi; Matth.,xi,23. Les autres villes 
sontappeléesic les filles », benêt, de Sodome, Ezech.,xvi, 
46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, in- 
dique la dépendance et les suppose dans une même 
région. Cette situation réciproque est attestée d'ail- 
leurs, Jer., xlix, 18; L, 40, où ces villes sont toutes 
appelées « voisines »; Juda, 7, où elles sont dites 
« villes des alentours », par rapport à Sodome et 
Gomorrhe. 

2° Situation, étendue et description de la région. — 
La Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c'est-à- 
dire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. Jourdain, 
t. ni, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez 
généralement cru à l'identité de la Pentapole avec « la 
vallée de Siddîm, vallis Silvestris, qui est la mer 
Salée », Gen., xiv, 8, 10, où les cinq rois des cinq 
villes se rangèrent en bataille pour soutenir l'attaque 
de Chodorlahomor et de ses alliés; ils ont admis, en con- 
séquence, qu'elle occupait tout le territoire recouvert 
aujourd'hui par les eaux de la mer Morte. Celte con- 
clusion dépasse certainement les données bibliques. 
La vallés de Siddîm où les cinq rois s'assemblèrent 
pour attendre leurs ennemis n'est pas présentée comme 
identique à la Pentapole ni même comme en faisant 
partie, puisque les rois « sortent » pour s'y rendre, 
Gen., xiv, 8; et si la vallée est devenue partie de la 
mer Salée, la Pentapole au contraire « est une terre 
brûlée par le soufre et le sel, inapte à être semée et où 
rien ne germe plus, et où l'herbe ne pousse plus ». 
Deut., xxix, 23; c'est une terre déserte et fumante, 
produisant des fruits étranges, où est demeurée une 
stèle de sel, monument attestant l'incrédulité de la 
femme de Lot. Sap., x, 7. Cf. Jer., xlix, 18; L, 40; 
Soph., il, 9; Amos, iv, 11. La vallée de Siddîm, appe- 
lée par Josèphe « la vallée des puits de Bitume », 
faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome, 
xocrà SôSoiia, et devint le lac Asphaltite, mais ne se 
confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par 
l'historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore 
de son temps, mais privée de sa splendeur passée et 
de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables, 
portant les indices du feu qui l'avait frappée et ne gar- 
dant plus que des restes informes des villes brillantes, 
riches et heureuses et qui en avaient été la gloire. Bell, 
jud., IV, vin, 4; Ant. jud., I, ix, xi, 3. Cf. Tacite, 
Hist-, v, 7; Solin, Polyhistor, 38; Reland, falsestina, 
p. 254. Les géologues modernes sont unanimes d'ail- 
leurs à affirmer la préexistence de la mer Morte à la 
catastrophe de la Pentapole, sauf à reconnaître qu'une 
partie de son territoire a pu postérieurement être en- 
vahie par les eaux du lac, à la suite d'un affaissement 
du sol. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1303-1307. 

Mais si l'espace recouvert par les eaux de la mer 
Morte ne peut avoir été, en général du moins, le terri- 
toire de la Pentapole, où faut-il chercher celui-ci? Une 
partie, celle qui en fut la principale, où se trouvait la 
métropole Sodome, occupait certainement la région qui 
s'étend au sud de la mer Morte. C'est là, au sud-est du 
lac, que Josèphe indique Zoara d'Arabie, identique avec 
Ségor ou Zoar de la Bible. Bell, jud., IV, vin. Cf. Moab, 
t. iv, col.' 1158, et Ségor. Cette ville où Lot arrivait au 



lever du soleil, en venant de Sodome qu'il avait quitté 
aux premières heures du jour, Gen., xix, 15, 23, 
fixe le site de cette rivière, non loin et dans la même 
région méridionale. Le nom de Sodome reste encore 
attaché, c'est ce que l'on reconnaît généralement, à une 
petite chaîne de collines, le Djebel Esdoum,qui s'étend 
à l'extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôr Sâfiéh, 
où l'on doit chercher le site de Ségor. La ville elle- 
même, on n'en peut douter, se trouvait dans le terri- 
toire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh 
n'a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former 
une riante et riche oasis, avec des plantations de pal- 
miers et diverses autres cultures, toute la région qui 
s'étend depuis le djebel Esdoum, à l'ouest, jusqu'aux 
abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres 
et une longueur de dix depuis l'extrémité sud de la mer 
Morte, n'est qu'une plaine désolée dont le sol est une 
marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom 
de Sebkhah, « terre salsugineuse . » Les abords du 
djebel Esdoum, le ghôr Sâfiéh, et la partie de la 
Sebkhah s'étendant entre les deux, ont nécessairement 
été une portion de la Pentapole, mais jusqu'où se déve- 
loppait-elle au delà? 

Outre l'ancienne opinion voyant dans la mer Morte 
la Pentapole recouverte, par les eaux, trois autres hypo- 
thèses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs 
anglais croyant qu'on pourrait reconnaître le nom de 
Gomorrhe dans celui de 'Amr porté par une vallée 
située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans 
celui du Tell eé-Saghûr que l'on trouve à l'est du Tell 
er-Raâméh, dans les anciennes Araboth à quelques mi- 
nutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damiéh 
donné à des ruines qui se voient non loin de l'embouchure 
du Zerqâ (Jaboc), inclinent à localiser ainsi la Pentapole 
tout entière au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong, 
Wilson et Conder, Names and places in the Old Testa- 
ment, Londres, 1887, p. 4, 71, 178, 186; Conder, Hand- 
book to the Bible, Londres, 1887, p. 238-241—2. M. Cler- 
mont-Ganneau, au contraire, pense quele nom de Ghamr 
étymologiquement identique à celui de Gomorrhe, men- 
tionné par la géographie arabe d'El Moqaddasi (Géogra- 
phie, édit, Goije, Leyde, 1873, p. 253) sur la route de Suq- 
qariéh à AHah, à deux journées de marche au nord de 
cette dernière, et que l'on retrouve aujourd'hui encore 
dans celui de 'aïn Ghamr, à quatre-vingts kilomètres en- 
viron au sud de l'extrémité méridionale de la mer Morte, 
propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud, 
dans YArâbah. Cf. Id., Recueil d'archéologie orientale, 
Paris, 1888, t. i, p. 163. — 3. Pour Guérin et d'autres, 
la Pentapole se développait autour de Sodome dont le 
djebel Esdoum est, de l'avis générai, le représentant 
incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au 
sud, la Sebkab, peut-être entière ; au nord toute la pointe 
méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du 
Lisân, sur une longueur de 17 kilomètres et une lar- 
geur de 13, avec les terrains qui bordent l'une et 
l'autre à l'est et à l'ouest. Cette partie inférieure de la 
mer Morte est une lagune dont la plus grande profon- 
deur dépasse à peine sept mètres. Les terrains se 
seraient affaissés à la suite de la catastrophe et auraient 
été postérieurement envahis par les eaux de la mer 
Morte. Dans cette partie devait se trouver la vallée de 
Siddîm devenue partie intégrante du lac et c'est dans 
son voisinage que se voyaient les diverses villes de la 
Pentapole. Cf. V. Guérin, Samarie, p. 291-298; Adama, 
t. i, col. 207; Gomorrhe, t. m, col. 273; Morte (Mer), 
col. 1307, 1308. 

La première opinion a le tort de ne pas tenir compte 
des traditions onomastiques et historiques locales, les 
premières sources d'information après la Bible, qui 
n'ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du 
djebel Esdoum et de montrer presque jusqu'à nos jours 
Ségor et « le pays du peuple de Lot », diyâr qum Lot, 



49 



PENTAPOLE 



PENTATEUQUE 



50 



c'est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la 
mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine tmder ihe 
Moslems, Londres, 1890, p. 286-292. Dans la seconde 
hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé 
beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, sem- 
ble-t-il, les données de la Bible et la conformation du 
sol : Ségor était, en effet, de ce côté la limite de la 
région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par 
Lot pour son habitation. Gen., xm, 10-12. Et au delà 
de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil 
devant lequel le Jourdain devait s'arrêter. Les diverses 
locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou 
la position des autres villes par rapport à Sodome, 
dont elles sont les « filles, les voisines, les villes du 
pourtour », déterminent aussi le rayon du cercle dans 
lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne 
paraît pas sortir de ces limites. On pourrait seulement 
lui contester, admise la préexistence de la mer Morte 
jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le 
Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l'arrosage 
des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur 
lesquelles elle s'appuie sont incontestables comme il le 
semble, elle demeure inébranlable et elles font de 
cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la 
formation ultérieure de la mer Morte; c'est la question 
des origines de ce lac. 

3° Histoire. — En principe, la Pentapole apparaît ha- 
bitée par des peuplades chananéennes de race ou d'as- 
similation. Gen., x, 19; Num., xm, 30. Arrosée par le 
Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l'Egypte 
et formait un jardin divin; sa beauté et sa fertilité ten- 
tèrent Lot, qui la choisit pour sa résidence, quand 
Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen., 
xm, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de 
la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée 
dans la vallée de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar, 
Arioch, roi d'Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et 
ïhadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug 
pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la trei- 
zième année, ils avaient repris leur indépendance. L'an- 
née suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir 
ravagé tous les pays des alentours, s'avancèrent de nou- 
veau contre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient 
rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim. 
liattus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes 
tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la 
région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les monta- 
gnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la popula- 
tion emmenée en captivité. Parmi les captifs se trou- 
vait Lot. Averti, Abraham se mit à la poursuite de 
l'armée victorieuse. Il tomba sur elle à l'improviste, la 
mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les pri- 
sonniers. Gen., xiv. Dans l'oisiveté et les jouissances de 
la table que leur permettait l'abondance de tous les 
biens produits presque spontanément par le sol le plus 
fécond, aveuglés par les richesses et l'orgueil, les habi- 
tants de la Pentapole étaient descendus au dernier degré 
de la perversion morale et s'étaient livrés aux dé- 
sordres les plus infûmes. Gen., xm, 13; xvnr, 20; xix, 
14-21 ; Ezech., xvi,49. Le Seigneur les punit en anéantis- 
sant la Pentapole avec ses habitants. Gen., xvm, 20-xix, 
30; Deut., xxix, 23, etc. — Cette terre riante et fortunée 
devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle 
apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'èvapora- 
tion extraordinaire de la mer Morte, semblable à une 
contrée fumante et plongée dans les brouillards. Les 
quatre villes brûlées n'ont plus jamais été relevées. Si 
on en voyait encore les débris au temps de l'historien 
Josèphe, aujourd'hui on ne sait plus même où les 
chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés 
fout allusion, Gen., six, 26, et Sap., x, 6, aurait existé 
encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s'il faut 
en croire Josèphe qui assure l'avoir vue. Ant. jud., I, 



xi, 4. On la montrait longtemps après encore et aujour- 
d'hui même un bloc de sel du Djebel Esdoum est 
appelé bent Seik Lout, « la fille (au lieu de la femme) 
de Lot. » Il est douteux que ce soit le même dont par- 
laient les anciens. Voir Loi (La. femme de), t. m, col. 
365. L. Heidet. 

PENTATEUQUE, nom donné aux cinq premiers 
livres de la Bible. 

I. Noms. — 1° De la collection. — Le nom de Penta- 
teuque n'est pas original. Il suppose la division en 
cinq livres qui, elle-même, n'est pas primitive. Sa plus 
ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abra- 
hamo,\, Opéra, Paris, 1640, p. 249; cf. De [migratione 
Abrahami, 3, ibid., p. 390, et dans Josèphe, Cont. 
Apion., i, 8, Opéra, Amsterdam, 1726, t. n, p. 441. 
Quelques critiques l'attribuent aux Septante, voir t. rv, 
col. 313-314; d'autres pensent qu'elle leur était anté- 
rieure. Saint Jérôme, Epist. Lit, ad Paulin., 8, 
t. xxn, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante, 
semble-t-il, que saint Paul, I- Cor., xrv, 19, y faisait 
allusion. Elle résulte peut-être de la distribution d'un 
rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq 
codices plus petits, à peu près d'égale dimension. Le 
premier emploi du nom grec irev-catfjxoi;, signifiant 
littéralement « cinq étuis i> (-nvyaç, étant l'étui dans 
lequel on plaçait chaque rouleau), se rencontre dans 
la lettre du valentinien Ptolémée (vers 150-175) à Flora. 
S. Épiphane, Hier., xxxin, 4, t. xli, col. 560. On 
croyait l'avoir rencontré dans un passage de saint Hip- 
polyte, édité par de Lagarde, Leipzig et Londres, 1858, 
p. 193, dans lequel le Psautier, divisé en cinq livres, 
était dit xod aÙTÔ à'XXov TrevrâTeuxav. Mais ce passage 
est de saint Épiphane. Hippolytus, dans Die grieschi- 
schen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, 
Leipzig, 1897, t. i, p. 143. Origène, Comment, in Ev. 
Joa., tom. il (fragment), t. xiv, col. 192, emploie 'ce 
nom, et ibid., tom. xm, n. 26, col. 444, il parle de tiic 
IlsvTaxeû-xou Mwjaéw;. Saint Athanase, Epist. ad Mar- 
cellin., 5, t. xxvn, col. 12, s'en sert. Saint Épiphane 
l'emploie plusieurs fois. De mens, et pond., 4,5,t.XLin, 
col. 244. Kn latin, ce nom apparaît pour la première 
fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Ter- 
tullien, Adv. Marcion., i, 10, t. n, col. 257. Il a la forme 
neutre : Pentateuchum, dans saint Isidore de Séville, 
Etym., VI, n, 1, 2, t. lxxxii, col. 230. Les cri- 
tiques ne s'accordent pas sur le point de savoir si, à 
l'origine, il était un adjectif, qualifiant (3têi.oç ou liber 
sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-même 
la signification d'ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv, 
col. 314. Quoi qu'il en soit, les anciens employaient des 
termes analogues, formés d'une manière identique. 
Ainsi Eusèbe, Prsep. evang., i, 10, t. xxi, col. 88, men- 
tionne un écrit d"OaTâv/|i;, intitulé : 'OxTa-re-Jxo;. Cer- 
tains manuscrits, contenant les huit premiers livres de 
la Bible, furent aussi désignés plus tard par le nom 
d"OxTo«EUxoç. Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1884, 
t. n, p. 412; de Lagarde, Septuagintastudien, Gœttin- 
gue, 1892, t. il, p. 60. Ce nom est employé couramment 
aujourd'hui pour désigner les manuscrits grecs conte- 
nant huit livres. Swete, An introduction to the Old 
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des 
noms analogues étaient usités chez les Latins pour dé- 
signer des manuscrits contenant les sept ou huit premiers 
livres de la Bible. Saint Ambroise, In Ps. cxvm expo- 
sitio, serm. xxi, 12, t. xv, col. 1506, parle d'un Hep- 
tateuchus, comprenant Genèse-Juges. Le canon de 
Cheltenham, de 359, après les Juges, signale les livres 
précédents comme formant une première collection : 
Fiunt libri Vil. Sanday, dans Studio biblica et eccte- 
siastica, Oxford, 1891, t. in. p. 222. Les critiques mo- 
dernes donnent le nom i'Hexateuque aux livres do 
Pentateuque en y joignant le livre de Josué, qu'ils re- 



51 



PENTATEUQUE 



gardent comme faisant partie de la même œuvre unique. 
Les Juifs anciens n'ont ni connu ni employé le nom 
de Pentateuque. Les rabbins l'ont adopté équivalemment 
plus tard quand ils ont appelé les livres de Moïse les 
« cinq cinquièmes de la Thora »,'min~ fi - a*n nrà", 

ou « les cinq cinquièmes », B'tfo'.n nwon. Les anciens 

se servaient d'autres dénominations. Comme les livres 
de Moïse sont en grande partie législatifs, les Juifs en 
nommaient le recueil, d'après la partie principale du 
contenu, minn, « la Loi, » Jos., vin, 34; I Esd., x, 3; 

II Esd., vin, 2, 14; x, 35, 37; II Par., xxv, 4, et plus 
tard min, « Loi, » sans article. Voir t. iv, col. 329. Quand ils 
considéraient le législateur ou le rédacteur de cette loi, 
ils disaient nata min, « Loi de Moïse, » Jos., vm, 32; 
1 (III) Reg., il, 3; Il (IV) Reg., xan, 25; Dan., ix, 11; 

I Esd., m, 2; vil, 6; II Par., xxm, 18; xxx, 16; ou 
plus clairement encore, minn isd, « livre de la Loi, » 

T 

Jos., i, 8; vin, 34; II Esd., vin, 3; on nwn min isd, 

« livre de la Loi de M'oïse ». Jos., vm, 31; xxm, 6; 

II (IV) Reg., xiv, 6; II Esd., vin, 1; ou plus brièvement, 
rwa isd, « livre de Moïse », I Esd., vi, 18; II Esd., xm, 

I ; II Par., xxv, 4; xxxv,12. Mais, lorsqu'on avait en vue. 
l'origine divine et la révélation de la Loi mosaïque, on 
la nommait nin» min, « Loi de Jéhovah, » I Esd., vu, 

10; I Par., xvi, 40; II Par., xxxi, 3; xxxv, 26; ou bien 
□iri^N min, « Loi d'Élohim, » II Esd., vm, 18; x, 29, 
30; ou nim min ISD, « livre de la Loi de Jéhovah, » 

II Par., xvn, 9; xxxiv, 14; ou a>fibN niin isd, « livre 
de la Loi d'Élohim, » Jos., xxiv, 26; II Esd., vin, 18; ou 
encore D'rfttf ou ni"» min ":sd, « livre de la loi de Jého- 
vah Élohim. » II Esd., ix, 3. Les Septante ont traduit 
ees passages par é vàjio; ou vôp.o; sans article. Dans le 
Nouveau Testament, les livres de Moïse sont désignés 
aussi parles mots 6 v6(io;, Matth.,v,17;Rom.,n, 12, etc., 
ou bien 6 vo[io; Mwja^wç, Luc, n, 22; xxiv, 44; 
Act., xxvm, 23; cf. Joa., i, 17; ou bien Siêloç MuO'o-éwc, 
Marc, xn, 26; ou simplement Mn'io^ç. Luc, xxiv, 27; 
Act., xv, 21. Dans le Talmud et chez les rabbins, les 
livres de Moïse sont nommés m'n nsc, « le livre de la 

Loi. » Buxtorf, Lexicon chaldaicum talmudicum rab~ 

binicum, p. 791 ; Levy, Chaldàisches Wôrlerbuch, 

p. 268. Le nom araméen de la collection est NnitN, 

t : - 

« loi. » Buxtorf, op. cit., p. 983; Levy, op. cit., p. 16; 
Aicher, Das alte Testament in der Mischna, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1906, p. 16. 

2° De chaque livre. — Les Juifs de Palestine et 
d'Alexandrie ont donné à chacun des cinq livres des 
noms différents. Dans la Bible hébraïque, les premiers 
mots du texte ont servi à désigner chaque livre : le 
premier est nommé n'tfsis, le 2 B , niais- û'îni ou nic^, 

le 3", *np»i, le 4 e , i.s-pt, et le 5 e , D'ia^n rrt« ou c>13~. 

Cf. Origène, InPs. I, t. xn, col. 1084; et dans Eusèbe, 
H. E., vl, 25, t. xx, col. 580; S. Jérôme, Prologus gaiea- 
tas, t. xxviii, co). 552; S. Isidore de Séville, Etym., 
1. VI, ci, n. 4, t. lxxxii, col. 229. A'oir Biblische 
•Zeitschrift, 1905, t. m, p. 149-150. Les rabbins ont 
cependant donné aux trois derniers de ces livres des 
noms qui résument leur contenu : ainsi ils appelaient 
Je 3 e , s'Jn's m'n, « loi des prêtres, »le4 e , =nv>s- -sih, 

« livre des recensements » (selon la transcription d'Ori- 
gène, loc, cit., et dansEusèbe, H.E., vi, 25, t. xx, col. 580, 
'A(j. ¥ u.5a'j)sxw6e['[i), ou encore ~.z~zz, « dans le désert, » 

et le 5 e , min nJ™'^, « répétition de la Loi, » d'après une 
T .... 

fausse interprétation de Deut., xvn, 18, qui parle seule- 
ment d'Un exemplaire de cette loi, c'est-à-dire duDeu- 



téronome, désigné sous le nom de m* ri. On a aussi 

T 

considéré*ce livre comme une mischnah, une Se'jïépto- 
<r;; to-j voiioO, une récapitulation de la législation pré- 
cédente. Cf. Jos., vm, 32. Les titres : n->x> nsc, « livre 

de la création, » et f'p'Tj, « dommages, « ne dési- 
gnaient pas, comme on l'a cru parfois, le premier et le 
second des cinq livres, mais seulement des sections 
particulières, à savoir le récit de la création et les lois. 
Exod., xxi, xxii. Voir J. Fùrst, Der Kanon des A. T. 
nach den Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch, 
Leipzig, 1868, p. 5-6; Buxtorf, Lexicon chald., p. 671. 

Les Juifs alexandrins dans la version à leur usage, 
dite version des Septante, ont désigné les cinq livres 
par des noms qui conviennent, sinon à tout leur con- 
tenu, du moins au sujet traité au commencement du 
livre. Ainsi le 1 er est désigné par son début fév^tç 
y.oano'j, ou simplement Téveatç; le 2» de même "EijoSo; 
AtyjTiTou ou "E?oSo; seulement; le 3 e A&veiTty.dv ou 
AsuiTMov; le 4 e 'Api8(ioi, et le 5 e AeuTepoviijieov. Philon 
nomme les trois premiers : .ylvsatç, lEayMyï] ou é?o5oç, 
Asumxdv ou Asuitcxt) pc'gXo;. Les chrétiens ont adopté 
ces noms; les Latins ont cependant traduit àpt9[W par 
Numeri. Cf. Origène et S. Jérôme, loc. cit.; les Philo- 
sopkoumena, vi, 15-16, t. xvi, col. 3215, 3218. Xhéo- 
dulfe, évêque d'Orléans, les a expliqués en vers. Car- 
mina, II, I, t. cv, col. 299. Ils ont passé dans toutes 
les langues par l'intermédiaire des versions faites sur 
la Vulgate latine. — Sur les sections massorétiques du 
texte hébreu, voir t. n, col. 559. 

II. Analyse. — Le Pentateuque, dans son ensemble, 
est un livre en partie historique, en partie législatif, 
qui raconte l'histoire du peuple d'Israël depuis la 
création du monde jusqu'à la mort de Moïse et qui re- 
produit la législation civile et religieuse de ce peuple 
au cours de la vie du législateur lui-même. En tenant 
compte du sujet traité et même partiellement de la 
forme littéraire, le Pentateuque se diviserait tout natu- 
rellement en trois parties. La Genèse, avec ses subdi- 
visions généalogiques, sert d'introduction aux quatre 
autres livres, et raconte l'histoire juive des origines 
jusqu'à la sortie d'Egypte. Le Deutéronome, composé 
principalement de discours, contient la récapitulation, 
faite au pays de Moab, de la législation du Sinaï et ter- 
mine l'histoire d'Israël sous la conduite de Moïse: 
L'Exode, le Lévitique et les Nombres, dits les trois 
livres du milieu, présentent les mêmes caractères : ils 
racontent les pérégrinations d'Israël dans le désert et 
contiennent la législation donnée aux Hébreux. Ce plan 
général présente donc une indéniable unité d'ensemble 
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio- 
naliste, 5« édit., Paris, 1902, t. m, p. 17-25. 

1° Genèse. — Ce livre est construit suivant un plan 
particulier, qui a été remarqué pour la première fois 
par Kurtz, Die Einheit der Genesis, Berlin, 1846, 
p. lxvii-lxviii. Il se partage en dix sections d'inégale 
longueur et d'inégale importance, qui débutent par une 
formule identique ; niVrn n)«, il, 4; v, 1 ; VI, 9; x, 1; 

xi, 27; xxv, 12; xxv, 19;xxxvi, 1; xxxvn, 2. La variante : 
hVtVh isû ht, v, 1, qui est synonyme de la précédente, 

et le double emploi, xxxvi, 1, 9, dans la notice d'Ésaû, 
dont le second n'est qu'une transition, ne changent pas 
le résultat, qui a été voulu et recherché pour lui-même. 
Le contenu des sections sert à indiquer le sens de tôldôf. 
Ce mot signifie étymologiquement générations ; il a 
une autre signification dans les titres des sections de la 
Genèse. Si ces titres n'étaient suivis que de la généa- 
logie des personnages nommés, le mot pôldôp signi- 
fierait seulement table généalogique. Mais comme la 
plupart des sections contiennent plus que de simples 
énumérations de noms, le sens réel du mot est plus 
compréhensïf. On pense généralement que de la signi- 



53 



PENTATEUQUE 



54 



fication dérivée : généalogie, l'auteur a passé à celui 
d'histoire. Le titre de ces récits indique dpnc leur 
genre littéraire. Non pas qu'il signifie : « histoire rela- 
tant des traditions populaires, » comme l'a prétendu 
le P. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirations- 
frage, dans les Biblische Studien, Fribourg-en-Bris- 
gau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 26-32 ; mais bien histoire, 
fondée sur les généalogies, développées par des récits, 
parce que les généalogies constituaient la partie prin- 
cipale et le cadre de l'histoire primitive*. Cf. abbé de 
Broglie,Les généalogies bibliques, dans le Congrès scien- 
tifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i, 
p. 94-101. Voir t. m, col. 160. Le sens d'histoire une 
fois admis, l'auteur l'a appliqué même aux choses ina- 
nimées, auxcieux et à la terre, n,4, dont il racontait la 
création. 

Après une introduction sur la création du monde en 
six jours, i, l-ii, 3, voir t. u, col. 1034-1054, la Genèse 
se divise donc en dix sections, débutant par le même 
titre : 1° Histoire du ciel et de la terre, ir, 4-iv, 26. 
Après le titre, u, 4, cette section raconte la création 
spéciale de l'homme et de la femme, il, 5-25; la ten- 
tation et la chute d'Adam et d'Eve, leur expulsion du 
paradis terrestre, m, 1-24;** la naissance de Caïn et 
d'Abel, les caractères différents de ces deux fils d'Adam, 
le meurtre d'Abel par Caïn et la punition du meurtrier, 
iv, 1-16; l'histoire de la postérité de Caïn et la nais- 
sance de Seth, iv, 17-26. — 2° Histoire d'Adam, v, 1-vi, 8. 
Cette section donne la généalogie des dix patriarches 
antédiluviens depuis Adam jusqu'à Noé, v, 1-31, et ra- 
conte la perversion de l'humanité primitive, perver- 
sion qui attire sur la terre les châtiments de Dieu, vi, 
1-8. — 3° Histoire de Noé, VI, 9-ix, 29. Noé, parce qu'il 
est juste, trouve grâce devant Dieu qui lui ordonne de 
construire une arche, destinée à le sauver du déluge, 
lui, sa famille et un couple de chaque espèce d'ani- 
maux, vi, G-22. Il entre dans l'arche, vu, 1-9. La pluie 
tombe pendant quarante jours et quarante nuits et les 
eaux qui couvrent et détruisent tout demeurent sur la 
terre durant 150 jours, vu, 10-24. Après la cessation de 
la pluie, les eaux diminuent progressivement et Noé 
sort de l'arche, vm, 1-14. Voir Déllge. Il offre un sa- 
crifice à Dieu qui le bénit et fait alliance avec lui, vm, 
15-ix, 17. Il plante la vigne, maudit Cham, bénit Sem 
et Japlieth, et meurt, îx. 18-29. — 4» Histoire des fils de 
Noé. x, 1-xi. 9. Elle se réduit à la table des peuples 
issus de Japheth, de Sem, x, 1-32, à laquelle est joint 
le récit de la construction de la tour de Babel et de la 
confusion des langues, xi, 1-9. — 5° Histoire de Sem, 
xi, 10-26. C'est la répétition de la généalogie de Sem et 
sa continuation jusqu'à Tharé, père d'Abraham. — 
6° Histoire de Tharé et d'Abraham, xi, 27-xxv, 11. La vie 
de Tharé et de ses enfants ayant été résumée, XI, 27- 
32, l'histoire spéciale d'Abraham commence par le récit 
de sa vocation et de sa migration de Haran au pays de 
Chanaan, xfi, 1-9, et par celui de son séjour en Egypte 
et de la préservation de Sara, son épouse, xii, 10-20. 
Revenu en Chanaan, Abraham se sépare de Lot, son 
neveu, xin, 1-13. et Dieu promet de donner le pays à sa 
postérité, xni, 14-18. Quatre rois confédérés envahissent 
la Pentapole et emmènent Lot qui habitait à Sodome, 
xiv. 1-12; Abraham poursuit les envahisseurs et leur 
ravit le butin qu'ils avaient enlevé. Alelchisédech bénit 
Abraham et celui-ci rend au roi de Sodome tout son 
bien, xiv, 13-24. Dieu conclut une alliance solennelle 
avec Abraham, à qui il prédit les destinées de sa race, 
xv, 1-21. Abraham épouse Agar, qui enfante lsmaèl, 
après avoir fui au désert pour échapper aux mauvais 
traitements, que Sara, sa maitresse, lui infligeait, xvi, 
1-16. Dieu change le nom d'Abram en celui d'Abraham, 
renouvelle ses promesses, institue la circoncision et 
prédit la naissance d'un fils de Sara, xvn, 1-22. Abra- 
ham se circoncit et avec lui toute sa famille, xvn, 



13-27. Trois anges lui apparaissent, lui renouvellent 
l'annonce d'un fils de Sara et le préviennent de la ruine 
de Sodome et de Gomorrhe, qu'ils vont accomplir 
malgré l'intervention d'Abraham, xvm, 1-33. Récit 'du 
crime des Sodomites et de la délivrance de Lot, xix, 
1-29; naissance incestueuse de Moab et d'Ammon,xrx, 
30-38. Aventure de Sara chez Abimélech, roi de Gérare, 
xx, 1-18. Naissance d'Isaac et expulsion d'Ismaël, xxi, 
1-21. Alliance d'Abraham avec Abimélech, xxi, 22-34. 
Abraham se dispose à immoler Isaac sur l'ordre de 
Dieu, qui, satisfait de sa bonne volonté, arrête sa main 
et renouvelle les promesses précédentes, xxn, 1-19. 
Postérité de Nachor, xxm, 20-24. Mort et sépulture de 
Sara dans le champ d'Éphron, xxm, 1-20. Abraham 
envoie un de ses serviteurs en Mésopotamie chercher 
une femme à Isaac, xxiv, 1-9; prière de ce serviteur 
qui rencontre Rébecca, xxiv, 10-28; il la demande en 
mariage pour son jeune maître, xxiv, 29-54, et la ra- 
mène, xxiv, 55-61. Mariage d'Isaac, xxiv, 62-67. Abra- 
ham épouse Cétura, partage ses biens entre ses enfants, 
meurt et est enseveli avec Sara, xxv, 1-11 — 7° Histoire 
d'Ismaël, xxv, 12-18. Elle se réduit à l'indication de sa 
postérité et au récit de sa mort. — 8° Histoire d'Isaac, 
xxv, 19-xxxv, 29. Naissance d'Ésaù et de Jacob, xxv, 19- 
26. Ésaû vend son droit d'aînesse, xxv, 27-34. Au temps 
d'une famine, Isaac va chez Abimélech, reçoit des pro- 
messes divines et fait passer Rébecca pour sa sœur, 
xxvi, 1-11. Ses richesses excitent l'envie des habitants, 
qui bouchent les puits qu'il a creusés, xxvi, 12-22. 
ABersabée, Dieu lui apparaît de nouveau, et Abimélech 
vient contracter alliance, xxvi, 23-33; double mariage 
d'Ésaù, xxvi, 34, 35. Jacob obtient la bénédiction de 
son père à la place d'Ésaù, xxvn, 1-29; Ésaù est béni à 
son tour, xxvn, 3040. Jacob va en Mésopotamie pour 
échapper à la colère de son frère et pour chercher une 
femme de sa race, xxvn, 41-xxvm, 5. Ésati épouse une 
troisième femme, xxvm, 6-9. Sur le chemin de Haran, 
Jacob a une vision à Béthel, xxvm, 10-22. 11 rencontre 
Rachel, fille de Laban; il l'épouse ainsi que Lia, sa 
sœur, xxix, 1-30. Naissance de onze fils et d'une fille, 
x.xix, 31-xxx, 24. Jacob fait avec Laban des conventions, 
et il s'enrichit habilement, xxx, 25-43. Parce que les fils 
de Laban le jalousaient, il quitte furtivement Haran et 
Laban le poursuit, xxxi, 1-24. Ils contractent ensemble 
une alliance, xxxi, 25-55. Jacob envoie des présents à 
Ésaii'xxxn, 1-21; il lutte avec un ange, xxxii, 22-32. 
Ésafi lui fait bon accueil, xxxiii, 1-17. Jacob passe à 
Salem et achète le champ d'Hémor à Sichem, xxxiii, 
18-20. Enlèvement de Dina par les Sichémites et ven- 
geance de ses frères, xxxiv, 1-31. Dieu apparaît de 
nouveau à Jacob et lui ordonne de lui élever un autel 
à Béthel, xxxv, 1-7. Mort de Débora, nourrice de Ré- 
becca, et changement du nom de Jacob en celui d'Israël, 
xxv, 8-15. Naissance de Benjamin et mort de Rachel, 
xxxv, 16-20. Inceste de Ruben, liste des fils de Jacob 
et mort d'Isaac, xxxv, 21-29. — 9° Histoire d'Ésaù, 
xxxvi, 1-42. Elle n'est que le tableau généalogique de 
sa postérité. — 10° Histoire de Jacob, xxxvn, 1-L, 25. 
Joseph, le fils préféré de Jacob, est jalousé par ses 
frères, xxxvn, 2-11. Envoyé pour les rejoindre à Do- 
thain, il est vendu par eux à des Ismaélites qui le re- 
vendent à Putiphar, xxvn, 12-36. Les fils de Juda, spé- 
cialement à la suite de ses relations avec Thamar, sa 
bru, xxxviii, 1-30. Joseph chez Putiphar'; accusé par la 
femme de son maître, il est jeté en prison, xxxix,1-23. 
Il interprète les songes du panetier et de l'échanson 
du Pharaon, XL, 1-23; puis ceux du Pharaon lui-même, 
xli, 1-36; c'est pourquoi il est mis à la tète de l'Egypte, 
XXI, 37-46. Les sept années de fertilité; naissance des 
fils de Joseph, xli, 47-52. Commencement de la famine, 
xli, 53-57. Jacob envoie ses fils en Egypte; Joseph les 
reconnaît, retient Simëon en captivité et renvoie les 
autres à leur père, xlii, 1-25. Leur retour; Jacob re- 



55 



PENTATEUQUE 



56 



îuse àe \a\sser partir Benjamin, xui, 26-38. Contraint 
par la famine, il consent au départ de Benjamin, XLin, 
1-15. Ses fils sont reçus par le chef de la maison de 
Joseph, puis par Joseph lui-même, xliii, 15-34. La coupe 
de Joseph est mise à dessein dans le sac de Benjamin ; 
Joseph veut punir le ravisseur; Judas s'offre à la place 
de son jeune frère, xliv, 1-34. Joseph se fait reconnaître 
et veut faire venir son père en Egypte, xlv, 1-28. Arri- 
vée de Jacoh en Egypte, et liste de ses enfants et petits- 
enfants, xl vi, 1-27. Rencontre de Joseph et de son père, 
xlvi, 28-34. Joseph obtient de Pharaon la terre de Ges- 
sen, xlvii, 1-12. Les Égyptiens achètent des vivres, 
xlvii, 13-26. Après 17 ans de séjour en Egypte, Jacob 
fait à Joseph ses dernières recommandations, xlvii, 27- 
31. Devenu malade, il adopte les deux fils de Joseph et 
les bénit, xlviii, 1-22. Il bénit tous ses fils et meurt, 
xlix, 1-32. Joseph le fait ensevelir en Chanaan, l, 1-12. 
Ses frères lui demandent pardon; il leur promet ses 
bonnes grâces. Sur le point de mourir, il demande que 
ses ossements soient un jour emportés au pays de Cha- 
naan. Il meurt et il est enterré en Egypte, L, 13-25. 

On a prétendu que, dans la pensée de l'auteur, le 
nombre des dix sections avait une valeur symbolique 
et signifiait l'universalité ou la perfection de l'histoire 
primitive de la théocratie. Mais cette idée symbolique, 
imaginée par les critiques modernes, n'est probable- 
ment jamais entrée dans l'esprit de cet auteur. 

Le « schématisme », comme on dit, de la Genèse ne 
se manifeste pas seulement dans ce sectionnement en 
dix parties ayant le même titre ; on le remarque encore 
dans la disposition des sections et dans le procédé, 
identiquement suivi pour chaque section. Les tôldôt sont 
disposées dans l'ordre de leur importance. Il y en a de 
deux sortes, en effet, celles de la ligne directe d'Adam 
à Jacob, et celles des lignes latérales, au nombre de 
trois, à savoir, celles des enfants de Noé, d'Ismaël et 
d'Ésaù. Ces dernières, qui ont moins d'importance, 
sont plus courtes et elles précèdent toujours les branches 
parallèles delà ligne principale. Elles sont donc inten- 
tionnellement placées en avant et peu développées en 
raison de leur moindre importance. Les branches secon- 
daires sont ainsi éliminées, et ne reparaissent plus qu'ac- 
cidentellement, quand elles sont mêlées à l'histoire 
de la branche principale. Du reste, ce procédé d'éli- 
mination est employé dans tout le livre, dont le con- 
tenu se restreint toujours de plus en plus. L'histoire, 
d'universelle qu'elle était au début, se particularise 
progressivement pour n'être plus que l'histoire reli- 
gieuse d'Israël. Caïn et sa race sont éliminés dans 
l'histoire d'Adam; les descendants"de Seth, sauf Noé, à 
partir de l'histoire de ce dernier; Cham et Japheth 
disparaissent de l'histoire de Sem; les autres fds de 
Sem sont exclus de l'histoire de Tharé et d'Abraham. 
A partir d'Ismaël, les branches secondaires, qui forment 
des sections spéciales, sont vite laissées hors d'obser- 
vation et avec les tôldôt de Jacob commence l'histoire 
du peuple élu, du peuple théocratique. 

D'autre part, l'écrivain suit un ordre déterminé dans 
les développements de chaque section. Le titre est 
suivi d'ordinaire d'une" récapitulation de la section pré- 
cédente. Ainsi Gen., il, 4, résume l'introduction, i, 1-n, 
3; v, 1, répète i, 27; xxv, 12, résume xvi, 1, 3, 15, 16; 
xxv, 19, condense xvn; xxi, 2-5. Au début des autres 
sections, il y a un point de repère avec ce qui précède : 
VI, 10-12, répète les noms des fils de Noé, v, 32, et les 
causes du déluge, xi, 1-5; x, 1, est la répétition de ix, 
18, 19; xi, 27, reproduit le verset qui termine la section 
précédente; xxXvi, 2, 3, récapitule les noms des femmes 
d'Ésaii, xxvi, 34; xxvm, 9; xxxvn, 1, est la répétition 
de xxxv, 27. Ce procédé récapitulatif, remarqué par 
Raban Maur, Comment, in Gen., 1. II, c. xn, t. cvn, 
col. 531-532, donne l'explication des répétitions signa- 
lées par les critiques comme indice de la diversité des 



sources. Les fôldôf d'un patriarche emhrassent toujours 
tout le développement qu'a pris sa maison de son 
vivant. Ainsi celles d'Abraham comprennent l'histoire 
d'Ismaël et d'Isaac, qui sont réunis pour ensevelir leur 
père, xxv, 9; celles d'Isaac racontent l'histoire d'Ésaû, 
qui, lui aussi, se joint à Jacob pour ensevelir Isaac, 
xxxv, 29; celles de Jacob comprennent l'histoire de ses 
fils jusqu'à sa mort, l, 12, et à celle de Joseph, L, 25. 
La vie du patriarche est plus ou moins développée. 
Elle est réduite parfois à quelques mots, v, xi; ou à 
quelques lignes, xi, 28-31 ; pour Noé, Abraham et Jacob, 
elle raconte de nombreux faits. Quand elle est détaillée, 
elle se termine d'une manière à peu près uniforme : 
l'écrivain indique la durée totale de la vie du héros et 
sa sépulture avec ses ancêtres, ix, 29; xi, 32; xxv, 7; 
xxxv, 28; xlvii, 28. Le total des années des patriarches 
est aussi indiqué au c. v; mais il ne l'est pas au c. xi, 
10-26. 

Ce plan suivi est indéniable et prouve que la Genèse 
a été rédigée dans un but déterminé et d'après un ordre 
fixé. Les critiques modernes l'attribuent au rédacteur 
définitif du Pentateuque qui, selon eux, aurait emprunté 
au code sacerdotal le cadre généalogique et le schéma- 
tisme, lesquels seraient Une des caractéristiques de 
cette source. Il montre, à tout le moins, l'unité actuelle 
de ce livre, compris comme un vaste tableau généalo- 
gique, embrassant les détails connus de l'histoire pri- 
mitive et de l'histoire patriarcale. Cf. P. Delattre, Plan 
de la Genèse, dans la Revue des questions historiques, 
juillet 1876, t. xx, p. 5-43; Id., Le plan de la Genèse 
et les générations du ciel et de la terre, dans la Science 
catholique^ du 15 octobre 1891, t. v, p. 978-989; P. de 
Broglie, Élude sur les généalogies bibliques, dans le 
Congrès scientifique international des catholiques de 
1888, Paris, 1889, t. i, p. 94-101; P. Julian, Étude cri- 
tique sur la composition de la Genèse, Paris, 1888, 
p. 232-250. 

A ne considérer que le contenu de la Genèse, on a 
proposé des divisions logiques en deux ou huit parties. 
Dans le premier cas, le livre raconte : 1° l'histoire de 
l'humanité depuis la création jusqu'à la vocation 
d'Abraham, n, 4-xi, 26; 2° l'histoire des patriarches 
Abraham, Isaac et Jacob, ancêtres du peuple juif, jus- 
qu'à la mort de Jacob et de Joseph en Egypte, xi, 27-L, 

25. Chacune de ces parties principales se subdiviserait 
en cinq sections, commençant par tôldôt. Cf. R. Cor- 
nely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, 
Paris, 1887, t. n, p. 8-10. Beaucoup de critiques mo- 
dernes acceptent cette division et séparent l'histoire pri- 
mitive, i, 1-xi, 9, de l'histoire des patriarches, xi, 28-L, 

26, reliée à la première par la généalogie de Sem, xi, 
10-27. Dans le second cas, on distingue : 1° la création 
du monde et de l'homme, i, 1-in, 24; 2» l'histoire de 
l'humanité jusqu'au déluge et l'alliance conclue entre 
Dieu et Noé après le cataclysme, IV, 1-ix, 17; 3° les 
trois fils de Noé considérés comme pères de l'humanité 
postdiluvienne, ix, 18-x, 32; 4° la séparation des 
hommes au point de vue des langues, la formation 
des nations, et la généalogie de Sem, xi; 5° l'histoire 
d'Abraham, père du peuple de la promesse, xn, 1-xxv, 
11; 6° la généalogie d'Ismaël, xxv, 12-18, et l'histoire 
d'Isaac, xxv, 19-xxxv, 39; 7» la généalogie d'Ésaù, xxxvi; 
8° l'histoire de Jacob, xxxvii-l. 

2° Exode. — Après la mort de Joseph, l'histoire du 
peuple d'Israël ne procède plus par généalogies. Israël 
est devenu un peuple et son histoire, squs la conduite 
de Moïse, est celle de sa constitution nationale et reli- 
gieuse. Elle se poursuit dans les quatre autres livres du 
Pentateuque, qui sont à la fois historiques et législa- 
tifs. La séparation des trois livres du milieu est un peu 
arbitraire; elle n'a eu peut-être d'autre raison, comme 
nous l'avons déjà dit, que la nécessité de diviser en 
parts à peu près égales un rouleau qui, autrement, 



57 



PENTATEUQUE 



58 



aurait été trop -volumineux. Les faits qu'ils racontent 
se suivent et se complètent. On peut néanmoins consi- 
dérer chacun d'eus comme un tout séparé. 

L'Exode, après un court préambule, i, 1-7, qui est 
comme la récapitulation des fôldôp de Jacob, peut se 
diviser en trois parties très distinctes : la première partie 
raconte les événements qui ont précédé et préparé la 
sortie d'Egypte, I, 8-xn, 36, à savoir, l'oppression des 
Israélites par un nouveau Pharaon, qui n'avait pas 
connu Joseph, i, 8-22; l'histoire de Moïse avant sa voca- 
tion, II, 1-25; la vocation de Moïse comme sauveur de 
son peuple, son retour en Egypte et l'accueil que lui 
font les Israélites, m, 1-iv, 31; les premières tentatives 
de Moïse et d'Aaron auprès du roi d'Egypte, v, 1-vi, 
13; une généalogie des fils de Kuben, Siméon et Lévi, 
précédant et préparant la généalogie de Moïse, vi, 14- 
30; une nouvelle mission divine de Moïse et la descrip- 
tion des neuf premières plaies d'Egypte, vin, 1-x, 29; 
la prédiction de la dixième plaie, XI, 1-10; l'institution 
et la célébration de la première Pâque, xn, 1-28, la 
mort des premiers-nés des Égyptiens et les préparatifs 
de la sortie d'Egypte, 29-36. La seconde partie rapporte 
les faits accomplis depuis la sortie d'Egypte jusqu'à 
l'arrivée des Israélites au pied du Sinaï, xn, 37-xviu, 
27. Le récit du départ des Israélites est suivi de la 
législation concernant la Pâque future, souvenir et 
anniversaire de la première et la consécration des 
premiers-nés, xn, 37-xni, 16. Viennent ensuite le récit 
des premiers campements des Israélites, la poursuite 
de l'armée égyptienne, qui serre les fugitifs sur les 
bords de la mer Rouge, xm, 17-xiv, 14. Les Israélites 
passent la mer à pied sec, et les Égyptiens sont englou- 
tis dans les Ilots, xiv, 15-31. Cantiques de Moïse et de 
Marie, sa sœur, xv, 1-21. Les stations dans le désert 
sont ensuite spécifiées avec les événements qui s'y 
rattachent : à Sur, à Mara, à ÉHm,xv, 22-27, au désert 
de Sin avec l'envoi des cailles et de la manne, xvi, 1- 
36, à Raphidim, où l'eau sort du rocher, xvn, 1-7, et 
où les Israélites battent les Amalécites, 8-16. La visite 
de Jéthro, beau-père de Moïse, sert d'occasion à l'institu- 
tion des juges du peuple, xvm, 1-27. La troisième 
partie débute par le voyage de Raphidim au pied du 
Sinaï, xix, 1, 2. A cette longue station se rattache une 
portion de la législation mosaïque, de sorte que l'ou- 
vrage, d'historique qu'il était, devient code législatif. 
Moïse monte au sommet du mont Sinaï, où Dieu lui 
indique les préparatifs, puis, trois jours après, les dis- 
positions extérieures de la promulgation de ce qu'on a 
appelé son alliance avec Israël, xix, 3-25. Suit la pro- 
mulgation du Décalogue et des conditions de l'alliance 
qui forment le livre de l'alliance, xx, 1-xxiu, 33. Ce 
livre, ainsi nommé, xxiv, 7, comprend la loi de l'autel, 
xx, 24-26, des lois sur les esclaves, xxi, 1-11, sur l'homi- 
cide et les rixes, 12-27, sur les dommages causés par 
les animaux, 28-36, sur les voleurs, xxn, 1-4, les damni- 
ficateurs, 5, 6, les dépositaires négligents, 7-13, sur le 
prêt, 14, 15, sur des points de morale ou de religion, 
xxn, 16-xxiii, 9, sur l'année sabbatique et le sabbat, 
10-12, et les trois fêtes annuelles, 13-19. Des promesses 
sont attachées à l'observation de ces lois, 20-33. Voir 
t. i, col. 388. L'alliance, fondée sur ces conditions, est 
conclue entre Dieu et Israël, xxiv, 1-8. Dieu se manifeste 
aux anciens du peuple, puis à Moïse seul qui, pendant 
quarante jours et quarante nuits au sommet de la mon- 
tagne, reçoit du Seigneur une description précise de 
l'arche d'alliance, de la table des pains de proposition, 
du candélabre à sept branches, du tabernacle et de 
l'autel des holocaustes, des vêtements sacerdotaux, des 
rites de la consécration des prêtres, diverses lois, la 
désignation des constructeurs du tabernacle et une loi 
relative à l'observance du sabbat, xxiv, 9-xxxi, 18. Le 
récit historique reprend. Pendant l'absence prolongée 
de Moïse, le peuple adore le veau d'or. Dieu s'en irrite; 



Moïse intercède pour le peuple, brise les tables de la 
loi, renverse l'idole, punit les coupables, intercède de 
nouveau auprès du Seigneur, qui fait grâce au peuple 
repentant, xxxn, 1-xxxin, 6. Moïse transporte le taber- 
nacle hors du camp et Dieu propose de renouveler 
l'alliance rompue par l'infidélité des Israélites. Moïse 
taille de nouvelles tables, reçoit une seconde fois de 
Dieu les conditions de l'alliance, après 40 jours de 
séjour au sommet du Sinaï, rapporte les tables de la 
loi, gravées de sa propre main, et reparaît le visage 
resplendissant de la gloire divine, xxxiii, 7-xxxiv, 35. 
Les ordres divins au sujet de la construction du taber- 
nacle et des instruments du culte s'accomplissent : les 
Israélites apportent leurs dons; les ouvriers désignés 
les emploient à la construction du tabernacle, de l'arche, 
de la table des pains de proposition, du candélabre, 
des autels et des vêtements sacerdotaux, xxxv, 1-xxxix, 
29. Tout le travail achevé est béni par Moïse. Dieu or- 
donne d'ériger le tabernacle, de vêtir et d'oindre les 
prêtres. Ses ordres sont exécutés, et la nuée du Sei- 
gneur couvre le tabernacle, xxxix, 30-XL, 36. 

3° Lévitique. — Ce livre est presque en entier légis- 
latif et continue l'exposé des lois, données par Dieu à 
Moïse au Sinaï. Les nombreuses lois qu'il contient sont 
codifiées sans ordre logique. Il y a cependant certains 
groupements de dispositions concernant le même sujet. 
Une première section, i-vn, est consacrée aux sacrifices : 
holocaustes, i, 1-17; oblations, n, 1-16; sacrifices paci- 
fiques, ni, 1-17; sacrifices pour le péché involontaire, 
iv, 1-v, 13, et pour le délit volontaire, v, 14-vi, 7. Sui- 
vent les préceptes concernant les prêtres dans l'offrande 
de ces divers sacrifices, vi, 8-10, puis de nouvelles pres- 
criptions au sujet des sacrifices pacifiques entrecou- 
pées par la défense réitérée de manger la graisse et le 
sang, vu, 11-34, et terminées par une conclusion géné- 
rale, 35-38. Une seconde section raconte en détails la 
consécration d'Aaron et de ses fils, vm, 1-36, et l'inau- 
guration de leurs fonctions, ix, 1-24. Suit l'épisode de 
la punition de Nadab et d'Abiu, coupables d'un man- 
quement dans le service divin, x, 1-27. Enfin vient la 
défense faite aux prêtres de boire du vin et des liqueurs 
enivrantes, et une prescription relative à la manduca- 
tion des restes du sacrifice, x, 8-20. Une troisième 
section réunit les lois de la pureté légale, xi-xv : les 
animaux purs el impurs, xi, 1-47; la purification de la 
femme en couches, xn, 1-8; la lèpre des hommes, xm, 
1-46, des habits, xm, 47-59; la purification du lépreux, 
xiv, 1-32; la lèpre des maisons, 33-53; récapitulation, 
54-57; les impuretés sexuelles, xv, 1-33. Une quatrième 
section expose les rites de la fôte annuelle de l'expia- 
lion, xvi, 1-34. Après une loi spéciale sur l'immolation 
des victimes et la défense de manger le sang et les 
bêtes mortes, xvn, 1-16, une cinquième section groupe 
les lois concernant la pureté extérieure et inté- 
rieure, xvm, 1-5, à savoir les mariages interdits, xvm, 
6-30; les devoirs envers Dieu et le prochain, xix, 1-18, 
et différents préceptes de même nature, xix, 19-37. Des 
peines sévères sont portées contre les violateurs de ces 
dispositions, xx, 1-27. Lois spéciales sur la sainteté des 
prêtres, irrégularités sacerdotales, xxi, 1-24. Conditions 
à remplir par les prêtres et les membres de leurs 
familles pour pouvoir manger les choses saintes, xxn, 
1-16. Qualités que doivent avoir les victimes des sacri- 
fices, 17-30. Conclusion, 31-33. Liste des fêtes à célébrer, 
xxm, 1-44. Loi sur l'huile du tabernacle et les pains 
de proposition, xxiv, 1-9. A l'occasion d'un fait parti- 
culier, peine portée contre les blasphémateurs, xxrv, 
10-23. L'année sabbatique et le jubilé, xxv, 1-55. Pro- 
messes et menaces pour l'observation ou la violation de 
la loi divine, xxvi, 1-45. Loi sur les vœux et les dîmes, 
xxvn, 1-34. 

4° Nombres. — Ce livre reprend le récit du séjour 
des Israélites dans le désert, récit qui avait été inter- 



59 



PENTATEUQUE 



60 



rompu par l'exposé de la législation donnée par Dieu à 
Moïse sur le Sinaï. Il le reprend au départ du Sinaï, 
au second mois de la seconde année après la sortie 
d'Egypte, et il le conduit jusqu'au onzième mois de la 
quarantième année du séjour dans le désert. Mais 
l'histoire de ces 38 années n'est pas racontée en détail ; 
seuls, les événements du début et de la fin de cette 
période sont rapportés. Des lois nouvelles sont insérées 
dans la trame des faits. Les Nombres peuvent donc se di- 
viser en trois parties : — l re partie. Événements qui se 
sont produits depuis les préparatifs du départ du Sinaï 
jusqu'à la condamnation divine du peuple révolté, i-xiv. 

— Elle se subdivise en deux sections : — l re section. 
Préparatifs du départ : 1» recensement du peuple d'où 
le livre a pris son nom, et office des lévites, i, 1-54; 
2° ordre des campements, n,l-34; 3" généalogie, office, 
recensement et place des lévites, m, 1-39; recense- 
ment des premiers-nés que remplacent les lévites, 40- 
51; offices de chaque famille de lévites, iv, 1-33; réca- 
pitulation, 34-49; 4» lois particulières, dont la première 
concerne la pureté du campement, v, 1-vi, 27; 5° re- 
tour en arrière et récit de ce qui s'est passé au premier 
mois de la seconde année, lors de l'érection du taber- 
nacle, cf. Exod. xl, 1 ; offrande de chariots pour porter 
le tabernacle, et autres offrandes des princes de chaque 
tribu, Num., vu, 1-89; loi relative au candélabre, vin, 
1-4; consécration des lévites et durée de leur ministère, 
vin, 5-26; la Pâque de la seconde année, avec une 
Pâque extraordinaire, IX, 1-14; signaux de la levée du 
camp, la nuée lumineuse et le son des trompettes, IX, 
15-x, 10. — II e section. Départ du Sinaï jusqu'à la dé- 
faite des Israélites par les Amalécites : le 22 du second 
mois de la deuxième année, levée du campement et 
ordre de la marche, x, 11-28; Moïse invite Hobab à le 
suivre, 29-32; après trois jours de marche, murmure 
du peuple puni par l'incendie d'une partie du camp, xi, 
1-3; le peuple venu d'Egypte, las de la manne, veut de 
la viande; Dieu donne à Moïse des aides pour gouverner 
et envoie des cailles, xi, 6-34; reproches d'Aaron et de 
Marie contre Moïse; Marie est couverte de lèpre, xn, 
1-15. De Pharan, Moïse envoie au pays de Chanaan des 
explorateurs dont le récit, à leur retour, provoque une 
sédition du peuple, xm, 1-xiv, 10; Dieu fait périr les 
explorateurs coupables et condamne les Israélites ré- 
voltés à séjourner quarante ans dans le désert, xiv, 11- 
38; le peuple prend les armes, mais est battu par les 
Amalécites, xiv, 39-45. — II e partie. Quelques épisodes 
des quarante ans du séjour dans le désert. — Lois di- 
verses, xv, 1-31; un violateur du sabbat lapidé, xv, 32- 
36; loi des franges aux vêtements, xv, 37-41. Révolte 
de Cpré, de Dathan et d'Abiron, xvi, 1-40; punition des 
murmures du peuple, xvi, 41-50; la verge d'Aaron 
fleurit, xvn, 1-13. Offices, droits et charges des prêtres 
et des lévites, xvm, 1-32; immolation de la vache 
rousse, et lois de purification, xix, 1-22. — III e partie. 
Derniers événements de la fin du séjour dans le désert. 

— Après la mort de Marie, révolte à Cadès; Moïse frappe 
deux fois le rocher, xx, 1-13; ambassade au roi d'Édom 
qui refuse le passage sur ses terres, xx, 14-21; mort 
d'Aaron à Hor, xx, 22-30; victoire remportée sur le roi 
Arad, xxi, 1-3; les Israélites contournent l'Idumée, se 
plaignent de Moïse et sont punis par des serpents de 
feu, xxi, 4-9; itinéraire suivi jusqu'à l'Arnon; chant de 
l'Arnon et chant du puits, xxi, 10-20; expédition contre 
Séon et chant d'Hésébon, xxi, 21-30; victoire remportée 
sur Og, xxi, 31-35. Dans les champs de Moab, bénédic- 
tions et oracles de Balaam, xxii, 1-xxrv, 25; crime des 
Israélites, zèle de Phinées et ordre d'exterminer les 
Madianites, xxv, 1-18. Nouveau recensement du peuple, 
xxvi, 1-65. Loi sur les filles héritières à l'occasion des 
filles de Salphaad, xxvn, 1-11. Josué est institué suc- 
cesseur de Moïse, xxvn, 12-23. Lois sur les sacrifices, 
les fêtes et les vœux, xxvin, 1-xxx, 17. Victoire sur les 



Madianites, xxxi, 1-54. Attribution du pays situé à l'est 
du Jourdain aux tribus de Ruben et de Gad et à la 
demi-tribu de Manassé, xxxii, 1-42. Résumé des stations 
des Israélites dans le désert, xxxm, 1-49. Ordre donné 
par Dieu d'exterminer les Chananéens, xxxm, 50-56. 
Limites de la Terre Promise et noms des hommes qui 
feront le partage du pays conquis, xxxiv, 1-29. Villes 
lévitiques et villes de refuge, xxxv, 1-15. Lois sur 
l'homicide volontaire et involontaire et sur le mariage 
des filles héritières, xxxv, 16-xxxvi, 12. Conclu- 
sion, f. 13. 

L'analyse précédente, qui est tout à fait objective, 
montre clairement que si, dans les livres du milieu, 
Exode, Lévitique et Nombres, le récit historique se 
développe d'une façon assez cohérente pour l'ensemble, 
dans un cadre à la fois chronologique et géographique, 
tracé par les stations ou campements successifs des 
Israélites dans le désert, et que si la législation sinaï- 
tique s'y insère naturellement à sa date, cependant les 
lois sont souvent groupées en codes ou recueils distincts, 
qui sont juxtaposés plutôt que coordonnés, et les pres- 
criptions elles-mêmes de chaque code ne sont pas tou- 
jours logiquement distribuées ; beaucoup semblent être 
des lois complémentaires ou explicatives des précé- 
dentes. Il y a donc, dans ces livres et dans leurs 
parties, un certain ordre; mais il n'est pas toujours 
apparent, et la disposition actuelle trahit certaines 
répétitions, qui proviennent de la manière dont la loi 
mosaïque a été promulguée. Elle n'a pas été faite d'un 
seul coup, mais progressivement et au jour le jour. Le 
législateur est revenu plusieurs fois sur les mêmes 
sujets, en expliquant ou complétant ses premières 
ordonnances. Voir t. iv, col. 337-339. Pour les divisions 
logiques de la législation mosaïque, voir t. îv, col. 327- 
332. 

5° Deutéronome. — Ce livre a, dans le Pentateuque, 
une physionomie à part. Il ne se rattache pas aux 
Nombres comme ceux-ci aux deux livres précédents, et 
il se distingue des autres parties du Pentateuque en 
ce qu'il se compose principalement, non de récits, 
mais de discours prononcés par Moïse dans les plaines 
de Moab, le onzième mois de la 40 e année du séjour au 
désert. D'autre part, il forme, dans l'ensemble, un tout 
complet. Son plan est simple. Indépendamment du 
titre, I, 1-4, il comprend quatre discours. — Le pre- 
mier, i, 6-iv, 43, sort d'introduction au livre entier. On 
y distingue : 1° un résumé historique des faits qui ont 
suivi la promulgation de la Loi au Sinaï, i, 6-m, 29; 
2° une exhortation à observer cette Loi, IV, 1-40. Ce 
premier discours est suivi de deux enclaves : 1» un 
fragment historique sur les villes de refuge situées à 
l'est du Jourdain, iv, 41-43; 2° un préambule historique 
préparant le discours qui va suivre, IV, 44-49. — Le 
second discours, v-xxvi, fait le fond du livre. Il débute 
par un rappel de la Loi sinaïtique et il reproduit le 
décalogue, v, 1-vi, 3. Il se subdivise ensuite en deux 
parties : la première, vi, 4-xi, 32, est parénétique ; elle 
expose les motifs que les Israélites ont d'obéir à la loi 
et elle les exhorte à l'obéissance. On a signalé, x, 6, 7, 
un passage qui semble être une interpolation. Le ver- 
set 8 fait naturellement suite au verset 5. Même consi- 
dérés comme une parenthèse, les versets 6 et 7 ne 
s'expliquent guère et rompent très malencontreusement 
le résumé historique, au milieu duquel ils sont intro- 
duits. La seconde partie du discours, xn, 1-xxvi, 15, 
contient un code de lois,essentiellementmorales et reli- 
gieuses, qu'on a diversement groupées : 1° Lois reli- 
gieuses: unité du culte, xn, 2-27; interdiction de l'ido- 
lâtrie, xn, 28-xm, 18; prohibition de quelques usages 
païens et distinction des animaux purs et impurs, xiv, 
1-21; paiement de la dîme, xiv, 22-29; l'année sabbatique, 
xv, 1-18; offrande des premiers-nés des troupeaux, xv, 
19-23; les trois fêtes annuelles, Pâque, Pentecôte et 



61 



PENTATEUQUE 



62 



Tabernacles, xvi, 1-17; 2° institutions publiques : les 
juges, xvi, 18-xvn, 13; le roi futur, xvn, 14-20; les 
prêtres et les lévites, xvill, 1-8; les faux et les vrais 
prophètes, xvill, 9-22; 3° la justice criminelle : les 
villes de refuge, XIX, 1-13; le déplacement des bornes 
des champs, xix, 14; les témoins, xix, 15-21; 4» la 
guerre, les exempts et la manière de traiter les enne- 
mis, xx, 1-20; 5° meurtre dont les auteurs sont incon- 
nus, xxi, 1-9; 6° traitement des femmes prises à la 
guerre, xxi, 10-14; 7° droit privé : droit d'aînesse, xxi, 
15-17; conduite à l'égard d'un fils rebelle, xxi, 18-21; 
coupables punis de mort, xxi, 22, 23; animaux et objets 
perdus, xxn, 1-4; vêtements, nids d'oiseaux, construc- 
tion des maisons, mélanges disparates, franges, xxir, 
5-12; des vierges, xx/r, 13-30; de ceux qui ne peuvent 
faire partie d'Israël, xxiil, 1-8; hygiène des camps, 
xxm, 9-14; esclaves fugitifs, prostituées, usure, vœux, 
droit de prendre dans les vignes et les moissons, xxm, 
15-25; divorce, xxiv, 14; le nouveau marié, 5; droits 
des pauvres, 6-22; la flagellation, xxv, 1-3; le bœuf qui 
foule l'aire, 4; loi du lévirat, 5-10; poids et mesures, 13- 
16; extermination des Amaléciles, 17-19; les prémices 
et les dîmes, xxvi, 1-15. Péroraison : exhortation à 
observer ces lois, 16-19. — Dans le troisième discours, 
xxvii-xxvm, Moïse ordonne aux Israélites, lorsqu'ils 
auront passé le Jourdain, d'élever un autel sur lequel 
ils graveront le Deutéronome, et il leur trace les béné- 
dictions et les malédictions à prononcer ce jour-là, 
xxvn, 1-26. Moïse prononce lui-même les bénédictions 
réservées aux observateurs de la loi et les malédictions 
qui frapperont les rebelles, xxvni, 1-68. Le verset 69 
de l'hébreu (Vulgate, xxix, 1) sert de conclusion à ce 
discours. — Un quatrième discours, xxix, 1 (Vulgate 2) 
x.nx, 20. résume les bienfaits de Dieu envers Israël, 
exhorte à observer l'alliance jurée et à ne pas y être in- 
fidèle, annonce le pardon aux coupables, montre que la 
loi est facile à observer et réitère les bénédictions et les 
malédictions. 

Le recueil de ces quatre discours est complété par 
une conclusion historique, relatant les derniers événe- 
ments de la vie de Moïse, xxxi-xxxiv. Moïse choisit 
Josué comme son successeur, ordonne de lire la loi au 
peuple tous les sept ans et d'en déposer le texte dans 
l'arche, x.xxi. 1-27; il fait rassembler les anciens et 
récite son cantique, 'xxxi, 28-xxxn, 47; il contemple de 
loin la Terre Promise, xxxn, 48-52. Il bénit les tribus 
d'Israël, xxxin, 1-29. Sa mort, sa sépulture, son éloge, 
xxxiv, 1-2. Ces derniers chapitres ne sont pas très 
étroitement rattachés l'un à l'autre et sont comme des 
appendices ajoutés au Pentateuque entier. 

III. AtriiESTiciTÉ. — Nous revendiquons l'authenti- 
cité mosaïque du Pentateuque et avec la tradition juive 
et chrétienne nous pensons que Moïse est l'auteur du 
livre qui porte son nom. Mais, avant de faire la démons- 
tration de cette thèse et de résoudre les objections 
qu'on lui oppose, il est bon de déterminer dans quel 
sens nous entendons maintenir l'authenticité mosaïque 
du Pentateuque et d'indiquer la part que Moïse a prise 
à la rédaction du livre. 

/. SATIRE DE L'ACIUEXTICITÉ 3I0SAIQUE. — D'abord, 

nous ne disons pas avec Josèphe, Philon et quelques 
rabbins juifs, dont les témoignages seront rapportés 
plus loin, que Moïse a personnellement écrit ou dicté 
le Pentateuque entier, y compris le récit de sa mort. 
Deut., xxxiv, 5-12. Déjà, des Juifs dans le Talmud attri- 
buaient à Josué les huit derniers versets de la loi. Au 
rapport d'Abenesra (y 1167), le rabbin Isaac ben Jasus 
(7 1057) soutenait que Gen., xxxvi, 31, avait été écrit 
sous le règne de Josaphat. Abenesra lui-même disait en 
termes voilés que les passages, Gen., xn, 6; xxn, 14; 
Deut., 1, 1, 5; m, 11; xxxi, 9, étaient des additions faites 
au texte primitif ou en contenaient. Cf. B. Spinoza, 
Tract, theolog. polit., c. vin, dans Opéra, 2° édit. Van 



Vloten et Land, La Haye, 1895, t. 11, p. 56-58; Richard 
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclé- 
siastiques, Paris, 1730, t. m, p. 195-221. André Masius, 
Josuse imperatoris historia illustrata, Anvers, 1574, 
praef., p. 2, dans Migne, Cursus completus Script. 
Sac, t. vu, col. 853, affirma que le Pentateuque avait 
été expliqué et complété longtemps après Moïse et il 
signala le nom d'Hébron, substitué à Cariath-Arbé, 
comme un exemple de ce travail d'adaptation posté- 
rieure. Les jésuites Benoît Pereira, Comment, et disp. 
in Gen., Lyon, 1594, t. 1, p. 13-14; Jacques Bonfrére, 
Pentateuchus, Anvers, 1625, p. 93-94 ; Tirin, Comment, 
in V. et N. T., cité dans Jean de la Haye, Bibiia 
maxima, Paris, 1669, t. m, p. 582, reconnaissaient 
dans le texte actuel des additions, faites par des scribes 
inspirés après Moïse, et ils citaientGen., xiv, 14; Num., 
xn, 3; xxi, 14, 15. Jansénius, évêque d'Ypres, Penta- 
teuchus, Louvain, 1685, prœf., p. 2, admettait aussi 
quelques additions de cette nature. Corneille de la 
Pierre, Comment, in Pent., arg., dans Comment, in 
V. et N. T., Lyon, 1732, t. 1, p. 18, émit même l'hypo- 
thèse que Moïse avait rédigé le Pentateuque par ma- 
nière de journal et d'annales, et que Josué ou un autre 
avait mis en ordre ces annales en y insérant quelques 
additions, telles que le récit de la mort de Moïse, son 
éloge, Num,, xn, 3, et en modifiant ou complétant 
certains détails, comme Gen., xiv, 14; Num., xxi, 14, 
15, 27. Au siècle suivant, un autre jésuite, le P. Veith, 
Sacra Scriptura contra incredulos propugnata, part. I, 
sect. 1, q. m, n. 8, 9, dans Migne, Cursvs completus 
Script, sac, t. iv, col. 22, note; 2" édit., col. 195-196, 
est du même sentiment que Corneille de la Pierre, 
Bellarmin, Controversiss, Milan, 1721, t. 1, p. 166, 
attribuait à Esdras une revision du Pentateuque, com- 
prenant l'addition du dernier chapitre du Deutéronome 
et l'insertion de quelques détails dans le texte. Dom 
Calmet, Commentaire littéral, l' édit., Paris, 1724, 1. 1, 
p. 9; t. n, p. 401, admettait, avec l'addition finale, 
l'introduction de quelques gloses dans le texte origi- 
nal. C'est devenu au xix e siècle l'enseignement des 
exégètes et des théologiens catholiques que l'œuvre de 
Moïse a subi des changements de noms propres et des 
altérations de nombres, des additions et des modifica- 
tions de détails, et même qu'elle a reçu peut-être dans 
sa partie législative certaines dispositions complémen- 
taires, llaneberg, Histoire de la révélation biblique, 
trad. franc., Paris, 1856, t. 1, p. 222-223; J.-T. Lamy, 
Comment, in Mb. Geneseos, Malines, 1883, t. 1, p. 36- 
39; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 
2» édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 172-179; F. Vi- 
goureux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. i, 
p. 463-477; Ch. Pesch, Apparatus ad historiam cose- 
vam doctrines inspirationis pênes catholicos, Rome, 
1903, p. 75; F. Prat, Le code du Sinaï, Paris, 1904, 
p. 46-60; Hôpfl, Die hôhere Bibelkritik, Paderborn, 
1902, p. 35. Voir t. IV, col. 337-339. Quelques-uns de ces 
critiques ont, en outre, admis que Moïse s'était servi 
de documents antérieurs pour la rédaction de la Genèse, 
et d'autres ont renouvelé encore l'hypothèse de l'emploi 
de secrétaires, choisis par Moïse et contrôlés par lui, 
sinon personnellement inspirés, comme l'avait pensé 
Richard Simon. J. Brucker, Authenticité des livres de 
Moïse, dans les Études, 1888, t. xxm, p. 327-340; card. 
Meignan, De l'Éden à Moïse, Paris, 1895, p. 68-77; 
Id., David, roi, psalmiste, prophète, Paris, 1889, intro- 
duction, p. XXXIV-LXV. 

M. Hoberg, t'eber négative und positive Pentateuch- 
kritik, dans Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 
1901, t. vi, fasc. 1 et 2, p. 7-9; Moses und der Penta- 
teuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 47-69, étend davan- 
tage le champ des additions historiques et législatives 
faites au Pentateuque postérieurement à Moïse. Il signale 
au nombre des premières la conclusion du Deutéro- 



63 



PENTATEUQUE 



64 



nome, xxxi-xxxrv, ajoutée peut-être par Josué; des listes 
complétées, telles que celle de Gen., xxxvi, poussée jus- 
qu'au temps de David ou de Salomon ; Exod., xxxvi, 8- 
xxxix, 43, qui ne serait qu'une répétition retouchée 
d'Exod., xxv, 10-xxxm, 43; Exod., xxx; Num., x, 29- 
32, 35, 36; xxvu, 14; Deut., m, 86, 11, 14; iv, 41-43; 
peut-être aussi Gen., xxii, 14 6; certainement Deut., x, 
6-9; xxi, 4; peut-être les deux chants, Num., xxi, 13 6- 
15; 16 6-18; certainement les introductions, Deut, i, 
1-5; iv, 44-49. Il est plus difficile de discerner les ad- 
ditions législatives. Quelques exemples de transforma- 
tions paraissent admissibles : ainsi la loi sur la dime 
qui se présente sous cinq formes différentes. Exod., 
xxii, 28; Num., xvm, 21-32; Deut., su, 6, 11, 17; xrv; 
22-29; xxvi, 12-15. Toute disposition qui suppose une 
habitation fixe, comme Lev., xxv, 32-34, est vraisem- 
blablement, selon M. Hoberg, d'origine postérieure à 
Moïse. D'autre part, les réflexions générales, les titres et 
les conclusions des sections appartiendraient rarement 
au texte original. Moïse n'a donc pas écrit chaque mot, 
chaque phrase du Pentateuque; il en est l'auteur; mais 
son œuvre a pu recevoir au cours des siècles quelques 
additions et modifications, depuis le temps de sa com- 
position jusqu'après le retour en Palestine des Juifs 
captifs à Babylone. 

La Commission biblique a reconnu la légitimité de 
cette manière d'envisager l'authenticité mosaïque du 
Pentateuque. Le 27 juin 1906, Pie X approuvait les solu- 
tions qu'elle avait données à quatre questions soumises 
à son examen. Elle maintient d'abord l'authenticité de 
ce livre; les trois autres réponses en expliquent la 
nature : II. Vtrum mosaica authentia Pentateuchi 
talemnecessario postulet redactionem totius operis,ut 
prorsus lenendum sit Moysen omnia et singula manu 
sua scripsisse vel amanuensibus dictasse ; an etiam 
eorum hypothesis pérmitti possit qui existimant eum 
opus ipsum a se sub divinee inspirationis afflatu 
conceptum alteri vel pluribus scribendum commisisse, 
ita tamen utsensa sua fideliter redderent, nihil contra 
suam voluntatem scriberent, nihil omitterent ; ac tan- 
dem opus hac ratione confectum, ab eodern Moyse 
principe inspiratoque auctore prolatum, ipsiusmet 
nomine vulgaretur? Resp. Négative ad primant par- 
te m, affirmative ad secundani. — III. Vtrum absque 
prssjudicio mosaicee authenlise Pentateuchi concedi 
possit Moysen ad suum conficiendum opus fontes ad- 
hibuisse, scripta videlicet documenta vel orales tradi- 
tiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi 
propositum et sub divines inspirationis afflatu, non- 
nulla hauserit eaque ad verbum vel quoad sententiam, 
contracta vel amplificata ; ipsi operi inseruerit? Resp. 
Affirmative. — IV. Vtrum, salva substantialiter 
mosaica authentia et integritate Pentateuchi, ad 
mitti possit tam longo sseculorum decursu nonnullas 
ei modificationes.obvenisse, uti : addimenta post Moysi 
morlem vel ab auctore inspirato apposita, vel glossas 
et explicationes textui interjectas, vocabula qusedam 
et formas sermone antiquato in sermonem recentio- 
rem translatas ; niendo sas demum lectiones vitio ama- 
nuensium adscribendas, de quibus fas sit ad normas 
artis criticse disquirere et judicare? Resp. Affirma- 
tive, salvo Ecclesise judicio. 

C'est sous la triple réserve : 1° de l'emploi de secré- 
taires, choisis et contrôlés par Moïse, qui aurait publié 
sous sa garantie personnelle le travail commandé et 
surveillé par lui; 2" du recours à des documents écrits 
ou à des traditions orales, reproduits ou utilisés par 
lui dans son œuvre personnelle et pour les événements 
antérieurs à son époque; 3° de quelques modifications 
postérieures, introduites après coup dans le Penta- 
teuque achevé, que nous soutiendrons l'authenticité 
mosaïque de ce livre.. Pour attribuer à Moïse le Penta- 
teuque, nous ne tenons donc pas comme nécessaire 



qu'il ait écrit lui-même ou dicté mot à mot à des co- 
pistes tout le contenu; il suffit que tout ait été publié 
sous sa responsabilité et reproduise fidèlement et exac- 
tement ce qu'il avait ordonné à ses secrétaires d'écrire 
en son nom. De même encore, les additions, telles que 
le récit de la mort de Moïse, des gloses introduites 
dans le texte, soit pour expliquer des usages anciens, 
soit pour remplacer des termes archaïques par des 
formes plus récentes, enfin, les fautes de transcription 
ne nuisent pas plus à l'authenticité qu'à l'intégrité sub- 
stantielle du Pentateuque. Nonobstant ces additions et 
modifications, le Pentateuque reste l'œuvre de Moïse 
auteur responsable et inspiré, ayant peut-être fait rédi- 
ger par ses secrétaires une partie de ses récits ou de 
ses lois. 

//. PREUVES DE L'AUTBENTJCITÉ MOSAÏQUE DU PENTA- 
TEUQUE. ,— Que Moïse ait écrit le Pentateuque, qui 
porte son nom, c'est un fait attesté : 1" par différents 
témoignages bibliques; 2» par le sentiment perpétuel 
des Juifs; 3° par la tradition constante de l'Église ca- 
tholique ; et 4° confirmé par des indices fournis par le 
livre lui-même. 

1° Témoignages bibliques de l'activité littéraire de 
Moïse. — Si on ne lit nulle part dans la Bible l'affir- 
mation explicite et formelle que Moïse a rédigé le Pen- 
tateuque entier, il y a cependant, en différents livres 
des deux Testaments, des indications et des affirmations 
desquelles il résulte que Moïse a écrit des faits, des lois 
qui sont contenus dans.le Pentateuque. —1. Témoignage 
du Pentateuque lui-même. — Le livre entier ne se pré- 
sente pas expressément comme ayant été composé par 
Moïse. Outre qu'il contient, dans son état actuel, le récit, 
évidemment postérieur, de la mort de Moïse, il raconte 
la vie du législateur hébreu à la troisième personne et en 
style indirect, et les quatre derniers livres n'ont pas la 
forme littéraire de Mémoires du héros dont ils font 
l'histoire. Toutefois le caractère impersonnel du récit 
peut fort bien se concilier avec la rédaction par Moïse. 
On peut dire que la formule : « Dieu dit à Moïse, » 
si souvent employée, en tête des lois, qui prouve l'ori- 
gine divine ou la révélation faite à Moïse, de cette légis- 
lation, ne signifie pas nécessairement que Moïse lui- 
même a codifié dans le Pentateuque les lois qu'il a 
promulguées. Mais le Pentateuque cependant donne 
des indications formelles sur l'activité littéraire de 
Moïse. Après la bataille contre les Amalécites à Raphi- 
dim, le chef des Hébreux reçut de Dieu l'ordre suivant : 
s Écris cela en souvenir dans le livre et inculque-le 
dans les oreilles de Josué. » Exod., xvn, 14. L'ordre 
divin est certainement restreint à la victoire sur Ama- 
lec, dont Israël devait garder le souvenir, Deut., xxv, 
17-19, et dont le récit fut rédigé par Moïse afin de con- 
server la mémoire de l'événement. Selon la leçon mas- 
sorétique, ibes, Dieu ordonne à Moïse d'écrire dans le 

livre, c'est-à-dire [comme on l'interprète communément 
dans un livre déjà commencé et connu, dans un registre 
ou journal où Moïse notait les faits mémorables de 
l'histoire d'Israël. En ponctuant ainsi le texte, les mas- 
sorètes eux-mêmes voulaient vraisemblablement dési- 
gner, non pas le livre des justes, F. de Hummelauer, 
Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 182; Deuterono- 
mium, Paris, 1901, p. 152, mais le Pentateuque lui- 
même. Cependant les Septante ne lisaient pas l'article dé- 
fini, puisqu'ils ont traduit ce mot : etç (iiëX/ov ou èv (3i- 
8>icj>. Le texte, à leur sentiment, désignait donc un livre 
indéterminé. J. Kley, Die Pentateuchfrage, Munster, 
1903, p. 217, a prétendu que cette dernière signification 
exigerait la leçon nsD Sy, employée dans ce sens. Deut., 

xvn, 18; xxxi, 24; Is., xxx, 8; Jer., xxx, 2; xxxvi, 2. 
Néanmoins la leçon massorétique, fût-elle originale, ne 
désignerait pas nécessairement le Pentateuque com- 
mencé; elle conviendrait suffisamment à un livre, dans 



■65 



PENTATEUQUE 



66 



lequel Moïse aurait joint ce récit à des récits précé- 
dents et qui serait reproduit dans le Pentateuque. Plus 
loin, Exod., xxiv, 4, il est dit que Moïse écrivit toutes 
les paroles de Jéhovah. Or il ne s'agit naturellement 
pas de toutes les révélations "faites par Dieu à Moïse, 
«puisqu'elles n'étaient pas terminées, ni même de toutes 
les communications divines antérieures, mais seule- 
ment des paroles qui précèdent immédiatement et qui 
contiennent les conditions de l'alliance conclue entre 
Dieu et les Israélites, Exod., xx-xxm, du « livre de 
l'alliance », que Moïse lut au peuple. Exod., xxiv, 7. 
■Cf. Heb., ix, 19, 20. 

Les deux témoignages précédents prouvent déjà que 
Moïse avait rédigé un récit historique et un code légis- 
latif, celui de l'alliance. Un autre petit code de l'alliance 
•est encore expressément attribué à Moïse. De nouveau, 
Dieu ordonna au législateur d'écrire les paroles qu'il 
vient de prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, et qui con- 
tiennent les bases de l'alliance proposée à Israël, Exod., 
xxxiv, 27, et Moïse écrivit les dix paroles de l'alliance 
■sur deux tables qu'il avait préparées, Exod., xxxiv, 1, 
4, qu'il tenait en mains à la descente du Sinaï et dont 
il imposa le contenu aux Israélites. Exod., xxxiv, 28, 
29, 32. Le pelit livre de l'alliance, comprenant le Déca- 
logue, Exod., xxxiv, 10-26, a donc été rédigé de la main 
<\e Moïse. 

Un autre ordre de Dieu impose à Moïse de décrire 
les marches et les slations d'Israël dans le désert. 
Num., xxxiii, 1, 2. On a interprété cet ordre de deux 
laçons différentes. Selon les uns, Dieu aurait ordonné à 
Moïse d'écrire le récit de l'exode, en suivant l'ordre 
des stations et des campements des Israélites. Dans 
cette interprétation, Moïse serait l'auteur de la narra- 
tion détaillée dont la liste des campements dressée, 
Num., xxxiii, 3-49, ne serait que le résumé. Mais comme 
■cette liste ne résume pas la narration précédente, puis- 
qu'elle indique un plus grand nombre de stations, dont 
quelques-unes sont différentes, il vaut mieux, semble- 
t-il, avec d'autres, restreindre cet ordre à la liste elle- 
même des stations qui, suivant cette explication, serait 
4'œuvre de Moïse. 

Parce que les témoignages précédents n'attribuent 
pas explicitement à Moïse la rédaction du Pentateuque 
entier, et ne lui en rapportent que des portions seule- 
ment, les critiques modernes veulent en conclure 
qu'ils restreignent la composition mosaïque à ces par- 
ties et qu'ils excluent celle du tout. Mais cette conclu- 
sion n'est pas légitime. La rédaction des passages men- 
tionnés est toujours exécutée par ordre divin. En 
ordonnant à Moïse d'écrire le récit des événements les 
plus notables pour en garder le souvenir et les dispo- 
sitions fondamentales de son alliance avec Israël, Dieu 
ne lui interdisait pas de relater l'histoire entière des 
Israélites au désert ni de rédiger toutes les lois qu'il 
l'avait chargé de porter. Son ordre de mettre par écrit 
les faits et les lois les plus importants est loin d'exclure 
la relation des autres événements et des autres disposi- 
tions législatives. 

Le Deutéronome, composé de discours prononcés par 
Moïse, nous fournit une indication sur l'activité litté- 
raire de Moïse dans l'épilogue, xxxi. Sur le point de 
mourir, Moïse, après avoir institué Josué son succes- 
seur, remet aux prêtres et aux anciens cette loi-ci qu'il 
avait écrite et il leur ordonne de la faire lire tous les 
sept ans au peuple assemblé pour que tous en con- 
naissent et en observent les préceptes, 9-13. Ayant 
achevé d'écrire « les paroles de cette loi dans un livre », 
il ordonne aux lévites de porter ce livre auprès de 
l'arche d'alliance, pour qu'il serve de témoignage contre 
■ceux qui en violeront les dispositions, 24-26. On ne peut 
pas affirmer avec certitude que cette loi est le Pentateuque 
-entier, car elle peut n'être que celle à laquelle le 
c. xxxi est rattaché : la législation du Deutéronome 

DICT. DE LA BIBLE. 



Ce livre se donne comme une législation spéciale pro- 
mulguée par Moïse au pays de Moab, iv, 1-40, 44-49; 
v, 1 sq. ; xn, 1 sq. Au début de leur régne, les futurs 
rois d'Israël devaient recevoir des prêtres ;< un exem- 
plaire de cette loi-ci »,xvil, 18, 19, pour qu'ils la lisent 
et l'observent, et les termes de la recommandation sont 
identiques à ceux de Deut., xxxi, 12, 13. La même loi, 
ou au moins une de ses parties, est encore visée dans 
l'ordre donné aux anciens de la transcrire sur la pierre, 
lorsqu'ils renouvelleront l'alliance à l'ouest du Jour- 
dain, xxvn, 1-8. De même encore, « les paroles de 
cette loi-ci qui sont écrites dans ce volume, » xxviii, 
58, qui comprenaient les malédictions et les peines, 
portées en ce chapitre contre les violateurs de la loi, 
cf. f. 61, et rappelées de nouveau, xxix, 20,21, 27, aussi 
bien que les bénédictions qui y sont jointes en faveur 
des observateurs de la même loi, xxxii, 46, 47, dési- 
gnent le Deutéronome. Ce livre législatif est donc de 
la main de Moïse. On attribue encore à Moïse la com- 
position d'un cantique que Dieu lui avait ordonné 
d'écrire, Deut., xxxi, 19, et qui est cité, xxxii, 1-43. 

Des commentateurs catholiques concluent de Deut., 
i, 5, où il est dit que Moïse va expliquer la loi, que la 
législation antérieure, dont le Deutéronome n'est qu'une 
explication et une répétition, est d'origine mosaïque. Mais 
toutefois la loi que Moïse va expliquer ou mieux re- 
commander paraît être plutôt, non celle qui précède et 
qui est contenue dans les livres du milieu, mais celle qui 
suit et qui est promulguée au delà du Jourdain. Il faut 
reconnaître, du reste, que si l'introduction avait la si- 
gnification qu'on lui donne, elle affirmerait, non pas 
que la législation précédente a été rédigée par Moïse, 
mais seulement qu'elle a été promulguée par lui. Or, 
de la promulgation de la législation hébraïque par 
Moïse on ne peut conclure rigoureusement à sa rédac- 
tion par Moïse dans l'état ou elle se trouve actuelle- 
ment dans le Pentateuque. Celle-ci est possible, vrai- 
semblable même, mais elle n'est pas démontrée par le 
seul fait de la promulgation mosaïque. 

2. Témoignages des autres livres de l'Ancien Testa- 
ment. — Le livre de Josué parle à plusieurs reprises 
d'une loi, provenant de Moïse. D'abord, Dieu ordonne 
à Josué d'observer lui-même et de faire observer aux 
autres la loi de Moïse et il lui recommande de méditer 
le volume de cette loi. Jos., i, 7-8. Si les termes de 
cet ordre ne disent pas explicitement qu'il s'agit de 
tout le Pentateuque, ils ne l'excluent pas non plus. Le 
renouvellement de l'alliance, accompli conformément 
aux ordres de Moïse tels qu'ils sont écrits dans le livre 
de la loi de Moïse, Jos., vin, 30-35, vise directement 
les prescriptions de Deut., xxvit, 1-8, avec les bénédic- 
tions et les malédictions contenues Deut., xxvn, 9- 
xxvm, 68; mais la manière dont parle l'auteur sacré 
suppose qu'il y a aussi autre chose dans le livre de la 
loi. Avant de mourir, Josué exhorte les Israélites à 
observer tout ce qui est écrit dans le volume de la loi 
de Moïse, Jos., xxm, 6, ce qui désigne, en le prenant 
dans le sens le plus restreint, le Deutéronome. Enfin, 
après l'alliance solennelle conclue à Sichem, Josué 
dressa un statut et une ordonnance, et il écrivit toutes 
ees paroles « dans le livre de la loi de Dieu ». Jos., 
xxiv, 25-26. Ce texte signifie que Josué a ajouté ses 
ordonnances en les écrivant à la suite du livre où 
étaient contenues celles de Moïse. La législation de 
Moïse était donc écrite et révélée par Dieu. Voir Ho- 
berg, Veber den Ursprung des Pentateuchs, dans Bi- 
blische Zeitschrift, 1906, t. iv, p. 340, qui pense que 
ce volume de la loi de Dieu est le Pentateuque. Il 
désigne au moins le Deutéronome. 

Les livres des Juges et de Samuel ne parlent pas en 
propres termes du Pentateuque, mais ils supposent 
son existence. Voir Jud., i, 5, et Exod., xxxm, 2, 
xxxiv, 11; Deut., vu, I, etc.; Jud., u, 1-3, et Exod.; 

V. - 3 



67 



PENTATEUQUE 



m 



xxxiv, 1243; Deut., vu, 2, 5; Exod., xxm, 32; Deut., 
xii, 3; Num., xxxm, 35, etc.; Jud., xi, 15, et Num.,xx, 
14-21; xxi, 21-24, etc. ; I Reg., i, 3; n, 13, et Deut., xvm, 
3; 1 Reg., xv, 29, et Num., xxm, 19; I Reg., xn, 3, et 
Num., xvi, 15; Lev., v, 13, etc. Les livres des Rois (III 
et IV) composés vers l'époque de la captivité, parlent 
plusieurs fois de la loi de Moïse et c'est sans raison 
suffisante qu'on veut restreindre cette expression au 
Deutéronorne seul. I (III) Reg., n, 3; x, 31. L'auteur 
remarque qu'Amasias, quand il fit périr les meurtriers 
de son père, épargna leurs enfants « selon ce qui est écrit 
dans la loi de Moïse ». II (IV) Reg., xiv, 6. Les étran- 
gers, exportés à Samarie, n'observaient pas les ordon- 
nances que Dieu avait données aux fils de Jacob. Le 
prêtre Israélite qui fut envoyé pour les instruire leur 
prêcha l'observance des lois écrites que Dieu avait im- 
posées aux Israélites. II (IV) Reg., xvn, 34-39. Les 
habitants du royaume de Juda ont été séduits par Ma- 
nassé, leur roi idolâtre, et n'ont pas tenu compte des 
magnifiques promesses que Dieu avait faites à David et 
à Salomon si leurs sujets observaient fidèlement toute 
la loi que Moïse avait ordonnée. II (IV) Reg., xxi, 8. 
Cf. I (III) Reg., ix, 6-9. 

La 18 e année du règne de Josias (621), en restaurant 
le Temple de Jérusalem, on retrouva -"iïFin isc, II (IV) 

Reg., xxil, 8, 11, cf. xxm, 24, appelé encore nnsn ibd, 

xxm, 2, et c'est conformément à cette loi retrouvée 
que le roi accomplit une importante réforme religieuse. 
II (IV) Reg., xxm, 1-24. Voir t. m, col. 1680-1681. Or 
cette loi était la loi de Moïse, puisqu'il est dit, xxm, 25, 
qu'aucun roi ni avant ni après ne ressembla à Josias 
pour l'observation complète de celte loi. Mais quelle 
était cette loi mosaïque retrouvée au Temple? Plusieurs 
Pères de l'Église ont remarqué, justement semble-t-il, 
que estait le Deutéronorne. S. Athanase, Epist. ad 
Marœllin., 32, t. xxvil, col. 44; S. Jérôme, Adv. Jo- 
vinian., 1, 5, t. xxm, col. 217; Comment, in Ezech., 
I, 1, t. xxv, col. 17 ; S. Chrysostome, In Matth., 
hom. IX, 4, t. lvii, col. 181; In 1 Cor., hom. -vu, 
3, t. lxi, col. 58; Procope de Gaza, Comment, in 
Deut-, xvn, 18, t. lxxxvii, col. 916. La plupart des 
critiques modernes reconnaissent aussi dans ce code le 
Deutéronorne tout entier, ou au moins en partie. Les 
points sur lesquels s'est faite la réforme : 1° l'abolition 
des cultes étrangers et de leurs infiltrations dans le 
culte de Jébovah; 2° la centralisation du culte de Jé- 
bovab au Temple de Jérusalem ; 3» la célébration cor- 
recte de la fête de Pàque, sont spécialement recom- 
mandés par le Deutéronorne, xii, 2-32; xvi, 1-8. En 
outre, bien que ce livre ne soit pas nommé « livre de 
l'alliance », il a été rédigé en vue de renouveler 
l'alliance contractée à l'Horeb entre Dieu et le peuple 
d'Israël, v, 2, 3; xxvi, 17-19; xxix, 8, et les termes de 
l'alliance renouvelée par Josias, II (IV) Reg., xxm, 3, 
sont des expressions deutéronomiques. Enfin, la ré- 
ponse de la prophétesse Holda vise les malédictions, 
Deut., xxviii ; le contenu législatif du livre retrouvé 
est désigné par les termes usités Deut., iv, 45; vi, 20,, 
et l'éloge du roi est fait aussi en termes deutérono- 
miques. Le livre retrouvé était donc bien le Deutéro- 
norne, nommé la loi de Moïse. F. de Hummelauer, 
Deuteronomium , Paris, 1901, p. 46-60, 83-87. Cepen- 
dant, quelques exégètes catholiques, Clair, Les livres 
des Rois, Paris, 1884, t. ii, p. 557-558; Hoberg, Moses 
und der Pentatsucfi , Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 17- 
8 ; Ueberden Vrsprung desPenlateuchs, dansBiblische 
Zeilschrift, 1906, t. IV, p. 338-340, pensent que le livre 
retrouvé était le Pentateuque entier. Ils s'appuient sur 
le' récit parallèle, II Par., xxxiv, 8-xxxv, 19, qui certai- 
nement parle du Pentateuque entier (voir plus loin), 
sur ce que les particularités de la réforme décrites, 
xxni, 24, ne conviennent pas seulement à Deut., xvm, 



10-11 , mais aussi à Lev. , xix, 31 ; xx, 6, 27 ; sur ce que le 
style de ce verset ressemble à celui de Lev., xix, 31; 
xx, 6, 27; Gen., xxxi, 19, 34, 35, et enfin sur le senti- 
ment de Josèphe, Ant. jud., X, iv, 2, dans Opera r 
Amsterdam, 1724, t. n, p. 517, qui dit que Helcias 
èTuyx« VEV "«'» iepaï; [Jt'6>.oc5TO'j Mio'juéwî. Ces preuves ne- 
sont pas décisives. L'auteur des Paralipomènes a dé- 
crit les rites de la Pâque d'après les livres du milieu. 

Les prophètes antérieurs à la captivité ne parlent pas 
de la loi écrite de Moïse. Ils parlent souvent, il est vrai,, 
de la loi de Dieu. Visent-ils un code écrit et notam- 
ment le Pentateuque? Beaucoup d'exégètes le pensent 
et signalent toute mention de la loi divine par les pro- 
phètes comme un indice certain de l'existence du Pen- 
tateuque. Mais il faut se rappeler la double signification 
du mot tôrâh. Son sens propre est celui d'instruction 
révélée et désigne strictement toute expression de la 
volonté divine. Ce n'est que par extension que ce terme 
a servi à nommer les cinq premiers livres de la Bible, 
dans lesquels l'élément législatif prédomine. Or, on ne 
sait pas au juste à quelle date cette seconde significa- 
tion est entrée dans l'usage, et c'est précisément ce 
qu'il faudrait fixer. Il faut donc étudier les cas parti- 
culiers. Amos, II, 4, 5, parle une fois et d'une façon- 
générale de la loi de Jéhovab et de ses commandements, 
dont la violation attirera sur Juda les punitions divines. 
Osée, vin, 2, reproche aux Israélites d'avoir transgressé 
l'alliance divine, cf. vi, 7, et violé la loi; ils en seront 
punis, et Dieu ne leur écrira plus de multiples lois qui 
leur demeurent étrangères, f. 12. Il est évidemment 
question de nombreuses lois divines écrites, et on a le- 
droit d'y voir une allusion au Pentateuque. Pour Isaïe, 
la loi est sa propre prophétie, i, 10; v, 24-, vm, 16, 20;. 
la loi de Dieu est la parole des prophètes, xxx, 8-11, ou, 
la révélation future aux temps messianiques, n, 3. Cf. 
Mich., IV, 2. La transgression des lois divines et la vio- 
lation de l'alliance, reprochées v, 24; xxiv, 5, ne con- 
cernent pas nécessairement des lois écrites; s'il avait 
en vue un code, le prophète ne dit rien de son origine 
mosaïque. Sophonie, m, 4, reproche aux prêtres de sont 
temps d'avoir violé la loi. Jérémie n'envisage que la. 
parole de Dieu en général, vi, 19, et la prédication 
prophétique, xxvi, 4-5. Mais il parle d'une loi divine 
et de préceptes, violés par ses contemporains et leurs 
ancêtres, ix, 13; xvi, 11, 12; xxxn, 23; xliv, 10, 23; 
d'une loi que les prêtres tenaient dans leurs mains, 
il, 8; xviii, 18; et d'une loi écrite, qu'il oppose à la 
plume mensongère des scribes, vm, 8. Il rappelle aussi 
l'alliance contractée par les Israélites avec Dieu après- 
la sortie d'Egypte, xi, 2-8; mais elle n'imposait pas- 
l'offrande des holocaustes et des sacrifices, vu, 21-25. 
Elle sera remplacée par une alliance nouvelle, dans- 
laquelle Dieu éerira sa loi dans les cœurs, xxxi, 31-33. 
II y a ici encore opposition à une loi écrite, qui ne 
peut être que celle de Moïse. 

Pendant la captivité, Baruch, n, 2, 28, nomme 
expressément la loi écrite par Moïse; les termes dont 
il se sert correspondent assez bien au Deutéronorne, 
xxviii, 15, 53, 62-64, sans toutefois lui convenir exclu- 
sivement, et on y trouve des allusions aux autres malé- 
dictions contenues dans le Pentateuque. Le même 
prophète, m, 9-14, 35-iv, 4, fait l'éloge de la sagesse con- 
tenue dans le livre des' préceptes de Jéhovah, en des 
traits analogues à ceux du Deutéronorne, xxx, 11-14. 
Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, p. 101-102.. 
Ézéchiel, qui, en vue de la restauration future d'Israël, 
rédige une loi cérémonielle, fait peu d'allusions à une- 
législation antérieure. Comme Jérémie, xvm, 18, il 
prédit que les prêtres laisseront périr la loi qu'ils ont 
dans les mains, vu, 26; U accuse les prêtres de Jérusa- 
lem d'avoir méprisé la loi de Dieu, d'avoir souillé les 
sanctuaires, de n'avoir pas su distinguer entre les choses- 
profanes et les choses sacrées, les puretés et les impu- 



69 



PENTATEUQUE 



70 



retés, et d'avoir détourné le peuple de la célébration du 
sabbat, xxn, 26. Daniel parle de la loi divine, promul- 
guée par les prophètes et violée par Israël; il ajoute 
que cette violation de la loi a attiré sur les coupables 
la malédiction écrite dans le livre de Moïse, rx, 10-13. 

Après la captivité, Zacharie, vu, 12, mentionne la loi. 
Malachie reproche aux prêtres d'avoir rompu le pacte 
conclu entre Dieu et Lévi et d'avoir négligé la connais- 
sance de la loi et le devoir delà faire observer, u, 4-9; 
il reproche aussi à Juda d'avoir transgressé l'alliance 
divine et le menace des châtiments divins, u, 10-16. 
Mais il fait davantage; il rappelle le souvenir de la loi 
de Moïse, donnée par Dieu sur le mont Horeb, loi qui 
contenait des préceptes et des ordonnances pour tout 
Israël, iv, 4 (hébreu, m, 22). Josué et Zorobabel, rentrés 
à Jérusalem, y élevèrent un autel pour offrir des holo- 
caustes conformément aux dispositions écrites de la loi 
de Moïse, et ils célébrèrent la fête des Tabernacles 
comme il est écrit de le faire. I Esd., m, 2, 4. Quand 
le Temple fut rebâti et consacré, on établit les prêtres 
et les lévites dans leurs fonctions, comme il est écrit 
dans le livre de Moïse. I Esd., vi, 18. Esdras, au témoi- 
gnage d'Artaxerxès lui-même, rapporta à Jérusalem le 
livre de la loi de Dieu. I Esd., vu, 14. Néhémie, à la 
cour d'Artaxerxès, fait à Dieu l'aveu des prévarications 
de ses pères, qui n'ont pas observé les préceptes, les 
cérémonies, ordonnées par Moïse; il rappelle aussi la 
menace contre les prévaricateurs, et la promesse de 
les rétablir, s'ils se convertissaient et pratiquaient les 
préceptes, menace et promesse faites à Moïse. II Esd., i, 
7-9. La réforme d'Esdras fut entreprise à la suite de la 
lecture et de l'explication du livre de la loi de Moïse, 
et la fête des Tabernacles fut célébrée conformément 
aux dispositions écrites dans cette loi. II Esd., vm, 
1-18. On continua la lecture du volume de la loi de 
Jéhovah. II Esd., ix, 3. Le renouvellement de l'alliance 
fut fait aussi conformément à la loi divine, donnée par 
Moïse, II Esd., x, 29, ainsi que la fourniture du bois 
destiné aux sacrifices. II Esd., x, 36. Plus tard, Néhé- 
mie régla encore la question des mariages mixtes en 
conformité avec ce qu'il avait lu dans le volume de 
Moïse. 11 Esd.. xm, 1-3. Or, ce volume n'était pas seu- 
lement le code sacerdotal, comme le prétendent les 
grafiens, c'était le Pentateuque entier, puisque le livre 
contenait des prescriptions du Lévitique, xxm, et du 
Deutéronome, vri, 2-4 ; xv, 2. Enfin, Esdras et Néhémie, 
par les désignations qu'ils donnaient de ce livre, ne 
voulaient pas parler seulement du volume qui conte- 
nait la législation divine, promulguée par Moïse, mais 
bien le livre de la loi de Dieu, écrit par Moïse. C'est 
l'interprétation la plus naturelle et la plus commune 
de leurs écrits. 

L'auteur du livre des Paralipomènes, qu'on regarde 
généralement comme le rédacteur des livres d'Esdras 
et de Néhémie, a utilisé le Pentateuque pour dresser ses 
généalogies. I Par., i-ix. Voir Paralipomènes. Toutes 
ses descriptions du culte divin concordent avec les 
prescriptions du Pentateuque. Il signale explicitement 
cette conformité avec ce qui est écrit dans la loi de 
Jéhovah, I Par., xvi, 40; dans la loi de Moïse. II Par., 
xxm, 18; xxxi, 3. Il parle évidemment de la loi de 
Dieu, écrite par Moïse. Cf. II Par., xxv, 4. Cependant 
l'expression nr~T3, qu'il emploie, II Par., xxxm, 8, 
ne signifie pas nécessairement que Moïse a rédigé la 
loi de sa propre main, puisque, dans d'autres passages, 
où il est question de la loi mosaïque, Lev., xxvi, 46; 
Num., xxxvi, 13, elle désigne une disposition prise par 
Moïse, sans indication de rédaction écrite. Cf. I Par.,xxu, 
13. Mais il est tout naturel de l'entendre ici de la légis- 
lation écrite par Moïse. De même, dans le récit de la 
loi retrouvée au Temple sous le règne de Josias, le livre 
de la loi de Moïse, II Par., xxxiv, 14; xxxv, 12, pour- 
rait à la rigueur désigner seulement le livre qui conte- 



nait la législation promulguée par Moïse, dans le même 
sens que « les paroles que Jéhovah a dites par l'inter- 
médiaire de Moïse ». Il Par., xxxv, 6. Mais le sens 
naturel est que cet écrivain entendait parler du Penta- 
teuque rédigé par Moïse. 

Enfin, l'auteur de l'Ecclésiastique, xxiv, 33; lxv, 6, 
ne parle de Moïse que comme législateur; mais son 
petit-fils, dans la préface qu'il mit en tète de sa traduc- 
tion grecque, nomme à trois reprises la Loi, qu'il place 
à côté des prophètes et des autres livres et qu'il consi- 
dère ainsi comme un recueil distinct; il désigne sous 
ce nom les cinq livres du Pentateuque. L'auteur du 
second livre des Machabées, vu, 6, cite le cantique de 
Moïse, Deut., xxxii, 36, comme œuvre de Moïse. 

Ainsi, les premiers témoignages de l'Ancien Testa- 
ment attribuent explicitement à Moïse la composition de 
quelques parties du Pentateuque actuel, récits ou lois, 
et notamment le Deutéronome. Esdras, Néhémie et l'au- 
teur des Paralipomènes lui reconnaissent formellement 
la rédaction du Pentateuque entier. La tradition juive la 
plus ancienne a donc signalé le législateur hébreu 
comme auteur du Pentateuque. 

3. Témoignages du Nouveau Testament. — Notre- 
Seigneur et ses Apôtres ont parlé à diverses reprises 
de Moïse comme écrivain et de la Loi comme son œuvre. 
Lorsque les sadducéens interrogent Jésus sur la résur- 
rection, ils citent la loi du lévirat comme écrite par 
Moïse. Matth., xxh, 24; Marc, xn, 19; Luc, xx, 28. 
Jésus n'examine pas cette affirmation, émise incidem- 
ment et comme moyen de preuve ; il se borne à réfuter 
par l'Écriture, Matth., xxn, 29; Marc, xn, 24, l'erreur 
de ses interrogateurs, et il cite un passage du livre de 
Moïse. Matth., xxn, 31; Marc, xn, 26; Luc, xx, 37. 
Son affirmation porte directement sur le caractère 
scripturaire plutôt que sur l'origine mosaïque de ce 
passage. Notre-Seigneur emploie plusieurs fois l'ex- 
pression usuelle « la Loi » pour désigner le Pentateuque ; 
son apposition à la désignation technique : « les Pro- 
phètes, » le montre bien. Luc, xiv, 16, 17. Dans la pa- 
rabole du riche et de Lazare, c'est « Moïse » qu'il place 
à côté des « prophètes », et il entend bien Moïse et les 
prophètes dans leurs livres. Luc, xvi, 29,31. De même, 
pour montrer aux disciples d'Emmaûs que sa passion 
et sa mort avaient été prédites, il commença par 
« Moïse » et continua par « tous les prophètes », inter- 
prétant toutes les Écritures qui parlaient de lui. Luc, 
xxiv, 27. Dans ses dernières recommandations aux 
Apôtres, il leur rappelle qu'il était nécessaire que s'ac- 
complît tout ce qui était écrit de lui dans la loi de 
Moïse, les prophètes et les Psaumes; il leur ouvrit l'in- 
telligence pour comprendre les Écritures et il leur dit 
qu'il était écrit que le Christ devait souffrir et ressus- 
citer le troisième jour. Luc, xxiv, 44-46. Dans tous ces 
passages, Notre-Seigneur se bornait à désigner ce livre 
par les dénominations ordinaires. De plus, il ne visait 
pas expressément tout le contenu du livre, mais seule- 
ment ses prophéties messianiques. Mais ailleurs, il 
envisage plus directement l'écrit de Moïse. Dans une 
discussion avec les Juifs qui niaient sa divinité, il en 
appela aux Écritures qui lui rendaient témoignage. 
Joa., v, 39. Si donc ses adversaires demeurent incré- 
dules, Moïse, le législateur en qui ils ont mis leur espé- 
rance, sera leur accusateur auprès du Père. Joa , v, 45. 
« Si, en effet, continue-t-il, vous croyiez à Moïse, vous 
croiriez peut-être à moi aussi, car il a écrit sur moi. 
Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croi- 
riez-vous à mes paroles? » Joa., v, 46, 47. Jésus met 
donc en parallèle ses propres paroles avec le livre de 
Moïse, avec ce que Moïse, le législateur d'Israël, a écrit 
sur lui : les écrits de ce législateur rendent témoignage 
à Jésus que les Juifs repoussaient; si les Juifs ne 
croient plus au témoignage écrit, rendu par leur légis- 
lateur, il n'est pas étonnant qu'ils ne croient pas à la 



PENTATEUQUE 



72 



parole de Jésus. Notre-Seigneur parle de Moïse comme 
écrivain, au sujet des prophéties messianiques conte- 
nues dans le Pentateuque. S. Irénée, Cont. hser., rv, 
2, n. 3,4, t. vu, col. 977-978; Origène, In Num., hom. 
xxvi, n. 3, t. xii, col. 774; Euthymius, Panoplia dog- 
matica, tit. xxiv, t. cxxx, col. 1225. 

Les Apôtres ont parlé aussi de Moïse écrivain. Phi- 
lippe annonce à Nathanaël qu'il a rencontré en Jésus 
le Messie sur lequel Moïse a écrit dans la Loi et dont 
parlent les prophètes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act., 
m, 22, cite Deut., xvm, 15, comme parole de Moïse. 
Saint Jacques rappelle qu'on lit Moïse le samedi dans 
les synagogues. Act., xv, 21. Saint Paul relate le même 
fait. Il Cor., m, 15. Le même apôtre nomme ailleurs 
la Loi de Moïse. Act., xm, 33; I Cor., ix, 9. 11 prêche 
Jésus d'après la Loi de Moïse et les prophètes. Act., 
xxvin, 23. 11 cite différents passages du Pentateuque 
eomme paroles écrites de Moïse. Rom., x, 5-8, 19. 
L'Apocalypse, xv, 3, parle du cantique de Moïse. 

Si quelques-uns des témoignages précédents peuvent 
être restreints aux prophéties messianiques du Penta- 
teuque, il reste établi que Jésus et ses Apôtres, pour 
parler du livre entier, ont employé les désignations 
usuelles à leur époque et par suite ont parlé, indirec- 
tement au moins, de la Loi comme étant l'œuvre de 
Moïse. Ils parlageaient donc la croyance commune de 
leurs contemporains au sujet de l'origine mosaïque du 
Pentateuque et ils Tout manifestée, sinon par des affir- 
mations directes et formelles, du moins indirectement 
et en termes équivalents. Toutes les fois qu'ils ont eu 
à parler de l'auteur du Pentateuque, ils l'ont attribué à 
Moïse. La critique n'exige pas et ne peut pas exiger, 
pour établir que la tradition a attribué un écrit à un 
auteur déterminé, que les écrivains qui l'ont cité aient 
cité un ouvrage tout entier, mais il lui suffit qu'ils lui 
aient attribué les parties dont ils ont eu occasion de 
faire usage. On n'a pas le droit d'exiger de Notre- 
Seigneur et des Apôtres ce qu'on n'exige pas des auteurs 
profanes. 

2° Le sentiment perpétuel du peuple juif '. — La dis- 
cussion précédente des textes de l'Ancien Testament a 
prouvé que la plus ancienne tradition d'Israël, repro- 
duite dans le Pentateuque lui-même et dans les livres 
suivants, rapportait à Moïse au moins la rédaction de 
certains récits et de certaines lois, qui sont contenus 
dans le Pentateuque. Le livre des Rois, rédigé pendant 
la captivité, attribue à Moïse le Deutéronome, découvert 
dans le Temple du temps de Josias. En revenant à Jé- 
rusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu'il lit 
et présente comme l'œuvre de Moïse. Néhémie, Mala- 
ohie, l'auteur des Paralipomènes regardaient Moïse 
comme l'auteur du Pentateuque entier. Les auteurs 
juifs de la version grecque dite des Septante partageaient 
cette conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains 
de Notre-Seigneur, à quelque secte qu'ils appartinssent, 
admettaient cette tradition, dont Jésus se sert pour 
convaincre les sadducéens. Jésus et ses Apôtres, en 
employant les dénominations usitées de leur temps, 
ont bien admis le sentiment commun de leurs coreli- 
gionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue à 
Moïse la composition du Pentateuque, s'est perpétuée 
dans la Synagogue jusqu'à nos jours, sauf de très rares 
et toutes récentes exceptions. 

Pour le I er siècle de notre ère, Josèphe et Philon re- 
présentent les deux fractions du judaïsme, palestinien 
et alexandrin. L'historien Josèphe, qui était de Pales- 
tine, place en tête des vingt-deux livres que les Juifs 
reconnaissent comme divins et inspirés, les cinq livres 
de Moïse qui contiennent l'histoire des origines et de 
l'humanité depuis la création jusqu'à la mort de l'au- 
teur. Cont. Apion., I, 8. Dans ses Antiquités judaï- 
ques, I, Procem., 4, il se propose de résumer les livres 
de Moïse à partir de la création du monde. A la fin de 



son exposé, IV, vm, 3-48, il rapporte que Moïse > 
avant de mourir, remit aux Israélites qu'il avait tirés 
de l'Egypte le livre qui contenait la législation divine 
et qu'il avait écrit lui-même. Or, au sentiment de Jo- 
sèphe, il ne s'agit pas seulement du Deutéronome, 
mais bien du Pentateuque entier, puisque le résumé 
logique qu'il en donne comprend toutes les lois du 
Pentateuque. II attribue même explicitement au légis- 
lateur hébreu le récit de son trépas. « Craignant, dit-il, 
qu'on ne prétendit qu'à cause de sa grande vertu Dieu 
ne l'avait ravi auprès de lui, il raconta lui-même dans 
les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe 
alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque 
comme étant de Moïse. La Thora est de tous les Livres 
saints celui qu'il cite le plus souvent. Elle possède à 
ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame 
Moïse son auteur, le prophète par excellence, un archi- 
prophète. Les écrits qu'il a composés comprennent 
des récits historiques et des lois. L'histoire mosaïque 
remonte à la création du monde. De vita Mosis, 1. II, 
Opéra, Genève, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de 
Moïse d'après les écrits de son héros, et parvenu au 
terme de son ouvrage, 1. III, p. 538, il rapporte comme 
une merveille que Moïse, sur le point de mourir, fit 
par inspiration divine le récit prophétique de sa mort. 
Une beraïlha du Talmud de Babylone, traité Baba- 
Bathra, voir t. il, col. 140, reproduit l'enseignement 
des Juifs demeurés au pays de la captivité : « Moïse, 
dit-elle, écrivit son livre (c'est-à-dire le Pentateuque) et 
la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et 
huit versets de la Loi, » ceux qui font le récit de la 
mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont 
l'opinion est ici reproduite, jugeant que le récit de la 
mort de Moïse n'avait pu être rédigé par le défunt, 
l'attribuaient à son successeur. C'était notamment le 
sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est répétée, 
traité Makkôth, fol. lia; traité Menachôth, fol. 30a. 
Mais au rapport d'une autre beraïtha du même traité, 
c. Kama, Rabbi Siméon objectait qu'il ne pouvait man- 
quer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi con- 
cluait-il que jusqu'à. Deut., xxxiv, 4, « Dieu dictait, 
Moïse répétait et écrivait; à partir de là, Dieu dictait, 
et Moïse écrivait en pleurant. » L. Wogue, Histoire de 
la Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours, 
Paris, 1881, p. 21 ; G. Wildeboer, De la formation du 
canon de VA. T., trad. franc., Lausanne, s, d., p. 44. 
Le Talmud de Jérusalem mentionne seulement l'attri- 
bution des cinq livres du Pentateuque, avec mention à 
part de la section de Balaam et de Balac, mais sans 
allusion au récit de la mort de Moïse. Traité Sota, 
•v, 5, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vu, p. 290. D'ailleurs, 
les rabbins, en disant : « la loi de Moïse, » en regar- 
daient Moïse comme le rédacteur; aussi l'appelaient-ils 
lui-même « le grand écrivain d'Israël ». Tous les doc- 
leurs d'Israël sont demeurés fidèles à cette tradition de 
leurs pères, et ont unanimement reconnu que, sauf les 
douze derniers versets ajoutés par Josué, Moïse a écrit 
le Pentateuque sous l'inspiration divine. J. Fùrst, 
Ver Kanon des Alten Testaments nac.h den Ueberlie- 
ferungen xm Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, 
p. 7-9. Seuls Isaac ben Jasus, au XI e siècle, et Abenesra, 
au xri", ont admis dans les livres de Moïse quelques 
additions postérieures. Voir col. 61. A la même époque 
Maimonide énonça en ces termes le huitième article de 
la foi juive : « Il faut croire que la loi que nous possé- 
dons est la loi qui nous a été donnée par Moïse... 
Moïse écrivit ce qui lui fut dicté sur l'histoire et sur 
les lois. » Comment, in tr. Sanhédrin, c. IX, cité par 
Abarbanel, Sépher Rosch 'Amanah, c. i, trad. de Vors- 
tius, in-4», Amsterdam, 1638, p. 6. Cf. Surenhusius, 
Mischna cum commentants integris Maimotiidis et 
Bartenorse, Amsterdam, 1702, t. îv, p.264. Auxiif siècle. 
R. Becchai admettait que Moïse avait écrit la loi depuis 



73 



PENTATEUQUE 



74 



le premier mot de la Genèse jusqu'au dernier duDeuté- 
ronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateu- 
que entier venait immédiatement de Dieu et que Moïse 
n'en avait écrit aucune parole de lui-même. Au 
xv s siècle, Abarbanel répétait la même chose et rejetait 
le sentiment de ceux qui attribuaient à Josué les douze 
derniers versets du Deutéronome. Cf. Richard Simon, 
Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques 
de E. Dupin, Paris, 1730, t. m, p. 215-220. Le premier 
parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au xvn e siècle, rejette 
l'authenticité mosaïque du Pentateuque qu'il déclare 
bien postérieur à Moïse, puisque Esdras en est peut- 
être l'auteur. Tractatus theologico-politicus, c. vnr, 
édit. laucbnitz, t. m, p. 125; trad. Saisset, 2" édit.. 
Paris, 186/, t. H, p. 154-173. Quelques Juifs modernes 
ont admis plus ou moins complètement les conclusions 
des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris, 
1881, p. 132-142, attribue la Genèse, sauf un petit 
nombre d'interpolations, à Moïse qui en a puisé le fond 
dans des documents antérieurs, émanés de difiérents 
auteurs: il lui attribue aussi toute la législation du 
Pentateuque, qui formait peut-être le « livre de l'al- 
liance », bien que sa rédaction ait pu, avec le temps, 
subir quelques modifications. Le reste du Pentateuque, 
à savoir les parties historiques des quatre derniers 
livres, est formé de documents qui étaient postérieurs à 
Moïse, mais dont il est impossible de fixer l'âge avec 
précision. « Le recueil a dû être achevé et exister dans 
sa forme actuelle à l'époque de Josias, et c'est à cette 
même époque qu'il a pu être reçu par les Samaritains. 
Le Pentateuque peut donc être appelé avec raison un 
livre mosaïque, bien qu'il ne soit pas émané en entier 
de Moïse. S'il manque d'unité dans le plan et la méthode, 
il y a unité dans l'idée, » p. 142. Les Juifs croyants ont 
donc ioujours admis et admettent encore l'authenticité 
mosaïque du Pentateuque. La tradition était si stricte 
qu'elle a porté les rabbins à accepter même des exagé- 
rations et des fables pour la défendre. 

3° La tradition perpétuelle de l'Église catholique. 
— La tradition juive, introduite par Jésus et ses Apôtres 
dans l'Eglise, s'y manifeste de bonne heure et se couti- 
nue sans interruption de siècle en siècle jusqu'à nos 
jours. Il suffit de constater son existence dans les pre- 
miers siècles, car personne ne nie sérieusement sa 
persévérance et son unanimité. Les Pères apostoliques 
citent assez souvent des passages du Pentateuque 
comme paroles d'Écriture inspirée, sans nommer l'au- 
teur, conformément à leur manière habituelle de citer 
la Bible, mais ils ne sont pas cependant tout à fait muets 
sur l'activité littéraire de Moïse. Ainsi le pseudo-Bar- 
nabe, s'il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres 
apostolici, 2= édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 66-70, plu- 
sieurs lois, et xn, 2-9, p. 74-76, plusieurs paroles de 
Moïse, ne considère pas ce personnage exclusivement 
comme législateur et comme chef d'Israël. Il cite sous 
le nom du prophète Moïse une parole prononcée par 
Dieu lui-même, Exod., xxxm, 1, 3, parce que le prophète 
l'avait entendue et relatée dans son récit. Epist., vi, 8, 
10, 13, p. 54, 56. De même encore le jeûne de Moïse sur 
le mont Sinaï est cité comme une parole du prophète. 
Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clément de Rome cite, lui 
aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Écri- 
ture sainte. Il affirme une fois que xi ô gisxspio; lua-tcK 
6&pi— ùiv £v fj'i.fjù Toi oTxfTi MurJrT-7,- -ri ôiaTZyuiva: aÙTÛ 
— ivTa irrr.jiE'.aiçaTû £v ti:; iîpatî fiio/.o::. 1 Cor., XLI, 1, 
ibid., p. 152. 

Les Pères apologistes apprennent aux païens, à qui ils 
s'adressent, que Moïse a écrit sous l'inspiration divine, 
qu'il est le premier des prophètes et le plus ancien de 
tous les écrivains et qu'il a raconté par l'esprit pro- 
phétique la création dn monde. S. Justin, Apol., i, 59, 
t. VI, col. 416; Cohort. ad Grxc, 28. 30, 33, 34, ibid., 
col. 293, 296-297, 361; S. Théophile, Ad Autol., m, 23, 



ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, ibid., 
col. 377, 409, cite la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 
10, comme écrite par l'esprit prophétique. Il rappelle 
à Tryphon, Diah, 29, ibid., col. 537, que Moïse a écrit 
dans les lettres juives. L'auteur delà Cohort. ad Grsecos, 
9, ibid., col. 257, prouve l'antiquité du prophète et 
du législateur juif par le témoignage des philosophes 
grecs. Moïse a écrit au sujet du tabernacle, ibid., 29, 
col. 296; et Platon a fait des emprunts à sa divine his- 
toire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de l'humanité 
nous sont connues, c'est que le Saint-Esprit nous les a 
apprises, lui qui a parlé par Moïse et les autres pro- 
phètes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes 
que tous les écrivains et tous les poètes. S. Théophile, 
Ad Autol., il, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apo- 
logistes s'accordent-ils à dire que les philosophes et 
les législateurs païens ont fait des emprunts à Moïse 
et lui ont volé leur sagesse. 

Tous les Pères subséquents citent le Pentateuque 
sous le nom de Moïse. Ils affirment aussi à l'occasion 
que Moïse a composé le Pentateuque. On retrouve de 
ces témoignages formels dans toutes les Églises chré- 
tiennes. Saint Irénée, Cont. hser., I, II, 6, t. vu, 
col. 715-716, attribue à Moïse le récit de la création du 
monde. Cf. n, 22, n. 3, col. 783. A Rome, saint Hippo- 
lyte commentait Deut., xxxi, 9, 24, 25, qui attribue à 
Moïse la rédaction de ce livre. Achelis, Arabische Frag- 
mente zum Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897 
t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, vin, 8; x, 33, t. xvi, 
col. 3350, 3449. A Carthage, Tertullien provoquait Her- 
mogène ad originale instrumentum Moysi, à propos 
de la création du monde. Adv. Hermogenem, xix, t. il, 
col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv, 22, ibid., col. 414. 
A Alexandrie, Origène tenait Moïse non seulement 
comme législateur, mais aussi comme écrivain, puisque 
les lettres qu'il employa pour écrire ces cinq livres, 
tenus pour sacrés chez les Juifs, sont différentes des 
lettres égyptiennes. Cont. Cels., m, 5-6, t. xi, col. 928. 
Il parle des écrits de Moïse, livres clairs et sages, que 
Moïse ou plutôt l'Esprit divin qui était en Moïse et 
dont l'inspiration l'a fait prophète, a écrits. Ibid., iv,55, 
col. 1120. Cf. In Gen., hom. xm, n. 2, t. xn, col. 231; 
In Num., hom. xxvi, 3, ibid., coi. 774. Eusèbe de Césa- 
rée parle du grand Moïse, le plus ancien de tous les 
prophètes, qui a décrit sous l'inspiration divine la créa- 
tion du monde et l'histoire des premiers hommes. H. E., 
i, 2, t. xx, col. 56; cf. 3, col. 69. Saint Eusthate d'An- 
tioche, De cngastrinrylha contra Origenem, 21, t. xvm, 
col. 656, reproche à Origène d'appeler fables ce que Dieu 
a fait et ce que le très fidèle Moïse a consigné par écrit. 
Cf. pseudo-Eusthate, In Hexaemeron, ibid., col. 708 
Marius Victorin, De verbis Script., Faatum est, 1 ; 
t. vin, col. 1009, déclare que Moyses nos docuit libre 
Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32, 
t. xxvn, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avait 
ordonné à Moïse d'écrire un cantique et le Deutéro- 
nome tout entier. Diodore de Tarse déclare que Moïse a 
écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen., 
t. xxxm, col. 1561-1562. Didyme d'Alexandrie, De Tri- 
nitate, II, vu, 3, t. xxxix, col. 565, expliquant .• Fa- 
ciamus hominem âd imagineni nostram, dit que 
Moïse dans la Genèse par la personne du Père et du 
Fils parle au Saint-Esprit. Saint Grégoire de Nysse 
attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la 
Genèse qui, de prime abord, paraissent contraires. In 
Hexaemeron, proœm., t. xliv, col. 61. Saint Ambroisa, 
Tlexaemeron, VI, il, 8, t. xiv, col. 245, déclare que 
Moïse, quoiqu'il fût instruit dans toute la sagesse des 
Égyptiens, a méprisé, parce qu'il était inspiré, la 
vaine doctrine des philosophes et a décrit la création 
du monde. Saint Épiphane, Uxr., xxvr, 3, t. xll, 
col. 337, dit que ce législateur était inspiré pour rédi- 
ger la loi contre les parricides, et xxxm, n. 9, col. 572, 



75 



PENTATEUQUE 



76 



pour écrire fout ce qu'il [a écrit. Fauslin, De Trinitate, 
c. i, 5-7, t. xiii, col. 41, 42, attribue à Moïse le début 
de la Genèse, et fait des emprunts aux livres de Moïse. 
Saint Hilaire de Poitiers, De Trinitate, i, 5, t. x, 
col. 28, parle des livres, qucs a Moyse alque prophe- 
tislscriptos esse Hebrxorum religio Iradebat. Saint 
Chrysostome, In Gen., hom. n, 2-3, t. lui, col. 27, 28, 
reconnaissait dans le début de la Genèse les paroles du 
bienheureux Moïse qui, pour se faire comprendre des 
Juifs, parlait, comme plus tard saint Paul, un langage 
grossier. Il attribuait aussi à Moïse le récit du déluge 
et il expliquait comment cet écrivain n'a rien dit des 
soixante-dix premières années de Noé. Ad Stagirium a 
dsemone vexalum, n, 6, t. xlvii, col. 457. Saint Jérôme 
dit expressément que le Pentateuque est de Moïse. Prse- 
falio in lib. Josue, t. xxvm, col. 461; Prologus galea- 
ius, ïbid., col. 548. Il énumère les cinq livres : Genèse, 
Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome comme 
étant de Moïse ainsi que les onze Psaumes lxxxix- 
xcix. Epist. cxl, 2, t. xxii, col. 1167. La parole sou- 
vent citée contre l'authenticité du Pentateuque : Sive 
Moysen dicere volueris auctorem Pentateuchi, sive 
Esdram ejusdem instauralorem operis non recuso 
(De perpétua virginitate B. Mariai liber advenus 
Helvidium, n. 7, t. xxni, col. 199), ne concerne pas 
le livre entier, mais seulement la glose : usque in 
hodiernum diem, Gen., xxxv, 4; Deut., xxxiv, 6 (selon 
les Septante), que le saint docteur refuse de rapporter 
soit à Moïse soit à Esdras. Saint Augustin voit les cinq 
livres de Moïse figurés par les cinq pierres que David 
choisit dans le torrent pour en armer sa fronde, 
Serm., "xxxi, c. s, \h, t. xxxro\, col. 198, 199, et dans 
les cinq portiques de la piscine de Bethsaïde. Serm., 
cxxiv, c. m, ibid., col. 687. Il enseigne que le récit de 
la création, dont le sens l'a préoccupé durant toute sa 
vie, a été écrit par Moïse. Conf., xi, 3; xn, 14, 30, 
t. xxxn, col. 811, 832, 843; De Gen. ad lit., VIII, ni, 7; 
IX, xili, 23, t. xxxiv, col. 375, 402; Decivitate Dei, XI, 
IV, 1, t. xli, col. 319. Théodore de Mopsueste tient 
Moïse pour l'auteur de la Genèse. Sachau, Theodori 
Mopsuesleni fragmenta syriaca, Leipzig, 1869, p. 8, 9. 
Cf. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Afri- 
canus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 98. 
Saint Cyrille d'Alexandrie, Cont. Julian., I, t. lxxvi, 
col. 524-525, prouve que Moïse a précédé tous les sages 
de la Grèce qui l'ont connu et estimé, et il explique 
que le contenu de ses récits est admirable, parce que 
l'écrivain était inspiré de Dieu. Saint Isidore de Péluse, 
Epist. ,\. IV, epist. CLxxvi, t. lxxviii, col. 1268, explique 
pourquoi Moïse a fait précéder sa législation d'un récit 
historique. Théodoret, In Malach., arg., t. lxxxi, 
col. 1960, .déclare que Moïse, le grand législateur, est le 
premier qui nous ait laissé par écrit des oracles divins. 
Procope de Gaza, In Gen., prolog., t. lxxxvii, col. 24, 
affirme que le livre qu'il entreprend de commenter est 
de Moïse. Les explications qu'il donne montrent bien 
qu'il regardait la législation, contenue dans les livres 
du milieu, comme rédigée par cet écrivain. D'ailleurs, 
il déclare expressément que le Deutéronome, résumé 
des livres précédents, est de la main de Moïse. In Deut-, 
ibid., col. ,893-894. Junilius, De partibus divinse legis, 
1. I, c. vin, t. lxviii, col. 28; cf. Kihn, op. cit., p. 480, 
sait, ex traditione veterum, que Moïse a écrit les cinq 
premiers livres historiques de l'Ancien Testament, bien 
que leurs titres ne contiennent pas son nom, et que 
lui-même ne dise pas : Dixit Doniinus ad me, mais, 
comme s'il parlait d'un autre : Dixit Dominus ad 
Moysen. De son côté, saint Isidore de Séville est très 
explicite dans les attributions du Pentateuque à Moïse. 
Eîym.,~Vl, i, 4; n,l, t. lxxxii, col. 229, 230. Il indique 
même le temps mis par Moïse à rédiger le Deutéronome. 
Quœst. in V. T., in Deut., I, 2, t. lxxxiii, col. 359. 
Il est inutile de multiplier les citations. On a conti- 



nué dans l'Église à admettre l'authenticité mosaïque 
du Pentateuque. Pour le moyen âge et les temps mo- 
dernes, voir Hoberg, Moses und der Pentaleuch, p. 72- 
73. Personne jusqu'au xvi c et au XVII e siècle n'a émis 
le moindre doute à ce sujet. Nous exposerons plus 
loin les doutes et les négations des critiques modernes. 
La masse des exégètes et des théologiens catholiques 
aussi bien que des fidèles est demeurée attachée à 
l'ancienne tradition, et aujourd'hui encore, nonobstant 
le travail de la critique, admet l'authenticité mosaïque 
du Pentateuque. L'enseignement traditionnel a été vé- 
ritablement unanime, ininterrompu et perpétuel dans 
l'Église catholique. 

4° Critères internes ou caractères mosaïques du 
Pentateuque. — Ils sont tirés du fond même ou de la 
forme littéraire du livre. Par eux-mêmes, ils sont in- 
suffisants à prouver l'authenticité mosaïque du Penta- 
teuque, mais ils confirment la tradition juive et chré- 
tienne. — 1. Caractères mosaïques du fond. — a) 
L'auteur du Pentateuque connaît exactement les 
choses d'Egypte. — Bien que les nombreux documents 
hiéroglyphiques de l'ancienne Egypte, déchiffrés ré- 
cemment, ne fournissent aucune preuve directe des 
faits racontés par Moïse dans l'histoire de Joseph, la 
venue des Israélites en Egypte, leur séjour au pays de 
Gessen, leur oppression et leur exode, ils donnent ce- 
pendant des preuves indirectes de la vraisemblance et 
de l'exactitude des récits qui rapportent ces événe- 
ments. Sur le voyage d'Abraham en Egypte, voir F. Vi- 
gouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 9 édit., 
Paris, 1896, t. i, p. 453-480; pour l'histoire de Joseph, 
voir op. cit., t. n, p. 1-213; Echanson, t. n, col. 1558- 
1559; Joseph, t. m, col. 1657-1669; pour le séjour des 
Israélites en Egypte, leur oppression et leur exode, voir 
op. cit., t. il, p. 215-439; Brique, t. i, col. 1931-1934; 
Gessen, t. m, col. 218-221; Corvée, t. h, col. 1030-1031. 
Les plaies d'Egypte, sans perdre leur caractère miracu- 
leux, sont conformes aux phénomènes naturels de la 
contrée et sont des maux propres au pays. La couleur 
égyptienne de ces récils est indéniable. Or, elle ne 
prouve pas seulement leur véracité; elle montre aussi, 
au moins indirectement, leur aulhenticité mosaïque, 
Tous les détails sont si exacts, si égyptiens, qu'ils n'ont 
pu être inventés après coup, qu'ils ont dû plutôt être 
relatés par un Israélite qui, comme Moïse, avait été 
élevé en Egypte, La tradition, eût-elle reçu dès l'origine 
une forte empreinte égyptienne, aurait perdu de sa 
fraîcheur et de son coloris, si elle avait été conservée 
longtemps dans la mémoire du peuple avant d'être 
consignée par écrit. Un rédacteur postérieur, fût-il 
bien au courant de la situation particulière de l'Egypte, 
de ses usages et de ses coutumes, n'aurait pu rendre sa 
narration aussi conforme, dans les plus petits détails, 
à la réalité historique que les découvertes égyptolo- 
giques nous ont révélée. Seul, un Israélite, ayant vécu 
longtemps en Egypte, a été capable de donner au récit 
l'exactitude minutieuse qu'on y constate. 

Les critiques modernes ne contestent guère cette 
couleur égyptienne des récits, et ils reconnaissent que 
l'auteur du document qu'ils appellent élohiste était très 
au courant des choses égyptiennes. Il reproduit deux 
mots égyptiens fortement sémitisés : abrek, voir t. i, 
col. 90-91, et sâfenat pa'enêah, nom égyptien donné à 
Joseph. Gen., xli, 43, 45. Il nomme Putiphar, Gen., 
xxxvn, 36, etc., Séphora et Phua, les sages-femmes 
égyptiennes, Exod., i, 15, les villes de Phithom et de 
Ramessès, Exod., i, 11, et la mer Rouge. Exod., xnr, 
18; xv, 22. Il connaît exactement la constitution de 
l'armée égyptienne. Exod., xiv, 7. Paul de Lagarde et 
Steindorff s'appuyaient sur une interprétation contes- 
table du nom égyptien de Joseph, du nom de saJemnae 
Aseneth et de celui de Putiphar pour rapporter l'his- 
toire de Joseph dans le document élohiste à l'époque 



77 



PENTATEUQUE 



78 



de la seconde dynastie saïte, après Psammétique I er 
(655-610). Mais M. Naville a réfuté les explications don- 
nées. Proceedings of the Society of biblical Archœo- 
logxj, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771, 1082-1083; 
t. m, col. 1668. La conclusion qu'on en tirait relative- 
ment à la date tardive du document élohiste n'est donc 
pas fondée. Les autres critiques qui la remontent plus 
haut ne dépassent pas l'époque des rois d'Israël, et ils 
pensent que l'auteur avait eu personnellement à cette 
époque une connaissance directe de l'Egypte à la suite 
•des alliances des rois d'Israël avec les Pharaons. Ils en 
•concluent qu'on ne peut discerner dans ses descriptions 
ce qui convient à l'époque des faits de ce qui se rap- 
porte à son temps. Mais la couleur égyptienne n'est pas 
spéciale aux récits du soi-disant document élohiste; 
elle se remarque dans l'ensemble du Pentateuque,sans 
•distinction des sources ; elle est tout aussi réelle pour 
les plaies d'Egypte, par exemple, dans les parties du 
récit que les critiques attribuent au document jéhoviste, 
•et plusieurs traits ne sont justes que pour l'époque des 
événements et ne conviennent pas à l'Egypte des Pha- 
raons, contemporains des rois et des prophètes d'Israël. 

On a constaté, en effet, que l'Egypte, décrite dans 
l'histoire de Joseph, du séjour des Israélites et de leur 
•exode, est l'Egypte du xv 8 siècle avant notre ère. Ce qui 
est dit de l'état du pays, des principales villes de la 
frontière, de la composition de l'armée, est vrai de 
l'époque des Ramsès. Ce pays y apparaît comme un 
royaume unique, placé sous le gouvernement d'un 
seul roi; elle n'est pas encore morcelée en douze petits 
États, comme elle l'était au temps d'Isaïe, xix, 2. Voir 
t. H, col. 1612. Les villes de Phithom et de Ramessès, 
bâties par les Israélites, Exod., i, 11, ont eu réelle- 
ment Ramsès II, sinon comme premier fondateur, du 
moins comme restaurateur. Il n'est parlé ni de Migdol 
ni de Taphnès et on n'y relève aucun des noms sémi- 
tiques de villes qui furent usités sous la dynastie buba- 
liste contemporaine de Salomon. L'armée est composée 
de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. H, col. 567- 
570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires étran- 
gers, pareils aux Lubirn, qui en faisaient partie plus 
tard. Jer., xlvi, 9; II Par., xn, 3. Voir t. l, col. 992- 
991; t. iv, col. 238-241. Les relations de l'Egypte avec 
les pays étrangers supposent aussi une époque ancienne. 
Il n'est parlé ni du royaume d'Ethiopie qui dominait 
l'Egypte sous le règne d'Ézéchias, ni des rois assyriens 
qui conquirent l'Egypte sous la dynastie éthiopienne. 
Voir t. il, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt, 
dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759. 
De cet accord entre le Pentateuque et les anciens do- 
cuments égyptiens on peut conclure que les récits ont 
été rédigés peu après les événements et à l'époque où 
le souvenir des faits était encore récent. 

Cette conclusion est confirmée par la ressemblance, 
purement extérieure il est vrai, mais très réelle, des 
institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse 
au désert avec les rites égyptiens. Voir t. iv, col. 335. 
L'arche d'alliance, placée dans le tabernacle, ressem- 
blait en quelque chose au naos des temples égyptiens. 
Voir t. i, col. 912. Le tabernacle présentait lui-même, 
dans son ensemble, les mêmes dispositions que ces 
temples. Les divergences provenaient de la diversité 
des matériaux employés et de la nécessité d'avoir, 
durant le séjour au désert, un temple portatif. Le ratio- 
nal d'Aaron est pareil au pectoral des prêtres égyptiens. 
Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche 
du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6'édit., Paris, 1896, 
t. H, p. 529-547; Les Livres Saints et la critique 
rationaliste, Paris, 1902, t. m, p. 86-99; Sayce, La 
lumière nouvelle apportée par les monuments an- 
ciens, trad. Trochon, Paris, 1888, p. 77-98; J. Heyes, 
Bibel und Aegypten, Munster, 1904, p. 142. Cer- 



tains usages pharaoniques sont mentionnés dans le 
Deutéronome : l'arrosage avec les pieds, vi, 10, mode 
d'irrigation particulier à l'Egypte, voir, t. m, col. 926- 
929; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-même sa 
rapproche de celui des scribes égyptiens ; la bastonnade, 
iniligée à la mode égyptienne, xxv, 2, voir, t. i, 
col. 1500; les pierres enduites de chaux, dont on se 
sert pour écrire, xxvn, 1-8. De tout cet ensemble il 
résulte manifestement que l'auteur du Pentateuque 
connaissait les mœurs de l'Egypte, ses usages, ses 
coutumes, d'une manière si parfaite qu'il a dû vivre 
longtemps dans ce pays et précisément à l'époque des 
événements qu'il raconte. 

b) L'auteur a écrit son livre pour les Israélites, 
sortis de l'Egypte et n'occupant pas encore le pays 
de Chanaan. — Le souvenir de l'Egypte est fréquem- 
ment rappelé aussi bien dans les lois que dans les 
récits historiques des quatre derniers livres du Penta- 
teuque. L'oppression que les Israélites y avaient subie 
était un motif souvent indiqué de ne pas retourner 
dans un pays où l'on avait tant souffert et la délivrance 
de la servitude est un événement récent et très impor- 
tant pour Israël. Le récit de ces événements est écrit 
sous le coup de l'impression profonde qu'ils avaient 
laissée. L'anniversaire de l'exode est célébré par une 
fête solennelle, la fête de la Pàque, qui en rappelle 
les circonstances historiques. La consécration des 
premiers-nés au Seigneur se rattache aussi à la dixième 
plaie d'Egypte, dont les Israélites avaient été exemptés. 
La fête des Tabernacles est destinée à remémorer aux 
Hébreux que leurs ancêtres ont habité sous la tente 
dans le désert, quand Dieu les tira de la terre 
d'Egypte. Lev., xxtn, 43. Quand les Israélites se 
révoltent et murmurent contre Moïse, ils regrettent la 
vie facile qu'il menaient en Egypte comparativement 
aux privations qu'ils subissent au désert, et ils vou- 
draient retourner dans ce pays d'abondance. Moïse 
lutte constamment contre ces désirs insensés du 
peuple, et il cherche à éloigner le plus possible les 
Israélites du pays de leur servitude. Pour répondre à 
leurs plaintes, il déclare que ce n'est pas lui, que c'est 
Dieu qui les a fait sortir d'Egypte. Il recommande de 
de pas agir conformément aux usages de l'Egypte. 
Lev., xviii, 3. Tour calmer Dieu irrité contre Israël, 
Moïse fait valoir l'opinion des Égyptiens. Num., xiv, 
13, 14. Plusieurs dispositions législatives sont portées 
à cause de l'Egypte qu'on vient de quitter. La loi sur 
l'étranger, qu'il ne faut ni contrister ni affliger, est 
motivée par le fait que les Israélites ont été étrangers 
en Egypte. Exod., xxn, 21. L'Israélite ne sera pas 
esclave de ses frères à perpétuité, parce que Dieu a 
affranchi tout Israël de la servitude de l'Egypte. 
Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur 
qu'elles ne séduisent et n'entraînent à l'idolâtrie le 
peuple choisi, tiré par Dieu de l'Egypte. Deut., iv, 
15-20. On recommande au roi futur, qui régnera en 
Israël, de ne pas ramener son peuple en Egypte. 
Deut., xvn, 16. La délivrance de la servitude égyptienne 
est un des plus puissants motifs, invoqués et répétés 
dans le Deutéronome pour inciter les Israélites à 
observer fidèlement les prescriptions données par le 
Seigneur qui avait sauvé Israël. Si les Israélites sont 
fidèles aux prescriptions divines, ils ne souffriront 
aucun des maux que Dieu a infligés aux Égyptiens. 
Exod., xv, 26; Deut., vu, 15. S'ils sont infidèles, ils 
subiront comme châtiment les mêmes maux dont ils 
avaient déjà été affligés en Egypte. Deut., xxvm, 27, 60; 
XXIX, 25. L'exode est donc pour le narrateur comme 
pour le législateur un fait récent, dont le souvenir est 
encore très vivant et très capable de produire une 
forte impression. Écrit longtemps après les événements, 
le récit n'aurait pas eu un accent si saisissant, et la 
sortie d'Egypte n'aurait pas été le seul et unique 



79 



PENTATEUQUE 



80' 



bienfait divin, rappelé à la mémoire des descendants 
d'Israël. Celait de ceux-là mêmes qui avaient été oppri- 
més en Egypte et qui venaient d'être délivrés que 
l'auteur ravivait des souvenirs récents et communs. 
Leurs descendants éloignés n'auraient pas pu êire 
frappés à ce point par la mémoire de faits, dont ils 
n'avaient pas été les témoins oculaires. 

D'autre part, rien clans le Pentateuque n'indique que 
les Israélites aient déjà occupé définitivement le pays 
de Chanaan. Leurs ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob, 
qui avaient quitté la Chaldée, n'y ont vécu qu'en 
nomades et en étrangers. Dieu leur avait seulement 
promis de donner à leur postérité la terre où ils 
vivaient. Les promesses réitérées, faites aux patriarches, 
sont mentionnées pour rappeler les droits d'Israël à la 
possession future de la Terre promise. Si Jacob vient 
en Egypte pendant la famine, c'est avec le dessein de 
retourner en Chanaan. Gen., xlvi, 4. Il demanda d'être 
enseveii avec ses pères au champ d'Ephron, Gen., xlix, 
29-31, et son désir fut accompli. Gen., L, 4-13. Joseph 
demanda aussi que ses ossements fussent emportés par 
ses frères, lorsqu'ils retourneraient au pays de la 
promesse. Gen., L, 23-24. Dieu confia à Moïse la mission 
de faire sortir son peuple de l'Egypte et de le conduire 
dans la terre des Chananéens. Exod., m, 8; VI, 2-8. 
Quand, irrité contre Israël, il veut l'exterminer tout 
entier, Moïse lui rappelle la promesse faite aux pa- 
triarches et obtient ainsi la grâce des coupables. 
Exod., xxxii, 13; xxxiii, 1. Le Seigneur promet la pos- 
session de Chanaan aux Israélites, s'ils pratiquent fidè- 
lement ses lois. Lev., xx, 24. Cette promesse est fré- 
quemment rappelée dans le Deutéronome. Les livres du 
milieu sont le récit de la marche d'Israël vers la Terre 
Promise. Moïse y conduit son peuple et il compare la 
terre, qu'il faudra conquérir, à l'Egypte. Deut., xi, 10. 
Dieu l'avait caractérisée comme une terre où coule le 
lait et le miel, Exod., m, 8, 17, et les espions, de retour 
de leur exploration, décrivent le pays par ce trait. 
Num., xiii, 28. Les Israélites sont donc en route vers la 
Terre Promise. Une des plus grandes préocupations de 
Moïse est de les déterminer à y entrer et à en faire la 
conquête. Ils devaient gagner rapidement le pays. S'ils 
séjournent quarante ans au désert, c'est en punition de 
la révolte qui suivit le retour des espions envoyés en 
Palestine. Le délai écoulé, Moïse conduit le peuple 
jusqu'aux frontières, et choisit, avant de mourir, Josué 
comme chef de l'armée, et le charge de faire la conquête, 
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio- 
naliste, Paris, 1902, t. ni, p. 28-46. 

Le récit n'est pas composé, comme on l'a prétendu, par 
un écrivain qui habite à l'ouest du Jourdain, c'est-à-dire 
dans la Palestine où Moïse n'a jamais pénétré. En effet, 
l'expression be'êber hay-yardên ne désigne pas néces- 
sairement la contrée située sur la rive gauche du Jour- 
dain. La signification doit être déterminée par le con- 
texte, et dans le même verset, Num., xxxii, 19 (hébreu), 
elle désigne successivement les deux rives. F. Vigouroux, 
Manuel biblique, -12= édit., Paris, 1906, t. i, p. 467-468. 
On ne constate dans le Pentateuque aucune allusion 
certaine à la situation historique qui a suivi la conquête. 
Rien ne fait supposer que le peuple habite dans des 
villes et dans des maisons; la législation convient à des 
nomades, vivant au désert et sous la tente. 11 n'est parlé 
ni de Jérusalem ni de la royauté comme existante. Les 
allusions, signalées par les critiques, notamment dans 
les morceaux poétiques et prophétiques, visent l'avenir, 
et c'est le plus souvent par un préjugé contre la pro- 
phétie qu'on y voit un indice du passé. Les lois sacer- 
dotales de l'Exode et du Lévitique ont l'empreinte du 
désert, à un degré tel que leur rédaction à une autre 
époque et en un autre lieu est hautement invraisem- 
blable. Leur cadre invariable est le camp d'Israël. Le 
Tabernacle, par exemple, est portatif et répond à la 



situation de nomades, qui ne peuvent avoir de sanctuaire- 
fixe. Prétendre, comme le font les critiques, qu'il- 
n'est qu'une projection du Temple de Jérusalem 
dans le passé, c'est une hypothèse, qui est commandée 
par les besoins de la cause et qui ne rend pas compte- 
de tous les détails de la construction et du service. 
D'ailleurs, il faut pour cela attribuer à l'auteur du code- 
sacerdotal, qui l'aurait construit de toutes pièces, une 
imagination créatrice qui ne répond guère aux caractères^ 
qu'on lui prête. On prétend aussi que la couleur locale 
des lois du désert est l'œuvre du même auteur, qui se 
reportait en esprit à l'époque mosaïque. Le principal 
argument, sur lequel on appuie cette explication, est la 
promulgation de la plupart de ces lois sacerdotales au- 
pied du Sinaï. Or, à ce moment, rien n'était plus étran- 
ger à la pensée de Moïse que la prévision d'un séjour 
prolongé d'Israël au désert. Moïse n'a donc pu rédiger 
les lois sinaïtiques en vue d'une situation qu'il ne 
prévoyait pas encore. Mais la rédaction définitive de 
ces lois a bien pu être faite après la révolte dont le 
séjour dans le désert pendant quarante ans fut la puni- 
tion; elle aurait par suite été rendue conforme à cette 
situation nouvelle. Aussi, quand le temps de l'épreuve 
est écoulé, quand la législation, temporaire et locale,, 
du désert touche à sa fin, Moïse promulgue à la généra- 
tion nouvelle qui va traverser le Jourdain et conquérir 
le pays de Chanaan, des lois appropriées à la vie 
sédentaire et agricole qu'elle va mener dans la Terre 
Promise. Du reste, à vrai dire, seules les lois qui 
concernent les campements et le transfert de l'arche et 
du tabernacle, présentent ce caractère temporaire et 
provisoire. Primitivement, elles ne devaient être appli- 
quées que pendant le voyage. Le législateur, parvenu 
au pays de Chanaan, les aurait abrogées et remplacées 
par des dispositions nouvelles. La révolte des Israélites 
après le retour des espions a changé la situation, et des- 
prescriptions, portées pour une durée fort limitée, ont pu* 
être appliquées pendant quarante ans. Celles qui regar- 
daient la descendance et les sacrifices pouvaient être- 
pratiquées partout et en tout temps, hors du camp aussi 
bien que dans le camp. Il n'y a plus donc, de ce chef,. 
de> difficulté, et l'empreinte du désert que conservent 
les lois du culte israélile demeure un indice de la date- 
de leur promulgation et de la rédaction du code qui 
les contient. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la cri- 
tique rationaliste, t. m, p. 79-89; R. Cornely, Inlroduc- 
tio specialis in hist. V. T. libros, part. I, Paris, 1887,. 
p. 57-60. 

D'ailleurs, la forme elle-même de la législation du 
Pentateuque témoigne de son origine mosaïque. Il n'y 
a pas d'ordre rigoureux dans la disposition des lois. 
L'auteur les enregistre à l'occasion, en racontant les- 
faits qui les ont amenées. Elles ne constituent pas un- 
code systématique. Elles ont été prises au jour le jour, 
suivant les occurrences. En dehors de la loi morale et 
religieuse, révélée par Dieu d'un seul coup, ou à des- 
dates fixes, beaucoup de règles civiles sont le résultat 
de consultations adressées à Moïse. Des cas spéciaux 
exigent des solutions nouvelles et précisent l'applica- 
tion des lois générales. Des lois complémentaires, des 
retouches, des répétitions dépendent de circonstances 
parfois imprévues. Les premières lacunes sont ainsi 
comblées. Néanmoins la législation n'est pas complète. 
L'organisation politique n'est pas réglée. La loi sur la 
royauté est pleine de lacunes et ne vise qu'un avenir 
éloigné. Aussi Israël, après la conquête de la Palestine, 
n'aura pas de chef commun; chaque tribu sera, pour 
ainsi dire, isolée et indépendante. Josué n'est chargé 
que de conquérir et de partager la Terre Promise. Ces- 
caractères de la législation du pentateuque ne peuvent 
convenir qu'à Moïse et au temps du séjour d'Israël au 
désert. Ils confirment donc l'origine mosaïque des Iois- 
israélites et du livre qui les contient. F. Vigouroux,. 



81 



PENTATEUQUE 



82 



op. cit., t. m, p. 69-79; R. Cornely, loc. cit., p. 64-66. 
2. Caractères mosaïques de la forme littéraire. — 
La langue du Pentateuque, malgré l'immobilité relative 
de l'hébreu, présente des particularités, qui ne se ren- 
contrent déjà plus dans le livre de Josué. Ce sont des 
mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombés en 
désuétude ou ont été modifiés. On y reconnaît donc des 
archaïsmes, indices assurés de l'antiquité du livre. Voir 
t. i, col. 911. Ce sont le pronom masculin hiï, employé 
155 fois sur 206 pour la forme féminine hî' ; na'ar, au 
masculin, pour désigner une jeune fille; les pronoms 
hd'él au lieu de 'ellêh, et hallêzéh. R. Graffin, Étude 
sur certains archaïsmes du Pentateuque, dans le 
Compte rendu du Congrès scientifique des catholiques, 
Paris, 1888, t. i, p. 154-165; F. Vigouroux, Manuel bi- 
blique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 434-435; Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. m, 
p. 122-126. Les critiques ont cherché à échapper à cet 
argument linguistique de différentes façons. La plupart, 
rencontrant les archaïsmes dans le code sacerdotal, la 
source la plus récente, selon eux, du Pentateuque, pré- 
tendent que, fussent-ils réels, ils ne prouvent pas l'an- 
tiquité du document qui les contient; un écrivain récent 
peut à dessein, par amour de l'archaïsme et pour vieillir 
son œuvre, employer des expressions anciennes, tombées 
de son temps en désuétude. Mais d'autres ne reconnais- 
sent pas même dans ces particularités du Pentateuque 
des archaïsmes réels, ils n'y voient que des singularités 
d'orthographe et d'écriture, introduites par les massorètes 
dans leur édition du texte du Pentateuque. Ainsi pen- 
dant longtemps la voyelle du pronom Nin n'était pas 
écrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible, 
on avait pour les deux genres les simples lettres Nn; 
seule, la lecture différenciait le masculin du féminin. La 
présence du i dans le pronom féminin n'est pas an- 
cienne, et les quiescentes i et > n'ont été ajoutées qu'à 
une époque assez récente. En transcrivant le Nin fémi- 
nin, les massorètes ont marqué sous le n le point de la 
voyelle i; ils lisaient donc hî' et non hû'. S'ils ont con- 
servé l'anomalie Nin, c'est par un respect exagéré pour 
l'unique manuscrit du Pentateuque qu'ils ont transcrit 
et ponctué, et la leçon de leur manuscrit s'explique par 
le fait que, vers le commencement de notre ère, l'écri- 
ture hébraïque ne mettait que peu ou pas de différence 
entre le i et le ». Ces affirmations sont loin d'être cer- 
taines, voir t. m, col. 504-505; rien ne donne droit 
d'accuser les massorètes d'être des faussaires. Les 
massorètes, au rapport du Talmud de Jérusalem, traité 
Taanith, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179- 
180, consultèrent trois manuscrits du Pentateuque et 
maintinrent les onze exceptions de la forme féminine 
N>n sur le témoignage de deux de ces manuscrits. 
L'emploi du masculin -iyj pour le féminin mva pourrait 

bien n'être aussi, dit-on, qu'une simple irrégularité 
d'orthographe; à supposer qu'il soit un idiotisme .ancien, 
il ne serait pas à lui seul une marque de haute anti- 
quité. Les pronoms archaïques ne seraient non plus 
que des différences orthographiques. A. Loisy, Histoire 
antique du texte et des versions de la Bible, dans 
L'enseignement biblique, Paris, 1892, t. i, p. 51-56. 
Comment se fait-il donc qu'ils n'existent que dans le 
Pentateuque? 

En outre des formes archaïques, on signale encore 
dans le Pentateuque des mots anciens, tels que ?~n 
'.rtzi et B.iP, Gen., i, 2, et la tournure pt»n rvn, Gen., 

t : " T t - - 

i, 25, des expressions et des phrases plus tard inusitées : 
'dbîb,« épi, » et le premier mois de l'année, voir t. I, 
col. 46; bdnàh, dans le sens de concevoir; kibsan, 
i four; » kâsas, « compter; » mékés, « somme comp- 
tée; » miksdh, n compte ; » yê'dsef 'el-'ammav, « être 
réuni à ses peuples, » ou simplement yê'dsef, « être 
réuni. » Certaines phrases poétiques, telles que « cou- 



vrir l'œil de la terre », Exod., x, 5, 15; Num., xxn, 5 T 
11, signifiant couvrir la surface de la terre, sont très- 
antiques. Les mots 'ômér et 'issdron ne se lisent aussi 
que dans le Pentateuque. Voir t. m, col. 273. Enfin, en 
plus des mots égyptiens déjà mentionnés, on trouve 
dans le Pentateuque des expressions hébraïques qui 
ne sont que des transcriptions de mots égyptiens. 
Ainsi fêbâh, désignant l'arche de Noé et la nacelle- 
dans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil, est l'égyptien 
tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ». 
Les roseaux dont était faite la lêbâh de Moïse sont 
appelés goméh; c'est l'égyptien kam, qui est la même- 
chose que gam, « jonc. » L'enfant fut exposé sur la 
« lèvre du Nil » ; or la lèvre exprimait métaphorique- 
ment en égyptien le rivage. Yeor est le nom même du 
Nil. Les vaches grasses du songe de Pharaon paissaient 
des aftu, expression égyptienne qui signifie « verdure, 
roseaux ». Joseph est revêtu de lin, seS, mot usité dan& 
la Genèse comme sur les monuments hiéroglyphiques. 
Voir t. ni, col. 1668. Le roseau que les Israélites em- 
ploient pour fabriquer des briques est nommé de son 
nom égyptien qas. Sur les hartummîm, voir t. n r 
col. 1443-1444. L'arbuste dans lequel Moïse voit Dieu à 
l'Horeb est appelé senéh, qui est le sent des inscrip- 
tions et des papyrus de la XIX 5 dynastie. Le tambour, 
tof, dont Marie, sœur de Moïse, se sert, porte un nom 
égyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on dépose la 
manne, sinsénet, les pots de viande, que regrettent les 
Israélites, sîr, sont des mots égyptiens sennu, seri, 
qu'on ne retrouve plus dans les autres livres de la 
Bible. La corbeille destinée à contenir les prémices, 
téné', est la tena, « corbeille, » des Égyptiens. F. Vi- 
gouroux, La Bible et les découvertes modernes,!}' édit.,. 
Paris, 1896, t. n, p. 586-591. Toutes ces particularités, 
lingaistiques réunies sont des indices évidents de l'an- 
tiquité du Pentateuque; elles confirment par suite 
l'authenticité mosaïque de ce livre. 

III. OBJECTIONS CONTRE L'AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE 

du pentateuque. — 1° Histoire de ces objections. — 
1. Les précurseurs des critiques modernes. — Les 
gnostiques, qui rejetaienttoutl' Ancien Testamentcomme 
étant l'œuvre du mauvais principe, ne niaient pas 
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, ils soutenaient 
seulement que le mauvais principe avait trompé Moïse. 
Ptolémée, disciple de Valentin, distinguait dans la 
législation mosaïque les lois divinement révélées, les 
lois portées par Moïse de sa propre autorité et les lois 
promulguées par les anciens du peuple. Il ne niait 
pas explicitement que cette législation ait été rédigée 
par Moïse. Lettre à Flora reproduite par saint Épiphane, 
User., xxxin, 8, t. xli, col. 560-561. D'après le même 
saint, Hssr., xvin, 1, ibid., col. 257, et saint Jean 
Damascèue, Hxr., xix, t; xciv, col. 689, les nazaréens 
prétendaient que les livres de Moïse avaient été fabri- 
qués et que la loi, donnée aux Juifs par ce législateur, 
différait de celle du Pentateuque. Au m» siècle, l'auteur 
des Homélies clémentines , hom. m, 47, t. n, col. 141, 144, 
faisait dire à saint Pierre que la loi, donnée par Dieu 
à Moïse, avait été confiée oralement aux anciens, mise 
par écrit après la mort de Moïse, perdue, retrouvée et 
enfin brûlée au temps de Nabuchodonosor. Le récit d& 
la mort de Moïse n'ayant pu être écrit par le défunt, le 
Pentateuque qui le contenait était par suite d'une 
autre main. A part cette dernière observation qui est 
vraie, les objections des hérétiques n'ont rien de scien- 
tifique et sont de pures inventions sans valeur. 

Il faut passer jusqu'au temps de la Réforme pour 
rencontrer de nouveaux doutes sur l'authenticité mo- 
saïque du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scrip- 
turis libellus, Wittemberg, 1520, en vint par le même 
raisonnement que l'auteur des Homélies clémentines^ 
à douter que Moïse ait rédigé les récits historiques du 
Pentateuque. Moïse n'a pu raconter sa mort. Or le 



83 



PENTATEUQUE 



sujet de celte narration est identique à celui des récits 
précédents. Tous ces récits sont donc d'une même 
main, qui n'est pas celle de Moïse, ni celle d'Esdras, 
mais celle d'un inconnu. La législation venait de Moïse, 
■et le Pentateuque n'en demeurait pas moins le plvfs 
saint de tous les livres de la Bible. Au XVII e siècle, les 
doutes se multiplièrent. Le philosophe anglais Hobbes, 
Leviathan, 1. III, c. xxxiii, Londres, 1651, déclarait 
■d'abord que le titre : « les. cinq livres de Moïse, » ne 
voulait pas dire que Moïse en était l'auteur, mais seu- 
lement qu'il en était le sujet principal. Le récit de la 
mort de Moïse est une addition postérieure. L'ensemble 
■du Pentateuque est plus récent que Moïse, qui en a 
cependant rédigé quelques parties, notamment Deut., 
xi-xxvn. Isaac de la Peyrère, Syslema theologicum ex 
Prseadamilarum hypothesi, 1. IV, s. 1., 1655, p. 173- 
182, ne regardait pas non plus le Pentateuque actuel 
comme l'œuvre originale de Moïse. Les derniers ver- 
sets du Deutéronome, certains passages, Num., xxn, 
14-15; Deut., i, 1; m, 11, 14, sont des additions; les 
détails sur Séir, Deut., n, conviennent à l'époque de 
David; les obscurités, les confusions, les lacunes et les 
altérations du texte actuel ne proviennent pas de 
Moïse. Celui-ci cependant avait écrit l'histoire des Juifs 
à partir de la création du monde et rédigé sa propre 
législation; mais son livre a été abrégé, retouché et 
modifié, comme le prouve l'étude du texte. Ce n'est pas 
encore la négation de l'origine mosaïque du Penta- 
teuque. 

Baruch Spinoza (1634-1677), Traclatus theologico- 
politicus, c. vin, IX, dans Opéra, 2 e édit. de Van Vlo- 
ten et Land, La Haye, 1895, t. n, p. 56-69, rejette 
l'authenticité mosaïque du Pentateuque. Il reproduit 
les objections d'Abenesra et il les interprète dans le 
sens de la négation de l'authenticité mosaïque. Il y 
joint ses observations personnelles : 1° Il est parlé de 
Moïse à la troisième personne, Num., xn, 3; xxxi, 14; 
Deut., xxxiii, 1, tandis que Moïse parle à la première 
personne de la loi qu'il avait promulguée et écrite. 
Deut., ii, 1-17, etc. A la fin du Deutéronome, le récit 
reprend à la troisième personne; ce qui prouve que le 
livre dans son état actuel est d'une autre main que de 
celle de Moïse. 2° Le récit de la mort, de la sépulture 
et du deuil de Moïse, l'éloge de ce prophète supérieur 
aux autres prophètes, faits au passé, témoignent d'une 
époque postérieure de rédaction. 3° Certaines localités, 
telles que Dan, Gen., xiv, 14, portent les noms qu'elles 
■eurent longtemps après Moïse seulement. 4° Parfois le 
récit historique dépasse la vie de Moïse. Ainsi, la ces- 
sation de la mandueation de la manne, Exod., xvi, 14, 
n'eut lieu qu'à l'arrivée des Israélites aux frontières du 
pays de Chanaan. Jos., v, 12. Les rois iduméens 
nommés Gen., xxxvi, 31, vont jusqu'à David, qui sub- 
jugua leur royaume. II Sam., vin, 14. De tout cela il 
ressort plus clair que le jour que le Pentateuque a été 
rédigé par un écrivain postérieur à Moïse. Moïse tou- 
tefois a écrit des livres, mentionnés dans le Penta- 
teuque et différents de ce livre, à savoir : 1° le livre 
des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, qui contenait 
sans doute le récit de la défaite d'Amalec, Exod., xvn, 
14, et toutes les stations décrites par Moïse, Num., 
xxxin, 2; 2» le livre de l'alliance, Exod., xxi, 4, 7, ré- 
duit aux lois, Exod., xx, 22-xxm, 33; 3° un livre 
d'explication de toutes les lois mosaïques, Deut., i, 5, 
lois qu'il avait imposées de nouveau, Deut., xxix, 14, 
livre qu'il avait écrit en y relatant la rénovation de 
l'alliance, Deut.,xxxi, 9; c'est le « livre de la loi », 
augmenté par Josué, Jos., xxiv, 25, 26, livre perdu, 
mais inséré partiellement dans le Pentateuque, avec le 
cantique. Deut., xxxn. Quoiqu'il soit vraisemblable que 
Moïse ait écrit d'autres lois, on ne peut cependant 
l'affirmer, car les anciens pouvaient les avoir rédigées 
eux-mêmes et l'auteur de la vie de Moïse les avoir in- 



sérées dans son livre. Quant au Pentateuque, il n'a 
formé d'abord qu'un écrit avec Josué, les Juges, Ruth, 
les livres de Samuel et des Rois, œuvre d'un historien 
qui racontait l'histoire juive depuis la création jusqu'à 
la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor. Son auteur 
est probablement Esdras, le seul scribe dont le zèle 
pour la Loi soit mentionné dans l'Écriture. Esdras a au 
moins rédigé le livre de la Loi ou le Deutéronome, qu'il 
a lu et fait expliquer au peuple. II Esd., vin, 9. Plus 
tard, Esdras prit soin d'écrire l'histoire complète des 
Juifs, en y insérant le Deutéronome à sa place. Peut- 
être même a-t-il intitulé les cinq premiers livres de 
cette histoire « livres de Moïse », parce qu'ils conte- 
naient surtout la vie de ce personnage. Mais Esdras n'a 
pas mis la dernière main à cette histoire. Faisant une 
simple compilation de documents antérieurs, il les a 
seulement transcrits, sans les ordonner. C'est pourquoi, 
dans le Pentateuque, les lois et les récits historiques 
sont mélangés sans ordre logique ou chronologique; 
les mêmes faits sont répétés, et parfois diversement. 
Cf. P. L. Couchoud, Benoît de Spinoza, Paris, 1902, 
p. 102-104. Les additions et recherches dans l'œuvre 
de Moïse sont faciles à expliquer comme un complé- 
ment apporté dans la suite des temps à l'ouvrage pri- 
mitif. Les autres assertions de Spinoza ne reposent 
sur rien de positif. 

Pour répondre aux objections de Spinoza et défendre 
l'autorité historique et divine des livres de Moïse, 
Richard Simon a émis des hypothèses nouvelles sur la 
composition du Pentateuque. Il attribuait à Moïse per- 
sonnellement toute la partie législative de ce livre. Quant 
aux récits historiques, il reconnaissait que ce législa- 
teur lui-même avait rédigé, mais d'après d'anciens 
mémoires, la Genèse entière. L'histoire de son temps, 
il ne l'avait pas écrite de sa main; il l'avait fait écrire 
par des scribes publics, dont l'existence est constatée 
plus tard et qui étaient chargés officiellement de rédi- 
ger les Annales d'Israël. Bien que leur institution par 
Moïse ne soit pas mentionnée dans le Pentateuque, elle 
est néanmoins vraisemblable. Au sentiment de Richard 
Simon, ces scribes publics étaient inspirés pour abré- 
ger, en les ordonnant, les modifiant et les complétant, 
les Annales officielles. Comme ils résumaient celles-ci, 
ils ont laissé dans leurs abrégés des répétitions en vue 
de ne pas trop modifier les actes publics. Ayant été 
exécuté par ordre de Moïse, leur travail pouvait légi- 
timement être attribué à ce dernier. Certaines incohé- 
rences du texte actuel proviennent, en outre, d'un 
déplacement de feuillets, opéré à l'époque où les livres 
de la Bible avaient la forme de rouleaux. Elles ne 
prouvent rien contre l'autorité divine et l'origine 
mosaïque du Pentateuque. Voir Histoire critique du 
Vieux Testament, préface non paginée, et le 1. 1, c. i-vi, 
Rotterdam, 1685, p. 1-45; Réponse au livre intitulé : 
Sentimens de quelques théologiens de Hollande, c. vi- 
IX, Rotterdam, 1686, p. 55-94; De l'inspiration des 
livres sacrés, etc., Rotterdam, 1687, p. 20-34. 114-125, 
137-147, 150 sq.; Lettres choisies, lettres xxvni-xxx, 
2= édit., Paris, 11730, t. m, p. 206-236; Critique de la 
Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, 
t. n, p. 449; t. m, p. 154-247. Cf. A. Bernus, Richard 
Simon, Lausanne, 1869, p. 78-80, 83-89; H. Margival, 
Richard Simon et la critique biblique au ir/i' siècle, 
dans la Revtte d'histoire et de littérature religieuses, 
1897, t. n, p. 540-545. 

L'arminien Jean Leclerc, sous le voile de l'anonyme, 
attaqua Richard Simon et nia l'authenticité mosaïque 
du Pentateuque. II signalait dans les livres de Moïse des 
détails et des chapitres entiers qui, d'après lui, 
supposent une époque postérieure à Moïse. Dans son 
état actuel, le Pentateuque est une compilation,- non 
pas d'ouvrages officiels, extraits des archives publiques, 
mais bien d'écrits privés, dont quelques-uns, comme 



85 



PENTATEUQUE 



86 



■celui des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, étaient anté- 
rieurs à Moïse. Celui-ci n'a rédigé que la partie princi- 
pale des livres que la tradition lui a attribués. L'auteur 
du Pentateuque, si au courant des choses chaldéennes, 
-a dû vivre en Chaldée. Or, les Juifs. n'avaient pas passé 
l'Euphrate avant la captivité. L'auteur a donc vécu 
après 722; mais il n'est pas Esdras, puisque les Sama- 
ritains possédaient auparavant le Pentateuque. C'est 
plutôt le prêtre Israélite, envoyé par le roi d'Assyrie 
aux Samaritains, IV Reg., xvn, 24-28, qui a composé le 
livre de la loi pour leur instruction. Son travail a été 
■commencé après la découverte de la loi dans le Temple 
sous Josias. Plus tard, les prêtres de Jérusalem ont mis 
leur loi d'accord avec le Pentateuque samaritain. Sen- 
timens de quelques théologiens de Hollande sur l'His- 
toire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, 
p. 107-129; Défense des Sentimens de quelques théolo- 
giens de Hollande, lettre vn c , Amsterdam, 1686, p. 166- 
188. Plus tard, Leclerc atténua son premier sentiment. 
Tout en maintenant que le Pentateuque dans son état 
actuel était postérieur à Moïse, il déclarait que les addi- 
tions étaient si peu considérables qu'on ne pouvait refu- 
ser à Moïse la composition du livre. Genesis sive Mosis 
prophétie liber prinius, proleg., diss. lit, Amsterdam, 
1693. En 1686, Antoine Van Dale soutint qu'Esdras 
était l'auteur du Pentateuque, mais qu'il avait utilisé le 
livre de la loi, découvert au Temple, et d'autres écrits, 
historiques et prophétiques. 

2. Hypothèse documentaire. — La première systé- 
matisation de la composition du Pentateuque consista 
dans la supposition de sources diverses, compilées et 
utilisées par l'auteur. Jean Astruc, Conjectures sur les 
mémoires originaux dont il parait que Moïse s'est 
servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles 
(Paris), 1753, détermina le premier le contenu et la 
nature des mémoires antérieurs que Moïse avait em- 
ployés pour rédiger la Genèse, et les parties du récit 
actuel qui leur avaient été empruntées. Les répétitions 
et les divergences des récits lui servirent de point de 
départ dans le discernement des sources, et la diversité 
des noms divins, Élohim et .féhovah, lui fit désigner les 
deux principales sources combinées par Moïse, l'une 
élohiste et l'autre jéhoviste. Une troisième nommait 
Dieu Jéhovah-EIohim. Astruc distinguait encore neuf 
autres sources, qui n'étaient que fragmentaires. Il 
supposait enfin que Moïse avait disposé sur quatre 
colonnes les matériaux préexistants, et que les copistes 
avaient mêlé et confondu ces quatre récits; de là pro- 
venaient les répétitions et les incohérences de la Genèse 
actuelle. Voir t. i, col. 1196-1197. Eiehhorn, Einleitung 
in das A. T., Leipzig, 1780, t. I, étendit la distinction 
des sources élohiste et jéhoviste aux deux premiers 
chapitres de l'Exode. Il a, en outre, caractérisé ces 
sources, non seulement par l'emploi des noms divins, 
mais encore par leur contenu et leur style. Il ne se 
croyait pas en mesure de déterminer leur origine. Il 
pensait d'abord que Moïse avait rédigé la Genèse et le 
début de l'Exode, en les combinant; plus tard, il ne 
parla plus que d'un rédacteur. Le reste du Pentateuque, 
sauf quelques interpolations, comprenait la législation 
et le journal de voyage de Moïse. Charles David Ilgen, 
Die Vrkunden des jerusalemischen Tempelarchivs in 
ihrer Vrgestalt, Halle, t. I (seul paru), distingua trois 
documents, deux élohistes et un jéhoviste, ayant leur 
genre propre de rédaction. En les combinant, le rédac- 
teur a dû les modifier pour les mettre d'accord. Aussi 
n'est-il pas facile d'en discerner dans le texte actuel 
tous les éléments constitutifs. 

3. Hypothèse fragmentaire. — Un nouveau courant 
se dessina bientôt, suivant lequel le Pentateuque était 
un conglomérat de fragments détachés et disparates. 
Alexandre Geddes (voir t. m, col. 145), prêtre catholique 
interdit, The holy Bible or ihe Books accounted sacred 



by Jews and Chrislians, Londres, 1792 ; Critical remarks 
on the Hebrew, Londres, 1800, t. i, parla le premier de 
nombreux fragments plus ou moins étendus, divergents 
et même contradictoires, réunis et mis en ordre par 
un rédacteur pour former le Pentateuque actuel. Ces 
fragments se groupaient en deux séries, caractérisées 
parles noms divins, Élohim et 3é\\ova\\. Vater, Commen- 
ta)- ùber den Pentateuch, 3 in-8», Halle, 18024805, 
répandit cette nouvelle hypothèse en Allemagne. Moïss 
a bien pu rédiger quelques-uns des fragments, entrée 
dans la composition du Pentateuque; mais il n'est pas 
le compilateur du recueil. Celui-ci n'a fait que juxtapo- 
ser dans l'ordre chronologique des fragments d'époques 
différentes, qui sont demeurés disparates. Les lois en par- 
ticulier avaient été promulguées selon les occurrences. 
La première collection, le Deutéronome, existait déjà 
au temps de David et de Salomon; on la retrouva sous 
Josias. Les fragments historiques et législatifs, compo- 
sés dans l'intervalle, y furent joints. Le Pentateuque 
avait été terminé à une date inconnue, peut-être dans 
les derniers temps du royaume de Juda. De Wette se 
rallia à cette hypothèse. Dissertatio critica qua aprio- 
rïbus Deuteronomium Pentateuchi libris diversum 
aliud cujusdam recenlioris auctoris opus esse mons- 
tratur, in-4°, Iéna, 1805; Beitrâge zur Einleitung in 
das A. T., Halle, 1807, t. n. Pour lui, la Genèse et 
l'Exode sont l'épopée nationale des Israélites, formée, 
comme les œuvres d'Homère, de fragments mythiques 
divers. Voir t. iv, col. 1377. Le Lévitique est le recueil 
des lois attribuées à Moïse et soi-disant' données au 
Sinaï. Les Nombres forment un appendice, sans plan, 
ajoutés aux trois premiers livres qu'ils continuent. Le 
Deutéronome comprend des lois postérieures, censées 
promulguées par Moïse au pays de Moab et différentes 
de la législation sinaïtique. La collection des cinq livres 
est postérieure à la découverte du Deutéronome sous 
Josias. Plus tard, il fixa au temps de la captivité à 
Babylone la composition du Deutéronome et la dernière 
rédaction du Pentateuque. Lehrbuch der historisch- 
kritische Einleitung in A. T., 3 e édit., Berlin, 1829. 
Pour L. Berthold, Historisch-krilische Einleitung, 
Erlangen, 1813, part. III, p. 768-842, quelques frag- 
ments, dont le Pentateuque est composé, pouvaient être 
de Moïse lui-même ou, au moins, étaient de son temps. 
La plupart ont été rédigc-s au commencement du règne 
de Saûl. Les recueils se sont formés progressivement 
par le travail de quatre ou cinq écrivains. La collection 
complète n'a été faite que sous Salomon. Hartmann, 
Historisch-krilische Forschitngen ûber die Bildung, 
das Zeitalter und der Plan der fùnf Bûcher Moses, 
Rostock, 1831, p. 552-700, prétendait que Moïse ne 
savait pas écrire et que les Israélites n'avaient Connu 
l'écriture que sous les Juges. Selon lui, les plus an- 
ciennes parties du Pentateuque sont postérieures à Sa- 
lomon, et les recueils écrits de lois appartiennent aux 
derniers temps de la royauté. Les éléments les plus 
importants du Pentateuque existaient à l'époque de 
Jérémie et d'Ézéchiel. On n'y fit plus tard qu'un petit 
nombre d'additions, d'ailleurs bien reliées au reste. 
L'état actuel du texte est contemporain de la captivité 
à Babylone. P. von Bohlen, Genesis, Kœnigsberg, 1835, 
introduction, adopta les conclusions de Hartmann avec 
cette seule différence qu'il regardait le Deutéronome, 
découvert sous Josias, comme la partie la plus ancienne 
du Pentateuque. 

4. Hypothèse complémentaire. — L'hypothèse frag- 
mentaire n'eut guère de succès. Par réaction contre 
l'émiettement des fragments, on en arriva à considérer 
le Pentateuque comme l'œuvre d'un premier écrivain, 
complétée plus tard par un rédacteur, comme une his- 
toire complète et suivie à laquelle on rattacha en guise 
de suppléments des lambeaux de toute sorte. Kelle, 
Verurtheilsfreie Wùrdigung der mosaischen Sehrif- 



87 



PENTATEUQUE 



8& 



ten, Freyberg,18i2, soutint que la Genèse était un livre 
primitivement bien ordonné, mais dont les récits avaient 
été déformés et le plan disloqué par des interpolations 
successives. H. Ewald, Die Komposition der Genesis, 
Brunswick, 1823, en raison du plan, de l'unité du 
style et de l'origine du fond, soutint que la Genèse était 
l'œuvre non pas de Moïse, il est vrai, mais d'un seul 
auteur qui n'avait recouru ni à des documents ni 
même à des fragments antérieurs. Le même critique, 
rendant compte de l'ouvrage de Stàhelin, Kritische 
Untersuchung ûber die Genesis. 1830, favorable à l'hy- 
pothèse documentaire, déclara que le Pentateuque en- 
tier avait à sa base un écrit unique, élohiste, compre- 
nantquelques morceaux antérieurs tels que leDécalogue 
et le livre de l'alliance, et dans lequel un rédacteur 
inséra comme compléments des extraits d'un écrit jé- 
hoviste postérieur. Sludien nnd Kriliken, 1831, p. 595- 
606. F. Bleek, abandonnant l'hypothèse documentaire, 
enseigna que l'écrit élohiste primitif avait été complété 
par un rédacteur jéhoviste au moyen de ses propres 
récits et d'autres compléments. Le Deutéronome est 
plus récent et a été joint à l'écrit primitif complété 
sous le règne de Manassé dans la première moitié du 
vn e siècle. De libri Geneseos origine atque indole his- 
torien observa tiones, 1836. 

Le principal tenant de l'hypothèse complémentaire 
fut F. Tuch. Commantar ûber die Genesis, Halle,1838. 
A son sentiment, l'élohiste est le Grundschrift, « écrit 
fondamental, » comprenant toute la partie législative et 
les principaux récits historiques et dérivant de sources 
écrites. Il a été complété par le rédacteur jéhoviste, 
peut-être d'après un autre document, mais certaine- 
ment d'après la tradition orale et des sources écrites. 
L'élohiste est antérieur à Salomon, et le jéhoviste con- 
temporain de ce roi. De Wette accepta cette hypothèse 
dans les 5 e et 6 e éditions de son Einleitung, 1840,1845. 
Stàhelin l'adopta aussi et l'appliqua à tous les livres 
nommés dans le titre de son ouvrage. Kritische Unter- 
suchungen ûber den Pentateuch, die Bûcher Josua, 
Richter, Samuelis und der Kônige, Bàle, 1843. Il rap- 
portait l'élohiste au commencement de l'époque des 
Juges et le jéhoviste au règne de Saùl. C. von Lengerke, 
Kanoan, Volks und Religionsgeschichte Israels bis 
zum Tod des Josua, Koenigsberg, 1844, modifia les 
dates, rapportant l'élohiste au début du règne de Salo- 
mon et le jéhoviste à l'époque des rapports de Juda 
avec l'Assyrie, vers le règne d'Ézéchias. Franz Delitzsch, 
Die Genesis, Leipzig, 1852, se rallia aussi momentané- 
ment à cette hypothèse. 

5. Nouvelle hypothèse documentaire. — Cependant 
l'ancienne hypothèse des sources avait été reprise. 
Gramberg, Libri Geneseos secundum fontes rite di- 
gnoscendos adumbratio nova, 1828, et Stàhelin, Kri- 
tische Untersuchung ûber die Genesis, 1830, distin- 
guaient dans la Genèse deux documents élohiste et 
jéhoviste, compilés plus tard. F. Bleek, Beitrâge zu den 
Forschungen ûber den Pentateuch, dans Studien und 
Kriliken, 1831, p. 488-524, prétendit que l'Hexateuque 
actuel avait eu au moins deux rédacteurs : l'auteur de 
la Genèse qui, avant le schisme des dix tribus, avait 
rédigé, selon le plan de l'Hexateuque, une histoire dans 
laquelle il avait reproduit littéralement des chants, des 
narrations et des lois antérieurs, en les combinant avec 
les données de la tradition orale; l'auteur du Deutéro- 
nome qui, vers la fin du royaume de Juda, a inséré 
son œuvre dans le premier récit, qu'il modifiait et 
complétait surtout dans la partie qui forme le livre 
actuel de Josué. H. Ewald, abandonnant l'hypothèse 
fragmentaire, distingua cinq documents : a) le livre 
des alliances, écrit historique, rédigé au temps de 
Samson, qui allait d'Abraham à l'époque des Juges; 
ê) le livre des origines, le Grundschrift élohiste, œuvre 
d'un lévite du début du règne de Salomon, qui conte- 



nait l'histoire depuis la création jusqu'à la consécration- 
du Temple de Salomon; y) un récit composé par uns 
Éphraïmite dn x« ou du IX e siècle, contemporain d'Élie 
ou de Joël, qui racontait l'histoire de Moïse d'après- 
le premier document; 8) un récit de la fin du ix= ou 
du commencement du vm e siècle; s) un écrit jéhoviste r 
œuvre d'un judéen de la première moitié ou du milieu, 
du "VII e siècle, sous Osias ou Joatham. Ce dernier est le 
rédacteur de l'Hexateuque. Le Deutéronome formait un 
livre à part, rédigé dans la première partie du règne- 
de Manassé par un juif qui vivait en Egypte et com- 
plété sous Josias par la bénédiction de Moïse, xxxiv.. 
Geschichte Israels, Gœttingue, 1843, 1845, t. i, p. 60- 
164; t. il, p. 1-25. Dans les éditions suivantes, 2 e , Gœt- 
tingue, 1851, 1853, t. i, p. 80-175; t. n, p. 14-45; 3%. 
Gœttingue, 1864, t. I, p. 94-193, le Deutéronome de 1» 
fin du vif siècle a été retouché par le dernier rédac- 
teur de l'Hexateuque, qui y a ajouté la bénédiction de- 
Moïse. Seul, Michel Nicolas, Études critiques sur la 
Bible. Ancien Testament, Paris, 1862, p. -46-94, a 
adopté une partie des conclusions d'Ewald. 

Les vues de Knobel n'ont pas eu plus de succès. Ce 
critique distinguait trois documents : a) le Grundschrift 
élohiste, composé sous Saûl au moyen de sources anté- 
rieures; b) le livre du droit, Rechtsbuch, moins com- 
plet que le précédent et fait d'après lui, contenant des 
lois morales et la législation théocratique, œuvre d'un 
lévite du royaume du nord, qui vivait à l'époque où ce 
royaume a été détruit par les Assyriens; c) le livre 
des guerres, Kriegsbuch, ainsi nommé en raison de ses 
nombreux récits de bataille, composé d'après le livre 
du juste et le Grundschrift. Ce dernier document n'a 
jamais eu une existence séparée. Son auteur qui em- 
ployait le nom de Jéhovah, un judéen du temps de Jo- 
saphat, un lévite probablement, a complété l'ouvrage 
entier par des traditions et des légendes populaires 
pour l'histoire primitive et à l'aide de documents pour 
l'histoire patriarcale. Le Deutéronome, qui est un ou- 
vrage distinct, est plus récent, son auteur a vécu sous 
Josias et sa langue ressemble à celle de Jérémie. Kri- 
tik des Pentateuch und Josua, p. 489-599. 

H. Hupfeld, Die Quellen der Genesis und die Art 
ihrer Zusamniensetzung, Berlin, 1853, a fait entrer 
l'hypothèse documentaire dans une voie nouvelle, que 
les critiques ont depuis lors généralement suivie. Il a 
distingué dans la Genèse trois documents indépendants: 
a) le premier, élohiste, qui est l'ancien Grundschrift, 
au moins dans son ensemble; b) un second, élohiste, 
qui raconte l'histoire des patriarches; c) le jéhoviste 
dont le contenu se rapproche beaucoup du précédent. 
Un rédacteur les a réunis et harmonisés de façon à for- 
mer une histoire complète et suivie. E. Bbhmer a con- 
firmé les vues de Hupfeld, son maître. Liber Geneseos 
pentateuchicus, Halle, 1860; Das erste Buch der 
Thora, 1862. Étendant ses recherches au Pentateuque 
entier, Th. Nôldeke, Untersuchungen zur Kritik des 
A. T., Kiel, 1869, p. 1-144; Histoire littéraire de l'A. 
T., trad. franc., Paris, 1873, p. 17-59, distingua quatre 
documents : le jéhoviste, un second jéhoviste plus 
ancien, le Grundschrift (élohiste), et le Deutéronome 
le plus récent des quatre. Les quatre premiers livres 
du Pentateuque et Josué avaient été formés avant la ré- 
daction du Deutéronome. E. Schrader, Einleitung de 
de Wette, 8 e édit., Berlin, 1869, ne reconnaissait que 
deux documents principaux : a) l'élohiste ou Grund- 
schrift, œuvre d'un prêtre de Juda contemporain de 
David; b) le second, élohiste, composé par un Israélite 
du nord peu après le schisme des dix tribus. Le jého- 
viste les réunit en les remaniant et en y ajoutant de 
nouveaux morceaux, entre 825 et 800, sous le règne de 
Jéroboam II. Le Deutéronome, iv, 44-xxvni, 69, formait 
un ouvrage spécial, rédigé peu avant sa découverte au 
Temple par un écrivain qui touchait de très prés à Je- 



■89 



PENTATEUQUE 



90 



*-émie. Pendant ]a captivité, il fut joint aux quatre pre- 
miers livres ; il subit alors des retouches et reçut des 
.additions. 

Un revirement d'opinion modifia ensuite les dates 
attribuées à deux de ces documents : le Grundschrift, 
■considéré comme le plus ancien, passa pour le plus 
récent et le Deutéronome ne tint plus la dernière place. 
La théorie du développement religieux en Israël, pro- 
posée par Reuss en 1830 et 1834, puis par Vatke, Die 
Religion des A. T. nach den kanonischen Bùchern 
entwickelt, Berlin, 1835, t. i, et par George, Die alte- 
ren jïtdischen Feste mit einer Krilik der Gesetzge- 
bung des Pentateuchs, Berlin, 1835, fut reprise par 
■Graf, Die geschichtlichen Bûcher des A. T., Leipzig, 
1865, 1866, et dans Merx, Archiv fur ivissenschâftliehe 
Erforschung des A. T., Halle, 1869, t. i, p. 366-477, 
■et appliquée à la critique littéraire de l'Hexateuque. 
Elle a donné naissance au système des quatre docu- 
ments qui est aujourd'hui prédominant parmi les cri- 
tiques, adversaires de l'authenticité mosaïque du Pen- 
tateuque. En voici le résumé : 

a) Document élohiste, E. — Nommé ainsi, parce que 
son auteur s'abstient systématiquement, avant la révé- 
lation de Jéhovah à Moïse au Sinaï, d'employer ce nom 
révélé, et désigne Dieu sous le nom d'Élohim, ce docu- 
ment est le moins étendu et le moins important des quatre. 
Il n'a été inséré dans l'Hexateuque que par lambeaux, 
et par suite on a discuté sur son point de départ. On 
pense généralemeut qu'il rie contenait pas d'histoire 
des origines et qu'il débutait par l'histoire des patriar- 
ches. On lui attribue Gen., xx, 1-17; xxi, 6-32a; xxil, 
1-14, 19; xxviii, 11, 12, 17, 18, 20-22; xxix, 1, 15-23, 25- 
28, 30; xxx, l-3«, 6, 8, 17-20a, 21-23; xxxi, 2, 4-18a, 19- 
45, 47, 51-55; xxxn, 1-3, 146-22, 24; xxxrn, 186-20; 
xxxv, 1-8, 16-20; xxxvn, 26, 5-11, 14a, 15-18a, 19, 20, 
22, 236, 24, 28a, 29, 30, 31 b, 32a, 34, 36 ; XL, 1-XLii, 37 ; 
xliii, 14, 236; xlv, 1-xlvi, 5a; xlvii, 12; xlviii, 1, 2, 
8-22; l, 15-26; Exod., i,15-u,14; m, 1-6, 9-15,21, 22;iv, 
17, 18, 206, 21; vu, 206, 21a, 24;ix,22, 23a, 35; x,8-13a, 
20-27; xi, 1-3; xn, 31-36, 376-39; xv, 1-21; xvn, 3-6, 
8-xvin, 27; xix, 26-19; xx, 1-21; xxi, 1-xxhi, 33; xxiv, 
3-8, 12-15a, 186; xxxi, 186-xxxn, 8, 15-xxxm, 23. Dans 
le livre des Nombres, le partage entre l'élohiste et le 
jéhoviste est si difficile à opérer que les plus récents 
critiques renoncent à le faire et se bornent à attribuer 
à JE les passages qu'ils distinguent du code sacerdo- 
tal, à savoir Num., x, 29-xn, 15; xiu, 176-20, 22-24, 266- 
31, 326, 33; xiv, 3, 4, 8, 9, 11-25, 31-33, 39-45; xvi, 16, 
2a, 12-15, 25, 26, 276-32a, 33, 34; xx, 16, 3a, 5, 14-21; 
xxi, 1-3, 46-9, 12-35; xxn, 2-xxv, 5; xxxn, 1-17, 20-27, 
38-42. Quelques versets du Deutéronome, x, 6, 7; xxvn, 
5-7a; xxxi, 14, 15, 23;xxxm, 1-28; xxxrv, 5, 6, provien- 
draient de E, et xxxiv, 10-12, de JE. Certains critiques 
retrouvent un élohiste dans les livres de Josué, des 
Juges, de Samuel et des Rois. Son récit irait jusqu'à la 
mort de Saûl (Cornill) ou même jusqu'au temps d'Achab 
(Bacon). 

C'était donc un livre historique, commençant à Abra- 
ham et racontant l'histoire de Moïse et de la conquête 
de la Palestine d'après une tradition différente de celle 
qu'a reproduite le document jéhoviste. Elle comprenait 
le Décalogue et le livre de l'alliance, comme législation 
donnée à Moïse sur le mont Horeb. Ses récits seraient 
très objectifs et très précis. L'auteur, qui était au cou- 
rant des choses égyptiennes, était déjà dominé par les 
vues religieuses des premiers prophètes d'Israël. Il ré- 
digeait une histoire théocratique plutôt qu'une histoire 
nationale. Il employait des expressions spéciales, et son 
style paraît uni et coulant, quoique parfois peu châtié. 
Comme presque toutes les traditions qu'il rapporte se 
rattachent à des localités du royaume d'Israël, on pense 
généralement qu'il était de ce royaume. O. Procksch, 
Dos nordhebrâisches Sagenbuch. Die Elohimquelle, 



Leipzig, 1906. Quelques critiques ont nié l'unité litté- 
raire de son œuvre et distingué plusieurs élohistes, 
deux au moins, sinon trois, E 1 , E 2 , E 3 . Dans l'école de 
Wellhausen, on prétend que l'élohiste est plus récent, 
d'une centaine d'années, que le jéhoviste. Les traditions 
de celui-ci paraissent, dit-on, plus fraîches, plus simples 
et plus naïves. Mais d'autres critiques, Dillmann,Kittel, 
Kônig et même Winckler, pour des raisons différentes, 
soutiennent la priorité de E. Les dates proposées sont 
donc divergentes; elles s'échelonnent du IX e au vin" siè- 
cle avant notre ère. Toutefois, l'auteur aurait inséré 
dans son œuvre des documents antérieurs : morceaux poé- 
tiques, tirésdu livre des guerres de Jéhovah, Num., xxxi, 
14, 15, et du livre du juste ou des justes, Jos., x, 12, 13, 
voir t. m, col. 1873—1875, à savoir le chant du puits, 
Num., xxi, 17, 18, voir t. i, col. 1548, et le chant d'Hé- 
sébon, Num., xxi, 27-30, voir t. m, col. 660, et peut-être 
aussi le cantique de Moïse après le passage de la mer 
Rouge, Exod., xv, 1-18, voir t. iv, col. 1211-1212; en 
outre, les oracles de Balaam,Num., xxm, xxiv (au moins 
en partie), etla bénédiction des tribus d'Israël parMoïse, 
Deut., xxxiii, voir t. îv, col. 1213-1214; lois morales, le 
Décalogue, Exod., xx, 1-17; lois civiles et rituelles, le 
livre de l'alliance, Exod., xxi, 1-xhu, 33, voir t. i, 
col. 388, code israélite le plus ancien, dit-on, qu'on a 
rapproché du code d'Hammourabi, récemment décou- 
vert. Voir t. iv, col. 335-336. 

6) Document jéhoviste, J. — On lui a donné ce nom, 
parce que son auteur a constamment employé le nom de 
Jéhovah, même avant sa révélation sur le Sinaï. C'est 
encore un livre historique; mais il remonte jusqu'aux 
origines de l'humanité, et après l'histoire primitive, il 
raconte l'histoire des patriarches, ancêtres d'Israël, et 
du peuple juif au moins jusqu'après la conquête de la 
Terre Promise. On lui attribue les passages suivants 
du Pentateuque : Gen., u, 46-IV, 26; v, 29; vi, 1-8; vu, 
1-5, 7-10, 12, 166, 17, 22, 23; vm, 26, 3a, 642, 136, 20- 
22; ix, 18-27; x, 8-19, 21, 24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a, 
6-20; xiii, 1-5, 7-llct, 126, 20-22; ix, 18-27; x, 8-19, 21, 
24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a, 6-20; xm, 1-5, 7-lla, 
126-18; xv; xvi, 16, 2, 4-14; xvm, 1-xix, 28, 30-38; xxi, 
la, 2a, 33; xxn, 15-18; xxiv, 1-xxv, 6, 116, 18, 21-26a, 
27-xxvi, 33; xxvn, l-45;xxvin, 10, 13-16, 19; xxix, 2-14, 
31-35; xxx, 36-5, 7,9-16, 24-xxxi, 1, 3, 46, 48-50; xxxn, 
3-13a, 22, 24-xxxiii, 17; xxxiv, 26, 3, 5, 7, 11, 12, 19, 
25, 26, 30, 31; xxxv, 14, 21, 22a; xxxvn, 3, 4, 12, 13, 
146, 186, 21, 23a, 25-27, 286, 31a, 326, 33, 35; xxxviii; 
xxxix; xlii, 38; xliii, 1-13, 15-23a, 24-xliv, 34; xlvi, 
28-xlvii, 6, 13-27a, 29-31; xlix, 16-28a; l, 1-11, 14; 
Exod., i, 6, 8-12; n, 15-23a; m, 7, 8, 16-20; iv, 1-16, 
19, 20a,22-vi, 1; vu, 14-18, 23, 25-29; vin, 4-lla, 16-ix, 
7, 13-21, 236-34; x, 1-7, 136-19, 28, 29; xi, 4-8, 21-27, 
29, 30; xm, 3-22; xiv, 5-7, 10-14, 19, 20, 216, 24, 25, 
276, 30, 31; xv, 22-27; xvi,4; xvn,16, 2, 7; xix, 20-25; 
xx, 22-26; xxiv, 9-11; xxxn, 9-14; xxxiv, 1-28. Pour les 
Nombres, la part du jéhoviste est si étroitement mêlée 
à celle de l'élohiste qu'on ne peut les distinguer avec 
certitude, voir col. 89. Dans le Deutéronome, on 
n'attribue au jéhoviste que xxxiv, 16-4. Le jéhoviste 
racontait aussi l'histoire de la conquête de la Palestine, 
si même il ne parlait pas des Juges. J. Lagrange, Le 
livre des Juges, Paris, 1903, p. xxm-xxxn. 

Ce document envisageait les faits qu'il rapportait au 
point de vue religieux et moral, et l'histoire qu'il con- 
tient est à la fois nationale et religieuse. Pour la période, 
primitive, il a reproduit la tradition populaire et quel- 
ques chants de l'âge héroïque : le chant de Lamech, 
Gen., il, 23, 24, voir t. iv, col. 41-42, et la bénédiction 
de Jacob mourant. Gen., xlix. Cf. J. Lagrange, La pro- 
phétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vu, 
p. 539-540; FI. de Moor, La bénédiction de Jacob, 
Bruxelles, 1902. L'histoire des patriarches est foncière- 
ment la même que dans l'écrit élohiste; elle ne se 



91 



PENTATEUQUE 



92 



diversifie que par quelques particularités. De plus no- 
tables divergences sont signalées dans l'histoire de 
Moïse et de la conquête de Chanaan. L'auteur reproduit, 
Exod., xxxiv, 11-26, une forme, exclusivement religieuse 
et rituelle, du Décalogue, révélé au Sinaï, ou au moins 
un fragment d'un écrit législatif. Dans le récit des faits, 
cet historien suit l'ordre chronologique. Il se plait à 
indiquer l'étymologie des noms de personnes et de 
-lieux, et il rapporte des détails qui lui sont propres. Il 
envisage l'histoire de l'humanité et d'Israël en confor- 
mité avec les idées religieuses et morales des prophètes. 
Jéhovah est le Dieu du monde entier, le Dieu tout-puis- 
sant, la providence de son peuple de choix. Les critiques 
déclarent que le jéhoviste est le meilleur narrateur de 
tout l'Ancien Testament. Son livre est une sorte d'épo- 
pée nationale. Parce que le théâtre des événements 
dont on lui attribue le récit est souvent Hébron ou ses 
environs, on regarde généralement l'auteur comme un 
judéen. Toutefois, on s'est demandé si l'ouvrage était 
d'un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y recon- 
naître des traces d'au moins deux mains différentes, 
J 1 etJ 2 . Voir lCuenen, Histoire critique des livres de 
l'A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158, 162- 
163; Budde, Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883, 
p. 521-531; Corail], Einleitung in das A. T., 3 e et 
4 e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 43-46; 
C. Bruston, Les deux jéhovisles, Montauban, 1885. 
Quant à la date de la composition, on la fixe commu- 
nément au IX e siècle" vers 850, au moins pour J 1 . Quant 
à J a , pour ceux qui admettent son existence, il serait 
du vm e ou du vn= fièole. 

c) Le Deutéronome, D. — Les critiques ont longuement 
discuté sur le contenu primitif de cette législation qui 
se présente comme ayant été promulguée par Moïse au 
pays de Moab avant l'entrée des Israélites dans la Terre 
Promise. Considérant le caractère disparate du contenu, 
visible malgré l'unité apparente du livre, ils ont pensé 
que le Deutéronome actuel n'est pas une œuvre homo- 
gène, mais qu'il comprend un fond primitif, complété, 
remanié et finalement arrangé pour servir de conclu- 
sion au Pentateuque. Les plus modérés conservent au 
Deutéronome primitif, D, l'ensemble des c. i-xxxi, re- 
touchés par un rédacteur, Rj. Cf. F. Montet, Le Deuté- 
ronome et la question de VHeccateuque, Paris, 1891, 
p. 49-116; Driver, Einleitung in die Literatur des 
A. T., trad. allemande, Berlin, 1896, p. 98-103; Deute- 
ronotny, Londres, 1895; A. Van Hoonacker, L'origine 
des quatre premiers chapitres du Deutéronome, Lou- 
vain, 1889. D'autres restreignent le noyau à v-xxvi, 
avec iv, 45-49, comme introduction, et une conclusion, 
qui varie selon les individus (Kuenen, Kônig, Reuss, 
Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium, 
Tubingue, 1899. Un troisième groupe le réduit à xii, 
1-xxvi, 19. Wellhausen, Die Composition des Hexa- 
teuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu'on en avait 
fait plus tard deux éditions différentes, comprenant, la 
première, 1, 1-rv, 44; xii-xxvi; xxvn, et la seconde, iv, 
45-xi, 39; xii-xxvi; xxvm-xxx, finalement combinées 
par le rédacteur qui a inséré le Deutéronome dans 
l'Hexateuque. Cornill, Einleitung, p. 27-28, a disposé 
un peu autrement la part de chaque édition. Wilde- 
boer, Die Literatur des A. T., 2« édit., Gœttingue, 
1905, p. 177 ; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, 
Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 274-275, et 
L. Gautier, Introduction à l'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, 
p. 79-84. L. Horst, Éludes sur le Deutéronome, dans 
la Revue de l'histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 28- 
65, a considéré le code lui-même, xn-xxvi, comme un 
recueil ou plutôt une compilation d'éléments préexis- 
tants, réunis sans ordre et souvent comme au hasard. 
Staerk, Das Deuteronomium, Leipzig, 1894, et Steuer- 
nagel, Der Hahmen des Deuteronomium, Halle, 1894; 
Die Enstehung des deuleronomischen Gesetzes, Halle, 



1896, ont isolé, mais d'une façon divergente, dans le- 
code les passages dans lesquels le législateur emploie 
le singulier [tu) et ceux où il se sert du pluriel (vous)- 
Cf. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 
1900, p. m-vi. Tous les critiques admettent par suite, 
non pas un seul écrivain deutéronomiste, mais toute 
une école, animée du même esprit. Ils discernent donc, 
en dehors du Deutéronome primitif, D 1 , des couches,, 
secondaires, D 2 , D 3 , qui ont pénétré aussi dans le livre 
de Josué. Cf. F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, 
p. 57-60. 

Le Deutéronome dépend des documents précédents- 
et pour l'histoire et pour la législation. Dans les intro- 
ductions historiques et dans les allusions que contien- 
nent les exhortations, il résume les faits racontés dans 
Pélohiste et le jéhoviste. Cf. Fr. de Hummelauer, 
Deuteronomium, Paris, 1902, p. 149-158. Les détails- 
nouveaux qu'il donne proviennent peut-être des frag- 
ments perdus de ces deux histoires. Il n'impose pas- 
non plus une législation nouvelle. H exhorte ses audi- 
teurs à pratiquer fidèlement la législation donnée par 
Dieu au Sinaï ou à l'Horeb, iv, 9-15, à garder l'alliance 
contractée avec Dieu et à observer le Décalogue, v, 1-33. 
Le code lui-même s'inspire du livre de l'alliance, en 
développe les dispositions, en tire les conséquences et 
y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu'il est 
adapté à une situation différente. Toutefois, c'est plus- 
qu'une mise au point de l'ancien droit religieux; c'est 
aussi une réaction contre le passé et l'introduction d'un 
esprit nouveau dans les mœurs et les pratiques popu- 
laires. 11 va à rencontre du livre de l'alliance, et s'ij 
s'en rapproche, c'est pour prendre sa place. Il se 
donne comme le code complet et homogène, promul- 
gué par Moïse au pays de Moab, comme le code de 
l'avenir que les Israélites devront observer quand ils 
seront établis en Chanaan. Le livre de l'alliance repré- 
sente aux yeux de son auteur le culte ancien de 
l'époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon. 
Tout en sanctionnant quelques usages d'autrefois, il 
s'écarte fortement du passé par la centralisation du 
culte, à laquelle il rattache et la célébration des fêtes- 
et les fonctions des ministres sacrés. S'il n'est pas une 
fiction pure, il est ou bien un précipité et une cristal- 
lisation des idées des prophètes précédents, qu'il con- 
dense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, à 
Moïse, le premier des prophètes, ou bien la codifica- 
tion des coutumes anciennes, ayant reçu par l'usage force 
de lois, ou enfin, pour quelques critiques, l'utilisation 
de sources écrites antérieures. Le seul élément nou- 
veau consiste dans l'exhortation ou parénèse à observer 
la loi, surtout dans les motifs d'obéir à Dieu : la fidé- 
lité à garder l'alliance contractée avec Dieu et l'amour 
de ce Dieu, qui a tant aimé son peuple choisi. L'écrivain 
a aussi ses expressions propres et un style très carac- 
téristique. Les locutions spéciales correspondent, du 
reste, au contenu et au genre littéraire. Le Deutéro- 
nome est un code de lois, exposé et expliqué dans une 
homélie; c'est une série de discours prononcés pour 
encourager à la pratique de la loi divine. Les ordon- 
nances portent des noms techniques, et l'homéliste a 
des formules préférées qu'il répète constamment et qui 
sonnent comme des refrains. C'est un prédicateur qui 
exhorte avec onction et persuasion. Il parle clairement 
pour être compris du peuple; il s'insinue doucement 
dans l'esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas 
d'insister sur l'observation fidèle de la loi divine. Son 
exhortation traîne même en longueur; il veut toujours 
arriver au fait et il n'y parvient jamais. 11 revient en 
arriére et répète ce qu'il a dit. Son style n'est pas con- 
cis, et l'uniformité des formules finit par le rendre 
fastidieux. 

Quant à la date de la composition du Deutéronome, 
ella est très diverse selon les divers critiques. Le point 



93 



PENTATEUQUE 



94 



de départ de sa détermination esl le fait de la décou- 
verte de ce livre au Temple de Jérusalem, à la 18 e année 
du règne de Josias. II Beg., xxn, 3-xxm, 23. Quelques 
critiques français ont dénié toute valeur historique au 
récit de ce fait et prétendu qu'il avait été fabriqué 
d'après le Deutéronome, dont ils rabaissaient la publi- 
cation après le retour de la captivité, sinon même sous 
la domination perse. L. Havet, Le christianisme et ses 
origines, Paris, 1878, t. m, p. 137-157; G. d'Eichthal, 
Éludes sur le Deutéronome, dans ses Mélanges de 
critique biblique, Va.r\s, 1886, p. 85-108; Hoort, Études 
sur le Deutéronome, dans la Revue de l'histoire des 
religions, 1888, t. xyii, p. 11-22; t. xvni, p. 320-334; 
M. Vernes, Une nouvelle hypothèse sur la composition 
du Pentateuque. Examen des vues de M. G. d'Eichthal, 
Paris, 1887; Précis d'histoire juive, Paris, 1889, p. 795. 
Mais la vérité historique du récit est démontrée, 
cf. Piepenbring, La réforme et le code de Josias, dans 
la Revue de l'histoire des religions, t. xxix, et admise, 
pour le fond au moins, par tous les critiques. Ils en 
concluent que D 1 est antérieure 621, puisqu'il a été re- 
trouvé cette année-là. Mais le désaccord le plus profond 
règne sur la date précise de sa composition. La plupart 
des critiques de l'école de Wellhausen ne la remontent 
guère avant 621. Selon eux, la trouvaille n'a été ni for- 
tuite ni imprévue; elle a été préméditée et faite en vue 
de réaliser une réforme religieuse. Le livre avait donc 
été rédigé dans ce dessein, caché et présenté comme 
l'œuvre de Moïse. Du reste, il apparaît comme un com- 
promis entre le parti prophétique et le parti sacerdotal 
ou, au moins, comme le programme religieux et poli- 
tique du parti prophétique du temps. Mais si le code 
avait été fabriqué en vue de la réforme, il ne devrait 
contenir que les lois propres à amener la réforme. Or 
il comprend beaucoup d'ordonnances qui n'ont aucun 
rapport à ce projet. Cf. P. Martin, De l'origine du 
Pentateuque (lithog.), Paris, 1887-1888, t. ir, p. 243-270. 
Aussi Cornill et Bertholet tiennent-ils le Deutéronome 
pour un produit et un résumé de l'enseignement des 
prophètes, comme un précipité et une cristallisation de 
leurs vues. Colenso et Renan en attribuaient la pater- 
nité au prophète Jérémie. Mais les critiques pensent 
plutôt que Jérémie a connu le Deutéronome, dont il a 
partiellement pris l'esprit et imité le style. Voir t. ni, 
col. 1278. Pour quelques-uns, le livre serait pourtant 
du temps de ce prophète. D'autres, rejetant l'hypothèse 
d'une fraude et de la fabrication intentionnelle du 
Deutéronome, pensent que ce code a été réellement 
perdu de vue à la fin du VIII e siècle et qu'il aurait été 
rédigé au cours de ce siècle sous les règnes d'Ézéchias 
ou de Manassé. Pour exclure le temps d'Ézéchias, plu- 
sieurs constatent l'absence de points de contact et 
d'affinité entre le Deutéronome et le prophète Isaïe, 
contemporain et conseiller de ce roi. Le Deutéronome 
tend plutôt à réaliser les vues d'Osée et d'Isaïe. On y 
voit dès lors un programme de réforme religieuse éla- 
boré sous le long règne de Manassé par réaction contre 
l'idolâtrie introduite par ce roi en Juda. Voir t. iv, 
col. 642. Quelques-uns néanmoins ont pensé à la ré- 
forme d'Ézéchias, II Reg., xvm, 4-6, quoique, en dehors 
de la suppression des hauts-lieux, elle ne présente au- 
cun caractère deutéronomiste. Voir t. n, col. 2142-2144. 
Klostermann a reconnu le Deutéronome dans le livre 
lu au peuple sous Josaphat. II Par., xvzi, 9. Mais ce 
pieux roi n'a pas détruit les hauts-lieux, I Reg., xxn, 
44; aussi d'autres critiques pensent-ils que le livre de 
l'alliance fut 2a règle de sa réforme. Voir t. m, col. 1648. 
Kleinert rapportait le Deutéronome à la fin de l'époque 
des Juges. 

d) Le code sacerdotal, P. — C'est l'ancien élohiste 
ou premier élohiste ou encore le Grundschrift, nommé 
enfin par Wellhausen Priestercodex (d'où le sigle P) ou 
* code sacerdotal », parce qu'il contenait la législation 



sacerdotale et rituelle des livres du milieu. Cette déno- 
mination ne convient qu'à la partie principale du do- 
cument, qui est à la fois un livre historique et un code; 
elle a été néanmoins adoptée. Ce document, qui a 
fourni au dernier rédacteur le cadre de l'Hexateuque, 
a été conservé en entier, sauf de rares lacunes; aussi, 
reconstitué à part, forme-t-il un tout suivi et coor- 
donné. On attribue à son auteur la division de la Genèse 
en tôldôt, ou tableaux généalogiques. Voici la part qui 
lui revient dans la Genèse : i, 1-n, 4a; v, 1-28, 30-32; 
vi, 9-22; vu, 6, 11, 13-16 a, 18-21, 24; vin, l-2a, 3b-5, 
13a, 14-19; ix, 1-17, 28, 29; x, 1-7, 20, 22, 23, 31, 32; 
xi, 10-27, 31, 32; xn, 46, 5; xm, 6, U6-12a; xvi, la, 
3, 15, 16; xvn ; xix, 29; xxi, 16, 26-5; xxm; xxv, 
7-lla, 12-17, 19, 20, 266; xxvi, 34, 35; xxvn, 46- 
xxvih, 9; xxix, 24, 29; xxxi, 18 6; xxxni, 18a; xxxiv, 
1, 2a, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-2i, 27-29; xxxv, 9-13, 15, 226- 
xxxvn, 2a; xlvi, 5b-27; xlvii, 7-11, 27 6, 28; XLvni, 
3-7; xlîx, la, 286-33; L, 12, 13. Dans la suite, Exod.. i, 
1-5, 7, 13, 14; n, 236-25; vi, 2-vn, 13, 19, 20a, 216, 
22; vin, 1-3, 116-15; ]x, 8-12; xi, 9-xn, 20, 28, 37a, 
40-xm, 2; xiv, 1-4, 8, 9, 15-18, 21a, 21c-23, 26, 27a, 
28, 29; xvi, 1-3, ô-xvn, la; xix,l, 2a; xxiv, 1,2, 156- 
18a; xxv, l-xxxi,18a; xxxiv,29. — Num., x, 28(y com- 
pris le Lévitique); xm, 1-17 a, 21, 25, 26a, 32a; xiv, 
1, 2, 5-7, 10, 26-30, 34-38; xv, 1-xvi, la, 26-11, 16-24, 
27a, 326, 35-xx, la, 2, 36, 4, 6-13, 22-29; xxi, 4a, 10, 
11; xxn, 1 ; xxv, 6-xxxi,54; xxxn, 18, 19, 28-33; xxxm, 
1-xxxvi, 13; Deut., iv, 4143; xxxn, 48-52; xxiv, la. 
Le récit de P se poursuivait dans le livre de Josué. 
S'il fournissait peu de détails sur la conquête, il était 
plus étendu sur le partage du pays de Chanaan. 

Dans ce document, la législation est plus développée 
que l'histoire; celle-ci, d'ailleurs, n'est que le cadre 
historique des institutions religieuses d'Israël. Elle re- 
monte jusqu'aux origines et présente les premiers 
temps de l'humanité comme les débuts du peuple théo- 
cratique, dont l'institution commence à la sortie 
d'Egypte. Elle n'est pas très détaillée : les événements 
principaux sont longuement racontés; mais pour les 
faits intermédiaires, l'auteur procède par tableaux gé- 
néalogiques ou se borne à indiquer les stations d'Israël 
au désert. La préparation de l'histoire de Moïse com- 
prend trois alliances de Dieu avec Adam, Noé et Abra- 
ham. Si on y joint l'histoire de Moïse, qui rapporte 
l'alliance du Sinaï, le code se divise en quatre périodes,, 
qui lui ont fait donner par Wellhausen le nom de Vier- 
bundesbuch, « le livre des quatrealliances. » La quatrième 
alliance embrasse toute la législation mosaïque. Celle-ci 
est essentiellement sacerdotale et rituelle, et elle a 
pour but d'établir le peuple saint par excellence (hiéro- 
cratie) et la société religieuse en Israël. Voir t. iv, 
col. 330-332. Bien que le code sacerdotal règle princi- 
palement les manifestations extérieures du culte, il 
n'exclut pas les lois morales, dont il suppose l'obser- 
vation exacte. Sa terminologie est très nettement carac- 
térisée, et elle comprend naturellement de nombreu- 
ses expressions techniques qui désignent les choses du 
culte. L'auteur répète souvent les mêmes formules dans 
ses récits aussi bien que dans ses recueils de lois. 
Quelques-unes sont stéréotypées. Il a le souci de l'exac- 
titude et de la précision, mais il tombe dans la prolixité. 
Son style est peu imagé, et sa langue est abstraite. 

Le code sacerdotal était lui-même une compilation. 
L'enchaînement des matériaux parait brisé par de 
longues additions intercalées; certaines lois sont répé- 
tées ; quelques dispositions sont divergentes. Tous les 
morceaux cependant ont le même esprit, le même ca- 
ractère général et le même style; s'ils viennent de la 
même école, ils ne sont pas de la même main. Aussi 
les critiques ont-ils distingué dans le code trois couches 
différentes : a) un écrit historique et législatif, appelé 
priesterliche Grundschrift, « l'écrit fondamental sacer- 



95 



PENTATEUQUE 



96 



dotal, » P 1 ou Ps, parce qu'il fait le fond du code ; 
p) un recueil particulier des lois, que Klostermann a 
nommé Heiligeitsge$elz, « loi de sainteté, » H, P 2 ou 
P*>, Lev,, xvii-xxvi, parce qu'il traite spécialement de 
la sainteté lévitique, code plus ancien (contemporain 
d'Ézéchiel, ou un peu postérieur, sinon même, selon 
quelques-uns, l'œuvre de ce prophète), incorporé pos- 
térieurement dans l'écrit fondamental sacerdotal; 
yj des parties secondaires, P 3 , P*, P», selon Jïuenen, 
P s ou P 1 selon d'autres critiques, retouches et addi- 
tions qui proviendraient peut-être de couches superpo- 
sées et seraient l'œuvre d'nne école plutôt que d'une 
seule main. Bertholet et Baentsch ont distingué, en 
outre, deux recueils de lois : a) un rituel de sacrifices, 
Opferthora, P», Lev., i-vh; p) des préceptes; relatifs à la 
'pureté légale, Reinheitsvorschriflen, V', Lev., xi-xv, 
qui auraient été insérés dans HPg réunis, avant que le 
travail de P s ait commencé. 

Selon les partisans de la première hypothèse docu- 
mentaire, le Grtmdschrift, qui correspond presque 
entièrement au code sacerdotal, passait pour la partie 
la plus ancienne du Pentateuque. C'était le livre du 
mosaïsme, le document qui reflétait le mieux l'esprit 
de Moïse, son auteur. Quelques critiques cependant, tels 
queC. Bruslon, Vhistoiresacerdotaleel le Deutéronome 
primitif, Paris, 1906, et A. Dillmann, Uebsr die Com- 
position des Heocateuch, dans Die Bûcher Numeri, 
Deuteronomium und Josua, 2 e édit., Leipzig, 1886, 
tiennent le code pour antérieur au Deutéronome et pla- 
cent sa composition au moins au milieu du vin» siècle, 
à une époque où les deux royaumes de Juda et d'Israël 
étaient encore puissants. Le comte de Baudissin rabaisse 
sa date vers la moitié du vn e siècle. Vie Geschichte der 
alttestamentlichen Priesterthums, 1889; Einleitung 
in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901. Mais la plu- 
part des critiques font du code sacerdotal le docu- 
ment le plus récent qui soit entré dans la composition 
de l'Hexateuque. Ils prétendent qu'aucun des livres 
bibliques, rédigés avant ou pendant la captivité, n'a 
connu la législation si compliquée de ce code. Les 
institutions religieuses ou les pratiques rituelles, que 
signalent ces livres, prouvent bien l'existence d'un 
•culte organisé; mais elles n'ont point de rapport avec le 
rituel minutieux de P. Quelques-unes même, telles que 
l'offrande des sacrifices en tout lieu, et par d'autres 
personnes que pav des çrêVres, sont opposées aux 
prescriptions formelles du code et en particulier à la 
■concentration du culte qu'il règle et sanctionne. Si le 
code existait, on le violait sans scrupule, et les histo- 
riens sacrés n'ont pas un mot de blâme pour ces viola- 
tions de la loi. Ce silence s'explique par la non-exis- 
tence du code, animé, d'ailleurs, d'un autre esprit que 
celui qui. se manifeste dans ces livres. Les premiers 
rapprochements de fond et de forme avec le code se 
remarquent dans Jérémie; mais la ressemblance, lors- 
qu'elle existe, n'est pas complète, et il est plus vrai- 
semblable que l'auteur du code a fait des emprunts au 
prophète. 11 en est de même, dit-on, avec Ézéchiel. 
Pour ne parler que du nouveau culte organisé par ce 
prophète, xliv, 10-xlvi, 15, il tient, sous le l'apport du 
sacerdoce, des fêtes et des sacrifices, le milieu entre D 
■et P, puisque ses descriptions sont plus détaillées que 
celles du Deutéronome et plus simples que celles du 
•code. Il en résulte que le programme du prophète, ré- 
digé en 573 ou 572, voir t. n, col. 2152, est antérieur 
au code qui est plus complet et plus perfectionné. On 
a cherché à confirmer cette conclusion par l'étude de la 
langue de P, qui serait plus récente et contiendrait des 
aramaïsmes. Mais de bons juges, Driver, Journal of 
■phïlology, t. xi, p. 201-236; Einleitung, p. 145-146, 
168-170, ont reconnu qu'on n'en pouvait rien conclure 
.au sujet de l'âge du code. Quant à la date précise de sa 
rédaction, au moins pour Pa, l'accord n'est pas fait. 



Les disciples de Wellhausen la fixent après le retour 
de la captivité. Certains indices, tirés du contenu du 
livre, la comparaison du code avec la législation reli- 
gieuse d'Ézéchiel et avec les prophètes qui ont suivi ce 
retour, tendent, à leur jugement, à reporter le code après 
le retour des Juifs à Jérusalem. Esdras en particulier 
aurait lu au peuple le code sacerdotal, II Esd., IX, 1-x, 
39, qu'il avait apporté de Babylonie et dont il serait, 
sinon l'auteur unique, du moins le principal inspira- 
teur. Cf. G. Wildeboer, De la formation du canon de 
l'A. T., trad. franc., p. 78-79. Donc Pa a été composé 
au plus tôt à la fin de la captivité à Babylone, sinon 
même en Palestine après le retour. Mais les critiques 
qui pensent avec raison qu'Esdras a lu au peuple le 
Peutateuque entier, voir col. 69, estiment que !e code 
avait été rédigé antérieurement, après Ézéchiel, mais 
avant le retour des premiers captifs (536). 

Si le code est de date si tardive, à quelles sources 
ont été puisés les matériaux mis en œuvre? Tous les 
critiques reconnaissent que, pour ses récits historiques, 
l'auteur dépend de J et de E, probablement déjà com- 
binés. Il en a extrait des tableaux généalogiques et son 
schème historique jusqu'à la sortie d'Egypte; mais, 
selon les disciples de Wellhausen, il a manipulé les 
matériaux employés conformément à son but et à son 
plan. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribeurg- 
en-Brisgau, 1893, p. 358-376. Dillmann et Driver 
pensent toutefois que l'auteur a recouru à d'autres 
sources historiques que JE; qu'il n'a pas inventé les faits 
qu'il est seul à rapporter et qu'il n'a pas non plus fal- 
sifié de parti-pris la tradition israélite. Quant à la 
législation spéciale de P, l'école de "Wellhausen la 
regarde comme la constitution a priori de la hiérocra- 
tie juive, tracée pour servir de règle à la restauration 
religieuse qui suivit le retour à Jérusalem, projetée 
dans le passé et attribuée à Moïse. Mais d'autres cri- 
tiques pensent que les auteurs du code n'ont pas créé 
de toutes pièces leur système liturgique, qu'ils y ont 
introduit un grand nombre d'éléments empruntés au 
culte ancien et qu'ils ont ordonné systématiquement 
les usages préexistants en les développant et en les 
adaptant à une situation nouve^e. La tradition orale 
fut codifiée à l'aide sans doute de règlements écrits 
avant la captivité. 

e) Les rédacteurs et la composition définitive. — Ces. 
quatre documents, qui sont entrés dans la trame de 
l'Hexateuque, n'ont pas été mêlés et combinés par une 
seule main; plusieurs rédacteurs y ont travaillé et, à 
en croire les critiques, sauf Dillmann qui a un système 
spécial, la rédaction du texte actuel a passé par trois 
stades principaux : a) Un premier rédacteur jéhoviste, 
Ri e ou Ri, a combiné J et E, en les remaniant pour 
les harmoniser et les adapter au point de vue prophé- 
tique, à l'époque deutéronomiste, avant ou plus ou 
moins longtemps après la rédaction du Deutéronome. — 
P) Quand le Deutéronome eut été complètement achevé, 
c'est-à-dire pendant la captivité (vi e siècle), un rédacteur 
animé du même esprit que ce livre R d , incorpora D à 
JE, en faisant subir à ce dernier quelques modifications 
nécessaires pour accorder ses récits avec la loi deuté- 
ronomique. Probablement même, plusieurs écrivains 
de la même école travaillèrent à cette rédaction. — 
Y) Un dernier rédacteur, pénétré de l'esprit et de la 
lettre du code, Rp, combine JED avec P, en retouchant 
les deux écrits pour les raccorder. Le nombre et 
l'étendue des retouches, la nature des remaniements ne 
sont pas déterminés avec certitude. La table des peu- 
ples, Gen., xiv, quelle que soit sa date, aurait étéintro- 
duite alors pour la première fois dans le Pentateuque. 
Selon Kuenen, la division en cinq livres aurait été 
faite par ce rédacteur, qui est le dernier et définitif 
rédacteur du Pentateuque. Ce travail, œuvre d'une 
école de scribes plutôt que d'un seul individu, serait, 



97 



TENTATEUQUE 



98 



pour les disciples de Wellhausen, postérieur à la pro- 
mulgation du code par Esdras en 444, et aurait été 
terminé à la fin du V e siècle. D'autres critiques, nous 
l'avons dit déjà, pensent que le code d'Esdras était le 
Pentateuque actuel (hormis quelques additions posté- 
rieures), formé par son école et sous sa direction en 
vue d'harmoniser tous les documents législatifs d'Israël 
et de constituer un code complet et unique. La der- 
nière rédaction du Pentateuque aurait donc été exécu- 
tée en Babylonie, peu avant le retour à Jérusalem et 
en vue de la restauration prochaine. 

En outre des ouvrages cités, voir Reuss, L'histoire 
sainte et la loi, Paris, 1879, t. m, de La Bible; Driver, 
Einleitung in die Literatur des alten Testuments, 
trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170; Cornill, Ein- 
leitung in das A. T., 3 a et 4 e édit., Fribourg-en-Bris- 
gau, 1896, p. 16-79; A. Westphal, Les sources du 
Pentateuque, 2 in-8», Paris, 1888, 1892;' Holzinger, 
Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8°, Fribourg-en- 
Brisgau, 1893; Wildeboer, Die Literatur des A. T., 
Gœttingue, 1895; 2 e édit., 1905, passim; Addis, The 
documents of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892, 
1893; Briggs, The higher criticism of the Hexateuch, 
2" édit., New-York, 1897; Steuernagel, Allgemeine 
Einleitung in den Hexateuch, Gœttingue, 1900; 
Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol., 
Londres, 1900; Carpenter, The Composition of the 
Hexateuch, Londres, 1902; Gautier, Introduction à 
l'A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 53-253; Strack, Einleitung 
in das A. T., 6« édit, Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Man- 
genot, L'authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 
1907, p. 16-201. 

2° Réponse aux principales objections critiques. — 
Il est impossible et inutile de discuter ici en détail 
toutes les difficultés que les critiques modernes ont 
accumulées contre l'authenticité mosaïque du Penta- 
teuque. Plusieurs, du reste, ont déjà été ou seront 
résolues dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire, 
auxquels nous renverrons. Après avoir dit un mot de 
la méthode et des conclusions des critiques, nous exa- 
minerons les principaux arguments généraux ou parti- 
culiers contre l'origine mosaïque du Pentateuque. 

1. Méthode suivie et incertitude des conclusions. — 
Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de 
la tradition juive et chrétienne, qui attribue à Moïse 
la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique 
la tradition et l'histoire ne puissent sur ce point être 
négligées. C'est au livre lui-même et à son contenu 
seul qu'ils demandent l'explication de son origine. Ils 
analysent minutieusement le texte, relèvent et exa- 
gèrent les inconséquences, les contradictions apparentes 
et les répétitions pour conclure à la diversité des 
sources. La méthode suivie est juste en principe, et 
rien ne s'opposeà la distinction de documents différents 
que Moïse aurait réunis et combinés pour rédiger 
l'histoire antérieure à son temps, contenue dans le 
livre de la Genèse. Mais les critiques étendent la dis- 
tinction des sources à l'Hexateuque entier et pré- 
tendent que ces livres dans leur état actuel sont formés 
de documents postérieurs de beaucoup à Moïse. Ils 
s'appuient sur -les anomalies du texte actuel, anomalies 
la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent à la 
simple lecture du texte et qui ne peuvent être des signes 
certains de documents distincts. Aussi, d'accord pour 
nier l'origine mosaïque du Pentateuque, ils ne peuvent 
s'entendre, l'histoire de leurs travaux en fait foi, sur la 
distinction des sources elles-mêmes, sur leurs caractères 
et la date de leur apparition. Les solutions les plus diver- 
gentes ont vu le jour et se sont succédé rapidement. 
Chacun abondait dans son sens et proposait avec assu- 
rance une explication nouvelle, qu'un autre déclarait 
bientôt inacceptable et insuffisante. Les disciples d'une 
même école sont assurément d'accord sur quelques 

DICT. DE LA BIBLE. 



résultats qu'ils croient acquis ; leur consensus est très- 
restreint et ils se séparent les uns des autres sur un 
plus grand nombre de points particuliers, parce que 
leurs principes de critique sont arbitraires et leurs- 
appréeiations subjectives. La nouvelle théorie docu- 
mentaire, malgré la fière assurance avec laquelle on 
l'affirme démontrée, n'a pas rallié tous les suffrages,, 
et des esprits indépendants, même en dehors du catho- 
licisme et dans la catégorie des hébraïsants, en sont 
les adversaires résolus. J. Halévy, L'histoire des ori- 
gines d'après la Genèse, dans les Recherches bibliques,. 
Paris, 1895 et suiv., t. i et h; Green, The higher Criti- 
cism of the Pentateuch, 1895; Rupprecht, Die Kritik 
nach ihren Recht und Vnrecht, 1897; B. Jacob, Der 
Pentateuch. Exegetisch-kritische Forschungen, Leip- 
zig, 1905; Oit, The problem of the Old Testament, 
Londres, 1906. 

Sur la part qui revient dans le texte actuel à chaque 
document, sur la date des diverses sources et sur le 
travail des rédacteurs, il y a presque autant de senti- 
ments que de critiques. On a renoncé à distinguer 
l'élohiste du jévohiste dans une partie des récits des- 
Nombres; leur part d'attribution est moins nettement 
délimitée que les indications données plus haut le laissent 
supposer; nous avons dû nous borner aux conclusions 
principales. La continuité des documents n'est pas non 
plus démontrée; il reste des lacunes, des trous qui ne 
sont pas comblés. Les critiques reconnaissent n'être 
d'accord qu'en gros et pour l'ensemble; mais les diver- 
gences sont plus notables qu'on le dit; les tables d'Hol- 
zinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur l'âge 
des documents, les manières de voir sont très divergentes. 
Sans doute, les critiques placeront tous D après E, mais 
ce sera le seul point où l'accord sera parfait. Su* 
l'autorité de E et de J, sur celle de D et de P, les avis 
demeurent partagés. Cf. W. de Baudissin, Einleitung 
in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901, p. 72-77, cité 
par M. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 
1906, t. i, p. 440-444. Les parties dites rédactionnelles 
sont plus discutées encore. A peine s'entend-on à les 
discerner; mais on ne sait le plus souvent à qui les 
attribuer. Stàhelin et Kitlel ont supprimé le pre- 
mier stade de rédaction de l'Hexateuque et ont 
attribué au rédacteur deutéronomiste, R d , la réunion 
simultanée de J, de E et de D. A. Dillmann a proposé 
trois autres stades de rédaction du Pentateuque : 
a) union de Pa avec E et J ; b) union de PsEJ avec D ; 
c) union de PaEJD avec P h . Toutes ces divergences, 
que les critiques cherchent à atténuer, prouvent à 
l'évidence que les conclusions ne sont pas certaines et 
que la théorie documentaire n'est qu'une hypothèse, 
très savamment échafaudée, incapable cependant d'in- 
firmer et de remplacer la tradition constante des Juifs 
et des chrétiens en faveur de l'authenticité mosaïque du 
Pentateuque. 

2. Les arguments généraux contre l'antiquité et 
l'unité du Pentateuque ne prouvent pas la non-authen- 
ticité mosaïque de ce livre. — a) Il n'est plus nécessaire 
aujourd'hui de démontrer contre les anciens critiques, 
l'existence de l'écriture à l'époque de Moïse, ni même 
la connaissance que les Hébreux en avaient et l'usage 
qu'ils en faisaient à l'époque de leur sortie d'Egypte. 
Voir t. il, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deuté- 
ronome, dans lequel le discours direct, placé dans la 
bouche de Moïse, est un simple procédé littéraire, le 
Pentateuque, dit-on, ne se présente pas comme l'œuvre 
de Moïse; le style y est impersonnel, et il y est parlé d& 
lui comme du héros de l'histoire d'une façon objective. 
Exod., vi, 26, 27; xi, 3; Num., xv, 22, 23; Deut., xxxm, 
4. Son éloge, Num.,xn, 3, provient d'une plume étran- 
gère; il est fait en des termes qui ne peuvent convenir 
à une autobiographie. On répond que Moïse, écrivant 
des Annales plutôt que ses Mémoires, aurait fort biea 

V. - 4 



99 



PENTATEUQUE 



100 



pu parler de lui-même à la troisième personne, dresser 
sa généalogie comme celle d'un étranger et se louer en 
termes modérés. Mais ces particularités peuvent bien 
aussi être attribuées aux scribes ou secrétaires qui écri- 
vaient sous sa direction. 

b) Quant aux indications historiques et géographi- 
ques, qui seraient des anachronismes au temps de 
Moïse, quelques-unes, déjà signalées par Abenesra, sont 
regardées par beaucoup d'exégètes comme des gloses 
insérées plus tard dans le récit de Moïse, par exemple 
Gen., xo, 6; xm, 7; xix, 37-38; Deut., m, 11, 14. 
Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tar- 
dive du Pentateuque; avant l'invention de l'imprimerie, 
les additions et la mise au point de certains détails dans 
la transcription des manuscrits était chose facile et na- 
turelle. On pense généralement aussi que la liste des rois 
d'idurnée, Gen., xxxvi, 31, a été continuée jusqu'à 
l'époque de David. Voir t. m, col. 834. La cessation de 
la manducation de la manne, Exod., xvi, 35, qui n'arriva 
qu'après le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu 
être mentionnée par Moïse, peu avant sa mort, alors 
que les Israélites étaient déjà sur les confins de la 
Palestine. Les livres des guerres de Jéhovah et du Juste 
étaient des anthologies de poèmes. Commencés avant 
Moïse, qui y fit des emprunts, ils ont été enrichis de 
pièces plus récentes, telles que l'élégie de Saùl et de 
Jonathan par David. II Reg. (Sam.), 1, 18. Les noms an- 
ciens de plusieurs localités ont été remplacés par ceux 
qu'elles eurent après la conquête du pays de Chanaan. 
Ainsi Dan, voir t. il, col. 1244-1245, et Cariath-Arbé, 
voir t. i, col. 884; t. in, col. 554. Dans le cantique de 
Moïse, Exod., xv, 16-17, le pays de Chanaan n'est pas 
expressément désigné sous le nom de terre des Hébreux, 
et sa possession par les Israélites n'est que future. 

c) Les doubles récits de la Genèse, s'ils étaient cons- 
tatés, prouveraient seulement que Moïse aurait utilisé 
des documents différents, par exemple pour la création 
et le déluge. Voir t. il, col. 1345. Mais l'existence de 
tous ceux que les critiques signalent est loin d'être 
démontrée. Ainsi on affirme gratuitement que les 
relations d'Abraham et d'Isaac avec Abimélech, roi de 
Gérare, ne sont que le même fait dédoublé; les circons- 
tances différentes des récits prouvent la distinction des 
deux événements, répétés dans des situations analogues 
pour le père et pour le fils. Voir 1. 1, col. 54. II en est de 
même des deux enlèvements de Sara, voir 1. 1, col. 19, et 
du cas analogue survenu à Rébecca. La fuite d'Agar ne 
peut être comparée à son expulsion. Voir t. i, col. 262. 
La promesse d'un fils fut réitérée par Dieu à Abraham 
dans des occasions différentes. Voir t. i, col. 78. Les 
prétendues étymologies multiples des noms propres 
de personnes ou de lieux s'expliquent aisément. 
Voir Bersabée, t. i, col. 1629-1638; Béthel, col. 1672- 
1674; Galaad, t. m, col. 45; Mahanaim, t. iv, col. 571; 
Issachar, t. m, col. 1005-1006; Joseph, col. 1655; 
Zabulon. Il en est de même dans l'Exode et les 
Nombres. Les prétendus doubles récits concernant des 
faits qui se sont réellement produits deux fois, tels 
que le double envoi des cailles, voir t. u, col. 33, et le 
double miracle du rocher frappé. D'autres, comme la 
double vocation de Moïse et la double révélation du nom 
de Jéhovah, Exod., m, 2-14; vi, 2-13, voir t. m, 
col. 1230-1231, 1233; la double désignation d'Aaron 
comme interprète de son frère, Exod., rv, 14-16; vi, 30- 
vii, 2, ne sont que des répétitions faites par Dieu des 
mêmes promesses. Pour l'organisation successive des 
anciens et des juges au désert, voir t. i, col. 554-555. 
Quant aux diversités de détails qui prouveraient la 
distinction des récits, la plupart sont desimpies anoma- 
lies, qui ne sont pas inconciliables et qui n'empêchent 
pas une heureuse harmonisation de l'ensemble. Sur les 
femmes d'Ésaû, voir Ada, t. i, col. 165; Basemath, 
col. 1492; sur le beau.père-de Moïse, voir Hobab, t. ni, 



col. 725-726 ; Jéthro, col. 1521-1522. De même, certaines 
lois qu'on oppose comme provenant de codes différents, 
se sont que des dispositions successives et complémen- 
taires. Voir t. iv, col. 338. 

3. Arguments particuliers tirés de la législation 
hébraïque qui prouveraient et la diversité des codes et 
leur promulgation postmosaïque. —Les critiques ont 
cherché à établir la distinction des trois codes hébraïques : 
livre de l'alliance, Deutéronome et code sacerdotal, par 
la diversité de leurs principales dispositions religieuses, 
et leur succession dans cet ordre par la progression 
successive de ces dispositions et leur observance tardive 
de la part des Israélites. Sans parler de la loi morale 
ou du Décalogue, qu'on trouve sous trois formes 
spéciales : censé, d'après eux, promulgué au Sinaï dans 
le document élohiste, Exod., XX, 1-17, puis dans le 
document jéhoviste, Exod., xxxiv, 14-26, enfin promulgué 
à l'Horeb, 'Deut., v, 6-18, les institutions religieuses 
d'Israël auraient passé par trois phases et se seraient 
développées, non pas dans l'intervalle des 40 années du 
séjour au désert, mais bien au cours des âges et sous 
des influences variées, notamment sous l'action des 
prophètes, qui épuraient et spiritualisaient progressive- 
ment les idées de leur peuple. Passons en revue à ce 
point de vue les principales dispositions législatives, 
dans lesquelles le progrès serait le plus nettement 
marqué. 

a) La pluralité des autels et l'unité de sanctuaire. — 
Le livre de l'alliance permettait de dresser des autels 
en tout lieu où Dieu avait manifesté son nom, pourvu 
que l'autel soit de terre ou de pierres brutes et non 
taillées, et à la condition aussi qu'il n'ait pas de degrés 
de peur que le sacrificateur, en les gravissant, ne dé- 
couvre sa nudité en présence de Dieu. Exod., xx, 24-26. 
Si les Israélites n'ont pas la liberté d'ériger des autels 
partout où il leur plaît, puisqu'il est nécessaire que le 
lieu ait déjà été sanctifié par une intervention divine, 
cependant il n'y a ni sanctuaire unique ni lieu fixé 
pour tous. L'unité de sanctuaire est imposée soi-disant 
par Moïse et pour l'avenir seulement, quand Israël aura 
pénétré dans le pays de Chanaan et que Dieu aura 
manifesté, le lieu unique où il veut être honoré. 
Deut., xn, 5. Enfin, cette unité que le Deutéronome 
présentait comme un but à réaliser est supposée dans 
le code sacerdotal comme ayant toujours existé. Elle 
n'est pas prescrite explicitement ; mais toute l'organi- 
sation du culte autour du tabernacle exige sa réalisation, 
puisque ce code ne soupçonne pas qu'un sacrifice pût 
être offert aïtteviTS. L'histoire d'Israël confirme par les 
faits cette superposition de lois relatives à l'autel. A 
l'époque des Juges, nonobstant l'existence du sanctuaire 
de Silo, où l'arche est déposée, I Sam. , i, 9 ; ni, 2, 3, 15 ; 
.Ter., vu, 12, on offre ailleurs des sacrifices. Jud., VI, 
26-28; xi, 11, 31; xm, 15-23. Michas a une maison de 
Dieu, xvn, 5. Les Danites établissent un sanctuaire à 
Laïs qu'ils ont conquise, xvni, 11 sq. Après que l'arche 
eut été prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses 
localités, à Masphath, à Ramatha, à Galgala, etc. I Sam., VI, 
•14, 15; vu, 9, 17; ix, 12; xi, 15; xm, 9, 12; xvi, 2, 3; 
xx, 29; xxi, 1, 6; xxn, 10, 13; II Sam., vi, 12, 13, 17, 
18; xxiv, 18-25. Même après la construction du Temple 
de Jérusalem, on sacrifiait sur les hauts-lieux en Juda, 
I (III) Reg., ni, 2-4; xv, 14; xxn, 44; II (IV) Reg., xn, 
3; xrv, 4; xv, 4, 35, et dans le royaume d'Israël, à Béthel 
età Galgala. I (III) Reg., xn, 26-33; Amos,ni,14;iv,4,5; 
v, 5; vu, 13; Ose., iv, 13; IX, 15; xn, 11. Élie et Elisée 
ne réclament pas contre la pluralité des autels; ils 
blâment seulement le culte idolâtrique qui est accompli 
sur les hauts-lieux. Élie se plaint de Ja destruction des 
autels de Jéhovah, I (III) Reg., xix, 10, 14; il dresse lui- 
même un autel de pierres au CarmeJ, xyin, 30, 32, et 
Elisée sacrifie chez lui, xjx, 21. La loi de l'unité de 
sanctuaire n'a été observée à Jérusalem qu'après la 



101 



PENTATEUQUE 



102 



chute de Samarie et en application de la loi deutéro- 
nomique. Elle n'est donc pas mosaïque. Telle est 
l'objection. 

La succession des ordonnances relatives à l'autel 
s'explique et s'harmonise avec les faits de l'histoire 
Israélite, sans qu'elles cessent d'avoir été portées par 
Moïse. Au pied du Sinaï, avant que le tabernacle n'ait 
été dressé, Moïse avait permis d'élever à Dieu des 
autels simples et sans degrés en tout lieu où le Sei- 
gneur manifesterait son nom. Après l'adoration du 
veau d'or et quand le tabernacle eut été érigé, pour 
prévenir les rechutes dans l'idolâtrie, Moïse avait 
ordonné aux Israélites d'offrir des sacrifices et d'im- 
moler, même les animaux destinés à la boucherie, 
auprès du sanctuaire unique du désert. Lev., xvn, 3-9. 
Voir Chair des animaux, t. n, col. 491-498. Cette loi 
n'a pu être pratiquée qu'au désert, à l'époque où Israël, 
réuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle. 
Elle n'a pu être imaginée au temps d'Esdras, alors qu'il 
n'y avait ni camp ni tabernacle. Sur le point d'introduire 
Israël au pays de Chanaan, le sage législateur abrogea 
l'obligation d'immoler tous les animaux auprès de 
l'arche, en maintenant pour l'avenir la loi du sanc- 
tuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. En atten- 
dant que Dieu eût fait choix de Jérusalem, il n'était 
pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du 
sanctuaire où reposait l'arche. Voir Hauts-lieux, t. ni, 
col. 453-454. Même après l'érection du Temple de Jéru- 
salem, la loi de l'unité du sanctuaire n'était pas si ri- 
goureuse qu'il ne fût permis d'ériger d'autres autels et 
d'y offrir des sacrifices légitimes. Au Temple, se faisait 
le service régulier, quotidien, prescrit par la loi mo- 
saïque. Dans les circonstances extraordinaires, on pou- 
vait dresser des autels; les prophètes et les rois les 
plus pieux le faisaient sans scrupule et ne pensaient pas 
manquer à une loi divine qui n'avait pas une significa- 
tion si absolue et si restrictive qu'on le prétend. Voir 
Autel, t. i, col. 1266-1268. Il n'est donc pas nécessaire 
de soutenir avec M. Poels, Examen critique de l'his- 
toire du sanctuaire de l'arche, Louvain, 1897, t. i 
(seul paru), en dépit de la géographie, que le haut-lieu 
de Gabaon est identique à Masphath, à Kiriath-Jarim et 
à Nob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjath Jearim, 
Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu dti 
culte dans la législation rituelle des Hébreux, dans le 
Muséon, avril-octobre 1894, t. xm, p. 195-204, 299-320, 
533-541 ; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois 
codes un sanctuaire unique servant de demeure à 
Jéhovah et de centre exclusif du culte public et natio- 
nal, et des autels multiples, consacrés au culte privé et 
domestique pour l'immolation ordinaire du bétail, 
accompagnée de rites religieux que tout Israélite pou- 
vait accomplir. Le Deutéronome ordonnait de détruire 
seulement les hauts-lieux ayant servi au culte des idoles. 
Sans doute, cette prescription ne fut pas observée fidè- 
lement, Jud., il, 2, 3, et les hauts-lieux détruits furent 
relevés, parce que les Israélites retombèrent fréquem- 
ment dans l'idolâtrie. De même, le culte de Jéhovah 
sur les hauts-lieux, quoique illicite après la construc- 
tion du Temple de Jérusalem, continua, non seulement 
dans le royaume schismatique d'Israël, mais même 
dans celui de Juda. L'usage en était tellement invétéré 
que les rois les plus pieux durent le tolérer. On y mêla 
même parfois des pratiques idolàtriques au culte de ' 
Jéhovah. Les prophètes s'élevèrent avec vigueur contre 
ce culte mixte, et leur enseignement finit par faire 
abolir tardivement tous les hauts-lieux, conservés 
malgré la loi et au détriment de la pureté du culte. 
Voir Hauts-lieux, t. iv, col. 455-457; Idolâtrie, 
col. 810-813. L'histoire de la multiplicité des autels et 
du sanctuaire unique de Dieu en Israël ne prouve donc 
rien contre la législation mosaïque qui les concerne. 

b) Les sacrifices. — Le livre de l'alliance exigeait 



les prémices des fruits de la ferre et les premiers-nés 
des bestiaux, ainsi que le rachat du premier-né de 
l'homme. Exod., xxn, 28-29 (hébreu, xxiii, -19). Il deman- 
dait qu'aux jours de fête, quand il se présentait devant 
Dieu, Israël ne vint pas les mains vides. Exod., xxiir, 
15. On ne devait mélanger rien de fermenté aux sacri- 
fices ni rien conserver des victimes pour le lendemain. 
Exod., xxiii, 19. Les sacrifices paraissent donc être une 
oûrande spontanée des biens de la terre au Seigneur 
et leur cérémonial est réduit au minimum. Le Deuté- 
ronome précise et développe les lois sur les premiers- 
nés des animaux, xv, 19-23, les prémices, xxvi, 1-11, 
et les dîmes, xxvi, 12-15. L'offrande des prémices est 
rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte et de la prise 
de possession du pays de Chanaan, et elle présente, 
comme celle de la dîme, le caractère d'une œuvre de 
bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphe- 
lins et les lévites. Le code sacerdotal enfin distingue 
différentes espèces de sacrifices et décrit minutieuse- 
ment tous leurs rites. A l'holocauste et au sacrifiée 
d'actions de grâces il joint la simple oblation et les sa- 
crifices pour le péché et le délit. Il introduit encore 
l'offrande de l'encens. L'idée du sacrifice est elle-même 
changée : au lieu de l'offrande familiale, spontanément 
faite à Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les 
pauvres, il est une institution officielle et publique, un 
service commandé, soumis à des rites minutieux. Or, 
ce rituel détaillé du Lévitique n'apparaît nulle part 
observé avant la captivité. On offrait assurément des 
sacrifices, des holocaustes, mais librement et simple- 
ment pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On 
ne se préoccupait pas de savoir quelle victime devait 
être immolée, quand, où, par qui et comment elle de- 
vait être offerte. Bref, le code sacerdotal n'était pas 
observé, par la raison bien simple qu'il n'existait pas 
encore. 

Les faits ne répondent pas à la théorie, et les livres 
historiques ne sont pas muets, comme on le prétend, 
sur l'offrande publique et solennelle des sacrifices. Ils 
mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. ni, 
col. 732. S'ils ne parlent pas du sacrifice quotidien, 
s'ils ne décrivent pas les rites, on n'est pas en droit 
de conclure de leur silence que ce service ne se prati- 
quait pas et que les rites n'étaient ni observés ni 
appliqués. On peut légitimement supposer que le ser- 
vice ordinaire se faisait régulièrement à Silo, et plus 
tard à Jérusalem, auprès de l'arche. Il y avait là un 
sacerdoce en permanence. Les historiens n'enregistrent 
que les faits, supposant les rites connus de tous. D'ail- 
leurs, si les prophètes les plus anciens, Amos et Osée, 
protestent si énergiquement contre le formalisme 
excessif des pratiques rituelles de leur temps et prê- 
chent le culte en esprit et en vérité, c'est une preuve 
péremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque 
les prêtres et le peuple y attachaient plus d'importance 
qu'aux dispositions intérieures. Si Dieu blâme les sa- 
crifices réitérés à Béthel, c'est que leur offrande n'em- 
pêche pas l'impiété et la multiplication des péchés. 
Amos, iv, 4, 5. S'il hait leurs fêtes, leurs holocaustes 
et leurs vœux, Amos, v, 21, 22, c'est parce que les 
Israélites sont coupables. La maison d'Israël ne lui a- 
t-elle pas offert des victimes durant les quarante années 
de son séjour au désert? Amos, v, 25, et pourtant elle 
a été punie, parce qu'elle était infidèle. Ou mieux peut- 
être faut-il lire ce verset difficile ainsi : « Avez-vous, 
alors que vous m'offriez des sacrifices dans le désert 
pendant quarante ans, porté aussi Sakkout et Kion? » 
Le crime actuel des Israélites est plus grand que leur 
rébellion au désert; elle sera punie, nonobstant les 
sacrifices qu'ils offrent au Seigneur. Cette interpréta- 
tion suffit à enlever la prétendue opposition qu'on 
trouve entre cette parole du prophète et le code sacer- 
dotal, qui mentionne l'offrande quotidienne des sacri- 



103 



PENTATEUQUE 



104 



fices au désert. A moins encore qu'Amos ne fasse 
allusion à l'apostasie d'Israël à Cadès. Voir t. iv, 
col. 1203-1204. De même, la parole de Jérémie, vu, 21- 
23, suivant laquelle Jéhovah, à la sortie d'Egypte, 
n'aurait pas exigé d'holocaustes et de sacrifices, ne 
prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le 
prophète fait peut-être simplement allusion à la propo- 
sition que Dieu fit aux Israélites en Egypte de les dé- 
livrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas 
encore la mention des sacrifices et qui fut d'abord re- 
jetée. Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les 
sacrifices, le prophète, par un contraste saisissant, 
insiste sur l'obligation de la loi morale, et sur la fidé- 
lité à cette loi, dont l'inobservation sera châtiée, malgré 
l'observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur 
aux yeux, de Dieu. 

L'holocauste et le sacrifice pacifique ont donc tou- 
jours été en usage, quoique leurs rites ne soient pas 
décrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour le 
péché n'a pas été imaginé par Ézéchiel, xlv, 22-25. 
Osée, iv, 8, et Michée, vi, 7, le nomment expressément, 
puisque manger le hatla't signifie clairement manger 
les victimes offertes pour le péché ; il est aussi men- 
tionné dans le Ps. xxxix (xl), 7. L'idée en avait été 
exprimée bien auparavant. I Sam., m, 14. Le sacrifice 
pour le délit n'est pas toujours nettement distingué du 
sacrifice pour le péché. Il l'est formellement toutefois 
dans le passage relatif aux revenus des prêtres sous le 
règne de Joas. II (IV) Reg., XII, 16. Déjà, à l'époque 
des Juges, les Philistins, punis pour s'être emparés de 
l'arche, renvoyèrent cette arche avec des 'âsâm pour 
obtenir le pardon de leur faute. I Sam., vi, 3-15. Le 
sacrifice pour le délit est aussi nommé dans Isaïe, 
lui, 10. Les quatre espèces de sacrifices étaient donc 
connues en Israël avant Ézéchiel, et si le code sacer- 
dotal les distingue pour la première fois, c'est qu'il a 
été promulgué par Moïse au désert. 

c) Les fêtes. — Le livre de l'alliance, Exod., xxin, 
14-17, ordonne la célébration dé trois fêtes annuelles : 
la fête des azymes, qui dure sept jours et qui est déjà 
rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte, mais sans 
être encore la Pâque; la fête de la moisson et celle de 
la récolte des fruits. Ces deux dernières ont un carac- 
tère nettement et exclusivement agricole, et on peut 
penser que la première, qui a lieu au printemps, se 
rapportait aussi à l'agriculture. La durée de celles-ci 
n'est pas non plus fixée. Le Deutéronome, xvi, 1-17, ne 
connaît encore que trois fêtes annuelles, qui doivent 
être célébrées au sanctuaire unique. La première réunit 
la solennité de la Pâque à la fête des azymes. La célé- 
bration de la seconde est fixée à sept semaines après la 
première! La troisième est nommée « fête des taber- 
nacles », et sa durée est de sept jours. Leur caractère 
est différent : ce sont des fêtes de joie, de reconnais- 
sance et de charité fraternelle. Dans le code sacerdotal, 
ces trois fêtes rentrent dans un cycle plus complet de 
cinq solennités, dont les rites sont minutieusement dé- 
crits. Lev., xxiii, 4-44. Il ajoute la fête des trompettes 
et celle du grand-pardon, et il modifie le caractère des 
fêtes de la Pentecôte et des tabernacles, en les ratta- 
chant à un souvenir historique. Toutes sont célébrées 
au sanctuaire unique; leur date, leur durée et leurs 
cérémonies sont fixées dans les moindres détails. Enfin, 
la célébration de ces fêtes n'est pas signalée dans les 
livres historiques les plus anciens. Une fête, solennisée 
par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque année 
à Silo. Jud., xxi, 19. Les parents de Samuel allaient 
chaque année honorer Dieu en ce sanctuaire. I Sam., 
1, 3, 7, 21 ; à, 19. Jéroboam I er établit dans son royaume 
au huitième mois une fête pareille à celle qui avait 
lieu en Juda. I (III) Reg., xn, 32, 33. Les anciens pro- 
phètes, Amos et Osée, parlent plusieurs fois de fêtes 
religieuses, mais sans les désigner par des noms par- 



ticuliers. Après la découverte du Deutéronome, la Pâque 
est célébrée pour la première fois conformément aux 
rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxm, 21-23. 
Pendant la captivité, Ézéchiel, xlv, 18-25, ne connaît 
encore que trois solennités, avec un sacrifice d'expia- 
tion au premier jour du premier et du septième mois. 
Le code sacerdotal avec ses cinq fêtes est donc posté- 
rieur à la captivité, concluent les critiques négatifs. 

Les anciennes fêtes ne sont mentionnées dans les 
livres historiques que quand les circonstances en ont 
fourni l'occasion, et l'on ne peut arguer de la rareté de 
leur mention contre leur non-existence. Leur périodi- 
cité régulière n'avait pas besoin d'être signalée par les 
historiens qui relatent seulement les circonstances ex- 
traordinaires, comme celle de la Pâque sous le règne 
de Josias. La coutume de monter à Jérusalem offrir 
des sacrifices existait à l'époque du schisme des dix 
tribus, puisque Jéroboam I er élève des autels à Dan et 
à Béthel, pour empêcher ses sujets d'aller à Jérusalem, 

I (III) Reg., xn, 26-31, et il établit au moins une fête 
pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commenta- 
teurs ont pensé qu'après l'établissement des Hébreux 
au pays de Chanaan, l'usage s'était introduit de ne 
faire qu'un seul pèlerinage chaque année au sanctuaire 
du Seigneur. Voir t. n, col. 2219. Osée, xu, 9, fait allu- 
sion à la fête des Tabernacles et à sa signification histo- 
rique; Isaïe, xxix, 1; xxx, 29, parle du cycle des fêtes. 
Ézéchiel rappelle seulementles trois fêtes qui exigeaient 
l'assemblée religieuse de tout Israël au Temple. Voir 
t. i, col. 1129-1130. La fête de l'Expiation n'est pas men- 
tionnée dans l'Ancien Testament en dehors du Penta- 
teuque, voir t. n, col. 2139, et sa célébration n'est relatée 
par Josèphe que sous Jean Hyrcan ou Hérode. En faul- 
il conclure qu'elle n'avait pas lieu auparavant, au 
moins depuis le retour des Juifs en Palestine? Le si- 
lence des anciens écrivains ne prouve pas davantage sa 
non-célébration. 

d) Les prêtres et les lévites. — Le code de l'alliance, 
promulgué avant l'institution du sacerdoce aaronique, 
ne parle pas, objecte-t-on, de prêtres, et l'alliance dont il 
contient les dispositions est conclue par des sacrifices, 
immolés par de jeunes Israélites. Exod., xxiv, 5. Le 
Deutéronome mentionne fréquemment les prêtres et 
les lévites. Il établit leurs droits, xvm, 1-8, mais il ne 
reconnaît pas de distinction hiérarchique entre eux. 

II ignore le grand-prêtre. Il distingue seulement, f. 7, 
le lévite qui habite dans le pays du lévite attaché au 
service du sanctuaire unique. Le premier est ordinaire- 
ment classé avec la veuve, l'orphelin, l'indigent et 
l'étranger pour recevoir les largesses du pieux Israélite. 
Les lévites, éloignés du sanctuaire, n'avaient donc pas 
encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sa- 
cerdoce est une institution sociale, hiérarchisée, dont les 
droits et les fonctions sont déterminés très exactement. 
La hiérarchie comprend le grand-prêtre, fils aîné et 
successeur d'Aaron, et les lévites, membres de la tribu 
de Lévi. Les prêtres sont richement dotés. Les lévites, 
n'ayant pas eu de domaine distinct dans le partage de 
la Palestine, habitent des villes spéciales et sont entre- 
tenus, eux et leurs familles, par le prélèvement des 
prémices et le paiement de la dîme. En tout cela, ce 
code est manifestement en progrès sur le Deutéronome; 
il lui est donc postérieur. 

D'autre part, on prétend que l'histoire d'Israël con- 
firme cette, progression de la législation sacerdotale. 
Dans les documents élohiste et jéhoviste, Aaron n'ap- 
paraît comme prêtre que dans l'épisode du veau d'or, 
Exod., xxxn, 5, 6, et la tribu de Lévi, qui punit les 
coupables,,n'y a pas de droits spéciaux. A l'époque des 
Juges, il n'est fait mention d'aucun prêtre; il est ques- 
tion de lévites dans deux épisodes, racontés en appen- 
dice. Jud., xvii-xxi. A Silo, il y a cependant une 
famille sacerdotale, celle d'Héli, I Sam., i, n, mais 



105 



PENTATEUQUE 



106 



sans lien avec Aaron. L'arche renvoyée par les Philis- 
tins est reçue par les lévites, I Sam., vr, 15; mais 
Éléazar, fils d'Abinadab, est consacré pour la garder 
dans la maison de son père. I Sam., vu, 1. Samuel, 
fils d'un Éphrai'mite, joue un rôle sacerdotal. Il offre 
des sacrifices, aussi bien que les rois Saiil, David et 
Salomon,saos prêtres. Absalom en offre aussi. II Sam., 
xv, 12. A la cour de David, il y avait des prêtres, Sadoc 
et Abiathar. II Sam., vm, 17; xx, 25. Les fils de David, 
II Sam., vin, 18, et le Jaïrite, II Sam., xx, 26, men- 
tionnés comme prêtres, ne faisaient pas partie du sacer- 
doce, si la leçon massorétique kôhên n'était, comme on 
l'a pensé, qu'une altération de sôkên, désignant un chef 
ou un officier. Is., xxn,15. Salomon destitua Abiathar. 

I (III) Reg., Il, 26, 27. A la dédicace du Temple, c'est 
le roi qui sacrifie, bénit l'assemblée et prononce la 
prière de la consécration; les prêtres et les lévites 
portent simplement l'arche et les ustensiles sacrés. I 

"(III) Reg., vin, 3, 4. Jéroboam I er établit dans le 
royaume d'Israël des prêtres pris parmi le peuple et 
n'appartenant pas aux fils de Lévi. I (III) Reg., xn, 31. 

II y avait donc des prêtres et des lévites, mais pas 
encore de grand-prêtre. Plus tard, Joïada, ordinaire- 
ment qualifié « prêtre », II (IV; Reg., xi, 9, 15, 18; 
xil, 2, 7, 9, est dit « grand-prêtre » une seule fois. II 
(IV) Reg., xo, 10, Sous Achaz, Urie est dit aussi sim- 
plement prêtre. II (IV) Reg., xvi, 10-16. Sous Josias, 
Helcias est appelé « grand-prêtre », II (IV) Reg., xxu, 
4, 8; xxiit, 4, et « prêtre » tout court. II (IV) Reg., 
xxu, 10, 12, 14. Saraia est nommé « premier prêtre ». 
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., lu, 24. Auprès d'Helcias, 
figurent des « prêtres en second », II (IV) Reg., xxm, 4, 
et à côté de Saraia, Sophonie, « prêtre en second. » 
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., lu, 24. Durant la captivité, le 
prêtre Ézéchiel distingue les prêtres, fils de Sadoc, des 
prêtres lévitiques; mais cette distinction est faite en vue 
de l'avenir; c'est une innovation introduite pour des 
raisons historiques. Les lévites seront des prêtres dé- 
gradés de leurs fonctions anciennes en punition de 
leur idolâtrie ; ils seront réduits au rôle de serviteurs 
des prêtres et de portiers du nouveau Temple. Ezech., 
ïiiï, 10-14. Les prêtres et les lévites, fils de Sadoc, 
qui sont demeurés fidèles, continueront leurs fonctions 
et seront astreints à des règles de pureté déterminées. 
Ils n'auront pas de propriété, vivront de l'autel, rece- 
vront les prémices et habiteront des domaines tracés 
au cordeau au milieu de la Terre Sainte. Ezech., xliv, 
15-xlv, 5. Le prophète ne connaît pas encore le grand- 
prêtre. Le code sacerdotal avec sa hiérarchie à trois 
degrés, avec sa distinction des prêtres et des lévites 
dès l'origine, Num., m, 5-13, est postérieur à Ézéchiel. 
Sa législation détaillée sur les fonctions et les revenus 
des deux classes est en progrès sur le prophète orga- 
nisateur de l'avenir. Ses villes lévitiques remplacent 
les domaines imaginés par Ézéchiel. 

On a démontré ailleurs, voir t. îv, col. 200-203, qu'il 
y eut en Israël dès l'origine du peuple une tribu de 
Lévi, à qui Dieu fit attribuer les fonctions sacerdotales 
■en récompense de sa fidélité lors de l'adoration du veau 
d'or. Exod., xxxn, 26-29. On a prouvé aussi, ibid., 
■col. 203-205, que cette tribu comprit deux catégories de 
ministres sacrés : les prêtres et les simples lévites. On 
a raconté enfin, ibid., col. 208-211, l'histoire des des- 
cendants de Lévi jusqu'à la fin de la captivité. Quant 
au plan de restauration religieuse d'Ézéchiel, voir t. n, 
-col. 2155-2156, était-ce une réforme pratique ou seu- 
lement une restauration purement idéale, irréalisable 
et irréalisée? Si l'on admet la seconde alternative, qui 
ne peut même être niée, il en résulte que le prophète 
n'est pas l'auteur de la distinction entre prêtres et 
lévites. Loin de la créer, il la suppose existante; il lui 
emprunte le cadre de ses institutions futures. S'il dé- 
.grade les prêtres coupables d'idolâtrie, ce n'est pas en 



créant une caste inférieure, exclusivement composée 
d'eux; il les réduit au rang de simples lévites, de ces 
lévites, dont le nom et les fonctions étaient connus et 
déterminés par la tradition. Ézéchiel, xlviii, 11, dis- 
tingue ces deux classes, et il avait mentionné aupara- 
vant, xl, 45, des gardiens du temple, et des ministres 
de l'autel, XL, 46. Les fils de Sadoc, à qui il réserve 
les fonctions sacerdotales à cause de leur fidélité, étaient 
eux-mêmes des fils de Lévi, xlui, 19; xliv, 15. Quand 
il élabore son programme de restauration future, il en 
emprunte le cadre aux institutions existantes, mais il y 
introduit des matériaux de sa création. Il maintient 
donc les deux grandes classes des ministres du culte; 
mais divisant ceux-ci sous te rapport de leur fidélité à 
Dieu, il n'admet au ministère de l'autel que les prêtres 
demeurés fidèles, en les désignant comme fils -de Sa- 
doc, et il réduit au simple rang de serviteurs des 
prêtres les anciens ministres infidèles. Le caractère 
idéal de la réforme laissait au prophète la liberté d'ex- 
clure les lévites et d'omettre le grand-prêtre, comme 
la fête de la Pentecôte sans nuire à leur réalité histo- 
rique. A. Van Hoonacker, Les prêtres et les lévites dans 
le livre d'Ézéchiel, dans la Revue biblique, 1899, t. vin, 
p. 180-189, 192-194. Voir t. n, col. 2155, 2156, 2161. 
Quant au grand-prêtre, il est mentionné dans les livres 
historiques, chaque fois qu'il est intervenu dans les 
affaires publiques. Son institution remonte à Aaron et 
n'est pas une création artificielle de l'auteur du code 
sacerdotal. Voir 't. nr, col. 295-308. 

Les redevances, versées aux prêtres et aux lévites, 
ne sont pas non plus une invention récente. On pré- 
tend bien que les prêtres n'avaient primitivement 
aucun droit à recevoir une part de la victime des 
sacrifices, ceux-ci étant des repas sacrés auxquels les 
particuliers qui les offraient invitaient les prêtres du 
sanctuaire où avait eu lieu l'immolation. Le Deutéro- 
nome, xvm, 1-8, leur attribua des parts déterminées. 
Le code qu'on appelle sacerdotal les augmenta notable- 
ment et distingua ce qui revenait au grand-prêtre, aux 
prêtres et aux lévites. Lev., vu, 28-34; Num., v, 8-10; 
xvm, 8-32. Quant aux villes lévitiques, Num., xxxv, 1- 
8; Jos., xxi, 1-40, l'idée en a été suggérée par É/.échiel, 
xlviii, 10-14. En fait, les livres historiques mentionnent 
en quelques circonstances les redevances dues aux 
prêtres. Les fils d'Héli n'étaient prévaricateurs qu'en 
ce qu'ils n'observaient pas les prescriptions légales et 
dépassaient leur droit en s'atlribuant ce qui leur plai- 
sait des victimes offertes. I Sam., n, 12-17. Et l'homme 
de Dieu qui reproche à leur père sa faiblesse, règle 
quels seront à l'avenir les revenus des prêtres de Silo. 
Ibid., 36. Sous le règne de Joas, les revenus des prê- 
tres se payaient en argent. II (IV) Reg., xn, 4-16. A la 
réforme religieuse de Josias, les prêtres infidèles 
furent privés des revenus du culte et ne gardèrent pour 
vivre qu'une partie de leurs droits. II (IV) Reg., xxm, 
9. Sur la dime, voir t. u, col. 1.432-1435, et sur les 
villes lévitiques, t. iv, col. 216-221 . 

e) Loi sur les bêtes mortes. — Le livre de l'alliance 
interdit absolument aux Israélites, qui forment un 
peuple saint, de manger les bêtes mortes, et ordonne 
de les abandonner aux chiens. Exod., xxu, 31. Le Deu- 
térononae, xiv, 21, autorise à les donner ou à les ven- 
dre aux étrangers. Le code sacerdotal ne voit plus dans 
l'acte de manger une bête morte qu'une impureté lé- 
gale, exigeant une simple ablution. Lev., xvn, 15-16. 
Ces dispositions diverses ne s'excluent pas. La prohi- 
bition, fondée sur la sainteté spéciale des Israélites, 
demeure, nonobstant les remarques successives qui s'y 
ajoutent. Quand, au désert, il n'y a pas d'étranger au 
milieu d'Israël, il faut laisser aux chiens toute bête 
morte; lorsque Israël aura au milieu de lui ou à côté 
de lui des étrangers, qui ne sont pas obligés à la sain- 
teté spéciale des Israélites, on pourra leur donner ou 



107 



PENTATEUQUE 



108 



leur vendre, selon les cas, les bêtes mortes. Enfin, 
l'Israélite qui aura manqué à cette prescription n'aura 
encouru qu'une impureté légale que l'ablution fera 
disparaître. Les ordonnances différentes visent des cas 
différents et ne constituent pas des codes successifs. 

f) Loi sur les esclaves. — Selon le livre de l'alliance, 
l'esclave hébreu ne peut être acheté que pour six 
années; il est nécessairement libéré pour la septième; 
et s'il veut se lier à perpétuité, une cérémonie spé- 
ciale doit le constater. Exod., xxi, 2-6. Le Deutéro- 
nome, xv, 12-18, reproduit cette loi, mais l'explique, 
. en obligeant le maître à faire des présents à l'esclave 
libéré et en spécifiant que ces dispositions s'appliquent 
à la femme esclave. La loi nouvelle du prétendu code 
sacerdotal, Lev., xxv, 39-46, ne fixe qu'un cas particu- 
lier. En déterminant les privilèges de l'année du ju- 
bilé, elle règle que, cette année-là survenant, tout es- 
clave hébreu est libéré, même si les six années de son 
engagement ne sont pas révolus. Voir t. m, col. 1750- 
1854. Jérémie, xxxiv, 8-22, annonce seulement la puni- 
tion encourue par la violation d'une loi de libération, 
imposée après la délivrance de la servitude d'Egypte. 
Voir t. ii, col. 1921-1923. 

4. Arguments philologiques invoqués en faveur de 
la diversité des documents. — Nous ne reviendrons 
pas sur la diversité des noms divins, Élohim et Jého- 
vah, qui a servi de point de départ à la distinction des 
documents élohiste et jéhoviste. Elle a perdu beaucoup 
de son importance. première et elle n'est plus aujour- 
d'hui pour les critiques qu'un des nombreux exemples 
de la variété du vocabulaire des écrivains qui ont rédigé 
les sources de l'Hexateuque. Voir d'ailleurs Élohim, 
t. ii, col. 1701-1703, et Jéhovah, t. ni, col. 1230-1234. 
Au sentiment des critiques, chaque document a ses 
expressions propres, ses tournures spéciales et son 
style distinctif. Voir E. Mangenot, L'authenticité 
mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 56-58, 85-87, 
111-115, 144-147. Mais il importe de remarquer par 
quelle méthode on les a déterminés. On a choisi un 
certain nombre de morceaux qui présentaient des diffé- 
rences de langue plus marquées; on a étudié leurs 
particularités lexicographiques et grammaticales, et on 
a discerné ainsi les termes soi-disant caractéristiques, 
qui ont servi à reconnaître les autres morceaux appar- 
tenant à la même source. Le procédé a paru quelque 
peu arbitraire. On range dans une série tous les pas- 
sages qui présentent les mêmes caractères linguistiques 
et dans une autre ceux qui ont d'autres caractères. Les 
deux séries sont par suite différentes. Mais, on ne tient 
pas compte d'un nombre plus considérable d'expres- 
sions communes, employées partout. Quant à l'appré- 
ciation des expressions dites caractéristiques, il faudrait 
considérer la diversité des matières et du genre litté- 
raire. Un code législatif ne se rédige pas dans les 
mêmes termes qu'un récit historique ou qu'un discours 
parénétique. La Genèse et les parties narratives des 
livres du milieu sont naturellement différentes de la 
législation. Le législateur n'emploie pas les mêmes 
mots qu'un historien ou un prédicateur. Ainsi, il n'est 
pas étonnant que la législation mosaïque ait des termes 
techniques, concernant les choses du culte, qui ne se 
retrouvent pas ailleurs. On peut admettre toutes les 
particularités de vocabulaire et de style, remarquées 
dans le Deutéronome, sans qu'elles prouvent que les 
discours, qui composent ce livre, n'ont pas été rédigés 
par Moïse lui-même. Le genre littéraire choisi et le ton 
parénétique exigeaient ces différences. Cf. P. Martin, 
Introduction à la critique générale de l'A. T., Paris, 
1886-1887 (lithog.), t. i, p. 576-604. Les critiques ont 
renoncé à démontrer la modernité du code sacerdotal 
par sa langue propre; l'étude de cette langue apprend 
comment l'auteur écrivait, elle n'indique pas la date du 
livre. Du reste, la diversité du style s'explique tout na- 



turellement dans l'hypothèse que, pour composer le 
Pentateuqup, Moïse a employé différents secrétaires ou 
scribes écrivant sous sa direction. Chacun d'eux avait 
son style propre, et la diversité du langage n'est pas 
surprenante dans une œuvre à laquelle plusieurs mains 
ont collaboré. Pour la Genèse en particulier, certaines 
particularités de style et de lexique peuvent aussi pro- 
venir des sources utilisées et reproduites sans retouches. 
Enfin, le texte hébreu actuel ne représente pas absolu- 
ment l'original; il a pu être remanié, et toutes les par- 
ticularités linguistiques ne peuvent fournir un argu- 
ment certain de la prétendue diversité des documents. 
Cf. F. de Hummelauer, Beuteronomium, Paris, 1901, 
p. 138-144. Ainsi expliqué, l'argument philologique, 
qui ne prouve rien à lui seul, perd toute sa force 
probante en faveur de la distinction des sources du 
Pentateuque. 

L'authenticité mosaïque du Pentateuque a été soute- 
nue par de nombreux critiques et défendue contre les 
attaques des adversaires. Nous signalerons en terminant 
les principaux ouvrages ou articles consacrés à cette 
démonstration ou à la polémique avec les critiques 
allemands : Hengstenberg, Die Bûcher Moses und 
Aegypten, Berlin, 1841 ; AV. Smith, The Book of Moses 
or the Pentateuch in ils authorship, credibility and 
civilisation, 2 in-8°, Londres, 1868; Gh. Schœbel, Dé- 
monstration de l'authenticité du Deutéronome, Paris, 
1868; Démonstration de l'authenticité mosaïque du 
Lévitique et des Nombres, Paris, 1869; Démonstration 
de ï 'authenticité "mosaïque de l'Exode, Paris, 1871 ; 
Démonstration de l'authenticité de la Genèse, Paris, 
1873; Le Moïse historique et la rédaction mosaïque 
du Pentateuque, Paris, 1875 (ces travaux ont paru d'abord 
en articles dans les Annales de philosophie chrétienne, 
1867-1875); Knabenbauer, Der Pentateuch und die un- 
glàubige Bibelkritik, dans Stimmen aus Maria-Laacli , 
1873, t, iv ; Bredenkamp, Gesetz und Prop/ieten, Erlan- 
gen, 1881; C. Elliot, Vindicalion of the Mosaic au- 
thorship of the Pentateuch, Cincinnati, 1884; E. C. Bis- 
sel, The Pentateuch,ils origin and structure, New-York, 
1885; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12» édit., Paris, 
1906, t. ï, p. 397-478; Les Livres Saints et la critique 
rationaliste, Paris, 1902, t. m, p. 1-226; t. îv, p. 239- 
253; 405-415; Ubaldi, Introductio in Sacram Scriplu- 
ram, 2 e édit., Rome, 1882, t. ï, p. 452-509; R. Cornely, 
Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris, 
1887, p. 19-160; J. P.P. Martin, Introduction à la cri- 
tique générale de VA. T. De l'origine du Pentateuque, 
3 in-4", Paris, 1886-1889 (lithog.); G. Vos, Mosaic 
origin of the Pentateuchal codes, Londres, 1886; 
YV. II. Green, Moses and the Prophels, New-York, 
1883; The Hebrew Feasts, New-York, 1885; The Penta- 
teuchal question, dans Mosaica, Chicago, 1889-1892, 
t. v-xm; The higher Crilicism of tlie Pentateuch, 
New-York, 1895; The unily of Uie book of Genesis, 
New- York, 1895; cardinal Meignan. De l'Éden à Muïse, 
Paris, 1895, p. 1-88; Lex mosaica, or the Lan: of Moses 
and the higher crilicism (Essais de Sayce, Rawlinson, 
Trench, Lias, Wace, etc.), Londres, 1894; Baxter. 
Sanctuary and sacrifice, Londres, 1896; Ed. Bôhl, 
Zum Gesetz und zum Zeugniss, Alenne, 1883; A. Zahn, 
Ernste Blicke in den Wahn der nwdeiiien Kritïk des 
A. T., Gûtersloh, 1893; Das Deuteronomium, 1890: 
lsraelïtische und jiidische Geschichte, 1S95; Ed. Rup- 
precht, Die Anschauung der krit.Schule Wellhausen's 
vom Pentateuch, Leipzig, 1893; Vas Râlhsel des Fûnf- 
buehesMose und seine falsche Lôsung, Gûtersloh, 1894; 
Das Râthsels Lôsung oder Beitrage zur richligen Lo- 
sung des Pentaleuchrût hsels , 3 vol., 1S97; Die Kritik 
nach ihrem Rechl und Unrecht, 1897; abbé de Broglie, 
Questions bibliques, édit. Piat, Paris, 1897, p. 89-169; 
J. B. Pelt, Histoire de l'A. T., 3= édit., Paris, 1901, 1. 1, 
p. 291-326; J. Kiev, Die Pentateuchfrage. lhre Ge- 



109 



PENTATEUQUE 



lia 



schichte undihre Système, Munster, 1903; J. Thomas, 
The organic wiily of the Penlateuch, Londres, 1904; 
G. H. Rouse, The Old Testament in New Testament 
light, Londres, 1905; H. A. Redpath, Modem criticism 
and the book of Genesis, Londres, 1905; G. Hoberg, 
Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905; 
H. 51. Wiener, Studies in biblical Law, Londres, 1904; 
J. Orr, The problem of the Old Testament considered 
u'îtft référence to récent criticism, Londres, 1906. 
Cf. H. Hopfl, Die hbhere Bibelkritik, Paderborn, 1902, 
p. 1-96. 

III. NOTE THÉOLOGIQUE DE L'AUTHENTICITÉ MO- 
SAÏQUE du pentateuque. — L'authenticité mosaïque 
du Pentateuque reposant principalement sur le témoi- 
gnage des écrivains inspirés, sur la parole de Jésus- 
Christ et des Apôtres et sur la tradition catholique, il 
y a lieu de se demander si, étant affirmée par l'Écriture 
et la tradition ecclésiastique, elle rentre dans le do- 
maine de la révélation divine, ou bien si, n'étant pas 
formellement enseignée par Dieu aux hommes, elle 
n'a pas été révélée et par suite peut librement être 
discutée par les catholiques et abandonnée sans détri- 
ment pour la foi qui ne sera pas en cause. 

Depuis 1887, un certain nombre d'exégètes et de 
critiques catholiques, prêtres séculiers ou religieux, 
avaient exprimé publiquement, avec la tolérance de 
leurs supérieurs et sans avoir été, avant 1906, blâmés 
ou repris par l'autorité ecclésiastique, que la thèse 
de l'authenticité mosaïque du Pentateuque ne s'impo- 
sait pas à la foi des chrétiens et pouvait être librement 
débattue ou contestée, parce qu'elle ne faisait pas partie 
de la révélation divine. A leur sentiment, l'origine 
mosaïque du Pentateuque n'est pas formellement 
révélée dans l'Écriture ni enseignée par l'Église comme 
certaine. 

Les théologiens qui n'admettent pas ce sentiment ne 
sont pas cependant d'accord entre eux. Pour les uns, 
l'authenticité mosaïque du Pentateuque, bien que n'étant 
pas explicitement révélée, l'est implicitement et for- 
mellement, exprimée qu'elle est dans la révélation en 
termes équivalents, puisqu'elle se tire des formules ré- 
vélées par simple explication et sans qu'il soit besoin de 
recourir à une déduction proprement dite. La négation 
de cette vérité serait donc une erreur, et la contradic- 
toire serait erronea in fiole. Méchineau, L'origine mo- 
saïque du Pentateuque, p. 34. Pour les autres, l'authen- 
ticité mosaïque du Pentateuque est seulement une 
vérité certaine (theologice certa), parce qu'elle se 
déduit nécessairement des textes bibliques et parce 
que la tradition catholique appuie et confirme cette 
conclusion. Elle n'est énoncée dans la révélation que 
virtuellement; on l'en tire par déduction ou raisonne- 
ment. Par suite, conformément à l'enseignement 
commun des théologiens, elle ne s'imposerait pas à 
l'adhésion comme de foi divine. Mais rattachée à la 
révélation, enseignée par l'Église, dans son magistère 
ordinaire, elle est certaine théologiquement, et sa 
négation pourrait être dite erronée, ou au moins 
téméraire ; elle ne serait pas hérétique, puisqu'elle 
n'a pas été jusqu'ici condamnée expressément comme 
telle par l'Église. J. Brucker, Authenticité des livres 
de Moïse, dans les Études, mars 1888, p. 327. Cf. ibid., 
janvier 1897, p. 122-123; E. Mangenot, L'authenticité 
mosaïque du Pentateuque, p. 267-310. 

IV. Texte. — Le texte original de .Moïse ne nous est 
pas parvenu dans toute sa pureté première, il a subi des 
retouches de diverse nature. Voir plus haut, col. 63. 
La seule comparaison du texte massorétique avec le 
Pentateuque samaritain et la version des Septante suf- 
firait à le démontrer. On sait que ces trois recensions 
présentent entre elles des différences nombreuses. Les 
plus saillantes concernent les chiffres de l'âge des pa- 
triarches antédiluviens, Gen., v, 1-31, et postdiluviens, 1 



Gen., XI, 10-26; elles ont donné lieu à trois chronolo- 
gies différentes de l'histoire primitive, sans qu'il soit 
possible de déterminer laquelle des trois se rapproche 
le plus de l'original. Voir Chronologie, t. n, col. 721- 
724. Mais les nombres ne sont pas seuls divergents dans 
ces trois recensions. Le Pentateuque samaritain con- 
tient, en outre, des additions et des modifications, dont 
les trois plus célèbres substituent Garizim à Hébal. 
Exod., xx, 17; v, 21; xxvn, 4, 5. Voir t. m, col. 461 ; 
t. iv, col. 1270, 1274. Or, on ne peut décider si ce sont 
des interpolations faites par les Samaritains dans l'in- 
tention d'autoriser le culte célébré à leur temple de 
Garizim, ou si les Juifs auraient changé Garizim en 
Hébal, Deut., xi, 29, dans un but polémique. B. Kenni- 
cott, The State of the printed hebrew Text of the 
Old Testament considered, 1753-1759, t. i, p. 21-117, a 
donné la préférence au texte samaritain; mais Gesenius, 
De Pentateuchi samaritani origine, indole, auctori- 
tate, Halle, 1815, le croyait plus altéré que le texte hé- 
breu et rejetait en bloc toutes ses leçons propres. 
Cependant le Pentateuque samaritain a probablement 
quelques bonnes leçons. 11 a, du reste, des rapports 
étroits avec le texte grec des Septante et tous deux 
représentent certainement un texte hébreu ancien et 
différent du texte massorétique; ce qui s'expliquerait 
si le texte samaritain ne remontait guère plus haut 
que l'époque d'Alexandre le Grand, quand les Samari- 
tains, ayant rompu définitivement avec les Juifs, orga- 
nisèrent leur culte sur le mont Garizim. Voir Garizim, 
t. m, col. 111-112. Cf. L. Gautier, Introduction, t. n, 
p. 556-557. De son côté, la version des Septante, com- 
parativement au texte massorétique, présente des addi- 
tions, des omissions, des transpositions, des lectures 
différentes, qui ne sont pas toutes le fait des traducteurs, 
mais qui proviennent souvent de l'état antérieur du 
texte hébreu. Voir Swete, An Introduction to the OUI 
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 234-236, 243, 
442, 446. Enfin, le texte massorétique, quoique tradi- 
tionnel dans sa vocalisation, ne représente pas absolu- 
ment l'original; il a reproduit, du reste, dans les hèri 
un certain nombre de variantes antérieures, voir t. rv, 
col. 856, 858, et il conserve dans sa teneur actuelle des 
indices d'altération, par exemple, Deut., x,6, voir Mo- 
Séb A, ibid. , col. 1318; Exod., xi, 3, et des transpositions, 
comme Exod., xxx, 1-10, qui devrait être plutôt après 
Exod., xxvi, 35. De cet état des trois recensions, il faut 
conclure que le texte du Pentateuque a subi, au cours 
séculaire de sa transmission, des retouches et des altéra- 
tions. Or, celles-ci ne semblent pas être exclusivement 
l'œuvre des copistes, mais parfois de reviseurs. Nous 
n'avons donc plus le texte du Pentateuque dans sa pureté 
complète; il nous est parvenu remanié, retouché dans 
des détails qui, sans atteindre à la substance du fond, 
permettent aux critiques modernes de reconnaître dans 
le texte actuel des gloses et des modifications. P. Mar- 
tin, Introduction à la critique générale de VA. T., 
Paris, 1886-1887 (lithog.), t. î, p. 17-129; J. Brucker, 
Authenticité des livres de Moïse, dans les Études, 
1888, t. xlix, p. 332-338. 

V. Style. — Le style du Pentateuque, nous l'avons 
déjà remarqué, n'est pas uniforme, et il n'y a en cela 
rien de surprenant si, comme il est légitime de le sup- 
poser, Moïse a reproduit des documents antérieurs et 
a pu confier à des secrétaires la rédaction d'une partie 
de son œuvre. 

On peut distinguer dans ce livre, sous le rapport du 
style, trois sortes de passages. Il y a d'abord des 
tableaux statistiques et des recueils de lois, qui n'exigent 
que de l'exactitude et de la précision. On ne reprochera 
pas à l'écrivain la sécheresse des généalogies, de la 
table ethnographique, de la liste des stations du désert, 
et autres morceaux analogues. Pareillement, les lois 
étaient formulées en termes juridiques, clairs, précis, 



411 



PENTATEUQUE 



112 



•et codifiées dans des cadres ressemblants, sinon iden- 
tiques. Le législateur n'a d'autre souci que la précision 
•et la clarté. 

Le narrateur est ordinairement simple et naturel, 
mais il a aussi les qualités du conteur oriental. Les 
récits sont vivants et saisissants. Il excelle à peindre 
ie caractère des personnages; il exprime leurs senti- 
ments intimes, multiplie les dialogues. Il aime la 
mise en scène, et il décrit les événements en quelques 
traits bien frappés. Son histoire est le plus souvent 
«necdotique. Elle renferme de fort belles pages. Sans 
parler du récit delà création, qui a une forme spéciale, 
on a admiré de tout temps l'achat du champ d'Hémor 
par Abraham comme une scène pittoresque des mœurs 
patriarcales, l'histoire si émouvante de Joseph et en 
particulier sa reconnaissance par ses frères, la narra- 
tion dramatisée des plaies d'Egypte et de la délivrance 
des Israélites. 

Le Deutéronome appartient à un genre littéraire 
spécial. C'est un corps de lois, exposé et expliqué 
dans ilne série de discours. Si la législation a sa forme 
particulière, les exhortations dans lesquelles elle est 
encadrée ont leur style propre. L'orateur ne se borne 
pas à rapporter les prescriptions législatives; il veut 
surtout porter ses auditeurs à les pratiquer. Il les 
justifie donc et y joint souvent les motifs de les obser- 
ver. C'est un prédicateur et un hoxnéliste. Il expose 
longuement son sujet, en phrases pleines et riches, 
«n périodes bien remplies. Il aime à revenir sur les 
recommandations qu'il répète, et les mêmes manières 
de dire se pressent constamment sur ses lèvres. Les 
formules spéciales, très caractéristiques, qui font partie 
de ce que les critiques nomment le style deutérono- 
miste, reparaissent continuellement, et constituent des 
sortes de refrains. Ses longues périodes ne s'achèvent 
pas toujours, et on a signalé des anacoluthes, vi, 10-12; 
vin, 11-17; IX, 9-11; xi, 2-7; xxiv, 1-4. Moïse ici a le 
ton du prédicateur. Ses qualités dominantes sont l'onc- 
tion et la persuasion. Quoiqu'il né manque pas d'éner- 
gie, il n'a pas là véhémence des prophètes. Il s'exprime 
avec clarté pour être compris du peuple auquel il 
s'adresse. Il s'insinue doucement dans l'esprit de ses 
auditeurs, et il ne se lasse pas d'insister sur l'observa- 
tion fidèle de la loi divine. L'abondance de son 
exhortation tourne parfois en longueurs. Il remonte 
«n arrière et répète ce qu'il vient de dire. 

VI. Prophéties messianiques. — Le Pentateuque 
contient les plus anciennes prophéties messianiques. 
— 1° Le protévangile. — La première a été promulguée 
au paradis terrestre par Dieu lui-même à Adam et à 
Eve après leur péché. Elle est renfermée dans la mys- 
térieuse sentence, prononcée contre le serpent séduc- 
eur : « J'établirai une inimitié entre toi et la femme, 
entre ta descendance et sa descendance; celle-ci te bri- 
sera la tête et tu lui briseras le talon. » Gen., m, 15. 
Ces paroles ne s'adressent pas au serpent et elles ne 
signifient pas l'aversion naturelle, instinctive, des 
hommes pour les serpents. Le serpent avait servi 
d'instrument à un être intelligent et méchant, à un 
esprit mauvais qui l'avait fait parler avec perfidie et 
perversité. Les Juifs ont reconnu en lui le démon ten- 
tateur de la femme. Sap., n, 24; Apoc, xii, 9; xx, 2; 
Heb., n, 14. Voir t. h, col. 1368, 2119. Aussi la sen- 
tence divine s'étend-elle plus loin que le serpent visible 
et atteint-elle directement l'esprit tentateur. Un jour, 
Dieu établira entre lui et la femme une inimitié mo- 
rale, telle qu'elle peut exister entre deux êtres raison- 
nables ennemis l'un de l'autre, Num., xxxv, 21, 22, 
«ntre Dieu et l'homme. Ezech., xxv, 15; xxxv, 5. Cette 
inimitié, qui diffère de l'horreur naturelle que les 
hommes éprouvent pour les serpents, régnera entre le 
démon et la femme, non pas le sexe féminin en géné- 
ral, quoique l'expression hébraïque, rrwNn, avec l'ar- 



ticle, puisse avoir ce sens, mais une femme déterminée, 
et d'après tout le récit biblique, dans lequel le mot 
femme précédé de l'article désigne constamment Eve, 
la femme séduite par le serpent, plutôt qu'une femme 
future, présente seulement à la pensée divine, une 
femme unique en son genre et très excellente, la mère 
du Messie. La même inimitié, Dieu l'établira aussi 
entre la descendance du serpent et la descendance de 
la femme. Puisqu'il s'agit d'une inimitié morale, on 
doit exclure la postérité du serpent. Appliquée au 
démon, l'expression « descendance » est nécessaire- 
ment métaphorique. Elle désigne ou les esprits mau- 
vais, dont Satan est le chef, ou les hommes pervers, 
qui se sont mis sous l'empire du démon. Matth., xxm, 
33; Joa., vin, 44. Si telle est la descendance du ser- 
pent séducteur, la rigueur du parallélisme semble 
exiger que la « descendance » de la femme ait aussi un 
sens collectif et désigne la postérité de la femme, qui 
sera en haine et en lutte avec la lignée du serpent, le 
genre humain, qui sera un jour victorieux du démon. 
Mais plusieurs exégètes, s'appuyant sur l'autorité des 
Pères qui ont reconnu dans la femme, figurée par Eve, 
la mère du Messie, S. Justin, Dial. cum Tryph., 100, 
t. vr, coi. 709-712; S. Irènée, Cont. hier., JU, xxjjj, 
7; V, xix, 1; c. xxi, 1, t. vu, col. 964, 1175-1176, 
1179; S. Cyprien, Testim. adv. Judssos, II, ix, t. iv, 
col. 704; S. Épiphane, Hser., lxxvh, 18, 19, t. xlii, 
col. 729; S. Léon le Grand, Serm., xxn, t. liv, 
col. 729; pseudo-Jérôme, Episl. VI, ad amicum ssgro- 
tum de viro perfecto, t. xxx, col. 82-83; S. Isidore 
de Péluse, Epist., 1. I, epist. ccccxxvi, t. 'lxxviii, 
col. 417; S. Fulbert de Chartres, Serm. IV, de nat. 
S. V., t. cxli, col. 320-321; S. Bernard, Boni,, n, 
super Missus est, 4, t. clxxxiii, col. 63, l'entendent 
d'un « rejeton » unique, le Messie. Ils observent que, 
lorsque y-iî présente un sens collectif, le pronom qui 

s'y rapporte se met régulièrement au pluriel. Gen., xv, 
13; xvn, 8, 9, etc. On ne signale que trois exceptions 
à cette règle. Gen., xvi, 10; xvn, 17; xxiv, 60. Or ici le 
pronom est au singulier. Le nom signifie donc un re- 
jeton en particulier, sens qu'il a Gen., IV, 25; II Heg., 
vu, 12, 13; I Par., xvn, 11, 12-. 

Le résultat final de cette inimitié sera une lutte, 
diversement décrite dans la Vulgate et le texte hébreu. 
Tandis que la Vulgate, après les Septante, attribue la 
victoire sur le démon à la femme : Ipsa conteret caput 
luum, le texte original la rapporte à sa descendance 
(postérité ou rejeton). La leçon latine est fautive et on 
l'explique souvent par une erreur de copie. Tous les 
manuscrits hébreux sauf trois, les anciennes versions, 
tous les Pères grecs et la plupart des latins ont le mas- 
culin ipse. Le premier verbe hébreu est d'ailleurs à la 
troisième personne du masculin, et le pronom suffixe du 
second verbe est aussi masculin. Le pronom j*',n se rap- 
porte donc à 711 et non à ntfa. En outre, dans le texte 

hébreu, la lutte est exprimée par le même verbe, ré- 
pété dans les deux membres de phrase. La signi- 
fication de ce verbe *\ni a été discutée. Il ne se rencontre 
qu'ici et Job, ix, 7; Ps. cxxxix, 11. On le traduit ou 
bien « briser, écraser », ou bien « dresser des embûches, 
observer, épier, chercher à atteindre ». Les Septante, 
les Pères grecs qui ont cité leur version et Onkelos ont 
adopté la seconde interprétation, généralement acceptée 
par les critiques modernes. Quoique saint Jérôme, Li- 
ber qusest. hebr. in Genesim, t. xxn, col. 943, préférât 
la signification : eonterere, il a traduit le second verbe 
par insidiaberis. Suivant cette interprétation, les com- 
battants s'observent, s'épient et s'apprêtent à s'attaquer 
conformément à leur nature. La race de la femme cherche 
à écraser la tête du serpent, car c'est lui, et non sa des- 
cendance, qui est attaqué, et le serpent, qui rampe sur 
la terre, visele talon de l'homme etchercheàle mordre. 



113 



PENTATEUQÙE 



114 



Suivant la première interprétation, la descendance de la 
femme brisera donc la tète du serpent et celui-ci lui 
mordra le talon. L'expression est évidemment métapho- 
rique. Bans l'Écriture, iriser la tête de quelqu'un 
signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre inca- 
pable de nuire, le vaincre. Amos, h, 7; Ps. lxvii, 22; 
Cix, 6. La postérité de la femme brisera donc la puis- 
sance de Satan et détruira son empire tyrannique. La 
métaphore est continuée dans la suite du verset. Le 
serpent, écrasé par le pied de son adversaire, se re- 
tournera contre lui et l'attaquera au seul endroit 
qu'il puisse atteindre encore, au talon qu'il cherchera 
à atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites 
•de la lutte, il y a toute la différence d'un talon blessé et 
d'une tète broyée. Les commentateurs catholiques, qui 
reconnaissent dans la descendance de la femme un re- 
jeton spécial, qui est le Messie, voient dans l'écrasement 
■de la tête du serpent la victoire définitive remportée par 
le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa mort sur la 
«roix, a véritablement brisé la tête du serpent infernal, 
Joa., xh, 31; Col., n, 15; I Joa., m, 8, et dans la mor- 
sure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix, 
œuvre des suppôts de Satan, mais cette morsure, 
quoique mortelle, est suivie de la résurrection du vain- 
queur du démon. Calmet, Commentaire littéral sur la Ge- 
nèse, 2«édit., Paris, 1724, t. ] a, p. 39-40; Patrizi, Bibli- 
■carum qusestionum decas, Rome, 1877, p. 47-53; Id., De 
Nin, hoc est de immaeulata Maria Virgine a Deo prse- 
dicta, Rome, 1853; C. Passaglia, De immaculato Dei- 
parse conceptu, Rome, 1853, t. H, p. 812-954; Ms r Gilly, 
Précis d'introduction, Nimes, 1867, t. H, p. 345-356; 
Ma r Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. i, 
p. 235-236; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit, 
Paris, 1906, t. i, p. 567-571; Fillion, La sainte Bible, 
Paris, 1888, t. i, p. 32; E. Mangenot, Les prophéties 
messianiques. Le prolévangile, dans Le prêtre, Arras, 
1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protévangile 
est messianique au sens littéral. Pour d'autres, il ne 
l'est qu'au sens spirituel; la prophétie vise directe- 
ment Eve et sa descendance, qui sont des figures du 
Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Les targums 
d'Onkelos et de Jérusalem avaient compris le sens mes- 
sianique général de cette prophétie. Clément d'Alexan- 
drie, Cohort. ad génies, i, t. vm,. col. 64, y avait vu 
seulement l'annonce prophétique du salut. Saint Chry- 
sostome, Hom., xvn, in Gen., n. 7, t. lui, col. 143; 
saint Augustin, De Genesi contra manichseos, 1. II,. 
c. xvin, t. xxxiv, col. 210; saint Jérôme, Liber quœst. 
hebr. in Gen., t. xxm, col. 943; saint Éphrem, Opéra 
syriaca, Rome, 1732, t. i, p. 135; saint Grégoire le 
Grand, Moral, in Job, 1. I, c' xxxvi, n. 53, t. lxxv, 
col. 552, l'ont entendue de la lutte des hommes avec le 
serpent infernal et de leur triomphe par leurs bonnes 
<euvres sur les perverses suggestions de Satan. Cor- 
neille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732, 
p. 66-67; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin, 
•1829, t. 1, p. 26-46; Reinke, Beitrâge sur Erklàrung 
des A. T., Giessen, 1857, t. n, p. 272 sq.; Corluy, 
Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, 
p. 347-372; card. Meignan, De l'Éden à i\foïse,.Paris, 
1895, p. 165-192; Crelier, La Genèse, Paris, 1889, 
p. 54-56; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, 
Paris,. 1895, p. 159-167, ont vu dans Eve et sa postérité 
les figures du Messie et de sa mère. Que la signification 
messianique du protévangile soit littérale ou spirituelle 
seulement, le trait initial qui commence à donner la 
physionomie du Messie, c'est qu'il sera un fils d'Eve, un 
descendant de la femme coupable, un membre de cette 
humanité qu'il arrachera à l'empire du démon. 

2» La bénédiction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Après 
avoir maudit Cham, son fils irrespectueux, dans la 
personne de Chanaan, voir t. n,col. 513-514, 532, Noé 
bénit Sem et Japheth, ses fils respectueux. La béné- 



I diction de Sem est exprimée sous forme optative : 
« Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem! Que Chanaan 
soit son esclave ! » jéhovah, le Dieu de la révélation, 
de la grâce et du salut, est appelé l'Élohim de Sem. 
C'est la première fois que, dans l'Écriture, Jého- 
vah est dit l'Élohim d'un homme. Plus tard, il se 
nommera lui-même l'Élohim d'Abraham, d'Isaac et de 
Jacob. Gen., xxvm, 13; Exod., m, 6. Cette dénomination 
exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces 
patriarches : il est le Dieu de leur famille; il a con- 
tracté alliance perpétuelle avec eux et il leur réserve à 
eux et à leur postérité des bénédictions spéciales. Or, 
ces bénédictions ne sont qu'une conséquence de celle 
de Sem. Le fait que Jéhovah est dit l'Élohim de Sem, 
signifie donc que ce fils de Noé aura comme apanage 
d'avoir avec Dieu des relations spéciales et de conserver 
la vraie religion. De sa race viendra le salut et le ré- 
dempteur promis à l'humanité pécheresse. 

3° Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac 
et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu à Abraham 
et renouvelées par lui à Isaac et à Jacob, avaient une 
portée messianique. — 1. Promesse d'une nombreuse 
postérité. — Après avoir ordonné à Abraham d'émigrer 
au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire 
sortir de lui un grand peuple. Gen., xn, 2. Les réitéra- 
tions de cette promesse divine en ont précisé le sens, 
puisque la postérité d'Abraham devait être aussi nom- 
breuse que la poussière de la terre, Gen., xnr, 16, et 
les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d'Abram 
est-il changé par Dieu en celui d'Abraham, « père de 
la multitude. » Dieu rendra le patriarche chef de nations 
et fera sortir des rois de lui. Gen., xvn, 4-6. Cette nom- 
breuse postérité lui viendra non d'Ismaël, mais d'Isaac, 
fils de Sara. Gen., xvn, 16; xvm, 10-15; xxn, 17. Cf. Heb., 
xi, 12. Cette promesse est réitérée presque dans les 
mêmes termes à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob, Gen., 
xxvm, 14, et elle a été réalisée par la nombreuse lignée 
d'Isaac. Mais plusieurs Pères ont pensé que la promesse 
divine n'avait pas son accomplissement parfait, si l'on ne 
considérait pas dans la postérité d'Abraham, son rejeton 
le plus illustre, Jésus-Christ, Matth., i, 1, et les fils qu'il 
lui a engendrés par la foi. Rom., IV, 16, 17. Cf. S. Iré- 
née, Cont. hier., IV, vu, 1, 2, t. vu, col. 991-992; 
S. Ambroise, De Abraham, I, ni, 20-21, t. xiv, 
col. 428; S. Cyrille d'Alexandrie, Glaph. in Gen., 
III, 2, t. lxix, col. 113; Raban Maur, Comment, in 
Gen., n, 12, 17, t. cvn, col. 533, 541 ; Rupert, De Tri- 
nitate et operibus ejus, xv, 10, 18, t. cxlvii, col. 375, 
383. — 2. Promesse d'être une source de bénédictions. 
— Elle est exprimée dans le texte hébreu en ces 
termes : « Sois bénédiction. » Gen., xn, 2. L'impératif - 
a le sens du futur. Elle est expliquée par le verset sui- 
vant : « Je bénirai ceux qui te béniront ; je maudirai 
ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre 
seront bénies en toi. » Elle s'est réalisée du vivant même 
d'Abraham : Lot, Gen., xiv, 16, Ismaël, Gen., xvn, 20, 
sont bénis à cause de lui; Pharaon, Gen., xn, 17, et 
Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés par Dieu à 
son occasion. Elle devait enfin être universelle. On a 
voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus chananéennes 
et aux populations voisines, qui étaient en relations 
avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et 
la réitération de cette promesse n'a fait qu'accentuer sa 
portée universelle. D'autre part, elle ne se réduisait pas 
à des bénédictions temporelles. Le verbe bâraq est em- 
ployé ici à la forme niphal ou passive. Plusieurs 
commentateurs, après saint Chrysostome, In Gen., 
hom. xxxi, n. 4, t. lui, col. 288, l'entendent comme 
s'il était à la forme hithpahel ou réfléchie, employée 
Gen., xxn, 18; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre 
désireront pour elles ton sort henreux. » Les Septante, 
les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères 
grecs et latins maintiennent le sens passif, cité par 



115 



PENTATEUQUE 



116 



saint Pierre, Act., m, 25, et par saint Paul. Gai., ni, 8. 
La préposition 2, unie à la forme passive, désigne l'au- 
teur ou l'instrument et signifie ici en toi ou par toi, de 
sorte que la bénédiction divine, qui se répandra sur 
les familles de la terre sera en la personne d'Abraham 
ou viendra par son intermédiaire. Saint Paul a expli- 
qué le sens de cette promesse. Gai., m, 7-9. Abraham 
ayant été justifié par la foi, Gen., xv, 6; Rom., iv, 3; 
Jac, H, 23, tous les croyants sont ses fils. Rom., îv, 11, 
12. Or l'auteur de l'Écriture, décidant de justifier les 
gentils par la foi, a annoncé d'avance à Abraham que 
toutes les nations seront bénies en lui, si elles ont la 
foi et bien qu'elles ne pratiquent pas la loi mosaïque. 
Il en résulte donc que tous les gentils, qui sont fils 
d'Abraham parce qu'ils partagent sa foi, auront part à 
sa bénédiction. Cf. J. Boehmer, Dos bibliscke « Im 
Namen », Giessen, 1898, p. 50. Le P. Cornely, Com- 
ment, in Epist. ad Cor. altérant et ad Gai., Paris, 
1892, p. 480, l'étend à tout le salut messianique. Or, 
cette bénédiction les gentils la recevront par Abraham 
et le Christ son rejeton. 

4° La bénédiction de Jacob mourant à Juda. Gen., 
xlix, 8-10. — Elle est certainement dans la bouche de 
Jacob une prophétie en même temps qu'un testament. 
Juda obtient la prééminence, refusée à Ruben, à Si- 
méon et à Lévi, ses frères aînés, à cause de leurs 
fautes. Voir t. m, col. 1073; t. iv, col. 201. Le premier 
en Israël, il aura gloire, force et souveraineté. Il don- 
nera des rois à son peuple à partir de David. « Le 
sceptre ne sortira pas de Juda, ni le bâton de com- 
mandement d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne 
« celui auquel il appartient », à qui est (due) l'obéissance 
des peuples! » f. 10. La première partie du verset est 
claire. Il s'agit du bâton de commandement et du bâton 
de justice, qui sont les symboles de l'autorité civile et 
judiciaire de la tribu de Juda. Les Égyptiens et les Assy- 
riens avaient de ces longs bâtons entre les pieds. "Voir 
t. i, col. 1510-1512. Seule, la seconde partie du verset 
est obscure, au moins dans le texte massorétique. La 
leçon rïW, Silo, n'a aucune signification pour la 
tribu de Juda, qui ne s'est jamais établie en ce lieu. 
Voir Silo. Ce n'est que par pure conjecture qu'on a 
substitué à ce nom celui de Salem, qu'aucun texte n'a 
conservé. .D'ailleurs, la liaison locale avec le premier 
membre de la phrase n'a pas de sens; on ne compren- 
drait guère que le sceptre que Juda tient entre ses 
pieds n'en sorte pas jusqu'à ce qu'il soit arrivé en un 
lieu, puisqu'il est au repos et pas en marche. Cette 
leçon, entendue dans le sens de « paix », ne se justifie 
guère au point de vue philologique et elle ne s'harmo- 
nise pas avec le contexte, car Juda, déjà au repos après 
le pillage, ji. 9, ne peut pas perdre le sceptre, en s'éta- 
blissant pacifiquement sur son territoire. Il ne reste- 
rait, si l'on maintient la leçon rft'tf, qu'à en faire un 
nom symbolique du Messie, signifiant « le pacifique ». 
Mais la leçon rVîtf, appuyée par tous les anciens, sauf 
par saint Jérôme, paraît préférable. On la traduit, en 
sous-entendant NW : « celui à qui le sceptre appartient. » 
Ézéchiel, xxi, 32 (Vulgate, 27), a une formule analogue, 
quofque plus explicite. Le sens est ainsi très clair : 
Juda conserve le sceptre jusqu'à ce que vienne celui à 
qui il est destiné et à qui les peuples rendront obéis- 
sance. Celui-là est vraisemblablement un rejeton de 
Juda, qui prendra le sceptre, conservé longtemps dans 
sa tribu, et qui régnera sur les peuples. Cette pro- 
phétie a été réalisée par l'empire universel de Jésus- 
Christ; le Messie, sorti de Juda, a vraiment conquis 
l'obéissance de tous les peuples. Voir t. m, col. 1770- 
1771. Cf. Reinke, Die Weissagung Jacobs, Munster, 
1849; F. "Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 
1906, 1. 1, p. 733-739; Patrizi, Biblicarum qusestionum 
decas, p. 69-118; A. Lëmann, Le sceptre de la tribu de 



Juda, Lyon, 1880; Corluy, Spicilegium dogmatico- 
biblicum, t. i, p. 456-474; Lamy, dans le Dictionnaire 
apologétique de la foi catholique de Jaugey, col. 1624- 
1649; card. Meignan, De l'Éden à Moïse, p. 435-464; 
Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue bi- 
blique, 1898, t. vu, p. 530-531, 540; F. de Hummelauer, 
Comment, in Gen., p. 592-597. 

5» La prophétie de Balaani. —r Voir t. i, col. 1392- 
1397. Cf. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 118- 
160; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 775-779; 
card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 194- 
282. 

6° Le prophète annoncé par Moïse. Deul., xvm, 15- 
19. — Moïse, parvenu au terme de sa vie, rappelle aux 
Israélites la promesse que Dieu lui avait faite de sus- 
citer du milieu d'eux un prophète semblable à lui. Ce 
prophète ne peut être Job, comme l'ont prétendu 
quelques rabbins, ni Josué quiétaitpeut-êtredéjà institué 
comme successeur de Moïse, Num., xxvii, 18-23, pour 
conduire Israël, mais pas pour continuer sa mission 
prophétique. Les commentateurs catholiques se sont 
partagés en deux camps dans l'interprétation de cet 
oracle messianique. Le plus grand nombre s'appuyant 
sur la tradition juive qui, au temps de Jésus, recon- 
naissait dans ce prophète le Messie lui-même, Joa., i, 
21; vi, 14; vu, 40, devant annoncer aux hommes toutes 
choses, Joa., iv, 25; cf. Deut., xvm, 18, prédit par 
Moïse, Joa., i, 45, v, 45, 46; sur l'interprétation de 
saint Pierre, Act., m, 22, 23, de saint Etienne, Act., vu, 
37, et de la plupart des Pères, l'ont entendu du Messie 
seul et de sa mission prophétique. Patrizi, Biblicarum 
qusestionum decas, p. 161-175; F. Vigouroux, Manuel 
biblique, t. i, p. 779; Corluy, Spicilegium dogmatico- 
biblicum, t. i, p. 447-455. Mais, à partir de Nicolas de 
Lyre, un autre courant s'est produit, qui voit dans cet 
oracle l'annonce prophétique de toute la série des pro- 
phètes d'Israël, y compris le Messie, le dernier des 
prophètes et l'objet principal des oracles messianiques 
de ses devanciers. Moïse, en effet, quand.il prononça 
cet oracle, voulait montrer aux Juifs qu'ils ne devaient 
pas consulter les devins, puisque Dieu leur avait promis 
une suite continue de véritables prophètes, qui leur 
feront connaître les volontés divines et leur annonce- 
ront toutes choses. Si les contemporains de Jésus et 
ses Apôtres appliquent cet oracle au Messie seul, c'est 
que la série des prophètes antérieurs, qui l'avaient 
préparé, était close ; c'est que le Messie était vraiment 
le dernier des prophètes, dont on attendait alors la 
venue prochaine. Act., m, 22-26. Corneille de la Pierre, 
Comment, in Deul., Lyon, 1732, p. 764; Calmet, Com- 
mentaire littéral, t. i b, p. 497-498; card. Meignan, 
De Moïse à David, p. 292-313; F. de Hummelauer, 
Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 371-377. Dans les 
deux interprétations, le sens est identique : le Messie 
sera un prophète israélite, pareil à Moïse, qui annon- 
cera aux hommes toutes les volontés divines. 

VII. Commentaires. — Ils sont très nombreux; nous 
n'indiquerons que les principaux. — 1» De l'époque 
patrislique. — 1. Pères grecs et syriens. — S. Hippo- 
lyte, Fragmenta in Hexaemeron (Gen., Num.), t. x, 
col. 583-606 ; dans Die Griechischen christlichenSchrif- 
testeller, Leipzig, 1897, t. i, p. 51-119 (chaîne arabe); 
Bonwetsch, Die georgisch erhaltene Schriften von 
Hippolytus : Der Segen Jakobs, der Segen Moses, etc., 
dans Texte und Untersuch., Leipzig, 1904, t. XI, 
fasc. 1, p. 1-78 ; Origène, Selecla in Genesim, t. xii, 
col. 91-145; Homilim in Genesim, ibid., col. 145-262; 
Selecta et Homiliae in Exod., Lev., Num. et Deut., 
ibid., col. 263-818; Fragmenta, t. xvn, col. 11-36; 
S. Basile, Homilisein Hexaemeron, t. xxix, col. 3-208; 
S. Grégoire de Nysse, In Hexaemeron, t. xliv, col. 61- 
124; De hominis opificio, ibid., col. 124-297; De vita 
Moysis, ibid., col. 297-430; S.Jean Chrysostome, Bomi- 



417 



PENTATEUQUE 



448 



lise Lxvirm Genesini, t. lui, liv, col. 23-580; Sermones 
IX in Genesini, t. liv, col. 581-630; Sévérien de Gabales, 
Orationes in mundi creationem, t. lvi, col. 429-500; 
Homilia de serpente, ibid., col. 499-516 ; S. Éphrem, 
Comment, in Pentateuchum, dans Opéra syriaca, t. I, 
p. 1-115; le commentaire qui suit, p. 116-295, a été revu 
par Jacques d'Édesse ; S. Cyrille d'Alexandrie, De ado- 
ratione in spiritu, t. lxvih, col. 133-1125; Glaphyra, 
t. lxix, col. 13-677; Théodoret, Queestiones in Gen., 
Exod., Lev., Num., Deut., t. lxxx, col. 76-456; Diodore 
de Tarse, Fragmenta in Gen., Exod., t. lxvl, col. 633- 
648; Procope de Gaza, Comment, in Octateuchum, 
t. lxxxvii, col. 21-992; Photius, Amphilochia, t. ci, 
col. 48 sq.; Nicéphore, Catena in Octateuchum et li- 
bros Begum, Leipzig, 1772. Sur les chaînes grecques 
du Pentateuque, voir Faulhaber, Die Katènenhand- 
schriften der spanischen Bibliotheken, dans Biblische 
Zeitschrift, 1903, t. i, p. 151-159, 246-247. 

2. Pères latins. — S. Ambroise, In Hexaemeron, 
t. XIV, col. 123-274; De paradiso terreslri, ibid., 
col. 275-314; De Caïn et Abel, ibid., col. 315-360; De 
Noe et arca, ibid., col. 361-416; De Abraham, ibid., 
col. 419-500; De lsaac et anima, ibid., col. 501-534; 
De Joseph patriarcha, ibid., col. 641-672; De benedi- 
ctionibus patriarcharum, ibid., col. 673-694 ; S. Jérôme, 
Liber hebraicarum quiestionum in Genesim, t. xxm, 
col. 935-1010; S. Augustin, De Genesi contra Mani- 
cheos libri duo, t. xxxiv, col. 173-220; De Genesi ad 
litteram imperfectus liber, ibid., col. 219-246; 1. XII, 
ibid., col. 245-486; Quses tiones in Heptateuchum (pour 
le Pentateuque), ibid., col. 547-776; Paulin, De bene- 
dictionibus patriarcharum libellus, t. XX, col. 715-732; 
Ru/ïn, De benedictionibus partriarcharum libri duo, 
t. xxi, col. 295-336; pseudo-Jérôme, De benedictionibus 
Jacob patriarches, t. xxm, col. 1307-1318; S. Isidore de 
Séville, Qusestiones in V. T. Pentateuch., t. lxxmi, 
col. 207-370 ; S. Patère, Expositio V. et N. T., t. mxxix., 
col. 685-784 (pour le Pentateuque); S. Bède, Hexaeme- 
ron, t. xci, col. 9-190; In Pentateuchum commentarii, 
ibid., col. 189-394; De tabernaculo et vasibus ejus et 
uestibus sacris, ibid., col. S9S-498', pseudo-Bède, De sex 
dierum creatione, t. xcin, col. 207-234; Qusestiones su- 
per Pentateuchum, ibid., col. 233-416; Alcuin, Inter- 
rogations et responsiones in Genesim, t. c, col. 515- 
566; Baban Maur, Comment, in Gen., X. 'cvu, col. 443- 
670; Comment. inExod., Lev., Num. et Deut., t. cvm, 
col. 9-998; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxm, 
col. 67-506 (pour le Pentateuque); Angelome, Comment, 
in Gen., t. cxv, col. 107-244. 

2° Du moyen âge. — S. Bruno d'Asti, Expositio in 
Pentateuchum, t. clxiv, col. 147-550; Rupert de Deutz, 
De SS. Trinitate et operibus ejus, t. clxvii, col. 197- 
1000 (pour le Pentateuque); Hugues de Saint-Victor, 
Adnotationes elucidatoriœ in Pentateuchum , t. clxxv, 
col. 29-86; Honorius d'Autun, Hexaemeron, t. clxxii, 
col. 253-266; De decem plagis JEgypti, ibid., col. 265- 
270; Abélard, Expositio in Hexaemeron, t. clxxviii, 
col. 731-784; Ernaud, Tractatus in Hexaemeron, 
t. clxxxix, col. 1515-1570; Hugues de Rouen, Frag- 
menta in Hexaemeron, X. cxcii, col. 1247-1256; Tho- 
mas, Postilla seu expositio aurea in librum Geneseos, 
Opéra, Paris, 1876; t. xxxi, p. 1-194; Hugues de 
Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588, 1. 1; Nicolas de Lyre, 
Postilla, Rome, 1471, t. i ; Tostat, Opéra, Venise, 1728, 
t. i-iv; Denys le chartreux, Comment, in Pentateuchum, 
Opéra omnia, Montreuil, 1896, 1897, t. i, il 

3° Des temps modernes. — 1. Protestants. — Sans 
parler des commentaires de Luther et de Mélanchthon 
sur la Genèse, de Calvin sur le Pentateuque, etc., 
notons ceux de J. Gerhart (-}-1637), In Gen., Deut.; 
d'Abraham Calov, In Gen., de Jean Drusius, Louis de 
Dieu, Louis Cappel, Coccéius et Grolius, au XVII e siècle; 
de Jean-Henri Michaelis, Jean Le Clerc (1710 et 1735), 



de Rosenmuller, Sckolia in V. T., dont les deux pre- 
miers volumes concernent le Pentateuque; 3 e édit., 
1821, 1824; Scholia in V. T. in compendium redacta, 
1828, t. i (Pentateuque). Au xix e siècle, le Pentateuque 
a été souvent commenté par les protestants, dont plu- 
sieurs ont entièrement versé dans le rationalisme. — En 
Allemagne, Tuch, Commenlar ûber die Genesis, Halle, 
1838; 2 e édit. par Arnold et Merx, 1871; Baumgarten, 
Theologischer Commentai- zum A, T., Kiel, 1843-1844, 
t. i; dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum 
A. T., Leipzig, A. Knobel avait expliqué la Genèse, 
1852, l'Exode et le Lévitique, 1857, les Nombres, le 
- Deutéronome et Josué, 1861; à partir de la 3 e édition, 
la Genèse fut refondue par A. JDillmann (6 e édit., 1892); 
trad. anglaise, 2 vol., Edimbourg, 1897; une 2 e édition 
de l'Exode et du Lévitique fut faite par le même, 18S0, 
et une 3 e par Ryssel, 1897; une 2 e édition des Nombres, 
du Deutéronome et de Josué par Dillmann parut en 
1886. Le Theologisch-homiletisches Bibelwerk, édité à 
Bielefeld et Leipzig, contient un commentaire de la 
Genèse, par Lange, 2 e édit., 1877, de l'Exode, du Lévi- 
tique et des Nombres par le même, 1874, du Deutéro- 
nome, par Schrôder, 1866; 2 e édit. par Stosch, 1902. 
Le Biblischer Commenlar ûber das A. T., de ICeil et 
de Franz Delitzscb, contient la Genèse et l'Exode com- 
mentés par Keil, 3° édit,, Leipzig, 1878; du Lévitique, 
des Nombres et du Deutéronome, par le même, 2 e édit., 
1870; trad. anglaise, 3 in-8», Edimbourg, 1881, 1885; le 
Kurzgefasster Kommentar zu den heiligen Schriften 
A. und N. T., de Strack et de Zôckler, Munich, com- 
prend l'explication des quatre premiers livres du Pen- 
tateuque par Strack, 1894 (la Genèse a paru à part en 
2 e édition, en 1905), et celle du Deutéronome, de Josué 
et des Juges par Œttli, 1893. Le Handkommentar zum 
A. T. de Nowack, publié à Gœttingue, contient la Ge- 
nèse de Gunkel, 1901; 1" édit., W02; l'Exode, le Lé\'\- 
\ tique et Ves Nombres de Baeiitsth, "VàO'à, e*c le "DevAêro- 
nome de Steuernagel,1900. Le Kurzer Hand-Kommentar 
zum A. T., de Marti, édité à Fribourg-en-Brisgau, ren- 
ferme les commentaires de la Genèse, 1898, de l'Exode, 
19Q0, des Nombres, 1903, par Holzinger; du Lévitique, 
1901, et du Deutéronome, 1899, par Bertholet. Com- 
mentaires spéciaux de la Genèse, par Franz Delitzscb, 
Leipzig, 1852; 4e édit., 1872; 5 e édit. sous le titre • 
Nette»* Commenta?" ûber die Genesis, 1887 ; Gossvau, 
Commentar zur Genesis, Halberstadt, 1887; Schultz, 
Das Deuteronomium erklàrt, Berlin, 1859; J. Bohmer, 
Das ersteBuch Mose, Stuttgart, 1905. —En Angleterre, 
The Holy Bible according to the authorized Version, 
éditée par Cook à Londres, contient le Pentateuque en 
2 in-8°, Londres, 1877, t. i et n. The Pulpit Commen- 
tarij, édité par Spence et Exell à Londres, contient la 
Genèse, par Whitelaw; l'Exode, par Rawlinson; le Lé- 
vitique, parMeyrick; les Nombres par Winterbotham, 
et le Deutéronome par Alexander, 1897. The Exposi- 
tor's Bible, de Londres, renferme la Genèse de Dods, 
1887, l'Exode de Chadwick, 1890, le Lévitique de Kel- 
logg, 1891, Ves Nombres de Watson, 1889, et le Deuté- 
ronome de Harper, 1895. La Cambridge Bible for 
Schools and Collèges et The Century Bible n'ont pas 
encore de commentaires du Pentateuque. The interna- 
tional critical commentary on the Holy Scriptures of 
the Old and New Testaments, d'Edimbourg, comprend 
déjà les Nombres de Gray, 1903, et le Deutéronome de 
Driver, 1895. Commentaires particuliers : Wright, The 
book of Genesis in hebrew, Londres, 1859; 2 e édit. 
1896; G. V. Garland, Genesis with notes, Londres, 1878; 
Spurrell, Notes on the hebrew text of the book of Ge- 
nesis, Oxford, 1887; 2« édit., 1896; Driver, The book of 
Genesis, Londres, 1904; Leviticus, Leipzig, 1894; Gins- 
burg, The third book of Moses, called Leviticus, Lon- 
dres, 1884; Howard, The books of Numbers and Deu- 
teronomy according to the LXX with critical notes, 



119 



PENTATEUQUE — PENTECÔTE 



120 



Cambridge, 1857; Maclaren, The books of Exodus, Le- 
viticus and Numbers, Londres, 1906; Id., Books of 
Deuteronffmy , etc., Londres, 1906. — En France, Ed. 
Reuss, L'histoire sainte et la loi, 2 vol., Paris, 1879, 
dans La Bible, traduction nouvelle avec introduction 
■et commentaires. — En Hollande, Het Oude Testament, 
par Kuenen, Hosykaas, Kosters et Oort, 2 vol., Leyde, 

1900, 1901. 

2. Juifs. — Les commentaires de Raschi (1040-1150), 
Abenesra (1092-1167) et de David Kimchi (1160-1235) sur 
le Pentateuque sont réunis dans les Bibles rabbiniques. 
Celui d'Abarbanel a été édité à Venise, l'an 5539 du 
monde (1579 de l'ère chrétienne, in-f», voir t. i, 
col. 16). S. Cahen a traduit le Pentateuque hébraïque 
en français, Paris, 1831; Kalisch, Historical and cri- 
tical commentary on the old Test, with a new transla- 
tion, Londres : Genèse, 1885; Exode, 1855; Lévitique, 
1867, 1872; Hirsch, Der Pentateuch ûherselzt und 
erlàutert, 2 e édit, 2 in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893, 
1895; Hoffmann, Das Buch Leviticus ûbersetzt und 
erklàrt, Berlin, 1906. 

3. Catholiques. — Cajetan, Commentarii in quinque 
mosaicos libros, in-f°, Rome, 1531 ; Jérôme Oleaster, 
Comment, in Pentaleuchum, 4 in-f°, Lisbonne, 1556; 
Aug. Steuchus d'Eugubio, V. T. ad hebraicam verita- 
tem recognitio, sive in Pentaleuchum annotationes, 
in-4", Venise, 4529; Santé Pagnino, Calena argentea j 
in Pentaleuchum, in-f», Anvers, 1565; Louis Lippo- / 
man, Catena in Genesim, Paris, 1546; in Exodum, 
Paris, 1550; G. Hammer, Commenlaliones in Genesim, 
in-f», Dillingen, 1564; Benoît Pereira, Comment, et 
■disputationes in Genesim, in-f°, Rome, 1589; Dispu- 
tationes centum viginti septem in Exodum, Ingolstadt, 
1601 ; Asorius Martinengus, Glossse magnse in Genesim, 

■2 in-f°, Padoue, 1597; Jean Lorin, Comment, in Levi- 
ticum, Lyon, 1619; in Numéros, Cologne, 1623; in 
Deuteronomium, Anvers, 1625; J. Tirin, Comment, 
in V. et N. T., Anvers, 1632; Corneille de la Pierre, 
Comment, in V. et N. T., Lyon, 1732, t. i; réédité par 
Migne, Cursus complelus Scriplurx sacrse, t. v-vn; 
Corneille Jansénius, Pentaleuchus , Louvain, 1641; 
J. Bonfrère, Pentateuchus Mosis commentario illu- 
s tr atus, in-f", Anvers, 1625; Cl. Frassen, Disquisitiones 
in Pentaleuchum, in-4°, Rouen, 1705; Calmet, Com- 
mentaire littéral sur tous les livres de l'A. et du N. T., 
2 e édit., Paris, 1724, t. I et n; Brentano, Dereser et 
Scholz, Die heilige Schrift des A. und N. T., Franc- 
fort-sur-le-Main, 1820, t. i-iii; La Sainte Bible, édi- 
tée à Paris, contient la Genèse par Crelier, 1889; 
l'Exode et le Lévitique, par le même, 1886; les Nombres 
•et le Deutéronome, par Trochon, 1887, 1888. Le Cursus 
Scriptural sacrx des jésuites allemands, édité à Paris, 
contient un commentaire du Pentateuque par le P. de 
Hummelauer : in Genesim, 1895; in Exodum et Levi- 
ticum, 1897; in Numéros, 1899; in Deuteronomium, 

1901. Commentaires particuliers : Fr. de Schranlt, 
Commentarius litteralis in Genesin, 1835 ; Th. J. Lamy, 
Comment, in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883, 
1884; A. Tappehorn, Erklârung der Genesis, Paderborn, 
1888; G. Hoberg, Die Genesis nach dem Literalsinn 
erklàrt, Fribourg-en-Brisgau, 1899; B. Keteler, Das 
Buch Genesis der Vulgata und des hebraisches Textes 
ùbersetzt und erklàrt, Munster, 1905; Fillion, La Sainte 
Bible, Paris, 1888, t. i. E. Mangenot. 

PENTECOTE (grec : itevTjjxoaTTi; Vulgate : Pen- 
tecoste), la seconde des trois grandes fêtes des Juifs. 

1° Noms. — La fête est appelée fyag haq-qâfir bik- 
kûrë, èopTï) Oepiffuoï irpwrofEvvriuiiTto.v, solemnitas 
messis primitivorum, « fête de la moisson et des pré- 
mices, » Exod., xxm, 16; hag ëâbu'ôt, hoprr\ sëSo[Juiô<i>Vj 
solemnitas hebdomadarum, « fêté des semaines, » 
_Exod., xxxiv, 22'; Deut., xvi, 10; yom hab-bikkûrim, 



•niiÉpa Tôv véwv, dies primitivorum, « jour des prémi- 
ces. » Num., xxvni, 26. Le mot ni'iTipLoarri, supposant en 
hébreu htamisHm, « cinquante » ou « cinquantième », 
est employé de différentes manières, dans Tobie, n, 1 : 
■f) âopxïj usvtrixo<TtT ; , « la fête (de) Pentecôte; » dans 
II Mach., xii, 32; I Cor., xvi, 8, et dans Josèphe, Bell, 
jud., II, ni, 1 : ■j[evtt)xo<ttt|) « Pentecôte ; » dans les 
Actes, II, 1; xx, 16 : foiça. tt); rUvrïixoirnjç, « jour de 
la Pentecôte. » — Les Juifs ont ensuite appelé plus 
communément la Pentecôte 'âséréf, en chaldaïque 
'âsarfâ', .dans Josèphe, Ant. jud., III, x, 6, àaapôâ, 
« nom qui signifie Pentecôte. » Cf. Erachin, xi, 3; 
Midr. Koheleth, 110, 2, etc. Ce nom vient de 'âsar, qui 
signifie « clore » et « rassembler », d'où le sens de 
« clôture » ou d' « assemblée » pour 'âséréf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 1059, soutient que le mot veut toujours 
dire assemblée, comme Jer., ix, 2; Jos., i, 14; I Reg., 
x, 20, etc. Cependant les Septante l'ont traduit plu- 
sieurs fois par éÇ65iov, « dénouement, clôture, » Lev., 
xxm, 36, Vulgate : cœtus, « assemblée; » Num., xxrx, 
35, où la Vulgate ne traduit pas 'âsérét; Deut., xvi, 8, 
Vulgate : collecta, «assemblée. » Toujours est-il que les 
docteurs juifs ont pris ce mot dans le sens de «. clôture » 
et l'ont consacré à désigner spécialement la Pentecôte, 
considérée surtout comme la clôture du temps de la 
Pàque. 

2° Date. — D'après la Loi, la date de la Pentecôte 
était ainsi fixée : à partir du lendemain du sabbat de 
la Pâque, oii l'on avait offert la gerbe nouvelle, on 
comptait cinquante jours, et, le lendemain de la sep- 
tième semaine, on offrait une oblation nouvelle. 
Lev., xxm, 15, 16. Les Caraïtes entendaient par ce sab- 
bat celui qui tombait dans le cours des fêtes de la 
Pâque. D'après leur manière de comprendre le texte, 
les sept semaines de la Pentecôte pouvaient donc com- 
mencer du second au huitième jour après la Pâque. 
Les sadducéens professaient la même opinion. Cf. 
Menachoth, x, 3; Schûrer, Geschichle des judischen 
Volkes in Zeit. J. C, Leipzig, t. n, 1898, p. 413, 4l4. 
D'après l'interprétation la plus commune, qui pratique- 
ment a prévalu parmi les Juifs, ce sabbat n'était autre 
que le 15 nisan. Le lendemain du sabbat ou 16 nisan 
commençaient lès septsemaines au lendemain desquelles 
on fêtait la Pentecôte. De la sorte, il y avait sepl se- 
maines pleines entre la Pâque et la Pentecôte. Pour 
les Caraïtes, la Pentecôte tombait toujours le lende- 
main du sabbat. Cf. Chagiga, n, 4; Siphra, f. 248, 1. 
Elle ne coïncidait avec celle des autres Israélites que 
quand la Pâque tombait un vendredi. 

3° Le rituel de la fête. — 1. Ce jour-là, il y avait 
assemblée du peuple et le travail, sauf celui de la pré- 
paration des aliments, était interdit, comme au premier 
et au septième jour de la Pâque. L'offrande caractéris- 
tique de la Pentecôte était celle de deux pains levés. On 
y ajoutait en holocauste sept agneaux d'un an, un jeune 
taureau et deux béliers, et en plus un bouc et deux 
agneaux d'un an en sacrifice pour le péché. Lev., xxm, 
15-21. D'après les Nombres,, xxvin, 26-31, l'holocauste 
se composait de sept agneaux, deux jeunes taureaux et 
un bélier. — 2. En principe, la fête ne durait qu'un 
jour. Mais, depuis la captivité, les Juifs qui résidaient 
hors de la Palestine la célébraient deux jours de suite. 
Cf. Gem. Pesachim, 52, 1; Gem. Bosch haschana, 5, 
1. Peut-être agissaient-ils de la sorte dans la crainte de 
se tromper sur le vrai jour de la fête. Josèphe, Ant. 
jud., III, x, 6, dit qu'on immolait ce jour-là en holo- 
causte trois jeunes taureaux, deux béliers et quatorze 
agneaux, ce qui représente, à un bélier près, le total 
de ce que prescrivent chacun de leur cçté le Lévitique 
et les Nombres. Les victimes indiquées par les 
Nombres étaient offertes à titre supplémentaire. 
Cf. Menachoth, iv, 2. — 3. Les deux pains à offrir 
devaient être faits avec de la farine de froment nouveau 



121 



PENTECÔTE 



122 



récolté en terre israélite. Sur le soir de la Pentecôte, 
ou, si le jour suivant était le sabbat, après la fin du 
sabbat, on achetait aux frais du trésor trois mesures de 
froment, on les passait à la meule et ensuite à travers 
douze cribles. On retirait deux dixièmes d'éphi de 
farine, on y ajoutait de l'eau chaude et du levain et 
l'on confectionnait les deux pains. Ils devaient avoir 
sept palmes de long, sept palmes de large et, aux extré- 
mités, des cornes de quatre doigts. Le matin du jour 
suivant, à la suite des sacrifices publics, on offrait les 
deux pains à l'est du parvis intérieur, mais on ne les 
portait pas jusqu'à l'autel, à cause du levain qu'ils 
renfermaient. L'un des deux pains était ensuite donné 
au grand-prêtre, s'il le voulait; l'autre se partageait 
entre les prêtres, qui le mangeaient dans le Temple. 
Ces deux pains constituaient des prémices. A partir de 
leur présentation, il était permis d'apporter au Temple 
des offrandes provenant des récoltes de l'année. 
Gf. Menachoth, xi, 9; Erachin, n, 2. — Sur le céré- 
monial suivi pour présenter les prémices au Temple, 
voir Prémices. — 4. Après l'offrande des différents sa- 
crifices prescrits, le peuple était invité à se réjouir 
dans des festins, auxquels on invitait les lévites et 
tous ceux qui vivaient dans l'entourage du chef de la 
famille. Deut., xvi, 11. — 5. La fête de la Pentecôte 
était célébrée partout par les Israélites, même hors de 
Jérusalem et de la Palestine. Tob., n, 1 (texte grec). 
On omettait alors naturellement ce qui était spécial à 
la liturgie du Temple. Judas Machabée rentra à Jéru- 
salem avec son armée victorieuse pour célébrer la fête 
des semaines ou Pentecôte. II Mach., xn, 30. La 
Pentecôte qui suivit la résurrection de Notre-Seigneur 
avait amené à Jérusalem «. des hommes pieux de toutes 
les nations qui sont sous le ciel », c'est-à-dire des 
divers pays ensuite énumérés. Act., n, 5-11. Du temps 
de saint Paul, on fêtait encore la Pentecôte à Éphèse. 
I Cor., xvi, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacrai, 
Utrecht, 1741, p. 237-240; Iken, Antiquitates hebraicœ, 
Brème, 1741, p. 316-319. 

4° La Pentecôte et la loi du Sinaï. — 1. Partis de 
l'Egypte le quinzième jour du premier mois, Exod., 
xii, 26-34, les Hébreux arrivèrent au Sinaï le premier 
jour du troisième mois, Exod., xix, 1, et trois jours 
après, Exod., xix, 16, Dieu commença à manifester sa 
présence sur le Sinaï, par des nuées, des éclairs et des 
tonnerres. Il s'écoula donc quarante-huit ou quarante- 
neuf jours entre la Pâque d'Egypte et la promulgation 
de la Loi au Sinaï. Malgré cette coïncidence entre la 
promulgation de la Loi et la fête de la Pentecôte, les 
textes qui prescrivent la célébration de la fête ne font 
jamais allusion aux événements du Sinaï, et même, 
dans le rituel mosaïque, rien n'est destiné à commé- 
morer ces événements. Philon et Josèphe n'établissent 
nulle part aucune corrélation entre la fête et le don 
de la Loi. La promulgation de la Loi nouvelle à la 
fête de la Pentecôte donna probablement aux chrétiens 
l'idée de rattacher à la même fête le souvenir de la 
promulgation du Sinaï. Saint Jérôme, Ep., lxxviii, 12, 
ad Fabiol., t. xxn, col. 707, établit la coïncidence 
entre l'événement du Sinaï et la Pentecôte, qui en 
célèbre le souvenir. Saint Augustin, Cont. Faust., 
xxxn, 12, t. xlii, col. 503, affirme la même relation et 
voit dans la promulgation de la Loi au Sinaï la figure ■ 
de la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte. 
Saint Léon, De Pentecost., serm. l, t. liv, col. 400, 
pense comme les précédents. Les auteurs juifs posté- 
rieurs ne connaissent pas plus que leurs anciens la 
célébration d'une fête pour rappeler la manifestation 
du Sinaï. Ils admettent la coïncidence signalée par 
saint Jérôme. « La fête des semaines est le jour où la 
Loi "fut donnée. Ce qui constitue l'honneur de ce jour, 
c'est que sa date dépend de la fête solennelle précé- 
dente, la Pâque. » Maimonide, More nevochim, m, 41. 



Mais ils ajoutent : « La Loi divine n'a pas besoin d'un 
jour saint dans lequel on rappelle avec honneur son 
souvenir. Le motif de la fête des semaines est le com- 
mencement de la moisson du froment... Il est indiscu- 
table que la Loi a été donnée le jour de la fête des 
semaines, mais il n'a pas été institué de fête pour la 
rappeler. » Abarbanel, In Leg., f. 262. Cependant, les 
auteurs juifs plus modernes n'hésitent pas à attribuer 
à la Pentecôte un sens historique et à célébrer ce 
jour-là la promulgation de la Loi. Cf. Munk, Pales- 
tine, Paris, 1881, p. 188. Pour beaucoup même, cette 
idée devient d'autant plus prééminente que l'objet pri- 
mitif de la fête a moins de raison d'être dans les pays 
où ils vivent dispersés. Dans l'enseignement populaire, 
on s'exprime ainsi : « La Pentecôte ou fête des 
semaines est célébrée le cinquantième jour à compter 
du second jour de la Pâque, le six du mois de sivan 
(troisième mois). C'est l'anniversaire de la promulga- 
tion de la loi sur le mont Sinaï. Cette fête dure deux 
jours. » Wogue, Catéchisme, Paris, 1872, p. 59. 

5° Symbolisme de la fête. — 1. La Pentecôte con- 
sacre solennellement la fin de la moisson, qui avait été 
inaugurée le lendemain de la Pâque. Elle est ainsi 
comme une suite de la solennité précédente, de 
laquelle elle dépend par sa date. Elle rappelait à l'Israé- 
lite que le Dieu qui l'avait tiré de la servitude d'igypte 
avait promis de le conduire « dans une terre fertile et 
spacieuse, dans une terre où coulent le lait et le 
miel », Exod., m, 8, que ce Dieu avait tenu sa pro- 
messe, et que chaque année il donnait à son peuple 
l'abondance des moissons et des bénédictions ter- 
restres. C'était donc une fête d'actions de grâces. — 
2. La caractéristique de la fête consistait dans l'offrande 
de deux pains levés. A la Pâque, on avait offert les 
prémices d'une moisson qui commençait, mais qu'on 
ne pouvait guère encore utiliser pour l'alimentation de 
l'homme. A la Pentecôte, la moisson se terminait et 
l'on pouvait en présenter à Dieu le résultat définitif^ 
tel que l'industrie humaine le traitait pour l'approprier 
à la nourriture. On apportait au sanctuaire deux pains 
levés, mais par respect pour la loi qui ne permettait 
pas l'introduction du levain dans le culte du Seigneur, 
voiv Levmn, col. 198, ou ne \es offrait pas sur l'autel. 
— 3. Les pains, au nombre de deux, n'étaient sans 
doute pas sans rapport avec les deux jours de fête dont 
l'un commençait et l'autre terminait le temps de la 
moisson; les deux jeunes taureaux ou les deux béliers 
représentent la même idée, tandis que les sept agneaux 
se rapportaient aux sept semaines du temps de la mois- 
son. Le jeune taureau ou le bélier, seul de son espèce, 
pouvait rappeler l'idée du Dieu unique auquel était 
offert l'holocauste. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen 
Cultus, Heidelberg, 1839, t. h, p. 645-652. 

6° La Pentecôte du Nouveau Testament. — 1. C'est 
le jour même de la Pentecôte juive, à la troisième 
heure, c'est-à-dire vers neuf heures du matin, que le 
Saint-Esprit descendit sur les Apôtres et les disciples 
rassemblés au nombre de cent vingt. Act., Il, 15. Des- 
phénomènes extérieurs analogues à ceux du Sinaï 
signalèrent sa venue et furent remarqués par la multi- 
tude qui se trouvait dans la ville. Act., n, 6. Le Saint- 
Esprit apparut sous forme de langues de feu. Voir 
Langue, t. iv, col. 74. Il communiqua aux Apôtres le 
don des langues. Voir Langues (Don des), t. îv, 
col. 74-81. — 2. L'ancienne Pentecôte était la fête de la 
moisson; avec la nouvelle commence la moisson évan- 
gélique, et dès le jour même saint Pierre fait une 
récolte d'environ trois mille âmes. Act., n, 41. La Loi 
nouvelle est promulguée ce jour-là, cinquante jour* 
après la rédemption, comme l'avait été jadis la loi du 
Sinaï, cinquante jours après la délivrance de la servi- 
tude d'Egypte. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme, 
Epist. lxxviii, 12, ad Fabiol., t. xxil, col. 707, qu' « on. 



123 



PENTECOTE — PERCNOPTÈRE 



124 



•célèbre la solennité de la Pentecôte et qu'ensuite le 
mystère évangélique reçoit son complément dans la 
descente du Saint-Esprit ». Cf. J. C. Harenberg, De 
tniraculo pentecostali, dans le Thésaurus de Hase et 
Iken, Leyde, 1732, t. h, p. 569-594; Kellner, Heortolo- 
gie, Fribourg-en-B., 1901, p. 72-75. 

H. Lesêtre. 

PEQOD (hébreu : Peqôd), nom qui se lit dans deux 
passages de la Bible : Jer., l, 1\, et Ezech., xxm, 23. 
Les anciens commentateurs en ont fait généralement 
un nom commun. Ils ont traduit ce mot dans Jérémie 
dans le sens de « Visitation » divine, c'est-à-dire de 
châtiment, et ont cru que le prophète appelait ainsi 
symboliquement Babylone pour annoncer le châtiment 
que Dieu allait lui infliger. Dans Ézéchiel, ils ont donné 
à Peqôd le même sens que pâqîd, « chef, préfet. » 
II Esd., xi, 9; xrv, 22; xil, 42. La Vulgate a traduit, dans 
Jérémie, Peqôd par visita, et dans Ezéchiel par nobiles 
Dieu dit dans Jérémie au futur vainqueur de Babylone, 
d'après saint Jérôme : « Monte contre le pays des Do- 
minateurs et visite (châtie) ses habitants. » — Depuis 
que les documents cunéiformes nous ont mieux fait 
connaître la géographie assyro-babylonienne, on ne peut 
plus douter qu'il ne faille traduire ainsi ce passage : 
« Monte contre la terre de Merâtaim (région du sud 
de la Babylone, Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, 
p. 41, 182), et contre les habitants de Peqôd. » — Dans 
Ézéchiel, d'après la Vulgate, Dieu dit à Ooliba, person- 
nification de Jérusalem et du royaume de Juda : « Je 
susciterai contre toi... les fils de Babylone et tous les 
Chaldéens, nobles, rois et princes. » Il faut traduire 
l'hébreu : « Je ferai venir contre toi les fils de Baby- 
lone et tous les Chaldéens, Peqôd, Sô'a et Qô'a (Sutu 
ou Su et Qutu, ou qu, tribus voisines de la Babylonie, 
Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 233). » La ver- 
sion des Septante, qui avait pris les noms propres pour 
des noms communs, dans Jérémie, de même que la 
Vulgate, a reconnu ici des noms propres qu'elle a trans- 
crits par «fcaxoiix {Alexandrinus : xort *ouS), Soui et 
'Txoui. Symmaque et Théodotion avaient fait de même : 
<ÊaxoùS y.al Souè xoù Kous. Origène, Hexapl., Ezech., 
xxm, 23, t. xvi, 3, col. 2557. Saint Jérôme a suivi dans 
la traduction de ce passage la version d'Aquila et s'il n'a 
pas accepté l'interprétation des Septante et des autres 
traducteurs grecs, c'est, dit-il, In Ezech., xxm, 23, 
t. xxv, col. 219, parce qu'on ne trouve pas les noms de 
Phacud, Sue et Cue comme noms de peuples dans 
l'Écriture; ce qui n'est pas exact pour Peqôd et ne 
peut rien prouver d'ailleurs contre l'existence de ces 
tribus orientales, la Bible n'ayant pas eu occasion de 
les nommer ailleurs. 

Peqôd est le nom d'une tribu de la Babylonie méridio- 
nale et de la contrée où elle habitait, près de l'embou- 



avec les Élamites, leurs voisins, et les rois d'Assyrie, 
Sargon et Sennachérib, leur firent plusieurs fois la 
guerre. Les inscriptions cunéiformes appellent cette 
tribu Puqûdu. E. Schrader, Keilinschriften und Ge- 
schichtsforschung, 1878, p. 108, 111,113; Frd. Delitzsch, 
Wo lag das Parodies, p. 182, 195, 240. La tribu de 
Puqùdu dut être soumise à la domination de Nabucho- 
donosor et lui fournir des soldats quand son armée 
assiégea et prit Jérusalem, ainsi que l'annonce Ézéchiel. 
Plus tard, quand Gyrus s'empara de Babylone, Peqôd 
dut être soumise aux Perses et punie, selon la prédic- 
tion de Jérémie, du mal qu'elle avait fait aux Juifs dans 
l'armée de Nabuchodonosor. F. Vigouroux. 

PERCNOPTÈRE (hébreu : râhâm ; Septante : 
5topçv)p(wv ; Vulgate : porphyrion), espèce de vautour, 




16. — Le percnoptère. 

rangé parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 18; Deut., xiv, 
17. — Les versions font du râhâm un porphyrion, 
espèce d'oiseau qui appartient à l'ordre des échassiers. 
Voir Porphyrion. Mais ce nom désigne le vautour 




17. — Percnoptère planant et tenant deux chasse-mouches dans ses serres. 
D'après Masp«ro, Histoire ancienne de VOrient, 1. 1, p. 791. 



chure du fleuve Uknu. Les gens de Peqôd étaient de 
race araméenne ; ils s'allièrent en diverses circonstances 



d'Egypte, vultur ou neophron percnopterus, « à ailes 
noires, a connu des Arabes sous le nom de rahmah. 



125 



PERCNOPTÈRE 



PERDRIX 



126 



Cet oiseau, long d'une soixantaine de centimètres, a le 
plumage blanc mêlé de brun et de roussâtre, les 
grandes plumes des ailes noires, les pieds jaunes; la tète 
est dénudée et de couleur jaune clair (fig. 16). Le 
percnoptère et moins fort que les autres rapaces de son 
. espèce ; aussi évite-t-il de se mêler à eux. Il vit ordinai- 
rement par paires et sa ponte est de deux œufs, rare- 
ment de trois. Ce qui distingue surtout cet oiseau, c'est 
son genre d'alimentation. Il se nourrit de cadavres 
d'animaux et de détritus de toute nature, débarrassant 
ainsi le sol de tout ce qui pourrait empester, et, à ce 
titre, méritant la protection dont l'homme l'entoure. 
On le trouve dans les parties chaudes de l'ancien 
monde, des Pyrénées au sud de l'Inde, et dans presque 
toute l'Afrique. Il est très commun en Egypte; on le 
voit représenté sur les monuments (fig. 17). En Pales- 
tine, on le "rencontre en été, jamais en hiver. Il y vit 
familièrement dans le voisinage de l'homme et s'abat 
sans crainte jusque dans les villages, pour chercher sa 
nourriture dans les tas d'immondices. On comprend 
que le percnoptère, malgré les services qu'il rend, ait été 
rangé parmi les oiseaux impurs. Cf. Trislram, The natu- 
ral .history of the Bible, Londres, 1889, p. 180. — 
Michée, i, 16, dit à sa nation : c< Fais-toi chauve comme 
le nésér, car (tes enfants) s'en vont en captivité loin de 
toi. » Le mot hébreu désigne ordinairement l'aigle ; mais 
c'est un nom générique qui a une signification géné- 
rale et ici il se rapporte au vautour percnoptère, qui 
seul est chauve; il en est de même dans Job, xxxix, 
27; Prov., xxx, 17, où il est dit qu'il se nourrit de 
cadavres. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrt., p. 550. 

H. Lesètre. 
PERCY Thomas, théologien anglican, né à Bridg- 
north en 1728, mort à Dromore le 30 septembre 1811. 
D'une condition modeste, il prit ses grades à Oxford et 
entra dans les ordres. Chapelain du duc de Northum- 
berland et du roi, il devint doyen de Carlisle en 1778, 
et quatre ans plus tard, évêque de Dromore en Irlande. 
Parmi ses écrits on remarque : The Song of Salomon 
newly translatée from the original Hebrew : with a 
commentary and annotations, in-12, Londres, 1764; 
et un manuel souvent réimprimé qui a pour titre : A 
Key of the New Testament giving an account of the 
several books, their contents, their authors, and of the 
times places and occasions, on which they were wrï- 
ten, in-12, Londres, 1765. — W. Orme, Siblioth. bi-~ 
blica, p. 346. B. Heurtebize. 

PERDRIX (hébreu : qorê' ; Septante : mépSi?; Vul- 
gate : pérdix), oiseau de l'ordre des gallinacés, que 
caractérise l'absence d'ergots, remplacés par une simple 
• saillie tuberculeuse du tarse. L'espèce perdrix comprend 
les perdrix proprement dites, les cailles (voir t. n, 
col. 34), les francolins, etc. 

1° Description. — Les perdrix proprement dites (fig. 18) 
ont à peu près la taille du pigeon. Elles portent un 
plumage gris, mélangé de diverses couleurs, ont la 
tête petite, le corps ramassé, les ailes courtes, se nour- 
rissent d'herbes, de graines, d'insectes, de vermisseaux, 
d'œufs de fourmis, etc., vivent en compagnies de plu- 
sieurs individus, nichent à terre, ordinairement dans 
les sillons, et y pondent de douze à vingt œufs que la 
femelle est seule à couver. Elles sont timides et défian- 
tes et, d'un vol saccadé et bruyant, changent continuel- 
lement de séjour, bien qu'elles n'entreprennent que 
rarement de longs voyages. Elles font entendre un cri 
guttural, dur et sec. Ce cri a valu à la perdrix son 
nom hébreu de qorê', du verbe qârâ', « crier. » La per- 
drix est activement chassée par les oiseaux de proie, 
les renards et l'homme, qui la recherche à cause de 
ses qualités comestibles. A l'approche de l'ennemi, le 
mâle s'envole d'un côté pour attirer l'attention; la 
femelle part d'un autre, puis revient en courant auprès 



de ses perdreaux pour les rassembler en lieu sûr. — 
La perdrix grecque ou bartavelle, caccabis saxatilis, 
abonde en Palestine, dans les régions rocheuses du 
désert de Judée et dans les gorges de la forêt du Carmel. 
Elle se plaît dans les pays montagneux. On en trouve 
aussi très fréquemment dans les parties sauvages de la 
Galilée, courant par compagnies, comme des poules 
domestiques, au milieu des rochers. Les bandes en sont 
nombreuses en automne; elles se dispersent en hiver, 
sans doute pour se procurer plus facilement leur nour- 
riture. La grosse perdrix rouge, perdix schukkar, s'en- 
vole ou court rapidement devant les cavaliers, qui la 
poursuivent à fond de train et arrivent à la tuer quand 
elle est fatiguée. La perdrix du désert, ammoperdix 
heyii, a des nuances plus délicates. Elle est grosse à 
peu près deux fois comme une caille, et a le plumage 
d'un gris jaunâtre, le mâle seul portant aux joues une 
sorte de col d'un blanc de neige. « Cette perdrix a 
tellement la couleur du sol environnant, qu'on lui 
marche presque sur le corps avant de l'apercevoir... 
Ces perdrix, fort peu sauvages, constituent un manger 
délicat... On parvient à les prendre avec la main en les 




18. — La perdrix. 

poursuivant dans les trous des rochers où elles vont se 
retirer. Lorsqu'elles sont ainsi pourchassées pendant 
quelques instants, elles restent parfaitement immobiles 
en cachant leur tête et souvent même une partie de 
leur corps entre deux pierres ou dans la fente d'un 
rocher... Cet oiseau, qui est loin cependant d'être inin- 
telligent, croit évidemment ne plus être vu parce qu'il ne 
peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Cette 
manière d'agir est une exception pour les espèces de 
ce groupe. » Lortet, La Kyrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 403, 406, 469. On rencontre ce genre de per- 
drix dans l'Arabie pétrée, le bassin de la mer Morte, le 
désert de Judée et surtout les environs de la grotte 
d'Odollam. Comme tous les autres oiseaux, elles 
aiment à se réfugier à l'abri des tamaris et des zizy- 
phus. Dans les riches plaines de Génézareth, d'Acre et 
de Phénicie, le genre perdrix est principalement repré- 
senté par le francolin, francolinus vulgaris, bien 
connu dans l'Inde et dans quelques rares régions du 
sud de l'Europe. Le mâle est un bel oiseau, avec sa 
poitrine noire, ses flancs largement mouchetés de 
blanc et son collier châtain frangé de taches noires et 
blanches. Le francolin se cache dans les herbes épaisses 
et dans les cultures des plaines marécageuses, de telle 
sorte qu'il est bien plus aisé de l'entendre que de l'aper- 
cevoir. — Au nom hébreu de qorê" se rattache aussi 
un autre gallinacé, le coq de bruyère des sables, ptero- 
cles, très abondant dans les districts arides de la 
Palestine. Cet oiseau ressemble assez au pigeon et 
fréquente par myriades les terrains sablonneux de 



127 



PERDRIX — PERE 



128 



l'Asie et de l'Afrique. On en voit jusque dans le nord 
de l'Espagne et dans les Landes françaises. Le coq des 
sables commun, pterocles arenarius, le khudry des 
Arabes, se trouve dans le désert de Judée. Une autre 
espèce, le pterocles setarius, le kata des Arabes, se 
montre de temps en temps par milliers dans les parties 
découvertes de la vallée du Jourdain et dans le désert 
qui est à l'est. Le désert de Judée et les abords de la 
mer Morte sont encore fréquentés par deux autres 
espèces, le pterocles exustus et le senegalensis, dont le 
plumage présente, avec des traits délicats, une tonalité 
générale enharmonie avec celle du terrain. Delà vient 
que les oiseaux du genre perdrix échappent si facile- 
ment à la vue de leurs ennemis. Cf. Tristram, The 
natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 224-229. 
2° La perdrix dans l'Écriture. — La Sainte Écriture 
fait trois fois mention de la perdrix. David constate que 
Saùl le poursuit « comme on poursuivrait une perdrix 
dans les montagnes ». I Reg., xxvi, 20 Cette comparai- 
son est parfaitement justifiée. On a vu plus haut 
comment les perdrix des différentes espèces communes 
en Palestine sont poursuivies à travers les rochers et 
finissent par se laisser prendre, quand la fatigue les a 
harassées. Ainsi Saùl comptait épuiser les forces de 
David par une poursuite acharnée et finir par s'emparer 
de lui. — On lit dans l'Ecclésiastique, xi, 32 (28) : 

Comme la perdrix de chasse dans sa cage, 
Ainsi est le cœur de l'orgueilleux, 
Et comme l'espion il guette la ruine, 
Changeant le bien en mal, il dresse des pièges. 

Cette perdrix de chasse, jtlpSiS 0-/jpeutt,ç, est celle qu'on 
. employait comme appeau. On dressait pour cet usage 
des alouettes, des linottes, des pigeons, des cailles et 
surtout des perdrix. Celles-ci étaient ensuite placées 
dans une cage qu'on dissimulait en partie au moyen 
d'un couvert de feuillage. En avant de la cage, un filet 
manœuvré par un chasseur caché, pouvait s'abattre sur 
les oiseaux qu'attiraient les cris des perdrix prison- 
nières, ou les empêtrer de telle sorte qu'il était ensuite 
aisé de les prendre à la main. Cf. Tristram, The natu- 
ral history, p. 163-164. L'orgueilleux méchant et per- 
fide est comparé à l'oiseau qui sert d'appeau ; il 
attire auprès de lui, mais pour perdre et faire tomber 
dans ses pièges. — Enfin, Jérémie, xvn, 11, emprunte 
aux mœurs de la perdrix cette autre comparaison : 

Une perdrix couve (des œufs) qu'elle n'a pas pondus; 
Tel est l'homme qui acquiert des richesses injustement; 
Au milieu de ses jours, il doit les quitter, 
Et à sa fin il n'est plus qu'un insensé. 

Ce texte semble supposer que la perdrix va s'emparer 
d'œufs d'oiseaux d'une autre espèce, qu'elle les couve et 
qu'ensuite les poussins abandonnent celle qui n'est pas 
leur mère. Cette dernière se trouverait alors dans le 
cas de la poule qui a couvé des œufs de canards, 
comme on dit proverbialement en français. Le chaldéen 
traduit : « Voici, comme la perdrix rassemble des œufs 
qui ne sont pas à elle, et en les chauffant couve des 
poussins qui pourtant ne la suivent pas, ainsi en est-il 
de tout méchant qui possède des richesses mal acquises.» 
On lit dans les Septante : « La perdrix a crié, elle a 
rassemblé ceux qu'elle n'a pas engendrés, » et dans la 
Vulgate : « La perdrix a couvé ceux qu'elle n'a pas 
engendrés. » Saint Ambroise, qui a toute une lettre 
sur les mœurs de la perdrix, Ep. xxxil, t. xvi, col. 1069- 
1071, accepte le fait de la perdrix s'emparant d'œufs 
étrangers. Cf. Hexaem., vi, 3, t. xiv, col. 246. Saint 
Jérôme, In Jer,, m, 17, t. xxiv, col. 789, pour justifier 
celte assertion, s'appuie sur les auteurs d'histoire natu- 
relle, qu'il, cite d'ailleurs assez vaguement. Saint Augus- 
tin, Cont. Faust., sur, 12, t. xur, col. 289, explique le 
même texte, mais sans s'arrêter au rapt des œufs 



étrangers. Il est à remarquer que le texte hébreu ne 
suppose nullement que des œufs soient pris par la 
perdrix à d'autres oiseaux. D'ailleurs les faits ne justi- 
fient pas cette affirmation. Le coucou va porter ses 
œufs dans le nid d'un autre oiseau qui les couve à 
son insu, mais on ne cite pas d'oiseau qui aille s'empa- 
rer des œufs d'un autre pour les couver lui-même. Le 
texte hébreu dit seulement : qorê' dâgâr velô' yàlâd, 
« la perdrix a couvé et n'a pas engendré. » En suppo- 
sant les deux termes de la phrase unis par un pronom 
relatif, « la perdrix a couvé (ce qu'elle) n'a pas engen- 
dré, » il suffirait, pour justifier l'assertion, de dire, non 
pas que la perdrix a pris des œufs, mais qu'on lui en 
a mis à couver qu'elle n'avait pas pondus, et que ces 
œufs, appartenant à des oiseaux qui n'étaient pas de 
son espèce, ont donné des poussins qui l'ont abandonnée 
pour se livrer à leurs allures propres. Ainsi l'homme 
acquiert injustement des richesses qui, à un moment, 
l'abandonnent et sont perdues pour lui, par un juste 
retour des choses. Le verbe dâgâr veut dire « amasser » 
pour couver, quand il s'agit des oiseaux. Mais sa signi- 
fication ne s'étend pas jusqu'à l'idée d'aller chercher des 
œufs ailleurs que dans le nid où ils sont déposés. 
Quant au verbe yâlâd, il signifié « engendrer » et 
« pondre »,en parlant des oiseaux; Mais comme ce pas- 
sage de Jérémie est le seul où yâlâd soit employé à 
propos d'oiseaux, on ne voit pas pourquoi ce verbe ne 
pourrait pas signifier « engendrer » dans le sens de 
« faire éclore », d'où la traduction possible : « La per- 
drix a couvé et n'a pas fait éclore, » c'est-à-dire n'a pas 
mené à terme sa couvée. Cf. Vatable, dans le Script. 
Sacr. cursus compl. de Migne, Paris, 1841, t. xix, 
col. 175. « Sur ce passage de Jérémie, écrit Tristram, 
The natural history, p. 225, on a proposé, plusieurs 
commentaires ingénieux, dont quelques uns sont con- 
traires aux faits. On a affirmé que la perdrix dérobe 
les œufs d'autres oiseaux, les couve pour son propre 
compte, d'où la traduction du passage : Elle rassemble 
des œufs qu'elle n'a pas pondus. Mais il n'est pas vrai 
que la perdrix dérobe les couvées des autres. Il n'y a 
qu'une vraie interprétation. La perdrix pond un très 
grand nombre d'œufs. Une fois, j'ai trouvé un nid de 
trente-six œufs dans désert de Judée.' Mais elle a beau- 
coup d'ennemis, parmi lesquels l'homme n'est pas le 
moindre, qui recherchent son nid et lui dérobent ses 
-œufs. Les œufs de perdrix sont assidûment recherchés 
par les Arabes qui en font leur nourriture. Ils sont aisés 
à trouver et la quantitédétruite annuellement estsurpre- 
nante. Durant un printemps, en Palestine, près de huit 
cents œufs de perdrix grecque, caccabis saxatilis, ont été 
apportés à notre camp; nous avions l'habitude de les utili- 
ser chaque jour, encore tout frais, pour faire des ome- 
lettes. Autrefois on les ramassait sansdoute dans le même 
but. La pensée du prophète est donc que l'homme 
devenu riche par des moyens injustes n'aura guère la 
jouissance de sa prospérité mal acquise, mais qu'il la 
perdra prématurément, comme la perdrix qui commen- 
ce à couver, mais est rapidement dépouillée de tout 
espoir de couvée. » La comparaison porterait ainsi, non 
sur la manière dont les richesses injustes sont acquises, 
mais sur la rapidité avec laquelle elles disparaissent. 
Il faudrait donc traduire : 

La perdrix couve, sans mener à ferme ; 
Ainsi l'homme qui acquiert des richesses injustement. 

H. Lesêtre. 
PÈRE (hébreu : 'ab; Septante : rcrriip; Vulgate : 
paler), celui qui a engendré des enfants avec le concours 
de la mère. Le nom de père est employé par la Sainte 
Écriture dans des sens divers, tantôt par rapport aux 
hommes tantôt par rapport à Dieu. ' 

I. Par rapport aux hommes. — 1» Père au sens 
naturel, Gen., H, 24; IX, 18, etc. — Sur les droits du 
père, voir Famille, t. H, col. 2170. Les devoirs envers 



129 



PERE 



130 



sont souvent rappelés aux enfants. Exod., xx, 12; 
Matth., xv, 4; xix, 5; Marc, vu, 10; x, 19; Luc, xvm, 
20; Eph., vi, 2, etc. Les coups ou les malédictions 
adressés au père étaient punis de mort. Exod., xxi, 15, 
17. Voir Mère, t. iv, col. 995. 

2° Grand-père. — Ahraham est appelé père de Jacob, 
bien qu'Isaac sépare l'un de l'autre. Gen., xxvut, 13. 
Jacob appelle pères Abraham et Jsaac. Gen., xlix, 29*. 

3» Ancêtres. — Gen., xlvi, 34; Num., xiv, 18, etc., 
et particulièrement ceux d'un peuple. Très fréquem- 
ment, il est parlé aux Israélites de leurs pères, c'est-à- 
dire des premiers hommes de leur race qui ont reçu les 
promesses divines et ont été témoins des merveilles 
de la puissance de Dieu. Exod., ni, 15; xm, 5; Num., 
xx, 15; Ruth, IV, 17; III Reg., xiv, 15; IV Reg., xiv, 3; 
, xvm, 3; Tob., m, 13; Judith, v, 7; Ps. xxii (xxi), 5; 
xliv (xliii), 2; Is., li, 2; xliii, 27; Jer., xvi, 11, 12; 

I Mach., x, 52; II Mach., i, 25; Joa., vu, 22; Act., m, 
13, etc. Quelquefois, on donne le nom de père à un 
ancêtre très éloigné. Adam est le père commun de tous 
les hommes. Eccli., XL, 1 ; xlix, 19. David est le père 
du roi Asa, III Reg., xv, 11, et ensuite du Christ. Luc, 
i, 32. — Rejoindre ses pères, dormir avec ses pères, 
c'est mourir et passer dans une autre vie où l'on re- 
trouve les ancêtres. Gen., xv, 15; xlvii, 30; Deut., xxxi, 
16; II Reg., vu, 12; III Reg., n, 10; xiv, 20; xvi, 6; 
xxii, 40; IV Reg., xxi, 18; I Mach., n, 69, etc. Le roi 
Antiochus Eupator exprime cette idée sous la forme 
païenne quand il écrit que son père a été « transféré 
parmi les dieux ». II Mach., xi, 23. 

4° Souche d'un peuple. — Sem est le père de tous 
les fils d'Héber, Gen., x, 21; Abraham, celui d'une 
multitude de nations, Gen., xvil, 4; Eccli., xliv, 20; 
Moab, celui des Moabites, et Ben-Ammi, celui des 
Ammonites, Gen., xix, 37; Esaù, celui des Iduméens. 
Gen., xxxvi, 9, 43, etc. Ézéchiel, xvi, 3, dit que le 
père des Israélites était un Amorrhéen, afin de signifier 
que les fils de Jacob sont partis de Ghanaan pour aller 
en Egypte, où ils sont devenus un peuple. Les Israélites 
revendiquent souvent comme pères, c'est-à-dire 
comme fondateurs de leur nation, Abraham, Matth., 
m, 9; Luc, i, 73; m, 8; xvi, 24; Joa., vin, 39, 53, 56; 
Act., vu, 2; fiom., iv, 1, 12, 16; Jacob., n, 21; Isaac, 
Rom., IX, 10; Jacob, Joa., iv, 12, et même David. 
Marc, xi, 10; Act., iv, 25. 

5° Instituteur d'un genre de vie. — Jabel est le père 
de ceux qui habitent sous la tente et au milieu des 
troupeaux, Jubal le père de ceux qui jouent des instru- 
ments. Gen., IV, 20, 21. Jonadab, fils de Réchab, est 
le père des Réchabites, qui s'abstiennent devin. Jer., 
xxxv, 6, 8. Phinées est le père de ceux qui se montrent 
zélés pour la cause de Dieu. I Mach., n, 54. 

6» Maître. — Michas demande à un lévite d'être son 
père et son prêtre. Jud., xvn, 10; xvm, 19. David 
appelle Saûl son père. I Reg., xxiv, 12. Elisée donne 
ce nom à Élie, IV Reg., n, 12, et lui-même le reçoit 
du roi d'Israël, IV Reg., vi, 21; xm, 14, et du roi de 
Syrie. IV Reg., vm, 9. Les serviteurs de Naaman l'ap- 
pellent père. IV Reg., v, 13. Les relations de maître à 
disciple sont assimilées aux relations de père à fils. 
Voir Fils, t. n, col. 2252. Saint Paul dit aux Corin- 
thiens qu'ils pourraient avoir dix mille maîtres, mais 
qu'ils n'ont qu'un père, l'apôtre qui les a engendrés 
en Jésus-Christ. I Cor., iv, 15. 

7» Bienfaiteur. — Job, xxix, 16, a été le père des 
pauvres. L'homme de bien doit être comme un père 
pour les orphelins. Eccli., IV, 10. Razias était « ap- 
pelé le père des Juifs à cause de sa bienfaisance. » 

II Mach., xiv, 37. Jiliacim, intendant d'Ézéchias, devait 
être un père pour les habitants de Jérusalem, Is., xxii, 
21, mais il ne sut pas conserver sa situation. 

8» Conseiller. — 1. En Egypte, Joseph est constitué 
père du pharaon. Gen., xlv, 8. « Les traducteurs de ce pas- 

DICT. DE LA BIBLE. 



sage, à commencerpar les Septante, ontcru yreconnaitre 
le mot hébreu deab, «père ». Ce sont les textes égyptiens 
qui nous informent que, loin d'être hébreu, le titre de ab 
en pirâo désigne un inspecteur ou intendant royal atta- 
ché tout spécialement à la maison pharaonique. Plu- 
sieurs des précieux papyrus historiques du temps de la 
XIX e dynastie, dont les textes, sous forme de simples let- 
tres et communications, ont été composés par des scribes 
et employés de la cour, se rapportent à ces ab en 
pirâo, ces officiers supérieurs du pharaon dont le haut 
rang est clairement indiqué par le style plein de res- 
pect de la part de ces scribes de rang inférieur. » ; 
Brugsch, L'Exode et les monuments égyptiens, 1875, 
p. 17. On ne voit pas que le titre de « père » ait été 
employé dans le protocole égyptien. Il y avait seulement, 
à la cour du pharaon, des rokhou ou « commis » du roi, 
qui pouvaient traiter avec lui sans intermédiaire et qui, 
descendants éloignés des princes et des princesses de 
jadis, étaient plus ou moins apparentés au souverain 
régnant; puis des samîrou ou « amis », anciens com- 
pagnons du prince dont ils avaient partagé l'éducation 
et les jeux. Cf. Maspero, Histoire ancienne de l'Orient 
classique, 1. 1, p. 280, 281. On peut s'étonner que Joseph 
ait pris, vis-à-vis de ses frères, un titre purement égyp- 
tien et probablement inconnu d'eux; mais ce titre était 
suffisamment expliqué pour eux par ceux qui suivent, 
'âdôn, « seigneur », et mosêl, « prince », de toute 
l'Egypte. Le Samaritain traduit ici 'âb par rê'éh, 

« ami, conseiller ». En égyptien, I I -f- , àb, voulant dire 

« cœur », on pourrait expliquer le titre dans le sens d'ami. 

Mais, ? ( àb, signifie aussi « préposé, inspecteur »; pe 

abu n pirao, « les inspecteurs royaux, » Papyrus Anas- 
tasi, v, 24; ce qui convient à la fonction de Joseph. — 
2. Le roi Assuérus appelle Aman son « second père », 
c'est-à-dire son ministre et son conseiller. Esth., xm, 6. 
— 3. La même appellation était en usage à la cour des 
rois syriens. I Mach., xi, 32. Matathias mourant recom- 
mandait à ses fils d'avoir confiance en leur frère Simon, 
homme de conseil et destiné à être pour eux un père. 
I Mach., n, 32. 

9» Auteur. — Job, xxxvui, 28, parle du père de la 
pluie, c'est-à-dire de celui qui l'a créée. Les chefs 
d'Israël, devenus idolâtres, disent au bois : « Tu es mon 
père, » et à la pierre : « Tu m'as mis au monde, » Jer., 
Il, 27, c'est-à-dire attribuent leur existence aux idoles 
de bois ou de pierre. 

10° Père adoptif. — Saint Joseph est appelé père de 
Jésus, en ce sens qu'époux de Marie, il a été appelé à 
remplir les fonctions de père adoptif auprès du divin En- 
fant. Luc, 11,33,48. Les Juifs ont adopté le diable pour 
père, en se comportant à son égard comme des enfants 
dociles et en obéissant à ses inspirations. Joa., vin, 44. 

11» Vieillard. — A raison de son âge, il doit être 
traité comme un père. I Tim., v, 1. — La Vulgate 
ajoute à Bacchus le nom de père, qui ne se lit pas 
dans le texte grec. II Mach., xiv, 33. — Dans Job, 
xxxiv, 36, 'âbi ne signifie pas « mon père », comme 
traduit la Vulgate; c'est un mot de sens douteux ou 
une simple interjection dont les Septante n'ont pas 
tenu compte. — Le mot 'âb entre dans la composition 
de beaucoup de noms propres. Voir Ab, t. i, col. 12. 

II. Par rapport à Dieu. — Dieu est le père par ex- 
cellence et toute paternité a en lui son origine. Eph., 
m, 15. Mais Dieu est père à des titres divers. — 
1° Père de tous les hommes. — Cette idée n'apparait 
qu'aux temps voisins de l'Évangile. « O Père, c'est votre 
Providence qui gouverne » le vaisseau sur la mer. 
Sap., xiv, 3. Notre-Seigneur apprend aux hommes à 
reconnaître le Père céleste, le Père qui est dans les 
cieux, Matth., v, 16, 48, etc., qui s'occupe de tous et 
fait lever son soleil sur les méchants comme sur les 



131 



PERE —PEREE 



132 



bons. Matth., v, 45. Il leur enseigne à l'invoquer en 
l'appelant « notre Père ». Matth., vi, 9; Marc, si, 25; 
Luc, xi, 2, 13. Il veut qu'on ne donne à personne le 
nom de père, c'est-à-dire en l'entendant dans le sens 
de créateur et de souverain Maître, parce que les 
hommes n'ont qu'un seul Père, celui qui est dans les 
«eux. Matth., xxm, 9. — 2° Père des Israélites. — 
Jéhovah est le père et le créateur d'Israël. Deut., 
xxxii, 6. Les prophètes le rappellent, Is., lxiv, 8; 
Jer., ni, 4; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israé- 
lites de ne pas faire honneur à cette paternité. Mal., i, 
6. Isaïe, lxiii, 16, va jusqu'à dire, en s'adressant à 
Dieu : « Vous êtes notre père; car Abraham nous 
ignore et Israël ne nous connaît pas, n ce qui signifie 
que la paternité d'Abraham et de Jacob est absolument 
négligeable en regard de celle de Dieu, et que d'ailleurs 
les patriarches ne peuvent rien pour leurs descendants. 
— 3° Père du juste. — David invoque Dieu comme son 
père. Ps. lxxxix (lxxxviii), 27. Jéhovah promet d'être 
un père pour Salomon, si ce prince lui est fidèle. 
II Reg.,vn, 14;I Par., xvn, 13. Le fils de Sirach s'adresse 
à Dieu comme au souverain Maître de sa vie. Eccli., 
xxm, 1, 4. Il lui dit : « Seigneur, tu es mon père ! » 
ce que les versions traduisent par : « Seigneur, père de 
mon Seigneur. » Eccli., li, 10. Dans la Sagesse, n, 16, 
les impies constatent que le juste se glorifie d'avoir 
Dieu pour père. — 4° Père du chrétien. — Dieu est 
un père pour le chrétien, en vertu de l'adoption divine 
méritée par le Fils et opérée par le Saint-Esprit, Rom., 
vin, 15; Gai., iv, 6, par conséquent dans un sens bien 
supérieur à celui de la paternité qui s'exerce envers 
les hommes en général, les Israélites ou les justes de 
l'ancienne Loi. — 5° Père de son Fils éternel. — Vis-à- 
vis de ses créatures, Dieu est père, sans distinction de 
personnes divines, par droit de création, de conserva- 
tion, d'élection, de rédemption et d'adoption. Mais, 
au sein même de l'auguste Trinité, l'une des personnes 
a le titre de Père vis-à-vis d'une autre personne qui a 
le titre de Fils et qui est éternellement engendrée par 
la première. Notre-Seigneur est ce Fils du Père, et sa 
filiation éternelle n'est en rien modifiée par son incar- 
nation. Il parle du Père céleste, qui exerce sa puissance 
et sa bonté sur toutes les créatures en tant que Dieu 
unique et indivisible; mais il nomme aussi très sou- 
vent un être divin qu'il appelle « mon Père », devant 
lequel il s'abaisse en tant qu'homme, Joa., xvn, 4; 
Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 36; Luc, xxii, 42, etc., 
mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les 
droits d'égalité. Joa., x, 30; xiv, 9; Matth., xxvm, 19, 
etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Père 
dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36; 
xxvi, 39, 42; Luc, n, 49; x, 21; xxn, 29; xxm, 34, 
46; Joa., i, 14; h, 16; m, 35; v, 17; vm, 27; xiv, 6, 9, 
etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu'ils 
lui reprochaient de « dire que Dieu était son père, se 
faisant lui-même l'égal de Dieu. » Joa., v, 18. Voir 
Fils de Dieu, t. n, col. 2254; Jésus-Christ, t. in, 
col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu 
d'après les Évangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267- 
337. H. Lesêtbe. 

PÉRÉE (lUpaîa), « région au delà » et à l'est du 
Jourdain, nom d'une province de Palestine au temps 
<lu Sauveur. 

I. Nom et acceptions. — Employé par Josèphe, 
Bell, jud., III, m, 3, ce nom correspond à la locution 
itépav toO 'IopSâvou, « au delà du Jourdain », commu- 
nément usitée dans les Septante pour traduire l'expres- 
sion 'êber hay-Yardên du texte hébreu, souvent em- 
ployée pour désigner toute la région orientale occupée 
par les Israélites. Dans l'Ancien Testament en général 
et parfois dans le Nouveau, comme Joa., I, 28, m, 26; 
x, 40 et Math., iv, 15, où l'Évangéliste reproduit le mot 



d'Isaïe, vm, 23- (Vulgate, ix, 1), la locution est prise 
comme un véritable nom propre équivalant au nom de 
Pérée, ou Transjordane, de l'historien juif. Elle rem- 
place, depuis la captivité, le nom de Galaad, pour dé- 
signer de même que dans les temps anciens toute lapartie 
orientale de la terre d'Israël. Dans l'énumération des 
régions dont les populations accouraient pour écouter 
fa 'parole de Jésus, la « Transjordane » ou Pérée est 
citée après la Galilée, la Décapole, Jérusalem et la Judée. 
Matth., iv, 25; cf. Marc, m, 7-8. 

IL Limites et étendue. — Josèphe recense la Pérée 
avec la Judée, la Samarie et la Galilée, comme une des 
quatre grandes divisions de la terre d'Israël. Elle est 
beaucoup plus vaste que la Galilée, mais aussi plus 
accidentée et plus sauvage, quoiqu'encore abondante 
en fruits, couverte d'arbres, spécialement de vignes, 
d'oliviers, de palmiers et bien arrosée par des sources et 
des cours. d'eau permanents. Elle s'étend en longueur 
du sud au nord, de Machéronte (Menkour) ou de la 
Moabitide et de PArnon à Pella, et du Jourdain, à 
l'ouest, à la frontière d'Arabie ou jusqu'à Hésébon 
(Elesbân), Philadelphie ('Amman) et Gérasa (Djéras), 
à l'orient. Bell, jud., III, m, 3. Ainsi limitée, la Pérée 
comprend seulement la partie méridionale extrême de 
la Décapole, si même elle ne l'exclut pas tout entière. 
Il s'agit sans doute de la Pérée politique, telle qu'elle 
fut quand Pompée déclara libres les principales villes 
de la Décapole, ou quand, à la mort d'Hérode l'ancien, 
Auguste les annexa à la province de Syrie. Cf. Ant. 
jud., XIV, iv, 4; XVII, xi, 4; Bell, jud., I, vu, 7. La 
Pérée était en cette condition au temps du Sauveur. 

Cependant l'historien juif, en appelant Gadara la 
métropole de la Pérée, Bell, jud., IV, vu, 3, en recule 
ainsi la frontière septentrionale jusqu'au Yarmouk, 
aujourd'hui le Serî'at el-Menâderéh, limite du terri- 
toire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre 
cette dernière ville, étaient enclavées Pella (Fahêl), 
Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beit er-Râs), et Gérasa 
[Djéraè), c'est-à-dire la moitié des villes de la Déca- 
pole. C'était à peu près tout le territoire des anciennes 
tribus de Gad et de Ruben, le pays de 'Adjloûn actuel 
et la Belqd septentrionale au nord de Youadi Môdjib, 
l'ancien Arnon, divisé en deux parties à peu près 
égales par la Zerqd, l'ancien Jaboc. Les Talmuds, qui 
considèrent la Perée au point de vue des observances 
légales, y font entrer encore plusieurs localités du Hau- 
ran et du Djédour, comme Nève (Ndoua), Édréi (ed- 
Dera'a) et quelques autres qui appartenaient à la tribu 
de Manassé orientale. Cf. Mischna, Baba Batra, III, 2; 
Ketouboth, xm, 9; Tosiftha, même traité à la fin; 
Talmud Bab., Sanhédrin, n, b, etc. Cf. A. Neubauer, 
Géographie du Talmud, in-8», Paris, 1868, p. 56, 241- 
251. Voir la carte de Gad, t. m, col. 28. 

III. Population. — Au temps du Sauveur, la Pérée 
était occupée par les races les plus diverses. — Les 
Moabites, qui avaient profité de la scission du royaume 
d'Israël pour se réinstaller dans la partie située 
entre l'Arnon et le Jaboc, ne l'avaient plus quittée. 
Les Ammonites s'étaient avancés vers l'ouest, et au 
temps des Machabées ils occupaient Jaser et les alen- 
tours. I Mach., v, 6-9. A eux s'étaient mêlés les Nabu- 
théens et diverses autres branches ismaélites ou arabes. 
Cf. I Mach., x, 25; ix, 35,36; Ant. jud., XII, iv, 11, etc. 
Après la déportation en Assyrie des tribus orientales 
d'Israël, les Syriens de Damas avaient pu occuper 
complètement la contrée. Josèphe, Bell, jud., xvm, 1, 
nous les montre peuplant les villages de la Pérée,tant 
au sud qu'au nord du Jaboc, et son récit les suppose, si- 
non formant le fond de la population, du moins nom- 
breux dans les principales villes du pays,' à Philadelphie 
ou 'Amman, à Hésébon, à Gérasa, à Pella, à Gadara. — 
A ces éléments purement orientaux et sémites, était 
veau se joindre lors de l'invasion gréco-macédonienne 



133 



PÉRÉE — PERGAME 



134 



l'élément occidental ou japhétique. ' Pella de Pérée, 
comme son homonyme d'Apamée, doit sans doute son 
origine à des soldats de l'armée d'Alexandre qui, s'étant 
arrêtés au pied des monts de Galaad, et non loin au nord 
du Carith (ouadi Yâbis), avaient voulu donner à leur 
ville le nom de la patrie de leur maître. Elle aurait pour 
fondateur, ainsi que Dion, s'il faut en croire Etienne 
de Byzance, Alexandre lui-même (332 avant J.-C). Cf. 
Reland, Palsestina, p. 736-737. Les autres villes de la 
Décapote dont les noms sémitiques indiquent une ori- 
gine plus ancienne durent être relevées ou agrandies et 
embellies, pour recevoir des colonies de même genre. 
Vers la même époque, les Juifs trop à l'étroit dans la 
Judée étaient revenus dans cette Transjordane que leur 
avait donnée Moïse. Devant la fureur des autres popu- 
lations toutes païennes, les Machabées avaient dû ra- 
mener leurs frères dans la terre de Juda, I Mach., v, 
45. Après les conquêtes, en cette région, de Jean Hyrcan 
(135-107), d'Alexandre Jannée (106-39) et de son fils Hyr- 
can (79-40), les Juifs s'établirent de nouveau dans un 
grand nombre de villes de la Pérée où se trouvaient 
des Syriens et en relevèrent un grand nombre d'autres 
qui avaient été ruinées. Josèphe, Ant. jud., XIII, 4. 
De gré ou de force, une multitude de païens embras- 
sèrent alors la religion des Juifs. Cf. Ant. jud., XIII, 
xv, 4; Bell, jud., II, xvm, 1. Pompée, en 63, soustrait 
Gadara, Pella, Dion à la domination des Juifs et déclare 
leurs habitants autonomes. Ant. jud., XIV, iv, 2, 4. 
C'était sans doute le même motif qui détermina plus 
lard Auguste, après la mort d'Hérode (404), à enlever 
Gadara à Hérode Antipas (4-39), et à la rattacher à la 
Syrie, parce que cette ville était « grecque ». Ant., 
XVII, xi, 4. Elles étaient toutefois plus grecques, par 
leur caractère extérieur et la religion, que par le nom- 
bre de leurs habitants hellènes, puisque l'historien, 
Ant., XIII, xv, 4, nomme Gadara même une ville « de 
Syrie » et qu'au commencement des troubles de Judée 
(61), les Juifs se jettent sur elle pour venger, par le 
massacre des Syriens, leurs frères traités de même à 
Césarée. Bell, jud., II, xvm, 1. — Telle était la popu- 
lation de la Pérée quand le Christ commença la pré- 
dication de l'Évangile. Les foules qui accouraient de là 
et de la Décapole pour l'entendre étaient, sans doute, 
pour le plus grand nombre, des Juifs de la région et 
« des judaïsants » ou convertis. Voir Reland, Pal&stîna, 
Utrecht, 1714, p. 197-200. Cf. Décapole, t. n, col. 1333- 
1336; Galaad, t. in, col. 45-59; Moab, t. iv, col. 1138- 
1178. L. Heidet. 

PEREIRA DE FIGUEIREDO Antonio, théologien 
portugais né au bourg de Macao, le 14 février 1725, 
mort à Lisbonne, le 14 août 1797. Il fit ses études au 
collège des Jésuites à Villa- Viçosa et entra en 1744 à 
l'Oratoire de Lisbonne, où il enseigna la grammaire 
(1752), la rhétorique (1755), et la théologie (1761). Dans 
le conflit qui s'éleva entre le Portugal et le Saint-Siège 
il défendit d'abord l'Église, mais Pombal le gagna à sa 
cause et le combla d'honneurs. Il quitta l'habit reli- 
gieux et attaqua violemment le Pape et les doctrines 
romaines dans une foule de publications. Nous n'avons 
à mentionner parmi ses écrits que sa traduction des 
Écritures : O Velho e Novo Testamento em Portuguez, 
23 in-8", Lisbonne, 1778-1790. Les notes qu'il a jointes 
à sa version ne sont pas toujours orthodoxes. Voir 
Portugaises (Versions) de la Bible. 

PEREYRA Benoît, exégète espagnol, né vers 1535, 
près de Valence, mort à Rome le 6 mars 1610. Il entra 
au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1552, professa 
longtemps la philosophie, la théologie et l'Écriture 
Sainte et "se fit une grande réputation par son savoir et 
son érudition. Nous lui devons : 1° Un long commen- 
taire et diverses dissertations sur la Genèse, en 4 in-f° : 



Ben. Pererii, Valentini, commentariorum et dispu- 
tationum in Genesim tomi quatuor. Cet ouvrage 
d'abord imprimé à Rome, 1591-1595, le fut ensuite plu- 
sieurs fois à Lyon et à Cologne. — 2° Un commen- 
taire sur Daniel, en 16 livres, dédié au cardinal Caraffa, 
in-f°, Rome, 1587 : Ben. Pererii, Valentini, commen- 
tariorum in Danielem prophetam libri sexdeeim. Il 
fut réimprimé à Lyon l'année suivante, à Anvers en 
1594. Les éditions de Trêves (1618 et 1625) ne donnent 
que la 4 e partie de ce travail. — 3° Des Dissertations 
considérables sur l'Exode, Ingolstadt, in-4°, 1601 ; Lyon, 
1602 et 1607; sur l'Évangile de S. Jean, Lyon, in-4«, 
1608 et 1610; sur l'Apocalypse, Lyon, in-4°, 1606; Ve- 
nise, in-8°, 1607; sur YÉpître aux Romains, Ingolstadt, 
in-4°, 1603; Lyon, 1604; Ben. Pererii, Valentini, sele- 
ctarum disputationum in Sacram Scripturam tomi 
quatuor. Ses autres ouvrages d'exégèse restés manus- 
crits sont : 1° In B. Matthsei et B. Lucie Evangelia 
commentarii ; 2° Passio secundum IV Evangelistas 
explicata; 3° Explicatio aliquot capitum S. Evangelii 
secundum Matthseum et Lucam; 4° Prolegomena in 
Epistolam Divi Pauli ad Romanos; 5° Exposilio 
Evangelii S. Joannis; 6° Diverses dissertations sur des 
points spéciaux. P. Bliard. 

PEREZ DE VALENCE Jacques, théologien espa- 
gnol, né à Ayora, diocèse d'Orihuela, mort en 1490 ou 
1491. Religieux augustin, il occupa les premières char- 
ges de son ordre avant de devenir évêque de Chrysopolis 
et suffragant de Frédéric Borgia, cardinal de Valence, 
plus tard pape sous le nom d'Alexandre VI. On a publié 
de Jacques Perez : Expositio in caput m Threnorum, 
in-f°, Paris, 1482; Centum et quinquaginta Psalmi 
cwm diligentissima etiam titulorum omnium expo- 
sitione, in-f°, Valence, 1484; Expositio in Cantica 
canticorum, in-f°, Venise, 1498; Expositio in Exodum, 
in-f», Paris, 1533. — Voir N. Antonio, Biblioth. Bis- 
pana vêtus, t. i, p. 329. B. Heurtebize. 

PERGAME (grec : rb népfa|j.ov, t\ Ulpfaiioç; ce 
nom n'apparaissant qu'au datif et à l'accusatif dans le 
Nouveau Testament, sans article, on ignore quel genre 
lui attribuait l'écrivain sacré), ancienne capitale de la 
Mysie, dans le district de Tèuthranie, région accidentée 
et montagneuse; puis métropole de la province romaine 
de VAsia propria, en Asie Mineure. Aujourd'hui, 
Bergamo ou Bergama (tig. 19). Pergame est mention- 




19. — Monnaie de Pergame. 

Têtes affrontées de Tibère et de Livie. CEBACTOI Em IIETP[Q- 

Nior].— q. 0EON CEBACTON IIEPrAMHNOi. Temple d'Auguste. 

née en deux endroits du Nouveau Testament : 1° Apoc, 
i, 11, dans la liste de sept Églises d'Asie Mineure 
auxquelles saint Jean reçut l'ordre d'adresser le récit 
de ses visions de Patmos; 2° Apoc, il, 12, en tête de 
la troisième des sept lettres écrites par l'Apôtre à ces 
mêmes Églises, de la part de N.-S. Jésus-Christ. 

I. Topographie. — Au dessus d'une plaine ondulée, 
traversée par deux cours d'eau, se dresse une colline 
très remarquable, haute d'environ 300 mètres, à la 
forme arrondie, qui, vue d'en bas, ressemble à un cône 
de pin et que les anciens surnommaient pour ce motif 
aTpoêiXosiSéç. Strabon, XIII, iv, 1. C'est au sommet de 
cette masse de trachyte que fut bâtie la cité primitive 
de Pergame, avec une citadelle ou acropole extrême- 



135 



PERGAME 



136 



ment forte. Plus tard, une ville beaucoup plus considé- 
rable s'étala peu à peu au pied de la montagne. 

Le Kétéios (aujourd'hui KesteUtchaï) et le Sélinos 
(Bergama-tchaï), venant tous deux du nord, coulent 
dans des ravins profonds et abrupts. Le premier longe 
simplement la ville; comme autrefois, le second la 
traverse sur une étendue d'environ 800 mètres. Pline, 
H. N., v,126. Ils vont se jeter, l'un et l'autre, à quelques 
Kilomètres au sud de Pergame, dans le Caïcos, aujour- 
d'hui Bakyr-lchaï, la rivière principale de la région, 
qui arrose une vallée d'une grande beauté, large et 
fertile, Strabon, XIII, IV, 2, et qui a son embouchure à 
environ 25 kil. (120 stades) de Pergame, dansla mer Egée, 
près de l'ancienne ville d'Élaîa, aujourd'hui Tchanderlik. 



thère (284-263); Eumène I" (263-2M); Attale 1" (241- 
197); Eumène II (197159); Attale II (159-138); Attale 
III (138-133). Nous ne relèverons que les traits princi- 
paux de leur histoire, en tant qu'elle peut intéresser 
leur capitale. 

Après la mort d'Alexandre le Grand, Pergame tomba 
sous la domination de Lysimaque, l'un de ses généraux 
et successeurs. La ville ne consistait alors qu'en une 
citadelle, bâtie, avec un certain nombre de maisons, au 
sommet de la montagne isolée qu'enserrent le Kétéios 
et le Sélinos. Lysimaque y mit en sûreté son riche trésor 
de 9 000 talents (environ 44 000 000 de francs), dont il 
confia la garde à l'eunuque Philétère. Celui-ci, mettant 
à profit les troubles politiques qui régnaient alors, 




20. — Vue de l'Acropole de Pergame. D'après une photographie. 



Le Caïcos était autrefois navigable. A Pergame, le Kétéios 
est presque toujours à sec; le Sélinos a un peu d'eau, 
qui arrose quelques jardins. Du sommet de l'acropole, 
la vue s'étend jusqu'à la mer et jusqu'à Mitylène. 

II. Histoire de Pergame. — 1« A l'origine. — Anté- 
rieurement à la dynastie qui établit la puissance de 
Pergame, cette ville n'a qu'une histoire assez obscure, 
ou presque toute légendaire. Elle paraît avoir été fondée 
par des colons grecs, qui, d'après la tradition la plus 
vraisemblable, étaient orignaires d'Arcadie. Voir Hessel- 
meyer, Die Vrprùnge der Stadt Pergamos in Kleina- 
sien, .1885; E. Chrœmer, Pergamos, Leipzig, 1888. La 
première mention faite de Pergame dans un texte his- 
torique ne remonte qu'au début du rv e siècle avant 
J.-C. Xénophon, Anabas., VII, vm, 8; Hellenic, III, 
I, 6. Les plus anciennes monnaies qu'on ait d'elle 
. datent des années 420-400 avant notre ère. 

2° Sous les princes de la famille des Attales. — Au 
commencement du ni e siècle avant J.-C, Pergame 
acquit tout à coup une grande célébrité, grâce à ses 
princes et rois, les Attalides, dont voici la liste : Philé- 



réussit à s'emparer du trésor'etjde] la citadelle, qu'il 
transmit à son neveu Eumène, petit dynaste des environs, 
fondateur de la brillante famille des Attalides. Attale I er 
reçut d'Eumène un territoire considérablementagrandi, 
grâce à des victoires remportées soit sur Antiochus de 
Syrie, soit sur les Gaulois, ou Galates, qui envahirent 
l'Asie Mineure en 279. Il prit le titre de roi, après avoir 
battu à son tour ces derniers (240); et voyant l'avantage 
qu'il y aurait à profiter de l'amitié des Romains, dont 
l'influence commençait à se faire sentir en Asie Mineure, 
se fit leur fidèle allié. Sous son règne, Pergame devint 
non seulement la capitale d'un royaume considérable 
et l'une des villes les plus importantes de l'Asie anté- 
rieure, mais aussi un grand centre commercial et artis- 
tique, et une métropole d'une magnilience vraiment 
royale. La prospérité et la splendeur de la cité s'ac- 
crurent encore sous Eumène II, Strabon, XIII, IV, 2, qui 
y multiplia les monuments somptueux, sacrés ou pro- 
fanes. Il l'enrichit notamment d'une bibliothèque 
admirable pour l'époque, où l'on comptait plus de 
200 000 volumes ou rouleaux; grâce à elle, Pergame fut 



137 



PERGAME 



138 



aussi le centre d'un grand mouvement littéraire et 
scientifique. Elle fut transportée plus tard à Alexandrie, 
Antoine en ayant fait présent à Cléopàtre. Pline, H. N., 
m, 2. Eumène donna également aux arts une impul- 
sion considérable, et établit à Pergame une école de 
sculpture très illustre, qui posa la base de l'art dit 
pergaménien. La ville avait alors, comme autre source 
de richesses, la fabrication des parfums et des coupes 
d'argile, le travail de l'ivoire, la taille des pierres fines, 
et surtout la préparation des parchemins. A cette époque, 
en effet, on n'exportait pas encore les papyrus d'Egypte, 
et l'on se servait en Asie, pour les livres, de peaux de 
moutons, de chèvres et de veaux, auxquelles on faisait 
subir une préparation spéciale. Comme l'art de préparer 
ces peaux atteignit à Pergame une perfection particu- 
lière, on ne tarda pas à leur donner le nom de charta>. 
pergamense, qui subsiste encore sous la forme de 
« parchemin. » A la mort d'Eumène II, son frère 
Attale II prit les rênes du gouvernement, comme tuteur 
du jeune Attale III, fils du roi défunt. Il est question 
d'Attale II au premier livre des Machabées, xv, 22. 
Voir Attale II, t. i, col. 1227-1228. Attale III mourut 
sans héritier en 133, après avoir légué son royaume 
aux Romains, par un testament que Salluste soup- 
çonne d'avoir été simulé, Histor., v; cf. Horace, Od., II, 
xvin, 5, mais dont on reconnaît aujourd'hui la sincérité. 
— Ces divers princes battirent successivement monnaie, 
et Pergame continua ensuite, jusqu'à la fin du III 8 siècle 
de notre ère, d'user de ce privilège. Ses monnaies les 
plus courantes sont les cistophori, ainsi nommées 
parce qu'elles portaient gravée la cista mystica, avec 
d'autres objets rappelant le culte de Bacchus. On y voit 
aussi les insignes des trois autres grandes divinités de 
Pergame : Zeus, Athéné, Esculape. 

3» Sous la domination romaine. — Après la mort 
d'Attale III, le royaume de Pergame fut incorporé à 
J'empire romain, sous le nom d'Asia propria, et, pen- 
dant deux siècles encore (jusqu'en 129 de l'ère chré- 
tienne), la ville demeura la capitale de la province. 
Strabon, XIII, vi, 23, l'appelle litiçavii; noXi;. Cf. Pline, 
H. N., v, 30. Elle était le siège d'un tribunal su- 
prême; elle avait à sa tête, comme d'autres villes 
d'Asie, un asiarque, sorte de magistrat municipal indé- 
pendant, qui présidait les fêtes civiles et religieuses. 
On y avait installé une école de médecine, dont sortit 
le célèbre Galien. Les Romains continuèrent les tradi- 
tions artistiques des Attalides, et contribuèrent aussi 
beaucoup à orner soit l'acropole, soit la ville basse, qui 
leur durent de beaux monuments. Pergame ne demeura 
donc pas alors sans gloire, bien qu'Éphèse et Smyrne se 
fussent développées à ses dépens et l'eussent peu à peu re- 
jetée dans l'ombre. Vers la fin du premier siècle après 
J.-C, à l'époque où fut composée l'Apocalypse, Éphèse 
lui ravit même, sinon officiellement, du moins dans l'ap- 
préciation populaire, son titre de capitale de la province; 
c'est pour cela sans doute que Pergame n'est citée qu'au 
troisième rang parmi les sept églises, à la suite 
d'Éphèse et de Smyrne. Apoc, n. Voir W. M. Ramsay, 
dans le Diction, of the Bible de Hastings, t. m, p. 750- 
751. Au second siècle de notre ère, elle avait encore 
120000 habitants; mais, plus tard, elle dépérit graduel- 
lement, surtout sous les empereurs byzantins. Elle 
compte aujourd'hui environ 14 500 habitants, Turcs, 
Grecs, Arméniens, etc. 

III. PEHGA.ME ET LE CHRISTIANISME. — NOUS ignorons 

dans quelles circonstances spéciales le christianisme 
avait pénétré à Pergame. Ce fut peut-être dès l'époque 
de saint Paul. Cf. Act., xix, 10. Bu moins, le passage 
de l'Apocalypse qui la concerne suppose qu'elle possé- 
dait, à la fin du premier siècle, une chrétienté considé- 
rable, fervente et parfaitement organisée, bien que, 
malheureusement, la secte impure des Nicolaïtes, voir 
Njcolaïtes, t. îv, col. 1616-1617, y eût un certain nom- 



bre d'adhérents, comme à Éphèse. Apoc, II, 6. — Les 
interprètes se demandent, sans pouvoir se mettre 
entièrement d'accord, pourquoi, dans la lettre de saint 
Jean à « l'ange » de Pergame, cette ville est appelée à 
deux reprises, Apoc, il, 13, « le trône (ou l'habitation) 
de Satan. » La pensée générale est claire : ces mots 
signifient évidemment que l'évêque de Pergame exerçait 
son ministère dans un endroit qui présentait des difficul- 
tés particulières; mais il est difficile d'indiquer avec 
certitude le motif pour lequel Satan était censé avoir 
son siège à Pergame plutôt qu'ailleurs. — 1° D'après 
d'assez nombreux commentateurs, cela viendrait de ce 
que l'esprit de persécution, qui est vraiment un espri 
satanique, Apoc, n, 10, faisait alors rage à Pergame 
plus que dans aucune autre ville d'Asie; un passage de 
la lettre, Apoc, n, 13, mentionne le martyre du « témoin 
fidèle » Antipas. — 2° Une autre interprétation se rattache 
au culte vraiment extraordinaire dont le dieu Esculape 
fut l'objet à Pergame, à toutes les époques de son his- 
toire, mais surtout sous la domination romaine. C'est, 
en effet, sous les Romains que fut bâti, dans la ville 
basse, aux frais de l'Asie entière, Philostrate, Apoll.,i\,i, 
le célèbre Asclépéion ou temple d'Esculape, dont les 
dépendances étaient considérables, et qui jouissait du 
droit d'asile. Les malades y accouraient de très loin, dans 
l'espoir d'obtenir des guérisons miraculeuses ; ils atlen- 




21. — Monnaie de Pergame. 
Tète d'Esculape à droite. — fy Serpent. ACKAEIIIOr [CQTH]P0C. 

daient que le dieu leur dictât en songe des ordonnances 
infaillibles. Tacite, Ann., m, 63; Pausanias, III, xxvi, 
8. Esculape était, d'après Martial, IX, XVI, 2, le per- 
gamenus deus par excellence. Or, ce dieu avait pour 
emblème le serpent, comme on le voit par de nom- 
breuses monnaies de l'antiquité (fig. 21). D'un autre 
côté, Satan est, dans la Bible, le t. serpent antique ». Cf. 
Gen., in,l sq. ; Apoc, xn, 9 ; xxii, 2, etc. — 3« Selon 
d'autres, l'allusion porterait spécialement sur ce fait que 
Pergame était devenue, dès le règne d'Auguste, un 
centre du culte rendu à Rome et aux empereurs. — 
4° On a pensé aussi tout spécialement à l'autel gigantes- 
que qui fut érigé en l'honneur de Zeus Soter sur le 
plateau de l'acropole, par les soins d'Eumène II, entre 
les années 183 et 174 avant J.-C. Il était tout entouré de 
colonnades, et avait près de 35 m. de longsur37m.de 
large. Sa façade extérieure était ornée d'un haut-relief 
qui représentait la lutte des géants avec les dieux, en 
souvenir des victoires que les Attalides avaient rem- 
portées sur les Galates (fig. 22). — 5° Enfin, et telle est 
peut-être l'interprétation la plus naturelle, on a supposé 
quesiPergame estappelée le « trônede Satan», ce n'est 
pas seulement pour un de ces motifs particuliers, mais 
surtout parce qu'elle était devenue chaque jour davan- 
tage, depuis le commencement du m' siècle avant notre 
ère, un centre général d'idolâtrie. A côté du culte rendu 
à Rome et à l'empereur, à Esculape et à Jupiter, il y 
avait celui qu'on offrait à Athéna Polias Niképhoros, à 
Bacchus, â Vénus, etc., comme l'indiquent encore les 
ruines de vingt temples divers, échafaudés sur la mon- 
tagne et éparpillés dans la ville basse. Par ce culte et 
par les orgies qui s'y associaient, Pergame était vrai- 
ment devenue le trône de Satan. 

IV. Etat actuel des monuments de Pergame. — 
Jusqu'aux vingt dernières années du xix e siècle, les 



139 



PERGAME — PERGÉ 



140 



ruines de Pergame, malgré leur étendue considérable, 
ne disaient presque rien aux peu nombreux voyageurs 
qui allaient les visiter. Mais le gouvernement prussien 
entreprit en 1878, sous l'habile direction de MM. Hu- 
mann, Bonn, Conze, etc., des fouilles importantes, qui 
durèrent jusqu'à l'année 1886. Elles nous ont livré le 
plan complet des monuments de l'acropole et de la ville, 
en même temps qu'elles mettaient à jour des débris 
très précieux d'architecture, de sculpture, etc. En bas 
de la colline, on voit les restes plus ou moins bien con- 
servés des remparts, d'un aqueduc souterrain, de quais, 
de ponts, d'un stade, de thermes, d'un théâtre, d'un 
amphithéâtre, de l'Asclépéion, etc. En haut, sur les 
quatre terrasses superposées du plateau de l'acropole, 
on admire les restes d'un gymnase, de l'autel de Jupiter, 
de plusieurs des temples mentionnés ci-dessus, d'un 
pslais royal, de la bibliothèque d'Eumène II, d'un 
théâtre, etc. De nombreuses sculptures, statues, etc., 
sont devenues les richesses opimes du musée de Berlin. 



Amazonengruppe des AttalischenWeihgeschenks, eine 
Studie zur Pergamenischen Kunstgeschichte, Berlin, 
1896; J. L. Ussing, Pergamos, dens Historié og Monu- 
menten, Copenhague, 1897 ; Corne, Pro Pergamo, 
Berlin, 1898; E. Schweizer, Grammatih der Pergame- 
nischen lnschriften, Beilràge zur Laut-und Fiexions- 
lehre der gemein-griechischen Spi'ache, Berlin, 1898, 
E. Pontremoli et M. Colignon, Pergame, restauration 
et description des monuments de V Acropole, Paris, 1900 ; 
W. Dorpfeld, Der sûdliche Thor von Pergamon, 
Berlin, 1901, dans les Abhandlungen der kônigl. 
preussisch. Akademie der Wissenschaften ; Conze, Die 
Kleinfunde aus Pergamon, dans le même recueil, 
Berlin, 1902; G. Cardinali, 11 regno di Pergamo, Ri- 
cerche di storia e di dirittp pubblico, Rome, 1906; 
enfin la grande publication artistique Altertùmer von 
Pergamon, dont les parties suivantes ont été publiées : 
t. il, Das Heiligtum der Athena Polias Nikèphoros, par 
R. Bohn, Berlin, 1897; t. m, 1« partie, 3. Schram- 




22. — Autel de Jupiter à Pergame. Reconstitution. 
D'après Baumeiater, Denkmàler des klassischen AUertums, t. u, p. 1216, flg. 1404. 



V. Bibliographie. — 1" Auteurs classiques : Strabon, 
xiii, 4; Martial, ix, 17; Pline, H. N., XXXV, îv, 10; 
Tite-Live, XXXII, xxxm, 4; Polybe, xvi, 1; xxxn, 23; 
Ptolémée, V,n,14;Josèphe, Ant.jud.,XlY. — ^Auteurs 
modernes : "Macfarlane, Visit to the seven Apocalyptic 
Churches, 1832; Arundell, Discoveries in Asia Minor, 
t. Il, p. 302-307; von Prokesch-Osten, Denkwûrdig- 
keiten und Erinnerungen aus dent Orient, Stutt- 
gart, 1836-1837, t. m, p. 304 sq. ; von Schubert, Reise 
in's Morgenland, 2« édit., Erlangen, 1840, 1. 1, p. 316- 
318; Van Capelle, Commentatio de regibus et anli- 
quitatibus Perganienis, Amsterdam, 1842; Welcker, 
Tagebuch einer griechischen Reise, Berlin, 1865, t. n, 
p. 193 sq. ; Ergebnisse der Ausgrabungen zu Perga- 
mon, trois rapports publiés sur les fouilles allemandes 
par MM. Humann, Conze et Bohn, en 1880, 1882 et 1888, 
dans le Jahrbuchder kônigl. preussischen Kunstsamm- 
ït«ragren;Thiersch, Die Kônigsburg von Pergamon, Stutt- 
gart, 1883; Urlichs, Pergamon, Geschichte und Kunst, 
Leipzig, 1883; E. Reclus, Nouvelle géographie univer- 
selle, t. ix, L'Asie antérieure, Paris, 1884, p. 598-612; 
Humann, Fûhrer durch die Ruinen von Pergamon, 
Berlin, 1885; Fabricius et Trendelenburg, l'article 
Pergamon dans les Denkmàler des klassischen Al- 
tertums de Baumeister, t, n, p. 1206-1287, Berlin, 
1889; U. Pedroli, Il regno di Pergamo, S tudi e ricer- 
che, Turin, 1896; E. Le Camus, Les sept Églises de 
l'Apocalypse, Paris, 1896, p. 247-264; G. Habich, Die 



men, Der grosse Altar, der obère Markt, Berlin, 1906; 
t. iv, Die Theater-Terrasse, par R. Bohn, Berlin, 1896; 
t. v, 2 e partie, Das Trajaneum, par H. Stiller, Berlin, 
1895;- t. vin, Die lnschriften von Pergamon, par 
Max Frânkel, avec la collaboration de E. Fabricius et 
C: Schuchhardt, Berlin, 1895. L. Fillion. 

PERGÉ (Grec : Tlipm, Vulgate : Perga), ville de 
Pamphylie, située à l'ouest du Cestrus, à environ 
60 stades (12 kil.) de l'embouchure. Strabon, XIV, IV, 2 
(fîg. 23). Saint Paul et saint Barnabe dans leur pre- 
mière mission viennent de Pàphos à Pergé en remon- 
tant le fleuve. Act., xm, 13-14. Les Apôtres y séjour- 
nèrent probablement peu et ne paraissent pas y avoir 
prêché. Conybeare et Howson, The Life and Epistles of 
St. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 131, suivis par 
C. Fouard, S. Paul et ses missions, in-8°, Paris, 1892, 
p. 26-28, croient que saint Paul et ses compagnons 
arrivèrent à Pergé à l'époque où les habitants fuient 
les plaines malsaines du rivage pour se réfugier sur 
les hauteurs du Taarus; W. Ramsay, The Church in 
the Roman empire, 1893, p. 16-18, croit au contraire 
que cette migration est de date récente et qu'elle n'est 
pas antérieure aux Turcs. C'est à Pergé que Jean Marc 
quitta saint Paul et s'en retourna à Jérusalem. Act., xm, 
13. Voir Jean Marc, t. m, col. 1166. A leur retour de 
Pisidie, saint Paul prêcha à Pergé. Act., xiv, 24. 

Pergé était la seconde ville de Pamphylie, le centre des 



141 



PERGÉ — PÉRIBOLE 



142 



indigènes, tandis qu'Attalie était une colonie grecque. 
A Pergé se trouvait un temple célèbre d'Artémis, la 
même divinité que l'Artémis d'Ephèse. Les monnaies 
lui donnent le titre de reine de Pergé, rivaum, en 




23. — Monnaie de Pergé. — Tête laurée d'Artémis à droite. — 
^. APTEMIi 1 KEPrAI. Artémis en chiton court, debout à 
gauche, le carquois sur l'épaule, appuyée sur un sceptre et te- 
nant une couronne de laurier. A ses pieds une biche ; dans 
le champ I. 

dialecte pamphylien et plus communément celui d'Ar- 
témis de Pergé. C. Lankoronski, Les villes de Pam- 
vhylie et de Pisidie, in-f», Paris, 1890-1891, t. î, 
p. 17-37, 39, 49, 62. Inscription, n. 33 et 36, p. 172-173. 
W. Ramsay dans le Journal of hellenic StudieSj 1880, 
p. 147-271 ; Hill, Catalog. of Brilish Muséum, Pam- 
phylia, in-8», Londres, 1897, p. 129-131. Le temple d'Ar- 
témis était situé près de la ville sur une hauteur. On 




24. — Plan de Pergg 
D'après Lankoroski, Les villes d*Patnphyit 174 

y tenait chaque année une grande assemblée. Strabon, 
XFV, iv, 2. Il en reste quelques ruines. Le temple et 
son enceinte avaient droit d'asile. Arch. Epigraph. 
Mittheilungen aus Oesterreich, 1897, p. 67; C. Lanko- 
ronski, Les Villes de Pamphylie, 1. 1. p. 174, n. 39; Hill, 
Catalogue of tke Greek coins of Lycia, Pamphylia, 



1897, p. 119-142. Pergé porte aujourd'hui le nom de 
Murtana. E. Beurlier. 

PÉRIBOLE (hébreu : gédér, « mur; » Septante : 
itsp(it<XTa;, irEpEëoio;; Vulgate : peribolus), enceinte, mur 
formant enceinte. — Ézéchiel, xlii, 7, 10, parle d'un mur 
extérieur, long de cinquante coudées et parallèle aux 
chambres du Temple, de manière à laisser un espace 
vide entre les chambres et le mur. Les Septante tra- 
duisent par îrcpfcaToç, s lieu où l'on se promène, » ce 
qui convient à l'espace vide et non au mur. La Vul- 
gate emploie le mot peribolus, de irepigoio;, qui veut 
toujours dire « enceinte » ou « clôture ». — Sous 
Simon Machabée, on grava sur des tables d'airain le 
récit de ce qui avait été fait pour l'indépendance et 
la gloire de la nation, et on plaça ces tables sur le pé- 
ribole du Temple, en un lieu apparent. I Mach., xiv, 
48. Il est à croire que le mot péribole ne désigne pas 
ici le mur même du Temple, à distance duquel étaient 
tenus les gentils, mais un mur d'enceinte donnant 
sur le parvis des gentils et ménageant le lieu apparent 
qui permettait à tous de lire l'inscription. — Dans le 
Temple d'Hérode, le parvis des gentils contenait un 
péribole, ou mur d'enceinte, probablement à la place 
du péribole machabéen. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, 
en parle en ces termes : A l'intérieur des portiques, 
« tout l'espace à ciel ouvert était dallé de pierres de 
toutes sortes. Quand on se rendait par là au second 
Temple, tout autour s'élevait une barrière en pierre, 
SpiiçoxTo? XfOtvoc, de trois coudées de hauteur, fort 
élégamment construite. A intervalles égaux, se dres- l 
saient des colonnes pour rappeler, les unes en 
caractères grecs, les autres en latins, la loi de pureté 
en vertu de laquelle il n'est permis à aucun étranger 
d'entrer dans l'ftyiov (le saint), car le second Temple 
était appelé Sytov (le saint). » Pareille défense était 
déjà en vigueur au temps d'Antiochus le Grand, 
puisque ce prince reconnaît « qu'il n'est permis à 
aucun étranger de pénétrer dans le péribole du Temple, 
interdit aux Juifs eux-mêmes quand ils n'ont pas été 
purifiés conformément à la loi de leurs pères. » 
Josèphe, Ant. jud., XII, m, 4. L'historien juif dit 
ailleurs, Ant. jud., XV, xi, 5; Bell, jud., VI, n, 4, que 
l'infraction à cette défense comportait la peine de mort, 
et que l'autorité romaine avait sanctionné l'application 
de cette loi même à des Romains. Cf. Philon, Légat, 
ad Caium, 31, édit. Mangey, t. il, p. 577; Middoth, 
n, 3; Kelimj 1, 8. On a révoqué en doute l'assertion 
de Josèphe concernant la peine de mort infligée aux 
étrangers qui franchissaient le péribole. Mais, en 1871, 
la vérité de l'assertion a dû être reconnue, lorsque 
Clermont-Ganneau, Revue archéologique, nouv. sér., 
t. xxm, 1872, p. 214-234, 290-296, pi. x, retrouva une 
colonne de pierre portant, en grec, l'une des inscrip- 
tions mentionnées par Josèphe. Cette inscription, 
actuellement à Constantinople, au musée Tschnili- 
Kiôschk, et dont le musée judaïque du Louvre possède 
un moulage, est ainsi conçue : 

M H EN A AMOTENH ÏA1TVO 
PEYEXQA* ENIOX T<y< Y\E. 
PI TO IEPON TPYq>AKTOY KA1 
riEPIBOAOY OZ A AN AH 
4>0H EAYTQl AIT102 El 
TAI AIA TO EÏAKOAOY 
©EIN OANATON 

« Que nul étranger ne pénètre au dedans de la barrière 
qui entoure l'Upôv (les parvis réservés) et du péribole ; 
celui qui serait pris serait cause pour lui-même que 
la mort s'ensuivrait. » Cf. Schûrer, Geschichte des jû- 
dischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 1. 11, 1898, p. 271- 
275. En conséquence de cette défense, les Juifs surveil- 
laient avec soin les entrées du péribole. Aussi s'émurent- 



143 



PÉRIBOLE — PERLE 



144 



ils violemment quand ils crurent que saint Paul avait 
fait franchir l'enceinte sacrée à un gentil, Trophime 
d'Éphèse. Ils entraînèrent l'Apôtre hors du Temple dont 
ils firent aussitôt fermer les portes. Act., xxi, 29, 30. 
Le péribole était appelé soreg et l'on donnait le nom 
de hel à l'espace compris entre cette barrière et les 
bâtiments du Temple lui-même. Cf. Middoth, h, 3. 
Ce traité de la Mischna n'attribue à la barrière que dix 
palmes (0 m 67) de hauteur; l'indication de Josèphe, 
Bell, jud., V, v, 2, parlant de trois coudées (1 ,1, 5'7), 
paraît plus vraisemblable. L'espace circonscrit par le 
péribole s'élevait de quelques degrés au-dessus du 
terre-plein du parvis des gentils. Cf. Josèphe, Ant. 
jud., XV, xi, 5. Treize portes donnaient accès dans le 
hel et devant chacune se dressait l'une des colonnes 
mentionnées plus haut. Saint Paul semble faire al- 
lusion à ce mur de séparation, médium parietem 
macerise, dans son Épitre aux Éphésiens, H, 14. Voir 
Temple. H. Lesêtre. 

PÉRIL (grec : -/(vovvoc; Vulgate : periculum), 
risque de perdre la vie. — L'hébreu n'a pas de mot 
particulier pour rendre l'idée de péril. Il se sert des 
locutions benéfés, « pour la vie », au risque de la vie, 
II Reg., xviii, 13 (qéri); xs.m, 17; III Reg., n, 23; 
Lam., v, 9; Prov., vu, 23, et berâ'sênû, « pour notre 
tête », au risque de notre tête. I Par., xn, 19. L'Ecclé- 
siastique, xxxiv, 13, dit qu'il a été plusieurs fois en 
péril de mort, mais qu'il en a été tiré par son expé- 
rience, Vulgate : « par la grâce de Dieu ». Dans deux 
autres passages de ce livre, on peut recourir au texte 
hébreu pour y trouver ce qui correspond à l'idée de 
péril. On lit dans les Septante et la Vulgate, m, 27 : 
« Qui aime le péril y périra. » Il y a dans l'hébreu : 
« Qui aime les richesses, tôbôt, soupirera après elles. » 
Plus loin, xliii, 26, les versions traduisent : « Ceux 
qui naviguent sur la mer en racontent le péril. » Il y 
a dans l'hébreu : « Ceux qui descendent sur la mer en 
raconteront l'extrémité, qdsàh, » diront, s'ils le peuvent, 
jusqu'où elle s'étend. Tobie, iv, 4, rappelle à son fils les 
périls que sa mère a courus pendant qu'elle le portait 
dans son sein. Esther, xiv, 1, 4, en péril de mort, de- 
mande à Dieu son assistance. Plusieurs fois, il est ques- 
tion des périls affrontés par les princes Machabées 
et leurs compatriotes. I Mach., xi, 23; xiv, 29; II Mach., 
i, 11; xi, 7; xv, 17. — Les Apôtres étaient en péril 
sur la barque pendant la tempête. Luc, vm, 23. Saint 
Paul a été en péril à toute heure. I Cor., xv, 30. Il 
énumère tous ceux par lesquels il a passé. II Cor., xi, 
26. Dieu l'en a délivré. II Cor., i, 10. D'ailleurs au- 
cun péril ne le détachera de l'amour du Christ. Rom., 
vm, 35. H. Lesêtre. 

PERIPSËMA (grec : 7rspM/r]|ia), qualificatif que se 
donne saint Paul, I Cor., iv, 13 : « Nous sommes comme 
les 7teptx«flap[iaT« du monde et le nep^r^a de tous. » 
Le mot 7teptxa9«p|iaTa désigne le produit d'un nettoyage 
complet, les balayures d'une maison, et le mot 
ireptywi, de roepti^ôiw, « frotter tout autour, » le résidu 
ou la raclure d'un objet qu'on a remis en état. L'Apôtre 
voudrait donc dire qu'il est traité par la plupart des 
hommes comme la balayure et le rebut de l'humanité. 
Cf. "Is., Lin, 3. Cependant les deux mots grecs sont 
susceptibles d'un autre sens. Le premier est un 
composé de xà6ap|x.«, nom donné à des misérables que 
l'on entretenait à Athènes aux frais de l'État, pour en 
faire des victimes expiatoires en cas de malheurs 
publics. Cf. Aristophane, Plut., 454; Eq., 1133; Dôllin- 
ger, Paganisme et Judaïsme, trad. 3. de"P., Bruxelles, 
1858, t. i, p. 315. Dans l'ancienne Italique, icepixôOaptia 
était rendu par luslramentum, pour lustramen, 
« objet expiatoire. » Cf. S. Ambroise, In Ps. cxvni, 
vm, 7, t. xv, col. 1297. Dans les Proverbes, xxi, 18 : 



« Le méchant sert de rançon pour le juste, » les Sep- 
tante rendent kofér, « rançon, » par Tcepraâflap|x.a. Le 
mot irspf^TjtJLa se prête également à un sens analogue. 
Dans l'édition sixtine du livre de Tobie, v, 18, on lit : 
« Que l'argent devienne le irepî<lï]a<x de notre enfant, » 
c'est-à-dire sa rançon. D'après Hesychius et Suidas, 
les Athéniens jetaient à la mer l'homme dont ils fai- 
saient leur victime expiatoire en disant : « Sois notre 
Ttïpfyy)\>.a. » Cf. Cornely, 1 Epist. ad Cor., Paris, 1890, 
p. 111. Dans l'idée de saint Paul, les Apôtres seraient 
donc comme des victimes expiatoires, rejetées par le 
monde et associées au Christ pour compléter ce qui 
manqué à ses souffrances. Col., i, 24. Leur abjection 
participerait ainsi à celle du Messie, dont il est dit 
dans Isaïe, Ein, 3, 5 : 

Il était méprisé et abandonné des hommes... 

Mais c'étaient vraiment nos maladies qu'il portait... 

11 a été transpercé à cause de nos péchés. 

Saint Paul serait à la fois « balayure et rebut » et en 
même temps « rançon et victime expiatoire », à 
l'exemple du Messie. Le second sens est rendu pro- 
bable par la gradation que suit l'Apôtre : les prédica- 
teurs de l'Évangile sont traités « comme les derniers 
des hommes, comme des condamnés à mort »; après 
le dénuement, les coups, les malédictions, les persécu- 
tions, les calomnies, l'idée d'expiation parait se pré- 
senter plus logiquement que celle du mépris et de 
l'humiliation. I Cor., îv, 9-13. H. Lesêtre. 

PERKINS Guillaume, théologien calviniste, né en 
1558 à Warton dans le comté de Warwick, mort en 
1602. Il étudia à l'université de Cambridge. Ministre 
calviniste, il acquit une grande réputation comme 
prédicateur. Dans ses œuvres publiées à Londres, 1616, 
3 in-f", on remarque : A digest or harmonie of the 
old and new Testament; Exposition of Galatians, 
Exposition of C hrist's sermon on the Mount; Commen- 
tary on Rebr. xi; Exposition of Jude ; Exposition of 
Révélation J, il, and. m. — Voir W. Orme, Bïbliotheca 
biblica, p. 347; Walch, Biblioth. theologica, t. iv, 
p. 701, 758, 857. B. Heurtebize. 

PERLE (grec : (jLapyapiTï) ; Vulgate : margarita), 
substance qui se forme dans l'intérieur de plusieurs 
espèces de coquilles marines. — 1° Un certain nombre 
de coquilles sont tapissées mtéiieurement par une 
substance calcaire argentée, sécrétée par le manteau du 
mollusque, comme la coquille elle-même dont la com- 
position chimique est identique. Cette substance s'ap- 
pelle nacre. Parfois, â la suite d'une blessure faite au 
mollusque par la piqûre d'un petit ver, par un grain de 
sable ou un petit corps étranger introduit et enfermé 
dans la coquille, il se produit une concrétion isolée 
de matière nacrée, sous forme ronde, oblongue ou irré- 
gulière. C'est la perle. Elle est généralement adhérente 
à la coquille, mais peut aussi se sécréter à l'intérieur 
du manteau et des organes. D'abord très petite, elle 
s'accroît par couches annuelles. Ce qui fait son prix, 
c'est sa grande dureté, sa dimension et surtout son 
éclat chatoyant qui reproduit celui de la nacre. Sa colo- 
ration va du blanc azuré au blanc jaunâtre, au jaune d'or 
et au noir bleuâtre; on trouve même des perles roses, 
bleues et lilas. Les principales coquilles perlières sont 
l'avicula margaritifera (fig. 25), la meleagrina mar- 
garitifera, appelée aussi printadine ou mère-perle, la 
pinna marina, Vunio margariti férus, mulette oumou- 
lette perlière, etc. On trouve aussi des perles dans les 
huîtres et les moules ordinaires; mais elles sont ternes 
et sans valeur. Les Chinois et les Indiens font produire 
des perles d'un certain prix à des moules et des 
huîtres, en introduisant dans le manteau de ces bivalves 
de petits corps durs qui déterminent la sécrétion nacrée. 



145 



PERLE — PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



146 



Les anciens recueillaient les coquilles perlières dans la 
mer Rouge, dans la mer des Indes, cf. Pline, H. N., ix, 
54; xxxiv, 48; Strabon, xv, 717, et dans le "golfe Per- 
sique, aux environs de l'île de Tylos. Cf. Pline, H. N., 
vi, 32; Strabon, ivi, 767; Athénée, m, 93; Élien, Hist. 
animal., x, 13. Les perles ont été estimées à très haut 
prix dans l'antiquité. Pline, H. N., ix, 54, dit qu'elles 
occupent le sommet parmi les choses précieuses. 
Cf. Pline, H. N., vi, 24; îx, 56, 58; xxxin, 12; xxxiv, 
48; xxxvn, 6. Les Romains en faisaient grand cas. La 
femme de Caligula, l'impératrice Lollia Paulina, en 
possédait dans sa parure pour 40 millions de sesterces 
(près de 10 millions de francs). On en mettait à toutes 
les parties du costume. Cléopâtre, dans une fête donnée 
par Marc-Antoine, en avala une qui valait des centaines 
de mille francs. Horace, Sat., II, ni, 238-240, parle 
d'un personnage qui prit une perle à l'oreille de Métella 
et la fit dissoudre dans du vinaigre, pour avaler tout 
d'un trait un million de sesterces (près de 250000 francs). 
Le goût de ces objets coûteux s'était également répandu 
en Grèce et en Orient. 
2» Les perles ont été certainement connues en Pales- 



3° Dans le Nouveau Testament, la mention des perles 
est très claire. Notre-Seigneur compare le royaume 
des cieux à un marchand qui trafique sur les perles- 
En ayaDt rencontré une de grand prix, il vend tout ce 
qu'il a pour l'acheter. Matth., xm, 45, 46. Il ne craint 
pas d'engager momentanément toute sa fortune, parce 
qu'il est sûr de revendre la perle avec gros bénéfice à 
quelque riche amateur. Saint Paul recommande aux 
femmes chrétiennes d'éviter le luxe dans leur parure 
et de savoir se passer de perles. I Tim., il, 9. La femme 
qui représente la grande Babylone est ornée de perles. 
Apoc, xvii, 4; xvni, 16. Babylone faisait commerce de 
ces précieux objets. Apoc, xvm, 12. — Le Sauveur 
défend de jeter les perles devant les pourceaux, qui les 
fouleraient aux pieds. Matth., vu, 6. La doctrine et la 
grâce de l'Évangile ne doivent pas être communiquées 
à des âmes indignes qui les profaneraient. 

PERSANES (VERSIONS) DE LA CIBLE. - 

1" Sous les rois de Perse, Cyrus et ses successeurs, 
un grand nombre de Juifs s'établirent dans toutes les 
parties de leur empire, et il est à croire que dans les 



jïM* 





25. — Avicula Margaritifera. 



tine, au moins depuis l'époque de Salomon. Mais on ne 
sait pas d'une manière certaine quel mot pouvait les 
désigner. Le mot gâbis est le nom du cristal, probable- 
ment du cristal de roche, et non des perles. Voir 
Cristal, t. n, col. 1119. Les penînîm ne sont que des 
pierres précieuses, d'après les versions. Prov., m, 15; 
vin, II; xx, 15; xxxi, 10. Ces pierres précieuses peuvent 
sans doute être des perles, puisque ces dernières sont 
des sécrétions calcaires; elles pourraient être aussi du 
corail rouge ou une substance analogue. Voir Corail, 
t. n, col. 957. A Suse, il y avait dans le palais royal 
un dallage fait avec de l'émeraude et du dar. Esth., i, 
6. Le mot dar est le nom des perles en arabe. Les Sep- 
tante traduisent par Xi'Ôoç nfovivoc.g pierre de pinne, » 
de pinna marina, ce qui indiquerait une incrustation 
de nacre provenant des coquilles du mollusque perlier. 
La Vulgate rend dar par lapis parius, « pierre de Paros,» 
marbre. Il est assez probable en eflet qu'il s'agissait de 
marbre translucide et nuancé comme les perles ou la 
nacre. Dans le Cantique, i, 10, on dit à l'Épouse : 
« Nous te ferons des tôrîm avec des hârûzîm. » D'après 
les versions, il s'agit de « chaînes d'or marquetées d'ar- 
gent ». Il est possible que les deux mots hébreux 
désignent des colliers dans la composition desquels 
entraient les perles, le corail et les pierres précieuses. 
Ils ne se rencontrent pas ailleurs, et ce sens leur con- 
vient bien, par comparaison avec les termes arabes 
correspondants. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, 
p. 278, 885. 



synagogues on expliqua les Écritures dans la langue du 
pays. Nous savons du moins par le Talmud, Sota, 
49 b , que les Israélites qui habitaient en Perse, en par- 
laient la langue en même temps que l'hébreu. Mais s'il 
a existé des traductions persanes de l'Écriture à leur 
usage, il ne nous en est rien parvenu. On ne possède 
rien non plus des anciennes versions du Nouveau Tes- 
tament, qui ont dû être faites d'assez bonne heure, 
puisque le christianisme se répandit en Perse dès les 
premiers siècles. Saint Jean Chrysostome, Hom. il, % 
in Joa., t. lix, col. 32, dit expressément que de son 
temps l'Évangile de saint Jean était traduit en persan, 
et Théodoretde Cyr, Grsec. affect. curât., IX, t. lxxxiii, 
col. 1045, dit que les Perses « vénèrent les écrits de 
Pierre, de Paul, de Jean, de Matthieu, de Luc et de 
Marc, comme venant du ciel, » ce qui semble indiquer 
qu'ils étaient traduits en leur langue. De toutes ces 
versions primitives, rien n'a survécu. 

2" Le Pentateuque. — Maimonide parle d'une 
traduction persane du Pentateuque antérieure à Maho- 
met. L. Zunz, Die gottesdienstlichen Vortràge der 
Juden historisch entwickelt, Berlin, 1832, p. 9. Celle 
que nous possédons est bien moins ancienne. Elle a été 
imprimée pour la première fois à Constantinople en 
1546, en caractères hébreux, et réimprimée, en carac- 
tères perses, dans la quatrième partie de la Polyglotte 
de Walton. Elle a pour auteur Rabbi Jacob ben- Joseph 
Taous (« le Paon »), qui vivait à Constantinople dans 
la première moitié du xvi B siècle. Quelques critiques 



147 



PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



448 



ont voulu la faire remonter plus haut, mais il est 
impossible de lui donner une origine antéislamique, 
parce qu'elle est écrite en néo-perse et abonde en 
mots arabes, ce qui ne se rencontre que dans les 
livres écrits depuis la conversion de la Perse au maho- 
métisme. De plus, Babel, Gen., x, 10, est traduit par 
« Bagdad i ; or Bagdad ne fut bâtie qu'en 763 (l'an 
145 de l'Hégire). A. Kohut, Kritische Beleuchtung der 
persischen Pentateuch-Uebersetzung des Jacob Ben- 
Joseph Tavus unter stetiger Rûcksichtsname auf die 
àltesten Bibelversionen, in-8», Leipzig et Heidelberg, 
1871, de même que Lorsbach, dans le Ienaer AU. Lit. 
Zeitung, 1816, n, 58; Zunz, dans Geiger Wissenschaft- 
liche Zeitschrift, 1839, t. iv, p. 391, et Munk, Notice 
sur Rabbi Saadia Gaon, Paris, 1838, p. 62-87, s'ac- 
cordent à faire naître R. Jacob vers 1510. La traduc- 
tion, faite sur l'hébreu, est d'une littéralité excessive : 
Taous évite les anthropomorphismes et emploie des 
euphémiswes; il se sert du Targum d'Oiikelos et de la 
version arabe de Saadia, des commentaires de Kimchi 
et d'Aben Ezra ; dans plusieurs passages, il laisse 
l'hébreu sans le traduire. Gen., vu, 11; xn, 6, 8, etc.; 
Exod., m, 14; xvn, 7; Num. xxi, 28, etc., Deut., m, 
10, etc. Son œuvre a peu de valeur critique. « L'auteur 
de cette traduction, étant juif, dil Richard Simon, Hi'st. 
critique du vieux Testant., p. 307, a affecté partout 
les hébraïsmes, et c'est ce qui fait qu'elle ne peut 
pas être d'un grand usage, si ce n'est dans les 
synagogues des Juifs de Perse. » 

3° Manuscrits de diverses traductions persanes de 
livres de l'Ancien Testament. — \\ existe en manuscrit 
des traductions persanes de plusieurs livres de l'Ancien 
Testament. La Bibliothèque nationale de Paris en possède 
plusieurs. Le Catalogue des manuscrits Mfcreua:, Paris, 
in-4°, 186 1 ), signale les suivants (cf. Catalogus codicum 
manuscriptorum Bibliothecœ regix, in-f°, t. î, Paris, 
1739, Codices hebraici, p. 4-5) : — N° 70 (ancien 34), 
Genèse et Exode, renfermant l'hébreu original et, après 
chaque verset, la version persane, de même que le 
n° 71 (ancien 35) qui contient le Lévitique, les Nombres 
et le Deutéronome, Cette version persane, écrite en 
caractères hébreux, reproduit la paraphrase chaldaïque 
d'Onkelos; elle est différente de celle qui a été impri- 
mée dans la Polyglotte de Constanlinople et dans le 
t. vi de la Polyglotte de Walton. — N» 90 (ancien 38), 
Josué, les Juges, Ruth, Esdras etNéhémie, en caractères 
hébreux. Traduction très littérale sur l'hébreu. Écrit en 
1601. — N» 91 (ancien 39). Livres de Samuel, des Rois 
et des Paralipomènes, en caractères hébreux. Écrit 
dans la ville de Lâr, comme le précédent, en 1601. — 
N° 97 {ancien 44). Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, en carac- 
tères hébreux. Ézéchiel s'arrête au ch. x, 4. La version 
est faite sur le texte massorétique, d'après la paraphrase 
chaldaïque de Jonathan. Écrit au commencement du 
xvi e siècle. — N° 100 (ancien 25). Jérémie, en carac- 
tères hébreux. La version est très différente de celle du 
n° 97; elle a été faite sur la paraphrase chaldaïque. — 
N« 101 (ancien 47). Lamentations et les douze petits 
prophètes, en caractères hébreux. Traduction faite sur 
le texte hébreu, mais avec de nombreux contre-sens. — 
N»- 116 (ancien 43). Proverbes, Cantique des Can-, 
tiques, Ruth, Ecclésiaste, Esther, texte hébreu ponctué 
accompagné verset par verset de la traduction persane, 
faite sur l'hébreu et écrite en caractères hébreux. — 
N° 117 (ancien 113). Proverbes, Ecclésiaste et Cantique 
avec traduction persane, suivant verset par verset, 
l'hébreu qui est ponctué. Elle est écrite en caractères 
hébreux. En général, elle s'accorde avec celle du 
n° 116, mais avec beaucoup de variantes. C'est le ma- 
nuscrit dont s'est occupé Hassler, dans les Theolo- 
gische Studien und Kritihen, 1829, p. 469-480. — 
N° 118 (ancien 40). Job et les Lamentations, texte 
hébreu ponctué avec traduction persane, verset par 



verset, en caractères hébreux. — N» 1S0 (ancien 42). 
Job, du même traducteur, mais avec de nombreuses va- 
riantes. Hébreu et persan comme au n° 118. — N° 132 
(ancien 41). Job (incomplet). La traduction est presque 
toujours d'accord avec la précédente. — N° 121 (ancien 
224), Esther, texte hébreu ponctué, suivi verset par 
verset de la traduction persane, en caractères hébreux. 
En tête du manuscrit se trouve un calendrier litur- 
gique qui finit à l'année 1523. — N° 128 (ancien 45). 
Daniel, avec une histoire apocryphe de ce prophète 
(cette histoire a été publiée en caractères hébreux avec 
une traduction allemande par Zotenberg, dans Ad. Merx, 
Archiv fur wissénschaftliche Erforschung des Alten 
Testamentes, 1869, t. i, p. 385-427. — N° 129 (ancien 
46). Daniel. Cette version s'accorde avec celle dun°128. 
— N° 130 (ancien 236). Livres deutérocanoniques, en 
caractères hébreux. La traduction de Tobie est faite 
d'après le texte hébreu publié pour la première fois à 
Constantinople en 1516 et reproduit dans le t. îv de la 
Polyglotte de Londres. Judith est traduit d'après le texte 
hébreu publié à Venise vers 1650, Bel et le dragon, 
d'après l'hébreu contenu dans le même volume où se 
trouve l'hébreu de Judith. 

Parmi les manuscrits persans, écrits en persan, la 
Bibliothèque nationale, Catalogue des manuscrits per- 
sans de la Bibliothèque nationale de Paris, in-8°, 
1905, possède les traductions suivantes de livres de 
l'Ancien Testament : N° 1. Une traduction persane des 
Psaumes, d'origine juive, copiée en 1316 sur un manus- 
crit judéo-persan du Làr, avec les variantes de deux 
autres manuscrits. — N° 2. Proverbes, Ecclésiaste, Can- 
tique des Cantiques, Esther, Ruth. Écrit à Agra en 1604 
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 3. Proverbes, 
Ecclésiaste, Cantique des Cantiques, Esther (non achevé). 
La traduction est la même que la précédente, avec 
quelques variantes. — N° 4. Isaïe, Jérémie, Lamentations 
(deux versions), Baruch. Copié en 1606 à Hamadan 
d'après un manuscrit judéo-persan. — N° 5. Judith, 
traduit sur la Vulgate, par le P. Gabriel, capucin (com- 
mencement du xvn» siècle). 

La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg pos- 
sède aussi plusieurs versions persanes qui faisaient 
partie de la collection du karaïte Abraham Firkowitz 
et de la société d'Odessa. Cf. A. Harkavy et H. L. Strack, 
Catalog der hebraïschen Bibel-Handschriften in 
St-Petersburg, in-8°, Saint-Pétersbourg et Leipzig, 
1875. — N» 139. Petits prophètes, contenant Michée, 
i, 13, jusqu'à Malachie, m, 2. — N° 140. Haphtaroth, 
en hébreu ponctué, avec la traduction persane; la ver- 
sion persane est écrite en caractères arabes.— N° 141. 
Pentateuque hébreu et persan. L'hébreu est ponctué, 
mais d'une. façon particulière. La version est écrite en 
petits caractères et suit l'original verset par verset, 
mais elle est très différente de la version de R. Jacob 
Taous. — N» 142. Fragments de Job. 

Walton, dans les Prolégomènes de sa Polyglotte, xvi, 
9, p. 694. mentionne deux Psautiers manuscrits traduits 
sur la Vulgate. 

La bibliothèque du British Muséum à Londres pos- 
sède (voir Margoliouth, Catalogue of the Hebrew and 
Samaritan tnanuscripts in the British Muséum, in-4°, 
Londres, part. I, 1899) : N° 159, version persane des 
Psaumes par Baba ben Nurial, faite à Ispahan vers 
1740, par ordre de Nadir Chah. Cette traduction est 
précédée du texte hébreu du Pentateuque et suivie de 
divers poèmes en caractères persans rabbiniques. — 
N° 160, même version persane des Psaumes. Carac- 
tères rabbiniques persans du xvin 9 ou xix e siècle. 

La Bibliothèque bodléienne d'Oxford possède trois 
exemplaires (N» s 1827-1829) de la traduction persane 
des Psaumes faite par un religieux portugais, le P. Juan, 
1610; deux exemplaires (un incomplet) d'une autre 
traduction différente des Psaumes (N» s 1830-1831); 



149 



PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE — . PERSE 



150 



une traduction de Judith, d'après la "Vulgate (N° 1833). 

4° Traductions persanes des Évangiles. — 1. Impri- 
mées. — Xes chrétiens des provinces occidentales de 
la Perse, se rattachant à l'Eglise syriaque, se servirent 
d'abord de la Peschito. Aussi une des premières traduc- 
tions des Évangiles qui fut faite en persan dérive-t-elle 
de la Peschito. Elle a été publiée dans la Polyglotte de 
Walton, d'après un manuscrit appartenant à Pococke et 
écrit en 1341, avec une traduction latine de Sam. Clericus 
et de Thom. Grovius. La traduction latine a été réimpri- 
mée par Bode, in-4°, Helmstadt, 1751, avec une préface 
historique et littéraire. Une seconde traduction des 
Evangiles, faite sur le texte grec, fut publiée d'après deux 
manuscrits, l'un de Cambridge, l'autre d'Oxford; avec 
les variantes du manuscrit de Pococke traduit d'après 
la Peschito, p"ar un professeur arabe de Cambridge, 
Abraham Wheloc, et parPierson. Quatuor Evangeliorum 
versio persica, in-f°, Londres, 1652-1657. Elle est accom- 
pagnée d'une traduction latine. — Nadir Schah fit faire 
en 1740, par les jésuites ûuhan et Desvignes, une nou- 
velle traduction persane des quatre Évangiles, qui a été 
publiée par Dorn à Saint-Pétersbourg en 1848. Voir 
Dorn, dans Hall. Allg. Literaiurzeitung, 1848, t. n, 
p. 464. — Colebrooke a fait imprimer à Calcutta en 1804 
une version des Évangiles. De même L. Sebastiani à 
Sérampore en 1812. H. Martyn a éditée Londres en 1821 
The New Testament, translated from the (jcreek into 
Persian. — La société biblique a publié depuis diverses 
traductions persanes complètes ou partielles des Écri- 
tures. 

2. Manuscrites. — Le fonds persan de la Bibliothèque 
nationale de Paris contient les manuscrits suivants : 
N° 6. LesquatreÉvangiles. Traduction anonyme, copiée 
en 1756. — N° 7. Traduction des quatre Évangiles, 
dont il est parlé plus haut, faites par des missionnaires, 
et des docteurs arméniens sur la Vulgate par l'ordre 
qu'en donna le roi de Perse Nadir Schah, en 1736. Copie 
de l'original, faite par les soins de P. Lagarde (f 1750). 
— N° 8. Autre traduction des Évangiles; faite sur le grec, 
écrite pour le roi Louis XIII en 1616, par un mission- 
naire franfais. — N° 9. Même traduction avec quelques 
légères divergences. Écrite en 1631. — N° 10. Évangile 
de saint Matthieu. Copié sur un très ancien manuscrit du 
Vatican. Cette version se rapproche beaucoup de celle 
qui est contenue dans le n° 9. - N° W. Autre copie 
(incomplète) de l'Évangile de saint Matthieu, faite sur 
le manuscrit précédent. — N" 13. Évangéliaire pour le 
commun du temps. Copié en 1374. 

La Bibliothèque bodléienne possède le Nouveau Tes- 
tament traduit par le R. H. Martin, deux exemplaires 
(N» s 1833-1834) et plusieurs traductions plus ou moins 
complètes des Évangiles (N os 1835-1840). Voir Sachau et 
Ethè, Catalogue of the Persian manuscripts in the 
Bodleian Library, in-4», Oxford, 1889, col. 1050-1056. 

La Bibliothèque de Berlin possède le manuscrit d'une 
traduction persane de l'Évangile de saint Matthieu 
(N° 1096) qui est pour le fond la même que celle qui 
a été publiée à Londres par Whelock, in-f», 1657. Le 
N" 1097 contient entre autres choses la traduction des 
douze premiers chapitres de saint Matthieu, faite en 
1799. Voir W. Pertsch, Verzeichniss der persischen 
Handschrifien, t. iv des Handschriften Verzeichnisse 
der k. Bibliothek zu Berlin, in-4°, Berlin, 1888, 
p. 1043-1045. 

Voir Rosenmûller, De versione Pentateuchi persica 
comment., in-4», Leipzig, 1813 ; J. Fûrst, Bibliotheca 
judaica, t. m, p. 453; J. M c Clintock et J. Strong, Cyclo- 
pxdia of Biblical Literature, t. vu, New-York, 1889, 
p. 984 ; The Bible of every Land, in-4», Londres, 1860, 
p. 64-71. F. Vigouroux. 

PERSE (hébreu; Paras; Septante : Ilepat;; Vul- 
gate : Persis), contrée d'Asie. Le nom de la Perse est, 



dans les inscriptions cunéiformes, Pârça, en perse, 
Pars et Fdrs, en arabe, Fâris. 

I. Géographie. — La Perse proprement dite (fig. 26) 
occupait primitivement la partie la plus méridionale de 
la grande chaîne de montagnes qui s'étend de la mer 
Noire au golfe Persique tout le long de la rive gauche 
du Tigre. Le pays était borné au sud et au sud-ouest 
par le golfe Persique, au nord-ouest et au nord par la 
Susiane et la Médie, à l'est par de grands déserts. La 
région qui avoisine la mer se compose de bancs d'ar- 
gile et de sable parallèles au rivage; elle a été modi- 
fiée sur plusieurs points par le travail des alluvions. 
Le sol est tantôt marécageux, tantôt rocheux et mal 
arrosé, partout malsain, et stérile. Cf. Pline, H. N., xn, 
20. Au delà, plusieurs chaînes de hauteurs s'élèvent 
graduellement l'une derrière l'autre, dans toute la 
longueur du pays, pour atteindre le plateau. Cette 
région moyenne est ordinairement boisée et fertile en 
céréales, sauf dans plusieurs cantons du nord et de 
l'est. Cf. Strabon, xv, 727. Quelques rivières seulement, 
l'Oroatis, l'Araxès, le Bagradas, parviennent à traver- 
ser les hauteurs et les sables et à se jeter dans le golfe. 
D'autres n'ont pas d'écoulement; leurs eaux forment 
au fond des vallées des lacs dont le niveau varie avec 
les saisons. La partie montagneuse se découpe en pics 
aigus, couverts de neige, séparés par des ravins aux 
parois presque verticales, au fond desquels se préci- 
pitent de furieux torrents. Le sommet le plus élevé, le 

Kouh-i-Dina, au nord, atteint 5200™; au sud, le 
Djebel Boukoun monte jusqu'à 3230" 1 . 

Sur le haut plateau, le climat se ressent de la séche- 
resse du sol et de l'absence de rivières. La pureté de 
l'atmosphère est telle qu'on peut distinguer à l'œil nu 
les satellittes de Jupiter; la planète elle-même y jette 
de si vifs rayons qu'elle porte une ombre très nette sur 
une surface claire. On s'explique ainsi le goût des 
anciens mages pour l'observation des astres et le culte 
qu'ils rendaient à certains d'entre eux. Voir Mage, 
t. îv, col. 544. Par contre, comme cette pureté de 
l'atmosphère n'oppose aucun obstacle aux rayons 
salaires et au rayonnement nocturne, on peut passer, 
en moins de quelques heures, de 7 à 62 degrés centi- 
grades. En hiver, avec des tourbillons de neige, la 
température peut descendre à — 30°. 

La race était endurcie à la fatigue par la vie dans la 
montagne. Élancés et robustes, la tête fine sous leur 
épaisse chevelure et leur barbe bouclée (fig. 27), les 
Perses étaient intelligents et passionnés pour la guerre. 
Plusieurs tribus se partageaient le pays : les Pasa- 
gardes, les Maraphiens et les Maspiens, qui exerçaient 
la prépondérance, les Panthialéens, les Dérousiéens et 
les Carmanes, qui menaient la vie sédentaire, les 
Daens, les Mardes, les Dropiques et les Sagartiens, 
qui préféraient l'état nomade. De gros villages avaient 
été bâtis sur le bord de la mer, Armouza, Sisidôna, 
Apostana, Gogana et Taôkê, ce dernier possédant un 
palais royal. Cf. Hérodote, i, 125; Néarque, dans 
Arrien, Hist. indic, xxxvn, 5, 7, 8; xxxix, 3; Strabon, 
XV, m, 3. A l'intérieur s'élevaient les villes de Carma- 
na, au nord-est, cf. Ptolémée, vi, 8, de Gaboe, au nord, 
avec un palais, cf. Plotémêe, vi, 4; Strabon, XV, m, 
3, de Persépolis et de Pasagardes, au centre du pays. 
Cf. E. Reclus, Géographie universelle, t. ix, p. 168-187; 
Maspero, Histoire ancienne, t. m, p. 456-459. 

II. Histoire. — Les Perses ne sont pas nommés dans 
la table ethnographique, mais ils étaient, comme les 
Mèdes, japhétites et de race iranienne. Gen., x, 2. Pri- 
mitivement confinés dans leurs vallées ardues, ils 
avaient dû s'étendre au nord-ouest aux dépens de 
l'Élam, au moment où ce pays avait été affaibli par la 
puissance assyrienne. Voir Élam, t. n, col. 1638. Ils 
élisaient leurs rois dans la famille d'un de leurs chefs 
primitifs, Akhâmanisch, l'Akhéménès des Grecs, dont 



151 



PERSE 



152 



la légende s'est emparée. Cf. Élien, Var. hist., xn, 21. 
Tchaispi oa Téispès, son successeur et peut-être son 
fiis, profita de la ruine de Suse par Assurbanipal pour 
s'emparer de la partie orientale de l'Élam. C'était le 
pays d'Ansân, et lui-même prit dès lors le titre de roi 
■d'Ansân, Cf. Hérodote, vu, 11, et l'inscription de Bé- 
histoun, col. i, lig. 5, 6. Ce titre est attribué à Cyrus 
et à ses trois prédécesseurs par les monuments babylo- 
niens de Cyrus, Cylindre, lig. 20, 21, dans les Bei- 
tràge zur Assyriologie, t. n, p. 20, 21, d'où l'on con- 
clut que la conquête du pays d'Ansân est bien l'œuvre 
de. Téispès, et qu'il n'existe pas de lacune dans la série 
chronologique entre ce dernier et Akhéménès. 

Phraorte, roi des Médes (647-625), qui songeait à 



lig. 18. Dans la Bible, Daniel parle toujours des Mèdes 
et des Perses, Dan., v, 28; vi, 8, 12, 15; le livre d'Esther, 
I, 3, 14, 18, 19, nomme au contraire les Perses et les 
Mèdes, sauf dans nn endroit où il est question du livre 
des rois de Médie et de Perse, Ksth., x, 2, qui conte- 
nait les annales du royaume commencées sous les 
anciens rois. Voir Cyrus, t. il, col. 1191-1194. — Les 
rois de Perse se succédèrent dans l'ordre suivant, 
jusqu'à la conquête d'Alexandre le Grand : 

Cyrus 550 Artaxerxès I" 465 

Cambyse 529 Darius II 424 

Smerdis le Mage. . . . 522 Artaxerxès II Mnémon . 405 

Darius I" ...... . 521 Artaxerxès in Ochus . . 359 

Xerxes I" ...... . 435 Darius m Codoman 336 




26. 



Carte de la Perse. 



l'attaque de l'Assyrie, commença par s'annexer ses voi- 
sins, et soumit les Perses, dont les princes devinrent 
■désormais vassaux de la Médie. Cf. Hérodote, 1, 102. 
Il fut vaincu et périt dans son attaque contre les Assy- 
riens. Son fils Cyaxare (624-585), pour s'assurer la vic- 
toire, réorganisa son armée, composée de Mèdes et de 
Perses. Cf. Hérodote, vu, 62. Ces derniers prirent part 
à la lutte contre Assurbanipal, à la prise de Ninive, 
et aux diverses campagnes du roi des Mèdes. Voir 
Médie, t. iv, col. 919. 

A Téispès avait succédé Cambyse, et à Cambyse son 
fils Cyrus, vers 559. Celui-ci pensa que les Perses, au- 
trefois dominés par les Mèdes, pouvaient et devaient à 
leur tour exercer la souveraineté dans l'empire médo- 
perse. En 553, il se révolta contre Astyage, fils et suc- 
cesseur de Cyaxare ; il le défit, s'empara d'Ecbatane et 
substitua une administration perse au gouvernement 
mède. L'empire n'était pas changé estépieurement; 
mais tandis que les rois précédents avaient été les chefs 
des Mèdes et des Perses, Cyrus et ses successeurs 
furent rois des Perses et des Mèdes. Voir l'inscription 
de Béhistoun, col. 1, lig. 34, 35, 40, 41, 46, 47; col. H, 



Sur ces rois, voir Médie, t. iv, col. 920; Cambyse, 
t. 11, col. 89; Darius I«, col. 1299; Assuérus (Xerxès 
I er ), t. 1, col. 1141; Artaxerxès I w , col. 1039; Darius H, 
1. 11, col. 1306; Artaxerxès II, 1. 1, col. 1042; Darius III, 
t. 11, col. 1306. — Alexandre le Grand, roi de Macé- 
doine, conquit l'empire des Perses en 331 . Voir Alexan- 
dre le Grand, t. I, col. 345. Après sa mort, la Perse 
fit partie du royaume de Syrie, gouverné par les Séleu- 
cides. Voir Syrie. Mais ensuite les rois Parthes la 
disputèrent à ces derniers et Arsace VI finit par s'en 
emparer en 138. Voir Arsace, t. 1, col. 1034. Les Arsa- 
cides y régnèrent jusqu'en 226 après J.-C. 

III. Mœurs et coutumes des Perses. — Hérodote, 1, 
131-140, fournit quelques détails sur la manière de 
vivre des Perses. Les Perses pratiquaient la polygamie, 
épousant plusieurs femmes et ayant en outre des 
concubines en grand nombre. Ils se faisaient gloire 
d'avoir beaucoup d'enfants; mais les hommes ne s'en 
occupaient qu'à l'âge de cinq ans; jusqu'à vingt, ils 
leur apprenaient à monter à cheval, à tirer de l'arc et 
à dire la vérité. Assez sobres du côté de la nourriture, 
ils l'étaient beaucoup moins dans l'usage du vin et 



153 



PERSE 



154 



s'enivraient à tout propos, même quand il s'agissait de 
délibérer sur des choses sérieuses. Les grands festins 
donnés par Xerxès I" répondaient parfaitement au 
goût de ses sujets. Le vin royal y était servi en abon- 
dance. Esth., i, 5-11. Le texte sacré remarque que « le 
vin avait mis la joie au cœur du roi, » et, s'il observe 
que « chacun buvait sans que personne lui fît violence, « 
c'est que sans doute l'utilité de cette violence ne se 
faisait nullement sentir. Curieux des usages de l'étran- 
ger, ils adoptaient tout ce qui pouvait contribuer à 
leurs plaisirs. Aussi leurs mœurs s'efféminèrent au 
point que, malgré leur nombre et leurs ressources, ils 
furent incapables de tenir tête aux Grecs. S'estimant 
eux-mêmes au-dessus de tous les autres peuples, ils 
méprisaient ces derniers à proportion de leur éloigne- 
raient. On s'explique ainsi qu'ils se soient montrés si 
outrés de la conduite des Grecs à leur égard et se 
soient imaginé qu'ils les réduiraient aisément. 
Leur législation ne permettait à personne, pas même 




27. — Perses de Persépolis. 
D'après G. Rawlinson, The flve great Monarchies, t. v,p. 179, 191. 

au roi, de faire mourir un homme pour un seul crime. 
Le mensonge leur était odieux et ils trouvaient hon- 
teux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques 
de respect proportionnées à la condition de chacun. Us 
ne pouvaient supporter les lépreux, dont ils attribuaient 
la maladie à un péché commis contre le soleil. Cf. 
Ctésias, Res persic, 41. On sait par la Bible, Dan., vi, 
8; Esth., vm, 8, qu'un décret signé de l'anneau royal 
était irrévocable, et que, pour l'empêcher d'avoir son 
effet, il fallait un autre décret qui rendit le premier 
impraticable. Esth., vm, 10, 11. Cf. I Esd., vi, 11. Hé- 
rodote, ix, 108, 110, montre Xerxès se refusant à révo- 
quer une parole donnée, malgré le plus grave incon- 
vénient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de 
refuser les grâces qu'on lui demande le jour du festin 
royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir Anga- 
rier, t. i, col. 575. Les archives du royaume étaient 
tenues avec grand soin. I Esd., IV, 15, 19; Esth., vi, 1 ; 
x, 2. Sur l'écriture perse, voir Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 137-146. Sur 
la monnaie, voir Darique, t. Il, col. 1294. Sur l'àdmi- 
nistration.provinciale, voir Satrape. 

Les rois perses tenaient à habiter dans de magni- 
fiques palais. Le site austère de l'antique Pasargades et 
la simplicité de la demeure royale de Cyrus ne conve- 



naient plus à leurs goûts raffinés. Ils s'y rendaient 
pour ceindre la couronne, après la mort de leur pré- 
décesseur, cf. Plutarque, Artaxerxes, 3, mais ils n'y 
demeuraient pas. Darius I= r préféra le séjour de Persé- 
polis; il développa la ville, y éleva de splendides bâti- 
ments et tint même à ce que son tombeau fût creusé 
dans les rochers à pic des environs, où plusieurs de 
ses successeurs vinrent le rejoindre (fig. 28). Cf. 
M. Dieulafoy, L'art antique de la Perse, t. n, pi. x ; 
flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir 
Persépolis. Xerxès I er agrandit et orna le palais de 
Persépolis. Artaxerxes I er préféra Suse. Il y édifia un 
palais plus vaste que tout ce qu'on avait fait jusqu'alors. 
Cf. Dieulafoy, L'acropole de Suse, p. 274-358. 

Les rois perses recevaient leurs vassaux et les am- 
bassadeurs étrangers sur leur trône d'or, au fond de 
leur apadana ou salle de réception. Voir Palais, t. iv, 
col. 1972. On ne les apercevait qu'un instant. Ils por- 
taient une robe de pourpre avec des broderies d'or. 
Plutarque, Artaxerxes, 24, estime un de ces vêtements 
à 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette 
bleue et blanche formait diadème autour de la kidaris 
du roi. On ne l'entrevoyait lui-même qu'à l'ombre d'un 
parasol et au vent d'un chassernouches. Il ne parais- 
sait d'ailleurs en public qu'à cheval ou sur son char, 
entouré de sa garde. Les hommes de sa famille et des 
six anciennes familles princières pouvaient l'aborder à 
toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14. 
Une lettre d'Artaxerxès à Esdras mentionne ces sept 
conseillers. I Esd., vu, 14. Ce droit conféré à six fa- 
milles venait de ce que sept Perses s'étaient concertés 
pour tuer Smerdis le Mage et faire désigner l'un d'eux 
pour roi, à condition que chacun des six autres aurait 
toujours libre accès auprès de l'élu et que celui-ci ne 
pourrait prendre femme que dans la famille de ses 
compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la conven- 
tion fut observée. Hérodote, m, 76,84. La fréquentation 
de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occu- 
paient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, His- 
toire ancienne, t. m, p. 736-746. 

Sur la religion des Perses, voir Mage, t. iv, col. 544; 
Médie, col. 921; Michel, col. 1069. Il ne faut pas juger 
de cette religion, à l'époque des Achéménides, par la 
forme systématique et philosophique qui lui a été im- 
posée par Zoroastre ou les réformateurs désignés sous 
ce nom, et n'a triomphé que bien des siècles plus tard. 
D'après Hérodote, I, 131, 132, les Perses ne représen- 
taient pas les dieux; mais, sur le sommet des mon- 
tagnes, ils offraient des sacrifices à la divinité suprême, 
qui est le ciel, au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à 
l'eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la déesse 
Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu, 
et coupaient la victime par morceaux qu'ils faisaient 
bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours 
d'un mage, pour la prospérité du roi et celle de 
tous les Perses en général, et disposaient ensuite de la 
victime. 

Les Achéménides étaient certainement polythéistes. 
On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra, 
Anahata, et aussi Ahiïman, le principe du mal concré- 
tisé pour eux sous forme du dieu malfaisant. C'est 
parce que les fourmis, les serpents et d'autres reptiles 
ou volatiles étaient l'œuvre de ce dieu, que les mages 
les tuaient de leurs propres mains. Hérodote, 1, 140. 
Les Perses croyaient à la survivance de l'âme. Après la 
mort, l'âme se trouvait exposée à des dangers, contre 
lesquels les vivants pouvaient la défendre par des sa- 
crifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces 
dangers se spécialisèrent dans un jugement subi sur 
le pont Cinvât, et à la suite duquel les âmes étaient 
envoyées au bonheur, ou à l'enfer, ou à un état inter- 
médiaire. A la fin du monde, tous ressuscitent, 
subissent une nouvelle épreuve qui purifie les pécheurs 



155 



PERSE 



156 



et arrivent enfin à être sauvés, à l'exception d'Ahriman 
et de quelques autres. 

Les Perses connaissaient aussi certains cas d'impu- 
reté; il leur était défendu de souiller l'eau, parce que 
l'impureté se communique surtout par elle. Ils ne vou- 
laient pas non plus souiller la terre avec le contact des 
cadavres. Ils laissaient dévorer ceux-ci par les oiseaux 
et les chiens, ou ne les inhumaient qu'enduits de cire 
pour empêcher le contact, cf. Hérodote, i, 140, et plus 
tard les déposaient dans les tours du silence. Ces pra- 
tiques se conciliaient avec leur foi à la résurrection. 
^On a souvent cherché à établir des relations d'influence 
réciproque ou de dépendance sur certains points entre 
la religion des Perses et celle d'Israël. Ces relations 
sont difficiles à préciser et surtout à justifier. « En 
fait, presque tous les points où l'on croit voir des rap- 
ports étroits, même la résurrection, appartiennent 
selon nous à la réforme. Que si l'on compare le judaïsme 



tions a quelque lieu d'étonner, surtout dans le premier 
passage. Les Lydiens d'Asie Mineure et les Libyens du 
nord de l'Afrique étaient en communication facile avec 
Tyr par mer. Les Perses au contraire auraient eu à 
traverser là" Médie, la Babylonie et la Syrie pour 
atteindre cette ville. Aussi se pourrait-il que le mot 
paras désignât, dans le premier texte, les Pharusiens, 
de l'île de Pharos, à l'embouchure du Nil, qui étaient 
d'excellents archers. Dans le second texte, il s'agit 
d'une armée idéale, dans laquelle la présence des 
Perses étonne moins à côté des Scythes, des Armé- 
niens, des Ethiopiens et des Libyens. Pourtant, comme 
les Perses sont associés à ces deux derniers peuples 
africains, on peut douter qu'ici encore paras désigne 
la Perse. 

3» Daniel, v, 28, annonça à Baltasar que son royaume 
allait être donné aux Mèdes et aux Perses. La nuit même, 
Cyrus prit la ville. Le prophète se trouva ensuite en 




28. — Vue des ruines de Persépolis. D'après F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 102. 



à la réforme elle même, l'influence des Perses ne sau- 
rait être antérieure aux environs de l'an 150 avant J.-C. 
Or il est constant qu'à cette époque le judaïsme était 
déjà dans une fermentation extraordinaire, en possession 
de toutes les idées qu'on dit empruntées au mazdéisme. » 
Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 45, 46. 

IV. Les Perses dxns la Bible. — 1» Dans son cantique 
de victoire, Judith dit que « les Perses ont frémi de sa 
vaillance et les Mèdes de son audace. » Judith, xvi, 12. 
Les faits racontés dans le livre de Judith doivent se pla- 
cer vraisemblablement sous les règnes d'Assurbanipal. 
en Assyrie, et de Manassé, en Juda. Voir t. m, col. 1830, 
A cette époque, Phraorte, roi des Mèdes, s'apprêtait à 
entrer en campagne contre le monarque assyrien. 
Judith parle donc des Perses et des Mèdes, non comme 
de vassaux, mais comme de rivaux des Assyriens. Elle 
nomme ceux-ci au troisième rang, les Mèdes au second 
et les Perses au premier, ce qui donnerait à penser que 
le cantique a été composé à une époque où l'Assyrie 
avait été soumise par les Mèdes et où ceux-ci subissaient 
la domination des Perses. 

2° Ezéchiel, xxvu, 10, dit que les Perses, les Lydiens et 
les Libyens servaient dans l'armée de Tyr et étaient ses 
hommes de guerre. Ailleurs, xxxvm, 5, il met dans 
l'armée de Gog des Perses, des Éthiopiens et des 
Libyens. La présence des Perses dans ces énuméra- 



rapport avec Darius le Mède, qui gouvernait la Babylo- 
nie au nom de Cyrus le Perse, mais d'après la loi des 
Mèdes et des Perses, plusieurs fois invoquée. Dan., vi, 
8, 12, 15, 28. Voir Darius le Mède, t. h, col. 1298. — 
Dans une de ses visions « pour le temps de la fin, » 
c'est-à-dire ici pour le temps qui doit aboutir à l'époque 
messianique, le prophète voit successivement un bélier 
à deux cornes, qui figure l'empire des Mèdes et des 
Perses, et un bouc velu, qui figure la monarchie 
grecque. Dan., vm, 20-22. — La troisième année de 
Cyrus, roi de Perse, le prophète a une autre vision sur 
les destinées du peuple d'Israël. Cette vision a lieu 
deux ans après l'édit qui a autorisé le retour des Israé- 
lites en Palestine. I Esd., i, 1-3, Daniel n'a pas profité 
de l'autorisation et la plupart des exilés sont demeurés 
volontairement en Babylonie. L'ange qui lui apparaît 
lui dit : < Le chef du royaume de Perse m'a résisté 
vingt et un jours, et Michel, un des premiers chefs, est 
venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des 
rois de Perse. » Dan., x, 13. L'ange 'qui parle au pro- 
phète est probablement Gabriel, qui s'était déjà montré 
à lui. Dan., IX, 21. Le chef du royaume de Perse n'est 
pas un homme, mais un sar, comme Michel, tandis que 
les rois sont appelés malké Paras. S'il résiste vingt et 
un jours, c'est qu'il souhaite que tous les Israélites ne 
quittent pas le royaume de Perse, où leur présence est 



157 



PERSE — . PERSÉPOLIS 



158 



avantageuse. Michel, qui est le protecteur du peuple de 
Dieu, vient cependant en aide au premier ange pour 
faire cesser l'opposition de l'ange des Perses. Voir 
Michel, t. iv, col. 1068-1069. Cf. Rosenmûller, Daniel, 
Leipzig, 1832, p. 348-351. L'ange révèle ensuite au pro- 
phète les destinées de la Perse : « Il y aura encore 
trois rois en Perse; le quatrième posssèdera de plus 
grandes richesses que tous les autres, et quand il sera 
puissant par ses richesses, il soulèvera tout contre le 
royaume de Javan. Et il s'élèvera un roi vaillant, qui 
aura une grande puissance et fera ce qui lui plaira... » 
Dan., xi, 2, 3. Ces trois rois qui doivent suivre Cyrus 
sont Cambyse, Darius I er et Xerxès I er , en négligeant 
l'éphémère Smerdis. Le quatrième, à partir de Cyrus, 
est Xerxès I er , puissant par ses richesses et qui mit 
tout en mouvement contre la Grèce. Les cinq autres 
rois ne sont pas nommés dans la prophétie; mais avec 
eux la Perse perdit peu à peu de sa puissance. Deux 
grands princes sont surtout mis en relief : Xerxès I €r 
qui alla porter le défi aux Grecs jusque chez eux, 
Alexandre le Grand qui releva le défi au cœur même de 
l'empire perse. Voir Daniel, t. h, col. 1275. 

4» La délivrance des Israélites exilés fut l'œuvre de 
Cyrus, roi de Perse, dès la première année de son 
arrivée au pouvoir souverain. II Par., xxxvi, 22, 23; 
I Esd., 1-11. Le livre d'Esdras raconte ensuite ce qui 
. fut fait par les rois de Perse au sujet des Juifs : l'au- 
torisation de rebâtir le Temple, I Esd., m, 7; îv, 3; 
les tentatives hostiles des ennemis des Juifs auprès de 
Xerxès et d'Artaxerxès, I Esd., îv, 7; la lettre d'Ar- 
taxerxès interdisant la restauration delà ville, I Esd., iv, 
18-22; l'édit de Darius confirmant l'autorisation donnée 
par Cyrus de rebâtir le Temple'et assignant des redevances 
pour les sacrifices, 1 Esd., \i, 6-12; le retour d'Esdras 
sous Arlaxerxès, I Esd., vil, 1-6, et, en général, la 
bienveillance dont firent preuve les rois de Perse. 

I Esd., ix, 9. Néhémie remplissait les fonctions d'échan- 
son auprès d'Artaxerxès, quand il obtint de revenir à 
Jérusalem pour en relever les murailles. II Esd., n, 
1-10. 

5° Tous les événements rapportés dans le livre d'Esther 
se passent à Suse et dans le royaume des Perses, sous 
le règne de Xerxès. Voir Assuérus, t. i, col. 1141; 
Esther, t. il, col. 1973; Mardochée, t. iv, col. 753. 

6° La victoire d'Alexandre le Grand sur Darius, roi des 
Perses et des Mèdes, est rappelée I Mach., i, 1. On 
raconte ensuite comment Néhémie, renvoyé en Judée 
par le roi de Perse, retrouva une eau épaisse à l'en- 
droit où l'on avait jadis caché le feu sacré, que cette 
eau, répandue sur le sacrifice, s'était enflammée, et que 
le roi de Perse, informé de l'événement, fit enclore le 
lieu où l'on avait trouvé l'eau et ainsi le rendit sacré. 

II Mach., i, 19-35. Voir Naphthar, col. 1597. — En 
Perse s'élevaient les temples que les deux rois Antio- 
chus III et Antiochus IV cherchèrent en vain à piller. 
I Mach., vi, 1-4; II Mach., i, 13-16; ix, 1,2; voir Nanée, 
t. iv, col. 1473. — Enfin, c'est de Perse que les Mages 
arrivèrent pour adorer l'enfant Jésus. Matth., il, 1-12. 
Voir Mage, t. iv, col. 543-545. — Les Perses ne sont 
pas nommés dans le Nouveau Testament, mais seule- 
ment les Mèdes. Act., h, 9. 

Bibliographie. — Hérodote, I; Xénophon, Anabasis, 
Hellenica, Cyropsedia ; J. Gilmore, Fragments of the 
Persika of Ctesias, in-8°, Londres, 1889; J. Malcolm, 
History of Persia from the earliest Ages to the pré- 
sent Times, 2 in-4°, Londres, 1815; B. Brisson, De 
regio Persarum principatu, 1691; in-8°, Strasbourg, 
1710; J. H. G. Kern, Spécimen historiarum continens 
scriptores grmcos de rébus persicis Achsemenidarurn 
monumenlis collatos, in-8°, - Liège (1855); M. Dieu- 
lafoy, L'art antique de la Perse, 2 in-f°, Paris, 
1884-1889; G. Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans 
l'antiquité, t. vi, Perse, 1890, p. 403-897; G. Rawlin- 



son, The five great monarchies of the anclent eastern 
World, fifth Monarchy, t. IV, 1867; G. W. Benjamin, 
Persia, in-12, Londres, 1388; F. Justi, Geschichte des 
alten Persiens, in-8°, Berlin, 1879; A. von Gutschmid, 
Geschichte Irans und seiner Nachbarlànder von 
Alexander dem Grossen bis zum Vntergang der Ar- 
saciden, in-8°, Tubingue, 1888; Ker Porter, Travels in 
Georgia, Persia, ivith numerous engravings, 2 in-4°, 
Londres, 1821-1828; Flandin et P. Coste, Voyage en 
Perse [Perse ancienne), Paris, texte, in-8°; planches, 
in-f», 1843-1854. H. Lesêtre. 

PERSÉE (grec : rispcrsOç), le dernier roi de Macédoine 
(fig. 29). La Vulgate l'appelle : Persen Cetœorum regem. 
Il succéda à Philippe V, qui passait pour son père, mais 
on ignore s'il était son fils légitime ou illégitime ou 
supposé (179 avant J. C). En 171, il fit la guerre avec 
plus de bravoure que de succès. Il la soutint d'abord 
habilement, mais en 168 il fut défait à Pydna, près de 
l'Azam actuel, sur la côte occidentale du golfe de 




29. — Monnaie de Persée, roi de Macédoine. 

Tête de Persée à droite, diadémée. — H). Dans une couronne* 
aigle éployé, tenant un foudre. Dans le champ : BAEi | AEQE 
iiep [ eeql et un monogramme. 

Salonique, par L. ^Emilius Paulus. Il se rendit, avec sa 
famille, à Samothrace, entre les mains du vainqueur 
qui l'emmena à Rome et le fit figurer à son triomphe. 
Avec lui finit le royaume de Macédoine. Après un court 
emprisonnement, il fut autorisé à se retirer à Albe où 
il mourut. Le bruit de sa défaite arriva jusqu'en Pales- 
tine et contribua à donner aux Juifs une haute idée 
de la puissance militaire des Romains. I Mach., vin, 5. 

PERSÉPOLIS (grec : UtpaiTïo\ii), une des capitales 
du royaume de Perse sous les Achéménides. Elle est 
nommée une fois, II Mach., ix, 2, d'après un grand 
nombre de commentateurs. Antiochus IV Épiphane, à 
court d'argent, tenta de piller le temple de cette ville, 
d'après ces commentateurs, mais les habitants le forcèrent 
à fuir honteusement. — Alexandre le Grand avait déjà 
mis le feu à Persépolis, lors de sa guerre contre les 
Perses, pour venger, dit-on, la prise d'Athènes par 
Xerxès. Clitarque, dans Athénée, sin, p. 576; Diodore 
de Sicile, XVII, lxxi,2,3; Lxxn,6;Plutarque,Atea;and v 
38; Quinte-Curce, v, 7, 3. D'après Diodore de Sicile, 
loc. cit., et quelques autres, Arrien, m, 18, 11; Pline, 
H. N., vi, 26, la ville entière aurait été la proie des 
flammes; d'après Strabon, XV, m, 6, et Plutarque, 
loc. cit., le palais royal aurait été seul détruit. Une 
partie de ses monuments avait certainemsnt échappé à 
la destruction. Ptolémée, vi, 44; vu, 5, 13. On y voit 
encore des mines importantes. Strabon, XV, m, 6, dit 
que Persépolis était, après, Suse, la plus riche des villes 
de Perse, quand elle fut incendiée par Alexandre, et ses 
ruines attestent encore son ancienne splendeur; il est 
douteux, malgré les suppositions contraires, qu'elle se 
soit relevée jamais de ce désastre. 

Persépolis était située près de la plaine de Merdascht, 



159 



PERSEP0L1S — PESTE 



160 



au confluent de l'Arase (Bendamir) et du Médus 
(Pulouan), à 40 kilomètres environ de Pasargades, la 
capitale primitive de la Perse, avec laquelle on l'a au- 
trefois confondue à tort. Darius, fils d'Hystaspe, fut le 
premier roi qui y établit sa cour. D'après Athénée, Deip- 
nosoph., xn, p. 513, les rois de Perse résidaient à Per- 
sépolis pendant trois mois en automne, mais son affirma- 
tion n'est pas confirmée par les autres écrivains anciens. 
Xénophon, Cyrop., vm, p. 22; Plutarqne, De exil., XH, 
édit. Didot, t. iv, p. 730; Zonaras, in, 26. Quoi qu'il en 
soit de ce point, il est certain que Persépolis, depuis 
Darius I er , fut avec Suse une des résidences royales. La 
magnificence de ses ruines (fig. 28, col. 155), remplit les 
voyageurs d'admiration. Elles portent aujourd'hui le nom 
de ChelMinar « les quarante colonnes ». On y voit en- 
core les restes de deux superbes palais élevés par Darius 
lils d'Hystaspe et par son fils Xerxès, en même temps 
que le reste d'autres édifices. — Voir M. Dieulafoy, L'art 
antique de la Perse, in-f°, t. m, 1885; G. N. Curzon, 
Persia, 2 in-8°, Londres, 1892, t. n, p. 115-196. 

La ville de Persépolis est-elle réellement la ville dont 
parle l'auteur du second livre des Machabées?Il y a des 
raisons d'en douter. Le premier livre des Machabées, 
VI, 1, place l'événement qui est rapporté II Mach., ix, 
2, en Elymaïde, et non dans la Perse proprement dite 
où se trouvait Persépolis. On peut traduire le nom de Per- 
sépolis « ville ou capitale des Perses » et entendre par là 
Suse. Voir Élymaïde, t. n, col. 1712. Le temple que voulait 
piller le roi séleucide était dédié à Nanée. II Mach., ix, 2. 
Nanée était une déesse élamite qui devait être honorée 
à Suse et non à Persépolis. Voir Nanée, t. iv, col. 1473. 

PERSIDE (grec : Hsp<n'ç, féminin de IIep<roc6{, 
« Perse » ; Vulgate : Persis), chrétienne de Rome, saluée 
par saint Paul, Rom., xvi, 12: « Saluez Perside, la bien- 
ainiée, qui a travaillé beaucoup pour le Seigneur. » 
On ne sait plus rien sur elle. Le nom de Persis se lit 
comme celui d'une affranchie, Corpus inscript. Int., 
t. VI, n. 23959. 

PERSONNE (hébreu : pânêh; Septante mpôawTiov; 
Vulgate : persona), tout être intelligent, divin ou hu- 
main. — L'idée abstraite de personne est étrangère à 
l'hébreu. On y emploie le mot pânêh, « face », pour 
désigner uue personne en particulier. La face de 
Jéhovah est prise pour sa personne même. Exod., xxxih, 
14; Deut., iv, 37; Ps. xxi (xx), 10; lxxx (lxxix), 17; 
Lam., iv, 16; Is., lxiii, 9. Saint Paul pardonne « à la 
face » du Christ, c'est-à-dire à cause de la personne du 
Christ. II Cor., n, 10. — D'autres fois, le mot panai, 
« ma face », se prend dans le sens de « ma personne ». 
II Reg., xvii, 11; Is., ni, 15, etc. Une seule fois le mot 
personne se lit avec le sens que nous lui donnons en 
français. II Cor., i, 11. — Le plus souvent, les versions 
se servent du mot Tipdswnov, persona, pour rendre les 
locutions hébraïques ndsa'' pânîm, « lever la face », 
hikkir pânim, « regarder la face », gûr mip-penê, 
« craindre devant la face », qui signifient en réalité : 
juger quelqu'un d'après l'extérieur et se laisser influen- 
cer plus que de raison par les apparences. Les versions 
traduisent un peu servilement par (JXe'rceiv t\<; itpôo-wTtov, 
respiœre personam, « regarder au visage », Xot[iëâvsiv 
itpôo-uTtov, accipere personam, «recevoir la personne». 
Il est vrai que les deux mots grec et latin désignent 
originairement la figure et le masque, et se rapprochent 
ainsi du sens de pânêh. Les auteurs sacrés rappellent 
fréquemment que Dieu ne juge pas les hommes selon 
les apparences, ou, comme nous traduisons en français, 
« ne fait pas acception » des personnes, ûeut., x, 16; 
II Par., xix, 7; Job, xxxiv, 19; Sar., vi, 8; Act., x, 34; 
Rom., H, 11; Gai., il, 6; Eph., vi, 9; Col., m, 25; 
I Pet., i, 17. On voit que les Apôtres reviennent sou- 
vent sur cette idée pour l'opposer soit aux prétentions 



des Juifs qui se regardaient comme des privilégiés, 
soit à l'erreur des païens qui refusaient à l'esclave les 
droits de l'homme libre. Les ennemis de Notre-Seigneur 
reconnaissent eux-mêmes qu'il ne juge pas les hommes 
sur leur extérieur. Matth.,xxn, 16; Luc, xx, 21. Il est 
prescrit de ne porter aucun jugement en tenant compte 
de l'extérieur des personnes, de leur puissance, de leur 
richesse, etc. Lev., xix, 15; Deut., i, 17; xvi, 19; 
Job, xxxii, 21; Prov., xvin, 5; xxiv, 23; Jacob., n, 1, 9. 
Par contre, il faut avoir égard à la personne du vieillard 
pour le respecter. Lev., xix, 32. H. Lesêtre. ' 

PESCHITO. Voir Syriaques (Versions) de la Bible. 

PESTE (hébreu : débér, gétéb, qotéb, mâvéf, réUf; 
Septante : quelquefois /oipi;, mais presque toujours 
BâvaTOç, « mort » ; Vulgate : pestilentia, pestis), mala- 
die épidémique qui se propage rapidement dans une 
population et fait périr les hommes en grand nombre, 

I. Nature de la peste. — 1° Son origine. — La peste 
est due à un bacille très court, à bouts arrondis, qu'on 
trouve dans le pus des bubons pesteux, dans le foie, 
la rate et le sang des pestiférés. Ce bacille à été décou- 
vert en 1894, à Hong-Kong, par "ïersin, de l'Institut 
Pasteur. Cf. Yersin, Ann. de l'Institut Pasteur, Paris, 
sept. 1894, p. 662; Netter, La peste et son microbe, 
Paris, 1900. Il ne résiste pas à une dessiccation prolon- 
gée pendant trois ou quatre jours, ni aune température 
de 58» pendant quelques heures ou de 100» pendant 
quelques minutes, ni à l'action des désinfectants habi- 
tuels., 

2° Sa transmission. — La peste est une maladie 
contagieuse qui se transmet par le contact direct avec 
la malade ou avec des objets infectés par lui. L'air ne 
transporte pas le germe infectieux, sinon à très faible 
distance; l'isolement est donc une cause d'immunité. Le 
sol conserve le bacille, mais en atténuant sa virulence. 
Certains animaux contractent et transmettent facile- 
ment la peste. Les rats et les souris sont les premiers 
atteints et succombent en masse à la veille ou au début 
d'une épidémie. Puis viennent les buffles, les porcs, 
les chiens, les poules, etc. Les mouches paraissent être 
des agents directs de transmission Le bacille pesteux 
pénètre dans l'économie surtout par les lésions de l'en- 
veloppe cutanée, mais aussi en partie par les voies res- 
piratoires et le tube digestif. Il s'attaque à toute l'hu- 
manité, sans distinction de race, de sexe ou d'âge. Sa 
propagation est favorisée par la famine, la misère, la 
malpropreté, le manque d'hygiène, les excès, l'encom- 
brement qui multiplie les points de contact. L'altitude 
et la température n'ont que peu d'influence sur le déve- 
loppement et la durée des épidémies. 

3° Son développement dans l'organisme. — Après 
une période d'incubation de trois à dix jours, quel- 
quefois de vingt-quatre heures seulement, la maladie 
débute par des frissons, un violent mal de tête et une 
fièvre intense, accompagnée de délire et d'accablement. 
Au bout de deux ou trois jours, si le cas est bénin, la 
convalescence commence. Le plus souvent, la fièvre, 
le délire et l'insomnie augmentent. Les bubons, ou 
gonflements ganglionnaires, apparaissent à l'aine, puis 
à l'aisselle et enfin au cou; ils grossissent et suppurent 
du huitième au dixième jour. En même temps ou peu 
après, les charbons, ou tumeurs gangreneuses entou- 
rées d'une zone très rouge, se montrent et se développent, 
de préférence aux jambes et au cou. La mort peut 
arriver à cette période. La durée de la maladie est 
d'environ huit jours, bien que la mort se produise par- 
fois dès le deuxième ou troisième jour, ou même plus 
tôt. La prédominance des bubons fait donner à la mala- 
die le nom de peste bubonique. Elle devient peste 
pneumonique si le mal se localise surtout sur l'appareil 
pulmonaire. Des hémorragies sous-cutanées peuvent 



161 



PESTE 



162 



produire des taches noires sur la peau; c'est alors la 
peste hémorragique ou mort noire. Quand les symptômes 
de dépression s'accentuent, la maladie ressemble à 
une grave fièvre typhoïde et prend le nom de peste 
typhoïdique. 11 y a donc différentes variétés de pestes, 
les unes malignes, les autres bénignes et moins conta- 
gieuses. La peste est souvent foudroyante, notamment 
au début des épidémies; ejle tue alors ses victimes en 
quelques heures. Parfois, au contraire, elle est si at- 
ténuée que les malades peuvent continuer à vaquer à 
leurs occupations. C'est alors la peste ambulatoire. 

4° Ses ravages. — La peste est, avec la fièvre jaune, 
la plus meurtrière des maladies. Au début de l'épidé- 
mie, presque personne n'échappe; on estime qu'ensuite 
la mortalité est en moyenne de 50 à 60 pour cent, pou- 
vant aller cependant à 90 ou 95 pour cent. La période 
d'activité de l'épidémie est de huit mois environ ; 
«nsuite la mortalité baisse lentement. Depuis la peste 
d'Athènes, décrite par Thucydide, Bell. Pelop., Il, 48, 
l'histoire a enregistré un certain nombre de pestes très 
meurtrières. La peste noire, qui sévit en Asie et en 
Europe de 1346 à 1361, coûta la vie à 24 millions 
d'hommes en Europe, et probablement à un plus grand 
nombre en Asie. Quelques détails empruntés à la des- 
cription de la peste de Marseille, en 1720, donneront 
une idée de ce qui devait se passer dans les villes de 
l'antiquité quand l'épidémie les visitait. « Marseille 
présente alors le plus épouvantable spectacle; cent 
mille personnes se craignent, veulent se fuir et se 
rencontrent partout. Les liens les plus sacrés sont 
rompus. Tout ce qui languit est déjà réputé malade, 
tout ce qui est malade est regardé comme mort. On 
s'échappe de sa propre maison, où quelques parents 
rendent le dernier soupir; on n'est reçu dans aucune 
autre. Les portes de la ville sont encombrées d'une 
foule empressée de se dérober au souffle empoisonné. 
Les gens du peuple campent sous des tentes... lien est 
qui vont chercher un refuge sur le sommet des collines 
ou dans le fond des cavernes. Les marins se croient 
plus heureux parce qu'ils vivent dans des barques sur 
le port. Mais la mer et les ruisseaux, les collines et 
les cavernes ne protègent point contre les atteintes de 
la contagion... Toutes les boutiques fermées, le com- 
merce arrêté, les travaux interrompus, toutes les rues, 
toutes les places, toutes les églises désertées; ce n'est 
encore là qu'un premier coup d'œil de la dévastation 
de Marseille. Quelques jours après, l'aspect de Marseille 
était effrayant. De quelque côté qu'on jette les yeux, on 
voit les rues jonchées des deux côtés de cadavres qui 
s'entretouchent et qui, étant presque pourris, sont 
hideux et effroyables à voir. Comme le nombre des 
forçats qu'on a pour les prendre dans les maisons est 
beaucoup inférieur pour pouvoir dans tous les quartiers 
les retirer journellement, ils y restent souvent des se- 
maines entières et ils y resteraient encore plus long- 
temps, si la puanteur qu'ils exhalent et qui empeste 
les voisins ne les déterminait, pour leur propre conser- 
vation, de faire un effort sur eux-mêmes et d'aller les 
retirer des appartements où ils sont pour les traîner 
sur le pavé. Ils vont les prendre avec des crocs et les 
tirent de loin avec des cordes jusqu'à la rue; ils font 
■cela pendant la nuit pour être libres de les traîner le 
plus loin qu'ils peuvent de leurs maisons et de les 
laisser étendus devant celle d'un autre qui frémit, le 
lendemain matin, d'y trouver ce hideux objet qui 
ï'infect&et lui porte l'horreur et la mort. On voit tout 
le cours, toutes les places, tout le port, traversés de ces 
cadavres qui sont entassés les uns sur les autres. Sous 
chaque arbre du cours et des places publiques, sous 
l'auvent de chaque boutique, on voit entre tous ces 
cadavres un-nombre prodigieux de pauvres malades et 
même des familles tout entières, étendus misérablement 
snr un peu de paille ou sur de mauvais matelas, s 

DICT. DE LA BIBLE. 



A. Boudin, Histoire de Marseille, cité par L. Laruelle, 
La peste dans l'état actuel de la science, dans la Revue 
des questions scientifiques, Bruxelles, juillet 1897, 
p. 41-43. Voir tout l'article, p. 39-73, et E. Deschamps, 
Peste, dans le Traité de médecine de Brouardel, 
Paris, 1903, t. il, p. 52-58. Tel était le spectacle que 
devaient présenter équivalemment les villes anciennes 
quand la peste y éclatait. Les rares victimes de la 
peste qui échappent à la mort demeurent languissantes, 
plus ou moins paralysées et atteintes dans leur intelli- 
gence. La peste, qui se répandait dans tout l'ancien 
monde, est aujourd'hui confinée dans quelques foyers, 
en Afrique, la Cyrénaïque, et en Asie, l'Assyrie, l'Irak- 
Arabie, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan, l'Hindous- 
tan et la Chine. Elle ne détermine pas toujours, dans 
les endroits où elle est endémique, les mêmes désastres 
qu'autrefois en Europe. Mais elle a eu de temps en 
temps des réveils terribles, et l'on a pu constater que 
sa virulence ne s'était pas atténuée avec les siècles. En 
1894, elle fit à Canton, en quelques semaines, 60 000 
victimes. En revanche elle n'a jamais envahi l'Améri- 
que. — Voir H. F. Mûller, Die Pest, in-8», Vienne, 1900. 

II. La. peste dans la Bible. — 1° Ses caractères. — 
La peste apparaît dans la Bible comme un mal qui 
effraie par sa soudaineté et ses ravages. Sa nature 
infectieuse ressort de ce faitqu'elle accompagne souvent 
la famine dans les villes assiégées, où toute hygiène 
est rendue impossible. Mais les écrivains sacrés ne 
fournissent aucun détail permettant d'identifier la peste 
dont ils parlent. Les noms qui la désignent en hébreu 
sont des termes généraux, impliquant l'idée de mort, 
mais convenant à diverses calamités. Pour rendre ces 
différents termes, les Septante n'ont guère que le mot 
8àvaxo;, « mort », dont la signification est très étendue. 
Cf. Ose., xiii, 14. Il est donc à croire que les termes 
du texte hébreu visent des affections morbides assez 
diverses, n'ayant de commun que leur caractère viru- 
lent, leur extension rapide et la multiplicité de leurs 
ravages. Le typhus, la peste noire, le choléra, et d'autres 
épidémies analogues ont donc pu sévir sur les Israé- 
lites et leurs voisins, sans qu'il soit possible de préci- 
ser, en aucun cas, la nature spécifique du mal. Cf. 
W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stutt- 
gart, 1901, p. 100-101. 

2» Pestes mentionnées dans la Bible. — 1. Après la 
peste du bétail, qui constitue la cinquième plaie 
d'Egypte, Exod., ix, 3-6, un autre genre de peste 
s'abattit, sous forme de pustules, sur les hommes et 
les animaux. Exod., îx, 8-11. Ce fut la sixième plaie. 
Voir Pustules. Sur le mal épidémique qui frappa les 
Philistins détenteurs de l'Arche, voir Ofalim, t. iv, 
col. 1757. — 2. La peste signalée sous David, à la suite 
du dénombrement, dura trois jours et fit périr 70 000 
hommes. Reg., xxiv, 15; I Par., xxi, 12-14. L'exécution 
de la sentence divine est alors confiée à un ange, « qui 
promène la mort dans tout le territoire d'Israël. » 
Cette peste est présentée comme un châtiment divin, 
que David lui-même préféra à une famine de trois ans 
et aune guerre de trois mois. Elle commence et elle 
s'arrête sur l'ordre de Dieu. Il y a donc là une épidé- 
mie qui peut être naturelle en elle-même et analogue 
à celles qui sévissaient de temps en temps, mais qui 
fut surnaturelle dans ses circonstances. — 3. Sous le 
roi Ézéchjas, l'ange de Jéhovah fit périr en une nuit 
185000 hommes de l'armée de Sennachérib, aux environs 
de Jérusalem. IV Reg., xix,35;Is., xxxvn, 36. Josèphè, 
Ant. jud., X, i, 5, attribue ce ravage à une peste, 
Xot(jtixTi vôctoç. Mais les textes ne donnent aucun détail 
permettant de reconnaître le genre de maladie. Il ne 
serait pas impossible que l'agent employé par Dieu ait 
été le typhus, qui se distingue de la peste par l'absence 
de bubons et de charbons, mais dont on a observé 
fréquemment le développement au milieu des armées. 

V. -6 



163 



PESTE — PETAU 



164 



en campagne, au point de lui faire donner le nom de 
typhus des camps. « Le typhus est une des affections 
les plus graves, les plus meurtrières. La proportion de 
mortalité ne saurait être calculée; elle varie essentielle- 
ment suivant les lieux, les circonstances au milieu 
desquelles la maladie éclate. Ainsi, dans quelques épi- 
démies, presque tous les malades succombent, ou bien 
la mortalité en enlève la moitié, les deux tiers. » 
Grisolle, Traité de pathologie interne, Paris, 1874, t. i, 
p. 71. L'intervention de Dieu aurait rendu le mal parti- 
culièrement meurtrier pour les soldats de Sennachérib. 
Hérodote, h, 141, confirme le fait, tout en le dénatu- 
rant. D'après cet historien, l'armée assyrienne campait 
devant Péluse, dans le delta du Nil, quand une multi- 
tude de rats rongèrent dans le cours d'une nuit les 
carquois, les arcs et les courroies des soldats, si bien 
que, devenus incapables de se servir de leurs armes, 
les Assyriens n'eurent plus qu'à prendre la fuite le 
lendemain. Cette invasion de rats est curieuse à noter. 
Peut-être pourrait-elle être l'indice d'une peste à 
laquelle, comme il arrive d'ordinaire, ces rongeurs au- 
raient succombé les premiers. — Sur la maladie du roi 
Ézéchias, voir Ulcère. — 4. Amos, iv, 10, mentionne 
une peste qui sévit de son temps, sous le roi Jéroboam 
II, bedérék, « à la manière » de la peste d'Egypte, et 
non iv i&&, in via, « sur le chemin » de l'Egypte, comme 
traduisent les versions, qui ont pris dérék dans son 
sens ordinaire de « route ». Le prophète fait également 
allusion à la puanteur des camps montant jusqu'aux 
narines, ce qui permet de penser que l'épidémie s'éten- 
dit surtout sur les armées de Jéroboam. — Bien d'au- 
tres pestes que celles-là se produisirent sans nul doute 
dans le cours de l'histoire d'Israël. La plupart furent 
limitées, moins meurtrières et dues à des causes pure- 
ment naturelles. Josèphe, Ant. jud., XV, vu, 7, cite 
une peste qui, au temps d'Hérode, fit périr beaucoup 
d'hommes du peuple et de courtisans. Quelques années 
plus tard, la disette fut accompagnée d'une nouvelle 
peste; le double mal se prolongea durant deux ans et 
causa de grands ravages. Ant. jud., XV, ix, 1. Notre- 
Seigneur avait prédit que des pestes et des famines 
précéderaient la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 7; 
Luc, xxi, 11. Pendant lé siège de la ville, la peste ne 
put manquer de se joindre aux autres maux, quand il 
fallut laisser les cadavres sans sépulture dans les rues, 
dans les maisons et autour des murailles. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., V, xn, 3; xhi, 7; VI, î, 1, etc. 

3° Lesmenaces de peste. —1. Le Seigneur menace les 
Israélites infidèles de trois fléaux : l'épée, c'est-à-dire la 
guerre, la peste et la famine. Lev., xxvi, 25. Après une 
révolte du peuple au désert, Jéhovah veut le détruire par 
la peste et ne pardonne que sur les instances de Moïse, 
en stipulant cependant qu'aucun des coupables ne verra 
la Terre Promise. Num., xiv, 12, 23. La menace de la 
peste et de toutes sortes de maladies est encore rappelée 
dans le Deutérbnorae, xxvm, 21-26. Dans son cantique, 
Moïse y joint la mention de la famine, des bêtes féroces 
et de l'épée. Deut., xxxn, 24, 25. Cette menace répondait 
à une crainte déjà ancienne parmi les Hébreux. Quand 
Moïse se présenta pour la première fois devant le pha- 
raon, il lui demanda l'autorisation d'emmener son 
peuple à trois jours de marche dans le désert, « pour 
offrir des sacrifices à Jéhovah, afin qu'il ne nous frappe 
pas de la peste ou de l'épée. » Exod., v, 3. — 2. Des 
prières sont adressées au Seigneur dans le Temple de 
Salomon, pour qu'il préserve les Israélites de la peste 
et des autres fléaux, III Reg., vin, 37; II Par., vi, 28, 
et le Seigneur promet de les exaucer. II Par., vu, 13. 
Ces prières sont réitérées sous Josaphat. II Par., xx, 9. 
Du reste, la peste est le châtiment de l'infidélité ; quant 
au juste, qui met sa confiance dans le Seigneur, il est 
à l'abri « de la peste funeste », mid-débér havvôt, et 
non mid-dâbâr, àirè X<S-j ou Tap*-^û8oyç, a verbo aspero, 



« de la parole funeste », comme ont lu les versions. 
Il n'a à craindre, Ps. xci (xc), 3, 6 : 

Ni la peste (débér) qui marche dans les ténèbres, 
Ni la contagion (qétéb) qui ravage en plein midi. 

Deux prophètes, Jérémie et Ézéchiel, reviennent fré- 
quemment sur la menace de la peste. Ils joignent ordi- 
nairement trois fléaux : l'épée, la famine et la peste. 
Jer., xiv, 12; xxi, 7, 9; xxiv, 10; xxvn, 8, 13; xxix, 17- 
18;xxxn, 24, 36; xxxiv, 17; xxxvm, 2; xui, 17, 22; 
xuv, 13 ; Ezech., vu, 15; xii, 16. Dans une ville assié- 
gée, les trois fléaux s'appellent l'un l'autre. L'ennemi 
empêche le ravitaillement et souvent .accapare les 
sources; la famine et les maladies infectieuses sont 
bientôt la conséquence du siège. C'est là ce dont les 
prophètes menacent Jérusalem. Ézéchiel, xxvm, 33, 
appelle contre Sidon la peste et l'épée; il ne parle pas 
de famine, parce que la ville pouvait se ravitailler par 
mer. Une autre fois, faisant écho à la menace de Moïse, 
il annonce l'envoi contre Jérusalem de « quatre châti- 
ments terribles, l'épée, la famine, les bêtes malfaisantes 
et la peste. » Ezech., xiv, 19, 21. La mention des trois 
principaux fléaux s'est perpétuée dans l'Église. L'une 
des invocations des litanies des Saints demande encore 
que les fidèles soient préservés a peste, famé et belle. 

4° La veste des animaux. — Jérémie, xxi, 6, prédit 
qu'à Jérusalem Dieu frappera dé. la peste hommes et 
bêtes. Les animaux d'Egypte furent atteints par les pus- 
tules de la sixième plaie, ix, 9-10. La plaie précédente 
avait été particulière à ceux qui se trouvaient dans les 
champs, chevaux, ânes, chameaux, bœufs et brebis. 
Exod., ix, 3, 6. Les animaux domestiques ont toujours 
été extraordinairement nombreux dans les champs de 
la Basse-Egypte et parfois les épizooties y exercent de 
prodigieux ravages. Cf. Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 329. Le texte 
sacré ne permet pas de préciser le genre de peste qui 
constitua la cinquième plaie. Le typhus du gros bétail, 
la fièvre charbonneuse, la péripneumonie contagieuse 
ou d'autres causes infectieuses ont pu facilement entrer 
en activité sur l'ordre de Dieu, tout en résultant natu- 
rellement de la putréfaction engendrée. par les ca- 
davres des grenouilles de la seconde plaie, ou des pi- 
qûres envenimées des cousins et des mouches des deux 
plaies suivantes. Cette plaie n'atteignit du reste que les 
animaux laissés dehors, dans les champs. Cf. S. Augus- 
tin, In Heptat., il, 33, t. xxxiv, col. 608. Les autres 
devaient être frappés par la sixième plaie, sans cepen- 
dant en périr. C'est ce qui permit ensuite au pharaon 
de pouvoir atteler sa charrerie pour la mettre à la 
poursuite des Hébreux. Exod., xiv, 6-9. — 5° Les ver- 
sions parlent quelquefois de pestilence, Ps. i, 1, et 
d'homme pestilent, Prov., xv, 12; xix, 25; xxi, 11; 
xxix, 8; I Mach., x, 61; xv, 3, 21, dans des passages 
où il n'est question que d'impiété ou d'impies. Les 
Juifs appellent saint Paul « une peste », tbv avSpa 
toûtov ).oi|j.ôv, hune hominem pestiferum, Act., xxiv, 5, 
c'est-à-dire un homme qu'ils jugent dangereux comme 
la peste. H. Lesêtre. 

PÉTASE (grec : nhanoi), chapeau à fond bas et à 
larges bords dont était coiffé le dieu Mercure. II Mach,, 
iv, 12, dans le texte grec. Voir Mercure, 2", t. iv, col. 992. 

PETAU Denis, théologien français, né à Orléans 
en 1583, mort à Paris le 11 décembre 1652, entré au 
noviciat de Nancy en 1605, professa d'abord la rhéto- 
rique puis, pendant 22 ans, la théologie dogmatique au 
collège de Clermont à Paris avec un rare succès. 
Petau n'appartient à l'exégèse que par la paraphrase en 
vers grecs de tous les Psaumes de David et des can- 
tiques de la Bible : Aïowufov toO LTsTaêtou... nxpa- 
opâut; e|/.tUTpo; àirévTwv twv to0 àxvŒox) W<x.\\iû>v, mal 



465 



PETAU — PÉTRA 



166 



•uûv iv rai? Ispai; 6iëXoi;; cette paraphrase est accom- 
pagnée d'une sorte de traduction latine pour la commo- 
dité de ceux qui ne savent pas le grec. In-12, Paris, 
1637. —On peut signaler aussi ses commentaires sur 
Job et Osée restés manuscrits, ainsi qu'une paraphrase 
en vers grecs sur les Lamentations de Jérémie et des 
remarques sur Jérémie, Ézéchiel et Daniel. 

P. Bliard. 
PETERSEN Jean Guillaume, théologien protestant 
et visionnaire allemand, né à Osnabruck en 1649, mort 
près de Magdebourg le 31 janvier 1727. Après avoir 
étudié à Lubeck, à Giessen et à Rostock, il fut nommé 
pasteur à Hanovre, puis surintendant dans le diocèse 
de Lubeck. Ministre à Lunebourg, il fut accusé de 
renouveler les erreurs des Millénaires etforcé, en 1692, 
de renoncer à la prédication. On lui reprochait en outre 
de regarder toutes les religions comme également 
bonnes. 11 se retira alors près de Magdebourg, conti- 
nuant avec l'aide de sa femme à propager toutes ses 
erreurs. Nous citerons parmi les écrits de ce vision- 
naire : Psalmen Davids, nach dem Maas der ertheilten 
Gabe Christi, in dem reichesten prophetischen Sinne, 
durch den Schlussel Davids aufgeschlossen, in-4°, 
Francfort et Leipzig, 1719; Zeugniss Icsu aus dem ko- 
niglichen Propheten Iesaia durch den Geist der 
Weissagung, von Capitel zu Capitel erklàrt, worin- 
nen gezeiget wird, dass der Geist Goltes nebst der 
vergangenen, auch auf die gegenwàrtige, ingleichen 
auf die nachfolgende Zeit nach seinem vôlligen Sinn 
gedeutet hab'e, in-4», Francfort, 1719; Zeugniss leSu 
in dem Propheten Ieremia, in-4 ., Francfort, 1719; 
Zeugniss lesu aus dem Propheten Ezéchiel, durch 
den Geist der Weissagung dargethan, in-4°, Franc- 
fort, 1719; Sinn des Geistes in dem Propheten Daniel, 
in-4°, Francfort, 1720 ; Apostolischer Zusammenhang, 
darinnen das verklàrte Evangelium so wohl in der 
Apostelgeschichle : alsin allen Epîsteln Paulli, Pétri, 
loannis, lacobi and ludse in der Connexion, dis dem 
Schlussel der ivahren Eœegesis und Erforschung des 
Sinnes und des Geistes hervorleuchtet und gezeiget ist l 
in-4°, Francfort, 1722; Erklârung der zwôlf kleinen 
Propheten, in-4°, Francfort, 1723. Erklârung des Ho- 
henliedes Salomonis, m-8°, Budingen, 1728. J.-G. Pe- 
tersen écrivit lui-même sa biographie : Lebensbe- 
schreibungj. W. Petersen's, derheiligen Schrift Doc- 
toris, vormals Professons zu Rostock, in-8», Halle, 1717, 
et sa femme deux ans plus tard l'imita en publiant : 
Leben Frauen J, E. Petersen, Gebohrner von und 
zu Merlau, Hernn D' J. W. Petersen's Eheliebsten, 
in-8°, s. 1. (Halle), 1719. — Voir en outre Walch, 
Biblioth. theologica, t. iv, p. 496, 528, 538, 545, 552, 
557, etc. C. Heurtebize. 

PETHOR (hébreu : Petôr; Septante : <£>a6oupâ ; 
Alexandrinus : Ba6ovpâ), ville de Mésopotamie, patrie 
de Balaam. La Vulgate a traduit ce nom de lieu par 
ariolum, « devin, » dans Num., xxn, 5, tandis que les 
Septante l'ont conservé comme nom propre. Dans le 
second passage où le texte hébreu mentionne cette ville, 
Deut., xxui, 4 (Vulgate, 5), il est omis par les Septante et 
par saint Jérôme. C'est à Pethor que Balac, roi de Moab, 
envoya chercher Balaam, afin de lui faire maudire les 
enfants d'Israël. Voir Balaam, t. i, col. 1319. Le Deuté- 
ronome nous apprend que Pethor était une ville d'Aram 
Naharaïm ou Mésopotamie et les Nombres, qu'elle était 
située sur «. le fleuve du pays des fils de son peuple » 
(Vulgate par erreur : des tils d'Ammon) c'est-à-dire de 
l'Euphrate. Le nom de cette ville, en assyrien Pitru, se 
lit sur l'obélisque de Salmanasar. Voir Eb. Schrader, 
Keilinschriften and Geschichtforschung, 1878, p. 140, 
220, 231. Elle était située sur le haut Euphrate, au 
confluent de ce fleuve et du Sagur, qui vient de l'ouest, 
à une centaine de kilomètres au nord-est d'Alep, a plus 



de 600 kilomètres- de la Palestine. Thothmès III s'était 
déjà emparé de Pethor, lors de ses conquêtes dans l'Asie 
antérieure, comme on le voit sur les listes de Karnak 
où le pharaon enumère ses victoires. H. Brugsch, Ge- 
schichte Aegyptens, 1877, p. 454, n. 280 ; W. M. Mûller, 
Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlem, 
1893, p. 291. Cf. J. Menant, Annales des rois d'Assy- 
rie, 1874, p. 98; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bi- 
bliothek, t. i, p. 133, lig. 37-40; p. 163, lig. 36; p. 173, 
lig. 85-86. C'est à tort que J. Marquart, Fùndamente 
israelitischer und jùdischer Geschichte, 1896, p. 74, 
et H. Winckler, dans Schrader, Keilinschriften und 
das alte Testament, 3 e édit., p. 148, prétendent que 
Pethor était en Egypte. 

PETRA (hébreu : iho; Séla\ « pierre »; employé 

parfois sans article, Is., xvj, 1 ; xlii, 11, quelquefois avec 
l'article, ybDn, has-Séla', Jud., i, 36; IV Reg., xiv, 7; 
Septante : IléTpa, *i riétpa; Vulgate : Petra), ville de 
l'Idumée (fig. 30). Voir Ed. Robinson, Biblical Resear- 
ches, 2 e édit., 1856, t. n, note xxxvn, p. 521-524. D'après 
le sentiment général des interprètes, il est question de 
cette ville dans les quatre passages bibliques cités plus 
haut, et probablement aussi II Par.,xxv, 12, texte paral- 




30. — Monnaie de Pétra. 
Buste d'Hadrien à droite, tête laurée, épaules drapées. Aïro- 
KPATMP. — ^. Pétra assise sur un rocher tenant daus la main 
gauche un trophée. Dans la droite un patère. nETPAMHTPO- 
nOAlC. 

lèle à IV Reg., xtv, 7. — Le texte, Jud., i, 36, mentionne 
simplement Pétra comme formant la limite du territoire 
des Amorrhéens. — IV Reg., xiv, 7, il est dit qu'Amasias, 
roi de Juda, « battit 10000 Iduméens dans la vallée du 
Sel, » c'est-à-dire de la mer Morte, et qu' « il s'empara 
de Séla' » ou Pétra. — II Par., xxv, 11-12, nous lisons 
qu'après cette victoire d'Amasias, ses troupes se saisi- 
rent d'un grand nombre d'Iduméens, qu'ils menèrent 
sur la hauteur de Pétra (hébreu, Séla' ; Vulgate : ad 
prxruptum cujusdam petrse), d'où ils les précipitèrent. 

— Isaïe, xvi, 1, suppose idéalement que les Moabites, bat- 
tus par les Hébreux et réfugiés à Pétra, envoient de là le 
tribut au roi de Jérusalem, pour faire leur soumission; 
xlii, 11, le même prophète invite les habitants de Séla" 
à chanter avec tout l'univers la gloire du Dieu d'Israël. 

— Le prophète Abdias fait au moins allusion à Pétra 
aux ji. 2-4 de sa prophétie : 

[Édom], je te rendrai petit parmi les nations... 
L'orgueil de ton cœur fa égaré, 
Toi qui habites le creux des rochers (sé(a'), 
Qui t'assieds sur les hauteurs, 
Et qui dis en toi-même : 
Qui me précipitera jnsqu'à terre? 
Quand tu élèverais ton aire comme l'aigle, 
Quand tu la placerais au milieu des étoiles, 
Je t'en précipiterai, dit Jéhovah. 

I. Identification. — Il n'y a pas de doute que l'an- 
cienne Sêla' ne corresponde à la Pétra des Grecs et 
des Romains. Les passages de la Bible qui la mention- 
nent la placent tous dans l'Idumée et font d'elle une 
ville importante de cette région. Les caractères de Pétra 
conviennent fort bien à ce que les écrivains sacrés 



167 



PÉTRA 



168 



nous disent de Séla' : aussi est-ce d'une manière à 
peu prés unanime qu'on a identifié de tout temps les 
deux localités. Voir Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttin- 
gue, 1870, p. 147, 286. L'ancien nom hébreu de Pétra 
semble avoir été conservé sous la forme Sal% que l'écri- 
vain arabe Yalkoût emploie pour désigner une forteresse 
située précisément dans l'ouadi Mouça, sur l'empla- 
cement de Pétra. Nôldeke, Der arabische Name von 
Petra, dans la ZeiCschrift der deutschen mprgenlân- 
dischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les ruines 
de Pétra sont situées dans la vallée que les Arabes ap- 
pellent Ouadi Mouça, « Vallée de Moïse, s> et ils lui ont 
attribué ce nom parce qu'ils placent en ce lieu l'un des 
rochers qui, frappés par Moïse, fournirent aux Hébreux 
une eau miraculeuse durant leur marche à travers le 
désert. « Le fond de la cuvette où était autrefois la ville 
elle-même, est bossue, mamelonné; l'ouadi Mouça la 
coupe sensiblement par le milieu en allant de l'est à 
l'ouest. Ce nom de Ouadi Mouça a été donné par les 
Arabes à l'ensemble de Pétra et à son débouché vers 
l'Arabah. » J. de Kergorlay, Pétra, dans la Revue des 
deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Pétra a donné 
son nom à l'Arabie Pétrée; en effet, l'épithète « Pétrée » 
n'a pas le sens de pierreuse, rocheuse; il s'agit du dis- 
trict de l'Arabie dont Pétra était la capitale : i\ xaxà 
néxpoiv 'Apaêfa. Agathemerus, Géographie exposilio 
campendiara, vi, 21, dans C. Mûller, Geographi grxci 
minores, édit. Didot, t. h, p. 499. 

II. Situation géographique. — Pétra était située par 
30° 19 de latitude N. et 35° 31 de longitude E., au cœur 
<!es montagnes d'Édom, à peu près à mi-chemin entre 
l'extrémité sud de îa mer Morte et la pointe nord du 
golfe d'Akabah. Voir la carte, t. m, col. 330. On compte 
cinq jours de marche pour la première partie, six pour 
la seconde ; environ 100 til. à partir de la pointe d'Aka- 
bah. Pétra se trouvait à 500 milles romains de Gaza, 
Pline, H. N., vt, 22, au pied du mont Hor, Josèphe, 
Ant. jud., IV, iv, 7, sur les contreforts orientaux de la 
longue et profonde vallée, nommée Arâbah, qui unit la 
mer Morte à la mer Rouge. Elle appartient maintenant 
à la province du Hedjaz. Elle était comme isolée du 
reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques 
qui l'entourait. « A l'est, à l'ouest, se dressent des 
parois abruptes; au nord, les hauteurs découpées par 
des ravins parallèles limitent l'horizon d'une arête 
continue; au sud, les pentes sont plus douces, mais 
là aussi une muraille de grès forme le rebord du bas- 
sin. ». E. Reclus, Nouvelle géogr. universelle, t. ix, 
1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'étalaient les 
habitations et les monuments de Pétra n'est aisément 
abordable que de deux côtés. On peut y pénétrer 
par le sud-ouest, en suivant un sentier de montagne 
rude et escarpé. L'entrée la plus naturelle, comme 
aussi la plus pittoresque, est du coté de l'est; elle 
consiste dans un long défilé, qui porte le nom arabe 
de Sîk. Rien n'est plus saisissant que cette gorge 
étroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute 
de 80, 100 et 200 mètres, qu'on suit pendant plus d'une 
heure, en longeant le cours d'eau principal de Pétra, 
auquel le Sîk sert de lit. Strabon, XVI, rv, 21, et Pline, 
H. N., vi, 32, mentionnent aussi cet étrange couloir, 
où parfois deux chameaux chargés ont de la peine à 
passer de front, et dont mainte portion est inaccessible 
au soleil. Les tombes et les temples taillés dans le roc 
y font leur apparition assez longtemps avant qu'on 
n'arrive à Pétra. 

En sortant du Sîk, on se trouve dans le bassin où 
était bâtie la ville. Sa forme est à peu près quadran- 
gnlaire. D'après Pline, H. N., vi, 32, : sa largeur 
était de deux milles romains ; ce qui correspond assez 
exactement aux mesures indiquées par les voyageurs 
les plus récents. : de 1500 à 1800 m. du S. au N. ; de 
1000 à 1200 de l'E. à l'O. La nature est déchirée, tour- 



mentée; les moindres ravins sont des précipices. Les 
rochers nus qu'on voit de toutes parts consistent parfois 
en calcaire; mais le plus habituellement en grés, et 
ces grès ont des colorations merveilleuses, dont les 
visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le 
jaune dominent; mais on rencontre toutes les nuances, 
depuis le rouge presque noir jusqu'au rose tendre, et 
depuis le jaune foncé jusqu'au jaune citron; au lever 
et au coucher du soleil ces teintes sont très agréables 
à contempler. Autrefois, la vallée était cultivée avec 
soin; elle est maintenaut sans culture aucune, quoique 
l'eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de 
murs de soutènement prouvent qu'on avait des jardins 
en terrasses. 

Le grès est très friable de sa nature ; aussi les mon- 
tagnes de Pétra n'ont-elles pas échappé à l'érosion du 
temps, et elles continuent de se désagréger chaque 
jour; en s'effritant ainsi, elles prennent les formes les 
plus variées, les plus bizarres. Lorsque d'en haut on 
jette un coup d'œil sur le sommet des rochers, on 
dirait une mer étrange, dont les vagues se seraient 
figées. Emplacement singulier, sans doute, pour y ins- 
ta'ler une ville importante. L'histoire de Pétra va nous 
faire comprendre pourquoi il fut choisi. 

III. Histoire de la ville. — Un profond mystère 
enveloppe la fondation de Séla', qui se perd dans les 
temps les plus reculés. A l'origine, les habitants de 
la contrée étaient les Horréens (voir Horréens, t. m, 
col. 757-758), c'est-à-dire des Troglodytes, lis sont men- 
tionnés Gen., xiv, 6, à l'époque d'Abraham etde Chodor^ 
lahomor. C'est par eux que doivent avoir été creusées 
les premières grottes de Pétra, qui n'étaient encore que 
de grossières cavités. Plus tard, les Horrhéens furent 
supplantés par les Édomites, qui descendaient d'Ésaù, 
Deut. il, 12, 22. Grâce à ceux-ci, Séla' acquit alors une 
importance nouvelle, bien qu'elle ne fût pas leur capi' 
taie; cet honneur appartenait à Bosra. Voir Bosra 1, 
1. 1, col. 1859. Vers la fin du ix e siècle avant notre ère, 
elle fut conquise par Amasias de Juda, qui la détruisit 
en partie et lui donna le nomdeJectéhel. VoirjECTÉHEL, 
t. m, col. 1216. Aussi n'est-il plus question d'elle pen- 
dant quelque temps dans les saints Livres. Amos, i, 
12, ne mentionne pas Séla' parmi les villes du pays 
d'Édom. Toutefois, elle était trop bien située, pour ne 
pas redevenir une ville très importante. 

C'est aux Nabuthéens qu'elle dut la période la plus 
florissante de son histoire. Ce petit peuple d'origine 
sémitique, voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444, venu 
d'Orient on ne sait pas au juste à quelle époque, était 
beaucoup plus trafiquant que guerrier. Il possédait des 
richesses énormes, et il avait besoin, sur l'un des che- 
mins fréquentés par les caravanes, d'un endroit sûr, 
difficilement accessible, à l'abri d'un coup de main des 
maraudeurs arabes, qui pût servir d'entrepôt à ses mar- 
chandises, et de résidence aux vieillards, aux femmes 
et aux enfants, durant ses déplacements commerciaux. 
Pétra convenait admirablement pour ce but. D'un côté, 
par sa situation même, elle était facile à défendre contre 
une invasion ; de l'autre, elle se trouvait au centre des 
routes les plus fréquentées d'alors par le commerce : 
route d'Egypte à Damas, route de Gaza, route d'Akabah, 
route du golfe Persique, etc. Pline, H. N., vi, 32. De 
nombreux marchands romains et étrangers s'y étaient 
installés à l'époque de Strabon, loc. cit., et Diodore de 
Sicile, xix, 98, compare à des armées les caravanes qui 
traversaient ces parages. Vers l'an 300 av. J.-C, et 
même un peu plus tôt, Pétra nous apparaît donc tout à 
coup comme la capitale des Nabuthéens, qui s'en 
étaient emparés à leur tour, peut-être au V e ou au 
IV e siècle. A deux reprises au moins, les Séleucides, 
qui gouvernaient alors la Syrie, essayèrent de la réduire, 
car ses richesses les tentaient; mais ils furent repous- 
sés vigoureusement. Diodore de Sicile, xix, 95. Josèphe 



169 



PÉTRA 



170 



nous apprend que, vers l'an 70 avant notre ère, elle 
servait de résidence à l'un des princes arabes nommés 
Arétas, et qu'elle fournit ensuite un refuge à Hyrcan II, 



siècle plus tard, 105 après J.-C, Trajan l'incorpora à 
l'empire; il l'agrandit et l'embellit considérablement. 
Dion Cassius, lxviii, 14. Son successeur, Adrien, la prit 




roi de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIV, u, 3; Bell, 
jud., I, vi, 2. 

A l'époque de Pompée, Pétra devint tributaire de Rome, 
comme tout le reste du territoire des Nabuthéens. Un 



en affection singulière, lui donna son nom, « Hadriana », 
et tailla dans ses énormes rochers de nouveaux édi- 
fices. Mais, peu de temps après, le commerce se détourna 
^ers Palmyre; les Nabuthéens cessèrent d'avoir le 



171 



PETRA 



172 



monopole des transports et la décadence de Pétra 
commença. Sous les empereurs byzantins, ce n'était 
plus qu'une simple bourgade. Les Arabes achevèrent 
sa ruine au vn c siècle, lorsqu'ils en furent devenus 
maîtres, et elle devint bientôt un lieu de désolation 
complète. Au moyen âge, entre les années 1260 et 
1277, elle reçut la visite du sultan d'Egypte Bibars, qui 
fut frappé, lui aussi, de la coloration de ses rochers et 
de ses monuments taillés dans le roc. Voir Quatre- 
mère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Journal 
asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit 
complètement de vue. Elle n'a été retrouvée qu'en 1812, 
par le célèbre explorateur allemand Burckhardt. Ce 
furent deux Français, L. de Laborde et Linant de Bel- 
lefonds qui levèrent, en 1830, le premier plan exact 
des ruines; non sans péril, car les Bédouins qui habi- 
tent ou fréquentent ces parages sont agressifs, supers- 
titieux et pillards. On compte les visiteurs qui s'y sont 
succédé à d'assez rares intervalles. Voir leur liste dans 
Libbey, The Jordan Valley, t. n, p. 325. L'antique 
Séla' n'est plus habitée aujourd'hui que par quelques 
misérables familles, qui vivent dans les tombes. Elle 
a eu sa part de la malédiction lancée contre l'Idumée. 
Cf. Jer., xlix, 14-19. — Au commencement du V e siècle 
de notre ère, Pétra était un siège métropolitain, qui 
dépendait du patriarcat de Jérusalem. On ignore à 
quelle époque et dans quelles circonstances le christia- 
nisme y avait pénétré. La tradition d'après laquelle 
saint Paul serait venu à Pétra lorsqu'il se retira en 
Arabie après sa conversion, cf. Gai., i, 17, pourrait 
bien n'être qu'une légende. 

IV. État actuel. — Bien que Pétra ne soit plus 
aujourd'hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus, 
loc. cit., p. 797, ses ruines comptent parmi les plus re- 
marquables que nous ait léguées l'antiquité. 

De la cité même, bâtie dans la vallée, il ne reste à 
peu près rien. Elle a été « tellement bouleversée, 
qu'en certains endroits il est difficile de retrouver les 
traces des rues, des places ou des carrefours. Un grand 
temple bien délabré, les débris des décorations qui 
ornaient la voie triomphale sur les bords d'un oued 
lesséché, des culées de ponts, quelques colonnes et 
des dizaines d'hectares de pierres culbutées pêle-mêle, 
sous lesquelles s'abritent des légions de serpents et 
de scorpions, voilà, à l'heure présente, l'antique ville » 
de Pétra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1907, 
p. 824. 

Dans la partie méridionale de l'emplacement de la 
cité, on distingue en particulier une plate-forme qui 
paraît avoir été l'agora ou le forum, les restes d'un 
temple, un arc de triomphe et surtout, tout à fait à 
l'ouest, le Qasr Fir'aoûn ou « Château de Pharaon », 
vaste édifice carré qui était probablement un temple. 
C'est l'édifice le mieux conservé de la ville proprement 
dite; mais son style n'a rien d'extraordinaire, et il date 
sans doute d'une époque relativement tardive. Au sud-est 
an admire, entièrement taillé dans le roc, un amphi- 
théâtre qui a jusqu'à 33 rangées de gradins, et qui pou- 
vait contenir 3000 spectateurs. Dans la partie septen- 
trionale, au nord de la rivière, spécialement du côté 
8e l'est, on voit quelques-uns des monuments les plus 
somptueux de Pétra. Ce sont des tombeaux également 
creusés et sculptés dans le rocher : entre autres, une 
grande tombe à trois étages de colonnes — on en 
compte jusqu'à dix-sept au second étage — une tombe 
corinthienne, un autre tombeau muni d'une terrasse 
et de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les 
directions, et particulièrement au nord et à l'ouest du 
parallélogramme formé par la vallée, les. montagnes 
qui entourent Pétra sont remplies de tombes plus sim- 
ples, taillées elles aussi dans le rocher et ne présen- 
tant aucun ornement extérieur. On peut les compter 
par milliers. Les tombes plus riches sont élégamment 



ornées de façades, de colonnes ou de pilastres, de fron- 
tons, etc. Le tout est monolithe, le grès se prêtant aisé- 
ment, par la souplesse de son grain, à toutes sortes de 
sculptures. L'architecture de ces divers édifices est 
extrêmement variée : on y trouve les styles égyptien, 
syrien, grec, romain. Les tombes sont souvent super- 
posées et elles atteignent presque les sommets les plus 
élevés des montagnes; on avait pratiqué des escaliers 
dans le roc, pour arriver jusqu'à elles. En un endroit, 
on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont 
10, 15, 20 m. de hauteur. Parfois, la chambre sépulcrale 
était de dimensions considérables; une entre autres, 
qui a de 10 à 12 m. de haut et 18 m, de large. 

Quelques-uns des monuments de Pétra sont en dehors 
de son enceinte. Dans le Sik, à une certaine distance 
de la ville, on aperçoit tout à coup, avec une légitime 
admiration, à un tournant du défilé, le Kaznéh Fir- 




32. — Kaznéh Firaoùn. D'après une photographie. 

aoûn ou « trésor de Pharaon », taillé dans la paroi 
rose du rocher et orné de deux rangées de colonnes 
superposées, avec des bas-reliefs dans l'intervalle ; il 
est dans un état de conservation remarquable, et c'est 
une véritable merveille dans ce désert {fig. 32). C'est 
une tombe d'ordre corinthien; les salles intérieures 
sont très simples. Dans la direction opposée, au nord- 
est et environ à une heure de marche de la ville, on 
trouve le Deir, le « couvent », qui reproduit en grand et 
avec moins de grâce le plan du Kaznéh. Ses propor- 
tions sont colossales : 45 m. de développement sur 40 
de hauteur; l'église de la Madeleine à Paris n'est pas 
aussi grande. Ainsi qu'il a été dit plus haut, quelques- 
unes des tombes remontent vraisemblablement jusqu'à 
l'époque lointaine des Horréens. Deux Hauts-Lieux, 
découverts récemment, l'un au sommet d'une montagne 
qui domine la vallée de Pétra, l'autre à l'ouest, du 
côté du mont Hor, sont pareillement très anciens. Sur 
le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarlerly 
Statement, octobre 1900; Mittheilungen des deutsch. 
Palàstina Vereins, 1901, n. 2, p. 21, et surtout la Revue 
biblique internationale, t. xn, avril 1903, p. 280-288. 
La plupart des édifices proprement dits ne datent que 
du dernier siècle antérieur à notre ère ou des deux 
premiers siècles après J.-C. 



173 



PÉTRA — PETROPQLITANUS (CODEX) 



174 



V. Bibliographie. — Reland, Palsestina ex monu- 
nienlis veteribus illtistrata, 1714; Burckardt, Reisen 
in Syrien, 1823, t. n, p. 703-708; Léon de Laborde et 
Linant de Bellefonds, Voyage dans l'Arabie Pétrée, 
\ Paris, 1830-1834; E. Robinson, Palsestina und die sud- 
lich angrenzenden Lânder, Halle, 1842, t. m, p. 60, 
128, et 760; J. Wilson, The Larids of the Bible visi- 
ted and described, Edimbourg, 1847, t. I, p. 291-336; 
A. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1860, p. 87-98 ; 
K. Ritter, The comparative geography of Palestine and 
the Sinaitic Penihsula, trad. angl., Edimbourg, 1866, 
t. J, p. 421-425, 434-451 ; E. H. Palmer, The Désert of 
Exodus, Londres, 1871, t. n; duc de Luynes, Voyage 
d'exploration à la mer Morte et sur la rive gauche du 
Jourdain, à Pétra, etc., Paris, 1871, p. 274; Visconti, 
Viaggio in Arabia Petrea, 1872; Ebers et Guthe, 
Palsestina in Bild und Wort, nebst der Sinaihalbin- 
sel..., Stuttgart, 1884, t. n, p. 233-250; V. Guérin, La 
Terre Sainte, 2« partie, Paris, 1884, p. 313-323; E.Hull, 
Mount Seir, Sinai and Western Palestine, dans le 
Palestine Exploration Fund Quarterly Statement, 
Londres, 1886; H. E. Hart, Some Account of the 
Fauna and Flora of Sinai, Petra and Wady Arabah, 
Londres, 1891; G. Dahnan, Petra und seine Felshei- 
ligthûmer, in-8", Leipzig, 1908.; F. Buhl, Geschichte 
der Edomiter,"Leipzig, 1893; A. Sargerton-Galichon, 
Sinaï, Ma'ân, Pétra : sur les traces d'Israël et chez les 
Nabatéens, Paris, 1904; Brunnow et von Domoszweski, 
Die Provincia arabica, t. i, Strasbourg, 1904; W. Lib- 
bey, The Jordan, Valley and Petra, New- York, 1905. 

L.'Fillion. 
PÉTREL,oiseaudemer.VoirMoBETTE, t.iv, col.1327. 

PETRI, PEETERS Barthélémy, théologien belge 
catholique, né vers 1547 à Op-Linter près Tirlemont, 
mort à Douai le 26 février 1630. Après avoir pendant 
dix ans enseigné la philosophie à Louvain, il fut forcé 
en 1580 par les guerres de chercher un refuge à Douai 
où il fut pourvu d'un canonicat dans l'église Saint-Amé 
et d'une chaire de théologie où il enseigna jusqu'à sa 
mort. Il publia : Actus Apostolorum a S. Luca con- 
scripti et in eosdem Actus commentarius perpeluus, 
in-4°, Douai, 1622. Il termina après la mort de Guillaume 
Estius la publication des commentaires de ce théolo- 
gien sur les Épitres : In omnes divi Pauli et septem 
catholicas ApostolorumEpistolas comtnentarii, 2 in-f°, 
Douai, 1614-1616. Les notes sur le chapitre v delà pre- 
mière Épître de saint Jean et sur les deux autres Épitres 
de cet Apôtre sont de Barthélémy Pétri. Voir Paquot, Mé- 
moires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas, 
t. vin, p. 76; Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 109. 

D. Heurtebize. 

PETRIN (hébreu : miS'érét), ustensile dans lequel 
on pétrit la farine (fig. 33). — Les grenouilles de la 
deuxième plaie d'Egypte montèrent jusque dans les fours 
et les pétrins. Cf. Exod., vn,28(Vulgate, vin,3). Les Égyp- 
tiens se servaient de pétrins plus longs que larges. Voir 
t. iv, fig. 512, col. 32, un autre pétrin dans lequel deux 
hommes à la fois pétrissaient le pain avec les pieds. Il 
était facile aux grenouilles de s'introduire dans ces 
pétrins posés à terre. Les Septante rendent les mots 
hébreux par çvpct|x<xxa xai xli6àvoi, « les masses de 
pâte et les fours », et la Vulgate par « les fours et les 
restes d'aliments ». — Au départ d'Egypte, les Hébreux 
emportèrent leur pâte avant qu'elle fût levée, serrèrent 
dans leurs manteaux les pétrins qui la contenaient et 
les mirent sur leurs épaules. Exod., xn, 34. Il s'agit 
ici évidemment de ces pétrins plus petits, de forme 
ronde, qu'on posait sur un support et dans lesquels un 
seul homme debout pétrissait avec les mains. Voir 
1. 1, fig. 590, col. 1891. Tous ces pétrins paraissent fa- 
briqués en jonc ou en osier, comme les corbeilles ordi- 
naires. Dans ce second passage les versions ne rendent 



pas .le mot miS'érét et font envelopper directement la 
pâte dans les manteaux. — Suivant la conduite des ' 
Israélites, Dieu bénira ou maudira leur téné' et leur 
mis'éréf, c'est-à-dire leur corbeille à provisions, cf. 
t. n, col. 963, et leur pétrin. Deut., xxvm, 5, 17 (dans les 
Septante : « tes magasins et tes restes », et dans la 
Vulgate : « tes greniers et tes restes »). Les versions 
n'ont compris, dans aucun des quatre passages, la 
signification du mot mis'éré{. Ce mot, d'ailleurs, ne 
se retrouve plus en dehors de ces passages. Les Israé- 




33. — Pétrin égyptien. Tombeau de Rekhmara. 
« Au-dessus d'un vase de farine, on lit : cuisson des pains. Un 
homme délaie la farine avec une pelle » dans le pétrin; c un 
autre verse l'eau (?) avec une outre (?). L,a pâte est déposée 
en forme de cube sur une planche épaisse. Deux hommes, 
assis sur des escabeaux, la pétrissent sur des planches en 
fopme de pains coniques. » Ph. Virey, Le tombeau de Rekh- 
mara, p. 47. 

lites ont continué sans nul doute à se servir de pétrins ; 
mais les auteurs sacrés n'ont plus eu l'occasion de les 
mentionner. H. Lesêtre. 

PÉTRINISME. Voir Ba.ur, t. i, col. 1523. 

PETROPOL1TANUS (CODEX). Deux manus- 
crits, l'un de l'Ancien Testament, l'autre du Nouveau, 
sont généralement connus sous ce nom. 

1. Le premier est un palimpseste de 88 feuillets in- 
octavo : les feuillets primitifs au nombre de 44 ont été 
plies en deux. Il contient des fragments du Livre des 
Nombres selon la version des Septante : i, 1-30; i, 40- 
ii, 14; n, 30-m, 26; v, 13-23; vi, 6-vn, 7; vu, 41-78; 
vm , 2-16 ; xi , 3-xm, 1 1 ; xin, 28-xrv, 34 ; xv, 3-28 ; xv, 32-xvi, 
31; xvi, 44-xviu, 4; xvm, 15-26; xxi, 15-22; xxn, 30- 
41; xxiii, 12-27; xxvi, 54-xxvn, 15; xxvm, 7-xxix, 36; 
xxx, 9-xxxi, 48; xxxn, 7-xxxiv, 17; xxxvi, 1-13. Tis- 
chendorf qui l'a édité dans ses Monutnenta sacra ined., 
nova coll., 1. 1, Leipzig, 1855, l'attribue au vi e siècle, à cause 
des abréviations qu'il renferme, bien que l'écriture ait 
un aspect plus archaïque. On le désigne en critique 
par la lettre H. 

II. L'autre Petropolitanus' consiste en un seul 
feuillet arraché à la couverture de bois d'un manuscrit 
syriaque. 11 est du vu 8 siècle et contient Âct., n, 45-m, 
8. Tischendorf dans sa huitième édition du Nouveau 
Testament l'appelle G (lettre qui désignait autrefois le 
manuscrit des Actes de la Bibliothèque Angelica, 
désigné maintenant par L). Von Soden lui attribue 
le symbole a 1002. F. Prat. 



175 



PEUPLIER 



PEVERELLI 



176 



PEUPLIER (hébreu : libnéh; Septante : pà6Soç 
arvpaxivr,, Gen., xxx, 37; Aeûxij, Ose., IV, 13; Vulgate : 
poputea, populus), un des grands arbres de la Palestine. 

I. Description. — Les Peupliers composent avec 
les Saules toute la famille des Salicinées, arbres 
et arbrisseaux caractérisés par les fleurs dis- 
posées en chatons dioïques. Les graines, à la maturité, 
s'échappent en grand nombre d'une capsule bivalve, 
emportées par le vent sous la forme de flocons blancs 
grâce aux poils soyeux dont elles sont revêtues. Les 
Peupliers se distinguent par leur taille franchement 
arborescente, leurs feuilles à limbe élargi et porté sur 
un pétiole comprimé suivant le plan médian, leurs 
étamines enfin plus nombreuses dans chaque fleur. 

Dans aucun autre genre, peut-être, le dimorphisme 
sexuel n'est plus accentué, au point que le vulgaire 
donne souvent des noms différents aux pieds mâles et 
femelles de la même espèce. Les premiers sont aussi 
préférés et presque exclusivement propagés par \a cul- 
ture à cause de leur croissance rapide, de leur tige plus 
élevée, de leur végétation de tout pointplus vigoureuse 




34. — Populus alba. 
Rameau, fleurs et chatons dioïques ; graines. 

les feuilles paraissant plus vite au printemps, et tombant 
plus tard en automne. En outre, ils n'ont pas l'inconvé- 
nient passager mais très réel des plantes fructifères au 
moment où se dispersent les semences cotonneuses. 

Les espèces de Palestine se répartissent en trois séries 
distinctes. 1° La plus commune au bord des eaux dans 
toute la plaine littorale de Syrie, l'Ypreau, Populus alba 
de Linnée (flg. 34), est facile à reconnaître au feutre 
couleur blanc de neige qui revêt les jeunes rameaux et 
le dessous des feuilles. Dans la région montagneuse du 
Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula, 
de la même section des Peupliers blancs, pour les 
squames ciliées de ses chatons, mais à feuilles vertes 
sur les deux faces, et, en plus, une race intermédiaire 
entre les deux précédentes, dont elle est probablement 
un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, à bois 
tenace, tronc élancé, et feuillage cendré. 2° Le curieux 
Peuplier de l'Euphrate, si remarquable par le polymor- 
phisme de ses feuilles, tantôt larges et deltoïdes, tantôt 
étroites au point de simuler un Saule, est un arbre de 
la région désertique à rameaux étalés avec une cime 
glauque, disséminé depuis l'Afrique septentrionale 
jusqu'à l'Himalaya, mais surtout abondant dans la 
dépression du Jourdain et en Mésopotamie. Il ressemble 
aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus et ses 
squames lanciniées, mais possède les étamines indéfinies 
de la section suivante. 3° Dans les vallées du Liban le 
Peuplier noir est aussi répandu, surtout sous la forme 
pyramidale, que dans l'Europe moyenne, quoique de 



spontanéité douteuse. Les jeunes rameaux et les feuilles 
sont glabres, comme chez toutes les espèces de la sec- 
tion Aigirus, avec les bourgeons visqueux et les éta- 
mines au nombre de "12 à 30. F. Hy. 

II. Exégèse. — Les anciens et les modernes sont 
également partagés sur le sens du mot libnéh : les uns 
y voient le styrax officinalis, l'aliboufier; les autres le 
peuplier blanc. L'étymologie ne saurait trancher le dif- 
férend. Libnéh vient de la racine Idban, « être blanc. » 
Ce nom peut s'appliquer au styrax comme au peuplier. 
L'aliboufier donne une sorte de lait blanchâtre qui se 
coagule et forme la gomme ou résine de styrax. Cette 
résine blanche aurait pu donner son nom à l'arbre lui- 
même, comme en arabe où ( _j->-j£, lobna, désigne l'ali- 
boufier et son produit. Le nom de libnéh convient aussi 
et mieux encore au peuplier, à cause de la blancheur 
de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles- 
Parmi les traductions anciennes on trouve une grande 
divergence à'YùtocprélalvïR. Si cour Gen., xxx, 37, les 
Septante, suivis par l'arabe de Saadias et par l'éthiopien,, 
traduisent par piêSo; crrupaxîvri branche d'aliboufier; 
dans Ose., îv, 13, ils rendent libnéh par >sûxt), le peu- 
plier. La Vulgate traduit dans les deux endroits par 
populus, populea, peuplier. Les exégètes modernes 
comme Gesenius, Thésaurus, p. 740 ; Michaëlis, Supplé- 
ment, ad Lexica hebraica, t. u, p. 1404; E. Fr. C. Rosen- 
mùller, Bandbuch der biblischen Alterthumskunde, 
in-8°, Leipzig, 1830, t. îv, p. 261, préfèrent la traduction 
styrax, à cause du rapprochement de l'hébreu libnéh 
avec l'arabe lobna. D'autre part 0. Celsius, Hierobo- 
tanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. I, p. 292; H. B. Tris- 
tram, The natural History of the Bible, in-12, 
Londres, 1889, p. 389, préfèrent la traduction peuplier 
blanc. Le contexte est plutôt en faveur de ce dernier 
sentiment. Dans Gen., xxx, 37, « Jacob prit des ba- 
guettes vertes de libnéh, d'amandier et de platane. U 
y pela des bandes blanches, en mettant à nu le blanc 
des baguettes; puis il plaça les baguettes ainsi pelées 
en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des 
rameaux d'aliboufier pouvaient servir aussi bien que 
des branches de peuplier à cet usage. Mais près des 
deux grands arbres mentionnés, l'amandier et le pla- 
tane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble 
plus naturellement placé qu'un arbuste comme le 
styrax officinalis. Le second passage, Ose., îv, 13, est 
plus décisif encore. 11 s'agit de l'idolâtrie d'Israël. 
« Ils offrent, dit le prophète, des sacrifices sur les 
sommets des montagnes; ils brûlent de l'encens sur 
les collines sous le chêne, le libnéh, et le térébinthe,, 
parce que l'ombrage en est bon. » Le chêne et le- 
térébinthe sont de grands arbres à l'ombrage épais, près 
desquels on serait étonné de trouver mentionné un 
arbuste comme l'aliboufier, tandis que le beau et large 
peuplier blanc trouve une place naturelle. Peut-être 
que les exégètes qui ont préféré traduire libnéh par 
l'aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pensé sur- 
tout au port élancé et peu touffu du peuplier pyramidal. 
Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n'est pas 
déplacé près du chêne et du térébinthe aux frais om- 
brages. Aussi préférons-nous traduire libnéh par 
peuplier blanc. Voir Stykax. E. Levesqtje. 

PEUR. Voir Frayeur, t. u, col. 2399. 

PEVERELLI Barthélemi, exégète italien, né à Vé- 
rone en 1695, mort à Modène le 22 octobre 1766, entra 
au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 29 octobre 1713, 
enseigna d'abord les humanités puis l'Écriture Sainte à 
Modène. Ses leçons sur les Actes des Apôtres : Lezioni 
sacre e morali sopra il santo lïbro de gli Atti Aposto— 
lia, Vérone, 1766-1777, 2 in-4°, sont tout à la fois une 
œuvre de science et une œuvre de piété; elles s'adressent 
à l'intelligence et au cœur. P. Blurd. 



177 



PEZRON — PHACÉE 



178 



PEZRON Paul, savant chronologiste de l'ordre de 
Clteaux,'né en 1639 à Hennebont en Bretagne, mort a 
Chessy le 10 octobre 1706. Il fut admis dans l'ordre de 
Cîteaux à l'abbaye de Prières et y exerça les fonctions 
de maître des novices. En 1677 .il fut nommé sous- 
prieur du collège des Bernardins à Paris, où il se fit rece- 
voir docteur. Il enseigna ensuite la théologie jusqu'en 
1690 et fut alors choisi comme visiteur de son ordre. 
En 1697 il fut élu abbé de la Charmoye; mais quelques 
années plus tard, en 1703, il se démit de cette charge 
afin de pouvoir se livrer plus facilement à la prière et 
à l'étude. Il a publié : Essay d'un commentaire 
littéral et historique sur les Prophètes, in-12, Paris, 
1693 : l'auteur entreprend d'y expliquer les prophètes 
selon l'ordre, chronologique; Histoire évangélique con- 
firmée par la Judaïque et la Romaine, 2 in-12, Paris, 
1696. Dom Pezron est surtout connu par son ouvrage : 
L'Antiquité des temps rétablie et défendue contre les 
Juifs et les nouveaux chronologistes, où l'on prouve 
que le texte hébreu a été corrompu par les Juifs, avec 
un canon chronologique depuis le commencement du 
monde jusqu'à Jésus-Christ, in-4», Paris, 1687. Dom 
Pezron y rétablit la chronologie du texte des Septante. 
Ses conclusions furent attaquées par dom Martianay, 
de la congrégation de Saint-Maur et par Le Quien- 
Il leur répondit par la Défense de l'antiquité du temps 
contre le P. Jean Martianay ; où l'on soutient la tra- 
dition des Pères et des Églises contre celle du Talmud 
et où l'on fait voir la corruption de l'Hébreu des Juifs, 
in-4», Paris, 1691. Dom Pezron publia en outre dans 
les Mémoires de Trévoux : Dissertation touchant l'an- 
cienne demeure des Chananéens et de l'usurpation 
qu'ils ont faite sur les enfants de Sem, 1704, p. 15; 
Dissertation sur les anciennes et véritables bornes de 
la terre promise, 1705, p. 1015. — Voir D. François, 
Biblioth. générale des écrivains de l'Ordre de S. Be- 
noit, t. il, p. 387. B. Heurtebize. 

PFAFF Christophe Matthieu, exégète protestant, né 
à Stuttgart le 25 décembre 1686, mort le 19 novembre 
1760. Docteur et professeur de théologie à Tubingue, 
il fut chancelier de l'Université de cette ville et membre 
de l'Académie des sciences de Berlin. Parmi les nom- 
breux écrits de cet auteur on remarque : Notas exege- 
tiese in Evangelium Matthmi quibus sensus ejusdem 
litteralis perspicue breviterque evolvitur, in-4», Tubin- 
gue, 1721. — "Voir C. P. Leporin, Verbesserte Nachrichi 
von CM. Pfaffen's Leben, Controversien und Schrif- 
ten, in-4», Leipzig, 1726; Walch, Bibl. theologica, t. iv, 
p. 390, 637, 915, 917. B. Heurtebize. 

PFEFFINGEft Daniel, théologien protestant, n 
vers 1661, mort le 24 novembre 1724. Professeur de 
théologie et de langues orientales, il publia : Notes in 
prophetiam Haggai, in-4», Strasbourg, 1703; Disser- 
tationes in Epistolam ad Epkesios, in-8», Strasbourg, 
1721. — Voir J. Wieger, Programma in J. D. Pfeffingeri 
obitum, in-f», Strasbourg, 1724; Walch, Bibl. theolo- 
gica, t. iv, p. 591, 702. B. Heurtebize. 

PFEIFFER Auguste, théologien et orientaliste pro- 
testant, né à Lauenbourg le 27 octobre 1640, mort à 
Lubeck le 11 janvier 1698. Archidiacre de l'église Saint- 
Thomas à Leipzig, professeur de langues orientales et 
de théologie, puis surintendant des églises de Lubeck, 
Auguste Pfeiffer publia un grand nombre d'ouvrages, 
parmi lesquels nous devons citer : Commentarius in 
Obadiam, prseter genuini sensus evolutionem et colla- 
tionem, interpretum exhibens versionem latinam et 
examen commentarii 1s. Abarbanelis Judsei doctis- 
simi, sed christianis infensissimi et inter alia abster- 
gens indignissimam Judseorum calumniam, christia- 
nos esse ldumseos eosque manere pœnas Idumeeis in 



sacro Codice denuntiatas, in-4», Wittenberg, 1666; Prse- 
lectiones in prophetiam Jonse recognitse et in justum 
commentarium redactse, quibus emphases vocum 
eruuntur, verus Sacrée Scripturss sensus exponitur, 
sententise varix et Judseorum et christianorum addu- 
cuntur, falsœ refelluntur et qusestiones dubise resol- 
vuntur, in-4», Wittenberg, 1671; Dubia vexala Scrip- 
turse Sacrse, sive loca difficiliora Veteris Testamenti 
succincte decisa, in-4», Dresde, 1679; Critica sacra de 
sacrï Codicis partitione, editionibus variis, lingui? 
orientalibus, in-8», Dresde, 1680; Theologia mystica 
Veteris Testamenti per typos rariores promulgala et 
ad hisloriam Novi Testamenti adplicata, in-8», Stral- 
sund, 1727. — Voir J. E. Pfeiffer, Memoria A. Pfeifferi, 
theologi Lubecensis, in-4», Rostock, 1700; Walch, Bibl. 
theologica, t. IV, p. 233, 577, 581, 791. 

B. Heurtebize. 

PHACÉE (hébreu : Peqah; Septante : *<xjceé), 
dix-huitième roi d'Israël (759-739, ou 750-731). Phacée 
était fils de Romélie, personnage inconnu ou peut-être 
décrié, comme le donnerait à supposer l'affectation avec 
laquelle Isaïe, vu, 4, 5, 9; vui, 6, appelle le roi d'Israël 
simplement « le fils de Romélie ». Phacée n'entra 
d'ailleurs dans l'histoire que par la porte du crime. Il 
était officier de Phacéia, salisô, « son officier », par 
conséquent attaché à sa personne. Il ne tarda pas à 
conspirer contre lui pour le faire disparaître et prendre 
sa place, comme avaient fait récemment, dans ce mal- 
heureux royaume d'Israël, Sellum pour Zacharie, et 
Manahem, père de Phacéia, pour Sellum. Phacéia ne 
régnait que depuis deux ans, quand Phacée réussit à 
le frapper à Samarie, dans la tour de la maison royale. . 
Avec le roi périrent deux de ses officiers fidèles, Argob- 
et Arié. Pour réussir dans son entreprise criminelle,, 
le meurtrier s'était assuré le concours de cinquante' 
Galaadites. D'après la Vulgate, ces derniers sont au 
contraire du parti de Phacéia et périssent avec lui. 
Leur nombre précis indique des conjurés plutôt que 
des victimes. Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 1, on ne sait 
sur quelle donnée, dit que le crime eut lieu au milieu 
d'un festin. IV Reg., xv, 25. 

Devenu roi dans de telles conditions, Phacée ne 
pouvait que favoriser en Israël les habitudes idolâtriques 
mises en honneur par ses prédécesseurs. Il n'y manqua 
pas. IV Reg., xv, 28. Il régnait depuis deux ans à Sa- 
marie, quand, à Jérusalem, un jeune prince de vingt- 
cinq ans, Joatham, succéda à son père, Ozias, qui avait 
régné cinquante-deux ans. D'autre part régnait en Syrie 
Rasin II, qui jadis, en même temps que Manahem, 
avait été obligé de prêter hommage au roi d'Assyrie, 
Téglathphalasar III, quand celui-ci avait soumis la 
Syrie septentrionale. Phacée et Rasin, au lieu de 
s'entendre avec le roi de Juda pour faire face ensemble 
aux incursions assyriennes, préférèrent comploter tous 
les deux contre leur voisin du sud. Dès le temps de 
Joatham, f leurs entreprises hostiles se dessinèrent. 
IV Reg., xv, 37. Cependant elles ne prirent corps que 
quand un jeune roi de vingt ans, Achaz, fut monté sur 
le trône de Jérusalem, la dix-septième année de Phacée. 
Rasin et ce dernier se portèrent ensemble contre la 
capitale de Juda pour l'attaquer. Leur projet n'allait 
à rien moins qu'à détrôner Achaz pour mettre à sa 
place le fils de Tabéel, personnage inconnu, peut-être 
Rasin lui-même, en tous cas un prince tenu par la 
Syrie dans une étroite dépendance. Is., vil, 6. Voir 
Tabêel. L'armée syrienne s'avançait à travers le ter- 
ritoire d'Éphraïm. A l'approche des ennemis, Achaz 
et tout son peuple furent saisis d'épouvante. Le pro- 
phète Isaïe s'efforça de les rassurer contre les menaces 
de Rasin et du fils de Romélie, « ces deux bouts de 
tisons fumants », dont le dessein ne devait pas avoir 
d'effet, et sur lesquels allaient s'abattre bientôt les 
fureurs de l'Assyrie. Is., vu, 1-9; viii, 1-4. Malgré leurs. 



179 



PHACÉE — PHADAÏA 



180 



efforts, les rois de Syrie et de Samarie ne purent 
vaincre Achaz à Jérusalem. Ils se tournèrent alors 
chacun de leur côté. Rasin alla s'emparer d'Élath, sur 
la mer Rouge et fit dans le royaume de Juda un grand 
nombre de prisonniers qu'il déporta à Damas. IV Reg., 
xvi, 6; II Par., xxvm, 5. Phacée, opérant pour son 
compte, battit l'armée d'Achaz et lui tua cent vingt 
mille hommes en un jour. Zéchri, guerrier d'Ephraïm, 
mit à mort Maasias, fils du roi, Eyrica, intendant de la 
maison royale, et Elcana, le premier ministre. En 
toutes ces rencontres, les Israélites firent à leurs frères- 
deux cent mille prisonniers, femmes, fils et filles, 
qu'ils emmenèrent à Samarie avec un butin considérable. 
II Par., xxvm, 6-8. Sur la valeur de ces chiffres, voir 
Nombre, t. îv, col. 1682-1683. 

Dieu ne permit pas cependant que des frères se 
traitassent comme des étrangers. L'armée israélite 
revenait à Samarie avec ses captifs et son butin, quand 
un prophète de Jéhovah, nommé Oded, se présenta au- 
devant d'elle et lui reprocha la fureur avec laquelle elle 
avait tué tant d'hommes de Juda. On allait maintenant 
réduire en esclavage des milliers de survivants. Mais 
Éphraïm, lui aussi, n'était-il pas coupable envers 
Jéhovah? Le prophète concluait au renvoi des prison- 
niers, si l'on voulait échapper à la colère de Dieu. Son 
observation était trop juste pour ne pas éveiller la pitié 
dans l'âme des vainqueurs. Quelques-uns des chefs 
d'Ephraïm appuyèrent énergiquement les paroles 
d'Oded. L'armée abandonna ses captifs et son butin. 
Par les soins des chefs, on fournit aux prisonniers des 
vêtements et des chaussures; on les fit manger et boire, 
on les oignit, on fit monter sur des ânes ceux qui 
défaillaient et on les reconduisit tous à Jéricho, où on 
les remit aux mains de leurs compatriotes. II Par., 
xxvm, 9-15. Ce jour-là, grâce à l'initiative du prophète 
et à l'intelligence des chefs, un grand acte de frater- 
nité fut accompli en Israël. L'intervention de Phacée 
n'apparaît pas dans cet événement. Peut-être tout se 
fit-il à son insu, ou du moins n'osa-t-il pas s'opposer à 
un mouvement qui entraînait tout son peuple. 

Les choses n'en restèrent paslà. Achaz, effrayé de la cam- 
pagne menée si rudement contre lui par les deux alliés, 
prit alors un parti désastreux pour l'indépendance natio- 
nale. Il envoya des messagers à Téglathphalasar pour 
lui dire : « Je suis ton serviteur et ton fils ; monte et 
délivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main 
du roi d'Israël, qui se sont levés contre moi. » IV Reg., 
xvi, 7. Il faut ajouter que les Iduméens et les Philis- 
tins avaient attaqué Judaà leurtour, lui avaient emmené 
des captifs et pris des villes. II Par., xxvm, 16-18. Le 
roi d'Assyrie se hâta d'acquiescer à une demande qui 
répondait merveilleusement à ses ambitieux projets. En 
vain Isaïe chercha-t-il à faire tomber les illusions d'un 
peuple qui « se réjouissait au sujet de Rasin et du 
fils de Romélie », menacés par l'Assyrien. En vain 
prédit-il que ce sauveur deviendrait pour Juda un 
envahisseur et un conquérant. Is., vm, 6, 7. Téglath- 
phalasar descendit et s'abattit d'abord sur le royaume 
d'Israël, sans que le roi de Syrie osât venir au secours 
de son allié. Arrivant par la vallée de l'Oronte, du 
Léontès et du haut Jourdain, il prit successivement 
les villes d'Ajon, d'Abel-Beth-Machaa, de Janoé, de 
Cédés, d'Asor, puis Galaad, la Galilée et tout le pays de 
Nephthali, c'est-à-dire toute la partie septentrionale du 
royaume d'Israël, et il en déporta les habitants en 
Assyrie. II Reg., xv, 29. Il est dit ailleurs, I Par., v, 
26, que Téglathphalasar emmena captifs les Rubénites, 
les Gadites et la demi-tribu de Manassé, et qu'il les 
conduisit à Hala, à Chabor, à Ara et au fleuve de Gozan. 
Après les Israélites, le roi d'Assyrie tomba sur les 
Philistins, ces autres ennemis de Juda, et sur les 
Syriens, contre lesquels il fit deux campagnes. Tous ces 
événements se passèrent dans les années 734-732. Le 



roi de Juda eut ensuite son tour, comme il fallait.s'y 
attendre et comme Isaïe l'avait annoncé. II Par., 
xxvm, 20. 

Une des inscriptions de Téglathphalasar, Cuneiform 
Inscriptions of Western Asia, t. m, pi. x, 2 ; cf. . 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. m, p. 522, 523, raconte la campagne contre 
la terre de Pilasta, la Palestine. Parmi les villes prises 
à l'entrée de la terre de Bêt-Ilu-wm-ri, maison d'Amri 
ou d'Israël, on a cru reconnaître celles de Galaad et 
d'Abel-Beth-Maacha (Abiilakka). Mais il est possible 
qu'il faille lire plutôt Galza et Abilakka. Cf. Rost, Die 
Keilschrifttexte Tiglat-Pilesers III, t.i, p. 78-79. L'ins- 
cription ajoute, lig. 26-28 : « La terre de Bêt-Hu-um-ri... 
la totalité de ses habitants, avec leurs biens, je trans- 
portai en Assyrie. » 

Phacée avait échappé à la déportation, probablement 
en se cachant dans les montagnes. Il ne survécut 
guère au désastre. Parvenu à la royauté par l'assassi- 
nat, il fut assassiné à son tour par Osée, fils d'Éla, qui 
régna à sa place. II Reg., xv, 30. L'inscription de Té- 
glathphalasar relate le fait. Voir Osée, t. iv, col. 1905. 
Ce qui se dégage de ces récits, c'est que Phacée fut un 
ambitieux sans scrupule, qui ne recula pas devant l'al- 
liance avec les étrangers pour l'oppression de ses frères 
de Juda, mais qui ne sut et ne put rien faire pour la 
défense de son propre royaume, qu'il vit le premier 
très sérieusement entamer par les conquérants assyriens. 

H. Lesêtre. 

PH ACÉI A (hébreu : Peqafryâh ; Seplante : Q>«.v.solai) , 
dix-septième roi d'Israël (761-759, ou 752-751). 11 était 
fils de Manahem, à la mort duquel il devint roi. Son 
règne de deux ans se résume en ces mots, si souvent 
redits au sujet des rois d'Israël : « Il fit ce qui est mal 
aux yeUx de Jéhovah et ne se détourna pas des péchés 
de Jéroboam, fils de Nabat, qui avait fait pécher Israël. » 
II Reg., xv, 24. Il est possible que le tribut payé 
naguère au roi d'Assyrie, et que Manahem avait fait 
peser sur les riches, ait indisposé ces derniers contre 
son fils. Un des officiers du roi le mit à mort et frappa 
avec lui deux personnages dont le nom a été conservé, 
Argob et Arié, fidèles à Phacéia et, à ce titre, partageant 
probablement son impopularité. II Reg., xv, 25. Voir 
Phacée, col. 178. H. Lesêtre. 

PHADAÏA (hébreu : Pedâyàh, une fois Pedâ- 
ydhu; « Jéhovah rachète ou délivre »), nom de six ou 
sept Israélites. M. Bliss a trouvé au sud de la colline 




■ j 



35. — Cachet d'un Phadaïa. 
inns bOTOW», IHma"el Pedayahu. 

d'Ophel, à Jérusalem, un cachet scarabéoïde qui porte 
le nom de Phadaïa écrit en hébreu ancien (fig. 35). 
Voir Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 
Comptes rendus, 23 juillet 1897, p. 374. 

.1. PHADAÏA (Septante : $a8«i'a; Aleœandrinus : 
EkSSda), père de la reine Zébida, mère du roi Joakim. 
Il était originaire de Ruma. IV Reg., xxm, 36. 

2. PHADAÏA (Septante : *a8ataç), fils du roi de Juda 
Jéchonias et père de Zorobabel. I Par., m, 18-19. Le 
Vatieanus et VAlexandrinus, I Par., m, 19, indiquent 
Salathiel comme père de Zorobabel, comme le font 
d'ailleurs Agg., i, 1, etc.; I Esd., m, 2, etc.; Néhé- 



181 



PHADAÏA 



PHALEG 



182 



mie, II Esd., xh, i; Matth., i, 12; et Luc, m, 27; il 
est ainsi le neveu, non le fils de Phadaïa. Il faut donc 
ou que le texte I Par., in, 27, soit altéré ou, comme on 
l'a supposé, que Zorobabel fût le fils de Phadaïa et de 
la femme de Salathiel qui serait devenue son épouse 
après la mort de son frère, en vertu de la loi du lévi- 
rat. Voir Zorobabel. Phadaïa était probablement né à 
Babylone où son père avait été emmené en captivité. 

3. phadaïa (hébreu : Pedâyâhû; Septante : $a8aVa), 
père de Joël. Joël fut mis par David à la tête de la 
demi-tribu de Manassé cisjordanique. I Par., xxvir, 20. 

4. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Pharos qui, 
du temps de Néhémie, travailla à la reconstruction des 
murs de Jérusalem. II Esd., m, 25. 

5. PHADAÏA (Septante : $aSat«ç), Israélite qui se tint 
à la gauche d'Esdras, lorsque celui-ci fit au peuple la 
lecture de la loi à Jérusalem. II Esd., vm, 4. Quelques 
interprètes le confondent avec Phadaïa 4, d'autres avec 
Phadaïa 7. 

6. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Colaïa, de la 
tribu de Benjamin, ancêtre de Sellum qui habita à Jéru- 
salem au retour de la captivité. II Esd-, xi, 7. Dans 
I Par., ix, il ne figure pas parmi les ancêtres de Sel- 
lum. 

7. PHADAÏA (Septante : $a8aia), lévite à qui Néhé- 
mie confia, en même temps qu'à quelques autres 
Israélites, la garde des magasins qui contenaient le pro- 
duit de la dlme du blé, du vin et de l'huile. II Esd., 
xiii, 13. Divers commentateurs pensent que ce Phadaïa 
est le même que Phadaïa 4 ou Phadaïa 5, mais on ne 
peut ni l'affirmer, ni le nier avec certitude; quoi qu'il 
en soit, Néhémie avait choisi Phadaïa comme repré- 
sentant des lévites et défenseur de leurs intérêts. 

PHADASSUR (hébreu : Pedâkçûr, «[celui que] le 
rocher délivre »; Septante : <ï>a8ix<ro\)p, Qa&aaaovp), 
chef d'une famille de la tribu de Manassé et père de 
Gamaliel, du temps de l'exode. Num., i, 10; h, 20; vu, 
54, 59; x, 23. Voir Gamaliel 1, t. m, col. 102. 

PHADON (hébreu : Pddôn, « délivrance »; Sep- 
tante : $aS<!)v), chef d'une famille de Nathinéens, qui 
revint en Palestine avec Zorobabel après la captivité 
de Babylone. I Esd., n, 44; II Esd., vu, 47. 

PHAHATH MOAB (hébreu : Pa^af Mô'ab, « gou- 
verneur de Moab »; Septante : <I>aà9 Mio<£6), chef 
d'une des principales familles de la tribu de Juda. On 
explique ordinairement ce nom comme signifiant 
« gouverneur (ou pacha) de Moab ». Pour expliquer 
cette signification, on a fait toutes sortes d'hypothèses, 
dont aucune. n'est pleinement satisfaisante. La plus na- 
turelle, si le nom n'est pas altéré, consiste à supposer 
que le chef de la famille exerça réellement un certain 
pouvoir dans le pays de Moab. II est question, I Par., 
lv, 21-22, des descendants de Séla, fils de Juda, qui 
« dominèrent sur Moab ». Quoi qu'il en soit, les des- 
cendants de Phahath-Moab formaient une des princi- 
pales familles juives au retour de la captivité de Baby- 
lone : elle est nommée la quatrième dans les deux 
listes de captifs qui revinrent en Palestine du temps de 
Zorobabel, I Esd., h, 6; II Esd., vu, 11; et le cinquième 
dans la liste des compagnons d'Esdras, I Esd., vm, 4; 
son chef signa le second l'alliance du temps de Néhé- 
mie parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14. Elle était 
aussi très Importante par le nombre de ses membres, 
la plus nombreuse après celle de Sénaa le Benjamite. 
Celle-ci comptait près de 4000 membres, I Esd., n, 35; 



II Esd., vu, 38; celle de Phahath Moab en avait 2818. 
II Esd., vu, 11 (2812, d'après I Esd., n, 6). Elle se 
composait de deux branches, celle de Josué et celle de 
Joab, comme on le lit expressément, II Esd., vu, 11, 
« fils de Josué et de Joab » (la conjonction et manque 
dans II Esd., h, 6, mais on doit très vraisemblablement 
l'y suppléer). Nous ignorons ce qu'étaient ce Josué et 
ce Joab ; nous connaissons seulement un Joab descen- 
dant de Juda, nommé I Par., iv, 14, cf. n, 54, sans 
pouvoir dire si c'est celui dont il est parlé dans Esdras 
et dans Néhémie. Esdras, à son retour en Palestine, 
emmena avec lui 218 hommes « des fils de Joab », 
I Esd., vm, 9; il les énumère à part, après avoir 
compté plus haut, au f. 4, deux cents hommes de 
Phahath-Moab. 

Tout ce que nous savons des descendants de Phahath 
Moab, lorsqu'ils furent revenus dans leur patrie, se ré- 
sume dans ces trois points : — 1" Esdras obligea huit 
d'entre eux qui sont nommés par leurs noms, à répu- 
dier les femmes étrangères qu'ils avaient épousées. 

I Esd., x, 30. — 2° Hasub, qui était probablement un 
des chefs de la famille, travailla à la réparation d'une 
partie des murs de Jérusalem et de la tour des Four- 
neaux ou des Fours (t. n, col. 2344). Quelques com- 
mentateurs confondent cet Hasub avec celui qui répara 
une autre partie des murs de Jérusalem, II Esd., m, 
23, mais c'est sans raison. — 3° Lorsque les principaux 
d'entre les Juifs signèrent avec Néhémie l'alliance que 
le peuple fit avec Dieu, le représentant de la famille 
de Phahath Moab signa après Pharos, le second sur 
quarante-quatre parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 
14. 

PHALAIA (hébreu : Pelâ'yâh, « Jéhovah fait des 
choses admirables » ; Septante : 4>sXia, omis dans 

II Esd., vm, 7), un des lévites qui aidèrent Esdras à 
expliquer la loi au peuple, II Esd., vm, 7, et qui 
signèrent plus tard, avec Néhémie, l'alliance contractée 
entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 10. — Un fils 
d'Élioénaï, de la race royale de David, appelé Peldydh 
dans le texte hébreu, porte le nom de Phéléia dans la 
Vulgate. I Par., m, 24. 

PHALANGE, ordre de bataille usité chez les Grecs, 
consistant en la disposition des troupes par colonnes, 
en files espacées pour la marche, rapprochées pour la 
charge et serrées pour l'attaque. La Vulgate a traduit par 
ce mot « phalanges », I Reg., xvn, 8, l'hébreu ma'arkof 
(Septante : napâtaÇiç), qui désigne l'armée d'Israël rangée 
en ordre de bataille par Saûl contre les Philistins et contre 
Goliath. — Sur la manière dont les Syro-Macédoniens 
disposaient leur ordre de bataille, voir I Mach., vi, 
35. 

PHALÉA (hébreu : Pilha'; Septante : ^ayXat), un 
des chefs de famille qui signèrent l'alliance entre Dieu 
et son peuple au temps de Néhémie. II Esd., x, 24. 

PHALEG (hébreu : Pélég, « division »; Septante : 
•ÊâXêx; Josèphe, Ant. jud., I, xi, 5), descendant de 
Sem, fils d'Héber, frère aîné de Jectan et père de Réiï, 
un des ancêtres d'Abraham. Gen., x, 25; xi, 16, 17, 18, 
19; I Par., i, 19, 25. Il fut appelé Phaleg, dit la Genèse, 
x, 25, « parce qu'en ses jours la terre fut divisée. » On 
a donné de cette phrase les explications les plus diverses. 
Les uns l'ont entendue de la dispersion des peuples 
dont parle la Genèse à propos de la construction de la 
tour de Babel, xi, 9; d'autres, du partage de la terre par 
Noé entre ses petits-fils ou bien de la séparation des en- 
fants d'Héber dont les uns seraient allés en Arabie, 
pendant que les autres demeuraient en Babylonie. Ces 
explications sont peu vraisemblables, de même que l'opi- 
nion de ceux qui voient dans cette division une allusion 



183 



PHA.LEG — PHANUEL 



184 



à une catastrophe terrestre, tremblement de terre, érup- 
tion volcanique, au commencement de la canalisation 
en Babylonie,-etc. Les expressions du texte sacré sont 
si vagues qu'on ne peut aujourd'hui en préciser le sens 
avec certitude : si elles semblent plutôt faire allusion à 
la dispersion du peuple, Gen., XI, 9, il faut remarquer 
que la Genèse, xi, 4, 8, 9, emploie le verbe pus, « dis- 
perser », et non le verbe pâlag, « diviser », pour marquer 
tfcWt ^ys$«s < h$^. — Divers commentateurs ont voulu 
sans raison suffisante prendre le nom de Phaleg comme 
un nom ethnographique ou un nom géographique et 
ils l'ont rapproché de celui de la ville de Phaliga, 
mentionnée par Isidore de Charax comme située au 
confluent du Chaboras et de l'Euphrate, mais il n'est 
nullement question de cette ville avant cet auteur, qui 
vivait seulement au III e siècle avant J.-C. — Phaleg en- 
gendra Réû à l'âge de 30 ans et mourut à l'âge de 
239 ans, laissant des fils et des filles. Gen., xi, 18-19. Il 
est nommé dans la généalogie de Notre-Seigneur en 
saint Luc, m, 35. 

PHALEL (hébreu : Pâldl, « [Dieu] juge »; Septante : 
<&a\âx; Alexandrinus : $oXâf), fils d'Ozi. Du temps de 
Néhémie, il rebâtit une partie des murs de Jérusalem, 
« vis-à-vis de l'angle et de la haute tour qui fait saillie 
en avant de la maison du roi, près de la cour de la 
prison. » II Esd., m, 25. 

PHALET (hébreu : Pélét, « délivrance, évasion »; 
Septante : <£>a>ix; Alexandrinus : $«Xér, I Par., il, 47), 
nom de deux Israélites, dans le texte hébreu. Dans la 
Vulgate, le nom de l'un des deux est écrit Phallet, 

I Par., xii, 3. Le Phalet de notre version latine était 
de la tribu de Juda et de la famille de Caleb l'Hesro- 
nite, le quatrième des six fils de Johaddaï.I Par., n,47. 

PHALETH (hébreu : Pélét ; Septante : *a>é9), nom 
de deux Israélites, dans le texte hébreu. La Vulgate 
écrit le nom de l'un d'eux Phéleth, Num., xvi, 1. Celui 
qu'elle écrit Phalet était de la tribu de Juda, fils de 
Jonathan, de la descendance de Jéraméel. I Par., Il, 33. 

PHALLET (hébreu : Pélét; Septante : 'ImcoaXÉT; 
Alexandrinus: ^a).).^), fils d'Azmoth et frère de Jaziel, 
de la tribu de Benjamin. Les deux frères sont comptés 
parmi les gibborîni de David. Ils étaient allés se joindre 
à lui à Siceleg. I Par., xii, 3. 

PHALLONITE (hébreu r hap-Pelôni, I Par., xi, 27, 
36; xxvil, 10; Septante : <5 «ÊeXuvî: I Par., x, 27; 6 «Êdi- 
\uv(,,f. 36; ô èx $aXXouç; Vulgate: Phallonites, I Par., 
xxvn, 10; Phalonites, I Par., xi, 27; Phelonites, f. 36), 
originaire de Bethphalefh, d'après un certain nombre 
de commentateurs. Deux des gibborîm de David, 
Hellés ou Hélés (t. m, col. 567), I Par., xi, 27; xxvii, 
10, et Ahia 1 (t. i. col. 291), I Par., xi, 36, sont dits 
Phallonites ou Pélonites. Cette dénomination semblerait 
désigner une ville de Péloni ou Pélon, mais comme 
on ne connaît aucune ville de ce nom et que dans 

II Reg., xxiii, 26, Hélés est appelé hap-Paltî, « le 
Phaltite » (Vulgate : de Phaltï), beaucoup de critiques 
croient que la leçon de II Beg. est la meilleure et que 
hap-Paltî veut dire que Hélés était originaire de 
(Beth)phaleth (t. i, col. 1709), ville du Négeb au sud de 
la Palestine, dans la tribu de Juda. Il y a cependant 
contre cette identification une difficulté sérieuse qui 
n'est pas résolue : c'est que Hélés était Éphraïmite, 
d'après II Par., xxvil, 10, et que Bethphaleth était une 
ville de Juda, nom d'Éphraïm. On a imaginé d'autres 
hypothèses, mais toutes sont purement conjecturales. 

PHALLU (hébreu : Pallû' ; Septante : *aU6«, $a\- 
Xoôç), second fils de Ruben, le fils aîné de Jacob. Gen., 



xlvi, 9; Exod., vi, 14: Num., xxvi, 5; I Par., v, 3. Il 
eut pour fils Éliab et devint le chef de la famille des- 
Phallonites. On compte parmi ses descendants Dathan 
et Abiron. Num., xxvi, 5, 8. 

PHALLUITES (hébreu ; hap-Pallu'î; Septante ': 

St\\loi; toO *aX).out; Vulgate : Phallwitse), descendants- 
de Phallu. Num., xxvi, 5. - 

PHALONITE, dans la Vulgate, I Par., si, 27. "Voir 
Phallonite. 

PHALTI (hébreu : Paltî; Septante : *«/.ti), nom de 
deux Israélites et nom ethnique. Phalti, nom d'homme, 
signifie « (Dieu) est mon libérateur ». 

1. PHALTI, fils de Raphu, de la tribu de Benjamin. 
Il fut l'un des douze espions que Moïse envoya dans la 
terre de Chanaan pour l'explorer. Num., xm, 9. 

2. PHALTI, fils de Laïs, de Gallim. Saùl lui donna en 
mariage sa fille Michol qu'il avait déjà mariée avec- 
David. I Reg., xxv, 44. Après la mort de Saùl, David se 
fit rendre Michol par Abner. Phalti la suivit en pleu- 
rant jusqu'à Bahurim où Abner l'obligea de retourner 
chez lui. II Reg., m, 15. Dans ce dernier passage, Phalti 
est appelé Phaltiel, ce qui est la forme complète de son; 
nom, El (Dieu) étant sous-entendu dans Phalti. 

3. PHALTI, pour Phaltite. II Reg.. xxm, 26. Hélés est 
désigné dans ce passage comme étant « de Phalti » ,. 
selon la traduction de la Vulgate. Ailleurs il est dit 
Phellonite. Voir Phallonite. 

PHALTIAS (hébreu : Pelatyâh, « Yah est mon libé- 
rateur; » Pelatyâhû, sous une forme plus complète dans- 
Ézéchiel, XI, 1, 13), nom de quatre Israélites dans le 
texte hébreu. 11 ne diffère que par le nom divin, qui est 
ici exprimé, de Phalti et de Phaltiel ou Phalthiel. 
Dans la Vulgate, deux de ces noms sont écrits Phaltias 
(dans quelques exemplaires Phalthias), le troisième est 
écrit Pheltias, Ezech., xi, 1, 13, et le quatrième Pheltia. 
II Esd., x, 22. 

1. PHALTIAS (Septante : «ÊaXeTTi'a), descendant de 
David, fils d'Hananiaset père de Jésaïas. I Par., itl,21. 

2. PHALTIAS (Septante : *a).asTx£a), le premier 
nommé des quatre fils de Jési, de la tribu de Siméon. 
Ils se mirent à la tête de cinq cents hommes de leur 
tribu, pour aller combattre dans la montagne de Séir 
les restes des Amalécites qui s'y étaient réfugiés et, les 
ayant vaincus, s'y établirent à leur place. I Par., iv, 42-43. 

1PHALTÎEL (hébreu : PaltVêl, voir Phaltia ; Sep- 
tante : *aXnv))), nom de deux Israélites. 

1. PHALTIEL, fils d'Ozan, chef de la tribu d'Issa- 
char, qui fut choisi par Moïse pour représenter sa tribu 
dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 26. 

2. phaltiel, le même que Phalti, le mari de- 
Michol. II Reg., m, 15. Voir Phalti 2. 

PHANUEL(hébreu : Penû'êl, « face de Dieu; » Sep- 
tante: $avour É i),nom de trois Israélites et nom de lieu. 

1. PHANUEL, fils d'Hur et petit-fils de Juda. Il fut le 
père de Gédor. I Par., iv, 4. = 

2. PHANUEL, le dernier nommé des onze fils de Sésac, 
de la tribu, de Benjamin, qui s'établirent à Jérusalem- 

1 Par., vin, 25. 



185 



PHANUEL 



PHARA 



186 



3. PHANUEL, de la tribu d'Aser, père de la prophé- 
tesse Anne. Luc, n, 36. Voir Anne, 5, t. i, col. 630. 

PHANUEL (hébreu : Penî'él, « face de Dieu, » 
On., xxxh, 30, 31; Penû'èl, ibid., 32; Jud., vin, 8, 17; 
I (III) Reg., XH, 25; Septante : e'So? ©soû, Gen., xxxn, 
30; eISo« toû ©eov, 32; <î>avouii>, partout ailleurs), lo- 
calité située sur les rives du Jaboc où Jacob lutta avec 
l'ange et où s'éleva une ville du même nom. Elle est 
mentionnée sur les monuments égyptiens sous la forme 

\ I JS Jt& , Penualu. W. M. Muller, Asien und 

Europa, p. 168. 

I. Identification et description. — Phanuël était à 
l'est du Jourdain et de Socoth, puisque Gédéon fran- 
chit le fleuve et passa par Socoth avant d'arriver à 
Phanuël. Cf. Jud., vin, 4, 5, 8. Il était' sans doute en 
vue et non loin du Jourdain, dont Jacob disait en arri- 
vant au Jaboc : « J'ai passé ce Jourdain. » Gen., xxxn, 
10. Le même arrivant de Galaad et Mahanaïm qu'il faut 
chercher au nord du Jaboc, la rive opposée, où il allait 
passer le lendemain et rencontrer l'ange, est néces- 
sairement la rive gauche ou méridionale du Jaboc, 
aujourd'hui le Nahr-Zerqâ. Cf. Gen., xxxn, 13, 21-23. 
Phanuël parait être oubliée depuis longtemps, car 
VOnomasticon se contente de l'indiquer « prés du Ja- 
boc », et les anciens écrivains juifs n'en font plus men- 
tion. Les savants anglais pensent qu'on doit chercher 
ce lieu probablement sur les pentes septentrionales du 
Djebel OSa\ Armstrong, Wilson et Conder, Names and 
Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 138; 
Conder, Heth and Moab, Londres, 1887, p. 177-179. 
Rich. von Riess le croit plutôt sur la rive septentrionale 
du Jaboc, c'est-à-dire du côté opposé. Bibel-AtUxs, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1887, p. 231. M. Merill, East of Jour- 
dan, 2 e édition, New- York, 1883, p. 384, le suppose au 
Teloul ed-dehab, au nord de la rivière et non loin de 
sa sortie des montagnes. M. Gotl. Schumacher préfère 
Medouar-Nôl, village situé à une heure et quart au nord- 
est d'un excellent gué de la Zerqd, se trouvant au nord 
de Ain es-Zerqâ. Dans Miitheilungen und Nachrichten 
des deutschen Palâstina-.Vereins, 1901, p. 2. Quelques 
autres auteurs ont proposé, quoique en hésitant beau- 
coup, le Tell Der'alla. Cf. Buhl, Géographie des 
alten Pdlâstina, Leipzig, 1896, p. 260. La similitude de 
ce nom avec Tar'éldh identifiée dans les Talmuds avec 
Succoth, a fait penser qu'il s'agit de la même localité. 
Ibid. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 
1860, p. 218-219; Schumacher, loc. cit., 1889, p. 21; 
Armstrong, etc., loc. cit., p. 166. L'identification de 
Der'alla avec Tar'elâh n'est pas sans vraisemblance, 
mais celle de Tar'éldh avec Socoth est contestable. 
L'itinéraire de Gédéon poursuivant les Madianites, 
Jud., vin, 4-5, parait indiquer cette localité tout près 
du Jourdain et Phanuël, où « il monta » de Socoth, 
plus à l'est et plus près de la montagne. Il semble tou- 
tefois qu'il y ait là un souvenir des faits racontés 
Gen., xxxn. Cette identification, si elle n'est pas d'une 
certitude absolue, parce que les données positives font 
défaut pour désigner ce tell, me semble d'une très 
grande probabilité. Les diverses indications bibliques 
s'appliquent parfaitement à lui et on ne trouve d'autres 
sites ou d'autres vestiges de villes auxquels on puisse 
les rapporter de même. 

Le Tell Der'alla est un grand tell au sommet aplati, 
s'élevant de sept à huit mètres au-dessus de la plaine 
environnante, où l'on constate des restes d'anciennes 
constructions, et semblable à tous ces anciens tell que 
l'on a reconnu être formés de débris d'anciennes cités. 
U est à deux kilomètres et demi environ vers le sud 
d'Abou 'Obeidah, où les musulmans vénèrent le tom- 
beau du général de ce nom, compagnon deMahometjàla 
lisière orientale du GMr, et à deux ou trois cents mètres 



seulement des montagnes d'où sort le Zerqâ, sur le 
chemin qui monte de la vallée aux montagnes, se 
dirigeant vers Sait, Djebéhat et Amman, voie que dut 
prendre Gédéon poursuivant les Madianites et les 
Benê-Qédem. Ce qui parait avoir fait hésiter les pales- 
tinologues, c'est que le nahr ez-Zerqâ passe à un 
kilomètre au sud du tell, alors que la Bible indique 
Phanuël au sud de la rivière; mais son cours actuel 
est un cours nouveau que l'eau s'est frayé à travers les 
siècles. L'ancien lit de la rivière, large de vingt mètres 
et profond de cinq ou six, se voit au nord du tell qui 
est immédiatement sur la rive méridionale. De là on 
aperçoit à trois kilomètres vers l'ouest et non loin du 
Jourdain un autre tell de même forme. C'est à celui-ci, 
semble-t-il, qu'il faut placer Socoth. 

II. Histoire. — Jàcob, venant de Mésopotamie et - 
ayant quitté Mahanaïm pour s'avaûcer vers le Jourdain, 
était arrivé sur la rive du Jaboc, où il avait établi son 
campement. De là il envoya en avant ses serviteurs 
avec les présents destinés à apaiser son frère Ésaû 
qui s'avançait à sa rencontre. S'étant levé pendant la 
nuit, il fit passer le gué du Jaboc à toute sa famille et à 
ses troupeaux, et le passa après eux. Resté seul sur le 
bord de la rivière, un personnage mystérieux, que 
la Genèse appelle un homme, 'U, xxxn, 23, et le pro- 
phète Osée, xn, 3-4, un ange, se présenta et se mit à 
lutter avec lui jusqu'au lever de l'aurore. En quittant 
Jacob, l'ange lui donna le nom d'Israël, et Jacob en 
souvenir du fait appela l'endroit Phanuël, disant : 
« Jai vu mon Dieu face à face et mon âme a été sauvée. » 
Gen., xxxm. Levant les yeux, Jacob vit son frère Ésaû 
qui s'avançait vers lui. De là, il se retira à l'endroit 
qu'il appela Socoth et où il s'établit avant de monter 
vers Sichem. Gen., xxxm. — Dans le partage de la Terre 
Promise, Phanuël dut échoir, avec Socoth et toute la 
partie orientale de la vallée du Jourdain, à la tribu de 
Gad. Cf. Jos., xin, 27. — Phanuël était devenue une 
ville forte au temps de Gédéon. Le libérateur d'Israël 
poursuivant les Madianites, ayant franchi le Jourdain, 
demanda aux habitants de Socoth du pain pour ses 
hommes fatigués, afin de pouvoir continuer la pour- 
suite de l'ennemi. Ceux-ci refusèrent en ajoutant à 
leur refus le mépris et l'injure. Les habitants de Phanuël 
firent de même. « Quand je reviendrai victorieux, 
j'abattrai cette tour, » jura Gédéon. A son retour, il tint 
son serment et mit à mort les principaux habitants 
de la ville. Jud., vm, 4-17. — Jéroboam I er , après avoir 
restauré Sichem, fit de même pour Phanuël. III Reg., 
xn, 25. D'après Josèphe, Ant. jud., VIII, vin, 4, il s'y 
fit construire un palais. U n'est plus question depuis 
de Phanuël. L. Heidet. 

PHARA, nom d'un Israélite et d'une ville. 

1. PHARA (hébreu : Purâh, « rameau »; Septante : 
«fapâ), serviteur de Gédéon. Il alla pendant la nuit avec 
son maître dans le camp des Madianites. Jud., vu, 10-11. 

2. PHARA (Septante : <I>ap«6(i>v/), ville de Judée, for- 
tifiée par Bacchide pendant la guerre contre Jonathas. 
I Mach., ix, 50. Le nom de cette ville est douteux. La 
Vulgate distingue deux villes, Thamnatha et Phara ; de 
même Josèphe, Ant* jud., xm, i, 3, ©ct[*va6à x«t 3>a- 
pa8<o; et aussi la version syriaque. Les Septante ne font 
qu'une seule ville de zrp ©anvaôà *apa6wv(. Si la leçon 
du grec était la véritable, ce qu'on peut contester, nous 
n'aurions dans l'Écriture aucune autre trace de l'exis- 
tence de Phara, mais si l'on admet la distinction de 
Tamnatha et de Phara ou Pharathon, nous retrouvons 
le nom de cette dernière dans le livre des Juges, xn, 13. 
15, et dans l'histoire des rois. II Reg., xxm, 30; I Par., 
xi, 31; xxvn ; 14. Sur cette identification et sur la ville 
même, voir Pharathon, col. 204. 



187 



PHARAÏ 



PHARAN 



188 



PHARAI (hébreu : Pa'urai; Septante : 0-àpaeosp-/i, 
par corruption de «Êaapai o 'Apëî), un des vaillants sol- 
dats de David. II Reg., xxm, 35. Dans I Par., xi, 37, il est 
appelé Naaraï. Voir Naaraï, col. i428. Il était d'Arab, 
ville de la tribu de Juda, de Arbi, dit la Vulgate. 
II Reg., xxni, 35. Voir Arbi, t. i, col. 886. 

PHARAM (hébreu : Pir'dm; Septante : <Mwv; 
Alexandrinus : $£paà[i), roi amorrhéen de Jérimoth, 
du temps de Josué, qui avec trois autres rois du sud de 
la Palestine répondit à l'appel d'Adonisédec roi de Jéru- 
salem et marcha avec eux contre les Gabaonites qui 
s'étaient soumis aux Israélites. Jos., x, 3. Ils furent tous 
battus par Josué devant Gabaon et s'étant enfuis, ils se 
réfugièrent dans la caverne de Macéda, mais ils y 
furent pris et mis à mort, après qu'on leur eut mis le 
pied sur le cou (voir Pied), par ordre du vainqueur, 
puis pendus à cinq poteaux et enfin ensevelis dans la 
caverne. Jos., x, 10, 20-27. 

PHARAN (hébreu : Pâ'rân; Septante : 4>apâv), 
nom d'un désert de l'Arabie Pétrée, d'une chaîne de 
montagnes et, d'après certains commentateurs, d'une 
localité. 

1. PHARAN (DÉSERT de) (hébreu : midbâr-Pd'ran, 
Gen., xxi, 21; Num., x, 12; xm, 1, 4, 27 (hébreu : xu, 
i6; xm, 3,26);1 Reg., xxv, 1; Septante : èprijjio; $apâv, 
Num,, xm, 4, 27; to-3 <t>apàv, Num., x, 12; xm, 1; Gen., 
xxi, 21; Septante : <ï>apàv AîyÛtitou), désert de l'Arabie 
Pétrée, appelé aujourd'hui Badiet-et-Tih, « désert de 
l'Égarement », parce que les Israélites y errèrent plu- 
sieurs années. Num., xiv, 32-33. 

I. Identification. — Le désert de Pharan est formé 
par le large plateau de l'Arabie Pétrée qui est borné à 
l'est par la partie de la vallée de PArabah, s'étendant 
du sud de la mer Morte au golfe Élanitique (voir Ara- 
bah, t. i, col. 821); à l'ouest par le désert de Sur, Gen. 
xvi, 7 (voir Sur); au sud par le Djebel et-Tih, et au 
nord par les montagnes des Amorrhéens, c'est-à-dire 
par la frontière méridionale du pays de Chanaan, 
Deut., i, 19-20, ou de la Palestine, aux environs de 
Bersabée. Voir H. S. Palmer, Hinai from the fourlh 
Egyptian dynasty to the présent day, Londres, 1878, 
p. 198, 205; E. H. Palmer, The désert of the Exodus, 
1831, t. n, p. 508-510. 

IL Description. — Le Badiet et-Tih est un grand 
plateau désert qui compte environ deux cent quarante 
kilomètres de longueur, du sud au nord, et à peu près 
autant de largeur. Dans sa longueur il est coupé par 
l'ouadi el-AHsch, qui le divise ainsi en deux parties. 
La partie orientale, plus élevée que la partie occiden- 
tale, est un plateau calcaire d'une surface irrégulière, 
une contrée montagneuse coupée de grands et de petits 
ouadis dont beaucoup se dirigent vers le nor.d. Le côté 
méridional se termine en un long escarpement, abrupt 
vers le sud et s'abaissant doucement vers le sud-est. 

La surface du plateau est aride, sans physionomie 
marquée, et son aspect n'est relevé que par quelques 
groupes isolés de montagnes. La contrée est presque 
sans eau, à l'exception de quelques sources, entourées 
de tamaris et d'acacias et fréquentées par les gazelles 
dans les grands ouadis ; l'eau ne s'obtient souvent dans 
le lit des ouadis qu'en creusant de petits puits, thémail, 
et en la puisant avec la main. A peu près partout, le 
terrain est très dur et recouvert de petits cailloux. 
Malgré l'aridité du sol, une grande quantité d'herbes 
brunes et desséchées sont éparses à la surface, et four- 
nissent un combustible pour le campement. Pendant la 
plus grande partie de l'année, le terrain semble brûlé 
et mort; mais il arrive, avec la pluie', à une vie sou- 
daine. Dans les ouadis, la végétation est beaucoup 
plus abondante que dans les plaines. Là, il y a toujours 



des pâturages suffisants pour les chameaux; çà et là 
même, quelques endroits sont susceptibles de culture. 
E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. n, p. 327- 
348. 

III. Histoire. — 1» Le nom de Pharan est mentionné • 
pour la première fois dans la Genèse, xiv, 6. L'auteur 
sacré indique dans son récit la limite septentrionale 
du désert et l'extrême point sud qu'atteignit l'expédition 
de Chodorlahomor et de ses alliés contre les rois de 
la Pentapole et les pays voisins. Après avoir battu les 
Raphaïm, les Zuzim et lesÉmim, les confédérés battirent 
aussi « les Chorréens ou Horréens, dans les montagnes 
de Séir, jusqu'à 'Êl-Pdrân, qui est près du désert. » La 
Vulgate traduit 'Êl-Pdrdn, par campestria Pharan, 
« plaine de Pharan », les Septante, par ri xepéëevOoç toû 
$apdtv, « le térébinthe de Pharan ». Plusieurs savants 
modernes croient que 'Êl-Pâràn désigne la ville d'Aila 
ou Élath. Voir Élath, t. n, col. 1643. Le texte est trop 
peu précis pour qu'on puisse trancher la question avec 
certitude. D'Êl-Pdrân, les envahisseurs n'ayant rien à 
piller dans le désert de Pharan, ne poussèrent pas plus 
loin vers le sud; ils se dirigèrent vers la fontaine de 
Masphath ('En Mispât), qui est le même lieu que Cadès, 
Gen., xiv, 7, situé dans le désert de Pharan. Cadès 
est placé plusieurs fois dans le désert de Sin, Num., 
xx, 1; xxvii, 14; xxxui, 36; Deut., xxxn, 51, mais Sin 
était le nom particulier de la partie septentrionale du 
désert de Pharan. Cf. Num., xm, 27 (26). Voir Cadès 1, 
t. il, col. 21. — 2» Dans le désert de Pharan habita Is- 
maël, fils d'Abraham et de sa servante Agar, que Sara 
fit chasser afin qu'Isaac devînt seul héritier des biens 
paternels. Gen., xxi, 10, 21.-3° Mais le désert de Pha- 
ran doit sa principale renommée à ce que les Israélites 
y ont erré pendant trente-huit ans : il a été ainsi le 
théâtre des événements les plus remarquables de l'his- 
toire du peuple de Dieu pendant cette période. Voici les 
principaux. Mais tout d'abord, comme semblent l'exiger 
les textes bibliques, prenons le désert de Pharan dans 
un sens moins restreint et étendons-le jusqu'au massif 
du Sinaï. — Le premier épisode saillant est l'incendie 
d'une partie du camp d'Israël à Tab'êrâh, Num., xi, 1-3, 
en punition des murmures du peuple contre Dieu et 
contre Moïse. Voir Embrasement, t. n, col. 1729, et In- 
cendie, t. m, col, 864. Plusieurs sont d'avis qu'on pour- 
rait l'identifier avec la station Qibrôt-Hattaâvah. Cf. La- 
grange, L'itinéraire des Israélites, dans la Revue bi- 
blique, 1900, p. 275. — Qibrôt-Hattaâvah était en tout 
cas dans le voisinage. Cette localité fut ainsi appelée, 
« Sépulcres de concupiscence », comme traduit la Vul- 
gate, à cause des nombreux Israélites qui y furent 
frappés par la main de Dieu, à la suite de leurs mur- 
mures contre la manne, lors du second envoi des 
cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Voir Sépulcres de con- 
GUPISCENCÉ. — De Qibrôt-Hattaâvah les Hébreux se 
mirent en marche pour Haséroth, autre endroit du 
désert de Pharan, pris dans un sens plus large. Voir 
Haséroth, t. m, col. 445. C'est là que Marie, sœur de 
Moïse, de concert avec Aaron, parla contre son frère. 
Frappée de la lèpre, elle fut séquestrée sept jours hors 
du camp, et le peuple dut attendre sa guérison pour se 
remettre en voyage. Num., xu. — Partant d'Haséroth 
les Israélites gagnèrent le sommet du plateau d'et-Tih, 
et allèrent planter leurs tentes dans le désert de Pha- 
ran, au sens strict du mot, c'est-à-dire dans la partie 
de cette solitude qui renfermait Cadès (Aïn-Qadis). Il 
ne fallut pas moins de dix-neuf étapes pour atteindre 
ce terme final. Les dix-neuf stations, dont plusieurs 
nous restent inconnues, sont énumérées Num., xxxih, 
17-36. Cf. Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans la 
Revue biblique, 1900, p. 277; L. de Laborde, Commen- 
taire géographique sur l'Exode et les Nombres, in-f°, 
Paris, 1841, p. 120-127. A Cadès, située dans la partie 
septentrionale du désert de Pharan qu'on appelle aussi 



189 



PHARAN — PHARAON 



190 



quelquefois désert de Sin, Moïse reçut de Dieu l'ordre 
d'envoyer dans la Terre Promise, les douze espions 
chargés de l'explorer, Sur \a route qu'ils suivirent, 
cf. E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. n, 
p. 510-513, 351. Voir Espion, 2», t. n, col. 1966. A leur 
retour, le rapport décourageant qu'ils firent au peuple 
provogua une révolte, Dieu la punit en condamnant 
tous les Israélites âgés de vingt et un ans lors de leur 
sortie d'Egypte, à mourir dans le désert. Caleb et Josué 
furent seuls exceptés de cette peine. Le peuple, cons- 
terné de cette sentence et passant alors de l'abattement 
à la présomption, voulut, malgré Moïse, envahir le pays 
de Chanaan et il se Ht tailler en pièces, par les Ama- 
lécites et les Chananéens dans les environs d'Horma. 
"Voir Horma i, t. in, col. 755. Il fut refoulé sur Cadès. 
Num., xm-xiv. Alors commença pour les enfants d'Is- 
raël, du côté de la mer Rouge, cette vie errante de 
trente-huit ans, dans le désert. 

Les derniers incidents du séjour des Israélites dans 
le désert de Pharan, depuis que la génération cou- 
pable y eut semé ses ossements, eurent encore lieu à 
Cadès. Marie, sœur de Moïse y mourut; Moïse donnant 
suite aux plaintes amères du peuple à cause du manque 
d'eau, y frappa le rocher et en fit jaillir une source 
abondante d'eau, qu'on appela Mê-Merîbâh ou « Eaux 
de contradiction ». Voir Eaux de contradiction, t. H, 
col. 1523. De Cadès, Moïse envoya des messagers au 
roi d'Édom pour obtenir la permission de traverser 
son territoire, 'afin de gagner ainsi les frontières de la 
Terre Promise : mais Édom refusa formellement. Quel- 
que temps après, se rapprochant de la Terre Promise 
dans la direction de l'est, les enfants d'Israël quittèrent 
définitivement le désert de Pharan. Num., xx, 1-22. 

Le nom de Pharan ne paraît plus que deux fois dans 
l'histoire sainte. David, persécuté par Saûl, se réfugia 
dans le désert de Pharan, après la mort de Samuel, 
I Reg., xxv, 1, d'après le texte hébreu, le Codex 
Alexandrinus et la Vulgate. Le Codex Vaticanus lit 
Maon, à cause de la suite du récit. Voir Maon, t. îv, 
col. 703. — Adad l'Iduméen, fuyant devant Joab, tra- 
versa avec ses hommes le désert de Pharan et emmena 
avec lui plusieurs habitants du pays qui l'accompa- 
gnèrent en Egypte où il se réfugia. III Reg., m, 18. 

A. Molini. 

2. PHARAN (hébreu : 'Êl-Pd'rân; Septante : zspéêiv- 
6o? toS *apàv; Vulgate : campestria Pharan, Gen., 
xrv, 6), l'extrême point méridional de l'expédition de 
Chodorlahomor contre les rois de la Pentapole. Êl- 
Pharan, d'après les Septante et la Vulgate, était dans 
le désert; d'après l'hébreu, près du désert. L'appellation 
de Pharan lui vient probablement du désert du même 
nom, dont il aurait été dans des temps très reculés la 
dernière limite orientale. D'après les Septante, 'êl dési- 
gne un térébinthe qui était connu et célèbre dans le 
pays. Beaucoup de commentateurs croient que cette 
traduction est exacte. D'après d'autres, 'êl serait le nom 
antique de la ville d'Élath, mais ce n'est qu'une con- 
jecture. Voir plus haut, col. 188. 

A. Molini. 

3. PHARAN (MONTAGNE DE) (hébreu : har Pâ'rân; 
Septante : opoç $apâv), montagne du désert de Pharan. 
Elle est nommée dans deux passages de l'Écriture : 
Deut., xxxm, 2; Hah., m, 3. L'un et l'autre font allusion, 
en langage poétique, aux merveilles opérées par Dieu 
à l'époque de la sortie d'Egypte. Dans l'exorde du can- 
tique où il bénit les tribus d'Israël, Moïse s'écrie : 

Jéhovah est venu du Sinaï, 

Il s'est levé pour eux de Séïr, 

II a resplendi des montagnes de Pharan, 

Il est sorti du milieu des saintes myriades. 

De sa droite jaillissaient sur eux des jets de lumière. 

Habacuc, ta, 3, supplie Dieu de renouveler l'œuvre 



de miséricorde et de justice acccomplie dans le passé en 
se montrant de nouveau à son peuple : 

Dieu vient de Théman 

Et le Saint de la montagne de Pharan. 

Les données de ces textes sont trop vagues pour 
nous permettre d'établir avec certitude l'identité des 
monts de Pharan. D'où la divergence d'opinion parmi 
les savants. Les uns les identifient avec le Djebel 
Moukrah (1050 mètres d'élévation) à 46 kilomètres au 
sud A'Aïn-Qadis, à 80 kilomètres à l'ouest d'Édom, et à 
200 kilomètres au nord du Sinaï. Le Djebel Moukrah 
occupe la partie méridionale du plateau accidenté 
qu'habitent aujourd'hui les Arabes AzdziméhW. Schultz, 
Das Deuteronomium erklért, 1859; Palmer, The Désert 
of the Exodus, p, 510, 288, 344-345. — D'autres, au 
contraire, retrouvent lés montagnes de Pharan dans la 
chaîne qui du Sinaï se projette vers le nord-est, tout 
le long de la côte ouest du golfe Élanitique jusqu'à 
Édom. Driver, Deuteronomy, Edimbourg, 1902, p. 391. 
— Har-Pâ'rdn peut signifier aussi « la région monta- 
gneuse et sauvage qui est située au sud de la Pales- 
tine. » L.-Cl. Fillion, Bible commentée, t. vi, p. 520. 

A. Molini. 

I. PHARAON (hébreu : Pare'ôh; Septante : *a- 
paw), titre des rois d'Egypte. — I. Signification. — Le 
sens du terme pharaon n'est point douteux dans la Bible : 
c'est le nom générique des rois d'Egypte, au temps d'Abra- 
ham, de Moïse et de l'Exode, des rois et des prophètes. 
Gen., xii, 15-20 ;Exod., vi, 41; III Reg., ix, 16; Is., xxxvi, 
6, etc. Pour deux d'entre eux seulement le nom géné- 
rique se rencontre à côté du nom propre : « Pharaon 
Néchao » et « Pharaon Ephrée », de la XXVI e dynastie. 
Quatre autres sont désignés simplement par leur nom 
propre, dont deux de la XXII e dynastie, Sésac et Zara; 
et deux de la XXV e , Sua et Tharaca. Voir ces noms. 
Ces exceptions n'infirment en rien l'usage général et 
l'on peut dire que pour les auteurs sacrés tout roi 
d'Egypte s'appelait Pharaon, de la même manière que 
plus tard toute reine d'Ethiopie s'appela Candace, que 
dans les temps modernes tout empereur de Russie 
s'appelle tsar. 

II. Étymologie. — L'origine du mot pharaon est 
égyptienne. 'O 3><xpa(iv koct' AiyuTCTfou; (3aot).£a ctï)[aou- 
vsi. Josèphe, Ant. jud., vin, 6, 2, nous en avait déjà 
prévenus. Rosellini, Monumenli storici, 1832, i, p. 116- 
117; Lepsius, Die Chronologie der Aegypter, 1849, 
p. 336, et Chabas, Le papyrus magique Harris, 1860, 
p. 1860, p. 173, note 2, ont proposé successivement 
comme origine du mot pharaon l'expression égyptienne 

^Él ? \, pa râ, « le soleil, le dieu Râ ». Avec plus 

d'apparence de raison, Stem, Koptische Grammatik, 
1880, p. 92, et Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxii, 1884, 
p. 52, a affirmé que Pharaon était identique à ^L/III' 
pa our àa, « le grand prince ». Mais ce titre fréquent, 
qu'on rencontre en particulier dans le traité entre 
Ramsès II et les Khétas et dans une stèle du temps de 
Scheschanq IV, « était celui que la chancellerie égyp- 
tienne donnait aux princes asiatiques ou africains, soit 
qu'ils reconnussent, soit qu'ils ne reconnussent pas la 
suzeraineté des Pharaons. » Maspero, Sur deux stèles 
récemment découvertes, dans Recueil des travaux re- 
latifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et 
assyriennes, t. xv, 1893, p. 85. De bonne heure cepen- 
dant, E. de Rougé, Note sur le mot Pharaon, dans le 
Bulletin archéologique de l'Athéneum français, 1856, 
p. 66-68, avait indiqué l'étymologie vraie de ce mot en 



le dérivant de 



m 



per âa, « la grande maison, le 
palais ». Il se rencontrait avec l'oïxoç uiY a î de la tra- 
dition grecque conservée par Horapollon, Hierogly- 
phica, i, 61, édit. Leemans, 1835, p. 58. Cf. Maspero, ; 



191 



PHARAON 



192 



Histoire ancienne de l'Orient classique, t. i, 1895, 
p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales, 
voir Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit. 
anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264. 
Aujourd'hui tout le monde est d'accord que Pharaon, 
Pare'ôh, est la forme hébraïsée de per àa, comme le 

f-*']*— »-w.4**~-| t:i ||| e= i Pi-ir-'-w de Sargon parait 
en être la forme assyrianisée. Cf. Oppert, Mémoire sur 
les rapports de l'Egypte et de l'Assyrie, 1869, p. 15. 
L'étude des textes égyptiens de plus en plus nombreux 
nous a fourni sur l'expression per àa et sur son évolu- 
tion dans la langue des données d'un haut intérêt pour 
la Bible. 

III. Historique. — Ici nous avons pour guide principal, 
sans nous y astreindre de tous points- et sans nous dis- 
penser de recourir aux sources, un remarquable article 
de Griffith : Chronological value of Egyptian mords 
found in the Bible, dans les Proceedings ofthe Society 
of biblical archseology, t. xxm, 1901, p. 72-76. Sous 
l'Ancien Empire où les inscriptions officielles sont 

les seuls témoins de la langue, le mot "" _ est pris au 
sens littéral de « grande maison », palais du souverain : 
■h— sL , per âa n souten. Mariette, Mastabas, C 1, 

p. 112. Il entre surtout en composition avec toute une 
série de titres : « Ami unique dé la faveur de la 
grande maison », ibid., C 25, p. 160; « connu de la 
grande maison », ibid., D 51, p. 314; « médecin de la 
grande maison », ibid., D 11, p. 203 ; « surintendant 
du jardin » ou « domaine de la grande maison », In- 
scription d'Ouni, dans E. de Rougé, Recherches sur 
les monuments qu'on peut attribuer aux six pre- 
mières dynasties, pi. vil, lig. 9. Dans tous ces titres 
nous voyons per àa s'écarter de son sens primitif, 
une métonymie s'ébauche, si bien que partout nous 
pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n'en est 
pas encore le synonyme adéquat, ce n'en est qu'une 
paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le 
Saint-Siège pour le pape, la Sublime Porte pour le 
sultan. Cf. W. M. Muîler, art. Pharaoh, dans Cheyne, 
Encyclopedia biblica, t. III, col. 3687. — Au moyen 
empire, XII e -XVII e dynastie, avec les papyrus nous 
sortons des textes officiels et de leurs artifices. Désor- 
mais c'est l'idiome populaire, plus fidèle interprète de 
la nature du langage et de ses particularités, qui va 
nous fournir des exemples. Là encore per àa se mon- 
tre tantôt avec un sens franchement littéral, tantôt 
avec un sens plus vague derrière lequel se cache le 
roi. Ainsi, à la XII e dynastie, il est question de taxes 
sur le bétail pour « la grande maison ». Griffith, Hie- 
ratic Papyri from Kahun and Gurob, 1898, pi. xvi, et 
p. 30. A la XIII e dynastie on parle de « la porte de la 
promenade du roi dans la grande maison ». Mariette, 
Papyrus égyptiens du musée de Boulaq, t. n, 1878, 
n. XVIII, pi. xxx ; de « provisions envoyées à la grande 
maison », ibid., pi. xxxm. Dans un document qui est 
pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons 
encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die 
Mârchen des Papyrus Westcar, 1890, pi. vin et p. 10. 
Deux remarques sont à faire sur les textes de cette 
période : 1° Le mot per âa s'y trouve ordinairement 

au duel, , per(oui) àa(oui), « les deux grandes 

maisons », particularité qui tient à ce que l'Egypte fut 
de tout temps divisée en deux terres, la terre du Sud 
et la terre du Nord. L'union des deux terres se faisait 
dans la personne du roi, qui devenait ainsi le. double 
roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et, 
par suite, ce qui se rapportait à lui revêtait un carac- 
tère de dualité pour répondre à sa double personnalité. 
Ainsi « la Maison Blanche (magasin royal) » était c la 
double Maison Blanche », le Palais était « la double 



grande maison ». Cf. Erman, Aegypten, loc. cit., et 
Maspero, Les contes populaires de l'ancienne Egypte, 
3 e édit. (1905), p. 14, notel. 
2° Per âa à cette époque est presque toujours suivi 

du souhait royal par excellence + i II, ânk oudja senb, 

« vie, santé, force! » ce qui est un signe, dans le fond, 
que la métonymie prend corps de plus en plus, que le 
nom du palais marche vers une personnification et va 
être attribuée au maître lui-même du palais. En effet, 
la personnification est un fait accompli sous le nouvel 
empire. — A la XVIII e dynastie, une lettre, adressée 
à Aménophis IV (Khounaton), porte en suscription 

per âa ânk oudja senb Neb : « Pharaon v. s. 



Ml»- 



f. ! le Maître ! » tandis qu'à l'intérieur la titulature 
complète du roi remplit les trois premières lignes. 
Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxvm et p. 92. A la 
XIX e dynastie, per àa prend le déterminatif personnel 

*" J + J I, « Pharaon v. s. f ! » et devient une ex- 
pression courante pour désigner le roi, comme dans le 
Conte des deux frères, écrit au temps de Ramsès II. 
Birch, Select papyri, t. n, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10; 
pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot 
« Pharaon » se présente toujours sans être accompagné 
du nom royal jusqu'à la XXII e dynastie. A cette époque 
seulement on commence à le faire suivre du nom du 
roi. De ce fait l'un des Scheschanq (Sésac) est le premier 

exemple, dans une stèle hiératique : J J T I I 

imiV^V^V^lf 1 '" le P h " aon v - s - f - 

Shashaka v. s. f. ». Spiegelberg, Eine Stèle aus der Oase 
Dachel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A 
la XXV e dynastie abondent les documents légaux et dans 
les dates des papyrus de l'époque de Taharqa on trouve 
per àa précédant le nom royal. Revillout, Quelques textes 
démotiques archaïques, papyrus 3228 du Louvre. A 
partir de ce moment jusqu'à la fin de la période païenne, 
tous les rois en démotiques sont intitulés « Pharaon », 

FH) i i ou avec I e cartouche ( p^ I. — Chez 

les Coptes, l'ancien per âa perdit le a'in et devint nepo, 
Griffith, Stories of the high priest of Memphis, 1900, 
p. 73, note 7; puis le n initial, considéré à tort comme 
l'article, disparut à son tour et il resta epo, ppo, cs-pto. 
Steindorff, Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxvii, 1889, 
p. 107; Sethe, Das âgyptische Verbum, 1. 1, 1899, p. 22. 
IV. Le mot pha.ra.on et la critique de la Bible. — 
On a voulu tirer contre l'authenticité du Pentateuque 
une objection de la manière dont y figure le mot Pha- 
raon. Les uns ont dit: « Delà part d'un homme (Moïse) 
élevé à la cour du roi, nous aurions pu nous attendre... 
à des renseignements plus précis sur les noms propres. . . 
Il y en a si peu que, dans toute cette histoire (l'Exode), 
il est toujours question du roi Pharaon, qu'il s'agisse 
de celui dont la fille recueillit l'enfant dans le fleuve, 
ou de celui devant lequel le vieillard octogénaire se' 
présente pour demander la liberté de son peuple. Le 
rédacteur n'éprouve pas le moindre besoin de distinguer 
par leurs noms des personnages si importants. La no- 
tice qu'il survint un autre roi qui ne savait rien de Jo- 
seph... n'est pas précisément l'indice d'un témoignage 
immédiat. » Reuss, L'histoire sainte et la loi, t. n, 
1879, p. 80-81. Sans nous arrêter à relever l'expression 
inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, t. IV, 1902, 5 e édit., 
p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu'en ne dési- 
gnant le roi que par son titre générique de Pharaon 
Moïse est en parfait accord avec les usages d'Egypte à 
son époque. Il nomme le roi comme on le nommait du 



193 



PHARAON D'ABRAHAM 



194 



temps de Ramsès II, comme faisait, par exemple, l'au- 
teur du Conte des deux Frères, On ne peut donc lui 
demander une meilleure mise au point. « Ce fut surtout 
au temps des Ramsès, quand le peuple d'Israël était 
prisonnier en Egypte, que ces mots (per àa) servirent à 
dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde... Lorsque 
nous donnons aujourd'hui à Ramsès le nom de Pha- 
raon, nous employons l'expression même dont se ser- 
vaient ses contemporains pour le désigner. » V. Loret, 
L'Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18. Par 
cette simple observation nous voyons aussi le cas qu'il 
faut faire de cette autre affirmation, au sujet du séjour 
d'Abraham en Egypte, Gen., xii, 15 sq. : « Le récit 
contient une pâle représentation des choses d'Egypte; 
il ne connaît ni le nom du Pharaon ni le nom de sa 
capitale, » Gvmkel, Genesis, 1901, p. 156. Smis doute, 
au temps d'Abraham, per àa n'était pas encore devenu 
l'expression usuelle pour désigner le roi. Mais rappe- 
lons-nous que Moïse vit, écrit et meurt en pleine 
époque ramesside. Voudrait-on qu'il eût fait de l'ar- 
chaïsme ou du style de basse époque! Et précisément, 
ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le 
mot Pharaon — seul point en question ici — est pour 
nous l'œuvre de Moïse, c'est que le mot Pharaon reste 
indéterminé sous sa plume. Le préciser par l'adjonc- 
tion d'un prénom serait nous rejeter au moins à la 
XXII dynastie, c'est-à-dire après l'an 1000. C'est juste- 
ment pour placer la composition du Pentateuque vers 
cette date que d'autres ont émis des conjectures d'ap- 
parence plus scientifique. Us veulent bien que le titre 
« Pharaon » soit employé familièrement dans la litté- 
rature populaire du Nouvel-Empire. Mais c'est plus 
tard seulement, affirment-ils, qu'il devient le mot usuel 
pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions 
comme honef, « sa majesté », et sotiten. Par conséquent 
les Hébreux ne purent le recevoir qu'après l'an 1000 
avant J.-C. W. M. Mùller, art. Pharaoh, loc. cit. M. W. 
M. Mûller oublie que l'évolution du mot per àa est 
complète sous la XVIII e dynastie, témoin l'adresse de 
la lettre à Aménophis IV. Pharaon est donc dès lors le 
mot usuel, le terme courant et à la portée de tous qu'un 
historien emploiera de préférence. Et pourquoi les Hé- 
breux vivant en Egypte et mêlés aux Égyptiens, pour- 
quoi Moïse surtout, élevé dans le palais royal, auraient- 
ils ignoré ce fait et parlé autrement que les gens qui 
les entouraient? Ce raisonnement garde toute sa valeur 
même dans l'hypothèse peu recevable de ceux qui 
veulent faire coïncider l'Exode avec les temps troublés 
d' Aménophis IV. W. M. .Mûller, loc. cit., prétend tirer 
une confirmation de son dire dans le fait qu'en Asie, au 
xiv« siècle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunéi- 
formes de Tell Amarna adressées à Aménophis III et à 
Aménophis IV de la XVIII e dynastie. Mais on ne peut 
établir de parité entre les auteuus de ces lettres, des 
roitelets syriens, vivant en dehors de la vie égyptienne, 
et les Hébreux habitant la terre même des Pharaons, 
et Moïse surtout « instruit dans toute la sagesse des 
Egyptiens », Act., vu, 22, et auquel nous ramène à 
chaque instant, comme à l'auteur du Pentateuque, ce 
que nous révèle l'égyptologie. Cf. Heyes, Bibel und 
Aegypten, i$0b, p. 24. C. Lagier. 

2. PHARAON D'ABRAHAM. — 1° C'est le premier que 
mentionne la Bible. Gen., xn, 15. Avec Ebers, Aegypten 
und die Bûcher Mose's, t. i, p. 256-258, et d'autres, ce 
Pharaon doit-il être cherché parmi les Aménémhat ou les 
Osortésen de la XII e dynastie, c'est-à-dire aux environs 
de l'an 2000? Il n'y aurait pas d'hésitation possible si 
nous devions admettre comme certaine la récente chro- 
nologie basée- parEd. Meyer, Aegyptische Chronologie, 
dans les Abhandlungen der kbniglichen preussischen 
Akademie, 1904, sur un lever de Sothis découvert dans 
un papyrus de Kahun par Borchardt. Zeitschrift fur 

DICT. DE LA BIBLE. 



àg.Sprache, t. xxxvii, 1899, p. 99-101. J. H. Breasted, 
A history of Egypt, in-8», New-York, 1905, et Ancient 
Records of Egypt, t. I, 1906, p. 25-39, accepte de con- 
fiance cette chronologie. Mais ainsi que le- remarque 
Maspero, Revue critique, nouvelle série, t. I,xn, 1906, 
p. 142, « lors même qu'on admettrait l'authenticité des 
calculs élevés sur cette observation, la réduction systé- 
matique du nombre de siècles assignés aux dynasties 
antérieures à la XVIII<> n'est qu'une affaire de senti- 
ment. M. Borchardt ayant à choisir pour l'époque delà' 
XII e dynastie entre deux périodes sothiaques dont l'une 
le reportait au début du troisième millénaire avant 
J.-C;, et l'autre au début du quatrième, a choisi la 
première a priori parce que l'autre ne lui convenait 
pas, et Ed. Mayer s'est rangé à cette façon de penser 
sur Vautorité de Borchardt : en lionne critique ils au- 
raient dû se borner à poser l'alternative et à indiquer 
leur opinion personnelle sans l'ériger en axiome ne 
varietur. » Voir dans Archssological Report, 1904-1905, 
de VEgypt Exploration Fund, p. 43-44, un résumé de 
la question et des discussions qu'elle a soulevées 
entre Allemands. Faut-il maintenant avec d'autres 
retarder l'arrivée d'Abraham en Egypte? C'est en parti- 
culier l'opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews 
and Herodotos, 3 e édit., 1902, p. 16 sq. Il faut l'en 
croire si l'on accepte les calculs de Flinders Pétrie, 
Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xn, p. 163- 
185. Celui ci reprend résolument la période sothiaque 
abandonnée par Borchardt et Ed. Meyer, tâche de 
l'étayer à l'aide de dates trouvées au Sinaï, et assigne 
comme origine à la XII e dynastie l'an 3459. Reste alors 
l'espace suffisant pour caser entre la XII e dynastie (3459- 
3246) et la XVIII 6 , qu'on admet de part et d'autre com- 
mencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIII e dy- 
nastie et les suivantes qui comprennent la période des 
Hyksos. Reste aussi pour les dynasties XIII-XVII, si 
peu connues,* assez de jeu dans la chronologie relative 
de l'Egypte pour que, dit Maspero, loc. cit., nous y 
puissions ranger les faits nouveaux sans être obligés à 
démolir et à reconstruire un système rigoureux à 
chaque découverte d'un règne inconnu.» Étant données 
ces incertitudes de la chronologie générale, qui 
s'aggravent encore dans les détails, il n'est donc pas 
possible actuellement d'identifier le Pharaon d'Abraham 
ni même la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon 
n'en rappelle pas moins la vallée du Nil. Quoi qu'on en 
ait dit, il agit et parle en roi égyptien. L'exactitude de 
l'écrivain sacré et la confiance qu'il mérite ressortént 
pleinement du récit. 

2° Le pharaon, dit la Genèse, xu, 16, fit bon accueil à 
Abraham. Ce n'était pas la première fois que des Sémites 
trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoum- 
hotep à Beni-Hassan nous fournit un tableau d'immigrants 
asiatiques qui peut servir d'illustration â la descente 
d'Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-même 
en Egypte. Voir t. il, la planche entre les colonnes 
1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, en- 
fants, trente-sept personnes. Quand même l'inscription 
ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race à 
leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs 
armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbé des 
hommes est noire et pointue, leurs armes sont l'arc, la 
javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la 
plupart des hommes n'ont pour vêtement que le pagne 
bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau, 
les femmes, de longues robes de bon goût et de belle 
élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins 
bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de 
disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le 
mobilier. Un autre âne est muni d'une sorte de selle à 
bords relevés où sont assujettis deux enfants.. G'est le 
grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amoii, le 
scribe royal Khéti les a aussitôt inscrits et, en les pré- 

V. - 7 



195 



PHARAON DE JOSEPH 



196 



sentant à son maître, il lui transmet la requête du chef 
de la tribu, Abescha. Celui-ci demande à s'établir sur les 
terres de Pharaon. En signe de soumission, il offre les 
produits du désert, du feob.1, un bouquetin et une 
gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec 
le cérémonial usité pour les personnages de distinc- 
tion. Ceci se passait sous la XII e dynastie, en l'an VI 
d'Osortésen II, avant la venue d'Abraham en Egypte. 
Cf. Newberrj, Beni-Hasan, part, i, pi. xxxi, xxxvm et 
p. 69 (Mémoire i de YArchxological Survey). 

3° Abraham avait une raison de plus d'être bien 
traité : il était accompagné de Sara,'remarquable par sa 
beauté, et qu'il faisait passer pour sa sœur. Les sujets 
du Pharaon en préviennent aussitôt leur maître. Et 
Sara enlevée est placée dans le harem royal. En Egypte, 
comme dans tout l'Orient, le roi, outre l'épouse prin- 
cipale, avait un harem où il s'arrogeait le droit d'in- 
troduire toute femme libre à sa convenance. Un grand 
officier en était le gouverneur. Il avait sous lui un 
scribe et divers fonctionnaires. Cf. Erman, Aegypten 
und âgyptisches Leben, édit. anglaise, p. 74. Tout ce 
monde était attentif à prévenir les désirs et les passions 
de leur seigneur, comme les courtisans du Conte des 
deux Frères. Une boucle de cheveux parfumés a été 
apportée par le Nil. Les scribes et les sorciers s'écrièrent 
aussitôt : « Cette boucle de cheveux appartient à une 
fille de Phra-Armachis qui a en elle l'essence de tous les 
dieux! a Des messagers à la hâte se mettent en cam- 
pagne et l'on amène la personne que le Pharaon salue 
grande favorite. Maspero, Les contes populaires de 
l'ancienne Egypte, 3» édit. (1905), p. 13-14. Mais les 
préférences des Égyptiens allèrent de tout temps aux 
filles de l'Asie. Dans VOstracon 2262 du Louvre nous 
voyons le prince Samentou, fils de Ramsès II, accepter 
dans son harem une fille sémite de basse naissance, 
« suivant une ancienne coutume pratiquée par les Pha- 
raons comme par les sujets. » Spiegelberg, Ostraca 
hiératiques du Louvre, dans Recueil des travaux, 
t. xvi, 1894, p. 64-65. Les roitelets syriens pour se faire 
bien venir du Pharaon, sous la XVIII e dynastie, ne man- 
quent pas de le pourvoir de femmes esclaves et se pré- 
valent du présent. C'est ainsi qu'Abkhiba de Jérusalem 
rappelle qu'il a envoyé au Pharaon vingt et une esclaves. 
Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, n. 181, 
p. 309. Aménophis II admit dans son harem au moins 
trois princesses sémites, dont l'une, comme suite, 
n'amena pas moins de trois cent dix-sept compagnes 
choisies. Pétrie, A history of Egypt, t. n, 3 S édit., 
1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que l'on pour- 
rait multiplier, suffisent à prouver que l'enlèvement de 
Sara était un geste vraiment pharaonique. On sait ce 
qui en résulta. « Et Pharaon appela,AJjraham et lui 
dit : Qu'est-ce que tu as fait? Pourquoi ne m'as-tu pas 
fait savoir que c'était ta femme ? Pour quel motif m'as- 
tu dit qu'elle était ta sœur, de telle sorte que je la 
prisse pour femme? » Gen., xh, 18-19. Il semble que les 
grandes plaies dont Dieu frappa le Pharaon à cause de 
Sara aient réveillé dans son cœur la crainte de l'adul- 
tère. Tout défunt avait en effet à répondre à ses juges 
sur cet article et la porte du séjour des dieux lui était 
fermée s'il ne pouvait dire : « Je n'ai pas eu commerce 
avec une femme mariée. » Pierret, Le Livre des morts 
des anciens Égyptiens, c. cxxv, p. 374. 

4° Sara fut donc rendue à Abraham et celui-ci avec 
tons ses biens et les présents qu'il avait reçus remonta 
« vers la région méridionale... Et il était très riche et 
possédait beaucoup d'or et d'argent. » Gen., xm, 1,2. 
Cet or ne lui venait pas de la terre de .Chanaan qui 
n'en produisait pas, mais de la munificence du Pharaon. 
De tout temps l'or abonda en Egypte apporté par les 
Nomades, et le Pharaon en était l'unique dispensateur. 
Il y abonda surtout à partir de la XII» dynastie lorsque 
les limites de l'empire furent reportées par la conquête 



à la seconde cataracte, jusqu'à Semnéh, et que les 
districts de l'or furent ouverts aux expéditions annuelles. 
Nous apprenons par la tombe d'Améni que cet officier 
dirigea deux expéditions aux mines de l'Etbaye, suivi la 
première fois d'une escorte de quatre cents, la seconde 
fois de six cents hommes. A chaque fois il ramena au 
Pharaon Osortésen I er tout l'or qui lui avait été 
demandé. Newberry, loc. cit., pi. vm, p. 21-26. Au 
retour d'une de ses campagnes en Nubie, Osortésen 
III délégua à Abydos son trésorier Ichernefret pour 
orner le sanctuaire d'Osiris, ses barques et tout le mobi- 
lier avec l'or rapporté. Stèle 1204 de Berlin, publiée 
par H. Schaefer, dans les Untersuchungen zur Ge- 
schichte und Alterthumshunde Aegyptem de Sethe, 
t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux trésors découverts 
à Dahchour par M. de Morgan confirment cette abon- 
dance de l'or sous la XII e dynastie. Fouilles à Dahehour, 

1894, pi. xv-xxv et p. 60-72; Fouilles à Dahchour, 1894- 

1895, pi. v-xm et p. 51-53, 58-65, 67-68.. Sous la XVIII» 
dynastie cette richesse excitera Vauri sacra famés des 
roitelets syriens. Il leur faut de l'or, de l'or pur, ils y 
reviennent sans cesse dans leur correspondance. « Que 
mon frère, écrit l'un d'eux à Aménophis III, m'envoie 
de l'or en grande quantité, sans mesure; qu'il m'en 
envoie plus qu'il n'a fait à mon père. Cardans la terre 
de mon frère l'or est aussi commun que la poussière. » 
Winckler, loc. cit., n. 25. 

Quant à l'objection tirée de la présence du chameau 
parmi les dons du Pharaon à Abraham, voir Chameau, 
t. n, col. 524-525. Ajoutons que les études et les fouilles 
récentes confirment sur ce point les données de la Bible. 
Le musée de Berlin possède un vase en terre cuite re- 
présentant un chameau accroupi, chargé de quatre 
jarres et monté par son conducteur. Von Bissing, Zur 
Geschichte des Kameels, dans la Zeilschrift fur âg. 
Sprache, t. xxxvm, 1900, p. 68-69! estime que cet objet 
remonte aux derniers Ramessides, 1100-1000 avant J.-C. 
Plinders Pétrie, dans ses fouilles de 1907, Gizeh and 
Rifeh, p. 23, a trouvé aux environs d'Assiout, dans une 
tombe de la XIX e dynastie, la représentation bien au- 
thentique d'un chameau. Le même Flinders Pétrie, 
Abydos, part, il, 1903, pi. x, n. 224 et p. 27, 49 (Mé- 
moire xxiv de VEgypt Exploration Fund) avait déjà 
trouvé en Abydos une tête de chameau en terre cuite, 
contemporaine des objets de la I rc dynastie. 

C. Lagier. 

3. PHARAON DE JOSEPH. — 1° En admettant, comme 
on le fait généralement aujourd'hui, que l'Exode eut 
lieu dans les premières années de Menephtah qui com- 
mença de régner vers 1225, et en ajoutant à ce chiffre 
les 430 ans que les Hébreux passèrent en Egypte, 
Exod., XII, 40, nous obtenons la date approximative de 
1655, époque de leur arrivée dans la terre de Gessen, 
époque aussi des Hyksos égyptianisés, mais à leur dé- 
clin. Cela concorde avec la tradition. Jean d'Antioche, 
dans Hist. grœc. fragm., fragm. 30, édit. Didot, t. îv, 
p. 555. Or, parmi les derniers rois Hyksos, XVI e ou 
XVII e dynastie, se trouvent les Apapi, et c'est précisé- 
ment sous un Apapi, d'après la tradition encore, que 
Joseph devint vizir d'Egypte : Xéfoviffi tivsî... t<5 retàptc;) 
era tîjç PauXeia; aO-roS TAçoçt;) tôv 'Iio<jt)9 ÈXfteïv ilç 

Afy'JTtTOV 80ÛXOV. OiïOÇ XaTSOT71<Je TOV 'Ih>TT|Ç XUpCOV 

AtyyTtTO'j xat tox<it|ç tîjç pa<nXe[aç avroû t<5 i£' ïzti xt\i; 
àp;£T|; aû-roû. Syncelle, Chronographie, édit. Dindor/, 
1829, p. 204. L'un des Apapi, peut-être le second, serait 
donc le Pharaon de Joseph. Voir Joseph, t. ni, col. 1657. 
Contre ce calcul on a invoqué la stèle de Menephtah. 
Voir Menephtah, t. iv, col. 956-957. En l'an V de Me- 
nephtah, disent quelques-uns, les Hébreux sont en 
Palestine où ils se trouvent en conflit avec les Égyp- 
tiens, ce qui permet à Menephtah d'affirmer qu' & Israël 
est déraciné; qu'il n'y en a plus de graine » ou « de 
postérité ». W. Mûller, loc. cit., col. 3688; Steindorff, 



197 



PHARAON DE JOSEPH 



198 



ZeitschriftfûrdieAlttestamentlicheWis$enschaft,t.xv, 
■1896, p. 330, etc. A cela on a fait deux réponses princi- 
pales : — a) Les troupes de Ménephlah, si tant est qu'elles 
poussèrent jusqu'en Palestine, purent y trouver des 
Israélites, mais non ceux de l'Exode. Jacob en effet des- 
cendit en Egypte seulement avec ses fils et leur famille, 
au nombre de soixante-dix personnes, Gen., xlvi, 27; 
mais une partie de la tribu, de cette tribu qui avait 
déjà fourni à Abraham trois cent dix-huit hommes pour 
combattre Chodorlahomor, Gen., xiv, 14, resta au pays. 
D'autres Israélites durent revenir dans l'intervalle. Tout 
ce monde campait dans la région d'Hébron, autour du 
tombeau d'Abraham où Joseph avait ramené le corps de 
son père. Gen., l, 13. Pendant que les Israélites de 
Gessén poursuivaient leur marche au désert, c'est dans 
ce lieu de ralliement des groupes épars que Menephtah 
put écraser les Hébreux restés dans le pays ou revenus 
d'Egypte soit après la fin de la disette, soit lors du 
voyage de Josepli, soit à d'autres époques. Cf. Daressy, 
Bévue archéologique, 3° série, 1898, t. xxxm, p. 262- 
266. — b) « Il me semble, dit Edouard Naville, que nous 
avons là une allusion très courte au fait que l'Exode a 
eu lieu, » que nous avons aussi « la version égyptienne, 
ou plutôt le nom que les Égyptiens donnaient à cet 




36. — Anneau (sceau) portant le nom d'Apapi I", le « bon roi 
Aaouserra, donnant la vie ». Le chaton, en stéatite vernissée 
dé vert, est taillé en forme de scarabée avec'une tête d'homme, 
et sertie dans une légère monture d'or. Sur la base du chaton 
est gravée en intaille et dans un cartouche le nom du roi. Un 
fil d'or fixe le chaton à la monture. D'après Newbervy, Sca- 
rafos, frontispice. 

événement : l'anéantissement des Israélites. Je ne vois 
rien là qui aille à l'encontre de l'ancienne idée qui 
plaçait l'Exode au commencement du règne de Me- 
nephtah, c'est-à-dire peu avant le moment où la stèle a 
été gravée. Les Israélites étaient dans le désert mar- 
chant vers la Terre Promise... Pour les Égyptiens ils 
n'existaient plus, ils avaient disparu dans le désert et 
ils n'avaient laissé derrière eux aucune postériié. Cette 
explication me semble en harmonie avec le langage 
habituel des Pharaons. Dans la bouche du roi d'Egypte 
ou de ses écrivains officiels, la sortie des Israélites ne 
pouvait être que leur destruction». Les dernières lignes 
de la stèle mentionnant les Israélites, dans Recueil 
des travaux, t. xx, 1898, p. 37. Cf. Revue égyptolo- 
gique, t. ix, 1900, p. 111. Le Pharaon de Joseph était 
donc probablement Apapi II (fig. 36). Qu'il soit égyp- 
tianisé, il le montre par sa manière de faire. En 
effet: 

2° Ce pharaon célèbre le jour de sa naissance. Gen., xl, 
20. Les théogamies des temples, expression d'une tra- 
dition antique et commune à tous les Pharaons, nous 
disent de reste qu'un pareil jour devait être tout à la 
joie. Ne rappelait-il pas le jour où les déesses accou- 
cheuses avaient reçu dans leurs bras le pharaon « dès 
l'œuf», le dieu nouveau -né, et l'avaient présenté à son 
père selon le sang, Ra ou Amon, tout le ciel étant 
dans la jubilation ? Cf. A. Moret, Du caractère religieux 
de la royauté pharaonique, 1902, p. 48-55, 66-67 ; 
Prisse d'Avennes, Monuments de l'Egypte, pi. xxi, 
lig. 3-4. Les Ptolémées, gardiens des croyances et des 



coutumes pharaoniques, fêteront de même & le jour de 
la naissance du dieu bon s Épiphane, Pierre de Ro- 
sette, texte hiérogl. lig. 10, « la fête de la nouvelle' 
année — tx f&tiVkia — de Sa Majesté, » le dieu Éver- 
gète I CT . Décret de Canope, lig. 3. Et ces jours solennels 
sont une occasion de faveurs pour leurs sujets, Pierre 
de Rosette, lig. 47, comme pour l'échanson du Pha- 
raon de Joseph, Gen,, xl, 21, comme pour les prison- 
niers à l'avènement de Ramsés IV, Maspero, Notes sur 
quelques points de grammaire el d'histoire, dans 
Recueil des travaux, t. n, 1880, p. 115-117, ou ceux de 
la Pierre de Rosette, lig. 1 i. Ce dernier passage semble 




lj^&£i 



V* 




37. — Aménothès, architecte sous Aménophis III, célèbre surtout 
dans la science des formules magiques et de ce chef devenu 
plus tard dieu ptolémaïque. Il était à ce double titre conseiller 
de son maître. — Musée du Caire. — Découvert & Karnak par 
M. Legrain en 1901. 

exclure des faveurs certains coupables. Le grand pane- 
tier devait avoir à se reprocher un grand crime, car le 
Pharaon le condamne à la décapitation, comme Horem- 
heb plus tard, à côté d'autres criminels châtiés moins 
sévèrement, condamnera au même supplice le receveur 
qui avait enlevé à un homme de peine la barque et le 
chargement qu'il convoyait pour le service d'un maître. 
Revue égyptologique, t. vlit, 1898, p. 120-121. Puis, 
en exemple, on suspendit à un gibet le cadavre du 
panetier, Gen., xl, 19, 22, comme fera Aménophis II 
pour sept chefs syriens révoltés, tués de sa main, 
et suspendus l'un aux murs de Napata, les autres 
aux murs de Thèbes. Maspero, Histoire ancienne, 
t. n, p. 292. Cf. Capart, Note sur la décapitation 
en Egypte, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache, 
t. xxxvi, 1898, p. 125-126. Sur les plus anciens monu- 
ments de l'Egypte se trouvent des exemples de décapita- 



199 



PHARAON DE JOSEPH 



200 



tion. Quibell, Bierakonpolis, part, i, 1900, pi. xxix. 

3° Deux ans après, le pharaon eut le double songe des 
sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des 
sept épis pleins et des sept épis desséchés. L'esprit 
« frappé », il convoque ses conseillers, comme cela 
arrive dans toutes les grandes circonstances : les sages - 
et les magiciens. Gen., xli, 1-8. C'est ainsi qu'Osorté- 
sen I er , songeant à reconstruire le Temple d'Héliopolis, 
assemble son conseil et expose son plan que tous 
approuvent. L. Stem, Urkunde ûber den Bau des 
Sonnentempels zu On, pi. i, lig. 1-17, dans Zeitschrift 
fur àg. Sp. t. xii, 1874, p. 85 sq. C'est ainsi encore 
que Ramsès II, d'après la stèle de Kouban, sollicité 
d'assurer l'eau aux caravanes des mines d'or, s'inspire 
de ses conseillers pour la construction de nouvelles 
citernes. Prisse d'Avennes, loc. cit., pi. xxi. Si le cas 
était ardu, ce n'était plus seulement les sages ou 
hakamim qu'on appelait en délibération, mais aussi les 
magiciens ou hartumim. Voir Divination, t. h, col. 1443- 
1444; Magie, t. iv, col. 563. « La sorcellerie avait sa place 
dans la vie courante aussi bien que la guerre, le com- 
merce, la littérature, les métiers qu'on exerçait, les di- 
vertissements qu'on prenait... Le prêtre était un magi- 
cien... Pharaon en avait toujours plusieurs à côté de lui... 
et qui étaient ses sorciers attitrés. » Maspero, Les contes, 
préface, p. xlvi. Ils possédaient les secrets de Thot, gar- 
daient soigneusement les écrits hermétiques par lesquels 
ils avaient puissance sur la nature. Cf. Maspero, loc. cit., 
p. 102-103, et Histoire ancienne, 1. 1, p. 145-146, 279-280. 
Ce sont ces mêmes conseillers, sages ou devins (fig. 37), 
dont le prophète raillera plus tard l'impuissance à 
sauver le pharaon et l'Egypte des Assyriens. Is., xix, 
11-13. Le pharaon de Joseph ne lit donc, en convo- 
quant les sorciers, qu'agir suivant la pratique courante. 
C'est, d'après la tradition, ce même Apapi qui ayant 
construit un temple à Soutek rêva d'imposer aux Thé- 
bains le culte de son dieu, Les grands ou sages ne 
purent lui dire quel moyen employer, tandis que le 
collège des devins et des scribes trouva un expédient 
qui lui plut. Maspero, Les contes, p. 238-242. Mais cet:e 
fois les devins furent impuissants à résoudre le cas. 

4° L'échanson rétabli dans sa charge se souvint alors 
de Joseph qui expliqua le double songe. « Puisque 
Dieu t'a montré tout ce que tu as dit, tu seras établi 
sur ma maison et au commandement de ta bouche 
tout le peuple obéira, je ne serai plus grand que toi 
que par mon trône, » dit le Pharaon à Joseph. Gen., xli, 
39-40, Le fait d'appeler Joseph à une si grande charge 
n'a rien que de très naturel de la part d'un roi 
Hyksos, puisque sous les dynasties indigènes la même 
chose se présente. A la cour de Ménephta,h, le Chananéen 
Ben-Matana est le premier porte-parole du Pharaon. Ma- 
riette, Abydos, t. n, pi. l; Catalogue général des monu- 
ments d'Abydos, p. 422, n. 1145. Nésamon et Néferka- 
ram-per-Amon, sous leurs noms égyptianisés, sont deux 
esclaves arrivés à être l'un, surintendant des domaines 
d'Amon-Ra, l'autre, procureur du Pharaon. Papyrus Ab- 
bot, pi. iv et passim. Ce qui avait lieu pour des esclaves 
pouvait à plus forte raison avoir lieu pour des étrangers 
de marque. A la cour de Thèbes, sous la XVIII e dynas- 
tie, étaient élevés à l'égyptienne et comblés d'honneurs 
les fils des princes syriens, qu'on renvoyait ensuite à 
l'occasion commander dans leur pays. Mariette, Karnak, 
pt. xvli. Un chef de Gaza, Yabitiri, avait été conduit 
tout jeune en tgypte par un inspecteur égyptien. « Je 
m'attachai au roi mon maître, écrit "Yabitiri au Pharaon 
et je demeura^ à la porte du roi mon maître... Le joug 
du roi mon maître est à mon cou et je le porterai. » 
Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, n. 214. 
Ce sera plus tard le cas de Hadad l'Iduméen qui, nous 
l'avons vu, épousa la sœur de la reine et dont le fils 
fut élevé parmi les princes du sang. Jéroboam sera 
accueilli de même par Sésac. III Reg., xi, 40. 



5° Quand la Bible fait dire à Joseph par le Pharaon : 
« De ta bouche dépendra tout mon peuple, » elle ne 

fait que traduire un titre égyptien "~"" Y vv , ra-heri 

ou ro-heri, « bouche supérieure. » Le fonctionnaire 
qui portait ce titre était le premier intermédiaire "entre 
les fonctionnaires et le Pharaon : toutes les affaires 
passaient par lui. Un certain Rahotep était « la bou- 
che du roi de la Haute-Egypte et l'oracle du roi de 
la Basse-Egypte ». Brugsch, Wôrterbuch, t. vi, p. 671. 
Tenouna de la XVIII e dynastie s'intitule « grande bou- 
che supérieure du pays tout entier ». Id., Recueil des- 
monuments, pi. lxvi a. Avant d'être roi, Ramsès III 
fut élevé par son père à la dignité de « grande bouche- 
supérieure de tous les pays d'Egypte ». Chabas, JRe- 



SHilSiâ^iS!!4 




38. — Tradition du sceau. — Au nom de Toutankhamon, le grand 
chancelier remet au prince Houi le sceau de gouverneur ou 
vice-roi d'Ethiopie. XVIII* dynastie. L'inscription se traduit : 
« Kemise du sceau de la dignité de royal fils par le grand 
chancelier, afin que prospère la dignité du royal fils de Kousch 
Houi. » (Son commandement) va de Nekhen (El-Kab) à Keri 
CDjébel Barkal). — D'après Newberry, Scarabs, pi. n. — L'an- 
neau et son chaton sont colorés en jaune pour indiquer qu'ils 
sont en or. Les deux personnages portent la robe de fin lin. 
„ Tombe de Houi à Thèbes. Colline de Kôurnet Mourai, près du 
petit temple de Deir el-Medinet. 

cherches sur la XIX' dynastie p. 14, 27. Mais cette 
fonction n'entraînait pas nécessairement avec elle celle 
de vizir. Même dans le Papyrus Hood-Wilbour, lig 14, 
elle ne vient qu'après la fonction de maréchal de la 
cour. Cf. Maspero, Études égyptiennes, t. n, p. 25-26. 
C'est pourquoi après avoir établi Joseph sur toute sa 
maison, le Pharaon qui veut faire mieux encore dit de 
nouveau : « Voici que je t'ai établi sur toute la terre 
d'Egypte. » Et en même temps il lui fait la tradition 
du sceau royal et de la robe de fin lin que nous 
voyons portée par Rekhmara, vizir de Thothmès III, 
dans l'exercice de ses fonctions. Chez Newberry, The 
life of Rekhmara, pi. xii, Rekhmara est assis dans 
la longue robe de vizir; pi. xii et xxm, il fait scel- 
ler les provisions du temple d'Amon, et il nous dit, 
pi. xvu, lig. 3, que lui-même il scelle de son sceau les 
portes du Trésor. Dans une tombe thébaine, Toutan- 
khamon nommait Houi à la dignité de vice-roi de Chus 



201 



PHARAON DE JOSEPH 



202 



•et lui remettait en grande pompe le sceau royal sous la 
forme d'un anneau d'or massif (fig. 38). Joseph reçoit 
de plus un collier d'or. Voir Collier, t. n. flg. 308, 
col. 837. C'était la récompense royale par excellence. 
La scène se reproduit souvent dans les tombeaux des 
grands fonctionnaires et les inscriptions ne manquent 
pas de noter Je nombre de fois que le Pharaon gratifia 
de la sorte le défunt. Ahmès d'El-Kab, le bras droit de 
son homonyme Ahmès I er dans l'expulsion définitive 
des Hyksos, reçut jusqu'à sept fois l'or de la vaillance. 
E. de Rougé, Mémoire sur le tombeau d' Ahmès, 1849, 
p. 61. Il suffira de renvoyer à Newberry, Rock Tombs 
of el-Amarna, part, n, 1905, pi. xxxm et p. 36-37 
(Mémoire xiv de Y Archeological Survey), où Mérira est 



aujourd'hui encore les sais des équipages cairotes. 
Cf. en particulier Newberry, The rock tombs of el- 
Amarna, loc. cit., pi. xiii, xv, xvi, xvii, où Khounaton 
sur son char est suivi de la reine et de ses filles éga- 
lement sur leurs chars. — Sur abrek, du héraut de 
Joseph, cf. Spiegelberg, Aegyptologische Randglossen 
zum Alten Testament, 1904, p. 14-18, et voir Abrek, 
t. i, col. 90; sur le nom donné à Joseph, voir Çafnat 
Pa'nêah. En changeant le nom de Joseph, le Pharaon 
se conformait à une coutume égyptienne. Plus haut 
nous avons déjà rencontré portant des noms égyptiens 
plusieurs étrangers. Un certain Sarebibina, grand- 
prêtre d'Amon et prêtre de Baal et d'Astarté, sous Amé- 
hophis IV, s'appelait en égyptien Abaï. Lepsius, Denk- 




■39. — Triomphe d'Aménophis III. Stèle découverte dans le temple funéraire de Mënephtah. Musée du Caire 1377. — Le tableau est 
double. La partie de gauche, incomplète ici, montre le pharaon sur son char marchant sur les Syriens. — La partie de droite est 
complète : le pharaon foule sous son char les vils Éthiopiens dont les chefs sont liés sur les chevaux. En légende, on lit : 
a (Le Dieu bon) maître du glaive, puissant à les enchaîner (ses ennemis du Sud) ; détruisant la face de la vile KouS, ame- 
nant leurs chefs en prisonni ers vivants. » 



accablé d'or littéralement, et à la stèle C i33 du Louvre 
où Séti I er de son balcon tend les mains vers son favori 
Horkhem pendant qu'on passe au cou de celui-ci le 
collier d'or. Cf. Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit. t. n, p. 128-129. 

6» Il fallait que le peuple qui devait, obéir à Joseph 
connût aussi son élévation, et c'est pourquoi Pharaon 
le fait monter sur son second char. Gen., xli, 43. Ce 
n'était plus la litière des anciens temps portée à épaules 
d'hommes ou assujettie entre deux ânes, mais le vrai 
char asiatique introduit en Egypte avec le cheval par 
les Hyksos. A partir de cette époque les monuments re- 
présentent partout le Pharaon paradant, combattant et 
triomphant sur un char enlevé par de grands chevaux 
(fig. 39). Il en est de même pour les hauts fonction- 
naires. Naturellement la hiérarchie des chars suivait la 
hiérarchie des personnages, et comme Joseph était 
établi le premier après le roi, il devait marcher immé- 
diatement après lui. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten, 
ï fasc, p. 250-253. Grâce aux tombes de Tell el-Amarna, 
il n'est pas difficile de reconstituer Pharaon sur son 
char et son cortège, s'avançant au vent des grands éven- 
tails, précédé de ses coureurs que nous rappellent 



màleraus Aegypten und Aethiopien, publiés par Naville, 
Sethe et Borchardt, t. ï, p. 16-17. Un chef des orfèvres, 
Kertana, devint Nefer-renpit. Naville, Das âgyptische 
Totenbuch der 18-30 Dynastie, 1886, Introduction 
p. 64. Ben-Matana, que nous connaissons, fut pour 
tous les Égyptiens Ramsès-m-per-ra, « Ramsès dans le 
temple de Ra » avec le surnom de Mer-on « aimé 
d'Héliopolis ». La princesse héthéenne qu'épousa Ram- 
sès II ne nous est connue que par le nom égyptien 
que lui imposa le Pharaon : Our-ma-neferou-ra, « la 
grande qui voit les beautés de Ra ». Maspero, Histoire 
ancienne, t. n, p. 405-406. 

7» Quant au mariage de Joseph avec une fille d'un 
prêtre d'Héliopolis, il était des plus honorables. Le 
sacerdoce d'Héliopolis occupait J'undes premiers rangs 
par son antiquité et parla qualité de son dieu. A défaut 
de ses filles, le Pharaon alliait ses favoris à des filles 
de prêtre. Lui-même ne croyait pas déroger en choisis- 
sant parmi elles son épouse principale. La femme 
d'Amasis, la mère de Psammétique III, était de race 
sacerdotale. Wiedemann, Aegyptische Geschichte, 1880, 
p. 659. 

8" On ne pouvait entrer en Egypte ou en sortir sans 



203 



PHARAON DE JOSEPH — PHARATHON 



204 



l'assentiment du Pharaon. Aux immigrants autorisés à 
s'y établir était. assignée la place qu'ils devaient habiter. 
Nous avons vu les Amou du tombeau de Khnumhotep 
demander à se fixer en Egypte. ïte^Schasou au temps 
de Menephtah ne pénètrent avec leurs troupeaux dans 
les pâturages laissés libres par le départ des Hébreux 
qu'avec l'autorisation des gardes qui veillaient à la 
frontière, et aussitôt le Pharaon en est prévenu. Anas- 
tasi VI, pi. vi, 4. Dans le traité entre le roi héthéen 
Khétasar et Ramsès II, les contractants s'engageaient 
réciproquement à se rendre les transfuges. Lig. 22-25, 
dans Records of the past, 1™ série, t. iv, p. 30. L'Égyp- 
tien Sinouhit réfugié chez lès tribus voisines du Sinaï 
ne peut rentrer en Egypte que sur l'invitation du Pha- 
raon alors régnant. Maspero, Les contes, p. 71-73. Nous 
ne sommes donc pas surpris de voir le Pharaon de 
Joseph autoriser Jacob et sa famille à demeurer en 
Egypte et leur désigner un territoire, Gen., xlvii, 1-6, 
pas plus que nous ne serons surpris de voir Menephtah 
résister au départ des Israélites jusqu'à la dixième 
plaie. C. Lagier. 

4. PHARAON DE L' (( OPPRESSION ». Exod., I, 
10, etc. Voir Ramsès II. 

5. PHARAON DE L'EXODE. Voir MENEPHTAH, t. IV, 
col. 955-957. 

6. PHARAON (FILLE DU). — I Par., iv, 18. Dans une 
généalogie, il est question d'une fille de Pharaon : Bi 
autem filii Bethiee filise Pharaonis quam accepit Me- 
red. Mered avait peut-être rendu de grands services au 
Pharaon. Dans l'histoire de l'Egypte, il n'est pas rare 
de voir le roi récompenser ses serviteurs en les mariant 
à l'une de ses nombreuses filles. Bethia serait-elle une 
fille de Ramsès II ? Convertie à son mariage, elle aurait 

Teçu un nom nouveau, n'ru, Bîtyah, « la fille de Jého- 
vah », nom d'autant plus auguste que son rang était 
plus élevé. Voir Bethia, t. i, col. 1686; Judaïa, t. m, 
col. 1778; Méred, t. iv, col. 996. 

7. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE DAVID. — 

Quand l'armée de David battit les Iduméens, Àdad, de 
la race royale d'Edom chercha un refuge auprès du 
Pharaon. III Reg., xi, 15-22. Ce Pharaon était probable- 
ment Psousennès II. Voir Adad 3, t. i, col. 166. 

8. LE PHARAON BEAU-PÈRE DE SALOMON. — Un 

Pharaon donna à Salomon sa fille en mariage. III Reg., 
m, 1 . Voir Salomon. 

9. LE PHARAON DE JÉROBOAM ET DE ROBOAM. 

— Voir Sésac. L'Écriture lui donne le titre de roi et 
non celui de Pharaon. 

10. LE PHARAON ENNEMI D'ASA. — Il est appelé 
« roi d'Ethiopie », II Par., xiv, 9, mais il était sans 
doute aussi roi d'Egypte. Voir Zara. 

11. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'OSÉE, ROI 
D'ISRAËL. — Il est appelé roi d'Egypte. IV Reg., xvn, 
4. Voir Sua. 

12. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'ÉZÉCHIAS, 

ennemi de Sennachérib. Is., xxxvi, 6. Voir Tharaca. 

13. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE JOSIAS. — 

Voir Néchao, col. 1547. 

14. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE SÉDÉCIAS, 

dont il est question dans Jérémie et dans Ézéçhiel. 
Voir Éphrée, t. », col. 1882. C. Lagier. 



PHARATHON (hébreu : Pir'âfôn ; Septante : *oc- 
paôeiv; Alexandrinus : «PpaaOwv), ville d'Éphraïm, 
patrie du juge Àbdon, fils d'IIlel, où il fot enseveli. 
Jud., xn, 13-15. De là fut aussi Banaïas, un des vaillants 
chefs de l'armée de" David. II Reg., xxiii, 30; 1 Par., 
xi, 31 ; xxvii, 14. Cette ville était bâtie sur la montagne 
d'Amalec. Voir Amalec, t. i, col. 427. Elle fut plus tard 
fortifiée, munie de murs élevés, de portes et de serrures, 
par Bacchide, général de l'armée d'Antochius. I Mach., 
ix, 50. Quelques commentateurs ont douté si la <I>«pa- 
8wvc des Machabées (Alexandrinus et Sinaiticus 2 : 
*apa6eûv; Vulgate : Phara; Josèphe, Ant. jud., XIII, 
i, 3 : "PapaOti) était identique à la Pharathon des 
Juges, parce que les villes fortifiées par le général 
gréco-syrien sont attribuées à la Judée. Mais la phrase 
peut s'interpréter différemment : Il bâtit des villes fortes 
en Judée et [en outre] les forteresses de Jéricho, etc. ; 
ou bien la Judée est prise ici dans l'acception plus géné- 
rale qui lui a été souvent attribuée de « pays d'Israël ». 
Thamnata et Thopo (Taphua [?]), citées en ce passage, 
n'appartiennent pas non plus à la province de Judée. 
Pharatha, d'après le rabbin Estôri ha-Parchi (xui 8 siècle), 
était située « à environ six heures de Sichem, à l'ouest 
déclinant un peu au sud et appelée Fer'a((â'. » Caflor 
va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1897-1899, p. 288. 
Fer'atâ' est aujourd'hui un petit village de moins de 
deux cents habitants, à douze kilomètres environ à 
l'ouest-sud-ouest de Naplouse, l'ancienne Sichem. On 
s'y rend de cette ville par deux sentiers escarpés, dif- 
ficiles et formant de nombreux détours; et ce sont sans 
doute ces difficultés qui ont induit l'écrivain juif en 
erreur sur la distance réelle entre ces deux localités, 
car on ne peut contester qu'il ne désigne la même loca- 
lité. Fer'atâ' s'élève sur une colline de 555 mètres 
d'altitude au-dessus du niveau de la mer Méditerranée. 
Les belles pierres, régulièrement taillées que l'on voit 
dans les murs des habitations modernes ou que l'on 
trouve éparses aux alentours, attestent que le village ac- 
tuel, s'il s'agit de Thamna d'Éphraïm, comme permet 
de le croire l'ordre des villes procédant du sud au nord, 
a succédé à une localité antique de quelque importance. 
On rencontre aussi des sarcophages en pierre de 
style grec et des tombes antiques. A sept ou huit cents 
mètres, au nord-est du village, un petit sanctuaire, 
musulman dédié à Youély Abou-Djoud est en grande 
vénération dans le pays. L'identification d'Estôri repro- 
duite par le rabbin Jos. Schwarz, Tebuoth ha-'Arez, 
édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187, a été adoptée par 
Ed. Robinson, beue biblische Forschungen in Palâstina, 
Berlin, 1887, p. 175; Guérin, Samarie, t. n, p. 179-180, 
et la plupart des palestinologues. Cl. R. Conder cepen- 
dant identifie Far'affâ' avec Éptira, Jud., vi, 11, et 
propose de voir Pharathon dans Fir'aûn. The sur- 
vey of Western Palestine, Memôirs, t. n, p. 162-163, 
164. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and 
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 137. 
Fir'aûn est un grand village de sept à huit cents habi- 
tants, situé à trois kilomètres au sud de Tûl-Karem, sur 
une des collines qui bordent )a plaine côtière méditer- 
ranéenne. Son nom procède sans doute de la même 
étymologie que Fer'atâ' ; mais tandis que celui-ci con- 
serve la forme historique arabisée du nom de Fer'atôn, 
comme 'Anâtâ, par exemple, celle de 'Anafôt, on 
s'expliquerait difficilement comment contrairement au 
fait le plus constant dans la modification des noms 
anciens en Palestine, ce serait le t intermédiaire qui 
aurait disparu tout en laissant subsister la syllabe 
finale on. La Chronique samaritaine (XII e siècle) 
connaît déjà le nom de Fer'atâ dans sa forme actuelle 
et en fait remonter l'origine à l'époque des Juges. 
Suivant un récit légendaire, le lieu aurait été ainsi 
appelé, de la racine fâra', parce que là, à l'occident 
du mont sacre de Garizim, les Israélites dissidents par 



PHARATHON — PHARISIENS 



206 



rapport à eux, se seraient retirés et « multipliés à 
l'instar des rameaux d'un arbre touffu ». Chron. sa- 
marit., ch. xli, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 41. 

L. Heidet. 
PHARATHONITE (hébreu : ' hap-Pir'd{ônî; Sep- 
tante : 6 $ocpa6n>vÎT>]s; 6 "tapotfltovj), originaire de Pha- 
rathon. Un des juges d'Israël, Abdon, Jud., xm, 13, 15, 
et Banaïas, un des vaillants soldats de David, II Reg., 
xxm, 30; I Par., xi, 31; cf. xxvn, 14, étaient de Phara- 
thon. Voir Pharathon. 

PHARES, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites 
qui ont des noms différents dans le texte hébreu. 

1. PHARES (hébreu : Pérès, « brèche »; Septante : 
«tapé;), fils de Juda et de Thamar et frère jumeau de 
Zara. Voir Thamar. Au moment de la naissance, Zara 
présenta le premier la main et la sage-femme y attacha 
un fil cramoisi, mais il retira la main et son frère, qui 
fut appelé pour cela Phares, sortit le premier. Gen., 
xxxviu, 28-30. Ces détails sont donnés par la Genèse, à 
cause de l'importance des droits d'aînesse. Ces droits pa- 
raissent avoir été donnés à Phares, car il est toujours 
nommé le premier dans les listes généalogiques. Gen., 
xl vi, 1-2; Num., xxvi, 20; I Par., h, 4; Matth., i, 3. Ses 
descendants furent bénis de Dieu, selon le souhait des 
parents de Booz, Ruth, iv, 12, ils devinrent très nom- 
breux; Phares fut la tige de la mission royale de David 
et l'ancêtre de Notre-Seigneur. Matth., î, 3; Luc, m, 33. 
La postérité de Juda forma quatre familles principales, 
et Phares fut la souche de deux d'entre elles, celle des 
Hesronites et celle des Hamulites, par ses deux fils 
Hesron et Hamul. Num., xxvi, 20. Les deux autres fils 
de Juda ne furent chefs que d'une famille chacun, Séla 
de celle des Sélaïtes, et Zaré de celle des Zaréites. Num., 
xxvi, 20. La généalogie des descendants de Phares est 
donnée, Ruth, iv, 18-22, jusqu'à David, et plus en détail, 
I Par., h, 5, 9-m, 24, jusqu'après la captivité de Baby- 
lone. Outre les rois de Juda, tous descendants de 
Phares, les livres historiques de l'Ancien Testament 
nous font connaître parmi les Pharésites, les généraux 
de David, Jesboam, I Par., xxvii, 3, ainsi que Joab et 
ses frères, Abisaï et Azaël. fils de Sarvia, sœur de 
David, I Par., h, 16, qui descendaient de Phares au 
moins par leur mère; leur père n'est nommé nulle 
part dans l'Écriture. Du temps de Zorobabel, 468 des 
fils de Phares habitèrent Jérusalem. II Esd., xi, 4-6. 
Cf. I Par., ix, 4. 

2. PHARES (hébreu : Péréë ; Septante : $apsç), le 
premier nommé des fils que Machir eut de Maacha. Il 
était de la tribu de Manassé. I Par., vu, .16. 

3. PHARES, un des mots prophétiques qui furent 
écrits sur la muraille de la salle du festin de Baltassar. 
Voir Baltassar 2, t. i, col. 1421-1422. 

PHARÉSITES (hébreu hap-Parsî ; Septante^ : Stjiio; 
ô «fcapein; Vulgate : Pharesitse), descendants de Phares, 
fils de Juda. Num., xxvi, 20. Voir Phares, 1. 

PHARIDA (hébreu : Perîdâ', IIEsd., ix, 57 ; Peràdâ', 
I Esd. ,n, 55; Septante : *epi8â, II Esd., ix, 57; 4>a8oupâ, 
I Esd., H, 55), éponyme d'une famille de « serviteurs de 
Salomon » qui retournèrent de la captivité de Babylone 
en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 55; II Esd., ix, 
57. Dans le premier passage, ta Vulgate écrit Pharuda, 
conformément à l'orthographe du texte original. Les 
« serviteurs de Salomon » étaient des Nathinéens. 
Voir Nathinéens. t. iv, col. 1486. 

PHARISIENS. — I. Les sources. — Tout ce que 
nous savons des pharisiens — ou à peu près — nous 



vient de Josèphe, du Talmud et du Nouveau Testament. 
Josèphe parle souvent des pharisiens et les passages 
qui suivent sont surtout à étudier : Bell, jud., II. 
vm, 14; Ant. jud., XIII, v, 9; XIII, x, 5-6; XVII, 
h, 4; XVIII, i, 2-4; Vita, 2, 38. Le portrait qu'il nous 
en trace est doublement précieux, parce qu'il est d'un 
contemporain et d'un homme qui fut quelque temps 
affilié au pharisaïsme. Malheureusement, l'historien 
juif, désireux d'être compris de ses lecteurs païens, 
nous les présente comme une école philosophique, les 
assimilé aux stoïciens et les met constamment en oppo- 
sition avec les sadducéens et les esséniens, qui seraient 
d'après lui des sectes (a!pi<reiç) du même genre. Ces 
réserves faites, les détails qu'il nous donne sont fort 
instructifs et trouvent dans les faits leur confirmation. 
— Le Talmud contient, de nombreux détails sur les 
pharisiens, principalement dans leur contraste avec 
les sadducéens et le vulgaire Çam hâ'-ârès). On trou- 
vera dans Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 
2» édit., t. il, Leipzig, 1898, p. 384-388, les textes de la 
Mischna à ce sujet. Bien que la Mischna n'ait été 
rédigée dans son état actuel que vers la fin du second 
siècle, par Juda le Saint, beaucoup de parties sont an- 
térieures et supposent l'existence du temple. Mais ce 
qu'il y a dans le Talmud (Mischna, Ghemara et Mi- 
drasch) de plus intéressant que les textes particuliers, 
c'est l'esprit pharisaïque dont il est imprégné d'un 
bout à l'autre. Non seulement le Talmud est l'œuvre 
des pharisiens, mais il peut être regardé comme 
l'image vivante et l'incarnation du pharisaïsme. — Les 
allusions du Nouveau Testament aux pharisiens ne 
sont qu'accidentelles et les informations qu'elles nous 
fournissent ne sont le plus souvent qu'indirectes. Mais 
les pharisiens jouent un tel rôle dans l'histoire évangé- 
lique et apostolique que cette source de renseigne- 
ments devient pour nous d'une très haute importance. 
Les récits et les discours de l'Évangile éclairent d'un 
jour très vif les données étrangères et trouvent aussi en 
elles leur commentaire et leur explication. 

II. Les noms des pharisiens. — Le mot « pharisiens » 
est en hébreu n>tfns, en araméen ptfns, état empha- 
tique nwis, d'où vient le grec «Sapiaaîot. C'est donc 
le participe passif de wns, paras, « séparer » ; et la seule 
question est de savoir si les pharisiens sont ainsi appelés 
parce qu'ils s'éloignent des choses impures, capables 
de produire une souillure légale, ou parce qu'ils se sé- 
parent des personnes dont le contact et le commerce 
les souilleraient. Une raison d'adopter le premier sens 
pourrait être que le dérivé fvtfHs ou rwHS signifie 
l'éloignement des choses impures, l'exemption de toute 
impureté. Mais des raisons plus puissantes militent en 
faveur du second sens. D'abord l'éloignement des choses 
impures entraine nécessairement l'éloignement des 
personnes impures, c'est-à-dire de celles qui n'observent 
pas les prescriptions relatives aux aliments ou aux 
contacts impurs. Ensuite toute l'histoire des pharisiens 
nous les montre séparés du vulgaire et formant entre 
eux une sorte de cercle fermé. Enfin les écrivains an- 
ciens adoptent unanimement cette acception. Clémen- 
tine hom., xi, 28, t. h, col. 296 (les pharisiens et les 
scribes ot elaiv àjKopKT(iévot); Origène, In Matth., xxm, 
2, t. xm, col. 1611 (dividunt seipsos quasi meliores a 
multis... qui interpretantur divisi et segregati) ; In 
Matth., xxm, 23, t. xm, col. 1626 ; lbid., xxm, 29, t. xm, 
col. 1633 (recte Pharisaei sunt appellati, id est prsecisi) ; 
In Joa., vi, 13, t. xiv, col. 240 (5uipr,(i£vo'. tivs- 
xai araatwêsi:); lbid., xm, 54, t. x'iv, col. 504; 
Pseudo-Tertullien, Contra hser., à la fin du De prse- 
script., t. il, col. 61 [additamenta quœdam legi ad- 
struendo a Judseis divisi sunt) ; S. Épiphane, Cant. 
hœr., xvi, 1, t. xli, col. 249 (sXsfovTO lï "tapiaaîm 
Stoc tô àfopc<7(tévou< eîvat aûroù; àna tôv 3).)*>v); S. Je- 



207 



PHARISIENS 



208 



rôme, Adv- Luciferian:, 23, t. ssiii, col. 178 (Pharisaei 
a Judseis divisi, propter quasdam observatiohes super- 
fluas, nomen quoque a dissidio susceperunt); Jn 
Matth., xxn, 23, t. xxvi, col. 163 (unde et divisi vocaban- 
tur a populo). Le Talmud donne de l'étymologie du 
nom des pharisiens la même explication. On peut voir 
les passages dans le Lexique de Buxtorf et la définition 
des pharisiens dans l'Aruch. — Le sens du mot « pha- 
risien » étant « séparatiste », il n'est guère probable 
que les pharisiens eux-mêmes se soient donné ce nom; 
ils finirent par l'accepter; mais tout porte à croire qu'il 
leur fut attribué d'abord par leurs adversaires. En effet, 
selon toute apparence, les pharisiens apparaissent pour 
la première fois dans l'histoire sous le nom de a>TDn, 
hàsîdîm, « les hommes pieux », lors du soulèvement des 
Machabées, Le nom de pharisiens est encore relativement 
rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux 
fois), il est mis dans la bouche des sectes hostiles. En- 
fin nous savons que les pharisiens s'appelaient entre 
eux nnan, hâbêrîm, « associés ou compagnons ». — Un 
fait très digne de remarque et trop peu remarqué, c'est la 
synonymie apparente, dans le Nouveau Testament, entre 
scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les 
pharisiens sont très souvent nommés ensemble comme 
une classe à part, mais ce qu'un Évangile attribue à 
un pharisien est par un autre Évangile attribué à un 
scribe ou réciproquement. C'est que, à l'époque néo- 
testamentaire, les scribes appartenaient en général au 
parti pharisien; aucun scribe sadducéen n'a laissé un 
nom dans l'histoire et cela n'est pas pour surprendre, 
car les sadducéens rejetant toute tradition, le métier de 
scribe était chez eux presque réduit à rien. Tous les 
pharisiens n'étaient pas scribes, puisqu'on distinguait, 
même parmi les pharisiens, l'ignorant (îs'uin) et le sa- 
vant (nsn), mais à peu près tous les scribes étaient 

TT 

pharisiens. Cependant les Evangélistes ont conscience 
que les mots « scribes » et « pharisiens » ne sont pas 
pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils men- 
tionnent les pharisiens à côté des scribes, Matth., xn,38; 
xv, 1; xxm, 2, 13, 14, 15, 23, 25, 27, 29; Marc, vn, 1, 
5; Luc, v, 21, 30; vi, 7; xi, 53; xv, 2; cf. Act., v, 34. 
Ils signaient même quelquefois les scribes appartenant 
auparti pharisien, Marc, il, 6 (oi ypocfifiateîç t<5v <3>apt- 
ffat'wv); cf. Luc, v, 30. Saint Jean ne parle pas des 
scribes, sauf une fois dans l'épisode de la femme adul- 
tère, vm, 3. Saint Luc emploie le mot -fpoc[j.[j.3(Teij; con- 
curremment avec vo[uxô; et vofio8i8â<7xaXo;. Voir ScRI- 
bes et Sadducéens. 

III. Historique. — 1° Origine des pharisiens. — 
L'esprit de séparation, si caractéristique des pharisiens, 
commence à se manifester chez les Juifs revenus de 
l'exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. Dès cette 
époque, la terminologie usitée dans la suite entre en 
vigueur, quoique dans un sens différent. Obéissant aux 
exhortations d'Esdras et de Néhémie, les Israélites dé- 
vots se séparent des habitants du pays ('am hâ'ârés), 
c'est-à-dire des païens ou des Juifs infidèles qui étaient 
restés en Judée après la déportation. I Esd., VI, 21; 
IX, 1; x, H; II Esd., ix, 2; x, 29. Mais les pharisiens 
proprement dits, qui se séparent de la masse du peuple 
trop peu zélée pour l'observation rigoureuse de la loi, 
ne remontent pas si haut. Leur première apparition a 
lieu lors de la grande persécution entreprise par les 
rois de Syrie en vue d'helléniser la Palestine. En mon- 
tant sur le trône (175 avant J.-C), Antiochus Épiphane 
avait juré d'exterminer la religion juive, et il fut puissam- 
ment secondé dans ce dessein par la lâcheté et l'ambition 
d'un certain nombre de personnages influents apparte- 
nant au sacerdoce, entre autres les grands-prêtres 
Jésus, surnommé Jason, etMénélas.EnlTO, lé monarque 
"sacrilège avait pénétré dans le lieu saint et enlevé le 
trésor du Temple. Peu de temps après il interdisait la 



circoncision, la célébration du sabbat, les sacrifices, en 
un mot tout le culte judaïque. Le 15 du mois de cas- 
leu, un autel de Jupiter Olympien remplaça dans le 
Temple l'autel de Jéhovah, et le 25 du même mois on y 
immolait des victimes. Cette profanation fit éclater le 
soulèvement des Machabées qui trouvèrent bientôt un 
ferme appui dans un parti qui s'était formé un peu 
auparavant pour résister à l'hellénisme et pour mainte- 
nir intacte la religion mosaïque. Les Assidéens, amen, 
oi 'AfftSaïoi, « les hommes pieux » — c'est ainsi qu'on 
les nommait et qu'ils s'étaient peut-être nommés eux- 
mêmes — sont les ancêtres des pharisiens ou pour 
mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom près, des 
pharisiens. Depuis Wellhausen, Die Pharisâer und 
die Sadducâer, Greifswald, 1874, p. 78-86, l'identité est' 
généralement admise. Cf. I Mach. î, 65-66; n, 42; vu, 
12-13; II Mach. xiv, 6. Cohen, Les Pharisiens, t. i, 
p. 106, émet l'hypothèse que les assidéens, en dispa- 
raissant, donnèrent naissance aux deux sectes des pha- 
risiens et des esséniens : « Une fraction (les assidéens) 
restant fidèle à la tradition naziréenne, se réfugia, 
contre les orages de ces temps malheureux, dans un 
ascétisme obstiné. L'autre fraction (les pharisiens) — et 
ce fut la plus nombreuse — se séparant de ses frères 
en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en 
avant d'un pas résolu, aspirant ouvertement à diriger 
dans les voies nouvelles le judaïsme réformé. » Si l'ori- 
gine assignée aux esséniens est très contestable, la 
descendance des pharisiens du vieux parti assidéen 
semble établie. 

2° Les pharisiens sous les Asmonéens. — C'est sous 
le roi Jean Hyrcan] (135-105) que les pharisiens appa- 
raissent pour la première fois dans l'histoire sous là 
dénomination de pharisiens. Voici comment Josèphe, 
Ant. jud., XIII, x, 5-6, raconte l'anecdote. Dans un 
festin, où les principaux d'entre les pharisiens étaient 
invités, le roi pria les convives de ne pas lui ménager 
leurs conseils. Pendant que les autres se récriaient, 
en exaltant à l'envi les vertus du monarque, un des 
assistants, nommé Éléazar, lui dit que ce qu'il aurait 
de mieux à faire pour plaire à Dieu serait de se dé- 
mettre du souverain pontificat. Comme ■ le roi en de- 
mandait la raison : « C'est, ajouta l'autre, qu'au rap- 
port des anciens ta mère a été captive. » Un saddu- 
céen, présent à la scène, lui insinua alors que pour 
sonder les véritables sentiments des pharisiens à son 
égard il n'avait qu'à leur demander quel supplice mé- 
ritait l'insolent. Tous opinèrent, non pas pour la mort, 
mais poor la pfison ou la peine du fouet; et le roi 
jugeant par là qu'ils lui étaient hostiles et qu'ils pre- 
naient secrètement parti pour le coupable, se déclara 
désormais contre eux et se jeta dans les bras des sad- 
ducéens. D'après le Talmud de Babylone le fait se 
serait passé sous Alexandre Jannée (104-76). Sur l'avis 
d'un sadducéen du nom d'Éléazar, le roi aurait feint de 
vouloir se démettre du pontificat afin de savoir ce que 
les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnant 
dans lefpiège, lui aurait dit : « roi, contente-toi de la 
couronne royale et laisse la couronne des pontifes aux 
descendants d'Aaron. » A ces mots, Alexandre Jannée 
aurait fait mettre à mort tous les pharisiens. Des deux 
anecdotes la dernière est certainement la plus invrai- 
semblable. Voir E. Montet, Le premier conflit entre 
pharisiens et sadducéens d'après trois documents 
orientaux, Paris, 1887. Ces récits légendaires peuvent 
contenir un fond de vérité. Les pharisiens ne pou- 
vaient pas voir de bon œil les Asmonéens usurper et 
retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les 
visées profanes et les ambitions mondaines de Jean 
Hyrcan n'étaient point pour leur plaire. Les cruautés 
de ses deux fils et successeurs immédiats, Aristobule 
et Alexandre, n'étaient pas non plus de nature à les 
concilier et ils avaient contre ces deux princes un grief 



209 



PHARISIENS 



210 



nouveau, celui d'avoir ajouté à la qualité de pontife le 
titre de roi que Jean Hyrcan n'avait pas osé prendre. 
A la mort d'Alexandre Jannée, les pharisiens rentrèrent 
en faveur. Ici encore il fout, dans le récit de Josèphe, 
faire la j>art de la légende. Sur le conseil du monarque 
expirant, sa femme Alexandra se serait livrée aux 
mains des pharisiens, leur permettant de réparer à leur 
gré les injustices de son mari, sans épargner sa 
mémoire ni même son cadavre. Touchés de ces 
avances, les pharisiens auraient accordé au roi défunt 
de magnifiques funérailles et pris sous leur protection 
ses deux enfants Aristobule et Hyrcan qui lui succé- 
daient, celui-ci comme roi, celui-là comme pontife. 
Ant. jud., XIII, xv, 5; xvi, 2 ; Bell, jud., I, v, 1-2. 
Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirèrent 
une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre 
Jannée s'était servi pour les persécuter. Les massacres 
et les exils arbitraires leur aliénèrent bientôt lescœurs 
et furent pour beaucoup dans la révolution qui fit pas- 
ser le sceptre des mains d'Hyrcan II à celles d'Aristo- 
bule et qui amenèrent, avec l'intervention de Pompée, 
la perte de l'autonomie juive. Dans les temps troublés 
qui suivirent on n'entend plus parler des pharisiens. 
Ils rentrent en scène à l'avènement d'Hérode auquel 
six mille d'entre eux refusent le serment de fidélité. 
Frappés d'une forte amende et plusieurs même punis 
de mort, ils restent en défaveur durant tout ce règne; 
mais leur crédit auprès du peuple n'en devenait que 
plus grand. Ant. jud., XVII, n, 4. A partir d'ici les 
pharisiens, grâce au Nouveau Testament et au Talmnd, 
apparaissent en pleine lumière historique; mais toute' 
la période précédente est fort obscure, parce que les 
pharisiens, qui par leurs scribes et leurs légistes se 
trouvaient maîtres de la littérature, ont enseveli dans 
un silence systématique la dynastie des Asmonéens. 
Judas Machabée lui-même est à peine nommé dans le 
Talmud et l'on ne fait exception que pour le chef de 
la famille Matathias. Voir Gaster, The Scroll of the 
Hasmonseans (Megillath Bene Hashmunai), dans Trans- 
actions of the ninth internat. Congress of Orienlalists, 
t. il, Londres, 1893, p. 3-32. 

IV. Doctrines des pharisiens. — 1» Les pharisiens 
et les traditions. — Les pharisiens, dit Josèphe, se 
faisaient remarquer par leur exacte interprétation de 
la Loi, Bell, jud., II, vm, 14 : oî (ircà àypiëei'a? Boxoîv- 
xeç é$7|Ysï<T6a! zk vô;j.t|xa. Cf. Yita, 38; Ant. jud., XVII, 
II, 4. Nous le savions déjà par saint Paul qui s'ex- 
prime presque dans les mêmes termes. Act., xxn, 3; 
Xxvi, 5; Php., m, 5. Mais ce qui les distinguait des 
sadducéens, c'était l'admission de la tradition orale qui 
interprétait et au besoin complétait la Loi, tandis que 
les sadducéens, en principe du moins, refusaient de 
rien reconnaître en dehors de la Loi écrite. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, X, 6 : Notifia tsvoi TrapéBoaav tw frrîu.fj> 
ot «tapiuafoi èx naTÉptov SiaBovJjç, âitep oùx âvaY^YP*' nTOt ' 
lt toîç MwuTÉwç v(S|i.oi(. Les Évangélistes mettent aussi 
en relief ce caractère des pharisiens. Matth,, XV, 2; 
Marc, vir, 3. Le Talmud va jusqu'à dire qu'on est moins 
coupable en allant contre la Thora qu'en rejetant les 
prescriptions des scribes. Sanhédrin, XI, 3; cf. Abolh, 
m, 11; v, 8. Repousser ces traditions c'était rompre 
ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud., XIII, 
Xvi. 2. Geiger, Sadducàer und Pharisàer, dans Jud. 
Zeilschrift, t. n, 1863, est donc bien mal inspiré lors- 
qu'il prétend que le pharisaïsme était l'image anticipée 
du protestantisme. — Les traditions se divisaient en tra- 
ditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques 
(llagada). Voir Midrasch, t. iv, col. 1078-1079. Sur les 
unes et sur les autres on peut consulter Schûrer, Ges- 
chichte des jûdischen Volkes, 3 e édit., t. m, 1898, p. 330- 
350. Pour constater à quelles minuties puériles descen- 
dait la casuistique des pharisiens, il n'y a qu'à parcourir 
l'ouvrage de J. de.Pauly et Neviasky, Rituel du judaïsme, 



Orléans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments pré- 
parés par un païen. De la vaisselle d'un païen. 

2° Les pharisiens et la théologie. — Les pharisiens 
et les sadducéens étaient en désaccord sur trois points 
principaux : l'immortalité de l'âme, la résurrection des 
justes et le libre arbitre. — A) L'immortalité de l'âme. 
— Les sadducéens étaient matérialistes : ils n'admet- 
taient ni anges, ni esprits. Act., xxm, 8. Ils affirmaient 
que l'âme périt avec le corps. Josèphe, Bell, jud., II, 
vin, 14; Ant. jud., XVIII, i, 4: SaSôouxaîoiç toç ipuxàç 6 
Xriyo; ouvafœvsïs! toi; ow|jiaTtv. Les pharisiens au con- 
traire étaient spiritualistes : ils admettaient la survi- 
vance des âmes, celles des méchants comme celles des 
bons. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3: 'AOàvarov îa-xùv 
zaXi <|'U)C a 'C otttc; aÙTOÏç sïvai. — B) La résurrection 
des justes. — Il est évident que pour les sadducéens il 
ne pouvait être question de résurrection, puisque l'âme 
ne survivait pas. Matth., xxn, 23; Marc, su, 18, Luc, XX, 
27; Act., xxiii, 8. Les pharisiens, de leur côté, ensei- 
gnaient bien que les méchants sont punis dans l'autre 
monde, mais ils réservaient aux justes seuls le privi- 
lège de la résurrection. Josèphe exprime cela en 
termes qui rappellent la métempsychose des platoni- 
ciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell, 
jud., II, Vin, 14 : 'J^CT 7 t5"*v nèv ctçOapTov (leTaêatveiv 
SI sïî ÊTepov aw(i.x ttjv ifaHCiv p.ôvr)V, zhç & xwv çaiXwv 
iï'Siui Tijxwpi'a xoXàÇsaôai. Mais ce texte est mis en lu- 
mière par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui 
présente le dogme de la résurrection sous un jour 
orthodoxe, le seul qui cadrât avec les idées juives. — 
C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josèphe 
est des plus confuses, parce qu'il revêt les concepts 
sémitiques d'une terminologie hellénique. A l'en croire, 
les esséniens auraient fait tout dépendre du destin; les 
sadducéens, tout rapporté au libre arbitre; les phari- 
siens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud-, 
XIII, V, 9 : Tivà xat où navra ttiç d[iapiiévï)ç spyov eïvai 
XéYouotv Tivà 6'ètp' Ioutoî-ç iicapxeiv aujiëaiveiv ts xoù (jlti 
yivca-Sat. Sans même parler de ce schématisme suspect, 
la notion du destin est tellement contraire aux idées 
sémitiques qu'il est difficile de deviner ce que Josèphe 
a voulu dire. Peut-être se rapprocherait-on de la vérité 
en remplaçant le destin par la grâce et le secours de 
Dieu ou encore par la providence et la prédestination. 
Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve, 
Bell, jud., II, vm, 14 : sinap|jilvT) xe xal Weôi irpouàn- 
Toycn TcavTJt, xal tô ^èv 7rpaTre[v rot ôt'xata xa\ ^tj *arà 
zh jtXsïïxov éiti zoXç àvpOwiroiç X£îa6at, (HotiBeïv Bè elç 
É'xaaxov xal t^v stjj.apjAlvi'iv. D'après cela, les esséniens 
auraient été fatalistes ou mieux prédestinationistes, les 
sadducéens auraient été rationalistes et précurseurs de 
Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et 
sauvegardé le libre arbitre de l'homme tout en recon- 
naissant la nécessité du concours divin. Mais, encore 
une fois, il convient de se défier de ce schématisme. 

3° Les pharisiens et la politique. — Aux yeux des 
pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils 
jamais, à proprement parler, un parti politique. Les 
assidéens, leurs ancêtres, s'étaient ralliés aux Macha- 
bées aussi longtemps que l'indépendance de la patrie 
fut une condition essentielle de la liberté religieuse. 
Ce résultat obtenu, ils se retirèrent peu à peu de la 
lutte et ne suivirent jamais les Asmonéens dans leurs 
visées ambitieuses de domination et d'agrandissement. 
Il n'est pourtant pas tout à fait exact de dire que les 
pharisiens, par principe et comme parti religieux, fai- 
saient abstraction de la politique. Il y eut toujours 
parmi eux deux courants opposés : les uns acceptaient 
le fait accompli et se soumettaient à la domination 
étrangère, comme à un châtiment divin, aussi longtemps 
que la liberté religieuse leur était accordée, n'attendant 
un sort meilleur que d'un événement providentiel; les 
autres, regardant le joug de l'étranger comme essentiel- 



211 



PHARISIENS 



212 



lement contraire à la théocratie judaïque et aux privi- 
lèges d'Israël, épiaient toutes les occasions de révolte 
et comptaient parmi les zélotes les plus ardents. On vit 
ces deux tendances rivales se manifester lors de l'avè- 
nement d'Hérode et au moment du grand soulèvement 
national de l'an 66 de notre ère. 

V. Les pharisiens et l'Évangile. — 1° Prélude aux 
hostilités entre Jésus et les pharisiens. — A) Saint 
Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les 
pharisiens étaient les ennemis-nés de quiconque ga- 
gnait l'estime ou les sympathies du peuple. Leur atti- 
tude à l'égard du Baptiste fut une sourde défiance et 
peut-être une hostilité déclarée. Pendant que toutes 
les classes de la société accouraient en masse au Jour- 
dain pour y recevoir le baptême du Précurseur, les 
pharisiens et les sadducéens s'y rendaient aussi, mais 
pour l'épier et le prendre en faute. C'est du moins 
l'impression laissée par le récit de saint Matthieu rap- 
portant les paroles sévères que leur adresse Notre-Sei- 
gneur, m, 7 : « Race de vipères, qui vous a enseigné à 
fuir la colère imminente? Faites donc de dignes fruits 
de pénitence. » Dans saint Luc, m, 7, ces paroles sont 
adressées à la foule en général ; mais le premier Évan- 
gile nous montre qu'elles visaient principalement les 
pharisiens et les sadducéens. Nous ne voyons pas ce- 
pendant qu'ils aient trempé dans le complot contre la 
vie du Baptiste : les rancunes d'Hérode Antipas et la 
haine d'Hérodiade prévinrent leur vengeance. 

B) Origine du conflit entre Jésus et des pharisiens. 
-r Le solennel témoignage que Jean rendit à Jésus 
dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens; mais il 
n'était pas besoin de cela pour exciter leur antipathie. 
Ils ne pouvaient manquer de s'apercevoir que la popu- 
larité du nouveau thaumaturge amoindrissait leur 
influence et que sa doctrine était le contrepied de leur 
enseignement. Le discours sur la montagne contient 
déjà la condamnation de leur formalisme, v, 20 : « Je 
vous le dis, si votre justice n'est pas plus abondante 
que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez 
pas dans le royaume des cieux. » L'autorité avec la- 
quelle Jésus enseignait faisait l'admiration des foules 
qui ne pouvaient s'empêcher de la mettre en contraste 
avec la manière sournoise et embarrassée des scribes 
et des pharisiens. Matth., vu, 18-29; cf. Marc, i, 22. 
Ceux-ci avaient dû remarquer dans tout le Sermon sur 
la montagne, en particulier dans le parallèle entre 
l'ancienne et la nouvelle loi, Matth., v, 17-48, un anta- 
gonisme latent dirigé contre eux, et la déclaration de 
Jésus qu'il n'était pas venu abolir la loi mais l'accom- 
plir ou la compléter, n'était pas faite pour les rassurer. 
Le conflit, désormais inévitable, éclata à l'occasion de la 
guérison du paralytique. Avant de lui rendre la santé 
du corps, Jésus lui avait dit : « Mon fils, tes péchés te 
sont remis. » Et les pharisiens présents de s'écrier 
aussitôt : « Celui-là blasphème : qui peut remettre les 
péchés si ce n'est Dieu seul ?» A la vérité, saint Matthieu, 
vin, 3, et saint Marc, n, 6, ne mentionnent en cet endroit 
que les scribes, mais saint Luc nomme expressément les 
scribes et les pharisiens, v, 21 , ou ce qui est pour lui la 
même chose les pharisiens et les docteurs de la loi 
(vo[Ao8i8â<Tx«Xo0t et il ajoute qu'ils étaient venus de la 
Galilée, de la Judée et de Jérusalem, v, 17, sans aucun 
doute dans des vues malveillantes. 

2» Lutte ouverte entre Jésus et les pharisiens. — 
A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs princi- 
paux sont rapportés par les Synoptiques dans le même 
ordre et rattachés aux mêmes circonstances extérieures ; 
mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux 
derniers, divers événements, il n'est pas sûr que les 
Évangélistes entendent marquer une succession chro- 
nologique. — a) Premier grief : rémission des péchés. 
La guérison du paralytique amena le premier conflit 
entre Jésus et les pharisiens. Quand Jésus dit à l'infirme : 



n Confiance, mon fils, tes péchés te sont remis, » ils 
s'écrièrent : « Celui-là blasphème ! » et le miracle fait in- 
continent par le Sauveur ne leur dessilla point les yeux. 
Matth., ix, 1-8; Marc, n, 1-12; Luc, v, 11-26. Saint Mat- 
thieu et saint Marc attribuent cette réflexion aux scribes ; 
-saint Luc, aux scribes et aux pharisiens : la variante 
est sans importance. — 6) Deuxième grief : fréquen- 
tation des pécheurs. Peu de temps après, Jésus et ses 
disciples assistaient au festin donné par saint Matthieu 
récemment converti. Les pharisiens se scandalisèrent 
de les voir en compagnie de païens et de publicains ; 
mais Jésus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce 
ne sont pas les hommes. bien portants qui ont besoin 
du médecin, mais les malades... Je suis venu- appeler 
les pécheurs (à la pénitence) et non pas les justes. » 
Matth., ix, 9-13; Marc, n, 13-17; Luc, v, 27-32. Ici 
saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens; les deux 
autres Synoptiques nomment les pharisiens et les 
scribes. Dans la même occasion, on fit un grief à Jésus 
de ne pas jeûner, lui et ses disciples. Saint Matthieu, 
il est vrai, ix, 14, attribue ce reproche aux disciples de 
Jean-Baptiste; mais la manière dont le grief est for- 
mulé montre que ces disciples de Jean-Baptiste étaient 
de connivence avec les pharisiens ou qu'ils étaient pha- 
risiens eux-mêmes. En effet, Marc, n, 18, et Luc, v, 33, 
mentionnent expressément les pharisiens. — c) Troi- 
sième grief : violation du sabbat. Il est très vraisem- 
blable que les pharisiens, si pointilleux sur l'observa- 
tion exacte du sabbat, incriminèrent souvent la con- 
duite de Jésus. Les Synoptiques rapportent à ce sujet 
deux faits caractéristiques, qu'ils racontent dans le 
même ordre et à peu près dans les mêmes termes. Un 
jour de sabbat, les disciples traversant un champ de blé 
presque mûr arrachaient quelques épis pour apaiser leur 
faim et les mangeaient après les avoir broyés dans leurs 
doigts. Aussitôt les pharisiens de crier à la violation du 
repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les 
disciples cueillir quelques épis dans un champ étran- 
ger — car l'usage et la Loi elle-même le permettaient 
— mais de les voir préparer leur nourriture un jour 
de sabbat, contrairement à leur absurde interprétation 
de la Loi. Jésus leur répond qu'ils ne comprennent 
rien à l'esprit de la législation : Miseric'ordiam volo 
et non sacriflcium ; que la Loi n'est pas faite pour les 
cas de nécessité, comme le prouve l'exemple de David 
consommant les pains de proposition; que d'ailleurs 
le Fils de l'Homme est maître du sabbat et peut en dis- 
penser qui il veut. Matth., xn,l-8; Marc,n, 23-28; Luc,, 
vi,.l-6. — L'autre fait met encore plus en relief l'aveugle 
prévention des pharisiens. Jésus allait guérir un para- 
lytique : il lui suffisait pour cela d'une parole et 
d'un acte de volonté. Or, les pharisiens s'indignaient 
d'avance de cette prétendue violation du sabbat. Le Sau- 
veur les confond en leur rappelant qu'ils n'hésitent 
pas eux-mêmes à relever une brebis tombée dans un 
fossé. Combien plus est-il permis de soulager un 
malheureux. Matth., xii, 9-14; Marc, m, 1-6; Luc, vi, 
6-11. 

B) Les embûches des pharisiens. — Plusieurs fois les 
pharisiens, soit seuls soit unisaux sadducéens, essayèrent 
de prendre Jésus en défaut et de le faire tomber dans 
un piège. Après le miracle de la multiplication des sept 
pains, ils lui demandent « un signe dû ciel ». Marc et 
Matthieu notent expressément que c'était pour le 
« tenter ». Marc, vm, 11 (îtsipdtïovTeî aîiriv); Matth., 
xvi, 1. Jésus, qui accomplissait sous leurs yeux prodige 
sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosité malveil- 
lante et mit aussitôt en garde ses disciples contre « le 
levain des pharisiens et d'Hérode », comme parle Marc, 
vin, 15, ou contre « le levain des pharisiens et des 
sadducéens », comme s'exprime Matthieu, xvi, 6, ce 
qui montre que les ennemis du Sauveur s'étaient déjà 
coalisés. Ils espéraient, si Jésus ne faisait pas droit à 



213 



PHARISIENS 



214 



leur requête, persuader aux foules que c'était un faux 
prophète^incapable de prouver sa mission divine. — La 
seconde embûche fut encore mieux tendue . Ils lui deman- 
dèrent s'il était possible de renvoyer sa femme pour 
n'importe quel motif. Ils étaient sûrs de sa réponse né- 
gative et par conséquent assurés de le mettre en con- 
tradiction avec la loi de Moïse qui avait autorisé le 
divorce, Marc, x, 2-11 ; Matth.. xix, 1-9; Jésus répéta 
ce qu'il avait dit dans son sermon sur la montagne, 
Matth., v, 31-32; cf. Luc, xvi, 18, rejetant la tolérance 
du divorce sur l'imperfection de la loi mosaïque et sur 
la dureté de cœur des Juifs. — La conspiration la mieux 
ourdie fut cependant la troisième. Fallait-il ou non 
payer le tribut à César? Matth., xxu, 15-22; Marc, xn, 
13-17; Luc, xx, 20-26. En disant non, Jésus se posait 
en adversaire de l'ordre de choses établi et devenait 
criminel politique ; en disant oui, il s'aliénait les sym- 
pathies d'un grand nombre de ses auditeurs. On pourrait 
deviner, alors même que saint Matthieu, xxu, 16, et 
saint Marc, xn, 13, n'en feraient pas mention expresse, 
que les partisans d'Hérode étaient ici de concert 
avec les pharisiens. Mais les sadducéens eux-mêmes 
n'étaient pas loin; car ils vinrent à la rescousse dès 
que Jésus eut fermé la bouche à ses autres adversaires 
et essayèrent de l'embarrasser sur le dogme de la ré- 
surrection en lui posant le cas d'une femme qui aurait 
eu successivement sept maris. Matth., xxu, 34-40; Marc, 
xn, 28-34; Luc, xx, 39-40. Presque aussitôt après, un 
scribe ou légiste voulut savoir quel était le plus grand 
des commandements. Le récit de saint Marc, xn, 28, 34, 
ne fait pas supposer d'intentions malveillantes, mais 
celui de saint Matthieu, xxu, 35-40, note le dessein de 
prendre Jésus en défaut (raipdtÇwv aiktfv). A partir de 
ce jour les scribes et les pharisiens cessèrent de « ten- 
ter » Jésus. Matth., xxu, 46. Mais la mesure de leurs 
iniquités était comble et leur condamnation était prête 
à fondre sur eux. Cf. Luc, xvni, 10-14. 

3° Le dénouement de la lutte. — A) Le grand dis- 
cours contre les pharisiens. — Ce fut seulement deux 
ou trois jours avant sa passion, que Jésus prononça le 
terrible réquisitoire enregistré par les Évangélistes. Ce 
discours est placé par les trois Sypnoptiques en con- 
nexion avant la dernière tentative des pharisiens; mais 
tandis que saint Marc et saint Luc se contentent de 
l'indiquer sans le reproduire, Marc, xn, 38-40, Luc, 
xx, 45-57, saint Matthieu lui donne un développement 
et une forme schématique, où l'on ne peut nier le des- 
sein de résumer et de coordonner les principales ac- 
cusations du Sauveur contre ses perfides ennemis. Sept 
fois Jésus renouvelle ses objurgations en commençant 
toujours par la formule : « Malheur à vous, scribes et 
pharisiens hypocrites. » Matth., xxm, 13, 15, 23, 25, 27, 
29. Une seule fois, f. 16, la formule change : Vse vobis 
duces cseci. Le huitième vas qui se trouve dans la Vul- 
gate et dans un certain nombre de manuscrits grecs, 
j>. 14, est très probablement interpolé d'après Marc, xn, 
20, et Luc, xx, 47; en effet, non seulement il fait défaut 
dans les meilleurs manuscrits, mais il interrompt évi- 
demment la suite des idées. — Jésus-Christ reproche 
aux Pharisiens : 1» de fermer aux autres le royaume 
des cieux, c'est-à-dire l'accès de l'Église, sans y entrer 
eux-mêmes; 2° de parcourir la terre et les mers à la 
recherche d'un prosélyte pour en faire un fils de per- 
dition; 3° d'enseigner que le serment fait par le 
Temple ou par l'autel est invalide et que le serment 
fait par l'or du Temple ou par la victime posée sur 
l'autel est valide; 4» de payer exactement la dime de la 
menthe, de l'anis et du cumin et de négliger la justice 
et la miséricorde ; 5° de laver soigneusement les vases 
et les ustensiles et de compter pour rien l'impureté de 
l'âme; 6" de ne faire attention qu'à l'extérieur et aux 
dehors et d'être, au fond du cœur, comme des sépul- 
cres blanchis; 7° d'élever aux prophètes de ma- 



gnifiques tombeaux et de les persécuter ou de les 
mettre à mort. Il termine par cette accablante apos- 
trophe : « Serpents, race de vipères, comment échap- 
perez-vous à la condamnation de la géhenne? » On 
peut lire dans les commentaires de Knabenbauer, de 
Schegg ou de Schanz, les textes rabbiniques justifiant et 
expliquant ces imputations du Sauveur. Voir M c Klin- 
tock, Cyclopsedia of biblical... Literature, t. vm, 1889, 
p. 69-70, des détails curieux sur les cas d'impureté lé- 
gale et le payement des dîmes. 

B) La revanche des pharisiens. — Une circonstance 
assez significative c'est que, dans les jours qui précèdent 
immédiatement la passion, les pharisiens cessent de se 
montrer. Dans le récit même de la passion, les Évangé- 
listes ne les nomment plus (sauf Jean, xvm, 3, pour 
l'expédition nocturne de Gethsémani et Matthieu, xxvn, 
62, quand il s'agit de faire garder le sépulcre). Il les 
remplacent par -, les scribes, c'est-à-dire par les repré- 
sentants des pharisiens au sein du sanhédrin. U est 
remarquable que les sadducéens s'effacent aussi et que 
les princes des prêtres, c'est-à-dire les chefs du parti 
sadducéen, qui entraient dans le sanhédrin, prennent leur 
place. Maintenant les scribes et les princes des prêtres 
sont pleinement d'accord contre leur commun adversaire. 
Ils ont su gagner les anciens, les notables qui ne sont 
ni scribes ni prêtres et qui forment un tiers du san- 
hédrin. La coalition des adversaires de Jésus datait de 
loin. Dès le début du ministère public, les pharisiens 
s'étaient concertés avec les hérodiens sur les moyens de 
le perdre. Matth., xxu, 16; Marc, m, 6; cf. xn, 13. Pour 
atteindre ce but, les pharisiens et les sadducéens ou- 
bliaient leurs rivalités et leurs querelles. Matth., xvi, 
1, 6, 11, 12; xxu, 34. Mais, en ce moment, leur entente 
est parfaite et leur plan arrêté. « Les princes des prê- 
tres, dit saint Luc, xix, 47-48, et les scribes et les pre- 
miers du peuple cherchaient à le perdre ; mais ils ne 
savaient comment faire, car tout le peuple était sus- 
pendu à ses lèvres. » Désormais les trois fractions du 
sanhédrin marchent toujours ensemble. Luc, xx, 1; 
xxu, 66; Marc, xiv, 43, 53; Matth., xxvn, 41. Mais on 
voit que l'aristocratie sacerdotale joue le rôle principal 
et dirige l'action. 

4° Les pharisiens et l'Eglise naissante. — La mort 
de Jésus semble avoir assouvi les rancunes des phari- 
siens, tandis que la haine des sadducéens, loin de 
s'apaiser, ne cessait de croître. Ceux-ci, vivant du temple 
el de l'autel, étajent profondément remués, nonobstant 
l'indifférentisme religieux d'un grand nombre d'entre 
eux, par tout ce qui menaçait la religion nationale. Les 
disciples n'eurent pas d'ennemis plus irréconciliables. 
Dans le contlit qui ne tarda pas à se produire, ce fut un 
pharisien, Gamaliel, qui prit publiquement la défense 
des Apôtres et fit entendre raison à leurs persécuteurs : 
au contraire, l'aristocratie sacerdotale, composée de 
sadducéens (Act., v, 17 : Princeps sacerdotum et omnes 
qui cum Mo erant; quse est hxresis Sadducœorum ; cf. 
v, 24), avait pris l'initiative des mesures de rigueur. 
Act., v, 17-42. Plus tard saint Paul, poursuivi pour in- 
fraction à la Loi qui interdisait d'introduire des étran- 
gers dans le Temple, s'appuya résolument sur le parti 
des pharisiens et se fit gloire d'avoir été jadis pharisien 
lui-même. Act., xxm, 6-10; cf. xxu, 3. Il ne faut pas 
méconnaître ce qu'il y avait de sérieux dans le phari- 
saïsme. Si le zèle des pharisiens était souvent aveugle 
ou mal éclairé, il n'en était pas moins sincère. Les con- 
victions fortes au service de la passion sont plus faciles 
à tourner au bien qu'un scepticisme armé d'indifférence. 
Saint Paul dépassait tous ses compatriotes par l'ardeur 
de son pharisaïsme : malgré cela — ou plutôt à cause 
de cela — la grâce divine eut vite raison de lui. Il est 
à croire qu'une partie de l'église-mère de Jérusalem 
se recruta au sein des pharisiens. Ainsi s'explique l'at- 
tachement aux pratiques de l'ancienne Loi qui la carac- 



215 



PHARISIENS 



216 



. térisa si longtemps. Act., n, 46-47; ni, 1 ; xxi, 20, etc. 
Ce fut un 1res grand danger pour l'Église au berceau. 
On s'aperçut bientôt que les pharisiens, en embrassant 
la religion du Christ, n'avaient pas dépouillé le parti- 
cularisme qui était leur caractère dominant. L'assem- 
blée des Apôtres à Jérusalem fut rendue nécessaire grâce 
à. leurs agissements; tout fait penser que le conflit 
d'Antioche fut provoqué par eux, et l'on peut sans té- 
mérité les soupçonner d'être entrés dans les complots 
qui essayèrent d'entraver l'œuvre de Paul et l'admission 
des Gentils dans l'Église. Act., xv, 5. Cf. J. Thomas, 
L'Eglise et les judaïsants à Vd'ge apostolique, dans les 
Mélanges d'histoire et de littérature religieuse, in-8°, 
Paris, 1899, p. 1-196. 

VI. Traits caractéristiques du pharisien. — « En- 
veloppée comme d'un étroit réseau par les six cent 
treize prescriptions du code mosaïque renforcées de 
traditions sans nombre, la vie du pharisien était une 
intolérable servitude. Les purifications rituelles pres- 
crites à la suite des souillures que causait le seul con- 
tact d'objets impurs, remplissent plusieurs traités du 
Talmud : par exemple tout le sixième et dernier seder 
de la Mischna intitulé Teharôth et comprenant douze 
traités. Impossible de quitter sa maison, de prendre de 
la nourriture, de faire une action quelconque, sans 
s'exposer à mille infractions. La peur d'y tomber para- 
lysait l'esprit et oblitérait le sens supérieur de la mo- 
ralité naturelle. Toute la religion dégénérait en un 
formalisme mesquin. L'homme était tenté de se croire 
l'artisan de sa propre justice; il ne devait rien qu'à 
lui-même; il devenait le créancier de Dieu. A quoi bon 
le repentir, la prière ardente et humble, les soupirs 
vers le ciel du pécheur et du publicain? N'était-il pas, 
lui, le juste qui jeûnait deux fois par semaine, le lundi 
et le jeudi, selon la coutume de sa secte, qui payait 
exactement la dîme de la menthe, de l'anis et du cumin, 
qui n'oubliait jamais aucun rite traditionnel? Le pha- 
risaïsme nourrissait l'amour-propre, la présomption et 
l'orgueil. Il fomentait aussi l'hypocrisie. L'idéal du pha- 
risien était élevé, mais il n'avait pour l'atteindre que son 
orgueil. Ce mobile ne suffisant pas, sa seule ressource 
était dedissimuler ses défaillances et de les tourner 
en vertus devant le vulgaire ('am hâ-ârés), objet de ses 
craintes et de ses mépris. Quels stratagèmes decasuiste 
retors pour tempérer la rigueur du jeûne, pour modérer 
l'incommodité du repos sabbatique ! Ainsi le traité Eru- 
bin permet de placer un domicile fictif au terme du 
voyage autorisé un jour de sabbat pour le prolonger 
d'autant et d'unir fictivement plusieurs domiciles pour 
porter des aliments de l'un dans l'autre, sans enfreindre 
la loi du repos. » Voir F. Prat, Théologie de saint Paul, 
t.jtP- 33-34, et comparer Bousset, Die Religion des Juden- 

l tums, Berlin, 1903, Vie Frommen, p. 161-168. Les pré- 
tentions exclusives des pharisiens à la justice légale, 
leur suffisance, leur présomption, leur ostentation, leur 
orgueil en un mot, ne sont guère contestés. Sur ce 
point, les accusations de l'Évangile et le réquisitoire de 
saint Paul (surtou t Rom . , IX, 31-32 ; x, 1-4) se tro uvent plei- 
nement justifiés. Mais il s'est trouvé des auteurs pour 
nier la sincérité du portrait que l'Évangile nous trace de 
leur hypocrisie. Il ne sera donc pas hors de propos d'en 
appeler à l'autorité du TalmUd qui est, comme nous 
l'avons dit, l'œuvre de pharisiens. Le Talmud de Jéru- 
salem, aussi bien que celui de Babylone, distingue sept 
espèces de pharisiens dont la dernière seulement, ou 
tout au plus les deux dernières, sont exemptes de du- 
plicité. Voici d'abord le passage du Talmud de Jérusa- 
lem, d'après M. Schwab, Traité des Berakholh, Paris, 
1871, p. 171 : « Il y a sept pharisiens : 1° celui qui 
accepte la loi comme un fardeau ; 2° celui qui agit par 
intérêt; 3° celui qui se frappe la tête contre le'murpour 
éviter la vue d'une femme; 4° celui qui agit par osten- 
tation; 5» celui qui prie de lui indiquer une bonne 



action à accomplir; 6° celui qui agit par crainte et 
7» celui qui agit par amour.' En voici une explication 
plus détaillée : le premier ressemble à quelqu'un qui 
chargerait les commandements divins sur les épaules 
pour les transporter; le deuxième à celui qui dirait: 
prêtez-moi de l'argent pour que j'accomplisse le pré- 
cepte; le troisième : je vais accomplir ce dévoir reli- 
gieux, puis me permettre une transgression légale et 
les contrebalancer l'un par l'autre; le quatrième semble 
dire : je me rends compte de tout ce que j'ai et c'est 
par bonne volonté que j'obéis à la religion :. le cin- 
quième qui a conscience de ses devoirs, tâche d'effacer 
ses péchés par sa bonne conduite ; le sixième agit par 
crainte comme Job; le septième paramour comme Abra- 
ham et ce dernier degré est le meilleur de tous. » Les 
explications du Talmud de Babylone, Sota, 22 6 et les 
définitions de l'Aruch diffèrent très sensiblement. Voir 
Lightfoot, Horse hebraicse et talmudicee, sur Matth., m, 
7, Works, Londres, 1684, t. n, p. 125. Les énonciations 
sibyllines des deux Talmuds sont diversement inter- 
prétées. Le nom de la première classe, par exemple, 
>D2îf tus, est dérivé par le Talmud de Babylone de osir, 
« Sichem », et non de ddit, sekéni, « épaule », et expliqué : 
« qui accomplit la loi à contre-cœur,;comme les Sichémi- 
tes, Gen., xxxiv, 10, reçurent la circoncision. » La se- 
conde »spa whs, « le pharisien qui hésite », désignerait 
le pharisien qui dirait à celui qui demande un ser- 
vice : « Attendez un peu; je suis occupé à faire une bonne 
action. » La cinquième classe voudrait dire d'après 
YAnich : « Personne ne peut me montrer que j'ai mal 
agi. » Quoi qu'il en soit de ces commentaires, nous pou- 
vons conclure de ces textes que beaucoup de ceux qui 
se disaient pharisiens obéissaient à des mobiles peu 
avouables. 

Les jugements des auteurs sur les pharisiens sont 
assez divergents. Pour certains, le pharisaïsme aurait 
représenté l'orthodoxie juive. « Les Pharisiens reflé- 
taient fidèlement les aspirations, les idées du peuple, 
et d'un autre côté ils exerçaient, par leur enseignement 
et leur autorité, sur ces mêmes idées une influence 
très grande. Toutes les faces du caractère national, 
favorables et défavorables, toutes les nuances de l'es- 
prit public se retrouvaient en eux. » Dôllinger, Paga- 
nisme et judaïsme, trad. franc., Bruxelles, 1858, t. iv, 
p. 130. Selon d'autres, les sadducéens auraient été les 
conservateurs tandis que les pharisiens auraient incarné 
l'idée de progrès. Kohler, dans The Jewish Encyclopœ- 
dia, t. ix, 1905, p. 662-665, Ces vues en apparence con- 
tradictoires ne sont pas inconciliables. Sur beaucoup 
de points, les sadducéens, s'attachant à la lettre de la 
Loi, pouvaient passer pour plus conservateurs; tandis 
que les traditions pharisiennes, entendues au sens large 
comme enseignement ou opinion des sages, avaient l'air 
d'innovations. Dans le droit criminel par exemple, les 
sadducéens étaient plus rigoristes; ils appliquaient, 
sans distinction et sans miséricorde, la peine du talion : 
les pharisiens tempéraient cette rigueur et admettaient 
des compensations pécuniaires. Comparez Josèphe, 
Ant. jud., Xlll, X, 6 : "AXito; te xa\ çiioei Ttpbç ià; xo- 
Xà<T£t; â7netxwç e^ouatv ot 4»aptaaîot. Bell, jud., II, vin, 
14 (les sadducéens sont moins sociables et plus rudes 
dans leurs rapports); Ant. jud., XX, ix,l : sîui (oîSao- 
Suxaîot) itep\ rà; xpt'aôi'c liaoi raxpà Ttâvxas tous 'IouSaîouç. 
— D'un autre côté, les pharisiens faisaient appel à leurs 
traditions pour atténuer l'incommodité du repos sab- 
batique et pour écarter l'obligation des visites au Temple 
prescrites par la Loi. Leur but était de transformer 
le jour du Seigneur en jour de fête et en jour de joie. 
Les fictions dont nous avons parlé plus haut étaient 
destinées à les y aider. En tout cela, les sadducéens, 
préoccupés surtout de la fréquentation et du service 
du Temple, voulaient qu'on s'en tint à la lettre de la 
Thora. 



217 



PHARISIENS — PHAROS 



218 



VII. Bibliographie. — Ugolini, Trihatresium sive 
dissertatw de tribus sectis Judœorum (dans Thésaurus 
ântiq. sacr., t. xxil), et Triglandius, Trium scriptorum 
illustriwm de tribus Judseorum sectis syntagma, 
1703, ont recueilli un certain nombre d'anciennes dis- 
sertations sur les pharisiens; Carpzov, Apparatus hi- 
storico-çriticus antiquitatum sacri Codicis, Helmstedt, 
1748, p. 173-215, en donne la bibliographie. Parmi les 
monographies plus récentes on peut citer : Grossmann, 
De Pharisxismo Judseorum Alexandrino, Leipzig, 
1816-1850; De collegio Pharisœorum, Leipzig, 1851; 
Biedermann, Pharisâer und Sadducâer, Zurich, 1854; 
Wellhausen, Die Pharisâer und Sadducâer, Greifs- 
wald, 1874; Cohen, Les Pharisiens, 2 in-8», Paris, 1877; 
Montet, Essai sur les origines des partis sadducéen et 
pharisien et leur histoire jusqu'à la naissance de 
Jésus-Christ, Paris, 1883; Narbel, Étude sur le parti 
pharisien, son origine et son histoire, Paris, 1891 ; 
Elbogen, Die Religionsanschauung der Pharisâer, 



Encyclopsedia, t. IX, 1905, p. 661-666. — Comme ar- 
ticles de revues, nous devons nous .borner à signaler: 
Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Saddu- 
céens, dans le Journal asiatique, 1887, p. 415-423; 
Hanne, Die Pharisâer und Sadducâer als politische 
Parteien^dans Zeitschrift fur wissensch. Theol., Halle, 
1867 ; Mûller, Pharisâer und Sadducâer oder Judais- 
mus und Mosaistnus, dans les comptes'rendus de l'Acad. 
de Vienne, philos, et hist., t. xxx\, 1860, p. 95-164; Gei- 
ger, Sadducâer und Pharisâer, dans Jud, Zeitschrift, 
t. n, 1863, p. 11-54; Krùger, Beitràge zur Kenntniss 
der Pharisâer und Essener, dans Theolog. Quartal- 
schrift, Tubingue, 1894, p. 431-496. F. Prat. 

PHARMACIEN (hébreu : rôqêah; Septante : ô 
u.upsty6ç; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les 
remèdes (fig. 40). Le nom est le même que celui du 
parfumeur, à cause des préparations à l'huile dont l'un 
et l'autre s'occupaient principalement. Le mot rôqêah 




40. — Préparation et administration des remèdes. — Une peinture découverte dans la maison des Vettii à Pompéi représente 
sous la forme à'Amorini, le medicus qui chez les anciens préparait et administrait les remèdes. — A droite est un pres- 
soir d'où jaillit l'huile médicinale dans un petit bassin circulaire. De chaque côté deux Amorini tiennent un gros marteau 
dont ils frappent des coins de bois qui, en pénétrant au dedans, font descendre les planches mobiles du pressoir, lequel écrase 
les matières d'où est extraite l'huile médicinale. — Plus loin, une Psyché assise remue avec une longue cuiller l'huile posée sur 
un trépied dans un petit bassin. Deux Amorini debout en font autant. — A gauche un petit Amorino est au comptoir et tient une 
grosse bouteille. Sur le comptoir est placée une balance. Sur le côté postérieur du comptoir est un rouleau de papyrus contenant 
le formulaire. A côté est une armoire avec des vases de verre et une. statuette d'Apollon, dieu de la santé. — A gauche est une 
Psyché dont le maintien indique une malade. Un Amorino, tenant un vase et une cuiller, va lui administrer le remède qui y 
est contenu. Derrière Psyché est la servante de la malade. Voir Domus Vettiorum, in-f", Naples, 1898, p. 6, pi. xiii. 



Berlin, 1904. — En dehors des monographies, les 
quatre ouvrages suivants donnent des renseignements 
précieux : Geiger, Urschrift und Uebersetzungen der 
Bibel, Breslau, 1857, p. 101-158; Weber, Jûdische 
Théologie auf Grund des Talmud und verwandten 
Schriften, Leipzig, 1890, p. 10-14, 44-46 (seconde édition 
d'un ouvrage publié d'abord sous un autre titre); 
Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeitalter 
Jesu Chris ti, 3« édit., t. n, Leipzig, 1892, p. 380-419; 
Bousset, Die Religion des Judenthums, Berlin, 1903, 
•p. 161-168. — Toutes les encyclopédies bibliques ont sur 
les pharisiens des articles d'importance et de valeur 
inégale : Twisleton, dans le Dictionary of the Bible de 
Smith; Ginsburg, dans Cyclopxdia of biblical Litera- 
ture de Kitto; Reuss, dans Real-Encyclop. de Herzog, 
1™ édit.; Sieffert, lbid., 2 e et 3° édit.; Daniel dans 
Allgemeine Encyclop. de Ersch et Gruber; Hamburger, 
dans Realencycl. fur Bibel und Talmud; Kaulen, dans 
Kirchenleocieon, l re et 2 e édit. ; Hausrath, dans Bibel- 
lexikon de Schenkel; J. Strong, dans Cijclopsedia of 
biblical, theological and ecclesiastical Litefature, 
New- York, t. vin, 1894, p. 68-76; Eaton, dans Hastings, 
Dictionary of the Bible, Edimbourg, t. m, 1900, 
p. 821-829; Prince, article Scribes and Pharisees, 
dans Encyclopmdia biblica, Londres, t. iv, 1903, 
col. 4321-4329; Kaufmann Kohler, dans The Jewish 



ne se trouve que dans le texte hébreu de l'Ecclésias- 
tique, xxxvin, 8, avec le sens de pharmacien. On lit 
en effet dans ce passage : 

Le Seigneur fait produire à la terre ses remèdes, 

Et l'homme sensé ne les dédaigne pas... 

H a donné aux hommes la science 

Pour qu'ils se fissent un nom par ses dons merveilleux. 

Par eux l'homme procure la guérîson 

Et il parvient à enlever la douleur. 

Le pharmacien en fait des médicaments, 

Et son œuvre est à peine achevée 

Que par lui la santé se répand sur la terre. 

Eccli., xxxvm, 4-8. 

Cf. Ezech., xxx, 21. Le pharmacien n'était pas d'ordi- 
naire distinct du médecin. — Sur les remèdes employés 
par les pharmaciens israélites et cités dans Ja Sainte 
Écriture, voir Médecine, t. iv, col. 912, 913. 

H. Lesêtre. 
PHARNACH (hébreu : Parnâh; Septante : #ocpvax), 
zabulonite, père d'Élisaphan. Celui-ci était le chef de 
la tribu de Zabulon du temps de Moïse, un des douze 
Israélites qui furent chargés de présider au partage de 
là Terre Promise. Num., xxxiv, 25. 

PHAROS (hébreu : Par'ôë, « mouche » ; Septante : 
<&op6<;; dans I Esd., n, 3, *apé;), chef d'une famille dont 



219 



PHAROS — PHASËLIDE 



220 




4i. — Pierre gra- 
vée au nom de 
Pharos. 



les descendants au nombre de 2172, IEsd., u, 3; II Esd., 
vu, 8, retournèrent de Babylonie en Palestine avec 
ZoroJbabel. Un autre groupe, comprenant 150 hommes, 
sous leur chef Zacharie, revint plus tard en Judée avec 
Esdras. I Esd., vin, 3. Sept des « fils 
de Pharos » avaient épousé des fem- 
mes étrangères et Esdras les obligea 
à les répudier. I Esd., x, 25. — Pha- 
daïa « fils de Pharos », répara une 
partie des murs de Jérusalem . II Esd . , 
m, 25. — Parmi les chefs du peuple 
qui signèrent l'alliance que Nëhémie 
fit renouveler entre Dieu et les 
Israélites, le premier nommé est 
Pharos, probablement le représen- 
tant de la famille de ce nom. II Esd., 
x, 14. Un sceau antique en cornaline porte le nom de 
Pharos gravé en lettres phéniciennes (fig. 41). Voir 
W. von Landau, Beitrâge zur Altertumskunde des 
Orients, t. îv, in-8°, Leipzig, 1905, p. 43. 

PHARPHAR (hébreu : Parpar; Septante : ifapçâp; 
Alexandrinus : «tapçapà), la seconde des rivières qui 
arrosent la ville de Damas. Elle est mentionnée par 
Naaman, qui, dans IV Reg., v, 12, répond au prophète 
Elisée, lorsque celui-ci lui conseille d'aller se laver 
dans le Jourdain pour se guérir de la lèpre : « L'Abana 
et le Pharphar, les rivières de Damas, ne sont-ils pas 
meilleurs que toutes les eaux d'Israël? » — Le Phar- 
phar s'appelle aujourd'hui Nahr el-Aouadj, voir Aba- 
na, t. I, col. 14, et un de ses affluents porte encore 
le nom de Barbar. Il a deux sources principales, 
l'une sur la pente orientale de l'Hermon, au-dessous 
du pic central; l'autre, à quelques kilomètres au sud, 
près du village de Beit Djann. Les deux cours d'eau 
se réunissent près de Sasa et, par un lit profond 
creusé au milieu des rochers, vont se jeter dans la direc- 
tion de l'est dans un lac marécageux, le Bahret Hidja- 
néh, à six kilomètres environ au sud du lac où débouche 
le Barada, l'ancien Abana. L'Aouadj ne passe pas à Da- 
mas même, mais à douze kilomètres de la ville ; il mérite 
néanmoins le nom de fleuve de Damas, parce qu'il 
arrose toute la plaine qui porte le nom de la ville, et, 
par d'anciens canaux, ses eaux en arrosent les champs 
et les jardins presque jusqu'aux murailles de la cité. 
Le cours du Nahr el-Aouadj est d'une soixantaine de 
kilomètres et son volume- d'eau est à peu près le quart 
de celui du Barada. — Voir J. L. Porter, Five years in 
Ddmascus, 3 in-12, Londres, 1855, t. i, p. 299, 311-312, 
318-321, 389; t. n, p. 12-14, 247-248; Id., The Rivers 
of Damascus, dans le Journal of sacred Literatvre, 
t. v, octobre 1853, p. 45-57; Ed. Robinson, Notes on 
biblical Geography, the A'waj, dans la Bibliolheca 
sacra, t. vi, 1849, p. 366-371. F. Vigouroux. 

' PHARSANDATHA (hébreu : Parsandâtd' ; Sep- 
tante : «Êapiravvé;; Alexandrinus : 4>apaavEaTÔv), le 
premier nommé des dix fils d'Aman qui furent mis à 
mort à Suse par les Juifs le 13 du douzième mois 
appelé Adar après la chute et l'exécution de leur père. 
Esther, ix, 7. Le nom de Pharsandatha est en perse, 
d'après certains philologues, Fraçna-data, « donné par 
prière ». Cf. J. Oppert, Commentaire du livre d'Esther, 
1864, p. 21. 

PHARUDA. I Esd., n, 55. Voir Piiarida, col. 205. 

PHARUÉ (hébreu : Pavùah; Septante : *ouauoOS; 
Alexandrinus : "Êappou; Lucien : Bapottovy), père de 
Josaphat. Salomon chargea Josaphat de la levée des 
tributs sur la tribu d'Issachar. III Reg., rv, 17. 



PHARURIM (hébreu : Parvdrim; Septante : *aipou- 
pifi), partie des dépendances du Temple. IV Reg., xxiii, 
11. L'auteur sacré raconte dans ce passage que le roi 
Josias « fit disparaître les chevaux que les rois de Juda 
avaient dédiés au soleil à l'entrée de la maison de 
Jéhovah, près de la chambre de Nathanmélech, l'eunuque 
qui était à Parvarîm ». Au premier livre des Parali- 
pomènes, xxvi, 16-18, nous lisons au sujet des portiers 
du sanctuaire : « A Séphim et à Hosa [échut la garde 
du] côté de l'occident, avec la porte Salléhéf sur Je 
chemin montant (Vulgate : juxta portant quse ducit ad 
viam ascensionis)... Il y avait... au Parbâr, à l'occi- 
dent quatre [lévites] sur le chemin, deux au Parbâr. » 
(Virlgate : In cellulis quoque janitorum ad occidenlem 
quatuqr in via, binique per cellulas.) Le Parbâr dont 
il est question ici, d'après le contexte, était situé à 
l'ouest du Temple, près de la porte appelée Sallékéf 
(dejectio), à l'endroit peut-être où est la Bab Silsilis 
actuelle. Le chemin mentionné conduisait du Temple 
à la colline appelée aujourd'hui le mont Sion, en tra- 
versant la vallée du Tyropœon. — On ne s'entend pas 
sur la signification précise du mot parbâr. La plupart 
croient que ce mot est le même que celui de parvarîm 
(au singulier parvâr), les deux ne différent entre eux 
que par une lettre, 3, 6, et i, v. La Vulgate a traduit 
parbâr par « cellules ». Gesenius, Thésaurus, p. 1123, 
entend par parvarîm des portiques ou des colonnades 
ouvertes qui entouraient le Temple; il rapproche ce 
mot du perse farouar, « maison d'été, kiosque ». 
D'autres ont traduit parbâr par « faubourgs », parce 
que c'est le sens donné par les Targuens et le Talmud 
aux mots paryârin et parvilîn. Buxtorf, Lexicon chal- 
daicum, 1640, p. 1804, 1805. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XV, xi, 5, qui dit que deux des portes du Temple 
d'Hérode débouchaient à l'ouest eîç tô îipodcinretov, dans 
le faubourg de la ville. Voir Temple. — Les six portiers 
dont parle I Par., xxvi, 16, avaient leur poste, quatre 
probablement en dehors de la porte, du côté du chemin, 
et deux à l'intérieur de la porte. — Pour les chevaux du 
soleil qui étaient à Pharurim, voir Nathanmélech, 
col. 1485. 

PHASE, nom donné à la Pâque, dans la Vulgate, 
dans tous les livres de l'Ancien Testament, Exod., xii, 
11, etc., excepté Ezech., xlv, 21, et I Esd., VI, 19, 20, où 
cette fête est appelée Pascha, comme dans tout le Nou- 
veau Testament, lorsqu'elle n'est pas désignée par son 
autre nom de « fête des Azymes ». Voir PaQDE, t. iv, 
col. 2094, et Azymes, 2», t. i, col. 1313. 

PHASÉA (hébreu : Paséah, « boiteux »; Septante : 
^aarj), chef d'une famille de nathinéens qui retourna 
de captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 49; 
III Esd., vu, 51. Un des membres de cette famille 
appelé Joîada restaura avec Mosollam la porte Ancienne 
de Jérusalem. II Esd., m, 6. Certains commentateurs 
font cependant de Phaséa « père de Joîada » un per-, 
sonnage distinct du chef de la famille nathinéenne. — 
Le texte hébreu mentionne un descendant de Juda qui 
porte le même nom, mais la Vulgate l'a écrit Phessé. 
I Par., n% 12. 

PHASËLIDE (grec : $a<n\\lç), ville de l'Asie Mineure, 
située sur les confins de la Lycie et de la Pamphylie 
(fig. 42). C'était une colonie dorienne. Hérodote, n, 
178. Sa position était tros favorable pour le commerce. 
Bâtie dans un isthme, elle n'avait pas moins de trois 
ports. C'était la première terre qui apparaissait au na- 
vigateur dans le voyage de Cilicie à Rhodes. Tï.te Live, 
xxxvji, 23; Cicéron, Verr., iv, 10 (22). Dès le II e siècle 
avant J.-C, sous le règne d'Amasis, elle avait à Naucra- 
tis, en Egypte, une part dans PHellénium, qui était une 
sorte de bonrse de commerce pour les Grecs. Hérodote, 



221 



PHASÉLIDE — PHASGA 



222 



il, 178. Son trafic était très considérable. Straion, XIV, 
m, 9; Thucydide, h, 69; vm, 88; Polybe, xxx, 9. Le 
mont Solyme, au-dessous duquel elle était située, ser- 
vait comme de phare aux navires qui se dirigeaient 
vers Phasélide. « Sur la côte orientale de Lycie, dit 
Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. v, 
1884, p. 480, se dresse, à 2375 mètres, la montagne de 
Takh talou, le Solyma des anciens, à la base entaillée 
de gorges, aux pentes moyennes couvertes d'arbrisseaux; 
c'est sur le versant méridional de ce pic superbe que 
brûle jour et nuit la Chimère dont parlent les géogra- 
phes grecs et romains et qui adonné lieu à tant de fables 
La source du feu, le Yanar ou Yanar-tach, jaillit d'une 
ouverture profonde d'un mètre environ, au-dessus de 
laquelle s'élèvent les débris d'un temple. Aucune fumée 
n'accompagne la flamme; à quelques mèlrës de dis- 
tance, la roche serpentineuse d'où s'élance le feu 
mystérieux n'a pas une température supérieure à celle 




42. — Monnaie de Phasélide. 
Poupe de galère; dans le champ *AEH. — Éj. Minerve Proma- 
chos. A droite un monogramme dans un cercle, à gauche <ï>. 

des terrains environnants; des arbres croissent dans 
le voisinage et un ruisseau serpente sous l'ombrage... 
Une autre ouverture du rocher, semblable à celle du 
Yanar, est maintenant éteinte. » — Phasélide à l'époque 
des Romains, devint un repaire de pirates. P. Servilius 
les attaqua et détruisit la ville. Cicéron, Verr., iv, 10 : 
Elle perdit son indépendance en 72-75 avant J.-C. Elle 
fut restaurée, mais elle ne recouvra jamais sa première 
prospérité. On y voit encore des ruines de ses anciens 
monuments; son port est devenu un marais d'où s'exha- 
lent des miasmes délétères. Elle porte aujourd'hui le 
nom de Tekrova. 

C'est à l'époque où la piraterie ne prédominait pas 
encore à Phasélide que les Romains écrivirent aux habi- 
tants de cette ville et de quelques autres, situées la plu- 
part sur la route que suivait le commerce maritime de 
la Lycie en Italie, pour leur demander de porter aide 
et appui à Simon Machabée et aux Juifs. I Mach., xv, 
23. Phasélide avait donc une colonie juive vers 139 avant 
notre ère. — Voir Fr. Beaufort, Karamania or descrip- 
tion of the south Coast of Asia minor, in-8», Londres, 
1817, p. 53-65; Ch. Texier, Asie Mineure, in-12, Paris, 
1862, p. 697-699; G. F. Hill, Catalogue of Greek, Coins 
in the Brit. Muséum, Lycia, 1897, p. lxvii. 

F. Vigourotjx. 

PHASÉRON (grec : "Êamptôv), nom d'une tribu na- 
buthéenne, « les fils de Phaséron, » qui fut battue par 
Jonathas Machabée, I Mach., ix, 66, dans les environs 
de Bethbessen. Cette tribu est inconnue. 

PHASGA (hébreu : Pisgdh), montagne du pays de 
Moab. Dans le texte hébreu, ce nom est toujours pré- 
cédé de l'article : hap- Pisgâh. Il n'est jamais employé 
seul, mais précédé tantôt de rô'S,a. sommet duPhasga», 
tantôt de 'asdôf, mot qui est diversement interprété. 
On n'est pas d'accord sur le point de savoir si Pisgâh 
est un nom propre ou un nom commun; les deux opi- 
nions ont des partisans. La Vulgate l'a toujours consi- 
déré comme un nom propre; les Septante l'ont rendu 
tantôt comme an nom propre et tantôt comme un nom 
commun : $a<r{â dans Deut., m, 67; xxxiv, 1; Jos., 
XII, 3; xiii, 20; et xopuçri toO Xe>aÇeu|iévou, « sommet 
du (mont) taillé », escarpé, dans Num., xxi, 20; xxiii. 



14. Saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow, 1862, p. 73 
et 227, explique aussi le sens de Phasga par abscissum 
et eœcisum. On peut l'interpréter par « section, partie ». 
Gesenius, Thésaurus, p. 1114. — Sur les 'asdôf Pisgdh, 
mentionnées Deut., m, 17; iv, 49; Jos., xii, 3; xm,20, 
voir Asédoth, t. i, col. 1076. 

1° L'Écriture dit expressément que le Phasga est dans 
le pays de Moab, Num., xxi, 20; vis-à-vis de Jéricho, 
Deut., xxxiv, 1, et du désert de Jésimoth, Num., xxi, 
20, à l'est de la pointe septentrionale de la mer Morte. 
Deut., iv, 49; Jos., xii, 3. — Le mont Phasga fait partie 
de la chaîne des Abarim. Deut., xxxn, 19, comparé avec 
xxxiv, 1. Les monts Abarim s'étendent du nord au sud, 
à l'est de la mer Morte, depuis l'ouadi Hesban jusqu'au 
Zerka Maïn. Voir Abarim, t. i, col. 17. Le mont Nebo 
était un des pics des Abarim. Voir Nébo 2, t. iv, col. 1544. 
Phasga est-il un autre nom de la chaîne ou d'une partie 
de la chaîne des Abarim, ou bien un des pics du mont 
Nébo ou bien enfin simplement un nom commun, 
désignant le sommet du mont Nébo? Dans ce der- 
nier cas, la phrase du Deutéronome, xxxiv, 1, « Moïse 
monta sur le mont Nébo, au sommet du Phasga, » 
devrait se traduire : « Moïse monta sur le mont 
Nébo, au sommet de la hauteur. » On peut alléguer 
en faveur de cette version, outre les passages des 
Septante rapportés plus haut, le Targum de Jéru- 
salem et celui du Pseudo-Jonathan qui rendent inva- 
riablement Pisgâh par ramafa, « colline, élévation », 
et ne le regardent pas comme un nom propre. Cette 
explication est difficile à concilier avec les textes qui 
représentent le Phasga comme une montagne au pied 
de laquelle campèrent les Israélites, cf. Num., xxm, 14 
et xxiv, 2, et d'où jaillissaient des sources d'eau. Deut., 
m, 17; îv, 49; Jos., xii, 3; xm, 26. Les divers passages 
dans lesquels l'Ecriture nomme le mont Phasga semblent 
s'expliquer plus commodément en admettant que c'était 
une montagne de la chaîne des Abarim distinguée, par 
ce nom propre, des autres parties de la chaîne. C'est du 
mont Nébo que Moïse, Deut., xxxn, 49, contemple la 
Terre Promise avant de mourir. Or nous lisons, Deut., 
xxxiv, 1, « Moïse monta des plaines de Moab sur le 
mont Nébo, au sommet du Phasga ; » ce dernier som- 
met paraît donc bien n'être qu'un pic du Nébo, mais, 
à cause de son élévation, il désignait sans doute aussi 
toute la montagne. — Les voyageurs modernes n'ont pas 
trouvé de traces du nom de Phasga dans la Moabitide. 
Quelques-uns d'entreeux identifient le Phasga avecie Dje- 
bel ou Rds Siaghah, C. R. Condër, Palestine, 1889, p. 259, 
mais le Djebel Neba, à l'est du Siaghah est plus élevé. 

2° Le mont Phasga est nommé pour la première fois 
dans les Nombres, xxi, 20. En s'approcha nt de la Terre 
Promise pouren faire la conquête, les Israélites allèrent 
camper « de Bamoth (voir Bamoïh-Baal, 1. 1, col. 1423) 
à la vallée qui est dans le pays de Moab au sommet du 
Phasga, en vue du désert (de Jésimon) ». De là, Moïse 
fit demander à Séhon, roi des Amorrhéens, qui régnait 
à Hésébon, dans le voisinage, l'autorisation de traverser 
pacifiquement son territoire. Séhon ne l'accorda point, 
mais, au contraire, attaqua Israël. Il fut battu et les 
Israélites allèrent camper sur la rive orientale du Jour- 
dain vis-à-vis de Jéricho. — Balac, roi de Moab, ne se 
sentant pas de force à les arrêter, eut recours à Balaatn, 
et lui demanda de maudire ses ennemis, afin qu'il pût 
ainsi les mettre en fuite. Balaam prononça son second 
oracle, au sujet d'Israël, du champ de ?ofim (Vul- 
gate : « d'un lieu élevé, » in locum sublimem), au som- 
met du Phasga. Num., xxm, 11-24. — Le Phasga est 
nommé ensuite plusieurs fois comme marquant la fron- 
tière orientale de la Terre Promise qui doit s'étendre à 
Test « jusqu'à la mer de sel ou mer Morte » au pied de 
'Asdof hap-Pisgdh. Deut., ni, 17; iv, 49; Jos., xii, 3. 
— Moïse donna 'Asdôf hap-Pisgdh à la tribu de Ruben. 
Jos., xm, 20. — Enfin Moïse, sur l'ordre de Dieu, 



223 



PHASGA. — PHATURÈS 



224 



« monta des plaines de Moab sur le mont Nébo, au 
sommet du Phasga. » Deut., xxxiv, 1. C'est là qu'il 
contempla la Terre Promise et qu'il mourut. — Quant 
à la vue dont on jouit de cette montagne sur la Pales- 
tine, voir Nébo, t. iv, col. 1544. 

PHASHUR (hébreu : Pashûr; Septante : $aa-so-jp), 
chef d'une famille sacerdotale. II Esd., vu, 41. Son 
nom est écrit Pheshur I Esd., il, 38; x, 22; II Esd., 
x, 3, dans la Vulgate. « Les fils de Phashur » retour- 
nèrent de Babylonie en Palestine avec Zorobabel au 
nombre de 1247. I Esd., il, 38; II Esd., vu, 41. Six 
d'entre eux sont nommés par leur nom dans I Esd., x, 
22, comme ayant épousé des femmes étrangères, 
qu'Esdras les obligea à répudier. —Phashur (Pheshur), 
ou le chef de la famille de ce nom, signa du temps de 
Néhémie l'alliance contractée entre Dieu et son peuple. 
II Esd., x, 3. — Dans le texte hébreu, plusieurs autres 
Ismaélites sont nommés aussi Pashûr. La Vulgate écrit 
les noms de trois d'entre eux qui furent contemporains 
de Jérémie Phassur (voir ce mot) et Pheshur, dans 
II Esd., xi, 12, celui qu'elle appelle Phassur dans I Par., 
ix, 12. — Certains commentaires identifient le Phashur 
dont les fils revinrent à la captivité avec un des Phas- 
sur nommés par Jérémie : ce n'est pas impossible, mais 
peu probable. Voir Phassur 2. 

PHASPHA (hébreu : Pispâh; Septante : $oc<Ttpà), 
second fils de Jéther, un des principaux chefs de 
famille de la tribu d'Aser. I Par., vu, 38. 

PHASSUR (hébreu : PaShûr), nom de six Israélites. 
La Vulgate écrit le nom de deux d'entre eux Phashur 
et Pheshur. Voir ces deux noms. 

1. PHASSUR (Septante : llaax^?), prêtre, fils d'Em- 
mer. Un des oracles de Jérémie, xx, 1-6, est dirigé 
contre lui. Phassur était inspecteur en chef (hébreu : 
pâqû nàgîd; Vulgate : princeps) ou intendant du temple 
de Jérusalem. Ayant entendu Jérémie prophétiser la 
ruine de Jérusalem et du Temple, il le frappa et le fit 
mettre aux ceps dans le Temple à la porte Haute de 
Benjamin. Il ne le délivra que le lendemain. Jérémie 
lui dit alors : « Jéhovah ne t'appelle plus Phassur 
(étymologie incertaine; Gesenius, Thésaurus, p. 1135, 
l'explique par « sécurité tout autour »), mais Mâgôr 
Missâbîb (terreur tout autour), parce que voici ce que 
dit Jéhovah. « Je te livrerai à la terreur toi et tous tes 
amis. » Tous ses amis seront frappés par l'ennemi, 
Juda sera livré au roi de Babylone, et Phassur et les 
siens seront emmenés en captivité. Jérémie, f. o\ ter- 
mine sa prophétie en reprochant au fils d'Emmer 
d'avoir prophétisé des mensonges. Il devait donc avoir 
prédit que Juda serait délivré des attaques des Chal- 
déens. Le texte sacré ne nous dit rien de plus sur le 
sort de Phassur et de sa famille, mais on ne saurait 
douter que la prophétie qu'il avait faite contre eux n'ait 
été réalisée. — Phassur, fils d'Emmer, peut être le 
même que Phassur, père de Gédélias. Voir Phassur 3. 

2. PHASSUR (Septante : IlaaxtSp), Aïs de Melehias, 
contemporain de Jérémie comme le précédent, prêtre 
selon les uns, cf. I Par., îx, 12, prince du peuple, selon 
les autres. Il fut mêlé à deux événements de la vie de 
Jérémie. Le roi Sédécias l'envoya auprès du prophète 
avec le prêtre Sophonie pour lui demander de consulter 
Jéhovah au sujet de la guerre que lui faisait les Chal- 
déens, dans l'espoir d'en obtenir une prédiction favo- 
rable, mais Jérémie annonça la prise de Jérusalem. 
Jer., xxi, 1. — Plus tard, nous retrouvons le fils de 
Melehias, Jer., xxxvni, 1, parmi les grands de la cour 
qui, ayant entendu Jérémie prophétiser la ruine de 
Jérusalem, pendant qu'il était dans la cour de la prison, 



pressèrent le roi de le faire mettre à mort et obtinrent 
_de lui de le jeter dans la citerne boueuse de Melehias 
d'où il fut retiré par l'eunuque éthiopien Abdémélech. 
Jer., xxxviii, 1-13. — Ce Phassur est peut-être le même 
que le « Phassur, fils de Melehias », qui est nommé 
I Par., ix, 12, et II Esd., xi, 12, comme aïeul d'Adaïas, 
lequel figure parmi les prêtres qui habitèrent Jéru- 
salem au retour de la captivité, mais on ne peut établir 
qu'il soit le chef éponyme des « fils de Phashur » qui 
revinrent de captivité avec Zorobabel. Voir Phashur, 
col. 223. — Quelques commentateurs croient aussi que 
le fils de Melehias est le père de Gédélias, Jer., xxxvm, 
1, mais ce n'est guère vraisemblable, Gédélias « fils de 
Phassur » étant nommé dans ce f. 31, avant « Phassur, 
fils de Melehias », et sans l'indication d'aucun lien de 
parenté. Le nom de « Phassur, fils de Melehias », 
manque, il est vrai, dans les Septante, mais il se lit 
dans l'hébreu comme dans la Vulgate. 

3. PHASSUR (Septante : Tlaaxûp), père de Gédélias. 
Gédélias fut un des ennemis de Jérémie. Jer., xxxvili f 
1. Certains commentateurs confondent ce Phassur avec 
l'un des précédents. Voir Phassur 1 et 2. 

4. PHASSUR (Septante : «fcasxwp), père de Jéroham, 
aïeul d'Adaïas et fils de Melehias. I Par., ix, 12. Quelques 
commentateurs le prennent pour un personnage diffé- 
rent de Phassur 2, mais la distinction des deux n'est 
pas certaine. Le livre de Néhémie, II Esd., xi, 12, 
mentionne aussi Phassur (dont elle écrit le nom Peshur), 
fils de Melehias, comme ancêtre du prêtre Adaïa, fils 
de Jéroham. Seulement dans ce passage la généalogie 
est plus complète; elle contient quelques noms qui 
sont omis dans I Par., ix, 12. 

PHATAÏA (hébreu : Petahyâh, « Jéhovah délivre »; 
Septante : ieéeîa), un des Lévites qui avaient épousé 
une femme étrangère. Esdras l'obligea à la répudier. 

I Esd., x, 23. Nous le retrouvons dans II Esd., IX, 5, le 
dernier de ceux des Lévites qui du temps de Néhémie 
adressèrent à Dieu une longue prière pour le renou- 
vellement de l'alliance entre lui et son peuple. Dans ce 
passage, les Septante omettent son nom et la Vulgate 
l'écrit Phathahia. — Le texte hébreu mentionne deux 
autres Petahyâh qui sont appelés dans notre version 
latine Phétéia, I Par., xxiv, 16, et Phathahia, Il Esd., 
xi, 24. 

PHATHAHIA (hébreu : Petahyâh), nom de deux 
Israélites dans la Vulgate. Voir Phataïa. 

1. PHATHAHIA (Septante omettent son nom), lévite. 

II Esd., ix, 5. C'est le même que la Vulgate appelle 
Phataïa. I Esd., x, 23. 

2. PHATHAHIA (*a6ai'a), fils de Mesézebel, descen- 
dant de Zara, de la tribu de Juda, contemporain de 
Néhémie. Il était « sous la main du roi » Ârtaxerxès, 
c'est-à-dire son représentant ou son mandataire ou son 
conseiller pour toutes les affaires qui concernaient les 
Juifs. II Esd., XI, 24. 

PHATHUEL (hébreu : Pefiïêl; Septante : B*6owiX), 
père du prophète. Joël Joël. I, 1 . On ne connaît que 
son nom, et encore ce nom est-il diversement écrit dans 
les manuscrits grecs et dans les versions. Voir Joël 15, 
t. m, col. 1582. 

PHATURÈS, PHATHURÈS, PHÉTROS (hébreu : 
Patrôs; Septante : yï| IlaGoup^; et y 5 ! $a8oup^;; Vul- 
gate : Phatures, dans Jérémie, xuv, 1, 15; Phat hures, 
dans Ézéchiel, xxix, 14; xxx, 14; Phetros, ls., xi, 11), 
la Haute Egypte. 



225 



PHATURÈS 



226 



I. Étymologie et signification. — Phathurès ou Phé- 
tros est un mot égyptien hébraïsé. Il se décompose de 

l'avis généra], enpo ta risi, it 7TT JL Y ,ou P-to-res, 

« la terre du sud », et il désigne la Haute Egypte, la 
Thébaïde des Grecs, le Sàïd des Arabes, par opposition 

à pa ta mehit, X. * * * \\ > ou P-to-mehet, « la terre 
du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et 
leurs variantes, voir Brugsch, Dictionnaire géogra- 
phique de l'ancienne Egypte, Supplément, 1880, 
p. 1399. La plus ancienne histoire de l'Egypte est una- 
nime à nous montrer la division du pays en deux 
terres et en même temps son union dans les mains 
d'un seul chef. Déjà les rois des premières dynasties 
font l'union des deux terres et la figurent par le sam-tooui, 
c'est-à-dire la ligature du lotus, emblème de la Haute 
Egypte, et du papyrus, emblème de la Basse Égvpte. 
Quibell, Hierakonpblis, part. I, 1900, pi. xxxvii-xxxviii 
et p. 11. Chaque région avait sa couronne propre, cou- 
ronne blanche pour la Haute Egypte, couronne rouge 
pour la Basse Egypte. Les deux couronnes réunies for- 
maient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com- 




43. — Couronnes d'Egypte. 
1. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent. 

mençait plus ou moins loin de Memphis, suivant les 
époques, et se terminait à Bigeh et à Philse. Dès l'An- 
cien Empire, il eut ses gouverneurs dont la résidence 
ne paraît pas avoir été fixe. Ouni, que Mérenra de la 

VI» dynastie nomma à la dignité de — V * == ' 4>, 1)atj- 

à mer res, « chef gouverneur du midi », résidait à la 
cour. Le territoire de la province méridionale descen- 
dait alors jusqu'à Memphis. E. de Rongé, Recherches 
sur les monuments qu'on peut attribuer aux six pre- 
mières dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le même 
honneur après Ouni était gouverneur d'ÉIéphantine. 
J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscrip- 
tions de l'Egypte antique, t. i, p. 172. Quand plus tard 
Thèbes eut obtenu la suprématie et fut devenue Nout- 
Risit, « la ville par excellence du sud », la grande 
capitale, c'est là que résida le gouverneur du midi. A 
une époque où les Hébreux vivaient encore tranquilles 
en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thèbes, vizir de 
Thotmès III, etc., joignait à ses autres charges celle de 

gouverneur du midi. Mais alors 2. , Besit, la région 

du -midi, si elle allait toujours jusqu'à Bigen, ne 
descendait plus que jusqu'à Siout, puisque c'est dans 
ces limites que Rekhmara perçoit les taxes de son 
commandement. Newberry, The life of Rekhmara, 
1900, pi. v-vi et p. 26. Après les Ramessides et la 
disparition des rois prêtres, les Bubastites de la 
XXII 8 dynastie firent de la Thébaïde déchue un apa- 
nage royal et la maintinrent de la sorte sous leur dé- 
pendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 6 e édit., 
1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains 
des Éthiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du 
vm e siècle, puis sous les Saïtes, vn e et vr= siècles, elle 
devint une principauté théocratique régie par des 
femmes de sang royal. Toutes ces péripéties contribuè- 

DICT. DE LA BIBLE. 



rent politiquement à rendre réelle, de nominale qu'elle 
était auparavant, la démarcation déjà si tranchée par la 
nature elle-même, entre la Haute et la Basse Egypte. 
Le nom d'Egypte ou Mesraîm se restreignit à la dernière. 
II. La terre du sud chez les prophètes. — 1" Isaïe, 
xi, 11, prophétisant la venue du Messie, annonce qu'il 
apportera au inonde le règne de la justice, et spéciale- 
ment qu'« il éteudra de nouveau sa main », comme il 
avait déjà fait pour la sortie d'Egypte, et qu'« il rappel- 
lera le reste de son peuple » dispersé aux quatre points 
cardinaux. Il le rappellera en particulier du sud, c'est- 
à-dire de l'Egypte, de Phétros et de l'Ethiopie. On ne 
s'explique pas que les Septante lisent ici àm> Baguî.wvt'a; 
pour a Phetros, contrairement au texte hébreu suivi 
par la Vulgate. Quoi qu'il en soit, Phétros est le même 
mot que Phaturès. Jer., xliv, 1, 15. Isaïe est pleinement 
d'accord avec l'état de choses existant en Egypte de son 
temps, lorsqu'il distingue la terre du sud de Mesraîm 
devenue au sens restreint l'Egypte proprement dite. De 
plus il suit l'ordre géographique, allant du nord au sud 
jusqu'à l'ithiopie, jadis soumise à l'Egypte, maintenant 
indépendante d'elle et parfois la dominant. Asarhadon 
ne fait pas autrement quand il se déclare « le roi des 
rois d'Egypte (Musur), de la Haute Egypte (Paturisi) et 
de l'Ethiopie (Kusi). » Budge, The hislory of Esarad- 
don, n° 5, p. 16 19. — 2» Jérémie, xliv, 1 : « Parole 
qui fut transmise par Jérémie à tous les Juifs qui habi- 
taient le pays d'Egypte, à Magdal, à Taphnès et dans 
Memphis, et dans la terre de Phaturès. » il. 15 : « Et, 
'tout le peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) à 
Phaturès, répondirent à Jérémie... » Jérémie suit aussi 
l'ordre géographique et met en parallèle Mesraîm et 
Phaturès, soit qu'il annonce aux Juifs réfugiés et dis- 
persés en Egypte le châtiment de leur idolâtrie par la 
main de Nabuchodonosor, soit qu'il cite la réponse de 
ces mêmes Juifs opiniâtres dans leur incrédulité. Tous 
ceux de Mesraîm et ceux de Phaturès (f. 15), Dieu les 
atteindra en Mesraîm où ils occupent trois villes, Mag- 
dal à la frontière orientale, Taphnis un peu plus haut 
dans les terres et enfin Memphis à la pointe de Delta ; 
il les atteindra pareillement en Haute Egypte (f. 1) ; d'un 
mot, dans les deux régions distinctes où s'étend la dis- 
persion. Cf. Ézéchiel, xxx, 13-14, où l'on voit la même 
opposition entre Mesraîm et Phaturès. — 3° Dans Ézé- 
chiel, xxx, 14, le Seigneur prédit la dispersion de la 
terre de Phaturès. Au chap. xxix, 12-13, le Seigneur vient 
de dire : « Je disperserai les Égyptiens parmi les na- 
tions, et je les séparerai dans tousles pays... Après qua- 
rante ans je rassemblerai les Égyptiens du milieu des 
peuples parmi lesquels ils avaient été dispersés. » Il 
ajoute, f. 14 : « Je ramènerai les captifs d'Egypte; je les 
placerai dans la terre de Phaturès, dans la terre de leur 
naissance, et ils y feront un royaume humilié. » Dans 
l'état actuel de nos connaissances, la réalisation de cette 
prophétie reste obscure par plus d'un côté. Ni les docu- 
ments assyriens et égyptiens, ni Josèphe et les autres 
écrivains ne font la lumière sur ces quarante années 
suivies du rétablissement de l'Egypte dans un royaume 
limité à la terre du sud. Cf. W. M. Mùller, art. Pathros, 
dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. m, p. 693. 
Une seule chose est certaine : après les invasions des 
Assyriens, l'Egypte était frappée à mort, et malgré son 
renouveau sous Amasis, elle était bien « un royaume 
humilié ». Les Perses allaient venir. Peut-être est-ce 
dans la période qui va d' Amasis aux Perses (570-525) 
qu'il faudra placer la restauration signalée par le pro- 
phète? Il y eut là, semble-t-il, un moment d'accalmie 
et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte déli- 
vrée des Éthiopiens. Mais il est un point de la prophétie 
où nos connaissances nous permettent de vérifier l'exac- 
titude d'Ézéchiel. Il dit expressément que Phaturès est 
la terre d'origine des Égyptiens, terra nativilatis 
suse. En cela il est d'accord avec la tradition égyptienne 

V. -8 



227 



PHATURÈS — PHÉNIGIE 



228 



consignée par Hérodote n, 4, 15, et Diodore n, 50, 
Thinis, ^~ ] , Theni, dans la Haute-Egypte, fut en 

effet le berceau et la première capitale de l'Egypte, Menés, 
le premier roi historique, en était originaire, les deux 
premières dynasties sont appelées thinites. Brugsch, 
Histoire d'Egypte, i™ partie, 2» édit., Leipzig, 1875, 
p. 29-30. De plus, les inscriptions attestent la priorité 
du sud en le plaçant toujours avant le nord ; ainsi, par 
exemple, le Pharaon est constamment en premier lieu 
roi de la Haute Egypte. Enfin Amélineau a découvert 
(1895-1898) les tombes des plus anciens rois à Abydos, 
nécropole de Thinis, et cette découverte est venue 
donner à la tradition la plus éclatante confirmation. 
Cf. Pétrie, The royal Tombs, 2 in-8», 1900-1901 (Mé- 
moires XVIII et XXI de l'Egypt Exploration Fund). 
Venus d'Asie par la mer Rouge et l'ouadi Hammâmât, 
suivant l'opinion la plus probable, les Égyptiens s'éta- 
blirent donc dans les environs d'Abydos. Ce fut là 
qu'ils naquirent en quelque sorte comme peuple et 
d'où ils s'étendirent au sud et au nord sur toute la 
vallée du Nil._ Cf. J. de Morgan, Recherches sur les 
origines de VÉgypte, t. u, 1897, p, 214 sq. 

C. Lagier. 
PHAÙ (hébreu: ws, Pâ'û, Gen.,xxxvi,39; >7B, Pâ'i, 
I Par., i, 50; Septante : "^(ofiip), ville d'Idumée où 
résidait Àdar (appelé Âdad I Par., i, 50), roi d'Édom. 
Le site de cette ville est inconnu. U. J. Seetzen, Reisen 
jiurch Syrien, Palàstina, t. ni, Lund, 1835, p. 18, pro- 
pose de reconnaître Phaû dans Phau'ara. F. Buhl, ' 
Geschichle der Edomiter, 1893, p. 38, combat cette 
identification. 

PHÉ, lettre hébraïque. Voir Pé, col. 1. 

PHEDAEL (hébreu : Pedâh'êl « Dieu délivre »; 
Septante : $aSa-ri>.), fils d'Ammiud, de la tribu de Neph- 
thali. II fut chef de sa tribu et Moïse le chargea de la 
représenter dans le partage de la Palestine, avec les 
chefs des autres tribus israéVites. ÏVvim., raxw, Î.8. 

PHEGIEL (hébreu : Pag'î'êl, Septante : $o-(ct.i-r{>., 
«Êa-fe-r^), fils d'Ochran, chef de la tribu d'Aser, du 
temps de Moïse. Il oiîrit au Tabernacle les mêmes pré- 
sents et les mêmes sacrifices que les autres chefs de 
tribus. Num., i, 13; h, 27; vu, 72, 77. Il marchait à la 
tête des Asérites. Num., x, 26. 

PHELDAS (Pildâs; Septante : «SctASé;), le sixième 
des huit fils de Nachor, frère d'Abraham et de Melcha, 
sa nièce. Gen., xxn, 22. Le nom îurrbs a été trouvé 
dans les inscriptions nabuthéennes. M. A. Levy, Ueber 
die nabatâischen lnschriften, dans la Zeitschrift der 
deutschen movgenlàndischen Gesellschaft, t. xiv, 1860, 
p. 440. 

PHÉLÉIA (hébreu : .Prfd'yâfcfvoirPHALAïA, col. 182]; 
Septante : $a8ats; A lexandrinus : QoXvda.), troisième 
fils d'Elioénaï, de la race royale de David. I Par., m, 

24. 

PHÉLELIA (hébreu : Pelalyâh, « Jéhovah juge »; 
Septante : «JaXaXîâ), prêtre, fils d'Amsi et père de 
Jéroham qui était lui-même père d'Adaïa, contempo- 
rain de Néhémie. II Esd., xi, 12. C'était un des des- 
cendants de Pheshur ou Phassur, fils de Melchias. 

PHÉLETH (hébreu : Pélét; Septante : $aXI6), père 
de Hon, de la tribu de Ruben. Hon prit part à la ré- 
volte de Coré et des deux autres Rubénites Dathan et 
Abiron contre Moïse et Aaron, Num., xvi, 1. Les Sep- 
tante et le texte samaritain appellent Phéleth fils de 
Ruben. — Un descendant de Jéranjéel de la tribu de 



Juda, qui est aussi appelé Pélét dans le texte hébreu, 
est appelé Phaleth, dans la Vulgate. I Par., u, 33. 

PHÉLÉTHIENS (hébreu : hap-Pelêti; Septante : 
ô $e).£80> gardes du corps du roi David. II Reg., vm, 
18; xv, 18; III Reg., i, 38, 44; IPar., xvin, 17. La Vul- 
gate nomme aussi les Phéléthiens, IV Reg., xi, 19, 
parmi les gardes qui accompagnèrent le roiJoas lors de 
son intronisation, mais l'hébreu et les Septante n'en 
font pas mention et parlent seulement des Céréthiens. 
Dans tous les autres passages cités plus haut, les Phé- 
léthiens sont toujours joints aux Céréthiens et nommés 
à leur suite. On croit communément que leur nom 
n'est qu'une variante de celui de Philistin. Cf. 
Ezech., xxv, 15; Soph., n, 5. Voir Céréthiens, t. n, 
col. 441. 

PHÉLONITE. I Par., xi, 36: Voir Phallonite, 
col. 183. 

PHELT1 (hébreu : Pillai; Septante : ^eltu), repré- 
sentant de la famille sacerdotale de Miaminet Moadiadu 
temps du grand-prêtre Joacim. II Esd., xii, 17. Voir 
Miamjn 3, col. 1058. 

PHELTIA (hébreu : Pelatyâh [voir Phaltias, 
col. 184]; Septante : ^aX-cid), un dés chefs du peuple 
qui du temps de Néhémie signèrent l'alliance entre 
Dieu et les Israélites. II Esd., x, 22. 

PHELTIAS (hébreu : Pelatyâh et Pelatyâhû [voir 
Phaltias, col. 184]; Septante : ^aXxtâç), fils de Banaïas, 
contemporain d'Ézéchiel, un des chefs du peuple. Le 
prophète, dans une vision, xi, 1-13, fut transporté à la 
porte orientale du Temple de Jérusalem et il vit là 
vingt-cinq hommes au milieu desquels étaient Jézonias, 
fils d'Azur, et Pheltias. Dieu lui ordonna de prophétiser 
contre eux et comme il prophétisait, Pheltias mourut. 

PHENENNA (hébreu : Peninnâh,n corail ou perle; » 
Septante : $evvava), seconde femme d'EIcana, père de 
Samuel. Elle avait des enfants et Anne, la première 
femme et la femme préférée d'EIcana, n'en avait point. 
Phénenna, jalouse sans doute de la préférence que mon- 
trait son mari, reprochait sa stérilité à Anne qui était 
humiliée et blessée de ses reproches. I Reg., i, 1-8. 
Quand ses prières lui eurent obtenu de Dieu un fils qui 
fat Samuel, Anne s'écria dans son cantique, à l'adresse 
de Phénenna, I Reg., h, 5 : 

La stérile enfante sept fois, 
Et celle qui avait beaucoup de fils est flétrie. 

PHÉNICE (grec : <J>oïvt£; Vulgate : Phœnice), port 
de Crète. Act., xxvn, 12. Voir Phœnice. 

PHÉNIC1E, nom donné à la cote de Syrie et au terri- 
toire compris entre le mont Liban à l'est et la mer Mé- 
diterranée à l'ouest. Sa longueur a été très différente 
selon les diverses époques. Elle s'étendait depuis Gébal 
ou Byblos jusqu'à Dor ou Tantourah, mais on l'a pro- 
longée aussi jusqu'à Joppé et même Rhinocolure, à la 
frontière de l'Egypte, avant l'établissement des Philistins 
dans la Séphélah. Jamais elle n'a désigné un État unique, 
gouverné par un même chef; elle fut toujours divisée en 
un certain nombre de villes possédant chacune un terri- 
toire particulier et une domination pi us ou moins étendue . 

I. Nom. — 1° Le nom de Phénieie nous vient des Grecs 
et non des Phéniciens eux-mêmes. La forme grecque 
est <E>otv:Vr], Odys., iv, 83; Hérodote, m, 5; Thucy- 
dide, n, 69; Strabon, XVI, n, 21; Ptolémee, v, 15, 21, 
et la forme latine, Phœnice. Cicéron, Acad., ir, 20; 
Tacite, Rist., v, 6; Pomponius Mêla, i, 12; Pline, 
H. N., v, 13. Les auteurs latins plus récents écrivirent le 



229 



PHÉNICIE 



230 



nom Phœnicia et cette forme a prévalu parmi les mo- 
dernes, mais elle ne se trouve pas dans l'Écriture. Ce 
nom ne se lit que dans les livres écrits en grec, 
puisqu'il est d'origine grecque, c'est-à-dire dans le se- 
cond livre des Machabées, m, 5, 8; iv, 4, 22; vin, 8; x, 
11, et dans les Actes, xi, 19; xv, 3; xxi, 2; xxvn, 12 : 
«Êoivnai etPhœnice. Saint Marc, vu, 26, mentionne une 
Syro-phénicienne Evpotpofvtffda, Syrophœnissa. 

2° L'Ancien Testament, en dehors de II Mach., ne 
désigne pas autrement la Phénicie que par le nom 
général de terre de Chanaan. Gen., x, 19; Is, , xxm, 
11; Abd., 20. Cf. Matth., xv, 22, appelant « Chana- 
néenne » la femme que saint Marc, vu, 26, appela 
Syro-phénicienne, et les Septante rendant (quelquefois 
à tort), Jos., v, 12, la locution « terre de Chanaan » par 
?! $oivîxt] ou t( -/wpa twv $otvi'xwv. Exod., xvi, 3, 5; Jos., 
v, 1; Is., xxm, 2; Job, XL, 15 (30). Cf. Deut., m, 9. 
Voir Chanaan 2, t. h, col. 537. Mais il faut observer 
que ce nom de Chanaan n'est pas réservé seulement à 
la Phénicie; il est plus étendu et s'applique à des ter- 
ritoires et à des peuples qui n'étaient pas phéniciens. 
L'absence d'un nom général pour la Phénicie provient 
de ce que les cités phéniciennes étaient indépendantes 
les unes des autres et n'étaient unies par aucun lien 
politique. La table ethnographique de la Genèse, x, 15- 




44. — Monnaie de Laodicée du Liban. 
Tête diadémée et radiée d'Antiochus, à droite. — R). BAEIAEQ5 

ANTioxor. Zjo/,44 fi &> &'W%''-i'-i' Neptune, de- 
bout, de face, drapé aux trois quarte dans sa chlamyde, tenant 
une patère de la main droite et le trident de la main gauche. 
Dans le champ à gauche, A. A (pour Laodicée); à droite, un 
monogramme. 



18, énumère séparément Sidon, l'Aracéen, l'Aradien, le 
Samaréen, et les écrivains hébreux ne désignent jamais 
les Phéniciens par un nom ethnique spécial, mais par 
les noms des villes auxquelles ils appartiennent : les 
gens de Sidon, les gens de Tyr, I Esd., ni, 7; les 
Giblites, III Reg., v, 18; les gens d'Arad, Ezech., xxvn, 
11; les Aracéens, les Sinéens, les Samaréens, Gen., x, 
17, 18; les habitants d'Acho, d'Achzib et d'Aphec. Jud., 
i, 31. En englobant d'ailleurs la Phénicie dans la terre 
de Chanaan, les écrivains hébreux parlaient comme les 
Phéniciens eux-mêmes. Une monnaie de Laodicée du 
Liban (fig. 44), frappée au nom d'Antiochus IV Épi- 
phane, nous montre que, à cette époque encore (175- 
164 avant J.-C), on donnait au pays le nom de Cha- 
naan. On y lit en effet ^yjsa ™ xs-mbb, « De Laodicée, 
mère (métropole) de Chanaan. » Gesenius, Phœnicise 
monumenta, t. il, p. 267. Etienne de Byzance, De 
urbibus, édit. Dindorf, Leipzig, 1835, t. i, p. 464, dit 
formellement ; Xvà, ovtok ■?; "foivi'xï] ÊxaXeïTo. Cf. la 
citation de Philon de Byblbs dans Eusèbe, Prmp. 
evang., I, 10, t. xxi, col. 84 : 'ASeXço; Xvà toû rcptito-j 
u.tTovop.acr9ÉVTOc <&ocvixo;. Chna est une forme apocopée 
de Chanaan. Dans le papyrus Harris, i, 9, lig. 1 et suiv., la 
Phénicie est appelée aussi Kanaan. Voir W. M. Mùller, 
Asien und Europa, 1893, p. 181. Saint Augustin nous 
apprend que de son temps les paysans carthaginois, en 
latin, Pœni, dénomination qui n'est pas différente de 
Phœnices, s'appelaient eux-mêmes Chanani : Interro- 
gati rustici nostri quid sinl, dit-il, In Rom, inch. 
Expos., 13, t. xxxv, col. 2096, punice respondentes 



Chanani... Cf. Gesenius,' Thésaurus, p. 696; Schrô- 
der, Die phônizische Sprache, in-8°, Halle, 1869, p. 6 
(et les citations, ibid.). Sur le nom Chanaan-Phénicie, 
voir W. M. Mùller, Asien und Europa, p. 205-208. 
Le nom géographique de Chanaan ne désigne pas direc- 
tement le peuple qui habitait sur la côte, mais le pays 
lui-même d'après son caractère physique. Chanaan 
signifie « le pays bas », qui longeait la Méditerranée, 
par opposition au pays haut, Aram ou la Syrie, formée 
par les montagnes qui s'élevaient à l'ouest. Cur 
dicta sit terra Chanaan interpretatio hujus nominis 
aperit. Chanaan quippe interpretatur Humilis, 
dit saint Augustin, Enarr. in Ps. cir, 7, t. xxxvn, 
col. 1394. 

3° L'étymologie du mot grec d>oîvi£ est controversée. 
Le nom de la Phénicie paraît tiré, d'après les uns, du 
nom de ses habitants. Les Grecs les appelèrent djoïvixeç, 
d'où les Latins tirèrent Phœnices et Pœni, à cause de la 
couleur rouge-brun de leur peau (çoivôj). R. Pietsch- 
mann, Geschichte der Phônizier, Berlin, 1889, p. 13. 
D'après d'autres, les Hellènes antérieurs à Homère 
donnèrent au pays situé à l'ouest du Liban le nom de 
«Êoivtxr], parce que ce qui les frappa le plus, quand ils 
le visitèrent, ce fut le palmier qui y est indigène et 
élève sa couronne de palmes au-dessus de l'olivier, du 




45. — Monnaie de Tyr. 

Tête diadémée d'Antiochus IV, adroite. - 
ANTioxor. Un palmier. 



R). BAEIAEflE 



figuier et du grenadier; Phénicie veut dire le pays des 
palmiers, <poïvi? signifiant « palmier » en grec. G. Raw- 
linson, History of Phœnicia, 1889, p. 1. Cet arbre 
figure sur des monnaies de Tyr (fig. 45) et de plu- 
sieurs autres villes phéniciennes. Babelon, Les rois de 
Syrie, Paris, 1890, p. xcix, 75 (n° 577, 578), pi. xm, 
n» 12. Voir, pour d'autres monnaies phéniciennes re- 
produisant le palmier, Schrôder, Phônizische Sprache, 
pi. xvm, fig. 11, 12, 14. 

II. Origine des Phéniciens. — La table ethnogra- 
phique de la Genèse, x, 15-18, fait descendre les Phé- 
niciens de Chanaan, fils de Noé. Elle énumère parmi 
les fils de Chanaan, Sidon, son premier-né, l'Aracéen, 
le Sinéen, l'Aradien et le Samaréen, c'est-à-dire que 
Sidon, Arca (voir Aracéen, t. i, col. 866), Arad ou 
Arvad et Simira, qui comptaient parmi les principales 
villes de Phénicie, furent fondées et habitées par les 
descendants de Chanaan. Sidon fut en effet tout d'abord 
la ville la plus florissante du pays, et Tyr, qui n'est pas 
nommée dans le Pentateuque et n'apparaît que dans le 
livre de Josué, xix, 29, n'acquit que plus tard la préé- 
minence. Voir Tyr, Sidon. 

On croit généralement que les Phéniciens ont émi- 
gré des bords du golfe Persique sur les rives de la 
Méditerranée environ 3000 ans avant notre ère. Héro- 
dote, i, 1 ; vu, 89; Strabon, XVI, m, 2; Justin, XVIII, 
m, 2. Ce dernier, abréviateur de Trajan Pompée, dit : 
te La nation syrienne fut fondée par les Phéniciens, qui 
étant troublés par un tremblement de terre, quittèrent 
leur pays d'origine et s'établirent d'abord sur les bords 
du lac Assyrien (probablement le Bahr Nedjif, dans le 
voisinage de Babylone) et puis sur les bords dé la 
Méditerranée, où ils bâtirent une ville qu'ils appelèrent 
Sidon, à cause de l'abondance du poisson, car les Phé- 
niciens appellent le poisson sidon », Ces affirmations 



231 



PHENIGIE 



232 



ont été contestées, mais le fond paraît exact. G. Rawlin- 
soft, History of Phœriicia, p. 54. Quel a été leur ber- 
ceau primitif? Nous l'ignorons. On en fait assez générale- 
ment aujourd'hui un peuple sémitique, surtout à cause 
de sa langue, qui diffère très peu de l'hébreu et est 
apparentée aux autres langues sémitiques, mais il ne_ 
résulte pas de là nécessairement que les Phéniciens 
fassent des descendants de Sem et que l'origine chami- 
tique qui leur est attribuée par la Genèse soit controu- 




46. — Carte de la Phénicie. 

vée. Les Phéniciens, commerçants par goût et par tem- 
pérament, ont pu adopter la langue des nations et des 
tribus avec lesquelles ils étaient en affaires. Il est pos- 
sible aussi que Sémites et Chamites aient parlé long- 
temps la même langue et que les Phéniciens vivant au 
milieu des Sémites aient toujours parlé un idiome 
semblable à celui de leurs plus proches voisins. Cf. Th. 
J. Ditmar, Ueber das Vaterland der Phônizier, in-12, 
Berlin (1889). 

III. Le pays. — 1° Etendue. — La longueur de la 
Phénicie a varié aux diverses époques et les anciens 
géographes n'ont eu qu'une idée assez vague de ses di- 
mensions. Si on l'étend du cap Possidi à Rhinocolure, 
elle eut en ligne droite, environ 610 kilomètres de lon- 
gueur, mais, en général, les Phéniciens n'ont pas de 
beaucoup dépassé le mont Carmel. Pomponius Mêla, 



Chorogr., t, 11-12, édit. Teubner, p. 15-16, en remon- 
tant du sud au nord la fait commencer à Joppé (fig. 46). 

De la frontière d'Egypte au mont Carmel, sur une 
longueur de 240 kilomètres, on ne rencontre aucun 
promontoire, aucune baie digne de ce nom. Du Carmel 
qui s'avance assez avant dans la mer et offre un refuge 
aux navires, jusqu'à Beyrouth, pendant 146 kilomètres, 
la côte est presque régulière. Ce n'est qu'au nord de 
Beyrouth que la ligne de côtes devient accidentée. De 
cette ville à Tripoli, elle est coupée par plusieurs pro- 
montoires et plusieurs baies. A partir de là, de Tripoli 
à Tortose (Antaradus), la mer fait une forte échancrure 
dans les terres. J usqu'au delà de Gabala, la côte remonte 
vers le nord avec peu de sinuosités, mais ensuite, jus- 
qu'au cap Possidi, elle est très irréguliére; les monts 
Bargylus et Casius se prolongent dans (a mer et forment 
des promontoires dont le cap Possidi est le plus remar- 
quable. 

La largeur du territoire occupé par les Phéniciens 
sur le rivage de la Méditerranée variait de 12 à 15 kilo- 
mètres à 50. La frontière orientale était l'arête monta- 
gneuse qui sépare les eaux qui se déversent dans la 
mer à l'ouest,, de celles qui se déversent à l'est dans 
l'Oronte, le Litany et le Jourdain. Entre ces montagnes 
et la mer, on trouve des plaines d'alluvion et sur le 
rivage même une bande de sable blanc, plus ou moins 
large, qui se distingue par sa finesse et par son excel- 
lente qualité siliceuse, spécialement dans le voisinage 
de Sidon et au pied du mont Carmel. 

2° Plaines et montagnes. — Les plaines les plus 
remarquables sont celles de Saron, d'Accho, de Tyr, de 
Sidon el de Marathus. Les montagnes qui appartiennent 
ou se rattachent à la Phénicie sont le Carmel, le Casius, 
le Bargylus et le Liban. Voir Carmel 2, t. u, col. 290, et 
Liban, t. iv, col. 1277. Le Bargylus des anciens, Ansay- 
riéh ou Nasariyéh des modernes s'étend de l'Oronte 
près d'Antioche à la vallée de l'Éleuthérus. L'eau y 
abonde et là prennent naissance le Nahr-el-Kebir qui 
a son embouchure près de Latakiéh, le Nahr-el-Melk, 
le Nahr-Amrit, le Nahr-Kublé, le Nahr-el-Abratb, etc. 
Le Liban était la chaîne la plus importante, la défense 
naturelle la plus forte de la Phénicie ; les armées étran- 
gères n'osaient guère s'aventurer à l'ouest de ses cimes. 

3° Climat. — Le climat de la Phénicie est très varié, 
à cause de l'étendue de ses côles et de la diversité des 
altitudes. Pendant l'hiver, les tempêtes sont nombreuses 
et la pluie abondante, la navigation, interrompue et 
même impossible, mais de mai à octobre, le baromètre 
varie fort peu, le ciel est sans nuage et sans pluie. 

4» Productions. — Le sol produit le palmier qui, 
autrefois surtout, était très abondant, le sycomore, le 
pin maritime, le platane, sur la côte; et dans les mon- 
tagnes le cèdre, « la gloire du Liban », le pin d'Alep, le 
cyprès, etc., le chêne, le noyer, le peuplier et le ca- 
roubier. Les arbres fruitiers indigènes dans le pays 
sont l'olivier, la vigne, le dattier, le noyer et le figuier. 
Voir ces mots. On trouve sur la côte les coquillages 
dont les Phéniciens tiraient la couleur pourpre. Voir 
Pourpre. 

5° Villes principales. — Les principales villes de 
Phénicie, depuis Laodicée au nord jusqu'à Joppé au 
sud, étaient au nombre de vingt-cinq : Laodicée, 
Gabala, Balança, Paltos; Arad on Arvad, Gen., x, 18; 
Ezech., xxvn, 8, avec Antaradus, Marathus, Simyra, 
Orthosiade et Arca; Tripoli, Calamus, Triéris et Botrys; 
Gébal (Byblos), Ezech., xxvn, 9; III Reg., v, 18 (32); 
Aphaca; Béryte, voir Béroth, t. i, col. 1625; Sidon, 
Sarepta et Ornithopolis ; Tyr et Ecdippe ; Accho et Por- 
phyrîon; Dor et Joppé. Sarepta est nommée dans 
l'Écriture, III Reg., xvn, 9-24; Abd., 20; Luc, IV, 26, 
ainsi qu'Orthosiade, IMach., xv, 37, Accho, Dor, Joppé 
et surtout Tyr et Sidon. Voir ces mots. La plaine de 
la Phénicie dans le sens strict s'étendait du Promonto- 



233 



PHÉNIGIE 



234 



rium Album des anciens (Rds el-Beyad ou Abyad des 
modernes), à huit kilomètres environ au sud de Tyr 
jusqu'à l'ancien Bostrenus (Nahr el-Auly des modernes) 
à deux kilomètres au nord de Sidon, Robinson, JBibli- 
cal researches, 2 e édit., 1856, t. n, p. 473, occupant une 
plaine ondulée de 450 kilomètres de longueur. 

IV. Le commerce. — Les Phéniciens sont surtout cé- 
lèbres par leur commerce, leur industrie et leurs navi- 
gations. Doués du génie du négoce, leur trafic nous 
explique toute leur histoire. Il leur avait procuré de 
grandes richesses qui les avaient rendus célèbres. 
Cf. Ps. xliv (xlv), 13; lxxxvi (lxxxvii), 4; Ezech., 
xxvii; Ose., ix, 13;Zach., ix, 2-3. 

« Ce petit peuple, attaché à la frange d'un littoral, 
possédait le monopole des grandes navigations dans la 
Méditerranée et fournissait à 
tous ses voisins les objets pré- 
cieux importés des extrémités 
du monde, aussi bien par les 
voies de terre où cheminaient 
les caravanes, que par les voies 
de mer, pratiquées des navi- 
res. Les Phéniciens avaient 
acquis des ports sur la mer 
Rouge, afin de s'élancer vers 
l'océan des Indes et de visiter 
les côtes de l'Afrique, de l'A- 
sie, même de l'Insulinde, 
=^. r -_ s^ki ainsi qu-'en témoignent nom- 

pi--- i^ïï^Et ^re d'inscriptions phénicien- 

feî" * "-^SWs: nés trouvées à Rejang, dans 
l'île de Sumatra, et datant de 
vingt-deux à vingt-trois siè- 
cles... Pour aller chercher 
l'étain qu'ils vendirent d'abord 
aux Égyptiens, puis aux Hel- 
lènes, de la Petite et de la 
Grande Grèce, les Phéniciens 
avaient même osé franchir les 
portes d'Hercule, et s'aventu- 
rer sur la « mer Ténébreuse ». 
Enfin, devançant de vingt siè- 
cles les Diaz et les Vasco de 
Gama, n'avaient-ils pas, par 
ordre du roi d'Lgypte, Né- 
chao II, accompli la circum- 
navigation complète du con- 
tinent d'Afrique ? Lé récit des 
navigateurs affirmant qu'ils 
avaient vu le soleil d'abord à 
leur droite, puis à leur gau- 
che, pendant ce long périple, 
entraîne Hérodote à douter de l'authenticité de ce voyage 
et c'est précisément ce dire sur lequel s'appuient main- 
tenant les géographes pour conclure à la réalité de 
l'événement. » Elisée Reclus, LaPhénicie et les Phéni- 
ciens, in-8°, Neuchatel, 4900, p. 15-16. 

Les Phéniciens firent leur apprentissage de la navi- 
gation lorsqu'ils habitaient sur les bords du golfe Per- 
sique, en voyageant au moyen de radeaux d'une île à 
l'autre, selon la tradition antique. Pline, H. N., VII, 
lvi, 206, édit. Teubner, 1870, t. n, p. 52. Quand ils se 
furent établis sur le territoire qu'on a appelé de leur 
nom, ils perfectionnèrent peu à peu leurs moyens de 
transport. La situation du pays le rendait très favorable 
pour le commerce. Pomponius Mêla, I, 12; J. Kenrick, 
Phœnicia, Londres, 1855, p. 186-187. Le Liban leur 
fournissait en abondance mi excellent bois de construc- 
tion pour les navires; Chypre, tous les matériaux néces- 
saires pour le grément du vaisseau, de la quille jusqu'aux 
voiles. Nous ne connaissons pas en détail le navire 
phénicien, mais nous savons qu'il faisait l'admiration 
des Grecs. DansXénopbon,i£ , cono)i! v vin, Ischomachos 




47. — Flacon de verre phé- 
nicien, à parfums, trouvé 
à Gamiros, dans l'île de 
Hhodes. — D'après Perrot 
et Chipiez, Histoire de 
l'art, t. m, fig. 522, p. 741. 



dit qu'il n'avait jamais vu de navire mieux disposé qu'un 
vaisseau phénicien. Voir Navire, t. iv, fig. 405, col. 2427. 
Ézéchiel, xxvii, a tracé un tableau célèbre du commerce 
de Tyr, qui était celui de tous les Phéniciens. Cf. Is.. 
xsiii, 2-8. Ils fournissaient à l'ancien monde des pro- 
duits textiles renommés. Damas et l'Arabie lui ven- 
daient la laine à tisser. Ezech., xxvii, 18, 21. Leurs 

8Eïï3 EE^EiœiBŒ 



y 



i i_ 




\\ 

48. — Peigne phénicien en ivoire, trouvé en Espagne. 
Musée du Louvre. 



tissus étaient estimés par-dessus tous les autres, lliad., 
vi, 290, à cause de la beauté et de l'éclat de leurs cou- 
leurs et aussi, souvent, à cause de la délicatesse et de la 
richesse de leurs broderies. Voir Perrot, Histoire de 
l'art, t. in, p. 877. Leurs étoffes de pourpre jouissaient 
d'une grande réputation. Voir Pourpre. 
Le verre était avec les tissus un des principaux objets 




49. — Buste de femme ornée de ses bijoux. Sculpture gréco- 
phénicienne, trouvée à Elché (ancienne Ilici) en Espagne 
Musée du Louvre. 

du commerce des Phéniciens. Voir Verre. Les Égyp- 
tiens le connaissaient avant eux, mais quoiqu'ils n'aient 
pas été les premiers à le connaître, ils l'exploitèrent 
sur une large échelle et avec le plus grand succès. Sidon, 
Tyr et Sarepta se distinguèrent par leurs manufactures. 
Il fut exporté dans tout le monde ancien et l'on en a 
retrouvé de très beaux échantillons, transparents ou 
demi-transparents et diversement colorés (fig. 47). 

L'art céramique en Phénicie fut loin d'égaler celui 
du verre, mais ils fabriquaient de. la poterie à bon 
marché et la répandirent ainsi très loin. Strabon, III, y, 



235 



PHÉNICIE 



236 



11 ; Scylax, Periplus, 112, dans Geogr. min., édit. Di- 
dot, t. r, p. 94. Ils fabriquaient aussi des objets de toi- 
lette, comme le peigne en ivoire qui a été retrouvé en 
Espagne (fig. 48), et des bijoux de toute sorte (%. 49). 
Les ouvriers phéniciens étaient aussi habiles en mé- 
tallurgie, comme ils le montrèrent dans la fabrication 
des deux colonnes du temple de Salomon, voir III Reg., 
vu, 21 ; et des ustensiles en bronze destinés au service, 
du même temple, III Reg., vu, 14; II Par., h, 14. Ils 



l'Assyrie, la Mésopotamie (Haran), l'Arménie (Thogor- 
mah), l'Asie Mineure, l'Ionie, Cypre, l'Hellade (Javan), 
l'Espagne (Tharsis). Avec les uns, les Phéniciens fai- 
sant leur commerce par terre; avec les autres, par mer. 
Grâce à leurs découvertes géographiques et à leurs dé- 
couvertes astronomiques qui leur permirent de navi- 
guer en pleine mer, sans s'astreindre à longer seule- 
ment les côtes, ils élargirent sans cesse le cercle de 
leur commerce. Ils établirent un peu partout des 




50. — Coupe de travail phénicien, trouvée dans l'Ile de Chypre. Musée du Louvre. 



fabriquaient pour l'exportation de nombreux objets en 
métal, statuettes, coupes, patères, etc., et les vendaient à 
l'étranger (fig. 50). ZKad.,xxm, 740-744; Odys., iv, 615; 
xv, 115. Leur art est de qualité inférieure; c'est une 
imitation un peu gauche et maladroite de l'art assyrien 
et surtout de l'art égyptien, mais ces œuvres n'en fai- 
saient pas moins leur chemin à travers le monde qui, 
en dehors des bords de l'Euphrate et du Nil, ne con- 
naissaient rien de mieux dans ces temps antiques. Voir 
G. Perrot, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. m, 
p. 403-439, 518-535; Clermont-Ganneau, - L'imagerie 
phénicienne, Paris, 1880, p. 2. 

Ézéchiel, dans son chapitre xxvn, énumère une partie 
des pays avec lesquels trafiquait la ville de Tyr : la Syrie 
Damas, la Palestine, l'Egypte, l'Arabie, la Babylonie, 



comptoirs qui facilitèrent leur négoce. Voir A. Daux, 
Recherches sur les emporta phéniciens, dans le Zeugir 
et le Bysacium, in-8», Paris, 1869. 

Les Phéniciens achetaient en Palestine les chênes de 
Basan, pour en faire des rames, Ézech., xxvn, 6, le 
froment de Mennith (voir Mennith, t. iv, col. 972), le 
baume, le miel, l'huile et la résine, f. 17, les ceintures 
fabriquées par les femmes israélites, Prov., xxxi, 24, et 
sans doute toutes les productions du pays. Cf. Joël, 
in, 3-6, En échange, ils donnaient les étoffes et les 
bijoux de leurs artistes (fig. 51); les Tyriens allaient 
vendre leur poisson jusqu'à Jérusalem, avec toute espèce 
de marchandises, omnia venalia, et ce ne fut pas sans 
peine que Néhémie les obligea à respecter le repos du 
sabbat. II Esd., xih, 16-21. . 



237 



PHÉNICIE 



238 



Les Phéniciens n'exercèrent pas toujours leur com- 
merce sans violer les lois de la justice. Ils s'étaient 
souvent rendus odieux par leurs pirateries et par leurs 
rapines. Ils enlevaient par la ruse et la violence tous 
ceux qu'ils pouvaient surprendre, hommes, femmes, 
enfants, pour les vendre comme esclaves. La fraude, 
«7tan)}.ia, Odyss., xiv, 883, était pour eux, en même 




51. — Bijoux phéniciens sur une statue de femme drapée, trou- 
vée dans les ruines du temple de Gurium en Chypre. Pierre 
calcaire. Le vêtement forme des plis très marqués. La tête 
manque. Autour du cou, une petite chaîne à laquelle était sus- 
pendu un objet brisé. Au-dessous un collier à gros grains; 
plus bas, deux autres grands colliers auxquels sont suspendus 
des ornements en forme de glands; enfin, traces d'un qua- 
trième collier qui paraît porter un ornement en forme de tête 
de taureau. Une longue chaîne, travaillée avec beaucoup d'art, 
descend du cou jusqu'au-dessous de la main droite; quatre 
anneaux sont attachés à l'ornement en forme de lyre que deux 
têtes d'aspic nouent à la chaîne. Aux bras, un bracelet. — 
D'après di Cesnola, Atlas, in-f", part. 2, pi. ex, fig. 588. 

temps que la vente de leurs marchandises, un moyen 
de s'enrichir. Hérodote, II, 56; v, 58; Odyss., xiv, 290; 
xv, 415-484; Cicéron, De Rep., m, 36; Thucydide, i, 8. 
Le mensonge leur était familier pour dissimuler leurs 
voyages et las sources de leurs profits. Le ^£û<tu;« 
<{>oiv!xtx6v "était devenu proverbial. Strabon, III, v, 5, 
Étymologic. Magn., édit. Craisford, Oxford, 8, 48, 
p. 797. Gf. Hérodote, m, 107, HO, 111, 115. Un capi- 
taine phénicien, qui allait de Cadix au pays de l'étain 
(Cassitérides), s'étant aperçu qu'il était suivi par uu 
navire romain, n'hésita pas à aller briser le sien sur la 



côle pour ne pas révéler le pays où il allait s'approvi- 
sionner. L'État le dédommagea de sa perte volontaire. 
Les Phéniciens réussirent ainsi à conserver longtemps 
l'empire de la mer. On comprend sans doute que ce 




52. — Buste supposé de Melkarth. Musée du Louvre. 

peuple de marchands ne négligeât rien pour cacher à 
ceux qui seraient devenus leurs conçu rrents les routes 
qui leur servaient à faire fortune, mais il eût été dési- 
rable pour leur honneur qu'ils n'eussent employé que 
des moyens honnêtes dans leur trafic. Il faut d'ailleurs 
reconnaître qu'ils rendirent aussi de véritables services. 
Malgré leur rapacité et leurs pillages trop fréquents, 
les marchands phéniciens étaient ordinairement reçus 
avec bienveillance par les pays qu'ils visitaient et à qui ils 
vendaient des objets estimés, qu'ils étaient seuls à four- 
nir. Ils méritaient ce bon accueil, parce qu'ils achetaient 




53. — Autel phénicien de Hagiar Kim. Malte. 
D'après Perrot, Histoire de l'art, t. m, p. 304, fig. 229. 

aux indigènes leurs produits, qu'ils les intéressaient et les 
instruisaient par les récits plus ou moins fabuleux de 
leurs voyages et leur apportaient un luxe et des élé- 
ments de bien-être inconnus. Le premier vaisseau, a-t- 
on dit, qui partit du port de Sidon pour aller trafiquer 
à l'étranger, emportait dans ses flancs la civilisation et 
le progrès. Progrès très relatif, il est vrai, mais progrès 



239 



PHENICIE 



240 



cependant, quoique matériel surtout. Quand ils inven^ 
tèrent l'écriture alphabétique et la communiquèrent aux 
Grecs, ils devinrent les bienfaiteurs de l'humanité et 
ils supplantèrent peu à peu toutes les écritures impar- 
faites imaginées jusque-là. "Voir Alphabet, 1. 1, col. 402. 
Ils ne nous ont guère laissé d'ailleurs que quelques 
inscriptions, la plupart religieuses, et point de littéra- 
ture, absorbés qu'ils étaient par leurs opérations mer- 
cantiles. L'existence de Sanchoniaton est révoquée en 
doute, Philon de Byblos et les autres écrivains anciens 
qu'a produits la Phénicie ne sont pas antérieurs au 
commencement de notre ère. 
V. Religion. — La religion des Phéniciens eut une 




54. — Prêtre carthaginois. Musée Lavigerie à Carthage. 

grande influence sur les Israélites, à toutes les époques de 
leur histoire et particulièrement à l'époque d'Achab, où 
la reine Jézabel, Phénicienne d'origine, et fille d'Ithobal, 
grand-prêtre d'Astarthé (Ménandre d'Éphèse, fragm. 1, 
dans les Hist. grssc. fragm., édit. Didot, t. iv, p. 446), vou- 
lut la faire dominer par la force dans le royaume des 
dix tribus. Le voisinage et la prospérité de la Phénicie 
ne pouvaient manquer d'exercer une fâcheuse influence 
sur les Israélites, déjà enclins par eux-mêmes à l'ido- 
lâtrie. Aussi adorèrent-ils les dieux de Tyr et de Sidon 
et pratiquèrent-ils les rites de leur religion. Jud., x, 6. 
A la tête du panthéon phénicien étaient le dieu Baal 
et sa compagne, la déesse Astarthé ou Astoreth. Voir 
Baal, t. î, col. 1315, et Astarthé, col. 1180. Chaque 
ville eut son Baal; de là les Baalim, Jud., il, 11 ; m, 7; 



x, 6, etc., Baal-samin ou des cieux, Baal des mouches, 
voir Béelzébub, t. i, col. 1547, etc. Les autres prin- 
cipales divinités phéniciennes furent El, Melkarth 
(fig. 52), Dagon, t. n, col. 1204; Hadad, t. m, col. 391. 
Adonis, voir Thammuz, Sydik, Eschmûn, les Cabires. 
Onca, Tanith, Tanata ou Anaïtis, Baalith, Baaltis ou 
Beltis. On honorait ces divinités par des sacrifices et 
par des hymnes, des processions et des offrandes votives. 
On élevait des temples et des autels en leur honneur 
(fig. 53). Des prêtres (fig. 54) et des prêtresses (fig. 55) 
étaient attachés à leur service. Leur culte était désho- 
noré par des sacrifices humains, Porphyre, De abstin., 




i-j 



55. — Prêtresse carthaginoise. Musée Lavigerie à Carthage. 

il, 56; Quinte Curce, rv, 15; cf. ,1er., xix, 4-5; Mich., vi, 
7; IV Eeg., m, 27; xvi, 3; xxi, 6, et par des pratiques 
licencieuses. Ovide, Metam., x, 240; Hérodote, I, 199; 
Justin, xvm, 5; Eusèbe, Vita Const., m, 55, 3, t xx, 
col. 1120; Lucien, De Dea Syra, 50-52; Corpus inscript, 
semit., t. i, fasc. 1, p. 92. Les Phéniciens n'avaient 
qu'une idée vague de l'immortalité de l'àme, mais ils fai- 
saient des provisions pour la vie d'outre-tombe. « Après 
la pluie le soleil brille de nouveau, » lit-on sur une in- 
scription funéraire. Gesenius, Monum., p. 147. Us 
étaient très religieux à leur façon et ils faisaient fré- 
quemment des vœux à leurs dieux, comme le prouvent 
spécialement les nombreuses stèles votives trouvées à 
Carthage, voir Corpus inscript, semit., part, i, t. i, et 
les ex-votos trouvés en grande quantité en Chypre, où 
le temple de Golgi a fourni à ceux qui l'ont fouillé 228 



241 



PHENIGIE 



242 



statues votives, et une seule chambre du trésor de Cu- 
rium plus de trois eents^ objets consacrés, en argentou 
argentés. Di Gesnola, Cyprus, p. 146, 325, 306-334. 

VI. Histoire. — i. caractère de leur gouverne- 
ment.— Les villes phéniciennes étaient autonomes, lors-~ 
qu'elles apparaissent dans l'histoire, et sous le gouver- 
nement d'un roi; pendant la période de la prépondé- 
rance égyptienne, de 1600 à 1350 environ, aucune d'elles 
ne paraît avoir prédominé sur les autres. Elles tenaient 
surtout à la liberté de leur commerce; le reste semble 
leur avoir importé peu; elles n'ont jamais eu le goût 
des conquêtes; elles se soumettaient même sans trop 
de difficulté aux rois d'Egypte et d'Assyrie plus forts 
qu'elles et leur payaient tribut, quand ils faisaient cam- 
pagne contre leur territoire. Une inscription égyptienne 
antérieure à Moïse est à ce sujet très significative. 

Sur le tombeau de Rekhmara qui fut préfet de Thèbes 
sous Thothmès III (XVIII e dynastie), on voit le défunt 
recevant au nom du Pharaon les hommages des nations 
tributaires. Parmi elles sont représentés les Phéniciens 
(fig. 56). « Viennent, dit l'inscription, et sont les bien- 
venus les princes de Phénicie et des îles qui sont au 



und Europa, p. 208-212, nie que les Fenh = Fenkhu des 
textes hiéroglyphiques soient lesPhéniciens mais, quoi 
qu'il en soit de ce nom, les guerres des Pharaons contre 
le pays sont historiques. 

m. suprémat[e de siBON. — Ce qu'ils faisaient à 
l'égard des Égyptiens, auxquels ils payaient tribut dans 
l'intérêt de leur commerce, les Phéniciens le firent à 
l'égard de presque tous leurs vainqueurs, à toutes les 
périodes de leur histoire. Après avoir été à peu près 
égales entre elles, les cités phéniciennes acquirent ce- 
pendant plus ou moins d'importance. Aradus (Arvad) 
et surtout Sidon exercèrent d'abord une certaine supré- 
matie. Du temps d'Homère, tous les marchands de Phé- 
nicie n'étaient connus que comme Sidoniens. Itiad., 
xxhi, 743-748; mi, 290-295; Odys., iv, 613-619; xv, 460. 
Avec le déclin de la puissance égyptienne, après 
Ramsès II, du temps de Moïse, Sidon se fit connaître 
comme « Sidon la grande ». Jos., xi, 8; xix, 28. Son 
territoire s'étendit jusqu'à Laïs (Dan). Jud., xvm, 
7-8. Ce fut sans doute la crainte qu'inspirait son pou- 
voir qui empêcha les Hébreux, lors de la conquête de la 
Terre Promise, de s'emparer de villes qui n'auraient 




56. — Phéniciens apportant leur tribut en Egypte. Tombeau de Rekhmara. 
Mémoires de la mission du Caire, t. v, fasc. i, pi. v. 



milieu de la Grande Verte (la mer), à l'état de courbés 
et d'inclinés pour les volontés de sa majesté le roi du 
midi et du nord, Ramenkheper, vivificateur éternelle- 
ment. Ses victoires sur tous les pays [ont porté] chez 
eux le dégoût [de combattre (?)]. Leurs apports sur leur 
dos, ils présentent l'hommage [pour que leur soient 
donnés] les souffles de vie, comme désireux de subsister 
par l'émanation de sa majesté... » Ph. Virey, Le tom- 
beau de Rekhmara, dans les Mémoires de la mission 
du Caire, t. v, fasc. 1, p. 38. Les Égyptiens avaient de 
bonne heure envahi la Phénicie. 

u. la phénicie sous les ÉGYPTIENS. — La plus an- 
cienne inscription égyptienne qui mentionne la Phé- 
nicie la nomme Dahé ou Zahi. W. Max Mûller, Asien 
und Europa, p. 176-182. D'après ses calculs, entre 1587 
et 1562 avant notre ère, Aahmés atteignit son territoire. 
Il nomme des Fenkhu qui travaillaient dans des car- 
rières. Thothmès I er , vers 1541-1516, envahit toute la 
Syrie jusqu'à l'Eupbrate. Thothmès III, vers 1503-1449, 
mentionne la 23 e année de son règne une victoire sur 
les Fenkhu et les autres habitants de la Syrie ; la 29 e an- 
née, il fait une campagne contre les Rutennu, Tunep, 
Arvad et Zahi et s'empare d'un riche butin ; sa 30 e an- 
née, il prend Cédés, Simyra et Arvad; sa 34 e année, il 
fait payer tribut au pays de Zahi, de Rutennou et d'Asi 
(Cypre). Aménophis III, vers 1414-1379, tient sous sa 
domination la Phénicie et la Syrie tout entière. Les let- 
tres de Tell el-Amarna nomment les gouverneurs de Tyr, 
de Béryte, de Simyra, de Gebal, d'Accho, de Sidon, etc., 
qui représentaient le Pharaon dans ces villes à cette 
époque. Voir Keilinschrifiliche Bibliothek, t. v, 1896, 
p. 131, 133, 151, 267, 271, etc. Ramsès II envahit à son 
tour le pays et une inscription de lui se voit encore près 
du Nahr-el-Kelb (le Lycus). — M. W. M. Mûller, Asien 



pu leur résister par leurs propres forces, Accho, Acha- 
zib, Aphec, Jud., I, 31; cf. Eccli.,XLVi, 21, et qui avaient 
été attribuées à Aser, lors du partage de la Terre 
Sainte. Cf. Jos., xix, 26. 

Les cités du voisinage de Sidon, Sarepta, Heldun, 
peut-être Béryte (Beyrouth), Ecdippe et Accho acceptèrent 
sa suzeraineté. Elle se distingua particulièrement pen- 
dant cette période par ses progrès dans les arts, dans la 
guerre et dans la navigation. Les premiers navigateurs 
grecs les rencontrèrent dans toutes les parties de la 
Méditerranée où ils s'aventuraient, et l'on savait qu'ils 
fréquentaient de plus des régions inconnues à l'Héllade. 
Une guerre qu'ils eurent à soutenir contre les Philis- 
tins, qui s'étaient établis au sud de leur pays sur les 
rives de la Méditerranée, leur mérita une grande répu- 
tation d'audace, mais elle fut pour eux un échec fatal 
à leur puissance. Les Philistins, conduits par le chef 
des Ascalonites, assiégèrent Sidon par terre, la bloqués 
rent et voulurent la forcer à se rendre, mais ses habi- 
tants se sauvèrent par mer et se réfugièrent à Tyr, Jus- 
tin, Hist.P/uHpp., xvm, 3. Avant cette défaite, à l'époque 
des Juges et antérieurement à la judicature de Jephté, 
les Sidoniens avaient opprimé les Israélites, Jud., x, 
12, mais nous n'avons aucun détail à ce sujet. 

iv. suprématie de tyr. — L'hégémonie passa alors 
à Tyr. C'était vers 1250 avant notre ère. Voir J. Kenrick, 
Phœnicia, p. 343. Elle dura jusqu'en 877. Du temps de 
Josué, Tyr est appelée « une ville forte », Jos., XIX, 29 
et elle ne le cédait probablement alors qu'à Sidon en 
importance. L'arrivée dans ses murs des Sidoniens 
vaincus lui assura la suprématie. Dans le Voyage d'un 
Égyptien, trad. Chabas, 1866, p. 169, vers 1350, elle est 
mentionnée comme un port « plus riche en poissons 
qu'en sable ». Vers 1130, la colonisation de Gadés 



243 



PHÉNIGIE 



244 



(flg. 57), au delà des colonnes d'Hercule, sur le rivage 
de l'Atlantique, marque un nouvel élan et une hardiesse 
plus grande qu'auparavant dans les entreprises commer- 
ciales et dans le rayon d'action de la Phénicie. Ce fu- 
rent les Tyriens qui effectuèrent les plus longs voyages, 
Hérodote, i, 1, et qui cherchèrent à nouer le plus de 
relations pour ouvrir à leur commerce toute espèce de 
débouchés. L'histoire sainte nous en fournit des exem- 
ples remarquables. Lorsque David fut acclamé roi à 
Hébron, Abi-Baal occupait le trône de Tyr (flg. 58). Dius, 




57. — Monnaie de Gadès. 

Tête d'Alexandre le Grand. — S|. Meba'alé Agadir. 

« Des citoyens de Gadès ». Deux poissons. 

Fragm. n; Ménandre, Fragm. i, dans Histor. Grœc. 
fragm., édit. Didot, t. iv, p. 398, 446. Cf. Josèphe, 
Cont. Apion., I, 17, 18. Il eut pour successeur son 
fils Hiram, âgé de dix-neuf ans. lbid. Celui-ci semble 
avoir discerné promptement les hautes qualités de Da- 
vid et le profit qu'il pourrait tirer de son alliance, Peu 
après la prise de Jébus par le jeune roi, il lui envoya 
des ambassadeurs avec des cèdres du Liban, des maçons 
et des charpentiers pour lui bâtir un palais. I Par., xiv, 
1. Cf. II Reg., Vil, 2. Les bonnes relations durèrent 




58. — Sceau en sardoine ayant appartenu bï3 >3!<S à « Abi-Baal. » 
Musée de Florence. Grossi au double. 



pendant tout leur règne. III Reg., v, 1. Lorsque David 
prépara les matériaux pour la construction du temple 
de Jérusalem, les sujets d'Hiram, Sidoniens et Tyriens, 
« lui apportèrent beaucoup de cèdres. » I Par., xxn, 4. 
Sous son fils Salomon, les rapports devinrent encore 
plus étroits. A la mort de David, Hiram lui envoya une 
ambassade. III Reg., v, 1; Josèphe, Ant. jud., VIII, 
n, 6, et Salomon en profita pour lui demander son 
concours dans l'œuvre de la construction du Temple. 
Josèphe reproduit les lettres qu'il dit avoir été échan- 
gées entre les deux monarques en cette circonstance; il 
assure qu'elles étaient conservées dans les archives de 
Tyr et de Jérusalem. Ant. jud., VIII, n, 7-8. Il leur 
fut facile de s'entendre. Les Phéniciens avaient tout in- 
térêt à vendre leur bois du Liban et à recevoir en 
x échange les denrées qui abondaient en Palestine, et dont 
la -Phénicie avait besoin pour sa nombreuse popula- 
tion. L'accord fut conclu à ces conditions : Salomon 
fournirait annuellement ,pendant la durée du contrat, 
20000 cors d'orge, autant de froment, 20000 baths 
d'huile et la même quantité de vin. III Reg., v, 3-12. 



Les Phéniciens donneraient en échange les bois néces- 
saires et les ouvriers qui dirigeraient et exécuteraient 
les travaux de construction et de décoration. Hiram 
avait fait élever lui-même des temples à ses dieux, 
Melkarth et Astoreth, Ménandre, Fragm. i, p. 44<5; il 
envoya au roi d'Israël un excellent architecte qui s'ap- 
pelait aussi Hiram. 

La construction du temple de Jérusalem et au palais 
royal dura vingt ans. III Reg., vi, 38; vu, 1; cf. ix, 10. 
Quand tout fut achevé, Salomon, pour reconnaître les 
services que lui avait rendus Hiram, lui céda de son 
propre gré vingt villes de Galilée, dans le voisinage 
d'Acho, qui faisait probablement partie du royaume de 
Tyr. A cause de ce voisinage, elles semblaient donc 
devoir être à la convenance du roi phénicienn, mais 
elles étaient placées sur un plateau nu et désolé, qui 
déplut au prince tyrien; il exprima son mécontente- 
ment en donnant au territoire le nom de Chabul, « re- 
but, balayures. » III Reg., ix, 10-13. Voir Chabul, t. n, 
col. 473. Leur amitié mutuelle n'en fut pas d'ailleurs 
rompue pour cela. Saint Justin, Dial. curn Tryph., 34, 
t. xi, col. 549, reproche â Salomon d'avoir adoré les 
idoles à Sidon. Ménandre, Fragm. Il, p. 447 (dans 
Clément d'Alexandrie, Strom. i, 21, t. vin, col. 840), 
raconte que le roi de Tyr lui donna une de ses filles en 
mariage. Cf. III Reg., xi, 1 (Sidoniennes). Quoi qu'il 
en soit de ces faits, il est certain que les deux rois 
s'entendirent pour aller faire un commerce fructueux à 
Ophir. Voir Ophir 2, col. 1289. Les Phéniciens étaient 
les maîtres de la Méditerranée, mais il ne l'étaient pas 
de la mer Rouge. Ils fournirent des matelots au roi de 
Juda qui mit à profit leur habileté dans le golfe Per- 
sique, III Reg., ix, 26, ce qui les enrichit les uns et les 
autres. 

Hiram mourut à l'âge de 53 ans, après un règne de 
33 ans. Il eut pour successeur son fils Baléazar. Ménandre 
Fragm. i, p. 446. Après lui, le trône fut occupé par 
Abd.-Asboreth, qui périt de mort violente. Dans l'espace 
de 34 ans, trois rois moururent assassinés et la dy- 
nastie régnante fut changée trois fois, Ithobal ou Eth- 
Baal, en montant sur le trône, y ramena la tranquil- 
lité. Il était en môme temps grand-prêtre d'Astoreth. 
Il fit alliance avec Achab, roi d'Israël, et lui donna sa 
fille Jézabel en mariage. III Reg., xvi, 31. Ménandre lui 
attribue la fondation de Botrys, sur la côte, au nord de 
Gebal. Fragm. iv, p. 447. En fondant cette ville, Ithobal 
avait peut-être pour but de se défendre contre l'Assy- 
rie qui était alors pour la Phénicie une menace per- 
pétuelle. 

Ithobal eut pour successeur son fils Balezor ou 
Baal-asar, et celui-ci, son fils Matgen ou Mattan. Tyr 
était alors divisée entre le parti aristocratique et le 
parti populaire. Justin, Hist. Phil., xviu, 5. Mattan 
craignait que le parti populaire ne l'emportât. Pour 
l'empêcher, il donna sa fille Élisa à son frère Si- 
charbas, grand-prêtre de Melkarth, qui épousa ainsi 
sa nièce et de la sorte devint l'héritier présomptif du 
royaume. A sa mort, Mattan laissait un fils appelé 
Pygmalion, âgé de 8 ou 9 ans. Le parti populaire le 
choisit pour son roi, et Sicharbas et Élisa rentrèrent 
dans la vie privée. Au bout de sept ans, le jeune Pyg- 
malion fit tuer son beau-frère, qui était en même temps 
son oncle. Élisa (Didon), sa sœur, réussit à lui échap- 
per et se sauva avec une flotte d'abord en Chypre, puis en 
Afrique où elle bâtit la ville devenue si célèbre sous le 
nom de Carthage, 143 ans après la construction du 
temple de Jérusalem, raconte Josèphe, "pont, Apion., i, 
18. Sur ce récit, cf. la critique de O. Meltzer, Gesckichte 
der Karthager, 1870, p. 111-141; G. Rawlinson, Phœni- 
cia, p. 122-126. 

Voici la liste des rois de Tyr depuis Hiram jusqu'à 
Pygmalion, avec les années de leur règne, d'après Piet- 
schmann, Geschichte der Phônizier, p. 299. Ménandre, 



245 



PHÉNIGIE 



246 



d'où sont tirés ces chiffres, loc. cit., ne les donne que 
jusqu'à Pygmalion. 

Avant J.-C. 

Hiram 969-936 

Baalbazer 935-919 

Abdastart 918-910 

Metuastart 909-898 

Astharymos . 897-889 

Phellés (8 mois) — 888 

Ithobaal 887-856 

Baalazar. . • 855-850 

Mettenos 849-821 

Pygmalion 820-774 

v. la phénicie sous les AssrRiENS. — Quand les 
Phéniciens avaient été affranchis des invasions égyp- 
tiennes, ils n'avaient pas tardé longtemps à avoir à re- 
douter celles des Assyriens. Il est possible que vers l'an 
1140, Nabuchodonosor I er , roi de Babylone, ait fait déjà 
une incursion en Phénicie. Cf. Winckler, Geschichte 
Babyloniens und Assyriens, 1892, p. 95 et notel8,p. 329, 
mais les Assyriens devaient être pour ce pays un ennemi 
bien plus à craindre. Théglathphalasar I er , vers 1100, 
poussa ses troupes jusqu'à la Méditerranée près d'Arvad. 
Au IX e siècle, vers 877, sous le règne d'Ithobal, Assurbani- 
pal pilla le pays. Eb. Schrader, Keilinschriftliche Biblio- 
thek, t. i, 1889, p. 122. La Phénicie n'eut pas moins à 
souffrir qu'Israël sôus les successeurs de ce prince. 
Parmi les tributaires de Salmahazar II figurent Tyr, 
Sidon, Gebal, et Arvad, de même que Jéhu d'Israël. 
Mattanbaal d'Arvad combattit contre les Assyriens avec 
Achab d'Israël à la bataillé de Karkar (854 avant J.-C). 
Au vm e siècle, Théglathphalasar III, qui ravagea Israël, 
reçut aussi le tribut d'Arvad, de Tyr et de Gébal, à qui 
il fit plusieurs fois la guerre. Voir Pietschmann, Ge- 
schichte der Phônizier, p. 299 sq., Salmanasar IV, 
d'après un fragment de Ménandre, dans Joséphe, Ant. 
jud., IX, xiv, 2, assiégea Tyr pendant cinq ans. Les 
ennemis les plus redoutables d'Israël et puis de Juda. 
Sargon, Sennachérib, Asarhaddon, Assurbanipal tinrent 
la Phénicie sous leur joug. Au vi e siècle, le vainqueur 
de Jérusalem, Nabuchodonosor^H, assiégea Tyr et Sidon. 
Sidon fut prise après avoir perdu par la peste la moi- 
tié de ses défenseurs. Ezech., xxvm, 21-23. Tyr résista 
pendant treize ans. Ménandre, loc. cit. Cf. Ezechiel, xxvi, 
2, 8-12, 17-18, vers 585. Les prophéties contre la grande 
ville phénicienne commençaient ainsi à s'accomplir. 

Les habitants de la Palestine avaient eu plus d'une fois 
à se plaindre de la cupidité et des violences des Phéni- 
ciens. Ps. lxxxii (lxxxhi), 8; Ezech., xxvi, 2; Joël, m, 
3-6; Amos, i, 9; I Mach., v, 15; II Mach., vin, 10. Les 
prophètes avaient prédit le châtiment que Dieu infligerait 
à Tyr et à Sidon. Is., xxm, 1-17; Jer., xxv, 22; xxvii, 
3; xlvii, 4; Ezech., xxvi-xxvm; Ose., ix, 13-15; Joël, m, 
4-8; Amos, i, 9-10; Zach., ix, 3-7. Ces menaces ne de- 
vaient cependant s'exécuter complètement que plus tard. 
— La Phénicie passa du joug de Babylone sous celui de 
Cyrus, vainqueur de Nabonide et de Baltassar. 

VI. LA PHÉNICIE SOUS LA DOMINATION PERSE ET 

grecque. — Les Phéniciens n'eurent pas alors à se 
plaindre de la domination perse. Cyrus ne les inquiéta 
pas. Cf. Hérodote, m, 19, 44. Vers cette époque ils 
purent fournir des matériaux aux Juifs pour la recon- 
struction du temple de Jérusalem, I Esd., m, 7, et ils 
furent payés en blé et en vin. Cambyze les comprit 
dans la même satrapie que la Palestine, la Syrie 
et Cypre, et il eut recours à leur marine. Héro- 
dote, m, 19. Il n'essaya pas de les forcer à le 
servir contre Carthage. Leurs marins aidèrent les 
Perses contre les Grecs, jusqu'en 351 où Sidon se ré- 
volta. Ochus les soumit bientôt. — Ils conservèrent leurs 
rois jusqu'après la bataille d'Issus (333), où ils furent 
asservis par Alexandre le Grand, qui infligea un long 
siège et un dur châtiment à Tyr. Voir Tyr. Après la 



mort d'Alexandre, la Phénicie échut à Laomédon, en 
320 à Ptolémée Lagus, en 314 à Antigone. En 287, elle 
fut de nouveau soumise à Ptolémée Lagus, et elle de- 
meura pendant près de. 70 ans sous la domination des 
Lagides qui les gouvernèrent avec sagesse, jusqu'au 
règne de Philopator. Ce roi monta sur le trône en 222, et 
se montra faible et mauvais administrateur. Antiochus III 
en profita. En 219, il chassa les Égyptiens de Séleucie, 
le port d'Antioche, et prit possession de Tyr et d'Accho 
qui avait reçu alors le nom de Ptolémaïde. En 198, à la 
suite de la victoire d'Antiochus sur Scopas, Polybe, xvi, 
18; Joséphe, Ant. jud., XII, m, 3, la Phénicie devint 
définitivement la possesion des Séleucides. La fonda- 
tion d'Alexandrie l'avait rendue jalouse de l'Egypte ; 
elle s'accommoda fort bien du gouvernement des rois de 
Syrie, qui la traitèrent avec faveur, participèrent à ses 
fêtes, Il Mach., iv, 18, visitèrent ses principales villes, 
II Mach., iv, 44-50. Elle les paya de retour. Tite 
Live, xxvu, 30. Pendant le règne d'Antiochus Épiphane, 
ce prince, ayant condamné injustement à la mort, à Tyr 
même, les Juifs qui avaient dénoncé les crimes de Mé- 
nélas, voir t. iv, col. 964, les Tyriens touchés de leur 
sort, leur donnèrent une sépulture honorable, II Mach., 
iv, 49, mais il n'en avait pas toujours été ainsi. Ils 
s'étaient joints aux ennemis des Juifs au commencement 
de la persécution. I Mach., v, 15. Plus tard, entraînés 
par leur avidité mercantile, ils acceptèrent les propo- 
sitions des généraux d'Antiochus, quand ils leur offrirent 
de leur vendre à bas prix les prisonniers qu'ils espé- 
raient faire dans la guerre contre Judas Machabée, ce qui 
leur assurerait, en les revendant, un gain considérable. 
_ II Mach., vin, 11. Ils accoururent en foule à la suite de 
l'armée syrienne, I Mach., ni, 41, apportant avec eux 
une grande quantité d'or et d'argent. Nicanor avait 
compté payer avec le bénéfice de la vente des esclaves 
juifs les deux mille talents d'argent que son maître 
Antiochus devait payer aux Romains. II Mach., vin, 10. 
Voir Antiochus IV, t. i, col. 698. Il fut complètement 
battu par Judas Machabée. Les cupides marchands 
phéniciens eurent la vie sauve, mais il leur fallut don- 
ner au vainqueur l'argent qu'ils avaient apporté. 
II Mach., vin., 25; Joséphe, Ant. jud., XII, vu, 4. 
C'est le dernier événement dans lequel les Phéniciens 
se trouvent mêlés à l'histoire juive. — Ils s'hellénisèrent 
de plus en plus sous le gouvernement des Séleucides. 
Leurs monnaies portèrent des légendes grecques à côté 
des légendes phéniciennes, les noms grecs devinrent à 
la mode. Antipater et Apollonius, philosophes stoïciens 
de Tyr, Strabon XVII, n, 22, Philon de Byblos, Dius, 
Théodo.te, Philostrate, Boëthus et Diodote, péripatéci- 
ciens de Tyr, Hermippe de Béryte étudièrent la phi- 
losophie grecque, Strabon, XVII, n, 22; leurs littéra- 
teurs écrivirent leurs ouvrages en grec. 

Vil. LA PHÉNICIE EST SOUMISE AUX ROMAINS. — 

Le royaume des Séleucides prit fin l'an 83 avant J.-C. 
et la Phénicie dut alors se soumettre à Tigrane, le roi 
d'Arménie contemporain de Lucullus et de Pompée. Ce 
ne fut pas pour longtemps. Les Romains attaquèrent 
Tigrane en 69 et ne tardèrent pas à le déposséder de 
la Syrie et de la Phénicie. Ce fut alors la fin pour tou- 
jours de son indépendance. La Phénicie fit partie de la 
province de Syrie sous un proconsul ou un propréteur. 
Cependant Tyr, Sidon et Tripoli restèrent cités libres. 
Les Actes, xn, 20-23, supposent cette autonomie relative. 
Ils nous apprennent qu'Hérode Agrippa était en dis- 
cussion l'an 44 avec Tyr et Sidon et que ces deux villes 
lui envoyèrent une ambassade à Césarée pour calmer sa 
colère. Hérode ne leur aurait point cherché querelle, si 
ces cités avaient été complètement gouvernées par Rome, 
car autrement il aurait eu sur les bras les Romains 
eux-mêmes, ce à quoi il n'aurait eu garde de s'exposer. 
vin. le christianisme en phénicie. — Le chris- 
tianisme ne tarda pas à s'implanter en Phénicie, comme 



247 



PHENICIE 



PHERATH 



248 



l'avaient prédit les prophètes. Ps. lxxxvi (lxxxvii), 4; 
cf. Zach., ix, 4. Notre-Seigneur avait daigné visiter le 
pays deTyr et de Sidon, dont il avait déclaré l'incrédu- 
lité moins coupable que celle des Juifs, Matth., xi, 21-22 ; 
Luc, x, 13-14, et il avait guéri la fille de la Ghananéenne 
qui était possédée. Matth., xv, 21 ; Marc, vu, 24-31. Des 
Phéniciens avaient été témoins de ses miracles, Luc, vi, 
17. Quelques-uns des nouveaux chrétiens qui avaient 
quitté Jérusalem après le martyre de saint Etienne se 
dispersèrent en Phénicie et y prêchèrent la foi aux 
3uiîs qui habitaient le pays. Âct., xi, 19. Quand 
saint Paul, lors de son troisième voyage de mission 
(an 58), se rendant en Palestine à son retour de Grèce 
et d'Asie Mineure, débarqua à Tyr, il y trouva une église 
déjà établie et y séjourna pendant sept jours, bien ac- 
cueilli par les nouveaux, chrétiens, hommes, femmes 
et enfants. Act., xxi, 3-6. Le christianisme fut florissant 
dans cette ville pendant les deux premiers siècles. 
Origéne s'y retira vers 250 et c'est là qu'il mourut. 

VII. Bibliographie. — Corpus inscriptionum semiti- 
carum, in-f°, part. I, t. i, Paris, 1881-1889; Scylax, Peri- 
plus, dans C. Mùller, Geographi minores, édit. Didot, 
in -4°, Paris, 1855-1861, t. i;Falconer, Voyage of Hanno, 
Londres, 1797; F. C. Movers, Die Phbnizier, 2 tomes en 
4in-8°, Bonn, 1841-1856; Walpole, Ansayrii, in-8», Lon- 
dres, 1851; John Kenrick, Phœnicia, in-8°, Londres, 
1855 ;W. Gesenius, Scripturse linguseque Phœnicim mo- 
numenla, 3 in-4°, Leipzig, 1857; E. Benan, Mission de 
Phénicie, in-4 , Paris, 1864; Voyage d'un Egyptien 
en Syrie, en Phénicie, traduit par Chabas, in-4°, Paris, 
1866; Hans Prutz, Aus Phônizien. Geographische 
Skizzen und historische Studien, in-8°, Leipzig, 1876; 
di Cesnola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877 ; !d., Salanxi- 
nia, in-8», Londres, 1882; G. Perrot et Chipiez, Bistoire 
de l'art dans l'antiquité, t. m, 1885; G. Rawlinson, 
History of Phœnicia, in-8°, Londres, 1889; Id., Phœ- 
nicia, dans Story of the Nations, in-8°, Londres, 1889; 
B. Pietschmann, Geschichteder Phônizier,'\xi-% a y Berlin, 
1889; A. Mayr, Aus den phônischen Nekropolen von 
Malta, in-4°, Munich,1905'; W. von] Landau, Die Beden- 
tttng der Phônizierim Vôlkerleben, in-8", Leipzig, 1906. 

F. Vigouroux. 

PHÉNIX, oiseau fabuleux, dont les auteurs anciens 
font souvent mention. Cf. Métrai, Le Phénix, Paris, 
i82i. D'après Hérodote, n, 73, le phénix arrivait d'Ara- 
bie, tous les cinq cents ans, apportait avec lui le corps 
de son père, enveloppé de myrrhe, et le déposait dans 
le temple du soleil. Lucien, Hermot-, 53; Pline, B. N., 
x, 2; Ovide, Amor., n, 6, 54; Metam., xv, 391; Clau- 
dien, Laud. Stil, il, 417; Horapollon, H, 57, etc., font 
aussi mention du phénix. Tacite, Annal., vi, 28, rap- 
porte différentes traditions à son sujet, en concluant que 
<t tout est incertain et augmenté de fables », mais que 
du moins « il est sûr qu'on voit quelquefois cet oiseau 
en Egypte. » On a voulu reconnaître le phénix dans 
l'oiseau d'Osiris, le bonau; mais cet oiseau est un van- 
neau ou une espèce de héron. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, t. i, p. 131, note 2. 
Les premiers écrivains ecclésiastiques ont fait grand 
état de la fable du phénix, parce qu'ils y voyaient un 
symbole de la résurrection. "Voici la forme que prend la 
fable dans la Dicfascalie, 20, trad. >!au, Paris, 1902, 
p. 108 : Le phénix se est unique, car s'il avait une fe- 
melle, les hommes en verraient bientôt beaucoup, 
tandis que maintenant on n'en voit qu'un qui entre en 
ngypte tous les cinq cents ans, et va à l'autel qui est 
appelé du Soleil. Il rassemble du cinnamome, puis, 
priant vers l'orient, le feu s'allume de lui-même, le 
brûle et le réduit en cendre; puis, de cette cendre, il 
se forme un ver, qui croit semblable à lui et devient un 
phénix parfait; puis il s'éloigne et retourne d'où il est 
venu. » Cf. lbid., p. 166. La même légende se retrouve 
dans S. Clément, / Cor., 25, t. i, col. 261; les 



Constitutions apostoliques, v, 7, t. i, col. 846 ; Tertul- 
lien, De resur. carn., 13, t. n, col. 811; S. Ambroise, 
De excès, fralr., h, 59, t. xvi, col. 1331, etc. Ces au- 
teurs font séjourner le phénix en Arabie ou dans l'Inde; 
il n'apparaît en Egypte que pour y périr et y renaître. 
— Dans un passage où il parle de ses espérances de 
longue et heureuse vie, Job, xxix, 18, s'exprime ainsi : 

Je disais : Je mourrai dans mon nid, 
J'aurai des jours nombreux comme le hôl. 

Le mot hôl, fréquemment employé dans la Bible 
hébraïque, y a toujours le sens de « sable », et la com- 
paraison du sable est usitée pour donner l'idée d'un 
peuple nombreux, Gen., xxn, 17; Jos., xi, 4; I Reg-, 
xm, 5; I*, x, 22, etc., et aussi d'un petit nombre 
d'années que l'on assimile à un grain de sable. Eccli., 
xvn, 8, 9. Dans ce dernier passage, cent ans sont com- 
parés à un grain de sable ; Job, au contraire, se pro- 
mettait des jours nombreux comme le sable. Cependant 
les massorètes ont noté ici le mot h.ôl d'un signe indi- 
quant qu'il n'a pas le même sens que dans les autres 
passages. Les Septante l'on traduit primitivement par 
çoîviE, qui veut dire à la fois« palmier» et « phénix ». 
Comme le palmier se nomme en hébreu tdmâr et non 
pas })ôl, les Septante avaient donc eu en vue tout d'abord 
le phénix. Pour corriger l'amphibologie du mot grec, on 
substitua ensuite l'expression are/e^oç çbfvcxoç, « trône 
de palmier ». Les talmudistes assurent que dans ce 
passage de Job il est question du phénix, Sanhédrin, 
fol. 108, 2, et les commentateurs rabbiniques affirment 
la même chose. D'après eux, le phénix serait le seul 
de tous les animaux qui aurait refusé de partager le 
fruit défendu avec Eve, et plus tard Noé aurait souhaité 
au phénix une vie sans fin. Cf. Buxtorf, Lexic. lalmud., 
col. 720. Le phénix aurait été appelé holi par les Égyp- 
tiens, si l'on en croit les hiéroglyphes interprétés par 
G. Seyffarth, dans la Zeilschrift der deulsch. morgenl. 
Gesellsch, t. m, p. 64, et lés mots allôê ou alloê, repro- 
duisant Ifôl, sont traduits dans les glossaires coptes- 
arabes par semendel ou semendar, noms communs 
aux deux animaux qui échappent à l'action du feu, la 
salamandre et le phénix. L'idée d'oiseau parait appelée 
dans le texte de Job par celle du nid, mentionné au 
vers précédent, et le phénix était dans l'antiquité le 
symbole de la longue vie; on disait proverbialement : 
cpofvtxoi; ety) pioOv, « vivre les années du phénix ». 
Lucien, Hermot., 53. Il faut observer cependant qu'au 
lieu de qinnî, « mon nid », les Septante, Saint Éphrem 
et Barhebrseus ont lu qdnai pour qânéh, « roseau », 
dans le premier vers, ce qui rendrait moins probable 
la mention d'un oiseau dans le second. Rosenmûller, 
Jobus, Leipzig, 1806, t. H, p. 694; Welte, Das Buch Job, 
Fribourg-en-B., 1849, p. 288; Delitzsch, Das Buch lob, 
Leipzig, 1876, p. 381-383; Knabenbauer, In Job, Paris, 
1886, p. 342, etc., regardent comme possible ou même 
probable la désignation du phénix par le mot hôl. Elle 
ne peut étonner de la part d'un auteur familier avec les 
choses de l'Egypte et de l'Arabie. La mention d'un 
mythe, pris comme simple terme de comparaison par 
un écrivain sacré, ne soulève pas non plus de difficulté, 
cette mention n'impliquant à aucun degré la réalité du 
mythe allégué. Cependant cette explication ne s'impose 
pas. D'autres interprètes se contentent d'entendre le 
mot hôl dans son sens habituel de « sablé», adopté 
par la Vulgate. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 454; Le 
Hir, Le livre de Job, Paris, 1873, p. 354. 

H. Lesêtre. 

PHERATH (hébreu : Peràfâh, avec le hé local ; 
Septante : EOippomriç; Vulgate : Euphrates),' lieu ou 
Jérémie, sur l'ordre de Dieu, alla cacher dans le creux 
d'un rocher la ceinture neuve qu'il venait d'acheter, où 
il la trouva ensuite toute pourrie. Jer., xm, 1-7. Les 
anciens interprètes et commentateurs ont généralement 



249 



PHERA.TH 



250 



cru qu'U était là question du fleuve de l'Euphrate. 
Bochart cependant, Geographia sacra, 3" édit., Opéra, 
1692, t. i, col. 956, et quelques autres après lui, y ont 
vu plutôt la petite ville d'Éphrata. Cf. Knabenbauer, In 
Jer., 1889, p. 183-186. Les palestinologues modernes 
contes'ent l'ancienne identification et voient le Pherath 
ou plutôt Phârah (le n, f, n'étant que le n transformé 
par la présence du n local) de Jérémie dans VOuadi 
Fdrak, ou vallée de Phârah, avec l'article haf-Fârah 
(Septante: *apc<; Vulgate, Aphara). Jos., xvm, 23. Voir 
Aphara, t. I, col. 721._Sur une trentaine de fois que les 
auteurs nomment l'Euphrate, à l'e.xception de deux ou 
trois cas isolés, c'est presque toujours « le fleuve d'Eu- 
phrate », où sa nature est déterminée par le contexte : 



I Reg., xm, 6, et auxquelles faisaient allusion ces en- 
nemis d'Israël, xrv, 11, en voyant Jonathas monter de 
la vallée qui est sous Machinas, c'est-à-dire de l'Ouadi- 
Soueinît, l'un des affluents de YOuadi-Fârah, qu'il re- 
joint un peu plus bas. C'est probablement dans l'une 
d'elles que Jérémie cacha sa ceinture. Les juifs fidèles, 
au temps de la persécution d'Antiochus, durent cher- 
cher avec Mathathias et ses fils un refuge dans cette 
même vallée et les circonvoisines. Cf. I Mach., i, 56; 
n, 26, 31. Au temps de la guerre de Judée, Simon ben 
Gioras ne trouvait pas de cachette plus sûre que ces 
grottes, pour y renfermer ses trésors, et que la vallée 
pour y séjourner avec ses partisans. Bell, jud., IV, IX, 
4. Josèphe appelle l'endroit Pharan, mais le n est sans 







59. — Vue de l'ouadi Far&h, au nord-est de Jérusalem, non loin d'Anatoth. D'après une photographie de M. L. Heidet . 



en Jérémie, xm, sur quatre fois que le nom est répété 
de suite, non seulement cet appositif ne lui est pas ad- 
joint, mais c'est celui de « rocher » ou « région ro- 
cheuse ». « Prends la ceinture que tu as achetée et qui 
ceint tes reins; lève-toi et va à Perâtha et cache-la dans 
un creux du rocher, » binqîq has-sâla'. Jer., xm, 4. 
Quand le Seigneur veut instruire le peuple par un 
symbole prophétique, pour frapper davantage- son atten- 
tion, c'est toujours sous ses yeux qu'il le fait exposer; il 
serait étrange, en ce cas, qu'il envoyât Jérémie à une 
distance de près de trente jours de marche. 

Formé par la jonction de l'ouâd' er-Redeiddh et de 
l'ouad' ibn 'Idd, appelé encore ouâdi-Anâtâ, parce 
qu'il passe sous cette localité qui est l'antique Ana- 
thoth, patrie de Jérémie, Vouadi-Fârah commence à 
trois kilomètres au nord-est de 'Anâtâ (fig. 59). De 
chaque côté de la vallée s'élèvent, à une hauteur de 
plus de cent mètres, de gigantesques rochers percés 
d'innombrables grottes, les unes naturelles, les autres 
artificielles. Plusieurs d'entre elles sont sans doute de 
celles où se cachèrent les Israélites fuyant devant 
les Philistins, aux premiers temps du règne de Saûl, 



doute le signe de l'accusatif. En ces mêmes lieux, où 
les Assidéens avaient accueilli les Machabées et les 
fugitifs d'Israël plutôt qu'ils ne s'étaient joints à eux, 
I Mach., n, 42, et II Mach., xiv, 67, les âmes redoutant 
les dangers du monde vinrent, au V e siècle de l'ère 
chrétienne, y reprendre la vie de mortification des 
Esséniens, comme sous l'ancienne loi. C'est à Fàrah, à 
six milles à l'ouest de Jérusalem, que les Chariton, les 
Euthyme, les Théoctiste, les pères de la vie cénobitique, 
l'inaugurèrent en Palestine. Cf. Cyrille Scyth., Vita 
S. Euthijmii, n. 12, 41, 114, 184; Acta sanct., ja- 
nuarii t. n, p. 668, 672, 688, 691; Vita S. Charitonis, 
ibid., septembris t. vu, p. 576. 

A cette époque, la ville de Phara, qui avait vraisem- 
blablement pris son nom de la vallée, le portait encore, 
à quelques stades en aval des grottes qui formaient la 
Laure de Phara ou Pharan; ses ruines sont connues 
aujourd'hui sous le nom seulement de Khirbet el- 
Qoreini. Au pied des grands rochers, jaillit une source 
pure et abondante qui se déverse dans des bassins 
naturels où se jouent de nombreux petits poissons, des 
crabes et des grenouilles et forme un ruisseau qui va 



251 



PHERATH — PHICOL 



252 



s'unir, environ six kilomètres plus bas, au Nahr el- 
Kelt. Au-dessus de la fontaine, des moines russes ont jeté 
en 1905, là où se voient les restes de l'ancienne église, les 
fondements d'un nouveau monastère et occupent les an- 
ciennes grottes. —Voir Schick, dans Zeitschrift des deut- 
schen Palàstina Vereins, t. m, p . 6 ; Buhl , Géographie des 
alten Palàstina, in-8», 1896, p. 99-100. 

L. Heidet. 
PHÉRÉZÉEN (hébreu : ha-p-Perizzi ; Septante : 
^speÇaïot, dans la Genèse en général et en quelques 
endroits; plus communément $tpiZatt>i, au sing. ; 
correspondant à l'hébreu qui conserve partout ce 
nombre. La Vulgate emploie quatorze fois Pherezseus 
et huit fois Pheressei), peuplade du pays de Chanaan 
dont le territoire fut promis à Abraham et conquis par 
les Israélites. Le Phérézéen est nommé seul avec le 
Ghananéen, Gen., xm, 7; xxxrv, 30, et Jud., i, 4, pour 
désigner avec ce dernier toutes les populations du pays. 
Serait-ce pour spécifier une classe particulière d'entre 
elles? Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1126, Perizzi a la 
même signification que Perâzi, « campagnard, paysan ». 
Ce nom serait ainsi l'équivalent de celui de fellah, fel- 
lahin, employé aujourd'hui pour désigner la classe des 
cultivateurs par opposition à toutes les autres classes. 
Quelle que soit la signification étymologique du nom, on 
ne peut cependant admettre que dans les cas précités 
le Phérézéen désigne ainsi une catégorie, tandis que 
le Ghananéen représenterait la population des villes ou 
celle exerçant les professions industrielles et libérales. 
Dans la plupart des cas le Phérézéen est cité parmi 
toutes les autres populations comme une d'entre elles, 
c'est-à-dire comme une tribu ou une nation. De plus, 
s'il désignait ainsi toute une catégorie, il devrait repré- 
senter les « campagnards » de toute la Terre Promise, 
ceux de la plaine comme ceux de la montagne, ceux 
de la région septentrionale comme ceux du midi, 
tandis qu'il est expressément donné pour une des 
peuplades de la montagne seulement, in montants, 
Jos., XI, 3, et de la partie méridionale, in meridie, 
ibid., xii, 8. L'opposition du Phérézéen au Ghananéen 
ne l'indiquerait-elle pas plutôt comme le représentant 
des populations autochtones, tandis que le Chananéen 
représenterait la race conquérante et dominatrice, 
comme le fellah représente aujourd'hui la race abori- 
gène et le turc l'étranger dominateur? Si aucune indi- 
cation positive n'appuie cette conjecture, on peut re- 
marquer toutefois que le Phérézéen n'est pas nommé 
dans la table ethnographique de la Genèse, x, 6-20, 
parmi les tribus descendant de Chanaan ou de Cham. 
La population phérézéenne parait avoir été concentrée 
dans la partie montagneuse qui devint le partage des 
fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, c'est-à-dire dans la 
contrée qui forma plus tard la province de Samarie. 
Jacob étant encore à Sichem, disait à Siméon et à Lévï, 
ses fils, qui venaient de massacrer les habitants de la 
ville : « Vous me mettez dans le plus grand embarras, en 
me rendant odieux aux habitants de ce pays, aux Cha- 
nanéens et aux Phérézéens. » Gen., xxxiv, 30. Quand 
les fils de Joseph, d'Éphraïm et de Manassé se plai- 
gnaient de manquer d'espace pour s'établir, Josué leur 
répondait : « Puisque vous êtes un peuple nombreux, 
montez à la forêt et faites-vous là de l'espace dans le 
pays des Phérézéens et des Raphaïm, puisque la mon- 
tagne d'Éphraïm est étroite pour vous. Jos., xvii, 14- 
16. Abraham les avait trouvés établis jusqu'aux alentours 
de Béthel. En parlant de la rixe survenue entre les 
pasteurs du patriarche et de Lot son neveu, alors 
établi entre Béthel et Haï : « En ce temps, fait remar- 
quer l'auteur sacré, le Ghananéen et le Phérézéen ha- 
bitèrent ce pays. Gen., xm, 7. Les fils de Juda et de 
Siméon, trouvèrent les Ghananéens et les Phérézéens 
devant eux quand ils faisaient la conquête de leur ter- 
ritoire particulier. Jud,, i, 4-5. Il est possible toutefois 



qu'en ce passage le nom de Phérézéen ait une signifi- 
cation générique pour désigner les autres habitants de 
la contrée, distincts des Chananéens proprement dits, 
car ce sont ordinairement les Amorrhéens qui sont pré- 
sentés comme les habitants du territoire qui deviendra 
celui de Juda et dé Siméon. Cf. Gen., xrv, 7, 13; Deut., 
i, 7, 19, 27, 44; Jos., x, 5, 6, 12; Jud., i, 36. — Les 
Phérézéens furent vaincus avec les autres peuplades 
de Chanaan et en partie exterminés par Josué et les 
Israélites. Jos., m, 10; ix, 1; xi, 3, 8; xn, 8; xxiv, 11; 
Judith, v, 20. Ce qui en resta fut soumis au tribut et à 
la corvée ; on les retrouve dans cette condition sous le 
règne de Salomon, travaillant aux constructions élevées 
par ce roi. III Reg., ix, 20; II Par., vm, 7. Ils sont 
signalés encore en général avec les éléments chana- 
néens, après la captivité, et on reproche aux Juifs peu 
fidèles à la loi de prendre de leurs filles en mariage- 
I Esd., îx, i. L. Heidet. 

PHERMESTA (hébreu : Parmastâ'; Septante : Map- 
Haomâ), le septième des fils d'Aman, qui fut mis à mort 
par les Juifs de Suse. Esther, ix, 9. D'après J. Oppert, 
ParmaSta' est le perse Paramaistâ, « celui qui se met 
au premier rang. » Commentaire du livre d'Esther, 
1864, p. 22. 

PHESDOMIM (hébreu : Pas Dammîm; Septante : 
$aaoSa(jn'v; Alexandrinus : $a<ro8oiit), localité de Juda. 
IPar.,xv,13. Le nom complet est'Éfés Dammîm, comme 
il se lit I Sam. (I Reg.), xvn, 1 (Vulgate : in finibus Dom- 
mim). L'aleph initial de ce nom propre paraît avoir 
disparu devant l'article dans I Par., xi, 13 : D23, bap- 

Paz, pour be-hap-Paz. Voir Dommim, t. n, col. 1483. 

PHESHUR. I Esd., n, 38; x, 22; II Esd., x, 3. Voir 
Phashur, col. 223. — II Esd., xi, 12. Voir Phassur 4, 
col. 224. 

PHESSÉ (hébreu ; Paséah [voir Phaséa, col. 220]; 
Septante : Beaaîje; Alexandrinus : Qccari), second fils 
d'Esthon, de la tribu de Juda et de la famille de CaJeb. 
I Par., IV, 12. 

PHÉTÉI A (hébreu -.Petahydh [voir Phataïa, col. 224J ; 
Septante : ■Ssxaîa), prêtre, contemporain de David, chef 
de la dix-neuvième famille sacerdotale. I Par., xxiv, 16. 

PHÉTHROS (hébreu : Patrôs), la Haute Egypte. 
Is., xi, 11. Les Septante traduisent dans ce passage Ba- 
ëuXwvia, mais ils ont rendu ailleurs le mot hébreu par 
«ÊaOcopîJ!;, de même que la Vulgate l'a rendu par Pha- 
turès. Voir Phaturès, col. 224. 

PHÉTRUSIM (hébreu : Patrusîm; Septante : Haipo- 
<rwvi£in), descendants de Mesraïm. Gen., x, 13-14; 
I Par., i, 12. La forme plurielle du mot indique qu'il 
s'agit ici d'un nom ethnique désignant une collectivité 
d'hommes. Phetrusim « est évidemment formé avec le 
mot Patros où l'on a reconnu depuis longtemps p-to- 
res, « le pays du midi », la Thébaïde. » E. de Rougé. 
Recherches sur les monuments qu'on peut attribuer 
aux six premières dynasties, p. 8. Les Phetrusim sont 
donc les habitants de Phaturès ou Phetros, la terre du 
sud, la Haute Egypte. Voir Phaturès. 

C. Lagier. 

PHICOL (hébreu : Pvkôl; Septante : $ix6X et $txwX), 
chef de l'armée d'Abimélecn, roi de Gérare. L'étymolo- 
gie de ce nom est inconnue ; il est probablement chana- 
néen. On ne sait si c'est un nom propre ou un titre de 
dignité. Si l'on admet avec beaucoup de commentateurs 
que la Genèse parle de deux Phicol, et non d'un seul, 
il est plus naturel de supposer que ce mot est simple- 
ment le titre du général qui commandait les soldats d'Abi- 



253 



PHIGOL — PHIHAHIROTH 



254 



mélech. La Genèse, xxv, 22, dit que Phicol ou le Phicol 
accompagna le roi de Gérare, lorsqu'il alla trouver Abra- 
ham pour faire alliance avec lui. Nous retrouvons les 
deux mêmes personnages ou deux personnages dési- 
gnés par le même nom, Gen., xxvi, 26, qui vont faire 
alliance avec Isaac. Si PAbimélech du temps d'Isaac 
était le fils de celui qui avait fait alliance avec Abraham, 
il est vraisemblable que le Phicol de Gen., xxvi, 26, 
était le successeur de celui de Gen.; xxi, 22, et c'est le 
sentiment le plus vraisemblable. Voir Abimélech 1 et 2, 
t. i, col. 58, 54. 

PHIGELLE, chrétien d'Asie. II Tim., i, 15. Voir 
Phygelle. 

PHIHAHIROTH (hébreu, Pi Hah,îrô\ t; Hahirôt; 
Septante : 'Eiupwfl, ÉJpiifl, gitoevAiç), localité d'Egypte. 

I. De Ramessès a Phihahiroth. — Réunis à Rames- 
sès, quelque part à l'entrée de l'Ouadi Toumilat, les 
Israélites s'engagèrent dans l'Ouadi le long du canal 
et vinrent camper à Socoth dans les environs de Phi- 
thom. Voir Phithom. Exod., xn, 37. Là ils touchaient 
à l'extrémité nord du lac Timsah et au désert. Deux 
routes s'ouvraient devant eux : la route du nord, la 
plus courte, longeant d'abord les terres cultivées, puis 
le bord de la Méditerranée, et de là, courant en droiture 
au pays des Philistins et à la côte syrienne, la route du 
sud, plus longue et plus difficile, à cause des montagnes 
qu'il faut traverser, route que suivaient encore les Bé- 
douins avant le percement de l'isthme. C'est par cette 
seconde route que les Hébreux devaient marcher. « Par- 
tis de Socoth, ils campèrent à Etham, aux confins 
extrêmes du désert. » Exod., xm, 17, 18, 20. Voir 
Etham, t. h, col. 2002-2003. Maintenant, comme l'armée 
de Pharaon approche, et que Dieu veut sauver son 
peuple, et le sauver par un prodige capital dans l'his- 
toire des Juifs, il lui fait abandonner la route d'Etham 
qui contournait vraisemblablement le lac Timsah par 
son extrémité septentrionale, et le ramène en arrière 
sur le bord occidental et vers le sud pour placer la mer 
entre lui et le désert. Il le fit camper à Phihahiroth, entre 
Magdala et la mer, vis-à-vis de Béelsephon. Exod., xiv, 
1-2. C'était une folie au point de vue humain, puisque 
les Hébreux allaient être pris entre la mer, les mon- 
tagnes et l'armée de Pharaon. Mais Dieu avait ses vues. 

II. Le nom et le site. — 1° On a cherché l'étymolo- 
gie de Phihahiroth du côté de l'hébreu. Le Targum et 
la Peschito regardent 's, pi, dans ce nom comme l'état 

construit de ns, péh, << bouche », tandis que pour le 

premier mm, hirôt, signifie montagne ou rocher, et pour 
le second, « fossé » ou « canal ». Cf. S. Jérôme, Epist. 
lxxviu, ad Fabiolam, t. xxn, col. 702. Mais Phihahiroth 
étant unnom égyptien,il faut nous en tenir à l'égyptien. 
Dans ses fouilles de Tell el-Maskhouta, Na ville a ren- 
contré sur une stèle de Ptolémée Philadelphe le nom de 

>© 

serpent sacré ». Store-City of Pithom, 4 e édit., 1903, 
pi. vin, IX, lig. 7, x lig. 26. Pikeheret était un sanctuaire 
d'Osiris dans la terre de Socoth. Il joue un rôle impor- 
tant dans la stèle. Les listes géographiques des temples 
donnent aussi Pikeheret sous la forme Askeheret, 

I S . E.-J. de Rougé, Inscriptions et notices re- 
cueillies à Edfou (Haute Egypte), t. u, pi. cxlv. Elles 
la nomment alternativement avec Pi-tum et parlent de 
son serpent sacré, Dûmichen, Geographische Inschrif- 
ten, t. m, pi. xxxin, et, comme la stèle de Philadelphe, 
la placent dans la région de Socoth. Il y avait donc 
deux temples dans le VIII e nome", proches l'un de 
l'autre, Pi-tum et Pikeheret, ce dernier dans le voisi- 
nage de la mer. Sans doute Pikeheret ne se rencontre 



8 K , Pikeheret ou Pikerehet, « la demeure du 



que sur des monuments ptolémaïques. Mais on peut 
croire que, là comme ailleurs, les Grecs n'innovèrent 
pas; ils restaurèrent un ancien culte, agrandirent ou 
reconstruisirent le temple, respectant une tradition 
locale et antique. Par suite, il reste probable qu'Osiris, 
dès la plus ancienne époque, eut un sanctuaire à Pike- 
heret, Store-City of Pithom, p. 30. Et Pikeheret sem- 
blerait être le même mot que la Phihahiroth de la 
Bible. 

2° Mais où placer Phihahiroth? Ici la Bible ne nous 
fournit qu'un point de repère : la retraite des Hébreux 
vers le sud par le bord occidental du golfe arabique. 
Mais dans l'Exode station et jour de marche n'étant 
pas synonymes, nous ne savons combien ils marchèrent 
dans cette direction. De plus, nous ne savons pas da- 
vantage la position de Magdala et de Béelsephon. Les 
théories sur l'étendue de la mer à l'époque de la 
XIX e dynastie viennent encore compliquer la question. 
Certains savants veulent que la mer ait alors commu- 
niqué non seulement avec les lacs Amers, mais aussi 
avec le lac Timsah, au moins par intermittences, ce 
qui permettrait de chercher Phihahiroth sur les bords 
de ce dernier lac et Béelsephon en face sur le bord 
oriental où se trouve la colline actuelle de Toussoum : 
c'est la théorie de Naville. D'autres, et c'est le grand 
nombre, nient qu'on puisse attribuer cette extension 
aux temps historiques; ce serait dans la pré-histoire 
que la mer en se retirant aurait laissé derrière elle le 
lac Timsah, peut-être même les lacs Amers, suivant 
quelques-uns. Par conséquent, Phihahiroth serait à 
reculer vers le sud, jusqu'au seuil de Chalouf, Lecoin- 
tre, La campagne de Moïse pour la sortie d'Egypte 
(1882); et même jusqu'à Adjroud qui n'est pas sans 
rappeler vaguement Phihahiroth. Ebers, Durch Gosen 
zum Sinai, 2 e édit., 1881, p. 509. 

III. Hypothèse de M. Naville. — 1» Le savant égypto- 
logue regarde comme difficile de ne pas admettre qu'au 
temps de Ramsès II, le golfe s'étendît beaucoup plus au 
nord qu'aujourd'hui. La mer Rouge ne comprenait pas 
seulement les lacs Amers, mais aussi le lac Timsah. Il 
appuie son dire du témoignage des anciens, confirmé 
suivant lui par les études géologiques des modernes. 
En conséquence, l'ancien canal aurait été borné à 
l'ouadi Toumilat, ou à peu près. Tout d'abord Strabon, 
xvn,3, 20, place Héroopolis à l'extrémité du golfe ara- 
bique. Pline, H. N., VI, xxxm, 2, dit que sur le golfe 
d'^Eant (arabique) se trouve Héroum. Tous les écri- 
vains de l'antiquité, même les plus récents d'entre eux, 
parlant d'Héroopolis, semblent supposer le voisinage 
de la mer. Agathémère fait commencer le golfe ara- 
bique à Héroopolis : 'Apafit'oç xôXtioî.., apxeTat àirô 
'Hptiuv TtoXétoç. Muller, Geographi grxci minores, 
édit. Didot, t. il, p. 465. Artémidore affirme que les 
navires partaient d'Héroopolis pour la terre des Troglo- 
dytes, dans Strabon XVI, rv, 5. D'où l'on peut sûre- 
ment conclure que non seulement au temps de l'Exode, 
mais même sous les Romains, le golfe s'étendait jusque 
dans le voisinage d'Héroopolis, à l'ouest d'Ismaïliah. 
Store-City of Pithom, p. 10, 25-26. Nous verrons tout 
à l'heure ce qu'il faut penser de ces textes. 

Ce point lui semblant acquis, M. Naville cherche à si- 
tuer en conséquence Pikeheret-Phihahiroth. Parla stèle 
de Philadelphe et par les textes géographiques, on a vu 
que Pikeheret était un sanctuaire d'Osiris. Les Grecs, 
par suite, durent l'appeler Sérapéum, Or, l'Itinéraire 
d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, mentionne un 
Sérapiu ou Sérapéum à dix-huit milles d'Ero ou Héroo- 
polis, et ce ne peut être que Pikeheret, puisque c'est 
le seul sanctuaire d'Osiris que l'on connaisse dans le 
voisinage d'Héroopolis. Si l'on cherche maintenant la 
place qu'il a dû occuper, elle nous est indiquée au pied 
du Djebel Maryam, falaise plate qui forme comme le 
fond du lac Timsah sur la rive occidentale. A sa base 



255 



PHIHAHIROTH 



' • 256 



et sur les bords du canal se trouve un vaste emplace- 
ment romain, en partie recouvert par les lagunes. Il 
ne concorde pas tout à fait avec la distance de l'Itiné- 
raire, mais l'Itinéraire ne mérite 'pas une confiance 
absolue. Là seulement put être le Sérapéum, et non à 
huit kilomètres plus loin, endroit que les ingénieurs 
français ont appelé de ce nom. Ce dernier endroit por- 
tait bien une stèle de Darius, mais s'il y a place pour 
une tour de garde, un migdol, il n'y a pas trace d'ha- 
bitations. Store-City of Pithom, p. 25. Que ce soit bien 
là la situation de Pikeheret, les textes égyptiens et la 
version des Septante le confirment. La stèle de Phila- 
delphe parle de taxes annuelles en chevaux ou en bé- 
tail affectées au sanctuaire de Pikeheret, pi. x, lig.17-20. 
D'autre part, le Papyrus Anastasi VI, pi. iv, nous a 
appris que sous Ménephtah les Shasou d'Atuma deman- 
dèrent à conduire leurs troupeaux dans les pâturages 

qui appartenaient au domaine ou à la ferme I 8 C3 

ah, de Pharaon, dans la terre de Socoth. Ce mot ah 
désigne un domaine avec pâturages où l'on élève et 
nourrit les chevaux et tout bétail. Si nous passons 
maintenanl à l'Exode, nous trouvons que les Septante 
ont rendu vis-à-vis de Phihahiroth, de l'hébreu et de 
la Vulgate, par ânevàvti ttjç litauXéo);, c< devant le do- 
maine, la ferme », l'équivalent exact de l'égyptien ah. 
Ainsi, tandis que l'hébreu donne le nom propre du 
sanctuaire d'Osiris, les Septante nous parlent du do- 
maine que le Papyrus Anastasi VI nous a fait connaî- 
tre comme étant dans la terre de Socoth où se trouve 
Pikeheret. Nous avons ainsi le cadre du campement des 
Israélites : au nord-ouest, Phihahiroth-Pikeheret sur 
le lac Timsah, non loin de Phithom, proche de l'actuel 
Djebel Maryam ; au sud-est, Migdol ou Magdala, la butte 
marquée par la stèle des Perses, à peu de distance de 
l'actuelle station du Sérapéum sur le canal ; à l'est, la 
mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelsephon, 
l'actuelle colline de Toussoum. Voilà ce qui semble 
probable à M. Naville. Store-City of Pithom, p. 31. 

2° La géographie de l'isthme, selon M. Naville, a 
contre elle le témoignage d'Hérodote qui vit l'Egypte 
sous les Perses. A lui tout seul cet auteur suffit à 
ruiner la thèse que nous venons d'exposer. Il dit du 
canal qu'il avait « quatre journées de navigation... On 
commença à le creuser, poursuit-il, dans cette partie 
de la plaine d'Egypte qui est du côté de l'Arabie. La 
montagne qui s'étend vers Memphis, et dans laquelle 
sont les carrières, est au-dessus de cette plaine et lui 
est contiguë. Le canal commence donc au pied de 
la montagne; il va d'abord pendant un long espace, 
d'occident en orient, il passe ensuite par les gorges 
de cette montagne et se porte au midi dans le golfe 
d'Arabie. » n, 158. « La signification du passage et 
l'intention de l'auteur sont visibles : Hérodote décrit 
les deux directions du canal, l'une de l'ouest à l'est 
dans le sens de l'Ouadi Toumilat, l'autre de l'est au sud, 
dans le sens des lacs Amers. La montagne dont il parle 
est le versant méridional delà chaîne qui longe l'Ouadi, 
et la gorge de cette montagne correspond à l'ouverture 
septentrionale du bassin qui contient les lacs Amers. 
La topographie de l'historien ne s'accorde en aucune 
façon avec la carte de M. Naville qui place l'ancien ri- 
vage de la mer Rouge entre Pikeheret et le lac Timsah, 
ne laissant ainsi aucun moyen de tracer le coude dé- 
crit par le canal de l'est au sud, ni de comprendre en 
outre, comment les vingt lieues de l'Ouadi Toumilat 
auraient exigé quatre jours de voyage, quand la journée 
de navigation, en Egypte, était de treize à quatorze 
lieues. — On remarquera que la description d'Hérodote 
est confirmée de plusieurs manières, et notamment 
par les traces du canal creusé ou recreusé par les 
Perses depuis les lacs Amers jusqu'aux environs de 
Suez. Entre ces deux points la Commission d'Egypte a 



découvert des ruines et des inscriptions, surtout dans 
le voisinage de Chalouf, près de l'ancien canal (appelé 
aujourd'hui canal des Pharaons), qui fut retrouvé par 
le général Bonaparte. » E. Lefébure, Les fouilles de 
M. Naville à Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 
1885, p. 322. Les traces de ce dernier canal semblent 
montrer que cinq cents ans avant J.-C. les lacs Amers et 
le lac Timsah étaient séparés et ne différaient guère de 
ce qu'ils sont aujourd'hui. — Strabon, XVII, i, 26, fait 
franchir au canal les lacs Amers : êtappet il y-où Sià twv 
urapôiv xaXou|iév<i)v Xifivwv. Et il nous k représente ces 
lacs comme dessalés par le canal soit qu'il prenne 
quelque partie pour le tout, soit qu'il confonde les lacs 
avec le canal lui-même, qui était large et poissonneux. » 
E. Lefébure, loc. cit., p. 323. — Pline, qui suit Strabon 
et d'autres auteurs, compile sans bien comprendre et 
semble même faire partir le canal de la mer Rouge 
pour venir aboutir aux lacs, usque ad fontes amaros. 
H. N., vi, 33. Quoi qu'il en soit, Strabon et Pline nous 
montrent le canal se prolongeant bien plus loin que 
l'Ouadi Toumilat à travers des lacs qu'ils distinguent 
de la mer Rouge. Philadelphe, dans la stèle de Phi- 
thom, parle du « Grand lac noir », Kemour,et du « lac 
du Scorpion » (Timsah actuel) comme étant navigables et 
communiquant par le canal avec la mer Rouge, ce 
qui permettait aux marchandises du pays des Troglo- 
dytes de venir débarquer dans le lac Timsah, pi. x. 
On ne peut donc accorder à M. Naville que le canal 
se soit borné à l'ouadi Toumilat. Les lacs Amers de 
Pline et de Strabon ne peuvent se placer que dans le 
site actuel de ce nom et ils correspondent, semble-t-il, 
au grand lac noir de Ptolémée II. Par conséquent, si 
plus loin Strabon, XVII, m, 20, dit qu'Héroopolis est 
sur le golfe arabique, si Pline le répète avec lui, loc. 
cit., nous ne devons pas les prendre à la lettre, pas 
plus que nous ne prenons à la lettre Josèphe disant 
que la mer Rouge s'étend jusqu'à Coptos, qui est sur 
le Nil. De Bell, jud., IV, x, 5. « Les Anciens, qui 
appelaient nier toute grande étendue d'eau, ont regardé 
les lacs Amers et leur canal tantôt comme faisant 
partie et tantôt comme ne faisant pas partie de la mer 
Rouge. On ne peut même comprendre autrement le 
passage où Aristote dit que Sésostris, le premier, essaya 
de canaliser la mer Rouge, T-qv ÊpuSpàv Qâlavzav 2nsi- 
piôri Siopijttîiv. Metereolog. i, 14. Les lacs Amers 
étaient une mer intérieure à peine séparée de l'autre, 
si bien que l'on pouvait les réunir toutes les deux sous 
un même nom, quand le sujet n'exigeait pas une pré- 
cision d'ailleurs peu conforme aux habitudes de l'anti- 
quité. » E. Lefébure, loc. cit., p. 324. Quant aux auteurs 
qui avec Artémidore font partir les navires d'Héroo- 
polis pour la terre des Troglodytes, cela ne préjuge en 
rien la question des lacs. Héroopolis était la dernière 
ville d'Egypte, la plus connue, que l'on rencontrait 
avant de s'engager dans les lacs reliés à la mer Rouge. 
On pouvait donc dire que la navigation commençait à 
cette place. Il n'y a pas d'autre conséquence à en tirer. 
On ne peut rien tirer non plus du Clysma que la se- 
conde inscription latine de Phithom place à neuf 
milles d'Ero. Clysma signifie port et pouvait convenir 
à bien des localités différentes, comme les mots Migdol 
et Sérapéum. Ce Clysma était quelque part sur le lac 
Timsah et différait de l'autre Clysma que l'Itinéraire 
d'Antonin place sur la mer Rouge à soixante huit 
milles d'Héroopolis. Reste le texte d'Agathémère qui 
pourrait recevoir la même explication que les autres 
textes. Mais il faut remarquer de plus que cet auteur 
copie Eratosthène. Celui-ci, dans Strabon, XVI, iv, 4, 
dit que l'on a à sa droite la Troglodytique quand on 
longe la côte depuis Héroopolis : oirsp !<rtiv âv 8eEi3 
.aTroiiXéo'jffiv àno 'Hpwwv uôXeoiç. 11 fait donc simple- 
ment Héroopolis le point de départ de la navigation, 
tandis qu'Agathémère change les mots concernant 



257 



PHIHAHIROTH — PHILADELPHIE 



258 



Héroopolis dont il fait le commencement du golfe 
arabique. Son témoignage en perd toute sa valeur. 

Mais peut-être que la géologie donnera raison à M. Na- 
ville? Linant de Eellefonds lui est tout entier favorable 
et il s'en prévaut à plusieurs reprises. Store-City of 
Pithom, p. 25, 26, etc. Partant d'un point communé- 
ment admis, savoir que la mer Rouge et la mer Médi- 
terranée ont communiqué dans lestempspréhistoriques, 
il signale trois atterrissements successifs intervenus 
entre les deux mers. Le premier est antérieur à l'his- 
toire, c'est celui qui existe entre les lagunes les plus 
au sud du lac Menzaleh et le lac Timsah, nommé seuil 
de Gisr. Le second se trouve entre le lac Timsah et les 
lacs Amers, c'est le seuil du Sérapéum. Le troisième 
est situé entre les lacs Amers et le fond du golfe actuel, 
c'est le seuil de Chalouf. Selon l'auteur, l'atterrissement 
du Sérapéum s'est produit après Moïse, à plus forte 
raison celui de Chalouf, et il explique dans ce sens les 
textes des anciens. Linant, Mémoires sur les princi- 
paux travaux d'utilité publique exécutés en Egypte 
depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours, 
Paris, 1872-1873, p. 178-194, surtout p. 195-197, où l'au- 
teur se résume. Les autres géologues sont moins affir- 
malifs. Ils s'accordent en général pour dire que la 
mer Ronge n'a pas dû dépasser le Sérapéum depuis les 
temps historiques. Mais ils admettent par contre que 
les lacs Amers, à une époque récente, n'ont fait qu'un 
avec la mer Rouge. Cf. Lecointre, La campagne de 
Moïse pour la sortie d'Egypte (1882), p. 37-38. La dif- 
ficulté glt donc tout entière dans le seuil de Chalouf, 
Par sa nature, il est hors de doute qu'il est bien an- 
térieur à Moïse, puisqu'il est d'origine tertiaire. Cf. 
0. Fraas, -4ms dern Orient : geologische Beobachtun- 
gen am Nil, auf der Sinai-Halbinsel und in Syrien, 
1867, p. 170-173; O.Ritt, Histoire de l'Isthme de Suez, 
p. 5. Mais ce seuil a pu être soulevé par les modernes 
tremblements de terre ou les mouvements du sol. 
C'est l'opinion de M. Ritt, loc. cit., p. 4-5. Il n'insiste 
pas et passe à des preuves d'un autre ordre, aux 
mesures données par les anciens sur la largeur de 
l'isthme. « Hérodote, dit-il, rapporte que la dislance 
du mont Casius, formant cap sur la Méditerranée, à la 
mer Erythrée était de mille stades, c'est-à-dire d'envi- 
ron cent kilomètres, ie stade unitaire employé par le 
savant historien dans toutes ses observations équivalant 
à peu près à cent mètres. Or, d'après l'examen de la 
carte, la distance du cap Casius à la mer Rouge est un 
peu supérieure à la plus petite largeur de l'isthme. Il 
résulte donc de l'assertion d'Hérodote, que l'isthme de 
Suez n'avait pas plus de quatre-vingt-dix à quatre-vingt- 
quinze kilomètres de large, il y a deux mille ans," c'est- 
à-dire que la mer Rouge devait faire, à cette époque, 
une pointe d'environ cinquante kilomètres dans l'inté- 
rieur de l'isthme. Loc. cit., p. 5. Cf. Linant, loc. cit., 
p. 161-165. M. Vigouroux répond que M. Ritt « suppose 
que le stade d'Hérodote n'était que de trois cents pieds; 
en réalité, il était du double, c'est-à-dire de six cents, 
comme nous le lisons formellement dans la description 
du lac Moeris, où il est dit que le stade équivaut à 
cent oryges et l'oryge à six pieds. Hérodote, n, 149. Le 
stade était donc de six cents pieds. Par conséquent la 
distance du mont Casius au golfe de Suez, était, non 
pas de quatre-vingt-quinze, mais de cent quatre-vingt- 
cinq kilomètres : c'est plus que la distance actuelle, la- 
quelle ne dépasse pas cent treize kilomètres environ, s 
La Bible et les découvertes modernes, t. n, 6 e édit., 
1896, p. 397-398 et p. 390-396, utilisées ci-dessus. C'est 
même, trop, et nous restons perplexes sur la nature du 
stade employé ici par un auteur qui change à ce sujet 
d'une page à l'autre. Lecointre, loc. cit., p. 93-99. Les 
chiffres d'Hérodote, répond-on, confirmés par ceux de 
Strabon, XI, i, 5, 6; XVII, 1, 21, de Pline, H. N., v, 
2, de l'Itinéraire, s'appliquent sans doute à la route 

DICT. DE LA BIBLE. 



suivie, et c ette route avait ses circuits et ses détours 
Nous aurions ainsi l'explication dé la différence entre 
ces distances et celles des modernes qui mesurent en 
ligne droite. Vigouroux, loc. cit., p. 399. 

V. Conclusion. — Que conclure maintenant par rap- 
port à Phihahiroth? Évidemment, il faut reculer cette 
station plus au sud que ne le fait Naville, que ne le 
suppose Linant. Mais combien plus au sud la reporter? 
En admettant qu'au temps d'Hérodote, c'est-à-dire au 
v s siècle avant J.-C, la largeur de l'isthme ait répondu 
à peu près à ce qu'elle est aujourd'hui, s'ensnit-il qu'au 
temps de l'Exode, c'est-à-dire au XIII e siècle avant J.-C, 
il en ait été de même? Le seuil de Chalouf, par son 
origine tertiaire, semble nous l'assurer. Mais ce seuil 
est un soulèvement, de l'avis de tous les géologues ; et, 
suivant l'ingénieur Lecointe, ce soulèvement qui corres- 
pond à un affaissement du côté de la Méditerranée, se 
poursuit toujours, puisque le fond du canal recreusé 
par Amrou est resté par places, à Chalouf spécialement, 
« dans un état de conservation vraiment merveilleux ; 
les talus sont réguliers, les arêtes vives, le fond de 
cailloux et d'argile parfaitement plat et sans trace d'en- 
sablement... Sa cote est de 17 m 76, tandis que celle de la 
hauteur de la mer Rouge est de 18<J6 : il n'aurait 
donc plus aujourd'hui que soixante centimètres à demi 
marée, et resterait toujours à sec à marée basse : par 
suite le canal serait hors de service. » Loc. cit., p. 38. 
Le même auteur en déduit que le seuil a dû se relever, 
au minimum, de quatre mètres vingt depuis Ptolémée 
Philadelphie et « qu'à l'époque de Moïse, il devait être 
profondément submergé ». Loc. cit., p. 39. Il s'en faut 
que tous se soient ralliés à cette opinion. Le dernier 
mot sur la question, controversée entré savants qui ne 
cherchent pas à supprimer le caractère miraculeux du 
passage de la mer Rouge, le dernier mot est aux fouilles 
nouvelles et à leurs révélations. En attendant, on peut 
penser avec les uns que Phihahirot se trouvait en face 
des lacs Amers, avec les autres, qu'elle était vers 
Adjroud, en face de la mer Rouge proprement dite. 
Cette dernière opinion repose sur la tradition juive 
alexandrine, acceptée par les premiers chrétiens, et 
qui peut n'être qu'une accommodation aux conditions 
géographiques de l'époque. Peut-être encore nous 
forcerait-elle à reporter trop haut Phihahiroth pour 
que son identification si séduisante avec Pikeheret n'en 
souffrît pas. Pourtant, qui sait? L'innombrable multi- 
tude des Hébreux avec leurs troupeaux et leurs bagages 
occupait une immense place et le « vis-à-vis de Phiha- 
hiroth » peut nous donner de la marge. 

C. Lagier. 

PHILADELPHIE (grec : $0Mnl<?la), ville ancienne 
de Lydie, en Asie Mineure, sur la rive méridionale du 
Kogamos, affluent de l'Hermus, actuellement Alachehr, 




£0. — Monnaie de Philadelphie (dernière partie du i" siècle de 
notre ère). => Tête de Diane, à gauche, avec un carquois. — 
H). Apollon jouant de la lyre : *L\AAEA*EaN EPMinnoC 
APXIEPEÏC. 

c'est-à-dire « la bigarrée », dans le vilayet d'Aïdîn, 
dans le pachalik d'Anatolie, à 118 kil. de Smjrne, qui 
lui est reliée par une ligne de chemin de fer. Elle était 
bâtie sur les derniers contreforts du mont Tmolus, au 
bord du haut plateau central de l'Asie Mineure 
(fig. 60). Voir la carte de Lydie, t. iv, col. 448. Elle est 
mentionnée deux fois dans le Nouveau Testament : 
Apoc, i, 11, dans la liste des sept Églises de l'Asie 

V. - 9 



259 



PHILADELPHIE 



260 



proconsulaire auxquelles saint Jean devait envoyer le 
livre de ses visions; Apoc, m, 7, en tête de la lettre 
adressée à l'ange, c'est-à-dire à l'évêque de la ville. Elle 
fut fondée par Attale HPhiladelphe (voir Attale II, 1. 1, 
col. 1227-1228), roi de Pergame entre les années 159- 
138 avant J.-C., auquel appartenait son territoire et 
dont le surnom servit à la désigner. En 133 avant J.-C, 
elle passa sous -la domination romaine, avec tout le 
royaume de Pergame. Voir Pergame, t. rv, col. 137. 
Située tout auprès de la région volcanique nommée 
Katakékauméné, « district brûlé, » qui est très exposé 
aux tremblements de terre, elle eut beaucoup à souf- 
frir de ce fléau ; elle était presque en ruines à l'époque 
de Strabon, XIII, iv, 10. Mais elle ne tarda pas à se 



sur laquelle elle se dresse est couverte de jardins et 
d'arbres; la plaine est un champ immense, bien cul- 
tivé, que traversent de nombreux canaux d'irrigation. 
La population s'occupe beaucoup d'agriculture, comme 
au temps de Strabon, qui comparait son sol à celui de 
Catane, en Sicile, sous le rapport de la fertilité. 
Cf. Strabon, xn, 8; xm, 4. Son vin était déjà très 
renommé dans les temps anciens, Virgile, Georg., n, 98, 
et elle en exportait de grandes quantités ; ses monnaies 
portaient souvent, pour ce motif, la tête de Bacchus ou 
celle d'une bacchante. Les ruines de l'ancienne cité 
sont peu nombreuses; elles consistent dans les restes 
d'un théâtre, d'un stade, de deux enceintes, etc. Mais 
nous devons à Philadelphie une lettre de l'Apocalypse 




61. — Vue d'Alachehr. D'après une photographie. 



relever. Elle porta pendant quelque temps, au i« siècle 
de l'ère chrétienne, le nom de Néocésarée, qu'on lit 
sur des monnaies contemporaines des règnes de 
Tibère, de Caligula et de Claude. Sous Vespasien, elle 
reçut l'épithète de Flavia. On lui donna aussi , à l'époque 
de sa plus grande prospérité, le titre de « petite 
Athènes », à cause du grand nombre de ses temples 
et de ses fêtes. Cf. J. G. Droysen, Geschichte des Hel- 
lenismus, 2 e édit., 3 vol., in-8°, Gotha, 1878, t. m, 
2 e partie, p. 276. A l'époque byzantine, c'était encore 
une ville grande et peuplée, qui faisait un commerce 
considérable. Philadelphie eut la gloire de ne tomber 
au pouvoir des Turcs qu'en 1390, après huit années de 
vigoureuse résistance, alors que toutes les autres villes 
d'Asie Mineure étaient déjà entre leurs mains. 

Alachehr (fig. 61), qui a succédé à la cité antique, 
est à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et domine 
une vaste et fertile plaine. De loin, elle a un aspect 
imposant; mais elle est mal bâtie et très malpropre, 
comme la plupart, des villes orientales. Son activité 
commerciale est encore très importante. La terrasse 



III, 7-13, qui ne mourra jamais. Son évêque y reçoit 
de grands éloges, comme celui de Smyrne, Apoc, n, 8- 
11, et pas un seul reproche. La communauté chrétienne- 
qu'elle abritait était peu considérable encore, Apoc. 
m, 8, et les Juifs essayaient de la troubler, Apoc, m, 
9; mais pasteurs et fidèles résistaient vaillamment à 
cette « synagogue de Satan ». Notre-Seigneur n'a 
donc qu'à les louer, à leur promettre une brillante 
récompense et à leur recommander de conserver avec 
soin le don précieux qu'ils ont reçu. Apoc, m, 10-11. 
Dans l'épître intéressante qu'il leur écrivit quelques 
années plus tard, saint Ignace d'Antioche met égale- 
ment les chrétiens de Philadelphie en garde contre 
les juifs. Cf. Funk, Die apostolischen Vàler, in-8°, 
Tubingue, 1901, p. 98-102. Aujourd'hui encore, l'élé- 
ment chrétien est de beaucoup prépondérant parmi 
la population d'Alachehr; la bénédition du Christ 
a porté bonheur à cette Église comme à celle de 
Smyrne. 

Nous ne savons pas dans quelles circonstances spé- 
ciales le christianisme avait pénétré à Philadelphie. 



261 



PHILADELPHIE — PHILÉMON (ÉPITRE A) 



262 



D'après les Constitut. Apost., vu, 46, t. i, col. 1053, son 
premier évêque, nommé Démétrius, aurait été institué 
par saint Pierre lui-même. L'apologiste saint Miltiade, 
dans Eusèbe, H. E., v, 17, t. xx, col. 473, mentionne 
une prophétesse, nommée Ammia, qui aurait appar- 
tenu à l'Église primitive de Philadelphie. Durant la 
période byzantine, cette ville était le siège d'un évêché 
qui dépendait du centre métropolitain de Sardes. — 
Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, in-8°, t. i, 
p. 34; Curtius, Nachtrag zu den Beitràgen zur Ge- 
schichte und Topographie Kleinasiens, dans les 
Abhandlungen der Berliner Akademie, 1873; Ramsay, 
Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 
1890, p. 86; Id., Cities and Bishoprics of Phrygia, 
2 in*, t. i, p. 196; t. n, p. 353; Mot Le Camus, Les 
sept Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896, p. 203- 
216. L. Fillion. 

PHILARQUE (grec : à çuXâpxis; Vulgate : Philar- 
ches), chef de tribu, chef de troupes comme çuXâp xoç. 
Cf. £ïpt8ctf>x'"]Ç> I Mach., x, 65. Nos éditions de la Vul- 
gate donnent ce mot comme un nom propre, et beaucoup 
de commentateurs acceptent cette interprétation, mais 
la phrase grecque : rèv Se ipuXâpxijv t&v Ttepi TijidOeov, 
s'entend plus naturellement du « commandant ou chef 
de ceux qui étaient avec Timothée », c'est-à-dire de ses 
soldats. II Mach., vm, 32; cf. f. 30. Le texte sacré nous 
dit que Judas Machabée ayant battu Timothée et Bac- 
chide, les vainqueurs mirent à mort le philarque, 
« homme très pervers, qui avait fait aux Juifs beaucoup 
de mal. » 

1. PHILÉMON (grec, ^iX^mm), riche chrétien de 
Colosses à qui saint Paul écrivit une de ses lettres. 
Le nom qu'il portait était très répandu en Phrygie, 
comme le témoignent Ovide, Metam., vm, 631 ; Aristo- 
phane, Aves, 762, et de nombreuses inscriptions. 
Wieseler, Chron. des Apost. Zeitalt., 1884, p. 452, 
a prétendu conclure d'un passage de l'Épître aux 
Golossiens, iv, 7, que Philémon était originaire de 
Laodicée, et que la lettre qui lui est adressée était celle 
que l'Apôtre envoya, par les soins de Tychique, à cette 
dernière Église, Col. iv, 16. Mais il est plus naturel de 
supposer que Philémon habitait, comme son esclave 
Onésime, Col., iv, 9, « l'un d'entre vous, » la ville de 
Colosses. On y montrait encore sa maison au temps de 
Théodoret, InEpist. adP hi lem.,Procem.,t. xxvi, col. 601, 
et les Constitutions apostoliques, Iv, 46, t. i, col. 1053, 
en font l'évêque de cette cité. D'après les Menées 
grecques du 22 novembre, il aurait subi là le martyre 
en compagnie d'Appia, d'Archippe et d'Onésime. J.-B. 
Lightfoot, The Apostolic Fathers, lgnatius, Londres, 
1884, t. n, p. 535. Saint Paul n'ayant jamais été à Co- 
losses, il est probable que Philémon et les siens l'avaient 
connu dans un voyage à Éphèse. Act., xix, 26; I Cor., 
xvi, 19. En tout cas, c'est à l'Apôtre lui-même, qu'il 
devait sa conversion, f. 19. 

Philémon parait avoir joui d'une certaine fortune : 
il a des esclaves; il reçoit de nombreux amis dans sa 
maison, f. 22; il est connu par sa libéralité envers les 
pauvres, f. 5-7; la communauté chrétienne se réunit 
chez lui, % 2. L'épithète de cruvEpyrfç, que lui donne 
Paul, % 1, laisse entendre qu'il servait avec zèle la 
cause de l'Évangile parmi ses compatriotes. C'était une 
âme généreuse, droite, loyale, toute dévouée à la per- 
sonne de l'Apôtre, f. 13, 17, 22. — Les traditions le 
présentent tantôt comme prêtre, tantôt comme évêque 
ou comme diacre; les martyrologes grecs l'appellent 
simplement « un saint apôtre' ». Lightfoot, lgnatius, 
il, p. 535. Philémon semble avoir été marié : sa femme 
est sans doute cette Appie qui figure avec lui, dans 
l'adresse de l'Épître à côté d'Archippe lequel, vraisem- 
blablement, était leur fils. C. Toussaint. 



2. PHILÉMON (ÉPITRE A). — Cette lettre se distin- 
gue des autres Épitres de l'Apôtre par des caractères 
tout particuliers. C'est d'abord la plus courte : elle n'a 
que quelques lignes. Elle semble, de plus, avoir été 
écrite tout entière de la main de Paul, f. 19, cas fort 
rare pour les Épitres de saint Paul. Enfin elle n'est 
adressée ni à une église, ni à un chef d'église comme 
les lettres pastorales, mais à une famille, plus exacte- 
ment encore, à un ami personnel, pour une affaire 
d'ordre' privé. 

I. Contenu de l'Épître. — Malgré son peu d'étendue, 
ce billet présente les divisions habituelles des grandes 
épîtres : préambule, corps du sujet, épilogue.— \« Préam- 
bule, f 17. — Il se compose de l'adresse et de l'action de 
grâces. L'adresse mentionne en première ligne Philé- 
mon, le chef de famille, à qui la lettre est principa- 
lement destinée. Elle y ajoute les noms d'Appia sa 
femme et d'Archippe son fils. Les autres membres de 
la famille du riche Colossien sont désignés par ces 
mots « l'église qui se réunit dans ta maison ». L'action 
de grâces, en louant, d'une façon délicate, la foi et la 
charité de Philémon, prépare la requête que l'Apôtre 
va lui présenter, f 1-7. 

2° Corps de l'Epître, f. 8-21. — Saint Paul y sollicite 
le pardon d'Onésime, avec un art consommé. L'Apôtre 
n'aborde son sujet qu'avec mille précautions. 11 n'é- 
nonce pas de suite l'objet de sa demande. Il rappelle 
d'abord à Philémon quel est celui qui la lui adresse, 
f 8-9, c'est Paul lui-même. Au besoin, il pourrait 
commander, il aime mieux, par amour, le supplier 
et demander, comme service personnel, ce qu'il pour- 
rait exiger comme apôtre. Comment Philémon pour- 
rait-il refuser cette grâce à celui qui passe sa vie 
au service des gentils, qui endure, en ce moment 
même, toutes les souffrances de la captivité, et qui est 
arrivé à l'âge de la vieillesse ? A ces motifs, Paul joint 
ceux qu'il trouve dans la personne de son client, f 10- 
16. Celui en faveur de qui il intercède est son « fils 
spirituel », qu'il a enfanté dans sa prison; c'est cet 
Onésime qui, jusqu'ici, il est vrai, n'a guère justifié la 
signification de son nom (Onésime, en grec, signifie 
« utile » ) mais qui, désormais, en est tellement digne, 
que Paul l'aurait volontiers gardé auprès de lui pour 
l'aider dans l'œuvre de l'Évangile et faire pour lui tout 
ce que Philémon ferait lui-même s'il était.'présent, mais 
Paul n'a voulu devoir cette précieuse assistance qu'à la 
bonne volonté de Philémon lui-même. De plus, celui 
pour qui parle l'Apôtre n'est plus un simple esclave, 
c'est « un frère »et un frère pour l'éternité, frère aimé 
de Paul et, à plus forte raison, de Philémon qui l'avait 
aimé autrefois comme maître, en sorte que si Onésime 
a été séparé de Philémon pour un temps, c'est afin 
qu'il le recouvre pour l'éternité, non plus comme un 
esclave, mais comme un frère bien-aimé. L'Apôtre pro- 
nonce alors le mot décisif : «Reçois-le, f. 17-21, comme 
tu me recevrais moi-même < » Il est vrai qu'Onésime ne 
s'est pas enfui seulement de chez son maître, mais qu'il 
lui a causé quelque grave dommage. Mais Paul s'offre 
pour le réparer. Il s'engage, par écrit, à indemniser 
Philémon, bien qu'au fond celui-ci soit son débiteur 
puisqu'il lui doit son salut. Cette idée remplit l'âme de 
Paul de confiance. Il reproduit sa prière, au f. 20, sur 
un ton qui écarte jusqu'à la possibilité d'un refus. Bien 
plus, au verset suivant, il attend de Philémon quelque 
chose de mieux encore. Quoi donc ? Le tour de phrase 
est général et laisse aux interprètes la place à diverses 
hypothèses. Les uns supposent un bienfait quelconque 
en plus du bon accueil réservé à Onésime, d'autres 
(De Wette, Oltramare, Reuss, Godet), l'affranchissement 
pur et simple. 

3» Épilogue, 22-25. — L'Apôtre prie Philémon de lui 
préparer un logement, car il espère suivre de près 
Onésime à Colosses. Les autres versets contiennent les 



263 



PHILÉMON (ÉPÎTRE. A) 



264 



salutations des compagnons de Paul, ce sont les mêmes 
noms que dans l'Épltre aux Colossiens, à part celui de 
Jésus Justus qui probablement n'était pas connu de 
Philémon. Par contre, Êpaphras est mentionné le pre- 
mier de tous, étant l'ami personnel de Philémon. Il 
était alors à Rome et partageait l'appartement que le 
prisonnier Paul avait loué. Col., îv, 10-12. 

II. LlEK ET DATE DE LA COMPOSITION DE L'ÉPÎTRE. — 

De l'aveu de presque tous les critiques, l'Épltre à Phi- 
lémon a été rédigée en même temps que les Épîtres aux 
Colossiens et aux Éphésiens. «. Ces trois lettres, dit 
Sabatier, forment un groupe distinct dans l'ensemble 
des Épîtres de la captivité et ne doivent point être 
séparées. Écrites en même temps, portées en Asie 
Mineure par les mêmes messagers, elles gardent des 
traces frappantes de cette parenté d'origine. Philem., 
10, et Col., iv, 9; Philem., 23, 24, et Col., rv, 10, 12, 14; 
Philem., 2, et Col., iv, 17. Ces Épîtres, en effet, se sup- 
posent l'une l'autre. A. Sabatier, L'Apôtre Paul, 3« édit., 
1896, p. 233. D'après leur contenu, elles ont été certai- 
nement écrites durant une des deux captivités de Paul. 
Mais est-ce celle de Rome ou celle de Césarêe? Les 
exégètes modernes ne sont point d'accord sur ce point. 
Voir leurs arguments, pour ou contre, à l'article Co- 
lossiens (ÉpItre aux), t. il, col. 867. 

III. Authenticité. — On ne trouve pas de traces cer- 
taines de l'Épltre à Philémon chez les Pères aposto- 
liques. Br. F. Westcott, Canon of the N. T., 1884, 
p. 48. Les premières citations formelles de l'Épître à 
Philémon viennent d'Origène qui l'attribue à Paul et 
en extrait plusieurs passages. In Jerem., nom. xix, 2; 
Comm. séries in Matth., § 66, 72, t. xin, col. 501, 1707, 
1715. Tertullien, Adv. Marc, v, 11, t. n, col. 254, re- 
marque que la brièveté de cet écrit l'a mis à l'abri 
des falsifications de Marcion. D'après saint Épiphane, 
Hser., xlii, 9, t. xli, col. 708, la lettre à Philémon occu- 
pait dans le recueil de Marcion l'avant-dernière place, 
après les Épîtres aux Colossiens et aux Laodicéens et 
avant celle aux Philippiens, tandis que, d'après Tertul- 
lien, elle venait après celle-ci, comme la dernière. On 
la trouve mentionnée dans le canon de Muratori, à côté 
des trois Épîtres pastorales. Voir t. n, col. 170. Les 
deux anciennes versions syriaque et latine la conte- 
naient. Saint Jérôme, Comm. in Epist. Philem., 
Proœm., t. xxvr, col. 601, observe pourtant que plu- 
sieurs ne la croyaient pas écrite par saint Paul ou que, 
si elle était de luj, elle n'était pas inspirée, car elle ne 
contenait rien pour l'édification : c'était plutôt Une 
lettre de recommandation qu'une lettre doctrinale. A 
quoi l'illustre exégète répondait : on trouve, dans toutes 
les lettres de Paul, des détails se rapportant aux choses 
de la vie, par exemple, II Tim., îv, 13, où l'Apôtre 
donne l'ordre de lui rapporter son manteau et ses livres, 
et d'ailleurs jamais cette lettre n'aurait été reçue par 
toute l'Église, si l'on n'avait pas cru qu'elle fût de Paul. 
Saint Chrysostome, In Philem. Prol., t. lxh, col. 702, 
reproduit à peu près les mêmes raisons contre ceux qui 
considéraient cette Épître au-dessous de la dignité du 
grand Apôtre. A partir de ce moment, l'authenticité de 
notre Épître n'a laissé aucun doute dans les esprits. 
Elle n'a été mise en question que par Christian Baur 
qui lui dénia son origine paulinienne, opinion plus ou 
moins adoptée par "Weizsàcker, Pfleiderer, Steck, von 
Manen. Pour ces critiques, l'Épltre à Philémon est l'em- 
bryon d'un roman chrétien analogue à celui des Réco- 
gnitions clémentines, destinées à mettre en exemple la 
telle idée chrétienne que chaque fidèle se retrouve lui- 
même dans chacun de ses frères- Cette hypothèse n'a 
aucun fondement. 

La lettre à Philémon est d'une telle originalité et l'âme 
de Paul l'a si bien marquée de son empreinte ineffaça- 
ble, qu'on ne peut douter de son authenticité. Voir 
P. Sabatier, L'Apôtre Paul, 3 e édit., p. 235, 236; Re- 



nan, Saint Paul, 4869, introd., p. xi. Von Soden, dans 
le Hand-Commentar z-um N. T., t. m, part, i, Fribourg- 
en-B., 1893, p. 73, admire, dans cette lettre, un témoi- 
gnage charmant de la délicatesse et de l'humour de 
l'Apôtre, et tout à la fois de l'élévation de sentiment et 
de langage avec laquelle il savait traiter les choses con- 
crètes de la vie. Les objections tirées du vocabulaire 
de l'Épltre méritent à peine de retenir l'attention. Les 
sept âiraS AeY<5[<.eva qu'on y signale, âva7i![i.7ieiv, dtitOTÎ- 
veiv,a)y»)crTOç, iitniaaeii, ijevt'ot, ôvivaurôoti, itpocrotpe&eiv, 
n'enlèvent pas l'impression générale que le style de 
l'Épître ne soit celui de Paul, en particulier celui des 
autres Épîtres de la captivité. On retrouve, en effet, 
plusieurs des expressions favorites de Paul :è7ti'-fvw<"î> 
itappiimoi, 7tapâxX?)<nc. La belle métaphore 8v èy£vvr|<Toc 
èv toi; Ssiriioiç, jt. 10, rappelle I Cor., i\, 15, l'adverbe 
Tà^a, f. 15, l'Épître aux Romains, v, 7. Il y a, en outre, 
nombre de coïncidences verbales avec les Épîtres aux 
Colossiens, aux Éphésiens, aux Philippiens, par exem- 
ple, 8é<T|iioç Xpio-coO 'Ir|<ToO,ll, 1, 9; Eph.,ni, 1; iruvep-fiSî 
et (nj<rrpaTiMTr|Ç, v, 1, 2; Phil., n, 25; dtvrixov, v, 8; 
Eph., v, 4; Col., m, 18; (ruvaixndcXuTo;, v, 23; Col.,rv, 
10; àStlfoç àYa7niT<îç, v, 16; Eph., vi, 21; Col., iv, 7. 

IV. Mérite littéraire. — Tous les critiques s'accor- 
dent à reconnaître, dans l'Épître à Philémon, un vrai 
petit chef-d'œuvre de l'art épistolaire. Érasme, In Phi- 
lem., 20, défie même Cicéron de dépasser l'éloquence 
de ces quelques lignes. On ne sait ce qu'il faut le plus 
admirer dans cette page, unique en son genre parmi 
les écrits de Paul, la finesse, la grâce, la délicatesse de 
sentiment et de langage, les tournures heureuses, les in- 
sinuations habiles, les sous-entendus pleins de tact et 
d'à-propos. Cette Épître nous révèle la souplesse du 
génie de Paul. « Ce ne sont, dit Sabatier, que quelques 
lignes familières, mais si pleines de grâce, de sel, d'affec- 
tion sérieuse et confiante, que cette courte Épître 
brille, comme une perle de la plus exquise finesse, 
dans le riche trésor du Nouveau Testament. Jamais 
n'a mieux été réalisé le précepte que Paul lui-même 
donnait à la fin de sa lettre aux Colossiens : « Que votre 
« parole sorte toujours revêtue de grâce, assaisonnée de 
« sel, de manière à savoir comment vous devez répondre 
« à chacun. Col., rv,6 .» L'Apôtre Paul, 3 e édit., p. 234, 
236. La conservation de cette Épître est due sans doute 
au respect, à l'affection, au culte de la famille de Phi- 
lémon pour tout ce qui émanait de J'Apôtre Paul. 

V. La question de l'esclavage. — On a parfois re- 
proché à Paul d'avoir renvoyé Onésime à son maître 
au lieu de prendre occasion de cet incident pour pro- 
clamer, au nom de l'Évangile, l'émancipation des 
esclaves. Il faut, au contraire, louer l'Apôtre de ne 
s'être point posé en Spartacus imprudent et d'avoir 
traité avec une si grande sagesse un point de doctrine 
si grave et si délicat. On doit lui savoir gré d'avoir 
tracé la ligne de conduite que le christianisme devait 
prendre à l'égard d'une institution qui tenait, par tant 
de liens intimes, à la vie politique, sociale, économique, 
des sociétés anciennes. En renvoyant l'esclave à son 
maître, Paul reconnaît, respecte l'institution existante 
mais il ne lui donne pas, comme on l'a prétendu, une 
sorte de consécration qui la rende intangible. Il pose, 
au contraire, les principes qui doivent, dans un avenir 
plus ou moins rapprochera faire disparaître du monde 
civilisé. Par le fait qu'il fait de l'esclave chrétien le 
frère de son maître et qu'il efface dans le Christ toutes 
les différences sociales, il ruine, par la base, cette 
oppression de l'homme par l'homme. Voir Onésime, 
t. iv, col. 1812. 

VI. Bibliographie. — J.-B. Lightfoot, S. Paul's 
Epistles to the Colossians and to Philémon, in-8", 
Londres, 1892; H. K. von Soden, Die Briefe an die 
Kolosser, Epheser, Philémon, Fribourg, 1893, p. 73; 
Meyer, Comment, ùber die Briefe an die Kolos. und 



265 



PHILÉMON (ÉPITRE A) — PHILIPPE II HÉRODE 



266 



Phil., t. vin, ix; H. Oltramare, Comment.^ sur les 
Ëpîtres de saint Paul axix Colossiens, aux Éphésiens 
et à Philémon, ia-8», Paris, 1891; Vincent, dans 
Intem. Critic. Commentary, Epist. io the Philip, and 
to Philémon, p. 157, Edimbourg, 1897; Holtzmann, 
Der Brief an Philémon, kritisch untersucht dans 
Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1873, 
p. 428-441. C. Toussaint. 

PHILÈTE (grec : ^iX^toç, « aimé »), chrétien" infi- 
dèle à sa foi qui partagea l'hérésie d'Hyménée, en disant 
que la résurrection était déjà accomplie. II Tim., h, 
17-18. Voir Hyménée, t. m, col. 391. On ne sait rien 
autre chose de certain sur sa vie. Ce qu'on lit dans le 
Pseudo-Abdias, Apostolicx historiée, iv, 2-3, dans J. A. 
Fabricius, Codex apocrypJius Novi Testamenli, 1719, 
t. Il, p. 517-520, sur ses rapports avec l'apôtre saint 
Jacques, fils de Zébédée, est fabuleux. On trouve sépa- 
rément les noms d'Hyménée et de Philète parmi ceux de 
la maison de César dont les cendres avaient été dépo- 
sées dans des Columbaria de Rome. Voir J. G. Walch, 
De Hymenseo et Philelo, dans ses Miscellanea sacra, 
Amsterdam, 1744, p. 81-121; J. Ellicott, The Pastoral 
Epistles of St. Paul, 4« édit., Londres, 1860, p. 133-134. 

PHILIPPE (grec : «SD.nraoç, « ami des chevaux »), nom 
de deux rois de Macédoine, d'un oncle d'Antiochus 
Épiphane, de deux Hérodes, d'un apôtre et d'un diacre. 

1. PHILIPPE II, fils d'Amyntas (fig. 62) roi de Macé- 
doine (350-336 avant J.-C), et père d'Alexandre le Grand. 




62. — Monnaie de Philippe II, roi de Macédoine. 

Tète de Jupiter laurée, à droite. — i^. *IAinnor. Cavalier 

marchant à droite et portant une palme. 

C'est seulement en cette dernière qualité qu'il est 
nommé I Mach., i, 1; VI, 2. 

2. PHILIPPE V, roi de Macédoine (220-179 avant 
J.-C.) (fig. 63). Il était fils de Démétrius II, et lui ;suc- 
céda sur le trône. Voulant agrandir son royaume, il 
entra en conflit avec les Romains pendant qu'ils 
étaient en guerre avec Carthage et profita de la cir- 




63. — Statère de Philippe V, roi de Macédoine. 

Tête de Philippe V, diadémée, à droite. — tf. BASlAEQ[r] 
■MAinnOï. Hercule debout, à gauche, portant sa massue et 
une corne d'abondance. 

constance pour consolider son pouvoir. Mais lorsque 
la victoire de Zama -eut permis aux Romains de 
l'attaquer à. leur gré, en 200, il ne put leur résister 
longtemps, malgré sa bravoure. Il lutta contre eux 
""jusqu'en 198, où l'arrivée de T. Q. Flaminius lui fut 
filiale. Celui-ci le battit en 197 à Cynoscéphale en 



Thessalie et lui imposa uue paix humiliante. Philippe 
termina sa vie en vains efforts pour regagner une partie 
de sa puissance perdue. Le premier livre des Macha- 
bées, vin, 5, rappelle la défaite de Philippe V et celle 
de Persée comme une preuve de la grande force des 
Romains. 

3. PHILIPPE, « Phrygien d'origine, » et par caractère 
plus cruel qu' Antiochus IV Épiphane lui-même qui 
l'avait nommé gouverneur de Jérusalem, 170 avant J.-C. 
II Mach., v, 22. Il fit brûler dans les cavernes des en- 
virons de Jérusalem les Juifs qui s'y étaient réfugiés 
pour célébrer le sabbat et qui ne se défendirent point 
pour respecter le repos de ce jour. II Mach., vi, 11. 
Plus tard, effrayé de la résistance et des progrès de 
Judas Machabée qui avait battu Apollonius et Séron, 
généraux d'Antiochus, Philippe demanda des secours 
contre lui à Ptolémée, gouverneur syrien de la Cœlé- 
syrie et de la Phénicie, qui lui envoya Nicanor, fils de 

■Patrocle et Gorgias. Voir Nicanor, t. iv, col. 1613, et 
Gorgias, t. m, col. 277. II Mach., vin, 8-9. 

Philippe était frère de lait, (rjvTpotpoi;, collactaneus, 
d'Antiochus IV Épiphane. II Mach., ix, 29. Le pre- 
mier livre des Machabées, vi> 14, l'appelle s un des 
amis » du roi. Sur ce titre, voir Ami 2, 7», t. i, col. 480. 
Quand Antiochus IV entreprit sa campagne en Perse, 
il voulut emmener son familier avec lui. Là, sentant sa 
fin approcher, il le chargea de la régence et lui remit 
son diadème, ses insignes royaux et son anneau, afin 
qu'il les transmît à son fils, Antiochus, encore mineur 
(163 avant J.-C). I Mach., vi, 14-15. Mais à la nouvelle 
de la mort d'Épiphane, Lysias qui était en Syrie s'em- 
para du pouvoir au nom du jeune Antiochus qui n'était 
qu'un enfant et dont il était le tuteur (voir Antiochus V, 
t. I, col. 700) et lui donna le nom d'Eupator. IMach., vi, 
17. Philippe, qui ne se sentait pas le plus fort, n'osa 
pas revenir aussitôt à Antioche. Il se rendit en Egypte, 
emportant avec lui le corps d'Antiochus IV, auprès de 
Ptolémée Philométor, afin de lui demander appui contre 
Lysias. II Mach., IX, 29. Il réussit sans doute dans ses 
démarches et pendant que Lysias faisait la guerre en 
Judée contre Judas Machabée, Philippe, avec l'aide des 
troupes syriennes qui étaient revenues de Perse "et de 
Médie, occupa Antioche. I Mach., vi, 56; II Mach., xm, 
23. Lysias, informé de cet événement, s'empressa de 
faire la paix avec les Juifs (voir Lysias 1, t. iv, col. 458) et 
de retourner avec son armée en Syrie"; il reprit Antioche, 

I Mach., vi, 63, et d'après Josèphe, Ant. jud., XII, IX, 
7, s'empara de la personne de Philippe et le fit mettre 
à mort. — Un certain nombre d'historiens distinguent 
le frère de lait d'Antiochus Épiphane de Philippe le 
Phrygien, mais plus communément on admet que c'est 
un seul et même personnage. Quelques critiques veu- 
lent révoquer en doute le voyage de Philippe en Egypte, 

II Mach., ix, 29, parce qu'il n'est pas mentionné 
I Mach., vi, 56. La prétérition de I Mach., vi, 56, ne 
prouve nullement que le voyage n'ait pas eu lieu. — Tite 
Live, xxxvii, 41, mentionne un Philippe qui avait le 
commandement des éléphants dans l'armée syrienne à 
la bataille de Magnésie (190 avant J.-C), mais rien 
n'autorise à l'identifier avec celui dont parient les livres 
des Machabées. 

4. PHILIPPE I er HÉRODE, premier mari d'Hérodiade 
et père de Salomé. Les Évangélistes ne le désignent que 
sous le nom de Philippe. Matth., xiv, 3; Marc, vi, 17; 
Luc, m, 19. Voir Hérode 4, t. m, col. 6i9. 

5. PHILIPPE il HÉRODE, tétrarque de Trachonitide 
et d'Iturée. Luc, m, 1. Il rebâtit l'ancienne Panéas, 
qui prit de lui son nom de Césarée de Philippe. 
Matth., xvi, 13; Marc, vm, 27. Voir Hérode 5, t. m, 
col. 649-650. 



267 



PHILIPPE (SAINT) APÔTRE 



268 



6. PHILIPPE (saint), un des douze Apôtres (fig.6i). 

I. Saint Philippe d'après les Évangiles. — Il était 
originaire de Bethsaïde en Galilée, comme Simon Pierre 
et André, Joa., i, 44; xii, 21. Cette communauté d'ori- 
gine explique comment il était particulièrement lié 
avec saint André. Joa., xii, 22; vi, 5-8. C'était aussi un 
ami de Nathanaël ou Barthélémy. Joa., i, 45-46. Saint 
Philippe est nommé le cinquième dans toutes les listes 
des Apôtres et les trois Évangélistes nomment immé- 
diatement après lui son ami Barthélémy. Matth., x, 3; 
Marc, m, 18; Luc., vi, 14; cf. Açt., i, 13. Cet apôtre 
est donc placé immédiatement après les deux frères 
Pierre et André et les deux fils de Zébédée, et ce rang lui 
revient historiquement, parce qu'il fut un des premiers 
disciples du Sauveur. Lorsque saint Jean-Baptiste eut 




64. — L'apôtre saint Philippe. Type traditionnel. 
D'après Albert Durer. 

révélé à André, qui était son disciple, ce qu'était Jésus, 
André s'empressa de communiquer la grande nouvelle 
à son frère Simon et il l'annonça aussi sans doute à 
son ami Philippe qui était probablement comme lui 
disciple de Jean-Baptiste. Ces faits se passaient à Bétha- 
nie au delà du Jourdain. Joa., i, 28. Le lendemain Jésus, 
ayant rencontré Philippe, lui dit : « Suis-moi, » Joa.,i, 
43, et l'heureux élu se mit aussitôt à sa suite, ayant été 
appelé directement le premier de tous les Apôtres. Il ne 
tarda pas à faire part de son bonheur à son ami Na- 
thanaël et l'amena à son nouveau Maître. Joa., i, 45,48. 
La manière dont Philippe parle à Nathanaël du « pro- 
phète » qu'avait prédit Moïse et qu'il venait de rencon- 
trer semble indiquer que la venue du Messie avait été 
déjà auparavant un sujet d'entretien entre les deux 
amis. Comme Nathanaël était de Cana, Joa., xxt, 2, on 
est porté à croire que c'est à son arrivée dans cette 
ville que Philippe rencontra Nathanaël. Cf. Joa., n, 1. 
Celui-ci ne put croire d'abord que quelque chose de 
bon pût venir de Nazareth : « Viens et vois, » lui dit 
Philippe, et son ami fut bientôt convaincu. Joa., i, 46- 
49. Philippe avait d'ailleurs mal renseigné, son ami, 
n'étant pas encore bien instruit lui-même, eu lui par- 
lant de Jésus comme fils de Joseph et originaire de 
Nazareth. Joa., i, 45. 
Les trois synoptiques se contentent de nommer Phi- 



lippe dans leur catalogue des Apôtres, mais saint Jean, 
né comme lui sur les bords du lac de Tibériade, nous 
fournit sur sa personne, outre le récit de sa vocation, 
quelques renseignements particuliers propres à inté- 
resser ses lecteursjl'Asie Mineure. Philippe assista aux 
noces de Cana, car il doit être compris parmi « les 
disciples » qui y avaient été invités avec Jésus. Joa., n, 
2. Clément d'Alexandrie, dans ses Stromates, m, 4, 
t. vin, col. 1129,£le nomme [comme étant le disciple à 
qui Jésus aurait dit : « Laisse les morts ensevelir leurs 
morls », Matth., vin, 22, quand ce disciple, que l'Évan- 
géliste ne désigne pas par son nom, lui aurait demandé 
d'aller ensevelir son père. Le Maître aurait voulu le 
former ainsi au détachement nécessaire à un apôtre, 
mais nous ignorons sur quel fondement Clément 
d'Alexandrie appuie son identification. 

Ce qui est certain, c'est que Notre-Seigneur voulut 
lui inspirer pleine confiance en lui, lors du miracle de la 
multiplication des pains. A la vue de la foule qui l'en- 
tourait, Jésus lui demanda ; « Ou achèterons-nouc du 
pain, pour que ce monde puisse manger? » Jésus, ajoute 
l'Évangéliste, « disait cela pour l'éprouver, car il savait 
ce qu'il allait faire. » Philippe s'attendait si peu à un mi- 
racle, qu'il lui répondit : « Deux cents deniers de pain 
ne suffiraient pas pour que chacun en eût un mor- 
ceau. » Joa., VI, 5-7. Saint Jean Chrysostome conclut 
de là que Philippe avait particulièrement besoin des 
instructions du Sauveur. Hom. xlii, 1, in Joa., t. lix, 
col. 239. Tentât /idem Philippi, consilium petere mi- 
nime indigens, dit J. Corluy, Comment, in Ev. Joan- 
nis, 2 e édit, Grand, 1880, p. 135. Des commentateurs 
modernes ont supposé, en se plaçant à un point de vue 
plus positif, que si Philippe avait été interrogé directe- 
ment, c'est parce qu'il était chargé des provisions et 
que s'il avait parlé de deux cents deniers, c'est parce 
que c'était la somme qui était alors dans la possession 
des Apôtres. Cl, Fillion, Évangile selon saint Jean, 
1887, p. 118. 

Saint Jean nous a conservé dans son Évangile deux 
autres épisodes où l'apôtre Philippe joua un rôle. Parmi 
les pèlerins qui s'étaient rendus à Jérusalem à l'occa- 
sion de la fête de Pâques, il y avait des prosélytes grecs 
qui désiraient voir Jésus. Attirés peut-être par le nom 
grec de Philippe ou hien le connaissant auparavant, ils 
s'adressèrent à lui afin qu'il les présentât au Maître. 
Philippe semble n'avoir pas osé le faire lui seul. Il 
appela son ami André qui était moins timide et les 
deux ensemble prévinrent Notre-Seigneur qui adressa 
à la foule un discours, confirmé par une voix du ciel. 
Joa., xii, 20-30. — Une autre fois, et c'est la quatrième 
où saint Jean parle nommément de saint Philippe, dans 
le discours après la Cène, Jésus dit à ses Apôtres 
qu'ils avaient vu son Père. Philippe ne comprit pas ce 
que le Maître entendait par là, qu'ils avaient vu le Père 
dans le Fils qui est un avec lui, et attachant à ces 
paroles un sens matériel, il répondit à Jésus dans l'es- 
poir de voir quelque théophanie comme les patriarches. 
ce Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit. » 
« 11 y a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as 
pas connu? » répliqua le Sauveur (d'après le texte grec). 
«Philippe, celui qui m'a vu a vu aussi le Père. Comment 
peux-tu dire : Montrez-nous le Père. Ne crois-tu pas que 
je suis dans le Père et que le Père est en moi? » 
Joa., xiv, 7-10. La demande faite par Philippe avec la 
simplicité de son caractère fournit ainsi à Jésus-Christ 
l'occasion de donner à ses Apôtres sur son union avec 
son Père céleste une leçon profonde qui resta profon- 
dément gravée dans la mémoire de saint Jean. 

Philippe étant natif de Bethsaïde et, lié comme il 
l'était avec les fils de Zébedée et Nathanaël, dut être l'un 
des deux disciples anonymes, Joa., xxi, 2, à qui Jésus 
ressuscité apparut sur les bords de la mer de Galilée ;. 
ce n'est toutefois qu'une hypothèse. — Cet apôtre n'est 



269 



PHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE 



270 



nommé qu'une autre fois dans le Nouveau Testament, 
avec les dix autres qui étaient rassemblés dans le Cé- 
nacle, après l'Ascension, Act., i, 13, et il reçut avec eux le 
Saint-Esprit le jour dé la Pentecôte. Act., ir, 1-3. 

II. Saint Philippe d'après la tradition. — A partir 
de ce moment nous ne savons plus rien sur cet apôtre 
que par les témoignages de la tradition qui ne sont 
pas en tout concordants. Les plus anciens écrivains 
ecclésiastiques ne l'ont pas toujours distingué exacte- 
ment de l'Evangéliste Philippe, un des sept diacres. 
Voir Philippe 7. Eusèbe lui-même, H. E., m, 31, 
t. xxi, col., 281, les confond ensemble. 

Ce qui se dégage avec le plus de certitude des tradi- 
tions anciennes, c'est que saint Philippe évangélisa la 
Phrygie. D'après le Bréviaire romain et plusieurs marty- 
rologes, il avait évangélisé d'abord la Scythie et la Lydie. 
Tous les monuments sont d'accord pour lui faire passer 
les dernières années de sa vie à Hiérapolis en Phrygie, 
Polycrate, évêque d'Éphèse dans la dernière partie du 
II e siècle, qui avait tous les moyens d'être bien informé, 
dit dans sa lettre au pape Victor dont un fragment 
nous a été conservé par Eusèbe, H. E., m, 31, t. xx. 
col. 280 : « ...Philippe, qui fut'un des douze Apôtres, et 
mourut à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui 
avaient vieilli dans la virginité. Son autre fille... fut 
enterrée àtphèse. » Cf. Théodoret de Cyr, InPs. cxvi, 
i, t. lxxx, col. 1808; Nicéphore, H. E., h, 44, t. cxlv, 
col. 880; dans les œuvres de S. Jérôme, De vitis 
apost., t. xxiii, col. 721. D'après tous ces auteurs à 
rencontre de Cai'us, voir Philippe 6, l'apôtre saint Phi- 
lippe fut marié et eut trois filles, dont deux restèrent 
vierges et dont la troisième mourut à Éphèsé où elle 
était probablement mariée. Papias, qui fut évêque 
d'Hiérapolis, connut les filles de l'apôtre et apprit d'elles, 
au rapport d'Eusèbe, qu'un mort avait été ressuscité de 
son temps, par leur père sans doute. Eusèbe, H. E., m, 
39, t. xx, col. 297; Nicéphore, H. E., m, 2, t. cxlv, 
col. 937. Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. vm, 
col. 1156. L'antique nécropole d'Hiérapolis, dont les 
nombreux tombeaux ont été conservés par les eaux pé- 
trifiantes de la ville, au milieu desquelles ils sont in- 
crustés, contient une inscription où il est fait allusion à 
une église dédiée à saint Philippe, en souvenir de son 
apostolat : toC eùSôfjou 'AitomiXou ti'i ^€o\6yo\j «PtXmrou. 
W. M. Ramsay, The Cities und Bishoprics of Phrygia, 
Londres, 1895-1897, p. 552. Les restes de l'Église qu'on 
voit encore à Hiérapolis, au nord à l'entrée de la grande 
nécropole, près des anciens tombeaux, sont peut-être 
ceux de l'Eglise qui avait été consacrée à la mémoire 
du saint apôtre. Voir E. Le Camus, Voyage aux sept 
Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896, p. 189-190. 
Cf., dans le Dictionnaire, le plan d'Hiérapolis, fig. 147, 
t. m, col. 705. 

La mort de saint Philippe est racontée de façons très 
diverses. Clément d'Alexandrie, Strom., rv, 9, t. vm, 
col. 1281, dit faussement que les apôtres Matthieu, 
Philippe et Thomas moururent de mort naturelle. Le 
Pseudo-Hippolyte, De duodecim Apostolis, t. x, col. 952, 
et la plupart des documents anciens disent que 
saint Philippe fut martyrisé sousDomitien à Hiérapolis, 
et qu'il fut crucifié la tête en bas. Il devait avoir envi- 
ron 87 ans. Voir Acta sanctorum, maii t. i, p. 10. 
Sa sœur Marianne et ses deux filles qui étaient avec lui 
à Hiérapolis furent enterrées plus tard à côté de lui, 
d'après les Ménologes grecs. Dans un sermon attribué 
à saint Jean Chrysostome, Hom. de XII Apost., t. lis, 
col. 495, on lit que « Philippe conserve Hiérapolis par 
ses miracles ». Les reliques du saint ont été depuis 
transportées à Rome dans l'église des Saints-Apôtres, 
où elles sont placées avec celles de saint Jacques le 
Mineur," fils d'Alphée, sous le grand autel. L'Église 
latine célèbre la fête de ces deux Apôtres le 1 er mai. — 
Il existe des Actes apocryphes de saint Philippe qui ne 



contiennent guère que des fables. Voir Actes apocryphes 
des apôtres, vu, Acta S. Philippi, 1. 1, p. 164. Sur un 
prétendu Évangile de saint Philippe, voir Évangiles 
apocryphes, ii, 50, t. m, col. 2117. 

F. Vigouroux. 

7. PHILIPPE (SAINT) L'EVANGÉLISTE (grec : $0urc- 
ito; ô EîJavve).i<irTi«), un des sept premiers diacres. Il 
est nommé pour la première fois dans les Actes, vi, 5, 
le second des sept diacres que les Apôtres chargèrent 
de s'occuper des veuves des juifs hellénistes convertis à 
la foi. Il est distingué de l'apôtre du même nom, dans 
le livre des Actes, xxi, 8, par le titre d'évangéliste. 
Voir Évangéliste, t. il, col. 2057. Ce fut, après 
saint Etienne, celui des sept diacres qui joua le rôle le 
plus important. Il annonça le premier l'Évangile aux 
Samaritains et baptisa le premier Gentil. 

La persécution qui suivit la lapidation de saint Etienne 
l'obligea à quitter Jérusalem. Act., vu, 1. Il se rendit à 
la ville de Samarie, y prêcha Jésus-Christ et y opéra 
de nombreux miracles. Il fit de nombreuses conver- 
sions et conféra le baptême à beaucoup de Samaritains, 
hommes et femmes, et aussi à Simon le Magicien. Les 
Apôtres, ayant appris à Jérusalem qne Samarie avait 
reçu la parole de Dieu, Pierre et Jean s'empressèrent 
d'aller administrer aux nouveaux fidèles le sacrement 
de confirmation. Simon le Magicien toutefois se montra 
indigne de la grâce en offrant à saint Pierre d'acheter 
pour de l'argent le pouvoir de conférer le Saint-Esprit. 
Act., vm. 5-24. 

2° Un ange du Seigneur commanda alors au diacre 
Philippe de se diriger vers le midi de la Judée, sur la 
route de Jérusalem à Gaza. Là, il rencontra l'eunuque 
de Candace, reine d'Ethiopie. Voir Candace, t. h, 
col. 131. Tous les détails de la rencontre sont donnés 
par les Actes, vm, 26-29. Saint Luc avait pu les appren- 
dre de la bouche même du diacre évangéliste, pendant 
le séjour qu'il fit plus tard dans sa maison avec 
saint Paul à Césarée, et il les dépeint au vif. L'Éthio- 
pien, assis sur son char, lisait le chapitre lui d'Isaïe, 
mais il ne le comprenait pas. Philippe l'accoste, monte 
avec lui sur le char, lui explique le sens messianique 
de la prophétie, l'évangélise, et arrivé auprès d'une 
fontaine, sur la demande du néophyte, lui confère le 
baptême. Une tradition identifie celte fontaine avec 
celle A'él-Haniéh, entre Aïn Karîm et Bethléhem; et on 
l'appelle la Fontaine de saint Philippe. Liévin, Guide 
Indicateur de la Terre Sainte, 4 e édit., 1897, t. il, 
p. 29-30. Cf. V. Guérin, Judée, t. I, p. 109. «. La tradi- 
tion qui rattache à l'Aïn-el-Haniéh les souvenirs (de 
saint Philippe) est, je l'avoue, dit V. Guérin, Judée, 
t. m, p. 293-294, depuis longtemps consacrée, en quel- 
que sorte, par les témoignages presque unanimes de 
tous les pèlerins qui l'ont visitée... Mais cette tradi- 
tion, qui ne paraît pas remonter à une époque anté- 
rieure à celle des Croisades, doit évidemment céder le 
pas, pour tout esprit impartial, à la tradition primitive, 
telle qu'elle est consignée dans le Pèlerin de Bordeaux, 
dans Eusèbe et dans saint Jérôme (qui placent la fon- 
taine de saint Philippe à l'Ai» ed-Dirouéh) au-dessous 
de Bethsur, Onomast., édit., Larsow et Parthey, 1862, 
p. 104, 105, (et qui sont)... les plus sérieuses autorités 
que l'on puisse consulter en pareille matière... En outre, 
les circonstances elles-mêmes du récit des Actes des 
Apôtres relativement à ce baptême semblent s'opposer 
matériellement à l'hypothèse qui .place à l'Aïn el-Ha- 
niéh le lieu de cet événement. Le texte sacré nous dit 
que l'eunuque de la reine d'Ethiopie étaitsur un char... 
Or la route qui passe près de l'Aïn el- Haniéh ne pa- 
rait pas avoir été jamais carrossable. Au contraire, 
la route à côté de laquelle coule l'Ain ed-Dirrouéh 
conserve encore çà et là, les traces d'un ancien passage. » 
Saint Jérôme, dans l'Épitaphe de sainte Paule, t. xxii, 
col. 886, dit qu'elle visita la fontaine sur la fc vieille 



271 



PHILIPPE (SAINT) L'ÉVANGÉLISTE — PHILIPPES 



272 



route » qui mène à Gaza. « L'épifhète de vêtus, vieille, 
donnée par saint Jérôme à la route conduisant à Gaza 
par Hébron explique très bien, ditV. Guérin, p. 293,1e 
sens que l'on doit donner à celle de déserta, déserte, 
employée dans les Actes'pour désigner la même voie. Il 
ne faut pas prendre ce dernier mot à la lettre et croire 
que cette route était réellement déserte, puisqu'elle 
traversait des villes et des villages; elle était seulement 
abandonnée alors par la plupart de ceux qui se ren- 
daient à Gaza, lesquels en prenaient une autre plus 
occidentale, comme le font encore les caravanes 
d'aujourd'hui. » 

La fontaine d'Ain ed-Dirrouéh est sur le bord de la 
route actuelle de Jérusalem à Hébron, au bas de la 
colline sur laquelle sont les restes de l'antique Bethsur. 
L'eau de la fontaine s'écoule à un mètre environ au- 
dessus de la chaussée, à l'est, par un bloc de marbre 
rouge cannelé, dans un réservoir fait en partie de sar- 
cophages. Le filet d'eau est assez abondant. Les femmes 
des environs vont y puiser de l'eau dans des outres et 
laver leur linge dans le réservoir. Les ruines d'une 
vieille église bâtie au-dessus de la source conservent le 
souvenir du baptême de l'eunuque éthiopien. L'eau 
est absorbée sur place dans la terre comme l'observe 
saint Jérôme. Onomast., p. 105 (Notes prises sur les lieux 
en mars 1888). Après que l'eunuque eut été baptisé, le 
nouveau converti et l'apôtre se séparèrent. Les fonctions 
que l'Éthiopien remplissait à la cour de la reine Can- 
dace font croire qu'il était réellement eunuque. Le 
langage des Actes ne permet pas de supposer que c'était 
un juif né en Ethiopie ; il devait être un prosélyte de 
la porte, Is., li, 4-5, son état l'empêchant d'être un 
prosélyte de justice. Deut., xx.ui, 1. Ce fut, comme le 
remarque Eusèbe, H. E., n, 1, t. xx, col., 137, itpwro? 
è? êOvôv, « le premier des gentils converti » et à ce 
titre l'acte de saint Philippe est particulièrement mé- 
morable. Il remplit bien en cette circonstance ses 
fonctions d'évangéliste. En conférant le baptême à un 
descendant de Cham, à un homme de cette race mé- 
prisée, à un eunuque et à un Éthiopien, cf. Amos, ix, 
7, il montrait que Jésus-Christ était le Sauveur de tous 
les hommes et qu'il n'excluait personne de son royaume. 
Cet événement accompli sans témoins, et en faveur d'un 
prosélyte qui quitta aussitôt la Palestine, eut moins 
d'éclat que plus tard la conversion du centurion Cor- 
neille, mais elle en était comme le prélude. De retour 
en Ethiopie, le néophyte, d'après la tradition, y prêcha 
l'Évangile et convertit la reine elle-même. Eusèbe, 
H. E., il, 2, t. xx, col. 137; S. Jérôme, In. Is., lui, 
t. xxiv, col. 509; Nicéphore, H. E.,\i, 6, t. cxlv, col. 769. 
Quant à Philippe, « l'Esprit du Seigneur le ravit à la vue 
de l'eunuque, » Act., vin, 39, et il prêcha l'Évangile à 
Azot, dans les villes philislines et sur toute sa route 
jusqu'à Césarée, f. 40, où habitait probablement sa 
famille. 

3° Saint Philippe reçoit, saint Paul à Césarée. — 
Nous ne retrouvons le diacre Philippe que plusieurs 
années plus tard, et c'est la dernière fois qu'il est nom- 
mé dans les Actes, xxi, 8. Saint Paul venant de Ptolé- 
maïde et allant à Jérusalem, à la fin de sa troisième 
mission, reçut chez lui l'hospitalité comme chez une 
ancienne connaissance. L'apôtre des gentils devait 
s'entendre pleinement avec celui qui avait baptisé le 
premier gentil.. Il demeura plusieurs jours à Césarée 
avec ses compagnons .dans la maison du diacre Philippe 
et c'est là que le prophète Agabus annonça à saint Paul 
sa prochaine captivité. Saint Luc nous apprend, Act., xxi, 
9, que leur hôte avait quatre filles « qui prophéti- 
saient », et qui instruisaient sans doute ceux qui vou- 
laient se convertir au christianisme, aidant leur père 
dans son œuvre d'évangéliste. C'est la mention de ces 
quatre filles qui a amené la confusion des traditions 
relatives à Philippe l'apôtre et à Philippe l'évangé- 



liste. Les témoignages anciens qui attribuent trois filles 
à l'apôtre et le font évêque d'Hiérapolis, ont été rap- 
portés plus haut. Voir Philippe 6, col. 269. Un passage 
de Caïus, cité par Eusèbe, H. E., ni, 31, t. xx, 
col. 281, attribue au diacre Philippe ce qui regarde en 
réalité l'Apôtre du même nom. Cet écrivain ecclésias- 
tique était contemporain du pape Zéphyrin (202-219). 
Eusèbe, H. E., n, 25, col. 208. D'après l'Histoire litté- 
raire de la France, t. i, 1, p. 356, il était originaire de 
la Gaule. Il eut à Rome'une discussion publique avec 
le montaniste Proclus. qu'il publia plus tard sous le 
titre de AiâXoyoç T.pbz Hç>6x\ov; c'est dans ce dialogue 
que nous lisons : « Après cela les quatre filles de Phi- 
lippe furent prophétesses à Hiérapolis en Asie, où l'on 
voit leur tombeau et celui de leur père Philippe. » Ce 
nombre de quatre et le titre de prophétesses montrent 
qu'il faut entendre par là Philippe l'Évangéliste. 
Act., xxi, 8. Caïus est la seule autorité ancienne qu'on 
puisse citer en faveur de cette opinion, qui compte en- 
core aujourd'hui des défenseurs. Cependant la plupart 
des critiques reconnaissent que le témoignage de Caïus 
n'a pas la valeur de celui de Polycrate qui écrivait avant 
lui et vivait non loin d'Hiérapolis. Voir J.-B. Lightfoot, 
St. Paul's Epistles to the Colossians and to Philemon, 
Londres, 1875, p. 45. 

Un Ménologe grec, dans Lipsius, Die apokryphen 
Apostelgeschichten, 1889-1890, t. in, p. 3, appelle les 
quatre filles de saint Philippe Hermione, Charitine, 
Irais et Eutychiane. D'après les traditions les plus an- 
ciennes, leur père devint évêque de Tralles et il y mou- 
rut de mort naturelle. Acta Sanctorum, junii 1. 1, p. 609- 
Des martyrologes plus récents le font mourir à Césarée. 
Du temps de saint Jérôme, on montrait encore dans 
cette dernière ville, la maison où le diacre Philippe 
avait reçu saint Paul et les chambres de ses quatre filles. 
Le saint docteur raconte que sainte Paule y fit un 
pèlerinage. Epist. cvin, 8, t. xxn, col. 82. L'Église 
célèbre la fête de l'évangéliste saint Philippe le 6 juin. 

F. Vigouroux. 

PHILIPPES (grec : $fXnra:)i; Vulgate, Philippi), 
ville très ancienne et citadelle très forte de la Macé- 
doine (fig. 65). Elle était située entre les monts Hémus 




65. — Monnaie de Philippes. 
TICLAUDIUS CAESAR. AUG. PM. TRP. IMP. Tète de l'em- 
pereur Claude, à gauche. — ^. COL AUG IUL PHILIP. Entre 
deux cippes, statues de Jules César et d'Auguste, placées sur 
un piédestal sur lequel on Ht DIVUS AUG. 

et Pangée, à l'est du fleuve Strymon, prés de la fron- 
tière de Thrace et de la rivière Gangès ou Gangitès, sur 
une colline élevée (fig. 66). Cf. Appien, De bellis civ., 
iv, 106. Elle dominait une vaste plaine, d'une grande 
fertilité, mais dont quelques parties sont marécageuses. 
Elle n'était séparée de la mer Egée que par environ 
trois heures de marche, et avait pour port la petite 
ville de Néapolis Datémon, aujourd'hui Cavalla. Voir 
Néapolis, t. iv, col. 1542. Ce fut d'abord une colonie 
fondée par les habitants de l'île de Thasos, située non 
loin de là. Elle porta en premier lieu le nom de 
Krenid.es, ou « Fontaines », à cause des sources très 
abondantes qui l'arrosent. En 356 avant J.-C, elle fut 
conquise par Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre 



273 



PHILIPPES 



-274 



le Grand, qui l'agrandit considérablement, la fortifia 
et lui donna son propre nom. Sa situation stratégique 
était fort importante, car elle commandait tout à la 
fois les routes de Grèce et de Thrace. De plus, on avait 
découvert des gisements très riches d'or et d'argent 
dans la montagne voisine, le Pangëe, et ces deux 
motifs réunis avaient excité la convoitise du roi Phi- 
lippe. La recherche de l'or fut la grande affaire de 
toute la région pendant plusieurs siècles, et la ville 
en obtint un redoublement de prospérité. 

Dès l'année 168 avant J.-C, elle tomba sous la domi- 
nation de Rome. C'est dans sa vaste plaine qu'en 42 
avant notre ère Octave et Antoine, héritiers d'e César, 



l'année 53. Appelé en Macédoine par une vision surna- 
turelle, Act., xvi, 9, l'apôtre des gentils traversa la mer 
Egée, et vint en droite ligne à Philippes, avec 
Silas, Timothée et saint Luc. Durant un séjour rapide, 
il réussit à fonder une chrétienté vaillante et généreuse, 
malgré l'opposition des Juifs et des autorités romaines. 
Voir Paul (Saint), t. iv, col. 2209. C'était la première 
fois que Paul annonçait l'évangile en Europe. La per- 
sécution qui éclata après son départ contre les néophytes 
ne fit qu'exciter davantage leur zèle. I Thess., Il, 2. 
Saint Paul fit à Philippes une seconde visite plus pro- 
longée, pendant son troisième voyage, vers l'année 58, 
après avoir quitté Éphèse. Act., xx, 1-2. Cette fois, la 




66. — Vue de la plaine de Philippes. D'après une photographie de M. H. Cambournac. 



remportèrent une victoire décisive sur Brutus et Cassius, 
les derniers défenseurs de la république. Devenu em- 
pereur, Octave établit à Philippes une colonie de vété- 
rans, et lui donna le nom de Colonia Augusta Julia 
Philippensium. Cf. Pline, H. N., îv, 18; Act., xvi, 
12. Ce fut un quatrième élément apporté à la popula- 
tion, qui se composait déjà de Macédoniens, de Grecs 
et de Thraces. Après la bataille d'Actium, 31 avant 
J.-'C, d'autres vétérans furent envoyés à Philippes. 
Cf. Dion Cassius, LI, iv, 6. Il n'est donc pas étonnant 
qu'on ait trouvé sur l'emplacement de la ville de nom- 
breuses monnaies et inscriptions latines (fig. 66). Phi- 
lippe reçut alors le « jus italicum », qui accordait à ses 
habitants des droits et des privilèges presque égaux à 
ceux des citoyens de Rome. Voir Marquardt, Rômische 
Staatsverwaltung, 2 in-8°, Leipzig, t. i, 1873, p. 187. 
Les débuts du christianisme à Philippes sont ra- 
contés tout au long, dans les termes les plus drama- 
tiques, au" livre des Actes, xvi, 12-40. Rien de plus 
modeste, et aussi rien de plus touchant. C'était pen- 
dant le second voyage apostolique de saint Paul, vers 



ville n'est pas mentionnée nommément par l'historien 
sacré ; mais le texte suppose de la façon la plus évi- 
dente que Paul vit alors toutes les chrétientés de Ma- 
cédoine. Il y revint encore une troisième fois, de 
Corinthe, pendant ce même voyage, Act., xx, 3-6, vers 
la Pâque de l'année 59. De Rome, à la fin de sa pre- 
mière captivité, il écrivit aux Philippiens une de ses 
lettres les plus intimes, voir Philippiens (ÉpIthe aux), 
qui montre à quel degré il leur était attaché et combien 
il était payé de retour. Cf. Phil., i, 1 ; u, 12; iv, 3, 10; 
II Cor., xi, 8-9. 

Un passage des Actes, xvi, 12, relatif à la ville de 
Philippes, a de tout temps créé quelque difficulté aux 
interprètes. Le texte présente en cet endroit plusieurs 
variantes, qui prouvent qu'on ne le comprenait pas 
très bien et que les copistes cherchaient à le rendre 
plus clair. On lit, d'après la leçon la plus commune, 
qui est vraisemblablement la meilleure : eîç $[),itctcouc, 
■îjTt; êutVv xpion) ttjç (ispiSo; TrjçMaxsSovîaç tuoXiç, xoXo>- 
vta. Vulgate : Philippos, quse est prima partis Hac&- 
doniœ civitas, colonia. Le Codex B supprime l'article 



275 



PHILIPPES 



276 



devant (tspiêoç; le Codex D substitue xEfaXiij, « capitale, » 
aux mots irpii-n) -riji (iepî5o<. Cf. E. Nestlé, Novi Testa- 
ments supplementum, in-8°, Leipzig, 1896, p. 60. Ce 
passage peut avoir deux sens, auxquels se ramènent 
les principales interprétations des commentateurs : 
1° Philippes était une ville macédonienne de premier 
rang; 2" c'est la première des villes de Macédoine 
qu'atteignit saint Paul. Le premier sens serait contraire 
à l'histoire, si l'on prétendait, avec quelques auteurs, 
que Philippes était alors la capitale de la province de 
Macédoine : c'est Thessalonique qui possédait ce privi- 
lège. D'autres interprètes se sont souvenus que, dès l'an- 
née 167 avant J.-C, la Macédoine avait été distribuée en 
quatre districts, dont les inscriptions mentionnent clai- 



1895, h. h, lit rcpÛTrjc au lieu de itp<iT»i rij; : « Ville de 
la première région de la Macédoine. » MM. Westcott et 
Hort, The New Testament in the original Greek, Cam- 
bridge, 2 in-12, 1882, t. h, p. 96-97, transforment 
jiapfôo; en IlsepiSoç : « Ville chef-lieu de la Macédoine 
Piéride. » On nommait ainsi la région à laquelle appar- 
tenait Philippes. Cf. Hérodote, vu, 212; Thucydide, n, 
99. Mais ce ne sont là que de simples conjectures. 
D'autres, spécialement W. Meyer dans son commen- 
taire de ce passage, Kritisch-exegetisch. Commentai* 
ûber dos Neue Test., part, in, Die Apostelgeschichte, 
8° édit., in-8°, Gœttingue, 1899, p. 278, 280, rattachent 
le mot tcoXi'ç à xoXom'a, et traduisent : « La première 
ville colonie fondée dans ce district. » Mais cette asso • 




67. — Ruines du Direkeir à Philippes. D'après une photographie. 



rement l'existence, voir Macédoine, t. iv, col. 475 — 
MaxéêovMV ■kpârm, M. Seu-rÉpa;, M. texâpTuc, c'est-à-dire 
(monnaie) des Macédoniens de la première, de la 
seconde, de la quatrième (division) — et ils ont dit 
que Philippes était la première ville, le chef-lieu de 
la Macedonia prima, dont elle faisait partie. Mais 
cela aussi est inexact, car la métropole officielle de ce 
district était Amphipolis. Cf. Tite-Live, xlv, 29-30. Peut- 
être pourrait-on, avec quelques commentateurs, regarder 
les mots itp<irï) rift iJiEpîêoç... comme un de ces titres 
d'honneur que les villes grecques convoitaient alors 
si ardemment et qu'elles aimaient à se faire octroyer 
par les Romains; dans ce cas, le sens serait : Philippes 
était une ville importante, jouissant de grands privi- 
lèges, etc. Cf. C. T. Kuinoel, Acta Apostolorum, 2 e édit., 
in-8°, Leipzig, 1827, p. 542. On trouve, en effet, d'an- 
ciennes monnaies sur lesquelles la cité porte le titre 
de irpÛTi). Voir Rettig, Qusestiones Philippenses, in-8°, 
Giessen, 183t, p. 5. On a proposé aussi quelques modi- 
fications au texte, en vue de le rendre plus clair. 
M. Frd. Blass, Acta Apostolorum, in-8°, Gœttingue, 



ciation ne saurait être justifiée sous le rapport de la 
syntaxe. Il resterait à dire que la proposition aurait 
une signification locale : pour saint Paul, arrivant du 
côté de la mer Egée et de l'île de Samothrace, Phi- 
lippes était la première ville proprement dite de Macé- 
doine placée sur sa route ; car le port de Néapolis , ajoute- 
t-on, aurait appartenu à la Thrace,non à la Macédoine. 
Voir van Steenkiste, Actus Apostolorum breviter expli- 
catif in-8», 4<= édit., Bruges, 1882, p. 246; J. Felten, Die 
Apostelgeschichte ûberselzt und erklàrt, in-8°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1892, p. 311-312. Cf. Néapolis, t. rv, 
col. 1542. Cette interprétation supprime la difficulté; 
mais elle est difficile à justifier. 

La chrétienté de Philippes a eu aussi l'honneur de 
recevoir une lettre de saint Polycarpe. Cf. Funk, Die 
apostolischen Vâter, in-8°, Tubingue, 1901, p. 110-116. 
La ville s'est maintenue durant tout le moyen âge; elle 
est souvent mentionnée dans l'histoire deà guerres du 
xiv e siècle. Plus tard, elle fut détruite par les Turcs. 
Les ruines, complètement inhabitées, portent le nom 
de Filibedjik. Elles consistent dans les substructions 



277 



PHILIPPES — PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX) 



278 



d'un amphithéâtre et dans les restes d'un stade, d'un 
tempte de Claude, etc. Elles ont fourni des inscrip- 
tions très intéressantes. — Voir Leake, Travels in nor- 
thern Greece, 1835, t. m, p. 214-225; Heuzey, Explora- 
tion archéologique de Macédoine, Paris, 1864-1876; 
W. Ramsay, St. Paul the Traveller and the Roman 
Citizen, in-8», 5' édit.,1900, p. 206-226; Id., The Church 
in the Roman Empire, in-8», 1896, p. 156-158; F. Vi- 
goureux, Le Nouveau Testament et les découvertes 
archéologiques modernes, 2 e édit., p. 211-229; Corpus 
inscriptionum latinarum, t. m, i"> partie, p. 633-707, 
et le Supplementum, 7337-7358. 

L. Fillion. 
PHILIPPI Henri, chronologiste, né aux environs 
de Saint-Hubert (grand-duché de Luxembourg) le 
30 mars 1575, mort à Ratisbonne le 30 novembre 1636. 
Admis le 26 août 1597 dans la Compagnie de Jésus, il 
professa plusieurs années les belles-lettres, la théologie 
et l'Écriture Sainte aux universités de Gratz, Vienne et 
Prague. Le P. Philippi s'occupa surtout de chronologie. 
Ses travaux en cette matière, qui se rapportent à l'exé- 
gèse, peuvent encore, même à notre époque, être con- 
sultés avec profit. Ce sont d'abord des ouvrages géné- 
raux : 1° Generalis synopsis sacrorum temporum... 
intelligentise sacrarum litterarum accommodata, in-4», 
Cologne, 1624; 2° Manuale chronologicum veteris Te- 
stamenti, in-8°, Anvers, 1635 ; 3° Chronologies veteris Te- 
stamenti accuratum examen, Cologne, 1637. — On peut 
signaler ensuite, comme traités plus particuliers : 
Notes et qussstiones chronologies^ in Pentateuchum 
Moysis, in-4», Vienne, 1633; — lnlibros Josue,Judicum, 
Ruth, Regum, Paralipomenon, Esdrse, Nehemise, in-4°, 
Cologne, 1637; — In libros Tobise, Judith, Ésther, 
Prophetarum, in-4 , Cologne, 1637; — In duos libros 
Machabxorum, in-4", Cologne, 1637. P. Bliard. 

PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). - I. Importance. 
— Cette lettre, la plus épistolaire entre les Épîtres, est 
une de celles qui offrent, à divers points de vue, le 
plus d'intérêt parmi les écrits de saint Paul. Ce qui 
charme d'abord le lecteur, c'est le ton intime et fami- 
lier, l'abandon touchant avec lequel l'Apôtre épanche 
ses joies, ses tristesses, ses espérances. L'épltreaux 
Philippiens est une lettre d'ami. Aucune discussion ni 
argumentation théologique. Si l'Apôtre parle des judaï- 
sants, ce n'est pas avec une intention de polémique, 
mais pour prémunir son troupeau, i, 17; m, 2, 18. De 
même le beau passage sur la kénose (exinanivit) du 
Christ, il, 7, si riche en conclusions dogmatiques, n'est 
là que pour appuyer une exhortation pratique à l'abné- 
gation et au dévouement. L'âme de Paul se reflète donc 
ici dans ce qu'elle avait de merveilleusement tendre, dé- 
licat, affectueux, reconnaissant, pour une communauté 
répondant à peu près à son idéal. On s'attend à ce qu'une 
lettre écrite dans de pareils sentiments exprime mieux 
que toute autre la situation personnelle de l'auteur. 
Les Philippiens tenaient à être mis au courant de 
tout ce qui concernait leur apôtre bien-aimé. De fait, 
la présente Épître est le meilleur document pour com- 
bler les lacunes de la fin du livre des Actes. L'his- 
torien y peut recueillir des données certaines sur les 
derniers mois de la captivité de Paul à Rome. Il con- 
state les progrès de l'Evangile dans la cité et jusque 
dans la maison des Césars, l'effet produit, dans les 
prétoires, par les chaînes du vaillant prisonnier, les 
luttes qu'il soutient contre des ennemis envieux et 
jaloux qui essaient d'exciter les Juifs contre lui et 
d'aggraver une position déjà si pénible, les espoirs 
mêlés d'inquiétudes qui traversent l'esprit de Paul et 
donnent à sa lettre un fond de mélancolie qui con- 
traste avec les autres sentiments exprimés dans la 
lettre, enfin les projets qu'il nourrissait dans le cas où 
il serait rendu à la liberté. Mais tout cela n'est rien 



auprès de la valeur qui s'attache, pour la théologie,, au 
chap. il de cette lettre, encore qu'il ait été écrit sans 
aucune préoccupation dogmatique, dans le seul but de 
proposer en exemple le renoncement du Verbe fait 
chair. La conception christologique de l'Apôtre a su 
trouver, à cet endroit, des expressions qui surpassent 
en clarté et en précision toutes celles des autres 
Épttres. A' ce point de vue seul PÉpttre aux Philippiens 
sérail déjà hors de pair. 

II. Les relations de saint Paul avec l'Église de 
Philippes. — Aucune Église n'a été en rapports aussi 
étroits et aussi suivis avec l'Apôtre; aucune ne lui a 
donné autant de consolations. Il l'appelle lui-même 
« sa joie et sa couronne ». rv, 1. C'est vers l'automne 
de l'an 52, dans son second voyage, que saint Paul 
prêcha l'évangile à Philippes et y fonda la. première 
communauté chrétienne de Macédoine en compagnie 
de Silas, de Timothée et de l'auteur des Actes. Voir 
Act., xvi. Les premières et les plus nombreuses conver- 
sions paraissent s'être produites parmi les femmes 
d'un certain rang, déjà affiliées au judaïsme. La plus 
connue est Lydie, riche marchande de pourpre, origi- 
naire d'Asie Mineure, qui fut baptisée par Paul avec 
toute sa maison et doDna l'hospitalité à la troupe apos- 
tolique. Voir Lydie, col, 447. Ce fut là le commence- 
ment de l'Église de Philippes. On sait à la suite de quels 
événements Paul et Silas durent quitter la commu- 
nauté naissante. Act., xvi, 16-40. Voir Paul, t. îv, col. 2208, 
La nouvelle Église devait compter peu de Juifs; elle 
était surtout composée de gentils, les femmes paraissent 
y avoir tenu une place considérable. Leur influence s'y 
maintint longtemps, puisque dans cette lettre l'Apôtre 
regarde la mésintelligence de deux d'entre elles, 
Evodie et Syntyque, comme un sérieux danger pour 
l'Église de Philippes tout entière, iv, 2, 3. 

Il paraît qu'en Macédoine les femmes jouèrent, de 
tous temps, un rôle social plus considérable que par- 
tout ailleurs. C'est ce qu'attestent, en grand nombre, 
les inscriptions de ce pays. La jeune Eglise, après le 
départ précipité de l'Apôtre, ne cessa de croître et de 
prospérer. Saint Luc, que plusieurs critiques supposent 
originaire de cette ville, voir Luc, col. 376, y continua 
pendant près de cinq ans l'œuvre de son maître. Les 
persécutions ne parvinrent pas à ébranler les généreux 
néophytes, II Cor., vin, 2 : ils restèrent fidèles à Paul 
et à son Évangile. L'Apôtre ne revit probablement ses 
chers Philippiens qu'à son départ d'Éphèse vers l'an 58, 
lors de son troisième voyage à Corinthe, Il se rendit 
alors en Macédoine pour l'œuvre des collectes. On croit 
qu'il écrivit à Philippes sa seconde lettre aux Corin- 
thiens, II Cor., n, 13; vu, 5; vin, 1; ix, 2, 4. Il avait 
sous les yeux le spectacle de leur foi, de leur généro- 
sité, de leur ardeur. Ils étaient prêts, dit-il, non seule- 
ment à donner leurs biens, mais à se donner eux- 
mêmes, II Cor., vin, 1-5, pour l'œuvre du Seigneur. Au 
printemps de l'année suivante, en se rendant à Jérusa- 
lem pour y porter la collecte, saint Paul passa la se- 
maine de Pâques à Philippes, Act., xx, 5, 6; il y retrouva 
saint Luc. Les Épîtres pastorales surtout, I Tim., 13, 
laissent entendre que l'Apôtre réalisa le vœu qu'il énon- 
çait dans sa lettre aux Philippiens, i, 26 ; il, 24, et qu'après 
sa première captivité il revit sa chère Église. Durant les 
intervalles plus ou moins longs qui séparèrent ces di- 
vers séjours, les relations les plus amicales ne cessèrent 
jamais entre la communauté de Philippes et son fonda- 
teur. A diverses reprises, les Philippiens envoyèrent 
des secours d'argent à leur père bien-aimé, deux fois à 
Thessalonique, iv, 16; une fois, à Corinthe, II Cor., xi, 
9, et à Rome, Phil., iv, 18. Cette dernière fois, ils ne se 
contentèrent pas de secours matériels, ils envoyèrent 
Épaphrodite, le chef de leur église, auprès du prison- 
nier. Paul, qui connaissait les sentiments élevés de 
ces âmes généreuses, ne craignait pas d'accepter d'eux 



279 



PHILIPPIENS (EPITRE AUX) 



280 



un service qu'il aurait refusé de la part d'autres Églises. 
Il trouvait aussi là, chaque fois, l'occasion de leur en- 
voyer des remerciements et des nouvelles de . ses tra- 
vaux. Aussi a-t-on supposé, avec quelque vraisemblance, 
qu'il leur écrivit d'autres lettres que celles que nous 
possédons. Dans son Épître aux Philippiens, Polycarpe 
semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux 
et glorieux Paul leur écrivit « des lettres s>, émaroXat. 
Ad Phil., m, t. v, col. 1008. Il se peut toutefois, comme le 
remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant l'usage des 
Grecs et des Latins, puisse être circonscrit à une lettre 
unique. Quoi qu'il en soit, un passage de la présente 
Épître de Paul, m, 1, paraît sous-entendre d'autres 
lettres antérieures. 

III. Lieu et date de composition. — La lettre aux 
Philippiens a été écrite en prison, i, 7, 13, 14, 17. 
Est-ce à Rome ou à Césarée? L'opinion générale des 
critiques, même de ceux qui datent de Césarée les 
Épîtres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon, 
penche pour la première hypothèse. On a définitivement 
abandonné celle dePaulus (1799), Bôttger (1837), Rilliet 
(1841), Thiersch (1879), qui plaçaientà Césarée la rédac- 
tion de cette Épître. Les termes mêmes de la lettre 
lui sont défavorables. Le prétoire tout court, i, 13, s'en- 
tend mieux de la cour impériale que du palais d'Hérode 
à Césarée, Act, xxm, 35; la maison de César, iv, 22, ne 
peut s'appliquer à la maison du gouverneur Félix ; les 
prédicateurs envieux et jaloux dont se plaint l'Apôtre, 
I, 17, supposent une église bien plus considérable que 
celle de Césarée. Son espoir d'être bientôt rendu à la 
liberté, i, 25, 27; n, 24, son projet de revenir à Phi- 
lippes, se conçoivent mieux à Rome qu'après l'appel à 
César, Le point difficile est de savoir si- cette, lettre a 
précédé ou suivi les Épltres aux Colossiens, aux Ephé- 
siens, à Philémon, ou, en d'autres termes, si elle a été 
écrite au commencement ou à la fin des deux ans de 
captivité dont parlent les Actes, xxvm, 30. Ici les opi- 
nions se partagent. La majorité des critiques (Meyer, 
Weiss, Godet, [Lipsius, Holtzmann, Zahn, Jùlicher, 
Ramsay) penchent vers la seconde manière de voir. Us 
font remarquer qu'on ne peut expliquer sans un long 
séjour à Rome les succès de la prédication de Paul 
dans le prétoire, i, 12, dans la maison de César, iv, 22. 
Il faut, de plus, un temps suffisant pour les deux 
voyages, aller et retour,'entre Rome et Philippes, indi- 
qués dans l'Épître ; message de Rome à Philippes pour 
annoncer la captivité de l'Apôtre, voyage d'jipaphrodite 
de Philippes à Rome, annonce de sa maladie en Macé- 
donie, lettre au messager qui apprend à Épaphrodite 
et à Paul l'inquiétude des Philippiens au sujet de cette 
maladie; toutes ces allées et venues, ces échanges de 
nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un 
intervalle assez long. Qu'on ajoute à cela le fond de 
tritesse, presque de découragement, qui se détache de 
la lettre, l'absence de Luc et d'Aristarque, n, 20, en- 
voyés sans doute en mission par l'Apôtre, l'isolement 
où se trouve le prisonnier, l'attente imminente de son 
procès, l'incertitude de plus en plus grande sur l'issue 
de, son appel à César, la possibilité d'une condamna- 
tion à mort, on trouvera là tous les indices d'une cap- 
tivité déjà longue qui touche à sa fin. Aces arguments, 
Lightfoot répond qu'il n'y a pas de verset décisif, pas 
même, i, 12, en faveur d'une longue détention; que 
les succès de Paul dans Rome, i, 13-17, peuvent avoir 
eu lieu dès les premiers mois de son arrivée dans la 
Ville éternelle, que l'absence de salutations, de la part 
de Luc et d'Aristarque ne prouve rien, les arguments a si- 
lentio étant, par eux-mêmes, toujours très précaires ; 
que le ton général de la lettre est celui de la jpie et de 
la confiance, non celui de la tristesse et de l'abatte- 
ment; enfin, que les 1 200 kilomètres entre Rome et 
Philippes, par la voie Egnatienne, peuvent être par- 
courus dans l'espace d'un mois. Farrar insiste, à son 



tour sur les analogies entre cette épître et celle aux 
Romains, comme si, remarque von Soden, il n'y en 
avait pas de plus frappante encore avec l'Épître aux 
Corinthiens. Le même auteur allègue encore l'absence 
de toute controverse avec le judaïsme semi-gnostique 
combattu dans l'Épître aux Colossiens, prétendant qu'il 
est contraire à toute psychologie de ne pas prolonger 
jusque dans l'Épître aux Philippiens, une préoccupation 
aussi envahissante, si cette Epître avait été écrite, en 
réalité, après l'Épître aux Colossiens. Or, remarque 
excellemment Rarasay, Paul n'avait pas à envoyer à 
Philippes un traité contre des hérésies qui ne s'y étaient 
jamais montrées. Aussi l'opinion de Lightfoot et de Farrar 
qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de 
moins en moins acceptée des exégètes. Il semble donc, 
d'après la chronologie la plus reçue, que l'Épître aux 
Philippiens date de la fin de l'an 63, tout au plus des 
premiers mois de l'an 64. 

IV. Authenticité. — Les témoignages en faveur de 
de l'origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont 
à peu près les mêmes que pour les grandes Épîtres. 
Dès la fin du I er siècle, Clément de Rome parait s'être 
inspiré du passage christologique déjà cité, Phil., n, 6-8, 
quand il écrit : « Le Christ appartient à ceux qui ont 
des sentiments humbles et qui ne s'élèvent pas au- 
dessus de son troupeau. Le sceptre de la majesté de 
Dieu, le Seigneur Jésus-Christ n'est pas venu avec la 
jactance de l'orgueil, l'arrogance, quoiqu'il l'ait pu, 
Phil., n, 6-8, mais avec des sentiments humbles. 
Voyez, frères bien-aimés, quel exemple nous est pro- 
posé, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d'humi- 
lité, que ferons-nous, nous qu'il a amenés sous le joug 
de sa grâce? » I Cor., xvi, 1. On trouverait encore 
d'autres réminiscences en comparant entre eux : 

I Cor., xl vu, = Phil., rv,15;ifc.,xxi = Phil., i, 27; ib,, n 
= Phil., i, 40; n, 15. Diverses expressions des épîtres 
de saint Ignace offrent des ressemblances caractéristi- 
que avec l'Épître aux Philippiens, Rom., il = Phil., Il, 
17; Philad., vin =Phil., n, 3; Smyrn.,i\ = Phil., iv, 
18; ib., xi = Phil., ni, 15; et surtout :ii».,n, 3 = Phil., m, 
15, 16, « Etant parfaits, aspirez aussi aux choses par- 
faites. » — L'épltre de Polycarpe aux mêmes Philip- 
piens, il, 1, est encore plus explicite: «Le glorieux Paul 
qui, étant personnellement parmi vous, vous a enseigné 
exactement. et sûrement la parole de la vérité; lequel 
aussi étant absent vous a écrit des lettres (ou une lettre) 
que vous n'avez qu'à étudier pour être édifiés dans la 
foi qui vous a été donnée, » Or une de ces lettres est 
certainement celle-ci, car le même Polycarpe semble 
y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10; n = 
Phil., h, 10; ix= Phil., ii, 16; x = Phil., ii,2,5;xii = 
Phil., m, 18. On rencontre des réminiscences sembla- 
bles dans le Pasteur d'Hermas, dans les Testaments 
des douze patriarches, dans l'épitre à Diognête, t. n, 
col. 1168; dans Théophile d'Antioche, cité par S. Jé- 
rôme, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxn, col. 1020, enfin 
dans la belle lettre des Églises de Vienne et de Lyon, 
Eusèbe, H. E., v, 1, 2, t. xx, col. 433, où se trouvé 
reproduit le passage sur les abaissements du Christ, il, 6. 

II parait, d'après les Philosophumena, x, 11, t. xvi, 3, 
col. 3426, que les Séthiens, se servaient de Phil., Il, 
6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des écrits du Va- 
lenlinien Théodote, Clément d'Alexandrie, Strom., m, 
4, t. vui, col. 1196, a conservé deux citations de l'Épître 
aux Philippiens, n, 7. Elle a saplace, avec toutes les au- 
tres, dans les versions syriaque et latine et elle se trou- 
vait dans le recueil de Marcion. Mentionnée par le canon 
de Muratori, voir Canon, t. n, col. 170, elle est attribuée 
à saint Paul, à la fin du ir* siècle, par saint Irénée, Cont. 
hxr., iv, 18; v, 13, t. vu, col. 1026, 1158. Tertullien, De 
resur., 23; Cont. Marc, v, 20; De prxscr., 26, t. n, 
col. 826, 843, 522, 557; Clément d'Alexandrie, Psedag., I, 
524, t. vin, col. 312, 408; Strom, iv, 12, 13, 94, t. vm, 



281 



PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX) 



282 



col. 1196. Origène et Eusèbe reconnaissent aussi son ori- 
gine paulinienne qui a été admise par toute l'antiquité. 
Les premiers doutes, à ce sujet, ne commencent qu'avec 
Schrader qui attaque l'authenticité d'une partie de la 
présente Épitre, m, 1-iv, 9. En 1845, Baur et ses dis- 
ciples la rejettent complètement. Voici leurs griefs. Cet 
écrit, disent-ils, est dépourvu de toute originalité : 
c'est une imitation des autres Épîtres. On y trouve, de 
plus, des idées semi-gnostiques, une doctrine sur la 
justification qui n'est pas celle de Paul, des anachro- 
nismes évidents comme l'existence de l'épiscopat et du 
diaconat, autant d'indices de l'époque réelle où ce pas- 
tiche aurait été composé, c'est-à-dire au second siècle, 
quand s'opère la réconciliation des deux partis en lutte 
dans l'Église, partis symbolisés ici par les deux diaco- 
nesses, Èvodie et Sjntyque, IV, 2. Le nom de Clément 
dont la tradition faisait un ami de Pierre et que l'au- 
teur de l'Épître présente comme un collaborateur de 
Paul, n'est qu'un mythe destiné à concourir à cette 
œuvre de conciliation. 

Ces difficultés de Baur ne présentent guère plus qu'un 
intérêt purement historique depuis les travaux de Lû- 
nemann, Pauli ad Phil. Ep. contra Baurium défen- 
dit, 1847; B. Brûckner, Ep. ad Phil. Paulo auctori 
vindicata contra Baurium, 1848; Ernesti, dans les Stu- 
dien und Kritiken, 1848, p. 858-924; Schenkel, Bibel- 
leœicon, 1872, t, îv, p. 531. Cependant, après plusieurs 
années, l'Épître aux Philippiens fut de nouveau com- 
battue par llitzig, 1870; Kneucker, 1881; Huisch, 1873; 
Hœkstra, 1875; Bindermann, 1885, et surtont par 
Holsten qui reprit l'attaque avec plus d'ardeur; aban- 
donnant les arguments ruineux de son maître, les rap- 
prochements imaginaires avec le gnosticisme et les 
allusions aux légendes du second siècle, il prétendit 
prouver que la langue et les doctrines de l'Épître aux 
Philippiens n'étaient pas celles des autres écrits de 
l'Apôtre. Il dressa un catalogue très minutieux des ex- 
pressions propres à cette Épitre et les mit en regard 
des locutions habituelles aux grandes Épîtres de saint 
Paul, Voir Lightfoot, dans le Speaker's Conimentary 
on Phil., p. 43. On y trouve une quarantaine d'hapaxle- 
gomena, mais cela ne prouve rien. On en compte plus 
de cent dans l'Épître aux Romains et plus de deux cents 
dans la première Épître aux Corinthiens. « Toutes les 
raisons avancées dans ce domaine contre l'authenticité 
n'ont de valeur que pour celui qui'fait de l'apôtre Paul, 
cet esprit le plus vivant et le plus mobile de tous ceux 
que le monde a jamais vus, un homme d'habitude 
et de routine, qui devait écrire chacune de ses lettres 
comme toutes les autres, ne faire que répéter dans les 
suivantes ce qu'il avait dit dans les précédentes, et le 
redire toujours de la même manière et dans les mêmes 
termes. Dès que l'on a renoncé à cette manière de 
voir, toutes les objections contre l'authenticité de la 
lettre aux Philippiens tombent d'elles-mêmes. » Schû- 
rer, dans la Litteratur Zeitung, 1877. D'ailleurs, la 
terminologie paulinienne n'est pas absente de notre 
Épître. On y relève une vingtaine de mots exclu- 
sivement employés par saint Paul, tels que fîpaëeîov, 
SoxtpiTi, gvSeiÇtç, xevoOv, etc., étrangers aux autres 
livres du Nouveau Testament. De plus, nombre de 
tournures de phrases, de figures, de procédés de style, 
certaines répétitions de mots rappellent les grandes 
Épîtres les plus authentiques. « Cette lettre, dit Schen- 
kel, dans Bib. Lexïk., 1872, t. iv, p. 531, porte la ga- 
rantie de son authenticité dans son style et ses expres- 
sions mêmes, dans la fraîcheur du sentiment intime 
qui l'a dictée, dans la sérénité d'esprit et la tendresse 
de cœur qui s'y expriment de la manière la plus natu- 
relle, et sans la moindre trace d'affectation. » 

Quant aux divergences de doctrine, Holsten, dans 
Jahrb. fur prot. Theol, t. î, p. 125; t. n, p. 58, 282, en 
allègue deux principales. 1° La christologie. — Holsten 



trouve une opposition entre le Christ de l'Épître aux 
Philippiens et celui de la première Épitre aux Corin- 
thiens, xv, 45. D'après celle-ci, dit-il, saint Paul conçoit 
le Christ dans sa préexistence, comme un homme 
céleste, avOpwnoi; ênoôpavtoç, alors que dans l'autre 
Épître, il en fait un être purement divin, èv (iopiif, 9eoG 
ûnap^uv, qui ne devient homme que par l'Incarnation, 
appartenant, par suite, à un ordre d'êtres plus élevé 
que l'humanité, même céleste. — Il suffit, pour lever 
la contradiction, de replacer, dans son contexte, le 
passage allégué de l'Épître aux Corinthiens, où l'Apô- 
tre parle, non de la préexistence du Christ, comme 
dans l'Épître aux Philippiens, mais du Christ après 
sa résurrection, revêtu du corps spirituel, incorrup- 
tible et lumineux qu'est celui des justes qui ressus- 
citent. La doctrine christologique de cette 'Épître n'est 
pas davantage en opposition avec celle des autres Épî- 
tres pauliniennes. Seulement elle reproduit, sous une 
forme peut-être plus philosophique, ce qu'avait ensei- 
gné l'Épître aux Galates, îv, 4 : « Or, quand le temps 
est venu, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme ; » 
l'Épître aux Romains, vm, 3 : « Dieu a envoyé son 
propre Fils dans une chair semblable à la chair du 
péché;» la II e Épitre aux Corinthiens, vm, 9: « Jésus- 
Christ, lui qui, étant riche, s'est fait pauvre à cause de 
nous. » 

2° La justification. — On a encore objecté que celui 
qui, dans les Épîtres aux Galates et aux Romains, a si 
énergiquement opposé entre elles la justification par 
Dieu, Sixatoaw/i t| ex 6eo-3, et la justification par la foi, 
StxacoCTTjvvi ztzï ttj 7u'<ttee, n'a pu dire, comme le fait 
l'Épître aux Philippiens, in, 6, que sa justice légale 
était apis|jijiTo:, « irréprochable. » Mais il est facile de 
voir que l'Apôtre se place, en cet endroit, au point de 
vue juif, extérieur, charnel qu'il combat lui-même. Ra- 
contant son passé, il veut rappeler son zèle pour le 
judaïsme et montrer qu'il n'était, sur ce point, inférieur 
à aucun de ses contemporains. Il a donc recherché avec 
ardeur la justice légale, mais c'est pour en avoir expé- 
rimenté l'impuissance qu'il l'a plus tard rejetée avec 
tant d'énergie. Aussi, même les auteurs qui tiennent en 
défiance les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens 
(Jûlicher, Hilgenfeld, Pfleiderer, Lipsius, Holtzmann) 
sont unanimes à défendre celle-ci. L'authenticité de 
l'Épître aux Philippiens est donc un résultat défini- 
tivement acquis dans le domaine de la critique scien- 
tifique. Voir Knowling, The witness of the Epistles, 
p. 63. 

V. Intégrité. — L'expression ro Xotràv, au reste, 
qui ouvre le c. m de l'Epître, a donné lieu à divers 
doutes sur l'unité de l'Épître tout entière. Clemen sou- 
tient que l'épître actuelle se compose de deux lettres 
de l'Apôtre à l'église de Philippes, la seconde compre- 
nant H, 19-24; m, 2-iv, 3; IV, 8, 9. Seulement c'est 
l'éditeur et non Paul lui-même, qui aura fondu les 
deux lettres en une seule. Die Einheil d. paulin. 
Briefe, 1894. Pour Spitta, Zur Geschichte und Litt. 
d. Vrchrislenthums, 1893, l'Épître actuelle est inter- 
polée : il n'y verrait de la main de l'Apôtre que les 
passages suivants : i, 1-7, 12-14, 18-26; il, 17-29; iv, 
10-21, 23; tous les autres auraient été ajoutés par une 
main étrangère. — Toutes ces hypothèses n'arrivent 
pas à expliquer pourquoi saint Paul n'a pas encore 
remercié les Philippiens de leur envoi d'argent, auquel 
il a déjà fait allusion, i, 5, 11; il, 30. La lettre ne 
doit donc pas se terminer au ch. m. La locution t'o 
Xotoôv n'est pas, en soi, la conclusion obligée de toute 
lettre de Paul; elle lui sert assez souvent de transition 
pour passer d'un sujet à un autre; 1 Cor., vu, 29; 
Phil., iv, 8; I Thés., iv, 1; Il Thés., m, 1. Voir Jacquier, 
Histoire des livres du N. T. t. i, p. 352, 1903; Light- 
foot, St. Paul's Epistle to the Philippians, 4 e édit., 1885, 
p. 69. 



283 



PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX) 



284 



VI. Occasion et but de l'Épitre. — La lettre aux 
Philippiens est, avant tout, une lettre de remerciement. 
Si l'Apôtre réserve pour la fin sa dette de reconnais- 
sance, c'est pour mieux marquer combien elle lui tient 
à cœur. Quand on écrit pour un objet déterminé, on 
peut le traiter soit en commençant, soit en finissant. 
Comme il s'agissait, d'autre part, d'une affaire d'argent, 
Paul aura préféré débuter par les nouvelles et les 
exhortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois, 
i, 5-11 ; il, 30, dans le courant de la lettre, aux secours 
que les Philippiens lui avaient envoyés, n, 25; iv, 18, 
comme on l'a vu plus haut, col. 278. Épaphrodite 
s'acquitta de sa mission avec le plus grand dévouement. 
En même temps qu'il remettait à l'Apôtre l'offrande 
des fidèles, il lui donnait les nouvelles les plus conso- 
lantes de l'Église de Philippes. A part quelques rivali- 
tés de peu d'importance, rien n'était venu troubler la 
paix. Là persécution n'avait fait que montrer la patience 
des fidèles. Les judaïsants essayaient en vain de les 
surprendre : l'autorité de Paul était là trop vénérée 
pour qu'on pût oser quelque chose contre lui. S'il y 
avait des scandales de chrétiens relâchés, c'était assu- 
rément en dehors de Philippes. L'état de l'Église était 
donc des plus satisfaisants. L'Apôtre dut en ressentir 
une grande joie. Mais une nouvelle épreuve vint obscur- 
cir cette éclaircie. Épaphrodite qui s'était associé aux 
travaux de l'Apôtre captif tomba dangereusement malade 
et faillit mourir, n, 26. On l'apprit à Philippes avec un 
vif chagrin et l'on souhaita son retour. Épaphrodite dési- 
rait lui-même revoir sa patrie pour calmer les inquié- 
tudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de 
forces pour pouvoir se remettre en route, l'Apôtre vou- 
lant faire cesser au plus tôt les craintes de tous, s'em- 
pressa de congédier le convalescent, lui remettant, pour 
les Philippiens, cette Épître pleine de tendresse, écrite 
de la main de Timothée, il, 25, 28, lettre toute intime 
d'un père qui écrit à sa famille ponr la remercier d'une 
marque d'affection, lui donner de ses nouvelles, lui 
adresser des exhortations et des conseils, lui faire espé- 
rer son prochain retour, n, 24. Telle est la situation 
d'où est sortie cette Épître. 

VII, Analvse de l'Épure. — Bien que l'unité de 
cette lettre vienne plutôt de la logique des sentiments 
que de celle des idées, on peut cependant y trouver les 
trois grandes divisions des autres Épîtres. 

1» Prologue, i, 1-11. — Il renferme l'adresse, l'action 
de grâces et les vœux de l'Apôtre pour sa chère com- 
munauté de Philippes. L'adresse, f. 1-2, a ceci de spé- 
cial qu'elle mentionne les èm'axoiioi et les Siàxovoi 
comme les deux éléments essentiels de l'organisation 
ecclésiastique à Philippes. L'action de grâces, f. 3-8, 
prend les tons les plus délicats, les plus affectueux 
pour exprimer aux Philippiens la joie que Paul éprouve 
de leur zèle pour la prédication de l'Évangile, depuis 
le jour de leur conversion jusqu'à cette heure où ils 
viennent de prêter leur concours à l'œuvre apostolique. 
Aussi l'Apôtre demande-t-il à Dieu, 9-11, pour eux, les 
dons surnaturels les plus excellents en charité, en 
science, en pureté morale. 

2» Corps de l'Épilre, I, 12-lv, 9 Les nouvelles y 

alternent avec les exhortations. On ne peut donc songer 
à un ordre méthodique. Mais comme les nouvelles pré- 
dominent au début de la lettre et ses exhortations 
vers la fin, on la divise généralement en deux parts à 
peu près égales. — A) Partie historique, i, 12-n, 30. Elle 
comprend divers morceaux . — a) Nouvelles personnelles, 
î, 12-26. L'Apôtre s'empresse de rassurer les Philippiens ; 
sa situation présente tourne de plus en plus aux intérêts 
et au progrès de l'Évangile. Son arrivée à Ronre a été le 
point de départ d'un redoublement de zèle dans la pré- 
dication de l'Évangile. La prison de Paul est, en un sens, 
plus féconde que ne l'avait été sa libre activité. Ses chaî- 
nes, traînées au prétoire, sont à elles seules comme une 



prédication. A son exemple, et animés par la façon 
dont il supportait sa captivité, ses disciples et les autres 
chrétiens de Rome prêchaient. Il n'y a pas jusqu'à la ja- 
lousie de ses ennemis, sans doute les judaïsants, qui n'ai- 
dât au progrès de l'Évangile. Car cette émulation aboutit, 
à la fin, à étendre la connaissance du Christ. Aussi Paul 
s'en réjouit-il sincèrement. Pour lui, le Christ est tout. 
Que lui importe l'avenir 1 II est sûr que de toute façon 
le Christ sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort, 
f. 19-21. Il s en remet donc au choix de Dieu. Il attend 
avec confiance l'issue de son procès, car, en toute hy- 
pothèse, il est sûr d'y trouver son profit. En effet, s'il 
est condamné} à mort, il sera réuni" au Christ; s'il 
recouvre la liberté, il en profitera pour de nouvelles 
conquêtes apostoliques. Il croit pourtant que cette 
seconde alternative est la plus probable, qu'il pourra 
revoir les Philippiens, travailler à leur perfectionne- 
ment et se procurer ainsi un surcroît d'honneur, au 
jour de la Parousie, f. 21-26. 

b) Exhortation à l'union, à la concorde, à la fidé- 
lité dans toute leur conduite, i, 27-n, 18. — Après ces 
premiers épanchements d'amitié, l'Apôtre en vient au 
seul reproche que méritât l'Église de Philippes ou, plus 
exactement, une portion minime de cette Église. Il 
s'était récemment passé une querelle d'amour-propre 
entre deux personnes de qualité, Évodie et Syntyque — 
peut-être deux diaconesses — qui avait quelque temps 
troublé les esprits et divisé les cœurs. Le cas avait été 
de peu d'importance. Aussi l'Apôtre n'y fait-il qu'une 
légère allusion. Il va droit à l'obstacle de l'union fra- 
ternelle : Pégoïsme qu'il faut combattre par l'humilité 
et le renoncement. Il faut entrer dans l'esprit d'abné- 
gation dont le Christ nous a donné un exemple si 
sublime. Lui qui jouissait d'un état divin et qui eût pu, 
par conséquent, paraître ici-bas dans une gloire égale 
à celle de Dieu, il n'a pas jugé opportun de s'approprier 
un tel honneur, mais, au contraire, il s'est dépouillé de 
cet état divin en entrant dans l'état de serviteur, vivant 
en tout à la manière humaine et poussant même 
l'abaissement jusqu'à mourir sur une croix. Mais plus 
il s'est abaissé, plus il a été élevé, n, 5-11. A celte ex- 
hortation spéciale à l'abnégation volontaire, saint Paul 
ajoute trois recommandations qui se rapportent à la 
fidélité chrétienne en général, la première en vue du 
salut des lecteurs eux-mêmes, f. 12, 13, la seconde, 
pour l'édification du monde extérieur, 5^. 14, 15; la troi- 
sième, en vue de leur Apôtre, f. 17-18. 

c) Nouvelles de Timothée et d'Épaphrodite, n, 19- 
30. — Après l'exhortation d'autres nouvelles. Elles con- 
cernent les deux compagnons d' œuvre de saint Paul, qui 
sont actuellement avec lui : Timothée qui avait travaillé 
avec lui à la fondation de leur église et qu'il se propose 
de leur envoyer sous peu, puis Épaphrodite leur mes- 
sager auprès de lui. Il enverra Timothée dès qu'il 
aura vu la tournure que prendra son procès, il espère 
le suivre sans retard, f. 19-24. Quant à Épaphrodite, il 
ne veut pas tarder un instant à le leur rendre. Il ra- 
conte la grave maladie qu'il a contractée à Rome, sa 
convalescence inespérée, l'accueil empressé qu'ils de- 
vront faire à un homme qui lui a été si utile ! il. 25-30. 

B) Partie morale, m, 1-iv, 9. — Au dernier moment, 
Paul, qui peut-être songeait à abréger sa lettre, revient 
aux divers avis qu'il juge utiles aux Philippiens. Il les 
met en garde : — o) Contre les judaïsants qu'il traite avec 
la plus grande sévérité et une énergie d'expressions 
toute sémitique, m, 2-14. Il montre, par son propre 
exemple, le cas qu'il faut faire de la justice légale : elle 
n'est que poussière et ordure auprès de la vraie justice, 
qui est celle du Christ. — b) Contre les mauvais exem- 
ples de chrétiens mondains et sensuels dont l'Apôtre 
parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pas de 
leur Église. Ces ennemis de la croix du Christ qui dés- 
honorent, par leur vie sensuelle, sans doute par l'ivro- 



285 



PHILirPIENS (ÉPITRE AUX) — PHILISTINS 



286 



gnerie, le nom chrétien, étaient étrangers à la commu- 
nauté, 18, 19. — c) Contre les dissensions, rv, 29. 
L'Apôtre touche d'un mot le cas qu'il visait plus haut, 
d'une manière générale, n, 2-11, celui des deux femmes, 
Évodie et Syntyque, qui, sans doute, avaient joué 
un rôle important dans la fondation de l'Église de Phi- 
lippes. 

3° Épilogue, iv, 10-23. — Saint Paul remercie, dans 
les termes les plus délicats, !a générosité des Philip- 
piens. Suivent quelques salutations. Il charge l'assem- 
blée de saluer elle-même tous ses membres et il la sa- 
lue de Ja part des collaborateurs qui l'entourent ainsi 
que de la part des membres de l'Église de Rome, sur- 
tout de ceux de la maison de l'empereur. 
. VIII. Texte. — Cette Épître ne présente pas de dif- 
ficultés spéciales au point de vue du texte. Elle se 
trouve dans les manuscrits suivants : N, A, B, C, D, F, 
G, K, L, P, 17, 31, 37, 47, 67, 80, 137, et dans les ver- 
sions latines, égyptiennes (copte, memphitique, sahi- 



Agar Beet, A commentary on St. Paul's Epistles to the 
Philippians, 1891 ; * R. A. Lipsius, Briefe an die GaUt- 
ter, Borner, Philipper, dans le Handcommentar zum 
Neuen Testament, bearbeitet von Holtzmann, Lipsius, 
Schmiedel, von Soden, 2 e édit., t. n, part. 2, Fribourg- 
en-B., 1892. C. Toussaint. 

PHILISTIE, pays des Philistins. La Vulgate appelle 
exceptionnellement Philisthœa le territoire occupé par 
les Philistins, Is., xiv, 29, 31, comme elle appelle aussi 
quelquefois ses habitants Palsestini, Gen., xxi, 33, etc. 
Dans le passage d'Isaïe, saint Jérôme a rendu par Phi- 
listhœa le nom hébreu PeléSép qui là et ailleurs, Ps. lx, 
10; Lxxxm, 8; lxxxvii, 4; cvm, 10, etc., désigne pro- 
prement le pays des Philistins.' Voir Philistins, i. 

PHILISTINS, peuple qui habitait le sud-ouest de la 
Palestine (fig. 68). 
I. Nom. — Les Philistins sont appelés en hébreu or- 





68. — Types philistins sur les monuments égyptiens de Médmet-Abou. 



dique), syriaque, arménienne, gothique, éthiopienne. 
Voir Weiss, Kritische Text Vntersuchungen und Text 
Herstellung, 1896. 

IX. Bibliogeaphie. — S. Jean Chrysostome, In Phi- 
lipp. hom., t. lxii, col. 205-298; Théodore de Mop- 
sueste, In Epist. B. Pauli commentaria, t. lxvi, 
col. 922-926; Théodoret, Opéra, t. lxxxii, col. 557-589; 
Pseudo-Athanase, Synops., t. xxvm, col. 420; CEcumé- 
nius, t. CX.VHI, col. 1256-1325; Théophylacte, t. cxxiv, 
col. 1140-1204; S. Thomas d'Aquin, In omnes divi 
Pauli Apostoli Epistolas commentaria; Estius, In 
omnes Pauli Apostoli Epistolas commenlarii. — Com- 
mentateurs modernes: 'Henry Alford, Greek Testa- 
ment, 1849-1861; *de Wette, Kurzgefasstes exegetisches 
Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848; *H. A. 
Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch ûber die 
Briefe an die Philipper, 5 e édit., 1886; J. Beelen, 
Commenlarius in Epislolam ad Philippenses, in-4», 
Louvain, 1852; *C. J. Ellicott, A critical and gram- 
matical Commentary on St. Pauls' Epistles to the Phi- 
lippians, 1888; *H. von Soden, Der Brief des Apostels 
Paulus an die Philipper, 1889 ;*J.-B. Lightfoot, St. Paul's 
Epistle to the Philippians, 12« édit., 1896; *B. Weiss, 
Der Philipperbrief ausgesetzt, 1859; *A. Klôpper, Der 
Brief des Apostels Paulus an die Philipper, 1893; *J. 



dinairement Pelistîm; quelquefois Pelistiyim; au sin- 
gulier, Pelispî. Ces mots désignent les habitants du 
pays lui-même, lequel est appelé aussi PeléSé{. Les 
Septanle appellent les Philistins $u).torisf|i (variante : 
*iXtuxicc'(i) dans le Pentateuque, Josué et l'Ecclésias- 
tique, xlvi,18; XLvn,7; l,26; IMach., m, 24; 'AXXoçuXot, 
« étrangers, » dans les autres livres de l'Ancien Testa- 
ment. Ils ne sont pas nommés dans le Nouveau. La 
Vulgate les appelle Philistseus, Philistiim, Philistini, 
Palsestini. Les documents égyptiens, d'après l'opinion 
la plus répandue parmi les égyptologues, les appellent 

_ M _ ■ || lâ-t, Purusati = Pulusati (les Égyptiens 

transcrivaient la lettre l par un r, parce qu'ils ne dis- 
tinguaient pas les deux sons l'un de l'autre dans leur 
langue et dans leur prononciation). 

II. Origine des Philistins. — Elle a été longtemps 
très controversée et aujourd'hui encore on ne peut la 
déterminer avec une entière certitude. L'Écriture ne 
l'indique nulle part d'une manière explicite, mais elle 
les fait venir de Caphtor. Nous lisons dans le Deuté- 
ronome, n, 23 : « Les Hévéens, qui habitaient dans des 
villages jusqu'à Gaza (c'est-à-dire dans le pays qui de- 
vint celui des Philistins) furent détruits par les Caph- 
torim, qui, étant sortis de Caphtor, s'établirent à leur 



287 



PHILISTINS 



288 



place, » La Vulgate appelle les Caphtorim Cappadociens 
et Caphtor, la Cappadoce. Amos, ix, 6, met à son tour 
dans la bouche de Dieu ces paroles; « N'ai-je pas fait 
venir les Philistins de Caphtor (Vulgate : Palsestinos de 
Cappadocia) ? » Jérémie, xlvi, 4, appelle aussi les 
Philistins « les restes de l'île de Caphtor » (Vulgate : 
Palmsthinos reliquias insulœ Cappadocise). Mais l'Écri- 
ture ne précise pas la situation de Caphtor. La table 
ethnographique, Gen., x, 13-14, nous apprend seule- 
ment que les Caphtorim étaient des descendants de 
Mesraïm. Cf. I Par., i, 12. Le texte de la Genèse, dans 
sa forme actuelle, représente les Philistins comme issus 
des Casluim et ne signale aucun rapport de pa- 
renté directe entre eux et les Caphtorim : Chasluim, 
de quibus egressi sunl Philisthiim et Caphtorim, 
comme traduit la Vulgate. D'après les autres textes 
scripturaires qui ont été rapportés, il est très vraisem- 
blable qu'il y a une transposition dans le f. 14 de 
Gen., x, et que c'est après le mot Caphtorim et non 
avant, qu'il faut lire l'incidente : « et d'où sont sortis les 
Philistins. » Quoi qu'il en soit, et de quelque manière 
<ru.'on interprète le passage de la table ethnographique, 



Les Septante et la Vulgate ont traduit le nom de 
Caphtor par « Cappadoce ». Sur l'identification du nom 
hébreu, voir Caphtorim, t. il, col. 211. D'après les ren- 
seignements fournis par les documents égyptiens, les 
Philistins, ou au>moins une partie d'entre eux, durent 
donc venir de la côte méridionale de l'Asie Mineure, en 
longeant les côtés de Syrie, peut-être avec les Héthéens, 
et s'établir finalement dans la Séphéla. 

Des savants modernes ont voulu identifier Caphtor 
avec l'île de Crète et considèrent les Philistins comme 
des Cretois d'origine. Ils s'appuient principalement 
sur le nom de Céréthéens donné a une tribu philis- 
tine et à une partie des gardes du corps de David. Voir 
Céréthéens, t. n, col. 441. De la distinction qu'établit 
plusieurs fois le texte sacré entre 2e Céréthéen et le 
Phéléthien = Pbilistin, I Reg., xxx, 14; II Reg., vin, 
18; xv, 18; xx, 3, 7, 23; III Reg., i, 38, 44; IV Reg., 
XI, 19; I Par., xvill, 17, et du parallélisme ou de la 
synonymie qu'établissent entre les Céréthéens et les 
Philistins, Sophonie, II, 5 (hébreu : gôï Kerêtîm; Sep- 
tante : nipoixoi Kpiitôv, Vulgate : gens perditorum) et 
Ézéchiel, xxv, 16 (hébreu: Kerêfîm; Septante : Kçr^a;', 




Chars des Philistins. D'après Champoilion, Monuments de l'Egypte, pi. ccxx. 



l'origine chamitique des Philistins n'en demeure pas 
moins établie par son témoignage. 

Les documents égyptiens ont fourni de nouvelles lu- 
mières sur ce peuple. Le nom de Purusati donné par les 
Égyptiens aux Philistins porte à croire que c'était là leur 
nom national et qu'on ne doit pas en chercher l'étymo- 
logie, comme on l'a fait souvent jusqu'à nos jours, dans 
une racine sémitique. La manière dont ils sont représen- 
tés sur les monuments, leur costume, leur armure, leur 
type sont ceux que les documents égyptiens attribuent 
aux peuples de la côte méridionale de l'Asie Mineure et 
des îles de la mer Egée. W. M. Mûller, Asien und Eu- 
ropa, p. 3i2, 362. Les inscriptions égyptiennes appellent 
la côte méridionale de l'Asie Mineure Kefto et même 
Kptâr, W. M. Mûller, Die Urheimath der Philistâer, 
dans Stud. zur vorderas. Geschichte, 1900, p. 5; H. Sayce, 
The higher Criticism and the verdict of the Monu- 
ments, 2 e édit., p. 13, et ce nùm rappelle le Caphtor 
biblique. De tout cela on peut conclure que les Phéni- 
ciens n'étaient pas de race sémitique, à rencontre de 
plusieurs savants, tels que SchwaÛey, Die Rasse der 
Philistâer, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche 
Théologie, 1891, p. 103-108. On a voulu, sans autre 
preuve qu'une coïncidence fortuite, expliquer le nom 
des Philistins dans le sens d'« émigrants », en le déri- 
vant de la racine wbs, pis, « émigrer, » qui existe 
encore en éthiopien, mais cette étymologie suppose 
que c'est un nom qui leur a été donné par les habi- 
tants du pays où ils ont émigré et nous avons vu qu'il 
est probable que c'est au contraire leur nom primitif. 
II est vrai que les Septante, dans quelques - livres de 
l'Écriture, col. 286, ont traduit leur nom par àMoçuXoc, 
mais ce nom qu'on peut rendre par <c étrangers » n'est 
pas nécessairement la traduction du mot « Philistins». 



Vulgate : interfectores), on doit conclure qu'il y avait 
en effet des Philistins d'origine Cretoise et des Phi- 
listins venus d'autres contrées. Les découvertes de 
M. Arthur J. Evans en Crète ont montré' que cette île 
était un ancien foyer de civilisation très avancé. Evans, 
Cretan Pictograph and prse-Phœnician Script, in-8°, 
Londres, 1895; Id., The Mycenœan Ti-ee and Pillar 
EnltanditsMediten'anean Relations, with illustrations 
from récent Cretan ftnds, in -4°, Londres, 1901; Id., 
Theprehistoric Tombs of Knossos, in-4°, Londres, 1906. 
La présence de diverses tribus philistines dans la Sé- 
phéla s'explique facilement par l'arrivée successive dans 
cette contrée de divers émigrants qui se sont ensuite 
plus ou moins unis ou fondus ensemble par suite de la 
communauté d'intérêts. Les Céréthéens semblent avoir 
habité l'extrémité méridionale de la Palestine. I Reg. 
(Sam.), xxx, 14. Mais les détails nous font défaut sur 
l'histoire de ces diverses émigrations. Nous savons ce- 
pendant qu'une des invasions principales eut lieu sous 
le règne du pharaon Ramsès III. Les monuments 
(fig. 69) de ce roi nous les montrent emmenant avec 
eux, sur des chars traînés par des bœufs, leurs femmes 
et leurs enfants. W. M. Mûller, Asien und Europa, 
p. 366. 

On a essayé de faire des inductions sur l'origine 
des Philistins d'après leur langage. Malheureusement 
la langue que parlaient primitivement les Philistins 
ne nous est pas connue. On sait que le roi de Geth, du 
temps de David et de Salomon, s'appelait Achis (hébreu : 
'Akis); les inscriptions assyriennes d'Asarhaddon et 
d'Assurbanipal nomment un Ikausu, roi d'Accaron, qui 
rappelle le nom d'Achis (cf. W. M. Mûller, Die Urhei- 
math der Philister, dans Studien zur vorderasiati- 
schen Geschichte, 1900, p. 9) ; un roi de Dor est nommé 



289 



PHILISTINS 



290 



Bidir dans le papyrus Golénischeff, ibid., p. 37. On 
peut supposer que le titre de sêïén (seranîm) donné 
dans l'Écriture aux chefs des cinq principales villes des 
Philistins est un mot de leur langage primitif. Mais ces 
données sont trop maigres pour en tirer quelque con- 
clusion sur la nature de leur langue originelle. Après 
leur arrivée en Palestine, ils semblent avoir adopté 
assez vite le langage du pays ; leurs noms dans l'Ancien 
Testament et dans les documents cunéiformes, sont 
pour la plupart sémitiques ou chananéens. 

II. Géographie. — L'étendue du pays occupé par les 
Philistins n'a pas été la même aux diverses époques de 
leur histoire. Leur territoire, après l'occupation de la 
Terre Promise par les Hébreux, embrassait surtout la 
plaine maritime de la Sêphélah qui s'étendait d'Ascalon 
au nord jusqu'au désert de Gaza au sud et des posses- 
sions de la tribu de Juda à l'est à la mer Méditerranée 
à l'ouest. Jos., xiii, 2-3; I Reg. (Sam.), VI, 12; Is., IX, 
42 (hébreu, II). C'était la Philistie propre. Les Grecs 
employaient ce nom, dont nous avons fait Palestine, 
dans un sens imprécis et il s'étendit peu à peu jusqu'au 
Jourdain. Reland, Palssstina, 1714, p. 38. Les Philis- 
tins, malgré les conquêtes qu'ils firent à diverses 
époques, demeurèrent toujours eux-mêmes renfermés 
dans leur territoire, qui comprenait cinq villes princi- 
pales, leur servant de centre : Gaza, Azot, Ascalon, 
Geth et Accaron, I Reg. (Sam.), vi, 17; Jos., xm, 3; 
Jer., xxv, 20; Soph., n, 4-7, etc. (voir ces noms), et 
quelques autres bourgs ou villages fortifiés ou non 
murés, Jabné ou Jamnia, II Par., xxvi, 6; Siceleg, 
I Reg. (Sam.), xxvn, 5, et autres. Deut., n, 23; I Reg. 
(Sam.), vi, 18. 

La plaine de la Sêphélah est plate et unie, avec de lé- 
gères ondulations; suffisamment arrosée, fertile et 
presque partout cultivable. Voir Sêphélah. La côte, de- 
puis le Carmel jusqu'à Gaza, formée de dunes et de col- 
lines de sablepeu élevées, ne possède pas de grands ports 
naturels. Les villes maritimes, Azot, Ascalon, Gaza, 
avaient de petits ports (y.a.ia\iy.ïç), mais peu sûrs, et les 
Philistins ne purent jamais rivaliser pour leur com- 
merce avec les Phéniciens. En revanche, la route qui 
longeait la mer avait une importance capitale pour les 
caravanes qui devaient passer à Gaza pour se rendre 
en Egypte, ou en Phénicie, et pour remonter en Syrie, 
en Babylonie et en Assyrie. Les conquérants égyptiens 
étaient obligés de suivre cette voie pour porter leurs 
armes au nord et sur les bords de l'Euphrate et du 
Tigre ; les rois de Ninive et de Babylone devaient faire 
de même, en sens contraire, pour soumettre la vallée 
du Nil. Les invasions égyptiennes dans l'Asie antérieure 
et les invasions babyloniennes en Egypte remontent à 
une antiquité reculée. 

III. Organisation politique. — 1° Gouvernement. — 
Les Philistins étaient un peuple assez avancé en civi- 
lisation. Ils avaient une organisation supérieure à celle 
des tribus qui habitaient à leur arrivée la terre de 
Chanaan, et leur supériorité militaire les mit en état de 
s'établir avec solidité sur le territoire dont ils s'empa- 
rèrent. Voir W. M. Mûller, Asien und Europa, p. 364- 
366. 

Les Philistins avaient cinq seranîm ou chefs parti- 
culiers. On peut supposer que c'était parce qu'ils appar- 
tenaient à cinq tribus différentes d'origine. Toutes ces 
tribus avaient sans doute des liens de parenté et elles 
avaient pu être attirées, à la même époque ou à des 
époques différentes, par les besoins de l'émigration, sur 
la côte occidentale de la Palestine. Les Pulusati étaient 
peut-être venus les premiers, les Cérèthéens ensuite. 
Cf. W. M. Mûller, Die Chronologie der Philisterein- 
wanderung, loc. cit., p. 30-42. — Le nom général de se- 
ranîm donné à leurs chefs leur est particulier et doit être 
un reste de leur langue primitive. Il n'est jamais em- 
ployé qu'au pluriel. On n'en a pas encore découvert 

DICT. DE LA BIBLE. 



d'étymologie satisfaisante. Les^ Septante [traduisent ce 
nom le plus souvent par atxzpinai, I Reg. (Sam.), v, 8, 
11; vi, 4, 12, 16, 18; vu, 7; tuux, î, 6,T;et carpoméia, 
Jos., xm, 3; Jud., iii,3; aussi par apxov-cs;, Jud., xvi, 
5, 8, 18, 23, 27, et par <jT ? xzrna(, I Par., xn, 19. La 
Vuhjate a repuli, Jos., xw, 3; sœtrœpctr, Jud., m, 3; xrc, 
8; I Reg., v, 8, 11; vi, 12,16; vu, 7; XXIX, 2, 6, 7, prin- 
cipes, Jud., xvi, 5, 18, 23, 27; I Par., xn,Ç19; provinciss, 
I Reg., vi, 5, 18. Seranîm désigne donc certainement 
le chef de chacune des cinq grandes villes philistines, 
Gaza, Azot, Ascalon, Geth et Accaron. Jos., xm, 3. 

Ces chefs avaient tout à la fois une autorité militaire 
et civile. Ils avaient sous leurs ordres des sarîm ou 
commandants de troupes, I Reg. (Sam.), xvm, 30 (man- 
que dans les Septante; Vulgate : principes); xxix, 3 
(o-arpàitac, trcpTtYiY oi ; principes), en temps de guerre. Les . 
textes parlent tantôt « des armées »,IReg. (Sam.), xxm, 
3; xxix, 1, et tantôt « de l'armée », xxvni, 1. Chacun des 
seranîm avait sans doute ses troupes personnelles, cf. 
I Reg. (Sam.), xxvm, i; xxix, 2, mais ils agissaient 
toujours ensemble et d'un commun accord. Leurs forces 
étaient divisées par groupes de mille, subdivisés en 
centaines. I Reg. (Sam.), xxix, 2. C'est tantôt le chef 
de Gaza, nommé le premier, Jos., xm, 3; Amos, i, 6-7, 
tantôt le chef d'Azot, tantôt celui de Geth ou d'une autre 
des cinq villes qui parait avoir été à la tête des Philis- 
tins. I Reg. (Sam.), v, 1; vi, 17; I Par., xx, 6. Chaque 
sére'n, gouvernait outre sa ville capitale, les dépen- 
dances du voisinage. I Par., xvm, 1 ; I Reg. (Sam.), v, 6|; 
Jos., xv, 4547. 

On ne sait si la dignité des seranîm était héréditaire 
ou élective et si le titre de roi, donné quelquefois aux 
chefs philistins, implique une fonction particulière. Ce 
n'est pas probable. Aucun des rois nommés dans l'Écri- 
ture ne régnait sur toutes les villes de la Philistie et 
ceux qui sont nommés dans les documents cunéiformes 
sont à la tête des villes où nous savons qu'il y avait des 
seranîm. Jer., xxv, 20; Zaeh., ix, 5. La division du 
pays en cinq districts, qu'on retrouve dès le commen- 
cement, peut avoir été le résultat de la manière dont 
les émigrants avaient fait la conquête du pays, peut-être 
successivement. Leur politique semble avoir consisté 
surtout, dans leurs rapporls avec les Israélites, non 
pas à s'emparer de leur territoire, mais aies empêcher 
de former un tout compact dont ils auraient eu à re- 
douter la puissance. Dés que les Israélites veulent 
s'unifier sous Héli et Samuel, il les attaquent. I Reg. 
(Sam.), vu, 7; de même du temps de Saul, xin-xrv; 
quand David ne règne que sur le sud de la Palestine, 
ils le laissent en paix; dés que les douze tribus se sou- 
mettent à lui, ils lui font la guerre. II Reg., v, 17. Pour 
dominer plus sûrement les Israélites, au moment où ils 
faisaient effort pour s'unir entre eux, les Philistins leur 
imposèrent le désarmement et leur interdirent la fabri- 
cation des armes, au commencement du règne de Saûl. 

I Reg. (Sam.), xm, 19-23. La supériorité de leur orga- 
nisation militaire les mettait d'ailleurs en état d'imposer 
leur volonté à leurs voisins. 

2» L'armée philistine. — Les Philistins se distin- 
guaient par leur valeur guerrière. On comptait parmi 
eux des soldats redoutables, surtout par leur force 
exceptionnelle. Voir Goliath, t. m, col. 268. L'histoire 
de David, II Reg. (Sam.), xv, 18, 19, 22, et ce qui nous 
est raconté des Cérèthéens et des Phélétiens (voir ces 
mots), attestent qu'ils avaient le goût des armes et qu'ils 
en faisaient métier. Ils étaient divisés et groupés d'une 
manière régulière, I Reg., xxix, 2, armés de l'arc, xxxi, 
3; I Par., x, 3, mais ce qui faisait surtout leur force 
et mettait Israël dans l'impossibilité de leur résister 
en plaine, c'étaient leurs chars. I Reg. (Sam.), xiii, 5; 

II Reg. (Sam.), i, 6; cf. Jud., i, 19. Leurs fantassins 
avaient des armes défensives comme des armes offen- 
sives, le bouclier, le casque, la cuirasse, l'arc, la lance, 

V. - 10 



291 



PHILISTINS 



292 




la pique et l'épée large et courte (fig. 69). 1 Reg., xvii, 
5-7. Ils étaient aussi marins et l'histoire enregistre 
quelques-unes de leurs campagnes navales. Des navires 
partis d'Ascalon, au commencement de leur séjour dans 
la Séphélah, battirent les vaisseaux de Sidon et sacca- 
gèrent la ville pendant les pre mières années du XII e siècle 
avant notre ère. Justin, XVIII, m, 5. Les monuments 
de Ramsès III nous ont conservé la forme de leurs 
navires (voir iig. 230, t. rv, col. 861) et aussi le souvenir 
de leur défaite par ce pharaon qui les battit sur terre et 
sur mer avec leurs confédérés. Soit que cette défaite eût 
ralenti leur ardeur, soit surtout qu'ils trouvassent plus 
de profit, avec moins de danger, à rester tranquilles dans 
leur riche plaine, et à se contenter du commerce intérieur 
ou côtier, ils semblent avoir renoncé, d'ailleurs d'assez 
bonne heure, aux expéditions aventureuses sur mer. 

3° Agriculture et commerce. — Les Philistins, tout 
en s'exerçant à la guerre, ne négligeaient pas l'agri- 
culture, lis cultivaient le blé, dans leur riche plaine de 
la Séphélah, qui l'a toujours produit en abondance. Jud., 
xv, 5; cf. IV Reg., vin, 2. Ils s'adonnaient aussi sans 
doute au commerce, la situation de leur territoire, 
comme nous l'avons vu col. 289, le rendait un lieu 
de passage pour les caravanes qui trafiquaient entre 
l'Éypte et les pays asiatiques et ils devaient mettre à 
profit cette circonstance si avantageuse. 

4° Religion. — En s'établissant sur la côte occiden- 
tale de la Méditerranée, les Philistins y apportèrent 
avec eux la religion de leurs pères. Le 
culte de Dagon, Jud., xvi, 23; I Reg. 
(Sam.), v,2; I Par., x, 10; IMach.,x,84; 
xi, 4; voir Dagon, t. n, col. 1204, et 
celui de Béelzébub, IV Reg., i, 2, 3, 6, 
16; voir Béelzébub, t. i, col. 1547, leur 
était propre, comme celui de Derkéto, 
connu par Diodore de Sicile, n, 4 (fig. 70). 
Mais selon la coutume de la plupart des 
anciens peuples, à leur culte national 
ils durent joindre dans la Séphélah le 
culte des dieux déjà adorés dans le 
pays. Peut-être Astoreth ou les Astarthés 
furent-elles du nombre des divinités 
adoptées; peut-être aussi vénéraient-ils déjà ces déesses, 
compagnes de leurs dieux, avant leur émigration. 
I Reg. (Sam.), xxxi, 10; Hérodote, i, 105. Ils avaient 
des temples consacrés à Dagon et l'on y vénérait sa 
statue, I Reg., v, 2-5; xxxi, 9-10; I Par., x, 10; I Mach., 
x, 83-84; on lui offrait des sacrifices zébah,. Jud., xvi, 
2-3. Des prêtres, kohànîm, étaient voués à son culte. 
I Reg. (Sam.), vi, 2. On lui demandait conseil dans 
les circonstances difficiles. I Reg. (Sam.), m, 2. On 
consultait aussi les devins {gôsmim; Vulgate : divini), 
qui paraissent avoir joui d'un grand crédit, vi, 2. Leurs 
'ônenim (Vulgate : augures) étaient renommés. Is., 
n, 6. Les Philistins avaient une coutume religieuse 
singulière à Azot. A la suite de la chute de la statue de 
Dagon, dans le temple fameux de cette ville, quand 
l'arche y avait été déposée, ils ne marchaient pas sur 
le seuil de la porte, mais le franchissaient d'un bond. 

I Reg. (Sam.), v, 4. Cf. Soph., i, 9. Ils emportaient 
avec eux dans leurs guerres les statues de leurs dieux 
Çâsabêhém; Septante : Uoi; Vulgate : sculptilia sua). 

II Reg. (Sam.), v, 21. Voir Idole, 20°, t. m, col. 821. 
Ils attribuaient leurs victoires à la protection de leurs 
divinités et consacraient leurs trophées dans leurs 
temples. I Reg. (Sam.), v, 1-2; xxxi, 9. Ils ne prati- 
quaient pas la circoncision, ce qui les distinguait des 
autres habitants de la Palestine et des Égyptiens, et 
les faisait mépriser par les Israélites qui les appelaient 
avec dédain « incirconcis ». Jud., XIV, 3; xv, 18; I Reg. 
(Sam.), xiv, 6; xvu, 26, 36; xxxi, 4; II Reg. (Sam.), i, 
20. 

IV. Histoire. — 1» Avant l'établissement des Israé- 



70, — Derkéto 

Calcédoine 

gravée du 

Musée' du 

Louvre. 



lites en Palestine. — Nous ne savons rien de l'histoire 
des Philistins avant leur arrivée en Palestine. Nous 
ignorons aussi l'époque de cette arrivée. Du temps 
d'Abraham, il y avait déjà des Philistins (Palœstini dans 
la Vulgate) dans la terre de Chanaan, Gen., xxi, 33, 34, 
mais ils paraissent avoir habité alors plus au sud que les 
émigrants du même nom qui s'établirent plus tard 
dans la Séphélah. Ils avaient â leur tête un chef qui 
portait le titre de roi, mélék, et s'appelait Abimélech. 
Il demeurait à Gérare, Gen., xxxvi, 1, an sud de Gaza. 
Sur les rapports du roi de Géràre avec Abraham et 
Isaac, voir Abimélech, 1. 1, col. 53, 54, et Gérabe, t. m, 
col. 200. Il faut observer que quelques savants ne 
croient pas qu' Abimélech fût un véritable Philistin; ils 
supposent que le titre de « roi des Philistins i> lui est 
attribué, non pas parce qu'il était de leur race, mais 
parce qu'il habitait dans la contrée qui reçut plus tard 
le nom de Philistie. Quoi qu'il en soit, tout le monde 
admet que des Philistins étaient en possession de la 
Séphélah du temps de Moïse, et les Israélites, sur l'ordre 
de Dieu, évitèrent de se rendre dans la Terre Promise, 
« par le chemin du pays des Philistins, » quoiqu'il fût 
le plus court, parce qu'ils n'étaient pas capables de forcer 
le passage et de lutter contre des hommes aguerris tels 
que les habitants du pays. Exod., xm, 17. Les Caph- 
torim (Philistins) avaient déjà chassé auparavant les 
llévéens de Gaza, à une époque de date inconnue. Deut., 
n, 23. 

L'histoire antérieure du pays ne nous est connue que 
très imparfaitement et d'une manière tout à fait frag- 
mentaire, an moyen des rares renseignements épars 
dans les documents cunéiformes et hiéroglyphiques. 
Depuis longtemps déjà les plaines qui s'étendent sur 
le rivage occidental de la Méditerranée avaient été té- 
moins des grands conflits qui avaient mis aux prises 
l'Afrique septentrionale avec l'Asie occidentale. 

Les lettres de Tell el-Amarna fournissent la preuve 
qu'antérieurement au xv e siècle avant notre ère la civili- 
sation babylonienne et probablement sa domination 
s'étaient implantées sur la côte palestinienne et dans 
toute la Palestine. Sous la xviii» dynastie égyptienne, 
le pays de Chanaan faisait partie de l'empire pharao- 
nique sous le nom de Haru. Les noms des villes philis- 
tines et de nombreuses villes palestiniennes reviennent 
constamment dans les lettres de Tell el-Amama, Gaza, 
Ascalon, Joppé, Lachis, Geth, Gazer, Aïalon, Jérusalem, 
etc. Thothmès III, Séti I er , Ramsès II, Ménephtah 
avaient cherché à s'assurer la possession du pays 
et entretenu des soldats à Gaza. Maspero, Histoire an- 
cienne des peuples de l'Orient, ¥ édit., 1884, p. 313; 
H. Brugscb, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 529, 581. 
Ramsès II fit le siège d'Ascalon. Il nous en a laissé la 
représentation sur les murs du grand temple de Karnak, 
voir t. i, fig. 286, col. 1061, et elle nous montre que les 
Philistins n'y étaient pas encore établis; du moins les 
hommes que combat le pharaon ne ressemblent-ils en 
aucune façon à ceux que va nous faire connaître 
Ramsès III. — C'est du temps de ce derner roi qu'eut 
lieu la plus grande invasion philistine. Ramsès III nous 
a conservé sur les bas-reliefs de Médinet-Abou les 
principaux épisodes de la grande campagne que les 
Pwlv.satietd'autres peuples de la mer entreprirent contre 
l'Egypte sous son règne. Le texte qui accompagne les 
tableaux de la guerre est peu explicite et très incom- 
plet, mais nous voyons par l'ensemble que les confé- 
dérés furent battus sur terre (fig. 71) et sur mer (voir 
col. 291), et il leur fit des prisonniers (fig. 72). Néan- 
moins pour se débarrasser d'eux, le roi d'Egypte leur 
fit des concessions et il accorda aux Pulusati la plaine 
de la Séphélah pour s'y établir. Les nouveaux venus 
trouvèrent des émigrants déjà établis dans le pays;, 
ils s'unirent à eux et apportèrent aux anciens occu- 
pants un accroissement de force considérable dont les 



293 



PHILISTINS 



294 



conséquence ne tardèrent pas à se faire sentir pour les 
Israélites. 

2° Histoire des Philistins depuis l'époque de Josué 
jusqu'au règne de Saûl — Lorsque les douze tribus 
avaientconquis la Terre Promise, elles avaient dû renon- 
cer à s'emparer de la plaine des Philistins, n'étant ni 
assez fortes ni assez bien armées pour en chasser les 
possesseurs. Cette plaine faisait partie de leur héritage, 
Jos., xv, 4, 45-47, mais au moment du partage du pays 



le gouvernement d'Héli que les Philistins commencèrent 
à attaquer, et de façon redoutable, les Israélites dont 
ils furent dès lors les ennemis acharnés pendant des 
siècles. Ils avaient peu redouté les descendants de Jacob, 
tant que ceux-ci étaient restés divisés en tribus séparées 
et indépendantes, mais quand elles travaillèrent à former 
un seul peuple uni et fort, dont la cohésion devenait 
un péril pour les habitants de la Séphélah, les Philistins 
les combattirent avec acharnement. Ils remportèrent 




71. — Pulusati battus sur terre par le pharaon Ramsès III. Bas-relief de Médinet-Abou. 
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, pi. 120. 



elle n'était pas encore entre leurs mains. Jos., xm, 2-3; 
Jud., ni, 3. La tribu de Juda, à qui elle avait été 
attribuée, fit quelques tentatives pour s'y établir, et rem- 
porta quelques succès contre Gaza, Ascalon et Accaron, 
Jud., i, 18, mais elle ne put s'y maintenir. Les Philis- 
tins, qui ne se sentaient pas sans doute encore assez 
forts à cette époque, ne semblent d'ailleurs avoir rien 
fait en ce moment pour s'opposer à l'établissement des 
Israélites dans la terre de Chanaan. Ils eurent même 
d'abord des relations de bon voisinage, Jud., xiv, 1, 7, 10, 
11. Ce ne fut que lorsque l'arrivée de nouveaux émigrants 
du temps de Ramsès III eut augmenté leur puissance, 
qu'ils se mirent à harceler les Hébreux. Jud., x, 6, 7, 
11. Samgar frappa six cents d'entre eux. Jud., m, 31. 
Samson eut à lutter contre eux pendant toute sa vie. 
Jud., xiv-xvi. Voir Samson. Mais ce fut surtout sous 



contre Israël d'éclatantes victoires à Aphec à la fin de la 
judicature d'Héli et s'emparèrent de l'arche sainte. 
I Reg. (Sam.), iv, 1-11. Voir Aphec 3, t. i, col. 728; 
Arche d'allia.nce, 1. 1, col. 920. Les châtiments divins 
obligèrent les vainqueurs à renvoyer l'arche à Israël. 
1 Reg. (Sam.), v-vi. Samuel ayant succédé à Héli comme 
juge d'Israël rassembla tout le peuple à Masphath. Les 
Philistins en prirent ombrage et marchèrent de nouveau 
en armes contre eux, mais cette fois, ils furent battus à 
Ében-Ézer (La Pierre du Secours). Le succès des 
Israélites fut tel qu'ils recouvrèrent les places qu'ils 
avaient perdues et que leurs ennemis les laissèrent en 
paix jusqu'à l'avènement de Saûl, vu, 5-13. 

3° Guerres des Philistins contre Saûl. — L'élection 
d'un roi qui réunit sous son pouvoir les douze- tribos 
d'Israël était propre à inspirer des inquiétudes anx 



295 



PHILISTINS 



296 



Philistins pour leur indépendance. C'était spécialement 
contre eux que la royauté avait été établie, vm, 20. Aussi 
luttèrent-ils avec acharnement contre Saûl pendant 
toute sa vie et ne furent-ils satisfaits qu'après avoir 
anéanti sa puissance à Gelboé et l'avoir réduit à se 
donner la mort. Pendant cette longue guerre 'qui dura 
tout le règne de Saûl, c'est-à-dire pendant quarante ans, 
il y eut des deux côtés alternatives de succès et de 
revers, mais, quoique Saûl eût fait de grands efforts pour 
former une armée, les Philistins furent le plus souvent 
vainqueurs. Saûl entreprit d'abord de les chasser des 
environs de sa ville natale, Gabaa, qui lui servait de 
résidence et où ses ennemis s'étaient établis, x, 5 ; xn, 9 ; 
ira, 3. Grâce à la bravoure de Jonathas, fils aine de Saûl, 
les Philistins furent battus à Gabaa, et Saûl appela aus- 



la tribu de Juda et campèrent à Éphès Dommim, entre 
Socho et Azéca. Saûl, pour les arrêter, se porta ayèc 
son armée dans la vallée duTérébinthe, à une vingtaine 
de kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Là le géant 
Goliath défia les Israélites. Le jeune David releva le 
défi, le tua. et entraîna ainsi la défaite de toute l'armée 
philistine, xvn. Voir Goliath, t. m, col. 268. Les 
Israélites poursuivirent leurs ennemis jusqu'à Geth et 
à Âccaron, mais ils les laissèrent en paix dans leur 
territoire, xvm. David put se réfugier chez Àehis, le 
roi de Geth, pendant la persécution de Saûl et il y fut, 
ainsi qu'ensuite à Siceleg, à l'abri des poursuites de 
son ennemi, xxi, 10-15; xxvu. La paix n'était pas 
cependant établie entre Israël et la Philistie. Il y avait 
sans doute de temps en temps des incidents de fron- 









72. — Pulusati prisonniers deTtarnsèsYn. "Bas-iëùeft aeTftéHma\-ïù»^.^^Vv^%^^'3j«$sâR.. 



sitôt tout le peuple à prendre les armes contre les Phi- 
listins, XHI, 2-4. Ces derniers né perdirent pas de temps 
pour répondre à ces menaces. Avec trois mille chars 
(nombre marqué par une note de la Massore, quoique 
le texte porte trente mille, chiffre trop élevé, par erreur, 
et en contradiction avec le chiffre suivant qui porte 
six mille cavaliers, c'est-à-dire six mille soldats montés 
sur des chars) et de nombreux fantassins, ils allèrent 
camper à Machmas et remplirent de terreur les 
Israélites qui coururent en foule se cacher dans les envi- 
rons et même se réfugier au delà du Jourdain, xm, 5- 
7. Cependant les Philistins, après qu'un de leurs avant- 
postes eût été battu par la vaillance de Jonathas et eût 
porté la frayeur dans tout leur camp, furent défaits 
depuis Machmas jusqu'à Aîalon, xm, 16-xiv, 21. 

Ce ne fut qu'au bout de plus de vingt ans que les 
Philistins purent reprendre l'offensive. Saûl, après sa 
victoire, avait aussi battu les Amalécites, mais à cause 
de sa désobéissance aux ordres de Dieu, ' il avait été 
rejeté et David avait été sacré secrètement à sa place. 
Ce dernier événement Venait de s'accomplir, lorsque 
les Philistins rassemblèrent leurs troupes à Socho dans 



tière et des escarmouches comme dans l'épisode de 
Céilah, xxiii, 1-5, mais ce ne fut qu'à la lin du régne 
de Saûl que la guerre entre les deux peuples recom- 
mença avec violence. Cette fois le théâtre de la bataille 
fut le nord de la Palestine, à l'extrémité occidentale de 
la plaine d'Esdrelon. Les Philistins avaient-ils été 
attirés en cet endroit par le désir de faire une razzia 
fructueuse dans la riche plaine, comme autrefois les 
Madianites au temps de Gédéon, ou par l'espoir d'y battre 
plus facilement les ennemis en terrain plat avec le 
secours de leurs chars, ou pour couper en deux le terri- 
toire du royaume et en briser la force, on est réduit aux 
conjectures. Quoi qu'il en soit, Saûl avait cherché à se 
protéger contre eux en s'adossant au. mont Gelboé, 
tandis que les Philistins campaient à Sunam, mais ce 
fut en vain, la défaite d'Israël fut complète, Saûl et 
Jonathas périrent dans la bataille, les vainqueurs s'em- 
parèrent des villes qu'abandonnèrent leurs habitants 
et pénétrèrent jusgu'au delà du Jourdain, xxvm, 1- 
xxix, 1-2; xxxi, 1-10. Si les Philistins avaient voulu 
diviser les douze tribus pour briser leur force, ils 
avaient pleinement réussi. Les luttes intestines qu'a- 



297 



PHILISTINS 



298 



mena Ja mort de Saûl ne pouvaient que îorliBer )a 
suprématie des Philistins. Ils cherchèrent à la mainte- 
nir en attaquant David sans retard. 

4° Du règne de David à celui d'Achaz. — Dès 
que David eut été reconnu comme roi par les douze 
tribus et que l'unité du royaume eut été ainsi recon- 
stituée, ils s'avancèrent en armes dans la vallée de 
Raphaïm au sud-ouest de Jérusalem et établirent 
même un poste à Bethléhem. I Par., XI, 16. Les 
Israélites réunis pouvaient lutter avantageusement 
contre eux, et avec un chef comme David, ils battirent 
deux fois leurs ennemis à Raphaïm et, dans la seconde 
rencontre, les poursuivirent depuis Gabaa jusqu'à Gé- 
zer. II Reg. (Sam.), v, 17-25; I Par., xiv, 8-16. 

Sept ans plus tard environ, la situation des belligé- 
rants était tellement changée que ce fut David qui prit 
l'offensive et s'empara de Geth. I Par., xvm, 1. La 
puissance des Philistins était désormais brisée. L'Écri- 
ture mentionne encore quatre combats contre les Phi- 
listins, qui eurent lieu vers la fin du règne de David ou 
à des dates inconnues, II Reg. (Sam.), xxi, 15-22, mais 
ils furent sans grande importance et servirent surtout 
à faire éclater la bravoure de quelques-uns des soldats 
d'Israël. 

Sous le règne de Salomon, les villes philistines, 
en conservant leur autonomie, III Reg., il, 39, lui 
payèrent sans doute tribut, III Reg., iv, 21, 24; II Par., 
ix, 26, mais le schisme des dix tribus leur permit de 
relever la tête. Roboam pour les arrêter fortifia contre 
eux Geth et les villes limitrophes de leur territoire. 
II Par., XI, 8. Ils réussirent à prendre Gebbéthon et à 
s'y établir. Cette place commandait les défilés qui me- 
naient delà plaine de Saron à Samarie. Voir Gebbéthon, 
t. m, col. 142. Les rois d'Israël Nadab et Baasa firent 
donc de longs efforts pour la leur reprendre. III Reg., 
xv, 27; xvi, 15, 17. Du temps de Josaphat, roi de 
Juda, quelques Philistins lui payaient encore tribut, 
II Par., xvii, 11, mais sous son fils Joram, s'étant joints 
à des pillards arabes, ils saccagèrent le palais du roi, 
XXI, 16-17. Du temps de Joas, Hazaèl, roi de Damas, 
prit la ville de Geth. IV Reg., xn, 17. Les Philistins 
parvinrent sans doute à la reprendre après son départ, 
car Ozias, en leur faisant la guerre, détruisit les murs 
de cette ville avec ceux de Jamnia et d'Azot. II Par., 
xxvi, 6. Cf. Amos, vi, 2. La haine des habitants de la 
Séphélah contre les Israélites s'en augmentait toujours. 
Nous apprenons par les prophètes, Joël, m, 4-6; 
A,mos, i, 6-10, que, unis aux lduméens et aux Phéni- 
ciens, ils avaient fait la traite des esclaves et vendu les 
Juifs dont ils s'étaient emparés. Pendant le règne 
d'Achaz, ils mirent à profit les embarras que les ldu- 
méens et les Syriens causaient à ce roi pour s'emparer 
des villes de Juda qui étaient dans leur voisinage. II Par., 
xxvni, 18. Cf. Is., ix, 11. Mais le moment approchait 
où les habitants de la Séphélah allaient avoir affaire à 
des ennemis plus redoutables que Juda, aux Assyriens, 
selon la prophétie d'Isaïe, xiv, 28-31. Ils avaient eu 
déjà à souffrir de leur part lors de leurs premières 
invasions contre le royaume du nord de la Palestine. 

5" Les Philistins aux prises avec les Assyriens. — 
Le pays des Philistins avait été soumis au tribut par 
les rois d'Assyrie en même temps qu'Israël et l'Idumée 
par Rammannirar III. Téglathphalasar III comptait, 
vers 734, parmi ses vassaux, Mitinti d'Ascalon et 
Hanon de Gaza, qui avaient pris part avec Rasin de 
Damas et Phacée d'Israël à la révolte contre Ninive 
(734-732). Rukipti succéda à son père Mitinli comme roi 
d'Ascalon et fit sans doute sa soumission au roi d'Assy- 
rie. A l'approche des Assyriens, Hanon de Gaza s'en- 
fuit en Egypte, et sa capitale fut prise et pillée. Après 
le départ des vainqueurs, il y revint, et en 720 nous le 
trouvons parmi les alliés de Sô ou Sévé, le Schabak 
égyptien, qui avait promis son appui à Osée d'Israël, 



IV JReg., xvir, é, mais ne l'avait pas sauvé. Il fut battu 
et fait prisonnier à Raphia par Sargon, le vainqueur de 
Samarie. Sargon déposa aussi Azuri, roi d'Azot, et le 
remplaça par son frère Ahimiti; mais quand Sargon 
se fut éloigné, les habitants d'Azot chassèrent Ahimiti 
et le remplacèrent par Yamani. Le roi de Ninive 
marcha en 711 contre les rebelles et s'empara d'Azot, 
Is., XX, 1, de Geth, etc., déporta les habitants du pays, 
les remplaça par des colons qu'il fit venir de l'est de 
l'Assyrie et les plaça sous le gouvernement d'un Assy- 
rien. Ce fut pour peu de temps. Sous le règne de 
Sennachérib, Mitinti d'Azot figure parmi les tributaires 
de Sennachérib. Ezéchias, qui avait secoué le joug des 
Assyriens, avait battu les Philistins, IV Reg., xvm, 8, 
et les avait entraînés en partie dans sa révolte. 

Quand Sennachérib porta la guerre en Palestine, 
Sidqa d'Ascalon, l'un des chefs philistins, fut défait par 
ce roi et envoyé captif en Assyrie; Sarludari, fils d'un 
ancien roi d'Ascalon, fut mis sur le trône à sa place. Le 
roi d'Accaron, Padi, avait refusé de se révolter contre le 
roi de Ninive. Ses sujets l'avaient saisi et envoyé captif 
à Ezéchias roi de Juda. Sennachérib obligea le roi de 
Juda à le lui rendre et le rétablit sur le trône. Il sac- 
cagea en même temps plusieurs villes des Philistins. 
Depuis lors ces derniers semblent être restés fidèles 
aux Assyriens. Asarhaddon et Assurbanipal énumèrent 
parmi leurs tributaires Silbel de Gaza, Mitinti d'As- 
calon, Ikausu d'Accaron, Ahimilki d'Azot. Quand l'Egypte 
voulut secouer le joug de l'Assyrie sous le règne de 
Tharaka, les Philistins restèrent fidèles aux Assyriens. 
Hérodote, il, 157, raconte que le roi d'Egypte Psammé- 
tique assiégea Azot pendant 29 ans. Cf. Jer., xxv, 20. 
Le temple d'Ascalon, dédié à « Aphrodite Urania », dit 
Hérodote, i, 105, fut pillé par les Scythes. 

6° Les Philistins tributaires des Chaldéens et des 
Perses. — Après la chute de l'empire assyrien, lorsque 
Néchao II porta la guerre sur l'Euphrate (608), il prit 
Gaza à son passage. Hérodote, H, 159. Sa défaite à 
Carchamis ne tarda pas à amener Nabuchodonosor en 
Egypte et il semhle n'avoir rencontré aucune résistance 
dans le pays des Philistins, fort maltraité pendant toutes 
ces guerres. Soph., n, 4-7; Jer., xvii, 1-7; Ezech., xxv, 
15-17. Nabonide fit lever des tributs jusqu'à Gaza pour 
la construction du grand temple de Sin à Harran. Keil- 
inschriftliehe Bibliotheh, t. ni, 2, p. 98. 

Lorsque Babylone fut tombée au pouvoir des Perses 
et que Cambyse marcha contre l'Egypte, Gaza fut la 
seule ville philistine qui s'opposa à son passage, 
Polybe, xvi, 40. Quand Darius organisa son empire, les 
Philistins, avec la Palestine, firent partie de la cin- 
quième satrapie. Hérodote, m, 91. Ils fournirent leur 
contingent à la flotte de Xerxès. Hérodote, vu, 89. 
Pendant quelque temps, Ascalon parait avoir été sou- 
mise à Tyr, du moins, Scylax, dans son Périple, 
l'appelle « une ville tyrienne. » Geographi min., édit. 
Didot, t. i, p. 79. Gaza jouit alors d'une grande pros- 
périté. Hérodote, m, 15. On ne sait rien de précis sur 
les villes philistines pendant les dernières années de la 
monarchie perse. Mais le livre deNéhémie, IIEsd.,xin, 
23-24, nous apprend que, de son temps, la commu- 
nauté de malheurs ayanl atténué sans doute la haine 
qui divisait Philistins et Israélites, plusieurs Juifs 
avaient épousé des femmes philistines, originaires 
d'Azot, qui avaient appris à leurs enfants à parler la 
langue de cetle ville, de sorte qu'ils ne connaissaient 
même pas la langue juive. 

7» Les Philistins à l'époque des Lagides et des Sé- 
leucides. — Sous Alexandre le Grand et ses successeurs, 
la Philistie soutint de fréquentes guerres. Alexandre 
assiégea Gaza, qui lui refusait le passage, quand il se 
rendait de Tyr en Egypte, et la traita durement (332). 
Diodore de Sicile, XVII, xlviii, 7; Arrien, n, 265; 
Q. Curce, rv, 67. — Après sa mort, la Syrie échut à 



299 



PHILISTINS 



PHILON 



300 



Laomédon. En 320, Ptolémée I er s'empara de Gaza et 
de Joppé. Antigone les prit en 315. Ptolémée les reprit 
en 315, Diodore de Sicile, xix, 80, mais il en fut chassé 
l'automne suivant par Démétrius et Antigone. Diodore, 
xix, 93. Ptolémée fit une nouvelle tentative en 302 et 
elle fut en partie couronnée de succès. La Philistie 
resta à ses successeurs, Antiochus le Grand, en 219, 
entreprit de la reprendre. Il s'empara de Gaza et c'est 
dans cette ville, en 218, qu'il prépara l'invasion de 
l'Egypte. Une grande bataille fut livrée à Raphia en 217, 
le roi de Syrie fut battu et Ptolémée recouvra les villes 
philistines. Polybe, v, 82-86. Un nouvel effort d'An- 
tiochus en 201 le rendit maître de Gaza, les Égyptiens 
furent battus à Phanéion en 200 et toute la Syrie 
tomba ainsi au pouvoir des Séleucides. 

La domination des successeurs d'Alexandre contribua 
beaucoup à la diffusion de la civilisation grecque en 
Philistie. Déjà auparavant, sous les rois perses, les 
rapports commerciaux des Philistins avec les Grecs 
avaient introduit dans les villes philistines des mon- 
naies du type athénien. E. Schùrer, Geschichte desjûd. 
Volhes im Zeitalt. J. C, 3 e édit. , t. n, 1898, p. 84; 
E. Babelon, Les Perses Achéménides, 1893, p. lv-lxiv, 
47-52, pi. vin. Sous les Séleucides, on se mit à parler 
grec, on donna aux dieux les noms des dieux grecs, 
on imita les institutions grecques. Antiochus Épiphane, 
qui chercha à helléniser les Juifs, ne dutéprouver aucune 
difficulté à établir les mœurs grecques dans la Séphélah. 

8° Histoire des Philistins à l'époque des Machabées. 
Leur assujettissement par les Romains. — 1. Du temps 
des Machabées, les Syriens eurent d'ordinaire les Phi- 
listins comme auxiliaires dans leur lutte contre les 
Juifs; ils en avaient dans leurs armées, ils partaient 
souvent de la Séphëlah pour attaquer les fils de Matha- 
tias; les Philistins achetaient comme esclaves les pri- 
sonniers juifs. I Mach., m, 41. Les Hasmonéens eurent 
ainsi souvent à les combattre. Judas Machabée prit 
Azot et la pilla. I Maeh., v, 68. Bacchide fut obligé, pour 
éviter ces incursions, de fortifier Emmaûs, Béthoron, 
Thamnatha, Pharathon, Gézer.I Mach., IX, 50-52. Jona- 
thas, ayant pris le parti d'Alexandre Balas contre Dé- 
métrius, essaya en 147 de s'emparer de Joppé, mais sans 
succès; il battit cependant Apollonius près d'Azot et 
brûla le temple de Dagon. I Mach., x, 75-85; cf. xi, 4. 
Ascalon lui ouvrit ses portes. I Mach., x, 86. Il reçut 
en don Accaron d'Alexandre Balas. I Mach., x, 89. Plus 
tard, Jonathas soumit Ascalon et obligea Gaza à traiter 
avec lui (145-143). I Mach., xi, 60-62. Simon Machabée 
prit à son tour Joppé et y établit ensuite des Juifs, 
ainsi qu'à Gaza. I Mach., xii, 33; xn, 11, 43-48. 
Jean Hyrcan semble avoir perdu ces villes qui lui 
furent enlevées par Antiochus Sidètes, mais ce dernier 
dut les lui rendre à cause de l'intervention de Rome. 
Alexandre Jannée se rendit maître de Raphia, d'Anthé- 
don et de Gaza. Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 3; Bel. 
jud., I, îv, 2. — 2. Pompée rendit leur autonomie aux 
villes philistines, mais il les incorpora dans la province 
de Syrie (63 avant J. C). Josèphe, Bell, jud., I, vu, 7. 
Gabinius (57-55 avant J. C.) rebâtit les villes détruites ou 
maltraitées par les Juifs. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiv, 
53; Bell, jud; I, vin, 4. César rendit Joppé aux Juifs. 
Ant. jud., XIV, x, 6. Antoine donna à Cléopâtre toute la 
côte de la Méditerranée depuis 1'n.gypte jusqu'au fleuve 
Éleuthère, à l'exception de Tyr et de Sidon (36 avant 
J. C.). Plutarque, Anton., 36; Josèphe, Bell, jud., I, 
xvm, 5. Auguste (30 avant J. C.) donna à Hérode Gaza, 
Anthédon, Joppé et la tour de Straton dont Hérode fit 
Césarée. — 3. Quand le royaume d'Hérode fut divisé, Gaza 
fut sous la dépendance directe du gouverneur de Syrie ; il 
en fut de même pour Joppé et Césarée à la déposition 
d'Archélaûs (6 de notre ère). Azot et Jamnia furent don- 
nées à Salomé; leurs revenus, après la mort de Salomé, 
furent attribués à l'impératrice Livie et plus tard à Ti- 



bère. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 4-5; XVIII, n, 2; 
vi, 3; Bell, jud., II, vi, 3; ix, 1; E. Sçhurer, Gesch. 
desjûd. Volkes im Zeitalt. J. C, 3» édit., t. n, 1898, 
p. 78. — Pendant toutes ces révolutions, Ascalon conserva 
ses franchises, conquises en 104 avant J. C. — 4. En 66 
de notre ère, au commencement de la révolte des Juifs 
contre Rome, les Juifs de Césarée furent égorgés par 
les autres habitants de la ville, avec la connivence du 
procurateur Gessius Florus. Des massacres eurent lieu 
aussi à Ascalon. Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 5. Les 
Juifs révoltés brûlèrent de leur côté Ascalon, détruisirent 
Anthédon et Gaza. Bell, jud., II, xvm, 1. Cestius Gallus 
prit Joppé et en massacra la population juive, mais les 
Juifs la reprirent et s'y tinrent jusqu'à ce qu'elle fût 
détruite par Vespasien. Bell, jud., II, xvm, 10; xx, 4; 
III, IX, 2. Ainsi s'était accomplie peu à peu la ruine de 
la Philistie. Cf. Zach., x, 5-7. Le nom des Philistins 
n'apparaît plus dans le Nouveau Testament. 

V. Bibliographie. — Frisch, Le origine, diis et terra 
Palœstinorum, Tubingue, 1696; VVolf, Apparatus 
Philistseorum bellicorum, Wittenberg, 1711; F. Hitzig, 
Vrgeschichte und Mythologie der Philistàer, Leipzig, 
1845; Bertheau, Zur Geschichte der lsrealiten, Gœt- 
tingue, 1842, p. 186-200, 280-285, 306-308; G. Bour, Der 
Prophet Amos, Giessen, 1847, p. 76-94; fûiobel, Die 
Vôlkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 215-225; Fr. 
W. Schultz, dans Herzog, Real-Encyklopàdie, 2° édit., 
t. xi, 1883, p. 618-636; Kneucker, dans Schenkel, Bibel- 
Lexicon, t. îv, 1872, p. 541-559; Ritter, Erdkunde, t. xvn, 
Berlin, 1852, p. 168-192; Stark, Gaza und die philis- 
tàische Kûste, Iéna, 1852 ; Hanneker, Die Philistâea, 
Eichslâdt, 1872; V. Guérin, Judée, t. n, 1869, p. 45-51; 
Schwally, Die Rasse der Philistàer, dans Hilgenfeld, 
Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, t. xxxiv, 
1890, p. 103, 265; W. M. Mûller, Asien und Europa 
nach altàgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 386-390. 

F. Vigouroux. 

PHILOLOGUE (grec: 3>[X6Xoyoç)ï chrétien de Rome, 
salué par saint Paul. Rom., xvi, 15. Ce nom était 
commun parmi les esclaves et les affranchis de la 
maison impériale. Corpus inscript, lat., t. vi, 4116; 
Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 
3 e édit., t. il, coi. 1626. Origène suppose qu'il pouvait 
être le mari de Julie, nommée avec lui. Voir Julie, 
t. m, col. 1866. Le pseudo-Dorothée. De septuaginta 
discip., 41, Patr. Gr., t. xm, col. 1063, dit qu'il était 
un des soixante-dix disciples et que saint André le fit 
évêque de Sinope dans le Pont, Cf. Pseudo-Hippolyte, 
De septuaginta Apostolis, 41, t. x, col. 955, qui répète 
les mêmes choses. On célèbre sa fête le 4 novembre. 
Voir Acta sanctorum, novembris t. n, 1894, p. 222-224. 

PHILOMÉTOR, « aimant sa mère, » surnom donné 
par antiphrase à Ptolémée VI, roi d'Egypte, qui détes- 
tait sa mère. II Mach., iv, 21; ix, 29; x, 13. Voir Pto- 
lémée VI. 

PHILON, écrivain juif, contemporain de Jésus- 
Christ. 

I. Sa vie. — On n'a que fort peu de renseignements 
sur la vie de Philon. D'après Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
vin, 1; cf. Eusèbe, H. E., n, 4, t. xx, col. 148, il appar- 
tenait à une famille distinguée; son frère Alexandre (ou 
plutôt le fils de son frère, Ewald, Geschichte des Volkes 
Israels, 3 e édit., Gœttingue, 1868, t. vi, p. 259) exerçait 
en Egypte les fonctions d'alabarque, probablement de 
fermier général des impôts sur la rive droite du Nil, 
fonctions qui furent plusieurs fois confiées à de riches 
Juifs. Saint Jérôme, De vir. ill., 11, t. xxin, col. 625, dit 
que Philon était de famille sacerdotale ; mais cette indi- 
cation ne trouve sa confirmation chez aucun historien, 
pas même chez Eusèbe, et les écrits de Philon ne font 
aucune allusion à ce point. Ils sont d'ailleurs très sobres 



301 



PHILON 



302 



de détails concernant leur auteur. Celui-ci y mentionne 
seulement ses fréquentes retraites dans le désert pour y 
jouir de la comtémplation, sans un grand résultat, Leg. 
allegor., n, 21, édit. Mangey, t. I, p. 81; la part qu'il 
prenait aux festins des fêtes, Leg. allegor., m, 53, t. i, 
p. 118; le soin avec lequel il s'adonnait à la philosophie, 
De spécial, leg., n, 1, t. n, p. 299, et son voyage pour les 
fêtes à Jérusalem. Fragm. de Provident., t. n, p. 646. 
Le seul événement historique auquel ait été mêlé Philon 
est l'ambassade à Caligula, en l'an 40 après J.-C. On sait 
que quand Caligula se mit en tête de se faire rendre 
partout les honneurs divins, et même d'installer sa sta- 
tue dans le Temple de Jérusalem, les Juifs s'abstinrent 
partout de participer à ce culte. Malmenés à cette occa- 
sion par leurs concitoyens gréco-égyptiens, les Juifs 
d'Alexandrie envoyèrent à Rome une députation à la 
tête de laquelle fut placé Philon; une députation con- 
traire 'suivit la première, sous la conduite d'Apion, 
ennemi déclaré des Juifs. Philon et ses collègues trou- 
vèrent l'empereur à Pouzzoles et ne purent l'aborder. 
A Rome, ils furent reçus par Caligula dans la maison 
de Mécènes, eurent à y subir toutes sortes d'affronts et 
finalement se virent congédier sans avoir rien obtenu. 
Peu de temps après, l'assassinat de l'empereur résolut 
la difficulté. Philon a fait lui-même le récit de son 
ambassade, De légat, ad Caium, t. n, p. 545-600. Cf. 
Beurlièr, Le culte impérial, Paris, 1891, p. 264-271. Au 
début de cet écrit, Philon dit de lui-même qu'il était 
alors un vieillard, répwv. On en conclut que sa nais- 
sance remontait à une vingtaine d'années avant Jésus- 
Christ. D'après Eusèbe, H. E., n, 17, t. xx, col. 173, 
que saint Jérôme reproduit dans sa notice, t. xxui, 
col. 627, Philon se serait rendu une seconde fois à 
Rome, sous Claude, et y aurait connu saint Pierre; à 
Alexandrie, il aurait été en rapport [avec les chrétiens 
de saint Marc. Ces derniers renseignements sont re- 
gardés comme sujets à caution. On ignore la date de la 
mort de Philon, A la lecture de ses écrits, on voit que 
Philon n'avait rien de Pétroitesse du pharisien, attaché 
principalement à la lettre de la Loi. Il était au contraire 
homme de mysticisme et de culte intérieur. Cf. De che- 
rub., 27. t. i, p. 155, 156; De plantât., 30, t. i, p. 348; 
Desomn., t, 42, t. i, p. 657. II avait un sentiment très 
élevé de piété et d'obéissance envers Dieu et il profes- 
sait que délaisser son service, c'était renoncer au 
bonheur. Cf. Ritler, Philo und die Halacha, Leipzig, 
1879. 

II. Ses écrits. — Philon a laissé de nombreux écrits, 
dont quelques-uns se sont perdus. Eusèbe, H. E., il, 
18, t. xx, col. 183, et saint Jérôme, De vit: ill., 11, 
t. xxiii, col. 628, donnent le catalogue de ceux qu'ils 
connaissaient. On peut les classer comme il suit : 

i. questions et solutions. — Dans le projet de 
Philon, elles devaient porter sur tout le Pentateuque. 
Eusèbe ne connaît que ce qui concerne la Genèse et 
l'Exode. Une version arménienne a conservé la plus 
grande partie des questions sur la Genèse et l'Exode; 
une ancienne version latine, ignorée des premiers édi- 
teurs du texte grec de Philon, reproduit les questions 
sur la Genèse; en grec, on ne possède qu'un très grand 
nombre de fragments épars dans les Pères, les Chaînes 
et les anciens recueils de commentaires. 

II. COMMENTAIRES ALLÉGORIQUES SUR LA GENÈSE. — 

Us se composent de différents traités : 1° Allégories des 
lois, trois livres sur Gen., n, 1-17; n, 18-m 1; m, 8-19, 
édit. Mangey, t. i, p. 43-137. — 2. Des chérubins et du 
glaive de flamme, sur Gen., m, 24; rv, 1, t. i, p. 138- 
162. — 3. Des sacrifices d'Abel et de Caïn, sur Gen., iv, 
2-4, t. l, p. 163-190. Saint Ambroise s'est beaucoup servi 
de ce traité dans son De Caïn et Abel, t. xiv, col. 315- 
360. — 4. Que le pire cherche à nuire au mieux, sur 
Gen., iv, 8-15, t. i, p. 191-225. — 5. De la postérité de 
Caïn qui se croit sage et de son changement de de- 



meure, sur Gen., IV, 16-25, t. i, p. 226-261. — 6. Des 
géants, sur Gen., vi, 1-4, t. î, p. 272-299. — 7. De l'agri- 
culture, sur Gen., ix, 20, 1. 1, p. 300-328, avec un second 
livre intitulé : De la plantation de Noë, sur Gen., ix, 20, 
t.i, p. 329-356. — 8. De l'ivresse, sur Gen., ix, 21, t. i, 
p. 357-391. Eusèbe et saint Jérôme indiquent deux 
livres ; il n'en reste qu'un, probablement le premier. — 
9. De la sobriété, sur Gen., rx, 24-27, t. i, p. 392403, 
intitulé dans Eusèbe et saint Jérôme : De ce qu'un esprit 
sobre souhaite et maudit. — 10. De la confusion des 
langues, sur Gen., xi, 1-9, t. i, p. 404435. — 11. De la 
migration d'Abraham, sur Gen., xn, 1-6, t. i, p. 436- 
472. — 12. De l'héritier des choses divines, sur Gen., 
xv, 2-18, t. I, p. 473-518. — 13. De l'union à contracter 
pour s'instruire, sur Gen., xvi, 1-6, t. i, p. 519-545. — 
14. Des exilés, sur Gen., xvi, 6-14, t. i, p. 546-577. 
Saint Ambroise utilise ce traité dans son De fuga sx- 
culi, t. xiv, col. 569-596. — 15. Du changement de noms, 
sur Gen., xvn, 1-22, t. i, p. 578-619. — 16. Des songes, 
sur Gen., xxvm, 12; xxxi, 11, et xxxvn, 40, 41, t. i, 
p. 620-699. Eusèbe et saint Jérôme indiquent cinq livres 
sur ce sujet; il y en aurait donc trois de perdus et 
ceux qui restent sont probablement le 'troisième et le 
quatrième. 

III. EXPOSITION DE LA LÉGISLATION MOSAÏQUE."— 1. De 

la création du monde, t. i, p. 1-42, comme base natu- 
relle de toute la législation. — 2. Sur Abraham, t. n, 
1-40, la vie des patriarches montrant en action la loi 
non écrite. — 3. Sur Joseph, t. n, p. 41-79. Philon 
avait écrit sur Isaac et Jacob des livres qui sont perdus 
et auxquels il fait allusion au début du traité sur Joseph. 

— 4. Du décalogue, t. n, p. 180-209. —. 5. Des lois spé- 
ciales, en quatre livres comprenant plusieurs traités : 
I. De la circoncision, t. il, p. 210-212 ; De la monarchie, 
eh deux livres, traitant de l'unité de Dieu, t. n, p. 213- 
232; Des honoraires des prêtres, t. n, p. 232-237; Des 
victimes, t. n, p. 237-250; De ceux qui offrent les vic- 
times, t. il, p. 251-264. — TI. Sur les troisième, qua- 
trième et cinquième préceptes, t. n, p. 270-277, et 
spécialement Du septennaire, t. n, p. 277-298. Le traité 
Des devoirs envers les parents manque. La plus grande 
partie en a été éditée par Mai, De cophini festo et de 
colendis parentibus, Milan, 1818; tout le texte l'a été 
par Tischendorf, Philonea, Leipzig, 1868, p. 1-83. — 
III. Sur les sixième et septième préceptes, t. il, p. 299- 
334. — IV. Sur les trois derniers préceptes, t. n, 
p. 335-358, et De la justice, t. n, p. 358-374. — 6. Des 
trois vertus, De la force, t. n, p. 375-383; De la cha- 
rité, t. n, p. 383-405; De la pénitence, t. n, p. 405- 
407 ; il faut y joindre le morceau Sur la"noblesse, dont 
la source est la vertu, non la naissance, t. n, p. 437444. 
Les vertus se rapportent au décalogue parce qu'elles 
aident à en accomplir les préceptes. — 7. Des récom- 
penses et des peines, t. n, p. 408428, et Des exécra- 
tions, t. n, p. 429437, formant un seul traité. 

ir. écrits spéciaux. — 1. Vie de Moïse, en trois 
livres, t. n, p. 80-133, 134-144, 145-179. Eusèbe ne cite 
pas cet écrit, mais seulement un traité Sur le taber- 
nacle, qui n'en est qu'une partie. — 2. Que tout homme 
de bien est libre, t. n, p. 445470. — 3. Contre Flaccus, 
t. il, p. 517-544, et De l'ambassade à Caïus, t. n, p. 545- 
600, deux livres qui se rapportent aux persécutions 
auxquelles furent en butte les Juifs d'Alexandrie, sur- 
tout sous Caligula. — 4. De la Providence, seulement 
en arménien et traduit en latin par Aucher, Philonis 
Judeei sermones très, Venise, 1822, p. 1-121. — 5. Sur 
Alexandre et que les animaux ont une raison à eux, 
également en arménien, cf. Aucher, p. 123-172. — 
6. Hypothétiques, apologie des Juifs, qu'on a tout lieu 
de croire identique au traité suivant. — 7. Sur les Juifs, 
ou apologie des Juifs. On n'en a que des fragments dans 
Eusèbe, Prœpar. evang., vm, 6, 7, t. xxi, col. 606-614. 

— 8. De la vie contemplative, t. u, p. 471486. C'est 



303 



PHILON 



304 



une description de la vie des thérapeutes, qui avaient 
transporté l'essénisme aux environs d'Alexandrie. Eusèbe 
pensait que ces contemplatifs étaient des chrétiens, dis- 
ciples de saint Marc. Saint Jérôme le croit aussi, et à 
leur suite, beaucoup d'auteurs l'ont admis. Cf. Mont- 
faucon, Le livre de Philon de la vie contemplative, 
Paris, 1709. On fait valoir contre l'authenticité de l'ou- 
vrage que Philon ne fait allusion à cette colonie de 
thérapeutes dans aucun autre endroit de ses écrits, que 
le persiflage du Banquet de Platon qu'on y rencontre, 
De vit. contempl., 7, ne concorde guère avec l'admi- 
ration professée par Philon pour le grand philosophe 
grec, que l'ascétisme décrit dans cet ouvrage n'est, à 
proprement parler, ni juif, ni chrétien, etc. Néanmoins, 
ces raisons ne sont pas absolument convaincantes, et 
l'authenticité du traité a encore, parmi les modernes, 
de nombreux partisans, tels que Delaunay, dans la 
Revue archéologique, t. xxn, 1870, p. 268-282; t. xxvi, 
1873, p. 12-22; Renan, dans le Journal des savants, 
1892, p. 83-93; Massebieau, dans la Revue de l'histoire 
des religions, t. xvi, 1887, p. 170-198, 284-319; Conybeare, 
Philo about the contemplative Life, Oxford, 1895 ; 
Wendland, Die Therapeuten und die philonische 
Schrift, dans le Jahrb. fur class. philol., 1896, p. 695- 
772, etc. On remarque surtout l'analogie que présente 
ce traité avec les autres écrits de Philon au point de 
vue de la langue et des idées, de sorte que la thèse de 
l'authenticité paraît en somme mieux établie que la 
thèse contraire. 

v. œuvres apocryphes. — Sont considérés comme 
inauthëntiques les ouvrages suivants, ordinairement 
attribués à Philon : 1. De l'incorruptibilité du monde, 
t. H, p. 487-516, qui soutient la thèse de l'éternité du 
monde. — 2. Du monde, t. il, p. C01-624, compilation 
tirée des autres écrits de Philon. — 3. Sur Samson et 
sur Jonas, seulement en arménien et en latin. — 4. In- 
terprétation des noms hébreux, œuvre probablement 
anonyme attribuée à Philon par Origène, au témoignage 
de saint Jérôme, Lib. de nomin. hebraic., t. xxih, 
col. 771, qui juge à propos de la refondre totalement et 
de la compléter. — 5. Livre des antiquités bibliques, 
qui raconte l'histoire biblique d'Adam à Saûl. Le texte 
latin suppose un texte grec, qui lui-même suppose un 
original hébreu. Cf. Massebieau, Le classement des 
œuvres de Philon, dans la Bibliothèque des hautes 
études, Scienc. relig., t. I, 1889, p. 1-91. — 6. Abrégé 
des temps, postérieur à Philon. — En outre, sont perdus 
vingt et un livres mentionnés par Philon lui-même ou 
cités par des auteurs postérieurs. — La meilleure édi- 
tion complète des œuvres de Philon était celle de Man- 
gey, Londres, 1742, 2 in-f°; elle sera désormais rem- 
placée par l'édition critique, en cours de publication, 
de Cohn et Wendland, Berlin, 1896-1906, t. i-v. La 
traduction latine a été faite par Sigismond jGelenius, 
Bâle, 1554; une traduction française a été publiée par 
Bellier, Paris, 1588, et revue par Morel, Paris, 1612. 
Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. 
J. C, Leipzig, t. m, 1898, p. 487-542, qui donne toute 
la bibliographie concernant Philon. On voit que l'écri- 
vain juif s'occupe surtout du Pentateuque. On peut dire 
que les trois quarts de son œuvre s'y rapportent. Il ne 
cite d'ailleurs que fort peu les autres Livres sacrés. — 
Dans la plupart de ses écrits, Philon est assez médiocre 
écrivain. Sa composition est lâche, avec des longueurs 
et des répétitions; les idées sont souvent confuses, for- 
mulées sans clarté ou imparfaitement exposées; l'abus 
des métaphores contribue à rendre la pensée plus indé- 
cise. Philon n'est pas un écrivain châtié; c'est un pen- 
seur assez superficiel qui se contente d'écrire comme 
il parle. 

III. Ses doctrines. — /. leur source. — La forma- 
tion intellectuelle de Philon se montre à la fois juive et 
grecque; mais c'est surtout le philosophisme grec qui 



dirige sa pensée. Il connaît et cite les grands poètes, 
Homère, Euripide et les autres. Platon est pour lui 1& 
maître « sacré » par excellence, hpiitaioi, cf. Quod 
omnis probus liber, t. n, p. 447, et saint Jérôme, De 
vir. ill., 11, t. xxih, col. 629, transcrit le dicton qui 
courait à ce propos parmi les Grecs : « C'est ou Platon 
qui philonise ou Philon qui platonise. » Il appelle- 
Philon un « Platon juif », Epist. lxx, 3, t. xxn f 
col. 666. Cf. Epist. xxn, 35, col. 421. Aux yeux de Phi- 
lon, Parménide, Empédocle, Zenon, Cléanthe sont des- 
hommes divins. Cf. De Provid., h, 48. Il est également 
pythagoricien, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., i, 15 r 
72; il, 19,100, t. vin,, col. 767, 1039; Eusèbe, H. E., h, 
4, 3, t. xx, col. 148. Les récentes études sur la philo- 
sophie stoïcienne démontrent que Philon a emprunté 
à Zenon et à son école la théorie de la nature à la fois 
providence, juge, cité universelle, dont Moïse et le 
grand-prêtre sont les citoyens par excellence. De sep- 
temar., t. il, p. 279; De monarch., t. Il, ç. 227. Cf. Hans 
von Arnim, Quellensludien zu Philo von Alexandria, 
Berlin, 1880, p. 10i-140; Massebieau, Le classement, 
p. 11-12. « Philon doit à sa foi juive les croyances 
religieuses qui orientent sa pensée : la transcendance 
divine, la nécessité d'un intermédiaire par qui Dieu 
agit et se manifeste; il a reçu de Platon les spécula- 
tions brillantes qui la dominent ; la théorie des idées, 
l'exemplarisme , mais c'est aux stoïciens qu'il emprunte 
toute la charpente qui la soutient, c'est-à-dire toute sa 
théorie sur le monde, sur sa constitution intrinsèque 
sur le rôle qu'y jouent la raison et la loi. » J. Lebreton ; 
Les théories du Logos au début de l'ère chrétienne, 
Paris, 1906, p. 70. Cependant, au-dessus de tous les 
philosophes, il place Moïse, auquel tous, d'après lui, 
ont emprunté ce qu'ils ont de vrai. Cette idée avait été 
formulée, avant Philon, par Âristobule, 170-150 avant 
J.-C, cf. Clément d'Alexandrie, Strom., v, 14, 97, t. ix, 
col. 145, voir Aristobule, t. i, col. 964, et même par 
Hermippe Callimaque, 246-204 av. J.-C, cf. Origène, 
Cont. Cels., i, 15, t. xi, col. 682. Philon la reproduit, 
Vit. Mosis, t. H, p. 163, et Josèphe, Cont. Apion., I, 22 
init., la reprend à son tour. Pour Philon, la Loi de 
Moïse est l'expression parfaite de la sagesse divine; elle 
est la seule source de toute philosophie,' c'est à cette 
source qu'ont puisé tous les grands penseurs grecs. Pour 
justifier ce système, Philon voit surtout dans l'Écriture 
des allégories, ce qui lui permet d'y retrouver les doc- 
trines les plus variées de la philosophie grecque. En 
réalité, il prête à l'Écriture les idées que sa culture 
grecque lui suggère. C'est le triomphe de l'hellénisme, 
dont il croit faire une doctrine essentiellement mosaïque. 
Juif et Grec à la fois, Philon s'imagine réaliser ainsi 
l'unité de deux civilisations et de deux peuples. Pour 
lui, comme bientôt après pour saint Paul, « il n'y a pas 
de différence entre le Juif et le Grec. » Rom., x, 12. 
Seulement l'Apôtre parle ainsi parce que le même Christ 
est devenu le Seigneur de tous, tandis que Philon, qui 
ignore totalement l'enseignement et l'action du Christ, 
pourtant son contemporain, n'a réalisé qu'une vaine et 
superficielle tentative. Les éléments si divers qu'il 
combine ensemble n'arrivent à former qu'une unité 
factice. Voici quelles sont ses idées principales : 

u. DIEU. — Dieu est l'absolu par essence; il est éter- 
nel, immuable, simple, libre, se suffisant à lui-même. 
Il est le souverain bien, la souveraine beauté, la souve- 
raine unité. Il est àirotoc, sans propriété particulière, 
sans itoiôTYic, c'est-à-dire sans qualité positive qui le 
détermine ou le limite. On peut dire qu'il est, mais 
non ce qu'il est. Il n'est cependant pas une abstraction ; 
il jouit d'une personnalité absolue, qui réunit en elle 
toute perfection. ' 

m. les êtres intermédiaires. — Dieu, étant l'être 
absolu et immuable, ne peut entrer en rapport avec le 
monde changeant et imparfait. Il y a donc des êtres 



305 



PHILON 



306 



intermédiaires qui agissent sur ce monde sans que 
Dieu ait à se commettre avec lui. Philon prend ces 
êtres intermédiaires là où il les trouve; il emprunte 
les « idées » à Platon, les « énergies » aux stoïciens, 
les « anges » à la théologie juive et les « démons ou gé- 
nies » à la mythologie grecque. Ces forces spirituelles, 
identiques -malgré la diversité des noms, sont les agents 
de Dieu en ce monde; c'est par elles qu'il le gouverne. 
Les intermédiaires ainsi supposés sont en nombre illi- 
mité; quelquefois Philon les réduit à trois, quatre ou 
cinq, ou même à deux, l'énergie créatrice appelée Dieu, 
et l'énergie royale appelée Seigneur. Philon leur accorde 
la personnalité, mais parfois la leur refuse. Il les place 
si avant dans l'essence divine qu'on a peine à les en 
' distinguer; et cependant, il faut bien qu'ils en soient 
distincts, pour éviter à Dieu ce contact avec le monde 
que l'écrivain déclare impossible. Cf. Zeller, Die Phi- 
losophie der Griechen, Leipzig, 1881, t. m, 2, p. 365. 

IV. LE logos. — Pour Philon, le Logos est à la tête 
de tous ces êtres. Il est l'agent par excellence de la 
puissance divine. Il n'est ni incréé, comme Dieu, ni 
créé comme les autres êtres. Il est parole créatrice, et 
non-seulement l'organe de Dieu vis-à-vis du monde, 
mais encore le médiateur entre le monde et Dieu. On 
ne peut savoir cependant si, dans la pensée de Philon, 
il se confond avec Dieu ou s'il constitue une personne 
distincte de lui. Il est certain que les idées juives ne 
permettaient pas d'admettre une seconde personnalité 
divine qui eût paru inconciliable avec le dogme de 
l'unité absolue de Dieu. Voir Logos, 1 IV, col. 325-327, 
Le Logos exerce surtout son activité dans le monde 
moral; il est l'inspirateur de tout bien, l'initiateur de 
toute vie supérieure, le guide du salut, le législateur, 
le grand-prêtre, l'intercesseur, l'introducteur dans la 
vie éternelle. Philon a certainement connu le livre de 
la Sagesse, composé au moins un demi-siècle avant 
lui, dans le milieu helléniste et alexandrin où il vécut 
lui-même. Cf. Sap., xni, 8, 9, et De profug., 38, t. i. 
p. 577. Dans sa description du Logos, il s'en est inspiré 
d'autant plus volontiers que l'auteur du livre sacré 
s'inspirait lui-même de Platon. Voir Sagesse (Livre de 
la). « Il est incontestable qu'il y a entre les doctrines 
platoniciennes et philoniennes d'une part, et les en- 
droits du livre de la Sagesse de l'autre part, un accord 
frappant, affectant non seulement le fond des pensées, 
mais encore l'expression. Il n'est pas possible que pa- 
reille concordance soit l'effet du hasard. Nous avouons 
donc volontiers que, dans sa description de la Sagesse, 
l'auteur sacré a fait des emprunts au platonisme et 
qu'il a, en suivant Platon, marché dans une voie à peu 
près parallèle à celle où .entra plus tard l'alexandrin 
Philon. » J. Corluy, La Sagesse dans l'A. T., dans le 
Congrès scient, internat, des cathol., 1889, t. I, p. 81. 
Aujourd'hui, on admet assez généralement le caractère 
stoïcien du Logos de Philon. Cf. Zeller, Die Philoso- 
phie der Griechen, p. 385; Schûrer, Geschichte, t. m, 
p. 557; Bousset, Die Religion des Judentums in neu- 
test. Zeitalter, Berlin, 1903, p. 346. Pour Philon, le 
Logos est encore l'âme du monde, idée qu'il emprunte 
à Platon. « Ce que l'âme est dans l'homme, le ciel, je 
pense, l'est dans le monde... Il y a donc deux natures 
indivisibles, la raison qui est en nous, et cette autre 
raison divine. » Quis rer. divin, hser., 48, t. i, p. 506. 
« Le Logos très ancien de Celui qui est, est entouré du 
monde comme d'un vêtement... Comme il est le lien de 
toutes choses, il tient ensemble et resserre toutes les 
parties, ne les laissant ni se dissoudre ni se disperser. » 
De profug., 20, t. i, p. 562 ; cf. De migr. Abrah., 1, 
t. i, p. 436. Cf. J. Lebreton, Les théories du Logos au 
début de l'ère chrétienne, p. 63-90; Hackspill, Etude 
sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau 
Testament, dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383. 

r. le xoifDE. — Dans bon nombre de passages, Phi- 



lon affirme nettement l'idée de création. Dieu a tout 
tiré du néant, Leg. alleg., ni, 3, 1. 1, p. 89; il a appelé 
du néant à l'être. De justit., 9. t. h, p. 367, etc. Philon 
reproche aux philosophes d'avoir ignoré la création. 
De opif. mund., i, 61, t. i, p. 2, 41. D'autres fois, par 
une singulière inconséquence, il la nie. De plantât., 1, 
t. i, p. 329; De profug., 2, t. i, p. 547. Ailleurs, De 
somn., il, 6, t. i, p. 665, il suppose comme préexis- 
tante une matière informe, indéterminée, sans qualité, 
à laquelle Dieu donne la forme, la détermination, la 
qualité et une âme. Cf. De opif. mund., 5, t. I, p. 5. 
En tous cas, Dieu n'agit sur la matière que par son 
Logos et les êtres intermédiaires. Ceux-ci continuent 
l'œuvre première en veillant à la conservation et au 
gouvernement du monde. Les astres sont des êtres 
intelligents, composés d'une âme et d'un corps, mais 
dont la volonté toujours droite ne pèche jamais. De opif. 
mund., 24, t. i, p. 17. 

vi. l'homme. — Toutes les âmes préexistent à l'union 
avec le corps. Elles habitent les régions aériennes. Il 
en est qui s'approchent de la terre et finissent par 
s'unir à des corps mortels. Si elles le font pour se 
livrer à la philosophie, elles retournent ensuite à la 
demeure céleste; mais elles sont perdues si elles se 
laissent absorber par le corps. De gigant., 3, t. I, 
p. 263, 264. « L'homme est mortel selon le corps, et 
immortel selon l'âme. » De opif. mund., 46, t. i, p. 32. 
Mais Philon ne sait affirmer l'immortalité que pour les 
justes. Il parle des Juifs persécutés qui « se précipitent 
volontiers vers la mort, comme vers l'immortalité. » 
Leg. alleg., 16, t. h, p. 562. Il ne dit rien de la sanction 
réservée aux méchants, ni rien de la résurrection, 
malgré ce qu'il pouvait lire à ce sujet dans les livres 
de Daniel, des Machabées et de la Sagesse. 

vu. la religion. — Elle consiste à connaître et à 
honorer le Dieu unique. Le vrai prêtre est aussi un 
prophète, illuminé de Dieu. De justit., 8, t. n, p. 367, 
368. Le Juif doit exercer le prosélytisme, De victim., 
12, t. n, p. 260, 261, mais avec douceur, parce que les 
idolâtres sont victimes de leur éducation et de leur 
ignorance. De monarch., i, 7, t. n, p. 220. Quant 
aux apostats, ils sont dignes de toutes les poursuites 
et de tous les châtiments, Aux Juifs qui seraient tentés 
d'innover, en matière de religion, il rappelle qu' « il 
n'est pas avantageux d'ébranler les coutumes des an- 
cêtres. » Adv. Flacc, 6, t. n, p. 523. 

vin. la morale. — Le grand principe de la morale 
philonienne est le dégagement de la matière, source de 
tout mal. Comme les stoïciens, Philon impose l'obli- 
gation de combattre et de contenir les passions, les 
besoins et les affections sensuelles. Il se distingue 
d'eux, cependant, en ce qu'ils estimaient cette lutte à la 
portée des forces humaines, tandis que, pour lui, on 
ne peut la mener à bien qu'avec le secours de Dieu. 
Seul, Dieu peut faire croître la vertu dans l'âme, et 
cette vertu consiste à tout faire en vue de Dieu. Il suit 
de là que la foi en Dieu est le premier des devoirs, 
tandis que l'incrédulité est le pire des crimes. La ré- 
compense de la vertu sera la vue même de Dieu dans 
''autre monde. Mais, dès ici-bas, on peut s'élever 
jusqu'à cette vue de Dieu par l'extase. En état d'extase, 
l'âme s'élève au-dessus de tous les êtres, même du Lo- 
gos, et plonge dans l'essence divine elle-même. On 
arrive à l'extase en se dépouillant de soi-même pour 
s'abandonner passivement à l'action de Dieu. On est 
alors animé, comme les cordes d'un instrument, par le 
souffle d'en haut et, de fils du Logos, on devient fils de 
Dieu et presque l'égal du Logos. Philon prétend avoir 
atteint plusieurs fois cet état extatique. Cf. Quis rerum 
divin, hseres, t. i, p. 482, 508, 511. Le règne messia- 
nique, tel qu'il le conçoit, n'est guère que l'extension 
de cet état d'extase à toute la nation juive. Les Juifs 
pratiqueront alors de si sublimes vertus que les na- 



307 



PHILON 



308 



tions, frappées d'admiration, les renverront tous dans 
leur pays, où le sol se couvrira de moissons spontanées, 
pour que les saints ne soient pas détournés de leur 
contemplation. Une nombreuse postérité et une longue 
vie leur seront alors accordées. On reconnaît ici les 
idées millénaristes familières aux coreligionnaires de 
Philon. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. 
J. de P., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 249-262; Drummond, 
Philo Judseus or the Jewish-Alexandrian Philosophy, 
Londres, 1888; Schûrer, Geschichte, t, ni, p. 542-562, 
et les auteurs qu'il cite; Ed. Herriot, Philon le Juif, 
Paris, 1898; J. Martin, Philon, Paris, 1907. 

On voit comment Philon, qui se pique de philoso- 
phie et de littérature, utilise les philosophes grecs avec 
un parfait éclectisme. « 11 emprunta, sans choix, à 
chaque philosophe, les théories purement physiques... 
Mais comme Philon vénérait les philosophes et que son 
orthodoxie n'était pas toujours assez avisée, il n'arri- 
vait pas à bien discerner chez les philosophes leur 
réelle doctrine. Il lisait le Timée, et c'était avec une 
admiration et un respect presque aussi absolu que s'il 
s'était agi de la Genèse. Donc, dans ses ouvrages, il 
mêle au hasard l'enseignement de la Bible avec celui 
des philosophes; il garde avec une parfaite quiétude 
toute son orthodoxie; et lorsque, à propos de Dieu, de 
la création et de la providence, l'enseignement des 
philosophes ruinerait celui de la Bible, Philon n'aper- 
çoit pas la contradiction; il n'a jamais conscience que 
le Timée ne s'accorde pas avec la Genèse; il n'a jamais 
songé ;à se demander si l'accord existe. Il a passé sa 
vie à lire les philosophes, et on peut bien affirmer qu'il 
ne les a jamais compris, et que jamais non plus le 
souci de choisir dans leurs œuvres les vérités qui s'y 
trouvent, et de faire servir toutes ces vérités à l'éclair- 
cissement du dogme, n'a guidé son étude. » J. Martin, 
Philon, p. 42, 43. « La philosophie de Philon est si 
fuyante et si incertaine, que l'on hésite toujours à en 
trop presser les maximes. » Lebreton, Les théories du 
Logos, p. 88. A l'égard des doctrines bibliques, il prend 
des libertés bien autrement répréhensibles. Ses théo- 
ries sur les êtres intermédiaires et sur le Logos, sur 
l'existence de la matière indépendamment de Dieu, sur 
l'impossibilité où est Dieu d'agir directement sur elle, 
sur sa nature essentiellement mauvaise, sur l'origine 
des âmes et la formation de l'homme, sur l'extase et 
l'obtention sur terre de la vue de Dieu, sont en contra- 
diction formelle avec la doctrine des Livres Saints. 
« Philon ne voit pas comment la doctrine enseignée dans 
la Bible montre, dans des faits concrets, très différents 
de vaines allégories, la toute-puissance absolue d'un 
Dieu maître et père de l'homme. Il ne voit pas que l'in- 
tervention de Dieu au début de l'histoire présage une 
autre intervention encore : il ne voit pas le dogme de 
la chute et la promesse du Rédempteur. Le messianisme 
est l'aboutissement du judaïsme; le messianisme ne 
tient aucune place dans la pensée de Philon. Si son 
âme est restée religieuse, l'idée grecque a dissous en 
lui la foi juive. » A. Dufourcq, L'avenir du christia- 
nisme, Paris, 1904, p. 87. Il esta croire que la plupart 
des écrits de Philon étaient composés quand Jésus- 
Christ prêcha son Évangile. On ne peut donc dire si le 
silence qu'il garde à son sujet provient d'un parti-pris 
ou d'une inattention assez explicable de sa part. On 
sait que Josèphe, écrivant un demi-siècle après lui, a 
probablement gardé le même silence. Voir t. m, 
col. 1516. 

IV. Son exégèse. — 1° Son texte biblique. — Phi- 
lon interprête la Bible exclusivement d'après la traduc- 
tion des Septante. Il avait certainement la connaissance 
de l'hébreu, comme le montrent ses étymologies des 
noms ; celles-ci sont souvent fort arbitraires, mais Philon 
ne dépasse pas sur ce point ce que se permettaient les 
docteurs palestiniens. Pour lui, l'Écriture est inspirée ; 



les oracles que contient le Pentateuque ont pour au- 
teur, les uns Dieu lui-même immédiatement, les autres 
le prophète qui est l'instrument de Dieu. Dieu d'ail- 
leurs ne parlait pas lui-même; il se contentait de 
former dans l'air les syllabes. Philon considère la ver- 
sion des Septante comme reproduisant l'hébreu avec 
une exactitude rigoureuse, au point qu'on peut regarder 
les traducteurs comme de vrais prophètes. C'est lui 
qui prétend que les traducteurs, comme s'ils eussent 
été inspirés, rendirent tous l'hébreu par des expres- 
sions identiques, bien qu'ils travaillassent séparément. 
Il ajoute qu'en mémoire de ce fait, on célébrait chaque 
année, dans l'île de Pharos, une fête qui attirait à la 
fois les Juifs et les Grecs, Cf. Vit. Mosis, n, 5-7, t. n, 
p. 139-140. Cependant, il n'indique pas le nombre des 
traducteurs, et laisse entendre que ces derniers n'ont 
travaillé que sur le Pentateuque. On comprend que, 
dans ces conditions, il ne fasse pas de différence, au 
point de vue de l'inspiration, entre le texte de la ver- 
sion grecque et le texte hébreu. Il y a lieu toutefois de 
se demander comment il a pu, s'il savait l'hébreu, 
affirmer une exactitude de traduction qui n'existe pas. 
Sur le texte des Septante dont se sert Philon, cf. Schû- 
rer, Geschichte, t. m, p. 489. — 2° Son allégorisme. 
— Philon avait eu des devanciers dans l'emploi de la 
méthode allégorique. Plus de quatre siècles avant lui, 
les philosophes grecs avaient commencé à réduire leurs 
mythes religieux à de simples allégories, afin d'en 
pouvoir fournir une explication plus rationnelle et 
d'empêcher le peuple de se prévaloir des exemples 
scandaleux des dieux. Théogène de Rhegium, Heraclite, 
Métrodore de Lampsaque s'appliquèrent à donner aux 
légendes de la mythologie grecque des interprétations 
physico-allégoriques. Cf. Tatien, Orat., 27, t. vi, 
col. 864. Les stoïciens Zenon, Cléanthe, Chrysippe, 
adoptèrent les mêmes procédés d'interprétation, cf. 
Cicéron, De nat. deor., ni, 24, malgré les protestations 
de Platon et d'Isocrate. Cf. Dôllinger, Paganisme et 
judaïsme, t. n, p. 48-50, 141, "142; Decharme, La cri- 
tique des traditions religieuses chez les Grecs, Paris, 
1904, p. 270-355. A Alexandrie même, la mythologie 
égyptienne avait été l'objet de semblables interpréta- 
tions de la part des philosophes grecs. On voit, au dé- 
but du traité de Plutarque sur Isis et Osiris, comment 
chaque école prétendait retrouver dans les légendes 
égyptiennes ses principes et sa doctrine. Les Juifs eux- 
mêmes y voyaient quelque chose de leurs croyances et 
de leur histoire. Cf. De 1s. et Osir., 3i. L'idée d'imiter 
ce procédé d'interprétation devait venir naturellement 
aux Juifs hellénistes, désireux de faire accepter par le 
monde grec les récits merveilleux de la Bible. Sans 
nier la valeur historique de ces récits, qu'on ne pou- 
vait assimiler aux mythes grecs, ils s'efforcèrent de 
les interpréter comme des allégories scientifiques ou 
morales. Ainsi Aristobule allégorisa, à l'usage de 
Ptolémée VI, les anthropomorphismes du Penta- 
teuque, et Aristée faisait remonter à Moïse lui- 
même les principes de l'allégorisme. Cf. Eusèbe, 
Preepar. evang., vm, 9, t. xxi, col. 636. Voir Aristo- 
bule, 1, t. r, col. 964; Alexandrie (École exégétique 
d'), t. i, col. 360. Les thérapeutes étaient des allégo- 
ristes. « Ils interprètent la loi mosaïque allégorique- 
ment, persuadés que les mots de cette loi ne sont que 
les signes et les symboles de vérités cachées. De plus, 
ils possèdent des écrits d'anciens sages, fondateurs de 
leur secle, qui leur ont laissé beaucoup de monuments 
de la sagesse allégorique dont ils font leurs modèles... 
La loi entière leur apparaît comme un être organique, 
qui aurait pour corps le sens littéral, et pour âme le 
sens caché ». Philon, De vit. contempl., 3, t. n, p. 475, 
476. Cf. Karppe, Étude sur les origines et la nature de 
Zohar, Paris, 1901, p. 15-17. Les Juifs palestiniens culti- 
vaient eux-mêmes le genre allégorique dans leurs Mi- 



309 



PHILON 



310 



draschim. Voir Midbasch, t. iv, col. 1079, 1080. Philon, 
avec son estime pour les philosophes grecs et son désir 
de faire accepter les écrits bibliques comme les trésors 
de la parfaite sagesse, ne pouvait manquer de faire ap- 
pel à toutes les ressources de l'allégorisme et de trans- 
porter ainsi dans le domaine de l'hellénisme une mé- 
thode déjà en faveur auprès des rédacteurs delà Hagada 
palestinienne. Cf. Frankel, Ueber den Einfluss der pa- 
làsliniscken Exégèse auf die alexandrinische Herme- 
neutik, 1851, p. 190-200. Il n'était donc pas le premier 
à se servir de l'allégorisme pour expliquer les Livres 
Saints; mais il faut reconnaître qu'avant lui personne, 
dans le monde juif, n'avait encore employé cette mé- 
thode d'une manière aussi étendue et aussi systéma- 
tique. Cf. R. Simon, Hist, crit. du Vieux Testament, 
Rotterdam. 1685, p. 92, 97, 98, 371, 373. - Toutefois, 
Philon ne néglige pas le sens littéral du texte sacré; 
mais il le traite comme secondaire et uniquement des- 
tiné à ceux qui ne sont pas capables de s'élever à une 
sagesse supérieure. C'est un corps dont le sens allégo- 
rique est l'âme, et l'intérêt de l'âme demande qu'on 
prenne soin du corps. 11 dit, en s'inspirant des idées 
qu'il a prêtées aux thérapeutes : « Quelques-uns, bien 
assurés que le texte des lois symbolise des réalités in- 
telligibles, s'appliquent avec grand soin à ces réalités 
et ne font plus aucun cas de la lettre. Je blâme leur 
parti-pris; il fallait, en effet, avoir souci de l'un et de 
l'autre, rechercher avec grand zèle [les choses invisi- 
bles, et conserver comme un précieux trésor l'élément 
visible... Il faut assimiler la lettre au corps, et le sens 
mystique à l'âme. De même donc que l'on doit veiller 
sur le corps, parce qu'il est la demeure de l'âme, ainsi 
l'on doit tenir compte de la lettre. » De migr. Abrah., 
16, t. i, p. 450451. « La lettre des Saintes Écritures 
ressemble à l'ombre des corps, les sens mystérieux dé- 
gagés des Écritures sont la vraie réalité. » De confus, 
ling., 38, t. i, p. 434. Cf. Col., h, 17; Heb., x, 1. Phi- 
lon tient surtout à écarter du texte sacré les concep- 
tions anthropomorphiques. Il dit à leur sujet : « Pour 
ce qui est de la propre interprétation, l'esprit le plus 
lent ne manquera pas de concevoir qu'ici, il faut saisir, 
en dehors de la lettre, une autre chose. » De somn., 
16, t. i, p. 635, 636. La lettre ainsi reléguée à Parrière- 
plan, Philon allégorise en toute liberté. Il se refuse à 
entendre littéralement les six jours de la création, Leg. 
alleg., i, 2, t. i, p. 44; le récit de la formation d'Eve, 
Leg. alleg., n, 7, t. i, p. 70; le paradis terrestre, De 
mund. opif., 54, t. i, p. 37; la tentation d'Eve, De 
mund. opif., 56, t. i, p. 38, etc. Abraham reçoit l'ordre 
de sortir de son pays, de sa parenté, de la maison de 
son père. Gen., xn, 1-3. Dieu indique par là ce qu'il faut 
faire pour purifier l'âme : l'éloigner du corps, de la 
sensibilité et de la conversation. De migr. Abrah., 1, 
t. i, p. 436. Le traité De congressu explique le texte 
où il est dit que Sara envoya Abraham à sa servante 
pour en avoir des enfants. Gen., xvi, 1-6. Sur ce thèmev 
Philon explique que, désirant épouser la philosophie, il 
commença par entrer successivement en rapport avec 
trois servantes de celle-ci, la grammaire, la géométrie 
et la musique, et qu'il en apporta les fruits à l'épouse 
légitime. De congress., 14, t. i, p. 530. Certaines lois 
même ne peuvent se prendre dans le sens littéral, par 
exemple, celle qui exempte les fiancés du service mili- 
taire. Deut., xx, 5. Cette loi signifie simplement que 
ceux qui n'ont pas fait grand progrès dans la vertu ne 
doivent pas s'exposer à la tentation. De agricult., t. i, 
p. 322. Ces exemples montrent comment Philon traite 
les récits bibliques. Les personnages ont aussi leur si- 
gnification allégorique. Adam est l'homme inférieur, 
Caïn Pégoïsme, Noé la justice, Sara la vertu féminine, 
Rébecca la sagesse, Abraham la vertu acquise par la 
science, Isaac la vertu produite par la nature, Jacob la 
vertu qui résulte de la pratique et de la méditation, etc. 



L'Egypte symbolise le corps, Chanaan la piété, la 
tourterelle la sagesse divine, la colombe la sagesse hu- 
maine, etc. En un mot, tout dans la Bible, hommes, 
choses, événements, devient sujet d'allégorie et même 
n'est mentionné que dans ce but. Sans doute, il y a 
des allégories dans la Sainte Écriture. Voir Allégorie, 
t. I, col. 368. Mais encore faut-il qu'il existe un rap- 
port naturel et justifiable entre le sens littéral et le 
sens allégorique ou mystique. Voir Mystique (Sens), 
t. jv, col. 1371-1374. Philon ne doutait pas de la valeur 
objective de ses interprétations; il s'imaginait que, 
dans l'extase, c'était Dieu même qui l'inspirait. « J'ai 
appris plus d'une fois une merveilleuse doctrine; 
c'était mon âme qui me l'enseignait. Il lui arriva en 
effet d'être soulevée par Dieu et de prophétiser cela 
même qu'elle ne savait pas. » De cherub.,9,t. I,p.l43. 
Cf. De migr. Abrah., 7, t. i, p. 441. Son système n'en 
est pas moins, dans son application, subjectif et arbi- 
traire. Il a porté au delà des limites permises l'exagéra- 
tion d'un principe vrai. Aussi, bien qu'elle soit presque 
complètement exégétique, son œuvre n'apporte-t-elle 
qu'une contribution insignifiante à l'intelligence des 
Livres Saints. Cf. Cornely, Introd. in U. T. libros sa- 
cros, Paris, t. i, 1885, p. 598-599. 
' V. Son influence. — 1» Nouveau Testament. — On a 
signalé un certain nombre de resemblances de pensée 
ou d'expression entre Matth., ni, 10; vu, 18, 19, et De 
agricult., 2, 3, t. i, p. 301; Mattb., vu, 13,14, et Leg. 
alleg., n, 24, t. i, p. 84; Matth., xxm, 23-28, et De 
ckerub., 27, 28, t. i, p. 155, 156; Joa., v, 3, et De vi- 
ctirn., 8, t. n, p. 257; Rom., i, 25, et De sacrif. Abel, 
20, t. i, p. 177; I Cor., xv, 47-49, et Leg. allegor., i, 29, 
t. 1, p. 62; II Cor., v, 6, et De agricult., 29, t. i, p. 310, 
etc. Dans l'Épltre aux Colossiens, les rapprochements 
possibles seraient au nombre de plus de vingt-cinq. 
Ces analogies prouvent seulement que la terminologie 
et les idées de l'école d'Alexandrie étaient assez répan- 
dues au temps des Apôtres pour que ceux-ci pussent 
y faire des allusions plus ou moins formelles. Dans 
l'Épître aux Hébreux, les ressemblances sont d'un 
autre ordre. Elles portent sur les points suivants : 
1. Caractère et mission du grand-prêtre, Heb., v, 1,2, 
et De monarch., n, 12, t.'ii, p. 230; De prœm., 9, t. n, 
p. 417. — 2. Le vrai grand-prêtre est le Logos, Heb., v, 
5-10; vu, 25, et De profug., 20, 1. 1, p. 562; De leg. spec, 
m, 24, t. n, p. 322; De somn., I, 37, t. i, p. 653; Vit. 
Mos., m, 14. — 3. Le Temple et la liturgie, Heb., IX, x, 
et De somn., i, 37, t. i, p. 653; Vit. Mos., m, 1-18; 
Légat, ad Caj., 39, t. n, 591. — 4. Difficulté du pardon, 
Heb., vi, 4-6, et De prœm., i, t. ir, p. 409. — 5. Le 
serment de Dieu, Heb., vi, 13, et Leg. alleg., m, 72, 
t. i, p. 127; De sacrif. Abel, 28, t. i, p. 181. — 6. Le 
pontife Melchisédech, Heb., vu, 1, et Leg. alleg., m, 
25, t. i, p. 102, 103, etc. D'autres ressemblances sont 
purement verbales, Heb., iv, 12, et Quis rer. divin, 
hœres, 48, 1. 1, p. 506 ; Heb., m, 5, et Leg. alleg., m, 81, 1. 1, 
p. 132; Heb., v, 8, et De agricult., 23, t. i, p. 315, etc. 
Rien n'autorise à supposer un document antérieur 
auquel les deux auteurs auraient puisé chacun de leur 
côté. Plusieurs savants en concluent que le rédacteur 
de VÉpitre aux Hébreux connaissait plusieurs traités 
de Philon. Quoi qu'il en soit, il ne dépend de lui en au- 
cune manière pour le fond même des idées. Pour éviter 
toute confusion entre sa doctrine et celle de Philon, il 
s'abstient même d'employer le nom de Logos et fait du 
Christ le Fils même de Dieu. Voir Hébreux (Épitre 
aux), t. ni, col. 543, 544. Cf. Petau, De incarn. Verbi, 
XII, xi, 1, 2; Siegfried, Philo von Alexandria ah Au$- 
leger des Alten Testaments, Iéna, 1875, p. 321-330. Il 
faut de plus observer que la plupart des ressemblances 
entre les écrits de Philon et des Epîtres de saint Paul 
s'expliquent par le livre de la Sagesse et parce que ces 
idées étaient devenues courantes dans les milieux juifs. 



311 



PHILON 



PHILOSOPHIE 



312 



2° Exégètes postérieurs. — Le système allégorique de 
Philon inspira ceux qui après lui étudièrent ou ensei- 
gnèrent dans l'école d'Alexandrie. 11 est presque exact 
de dire qu'il « avait absorbé, comme un immense réser- 
voir, tous les petits ruisseaux de l'exégèse biblique à 
Alexandrie, pour déverser ensuite ses eaux dans les ri- 
vières et les canaux à mille bras de l'interprétation 
juive et chrétienne des Saintes Ecritures. » Siegfried,' 
Philo von Alexandria, p. 27, Il eut à Alexandrie même 
d'illustres imitateurs, Clément d'Alexandrie, qui admet- 
tait la création instantanée et tendait à introduire 
l'allégorie dans l'explication du paradis terrestre, 
Strom., V, 11; vi, 16, t. ix, col. 109, 370, 376; voir 
Clément d'Alexandrie, t. n, col. 803; Origène qui, 
comme Philon, distinguait dans l'Ecriture un corps et 
une âme, Periarchon, iv, 11, t. xi, col. 365; In Levit., 
homil. v, 5, t. xu, col. 456, excluait l'anthropomorphisme 
et appliquait avec grande hardiesse le système de l'in- 
terprétation allégorique; voir Origène, t. iv, col. 1874- 
1878; saint Athanase, Orat. u cont. Arian., 49, 60, 
t. xxvi, col. 249, 276, et saint Cyrille, Glaphyr. in Gen., 
1, t. lxix, col. 13, 16, qui, en beaucoup de points, 
suivent la tradition alexandrine. Voir Athanase (Saint), 
t. i, col. 1209; Cyrille d'Alexandrie (Saint), t. n, 
col. 1185. A la même tradition se rattache, au vn e siècle, 
Anastase le Sinaïtique, In Hexaemer., 7, t. lxxxix, 
col. 961,968, qui blâme cependant l'abus du sens allé- 
gorique chez Origène, et dit que Philon, Papias, Iré- 
née, Justin, Pantène, Clément et les deux Grégoire de 
Cappadoce entendaient dans un sens mystique les six 
jours et le paradis terrestre. Voir Alexandrie (École 
exégÉtique d'), 1. 1, col. 358. La réaction contre Pallégo- 
gisme se produisit à Antioche de Syrie. Voir Antioche 
(École exégétique d'), t. i, col. 683. Cf. Vigouroux, La 
cosmogonie mosaïque, Paris, 1882, p. 20-57. — L'idée 
de Philon sur la dépendance des philosophes grecs par 
rapport à Moïse est adoptée par saint Justin, Apol., i, 
59 ; Dial. cum Tryph., 1 , K. s\, col. 416, 491, par Tatien, 
Orat., 36-41, t. vi, col. 880-888, Clément d'Alexandrie, 
Strom., i, 21, t. vm, col. 819; v, 3, t. ix, col. 31, Théo- 
doret, Grsec. Affect., H, t. lxxx, col. 810, et presque 
tous les Pères des cinq premiers siècles. Cependant 
Origène, Cont. Cels., i, 16; vu, 27,t. xi, col. 687, 1459, 
et saint Augustin, De civ.Dei, xvm, 27, t. xli, col. 583. 
sont moins affirmatifs. — Eusèbe et saint Jérôme con- 
sidèrent Philon comme un écrivain important et lui 
consacrent une notice. Deux autres Pères lui emprun- 
tent fréquemment ses pensées, Clément d'Alexandrie, 
cf. la préface de Potter, Oxford, 1715, reproduite dans 
Migne, t. vm, et saint Ambroise, dans ceux de ses 
livres où il traite les mêmes sujets que Philon, In 
Hexaemer., De paradis-, De Gain et Abel, De Noe et 
arca, De Abrah., De fug. ssec, De Jacob. Cf. Siegfried, 
Philo von Alexandria, p. 371-391. — En appliquant à 
leurs explications des textes sacrés l'allégorisme philo- 
nien, les Pères alexandrins, même Origène, n'avaient 
pas dépassé certaines limites, imposées par la nécessité 
de sauvegarder le sens littéral de la Sainte Écriture. 
L'opposition que rencontra de bonne heure l'exégèse 
allégorique empêcha d'ailleurs leur méthode de faire loi 
dans l'Église. Il n'en fut pas de même pour l'exégèse 
juive. Obligée de se dérober à l'explication littérale 
d'un bon nombre de passages bibliques, elle recourut 
de plus en plus à l'allégorisme pour se tirer d'embarras. 
A l'allégorie des choses, elle ajouta celle des mots, des 
chiffres, des lettres elles-mêmes, pour aboutir à la kab- 
bale. Philon, sans doute, n'y fut pour rien; le Talmud 
même l'ignore absolument. Néanmoins « il existe entre 
la kabbale et le nouveau platonisme d'Alexandrie de 
telles ressemblances, qu'il est impossible de les expli- 
quer autrement que par une origine commune. » 
A. Franck, La kabbale ou la philosophie religieuse 
des Juifs, Paris, 1889, p. 213. Partis des mêmes prin- 



cipes, obéissant aux mêmes besoins, Philon et les kab- 
balistes aboutirent aux mêmes résultats, et rien ne 
ressemble mieux à l'œuvre du premier que le Zohar, 
qui renchérit encore sur l'allégorisme de l'écrivain 
d'Alexandrie. Cf. Sepher ha-Zohar, édit. Lafuma-Giraud, 
Paris, 1906. 

VI. Bibliographie. — Fabricius, Dissertatio de Pla- 
tonismo Philonis, in-4°, Leipzig, 1693; Stahl, dans 
YAllgemeine Bibliothek der Biblischen Literatur 
d'Eichhorn, t. iv, fasc. v, p. 770-890; Plank, Commen- 
tatio de principiis et causis interpretationis Philo- 
nianiB allegoricse, 1807; Grossmann, Qumstiones phi- 
lonianse, part, i, De théologies. Philonis fontibus et 
auctoritate, 1829; Gfrôrer, Philo und die alexandri- 
nische Theosophie, 2 in-8°, Stuttgart, 1831-1835; Dàhne, 
Geschichtliche Darstellung der jùdisch-alexandrini- 
schen Religionsphilosophie, 2 in-8°, 1834; Creuzer, 
Kritik der Schriften des Juden Philo, dans les 
Theologische Studien und Kritiken, 1832 ; Kirchbaum, 
Der jûdische Alexandrinismus, Leipzig, 1841 ; Bûcher, 
Philonische Studien, 1848; M. Wolf, Die Philonische 
Philosophie, Leipzig, 1849; 2" édit., Gothenbourg, 1858; 
J. Biet, Essai historique et critique sur l'école juive 
d'Alexandrie, in-8°, Paris, 1854; F. Delaunay, Philon 
d'Alexandrie, m-8 , Paris, 1867; C. Siegfried, Philo 
von Alexandria als Ausleger des Alten Testaments, 
in-8», Iéna, 1875; Ed. Ryle, Philo and Holy Scrip- 
ture, in-16, Londres, 1895 ; Ed. Herriot, Philon le Juif, 
in-8», Paris, 1898; J. Martin, Philon,' Paris, 1907. 

H. Lesêtre. 

PHILOSOPHIE (grec : tpiXocrocpCa; Vulgate : philoso- 
phia), ensemble d'idées fondamentales et rationnelles 
sur Dieu, l'homme, le monde et leurs relations. 

I. Philosophie hébraïque — 1° Les Hébreux avaient 
reçu de leurs ancêtres chaldéens un certain nombre de 
notions théoriques et pratiques sur les êtres qui font 
l'objet des connaissances fondamentales de l'esprit hu- 
main. Ces notions, conservées et approfondies par le 
bon sens des générations successives, avaient cependant 
subi l'influence des croyances religieuses, issues elles- 
mêmes des traditions primitives, mais défigurées et 
matérialisées par le long travail de l'erreur et des pas- 
sions. Les révélations faites à Abraham et aux patri- 
arches et surtout la législation donnée par Dieu " à 
Moïse remirent toutes choses au point pour les Hébreux. 
Dès lors furent fixés pour eux les grands principes 
méconnus ou à peine soupçonnés par les penseurs 
privés des lumières de la révélation : existence, unité, 
spiritualité, puissance créatrice et providence de Dieu, 
contingence et infériorité du monde et de tous les 
êtres qui le composent, double nature corporelle et 
spirituelle de l'homme, sa liberté et «sa responsabilité. 
C'est donc de la révélation que procédait la philosophie 
hébraïque, c'est sur elle qu'elle s'appuyait, c'est par 
elle qu'elle corrigeait ses écarts, quand les tendances 
naturelles des Israélites les poussaient au polythéisme ou 
au matérialisme. A cet égard, il était juste de dire : 
« La crainte de Jéhovah (c'est-à-dire la religion) est 
le commencement de la sagesse. » Prov., i, 7. Celui-là 
était sage et savant, il s'élevait même à un niveau très 
supérieur à celui des philosophes de l'antiquité, parce 
qu'il connaissait Dieu, l'homme et le monde par les 
inspirations de sa foi. Pour les sages hébreux, « la divi- 
nité n'est pas le résultat d'une suite de syllogismes; il 
n'existe dans leurs livres aucune trace de ces spécula- 
tions métaphysiques que nous trouvons chez les Hindous 
et chez les Grecs: il n'y a chez eux ni théologie savante, 
ni philosophie dans le sens que nous attachons à ce 
mot, et, pour faire connaître Dieu, ils s'adressent au 
cœur de l'homme, à son sentiment moral, à son ima- 
gination. L'Hébreu croyait au Dieu créateur qui s'était 
révélé à ses pères et dont l'existence est au-dessus du 
raisonnement des hommes. La morale des Hébreux est 



313 



PHILOSOPHIE 



314 



celle de la conviction, du sentiment intime d'un Dieu 
juste et bon ; les maximes de leurs sages et de leurs 
prophètes ont jailli d'une source divine, elles se sont 
manifestées tout à coup par un sublime élan et ne sont 
pas les résultats d'une froide réflexion et d'un orgueil- 
leux stoïcisme. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 418. 
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de philoso- 
phie hébraïque; les Hébreux reçoivent de la révélation 
leurs idées toutes faites; tout au plus en tirent-ils les 
conséquences immédiates ; l'observation leur est fami- 
lière, comme à tous les Orientaux, mais la spéculation 
leur demeure à peu près étrangère. Leur sagesse a un 
caractère positif et traditionnel; ils reçoivent la vérité 
de leurs prophètes et de leurs sages ; ils l'admettent ou 
la repoussent pratiquement, suivant les dispositions du 
moment; ils ne songent guère à justifier par le raison- 
nement déductif leurs conclusions vraies ou fausses. 
— 2° Bien que renseignés authentiquement par la révé- 
lation sur les thèses capitales de la vraie philosophie, 
les Hébreux ne laissent pas de garder, sur les points 
secondaires, les théories qui sont celles de leur temps 
et de leur milieu, ou qui même leur sont particulières. 
La révélation respecte chez eux ces manières impar- 
faites de penser, pour autant qu'elles ne sont pas en 
contradiction avec les données essentielles de leur foi. 
Ainsi la nature spirituelle et transcendante de Dieu est 
affirmée avec la plus parfaite netteté. Néanmoins, les 
Hébreux tiennent à concevoir Dieu d'une certaine 
manière; de là les anthropomorphismes si fréquents 
dans la Bible, surtout dans les anciens livres. Voir An- 
thropomorphismes, t. i, col. 662. Dieu a interdit toute 
représentation de la divinité et personne ne l'a vu, 
même parmi les plus privilégiés. Exod., m, 6; xxiv, 10, 
11; xxxiii, 18-23; Joa., î, 18. Néanmoins les Israélites 
s'imaginent qu'un veau d'or peut être une image de 
Jéhovah, Exod., xxxn, 1, 4; III Reg., xn, 28, et les 
prophètes sont obligés de leur rappeler que Dieu ne se 
nourrit pas de la chair de leurs sacrifices. Ps. L (xltx), 
12, 13. Ces tendances grossières ne se corrigent com- 
plètement qu'après le retour de la captivité, et les con- 
quérants romains conduits par Pompée sont singu- 
lièrement étonnés, avec leurs idées polythéistes, de 
constater dans le temple de Jérusalem, nulla intus 
deûm effigie, vacaani sedeni et inanià arcana, « aucune 
image de divinités à l'intérieur, un sanctuaire vide etde 
vains mystères. » Tacite, Hist., v, 9. Voir Elohim, t. il, 
col. 1701; Jéhovah, t. m, col. 1235. Cf. de Broglie, 
L'idée de Dieu dans l'Ancien Testament, Paris, 1892, 
p. 45-194. — 3° Les notions nécessaires sur la nature, 
la destinée et les devoirs de l'homme sont également 
fournies aux Hébreux par la révélation. Voir Adam, 
t. i, col. 171; Ame, col. 453; Morale, t. rv, col. 1260. 
Mais comme celle-ci n'a pas à intervenir dans la 
manière dont on conçoit le fonctionnement de l'être 
intelligent, la psychologie des Hébreux est purement 
humaine et spécialement sémitique. Ils comprennent 
les opérations de l'âme et ses rapports avec le corps 
•comme on pouvait le faire de leur temps et dans leur 
milieu, prêtant au souffle, au sang, au cœur, aux reins, 
aux entrailles, aux os, une action dans la vie de 
l'âme, dans ses pensées, ses volontés et ses sentiments. 
Cf. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 
Leipzig, 1861, p. 149-285. Les termes qu'ils emploient 
reflètent ces conceptions. La substance spirituelle et 
pensante prend chez eux le nom de ruâh, « soufflé », 
nvEÛ[x.a, spiritus. Le corps est appelé bâ&âr, « chair », 
<ràpÇ, caro, le mot râpa, corpus, étant plus habituel- 
lement réservé pour désigner le cadavre. Matth., xiv, 
12; xix, 5; xxvn, 58; Marc, x, 8; xv, 43; Luc, xvn, 
37; xxm, 52, 55'; Joa., xix, 31, 38, 40; Act., ix, 40, etc. 
Le néfeir hébreu, •Ivx'hi anima, est le nom du com- 
posé humain et par conséquent de la vie. Matth., h, 
20; vi, 25; x, 39; Marc, m, 4; x, 45; Luc, vi, 9; xn, 



20, 23; Joa., x, 11; xn, 25; Act., xx, 24; Rom., xvi, 
4, etc. Il remplace même le pronom personnel pour 
désigner la personne elle-même. Matth., vi, 25; xxvi, 
38; Luc, i, 46, 47; Act., n, 43, etc. La sensibilité y a 
parfois son siège. Matth., xi, 29; xxvi, 38; Marc, xiv, 
34; Luc, il, 35; xii, 19, 20; Apoc, xvm, li, etc. Les 
termes abstraits pour désigner la sensibilité et les sens 
n'existent pas. Des verbes servent à indiquer les opé- 
rations de ces derniers, sans qu'on se soucie toujours 
d'établir un rapport logique entre l'idée et l'expression. 
Ainsi on . « voit >: la chaleur, Is., xliv, 16, le bruit, 
Marc, v, 38, la vie, Joa., m, 36, la corruption, Luc, n, 
26; Joa., vin, 51; Act., n, 27, au lieu de les « sentir »; 
on « goûte » la mort, Matth., xxvi, 28 ; Joa., vin, 52, etc., 
au lieu de la « souffrir ». Rien ne marque explicitement 
la distinction entre la sensation et le sentiment. Les 
nuances manquent pour l'expression des sentiments 
intermédiaires; pour dire « aimer moins », on est 
obligé d'avoir recours au verbe « haïr ». Luc, xiv, 26. 
Les passions ne sont pas distinguées des désirs. L'in- 
telligence est habituellement nommée lêb, « cœur », 
xapSc'a, cor. Voir Cœur, t. n, col. 823. La raison, la 
conscience' n'ont pas de nom spécial; la loi est écrite 
dans le cœur, Rom., n, 15, et non dans la conscience. 
L'imagination n'est pas mentionnée; l'intention ne se 
distingue pas du cœur où elle se forme. Le nom abs- 1 
trait de la vertu se rencontre à peine. Cf. Vigouroux, 
Le Nouveau Testament et les découv. archéol. mod., 
Paris, 1896, p. 61-76. Cette psychologie était donc assez 
rudimentaire et ne comportait pas une analyse très 
profonde des facultés de l'âme et de leur exercice. — 
Pareillement, les Hébreux ne se font qu'une idée 
imparfaite de la nature de l'âme, de sa distinction 
d'avec le corps et des conditions de sa vie séparée. De 
là peut-être leur embarras pour concevoir clairement sa 
survivance après la mort, quand le corps lui-même 
n'était plus là pour la servir et tombait en dissolution. 
Voir Schéol. Ainsi s'explique en partie leur lenteur à 
dégager complètement la notion de son immortalité, 
comme aussi à trouver la solution du problème de 
l'épreuve des bons et de la prospérité des méchants sur 
la terre. Voir Mal, t. iv, col. 601-604. Les révélations 
et les bienfaits divins dont ils ont été l'objet, les pré- 
cautions qui ont été prises. pour les isoler des autres 
peuples, les persécutions et la haine dont ils finissent 
par devenir les victimes, enfin les prophéties qu'ils 
entendent dans un sens temporel et exclusivement 
favorable à leur nation, deviennent pour les Israélites 
le prétexte à une appréciation très exagérée de leur su- 
périorité par rapport aux autres hommes. Ils oublient 
que, s'ils ont été les premiers bénéficiaires de la révéla- 
tion, c'est afin de la conserver et de la transmettre au 
reste de l'humanité, et non de la monopoliser comme 
un bien qui leur est dû. Il y a là une méconnaissance 
de l'égalité originelle des hommes et de l'indépendance 
de Dieu dans la répartition de ses dons, que saint Paul 
est obligé de redresser. Rom., n, 1-ni, 20. — 4° La révé- 
lation ne faisait connaître aux Hébreux que deux idées 
fondamentales au sujet du monde : la création de toutes 
choses par Dieu et l'action de sa providence sur tous 
les êtres créés. A elles seules, ces deux idées font 
dé la cosmogonie mosaïque une œuvre philosophique 
qui n'a été dépassée par aucun système. Voir Cosmo- 
gonie mosaïque, t. n, col. 1034. Quant aux explications 
de détail, les Hébreux sont restés tributaires de la 
science de leur époque, science des apparences au- 
dessus de laquelle ils n'ont eu ni le désir ni le moyen 
de s'élever. Seulement leurs idées religieuses, se com- 
binant avec leur connaissance fort restreinte des lois 
de la nature, les ont portés à supposer très fréquem- 
ment une action directe de Dieu là où nous ne voyons 
que le jeu normal des forces créées et réglées par lui. 
II. La philosophie des auteurs sacrés. — 1° Moïse 



315 



PHILOSOPHIE 



31& 



et les prophètes sont des philosophes en ce sens que 
leurs écrits enseignent la vraie sagesse, beaucoup moins 
par le côté théorique que par le côté pratique. Ils règlent 
les rapports de l'homme avec Dieu et avec ses sem- 
blables : vis-à-vis de Dieu, respect, obéissance, amour, 
culte conforme à la loi, mais sincère et exempt de for- 
malisme; vis-à-vis du prochain, justice sous toutes ses 
formes et bienveillance. Il n'y a pas de meilleure phi- 
losophie que celle qui conduit à de pareilles conclu- 
sions et aide à en faire des règles pratiques et obéies. 
— 2° D'autres écrivains sacrés ont traité plus directe- 
ment et plus exclusivement les questions philosophiques, 
telles que les concevaient les Hébreux. Ce sont d'abord 
certains Psalmistes, qui se sont occupés des questions 
de morale. Ps. (Vulgate) 1, xxxvi, lxxii, cxi, cxxxvm, 
Cxliv, etc. Le livre de Job est le type d'une large dis- 
cussion philosophique. Le problème posé est celui de 
la relation de cause à effet qu'il faut supposer entre le 
mal moral et le mal physique. Plusieurs interlocuteurs 
défendent des solutions diverses en faisant appel tantôt 
au raisonnement, tantôt et beaucoup plus fréquemment, 
à l'expérience. La discussion n'est pas menée avec une 
logique serrée, comparable à celle des dialogues de 
Platon. Elle se poursuit cependant majestueuse, vivante, 
incisive, avec une allure tout orientale, pour aboutir à 
une double solution : une solution de principe, la sou- 
mission à la toute-puissante et insondable volonté de 
Dieu, et une solution de fait, le retour du juste à la 
prospérité après son épreuve momentanée. Voir Job 
(Livre de), t. m, col. 1570-1576. L'Ecclésiaste est une 
sorte de traité de la béatitude, consistant sur la terre à 
servir Dieu tout en jouissant avec modération des biens 
qu'il accorde à l'homme. Le raisonnement y tient peu 
de place ; l'auteur procède surtout par aphorismes qui 
s'inspirent du bon sens et par des appels à sa propre 
expérience et à celle des autres. Voir Ecclésiaste (Le 
livre de l'), t. Il, col. 1584. Le livre des Proverbes est 
par excellence le livre de la sagesse hébraïque. Il con- 
tient l'éloge de la sagesse, dont il cherche l'origine en 
Dieu même, et traite des devoirs de la vie morale, de 
la vie domestique et de la vie civile. C'est un De officiis, 
mais composé suivant la méthode orientale. On n'y voit 
ni. déductions logiques, ni développements suivis, mais 
seulement de brèves sentences, des observations, des 
conseils, des tableaux de mœurs, le tout tendant à 
rendre la vie vertueuse et en même temps aussi suppor- 
table que possible, pour soi et pour les autres. Les 
plus hautes leçons de morale s'y mêlent aux préceptes 
les plus élémentaires de la prudence et de la civilité. Le 
même genre de philosophie pratique se retrouve dans 
le livre de l'Ecclésiastique. Seulement le groupement 
logique des pensées y est beaucoup plus sensible. D'après 
le fils de Sirach, la vraie sagesse vient toujours de Dieu 
et se manifeste surtout par l'accomplissement des devoirs 
envers lui. Mais elle préside également à tons les actes 
et à toutes lès relations des hommes, afin de rendre la 
vie bonne et heureuse ici-bas. Voir Ecclésiastique (Le 
livre de l'), t. il, col. 1551-1553. La morale de ces livres 
est inférieure à celle de l'Évangile; mais, en général, 
elle s'élève fort au dessus de la morale des sages du 
paganisme. — L'un des traités de la Mischna, Pirke 
Aboth, « sentence des pères, » contient, en cinq cha- 
pitres, une collection analogue de conseils pratiques, 
parmi lesquels plusieurs insistent sur la nécessité d'étu- 
dier la loi. Ce recueil est d'une date postérieure à l'ère 
chrétienne (70-170), mais se réfère parfois à des autori- 
tés plus anciennes. Sa philosophie ne dépasse pas celle 
des livres précédents, si tant est qu'elle l'égale. 

III. Influence de la philosophie grecque. — 1» Elle 
se fait sentir dans un des livres de l'Ancien Testament, 
la Sagesse, œuvre dont l'auteur appartenait à la com- 
munauté judéo-hellénique d'Alexandrie. Il est naturel 
que Ce livre inspiré reflète les manières de penser des 



Juifs hellénistes, tout en restant conforme à la doctrine 
révélée. On sait que les Juifs de la Palestine voyaient 
de fort mauvais œil cette sorte de décentralisation de I» 
pensée hébraïque et cette intrusion de la culture grecque, 
justement suspecte à bien des égards. Josèphe, Ant. 
jud., XX, xi, 2, se fait l'interprète de cette antipathie : 
« On n'estime pas chez nous, dit-il, ceux qui apprennent 
à parler la langue de beaucoup de nations et qui 
recherchent dans leurs discours l'élégance et les orne- 
ments du langage, parce qu'on regarde cette recherche 
comme à la portée des esclaves aussi bien que des 
hommes libres. On ne tient pour sages que ceux qui 
ont acquis la science des lois et savent interpréter avec 
compétence la valeur des choses et des paroles dans les 
saintes Lettres. » Le livre de la Sagesse, par sa manière 
de présenter les idées hébraïques et de les exprimer, 
sort évidemment du cadre traditionnel et se rapproche 
de l'hellénisme. La sagesse n'y apparaît plus seulement 
sous la forme poétique usitée dans les livres précé- 
dents; elle y prend une allure plus philosophique. Elle 
est un «. souffle de Dieu », une « émanation de sa 
gloire », un « éclat de la lumière éternelle », vu, 25, 
26; elle s cohabite avec Dieu »,elle «initie à la science 
de Dieu », elle « choisit parmi ses œuvres » celles qu'il 
doit réaliser, vin, 3, 4; elle est « assise près du trône 
de Dieu », îx, 4, et s'identifie avec le Logos tout-puis- 
sant qui a son trône royal dans le ciel, xvm, 15. C'est 
déjà un acheminement vers le Logos de saint Jean. 
Voir Logos, t. iv, col. 323. L'auteur sacré ne s'écarte 
pourtant point des données antérieures sur la sagesse ; 
il veut surtout montrer en elle un attribut divin à la 
communication duquel sont appelés les hommes de 
bien. Cette sagesse se meut et pénètre l'univers, vu, 
24; vm, 1, comme ce que les stoïciens appelaient l'âme 
du monde. Elle est la source de la tempérance, de la 
prudence, de la justice et de la force, vm, 7. Ce sont 
là les quatre vertus cardinales de Platon. L'auteur 
s'inspire aussi de la psychologie platonicienne dans sa 
conception de l'âme, vm, 20, dont le corps n'est que 
la « tente terrestre ». ix, 15. Il ne procède plus par 
courtes sentences, comme les écrivains palestiniens; 
sa pensée se déroule en assez longs développements, 
dans lesquels le raisonnement prédomine. L'idée elle- 
même perd sa forme concrète et imagée d'autrefois 
pour prendre un tour abstrait et philosophique. Là où 
l'auteur dit : « Qui tient des discours impies ne saurait 
rester caché... Facilement on la trouve (la sagesse) 
quand on la cherche, » Sap., I, 8; VI, 13, ses prédéces- 
seurs avaient écrit : « L'oreille qui entend et l'œil qui 
voit, c'est le Seigneur qui a fait l'un et l'autre... La 
sagesse crie dans les rues, elle élève sa voix sur les 
places. » Prov., xx, 12; i, 20. Un sorite en règle est 
même employé pour prouver que le désir de la sagesse 
conduit à la royauté éternelle. Sap., vi, 17-20. Les dix 
derniers chapitres sont une philosophie de l'histoire 
des égyptiens, au moment de l'exode des Hébreux, 
tendant à montrer l'infériorité de l'idolâtrie par rap- 
port au culte du vrai Dieu. D'ailleurs les grandes 
erreurs des philosophes grecs sont présentes à l'esprit 
de l'écrivain sacré. Par sa théodicée si claire et si 
ferme, il prémunit à la fois contre le panthéisme des 
stoïciens, l'abstraction rationaliste des péripatéticiens 
et le nihilisme des sceptiques. — 2° Platon a exercé 
une large influence sur les idées du juif Philon; mais 
cette influence est demeurée étrangère aux écrivains 
sacrés, puisque le Logos de saint Jean n'emprunte 
rien à celui du disciple de Platon. Voir Logos, t. iv, 
col. 323. — 3° Par contre, quelques écrivains juifs ont 
cru que les philosophes grecs, Pythagore, Socrate, 
Platon, avaient puisé dans les livres de Moïse. Cette 
idée a été mise en avant par Aristobule, vers 170-150 
avant Jésus-Christ. Philon l'a également soutenue. Cf. 
Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. 



317 



PHILOSOPHIE — PHILOXÈNE 



318 



J. C, Leipzig, t. m, 1898, p. 386, 547. Josèphe, Cont. 
Apion., u, 16, prétend que les philosophes grecs ont 
eu Moïse pour maître et pour guide dans tout ce qu'ils 
ont dit de juste sur Dieu. Les livres de Moïse n'ont pu 
exercer d'influence directe sur les penseurs grecs 
avant leur traduction par les Septante, sous Ptolémée 
Philadelphe, 284-246 avant Jésus-Christ, Il se peut que 
dans leurs voyages, surtout en Egypte, Pythagore et 
Platon aient eu quelque connaissance des enseigne- 
ments mosaïques. Mais on ne saurait dire en quelle 
mesure et rien n'est prouvé à cet égard. Dans les re- 
proches qu'il adresse aux philosophes du paganisme, 
saint Paul ne fait aucune allusion à une transmission 
de la doctrine mosaïque sur Dieu. Il suppose au con- 
traire que ces philosophes ont parfaitement pu connaître 
Dieu par ses œuvres, et que la raison suffisait à les 
instruire de son existence et de sa nature. Rom., I, 
18-20. Si l'enseignement de la révélation était arrivé 
jusqu'à eux, ils auraient été beaucoup plus coupables. 
IV. La philosophie du Nouveau Testament. — 1° Les 
écrivains du Nouveau Testament se rattachent à leurs 
ancêtres hébraïques quand ils touchent aux questions 
qui peuvent se rapporter à la philosophie. Les ensei- 
gnements évangéliques, avec leur impeccable rectitude, 
apportent la solution définitive aux principaux pro- 
blèmes qui tourmentent la raison humaine, dans la 
mesure où cette solution intéresse la vie chrétienne. 
Pour le reste, Notre-Seigneur ne dit rien dont puissent 
profiter soit la philosophie spéculative, soit les sciences 
profanes, abandonnées à la libre activité des hommes. 
Ce sont surtout des idées de bon sens que le Sauveur 
met en relief : « La vie est plus que la nourriture et 
le corps plus que le vêtement. » Matth., vi, 25. « Le 
sabbat est fait pour l'homme, non l'homme pour le 
sabbat. » Marc, n, 27. « Celui à qui on remet moins, 
aime moins. » Luc, vu, 47. s Ce qui souille l'homme 
n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en 
sort. » Matth., xv, 11> etc. D'autres fois, ce sont des 
traits de vive lumière projetés sur les questions de 
théodicée ou de morale : « Mon Père est sans cesse en 
action. » Joa., v, 17. « Dieu est esprit et ceux qui 
l'adorent doivent le faire en esprit et en vérité. » 
Joa., IV, 24. « Qui fait le mal hait la lumière, qui pra- 
tique la vérité vient à la lumière. » Joa., m, 20, 21, etc. 
La seule doctrine philosophique que Notre-Seigneur 
ait rencontrée sur son chemin est celle des sadducéens, 
qui niaient la résurrection des corps et l'immortalité 
de l'âme, Matth., xxn, 23; Marc,xn, 18; Luc, xx, 27; 
Act., iv, 1, 2, et aussi l'existence des anges. Act., xxm, 
8. 11 y avait là une sorte de matérialisme, qui allait 
même jusqu'à révoquer en doute l'action de Dieu sur ses 
créatures. Le Sauveur les réfuta en leur rappelant que, 
d'après l'Écriture, Dieu est le Dieu des patriarches et le 
Dieu des vivants, c'est-à-dire celui pour qui tous sont 
vivants, Luc, xx, 38, d'où il suit que les patriarches son 
encore vivants par leur âme. — 2° A Athènes, saint Paul 
eut à conférer avec des philosophes épicuriens et stoï- 
ciens. Act., xvii, 18. Voir épicuriens, t. n, col. 1894; 
Stoïciens. A l'Aréopage, l'Apôtre traite la question des 
attributs de Dieu et de ses rapports avec l'homme dans 
les termes les plus philosophiques. Mais l'affirmation 
de la résurrection des morts lui aliène son auditoire. 
Act., xvn, 23-32. Dans ses jipîtres, il fait allusion à cette 
sagesse qu'estiment tant les Grecs, I Cor., I, 22-25; il est 
obligé de recommander aux Colossiens, n, 8, de se tenir 
en garde contre une certaine philosophie qui est con- 
traire aux enseignements de l'Évangile. Col., n, 16-23. 
Souvent il rencontra dans ses missions des docteurs 
dont les rêveries empruntaient une certaine forme 
philosophique pour s'opposer avec plus de succès aux 
doctrines évangéliques. Act., xx, 30; I Tim., iv, 1-7; 
vi, 20; II Tim., n, 16-18; m, 13, etc. S'inspirant sur- 
tout de fables judaïques, ceux-ci préconisaient un culte 



particulier des anges, avec des généalogies intermi- 
nables, des mythes, des questions subtiles et ridicules, 
le tout pour aboutir à des pratiques immorales et 
condamnables, à une science de mauvais aloi, I Tim., 
vi, 20, que les systèmes gnostiques devaient plus tard 
développer et répandre. Saint Paul combat ces doctrines 
avec énergie, sans cependant leur opposer d'arguments 
précis : il n'y a pas d'argumentation philosophique 
contre le vague et l'insaisissable. Cf. Duchesne, 
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, t. I, p. 66-75. 
L'Apôtre a sa dialectique particulière pour établir les 
thèses dont il a besoin. Cette dialectique n'est pas 
toujours conforme aux règles de la logique classique ; 
mais elle constitue une argumentation ad honùnem 
contre laquelle ses adversaires demeuraient impuissants. 
Ainsi, d'après saint Paul, Abraham fut justifié par sa 
foi avant d'être circoncis; donc la justification ne peut 
venir de la circoncision. Rom., IV, 9-22. Abraham eut 
deux fils, l'un de la servante, l'autre de la femme libre. 
Or la servante venait du Sinaï, et c'est au Sinaï que les 
Israélites ont reçu la loi. Donc cette loi était une loi de 
servitude et en conséquence les Juifs ne sont pas les 
fils de la femme libre. Gai., iv, 22-28. L'Épître aux 
Hébreux présente des arguments de même nature. 
Melchisédech a béni Abraham, donc il lui est supé- 
rieur, donc le sacerdoce de Melchisédech est supérieur 
lui-même au sacerdoce des descendants d'Abraham, 
par conséquent au sacerdoce aaronique. Heb., vu, 1-10. 
En réalité, saint Paul s'en tient aux procédés de rai- 
sonnement qu'il a appris des docteurs juifs. Quand il 
s'adresse à des chrétiens venus du paganisme, il fait 
même profession de répudier la sagesse humaine, avec 
sa dialectique subtile et son beau langage, afin de laisser 
à la puissance de la croix de Jésus- Christ toute la gloire 
de la prédication évangélique. 1 Cor., n, 1-5. Comme 
la philosophie humaine n'a pas su arriver à la con- 
naissance de Dieu, l'Apôtre veut faire accepter par les 
Grecs la croix du Sauveur, mais sans se servir « des 
paroles qu'enseigne la sagesse humaine ». I Cor.,l, 21; 
il, 13. C'est là l'esprit même de l'Évangile. La doctrine 
du Sauveur domine de haut toutes les philosophies, elle 
éclaire beaucoup de leurs obscurités et rectifie beaucoup 
de leurs erreurs. Mais elle ne les met pas directement 
à contribution, parce que les systèmes philosophiques 
ne durent pas toujours et n'atteignent qu'un petit nom- 
bre d'esprits, tandis que l'Évangile est destiné à tous 
les hommes et à tous les temps, et ne fait appel qu'au 
bon sens pour gagner la raison et à la grâce pour pro- 
duire la foi. — Voir Philon, col. 300; H. L. Mansel, 
Philosophy, dans Kitto, Cyclopsedia of Biblical Lite- 
rature, 3= édit., t. m, 1866, p. 517-531; B. F. Westcott, 
dans Smith, Dictionary of the Bible, t. n, 1863, p. 849- 
858; Frz. Delitzsch, System, der biblischen Psycholo- 
gie, 2 e édit., Leipzig, 1861; Buch, Weisheitlehre der 
Hebrâer, Strasbourg, 1851; M. Nicolas, Les doctrines 
religieuses des Juifs, Paris, 1860. H. Lesêtre. 

PHILOXÈNE, évêque de Mabboug, un des écri- 
vains syriens jacobites les plus féconds. H naquit à 
Tahal dans le Beit-Garmaï, contrée sise entre le Tigre 
et les montagnes du Kurdistan au sud du petit Zab. Il 
étudia à Édesse sous Ibas (435 à 457), et fut chassé 
d'Antioche par le patriarche Calendion (482 à 485) 
parce qu'il corrompait la doctrine de l'Église. Il se 
consacra dès lors à la défense de la doctrine condam- 
née au concile de Chalcédoine, fut nommé évêque de 
Mabboug (Hiéropolis), par Pierre le Foulon, en 485, et 
changea alors son nom, qui était Aksénaya, contre ce- 
lui de Philoxène. Il alla plusieurs fois à Constantinople 
et décida enfin l'empereur Anastase à réunir à Sidon 
un concile qui déposa Flavien d'Antioche et le rem- 
plaça par Sévère. Mais Justin I« suivit une politique 
religieuse opposée à celle d'Anastase, il rétablit, le 



319 



PHILOXENE 



PHINON 



320 



24 mars 519, la communion avec Rome, exila les évê- 
ques jacobites et déporta Philoxène à Philippopolis en 
Thrace, puis à Gangres en Paphlagonie où il mourut 
vers 523. 

Parmi ses nombreux ouvrages, dont une petite partie 
seulement est publiée, nous citerons son commentaire 
sur les Évangiles conservé en partie dans deux manus- 
crits du British Muséum, à Londres. L'un de ces ma- 
nuscrits est daté de l'an 511 et renferme des fragments 
du commentaire sur saintMatthieu et saint Luc. Quelques 
années plus tôt, en 505 ou 508, Philoxène avait chargé 
le chorévêque Polycarpe de faire sur le grec une ver- 
sion littérale de l'Ancien et du Nouveau Testament. 
Cette version, nommée « Philoxénienne », jouit d'un 
certain crédit durant le vi e siècle, niais ne tarda pas à 
être supplantée par d'autres et il n'en reste que des 
fragments dans quelques manuscrits. Cf. Wright, Sy- 
riac Literature, London, 1894, p. 13-14; Rubens Duval, 
La littérature syriaque, Paris, 3 e édit., 1907, p. 50, 64. 

F. Nau. 

PHINÉE, PHINÉES (hébreu : Pînelfâs, « bouche 
d'airain éclatante; » Septante : <£>tvéec), nom de trois 
Israélites. D'après certains commentateurs, le nom est 
d'origine égyptienne et peut signifier en cette langue 
«le nègre ». Voir E. Nestlé, Die israelitischen Eigen- 
namen, in-8°, Haarlem, 1876, 112. Cf. Zeitschrift der 
deutschen morgenl. Gesellschaft, t. xxv, p. 139. 

1. PHINÉES, fils d'Éléazar et petit-fils d'Aaron. Sa 
mère était une fille de Phutiel, que le Targum du 
pseudo-Jonathan, Exod., \i, 25, identifie avec Jéthro 
le Madianite, mais qui est en réalité un inconnu dont 
on ne sait que le nom. Phinées fut le troisième grand- 
prêtre d'Israël. Encore jeune, il se rendit célèbre par 
son zèle à châtier les Juifs infidèles qui participèrent 
à Settim au culte licencieux de Béelphégor et commi- 
rent le mal avec les filles de Moab. Moïse, au nom de 
Dieu, commanda à son peuple de mettre à mort les cou- 
pables. Il s'agissait de préserver la religion judaïque 
dans sa pureté et de combattre Baal qui devait pendant 
plusieurs siècles lutter contre Jéhovah. Phinées se dis- 
tingua entre tous les vrais Israélites. Il pénétra dans la 
tente de Gozbi, fille d'un prince madianite appelé Sur, 
où Zambri, fils de Salu, chef de la tribu de Siméon, au 
grand scandale des Israélites, était entré publiquement, 
et il frappa à mort les deux complices de sa lance dans 
le ventre. En récompense de cette action d'éclat, Dieu 
lui promit pour lui et aa race le souverain sacerdoce. 
Num., xxv. Son zèle fut fécond : il fut glorifié d'âge en 
àg&,ïs. CT ^cmi), 3ft-3\; EceU., tilv, 23-25, et, lorsque 
Matathias, le père des Machabées, commença la guerre 
sainte contre le persécuteur Antiochus Épiphane, ce 
fut j'exempte de Phinées, qui enflamma son ardeur. 

I Mach., il, 26, 54. 

Afin d'imprimer l'horreur la plus vive dans le cœur 
des Israélites pour le culte abominable de Béelphégor, 
Dieu voulut que Moïse châtiât les Madianites qui avaient 
faitprévariquer tant de coupables. Douze mille hommes 
furent envoyés contre eux et Phinées fut chargé de les 
accompagner en emportant avec lui les instruments 
sacrés dont la nature n'est pas précisée et les trom- 
pettes (bâ?ô$erôf hat-terû'àh. Num.,xxxi, 6; cf. x, 8-9; 

II Par., xiii, 12. La défaite des Madianites fut com- 
plète et Balaam, qui avait donné le conseil perfide de 
séduire les Israélites, en les initiant au culte de Béel- 
phégor, fut au nombre des tués. 

Phinées fut, sans doute pendant la vie d'Éléazar, son 
père, chef des Corites chargés de la garde .des portes 
du Tabernacle et de l'entrée du camp d'israél. I Par., 
ix, 19-20. Quand les tribus transjordaniennes construi- 
sirent un autel sur les bords du Jourdain, Phinées 
reçut à Silo, de la part des tribus cisjordaniennes, la 
mission d'aller à la. tête de ,dix princes, leur faire des 



remontrances; ils lui répondirent de manière à le satis- 
faire ainsi que tout Israël. Jos., xxn, 13-14, 30-33. 

Phinées succéda comme grand-prêtre à son père 
Éléazar. Il remplissait ses fonctions lorsque les onze 
tribus déclarèrent la guerre à celle de Benjamin pour 
venger le crime commis à Gabaon contre la femme du 
Lévite de la montagne d'Éphraïm. Jud., XX, 28. D'après' 
le texte hébreu, l'arche d'alliance semble avoir été à ce 
moment à Béthel, }. 26-27, et non à Silo, comme avant 
et après cette époque. Dans le partage de la Terre Pro- 
mise, Phinées avait reçu pour héritage dans la mon- 
tagne d'Éphraïm, la ville de Gabaa, ou, comme l'appelle 
laVulgate, Gabaath, qui fut surnommé « de Phinées », 
pour la distinguer des autres localités du même nom. 
Voir Gabaath de Phinées, t. m, col. 14. C'est là qu'avait 
été enseveli le grand-prêtre Éléazar, Jos., xxiv, 32, et 
c'est là, d'après une addition des Septante, que fut aussi 
enseveli Phinées. « Phinées, dit le texte grec, remplit 
les fonctions de grand-prêtre jusqu'à sa mort, à la place 
d'Éléazar, son père, et il fut enterré dans la ville de 
Gabaath. » Le lieu traditionnel de sou tombeau (fig. 73) 
est très fréquenté par les pèlerins juifs et samaritains. 




73. — Tombeau traditionnel de Phinées. 
D'après Conder, Tentivork in Palestine, t. i, p. 77. 

Le souverain pontificat se conserva dans la descen- 
dance de Phinées, comme Dieu le lui avait promis, en 
récompense de son zèle, contre les Israélites idolâtres, 
Num., xxv, 13, sauf une interruption, dont la cause 
est inconnue. Du temps du grand-prêtre Héli, il était 
passé dans la branche d'Ithamar, quatrième fils d'Aaron, 

I Reg., H, 23, mais il rentra dans la famille d'Éléazar, en 
la personne de Sadoc, à l'époque de Salomon, III Reg., 
Il, 35, et il se perpétua dans la même ligne jusqu'à 
Notre-Seigneur. Voir Grand-prêtre, t. m, col. 304. Le 
grand-prêtre des Samaritains se vante de descendre des 
Phinées par Ménélas, fils de Johanan et frère de Jeddoa, 

II Esd., XII, 22, ou Jaddus. Voir la Lettre des Samari- 
tains à Scaliger, dans J. G. Eichhorn, Reperlorium 
fur biblische Literatur, t. xn, p. 262. 

2. PHINÉES, second fils du grand-prêtre Héli. I Reg.. 
i, 3; il, 34. Il commit les mêmes fautes que son frère 
Ophni et périt avec lui dans la défaite que les Philis- 
tins infligèrent aux Israélites. I Reg., îv, 4, 11, 17. Voir 
Ophni 1, t. iv, col. 1833. Sa femme, à la nouvelle de sa 
mort, mourut elle-même en donnant prématurément 
naissance à un fils qu'elle appela Ichabod. Elle avait un 
fils aine appelé Achitob, lequel eut à son tour deux fils, 
Achias et Achimélech, qui furent grands-prêtres à Silo 
et à Nobé sous le règne de Saûl. I Reg., iv, 19; xiv, 3; 
xxii, 9. 

3. PHINÉES, lévite, père d'Éléazar. Cet Éléazar fut 
un de ceux qui furent chargés par Esdras de vérifier le 
poids des vases sacrés rapportés de Babylone. I Esd., 
vm, 33. 

PHINON (hébreu : Pinôn; Septante : «Êetvtov), un 
des 'allûf d'Édom, ainsi appelé du nom de la ville où il 



321 



PHINON — PHITHOM 



322 



résidait. Gen., xxxvi, 41 ; I Par., i, 52, Eusébe et saint 
Jérôme, Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862, 
p. 360-363, mentionnent une ville de Phinon entre Pétra 
et Zoar; ils disent que c'est là, Num., xxxm, 42 (Vul- 
gate : Phunon), que fut établi un des campements d'Israël 
pendant l'exode et qu'il y avait en cet endroit des mines 
(de cuivre) exploitées par les Romains, ^oir Phunon. 

. PHISON (hébreu : Pîsôn; Septante : «Êtcrâv), un des 
quatre fleuves du Paradis terrestre. Il entourait le pays 
d'Hévilath. Gen., n, 11-12. Sur son identification, voir 
Paradis terrestre, t. îv, col. 212. L'auteur de l'Ecclésias- 
tique, xxiv, 35, compare la loi de Moïse qui fait débor- 
der la sagesse avec le Phison qui fait déborder ses eaux. 

PHITHOM (hébreu : Pifôm; Septante : Ilsrôti, 
ILOwn), ville d'Egypte. 

I. Conjectures sur le site de 1766 k 1883. — Sous 
le pharaon oppresseur, les Hébreux, surveillés par 
d'impitoyables maîtres des travaux, bâtirent deux villes 
fortes contenant des magasins, Phithom et Ramessès. 
Exod., i, 10-11. Longtemps on s'est demandé dans 
quelle partie du Delta oriental se trouvaient ces deux 
villes. On se le demande encore pour Ramessès, bien 
que le cercle où il faut la chercher se soit singulière- 
ment resserré. Quand les premiers chrétiens se préoc- 
cupèrent de la géographie de l'Exode, la plupart des 
stations bibliques d'Egypte étaient disparues ou se 
cachaient sous des noms nouveaux. On les localisa au 
hasard. Des modernes seulement datent les recherches 
précise^. Pour Phithom, d'Anville avait déjà remarqué, 
Mémoires sur l'Egypte ancienne et moderne, 1766, 
p. 122-124, qu'elle devait être identique à l'Héroopolis 
de l'Itinéraire d'Antonin, édition Wesseling, p. 170, et 
qu'il fallait la placer, non vers le fond du golfe de 
Suez, mais sur le canal de Néchao, devenu plus tard 
le Trajanus amnis, à l'endroit même de la IlàTupio; 
d'Hérodote, il, 158, à l'aboutissement de la route de 
Palestine en Egypte. C'est en effet dans la terre de 
Gessen, Gen., xlvi, 28, et à ce point même de la terre de 
Gessen dans la terre de Ramessès que Joseph rencontra 
Jacob venant de Chanaan et de Bersabée. Josèphe, 
Ant. jud., II, vu, 15. D'autre part, les Septante, qui 
devaient connaître la géographie du Delta, ont rendu 
par 'HptowM IIôXiv le Phithom du texte hébreu; et la 
version copte, faite d'après le texte grec, a substitué 
Phithom, n&»(OAJ./ à Héroopolis. Sur ces témoignages il 
n'était donc pas téméraire de tirer l'équation Phithom 
= Patumos = Héroopolis. Mais quelle était au juste 
la situation de Phithom- Héroopolis? Par son Mé- 
moire sur le canal des deux mers, dans la Description 
de l'Egypte, t. xi, 2« édit., 1822, p. 291-298, poussant 
plus loin les observations de d'Anville, Le Père situait 
Héroopolis à Abou-Keycheyd où l'on voyait un vaste 
amas de décombres. Dubois-Aymé, Sur les anciennes 
limites de la mer Rouge, loc. cit., p. 377-379, corro- 
borait la même opinion, suivi en cela par Quatremère, 
Mémoires géographiques et historiques sur l'Egypte, 
t. n, p. 166 sq., et Champollion, L'Egypte sous les 
Pharaons, t. n, p. 89. Or, Abou-Keycheyd n'est pas 
autre chose que l'ancien nom de Tell-el-Maskhouta, « le 
monticule de la statue ». Ce dernier nom, qui nous est 
plus connu, était dû à un monolithe en granit rouge re- 
présentant un roi assis entre deux dieux et dominant les 
ruines. Précisons la place. Au sortir de Zagazig, 
quand on prend la direction d'Ismaïliah, le chemin de 
fer ne tarde pas d'atteindre Tell el-Kébir. On est alors 
en plein Ouadi Toumilat jusqu'à Ismaïliah, sur une 
longueur de cinquante kilomètres. L'Ouadi relie à 
travers le désert »rabique le Delta aux lacs Amers. Le 
chemin de fer et le canal d'eau douce qui va alimenter 
Suez y ont pris la place de deux canaux plus anciens 
dont les traces sont encore reconnaissables, l'un qu'on 

DICT. DE LA BIBLE. 



appelle « le canal de l'Ouadi », l'autre, « le canal des 
pharaons », qui depuis Néchao et Darius joignit le Nil 
à la mer Rouge. Le canal de l'Ouadi était probablement 
un canal plus moderne destiné à l'arrosage de la région. 
Déjà Ramsès II dut conduire l'eau jusqu'à Phithom 
et dans toute la région de Socoth, qui n'auraient pu 
subsister sans eau, et c'est peut-être ce qui lui a valu 
la réputation d'avoir tenté de faire communiquer le Nil 
avec la mer Rouge, suivant la tradition mentionnée 
par Strabon, i, 2, 31. C'est du canal des pharaons 
qu'Hérodote a dit : « Son eau procède un petit au-des- 
sus de la ville Bubastis, et passant par Patume, ville 
d'Arabie, va rencontrer la mer Rouge. » n, 158, 
trad. Saliat, édit. Talbot, p. 189. Si l'on est dans 
l'Ouadi Toumilat, on est aussi en terre de Gessen, 
voir Gessen, t. m, col. 218-220, et dans la partie la 
plus orientale de la terre de Ramessès, qui paraît avoir 
compris non seulement la terre de Gessen, mais encore 
toute la partie du Delta située à l'est de la branche 
tanitique. Ed. Naville, Goshen and Shrine of Saft el- 
Henneh, 1887, p. 18 (Mémoire iv de YEgypt Explora- 
tion Fund). Sur cette partie ainsi délimitée de la terre 
de Gessen dans la terre de Ramessès, Tell el-Maskhouta 
occupe le point central, à égale distance de Tell el- 
Kébir et d'Ismaïliah. L'égyptologie, à qui était réservée 
le dernier mot sur son identification, s'égara d'abord et 
même se dispersa. — Mû par la lecture du nom de 
Ramsès sur le monolithe qui avait donné son nom à la 
butte, Lepsius proposa d'y voir la ville de Ramessès, 
Chronologie der Aegypter, 1849, p. 348, tandis qu'il 
plaçait Phithom quatre ou cinq kilomètres plus à l'est, 
à Magfar. Loc, cit., p. 345. Pendant les derniers tra- 
vaux nécessités par le percement de l'Isthme, en 1876, 
les ingénieurs français entamèrent les ruines de Tell el- 
Maskhouta. Entre autres monuments, un monolithe 
semblable à celui qui était visible, deux sphinx, un 
naos et une grande stèle parurent au jour.- Ils ornent 
aujourd'hui le jardin public d'Ismaïliah. Maspero les 
étudia, Sur deux nouveaux monuments de Ramsès II, 
dans Revue archéologique, nouvelle série, t. xxxiv, 
1877, p. 320-332. Les inscriptions ne contenaient au- 
cune indication géographique, mais on y lisait les car- 
touches de Ramsès II et les hommages de ce roi au 
dieu Tum. Maspero ne conclut pas autrement que 
Lepsius et l'on parut s'en contenter. La station du 
chemin de fer qui s'arrêtait alors en cet endroit porta 
même le nom de Ramessès. — Brugsch avait d'abord 
admis l'identité de Phithom et d'Héroopolis, mais en 
1874 il fit sienne une théorie de Schleiden. Celui-ci, 
dès 1858, dans son livre Die Landenge von Sues zur 
Beurtheilung des Canalsprojects und des Auszugsder 
lsraeliten aus Aegypten, p. 120 sq., fut le promoteur 
d'un Exode à travers les fondrières du lacSirbonet par 
les bords de la Jitéditerranée. Brugsch reprit l'idée de 
Schleiden et, pour le besoin de sa cause, plaça Ramessès 
à Tanis et Phithom près du lac Menzaleh, à mi-chemin 
entre Tanis et Péluse. La sortie des Hébreux d'Egypte 
et les monuments égyptiens, Alexandrie, 1874. Après 
les fouilles de Naville, il renonça loyalement à l'idée 
de Schleiden. Naville, Store-City of Pithom and Route 
of Exodus, 4» édit. 1903, p. 9, n. 8. — Chabas, lui aussi, 
en 1864, avait d'abord supposé qu'un jour on retrouve- 
rait la biblique Phithom en égyptien sous la forme 

*-p ^n=i <kk "] ~. « la demeure du dieu Tum », et que 

Tell el-Maskhouta pouvait bien en recouvrir les ruines. 
Mélanges égyptologiques, 2 e série, p. 162. Mais en 1873, 
Recherches pour servir à l'histoire de la XIX' dynas- 
tie et spécialement à celle du temps de l'Exode, p. 109, 
oubliant sa conjecture, il inclina à chercher Phithom 
aux environs de l'ancienne Thmuis. — La question de 
Phithom depuis d'Anville et les savants de l'expédition 
française s'était donc compliquée au lieu de s'éclaircir 



V. 



11 



323 



PHITHOM 



324 



II. M. Na ville a Tell el-Maskhouta, 1883. — VJSgypt 
Exploration Fund venait de s'organiser. Elle confia à 
M. Ed. Naville le soin d'explorer les raines de Tell el-Mas- 
khouta. Celui-ci commença par étudier les monuments 
transportés à Ismaïliah. Il se convainquit que le dieu 
d'Héliopolis sous sa double forme de Tum, le soleil 
couchant, et d'Horemkhou (Harmachis), le soleil levant, 
avait été le dieu de la cité à identifier, et il en augura 
que ce n'était pas Ramessès mais Phithom, la ville ou 
la demeure de Tum, qu'il découvrirait à Tell el-Mas- 
khouta. Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les 
fouilles au point où avaient eu lieu celles de 1876, 
M. Naville trouva d'abord qu'il était à l'angle sud-ouest 
d'une énorme enceinte rectangulaire, encore visible 
par places, faite de briques crues et enfermant toute la 
butte, soit une surface de quatre hectares environ. 
Immédiatement devant lui il reconnut un temple. Les 
monolithes et les sphinx enlevés par ses devanciers en 
marquaient l'entrée. Le naos trouvé plus loin corres- 
pondait au sanctuaire. Ce temple une fois délimité, 
Naville poussa ses recherches vers l'angle nord-est de 
la grande enceinte. Il rencontra sous le sable de sin- 
gulières constructions rectangulaires, nombreuses, aux 
dimensions inégales, sans communication entre elles, 
solidement bâties en murs de briques, d'au moins deux 
mètres d'épaisseur. C'était évidemment une série de 
greniers enfermés avec le temple dans la grande en- 
ceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces 
greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser, 
une porte était réservée à mi-hauteur ou vers le bas. 
Le signe hiéroglyphique i.1, shenut, « grenier », re- 
présente deux de ces chambres isolées l'une de l'autre 
et reposant sur une large assise de terre battue. Au 
cours de ces découvertes, déjà si précieuses, quelques 
monuments et des inscriptions sortirent des décom- 
bres : une vieille cité livrait quelques feuillets de son 
histoire,- et non les moins intéressants. 

III. Le fondateur de la ville. — Le nom de 
Ramsès II se lisait déjà, avons-nous dit, sur tous les 
monuments transportés à Ismaïliah. Naville le ren- 
contra encore sur un faucon de granit noir, emblème 
d'Horus, et sur un fragment retrouvé du naos. Il n'est 
sorti des fouilles aucun monument antérieur à ce 
prince, ni aucun de Ménephtah. A supposer même que 
Tum ait reçu là un culte plus ancien, il n'en demeure 
pas moins certain que Ramsès II est l'unique construc- 
teur de la grande enceinte et des édifices qu'elle con- 
tenait. Il doit être regardé comme le véritable fonda- 
teur de la ville. D'où il suit que si cette ville est Phi- 
thom, Ramsès II est à n'en pas douter le pharaon de 
l'oppression, et ce furent bien les Hébreux, au milieu 
des plus cruelles vexations, qui la bâtirent avec son 
temple, ses greniers et son enceinte, en même temps 
qu'ils bâtissaient Ramessès. Ce qu'ils eurent à souffrir, 
l'Exode, v, 7-19, nous l'apprend et nous pouvons en 
juger par l'énorme quantité de briques amoncelées à 
Phithom, pendant qu'à Ramessès et ailleurs se pour- 
suivait la même besogne, dans les mêmes conditions. 
Voir Brique, 1. 1, col. 1931-1934. Naville a observé que 
les murs des greniers étaient remarquablement bien 
bâtis, avec du mortier entre les couches de briques 
crues. Celles-ci ont quarante-quatre centimètres de 
long, sur vingt-quatre de large, et douze d'épaisseur. 
Tout y indiquait une œuvre de la bonne époque, faite, 
pour durer. Store-City of Pithom, p. 11. Villiers 
Stuart qui vint le visiter pendant les fouilles a écrit 
(citation de M. Naville) : « J'examinai avec le plus grand 
soin les murs des chambres, et je remarquai que cer- 
taines parties étaient faites de briques sans, aucun mé- 
lange de paille [ou de roseaux]. Je ne me souyiens 
pas d'avoir vu en Egypte des briques de cette sorte. 
Dans un climat sec comme celui d'Egypte, il n'est pas 
nécessaire de cuire les briques : on les fabrique avec 



le limon du Nil et on les fait sécher au soleil. Pour 
leur donner de la cohésion, on y mélange de la paille, s 
Egypt after the War, p. 81. Ceci paraît nous indiquer 
deux choses : à un moment la paille fut supprimée 
aux Hébreux sans que leur tâche en fut diminuée, 
comme le rapporte l'Exode, v, 11; et, bien qu'ils se 
répandissent dans toute l'Egypte pour y ramasser des 
roseaux au lieu de paille, v, 12, il leur arriva parfois 
de ne pouvoir en réunir en quantité suffisante pour 
toutes les briques à fournir. S'il en était besoin, le 
récit de Moïse trouverait là une confirmation. Ramessès 
et Phithom étaient des forteresses autant que des ma- 
gasins, comme cela convenait à un pays frontière, 
toujours menacé par les nomades que les riches plaines 
de l'Egypte sollicitaient aux razzias; comme cela con- 
venait surtout au débouché des routes vers la Syrie, à 
l'entrée du désert où se réunissaient les armées et les 
caravanes, où des soldats devaient se tenir toujours 
prêts à marcher pour sauvegarder la Palestine, la 
seule contrée qui restât aux Égyptiens des anciennes 
conquêtes de Thoutmès III. Les Septante ont donc pu 
rendre l'hébreu misknôt, « magasins », par it<5Xei{ 4j(vj- 
pàç, villes fortifiées, cf. II Par., vin, 4; xvn, 12; ail- 
leurs encore simplement par udXeiç où le contexte 
indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit 
le même hébraïsme par urbes munitissimas, II Par., 
vin, 4; urbes muratas, xvi, 4; xvn, 12, et ici par urbes 
tabernaculorum, villes où l'on dresse pavillon, cam- 
pement. Toutes ces expressions sont également vraies. 
IV. Les noms de la ville. — Tell el-Maskhouta repré- 
senterait vraiment le site de Phithom, suivant M. Naville. 
Cela résulte des monuments trouvés par lui. Les plus 
intéressants sont : — 1° Un fragment de grès rouge ap- 
partenant au naos d'Ismaïliah : il porte le titre divin de 
« maître de la région de Thuku » ou « Thukut ». Store- 
City of Pithom, pi. ni B.— 2° Une statue en granit rouge, 
figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, « lieutenant 
d'Osorkon II, le bon commémorateur de la demeure 

de Tum, Cp kj, maître de An (Héliopolis). » Frontis- 
pice et pi. iv. — 3° Un fragment de statue du prophète 
Pamès-Isis, « chef des greniers, scribe du temple de 
Tum; » il supplie la dame de An, Hathor, que la statue 
qui porte son nom soit à jamais fixée dans « la de- 
meure de Tum, le gTand dieu vivant de la ville de 

Thukut », '^. PI. vu a. — 4° Une statue en granit 

noir, un homme assis, Aak, « chef des prophètes de 
Tum, premier prophète de la ville de Thukut. » Il 
s'adresse aux prêtres : « Vous tous, prêtres, qui entrer 
dans cette demeure sacrée de Tum, le grand dieu de 
la ville de Thukut, dites : Le roi donne l'offrande, etc. » 
PI. v. — 5° Une grande stèle de Ptolémée Philadelphie, 
pièce capitale. Elle fut trouvée non loin de l'endroit 
où était le naos. Philadelphie y est représenté trois 
fois en adoration, dont deux fois devant Tum, « le 
grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vtn. Dans le 
corps de l'inscription, « il aime Tum, le grand dieu 
vivant de la région de Thukut, » pi. IX, lig. 1, x, Iig. 28, 
« de la ville de Thukut. » PL ix lig. 2. « En l'an VI, 
quand on lui eut appris qu'était achevée la restauration 
du sanctuaire de son père Tum, le grand dieu de la 
ville de Thukut, Sa Majesté vint à Thukut, le trône de 
son père Tum. » PI. ix, lig. 7, etc. — Les cinq monu- 
ments énuméréssontou dédiés à Tum ou appartiennent 
à un prêtre attaché au culte de ce dieu. Le nom géo- 
graphique de Thukut se présente sur quatre d'entre eux. 
Sous Ramsès II il porte le signe d'une terre frontière ; 
plus tard il est donné comme le nom de la capitale 
d'une région du même nom. Ce nom est généralement 
associé à celui du dieu Tum, « le grand dieu de Thukut, 
qui réside dans Thukut, le grand dieu vivant de Thu- 
kut. » La seule stèle de Philadelphe le contient au 



325 



PHITHOM 



326 



moins douze fois tantôt avec le déterminatif des 
villes ©, tantôt avec celui d'une région de quelque 

étendue ç\ . Il s'agit donc bien de Thukut, soit comme 

ville soit comme région, et du culte de Tum dieu de la 
ville et de la région de Thukut. De plus le nom de Pi- 
tum se lit trois fois sur la statue de Ankh-renp-nefer, 
deux fois dans la grande stèle ptolémaïque avec le déter- 
minatif des villes ©, pi. ix lig. 10, 13, où il est parlé des 
revenus affectés au temple, des statues et des prêtres pla- 
cés deva nt « les dieux de Pi-tum-Thukut ». Pi-tum y a la 

yariante H I . , Ra-tum,« la divine demeure de 
Tum, le grand dieu qui réside dans Thukut. i> PI. v a, 
vu A, lig. 2, 3. Il s'agit donc bien aussi de Phithoni. 
Tout ce qu'on peut dire c'est que Pi-tum désignait plus 
spécialement l'enceinte avec son temple et sesgreniers, 
tandis que Thukut, désignait, en outre, la ville grou- 
pée autour de l'enceinte sacrée. En résumé, les textes 
de Tell el-Maskhouta nous apprennent que la ville située 
en cet endroit s'appelait Pi-tum, qu'elle était dans la 
la région de Thukut dont elle prit aussi le nom dans 
la suite. Si nous joignons ces données à ce que nous 
apprennent les Papyrus de la XIX e dynastie, nous 
voyons qu'à cette époque il n'est pas question de la 
ville de Thukut, mais uniquement de la région de 

Thukut, le plus souvent écrite V ~\,'Anastasi, v, 

pi. xix, lig. 2, 3, 8; xxv, lig. 2. Une lettre de l'an VIII 
de Ménephtah parle de nomades voisins de cette région 
qui furent autorisés à passer la frontière « à la forte- 
resse de Ménephtah dans la terre de Thukut, vers les 
lacs de Pi-tum de Ménephtah dans la terre de Thukut, 
pour y vivre en faisant paître leurs troupeaux dans le 
grand état ou domaine de Pharaon. » Anaslasi, iv, 4. 
Cf. Brugsch, Dictionnaire géographique de l'ancienne' 
Egypte, 1889, p. 642; Chabas, Recherches pour servir 
à l'histoire de la XIX e dynastie, p. 107. A rencontre 
des papyrus de la XIX e dynastie, les textes géogra- 
phiques de Denderah, Edfou et Philae, tous d'époque 
ptolémaïque, nous montrent Thukut comme étant, sans 
perdre son nom de région, le nom vulgaire ou civil de 
la capitale du VIII e nome de la Basse-jigypte. Dùmichen, 
Geographische Inschriften, t. I, pi. lx.ii, lxiv. Le nom 
sacré de cette même ville était Ha-tum, loc. cit., t. m, 
pi. cxlvi, etc., « la demeure de Tum », le dieu principal 
du nome; il était aussi Pi-tum, loc. cit., t. n, pi. lxxxvui; 
t. m, pi. xxix, « qui est à la porte orientale ». Il y a 
donc pleine correspondance entre les textes de Naville 
et les textes déjà connus par les papyrus et les temples. 
De ce que Pi-tum nous paraît n'avoir emprunté que 
plus tard le nom de la région qui dépendait d'elle, 
nous devons conclure qu'au temps de l'Exode la Socoth 
de la Bible, Exod., xii, 37; xm, 20; Num., xxxm, 5, 6, 
est prise dans le sens de région. On ne peut supposer 
d'ailleurs qu'une aussi grande multitude que celle des 
Israélites en route pour la Palestine ait pu s'arrêter, 
dans la ville même, ville fortifiée dont les portes ne se 
seraient pas ouvertes pour elle, et, se fussent-elles 
ouvertes, qui n'aurait pu la contenir. Que n'DD, 
Sucoth ou Socoth, soit le mot égyptien Thukut, cela 
est clair. Le s=> égyptien se prononçait th et on le 
transcrit souvent en grec par a et en hébreu par d. 
Brugsch, Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xm, 
1875, p. 7. Pour n'en citer qu'un exemple, pris entre 

beaucoup d'autres, la | s=> J©, Thebneter ou Theb- 

nuter des Égyptiens, est devenue la Seëevvuioç, Seben- 
nytus, des Grecs. Store-City of Pithom p. 7. — Il reste 
à nous demander pourquoi Hérodote appelle Pi-tum 
« ville d'Arabie» : n«ruji.o« r\'Apccë{-r\. Les Septante 
nomment aussi la terre de Gessen Teuét). 'Ap«êîaç. 
Gen., xxxvl, 34. Arabie, Arabique signifient ici Orient, 
oriental, et c'est la traduction de l'expression égyp- 



tienne I T ffi ) Ro-ab, « porte orientale», que les 
textes de Denderah accolent au nom de Pi-tum, 
Dùmichen, loc. cit., 1. 1, pi. xcvm, lig. 12; t. ri, pi. xxix, 
lig. 3, et que nous retrouvons dans la grande stèle de 
Philadelphe, pi. Vm, 3 e tableau où, derrière Tum, se 
tient Osiris « le maître de la porte orientale », comme 
ayant son sanctuaire ou sérapéum à l'extrémité de la 
région de Thukut. Pour l'Egypte, l'Orient c'était l'Arabie, 
les Grecs donnèrent ce nom aux contrées qui touchaient 
directement au désert de l'est. Outre Gessen d'Arabie, 
il y eut le nome d'Arabie, le XX e , situé entre la branche 
pélusiaque et le désert, tout de même <ju'à l'autre 
extrémité du Delta il y avait le nome libyque. — Nous 
avons vu plus haut la correspondance entre les textes de 
Naville et ceux des papyrus et des temples au sujet de 
Thukut région etThukut-Pi-tum. Cette correspondance 
va plus loin qu'il n'était nécessaire de l'établir pour 
notre sujet. Elle s'étend d'abord aux noms des principales 
divisions du nome, son territoire, son canal, ses ter- 
rains inondés. Elle s'étend encore au nom du nome 
lui-même et à celui d'une de ses localités, As-kéhéret 
ou Pi-keheret (Pi-hahiroth ?), le sanctuaire 'osirien du 
nome. En effet, tous ces noms que les temples donnaient 
déjà se sont retrouvés à Tell el-Maskhouta. Store-City 
of Pithom, p. 5-8. Mais ce que les temples ne disaient 
pas, c'était la situation précise du VIII e nome de la 
Basse-Egypte dont Pi-tum-Thukut était le chef-lieu. 
Désormais « tout change grâce aux fouilles de Naville. 
Le huitième nome ne peut plus côtoyer le lac Menza- 
leh, comme le croyait Brugsch, et une grande découpure 
de la topographie encore flottante du Delta se fixe et se 
précise immédiatement, sur la carte, autour de Tell 
el-Maskouta. » E. Lefébure, Les fouilles de M. Naville à 
Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 1885, p. 310. 
Cf. J. de Rougé, Géographie ancienne de la Basse- 
Egypte, 1891, p. 45-55. — Si Tell el-Maskouta était 
Pbithom, elle était aussi Héroopolis. Quand Naville 
découvrit les greniers de Phithom, il s'aperçut qu'à la 
basse époque on avait nivelé le sol au-dessus et rempli 
toutes les chambres avec des briques, du sable, de la 
terre, des débris de calcaire, au grand détriment du 
temple de Tum. Le but avait été d'y asseoir un camp, et 
deux inscriptions révélèrent que ce camp était l'œuvre 
des Romains. La première inscription fragmentaire, 
qui avait dû faire partie d'une porte, finit après cinq 
signes peu lisibles par 

POLIS 

ERO 

CASTRA 

mots tout à fait distincts et pour lesquels le doute 
n'est pas possible. L'autre inscription est datée (306 ou 
307), car elle contient les noms des empereurs Maxi- 
mien et Sévère, des césars Maximin et Constantin. 
Elle donne une distance de neuf milles entre Éro et 
Clysma : 

ABEROINCLUSMA 
M Vtlll © 

PI. xi. Le nombre des milles est en latin et en grec. 
C'est un cas fréquent dans les pays où le grec était 
parlé. Cf. Corpus inscr. latin., m, 1, n. 205, 309, 
312-315, 347, 464. Phithom sous les Grecs avait donc 
échangé son nom contre Héroopolis, HPOT, comme 
l'a lu Naville sur un petit fragment trouvé en place. 
'Hpw, dit Etienne de Byzance, De urbibus et populis, 
Amsterdam, 1678, p. 298-299, est une ville égyptienne 
que Strabon appelle 'Hpti»v iroXiv. Nous l'avons vu, les 
Septante avaient déjà rendu Phithom par Héroopolis, et 
Josèphe, marquant à cet endroit la rencontre de Jacob 
et de Joseph, lui donna le nom même que Phithom por- 
tait de son temps. Les Romains en firent ii.ro. A la fin du 
iv e siècle de notre ère (vers 385), sainte Silvie suivit la 



327 



PHITHOM — PHŒBE 



328 



route de l'Exode, le texte des Septante en mains, de la 
mer Rouge à Ramessès. Sur tous les noms bibliques elle 
questionne les moines et les clercs qui l'accompagnent. 
Ceux-ci localisent sans le moindre embarras les villes 
mortes et nous rappellent les drogmans du temps 
d'Hérodote et du nôtre. Il en résulte que les Israélites, 
pour une part égale, avançaient et reculaient, allaient 
â droite, puis à gauche : nam mihi credat volo affectio 
vestra, quantum tamenpervidere potui, (ilios Israhel 
sic ambulasse, ut quantum irent dextra, lantum re- 
verlerentur sinistra, quantum denuo inante ibanl, 
lantum denuo rétro revertebantur. Cependant elle ne 
put être induite en erreur sur le site d'Ero, car cette 
ville subsistait encore. Il n'est pas certain toutefois 
qu'elle n'en fasse pas une ville distincte de Phithom. 
Mais l'important pour ce qui nous touche ici, c'est 
qu'elle en donne le nom romain : Heroum autem civi- 
tas... nunc est corne (xioiir,), sed grandis, quod nos 
dicimus vicus... Ipse viens nunc appellatur Hero. 
ïtinera hierosolymitana sseculi ir-Yin, p. 47-48, dans 
Corpus scriptorum ecclesiasticoruni latinorwm , 
t. xxxvm, Vienne, 1898. — D'où vient ce nom de 
'Hpto? M. Naville avait d'abord pensé qu'il venait de 

C*3 , àr, pluriel àru, « magasins », ce qui aurait 

très bien convenu aux 'are misknôt de Phithom. 
Exod., i, 11; Store-City of Pithom, p. 10. Mais il est 
revenu sur cette interprétation et l'a corrigée dans une 
note, loc. cil., et dans le Sphinx d'Upsala, t. v,p. 197. 
« Puisque le sphinx est un lion, il doit porter les dif- 
férents noms qui sont donnés à cet animal. Nous en 
connaissons plusieurs, en particulier un qui est peut- 
être d'origine sémitique, __^ _»■&, àr. La transcription 
grecque en serait HP et de là vient le nom de 'Hpco 
qui est donné à Tum, dans la traduction de l'obélisque 
d'Hermapion. Ammien Marcellin, xvn, 4. Ero c'est 
Tum représenté par un lion, un sphinx; Eropolis, 
Ero castra, c'est la ville, le camp du sphinx, de Tum. » 
Quoi qu'il en soit, la pénétration de d'Anville n'avait 
pas été en défaut, ni celle des savants français, depuis 
Le Père, en passant par Dubois-Aymé et Quatremère, 
jusqu'à Champollion. Le premier avait vu Héroopolis 
dans Phithom et délimité l'espace où il fallait la cher- 
cher, les autres en devinèrent l'emplacement. Elle ne 
devait pas être confondue, comme le voulut d'abord 
Lepsius, Chronologie, p. 357, avec le Thohu, Thou ou 
Thoum de l'Itinéraire d'Antonin, loc. cit., dont la 
situation à quarante-deux milles d'Héliopolis et à 
vingt-quatre milles avant d'atteindre Héroopolis ne 
s'accorde pas avec notre Phithom. 

V. Conclusion. — Les fouilles de Phithom ont donné 
Heu à des conclusions secondaires, dont les unes 
atteignent la plus grande vraisemblance, comme l'iden- 
tification du pharaon de l'oppression et, par suite, du 
pharaon dé l'Exode. « Ramsés II construisant Pithom 
correspond bien au puissant roi de l'oppression, tandis 
que Ménephtah I er négligeant Pithom rappelle bien le 
pharaon malheureux de la Fuite. » E. Lefébure, loc. 
cit., p. 320. Les autres conclusions sont moins certaines, 
impossibles même, comme celle qui veut que le golfe 
de la mer Rouge, même au temps des Romains, se soit 
étendu jusqu'à neuf milles d'Héroopolis, c'est-à-dire 
jusqu'à Clysma qui aurait été située à l'extrémité du lac 
Tirosah. On en devine les conséquences pour déterminer 
le point où les Hébreux passèrent la mer Rouge. Store- 
City of Pithom, p. 24-27. Mais ce sujet a été traité. 
"Voir Phihahiroth. Le point capital ici était de voir que 
la plus importante ville de l'Exode est à peu près sûre- 
ment identifiée; que tout le début de ce même Exode 
s'explique, bien qu'on ne sache encore avec certitude 
où prendre Ramessès; que Socoth, la seconde station 
des Hébreux, est au voisinage de Phithom. Toutefois 
quelque ïive que soit la lumière que les fouilles de 



Tell el-MasHiouta ont projeté sur l'authentique récit 
de Moïse, nous n'oserions pas affirmer de façon absolue 
que tous les doutes prudents sont levés. Il faut encore 
compter avec "les surprises possibles des recherches 
entre Ismaïliah et Suez, sur la rive occidentale du canal. 

C. Lagier. 
PHITHON (hébreu : Piton; Septante : '*i6»v), le 
premier nommé des fils de Micha, petit-fils de Jonathas 
et arrière-petit-fils du roi Saûl. I Par., vm, 35; ix, 41. 

PHLÉGON (grec : 4>Xéy(ov, « ardent, brûlant >;), 
chrétien de Rome, salué par saint Paul. Rom., xvi, 14. 
Le Pseudo-Dorothée, Patr.gr., t. xm, col. 1060, et le 
Pseudo-Hippolyte, Pair, gr., t. x, col. 160, le comptent 
parmi les soixante-douze disciples de Notre-Seigneur 
et disent qu'il devint évêque de Marathon dans l'Attique. 
Les Grecs et les Latins l'honorent comme martyr le 
8 avril. Acta sanctorum, édit. Palmé, aprilis 1. 1, p. 739. 

PHOCHÉRETH (hébreu : Pokérét, « prenant au 
filet »), chef ou ancêtre d'une famille de Nathinéens, 
« fils des serviteurs de Salomon », qui retourna de 
captivité en Palestine avec Zorobabel. Le texte hébreu 
porte : Benê Pokérét has-sebaïm, dans les deux pas- 
sages où il est nommé, I Esd., n, 57; II Esd., vu, 
59, et à en juger par les listes des Nathinéens, que 
donnent les deux livres et dans lesquelles le mot 
« fils » est suivi exclusivement du nom seul du père 
ou chef, sans autre indication, on doit conclure que 
Pokérét has-sebaïm ne forme qu'un nom propre, à 
moins qu'on ne suppose que le mot benê, « fils >), est 
tombé devant has-sebaïm. Les deux opinions ont leurs 
partisans. Les uns pensent qu'il faut lire en effet : 
« les fils de Pokéréf-Has-sebaïm », nom ou surnom 
qui signifie « celui qui prend au piège des gazelles, 
chasseur de gazelles ». D'autres lisent : « les fils de 
Phochéreth; les fils d'Asebaïm. » Les Septante ont 
traduit : uitù Qayephiï, \>\o\ 'A.<u6o£t\>., I Esd., H, 57, et ; 
•jîoi ■fcaxstpàB, yiot Satratjx, II Esd., vu, 59. La Vulgate 
a pris has-sebaïm pour un nom de lieu : filii Phochc- 
reth, qui eranl de Asebaim; I Esd., n, 57; filii Pho- 
chéreth, qui erat ortus ex Sebaim, mais cette inter- 
prétation n'est pas facile à justifier. Voir'AsEBAïM, t. i, 
col. 1075. 

PHŒBÉ (grec : *oig-/], « radieuse » ou « lune »), 
diaconesse de Cenchrées, recommandée par saint Paul 
aux chrétiens de Rome et placée en tête des recom- 
mandations. Rom., xvl, 1-2, On admet généralement 
que ce fut Phœbé qui porta aux fidèles de Rome l'Épître 
écrite à leur adresse par saint Paul. L'Apôtre fait d'elle 
un grand éloge. Il l'appelle « notre sœur, qui sert (Siâxo- 
voç) l'Église qui est à Cenchrées » un des deux ports de 
Corinthe. Ce titre de èiocxÔMo; tî é ç èxxXrjfft'aç semble in- 
diquer une fonction spéciale et déterminée, quoiqu'il 
ne soit pas possible de préciser en quoi elle consistait. 
S. Jean Chrysostome, Hom., xxx, 2, ira Boni., t. i,x, 
col. 663. Voir Diaconesse, 3°, t. n, col. 1401. C'est le 
seul passage du Nouveau Testament où il soit question 
d'une femme 8iax<5voç, mais on peut y voir comme 
l'origine des diaconesses, de ces ministre, que Pline 
le Jeune, Epist., X, xevi, 8, dit avoir existé dans 
l'Église chrétienne. Cf. Diaconesse, t. n, col. 1400. Saint 
Paul ajoute qu'elle a été nposTâ-riç, « aide », c'est-à- 
dire qu'elle a rendu de grands services « à lui-même et 
à beaucoup d'autres. » Elle devait être riche et, habi- 
tant Cenchrées, le port où débarquaient les voyageurs 
qui venaient d'Éphèse en Grèce, elle avait eu souvent 
l'occasion d'être utile aux nouveaux chrétiens qui pas- 
saient par là. L'insistance avec laquelle l'Apôtre appuie 
sa recommandation montre quelle importance il y 
attachait et combien il tenait à ce qu'on fit bon accueil 
à la messagère de son Épttre. Nous ignorons quelles 



329 



PHŒBE — PHOGOR 



33G 



affaires particulières Phœbé pouvait avoir à Rome. 
Saint Paul, sans s'expliquer autrement, demande seule- 
ment aux chrétiens de la capitale de l'empire de lui 
prêter leur concours en tout ce dont elle aura besoin. 
On croit communément que Phœbé était une veuve, et 
«on une vierge. Voir Acta sanctorum, t. I septem- 
bris, édit. Palmé, p. 605, n. 18. L'Église célèbre sa 
fête le 3 septembre. Les martyrologes ne savent de sa 
vie que ce que nous en apprend saint Paul. 

PHŒNICE (grec : (foîviÇ), port de mer mentionné 
Ad., xxvil, 12, à l'occasion du voyage maritime de 
saint Paul, comme un excellent hivernage, situé sur 
la côte méridionale de l'île de Crète, à l'est de. Bons- 
Ports et de Laséa. Cf. Act., xxvn, 9. Son nom lui 
venait sans doute des palmiers (en grec, ço:vi|) qui, 
comme nous l'apprend Théophraste, Eist. plantai 1 ., 
il, S, croissaient en nombre dans ces parages. Mis 
en danger par le mauvais temps, le vaisseau qui con- 
duisait saint Paul à Rome se dirigeait vers ce port, 
pour y passer l'hiver, lorsqu'une terrible tempête le 
rejeta en pleine mer. Ptolémée, III, xvn, 3, et Slrabon, 
X, iv, 3, parlent l'un et l'autre d'un port crétois du nom 
de « Phoinix ». Strabon en fait un village florissant, 
xaxoixia, et le place sur « l'isthme » de Crète, c'est-à- 
dire dans la partie la plus étroite de l'île, entre le mont 
Ida et les montagnes de l'extrémité occidentale, sur le 
territoire de Lampa ou Lappa, ville d'une certaine im- 
portance. Voir Crète, carte, fig. 404, t. H, col. 1113. Le 
passage de Ptolémée est plus obscur, et semble dési- 
gner tout à la fois un port nommé « Phoinikoi », et une 
ville appelée « Phoinix », également situés sur la côte 
méridionale. 

D'après MM. James Smith et le commandant Spratt, 
qui ont tout particulièrement étudié les détails relatifs 
au voyage et au naufrage de saint Paul dans la Médi- 
terranée, il n'y a pas de doute que Phœnice ne corres- 
ponde au port actuel de Loulro, qui est « la seule baie 
de la côte sud dans laquelle un bâtiment puisse mouil- 
ler en toute sécurité durant l'hiver, parce que les 
vents du sud, repoussés par les hautes montagnes qui 
la dominent, ne viennent jamais à terre, et parce que 
la mer qu'ils soulèvent arrive presque morte à la côte, 
de sorte que les bâtiments roulent, mais les amarres 
ne fatiguent pas. » Spratt, Instructions sur l'ile de 
Crète, trad. franc., Paris, 1861, p. 44. Cf. J. Smith, The 
Voyage and Sliipwreck of St. Paul, 4 e édit., in-8°, 
Londres, 1888, p. 261. Loutro, située à l'est du cap Plaka, 
qui correspond au cap Herma:a des anciens, est pré- 
cisément sur le territoire de l'antique cité de Lappa. 

Il est vrai que, d'après le texte des Actes, « Phœnice 
est un port de Crète qui regarde du côté du Libs, i> 
ou vent du sud-ouest, vent africain, « et du côté du Kho- 
rus » ou vent du nord-ouest, tandis que la baie de Loulro 
est au contraire ouverte dans la direction du sud-est et du 
nord-est. La difficulté est très réelle. On a essayé de la 
résoudre de plusieurs manières : 1° Il est possible que 
l'ancien port de Phœnice ait consisté en un double 
bassin, dont l'un aurait été abrité contre les vents du 
sud, et l'autre contre les vents du nord. Voir Ramsay, 
dans Hastings, Diction, of tlie Bible, in-4°, t. m, p. 863; 
J. Belser, Die Apostelgeschichte ûberselzt und erklsert, 
in-8», Vienne, 1905, p. 317. — 2° Comme l'ont fait re- 
marquer de nombreux commentateurs, à la suite de 
M. J. Smith, les mots « qui regarde du côté du Libs... » 
ne sauraient signifier que le port était ouvert aux vents du 
sud-ouest et du nord-ouest, c'est-à-dire aux vents occi- 
dentaux, si dangereux dans ces régions, mais plutôt, que 
les côtes qui entouraient la baie se dressaient dans cette 
double direction, et, par suite, la garantissaient contre 
eux. Presque tous les exégètes récents adoptent ce senti- 
ment; entre autres MM. Vigouroux, Fouard, Felten, 
Cook dans la Speaker's Bible, Wendt dans la 8« édit. du 



commentaire de W. Meyer, etc. Cela revient à dire que 
le port de Phœnice était ouvert, non pas du côté d'où 
venait le vent, mais dans la direction opposée, du côté 
où le vent soufflait. Si le port avait été exposé au Libs 
et au Khorus, il n'aurait nullement répondu aux con- 
ditions requises pour un hivernage. — 3° Comme il a 
été dit plus haut, aucun autre- port de la côte méridio- 
dionale de l'île de Crète ne paraît avoir convenu à 
la situation décrite. C'est bien à tort qu'on a parfois 
accusé saint Luc de n'awir pas exactement rendu le 
langage des marins qui l'auraient renseigné sur Phœ- 
nice. Les habitants affirment que l'ancien nom de la 
ville était Phœniki. — Voir Hœck, Kreta, Gœltingue, 
1823-1824, t. i, p. 387-388; C. Bursian, Géographie von 
Griecheriland, t. il, Leipzig, 1870, in S , p. 545-516.; 



-5^K 






i^ i 



— ■ t- 



74, — Côte sud de l'ile de Crète. 

Spratt, TraveU and Rescarches in Crela, t. n, p. 247; 
Conybeare and Howson, The _Life and Epistles of 
St. Paul, in-12, Londres, 1875, p. 641-642; A. Breu- 
sing, Die Nautik der Allen, in-8°, Brème, 1886, p. 186^; 
A. Trêve, Une traversée de Cësarée... à Putéoles, in-8°, 
Lyon, 1887, p. 25-26; H. Balmer, Die Ronifahrt des 
Apostcls Paul und die Seefahrtskunde im rômischen 
Kaiserzeitalter, Leipzig, 1906, 3 e partie, chap. I. 

L. FlLLION. 

1. PHOGOR (hébreu: hap-Pe'or; Septante :«!> m y <>>;>)-, 
montagne de Moab, mentionnée seulement dans Num,, 
xxin, 28. Balac, roi de Moab, conduisit Balaam sur son 
sommet afin qu'il pût voir de là le camp des Israélites 
et le maudire. Cette montagne était située en face de 
Jesimon, c'est-à-dire du désert au nord est de la mer 
Morte, dans le voisinage de l'embouchure du Jourdain. 
Son emplacement n'est pas rigoureusement déterminé; 
elle devait se trouver près de Belhphogor. Voir Beth- 
phogor, t. I, col. 1710. C'est là qu'on rendait un culte 
impur à Béelphégor. Voir Béelphégor, t. i, col. 1543. 
— Phogor, Num., xxv, 18 (Vulgate : idolum Phogor)^ 
est pour Béelphégor. 

2. PHOGOR (Septante : <Paywp), une des onze villes 
de la tribu de Juda ajoutées par les traducteurs grecs 
au texte hébreu. Elle était située entre Bethléhem et 
Élham. Jos., sv, 60. Eusèbe et saint Jérôme en font 
mention. « Il y a un autre village de Fogor, dit saint 
Jérôme, qu'on voit non loin de Bethléhem; il s'appelle 
maintenant Phaora. « Onomastic, édit. Larsow et Par- 
they, 1862, p. 363. On identifie généralement aujourd'hui 
ce Phogor avec le Khirbet Beit-Foghour, qui a con- 
servé le nom antique, à huit kilomètres au sud-ouest 
de Bethléhem. C'est un amas de ruines situées sur une 



331 



PHOGOR — PHRYGIE 



332 



colline. M. V. Guérin, Judée, t. m, p. 314, y a trouvé 
encore une vingtaine de maisons, d'apparence arabe, 
en partie debout, mais abandonnées, ainsi que les 
jardins qui les avoisinent. Dans les environs est la 
source appelée Ain Faghour, qui coule dans un ancien 
canal dégradé; sur les flancs de la colline, qui limite 
au sud la vallée arrosée' par l'Aï» Faghour, sont d'an- 
ciennes chambres sépulcrales creusées dans le roc; 
quelques-unes d'entre elles servent de refuge à des 
bergers. Béelphégor avait-il'été honoré autrefois en ce 
lieu ? C'est ce que plusieurs supposent, mais on ne peut 
donner là d'autre indice de son culte que le nom. 

PHOLLATHI (hébreu : Pe'ulfaï; Septante : * o Mia80, 
le huitième et dernier nommé des fils d'Obédédom 
qui avait gardé l'arche d'alliance dans sa maison. Phol- 
lathi était un descendant d'Asaph, de la tribu de Lévi 
et un des portiers du Tabernacle du temps de David. 
I Par., xxvi, 5. 

PHORATHI (hébreu : Pôrâtà'; Septante : «ÊapaSâSa; 
Alexandrinus : B«pS;i6a; Sinaiticus : <I>apaâ8s<), le 
quatrième des • 



dix 
qui 



fils d'Amon 
fut mis à 
mort par les 
Juifs. Esth., ix, 
8. Le nom doit 
être perse et si 
l'on adopte la le- 
çon grecquePAà- 
radatha, peut si- 
gnifier « donné 
par la destinée ». 

PHOSECH 

(hébreu : Pdsak; 
Septante : 4>a- 
aéx), le premier 
nommé des trois 
fils de Jéphlat, 
de la tribu d'A- 
ser. IPar.,vn,33. 




75. — La Phrygie personnifiée. 

Tête'laurée de Caracalla, à droite, épaule drapée, poitrine cuirassée. n). En haut : 1 nH. 
En exergue : AAOAIKEON NEQXOPS1N. A gauche : *PVriA ; à droite : KAPIA. Au 
milieu, la déesse urbaine « Laodicée », assise sur un trône, tourrelée, tenant de sa main 
droite étendue une statuette de Zeus Laodicien et de la gauche une.corne d'abondance ; 
devant elle, la Phrygié debout portant sur la tête le kalathos; dans sa main droite 
sont deux épis, et dans la gauche un sceptre appuyé sur son épaule. Derrière le trône 
est la « Carie » portant le kalathos et tenant un rameau et une corne d'abondance. 



PHOTINE, 

nom donné à la 

femme samaritaine convertie par Notre-Seigneur, Joa., 
rv, 6-32, sans doute parce qu'elle avait reçu la lumière 
d'en haut, ;<pwTsivri, de.çûç, «lumière». Voir S. Nil, 
Epist., il, 31, t. lxxix, col. 212; Etymolog. magnum, 
édit. Craisford, in-f>, Oxford, 1848, p. 276, 53. Le mar- 
tyrologe marque sa fête comme martyre au 20 mars. 
Voir Acta sanctorum, martii t. m, p. 80. 

PHRYGIE (grec : *puY''a), province d'Asie Mineure, 
mentionnée une fois dans l'Ancien Testament, II Mach., 
v, 22, et trois fois dans le Nouveau, Act., n, 10; xvi, 6; 
xvui, 23. Son nom lui venait de ses anciens habitants, 
les $pûysç — on trouve aussi les variantes Bpûyeç, 
Bpsiysî et BptYe; — c'est-à-dire les « hommes libres », 
suivant l'interprétation donnée à ce mot par Hésychius, 
au mot BptTfeç. Lexicon, édit. M. Schmidt, 5 in-4», Iéna, 
1858, t. i, p. 398. 

I. Limites du territoire phrygien. — Elles demeu- 
rèrent toujours assez vagues, et peut-être n'existe-t-il 
pas, en Asie Mineure, d'expression géographique dont 
il soit plus difficile de déterminer le sens d'une manière 
précise. En effet, l'étendue de la Phrygie varia beaucoup 
aux différentes époques de son histoire, ainsi qu'il sera 
dit plus bas. Pour savoir au juste ce que signifie ce 
nom, lorsqu'on le rencontre dans un ancien auteur, on 
doit donc se demander tout d'abord de quelle période 
il s'agit et quelles étaient alors, au moins en gros, les 



bornes de la Phrygie. Aux temps les plus anciens, les 
Phrygiens paraissent avoir occupé une partie considé- 
rable de la péninsule asiatique. Leur domaine allait 
jusqu'à la mer Egée et à l'Hellespont. Cf. Diodore, vn> 
11, d'après lequel, pendant vingt-cinq ans, au début du 
ix» siècle avant J.-C, ils furent maîtres de la mer. Troie 
est souvent appelée phrygienne par les vieux classiques, 
ainsi que la Lydie méridionale. Néanmoins, lorsqu'on 
parle de la Phrygie proprement dite, ou de la Grande 
Phrygie, 7) u.s-fâXr) <S?p\jyi3, par opposition à la Petite 
Phrygie, nommée aussi Phrygie hellespontide, Strabon, 
X, m, 6, on désigne surtout l'extrémité occidentale du 
grand plateau qui occupe le centre de l'Anatolie actuelle, 
avec les montagnes avoisinantes, jusque vers le fleuve 
Halys, aujourd'hui Kizil-Irmak, à l'est. Au nord, elle 
confinait à la Bithynie; au sud, à la Pisidie. On peut 
dire aussi, d'une manière plus spéciale, qu'au premier 
siècle de notre ère, la Phrygie était limitée au nord par 
la Bithynie; au sud par la Lycie, la Pisidie et l'Isaurie; 
à l'est par la Galatie et la Lycaonie ; à l'ouest par la 
Carie, la Lydie et la Mysie (fig. 76). 
II. Géographie physique. — Sous ce rapport, la Phry- 
gie présentait 
beaucoup de va- 
riété, selon les 
régions dont elle 
était composée. 
Dans son ensem- 
ble, la Phrygia 
magna consis- 
tait en un vaste 
plateau, dont l'al- 
titude moyenne 
est de 900 à 1000 
mètres. Ce pla- 
teau est coupé en 
divers endroits 
par des vallées 
profondes , en- 
tre autres celles 
du Méandre et 
de l'Hermos à 
l'ouest,du Thym- 
brios au nord- 
est, du Sangarios 
au nord, du Ly- 
cus, etc. Çà et là se dressent des groupes isolés de mon- 
tagnes, parmi lesquelles on peut citer le Dindymos, 
aujourd'hui Mourad-Dagh. Les cours d'eau sont plus 
rares au nord et au sud, plus fréquents au centre et au 
sud-ouest. Les parties de la contrée qu'arrosent des ri- 
vières étaient fertiles, et produisaient en abondance du 
blé, des fruits et du vin. Cf. Homère, II., n, 862j m, 
.184; xh, 719. Les autres districts étaient arides et peu 
productifs, notamment là région méridionale qui avoi- 
sine la Pisidie; du moins, très riches en sel — ils con- 
tiennent plusieurs lacs salés — ils convenaient fort bien 
à l'élevage des moutons : aussi la race des brebis phry- 
giennes à laine noire était-elle renommée au loin. La 
Phrygie était aussi un pays de commerce, grâce aux deux 
routes qui la traversaient et qui la mettaient en com- 
munication soit avec l'Occident, soit avec l'Orient. L'une 
allait de Byzance en Arménie, par Ancyre et Tavia ; l'autre 
partait de la côte, à l'ouest, et se dirigeait vers les passes 
du Taurus, par Sardes, Synnade et Icône, saint Paul 
dut les utiliser l'une et l'autre, la seconde surtout, du- 
rant ses courses apostoliques. — Les carrières de 
marbre n'étaient pas rares en Phrygie, non plus que 
les mines d'or, comme le témoigne la légende de son 
ancien roi, Midas. L'art phrygien fut florissant au 
IX e et au viii« siècle avant J.-C. ; il consistait surtout en 
broderies, en tapis, dans la fabrication des voitures, etc. 
— Les villes du pays étaient bâties pour la plupart dans 



333 



PHRYGIE 



334 



les vallées creusées par les fleuves; Homère vantait 
déjà leur beauté. Les principales étaient : au nord, 
Dorylseon et Kotyseon; à l'est, Amorion, Sjnnade et 
Ipsos; dans la vallée du Méandre, Kélése ou Apamée 
Kibôtos, ancienne résidence des rois phrygiens; puis 
Laodicée, t. m. col. 82; Hîérapolis, t. m, col. 702; 
Colosses, t. h, col. 860, célèbres dans l'histoire des ori- 
gines chrétiennes. 

III. Les habitants. — 1» Les Phrygiens étaient un 
peuple très ancien. D'après la tradition grecque, ils 
appartenaient à diverses tribus originaires de Macé- 
doine et de Thrace, qui avaient émigré en Asie Mineure. 
Cf. Hérodote, vu, 73; Strabon, X, m, 16; Pline, H. N., 
v, 41. Mais Hérodote, vu, 73, signale aussi leur parenté 
avec les Arméniens, et il est fort possible, comme 
l'admettent de nombreux auteurs, qu'ils aient formé 
dans la péninsule asiatique une race un peu mélangée. 
C'était un peuple doux et pacifique, efféminé même et 
passif, qui demeura sans vigueur pour résister aux 
influences étrangères; aussi fut-il débordé de toutes 




76. — Carte de la Phrygie. 

parts, aux différentes époques de son histoire, et jamais 
il n'exerça un rôle important, sous le rapport poli- 
tique, parmi les peuples anciens. 

2° Les rochers abondent sur le territoire phrygien ; 
aussi les habitants en profitèrent-ils de bonne heure, 
pour y creuser des habitations, des sanctuaires, des 
tombeaux, dont on a retrouvé de nombreux restes, 
spécialement dans le district montagneux du Sanga- 
rios supérieur. Il y a là des échantillons très intéres- 
sants de l'architecture et de la sculpture phrygiennes. 
Voir W. M. Ramsay, The Rock Necropolis of Phrygia, 
dans le Journal of Hellenic Studies, t. m, p. 1-68,156- 
263; t. v, p. 241-262. 

3» La langue des Phrygiens, autant qu'on peut en 
juger par les rares spécimens qui sont parvenus jusqu'à 
nous, appartenait à la famille indo-germanique. Voir 
de Lagarde, Gesammelte Abhandïungen, Leipzig, 
1866, p. 276-280; Lassen, dans la Zeitschrift der 
deutsch. morgenlàndischen Gesellschaft, t. x, p. 369- 
375. Elle passait pour remonter jusqu'à l'époque des 
premiers humains. Hérodote, H, 2; Pausanias, I, xiv, 
12. 

4° Les Phrygiens avaient aussi, à l'origine, leur reli- 
gion à part, dont maint détail passa dans celle des Hel- 
lènes. Leurs divinités principales étaient Men ou Manès, 
Cybèle et Attis. Au culte qu'ils leur rendaient se mê- 
laient les plus honteuses orgies. La légende religieuse 
ilorissait en Phrygie, et elle a fourni des traits abon- 
dants à la mythologie grecque, entre autres l'histoire 
de Philémon et Baucis. 

IV. Histoire de la Phrygie. — Sous le rapport 



historique et politique, cette province a passé par des 
vicissitudes multiples, dont nous n'avons à relever ici 
que les points les plus saillants. Suivant les anciens 
auteurs, cf. Hérodote, il, 2; Pausanias, I, xiv 12; Claû- 
dien, In Eutrop., n, 251, etc., il exista d'assez bonne 
heure, dans la vallée du Sangarios, un royaume auto- 
nome. Toutefois, la Phrygie ne forma que pendant une- 
période assez restreinte un État indépendant. On en- 
tend dans Homère, Iliad., u, 862 et m, 187, des échos 
de son ancienne grandeur. Parmi ses premiers rois, 
on cite Gordios, et surtout Midas, dont on a retrouvé 
naguère le tombeau, avec l'inscription « Midas, le roi ». 
Mais, entre les années 680 et 670 avant J.-C, à partir 
de l'invasion formidable des Cimmériens, l'histoire de 
la Phrygie devint « une histoire d'esclavage, de dégra- 
dation et de décomposition ». Encycl. britannica, 
9 e édit., t. xvm, p. 851. Lorsque ces terribles envahis- 
seurs eurent été expulsés d'Asie Mineure, vers la fin 
du vi e siècle ou au commencement du v e , la Phrygie 
tomba au pouvoir de Crésus, -roi des Lydiens. Un peu 
plus tard, vers 546, les Perses s'en emparèrent à leur 
tour; elle fut ensuite conquise par Alexandre le Grand, 
qui la légua à ses successeurs. Les Galates l'envahi- 
rent aussi en 278; mais, refoulés par Attale I er de 
Pergame, ils ne réussirent à garder définitivement que 
la partie nord-est du territoire. 

Lorsque les Romains furent devenus maîtres de la 
région qui avait formé la Grande Phrygie, ils en ratta- 
chèrent les districts occidentaux à la province d'Asie 
proconsulaire, sous le nom de Phrygia asiana (49 
avant J.-C), tandis que les districts orientaux et méri- 
dionaux étaient joints à la province de Galatie, sous le 
titre de Phrygia galatica (36 avant J.-C). Elle cessa 
par là-même d'avoir une existence politique séparée. 
Son nom ne reparut officiellement, comme désigna- 
tion d'une province, que vers la fin du m e siècle après 
J.-C, lors de la nouvelle division de l'empire ro- 
main. Voir J. Marquardt, Organisation de l'empire 
romain, trad. franc., t. n, Paris, 1892, p. 237-239, 313- 
314. 

V. La Phrygie et les Juifs. — Favorisés par les 
successeurs d'Alexandre le Grand, qui leur accordèrent 
en Asie Mineure des droits égaux à ceux des Grecs et 
des Macédoniens, de nombreux Israélites ne tardèrent 
pas à s'établir dans les régions phrygiennes. Josèphe, 
Ant. jud., XII, m, 4, raconte expressément qu'An- 
tiochus le Grand, roi de Syrie (224-187 avant J.-C.), 
transporta 2000 familles juives, de Mésopotamie et de 
Babylonie, en Phrygie et en Lydie. Le Talmud range ces 
Juifs de Phrygie parmi les descendants des dix tribus 
qui avaient formé le royaume schismatique du nord, 
sans doute parce qu'ils venaient de la Babylonie. Il les 
juge assez sévèrement, car il va jusqu'à dire que « les 
bains et le vin phrygiens les avaient séparés de leurs 
frères. » Ce langage figuré signifie qu'ils étaient devenus 
très relâchés sous le rapport religieux, et qu'ils avaient 
adopté sur plusieurs points les mœurs des païens. Voir 
Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris, 
1868, p. 315; Talmud Babli, Sabbath, 147 6. Cf. Act., 
xvi, 1. D'autre part, ils exercèrent eux-mêmes une 
influence salutaire sur les Gentils parmi lesquels ils 
vivaient, et ils les préparèrent ainsi à recevoir la foi 
chrétienne. Saint Luc nous apprend que, de leur côté, 
ils se convertirent en grand nombre à la religion de 
Jésus dans ces parages. Cf. Act., xm, 14, 43, 49-50; 
xiv, 19, etc. 

VI. La Phrygie dans l'Ancien et le Nouveau 
Testament. — 1» Nous ne nous arrêterons pas au pas- 
sage II Mach., v, 22, où il est simplement affirmé que 
Philippe, qui avait été nommé gouverneur de Jéru- 
salem par Antiochus Épiphane, vers l'an 170 avant 
J.-C, appartenait à la race phrygienne, tô iièv ïivoi 



335 



PHRYGIE — PHUA 



336 



2» Au premier des trois endroits où elle est mention- 
née dans le Nouveau Testament, Act., H, 10, la Phrygie 
est prise aussi dans un sens assez général. Elle y apparaît 
comme une des nombreuses contrées de la Diaspora 
d'où il était venu des pèlerins juifs à Jérusalem, pour 
assister à la fêtç de la Pentecôte : «... Ceux qui habitent 
la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, F Asie, 
la Phrygie, la Pamphilie, l'Egypte... » Dans cette énu- 
mération extraordinaire, dont on a vainement cherché 
le principe directeur, le mot « Phrygie » doit repré- 
senter tout le territoire de cette contrée, tel qu'il exis- 
tait à l'époque de saint Paul, c'est-à-dire, aussi bien la 
P/irygia galatica que la Phrygia asiana. — Les deux 
autres passages du livre des Actes où il est question de 
]a Phrygie se rapportent, l'un au second voyage aposto- 
lique de Paul et l'autre à son troisième voyage. Ils mé- 
-ritent d'être étudiés simultanément. Act., xvi, 6 : ce Ils 
(Paul et Ximothée) traversèrent la Phrygie et le pays de 
Galatie, » Tî|v ^pu-ftav xat [tt|v] ra>aTixT|v y_(ipav. Act., 
xvm, 23 : « (Paul) ayant traversé successivement le 
pays de Galatie et la Phrygie, » ttiv raXartXYjv ywpav 
xai $puf îav. Dans les deux textes, le narrateur emploie 
les mêmes termes géographiques, mais avec une 
inversion occasionnée par la direction différente que 
suivait l'Apôtre. Dans \e, premier cas, Act., xvi, 6, 
saint Paul venait de Lycaonie, et, empêché par l'Esprit- 
Saint d'annoncer l'Évangile dans l'Asie procomsulaire, 
il se dirigea vers la Bithynie, après avoir traversé une 
partie de la Phrygie et de la Galatie. Dans le second 
cas, Act., xvm, 23, l'Apôtre se proposait expressément 
de parcourir la Galatie et la Phrygie, pour se rendre de 
là à j^phèse. Si nous nous reportons à ce qui a été dit 
plus haut de l'histoire de la Phrygie, il n'est pas éton- 
nant qu'à deux reprises cette province soit ainsi associée 
à la Galatie. En effet, nous avons vu qu'avant l'époque 
de saint Paul, la Phrygie avait été démembrée par les 
.Romains et rattachée aux provinces de Galatie et d'Asie. 
Dans nos deux textes, le mot Phrygie désigne donc 
plus particulièrement la Phrygia asiana. — Selon 
d'autres, l'expression t^v <&puYÏav xil [typ'] Vcù.a-mr^ 
yâpav, ou vice versa, désignerait un seul et même 
district, qui était tout à la fois phrygien et galate : 
phrygien 'sous le rapport ethnologique, et galate sous 
le rapport politique, depuis son annexion à la Galatie. 
— Les interprètes discutent aussi sur la nature du mot 
«rpuytav dans les deux passages en question. Suivant 
les uns, il serait de part et d'autre un adjectif, de sorte 
qu'on devrait traduire, Act., xvi, 6 : « Ils - traversèrent 
la région phrygienne et galate; » Act., xvm, 13, «Ayant 
traversé la région galate et phrygienne. » .Selon d'autres, 
'fpuYcav serait au contraire un substantif, Act., xvi, 6 : 
« Ils traversèrent la Phrygie et la région galate; s 
Act., xvm, 23 : « Ayant traversé la région galate et la 
Phrygie. » D'après une troisième opinion, <I>puftcxv 
serait pris adjectivement dans le premier passage, 
Act., xvi, 6, et substantivement dans le second. Act., 
xvm, 23. L'emploi d'un seul article, du moins d'après 
la leçon la plus accréditée, semble favoriser le premier 
sentiment. Il est aussi question implicitement de la 
Phrygie au passage Act., xix, 1, peragratis superiori- 
bus partibus. En effet, d'après le contexte, les « parties 
supérieures », ainsi nommées à cause de leur altitude 
élevée, ne sont autres que les régions centrales de 
l'Asie Mineure, c'est-à-dire la Galatie et la Phrygie, 
que saint Paul venait de parcourir. 

Ainsi donc, la Phrygie eut le grand honneur de re- 
cevoir [au moins à deux reprises la visite de l'apôtre 
des Gentils, qui y jeta les premières semences de la foi 
chrétienne. On ignore cependant si c'est par lui direc- 
tement, ou par ses discipies, que furent fondées les 
Églises, si brillantes peu de temps après, de Colosses, 
de Laodicée et de Hiérapolis, situées dans la vallée du 
Lycus. En ce qui concerne celle de Colosses, il parait 



plus "vraisemblable, d'après l'épltre qui lui fut adres- 
sée par saint Paul, que l'Apôtre n'eut pas une part 
immédiate à sa fondation. Voir L.-CI. Fillion, La 
Sainte Bible commentée, t. vm, Paris, 1905, p. 395. 
Selon d'anciennes traditions, saint Jean l'évangé- 
liste aurait exercé plus tard un ministère person- 
nel dans, la même vallée du Lycus. — La Phrygie a 
joué un rôle important dans l'histoire de l'Église pri- 
mitive, et on y voit encore les restes nombreux de 
monuments chrétiens, antérieurs à l'époque de Cons- 
tantin. 

VII. Bibliographie. — Bergmann, De Asia Roma- 
norum provincia, in-8°, Berlin, 1846; l'article Phry- 
gien, dans la Realencyklopssdie der classischen Al- 
terthumswissenschaft, t. v, p. 1569-1580; Becker-Mar- 
quardt, Handbuch der rômischen Alterthûmer, Leipzig, 
1843-1867, t. m, p. 136-139, 155-162; K. Ritter, Ver- 
gleichende Erdkunde des Halbinselland.es Klein-Asien, 
Berlin, 1859-1860, t. i, p. 520-680; Ch. Texier, Descrip- 
tion de l'Asie Mineure, in-8°, Paris, 1863, p. 153-175; 
W. M. Ramsay, Cities and bishoprics of Phrygia, 
2 in-8°, Londres, .1895-1897 ; Id., Historiçal geogra- 
phy of Asia Minor, in-8», Londres, -1890; Id., The 
Church in the roman empire, in-8°, Londres, 1893; 
Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, 
in-4», Paris, 1890; t. v, La Phrygie, p. 1-235, A. Torp, 
Zu den phrygischen Inschriften aus rômischer Zeit, 
in-4°, Christiania, 1894; Id., Zum Phrygischen, Chris- 
tiania, in-4°, 18S6; G. Radet, En Phrygie : Rapport 
stir une mission scientifique en Asie Mineure, in-8°, 
Paris, 1895 (extrait des Nouvelles archives scienti- 
fiques, t. vi); K. Ouvré, Un mois en Phrygie, in-18, 
Paris, 1896; Reber, Die phrygischen Felsendenk- 
màler, in-8°, Munich, 1897; V. H. Barclay, Cata- 
logue of the greek coins of Phrygia, in-8°, Londres, 
1906. L. Fillion. 

PHRYGIEN (grec : $pû$), 'originaire de Phrygie. 
II Mach., v, 22. Un officier d'Antiochus Épiphane, 
appelé Philippe, était Phrygien d'origine. Voir Phi- 
lippe 3, col. 266. 

PHUA, nom dans la Vulgate d'une Égyptienne et de 
deux Israélites qui portent tous des noms différents en 
hébreu. 

1. PHUA (hébreu : Pùvvdh; Septante : *o-ji), le 
second des quatre fils d'Issachar. Gen., xlvi, 13; 
Num., xxvi, 33; I Par., vu, \. Ses descendants furent 
nommés les Phuaïtes. Num., xxvi, 23. 

2. PHUA (hébreu : Pû'âh ; Septante : 4>oud), une des 
deux sages-femmes égyptiennes que le pharaon char- 
gea de faire périr tous les enfants mâles qui naîtraient 
aux Hébreux. Exod., I, 15. Elle n'exécuta pas, ainsi que 
l'autre sage-femme Sèphora, les ordres du roi et lui ré- 
pondit, pour lui expliquer comment les nouveau-nés des 
Hébreux n'avaient point péri, que les femmes des Hé- 
breux n'avaient pas besoin de leur ministère. Les uns 
pensent que Sèphora et Phua étaient Égyptiennes, 
d'autres qu'elles étaient israélites. Josèphe, Ant.jud., II, 
IX, 2, est de la première opinion; la plupart des com- 
mentateurs juifs, saint Augustin, Cont. mend., xv, 
t. XL, col. 539, et beaucoup d'autres sont de la seconde. 
Les premiers allèguent que le roi d'Egypte ne pouvait 
compter que sur des Égyptiennes pour en obtenir ce 
qu'il voulait d'elles ; les seconds disent que les femme» 
israélites n'auraient pas accepté les services des femmes 
égyptiennes, et que celles-ci n'auraient pas consenti à 
servir celles-là. L'origine égyptienne de Sépliora et de 
Phua paraît plus vraisemblable. — Le nom de Phua, 

2jT % \k .1 , Poua, se lit sur une stèle du musée- 



337 



PHUA — PHURIM (FÊTE DES) 



338 



du Caire. Voir Mariette, Catalogue général des monu- 
ments d'Abydos, 882. C'était le nom d'une femme 
égyptienne qui -vivait sous la XIII e ou la XIV e dynastie. 
Voir Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques, 
supplém.,'in-8°, Leipzig, 1892, p. 704, n. 1798. Quoique 
deux sages-femmes seulement soient nommées, il 
deyait y en avoir un plus grand nombre, mais comme 
l'observe Aben-Esra, elles étaient les deux principales. 
— Dieu, pour les récompenser de leur conduite, 
« leur fit des maisons. » Exod., i, 21, c'est-à-dire fit 
prospérer leur famille. 

3. PHUA'fhébreu : Pà'âh; Septante : <ï>ouâ), de la 
tribu d'Issachar, père du juge d'Israël Thola. Jud.,x,l. 
Phua est, d'après le texte hébreu, bén-Dodô, ce que la 
Vulgate traduit « Phua, oncle d'Abimélech », et les 
Septante : « Phua, fils de son oncle. » Le plus probable 
est que Dôdô est un nom propre. Voir Dodo 1, t. H, 
col. 1459. 

PHUAITES (hébreu : hap-Puni; Septante : Srjfioç 6 
«Po-jat; Vulgate : P huait as), descendants de Phua, fils 
d'Issachar. Num., xxvi, 23. 

PHUD (Septante : $o-jS), la Pisidie, dans le texte grec 
de Judith, n, 23 (13). D'après les Septante, Holopherne 
ravagea Phud (la Pisidie) et Lud (la Lydie), etc. Voir 
Pisidie. 

1. PHUL (hébreu : Pûl; Septante : *oùX, "I>oua, 
<ï>a),(ix, «ÊcAti;; assyrien : Pulu), roi d'Assyrie, le même 
que Théglathphalasar. IV Reg., xv, 19; I Par., v, 26; 
Voir Théglathphalasar. 

2. PHUL, Pûl, dans 1* texte hébreu d'Isaïe, lxvi, 29. 
Voir Afrique, t. i, col. 256. 

PHUNON (hébreu- Pûnôn ; Septante : <f>iva>), campe- 
meut des Israélites dans le désert, entre celui de Sal- 
mona et celui d'Oboth. Num., xxm, 42-43. Eusèbe et 
saint Jérôme, Onomaslic, édit. Larsow et Partbey, 
p. 360-363, disent que $ivwv, «fouvwv, Fenon, était situé 
entre Pétra et Zoar et qu'on y exploitait des mines de 
cuivre. Saint Épiphane, flasr., lxviii, 3, t. xlii, col. 188, 
parle des ^atvïjaLa pi-raMa, de même que Thèodoret 
de Cyr, H. E., iv. 19, t. lxxxii, col. 1177, qui les ap- 
pelle «fevvrjcria piiaX).a, xottà $£vvov (et non : xaia;pév- 
v-f[i), et ils nous apprennent l'un et l'autre que beaucoup 
de chrétiens avaient été condamnés à y travailler. Cf. Ni- 
céphore, H. E., xi, 28, t. cxlvi, col. 665. Eusèbe, H. E., 
vin, 13, t. xx, col. 775, nomme quelques-uns de ces 
martyrs. Cf. aussi Eusèbe, Hist. de martyr. Palsest., 7, 
t. xx, col. 1484. Saint Atlianase, Hist. Arian. ad mon., 
60, t. xxv, col. 765, parle aussi de ces mines et dit 
qu'on y trouve prompte ment la mort. 

Le site de Phunon était donc bien connu des anciens, 
mais le souvenir s'en était complètement perdu. Il a 
été retrouvé en 1897 par le P. Lagrange. Phunon con- 
serve encore aujourd'hui son nom sous la forme à 
peine modifiée de Fendn. Le Khirbel Fendn est au 
nord-ouest de Pétra, dans l'ouadi el-Arabah, à l'est, 
voir la carte de l'Idumée, t. ni, col. 830. « Voici, dit le 
P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1898, p. 114, 
deux croupes massives qui ont l'aspect des mines de 
cuivre de Maghâra, sur la route de Suez au Sinaï. C'est 
bien le même grès d'un noir verdâtre. Au bas de la 
montagne, une ruine immense (fig. 77), dominée par 
une colline tout entière couverte de constructions. 
C'était comme l'acropole. Sur ses flancs, à l'ouest, 
deux églises orientées, partout des tas de scories, 
toutes les traces d'une puissante installation indus- 
trielle. Cet endroit n'est pas dépourvu d'un certain 
charme. Avec un peu de soin, on pouvait avoir là le 



confluent de deux ruisseaux perpétuels, l'ouadi Thana... 
et l'ouadi Fenan qui remonte vers Chaubak. L'eau était 
donc abondante; un aqueduc à peine rompu la condui- 
sait dans un grand réservoir, et la situation, un peu 
au-dessus de l'Araba, était meilleure que celle de Jéri- 
cho et de Ségor... Aujourd'hui trois bergers gardent 
(ces mines), en répétant sans le comprendre, le nom 
de la vieille tribu édomite : Kharbet Fenân. Voir Phi- 
non, col. 320. L'homophonie des noms est parfaite, 
elle a résisté aux transformations des hellénistes, le 
site est caractérisé par la présence des mines; nul 
doute que nous ne soyons à Phunon. » Cette identifi- 
cation est d'une extrême importance pour la détermi- 
nation de la route suivie par les Israélites dans cette 
partie de leur exode. Moïse put tirer des mines de 
Phunon le cuivre nécessaire pour la fabrication du ser- 
pent d'airain. Num., xxi, 8-9. Cet épisode miraculeux 
eut lieu dans cette région, et c'est là que le place la 
carte mosaïque de Madaba. — Phunon devint un siège 
épiscopal pendant les premiers siècles du christia- 



77. — Ruines de Fenân. 
D'après un croquis de la Revue biblique, 1900, p. 285. 

nisme. On trouve la suscription de quelques-uns dé ses 
évêques dans les conciles orientaux, B. Gams, Séries 
episcoporum, Ratisbonne, 1873, p. 454, et le P. La- 
grange a découvert dans les ruines de Fenân, sur un 
bloc de grès, Revue biblique, 1898, p. 449, le nom d'un 
évêque Théodore. F. Vigouroux. 

PHUR, singulier de Phurim. Esth., vin, 7; IX, 24 
26. Voir Phurim. 

PHURIM (FÊTE DES) (hébreu : yîmê hap-pûrîm, 
pûrîm ; Septante : r\\i.ipcti t<ûv «fpoupotc, $poupat; Vul- 
gate : dies phurim, phurim), fête instituée en mémoire 
de la délivrance des Juifs du temps d'Esther. 

1» Son origine. — 1. Lorsque Aman, ministre 
d'AsSuérus, voulut se venger de Mardochée en faisant 
exterminer tous les Juifs du royaume, il obtint du roi 
un édit conforme à ses désirs. Mais il restait à déter- 
miner le jour de l'extermination. Les Perses aimaienj- 
à s'en remettre au sort quand ils avaient une décision 
à prendre. Cf. Hérodote, m, 128. Au premier mois de 
l'année, qui est celui de nisan, on jeta donc le pûr r 
c'est-à-dire le sort, gôrâl, Esth., m, 7, « pour chaque 
jour et pour chaque mois, jusqu'au douzième mois, qui 
est celui d'Adar. » Le sort désigna le treizième jour du 
douzième mois, ce qui laissait aux Juifs un répit d'urte- 
année presque entière. Les Perses ne revenaient jamais 
sur une décision du sort, si peu conforme qu'elle fût 
à leurs désirs. Le 13 nisan, les secrétaires du roi expé- 
dièrent des lettres à toutes les autorités du royaume, 
pour qu'il fût procédé, le 13 adar, au massacre de 
tous les Juifs. Esth., m, 7,13. - 2. « Pour, d'où pour- 
rîm.... est une des racines les mieux connues et les 
plus fixes des langues aryennes. Par en sanscrit, por- 



339 



PHURIM (FÊTE DES) 



340 



en persan; plere en latin, plein en français, répondent 
à la même idée et communiquent le même sens à leurs 
dérivés... Il s'agit d'un instrument fatidique, nommé 
pour en langue perse, qu'on jetait devant toute personne 
désireuse de prendre l'avis du destin. Le pour rendait 
sans doute ses oracles par oui et par non... Il devait 
répondre à une question bien déterminée, posée d'une 
façon dichotomique : « Les Juifs seront-ils massacrés 
« le premier jour du mois? » Nous savons que, consulté 
jour par jour, mois par mois, le pour donna d'abord 
un avis négatif, puis, quand on appela le treizième 
jour et le douzième mois, il répondit : oui, c'est-à-dire: 
tuez. » On a découvert à Suse un prisme quadrangu- 
laire sur les faces duquel sont gravés des points, comme 
jur nos dés. Voir t. n, fig. 484, col. 1325. « Les Perses 
aimaient les jeux de hasard autant que le vin ; le petit 
monument susien ne serait-il pas un de leurs dés; et 
leurs dés, sous le nom de pour, n'auraient-ils pas 
servi à consulter le sort et à tenter la fortune? Pour, 
pas plus que cartes, urne ou dés, n'a le sens propre de 
sort, mais tous ces mots entrent dans des phrases sem- 
blables : jeter le pour, tirer les cartes, mettre la main 
dans l'urne, agiter les dés, qui éveillent toutes quatre la 
même idée : consulter le sort. L'expression perse 
pour, littéralement « plein, solide », répond même 
dans une certaine mesure à la forme du dé achéménide .» 
Dieulafoy, L'acropole de Suse, Paris, 1892, p. 362-363. 
Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit. , t. iv, p. 646-652. — 3. A la prière d'Esther, 
Aman fut condamné, et des courriers furent expédiés 
dans les provinces pour permettre aux Juifs de se 
défendre le 13 adar. A Suse, dans toutes les villes et 
dans toutes les provinces, le nouvel édit royal produi- 
sit un revirement total de l'opinion en faveur du 
peuple voué à la mort; « il y eut parmi les Juifs de la 
joie et de l'allégresse, des festins et des fêtes, et beau- 
coup de gens d'entre les peuples du pays se firent 
Juifs, parce que la crainte des Juifs les avait saisis. » 
Esth., vin, 9-17. Le 13 adar, les Juifs prirent les armes 
contre leurs ennemis et en firent périr un grand 
nombre. Esther obtint même qu'à Suse le massacre se 
renouvelât le 14. A trois reprises, le texte sacré 
remarque que les Juifs « ne mirent pas la main au 
pillage ». Eslh., ix, 1-16. — 4. Après cette exécution 
les Juifs se reposèrent le 14 adar, à Suse le 15 seule- 
ment, et ils en firent un jour de joie et de festin. Mardo- 
chée écrivit le récit de ce qui s'était passé et ordonna 
que, chaque année, le 14 et le 15 adar fussent célébrés 
par des festins, des échanges gracieux et des distribu- 
tions aux indigents. Esther et Mardochée écrivirent par 
deux fois, afin d'établir cette fête à perpétuité, en la 
faisant précéder déjeunes et de lamentations, à l'exemple 
de ce qu'Esther avait elle-même pratiqué. Esth., IV, 
16; ix, 17-32. La part prise par Mardochée à tous ces 
événements et à l'institution de la fête fit donner à 
.chacun de ces deux jours le nom de Map8ox<*Vxri ^Épa, 
Mardochsei dies, « jour de Mardochée ». II Mach., 
xv, 37. 

2» Sa célébration. — 1. La fête se célébrait pendant 
deux jours, le 14 et le 15 adar, en mémoire des deux 
jours accordés aux Juifs de Suse pour se défendre. 
Dans les années auxquelles on ajoutait un mois inter- 
calaire, le veadar (voir t. n, col. 66), on célébrait deux 
fois la fête des Phurim, qu'on appelait petit Phurim en 
adar, et grand Phurim en veadar. La veille de la fête, 
13 adar, était un jour de jeûne appelé «jeûne d'Esther». 
Mais si le 14 adar tombait un jour de sabbat, le jeûne 
du 13 était avancé d'un jour. Les règles du jeûne chez 
les Juifs eussent été trop difficiles à observer la veille 
d'un jour où était défendue même la préparation des ali- 
ments. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. Il va de soi que le 
jeûne était également avancé quand le 13 adar était 
un jour de sabbat. Du reste, on évitait que la fête 



tombât le second, le quatrième ou le septième jour de 
la semaine. — 2. La fête des Phurim ne s'introduisit 
pas sans quelque difficulté en Palestine, si l'on en croit la 
Gem. Jerus. Megilla, 70, 4. C'était une nouveauté contre 
laquelle un bon nombre protestaient. Elle finit cependant 
par être acceptée, et la mention qu'en fait le second 
livre des Machabées, xv, 37, prouve qu'en 162 avant 
Jésus-Christ, on la célébrait à Jérusalem. Elle ne com- 
portait pas de service liturgique. Aucun sacrifice 
n'était donc prescrit à cette occasion, ce qui s'explique 
par ce fait que la fête avait eu son origine en pays 
étranger. Le livre d'Esther ne prévoit d'ailleurs aucun 
exercice religieux, pas même des actions de grâces au 
Seigneur. A une époque qu'on ne peut déterminer, on 
institua des réunions dans les synagogues. Dans la 
réunion de la veille, on lisait deux passages de la Genèse, 
xxxii-xxxiv. Ce même jour, on envoyait de l'argent ou 
des dons en nature aux pauvres, afin qu'ils pussent se 
réjouir le lendemain. — 3. L'acte le plus important du 
14 était la lecture de la megillâh. Ce nom, qui signifie 
« rouleau, volume », était commun à cinq livres sacrés. 
Voir Megii.loth, t. iv, col. 932. Mais on le donnait par 
excellence et sans autre désignation au livre d'Esther, 
à cause de l'importance que lui faisait attribuer la fête 
des Phurim. Les Juifs disaient proverbialement que le 
Temple et les prophètes pourraient disparaître, mais 
jamais les Phurim ni la Megillâh, et ils croyaient que 
le Messie n'abrogerait ni la loi de Moïse ni le livre 
d'Esther. La lecture solennelle de la Megillâh se faisait 
dans les synagogues, à la lueur des flambeaux, le soir 
ou la nuit, mais à des jours différents suivant les lieux, 
le 15 adar dans les kârakîm, ou villes enceintes de 
murailles au temps de Josué, le 14 dans les autres 
villes ou 'ârim, et enfin, dans les bourgs ou kefârim, 
le second ou le cinquième jour de la semaine le plus 
voisin de la fête. Si celle-ci tombait le jour du sabbat, 
la lecture se faisait Pavant-veille. Les années où l'on 
célébrait la fête des Phurim en adar et en veadar, la 
lecture n'avaitlieu que la première fois. Cf. Megilla, i, 4. 
Le matin de la fête, on lisait le passage de l'Exode, 
xvii, 8-16, qui raconte la victoire sur lés Amalécites, 
parce qu'on supposait qu'Aman avait eu pour ancêtre 
le roi amalécite Agag, Cf. I Reg., xv, 8; Esth., m, I. 
— 4._Le traité Megilla de la Mischna a pour objet 
la manière de lire le livre d'Esther à la fête des Phu- 
rim. Cette lecture donnait lieu à des manifestations 
bruyantes, qui étaient probablement la cause de son 
interdiction le jour du sabbat, autant que l'absence du 
nom de Dieu dans le livre. Voir Esther (Livre d'), 
t. il, col. 1980. Ces manifestations, introduites à une 
époque où la fête prit un caractère de plus en plus 
profane, furent probablement la raison pour laquelle 
on fit une rédaction abrégée du livre d'Esther, dans 
laquelle n'apparaissait plus le nom de Jéhovah. 
Cf. Cornely, lntroduct. specialis in hist. V. T. libr., 
Paris, 1887, t. n, p. 436; Zschokke, Historia sacra, 
Vienne, 1888, p. 343. Quand le nom d'Aman se pré- 
sentait au cours de la lecture, on s'écriait : immah 
semô, « que son nom soit détruit ! » ou sêm resà'îm 
irqâb, « que le nom des méchants pourrisse]! » Les 
enfants battaient des mains, frappaient les bancs ou 
heurtaient à grand bruit l'un contre Vautre des mor- 
ceaux de bois ou de pierre sur lesquels ils avaient 
écrit le nom d'Aman. A la fin de la lecture, toute l'as- 
semblée poussait des acclamations : « Maudit Aman! 
Béni Mardochée ! Maudite Zarès (femme d'Aman) ! Bénie 
Esther! Maudits idolâtres! Bénis tous les Israélites! 
Béni Harbona qui a pendu Aman! » Esth., vu, 9. Dans 
leurs imprécations, les Juifs visèrent par la suite tous 
ceux qu'ils regardaient comme leurs ennemis. Parfois, 
sans doute, il leur arrivait de faire des aumônes même 
aux chrétiens pauvres, à l'occasion de la fête des Phu- 
rim. Mais d'autre fois, ils brûlaient l'effigie d'Aman 



341 



PHURIM (FÊTE DES) — PHUTH 



342 



et en même temps une croix, en haine de la foi chré- 
tienne. Théodose fut obligé de leur défendre ce sacri- 
lège. Cod. Theod., XVI, vin, 18. — 5. Les festins qui 
accompagnaient la fête des Phurim étaient joyeux et 
copieux. D'après la Gem. Megilla, vu, 2, chacun de- 
vait boire, à la fête des Phurim, de manière à ne plus 
pouvoir distinguer entre « maudit Aman » et « béni 
Mardochée ». — 6. Un certain nombre d'auteurs ont 
pensé que la fête mentionnée par saint Jean, v, 1, 
éopTT„ « une fête, » ou d'après plusieurs manuscrits 
tj êoptr), « la fête, » n'était autre que celle des Phurim. 
Mais cette fête n'obligeait pas à se rendre à Jérusalem 
«t il serait étonnant que saint Jean se fût arrêté à signa- 
ler une solennité d'un caractère si profane. Il parle 
manifestement d'une fête qui attirait à Jérusalem un 
grand concours de peuple. A la suite de saint Irénée, 
Adv. hœr., n, 22, 3, t. vu, col. 783, et conformément 
aux conclusions d'Eusèbe, Chronic., et Demonstr. 
evang-, t. xix, col. 536; t. xxn, col. 625, on croit assez 
généralement que cette fête était la Pàque. Cf. Fillion, 
Évang. selon S. Jean, Paris, 1887, p. 92, 93; Knaben- 
bauer, Evang^ sec. Joan., Paris, 1898, p. 187. — 7. Enfin, 
on a cherché à ratlacher la fête juive des Phurim à cer- 
tains usages en honneur chez les Perses. La fête ne se- 
rait qu'une adaptation, par les Juifs de Suse, d'une fête 
de printemps que les Perses célébraient annuellement. 
Selon d'autres, elle devrait son origine aux festins que 
les Perses faisaient en l'honneur des morts pendant 
dix jours, les cinq derniers jours du douzième mois 
d'abân et les cinq jours intercalaires qui suivaient. Ces 
solennités gastronomiques s'appelaient Fôrdigdn ou 
Pôrdigân, termes que reproduiraient approximative- 
ment les mots des textes grecs ^poupaî et <J>poupaïa, et 
les festins du 14 et du 15 adar n'en seraient que l'imi- 
tation. On a prétendu aussi que cette fête n'était qu'un 
prélude de la fête de la Pâque, qui tombe juste un 
mois plus tard. Cf. Riehm, HandwôHerbuch des 
biblisch. AUertums, Leipzig, 1894, t. n, p. 1264. 
Toutes ces allégations se heurtent au récit du livre 
d'Esther qui ne fait pas la moindre allusion, à propos 
de la fête des Phurim, ni à une solennité printanière, 
ni au souvenir des morts, ni à une préparation anti- 
cipée à la Pâque. Les festins sont de tous les temps et 
de tous les pays et il était naturel d'y recourir pour 
célébrer une délivrance. Ils étaient déjà prescrits aux 
Israélites dans leurs autres fêtes. Deut., xvi, 11, 14. En 
somme, l'historique de la fête des Phurim est aussi 
incontestable que celle des autres fêtes instituées après 
la captivité, celle de la Dédicace, II Mach., x, 1-8, et 
celle du 13 adar en souvenir de la mort de Nicanor. 
II Mach., xv, 36-37. — Cf. Reland, Antiquitates sacrse, 
Utrecht, 1741, p. 268-269; lken, Antiquitates hebraicx, 
Brème, 1741, p. 141-142, 336-338; W. Schickard, 
Purim sive Bacchanalia Judseorum, dans les Critici 
sacri, t. m, col. 1184; B. L. Eskuche, De festo Judseo- 
rum Purim, Marbourg, 1734. H. Lesêtre. 

PHUTH (hébreu : Pût; Septante : *oû8, Afêus«; Vul- 
gate : Phuth, Phut, Libyes, Libya, Africa), pays. 

I. Les textes. — Isaïe, lxvi, 19, sous le règne et 
vers la tin de la vie d'Ézéchias, vers 698 avant J.-C, parle 
du royaume messianique et des Juifs incrédules. Tou- 
tefois, parmi ces derniers, quelques-uns resteront 
fidèles et Dieu les enverra prêcher sa gloire aux Gentils, 
aux « Pûl » entre autres et aux « Lûd qui tirent de 
l'arc », ce que la Vulgate rend par in Africain et Ly- 
diam tendentes sagittam. Pûl est un mot qui ne se 
rencontre nulle part ailleurs et qui semble une cor- 
ruption pour Pût. Ainsi l'ont compris les Septante qui 
le traduisent par $oj6. Leur lecture a été généralement 
acceptée/ à commencer par saint Jérôme, comme 
l'insinue le mot Africa. — Nahnm, ni, 9, nous 
montre Pût et Lûbim parmi les auxiliaires de l'ar- 



mée égyptienne, tandis que KûS et 'Misraîm sont la 
force de Thèbes : Mthiopia fortiludo ejus et JEgy$>- 
tus...; Africa (Pût) et Libyes (Lûbim) fuerunt in 
auxilio tuo. Rien n'est plus exact, puisque, avant le sac 
de Thèbes (664) par Assurbanipal, l'Ethiopie dominait 
l'Egypte et ne faisait qu'un avec elle. Les Ethiopiens ne 
pouvaient donc alors être considérés comme les auxi- 
liaires de l'Egypte. Cf. No-Amon, t. iv, col. 1647. — 
Jérémie, xlvi, 9, nous apprend que dans l'armée que 
Néchao II conduit au désastre de Carchamis, 606 avant 
J.-C, se trouvent des Éthiopiens (Kûs) et des Libyens 
(Pût) armés du bouclier, et des Lydiens (Lûdîm) sai- 
sissant et lançant des flèches. Ici les Éthiopiens ne sont 
plus que les auxiliaires de l'Egypte et sur le même pied 
que Pût et Lûdim. En effet les Éthiopiens, à cette date, 
se sont retirés à Napata, et l'Egypte possède un gouver- 
nement indépendant. — Ézéchiel, xxvn, 10, place, avec 
les Perses Lûd et Pût, des Lydiens et des Libyens, 
parmi les auxiliaires de Tyr qui doit tomber, ou du 
moins se soumettre, après treize ans de siège, à Nabu- 
chodonosor, 574 avant J.-C. Cf. Maspero, Histoire de 
l'Orient classique, t. m, 1899, p. 549. Chez le même 
prophète, xxx, 5, Kûs, Pût et Lûd, l'Ethiopie, la 
Libye et les Lydiens, servent dans l'armée de Pharaon 
que Nabuchodonosor heurtera en 568, dans sa deuxième 
campagne contre l'Egypte. Cf. No-Amon, t. iv, col. 1652, 
3°. — Enfin, chez Ézéchiel, xxxvm, 5, nous trouvons 
dans l'armée de Gog, roi de Magog, avec d'autres peu- 
ples Kûs et Pût, les Éthiopiens et les Libyens. — Dans 
un passage de Judith, Septante, n, 23, Holopherne 
vient d'arriver au nord de la Cilicie; il s'engage alors 
dans les montagnes et ravage Pût et Lûd. 

II. Phuth, peuple africain. — 1° Pour Nahum, m, 
9, il n'y a pas de doute, Phuth est en Afrique. A Thè- 
bes, dont l'Ethiopie et l'Egypte sont la force, puisqu'à 
ce moment l'éthiopien Tanoutamen a succédé à son 
père, l'éthiopien Tharaca, dans le gouvernement de 
l'empire éthiopico-égyptien, Phuth fournit des auxi- 
liaires au même titre que la Libye. Les gens de Phuth 
sont donc comme les Lûdim des voisins de l'empire 
éthiopico-égyptien. — 2° Isaïe, lxvi, 19, unit les Pût 
aux Lûd, si vraiment, après les Septante, nous devons 
lire Pût au lieu de Pûl. Mais comme Lûd représente 
ici, nous dit-on, les Lydiens de l'Asie Mineure, il en 
résulte que Pût paraît être aussi un peuple delà même 
région. « Isaïe... comprend dans une énumération 
Tarsis, Phoul (Phut), Loud, Thubal, Javan, leur ap- 
pliquant la désignation commune A'iles, sous la- 
quelle l'usage biblique entend l'Asie Mineure, les 
îles de la Méditerranée, la Grèce et les îles plus 
éloignées à l'ouest. Le texte d'Isaïe nous ramène donc 
à l'Asie Mineure pour Loud en particulier et probable- 
ment aussi pour Phout. » A. Delattre, Le peuple et 
l'empire des Mèdes, Bruxelles, 1883, p. 159, note 1. A 
cela on peut répondre : le texte en question, le mot 
îles en particulier, ont-ils bien ce sens restreint? 
« Et je ferai un prodige au milieu d'eux, dit le texte 
hébreu, et j'enverrai de leurs réchappes vers les na- 
tions, àTharsis (Tartessus, port phénicien d'Espagne), 
à Pûl (Pût) et à Lûd qui tirent de l'arc, à Thubal (Ti- 
baréniens du Pont-Euxin) et à Iavan (Ioniens, Grecs) 
vers les îles lointaines, qui n'ont jamais entendu par- 
ler de moi, et ils publieront ma gloire parmi les na- 
tions. » De ceux qui auront échappé au jugement de 
Dieu, il en est donc qui iront annoncer la bonne nou- 
velle jusque chez les peuples reculés et peu connus, 
chez toutes les nations, dont quelques-unes sont nom- 
mées. Aucune limite ne leursera assignée que les limites 
des îles « les plus lointaines », c'est-à-dire de l'uni- 
vers. L'énumération d'Isaïe est si peu restrictive qu'elle 
a pour but principal de montrer que le royaume de 
Dieu sera prêché à tous. D'où il ne suit pas néces- 
sairement que les peuples réunis par l'énumération 



343 



PHUTH 



344 



soient aussi réunis par la race ou par la géographie et 
qu'il faille placer Put à côté de Lûd. Cf. Knabenbauer, 
In lsaiàm, t. h, p. 515, 517. En accordant même que 
ces deux peuples aient été voisins, rien ne nous garan- 
tit que Lûd ait eu son habitat en Lydie. Sans vouloir 
avec Ébers, Aegyplen und die Bûcher Mose's, 1868, 
p. 91, en faire des Egyptiens, Lutu, ce qui est très 

douteux comme lecture puisque le mot t=> "Se se lit 

aujourd'hui plutôt romitou; ce qui est exclu par le fait 
même que Lûd et Lûdim comptent ailleurs, .1er., xlyi, 
9; Ezech., xxx, 5, parmi les auxiliaires des Égyptiens; 
sans donc aller jusque-là, il est à propos de noter que 
si dans la Genèse, x, 22, Lûd est le quatrième fils 
ou la quatrième famille issue de Sem, Lûdim, x, 13, 
est la première famille issue de Misraïm. Il y eut donc 
à l'origine deux peuples de ce nom, l'un asiatique, les 
Lûd, l'autre africain, les Lûdim. Malheureusement, la 
(UstiafiXuyo. 4e. os.?, Aenx. ççuçV&s xxe se conserve-ças 
chez les prophètes qui emploient indifféremment et 
l'un pour l'autre Lûd et Lûdim. Cf. les passages paral- 
lèles, ,1er., xl vi, 9, et Ezech., xxx, 5. On ne peut donc 
rien conclure contre l'origine africaine des Lûd tels 
qu'ils apparaissent dans le texte de Jtrémie, à plus 
forte raison des Pût que rien n'autorise à dédoubler et 
à sortir de l'Afrique où les met clairement Nahum. On 
pourrait objecter le texte des Septante dans Judith, il, 
23.' Mais nous ne possédons pas le texte original de ce 
livre. Les noms propres surtout, dans les manuscrits 
des différentes versions, sont profondément altérés et 
divers. Cf. Vigouroux, Manuel biblique, t. n, 12 e édit., 
1906, p. 186-188. Si bien, qu'étant donnée la marche 
d'Holopherne, qui ravage la Cappadoce, puis entre 
dans la région des montagnes, c'est-à-dire la Pisidie, 
le plus probable est de déduire avec Robiou, Deux 
questions de chronologie et d'histoire éclaircies par 
les Annales d ' Assurbanipal, 1875, p. 16, que « Phut » " 
est ici pour « Phust », par suite de la chute de la 
sifflante. « En effet, en suivant cette direction, les 
massifs de la- Pisidie se présentaient devant eux (les 
Assyriens,). L'omission de la sifflante par les copistes 
suffit pour transformer en Phut le nom de cette 
contrée. » — 3° Jérémie, xlvi, 9, et Ézéchiel, xxx, 5, 
nous retiennent en Afrique avec Kus et Pût qui ma- 
nient le bouclier, quoi qu'il en soit de Lûdim et Lûd. 
Ces derniers pourraient bien être des Lydiens à 
l'époque de Néchao et d'Amasis. Les Grecs et leurs 
voisins de l'Asie Mineure sont nombreux alors dans 
l'armée égyptienne, et, peu après la seconde campagne 
de Nabuchodonosov, Amasis resserra ses liens avec eux 
en s'alliant à Polycrate de Samos et à Crésus de Lydie, 
Hérodote, ni, 39, i, 77. — 4° Ézéchiel, xxvn, 10, ne 
nous parle plus de l'armée égyptienne, mais de l'armée 
qui défend Tyr, et cette armée comprend des Perses, 
des Lûd et des Pût. A première vue, un tel groupement 
dans un tel endroit peut surprendre, et on a voulu y voir 
une « simple paranomase ». Cf. Frd. Delitzsch, Wo 
lug das Paradies, 1881, p. 252. Mais si nous nous rappe- 
lons qu'à ce moment la mer Rouge est reliée au Nit et 
à la Méditerranée, que les colonies phéniciennes sont 
disséminées en Syrie, en Mésopotamie, au golfe Per- 
sique, en Egypte, sur les différents rivages de l'Alrique, 
dans la plupart des iles de la Méditerranée, sur la mer 
Noire et en Espagne, cf. Movers, Die Phônizier, 1841- 
1856, t. il, 2, nous ne serons pas étonnés de voir Tyr 
recruter ses mercenaires jusque chez les nations les 
plus éloignées. D'ailleurs, à le bien regarder, le texte 
sacré ne nous force nullement à faire coudoyer dans 
Tyr même les gens de Pûtpar les Perses et les Lydiens. 
Ézéchiel ne borne pas sa vue à la ville de Tyr, mais il 
embrasse Tyr et tout l'ensemble de ses colonies et, pour 
ainsi dire, son rayonnement entier : « Les Perses et 
les Lydiens et Pût combattaient dans ton armée; ils 



suspendaient chez toi le casque et le bouclier et te 
donnaient de la splendeur. » Il peut très bien n'être 
question que de mercenaires soudoyés sur place pour- 
la défense des colonies phéniciennes où Tyr, métropole- 
des nations, était encore chez elle, et alors rien de 
plus naturel que les gens de Pût lui aient servi de mi- 
lice dans ses postes africains de la mer Rouge^ pendant 
que les Perses et les Lydiens jouaient ailleurs le même 
rôle, tous contribuant à la gloire et à la force de Tyr» 
Cf. Knabenbauer, In Ezechielem, p. 270-271. — 5» Ézé- 
chieî, xxxvm, 5 : Que Gog, roi de Magog, soit un per- 
sonnage historique ou non, il est ici une figure. Il 
incarne la lutte générale, et peut-être la grande et 
suprême lutte contre le royame de Dieu. Tel sera son 
prestige qu'il recrutera ses partisans dans le monde 
entier. Afin de rendre sa description plus saisissante, 
le prophète ne se contente pas de parler en général, il 
s'accommode à l'esprit de ses contemporains et il leur 
cite des peuples aux noms et aux caractères connus, 
pour leur montrer que ces adversaires seront impla- 
cables autant qu'innombrables. Il nous faut donc gar- 
der le symbole, mais en en distinguant la chose signi- 
fiée, et nous comprendrons sans peine pourquoi les 
nations africaines de Kûs et de Pût sont contenues dans 
cette énumération des contingents de l'armée de Gog, 
géographie vivante au moment où l'auteur parle, bien 
qu'elle ne doive plus l'être probablement quand se 
produiront les événements. Cf. Knabenbauer, loc. cil., 
p. 388-391. — En résumé, de l'examen de nos textes, if 
ressort qu'il n'y a qu'un peuple de Pût et qu'il est 
africain. C'est ainsi d'ailleurs que l'avaient compris les 
Septante et la "Vulgate puisqu'ils rendent toujours ce 
nom chez les Prophètes par Libyens. 

III. Pût et Pont. — Où les Septante se sont trompés, 
et, après eux, la Vulgate, c'est en identifiant Pût avec 
les Libyens. Ils ne faisaient, du reste, que suivre une 
tradition. Cf. Josèphe, Ant. jud. I, vi, 2. Cf. Pline, 
H. N., v, 13 et Ptolémce, IV, i, 3. Jusqu'à notre 
époque les interprèles de l'Écriture s'en sont tenus à 
la tradition mentionnée dans Josèphe et plusieurs s'y 
tiennent encore. Cf. Riehm, Ilandivôrterbûch des bibl. 
Allertums, 2« édit., t. il, p. 1268. Mais elle ne mérite 
aucune attention, car les anciens Égyptiens ne connu- 
rent jamais la Mauritanie marocaine. De plus, elle ne 
lient aucun compte de ce fait que l'Écriture dislingue 
à plusieurs reprises les Pût des Libyens : Lehabim et 
Lubim. Gen., x, 13; Nahum, m, 9; Ezech., xxx, 5. — 
Pour justifier la traduction de Pût par Libyes, quelques 
commentaleurs, cf. Dillmann, Genesis, 4» édit., 1882, 
p. 169, ont fait appel au mot cJ>i.ii.T, désignant la Li- 
bye et surtout la partie occidenlale du Délia. Mais on 
ne connaît pas encore en égyptien le correspondant de 
ce mot et l'on ne voit pas d'après quelles règles de 
linguistique il serait représentatif d'un terme égyptien 
équivalent à Pût et qui aurait influencé les traducteurs. 

D'autre part, des égyptologues ont comparé PûtàTy^ 
qu'ils lisent peti, pâte, « guerriers étrangers, merce- 
naires ». Cette expression vient de ^, , padit, pedet, 
», en copte nrre au masculin, fb^rr au féminin; 



« arc 
écrile 



III 



■«> llll'l' e " e désigne les « neuf arcs » que les 
statues royales foulent aux pieds et qui représentent 
les ennemis de l'Égyple. Étant donnée la lecture peti, 
pâte, elle ne serait pas sans analogie avec Pût que la 
Bible accole de l'épithète « maniant l'arc ». Par suite, 
Pût désignerait en général tous les contingents étran- 
gers, tant africains qu'asiatiques, à la solde de l'Egypte 
et même d'autres nations. Nous les trouvons, en effet, 
dans les forteresses du Delta oriental, Papyrus Anas- 
iasi, m, 6, lig. 4; 7, lig. 6; gardant les puits de la Pa- 
lestine orientale, ib., v, 11, lig. 7; à Héliopolis, ib., I, 
10, lig. 1 ; en Ethiopie, Papyrus judiciaire de Turin, 



345 



PHUTH 



346 



pi. v, lig. 3; dans l'armée fédérale des. Chétas se bat- 
tant contre Ramsès II. Lepsius, Denkmâler, Abth. in, 
165. Cf. Delattre, Lettres de Tell el-Amarna, 7 e série, 
dans Proceedings of the Society of Biblical Archse- 
ology, t. xv, 1892-1893, p. 347-34S, note de Wiedmann. 
Allant plus loin ; comme au temps des Prophètes les 
mercenaires de l'armée égyptienne étaient surtout des 
Libyens, on pourrait avancer qu'il n'était pas dérai- 
sonnable de rendre Pût par Ai6veç. A cela il n'y a 
qu'une difficulté, mais elle est capitale, c'est que la 
lecture peti, pâte est fautive, comme le prouvent les 
transcriptions assyriennes des Lettres de Tell el- 
Amarna : bitati, n. 72 de Berlin, lig. 27, pidati, n.102, 
verso lig. 59, bi-it-ta ti, n. 37 du British Muséum, 
lig. 47. Cf. Delattre, loc. cit. Or pidati et variantes 
nous donnent en égyptien pedate, pedati qui, comme 
formation, ne concorde pas avec Pût. Cf. W. M. Millier, 
art. Put, dans Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, 
t. IV, col. 177. Il est donc nécessaire de nous tourner 
ailleurs. — Le premier, E. de Rougé attira l'attention 
sur un peuple que nous rencontrons dans les docu- 
ments égyptiens de toutes les époques : | aa .'T. . 

Punt. Recherches sur les monuments qu'on peut 
attribuer aux six premières dynasties, 1866, p. 4-5. 
Il déduisait qu'on pouvait reconnaître Phuth dans le 
nom de Punt. Cf. Ebers, Aegypten und die Bûcher 
Mose's, 1868, p. 64; Brugsch, Die altaegyptische Voel- 
kertafel, p. 38, 45, 51, 59, 66, dans V e Congrès inter- 
national des Orientalistes, Berlin, 1882, w partie, 
1 er fasc, section africaine; Weisbach-Beng, Die Alt- 
persisehen Keilinschriften, 1893, p. 36-37; W. M. 
Mùller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denk- 
nwlern, 1893, p. 115. Ce dernier auteur, art. Put, loc, 
cit., ajoute : « Les Égyptiens prononçaient le t après m 
avec un son que les Grecs rendirent par 6 (cf. $oû5 
rendu constamment, non d'après l'hébreu, mais d'après 
la prononciation égyptienne), les Sémites par teth. 
Ainsi Pût est pour Pu(n)t, et cela très régulièrement. » 
L'opinion d'E. de Rougé est de plus en plus générale- 
ment admise aujourd'hui. 

IV. Race de Punt. — Le portrait des indigènes de 
Punt nous a été conservé, entre autres, par le temple 
de Deir el-Bahari, Mariette, Deir el-Bahari, 1877, 
pi. 5, 13-16; Naville, Deir el-Bahari, t. m, 1898, 
pi. lxix, lxxiv, lxxvi (XVI e Mémoire de VEgypt Explo- 
ration iund); par le Tombeau de Rekhmara, publié 
par Ph. Virey, dans Mémoires de la mission archéolo- 
gique française au Caire, t. v, fasc. î, 1889, pi. îv; par 
les constructions d'Horemheb à Karnak (muraille est 
de la Cour qui précède le dixième pylône, section com- 
prise entre le temple d'Aménophis II et le pylône lui- 
même). Cf. No-Amon, t. iv, col. 1643-1644, fig. 445 a. De 
cette dernière représentation nous lisons, Lettre de 
M. Bouriant à M. Max Mûller, dans Recueil des tra- 
vaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyp- 
tiennes et assyriennes, t. xvn, 1895, p. 41-43 : « Le 
mur (section de mur en question) se divise en deux 
parties, séparées par une porte donnant à l'extérieur 
de la Cour. La partie la plus méridionale, celle, par 
conséquent, qui est soudée directement au pylône, 
portait un grand tableau représentant le roi amenant 
à la triade thébaine un certain nombre de captifs... 
Sur la partie du mur située au delà de la porte, un seul 
peuple est représenté, mais traité en ami; il n'est ni 
enchaîné ni même relié au roi par la corde tradition- 
nelle. C'est celui de Punt, dont les chefs apportent l'or, 
la gomme et les plumes d'autruche. Le type de ces 
individus se rapproche assez du type égyptien pour 
faire croire à une commune origine ; dans tous les cas 
les chairs sont rouges, on peut encore le constater, et 
le vêtement n'est pas autre chose que celui des Égyp- 
tiens. Détail curieux à signaler : les chefs ne portent 



pas l'épifhète de ; 



W 



-w__ (khesi, « vils ») dont on est si 

prodigue envers les autres. » Sur la représentation du 
tombeau de Rekhmara, il faut faire les mêmes re- 
marques : les gens de Punt viennent en amis, leurs 
traits sont ceux des Égyptiens, leurs produits, or, 
gommes résineuses, œufs et plumes d'autruche, ivoire, 
arbre à encens, la boswellia Carteri, singes et guépard, 
« presque tout ce que l'on y voit rappelle l'Afrique 
bien plus que l'Arabie; et si quelques traits peuvent 
s'appliquer à cette dernière contrée, ils lui sont com- 
muns avec les terres extrêmes du continent africain. » 
Hamy, Etude sur les peintures ethniques d'un tombeau 
thébain de la XVIII e dynastie, p. 21, tirage à part du 
Bulletin de la Société anthropologique de Paris, X. x. 
La représentation de Deir el-Bahari est de toutes la plus 
caractéristique, malgré ses mutilations. Il s'agit d'une 
expédition pacifique envoyée à Punt par la reine Hat- 
chepsou. Cf. Naville, loc. cit., p. 11-21. En substance, 
Naville observe que la flottille égyptienne débarque sur 
une terre africaine. Les huttes des indigènes, arrondies 
et surmontées d'un toit conique, sont bâties sur pilotis, 
crainte des fauves et peut-être de l'inondation. Une 
échelle y donne accès. Elles ne diffèrent point des 
huttes qu'on retrouve aujourd'hui dans l'Afrique cen- 
trale. La faune du pays ne comporte que des espèces 
africaines : bœufs à cornes courtes, bœufs à cornes 
longues et recourbées, que de nos jours encore on 
exporte du Soudan en Egypte; girafes, chiens blancs aux 
longues oreilles pendantes, cynocéphales, singes verts, 
peaux de panthère, hippopotames. Bien africains aussi 
sont les arbres à encens ou à myrrhe, les ébéniers, 
l'or et l'antimoine. Les habitants sont plus significatifs 
encore. On remarque parmi eux trois types : deux 
sortes de nègres et les gens de Punt proprement dits. 
Des nègres, les uns ont la peau noire, et sont probable- 
. ment venus de l'intérieur pour leur commerce; les 
autres ont la peau bronzée ou rougeâtre, différents des 
premiers par leur visage ovale, leur nez fin et droit ou 
d'une courbe légère, leurs attaches délicates, leurs che- 
veux frisés, tenant le milieu entre les boucles des 
Arabes et la laine crépue des Noirs, tous traits que 
Deniker, The races of Man, p. 438, regarde comme le 
lot de la race éthiopienne, dont les Gallas, avec leurs 
épaules larges et leur tronc en forme de cône ren- 
versé sur des hanches peu développées, sont le meilleur 
spécimen. Quant aux gens de Punt, ils ont la peau 
carminée, la taille élancée et bien prise, le nez aquilin, 
la barbe longue et terminée en pointe, la chevelure 
blonde qui s'étage en petites mèches ou se divise en 
nattes soignées. Leur costume est fait d'un simple 
pagne. Si la femme du chef est difforme, si la fille est 
en voie de le devenir, c'est un genre de beauté toujours 
apprécié dans les régions du Haut-Nil. Cf. Speke, Les 
sources du Nil, édition française, 1865, p. 183; Schwein- 
furth, Au cœur de l'Afrique, édition française, 1875, 
t. i, p. 282. En tout, les gens de Punt apparaissent 
comme des Chamites, appartenant à la race rouge dont 
les Égyptiens sont une autre branche. C'est donc à tort 
que Lepsius, Xubische Grammatik, £inleitung,p. xcvi, 
et, après lui, Glaser, Punt und die sudarabische Race, 
p. 66, ont voulu en faire des Phéniciens qui fondèrent 
plus tard la colonie de Carthage. On rapproche ainsi 
les noms : Puna, Phuna, Phœnix (<t><jcvilj), Posni, Puni. 
Mais Puna, pour Punt, est une lecture incorrecte. En 
outre, l'adjectif latin punicus est dérivé du nom 
Pœnus, qui est l'équivalent exact de *oïvt£. Or, entre 
"ÊoïviÇ et Punt, il n'y a ni ressemblance ni rapport 
d'aucune sorte. La vocalisation gréco-romaine «Êoivtxsi;- 
Pœni repousse toute équivalence entre Vu ou plutôt 
le xv de Punt et Vu de Puni. Cf. Ed. Meyer, Geschichte 
des Alterthums, 1884-1902, t. i, p. 216; Bissing, Ge- 
schichte Aegyplens in Vmriss, 1904, p. 45. 



347 



PHUTH 



348 



V. Le pays de Punt. — Il est avant tout « les Échelles 
de l'encens », khetiou nou dntiou, ®~ \^ ^ i * 

S^^ ,|,, Naville, loc. cit., pi. lxxxiv, lig. 13, la 
terre des parfums par excellence, ceux que les dieux 
préfèrent et qu'à respirer les hommes éprouvent une 
joie céleste. « Je t'ai donné, dit Amon à Hatchepsou, 
tout le pays de Punt, y compris les terres des dieux de 
la Terre divine... Les Échelles de l'encens, c'est en 
vérité le lieu de mes délices. Je l'ai créé pour (y trou- 
ver) le bien de mon cœur, dans la compagnie de Moût, 
d'Hathor, d'Ourrit, dame de Punt. » Naville, loc. cit., 
lig. 10-13. Nous voyons par ce texte que Puni s'appelait 

aussi la Terre divine H ~y^~ , ta neter. Punt et Taneter 

sont d'ordinaire synonymes. Toutefois le second sem- 
ble avoir un sens plus vague et plus étendu que le pre- 
mier et l'on comprend dés lors que parfois on le place 
au nord relativement à Punt. Cf. Maspero, De quelques 
navigations des Égyptiens, 1878, p. 6. Par delà Punt 
et la Terre divine s'étendaient les régions fabuleuses, 
l'Ile des Doubles, la Terre des Esprits. — De ce qui a 
été dit, il ressort déjà que le Punt connu des Égyptiens 
. était en Afrique et l'on a pu soupçonner qu'il se trouvait 
à l'est du Nil. Les documents hiéroglyphiques vont 
nous permettre de préciser davantage. « Je suis venu, 
dit Amon à Thoutmès III, et je t'accorde d'écraser la 
terre d'Orient, de fouler aux pieds les habitants des 
contrées divines. » Mariette, Karriak, 1875, pi. xi, lig. 15. 
De même à Ramsès III : « Je tourne ma face vers 
l'Orient... : je te l'assujettis en son entier...; je réunis 
pour toi les produits de Punt, gommes odorantes, en- 
cens, cinnamome..., l'odeur agréable en est devant toi. » 
Champollion, Monuments de l'Egypte et de la Nubie, 
Notices descriptives, t. i, p. 727. Tous les matins le 
soleil arrivait de Punt chez les Mazaiou, c'est-à-dire 
d'Orient en Occident. Mariette, Papyrus de Boulaq, 
t. n. pi. xr, p. 2, lig, 4; cf. p. 1, lig. 4-5. C'est donc bien à 
l'Orient de l'Egypte que se trouvait le pays de Punt. On 
pouvait s'y rendre par les routes de terre et de mer. 
C'est par les routes de terre que Hirkhouf, prince 
d'Éléphantine, y parvint sous la VI e dynastie et en ramena 
un pygmée, comme avait fait quatre-vingts ans plus 
tôt un autre fonctionnaire de la V e dynastie. Maspero, 
Histoire de l'Orient classique, t. I, 1895, p. 396-397. 
432-433, pense que c'est par les vallées qui s'ouvrent 
vers la mer Rouge un peu avant la seconde cataracte 
que Hirkhouf toucha au pays de Punt. E. Schiaparelli, 
Ùna tomba egiziana inedita- délia VJ 1 dinastia, dans 
Atti délia R. Ace. dei Lincei, séria 4 a , t. x, 1893, 
part. 1*, Memorie, p. 22, estime que ce fut plus au 
sud encore que remonta Hirkhouf pour aller prendre 
contact avec la Terre divine, p. 48-53. Dans la suite, on 
préféra la route de Coptos par l'Ouadi Hammamat, jus- 
qu'à Qoçéyr sur. la mer Rouge. De là, des chalands ayant 
été construits sur place, on filait en course le long des 
côtes vers le sud, on percevait les tributs des terres divi- 
nes, surtout l'encens dont on avait besoin pour le culte 
des dieux. Ainsi fit Hounou, l'ami unique de Sankhara 
Mentouhotep, le dernier roi de la XI e dynastie. Lepsius, 
Denkmàler, Abth.n, pi. 150a; Maspero, loc. cit., p. 494- 
495. Ainsi fit un certain Khentkhétouer, en l'an XX VIII 
d'Aménemhat II et, il consigna son heureuse croisière 
sur une stèle de l'Ouadi Gasous. Erman, Slelen aus 
Vddi Gasûs bei Qosêr, dans Zeitschrift fur àgyptische 
Sprache, t. xx; 1882, p. 203-205. Ainsi feront tous les 
rois aux époques prospères. On n'oubliera plus le 
chemin de Punt que plus tard rendra plus abordable le 
canal du Nil à la mer Rouge. Cf. Maspero, De quelques 
navigations, p. 27-32; Naville, The Store-City'of Pi- 
thom, 4 e édit., 1903, p. 21, 33. — Jusqu'à la XII» dynas- 
tie, il semble que les Égyptiens n'aient connu de ce 
pays que la partie située à la hauteur de Souakim et 



de Massaouah, et pour cette époque seulement valent 
les conclusions documentées de Krall, Studien zur 
Geschichte des aiten Aegyptens, iv, ûas Land Punt, 
dans les Sitzungsberichte de l'Académie impériale de 
Vienne, t. cxxi, 1890, . p. 1-87; voir en particulier, 
p. 21-22. En effet, Maspero, Notes sur quelques points 
degrammaire et d'histoire, dans Recueil des travaux, 
t. xvn, 1895, p. 76-78, a montré qu'à la XII e dynastie 
l'on croyait que le Nil débouchait par là dans la mer 
Rouge, vers l'île du roi des Serpents, qui répondrait à 
l'île des Topazes des Anciens, dans la région moyenne 
du golfe Arabique. Mais sous la XVIII e dynastie, la flot- 
tille de la reine Hatchepsou parait avoir dépassé ces 
limites. Ce n'est pas sur la côte même, mais dans l'es- 
tuaire d'un fleuve que les Égyptiens débarquent, comme 
cela résulte de l'examen des représentations de Deir el- 
Bahari. Partant de ce fait, Maspero, De quelques navi- 
gations, p. 20-22, a cherché le point d'arrivée de la 
flottille dans l'une des rades accessibles, que signale le 
Périple de la mer Erythrée, § 8-11, dans Mùller, Geo- 
graphi Grseci minores, t. i, édit. Didot, p. 265-266, et 
il a songé à la rivière de l'Eléphant dont l'Ouadi, « situé 
entre le Ras el-Fil (cap Elephas) et le cap Guardafui, 
paraît avoir été assez considérable pour que des navires 
d'un faible tirant d'eau pussent y pénétrer et même y 
évoluer à leur aise. C'était là, et là seulement, qu'à 
l'époque romaine on recueillait la meilleure qualité 
d'encens; c'est là probablement que les Égyptiens d'Hat- 
chopsitou atterrirent. Ils remontèrent le fleuve jusqu'à 
l'endroit où le flux et le reflux ne se faisaient plus sen- 
tir, et ils mouillèrent en face d'un village épars sur la 
rive, au milieu des sycomores et des palmiers. » His- 
toire de l'Orient classique, t. Il, 1897, p. 245-248 et 
notes. Ils auraient donc été en pleine côte des Somalis, 
dans la région des Aromates des Anciens. Cf. Geograph. 
Grseci minores, Tabulée, pars prima, tab. xn. Naville 
ne pense pas autrement que Maspero. Cf. The tomb 
of Hatchopsîtû, Londres, 1906, p. 26, 27, 30, 31. Le 
même auteur, p. 25, fait une remarque qui vaut d'être 
notée : « J'estime une erreur, dit-il, de considérer le 
nom de Punt comme s'appliquant à un territoire aux 
limites définies, soit à un État ou royaume, soit à un 
groupe d'États. C'était une vague appellation géogra- 
phique embrassant un pays d'une vaste étendue, le res- 
sort de plusieurs nations de races diverses, sans aucun 
lien entre elles. » Il juge même, loc. cit., p. 26, que 
l'appellation s'étendait à la côte Arabique de la mer 
Rouge. Aux gens de Punt vivaient plus ou moins mê- 
lées les tribus chamitiques du désert, celles princi- 
palement qu'on appela plus tard les Troglodytes et 
les Ichtyophages (les Ababdéhs et les Bicharis de nos 
jours), les Bedjas qu'on dit les descendants des Ble- 
myes, les Sahos et les Afars de la côte Abyssine, les 
Somalis et les Gallas. Plus avancés dans les terres, 
touchant même au Nil et occupant les vallées de l'est 
à la hauteur de la deuxième cataracte, disséminés vrai- 
semblablement jusqu'à l'Atbara, étaient contigus au pays 
de Punt les Mazaiou qui fournirent de tout temps à 
l'Egypte de solides et nombreux contingents et dont le 
nom finit par devenir synonyme de soldats. Cf. le copte 
AA&.TOI. Le nom de Punt couvrit vaguement toutes ces 
régions. C'est pourquoi, sous le nom de Pût-Punt, les 
Prophètes purent désigner les mercenaires que plu- 
sieurs de ces contrées envoyaient à l'Egypte. — D'autre 
part, les Égyptiens ne connaissaient de Punt que quel- 
ques points, surtout les stations côtières qui étaient des 
entrepôts pour les produits de l'intérieur. Sur cet inté- 
rieur, ils n'avaient que de vagues idées, et l'on s'ex- 
plique que d'après leurs données obscures les savants 
aient d'abord divergé beaucoup dans la maniéré de si- 
tuer la Terre divine, qu'ils l'aient même étendue à la côte 
asiatique de la mer Rouge, à l'Yémen et à l'Hadramaut. 
Pour la bibliographie des opinions diverses ou succès- 



349 



PHUTH — PHYLACTÈRES 



350 



sives sur ce sujet, voir Maspero, loc. cit., p. 247, note 3. 
Nous devons retenir une chose surtout, c'est que les gens 
de Punt étaient de purs Africains, qu'entre eux et les 
Égyptiens il n'y eut jamais que des rapports amicaux. 
C'est en volontaires qu'ils livrent leurs tributs aux 
envoyés de Pharaon ou qu'ils les apportent en Egypte. 
Les Egyptiens, de leur côté, les traitent en frères plus 
qu'en alliés et écrivent d'ordinaire le. nom de Punt 
sans le déterminatif des peuples étrangers. Pour eux, 
Bès, Hath'or, et d'autres dieux de la vallée du Nil étaient 
originaires de Punt. Tout semble donc indiquer qu'entre 
les Égyptiens et les gens de Punt il y avait des affini- 
tés de sang et comme le souvenir d'un habitat com- 
mun : c'était apparemment les deux branches d'un 
même tronc. Et l'on est en droit de penser que les 
habitants de Punt ne sont qu'une portion des conqué- 
rants venus primitivement de l'Orient vers l'Egypte. 
Cette portion s'arrêta en route, se fixa sur la côte afri- 
caine de la mer Rouge, la dépassa même et s'enfonça 
plus ou moins dans l'intérieur, pendant que la grande 
masse des immigrants, suivant l'Ouadi Hammamat, abor- 
dait par infiltrations successives à Coptos où Pétrie a mis 
au jour les statues du dieu Min qu'il regarde comme 
les plus anciens monuments dynastiques, Coptos, 1896, 
p. 7. 9, et s'établissait dans les environs d'Abydos où se 
trouvent les tombes des premiers rois. Cf. J. Capart, Les 
débuts de l'art en Egypte, 1904, p. 278-280. Naville, La 
religion des anciens Égyptiens, 1906, p. 9-12, pense que 
les immigrants suivirent une route plus méridionale. 

Pour récapituler, les textes de l'Écriture pris dans 
leur ensemble nous obligent à situer en Afrique le 
peuple de Phuth-Pût. Or, précisément, les textes hié- 
roglyphiques nous donnent le nom d'un peuple et d'un 
pays, Punt, qui est l'équivalent exact de Pût. Ce peuple 
de Punt, d'après les produits de son sol et ses caractères 
ethnographiques est purement africain, mais africain 
étroitement apparenté aux Égyptiens avec lesquels il est 
en rapports d'amitié constants, Il couvre de son nom 
tout un groupe de tribus, chamitiques comme lui, 
qui lui sont mêlées ou contiguës, s'étendent dans la 
partie orientale du Nil, au-dessus de la première ca 
taracte jusque vers l'Atbara, pépinière de soldats pour 
l'Egypte. Quant à lui, il habite principalement les 
côtes de l'Etbaye, de l'Abyssinie, des Somalis, pénétre 
même les Gallas, faisant le commerce de ses produits 
et servant d'intermédiaire pour les produits de l'inté- 
rieur. Il marque probablement, à l'origine, la dernière 
station des futurs conquérants de la vallée du Nil dont 
il se détacha pour se fixer aux Échelles de l'encens. 

C. Lagier. 

PHUTIEL (hébreu : Pûti'êl; Septante : <£outtT)X), 
père de la femme du grand-prêtre Éléazar, fils d'Aaron 
et grand-père de Phinées. Exod., VI, 25. Voir Phinèes 1, 
col. 319. 

PHYGELLE (grec : §{ifzï\o<;, « fugitif [?] »), chré- 
tien d'Asie qui, se trouvant à Rome pendant que saint 
Paul y était prisonnier, l'abandonna, de même qu'Her- 
mogène. II Tim., i, 15. Nous ne savons pas en quoi 
consista l'abandon de Phygelle, s'il refusa simplement 
de venir en aide à saint Paul ou s'il alla jusqu'à l'apos- 
tasie. Voir Hermogène, t. m, col. 633. Ce qu'ont dit les 
anciens à son sujet, et en particulier l'Ambrosiaster, In 
Tim., i, 15, t. xvn, col. 487, est purement conjectural. 

PHYLACTÈRES (grec : çpuXaxTrjpia; Vulgate : 
phylacteria), inscriptions que les Juifs portaient à 
leur front, au bras ou à la main. 
, I. Leur origine. — l«Dans quatre passages du Pen- 
tateuque, Exod., xm, 9)16; Deut., vi,8; xi, 18, le légis- 
lateur, pour inculquer aux Israélites la nécessité de 
l'obéissance aux préceptes divins, dit que ces préceptes 
doivent être pour eux 'ôt, ^[teiov, signum, un signe 



dans la main, un zikkarôn, « mémorial, » ou des tôtâfôt 
devant les yeux. Le sens du mot tôtâfôt n'est pas bien dé- 
terminé; on ignore de quel radical il provient. Cf. Buhl, 
Gesenius' Handwôrterb., p. 295. Les Septante le tradui- 
sent par «lâXsjTOv, « quelque chose de fixe, » la Vulgate 
par appensum quid, « quelque chose de suspendu, » et 
par les verbes niovebuntvr, « seront agités, » collocate, 
«. placez. » La signification de tôtâfôt est vraisemblable- 
ment analogue à celle de 'ô{. Il s'agit de part et d'autre 
d'un signe, d'un mémorial, d'un zikkarôn, [jlvy)[i<So"Jvov, 
monumentum, objet destiné à rappeler une idée, comme 
il est dit dans' le premier de ces textes. Exod., xm, 9. — 
2° Les Juifs de l'époque évangélique pensaient que les 
recommandations du législateur devaient se prendre 
dans le sens le plus littéral. En conséquence, ils écri- 
vaient les passages indiqués par le législateur et se les 
mettaient sur le front et dans la main, au moins pen- 
dant la prière. Il est à croire que cette pratique, basée 
sur l'interprétation servile du texte sacré, n'entra en 
vigueur qu'après la captivité, quand le formalisme pha- 
risien commença à exercer son influence et à substi- 
tuer peu à peu la lettre de la loi à son esprit, les tra- 
ditions humaines aux prescriptions divines. On a un 
exemple analogue d'interprétation dans la mezuza. Voir 
Mezuza, t. iv, col. 1057. Du temps de Notre-Seigneur, 
les tôtâfôt étaient en honneur sous le nom de « phy- 
lactères ». Le divin Maître en parle sans en réprouver 
l'usage, mais seulement pour en blâmer l'abus. Josèphe, 
Ant. jud., IV, vin, 13, les mentionne sans leur donner 
de nom; il dit seulement que les Israélites écrivent et 
portent sur leur front et leur bras ce qui rappelle la 
puissance de Dieu et sa bonté envers eux. Saint Justin, 
Dial. cum Tryph., 46, t. vi, col. 576, reconnaît dans 
cet usage une prescription de la Loi. Un certain nom- 
bre d'auteurs, anciens ou modernes, sont du même 
avis; la Loi, selon eux, prescrivait réellement de porter 
- par écrit, sur le front et à la main, plusieurs de ses 
préceptes. Rosenmùller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 471, 
dit que Dieu commanda cette pratique aux Israélites 
afin de faire tourner au profit de la Loi le penchant 
qu'ils avaient pour les amulettes, à l'exemple de tous 
les peuples anciens. Il est probable que l'interpréta- 
tion littérale des recommandations sur les tôtâfôt s'ins- 
pira de la loi très positive qui concerne le sîsif. Voir 
Frange, t. h, col. 2394. On crut que les 'ôf et les tôtâ- 
fôt devaient être des objets matériels, comme les fran- 
ges. — 3° 11 n'est pas possible cependant de faire re- 
monter l'usage des phylactères au delà des siècles qui 
précèdent immédiatement l'ère chrétienne. Cf. Frz. ûe- 
litzsch, dans le Handwôrterb. des bibl. Altert. de 
Riehm, t. i, p. 310. Parmi les Juifs eux-mêmes, les 
Caraïtes ne les admettaient pas, convaincus que les 
textes allégués devaient s'entendre dans le sens figuré. 
Saint Jérôme, Ep. lu, 13, t. xxh, col. 537; In Matth., 
iv, 23, t. xxvi, col. 168, tout en affirmant par erreur que 
c'était le Décalogue que l'on écrivait sur les phylactères, 
dit que les pharisiens interprétaient mal la Loi et qu'il 
s'agissait de la porter dans le cœur et non extérieure- 
ment. De fait, dans les temps antérieurs à la captivité, 
on ne trouve aucune trace de l'usage des^hylactères. 
Saint Matthieu est le premier à en faire mention, sans 
cependant les supposer récents. Il est certain que si 
l'auteur sacré avait voulu que ses paroles fussent en- 
tendues dans un sens matériel, il s'en serait expliqué 
plus nettement, comme il le fait quand il s'agit de 
prescriptions de ce genre, à propos des franges, par 
exemple. Pour dire qu'il ne faudra jamais oublier les 
commandements divins, le législateur ajoute : « Tu les 
inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras 
dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te 
coucheras et quand tu te lèveras. » Deut., vi, 7. Ces 
recommandations n'ont pas été prises, et avec raison, 
selon la rigueur de la lettre. Pourquoi celles qui sui- 



351 



PHYLACTÈRES 



352 



vent, et qui se rapportent aux tôtâfôt, auraient-elles dû 
l'être ? Bon nombre d'expressions équivalentes se ren- 
contrent d'ailleurs dans les Livres sacrés, sans qu'on 
ait songé à leur donner une interprétation matérielle. 
Il est dit, par exemple, qu'il faut « attacher à son cou » 
la miséricorde et la vérité, Prov., m, 3, ainsi que l'en- 
seignement du père et de la mère, « lier sur ses doigts 
et écrire sur la table de son cœur » les leçons du sage. 
Prov., vil, 3, etc.; cf. Cant., vm, 6. Ces expressions 
figurées ont toujours été comprises dans le sens d'une 
grande attention, d'un soin vigilant, pour ne rien ou- 
blier de ce qu'il faut retenir et pratiquer. Les anciens 
Héhreux entendaient de même les recommandations 
relatives â la Loi. 

II. La. pratique juive. — 1° Les tôtâfôt prennent, 
dans l'Évangile, le nom de ç-jXaxrripia. Matth., xxiu, 
6. Le mot <ç>uXaxTT|piov vient de ouXoktiteiv, « garder, » 
et signifie « moyen de garder, préservatif, amulette ». 
Bien que le verbe o-jXaa-treiv ait quelquefois le sens 




78. — Phylactère pour la tête. D'après L. Cl. Fillion, Atlas 
archéologique de la Bible, 2' édit., pi. cix v 

■d' « observer une loi », cf. Bailly, Dict. gr. franc., 
p. 2104, ce sens n'a point passé au substantif et il 
n'est pas probable que l'évangéliste ou son traducteur 
le lui aient prêté, contrairement à l'usage de la langue 
grecque. D'ailleurs, le Targum sur Cant., vm, 3, voit 
dans les phylactères des amulettes contre les démons. 
Voir Amulkcte, t. i, col. 531. Il est donc à croire qu'à 
l'époque évangélique le mot tôtâfôt avait pris ce sens. 
On ne peut être étonné que les pharisiens aient re- 
gardé le port des phylactères comme l'expression par- 
faite de l'accomplissement de la Loi et comme un 
préservatif assuré contre les malédictions qui mena- 
çaient ses transgresseurs. Les rabbins ont substitué 
au terme hébreu celui de tefillîn, qui vient de tefillâh, 
« prière, a parce que les phylactères se portaient pen- 
dant la prière et qu'ils constituaient eux-mêmes une 
sorte de prière. 

2» Les Juifs attachaient la plus grande importance 
•aux phylactères. Il en est question dans quinze des 
traités de la Miscima, cf. Berachotfi, m, 1, 3; Scliab- 
-bath, VI, 2; vm, 3; xvi, 1, etc., et dans plusieurs 
Targums. Un petit traité talmudique intitulé Massecheth 
Tephillin ou simplement Tephillin, résume tout ce 



que les docteurs ont décidé sur le sujet. Maimonide 
s'en occupe dans Hilchoth Tephillin. On avait réglé 
jusque dans les détails les plus minutieux ce qui con- 
cerne les Tephillin. On en distinguait de deux sortes, 
la {efillah Sél r'os, ou phylactère pour la tête (fig. 78), 
et la (efillâh Sél yàd, phylactère pour la main, cf. Me- 
nachoih, iv, 1, ou Sél zerôa', pour le bras (fig. 79 
et 80), cf. Mikvaoth, x, 3. La tefillâh du front se" 
composait d'une petite cassette de basane, divisée en 
quatre compartiments, dans chacun desquels on enfer- 
mait l'un des quatre passages prescrits, soigneusement 
écrits sur parchemin. La cassette, appliquée sur le 




- Phylactère pour le bras. D'après Kitto, Cyclopsedia 
ofBiblical Literature, 1866, t. m, fig. 433. 

front, y était retenue par deux courroies qui se nouaient 
derrière la tête et venaient retomber sur la poitrine 
par-dessus les épaules. La tefillâh de la main ou du 
bras se composait également d'une cassette de basane, 
mais à un seul compartiment dans lequel -un même 
parchemin portait écrits les quatre passages sacrés. 
La cassette devait, selon les pharisiens, s'attacher au 
bras gauche par des courroies qui s'enroulaient ensuite 
autour de l'avant-bras, de la main et des trois doigts 
du milieu. Les sadducéens se contentaient de l'attacher 
à la main gauche, interprétant ainsi le texte plus litté- 
ralement. Les quatre passages à écrire sur les parche- 




80. — Bras avec phylactère. D'après Kitto, fig. 435. 

mins étaient les suivants : Exod., xm, 1-10, sur la fête 
des Azymes; Exod., xm, 11-16, sur la consécration des 
premiers-nés à Jéhovah; Deut., vi, 4-9, sur les com- 
mandements et principalement le premier; Deut., xi, 
13-21, sur les promesses et les menaces de Dieu au su- 
jet de l'observation ou de la transgression de la Loi. 
Comme on le voit, les deux derniers passages conte- 
naient seuls des prescriptions d'un usage quotidien, et 
l'on est en droit de trouver quelque peu singulière une 
interprétation en vertu de laquelle on était censé avoir 
devant les yeux et dans la main des préceptes dont le 
tente, écrit s\ir parchemin, était soigneusement en- 
fermé dans des cassettes. On avait autant de vénération 
pour les Tephillin que pour la Sainte Écriture, cf. Ya- 
dayim, m, 3, et l'on était autorisé à les arracher à un 



353 



PHYLACTERES — PIED 



354 



incendie, le jour du sabbat, au même titre que les 
écrits sacrés. Cf. Schabbath, xvi, 1. 

3" On prenait les phylactères pour la prière quoti- 
dienne, composée des trois passages bibliques, Dent., 
vt, 4-9; xi, 13-21, et Num., xv, 37-41. Les hommes 
seuls y étaient obligés; il n'est pas prouvé cependant 
que cette obligation ait été regardée comme stricte. 
Rien ne donne à penser que Notre-Seigneur se soit 
jamais servi des phylactères, qu'il mettait sans nul 
doute au rang des institutions humaines, et cependant 
les pharisiens, qui lui reprochèrent tant de choses, ne 
paraissent pas l'avoir blâmé de cette abstention. Sans 
y être tenues, les femmes pouvaient les porter. On ne 
les prenait pas les jours de sabbat ou de fête, parce que 
ces jours rappelaient suffisamment par eux-mêmes le 
souvenir de la loi du Seigneur. Cf. Midr. Mechïlta,\l, 
2. On s'en abstenait aussi le premier jqur d'un deuil. 
Un homme qui portait des téphillim ne devait pas 
s'approcher à plus de quatre coudées d'une sépulture. 
Il fallait se servir des deux mains, autant que possible 
pour écrire les textes qu'ils contenaient. Ces textes 
devaient toujours, même à l'étranger, être écrits en 
hébreu. Cf. Megilla, i, 8. 

4° Malgré le soin avec lequel les docteurs avaient 
réglé tout ce qui se rapportait aux phylactères, rien 
n'était déterminé, quant à la dimension des cassettes 
et des courroies. &\re&\ \&s ptamsA&tis, \o\5JoiaTS portés 
à exagérer les marques extérieures de religion, élargis- 
saient-ils à plaisir les cassettes et les courroies de leurs 
téphillim, comme pour faire entendre que la Loi tenait 
une aussi large place dans leur pensée et dans leur 
conduite que ses signes extérieurs en tenaient sur leur 
front et dans leurs mains. En réalité, ils agissaient 
ainsi « pour être vus des hommes », et, en dépit de 
cette ostentation de piété, « ils négligeaient les points 
les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et 
la bonne foi », c'est-à-dire précisément les grands 
devoirs rappelés dans les inscriptions des phylactères. 
C'est ce que Notre-Seigneur leur reproche sévèrement. 
.Matth., xxiii, 5, 23. 11 ne dit rien pourtant de l'usage 
même des phylactères, le jugeant sans doute inoffensif, 
quand on évitait d'en faire parade ou d'y attacher une 
valeur superstitieuse. 

5° Saint Jérôme, In Matlh., îv, 23, t. xxvi, col. 168, 
atteste que, de son temps, les Juifs des Indes, de Perse 
et de Babylonie se servaient encore de phylactères 
pour se donner aux yeux du peuple un air de piété, de 
même qu'ils fixaient des épines à leurs franges, pour 
faire croire qu'en les piquant, ces épines leur rappe- 
laient la Loi. 11 donne aux inscriptions des phylactères 
le nom de pictatiola ou pitlatiola, de m-z-tdyuov, 
« feuille de tablette », et il reproche à des femmes su- 
perstitieuses d'imiter les pharisiens, en portant sur 
elles de petits évangiles en guise d'amulettes. Sur ce 
genre de phylactères, voir Amulettes, dans le Dict. 
d'arch. chrét., t. i, col. 1788. Ils furent prohibés par 
le synode de Laodicée, can. 30. Cf. Hefele, Hist. des 
conciles, trad. nouvelle, Paris, 1907, t. I, p. 1018. 

Sur les phylactères juifs, voir Ugolini, De phylacteriis 
Hebrseorum, dans le Thésaurus, t. xxi; Spencer, De 
nat. et origin. P hylacteriorum, dans le De leg. Be- 
brxor. ritual., Tubingue, 1432, p. 1201-1232; Reland, 
Antiquitates hebr aicse, Brème, 1741, p. 546-547; Schû- 
rer, Geschichte des jùd. Volkes im Zeit. ) . C, Leipzig, 
t. h, 1898, p. 484-486. H. Lesëtre. 

PIANCIAN! Jean-Baptiste, savant jésuite italien, né 
à Spolète, le 27 octobre 1784, mort le 23 mars 1862. Il 
professa avec grande réputation les sciences physiques 
et mathématiques au Collège romain. Son ouvrage In 
historiam creationis mosaicam commenlatio, paru à 
Naples en 1851, in-S", a été réimprimé d'abord à 
Louvain, en 1853, puis à Paris, 1861. P. Bliard. 

DICT. DE TA BJBLE. 



PIED (hébreu : regel; Septante : _icouç; Vulgrite : 
pes), organe s'articulant à l'extrémité de la jambe de 
l'homme et posant à terre pour supporter le corps à . 
l'état de station, ou de marche. 

I. Au sens propre. — 1° Se tenir sur ses pieds, c'est 
être valide et vivant, IV Reg., xm, 21; Ezech., xxxvn, 
10; Zach., xiv, 12; I Mach., x, 72; Act., xrv, 9; xxvr, 
16; Apoc, xi, 11. — Les pieds peuvent être atteints de 
différents maux, la fracture, qui rendait inhabile au 
sacerdoce, Lev., xxi, 19; la difformité, II Reg., îv, 4; 
ix, 3, 13; la claudication, "Act., xrv, 7, etc. Chez les 
anciens, un pied votif placé dans un sanctuaire indi~ 
quait que l'on avait été guéri. Un pied votif en marbre 
blanc, mais mutilé, a été trouvé à Jérusalem, dans là 
fontaine Probatique. Il est aujourd'hui au musée ju- 
daïque du Louvre. Voir t. r, fig. 526, col. 1731. — Les 
pieds du Messie durent être percés. Ps. xxn (xxs), 




81. — Fellah conduisant avec le pied l'eau d'arrosage d'un 
jardin dans la Haute Egypte. — D'après une photographie 
prise à Miniéh et envoyée par le R. P. Jullien, S. J. 

17; Luc, xxiv, 39, 40. — A la guerre, on coupait les 
pieds et les mains des ennemis vaincus. II Reg., 
iv, 12; II Mach., vu, 4. — On liait les pieds et les 
mains de ceux qu'on voulait réduire à l'impuissance. 
Dan., m, 20; Matth., xxil, 13; Joa., xi, 44. — Le 
vainqueur mettait le pied sur le cou du vaincu, pour 
marquer sa domination et comme pour l'écraser. Jos., 
x, 24; Lam., m, 34; Rom., xvi, 20 (voir t. i, fig. 35, 
col. 227). Les êtres inférieurs servent d'escabeau aux 
pieds du supérieur, particulièrement de Dieu. Voir 
Escabeau, t. h, col. 1912. Cf. Apoc., xn, 1.-2° On 
embrassait les pieds de quelqu'un en manière de sup- 
plication ou de vénération. IV Reg., rv, 27; Matth., 
xxviii, 9; Luc, vu, 38. — On faisait des onctions sur 
les pieds du grand-prêtre, pour les consacrer. Exod., 
xxix, 20; Lev., vin, 23, et sur ceux du lépreux, pour 
lui rendre le droit à la vie sociale. Lev., xiv, 14. Voir 
Onction, t. iv, col. 1806. — 3 3 II est souvent question 
de laver les pieds. Exod., xxx, 19, etc. Voir Lavement 
des pieds, t. iv, col. 132. Il fallait avoir les pieds chaus- 
sés pour manger la Pàque, Exod., xil, 11, et les pieds 
nus dans un endroit consacré par la présence de Dieu. 
Exod., m, 5; Jos., v, 16, etc. Les prêtres servaient 
pieds nus dans le Temple. Cf. Middoth, i, 6; Schab- 
bath, i, 11. Voir t. iv, col. 910. — En certaines circon- 

V. -- 12 



355 



PIED — PIERRE (SAINT) 



356 



stances, on secouait là poussière de ses pieds. Matth., 
x, 14; Luc, x, 11, etc. Voir Poussière. En Egypte, on 
dirige aujourd'hui avec une binette l'eau dans les 
rigoles, mais autrefois on se servait aussi des pieds. 
Deut., xi, 10 (fig. 81). Voir Irrigation,' t. m, col. 927- 
929. — Au désert, par suite de la protection divine, les 
pieds des Israélites ne s'enflèrent pas, malgré la durée 
du voyage. Deut., vin, 4. — Sur Exod., iv, 25, voir 
t. iv, col. 1195. 

II. Au sens figuré. — 1° Être assis aux pieds de 
quelqu'un, c'est être placé sous sa dépendance ou sa 
protection. Deut., xxxm, 3; Ruth, m, 8. — Se jeter 
aux pieds d'un autre, c'est s'adresser à lui en humble 
esclave ou en suppliant. I Reg., xxv, 24; IV Reg., îv, 
37; Judith, xm, 20; Esth., vin, 3; Marc, v, 22; vu, 
25; Luc, vin, 41, 47; xvn, 16; Joa., xi, 32; Act, xvi. 
29, etc. Voir t. i, fig. 37, col. 236; t. h, %. 541, 
col. 1637. — Baiser les traces des pieds de quelqu'un, 
Is., lx, 14; Esth., xm, 13, ou lécher la poussière de 
ses pieds, Is., xlix, 23, c'est lui témoigner soumission 
et respect. — Mettre sous les pieds de quelqu'un, c'est 
placer sous sa domination. III Reg., v, 3; Ps. vin, 8; 
ex (cix), 1 ; Eph. , I, 22; Hebr. , H, 8. — 2° Tremper ses pieds 
dans l'huile, Deut., xxxm, 24, ou dans le beurre, 
Job, xxix, 6, c'est posséder en abondance les biens de 
la terre. Les tremper dans le sang, Ps. Lxvm 
(lxvii), 24, c'est triompher de ses ennemis. — Job, 
xxix, 15, dit qu'il a été le pied du boiteux, pour 
indiquer qu'il a exercé la charité envers les malheu- 
reux, quelle que fût leur infirmité. — 3° Les pieds qui 
trébuchent, Deut., xxxn, 35, qui errent, IV Reg., xxi, 
8; II Par., xxxm, 8, signifient l'épreuve et le malheur; 
les pieds menacés ou saisis par les lacets supposent la 
persécution. Ps. ix, 16; xxv (xxiv), 15; lvii (lvi), 7; 
cv (civ), 18; Jer., xvm, 22; Lam., i, 13, etc. Les pieds 
au large, Ps. xxxi (xxx), 9, ou sur le roc, Ps. XL (xxxix), 
3, indiquent la prospérité et la stabilité. — 4° Les pieds, 
avec lesquels on marche, sont souvent pris comme le 
symbole de la conduite, c'est-à-dire de ta manière dont 
on marche dans le chemin du devoir. Job, xm, 27; 
xxiii, 11; Ps. xiv (xm), 3; xxxvi (xxxv), 12; cxix 
(cxvni), 59, 101; Prov., i, 15; iv, 27; Eccle., iv, 17; 
îlebv., m, 13, etc. Les pieds du méchant courent vers 
le mal. Ps. xiv (xm), 3; Prov., i, 16; vi, 18; Is., lix, 
7; Rom., m, 15, etc. 

III. Locutions diverses. — Ne « lever la main et le 
pied » qu'avec la permission de quelqu'un, c'est dé- 
pendre totalement de lui. Gen., xli, 44. — « Poser la 
plante des pieds » sur un territoire, c'est l'occuper ou 
le posséder. Deut., h, 5; xi, 24; Jos., i, 3; xiv, 9. Le 
« lieu des pieds » de Jéhovah est le Temple. Is. , lx, 13; 
Ezech., xliii, 7. — « De la plante des pieds au sommet 
de la tête » désigne le corps tout entier. II Reg., xiv, 
25; Job, II, 7; Is., i, 6. — Comme on comptait souvent 
en frappant du pied, le pluriel regdlim est pris avec le 
sens de « fois » après un nombre. Exod., xxm, 14 : 
sâlos regdlim, « trois (coups de) pieds », c'est-à-dire 
« trois fois l'an tu me fêteras ». Cf. Num., xxn, 28. — 
La « voix des pieds s est le bruit que font les pieds en 
marchant. III Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32. — « Être sur 
les pieds» de quelqu'un, c'est le suivre. Exod., xi, 8; 
Deut., xi, 6; etc. — Isaïe, vu, 20; xxxvi, 12, emploie Je 
mot « pieds » pour éviter un terme grossier. L'expres- 
sion « d'entre les pieds » signifie de la descendance de 
quelqu'un. Gèn., xlix, 10;. Deut., xxvni, 57. « Couvrir 
ses pieds », Jud., ni, 24; I Reg., xxiv, 4, veut dire 
satisfaire aux besoins de la nature. Voir Latrines, t. iv, 
col. 125. H. Lesètre. 

PIEGE, engin disposé pour prendre des animaux. 
On utilise dans ce but des lacets, des filets, des fosses, 
des trappes, etc. Voir Chasse, t. n, col. 621 ; Crocodile, 
t. il, col. 1123; Filet, t. m, col. 2245; Fosse, t. m, 



col. 2329; Lacet, t.. iv, col. 11; Lion, t. iv, col. 269; 
Oiseaux, t. rv, col. 1765; Oiseleur, t. iv, col. 1774; 
Pèche, col. 4; Poissons. — Le plus souvent, les écri- 
vains mentionnent les pièges dans le sens figuré, à 
propos des embûches de toutes sortes que les méchants 
dressent contre les serviteurs de Dieu. Ps. xxxvm 
(xxxvn), 13; cxl (cxxxix), 6; Is., xxix, 21. Les prêtres 
d'Israël, en sacrifiant aux idoles, ont été pour le peuple 
comme un piège et un filet tendu. Ose., v, 1. Voir 
Scandale. Le malheur et le châtiment sont comme des 
pièges dans lesquels les hommes sont inévitablement 
pris. Eccle., ix, 12; Is., xxiv, 18; Jer., xlviii, 44; 
L, 24, etc. Il arrive que le méchant est comme pris au 
piège par ses propres iniquités. Prov., v, 22. 

H. Lesètre. 
PICQUIGNY (BERNARDIN DE). Voir Bernardin 

DE PICQUIGNY, t. I, Col. 1620. 

PIERRE (SAINT) (grec néxpoc), apôtre et chef du 
collège apostolique (fig. 82). 

I. Pierre dans les récits évangéliques. — C'est la 
période de préparation ou de formation de l'apôtre. 
Elle s'étend depuis sa vocation jusqu'à l'Ascension du 
Sauveur. 

/. PIERRE AYANT L'APPEL DE JÉSUS. — 1» Son nom. — 
Il reçut â la circoncision celui de Simon, qui, dans les 
manuscrits grecs du Nouveau Testament, apparaît sous 
la forme de Euiictiv, cf. Act., xv, 14; II Pet., i, 1, etc., ou 
de 2£[amv. Cf. Matth., x, 2 ; Marc, i, 16; Luc, v, 3 ; Joa , 
i, 41, 52, etc. La première est employée par les Septante 
comme l'équivalent du nom hébreu |iïDiir (Sim'ôri), 

qui se présente pour la première fois Gen., xxix, 33, 
pour désigner le second fils de Jacob. La seconde, qui 
se rapproche davantage de l'usage grec, est employée 
Eccli., L, 1; I Mach., Il, 1; Luc, il, 25, et souvent 
ailleurs. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., IV, m, 9. Dans 
l'idiome araméen, elle est devenue |io>D (Simon). 

Voir Dalman, Die Worte Jesu, in-8», 1898, p. 41, n. 1; 
Blass, Grammatik des neutestam. Griechisch, in-8°, 
1896, p. 30. La Vulgate dit toujours Simon. Le nom de 
Simon était très commun chez les Juifs au temps de 
Jésus-Christ. Cf. Matth., x, 4; xm, 55; xxvt, 6; xxvn, 
32; Luc, xxvn, 40; Act., x, 6. — Plus tard, Matth., xvi, 
18; cf. Joa., I, 42, Simon reçut de Jésus la dénomi- 
nation symbolique de NS'2, Kêfâ', mot araméen, 

dont on a fait en grec Kricpotç, et qui, comme l'hébreu 
*p, kêf, Job, xxx, 6; Jer., iv, 29, a la signification de 

« pierre, rocher »; en grec, néxpo;, qui, transcrit en 
latin, est devenu Petrus (masculin de petra), Pierre en 
français. Rien ne prouve que les substantifs h'êphâ' et 
lUtpot aient jamais été employés comme noms propres 
avant d'être appliqués à saint Pierre. Néanmoins, d'après 
Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah, 
t. i, p. 475, note, d'autres Juifs auraient été pareille- 
ment appelés Pétros. — On a fait les remarques sui- 
vantes au sujet de l'emploi de ces deux noms dans les 
écrits du Nouveau Testament : 1° Dans le quatrième 
évangile, la double appellation, Simon-Pierre, est la 
plus fréquente; on l'y rencontre jusqu'à dix-sept fois; 
2° dans les autres Évangiles, les deux noms n'appa- 
raissent combinés ensemble qu'à deux reprises, en des 
circonstances très importantes pour l'apôtre, Matth., xvi, 
16; Luc, v, 8; 3° après la résurrection et l'ascension, 
le titre d'honneur, Céphas ou Pierre, remplaça peu à 
peu le nom primitif Simon, comme le montre son 
emploi très fréquent (dix-neuf fois dans saint Matth., 
dix-huit dans saint Marc, seize dans saint Luc, quinze 
dans saint Jean et trèssouventau livre des Actes); 4» le 
Sauveur lui-même revient à l'ancien nom, lorsqu'il 
adresse à l'apôtre un reproche, cf. Marc, xiv, 37, ou 
un avertissement, Luc, xxii, 31 ; 5» saint Paul emploie 



357 



PIERRE (SAINT) 



358 



volontiers le nom araméen Céphas. Cf. I Cor., i, 12; 
lll,22; Gai., i, 10; h, 9,11,14. 

2» Sa patrie. — Simon était originaire de «Bethsaïde, 
la ville d'André et de Pierre », comme aussi de l'apôtre 
Philippe. Joa., i, 44. Elle était située en Galilée, non 
loin de Capharnaûm, sur la rive droite du lac de Tibé- 
riade. Plus tard, cependant, Pierre abandonna Beth- 
saïde, pour s'établir à Capharnaûm, car plusieurs textes 
évangéliques, cf; Matth., vin, 5, 14; Marc, i, 21, 29; 
Luc, îv, 31, 38, parlent de la maison qu'il possédait, ou 
du moins qu'il habitait dans cette dernière ville. 

3° Sa famille. — Les Évangiles nous fournissent 
aussi quelques renseignements intéressants sur la fa- 




82. — Statue de saint Pierre, îv* siècle, dans les cryptes 
vaticanes. D'après une photographie. Voir D. Dufresne, 
Les cryptes vaticanes, 1902, p. 14. 

mille de saint Pierre. — 1. Son père s'appelait 'Imvîj, 
d'après Matth., xvi, 17; Joa., i, 42; xxi, 15, 16,17 [textus 
receptus). Voir Jona ; t. m, col. 1603. — 2. L'Évangile 
nous apprend aussi que Simon avait un frère nommé 
André, lequel eut également l'honneur de compter 
parmi les amis privilégiés de Notre-Seigneur. 11 n'est 
pas possible de dire avec certitude lequel des deux 
frères était l'ainé; ce serait Simon, d'après la plupart 
des auteurs qui se sont occupés de cette question. — 
3. Simon s'était marié avant de recevoir l'appel de 
Jésus. Il est parlé expressément de sa belle-mère. 
Matth., vin, 14; Marc, i, 30; Luc, iv, 38. Saint Paul 
mentionne sa femme. I Cor., ix, 5. 

4° Son éducation intellectuelle et morale. — Nous 
sommes réduits sur ces deux points à de simples con- 
jectures. — 1. La vie de Simon-Pierre montre qu'il pos- 
sédait une intelligence peu commune. D'autre part, les 
membres du sanhédrin portèrent sur lui et sur son ami 
saint Jean un jugement sévère sous le rapport de l'ins- 



truction, les regardant tous deux comme « des hommes 
illettrés et des gens du peuple ». Act., iv, 13 r 
av6p<07iO! àYpâiijjLotTot... xad ÏStôTat, homines sine lit- 
teris et idiotes. Cf. S. Jean Chrysostome, Hom. xxxu, 
3, In Matth., t. lvii, col. 381. Mais il faut prendre ces 
expressions dans le sens que leur donnaient alors les 
Juifs; ainsi comprises, ^lles signifient seulement que 
les deux apôtres n'avaient pas étudié dans les écoles 
rabbiniques et qu'ils n'étaient que des hommes ordi- 
naires, sans influence, par contraste avec les docteurs 
de la loi, les prêtres, etc. Néanmoins, Simon n'était pas 
dénué de toute instruction. Depuis longtemps, en effet, 
des écoles avaient été établies dans les communautés 
juives de toute la Palestine, et les pharisiens veillaient 
à ce que l'enseignement des maîtres fût sérieux et 
solide. Voir J. Simon, L'éducation et l'instruction des 
enfants chez les anciens Juifs, d'après la Bible et le 
Talmud, in-8°, Leipzig, 3 e édit., 1879. LJidiome en usage 
dans la contrée était Paraméen occidental, dont les 
Évangélistes nous ont conservé quelques échantillons. 
Cf. Matth., xxvii, 46; Marc, v, 41; Joa., xx, 16, etc. 
Nous apprenons, Matth., xxvi, 13, que c'était la langue 
maternelle de saint Pierre ; mais de très bonne heure 
il dut comprendre et parler plus ou moins parfaite- 
ment le grec dit hellénistique (voir plus bas, col. 392;, 
qui, dans la région du lac, était connu de la plupart 
des habitants, comme l'affirment les anciens auteurs. 
De nombreux païens s'étant fixés dans ces parages, 
ce grec vulgaire servait de moyen de communication 
entre eux et les Juifs. — 2. La formation religieuse de 
Simon avait-eu lieu d'abord sous l'influence de la fa- 
mille, puis sous celle de la synagogue. Ses relations 
intimes avec Jean-Baptiste, cf. Joa., i, 35, attestent sa 
grjnle piété et la foi très vive avec laquelle il atten- 
dait le Messie. Ses discours et ses Épîtres prouvent 
qu'il connaissait la Bible, si chère à tous ses coreli- 
gionnaires; il la cite assez fréquemment, et son lan- 
gage en est tout coloré, comme il sera démontré plus 
loin (col. 393). 

5° Sa profession. — Avant d'être appelé par Notre- 
Seigneur, Simon exerçait sur la mer de Galilée le mé- 
tier de pêcheur. Matth., IV, 18; Marc, i, 16; Luc, v, 2; 
Joa., xxi, 3. Le bateau dont il se servait était sa pro- 
priété personnelle. Luc, v, 3. Les pêcheurs du lac de 
Tibériade formaient alors une classe nombreuse, car 
les poissons abondaient dans ses eaux (c'est encore le 
cas aujourd'hui), et il s'en faisait un commerce consi- 
dérable dans la Palestine entière. C'était une profession 
assez rémunératrice; aussi rien ne donne à penser que 
Pierre ait été pauvre avant de s'attacher au Sauveur; 
iien plus, nous l'entendrons lui-même affirmer plus 
tard qu'il avait conscience d'avoir abandonné, pour 
suivre Jésus, des biens qui n'étaient pas sans valeur. 
Cf. Marc, x, 28. Si les beaux horizons du lac durent 
exercer une impression durable sur l'âme sensible et 
ardente de Pierre, il est très juste aussi de dire que 
son rude métier, accompagné de tant de privations, de 
fatigues et de périls, ne contribua pas peu à développer 
son énergie, sa persévérance, son activité et son habi- 
leté pratique. 

II. LES APPELS SUCCESSIFS DE SIMON PIERRE. — 

Nous devons en distinguer trois, d'après les récits très 
nets et très formels des Évangélistes. Le premier, seu- 
lement préliminaire, établit entre Jésus et Simon de 
simples relations d'amitié. Le second fut décisif : il fit 
du pêcheur de Galilée un disciple du Sauveur dans le 
sens strict. Le troisième fut d'un ordre encore plus 
relevé, puisqu'il transforma Pierre en apôtre du 
Christ. 

1° Première rencontre de Jésus et de Simon, et pre- 
mier appel de ce dernier. — C'était sur la rive orien- 
tale du Jourdain, à Béthanie ou Bethabara. Joa., i, 28. 
André et celui qui fut plus tard le disciple bien-aimé 



359 



PIERRE (SAINT) 



360 



(par conséquent, le narrateur lui-même) s'étaient mis 
à la suite de Jésus, que le précurseur, dont ils étaient 
les" fervents disciples, leur avait désigné comme 
l'Agneau de Dieu. En revenant, tout ému, d'auprès de 
celui en qui il avait reconnu le Messie, André trouva 
son frère, qu'il se hâta de conduire au Sauveur. Re- 
gard pénétrant du Christ sur Simon (è[iëXé^a;), accom- 
pagné de cette parole, qui révélait tout l'avenir du futur 
chef de l'Église : « Tu es Simon, le fils de Jean; tu 
seras appelé Pierre. » C'est-à-dire : jusqu'à ce jour tu 
n'as été qu'un homme ordinaire; bientôt tu seras trans- 
formé, et tu deviendras un rocher inébranlable, sur 
lequel je bâtirai un glorieux édifice. Toutefois, ici, le 
nom de Céphas ou de Pierre est seulement promis à 
Simon; il ne le recevra d'une manière proprement dite 
qu'après sa noble confession. Cf. Matth., xvi, 18. 11 est 
probable que Simon avait alors un peu plus de trente 
ans, car on suppose qu'il était un peu plus âgé que 
Notre-Seigneur. Après cet appel, il demeura pendant 
quelque temps auprès de son nouveau Maître, qu'il 
accompagna, avec son frère André, ses amis Jacques 
et Jean, Philippe et Nathanaël, d'abord en Galilée, où 
il fut témoin du changement de l'eau en vin à Cana, 
puis à Jérusalem pour la fête de Pâque, et de nouveau 
en Galilée, après avoir traversé la Samarie. Le petit 
groupe se dispersa alors pour un temps. Cf. 
Joa., n-rv. 

2° Second appel. — 11 fit de Simon le disciple pro- 
prement dit du Sauveur, et eut lieu après la première 
Pâque de la vie publique de Jésus. 11 est raconté par 
les trois synoptiques. Cf. Matth., iv, 18-22; Marc, I, 
16-20; Luc, v, 1-11. Les récits de saint Matthieu et de 
saint Marc sont presque identiques; celui de saint Luc 
en diffère notablement pour les détails, à tel point que 
divers commentateurs ont supposé qu'il y est question 
d'un épisode distinct. Mais la ressemblance générale est 
trop grande entre les trois narrations, pour qu'elles se 
rapportent à des faits différents. Tout s'explique, si 
l'on admet que saint Luc raconte plus explicitement 
les circonstances de l'appel, et met en un plus saisis- 
sant relief la personnalité de Pierre. D'ailleurs, de 
part et d'autre nous apprenons que Simon fut appelé 
par Notre-Seigneur tandis qu'il exerçait ses fonctions 
de pêcheur, et que ces mêmes fonctions lui furent 
présentées comme un symbole de son rôle futur : 
« Ne crains point; désormais, ce sont des hommes 
que tu prendras vivants. » Une pêche miraculeuse fut 
associée à sa vocation. André, Jacques et Jean devinrent 
en même temps que lui les disciples de Jésus, et, 
comme lui, ils quittèrent tout sans hésiter, pour s'atta- 
cher définitivement à Notre-Seigneur. Depuis ce mo- 
ment, Simon vécut auprès du divin Maître, recevant de 
lui chaque jour, avec, les autres disciples, la formation 
nécessaire pour la haute destinée qui lui était réservée. 
Les Évangélistes ne mentionnent, à cette époque, que 
d'assez rares incidents auxquels il fut personnellement 
mêlé. Il eut l'honneur de donner l'hospitalité au 
Sauveur dans sa maison de Capharnaùm, durant l'après- 
midi d'un jour de sabbat, et Jésus l'en récompensa en 
guérissant sa belle-mère, malade de la lièvre. Cf. Matth., 
vm, 14-15; Marc, i, 29-31; Luc, rv, 38-39. Le lende- 
main, comme le Sauveur était sorti de grand matin pour 
prier, la foule, que ses nombreux miracles avaient jetée 
dans l'enthousiasme, le cherchait avec anxiété; « Pierre 
et ceux qui étaient avec lui » (Marc, 1, 36 : formule 
remarquable, dans laquelle les exégètes reconnaissent 
à bon droit « la primauté par anticipation ») allèrent 
dans toutes les directions pour le retrouver. Il leur fit 
alors évangéliser une partie de la Galilée. Marc, i, 39; 
Luc, rv, 43-44. 

3° L'appel à l'apostolat et les divers incidents qui 
le suivirent. — Cet appel, le plus solennel de tous, eut 
pour thrâtre probable le sommetdela montagne nommée 



Kouroûn-Hattîn, qui se dresse à peu près en face de 
Tibériade7 à environ trois heures du lac de Génésareth. 
Dans la région, c'est vraiment « la montagne » par 
excellence Ixo ô'poç, avec l'article). Voir Stanley, Sinai 
and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent 
aussi cet! événement, qui fut d'une gravité exception- 
nelle dans la vie de Jésus. Cf. Matth., x, 1-4; Marc, tu, 
13-19; Luc, vi, 12-16. Saint Marc et saint Luc en font 
ressortir l'importance par les formules solennelles qui 
introduisent leurs narrations. Un trait spécial est à 
noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois 
listes du corps apostolique citées à cette occasion, 
comme aussi dans la quatrième, que nous fournit le 
livre des Actes, i, 13, il est toujours mentionné le pre- 
mier, quoique la plupart des autres Apôtres n'obtiennent 
pas constamment la même place. Saint Matthieu appuie 
sur cette circonstance d'une façon particulière, car, 
après avoir ouvert sa liste en ces termes : « Voici les 
noms des douze apôtres : le premier Simon, qui est 
appelé Pierre, » il cesse tout à coup de signaler d'autres 
numéros d'ordre, et continue en disant : « Et André, 
son frère; Jacques... et Jean... » Les Pères, les doc- 
teurs et les commentateurs catholiques, et même d'assez. 
nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait 
la preuve de la primauté très réelle que saint Pierre 
exerçait sur ses collègues lorsque l'Évangéliste com- 
posa son récit. D'ailleurs, cette primauté sera bientôt 
confiée à Simon par Notre-Seigneur en un langage 
encore plus saisissant. Et puis, « ce n'est pas seule- 
ment en cet endroit que Pierre occupe le premier rang 
dans le collège apostolique ; l'histoire évangélique lui 
fait jouer presque à chaque page un rôle prééminent. 
Tantôt il parle au nom de tous les autres disciples, 
Matth., xix, 27; Luc, xn, 41; tantôt il répond lorsque 
les Apôtres sont interpellés en commun par leur Maître, 
Matth., xvi, 16, etc; quelquefois Jésus s'adresse à lui 
comme au personnage principal, même parmi les dis- 
ciples privilégiés. Matth., xxvi, 40; Luc, xxn, 31. Ces 
détails, sans parler d'autres traits plus frappants encore, 
auxquels nous arriverons bientôt, forment le meilleur 
commentaire des mots Primus Petrus. » L.-Cl. Fillion, 
Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. 24. 

4° Entre l'appel de saint Pierre à l'apostolat et la con- 
fession glorieuse qui lui méritera d'être élevé à une 
dignité encore plus haute, nous ne connaissons qu'un 
très petit nombre d'incidents auxquels il ait pris une 
part directe. — 1. Saint Luc, vm, 45, cite une réflexion 
familière qu'il fit à Jésus au moment de la guérison de 
l'hémorrhoïsse : « Maître, les foules vous pressent et 
vous accablent, et vous dites : Qui m'a touché ? » Comme 
précédemment, saint Marc se sert à cette occasion de 
la formule remarquable « Pierre et ceux qui étaient 
avec lui ». Quelques instants après, Simon était choisi, 
avec les fils de Zébédée, à l'exclusion des autres Apôtres, 
pour être témoin de la résurrection de la fille de Jaïre,. 
Marc, v, 37; Luc, vm, 51. C'est grâce à lui sans doute 
que saint Marc, son fils spirituel et son « interprète », 
nous a conservé la parole principale du Sauveur sous 
sa forme primitive : Talitha coumi, Marc, v, 41. — 
2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint 
Matthieu, xiv, 28-32, raconte immédiatement après la 
première multiplication des pains. Pierre nous appa- 
raît dans cet épisode avec tous les traits distinctifs de 
son caractère : il est tout d'abord ardent, plein d'entrain 
et de courage, puis il se laisse tout à coup abattre 
par la difficulté : « Maître, si c'est vous, ordonnez que 
j'aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et 
Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau 
pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il 
eut peur; et comme il commençait à enfoncer, ibs'écria i 
Seigneur, sauvez-moi. Et aussitôt Jésus, étendant 1» 
main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, 
pourquoi as-tu douté? » — Quelques heures se passent, 



361 



PIERRE (SAINT) 



362 



et c'est une foi très vive, comme aussi un amour géné- 
reux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maître. 
Jésus venait de prononcer dans la synagogue de Caphar- 
naum, le discours où il promet la sainte Eucharistie. 
Joa., vi, 22-59. D'assez nombreux disciples furent 
choqués de ses paroles, qu'ils interprétaient d'une 
manière toute charnelle. Resté seul avec les Douze, le 
Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous 
voulez aussi me quitter? » Aussitôt, Pierre répondit au 
nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction : 
« Seigneur, à qui irions-nous? Vous avez les paroles 
de la vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous 
avons connu que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu » 
(ou, d'après une variante qui pourrait bien avoir été 
la leçon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c'est-à- 
dire, celui que Dieu a consacré, mis à part, pour accom- 
plir le rôle qui lui a été destiné). Cf. joa., VI, 60-72. 
L'apôtre regardait donc alors Jésus comme le vrai Messie. 
— 3. Vers cette époque, les scribes et les pharisiens re- 
prochèrent aux disciples de se dispenser des ablutions 
traditionnelles qui précédaient les repas. Jésus prit 
énergiquement la défense des siens, et prononça à cette 
occasion la parole célèbre : « Ce n'est pas ce qui entre 
dans la bouche qui souille l'homme. » Pierre, qui ne 
le comprit point, en demanda l'explication : « Inter- 
prétez-nous cette parabole. » Matth., xv, 1-20. 

M. LA PROFESSION DE FOI SE SIMON PIERRE ET SA 

récompense. — 1° L'occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15; 
Marc, vin, 27-29 ; Luc, ix, 18-19. — Jésus a commencé 
de rassembler les brebis dispersées d'Israël, et il a 
institué des pasteurs pour les nourrir et les diriger; 
mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu'il aura 
quitté cette terre, un pasteur suprême des âmes, et il 
va maintenant l'établir. Ce fait mémorable eut lieu 
dans la Galilée du nord, au pied de l'Hermon, non 
loin de Césarée de Philippe. Jésus approchait de la 
ville; tout à coup, au sortir d'une prière solitaire, il 
posa aux Douze, dont il était entouré, cette question, 
destinée à préparer les révélations qui suivent : « Que 
disent les hommes qu'est le Fils de l'homme? » C'est- 
à-dire : Quel jugement porte-t-on à mon sujet? La réponse 
des Apôtres fournit un compte rendu très exact des dif- 
férentes opinions qui avaient cours en Israël au sujet 
de leur Maître : « Les uns, qu'il est Jean-Baptiste ; les 
autres, Élie; les autres, Jérémie ou quelqu'un des 
prophètes. » La masse du peuple considérait donc 
Jésus, à cette époque de sa vie publique, comme un 
personnage extraordinaire; mais beaucoup avaient cessé 
de le regarder comme le Messie, parce qu'il s'était 
refusé à flatter leurs préjugés grossiers. Jésus reprit : 
« Et vous (vous, mes disciples privilégiés, qui me con- 
naissez mieux que personne), qui dites-vous que je 
suis? » La crise terrible de sa passion approche, et il 
veut savoir s'il pourra compter, pour continuer son 
œuvre, sur ceux qu'il avait le plus aimés. 

2» Confession de Pierre. — 11 répondit au nom de 
tous. Saint Marc, vin, 29, et saint Luc, îx, 20, ne donnent 
qu'un résumé de sa profession de foi; mais saint 
Matthieu, xvi, 16, l'a conservée plus complètement : 2ù 
et ô XpioToç, ô vi'oç toû 6)îoî toO Çôj'/toç. La définition 
que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'éner- 
gique (notez l'emploi de l'article devant tous les mots 
capables de le recevoir) ; la nature et le rôle uniques de 
Jésus y sont nettement marqués. Simon reconnaissait 
en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais 
le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. Il n'est 
pas douteux que telle est ici la signification des mots 
Filius I)ei viventis, comme l'ont toujours affirmé, à la 
suite des Pères, les exégètes et les théologiens catho- 
liques, et même de nombreux écrivains protestants. Si, 
dans la pensée de Pierre, ce second titre était un simple 
synonyme du premier, comme le prétendent les com- 
mentateurs rationalistes, Jésus n'aurait pas pu le félici- 



ter et lui dire qu'il avait parlé en vertu d'une révéla- 
tion spéciale; en effet, les Apôtres savaient depuis 
longtemps que leur Maître était le Christ. Le second 
titre explique donc et développe le premier : le Messie, 
tel que Pierre se le représentait, était réellement le 
Fils de Dieu. 

3° Récompense de Pierre. — Ce passage est propre 
à saint Matthieu, xvi, 17-19. Jésus répondit à l'apôtre : 
«Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâ- 
tirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront 
point contre elle; et je te donnerai les clefs du royaume 
des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié 
aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la 
terre sera aussi délié dans les cieux. » Dès sa première 
rencontre avec le fils de Jonas, Jésus lui avait prédit 
qu'il serait appelé Kêfa'. Cf. Joa., i, 43. Voir plus haut, 
col. 356. Il lui donne maintenant ce nom symbolique; 
et part de là pour l'instituer chef de son Église, com- 
parée à un édifice spirituel. « Sur cette pierre », c'est- 
à-dire, comme il ressort évidemment du texte, sur 
Simon lui-même, en tant qu'il était Kêfa', rocher 
mystique. C'est à tort qu'on a interprété parfois ces 
mots comme il suit : sur Jésus en personne; ou bien, 
sur cette confession de Pierre; ou encore : sur le collège 
apostolique uni à Pierre. Bâtie sur ce roc d'une soli- 
dité à toute épreuve, l'Église de Jésus sera elle-même 
à jamais inébranlable; les portes (la partie pour le 
tout) de l'enfer, ou plus exactement, du séjour des 
morts (iriiai ïfiou) envisagé comme une citadelle dont 
les portes ont une solidité extraordinaire, seront im- 
puissantes contre elle. Ce sombre séjour, à la puissance 
duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera 
donc pas de l'Église du Christ. — Les images suivantes 
expliquent la première. Celle des clefs se rattache très 
naturellement à celle de la construction mystique qui 
est l'Église. Elle fait de Pierre l'intendant suprême, le 
chef visible de ce bel édifice, puisque celui qui possède 
les clefs d'une maison, et qui a le droit de s'en servir 
pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble, 
jouit par là même d'une autorité sans limite sur la mai- 
son. Cf. Is., xxii, 22; Apoc, i, 18 et m, 7. La figure : 
<c Tout ce que tu lieras... » est encore plus expressive 
pour marquer une puissance absolue; en effet, le Sau- 
veur affirme ainsi que toutes les décisions de Pierre se- 
ront ratifiées par Dieu lui-même. Les rabbins emploient 
souvent les verbes lier et délier dans le sens d'inter- 
dire et de permettre. Voir Edersheim, Life and Times 
of Jésus the Messiah, t. n, p. 84; Dalman, Worte Jesu, 
p. 174-178. Ils signifient plutôt dans ce passage : con- 
damner et acquitter. — Sans doute, Jésus devait dire 
plus tard à tous les Apôtres, presque dans les mêmes 
termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié 
aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la 
terre sera délié aussi dans le ciel. » Cf. Matth., Xvm, 18. 
Mais, comme le remarque très bien Bossuet, Discours 
sur l'unité de l'Église, 1" point, « cette parole ■. Tout 
ce que tu lieras,... dite à un seul, a déjà rangé sous sa 
puissance chacun de ceux à qui on dira : Tout ce que 
vous remettrez... Il y a donc dans la chaire de Pierre 
la plénitude de la puissance. » La primauté de Pierre 
et l'indéfectibilité de l'Église, telles sont donc les pro- 
messes faites ici par Jésus. 

IV. DEPUIS LA PROMESSE DE LA PRIMAUTÉ JUSQU'A 

LA passion SU SAUVEUR. — • 1° Le fils de Jonas se fait 
le tentateur de Jésus. Matth., xvi, 21-23; Marc, vin, 
31-33. — Cet épisode, qui eut lieu aussitôt après la 
confession de Simon-Pierre, ne nous présente pas 
l'apôtre sous un jour aussi favorable. « La chair et le 
sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme 
Jésus, pour préparer de plus en plus ses amis les plus 
intimes à l'épreuve redoutable qui les attendait, venait 
de leur annoncer pour, la première fois, en termes 
très clairs, la proximité de sa passion, le cœur aimant 



363 



PIERRE (SAINT) 



364 



de Pierre en fut terrifié; il ne pouvait comprendre en- 
core que le Christ dût subir une telle humiliation. Le 
prenant donc à part, il s'écria : « A Dieu ne plaise, 
Seigneur! cela ne vous arrivera pas. » Se détournant 
de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jésus lui dit : 
« Va-t-en derrière moi, Satan; tu m'es un objet de 
scandale, car lu n'as pas le goût des choses de Dieu, 
mais des choses des hommes. » C'est par le même lan- 
gage que le Christ avait autrefois chassé loin de lui le 
démon en personne, à la suite de sa tentation dans 
le désert. Matth., iv, 10. En çffet, Pierre, guidé en ce 
moment par des pensées et des sentiments tout humains, 
ne tendait à rien moins qu'à empêcher Jésus d'accom- 
plir la volonté de Dieu. 

2° Pierre sur la montagne de la Transfiguration. 
Matth., xvii, 1-8; Marc, ix, 1-7; Luc, ix, 28-36. — Ce 
grand miracle, qui tient une place si importante dans 
la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seule- 
ment après les faits qui précèdent. Simon-Pierre eut 
le grand honneur d'être choisi par son Maître pour en 
être témoin, avec les deux fils de Zébédée. Ici encore, 
il joua un rôle spécial, très conforme à son tempéra- 
ment ardent et à sa tendre affection pour Notre- 
Seigneur. Au moment le plus solennel du mystère, 
lorsqu'il vit que Moïse et Èlie étaient sur le point de se 
retirer, il s'écria : « Seigneur, il est bon pour nous 
d'être ici; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une 
pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne 
respirait que bonheur et suavité sur la sainte mon- 
tagne, et il aurait voulu que ces instants délicieux 
fussent à jamais prolongés. « Il ne savait ce qu'il 
disait, » fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son 
extase, il oubliait que de telles joies ne sauraient durer 
indéfiniment ici-bas. Un passage de sa II 8 Épître, î, 16- 
18, composée environ trente-cinq ans plus tard, décrit, 
en quelques traits pleins de vie, le mystère de la 
Transfiguration, le citant comme une preuve incontes- 
table de la certitude parfaite des vérités prêchées par 
les apôtres. 

3» Le miracle du didrachme. — Il est placé un peu 
plus tard dans le récit de saint Matthieu, xvn, 23-26. 
Un jour que Jésus et ses apôtres revenaient à Caphar- 
naûm, les collecteurs de l'impôt du Temple, n'osant 
peut-être pas s'adresser directement à Notre-Seigneur, 
demandèrent à Pierre, qui était connu dans la ville : 
« Votre Maître ne paie-t-il pas le didrachme? » c'est-à- 
dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon ré- 
pondit affirmativement; mais il s'était trop avancé, en 
engageant son Maître sans le consulter. Celui-ci lui 
démontra donc qu'en tant que Messie il n'était pas tenu 
de payer ce genre d'imposition. Toutefois, pour ne pas 
être une occasion de scandale, il consentit à acquitter 
le tribut; mais, voulant en même temps attester ses 
droits, il se procura par un prodige la somme qu'exi- 
geait la loi. 

4° La suite du récit évangélique mentionne encore, 
vers cette époque, trois questions du prince des 
apôtres. Elles manifestent son esprit pratique, et aussi 
l'attention intelligente avec laquelle il écoutait les le- 
çons du Sauveur. — La première concerne le pardon des 
injures, vertu toute chrétienne que Jésus venait de re- 
commander instamment : « Seigneur, combien de fois 
pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il aura péché contre 
moi? Jusqu'à sept fois? » Non, ce n'était pas assez : 
« Jusqu'à soixante-dix-sept fois, » sans fin. Cf. Matth., 
xviii, 21-22. Dans une autre circonstance, Luc, xxn, 
41-43, Jésus venait d'exhorter ses auditeurs à une 
vigilance de tous les instants, pour qu'ils fussent bien 
préparés à son second avènement. Pierre demanda : 
« Seigneur, est-ce à nous (à nous, vos Apôtres) que 
vous dites cette parabole, ou est-ce aussi à tous ( à tous 
les chrétiens)? s — Pierre adressa sa troisième ques- 
tion à Notre-Seigneur après le départ du jeune homme 



riphe, qui avait refusé de vendre ses biens pour suivre 
Jésus. Le « bon Maître » s'était écrié avec tristesse : 
« En vérité, je vous le dis, un riche entrera difficile- 
ment dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda : 
« Nous, voici que nous avons tout quitté et que nous 
vous avons suivi; qu'y aura-t-il donc pour nous? » Il 
reçut pour lui-même et ses collègues dans l'apostolat 
une promesse magnifique. Cf. Matth., xix, 27-30; Marc, 
x, 28-31; Luc, xvm, 28-30. 

V. SAINT PIERRE DURANT LA SEMAINE DE LA PASSION. 

— Ici encore, il a sa place à part et joue un rôle pré- 
pondérant parmi les membres du collège apostolique. 

1° Saint Marc nous a conservé deux paroles pronon- 
cées par Simon-Pierre dans la journée du mardi. La 
première fut proférée dans la matinée, lorsque les 
Apôtres constatèrent l'effet produit sur le figuier stérile 
par la malédiction de Jésus. Pierre, « se ressouvenant, 
dit à Jésus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez 
maudit s'est desséché. » Marc, xi, 20-21. — Il prononça 
la seconde dans l'après-midi. Comme Jésus venait de 
prophétiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean 
et André lui demandèrent en particulier : « Dites-nous 
quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de 
votre avènement et de la consommation du siècle. » 
Marc, xin, 1; Matth., xxrv, 3; Luc, xxi, 7. C'est pro- 
bablement saint Pierre qui fut le. porte-parole, selon 
sa coutume. 

2° Le jour du jeudi-saint, il fut chargé par Jésus, 
avec saint Jean, de préparer tout ce qui était requis 
pour le festin pascal et de découvrir, au moyen d'un 
signe particulier, le cénacle où le Maître devait faire 
la Pâque avec ses disciples. Cf. Luc, xxn, 8. Le soir, 
lorsque Jésus et les Apôtres se trouvèrent réunis, 
Notre-Seigneur, Joa., xm, 1-10, voulut laver les pieds 
des Douze, pour marquer symboliquement les disposi- 
tions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eu- 
charistie. Dans le dialogue qui s'engagea alors entre Jésus 
et Pierre, l'apôtre se peint tout entier avec sa foi, son 
enthousiasme, son amour. Peu d'instants après, lorsque 
le Sauveur eut prédit qu'un de ses Apôtres le trahirait, 
Pierre sut obtenir, par l'intermédiaire de son ami 
saint Jean, la désignation du traître. Joa., xm, 22-26. 

— La prédiction de la chute prochaine de Pierre est 
mentionnée par les quatre Évangélistes, Matth., xxvi, 
30-35; Marc, xrv, 26-31; Luc, xxh, 31-34; Joa., xm, 
33-38; mais ils ne la combinent pas de la même ma- 
nière avec les incidents voisins; du moins, ils la placent 
tous à la suite de la cène. Il ne parait guère vraisem- 
blable que Jésus l'ait réitérée à plusieurs 'reprises, 
comme l'ont supposé quelques interprètes. Saint Luc 
l'associe à une prophétie consolante, qu'il est seul à 
signaler, xxh, 31-32, et qui rappelle la magnifique 
promesse faite autrefois près de Césarée de Philippe : 
« Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamé, pour 
vous cribler comme le froment; mais j'ai prié pour toi, 
afin que ta foi ne défaille pas, et lorsque tu seras con- 
verti, affermis tes frères. » 

3' A Gethsémani, Pierre fut de nouveau choisi, avec 
Jacques et Jean, pour assister à l'une des scènes les 
plus douloureuses de la vie de son Maître. Matth., xxvi, 
37; Marc, xrv, 33. D'après saint Marc, xiv, 37, jc'est à 
lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reproche,, 
après la première phase de son agonie : « Simon, tu 
n'as pas pu veiller une heure! » Mais, un peu plus 
tard, Pierre essaya, au péril de sa propre vie, de dé- 
fendre le Sauveur, lorsque les émissaires du sanhédrin- 
seprésentèrentpour l'arrêter. Avant de quitter le cénacle, 
il s'était muni d'un glaive, dont il voulut asséner un 
coup sur la tête de Malchus; mais il ne l'atteignit qu'à 
l'oreille. Matth., xxvi, 51; Marc, xiv, 47; Luc, xxn, 
50; Joa., xvm, 10-11. Jésus blâma cet acte de violence^ 

4° Au moment de l'arrestation du Christ, Pierre prit 
la fuite avec les dix autres Apôtres; mais bientôt, devenu 



365 



PIERRE (SAINT) 



366 



plus calme, et oubliant son propre péril pour ne songer 
qu'à la triste situation de son Maître, « il suivit Jésus 
de loin, jusque dans la cour du grand prêtre. » Matth., 
xxvi, 58; Marc, xiv, 54; Luc, xxh, 54; Joa., xvm, 15. 
Le quatrième Évangile nous apprend formellement que 
c'est grâce à son ami, le disciple bien-aimé, que Pierre 
réussit à pénétrer dans la cour du palais pontifical. 
Désireux de « voir la fin », Matth., xxvi, 58, c'est-à- 
dire, l'issue du procès de Notre-Seigneur, il s'assit au 
milieu des serviteurs du grand prêtre, auprès du feu 
de braise qu'ils avaient allumé dans la cour, à cause du 
froid. 

5? Là, un autre danger, auquel il ne pensait pas, 
l'atteignit et le renversa tristement. Les quatre Évangé- 
listes racontent le douloureux épisode de son triple 
reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75; Marc, xrv, 66- 
72; Luc, xxii, 55-62; Joa., xvm, 16-18, 25-27. Chacune 
des narrations présente un certain nombre de diver- 
gences, qui ne vont jamais jusqu'à la contradiction, 
quoi qu'on ait prétendu en sens contraire. La meil- 
leure explication qu'on puisse donner de ces variantes 
consiste à dire qu'il y eut, dans ce petit drame, trois 
actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs 
scènes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix 
parmi ces scènes particulières, l'essentiel consistant 
pour eux dans les trois actes, à cause de la prophétie 
récente de Jésus. Voir Fouard, Vie de Notre-Seigneur 
Jésus-Christ, in-8», 2= édit., Paris, 1882, t. H, p. 350-352; 
L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon saint Jean, in-8°, Paris, 
1887, p. 334-335. Le chant du coq rappela le malheu- 
reux apôtre à la réalité. Sortant aussitôt du palais, il se 
mit à pleurer en sanglotant (j'xXauffev). Sa faute avait 
été grande, assurément; mais c'était seulement une 
faute de surprise, de faiblesse, qui n'atteignit ni sa foi, 
ni son dévouement. Il la répara du reste, par un pro- 
fond et perpétuel repentir-. 

vi. après la résurrection he jésvs. — Pierre 
continua de recevoir alors des marques de la prédilec- 
tion du divin Maître, soit à Jérusalem, soit un peu plus 
tard en Galilée. — Lorsque les saintes femmes, averties 
par un ange que Jésus était ressuscité, eurent annoncé 
à leur tour « aux disciples et à Pierre », Marc, xvi, 
7, les faits dont elles avaient été témoins, Pierre et le 
disciple bien-aimé firent ensemble au sépulcre la visite 
que saint Luc se contente de mentionner brièvement, 
xxiv, 12, mais que saint Jean raconte d'une manière 
dramatique, xx, 2-10. D'après le troisième Évangile, 
Pierre s'en alla, « admirant en lui-même ce qui était 
arrivé. » Bientôt son admiration se changea en une 
complète certitude, car Jésus daigna lui apparaître 
en ce même jour. Luc, xxrv, 34; cf. I Cor., xv, 5. — 
Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les détails 
d'une autre apparition que le Sauveur ressuscité fit, 
quelque temps après, à sept apôtres réunis sur les 
bords du lac de Tibériade, et dont saint Pierre eut, 
pour ainsi dire, tous les honneurs. A la suite d'une 
pêche miraculeuse, analogue à celle qui avait accom- 
pagné son appel au rôle de disciple, cf. Luc, v, 1-11, 
Jésus exigea de lui une triple protestation d'amour, en 
réparation de son triple reniement; puis il lui confirma 
solennellement son titre de chef du corps apostolique 
et de l'Église entière, en lui disant : « Pais mes agneaux, 
pais mes brebis. » Voir L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon 
saint Jean, 1887, p. 384. Il lui prédit ensuite une mort 
tragique, par ce langage figuré : « Lorsque tu auras- 
vieilli, un autre te ceindra et te conduira où tu ne 
voudras pas. » 

II. Saint Pierre dans les Actes des Apôtres. — 
C'est le début de la période d'action pour notre héros, 
après la période de préparation dont les Évangiles con- 
tiennent le très riche exposé. Le livre des Actes renferme 
dans sa première partie, <;bap.l-xi, des détails si nom- 
breux sur le ministère du prince des Apôtres, qu'on a 



souvent donné à cette section le nom d'Actes de Pierre. 
Il est encore question de Simon au chap. xv. Partout 
l'historien sacré nous le montre, selon le mot de Bossuet, 
« à la tête de tout, menant pour ainsi dire ses frères 
les Apôtres au combat, » occupant le premier rang et 
exerçant une supériorité très réelle, que personne ne 
songe à contester. . 

1° Part très grande qu'il prend à la fondation de 
l'Eglise de Jérusalem. — 1. Au cénacle, immédiatement 
après l'ascension de Notre-Seigneur, il se mit, même 
en présence de Marie, Act., 1, 14, à la tête des «frères», 
et il présida au remplacement de Judas. Act., i, 12-26. Il 
prononça, à cette occasion, le premier des huit discours 
que saint Luc nous a conservés de lui. Cf. Act., i, 15-22. 

2. Le jour de la Pentecôte, lorsqu'une foule énorme, 
composée d'Israélites qui habitaient toutes les régions 
de l'empire romain, eut entouré le cénacle, attirée par 
le bruit violent qui avait accompagné la descente de 
l'Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour 
expliquer la nature de ce mystère qu'avait prédit le 
prophète Joël, et pour prêcher hautement Jésus-Christ. 
Act., n, 1-41. Une transformation admirable s'était 
produite en lui, naguère si timide. Trois mille con- 
versions furent le résultat de ce qu'on a très jus- 
tement appelé «le premier coup de filet du pêcheur 
d'hommes. » 

3. Quelque temps après, il guérit miraculeusement un 
paralytique, qui mendiait depuis de longues années à 
la Belle-Porte du temple. Un grand concours de peu- 
ple s'étant formé autour de lui et de saint Jean, qui 
l'accompagnait, il prononça sa troisième allocution, 
dans laquelle il attribue nettement la guérison à son 
véritable auteur, Jésus-Christ, dont elle attestait le ca- 
ractère messianique. Cinq mille conversions nouvelles 
eurent lieu en cet instant. Act., ni, 1-26. Mais ce fut 
l'occasion d'un premier conflitdes autorités juivesavec 
l'Église naissante. Irrités de voir que les deux apôtres 
proclamaient publiquement la résurrection de Jésus et 
sa toute-puissance, quelques prêtres et sadducéens les 
firent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean com- 
parurent devant le sanhédrin tout entier, pour donner 
des explications sur leur conduite. Dans son quatrième 
discours, Pierre rendit un éclatant témoignage à Jésus- 
Christ en face du tribunal suprême des Juifs. Comme 
le miracle avait eu de nombreux témoins, on n'osa pas 
condamner les accusés'; mais on les relâcha, après leur 
avoir interdit sévèrement de prêcher au nom de Jésuc- 
Christ. C'est alors que Pierre^ prononça son célèbre 
Non possumus. Act., iv, 1-22. 

4. Malgré la sainteté de vie des premiers chrétiens, 
signalée à deux reprises par l'auteur des Actes, n, 
42-47; iv, 32-35, un douloureux épisode ne tarda pas 
à prouver que l'imperfection et le mal se glissent promp- 
tement au sein des sociétés les meilleures : Ananie et 
Saphire « mentirent à l'Esprit-Saint et fraudèrent sur 
le prix de leur champ », pour se donner l'apparence 
d'une libéralité généreuse. Pierre, en sa qualité de chef 
de l'Église, eut à châtier cet orgueil doublement cri- 
minel. Act., v, 1-11. Son autorité suprême, mise en un 
très vif relief par cet événement, fut encore rehaussée 
par les éclatants prodiges que Dieu lui donna d'accom- 
plir : son ombre même guérissait les malades sur les- 
quels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collègues 
dans l'apostolat accomplissaient aussi des miracles nom- 
breux, il se produisit des conversions multiples. Alors la 
colère du grand-prêtre et du sanhédrin ne connut pas 
de bornes : les Douze, arrêtés tous ensemble, furent 
conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquième 
allocution, protesta avec un courage inébranlable et 
rendit témoignage à la résurrection de son Maître. 
Leurs juges iniques les auraient infailliblement con- 
damnés à mort, sans l'intervention du sage Gamaliel, 
qui les sauva. Ils furent donc remis en liberté, non 



367 



PIERRE (SAINT) 



368 



sans de nouvelles menaces, dont ils continuèrent de 
ne tenir aucun compte. Act., v, 17-42. 

2» Avec le concours de Pierre, l'Eglise se développe 
en Saniarie et en Judée. Act., vm, £25. — 1. En Sa- 
marie. — Le livre des Acles ne fait aucune mention 
directe de Pierre pendant la persécution violente qui 
éclata bientôt contre l'Église; nous y apprenons seu- 
lement que les apôtres demeurèrent alors à Jérusalem, 
où leur présence était nécessaire pour confirmer les 
chrétiens dans la foi. Act., vm, 1. Lorsqu'il est de 
nouveau question de lui, nous le trouvons, d'après le 
texte grec, à Sébaste, en Samarie, où le saint et vail- 
lant diacre Philippe avait opéré de nombreuses conver- 
sions, entre autres celle de Simon le magicien. Sur le 
désir des Apôtres, Pierre, en compagnie de saint Jean, 
se rendit en Samarie, pour affermir les fidèles dans 
leurs bonnes dispositions. C'est alors que le magicien 
osa lui offrir de l'argent pour obtenir le pouvoir de 
faire descendre, comme lui, l'Esprit-Saint parla simple 
imposition des mains. L'apôtre rejeta cette offre avec 
indignation, et revint à Jérusalem, en annonçant avec 
succès la bonne ,nouvelle dans les bourgades samari- 
taines situées sur son chemin. 

2. En Judée. — Lorsque la paix eut été complètement 
rendue à l'Église, le prince des apôtres en profita pour 
visiter officiellement les chrétientés qui s'étaient for- 
mées, pendant la persécution, sur divers points de la 
Judée, grâce au zèle des fidèles de Jérusalem, obligés 
de se disperser. Saint Luc raconte deux grands prodiges 
accomplis par saint Pierre durant cette première de 
toutes les visites pastorales : la guérison d'un paraly- 
tique à Lydda, Act., ix, 32-35, et la résurrection de 
Tabitha à Joppé. Act., ix, 36-43. Voir Paralytique, t. iv, 
col. 2153, et Tabitha. 

3° Saint Pierre, sur l'ordre de Dieu, ouvre aussi les 
portes de l'Eglise aux païens. — 1. Conversion du 
centurion Corneille. — Avant de remonter au ciel, 
Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous me servirez de 
témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée et la Samarie, 
et jusqu'aux extrémités de la terre. » Act, I, 8. Pierre a 
déjà réalisé les deux premières parties de cet. ordre; voici 
qu'il va maintenant rendre témoignage à Jésus devant 
les païens, et les introduire à leur tour dans le divin 
bercail. Quoiqu'il fût réservé à saint Paul d'être l'apôtre 
des Gentils par excellence, il convenait que le vicaire 
du Sauveur fût choisi de préférence à tous les autres 
Apôtres pour recevoir d'une manière officielle dans 
l'Église les premiers convertis du paganisme. Cet épi- 
sode est raconté longuement par saint Luc, Act., x, 1- 
48, à cause de son importance extraordinaire. L'écri- 
vain sacré expose tour à tour les deux visions par les- 
quelles Corneille et Pierre furent divinement avertis, 
chacun de son côté; le voyage de Simon-Pierre à Cé- 
sarée de Palestine, ville où le centurion était alors en 
garnison; l'entrevue des deux héros de la narration, 
qu'entouraient plusieurs amis de part et d'autre; l'élo- 
quent discours prononcé à cette occasion par l'apôtre 
(le sixième du livre des Actes); enfin la descente de 
l'Esprit-Saint sur les nouveaux convertis et leur bap- 
tême. Voir Corneille, t. n, col. 1012. 

2. Lorsqu'il revint à Jérusalem, Pierre eut à justifier 
sa conduite devant les chrétiens assemblés. On lui re- 
prochait d' « être entré chez des païens et d'avoir mangé 
avec eux », et beaucoup plus encore, quoiqu'on ne mit 
pas cette raison en avant, d'avoir participé à leur con- 
version. En vertu d'antiques préjugés, la plupart des 
fidèles d'origine israélite étaient demeurés hostiles aux 
convertis du paganisme, et, malgré les oracles si clairs 
des ' prophètes, ils avaient de la peine à croire que 
l'Église de Jésus dût être ouverte à tous les hommes 
sans exception. Pierre expliqua sa conduite dans son 
septième discours, et elle fut approuvée de tous. Act., 
xi, 1-18. 



4° Saint Pierre est emprisonne par Ilérode et dé- 
livré miraculeusement. Act., xh, 1-17. — Ce double 
incident eut lieu vers l'an 43 de notre ère, quelque 
temps avant la mort du roi Hérode Agrippa I er , petit- 
fils d'Hérode le Grand. Ce prince, après avoir fait dé- 
capiter saint Jacques le Majeur par haine du chris- 
tianisme, donna l'ordre, pour plaire davantage encore 
aux Juifs, que cet acte cruel avait comblés de joie, 
d'incarcérer saint Pierre, en attendant qu'on le condui- 
sît à son tour au supplice. Mais, la nuit même qui 
précéda le jour où il devait être exécuté, un ange le 
délivra en des circonstances merveilleuses. Sorti de sa 
prison, Pierre alla directement dans la maison de Marie, 
mère de Jean-Marc, le futur évangéliste, chez laquelle 
il trouva de nombreux chrétiens assemblés. Après leur 
avoir raconté l'histoire de sa délivrance, « il s'en alla 
dans un autre lieu, » que nous essaierons de fixer 
ultérieurement, d'après les données de la tradition. Voir 
col. 373-374. 

5° Pierre au concile de Jérusalem. Act., xv, 1-27. — 
Quelques années se passent. Lorsque Pierre est de 
nouveau mentionné au livre des Actes, il est à Jérusa- 
lem (vers l'an 50, 51 ou 52) et préside l'assemblée des 
Apôtres et des Anciens, qui allait trancher définitive- 
ment la controverse soulevée avec tant de violence par 
les judaïsants, sur divers points de la chrétienté. Paul 
et Barnabe étaient venus tout exprès d'Antioche, pour 
consulter l'autorité suprême sur cette question. Les 
débats furent très vifs, car les partisans de l'erreur 
exigeaient avec un acharnement extraordinaire le 
maintien de la circoncision et des autres principaux 
rites du judaïsme. Lorsque les deux partis eurent ex- 
posé leurs arguments, Pierre prit la parole avec toute 
l'autorité que lui conférait sa charge. Le petit discours 
qu'il prononça (le huitième et dernier de ceux que 
nous lisons dans les Actes), proclame hautement la 
liberté pleine et entière des chrétiens issus du paga- 
nisme, par rapport aux observances judaïques. Le 
prince des Apôtres disparaît du récit des Actes, après 
cette conduite si digne de lui. 

III. Saint Pierre dans I'Épître de saint Paul aux 
Galates. — l°Paul, dans les chap. 1 et n de cette lettre, 
signale coup sur coup deux faits nouveaux relatifs à 
Céphas, c'est-à-dire à saint Pierre. Esquissant d'abord 
en quelques lignes les incidents qui suivirent de très 
près sa propre conversion, il raconte en ces termes sa 
première entrevue avec le prince des Apôtres : « Je 
vins à Jérusalem pour voir Pierre. » Gai., I, 18-20. Le 
verbe îaTopf,<rai signifie toujours que la personne ou la 
chose contemplée est digne d'un intérêt particulier; 
en l'employant, saint Paul met en un vif relief l'auguste 
dignité qu'il reconnaissait et qu'il venait honorer dans 
Céphas. 

2° Quelques lignes plus bas, Gai., n, 11-21, Paul si- 
gnale un fait plus surprenant encore,. dont les protes- 
tants ont souvent exagéré la portée, pour amoindrir 
l'autorité de saint Pierre. Il s'agit de ce qu'on nomme 
habituellement « le conflit d'Antioche ». C'était, ce 
semble, peu de temps après l'assemblée de Jérusalem, 
et Pierre se trouvait avec l'apôtre des Gentils dans la 
métropole de la Syrie. Voici les faits, tels que les ex- 
pose saint Paul : « Lorsque Céphas vint à Antioche, je 
lui résistai en face, parce qu'il était blâmable /xaTe^vu- 
o(tévo;). En effet, avant l'arrivée de quelques personnes 
envoyées (de Jérusalem) par Jacques, il mangeait avec 
les païens (c'est-à-dire, les chrétiens d'origine païenne) ; 
mais, quand elles furent venues, il se retira et se mit à 
l'écart, craignant ceux de la circoncision (les Juifs con- 
vertis). Elles autres Juifs usèrent de la même dissimu- 
lation que lui, de sorte que Barnabe aussi fut entraîné 
dans cette dissimulation. Mais, quand je vis qu'ils ne 
marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je 
dis à Céphas, en présence de tous : Si toi, qui es Juif, 



369 



PIERRE (SAINT) 



370 



tu vis à la manière des païens, et non comme les Juifs, 
pourquoi forces-tu les païens de judaïser?... » 

Souvent, dans les temps anciens, on a essayé d'échap- 
per, par des hypothèses assez étranges, aux consé- 
quences fâcheuses que l'on croyait devoir découler de 
cet épisode pour la dignité de saint Pierre. — 1. On a 
prétendu qu'il s'agit d'un autre Céphas que Simon 
Pierre. Voir Clément d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., 
I, 12, t. xx, col. 117. Mais cela est inadmissible, puisque, 
d'une part, quelques lignes plus haut, Gai., £, 18, Paul 
a déjà mentionné le prince des Apôtres sous le nom de 
Céphas, et que, d'autre part, tout son récit suppose 
que celui avec lequel il entra en discussion était un 
personnage jouissant d'une autorité supérieure. Aussi, 
presque tous les Pères et les anciens auteurs ecclésias- 
tiques; comme la plupart des commentateurs modernes 
et contemporains, ont-ils identifié ce Céphas et saint 
Pierre. Voir Céphas, t. h, col. 429. — 2. On a supposé 
(Origène, d'après S. Jérôme,Epist. exil, ad August., 
4, t. xxn, col. 918; S. Jean Chrysostome, Honi. in 
illud : In faciem ei restili, 15, t. li, col. 384; S. Jé- 
rôme lui-même, In Episl. ad Gai., h, 11, t. xxvi, 
col. 341) que, si saint Pierre et saint Paul ont agi comme 
le raconte ce dernier, c'était en vertu d'une entente 
préalable, afin de donner une leçon très forte aux ju- 
daïsants dans la personne du prince des Apôtres. Cette 
conjecture s'appuie sur une fausse interprétation du 
mot ùitoxpîii;, « dissimulation. » En effet, en employant 
ce terme, saint Paul a seulement voulu dire que Cé- 
phas, Barnabe et leurs imitateurs avaient changé de 
conduite par de simples motifs de circonstance, par 
timidité et faiblesse, et non par suite d'une convicti on 
intime. Voir à ce sujet S. Augustin, Epist. xxvin et 
lxxxii, ad Hieronym., t. xxm, col. 112, 276. Pour in- 
terpréter les faits, il faut les envisager de la façon la 
plus simple et la plus naturelle. Pierre, en arrivant à 
Antioche, partagea sans la moindre hésitation la vie et 
les repas des chrétiens d'origine païenne, ainsi qu'il 
avait déjà fait autrefois chez le centurion Corneille, 
Act., xi, 3; mais, plusieurs chrétiens issus du judaïsme 
étant venus à leur tour dans cette même ville, comme 
il les savait très attachés aux observances légales, il se 
trouva dans une situation fort délicate : s'il continuait 
de vivre avec les Gentils, il froissait les chrétiens de 
Jérusalem ; s'il se séparait des fidèles d'origine païenne, 
il les offensait eux-mêmes. Il lui parut cependant qu'il 
valait mieux, dans l'intérêt de son ministère, exercé sur- 
tout auprès des judéo-chrétiens, de se décider en faveur 
de la seconde alternative. Il en avait certainement le 
droit, puisque les Juifs convertis étaient libres encore 
d'observer la loi. Mais son exemple suscitait deux grands 
périls : d'un côté, quelques esprits exagérés pouvaient 
en conclure que les pratiques légales continuaient d'être 
strictement obligatoires pour les chrétiens issus du 
judaïsme, et pas seulement facultatives; d'autre part, les 
païens convertis eux-mêmes pouvaient craindre qu'on 
ne les assujettît à. ces pratiques. Paul réclama au nom 
de ces derniers. Il ne dit pas en termes exprès ce que fit 
saint Pierre; mais il n'est pas douteux que celui-ci ne se 
soit humblement soumis aux observations très justes de 
son c< bien-aimé frère Paul ». II Petr., m, 15. Sur cette 
question, voir Pesch, Veberdie Person des Kephas,dans 
la Zeitschriftfùrkathol. Théologie, t. vu, 1883, p. 456- 
490; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ra- 
tionaliste, 5» édit., t. v, p. 456-476 (ils donnent la liste 
des principaux auteurs qui ont cru, dans le cours des 
temps, que le Céphas d' Antioche est distinct du prince 
des Apôtres). 

. IV. Saint Pierre d'après la tradition. — Ici, une 
distinction est nécessaire, car les documents sont loin 
de posséder tous la même valeur historique. Il en est 
que nous pouvons suivre en toute sécurité ; tels sont en 
général les renseignements fournis par les Pères de 



l'Église, surtout par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme. 
D'autres sont plus ou moins associés à des détails mer- 
veilleux, légendaires, dont il est nécessaire de se défier; 
dans cette catégorie se placent les Actes apocryphes de 
saint Pierre, les écrits connus sous le nom de littérature 
clémentine, etc. Néanmoins, ces sources de second 
ordre contiennent elles-mêmes quelques faits histori- 
ques, qui se dégagent assez facilement, grâce à la tra- 
dition sérieuse et à la critique, des fables dont ils sont 
entourés. Il faut noter encore que la tradition propre- 
ment dite nous fournit des données assez restreintes 
sur la vie et le ministère apostolique de saint Pierre. Du 
moins, elle nous renseigne très clairement sur les points 
essentiels 

I. LA PREMIÈRE PÉRIODE DE LA VIE DE SAINT PIERBB. 

— A ce sujet, la tradition se borne à quelques points 
d'importance très secondaire. La mère de Simon se 
serait nommée Johanna. Cf. Cotelier, Constit. apost., n, 
63, t. i, col. 755. Sa femme aurait porté le nom de Per- 
pétue ou celui de Concordia qui ne conviennent pas à 
une Juive, Patr. gr., t. I, col. 1365, note 43. D'après 
saint Jérôme, Adv. Jovinian., i, 26, t. xxm, col. 245, 
elle serait morte d'assez bonne heure, avant que Pierre 
ne devînt le disciple de Jésus. Au contraire, au dire de 
Clément d'Alexandrie, Stroni., vu, 11, t. ix, col. 488, elle 
aurait subi le martyre à Rome, peu de temps avant lui. 
Il l'aurait accompagnée au lieu du supplice, en l'encou- 
rageant par ces paroles : « O toi, souviens-toi du Sei- 
gneur. >. Plusieurs adoptent ce dernier sentiment en 
concluant de I Cor., ix, 5, que saint Pierre, comme 
d'autres apôtres, se faisait accompagner, durant ses 
courses apostoliques, par sa femme, traitée comme une 
sœur. Saint Jérôme, loc. cit., mentionne une tradition 
d'après laquelle Pierre aurait eu plusieurs enfants. 
Cf. Clément d'Alexandrie, Strom., m, 6, t. vu, col. 1156. 
On lui a longtemps attribué une fille du nom de Pétro- 
nille, que mentionnent les Acta Nerei et Achillei, 15, 
et les Acta Philippi. Tischendorf, Apocal. apocr., p. 149, 
155. Mais on reconnaît généralement aujourd'hui que 
cette attribution provient simplement d'une fausse éty- 
mologie. En effet, le nom « Petronilla » ne dérive pas de 
« Petrus », mais de « Petronius ». Par son père, sainte 
Pétronille appartenait à la célèbre « gens Flavià », c'est 
pour ce motif qu'elle fut enterrée dans la catacombe de 
Domitilla. Voir Lightfoot, St. Clément of Rome, t. i,p.37; 
F. X. Kraus, Real-Encyclopxdia der christl. Alterlhû- 
mer, t. n, p. 607 ; Acta sanctorum, maii t. vu, p. 420. 

II. QUELQUES VOYAGES DU PBINCE DES APOTRES. — 

1° Nous venons de le voir, saint Paul fait une allusion 
très claire aux courses apostoliques de saint Pierre. 
Notre héros serait-il allé à Corinthe? Saint Denys, 
évêque de cette ville vers'le milieu du m e siécle, l'affirme 
comme une chose très connue. Voir Eusèbe, H. E., H, 
25, t. xx, col. 209. S'adressant aux Romains, il leur dit: 
« (Pierre et Paul,) étant entrés dans notre Corinthe, 
nous ont instruits; puis, partis ensemble pour l'Italie, 
après nous avoir enseignés, ils ont subi le martyre en 
même temps. » Saint Clément pape, I Cor., xlvii, 1. 1, 
col. 308, semble admettre aussi ce séjour de saint Pierre 
à Corinthe. Néanmoins, la plupart des critiques con- 
temporains le mettent au rang des hypothèses. 

2° On regarde aussi, d'une manière assez générale, 
comme peu fondé le sentiment, d'ailleurs très ancien, 
d'après lequel saint Pierre aurait évangélisé les cinq 
provinces d'Asie Mineure auxquelles est adressée sa 
première Épître : le Pont, la Galatie, la Cappadoce, 
l'Asie proconsulaire et la Bithynie. I Pet., i, 1. Ori- 
gène, qui est le premier à mentionner cette opinion, In 
Gen., m, t. xn, col. 92; cf. Eusèbe, H. E., m, 1, t. xx, 
col. 216, en parle comme d'une simple conjecture, basée 
seulement sur ce que saint Pierre a écrit aux chrétiens 
de ces provinces : « Pierre paraît (iOtxev) avoir prêché 
dans le Pont, la Galatie... «Eusèbe fait de même, iï. £., 



371 



PIERRE (SAINT) 



372 



m, 4, t. xx, col. 220: « Que Pierreait prêché le Christ... 
dans ces provinces, cela ressort ouvertement de l'Épî- 
tre. » Saint Épiphane, Hser., xxvii, 6, t. xn, col. 374, 
saint Jérôme, De Vir Ul., 1, t. xxrn, col. 138, et saint 
Léon, In Nat. apost. Pétri et Pauli serm., lxxxii, 5, 
t. liv, col. 425, présentent le fait en termes positifs; 
mais ils ne paraissent pas avoir eux-mêmes appuyé leur 
sentiment sur d'autre preuve que la mention des cinq 
provinces dans l'Épître. Du reste, cette lettre ne contient 
aucun détail duquel on puisse conclure que l'auteur 
connaissait personnellement les destinataires; elle sup- 
pose plutôt, I Pet., i, 12, 25; v, 12; cf. II Pet., m, 2, que 
ceux-ci avaient été évangélisés par d'autres prédicateurs 
que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un 
séjour du prince des Apôtres en Asie Mineure n'est pas 
impossible en soi, il ne parait pas avoir été démontré 
historiquement. Voir Gornely, Introd., t. Il, 3 e part., 
p. 619; Lipsius, Apokr. Apostelgesch., t. n, I e part., 
p. 4 6. M. Hundhausen, Das ente Pontificalschreiben 
des... Petrus, 1873, p. 96, croit à la prédication de saint 
Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que l'apôtre 
ne fit que traverser rapidement les provinces en 
question. 

3° On a prétendu aussi, mais seulement à partir du 
xvi e siècle, que saint Pierre serait allé et aurait séjourné 
à Babylone, vers la fin de sa vie. Le motif allégué, c'est 
que la i a Pétri, v. 13, transmet aux chrétientés d'Asie 
Mineure les salutations de l'Église de Babylone (r\ iv' 
BotSuXfâvi auvexXexrri) ; d'où il suit, disent les partisans 
de cette opinion, que l'apôtre résidait à Babylone lors- 
qu'il composa son écrit. C'est Érasme, In 1 Pet., xv, 
13, qui inventa le premier cette explication. De nom- 
breux protestants l'adoptèrent aussitôt, pour enlever à 
la théorie de la venue et du séjour de saint Pierre à 
Rome un de ses principaux arguments. Mais il n'est 
pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici 
dans un sens métaphorique. En effet, — 1. telle a été 
l'opinion unanime des écrivains ecclésiastiques des 
premiers siècles : entre autres, de Papias et de Clément 
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., n, 15, t. xx, col. 73, 
d'Eusèbe lui-même, ibid., de saint Jérôme, De vir. Ul., 8, 
t. xxiii, col. 655, du Vén. Bède, In Petr., v, 13, t. xcm, 
coi. 6*3, d'CEcuménius et de Théophylacte, et les com- 
mentateurs catholiques les ont suivis, à part de très rares 
exceptions. On est surpris de compter parmi ces excep- 
tions les savants et judicieux écrivains Hug, Einleitung 
in die Schriften des N. T., 3 e édit., t. n, p. 550, et 
A. Maier, Einleit. in die Schrift. des N. T., p. 413. — 
2. Ce nom symbolique convenait fort bien pour désigner 
Rome, qui n'avait que trop parfaitement remplacé l'an- 
tique Babylone sous le rapport du paganisme, de l'am- 
bition et de l'immoralité. — 3. Les Juifs l'employaient 
couramment dans ce sens. "Voir Schœltgen, Hor. hebr. et 
talmud., p. 1050 et 1125; les Oracles sibyllins, v, 143, 
158, etc. — 4. Saint Jean fait de même dans son Apoca- 
lypse, xiv, 8, et xvni, 2, 10, et personne n'a jamais songé 
à prendre à la lettre, dans cet écrit, le nom de Baby- 
lone. — 5. Il n'existe aucune tradition proprement dite 
au sujet d'un voyage de saint Pierre à Babylone, et ce 
silence est difficile à expliquer, si l'apôtre avait réelle- 
ment entrepris ce voyage. Voir P. Martin, Saint Pierre, 
sa venue et son martyre à Rome, dans la Revue des 
Questions historiques, t. xm, 1873 (article très docu- 
menté et rempli de témoignages empruntés à des écri- 
vains orientaux). Lipsius, il est vrai, (oc. cit., t. H, 
2« part., p. 145-146, 175, mentionne, d'après Assemani, 
Bibliotheca orientalis, t. ut, 2 e part., p. vi, des écri- 
vains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita 
Babylone; mais ces auteurs sont relativement récents, 
et leur assertion n'a pas d'autre base que le passage 
I Pet., v, i3, interprêté à la lettre. Voir Farrar, The 
early Days of Christianity, 1884, p. 595-596; Cornely, 
Introd., t. n, 3» part., p. 621-623; Hundhausen, loc. cit., 



p. 82-90; Th. £ahn, Einleitung in das N. T., t. il, 
p. 17; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698. — 
Mais laissons de côté le faux et le douteux, pour nous 
occuper de faits réels et certains. Or, il en est deux 
qu'une tradition très nette et très ancienne, dont nous 
avons des témoignages multiples, a rendus indubitables. 
C'est l'installation successive de la chaire de saint Pierre 
à Antioche et à Rome : deux événements d'une impor- 
tance capitale. 

111. LA CHAIRE D~E SAINT PIERRE A ANTIOCHE DE SV- 

rie. — 1» Ce fait est parfaitement garanti par Eusèbe 
et par saint Jérôme. « Pierre fonda la première Église 
d' Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d'Eusèbe, 
t. xix, col. 539. Il s'agit sans aucun doute, de la chré- 
tienté mentionnée Act.,xi, 19, et composée uniquement 
de Juifs convertis, par contraste avec la deuxième Église 
de la même ville, en grande partie formée de chrétiens 
issus du paganisme, et développée grâce au zèle de 
Paul et de Barnabe. Act.,XI, 20-26. Dans sa traduction 
du Chronicon, saint Jérôme n'a pas donné le sens exact 
de ce passage, car il dit : « Petrus, cum primum An- 
tiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte 
porte, avec la nuance que nous venons d'expliquer : 
TÎ|v Iv 'AvxtojreiaicpwTriv... èxxXr|(Ttav. Ailleurs, R.E.,\Xl, 
xxxvi, 2, t. xx, col. 288, Eusèbe suppose aussi la trans- 
lation de la chaire de saint Pierre à Antioche, car il 
affirme qu'Évodius succéda en 42 au prince des Apô- 
tres comme évêque de cette ville. Saint Jérôme, de son 
côté, est très formel sur ce même point: Simon Pe- 
trus..., princeps Apostolorum. . . , post episcopatum 
Antiochensis ecclesise... Romam pergit. De vir. Ul., 
1, t. xxiii, col. 608. Nous pouvons citer encore le témoi- 
gnage de saint Léon le Grand, In Nat. apost. Pétri et 
Pauli Serm., lxxxii, 5, t. liv, col. 425 : Jam Antio- 
chenam ecclesiam, ubi primum christiani nominis di- 
gnitas est orla, fundaveras. Cf. Epis t., cvi et CXlx, t. liv, 
col. 1007, 1042; Origène, Rom . ri inLuc.,t. xm, col. 1815 ; 
S. Jean Chrysostome, liomilia. in Ignalium martyr., 
t. L, col. 591; Théodoret, Dial. Immut., t. Lxxxnr, 
p. 81; le Chronic. Pasch., t. xcn, col. 557; les Constit. 
apost., vu, 46, t. i, col. 1049; le Liber pontif., édit. Dur 
chesne, p. 51-55, 118; la littérature dite clémentine, 
dont les sources remontent au moins au commence- 
ment du m e siècle, notamment Recognit., x, 68, t. I, 
col. 468; Hom., xx, 23, t. n, col. 1452. 

2° L'époque et la durée du séjour de saint Pierre à 
Antioche ne sauraient être déterminées avec certitude. 
Il est possible, nous venons de le voir d'après Eusèbe, 
que Pierre ait pris en mains le gouvernement de l'Église 
d'Antioche dès l'année 36 de notre ère. Évodius lui 
ayant succédé en 42, 1'épiscopat du prince des Apôtres 
dans la métropole de la Syrie aurait par là-même duré 
sept ans, comme Eusèbe l'affirme en propres termes. Cf. 
S. Grégoire le Grand, Epist., vu, 40, t. lxxvii, col . 899. 
Une autre tradition, qui parait moins digne de foi, lui 
attribue une durée de dix ans. Voir Duchesne, Liber 
pontif., p. 50. Quoi qu'il en soit, il est certain que saint 
Pierre, même après s'être fixé à Antioche, ne lit pas de 
cette ville sa résidence exclusive; rien ne s'opposait à 
ce que, de ce centre, il allât visiter les chrétientés 
auxquelles sa présence était utile ou nécessaire. Divers 
auteurs ont supposé que Pierre ne transporta sa chaire 
à Antioche qu'après avoir été miraculeusement délivré 
de la prison où Hérode Agrippa l'avait enfermé, Act., 
xn, 1-11, par conséquent, après l'année 43. Mais, 
sans compter qu'Eusèbe signale une date de beaucoup 
antérieure, ce sentiment a contre lui le récit des Actes, 
qui suppose que, vers l'an 43 ou 44, saint Paul et saint 
Barnabe avaient la direction de l'Église d'Antioche. Sur 
les relations de saint Pierre avec la capitale de la Syrie, 
voir H. Kellner, Die Feste Cathedra Pétri und der an- 
tiochenische Epkkopal Pétri, dans la Zeitschrift fur 
kathol. Théologie, Inspruck, 1889, p. 566-575; W. Esser, 



373 



PIERRE (SAINT) 



374 



Der antiochenische Episkopat Pétri und die Feste 
Cathedra Pétri, dans le Katholik, 1890, t. i, p. 321-335, 
449459. ' 

IV. LA CHAIRE DE SAINT PIERRE A ROME, — 1° Pierre 

lui-même, nous l'avons vu, col. 371, date de Rome, la 
Babylone mystique, sa première Épître. I Pet., v, 13- 
Plusieurs Pères apostoliques supposent ou affirment, 
dans un langage très formel, sa venue et son apostolat 
à Rome : saint Clément, l'un de ses premiers succes- 
seurs (vers 96), 1 ad Cor., 5, t. I, col. 217; saint Ignace 
(vers 115), ad Rom., iv, 3, t. v, col. 808; Papias (vers 
130), dans Eusèbe, H. E., h, 15, t. xx, col. 172. Plus 
tard, nous avons, dans le même sens, les témoignages 
de saint Denys de Corinthe (vers 170), ibid., h, 25, 7-8, 
col. 209; de saint Irénée, venu à Rome en 177, Cont. 
heer., III, T, 1 et 2, t. vit, col. 845; des Philosophou- 
mena, v, 20, t. xvi, col. 3226, part. 3; de Clément 
d'Alexandrie (vers l'an 200), dans Eusèbe, H. E., II, xv, 
2, et "VI, xiv, 5, t. xx, col. 172, 552; du prêtre romain 
Caïus (même date), ibid., h, 25, 7-8; deTertullien (même 
date), De Prœscript., xxxvi, t. Il, col. 49 ; Scoripac., 
15, t. ii, col. 15; Adv. Marc, iv, 5, t. n, col. 366; plus 
tard encore, d'Origène (vers 250), Expos, in Gen., t. m, 
dans Eusèbe, H. E., m, 1, t. xx, col.216; de saint Cy- 
prien, Epist. LIX ad Cornel., t. m, col. 806; au IV e 
siècle, d'Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172; De- 
monstr. evang., III, v, 65, t. xxil, col. 209; de Lactance, 
Institut, div., iv, 21, t. vi, col. 516; de saint Jérôme, De 
vir. ill., i, 8, t. xxm, col. 654, et In Gai. n, 11-13, t. xxvi, 
col. 341, etc. Voir sur cette question Baronius, Annal., 
ad ann. 44 et suiv. ; Tillemont, Mémoires pour servir à 
l'histoire ecclésiastique, édit. de 1701, t. i, p. 162; 
Nat. Alexander, Hist. ecclesiastica, t. m, dissert. XIII, 
p. 168; Dôllinger, ChristenthumundKirche, Ratisbonne, 
1860, p. 95-105; Windischmann, Vindicise Petrinse, 
Ratisbonne, 1836; Ginzel, Neue Vntersusch. ûber den 
Episkopat und Martyrtod des heil. Petrus in Rom, dans 
la Œsterreich. Vierteljahrschrift fur kathol. Théologie, 
1877, p. 469; C. Fouard, Saint Pierre et les premières 
années du christianisme, p. 535-545; Hundhausen, Das 
erste Ponlificalschreiben des Petrus, p. 35-60 ; Lecler, 
De Romano sancli Pétri episcopalu, Louvain, 1888 
(p. 9 l'auteur donne une liste complète des écrivains 
catholiques qui ont défendu la même thèse) ; Schmid, 
Petrus in Rom, oder Novse vindicise Petrinse, Lu- 
cerne, 1892; Felten, die Apostelgeschichte, Fribourg- 
en-Brisgau, 1892, p. 240-244; T. Livius, St. Peter, 
Bishop of Rome, or the Roman Episcopate of the 
Prince of the Apostles, Londres, s. d. ; Me Giffert, A 
History of C hristianily in the apostolical Age, 1897, 
p. 591-597. 

2° La date du premier voyage de saint Pierre à Rome 
demeurera probablement toujours incertaine. Nous 
avons cependant, pour essayer de la fixer, les docu- 
ments suivants. — 1. Suivant Eusèbe, H. E., II, xiv, 6, 
t. xx, col. 172, saint Pierre serait allé à Rome sous le 
règne, de Claude (41-54). Orose, .Hist., vu, 6, t. xxxi, 
col. 1078, est un peu plus précis : Exordio regni Clau- 
dii. D'après la traduction du Chronicon d'Eusèbe par 
saint Jérôme, n, 153, t. xxvn, col. 577, ce voyage aurait 
eu lieu la seconde année du même règne (42-43). Saint 
Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608, adopte la même 
date pour son propre compte. La traduction armé- 
nienne du Chronicon, n, t. xix, col. 539, déclare aussi 
qu'Évodius succéda en cette même année à saint Pierre 
sur le siège épiscopal d'Antioche. Il est vrai qu'un peu 
plus haut, n, 150, la même traduction arménienne as- 
signe à l'an 39 l'arrivée de saint Pierre à Rome ; mais 
il y a en cela une erreur évidente. La date très nette- 
ment fixée par saint Jérôme est selon toute probabilité 
la véritable. — 2. Si nous parcourons la première partie 
du livre des Actes, i, 1 ; xn, 25, nous voyons qu'il n'y a 
pas de place pour un voyage et un séjour de saint 



Pierre à Rome avant sa délivrance miraculeuse de pri- 
son, xii, 1 sq. Or, ce dernier fait ne saurait s'être passé 
antérieurement à la Pâque de l'année :42; puisque Hé- 
rode Agrippa I" fut institué roi de Judée par l'empe- 
reur Claude, lequel monta sur le trône le 25 janvier 41. 
Le même fait n'est certainement pas postérieur à l'an 
44, durant lequel mourut Agrippa. Il est donc très pos- 
sible que le trait du récit des Actes, xn, 17, ce Il s'en 
alla dans un autre lieu, » se rapporte au départ de 
saint Pierre pour Rome. Voir P. Allard, Histoire des 
persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 
1885, p. 15; Hundhausen, Dos erste Pontificalschreiben 
...Petrus, p. 16; Felten, Die Apostelgeschichte ûber- 
setzt und erklàrt, 1892, p. 240, etc. — 3. Alors 
même que cette date n'a pas le caractère d'une entière 
certitude, et qu'elle n'est pas mathématiquement dé- 
montrable, elle nous paraît du moins très vraisem- 
blable. Des historiens catholiques assez nombreux l'ont 
adoptée de nos jours. Voir, entre autres, Funk, article 
Petrus dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte f 
2» édition, t. ix, col. 1861. Elle coïncide d'ailleurs assez 
bien avec l'assertion d'Apollonius (vers 200; dans Eu- 
sèbe, H. E., V, xvin, 14, t. xx, col. 480) et de Clément 
d'Alexandrie, Slrom., vi, 15, t. IX, col. 264, d'après la- 
quelle Notre-Seigneur aurait enjoint à ses disciples de 
demeurer à Jérusalem pendant les deux premières 
années qui suivraient son ascension. Si Lactance, De 
morte persecut., 2, t. vu, col. 195, fixe une date beau- 
coup plus tardive (après l'année 64), c'est sans doute 
parce qu'il fait allusion, au dernier voyage de saint 
Pierre à Rome. 

3° La durée du séjour de Pierre dans la capitale du 
monde romain ne saurait être non plus déterminée 
avec certitude; les bases chronologiques ne sont pas 
assez sûres pour cela. Voici les faits principaux. Dans 
la version arménienne du Chronicon d'Eusèbe, t. xix, 
col. 539, on doit lire : « Le chef de l'Église demeura là 
(à Rome) pendant vingt-cinq ans. » C'est ce que porte la 
version latine de saint Jérôme, t. xxvn, col. 571 : Viginti 
quinque annis ejusdem urbis episcopus persévérât. Le 
saint docteur nous fait connaître en ces termes son 
sentiment personnel, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607 L 
Romani pergit, ibique viginti quinque annis cathë- 
dram sacerdotalem tenuit, usque ad ultimurq annum 
Neronis, id est, quartum decimum (l'an 67 de notre 
ère). Cette durée de vingt-cinq ans pour le pontificat 
romain de Pierre est aussi mentionnée dans les diffé- 
rentes éditions du Liber pontificalis . Voir celle de 
Ma r Duchesne, p. xx, 2, 50, 118. Toutefois, les détails 
par lesquels le fait est développé dans cet écrit célèbre 
varient au point d'être contradictoires. 11 n'en demeure 
pas moins frappant de constater que, de très bonne 
heure (dès le y e siècle, d'après Funk, l. c, col. 1864),. 
on mentionne cette durée de vingt-cinq ans. Nous pou- 
vons donc fort bien admettre, en nous conformant 
aux données d'Eusèbe et de saint Jérôme, qui parais- 
sent résumer les anciens témoignages sur ce point, que 
saint Pierre fut évêque de Rome entre les années 42 
et 67. 

4° De son activité apostolique dans la capitale des Cé- 
sars, il ne nous est parvenu que trois détails. D'abord, 
comme il fallait s'y attendre, les épreuves ne lui man- 
quèrent pas, ainsi que l'affirme saint Clément, / ad Cor., 
v, 4, t. i, col. 217. En second lieu, sa prédication 
obtint un merveilleux succès. Comme nous l'apprend 
Eusèbe, H. E., n, 15, t. xx, col. 172, en s'appuyant sur- 
les témoignages de Papias et de Clément d'Alexandrie 
(voir, de ce dernier, Hypotypos., vi, dans Eusèbe,. 
H. E., VI, xiv, t. xx, col. 552), les fidèles de Rome de- 
meurèrent toujours avides de l'entendre, et ils for- 
cèrent instamment son disciple saint Marc de la mettre- 
par écrit, pour qu'ils n'en perdissent jamais le souve- 
nir. C'est ce qui occasionna la composition du second 



375 



PIERRE (SAINT) 



376 



Évangile. En troisième lieu, il .eut probablement, tout 
é fait à la fin de sa vie, une nouvelle rencontre avec 
Simon le magicien. Bien que les détails qui entourent 
-cet épisode dans la littérature clémentine et dans les 
autres écrits apocryphes soient légendaires en grande 
partie, le fait même est attesté et regardé comme his- 
torique par des écrivains ecclésiastiques aussi anciens 
que judicieux, tels que saint Irénée, Tertullien, saint 
Hippolyte, Eusèbe, etc. ; c'est pourquoi divers critiques 
contemporains en parlent comme d'un événement cer- 
tain, tout en le dégageant des fables dont il est envi- 
ronné ; d'autres, il est vrai, le rejettent totalement. 
Voir C. Fouard, Saint Pierre, p. 551 , L. Duchesne, 
Les Origines chrétiennes, p. 87-113, etc. En tout cas, 
il est. bien évident que le prince des Apôtres, même 
après s'être installé à Rome, n'y séjournait pas per- 
pétuellement; il s'en allait parfois, lorsque les besoins 
de l'Église réclamaient ailleurs sa présence. C'est 
ainsi que nous le trouvons à Jérusalem, pour l'assem- 
blée qui s'y tint vers l'an 50, Act., i, 15 et à Antioche 
un peu plus tard. Gai., n, 11. 

V. LES DERNIERS INCIDENTS DE SA VIE ; SON MARTYRE 

et son tombeau. — 1° Rien n'est complètement cer- 
tain lion plus sur les faits qui précédèrent immédiate- 
ment la mort de saint Pierre. Arrêté par l'ordre de 
Néron, il tut, d'après une tradition longtemps en hon- 
neur, mais aujourd'hui battue en brèche (voir Kraus, 
Real-Encyklopâdie der chrisll. Alterthûmer, t. Il, 
p. 611), jeté dans le cachot nommé Tullianum, dans 
d'obscur caveau de la prison Mamertine, au pied du 
Capitule. Voir H. Grisar, Histoire de Rome, trad. Ledos, 
1906, t. I, p. 207-210. 

2» Le théâtre de sa mort fut Rome : il n'y pas le 
moindre doute sur ce point. Nous en avons pour ga- 
rants saint Clément pape, / ad Cor., v et vi, 1. 1, col. 217, 
220; Cafus dans Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209; 
S. Denys de Corinthe, ibid., Il, xxv, 8; Origène, ibid., 
III, i, 1, col. 216; Tertullien, Adv. Marc, iv, 5, t. il, 
■col. 375; Eusèbe, Demonstr. evang., III, v, 65, t. xxn, 
col. 209; saint Jérôme, De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 608; 
de même les Acta Pétri et Pauli (Tischendorf, Acia 
Aposlolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 35), la lit- 
térature clémentine. Voir Clementinse, édit. de Lagarde, 
Leipzig, 1865, p. 6. Le témoignage des Clémentines 
•est remarquable; en effet, les hérétiques qui les ont 
composées auraient difficilement songé d'eux-mêmes à 
faire mourir saint Pierre à Rome, si le fait n'avait pas 
été réel. 11 est frappant aussi de voir que «si plusieurs 
Églises revendiquent l'honneur d'avoir été fondées par 
Pierre, aucune, sauf Rome, n'a revendiqué la gloire 
de son martyre.» A. Brun, L'Apôtre Pierre, p. 63, note 1. 
L'endroit spécial de Rome où le vicaire du Christ subit 
le martyre ne fut probablement pas l'emplacement 
actuel de l'Église San Pietro in Montorio, sur le Janicule, 
mais celui de la basilique de saint Pierre, sur la col- 
line vaticane. Voir. Marucchi, Éléments d'archéologie 
chrétienne, t. i, p. 11. 

3° Pierre subit le martyre pour son Maître, comme ce- 
lui-ci le lui avait prédit (Joa., xxi, 22. Voir Denys de 
•Corinthe et Caïus, l. c. ; Tertullien, Adv. Marc, rv, 5, 
t. il, col. 375. Son genre de mort fut le crucifiement, 
ainsi que nous l'apprennent Origène, dans Eusèbe, 
H. E., III, I, 2, t. xx, col. 216 ; Tertullien, De prœscript., 
56, t. i, col. 461, et Scorpiac, 15, t. n, col. 151; saint 
Jérôme, De vir. ill., 15, t. xxm, col. 631; Eusèbe, Dem. 
evang., III, v, 65, t. XXII, col. 209, etc. Origène et saint 
Jérôme ajoutent que, sur sa demande, le prince des 
Apôtres fut crucifié la tête en bas, pour n'être pas égalé 
à son-Maître. Sénèque, Consol. ad Marc, 20, mentionne 
en termes formels cette aggravation du crucifiement, 
•comme étant usitée de son temps. D'après l'explication 
la plus naturelle, c'est bien le supplice de la croix qui 
■est désigné dans la prophétie du Sauveur, Joa., xxi, 22 : 



« Tu étendras tes bras... » C'est ce que reconnaissait 
déjà Tertullien, Scorpiac, 15, t. i, col. 151 : Tune 
Petrus ab altero cingitur, cum cruci adslringitur. 

4° La date de sa mort. — Suivant M^ Duchesne, 
Histoire ancienne de l'Église, Paris, 1906, t. i, p. 64, 
« c'est... en 64 qu'il convient de placer son martyre. » 
Le savant historien ajoute dans une note : « Eusèbe le 
met en 67 ou 68; cependant, comme il indique en 
même temps la persécution de Néron, son attribution 
n'est pas sans ambiguïté. La persécution de Néron... 
commença à l'été de 64. » Nous préférons nous en 
tenir à la date d'Eusèbe, et tout spécialement à l'année 
67, la quatorzième du règne de Néron, qui est adoptée 
par saint Jérôme et par la plupart des historiens mo- 
dernes et contemporains. Voir Gams, Das Jahr des 
Martyrtodes der Apostel Petrus und Paulus, Ratis- 
bonne, 1867; A. Rartolini, Sopra Vanno 67 dell' era 
volgare, se fosse quel del martirio de' gloriosi apostoli, 
Rome, 1868. D'après saint Épiphane, Béer., xxvii, 6, 
t. xli, col. 373, c'est dès la douzième année de 
Néron (en 66), qu'aurait eu lieu le martyre de saint Pierre. 
Déjà le catalogue libérien cite le 29 juin comme le jour 
de cette glorieuse mort. Les Acta Pétri et Pauli font 
de même. Cf. Tischendorf, Acta Apostol. apocr., p. 39. 
On ne saurait faire rigoureusement la preuve; mais 
d'assez nombreux critiques acceptent cette ancienne 
donnée comme véritable. Voir Erbes, Die Todestage 
der Apostel Paulus und Petrus, dans les Texte und 
Untersuchungen, nouvelle série, t. îv, I re partie, 1899. 

5" Saint Pierre subit-il le martyre en même temps 
que saint Paul? Plusieurs anciens auteurs le disent 
formellement; entre autres, Denys de Corinthe, dans 
Eusèbe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209 : « Ils ont rendu 
témoignage à la même époque, » y.axà tôv aÙTÔv xatpôv. 
Cf. Eusèbe, Chronic, traduction armén., t. xix, col. 524, 
et traduct. de saint Jérôme, t. xxvn, col. 589. Saint 
Jérôme, De vir. ill., 5, t. xxin, col. 617, dit, en 
parlant de Paul : Eodem die guo Petrus Romœ pro 
Christo capite truncatur. Les traditions romaines s'ex- 
priment dans le même sens. D'autres anciens écri- 
vains, sans affirmer directement ce fait, le supposent : 
tels saint Clément pape, Caïus, Origène, Tertullien, l. c 
De nombreux historiens contemporains se rangent à cette 
opinion. Voir Funck, dans le Kirchenlexikon de Wet- 
zer et Welte, édit. Kaulen, t. ix. col. 1863. Le poète 
Prudence, Peristeph., 12, t. lx, col. 556-557, 560, fait 
mourir saint Paul un an après saint Pierre. Cf. aussi 
saint Augustin, Serm., ccxcv, 7, et Serai., ccclxxxi, 
t. xxxviii-xxxix, col. 1352, 1683, qui ajoute cependant 
que le jour du martyre fut le même. 

6° Le prince des Apôtres fut enseveli tout près du 
lieu de son supplice, sur la colline Vaticane, comme le 
disait déjà le prêtre romain Caïus, dans Eusèbe, 
H. E., il, 25, t. xx, col. 207 : « Si tu veux aller sur 
le Vatican ou sur \a voûte d'Ostie, tu trouveras les 
trophées (ra TpÔ7iaia) de ceux qui ont fondé cette Égli- 
se, y> c'est-à-dire les tombeaux glorieux de sjint Pierre, 
enterré au Vatican, et de saint Paul, enseveli près de la 
« via Ostiensis ». Saint Jérôme signale le même fait, 
De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607. Une tradition identique 
a été conservée par le Liber pontificalis, édit. Duchesne, 
p. 52-53, 158-159, et les Acta Pétri et Pauli, 84, édit. 
Lipsius, p. 216. C'est là que le pape Anaclet construisit 
la Memoria beali Pétri (Lib. pontif., édit. Duchesne, 
p. 55 et 125) ; là que Constantin bâtit une basilique, sur 
l'emplacement de laquelle s'élève aujourd'hui l'œuvre 
admirable du Bramante et de Michel-Ange. 

V. Portrait moral et physique de saint Pierre; 

SON ENSEIGNEMENT D'APRÈS LES DISCOURS DU LIVRE DES 

Actes. — /. caractère du prince des apôtres. — Il 
n'a pas toujours été décrit exactement. C'est ainsi que 
divers écrivains, soit catholiques, soit protestants, 
attribuent à l'apôtre trop de défauts naturels : les uns, 



377 



PIERRE (SAINT) 



378- 



pour relever la puissance de la grâce; les autres, pour 
amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral 
est cependant aisé à reproduire, car ses grandes lignes 
sont esquissées aussi clairement que possible dans les 
récits évangéliques et au livre des Actes. La fougue, 
l'ardeur impétueuse en étaient le trait le plus saillant : ses 
paroles ne le démontrent pas moins bien que ses actes. 
Voir Matth., xvi, 22; xvn, 4; Marc, xiv, 29; Luc, v, 
8; Joa., vi, 69; xm, 9, 37, etc. A cet entrain véhément, 
qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des 
autres Apôtres, cf. Matth., xv, 15; xvi, 16; xvm, 21; 
Marc, i, 36; xi, 21; Luc, vin, 45; Ooa., vi, 69-70, 
etc., se joignaient la mobilité et l'impressionnabilité, 
cf. Matth., xiv, 30; Luc, v, 8, l'enthousiasme, 
Matth., xiv, 28-29, la candeur, Matth., xvi, 22; xvii, 4, 
la franchise et la loyauté, Matth., xix, 27; Luc, v, 5, 
la générosité et la vaillance, Matth., iv, 18-20; 
Joa., xvm, 10; Act., il, 14; ni, 12-26, iv, 8; v, 29, 
etc., parfois la présomption et l'obstination, Matth., xxvi, 
33, la timidité, Gai., n, 11-12, et même la faiblesse. 
Matth., xxvi, 40, 69. A ces divers points de vue, la na- 
ture de Pierre reflétait celle dés Galiléens, ses compa- 
triotes, telle que l'historien Josèphe nous l'a décrite. 
Voir Ant. jud., xvi, 17; Bell. jud.. III, ni, 2. Il était 
avant tout un homme d'action, comme il sut le montrer 
de la façon la plus admirable après la mort de Jésus- 
Christ. Son cœur était chaud, généreux, dévoué, ainsi 
qu'on le voit par de nombreux passages du Nouveau 
Testament. Voir L.-Cl. Fillion, Saint Pierre, p. 182-185. 

II. SA REPRÉSENTATION SUR LES MONUMENTS FIGURÉS. 

— Le portrait physique de saint Pierre est très souvent 
reproduit sur les anciens monuments (sarcophages, 
mosaïques, fonds de verres, fresques des Catacombes). 
Voir Smith, Dictionarij of Christian Bibliography , t. n, 
p. 1621 ; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte und 
Apostellegenden, t. n, I e partie, p. 213; F. X. Kraus, 
Realencyklopâdie der chrisll. Alterthùmer, t. n,p.67; 
O. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo in Roma, 1900, 
p. 161-169. 

« Saint Jérôme In Gai., i, 18, t. xxvi, col. 329, 
rapporte, d'après un ancien livre apocryphe, que 
saint Pierre aurait été chauve ; et parfois il est figuré 
comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens, 
il porte la barbe, des cheveux courts et frisés; son 
visage est rond; ses traits sont ordinaires, comme 
ceux de la plupart des gens du peuple; toutefois, quoi- 
qu'il ne soit nulle part idéalisé, sa physionomie respire 
toujours l'intelligence et la bonté. Plus tard, on le re- 
présente avec une tonsure : c'est le fruit d'une légende 
signalée par plusieurs écrivains du vi e ou du vif siècle, 
et suivant laquelle saint Pierre aurait été ignominieuse- 
ment tondu par les ennemis de l'Évangile. » L.-Cl. 
Fillion, Saint Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188, 
lig. 579, la figure à droite. 

III. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE 

SAINT pierbe. — Plus loin, nous aurons à spécifier la 
doctrine que le prince des Apôtres enseigne dans cha- 
cune de ses Épitres. Il est bon d'indiquer ici celle qui 
se dégage de ses huit discours du livre des Actes. No- 
tons cependant qu'on aurait tort de vouloir déterminer 
.rigoureusement par ces discours, comme on l'a fait 
parfois, quel était l'enseignement caractéristique soit 
de saint Pierre, soit des autres Apôtres, au début de 
l'histoire de l'Église. On ne doit pas oublier que ces 
allocutions furent des improvisations rapides, dictées 
par les circonstances, qu'elles furent nécessairement 
brèves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement 
d'y développer le symbole chrétien, soit en général, 
soit même sur tel ou tel point particulier. Il serait donc 
inutile d'y chercher, et de prétendre y trouver, un sys- 
tème dogmatique, parce que c'est avant tout une pré- 
dication apostolique, dont nous n'avons d'ailleurs qu'un 
écho nécessairement affaibli, quelque fidèle qu'il soit. 



Cette réserve faite, il est très intéressant de les par- 
courir, pour les envisager sous le rapport doctrinal. 
Voir *B. Weiss, Lehrbuch der bibl. Théologie des N. 
T., i» édit., Berlin, 1884, p. 114-116, 123-144; *Lechler r 
Bas apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3 e éd. r 
Leipzig, 1885, p. 225-241; *Mc Giffert, A History of 
Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63, 
482-486; *Bovon, Théologie du Nouv. Test., 2 e éd., 
1905, t. il, p. 51-70. 

Les discours les plus importants au point de vue qufr 
nous étudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa 
au peuple le jour de la Pentecôte, Act., n, 14-40; 
2° celui qu'il prononça dans la cour du Temple, après- 
la guérison du paralytique, Act., m, 12-26; 3° celui 
qu'il adressa au centurion Corneille et à ses amis. 
Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour 
but direct de gagner les auditeurs à la foi chrétienne. 
Néanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act., i r 
16-22; iv, 8-12; v, 29-32; xi, 4-17; xv, 7-11, et la prière- 
des fidèles, iv, 24-30, sont aussi très instructifs sous ce 
rapport. Des idées dogmatiques, morales, apologétiques 
et polémiques très variées y sont exprimées. On a dit très 
justement (B. Weiss, l. c, p. 116) qu'on n'a pas suffi- 
samment apprécié ces discours au point de vue théolo- 
gique. Ce sont les documents les plus anciens que 
nous ayons pour nous renseigner sur la prédication 
apostolique au début de l'histoire de l'Église. Sur leur 
authenticité, voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152.. 
On peut les résumer tous en un mot très exact : ils 
sont un témoignage rendu à N.-S. Jésus-Christ. La> 
doctrine en est très simple, comme le demandaient les= 
circonstances; elle est cependant très riche aussi. 

1° Rapports de la religion nouvelle avec celle de- 
V Ancien Testament. — Ces rapports sont très intimes ; 
les deux religions sont étroitement alliées. La seconde 
se rattache à la première comme à sa racine, à sa pré- 
paration. Saint Pierre est très formel sur ce point, et 
il y revient fréquemment. Dans ses discours, comme- 
plus tard dans ses écrits, il répète sans se lasser que 
le christianisme s'appuie de toutes manières sur les= 
oracles prophétiques, qui l'ont annoncé d'avance, et 
dont il est la réalisation parfaite. Cf. Act., il, 14-21, 
24-36; iv, 11; x, 43. Il cite en ce sens Moïse, Act., m, 
22-23, les Psaumes, Act., n, 25-36; iv, 11, les grands- 
et les petits prophètes, en particulier Joël, Act., n, 17- 
21; Jérémie, xxxi, 34, tous les oracles de l'Ancien- 
Testament ire globo. Act, m, 24. Ce fait ne pouvait 
qu'intéresser et frapper vivement les auditeurs juifs de 
l'apôtre. 

2° La christologie. — C'est le point de départ, le 
point central et aussi le terme de la prédication de- 
saint Pierre, Jésus est le Messie prédit par Dieu à son- 
peuple, impatiemment attendu -et désiré par les Juifs 
aux différentes époques de leur histoire. Act., m, 22. 
Dieu l'a en quelque sorte légitimé, accrédité par des 
miracles et des signes nombreux, Act., n, 22, 36; x, 
38; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38; 
cf. Marc, i, 10. Jésus est le prophète annoncé par 
Moïse, le serviteur de Jéhovah prédit par lsaïe. Act., m,. 
13, 26; iv, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait elle- 
même dans le plan divin. Act., n, 23; m, 18; iv, 11, 
25-28; v, 30; x, 39. La preuve la plus frappante de son» 
caractère messianique consiste dans sa résurrection,, 
dans son ascension et dans sa glorification sublime 
auprès de son père. Act., il, 33-35; v, 31, etc. Saint 
Pierre ne manque jamais d'opposer ces faits glorieux 
à la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., n, 36; 
m, 15; iv, 10; v, 30; x, 40. En effet, humainement' 
parlant, la croix de Jésus était la négation de son carac- 
tère messianique, tandis que sa résurrection en est la- 
preuve la plus convaincante; aussi l'apôtre fait-il de- 
ce dernier mystère le centre de toute sa prédication.. 
Cf. Act., i, 8,"22; n, 2-32, 36; m, 15; îv, 10; v, 30; x,. 



379 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



380 



42, etc. Vivant et triomphant dans le ciel, il demeure 
toujours uni à son Église et lui envoie sans cesse de 
précieux secours. Act., Il, 33; m, 16; IV, 10. Il reviendra 
un jour, puissant et glorieux, pour juger tous les 
hommes, Act., in, 26; x, 42, et alors commencera une 
ère de consommation pour son Église. Il est la pierre 
angulaire sur laquelle repose tout l'édifice chrétien. 
Act., iv, 11. — Les discours de Pierre n'affirment pas 
explicitement et directement la divinité de Jésus-Christ, 
mais ils la supposent constamment. Le point essentiel 
consistait à démontrer d'abord aux Juifs que Jésus 
«tait le Messie depuis longtemps promis. Il est le Saint 
■de Dieu par excellence, ô Sotôç trou, Act., Il, 27, le 
saint et le juste, Act., m, 14, le prince de la vie, Act., m, 

15, le Seigneur de toutes choses. Act., x, 36. Il est le 
Seigneur par antonomase (4 xvpioç), comme Dieu lui- 
même, Act., i, 24; il, 20, 21, 36; m, 20; vn, 59-61; 
XI, 23, 24, etc., ou le Seigneur Jésus. Act., i, 31; iv, 33; 
XV, 11, etc. Dieu était avec lui d'une manière toute 
spéciale, Act., x, 38; en lui seul est placé le salut du 
monde. Act., iv, 12; v, 31. Assis sur le trône de Dieu, 
il est évidemment son égal. De grands miracles s'accom- 
plissent en son nom. Act., m, 6, 16; iv, 30, etc. A tous 
ces points de vue, il est un être unique, d'une dignité 
et d'une puissance extraordinaires. Mais il est homme 
aussi : c'est Jésus de Nazareth, « homme approuvé de 
Dieu, » Act., il, 22, et, à ce titre, descendant royal de 
David. Act., n, 30. 

3° La sotériologie. — Avec Jésus-Christ a commencé 
l'ère de rédemption annoncée par les prophètes. Act., n, 
7; m, 24; x, 43. Les moyens de s'approprier le salut 
apporté par lui consistent : — 1. Sous le rapport négatif, 
à faire pénitence et à rompre avec le péché, Act., n, 
•38; ht, 26; — 2. Sous le rapport positif, à accepter sans 
hésitation la prédication apostolique, qui est la parole 
de Dieu lui-même, Act., iv, 29; v, 32; x, 41-42, etc., à 
croire en Jésus-Christ comme au Sauveur depuis 
longtemps prédit, Act., n, 36; x, 43, et à recevoir le 
baptême en son nom, de manière à faire .partie de la 
société des élus. Act., n, 38. En échange de cette foi en 
sa personne et pour rendre plus certaine l'acceptation 
individuelle du salut, Jésus remet les péchés des croyants 
sincères, Act., n, 38; m, 19; x, 43; il leur commu- 
nique son Esprit, selon les antiques promesses, Act., n, 

16, etc.; il leur accorde le salut éternel. Act., m, 
15; IV, 11-12; v, 31, etc. Israël, en tant que peuple de 
l'alliance, avait un droit spécial à la rédemption mes- 
sianique, cf. Act., ii, 39; m, 26; v, 31; x,,36, 42, etc.; 
mais tous les peuples du monde, sans exception, 
devaient y participer aussi. Act., it, 17, 39; m, 25; x, 
34-35; xv, 7. — On le voit par ce simple sommaire, rien 
n'est plus précis que l'enseignement doctrinal du prince 
des Apôtres, malgré son caractère élémentaire. Les 
Épîtres nous le présentent sous une forme plus large 
et plus complète. 

VI. Bibliographie. — Voir C. Pouard, Saint Pierre et 
les premières années du christianisme, Paris, 1886; 
Ma" Le Camus, L'œuvre des Apôtres, t. i, Fondation de 
l'Église chrétienne, Paris, 1891; Xavier, Historia S. 
Pétri, 1639; P. Scheuren, Petrus der Apostelfùrst u. 
Statthalter Christi, nach der h, Schrift, den Vâtern... 
dargestellt, Aix-la-Chapelle, 1846 ; Janvier, Hist. de saint 
Pierre, Tours, 1875; *J. S. Howson, Studiesin theLife 
of St. Peter, Londres, 1883; * A. Birks, Studies in the 
Life and Character of St. Peter, Londres, 1887; 

* Couard, Simon Petrus der Apostel des Herrn,i88Q; 
Henriot, Saint Pierre, son apostolat, son pontificat, son 
épiscopat; histoire, traditions et légendes, Lille, 1891 ; 

* H. G. Thomas, The Apostle Peter, outline Studies 
in his Life, Character and Writings, Londres, 1904; 
L.-CI. Fillion, Saint Pierre, Paris, 1906; * A. Brun, Essai 
sur l'apôtre Pierre, Montauban, 1905. 

L. Fillion. 



2. PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT). — I. La 

question d'authenticité. — Nous étudierons successi- 
vement les preuves extrinsèques et les arguments 
intrinsèques; puis, nous réfuterons les principales 
objections des néo-critiques. 

/. preuve extrinsèque. — Les témoignages ren- 
dus à notre Épitre par les écrivains ecclésiastiques 
abondent depuis les temps les plus reculés. Aucun de 
ces anciens auteurs « n'a douté de son authenticité, 
ni même entendu parler de doute la concernant » 
(Olshausen). Si l'on se place au iv e siècle et que l'on 
remonte en arrière, on est tout d'abord frappé de ce 
fait que, dans toutes les listes qui énumèrent les livres 
canoniques du Nouveau Testament, à part une seule, 
la lettre est citée et attribuée à saint Pierre. C'est le 
canon de Muratori qui fait exception : ce qu'il dit 
des écrits de saint Pierre est d'ailleurs très obscur; il 
porte en cet endroit des traces visibles de corruption, 
et il est possible que la l a Pétri ait été mentionnée 
dans le texte primitif, comme le pensent des critiques 
de premier ordre. VoirTh.Zahn, Gesch. des neutestam. 
Kanons, t. il, 1" part., p. 11U. Eusèbe, H. E., m, 25, 
t. xx, col. 268, mentionne expressément l'Épitre parmi 
les livres admis d'une manière incontestable, et il affirme, 
m, 3, t. xx, col. 217, que « les anciens prêtres l'ont 
citée dans leurs écrits comme étant très authentique. » 

Au commencement du m 6 siècle et dès la fin du ir 3 , 
nous pouvons constater l'état de choses suivant. Pour 
l'Église d'Alexandrie, nous avons, d'une part, le témoi- 
gnage du docte Clément, qui, non seulement cite la 
lettre et l'attribue à Pierre, Strom., m, 18, t. vm, 
col. 1213; Pœdagog., î, 6, t. vin, col. 301 (cf. I Pet., i, 
6-9; il, 2-3), mais en a donné une brève explication 
dans ses Hypotyposeis (cf. Eusèbe, H. E-, vi, 14, 1, 
t. xx, col. 549), et, d'autre part, l'attestation non 
moins claire d'Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, 
8, t. xx, col. 481; — pour les Églises d'Afrique, le 
témoignage soit deTertullien, qui, s'il omet de la men- 
tionner dans son énumération des Instrumenta apos- 
tolica, c'est-à-dire des écrits composés par les apôtres, 
lui emprunte, plusieurs passages (cf. De orat., 20, t, i, 
col. 1182, et I Pet., m, 3; Scorpiace, xiv, t. u, col. 150, 
et I Pet., n, 17; voir Rô,nsch, das Neue Testament Ter- 
tullian's, p. 556-563], et la donne expressément comme 
l'œuvre du prince des Apôtres, soit de saint Cyprien 
(cf. De bono patientise, 9, t. IV, p. 628; Contr. jud., m, 
36, t. iv, col. 756); — pour les Églises de Syrie, celui de 
la Peschito, dont notre lettre a toujours fait partie; — 
pour les Églises des Gaules, celui de saint Irénée, qui 
lui emprunte plusieurs citations, en déclarant qu'elle 
a été composée par saint Pierre (cf. Adv. hser., IV, 
ix, 2, t. vu, col. 998, et I Pet., i, 8; ibid., xvi, 5, 
col. 1019, et I Pet., ïv, 16); — pour l'Église de Rome, 
le témoignage de l'Itala, qui a toujours contenu la 
i a Pétri, comme le prouvent les citations de Tertul- 
lien et de saint Cyprien, et celui de saint Hippolyte 
(cf. Fragm. in Dan., xn, 7, édit. Lagarde, 185, 20, et 
I Pet., i, 12). 

La première Épitre de saint Pierre est aussi très 
fréquemment citée dans le cours du n» siècle, et à 
l'époque des Pères apostoliques. Voir la lettre des 
Églises de Lyon et de Vienne, en 177, dans Eusèbe, 
H. E., v, 1 et 2, t. xx, col. 436; comp. I Pet., v, 6 
et 8; S. Justin, Dial. c. Tryph., 103, t. vi, col. 717 
(cf. I Pet., v, 8); S. Irénée, Adv. hser., i, 18, 3, t. vn, 
col. 645, cf. I Pet., m, 20; Clément d'Alexandrie, 
Strom., IV, xn, 83, et 1 Pet., i, 12; t. vin, col. 1108; 
Hermas, Vis., iv, 3, 4, et Pet., i, 7; Sim., ix, 21, 3, 
xxvin, 4-7, et Pet., ïv, 14-16; Sim., ix, 16, et 1 Pet., 
m, 19-20; Papias, dans Eusèbe, H. E., III, xxxix, 1, 
t 'xx, col. 500; Polycarpe, Philipp., i, 2, et I Pet., i, 8; 
„ 1, et I Petr., i, 13, 21; n, 2, et I Pet., m, 9; vin, 1, 
et I Pet., n, 22, 24. Cf. Eusèbe, H. E., ïv, 14, t. xx, 



381 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPIïRE DE SAINT) 



382 



col. 350; S. Clément de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et 
33, t. i, col. 240, 244, 273, et I Pet., n, 21; xxn, 2, 
et I Pet., m, 10; xlix, 5, et I Pet., iv, 8. Les témoi- 
gnages de Papias et de saint Polycarpe ont d'autant 
plus de force, que les Églises gouvernées par eux 
(Hiérapolis et Smyrne) faisaient partie de la région à 
laquelle est adressée l'Épître. Celui de saint Clément 
a aussi une grande autorité, la lettre ayant été composée 
à Rome même, comme il sera dit plus loin. — Le témoi- 
gnage le plus ancien de tous, et par suite l'un des plus 
importants, est celui de la 7J a Pétri, laquelle se pré- 
sente, in, 1, comme étant la seconde lettre de l'apôtre 
Pierre. Il est vrai qu'il a existé autrefois des doutes au 
sujet de son authenticité, et qu'un grand nombre de 
critiques hétérodoxes la rejettent comme apocryphe (voir 
ci-dessous, col. 402-410); mais elle est très ancienne 
aux yeux de ces critiques eux-mêmes, car ils placent 
généralement sa composition entre les années 88 et 90. 
Son témoignage demeure donc ferme en toute hypothèse. 
Telle est la preuve extrinsèque, qui démontre l'authen- 
ticité de l'Épitre de saint Pierre. Ces deux faits s'en 
dégagent : 1° l'Épître a été connue de très bonne heure 
dans toute l'Église ; dès que celle-ci a possédé un re- 
cueil de littérature qui lui fût propre, la Z a Pétri y est 
citée comme un écrit qui exerce une influence consi- 
dérable; 2° à partir de saint Irénée, c'est directement 
et nommément à saint Pierre que tous les auteurs ec- 
clésiastiques attribuent l'Épître. 

Pour éluder un si puissant argument, les adversaires 
de l'authenticité éprouvent, on le conçoit, un très grand 
embarras, et il ne peuventlui opposer que de très pauvres 
raisons. Voir Jùlicher, Einleitung in das N. T., 1894, 
p. 131. 1° L'objection qu'ils tirent du silence du canon 
de Muratori a été brièvement réfutée plus haut. 2° Ils 
s'appuient aussi sur une double allégation de Pierre de 
Sicile (vers 870), Historia Manichœor., c. xvii. D'après 
cet auteur, d'une part, les « pauliniens », qui vou- 
laient établir un christianisme purement basé sur la 
doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la i a Pétri; 
d'autre part, Théodore de Mopsueste, suivant une 
donnée fournie par Léonce de Byzance dans son 
écrit Contra Nestor, et Eutych., 1. IV (entre 560 et 
600), t. lxxxvi, col. 1650, aurait abrégé et rejeté les 
Épîlres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du 
tout », comme l'a fort bien dit Credner, Einleit., t. n, 
p. 648; car les faits en question sont d'une date très 
tardive. D'ailleurs, le second de ces faits n'est pas 
même certain, puisque aujourd'hui encore les Nes- 
toriens, qui ont conservé le canon biblique de Théo- 
dore de Mopsueste, regardent la I re Épître de saint 
Pierre comme canonique. Voir Kihn, Tlieodor von 
Mops., in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 64. 3° En troi- 
sième lieu, les néo-critiques s'appliquent à affaiblir la 
force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi, 
d'après Harnack, Chronologie, p. 463, saint Polycarpe 
n'aurait pas regardé notre Épître comme l'œuvre de 
saint Pierre, puisqu'il ne la lui attribue pas nom- 
mément, tandis qu'il mentionne expressément saint 
Paul en lui empruntant des citations. Mais la con- 
clusion est illégitime; en effet, saint Polycarpe ne 
cite pas davantage les noms de saint Jean, des synop- 
tiques, de saint Clément pape et des auteurs de 
l'Ancien Testament, lorsqu'il leur fait quelque em- 
prunt. Si l'évèque de Smyrne fait une exception en 
faveur de l'apôtre des Gentils, c'est simplement parce 
qu'il s'adressait à une Église fondée par lui. 

il. arguments INTRINSEQUES. — Ils confirment la 
preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle- 
même, i, 1, comme ayant été composée par « Pierre, 
apôtre de Jésus-Christ ». Or, de nombreux détails 
qu'elle renferme sont en parfait accord avec ce ren- 
seignernent.Entre autres : — a) la mention de Silvain, v, 
12, personnage important qui avait eu des relations 



étroites avec l'Église de Jérusalem et avec le prince des 
Apôtres, Act., xv, 22; — b) la mention de saint Marc, 
v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps 
la mère, Act., xii, 12, et qu'il avait alors auprès de lui 
comme un fils spirituel et un compagnon dévoué, 
voir Eusèbe, H. E., m, 36, t. xx, col. 300 ; — c) la 
mention de Babylone, v, 13, c'est-à-dire de Rome, 
où le prince des Apôtres se trouvait à la fin de sa 
vie. — d) v, 1 sq., l'auteur désigne certainement par 
le mot itpeuëijTEpoi les prêtres-évêques préposés aux 
chrétientés d'Asie Mineure auxquelles la lettre est 
adressée. Il se présente lui-même comme leur o-uvrcpeff- 
êÛTepo;. Or, tout le ton de la lettre montre qu'il est 
de beaucoup leur supérieur à tous ; ce qui est bien , 
évident, puisqu'il est le chef de l'Église entière. Un 
faussaire, bien loin de parler avec une telle humilité, 
aurait fait valoir hautement le titre du prince des apô- 
tres. — e) Nous avons à signaler aussi des allusions 
assez fréquentes aux paroles de Jésus-Christ. Cf. i, 10, 
etLuc.,x,24-25;i,13,etLuc.,xn,35;i,17,-etMatth.,vi,9; 
H,17, et Marc, xii, 17; in,14,etiv, 14, avecMatth., v,10-ll ; 
iv, 13, et Matth., v, 12; v, 3, et Marc, x, 42-43; v, 6, et 
Matth., xxiir, 12. Comp. aussi n, 6-8, avec Matth., xxi, 42, 
et Luc, xx, 17. Cf. Act., iv, 11. Ce dernier rapproche- 
ment est particulièrement frappant, car la combinaison 
de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se 
trouve qu'en ces quatre passages, dont deux citent les 
paroles de Jésus et les deux autres les paroles de saint 
Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21; 
n, 21-25; m, 18-19; iv, 1, etc., l'auteur fait allusion â 
divers événements de la vie du Sauveur, et même, ce 
qui est encore plus significatif, aux relations person- 
nelles qu'il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 : 
« (Jésus-Christ) que vous aimez quoique vous ne l'ayez 
pas vu, » semble établir sous ce rapport une distinction 
spéciale entre l'auteur de la lettre et les lecteurs : 
ceux-ci ne connaissaient le Christ que par ouï dire; 
lui, il l'a vu de ses propres yeux. C'est bien à tort, on 
le voit, qu'on a accusé la 1" Pétri de « manquer de 
souvenirs directs du ministère et de l'enseignement de 
Jésus. » J. Monnier, La l re Épître de l'apôtre Pierre, 
Mâcon, 1900, p. 515. Celui qui l'a composée a été réel- 
lement témoin de la vie publique, de la passion et de 
la résurrection de Notre-Seigneur. S'il parle plus sou- 
vent de la passion, c'est à cause de l'importance spé- 
ciale qu'avait ce mystère pour les lecteurs, plongés 
alors dans l'épreuve. Voir Westcott, An introduction 
to the Study of tke Gospels, 5» édit,, Londres, 1875, 
p. 174-175. — g) Une preuve intrinsèque qui mérite 
toute notre attention, c'est la ressemblance qui existe, 
soit pour le fond, soit pour la forme, entre l'Épître et 
les discours de saint Pierre contenus dans le livre des 
Actes. Des deux côtés, peu de pensées abstraites et 
spéculatives, mais les faits principaux de la vie du 
Sauveur, présentés d'une manière concrète comme la 
base de notre salut. Cf. en particulier I Pet., I, 10-12, 
et Act., m, 18-25 et x, 43; I Pet., i, 20, et Act., n, 23, et 
m, 20; 1 Pet., n, 4, et Act., x, 11; I Pet., n, 24, et Act., 
v, 30, et x, 39; I Pet., m, 22, et Act, n, 33-34, et v, 31, etc. 
De part et d'autre aussi, l'auteur aime à rattacher sa 
doctrine aux oracles de l'Ancien Testament. Ce trait 
est vraiment caractéristique. De nombreuses pensées 
de l'Épître, comme celles des discours, ont un vête- 
ment biblique. « On sent que l'auteur se meut dans un 
domaine familier, et que sa piété plonge ses racines 
dans la terre nourricière de l'ancienne Alliance. Il en 
parle la langue, il en reflète la pensée. » A. Brun, Essai 
sur l'apôtre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, Apost. und 
nachapost. Zeitalter, 3» éd., p. 440-443; K. Burger, 
dans le Kurzgefassler Komment. de Strack et Zôckler, 
N. Test., 4« Abth., p. 153 de la 2= édit. Voir en par- 
ticulier les passages, i, 16, 17, 24-25; n, 4, 6, 7, 9, 
10, 22, 24; m, 6, 9, 10, 11, 20; iv, 8, 18, etc. - 



383 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



384 



h) L'Épître reflète véritablement le caractère de saint 
Pierre, tel que nous le révèlent les récits des Évangiles 
et des Actes des Apôtres. Sa personnalité y apparaît 
tout entière, comme fait celle de saint Paul dans ses 
propres lettres. Nous y contemplons l'homme pratique, 
l'homme d'action, l'homme au tempérament ardent et 
généreux, l'homme qui exhorte avec bonté, en em- 
ployant des expressions et des images pittoresques. 
C'est donc d'une maniéré très injuste que divers cri- 
tiques regardent notre Épitre comme un produit litté- 
raire dénué d'originalité. Voir en sens contraire Scharfe, 
Die Petrinische Strômung der neutestam. Litteratitr, 
1893. Les images concrètes et frappantes y abondent; 
cf. i, 7,13,18, 23, 24; il, 2, 4, 5, etc. L'auteur drama- 
tise son exposition au moyen d'épithètes vigoureuses, 
I, 4, 7, 8, 19; v, 10, etc. ; il emploie des verbes compo- 
sés et varie les prépositions pour mieux exprimer les 
nuances de sa pensée,], 2, 3, 5, 12, 13, etc.; il a recours 
aux contrastes pour mieux insister sur l'idée, i, 6, 8, 
11; il, 4, 7, etc. Tout cela manifeste un esprit original, 
puissant, ardent, comme l'était celui de Simon-Pierre. 
Voir Belser, Einleit., p. 701. 

OT. OBJECTIONS VES CBITIQUES CONTRE h' AUTHEN- 
TICITÉ. — 1° Histoire de leurs attaques. — Sans 
doute, ces différentes preuves intrinsèques n'ont pas 
la même valeur- que les témoignages cités plus haut; 
mais elles les corroborent singulièrement. Néanmoins, 
quoique si bien .accréditée de toutes manières, la 
J a Pétri ne pouvait pas plus échapper que les autres 
parties du N. T. aux procédés dissolvants de la critique 
rationaliste. Déjà Semler, en 1784, avait émis des doutes 
sérieux sur l'authenticité, que Gludius, un peu plus tard, 
a été le premier à nier franchement, dans son livre 
Uransichtende$Christentkums,Altowi, 1808, p. 296-300. 
Eichhorn, en 1818, a marché sur ses traces. F. Baur, 
Theol. Jahrbïtcher, 1856, t. h, p. 193-198, et ses disciples 
(notamment Schwegler, Das nachapostol. Zeitalter, 
Tubingue, 1846, t. Il, p. 2-16; H. Holtzmann, dans 
Schenkel, Tlibel-Lexikon, t. iv, p. 495-498. ; Hilgenfeld, 
Einleit. in das N. T., p. 625-630) se sont particulière- 
ment distingués par la violence de leurs attaques, mais 
sans pouvoir se mettre d'accord entre eux pour les 
détails de leurs théories, ni pour la date de l'Épître, etc. 
Celle-ci serait, comme tant d'autres parties du Nouveau 
Testament, un écrit de conciliation, Unionsschrift, 
destiné à célébrer l'harmonie finalement établie entre 
les deux grands partis hostiles, le Pétrinisme et le 
Paulinisme. Elle démontrerait, en même temps, com- 
ment les idées pauliniennes peuvent être mises à profit 
dans l'intérêt du parti judéo-chrétien. Baur, loc. cit., 
p. 219-222. De là ces réminiscences perpétuelles des 
épîtres de saint Paul qu'on prétend découvrir dans la 
/ a Pétri (voir plus bas, col. 385) et qui donneraient, 
assure-t-on, « l'impression que la lettre provient d'un 
disciple de Paul. » Mais, comme on l'admet universel- 
lement aujourd'hui, « cette théorie (de l'école de Tu- 
bingue), qui est profondément ébranlée d'une manière 
générale, est réfutée en particulier dans l'application 
qui en a été faite à I Pet. » Harnack, Chronologie, 
t. i, p. 456. D'après Jùlicher, Einleit., p. 134-136, de la 
l re édit., la lettre, à cause de ses relations avec l'Épître 
aux Romains, aurait été composée par un chrétien qui 
résidait alors à Rome, mais qui était originaire d'Asie 
Mineure. Selon von Soden, Hand-Comment. zum 
N. T., t. m, 2 e part., p. 117, la lettre aurait Silvain pour 
auteur. Cf. v, 12. Me Gilfert, History of Christianity in 
the aposlolical Age, p. 598, l'attribue à saint Barnabe. 
D'autres critiques s'en sont tenus à l'opinion tradi- 
tionnelle, mais en admettant que l'tpitre est dans un 
état d'infériorité et de dépendance par rapport aux 
écrits de saint Paul; ce qu"on explique en disant que 
Pierre, pratique avant tout, n'avait pas une grande 
originalité littéraire (Bleek, etc.), que c'était un théolo- 



gien médiocre (Renan), ou du moins une nature « ré- 
ceptive, impressionnable » (Salmon). Suivant Harnack, 
Lettre der zivôlf Apostel, t. il, p. 106-109, et Chrono- 
logie, t. i, p. 455-465, les premières et les dernières 
lignes de l'Épître, i, 1-2; v, 12-14, n'appartiendraient 
pas au texte primitif; elles auraient été ajoutées à la 
lettre, lorsque celle-ci fut officiellement déclarée cano- 
nique. Le document primitif, i, 3-v, 11, que ce fût une 
lettre ou non (ce que M. Harnack avoue ne pouvoir dé- 
terminer), serait l'œuvre de « quelque docteur ou pro- 
fesseur distingué », qui l'aurait peut-être composé à 
Rome, entre les années 83-93, ou même vingt ans plus 
tôt. Toutefois, d'une part, l'adresse de la lettre, qui est 
si concrète et caractéristique, et, d'autre part, la con- 
clusion, dont les détails conviennent si bien à saint 
Pierre, protestent contre cette hypothèse ; et puis, 
qu'aurait été ce document original, comme nous l'avons 
vu, et attribué au prince des apôtres dès la plus haute 
antiquité? Le D r Harnack sent si bien la faiblesse de 
sa conjecture, qu'il se déclare prêt, au cas où on la 
trouverait inexacte, à « regarder l'improbable (c'est-à- 
dire, ce qui est improbable à ses propres yeux) comme 
possible, et à revendiquer l'épi tre pour Pierre lui- 
même, plutôt que de supposer qu'elle a été écrite par 
un pseudo-Petrus. » Chronolog., t. i, p. 464. 

2° Première objection. — L'argument tiré des affinités 
de la i 3 Pétri avec les Épîtres pauliniennes et l'Épître 
de saint Jacques, est mis fréquemment en avant par les 
critiques contemporains. D'après eux, cette affinité serait 
telle, que la lettre ne pourrait pas avoir été composée 
par saint Pierre, mais seulement par un disciple de saint 
Paul. Voir McGiffert, l. c, p. 593-595; Jùlicher, Einleit., 
p. 132-133; H. Holtzmann, Einleit., p, 313-316. Cette as- 
sertion remonte aux dernières années du xvnr 3 siècle; 
mais elle a été surtout développée a u débu t du xix e siècle, 
par Scholz, Der schriftstell. Werlh und Charakter 
des Johannes, 1811, p. 12, par Eichhorn, Einleit. in 
das N. T., 1814, t. m, § 284-286. Ce dernier rattache pres- 
que toutes les pensées et les expressions de la /» Pétri 
aux Épîtres de saint Paul. Le savant catholique Hug, 
Einleit. in die Schrift. des N. T., te édit., t. n, §166, 
les protestants Scholt, Isagoge, 1830, § 96, de Wette, 
Lehrbuch der Einleit., 5 e édit., 1848, § 172, et d'autres 
reconnurent aussi, mais avec plus de mesure, qu'il 
existe un certain nombre de ressemblances préméditées 
entre notre Épître et celles de saint Paul : saint Pierre 
aurait fait ces emprunts à dessein, parce qu'il écrivait 
à des chrétientés fondées par saint Paul (Hug); ou bien, 
il aurait voulu manifester sa conformité de pensées 
avec l'Apôtre des Gentils, soit contre les hérétiques 
(Schott), soit sur l'ensemble de la doctrine chrétienne 
(de Welte). Voir aussi la Zeitschrift fur wissenschaftl. 
Théologie, 1874, p. 360-375; 1881, p. 178-186, 332-342. 

D'assez bonne heure on protesta contre cette affirma- 
tion, spécialement contre sa forme la plus exagérée, et 
on essaya de démontrer, tantôt dans les articles de Re- 
vues, — Ransch, dans le Krit. Journal de Winer et En- 
gelhardt, t. vm, 1828, p. 396; Liicke, dans les Theol. 
Studien und Kritik., 1833, p. 528, — tantôt dans les 
ouvrages proprement dits (Mayerhoff, Hist. krit. Ein- 
leit. in die pétrin. Schriften, 1835, p. 104; B. Brûck- 
ner, édition remaniée du commentaire de L. de 
"Wette, 1853, Introd., § rv; B. Weiss, Der pétrin. Lehr- 
begriff, p. 381, que saint Pierre n'a utilisé nulle 
part les lettres de saint Paul, ou du moins que le fait 
est très douteux et ne saurait être prouvé avec certitude, 
ou enfin que les prétendus emprunts se bornent à des 
réminiscences et à des échos plus ou moins conscients. 
L'ouvrage du D r B. Weiss est particulièrement remar- 
quable sur ce point. Sans nier que saint Pierre ait 
connu les écrits de saint Paul et qu'il ait pu s'en appro- 
prier quelques pensées ou expressions, lorsqu'elles ca- 
draient avec le thème qu'il avait à traiter, l'auteur 



385 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



386 



relève en détail les exagérations dans lesquelles on est 
tombé; puis il restreint le débat à l'Épltre auxÉphé- 
siens et à celle aux Romains (chap. xh-xiii), avec les- 
quelles, dit-il, la J» Pétri présente des ressemblances 
très réelles. Ce sentiment est admis de nos jours par 
un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns 
ajoutent l'Épltre de saint Jacques à celles de saint Paul 
aux Romains et aux Êphésiens. Voir Th. Zahn, Einleit. 
in das N. T., t. h, p. 30; Cornely, Inirod., t. in, p. 626-' 
627; Belser, Einleit., p. 694. 

a) Relations de la I" Pétri avec l'Epltre aux Ro- 
mains. — M. B. Weiss reconnaît qu'il existe des points 
de contact évidents entre divers passages de I Pet., et 
les chap. xii-xm de la lettre aux Romains. De même 
Kûhl, Die Sriefe Pétri, p. 40. Hofmann, dans son com- 
mentaire de notre Épltre, Die keilig. Schriflen des N. 
T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des réminis- 
cences de l'un ou de l'autre des deux écrivains, 1» le 
verbe avax'nv-a-zZt^ai (il n'est pas employé ailleurs 
dans le N. T.), associé dans I Pet., i, 14, à raîç irpÔTepov 
im0u[juat{, et dans Rom., xii, 2, à-rû atûvt toÙtm; 2° l'ad- 
jectif XoyixcSç, employé dans I Pet., il, 2, à propos du 
lait de la divine parole, et Rom., xir, 2, à propos du 
service de Dieu ; 3° la locution xaxbv àvrt xay.oO âitoSs- 
Bovtçç, qu'on trouve identiquement dans I Pet., m, 9, el 
Rom., xii, 17. Les critiques établissent encore les rap- 
prochements suivants : I Pet., n, 5, et Rom., xn, 1; 
I Pet., n, 13-14, et Rom., xm, 1-6; I Pet., m, 8-9, et 
Rom., xn, 9-10; 1 Pet., iv, 7, et Rom., xm, 12; I Pet., 
iv, 10-11, et Rom., xn, 6-8. Ils allèguent encore I Pet., 
n, 24, et Rom., vi, 2, 6, 18; 1 Pet., n, 6-7, et Rom., ix, 
33; I Pet., iv, 1, et Rom., vi, 6. 11 règne certainement 
quelque ressemblance entre ces divers passages; mais, 
des deux côtés aussi, il y a une indépendance très 
réelle. Comme le dit fort bien le D r Kûhl, l. c., p. 18, 
les ressemblances signalées permettent seulement de 
supposer que saint Pierre, qui a écrit en dernier lieu, 
avait lu l'épltre aux Romains, et qu'il s'en est appro- 
prié, tout en demeurant très original, des pensées et 
des expressions qui s'harmonisaient avec le but de sa 
lettre. 

b) La I a Pétri et l'Épître aux Êphésiens. — « On a 
souvent attiré l'attention sur une certaine ressemblance 
de notre lettre avec l'Épître de saint Paul aux Êphé- 
siens. Si l'on n'entend pas cela d'un emprunt propre- 
ment dit des pensées, mais d'un certain accord dans les 
expressions, les concepts et les constructions, nous 
l'admettons aussi. » Belser, Einleit., p. 694. De même 
le D' Zahn, Einleit., t. n, p. 30 et 36, qui tire simple- 
ment de ce fait la conclusion que saint Pierre connais- 
sait l'épître aux Êphésiens, et que la I* Pétri est au- 
thentique, attendu qu'un faussaire de la première 
partie du second siècle n'aurait eu aucune raison de 
faire des emprunts proprement dits à saint Paul. On a 
rapproché les uns des autres les passages suivants : 
I Pet., i, 3, et Eph., r, 3 (début identique, mais qu'on 
retrouve dans la II e aux Cor.; d'ailleurs, la suite diffère 
totalement des deux parts; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv, 
17-18 (exhortation à mener une vie toute chrétienne) ; 
I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 4; m, 6-11; I Pet., n, 4- 
7, et Eph., Il, 20-22; I Pet., ni, 4 (xpuicTC.; tîjç xapêiaç 
ov9p&vno;), et Eph., in, 16 (ïau> av9ptù7to;); I Pet., m, 18 
("va f|(iâç Tcçoaayàyri tô 6sw), et Eph., n, 18 (8i' au-roï 
exofiEv T7]v iïpo(TaywYY|V rcpoç tov rcaTlpa); I Pet., III, 22, 
et Eph., I, 20-22, etc. Quelques néo-critiques, entre 
autres Sieffert, Hilgenfeld's Zeitschrift, 1881, p. 179, 
trouvent les ressemblances si nombreuses entre les 
deux écrits, qu'ils leur attribuent le même auteur, le- 
quel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Voir aussi 
Gunkel, Die Schriften des N. T. neu ûbersetzt, 1907, 
t. n, 3" partie, p. 27. Mais cela est tout à fait inadmis- 
sible. Voir T. Zahn, Einleit., t. h, p. 36; Kûhl, I. c; 
Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 12-14; 

DICT. DE LA BIBLE. 



B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le D r von Soden, loc. vit., va 
même jusqu'à regarder comme douteux le point de 
contact de Ja 7» Pétri avec l'Épître aux Êphésiens. Le 
même auteur, Hand-Commentar zum N. T., t. iir, 
2 e partie, p. 97-98, remarque que l'auteur de la 1* Pétri, 
tout en utilisant les œuvres de saint Paul, a complète- 
ment laissé de côté la terminologie de l'apôtre des Gen- 
tils, et qu'il ne mentionne pas même les idées spécifi- 
quement pauliniennes. En résumé, on compte dans la 
7 a Pétri environ soixante expressions qu'on ne ren- 
contre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du 
Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alléguées, 
plusieurs proviennent d'un fonds commun de pensées 
et d'expressions qu'aucun auteur chrétien ne pouvait 
éviter (tels les mots luu-rtç, èXirsç, Zf>At X*P" 7 l Jla > etc.). 
Dans sa II e Épltre, m, 15, saint Pierre affirme avoir 
lu les Épitres de son « frère bien-aimé » Paul ; il est 
donc difficile de ne pas admettre l'existence, dans son 
écrit, de quelques réminiscences très réelles ; mais 
il demeure toujours indépendant, original, et n'imite 
ni de près ni de loin d'une manière proprement 
dite. 

c) La I a Pétri et l'Épître de saint Jacques. — Ici 
encore, on signale un certain nombre de ressemblances. 
Les deux Épitres sont adressées aux fidèles de la Sia- 
aitopâ, I Pet., I, 1, et Jac, i, 1; mais avec de grandes 
différences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a 
beaucoup d'analogie avec Jac, i, 2-3 (noter en particu- 
lier l'expression xb êoxijuov ûpiûv xrjç nfotewç, qu'on ne 
trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., Il, 1, 
et Jac, i, 21 ; I Pet., iv, 8, et Jac, v, 20; 1 Pet., v, 5-9, 
et Jac, iv, 6, 10. Mais, dans ces divers passages, les di- 
vergences sont plus grandes que les ressemblances. Il 
en est de même par rapport à la régénération chré- 
tienne, I Pet., i, 23, et Jac, i, 18, et aux désirs de la 
chair, I Pet., n, 11, et Jac, iv, 1. La citation de trois 
passages identiques de l'Ancien Testament dans les 
deux écrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac, iv, 7; I Pet., 
iv, 8, et Jac, v, 20; I Pet., i, 24-25, et Jac, iv, 10-11, ne 
prouve pas davantage qu'il existe une dépendance pro- 
prement dite entre leurs auteurs. 

3° Seconde objection. — Les adversaires de l'authen- 
ticité font une autre objection, à laquelle ils attachent 
aussi une grande importance. La lettre suppose, disent- 
ils, qu'à l'époque même où elle fut publiée, les chré- 
tiens étaient sous le coup d'une persécution générale 
et officielle dans l'empire; ce qui ne saurait convenir 
qu'au règne de Trajan, puisque la persécution de Néron 
ne dépassa guère les limites de Rome. 11 suit de là que 
saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas être 
l'auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit., 
3 e édit., p. 494; Jûlicher, Einleit., p. 135; McGiffert, 
Hislory of the apostol. Age, p. 596-597. Mais cette ob- 
jection a pour base une fausse interprétation de 1 Pet., 
iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6; n, 12; m, 9, 
15-16; iv, 4, 12-14. Aucun de ces textes n'exige l'exis- 
tence d'une persécution sanglante et officiellement or- 
ganisée par l'empereur, ou par ses représentants dans 
les provinces, soit sous Trajan, soit même antérieure- 
ment sous Néron. Il n'y est question ni de juges et de 
tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confisca- 
tions. Ce n'est point de la part des autorités constituées 
que les fidèles avaient alors à souffrir, mais de leurs 
anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur 
mécontentement et leur haine de mille manières, dans 
les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess., 
où saint Paul mentionne quelque chose de semblable 
pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xn, 14-16; 
Eph., iv, 27; v, 15-16; Heb., x, 32-34; Jac, n, 13-17. 
L'auteur, dans ce passage, en parlant des autorités ci- 
viles, n'a pas de reproche spécial à leur adresser; il 
les caractérise même comme punissant les méchants 
et réconfortant les bons. 11 aurait difficilement agi de 

V. - 13 



387 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



388 



la sorte, si elles avaient persécuté ouvertement les 
chrétiens. — Les arguments par lesquels les néo-cri- 
tiques s'efforcent de démontrer que la I* Pétri n'est 
pas l'œuvre du prince des Apôtres n'ont donc rien de 
solide. 

II. Occasion et But de l'Épître. — Ils ressortent assez 
clairement du fond même de l'écrit, qui les rattache 
aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les des- 
tinataires. — 1» Les Églises d'Asie Mineure auxquelles 
il est adressé, sans être, comme il a été démontré 
plus haut (col. 386), sous le coup d'une persécution 
violente et officiellement organisée, avaient néan- 
moins beaucoup à souffrir. Les païens et les Juifs 
au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient 
toutes sortes de vexations pénibles. Ce fait n'a rien 
d'étonnant, quand on se place dans la situation des 
membres de la primitive Eglise : les nouveaux conver- 
tis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur 
culte, leurs superstitions, cf. I Pet., r, 18, mais en 
grande partie aussi leur manière antérieure de penser 
et leur genre de vie; et leurs anciens coreligionnaires 
ne leur pardonnaient pas ce qu'ils regardaient comme 
une apostasie tout à la fois religieuse, nationale et 
sociale. Voir Tacite, Ann., 44; Suétone, Nero, 16. On 
leur reprochait aussi leur vie simple, qui était comme 
un reproche perpétuel pour leurs compatriotes païens, 
I Pet., iv, 4, et l'on ne comprenait pas qu'ils ne retom- 
bassent point dans leurs excès d'autrefois. On les con- 
tristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de 
crimes divers, n, 12, et m, 16 : tout cela, soit par suite 
de l'ignorance et des préjugés, soit par mauvais vou- 
loir et méchanceté proprement dite. D'après iv, 1 2, un 
mouvement particulier de haine et d'hostilité venait 
d'éclater contre les chrétientés d'Asie. Ces vexations 
étaient récentes, et les fidèles n'y étaient pas encore 
habitués; de là, pour eux, le trouble et le danger du 
découragement, et, par suite, de l'apostasie, car le dé- 
mon ne manquerait pas de mettre à profit cette situation 
pour les tenter, cf. I Pet., v, 8. Le prince des Apôtres 
leur écrivit donc pour les consoler au milieu de leurs 
épreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il 
leur montre que la souffrance est comme la vocation 
du chrétien, et qu'elle leur procurera plus tard une 
grande gloire, de même qu'elle est dès ici-bas pour 
eux une grande grâce. Il les engage en même temps à 
bien remplir, malgré tout, leurs devoirs envers la 
société, envers eux-mêmes et envers l'Église. 

1« Comme on le voit, le but de PÉpltre est tout pra- 
tique, nullement dogmatique ou polémique. L'auteur 
l'expose lui-même à la fin de la lettre, v, 12 : « Je 
vous ai brièvement écrit, pour vous exhorter et pour 
vous attester que cette grâce de Dieu à laquelle vous 
êtes attachés est la véritable (c'est-à-dire, que votre reli- 
gion est la seule vraie). Obsecrans et contestans 
(itapaxa).ôv xal. èm^apTupàiv) : ces deux participes 
résument tout le contenu de l'Épître, où l'exhortation 
alterne avec l'enseignement proprement dit. Comme 
exemples de ces « attestations » ou témoignages, qui 
donnent plus de poids à l'exhortation, voir i, 3-12, 18- 
21, 23, 25; n, 3-10, 19-20; m, 14-16; iv, 12-14; v, 7, 10, 
12. L'apôtre exhorte ses lecteurs, en pensant à la situa- 
tion douloureuse où ils se trouvaient; il atteste et il 
témoigne qu'en dépit des adversités qu'elle occasionne, 
la religion chrétienue est la grâce des grâces pour ses 
adeptes sincères et généreux, et qu'il faut y persévérer 
avec courage. C'est l'exhortation qui domine; elle va 
d'un bout à l'autre de l'Épître, sous des formes variées. 
Elle porte sur la sainteté, l'obéissance, la charité fra- 
ternelle et le support du prochain, les devoirs envers 
la société et la famille, la vigilance, et surtout 'la pa- 
tience dans l'épreuve. Le témoignage a pour objet, tan- 
tôt direct, tantôt indirect, les bienfaits paternels de 
Dieu, la splendeur de l'héritage réservé aux fidèles, la 



force que procure l'union à Jésus-Christ, et spécialement 
les exemples du divin Crucifié. L'auteur jette souvent 
sur Jésus en croix un regard plein d'amour. — Une 
occasion plus spéciale fut le départ de Silvanus pour 
l'Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon 
de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes 
des chrétientés de cette région. Cf. Act., xvi, 19; xvii, 
4, 15;'xvm, 5; II Cor., r, 19; iv, 7-14; 1 Thess., I, 1, 
etc. C'est lui, d'après v, 13, qui fut chargé de porter 
la lettre. 

III. Sujet. — L'auteur a précisé lui-même le sujet en 
indiquant son but, v, 12. Voir aussi i, 13; v, 9-10. 
Aucune pensée dogmatique ou polémique ne domine 
la lettre et ne lui communique une forme spéciale, 
comme cela a lieu pour la plupart des Épltres de 
saint Paul. L'opinion contraire, soutenue par l'école 
de Tubingue, est aujourd'hui complètement abandonnée. 
Si quelques concepts ont plus d'importance que les 
autres, c'est, d'une part, celui de la sainteté que 
doivent pratiquer les chrétiens, par suite de leur voca- 
tion même; d'autre part, celui de la souffrance bien 
supportée, à l'exemple de Jésus-Christ (« le vrai chré- 
tien dans la souffrance, » dit Jûlicher, Einleit., I e édit., 
p. 132); enfin, celui de l'espérance, car les amis du 
Christ seront récompensés éternellement comme lui, 
après avoir mené une vie sainte, et supporté comme 
lui patiemment les peines de la vie. L'auteur ne s'at- 
tache nullement à exposer les principes ; ses intentions 
sont avant tout pratiques, en conformité avec le but 
qui vient d'être marqué. Avant toutes choses, il se 
propose d'exhorter ses lecteurs à demeurer fermes 
dans la foi, malgré les souffrances qu'ils endurent 
pour elle. S'il signale de nombreux points de doctrine 
(voir plus bas, col. 394), s'il « témoigne », comme il dit, 
c'est une manière transitoire et secondaire, en tant que 
son témoignage pouvait servir de base à ses exhorta- 
tions. Saint Paul sépare d'ordinaire très nettement la 
partie pratique de ses Épîtres de la partie dogmatique; 
il n'en est pas de même de saint Pierre dans cette 
lettre, où l'exhortation et l'instruction se tiennent per- 
pétuellement et s'appuient l'nne sur l'autre. Le manque 
de caractère dogmatique n'empêche pas cet écrit de 
former un tout bien compact, et jamais encore on n'a 
songé à attaquer son unité. 

IV. Division et analyse dé l'Épître. — Il n'y a pas 
de plan précis, tant la pensée est spontanée et pour 
ainsi dire sans préméditation. Le ton est presque 
toujours celui de l'exhortation paternelle ; ce qui exclut 
une marche systématique des pensées. L'auteur passe 
d'une recommandation générale à des recommanda- 
tions particulières, et vice versa, sans s'occuper de 
mettre un ordre très logique dans ses idées. Elles ne 
sont pas cependant dépourvues de tout enchaînement. 
Les groupes plus ou moins considérables de versets 
qui développent une même pensée se rattachent les 
uns aux autres, de manière à former trois séries d'ex- 
hortations, encadrées entre un courtîpréambule, 1, 1-2, 
et une conclusion très brève aussi, v, 12-14. La saluta- 
tion initiale, i, 1-2, se compose des trois éléments ac- 
coutumés : le nom de l'auteur, la désignation des 
destinataires, un souhait pieux et affectueux. 

1° La première.des trois sections, i, 3-n, 10, peut s'inti- 
tuler : Privilèges accordés par Dieu aux chrétiens et 
sainteté qu'ils exigent. Elle s'ouvre par une action de 
grâces à Dieu, pour les dons entièrement gratuits de la 
régénération spirituelle et du céleste héritage, que 
Jésus-Christ a mérités pour les chrétiens, i, 3-5; dons 
tellement précieux, qu'ils doivent être une cause perpé- 
tuelle d'allégresse, même parmi les épreuves,de la vie, 
i, 6-9. Les prophètes avaient annoncé depuis longtemps 
ce salut apporté aux hommes par le Christ, et les 
anges sont désireux de le connaître à fond, i, 10-12. 
Après ce beau début, l'apôtre exhorte ses lecteurs à 



389 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



390 



mener une vie digne de l'immense bienfait qu'ils ont 
reçu de Dieu, il signale tour à tour la nécessité géné- 
rale d'une vie sainte, quelques-uns des devoirs spé- 
ciaux qui en découlent et le grand modèle de perfec- 
tion que nous devons suivre. Appelés au salut, les chré- 
tiens doivent être pleins d'espérance en Dieu, qui 
leur a accordé cette grande faveur, et lui devenir 
semblables, en pratiquant la sainteté,l, 13-16. L'exhor- 
tation à la sainteté est motivée aussi par la justice di- 
vine et par notre rédemption, qui a coûté la vie à 
Jésus-Christ, I, 17-21; puis la charité mutuelle des 
chrétiens est envisagée comme un élément de leur 
perfection, i, 22-25. La sainteté chrétienne étant la 
conséquence de la régénération, il faut travailler à 
l'accroître sans cesse, n, 1-3, et c'est en s'approchant 
du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et 
en adhérant intimement à lui, qu'on peut réaliser cet 
idéal, il, 4-10. 

2° La seconde série d'exhortations, u, 11-iv, 6, envi- 
sage les chrétiens au milieu du monde, et leur rappelle 
quelques-uns de leurs devoirs généraux et particuliers. 
C'est un petit traité de morale pratique, dont voici les 
principaux détails. Dans une courte introduction, il, 
11-12, l'auteur formule une pensée importante : il faut 
que les fidèles aient une conduite très sainte, capable 
d'édifier même les païens. De cette recommandation 
générale, il passe à plusieurs domaines spéciaux, sur 
lesquels les vrais disciples de Jésus sont tenus de ma- 
nifester leur perfection. Il traite successivement des 
obligations des chrétiens envers le pouvoir civil, n, 13- 
17, des devoirs des esclaves, auxquels il présente comme 
modèle Jésus-Christ humilié et outragé, II, 18-25; les 
relations réciproques des époux, m, 1-7. Saint Pierre 
revient ensuite à l'exhortation générale, qu'il fait por- 
ter sur les points suivants : sommaire des devoirs du 
chrétien à l'égard du prochain, m, 8-12; la fidélité à 
Dieu malgré les épreuves, qui, bien supportées, sont 
par elles-mêmes une récompense pour le chrétien, ni, 
13-17; encore l'exemple du Christ, qui a souffert pour 
nous, tout innocent qu'il fût, et qui a prêché l'Évan- 
gile, non seulement aux vivants, mais aussi aux âmes 
détenues dans les limbes, m, 18-22; idéal du chrétien, 
qui consiste à mener une vie tout exempte de péché, 
iv, 1-6. 

3° La troisième série d'exhortations, iv, 7-v, 11, ren- 
ferme des recommandations qui concernent la vie in- 
time des chrétientés particulières. Introduite par cette 
transition, « Le jugement de Dieu approche et réclame 
des dispositions parfaites, » elle entre en d'assez nom- 
breux détails pratiques, que l'on peut grouper sous ces 
divers chefs : vertus à pratiquer en vue de la proximité 
du jugement divin, iv, 7-11; confiance en Dieu parmi 
les épreuves, car, si l'on participe aux souffrances du 
Christ, on aura également part à sa gloire, iv, 12-15; 
obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles, 
v, 1-5"; autres vertus que tous les chrétiens sont tenus de 
pratiquer, v, 5M1 . — La lettre se termine par un épilogue 
assez court, v, 12-14, composé d'une petite réflexion de 
l'auteur à propos de son écrit, et de quelques salu- 
tations. 

V. Destinataires de l'Épître. — Ils sont désignés 
de la façon la plus nette dans le premier verset, i, 
1 : « Aux élus étrangers et dispersés dans le Pont, la 
Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie. » Les cinq 
provinces mentionnées faisaient partie de l'Asie Mineure, 
dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie), 
l'ouest (l'Asie proconsulaire), la partie centrale et orien- 
tale (la Galatie et la Cappadoce). Comme la province 
du Pont est nommée la première, notre Épître a porté 
aussi, aux temps anciens, dans l'Église latine, le nom 
de Epislola ad Ponticos. Cf. Tertullien, Scorpiac, 
12, t. n, col. 146 ; S. Cyprien, Testim., m, 36-37, 
t. iv, col. 756. L'Évangile, d'après certains commenta- 



teurs, avait été annoncé dans ces différentes régions 
par saint Paul, et par ses collaborateurs Barnabe, Épa- 
phras, Silvain, etc., soit directement, comme en Gala- 
tie, Act., xv, 40; xvi, 6; Gai., iv, 13; en Asie, Act., 
xix, 1, soit indirectement (des chrétiens de l'Asie pro- 
consulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en 
Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu 
pour la Phrygie, d'après Col., H, 1). Nous avons vu 
plus haut (col. 371) ;que saint Pierre lui-même a pu 
exercer son ministère apostolique dans l'une ou l'autre 
de ces provinces, mais que le fait est loin d'être cer- 
tain, et que l'hypothèse contraire est même de beau- 
coup la plus vraisemblable. 

Les membres des Eglises ainsi fondées avaient ap- 
partenu en grande partie au paganisme. Voir S. Jé- 
rôme, Adv. Jovin., i, 39, et n, 3, t. xxm, col. 275, 300, 
quoique ailleurs il soit d'un autre avis, et S. Augus- 
tin, Cont. Faust., xxii, 8%, t. xlii, col. 460, Plusieurs 
passages de l'Épître rendent cette opinion tout à fait 
certaine. D'après i, 14, les lecteurs avaient vécu autre- 
fois dans une complète ignorance religieuse ; d'après i, 
18, leurs ancêtres avaient vécu dans l'idolâtrie; 
d'après n, 9-10, Dieu les avait appelés à sa merveil- 
leuse lumière et avait fait d'eux son peuple privilégié, 
eux qui n'étaient rien auparavant; d'après m, 6, leurs 
femmes étaient devenues des filles de Sara, ce qui 
prouve qu'elles ne l'étaient point par la naissance; 
d'après iv, 2-4, avant leur conversion, ils s'étaient livrés 
au culte des faux dieux et à toutes les immoralités du 
paganisme. Ces détails ne sauraient convenir à des 
judéo-chrétiens, mais seulement à des païens d'origine, 
comme l'ont admis et l'admettent encore de nos jours 
la plupart des interprètes et des critiques. Voir Hund- 
hausen,\Das erste Pontiftcalschreiben des Petrus, p. 45, 
note n. Il n'est donc pas étonnant que Cassiodore, 
Instit. div., 14, t. lxx, col. 1125; Junilius Africanus, De 
•part, leg., i, 6, t. lxviii, col. 16, et le Codex Fuldensis 
aient intitulé notre Épltre : « ad Gentes ». Cependant 
Origène, dans Eusèbe, H. E,. m, 1, t. xx, col. 216, 
Didyme d'Alexandrie, ibid., m, 4; t. xx, col. 220; le 
pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxvm, col. 40, 
saint Jérôme, De vit: UL, 1, t. xxm, col. 638, etc., 
croyaient au contraire que l'Épître avait été principa- 
lement composée pour des chrétiens issus du judaïsme. 
Leur raison principale consistait dans une interpréta- 
tion inexacte du mot SiaawopSç \dispersionis), qu'on, 
lit à la première ligne. Comme ce mot désignait d'ordi- 
naire les Juifs « dispersés » plus ou moins loin de la 
Palestine, à travers l'empire romain, cf. II Mach., i, 27 ; 
Joa., vu, 35; Jac, i, 1, on a supposé qu'il doit rece- 
voir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre l'a 
déterminé et précisé par les expressions èxXexToi 
itapE7iior||ioi, electi advense,^ dont la première était 
alors une appellation spécifique des chrétiens, choisis 
et mis à part en vue du salut futur, I Pet., n, 9; 
Rom., vm, 33; Col., m, 12; II Tim., H, 10; Tit., i, 1, 
etc., tandis que la seconde, d'après l'usage biblique, a 
pour but de rappeler aux destinataires de l'Epître 
qu'ils devaient se regarder, à la manière d'Abraham, 
Gen., xxm, 3, de Jacob, Gen., lvii, 3, comme des 
étrangers sur cette terre d'exil, et avoir constamment 
à la pensée le souvenir de la céleste patrie. Cf. i, 17; 
H, 11; Heb., xi, 9. Le mot Sixanopi est donc pris 
ici, non pas dans le sens technique qu'il avait autre- 
fois, mais dans un sens métaphorique, pour désigner 
le nouveau peuple de Dieu. 

Le livre des Actes montre qu'il y avait des éléments 
juifs considérables dans plusieurs des contrées énumé- 
rées ci-dessus. Cf. Act., xvm, 24-28; xix, 8-10, etc. Il 
est donc vraisemblable qu'un certain nombre des des- 
tinataires de la i» Pétri étaient Israélites de naissance; 
mais ils formaient certainement une minorité. Aussi 
est-il surprenant que divers critiques contemporains, 



39J 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT) 



392 



B. Weiss, Krit. Unlersuch. zu den kathol. Briefen, 
1892, et Der Pétrin. Lehrbegriff, 1855, p. 99; Kûhl, 
Die Briefe Pétri, p. 22; Nôsgen, Geschichte der neu- 
testam. Offenbarung, t. n, p. 37, aient repris à leur 
compte le sentiment d'Origène, de Didyme, etc., qui 
méritait d'être à tout jamais abandonné. Voir Keil, 
Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 20-24. Voici 
leurs principales raisons : 1» Ils s'appuient sur la res- 
semblance qui existe entre l'adresse de la i a Pétri et 
celle de l'Épître de saint Jacques, I, 1. Il est vrai que, 
dans cette dernière, il est aussi question de la Siao-mjpâ; 
mais ce mot y est déterminé par l'addition « les douze 
tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs con- 
vertis. — 2° Ils allèguent que les pensées et le style de 
notre Épître sont vraiment des échos de l'Ancien Tes- 
tament; ce qui conviendrait fort peu à des lecteurs 
d'origine païenne, mais seulement à des destinataires 
judéo-chrétiens, familiarisés avec la loi, les prophètes 
et les Psaumes. Nous répondons que saint Paul cite 
assez souvent aussi les livres de l'Ancien Testament dans 
plusieurs de ses lettres adressées à des païens convertis, 
tout spécialement dans I Cor., II Cor. 'et Gai. Nous 
dirons encore, sur ce même point, que les citations ou 
allusions de saint Pierre expriment des pensées claires 
par elles-mêmes ; il n'était donc pas nécessaire que les 
lecteurs comprissent qu'elles étaient empruntées à la 
Bible juive. D'ailleurs, l'Ancien Testament n'était-il pas 
lu en grec dans les assemblées religieuses des premiers 
chrétiens? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans 
succès, de démontrer que les passages énumérés plus 
haut, i, 14, 18; n, 9-10; m, 6; iv, 3, ne conviennent 
qu'en apparence aux païens et s'appliquent en réalité à 
des Juifs convertis. Mais il faut faire violence à ces di- 
vers textes, pour obtenir d'eux un tel résultat. Voir 
Belser, Einleit. in-das N. T., p. 695-696. — Dans leur 
ensemble, les lecteurs avaient été convertis depuis assez 
longtemps, puisqu'ils avaient leurs prêtres et leur orga- 
nisation ecclésiastique régulière. Cf. v, 1-5. Les mots 
sicut modo geniti infantes.. ., n, 2, ne prouvent pas 
qu'ils venaient de passer tout récemment au christia- 
nisme, car c'est là une figure qui peut s'appliquer à la 
vie entière de la plupart des chrétiens. Ils formaient 
un corps parfaitement constitué parmi leurs voisins de- 
meurés païens. 

VI. Le lieu de la composition. — Nous lisons à la fin 
de l'Épître, v, 13 : « L'église qui est à Babylone vous 
salue. » D'où il suit que la lettre a été écrite de la ville 
qui est appelée ici Babylone. Mais nous avons démontré 
plus haut (col. 371), que ce nom doit être interprété 
d'une manière symbolique. Il ne saurait en aucune 
façon désigner l'antique capitale des Babyloniens, à la- 
quelle la tradition n'a jamais rattaché un séjour de 
saint Pierre. Il ne saurait non plus se rapporter, 
comme on l'a parfois supposé, à la cité égyptienne de 
Babylone, située près du Caire. Cette opinion est dénuée 
de tout fondement. Ce n'est point au prince des Apôtres, 
mais à son disciple saint Marc, que les Églises d'Egypte, 
et en particulier celle d'Alexandrie, ont toujours attribué 
leur origine. La Babylone mystique mentionnée par 
l'auteur de l'épitre n'est autre que Borne même, comme 
le dit saint Jérôme, De vir. ill., 8, t. xxm, col. 621. 
C'est très exactement que, malgré les mots èv Ba6uXûvi, 
de nombreux manuscrits grecs ont cette suscription 
finale : ef paçi] àito 'Punîjc. Voir Tischendorf, N. Test., 
édit. vin, t. il, p. 300, et aussi H. Ewald, Sieben Send- 
schreiben, 1890, p. 2; F. Baur, Dos Christenthum und 
die christl. Kirche, p. 130; Schwegler, Nachapostolich.es 
Zeitalter, t. n, p. 16; E. Renan, L'Antéchrist, p. 122; 
Hilgenfeld, Einleit., p. 632; H. J. Holtzmann, Einleit., 
2« édit., p. 521; Jûlicher, Einleit., 1814, p. 132; von 
Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. m^ 2 e part., 
3« édit., p. 115; Me Giffert, Eistory of ' ttie oépastolical 
Age, p. 598. 



VII. Date de l'Épître. — 1° D'après les critiques qui 
ne croient pas à l'authenticité, la lettre aurait été com- 
posée : a) sous Domitien, 81-96 après J.-C. (von Soden, 
entre 92 et 96; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-être 
dés 73, ou même dès 63); 6) sous Trajan, 96-117 (Baur, 
Keim, Lipsius, Pfleiderer, Jûlicher); c) sous Adrien, 
117-138 (Zeller) ; d) entre les années 140 et 147 (Volkmar). 
Ces divers sentiments ont été réfutés d'avance par ce 
qui a été dit au sujet de l'authenticité (col. 380). — 
2» Parmi les auteurs qui regardent l'Épître comme 
l'œuvre de saint Pierre, il en est qui fixent une date 
trop avancée : entre autres, le Vén. Bède, In Petr., v, 
13, t. xiii, col. 68, sous le règne de Claude, 41-54; Ba- 
ronius, Annal., ad. ann. 45, 16, en 45; Foggini, De Ro- 
mano D. Pétri itinere, 1742, p. 196-198, entre 42 et 49; 
B. Weiss, Pétrin. Lehrbegriff, p. 365-367; Einleit., 
3» édit., p. 427-430, et Kûhl, Die Briefe Pétri, p. 50, 
à une époque antérieure aux Épilres de saint Paul- 
— D'après l'opinion la plus vraisemblable, qui a tou- 
jours eu des adhérents très nombreux, la I a Pétri 
fut composée vers la fin de l'année 63, ou au commen- 
cement de 64. On arrive à cette conclusion grâce aux 
données suivantes : — a) La lettre suppose que le chris- 
tianisme avait fait de grands progrès dans l'Asie Mi- 
neure; or, un tel développement n'a eu lieu qu'à la 
suite du séjour de trois ans que Paul fit à Éphèse du- 
rant son troisième voyage apostolique, entre 54 et 57. 
Cf. Act., xvm, 23; xix, 1, 10. L'Épître n'a donc pas été 
écrite avant cette dernière année. — 6) L'Apôtre des 
Gentils avait été délivré de sa prison en 63, et était parti 
pour l'Espagne ou pour l'Orient; de là probablement 
le silence de la lettre à son sujet. — c) La persécution 
de Néron n'avait pas encore éclaté lorsque l'Épître fut 
composée (elle ne commença que vers la fin de 64); 
mais on en voyait déjà les signes précurseurs. — 
d) Saint Marc, mentionné à la fin de la lettre, v, 13, 
était encore à Rome, où saint Paul l'avait appelé na- 
guère, durant sa première incarcération, Col., iv, 10 
(l'Épître aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre 
a réellement connu l'Épître aux Éphésiens (voir la 
col. 385), il n'a pu composer sa lettre qu'après l'époque 
où saint Paul écrivit lui-même à l'Eglise d'Éphèse, 
c'est-à-dire en 63. — Sur toute cette question voir en- 
core H. Holtzmann, Einleitung, 3" édit., p. 318-320; 
E. Scherfe, Die petrinische Strômung der neutestam. 
Literatur, 1893, p. 633; Ramsay, The Church in the 
Roman Empire, 1893, p. 279-295. 

VIII. Idiome et style de l'Épître. — 1» La J a Pétri 
a été composée en grec; il ne saurait exister aucun 
doute à ce sujet. Seul, saint Jérôme a supposé, Epist. 
cxx, ad Hedib., 11, t. xxii, col. 1002, que la langue 
primitive aurait été l'araméen. Ainsi qu'il a été dit plus 
haut (col. 358), Simon-Pierre, originaire des bords du 
lac de Tibériade, avait pu apprendre de bonne heure à 
parler le grec, qui était d'un usage fréquent dans ces 
parages; il se développa dans la connaissance de cette 
langue, durant ses courses apostoliques à travers des 
contrées habitées par des races helléniques. Saint Jean, 
saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient, comme 
lui, Juifs d'origine, et pourtant il est certain qu'ils ont 
écrit en grec. Si saint Marc est appelé, depuis les 
temps les plus anciens, 1' « interprète » (kp^r^sv-c^) de 
Pierre, cela vient, soit de ce qu'au début de ses voyages 
(vers 43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exercé 
pour parler à des Grecs proprement dits, se faisait aider 
par son disciple de prédilection, soit plutôt de ce que 
Jean-Marc « a rédigé son Évangile d'après les prédica- 
tions de saint Pierre ». Voir t. iv, col. 717. 

2« La lettre est écrite en un grec correct, assez bon 
même, mais qui n'a pas l'élégance de celui de saint 
Jacques. L'agencement des phrases présente parfois 
quelque rudesse ; par exemple, lorsqu'elles sont pro- 
longées au moyen de participes ou de pronoms relatifs 



393 



PIERRE {PREMIÈRE É PITRE DE SAINT) 



394 



accumulés. L'emploi des synonymes, le maniement assez 
habile des verbes (surtout des verbes composés), des 
temps et des prépositions, la structure rythmique des 
phrases dénotent aussi une connaissance suffisante de 
la langue grecque. Les hébraïsmes ne sont ni fréquents 
ni choquants. On peut citer, parmi les principaux : 
Staernopô, I, 1; fils d'obéissance, i, 14; l'acception des 
personnes, i, 17; la parole du Seigneur, i, 25; un peuple 
d'acquisition, n, 9; le mot « vase » pour désigner le 
corps humain, ni, 7. Le style est généralement simple, 
comme la pensée ; par moments, il est plein de gran- 
deur. Cf. I, 3-9, 17-21; n, 21-25; v, 6-10, etc. L'auteur 
aime à exprimer la même pensée en termes tour à tour 
négatifs et positifs, cf. i, 14, 18, 23; n, 16; m, 3, 9, 21; 
iv, 2; v, 2 r 3; il fait çà et là un usage intelligent des 
épithètes, cf. i, 3, 18, 22 ; n, 2, etc. ; il oppose d'une 
manière caractéristique le pluriel au singulier, par 
exemple, IV, 2 : âvOpciirav Èmôuiitaiî et 8eXr,[jt.aTi ôeoî, etc. 

11 a recours à des images vivantes, dramatiques, qu'il 
emprunte à la vie de famille, i, 3, 14, 17, 22-23; n, 2; 
à la vie des champs, i, 4; v, 2, 8; à la vie militaire, i, 
5; il, 11; iv, 1; à la vie nomade, i, 1, 17; n, 11; au culte 
sacré, h, 5; m, 15; à la métallurgie, i, 7; iv, 12, etc. Le 
vocabulaire de l'Épître renferme un nombre assez con- 
sidérable de termes qui ne sont employés dans aucun 
autre livre du Nouveau Testament. On en a compté 
jusqu'à soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent 
dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions, 
il en est de très classiques; àvaYxaarûç, àvâ/uui;, àv-u- 
XoiSopEtv, ônto-fEV^JÛai, à7tt5Geo-tç, (koûv, Èp.7tXoxYj, èmxâ- 
Xu[i.(ia, oivo^UY^ci, 6[i(5<ppt>)v, ÔTtXîÇe'v, 7t«Tpoitapà8oTo;, etc. 
D'autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas 
avoir été employées avant saint Pierre ; néanmoins, leur 
formation est très régulière et leur signification est géné- 
ralement très nette (à part celle du premier terme) : 
àÀXoTptoeitîtrxoitoç, àjjiàpavTivo?, àva^ewàv, àvExXâXr)- 
toç, «npo<T»iroXri(JiTu)ç, ifxofji6o0<76at, itepî6eeriç, itpo- 
[iœpTupsoôai, a-fUvo&v, a-\iv7rpe<TëÛTCpo;, etc. D'autres 
locutions, comme xàpurp-a, quXaSeXçia; faisaient par- 
tie du langage chrétien. La dépendance des Septante 
est très frappante, sous le rapport soit des réminis- 
cences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce 
qui n'a rien de trop surprenant, car il était aisé 
à Pierre d'avoir cette traduction avec lui durant ses 
voyages. 

3° Le texte grec de l'Épître ne présente au critique 
aucun problème sérieux. Les principaux manuscrits 
qui nous l'ont transmis sont les suivants : N, A, B, C, 
KZ, L2, P2, puis 13, 40, 44, 137. Gomme il a été dit ci- 
dessus (col. 380), l'Épître est contenue dans la Pes- 
chilto. On possède des fragments de l'ancienne version 
latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv, 
17-v, 14, dans le palimpseste Fleury (h); i, 8-19; n, 
20-m, 7; îv, 10-v, 14, dans le ms. de Munich (g); i, 1- 

12 ; H, 4-10, dans le Codex Eobbiensis (s). Voir Old Latin 
Biblical Texts, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D' B. Weiss 
a soigneusement revisé t le texte grec, Die kathol. 
Briefe, Texikrit. Untersuchungen uni Textherstel- 
lung, 1892. 

IX. Caractère général de l'Épître. — L'espérance 
est une de ses notes dominantes. Cf. i, 3, 21; m, 15; 
iv, 13; v, 1, 4. Elle atteste dans son auteur une nature 
très personnelle et indépendante, mais aussi un tempé- 
rament tout pratique, qui n'a pas l'intérêt spéculatif, 
ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint 
Jean. Voir von Soden, loç. cit., p. 121. Elle renferme 
quelques belles pensées originales. On peut mentionner, 
entre beaucoup d'autres : la désignation des chrétiens 
comme des advense et perigrini sur cette terre, il, 11; 
le rapprochement établi entre le baptême et le déluge, 
m, 21; le titre d'àpx"toi(iY)v donné à Notre-Seigneur, v, 
4; la passion de Jésus souvent représentée comme un 
modèle pour les chrétiens éprouvés, n, 12 ; m, 16, etc. 



— Un point particulièrement frappant, c'est l'emploi 
que saint Pierre fait sans cesse de l'Ancien Testament. 
Tantôt il montre que le salut apporté par le Christ est 
la réalisation intégrale des promesses que Dieu avait 
faites aux anciens prophètes, i, 10-12; tantôt il s'appro- 
prie dans le détail, comme il a été marqué plus haut, 
col. 900, les pensées et les expressions même de l'an- 
cienne Alliance. Fait remarquable : ce petit écrit, qui 
ne contient que deux citations proprement dites de 
l'Ancien Testament, i, 16, et h, 6, renferme un nombre 
considérable de réminiscences ou d'échos bibliques. 
Cf. i, 14, 15; il, 3. 4, 7, 9, 10, 22-24; in, 10-12, 13, 14; 
iv, 8, 17, 18; v, 5, 7, etc. 

X. L'enseignement doctrinal de l'ÊpItre. — On doit 
se souvenir, lorsqu'on cherche à déterminer l'enseigne- 
ment d'un écrit avant tout pratique, comme ï'esl 
celui-ci, qu'on tomberait dans une exagération singu- 
lière, si l'on concluait que tel ou tel point doctrinal qui 
y est omis était inconnu de l'auteur, ou n'avait pour 
lui qu'une importance secondaire. On a donc eu tort 
de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la 
doctrine chrétienne durant la période apostolique, soit 
(c'estle cas pourM. B.Weiss)un christianisme juifanté- 
rieur à saint Paul, soit une théologie de saint Pierre 
en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d'autres 
(tant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce 
point) ayant pour but de la confirmer. Nous l'avons 
déjà dit, le dogme "n'apparaît dans cette lettre que par 
accident et d'une manière secondaire, pour appuyer 
les exhortations pratiques. Saint Pierre n'a nullement 
songé à insérer ici son Credo, ou un système doc- 
trinal complet; il nous fait seulement connaître un 
côté spécial de sa prédication. Et pourtant, en grou- 
pant sous divers chefs les principaux enseignements 
positifs qui sont épars dans la I a Pétri, on trouve un 
sommaire assez riche du dogme chrétien. — On est 
frappé d'abord de la grande ressemblance qui existe 
entre cet enseignement et celui des discours de saint 
Pierre, tels que les Actes des Apôtres nous les ont 
transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fon- 
damental nous avons, de part et d'autre, cette grande 
idée : le christianisme a l'Ancien Testament pour base; 
il a réalisé, grâce à la mort et à la résurrection de 
Jésus-Christ, les oracles prophétiques de l'ancienne 
Alliance relatifs au salut promis à l'humanité coupable. 
Toutefois les discours de saint Pierre ne nous révè- 
lent qu'une face de son enseignement, tel qu'il était 
tout à l'origine de l'Église, tandis que sa première 
Épître est adressée à des chrétientés qui existaient 
déjà depuis assez longtemps, et auxquelles, par con- 
séquent, l'apôtre présente des conseils plus variés et 
plus développés qu'aux premiers chrétiens, d'origine 
juive ou païenne. Il est remarquable qu'il ne men- 
tionne nulle part ici la loi judaïque, ni la justification 
par la foi. 

Voici les principaux points de l'enseignement doctri- 
nal de la 1» Petm. — 1° Sur Dieu. — Naturellement, une 
place souveraine lui est accordée, et son nom revient à 
tout instant. Dès le début de la lettre, i, 2, nous ren- 
controns la formule trinitaire. Non content de nommer 
en passant les trois personnes divines, l'auteur signale 
le rôle spécial de chacune d'elles dans le mystère de 
la rédemption. A plusieurs reprises, il est parlé de 
Dieu, du Père, qui est le « Créateur fidèle », iv, 19, 
le Dieu vivant, i, 23, l'auteur de notre salut par l'in- 
termédiaire du Christ, i, 3, 23; de Jésus, son divin 
Fils, i, 13, etc.; de l'Esprit-Saint, qui est tout à la fois 
l'Esprit de Dieu, iv, 14, et celui de Notre-Seigneur, i, 
11. L'Esprit-Saint vient de Dieu; il a reçu de lui une 
mission temporelle à remplir, i, 12. Il assiste les prédi- 
cateurs de l'Évangile, I, 12; il opère la sanctification 
des âmes, i, 2, 22; il atteste la réalité de l'héritage 
futur, rv, 14. 



395 



PIERRE (PREMIÈRE ÉPITRE DÉ SAINT) 



396 



2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jésus 
est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L'apôlre le nomme à côté 
du Père et du Saint-Esprit, comme leur égal, i, 2; il 
l'élève au niveau de Dieu et nous le montre assis à la 
droite du Père, m, 22. Jésus -Christ s'est incarné pour 
nous sauver et a pris toute notre nature, composée 
d'une âme et d'un corps, m, 18. Il possède une par- 
faite sainteté, i, 19; n, 22-23; m, 18. Il est le Messie 
prédestiné de toute éternité, i, 20, promis par les pro- 
phètes, qui avaient annoncé longtemps d'avance ses 
souffrances et sa gloire, i, 10-12; n, 4-6. Aussi Pierre 
lui attribue-t-il les titres de Christ, i, 11, 19; n, 21; 
m, 16, 18; iv, 1, 13, etc., de Jésus-Christ, i, 1, 2, 3, 7, 
13; n, 5, etc, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 3. — 
b) L'œuvre rédemptrice du Christ a pour point de départ 
la mort et la passion du Sauveur, m, 18; rv, 1. Cette 
mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractère d'un 
sacrifice proprement dit, par lequel Jésus a expié les 
péchés des hommes, comme Isaïe l'avait prophétisé, n, 
21-24; m, 18; son sang divin nous a servi de rançon et 
de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les 
souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous 
racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur moraie 
et les présente comme un exemple pour les chrétiens, 
h, 21; m, 17-18; iv, 1, 13. La conséquence du sacrifice 
expiatoire de Jésus-Christ, c'est le pardon des péchés, 
i, 2, la régénération chrétienne, i, 3, la liberté chré- 
tienne, n, 16, l'héritage impérissable qui nous attend 
dans le ciel, i, 4. — c) Entre sa mort et sa résurrection, 
Jésus est descendu dans les limbes, où il a annoncé la 
bonne nouvelle aux âmes des justes, m, 19-rv, 6. Ce 
dogme est tout spécialement intéressant à noter ici, car, 
parmi les écrivains inspirés, saint Pierre est seul à le 
mentionner en termes explicites. Il est vrai que Jésus 
lui-même avait dit au bon larron : « Aujourd'hui, tu 
seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxm, 43. Or, 
cette parole ne saurait s'appliquer au ciel, où l'âme de 
Jésus-Christ ne monta pas ce jour-lé, non plus que 
celle du bon larron ; elle désigne donc le « limbùs jus- 
torum », auquel il est peut-être encore fait une triple 
allusion par saint Paul, Rom., x, 7; xiv, 19; Eph., 
iv, 9. Le passage I Pet., m, 19-22, ne manque pas 
d'obscurité; mais l'opinion commune a toujours été, 
depuis les temps les plus anciens, qu'il décrit le des- 
census ad inferos de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 
Telle était déjà l'interprétation de saint Justin, Dial. c. 
Tryph., 82, t. vi, col. 669, de saint Irénée, Adv. hser., 
IV, Xxvii, 2; v, 1, t. vu, col. 1058, de Tertullien, De ani- 
ma, vn, 55, t. il, col. 657, etc. Voici la partie principale 
de ce passage, m, 18-20 : « Le Christ aussi est mort une 
fois pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin 
de nous offrir à Dieu, ayant été mis à mort quant à la 
chair, mais rendu à la vie quant à l'esprit; par lequel 
aussi il est allé prêcher aux esprits qui étaient en prison, 
qui autrefois avaient été incrédules, lorsque, au temps 
de Noé, ils s'attendaient à la patience de Dieu, pendant 
qu'était préparée l'arche, dans laquelle peu de personnes, 
à savoir huit seulement, furent sauvées à travers l'eau. » 
Les âmes emprisonnées sont évidemment celles des 
justes, et non celles des damnés, qui ne pouvaient 
tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportée par le 
Christ. Parmi les auditeurs de Jésus dans les limbes, 
il se trouvait des contemporains de Noé, qui, d'abord 
incrédules, s'étaient convertis avant de périr dans les 
eaux du déluge ; ils sont cités comme type de tous les 
pécheurs venus à résipiscence antérieurement à l'ap- 
parition du Messie. On retrouve cet enseignement dans 
VÉvangile (apocryphe) de Pierre, 41-42, et dans YEvan- 
gile de Nicodème, n, 10. D'après l'enseignement de 
saint Pierre, c'est entre la mort de Jésus et sa résur- 
rection qu'à eu lieu sa descente mystérieuse dans les 
limbes. En effet, le Christ meurt quant à sa chair, 
mais il est vivifié quant à son esprit; c'est donc dans 



cet état spirituel qu'il est descendu aux enfers. Ensuite 
il est ressuscité et monté au ciel. La prédication 
(xïlpÛTTEiv) qu'il a portée dans les limbes n'a pas con- 
sisté, comme on l'a parfois affirmé, dans une sentence de 
condamnation lancée par lui contre les pécheurs. Son 
message est tout d'amour, ainsi qu'il est dit rv, 6 : 
« L'Évangile a été annoncé aux morts. » Or, 1'ÉvangHe 
est la bonne nouvelle par excellence; d'où il suit que 
Notre-Seigneur a dû annoncer aux âmes des justes 
retenues dans les limbes sa mort rédemptrice, sa ré- 
surrection et son ascension prochaines, et leur propre 
délivrance. — Qu'il suffise de signaler deux interpréta- 
tions inexactes données à la prédication de Jésus : d'après 
saint Augustin, c'est par la bouche de Noé que le 
Christ aurait prêché l'Évangile aux pécheurs qui vi- 
vaient à l'époque du déluge; selon d'autres, Jésus 
aurait apporté la bonne nouvelle aux morts, c'est-à-dire 
aux pécheurs, par l'entremise des Apôtres. Sur cette 
question importante, voir Dietelmaier, Hisl. dogma- 
tica de descensu Chrisli ad inferos, 1741 et 1762; 
Gûder, Die Lehre von der Erscheinung Christi unter 
den Todten, 1853; 2ezschwitz, De Christi ad inferos 
descensu, i8ôl; Schweitier, Hinabgefahren zvrÈôïle, 
1886; Spiltà, Christi Predigt an die Geister, 1893; 
Bruston, La descente du Christ aux enfers, 1897; 
Stevens, Theology of the New Test., 1899,' p. 304; 
C. Clemen, Niederge fahren zu den Toten, ein Beitrag 
zur Wùrdigung des Apostolikums, Giessen, 1900; 
Turmel, article dans les Annales de philosophie chré- 
tienne, n° de février 1703, p. 508-533; Id., La 
descente du Christ aux enfers, Paris, 1904; 2« édit., 
1905. — d) Jésus est ressuscité d'entre les morts, con- 
formément aux anciens oracles; la foi et l'espérance 
des chrétiens s'appuient sur ce fait capital. Cf. i, 3-5, 
18-21, etc. C'est Dieu lui-même qui a ressuscité et glo- 
rifié son Fils, i, 21 ; m, 21-22. Le Christ est monté au 
ciel, où il est élevé au-dessus de toutes les créatures, 
i, 21; m, 18, 22. Dans cet état, il est encore actif pour 
glorifier son Père, iv, 11 ; car tout ce qui se fait de bon 
dans l'Église est opéré par lui. — e) II reviendra à la 
fin du monde, I, 4, 5, 7, 8, 13, 21; rv, 13; v, 4, 10. Son 
second avènement est désigné par le mot àiioxaXu^iç, 
« révélation », i, 7, 13; iv, 13. Ce retour sera terrible 
pour les méchants, iv, 17, mais il apportera aux bons 
le salut définitif, le ciel, qui est l'objet suprême de notre 
espérance i, 4, etc. 

3° L'eschatologie. — L'auteur mentionne la fin du 
monde iv, 6, et le second avènement de Jésus-Christ 
i, 13; iv, 13. Pour mieux encourager les chrétiens 
d'Asie Mineure à supporter avec patience les épreuves 
auxquelles ils étaient en butte, il leur propose plusieurs 
fois la pensée du glorieux et éternel héritage qui les 
attend dans le ciel cf. i, 4-9; iv, 18; v, 10-11, etc. Mais 
le D r B. Weiss exagère, lorsqu'il prétend, Lehrbuch der 
bibl. Théologie, § n, p. 172, que cette idée était, pour 
saint Pierre, l'idée centrale de la vie chrétienne. — Le 
prince des Apôtres croyait-il que le retour de Jésus- 
Christ serait prochain? On l'a souvent répété parmi les 
protestants, en se basant sur le texte : « La fin de toutes 
choses approche, » iv, 7, et aussi sur v, 1, autre.' passage 
dans lequel on a prétendu trouver la persuasion où 
était Simon Pierre qu'il serait bientôt témoin de 
l'avènement de Jésus-Christ. Mais comment l'apôtre, 
après avoir entendu son Maître affirmer, Matth., xxtv, 
36, que l'époque de la fin du monde est un secret 
réservé au Père céleste, se serait-il hasardé à faire une 
prédiction sur ce point? Le second texte allégué revient 
simplement à dire : J'espère qu'un jour je serai avec 
vous dans le ciel. Quant au premier, il doit s'interpré- 
ter d'une manière générale, car il ne signifie nulle T 
ment que Pierre regardait le retour de Jésus comme 
imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., rv, 12-17; 
II Thess, n, 2-11; I Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques, 



397 



PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT) 



398 



Ja'c, v, 7-9, et saint Jean, cf. I Joa,, n, 18, il savait que 
ce grand jour pouvait arriver d'un moment à l'autre, 
puisque désormais le mystère de la rédemption était ac- 
compli. Mais à quelle date précise Jésus reviendrait-il 
juger les vivants et les morts? Il l'ignorait. Cf. II Pet., 
m, 8-9, où il dit qu'il peut s'écouler encore mille ans 
et plus avant la fin du monde. Voir Estius, Cornélius a 
Lapide, Hundhausen, etc., Inl Pet., iv, 7. De nombreux 
commentateurs protestants n'interprètent pas autrement 
ce passage. — Les chrétiens doivent souvent penser au 
jugement de Dieu et le redouter, i, 17; m, 9-10; rv, 7, 
17-19. Cette crainte est pour eux le commencement de 
la sagesse. 

4° L'Église. — Formée de tous ceux qui ont été rache- 
tés par Jésus-Christ, elle est une société très auguste, que 
l'auteur désigne par plusieurs titres magnifiques, em- 
pruntés à l'Ancien Testament. Cf. h, 9-10. Ses membres 
sont comme des prêtres, qui offrent perpétuellement 
à Dieu des victimes spirituelles, n, 5, 9. Elle est un édi- 
fice pareillement mystique, dont chaque fidèle est une 
pierre vivante, et dont Jésus-Christ et la pierre angu- 
laire, il, 8. Elle est un troupeau symbolique dont 
Notre-Seigneur est le pasteur suprême,, iv, 10-11; v, 1- 
4. Quant à son organisation, rien de plus simple : à 
la tête de chaque Église particulière étaient les anciens 
(itpscîgÛTepoi), les prêtres, chargés de nourrir et de diri- 
ger leurs ouailles; celles-ci devaient l'obéissance. 

5° Les devoirs des chrétiens. — a) D'abord il faut 
croire, ou, comme dit notre auteur, i, 2, 21-22, il faut 
obéir à la vérité, à l'Évangile. Les chrétiens sont, en ce 
sens, « des fils d'obéissance », i, 14, tandis que les 
incrédules sont des rebelles, n, 8; m, 1, etc. La prédi- 
dication de l'Évangile est la source de la foi, i, 12. La 
foi même est un sentiment de confiance inébranlable, 
i, 8; en nous attachant à Jésus-Christ, elle est pour 
nous le principe d'une force irrésistible, v, 9. Elle com- 
munique la vraie connaissance, i, 14, la connaissance 
de Dieu et de Jésus-Christ, i, 2, 8 ; ni, 18. Elle est la 
condition indispensable du salut, i, 9. L'épreuve bien 
supportée l'épure et la fortifie, i, 7; v, 9. — b) Il faut 
aussi recevoir le baptême au nom de Jésus-Christ, m, 21 . 
Si la foi et le baptême sont nécessaires au salut, rien 
ne se fait sans la grâce, qui est un don gratuit du 
« Dieu de toute grâce », v, 10. La grâce suprême est 
celle du salut éternel, m, 7. — c) Il faut mener une 
vie très sainte, puisque Dieu lui-même est la sainteté 
parfaite, i, 15. De là, la nécessité de se purifier sans 
cesse, i, 22, d'avoir une « bonne conscience », comme 
l'apôtre aime à le répéter, cf.' m, 16, 21, de lutter contre 
la chair, n, 11, que saint Pierre oppose à l'esprit, comme 
saint Paul, m, 18; iv, 6, de remplacer l'homme exté- 
rieur par l'homme intérieur, ni, 3-4. Comme moyen de 
parvenir à cette sainteté, l'auteur allègue l'union intime 
et vitale avec Jésus-Christ, qui en est à la fois la source 
et le modèle, n, 4-5. — d) Parmi les vertus spéciales 
que le chrétien doit pratiquer, saint Pierre cite : 1° la 
charité fraternelle, sur laquelle il insiste spécialement, 
d'une manière soit positive soit négative, i, 32; u, 1, 
15, 17; m, 8-11, 15; rv, 8-10; 2» les devoirs d'état, en 
particulier ceux des chrétiens en tant que Citoyens, n, 
13-17, ceux des esclaves, u, 18-25, ceux des époux, m, 1-7. 
Sur ces trois points, il existe une grande ressemblance 
entre les règles tracées par saint Pierre et les recom- 
mandations antérieures de saint Paul, Rom., xm, 1-7; 
Eph., v, 22-vi, 9; Col., m, 22-25, etc. 3" L'apôtre recom- 
mande encore la sobriété, la vigilance, iv, 7; v, 8, 
la pratique des bonnes œuvres, n, 12; m, 11, et, avec 
une insistance particulière, la patience, la résignation 
et même la joie dans les souffrances, H, 19-25; m, 9; 
rv, 12-14, 

Sur l'enseignement doctrinal de la I' Pétri, voir 
Poelmann, Theologia Petrina, 1850; C. F. Schmid, 
Bibl. Théologie des N. T., herausgegeben von Weiz- 



âcker, Stuttgart, 1853 ; 4* édit. par A. Keller, Gotha, 1868; 
B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Berlin, 1855; 
du même, Lehrbuch der Théologie des N. T., 3 e éd., 
p. 144 sq.; Lechler, Das apostol. und das nacha- 
postol. Zeitalter, 2 e édit., p. 421-439; A. Krawutzky 
(catholique), Petrinische Studien, 2 in-8°, Dresde, 1872- 
1873; Bovon, Théologie du Nouv. Test., 1893, t. n, 
p. 430445; Briggs, The Messiah of the Aposlles, 1895, 
p. 21-35; McGiffert, Hùtory of the apostolical Age, 
p. 482487; Stevens, Theology of the N. T., 1899, p. 293- 
311. L. Fillion. 

3. PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT). — 

I. Destinataires. — Dès ses premières lignes, i, 1, 
l'auteur les désigne lui-même, en s'exprimant ainsi : 
« A ceux qui ont obtenu avec nous une foi du même 
prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus- 
Christ. » Avec nous : cela signifie, d'après le contexte, 
avec les apôtres; d'où il suit que la lettre s'adresse 
aux coreligionnaires de ces derniers, aux chrétiens. 
L'expression ayant, à première vue, un caractère géné- 
ral, on en a conclu parfois que l'Épître a été composée 
pour toute la chrétienté. Mais le passage m, 1, où l'au- 
teur dit expressément à ses lecteurs que cette lettre est 
la seconde qu'il leur envoie, est directement contraire à 
ce sentiment; en effet, il. en résulte de la manière la 
plus claire que les destinataires sont les mêmes que 
ceux de la première Épltre. Il s'agit donc de nouveau 
des chrétiens qui vivaient alors dans les cinq provin- 
ces d'Asie Mineure énumérées I Pet., i, 1 (voir la 
col. 389). — On ne trouvé dans le cours de l'écrit aucun 
détail dont on puisse conclure que les lecteurs primi- 
tifs diffèrent de ceux de la 7 a Pétri. Au contraire, le 
texte m, 15, où il est parlé d'une lettre qui leur avait 
été adressée par saint Paul, désigne selon toute vrai- 
semblance l'Épitre aux Éphésiens; or, Éphèse était la 
capitale de l'Asie proconsulaire, l'une des cinq provinces 
en question, et il est possible que cette Épître aux 
Éphésiens ait été une lettre circulaire adressée par 
l'Apôtre des Gentils à d'autres chrétientés d'Asie Mi- 
neure. 

II. Temps et lieu de la composition. — Aucun de 
ces deux points n'est déterminé en termes directs dans 
l'Épître. On peut cependant les préciser avec une cer- 
titude morale, au moyen de la réflexion faite par l'au- 
teur, i, 14, au sujet de la révélation qu'il avait reçue, 
naguère de Jésus-Christ relativement à sa mort pro- 
chaine. Selon toute probabilité, cette révélation ne doit 
pas être confondue avec l'oracle mentionné Joa., xxt, 
18-19. En effet, celui-ci ne désigne que d'une façon très 
générale l'époque de la mort de Pierre, cum senueris; 
ce qu'il annonce, c'est le genre même de cette mort, le 
crucifiement. Il s'agit donc plutôt d'une révélation ré- 
cente. Voir Spitta, Der zweite Brief Petrus, 1885, p. 88- 
89 ; Hundhausen, Bas zweite Pontificalschreiben des Pe- 
trus, p. 207-209; Belser, Einleit., p. 716, etc. — Simon- 
Pierre sent donc que sa fin est imminente. Or, comme 
il est démontré qu'il subit le martyre à Rome, en 67 
d'après^l'opinion la plus probable (voir col. 376), nous 
pouvons conclure de là qu'il a composé cette seconde 
Épitre dans la capitale de l'empire, durant la première 
partie de l'année 67, ou â la fin de 66. Telle est l'opi- 
nion de presque tous les critiques qui croient à l'au- 
thenticité de la lettre. Il semble résulter de II Pet., m,. 
1, qu'il ne s'écoula pas un temps très considérable en- 
tre les deux lettres du prince des Apôtres. Si l'auteur de 
la J/ a Pelri, comme nous le pensons (voir col. 410, et 
t. ni, col. 1811), a eu sous les yeux l'Épître de saint 
Jude et lui a fait des emprunts, son œuvre est natu- 
rellement d'une date plus récente que celte dernière 
composition, que l'on suppose avoir été écrite elle- 
même vers l'année 65. Les exégètes qui, tout en admet- 
tant l'authenticité de notre Épltre, placent la mort de 



399 



PIERRE '(DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT) 



400 



saint Pierre en 64, adoptent cette même date pour sa 
secondé lettre. Quant à ceux qui rejettent l'authenticité, 
ils lui assignent les dates les plus variées, et cette di- 
versité de sentiments manifeste à elle seule la faiblesse 
de leurs preuves. Credner et Bleek, à la fin du I er siè- 
cle; Schvregler et Volkmar, à la fin du II» siècle; Jûli- 
ctier, en Egypte, entre 158 et 175 (d'après cet auteur, 
Einleit., p. 152, « la 11* Pétri est certainement la 
partie la plus récente du Nouveau Testament, et aussi 
celle qui méritait le moins d'entrer dans le canon ») ; 
Chase (dans Hastings, Dict. of the Bible, t. m, col. 817), 
pas plus tard que 175, probablement vers 150,en Egypte, 
peut-être à Alexandrie. 

III. Occasion et but de l'Épître. — 1» a) Dans l'in- 
tervalle qui s'était écoulé depuis l'envoi de lal re Épître, 
un fait très grave s'était produit dans les chrétientés 
d'Asie Mineure. Des hérétiques, dont la doctrine et la 
conduite étaient également perverses, s'y étaient intro- 
duits, et menaçaient de les corrompre tout à fait. Ce sont 
eux qui furent vraiment l'occasion de l'Épître. Ils sont 
déjà mentionnés au chap tre I", 16, 19-21 ; le chapitre n 
s'occupe d'eux uniquement; on les retrouve au cha- 
pitre ni, 3-7, 16-17. Ces hommes, qui avaient été d'abord 
païens et qui s'étaient convertis à la religion du Christ, 
avaient repris les mœurs du paganisme et se livraient 
sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. il, 2-3, 10, 
13-14, 18-20. Non contents de s'abandonner eux-mêmes 
à la licence, ils exerçaient autour d'eux un ardent pro- 
sélytisme, s'efforçant de séduire, par leurs discours et 
leurs exemples, les chrétiens parmi lesquels ils vivaient. 
Cf. n, 1-3, 14, 18-19. Ils faisaient aussi de l'antino- 
misme, vantant la liberté apportée par Jésus-Christ, 
comme si elle avait autorisé toutes sortes d'excès. Cf. 
i, 18-19. A l'immoralité de leur vie se joignaientde graves 
erreurs doctrinales. Ils se permettaient de traiter cer- 
tains faits de l'histoire sacrée comme s des fables sage- 
ment inventées », i, 16. Ils avaient cessé de croire que 
le monde est dirigé par une intelligence supérieure, et 
qu'il y aura un second avènement du Christ, suivi du 
châtiment éternel des impies. Cf. m, 9. Ils donnaient à 
la sainte Écriture de fausses interprétations, afin de 
pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines perni- 
cieuses, m, 16. Il est même possible qu'ils allassent 
jusqu'à nier la divinité de Notre-Seigneur. Cf. n, 1, et 
Judas, 4. Comme beaucoup d'autres hérétiques, ils ai- 
maient l'argent, et s'en faisaient donner en échange de 
la communication de leurs erreurs, H, 3, 13. L'auteur 
nous les présente comme des apostats véritables, II, 
20-22. Le tableau qu'il en trace au chapitre n est d'une 
vigueur remarquable. 

6) Quels étaient les hérétiques que saint Pierre stig- 
matise avec tant d'énergie? Certains critiques con- 
temporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i, 
p. 466-470; Jùlicher, Einleit., p. 151-152; von Soden, 
Band-Commentar zum. N. T., t. ni, part. 2, p. 171, ont 
prétendu qu'ils étaient identiques aux gnostiques du 
II e siècle; puis ils se sont servis de ce fait comme d'un 
argument pour attaquer l'authenticité de l'Épître. Il est 
vrai que, dès le début de la lettre, II Pet., i, 2, saint 
Pierre mentionne la « vraie connaissance (èmYvweri;) 
de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ » comme 
une bénédiction spéciale qu'il souhaite à ses lecteurs, 
par opposition à la fausse science (fv&mi) des docteurs 
hérétiques, et qu'il revient plusieurs fois sur cette pen- 
sée. Cf. i, 3, 18; n, 20; m, 18. Mais saint Paul le fait 
pareillement. Col., i, 6, 9, 10, etc. Il.est certain de même, 
que « les germes de la Gnose apparurent dès le com- 
mencement de l'ère chrétienne, et qu'il n'exista, dans 
les premiers temps de l'Église, aucun hérétique qui 
n'ait eu plus ou moins de traits communs avec' les 
gnostiques des temps plus rapprochés. » Kaulen, Ein- 
leit., p. 515. Il est également vrai que saint Irénée 
accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens 



des Écritures. Cf. Hser., m, 4; t. vu, col. 882. Néan- 
moins, maigre tout cela, ce ne sont pas les gnostiques- 
proprement dits qui sont décrits dans cette lettre, 
mais seulement leurs premiers précur seurs; car le 
portrait que notre Épître trace des faux docteurs ne 
coïncide qu'à la surface avec le système gnostique, 
tel qu'il se développa plus tard. Quoi que prétendent 
nos adversaires, les expressions aipéaet; ômia>et'aç,. 
II Pet., n, 2, itXaarotç î.ffyotc, II, 3, et {ncÉpoyxa [xa- 
TatôTrjToç, n, 18, sont trop vagues pour représenter le 
système en question. La première ne désigne point 
un corps de doctrine, mais un choix, une hérésie ; les 
deux autres font allusion à ce qu'il y avait de nul et de 
vaia dans les discours des docteurs hérétiques. Quant 
aux éons, que M. von Soden a cru découvrir dans le 
passage n, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou 
les mauvais anges, d'après le sentiment commun. Voir 
B. Weiss, Einleit. in das N. T., 3» édit., 1897, p. 451; 
Kaulen, Einleit., p.565;Hundhausen, Der zweite Pon- 
tificalbrief, p. 1-10; K. Henkel, Der zweite Brief des 
Apostelfûrsten,p. 21-37, etc.S'ilya ici quelque chose de 
la gnose, c'estla gnose à ses premiers débuts, telle qu'elle 
commença à se^manifester environ vingt ans après l'as- 
cension du Sauveur, comme on le voit par les Épîtres 
de saint Paul aux Philippiens, aux Éphésiens, aux 
Colossiens, par la première à Timothée, par les Épîtres 
de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi donc, « pour 
éclaircir par d'autres données historiques le portrait 
des faux docteurs que nous présentent l'Épître de Jude 
et la 1P Pétri, il n'est pas nécessaire de descendre 
dans le second siècle. Nous en trouvons déjà les traits 
essentiels dans la chrétienté primitive ». Th. Zahn, 
Einl. iri das N. T., t. n, p. 101 ; voir aussi le t. i r 
p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du 
christianisme, tels que les décrivent ces différentes 
Épîtres, on reconnaît une grande ressemblance : ils 
ont des tendances antinomistes et refusent de se plier 
entièrement sous la loi chrétienne, ils se livrentà toutes 
sortes d'excès, ils en viennent jusqu'à mépriser la per- 
sonne du Christ et à l'abaisser pour devenir plus 
libres par là-même. 

c) A quel groupe spécial des premiers hérétiques 
devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels 
s'élève la 1P Pétri? On les a identifiés tantôt aux Ni- 
colaïtes de l'Apocalypse (dans les temps anciens, Œcu- 
ménius, In II Pet., n, 1, t. cxix, col. 592; dpns les 
temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8; 
de nos jours, Hug, Einleit., 3 e édit., t. n, p. 572; Win- 
dischmann, Vindicise Petrinse,p. 34; Reithmayr, Ein- 
leit., p. 743; Cornely, Introd., t. m, p. 636; T. Zahn, 
Enleit. in dasN. T., t. n, p. 101), tantôt avec les disci- 
ples et successeurs de Simon le magicien, etc. Il est 
difficile de se prononcer là-dessus avec certitude. Toutes 
ces hypothèses ont du vrai, car les hérétiques décrits 
dans la IP Pétri présentent certaines ressemblances 
avec ces autres docteurs de mensonge; mais elles pa- 
raissent toutes plus ou moins exagérées, attendu qu'au- 
cune d'elles ne correspond absolument au portraittracé 
par saint Pierre. Il est probable que le prince des 
Apôtres généralise, et qu'il stigmatise en même temps 
toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, loc. cit., p. 32- 
37. — On a eu tort parfois, Fronmùller, In II Pet., m, 
3, p. 96; B. Weiss, Der Pétrin. Lehrbegriff, p. 283; 
Huther, Die Brief e Pétri, p. 286; Bisping, Èrklârung 
der kathol. Briefe, p. 257, etc., d'établir une distinc- 
tion entre les ieuSo8i8â<rxa),oe* magistri mendaces, 
que décrit le chap. n, f. 2-3, et les êu-iratxTat, illu- 
sores, du chap. m, ji. 3-4, comme s'ils avaient formé 
deux classes distinctes d'hérétiques. Il s'agit en ,réa- 
lité d'une seule et même catégorie de faux docteurs, 
qui prêchaient simultanément la licence morale et des 
doctrines erronées sur la nature et sur le retour de 
Jésus-Christ. Après les avoir décrits en termes gêné- 



401 



PIERRE (DEUXIÈME ÉPÎTRE DE SAINT) 



402 



raux dans le chap. n, l'auteur revient, dans le chap.m, 
sur un trait spécial de leur doctrine perverse, la néga- 
tion du second avènement de Jésus-Christ.Cf. n,10 et m, 
3, où le même trait caractéristique, qui post carnem 
in concupiscentia immunditix ambulant, eïjuxta pro- 
prias concupiscentix ambulantes, appliqué de part et 
d'autre, montre qu'il est vraiment question des mêmes 
personnes. Le texte m, 17, ne insipientium (ùftéay.o>v, 
« des hommes sans loi ») errore traducti excidatis..., 
prouve aussi que les èjjuraïitTa! étaient antinomistes 
comme les t|/suSoSi8i<maXoi. Rejetant toute loi, ils se 
livraient à la débauche, et niaient le retour gênant du 
Christ. Comme l'auteur emploie plusieurs fois le futur 
à propos de ces faux docteurs, n, 1, « erunt magistri 
mendaces; » in, 3, « ventent in novissimis diebus illu- 
sores, » quelques interprètes ont supposé que sa des- 
cription concerne l'avenir et non le temps présent. Ce 
sentiment est inexact, car il est évident, d'après le sens 
de l'Épître, que saint Pierre écrit pour prémunir ses 
lecteurs contre un péril actuel. D'ailleurs, dans les ver- 
sets 10-15 du chap. II (cf. Il, 20, yérovev ; n,22, auu.ês'6ï)XEv), 
il parle des hérétiques comme existant déjà réellement. 
Cf. II Tim., m, 1-8, où saint Paul s'exprime d'une fa- 
çon identique. Cette manière de faire devait montrer 
que le danger, déjà présent, deviendrait plus grand 
encore, parce que le mal irait en se développant. 

2° Le but que se proposait l'auteur est indiqué parles 
détails qui précèdent. Il est même énoncé tout au long 
dans les dernières lignes de l'Épître, m, 17-18, en termes 
tour à tour négatifs et positifs : « Vous donc, frères, 
avertis d'avance, soyez sur vos gardes, de peur qu'en- 
traînés par l'erreur de ces insensés, vous ne veniez à 
déchoir de votre fermeté; mais croissez dans la grâce 
et dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur 
Jésus-Christ. » Saint Pierre voulait donc prémunir ses 
lecteurs contre le nouveau danger qui les menaçait; 
danger beaucoup plus grave que celui qui avait servi 
d'occasion et de but à sa première Épître. Voir col. 387. 
Nous ignorons de quelle manière il avait été averti du 
fait désolant qui a été signalé plus haut. Les relations 
entre Rome et l'Asie Mineure étaient d'ailleurs faciles 
et fréquentes à cette époque. Certain qu'il ne tarderait 
pas à mourir, cf. i, 14, Pierre se ,hâta d'écrire cette 
seconde lettre, qui est avant tout, comme la précédente, 
une exhortation essentiellement pratique. 

IV. Analyse. — La JJ a Pétri se fait remarquer, 
comme la première Épître, par son unité, et par une 
marche simple et claire. Voir Keil, Comment, ùber die 
Briefe des Petrus, p. 179-182. 

1» Voici d'abord, en général, le sujet traité par 
l'apôtre. Dans les circonstances qui ont été décrites, il 
importait de rappeler dès le début aux chrétiens d'Asie 
Mineure la stricte obligation où ils étaient de mener 
une vie très sainte, et aussi la certitude parfaite de 
l'objet de leur foi. Il fallait ensuite les mettre directe- 
ment et nettement en garde contre les séductions qui 
les menaçaient de la part des docteurs hérétiques. 
C'est ce thème qui est traité ici par saint Pierre. Il 
presse ses lecteurs d'organiser leur vie d'une manière 
conforme à la foi chrétienne, de se préserver des doc- 
trines malsaines et des mauvais exemples de l'hérésie, 
enfin de se tenir prêts en vue du second avènement de 
Jésus-Christ. Il insiste aussi, dès la première ligne, sur 
la divinité de Jésus-Christ, cf. i, 1, dont il ne cite 
ensuite jamais le nom sans y ajouter le titre « Notre- 
Seigneur ». Cf. i, 2, 8, 11, 14, 16; m, 18. 

2» Il y a trois parties dans la lettre : a) Nécessité et 
motifs de croître dans la pratique de la vertu, i, 1-21; 
b) Description des mœurs et des maximes des faux 
docteurs, n, 1-22; c) Réalité du second avènement de 
Jésus-Christ et instruction relative à la fin du monde, 
m, 1-18. La première partie est. morale; la seconde polé- 
mique; la troisième, tout ensemble pratique et doctrinale. 



a) Après avoir brièvement salué ses lecteurs, i, 1-2, 
l'auteur les invite à grandir sans cesse dans les vertus 
chrétiennes : les bienfaits dont Dieu les a gratuitement 
comblés et les magnifiques promesses qu'il leur a 
faites sont pour eux de pressants motifs de vivre sain- 
tement. En agissant ainsi, ils réaliseront de la façon la 
plus sûre le but de leur vocation, qui consiste, d'une 
part, à connaître de plus en plus Notre-Seigneur Jésus- 
Christ, et, de l'autre, à conquérir la place qui leur est 
préparée dans le ciel, i, 3-11. Pierre se sent pressé de 
leur adresser cette recommandation, car Jésus lui a ré- 
vélé que sa fin est proche; c'est donc pour ainsi dire 
son testament qu'il fait en leur écrivant, i, 12-15. 
Comme raison spéciale de vivre très saintement, il leur 
signale la certitude de l'enseignement qui leur a été 
prêché, et il démontre successivement cette certitude 
par la prédication des apôtres et par les oracles des 
anciens prophètes. 

6) Dans la seconde partie, dirigée ouvertement contre 
les docteurs hérétiques, l'auteur commence par affirmer 
avec énergie le châtiment futur de ces hommes per- 
vers : Dieu, qui est fidèle à délivrer les justes, sera 
fidèle aussi à punir ces misérables, de même qu'il 
avait autrefois châtié les anges déchus, les contempo- 
rains impies de Noé, les infâmes habitants de Sodome 
et de Gomorrhe, n, 1-9. Saint Pierre trace ensuite une 
peinture vivante, hardie, de leur conduite ignoble; 
surtout de leur orgueil, de leur esprit de révolte, de 
leurs débauches. Il les montre comme les prédicateurs 
d'une fausse liberté, qui produit forcément l'esclavage, 
et il assure qu'il aurait été meilleur pour eux de ne 
pas connaître Jésus-Christ, il, 10-22. 

c) Dans la troisième partie, l'auteur réfute deux 
erreurs dogmatiques de ces docteurs de mensonge. 
Ils tournaient en ridicule la croyance au second avè- 
nement du Christ et à la fin du monde. L'apôtre ré- 
pond avec vigueur que ces deux événements se 
passeront à l'heure voulue par Dieu, et que, s'ils sont 
retardés, c'est par un effet de la bonté du Seigneur, 
qui veut donner pleinement aux pécheurs le temps de 
se. repentir. Mais le jour du Seigneur viendra infailli- 
blement; les deux et la terre actuels seront dissous 
par le feu, non toutefois pour disparaître, mais pour 
faire place à de nouveaux cieux et à une nouvelle 
terre où habitera la justice, m, 1-10. Pierre conclut en 
engageant ses lecteurs à se tenir toujours prêts, en vue 
du jugement divin, qui éclatera à l'improviste ; il en 
appelle sur ce point au témoignage de son bien-aimé frère 
Paul, m, 11-16. Enfin, il exhorte les fidèles à se tenir 
en garde contre les faux docteurs, et à croître dans la 
connaissance et dans la grâce du Sauveur Jésus, m, 17-18. 

V. Authenticité. — /. preuves extrinsèques (voir 
Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben:.., p. 19- 
100; Keil, Comment, ùber die Briefe des Petrus, p. 184, 
Th. Zahn, Einleit., t. n, p. 89 sq.; Cornely, Introd.; 
Henkel, Der zweite Brief des Apostelfûrsten Petrus 
geprûft auf seine Echtheit, p. 47-89). — a) Si nous 
interrogeons la tradition sur ce point important, nous 
n'aurons pas à signaler la même unanimité de témoi- 
gnages que pour la I re Épître; nous trouverons cepen- 
dant des preuves satisfaisantes. De nombreux faits his- 
toriques, regardés très justement comme indiscutables, 
sont beaucoup moins accrédités. Remarquons d'ailleurs 
que la II' Pétri est, dans son ensemble, moins pratique 
que la première lettre, qu'elle traite de sujets moins 
généraux, et qu'elle est née de circonstances plus spé- 
ciales. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ne soit pas 
mentionnée et citée aussi fréquemment dans les temps 
anciens. 

b) Néanmoins, elle était connue de très bonne heure 
dans l'Église comme un écrit inspiré et canonique. Au 
premier siècle, le pape saint Clément y fait plusieurs 
allusions très probables. Cf. surtout 1 ad Cor., vu, 5; 



403 



PIERRE (DEUXIÈME. ÉPITRE DE SAINT) 



404 



ix, 4, et II Pet., il, 5-7 : de part et d'autre, les 
exemples de Noé et de Lot sont cités conjointement, et, 
dans les deux écrits, à propos de Lot, il est dit que 
Dieu n'abandonne pas les siens, mais qu'il châtie leurs 
ennemis; ce double rapprochement est frappant. 
Cf. aussi I ad Cor., vu, 9, et II Pet., i, 12-13; I ad 
Cor., ix, 2, et II Pet., i, 17; I ad Cor., xi, 1, et 
II Pet., h, 6-8; 1 ad Cor., xxin, 2, et II Pet., i, 4; 

I ad Cor., xxv, 5, et II Pet., h, 2. Au second siècle, 
on entend très vraisemblablement aussi des échos de 
notre Épître dans le Pasteur d'Hermas (cf. Simil., 6, 
et II Pet., il, 1-3; plusieurs critiques sérieux croient 
qu'ici l'emprunt est indéniable), dans la Didaché, cf. m, 
6-8; IV, 1, et II Pet., il, 10 (il règne une grande ana- 
logie de pensées et d'expressions entre les deux au- 
teurs); dans l'Épitre de Barnabe, cf. n, t. n, col. 729, et 

II Pet., i, 5-6; xv, 4, et II Pet., m, 8; dans l'Épitre de 
saint Polycarpe Ad Philipp., 7, t. v, col. 1012, cf. II Pet., 
m, 3; dans l'écrit de saint Théophile d'Antioche Ad 
A\itol v h, $, \. \î, eo\. 1064 (iï e*\ste mm grande res- 
semblance entre le passage n, 9, et II Pet., i, 21 ; cf. aussi 
il, 3, et II Pet., 1, 19); dans le Dial. c. Tryph., de 
saint Justin, cf. t. vi, col. 669, et II Pet., i, 21 ; t. m, 
8; dans saint Irénée, Adv. hœr., cf. iv, 36, 3, t. vu, 
col. 1224, et II Pet., n, 4-7; v, 23, 2; 28, 3, col. 1185, 
1200, et II Pet., ni, 8. Au troisième siècle, Firmilius de 
Césarée en Cappadoce parle, Ep. ad Cypr., 75, t. m, 
col. 1159, d'avertissements donnés aux fidèles par saint 
Pierre et par saint Paul, afin de les mettre en garde 
contre les docteurs hérétiques; or, cette réflexion ne 
saurait s'appliquer qu'à la 1 J a Pétri, car il n'est nulle- 
ment question des faux docteurs dans la première lettre 
du prince des Apôtres. L'auteur des Philosophoumena, 
ix, 7, t. xvi, col. 3371, fait allusion à II Pet., n, 22. 
Au dire d'Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, Clé- 
ment d'Alexandrie avait commenté l'Épitre de saint 
Jude et « les autres Épîtres catholiques » ; or, Eusèbe 
range la II e - Pétri dans cette catégorie d'écrits. Cf. H. 
E., il, 23, t. xx, col. 205. Ce commentaire de Clément 
d'Alexandrie suppose que notre Épître était alors très 
estimée et répandue. Origène est le premier à la citer 
nommément comme l'œuvre de saint Pierre. Voir 
surtout Hom. ir in Lev., t. n, col. 437, où il cite 
II Pet., i, 4; Hom. xiu in Num., t. n, col. 676, où il 
cite II Pet., n, 16; Hom. vu in Jos., t. n, col. 857, 
où il dit : Petrus duabus Epistolorum suarum Per- 
sonal tubis; Comm. in Matth., 15, t. ni, col. 692, et 
Comm. in Rom., i, 8, t. iv, col. 1178, où il cite 
II Pet., i, 2. Didyme d'Alexandrie, mort en 384, 
attribue plusieurs fois notre lettre à saint Pierre, dans 
son traité De Trinit., i, 15, 28, 29, etc., t. xxxix, 
col. 304, 409, 416. Saint Athanase, Ex Epist. festal., 
39, t. xxvi, col. 1176, la range, avec les autres livres du 
Nouveau Testament, parmi « les sources du salut ». 
Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 36, t. xxxni, 
col. 500, énumère les sept Épîlres catholiques telles que 
nous les connaissons. L'historien Eusèbe accepte per- 
sonnellement la JI a Pétri comme authentique et cano- 
nique. H. E., n, 23,- 1. xx, col. 205. Ailleurs, H. E., m, 3, 
col. 217, il établit une distinction essentielle entre elle 
et trois écrits (les Actes, la Prédication et l'Apocalypse 
de Pierre), qui circulaient sous le nom du prince des 
^àpôtres; ces derniers n'ont pas été transmis parmi les 
livres généralement reçus par l'Église, tandis que la 
SeuTÉpoc êjri<jTo).iiî est lue officiellement comme les autres 
écrits inspirés. Saint Jérôme est, en ce qui le concerne 
personnellement, un partisan très décidé de l'authenti- 
cité : Scripsit (Petrus) duas Epistolas, aux catholicse 
nominantur. De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607. Il dit 
ailleurs, Epist. cxx, ad Hedib.,H,t. xxii, col. 1002; 
cf. Ep. ad Paulin., lui, 8, t. xxii, col. 548, qu'il y a 
septÉpitres catholiques, composées par Jacques, Pierre, 
Jean et Jude. 



c) Il est vrai que plusieurs de ces anciens écrivains 
signalent des doutes qui existaient çà et là, de leur 
temps, touchant l'authenticité et la canonicité de la 
i/ a Pétri. C'est ainsi qu'Origène a dit (dans Eusèbe, 
H. E., vi, 25, t. xx, col. 585) : « Pierre n'a laissé 
qu'une Épitre universellement reconnue, peut-être 
aussi une seconde, mais on n'est pas d'accord sur ce 
point. » Didyme d'Alexandrie l'accepte et l'a commen- 
tée, comme il a été indiqué ci-dessus, col. 403; mais 
un fragment latin de son interprétation contient ce 
trait : Non igitur ignorandum prmsentem EpistoJam 
esse falsatam, qum licet publicetur, non tamen in ca- 
none est. Mais il est assez communément admis, même 
par des adversaires de l'authenticité, que ces mots ne 
sont pas de Didyme lui-même, ou bien que esse falsa- 
tam est Une traduction fautive du verbe voôeveTai, qui 
signifie : « Elle est déclarée non authentique. » Eusèbe, 
dont nous avons vu plus haut le sentiment personnel, 
très favorable à notre Épître, la range ailleurs parmi 
les livres qui n'étaient pas universellement admis 
comme canoniques, ià avzu.ty6y.eva, bien qu'elle fût 
connue de la plupart des chrétiens (toîç noMoï;) et 
qu'elle fût étudiée par un grand nombre (jroXXoîç) avec 
les autres écritures, parce qu'elle leur paraissait utile. 
H. E., vi, 25, t. xx, col. 584; voir aussi m, 26, 3; 
m, 3, 1. Saint Jérôme fait une observation semblable : 
Secundam (epistolam) a plerisque ejus (Pétri) esse 
negari propter styli cum priore dissonantiam. De 
vir. ill, 1, t. xxiii, col. 638. Cf. Epist. ad Hedib., 
cxx, t. xxn, col. 1002. Nous ferons remarquer, à la 
suite du P. Cornely, Introd., t. ni, 2 8 part., p. 643, et 
d'autres auteurs, en particulier A. Schœfer, Einleit. 
in das N. T., p. 333, n. 3, que l'expression a ple- 
risque dépasse la mesure, car, à l'époque du saint 
docteur (fin du iv 8 siècle), il est certain que notre 
Épître était communément regardée [comme un livre 
inspiré. 

d) Les doutes en question sont très probablement la 
cause du silence gardé au sujet de cette Épitre par le 
Canon de Muratori (vers 175), par Tertullien et par 
saint Cyprien, qui cependant connaissent et citent la 
précédente lettre. L'omission de la II 1 Pétri par la 
version syriaque primitive est pareillement surpre- 
nante; mais elle est compensée par la présence de cet 
écrit dans Vl\a\a, au second siècle. Nous savonB d'ail- 
leurs par saint Éphrem, Opéra syriaca, t. n, p. 342, 
que les Syriens admettaient la canonicité de Pupitre 
au IV e siècle. Les doutes en question portèrent surtout 
sur la différence de style avec la J» Pétri (voir plus 
bas, col. 407), ou bien, comme c'est le cas pour le moine 
Cosmas 'Indicopleuste (au xi 8 siècle), ils durent leur 
origine à la prophétie relative à la destruction^du monde 
par le feu. Cf. II Pet., ni, 7, 10-13. Peu à peu ces doutes 
disparurent, de même que pour les autres parties deù- 
térocanoniques du Nouveau Testament; aussi, à partir 
de la fin du iv e siècle, on n'en voit plus de trace 
sérieuse. Les onze ou douze listes authentiques des 
écrits inspirés que nous a léguées le même siècle con- 
tiennent l'Épitre (voir Gaussen, Canon des Écritures, 
t. i, p. 505), et les conciles de Laodicée en 364, de 
Rome en 375, d'Hippone en 393, de Carthage en 397; 
comptent officiellement notre lettre parmi les livres 
inspirés; ce qui signifie, en même temps, qu'on en attri- 
buait alors généralement la composition à saint Pierre. 
Voilà, certes, des témoignages plus que suffisants pour 
croire à son authenticité. — Il n'y a pas eu la moindre 
hésitation durant le moyen âge jusqu'à Érasme (voir la 
fin de son commentaire sur II Pet.), Calvin (In 
11 Pet., Prolog.), et plus tard Grotius (Adnotat. in 
11 Pet., 1, 1), etc., qui firent revivre les anciens doutes. 
Les protestants eux-mêmes refusèrent d'abord de les 
suivre; mais, à partir du xix e siècle, ils se sont mis à 
regarder assez généralement l'Épitre comme l'œuvre 



405 



PIERRE (DEUXIÈME ËPITRE DE SAINT) 



406 



d'un faussaire. On compte, aujourd'hui, ceux qui l'attri- 
buent encore au prince des apôtres. Voir leur énu- 
mération dans Hundhausen, Da$ zweite Pontifiçal- 
schreiben des Petrus, p. 19; ajouter Spitta, Der 
zweite Srief Petrus, p. 175. 

il. preuves intrinsèques. — Olshausen, l'un de ces 
exégètes protestants qui, assurent-ils, n'ont pas réussi 
à se former une opinion certaine au moyen des seuls 
témoignages de l'antiquité, ajoute : Ràtionibus... sub- 
jectivis fultus authentiam Epistolee persuasum habeo. 
Dans Salmon, Introd. to the Study of the Books o( 
the N. T., 7 e édit., p. 498. Interrogeons donc maintenant 
l'Épitre elle-même, et voyons ce qu'elle nous dit au 
sujet de son authenticité. 

Elle se donne dés le début, i, 1, comme l'œuvre de 
« Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ ». 
Plusieurs passages de la lettre confirment cette asser- 
tion. L'auteur se range, i, 16-18, parmi les témoins ocu- 
laires de la transfiguration de Notre-Seigneur, et le 
récit qu'il fait de ce prodige montre qu'il était vraiment 
sur la « sainte montagne ». Cf. Matth., xvn, 1-4; Marc., ix, 
1-5; Luc, ix, 28-33. Or, ce prodige éclatant n'eut que 
trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, et personne n'a 
jamais songé à attribuer la lettre aux deux fils de Zé«- 
bédée. Plus loin, ni, 15, l'auteur nomme saint Paul son 
« frère bien-aimé », c'est-à-dire son collègue dans l'apos- 
tolat. Ces deux témoignages sont très explicites. Il faut 
en rapprocher aussi la déclaration II Pet., ni, 1, qui 
identifie clairement l'auteur de la première Épître et 
celui de la seconde, et le passage m, 2, où celui qui a 
écrit la lettre affirme de nouveau qu'il faisait partie du 
collège apostolique. En rapprochant n, 20, de Matth., xn, 
45, et n, 14, de Matth., v, 27, on voit qu'il connaissait 
fort bien les paroles du Sauveur. Ce n'est pas qu'il 
« fasse des efforts surprenants pour jouer le rôle d'apô- 
tre », comme le prétendent E. Reuss, Die Geschichte 
der heil. Schriften des N. T., p. 256 de la 3 e édit., 1860, 
et H. Holtzmann, Einl. in das N. T., 3° édit.", p. 321, dans 
le but d'enlever toute force à l'argument qui précède. 
Il ne joue jamais un rôle, mais il se présente simple- 
ment tel qu'il était en réalité. On a aussi affirmé que, 
m, 2, il sort de ce même rôle par mégarde, et qu'il 
s'exclut lui-même du corps apostolique; mais, pour ob- 
tenir ce résultat on suit la leçon à;to<7T<5)i<ov ■f\\t.âv, « de 
nos apôtres », tandis que le texte le mieux garanti 
porte i[iwv, vestrorum. 

Autre preuve très forte. Non seulement cette seconde 
Épltre ne renferme absolument rien que saint Pierre 
n'ait pu écrire; elle contient en outre des pensées iden- 
tiques à celles de la première. Voir Hundhausen, Das 
zweite Pontificalschreiben, p. 62-90; Kaulen, Einleit., 
p. 567; Belser, Einleit., p. 718 sq.; Krawutzcky, Pe- 
trinische Studien, Breslau, 1877, t. n, p. 64-72. — 
a) Les deux écrits mettent singulièrement en relief la 
personne de Notre-Seigneur, qui est leur centre per- 
pétuel, et auquel tout se rapporte en vérité. Relevons 
en particulier l'importance attachée à son second avè- 
nement et à l'obligation qu'ont les fidèles de se préparer 
à cet acte suprême par une 'vie très simple. Cf. I Pet., 
i, 7-8, 13-14; iv, 7-8, 13-14; v, 1-3; II Pet., i, 16, 
19; ni, 10-12. — 6) De part et d'autre, l'auteur insiste 
sut la pensée que Jésus-Christ nous a rachetés au prix 
de son sang divin, et qu'il nous a ainsi purifiés de nos 
péchés. Cf. 1 Pet., i, 2, 18-19; m, 21; II Pet., i, 9; n, 
20-22. — c) Dans les deux lettres, la religion chrétienne 
est présentée comme la réalisation des anciennes pro- 
phéties, de sorte que le ministère des prophètes et ce- 
lui des Apôtres sont mis en relations intimes. Cf. 
I Pet., i, 10-12; II Pet., i, 16-19; m, 2. - d) La 
seconde Épltre suppose, comme la première, une con- 
naissance très grande de l'Ancien Testament. Il est vrai 
qu'il n'y est cité qu'une fois] explicitement, II Pet., u, 
28; cf. Prov., xxvi, 11; mais les allusions, les réminis- 



cences, les citations indirectes y abondent partout. Cf. 
i, 19-21; il, 1, 4-8, 15-16; m, 2, 5-8, 10, 13, 16, etc. - 
e) Voici encore quelques traits communs aux deux Épî- 
tres ; l'idée que les chrétiens ont été régénérés et qu'ils 
participent à la nature divine, 1 Pet., i, 23; II Pet., i, 
4; l'existence d'une vraie et d'une fausse liberté, I Pet., 
i, 22; II Pet., n, 19; la mention du déluge, I Pet., m, 
20; II Pet., ni, 6; le fait que sept personnes seulement 
échappèrent à cette catastrophe, I Pet., m, 20; II Pet., 
Il, 5; plusieurs ressemblances frappantes sous le rap- 
port eschatologique. I Pet., I, 4, et II Pet., I, 11; 

I Pet., i, 7, et II Pet., î, 16; I Pet., i, 20, et II Pet., m, 
3. — f) Notons aussi les analogies qui existent entre 
le commencement et la fin des deux lettres. Elles men- 
tionnent l'une et l'autre, dès leurs premières lignes, 
l'espérance du ciel comme un puissant encouragement 
pour les chrétiens. Cf. I Pet., i,, 4-6; II Pet., i, 11. 
Elles s'ouvrent par le même souhait, qui n'apparaît 
nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. L'une 
et l'autre elles s'achèvent par l'indication très précise 
du but que se proposait leur auteur, I Pet., v, 12; 

II Pet., m, 17-18. — g) La seconde Épître rappelle 
partout le caractère ardent, l'autorité et le zèle aposto- 
lique, la vigueur et l'originalité du prince des Apôtres, 
de sorte qu'elle respire constamment, comme la pre- 
mière, « l'esprit de Pierre ». 

m. objections des CRITIQUES. —Dans ces conditions, 
on conçoit que les adversaires de l'authenticité « n'aient 
pas essayé de proposer, avec quelque vraisemblance^ 
un auteur différent » de saint Pierre.Burger, dans Strack 
etZôckler, Kurzgefasster Komment.,N. Test. ,i'îascic, 
p. 181. Néanmoins, malgré tant de preuves extrinsè^ 
ques et intrinsèques, ils ont combattu notre Épître avec 
un acharnement extraordinaire. Voir E. Renan, V Anté- 
christ, p. vi ; E. Reuss, Gesch. der heilig. Schriften des 
N. Test., 3« édit., p. 256; Jùlicher, Einleit., p. 152. 
B.Weiss lui-même, quiadmettaitautrefois l'authenticité, 
pense maintenant qu'on ne peut rien décider à ce sujet. 
Cf. Einleit., 3 e édit., p. 450. Le D' Kiihl, Die Briefe 
Pétri, édit. de 1897, p. 370, affirme très justement qu'on 
a abusé des arguments intrinsèques contre l'Épitre, et 
que plusieurs détails qui, dans l'hypothèse de l'authen- 
ticité, paraissent tout à fait inoffensifs, ont été bien à 
tort regardés comme des motifs de soupçon et de doute. 
Parmi les exégètes protestants qui l'admettent, nous 
pouvons citer Nietzsche, Epistola Pétri posterior, au- 
ctori suo... vindicata, 1785; C. Flatt, Genuina secunda 
Pétri epistolee origo... defenditur, 1806; W. Dahl, De 
Authentia epistolee Pétri posterioris atque Judse, 1807, 
Bertholdt, Olshausen (il a aussi composé un ouvrage spé- 
cial sur la question, De integritate et authentia poste- 
rioris Pétri epistolee, 1823), Guericke, Thiersch, Stier, 
Dietlein, Hofmann, Schulze, F. Keil, Brùckner, Spitta, 
A. Bruce, etc., qui appartiennent aux écoles exégéti- 
ques les plus diverses. Voir J. H. Holtzmann, Einleit , 
p. 325; Grosch, Die Echtheit des zweiten Briefes Pé- 
tri, 1889, et surtout l'excellent ouvrage du D T Henkel 
(catholique), Der zweite Brief des Apostelfûrsten 
Petrus geprûft auf seine Echtheit, Fribourg-en-Bris- 
gau, 1904. 

Les objections alléguées sont de deux sortes : il y a 
celles qui concernent les pensées et celles qui regar- 
dent la forme. —1° Objections concernant les pensées. 
— On a prétendu que le fond des deux écrits est trop 
différent pour qu'ils puissent provenir d'un seul et 
même auteur. H. Holtzmann, Einleit-, p. 321-322. Mais 
nous avons déjà démontré indirectement, col. 405, que 
cette allégation porte entièrement à faux; aussi Reuss 
lui-même, Geschichte der heil. Schriften des N. T., 
p. 70, ne lui attache-t-il « aucune force décisive ». Comp. 
Hofmann, Heil. Schriften des N. T., t. n, p. 128; t. îx, 
p. 208. Nos adversaires insistent en particulier sur le fait 
suivant : la J7 a Pétri parle de la destruction ou plutôt 



407 



PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT) 



408 



de la rénovation du monde actuel par le feu, m, 7, 10, 
12, tandis que cette doctrine est tout à fait étrangère à 
la première Épitre. Nous répondons que cet enseigne- 
ment n'est pas nouveau, mais très conforme à celui 
des prophètes de l'Ancien Testament et de Jésus- 
Christ lui-même. Cf. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22; Matth., xxrv, 
29, etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionné 
dans la I" Épître la descente de Jésus-Christ aux en- 
fers, dogme qui n'est qu'insinué rapidement ailleurs 
dans les écrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il 
pas, dans la II e , d'un fait qu'il laisse de côté dans la 
lettre précédente ? Les autres divergences s'expliquent 
suffisamment par la différence du thème traité de part 
et d'autre. Par exemple, dans la I" Épître, l'auteur 
insiste sur l'espérance, voir la col. 396, afin de mieux 
consoler et encourager, par la promesse de l'héritage 
céleste, les chrétiens d'Asie Mineure, qui enduraient la 
persécution pour la justice; dans la II 8 , il appuie da- 
vantage sur la connaissance (êitfYvwinç) de Jésus-Christ, 
qu'il oppose à la fausse science (yvôucç) des docteurs 
hérétiques. Mais la première Épîfre, tout en insistant 
davantage sur l'espérance, ne manque pas de mention- 
ner aussi la vraie Yv&xrtc, cf. I Pet., ni, 7, et la II e , 
tien qu'elle ne contienne pas expressément le mot 
ÈXizlç (espérance), exprime à plusieurs reprises l'idée 
de l'espérance chrétienne. Cf. II Pet., i, 11, 19; m, 9, 
12-15. Dans la première lettre, le retour de Jésus- 
Christ à la fin des temps est appelé ànoxâXuifuç, « révé- 
lation », et TtapoWa, « présence », dans la seconde. 
Mais est-ce là une différence? Voir la réfutation de 
cette objection générale dans B. Weiss, Die Petrinische 
Frage, p. 293; F. Keil, Comment, ùber die Briefe 
des Petrus, p. 194. 

2» Objections tirées du style. — On a objecté très 
souvent aussi la différence de style entre la première 
et la seconde Épitre, comme une preuve manifeste que 
les deux écrits ne peuvent pas avoir été composés par 
le même auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322. 
La différence alléguée est très réelle. Cf. von Soden, 
Hand- Comment, zum N. Test., t. m, 2 e partie, p. 211; 
Henkel, Der zweile Brief des Apostelfùrsten Petrus, 
p. 56. Mais elle n'est nullement de nature à permettre de 
nier l'authenticité; sans compter que nous possédons 
trop peu de produits littéraires de saint Pierre, pour 
porter un jugement convenable sur son style. Déjà saint 
Jérôme signalait cette difficulté, Epist. cxx, ad Bedib., 
11, t. xxn, col. 1002; cf. De vir. ill., 1, t. xxiii, col. 609. 
Il essayait. en même temps d'en marquer la cause : Ex 
quo intelligimus pro diversilate rerum diversis eum 
usum esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exégètes con- 
temporains pensent que telle est, en effet, la meilleure 
solution; entre autres, Cornely, Inlrod., t. n, 3 e part., 
p. 648; A. Schsefer, Einleit. in das N. T., p. 335; Kûhl, 
Die Briefe Pétri, p. 367. Saint Marc ou Silvain auraient 
aidé saint Pierre pour la composition de la première 
Épître, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait 
n'a rien d'invraisemblable en lui-même; toutefois, il 
est loin d'être certain, et il n'est pas nécessaire de 
recourir à lui pour expliquer le petit problème lin- 
guistique que nous étudions. D'ailleurs, on peut dire 
que saint ;Jérôme exagère à propos de la différence de 
style et que beaucoup de critiques contemporains font 
comme lui. Cf. Henkel, loc. cit., p. 58-59. 

Il est bon de noter ici, avant toute autre ré- 
ponse, que, en ce qui concerne le style et la diction 
en général, « la divergence des opinions est la règle 
parmi les savants, » comme le dit fort bien M. Belser, 
Einleit., p. 705. Et pour justifier cette réflexion, le 
savant auteur cite les jugements contradictoires de 
deux exégètes protestants sur, le chap. n de la II* Pétri : 
tandis que Hofmann, Die Briefe Pétri, Judse, etc., 
p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme 
unique en son genre parmi les écrits du Nouveau 



Testament, Mayerhoff, Hist. krit. Einleit. in die Pétrin. 
Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat. 
Il est aussi très important, pour apprécier équitable- 
ment la divergence indiquée, de se rappeler la diffé- 
rence considérable des sujets traités et du but que se 
proposait l'auteur. En outre, l'emploi que saint Pierre 
a fait, selon toute probabilité, de la lettre de saint 
Jude, col. 410, n'a pas manqué d'exercer une certaine 
influence sur son propre style. 

Examinons maintenant quelques-unes des objections 
de détail proposées sur ce point par les néo-critiques. 
— o) On a noté en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit., 
p. 322, une certaine monotonie que présente la II' Pétri 
dans l'usage des prépositions, tandis que l'auteur de la 
Ire Épitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans 
le passage II Pet., i, 3-5, ôt'a revient quatre fois; £v 
jusqu'à sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. Il est 
vrai que, dans la première lettre, les prépositions sont 
plus variées; ce qui n'empêche pas eîç, èv et 8îa d'y 
dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet., 
qui viennent d'être cités, les répétitions ont eu lieu 
évidemment à dessein, et elles donnent beaucoup de 
force à la pensée. — 6) Il y a dans II Pet. ce qu'on a 
appelé à tort des « répétitions traînantes », des mêmes 
termes, à des intervalles très rapprochés. Holtzmann, 
loc. cit., p. 322. Par exemple : i, 2-3, SsBupmnévo; e * 
8s8iipY)tai; i. 1-10, trois fois Taina; il, 1, deux fois 
àirioXeia. Voir aussi i, 17, etc. Mais comment n'a-t-on 
pas remarqué que ces répétitions sont voulues, et 
qu'elles ont pour, but évident de fortifier la pensée? 
Du reste, il en existe de semblables dans la I re Épitre. 
Cf. I Pet., i, 5-10, où les mots « foi, croire, salut » 
sont employés coup sur coup; i, 5-18 et m, 1-2, à pro- 
pos des expressions àvaJTpoçri et àvastpéçs^at. — c) On 
met en avant un nombre assez considérable de termes 
(environ cinquante) qu'on ne trouve pas ailleurs dans 
le Nouveau Testament (entre autres àÔEffiioç, àxaTcuca'j- 
<rroç, àfi<ï>[ir;Toç, aùxp-ipoç, |SXé[i.[i,a, pôpéopoç, Siauyôïstv, 
8u<rvdï]-uoç, EyxaTotxetv, slaxoXouÔeiv, ê7uXuaiç, X^Ô7)v 
Xaêeiv, ^ia<r^a, ôp.t);X7), 7rap£[<raY£cv, •rcXaa-udç, trrpeéXoOv, 
t«x îv< ^! re<ppo0v, cptddçôpo;), et dont plusieurs semblent 
avoir été inventés par l'auteur lui-même (notamment 
Tapxccpouv, H, 4; napacppovta, n, 16; èl;épa[ia etxuXc<7[iôç). 
Mais, selon la remarque très juste de Reuss, Épitres ca- 
tholiq., p. 223, qui rejette pourtant l'authenticité, « qu'est- 
ce que cela prouve? Est-il juste que chaque auteur 
écrive toujours de la même manière? » Les Apôtres 
étaient souvent obligés de créer un langage nouveau 
pour exprimer les idées chrétiennes; saint Pierre l'a 
fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi donc, 
« on ne saurait déduire de ces particularités de lan- 
gage une nécessité absolue d'affirmer que l'auteur de- 
la I™ Épître diffère de celui de la II e . » Burger, Kurz- 
gefasst. Comment., p. 182, N. T., 4 e fasc. 

Nous, de notre côté, nous pouvons signaler des points 
de contact très nombreux entre les deux JB.pitres sous 
le rapport de la diction. Nous n'indiquerons que les 
plus caractéristiques. Voir des listes plus complètes 
dans Lumby, dans le Speaker's Commentary, t. rv 
du N. T., p. 228; Davidson, Introd. to the New Test.,. 
t. il, p. 462; Hundhausen, Das zweite Pontificalschrei- 
ben, p. 86-88; Keil, 'loc. cit., p. 199-202; Kûhl, Die 
Briefe Pétri, p. 336; Henkel, Der zweite Brief des 
Apostelfùrsten, p. 47. — a) Les deux .lettres ren- 
ferment un certain nombre d'expressions qui leur sont 
communes et qui ne sont pas employées dans les autres 
livres du Nouveau Testament : ap.rû|ji.o; et aumXoç, I Pet.,, 
i, 19; cf. II Pet., m, 14; Èicoirreûeiv, I Pet., n, 19, et 
ni, 2; cf. II Pet., i, 16; sônôSsaiç, I Pet., m, 21; 
cf. II Pet., I, 14; nljtauTœi ànspcfac, I Pet., IV, 1; 
cf. II Pet., n, 14. — b) Des deux côtés, on rencontre 
des expressions et des tournures identiques, rares ou 
relativement rares. Par exemple : I Pet., n, 9, t«ç. 



409 



PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT) 



410 



ôperà; xoO... xaXéaavToc ; II Pet., I, 3, toû xaXéaavros 
ïj[wï5 5'' àpETfjî (il est à remarquer que le mot àpeTTj, 
« vertu », indépendamment de ces deux passages, n'est 
employé dans le Nouveau Testament que par saint 
Paul, Phil., iv, 8, où il est appliqué au* hommes; saint 
Pierre seul l'applique à Dieu); à6é|«To«, I Pet., iv, 3, 
et à8e<T(J-oc, II Pet., n, 7; 8ï|Xo0v, pour marquer la ré- 
vélation divine, I Pet., i, 11, et II Pet., i, 14; âva- 
aTpof^ (le « mot favori » de saint Pierre), 1 Pet., i, 15, 
18; il, 23; m, 1, 2, 16, et II Pet., n, 7; m, 11; 
lîti6u(jit'o aapxixa, I Pet., il, 11, et II Pet., il, 10; 
<TTr)p£Çeiv, I Pet., v, 10, et II Pet., i, 12, etc.; tftXx- 
5e.\<pi<x, I Pet., 1,22, et II Pet., i, 7; -/opyjYEÏv, I Pet., 
iv, 11, et II Pet., i, 5,'ll, etc., — c) On signale encore 
l'usage très spécial du participe £/ovteç (I Pet., h, 12, 
ayant une bonne manière d'agir; m, 16j ayant une 
bonne conscience; iv, 8, ayant une charité conti- 
nuelle; II Pet., n, 14, ayant les yeux pleins d'adul- 
tère), la construction avec le datif, I Pet., i, 12; n, 7; 
m, 15; iv, 2, 12; v, 9; II Pet., i, 1, 17; n, 1, 3, 5, 8, 
17, 19, 20; m, 7; l'emploi fréquent du participe passif. 
Cf. I Pet.,, i, 4, 8, 20, 22, 23; il, 1; iv, 3; II Pet., i, 3, 
12, 16; n, 12, 14; m,2, 7. — d) Notons aussi des mots 
ordinaires, mais qui reviennent souvent dans les deux 
lettres : tyvm, I Pet., i, 9, 22; h, 11, 25; m, 21; iv, 
19; II Pet., n, 8, 14; eî8<i;, I Pet., I, 8, 18; il, 9; 
II Pet., i, 12, 14; tic, cinq fois dans I Pet., quatre 
fois dans II Pet. — e) On trouve dans les deux Épltres 
l'emploi des substantifs abstraits, au pluriel : I Pet., 
I, 11, les gloires; voir aussi h, 19, et iv, 3; II Pet., n, 
2, 13, 18; m, 11. Et rien, dans toutes ces coïncidences, 
n'indique qu'elles aient été voulues et recherchées 
par un faussaire qui se serait proposé d'imiter le 
style du prince des Apôtres : elles n'ont rien de trop 
saillant, qui puisse exciter la méfiance; elles ne sont 
pas la répétition de pensées formulées dans la I"> Épître. 
En somme, la comparaison du style des deux lettres 
aboutit plutôt à une très forte présomption en fa- 
veur de l'authenticité de la II e . — f) On peut citer 
pareillement des coïncidences assez frappantes, tou- 
jours au point de vue du style, entre notre Épître et 
les discours de saint Pierre dans le livre des Actes. 
Voir Lumby, loc. cit., p. 226 ; Salmon, Introd. to the 
N. T., p. 495; Henkel, loc. cit., p. 75-76. Voici quelques- 
unes des principales : ipvéojj.ai, Act., m, 13-14, et 
II Pet., 11,1; YvwpiÇetv, Act., n, 28, et II Pet., I, 16; 
st8i>c oti, Act., Il, 30, et II Pet., I, 14; ripipa xupfov, 
Act., n, 20, et II Pet., m, 10; ica-raoniy/tirai, Act., n, 
26, et axT|V<i>ii.a, Il Pet., i, 13, 14; evaiëeia, Act., m, 
12, et II Pet., i, 7; Seot^tyk, Act., iv, 24, et II Pet., n, 
1; ipépou.ai, Act., n, 2, et II Pet., i, 7, 17. 

3° Objection tirée de la prétendue ressemblance qui 
existe entre la II a Pétri et les écrits de l'historien Jo- 
sèphe. — M. Edwin Abbott a développé dans The Ex- 
positor, II e série, t. ni, 1882, p. 49-60, un nouvel argu- 
ment contre l'authenticité de l'Épître, en prétendant 
que l'auteur aurait fait de nombreux emprunts à l'his- 
torien juif Josèphe et imité son langage. Si le fait était 
exact, comme les écrits de Josèphe datent de la fin du 
I er siècle, la II* Pétri ne saurait être l'œuvre de saint 
Pierre. Le D r Farrar admet comme un fait certain que 
l'un des deux écrivains a fait des emprunts à l'autre. 
Cf. The Expositor, ibid., p. 403. Voir aussi von So- 
den, Hand-Commentar zum N. T., t. m, 2 e part., 
p. 210. — Remarquons d'abord que les ressemblances 
alléguées ne portent que sur les expressions, jamais 
sur les pensées : Josèphe et le chrétien qui a composé 
Il Pet. expriment 'des idées tout à fait différentes, 
bien qu'ils aient parfois recours à des expressions 
identiques. De plus, les expressions de ce genre 
sont espacées les unes des autres dans les écrits de 
l'historien juif; elles n'ont pas été empruntées à des 
passages qui se suivent: ce qui diminue singulièrement 



la force de l'objection. Ajoutons qu'un grand nombre 
d'entre elles (notamment ggoSo; dans le sens de mort, 
cf. Luc, ix, 31; 8eïo«, adjectif plusieurs fois employé 
parles Septante; ne-raXciÔTlÇj cf. Luc.,_ix, 43, etc.; 
(iv6o;, qu'on trouve quatre fois dans les Épltres pasto- 
rales, etc.) existent dans le vocabulaire des Septante ou 
du Nouveau Testament ; par conséquent, dans le grec 
avec lequel saint Pierre était familier. Enfin, les termes 
en question n'ont rien de rare ou d'extraordinaire. 
Ainsi on signale, comme une coïncidence remarquable, 
l'usage fait de pari et d'autre du verbe àvaxé^Xw, pour 
désigner le lever d'un astre; l'emploi du substantif 
80vap,tç, pour exprimer la puissance divine, et de locu- 
tions aussi ordinaires que £Ùaéëe!a,xaTafpoviw, wapaiv, 
ytvtiiraeiv Sti, Sûtatov riyettrOai, etc. Or, dans une argu- 
mentation de ce genre, la plus grande partie de la 
preuve consiste dans la rareté des mots employés. Le 
raisonnement porte donc absolument à faux : l'auteur 
de II Pet. n'a fait aucun emprunt à Josèphe, auquel il 
n'a rien prêté lui-même; ils ont écrit l'un et l'autre en 
grec, et c'est tout. Voir la réfutation détaillée dans 
Salmon, Introd. to theN. T., p. 498-501, et dans l'ou- 
vrage spécial de B. Warlield, D' E. A. Abbott on the 
genuineness of II Pet., 1883. 

VI. Intégrité de l'Épître. — Divers critiques protes- 
tants, ont nié l'unité et l'intégrité de la i7 a Pétri. Voir 
F. Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, p. 170. 
Le plus récent est le D r Kûhl. D'après ce savant, Die 
Briefe Pétri und Judas, 1897, p. 346-356, le chap. H 
tout entier serait une interpolation. De plus, les versets 
1 et 2 du chap. m, auraient été remaniés, de manière 
à s'adapter à ce qui précède. A l'origine, immédiate- 
ment après i, 21, on lisait, selon M. Kûhl, l'exhortation 
suivante : « Pour vous, bien-aimés, souvenez-vous des 
paroles prédites par les saints prophètes, sachant 
d'abord cela... » etc. Cf. m, 1-3. Cette théorie, qui ne 
s'appuie sur aucune preuve, n'a trouvé aucun succès. Il 
règne une parfaite unité dans notre Épître : le passage 
que l'on prétend avoir été interpolé se rattache de la 
façon la plus naturelle, d'une part, à i, 21, de l'autre à 
m, 2. Il n'y a, du reste, aucune différence sous le 
rapport du style entre ce passage et ceux qui l'en- 
tourent. 

VII. Relations de la II* Pétri avec l'Épître de 
saint Jude. — Sur ce point important, voir le t. m, 
col. 1811-1812. Aux ouvrages mentionnés, on peut 
ajouter : *Keil, Comment, ûber die Briefe des Petrus, 
p. 202-208; *£ûhl, die Briefe Pétri, p. 336-346; Cornely, 
Introd., t. n, 3 e part., p. 645-647; *H. Holtzmann, Ein- 
leit., 3 e édit., p. 322-324; Belser, Einleit., p. 707-709, 
719-721; *J., Bovon, Théologie du Nouv. l'est., t. h, 
2° édit., p. 446-448; *A. Brun, L'Apôtre Pierre, 1905, 
p. 126-136. 

VIII. Le texte primitif et sa transmission. — Nous 
possédons le texte grec de la II 3 - Pétri dans les ma- 
nuscrits onciaux (i A B C K' L' P r . Les Pères grecs 
fournissent çà et là des indications précieuses pour le 
critique. Voir le texte grec amélioré par B. Weiss, Das 
Neue Testament, Textkrilische Untersuchungen und 
Textherstellung, t. m, et aussi les éditions critiques 
de Tischendorf, Gebhardt, "Westcott et Hort, Nestlé, etc. 
Le texte syriaque que nous avons est beaucoup moins 
ancien que la Peschito, qui ne contenait pas notre 
Épitre, comme il a été dit plus haut. On possède quel- 
ques fragments assez rares des versions latines anté- 
rieures à saint Jérôme, dans les manuscrits h, g, etc. 

IX. Enseignement doctrinal de l'ÉpItre (voir les 
ouvrages mentionnés à propos de la I"- Pétri; en par- 
ticulier, B. Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Ber- 
lin, 1855, et Lehrbuch der bibl. Théologie des fV. T., 
4« édit., Berlin, 1884, p. 536-546). — 1» Sur Dieu. Dieu 
est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 17. II est 
éternel, m, 8; c'-est lui qui a tout créé et qui gouverne 



411 



PIERRE (DEUXIÈME ÉPITRE DE SAINT) 



412 



le monde acluel, m, 5-7. Il est infiniment miséricor- 
dieux, et il désire le salut de tous les hommes, m, 5, 
15. C'est de lui que vient la vocation au salut, i, 3. — 
2° Les idées christologiques sont moins abondantes que 
dans la I re Épitre. La lettre est d'ailleurs plus brève ; 
en outre, la description et la réfutation des hérétiques 
y tiennent une large place. Mais, ici encore, Jésus- 
Christ, i, 1, ou Notre-Seigneur Jésus-Christ, i, 2,8, 16, 
ou le Seigneur et Sauveur, i, 11; m, 2, 18, ou Notre- 
Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, i, 14; n, 20, m, 2, 
ainsi qu'il est appelé, occupe la place principale. Il y 
est aussi désigné, à propos du récit de la transfigura- 
tion, par le nom de « Fils bien-aimé » de Dieu, i, 17. 
Dans la doxologie finale, m, 18, l'apôtre lui souhaite, 
comme il le ferait pour Dieu lui-même, la gloire dans 
les siècles des siècles. Le but auquel doit tendre tout 
chrétien, c'est de le connaître toujours davantage, i, 2, 
8; m,18. SaintPierren'apas, comme dans sa I re Épître, 
l'occasion d'insister sur la passion et sur la mort ré- 
demptrice du Christ. Il signale du moins, en passant, 
ce fait capital : Jésus est le Maître qui nous a rachetés, 
n, 1 ; cf. i, 9. Il mentionne aussi deux de ses mystères 
glorieux : d'un côté, au centre de sa vie publique, la 
transfiguration, i, 16; de l'autre, son retour à la fois 
glorieux, consolantet terrible, au jour du Seigneur ou 
au jour de Dieu, m, 10, 12. Ce second avènement est 
appelé itapoutn'a, « la présence », m, 4, 12. Quelques 
hérétiques osaient en nier la réalité : l'apôtre réfute 
leur objection principale, à laquelle ils affectaient de 
donner une forme scientifique, m, 2-10. Au retour du 
Christ est rattachée la transformation du monde par le 
feu, en vue de créer « de nouveaux cieux et une nou- 
velle terre, où la justice habitera », m, 13. Déjà saint 
Pierre avait annoncé ce fait dans un de ses discours 
des Actes, m, 19-21. Cette grande catastrophe amènera 
la consommation du royaume de Dieu, selon ce que 
Jésus-Christ lui-même avait prédit. Cf. Matth., xxrv, 
29-42; Marc, xm, 24-35; Luc, xxi, 25-35. Le prince des 
Apôtres mentionne aussi, mais seulement d'une ma- 
nière rapide, le royaume de Jésus-Christ, c'est-à-dire le 
ciel et son bonheur éternel, i, 11. — 3° L'Esprit-Saint. 
Dans la II e Épître, comme dans la I re , il est question de 
l'Esprit-Saint. C'est lui qui a inspiré les prophètes, i, 
21, dont les oracles sont une lumière très précieuse, 
indispensable même, pour arriver à la connaissance 
du Sauveur, i, 19. — 4° La sotériologie. Le salut est 
offert à tous; mais, pour l'obtenir, il faut croire en 
Jésus-Christ, n, 1,17. Ceux qui ne croient pas sont des 
« enfants de malédiction », n, 14. La foi est aussi la 
base de toute la vie morale et spirituelle, i, 5, 6. Le 
christianisme est la voie de la vérité, n, 2; cf. i, 12. La 
grâce nous aide puissamment à nous sauver; mais il 
est nécessaire d'y faire des progrès perpétuels, de 
marcher constamment vers la perfection, ni, 18. C'est 
seulement à la fin du monde, au dernier jour, que le 
salut sera proclamé d'une manière générale et défini- 
tive, m, 15. Comme adversaires du salut, il yaau-dedans 
de nous la chair et ses convoitises coupables, il, 18, et, 
en dehors de nous, le monde avec sa corruption dan- 
gereuse, l, 4; il, 20. Par les mérites de Jésus-Christ, 
les chrétiens deviennent « participants de la nature di- 
vine », l, 4. La connaissance de Notre-Seigneur ne doit 
pas demeurer oisive en nous; mais il faut qu'elle pro- 
duise des fruits pour la vie éternelle. A ce point de vue 
pratique, saint Pierre nomme la religion chrétienne 
« la voie de la justice », n, 21. L'arbre mystique de la 
foi doit de même faire mûrir en nous sept fruits déli- 
cieux, i, 5-7. Une des sources de la foi consiste dans 
les Saintes Écritures, dont Dieu est l'auteur et dont il 
fournit l'interprétation authentique, i, 20-21. Instam- 
ment, l'apôtre recommande « les bonnes œuvres, les 
œuvres de piété », î, 3; m, 11. Les hérétiques sont des 
ennemis dangereux; il faut les fuir, si l'on ne veut pas 



se laisser entraîner par eux, car le châtiment éternel 
de l'enfer leur est réservé, n, 1-20. 

X. Bibliographie. — Pour la I a et la II a Pétri. — 
1° L. Mayerhoff, Hist.-krit. Einleitung in die petri- 
nischen Schriften, Hambourg, 1835; Harnack, Die 
Chronologie, 1897, t. i, p. 450. 

2» Commentaires sur les deux Epîtres. — a) Catho- 
liques. Didyme d'Alexandrie (on n'en possède que des 
fragments latins ou grecs, t. xxxix, col. 1750-1818), 
Œcuménius, t. cix, col. 451-722, Théophylacte, t. cxxv, 
col. 1131-t. cxxvi, col. 104; Bède, Expositio super ca- 
thol. Epistolas, t. xcm, col. 9-130. Cramer, Catena in 
Epistolas catholicas, Oxford, 1840; Lorin, In cathol. 
Joannis et Pétri epistolas, Lyon, 1609; Bisping, Er- 
klàrung der katholischen Briefe, Miinster, 1871 ; Drach, 
Les Épîtres catholiques, Paris, 1873; Hundhausen, Die 
beiden Pontificalschreiben des Apostelfûrsten Petrus, 
Mayence, 1873-1878; Van Steenkiste, Epistolas catholicm 
breviter explicatee, Bruges, 1876; Maunoury, Commen- 
taires sur les Épîtres catholiques, Bar-le-Duc, 1888; 
L.-Cl. Pillion, La Sainte Bible commentée, t. vm, 
p. 658-715, Paris, 1904. — b) Commentateurs protes- 
tants ou rationalistes : De Wette, Kurze Erklàrung der 
Briefe des Petrus, Judée und Jakobus, 1847, 2 e édit., 
en 1853, revue par B. Brùckner,3 e édit. en 1865; Hu- 
ther, Krit. exeget. Handbuch ûber den ersten Brief 
des Petrus, den Brief des Judas und den zweiten 
Brief des Petrus, 1"> édit., 1852; 5 e édit., 1887, revue 
par Kùhl; 6 e édit., 1897; Wiesinger, Der erste Brief 
des Apostels Petrus (continuation du commentaire 
de Olshausen sur le N. T.), Kœnigsberg, 1856, et Der 
zweite Brief Pelri des Apost. Petrus und der Brief des 
Judas, 1862; Schott, Der erste Brief Pétri erklàrt, 
Erlangen, 1861, et Der zweite Brief Pétri und der Brief 
Judà, 1862; Fronmûller, Die Briefe Pétri, dans le 
Bibelwerk de J. P. Lange, 1862, 4 e édit., par Fûller, en 
1890; Ewald, Die sieben Sendschreiben des Neuen 
Bundes, Gœttingue, 1870; Wordsworth, The New Tes- 
tament, with introduction and notes, t. iv, 2 e édit., 
1872; Plumptre, dans la Cambridge Bible for schools 
and collèges, Cambridge, 1880 ; K. Hofmann, Die Briefe 
Petn, Judx und Jacobi, Nôrdlingen, 1875; F. Keil, 
Kommentar ûber die Briefe des Petrus und Judas, 
Leipzig, 1883; von Soden, dans le Hand-Commenlar 
zum N. T., 3 e édit., 1899; Burger, Die Briefe des Ja- 
kobus, Petrus und Judas, dans le Kurzgefasst. Kom- 
ment. de Strack et Zôckler, 2 e édit., 1895; S. Gœbel, 
Die Briefe des Petrus mit kurzer Erklàrung, 1893; 
F. W. Bugge, Commentaire (en langue danoise) sur les 
deux Épîtres de saint Pierre et l' Épître de saint Jude, 
1892; J. T. Beck, Erklàrung der Briefe Pétri, 1895-; 
J. H. Jowett, Epistles of St. Peter, Londres, 1905. 

3° Sur la I™ Epître seulement : Usteri, Wissenschaftl. 
und praktischer Commentar ûber den ersten Petrus- 
brief, Zurich, 1887; Rob. Johnston, T,he first Epistle 
of Peter, Edimbourg, 1888; A. J. Mason, dans le Com- 
mentary for English Readers de Ellicott, Londres, 
1889; L. Monnier, La I" Épître de l'apôtre Pierre, 
Paris, 1902; Abbé L. Gontard, Essai critique et histo- 
rique sur la I" Épître de saint Pierre, in-8°, Lyon, 
1905; D. Vôlter, Der erste Petersbrief, seine Entstehung 
und Stellung in der Geschichte des Urchristentums, 
Strasbourg, 1906; H. Gunkel, dans Die Schriften des 
N. Test, ûbersetzt; und fur die Gegenwart [erklàrt, 
Gœttingue, t. n, 1906, p. 25; B. Weiss, Der erste 
Petrusbrief und die neuere Kritik, in-8°, Berlin, 
1906. 

4° Sur la II e Épître : W. O. Dietlein, Der zweite 
Brief Petrus, 1851 ; F. Steinfass, Der zweite Bjrief des 
heil. Petrus, 1863; Plummer, dans le Commentary 
for English Readers de Ellicott, Londres, 1883 ; Spitta, 
Der zweite Brief des Petrus und der Brief des Judas, 
Halle, 1885 ; G. Hollmann, dans l'ouvrage Die Schrif- 



413 



PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT) 



414 



ten des N. Test., neuûbersetzt und fur die Gegenwart 
erklsert, t. n, 1906, p. 61; J. B. Mayor, Epistle of 
St. Jude and the second Epistle of St. Peter, in-8°, 
Londres, 1907. L. Fillion. 

4. PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT). — 

On en distingue quatre principaux : les Actes de Pierre, 
voir t. i, col. 161-163; l'Apocalypse de Pierre, t. i, 
col. 765; l'Évangile de Pierre et la Prédication de 
Pierre. Nous n'avons à parler ici que des deux der- 
nières compositions. 

a) L'Évangile de Pierre. — 1° Origène le mentionne 
In Matth., tom. x, 17, t. xm, col. 876. Eusèbe le signale 
aussi, H. E., m, 3, t. xx, col. 217, en même temps 
que les Actes, la Prédication et l'Apocalypse; puis il 
ajoute : « Nous ne les reconnaissons pas comme trans- 
mis jusqu'à nous parmi les écrits catholiques ; car aucun 
écrivain ecclésiastique, soit dans les anciens temps, 
soit de nos jours, n'a jamais fait usage des témoignages 
qu'ils fournissent, v Voir aussi, m, 25, et S. Jérôme, 
De vir. ill., 1, t. xxm, col. 609, qui le classe égale- 
ment parmi les apocryphes, comme fait encore le Decre- 
tum Gelasianum. Dans un autre endroit de son H. E., 
vi, 12, t. xx, col. 545, Eusèbe a conservé une lettre écrite 
par Sérapion, évêque d'Antioche à la fin du II e siècle, 
et relative à cet Évangile. Le saint évêque nous apprend 
qu'il avait trouvé l'Évangile en question à Rhésus, loca- 
lité située sur la baie d'Issus, en Asie Mineure, et qu'il 
l'avait d'abord approuvé ; mais, qu'après l'avoir étudié de 
plus près, il le condamna, parce qu'il était l'œuvre des 
Docètes, et qu'il ajoutait différentes choses « à la véri- 
table doctrine par rapport au Sauveur ». Cette œuvre 
apocryphe ne devait pas jouir d'une circulation consi- 
dérable, car il est rarement parlé d'elle dans l'antiquité. 

2° Un Français, M. U. Bouriant, découvrit à Akmim 
(Haute Egypte), dans un tombeau durant l'hiver 1886- 
1887, et publia en 1892 un fragment en langue grecque, 
que les critiques sont d'accord pour regarder comme 
un reste de l'Évangile de Pierre. Voir les Mémoires pu- 
bliés par les membres de la Mission archéologique au 
Caire, t, ix, Paris, 1892, p. 137-142. L'auteur parle à la 
première personne (comp. chap. vu et xn), et s'iden- 
tifie avec le prince des Apôtres : « Moi, Simon Pierre, 
et André mon frère » (c. xiv). Le fragment se rap- 
porte au jugement de Notre-Seigneur devant Pilate et 
Hérode (il s'ouvre au moment où Pilate se lave les 
mains), aux outrages dont il fut l'objet, à son crucifie- 
ment, à sa sépulture, à sa résurrection. On l'a divisé en 
quatorze petits chapitres et en soixante versets. On en 
a donné plusieurs (éditions : J. A. Robinson, The Gos- 
pel according lo Peter and the Révélation of Peter, 
Londres, 1892; Lods, L'Évangile et l'Apocalypse de 
Pierre, 1893; Th. Zahn, Bruchstûcke des Evangel. und 
der Apokalypse Petrus, 1893; A. Harnack, Evangelium 
des Petrus, Leipzig, 1893; Swete,' The Akmîm frag- 
ments of the apocryphal Gospel of Peter, 1732; 0. von 
Gebhardt, Dos Evangelium and die Apokalypse des 
Petrus, Leipzig, 1893; Klostermann, Reste des Petrus- 
evangelium, der Petrusapokalypse und des Kerygma 
Pétri, Bonn, 1894. 

3° Jésus-Christ y est toujours appelé « le Seigneur » ; 
le dimanche y est nommé i\ x>jpto(x7i le (jour) domini- 
cal. L'auteur fait successivement des emprunts aux 
quatre Évangiles canoniques : c'est ainsi qu'il prend te 
lavement des mains de Pilate dans le récit de saint 
Matthieu, l'histoire du bon larron dans celui de saint 
Luc, la transfixio lateris dans celui de saint Jean, et 
qu'il raconte la visite des saintes femmes au sépulcre 
dans les mêmes termes que saint Marc. On voit, d'an 
bout à l'autre, qu'il les connaît à fond; mais il les trans- 
forme et lesenjolive à sa façon, en multipliant les détails 
légendaires, en grossissant les miracles, etc. Il rend 
témoins de la résurrection de Jésus les soldats romains 



et de nombreux Juifs, prêtres et laïques. Il manifeste 
une grande sévérité à l'égard des Juifs, dont il fait les 
bourreaux immédiats du Sauveur; il innocente au con- 
traire le plus possible Pilate et les Romains. Son docér 
lisme apparaît en plusieurs endroits de la passion ; par 
exemple, dans la suppression de l'angoisse de Jésus sur 
la croix. En somme, son écrit n'enrichit en rien notre 
connaissance de la vie de Jésus, 

4" Les critiques sont loin d'être d'accord sur la date 
de la composition de cet écrit. Ce serait le commence- 
ment du II e siècle, d'après Harnack, qui croit que saint 
Justin a commenté l'Évangile de Pierre (fait d'ailleurs 
très contestable et probablement inexact; voir V. H. 
Stanton, The Gospels as historical Documents, Impart., 
Cambridge, 1903, p. 93 sq.); l'année 130 d'après le 
D r Zahn; l'an 150, selon Swete, etc. En tout cas, l'écrit 
existait un certain temps avant la fin du n e siècle, puis- 
qu'il était connu de Sérapion et d'Ûrigène. 

5° Auteurs à consulter. Outre ceux qui ont été indi- 
qués plus haut, voir H. von Schubert, Die Composition 
des pseudopetrin. Evangelienfragmentes, Berlin, 1893; 
D. Vôlter, Petrusevangelium oder Aegypterevange- 
lium? Tubingue, 1893; A. Sabatier, L'Évangile de 
saint Pierre et les Évangiles canoniques, Paris, 1893; 
Salmon, Introduction to the Study of the Books of 
the New Testant., 8° édit., 1897, p. 581-591 ; O. Bar- 
denhewer, Geschichte der altchristlichen Litteratur, 
1. 1, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 392-397; L. Hennecke, 
Neutestam. Apokryphen, in deutscher Ubersetzung 
und mit Erlàuterungen, Tubingue, 1904, p. 27-32; et 
aussi les articles suivants, insérés en diverses revues ; 
Funk, Fragmente des Evangeliums und der Apoka- 
lypse des Petrus, dans la Theolog. Quartalschrift, 
t. lxxv (1893), p. 255-288; H. von Soden, Das Petrus- 
evangelium und die kanonischen Evangelien, dans la 
Zeitschrift fur Théologie u. Kirche, t. m, 1893, p. 52- 
92 ; A. Hilgenfeld, Das Petrusevangelium ûber Leiden 
und Auferstehung Jesu, dans la Zeitschrift fur wis- 
senschatfl. Théologie, année 1893, t. i, p. 439-454; J.-B. 
Semeria, L'Évangile de Pierre, dans la Revue biblique, 
t. m (1894), p. 522-560; A.-C. McGiflert, The Gospel 
of Peter, dans les Papers of the American Society of 
Church History, t. vi, 1894, p. 99-130; E. Koch, Das 
Petrusevangelium und unsere kanonischen Evange- 
lien, dans la Kirchliche Monatsschrift, t. xv (1896), 
p. 311-338; V. H. Stanton, The Gospel of Peter, its 
early history and character considered in relation to 
the history of the récognition in the Church of the 
canonical Gospels, dans le Journal of Theological Stu- 
dies, t. u, 1901, p. 1-25, 

b) La Prédication de Pierre (xopuypioi LUrpou), qu'il 
ne faut pas probablement confondre avec la « Doctrine 
de Pierre » (5i5a<rxaMa fléxpou), mentionnée par des 
écrivains moins anciens, a exercé une influence assez 
grande dans l'antiquité chrétienne. 1» Elle semble avoir 
été connue dès la fin du second siècle par Apollo- 
nius ,'d'Asie Mineure (cf. Eusèbe, H. E., v, 18, t. xx, 
col. 480), par le gnostique Héracléon, par l'auteur de 
l'Épitre à Diognète, les apologistes saint Justin et Aris- 
tide. Voir Robinson, Texts and Studies, t. i, le partie, 
p. 86-90. Clément d'Alexandrie s'en est servi certaine- 
ment, et c'est à lui que nous sommes redevables de plu- 
sieurs des fragments qui sont parvenus jusqu'à nous. 
Voir Strom., i, 29; n, 15; vi, 5, etc., t. vin, col. 929, 
1008 ; t. îx, col. 264. Elle remonte donc évidemment 
plus haut que tous ces écrivains : aux années 110- 
130 d'après Harnack, Chronologie, t. i, p. 472-474; 
aux années 90-100 d'après Th. Zahn, Gesch. des neu- 
testam Kanons, t. n, h" partie, p. 820-832; vers 
l'an 110 d'après le D r von Dobschûtz, Texte und Vnter- 
suchungen zur Geschichte der altchristl. Litteratur, 
xi, 1. Ce dernier auteur et M. Harnack regardent 
l'Egypte comme le pays d'origine de ce document, sur- 



415 PIERRE (ÉCRITS APOCRYPHES DE SAINT) — PIERRE LOMBARD 416 



tout à cause des allusions qu'on y trouve au culte des 
animaux par les Égyptiens. C'est très probablement le 
XTIpvYHa lui es * ci^ P ar Origène, De princ. (Prol.), i, 
8, t. xi, col. 119, sous le titre de Pétri doctrina. 

2» Les fragments que nous en possédons ont été réu- 
nis par A. Hilgenfeld, Nov. Text. extra canonem recep. 
tum, 2« édit., 1884, fasc. iv, p. 51-65, par von Dobschûtz, 
Dos Kerygma Pétri kritisch untersucht, 1893, dans les 
Texte und Vnlersuch,, xi, 1, et Preuschen, Antilego- 
mena, die Reste der ausserkanon. Evangelien und 
urchristl. Vberlieferungen, Giessen, 1901, p. 52-54, 143- 
145. Voir aussi E. Hennecke, Neutestamentlichen Apo- 
cryphen in deutscher Uberselzung,... mit Einleitungen, 
Tubingue, 1904, p. 168-171. L'écrit, autant qu'on peut en 
juger par ces fragments, se composait de discours pro- 
noncés par un personnage qui parle toujours à la pre- 
mière personne du pluriel, au nom des douze apôtres. 
Clément d'Alexandrie dans Origène, In Evang. Joa., 
tom. xm, 17, t. xiv, col. 424, suppose que ce personnage 
n'est autre que saint Pierre; bien plus, que le livre lui- 
même l'identifiait avec Pierre. Strom., vi, 7 : ô Uétpoi; 
Ypi<p£i, t. ix, col. 280. Origène, (. c, doute à bon 
droit de l'authenticité, et Eusèbe, H. E., m, 3, t. xx, 
col. 217, range explicitement l'écrit parmi les apo- 
cryphes. 

3" Quant au sujet traité, c'est le pur monothéisme 
que doivent pratiquer les chrétiens, par opposition aux 
erreurs du judaïsme et du polythéisme. Les fidèles sont 
précisément nommés un Tpciov yévoç entre les Juifs et 
les païens. Le livre renferme aussi des ordres de Notre- 
Seigneur en vue de la prédication de l'Évangile chez 
les païens. En somme, l'écrit renferme une sorte d'apo- 
logie du christianisme, ou un programme pour les 
missionnaires chrétiens. 

L. FlLLION. 

5. PIERRE dans les noms de lieux. Le mot pierre, 
'ébén, ou rocher entre dans un certain nombre de 
noms géographiques : 

1° Pierre, ville principale d'Idumée, connue sous son 
nom latin de Pétra. Voir Pétra, col. 166. 

2» Pierre de Boen. Jos., xv, 6; xvm, 17. Voir Aben- 
Bohen, 1. 1, col. 34. 

3» Pierre de division (Vulgate : P.etra dividens). 
I Reg., xxiii, 28. Rocher du désert de Maon où se retira 
David pendant la persécution de Saûl. Son ennemi ne 
put l'y poursuivre, ayant été obligé de marcher contre 
les Philistins. En souvenir de cet événement, le rocher 
fut appelé Séla' ham mahleqôf, « Rocher de la déli- 
vrance. » Il n'est pas identifié. Voir Bachila, t. m, 2°, 
col. 391. 

4° Pierre du désert (Vulgate : Petra deserti).Is.,xvi, 
1. C'est la ville de Pétra, col. 166. 

5° Pierre d'Ëtam (Vulgate : Petra Etant). Jud., xv, 
8. Voir Étam 3, t, n, col. 1996. 

6" Pierre d'Ezel (Vulgate : Lapis cui nomen est 
Ezel). Rocher auprès duquel David devait attendre son 
ami Jonathas au commencement de la persécution de 
Saûl. I Reg., xx, 19. Voir Ézel, t. n, col. 1062. 

7» Pierre d'Horeb (Vulgate : Petra Horeb), rocher 
d'où Moïse fit jaillir miraculeusement de l'eau. 
Exod., xvn, 6. Voir Majssah, t. rv, col. 853-854. 

8° Pierre d'Oreb (Vulgate : Petra Oreb). Jud., vu, 
25. Voir Oreb 2, t. iv, col. 1857. 

9» Pierre du secours (Vulgate : Lapis adjutorii). 
1 Reg., iv, 1 ; v, 1 ; vu, 12. Voir Ében-Ézer, t. n, col. 1526. 

10» Pierre de Zohéleth (Vulgate : Lapis Zoheleth). 
III Reg., i, 9. Voir Zoheleth. 

6. pierre angulaire. Voir Angulaire (Pierre), 
t. i, col. 601. 

7. PIERRE DE JACOB. Gen., xxviii, 18, 22; xxxi, 45. 
Voir Bétïle, 1. 1, col. 1766. 



8. PIERRE COMESTOR, théologien catholique fran- 
çais du XII e siècle, né à Troyes, mort à Paris, le 21 oc- 
tobre 1179 (d'après certains auteurs, en 1198). Il fut 
surnommé Comestor ou le Mangeur, à cause, croit-on, 
de la grande quantité de livres qu'il dévora. D'abord 
chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes (1147), il 
devint, en 1464, chancelier de l'Église de Paris et y occupa 
jusqu'en 1169 la chaire de théologie. 11 se démit de ses 
dignités dans les dernières années de sa vie et se retira 
à l'abbaye de Saint-Victor de Paris où il mourut. Il 
laissa des sermons qui furent publiés d'abord sous le 
nom de Pierre de Blois, Pair, lat., t. cxcvm, 
col. 1721-1844, mais il fut surtout célèbre à cause de sa 
Scholastica Historia super Novum Testamentum, cutn 
additionibuS alque incidentiis, qui fut considérée pen- 
dant plus de trois siècles comme l'ouvrage de ce genre le 
plus parfait. Son Histoire s'étend depuis le commence- 
ment du monde jusqu'au martyre de saint Pierre et de 
saint Paul à Rome. L'auteur résume ou bien développe 
et explique les livres historiques de l'Ancien et du Nou- 
veau Testament, dont il cite souvent les propres ex- 
pressions. Son commentaire ou sa paraphrase est tantôt 
littérale et tantôt allégorique, entremêlée de considé- 
rations théologiques et philosophiques et de citations 
d'auteurs profanes. Le livre de Pierre Comestor eut 
dans les écoles un succès semblable à celui du Maître 
des Sentences, et c'est son autorité qui parait être ordi- 
nairement alléguée par les auteurs du moyen âge quand 
ils emploient la formule : dicit magister in historiis. 
C'est à cause de l'usage qu'on en fit dans les écoles 
qu'elle reçut le nom de Historia scholastica. « Il n'y 
avait en ce temps-là, dit Richard Simon, Histoire cri- 
tique du Nouveau Testament, t, n, p, 320, de plus 
grand et de plus estimé pour l'Écriture Sainte que ie 
Pierre Comestor... On ne lisait la Bible que de la 
manière qu'elle était dans ce compilateur, et avec ses 
gloses. Cet usage a duré longtemps en France. » 
L'Historia sckolastica fut imprimée, in-f», Rèutling, 
1471; Utrecht, 1473; Augsbourg, 1473; Strasbourg, 
1483 et 1502; Bâle, i486; in-4», Paris, 1513; in-f», 
Haguenau, 1519; in-4», Lyon, 1526; in-8», Lyon, 1543; 
Venise, 1728; in-4°, Madrid, 1699. Cette dernière édi- 
tion a été reproduite par Migne, dans la Patrologie 
latine, t. cxcvm, [col. 1053-1722. La Bible historiale, 
de Guyart-Desmoulins (voir t. m, col. 369), est une tra- 
duction libre de V Historia scholastica. Voir aussi t. n, 
col. 2355. — Voir les notices d'Oudin, de Fabricius, 
etc., dans Patr. lat., t. cxcvm, col. 1045-1054; dom 
Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, Paris, 
1868, t. xiv, p. 744; Brial, dans Histoire littéraire de 
la France, t. xiv, Paris, 1817, p. 12; U. Chevalier, Ré- 
pertoire des sources historiques du moyen âge. Bio- 
bibliographie, et Supplément, col. 1813, 2778. 

9. PIERRE LOMBARD, surnommé le Maître des 
Sentences, né probablement à Lumellogno, petite ville 
de Lombardie, vers la fin du xi e siècle, mort à Paris, 
le 20 juillet 1164. Après avoir étudié la théologie à 
Bologne, à Reims et à Paris, où il fut auditeur d'Abé- 
lard, il devint lui-même professeur de théologie dans 
cette dernière ville et fut élu en 1159 évêque de Paris; 
il renonça à cette dignité dès l'année suivante et 
Maurice de Sully lui succéda en 1160. Il s'est rendu 
surtout célèbre par ses Sententiarum libri quatuor, 
qu'il rédigea entre 1145-1150 (Denitle, dans VArchiv 
fàr Literatur und Kirchengeschichte, 1. 1, 1885, p. 611); 
mais on a aussi de lui des commentaires de l'Écriture 
qui montrent avec quel soin il avait étudié les Livres 
Saints : Commentarius in Psalmos davidicos, Patr. lat., 
t. cxci, col. 55-1296; Collectanea ih omnes D. Pauli 
Epistolas, col. 1297-1696; t. cxcai, col. 9-520. Le Com- 
mentaire sur les Psaumes emploie et développe la 
Glossa ordinaria (t. m, col. 246); il reçut le nom de 



417 



PIERRE LOMBARD 



PIERRE 



418 



Magna Glossatura. Le Commentaire sur saint Paul 
est tiré principalement des Pères. « Cet ouvrage, dit 
dom Rivet, dans VHistoire littéraire de la France, 
est clair, méthodique, et renferme, outre les pensées 
des Pères, de fort bonnes vues propres à l'auteur. » 
La Glossa in Jobum et la Concordia evangelica, 
qu'on a attribuées à Pierre Lombard ne sont pas pro- 
bablement authentiques. — Voir Histoire littéraire de 
la France, t. xn,1763, p. 585-609; Â. Stôchl, Geschichte 
der Philosophie des Mitlelalters, Mayence, 1864, t. I, 
p. 390-411; J. Bach, Dogmengeschichte des Mitlelal- 
ters, Vienne, 1875, Th. n, p. 194307, 727-739; F. Protois, 
Pierre Lombard, son époque, sa vie, ses écrits, son 
influence, Paris, 1881; U. Chevalier, Répertoire des 
sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie, 
2» édit., 1905-1907, p. 3722. 

PIERRE (hébreu : 'ébén, serôr, «le petit caillou »; 
Septante : W6oç; Vulgate : lapis, petra, calculus, 
saxum), substance minérale qui compose la plus 
grande partie des couches géologiques du sol. — Quand 
la pierre forme de grandes masses continues, enfouies 
dans le sol ou en émergeant, on l'appelle rocher. Voir 
Rocher. De ces masses, on extrait des matériaux de 
divers volumes pour les constructions. Voir Carrière, 
t. u, col. 318. On réserve le nom de pierres aux parties 
rocheuses qui sont meubles, par nature ou par suite 
du travail de l'homme. Ces pierres peuvent être de 
toutes tailles, depuis le grain de sable ou de gravier jus- 
qu'aux blocs qu'on employait aux grandes construc- 
tions. Voir t. il, col. 320; Maçon, t. iv, col. 513. Les 
pierres de médiocre volume, amassées ensemble, 
forment un monceau, margêmdh, acervus, Prov., 
xxvi, 8, à moins que le mot hébreu ne désigne la 
fronde, comme le pensent les Septante. — Le sol de la 
Palestine renferme des pierres de beaucoup d'espèces, 
surtout des calcaires et des grès. Les roches éruptives 
y fournissent aussi, en quelques endroits, le basalte, le 
granit et le porphyre. Voir Palestine, t. iv, col. 2005. 
Quand les pierres sont calcaires, il est relativement 
facile de les tailler. Plus elles sont siliceuses, plus 
elles sont dures. Les silex fournissent la pierre que 
les chocs peuvent transformer en couteaux assez aigus 
pour opérer la circoncision. Exod., iv, 25; voir t. n, 
col. 775. 

1» Pierres à l'état naturel. — Là pierre est lourde, 
Prov., xxvn, 3, et résistante. Job, vi, 12. Les eaux 
creusent la pierre, grâce aux matières solides qu'elles 
entraînent avec elles. Job, xry, 19. Les racines des 
plantes s'enfoncent entre les pierres. Job, vu, 17. Il 
est dit des pierres du pays de Chanaan qu'elles sont 
comme du fer. Deut., vin, 9; cf. ls., lx, 17. Voir Fer, 
t. il, col. 2207. Les pierres d'une maison pouvaient 
subir un effritement que l'on considérait comme une 
sorte de lèpre. Lev.,xiv,20. Voir Lèpre, t. iv, col. 186. 
^J Certaines pierres, plus remarquables par leur cou- 
leur et leur éclat, étaient aptes à servir d'ornements. 
Voir Pierres précieuses. 

2° Pierres utilisées à l'état brut. — 1. Usages do- 
mestiques. — On se sert d'une pierre comme de siège. 
Exod., xvn, 12. Pour dormir, on met une pierre sous 
sa tête. Gen., xxviii, 11; Luc, ix, 58. « Les Arabes du 
commun n'ont pour tout meuble dans leurs maisons 
que des nattes, sur lesquelles ils couchent, quelques 
couvertures et rarement des coussins; ils se servent 
d'une pierre pour chevet, qu'ils mettent par-dessus la 
natte. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Ams- 
terdam, 1718, p. 176. Cette pierre n'était guère plus 
dure que le chevet de bois dont se servaient les Égyp- 
tiens. Voir t. iv, fig. 93, col. 826. On pesait à l'aide de 
pierres. Prov., xvi, 11. Voir Poids. On cachait son 
argent sous une pierre. Eccli., xxix, 13. On faisait cer- 
tains exercices physiques à l'aide de pierres. Eccli., vi, 

DICT. DE LA BIBLE. 



22; Zach., xn, 3. Voir Fardeau, t. u, col. 2178. Un jet 
de pierre constituait une sorte de mesure pour les 
distances. Luc; xxn, 41. — 2. Manipulation. — Il y 
avait temps pour ramasser les pierres et temps pour 
les disperser. Eccle., m, 5. On enlevait les pierres des 
vignes, pour qu'elles ne gênassent pas la culture, ls., 
V, 2; on les répandait au contraire sur un champ, 
quand on voulait le rendre stérile, IV Reg., m, 19, 25. 
On enlevait les pierres d'une route pour qu'elle devînt 
plus praticable, Jer., i, 26; mais ce sens, adopté par la 
Vulgate, est tout autre en hébreu. On pouvait être 
blessé par une pierre quand elle retombait pendant 
qu'on la roulait, Prov., xxvi, 27, quand on la détachait 
à la carrière, Eccle., x, 9, ou quand elle redescendait 
sur le tête de celui qui l'avait jetée. Eccli., xxvn, 28. 
— 3. Usages religieux. — L'autel devait être fait de 
pierres non taillées. Exod., xx, 25. Élie bâtit ainsi un 
autel avec douze pierres sur le Carmel. III Reg., xvm, 
31. Saûl fit rouler une grande pierre, afin qu'on égor- 
geât sur elle les victimes destinées au sacrifice. I Reg., 
xiv, 33. Cf. Jud., ix, 5, 18. La Loi ordonnait aux 
Hébreux de dresser de grandes pierres dans le pays de 
Chanaan, de les enduire de chaux, et d'y écrire les 
commandements divins. L'ordre fut exécuté sur le 
mont Hébal, et un autel de pierres brutes y fut dressé. 
Deut., XX\si, 2-5. — 4. Monuments de souvenir. — Les 
habitants de la Palestine antérieurs aux Hébreux 
avaient, comme tous les anciens peuples, dressé ou 
utilisé d'énormes pierres afin de perpétuer certains 
souvenirs. La Palestine transjordane compte par cen- 
taines les monuments mégalithiques, dolmens, voir t.i, 
fig. 120, col. 491, menhirs et cromlechs, connus depuis 
longtemps. Plus récemment, on en a découvert un 
certain nombre d'autres dans la Palestine occidentale, 
tels un dolmen aux environs du Nébo, encore à l'est 
du Jourdain, le double dolmen d'el-Hosn, au nord- 
ouest de la Syrie, etc. Cf. H. Vincent, Monuments en 
pierres brutes dans la Palestine occidentale, dans la 
Revue biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907, 
p. 414-423. Jacob dresse ainsi une pierre comme mo- 
nument de son entente avec Laban, et il fait amasser 
des pierres en monceau en signe d'alliance. Gen., 
xxxi, 45-52. En mémoire du passage du Jourdain, 
Josué ordonne de prendre douze pierres dans le lit du 
fleuve et ensuite de les dresser à Galgala. Jos., iv, 
3, 20-24. Pour marquer la tombe d'Absalom, dans la 
forêt d'Éphraïm, on élève au-dessus d'elle un monceau 
de pierres. II Reg., xvm, 17.. Les pierres sont bien 
indiquées pour servir ainsi de mémorial. Elles ont 
pour elles la durée, et la disposition particulière qu'on 
leur impose indique assez qu'on a eu une intention en 
les plaçant ainsi. A ce même titre, elles fournissent 
aussi des bornes pour les champs. Voir Bornes, t. i, 
col. 1854. — 5. Hostilités. — Les pierres peuvent servir 
d'armes offensives. On mettait à mort certains cou- 
pables à l'aide de pierres. Exod., vin, 26. Voir Lapi- 
dation, t, IV, col. 90. On jetait des pierres à quelqu'un 
pour le blesser, II Reg., xvi, 6, 13; Eccli., XXII, 25, ou 
l'on saisissait la pierre en main pour le frapper, 
Exod., XXI, 18, ou se frapper soi-même. Marc, v, 5. On 
donnait plus de portée à la pierre en la projetant au 
moyen d'une fronde. Jud., xx, 16, etc. Voir Fronde, 
t. n, col. 2408. Dans la suite, on eut des machines 
pour lancer de grosses pierres contre les ennemis. 
I Mach., il, 36; vi, 51. Voir Baliste, t. I, col. 1414; 
Catapulte, t. n, col. 346. Les pierres contribuaient à 
l'attaque ou à la défense en obstruant des portes. Jos., 
x, 18; I Mach., v, 47. La pierre devenait dangereuse 
par elle-même quand elle était placée sur le chemin 
pour faire tomber le passant. Ps. xci (xc), 12; Eccli., 
xxvli, 29; xxxil, 25; ls., vin, 14; Matth., IV, 6; Luc, 
iv, 11. — Sur la pierre de scandale, Rom., ix, 23; 
I Pet., il, 8, voir Scandale. — 6. Autres usages. — Les 

V. - 14 



419 



PIERRE — PIERRE PRECIEUSE 



420 



pierres servaient à fermer des puits ou des excava- 
tions diverses. Gen., xxix, 2, 3, 8, 10; Dan., vi, 17. 
Jetée dans l'eau, la pierre va au fond, à cause de son 
poids, et entraine avec elle ceux qui y sont attachés. 
Exod., xv, 5; Jer., L7, 63; II Esd., ix, 11; Apoc,xvin, 
21. Voir Meule, t. iv, col. 1054. — La pierre à feu est 
mentionnée II Mach., x, 3. — Certaines pierres re- 
marquables, soit par leur grandeur naturelle, soit par 
le souvenir qu'on y attachait, ont donné leur nom à 
plusieurs localités. Voir Pierre 5, col. 415; Ében, 
Ében-Ézer, t. h, col. 1525, 1526. 

3° Pierres travaillées. — flans les plus anciens 
temps, les habitants de la Palestine ont commencé à 
tailler la pierre. Des dolmens subissent déjà un travail 
reconnaissable, comme celui de Tell el-Mataba, qui est 
régulièrement troué. On taille ensuite des pierres pour 
les consacrer à des usages religieux, voir Betyle, t. I, 
col. 1765, funéraires ou profanes. Voir Stèle. Au Sinaï, 
la Loi est donnée sur des tables de pierre, Exod., xxiv, 
12, que Moïse brise, Exod., xxxïi, 19, et remplace en- 
suite. Exod., xxxiv, 1; II Cor., m, 7. Souvent, le nom 
de « pierre » sert à désigner les idoles, à cause de la 
matière dont elles sont faites. Deut., iv, 28; xxvm, 36; 
Sap.,xm, 10; Jer., h, 27; Act., xvn, 29, etc. On fabrique 
en pierre divers objets îliles, meules, voir Meule, 
t. 17, col. 1052, portes, voir Porte, surtout pour les 
tombeaux, Matth., xxvit, 66; Marc, xv, 46; Joa., xi, 38, 
voir t. il, col. 1478, pressoirs, voir Pressoir, etc. On 
utilise la pierre à la construction des murs, des maisons, 
des palais, du Temple, ainsi qu'au dallage de certains 
espaces. Voir Pavé, t. iv, col. 2237. Les Gibliens étaient 
renommés pour leur habileté à mettre la pierre en 
œuvre, voir Gébal, t. m, col. 139, et on les employa 
pour les grandes constructions salomoniennes. On tail- 
lait la pierre, IV Reg., xn, 12; Am., v, 11; I Mach., 
xi, 10; on la polissait, quand il était besoin, I Mach., 
xiii, 27; on l'appareillait pour que toutes ses faces fussent 
à angle droit les unes des autres. III Reg., v, 17 ; Is., ix, 
10; Lam., m, 9; Ezech., xl, 42; Am., v, 11. On plaçait 
d'énormes pierres pour servir de fondements à l'édi- 
fice, III Reg., v, 17; Jer., xliii, 9, 10, ou de pierres 
angulaires à l'intersection des murs. Voir Angulaire 
(Pierre), 1. 1, col. 601. Les belles pierres de leur Temple 
ont toujours émerveillé les Hébreux, qui prenaient 
grand soin de les réparer à l'occasion. III Reg., vi, 7- 
vu, 12 ; IV Reg., xn, 12; xxn, 6. Ils aimaient les pierres 
de leur Temple. Ps. eu (ci), 15. Les Apôtres se firent 
un jour l'écho de cette admiration et de cet amour, 
auprès de Notre-Seigneur. Marc, xm, 1; Luc, xxt, 5. 
— Mais les plus solides amas de pierres n'étaient pas 
à l'abri de la destruction. Une ville pouvait être si bien 
ruinée qu'il n'en restât pas un caillou, c'est-à-dire pas 
la plus petite pierre informe. II Reg., xvn, 12. Des 
monceaux de pierres représentent seuls les cités rui- 
nées. Is., xvn, 1; 1er., xxvi, 18; Mich., i, 6; m, 12. Du 
Temple d'Hérode, qui semblait si solidement assis sur 
ses fondations, le Sauveur prédit qu'il ne resterait pas 
pierre sur pierre. Matth., xxiv, 2. — La pierre, soit 
isolée, soit enclavée dans des constructions, pouvait 
recevoir des inscriptions, voir Stèle, ou une décoration 
sculpturale. Voir Sculpture. 

4" Autres mentions de la pierre. — 1. Comparai- 
sons. — L'eau gelée devient comme de la pierre. Job, 
xxxvni, 30. Être comme une pierre signifie qu'on est 
sous le coup de la stupéfaction. I Reg., xxv, 37. Un 
cœur de pierre est un cœur dur, insensible et inintelli- 
gent. Ezech., xi, 19; xxxvi, 26. Certaines pierres ont 
quelque ressemblance avec le pain; le démon en prend 
occasion de proposer à Notre-Seigneur le changement 
des pierres en pain, Matth., rv, 3; Luc, iv, -3, et le 
Sauveur lui-même, faisant allusion à la même ressem- 
blance, dit qu'un père ne donnerait pas une pierre à 
son enfant qui réclame du pain. Matth., vu, 9; Luc, 



xi, 11. Dans les déserts rocheux, les pierres plus ou 
moins hautes se dressent à perte de vue et ont l'air 
d'êtres immobiles : Dieu, par sa puissance, pourrait 
changer ces pierres en fils d'Abraham. Matth., m, 19; 
Luc, m, 8. Le paresseux est comparé à une pierre 
, souillée d'ordure et qu'on ne peut toucher. Eccli., xxn, 
1. Voir t. il, col. 2136. Rien de plus commun que les 
pierres; l'argent était aussi commun à Jérusalem sous 
Salomon. III Reg., x, 27. — 2. Métaphores. — Avoir 
une alliance avec les pierres des champs, c'est vivre .en 
paix sur le sol où l'on a sa tente. Job, v, 23. Quand on 
bâtit sa maison avec des gains iniques, la pierre crie 
delà muraille, c'est-à-dire les êtres inanimés protestent 
eux-mêmes contre l'injustice. Hab., u, 11. A défaut 
des enfants acclamant le Sauveur, les pierres elles- 
mêmes auraient crié pour saluer en lui le Messie. Luc, 
xix, 40. — 3. Symboles. — Dans un songe, Nabucho- 
donosor vit une haute statue qu'une pierre vint briser 
et dont elle ne laissa pas trace; la pierre devint ensuite 
une grande montagne. Cette pierre représentait le 
Messie et son royaume, devant lequel devaient dispa- 
raître toutes les autres puissances de la terre. Dan., 
il, 34-45. — Le Sauveur traite saint Pierre comme la 
pierre sur laquelle il doit asseoir inébranlablement 
l'édifice de son Église. Matth., xrv, 18. Les fidèles sont 
eux aussi des pierres vivantes et spirituelles appelées à 
entrer dans la construction. Eph., u, 20-22; I Pet., u, 
4-8. — Au vainqueur, Dieu donnera une pierre blanche, 
postant un nom écrit, que connaît seul celui qui la 
reçoit. Apoc, H, 17. Le caillou blanc marquait, chez les 
anciens, les jours heureux et les votes favorables. 
Cf. Martial, ix, 53; Perse, u, 1; Ovide, Metam., xv, 
41. Pour saint Jean, il désigne le sort heureux attribué 
dans le ciel à celui qui a bien combattu sur la terre. 

H. Les être. 
PIERRE PRÉCIEUSE, pierre remarquable par sa 
couleur, son éclat ou sa rareté. Les pierres précieuses 
étaient recherchées des Orientaux qui les faisaient entrer 
dans la composition de leurs bijoux, anneaux, bracelets, 
colliers, pendants d'oreille, dans l'ornementation des 
vêtements, couronnes de rois, voiles, etc. II Reg., xn, 
30; I Par., xx, 2; Judith, x, 19; xv, 14; Cant., x, 14, etc. 
Voir Bijoux, 1. 1, col. 1794. 

I. Nom général. — On les appelle habituellement en 
hébreu 'ébén yeqâràh, « pierre de prix » (cf. l'assyrien 
ubnu aqartu, pierres précieuses, Frd. Delitzsch, Assy- 
risches llandwôrlerbuch, in-8°, Leipzig, 1896, p. 8). 
II Reg., xn, 30; III Reg., x, 2; I Par., xx, 2; II Par., ix, 
1, 9, 10;xxx\i,27;Ezech., xxvii, 22; xxviii, 13; Dan.,xi, 
38. Quelquefois 'ébén yeqâràh est employé non pour des 
pierres précieuses proprement dites, mais pour des pier- 
res de construction, comme le marbre, etc. L'expression 
'ébén yeqâràh, pierre précieuse, est parfois remplacée 
par une locution équivalente, comme 'ébén héfés, Is., Liy, 
12, mot à mot « pierre de désir », pierre qui excite le dé- 
sir, la convoitise 'par sa beauté; ou comme 'ébnê hên, 
Prov. xvit, 8, « pierres de grâce, de beauté, » c'est-à- 
dire belles pierres. On rencontre aussi le mot 'ébén 
accompagné du nom d'une espèce particulière de pierres 
précieuses, par exemple 'ébén sôham, pierre de soham, 
ou onyx ; 'ébén sappir, pierre de saphir; 'ébén éqdah, 
pierre d'éclat, Is., liv, 12, escarboucle ou rubis. Le 
mot 'ébén « pierre » sans addition ne se trouve dans 
le sens de pierre précieuse, que lorsque le contexte, 
comme une énumération de pierres précieuses, vient 
préciser la signification et écarter toute amphibologie. 
Les Septante traduisent ces diverses expressions par 
Xt'6o; Ttutb; ou XiGoç yprjcrro;, Xîôo; èxXexTÔç, >.i9o; TioXu- 
teXtiç; et la Vulgate par lapis pretiosus ou gemma. 

II. Provenance. — L'Egypte, l'Arabie, PIndé fourni- 
rent aux Hébreux les 17 ou 18 pierres précieuses men- 
tionnées dans les textes bibliques. Elles leur arrivaient 
par les caravanes de marchands qui.de l'Inde où de 



421 



PIERRE PRÉCIEUSE 



422 



l'Arabie venaient en Phénicie apporter leurs richesses, 
ou par leurs relations avec l'Egypte et la Phénicie. 
A certaines époques même ils allèrent eux-mêmes en 
chercher jusque dans l'Inde. « On ne saurait parcourir 
une galerie égyptienne sans être surpris du nombre 
prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont 
parvenues jusqu'à nous. On n'y voit pas encore le 
diamant, le rubis ni le saphir; mais à cela près, le 
domaine du lapidaire était aussi étendu qu'il l'est aujour- 
d'hui et comprenait l'améthyste, l'émeraude, le grenat, 
l'aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les mille 
variétés de l'agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le felds- 
path, l'obsidienne... Le plus grand nombre de ces sub- 
stances étaient taillées en perles rondes, carrées, ovales, 
allongées en fuseau, en poire, en losange. Enfilées et 
disposées sur plusieurs rangs, on en fabriquait des 
colliers, et c'est par myriades qu'on les ramasse dans le 
sable des nécropoles... La perfection avec laquelle beau- 
coup d'entre elles sont calibrées, la netteté de la perce, 
la beauté du poli font honneur aux ouvriers, t G. Mas- 
pero, L'archéologie égyptienne, in-8°, Paris, 1887, p. 234. 
Ces pierres précieuses, les Égyptiens les trouvaient ou 
chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de 
Pount, dans la presqu'île du Sinaï et en Arabie. Les 
documents de la XVIII e dynaslie les signalent parmi les 
présents que les rois de Babylone, les princes de Mitani 
ou des Hethéens envoyaient au Pharaon. G. Maspero, 
Hist. ancienne des peuples de l'Orient classique, in-8°, 
Paris, 1897, t. H, p. 284. L'Egypte pouvait donc fournir 
aux Hébreux, dès le temps de l'Exode, toutes les pierres 
nécessaires à la confection du pectoral du grand-prêtre. 

Plus tard, fixés en Palestine, ils voyaient passer par 
leur pays les marchands qui, de Babylonie ou de Perse, 
allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation 
avec les marchands de Saba et de Rééma qui appor- 
taient à Tyr toutes espèces de pierres précieuses, 
Ezech., xxvn, 22. Sur les marchés de cette grande ville 
commerçante, il leur était facile d'acquérir les pierres 
précieuses apportées par les Syriens. Ezech., xxvii, 16. 
Nous voyons aussi à l'époque de Salomon la reine de 
Saba apporter au monarque une grande quantité de 
pierres précieuses. III Reg., x, 2,10. Salomon lui-même 
équipait des flottes pour le pays d'Ophir, qui avec d'au- 
tres produits de l'Inde revenaient chargées de pierres 
précieuses. III Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sait 
combien les anciens ont vanté la beauté et l'abondance 
des pierres précieuses de ce dernier pays. S. Jérôme, 
Epist., cxxxv,3, t. xxil, col. 1073-1074; Lassen, lndische 
Alterthumskunde, in-8°, 1866, 1. 1, p. 364; Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit. , Paris, 1896, 
t. m, p. 390. Il y avait en Israël des artisans habiles à 
travailler ces pierres, à les tailler, à les enchâsser, à les 
graver. Ainsi Béséléel à l'époque de l'Exode était re- 
nommé en cet art, Exod., xxxv, 33; et son travail était 
resté célèbre. Eccli., xlv, 13. 

III. Détermination des espèces de pierres pré- 
cieuses. — Pour classer et dénommer ces pierres pré- 
cieuses, les Hébreux ne pouvaient, comme aujourd'hui, 
s'arrêter à l'analyse de leur composition chimique et à 
leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les 
anciens, on tenait compte de la couleur surtout, des 
autres qualités extérieures, de l'usage, etc., et ainsi sou- 
vent on comprenait sous un même nom des pierres de 
couleur identique ou approchante, mais de composition 
très différente. De plus, avec le temps les dénominations 
ont changé; ainsi par exemple on admet généralement 
que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre 
topaze, et que le saphir n'était qu'un lapis-lazuli, etc. 
De là la difficulté de déterminer exactement l'espèce 
de pierre comprise sous les noms qu'ils employaient. On 
peut aboutir cependant à des déterminations certaines 
ou du moins probables, en tenant compte des divers élé- 
ments de solution suivants : l'étymologie des noms hé- 



breux et la comparaison de ces noms avec les termes des 
différentes langues sémitiques, ou avec la langue du pays 
d'origine de ces gemmes; les différentes versions an- 
ciennes comme les Septante, l'Itala et la Vulgate, la ver- 
sion syriaque et les Targums, et les interprétations de 
Josèphe ou des Rabbins; les qualités ou les usages que 
les textes sacrés attribuent à ces pierres et leur groupe- 
ment en séries disposées avec art, permettant de mieux 
préciser les couleurs et les nuances; enfin les descrip- 
tions des mêmes pierres dans les auteurs anciens, comme 
Strabon, Diodore de Sicile, Théophraste, Pline l'ancien, 
et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s'occupent 
davantage du sens mystique et des propriétés occultes 
des pierres précieuses. 

Ces ressources ont été utilisées dans les articles con- 
sacrés à chacune de ces pierres. Il reste ici à donner les 
principaux groupements que l'on rencontre dans là 
Sainte Écriture, et dont l'observation peut être utile à 
la détermination de chacune des pierres ainsi artiste- 
ment rangées. 

Trois groupements principaux méritent de fixer l'at- 
tention : les pierres du rational, Exod., xxvm, 17-20, et 
xxxix, 10-13; les pierreries du roi de Tyr, Ezech., xxvm, 
13; et les pierres des fondements de la Jérusalem céleste. 
Apoc, xxi, 18. Et'il est à remarquer que les deux der- 
niers groupements 'dépendent étroitement du premier. 

1° Pierres du rational. — Les 12 pierres du pectoral 
ou rational sont disposées 3 par 3 sur 4 rangées, et 
placées selon le texte massorétique de la façon sui- 
vante. Les rangées commencent de haut en bas, et les 
pierres dans chaque rangée vont suivant la coutume 
hébraïque de droite à gauche. Nous les disposons dans 
le même ordre pour la comparaison qui sera faite plus 
bas avec le texte de l'Apocalypse. 

1 er rang : 3. Bâréqèt 2. Pitddh 1. 'Ôdém 

2 e rang : 6. Yahâlôm 5. Sappîr 4. Nôfék 

3 e rang : g. 'Ahlâmâh 8. Sebô 7. LéSéni 

4 e rang^; 12. YaSféh il. Sôham 10. Tarsis 

Les Septante dans Exod., xxvm, 17-20 et xxxix, 10-13, 
les traduisent et les rangent ainsi : 

3. a[tâpa-f5o; 2.. ToitâÇiov 1. erctpStov 

(12) 6. foccraiç 5. a&Tzyeiçioi; 4. av6p«Ç 

9. àfiiOuaioç 8. â/irci]; 7. lifvpiov 

(11)12. ôvi^iav (6)11. firipûXXiov 10. -/puffdXiâoç 

On peut remarquer que dans le manuscrit hébreu 
qu'ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le 
jaspe à la 12 e place, mais à la sixième, t. m, col. 1143. 
Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transcrit 
l'un pour l'autre deux noms qui ont une certaine res- 
semblance dans le texte hébreu naroi et nbn>, les deux 
mots commençant par un t, yod, et l'ensemble des 
lettres ayant, surtout dans l'ancienne écriture, grande 

analogie, ^^3^) yahâlom, et H^W^, yasfeh. 

De même les copistes des Septante ont dû intervertir 
l'ordre des deux dernières pierres, le Sôham à la 
11 e place de l'hébreu étant l'onyx, qui se trouve dans 
la leçon actuelle des Septante rejeté en 12 e lieu, t. iv, 
col. 1824. Nous avons indiqué la correspondance avec 
le texte hébreu massorétique par des chiffres entre 
parenthèses. La Vulgate suit la traduction des Septante, 
et, comme elle, place le jaspe eu 6 e lieu au lieu du 12*. 
Mais cette version latine n'intervertit pas la 11» et la 
12 e pierre. 

3. Smaragdui, 2. Topazius 1. Sardius 

(12) 6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbunculii-S 

9. Amethystus 8. Achates] 7. Ligurius 

(6) 12. Beryllus ,11. Onychinus 10. Chrysolithus 

Nous trouvons dans Josèphe en deux passages de 
ses ouvrages, Bell, jud., V, v, 7, et Ant. jud., III, vu, 



423 



PIERRE PRÉCIEUSE 



424 



5, l'énumération des pierres du rational. On voit qu'il 
suit les Septante : il conserve les mots employés par 
cette version pour rendre les termes hébreux, et l'ordre 
des rangées ; mais il intervertit plusieurs fois la place 
des pierres dans les rangées, sans doute parce qu'il 
cite de mémoire. Et dans les deux passages indiqués, 
sur ce dernier point, il ne s'arrête pas à la même dis- 
position. Nous mettrons entre parenthèses le numéro 
de la place des mêmes pierres dans le texte hébreu ac- 
tuel. 



1. accpSiov 
4. ôfvOpa^ 
(8)1. àxâtYjç 
(11)10. ovu$ 



1. <jap86vui; 
4. avépai; 
"I. XÊ-pjpoç 
10. xP U0 ^'^°î 



Dans Bell, jud., V, v, 7. 

3. 17(1.3 pa-fSo; 2. T(5naÇo« 

(5) 6. uàitiçsipoç (12) 5. ïaamç 
(1) 9. iiY'iptov (9)8. àné&u<"o; 

(10)12. xpu<rMi8oç (6)11. ^puUo; 

DansÀnf. jud., III, vu, 5. 

3. (7(iapafSo{ [2. tôitaÇos 

. (5) 6. oœTtçsipo; (12) 5. ïa<7ni; 
(8)9. àxoroiç (9)8. à;ji8u<rt<; 

6(12). pTipuXXoc U. o'iii, 

2° Pierres précieuses du roi de Tyr dans Ezéchiel, 
xxvih^ 13. 

1. 'Odém, 2. Pildâh, 3. Yakâlôm, 4. Tarsis, 5. $ô- 
ham, 6. yâsfêh, T. sapph; 8. nôfék, 9. bâréqéj. Cette 
énumération de 9 pierres se termine par vezâhâb, « et 
de l'or. » 

Les Septante ou bien lisaient un teste plus complet 
et différent en plusieurs points; ou bien plus proba- 
blement, leurs copistes ont ajouté trois pierres et 
modifié l'ordre afin de se rapprocher de l'énumération 
du rational. On lit en effet : 

1. irâpSio;, 2. TOnâÇioç, 8. ffjiàpœfSoç, 4. avOpaE, 
5. oaTcçsipoç, 6. faaiuç. 

Après ces six premières pierres le texte ajoute ici 
àpf lipioç xai xpuffoç, « l'argent et l'or, » et il reprend : 

(7. Xifûptoi;, 8. àxàTïjç, 9. àneOuaToç, 10. "/P uo ''U t ( K' 

11. [ÎTIplSXXtOÇ, 12. ÔVU)(10Ç. 

C'est, on le voit, absolument la disposition des 
Septante pour les 12 pierres du rational, tandis que 
dans le texte hébreu d'Ézéchiel il n'y a que 9 pierres 
et elles sont disposées dans un ordre différent des 
pierres du rational, soit selon l'hébreu, soit selon la 
version grecque. Les pierres du texte hébreu d'Ézé- 
chiel répondent, dans ;la traduction des Septante ]de 
la description du rational, aux numéros 1, 2, 11, 10, 
12, 6, 5, 4, 3. Saint Jérôme sur ce passage d'Ézéchiel 
avait remarqué la différence de l'hébreu et des Sep- 
tante, et il ajoutait qu'Aquila, Symmaque etThéodotion 
en cet endroit différaient totalement entre eux, et 
avec les Septante, pour l'ordre, le nombre et même 
les noms. La Vulgate comme l'hébreu n'énumère que 
9 pierres et suitle même ordre, sauf qu'il y a interver- 
sion entre le jaspe et le béryl. Le syriaque et le chal- 
déen n'ont que huit pierres. 

3» Les pierres de la Jérusalem céleste. — Nous trou- 
vons déjà dans Tobie, xm, 16-17 (texte grec), un essai 
de description de la Jérusalem céleste, où entrent les 
pierres précieuses, mais moins développé que dans 
l'Apocalypse. « Les murs de Jérusalem sont de saphir et 
d'émeraude et de diverses pierres précieuses; les rues 
sont pavées de béryl et d'escarboucle. » Dans l'Apoca- 
lypse, xxi, 18-20, les pierres sont au nombre de 12 que 
saint Jean rie range pas par séries, mais que nous 
disposons en 4 rangées pour les comparer plus facile- 
ment avec les pierres du rational. Nous Élisons pré- 
céder chaque pierre d'un chiffre indiquant le numéro 
d'ordre dans le texte de l'Apocalypse. Le chiffre placé 
entre parenthèses indique la place correspondante 



dans la traduction grecque de la description du ra- 
tional. 



(5)2. <râitçetpo5 (4)3. x a ^X e ^ v 

(12) 5. «rapSôvuÇ (1) 6. (TapStov 

(11)8. pàpuUo; (2)9. tonâÇio» 

(7)11. uàxivôoi; (9)12. àui<h><ri:oç 



(6)1. laaiciç 

(3) 4. <T[jLâpay5o; 
(10)7. xpotfôXtOo; 
(8)10. xpwoitpatJtç 

On peut remarquer que des manuscrits portent 
-/apXï|8<ov au lieu de x a ^*s8civ ou ■^où.Tt.r l Sc!>v ; ce qui 
donnerait, au lieu de la calcédoine, l'escarboucle et 
répondrait alors exactement au nôfék du rational,traduit 
av8pa? par les Septante, t. n, col. 56. La chrysoprase 
de saint Jean n'est peut-être pas la chrysoprase mo- 
derne et ne serait qu'une des variétés de l'agate, le Seba 
du rational, t. n, col. 742. L'hyacinthe ne serait autre 
chose que le ligure, léSem du rational, t. m, col. 789- 
et t. iv, col. 254. 

A l'exception du oapêôvu? et du ToirâÇiOT) qui devraient 
échanger leur place, les pierres de l'Apocalypse con- 
servent la disposition générale des 4 rangées du ra- 
tional, tout en variant l'ordre des rangées et la dispo- 
sition des pierres dans chaque rangée. Ainsi les 
3 premières pierres de saint Jean sont les pierres de 
la 2« rangée du rational selon le texte lu par les Sep- 
tante, mais énumérées à rebours. Avec la transposition 
indiquée tout à l'heure, la 2 e et la 3 e rangée de saint 
Jean répondraient à la l r » et à la 4 e du rational. Les 
trois dernières pierres de saint Jean sont les pierres de 
la 3" rangée, dans un ordre ni semblable, ni inverse, 
mais différent. En somme donc l'énumération de l'Apo- 
calypse est visiblement inspirée du rational, sans en 
être cependant la copie. Les 12 pierres du rational 
représentaient pour les Hébreux tout ce qu'il y avait de 
plus beau en pierreries. Aussi Ezéchiel s'eu inspire 
pour joindre la richesse du roi de Tyr. Et saint Jean 
qui ne pouvait manquer de voir et d'indiquer le carac- 
tère typique de la loi ancienne à l'égard de la nouvelle 
et d'Israël avec le peuple chrétien, signale ainsi le 
rapport entre les 12 patriarches et les 12 tribus avec 
les 12 Apôtres et le peuple nouveau. Apoc, xxi, 12, 14. 
Les noms des 12 enfants de Jacob étaient, comme on 
sait, gravés par ordre sur chacune des 12 pierres. On 
croit généralement que cet ordre est celui de la nais- 
sance. 1. Ruben, 2. Siméoh, 3. Lévi, 4. Juda, 5. Dan, 
6. Nephthali, 7. Gad, 8. Aser, 9. Issachar, 10. Zabulon, 
11. Joseph, 12. Benjamin, — Joseph qui donna nais- 
sance aux deux tribus d'Éphraim et de Manassé, occu- 
perait la onzième place, où se trouve l'onyx ou sardo- 
nyx aux deux couleurs. 

Avec les .divers moyens d'information indiqués plus 
haut et la comparaison des pierres dans les différents 
groupements qui tous dépendent du rational, on peut 
établir le tableau suivant (fig. 83 A) : 



3. Emeraude 
(Vert pur) 
6. Béryl ou 
aigue-marine 
(Vert bleuâtre) 
9. Améthyste 
(Violet pttr) 

[12. Jaspe. 
(Vert foncé) 



2. Topaze des anciens 

(Vert jaune) 

5. Sapbir des anciens 

Lapis-Lazuli 

(Bleu ciel) 

8. Agate ou 

Chrysoprase 

(Grisâtre clair) 

11. Onyx ou variété 

de Sardoine 

(Blanc et rouge) 



1. Sarde ou Cornaline 
(Rouge-sang clair) 
4. Escarboucle 
ou Grenat syrien 
(Rouge lie de vin) 
7. Ligure ou hyacinthe 
(Rouge orangé 

foncé) 

10. Chrysolylhe' des 

anciens (notre topaze) 

(Jaune d'or) 



L'arrangement harmonieux des couleurs demande 
que le béryl soit à la sixième place et non à la douzième. 
Le jaspe fait moins bien,; placé sous l'émeraude, qu'à la 
douzième place. La disposition donnée dans le texte 
hébreu est donc plus heureuse que celle des Septante. 

IV, Liste alphabétique des pierres précieuses de 
la Bible. — En dehors des pierres du rational qui for- 
ment comme l'écrin des plus belles pierres connues 
des Hébreux, aux^temps anciens, il j a quelques gemmes 



DICT. DE LA BIBLE 



LETOUZEY & ANE EDIT. 



I. PIERRES DU RATIONAL 






EMERAI'DE 



topaze (des Anciens) 



SARDF.=CORNALINE 






beryl = ai<;t -k-marine 



J, APIS- I.AZ1I.I SAPHIR 



RSCARBOI 'il 




S-y 





A.Minn 8TK 



\c;\n: 



1,1(11 HK HYACINTHE 







.lAsi'K, ONTS :SARI)01NE 0HRY3OMTHE (des Anciens) 

II. AUTRES PIERRES PRÉCIEUSES DE LA BIBLE 



ÎJ 



diamant -corindon i.impidk 





corail 




liriil- [di - ' 





i HBYSOPKASE 



SAPHIR 



TURQUOISE 



PIERRES PRÉCIEUSES BIBLIQUES 
Reproduction d'après nature, suivant les indications de M . MELLERIO dit MELLER. 



425 



PIERRE PRECIEUSE 



426 



mentionnées isolément,' comme le diamant et peut-être 
le rubis, du moins les pierres entendues autrefois sous 
ces noms. On peut ranger aussi parmi les pierres pré- 
cieuses, bien que leur origine soit différente, le corail 
et la perle (flg. 83 B). 

Voici l'énumération alphabétique des unes et des 
autres : 

1. Agate (sebô, Septante : àx<i'»)Ç> Vulgate : achates), 
la seconde pierre de la troisième série des pierres pré- 
cieuses du rational, Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; Voir 
t. i, col. 264. C'est la chrysoprase de Saint Jean. 
Apoc.,xxi, 20, t. if, col. 742. Omise dans le texte hébreu 
d'Ezéchiel, xxviii, 13; mais mentionnée dans la traduc- 
tion des Septante. 

2. Améthyste (hébreu : 'ahlàmâli, Septante : à[iEÔv<r- 
toç; Vulgate : amethystus), la 3 me pierre du 3 m « rang 
■dans le rational, Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; et la 
12 8 pierre fondamentale de la nouvelle Jérusalem. 
Apoc, xxi, 20. Omise dans le texte hébreu, mais rétablie 
par la version des Septante dans Ezech., xxvm, 13. 
Voir t. i, col. 478. 

3. Béryl (hébreu : yahàlôm; Septante : BrjpuWoç; 
Vulgate : beryllus), la 3 e pierre du second rang dans le 
rational d'après le texte hébreu, Exod., xxvm, 19; 
xxxix, 12, la 2 e du 4 e rang d'après le texte reçu des 
Septante; et la 3 e du 4 8 rang dans la Vulgate. C'est la 
3 e pierre dans Ézéchiel, xxvm, 13. Elle figure dans le 
texte grec de Tobie, xm, 17, mais manque dans la Vul- 
gate. Bans V apocalypse, xxi, 20, c'est la 8 e pierre fon- 
damentale. Voir t. i, col. 1637. 

4. Calcédoine (grec : xa^zcSciv et xaXx^Stov et d'après 
quelques mss. xap^îiiv; Vulgate : chalcedonius). La 
calcédoine est une variété d'agate; mais toute l'anti- 
quité a souvent confondu le chalcedonius avec le char- 
chedonius, l'escarboucle. Elle occupe la 3 e place parmi 
les pierres de la Jérusalem céleste, Apoc, xxi, 19, et 
ne serait autre que le nôfék ou av6pa$ du rational. 
Exod., xxvm, 17. Voir t. h, col. 55. 

5. Chrysolythe (hébreu : tarHS; Septante : yjiuab- 
Xi6o;; Vulgate : chrysolythus), la dixième pierre du 
rational, Exod., xxvm, 20; xxxix, 13; la 4 e dans l'énu- 
mération d'Ezéchiel, xxvm, 13; la 7 e des pierres de la 
Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 20. Dans Ezech., 16, 
Cant., v, 4; Dan., x, 6, les traducteurs grecs gardent le 
mot sans le traduire : 6apm«, 8ap<r£i;. La chrysolithe 
des anciens serait notre topaze actuelle. Voir t. n, 
col. 740. 

6. Chrysoprase (grec: xpu^upairoç; Vulgate : chry- 
sopraws), la dixième pierre de la Jérusalem céleste. 
Apoc. , xxi, 20. Ce ne serait probablement pas la chry- 
soprase moderne, mais une sorte ^d'agate et elle cor- 
respondrait à la 8 e pierre du rational. Voir t. h, col. 742. 

7. Corail (hébreu: ra'mof; Septante: ns-réwpa, poi|jto6; 
Vulgate : excelsa, sericum), matière calcaire sécrétée par 
certains polypes, le corail rouge, f Job, xxvm, 18; 
Prov., xxiv, 7; Ezech., xxvii, 16. Voir t. h, col. 955. 

8. Cornaline (hébreu : ôdem; Septante : dâpSiov; 
Vulgate : sardius), pierre qui varie' du rouge sang foncé 
au rouge chair, nuancé de jaunâtre, était confondue 
avec la sardoine. C'est la l re pierre du rational; 
Exod., xxvm, 17; xxxix, 10; la première des pierres du 
roi de Tyr, Ezech., xxvin, 13; la sixième pierre de la 
cité céleste, Apoc, xxi, 19. Voir. t. h, col. 1007. 

9. Cristal (hébreu : gâbiS, Job, xxxm, 18, et qérah, 
Ezech., i, 22, mots qui ont d'abord le sens de glace, 
mais qui s'entendent aussi du cristal de roche, comme 
le mot grec xpûcxaXXoc). Voir t. n, col. 1119. 

10. Diamant (hébreu :$âmîr; Septante: à8a[juxvTÉvo;; 
Vulgate : adamas, adamanttnus). Ezech., m, 9; 
Zach., vn, 12; Jér., xvn, 1. Ce ne serait pas le vrai 
diamant que les anciens ne savaient pas tailler et 
polir; mais le yaqout blanc des arabes, appelé <j[uptç, 
la pierre asmir des Égyptiens, c'est-à-dire une pierre 



dure et brillante, le corindon limpide. Voir t. n, 
col. 1403. 

11. Émeraude (hébreu : bârèqét; Septante -r a\t.â- 
payBoç; Vulgate : smaragdus), la 3" pierre du rational, 
Exod., xxvni, 17; xxxix, 10, la9°pierre d'Ezéchiel, xxvm, 
13; la 4 e pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. 
Elle figure parmi les pierres de la Jérusalem nouvelle de 
Tobie., xm, 16 (Vulg. 21). Elle ornait le pavillon d'Holo- 
pherne. Judith, x, 21 (Vulgate, 19). ;Le texte grec de l'Ec- 
clésiastique, xxxii, 8, mentionne un cachet d'émeraude 
enchâssé dans l'or; mais le texte hébreu récemment 
découvert n'a pas le mot émeraude ni l'indication d'une 
pierre particulière pour le cachet. Voir. t. n, col. 1729, 

12. Escarboucle (hébreu : nôfék; Septante: av9p«5; 
Vulgate : carbunculus), la l re pierre du second rang 
dans le rational; Exod., xxvm, 18; xxx, 11; la8 8 pierre 
du roi de Tyr, Ezech., xxvm, 13; une pierre qu'on 
apportait à Tyr, Ezech., xxvii, 16 ; peut-être la 
3» pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. 
L'Ecclésiastique, xxxii, 7, parle de joyau fait d'une 
escarboucle enchâssée dans l'or; et dans le texte hébreu 
retrouvé on constate en effet le mot nôfék (xxxn, 5). 
Voir t. il, col. 1907. 

13. Hyacinthe (Apocalypse : uixivSoc; Vulgate : Hya~ 
cinthus), la onzième pierre de la cité céleste. Apoc, xxi, 
20. Elle paraît n'être autre chose que le ligure, lésem, 
la 7 e pierre du rational. Voir t. m, col. 787. 

14. Jaspe (hébreu : yaSfeh; laann; Vulgate ; jaspis), 
la 12e pierre du rational selon le texte massorétique, la 
6 e selon la version grecque et la Vulgate, Exod., xxvm, 
20; xxxix, 13; la 6 e pierre d'Ezéchiel, xxvm, 13; la 
l re pierre de la Jérusalem céleste. Apoc, xxi, 19. Voir 
t. m, col. 1142. 

15. Ligure (hébreu : lésém; Septante : Xtyvpiov; 
Vulgate : Ugurius). la l rB pierre du 3 e rang dans le 
rational. Exod., xxvm, 19; xxxix, 12. Ce serait la 
pierre hyacinthe de l'Apocalypse, xxi, 20, d'après saint 
Épiphane et de nombreux exégètes. Elle manque dans 
l'énumération d'Ezéchiel, xxvm, 13, d'après le texte 
hébreu, mais figure dans la traduction grecque. Voir 
t. IV; col. 254. 

16. Onyx (hébreu : Sôham; Septante : ôvûxiov; 
Vulgate : onychinus) la 11 e pierre du rational, Exod., 
xxvm, 20 ; xxxix, 13, mise au 12 e rang par les Sep- 
tante. C'est la 5 e pierre de l'énumération d'Ezéchiel, 
xxvm. 13, d'après l'hébreu, rejetée la 12 e dans la tra- 
duction grecque. C'est le sardonyx de l'Apoc, xxi, 19. 
Voir t. iv, col. 1823. 

17. Perle (grec : (japYapmi; Vulgate : margarita), 
substance brillante qui se forme dans l'intérieur de 
certaines coquilles marines. Voir t. v, col. 144. — Sur 
les peninim que les uns regardent comme du corail, 
d'autres comme des perles, voir t. n, col. 957. 

18. Rubis. Quelques auteurs voient dans le kadkod 
d'Is., liv, 12, et d'Ezéchiel, xxvii, 16, une pierre rouge 
éclatante qu'ils identifient avec le rubis. Pour d'autres 
c'est le 'éqdâb,, pierre étincelante, Is., liv, 12, qui serait 
le rubis. Voir Rubis. 

19. Saphir (hébreu: sappîr; Septante : <rârfç£ipov; 
Vulgate : sapphirus), la 5 e pierre du rational, Exod., 
xxxm, 19; xxxix, 13; la 7 e pierre d'Ezéchiel, xxvm, 
14, selon l'hébreu',; placée la 5 e dans le grec. La 2 e pierre 
fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. On sait 
que le saphir des anciens est plutôt le lapis-lazuli. 
Quelques auteurs croient que la turquoise serait dési- 
gnée par ce nom. 

20. Sardoine (hébreu: 'ôdêm; Septante : mipSiov; 
Vulgate : sardius), la première pierre du rational, 
Exod., xxvm, 19; xxxix, 12; la première des pierres 
précieuses du roi de Tyr, Ézech., xxvm, 13; la sixième 
pierre fondamentale de la cité céleste. Apoc, xxi, 19. 

21. Topaze (hébreu : pitddh; Septante : TomiÇiov, 
Vulgate : topazius), la seconde pierre du rational, Exod., 



427 



PIERRE PRÉCIEUSE — PIETON 



428 



xxvm, 17; xxxix, 19; Ja seconde aussi de l'énumération 
d'Ézéchiel, xxvm, 13; la 9 e pierre fondamenlale de la 
nouvelle Jérusalem. Apoc, xxi, 20. Ce n'est pas la 
belle pierre 'jaune d'or que nous nommons aujour- 
d'hui topaze et que les anciens appelaient chrysolithe. 
C'est une pierre d'Ethiopie, Job, xxvm, 19, qui pourrait 
n'être qu'un péridot, ou une pierre vert olive, ou vert 
jaune. Voir Topaze. 

V. Comparaisons. — Les pierres précieuses en géné- 
ral, ou telle pierre déterminée, servent de terme de 
comparaison pour marquer une chose de grand prix. 
Ainsi l'attente de celui qui espère est une pierre pré- 
cieuse. Prov., xvu, 8. Les lèvres savantes ont plus de 
valeur que les pierres précieuses. Prov., xxii, 5. La 
sagesse est supérieure à la topaze d'Ethiopie. Job., xxvm, 
19. — Dans Ps. cxix, 127, où le Psalmiste aime la loi de 
Dieu plus que l'or fin, pâz, les Septante et la Vulgate 
ont vu à tort une pierre précieuse, la topaze. 

VI. Bibliographie. — Théophraste, De lapidibus; 
Pline, U. N., xxxvn; S. Épiphane, De duodecim gem- 
mis (t. xliii, col. 294-304) et son ancienne version 
latine (loc. cit., col. 322-366); S. Isidore, Etymolog., 
xvi, 6-15, De lapidibus, t. lxxxii, col. 570-580 ; J.Braunius, 

Vestitus Sacerdotum hebreeorum, in-8°, Leyde, 1680, 
1. II, c. viii-xix, p. 627-745; E. Fr. R. Rosenmullcr, 
Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leip- 
zig, t. iv, I re partie; G. B. Winer, Biblisches Realwôr- 
terbuch, in-8°, Leipzig, 1847, 1. 1, p. 281-284, Edelsteine; 
Ch. William King, Antique Gems, in-8°, Londres, 1860; 
2 e édit., 2 in-8°, 1872; The natural history of gems or 
décorative stones, in-12, Londres, 1867; 2 e édit., 1870; 
de Saulcy, dans la Revue archéologique, août 1869, 
p. 91; Ch. de Linas, Les origines de l'orfèvrerie cloison- 
née, 3 in-8», Paris, 1877, 1878, 1887; Clément Mullet, 
Essai sur la minéralogie arabe, extrait du Journal 
asiatique, 1868; E. Jannetaz et E. Fontenay, Diamant 
et pierres précieuses, in-8», Paris, 1881 ; Ch. Barbot et 
Baye, Guide pratique du joaillier, in-8, Paris, s. de- 
dans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités 
grecques et romaines, t. ir, 2« partie, in-4°, 1896, article 
Gemmai par E. Babelon, p. 1460-1488 ; dans Hastings, 
Dictionary of the Bible, t. iv, in-4°, 1902, p. 619-621, 
article Precious Stones de W. M. Flinders-Petrie. — 
On peut consulter aussi les divers lapidaires et les au- 
tres ouvrages cités aux articles spéciaux sur chaque 
espèce de pierres précieuses. E. Levesque. 

PIERRERIES,'pierres précieuses. Voir Pierres pré- 
cieuses. 

PIÉTÉ (grec : eùoigEia; Vulgate : pietas), applica- 
tion de toute sa volonté et de tout son cœur au service 
de Dieu. — 1. Dans l'Ancien Testament, l'idée de piété 
est représentée par les mots héséd, « zèle, dévoue- 
ment » envers Dieu, Eccli., xlix, 4, d'où les noms de 
'anSê héséd, « hommes de piété », et hâsîdîm, donnés 
aux hommes pieux, Is., lvii, 1; îrd'h, « crainte », 
voir Crainte de Dieu, t. u, col. 1099; sédéq, « justice ». 
Voir Justice, t. m, col. 1875. Dans Isaïe, xi, 2, 3, il 
est dit que sur le rameau de Jessé reposera 

L'esprit de science et de crainte de Jéhovah, 
Et il respirera dans la crainte de Jéhovah. 

Dans les deux vers, le même mot îr'âh est employé; 
il s'agit donc, de part et d'autre, de la même crainte de 
Dieu, c'est-à-dire de la religion envers lui. Les versions, 
pour ne pas répéter deux fois le même mot, l'ont tra- 
duit une première fois par eitréêeta, pietas, et la se- 
conde par ipdëoç, timor, « crainte ». Les deux mots 
ont ici exactement le même sens, comme le montre la 
double traduction grecque d'un même verset des Pro- 
verbes, i, 7, par les Septante qui y rendent successive- 
ment îr'af Yehovâh parçôgo; Kupi'ov et par eùséësia 



eîç ©siv. La piété et la crainte de Dieu ne sont donc, 
dans le passage d'Isaïe, qu'une seule et mêmp chose. 
Cf. Touzard, lsaïe, xi, 2-3, et les sept dons du Saint- 
Esprit, dans la Revue bibUque, 1899, p. 249-252. 
Après la restauration messianique, Jérusalem sera ap- 
pelée « Splendeur de la piété ». Bar., v, 4. Les auteurs 
sacrés célèbrent la piété de Josias, Eccli., xlix, 4, 
et celle d'Onias III. II Mach., m, 1. Les premiers an- 
cêtres d'Israël n'ont pas laissé faiblir fiqôfam, « leurs 
obéissances » ou « leurs espérances », SiKaiotrûvat, 
« leurs justices », pietates, « leurs témoignages de 
piété ». Eccli., xltv, 10. Une récompense est réservée 
à ceux qui s'endorment dans la piété, c'est-à-dire dans 
la fidélité au service de Dieu. II Mach., xn, 45. 

2° Dans le Nouveau Testament, la piété ne se con- 
fond plus simplement avec la crainte de Dieu ou la 
religion en général; elle suppose quelque chose de plus 
généreux et de plus affectueux dans le service de Dieu, 
en réponse à la bonté et à l'amour du Sauveur pour 
les hommes, Tit., m, 4, et comme effet de la grâce 
plus puissante de la Loi nouvelle. Car l'incarnation est 
« un grand mystère de piété », c'est-à-dire de l'amour 
de Dieu envers l'homme, provoquant l'amour de 
l'homme envers Dieu. I Tim., m, 16. Une c doctrine 
conforme à la piété » est celle qui s'inspire des grands 
mystères de la foi. I Tim., vi, 3. Les chrétiens doivent 
vivre « en toute piété et honnêteté », par conséquent 
fidèles à tous les devoirs de la vie surnaturelle et à ceux 
delà vie naturelle. I Tim., ri, 2. Les femmes chré- 
tiennes font profession de piété, 6sooiê£!a, pietas, au 
moyen des bonnes œuvres. I Tim., n, 10. Saint Paul 
recommande vivement â son disciple de s'exercer à 
la piété, comme à quelque chose qui peut et doit 
toujours grandir. I Tim., IV, 7. Il veut qu'il recherche 
« la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la 
douceur. » I Tim,, VI, 11, La piété est donc d'un degré 
supérieur à la justice. « Elle est utile à tout : elle a 
des promesses pour la vie présente et pour la vie à 
venir, » par conséquent est profitable même à la vie 
du temps, loin de lui nuire. I Tim., iv, 8. « C'est une 
grande richesse que la piété contente du nécessaire » 
et ne s'embarrassant pas des biens inutiles de ce 
monde. I Tim., vi, 6. U y a des hommes' vicieux, 
« ayant les dehors de la piété sans en avoir la réalité. » 
II Tim., m, 5. « Ils ne voient dans la piété qu'un 
moyen de lucre, » parce qu'eux-mêmes sont privés de 
la vérité, I Tim., vi, 5, et que c'est « la vérité qui 
conduit à la piété ». Tit., i, 1. La vraie foi est donc 
seule la source de la piété sincère. La grâce enseigne 
à renoncer à l'impiété et aux convoitises mondaines, 
pour vivre dans le siècle présent avec tempérance, 
justice et piété. Tit., n, 12. Mais le monde ne s'accom- 
mode pas de la piété, et « tous ceux qui veulent vivre 
avec piété dans le Christ Jésus, auront à souffrir persé- 
cution. » II Tim., m, 12. — Saint Pierre veut aussi 
qu'à leur foi les chrétiens ajoutent la vertu, le discer- 
nement, la tempérance, la patience, la piété, l'amour 
fraternel, la charité, autant de dons qui viennent de 
Dieu. II Pet., i, 3, 6, 7. Ils doivent veiller à la sainteté 
de leur conduite et à leur piété, en attendant le jour 
du Seigneur, II Pet., m, 11, qui « sait délivrer de 
l'épreuve les hommes pieux ». II Pet., n, 9. 

H. Lesètre. 

PIÉTON (hébreu : ragli; Septante : neÇd;; Vulgate : 
pedes), homme de pied. Ce terme ne s'emploie que 
dans les dénombrements de troupes, Exod., xn, 37; 
Num., xi, 21; Jud., xx, 2; I Reg., iv, 10; xv, 4; 
II Reg., x, 6; III Reg., xx, 29, et l'on oppose le piéton 
au cavalier ou au soldat monté sur un char. IV Reg., 
xiii, 7; I Par., xvm, 4; xix, 18. On lit dans Jêrémie, 
xn, 5 : « Si lu cours avec des piétons et qu'ils te 
fatiguent, pourras-tu lutter avec des cavaliers? » Le 
prophète s'applique à lui-même cette remarque : il est 



429 



PIÉTON — PILATE (PONCE) 



430 



haï et persécuté par ses propres concitoyens; comment 
pourra-t-il tenir devant des ennemis plus forts, les 
étrangers? H. Lesétre. 

PIGEON (Vulgate : columba). Voir Colombe, t. w, 
col. 846. 

PILA, « mortier ». La Vulgate, Soph., i, 11, a 
traduit par Pila le nom propre hébreu Maktés, loca- 
lité des environs de Jérusalem ou quartier de cette ville. 
Voir Macthesch, t. rv, col. 531. 

1. PILATE (PONCE) (grec : IldvTio; lifta™;), pro- 
curateur romain de la Judée au temps de Jésus-Christ, 
Indépendamment des récits évangéliques relatifs à la 
passion de Notre-Seigneur, Matth., xxvn, Marc, xv, 
Luc, xxiii, Joa., xvm-xix, il est nommé plusieurs fois 
dans le Nouveau Testament : Luc, m, 1, pour fixer 
l'époque à laquelle saint Jean-Baptiste inaugura son 
ministère; Luc, xm, 1, à propos d'un acte particulière- 
ment cruel de son gouvernement, Act., m, 13; IV, 27; 
xm, 28, et I Tim., vr, 13, comme responsable de 
la mort du Sauveur. Parmi les auteurs classiques, 
Tacite est seul à le mentionner. Ann., xv, 44. Philon 
et Joséphe parlent souvent de lui, le premier dans sa 
Legatio ad Caium, xxxviii, le second dans ses Anti- 
quités et dans le Bellum judaicum. Voir plus bas, 
col. 430 et 431. 

1» Son nom et son origine. — Son nom complet, 
qui n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Tes- 
tament, Luc, m, 1, est Pontius Piîatus. Il est possible 
qu'il ait appartenu, soit par son ascendance propre- 
ment dite, soit par adoption, à la gens Ponlia, d'origine 
samnite et célèbre dès le début de l'histoire romaine. 
Voir le P. Ollivier, Ponce Pilate et les Pontii, dans la 
Revue biblique internationale, t. v, Paris, 1896, p. 247. 
254, 594-600. Pilatus n'était qu'un surnom, un cogno- 
men, dont il est difficile d'expliquer la provenance. 
C'est à tort qu'on l'a rattaché parfois à pileus, bonnet 
de laine dont on coiffait les esclaves lorsqu'on les 
affranchissait; en effet, dans ce cas, on eût dit pileatus. 
La véritable étymologie semble être plutôt pilum ou 
pila, « javelot, » de sorte que pilatus signifierait : 
« armé du javelot. » Cf. Virgile, &n., xn, 121-122. 
D'après sa fonction, Pilate devait appartenir à l'ordre 
des chevaliers romains. 

2° Son titre et la durée de son administration. — 
Pilate porte, dans le texte grec de saint Matth., xxvu, 
2, 11, 14, etc., et de saint Luc, xx, 20, comme aussi 
dans Josèphe, Ant., XVIII, m, 1, le titre moins exact de 
f.yeiKûv. Cf. Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, 1, 10; xxvi, 30. 
En latin, son titre officiel était, non pas prœses, comme 
nous lisons habituellement dans la Vulgate aux pas- 
sages qui s'occupent de lui et d'autres gouverneurs de 
la Judée, mais procurator, dont l'équivalent grec était 
éitiTpoTtoç. Voir Tacite, Ann., xv, 44; Philon, Légat, ad 
Caium, xxxviii; Josèphe, Bell, jud., II, ix, 2. Avant lui 
à partir de la déposition d'Archélaûs, par Auguste, l'an 6 
de notre ère, quatre procurateurs s'étaient succédé en 
Judée et en Samarie, — car leur juridiction s'étendait 
aussi à cette seconde province. C'étaient : Coponius 
(6-9 après J.-C), Marcus Ambivius (9-12), Annius Rufus 
(12-15), Valerius Gratus (15-26). 11 fut donc le cinquième, 
et il exerça ses fonctions entre les années 26 et 36 de 
l'ère chrétienne; par conséquent pendant dix ans, 
comme le dit Josèphe en termes exprès, Ant. jud., 
XVIII, iv, 2. 11 entra en fonction la douzième année de 
Tibère, Eusèbe, H. E., i, 9, t. xx, col. 107, laquelle 
correspond, non pas à l'an 27 après J.-C, comme on l'a 
dit parfois, mais à l'an 26. Cf. Ewald, Geschichte Christi 
und seiner Zeit, in-8», 2 e édit., Gœttingue, 1857, p. 36; 
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, in-8°, 1. 1, Zurich, 
1867; E. Schûrer, Geschichte des pidischen Volkes,in-8<>, 



4 e édit., Leipzig, 1904, p. 487; pour l'an 2 7, J. Belser 
Geschichte des Leidens und Sterbens des Herrn, in-8", 
Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 332. Le gouvernement de 
Pilate eut donc, comme celui de Valerius Gratus, une 
assez longue durée, et c'est uniquement sous le règne 
de Tibère qu'il fut exercé. Or, Tacite, Ann., i, 80; iv, 
6, et Josèphe, Ant. jud., XVIII, VI, 5, font remarquer 
que, par principe, ce monarque laissait longtemps ses 
magistrats en fonction dans les provinces. 

3° Caractère général et quelques épisodes de son 
administration. — Ce qu'en racontent les auteurs sa- 
crés et profanes montre, d'un côté, à quel point était 
pénible et difficile, à cette époque, la tâche d'un gou- 
verneur de Judée, et, d'un autre côté, combien Pilate 
fit peu d'eflorts pour rendre son administration conci- 
liante à l'égard des Juifs. La lettre d' Agrippa à Caligula, 
citée par Philon dans sa Legatio ad Caium, xxxviii, 
trace de lui un portrait peu flatteur, dans lequel il y a 
certainement quelque exagération, puisqu'il provient 
d'un ennemi juré, mais dont l'histoire ne constate que 
trop bien l'exactitude générale. Cette lettre dit de lui 
qu'il était « inflexible de caractère et dur avec arro- 
gance ». Elle lui reproche ;< la corruption, les vio- 
lences, la rapine, les mauvais traitements, les vexations, 
de perpétuelles exécutions sans jugement préalable, des 
cruautés sans nombre et insupportables ». Détestant 
les Juifs et ne comprenant rien à leur tempérament ni 
à leurs sentiments religieux, il prétendit les gouverner 
d'après sa propre volonté, et les faire fléchir en tout et 
malgré tout. Mais, aussi faible et irrésolu par moments 
qu'il était d'ordinaire intraitable, il contribuait lui- 
même à amoindrir son autorité; aussi £ut-ii vaincu à 
plusieurs reprises par ceux dont il croyait pouvoir aisé- 
ment triompher, et il finit même par être tout à fait 
brisé par eux. Son opiniâtreté et sa maladresse occa- 
sionnèrent plus d'une fois des mouvements de rébel- 
lion, qu'il dut ensuite étouffer dans le sang. 

Dès les premiers mois qui suivirent son installation, 
il froissa jusqu'au vif les habitants de Jérusalem, et 
tous les Juifs de Judée par là même. Ses prédécesseurs, 
fidèles à la politique d'après laquelle Rome accordait 
habituellement une grande liberté aux provinces con- 
quises, lorsqu'il ne s'agissait que de leurs affaires in- 
térieures, s'étaient montrés fort accommodants sur 
certains points qui touchaient aux idées religieuses des 
Juifs. C'est ainsi qu'ils avaient fait enlever, sur les éten- 
dards du détachement militaire qui tenait garnison à 
Jérusalem, toutes les images et effigies qui présen- 
taient un caractère idolàtrique. Pilate, au contraire, 
voulut que les soldats envoyés par lui dans la ville 
sainte y entrassent avec leurs enseignes munies de 
tous leurs emblèmes, Il ne prit d'autre précaution que 
de faire pénétrer hommes et drapeaux pendant la nuit. 
La colère des Juifs fut grande, lorsqu'ils s'aperçurent, 
le lendemain matin, de l'outrage qui leur avait été fait. 
En nombre considérable ils se rendirent à Césarée, où 
le procurateur avait sa résidence ordinaire, et, pendant 
cinq jours, ils protestèrent avec une telle énergie, que 
Pilate, qui avait d'abord pris le parti de les faire mas- 
sacrer, dut céder, en voyant qu'ils étaient prêts à 
mourir tous, plutôt que de supporter cet affront. Cf. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 1-2 ; Bell, jud., II, ix, 
2-4. — Plus tard, malgré cette leçon humiliante, H 
commit une faute toute semblable, en faisant suspendre 
dans le palais qui lui servait d'habitation lorsqu'il sé- 
journait à Jérusalem, des boucliers d'or dédiés à Tibère 
et munis aussi d'inscriptions ou de symboles idolâ- 
triques. Une insurrection faillit éclater. Averti par les 
Juifs, l'empereur ordonna lui-même d'enlever au plus 
tôt la cause du désordre. Voir Philon, Légat, ad 
Caium, xxxviii, édit. Mangey, t. n, p. 590; Eusèbe 
H. E., ii, 6, t. xx, col. 154. — Plus tard encore, Pilate 
se permit de puiser dans le trésor sacré du temple de 



m 



P1LATE (PONCE) 



432 



Jérusalem, sous prétexte de se procurer ainsi les fonds 
-nécessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui 
amènerait dans la capitale l'eau des réservoirs de Sa- 
lomon, situés à environ 15 kilomètres au sud-ouest de 
Bethléhem. Des troubles violents s'ensuivirent et le 
sang coula encore abondamment. Cf. Josèphe, Ant. 
jud., XVIII, m, 2; Bell, jud., II, ix, 4; Eusèbe, H. E., 
II, vi, 6-7, t. xx, col. 114; E. Schûrer, Geschichte des 
iûd. Volkes,¥ édit, t-. i, p. 490-491. 

Saint Luc, xm, 1, signale brièvement un épisode 
également tragique de l'administration de Pilate : « Il 
y avait là (près de Jésus, à certain jour de sa vie pu- 
blique) quelques hommes qui lui annoncèrent ce qui 
était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang 
avec celui de leurs sacrifices. » Nous ne connaissons 
cet incident que par le récit du troisième Évangile ; mais 
il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle 
de Pilate, comme aussi avec le caractère belliqueux 
des Galiléens, qu'on était sûr de trouver parmi les 
Zélotes les plus exaltés, les plus remuants. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XVIII, ix, 3, etc. Il s'agit sans doute d'une 
tentative de révolte, qui fut aussitôt réprimée par le 
gouverneur avec une implacable sévérité. Les rebelles 
furent assaillis par les soldats de Pilate et égorgés dans 
les parvis mêmes du temple, au moment où les prêtres 
immolaient les animaux que ces malheureux offraient 
en sacrifice, de sorte que leur propre sang se mêla à 
celui de leurs victimes. 

4° Son rôle dans la passion du Sauveur est fort bien 
résumé dans ces mots de Tacite, Ann., xv, 44 : Christus, 
Tiberio imperitanle, per procuratorem Ponliurn Pi- 
latum supplicio adfectus fuerat. Malgré la parole si 
miséricordieuse et si délicate de la divine victime : 
« Celui qui m'a livré à toi commet un plus grand 
péché, » Joa., xix, 11, Pilate demeure à tout jamais 
couvert d'infamie par l'attitude lâche, égoïste, inique 
qu'il prit à l'égard de Jésus-Christ, en n'osant pas ré- 
sister jusqu'au bout au fanatisme cruel des Juifs. Tou- 
tefois, dans le Credo, les mots Passus sub Pontio 
Pilato ont été insérés, moins pour mettre en relief 
l'odieuse injustice du procurateur, que pour fixer la date 
officielle de ,1a mort de Jésus-Christ, et ponr montrer, 
par là-même, que le christianisme repose sur une base 
historique certaine. Cf. S. Augustin, De fide et sym- 
bolo, c. v, t. xl, col. 187. 

Les membres du Sanhédrin, privés par Rome du jus 
gladii, et n'ayant pas le droit d'exécuter la sentence de 
mort qu'ils avaient portée contre Jésus, conduisirent 
Notre-Seigneur au prétoire, pour obtenir du procura- 
teur la ratification de leur jugement. C'est donc devant 
le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du 
procès du Sauveur, celle qu'on nomme le procès civil, 
par opposition au procès ecclésiastique, qui avait eu 
lieu chez Caïphe. Pilate se trouvait alors à Jérusalem, à 
- l'occasion de la fête de la Pàque, selon la coutume des 
gouverneurs romains, pour prévenir par sa présence, 
et au besoin pour châtier aussitôt le moindre mouve- 
ment insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance 
solennelle, assez brièvement esquissée par saint Mat- 
thieu,- xxvn, 1-25, et par saint Marc, xv, 1-15, est dé- 
crite d'une manière plus complète, au point de vue 
psychologique, soit par saint Luc, xxm, 1-25, soit sur- 
tout par saint Jean, xviii, 28-xix, 16, dont l'admirable 
analyse jette de vives clartés sur les narrations des 
synoptiques. Voir J. Belser, Geschichte des Leidens 
des Herrn, p, 337-338; L.-CI. Fïllion, Évangile selon 
saint Luc, introd. critique et commentaires, Paris, 
1882, p. 381-388; Évangile selon saint Jean, introd. 
critiq. et commentaires, Paris, 1887, p. 335-349. Le 
quatrième Évangile nous rend vraiment témoins île ce 
drame auguste et douloureux, partageant le récit en 
petites scènes très vivantes, qui nous font contempler 
Pilate, tantôt faisant l'in.terrogatoire de Jésus dans 



l'intérieur du prétoire, tantôt discutant avec les Juifs, 
qui étaient demeurés en dehors. Les réflexions de l'évan- 
géliste et eelles du gouverneur nous permettent de lire 
jusqu'au fond de l'âme de ce dernier. 

Le procurateur ne pouvait guère ne pas connaître, 
au moins de nom et depuis quelque temps, Jésus-Christ, 
qui avait excité \me si vive émotion dans Jérusalem 
durant les derniers jours. Quoi qu'il en soit, les évan- 
gélistes sont unanimes à affirmerque, malgré la gravité 
des crimes reprochés à l'accusé par les princes des 
prêtres, Pilate fut promptement convaincu de sa par- 
faite innocence. Dès le premier instant, il avait percé 
à jour la futilité de leurs accusations, et reconnu qu'ils 
le lui avaient livré « par jalousie », par haine. Cf. 
Matth., xxvn, 18; Marc, xv, 10. Aussi refusa-t-il long- 
temps d'acquiescer à leur demande, dont l'injustice 
était flagrante. Cf. Matth., xxvn, 23-24; Luc, xxm, 4, 
14, 22; Joa., xvut, 38; xix, 4, 6. Le récit sacré nous le 
présente même comme prenant un grand intérêt à 
Jésus, d'abord à cause de son majestueux silence, 
Matth., xxvn, 14; Marc, xv, 4-5, puis à cause de ses 
graves et sublimes réponses, Luc, xxm, 3; Joa., xvin, 
33-38; xxix, 9-11. De là ses efforts multipliés pour le 
sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son 
innocence (voir ci-dessus); il le renvoie à Hérode,qui, 
lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc, xxm, 
6-15; il propose de le faire flageller, pour apitoyer le 
peuple, Luc, xxm, 16; il essaie d'user du droit de 
grâce en sa faveur, Matth., xxvn, 15-23 ; Marc, xv,6-15; 
Luc, xxnr, 17-25; Joa., xvra, 39-40; il le montre à la 
foule, couronné d'épines et tout ensanglanté, Joa., xix, 
4-5; enfin, il dégage sa responsabilité par un acte sym- 
bolique. Matth., xxvn, 24. 

Les Évangélistes mettent ainsi à nu sa conscience 
impressionnée, qu'ébranlait, mais trop superficielle- 
ment, le désir d'arracher à la mort ce juste, qui ne 
ressemblait à aucun des accusés conduits jusque-là 
devant son tribunal. Son âme superstitieuse, quoique 
incrédule, fut tout particulièrement frappée, lorsqu'il 
entendit les Juifs reprocher à Jésus de s'être fait Fils 
de Dieu. Joa., xix,7. Il craignait que Notre-Seigneur ne 
fût quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, aux 
représailles duquel il redoutait de s'exposer. Aussi 
s'empressa-t-il de le questionner sur son origine : Vnde 
es tu? La réponse de Jésus le rassura. Cf, Joa., xix, 
9-12. 

Finalement il céda, « pour donner satisfaction au 
peuple, » Marc, xv, 15; « il livra (Jésus) à leur volonté, » 
Luc, xxm, 24, surtout lorsque les Juifs l'eurent me- 
nacé très ouvertement de la disgrâce de César. Joa., 
xix, 12. Il monta donc sur son tribunal et proclama la 
sentence du Sauveur. Joa.,xix, 15. Il avait mis à profit 
les rudes leçons que lui avaient données les Juifs. Pour 
ce magistrat égoïste, sans principes moraux, guidé 
seulement par les considérations mondaines et poli- 
tiques, qu'étaient les droits les plus sacrés 'd'un inno- 
cent, dès lors que son intérêt personnel était en jeu? 
La conservation de son emploi si lucratif et si hono- 
rable l'emportait sur tout le reste. C'est ainsi que, mal- 
gré sa vaine protestation, il prit une très grande part 
au crime le plus affreux qu'aient jamais enregistré les 
annales de l'histoire. Les Constitutions apostoliques, v, 
14, t. I, col. 877, lui reprochent à bon droit sa lâcheté 
(îvavSpîa). Quant à la question célèbre qu'il adressa au 
Sauveur. « Qu'est-ce que la vérité? » Joa., xvm, 38, 
c'était simplement la parole d'un dilettante, d'un scep- 
tique, qui regardait la vérité comme une chose indiffé- 
rente et comme un mot sans portée. Aussi n'attendit-il 
même pas la réponse de Jésus. — Semblable à lui-même 
jusqu'au bout, après avoir été battu, celte fois encore, 
par les Juifs, il les traita avec dédain, en refusant opi- 
niâtrement de modifier l'inscription qu'il avait fait 
placer au-dessus de la Jcroix, Joa., xix, 19-22,' [et en 



433 



PILATE (PONCE) — PILATE (FEMME DE) 



434 



permettant à Joseph d'Arimathie de donner au- corps 
sacré de Notre-Seigneur une sépulture honorable. Cf. 
Luc, xx.ni, 50-52; Joa., xix, 38. 

5° Sa révocation et sa mort. — Un dernier acte de 
cruauté, dont Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous 
a conservé les détails, ne tarda pas à renverser les 
calculs de cet homme politique et à amener sa chute. 
Un certain nombre de Samaritains, séduits par un im- 
posteur, s'étant mis à faire des fouilles sur le mont 
Garizim, près de Sichem, dans l'espoir d'y trouver des 
vases sacrés que Moïse y aurait cachés avant sa mort, 
le gouverneur les fit massacrersans pitié. Leurs parents 
et amis, exaspérés, allèrent se plaindre à Vitellius, qui 
était alors légat de Syrie. Celui-ci, voyant que Pilate 
était devenu insupportable à ses administrés, l'envoya 
à Rome pour qu'il essayât de se justifier devant l'empe- 
reur; mais il n'arriva qu'après la mort de Tibère. 

Les derniers faits de sa vie sont enveloppés d'ombre 
et de mystère; du reste, ils furent de bonne heure 
défigurés par la légende. On ignore même en quel lieu 
et de quelle manière il mourut. Suivant Eusèbe, H. E., 
II, vu, t. xx, col. 155, et Chronicon, 1™ année de Caïus, 
t. xix, col. 538, il aurait été banni à Vienne dans les 
Gaules, où, accablé par l'infortune, il aurait péri de sa 
propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. xcn, 
col. 557-559, et Orose, Hist., vu, 5, t. xxxi, col. 1071. 
On voit encore dans cette ville un monument de forme 
singulière, une pyramide sur une base carrée, qu'on 
nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n'a rien 
pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une 
montagne voisine de la ville de Saint-Étienne, se rat- 
tache sans doute aussi à ce souvenir. D'après l'histo- 
rien grec Malalas, Ghronographia, x, t. xcvn, col. 390, 
Pilate aurait été décapité par Néron. Comp. Jean d'An- 
tioche, dans Mûller, Fragmenta hisloricorum grseco- 
rum, t. IV, p. 574, édit. Didot, et Suidas, au motNépwv. 
Il semble du moins probable qu'en toute hypothèse il 
mourut de mort violente. Voir E. Schûrer, Geschichte 
des jùd. Volkes, 4 e édit., t. i, p. 493-494, On trouve de 
curieux détails sur ses derniers moments dans le traité 
apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius, Apocryph., t. m, 
p. 505; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832, 
t. i, p. 796-798; Tischendorf, Evangelia apocrypha, 
\" édit., 1851, p. 432-435; 2« édit., 1876, p. 456-458. 
Plus tard, la légende continua à se développer. Jeté à 
Borne dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occa- 
sionné des tempêtes et des inondations. Dans le Rhône, 
où on l'emporta ensuite, les mêmes phénomènes terri- 
bles se reproduisirent. Enfin, on le précipita dans un 
petit lac, situé près de Lucerne, au sommet du mont 
Pilate, dont le nom viendrait précisément de cel épi- 
sode. Ou bien, après avoir erré au loin, poursuivi par 
le remords, l'ancien procurateur serait allé de lui-même 
cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et 
aurait fini par se noyer de désespoir dans le lac qu'on 
y voit encore. Cf. A. Lùtolf, Sagen, Branche und Le- 
genden an den fûnf Orten, Lucerne, 1865; Creizenach, 
Pilatus-Legenden, 1894; James, Apocrypha anecdota, 
dans les Texts and Studies, édités par Robinson, t. v, 
fasc. i, 1897, p. xlv-l, 65-81. 

Fait surprenant : cette triste figure a excité de bonne 
heure une certaine sympathie. Il est vrai que c'était à 
une époque où l'on aimait à disculper Pilate et les Ro- 
mains, pour aggraver le crime des Juifs déicides. Comp. 
VEvangel. Pétri, dans E. Preuschen, Antilegomena, 
die Reste der ausserkcmonisc/ien Evangelien, Giessen, 
1901, in-12, p. 13-18. C'est ainsi que, d'après la Para- 
dosis Pilati, le gouverneur, condamné â mort par 
Tibère et sur le point d'être exécuté, conjure Notre- 
Seigneur de ne pas permettre qu'il soit châtié avec 
les Juifs, et allègue son ignorance pour excuser en 
partie sa conduite. Une voix lui répond du ciel, et 
l'assure que toutes les générations le proclameront 



bienheureux, et qu'il sera un témoin du Christ lors de 
son second avènement, pour juger avec lui les douze 
tribus d'Israël. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426- 
431. Les Abyssins vont même jusqu'à l'honorer comme 
un martyr, et célèbrent sa fête le 25 juin. Cf. Stanley, 
Lectures on the History of the Eastern Church, in-8», 
Londres, 1865, 3 e édit., p. 13. Le mot de Tertullien au 
sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus, 
Apolog., 21, t. j, coi. 12, provient d'un sentiment ana- 
logue, qu'on retrouve dans l'évangile de Nicodème, i, 2, 
où Pilate est désigné comme « incirconcis dans la chair, 
mais circoncis de cœur ». Voir Tischendorf, Evang. 
apocr., p. 236; Origène, Hom. in Matth., xxxv, t. xm, 
col. 1773. On savait gré au gouverneur de la Judée des 
tentatives, pourtant si molles, qu'il avait faites pour 
arracher Jésus-Christ à la mort. 

6° Bibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5 e édit., 
in-12, Leipzig, 1865, p. 248-249, cite une littérature 
considérable composée sur PiWle. Voir aussi. ï.\tt\vatd, 
Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung 
von i884-1900, l re partie, p. 144-146. Parmi les livres 
les plus récents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage 
Jesu, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-294; 
Mommsen, Rômische Geschichte, in-8», t. v, 4 e édit., 
Berlin, 1894, p. 508 sq. ; P. Waltjer, Pilatus, eene 
Studie, in-8», Amsterdam, 1888; G. A. Mùller, Pontius 
Pilatus, der fûnfte Procurator von Judàa, Stuttgart, 
1888; Grâtz, historien juif, Geschichte der Juden, t. m, 
p. 253-271; A. E. Innés, The Trial of Jésus Christ, a 
légal monograph, Edimbourg, 1899, in-8°, p. 61-123; 
E. Schùrer, Gesch. des jùdischen Volkes im. ZeitaUer 
Christi, in-8», t. i, 4« édit., Leipzig, 1904, p. 487-492; 
J. Belser, Die Geschichte des Leidens und Sterbens, 
der Auferstehung und Himmelfahrt des Herrn, in-8°, 
Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372. 

L. E'iLLION. 

2. PILATE (ACTES DE), livre apocryphe Voir Évan- 
giles APOCRYPHES, t. II, Col. 2116. 

3. PILATE (FEMME DE). — Elle n'est mentionnée 
dans les Évangiles que par saint Matthieu, xxvh, 19 : 
« Pendant qu'il (Pilate) était sur son tribunal, sa femme 
lui envoya dire : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste 
(Jésus-Christ), car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en- 
songe à son sujet. » A part ce trait touchant, qui mani- 
feste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie 
pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s'em- 
barrassât dans de graves difficultés, s'il ne se dégageait 
immédiatement de ce procès, nous ne savons rien de 
bien certain sur elle. — Une ancienne tradition l'appelle 
Procla, Up6%la, ou Claudia Procula, et fait d'elle une 
femme pieuse, bien plus, une « prosélyte de la porte ». 
Voir Prosélyte. Dans l'Évangile de Nicodème, chap. n, 
Pilate dit d'elle : 6eoae|3r)ç ê<m xai |i5Mov iouBatCec. 
Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8», 1832, 
t. I, p. 523; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8», 
Leipzig, 1851 , p. 332 ; Nicéphore, Historiée, 1, 30, t. cxlv, 
col. 720. Or, nous savons par Josèphe, Ant., XVIII, m, 
5; Bell, jud., xx, 2, et par Juvénal, Sat., vi, 543, que 
les femmes romaines, même celles qui appartenaient 
aux classes supérieures, étaient attirées par la religion 
judaïque, qui parlait beaucoup plus à leur âme que le 
paganisme si vide d'alors. Il est probable que la femme 
du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur, 
et qu'elle avait conçu une grande admiration pour sa 
conduite et son enseignement. 

Les interprètes discutent sur la nature du songe au- 
quel fait allusion son message à Pilate. Plusieurs au- 
teurs contemporains le regardent comme un fait pure- 
ment naturel, provoqué par l'arrestation et le procès 
ecclésiastique de Jésus, dont elle aurait été informée 
avant de s'endormir. Voir Langen, Die letzten Lebens- 
tage Jesu, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 274-275- 



435 



PILATE (FEMME DE) — PIN 



436 



Mais nous croyons, à la suile des Pères et de la grande 
majorité des commentateurs, qu'il est difficile de ne 
pas reconnaître à ce songe un caractère non seulement 
providentiel, mais vraiment surnaturel. Toutefois, les 
anciens écrivains ecclésiastiques n'apprécient pas tous 
de la même manière cette intervention surnaturelle. 
Il en est qui l'attribuent au démon. La plupart des 
exégètes lui donnent une origine céleste. Voir Origène, 
Hom. in Matth., xxxv, t. xni, col. 1773; S. Jean Chry- 
sostome, Hom. lxxxvi in Matth., 1, t. Lvnr, col. 764; 
Schanz, Commentai ûber das Evangel. des heilig. 
Matthâus. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 540; 
Ma' Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 2 e édit., 
in-8», t. ni, Paris, 1887, p. 315. 

On a essayé, il est vrai, d'attaquer la valeur histo- 
rique de cet épisode, en rappelant la loi romaine qui 
interdisait aux proconsuls, et aussi aux autres magis- 
trats délégués dans les provinces, de se faire accompa- 
guer par leurs femmes; mais cette loi, observée avec 
rigueur sous la république, tomba en désuétude à 
l'époque de l'empire, comme nous l'apprennent for- 
mellement Tacite, Ann., m, 33-34, et Suétone, Au- 
gust., 24. Voir aussi Josèphe, Ant., XX, x, 1; Ulpien, 
iv, 2. 

D'après une tradition qui remonte au moins jusqu'au 
temps d'Origène, a femme de Pilate aurait été récom- 
pensée de son dévouement pour Notre-Seigneur en 
acceptant la foi chrétienne. Voir Origène, Hom. in 
Matth., xxxv, t. XIII, col. 1773, et les lettres apocryphes 
qu'auraient échangées Pilate et Hérode, dans M. R. Ja- 
mes, Apocrypha anecdota, 2 e série, Cambridge, 1897, 
in-8°, p. 66-75. Le ménologe grec va même jusqu'à la 
ranger parmi les saints et place sa fête le 27 octobre. 
Cf. Calmet, Dictionn. de la Bible, au mot Procla, 
édit. Migne, t. m, col. 1268. L. Fillion. 

PILON (hébreu : 'ëlî; Vulgate : pilus), masse de 
bois, de métal (fîg. 84) ou de pierre (fig. 85) destinée à 



un mortier, comme on broie le grain, avec le pilon, sa 




85. — Pierres de quartz pour piler le grain, trouvées à Tell- 
Yehudiyéh (XVIII' dynastie). D'après W. M. Flinders Patrie, 
Hyksos and Israélite Cities, in-4", Londres, 1906, pi. xv et 
p. 17. 

folie ne se séparera pas de lui, » comme l'huile se sé- 
pare des olives. H. Lesètre. 

'PIN (hébreu : 'orén; Septante : tuîtuç; Vulgate : 
pinus), arbre vert assez abondant en Palestine. 

I. Description. — Les arbres résineux de la famille 
des Conifères doivent ce nom à leur appareil fructifère 
ou cône formé d'écaillés servant à protéger les graines. 
Mais entre tous leurs congénères les Pins se distinguent 
par la forme de ces écailles pourvues sur le dos d'une 
proéminence ou apophyse. Leur feuillage n'est pas 
moins caractéristique, car les aiguilles foliaires, sur 
l'arbre adulte, sont réunies par petits groupes, de 




84. 



' Égyptiens pilant dans un mortier. Thèbes. L'inscription porte : k « Dépêchez-vous tous à l'ouvrage en prenant soin 
de tout ce qui vous est donné ; faites le pain. » ( « On pile le grain dans les greniers de... » 
D'après Wilkinson, Manners of ancient Egygtians, 2- édit., t. n, p. 204. 



concasser et à écraser les objets placés dans un mortier. 
Voir Mortier, t. iv, col. 1311. — La manne est com- 
parée à « quelque chose de menu comme des grains », 
et, d'après la Vulgate, à « quelque chose d'écrasé au 
pilon ». Exod., xvi, 14. Les grains peuvent être écrasés 
au pilon; mais, si la manne se prêtait au travail de la 
meule ou du pilon, elle n'apparaissait pas à l'état concassé 
quand elle tombait. Voir Manne, t. iv, col. 657. — Les 
enfants d'Israël doivent apporter, pour le luminaire du 
sanctuaire, de l'huile « d'olives concassées », Septante : 
xîvtofiuivov, « martelées », et équivalemment, d'après 
la Vulgate, « martelées au pilon ». Exod., xxvn, 20. — 
Le mot « pilon » ne se lit en hébreu que dans ce texte 
des Proverbes, xxvn, 22 : « Qu'on pile l'insensé dans 



deux ordinairement, protégés chacun par un involucre 
de folioles scarieuses. La floraison a lieu au printemps, 
au lieu d'être automnale comme chez les Cèdres; les 
fleurs mâles émettent alors en extrême abondance la 
poussière pollinique qui emportée par le vent simule 
une pluie de soufre. Les cônes mettent parfois 3 ans 
avant d'atteindre leur maturité. Il en est ainsi, par 
exemple, dans le Pin-Pignon (Pinus Pinea L.), bel 
arbre de la région méditerranéenne que la disposition 
étalée de ses branches au sommet de la tige a fait nom- 
mer aussi Pin-Parasol. Son cône est ovoïde obtus avec 
des écaillesluisantes; ses graines deviennentdes amandes 
comestibles et volumineuses revêtues d'une coque noi- 
râtre, très dure, à aile presque nulle. Le Pin d'Alep, 



437 



PIN — PINACLE DU TEMPLE 



438 



P. Halepensis Miller (fig. 86), est l'espèce la plus 
répandue en Syrie, où elle remplace le Pin maritime 
des rivages occidentaux; ses feuilles sont grêles et 
flexueuses ; ses cônes, plus allongés et penchés à 
l'extrémité d'un court pédoncule, mettent 2 ans à mûrir ; 




Pinus Halepensis. Branche, cône, fleur, graine. 



les graines petites, couvertes d'un tégument mou, sont 
prolongées en aile roussàtre. Enfin dans la région éle- 
vée du Liban on observe un Pin très voisin du précé- 
dent, P. Brutia Tenore, distinct toutefois par ses 
feuilles plus épaisses, rigides, ainsi que par ses cônes 
sessiles non pendants. F. Hy. 

II. Exégèse. — L'arbre appelé 'orén n'est mentionné 
qu'une seule fois dans la Bible, Is., xnv, 14, dans un 
passage où le prophète se moque de l'idolâtre qui est à 
la recherche de bois dont il prend une partie pour se 
tailler des idoles, et dont il brûle le reste. 

Un homme va couper des cèdres, 

Il prend des rouvres et des chênes, 

Il fait un choix parmi les arbres de la forêt 

Et même il plante le 'orén que la pluie fait croître . 

Il s'agit d'un arbre dont le bois est bon à brûler et 
peut être utilisé pour sculpter des idoles, un arbre 
qu'on peut mettre en parallèle avec le cèdre ou le chêne, 
qui s'en distingue cependant sous certains rapports. 
Le cèdre, le rouvre et le chêne sont placés ici parmi 
les arbres des forêts qu'on n'a pas besoin de planter et 
qu'on ne cultive pas. Le 'orén est signalé comme un 
arbre qu'on plante, mais cependant ce n'est pas un arbre 
qu'on soigne et qu'on arrose selon les procédés habi- 
tuels de la Palestine pour les plantes et les arbres culti- 
vés. On laisse à la pluie du ciel le soin de l'arroser. 
Tous ces caractères paraissent bien convenir à diverses 
espèces de pin qu'on rencontre abondamment en 
Palestine, surtout dans les terrains sablonneux, comme 
le Pin d'Alep, Pinus Halepensis, le Pin-Pignon ou Pa- 
rasol, Pinus Pinea, et le Pinus Brutia. C'est ainsi du 
reste que l'entendent les Septante et la Vulgate qui 
traduisent 'orén par iu'tv;, et pinus. Bien qu'il y ait 
grande divergence parmi les rabbins sur la nature 
de cet arbre, beaucoup cependant s'arrêtent au pin, et 
l'identifient avec l'arbre que les arabes appellent -j*X*a, 

snaubar, et qui n'est autre que le pin; ou bien ils le 
rangent dans la même famille que les arazim, « cèdres, n 
et les beroSîm, les cyprès: ce qui convient bien au pin. 



Cependant il est des critiques qui croient que le mot 
'orén, pj«, dont le nun final n'est pas régulièrement 
formé dans les anciens manuscrits et pourrait bien 
être un zaïn mal écrit, n'est autre que tin, 'éréz, le 
cèdre. Ils pensent aussi que la suite logique du sens 
demande qu'on lise à rebours les stiques de ce verset : 
car il est naturel de planter le cèdre avant de le couper. 
Ils ont ainsi : 

On a planté des cèdres et la pluie les fait croître, 
On laisse grandir les arbres de la forêt, 
Puis on prend le rouvre et le chêne, 
Et l'on coupe les cèdres. 

C'est le sens auquel s'arrête A. Condamin, Le livre 
d'Isaîe, 1905, p. 269. Cette leçon et ces transpositions sont 
loin toutefois d'être certaines, et pourraient bien n'être 
qu'une interprétation de ce passage, inspirée d'un point 
de vue trop subjectif. Les anciennes versions tiennent 
pour un mot différent de 'éréz, c'est-à-dire pour 'orén, 
« pin. » Et on peut trouver une suite logique à la pensée 
sans rien bouleverser. L'idolâtre cherche d'abord parmi 
les arbres des forêts, le cèdre, le rouvre et le chêne; il 
en vient même à planter des pins afin d'avoir du bois 
à sa convenance pour se tailler des idoles. Rien ne pa- 
raît donc exiger de transposition; et la lecture 'orén et 
sa traduction par « pin » sont suffisamment justifiées. 
Cette traduction d'ailleurs trouve une certaine confir- 
mation dans un texte égyptien du Papyrus Anastasi, 
i, 19, 3. Dans une description d'un site de Palestine, 

se lit le nom I . . . | t II, anourna, arrouna, qui 

rappelle l'hébreu 'orén, pin. Le rapprochement est 
d'autant plus vraisemblable que ce mot est placé entre 
deux noms de conifères, le cyprès et le cèdre, et que 
ces trois arbres sont dits « atteindre jusqu'au ciel ». 
Tous ces caractères semblent bien viser le pin-pinier. 
J. Lauth, dans la Zeitschrift der deutsch. morgenlànd. 
Gesellsch., 1871, p. 620; V. Loret, Études de botanique 
égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la 
philol. et archéol. égypt., in-4°, 1895, p. 187. 

E. Levesqde. 
PINA (Jean de), commentateur espagnol, né à Ma- 
drid en 1582, mort dans la même ville en 1657. Entré 
au noviciat des Jésuites d'Alcala en 1603, il remplit 
divers offices dans son Ordre. Son volumineux commen- 
taire sur l'Ecclésiastique, Commentariorum in Eccle- 
siasticum tomi quinque, parut à Lyon de 1638 à 1648, 
5 in-f°. On y rencontre des idées élevées, ingénieuses, 
des aperçus nouveaux, mais aussi parfois des longueurs 
et du remplissage. P. Bliard. 

PINACLE DU TEMPLE, partie du Temple de 
Jérusalem sur laquelle le diable transporta Notre-Sei- 
gneur pour le tenter. Le récit de la tentation est le 
seul endroit du Nouveau Testament où nous rencon- 
trons ce terme : tb UTepûyiov toû EepoO, pinnaculum 
templi,N[3\t\i.,vi,§;pinnatempli, Luc, tv,9. IlTepuycov 
est le diminutif de icTépuS, « aile », comme pinnacu- 
lum l'est de pinna, qui désigne en latin une grosse 
plume d'oiseau, ou une nageoire de poisson, cf. Lev., 
xi, 9, 10, 12; Deut., xiv, 9, 10, ou des créneaux de mu- 
raille. Les Septante emploient le mot utépuyiov — 1. pour 
traduire l'hébreu kànâf, signifiant la partie du vête- 
ment, le bord qui pend comme une aile, Num-, xv, 38; 
Ruth., m, 9; I Sam. (Reg.), xv, 27; xxiv, 5; — 2. l'hé- 
breu senappir, désignant l'aileron, la nageoire des 
poissons, Lev., xi, 9-12; Deut., xiv, 9, 10; — 3. l'hébreu 
qâsâh, qui s'entend de « l'extrémité » du rational ou 
pectoral. — Que signifie exactement uTépuyiov dans 
l'Évangile? Tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'un 
endroit élevé, ressemblant en quelque manière à une 
aile ou à une pointe, mais on ne s'accorde pas sur sa 
situation précise. Le nom étant précédé de l'article en 



439 



PINACfeE DU TEMPLE — PINTO RAMIREZ 



440 



grec, il en résulte que la partie du temple désignée 
par là était bien connue et déterminée, du temps de 
Jésus-Christ; aujourd'hui on ne peut faire que des con- 
jectures. Selon les uns, le pinacle faisait partie de la 
maison de Dieu, ou du sanctuaire proprement dit; 
selon les autres, il était dans les dépendances du 
temple. Les partisans de cette seconde opinion s'appuient 
sur ce que le sanctuaire est appelé dans le Nouveau 
Testament & va<5ç et que le pinacle est appelé pinacle toû 
îepoû, non toû vaoû. Ceux qui soutiennent la première 
opinion reconnaissent que le mot vatfç s'applique ex- 
clusivement à « la maison de Dieu », mais ils allèguent 
que le mot îspov, quoiqu'il puisse s'entendre quelquefois 
seulementdes dépendances du temple, Matth., xxi, 12, 14; 
xxvi, 55; Marc, xiv, 49; Luc, xix, 47; xxi, 37; xxii, 53; 
xxiv, 53, etc., comprend en réalité le vaô; avec ses dépen- 
dances, Matth., xn, 6; xxiv, 1; Marc, xm, 3; Luc, 
xxl, 5; xxii, 52; par conséquent le pinacle pourrait avoir 
été à la rigueur une partie du vao"ç. Ce n'est donc pas 
sur le mot ieptfv seul qu'on peut s'appuyer pour fixer 
la position du pinacle. 

1° Ceux qui le placent sur le sanctuaire proprement 
dit sont loin d'être d'accord entre eux. — 1. Grotius 
entend par ifrepû-ftov le parapet qui entourait le toit 
de la maison de Dieu, conformément à l'usage juif. Voir 
Parapet, t. iy, col. 2153. Ce parapet, d'après le Talmud, 
Middoth, iv, 6, avait trois coudées de hauteur, un peu 
plus d'un mètre et demi. — 2. D'autres commentateurs 
pensent que le pinacle est le faite du toit, ce qui 
s'accorde mal avec ce que nous apprend Josèphe, 
Bell, jud., V, v, 6, à savoir que le faîte était hérissé 
de pointes d'or afin que les oiseaux ne pussent pas s'y 
reposer. —3. D'après Ligthfoot, Horx hebraicx, Matth., 
iv, 5, Works, 1684, t. n, p. 130, le pinacle peut être le 
nom donné au portique de la maison de Dieu, abttt, 
'ùldm, parce qu'il débordait comme des ailes à droite 
et à gauche l'édifice de la maison de Dieu. On peut allé- 
guer contre cette opinion, de même que contre les deux 
précédentes, que les termes itTspOfiov TO îepoû s'enten- 
dent plus naturellement des dépendances du temple que 
de la maison de Dieu, mais surtout que Jésus-Christ, 
n'étant pas de la tribu de Lévi, se trouvait empêché par 
la Loi de pénétrer dans le sanctuaire. Le roi Hérode, 
même pendant qu'il fit reconstruire la maison de Dieu, 
ne put jamais y entrer. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5. 
2° Le pinacle, d'après ceux qui le placent dans les 
dépendances du Temple, faisait partie du grand por- 
tique qui fermait l'aire sacrée à l'est et au sud. Josèphe, 
Ant. jud., XV, xi, 5, décrit ce portique en ces termes : 
« Au sud (de la cour des Gentils) était le portique royal 
(ttjv padî'Xetov crroâv), qui était triple et s'étendait de la 
vallée orientale jusqu'à la vallée occidentale; il était 
impossible d'aller au delà. C'est le plus remar- 
quable des travaux qu'ait éclairés le soleil. La vallée 
est tellement profonde, que les yeux de celui qui re- 
garde en, bas en sont troublés. [Hérode] y éleva un 
portique [soutenu par un mur de terrassement] d'une 
immense hauteur.Si quelqu'un voulait du haut voir 
jusqu'au fond, il s'exposerait à être pris de vertige. » 
La muraille surplombe en effet la vallée du Cédron 
qui forme au-dessous un affreux précipice. Josèphe, 
Ant. jud., XX, îx, 7. Quand on cherche sur les lieux 
mêmes à se rendre compte de la scène décrite par 
l'Évangile, on est amené naturellement à cette conclu- 
sion : c'est au-dessus de la haute muraille qui soutient 
la terrasse du temple du côté de la vallée, que 
le démon a dû transporter Notre-Seigneur, car en 
aucun autre endroit, il ne pouvait le tenter avec autant 
de force, en lui disant : « Si tu es le Fils de Dieu, pré- 
cipite-toi en bas. » Matth., iv, 6. — Ajoutons que, 
d'après le témoignage d'Hégésippe et de Clément 
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., n, 1, 23, t. xx, col. 136, 
196, 200, l'apôtre saint Jacques le Mineur, le premier 



évêque de Jérusalem, fut précipité du pinacle du Temple, 
itTspuT'ov, dit Clément, TtïépuY'ov toû ieooû, dit d'abord 
Hégésippe, et puis irrépimov toû vaoO, col. 200, mais le 
mot vho'ï, dans son sens précis, ne peut être exact, parce 
que ni saint Jacques ni le peuple auquel il parlait ne 
pouvaient pénétrer dans le vaoç. Ce n'est que dans le 
parvis que l'Apôtre a pu adresser un discours aux Israé- 
lites et ce n'est que du portique extérieur qu'il a pu être 
jeté en bas. Le pinacle était donc une partie du por- 
tique. Lorsque l'Apôtre eut été achevé par le bâton d'un 
foulon, il fut enseveli à l'endroit même où il avait con- 
sommé son martyre, ajoute Hégésippe, ce qui ne peut 
être vrai que s'il était mort en dehors de l'enceinte du 
Temple, c'est-à-dire dans la vallée de Cédron où l'on 
enterrait en effet les défunts, tandis qu'il était impos- 
sible d'enterrer dans le Temple même. La tradition locale 
place le tombeau de saint Jacques à l'angle sud-est de 
l'esplanade du Temple, voir Jacques 2, t. m, col. 1088, 
dans la vallée de Josaphat. Ces divers détails s'accordent 
très bien avec l'opinion qui place le pinacle au-dessus 
de la vallée du Cédron et la confirment par là même. 

F. VlGOUROUX. 

PINCETTES (hébreu : mahtâh, mélqâhtayîm, 

malqâhayim ; Septante : laêk; Vulgate : forceps), 

instrument de métal composé de deux tiges qu'on peut 

rapprocher pour saisir un objet (flg. 87). — Il n'est 



87. — Pincettes romaines antiques. 

D'après Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités, 

t. n, flg. 3163, p. 1240. 

question de pincettes que dans la description du mobi- 
lier du sanctuaire que Moïse fit exécuter. Exod., xxv, 
38; xxvn 3; xxxvn, 23; xxxvm, 3. Elles servaient à 
mettre du feu dans les encensoirs, Num., xvi, 6, 7, et 
à disposer les mèches des lampes. Num., IV, 9. Salo- 
mon fit fabriquer en or les pincettes du Temple. 
III Reg., vu, 49; II Par., iv, 21. Dans une de ses vi- 
sions, Isaïe, vi, 6, vit un ange prendre un charbon ar- 
dent sur l'autel avec des pincettes, afin de lui purifier 
les lèvres. H. Lesêtre. 

PINEDA (Jean de), commentateur espagnol, né à 
Séville en 1558, mourut dans cette ville le 27 janvier 
1637. Reçu dans la Compagnie de Jésus en 1572, il 
s'appliqua à l'étude de l'Écriture Sainte qu'il enseigna 
ensuite pendant 18 ans à Cordoue, Séville et Madrid. 
Le premier ouvrage d'exégèse dû à la plume de P. Pi- 
neda est le Commentarionmi in Job libri tredecim; 
il parut à Madrid en 1597-1601, 2 in-f°. Des rééditions 
de cette œuvre capitale se succédèrent à intervalles 
rapprochés dans diverses villes de l'Europe, Madrid, 
Cologne, Séville, Venise, Paris. — Ses travaux sur Sa- 
lomon, Ad suos comtnentarios Salomon prsevius, id 
est, de rébus Salomonis régis libri octo, quoique 
moins considérables, eurent également beaucoup de 
vogue à son époque; ce travail qui parut à Lyon en 
1609, fut réimprimé à Venise en 1611 et à Mayence en 
1613. Il donna enfin des Commentarii in Ecclesiasten, 
in-4°, Séville, 1619, Paris, 1620, et Prselectio sacra in 
Cantica Canticorum , in-4°, Séville, 1602. Ces ouvrages 
témoignent d'une science aussi vaste que sûre. 

P. Bliard. 

PINTO RAMIREZ André, commentateur portugais, 
né à Lisbonne en 1595, mourut le 23 mai 1654. Admis 
dans la Compagnie de Jésus en 1617, il enseigna long- 
temps la rhétorique, puis l'Écriture Sainte à Salanianque; 
son Canticum Canticorum Salomonis dratnatico te- 
nore, litterali allegoria, tropologicis notis explicatum, 
in-8", Lyon, 1642, est curieux et original plutôt que sûr. 



441 



PINTO RAMIREZ 



PIS1DIE 



442 



Son explication de l'Apocalypse qui contient les aver- 
tissements aux sept évêques d'Asie, offre de précieux 
enseignements moraux. Conimentarius in Epistolas 
Christi Domini ad septetn Episcopos Asise quse in 
Apocalypsi continentur. Lyon, 1652, in-fol. 

P. Bliard. 
PIOCHE (hébreu : ma'edêr"; Vulgate : sarculuni), 
instrument destiné à défricher le sol. Notre fer de 
pioche se termine d'un côté en pic et de l'autre en 
houe. Pline, H. N., xvm, 49, 2, dit que le sarculuni 
servait surtout à la petite culture dans les régions mon- 
tagneuses. Le ma'edêr dont parle Isaïe, vu, 25, est 
précisément employé dans les mêmes conditions. Le 
même mot désignait sans doute des instruments ana- 
logues, constituant des houes plus ou moins étroites. 
Voir Houe, t. m, col. 766. H. Lesêtre. 

PIRES Jacques, commentateur flamand, né à Anvers 
le 22 janvier 1680, mort à Bruxelles le 3 janvier 1750, 
entra au noviciat de Ja Compagnie de Jésus à Malines 
en septembre 1698 et professa la théologie et l'Écriture 
sainte. Dans son Commentarius in sanctwm Jesu 
Christi evangelium secundum Matthseum, necnon se- 
cundum Marcum, Lucam et Joanriem, Louvain, 1747, 
in-8», Malines, 1823, il s'applique plus particulièrement à 
montrer l'accord des quatre écrivains sacrés d'après 
saint Augustin, Maldonat et Cornélius a Lapide; puisa 
fournir des armes contre les hérétiques, à mettre en 
relief les idées mystiques auxquelles le texte peut se 
prêter sans effort. P. Bliard. 

1. PISCINE (hébreu : berêkâh; Septante : xp^rj, 
xoXu(/,ëïj8pot; Vulgate : piscina, natatoria), bassin arti- 
ficiel à ciel ouvert, construit pour garder l'eau des 
sources, des pluies ou des aqueducs. Il diffère de la 
citerne, ordinairement couverte, moins vaste et alimentée 
seulement par l'eau de pluie. Voir Citerne, t. n, 
col. 787. — Différentes piscines sont mentionnées dans 
la Bible, la piscine de Gabaon, II Reg., n, 13, voir t. m, 
col. 19; les piscines d'Hésébon, Cant., vu, 5, voir t. m, 
col. 659; la piscine de Samarie, III Reg., xxii, 38; les 
piscines attribuées à Salomon, Eccle., n, 6, voir t. i, 
col. 799, et les piscines de Jérusalem ; la piscine supé- 
rieure, sur le chemin du champ du Foulon, IV Reg., 
xvm, 17; Is., vu, 3; xxxvi, 2; la piscine inférieure, 
Is., xxii, 9, 11; la piscine attribuée à Ézéchias, IV Reg., 
xx, 20; II Ksd., m, 16; la piscine du roi, II Esd., n, 
14; la piscine de Siloé, II Esd., m, 15; Joa., ix, 7, 11, 
et la piscine probatique ou de Bethesda. Joa., v, 2, 4, 
7. Sur les piscines actuelles de la ville, voir Jérusalem, 
t. m, fig. 245, 246, col. 1347, 1350. Cf. C. Mommert, 
Topographie des alten Jerusalems, 3 in-8°, Leipzig, 
1900-1905, t. m, p. 76-102. Pour la piscine supérieure 
voir Piscine 2. Ézéchias fit déverser par un aqueduc 
la fontaine de Gihon dans la piscine de Siloé (voir 
Ajueduc, t. i, col. 804), appelée pour cette raison pis- 
cine inférieure. L'attribution de piscines à l'initiative 
de ce roi ne vise pas autre chose que ce travail, qui 
eut pour résultat d'alimenter la fontaine de Siloé. Voir 
Siloé. Quant à la piscine du roi, c'était sans doute celle 
que Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, appelle piscine de 
Salomon et qu'il place à l'est de Siloé. Voir son empla- 
cement, t. m, fig. 249, col. 1356. Sur la piscine Proba- 
tique, voir Bethsaïde, t. i, col. 1723. — Nahum, n, 8, 
compare Ninive, au temps de sa prospérité, à une pis- 
cine d'eaux; ni les habitants, ni les ressources ne man- 
quaient alors à la cité. — Les piscines servaient à 
recueillir l'eau pour différents usages. La piscine de 
Siloé recevait par un aqueduc creusé dans le roc l'eau 
de la source de Gihon, que l'on tenait à soustraire aux 
atteintes d'un ennemi assiégeant la ville. On puisait 
aux piscines l'eau à boire, Luc, sxii, 10; on y lavait 
des objets divers et l'on s'y baignait, comme à la pis- 



cine de Samarie, III Reg., xxii, 38, à la piscine de Beth- 
esda, Joa., v, 4, et très probablement dans les autres. 
Voir Bain, 1. 1, col. 1387. C'est- encore ce qui se pratique 
aujourd'hui aux piscines de Siloé et de la Vierge. 
Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 
1894, 1. 1, p. 376-379. " H. Lesêtre. 

2. PISCINE SUPÉRIEURE (hébreu : berêkâh hd-'élyô- 
ndh, Septante :^xoXu[i6i^9paTi avw), piscine située près de 
Jérusalem, où conduisait une route appelée chemin du 
champ du Foulon. Elle est mentionnée en deux occa- 
sions : 1° C'est en cet endroit que fut faite la prophétie 
d'Emmanuel, Is., vu, 3;s2° C'est là que le Rabsacès et 
les envoyés de Sennachérib s'adressèrent au peuple 
qui était sur les murs de la ville pour le presser de se 
soumettre au roi d'Assyrie. IV Reg., xvm, 17; Is., 
xxxvi, 22. Il résulte des détails de cette dernière scène 
que la piscine était en dehors de la ville. Pendant 
longtemps on a cru que la piscine supérieure se trou- 
vait à l'ouest de Jérusalem à l'emplacement du Birket 
Mamillah actuel. Voir Jérusalem, t. in, col. 1349; 
Champ du Foulon, t. n, col. 529. Cf. C. Mommert, 
Topographie des alteri Jérusalem, m Th., Leipzig 
(1905), p. 76-79, 132. Plusieurs savants contestent 
aujourd'hui cette identification et identifient la piscine 
supérieure avec une des piscines de Siloé. Voir J. Ben- 
ziger, Hebrâische Archàologie, 1894, p. 52. 

PISIDIE (grec : RimS(a), contrée située dans la 
partie sud-ouest de l'Asie Mineure, et mentionnée deux 



"s -I "- £} r 



«v.-. I 



88. — Carte de la Pisidie.i 

fois dans le Nouveau Testament : Act., xin, 14, et 
xiv, 24. 

1° Limites. — Elle était enclavée entre le haut pla- 
teau phrygien et la vaste plaine de Pamphylie. Ses 
limites précises ne peuvent pas plus être déterminées 
que celles d'autres nombreuses provinces de la pénin- 
sule asiatique, car elles varièrent aux différentes 
époques de l'histoire. On peut dire du moins avec assez 
d'exactitude, qu'à l'époque qui nous intéresse, la Pisidie 
était bornée au nord par la Phrygie; au sud, parla 
Pamphylie, qui la séparait de la Méditerranée; à l'est, 
par le territoire isaurien et la Lycaonie ; à l'ouest et au 
sud-ouest, par la Carie et la Lycie (fig. 88). 

2° Géographie physique. — La Pisidie était un dis- 
trict rocheux, montagneux, formé par la chaîne du 
Taurus occidental, qui a, dans ces parages, quelques- 
uns de ses pics les plus élevés. C'est une des contrées 
les plus sauvages, les plus accidentées et les plus pitto- 
resques de l'Asie Mineure. Çà et là s'ouvrent de larges 
vallées, où coulent des cours d'eau dont plusieurs, tels 
que le Kestros, PEurymédon et le Mêlas, sont considé- 
rables et vont se jeter dans le golfe de Pamphylie. Dans 
la partie septentrionale du pays se trouvent plusieurs 
lacs salés, et aussi le grand lac d'eau douce qui porte 



443 



PISIDIE — PISTACHE 



le nom- A'Egherdîn Gœl. Au sud, les montagnes des- 
cendent d'une manière assez abrupte dans la plaine 
pamphylienne et, sur la partie inférieure de leurs pentes 
fort bien exposées, croissent l'olivier, le styrax et plu- 
sieurs autres plantes aromatiques. 

3» Population et histoire de la Pisidie. — Les 
Pisidiens formaient une race montagnarde âpre et 
belliqueuse, passionnée pour la liberté et ardemment 
hostile à tout ce qui pouvait gêner son indépendance. 
Strabon, XII, vi, 7; Pline, H. N., v, 24. On ignore 
quelles étaient leurs origines ethnologiques. Ils furent 
d'abord gouvernés par des chefs héréditaires; puis 
Amyntas, le dernier roi des Galates, réunit tout le pays 
sous sa domination, en 36 avant J.-C. C'est Xénophon, 
dans son Anabasis, I, i, 11; II, i, 4, etc., qui fait la 
première mention historique des Pisidiens. Ne re- 
doutant rien, ils troublaient fréquemment le repos des 
contrées voisines, par des invasions soudaines et ter- 
ribles, dont ils revenaient chargés de butin. Cf. Stra- 
bon, l. c; Tite Live, xxxv, 13. On comprend donc 
qu'ainsi exercés à la guerre et au brigandage, ils aient 
fait, à l'occasion, d'excellents soldats. Voir Josèphe, 
Ant. jud., XIII, xm, 5; Bell.jud., xliii, 3. Aussi, ni 
les Perses, ni Alexandre le Grand, ni les Séleucides, 
ni même les Romains ne réussirent-ils à les subjuguer 
complètement. Si le général romain Quirinius parvint 
à s'emparer de la citadelle de Cremna, après de longs 
efforts, et à y installer une colonie de vétérans, et si 
d'autres colonies furent également établies à Antioche 
et en d'autres localités, Pline, B. N., v, 24, le cœur de 
la contrée ne fut jamais dompté. Après cette conquête 
imparfaite de Rome, la Pisidie fut rattachée à la pro- 
vince de Galatie (25 avant J.-C.) et puis de Pamphylie. 
Cf. Ptolémée, v, 4 et 5; J. Marquardt, Organisation de 
l'empire romain, t. h, trad. franc., Paris, 1892, p. 238, 
278, 313. Ce n'est qu'en 297 de notre ère, durant le 
règne de Dioclétien, qu'elle devint une province à part, 
gouvernée par un prisses. — On conçoit aisément, 
d'après les détails qui précèdent, que les Pisidiens 
soient demeurés à peu près totalement rebelles à la 
civilisation hellénique. Cependant, le langage et l'art 
grecs pénétrèrent à la longue dans la contrée, comme 
le montrent, d'une part, les inscriptions récemment 
découvertes, et, de l'autre, les restes assez bien conser- 
vés des anciens monuments. On ne possède que de 
rares fragments de la langue propre aux Pisidiens. 
Voir W. M. Ramsay, Inscriptions en langue pisi- 
dienne, dans la Revue des Universités du Midi, 1895, 
p. 353-360. — Les villes principales de la Pisidie, vraies 
forteresses au milieu des montagnes, étaient Sagalassos, 
Selgé, Cremna, Termessos, Pednalissos. Les ruines de 
plusieurs d'entre elles ont été retrouvées de nos jours. 

4° La Pisidie et le Nouveau Testament, -x La Pisidie 
reçut plusieurs fois la visite de saint Paul. Durant son 
premier voyage apostolique, il la traversa du sud au 
nord, avec Barnabe, en venant de Chypre et de Pam- 
phylie. Act., xm, 13-14. Puis il la parcourut de nou- 
veau en sens inverse, du nord au sud, lorsqu'il revint 
de Lystres et d'Icône à Antioche (de Pisidie), et re- 
descendit en Pamphylie. Act., xiv, 20-23. Il est pro- 
bable qu'il visita aussi la partie septentrionale de la 
province au début de son second voyage apostolique, 
en compagnie de Silas et de Timothée, Act., xvi, 6; 
mais cela n'est pas dit explicitement. Saint Luc décrit 
tout au long, Act., xm, 14-52, le ministère et le beau 
succès de l'Apôtre à Antioche. Notons, à ce sujet, une 
double leçon du texte sacré, au passage Act., xm, 14. 
Pour distinguer cette ville importante de plusieurs 
autres cités homonymes, spécialement d'Antioche de 
Syrie, le narrateur emploie, d'après le « textus r'ecep- 
tus », l'expression 'AvttôjrEtav ttJç tliffifiiaç, « Antioche 
de Pisidie »; mais il est vraisemblable, d'après les ma- 
nuscrits N, A, B, C, etc., que la leçon primitive était 



'AvudxE'av tïjv rito-iSfav, « Antioche la Pisidienné. » 
Dans l'énumération des nombreux périls auxquels il 
fut exposé durant son long ministère, saint Paul 
signale en particulier, Il Cor., xi, 26, ceux qu'il courut 
en passant les fleuves et de la part des brigands. Il fit 
sans doute très spécialement l'expérience de ces deux 
sortes de dangers en voyageant sur les routes pisi- 
diennes. D'une part, en effet, il eut à franchir plus 
d'un torrent de montagne, aux eaux gonflées par les 
pluies. D'autre part, ce que nous avons dit plus haut 
du caractère des habitants de la Pisidie montre que les 
« périls des brigands » n'étaient pas rares dans 
cette région. D'ailleurs, les inscriptions anciennes 
qu'on y a trouvées mentionnent en propres termes cette 
espèce de péril. Plusieurs d'entre elles signalent l'exis- 
tence d'un corps de gardiens, qui avaient pour fonction 
principale de protéger les voyageurs et les propriétés 
contre les bandits : ôpoç-jXaxeç, îiapatp'jXaxtaî. Une 
autre est dédiée par des parents éplorés « à Sousou, 
leur fils, gardien des montagnes, égorgé par. des 
brigands. » Voir W. M. Ramsay, Hislorical Geography 
of AsiaMinor, p. 174; Id., The Church in the Roman 
Empire, p. 23-25. 

Il semble qu'il existe encore un vestige du passage 
de saint Paul en Pisidie, dans le nom de Kara Bavlo 
(c'est-à-dire IlaûXo) que portent les ruines de l'ancienne 
ville d'Adada, située autrefois sur la route qui condui- 
sait directement de la côte de Pamphylie à Antioche 
de Pisidie. Cf. Ramsay, The Church in the Roman 
Epipire, p. 20-23. 

Voir Strabon, XII, vi, 7 et 8; Pline, H. N., v, 24; 
Kiepert, Aile Géographie, in-8», p. 127; Conybeare 
et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, Londres, 
1875, in-12, p. 129-134; C. Fouard, Saint Paul, ses 
missions, in-8°, Paris, 1872, p. 28-32; le comte Lan- 
ckoronsiti, Stâdte Pamphyliens und Pisidiens, in-8°, 
t. n, Vienne, 1892. L. Fillion. 

PISTACHE (hébreu : botnîm : Septante : rspéêtvOo;; 
Vulgate : terebinthus), fruit du Pistachier. 

I. Description. — Le Pistacia vera (vulgairement 
Pistachier), fig. 89 est un arbrisseau de la famille des 
Térébinthacées. Les feuilles pennées avec 1 ou 2 paires 
de folioles, rarement réduites à la foliole terminale, 
sont d'abord velues sur toute leur surface, puis à la fin 
seulement aux bords, très amples, coriaces, obtuses 
ou mucronulées, luisantes en dessus, avec des ner- 
vures saillantes. Les fleurs dioïques et apétales, en 
panicules dressées, ont les caractères de celles du 
Lentisque. Mais le fruit devient beaucoup plus gros, 
rouge, oblong, prolongé en apïcule à son sommet. 
Originaire des montagnes du Liban, il s'est répandu 
par la culture dans toute la région méditerranéenne et 
orientale, pour son fruit dont la pulpe est aigrelette 
et comestible. L'amande est oléagineuse, et le bois 
fournit un combustible excellent. Enfin son écorce 
astringente peut servir au tannage, et secrète la résine 
connue sous le nom de Térébenthine de Chio. F. Hy. 

II. Exégèse. — Les botnîm figurent parmi les meil- 
leures productions du pays de Canaan, que les enfants 
de Jacob doivent porter en présent au premier ministre 
du pharaon d'Egypte. Gen., xliii, 11. Que sont ces 
botnîm? A s'en tenir aux seules versions anciennes, il 
serait difficile de décider, puisque les unes, comme 
la version samaritaine, la version arabe des Samaritains 
et celle d'Erpenius voient dans les botnîm les noix du 
pistachier, et les autres plus anciennes et plus nom- 
breuses traduisent par térébinthe, comme les Sep- 
tante, TEpégtv6oç, la Vulgate, terebinthus, le syriaque, 
betmo, le chaldéen, butma', l'arabe, butin. Les Arabes 
appellent actuellement le térébinthe butm, tandis 
qu'ils donnent au pistachier le nom de fistûq. Et les 
noms employés par le syriaque et le chaldéen, betmo, 



445 



PISTACHE 



PLA.CE D'HONNEUR 



446 



butmâ désignent également dans ces langues le téré- 
binthe. Il y a lieu de remarquer cependant que le 
Pistacia vera et le Pistacia terebinthus sont deux 
arbres de la même famille, des plantes ayant entre elles 
de grandes analogies; c'est ce qui a amené les Grecs 
à les confondre. Théophraste, Bisi. pi., iv, 5. Il est 
fort possible que les peuples orientaux aient aussi 
compris sous la même dénomination les deux espèces 
du Pistacia et que tout en traduisant par térébinthe, 
les versions sémitiques aient eu en vue cependant le 
Pistacia vera. Les fruits du térébinthe ne sauraient 
guère être offerts en présent comme une des meilleures 
productions de la Palestine, tandis que la noix du 
pistachier était et est encore très appréciée. C'est ce 
qu'ont bien vu d'anciens commentateurs juifs : ainsi 
le botnah du Tr. Schebi, 7, est regardé par la glose de 




89. — Pistacia vera. 

Bartenora et par Maimonide comme une espèce de 
noix, appelée piDDNS, p'istuq. On sait du reste que le 
pistachier était très répandu en Palestine. La ville de 
Betonim, Job, xm, 26, au pays de Gad, paraît tirer son 
nom de l'abondance de cet arbre. Pline, H. N., xm, 
10, y reconnaît une spécialité de la Syrie, qu'on ne 
trouvait pas en Egypte : ce qui est conforme au texte 
de la Genèse, xliii, 11. Pour ces diverses raisons l'iden- 
tification des botnîm avec les pistaches est très vraisem- 
blable : c'est le sentiment de Bochart, Geograph., t. n, 
1. 1, ch. x; de Celsius, Hierobotanic, in-8°, Amsterdam, 
t. I, p. 24; de Michaelis, Supplementa ad lexica he- 
braica, in-8, Gœttingue, 1792, t. i, p. 171. Cf. I. Low, 
Aramaïsche Pflanzennamen, in-8», p. 420. 

E. Levesque. 
PLACE D'HONNEUR, place attribuée à un per- 
sonnage considérable, -r 1» La droite est ordinaire- 
ment attribuée, dans la Sainte Écriture, à celui qu'on 
veut particulièrement honorer. Dieu fait siéger à sa 
droite le Messie, son Fils incarné. Ps. ex (cix), 1; 
Matth., xxii, 44; Marc, xil, 36; Luc, xx, 42; Act., n, 
34; Heb., I, 13. Devant le sanhédrin, Notre- Seigneur 
annonce, qu'on le verra un jour occuper cette place. 
Matth., xxvi, 64; Marc, xiv, 62; Luc, xxn, 69. Il en 
prend possession au jour de son ascension. Marc, xvi, 



19. Saint Etienne le voit à cette place. Act., vu, 55. 
Les Apôtres parlent souvent du Christ à la droite de 
Dieu. Rom., vin, 44; Col., m, 1; Heb., i, 3; vm, 1; x, 
12; xn, 2; î Pet., m, 22. Au dernier jour, le Fils de 
l'homme occupera le siège de sa majesté pour exercer 
sa fonction déjuge suprême. Matth., xxv, 31. 

2° Le roi Salomon fait asseoir la reine Bethsabée a 
sa droite. III Reg., n, 19. Dans l'épithalame du Psaume 
XLV (xliv), 10, la reine est aussi â la droite du roi. Le 
peuple d'Israël est appelé « l'homme de la droite » de 
Jéhovah, Ps. lxxx (lxxix), 18, à cause de la place 
d'honneur que Dieu lui a assignée parmi les autres 
peuples. Au dernier jugement, les brebis, c'est-à-dire 
les âmes des justes, seront placées à droite. Matth., 
xxv, 33. 11 ne faut pas mettre son ennemi à côté de soi, 
le faire asseoir à sa droite, si l'on ne veut pas être 
supplanté par lui. Eccli., xn, 12. 

3° La place attribuée à quelqu ! un marque sa dignité 
et l'autorité qu'il exerce. Job, xxix, 25, dit que quand 
il se rendait dans l'assemblée de ses concitoyens, on 
lui donnait la première place et il siégeait comme un 
roi. La mère des fils de Zébédée demande à Notre- 
Seigneur que, dans son royaume, ses deux fils soient 
assis l'un à sa droite et l'autre à sa gauche. Matth., xx, 
21. C'était réclamer pour eux les deux premières di- 
gnités dans ce royaume temporel dont on croyait l'éta- 
blissement imminent. La seconde place est attribuée 
au premier ministre du roi. Joseph occupe le second 
char après le pharaon. Gen., xli, 43. Jonathas sera le 
second après David, I Reg., xxm, 27; Elcana est le 
second après Achaz, II Par., xxvm, 7; Aman et Mar- 
dochée occupent la même place auprès d'Assuérus. 
Esth., x, 3; xm, 3, 6. Daniel, v, 7, 16, 29, n'est que le 
troisième dans le royaume, parce que le roi Nabonide 
avait associé au gouvernement son fils Balthasar. 
A Malte, le gouverneur Publius portait le titre de 
irpMTOç, « premier ». Act., xxvm, 7. On regardait 
comme un honneur de siéger au milieu des premiers. 

I Reg., n, 8; III Reg., xxi, 9; Prov., xxxi, 23. Les rois 
mettent leur plaisir dans les trônes et les sceptres, 
Sap., vi, 22; la sagesse vaut mieux que ces choses. 
Sap., vu, 8. Les pharisiens aimaient à occuper les 
premières places dans les festins et dans les syna 
gogues. Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 46 
Quand un riche se présentait dans certaines réunions, 
on lui offrait une place d'honneur en lui disant : 
<jù -/.dcSou 58e xaXw;, « à toi cette belle place ». 
Jacob., ii, 3, — Au jour du jugement, les Apôtres 
siégeront sur douze sièges d'honneur, pour juger avec 
le Fils de l'homme. Matth., xix, 28. Alors celui qui 
aura vaincu sera assis avec le Fils de Dieu sur son 
trône, de même que le Fils est assis sur le trône du 
Père. Apoc.,m, 21. Mais bien des rôles seront changés; 
beaucoup de ceux qui étaient les premiers sur la terre 
seront alors les derniers et réciproquement. Matth., XIX, 
30; xx, 16; Marc, x, 31. 

4° La place occupée à table était en rapport avec la 
dignité de chaque convive. La reine, épouse d'Artaxer- 
xès, est assise auprès du roi pendant le repas, 

II Esd., n, 6, sans doute dans l'attitude iigurçe t. iv, 
flg. 97, col. 290. A l'époque de Notre-Seigneur, on 
recherchait avec avidité les premières places à table. 
Matth., xxm, 6; Marc, xn, 39; Luc, xx, 46. Un jour, 
le divin Maître fut témoin de cet empressement. Il en 
prit occasion pour donner aux convives une leçon de 
savoir-vivre, dont il fit en même temps une leçon d'hu- 
milité. Luc, xiv, 7-11. L'hôte en effet ne respectait pas 
toujours le choix de chaque convive; il faisait monter 
l'un et descendre l'autre, ce qui était une source d'hu- 
miliations pénibles, bien que méritées. Les Apôtres ne 
profitèrent pas de la leçon. Avant la dernière Cène, au 
moment sans doute où il s'agissait de prendre place à 
table, on les voit se disputer sur la préséance. 



447 



PLAGE D'HONNEUR 



PLAIDEUR 



448 



Luc, xxn, 24-30. En leur lavant les pieds lui-même, 
Notre-Seigneur leur montra en quoi consisteraient les 
dignités dans son royaume. Joa., xiii, 4, 5, 13-17. — 
Sur la place occupée par les convives à l'époque évan- 
gélique, voir Lit, t. rv, col. 290-291. 

H. Lesêire. 

PLACE PUBLIQUE (hébreu : hàs,«. le dehors », 
refyob, « ce qui est large », Sûq, « là où -l'on court »; 
Septante : TcÀixteia, nXâxoç, âfopà j Vulgate : platea, 
forum), espace découvert, à proximité des habitations. 
— Dans les villes d'Orient, il n'y avait pas de places 
proprement dites comme dans les nôtres. Les maisons 
étaient resserrées les unes près des autres, les rues 
étroites, souvent tortueuses et encombrées. On se gar- 
dait d'y ménager des emplacements vides, où l'on n'au- 
rait pu s'abriter contre le soleil et qui, dans les villes 
entourées de murs, auraient rendu l'enceinte plus éten- 
due et plus difficile à défendre. Les places n'étaient 
ordinairement que l'espace maintenu libre à l'entrée 
des villes ou des villages. De là les noms qui leur sont 
donnés; ce sont des endroits en dehors de l'agglomé- 
ration, ils sont larges, on peut y courir, ce qui n'était 
pas possible dans les rues. Les places étaient les lieux 
naturellement indiqués pour servir à toutes les mani- 
festations de la vie publique. La Sainte Écriture y fait 
assez souvent allusion. 

1» Quand des étrangers arrivaient, ils se tenaient sur 
la place, jusqu'à ce que quelqu'un leur offrît l'hospita- 
lité. Jud., xix, 16, 17, 20. Parfois, ils préféraient s'y éta- 
blir pour passer la nuit. Gen., xix, 2. Comme la place 
était le lieu de passage de tous les arrivants et de tous 
les sortants, on y cherchait ceux qu'on voulait rencon- 
trer, Cant., m, 2; on y faisait les proclamations publiques, 
Prov., i, 20; Luc, x, 10, les vieillards venaient y devi- 
ser à l'aise, quand la chaleur était tombée, I Mach., 
xiv, 9; on y trouvait les ouvriers à louer, Matth., xx, 3, 
et les convives à inviter. Luc, xiv, 21. Les gens d'im- 
portance aimaient à s'y rendre pour être salués, Matth., 
xxiii, 7; Marc, xn, 38; Luc, xi, 43; xx, 46; mais, 
comme on y rencontrait toutes sortes de personnes et 
d'objets plus ou moins impurs, les pharisiens ne man- 
quaient pas de se laver en revenant de la place publique. 
Marc, vil, 4. Notre-Seigneur voulut bien enseigner sou- 
vent sur les places publiques, Luc, xm, 26, mais sans 
y faire retentir sa voix comme ceux qui veulent im- 
poser à la foule. Matth., xii, 19. Dans les villes et les 
villages, on rassemblait les malades sur les places pu- 
bliques, pour qu'il les guérît. Marc, vi, 56. 

2° Les places étaient le théâtre des événements qui 
intéressaient toute la population. En cas de danger, c'est 
là que retentissaient les cris d'alarme. Ps. cxliv (cxliii), 
14. Les ennemis lès occupaient tout d'abord. Lam., iv, 
18. 'Les Hébreux devaient y brûler tout le butin des 
villes adonnées à l'idolâtrie. Deut, xm, 16. Les Philis- 
tins avaient suspendu les os de Saùl et de Jonathas sur 
la place de Bethsan. II Reg., xxi, 12. Après la défaite, 
la place publique devenait le siège de la désolation 
populaire. Is., xv, 3; Am., v, 16. Menacé par Senna- 
chérib, Ézéchias réunit les chefs militaires sur une 
place, hors de la ville, et les exhorta au courage et à la 
confiance. II Par., xxxn, 6. Esdras lut la loi au peuple 
assemblé sur la place, devant la porte des Eaux, et en- 
suite, sur cette place et sur celle d'aphraïm, on dressa 
des tentes pour célébrer la fête des Tabernacles. II Esd., 
m, 8, 16. Voir Jérusalem, t. m, col. 1364, 1365. Parfois 
aussi, sur les places, on installa les cultes idolâtriques, 
Ezech., xvi, 24, 31, assimilés à la fornication. Cf. Prov., 
vu, 12. 

3° La place publique était le rendez-vous de la jeu- 
nesse, qui y prenait ses ébats. Les jeunes garçons et les 
jeunes filles y venaient jouer. Zach., vm, 5; Matth., xi, 
■U5; Luc, vu, 32. Dans les temps de calamités, la mort 
frappait les jeunes gens des places publiques. Jer., Kj 



21 ; xlix, 26; l, 30; les enfants et les nourrissons y tom- 
baient en défaillance. Lam., n, 11. 

4° Sur la place publique, par laquelle tous les hommes 
passaient pour se rendre aux champs ou en revenir, la 
justice tenait ses séances. Job, xxrx, 7; cf. Act.., xvi, 19. 
Mais souvent la vérité et la justice trébuchaient sur la 
place publique, Is., ux, 14, l'oppression et l'astuce s'y 
installaient à demeure. Ps. lv (liv), 12. Voir Jugement, 
t. m, col. 1843; Porte. Les places publiques servaient 
aussi pour les marchés. Voir Marché, t. iv, col. 748. — 
Daniel, ix, 25, prédit la restauration de Jérusalem, avec 
ses places et son enceinte; Tobie, Xin, 22, souhaitait 
que le pavé de ces places fût de pierres d'une blancheur 
sans tache. 

5° Il est aussi question d'autres places : la place orien- 
tale du Temple, c'est-à-dire le grand parvis, dans lequel 
Ézéchias réunit les prêtres et les lévites, II Par., xxix, 
4; Esdras y rassembla aussi tout le peuple, I Esd., x, 
9, et Judas Machabée y détruisit les autels idolâtriques 
que les étrangers y avaient élevés, U Mach., x, 2; la 
place du palais de Suse, à travers laquelle Mardochée 
fut promené en triomphe, Esth., iv, 6; vi, 9, 11, et les 
places que voit saint Jean dans la Jérusalem déicide. 
Apoc, xxi, 21; xxn, 2. Voir Agora, t. i, col. 275; 
Forum, t. n, col. 2328. — Souvent les versions parlent 
de places là où le texte hébreu mentionne un emplace- 
ment quelconque, une contrée, Job, xvin, 17, et sur- 
tout des rues. II Reg., xxn, 43; III Reg., xx, 34; Tob., 
il, 3; Esth., iv, 1; Ps. xvin (xvu), 43; Prov., vu, 8; 
xxii, 13; Eccle., xn, 4, 5; Eccli., ix, 7; Is., v, 25; x, 6; 
xxiv, 11; Jer., v, 1 ; vu, 17, 34; xliv, 6, 17^21 ; Lam., 
n, 12; iv, 1, 8, 14; Ezech., xxvi, 11; xxvin, 23; Mich., 
vu, 10; Nah., n, 4; Zach., vin, 4; ix, 3; I Mach., i, 58; 
u, 9; II Mach., m, 19; Matth., vi, 5; Act., v, 15. Voir 
Rue. 

6° En dehors des villes, certains croisements de 
routes forment des sortes de places ou carrefours. 
Ainsi, pour tirer ses présages, le roi de Babylone 
s'arrête à 'ëm had-dérék, « la mère du chemin », à la 
tête de deux chemins, ânt-c-îiv àp^ai'av ôêov, « à l'antique 
chemin », probablement pour èrci tï|v àpyrp ôSoù, « au 
commencement du chemin », in bivio, « au carrefour ». 
Ezech., xxi, 21 (26). — La Vulgate appelle bivium, car- 
refour, ce que l'hébreu et les Septante nomment « porte 
d'Énaïm ». Gen., xxxvm, 14, 21. Voir Enaim, t. n, 
col. 1766. Elle donne encore le nom de bivium à l'a[xço- 
Sov, « la rue », de Bethphagé. Marc, xi, 4. Enfin, elle 
appelle trivia, « carrefours des trois chemins », les 
places des villes de Moab. Is., xv, 3. 

H. Lesêtre. 

PLAGIAIRE (grec : àvSpaTCoStcTTrj?; Vulgate: plagia- 
rius), celui qui vend ou qui achète comme esclave 
un homme libre, dont on s'est emparé par vol. Saint 
Paul, I Tim., i, 10, énumère les plagiaires avec les ha- 
micides et les autres criminels dignes de toute la rigueur 
des lois. Le plagiat ainsi entendu était puni de mort 
chez les Hébreux, Exod., xxi, -16; Deut., xxiv, 7; chez 
les Grecs, Xénophon, Memorab., I, H, 62, et chez les 
Romains. Lex Fabia, Digest., xlviii, tit. xv. La loi mo- 
saïque condamnait à mort non seulement celui qui 
avait vendu comme esclave un homme ou une femme 
volée, mais aussi celui qui, sans les vendre, les retenait 
entre ses mains. Exod., xxi, 16. 

PLAIDEUR, celui qui, devant le juge, défend ce 
qu'il croit être son droit. — Chez les Hébreux, chacun 
plaidait lui-même sa cause devant les juges. A défaut 
de témoins pour appuyer sa revendication ou sa dé- 
fense, il prétait serment afin de donner plus de poids à 
sa parole. Exod., xxn, 11; Heb., vi, 16. Voir Jugement, 
t. m, col. 1844; Procédure. Booz et le proche parent 
de Ruth font valoir chacun leurs raisons devant dix 
anciens pour épouser ou ne pas épouser la jeune^fille. 



449 



PLAIDEUR 



PLAIE 



450 



Ruth, iv, 1-6. Deux femmes viennent ainsi plaider de- 
vant Salomon, au sujet de l'enfant que chacune prétend 
être le sien. III Reg., m, 16-28. Déjà, du temps de David, 
Absalom cherchait à attirer à lui les plaideurs, sous 
prétexte que justice ne leur était pas rendue au tribunal 
royal, II Reg., xv, 2-4, bien que lui-même fût rentré 
en grâce sur l'intervention d'une femme de Thécué, 
venue pour plaider auprès de David la cause d'un fils 
soi-disant menacé de mort par sa parenté. II Reg., xiv, 
4-20. Les plaideurs usaient parfois de moyens indélicats 
pour capter la bienveillance des juges. Prov., xvn, 15, 
23; xviii, 5; xxiv, 23; xxvm, 21. — Notre-Seigneur re- 
commande au plaideur de s'accorder avec son adversaire 
pendant qu'ils sont tous les deux ensemble en route pour 
Je tribunal; car, une fois entre les mains de la justice, 
L'affaire suivra son cours et le plaideur imprudent ou 
opiniâtre en subira les dures conséquences. Matlh., v, 25. 
En parlant ainsi, le divin Maître entend donner un 
conseil pratique non seulement pour la vie présente, mais 
encore pour l'autre vie. On a intérêt à donner satisfac- 
tion en ce monde à tous ceux qu'on a lésés de quelque 
manière; car, si l'affaire vient en état au tribunal du 
souverain Juge, la sentence sera redoutable, et le cou- 
pable ne sortira de prison qu'après avoir payé jusqu'à 
la dernière obole. Voir Purgatoire. — Saint Paul ne 
veut pas que les chrétiens qui ont à plaider quelque 
affaire l'un contre l'autre en appellent aux tribunaux 
des païens. « Quand vous avez des jugements à faire 
rendre sur les affaires de cette vie, dit-il, établissez 
pour les juger ceux qui sont les moins considérés 
dans l'Église. » I Cor., vi, 4. Les plus humbles fidèles, 
avec leur simple bon sens, seront aptes à juger ces 
différends à l'amiable, et l'on évitera ainsi de porter à 
ia connaissance d'adversaires des discussions qui leur 
donneraient occasion de se moquer d'hommes faisant 
profession de vivre en paix les uns avec les au très- et 
de n'attacher qu'une médiocre importance aux intérêts 
matériels. D'autre part, le conseil de l'Apôtre montre 
que, sur certaines questions temporelles, il peut 
exister des dissentiments légitimes, même entre les 
chrétiens. Mais le chrétien ne doit pas être un homme 
à procès. L'Apôtre s'inspire du conseil donné par 
Notre-Seigneur : « Si l'on t'appelle en justice pour 
avoir ta tunique, abandonne encore ton manteau. » 
Matth., v, 40; Luc, vi, 29, 30. Il est évident qu'il n'y a 
pas ici de précepte. Ainsi l'a compris saint Paul qui, 
en plusieurs circonstances, a revendiqué ses droits, 
à Philippes, Act., xvi, 37-38; à Jérusalem, xxii, 25-26; 
xxiii, 1 ; devant les procurateurs Félix, xxiv, 1.0, et Fes- 
tus, xxv, 8-12. Si le chrétien abandonnait toujours tous 
les siens, les adversaires l'accuseraient de pusillanimité, 
son abnégation encouragerait tous les attentats et il 
finirait lui-même par ne plus compter dans la société 
des hommes. La charité, autant que la justice, com- 
mande de se défendre légalement en certains cas, pour 
ne pas laisser les méchants maîtres absolus de tous les 
biens d'ordre temporel. Cf. S. Augustin, Epist. 138, h, 
9-15, t. xxxiii, col. 528-532; De serni. Dotn. in mont., 
i, 18, 63, t. xxxiv, col. 1261-1262. H. Lesêtre. 

PLAIE, résultat d'un coup, d'une blessure, d'un mal 
quelconque qui entame partiellement le corps, et, par 
extension, calamité de tout ordre qui atteint une per- 
sonne ou une collectivité. Ce mot représente donc plu- 
sieurs idées, auxquelles correspondent, dans l'hébreu et 
dans les versions, des termes tantôt identiques et tantôt 
différents. 

1° Coups (hébreu : tnakkdh, de nâkdh, « frapper »; 
Septante : hXy)Yt| ; Vulgate : plaga). 1. Les coups sont 
assez souvent mentionnés dans la Sainte Écriture. Exod., 
il, 11; Prov., xvii. 10; xix, 29; xxm, 13, 14; II Mach., 
m, 26; vi, 30; Matth., v, 39; xxiv, 49; xxvi, 51, 68; xxvn, 
30; Act., xxm, 2, etc. Voir Soufflet. — 2. La loi pré- 

DICT. DE LA BIBLE. 



voyait le châtiment ou le dédommagement qu'entraî- 
nent les coups donnés. Qui frappait son père ou sa mère 
encourait la mort. Exod., xxi, 18. Frapper son esclave 
à coups de bâton jusqu'à lui ôter la vie méritait châti- 
ment; si l'esclave survivait, ne fût-ce qu'un jour ou deux, 
le maître restait indemne. Exod., xxi, 20. Ceux qui, en 
se battant, heurtaient une femme enceinte, devaient une 
amende si l'accouchement n'était que prématuré. Au cas 
contraire, on appliquait la peine du talion, qui concer- 
nait également les cas de blessure, de mutilation ou de 
meurtrissure. Exod., xxi, 22-25. Voir Talion. Celui qui, 
en donnant un coup à son esclave, lui faisait perdre un 
œil ou même une dent, lui devait en retour la liberté. 
Exod., xxi, 26. — 3. La loi réglait enfin le nombre de 
coups qui pouvaient être infligés par sentence juridique. 
Ils devaient être proportionnés à la faute et ne jamais 
dépasser quarante. Deut., xxv, 2, 3. On les infligeait 
anciennement sous forme de bastonnade. Voir Baston- 
nade, t. i, col. 1500. Après la captivité, on y substitua la 
flagellation. Voir Flagellation, t. n, col. 2281. Cf. Act., 
xvi, 23, 33; II Cor., vi, 5 ; xi, 23. 

2° Blessure (tnakkdh, 71X7,-^. plaga; pesa', de pdsa', 
« blesser », Tpaûjia, vulnus; dakké', de dâkd', « être 
broyé », itXrjYij, infirmitas; mafyas, de mâhas, « frap- 
per », itXïiYï), plaga; Jjês, «blessure de flèche », de hêç, 
« flèche », 3éXo;, sagitta; néga' de nàga', « frapper », 
«çï), n<%<TTt5, plaga, lepra, flagellum; éébér, de Sabar- 
9 briser », ovizpimiaL, fractura). 1. La première men- 
tion de blessure se lit dans le chant de Lamech. Gen., iv, 
23. Voir Lamech, t. iv, col. 41. On trouve ensuite mention- 
nées les blessures de Job, xxxiv, 6; d'Achab, III Reg., 
xxu, 35; de Joram, IV Reg., ix, 15; II Par., xxn, 6; de 
Notre-Seigneur, Joa., xix, 18; xx, 27; cf. Is., lui, 10; 
de saint Paul, Act., xvi, 33, etc. Au désert, les Hébreux 
sont blessés par les morsures des serpents. Num., xxi, 
6. Il n'y a que plaies et blessures, par Conséquent vio- 
lences de toutes sortes, dans Jérusalem, au temps de 
Jérémie, vi, 7. Les faux prophètes font passer les inci- 
sions qu'ils pratiquaient sur eux-mêmes pour des bles- 
sures qu'ils auraient reçues dans des rixes avec leurs 
amis. Zach., xm, 6. Voir Incision, t. m, col. 868. Le 
voyageur de la parabole du bon Samaritain est couvert 
de blessures par les voleurs. Luc, x, 30. Les ivrognes 
encourent souvent des blessures. Prov., xxm, 29. Les 
verges causent des blessures qui contribuent à corriger 
le vice. Prov., xx, 30; Eccli., xxvm, 21; xxx, 7. L'hu- 
manité sera sauvée par les blessures et les meurtrissu- 
res du Rédempteur. Is., lui, 5,10. —2. Au sens figuré, 
Jéhovah bandera les blessures et guérira les plaies de 
son peuple. Is., xxx, 26. Les blessures que fait un ami 
sont inspirées par sa fidélité. Prov., xxvn, 6. — 3. La 
législation s'occupait des blessures. Elle réglait que celui 
qui blesse subit la loi du talion. Exod., xxi, 25; Lev., 
xxiv, 20. Quand le cas était difficile à décider, on allait 
trouver les prêtres et le juge en fonction à ce moment 
et l'on s'en remettait à leur sentence. Deut., xvn, 8; xxi, 
5. Voir Juge, t. m, col. 1834. 

3° Maladie (néga\ à<pVj, tcXt^ti, hc<<tti$, plaga). La lèpre 
est appelée une plaie; elle entame en effet la peau et les 
chairs. Lev., xm, 3-42; Deut., xxiv, 8. Voir Lèpre, t. iv, 
col. 175. Après la prise de l'Arche, les Philistins sont 
frappés de plaies consistant en tumeurs malignes. I Reg., 
v, 6, 9; vi, 5. Voir Ofalim, t. iv, col. 1757. Le roiAntio- 
chus IV Épiphane fut atteint d'une plaie incurable, qui 
avait le caractère d'un châtiment divin, Ôsia [idé<rr<$, divina 
plaga. II Mach., ix, 5, 11. Notre-Seigneur guérissait 
les malheureux qui souffraient de plaies. Marc, m, 10, 
v, 29, 31; Luc, vu, 21. 

4" Épreuve (yâd, « main », x e 'P Papeûx, « main 
lourde», mamis plagse; [i<z<m£, plaga, flagellum). Job; 
xix, 21, se plaint que la main de Dieu l'a frappé comme 
d'une plaie. Cette main est lourde. Job, xxm, 2. Le juste 
éprouvé et repentant constate que ses amis s'éloignent 

V. - 15 



45Ï 



PLAIE 



PLAIES DE N.-S. JESUS-CHRIST 



452 



de lui à cause de sa plaie. Ps. xxxvm (xxxvn), 4, 12. Il 
demande que Dieu détourne de lui cette plaie. Ps. xxxix 
(Xxxvm), 11. Celui qui a confiance en Dieu n'a pas à 
subir de plaie. Ps. xci (xc), 10. 

5° Châtiment (ydd, àvayiu], dolor; maggëfâh, de 
nâgaf, « frapper », nXrjrh; plaga ; néga', 68vv»i, turpi- 
tudo; négéf, icTtôm;, plaga; makkâh, it>7)Y*|, plaga; 
vésa', Spaûeiv, plaga; Sébér, de Sâbar, « briser i>,izl^r{, 
plaga). 1. Tous les coups du malheur fondent sur l'im- 
pie. Job, xx, 22. L'impudique ne recueille que plaie et 
honte. Prov., vi, 33. La maison du parjure est pleine de 
plaies. Eccli., xxm, 12. —2. La plaie atteindra ceux qui 
n'acquitteront pas leur rançon au moment du recense- 
ment dans le désert. Exod., xxx, 12. Les lévites servent 
le Seigneur dans le sanctuaire, afin que les Israélites ne 
soient frappés d'aucune plaie quand eux-mêmes s'y pré- 
senteront. Num., vm, 19. Ceux-ci cependant s'attirent 
la plaie par leurs murmures. Num., xvii, 13. Dieu frap- 
pera de plaies les Israélites rebelles et infidèles. Lev., 
xxvi, 21, 28; Deut., xxvm, 59, 61; xxix, 21. — 3. Il a 
frappé de la sorte les envoyés qui sont allés visiter le 
pays de Chanaan et ensuite ont découragé le peuple. 
Num., xiv, 37; Coré, Dathan et Abiron, Num., xvi, 46; 
les Hébreux qui ont murmuré au désert pour avoir de 
la viande, Num., xi, 33; ceux qui se sont laissé séduire à 
Béelphégor, Num., xxv, 8, 18; xxxi, 16; la nation cou- 
pable au temps de Joram, II Par., xxi, 14, et de Jéré- 
mie, x, 19; xiv, 17. Par moquerie, on siffle sur la plaie 
qui atteint Jérusalem coupable, Jer,, xix, 8; l'Idumée, 
.1er., xlix, 17, Babylone, Jer,, l, 13; Ninive, Nah., m, 
19, et les peuples conjurés contre Jérusalem. Zach., 
xiv, 12. 

6» Fléau public (maggëfâh, (ruvaM-truxa, « accident », 
plaga; iChr^n; 6pa-j(«;, interfectio; nêga\ izaa\i.6ç, 
« recherche », plaga; négéf, it\rfch, plaga; makkâh, 
n"Xï|fïi, plaga). l.Le pharaon d'Egypte et sa maison sont 
frappés de grandes plaies à cause de Sara, femme d'Abra- 
ham. Gen., xii, 17. Les fléaux se déchaînent contre les 
Égyptiens, quand le pharaon refuse la liberté aux 
Hébreux. Exod., ix, 14; Judith, v, 10,11. Mais ceux-ci 
en sont indemnes. Exod., xn, 13. La plaie sévit sur les 
Philistins, qui se sont emparés de l'Arche, IReg., v, 12; 
VI, 5, 9; sur les gens de Bethsamès, qui ont regardé 
l'Arche irrespectueusement, I Reg., vi, 19; sur tout le 
peuple israélite, à l'époque de David, sous forme de 
peste. II Reg., xxiv, 21; I Par., xxi, 22. —2. Dieu châ- 
tiera son peuple «avec une verge d'homme et des plaies 
de fils des hommes », c'est-à-dire par des fléaux pro- 
portionnés à la fois à la faiblesse et à la malice des 
coupables. II Reg., vu, 14. On priera dans le Temple 
pour obtenir la délivrance de ces fléaux. III Reg., vm, 
37, 38; II Par., vi, 28, 29. 

7° Les plaies d'Egypte (maggâfôf, <ruvavT7)uara, 
plagie, Exod., ix, 14). Elles sont au nombre de dix : 
1. L'eau changée en sang. Exod., vu, 17, 21. Voir Eau, 
t. ii, col. 1520; Sang. Les magiciens imitèrent ce fléau. 
Exod., vil, 22. — 2. Les grenouilles. Exod., vm, 3-6. 
Voir Grenouilles, t. m, col, 347. Les magiciens imi- 
tèrent de nouveau ce fléau. Exod., vin, 7. — 3. Les 
moustiques. Exod., vm, 16-19. Voir Cousin, t. H, col. 1093. 
Les magiciens furent impuissants à imiter cette plaie 
ainsi que les suivantes, et ils dirent au pharaon : « C'est 
le doigt d'un dieu! » Exod., vm, 18, 19. — 4. Les mou- 
ches. Exod., vm, 21-24. Voir Mouche, t. iv, col. 1324. — 
5. La peste du bétail. Exod., ix, 2-7. Voir Peste, col. 164. 

— 6. Les pustules. Exod., ix, 9, 10. Voir Pustules. — 
7. La grêle. Exod., ix, 18,26. Voir Grêle, t. m, col. 336. 

— 8. Les sauterelles. Exod., x, 4-15. Voir Sauterelle. 
—9. Les ténèbres. Exod.,x, 21-23. Voir Ouragan, t. iv, 
col. 1930. — 10. La mort des premiers-nés. Exod., xii, 
29-30. Voir Paque, t. iv, col. 2094; Prehier-né. — Ces 
plaies ont un côté naturel, en ce sens que les phéno- 
mènes qui les constituent se produisent naturellement 



en certaines circonstances. Mais ce qui leur donne «un 
caractère miraculeux, évident et incontestable, c'est 
qu'elles arrivent à point nommé, comme sanction de la 
parole de Dieu, dans des circonstances annoncées à 
l'avance, précises, et avec une intensité qui révèle mani- 
festement une intervention surnaturelle : elles se pro- 
duisent par l'ordre de Moïse, au moment qu'il a prédit, 
de la manière qu'il a déclarée; elles cessent quand il 
l'ordonne et, plusieurs fois, au moment qui lui a été 
Jixé par le pharaon; le pays de Gessen est toujours 
exempt; les Égyptiens n'en contestent jamais le carac- 
tère extraordinaire; ils en sont au contraire consternés 
et ils acceptent ces signes comme une preuve de la 
mission divine de Moïse. » "Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, 6 e édit., t. Il, p. 312. Sur les dix 
plaies, voir lbid., p. 315-349. La dixième plaie, en par- 
ticulier, en faisant périr dans une même nuit tous les 
premiers-nés, tant des hommes que des animaux, fit 
éclater de la manière la plus convaincante et la plus 
douloureuse le dessein que Dieu avait d'arracher son 
peuple aux mains de ses persécuteurs. Cette dernière 
plaie, plus terrible que toutes les autres, ne pouvait ces- 
ser comme les précédentes et était sans remède. Dieu 
exerça cette sévérité contre toute une nation pour abais- 
ser l'orgueil et vaincre l'obstination du pharaon, pour 
châtier les Égyptiens de la part qu'ils avaient prise à 
l'oppression des Hébreux et pour graver profondément, 
dans le cœur de ces derniers, l'idée de sa puissance, de 
sa domination absolue sur toute la nature, de sa supé- 
riorité sur tous les dieux qu'adoraient les nations et de la 
bonté qu'il entendait témoigner au peuple qu'il s'atta- 
chait particulièrement. Voir Moïse, t. iv, col. 1196-1198. 

8° Défaite (makkâh, truvTpc^ts, tt^yyj, plaga). La 
défaite d une armée est habituellement désignée sous le 
nom de « grande plaie ». Jos., x, 10, 20; Jud., xi, 33; 
xv, 8; I Reg., iv, 10; xiv, 14, 30; xxm, 5; II Reg., xvii, 
9; ïviii, 7; III Reg., xx, 21; II Par., xm, 17; xxvm, 5; 
Tob., i, 21; Esth., ix, 5;IMach., i, 22; v, 3, 34; vu, 22; 
vin, 4, etc. 

9° État moral (makkâh, icXr^r,, plaga). La misère mo- 
rale d'un individu ou d'un peuple est représentée sous 
la figure d'une plaie. « Toute transgression est comme 
une épée à deux tranchants, la- plaie qu'elle fait est 
incurable. » Eccli., xxi, 4. Les infidélités continuelles du 
peuple de Dieu constituent pour lui un état maladif dans 
lequel on ne constate que blessures, meurtrissures, 
plaies purulentes, qui ne sont ni nettoyées, ni bandées, 
ni soignées d'aucune manière. Is., 1, 5, 6. La plaie de la 
nation est inguérissable et mortelle. Jer., xv, 18; xxx, 
12, 14; Mich., i, 9. Cependant Dieu pansera les plaies de 
Sion, Jer., xxx, 17, et un jour le Rédempteur se char- 
gera des plaies de l'humanité. Is., lui, 4. 

10° Plaies symboliques (tcXiîyïÎ, plaga). Ce sont les 
fléaux que saint Jean énumère dans l'Apocalypse : le feu, 
la fumée et le soufre, ix, 18; les plaies dont les deux 
témoins de Dieu peuvent frapper la terre, xi, 6; la plaie 
mortelle dont guérit la première bête, xm, 3, 12, 14; les 
sept plaies déchaînées par les anges, xv, i, 6, 8; xvi, 9, 
21; la plaie qui frappe la grande Babylone, xvm, 4, 8; 
les plaies dont sont menacés ceux qui ajouteront ou 
retrancheront aux paroles de l'Apocalypse, xxn, 18. 

H. Lesêtre.' 

PLAIES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS- 
CHRIST, blessures qui lui ont été faites pendant sa 
passion. 1° Les prophéties faisaient clairement entendre 
que des plaies seraient infligées au Messie souffrant. 

Ils ont percé mes mains et mes pieds, 

Je pourrais compter (Vutgate : ils ont compté) tous mes os, 

fait dire au Messie souffrant le Psaume xxn (xxj), 17- 
18. Sur ce texte, voir Lios, t. rv, col. 277-279. 

Il a été transpercé à cause de nos péchés... 

Et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. 



453 



PLAIES DE N.-S. JÉSUS-CHRIST 



PLAINE 



454 



I§., lui, 5. Les mots employés par le prophète, 
meholàl, « il a été transpercé, ouvert », èrpai^a-tiffôn, 
vulneratus est, « il a été blessé », et bahâburâtô, 
« par sa meurtrissure », cf. Gen., iv, 23, pu>).a>TCt, 
livore, la trace que laissent les coups reçus, supposent 
des blessures et des coups attaquant la chair même. 

Je répandrai sur la maison de David 

Et sur les habitants de Jérusalem 

Un esprit de grâce et de supplication, 

Et ils regarderont vers moi qu'ils ont percé. 

Zach., xil, 10. Le mot ddqârù signifie « ils ont 
percé », confùcentnt. Par une transposition de lettres, 
les Septante ont lu rdqddù, xaTiopxïiTavîo, « ils ont 
insulté ». Saint Jean, XIX, 37, qui cite ce texte, lit con- 
formément à l'hébreu i|sx£vTf,(jav, « ils ont transpercé », 
transftxerunt. Ce texte ne s'applique pas directement 
à Judas Machabée, tué par. les ennemis, comme le 
pense saint Ephrem, qui le rapporte du resle aussi 
dans le « sens mystique et très vrai » à Notre- 
Seigneur. Cf. Bévue biblique, 1898, p. 91. Ce dernier 
sens est seul possible; il est reconnu et consacré par 
saint Jean, xix, 37. Les regrets dont parle ensuite le 
prophète de la part de ceux qui ont commis le crime, 
Zach., xil, 10, se sont produits effectivement après la 
mort du Sauveur. Luc, xxm, 48; Act., n, 37. — Un 
autre texte de Zacharie, xiii,. 6 : « Qu'est-ce que ces 
blessures à tes mains ? — J'ai reçu ces coups dans 
la. maison de mes amis, » ne peut être appliqué à 
Notre-Seigneur que par accommodation. Il s'agit en 
effet d'un faux prophète qui a pratiqué sur lui-même 
des incisions idolâtriques et qui, pour se disculper, 
feint d'avoir été blessé par ses amis. 

2° Quand Notre-Seigneur annonce sa mort, il dit 
qu'il sera crucifié. Matth., xx, 19; xxvi, 2. La cruci- 
fixion était un supplice romain, et saint Jean, xvni, 32, 
remarque que quand les Juifs avouèrent qu'ils ne pou- 
vaient eux-mêmes mettre Jésus à mort, ils procuraient 
l'accomplissement de la prédiction qu'il avait faite. 
Joa., XH, 33. Les Juifs l'auraient lapidé, les Romains 
devaient le crucifier. Les Évangélistes se contentent de 
dire qu'on le crucifia, sans donner aucun détail. Matth., 
xxvii, 31, 35; Marc, xv, 24, 25; Luc, xxm, 33; Joa., 
xix, 18. Quelquefois, les criminels étaient attachés à la 
croix avec des cordes. Cf. Rich, Dict. des antiq. 
grecques et romaines, trad, Chéruel, Paris, 1873, p. 206. 
Le plus souvent, on les fixait avec das clous. Cf. Plaute, 
MostellaHa, n, 1, 13. Tertullien, Adv.jud., 10, t. n, 
col. 629, fréquemment témoin de ce spectacle, dit que 
la perforation des mains et des pieds était « l'atrocité 
propre de la croix ». En certains cas, on liait le sup- 
plicié avec des cordes avant de le clouer. Cf. Pline, 
H. N., xxvm, 11; S. Hilaire, De Trinit., x, 13, t. x, 
col. 352. Les Pères sont unanimes à expliquer les ver- 
sets 17-18 du Psaume xxi, en supposant que le Sau- 
veur a eu les mains et les pieds percés par les clous. 
On lit aussi dans VEpîtrede Barnabe, 12, dont l'auteur 
se réfère à IV Esd., xiv, 33; v, 5 : « Quand ces choses 
s'accompliront-elles ? Lorsque le bois, dit le Seigneur, 
aura été étendu par terre puis redressé, et que du bois 
le sang tombera goutte à goutte, paroles qui se rappor- 
tent à la croix et à celui qui devait y être crucifié. » 
Cf. Hemnier-Lejay, Textes et documents, les Pères 
apost., Paris, 1907, t. I, p. cxn, 74-75. Pour que le 
sang tombât du bois goutte à goutte, il fallait que le 
Supplicié y fût blessé, qu'il eût par conséquent les 
mains et les pieds percés. Voir Clou, t. n, coi. 810. 
Cf. Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Martin, 
Paris, 1897, p. 181-184; Ollivier, La Passion, Paris, 
1891, p. 334-338. Le -Sauveur avait reçu d'autres bles- 
sures à la flagellation, au couronnement d'épines, et 
probablement même, d'après certaines traditions, pen- 
dant le portement, de la croix et par suite de diverses, 



chutes. Cf. Thurston, Étude historique sur le chemin 
de la Croix, trad. Boudinhon, Paris, 1907, p. 87-109. 
Mais ces blessures n'étaient qu'accessoires à côté des 
quatre plaies qui lui furent faites pendant le crucifie- 
ment. Une cinquième fut ajoutée après la mort. Au lieu 
de briser les jambes du crucifié, comme c'était la règle, 
un soldat lui transperça le côté de sa lance, et il en 
sortit du sang et de l'eau. Joa., xix, 32-34. L'apôtre voit 
dans cette plaie l'accomplissement de la prophétie de 
Zacharie, su, 10. 

3° Après sa résurrection, Jésus apparaît dans le 
cénacle aux onze et à leur? compagnons, et, en preuve 
de sa résurrection et de la réalité de sa présence, il 
leur montre ses mains et ses pieds. Luc, xxiv, 39, 40; 
Joa., xx, 20. Pourquoi? Parce que cette vue devait 
constituer pour eux un témoignage irrécusable, ce qui 
suppose nécessairement que ses extrémités n'avaient 
pas seulement été attachées à la croix, mais qu'elles 
avaient été transpercées et qu'elles gardaient encore la 
trace de ses blessures. Le Sauveur explique ensuite 
qu'il fallait que s'accomplit en lui tout ce qui avait été 
prédit par Moïse, les prophètes et les Psaumes, Luc, xxiv, 
44, ce qui, entre autres prophéties, vise les passages se 
rapportant aux plaies du Messie souffrant. Thomas, 
absent au moment de cette première apparition, déclara 
que, pour croire, il voulait mettre son doigt dans le 
trou des clous et sa main dans le côté du Sauveur. 
Notre-Seigneur accéda au désir de l'apôtre incrédule; 
huit jours après, il lui montra les plaies de ses mains 
et de son côté et l'invita à en constater la réalité. Tho j 
mas se rendit alors. Joa., xx, 24-29. Ce récit rend indu- 
bitable la perforation des mains et des pieds, que les 
Évangélistes permettaient de supposer, mais n'affir- 
maient pas positivement. — Saint Jean, parlant du 
dernier avènement du Christ, dit qu'alors « tout œil le 
verra, même ceux qui l'ont percé», èîe-/ÉvtTi<ïav, pupu- 
qerunt. Apoc., i, 7. Saint Jérôme, Epist. xiv, 11, 
t. xxn, col. 354, en faisant allusion à cette apparition, 
du Christ souverain Juge, s'exprime ainsi : « Regarde, 
Juif, les mains que tu as clouées; regarde, Romain, 
le côté que tu as percé. » Saint Jean représente dans 
le ciel, «au milieu du trône, l'Agneau debout, et parais- 
sant avoir été immolé. » Apoc, v, 6. L'Agneau est 
vivant, puisqu'il est debout, et pour paraître c avoir été. 
immolé », il faut qu'il porte encore les traces des 
blessures mortelles qu'il a reçues. L'Église a consacré 
celte pensée, dans l'hymne qui se récite aux premières 
vêpres de la fête de la Lance et des Clous de N.-S. J.-C. : 

Te, Jesu, superi laudibus efferant, 
Qui clavorum adilu signaque lancese 
In caelo rétines, vivus ubi imperas. 

Dans la séquence Solemnis hsec festivitas, pour le 
jour de l'Ascension, on lisait aussi : 

Patri monstrat assidue 
Quae dura tuliL vulnera, 
Et sic pacis perpetuœ 
Nobis exorat fœdeva. 

Ces idées s'inspirent de ce qui est dit Heb., ix, 11, 12, 
24; x, 11-14, et Apoc, i, 7;v, 6. H. Lesêtre. 

PLAINE, étendue de pays plat. — Les Hébreux ont 
plusieurs expressions pour rendre ce mot : 

1» Biq'âh, de la racine bdqa', qui veut dire : « fendre, » 
et par là même : « ouvrir. » Le substantif indique donc 
comme une « fissure » ou une « ouverture » entre les : 
montagnes ou les collines; voilà pourquoi il rend aussi 
bien le sens de valle'e. Cependant il ne s'applique qu'à 
une large étendue de terrain, à la différence de gè', qui 
désigne plutôt des ravins ou des gorges étroites. C'est 
ainsi que la grande plaine de Cœlésyrie, qui s'étend 
entre le Liban et l'Antiliban, porte encore en arabe le 
nom A'El Beqd'a. Les Septante traduisent généralement . 



455- 



PLAINE — PLAISIR 



456 



ce mot par rceSiov. Gen., xi, 2; .los., xi, 8, 17; xn, 7; 
Ezech., m, 22, 23, etc. La "Vulgate le rend par campus, 
Gen., xi, 2; Jos., xu, 7; II Par., xxxv, 22; Is.,xli, 18; 
lxiii, 14, etc.; campestris [terra], Dent., xi, 11; pla- 
nities, Jos., xi, 17; vise planée, la., xl, 4. Il est employé 
dans un sens indéterminé Gen., xi, 2; Ps. cm (hébreu, 
crv),-6; Is., xl, 4; xu, 18; lxiii, 14; Ezech., ni, 22, 23, 
vin, 4; xxxvii, 1, 2. Ajouté à des noms propres, il dé- 
signe les plaines suivantes : 

1. La plaine de. Jéricho (hébreu : biq'af Ierêhô), 
partie, de la vallée du Jourdain qui s'étend aux envi- 
rons de Jéricho. Deut., xxxiv, 3. 

2. La plaine de Masphé (hébreu : biq'at Mispék), 
Jos., xi, 8, territoire appelé « terre de Maspha » au 
it. 3 du même chapitre, ou région située au pied de 
l'Hermon. Voir Maspha 2, col. 834. 

3. La plaine du Liban (hébreu : biq'at hal-Lebdnôn), 
Jos., xr, 17; xn, 7, est, non pas la Cœlésyrie, mais 
plutôt la plaine qui se trouve au sud et au sud-ouest 
de Banias, « sous l'Hermon. » "Voir Baalgad, t. i, 
col. 1336. 

4. La plaine de Mageddo (hébreu : biq'at Megiddô, 
II Par., xxxv, 22; biq'af Megiddôn, Zach., xn, 11) 
n'est autre que la plaine d'Esdrelon ou de Jezraël, 
entre les monts de Samarie au sud et ceux de Galilée 
au nord. Voir Mageddo 3, col. 560. 

5. La plaine d'Ono (hébreu : biq'at 'Ônô), II Esd., 
vi, 2, dans laquelle était situé le village d'Ono, aujour; 
d'hui Kefr 'Ana, au sud-est de Jaffa. Voir Ono 2, 
col. 1821. 

6. La plaine d'Aven (hébreu : biq'af 'Âvèn; Sep- 
tante : toSïov t Qv; Vulgate : campus idoli, « la plaine 
de l'idole »), Am., i, 5, serait, d'après un certain nombre 
d'auteurs, la plaine de Cœlésyrie, ce qui n'a rien de 
sûr. Voir Aven, t. i, col. 1286. 

7. La plaine de Dura (hébreu : biq'at Dura'), 
Ban., m, 1, aux environs de Babylone. Voir Dura, t. h, 
col. 1517. 

ty Kikkar. Ce mot, qui signifie « rond, cercle, » et 
par extension, « district, » est plusieurs fois appliqué 
à la plaine du Jourdain. Il désigne, en particulier, 
l'oasis fertile qui existait autrefois près de la partie 
inférieure du fleuve et où florissaient les villes de la 
plaine. On trouve ainsi les expressions : kikkar hay- 
Yardên; Septante : rj rcepfywpoç TO y 'lopSâvov; Vulgate : 
regio Jordanis, Gen., xiii, 10, 11, etc., ou simplement 
kak-kikkar, Gen., xix, 17, 25, 28, 29. Cf. Matth., m, 
5. Voir Jourdain, t. m, col. 1712. 

3° 'Ardbâh, avec l'article défini, hâ 'Arâbâh, dont 
l'idée générale est celle de « région déserte, stérile ». 
C'est une des expressions caractéristiques que l'Écri- 
ture emploie pour désigner dans son ensemble la 
plaine ou dépression remarquable qui s'étend des 
pentes méridionales de l'Hermon au golfe d'Akabah. 
Voir Arabah, t. i, col. 820. Le pluriel 'Arbôt, souvent 
uni à Mô'âb, Num., xxii, 1; xxvi, 3, 63; xxxi, 12, etc., 
et à Yerîhô, «Jéricho », Jos., iv, 13; v, 10; IV Reg., 
xxv, 5, etc., il indique la partie de la plaine du Jour- 
dain qui, au nord de la mer Morte, se développe sur 
les deux rives du fleuve, à l'ouest aux environs de 
Jéricho, à l'est dans le Ghôr es-$eisbân, jusqu'aux 
premières hauteurs de Moab. Voir Moab, La plaine 
inférieure, col. 1148. 

4" Mîsôr, plus souvent avec l'article, ham-Mîsôr. Ce 
mot, de la racine ydSar, « être droit », est appliqué 
au plateau de Moab, Deut., m, 10; iv, 43; Jos., xiii,9, 
etc., par contraste avec les inégalités de la partie occi- 
dentale de la même contrée et les montagnes de Galaad 
au nord. Voir Misor 1, col. 1132. 

5° Sefêldh, haf-aefêlâh: Cette expression, qui signifie 
« : le pays bas », désigne là partie de la plaine côtiére 
qui s'étend entre les montagnes de Juda et la Méditer- 
ranée, et dont les Philistins formèrent leur territoire. 



Les Septante la rendent ordinairement par neStov, 
Deut,, i, 7; Jos., xi, 2, xn, 8; r\ toSwi r-pij, Jos., x, 40; 
xi, 16, etc. la Vulgate, par campestris, campestria, 
Jos., x, 40; xv, 33; Jud., i, 9, etc.; planities, Jos. r xi, 
16, etc.. Voir Séphêlah. La partie supérieure de cette 
plaine, celle qui va de Jaffa au Carmel, porte le nom 
de baron. Voir Saron. 

6° On trouve dans saint Luc, vi, 17, à propos du lieu où 
Notre-Seigneur prononça le discours sur les Béatitudes, 
l'expression tôjio; jieStvôç, « plateau »; Vulgate : locus 
campestris. Voir Béatitudes (Mont des), 1. 1, col. 1528. 

On voit que chacun des mots hébreux dont nous 
venons de parler a, par lui-même, une signification 
distincte. C'est ainsi que les environs de Jéricho, sui- 
vant les divers points de vue sous lesquels on les con- 
temple, sont dits faire partie du kikkar, de la biq'âh 
ou des 'arabôf. Mais le misôr ne saurait, être appelé 
une biq'âh, ni la biq'dh une 'ârâbàh. De même encore 
le misôr moabite était tout à fait distinct des 'arbôt 
Mô'âb. Ce mot mîsôr est en définitive, étymologique- 
ment, celui qui correspond le mieux à celui de 
« plaine ». — Voir Vallées. Sur le sens et la distinction 
des différents mots employés pour « plaines » et 
« vallées », cf. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 
1866, Appendix, p. 481-489. A. Legendre. 

PLAISIR (hébreu : 'édndh, 'êdén, 'onég, Hmfyâh, 
fa'ânug', Septante : ffBovrjjE^Tpyç-r^cx, £\>9po<T\>vq, tp'jçtj", 
Vulgate : voluptas, delicise, luxuria), satisfaction plus 
ou moins vive que l'on éprouve à jouir des biens de ce 
monde. 

1° Plaisirs permis. — Dieu a attaché le plaisir à 
l'accomplissement de certains devoirs, comme ceux de 
ta vie conjugale, Gen., xvm, 12; Cant., vit, 7, du travail, 
Eccle., il, 10, de l'observation du sabbat, Is., lviii, 13, 
de la fidélité à son service, Ps. xxxvi (xxxv), 9, de la 
célébration des fêtes. II Par., xxx, 23; II Esd., vm, 12; 
xn, 27, etc. La jouissance des biens de la vie cause un 
plaisir légitime. II Esd., ix, 25. L'Ecclésiaste, h, 1, 8, 
24, 25; v, 18, a usé de tous les plaisirs en pensant qu'ils 
lui venaient de Dieu. Certains plaisirs se trouvent sur- 
tout auprès des rois. II Reg., i, 24; Luc, vu, 25, et, 
d'après les versions, II Par., x, 10. Ces plaisirs présen- 
tent cependant des inconvénients. A (es aimer trop, on 
tombe dans l'indigence. Prov., xxi, 17. Il ne sied pas à 
l'insensé de s'y livrer, Prov., xix, 10, sans doute parce 
qu'il ne saura pas se modérer. Un moment d'affliction 
les fait vite oublier. Èccli., xi, 29. L'avare, qui s'est 
privé, laisse ses biens à d'autres, qui vivront dans les 
délices. Eccli., xiv, 4. — La veuve chrétienne qui vit 
dans les plaisirs, est morte, bien qu'elle paraisse 
vivante, I Tim., v, 6, l'usage immodéré du plaisir, 
même légitime, ne convenant pas à son état. Voir Joie, 
t. m, col. 1597. 

2» Plaisirs coupables. — Les impies cherchent par- 
tout le plaisir et s'y livrent sans retenue. Sap., n, 6-9; 
Luc, xv, 13; I Cor., xv, 32; I Pet., îv, 3, 4. A Babylone, 
châtiée par Dieu, les chiens sauvages devaient hurler 
dans les « maisons de plaisir ». Is., xm, 22. Pendant 
la persécution d'Antiochus Épiphane, le Temple était 
devenu un lieu de plaisirs infâmes. II Mach,, VI, 4. Les 
riches vivent sur la terre dans les délices et les festins, 
comme la victime qui se repaît le jour où l'on doit 
l'égorger. Jacob., v, 5. Saint Pierre accuse les faux . 
docteurs de passer toutes les journées dans les délices ■ 
et, par leurs théories pompeuses et vides, d'attirer les 
nouveaux convertis dans les convoitises de la chair. 
II Pet., ii, 13, 18. Saint Paul signala également ces 
mêmes faux docteurs, « amis des voluptés plus que de 
Dieu. » II Tim., m, 4. Les fidèles de Jésus-Christ, autre- 
fois « esclaves de toutes sortes de convoitises et: de 
jouissances », ont su y renoncer pour devenir héritiers 
de la vie éternelle. Tit., m, 3, 7. Car Notre-Seigneur a 



457 



PLAISIR 



PLANÈTE 



458 



déclaré que « tes plaisirs de la vie », soit ceux qui sont 
coupables, soit même ceux qui sont légitimes, mais 
dont on abuse, sont les épines qui empêchent la bonne 
semence de croître dans les âmes. Luc, vm, 14. Saint 
Jean rapporte la sentence portée contre la grande Baby- 
lone et contre tous ceux qui ont partagé son genre de 
vie : « Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe, 
autant donnez-lui de tourment et de deuil. »Apoc.,xvm, 
7. Voir Gourmandise, t. m, col. 281; Ivresse, col. 1048; 
Luxe, t. rv, col. 435; Luxure, ibid., col. 436. 

H. Lesêtre. 
PLANCK Heinrich Ludwig, théologien prolestant, 
né à Gœttingue le 19 juillet 1785, mort dans cette ville 
le 23 septembre 1831. En 1806, il devint répétiteur à 
IHiniversité de Gœttingue, en même temps que Gese- 
nius, et y enseigna l'exégèse et l'hébreu. Il s'occupa 
principalement de la critique et de la langue originale 
du Nouveau Testament. On a de lui : Bemerkungen 
ùber den ersten Paulinischen Brief an Timotheus, 
Gœttingue, 1808 (défense del'authenticilédecelteÉpître 



planètes, qui sont, dans l'ordre de leur distance du 
soleil, Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, 
Uranus, Neptune. Ces deux dernières ont été décou- 
vertes l'une en 1781 , l'autre en 1846. On a de plus observé 
une multitude de petites planètes, dont le nombre at- 
teint plusieurs centaines et s'accroit avec les années. — 
Les anciens ont très bien reconnu les planètes à leurs 
signes distinctifs. Dans le système cosmogonique 
babylonien, Mardouk avait tracé la route des planètes 
dans le ciel, et avait confié à des dieux la garde de 
quatre d'entre elles, se réservant lui-même de veiller 
sur celle que nous appelons Jupiter. Cf. Jensen, Die 
Kosmologie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 288- 
291. Les Babyloniens ne connaissaient naturellement 
que cinq planètes, confiées, Jupiter à Mardouk, Vénus 
à Istar, Saturne à Ninib, Mars à Nergal, Mercure à Nébo. 
Ces attributions ne sont pas absolument certaines. 
Cf. Jensen, Die Kosmologie, p. 95-133; Oppert, Un 
annuaire astronomique babylonien, dans le Journal 
asiatique, 1891; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 669. 




90. — Les planètes, d'après les Babyloniens, représentées sur une borne, sous le règne de Nabuchodonosor I", 
roi de Babylone, vers 1300 avant J.-C. — D'après Jeremîas, Bas alte Testament, 19C4, lîg. 5, p. 11. 



contre Schleiermacher) ; Entwurf einer neuen synop- 
tischen Zusammenstellung der drei ersten Evangelien, 
m-8°, Gœttingue, 1809; De vera natura atque indole 
orationis grœcse Novi Testamenti commentatio, in-4°, 
Gœttingue, 1810; cet essai, qu'il publia comme pro- 
gramme de son cours, quand il fut nommé professeur 
«xlraordinaire de théologie en 1810, lui acquit une 
grande réputation. Il travailla les dernières années do 
sa vie à un Lexique du Nouveau Testament, mais la mort 
l'empêcha de l'achever. — Voir Fr. Lucke, Fr. G. J . 
Ptançk, ein biographischer Versuch, Gœttingue, 1835. 
Dans cette biographie du père d'Henri Louis, in-8°; 
Lucke a réimprimé, p. 135 sq., ce qu'il avait écrit du 
fils en 1831 au moment de sa mort, Zum Andenken an 
D. K. L. Planck, eine biographische Mittheilung. Voir 
Allgemeine deutsche Biographie, t. xxvr, 1888, p. 227. 

PLANÈTE, corps céleste dont la révolution est 
commandée par le soleil et dont l'orbite décrit une 
ellipse autour de cet astre. Les planètes se distinguent 
des étoiles fixes par leur absence de scintillation et par 
leur déplacement au milieu des étoiles. C'est par suite 
d'une simple illusion d'optique que les planètes parais- 
sent se mouvoir à travers les étoiles, car elles sont à 
une distance effroyable de la plus rapprochée de ces 
dernières. Les planètes n'ont pas de lumière propre; 
ellesréfléehissent celle qu'elles reçoivent du soleil et, 
en conséquence, présentent des phases régulières, 
comme la lune. On distingue aujourd'hui huit grandes 



Si à ces planètes on ajoute le soleil ou Samas et la 
lune ou Sin, on a les sept planètes des anciens (fig. 90). 
On a retranché depuis de ce nombre le soleil, qui n'est 
pas une planète, et la lune, qui est un satellite de la 
terre, et l'on y a ajouté la terre elle-même, qui est une ■ 
planète. — Les Égyptiens connaissaient aussi les cinq 
planètes, Ouapshetatooui ou Jupiter, Kahiri ou Saturne, 
Sobkou ou Mercure, Doshiri, « le rouge », ou Mars, et 
Bonou, « l'oiseau », ou Vénus, ayant double figure, 
Ouàiti, ou étoile du soir, et Tiou-noutiri, ou étoile du 
matin. Cf. E. de Rougé, Noie sur les noms égyptiens 
des planètes, dans le Bulletin archéologique de l'Athe- 
nseum français, t. u, p. 18-21, 25-28. Sur un plafond 
du tombeau de Séli l<*, sont .représentées trois planètes 
debout sur leurs barques et cheminant lentement sous 
la conduite de Sâhou ou Orion et de Sothis ou Sirius 
(fig. 91). — Les écrivains sacrés ne mentionnent qu'in- 
cidemment quelques planètes : hêlêl, Vénus,voir Luci- 
fer, t. îv, col. 407; hag-Gad, probablement Jupiter, 
voir Gad, t. m, col. 24; kîyyûn, correspondant à l'as- 
syrien kaivanû, Saturne, cf. Jensen, Kosmologie, 
p. 111-116; Oppert, Tablettes assyriennes dans le 
Journal asiatique, 6 e sér., t. xvm, 1861, p. 445; 
voir R.EMPHA.M. Saint Jude, 13, assimile les docteurs de 
mensonge à des nXâvritsç àfftépeç, « astres errants ». Il 
est probable que l'apôtre songe plutôt aux comètes. 
Voir Comète, t. n, col. 877. Les Chaldéens cependant 
comparaient les planètes à des moutons capricieux, 
libbon, échappés au troupeau des étoiles pour s'en 



459 



PLANÈTE — PLAT 



460 



aller paitre à leur guise. Cf. Jensen, Die Kosmologie, 
p. 95-99; Jeremias, Das aile Testament, in-8», Leipzig, 
1904, p. 9-16. H. Lesêtre. 

PLANT AVIT DE LA PAUSE Jean, évéque fran- 
çais, né en 1576 au château de Marcassargues, dans le 
Gévàudan (aujourd'hui le département de la Lozère), 
mort au château de Margon, près de Béziers, en 1651. 
Élevé dans le calvinisme, que professaient ses parents, 
il y resta jusqu'à l'âge de 29 ans. Il remplissait même 
les fonctions de ministre à Béziers, lorsqu'il se conver- 
tit au catholicisme et fit son abjuration dans celte 
ville (1605). Par la suite il devint prêtre, et après avoir 
été, successivement, grand vicaire du cardinal de 
La Rochefoucauld, aumônier d'Elisabeth de France, 
reine d'Espagne, il fut promu, en 1625, par l'interven- 



hebraico-latini loco, sacrm linguse studiosis inservire 
possit, in-f°, Lodève, 1644. Son second ouvrage est inti- 
tulé : Florilegium rabbinicum, ordine alphabelieo 
digeslum, compleclens hebraicas et chaldaicas vete- 
rum rabbinorum sententias duplici charactere rabbi- 
nico et quadrato exaratas, versione latina, brevibus- 
que, ubï opus est, scholiis in gratiam studiosorum 
linguse sanctse illustratas, in-f°, Lodève, 1644. A la fin 
une table donne les noms de tous les rabbins dont les 
maximes sont citées. Dans cet ouvrage l'auteur fait de 
nombreux rapprochements avec les maximes de l'An- 
cien et du Nouveau Testament. 

Cet ouvrage appelait comme complément le suivant : 
Florilegium biblicum, complectens omnes utriusque 
Teslamenti sententias hebraice et grsece cum versione 
latina et brevi juœta literdlem sensum commenlario 




91. — Planètes et constellations représentées en Egypte sur le tombeau de Séti I". 
D'après E. Lefébure, Les hypogées royaux de Thèbes, i' part., pi. xxxvi. 



tion de celte princesse, à l'évêché de Lodève. Ses 
infirmités l'obligèrent à résigner ce siège, en 1648, 
pour se retirer, dans le diocèse de Béziers, au château 
de Margon. Il avait étudié l'hébreu avec le plus grand 
soin, et l'on a de lui sous un titre qui rappelle le nom 
de l'auteur : jsan 7BJ, néta' haggéfén, Planta vitis, scu 
Thésaurus synonymicus-hebraico-chaldaico-rabbini- 
cus, in quo omnes totius hebraicae linguse voces una 
cum plerisque rabbinicis, talmudicis, chaldaicis, ea- 
rumque significationes, etymon, synonymia, usus, 
elegantiœ, paraphrases, idiotismi, ex hebraicorum 
Bibliorum contextu, horum chaldaicis paraptirasibus , 
ex immensa codicum Babylonici et Hierosolymitani 
Talmudica farragine, ex Rabbinorum commentalori- 
bus, grammaticis expositoribus, cabbalistis, philoso- 
pha et theologis, aliisque reconduis Hebrœorum 
monumentis, nova et exacta methodo, per hexapla 
7rapaXX/|)iMç demxmstrantur, ac una cum auctoritatibus 
e sacrarum Utterarum corpore depromptis energiam 
et emphasim vocum perhibentibus ample ac dilucide 
explicantur : nonnullorum quoque vocabulorum grsc- 
corum, latinorum, gallicorum, ilalicorum, hispani- 
corum, germanicorum, anglicorum, belgicorum, po- 
lonicorum, ex etymologia ab hebrseo seu chaldaico 
idiomate petita passim ubique indicatur; Quibus ac- 
cessit duplex Index locupletissimus qui justi lexici 



illustratas. L'ouvrage est divisé en deux parties. La 
l ie contient les maximes tirées des livres de l'Ancien 
Testament écrits en hébreu. La seconde renferme les 
maximes du Nouveau Testament et des livres écrits en 
grec de l'Ancien Testament. Les maximes sont dispo- 
sées par ordre alphabétique du 1 er mot de la sentence 
biblique en hébreu, ou en grec. In-f°, Lodève, 1645. A 
la fin un index donne toutes les sentences d'après la 
Vulgate selon l'ordre alphabétique. Une table des prin- 
cipales matières termine le volume. Un exemplaire de 
ces trois volumes se trouve à la Bibliothèque nationale 
A 2718, 2719 et 2720. — Sur le mouvement d'études 
bibliques auquel se rattache la composition du premier 
de ces ouvrages, voir t. n, col. 1415, 1416; pour la bio- 
graphie, cf. Poitevin-Peltavi : Notice sur Jean Planta- 
vit de la Pause, iu-8", Béziers, 1817. 0. Rey. 

PLANTES DE PALESTINE. Voir Botanique sa- 
crée, t. i, col. 1867-1869; Palestine, t.iv, col. 2035-2041; 
Arbres, 1. 1, col. 888-894; Herhes et Herbacées (plantes), 
t. m, col. 599 et 596-599 ; Fleur, t. n, col. 2287 ; Légumes, 
t. iv, col. 160, et l'article consacré à chaque plante. 

PLAT (hébreu : sallafrat, selôhit; grec : irt'vaf, rpu- 
ëXeov, irapodu'; ; Vulgate : «os, catinus, paropsis), usten- 
sile servant à contenir certains aliments. Cet ustensile 



461 



PLAT — PLATANE 



462 



a le fond plat et est muni de bords plus ou moins élevés. 
Il ne sert pas ordinairement à la cuisson; celle-ci se fait 
au four ou dans des marmites. Voir Chaudière, t. n, 
col. 628. — 1° Afin d'assainir des eaux, Elisée y jeta du 
sel qu'on lui avait apporté dans un plat neuf, ùSpurxr,, 
« vase à eau », vas. IV Reg., u, 20. — Pourdonnerune 
idée des malheurs que l'impiété de Manassé attirera sur 
Jérusalem, le Seigneur dit qu'il nettoiera la ville comme 
le plat qu'on nettoie et qu'on retourne ensuite, c'est-à- 
dire qu'il y fera place nette et bouleversera tout de 
fond en comble. IV Reg., xxi, 43. Les versions appellent 
ici le plat âXetéauTpoç, « vase d'albâtre », tabulas, «tablet- 
tes », plateaux. — Sous Josias, on fit cuire les victimes de 
la Pâque dans des chaudrons et des plats, ollœ. II Par., 
xxxv, 13. — Il est dit du paresseux qu'il plonge la main 
dans le plat et ensuite a de la peine à la ramener jus- 
qu'à sa bouche. Prov., xix, 24; xxvi, 15. Les versions, 
qui n'ont compris nulle part le sens du mot sallafyat, 
le traduisent ici par « sein » et « aisselle ». — 2° Notre- 
Seigneur reproche aux scribes et aux pharisiens de 
nettoyer le dehors de la coupe et du plat en laissant à 
l'intérieur la rapine et l'intempérance. Matth., xxm, 
25, 26; Luc, si, 39. Le Tu'vaÇ, dont parle ici saint Luc, 
était originairement une planche; le nom est passé suc- 
cessivement au plateau de bois, puis au plat de terre ou 
de métal. — Judas met la main au plat en même temps 
que le Sauveur, c'est-à-dire, comme l'indique le con- 
texte, prend part au même repas que lui. Matth., xxvi, 
23; Marc, xiv, 20. Le catinus de la Vulgate était un 




92. — Le sacro catino. 
D'après Ricta, Dictionnaire des antiquités, p. 128. 

plat assez profond dans lequel on servait des légumes, 
de la volaille et du poisson. Cf. Horace, Sat., I, vi, 115; 
II, u, 39; w, 17. On conserve à Gènes, dans le trésor 
de la cathédrale, le sacro calino (fig. 92), vase précieux 
apporté de Césarée de Palestine en 1101, qu'on dit avoir 
servi à Notre-Seigneur pendant la dernière Cène et à 
Josèphe d'Arimathie pour recueillir le sang des bles- 
sures du Sauveur. lombé au pouvoir des Génois, après 
la première croisade, il fut prodigieusement célèbre 
au moyen âge sous le nom de Saint-Graal. On le croyait 
en émeraude; mais il fut brisé quand Napoléon I" le 
fit transportera Paris, et l'on reconnut qu'il n'était 
qu'en pâte de verre orientale ancienne. Ses faibles di- 
mensions ne permettent pas de croire qu'il ait jamais 
pu servir de plat dans un festin pascal. Cf. A. de La- 
borde, Notice des émaux, bijoux, etc., conservés au 
Louvre, Paris, 1853, p. 333. H. Lesètre. 

PLATANE (hébreu :'armôn; Septante : Trt.àTotvo;, 
Gen., xxx, 37, et iXitr), Ezech., XXI, 8; Vulgate : plata- 
nus), un des grands arbres de Palestine. 

I. Description. — Les arbres de cette famille se 
rapportent à un genre unique et même, selon Spach, 
à une seule espèce, ce qui est incontestable au moins 
pour l'ancien monde. Par ailleurs leur structure est si 
spéciale qu'ils ne peuvent être confondus avec aucun 
autre type végétal, et que leurs affinités même restent 
douteuses. Les fleurs petites et unisexuées sont grou- 
pées en capitules monoïques, globuleux et espacés sur 
de longs pédoncules terminaux et pendants. Les étami- 
nes, comme les pistils, y sont entremêlés de poils écail- 
leux considérés comme des bractées t des périanthes ru- 
dimentaires et des organes sexuels avortés. Chaque fruit 
isolé est un achaine claviforme, avec style terminal 
persistant, et entouré à sa base de poils raides articulés. 



Le Platanus orîentalis, de Linné (fig. 93), d'origine 
méditerranéenne et surtout asiatique, a été répandu 
par la culture dans toutes les régions tempérées 1 , 
parce qu'il supporte des froids très rigoureux, et 
prospère également sous les climats chauds, surtout 
au voisinage des eaux. Il devient alors un arbre dé 
première grandeur, à cime large et régulière, donnant 
un ombrage très épais et ainsi très propre à orner les 
places publiques. Ses larges feuilles alternes et paliiia- 
tilobées sont munies de stipules concrescentes en 
forme de manchette, et la base de leur pétiole se di- 
late en une poche qui protège le bourgeon axillaire. 
Il se distingue surtout de tous les autres arbres d'ave- 
nue par l'exfoliation de ses couches corticales externes, 
qui tombent par grandes loques, laissant le tronc lisse 
et nu. Roissier dit bien que le vrai platane d'Orient 





93. — Platanus orientalis. 

aurait son écorce persistante et rugueuse (Flora orien- 
talis, t. rv, p. 1162), mais c'est sans doute une manière 
un peu exagérée d'exprimer la différence entre les 
écailles petites, alignées longitudinalement et plus 
longtemps persistantes du type Platanus orientalis, et 
les larges plaques irrégulières, promptement caduques, 
de sa variété acerifolia, de beaucoup la plus répandue, 
et qui se distingue en outre par ses feuilles à lobes 
moins profonds. Cette même variété acerifolia a plus 
souvent encore été confondue avec le type américain 
des platanes, Platanus occidentalis L., qui a le limbe 
foliaire superficiellement lobé, plus large que long, avec 
un duvet persistant plus longtemps sur les nervures de 
la page inférieure, et un seul capitule fructifère pen- 
dant à l'extrémité de chaque pédoncule. F. Hy. 

II. Exégèse. — Varniôn est mentionné deux fois 
dans le texte hébreu de l'Ancien Testament. Dans 
Gen., xxx, 37, nous voyons Jacob prendre des baguettes 
de peuplier, d'amandier et à."armôn, y peler des . 
bandes blanches et les placer ainsi en face des brebis 
qui venaient s'abreuver. Dans Ézéchiel, xxxi, 8, Assur 
est comparé à un cèdre du Liban dont les rameaux 
sont si puissants qu'ils égalent des cyprès et des 
'armôn. L'étymologie Çarman, « dépouiller », 'armôn, 
l'arbre qui se dépouille de son écorce), la place que 



463 



PLATANE — PLÉIADES 



464 



les deux textes lui donnent au milieu des grands 
arbres, la traduction généralement adoptée par les an- 
ciennes versions, ne laissent guère place au doute dans 
l'identification de 'armôn considéré comme le platane. 
— Dans l'éloge delà Sagesse, Eccli.,xxiv, 19, le platane 
est également présenté comme un bel et grand arbre. 
Aussi les exégètes sont-ils presque tous d'accord pour 
rejeter le châtaignier (que les rabbins voient habituel- 
lement dans 'armôn, bien que cet arbre ne croisse pas 
~en Palestine) et pour rejeter aussi l'érable, reconnais- 
sant dans 'armôn, le Platanus orientalis. — Le platane 
est répandu dans toute la Palestine et s'y montre comme 
un très grand arbre, aux larges rameaux et épais om- 
brages. Et ce qui est conforme à nos deux textes hé- 
breux qui nous transportent en Syrie, en Assyrie et en 
Mésopotamie, les platanes de ces dernières régions dé- 
passent en général la hauteur et les proportions que 
cet arbre atteint en Palestine. Belon, Observations de 
plusieurs singularités, in-8», 1588, 1. I, c. cv; Jean 
de la Roque, Voyage de Syrie et du mont Liban, Paris, 
1722, p. 197, 199. Une constatation de ce dernier ou- 
vrage, p. 68, semble être le commentaire du passage 
d'Ézéchiel, xxxi, 8. Parlant des cèdres groupés au 
sommet du Liban et qui forment comme une petite 
forêt, cet auteur ajoute : « Elle est composée de vingt 
cèdres d'une grosseur prodigieuse, et telle qu'il n'y a 
aucune comparaison à faire avec les plus beaux pla- 
tanes, sycomores, et autres gros arbres que nous avons 
vus jusqu'alors. » Voir 0. Celsius, Bierobotanicon, 
in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 512; I. Lôw, Ararnâische 
Pflanzennamen, in-8», Leipzig, 1881, p. 107. 

E. Levesque. 

PLATRE, produit de la calcination du gypse. Le 
gypse est un sulfate de chaux hydraté, qui perd son 
eau quand on le calcine au four. Le produit de cette 
opération, réduit en poudre, est le plâtre. Délayé avec 
de l'eau, le plâtre devient -une pâte molle qui prend 
toutes les formes que l'on désire et les garde en dur- 
cissant peu à peu. — Le plâtre n'est pas directement 
mentionné dans la Bible. Mais le gypse ne manquait pas 
en Palestine; les couches gypseuses du cénomanien 
affleuraient en particulier au bord de la mer Morte. 
Voir Palestine, t. iv, col. 2010, 2014, 2022. Il n'était pas 
plus difficile à uliliser pour faire du plâtre, que le cal- 
caire pour faire de la chaux. Voir Chaux, Lu, col. 642. 
Les Hébreux n'ont guère dû. s'en servir dans leurs con- 
structions; les pierres y étaient simplement superposées 
ou le mortier y agglutinait les matériaux sans consis- 
tance. Voir Mortier, t. iv, col. 1312. Le plâtre ne pou- 
vait être utilisé que pour faire des enduits dans des 
endroits à l'abri de l'humidité. Voir Enduit, t. h, 
col. 1783. Les Hébreux durent apprendre des Phéniciens 
à fabriquer et à utiliser le plâtre, à supposer que les 
Chananéens ne l'aient pas connu avant leur arrivée. 
On a trouvé en Espagne la trace du passage des Phé- 
niciens dans les objets que renfermaient d'anciennes 
sépultures. Ge sont des débris de vases phéniciens en 
plâtre, des fonds de pots troués et bouchés avec du 
plâtre, des cols de plâtre ajoutés à des vases de terre 
cuite et peints en rouge, des crépissages de mu- 
raille, etc. Cf. L. Siret, Orientaux et Occidentaux en 
Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue des 
Questions scientifiques de Bruxelles, oct. 1906, p. 558, 
559. Les Phéniciens ne faisaient ainsi qu'importer au 
loin une industrie bien connue dans leur pays d'origine. 

H. Lesêtre. 

PLECTRE. Le pleclre (w/.TîxTpov, de irt.r.TTeiv, « pin- 
cer, frapper » les cordes, en latin plecto; on disait 
aussi xpoiietv. Le terme technique était xp£xgtv) était 
un bâtonnet, pointe ou crochet, de bois, d'ivoire ou 
de métal, droit ou recourbé, dont on se servait pour 
faire vibrer les cordes des instruments, au lieu de les 
toucher directement avec les doigts. On employait 



aussi pour le même usage un crochet de corne ou un 
bec de plume. Les Orientaux modernes fixent souvent 
le plectre à un anneau tenu au doigt et peuvent ainsi 
en employer plusieurs simultanément. L'usage du 
plectre, moins ancien que le procédé de percussion 
manuelle, est peut-être d'origine grecque. La Bible ne 
le mentionne pas, non plus qu'Homère. Il est repré- 
senté cependant en Egypte entre les mains de musiciens 
bédouins ou Amou du temps de la XII e dynastie, 
voir t. ii, fig. 304, col. 1068, et l'espèce de harpe dont 
ces musiciens se servaient a dû être connue des 
Hébreux. On rapporte à Sapho l'invention du plectre, 
mais Athénée remarque qu'Épigone d'Ambracie, au 
vu e siècle, dédaignait de s'en servir : |iou<T!xwTato? 8'<î>v 
xœTa X £ 'P a ^'X a iXïixTpou ii/aXktv. Deipnos., iv, 25, 
p. 183. C'était une exception. Il est évident que les 
Grecs apprécièrent un procédé d'exécution qui augmen- 
tait l'émission du son et sa résonnance et multipliait 
l'effet musical en diminuant la fatigue du joueur. Ils 
l'appliquèrent à la cithare, à la lyre, au psaltérion, 
même aux instruments à manche, mais non exclusive- 
ment ; les deux procédés de percussion étaient employés 
concurremment. Les monuments représentent en effet 
des musiciens jouant avec le plectre de la main droite 
pendant que la main gauche nue pince les cordes. 
C'était, à peu près comme dans le jeu actuel de la 
Zither, le moyen de faire ressortir le chant; et l'on 
disait, sans doute d'après la manière dont le musicien 
tenait son instrument, foris canere, pour « jouer (de la 
main droite) avec le plectre », et intus canere, « toucher 
les cordes avec les doigts (de la main gauche) ». Cicéron, 
Verr., i, 20, 53, qui nous rapporte ces expressions mu- 
sicales, mentionne le cithariste Aspendius, qui pouvait 
exécuter à la fois l'accompagnement et le chant de la 
main gauche seule, lbid. Chez les Grecs même, les 
instruments asiatiques proprement dits se jouaient sans 
plectre, mais cet accessoire fut importé de Grèce chez 
les Asiatiques avec les instruments nouveaux, ainsi que 
l'attestent les monuments assyriens, et les Hébreux 
durent s'en servir pareillement, après la captivité. Du 
moins Josèphe l'exprime-t-il indirectement en mention- 
nant e nable antique qui se jouait sans plectre. 
Ant. jud., VII, su, 3. Mais les rares indications musi- 
cales de cette période ne nous fournissent aucun texte 
qui démontre l'usage du plectre dans la musique du 
second temple ou dans l'usage privé. J. Parisot. 

PLÉIADES (hébreu : kîmâh; Septante : UXciàSe;; 
Vulgate • Pléiades), constellation de l'hémisphère boréal, 
voisine de la tête du Taureau (fig. 94). Voir Hyades, 



Astérope a m' . Tuyg'te 
mSs. /uêrope 



***<*£$£■ . 



94. — Les Pléiades. 



*»--. 



t. m, col. 789. Elle compte plus de 2500 étoiles, dont 
64 principales, parmi lesquelles cependant sept ou huit 
seulement sont visibles à l'œil nu. D'après qoelques 
auteurs modernes, himdh désignerait Sirius ou le 
Scorpion. Mais un passage de lob, XXXVIII, 31, <s Est-Cft 
toi qui serres les liens de kinidh? » suppose clairement 



465 



PLÉIADES — PLEUREUSES 



qu'il s'agit d'un groupe d'étoiles, et, d'après les an- 
ciennes versions, ce groupe n'est autre que celui des 
Pléiades. L'Iliade, xvm, 486, signale également ce 
groupe parmi les constellations les plus remarquables. 
Deux autres passages bibliques mentionnent kimâh 
parmi les œuvres importantes du Créateur. Dans le 
premier, Job, ix, 9, les Septante traduisent par Pléiades 
et la Vulgate par Hyades; dans le second, Amos, v, 
8, les Septante rendent le mot par navra, « foutes 
choses s, et la Vulgate par Arcturus. Voir Arcturus, 
t. i, col. 937. H. Lesètre. 

PLEURANTS (LIEU DES), Locus Flentium, dans 
la Vulgate, Jud., h, 1,5. Voir Bokim, t. i, col. 1843. 

PLEUREUSES (hébreu : meqônenô(, de qin, au 
pilel qénên,n chanter des chants lugubres »; Septante: 




95. — Pleureuses égyptiennes dans le cortège funèbre. 
D'après Wilkinson, Manners and Custons, t. m, pi. lxvi. 

8pï)voûnai; Vulgate : latnentatrices), femmes qui pous- 
saient des cris lugubres dans les funérailles. — Chez 



l'extrême du désespoir, mais les parents et les amis ne 
craignaient pas de se donner en spectacle, ni de trou- 
bler l'indifférence des passants par l'intempérance de 
leur deuil. » Maspero, Histoire ancienne, t. n, 1897, 
p. 511. Cf. Lectures historiques, Paris, 1890, p. 144- 
152. Les pleureuses accompagnaient le convoi funèbre 
(flg. 95), en poussant des exclamations pour répondre 
à celles de la parenté : « A l'occident, demeure d'Osiris, 
à l'occident, toi, le meilleur des hommes ! » Sur le Nil, 
elles montaient dans une barque et y continuaient leurs 
gestes éplorés et leurs cris de douleur (flg. 96). Enfin, 
à la tombe même, elles faisaient au mort les adieux 
suprêmes : « Plaintes ! plaintes ! Faites, faites des 
lamentations sans cesse, aussi haut que vous le pouvez ! 
voyageur excellent, qui chemines vers la terre d'éter- 
nité, tu nous as été arraché! toi qui avais tant de 
monde autour de toi, te voici dans la terre qui impose 
l'isolement! » Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. m, 
p. 516, 518. Voir t. h, fig. 705, col. 2417; t. iv, fig. 459, 
col. 1749; Funérailles, t. n, col. 2416-2420. — La mode 
de ces bruyantes démonstrations ne s'est point perdue. 
Chez les Arabes, quand quelqu'un est mort, « les fem- 
mes crient de toutes leurs forces, s'égratignant les bras, 
les mains et le visage, arrachant leurs cheveux et se 
prosternant de temps en temps, comme si elles étaient 
pâmées de douleur. » De la Roque, Voyage dans la 
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. En Palestine, aux 
enterrements des musulmans actuels, on voit en tête du 
cortège « une troupe de gamins affublés ou plutôt dé- 
guenillés à l'orientale, guidés par un gamin chef qui 
n'arrive jamais à les faire mettre en rang, ni à leur 
faire comprendre la mesure de la cantilène criarde 
qu'ils ont mission de chanter... La marche est fermée 
par une troupe de femmes enveloppées de longues robes 
et drapées de manteaux de toile indigo; elles poussent, 
en signe de douleur, de petits cris stridents; chacune 
tient à la main un mouchoir de couleur sombre qu'elle 
tortille avec toute espèce de contorsions et agite dans 




WïWiŒlMJMfflŒ 



96. — Pleureuses égyptiennes sur la barque funéraire. D'après Wilkinson, Ibid., pi. Lxvn. 



les Orientaux, la douleur a toujours été fort démonstra- 
tive. En Egypte, par exemple, « les enterrements 
n'étaient pas, comme chez nous, de ces processions 
muettes où la douleur se trahit à peine par quelques 
larmes furtives; il leur fallait du bruit, des sanglots, 
des gestes désordonnés. Non seulement on louait des 
pleureuses à gages qui s'arrachaient les cheveux, 
chantaient des complaintes et simulaient par métier 



la direction du corps, comme si elle voulait l'asperger 
des larmes que le tissu est censé avoir essuyées. Ce 
sont des pleureuses de profession, louées pour la cir- 
constance ». Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 
1890, p. 165-166. — Les pleureuses n'étaient pas incon- 
nues chez les anciens Israélites. On s'y lamentait sur 
les morts. III Reg., xm, 30. Voir Deuil, t. h, col. 1397. 
Les chanteurs et les chanteuses firent entendre leurs 



467 



PLEUREUSES 



PLOMB 



lamentations sur Josias. II Par., xxxv, 25. Dans sa pro- 
phétie sur la ruine de Jérusalem, Jérémie, ix,17-20, écrit : 

Pensez à commander les pleureuses, qu'elles viennent ! 

Envoyez chez les plus habiles, qu'elles viennent ! 

Qu'elles se hâtent, qu'elles entonnent sur nous des lamenta- 

Que les larmes coulent de nos yeux.... [tions, 

Enseignez à vos tilles une lamentation, 

Que chacune apprenne à sa compagne un chant de deuil, 

Car la mort est montée par nos fenêtres... 



■aoXli, (lentes et ejulantes mutlum, des pleureuses qui 
se lamentaient beaucoup. Malth., ix, 23; Marc, v, 38; 
Luc, vm, 52. Quand Notre-Seigneur dit que la jeune 
fille dormait et n'était pas morte, toutes ces personnes 
à gages, musiciens et pleureuses, se moquèrent de lui, 
en comptant bien que le salaire attendu ne leur ferait 
pas défaut. Ces manifestations bruyantes de la douleur 
frappaient les enfants, qui les imitaient dans leurs jeux 
et disaient à leurs camarades : « Nous avons chanté 




97. — Pleureuses égyptiennes dans une scène de sépulture. D'après Wilkinson, op. cit., t. in, pi. 69. 



Cf. Eccle., xiii, 5; Eccli., xxxvni, 16; Jer., xxn, 18; 
xxxi, 15; xxxiv, 5; Am., v, 16. Sur les complaintes des 




98. — Pleureuses gagées. Sarcophage représentant les funérailles 
de Méléagre. D'après Rich, Dict. des anliq., p. 501. 

pleureuses, voir t. n, col. 1397. Sur la ruine de l'Egypte, 
les filles des nations chanteront une lamentation. 



une lamentation et vous ne vous êtes pas frappé la poi- 
trine, vous n'avez pas pleuré! » Malth., xi, 17; Luc, 
vu, 32. Cf. Ketuboth, iv, 6 ; Baba Metsia, vi, 1 ; Josèphe, 
Bell, jud., III, ix, 5. — Il ne convenait pas aux chré- 
tiens de donner à leur deuil une expression aussi 
exagérée; saint Paul leur recommande de ne pas 
s'affliger comme les autres hommes qui n'ont pas 
d'espérance. I Thes.,rv, 13. L'Église a toujours réprouvé 
les excès du deuil funèbre. Les Romains avaient adopté 
l'usage des pleureuses gagées (fig. 98), appelées prse- 
ficœ, parce qu'elles étaient placées entête des cortèges 
funéraires. Cf. Aulu-Gelle, xvm, 7, 3. Les chrétiens 
occidentaux répudièrent toujours le service de ces 
pleureuses, comme entaché d'idolâtrie. Les Orientaux 
le conservèreut dans une certaine mesure; mais les 
Pères ne manquaient pas de combattre -cet usage. 
Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., Paris, 1877, 
p. 241, 280. Une curieuse inscription chrétienne 
(fig. 99) réprouve les cris poussés sur la tombe des 
morts. L'inscription grecque est ainsi conçue : « Spe- 
rantius, aie bon courage, doux, excellent; » à gauche 
de la seconde ligne, on voit un canard portant le mot 
ANATEC, qui joue sur le latin anates, « canards »; à 
droite est un bœuf avec le mot BOYÀEIN. En réunissant 
les deux mots, on a en grec : ava6îç goieiv, « cesse de 
beugler », de crier. Cf. Martigny, Dict. des antiq. chrét., 
p. 241. C'est la condamnation des pleureuses et de ceux 
qui seraient tentés de les imiter. H. Lesêtre. 



CJTH PANTI€ÏWJ 
r\YkYc xpHcre 

99. — Inscription de la custode des reliques de saint Apollinaire. 
D'après Perret, Catacombes de Rome, m-i; Paris, t. vi, 1851, pi. lxiii, u. 33. 





Ezech., xxxn, 16. — Lorsque le Sauveur arriva chez 
Jaïre, dont la fille venait de mourir, il y trouva grand 
tumulte de gens accourus pour les funérailles, entre 
autres des joueurs de flûte et yWov™: x«l à).»*irovTmc 



PLEURS. Voir Larmes, t. iv, col. 92. ' 

PLOMB (hébreu : 'oférëf, en assyrien abâru; 
Se tante : aiXiëoc, u.o'),iê8oc; Vulgate : plumbum), 



469 



PLOMB — PLUIE 



470 



métal d'un blanc bleuâtre qui se ternit facilement, 
assez malléable, si mou qu'on peut le rayer avec 
l'ongle, fusible à la température peu élevée de 330" et 
onze fois et demie lourd comme l'eau. — 1° Le plomb 
est très commun dans la nature ; mais il ne se pré- 
sente pas à l'état natif. Le minerai qui le contient en 
plus grande quantité est la galène, ou sulfure de plomb 
naturel. On en dégage le métal par divers procédés de 
calcination. La presqu'île Sinaïtique renferme de nom- 
breux gisements de minerai de plomb; on en trouvait 
aussi en Egypte. On s'explique ainsi que, dès le séjour 
au désert, les Hébreux possédaient différents objets ou 
ustensiles de plomb. Num., xxxi, 22. Les Phéniciens 
en recueillaient en Espagne, où abondent les filons de 
plomb argentifère. Voir Argent, 1. 1, col. 945. Cf. Pline, 
H. N., m, 7; L. Siret, Orientaux et Occidentaux en 
Espagne aux temps préhistoriques, dans la Revue 
des questions scientifiques, Bruxelles, octobre 1906, 
p. 544-545. Ézécbiel, xxvii, 12, dit que Tharsis échan- 
geait le plomb avec Tyr. Le plomb n'avait pas grande 
valeur, mais était assez usuel en Palestine pour 
qu'on pût dire que Salomon amassait de l'argent 
comme du plomb, Eccli., xlvii, 20. Jérémie, vi, 29, 30, 
pour indiquer que la méchanceté est inséparable de 
ses compatriotes, fait allusion à l'opération du fondeur 
de métaux : « Le soufflet est devenu la proie du feu 
(ou : a soufflé violemment), le plomb est épuisé, on 
épure, on épure, les méchants ne se détachent pas. 
Argent de rebut! dira-t-on. » Le prophète décrit ici 
l'opération au moyen de laquelle on sépare l'argent 
des métaux inférieurs auxquels il est mélangé. On fait 
fondre du plomb dans le creuset et, quand il est fondu, 
on y ajoute le minerai d'argent. Sous l'influence de la 
chaleur, au contact de l'air, le plomb se transforme 
en litharge, qui s'absorbe peu à peu, tandis que l'argent 
se sépare de toute autre substance et se rassemble au 
fond du creuset. Voir Creuset, t. n, col. 1116. Jérémie 
suppose que, contrairement à l'ordinaire, le plomb a 
été complètement . transformé et absorbé, sans que 
l'argent soit sorti de la gangue. Ézéchiel, xxn, 18, 20, 
compare les Israélites infidèles à des scories et à des 
métaux communs, fer, cuivre, étain et plomb, que 
Dieu fera fondre dans le fourneau allumé par sa colère. 
Ces passages montrent que les Israélites possédaient la 
science pratique des procédés nécessaires pour le trai- 
tement des métaux usuels. Zacharie, v, 7, 8, parle d'un 
disque de plomb, servant de couvercle à un épha assez 
large pour contenir une femme. On a trouvé en Pales- 
tine des poupées de plomb qui servaient aux pratiques 
magiques. Voir t. iv, fig. 173, col. 568. — 2° La pesan- 
teur de ce métal fait dire que les Égyptiens se sont 
enfoncés dans les eaux de la mer Rouge comme le 
plomb. Exod., xv, 10. Les anciens ne connaissaient 
pas de métal plus lourd. Eccli., xxn, 17. — 3° Job, xix, 
24, parlant de ses paroles d'espérance, fait ce souhait : 

Je voudrais qu'avec un burin de fer et du plomb 
Elles fussent pour toujours gravées dans le roc ! 

L'auteur sacré fait probablement allusion à une inscrip- 
tion creusée dans le roc avec le burin de fer et dans les 
lettres de laquelle on a ensuite coulé du plomb. Grâce 
à ce procédé, l'inscription était plus visible et les lettres 
sculptées se conservaient mieux. Cf. Renan, Le livre 
de Job, Paris, 1859, p. 81 ; Frz. Delitzsch, Das Buch Job, 
Leipzig, 1876, p. 246. Il ne peut évidemment être ques- 
tion d'un burin de plomb, ce métal étant beaucoup 
trop mou pour servir à cet usage. La Vulgate suppose 
l'inscription gravée « avec un stylet de fer et une lame 
de plomb, ou sculptée au burin sur le roc. » Les an- 
ciens écrivaient parfois sur des lames de plomb, même 
des inscriptions assez longues. Cf. Pausanias, ix, 31, 4; 
Pline, H. N., xm, 21 ; Tacite, Annal., n, 69, etc. Voir 
t. il, fig. 491, col. 1366. Mais le texte hébreu et les Sep- 



tante parlent de plomb, 'eférét, i/oXiëw, et non de lames 
de plomb, et la contexture même de la phrase exige 
que le plomb soit ici, non la matière sur laquelle on 
écrit, mais celle au moyen de laquelle on constitue 
l'inscription, barzél ve'oférét, avec « le fer et le plomb ». 
Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 246. On n'a pas 
retrouvé d'inscription ancienne ayant du plomb coulé 
dans le creux des lettres. Mais le procédé n'était pas 
d'invention si difficile qu'il ne pût être employé en cer- 
tains cas. — 5» Le plomb est encore désigné en hébreu 
par le mot 'ânâk, l'assyrien anaku. Mais ce mot n'est 
utilisé qu'une fois, Am., vu, 7, 8, pour désigner le fil à 
plomb. Voir Fil a plomb, t. il, col. 2244. 

H. Lesêtre. 
PLONGEURS, oiseaux de l'ordre des palmipèdes, 
surtout remarquables par leur facilité à plonger 
pour chercher leur proie dans l'eau. Imparfaitement 
organisés pour le vol ou la marche, ils mènent une vie 
presque exclusivement aquatique. Les plongeurs pro- 
prement dits ne se rencontrent guère que dans les mers 
des climats froids. Aussi n'en est-il pas fait mention 
dans la Sainte Écriture. — Mais on trouve en Pales- 
tine d'autres oiseaux qui se nourrissent de poissons et 
plongent adroitement pour saisir leur proie. Tels sont 
les martins-pêcheurs, passereaux de l'espèce ceryle 
rudii, qui pèchent de petits poissons dans les lagunes 
d'eau douce, ou de l'espèce alcyon smyrnensis, qui 
plongent dans le Jourdain avec un agilité surprenante. 
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 429, 
448, 463. A la mer Morte et surtout au lac de Tibériade 
vivent par myriades des échassiers macrodactyles 
appelés grèbes huppés, podiceps cristatus. Ces oiseaux, 
longs d'environ m 50, portent au sommet de la tête 
une double huppe qui leur donne un aspect très gra- 
cieux, avec leur cou long et mince. Ils nagent presque 
complètement plongés dans l'eau et ne peuvent être 
atteints qu'à la tête. Extrêmement sauvages, ils s'enfon- 
cent à la moindre alerte. De leur long bec, ils aiment à 
enlever les yeux des poissons, surtout des chromis, 
dont beaucoup errent ensuite aveugles à travers les 
eaux du lac. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 432, 
510. Ces oiseaux ont été sûrement connus des anciens 
Hébreux; mais ils étaient beaucoup trop inaccessibles 
pour que le législateur songeât à parler d'eux au point 
de vue de l'alimentation. Peut-être les assimilait-on au 
porphyrion. Voir Porphyrion. H. Lesêtre. 

P LUIE, eau qui se déverse des nuages sur la terre 
en globules plus ou moins volumineux. La pluie tombe 
quand les gouttelettes liquides qui composent un nuage 
deviennent trop lourdes pour rester en suspension 
dans l'atmosphère. C'est ce qui arrive quand, par suite 
du refroidissement de l'air ou du transport du nuage 
dans des régions à plus basse température, de nouvelles 
quantités de vapeur viennent se condenser à la surface 
des gouttelettes déjà formées. D'autres fois, un fort 
ébranlement de l'air, comme celui qui résulte des dé- 
charges de la foudre, suffit pour déterminer la résolu- 
tion d'un nuage en pluie. Voir Nuage, t. iv, col. 1710. 

I. Les noms de la pluie. — La pluie est désignée en 
hébreu par treize noms différents, ce qui indique l'impor- 
tance qu'on attachait en Palestine à ce phénomène mété- 
orologique. Ces noms sont les suivants : mâtàr, ieiô;, 
pluvia; — ge'Sétn, Ctté;, pluvia, « averse »; — gosém, 
ûetôç, compluta est; — metar-géSém, ûst<î« yeipiepivô?, 
« p\uie d'hiver », pluvia imbrà, « grosse p\uVe«; — 
géséni-mitrôt, -/etpwv ûtré;, hiemis pluvia, « pluie d'hi- 
ver »; — zérém, vctôc, pluvia; — sagrîr, mayâve;, 
« gouttes », perstillantia; — zarzîf, oxa-fâtsç, stillicidia; 
— sâfîah, OSata Oîrua, « eaux inférieures », alluvio; — 
rebibim, viçetoi;, « pluie », stillse; — se'irim, 6V6pos, 
imber; — yôréh, istiç irpciïjioç, pluvia temporanea, 
« première pluie »; — môréh, veto? Kpt£ïy.oç, pluvia 



471 



PLUIE 



472 



matutina, « première pluie »; — nialqôs, -jetôç o<]/iu.oç, 
pluvia serotina, « arrière-pluie »; — sefàv, « temps de 
pluie », ûstii;, imber. Dans le Nouveau Testament, les 
mots qui désignent la pluie sont 'jtzàt, pluvia, et 6po-/r\, 
seulement dans Matth., vu, 25, 27. 

II. La pluie en général. — 1° la pluie est beaucoup 
plus appréciée dans les climats très chauds que dans 
les nôtres; elle l'est encore davantage dans les régions 
où font défaut, les rivières et les moyens naturels ou 
artificiels d'irrigation. Aussi les auteurs sacrés parlent- 
ils de la pluie comme d'un grand bienfait de Dieu. 

Qui a ouvert des canaux aux ODdëes... 

Afin que la phiie tombe sur une terre inhabitée, 

Sur le désert où il n'y a point d'hommes, 

Pour qu'elle arrose la plaine vaste et vide, 

Et y fasse germer l'herbe verte ! 

La pluie a-t-elle un père ? 

Job, xxxvm, 25-28. C'est Dieu qui verse la pluie sur la 
terre, Job, v, 10, par le moyen des nuées qui se 
vident, Eccle., xi, 3. C'est lui qui commande aux 
ondées et aux averses, Job, xxxvn, 6; Jer., x, 13; li, 
16, qui fait les éclairs et la pluie, Ps. cxxxv (cxxxiv), 
7, qui donne des lois à la pluie, Job, xxvm, 26, de 
manière qu'elle vienne en temps propice. Act., xiv, 16. 

IVattire les gouttes d'eau 

Qui se répandent en pluie par leur propre poids ; 

Les nuées la laissent couler, 

Et en versent les ondées sur le3 hommes. 

Job, xxxvi, 27, 28. Et qui peut compter les gouttes de 
pluie? Eccli., i, 2. Dieu accorde la pluie à tous sans 
distinction, bons et mauvais. Matth., v, 45. Mais les 
idoles seraient bien incapables d'en donner. Jer., xiv, 
22; Bar., vi, 52. Aussi la pluie est-elle invitée, comme 
toutes les autres créatures, à bénir le Seigneur. 
Dan., vi, 64. — 2' La pluie est un élément de fécon- 
dité pour le sol. ;< La pluie et la neige descendent du 
ciel et n'y retournent pas, qu'elles n'aient abreuvé et 
fécondé la terre et ne l'aient couverte de verdure, 
qu'elles n'aient donné la semence au semeur et le pain 
à celui qui mange. » ls., lv, 10; cf. xxx, 23. Après la 
pluie, le soleil vient et l'herbe sort de terre. Gen., n, 
5; II Reg., xxm, 4. Cf. Ps. cxlvii (cxlvi), 8. La pluie 
fait aussi croître les arbres. Is., xliv, 14. « Lorsqu'une 
terre, abreuvée par la pluie qui tombe souvent sur elle, 
produit une herbe utile à ceux pour qui on la cultive, 
elle a part à la bénédiction de Dieu. » Heb., vi, 7. — 
3° Quelquefois la pluie a des effets désagréables ou 
nuisibles. A travers la couverture mal close, elle forme 
des gouttières qui coulent dans la maison. Prov., xxvn, 
15. Au dehors, il faut une tente pour s'abriter contre 
elle. Is., tv, 6. Il y a des malheureux qui passent la 
nuit sans vêtement; la pluie des montagnes les pé- 
nètre, alors même qu'ils cherchent à se blottir contre 
un rocher. Job, xxiv, 8. La pluie fait écrouler les murs 
mal bâtis. Ezech., xm, 11, 13; Matth., vu, 25, 27. Elle 
peut tomber en torrents dévastateurs. Ezech., xxxvni, 
22. C'est ce qui arriva en particulier au déluge. Gen., 
vu, 12; vin, 2. 

III. Le régime pluvial en Palestine. — 1° Le pays 
que Dieu donna aux Israélites était un « pays de mon- 
tagnes et de vallées, qui est arrosé par la pluie du 
ciel ». Deut., xi, 11. En cela, il différait totalement de 
l'Egypte. La Palestine, en effet, n'a pas à compter sur les 
rivières pour arroser le sol. Les torrents qui descen- 
dent des collines vers le Jourdain ou vers la Méditer- 
ranée sont eux-mêmes taris pendant la saison sèche. 
C'est donc de la pluie seule qu'il faut attendre l'irriga- 
tion des terres. Elle tombe d'ailleurs en Palestine avec 
une régularité remarquable. Elle commence à appa- 
raître ea octobre et cesse tout à fait avec le mois de 
mai. A Jérusalem, les jours de pluie sont en moyenne 
de 1 */g en octobre, 5 !/2 en novembre, 9 en décembre, 



10 en janvier, 10 1/2 en février, 8 l /t en mars, 5 ï/j en 
avril, 1 1/2 en mai. Cf. Socin, Pàlâstina und Syrien, 
.Leipzig, 1891, p. 35;. Palestine Exploration Fund, 
Quarterly Statement, 1883, p. 8-40; 1892, p. 50-71; 
Zeitschrift des deutschen Palàslina-Vereins, t. xiv, 
1891, p. 93-112. Il ne se produit que des variations 
légères daus la distribution de ces jours pluvieux. La 
même règle s'applique à peu près à tout l'ensemble du 
pays. Il tombe moins de pluie cependant du côté de 
Gaza, et surtout dans la vallée encaissée du Jourdain. 
La hauteur de pluie qui tombe dans l'année et de 1M0 à 
2 ra 12, en moyenne de l m 60, alors que la moyenne est 
del m 50 à la surface du globe. Cette pluie alimente les 
sources et servait autrefois à remplir les citernes. Il 
est probable que, quand la Palestine était plus boisée 
et plus cultivée qu'aujourd'hui, les pluies étaient 
encore plus abondantes. La fraîcheur entretenue par 
la végétation déterminait la précipitation de nuages qui 
passent maintenant sans rien donner ou dont la pluie 
s'évapore dans une atmosphère desséchée, avant d'avoir 
touché le sol. La dénudation du pays a un autre incon- 
vénient. Au lieu d'être arrêtée par les cultures et de 
pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un sol ameubli, la pluie 
ruisselle à la surface et les trois quarts en sont perdus, 
ne produisant d'autres effets que des ravinements 
dévastateurs. Ce sont les vents d'ouest et de sud-ouest 
qui amènent la pluie en Palestine. III Reg., xvm, 44; 
Luc, xii, 54. Le vent du nord souffle assez rarement; 
il se sature d'humidité sur les sommets du Liban et de 
l'Anti-Liban et amène aussi de la pluie. Prov., xxv, 23. 
2° Les Israélites distinguaient deux pluies, la pre- 
mière pluie, yôréh ou môréh, pluvia temporanea, et 
l'arrière ou dernière pluie, malqôs, pluvia serotina. 
Deut., xi, 14; Jer., m, 3; v, 24; Joël., 11, 23; Jacob., v, 
7. Cf. Schebiith, ix, 7; Nedarim, vin, 5, etc. La pre- 
mière pluie commençait à tomber en octobre et deve- 
nait plus fréquente en novembre. C'est elle qui ameu- 
blissait le sol et permettait le travail préparatoire aux 
semailles. A son défaut, « à cause du sol crevassé, 
parce qu'il n'y a pas eu de pluie sur la terre, les labou- 
reurs sont confondus. » Jer., xiv, 4. Cette première 
pluie manquait rarement; il fallait des sécheresses ex- 
ceptionnelles pour qu'on - en fût totalement privé. 
III Reg., xvn, 1. Dans les derniers temps avant l'ère 
chrétienne, le sanhédrin ordonnait des jeûnes répétés, 
quand cette pluie tardait encore en novembre et sur- 
tout en décembre. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. — La 
période qui va du commencement àe décembre à la îin 
de février est la saison des pluies. Elle compte une 
trentaine de jours pluvieux, sur les cinquante-deux 
jours de pluie habituels à la Palestine, Le neuvième 
mois, correspondant à décembre, est signalé pour son 
caractère pluvieux. I Esd., x, 9, 13. Pendant ce mois, 
à la fête de la Dédicace, Notre-Seigneur était obligé de 
s'abriter dans le Temple sous le portique de Salomon, 
à cause des intempéries. Joa., x, 22, 23. Cette saison 
n'avait pas d'importance spéciale au point de vue agri- 
cole. Cependant des pluies trop continues empêchaient 
la, maturation de l'orge ou mettaient les chemins hors 
de service. Cf. Matth., xxiv, 30; Josèphe, Ant. jud., 
XIV, xv, 12. En pareil cas, on retardait la Pàque d'un 
mois, en ajoutant au douzième mois de l'année. le mois 
intercalaire de veadar. Voir. PIque, t. iv, col. 2098. — La 
seconde pluie venait en mars et en avril. C'est elle 
qui arrosait les céréales déjà en herbe et facilitait leur 
croissance. De son abondance dépendaient la quantité 
et la [qualité de la moisson. Aussi était-elle attendue 
avec anxiété. Job, xxix, 23; Prov., xvi, 15; Jer., m, 3; 
Ezech., xxxiv, 26; Ose., vi, 3; Zach., x, 1. M. Yigouroux, 
dans la Revue biblique, 1894, p. 440, raconte comment 
il fut, en Palestine, « témoin des souhaits que tout le 
monde répétait sans cesse, pour obtenir cette « pluie 
« tardive » qui avait fait jusque-là défaut. Et, en effet, 



473 



PLUIE — PLUME 



474 



les récoltes commençaient à sécher dans les champs, 
les citernes tarissaient et les accapareurs cachaient le 
blé. Aussi, quand la pluie est tombée en abondance, 
la joie a été universelle ; ceux-là même dont les projets 
de voyage étaient ainsi renversés, ou qui rentraient 
chez eux trempés jusqu'aux os, bénissaient ce don de 
Dieu, qui apportait avec la fertilité la seule eau qu'on 
ait pour boire dans la plus grande partie du pays. » 
Cette pluie n'était pas toujours régulière. « Je vous ai 
retenu la pluie alors qu'il y avait encore trois mois 
avant la moisson... ; une terre était arrosée par la pluie, 
et une autre, sur laquelle il ne pleuvait pas, se dessé- 
chait. » Am., iv, 7. Il ne fallait pas pourtant que cette 
pluie fût trop violente ; car alors elle renversait les 
épis et causait la disette. Prov., xxviii, 3. — En mai, 
la pluie cessait complètement. Cant., h, 11. Elle était 
aussi insolite pendant la moisson, c'est-à-dire à partir 
de la seconde quinzaine de mai, que la neige en été. 
Prov., xxvi, 1. C'est pourquoi Samuel donne comme 
une marque certaine de l'intervention divine la pluie 
qu'il obtient à l'époque de la moisson. 1 Beg., xn, 17, 
18. — Cf. Tristram, The natural History af Ihe Bible, 
Londres, 1889, p. 31-33. — Du milieu de mai au mi- 
lieu d'octobre, la pluie ne tombe plus en Palestine. Ed. 
Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2 e édit., 
1856, 1. 1, p. 428 T 431. 

IV. Caractère providentiel de la pluie pour les 
Hébreux. — 1» « Si vous gardez mes commandements 
et les mettez en pratique, j'enverrai vos pluies en leur 
saison ; la terre donnera ses produits et les arbres des 
champs donneront leurs fruits. » Lev., xxvi, 3, 4. 
Telle est la convention établie dès l'origine entre Dieu 
et son peuple. Elle est rappelée dans le Deutéronome, 
xi, 14, 17 : Que les Israélites soient fidèles, la première 
et la seconde pluie viendront à leur heure, et, en con- 
séquence, le blé, le vin, l'huile et le fourrage abonde- 
ront. Qu'ils soient infidèles, Dieu « fermera le ciel et 
il n'y aura plus de pluie », par conséquent, plus de 
récoltes. Dieu leur enverra de la poussière au lieu de 
pluie. Deut., xxvm, 24. II n'est point dit que Dieu ait 
toujours appliqué à la rigueur les termes de la con- 
vention et proportionné le bienfait de la pluie au degré 
de fidélité des Israélites. Dans leur histoire, en effet, 
il est beaucoup plus souvent question de transgressions 
et d'apostasies que de sécheresse et de disettes. Néan- 
moins, en plusieurs circonstances, le châtiment annoncé 
suivit les fautes. — 2° A la consécration du Temple, 
Salomon demanda au Seigueur d'oublier les péchés 
àe .set» çe\yfA«. et. de lui accorder la pluie, III Reg.; 
vni, 36, quand ce peuple se repentirait sincèrement et 
viendrait dans le Temple implorer son Dieu. II Par., vi, 
26, 27. Le Seigneur daigna répondre qu'il en serait ainsi. 
IIPar.,vu, 13, 14. —3° Le prophète Élie fut chargé d'aller 
dire à l'impie Achab, roi d'Israël : « Il n'y aura ces 
années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole. » 
III Reg., xvii, 1. La prophétie s'accomplit, et la famine 
fut la conséquence de la sécheresse. Nulle part même 
on ne trouvait d'herbe pour la nourriture des animaux, 
qu'on était obligé d'abattre. III Reg., xvm, 5. Sur 
l'ordre du Seigneur, Éiie se présenta de nouveau 
devant . Achab, et, après avoir confondu et fait périr 
les prophètes de Baal, il annonça la pluie, qui en effet 
fut amenée par des nuages venus du côté de la mer 
et tomba abondamment. III Reg., xvm, 41-45; Jacob., 
v, 18. — 4° Isaïe, v, 6, comparant Israël à une vigne 
stérile, dit que le Seigneur commandera aux nuées de 
ne plus laisser tomber la pluie sur elle. David avait 
déjà appelé la même malédiction sur les monts de 
Gelboé, témoins de la mort de Saûl. II Reg., i, 21. 
Jérémie, v, 24, 25, s'adresse en ces termes à ses com- 
patriotes impies : « Ils ne disent, pas dans leur cœur : 
Craignons Jéhovah notre Dieu, lui qui donne ia pluie, 
celle de la première saison et celle de l'arrière-saison, 



et qui nous garde les semaines destinées à la moisson. ; 
Ce sont vos iniquités qui ont dérangé cet ordre, ce 
sont vos péchés qui vous privent de ces biens. » 
Amos, iv, 7, 8, fait une remarque analogue. Zacharie, ; 
xiv, 17, 18, annonce que la pluie fera défaut en Pales- 
tine et en Egypte, si les familles de ces pays ne sont: 
pas représentéesà Jérusalem pour la fête desTabernacles. : 
Cette fête se célébrait les derniers jours de septembre 
et les premiers jours d'octobre, par conséquent à la 
veille de la première pluie. La pluie est tout à fait 
exceptionnelle en Egypte. Deut., xi, 10, 11. Cr. Héro- 
dote, m, 10. Mais les pluies abondantes des régions 
qui alimentent le Nil peuvent faire plus ou moins défaut, 
et l'inondation du fleuve n'être plus suffisante pour 
arroser et féconder le pays. "Voir Irrigation, t. m, 
col. 926. Les Septante ont supprimé dans ce passage 
la mention de la pluie et ne parlent que d'un tléau, 
itTùot;. — 5° Les deux témoins que Dieu envoie sur la 
terre pour parler et agir en son nom « ont la puissance 
de fermer le ciel pour empêcher la pluie de tomber 
durant les jours de leur prédication ». Apoc, xi, 6. 

VI. Comparaisons. — 1° A cause de son rôle si bien- 
faisant en Palestine, les écrivains sacrés comparent à 
la pluie l'enseignement de la loi et de la sagesse. 
Deut., xxxn, 2; Job, xxix, 23; la miséricorde divine, 
Eccli., xxxv, 26 (19), et la faveur du roi. Prov., xvi, 
15. — 2° La venue du Messie sera pour le monde 
comme une pluie bienfaisante et féconde. 

Qu'il descende comme la pluie sur le gazon, 
Comme l'ondée qui arrose la terre 1 
Qu'en ses jours le juste fleurisse, 
Avec l'abondance de la paix ! 

Ps. lxxii (lxxi), 6. Isaïe, xlv, 8, dit aussi : 

Cieux, répandez d'en haut votre rosée, 
Et que les nuées fassent pleuvoir la justice! 
Que la terre s'ouvre et produise le salut, 
Qu'elle fasse germer la justice en même temps ! 

Israël espère que Dieu viendra à lui, « comme la pluie 
tardive qui arrose la terre. » Os., vi, 3. — 3» Par assi- 
milation, on dit que Dieu fait pleuvoir la grêle, Exod., IX, 
18, 23; le feu du ciel, Gen., xix, 24; Ezech., xxxvm, 
22; Luc, xvii, 29; sa colère, Job, xx, 23; les pièges 
sur les pécheurs, Ps. xi (x), 7; la manne et les cailles 
du désert. Exod., xvi, 4; Ps. lxxv (lxxiv), 24, 27. 

H. Lesêtkb. 
1. PLUME (hébreu : nôçâh, sis; Septante : xrspév; 
"Vulgate : pluma), produit épidermique, de nature plus 
compliquée que le poil des mammifères, et qui sert à 
recouvrir le corps des oiseaux. — Quand le prêtre offrait 
un sacrifice d'oiseaux, il devait jeter de côté le jabot et 
nosatdh. Lev., i, 16. On fait ordinairement venir nosdh 
de î/â{râ', « sortir », et on lui donne le sens d' « impu- 
reté, excrément ». Mais en s'en tenant à la leçon du 
Samaritain, et à la traduction des Septante, de Sym- 
maque, de Théodotion et de la Vulgate, on doit traduire 
par « plume ». Nô§âh a le sens de plume, Job, xxxix, 
13; Ezech., xvii, 3, 7. Il est certain d'ailleurs qu'avant 
de porter un oiseau sur l'autel, on le déplumait. 
Cf. Sebachim, vi,2; Siphra, f. 67, 1. — Jérémie, xlviii, 
9, dit à propos de Moab : 

Donnez la plume à Moab, car en s' envolant il fuira, 
Ses villes seront dévastées et dépeuplées. 

Ici, le mot qui désigne la plume, prise pour les ailes, 
est sss. Or, ce mot a plusieurs significations. C'est d'abord 
le nom de la lame d'or du grand-prêtre, ce qui fait que 
les Septante le traduisent par <rrçu.sïa, « signes », et le 
Chaldéen par « couronne », la lame d'or étant comme 
la couronne du grand-prêtre et le signe de sa dignité. 
Exod., xxvm, 36-38. Le mot gif veut aussi dire «Jleur», 
Job, xiv, 2, traduction admise par Aquila et la Vulgate, 
tandis que Symmaque le rend par « germe ». Pour ,■ 



475 



PLUME — POÊLE 



476 



continuer la métaphore, la Vulgate fait venir le verbe 
suivant nâjo' de nus, « fleurir », et traduit : « Donnez 
une fleur à Moab, car il sortira florissant, » ce qui con- 
corde peu avec le vers suivant. En réalité, nâso' vient 
de nâsâ', «voler », etyiya ici le sens déplume. Jérémie 
semble s'inspirer d'un passage d'Isaïe, xvi, 2, également 
contre Moab : 

Comme des ofseaux fugitifs, 

Comme une nichée que l'on disperse, 

Telles seront les filles de Moab. 

Voir Aile, t. i, col. 311. — Ézéchiel, xvn, 3, 7, repré- 
sente le roi de Babylone comme un grand aigle, « cou- 
vert d'un plumage, nosâh, aux couleurs variées, » et, le 
roi d'Egypte comme un aigle aux « nombreuses plumes » . 
Dans ces deux passages, les Septante traduisent par 
ovules, « serres ». Ici le sens du mot nôsah-, correspon- 
dant à l'assyrien nâsu, n'est point douteux. Dans Job, 
xxxix, 13, il est dit que l'aile de l'autruche n'est ni 
(celle de) la cigogne, ni nosâh, « la plume » qui vole. 
Les Septante reproduisent le mot sans le traduire : 
véa-oo. La Vulgate traduit par « épervler », en faisant 
probablement venir nosâh du miphal nissâh, « se 
disputer », d'où oiseau de proie. H. Lesètre. 

2. PLUME A ÉCRIRE. Voir CA.LAMK, t. Il, col. 50. 

PLUVIER (Septante : x«pao"p«>;; Vulgate : chara- 
drion, charadrius), oiseau de l'ordre des échassiers, à 
bec long et renflé à l'extrémité, habitant le voisinage 
des eaux et se nourrissant d'insectes aquatiques et d'an- 
nélides. Les pluviers vivent en troupes et voyagent 
ensemble quand ils émigrent d'Afrique usque dans le 
nord de l'Europe (fig. 100). Ils sont nombreux dans la 




100. — Le pluvier. 

Basse Egypte. — Les Septante et la Vulgate, Lev,, xi, 19; 
Deut., xiv, 18, traduisent par « pluvier » le mot'ândfâh, 
qni désigne beaucoup plus probablement le héron. 
Voir Héron, t. m, col. 654. Les pluviers ne sont pas 
nommés parmi les échassiers qui fréquentent les bords 
des lacs palestiniens. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
Paris, 1884, p. 526, 543. Le législateur hébreu n'a donc 
pas eu à s'occuper d'eux. H. Lesêtre. 

POCOCKE Edward, théologien anglican, l'un des 
plus célèbres orientalistes de la Grande Bretagne, né 
le 8 novembre 1604 à Oxford, mort dans cette ville le 
10 septembre 1691 . Après avoir fait ses études dans sa 
ville natale, où il étudia surtout les langues orientales 
et reçut les ordres anglicans, il fut nommé, en 1630, 
chapelain de la factorerie anglaise à Alep et y séjourna 



six ans. En 1636, Land, archevêque de Cantorbéry, 
fonda en sa faveur une chaire d'arabe à l'université 
d'Oxford. Il ne put professer qu'en 1647, après de nom- 
breuses difficultés. Pocock se servit de ses études 
orientales principalement pour l'intelligence des Écri- 
tures. Il fut un des principaux collaborateurs de la 
Polyglotte deWalton.En 1655, il publia, in-4», à Oxford, 
sa Porta Mosis, contenant six discours arabes, impri- 
més en caractères hébreux, des commentaires de Moïse 
Maimonide sur laMischna,avec une traduction anglaise 
et des notes. Ce fut le premier ouvrage publié par la 
presse hébraïque d'Oxford. Outre plusieurs autres pu- 
blications orientales, on lui doit Commentary on the 
Prophéties of Micah and Malachi, 1677; Horea, 1685; 
Joël, 1691. Ces divers ouvrages ont été réunis dans ses 
Theological Works, 2 ih-8», Londres, 1740, en tête 
desquelles on trouve une biographie de l'auteur. Voir 
W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 352; S. Lee, Oic- 
tionary of national Biography, t. xlvi, 1896, p. 7-12. 

PODAGRE, maladie de la goutte, affectant spéciale- 
ment les pieds. — La goutte est une maladie qui en- 
vahit l'organisme entier et se présentée l'état tantôt 
aigu et tantôt chronique. Elle se déclare d'ordinaire 
entre 25 et 55 ans et atteint plus souvent les hommes 
que les femmes. Ses causes les plus fréquentes sont les 
excès de table, la vie molle et sédentaire, le défaut 
d'exercice, quelquefois l'impression d'un froid humide, 
la suppression de la transpiration, etc. La goutte se 
manifeste par une douleur subite et très vive au gros 
orteil, ou plus rarement au cou de pied, au genou, à 
la main. La douleur augmente et finit par devenir 
intolérable. L'accès dure plusieurs jours et se renou- 
velle à intervalles irréguliers; puis, les périodes de 
souffrance se multiplient et se prolongent; des nodosi- 
tés et des concrétions d'urates et de phosphates cal- 
caires se forment dans les articulations et en rendent 
les mouvements difficiles ou même impossibles. On 
appelle podagre la goutte qui s'attaque aux pieds, 
chiragre celle qui atteint les mains, etc. La goutte se 
traite surtout par des soins hygiéniques, exercice, 
sobriété, régularité de vie, frictions, séjour dans les 
climats chaudset secs, etc. — Il est racontédu roi Asa 
que hàlâh 'ét-raglâv, È7rov,e<7£ toùj TtôSaç oûtoî, doluit 
pedes, III Reg., xv, 23; yéhélé' beraglâv, èu.aXaxi<rây] 
toùç TiôSaç, cegrotavit dolore pedum. II Par., xvi, 12. 
Il fut malade des pieds, et, suivant ce qu'ajoute ce 
dernier texte, il en arriva à éprouver de grandes souf- 
frances. Le mal se déclara la trente-neuvième année du 
règne d'Asa; il dura par conséquent de deux à trois 
ans, puisque le roi mourut la quarante et unième 
année. II Par., xvi, 12, 13. Le texte sacré ajoute qu'au 
lieu de chercher Jéhovah, sans doute pour en obtenir 
sa guérison, il s'adressa aux médecins. Ceux-ci n'arri- 
vèrent ni à le guérir ni à le soulager beaucoup. On 
s'accorde généralement à reconnaître la goutte dans la 
maladie si succinctement décrite; sa localisation, les 
souffrances qu'elle occasionna, son prolongement sont 
des caractères propres à la goutte. Il est probable qu'à 
un moment elle remonta jusqu'à un organe essentiel, 
le cœur ou le cerveau, et entraîna ainsi la mort. L'an- 
cienne médecine ne possédait pas de spécifiques 
sérieux contre ce mal. Lucien, Tragopodagra, 173, 
indique comme remède contre la podagre un exorcisme 
fait par un Juif. — Il y a peut-être, dans plusieurs autres 
textes, quelque allusion à la goutte qui paralyse les 
genoux, Job, IV, 4, et à celle qui atteint à la fois les 
genoux et les mains. Eccli., xxv, 32; Is., xxxv, 3; 
Heb., xn, 12. — Cf. W. Ebstein, Die Medizin im 
Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 148. 

H. Lesêtre. 

POÊLE (hébreu : maliâbaf, masrêf; Septante : 
T)JYavov> Vulgate : sartago), instrument qui sert à faire 



477 



POÊLE — POÉSIE HÉBRAÏQUE 



478 



frire sur le feu des gâteaux ou des mets analogues. 
La poêle était en métal et ne consistait guère que 
dans une simple plaque avec ou sans rebords (fig. 101). 
— On faisait frire sur la poêle des gâteaux de fleur 
de farine destinés aux oblations. Lev., u, 5; vi, 21 ; 
vif, 9. Ces gâteaux étaient ordinairement mélangés 
d'huile, ce qui leur permettait de se détacher facile- 
ment du métal. Dans le Temple, il y avait des lévites 
chargés de veiller sur les gâteaux cuils à la poêle, 
I Par., ix, 31; xxm, 29. — Chez son frère Amnon- 
Thamar fit cuire des gâteaux, puis prit la poêle et 
les versa. II Reg., xm, 9. Le mot mairêÇ n'ap- 
paraît que dans ce passage. Le mot mafyâbaf n'est 
pourtant pas réservé pour les poêles du Temple. — 
Ezéchiel, iv, 1-3, reçut l'ordre de tracer sur une brique 
un plan de Jérusalem et de construire autour l'appareil 
d'un siège, puis de prendre une poêle de fer et de la 
placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont 
il figurait l'assiégeant. Cette poêle de fer, ainsi inter- 
posée, signifiait que Dieu, le véritable assiégeant, ne 
voulait plus ni voir ni entendre Jérusale m, dont le 




101. — Poêle à frire, trouvée à Pompéi. 
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 556. 

sort était irrévocablement fixé et la ruine décidée. Dans 
la réalité, la poêle de fer représentait ici les péchés 
d'un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible. 
Isaïe, lix, 2, avait en effet déjà dit : « Ce sont vos ini- 
quités qui ont mis une séparation entre vous et votre 
Dieu, ce sont vos péchés qui vous ont caché sa face 
pour qu'il ne vous entendît pas. » Cf. Lam., m, 44. — 
Pendant la persécution d'Antiochus Épiphane, le pre- 
mier des sept frères, d'abord affreusement mutilé, fut 
placé sur une poêle pour y être rôti, et la vapeur de 
la poêle se répandit au loin. II Mach., vu, 3-5. 

H. Lesêtre. 

POÉSIE HÉBRAÏQUE. Sur le caractère général 
de la poésie hébraïque et sur les caractères particuiiers 
qui la distinguent, parallélisme, vers, strophe, voir Hé- 
braïque (Langue), t. tu, col. 487-492 

1° Origine babylonienne de la poésie hébraïque. — 
Le parallélisme n'est pas une invention des Hébreux, 
on le trouve dans de très anciens poèmes babyloniens 
et même égyptiens, quoique moins régulier dans ces 
derniers. Eb. Schrader, Semilismus und Babylonismus, 
dans les Jahrbucher fur proteslantische Théologie, 
1. 1, 1875, p. 121 ; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur As- 
syriologie, t. vin, p. 121 ; t. x, p. 1 ; W. Max Mùller, Die 
Liebespoesie der alten Aegyyler, 1899, p. 10. La littéra- 
ture assyrienne offre même des exemples de poèmes 
alphabétiques. Proceedings of the Society of Biblical 
Archseology, t. vu, 1895, p. 135-151. C'est donc de leur 
patrie primitive que les Hébreux avaient emporté, pour 
ainsi dire, leur moule poétique. Leurs ancêtres avaient 
connu, là aussi, leur principal genre poétique, la poésie 
lyrique, et l'on a pu donner le nom de psaumes à des 
poèmes babyloniens qui par leur ton, leur tour et 
leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux 
chants du Psautier, dont ils diffèrent peu pour la forme, 
quoiqu'ils en différent totalement par la doctrine théolo- 
gique. — Ni les Assyriens ni les Hébreux n'eurent l'idée 
du draine proprement dit. — L'antique Babylonie eut des 
poèmes épiques, tels que le poème de Gilgamès, mais 



les Israélites n'ont jamais utilisé cette forme de poésie. 
L'Écriture contient snrtout des poèmes lyriques. Pour 
les différents noms qu'on leur donnait, voir Psaumes. 
— Avec la poésie lyrique,, la poésie gnomique ou didac- 
tique, mâîal, fut la plus cultivée chez les Hébreux. Voir 
Proverbes. 

2° Usage de la poésie chez les Hébreux. — Comme 
chez tous les peuples, dès la plus haute antiquité, les 
Hébreux eurent recours à la poésie pour exprimer leurs 
joies et leurs peines, les événements heureux et les 
deuils de la vie privée ou de la vie publique. Le plus 
ancien morceau poétique que renferme la Bible est re- 
latif à l'histoire de Lamech. Gen., rv, 23-24. Moïse chante 
le passage de la mer Rouge, Exod.,xv, 1-21; Débora, la 
victoire de Barac et la défaite de Sisara, Jud., v, etc. 
Cf. I Reg., xvm, 7; Jud., xv, 16; Num., xxi, 27-30; 
Jos., x, 12. Noé, Gen., ix, 25-27; Jacob, Gen., xlix; 
Moïse, Deut., xxxnr, bénissent leurs enfants ou leur 
peuple en un teslament poétique. David déplore dans 
une élégie d'un lyrisme achevé la mort de Saùl et de 
Jonathas, II Reg., i, 18-27; Jérémie, dans ses touchantes' 
Lamentations, les malheurs de son peuple emmené en 
captivité. Cf. II Reg., m, 33; Jud., xi, 40. La poésie 
comme la musique égayait lès festins. Is., v, 12; xxtv, 
9; Amos, vj, 5; Jud., xrv, 14, 18, etc. La découverte 
d'une source fournissait matière à un chant. Num., xxi, 
17-18. On célébrait aussi par des chants poétiques la 
moisson et les vendanges. Jud., rx, 27. Voir Chanson, 
t. il, col. 551. Mais les Hébreux composaient surtout des 
chants religieux et leur poésie est avant tout religieuse. 
Le Psautier en est la preuve; aucun autre recueil poé- 
tique ne peut lui être comparé pour l'élévation des sen- 
timents, la profondeur de la piété, l'éclat du lyrisme, 
l'union intime du poète avec Dieu, Les livres des pro- 
phètes nous offrent une plus grande variété de formes 
poétiques que les Psaumes, mais c'est le même senti- 
ment religieux qui s'y manifeste. 

Les chants sacrés, avec accompagnement de musique, 
furent un des éléments principaux du culte rendu à 
Dieu par les Israélites. Voir Chant sacré, t. n, col. 553; 
Chantres du temple, col. 556; Musique, m, t. iv, 
col. 13i9. C'est aux Hébreux que l'Église chrétienne a 
emprunté avec les Psaumes, l'usage de la psalmodie et 
du chant liturgique. 

3» Technique de la poésie hébraïque. — 1. La poésie 
hébraïque, comme toutes les poésies, se distingue de 
la prose par l'assujettissement à des règles spéciales 
qui consistent surtout dans le rythme et dans la me- 
sure. Un poème doit briller par !e choix des pensées, 
la beauté des figures, le mouvement, la couleur et 
l'éclat du style, mais toutes ces qualités peuvent exister 
dans la prose; ce qui constitue proprement te poème 
en tant qu'œuvre d'art, c'est en général, la métrique; 
en hébreu, c'est en particulier le parallélisme, qui 
par lui-même n'exige pas une mesure rigoureuse et 
peut se rencontrer à la vérité dans des morceaux qui 
ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister 
avec le vers, lequel caractérise par excellence les mor- 
ceaux poétiques. Les règles de la versification hébraïque 
ne nous sont pas bien connues, mais l'existence du 
vers hébreu n'en est pas moins certaine. Les poèmes 
hébreux sont aussi souvent divisés en strophes. 

2. Outre ces caractères généraux, on peut signaler 
dans la poésie hébraïque, a) l'emploi de mots, de 
formes grammaticales et de tournures qui lui sont 
propres, comme dans toutes les langues; — b) les 
poèmes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque 
série parallèle commence par une lettre de l'alphabet, 
selon son ordre alphabétique. Voir Alphabétique 
(Poème), t. i, col. 416; — c) la rime ou répétition du 
même son à une place déterminée du vers. L'emploi 
de la rime dans la poésie rabbinique est fréquent, 
mais son usage régulier ne paraît pas antérieur au 



479 poésie hébraïque — poétiques (livres) de la bible 480 



vu» siècle de notre ère. On ne la rencontre donc qu'acci- 
dentellement dans l'ancienne poésie hébraïque. La 
langue des Hébreux, par la sonorité des finales de ses 
mots et de ses flexions, fournit à la rime des ressources 
abondantes et le poète est amené tout naturellement à 
s'en servir et à répéter, sans les chercher, les mêmes ter- 
minaisons qu'il emploie nécessairement pour exprimer 
sa pensée. Il y a donc dans ce qu'il écrit des rimes in- 
conscientes, mais elles sont aussi quelquefois un effet 
de l'art comme on n'en saurait douter lorsqu'elles ré- 
viennent d'une manière régulière et suivie et par con- 
séquent voulue. Ainsi, par exemple, dans les vers sui- 
vants de Job, x, 9-18. 

Zekor-na kî kahômèr 'âêîtânî 
Ve'él l dfâr leUbênî. 

Hâlô" kékàlâb (afikênî 
Vekagbinâh (aqpVèni. 
_ 'Ôr ûbdiâr {albisêni 
Uba'àsdmôt vegidîm (eiôkkênî. 

Jfayîm vdhéséd 'àêîlâ' immâdî 
Ûfquddatkâ sâmrâh rûhi. 

Ve'élléh sàfantâ bilbâbèka 
Yâda'etî kî zô( 'immâk, 

'Im hâfa'ti usemartànî 
Umê'âvôni l'ô penaqqênî. 

'Im rdsaefi 'alelai li 
Veiddaqlî l'ô 'éssd' r'ôsî 
Seba' qâlôn ure'êh 'onyî. 

Ve-ig'éh kassahal (esûdènî 
Vefasob (ilpalld' bi. 

TehaddêS 'èdêka negdî 
Veféréb ka'askâ 'immâdî 
Biàlifôf vesdbd' 'immî. 

Velâmmâh mêréljiém hôs'êlànî 
'Egeva ve'ain l'ô-(ir'êni. 

Voir aussi le Ps. vi, dont une grande partie des vers 
sont rimes. 

d) L'assonance, c'est-à-dire la reproduction fréquente 
du même son, est recherchée par les poètes hébreux. 
Elle se distingue.de la rime en ce qu'elle n'est pas placée 
régulièrement à la fin du vers mais arbitrairement à 
des endroits différents. Dans les 44 vers que contient 
le chap. v des Lamentations, la syllabe nû est répétée 
trente-cinq fois; elle l'est douze fois dans les seize vers 
de Ps. cxxiv. Elle est autant un artifice de rhétorique 
qu'un procédé poétique, de même que l'allitération et 
les jeux de mots, mais tous ces moyens qui piquent 
l'attention et aident la mémoire du lecteur ou de l'au- 
diteur sont familiers aux poètes d'Israël. 

e) L'allitération est la répétition des mêmes lettres 
ou des mêmes syllabes. Les exemples en sont nom- 
breux : èo'âh umeès'âh, « solitude et désert », qui se lit 
deux fois dans Job, xxx, 3, et xxxvm, 27, etc. — L'an- 
nomination est la répétition des mêmes mots sous des 
formes différentes; Isaïe l'affectionne particulièrement. 

Hinnèh Yahvéh metaltélqâ. 
Taltêlâh gâber ve'ôtkâ 'atôh 
Çanôf isnofkd senêfdh. Is., xxii, 17-18. 

Quant aux paronomases et aux jeux de mots, les poètes 
hébreux s'y complaisent, lreû rabbîm veîrâ'û. Ps. xl, 
4. Veire'û saddiqim veîrd'û. Ps. LU, 8. Vehdyetah 
td&niyàh vëâniyâh. ls.,xxix, 1, etc. 'Voir Jevs ce mots, 
U III, col. 1525. Cf. aussi G. W. Hopf, Allitération, 
Assonanz, Reim in. der Bibel, in-8°, Erlangen, 1883; 
J. M. Casanowicz, Paronomasia in the old Testament, 
in-8°, Boston, 1894. 

Sur la poésie hébraïque en général, voir l'historique 
et l'exposé des systèmes anciens et modernes sur la 
métrique hébraïque dans J. Dôller, Rythmus', Metrik 
und Strophik in der biblisch-hebrâischen Poésie, in-8°, 
Paderborn, 1899; Ed. Konig, Stilistik, Rhetorik, Poe- 



tik im Bezug auf die biblische Literatur, in-8", Leip- 
zig, 1900, p. 346 sq. Sur les strophes en particulier, 
voir D. H. Mùller, Die Prophetên in ihrer ursprûngli- 
chen Form, 2 in-8", Vienne, 1896; F. Perles, Zur 
hebraïschen Strophik, Vienne, 1896; J. K. Zenner, S. J., 
Die Chorgesânge im Bûche der Psalmen, 2 in-4°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1896 ; D. H. Muller, Strophenbau 
und Besponsion, in-8», Vienne, 1898. Voir aussi 
H. Grimme, Psalmenprobleme, Vntersuchungen ûber 
Metrik, Strophen und Pasekdes Psalmenbuches, in-4°, 
Fribourg (Suisse), 1902. F. Vigouroux. 

POÈTE (grec : 7co!7|Tr,s). Ce mot, désignant un écri- 
vain qui a composé des vers, ne se lit qu'une fois dans 
l'Écriture. Saint Paul, dans son discours de l'Aréopage, 
cite littéralement à ses auditeurs un vers d'Aratus qui 
était comme lui originaire de Cilicie. Voir ARATUS,t.l, 
col. 882. II ne le lui attribue pas d'ailleurs nommé- 
ment, mais il s'exprime ainsi : «comme l'ont dit quel- 
ques-uns de vos poètes. » Act., xvii, 28. Cette manière 
de parler pourrait ne pas être prise à la rigueur de la 
lettre et s'entendre d'un seul poète, mais il est vrai 
que deux autres poètes grecs sont connus comme ayant 
écrit un vers semblable : 'Ex aov yàp flvo; lir(ilv, dit 
Cléanthe, Hynm. in Jov., 15. "Ev àvSpûv, h 6ewv févoç, 
dit Pindare, Nem., 6. Voir Wetstein, In Act., xvii, 28, 
Novum Testam. gr., t. il, 1752, p. 570. 

Saint Paul cite aussi un poète Cretois, Tit. , I, 12, éga- 
lement sans le nommer; il l'appelle « un prophète » 
des Cretois. Voir Epiménide, t. il, col. 1894. Dans 
I Cor., xv, 33, il reproduit un vers de la Thaïs de Mé- 
nandre, mais sans aucune indication. Voir Ménandre, 
t. iv, col. 960. Ce sont là les seuls poètes profanes cités 
dans le Nouveau Testament. — Dans l'Ancien Testa- 
ment, on ne trouve qu'un mot qui, en hébreu, dé- 
signe les poètes en général, et encore ne s'applique-t-il 
directement qu'à ceux qui composent des mâSâl, poèmes 
gnomiques, didactiques et satiriques. Les Nombres, 
XXI, 27, rapportent les vers contre Moab, f. 27-30, en 
les attribuant aux môHîm ou poètes. La Vulgate n'a 
pas traduit ce mot; les Septante l'ont rendu par oî 
a'tvtYJJiaiTKTTai'. — Il est possible que le mot nâbî', « pro- 
phète », eut accessoirement le sens de poète, parce 
que les prophètes écrivaient souvent ou s'exprimaient 
en vers, mais ce n'était certainement, en tout cas, qu'une 
signification secondaire et dérivée. Ben Sirach fait 
l'éloge des poètes sacrés (bwn >Nin:i). Eccli., XLIV, 5. 

F. Vigouroux. 

POETIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE. - 
1° L'Écriture contient un certain nombre de livres écrits 
en vers et des morceaux poétiques se trouvent aussi 
dans plusieurs des livres écrits en prose. Voir t. m, 
col. 487. Les grammairiens hébreux n'ont noté que 
trois livres avec les accents poétiques, Job, les Psaumes 
et les Proverbes, mais on range aussi aujourd'hui parmi 
les livres poétiques le Cantique des Cantiques et les La- 
mentations. Plusieurs y ajoutent l'Ecclésiaste et l'Ecclé- 
siastique dont une partie a été retrouvée dans le texte 
original. — Deux recueils de poésies qui contenaient 
des morceaux profanes avec des morceaux religieux, 
le Livre des Guerres du Seigneur, Num., XXI, 14, et le 
Livre des Justes ou du YdSâr (Jos., IX, 13, etc. Voir 
Justes (Livre des), t. m, col. 1873. Cf. Livres perdus, 
1°, 2», t. rv, col. 317), ne nous sont plus connus que par 
des citations. Il paraît avoir existé aussi un recueil 
d'élégies ou lamentions funèbres, qinôf. II Par., xxxv, 
25. 

On pourrait considérer également comme livres poé- 
tiques les écrits de plusieurs prophètes, qui se con- 
forment en général aux règles de la poésie hébraïque, 
tels que Isaïe, Osée, Joël, Amos, Abdias, Michée,, 
Nahum, Habacuc, Sophonie, etc. Cependant ils s'as- 
treignent d'ordinaire moins rigoureusement aux exi- 



481 



POÉTIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE — POIDS 



482 



gences de la poétique hébraïque, de sorte qu'il n'est 
pas toujours facile de distinguer ce qui est vers de ce 
qui n'est que style oratoire, et de tracer une ligne 
exacte de démarcation entre les deux. Si nombre de 
morceaux renferment des chants, des psaumes ou des 
cantiques en vers réguliers, Is., xn, 1-6, etc., qu'on re- 
connaît sans peine, il en est autrement ailleurs. Néan- 
moins même quand ils ne s'expriment pas en vers pro- 
prement dits, les prophètes, souvent, ne parlent pas en 
prose simple; ils se servent d'un langage mesuré, plus 
soigné, plus artificiel et plus rare, afin qu'il soit plus, 
digne des oracles divins qu'il transmet aux hommes et 
afin qu'il frappe davantage l'imagination et l'esprit des 
auditeurs et des lecteurs. Il est, du reste, malaisé d'en 
fixer les règles précises. Tandis que, parfois, ils s'ex- 
priment de la manière la plus ordinaire, sans aucun 
effort et sans aucun artifice, ls., vu, 1-3; Jer., xxi, 1-10, 
d'autres fois, prose et poésie sont entremêlées, Is., vi; 
Jer., i, etc., et ailleurs, entre l'une et l'autre, apparaît 
un langage rythmé, qui n'est ni la simple prose ni le 
vers de Job ou des Psaumes, et qui est caractérisé sur- 
tout par le parallélisme, mais avec des nuances et des 
variations infinies. F. Vigouroux. 

POIDS, morceaux de pierre ou de métal d'une pesan- 
teur déterminée, qu'on a employés, dès les temps les 
plus reculés, pour peser les objets de toute nature. 
Comme l'or et l'argent ne furent monnayés qu'à une 
époque relativement tardive et qu'il fallait les peser 
pour connaître leur valeur, chez les Hébreux, comme 
chez les Babyloniens et les Assyriens, les mêmes noms, 
talent, mine, sicle, etc., servent à désigner soit des 
poids, soit des monnaies. Voir Monnaie, t. iv, col. 1235. 

I. Les poids a l'okigine. — 1» Poids primitifs. — 
De même que les membres du corps humain fourni- 
rent les premières mesures de longueur, par exemple, 
la coudée, le pied, l'empan, le palme, le doigt, voir 
Mesures, t. rv, col. 1041-1042, de même la nature pro- 
cura aux hommes, sous la forme des graines de cer- 
taines plantes communes, telles que le blé, l'orge, les 
haricots, etc., les premiers poids dont ils firent usage. 
Voir Ridgeway, Origin of nietallic Currency and 
standard Weigths, in-8», Cambridge, 1892, p. 387. 
Divers passages du Talmud mentionnent encore ces 
poids primitifs. Voir le traité Scheqâlim. Maimonide 
dit aussi, Constitut. de Siclis, Leyde, 1718, p. 1-2, que, 
sous les rois hébreux, le sicle pesait 320 grains d'orge. 
Néanmoins, il exista de très bonne heure, en Egypte et 
spécialement chez les Babyloniens, un système com- 
plet, fort bien agencé, en ce qui concerne cette partie 
de la métrologie. 

2° Noms. — Le mot « poids » se dit en hébreu : 
niisqdl, bptfD, ou Séqél, Vpp, de la racine sâqal, 

T ï " 

« peser ». Cf. Gen., xliii, 21; Ex., xxx, 14; Lev., v, 
15; xxix, 35, etc. Les poids des anciens Israélites 
furent tout d'abord de simples pierres, et c'est pour 
ce motif qu'on les nommait habituellement Q'jax, 

* T-: 

'âbânîm, « pierres ». Cf. Lev., xix, 36; Deut., xxv, 13; 
II Reg., xiv, 26; Prov., xi, 1; xvi, 11; xx, 10, 23, etc. 
En fait, on a retrouvé, à Jérusalem et en d'autres 
endroits de la Palestine, plusieurs poids en pierre 
ordinaire, en hématite, etc. Voir Talent. Plus tard, ils 
paraissent avoir été aussi quelquefois en plomb, cf. Zach. , 
v, 7, et sans doute aussi en d'autres métaux. 

3° Formes. — Les Égyptiens, les Assyriens et les 
Babyloniens donnaient à leurs poids des formes d'ani- 
maux : notamment celle d'un lion accroupi, muni 
d'une anse qui le rendait plus maniable (fig. 102), celle 
d'un canard (fig. 103), celle d'une gazelle ou d'autres 
animaux. Voir Balance, t. ï, fig. 420, col. 1403. C'est 
peut-être pour ce motif que le mot hébreu ms'Dp, 
qesitàh, Gen.,[xxxm, 19, cf. Jos., xxiv, 32, et Job, xlii, 

DICT. DE LA BIBLE. 



11, est traduit par « agneau » dans les Septante et dans 
la plupart des autres versions anciennes. Voir Gese- 
nius, Thésaurus, t. m, p. 1241. Mais on ne peut rien 
dire de certain à ce sujet. Les poids hébreux, assy- 
riens et babyloniens portaient d'ordinaire une ou deux 
inscriptions, qui marquaient leur valeur et le nom 
du roi qui les avait fait fabriquer. C'est ainsi que, sur 
un poids assyrien en forme de lion, on lit ces mots 
gravés en araméen : « deux mines du pays », et cette 




102. — Poids assyrien en forme de lion. British Muséum. 

autre inscription en caractères cunéiformes : « Palais 
de Sennachérib; deux mines du roi. » Sur un poids 
babylonien en basalte vert, en forme de canard, on lit 
en caractères cunéiformes : « Trente mines de poids 
justifié. Palais d'Irba-Mérodach, roi de Babylone. » 

4» Poids hébreux. — On ne pouvait pas manquer de 
retrouver quelques anciens poids hébreux en Pales- 
tine; mais ils ne forment encore qu'une série très 
incomplète. Toutefois, il ne faut pas oublier que les 
sicles juifs qui sont parvenus jusqu'à nous sous forme 
de monnaie comptent aussi sous ce rapport, puisque, à 




103. — Poids assyrien en forme de canard. 

la façon de nos monnaies courantes, ils correspon- 
daient à des poids fixes. — 1° M. Clermont-Ganneau a 
étudié dans son Recueil d'archéologie orientale, t. iv, 
1900, p. 24-35, quelques-uns de ces poids. Un tout petit 
poids de 2» r 54 seulement, a été découvert en Samarie; 
il porte deux inscriptions en hébreu : réba' nésef, 
njwa-i, « quart d'une moitié » (?), et réba' sel, Stfjo-,, 
« quart d'un sicle » (?) (fig. 104). Trois autres poids sont 
l'un en pierre rougeâtre, l'autre rouge clair et le troi- 
sième en calcaire blanc; ,ils ont été trouvés à Tell- 
Zacharîya; ils pèsent 10u r 21, 9»"05 et 9 grammes (fig. 105). 
Sur chacun d'eux on a cru lire le mot hébreu nésef, 
*]2M, qu'on a traduit ordinairement par « moitié ». Un 

autre poids, également de petites dimensions, a la 
forme d'un grain de chapelet percé et est en pierre 
d'un jaune rougeâtre ; il provient d'Anâtà, l'ancienne 
Anathoth, près de Jérusalem, et correspond à 89 r 61. 
Les hébraïsants ont beaucoup discuté au sujet de ces 
inscriptions, sans pouvoir se mettre entièrement 
d'accord. Quelques-uns d'entre eux ont lu néség, xti, 

ou késéf, IDd, « argent », au lieu de néséf. En tout 

V. — 16 



483 



POIDS 



484 



cas, le mut reba' désigne certainement un quart. Voir 
Ed. Kcenig, EMeit&ng indnsttltè Testam. y in*8», Eton%, 
1893, p. 485, h. 1 ; Driver, Introd. ta Ike Mteratwv 
of the Otd Test., in-8», 6« édil., p. 449, note; Pales- 
tine Escplor. Fund, Quarterly Stâitemênt, iâ-8», 1890, 
p> 267-288; 1891, p. €9; 1893, p. 22; 1894, p. 220, $86- 
287; 1895, p. 187-190. - 2» Dans la ."même revue, 1892, 



l^0j4 




104. — Poids en hématite, en forme de navette, découvert à 
Samarîe. D'après Palestine Expl. Fund, Quart. Stat., 
1890, p. 267; 1894, p. 287. 

p. 114, M. FI. Pétrie analysé d'autres poids qu'on a 
aussi découverts en Palestine, Mais rien de tout cela 
ne conduit à des résultats définitifs. 

11. Anciens systèmes métrologiques de l'Orient 
biblique en ce qui concerne les poids. — i. ob- 
SERVATIONS générales. ■*- Les Hébreux paraissent 
avoir eu assez tôt un système de poids bien complet. 
Ce système était le même, dans son ensemble, que 
celui de la plupart des peuples de l'Asie antérieure, en 
particulier des Phéniciens, des Syriens, de plusieurs 
provinces d'Asie Mineure, et tout spécialement le même 
que celui des Babyloniens. — Où avait d'abord simple- 




105. — Quatre poids israélites à inscriptions. 

D'après Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, 

t.'fv, 1" et 2' livr., 1900, p. 25, 26, 18. 

ment conjecturé, puis on a démontré de la manière 
la plus certaine qu'en ce qui regarde les poids., comme 
les mesuTes de longueur et de capacité, tous les sys- 
tèmes métrologiques de l'antiquité, y compris ceux de 
l'Egypte, de la Grèce, de la Sicile, de l'Italie, etc., ont 
entre eux une ressemblance frappante, et que Babylone 
en est le centre, ou plutôt le lieu d'origine. Voir Bôckh, 
Metrolùgische Untersuchungen ùber Gewichte, Mwnz- 
fûise tmd Maasse des Alterlkwms in ihreni Zusàrn- 
menkatige, in-8°, Berlin, 1838. Bertheau, ZurGesckichte 
der leraeliten, in-8°, Gœttingue, 1842, a développé 
eette idée et cette démonstration pat rapport aux an- 
ciens Hébreux; M. Brandis l'a reprise plus "en grand, 
dams son ouvrage intitulé Dos Munît- , Mttss- tmâ Ge- 
wichtswëeen in Vorderusien bis auf Klexan&er den 
Grosse», ia-8°, Berlin, 1866. La preuve est devenue 



péremptoire à la suite des ^vanls travaux de M. G. P. 
Lehmann, Voirsurtout Dm altbabytonièehé Mttss* tind 
Gewichtssystem aïs Gfundiwge der ttntifcen 'Gèwichl-, 
Mûnz- und Maassystefne, dans les Actes en vin» Congrès 
international des Orientalistes, Section sémitique Ï3, 
iïi-8», Leyde, 1893, p. 166-2Î6. CL V. Buruy, Histoire 
dés Grecs, t. î, Paris, 1887, p. 608. Nâturellemeut, le 
système bàbytaM'en a subi des modifications et des 
trahsfor'maliioûs multiples thez les divers peuples qui 
l'ont emprunté, tout en demeurant an fond le même. 

On peut regarder comme un point ittcontêstable que, 
dès te xvr 3 siècle avant J.-C, la partie du Système 
Hiétrôtogique des Babyloniens qui se rapporte aux poids 
avait péwélfré daWs les régions syriennes. Cela ressort 
de la façon te plus évidente du fait suivant : dans les 
iascriptioïis de TeH j el-A«ïarna, les tributs payés att roi 
d'ugypte Ttootbmès 111 par ses vasslaux de Syrie sont 
énumérés en pcMs assyriens, cW-à-dire, en talents 
et eft mines, et non pas en poids égyptiens. Voir Leh- 
mann, datis faZeitaChHft fur Assyriok/gie, t. itt, 1888, 
p, 392. Il est vrai que, sur l'inscription du temple de 
Kara'ak, les mêmes tributs sont ênoïrcës d'après le 
système métroiogique égyptien. Mais il est visible, par 
la seule inspection des chiffres marqués, que ces chif- 
fres eut été obtenus au moyen de Calculs, et traduits 
pouf ainsi dire en langue «égyptienne ; éar ils sont sou- 
vent impairs, et même accompagnés de fractions, tandis 
que d'ordinaire les tributs étaient comptés par centaines 
et par milliers de talents, de mines, de sïcles, etc. Cf. 
Nowack, Bandb'uch der hebr. Àrckâotogie, t. î, p. 206 ; 
Benringer, >Mëbr. Afvhâologie, p. 186. Suivant Héro- 
dote, in, 91, l'Egypte elle-même payait le tribut aux 
Perses d'après les poids babyloniens. 

il. les poids BABmomENS. — Quelques indications 
à ce sujet sont ici à leur place, puisque c'est au sys- 
tème babylonien 'que les Hébreux ont emprunte leurs 
propres poids. Cette branche a été en quelque sorte 
révolutienïiée de ïi®s jours, non seulement par l'élude 
des textes assyriens et babyloniens, mais surtout par 
la découverte d'un nombre assez considérable de poids 
de Babylone 'et de Ninive. — Le principe sur lequel 
s'appuie tout 'ce système métrolog'ique est le principe 
sexagésittfal, ainsi nommé parce que lé chiffre 60 
joue chèà les Babylewtens le même rôle que le chiffre 
10 chez nous. Leur unité de poids était la mine, 
MA'NA des inscriptions, qui correspond à màneh des 
Hébreux, au grec fivâ et au latin mna ou mina. Au 
dessus de la mine était le talent, appelé gaggarou dans 
les -lettres de Teîl-et-ÂmaTtta, kikkaren hébreu, TaXavTov, 
c'est-à-dire « poids », en grec, taientum en latin; il 
valait 60 mines. Au dessous de la mine était le sicle, en 
assyrien siklu, sègél en hébreu, aUXa en grec, ou 
»T«TV|p, siclus eh latin; elle formait la soixantième partie 
de la mine. Il fallait dottc, en ChaMee et en Assyrie, 
60 sicles pour làire «ne mine, 60 mines pour faire un 
talent. [Les monuments découverts à Îeil-Loh, dans la 
Bahylonie méridioJiasle, montrent que les ChaldéeJis se 
servaient aussi d'un poids inférieur, nommé chi, qui 
correspondait à 180 grains de blé (60x3). 

On a remaYqué qu'à Babylone et à Ninive il existait 
un double système de poids, et, dans chaque Système, 
une double série, la série lourde et la série légère. 
Voir'C. P. Léhmann, Sikungsberïchte der archàolog. 
GesèltSChaft £ù Berlin, 1888, p. 27-42; j5os altbabylo- 
nische Muas- unà Gewichtssystem, 1893, p. 6-20. La série 
lourde pesait exactement le double de la série légère. Le 
premier système a été surnommé royal, parce que les 
poids qui le représentent ont été trouvés dans les palais 
royaux et qu'il portent tous cette inscription : « Tant 
et tant de mines du roi. » La mine royale lourde a été 
évaluée, d'après ces modèles, à 1010 gr. (c'est le poids 
de la fig. 102), et la mine légère à 505 gr. (poids de la 
Kg. 103). D'après cela, le talent royal de la série lourd 



485 



POIDS 



486 



correspondait à 1010 gr. x 60, c'est-à-dire à 60 600 gr., 
et le talent royal de la série faible, à 505 gr. X 60, . 
c'est-à-dire 30 300 gr. Le sicle royal lourd, qui était la 
60 e partie de la mine, valait 16s r 83, et le sicle royal 
léger pesait 8a r 41. Voir Lehmann, dans Zeitschrift fur 
Ethnologie, 1889, p. 372-373. A côté de ce système de 
poids royaux, les Babyloniens en avaient un autre, dit 
commun ou usuel, dont on a également retrouvé des 
échantillons, marqués « une 1/2 mine, un 1/3 de mine, 
1/6 de mine ». Ces poids étaient un peu plus faibles 
que les poids royaux. D'après les évaluations de M. Leh- 
mann, la mine lourde y valait en moyenne 989*24; la 
mine légère, 491s r 2. 

m. s rsrSME des poids hébreux. — Il était en réa- 
lité, ainsi qu'il a été dit plus haut, la reproduction de 
celui des Babyloniens. A Jérusalem comme à Babylone, 
les poids principaux étaient le sicle, la mine et le 
talent. Le talent valait 60 mines, et tel était aussi le cas 
en Asie Mineure, en Grèce, en Syrie, en Perse. Mais 
le sicle avait cessé d'être la 60 e partie de la mine; par 
un compromis entre le système sexagésimal et le sys- 
tème décimal, elle en était devenue la 50 e partie. Nous 
ignorons à quelle époque précise et en quel endroit se 
fit tout d'abord cette transformation. Chez les Israélites, 
elle nous apparaît dès l'Exode, xxxvm, 24-25, où nous 
voyons que leurs talents d'argent n'équivalaient pas à 
3 600 sicles, comme à Babylone, mais seulement à 3000. 

Les principaux poids des Hébreux sont mentionnés 
très souvent dans la Bible, mais toujours d'une manière 
indirecte, par conséquent sommaire et incomplète, car 
les écrivains sacrés supposaient à bon droit que ce sujet 
était familier à leurs lecteurs. Çà et là cependant, les 
rapports réciproques de plusieurs poids ou mesures 
sont indiqués en termes explicites. Cf. Exod,, xv, 36; 
Ezech,, xlv, 12. 

1° Le sicle. — L'unité de poids des Israélites était le 
sicle, séqél, qui valait, à l'époque des Machabées, et 
probablement aussi dès celle de Moïse, 149'200. Les 
subdivisions du sicle envisagé comme poids, étaient : 
— 1. le 1/2 sicle ou béqa,', ypn, de la racine biqiï, « divi- 
ser ». Cf. Gen.. xxiv, 22; Ex., xxx, 13 et xxxvm, 26, 
dans le texte hébreu. Voir Béka, t. 1, col. 1555; — 2. Le 
gérâh, mi, « grain », qui était la dixième partie du 

T" 

béqa', la vingtième partie du sicle. Cf. Exod., xxx, 13; 
Lev., xxvu, 25; Num., in, 47; xvnr, 16; Ez., xi.v, 12. 
Voir Obole, t. m, col. 197. C'était le plus petit de tous 
les poids hébreux . — 3. L'Ancien Testament signale aussi 
le 1/3 de sicle, Neh., x, 32, et le 1/4 de sicle, appelé 
rèba', « quart », Gen., xxiv, 22; 1 Beg., ix, 8. Plus 
tard, les Juifs donnèrent au réba' le nom de zouz, ni. 
Voir Réba'. 

2" La mine. — Au-dessus du sicle, il y avait la mine, 
en hébreu, màneh, rua. Cf. III Reg., ix, 17; I Esd., n, 
9; II Esd., vh, 71-72. Son poids était de 50 sicles, 
comme il a été dit plus haut. Il est vrai que, d'après 
Ézéchiel, xlv, 12, elle paraît avoir correspondu à 
60 sicles, car on lit dans le texte hébreu de ce passage, 
et aussi dans la Vulgate : «c Le sicle a 20 gérafi; la 
mine doit avoir 20 sicles, 25 sicles, 15 sicles. » Or, 20 
■+- 25 ■+- 15 = 60. Mais, généralement, on préfère à 
cette leçon celle de la traduction grecque des Septante 
d'après le Codex Alexandrinus et le Codex Vaticanus : 
« Cinq (sicles) doivent élre cinq (sicles), et dix sicles, 
dix, et (de) cinquante sicles sera votre mine. » Manière 
de dire que les poids doivent avoir leur valeur rigou- 
reusement exacte, ni plus ni moins. Il est très possible, 
en effet, que le texte primitif ait été altéré en cet en- 
droit. Voir F. Keil, Bibl, Commentar àber den Pro- 
plielen Ezéchiel, in-8°, Leipzig, 1868, p. 460-461. Les 
mines mentionnées au I er livre des Machabées, xiv, 24 
et xv, 18, sont des mines attiques, qui avaient un poids 
distinct. Voir Mine, t. iv, col. 1102-1105. 



3" Le talent. — Le poids le plus élevé, chez les 
Hébreux comme chez les Babyloniens, les Perses, etc., 
était le talent. Son nom hébreu, kikkar, iss, a le sens 

de « rond, objet rond », sans doute parce que telle était 
sa forme primitive. Voir Talent. Il équivalait à 60 mines, 
à 3000 sicles. Cela ressort très évidemment du passage 
Exod., xxxvm, 24-25, où nous voyons que 603550 demi- 
sicles correspondaient en poids à 100 talents 1775 sicles. 
Comp. aussi Exod., xxv, 39; II Reg., xn, 30; III Reg., 
ix, 14; x, 10, 14; II Par., xxv, 9, etc. 

4» Poids dans le Nouveau Testament. — Le Nouveau 
Testament ne mentionne qu'une nouvelle espèce de 
poids, la Xt'tpa, Vulgate, libra, la livre, Joa., xn, 3; 
xix, 139 : poids romain qu'on évalue à 326sr327, et 
qui se subdivisait en 12 onces. — Dans l'Apocalypse, xvi, 
21, nous trouvons aussi la mention du talent en tant 
que poids : des grêlons pesant un talent. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., V, vj, 3. — On a trouvé à Jérusalem, en 
1891, une grosse pierre ayant servi de poids et pesant 
41 Lil 900 grammes. Voir Palestine Exploration Fund, 
Quarterly Statement, 1892, p. 289-290; F. Vigouroux, 
Manuel biblique, 12* edit., t. i, p. 310. 

5° Les balances. — Pour peser, on se servait de ba- 
lances. Cf. Gen., xxiii, 16; xxiv, 22; Deut., xxv, 13; 
Prov., xi, 1; xx, 10; Is., xxtv, 6; Am., vin, 5, etc. Voir 
Balance, t. i, col. 1400-1405. Les marchands les por- 
taient avec eux, en même temps que les poids les plus 
usuels, placés dans une pochette. Cf. Deut., xxiH, 3; 
Prov., xvi, 4;Mich., vi, 11. Cela était d'autant plus né- 
cessaire que, pendant longtemps, l'argent et l'or n'étaient 
pas monnayés, et qu'il fallait les peser chaque fois qu'ils 
étaient donnés en paiement. Cf. Jer., xxxn, \0. Voir 
Monnaie, t. iv, col. 1235. 

III. Rapport des poids hébreux avec noire système 
décimal. — Il est très difficile, pour ne pas dire impos- 
sible, de déterminer cette relation avec certitude, 
comme on le voit par les divergences qui existent entre 
les évaluations des savants qui se sont le plus occupés 
de ce problème. Les modèles qu'on a récemment décou- 
verts nous sont parvenus en trop petite quantité et dans 
un état de préservation trop incomplète, pour nous 
fournir autre chose que d'assez vagues indications. Du 
moins, nous pourrons établir l'équivalence d'une façon 
approximative. Pour fixer le rapport qui existe entre 
notre système décimal et les poids des anciens Israélites, 
les savants ont pris pour base le sicle d'argent de 
l'époque des Machabées, qu'ils ont supposé être de même 
pesanteur que celui des anciens Hébreux. Les deux ta- 
bleaux qui suivent indiquent les résultats ainsi obtenus. 

h~q%< fierait gr. 

1 Talent ^ 60 mines 3 O00 sicles 6000 60000= 42 533,100 

1 Mine = 50— 100 1000— 708,850 

1 Sicle = 2 20=. 14,200 

1 Béqa' =- 10 = 7,t00 

1 Gérah*= =- 0,108 



Ou bien : 
Gérah 

1 — 

10 = 

20 = 

1000 = 



2= i — 



100 = 50 «= 1 raine. 



0,708 

7,100 

14,200 

708,850 

42 533,100 



60000 « 6000 ^ 3000 — 60 — = 1 Talent = 

IV. Le poids du sanctuaire et le poids du roi. — 
1° On rencontre fréquemment dans le Pentateuque 
l'expression sêqel haq-qôdés, iff-r^n "jptf, « poids tjjj 

sanctuaire », au sujet de laquelle on a fait des conjec- 
tures plus ou moins heureuses. Cf. Ex., xxx, 13, 24; 
xxxvm, 24, 26; Lev., v, 15; xxvu, 3, 25; Num., m, 
47, 50; vu, 13-14; xvm, 16. Les rabbins l'expliquaient 
en ce sens qu'à côté du poids du sanctuaire, ou poids 
sacré, les Hébreux en auraient eu d'ordinaires, en 
quelque sorte civils, dont la valeur aurait été moindre 



487 



POIDS — POIL 



488 



de moitié. Voir Maimonide, Constitut. de siclis, éd. de 
Leyde, 1718, p. 19 ; Bertheau, Zur Gesch. derhraeliten, 
Gœttingue, 1842, p. 26-27. Cette hypothèse rappellerait 
aussi le système babylonien; mais elle est sans fonde- 
ment, car il n'est parlé nulle part d'un tel arrangement 
chez les Hébreux. D'autres ont supposé que le système 
de poids ainsi nommé dépassait au contraire les poids 
ordinaires. Voir Nowack, Handbuck der hebr. Archéo- 
logie, 1. 1, p. 209. — Il est plus simple et beaucoup plus 
naturel de dire, avec la plupart des interprètes, que la 
locution « poids du sanctuaire » indiquait des poids 
légaux, d'une exactitude rigoureuse, conformes aux éta- 
lons qui avaient été déposés, d'abord dans le tabernacle, 
puis dans le temple, pour servir de norme régulière. 
Le Talmud, Kélim, 17, 9, constate que c'est près de la 
porte orientale du temple que se trouvait ce dépôt. 
Cette hypothèse explique aussi pourquoi, d'après I Par., 
xxm, 29, les fils d'Aaron paraissent avoir été préposés 
aux poids et mesures. Voir Keil et Delitzsch, Bibl. Com- 
mentar ûber die nachexilischen Geschichtsbûcher, in- 
8», Leipzig, 1870, p. 194; Josèphe, Ant. jud., VIII, m, 
8; Michaelis, Mosaisches Recht, Francfort-sur-le-Main, 
1775-1780, t. îv, § 227. Les Romains conservaient ainsi 
au Capitule, et les Athéniens dans les bâtiments de la 
monnaie, les étalons de leurs divers poids. Cf. V. Duruy, 
Histoire des Grecs, 1. 1, Paris, 1887, p. 390-391 ; Histoire 
des Romains, t. v, Paris, 1883, p. 504. 

2° Nous lisons aussi dans l'Ancien Testament, mais 
une seule fois, II Reg., xiv, 26, l'expression « poids du 
roi », 'ébén hani-mêlék, littéralement « pierre du roi », 
Septante, irô aîxXw x& (3aTiXucw;Vulgate, pondère publico. 
Il est dit, dans ce passage, que la chevelure d'Absalom, 
lorsqu'il la coupait une fois par an, pesait 200 sicles 
d'après le poids du roi. Les avis des commentateurs 
sont également très divisés sur ce point, d'autant 
plus qu'une chevelure d'homme pesant 2 kil 840 gr. 
(14si , 200 X 200) parait chose impossible. Peut-être y 
aura-t-il eu ici une corruption du texte en ce qui regarde 
les chiffres. Du moins, d'après la plupart des auteurs, 
le poids du roi aurait été exactement le même que le 
pbiàs du sanctuaire. "Voir BcêcVlVv, Metrologische Ûnter. 
suchungen Mer Geivichte..., p. 61; Bertheau, l. c. 
p. 28. D'autres ont pensé, à la suite de Josèphe, Ant., 
VII, vin, 5, que le poids du roi aurait dépassé en pesan- 
teur le poids commun, de sorte qu'il n'aurait fallu 
que 40 sicles royaux au lieu de 50, pour valoir une mine. 
D'autres, au contraire, ont regardé le poids royal comme 
inférieur de moitié au poids ordinaire. On est dans l'in- 
certitude sur ce point. Le plus vraisemblable est que le 
poids royal signifie poids juste et exact. 

V» Les poids envisagés dans la Bible au point de 
vue moral. — La scrupuleuse fidélité par le manie- 
ment des poids est fréquemment exigée dans les livres 
les plus divers de l'Ancien Testament. Les auteurs 
inspirés insistent à ce sujet, soit à cause du caractère 
sacré de la propriété individuelle, soit en vue de la 
loyauté et de la paix des relations commerciales ou 
sociales. Lev.,xix, 35-36 : « Vous ne commettrez d'ini- 
quité ni dans les jugements, ...ni dans les poids... Vous 
aurez des balances justes, des poids justes, » 'abné 
sédeq. Deut., xxv, 13-16 : « Tu n'auras pas dans ton 
sac (dans ta pochette) un poids et un poids, un gros 
et un petit...; tu auras un poids exact et juste (à la 
lettre, une pierre de perfection et de justice), afin que 
tes jours se prolongent dans le pays que le Seigneur 
ton Dieu te donne. » Prov., xi, 1 : « La balance fausse 
est en abomination au Seigneur; mais le poids juste 
lui est agréable. » Prov., xx, 10 : « Deux sortes de poids 
sont une abomination an Seigneur. » Eccli>, xlii, 14, 
le fils de Sirach recommande instamment « la justesse 
de la balance et des poids », c'est-à-dire l'honnêteté dans 
tous les rapports commerciaux. Mich., vi, 11 : « Est-on 
puravec des balances fausses et avec de faux poids dans 



le sae ? » C'est en conformité avec ces conseils que les 
..rabbins exigeaient, Baba bathra, v, 10 f, qu'on nettoyât 
soigneusement les poids et les balances, de crainte que 
les matières étrangères, en y adhérant, n'en dimi- 
nuassent la parfaite justesse, aux dépens de l'acheteur. 
VI. Bibliographie. — Liber de mensuris et ponderi- 
bus, Migne, t. xliii, col. 271-274; Eisenschmidt, De 
ponderibus et mensuris veterum Bomanorum, Grssco- 
rum et Hebrœorum, Strasbourg, 1737; Paucton, 
Métrologie ou traité des Mesures, Poids et Monnaies 
des anciens peuples et des modernes, in-4°, Paris, 1780; 
X. Bôckh, Metrologische Unter suchungen uber Ge- 
wichte, Mûnzfûsse und Maasse des Alterthums, in-8°, 
Berlin, 1838; V. Vasquez Queipo, Essai sur les systèmes 
métriques et monétaires des anciens peuples, 3 vol. 
in-8°, Paris, 1859; L. Herzfeld, Metrologische Vorunter- 
suchungen zu einer Geschichte des ibràischen résp. 
altjûdischen Handels, Leipzig, 1863-1865; de Wette, 
Lehrbuch der hebrâisch-jûdischen Archâologie, in-8», 
4° édit., Leipzig, 1864, § 182-184; J. Brandis, Das 
Mûnz-, Mass-und Gewichtswesenin Vorderasien, in-£°, 
Berlin, 1866, p. 43-45, 95, 102-103, 158; F. Hultsch, Metro- 
logicorum scriptorum reliquias, 2 in-4°, 1864-1866 ; 

B. Zuckermann, Das jûdische Maassyslem in seinen 
Beziehungen zum griechischen und rômischen, in 8°, 
Breslau, 1867; J. Oppert, L'étalon des mesures assy- 
riennes, in-8°, Paris, 1875; F. Hultsch, Griechische 
und rômische Métrologie, in-8», 2 e édit., Berlin, 1882; 
M. C. Soutzo, Étalons pondéraux primitifs, 1884; 

C. F. Lehmann, Altbabylonisch.es Maas und Gewicht, 
dans les Verhandlungen der Berliner Gesellschaft fur 
Anthropologie, Berlin, 1889; W. Ridgeway, The Origin 
of Metallic Currency and Weigth Standards, in-8°, 
Cambridge, 1892; C. F. Lehmann, Das Altbabylon. 
Maas- und Gewichtssystem (VIII e Congrès des orienta- 
listes, 1889), Leyde, 1893; W. Nowack, Lehrbuch der 
hebrâischen Archâologie, in-8°, Leipzig, 1894, p. 208- 
209; J. Benzinger, Hebrâische Archâologie, in-8", Fri- 
bourg-en-Br., 1894, p. 182-189; R. Klimpert, Lexikon 
der Mûnzen, Maasse, Geivichte sowie der Zàhlarten und 
Zeitgrossen aller Lànder der Erde, in-12, Berlin, 1896 ; 
F. Hultsch, Die Gewichte des Altertums.nach ihrem 
Zusamtnenhang dargestellt, dans les Abhandlungen 
der philolog.-histor. Classe der kônigl. sàchsischen 
Gesellschaft derWissenschaften,in-A°,t.iv,Leipzig,iB89. 

L. Fillion. 

POIL (hébreu : se'âr; Septante : 6pfÇ ; Vulgate : 
pilus), production épidermique, composée d'une racine 
bulbeuse enfermée dansla peau, et d'une tige extérieure 
qui s'élève plus ou moins au dessus de la surface cuta- 
née. Cette tige est creuse et imbibée d'un liquide colo- 
rant qui détermine la nuance du poil. — Le système 
pileux de l'homme comprend les cheveux (voir t. h, 
col. 684), les sourcils, les cils, la barbe (voir 1. 1, col. 1450; 
t. iv, col. 1330), les poils et les poils follets. Chez les 
animaux, le système pileux couvre à peu près tout le 
corps. Voir Laine, t. iv, col. 34, et, pour les poils de 
chèvre, ou 'izzîm, Exod., xxvi, 7; xxxvi, 14; I Reg., 
xix, 13, et de chameau, Cilice, t. n, col. 759. 

1° Ésaû était velu, sâ'îr, SaaJç, pilosus, « comme un 
manteau de poil. » Gen., xxv, 26; xxvn, 11. La même 
particularité se remarquait chez le prophète Élie. 
IV Reg., i, 8. — Le poil de l'homme a la propriété de se 
hérisser sous l'empire de la frayeur : les cheveux se 
dressent sur la tête de celui qui a grand' peur. Job, i\, 
15, dit qu'au passage d'un esprit, tous les poils de sa chair 
se hérissèrent. — 2° Pour leur purification, les lévites 
eurent à passer le rasoir sur tout leur corps, à cause 
des impuretés dont le système pileux peutêfre le siège. 
Num., vin, 7. Cette prescription ne s'étendait pas aux 
prêtres. Lev., xxi, 5. On pense, du reste, qu'elle ne fut 
en vigueur qu'au désert. Cf. Negaim, xiv, 4. Chez /es 
Égyptiens, pour raison de pureté, les prêtres se. rasaient 



489 



POIL — POIREAU 



490 



le corps entier tous les trois jours. Hérodote, h, 37. — 
3° Des indications minutieuses sur l'examen des poils 
sont consignées dans la loi sur les lépreux. Le poil 
devenu tout blanc est un signe de contagion. Lev., xm, 
3, 10, 20, 25. Le poil devenu jaunâtre indique une 
autre espèce de mal. Lev., xm, 30. Les poils noirs cons- 
tituent au contraire un signe favorable. Lev., xm, 37. 
On comprend que le liquide qui remplit le canal pileux 
et le colore soit lui-même altéré et décoloré dans le 
cas où la contagion a atteint le tissu épidermique. Le 
lépreux que l'on jugeait guéri devait raser tout son poil 
le premier et le septièmejour de sa purification légale. 
Lev., xiv, 8, 9. — 4" Pour faire périr le dragon vénéré 
des Babyloniens, Daniel lui fit avaler des boules com- 
posées de poix, de -graisse et de poils. L'animal dut 
étouffer à la suite d'une absorption si indigeste. 
Dan., xiv, 26. — Sur Is., vu, 20, voir Pied, col. 355. 

H. Lesètee. 
POING (hébreu : 'egrôf; Septante : nuy^ ; Vulgate : 
pugnus). main dont les doigts sont repliés en dedans, 
de manière à former une sorte de masse offensive ou 
défensive. — Celui qui frappait un autre avec le 
poing et le rendait malade, avait la charge de le faire 
soigner et de l'indemniser de son chômage. Exod., xxi, 
18. Isaïe, lviii, 4, observe qu'un jeûne accompagné de 
querelles et de coups de poings ne saurait plaire à Dieu. 
— Sur la coutume de se laver les mains «vy^, « avec 
le poing », voir Laver (se) les mains, t. iv, col. 137. 

H. Lesêtre. 
POINTS-VOYELLES, nom donné aux signes mas- 
sorétiques marquant les voyelles dans les Bibles hé- 
braïques qu'on appelle pour cette raison ponctuées. Leur 
nom provient de ce que ces signes sont des points ou 
des petits traits. Voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 467, 
pour leur forme et leur valeur; col. 504, pour leur ori- 
gine. "Voir aussi Ponctuation. 

POIREAU (hébreu : hâfir; Septante : itpâaa; Vul- 
gate : porri), un des légumes appréciés des Israélites. 

I. Description. — Diverses espèces i'Allium sont 
cultivées comme condiment à cause de leur saveur acre, 
mais agréable ; d'autres chez qui l'arôme est moins péné- 
trant comptent parmi les herbes potagères, ainsi l'Oi- 
gnon. Voir t. iv, col. 1762. C'est aussi le cas du Poireau, 
A. Porriim, L. (iig. 106). Dans la nombreuse série des 
aulx, cette espèce se distingue par son bulbe simple et 
allongé et surtout par ses feuilles planes, jamais creuses, 
garnissant dans sa moitié inférieure la tige épaisse et 
cylindrique, qui peut atteindre la taille d'un mètre au 
moment de la floraison. L'inflorescence globuleuse très 

. ample naît d'une spathe herbacée terminée par une 
pointe 4 fois plus longue qu'elle. Les pièces du périanthe, 
de couleur blanchâtre ou carnée, sont rapprochées en 
cloche d'où font saillie les étamines au nombre de 6; 
les 3 filets inférieurs portent de chaque côté une longue 
pointe stipulaire dépassant au début les anthères rou- 
geâtres. Le style reste inclus ; la capsule trigone-arrondie 
s'ouvre en 3 valves à la maturité, pour laisser échapper 
les nombreuses graines noires aplaties, ridées. 

On ne connaît pas la plante à l'état sauvage, mais 
Vilmorin regarde comme très probable son origine déri- 
vée de I'Allium Ampeloprasum, vulgairement appelé 
Ail d'Orient, qui croît spontanément dans la région 
méditerranéenne, et n'en diffère guère que par la 
production de caïeux abondants, la brièveté et la cadu- 
cité de la spathe, enfin par la substitution fréquente 
de bulbilles aux graines. F. Hy. 

II. Exégèse. —A s'en tenir à la signification ordinaire 
de b,â?ir on n'entendrait par ce mot que l'herbe, le 
gazon. Mais dans Num., xi, 5, ce terme semble bien 
désigner une plante particulière, une herbe potagère, 
comme les oignons et les aulx près desquels elle figure. 

Il nous souvient, disent les Israélites au désert, des 



poissons que nous mangions pour rien en Egypte, des 
concombres, des melons, héfyafir, des oignons et des 
aulx. » Ici toutes les versions, les Septante, la Vulgate, 
le syriaque, le chaldéen, l'arabe, le samaritain, toutes 
ont traduit Aayir par poireau. Comme les hébreux dési- 
gnaient par le terme très général yéréq, verdure, les 
légumes verts, ils pouvaient également appeler du nom 
d'herbe verte, }ia}ir, le poireau, sa couleur verte lui 
méritant bien cette dénomination. Cependant en lisant 
ce verset du livre des Nombres on peut être étonné de 
voir après haqqiSSuim, les concombres, et 'âbattifrim 
les melons, et avant besalim les oignons et sûmîm les 
aulx, le mot hidçir mis au singulier. Sans doute ce pour- 
rait être un collectif. Mais ne pourrait-on avancer une 




106. — AUium porrum. 

conjecture? -|>ïn, hâfîr, ne serait-il pas une faute de 
copiste pour n>sn, hêsîm? (Dans l'ancienne écriture 
surtout le m et le r, rapidement écrits, peuvent avoir 
une grande ressemblance.) jÇTéjîm serait le pluriel de 
hés, nom emprunté aux Égyptiens pour désigner le 
poireau, qui se dit en effet arasi, hedji, en copte et qui 

rappelle l'hiéroglyphe S ^"ï T, hedj, hets. Le nom des 

oignons bé$él, be$dlim, n'est-il pas déjà un mot égyp- 
tien, badjar, avec la même lettre hébraïque ï, ?, pour 
rendre le ctj égyptien? T. iv, col. 1765. ' Abatlihim, les 
melons ou pastèques, dans le même texte est aussi un 
nom d'origine égyptienne. T. iv, col. 951. La faute d'un 
copiste, introduisant au lieu de ha$im, nom d'origine 
égyptienne, un nom hébreu hasîr bien connu, aurai 
été l'origine de la leçoa actuelle du texte hébreu. 

Le poireau était très apprécié, et il l'est encore en 
Egypte et en Palestine. On connaît la satire de Juvé- 
nal,xv, 9, sur les Égyptiens : 

Porrum et cèpe nefas violare, ac frangere morsu. 
O sasctas gentes, quibus hœc nascuntur in hortis 
Numina ! 



491 



POIREAU 



POIS 



492 



Les Égyptiens n'ont jamais adoré les poireaux. Tout ce 
qu'il y a de vrai dans ce texte c'est que le poireau était 
cultivé dans les jardins. Il entrait fréquemment dans 
l'alimentation. E. Levesque. 

POIRIER. C'est par ce mot que les Septante tradui- 
sent beka'im dans I Par., xrv, 14, Stiiov, et que la Vul- 
gate rend le même terme hébreu, dans I Par., xiv, 14, 
et dans l'endroit parallèle, II Reg., v, 23, pyrus. Bien 
que le poirier, dont deux espèces sont indigènes, ait 
été connu et cultivé en Palestine, aucune raison ne per- 
met cette identification. Les beka'im sont plutôt des 
mûriers. Voir t. iv, col. 1344. 

POIS, légume cultivé en Palestine. 

I. Description. — Le nom de pois a été attribué à 
plusieurs plantes annuelles de la famille des Légumi- 
neuses, tribu des Viciées, fournissant des graines ali- 
mentaires riches en fécule, sucre et gluten. Le genre 
Cicer se distingue aisément à ses gousses courtes et 
gonflées, renfermant chacune 2 graines bossuées et 




-107. 



Cicer Arietinum. 



ridées, et surtout à ses feuilles formées de 6 à 8 paires 
de folioles, terminées par une foliole impaire, sans vrille. 
L'espèce principale est le C. Arietinum L. (lig. 107), 
vulgairement pois-chiche. Les vrais Pisum ODt de très 
larges stipules foliaires, plus développées même que 
les folioles, dont le nombre est réduit de 1 à 3 paires avec 
une vrille terminale et ramifiée. Les gousses longues 
et comprimées renferment des graines nombreuses. 
L'espèce cultivée communément dans les jardins sous 
le nom de petit pois est le P.. sativum L. (fig. 108) à 
fleurs blanches ou bleuâtres, et à graines rondes. Elle 
n'est, sans doute, pas distincte spécifiquement du 
P. arvense à corolle plus teintée, surtout sur les ailes 
qui sont d'un pourpre noir, et à graines anguleuses par 
compression réciproque. Cette dernière forme, plus 
robuste et aussi plus résistante aux froids, se cultive en 
pleins champs comme plante fourragère. A l'heure 
actuelle on ne connaît à l'état spontané ni l'une ni 
l'antre, mais seulement échappées des cultures. Aussi 
pense-t-on communément qu'elles sont dérivées de 
certains Pisum croissant dans les bois de la région 
méditerranéenne et de l'Asie centrale, et ayant pour 
type le P. eiatiusde Bieberstein. Les différences tirées 
de la dimension du pédoncule etdesgousses paraissent 
insignifiantes. Celles même de la graine légèrement 
granuleuse chez la plante des broussailles, tandis qu'elle 
est lisse dans les races cultivées, ne dépassent pas non 
plus la limite des variations provoquées artificielle- 
ment. Or c'est de temps immémorial que les pois sont 



introduits dans la culture pour la nourriture de 
l'homme ou des animaux domestiques. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le pois se rencontre dans 1a Vulgate 
pour traduire le mot hébreu >bp, qdli, qui est répété 
une seconde fois dans II Reg., xvii, 28. Lorsque David 
arriva à Mahanaïm, on .vint lui offrir du froment, de 
l'orge, de la farine, et qâli (Seplante : à'Xttov; Vulgate : 
polentam), « du grain grillé » ; puis des fèves, des len- 
tilles, et qàlî (omis dans Septante; Vulgate : frixum 
cicer), « des pois grillés ». Dans le premier cas, qâli 
est regardé généralement comme étant du grain grillé. 
On vient apporter à David du froment et de l'orge, 
c'est-à-dire des grains de ces deux céréales en nature, 
et aussi en farine et en grains grillés. Les grains grillés 
sont une nourriture très usitée dans les pays orientaux. 
W. Thomson, The Landand the Book,.in-S°, Londres, 
1885, p. 648. Mais quand le mot qâli revient pour la 
seconde fois dans le même verset, certains auteurs pen- 
sent que c'est le fait d'une dislraction de copiste qui 




108. - Pisum sativum. 

l'aurait répété à tort : aussi les Septante n'ont rien en 
cet endroit. D'autres au contraire croient que cette 
répétition est justifiée. Après avoir offert à David des 
céréales en nature et préparées, on lui présente aussi 
des graines légumineuses en nature et grillées : « des 
fèves, des lentilles et des pois grillés. » Rabbi Isaîe 
cité par 0. Celsius, Hierobolamcon, in-8°, Amsterdam, 
1748, t. n, p. 233 et aussi Rabbi Salomon, AbodaZarah, 
(.38, 2, admettent deux espècesde qâli, ou grain grillé, 
l'une faite de blé ou d'orge, l'autre de graines légumi- 
neuses. On aurait ainsi une explication suffisante de 
qâli dans le même verset. Pour J. Kitto, Cyclopcedia, 
in-8°, Edimbourg, 1864, t. n, p. 607, qâli à la seconde 
fois, serait un mot différent du premier, mais par 
une ponctuation fautive, ramené à la même forme, et 
serait à rapprocher du sanscrit kallse, kullse, qui signi- 
fie graines de légumineuses, et spécialement pois, soit 
pois-chiche, soit pois gris et petit pois. Le pois qui 
était certainement cultivé en Palestine, serait ainsi 
mentionné à côté de la fève et de la lentille, et se serait 
nommé peut-être qalli. La conjecture est bien hasardée. 
O- Celsius, Bierûbotanieon, t. a, p. 231-234, — Les pois 
étaient vraisemblablement compris dans les espèces 
diverses de têr'ônim, « graines légumineuses » dont se 
nourrissaient Daniel et ses trois compagnons à la cour 
de Mabuchodonosgr. — Quelques auteurs, comme Rey- 
nier, Economie des Arabes et des Juifs, p. 430, 



493 



POIS ™- POISSON 



494 



cherchent à identifier de qésatjk d'Isaïe, xxv^i, 24-27, 
avec le pois-çhiche; mais ce nom désigne la nielle 
(Nigella sativa) ou cumin nojr. VoirGithit. ni, col. 2l44. 
A. de Gandolle, Origine des plantes cultivées, in-8", 
Paris, 1886, p. 259. E, Levesqub. 

POISON (hébreu : hêmàh, « ce qui brûle; » r'ôs, ce 
qui vient de la pla,nte vénéneuse; mevarâh; Septante : 
Ùi', Vulgate : vençnum), suhstançe d'origine animale ou 
végétais, qui est nuisible qu mortelle pour l'organisme 
humain. — II n'est guère parlé de poison qu'une seule 
fois dans le sens propre ; Ptolémée Macron se donna la 
mort par le poison, çapsuaixsvoai;, veneno. II Maqh., x, 
13. Le mot çapuaxsi'a, employé dans le grec biblique, 
Exod., vu, 11; vhi, 7, 18, etc.; Gai., v, 10; Apoc, ix, 
21, et traduit par veneficium, ne suppose pas l'usage 
des poisons, mais seulement les sortilèges et les pra- 
tiques magiques, tandis que le verbe çapy-Me^u des 
Machahées y signifie « empoisonner ». — Notre-Seigneur, 
en envoyant ses Apôtres, leur promet que s'ils prennent 
quelque breuvage mortel, 6avi<7it»o;, Us n'en éprouve- 
ront aucun mal. Marc, xvi, 18. — Au figuré, le venin 
des reptiles, hêmâh, ûviw, fnror, fera périr les enne- 
mis de Dieu. Deut., xxxii, 24. Une peste venimeuse, 
mertrî, les frappera. Beut., xxxii, 24. Leur raisin de- 
viendra vénéneux et leur vin se changera en venin, 
r'ôS, Svitiô?, x ^» venenum, fel. Deut., xxxn, 32, 33. 
Pour r'ôs, dans le sens de venin, voir Pavot, t. iv, 
col. 2239. Le pain du méchant se change en venin, 
nierorâh, ^o^, fel, Job, xx, 14, car lui-même a sueé 
le venin de l'aspic, Septante : « la langue du serpent le 
tera périr », Vulgate : capui, « tête, » sens ordinaire de 
r'os, qui ne convient pas ici. Job, xx, 16. Le vin mord 
comme un serpent, Prov.,xxni,32; d'après les versions, 
il répandra le venin, Cô?, venena. Dieu fait boire à son 
peuple infidèle et aux faux prophètes l'eau de poison, 
r'os, x»Wï, fel. 1er., vm, 14; ix, 14; xxin, 15. Les riches 
d'Israël ont changé le droit en poison, c'est-à-dire qu'ils 
en font un moyen de nuire au peuple. Am., vi, 13. Le 
venin des impies, hêmâh, Oojiô;, furor, est semblable à 
celui des serpents, Ps. lviii (lyu), 5; ils ont sous les 
lèvres le venin de l'aspic. Ps. cxl (cxxxix), 4 ; Rom., nr, 
13. La langue, si l'on n'y prend garde, répand un poison 
mortel. Jacob., m, 8. L'apôtre compare ainsi à la langue 
du serpent venimeux celle de l'homme aux paroles 
impies et méchantes. H. Lesétre. 

1. POISSON (hébreu : ddg, dag, dâgâh, (ânnîn, 
« le monstre marin»; Septante : lybbi, xf,To;; Vulgate: 
piscis, cete, cetus), animal vertébré, vivant dans l'eau 
et y respirant au moyen de branchies, organes qui em- 
pruntent à l'eau même l'oxygène nécessaire à la vie. 
Sur les mammifères qui vivent aussi au sein des eaux 
et sont généralement désignés par les mots pannm, 
xt|to<, cete. Voir Cétacés, t. n, col. 405. Les poissons 
forment de très nombreuses espèces, que les natura- 
listes divisent plus communément en cinq ordres. Ils 
ont l'Intelligence nulle, la vue très courte, mais l'odo- 
rat très développé. Leur conformation et leur système 
musculaire leur permettent de se mouvoir très rapide- 
ment dans l'eau. Leur appétit est très vorace; ils se 
dévorent les uns les autres et sont doués d'une prodi- 
gieuse fécondité qui aide chaque espèce à survivre à 
toutes les exterminations. 

I. Remabques générales. — 1» La Sainte Écriture 
n'entre dans aucun détail caractéristique sur les pois- 
sons. Elle se contente de les mentionner d'une manière 
générale. Après avoir créé tout ce qui se meut dans les 
eaux, selon son espèee, Gen., i, 21, Dieu soumit les 
poissons à la domination de l'homme, Gen., i, 26, 28; 
ix, 2, v Ps. vui, 9, domination qui se borne pratiquement 
pour l'homme à s'emparer des poissons, quand il le 
peut, pour en faire sa nourriture. Œuvre de Dieu, 



comme tous les autres êtres, les poissons de la mer 
rendent témoignage à la puissance du Créateur. Job, xir, 

8. Us tremblent devant lui, c'est-à-dire ne sont que de 
pauvres créatures en face de sa majesté. Ezeoh.,xxxvni, 
20. Leur abondance marque la bénédiction, Ezech.,XLvn, 

9, 10, et leur destruction, la colère de Dieu. Is., h, 2; 
Os., iv, 3; Soph., i, 'A, -- 2» Il était permis aux Israé- 
lites de manger des poissons, mais seulement ceux qui 
sont pourvus de nageoires et d'écaillés. Les poissons 
sans nageoires oU sans, éeailles devaient leur être en 
abomination. Lev., xi, 9-12. La restriction n'était pas 
considérable. Elle comprenait les silures, par consé- 
quent le silurus aurilus du Nil, et d'autres de la même 
espèce qui sont très communs dans les eaux douces en 
Orient; les raies, qui habitent exclusivement la mer; 
les lamproies, qui au printemps remontent les fleuves 
et les rivières pour frayer; les squales, poissons marins 
très voraces qui forment plusieurs espèces. Les doc- 
teurs y joignirent par la suite les murénidés ou an- 
guilles, dont les écailles sont petites et peu visibles. 
La plupart de ces poissons ont une chair agréable, 
mais parfois un peu indigeste. La principale raison de 
leur prohibition provenait donc uniquement de la vo- 
lonté divine, qui s'affirmait en imposant aux Israélites 




109.— Poisson en bronze trouvé dans une nécropole punique. 

D'après un dessin de M. J- d'Anselme (Delattre, La nécropole 

punique de Ddu'imès, fouilles de !S93-iS9i, fig. 3, p. i). 

une privation d'ailleurs assez légère. Saint Paul signale 
la différence qu'il y a entre la chair du poisson et celle 
des autres animaux. I Cor-, xv, 39. — 3» Il est dit de Salo- 
naon qu'il disserta sur les poissons. III Reg., iv, 33. II 
est à croire que le roi avait des connaissances assez 
étendues sur le grand nombre des espèces qui peuplent 
les eaux palestiniennes. Toutefois, il est remarquable, 
observe Tristram, The natural History of the Bible, 
Londres, 1889, p. 284, qu'on ne trouve en hébreu au- 
cun nom particulier de poisson, alors que la langue 
grecque en possède plus de quatre cents. — 4" La Loi 
défendait formellement « toute image de poisson qui 
vit dans les eaux au-dessous, de la terre ». Deut., iv, 
18. La prohibition n'était pas restreinte aux seuls pois- 
sons. Elle avait pour but de détourner les Israélites 
d'une forme d'idolâtrie commune aux peuples qui les 
entouraient. Les Philistins avaient leur dieu-poisson, 
Dagon, dàgôn, dont le nom vient de ddg. Voir Dagon, 
t. n, col. 1204. Les Phéniciens et les Carthaginois vé- 
néraient les poissons; ils en portaient les images sur 
eux comme amulettes et se faisaient enterrer avec elles 
après leur mort. Le P, Delattre, dans ses fouilles des 
nécropoles puniques, en a trouvé un grand nombre en 
bronze (fig. 109), en os, en ivoire, en lapis-lazuli (fig. 110). 
D'après Hérodote, H, 72, les Égyptiens regardaient 
comme sacrés un gros poisson du Nil, appelé lépidote, 
et l'anguille. Les Chaldéens honoraient aussi un dieu- 
poisson, Oannès (t. i, fig. 316», eol, 1154), qui passait 
pour avoir instruit les premiers hommes, Cf. Fr. Lenor- 
mant, Les origines de Vkisloire, Paris, 1880, t. i, p. 585. 
Il n'était donc pas inutile de prémunir sévèrement les 
Israélites eontre tout danger d'imitation de ces cultes 
grossiers. Aujourd'hui encore, dans la Syrie occidentale, 
l'ancien eulte rendu à Dagon se perpétue sous forme 
de vénération envers certains poissons qu'il est défendu 
de pêcher. Tel est le capoeta fratercula (fig. 111), nourri 
avec sollicitude dans des bassins spéciaux à Tripoli. 



495 



porssoN 



496 



Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 58; 
Élien, Hist. animal. ,x, 46; xn, 2; Xénophon, Anabas., 
i, 4, 9; Strabon, xvn, 812; Diodore de Sicile, u, 4. 
II. Les poissons d'Égïpte. — 1° En bénissant les fils 
de Joseph, Jacob dit : « Qu'ils multiplient (idgû, qu'ils 
poissonnent) en abondance au milieu du pays ». 
Gen., xlviii, 16. Il y a là une allusion à la grande fé- 
condité des poissons et à leur abondance particulière 
dans le Nil et ses canaux. Au désert, les Israélites se 
souvenaient des poissons qu'ils mangeaient pour rien 









110. — Poissons en os, ivoire et lapis-lazuli, trouvés dans les 
nécropoles de r.arthage. Celui qui est figuré au milieu en noir 
est gravé sur une pastille de verre. D'après le P. Delattre. 

en Egypte, Num M XI, 5, 1ant ils étaient abondants et 
faciles à prendre. Ce sont ces poissons qui, pendant la 
première plaie, moururent à cause de l'infection du 
fleuve. Exod., vu, 18, 21 ; Ps. cv (crv), 29. Quand les 
Israélites se plaignirent de leur nourriture près du 
Sinaï, Moïse fit cette réflexion : « Leur ramassera-t-on 
tous les poissons de la mer, pour qu'ils en aient assez ? » 
Num., xi, 22. — 2° Les poissons marins des côtes 
d'Egypte et de la Palestine sont ceux qu'on trouve 
dans toute la Méditerranée. Quelques, espèces, les mu- 
lets par exemple, y abondent particulièrement. Certains 




111. — Capoeta fratercula. D'après Lortet, La Syrie, p. 58. 

cétacés, marsouins et dauphins, y sont aussi très com- 
muns, mais ne pouvaient servir à la nourriture des 
Israélites. — 3° De nombreuses espèces peuplent le Nil 
et les divers canaux qui en dérivent. « Beaucoup de pois- 
sons de mer montent frayer en eau douce, les dupées, 
les mugils, les perches, le labre, et poussent leurs ex- 
cursions très haut dans le Saïd. Les espèces qui ne 
sortent pas de la Méditerranée sont arrivées du fond de 
l'Ethiopie, et en arrivent encore chaque année avec la 
crue, le raschal, le raï, la tortue molle, le docmac, les 
■mormyres. Plusieurs atteignent une taille gigantesque, 
le bayad et la tortue près de 1 mètre, le latus jusqu'à 
3 mètres; d'autres se distinguent par leurs propriétés 
électriques, comme le silure trembleur. Le fahaka 
(fig. 112) est un poisson allongé, qui naît au delà des 
cataractes. Le Nil l'entraîne d'autant plus aisément 



qu'il a la faculté de s'emplir d'air et de se gonfler à 
volonté : quand il est tendu outre mesure, il bascule et 
file à la dérive, le ventre au vent et tout semé d'épines 
qui lui prêtent l'apparence d'un hérisson. Pendant 
l'inondation, il roule de canal en canal au gré du cou- 
rant; les eaux en se retirant l'abandonnent dans les 
champs limoneux, où il devient la proie des oiseaux 
ou chacals, et sert de jouet aux enfants. » Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient, Paris, 1895, 
t. i, p. 35, 36. Cf. J. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire 
naturelle des poissons du Nil, dans la Description de 
l'Egypte, t. xxrv, p. 176-217. Tous ces poissons sont en 
quantité prodigieuse. Si, même avant la promulgation 
de la loi sur les animaux impurs, les Israélites s'abste- 
naient de plusieurs d'entre eux par raison d'hygiène, 




112. — Fahaka du Nil. 
D'après Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 36. 

particulièrement des silures, ils en avaient à leur dis- 
position beaucoup d'autres appartenant aux genres 
brème, spare, perche, labre, carpe, chromis, etc. Voir 
t. ir, fig. 622, col. 2044, un eunuque apportant à une 
Égyptienne des poissons dans un panier. — 4° Dans sa 
prophétie contre l'Egypte, Isaïe, xix, 8, prédit le des- 
sèchement du fleuve et des canaux, l'infection des eaux 
et la pertedespoissons, au grand désespoir des pêcheurs. 
Ezéchiel, xxix, 4, 5, annonce également la destruction 
des poissons, en punition de l'orgueil égyptien. 

III. Les poissons de Palestine. — 1» Au lac de Ti- 
bériade. — Les poissons sont prodigieusement abondants 
dans ce lac. Comme ceux du Jourdain et de ses affluents, 
ils présentent une grande ressemblance avec les pois- 
sons du Nil, au point qu'autrefois on croyait à une 




113, — Chromis Simonis. D'après Lortet, La Syrie, p. 507. 

communication souterraine entre le fleuve égyptien et 
les eaux palestiniennes. Cf. Josèphe, Bell, jud., m, x, 
8. Ces poissons forment parfois des bancs étendus et 
épais, qui agitent l'eau à la surface comme le ferait 
une violente averse. Ils appartiennent aux genres chro- 
mis, clarias, capoeta, barbus, blennius, discognathus 
et nemachilus. Les chromis sont représentés par de 
nombreuses espèces. Ces poissons, longs d'une ving- 
taine de centimètres à peine, ont la spécialité de garder 
leurs alevins dans leur gueule durant plusieurs se- 
maines, jusqu'à ce que ceux-ci soient de taille à se 
suffire à eux-mêmes. « Une de ces espèces, le chromis 
Simonis (fig. 113), a une gueule énorme, comparée 
aux dimensions du corps; au printemps, les joues du 
mâle sont toujours gonflées par les œufs, oa le fretin, 
qu'il transporte ainsi partout avec lui... J'ai vu maintes 



497 



POISSON 



498 



fois la femelle en pondre une quantité considérable, 
deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux, 
dans une petite excavation qu'elle creuse en se frottant 
dans la vase... Quelques minutes plus tard, le mâle 
prend avec ses lèvres les œufs, les uns après les autres, 
et les fait glisser dans l'intérieur de sa gueule, contre 
ses joues qui se gonflent alors d'une manière étrange... 
Au sein de cette cavité incubatrice d'un nouveau genre, 
les œufs subissent en quelques jours toutes leurs méta- 
morphoses. Les petits, qui prennent rapidement un 
volume considérable, paraissent bien gênés dans leur- 
étroite prison... et ne quittent cette demeure que 
lorsqu'ils sont longs de dix millimètres, et alors assez 
forts et agiles pour échapper facilement à leurs nom- 
breux ennemis. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
p. 506. L' hemichromis sacra se rencontre, au mois de 
juin, avec la gueule pleine d'œufs et d'alevins, atteignant 
parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis 
Tiberiadis, niloticus et microstomus, de plus grande 
taille que les précédents, sont préférés par les pê- 
cheurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des 
chromis ont une couleur argentée et tombent sur le 
sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut très 
probablement dans la gueule d'un chromis que, sur 
l'ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non 
plus des alevins, mais le statère destiné à payer le 




114. — Clarias macracanthus des rives vaseuses et herlieuses 
du lac de Tibériade. D'après Lortet, La Syrie, p. 509. 

tribut. Matth., XVII, 26. Le poisson, malgré la présence 
du statère dans sa bouche, n'eut pas plus de difficulté 
à saisir l'hameçon, que n'en avaient ses semblables 
pour saisir la proie destinée à les nourrir, dans le 
temps que leur bouche était encombrée par leurs ale- 
vins. Un des poissons les plus curieux du lac est un 
siluridé, le clarias macracanthus (fig. 114), analogue 
au clarias anginllaris d'Egypte, le coracinus de Josè- 
phe, Bell, jud., III, x, 8. Il atteint plus d'un mètre de 
longueur, peut vivre plusieurs jours hors de l'eau, et 
fait entendre, quand on le prend ou qu'on le frappe, 
des espèces de miaulements comme ceux d'un chat. Il 
a une vessie natatoire qu'il peut remplir d'air, qui lui 
permet de respirer hors de l'eau comme les dipneustes, 
et qui, en se contractant, imite le bruit d'un miaule- 
ment. Ce poisson, dépourvu d'écaillés, ne pouvait être 
mangé par les Israélites. Les poissons du lac servent 
de proie aux pélicans et aux grèbes huppés, échassiers 
qui fréquentent la Palestine en très grand nombre. Ces 
derniers s'attaquent aux chromis pour les dévorer; 
mais, quand ils les trouvent trop gros, ils se conten- 
tent de leur enlever les yeux avec leur long bec. Aussi 
prend-on souvent des poissons aveugles dans le lac. 
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 508-510. 

2° Dans le Jourdain et ses affluents. — Le Jourdain 
nourrit une grande quantité de poissons que chassent 
les martins-pêcheurs, mais qui se multiplient d'autant 
plus aisément que, par suite d'un préjugé, les Arabes 
n'y touchent jamais. Les espèces ne différent pas de 
celles qui peuplent le lac de Tibériade. On pêche le 
plus fréquemment les capoeta Syriaca, socialis et Da- 



mascina, poissons argentés comme les truites de mon- 
tagne; les barbus canis et longiceps, d'assez grande 
taille et pourvus de tentacules de chaque côté du mu- 
seau; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq cen- 
timètres de long, et quelquefois le claHas macracan- 
thus. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont 
les mêmes espèces que le fleuve. Les petits ruisseaux 
du Kelt, aux environs de Jéricho, nourrissent le ca- 
poeta Damascina, le Discognathus lamta et le cypri- 
nodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtout dans 
le Jaboc. Le lac Houléh a les mêmes habitants que le 
lac de Tibériade. Mais tous les poissons qu'entraîne le 
violent courant du Jourdain périssent dès qu'ils attei- 
gnent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezéch., xlvii, 9, 
10. Voir Jourdain, t. m, col. 1739; Morte (Mer), t. iv, 
col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans 
des sources même salées ou chaudes, de petits pois- 
sons argentés, le cyprinodon Sophiw, le 'cyprinodon 
dispar, et d'autres analogues. Le cyprinodon dispar 
(fig. 115), long de cinq centimètres à peine, est d'un 
gris argenté et verdàtre sur le dos. Des points pigmen- 
taires d'un noir intense sont semés sur les flancs, le 
ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources 
chaudes, fortement salées et parfois quelque peu sulfu- 
reuses. Mais, comme tous les autres, il périt sitôt qu'on 
le plonge dans l'eau de la mer Morte. La source Aïn 
Sghaïr, salée, sulfureuse et d'une température de 20°, 
renferme des myriades de cyprinodon Sophiœ, longs 




H5. — Cyprinodon dispar de Palestine. 
D'après Lortet, La Syrie, p. 439. 

de trois ou quatre centimètres à peine. Ces poissons 
sont d'un brun verdàtre, avec des raies argentées ver- 
ticales sur les flancs. Ils se meuvent avec grande agi- 
lité et se nourrissent surtout de larves de moustiques. 
Près du lac Houléh, la source Aïn Mellâhâh nourrit des 
cyprinodon dispar et des capoeta fratercula. Cf. Lor- 
tet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 438, 439, 444, 540. Il 
arrivait parfois que les torrents aboutissant au Jourdain 
se tarissaient. Alors se réalisait ce que dit Isaïe, L, 2 : 
« Je changerai les fleuves en désert, leurs poissons 
pourriront faute d'eau et ils périront de soif. » 

IV. Le poisson de Jonas. — Le texte sacré dit que 
« Jéhovah lit venir un grand poisson, dàg gâdôl, pour 
engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson 
trois jours et trois nuits. » Jon., il, 1. Dans saint Mat- 
thieu, xn, 40, le poisson est appelé un monstre marin, 
xïjto;, cetus. Tout d'abord, il n'est nullement néces- 
saire de supposer que Dieu ait créé un poisson spécial 
pour engloutir le prophète. Il « fit venir », c'est-à-dire 
prit soin que le monstre se trouvât là au moment 
voulu. Notre-Seigneur lui-même fait allusion à l'évé- 
nement et le présente comme un signe, c'est-à-dire 
comme un fait miraculeux destiné à prouver ou à fi- 
gurer quelque chose. Matth., xn, 39; Luc, xi, 29. Les 
mots dâg gâdôl, « grand poisson », x^toc, employés par 
les Septante et par saint Matthieu, piscis grandis de la 
Vulgate, ne préjugent absolument rien quant à la na- 
ture de l'animal en question. Il ne saurait être la 
baleine dont- le pharynx est beaucoup trop étroit pour 
avaler une proie considérable. Voir Baleine, t, i, 
col. 1413. Mais dans la Méditerranée se trouvent 
d'autres monstres capables d'engloutir un homme tout 
entier. Tels sont par exemple le pristis ou scie, dont la 



499 



POISSON 



500 



taille peut atteindre de trois à einq mètres; le squale, 
poisson de grande taille dont la voracité est prodi- 
gieuse; la lamie, de dimension extraordinaire et dqnt 
le poids peut atteindre 15000 kilogrammes, et surtout 
le requin ou careharias, d'une force et d'une voracité 
étonnantes et dont la taille, peut aller jusqu'à neuf et 
dix mètres. Tous ces poissons appartiennent à la 
famille des sélaciens ou plagiostomes, dont la bouche 
est placée transversalement au-dessous du museau. 
Dans leur mythe d'Hercule englouti par un monstre 
marin qu'avait envoyé Neptune, puis rejeté sain et sauf, 
les Grecs faisaient intervenir un carcliarias, xdtpx'fws 
xûwv, csmis cm'charias ou requin. Cf. Lycophron, Cas- 
sandr., 34. On cite plusieurs cas d'hommes engloutis 
tout entiers par des requins, entre autres celui d'un 
matelot qui, en 1759, tomba à la mer dans la gueule 
d'un requin qui suivait le navire. Le monstre, blessé à 
coups de fusil, rendit aussitôt le matelot un peu contu- 
sionné. Cf. S. Muller, Des Bitt. von Linné volst. Natw 
system., Nuremberg, 1774, p. 268, 269. Le cas d'un 
homme englouti par un poisson, comme le fut Jonas, 
est donc naturellement possible. Il est dit que le pro- 
phète resta trois jours et trois nuits dans le ventre 
du monstre. Jon., h, 2, Cette expression doit s'entendre, 
à la manière hébraïque, non de 72 heures, mais de 
beaucoup moins, peut-être de 30 ou 4Q. Ce séjour de 
Jonas au sein du poisson, sa survivance dans un pareil 
milieu et ensuite sa délivrance sur te rivage ne sont 
pas présentés par le texte sacré comme des faits natu- 
rels. On ne peut donc leur opposer d'autres objections 
que celles qu'on fait contre tous les miracles. Voir Jo- 
nas 2, t. m, col. 1608-1609. Cf. F. Baringius, De ceto 
Jonse, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 
t. n, p. 217-219; Rosenmùller, Prophétie minores, 
Leipzig, p. 354-356, 374; T. J. Lamy, Jonas, dans le 
Diction, apologétique de Jaugey, p. 1705-1714. Sur les 
représentations de Jonas et du poisson dans l'iconogra- 
phie chrétienne primitive, voir Martigny, Diction, des 
antiquités chrétiennes, Paris, 1877, p. 398. 

V. Le poisson de Tobie. — Le jeune Tobie descendait 
sur la rive du Tigre pour se laver les pieds, quand un 
poisson énorme, tx9ù? (h'y«Ç) piscis immanis, sortit pour 
le dévorer, ou, d'après le Sinaïticus, chercha à lui 
happer le pied. Tobie fut épouvanté, mais, sur l'ordre 
de l'ange, il tira le poisson par les ouïes jusque sur la 
rive. Tob., vi, 2.4. Le texte sacré ne dit rien sur la na- 
ture de ce poisson. L'Euphrate et le Tigre sont très 
poissonneux. Les riverains n'ont longtemps vécu que 
de poisson, qu'ils mangeaient frais, salé ou fumé. Ils le 
séchaient au soleil, le pilaient dans un mortier, tami- 
saient la poudre et en faisaient des sortes de pains ou 
de gâteaux. Hérodote, i, 200. Le barbeau, la carpe, l'an- 
guille, la murène, le silure prospèrent et prennent de 
fortes dimensions dans ces eaux lentes. On y trouve 
aussi une curieuse espèce de grondin. « Il séjourne dans 
l'eau à l'ordinaire, mais l'air libre ne l'effraie point : 
il saute sur les berges, grimpe aux arbres sans trop de 
peine, s'oublie volontiers sur les bancs de boue que la 
marée découvre et s'y vautre au soleil, sauf à s'enlizer 
en un clin d'œil si quelque oiseau l'avise de trop près. » 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
t. i, p. 556. On a conjecturé que le poisson de Tobie 
était un silure, mais on a contesté qu'il ait pu s'élancer 
pour attaquer l'homme. Cf. Tristram, The natural His- 
tory of the Bible, p. 293. Le Sinaïticus et la Vulgate 
parlent d'un grand poisson. Le texte grec de la Sixtine 
dit seulement qu' « un poisson s'élança du fleuve ». Il 
ne serait pas impossible que ce poisson non qualifié, 
qui sauta du fleuve, ne fût autre que le grondin. Il 
devait, en tous cas, être à la fois de taille assez faible 
pour que le jeune homme pût le tirer à lui, et pourtant 
assez volumineux pour fournir les provisions qui suf- 
firent aux deux voyageurs jusqu'à Rages. Tob., vi, 6. 



Une fresque du cimetière de Thrason représente Tcsbie 
offrant à l'ange le, poisson qu'il vient de prendre 
(fig. 116). Cf. Marùechi, Éléments d'archéologie chré- 
tienne, Paris, t. i, 1899, p. 303. Sur l'emploi du flel de 
poisson pour la guérisqn des yeux, voir Fiel, t. n, 
col. 2234. "Voir aussi Tobie. 

VI. Le marché aux poissons. — Dans l'ancienne Jé- 
rusalem, H y avait une parte des Poissons, ainsi nommée 
parce que les provisions de poisson arrivaient par là, 
de la mer et du lac de Tibériade. II Par., xxxm, 14; 
H Esd., ni, 3; xii, 38; Soph-, i, Î0. Des [marchands 
tyriens vendaient le poisson dans la ville; Néhémie fut 
même obligé de prendre des mesures rigoureuses pour 
les empêcher d'exercer leur commerce le jour du sab- 
bat. II Esd,, xiii, 16. Le poisson qu'ils vendaient n'était 
pas frais, à cause de la distance à parcourir, mais salé 
ou séché au soleil. Voir le marchand de poisson d'un an- 
cien bazar égyptien, t. h, fig. 512, çql. 1555. Le poisson 
de mer frais ne pouvait guère venir à Jérusalem, que de 
Jqppé. Les Phéniciens avaient de grandes pêcheries 
maritimes et exportaient en Palestine une partie de leur 




116. — Tobie offrant à l'ange, le poisson. 

Peinture de la catacombe des Saints-Thrason-et-Saturnin. 

D'après Martigny, Dictionnaire, p. 760. 

poisson. Les habitants de plusieurs bourgs de la côte ne 
vivaient que de leur pêche. Le lac de Tibériade four- 
nissait les poissons d'eau douce. Un grand nombre de 
bateaux y péchaient au temps de Notre-Seigneur. Cf. 
Josèphe, Bell, jud., III, x,9. Des poissons salés arri- 
vaient aussi d'Egypte. Le zâç. ijçoç qu salaison s'y prépa- 
rait en un grand nombre d'endroits, d'où la fréquence 
du nom de lieu Tapissai. Machschirin, vi, 3. Cf. Héro- 
dote, n, 149. Le thon salé ou holias provenait d'Espa- 
gne, dont les salaisons étaient renommées. Schabbath, 
xxil, 2; Machschirin, vi, 3. Cf. Pline, H, N., xxxil, 
146; Sehûrer, Géschichte des jïidischen Vol/tes, Leipzig, 
t. Il, 1898, p. 57, 58. Sauf au bord de la mer et du lac 
tous les poissons n'étaient transpertés et utilisés 
qu'après avoir été sales ou séchés au soleil. Le peuple 
se contentait de cette nourriture. 

VII. Les poissons dans l'Évangile. — Les évangé- 
listes mentionnent les poissons à propos des pêches 
ordinaires, Matth., xm, 47, ou miraculeuses. Luc, v, 
6; Joa., xxi, 6-13. Voir Pêche, col. 6. Ils en parlent 
surtoutau point de vue de la nourriture. Notre-Seigneur 
dit qu'un père ne donnerait pas un serpent à son en- 
fant qui lui demande un poissqn. Matth., vu, 10; Luc, 
XI, 11. Le poisson et le serpent ont une certaine res- 
semblance; mais l'un est comestible et l'autre nuisible. 
A la première multiplication des pains, un enfant a deux 
poissons, assez petits, sans doute, puisqu'il peut les 
porter en chemin avec einq pains. Matth., xiv, 17; 
Marc, vi, 38, 41; Luc, ix, 13; Joa., vi, 9. A la seconde 
multiplication, on trouve parmi les assistants quelques 



501 



POISSON — POLICE 



502 



petits poissons. Matth., sv, 34. Ces poissons, salés ou 
sèches, faisaient partie des provisions de route dont se 
munissait ordinairement l'Israélite. — Après la résur- 
rection, au cénacle, les Apôtres offrent à Notre-Seigneur 
un morceau de poisson rôti. Luc, xsiv, 42. A son tour, 
sur les bords du lac de Tibériade, le Sauveur a disposé 




117. — Poisson, personnifiant Notre-Seigneur, 

portant une corbeille de pains. 

D'après Martigny, Dictionnaire, p. 291. 

pour eux du poisson qui rôtit sur des charbons ardents. 
Joa., xxi, 9. — Les miracles de la multiplication des 
pains suggérèrent aux premiers chrétiens l'idée d'un 
symbole eucharistique qu'on trouve représenté dans les 
catacombes. C'est un poisson portant une corbeille de 
pains (Dg. 117). Voir Martigny, Dictionnaire des anti- 
quités chrétiennes, 3 e édit., p, 291. Cf. Marucchi, Élé' 
nients d'archéologie cln'étienne, Paris, 1900, t. n, p. 170. 




118. — Poisson de bronze, figure de Notre-Seigneur. 
D'après Martigny, Dictionnaire, p. 655. 

A cause de son nom grec, le poisson devint lui-même le 
symbole du Christ. On observa de bonne heure que les 
cinq lettres du mot t%6jc fournissaient les initiales des 
cinq mots 'Ir,<roJî Xpto-ioç OsoO vî'o« ctwt^p, « Jésus- 
Christ, de Dieu Fils, Sauveur. » Des poissons de verre 
ou de métal étaient portés comme objets de piété, au 
moyen desquels les chrétiens se reconnaissaient entre 
eux. On gravait des poissons sur* des anneaux, sur 




H9. — Ancre debout, figurant une croix, d'où descend une ligne 

à laquelle est pris un poisson, image du chrétien. 

D'après Martigny, Dictionnaire, p. 657. 

l'ivoire, les pierres précieuses, etc. Parfois des inscrip- 
tions étaient tracées sur le poisson lui-même, pour 
accuser davantage sa signification. On lit sur un pois- 
son de bronze (flg. 118) le mot CCOCAIC, « sauve », ce 
qui fait que l'ensemble constitue celle invocation : 
« Jesus-Cbrist, Fils de Dieu, Sauveur, sauve-nous, s Le 
poisson pris à l'hameçon (fig. 119) figure le chrétien 
converti par la prédication évangélique. Cf. Martigny, 
Dictionnaire des antiquités chrétiennes, p. 653-659. 

H. Lesêtre. 
2. POISSONS (PORTE DES) à Jérusalem. Voir Jé- 
rusalem, 2», t. m, col. 1364. 

POITRINE (hébreu : fiazéh; chaldéen : hddin; Sep- 
tante : arf^oç, <ttï)6vv un ; Vulgate :pectus, pectuscuZum), 



partie antérieure du corps, située entre le ventre et le 
cou. — 1° Le mot hazéh n'est employé que pour dé- 
signer la poitrine des victimes offertes dans les sacri- 
fices pacifiques. Cette poitrine était détachée, balancée 
devant le Seigneur et ensuite appartenait ordinaire- 
ment aux prêtres. Exod., xxix, 26, 27 ; Lev., vu, 30, 31 ; 
ix, 20, 21 ; x, 1. — 2° Dans plusieurs passages, les 
versions prennent la poitrine pour désigner le ventre, 
Gen., i», 14, et surtout les organes du sentiment, tels 
que les concevaient les auteurs sacrés, le cœur, Ju- 
dith, ni, 11, les reins, les entrailles, le sein, etc. La 
statue vue en songe par Nabuchodonosor avait la poi- 
trine et les bras d'argent. Dan., h, 32- Au moment de 
l'attentat d'Héliodore, les femmes de Jérusalem se 
couvrirent la poitrine d'un cilice, en signe de deuil. 
II Mach., m, 19. Les sept anges de l'Apocalypse, xv, 6, 
portaient des ceintures d'or autour de la poitrine. — - 
3° Dans le deuil ou le repentir, on se frappe la poitrine. 
Nah., h, 7; Luc, xvm, 13; xxm, 48. Ce geste est na- 
turel ; c'est la révélation publique de ce qui est caché au 
fond du cœur, douleur ou regret. Cf. S. Augustin, 
Serm., 67, t. xxxvm, col. 433. — A la dernière Cène, 
saint Jean reposa sa tête sur la poitrine de Jésus, 
Joa., XIII, 25; XXI, 20, ce qui marquait l'amour du 
Sauveur pour le disciple, et celui du disciple pour son 
divin Maître . H , Lesëtke. 

POIVRETTE COMMUNE, nom vulgaire de la ni- 
gelle ou nielle cultivée, dont la graine servait de condi- 
ment dans l'Orient et qui était appelée gith en latin. 
Voir Gith, t. m, col. 244. 

POIX (hébreu : zéfe'f; Septante : kIggoi; Vulgate :. 
pix), substance résineuse ou bitumineuse, extraite des 
pins et des sapins. Celte substance est de la térében- 
thine qui se fond à chaud dans l'eau; d'aspect jaunâtre, 
elle est grasse au toucher, tient aux mains et est im- 
perméable à l'eau; elle se ramollit seulement à la 
chaleur. — La corbeille de jonc dans laquelle Moïse 
fut exposé sur le Nil était enduite de bitume et de poix, 
pour que l'eau n'y pénétrât pas. Exod., h, 3. — Dans 
sa prophétie contre Édom, Isaïe, xxxiv, 9, dit que les 
torrents de son territoire seront changés en poix et 
que la terre elle-même deviendra de la poix brûlante. 
Le prophète fait allusion à la configuration du pays qui, 
situé au sud-ouest de la mer Morte, a vu les éruptions 
de matières bitumineuses dans lesquelles ont péri 
Sodome et les villes coupables. Voir t. m, col. 830. 
Les phénomènes qu'il prédit ne sont que des images du 
châtiment qui menace l'Idumée. — Celui qui touche de 
la poix souille sa main, à cause de la nature adhésive 
de cette substance ; de même, celui qui fréquente l'or- 
gueilleux devient vicieux à son contact. Eccli., xm, 1. 
— Pour augmenter la combustion de la fournaise baby- 
lonienne, on y jetait de la poix, matière résineuse qui 
activait le feu. Dan., m, 46. Pour tuer le dragon 
qu'adoraient les Babylonie'ns, Daniel lui fit avaler des 
boulettes composées de poix, de graisse et de poils. 
Dan., xiv, 26. La graisse devait allécher l'animal, la 
poix, retenue par les poils, s'arrêter dans sa gorge et 
l'étouffer. C'est ce qui se produisit. 

H. Lesêtre. 

POLE Matthieu. Voir Poole. 

POLICE, institution chargée de maintenir l'ordre 
public. — 1" Police civile. — On a fort peu de rensei- 
gnements sur ce sujet. Les choses devaient d'ailleurs 
se passer très simplement chez les Hébreux. La police 
rentrait naturellement dans les attributions des anciens, 
placés à la tête de chaque agglomération. Voir Anciens, 
1. 1, col. 555-556. Dans les affaires criminelles, les pa- 
rents, le lésé lui-même ou les témoins amenaient le 
coupable devant les juges. Voir Jugement, t. m, col. 1844. 



503 



POLICE 



504 



Les rois exerçaient le droit de police sur tout le pays 
soumis à leur juridiction. III Reg., xvm, 10; IV Reg., 
1,9, 11, 13; Jer., xxxvn, 12-14; Matth., xiv, 3; Act., 
xii, 1-3. Dans certains cas de flagrant délit, on voit les 
juges prendre l'initiative des poursuites et citer ou 
saisir eux-mêmes le coupable. Dan., xui, 27, 29; Joa., 
vin, 3. 

2° Police religieuse. — Le blasphème et les crimes 
contre la religion appelaient la surveillance des juges 
locaux, III Reg., xxi, 10-13, et surtout des prêtres de 
Jérusalem. Jer., xxvi, 8, 9. Le grand sanhédrin exerça 
plus tard cette surveillance sur tout le pays juif et 
même sur les communautés juives vivant hors de la 
Palestine. Les hommes qu'il employait pour sa police 
sont appelés ûmipé-rai, ministri, «serviteurs». Il en est 
question dans le Nouveau Testament. Matth., xxvi, 58; 
Marc, xiv, 54; Joa., vu, 32, 45; xvm, 3, 12, 22; xix, 6; 
Act., v, 22, 26. La police du sanhédrin fut mise en mou- 
vement pour suivre partout Notre-Seigneur pendant sa 
vie publique et espionner ses paroles et ses démarches. 
Le soin de cet espionnage ne fut pas confié aux simples 
serviteurs; des scribes et des pharisiens envoyés de Jé- 
rusalem s'y employèrent. Matth., xv, 1-6; xvi, 1; Luc, 
v, 17; xi, 53, 54. A Jérusalem, le sanhédrin chercha à 
faire arrêter Jésus par les serviteurs. Joa., vu, 30, 32, 
44. Ceux-ci n'osèrent pas une première fois et furent 
réprimandés par leurs maîtres. Joa., vu, 45-47. Peu 
avant la dernière Pâque, le sanhédrin donna ordre à 
quiconque le savait de dénoncer le séjour de Jésus, 
afin qu'on pût l'arrêter. Joa., xi, 56. Pour plus de sû- 
reté, il voulait agir par ruse. Matth., xxvi, 4. Maisi 
grâce à la trahison de Judas, on put trouver une occa- 
sion favorable pour s'emparer de la victime. Matth., 
xxvi, 16. La troupe qui fut envoyée à Gethsémani com- 
prenait une cohorte, mais aussi des agents dépendant 
du sanhédrin. Matth., xxvi, 47; Marc, xiv, 43; Joa., 
xvm, 3. Ces derniers appartenaient à la police des 
grands-prêtres. L'un d'eux se permit de souffleter le 
Sauveur en plein tribunal. Joa., xvm, 22. Cf. A. Lémann, 
La police autour de la personne de Jésus-Christ, Paris, 
1895. Les mêmes agents se saisirent plus tard des apô- 
tres, les mirent en prison, mais se gardèrent ensuite 
de les maltraiter, quand ils constatèrent leur délivrance 
miraculeuse. Act., vu, 18, 22, 26. Lorsque Saul s'en 
allait à Damas, pour ramener à Jérusalem les chrétiens 
enchaînés, il disposait évidemment d'une force de 
police à la solde du sanhédrin. Act., ix, 2. 

3» Police du Temple. — Dans le premier Temple, la 
police était confiée à des lévites. Voir Portier; I Par., 
ix, 17, 24-27; xxvi, 12-18. Dans le second, les lévites 
occupaient la nuit vingt et un postes, à savoir : les cinq 
portes de la montagne du Temple, les quatre angles 
intérieurs, les cinq portes du parvis intérieur, les qua- 
tre angles extérieurs de ce parvis, la chambre de l'obla- 
tion, celle du voile, la partie postérieure du Saint des 
Saints, la porte Nitzotz au nord, la chambre Aftines au- 
dessus de la porte des Eaux et l'endroit appelé Beth mo- 
ked, dans lequel dormaient les prêtres. Dix lévites 
veillaient à chaque poste, et avec eux dix prêtres dans 
chacun des trois derniers. Cf. Num., xvm, 4; Ps. cxxiv 
(cxxiu), 1, 2. Tamid, i, 1; Middoth, i, 1. L T n préfet du 
Temple, nommé 'ïs har hab-baî{, « homme de la mon- 
tagne de la maison », faisait des rondes pendant la 
nuit pour s'assurer que chacun veillait à son poste. 
S'il trouvait quelque gardien à dormir, il pouvait le 
frapper de verges et même mettre le feu à ses vêtements. 
Cf. Middoth, 1, % L' Apocalypse, xn, 15, fait peut-être 
allusion à cet usage. On renforça cette garde de nuit, 
après l'attentat commis, sous le procurateur Coponius, 
par des Samaritains, qui profitèrent de l'ouverture du 
Temple après minuit durant les fêtes de la Pâque pour 
semer des ossements de morts dans le lieu saint. Cf. Jo- 
sèphe, Ant. jud., XVIII, h, 2. Pendant le jour, la police 



du Temple veillait également pour interdire l'entrée du 
périboie à ceux qui n'avaient pas le droit de le franchir. 
Voir Péribole, col. 142; Philon, De prœm. sacerdot., 
6, édit. Mangey, t. n, p. 236. Le préfet du Temple avait 
la police des parvis extérieurs; un autre fonctionnaire, 
appelé 'U hab-birâh, « homme de l'édifice », surveillait le 
Temple lui-même. Cf. Orla, H, 12. Le mot bîrâh désigne 
certainement ici le Temple, comme I Par., xxix, 1, 19; 
Pesachim, m, 8; vu, 8, etc. Cf. Schûrer, Geschichte 
des jûdischen Volkes ini Zeit. J.-C, Leipzig, t. Il, 1898, 
p. 273, 274. Dans le Nouveau Testament, le préfet du 
Temple porte le nom de <jtp«ttiyô;, magistratus. Judas 
s'aboucha avec les princes des prêtres et les magistrats, 
vraisemblablement les deux préfets mentionnés plus 
haut et commandant la police du Temple. Luc, xxn, 4. 
Les forces policières qui procédèrent à l'arrestation du 
Sauveur à Gethsémani étaient d'ailleurs accompagnées 
de princes des prêtres, d'anciens et des préfets du 
Temple, nxçiax^oi xo\> lepoû, magistratus templi. Luc, 
xxn, 52. L'un des deux préfets intervint à plusieurs 
reprises au sujet des Apôtres. Act., îv, 1; v, 24, 26. 
C'est plutôt le préfet des parvis dont il est question 
dans ces derniers passages. 

4° Police romaine, — Les procurateurs romains 
exerçaient en Judée le droit de haute police. De l'an 6 
à l'an 41 après J.-C, ils surveillèrent même les finances 
du Temple. Ce droit passa ensuite, jusqu'en 66, aux 
princes juifs, Hérode de Chalcis et Agrippa II, qui d'ail- 
leurs nommaient le grand-prêtre. Cf. Josèphe, Ant. 
jud,., XX, i, 3; IX, 7. Jusqu'à l'an 36, le procurateur- 
garda, dans la citadelle Antonia, les ornements du 
grand-prêtre, ne les remettant au titulaire qu'aux trois 
grandes fêtes et au jour de l'Expiation. Vitellius en ren- 
dit alors aux Juifs le libre usage, que le procurateur 
Cuspius Fadus chercha en vain à restreindre de nou- 
veau en 44. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 3; XX, 
i, 1, 2. Les Romains s'en emparèrent définitivement à 
la prise de Jérusalem. Cf. Josèphe; Bell, jud., VI, vin, 
3. A l'époque des grandes fêtes, qui attiraient à Jérusa- 
lem une population nombreuse et très remuante, le 
procurateur quittait sa résidence ordinaire de Césarée 
pour venir dans la capitale juive, afin de parer à tout 
événement imprévu. Il habitait alors soit la citadelle 
Antonia, soit l'ancien palais d'Hérode. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., II, xiv, 8 ; xv, 5. La garnison de Jérusalem 
se composait habituellement d'une cohorte. Voir t. n, 
col. 827. Celle-ci était commandée par un x'd a PX ot -> 
tribunus. Act., xxi, 31; xxn, 24; xxm, 10, 15; xxiv, 7, 
22. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8, parle d'un Tif[i.a de 
Romains en garnison à l'Antonia; mais pour lui, cf. Ant. 
jud., XX, VI, 1; Bell, jud., II, xn, 5, le zi-(\La est la 
(meîpoj la cohorte, cf. Act., xxi, 31, et non la légion. 
La cohorte romaine prêtait main forte aux autorités 
juives dans certains cas. Elle fournit les soldats qui 
prirent part à l'arrestation du Sauveur, Joa., xvm, 3, 
et à son crucifiement, Joa., xix, 23, 24, sous la conduite 
d'un àxaTtSvTapyoç, centurio. Matth., xxvn, 54; Marc, 
xv, 39; Luc, XXHi, 47. La garde, xoucrrwSîa, custodia, 
apostée au sépulcre, Matth., xxvii, 65, se composait aussi 
de soldats romains, comme le prouve ce qui se passa 
après la résurrection. Matth., xxvm, 14. De l'Antonia, 
deux escaliers donnaient accès dans le Temple et per- 
mettaient d'y faire pénétrer des soldats en cas de trou- 
bles. Aux jours de fête, des postes étaient établis sous 
les portiques qui entouraient le parvis des gentils. 
Cf. Josèphe Ant. jud., XX, v, 3; vm, 11; Bell, jud., II, 
xn, 1 ; V, v, 8. Le tribun de la cohorte intervenait pour 
maintenir l'ordre, Act., xxi, 31-40; xxhi, 10, et il expé- 
diait des détachements composés de piétons et de ca- 
valiers, pour conduire des prisonniers jusqu'à Césarée, 
Act., xxiii, 23, 24. Le centurion qui conduisait des pri- 
sonniers, même par mer, en était responsable. Act.,. 
xx'vii, 4243. H. Lesêtre. 



505 



POLITA.RQUE — POLITESSE 



506 



POLITARQUE (grec : iw\tTipx i lc> Vulgate ; princeps 
civitatis), nom local des chefs de la ville de Thessalo- 
nique. Act., xvii, 6, 8. On a retrouvé un certain nombre 
de leurs inscriptions. Voir Vigouroux, Le Nouveau 
Testament et les découvertes archéologiques modernes, 
2 8 édit., p. 237-256. Leur nombre parait avoir varié 
selon les époques. Une inscription en mentionne deux, 
une autre six, une autre sept, etc. On trouve des poli- 
tarques dans d'autres villes de la Macédoine. Quand 
saint Paul prêcha l'Évangile à Thessalonique, les Juifs 
irrités voulurent s'emparer de sa personne et, ne l'ayant 
pas trouvé, ils traînèrent Jason chez qui il logeait 
devant les politarques; ceux-ci ne laissèrent en liberté 
Jason et les frères qu'on avait arrêtés avec lui que 
contre caution. Act., xvn, 1-9. 

POLITESSE, ensemble d'usages qui président aux 
bonnes relations des hommes entre eux. — Ces usages 
varient suivant les pays et suivant les temps; mais la 
dignité extérieure a toujours été en grande estime chez 
les Orientaux, ce qui fait que parmi eux, même 
l'homme du peuple, le pauvre, le nomade, ne sont 
jamais vulgaires. Les Israélites avaient des règles de 
politesse auxquelles la Sainte Écriture fait assez sou- 
vent allusion. 

1° En se rencontrant, on échangeait des salutations 
très expressives et parfois très cérémonieuses. Voir 
Salutation. En certaines circonstances, on donnait un 
baiser. Voir Baiser, t. i, col. 1383. On voit Joab saisir 
de la main droite la barbe d'Amasa pour le baiser. 
II Reg., xx, 9. Pour marquer un plus grand respect, 
on se prosternait, voir Adoration, t. i, col. 233, et 
Prosternement. A la rencontre d'un supérieur, celui 
qui était sur sa monture en descendait et se proster- 
nait. I Reg., xxv, 23. 

2° L'inférieur donnait à son supérieur le nom de 
seigneur et lui-même se déclarait son esclave, Gen., 
xvni, 3; xix, 2; xxxiu, 14; Jud., xix, 19; I Reg., xxvr, 
18, etc. ; il parlait de lui à la troisième personne. Gen., 
xliv, 18, 19, etc. Une femme prenait aussi le nom 
d'esclave devant son supérieur, I Reg., i, 16; xxv, 24; 
IV Reg., iv, 2, 16, etc., cependant même un serviteur 
pouvait parler à sa maltresse sans qu'aucun terme spé- 
cial de respect fût mentionné. I Reg , xxv, 14, 17. 

3° On avait des égards particuliers pour les vieillards. 
La loi faisait une obligation de se lever devant eux. 
Lev., xix, 32. Le jeune homme devait garder une atti- 
tude modeste et réservée : 

Parle, jeune homme, s'il y a utilité pour toi, 

A peine deux fois, si l'on t'interroge. 

Abrège ton discours, dis beaucoup en peu de mots. 

Sois comme quelqu'un qui a la science et sait se taire. 

Au milieu des grands, ne te fais pas leur égal, 

Et, où il y a des vieillards, sois sobre de paroles... 

L'heure venue, lève-toi sans tarder. 

Eccli., xxxu, 7-10. 

4° Quand on allait chez quelqu'un, on commençait 
par se tenir hors de la maison, et, si Ton arrivait chez 
un grand personnage, on se faisait annoncer. III Reg., 
1, 23. Il eût été impoli d'entrer rapidement dans la 
maison, de se courber à l'entrée pour voir à l'intérieur 
•et d'écouter à la porte. Eccli., xxi, 25-27. Voir Visite. 
Les visites comportaient différentes attentions mu- 
tuelles. Le nouvel arrivant pouvait apporter des pré- 
sents, voir Présent; son hôte lui donnait le baiser, 
lui lavait les pieds, voir Lavement des pieds, t. iv, 
col. 132, et le parfumait. Voir Onction, t. iv, col. 1810; 
Parfum, col. 2163. S'il y avait quelque festin ou quelques 
autres réjouissances, il fallait éviter de s'attribuer la 
première place, voir Première pla.ce, et ensuite prendre 
•soin de se comporter convenablement. Voir Festin, 
■t. m, col. 2212; Repas. Quand le visiteur venait de 



loin, le devoir de l'hospitalité s'imposait envers lui. 
Voir Hospitalité, t. m, col 760. 

5o La conversation était fort dans le goût des Israé- 
lites, comme de tous les Orientaux. Job, xxix, 9-11, etc. 
Mais elle devait respecter la convenance des assistants. 
Aussi était-il dit à l'adresse du vieillard qui assistait à 
un repas, Eccli., xxxii, 3-4 : 

Parle, vieillard, avec justesse et doctrine, c'est ton rôle, 
Mais sans faire obstacle à la musique. 
Lorsqu'on (F)écoute, ne te répands pas en paroles, 
Et n'étale pas ta sagesse à contre-temps. 

Il y a en effet « un temps pour se taire et un temps 
pour parler. i> Eccle., m, 7. Fleury, Mœurs des Israé- 
lites, I, xii, fait les remarques suivantes au sujet du 
langage des Hébreux : « Ils usaient volontiers, dans leurs 
discours, d'allégories et d'énigmes ingénieuses. Leur 
langage était modeste et conforme à la pudeur, mais 
d'une manière différente de la nôtre : ils disaient l'eau 
des pieds pour dire l'urine; couvrir les pieds, pour sa- 
tisfaire aux autres besoins, parce qu'en cette action, ils 
se couvraient de leurs manteaux, après avoir creusé la 
terre, Deut., xxm, 14; ils nommaient la cuisse pour les 
parties voisines que la pudeur défend de nommer. 
D'ailleurs, ils ont des expressions qui nous paraissent 
fort dures, quand ils parlent de la conception et de la 
naissance des enfants, de la fécondité et de la stérilité 
des femmes; et ils nomment sans façon certaines infir- 
mités secrètes de l'un et l'autre sexe, que nous enve- 
loppons par des circonlocutions éloignées. Toutes ces 
différences ne viennent que de la distance des temps et 
des lieux. La plupart des mots qui sont déshonnètes, 
suivant l'usage présent de notre langue, étaient hon- 
nêtes autrefois, parce qu'ils donnaient d'autres idées... 
Les livres de l'Écriture parlent plus librement que nous 
ne ferions de ce qui regarde le matériel du mariage, 
parce qu'il n'y avait personne parmi les Israélites qui 
y renonçât, et que ceux qui écrivaient étaient des 
hommes graves et des vieillards pour l'ordinaire. » Les 
récits que font parfois les historiens sacrés et le lan- 
gage que tiennent certains prophètes ne doivent donc 
pas étonner. Ils n'accusent nullement un manque de 
savoir-vivre et de délicatesse; ils portent seulement la 
marque d'un temps et d'un pays où les choses ne s'ap- 
préciaient pas comme dans les nôtres, où la grâce de 
l'Évangile n'avait pas encore fait sentir son influence et 
où la politesse ignorait certains raffinements dont des 
civilisations plus avancées couvrent leurs vices. La 
simplicité des mœurs autorisait d'ailleurs celle du lan- 
gage en bien des circonstances. — Il était considéré 
comme malséant de rire bruyamment. Eccli., xxi, 23. 

6° Dans l'Évangile, on rencontre un bon nombre de 
formules de politesse très simples, mais d'autant plus 
expressives que souvent les interlocuteurs s'adressent 
l'un à l'autre sans se donner aucune appellation spé- 
ciale. Ceux qui parlent au Sauveur lui disent ordi- 
nairement « Seigneur », Matth., vin, 6, 8, 25; ix, 28; 
xv, 22; Luc, v, 8, 12; Joa., iv, 49; v, 7;xi, 21, 27, etc., 
ou « Maître, Rabbi, Rabboni », Malth., xxn, 16; xxvr, 
49; Marc, iv, 38; ix, 16; x. 51; Luc, vu, 40; vm, 24; 
x, 25; xvn, 13; xvm, 18; xix, 39; Joa., vin, 4; ix, 2; 
xi, 8, etc. Lui-même, suivant les personnes auxquelles 
il s'adresse, dit ci mon fils », Matth., ix, 2; Marc, n, 
5; « homme », Luc.,-v, 20; « jeune homme », Luc, 
vu, 14; « femme », Matth., xv, 28; Luc, xm, 12; Joa., 
vm, 10, même quand il parle à sa mère, Joa., n, 4; 
xix, 26; « ma fille. » Marc, v, 34; Luc, vm, 48. Par- 
fois, il interpelle directement quelqu'un par son nom. 
Matth., xvn, 24; Luc, vu, 40; x, 41; xix, 5; Joa,, xrv, 
9; xxi, 15, 17. Dans les paraboles, le fils dit « mon 
père », Matth., xxi, 28; Luc, xv, 12, 21; le père dit 
« mon fils », 1a\c, tlv, 31; le serviteur dit à son maître 
« seigneur ». Matth., xxv, 20; Luc, xm, 8; xrv, 22; 



507 



POLITESSE — POLYGAMIE 



508 



xix, 16, 25, etc. On dit « ami » même à des hommes 
répréhensibles ou méchants. Matth., xx, 13; xxii, 12; 
xxvi, 50; Luc, xiv, 10. Abraham dit même « mon fils » 
au mauvais riche de l'enfer. Luc, xvi, 25. La femme 
qui pousse une acclamation au milieu d'un discours de 
Notre-Seigneur, Luc, xi, 27, fait preuve à son égard 
d'une courtoisie très délicate. Le Sauveur veut que ses 
disciples, en entrant dans une maison, y souhaitent la 
paix, Matth., x, 12; Luc, x, 5, et, quand on a à répri- 
mander quelqu'un, il recommande de le faire tout 
d'abord seul à seul. Matth., xvm, 15. Le convive malap- 
pris auquel le maître dit sèchement : « Cède la place 
à cet autre, » Luc, xiv, 9, a bien mérité cette leçon de 
politesse. — Après sa résurrection, Notre-Seigneur 
salue gracieusement ceux auxquels il se montre, Matth. , 
xxvm, 9; Luc, xxiv, 36; Joa., xx, 21, 26, et il appelle 
ses Apôtres « enfants ». Joa., xxi, 5. 

7° Saint Paul réprouve la vaine politesse ; il prescrit 
aux chrétiens d'avoir « une chariié sans hypocrisie », 
par conséquent, une politesse extérieure qui s'inspire 
des sentiments d'une charité sincère, et il veut qu'ils 
soient remplis d'affection les uns pour les autres, se 
« prévenant d'honneur les uns les autres ». Rom., xn, 
9, 10. Jl rappelle à Timothée qu'il doit avoir des égards 
pour tous et de l'honneur pour les vraies veuves. 

H. Lesêtre. 

POLONAISES (VERSIONS) DÉ LA BIBLE. Voir 

Slaves (Versions) ce la Bible. 

POLYCARPE, chorévêque syrien jacobite, du v> au 
VI e siècle. Philoxène, évéque de Mabboug, le chargea, 
en l'an 508, de traduire toute la Bible du grec en sy- 
riaque. Cette version est appelée philoxénienne et il 
n'en reste que des fragments. La version philoxé- 
nienne du Nouveau Testament fut corrigée par Thomas 
d'Harkel (ou d'Héraclée) et constitua ainsi la revision 
héracléenne dont nous possédons encore de nombreux 
manuscrits. Il n'est pas facile, à l'aide de la revision 
héracléenne, de reconstituer la traduction faite par 
Polycarpe, car les astérisques et les obèles qu'elle 
porte peuvent avoir déjà été introduits par Polycarpe 
lui-même, comme l'a montré M. D*. Gottlob Christian 
Storr. C'est donc à tort sans doute que MM. Wetstein 
et White croyaient pouvoir formuler la règle suivante ; 
« Lorsque Thomas a trouvé dans ses manuscrits grecs 
des choses différentes de celles qui étaient dans la ver- 
sion de Polycarpe, il les a écrites en marge ; il a marqué 
d'un obèle les mots qui manquaient dans ses manus- 
crits, et il a introduit dans le texte, en les marquant 
d'une astérisque, les mots qui manquaient dans la tra- 
duction philoxénienne », Repertorium fur Biblische 
und M<rrgenlàndi$che LiUeratur, Leipzig, 1780, t. vu, 
p. 48-74. Cf. Rubens-Duval, La littérature syriaque, 
3* édition, p. 50. F. Nau. 

POLYCHRONIUS, écrivain ecclésiastique du 
v e siècle. Tout ce que l'on connaît de la vie de cet 
exégète tient dans le maigre renseignement fourni par 
Théodoret, H. E., v, 39, t. lxxxii, col. 1277. L'histoire 
nous apprend que Polychronius était le frère cadet du 
fameux Théodore de Mopsueste, et qu'en 428, il occu- 
pait le siège d'Apamée en Syrie, qu'il illustra par son 
éloquence et l'éclat de ses vertus. Il ne semble pas 
qu'il ait survécu longtemps à son frère, mort en 428, 
car, au concile d'Ephèse, ce n'est plus son nom qui 
figure comme titulaire d'Apamée. On a cru pouvoir 
appliquer à l'évêque d'Apamée les nombreux détails 
que Théodoret, Hellgiosa historia, xxiv, t. lxxxii, 
col. 1457-1464, rapporte d'un saint ermite du nom de 
Polychronius. Mais il n'y a nulle identité entre ces 
deux personnages qui doivent demeurer distincts. C'est 
sur l'exégèse de l'Ancien Testament que s'est portée 



toute l'activité littéraire de Polychronius, et lui aussi 
est un des principaux compilateurs de Chaînes. Voici 
l'indication de ses œuvres aujourd'hui connues. — 
1" Scolies sur le livre de Job. Elles furent publiées 
d'abord sous le nom d'OIympiodore, diacre d'Alexan- 
drie, en traduction latine, par Paul Comitolus, S. J., 
à Lyon, en 1586; l'année suivante, en 1587, une seconde 
édition parut à Venise, avec deux additions. Le texte 
grec fut édité à Londres en 1637 par Patrice Junius, 
et c'est cette dernière édition que Migne a reproduite. 
Pair. Gr., t. xcm, col. 13-470. — 2" On trouve, dans la 
seconde édition des Scolies sur Job, celle de Venise, 1587, 
le prologue d'un commentaire sur le livre de Job. En 
1738, D. 0. Wahrendorf en publie le texte grec origi- 
nal, dans ses Meditationes de resurrectùme prseser^ 
tim Jobi, Gôttingen. — 3° La même édition de Venise 
dont nous avons parlé, donne aussi en latin, p. 38-38, 
un petit traité sur les causes de Vobscurité de VÉcri- 
ture Tî èijuv r\ àudcyeia ttjç rpaçîjî. Toutefois, on pos- 
sédait depuis longtemps le texte grec de ce fragment 
dans les Questions à Amphiloque de Photius, Quxst., 
clii, t. ci, col. 815-816. — 4» Des Scolies sur le livre 
de Daniel ont été découvertes et publiées par le cardinal 
Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. i, part. 2, 
Rome, 1825, p. 105-160. Le savant éditeur accompagne 
le texte grec d'une version latine. Toutefois, celle-ci, 
ainsi que bon nombre de notes, a été supprimée dans 
la seconde publication que le cardinal Mai fit de ce 
travail de Polychronius dans Scriptorum veterum nova 
collectio, t. i, part. 3, p. 1-27. — 5° Enfin des Scolies sur 
Ézéchiel ont été également trouvées et éditées par Mai 
dans sa Nova Patrum Bibliotheca, t. vu, part. 2, Rome, 
1854, p. 92-127. Au tome clxii de la Patrologie grecque, 
Migne a repris les éditions des Scolies sur Daniel et 
Ézéchiel faites par Mai. En 1617, J. Meuvsius publia à 
Leyde son Eusebii, Polyckronii , Pselli in Canticum 
Canticorum expositiones grœcx. Ces commentaires 
sur le Cantique des Cantiques ne sont pas de l'évêque 
d'Apamée, comme l'a démontré O. Bardenhewer, Po- 
lychronius, Bruder Theodors von Mopsuestia und 
Bischof von Apamea. Ein Beitrag zur Geschichte der 
Exégèse, Fribourg-en-Brisgau, 1879. M. Bardenhewer, 
dans le même travail, défend aussi Polychronius, 
contre toute suspicion de nestorianisme, qui du reste 
ne repose que sur le fait de sa parenté avec Théo- 
dore de Mopsueste. Alors que celui-ci, par exemple, 
mettait en doute le caractère canonique du livre de Job, 
Polychronius, au contraire, insiste sur la canonicitéde 
cette partie de l'Écriture Sainte. Polychronius se révèle 
comme un des plus grands exégètes de la célèbre école 
d'Antioche, dont il pratique tous les principes. Il s'at- 
tache surtout à épuiser l'explication du texte qu'il a 
sous les yeux et à l'occasion il s'élève fortement contre 
la méthode allégorique d'Origène. 

J. Van dek Gheyn. 

POLYGAMIE, mariage d'un seul homme avec plu- 
sieurs femmes à la fois. 

I. A l'époque patriarcale. — 1° Du récit de la créa- 
tion du premier homme et de la première femme ressort 
nettement cette idée que, dans l'intention du Créateur, 
l'union constitutive de la famille doit exister entre un 
seul homme et une seule femme. Gen., Il, 21-24. La 
suite du récit ne suppose toujours qu'une seule femme 
à Adam. Gen., iv, 25. Dans la postérité de Caïn, le 
cinquième patriarche, Lamech, est noté comme ayant 
pris deux femmes, Ada et Sella. Gen., rv, 19. Le fait 
est enregistré comme digne de remarque. Il introduit 
en effet une modification notable dans la constitution 
de la famille humaine. Rien ne laisse supposer que 
Lamech ait été autorisé à agir ainsi ; il n'est pas blâmé, 
sans doute, mais il suffit que l'usage s'introduise par 
un descendant de Caïn pour qu'il soit suspect. Les 
autres patriarches des deux lignées de Caïn et de Seth 



509 



POLYGAMIE 



510 



paraissent n'avoir eu qu'âne seule femme. La chose 
n'est pourtant dite assez clairement que pour Noé. 
Gen., vm, 18. — Avec Abraham, la polygamie appa- 
raît comme chose normale. Le patriarche a une pre- 
mière femme, Sara. Gen., xti, 5. Comme celle-ci ne 
lui donne pas d'enfant, il prend une seconde femme, 
Agar. Gen., xvi, 1. Il faut remarquer toutefois que cette 
dernière n'a pas la même situation que Sara, Cest 
une épouse de rang inférieur, une de celles que l'on 
appelle concubines dans un sens particulier à la 
Sainte Écriture, c'est-à-dire des femmes légitimes, 
mais de second rang, et quelquefois dès esclaves que 
le mari prend ou reçoit quand la première femme est 
stérile. Ce fut le cas pour Abraham. Le patriarche 
épouse Cétura, après la mort de Sara, Cen., xxv, 1, et 
il est ensuite fait mention de concubines. Gen., xxv,6. 
Il n'est question que de Rébecea pour Isaae. Gen., xxtv, 
51. En principe, semble-t-il, Jacob ne pensé qu'à RaChel. 
Lia est substituée frauuuleusemeïit à la crémière, et, 
comme Jacob ne veut pas renoncer à l'épouse de son 
choix, il se trouve en avoir deux. Or Rachel est d'abord 
stérile. Elle fait agréer par le patriarche Bala, son 
esclave; puis Lia, de son côté, agit de même et pré- 
sente à Jacob son esclave Zelpha. Gen., xxlx, 25, 29; 
xxx, "2, 9. Ésaù a trois femmes. Gen., xxxvi, 1, 2. U 
n'est plus parlé de plusieurs femmes à l'occasion des 
personnages bibliques jusqu'à Moïse, soit qu'en effet 
ils n'en aient pris qu'une, soit que les auteurs sacrés 
n'aient eu ni occasion ni motif pour mentionner une 
circonstance qui paraissait toute naturelle. On voit 
en effet que Rachel considère Bala comme une autre 
elle-même auprès de Jacob. « Qu'elle enfante sur mes 
genoux, dit-elle, et par elle j'aurai, moi aussi, une 
famille. » Quand Bala a enfanté, Rachel s'en félicite 
en disant : « Dieu m'a rendu justice, et même il a 
entendu ma voix et m'a donné un fils. » Elle ajoute, 
après la naissance du second enfant de Bala : « J'ai 
lutté auprès de Dieu à l'encontre de ma sœur et je l'ai 
emporté. » Gen., xxx, 3-8. Comme Bala appartient à 
Rachel, les enfants de Bala sont regardés comme lui 
appartenant aussi. De fait, on ne voit aucune différence 
de traitement entre les douze fils de Jacob: enfants des 
deux femmes libres, enfants des deux esclaves, tous 
sont au même titre enfants de Jacob. 

ï" L'attribution à Lamech du premier exemple de 
polygamie et l'absence totale de scrupule qui caracté- 
rise les multiples unions d'Abraham, indiquent assez 
qu'à l'époque du patriarche la tolérance de la polyga- 
mie était tout à fait entrée dans les mœurs. De fait, le 
code d Hammourabi, art. 144-146, voir t. rv, col. 336, 
prévoit, à côté de l'épouse de premier rang, l'exis- 
tence légale d'une concubine ou d'une esclave présentée 
au mari par l'épouse. Les rois babyloniens avaient 
dans leurs harems de nombreuses femmes de condi- 
tion variée. Dans la classe bourgeoise et dans le peu- 
ple, le nombre des épouses dépendait des ressources 
du mari. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 741- 
742. lien était de même en Egypte. Le pharaon possé- 
dait de nombreuses femmes, filles de grands seigneurs 
ou de hauts fonctionnaires, ou étrangères, filles de pe- 
tits princes des pays soumis à l'Egypte, venues à la 
cour en qualité d'otages, La plupart de ces femmes dé- 
mettraient simples concubines, quelques-unes pre- 
naient rang d'épouses royales, et une au moins recevait 
le titre de grande épouse ou de reine. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, 1. 1, p. 276. Les seigneurs possédaient 
aussi leur harem, proportionné à leur situation de 
fortune ; les hommes de moindre condition constituaient 
leur famille selon leurs moyens. Ce que 'Pou sait des 
Babyloniens, des Égyptiens, et plus tard des Perses, 
cf. Hérodote, i, 135, donne l'idée de ce qu'était la 
polygamie des anciens temps. Le nombre des femmes 
était le signe d'un luxe proportionnel aux ressources 



des riches et des puissants. Comme d'autre part on 
estimait à très haut prix l'avantage d'une descendance 
multiple et assurée, on Faisait normalement appel à 
une seconde femme quand la première n'avait pas 
donné d'enfants. Abraham et Jacob ne firent donc que 
se conformer aux usages de leur temps et de leur pays, 
Jacob avec moins de réserve que son grand-père, il est 
vrai, mais sous la pression jle circonstances indépen- 
dantes de sa volonté. 

IL Chez les Israélites. — 1" Lu législation mo- 
saïque. — 1. Les traditipns reçues des ancêtres chaldéens 
sur l'usage de la polygamie et le spectacle de ce que les 
Hébreux eurent devant les yeux, sous ce rapport, en 
Egypte, He permettaient pas à Moïse de passer la ques- 
tion sous silence. La loi mosaïque n'approuve ni ne 
blâme la polygamie; elle tend seulement à la ramener 
à la bigamie, telle qae la prévoyait le code babylonien. 
Elle examine le cas "où un homme a donttëàsonnls une 
esclave Israélite pour épouse ; si le fils prend une autre 
épouse, il doit cependant garder la première et ne rien 
lui ôter de ce qui lui est dû pour la nourriture, le vê- 
tement et l'habitation. Exod., xxi, 9, 1©. Des entraves 
considérables sont ensuite apportées à la pratique de 
la polygamie. Les rapports sexuels entraînent une 
impureté légale qui nécessite des ablutions et met, pour 
ainsi dire, hors de la société jusqu'au soir. Lev., xv,18. 
On ne peut prendre pour seconde épouse la sœur de 
sa femme. Lev., xvm, 18. Les eunuques ne sont pas 
admis dans la société israèlite, Deut., xxm, I, et sans 
eux la tenue d'un harem est pratiquement impossible. 
La loi prévoit qu'un homme puisse avoir deux femmes. 
Deut., xxi, 15. Elle n'indique pas dans quelles condi- 
tions. Le code babylonien est plus précis et plus res- 
trictif. Ii règle que celai auquel son épouse n'a pas 
donné d'enfants peut prendre une concubine; maiscelui- 
ci n'en peut prendre une seconde, s'il a déjà reçu de sa 
femme une esclave dont il a eu des enfants. Art. 144, 
145, t. IV, col. 336. Le cas d'Abraham est, dans le prin- 
cipe, conforme à cette législation; il ne prend Agar 
qu'à cause de la stérilité de Sara. Le cas de Jacob 
n'est pas conforme à la littéralité du code babylonien; 
car le patriarche a déjà des enfants de Lia, quand il 
s'unit à l'esclave Zelpba, sans parler de ses deux autres 
unions. Les rois s'autorisaient de leur situation pour 
s'accorder de nombreuses épouses. Le législateur 
hébreu songe à ce qui pourra un jour se passer en 
Israël, et il recommande expressément au roi futur 
de ne pas prendre un grand nombre de femmes, 
de petir que son cœur ne se détourne de Dieu. 
Deut., xvti, 17. — 2. Les concessions faites par la loi 
mosaïque furent considérées plus tard comme un pis- 
aller. Dans plusieurs passages, Prov., v, 18, 1*9; su, 
4; xix, 14; xxxi, 10-31; Ps. çxxviii (cxxvn), 3; 
Eceli., xxvi, 1-4, les auteurs sacrés semblent supposer 
la présence d'une seule femme au foyer domestique. 
Cependant on ne peut tirer de leurs paroles une con- 
clusion rigoureuse, à cause de l'étroite subordination 
dans laquelle vivaient l'esclave ou la concubine et leurs 
enfants vis-à-vis de l'épouse principale. Les prophètes 
envisagent aussi sous la figure d'une union conjugale 
les rapports de Dieu avec son peuple choisi. Voir Ma- 
riage, t. rv, col 769. Ce symbolisme n'avait de sens 
qu'autant que la monogamie était la règle du mariage. 
Mais il n'y a là encore qu'une ïmprobation lointaine de 
la polygamie. Ce sont les mœurs qui peu à peu réagirent 
contre l'usage toléré par la loi. 

H« La coutume Israélite. — 1. On ne peut pas in- 
terpréter de îa polygamie ce qui est dit des fils d'Issa- 
char. I Par., ■vn, 4. "Mais Saharaïm, de la tribu de 
Benjamin, eut d'ahord deux femmes moabites qu'il 
renvoya, puis une troisième. I Ttnt.,^fm,l, 8. A l'époque 
des Juges, la polygamie est pratiquée sans mesure par 
certains personnages que les événements mettent en 



511 



POLYGAMIE 



512 



lumière, mais qui devaient vivre comme ceux de leur 
condition. Gédéon a 70 fils et beaucoup de femmes et 
de concubines. Jud., vm, 30, 31. Jaïr a 30 fils. Jud., x, 
4. Abesan a 30 fils et 30 filles. Jud., xil, 9. Abdon a 
40 fils. Jud., su, 14. Elcana, père de Samuel, a deux 
femmes qui paraissent de même condition, Anne et 
Phénenna. La seconde prenait plaisir à affliger sa rivale 
à cause de sa stérilité. I Reg., i, 2, 6. La situation de 
la famille d'Elcana représente ce qu'étaient les familles 
moyennes en Israël. La bigamie y régnait. Peut-être 
même Elcana n'avait-il pris Phénenna qu'à raison de 
la stérilité d'Anne, qu'il préférait à l'autre et traitait en 
conséquence. I Reg., i, 5. De là des dissentiments, des 
jalousies et des propos amers, conséquences inévitables 
de la polygamie déjà constatées dans les familles 
d'Abraham et de Jacob. — 2. Sous les rois, les recom- 
mandations du Deutéronome, xvii, 17, sont interprétées 
avec une largeur excessive. A Saiil ne sont attribuées 
qu'une femme et une concubine. II Reg., m, 7. Mais 
déjà David prend Michol, I Reg., xvm, 27, Abigaïl, 

I Reg., xxv, 42, Bethsabée, II Reg., xi, 5, et un certain 
nombre de femmes et de concubines, II Reg., xn, 8, 
en possession desquelles se met publiquement Absalom, 
le jour où il veut s'emparer de la royauté paternelle. 

II Reg., xvi, 21, 22. Salomon dépasse toutes les bornes 
avec son innombrable harem. III Reg., xr, 3. Cf. Cant., 
vi, 8-9, Roboam a 18 femmes et 60 concubines; il 
établit ses fils dans les différentes places du royaume 
et leur donne beaucoup de femmes. II Par., xi, 21, 
23. Abia a 14 femmes. II Par., xm, 21. Joram en a un 
nombre qui n'est pas indiqué. II Par., xxi, 17. Quand 
le grand-prêtre Joïada veut établir le jeune roi Joas, il 
lui fait prendre deux femmes. II Par., xxrv, 3. Les 
renseignements font défaut au sujet des autres rois de 
Juda; mais c'est probablement parce qu'ils ont plu- 
sieurs épouses que l'historien sacré prend soin de 
nommer la mère de chaque nouveau roi. III Reg., xxii, 
42; IV Reg., xn, 1; xiv, 2; xv, 2, 33; xvm, 2; xxi, 1, 
19; xxii, 1; xxm, 31, 36; xxiv, 8. Par ce que l'on sait 
des rois de Juda, on peut juger de ce que dut être la po- 
lygamie parmi les rois d'Israël. — 3. Après la captivité, 
on ne trouve plus mention de polygamie chez les écri- 
vains sacrés.. Il est seulement question de l'admission 
d'Esther dans le harem d'Assuérus. Esth., h, 8. A cette 
occasion, l'historien fournit de curieux détails sur le 
recrutement et le fonctionnement du harem royal de 
Suse. On commence par chercher dans tout l'empire 
des jeunes filles, « vierges et belles de figure », qu'on 
rassemble à Suse. L'eunuque Egée a pour fonction de 
faire un choix, d'enfermer les élues dans la maison 
des femmes, sous une surveillance rigoureuse, et de 
leur assurer des soins appropriés pendant de longs 
mois. Au bout d'un an, chacune était présentée au roi, 
passait une nuit dans son palais, puis était reléguée 
dans une seconde maison des femmes, où elle restait 
désormais confinée sous la garde d'un autre eunuque, 
à moins que le roi ne la fit rappeler. Esth., u, 2-14. 
Esther eut la faveur de plaire à Assuérus plus que 
toutes les 'autres, et elle fut élevée à la dignité de 
reine, ce qui lui permettait d'avoir ses entrées auprès 
du roi, et d'habiter dans un palais particulier où elle 
pouvait donner des festins même au roi et à son 
ministre. Esth., n, 16, 17; v, 1-8. La polygamie était 
en vigueur chez les Perses, cf. Strabon, xv, 733; 
Hérodote, I, 135, chez les Mèdes et chez les Indiens. 
Cf. Strabon, xi, 526; xv, 714. — 4. On a pu»remar- 
quer que, pour la période royale, la Sainte Écriture 
parle de polygamie à propos des rois, mais se tait en 
ce qui concerne les particuliers. Même silence pour 
la période qui s'étend de la captivité à Jésus-Christ. 
Faut-il en conclure que la coutume était totalement 
tombée en désuétude, en dehors des cours? On 
ne doit pas se hâter de tirer cette conclusion. Le roi 



Hérode eut en tout dix femmes, dont plusieurs à la fois. 
A ce propos, Josèphe, Bell, jud., I, xxiv, 2, observe que 
cette pluralité était permise aux Juifs en vertu de leurs 
usages particuliers, et que d'ailleurs le roi aimait avoir 
plusieurs femmes. En un autre endroit, Ant. jud., XVIL, 
I, 2, il dit: « C'est pour nous une coutume nationale 
d'avoir en même temps plusieurs femmes. » Il adresse 
cette remarque à ses lecteurs grecs et romains, chez 
lesquels la polygamie était mal vue. D'après la Mischna, 
Sanhédrin, li, 4, un roi pouvait se permettre dix-huit 
femmes. Quant aux particuliers, ils avaient droit d'aller 
jusqu'à quatre, cf. Yebamoth, iv, 11; Kethuboth, x, 
1-6, ou cinq. Cf. Kerithoth, ni, 7; Kidduschin, u, 7; 
Bechoroth, vin, 4. Saint Justin, Dial. cum. Tryphon., 
134, t. vi, col. 785, confirme ces indications de la Mi- 
schna, quand il déclare que les docteurs juifs « en sont 
encore à permettre à chacun d'avoir quatre ou cinq 
femmes. » La polygamie s'est, paralt-il, perpétuée chez 
les Juifs allemands jusqu'au moyen âge. Cf. Schûrer, 
Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J.-C, Leip- 
zig, t. i, 1901, p. 407. 

III. Dans le Nouveau Testament. — Les écrivains 
du Nouveau Testament ne font nulle part mention 
expresse de la polygamie. Par deux fois, saint Paul 
exige bien que l'évêque soit (icSç yuvaixô; avujp, « mari 
d'une seule femme ». I Tim., m, 2; Tit., i, 6. Mais ce 
qu'il exclut ici, ce n'est pas la polygamie simultanée, 
étrangère aux mœurs des Grecs et des Romains, c'est 
la polygamie successive. Il veut de même que la veuve 
admise au service de l'Église soit évb; àvêpôç fuvr, 
« femme d'un seul homme », c'est-à-dire évidemment 
« n'ayant eu qu'un seul mari ». Le silence des écrivains 
du Nouveau Testament démontre qu'à leur époque 
malgré les concessions des docteurs juifs, la polygamie 
était assez exceptionnelle et assez décriée pour qu'il fût 
inutile de la réprouver. C'était donc un abus qui tom- 
bait totalement en désuétude, surtout au contact du 
monde gréco-romain, qui avait bien d'autres vices, 
mais ignorait celui-là. S'il en eût été autrement, Notre- 
Seigneur en aurait parlé, comme il a fait pour le 
divorce. — 2. D'ailleurs la condamnation de la polyga- 
mie est nécessairement renfermée dans celle du divorce. 
Notre-Seigneur déclare que « quitter sa femme pour 
en prendre une autre, c'est commettre l'adultère. » 
Matth., xix, 9; Marc, x, 11; Luc, xvi, 18. Le mal ne 
consiste pas nécessairement à se séparer de sa femme, 
puisque dans certains cas la séparation est permise, 
mais à prendre une seconde femme du vivant de la 
première. Au regard de la loi évangélique, la bigamie a 
donc le caractère de l'adultère ; à plus forte raison en 
est-il ainsi de la polygamie. Le divin Maître attribue à 
la dureté de cœur des Hébreux, c'est-à-dire à leur 
manque d'intelligence, de délicatesse et de sens moral, 
l'autorisation du divorce que Moïse a dû leur accorder. 
Matth., xix, 8. La même cause a certainement inspiré 
le législateur quand il a toléré tacitement la polygamie. 
Les Hébreux d'autrefois n'auraient pu se passer de cette 
tolérance, au milieu de peuples qui en jouissaient à 
leur aise. Une défense portée par fa loi n'eût servi qu'à 
multiplier les transgressions. Rom., vu, 7-11. La loi 
ancienne a donc toléré un abus qui ne se heurtait à 
aucun article essentiel de la loi naturelle et qui respec- 
tait suffisamment les fins principales du mariage, l'union 
mutuelle de l'homme et de la femme et la propagation 
de la race. Mais la loi nouvelle, plus parfaite et d'ail- 
leurs universelle, ne pouvait laisser se perpétuer cette 
tolérance. « Au commencement, il n'en fut pas ainsi. » 
Matth., xix, 8. Notre-Seigneur le disait du divorce; 
c'était également vrai de la polygamie. Adam n'avait 
reçu de Dieu qu'une seule femme et n'en avait qu'une, 
ainsi que ses descendants pendant plusieurs générations. 
— 3. Quels qu'aient pu être les avantages résultant de 
la tolérance de la polygamie pour les anciens Hébreux, 



513 



POLYGAMIE — POLYGLOTTES 



514 



il est incontestable que ces avantages étaient secon- 
daires, locaux et prêtant à de nombreux et graves abus, 
tels que la mésentente entre les femmes dans les familles 
d'Abraham, de Jacob et d'Elcana, la discorde entre les 
enfants dans la famille de David, la multiplication 
scandaleuse des épouses et des concubines autour de 
Salomon et de plusieurs rois. La loi évangélique réta- 
blissait les choses à l'état primitif, qui était conforme 
au plan providentiel. L'expérience a d'ailleurs prouvé 
que la polygamie n'était favorable ni à l'union des 
époux, ni à la dignité de la femme, ni au bonheur des 
enfants, ni à la multiplication de la population. Cf. 
Bergier, Œuvres complètes, Paris, 1859, t. iv, p. 1529- 
1534. On a la démonstration de cette vérité chez les 
peuples qui ont conservé la polygamie, spécialement 
chez les Musulmans. Avant Mahomet, les Arabes avaient 
huit ou dix femmes. Mahomet crut devoir restreindre 
ce nombre : « N'en épousez que deux, trois ou quatre. 
Choisissez celles qui vous auront plu. Si vous ne pou- 
vez les maintenir avec équité, n'en prenez qu'une, 
ou bornez-vous à vos esclaves. Cette conduite sage 
vous facilitera les moyens d'être justes et de doter vos 
femmes. » Koran, iv, 3. La restriction de la polygamie 
n'est ici qu'une question de ressources ; l'intérêt social 
et la cause de la morale n'ont rien à gagner à la règle 
ainsi formulée. On sait comment quelques protestants 
du xvi» siècle crurent pouvoir autoriser ou pratiquer la 
polygamie. En 1540, Luther, Mélanchton et Bucer accor- 
dèrent même au landgrave Philippe de Hesse la per- 
mission d'adjoindre une seconde épouse à celle qu'il 
avait déjà. Cf. Bossuet, Histoire des variations, yi, 
Œuvres, Bar-le-Duc, 1870, t. m, p. 239-242. La loi 
évangélique n'en subsiste pas moins dans sa rigueur 
salutaire. H. Lesêtre. 

POLYGLOTTES. — I. Définition. — Sous le nom 
abrégé de « Polyglottes » ou sous la dénomination plus 
complète de « Bibles polyglottes. », on désigne, con- 
formément à la signification étymologique : tcoXuç, 
« plusieurs », yX&rra, « langue », des recueils conte- 
nant, en tout où en partie, le texte original de la Bible 
accompagné de deux versions, au moins, en langues 
différentes. Ces textes doivent être reproduits dans le 
même volume et sur des colonnes parallèles ou super- 
posées. Faute d'avoir dans l'esprit cette notion suffi- 
samment précise, des bibliographes mal avisés ont ap- 
pelé Polyglottes des éditions de la Bible, contenant 
auprès de l'original une seule traduction soit en latin 
soit dans une langue vulgaire. Généralement toutefois 
on exige pour une Polyglotte trois textes bibliques au 
minimum : l'original et deux versions, sans compter 
les traductions littérales qui les accompagnent. Cette 
notion écarte donc de la catégorie des Polyglottes les 
manuscrits bilingues du Nouveau Testament, grecs et 
latins, Di,D2,W% A (Évangiles), E, G" (Actes et Épîtres ca- 
tholiques), grecs et coptes, T% T f , T h , V, T k , T 1 , T», T°, 
T°, Te, T'i, T-, .T-, grec et arabe, ©\ les Psautiers bi- 
lingues, trilingues ou quadruples, manuscrits qui ré- 
produisaient plusieurs versions latines des .Psaumes et 
parfois le texte grec, aussi bien que le Quintuplex 
Psalteriutn, que Le Fèvre d'Ataples fit imprimer en 
1509, les éditions du Nouveau Testament avec une 
version interlinéaire ou avec une traduction latine, 
récente ou ancienne, les éditions de plusieurs versions 
sans le texte original, telles que celle du Cantique et 
des Épitres catholiques en éthiopien, en arabe et en 
latin, faite en 1654 et 1655 par Nissel et Petrâus, et la 
Biblia pentapla de Wansbeck, 1711, comprenant 
quatre versions allemandes et une néerlandaise, enfin 
les éditions reproduisant le texte original, une ancienne 
version et la traduction de celle-ci en langue étrangère, 
telle que le Nouveau Testament.de Le Fèvre de la Bode- 
rie, publié à Paris en 1584 et contenant le grec, la Pe- 

DICT. DE LA BIBLE. 



schito et une traduction latine de cette version syriaque. 

Ainsi limitée, la notion de Polyglotte exclut toute 
édition de la Bible en plusieurs langues faite dans un 
but pratique d'édification. La Polyglotte, en effet, est 
un ouvrage destiné à favoriser l'étude et les travaux 
scientifiques sur la Bible. Son but principal est de 
faciliter la comparaison du texte original des Livres 
Saints avec les anciennes versions, en présentant ces 
textes, non pas en des volumes différents, mais dans 
un seul, et sur la même page en des colonnes parallèles 
ou superposées. Les Polyglottes sont donc un instru- 
ment d'étude presque nécessaire aux mains de ceux 
qui veulent se livrer à la critique textuelle, à la re- 
constitution et à l'interprétation du texte et de la pensée 
des écrivains sacrés. Aussi, dans l'encyclique Providen- 
tissimus Deus, Léon XIII a-t-il déclaré les Polyglottes 
d'Anvers et de Paris sincères invesligandx sententiœ 
peraptas. Voir t. i, p. xvi. Les Polyglottes présentent 
encore un autre avantage : elles facilitent aux étudiants 
l'étude des langues sacrées, si vivement recommandée 
par le même pape. Voir ibid., p. xxvn. La juxtaposi- 
tion des textes permet les comparaisons et rend le 
même service qu'une version interlinéaire, et le manie- 
ment fréquent des textes parallèles ainsi groupés est 
une condition de progrès à réaliser dans la connaissance 
de ces langues. 

II. Les quatre grandes Polyglottes. — Dans l'an- 
tiquité chrétienne, \es ïtaapYes d'Ongè^è (^oiï t. ui, 
col. 689-701) sont le seul travail qui soit une véritable 
Polyglotte. Ce n'est qu'au xvi 6 siècle que la renaissance 
des études bibliques provoqua la publication de recueils 
des textes originaux et des anciennes versions de la 
Bible. Les quatre Polyglottes d'Alcala, d'Anvers, de 
Paris et de Londres méritent par leur ampleur et leur 
importance d'être signalées les premières. 

1° LaPolyglotle d'Alcala. — 1. Histoire. — On ladoit 
à l'initiative et à la magnificence du grand cardinal 
François Ximénès de Cisneros, archevêque de Tolède 
et ministre du roi de Castille. C'est pendant l'été 
de 1502, durant son séjour à Tolède, qu'il conçut 
le projet d'une Polyglotte pour raviver l'étude 
scientifique de la Bible et permettre aux théolo- 
giens, par la comparaison des textes, de remonter 
aux originaux. Il confia le travail à des philologues, qui 
étaient professeurs à son université d'Alcala : Antoine 
de Lebrija (voir t. i, col. 709), Démétrius Ducas, Lopez 
de Zuniga, Nunez de Guzman, à qui il associa trois sa- 
vants juifs convertis : Alphonse d'Alcala, Paul Coronell 
et Alphonse de Zamora. Le cardinal acheta des manus- 
crits hébreux et rassembla de divers côtés des manus- 
crits grecs et latins. Nous indiquerons ceux qu'on a pu 
identifier. Quoique le cardinal pressât les travailleurs, 
ce ne fut qu'au mois de janvier 1514 qu'un premier 
volume, contenant le Nouveau Testament, sortit des 
presses d'Arnold Guillaume de Brocario. C'est le tome v 
dans le plan général de l'ouvrage. Quelques mois plus 
tard, à la fin de mai 1514, fut achevé un second volume, 
le t. VI ; il contient deux dictionnaires, hébreu et chal- 
daïque, et une grammaire hébraïque, œuvres d'Alphonse 
de Zamora et devant servir d'introduction à l'Ancien 
Testament. Les quatre autres volumes, t. hv, sont 
consacrés à l'Ancien Testament; le dernier sortit des 
presses le 10 juillet 1517. Le cardinal mourut quatre 
mois plus tard, le 8 novembre 1517. Toutefois, son 
grand ouvrage ne fut mis en vente qu'en 1520, après 
que Léon X, à qui il avait été dédié, l'eût approuvé par 
bref en date du 22 mars 1520. Il n'en avait été tiré que 
600 exemplaires, et quoique la dépense totale s'élevât 
à plus de 50 000 ducats, le prix de chaque exemplaire 
fut fixé à six ducats et demi seulement. La Polyglotte 
d'Alcala ne fut guère connue qu'en 1521. Elle est d'une 
extrême rareté; aussi le prix des exemplaires, qui 
reparaissent sur le marché, est très élevé. , 

V. - 17 



515 



POLYGLOTTES 



516 



2. Description. — Le titre général de l'ouvrage, qui 
forme 6 in-f», est : Biblia sacra Polyglotta, etc. Celui 
de l'Ancien Testament est : Vêtus Testamentum multi- 
plia lingua nunc primo impressum. Dans le t. i, 
consacré tout entier au Pentateuque, à la suite des pro- 
logues et de divers traités, viennent les textes repro- 
duits . hébreu, latin, grec, disposés sur trois colonnes 
dans la partie supérieure de chaque page, sans que les 
lignes correspondent, en raison de la différence des 
caractères. Le texte hébreu est ponctué et le texte grec 
est accentué. Dans la colonne, toujours la plus rappro- 
chée de la marge intérieure, le grec des Septante est 
surmonté d'une version latine, littérale et interlinéaire, 
faite par les éditeurs; les mots latins sont exactement 
au-dessus des mots grecs correspondants. De petits ca- 
ractères latins indiquent le rapportde la Vulgate avec le 
texte hébreu. La partie inférieure de la page est divisée 
en deux colonnes inégales, dont la plus large contient 
le texte chaldéen ponctué du targum d'Onkelos, et la 
moins large une version latine de ce texte. A la marge 
extérieure, sont indiquées les racines des mots et des 
formes hébraïques et chaldaïques, imprimées dans la 
colonne voisine. Le t. n comprend les livres de Josuo 
jusqu'aux Paralipomènes inclusivement. Comme les 
targunis, bien que traduits en latin par ordre de Ximé- 
nès, n'y sont pas reproduits, la page entière est divisée 
en trois colonnes, dans lesquelles les textes sont dispo- 
sés comme dans le volume précédent. La prière, de 
Manassé, à la fin du t. n, n'est éditée qu'en latin. Le 
t. m renferme les deux livres d'Esdras, Tobie, Judith, 
Esther, Job, le Psautier, les Proverbes, l'Ecclésiaste, 
le Cantique, la Sagesse et l'Ecclésiastique. La disposi- 
tion générale est la même que dans les volumes précé- 
dents, sauf quelques particularités. Dans le Psautier, 
la version latine ordinaire ouïe PsalteHum gallicanuni 
sert de version interlinéaire au texte grec, et le Psalte- 
rium hebraicum de saint Jérôme occupe la colonne du 
milieu. Pour les livres deutérocanoniques, bien, que 
le texte hébreu fasse défaut, on a maintenu la division 
en trois colonnes : la version interlinéaire du grec des 
Septante est imprimée à part dans la colonne réservée 
ailleurs à l'hébreu. Le t, jv contient tous les prophètes 
et les trois livres des Machabées. Pour le troisième de 
ces livres, il n'y a que deux colonnes, contenant sépa- 
rément le texte grec et une version latine. Dans le t. v, 
consacré au Nouveau Testament, après diverses pièces 
qui servent d'introduction, les quatre Évangiles sont 
imprimés sur deux colonnes, dont la plus large contient 
le texte grec et la moins large la Vulgate. Les passages 
parallèles et les citations bibliques sont notés en 
marge. Chaque Évangile est suivi d'un prologue. Deux 
dissertations grecques, dont la seconde est d'Euthalius, 
précèdent les Épîtres de saint Paul, reproduites sur 
deux colonnes. Chaque Épltre est précédée d'un prologue 
et d'un sommaire. Deux prologues précèdent aussi les 
Actes, qui sont suivis des Épîtres catholiques et de l'Apo- 
calypse. Cinq pièces de poésie, deux en grec. et trois 
en latin, à la louange de Ximénès et de son œuvre, 
terminent le volume, avec une liste des noms propres, 
une petite grammaire grecque et un court lpxique grec- 
latin. Le texte grec n'est pas accentué, parce que les 
autographes ne l'étaient pas, afin de se rapprocher 
ainsi le plus possible de l'original. Le rapport du texte 
grec avec la Vulgate est indiqué par de petites lettres 
latines, inscrites au-dessus des mots correspondants. 
Cf. Van Praet, Catalogue des livres imprimés sur vélin 
gui se trouvent dans des bibliothèques tant publiques 
que particulières, Paris, 1824, t. i, p. 1-4. 

3. Valeur et influence. — a) Texte hébreu. — Bien 
que n'appartenant pas aux incunables hébreux, son 
édition a fait époque et elle est la première édition 
catholique de ce texte. Elle a été considérée comme 
-Use .œuvre scientifique. Ses inexactitudes et ses nom- 



breuses fautes d'impression ne diminuent pas la valeur 
critique du texte. D'après les travaux de Baer, ses 
variantes sont meilleures que les leçons traditionnelles 
massorétiques. Ximénès avait fait acheter sept manus- 
crits hébreux, qui lui avaient coûté à eux seuls 4000 du- 
cats. Us provenaient des synagogues de Tolède et de 
Maquéda. Ils sont conservés à la bibliothèque de l'uni- 
versité de Madrid. Cinq ne sont que des Pentateuques 
avec des commentaires ordinairement défectueux et cor- 
rigés par Zamora. Deux sur parchemin contiennent la 
Bible hébraïque en entier. Ils ont appartenu au collège 
de Saint-Ildefonse d'Alcala. L'un est du xm c siècle et a 
été acheté à Tolède en 1280 par deux médecins juifs, 
l'autre a été transcrit l'an 6242 depuis la création à 
Tarazona en Aragon. Les collations que Franz Delitzsch, 
ComplutensischeVarianten zu dem alttestamentlichen 
Text, in-i», Leipzig, 1878, p. 6-38, a faites de quelques 
passages avec d'autres documents, lui ont permis de 
conclure que les éditeurs avaient utilisé au moins un 
manuscrit hébreu, différent des deux Bibles hébraïques 
conservées, que le texte édité, malgré ses fautes, a une 
haute valeur critiqué et surpasse souvent les autres 
éditions du texte hébreu. Cette édition a été reproduite 
dans la Polyglotte d'Heidelberg et utilisée dans celle 
d'Anvers. 

b) Texte des Septante. — Les éditeurs de la Polyglotte, 
pour cette édit on princeps des Septante, eurent à leur 
disposition deux manuscrits de la bibliothèque vaticane: 
346 (Holmes 248) contenant les livres sapientiaux, Esdras, 
Tobie, Judith, Esther, et 330 (Holmes 108) contenant les 
livres historiques depuis le Pentateuque jusqu'à Esther 
avec un fragment de Tobie. Voir t. iv, col. 682. Ces manus- 
crits, qui paraissent être du xm e siècle, furent envoyés 
à Alcala par Léon Xla première année de son pontificat; 
prêtés pour un an, ils ne furent rendus que le 9 juil- 
let 1519. Les éditeurs eurent aussi la copie faite avec grand 
soin, envoyée par le sénat de Venise et conservée à la 
bibliothèque de Madnid comme provenant du collège 
Saint-Ildefonse d'Alcala, d'une partie d'un manuscrit 
grec très correct copié par ie crétois Jean Rhosos pour 
le cardinal Bessarion et conservé à la bibliothèque 
Saint-Marc de Venise (Marc V; Holmes 68). La copie 
comprend les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois, 
les deux livres des Paralipomènes, les Proverbes, l'Ecclé- 
siaste, le Cantique, le I er livre d'Esdras (apocryphe), 
Esdras et Néhémie, Esther, la Sagesse, Judith, Tobie, 
les trois livres des Machabées. Les collations de ces 
manuscrits avec le texte des Septante de la Polyglotte, 
que Franz Delitzsch a faites, Fortgesetzte Studien zur 
Èntstehimgsgeschichte der Complutensischen Poly- 
glotte, in-4°, Leipzig, 1886, p. 4-28, ont permis de déter- 
miner l'usage que les éditeurs ont fait des manuscrits 
mis à leur disposition. Ils n'ont pas reproduit textuelle- 
ment les manuscrits 330 et 346. Les nombreuses diffé- 
rences de leur texte avec celui du premier manifestent 
des corrections arbitraires, faites d'après l'hébreu qu'ils 
préféraient, non pas, comme dit Richard Simon, « en 
une infinité d'endroits, » Catalogue des principales 
éditions de -la Bible, dans Histoire critique du Vieux 
Testament, Amsterdam, 1685, p. 516, ou « en un assez 
grand nombre d'endroits », Bibliothèque critique, 
Amsterdam, 1708, t. ni, p. 485, mais seulement pour 
une petite part, ou plus souvent des emprunts à la 
copie du manuscrit de Bessarion ou au Vatican 346, 
dont ils corrigeaient les fautes de transcription. Pour 
le Psautier, qui n'est pas dans les trois manuscrits 
précédents, ils ont utilisé un manuscrit spécial en cur- 
sive, du xm c ou XIV e siècle, qui est à la bibliothèque de 
Madrid. On ignore de quels manuscrits ils disposaient 
pour leslivres prophétiques. A défaut de renseignements 
précis, on a recherché à quelle recension appartenait 
le texte de leur édition et on a constaté qu'il ressemblait 
à celui des manuscrits I, V et VI de Saint-Marc de 



517 



POLYGLOTTES 



518 



Venise (Holmes 23, 68, 122), qui ont servi à l'édition 
Aldine de 1518. Ibid., p. 53-57. Le, texte des Septante 
de la Polyglotte de Complute a été reproduit dans les 
Polyglottes d'Anvers et de Paris, dans la Bible de "Vala- 
ble ou de Bertratn, Genève, 1586-1587, 1599, 1616, et 
dans celle de D. Wolder, Hambourg, 1596. Cf. Swete, 
An introduction to the Old Testament in Grëek, Cam- 
bridge, 1900, p. 171-173. 

c) Texte grec du Nouveau Testament. — L'édition 
de Complute est aussi l'édition princeps du texte ori- 
ginal du Nouveau Testament. On ignore sur quels ma- 
nuscrits elle a été faite. Lopez de Zuniga (Stunica), 
qui, sans avoir eu la part principale à cette édition, 
comme on le pensait, a travaillé au moins au texte des 
Actes et des Épitres, parle de manuscrits grecs corrigés, 
mais il n'en nomme qu'un, le Rhodiensis, vraisem- 
blablement envoyé de Rhodes au cardinal Ximénès et 
contenant les npîtres. On ne l'a pas encore retrouvé. 
On ne sait si, pour le Nouveau Testament, des manus- 
crits grecs du Vatican furent envoyés à Alcala. La com- 
paraison du texte édité avec les manuscrits du Vatican, 
1158 (Ev. 140 et 366, Act. 72, Paul 79, Apoc. 37), les 
seuls dont il puisse être question, ne permet pas de 
conclure à leur emploi. Franz Delitzsch estime que le 
texte des Actes et des Épîtres est apparenté à celui du 
Hafniensis 1 (Ev. 234, Act. 57, Paul 72), qui est à 
Copenhague, mais qui était encore à Venise en 1699, 
et qui a été copié par Théodore d'Hagios Petros, et à 
celui du Laudianus 2 (Ev. 51, Act. 32, Paul 38), qui 
est à la Bodléienne à Oxford et qui est une copie du 
précédent, i orlgesetzte Studien, p. 30-51. Wettstein 
et Semler avaient prétendu que les éditeurs de la Poly- 
glotte d'Alcala avaient altéré le texte grec, en y insé- 
rant des leçons de la Vulgate. Gœze, Vertheidigung 
der Complut. Bibel, Hambourg, 1765; Ausfûhtïichere 
Vertheidigung des Compl. N. T., ibid., 1766; Fort- 
setzung der ausfùhrl. Vertheidigung des Compl. 
N. T., Halle,. 1769, a surabondamment prouvé la faus- 
seté de ce sentiment. Seul, le verset, I Joa., v, 7, a été 
certainement emprunté à !a Vulgate; les passages,Rom., 
xvi, 5; II Cor., v, 10; vi, 15; Gai., ni, 19, en proviennent 
peut-être. En résumé, bien que les manuscrits consultés 
aient été probablement récents, le texte édité comprend 
beaucoup de bonnes leçons que les critiques postérieurs 
ont admises, surtout pour l'Apocalypse, moins pour 
les Évangiles et très rarement dans les autres livres. 
11 diffère beaucoup de celui qu'Érasme éditait à la 
même époque; il est moins incorrect, malgré ses 
fautes évidentes. Franz Delitzsch, Studien zur Enste- 
hungsgeschichte der Polygloltenbibel des Cardinals 
Ximenes, Leipzig, 1871 ; Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. 
grœci, Brunswick, 1872, p. 15-26; S. Berger, La Bible 
au seizième siècle, Paris, 1879, p. 49-54; Gregory, 
Textkrilik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. n, 
p. 924-928; A. Bludau, dans Der Katholik, 1902, t. n, 
p. 27 sq. 

Le texte grec du Nouveau Testament d'Alcala n'a 
pas eu au xvi« siècle l'influence qu'Hefele lui a attri- 
buée. Aucune édition ne l'a reproduit exactement. Les 
éditeurs des Polyglottes d'Anvers et de Paris et ceux 
qui dépendent de ces Bibles lui ont emprunté un plus 
ou moins grand nombre de leçons. Ed. Reuss, op. cit., 
p. 74-83. Au xix e siècle, il a été fidèlement réédité par 
Gratz dans son édition du Nouveau Testament, 2 in-8°, 
Tubingue, 1821; Mayence, 1827, 1851. Van Ess, dans 
son édition, in-8°, Tubingue, 1827, a mêlé les leçons de 
Complute avec celles d'Érasme. Ed. Reuss, op. cit., 
p. 45. 

d) Texte latin de la Vulgate. — L'édition d'Alcala a 
précédé la Bible clémentine. Son origine est peu con- 
nue. Ximénès dit bien qu'il a rassemblé des manuscrits 
latins, mais sans plus d'explication. La bibliothèque de 
l'université de Madrid a trois Bibles latines qui vien- 



nent d'Alcala et qui contiennent le verset des trois 
témoins célestes. Elles ont dû servir aux éditeurs de la 
Vulgate. Franz Delitzsch, Fortgesetzte Studien, p. 51- 
52. De l'examen du texte édité, on a conclu que ces 
éditeurs ont corrigé des exemplaires courants de leur 
époque d'après les manuscrits plus anciens et plus cor- 
rects, dont ils rapportaient quelques-uns, écrits en lettres 
gothiques, au vif ou au vtn e siècle, mais parfois aussi 
sur l'hébreu et le grec, en particulier pour supprimer 
ce qui n'avait pas de termes correspondants dans les 
originaux. R. Simon, Histoire critique du Vieux Tes- 
tament, Amsterdam, 1685, p. 313, 516. — Sur la Poly- 
glotte de Complute, voir encore Hefele, Der Cardinal 
Ximenes, 2 e édit., Tubingue, 1851, p. 113-147; trad. 
franc., Tournai, 1856, p. 141-177; Vercellone, Disserla- 
zioni academiche di vario argument o, Rome, 1864, 
p. 407; Hurter, Nomenclator literarius, 3« édit., Ins- 
pruck, 1906, t. n, col. 1132-1134; 

2° La Polyglotte d'Anvers. — 1. Histoire. — Dès 
1566, l'imprimeur Christophe Plantin, établi à Anvers, 
avait formé le projet de publier une Polyglotte. Par 
l'intermédiaire du cardinal de Granvelle, son protec- 
teur, il s'assura l'intervention de Philippe II, roi d'Es- 
pagne. Ce prince donna un subside de 12000 florins à 
rembourser en exemplaires de la nouvelle Bible et 
envoya Arias Montanus pour surveiller le travail et 
corriger les épreuves. Ce savant espagnol arriva à 
Anvers le 15 mai 1568. Il apportait d'Alcala la version 
latine des targums sur les prophètes, et un très ancien 
manuscrit hébreu qui lui appartenait. Pendant que 
Plantin faisait fondre les caractères nécessaires, gravés 
par Robert Granjon et Guillaume Le Bée (on se servit 
pour l'hébreu des caractères employés pour la Bible de' 
Bomberg), Arias Montanus préparait les matériaux. 11 
fut aidé par André Maes, François Luc de Bruges, 
Guy Le Fèvre de la Boderie et son frère Nicolas, 
François Ravlenghien, plus tard gendre de Plantin, et 
son frère Nicolas-Guy, le jésuite Jean Willem (Harle- 
mius), etc. Voir t. i, col. 954-955. Les caractères et le 
papier étaient plus beaux que ceux de la Polyglotte 
d'Alcala. L'impression commença au mois de juillet 
1568 et fut terminée le 31 mai 1572. Le t. îv est daté de 
1570, le t. v de 1571 et les Apparatus de 1572. On tira 
960 exemplaires ordinaires, 200 meilleurs, 30 fins, 
10 extra-fins et 13 sur parchemin. Arias Montanus avait 
demandé à Pie V son approbation. Le pape hésita à 
cause de la version latine de Pagnino et de quelques 
traités de YApparatus qui paraissaient suspects. Le 
Talmud et Sébastien Munster y étaient trop souvent 
cités. On consulta des théologiens belges et espagnols. 
Montanus alla à Rome s'expliquer et présenta un mé- 
moire. Pie V était mort te Y" \ûïi\. < Jv&ço\ï& XYll, i\a 
le 12 du même mois, se montra plus favorable et adressa 
à Philippe II, le 20 octobre 1572, un bref, dans lequel 
il appelle la Polyglotte d'Anvers opus vert regium.. 
D'ailleurs, YApparatus fut réimprimé du 2 août 1572 
au 14 août 1573 avec des modifications, faisant droit 
aux critiques précédentes/ Max Rooses, Christophe 
Plantin, imprimeur Anversois, 1882, p. 123. Cepen- 
dant Léon de Castro, professeur de langues orientales 
à Salamanque, dénonça Arias Montanus à l'Inquisition 
espagnole. Il lui reprochait d'avoir présenté la traduc- 
tion de Pagnino comme la version la plus exacte des 
textes hébreu et grec et d'avoir recommandé de recourir 
aux sources originales, contrairement, prétendait-il, 
au décret du concile de Trente sur la Vulgate. Arias 
Montanus se défendit en 1576. Mariana, comme inqui- 
siteur, signala des fautes très réelles, mais déclara 
qu'elles n'étaient pas suffisante? pour faire condamner 
la Polyglotte du roi d'Espagne. L'affaire ne fut terminée 
qu'en 1580. H. Reusch, Der Indec der verbotenen 
Bûcher, Bonn, 1883, t. i, p. 575 576. La Polyglotte 
« royale » reçut bon accueil du public et elle fut ap- 



519 



POLYGLOTTES 



520 



prouvée par plusieurs universités, notamment par 
celle de Paris. L'empereur et le roi de France autori- 
sèrent sa vente dans leurs États. Les exemplaires furent 
vite distribués et devinrent rares et recherchés. On les 
a vendus chez les antiquaires 120, 150 et 180 marks. 

2. Description. — La Polyglotte de Plantin est inti- 
tulée : Biblia hebraice, chaldaice, graece et latine, 
et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes 
contiennent l'Ancien Testament. Pour les livres pro- 
tocanoniques, chaque page a deux colonnes, reprodui- 
sant, au verso, le texte hébreu sans version interlinéaire 
et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante à 
droite avec sa traduction latine à gauche. Au bas des pages, 
on trouve, pour tous les livres gui en ont, les targums 
ou paraphrases chaldaîques et leur version latine. 
Celle-ci était celle que le cardinal Ximénès avait fait 
faire et qu'Arias Montanus avait apportée d'Espagne. 
Le texte chaldaïque avait été emprunté à des manuscrits 
espagnols et vénitiens. On en avait retranché les fables 
les plus grossières. Les livres deutérocanoniques n'ont 
que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant 
de gauche à droite la version latine du texte grec, ce 
texte lui-même et la Vulgate. Dans le t. m, on a imprimé, 
sans pagination, le seul texte latin des III e et IV e livres 
d'Esdras. Le t. v contient le Nouveau Testament, Les 
textes y sont disposés dans cet ordre. La page de gauche 
présente dans une première colonne la Peschito, qui 
n'a que les livres protocanoniques, en caractères 
syriaques, et dans une seconde colonne, sa version latine, 
œuvre de Guy Le Fèvre de la Boderie. La page de 
droite reproduit d'abord la Vulgate latine, puis le texte 
grec. Sous ces quatre colonnes, et par conséquent sur 
les deux pages, le texte syriaque est transcrit en carac- 
tères hébraïques avec points-voyelles pour les lecteurs 
qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers 
volumes ont le titre A'Apparalus. Le t. vi contient une 
grammaire hébraïque et un abrégé du Thésaurus de 
Pagnino par François Ravlenghien, une grammaire 
chaldaïque et un dictionnaire syro-chaldaïque par Guy 
Le Fèvre de la Boderie, une grammaire syriaque et un 
vocabulaire intitulé : Peculium Syrorum par Maes, 
une grammaire et un dictionnaire grecs, dont l'auteur 
est inconnu. Le t. vn renferme plusieurs dissertations 
d'archéologie biblique par Arias Montanus, et des re- 
cueils de variantes ou de notes philologiques et critiques 
de divers auteurs. Ces dissertations et recueils forment 
un total de 18 traités distincts. Le t. vm comprend la 
version latine des livres de la Bible hébraïque, faite 
par Pagnino et revisée par Arias Montanus; elle a été 
examinée par les censeurs de Louvain. Il contient en- 
suite le texte grec du Nouveau Testament, la version 
latine interlinéaire, correspondant aux mots grecs; les 
différences du grec et du latin sont imprimées en marge 
avec des caractères spéciaux. Enfin, viennent les Com- 
munes et familiares hebraiese linguse idiotismi 
d'Arias Montanus. Mais l'ordre de ces volumes et des 
matières qu'ils contiennent est divergent selon les 
exemplaires qui sont d'éditions différentes. Van Praet, 
Catalogue des livres imprimés sur vélin de la biblio- 
thèque du Roi, Paris, 1821, t. I, p. 1-5; C. Ruelens et 
A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866, 
p. 128-135. La version interlinéaire a été souvent réim- 
primée à part. Voir t. !, col. 954-955. Richard Simon l'a 
jugée très sévèrement. Histoire critique du Vieux 
Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 316-318; 
Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, 
Paris, 1730, t. il, p. 213-216. 

3. Valeur et influence. — Les textes, hébreu et grec, 
ont été empruntés à la Polyglotte de. Complute, et 
celui des Septante sans modifications; mais l'hébreu a 
été collationné avec la Bible de Bomberg. Quant à 
l'édition grecque du Nouveau Testament, elle diffère 
de celle de Complute par un certain nombre de leçons 



qui se trouvent dans l'édition de Robert Estienne de 
1550. Sur les mille passages que Reuss a étudiés, elle 
est 709 fois d'accord avec les deux éditions précédentes. 
Dans les 291 autres, 39 sont d'accord avec R. Estienne, 
3 avec Érasme, 1 est tout spécial et les 249 dernières 
sont exclusivement conformes à la Bible de Complute. 
Le texte grec du t. vm diffère de celui du t. v en 14 
passages dans lesquels la leçon de Complute est aban- 
donnée pour celle d'Estienne, sauf Apoc, î, 6, dont le 
texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la leçon 
d'Estienne est remplacée par celle de Complute, enfin, 
I Pet., il, 3, la leçon Érasmienne est remplacée par le 
texte ordinaire. L'édition d'Arias Montanus suit donc 
une voie spéciale et elle a plus de valeur que les cri- 
tiques le disaient. Elle a été souvent reproduite exac- 
tement ou avec quelques corrections, dans ses deux 
états. On trouvera le détail de ces rééditions dans 
Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 74-83. Cf. Gregory, 
Textkritik des N. T., t. n, p. 936. La Vulgate latine est 
de même nature que celle de la Polyglotte d'Alcala. 
Finalement, les travaux préparatoires de la Bible 
d'Anvers ont laissé beaucoup à désirer. Les éditions ne 
sont pas en progrès notables sur celles de Complute, 
et les recueils de variantes, dans YApparatus, sont 
parfois peu considérables. 

3° La Polyglotte de Paris. — 1. Histoire. — Le car- 
dinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothécaire du 
roi, avaient conçu le projet de rééditer la Polyglotte 
d'Anvers avec l'aide de deux maronites, Gabriel Sionite 
et Jean Hesronite, ramenés d'Orient par Savary de 
Brèves. Ils avaient obtenu le privilège royal en 1615. 
Mais la mort du premier en 1617 et du second en 1618 
arrêta l'entreprise, qui pourtant fut louée, en 1619, par 
l'Assemblée du clergé réunie à Blois. Guy-Michel Le Jay, 
avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de 
Bérulle lui conseilla, en 1626, d'y ajouter le Pentateu- 
que samaritain et la version samaritaine. L'édition de 
ces textes fut confiée à l'oratorien Jean Morin. Philippe 
d'Aquin fut chargé de l'hébreu, Gabriel Sionite et Jean 
Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham 
Echellensis et d'autres érudits collaborèrent à l'entre- 
prise. L'impression fut remise à Antoine Vitré, qui fit 
graver des caractères hébreux, chaldéens, grecs et 
latins par le fils de Le Bée. Jacques de Sanlecque 
grava les caractères samaritains et syriaques, dont 
Sionite avait fourni le modèle. Il prépara aussi des 
matrices nouvelles d'arabe sur les poinçons de 
M. de Brèves. On fit fabriquer un papier spécial, si 
beau qu'on l'a appelé carta imperialis. A. Bernard, 
Antoine Vitré et les caractères orientaux de la Bible 
polyglotte de Paris, in-8°, Paris, 1857; ld., Histoire 
de l'imprimerie royale du Louvre, in-8», Paris, 1867, 
p. 55-64. L'impression fut commencée au mois de 
mars 1628. Les quatre premiers volumes étaient ache- 
vés en 1629, et le t. vi en 1632; la première partie du 
t. v est datée de 1630, et la seconde de 1633. Le t. vin 
fut terminé vers la fin de 1635. L'impression du t. vu, 
qui était commencée à cette date, fut interrompue par 
suite du refus de Sionite de remettre la copie néces- 
saire. Il ne voulait pas non plus se dessaisir des ma- 
nuscrits orientaux, ayant appartenu à Savary de Brèves. 
Au mois de janvier 1640 il fut enfermé au château de 
Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis à 
Vitré. Libéré le 12 juillet, Sionite reprit sa traduction 
latine de la version syriaque, et le t. vu fut achevé en 
1642. Son travail traîna en longueur, et le t. ix sortit 
des presses au mois de mai 1655 seulement. La Poly- 
glotte entière parut enfin, avec une préface, datée du 
I e ' octobre 1645, en tête du premier volume. L'Assemblée 
du clergé l'avait approuvée, le 24 janvier 1636. Le Jay 
avait emprunté 100000 écus que Richelieu s'offrit de 
payer. L'éditeur refusa cette offre aussi bien que la 
proposition des éditeurs anglais de lui racheter 



521 



POLYGLOTTES 



522 



600 exemplaires. La Polyglotte de Walton empêcha la 
vente de celle de Paris, dont le prix était de 200 francs. 
Beaucoup d'exemplaires furent vendus au poids du 
papier, et Le Jay, entièrement ruiné, ne put payer 
ses dettes. La Polyglotte fut présentée au public, en 
1666, par trois libraires hollandais sous un nouveau 
titre : Biblia alexandrina heptaglotta, comme étant 
publiée sous les auspices d'Alexandre VII, mais leur ruse 
fut déjouée. Mabillon, Musseum italicum, Paris, 1687, 
1. 1, p. 95-96. Elle est magnifique par la beauté du papier 
et l'exécution typographique; mais la grandeur du 
format rend son emploi fort difficile. Elle présente 
■enfin le désavantage de n'avoir pas publié dans le 
même volume tous les textes, puisqu'il faut recourir à 
deux volumes pour les avoir ensemble sous les yeux. 

2. Description. — Elle comprend 9 tomes en 15 vo- 
lumes grand in-folio et est intitulée : Biblia. 1. hebraica. 
2. swmaritana. 3. chaldaica. 4. grxca. 6. latina. 7. ara- 
bica, quibus textus originales totius Scripturse Sacrx, 
quorum pars in editione Complutensi, deinde in 
Antuerpiensi regiis sumptibus extat, nunc integris ex 
manuscriptis toto fere orbe quxsitis exemplaribus 
exhibentur. En raison de son contenu, elle comprend 
deux parties bien distinctes. Les cinq premiers volumes, 
sauf une préface non paginée de Le Jay : Institua 
operis ratio, et une autre préface de J. Morin sur le 
Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, en 
tête du premier volume, ne sont guère que la reproduc- 
tion intégrale des cinq premiers volumes de la Polyglotte 
d'Anvers. La disposition typographique est la même, 
ainsi que les textes. Les seules différences notables 
consistent en ce que le t. v, au lieu du syriaque en lettres 
hébraïques, contient une version arabe du Nouveau 
Testament et sa traduction latine, et aussi le texte 
syriaque desquatreÉpîtres-catholiques et de l'Apocalypse 
qui manquaient dans la Peschito. La seconde partie, for- 
mant les quatre derniers tomes, est seule nouvelle. Le 
t. vi contient le Pentateuque syriaque et arabe avec 
leurs traductions latines, puis le Pentateuque samari- 
tain et sa version samaritaine, qui n'ont qu'une seule 
traduction latine. Ces deux textes étaient imprimés 
pour la première fois. Les t. vii-ix ont les versions 
syriaque et arabe, avec leurs traductions latines, de 
tout le reste de l'Ancien Testament, sauf que poiir Job 
il n'y a qu'une seule traduction latine des deux textes. 

3. Valeur. — Quant à la première partie, qui n'est 
presque que la reproduction de la Polyglotte d'Anvers, 
la Polyglotte de Paris n'a pas réalisé les progrès que 
pourtant il eût été facile d'accomplir. Le texte hébreu 
est mal reproduit et fort incorrect; il aurait pu aisément 
^reconstitué d'après les bons manuscrits massorétiques 
qui se trouvaient à Paris à la bibliothèque du roi. 
Pour les targums, le texte d'Anvers est mêlé à celui de 
la Bible de Bomberg. Il eut été à propos d'imprimer, 
pour les Septante, l'édition .romaine faite d'après le 

Vaticanus, et. pour la Vulgate, la Bible clémentine. 
Pour le texte grec du Nouveau Testament, Reuss, Bi- 
bliotheca N. T. grseci, p. 75, n'a remarqué que neuf 
différences d'avec le prototype. Cf. Gregory, Textkritik 
des N. T., t. n, p. 940-941. Relativement aux textes 
nouveaux, l'absence de préfaces et i'Apparatus critique 
prive de renseignements sur leur origine, si l'on excepte 
le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine. 
Ils provenaient des manuscrits achetés à Damas par le 
voyageur Pietro délia Valle pour le compte de M. de 
Sancy, ambassadeur de France à Constantinople, et 
■donnés par ce dernier, qui était devenu oratorien, à la 
bibliothèque de l'Oratoire (n. 1 et 2 du fonds samari- 
tain de la Bibliothèque nationale). Le manuscrit de 
Peiresc, demandé dès 1630 par Vitré, avec des manus- 
•crits arabes, ne futapporté à Paris qu'en 1632 par Denis 
Guillemin et ne put être utilisé. L. Dorez, Notes et 
documents sur la Bible polyglotte de Paris, dans le 



Bulletin de la Société d'Histoire de Paris et de l'Ile- 
de-France, 17 e année, 1890, p. 84-94. La version arabe 
des Évangiles a été éditée d'après le texte arabe, publié 
à Rome en 1591, et la traduction latine est celle de 
J.-B. Raymond, revue par Gabriel Sionite. Pour le reste 
du Nouveau Testament, on avait quelques manuscrits 
arabes, venus d'Alep, entre autres un seul sur l'Apoca- 
lypse, provenant de S. de Brèves. On a reproché à Gabriel 
Sionite d'en avoir modifié le texte. Les versions, syriaque 
et arabe, de l'Ancien Testament, furent éditées à l'aide 
d'éditions antérieures (le Pentateuque arabe, publié à 
Constantinople, en 1546 ; un Psautier syriaque et arabe 
édité au Mont-Liban, en 1610;. un Psautier syriaque, 
Paris, 1625; un Psautier arabe, Genève, 1516; Rome, 
1613), et de six ou sept manuscrits seulement. En 1640, 
Sionite avait rapporté de Rome un manuscrit syriaque, 
légué par Risius. La Polyglotte de Paris, supérieure à 
celle d'Anvers par les nouveaux textes qu'elle contenait, 
n'eut guère d'influence, supplantée qu'elle fut bientôt 
par la Polyglotte de Londres. 

4° Polyglotte de Londres. — i. Histoire. — Comme 
la Bible de Le Jay était incommode à manier et très 
chère, les Anglais décidèrent de publier une Polyglotte 
plus commode et moins coûteuse. Brian Walton, qui 
fut plus tard évêque anglican de Chester, s'en chargea 
avec de savants collaborateurs. Edmond Castle surveilla 
l'édition des textes samaritains, syriaques, arabes et 
éthiopiens; il fit la traduction latine de la version éthio- 
pienne du Cantique et composa le Lexicon heptaglatton, 
annexé à la Polyglotte. Samuel Clarke s'occupa du 
texte hébreu et des targums, et traduisit en latin la 
version persane des Évangiles. Thomas Hyde transcri- 
vit le Pentateuque persan et en fit la traduction latine. 
Alexandre Huish surveilla l'impression des textes grecs 
et latins, et recueillit les variantes du Codex Alexan- 
drinus.ha nouvelle Polyglotte fut publiée par souscrip- 
tion sous le patronage de Cromwell, qui lui accorda 
l'exemption des droits sur le papier. Le premier volume 
parut en septembre 1654 ; il sortait, comme les suivants, 
des presses de Thomas Roycroft, à Londres. Il contient 
une dédicace au Protecteur. Après la restauration des 
Stuarts, on remplaça cette dédicace par une autre à 
Charles II. On distingue par suite les exemplaires 
royaux et les exemplaires républicains; ceux-ci, qui 
sont les plus rares, sont les plus recherchés. Le t. il 
est daté de 1655. Le t. vi et dernier parut en 1657. En 
1669, on y joignit le Lexicon heptaglotton de Castle en 
deux in-folio. La Polyglotte de Londres, qui avait été 
mise à l'Index par décret du 29 novembre 1663, à 
cause de ses prolégomènes (voir H. Reusch, Der In- 
dex der verbotenen Bâcher, Bonn, 1885, t. H, p. 124- 
125), ne figure plus dans l'édition officielle du cata- 
logue des livres prohibés, publiée en 1900. 

2. Description. — Cette Bible, qui forme 6 in-f», est 
intitulée : S&\ Biblia polyglotta complectens textus 
originales hebraicos cum Pentateucho Samarilano, 
chaldaicos, grsecos versionumque antiquarum sama- 
ritanse, chaldaicse, latinse Vulgatse, œthiopicse, grascse 
Sept., syriocse, arabicse, persicse, quicquid comparari 
poterat ex tnss. antiquis undique conquisitis opti- 
misque exemplaribus impressis summa /ide collatis. 
Les quatre premiers tomes sont remplis par l'Ancien 
Testament. Le i", à la suite de la préface et de prolé- 
gomènes, dans lesquels Walton parle des langues 
sacrées, des éditions et des versions de la Bible, et qui 
constituent une véritable introduction critique, repro- 
duit le Pentateuque en huit langues. Les textes sont 
disposés sur deux pages en cet ordre : au verso, en 
haut de la page sur quatre colonnes parallèles, le texte 
hébreu avec la version interlinéaire de Santé Pagnino 
revue par Arias Montanus, la Vulgate latine de la Bible 
clémentine, le grec des Septante d'après l'édition ro- 
maine du Vaticanus avec les variantes de VAlexan- 



523 



POLYGLOTTES 



524 



drinus, placées au-dessous, la version latine de ce 
texte grec, empruntée à l'édition de Flaminius Nobi- 
lius; la version syriaque, accompagnée de sa traduction 
latine est dans le bas de cette page; au recto, le haut 
de la page contient parallèlement le targum d'Onkelos 
selon l'édition de Bâle, sa version latine, le texte 
hébreu samaritain et sa version latine; la version arabe 
et sa traduction latine occupent le bas de la page. Le 
t. n contient les livres historiques, de Josué à Esther. 
La disposition est à peu près la même que dans le 1. 1, 
sauf qu'au recto, il n'y a que le targum du pseudo- 
Jonathan pour les livres qui en sont dotés, avec sa 
traduction latine, et la version arabe (qui manque pour 
Esther). Le t. m renferme Job, les Psaumes, les Pro- 
verbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, les grands et les 
petits prophètes. La disposition typographique varie 
suivant les livres. Sans entrer dans plus de détails, 
signalons seulement un texte nouveau : la version 
éthiopienne des Psaumes et du Cantique. Le t. iv débute 
par la Prière de Manassé, en grec et en latin, le 
III e livre d'Esdras (latin, grec, syriaque, avec traduc- 
tion latine du grec et du syriaque), le IV e livre d'Esdras, 
en latin seulement. On trouve ensuite Tobie (le texte 
hébreu selon les deux éditions de Fage et de Sébastien 
Munster avec leurs traductions latines correspondantes, 
la Vulgate, le grec et la version syriaque). Pour Judith, 
les parties deutérocanoniques de Jérémie et de Daniel 
et les deux livres canoniques des Machabées, il n'y a 
que trois grands textes (latin, grec et syriaque); une 
version arabe est en plus pour la Sagesse, l'Ecclésias- 
tique, Èaruch. Les passages deutérocanoniques d'Esther 
ne sont qu'en grec et en latin. Après les textes grec et 
syriaque de III Mach., on trouve la version arabe de 
II Mach. La seconde partie de ce t. iv contient les deux 
targums du Pentateuque, dits du pseudo-Jonathan et 
de Jérusalem, intercalés l'un dans l'autre et accom- 
pagnés de leurs traductions latines, la version persane 
des mêmes livres avec traduction latine. Le t. v est 
consacré au Nouveau Testament. Il contient superposés, 
au verso, le texte grec (édition Robert Estienne) avec 
la version latine interlinéaire d'Arias Montanus, les 
versions syriaque et éthiopienne avec leurs traductions 
latines, au recto, la Vulgate et les versions arabe et 
perse (celle-ci pour les Évangiles seulement), avec 
leurs traductions latines. Le t. vi sert d'Appendice et 
renferme des notes de divers auteurs et des recueils de 
variantes, avec l'Index de l'ouvrage entier. Le Lexicon 
heptaglotton de Castle, 2 in-f°, Londres, 1669, est sou- 
vent ajouté à la Polyglotte de Walton. 

3. Valeur, — La Polyglotte de Londres est la plus 
complète et la meilleure qui ait été publiée. Elle est 
loin cependant d'être parfaite. Les Prolégomènes de 
Walton, qui ont été réédités à part, in-f°, Zurich, 1673, 
et par Dathe, Leipzig, 1777, ont été critiqués en 
plusieurs points par Richard Simon, Histoire cri- 
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 481- 
510. Cf. Réponse de Pierre Ambrun, ministre du 
saint Évangile, à l'Histoire critique du Vieux Tes- 
tament, ibid., p. 46-48; Lettres choisies, Paris, 1730, 
t. n, p. 275; t. m, p. 122. Les éditeurs ont emprunté 
aux Polyglottes d'Anvers et de Paris la version inter- 
linêaire de l'hébreu, le Pentateuque samaritain et sa 
version samaritaine, la version syriaque de l'Ancien 
Testament et la version arabe du Nouveau. Au lieu de 
rééditer ces versions, prises à la Polyglotte de Paris 
«par un larcin public », comme dit R. Simon, on aurait 
pu reproduire de meilleurs textes ou, au moins, revoir 
les traductions latines correspondantes, qui sont mal 
faites. Elle a, en progrés sur les précédentes, reproduit 
l'édition romaine des Septante, l'édition de l'Italique 
par Flaminius Nobilius et la Vulgate clémentine. Elle 
a produit aussi des textes nouveaux : un Psautier 
éthiopien, déjà imprimé à Cologne et à Rome, la 



version éthiopienne du Cantique et du Nouveau Tes- 
tament, publiée pour la première fois, et la version 
persane des Évangiles, tirée d'un manuscrit de Poco'cke. 
Les trois targums du Pentateuque étaient empruntés 
à l'édition de Buxtorf, et la version persane de ce livre 
à l'édition de Constantinople. Le texte grec du Nouveau 
Testament provenait de l'édition d'Estienne de 1550, 
dont le texte n'est modifié qu'en trois passages. 
Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grmci, p. 56. A la marge, 
on lit les variantes du codex, Aleœandrinus, recueillies 
par Huish. Les notes et les variantes, éditées dans l'ap- 
pendice ont généralement peu de valeur. Gregory, 
Textkritik des N. T., t. n, p. 941-942. Nonobstant ces 
défauts, la Polyglotte d'Angleterre reste un instrument 
très utile pour l'étude critique de la Bible. 

III. Polyglottes partielles ou moins importantes 
faites aux xvi e , xvii 8 et xviii c siècles. — 1° Le Psautier 
de Justiniani. — Bien qu'imprimé après le Nouveau 
Testament d'Alcala, il a été publié en 1516, avant la 
Polyglotte de Ximénès. Son éditeur, Augustin Justiniani, 
religieux dominicain et évêque de Nebbio, avait projeté 
la publication d'une polyglotte qu'il ne put exécuter. Il 
n'a donné que le psautier en cinq langues : Psalterium 
hebrteum, grsecum, arabicum et chaldaicum cum 
tribus latinis interpretationibus et glossis, in-f°, 
Gênes, 1516. Chaque page comprend quatre colonnes, 
qui contiennent, au verso, l'hébreu, sa traduction 
latine, la Vulgate et le texte grec, au recto, la version 
arabe, le targum, la version latine du targum et des 
scolies et remarques. 

2» Le Psautier de Polhen. — Jean Polken, prévôt 
de la collégiale Saint-Georges de Cologne, a fait impri- 
mer, en 1518, un Psautier en quatre langues : hébreu, 
grec, latin et éthiopien (qu'il appelle chaldéen). Cette 
version éthiopienne a été reproduite dans la Polyglotte 
de Londres. 

3° Les deux Pentateuques polyglottes des Juifs de 
Constantinople. — En 1546, les Juifs de Constantinople 
firent imprimer le Pentateuque en plusieurs langues. 
Au milieu de la page se trouve le texte hébreu en gros 
caractères, il est accompagné d'un côté du targum 
d'Onkelos en caractères médiocres et de l'autre de la 
paraphrase persane. En dehors de ces trois colonnes, il y 
a en haut de la page la version arabe de Saadias Gaon, 
et au bas le commentaire de Rabbi Isaac Iarchi. Les 
textes arabe et persan sont imprimés en caractères 
hébreux. L'année suivante, 1547, parut dans la même 
ville un autre Pentateuque polyglotte avec la même 
disposition des textes. Le texte hébreu, qui est aussi au 
milieu, est aceompagné d'une traduction en grec vul- 
gaire et d'une version espagnole; ces deux traductions 
sont imprimées en caractères hébreux avec points- 
voyelles. Au haut de )a page, court le targum d'Onkelos 
et au bas, le commentaire de Jarchi. 

4° Essais de Draconitès. — Jean Draconitès (1494- 
1566) avait entrepris une Biblia pentapla. Il n'en a pu- 
blié que de courts fragments ou spécimens : les six 
premiers chapitres de la Genèse, in-f°, Wittemberg, 
1563; les deux premiers Psaumes, ibid., 1563; les sept 
premiers chapitres d'Isaïe, Leipzig, 1563; les Proverbes, 
Wittenberg, 1564; Malachie, Leipzig, 1564; Joël, Wit- 
temberg, 1565; Zacharie, ibid., 1565; Michée, ibid., 1565 T 
Ces textes étaient imprimés en cinq langues : hébreu, 
chaldéen, grec, latin, version allemande de Luther. Par 
une disposition bizarre, ces cinq textes sont superposés 
ligne par ligne. Les Septante, la Vulgate et la traduction 
allemande sont corrigés d'après l'hébreu. Les passages 
messianiques sont en encre rouge. Un commentaire est 
encore au-dessous de ces cinq lignes du texte, dont la 
suite est de la sorte maladroitement interrompue. 

5° La Polyglotte de Bertram, ou de Heidelberg. — Un 
calviniste d'origine française, Corneille-Bonaventure 
Bertram, professeur d'hébreu à Genève (1566-1584), puis 



525 



POLYGLOTTES 



526 



prédicateur à Frankenlhal, mort en 1594, publia une 
Biblia sacra, hebraice, grssce et latine, 2 in-f°, Heidel- 
berg, 1587. Elle ne contenait que l'Ancien Testament en 
hébreu, en grec, avec la Vulgate et la version de Pa- 
gnino. Bien que le titre ajoute : Omnia cum editione 
Complutensi diligenter collata, l'édition n'est qu'une 
reproduction de la Polyglotte d'Anvers ; elle lui a em- 
prunté aussi les deutérocanoniques de l'Ancien Testa- 
ment. Une deuxième édition parut en'1599. La troisième, 
faite chez Commelin, en 1616, comprend en outre le 
Nouveau Testament avec la version latine d'Arias Mon- 
tanus, le tout emprunté encore à la Polyglotte d'Anvers. 
Voir Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grœci, p. 78-79. Ce 
n'est donc pas une Polyglotte pour le Nouveau Testa- 
ment. Comme cette Bible contenait des notes de Vatable, 
on l'appelle parfois la Bible de Vatable. 

6" La Polyglotte d'Hambourg. — Ou la rencontre 
rarement complète. Elle comprend : 1. le texte hébreu 
de la Bible hébraïque d'Élie Hutter, in-f», 1587, dont 
la date est remplacée par celle de 1596, et dans laquelle 
les lettres de la racine sont typographiquement distin- 
guées des autres caractères; 2. l'édition de David 
Wolder qui contient en 6 in-f° et sur quatre colonnes 
le texte grec de l'Ancien et du Nouveau Testament, la 
Vulgate, la traduction latine de l'Ancien Testament par 
Pagnino et celle du Nouveau par Théodore de Bèze, 
enfin la version allemande de Luther. Les deux ouvrages 
sortent des presses de Jacques Lucius, à Hambourg, 1596. 
Le texte grec du Nouveau Testament est emprunté, sauf 
de rares modifications, à l'édition de Samuel Selfisch, 
in-8», Wittenberg, lo83. Cf. Ed. Beuss, Bibliotheca N. T. 
grsecifp. 63-64. Cette Polyglotte, qui est très imparfaite, 
ruina son éditeur, bien que le gouvernement danois 
ait obligé toutes les églises du Schleswig à l'acheter. 

7° Les Bibles de Hutter. — Élie Hutter, ancien pro- 
fesseur d'hébreu de l'électeur de Saxe et imprimeur à 
Nuremberg, avait la passion des Polyglottes. Il en pu- 
blia plusieurs qui sont toutes imparfaites. — 1.11 avait 
Commencé un Ancien Testament en six langues et en 
quatre éditions différentes. Le seul volume paru, in-f°, 
Nuremberg, 1599, comprend six textes en six colonnes. 
Sur la page de gauche, on trouve l'hébreu entre le tar- 
gum et le grec, le tout d'après la Polyglotte d'Anvers; 
sur la page de droite, il y a la version allemande de 
Luther entre la Vulgate et une autre version récente, 
qui diffère selon les exemplaires, destinés à des nations 
différentes. La sixième colonne, en effet, reproduit, ou 
bien la version slavonne de l'édition de Wittemberg, 
ou bien la traduction française de Genève, ou bien la 
version italienne de Genève, ou bien la version saxonne 
faite sur la traduction allemande de Luther. Ce volume 
ne dépasse pas le livre de Ruth. — 2. Un Psautier hé- 
breu, grec, latin et allemand, in-8°, Nuremberg, 1602. 
— 3. Un Nouveau Testament en douze langues, 2 in-f», 
Nuremberg, 1599. Les douze textes sont disposés sur six 
colonnes de la manière suivante : Au verso, dans la 
l re colonne, la version syriaque de l'édition de Trémé- 
lius, 1569 (l'auteur a suppléé les passages manquants i 
le récit de la femme adultère, le verset des témoins cé- 
lestes, les quatre Épltres catholiques et l'Apocalypse, 
qu'il a traduits en syriaque d'après le grec), avec la 
version italienne, de Bruccioli, 1526, l'une sous l'autre, 
verset par verset; dans la 2 e colonne, un texte hébreu 
que l'éditeur avait fabriqué, imprimé en caractères de 
deux sortes, et la traduction espagnole de Cassiodore 
Reina, 1569; dans la 3 e , le grec et la version française 
de Genève, de 1588. Au recto, la l re colonne contient 
la Vulgate et la version anglaise de 1562, la 2 e , la ver- 
sion de Luther et la traduction danoise de 1589, et la 
3 e , la version bohémienne de 1693 et la version polo- 
naise de 1596. Hutter reproduisit l'Épître aux Laodicéens 
qu'il avait lui-même traduite en grec sur le texte latin. 
Cette œuvre n'a 'aucun caractère scientifique, et rien 



n'égale l'audace et l'arbitraire avec lesquels l'éditeur 
constitue ses textes. Pour le grec du Nouveau Testa- 
ment, il n'a pas tenu compte des règles critiques, mê- 
lant les leçons anciennes à sa guise et en fabriquant 
impudemment en conformité avec les doctrines luthé- 
riennes. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 105- 
106. — 4. Un autre Nouveau Testament en quatre lan- 
gues : hébreu, grec, latin et allemand, emprunté au 
précédent sans grandes modifications, in-4°, Nurem- 
berg, 1602. On en fit un nouveau titre en 1615, pour 
représenter une soi-disant édition d'Amsterdam, chez 
J. Walschaert. Ed. .Reuss, op. cit., p. 106. — 5. Hutter 
a édité aussi quelques prophéties et les quatre Évan-, 
giles en douze langues. 

8° La Polyglotte de Reineccius ou de Leipzig. — 
Chr. Reineccius, curé de Weissenfels, prépara une 
nouvelle Polyglotte en quatre langues, qui parut à 
deux époques assez éloignées l'une de l'autre. Le Nou- 
veau Testament fut édité, in-f°, à Leipzig, en 1713, 
sous ce titre : Biblia sacra quadrilinguia N. T. A la 
suite d'une préface de Reineccius et de prolégomènes 
en allemand, tirés de Luther, les textes sont imprimés 
sur cinq colonnes parallèles. Sur la page de gauche, 
se trouve le texte grec entre la version syriaque et une 
traduction en néo-grec; sur la page de droite, on lit la 
version latine de Sébastien Schmid et la version alle- 
mande de Luther. Les passages parallèles sont indiqués 
à la marge extérieure; des variantes grecques et alle- 
mandes, celles-ci prises à la première édition de Lu- 
ther avec des notes marginales de Luther et des anno- 
tations de Reineccius, sont au bas de la page. En 
appendice, se trouvent des additions critiques et exé- 
gétiques de diverse nature. Le texte grec, qui ressemble 
souvent à celui de Pritius, mêle les leçons de Robert 
Estienne et des Elzévier. Il a été souvent réédité à part. 
Ed. Reuss, op. cit., p. 157-159. L'impression de l'An- 
cien Testament était déjà commencée en 1713, mais 
elle subit de longs retards. Quand elle fut fort avancée, 
en 1747, l'imprimeur fit un nouveau titre au Nouveau 
Testament, et enfin, trois et quatre ans plus tard, en 
1750 et 1751, parut l'Ancien Testament en 2 in-f°. Ces 
volumes contiennent le texte hébreu, le texte grec des 
Septante, la version latine de Schmid et la version 
allemande de Luther. 

IV. Projet d'une nouvelle Polyglotte par Richard 
Simon. — En 1678, dans son Histoire critique du Vieux 
Testament, édit. de Rotterdam, 1685, p. 521-522, Ri- 
chard Simon avait esquissé le projet d'une nouvelle 
Polyglotte, qui ne serait qu'un abrégé de la Polyglotte 
de Londres. Au lieu d'imprimer, dans des volumes 
lourds, difficiles à manier et chers, toutes les anciennes 
versions, il ne reproduirait que les variantes de celles 
qui sont dérivées. Par conséquent, la nouvelle Po- 
lyglotte ne devait être composée que de trois textes 
complets :^ le texte hébreu, la version des Septante et 
la Vulgate latine. Le P. Simon avait d'abord pensé y 
joindre l'Jtala d'après l'édition de Flaminius Nobi- 
lius. Il ne voulait éditer ni le Pentateuque samaritain, 
ni la version samaritaine, ni les targums; leurs va- 
riantes auraient seulement été indiquées à la marge en 
face de l'hébreu. Les autres targums, qui sont plutôt 
des commentaires que des versions, pourraient être 
négligés, sauf à noter à \a marge leurs leçons propres. 
Quant aux autres versions, leurs variantes seraient 
signalées en face de l'hébreu pour celles qui dérivent 
de ce texte, ou en face des Septante pour celles qui en 
suivent le texte. De celles qui sont mixtes, comme la 
version syriaque remaniée d'après les Septante, on ne 
noterait que les leçons vraiment spéciales. Les variantes 
latines accompagneraient aussi la Bible clémentine. 
Retiré à Dieppe, dès 1681, Simon avait préparé l'An- 
cfen Testament conformément à ce plan. Il avait pris 
un exemplaire de la Polyglotte de Walton, et au moyen 



527 



POLYGLOTTES 



528 



de bandes de papier collées, H avait couvert ce qu'il 
voulait omettre, et écrit ce qu'il désirait ajouter ou 
substituer. En 1684, sous forme de lettre adressée à 
Ambroise par Origène, il développait son projet : No- 
vnrum Bibliorwn polyglottorum synopsis, in-8°, 
Utrecht, datée du 20 août 1684. Il aurait mis aussi au 
bas des pages les passages conservés des versions 
d'Aquila et de Symmaque et différents des Septante. 
Dans une réponse d'Ambroise à Origène : Ambrosii ad 
Origenem epistola de novis Bibliis polyglottis, datée 
du 1 er décembre 1684, in-8», Utrecht, 1685, il annonce 
que sa Polyglotte serait heureusement complétée par 
, un dictionnaire et une grammaire hébraïque, dont il 
dressait le plan. Cf. Bayle, Nouvelles de la République 
des lettres, octobre 1684, art. 13, t. i, p. 153-155; jan- 
vier 1685, art. 9, t. î, p. 209-211 ; Journal des Sçavans, 
30 juillet 1685. Voir aussi R. Simon, Réponse de Pierre 
Ambrun, ministre du saint Évangile, à l'Histoire cri- 
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 48. 
Ce projet fut loué par Le Clerc et blâmé par Jurieu. 
Au premier, qui sous le pseudonyme de Cristobulus 
Hierapolitanus, écrivit à Origène une longue lettre 
latine, datée du 4 novembre 1684, publiée partielle- 
ment par R. Simon, Réponse au livre intitulé ; Sen- 
timens de quelques théologiens de Hollande sur l'His- 
toire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1686, 
p. 2-5, et intégralement par Le Clerc, Défense des Sen- 
timens, etc., 1686, p. 421 sq., Simon demanda des 
conseils et des renseignements dans un billet en fla- 
mand, traduit en français dans la Réponse au livre, etc., 
p. 5-6. Jurieu, de son côté, avait attaqué le projet de 
Simon dans son livre sur V Accomplissement des pro- 
phéties. Simon répliqua violemment. Réponse à la 
Défense des Sentimens, etc., Rotterdam, 1687, p. 194- 
198. 11 continua la préparation de cette Polyglotte, qui 
devait être complète en un seul volume. Si elle n'a pas 
été imprimée, ce ne fut pas, comme l'a dit le Père Le- 
long, parce qu'aucun imprimeur n'a voulu en faire la 
dépense; ce fut seulement parce qu'il ne s'en trouva 
aucun assez habile pour imprimer un ouvrage qui exi- 
geait, sur la même page, tant de caractères différents. 
La première feuille fut imprimée; elle fourmillait de 
tant de fautes qu'il fut impossible de les corriger. R. 
Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclé- 
siastiques, Paris, 1730, t. h, p. 449-450. Quand R. Si- 
mon écrivait ce dernier ouvrage, la meilleure partie de 
la copie de sa polyglotte était prête. Son travail passa, 
après sa mort, à la bibliothèque du chapitre cathedra! 
de Rouen, à qui il avait légué ses manuscrits, L. Bat- 
terel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire 
de l'Oratoire, édit. Ingold et Bonnardet, Paris, 1905, 
t. iv, p. 273-275; Saas, Notice des manuscrits de la bi- 
bliothèque de l'Église métropolitaine de Rouen, in-12, 
Rouen, 1746, p. 41 sq.; A. Bernus, Richard Simon 
et son Histoire critique du Vieux Testament, Lausanne, 
1869, p. 29, 107. Le manuscrit dont des parties man- 
quaient déjà en 1746, ne se trouve pas à la bibliothèque 
municipale de Rouen, qui a hérité des autres manus- 
crits de Richard Simon. 

V. Polyglottes manuelles publiées au xix» et au 
XX e siècle. — 1» La Polyglotte de Bagster. — L'édi- 
teur anglais Bagster a donné au public : Biblia sacra 
Polyglotta textus archetypos versionesque prsecipuas 
ab Ecclesia antiquitus receptas necnon versiones re- 
centiores, 2 in-f°, Londres, 1831. Après des prolégo- 
mènes dus à S. Lee, cette Polyglotte reproduit en petits 
caractères l'hébreu de Vander Hooght, le Pentateuque 
samaritain de Kennicott, les Septante, la Vulgate, la 
Peschito, le texte grec du Nouveau Testament (édition 
de Mill), les traductions, allemande de Luther, italienne 
deDiodati, française d'Osterwald, espagnole de Scio et 
la version anglaise dite autorisée. Elle a été rééditée 
sous ce titre : Bagsler's Polyglot Bible in eight lan- 



guages, 2 in-f", Londres, 1874. Elle ne comprend que 
les livres protocanoniques. Bagster a aussi publié : 
Hexapla Psalter, in-4°, 1843, contenant les Psaumes 
en hébreu, en grec, en latin, Psalterium l.ebraicum et 
gallicanum, de saint Jérôme et deux divisions anglaises. 

2° La Polyglotte de Stier et de Theile. — Stier et 
Theile ont publié une Polyglotte manuelle : Polyglot- 
ten-Bibel zum praktischen Handgebrauch, 4 in-8" en 
6 parties, Bielefeld, 1846-1855. Elle contient, pourl'An- 
cien Testament, l'hébreu, les Septante, la Vulgate et la 
version allemande de Luther, et pour le Nouveau, le 
grec, avec quelques variantes, le latin et l'allemand. 
Elle a eu plusieurs éditions dont la dernière date de 
1890. Dans les trois premières qui ont été stéréotypées, 
la quatrième colonne, pour le Nouveau Testament, est 
remplie de variantes de diverses traductions allemandes. 
Dans la quatrième (1855) et la cinquième (1858), cette 
colonne est occupée par une version anglaise. Dans 
l'édition de 1875, on a ajouté en appendice les princi- 
pales variantes du Sinaiticus. Sur la constitution du 
texte grec du Nouveau Testament, voir Éd. Reuss, Bi- 
bliotheca N. T. grxci, p. 265. Ce texte diffère peu du 
texte reçu. L'hébreu, revu par Bôckel et Landschrei- 
ber, n'est pas très bon . Les deutérocanoniques manquent. 

3° Biblia tetraglotta de Bunsen, 1859, sous la direc- 
tion de Lagarde, est demeurée à l'état de projet. 

4° Ed. de Levante a publié une Hexaglotte et une 
Triglotte : Hexaglott Bible, comprising the holy Scri- 
ptures of the Oldand New Testament, &m-¥, Londres, 
1876, qui contient l'hébreu, les Septante, la version sy- 
riaque du Nouveau Testament, la Vulgate, la version 
anglaise autorisée, une version allemande et une ver- 
sion française; Biblia Triglotta continens Scripturas 
sacras Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4°, Londres, 
1890, qui est un extrait de l'Hexaglotte et qui contient, 
pour l'Ancien Testament, l'hébreu, les Septante et la 
Vulgate, pour le Nouveau, le grec, la Peschito et la 
Vulgate. Les livres deutérocanoniques en sont absents. 

5» M. Vigouroux a entrepris la publication d'une Po- 
lyglotte catholique et française : La sainte Bible Poly- 
glotte contenant le texte hébreu original, le texte grec 
des Septante, le texte latin de la Vulgate et la tra- 
duction française de M. l'abbé Glaire, avec les diffé- 
rences de l'hébreu, des Septante et de la Vulgate, 
des introductions, des notes, des cartes et des illustra- 
tions. Elle formera 8 in-8° dont six, contenant tout 
l'Ancien Testament, et le septième comprenant les Evan- 
giles et les Actes, ont déjà paru, Paris, 1898-1908. Les 
textes sont disposés sur quatre colonnes, avec notes et 
variantes au bas des pages. Le texte hébreu a été em-' 
prunté à l'édition stéréotypée de Stier et de Theile (texte 
de Van der Hcoght, revu par Hahn et Theile). Le texte 
des Septante est celui de l'édition romaine de 1587, avec 
quelques additions tirées de la Polyglotte d'Alcala. Des 
signes, introduits dans le texte, indiquent les lacunes, 
les additions et les divergences les plus notables rela- 
tivement à l'hébreu. Au bas de la colonne sont les prin- 
cipales variantes de YAlexandrinus, du Sinaiticus, de 
l' Ephrœmiticus, etc. La Vulgate clémentine est conforme 
à la réimpression officielle, faite à Turin en 1881. La 
traduction française de Glaire est accompagnée de notes. 
A partir du t. n, les variantes grecques sont plus nom- 
breuses, on trouve en plus celles de YAmbrosianus et 
du Parisinus, n. 8, du Coislinianus VIII pour Tobie, 
du Marchalianus pour les prophètes; un double texte 
grec pour certains passages de Tobie et de Judith, avec 
les variantes pour le reste de Tobie et pour Esther; les 
parties, récemment retrouvées, du texte hébreu de l'Ec- 
clésiastique. Les Épitres et l'Apocalypse seront conte- 
nues dans le t. vm. 

6° Indiquons enfin quelques Polyglottes partielles : 
Tischendorf, Novum Testamentum triglottum, in-8", 
Leipzig, 1854; 2« édit., ibid-, 1865, a publié le texte 



529 



POLYGLOTTES — POMMIER 



530 



grec avec des variantes, la revision de saint Jérôme 
d'après les manuscrits avec les leçons diftérentes delà 
Vuîgate clémentine et la version allemande de Luther, 
revue sur les premières éditions; Hexaglott Bible de 
Cohn, 1856-1859, jusqu'aux Nombres; 1868, tout lePen- 
tateuque; Hexaglot Pentateuch de Robert Young, 
Edimbourg, 1851 : textes samaritain, chaldéen, syriaque 
«t arabe des cinq premiers chapitres de la Genèse ; 
Parabola' de seminatore ex Evangelio Matthœi, in 
lxxii Europeas linguas ac dialectos versa, ac Boma- 
nis characteribus expressa, Londres, 1857 (édition pri- 
vée du prince L.-C. Bonaparte). 

Sur ^es PoYy glottes, \ovr Richard Simon, Histoire 
critique du Vieux Testament, in-8°, Rotterdam, 1685, 
p. 514-522; P. Lelong, Discours historique sur les 
principales éditions des Bibles polyglottes, in-12, Pa- 
ris, 1713; Id., Bibliotheca sacra, in-fol., Paris, 1723, 
t. i, p. 1-47; dom Cathelinot, Bibliothèque sacrée, 
part. III, a. 1, dans le Dictionnaire de la Bible de dom 
Calmet, Paris, 1730, t. iv, p. 297-302; G. Outhuys, 
Geschiedkundig verslàg der voornaamste uitgavenvan 
het Biblia Polyglolta, in-8°, FraneJser, 1822; Brunet, 
Manuel dulibraire, Paris, 1860, t. I, col. 849-854; En^ 
cyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger, 
t. x, p. 676 sq. (art. Polyglottes de S. Berger); F. Vi- 
gouroux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. I, 
p. 260-264; Ch. Trochon, Introduction générale, Paris, 
1886, t. i,p. 449-455; R. Cornely, Introductio generalis, 
2 e édit., Paris, 1894, p. 527-532; Bealencyclopâdie fur 
prolestanlische Théologie und Kirche,t.xv, p. 528-535. 

E. Mangenot. 

POLYPE, zoophyte à longs filaments mobiles. Voir 
Corail, t. n, col. 955. 

POIMARIUS. Voir Baumgarten 2, t. i, col. 1518. 

1. POMME. Voir Pommier. 

2. POMME DE SODOME. Voir JÉRICHO, t. III, 
col. 1291 et fig. 226, col. 1290. 

POMMIER (hébreu : fappûah; Septante : u^Xov; 
Vulgate : malum), arbre fruitier de Palestine. 

I. Description. — Cet arbre a donné son nom à une 
tribu de Rosacées dont il est le type, les Pomacées, à 




120. ■ — Malus communis. 

fruit comprenant," outre les carpelles soudés à son 
centre, une enveloppe charnue formée en partie par le 
réceptacle ou le tube du calice. Son sommet porte une 
dépression ouœii limité par les sépales ou par l'a trace 
de leurs cicatrices. Bans les vrais Malus chacune des 
5 loges de l'ovaire renferme seulement deux ovules, 
alors qu'ils sont nombreux dans les Cognassiers. Au- 



tour de la graine ou pépin l'endocarpe est cartilagi- 
neux au lieu d'être osseux comme dans les Néfliers, 
ou totalement charnus comme dans les Poiriers. Enfin 
le pédoncule s'insère dans une cavité basilaire de ce 
fruit qui est ainsi ombiliqué, avec une forme généra- 
lement déprimée. 

Les Pommiers sont originaires de toute la région 
silvatique de l'Ancien Monde. Mais l'espèce la plus ré- 
pandue en Europe à l'état spontané, le Malus acerba t 
semble manquer dans la région orientale, où l'on ne 
trouve que le M. Communis (6g. 120) [M. mitis de 
Wallroth) caractérisé par ses feuilles cotonneuses 
en dessous, ainsi que les sépales. Ces deux types croi- 
sés entre eux et améliorés par la culture ont donné 
naissance à toutes les nombreuses races de nos "> 
vergers, F. Hy. 

IL Exégèse. — Le fappûah se présente plusieursfois 
dans la Bible, trois fois comme arbre, Cant., n, 3; 
vin, 5; Joël, 1,12, et trois fois comme fruit de cetarbre, 
Cant., ii, 5; vu, 9 (Vulgate, 8); Prov., xxv, 11. Ce mot se 
rencontre aussi comme nom de ville, fappûah, Jos.,xn, 
17; xv, 34; xvr, 8; xvn, 8, ou sous la forme Bel fap- 
pûah, Jos., xv, 53. Dans les textes cités, le fappûah est 
un arbre à l'ombre duquel on peut se reposer, Cant. ir, 
3; vin, 5; un arbre rangé à côté du figuier, du grena- 
dier, du palmier, de ces arbres cultivés qui se des- 
sèchent au jour des calamités. Joël., i, 12. Son fruit est 
doux à la bouche, Cant., n, 3; et répand une suave 
odeur (d'où lui vient son nom, racine nafah). Cant., vu, 
9. Ce fruit réconforte et rafraîchit. Cant., n, 5. Ces 
différents caractères conviennent bien au pommier, 
qu'on rencontre en Palestine dans les vergers, près des 
habitations, et dont le fruit est toujours très apprécié 
pour son goût et son odeur. D'autre part les Septante 
et la Vulgate ont toujours traduit par jiîiXov oamalum. 

L'arabe _UL>, tiffah, qui évidemment rappelle étroite- 
ment le fappûah hébreu, signifie toujours la pomme, 
et rien que la pomme. Pour désigner un autre fruit, 
il faut ajouter une épithète, par exemple, tifjâh ar- 
miny, pomme d'Arménie, l'abricot; liffahparsy, pomme 
de Perse, la pêche; tiffah mahi, pomme de Mah, lr 
citron. Du reste les abricotiers et les pêchers ne fureat 
implantés qu'assez tard en Palestine, sous la domina- 
tion grecque. Or certainement, d'après Joël, i, 12, et 
les noms de lieux chananéens où entre le tappûah, cet 
arbre était connu en Palestine beaucoup plus ancien- 
nement. Le pommier avait été importé en Egypte à 
une époque reculée, et probablement du pays de Cha-. 
naan. Ramsès II fit planter des pommiers dans ses 
jardins du Delta. V. Loret, Recherches sur plusieurs 
plantes connues des anciens Égyptiens, V. le Pom- 
mier, dans Recueil de travaux relatifs à la philo- 
logie et archéologie égyptiennes, t. vu, p. 113. Ram- 
sès 111, pour les offrandes journalières des prêtres de 
Thèbes, leur fit présent de 848 paniers de pommes. 
La culture de cet arbre était alors très répandue en 
Egypte et encore maintenant on le rencontre aux envi- 
rons de Miniéh. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., 
p. 83. Le nom égyptien d'aillleurs a probablement été 
emprunté aux peuples de Syrie en même temps que 
l'arbre et il rappelle le fappûah hébreu et le fiffah. 

arabe : ■ 8 4, Dapih, pommier, et ■ f i i i < Dapih, 

pomme, nom qui est devenu •xeiïHf» ou -XHiieg, 
ûjepeh en copte; et dans les anciens lexiques coptico- 
arabes, ce mot est rendu par tiffah, f*îjXov. La traduc- 
tion fappûah, « pomme, pommier, » paraît donc bien 
établie; et il n'y a pas de raison de chercher une au- 
tre identification, lorsque toutes sont sujettes à plus 
de difficultés. Aussi la tappûafy n'est pas l'abricot 
comme le veut H. Tristram, The natural History of 
the Bible, 8' édit., in-8°, Londres, 1889, p. 335 ; ce 



531 



POMMIER — PONCTUATION HÉBRAÏQUE 



532 



fruit est du reste d'importation plus récente, et ne 
répond pas parfaitement aux caractères du tappûah. 
Cf. t. i, col. 91. Ce n'est pas davantage le coing, comme 
le voudraient 0. Celsius, Hierobotanicon, in-12, Ams- 
terdam. 1848, p. 254, 267 et E. F. K. Rosenmûller, Hand- 
buch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, p. 308- 
312, cf. t. il, col. 826 : ce fruit acerbe et acide au goût 
ne répond pas parfaitement à la description du tappûah 
dans les textes bibliques. C'est encore moins l'orange, 
qui ne fut connue dans la région méditerranéenne que 
postérieurement à l'ère chrétienne. Bien que plus an- 
ciennement eonnus en Palestine, le cédratier et le ci- 
tronnier ne paraissent avoir été importés qu'à l'époque 
de la captivité de Babylone; du reste leurs qualités ne 
permettent guère de les identifier avec le tappûal.i 
biblique. Cf. t. il, col. 374, 793. Reste donc le pom- 
mier, comme l'arbre le plus anciennement connu 
(même avant l'introduction des Hébreux en Palestine) 
de tous ceux qu'on veut identifier au tappûah et son 
fruit a bien les caractères marqués dans les textes. 

On peut cependant mettre à part le (appùah des 
Proverbes, xxv, 11. 

Comme des pommes d'or sur des ciselures d'argent 
Ainsi une parole dite à propos. 

L'épithète d'or pourrait changer la signification et 
marquer qu'il ne s'agit pas d'un simple tappûah, mais 
d'un fruit qui lui ressemble, aux couleurs plus dorées, 
par exemple le citron, le cédrat, l'orange . Il n'est pas 
nécessaire alors que les caractères du (appûah ordi- 
naire lui conviennent. Mais reste la difficulté de l'époque 
tardive pour l'introduction de ces plantes en Palestine 
surtout relativement à l'oranger. Il est vrai qu'il n'est 
pas nécessaire alors d'admettre que les arbres eux- 
mêmes y aient été transplantés, il peut s'agir de la 
simple importation du fruit. Il faut dire aussi que 
dans ce (appûah d'or on peut encore voir la pomme. 

E. Levesque. 

PONCE (grec : IIôvtio; ; Vulgate : Pontius), nom de 
famille de Pilate, qui le rattache par origine ou par 
adoption â la gens Pontia, très connue dans l'histoire 
romaine. Matth., xxvn, 2; Luc, m, 1; Act., iv, 27; 
I Tim., vi, 13. Voir Pilate, col. 429. 

PONCTUATION HÉBRAÏQUE. - I. Sa nature 
et ses différentes espèces. — On traitera, sous ce 
nom, de l'ensemble des points ou signes que les anciens- 
rabbins ont inventés pour transmettre d'une manière 
plus certaine la prononciation du texte hébreu de la 
Bible, et aussi pour aider à mieux comprendre le sens 
des Saints Livres, en indiquant les relations des mots 
entre eux. Ayant cette invention, les consonnes étaient 
seules tracées sur les manuscrits; il fallait donc possé- 
der une connaissance parfaite de la langue hébraïque 
pour lire aisément le texte sacré et pour suppléer exac- 
tement les voyelles. Lorsque l'hébreu fut devenu une 
langue morte, on sentit peu à peu le besoin de faciliter 
cette lecture, et aussi de fixer la signification d'un 
grand nombre de mots, en joignant aax consonnes des 
signes qui représenteraient soit les voyelles, soit la 
ponctuation. Ceux qni ont créé ce système très com- 
plexe, composé de signes multiples, n'ont pas touché 
au texte même de la Bible, tel qu'il s'était transmis 
avant eux de génération en génération. Ils n'ont rien 
changé aux consonnes, qui, jusqu'alors, avaient été 
seules reproduites par l'écriture : tous les signes nou- 
veaux ont été insérés soit dans l'intérieur des lettres 
primitives, soit au-dessus d'elles, soit au-dessous, soit à 
côté, parfois aussi dans la ligne même, entre les mots. 

Ces signes sont de plusieurs sortes. On distingue : 
1° ceux qui sont destinés à marquer les voyelles, les 
points-voyelles, comme on disait autrefois, ainsi 
nommés parce que beaucoup d'entre eux — c'était 



même le cas pour la plupart, à l'origine — consistent 
en un ou plusieurs points groupés de différentes ma- 
nières : par exemple, Itéré, ou e long, ~ . Les anciens 
grammairiens juifs les appelaient pour ce motif niqqûd, 
de la racine niqqêd, ponctuer ; par conséquent, ponc- 
tuation. De là vint aussi, pour leurs inventeurs, le nom 
de punetatores, ponctuateurs. — 2» 11 existe une autre 
série de signes, qui servent à des fins diverses, et qu'on 
désigne parfois en général par le nom de points dia- 
critiques. Ce sont : — a) le daguesch, point dans l'inté- 
rieur de la lettre, pour montrer que celle-ci doit être 
redoublée ou fortifiée dans la prononciation; — b) le 
point qui sert à différencier le Sîra, w, d'avec le sîn, ïr, 
suivant qu'il est placé à droite ou à gauche de la lettre; 
— c) le ràphêh, trait horizontal qu'on met au-dessous 
d'une consonne, pour marquer qu'elle n'a pas le son 
fort; — d) le mappîq, semblable au daguesch, mais qui 
ne se place guère que dans le hé final, h, pour indi- 
quer que cette lettre doit alors se prononcer comme 
un h aspiré; — e) les signes 2. ou *, puncla extraordi- 
naria qu'on rencontre fréquemment à travers le 
texte biblique original et qui correspondent à des notes 
placées soit au bas de la page, soit eu marge, les- 
quelles marquent le qerî et le hefîb. — 3° Il y a enfin 
les signes qui représentent la ponctuation proprement 
dite. Comme il a été déjà traité, t. m, col. 467-469, 
504-507, des signes relatifs à la vocalisation, c'est-à-dire 
de ceux qui ont été mentionnés au 1° et au 2°, il ne 
sera question ici que de la ponctuation dans le sens 
strict de l'expression. 

II. La ponctuation hébraïque proprement dite et 
ses divers BUTS. — Ici encore, il est nécessaire d'éta- 
blir une distinction, car les signes ou accents spéciaux 
dont nous allons parler servent tout à la fois à trois 
fins différentes. — a) Pour la lecture ordinaire, ils 
marquent l'accent tonique, c'est-à-dire la syllabe qui 
doit être mise en relief dans la prononciation. C'est 
toujours la dernière ou l'avant-dernière, le plus sou- 
vent la dernière. Voir t. m, col. 472. — 6) Pour la lec- 
ture modulée de la Bible, cantillalio, telle qu'elle a 
lieu dans les synagogues, ces accents indiquent les élé- 
vations et les chutes de la voix, chacun d'eux équiva- 
lant à une sorte de neume, qui se compose de plusieurs 
notes de musique toujours les mêmes. — c) Ils mar- 
quent enfin la ponctuation des phrases, sujet que nous 
avons seul à traiter ici. En hébreu, les accents, en tant 
qu'ils servent à cette fin, portent le nom expressif de 
ta'am, « goût, » au pluriel te'àrtiim, parce qu'ils donnent 
pour ainsi dire du goût à la phrase. 

III. Origine des accents destinés a la ponctuation 
en hébreu. — Ce système de signes, avec les régies 
multiples qui le dirigent, suppose, comme celui de la 
vocalisation auquel il se rattache de très près, un travail 
de longue haleine. De nombreux savants israélites y 
prirent part, car il se prolongea pendant plusieurs 
siècles. — Au moyen âge, les Juifs croyaient générale- 
ment que l'accentuation et la vocalisation du texte 
hébreu de la Bible remontaient jusqu'à Esdras et à ce 
qu'on appelait la « Grande Synagogue ». Cette opinion 
avait encore des adhérents au xvn c siècle, parmi les 
hébraïsants chrétiens, comme on le voit parla discus- 
sion très vive qui eut lieu sur ce point entre Louis Cap- 
pel, qui la rejetait, et les deux Buxtorf, qui l'acceptaient. 
Voir t. i, col. 1982, t. h, col. 219; j. Schnedermann, 
Die Controverse des Ludovicus Cappellus mil den 
Buxtorfen ûber die hebr. Punctation, in-8", Leipzig, 
1879. Quelques rabbins allaient même jusqu'à affirmer 
que les accents avaient été introduits par les prophètes 
de l'exil, et qu'ils portaient ainsi le sceau de l'inspira- 
tion divine. Bien plus, plusieurs d'entre eux, entre 
autres Judas Hadassi, l'un des chefs de l'école caraïte, 
supposaient que les tables de la Loi, lorsque Moïse les 
reçut au sommet de Sinaï, auraient été munies de 



533 



PONCTUATION HEBRAÏQUE 



534 



points-voyelles et d'accents. "Voir H. Gràtz, Geschichte 
der Juden von den âlteslen Zeiten bis auf die Gegen- 
wart, t. v, p. 503. Au xvi« siècle, le savant juif Elias 
Levita protesta de toutes ses forces contre ces théories; 
Louis Gappel fit de même cent ans après. 

On ne saurait dire avec certitude si la vocalisation 
et l'accentuation du texte sacré, c'est-à-dire l'invention 
des points-voyelles et celle des accents destinés à 
marquer la ponctuation, furent contemporaines. Celle- 
ci est peut-être un peu moins ancienne que celle-là. 
Le grammairien juif Ben-Ascher, dans son traité Dikduké 
ha-Teamîm, réédité en 1879 par Baer etStrack, f. 9, fait 
en prose riniée l'éloge de la ponctuation biblique et men- 
tionne les « points sans nombre » dont elle se composait, 
mais sans dire à quelle époque il en fixait l'origine. 
Il est certain du moins, et communément admis de nos 
jours, que la ponctuation hébraïque proprement dite 
est plus récente que saint Jérôme (f 420), et que le 
Talmud, achevé vers l'an 500 après Jésus-Christ. En 
effet, ni l'un ni l'autre ne la connaissent encore, ainsi 
qu'on l'a démontré par des arguments irréfutables. 
Voir la dissertation de H. Hupfeld, dans les Theolo- 
gische Studien und Kritihen. 1830, p. 549-590, 785-810. 
Le traité Soferim, m, 7, où il est parlé pour la première 
fois de points destinés à marquer la séparation des 
versets, est postérieur au Talmud. 

C'est probablement au vi e siècle de notre ère qu'il 
faut placer les débuts du système de la vocalisation et 
de .la ponctuation hébraïques. Il se développa lente- 
ment, car il ne semble avoir été complet qu'au milieu 
du viil" siècle. Voir The Jewish Encyclopedia, in-4°, 
New- York, t. x, 1905, p. 269. Les plus anciens manus- 
crits, qui datent du ix 9 et du x° siècle, sont pourvus 
d'accents; il en est de même, jusqu'à un certain point, 
des fragments hébreux de l'Ecclésiastique, récemment 
découverts en Egypte. Cf. la Revue des Éludes juives, 
Paris, t. SL, n. 79, année 1900, p. 1-36; A. E. Cowley et 
A. Neubauer, The original Hebrew ofa Portion of Ec- 
clesiasticus, in-f", Oxford, 1897. 

D'après une hypothèse ingénieuse, mais peu vrai- 
semblable, de M. Joseph Derenbourg, dans la Revue 
critique, nouvelle série, t. vu, 1879, p. 453-461, le sys- 
tème de la ponctuation hébraïque se serait élaboré tout 
entier dans les écoles primaires juives, à l'époque in- 
diquée plus haut, et serait l'œuvre des maîtres d'école, 
qui auraient inventé ces divers signes pour faciliter 
aux enfants la lecture du texte hébreu de la Bible. Ce 
système a une origine plus scientifique. Les hébraï- 
sants s'accordent de plus en plus pour le rattacher à 
celui des Syriens, inventé dès la fin du v e siècle, avec 
lequel il présente de grandes analogies, et dont il pro- 
vient au moins en partie. Voir P, Martin, Histoire de 
la ponctuation et de la Massora chez les Syriens, in-8°, 
Paris, 1875, dans le Journal asiatique, 7 e série, t. v, 
p. 81-208; A. Wright, A short History of Syriac Lite- 
rature, in-8°, Londres, 1894, p. 115-116. Les Syriens 
avaient eux-mêmes emprunté leurs accents aux Grecs. 
D'après une autre théorie, dont H. Prcetorius s'est fait 
l'ardent et savant défenseur, dans son livre Die Her- 
kunftder hebràischenAccente, in-8°, Berlin, 1901, la plu- 
part des accents hébreux auraient pour modèles directs 
la ponctuation et la neumation des Évangéliaires grecs. 

En toute hypothèse, le système emprunté, soit grec, 
soit syrien, ne fut pas adopté tel quel, mais remanié 
et considérablement développé par les écoles juives de 
Babylonie et de Palestine, qui prirent en main, de très 
bonne heure, la vocalisation et la ponctuation du texte 
biblique. Il existait des divergences assez grandes entre 
les signes adoptés par les écoles orientales et les écoles 
occidentales (celles de Palestine). Voir Babyloniens 
(Petropolitanus Codex) et le fac-similé, fig. 409, t. i, 
col. 1359. Nos éditions imprimées contiennent l'accen- 
tuation palestinienne. — Les massorètes veillèrent sur 



les signes des voyelles et des accents, avec le même soin 
religieux et méticuleux que sur les consonnes, comme 
on le voit par les notes nombreuses des éditions cri- 
tiques delà Bible hébraïque publiées par S. Baer etFrz. 
Delitzsch, in-8», Leipzig, 1869-1896, et par R. Kittel, 
in-8°, Leipzig, 1905-1906. 

IV. Importance du verset dans la ponctuation 
hébraïque. — Cette ponctuation a pour but principal, en 
effet, de déterminer les rapports réciproques des mots 
et des propositions, non pas précisément dans une même 
phrase, comme c'est le cas pour nos langues euro- 
péennes, mais dans un même verset. D'où il suit que le 
verset joue un rôle essentiel dans cette sorte d'accen- 
tuation, car c'est par rapport à lui qu'elle est invaria- 
blement déterminée. Les punctatores ont donc commencé 
par séparer les versets tant bien que mal, d'après le 
sens, s'efforçant d'en faire un tout à peu près complet. 
Ils l'ont ensuite divisé en deux parties, qui ne sont pas 
nécessairement égales. Chacune de ces parties a été à 
son tour subdivisée en deux sections plus petites, et ainsi 
de suite, jusqu'à ce qu'on eût atteint des groupes 
minuscules et inséparables de mots. Ainsi donc, sous 
le rapport de la ponctuation, chaque verset biblique — 
et notons de nouveau qu'il ne forme pas toujours ni 
obligatoirement une phrase complète — est considéré, 
d'après le langage imagé des anciens grammairiens, 
comme un territoire, ditio, qui est dominé par le double 
point final (voir plus bas), et que d'autres accents, de 
valeur décroissante, coupent de façon à former d'autres 
petits domaines secondaires, selon qu'il est plus ou 
moins long. 

Nous aussi, nous avons des signes disjonctifs, qui 
partagent la phrase en ses différents membres; mais, 
tandis qu'il nous suffit d'en posséder quatre, le point, 
les deux points, le point et virgule, la simple virgule 
— nous laissons de côté le point d'interrogation, le 
point d'exclamation et la parenthèse, qui manquent tota- 
lement en hébreu — on en rencontre près de trente 
dans l'ensemble de la Bible hébraïque, sans parler du 
système de ponctuation qui est propre à quelques livres 
poétiques. Voir col. 535. Et non contents de séparer 
ainsi par le menu les propositions et les mots, au moyen 
de signes divers, les ponctualeurs en ont inventé une 
seconde classe, qui, à une exception près, le trait 
d'union, fait complètement défaut dans les langues indo- 
germaniques : il s'agit des accents conjonctifs, assez 
nombreux aussi, qui sont destinés à unir entre eux 
certains mots d'une manière plus étroite. En somme, 
il n'est pas un seul mot hébreu qui ne soit muni d'un 
accent quelconque, lequel le sépare du mot précédent 
ou l'y rattache. — Parmi les accents qui servent à la 
ponctuation, les uns sont placés sur la première con- 
sonne du mot, les autres sur la dernière; pour ce mo- 
tif, on donne aux premiers le surnom de prépositifs, et 
aux seconds celui de postpositifs. 

V. Désignation des signes de la ponctuation hé- 
braïque. — On distingue, ainsi qu'il vient d'être dit, 
deux grandes catégories d'accents, servant à la ponc- 
tuation dans la Bible hébraïque : les distinctivi ou 
disjonctifs, appelés aussi domini, « maîtres », c'est-à-dire 
principaux, à cause de leur importance considérable; 
les conjunclivi ou conjonctifs, qu'on appelait encore 
servi, « serviteurs », subalternes, à cause de leur 
moindre utilité. D'après la savante grammaire de Kônig, 
Lehrgebàude der hebràischen Sprache, 1881, t. i, 
p. 75-81, que nous avons prise pour guide principal 
dans l'énumération qui suit, on en compte jusqu'à 27. 
Leurs noms hébreux ou araméens se rapportent tantôt 
à leur forme, tantôt aux fonctions qu'ils remplissent 
soit pour rendre plus aisée l'intelligence de la phrase, 
soit en vue de la canlillatio des synagogues. Nous n'en 
avons donné la traduction que lorsqu'elle est morale- 
ment certaine, ou de quelque utilité. 



535 



PONCTUATION HEBRAÏQUE 



536 



Il y a d'abord les accents ordinaires, pu prosaïques, 
qui sont employés dans la plupart des livres de la Bible, 
écrits habituellement en simple prose; puis les accents 
poétiques, qui forment un système particulier, réservé 
pourles trois livres de Job, des Psaumes et des Proverbes, 
écrits en vers. Il paraît singulier, à première vue, que 
ce système n'ait pas été adopté aussi pour le Cantique 
des cantiques; mais les rabbins ont rangé de bonne 
heure ce petit livre dans une catégorie spéciale. De 
part et d'autre, nous trouverons la double classe des 
accents disjonctifs et des accents conjonctifs. 

A) Accents ordinaires ou prosaïques. — 1° Dans ce 
groupe, les signes disjonctifs de la ponctuation sont 
rangés sous quatre chefs distincts, dont les noms sym- 
boliques, relativement récents, marquent la valeur tou- 
jours décroissante. On distingue : — o) les impera- 
tores, au nombre de deux seulement : 1° le sôf pâsûk, 
« fin du verset », : , toujours précédé du sillûq, « ces- 
sation », T, qui l'annonce, placé qu'il est sous la syllabe 
du dernier mot du verset; 2° V'atnal}, a. respiration, 
pause », 7, situé habituellement vers le milieu du ver- 
set; — b) les reges, au nombre de cinq : 1» le zâqêf 
qâtôn ou petit zâqêf, X, dont le nom signifie « éléva- 
tion » ; 2° le zâqêf gâdôl ou grand zâqêf, -il ; 3° le rebia-, 
« qui repose », ^. ; 4° le segolfa', « grappe », i ; 5° le sal- 
sélet, « chaîne « , L ; — c) les duces, au nombre de cinq : 
1° le paStâ', « inclinatio » Z; 2» le yetîb, « sessio », 
— ;3° le tifhâ', (s. largeur de la main s, ~ ; 4° le {ebîr' , x ', 
5° lezarqâ', -; — d) les. comités au nombre de six :1° le 
géreS, L; 2° le gersaïm ou gérés double, A ; le legarmêh, 
1 ; 4° le pâzêr, e ; 5° le qarnépàrâh, « cornes de vache », 
îf ; 6° le feliSâ' gedolâh ou grand felîsd' 3., qui n'est 
employé que seize fois dans la Bible. 

Cela fait donc en tout, dans le système prosaïque, 
dix-huit accents disjonctifs. Les « empereurs » mar- 
quent toujours la fin et habituellement le milieu du 
verset; les « rois » servent à diviser les deux sections 
ainsi obtenues, lorsqu'elles ont une certaine étendue. 
Cf. Gen., I, 22, où la première moitié du verset, qui est 
fort courte, n'a aucun accent de celte espèce, tandis 
que la seconde en contient, parce qu'elle est plus 
longue; le contraire a lieu au verset 24. Les « ducs » 
séparent les divers groupes de la phrase; par 
exemple, le sujet de ses attributs, le complément et les 
mots qui en dépendent. Les « comtes » ont encore un 
rôle plus spécial, puisqu'ils séparent simplement les 
petits groupes de mots. 

2° On compte d'ordinaire neuf accents prosaïques 
conjonctifs. Ce sont : 1» le merkd', « prolongement », 
1 ; 2° le merkd' kefîilâ' ou double merkd', -g- ; 3° le mû- 
nah, T, semblable au legarmêh; 4° le dargâ', ~; 5° le 
rnâhpâk, — ; 6» le qadmâ', appelé aussi 'azld', X; 7« le 
feUSâ' qetanndh ou petit telisâ', X ; 8° le gérah, nommé 
aussi galgal, 7, qui précède toujours le pâzêr gâdôl 
et qui, comme cet accent disjonctif, n'est employé que 
seize fois dans la Bible; 9» le ma'yelâ', ~ . Seuls, les 
mots étroitement unis par le sens, comme le nominatif 
et le génitif qui en dépend, le substantif et l'adjectif 
qui lui sert d'épitbète, sont reliés l'un à l'autre par 
un acccent conjonctif. 

B) Les accents dits poétiques sont en partie les 
mêmes que les accents ordinaires, dont on vient de 
parcourir la liste, et ils en diffèrent en partie. La dis- 
semblance entre les deux systèmes d'accentuation se 
rattache moins à la ponctuation proprement dite 
qu'aux modulations différentes de la voix, lorsque les 
livres de Job, des Psaumes et des Proverbes sont lus 
comme partie intégrante du culte dans les synagogues. 
On en compte 20, qui se divisent aussi ep deux classes 
principales. — 1. Les accents disjonctifs sont : 1° le 
sillûq avec le sôf pâsûq, : et T,' 2° le 'oleh veyôred, 
« montant et descendant », que l'on nomme aussi 
mêrkâ' mâhpàk,' parce que les deux signes dont il se 



compose sont ceux qui représentent ces deux accents, 
j?; 3° V'afnâh, —, qui a une valeur moindre que dans le 
système ordinaire; 4° le rebîa' gâdôl ou grand rebîâ', 
j. ; 5» le rebîa' qdtôn ou petit rebîa, •-, semblable au 
précédent, mais formé d'un point plus petit; 6° le 
rebia' mugrâé, c'est-à-dire le rebiâ' précédé du gères, 
; .1; 7« le saUélet gedôlâh ou grand salsëlef, — ; 8° le 
%,arqâ' ou Hnnôr, - ; 9° le dehi, auquel on donne encore 
le nom de tifhâ' initial ou prépositif, i; 10° le pâzêr, 
H.;i\ l >lemahpdklegarmêh,\T;i { 2<>\e'azlâ' legarmêh,! y. 

— 2. Les accents conjonctifs sont : 1° le mêrkâ', T ; 2° le 
niûnâh, ~ ; 3° le 'illûy ou mûnah supérieur, ± ; 4° le 
tarhd, identique au dehî non prépositif, ~ ; 5° le gérâh 
ou galgal, 7 ; 6° le mahpâk, — ; 7» le 'azlâ', J.; 8° le 
Salsélet qetanndh ou petit salsélet, _L. 

C) Le maqqêf et le méteg. — A ces divers signes de 
la ponctuation hébraïque, il faut joindre le maqqêf et 
le méteg, qui s'y rattachent de très près. Le maqqêf, 
« lien », consiste en un gros trait horizontal, — , placé 
en haut de la ligne, entre deux ou plusieurs mots 
qu'il associe très étroitement, de sorte qu'ils sont cen- 
sés ne plus former qu'une seule expression. Par ex. : 
Dirt, kôl-âdâm, « tout homme »; ib-iï/N-bs-rN, 
'e(-kôl~'âser-lô, « tout ce qui est à lui ». Certaines par- 
ticules, entreautres iw, signe de l'accusatif, bx, «vers», 

Sy, « sur », en sont presque toujours accompagnées. 

Le maqqêf, faisant refluer l'accent tonique vers la fin 
du mot qu'il sert à créer, modifie par là-même, en les 
abrégeant, les voyelles des premières syllabes de ce 
mot nouveau. — Le méteg, « frein », a la forme d'un 
petit trait vertical, placé en bas de la ligne, T, et à la 
gauche d'une voyelle. Comme son nom l'indique, il 
arrête l'attention du lecteur, qu'il avertit de ne pas 
glisser trop rapidement sur la syllabe ainsi notée. Il 
marque aussi un accent tonique secondaire. Il a par- 
fois une importance spéciale pour la prononciation de 
certaines voyelles; par exemple, pour distinguer a de 0, 
i long de i bref, etc. 

VI. Quelques remarques sur ces divers accents. — 
1. Ce double système de ponctuation est, on le voit, 
assez compliqué, non seulement à cause du grand 
nombre des signes employés, mais encore parce que 
plusieurs de ces signes sont identiques, ou presque 
identiques entre eux, et aussi parce que, insérés à 
travers les voyelles, ils rendent tout d'abord la lec- 
ture plus difficile. Heureusement, il n'est pas néces- 
saire d'en avoir une connaissance approfondie pour 
bien comprendre le texte original de l'Ancien Testa- 
ment. Pour l'hébraïsant ordinaire, il suffit d'être 
familiarisé avec les accents principaux. Leur multipli- 
cité même montre, à elle seule, que plusieurs d'entre 
eux ne peuvent avoir qu'une infime valeur; souvent 
ils n'équivalent pas même au quart d'une de nos vir- 
gules. 

2. Lorsqu'on étudie la ponctuation hébraïque dans le 
détail, on est forcé d'admettre qu'elle est réellement 
ingénieuse, tout en demeurant subtile et complexe. 
Le choix des accents, soit disjonctifs, soit conjonctifs, 
a été déterminé d'avance par les ponctuateurs et les 
grammairiens ; tel accent conjonctif ne peut s'employer 
qu'avec tel accent disjonctif, à l'exclusion de tout autre, 
et réciproquement. 

3. Si quelques-uns de ces signes ont la même forme 
ou ressemblent à une voyelle — c'est le cas pour le 
rebia, qui est identique au cholem, c'est-à-dire à \'o 

— leurs inventeurs ont pris soin qu'on ne pût pas 
aisément les confondre. C'est ainsi que, dans le sys- 
tème ordinaire ou prosaïque, le paltâ, J_, est placé au- 
dessus de la consonne qui termine le mot, tandis que 
le qadmâ', qui lui est identique, est mis sur la pre- 
mière consonne de la syllabe accentuée. De même, le 
yetîb, ~, est placé à droiteet au-dessus de la première 



537 



PONCTUATION HEBRAÏQUE — PONT 



538 



consonne, tandis que le mahpâk, qui lui est entière- 
ment semblable, est mis à gauche de la syllabe qui 
porte l'accent tonique, etc. 

4. Les principaux signes de ponctuation entraînent 
souvent des changements dans les voyelles auprès 
desquelles ils sont placés. Tantôt ils les allongent, 
tantôt ils les abrègent, suivant les circonstances. Les 
grammaires un peu complètes donnent les règles de 
ces changements. — Il arrive çà et là que le même 
accent est employé plusieurs fois de suite dans un 
membre de phrase. Cf. Gen., i, 20, dans la première 
moitié du verset. Il perd alors graduellement de sa 
force, au fur et à mesure qu'on avance dans la phrase. 

VII. Utilité de ce système de ponctuation. — Elle 
est indéniable, car cet ensemble de signes a d'abord 
contribué à fixer de bonne heure le sens traditionnel 
du texte original de l'Ancien Testament, en joignant et 
en séparant les mots d'une manière logique; puis, 
grâce à la vigilance minutieuse des massorètes, qui 
n'ont pas moins surveillé la ponctuation que les con- 
sonnes et les voyelles, elle a servi aussi à maintenir ce 
texte dans une assez grande pureté. Le travail des ponc- 
tuateurs se conforme bien, d'ordinaire, à la significa- 
tion naturelle de la parole divine. Il représente l'inter- 
prétation courante de la Bible hébraïque par les anciens 
Juifs, à l'époque où il fut accompli. 

La ponctuation hébraïque parut, pendant longtemps, 
si excellente aux commentateurs israélites, qu'Abraham 
Aben Esra, au xn e siècle, alla jusqu'à édicter cette règle : 
« Aucune interprétation d'un passage biblique ne de- 
vrait être acceptée, si elle n'est pas conforme à l'accen- 
tuation. » Néanmoins, dans la pratique, presque 
aucun exégète juif ne s'est conformé rigoureusement à 
ce principe, pas même Aben Esra; et ils ont eu raison, 
car le système a des imperfections manifestes, et il est 
évident que ses créateurs n'ont eu ni le désir, ni le 
droit d'imposer des liens perpétuels à ceux qui de- 
vaient interpréter après eux les saintes Écritures. Un 
autre savant juif très illustre, Kimchi, a donc pu dire 
en toute justesse, In Ose., xn 17 : « En interprétant 
l'Écriture, nous ne sommes pas liés par les accents. » 
Il y a quelques endroits, cependant, où la ponctuation 
rabbinique est préférable à celle des Septante et de la 
Vulgate; par exemple, au passage célèbre Is., xl, 3, 
où on lit, d'après l'accentuation de l'hébreu : « Une 
voix crie : Dans le désert préparez le chemin du Sei- 
gneur; » d'après les Septante et notre version latine 
officielle, comme aussi d'après les passages du Nouveau 
Testament qui reproduisent ce texte, Matth., m, 3; 
Marc, I, 3; Luc, m, 4; Joa., i. 23 : « Une voix crie 
dans le désert : Préparez... » 

VIII. Bibliographie. — 1» Dans les temps plus éloi- 
gnés de nous. Le plus ancien traité que nous ayons 
sur la ponctuation hébraïque est celui du grammairien 
juif Ben Ascher, qui vivait dans la première moitié du 
X e siècle; il a été réédité sous ce titre : Diqduqé ha- 
Teamim des Ben-Ascher von Tiberias, herausgegeben 
von S. Baer und H. L. Strack, in-8», Leipzig, 1879. On 
a aussi, dans le même sens, J. Derenbourg, Manuel 
du Lecteur, traduction d'un traité arabe sur les ac- 
cents el la Massora, in-8°, Paris, 1871 ; voir aussi Jour- 
nal asiatique, juillet-décembre, 1870, VI e série, t. xvi, 
p. 309-550. — 2° Ouvrages spéciaux, contemporains : 
A. B. Davidson, Outlines of hebr. Accentuation, in-8°, 
Londres, 1861 ; A. Geiger, Zur Kakdanim (= Punkta- 
toren) Literatur, dans la Jûdische Zeitschrift fur Wis- 
senschaft und Leben, 1872, t. x, p. 10-35; L. Segond, 
Traité élémentaire des accents hébreux, in 8°, Genève, 
2 e édit., 1874; E. Kônig, Gedanke, Laut und Accent als 
die drei Faktoren der Sprachbildung, in-8°, Weimar, 
1874; H. Strack, Beitrag zur Geschichte des hebrài- 
schen Bibeltextes, dans les Theolog. Studien und Kriti- 
ken, 1875, p. 736-747; M. Schwab, Des points-voyelles 



dans les langues sémitiques, dans les Actes de la So- 
ciété philologique, t. vu, in-8°, Paris, 1875; Frz. De- 
litzsch, Elementa accentuationis metricse, dans l'ou- 
vrage Liber Psalmorum, textum massoreticum accu- 
ratissitne expressit... S. Baer, in-8°, Leipzig, 1880, 
p. vin-xii; S. Wejnkoop, Leges de accent, hebr. linguse 
ascensione, in-8°, Leyde, 1881 ; H. Gràtz, Étude sur la 
ponctuation hébraïque, dans la Monatschrift fur Ge- 
schichte und Wissenschaft des Judenthums, 1882, 
p. 389-409; W. Wickes, A treatise on hebr. Accentua- 
tion, in-8», Oxford, 1881-1887, ouvrage très solide; Iler- 
mann, Zur Geschichte des Streites liber die Entstehuny 
der hebràischen Punktation, in-8», Ruhrort, 1885 ; 
A. Bùchler, Untersuchungen zur Entstehung und 
Enlwickelung der hebr. Accente, in-8», Vienne, 1891 ; 
A. Ackermann, Das hernienéutische Elément in der 
biblischen Accentuation, in-8», Berlin, 1893; Nathan, 
Die Tonzeichen in der Bibel, in^8», Hambourg, 1893; 
S. Bachrach, Das Alter der hebr. Vocalisation und Ac- 
centuation, in-8», Varsovie, 1895 ; H. Grimme, Grund- 
zùge der hebràischen Akzente und Vokallehre, in-8», 
Fribourg (Suisse), 1896; J. M. Japhet, Die Accente der 
heiligen Schriften, in-8», Francfort-sur-le-Mein, 1896 ; 
F. Praetorius, Ueber dem zuruckweichenden Accent im 
Hebràischen, in-8», Halle, 1897; Id., Die Herkunft der 
hebr. Accente, in-8», Berlin, 1901; P. Kahle, Zur Ge- 
schichte der hebràischen Accente, dans la Zeitschrift 
der morgenlàndischen Gesellschaft, 1901, t. lv, p. 167- 
194; The Jewish Encyclopedia, New-York, 1900-1905, 
t. i, au mot « Accents », p. 149-158, et t. x, au mot 
« Punctuation », p. 268-273. Voir aussi E.Kônig, Historisc/i- 
kritischer Lehrgebàude der hebràischen Sprache, t. I, 
Leipzig, 1881, p. 52-90; t. n, l re partie, Leipzig, 1895, 
p. 349-362. L. Fillion. 

i. PONT (grec : llo-no;), nom qui a désigné, à diffé- 
rentes époques de l'histoire, un territoire du nord-est 
de l'Asie Mineure, dont les limites ont beaucoup varié. 
Directement il représente la mer, -jiôvtq;, et en parti- 
culier la mer Noire, le Pont Euxin des anciens, Ilov- 
to{ etfÇeivoç, « mer hospitalière. » Puis on l'employa 
comme une dénomination appliquée aux côtes sud-est 
de cette mer. Xénophon, Anabasis, V, vi, 15, est le 
plus ancien auteur qui en ait usé en ce sens. Ailleurs, 
nous apprenons que c'est une abréviation pour Ka-jiTia- 
êoxi'a t| itepi tô Eû'leivov, « la Cappadoce qui est près 
de l'Euxin, »Polybe, v, 43, ou K. tj -jipôç tw ittfv'rw, « la 
Cappadoce qui est près de la mer. » Strabon, XII, i, 4. 

I. Situation géographique. — A l'origine, le pays 
qui portait ce nom n'était donc qu'une bande de terri- 
toire qui s'étendait le long de la côte de l'Euxin, entre 
la Colcbide, à l'est, et le fleuve Halys, à l'ouest. Il faisait 
partie du vaste domaine de la Cappadoce, qui allait de 
la Cilicie au Pont Euxin. Sous la domination persane, 
il fut divisé en deux satrapies ou gouvernements, dont 
le plus septentrional, borné au nord par la mer et au 
sud par le mont Paryadrès, fut appelé, comme nous 
venons de le voir, Cappadoce sur le Pont, puis simple- 
ment le Pont. Du côté de l'ouest, son territoire s'avan- 
çait davantage dans les terres. Les contrées limitrophes 
étaient : au sud-ouest, la Galatie; au sud la Cappadoce 
proprement dite et la Petite Arménie ; à l'est, la Colchide 
et l'Arménie; à l'ouest, la Paphlagonie. Voir fig. 121. 
Néanmoins, comme, nous l'apprendra le résumé de 
l'histoire du Pont, ces limites ne furent pas les mêmes 
à toutes les époques. 

Sous le rapport de la géographie physique, la région 
qui forma toujours le noyau principal du Pont est acci- 
dentée à l'extrême, comme le sont peu de contrées 
de notre globe. C'est essentiellement un pays de mon- 
tagnes. Les monts principaux sont, à l'est, le Paryadrès 
et le Scydisès, qui se dressent comme des remparts 
gigantesques : le premier, tout le long du littoral, en 



539 



PONT 



540 



face du Caucase, tandis que l'autre s'avance à l'inté- 
rieur, comme un prolongement de l'Antitaurus. Quel- 
ques-uns de leurs sommets atteignent plus de 3000 mè- 
tres. Les montagnes du sud donnent naissance à de 
nombreuses rivières, qui sillonnent tout le pays; on 
en a compté jusqu'à vingt-huit. Les principales sont le 
Halys, aujourd'hui Kisil-lrmack, l'Iris et le Lycos. Les 
vallées étaient très fertiles, surtout celle qui borde le 
Pont Euxin; elles produisaient, spécialement dans la 
partie occidentale, toutes sortes de céréales et d'arbres 
fruitiers, Cf. Strabon, XII, 1, 15; Pline, H. N., xiv, 19; 
Théophraste, Hist. planlar., rv, 5; vin, 4; ix, 16. Les 
abeilles y abondaient; aussi faisait-on un commerce 
considérable de miel et de cire. Voir Xénophon, Anab., 
IV, vm, 16, 20; Pline, H. N., xxi, 45. Les eaux des 
rivières étaient très poissonneuses, et l'on trouvait des 
minerais variés dans les montagnes. On rencontrait 
partout, suivant les zones et les altitudes, des pâturages, 
des champs cultivés, des vignobles, des vergers, des 
forêts. La situation commerciale était excellente aussi, 



,r r 



T A" 



"t?<fStï 



F..££Uz rÇ 



121. — Carte du Pont. 

grâce aux ports de l'Euxin et aux vallées fluviales. Le 
climat est généralement tempéré, doux et agréable, 
comme celui de la région méditerranéenne. Cf. Strabon, 
II, l, 15; XII, n,10. 

Les habitants appartenaient par leur origine, les uns 
à la Colchide, les autres à la Grèce, d'autres à de nom- 
breuses tribus dont la parenté ethnologique est très 
obscure} parmi elles, on mentionne les Tibareni, les 
Macrones, les Mocynœci, les Chalybes, etc. Quel- 
ques-unesappartenaient à la race sémitique, notamment 
les Leucosyri, ou Syriens blancs, qui semblent être 
descendus des Assyriens. A eux tous, ils formaient une 
vraie mosaïque de nations, et parlaient, au dire des 
anciens auteurs, 22 ou 25 langues distinctes. Voir Valère- 
Maxime, VIII, vu, 16; Quintilien, I, il, 50; Pline, H. N., 
xxv, 2; Aulu-lielle, xvil, 17. Le long de la côte, des 
colonies grecques, venues en partie de Sinope, en par- 
tie de Milet, s'étaient établies depuis le xvn e siècle 
avant J.-C. et étaient parvenues à une grande prospé- 
rité. Les peuplades de l'intérieur, surtout à l'est, étaient 
très sauvages, à demi barbares. Voir Strabon, loc. cit.; 
R. Hansen, De gentibus in Ponto orientali habitanti- 
bus, Kiel, 1876. 

Plus de cent villes, dont plusieurs riches et peuplées, 
étaient un signede la prospérité du pays; quelques-unes 
d'entre elles sont encore pleines de vie. Les plus 
célèbres, étaient 1" sur le rivage de l'Euxin : Sinope, 
actuellement Sinoub, Amisus ou Sanisoûn, Trapezus ou 
Trébizonde, Pharnacéia, Side; 2» dans l'intérieur : 
Amaséia, qui devint, l'an 7 avant J.-C, l'a capitale delà 
province romaine du Pont; Çomana Pontica, Lycopolis, 
Sébastia ou SiudsyCabira, appelée plus tard Néocésarée. 

II. Histoire du Pont. — Elle est assez difficile à 
résumer, tant elle a eu de vicissitudes. Tel est d'ailleurs 



le cas pour la plupart des provinces d'Asie Mineure. 
Après l'époque de Cyrus, le Pont demeura sous la 
domination au moins nominale de la Perse, et fut 
gouverné par des satrapes. Cf. Hérodote, m, 94; vu, 77, 
etc. Ses annales proprement dites ne s'ouvrent qu'avec 
la famille des Mithridate, qui lui procura tant de 
gloire et aussi tant de revers. Un premier Mithridate, 
qu'on dit avoir appartenu à la noblesse perse, fut le 
fondateur de cette dynastie. Ariobazane, son fils, 363- 
337 avant J.-C, subjugua quelques tribus du Pont, qui 
avaient été jusqu'alors plus ou moins indépendantes, et 
jeta ainsi les bases d'un territoire à part. Voir Diodore 
de Sicile, xv, 90. Son fils et successeur, Mithridate II, 
poursuivit son œuvre. Mais c'est surtout Mithridate III, 
301-266, qui fonda vraiment le royaume du Pont, en 
profitant, pour s'établir solidement, des guerres intes- 
tines que se livraient alors les Diadoques ou succes- 
seurs d'Alexandre le Grand. On le désigna plus tard 
par le surnom de ktistès, « fondateur n. Il prit le titre 
de roi en 296. Son domaine, qui s'étendait d'abord sur 
les districts paphlagonien et cappadocien situés près du 
cours inférieur du fleuve Halys, ne tarda pas à embras- 
ser aussi les régions pontiques proprement dites. 
Durant deux siècles ce royaume continua de grandir, 
presque en silence, éclipsé par les deux dynasties 
des Séleucides et des Ptolémées, et même aussi par 
les deux petits royaumes de Bithynie et de Pergame, 
nés en même temps que lui. 

C'est sous son dernier roi, Mithridate VI Eupator, 
dit le Grand (120-63), qu'il s'éleva tout à coup à une 
grandeur prodigieuse. Ce prince fut presque perpétuelle- 
ment en guerre, en premier lieu avec ses voisins du nord- 
est de l'Asie, auxquels il enleva tour à tour la Chersonèse 
taurique, la Colchide, la Petite Arménie et une grande 
partie de l'Asie Mineure, puis avec les Romains, dont il 
avait d'abord recherché l'amitié. Sa lutte avec Rome se 
prolongea, à part quelques intervalles de trêve, durant de 
longues années, 92-65 avant J.-C. La grande république 
n'eut guère d'adversaires plus terribles. Cicéron disait 
de lui, Pro Mànl., xv, 32, que c'était « le plus grand 
des rois auxquels le peuple romain eût jamais fait la 
guerre. » Sylla lui-même, envoyé contre lui, n'arriva 
pas à remporter des avantages décisifs. Finalement, 
Mithridate fut défait par Pompée en 65, et son territoire 
fut divisé en plusieurs morceaux. La région septen- 
trionale, voisine de la mer Noire, et la région occi- 
dentale furent incorporées à la province de Bithynie, 
établie depuis l'an 74, et la nouvelle province ainsi for- 
mée reçut le nom de Bithynia et Pontus. Les districts 
•méridionaux furent partagés entre un certain nombre 
de petits dynastes du pays. Cf. Dion Cassius, xlii, 
45; Strabon, XII, î, 4. C'est ainsi que Polémon reçut 
d'Antoine, l'an 36 avant J.-C, le territoire situé prés du 
Lycos, qui fut nommé Pontus polemoniacus. De son 
côté, Déjotare, roi de Galatie, recevait la partie située 
entre les rivières Iris et Halys, qui forma le Ponlus 
galaticus. Enfin, la partie orientale échut au roi de 
Cappadoce, et devint le Pontus cappadocicus. On 
trouve ces trois contrées ainsi désignées, non seulement 
par les historiens, mais aussi sur d'anciennes inscrip- 
tions. A Polémon I er succéda Polémon II, qui, en 63 
après J.-C, se désista en faveur de Néron. Suétone, Nero, 
8. Il avait épousé en secondes noces Bérénice, fille 
d'Hérode Agrippa I er et sœur d'Hérode Agrippa II. Josè- 
phe, Ant., XX, vu, 3. Voir Bérénice 2, t. i, col. 1012. 

III. Le Pont et le Nouveau Testament. — Le Pont 
est mentionné à trois reprises dans les écrits du Nou- 
veau Testament : deux fois au livre des Actes, n, 9, et 
xvin, 2, et une fois au début de la I re Épître de saint 
Pierre, I Pet., i, 1. Dans le premier de ces passages, 
Act., il, 9, le Pont est cité avec plusieurs autres pro- 
vinces d'Asie Mineure, la Cappadoce, l'Asie procon- 
sulaire, la Phrygie et la Pamphilie, dans la longue liste 



541 



PONT — POOLE 



542 



des contrées d'où un certain nombre de Juifs étaient 
venus à Jérusalem, pour célébrer la première Pentecôte 
qui suivit la mort de Notre-Seigneur et qui fut témoin 
de la descente du Saint-Esprit sur l'Église naissante. 
Dans le second texte, Act., xvm, 2, nous apprenons 
qu'Aquila, le célèbre ami et collaborateur de saint Paul, 
était originaire de cette contrée. Enfin, la première 
Épitre de saint Pierre est adressée simultanément aux 
chrétiens « du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de 
l'Asie et de la Bithynie ». D'après le sentiment général 
des critiques, le livre des Actes et la i a Pétri furent 
composés vers l'an 63 de notre ère ; mais le premier 
des trois textes signalés se rapporte à peu près à l'an 30, 
et le second, relatif au décret par lequel Claude exila 
les Juifs de Rome vers 50, nous ramènent quelques an- 
nées plus haut. Or, le résumé historique qui précède a 
montré qu'au I er siècle de notre ère le mot Pont pouvait 
recevoir deux significations distinctes, selon qu'on l'ap- 
pliquait au royaume de Polémon II, ou à la province 



d'après le Nouveau Testament, il y fut introduit beau- 
coup plus tôt. 

Voir Marquardt, i?omisc/ie Staatsvenvallung, 2 in-8», 
Leipzig, 1873, p. 192-216; E. Meyer, Geschichle des 
Kônigreichs Pontus, in- 8°, Leipzig, 1879; E. Reclus, 
Nouvelle géographie universelle, t. ix, L'Asie anté- 
rieure, in-4°, Paris, 1884, p. 555-562; Rollin etFeuardent, 
Trois royaumes de l'Asie Mineure : Cappadoce, Bithy- 
nie, Pont, in-8», Paris, 1888; Th. Reinach, Mithridate 
Eupator, roi du Pont, in-8», Paris, 1890; W. Ramsay, 
Historical geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 
1890; Id., The Church in the Roman Empire, in-8", 
Londres, 1893. L. Fili.ion. 

. 2. PONT (grec : ysçupoûv; Vulgate : pons), construc- 
tion jetée au-dessus d'un cours d'eau, pour permettre 
de le traverser (fig. 122). Il n'en est question que dans un 
seul passage, II Mach., xn, 13, et encore ne s'y agit-il pas 
\ de pont propremenV àW.NoVc Ç*se«\!&, X. w, w\. '?5>\. 




122. — Construction d'un pont par les Assyriens pour passer une rivière. D'après Gates of Balawat, pi. 74. 



romaine Bithynia et Pontus. Mais la plupart des com- 
mentateurs supposent à bon droit que, dans nos trois 
passages, le nom du Pont semble avoir été. employé 
d'une manière toute générale, sans allusion aux diverses 
péripéties de l'histoire du pays et aux vicissitudes de 
son territoire. 

Nous manquons de détails sur l'évangélisation du 
Pont. Elle eut lieu sans doute sous l'influence de saint 
Paul et de ses disciples. Le pays n'était pas directement 
sur la route des premiers prédicateurs. Le fait que saint 
Pierre compte le Pont parmi les destinataires de sa 
I« Épître suppose qu'il y avait alors dans cette contrée 
des Églises ferventes, entièrement constituées. Voir 
surtout I Pet., v, 1-7. D'après quelques auteurs, le 
prince des Apôtres les aurait connues personnellement ; 
mais, selon l'opinion générale, il parait peu probable 
qu'il soit allé jusque-là. Voir Pierre (Saint), t. iv, 
col. 370. Dans sa lettre si célèbre à Trajan, qui date de 
l'année 112, Pline le jeune atteste, Epist., 96, qu'il y 
avait alors un nombre considérable de chrétiens dans la 
province Bythinia et Pontus, dont il était le gouver- 
neur : à tel point, dit-il, que les temples païens étaient 
déserts et les sacrifices interrompus en divers lieux. 
Quelques apostats prétendaient même avoir abandonné 
la religion chrétienne 25 ans auparavant. Ce dernier 
traitfsuppose que le christianisme avait pénétré dans la 
région au moins vers l'an 87; mais nous avons vu que, 



PONTIFE, grand-prêtre des Juifs. La Vulgate appelle 
souvent le grand-prêtre pontifex dans les livres histo- 
riques de l'Ancien Testament et dans l'Évangile de 
saint Jean. Voir Grand-Prêtre, t. in, col. 295. Dans 
l'Épitre aux Hébreux, v, 5, etc., Jésus-Christ est appelé 
le pontife, âpxiepev?, de la loi nouvelle. 

POOLE ou POLE (en lalin Polus) Matthew, né à 
York en 1624, mort à Amsterdam le 12 octobre 1679. Il 
se rattachait par son père aux Pôles ou Pools de 
Spinkhill en Derbyshire. Après avoir pris ses degrés 
universitaires à Cambridge, il exerça le ministère pas- 
toral dans la paroisse presbytérienne de S. Michael-le- 
Querne, mais il démissionna en 1662 aussitôt après le 
vote de VUniforniity Act. Ce fut alors que, plus libre 
de son temps, et à l'instigation de William Lloyd qui 
devait être plus tard évêque anglican de Worcester, il 
écrivit la Synopsis Criticorum. aliorumque Sacrx 
Scriptural lnterpretum, le travail le plus important 
d'une active carrière. Il puisa largement aux sources 
rabbiniques et catholiques, affirment ses biographies; 
il emprunta peu de chose à Calvin et rien à Luther. 
Le premier volume parut, in-f°, en 1669, le 2 e en 1671, 
le 3 e en 1673, le 4« en 1674, le 5* en 1676. — A l'époque 
de ce que les protestants appellent le Popish Plot, 
comme son nom fut mêlé incidemment aux déclara- 
tions ultra-fantaisistes de Titus Oates, Poole crut devoir 



543 



POOLE 



PORC 



544 



se réfugier â Amsterdam on il mourut. — Une 2 e édi- 
tion de la' Synopsis, 5 in-f°, fut publiée à Francfort en 
1679; une 3 e édition à Utrecht en 1684; une 4» à Franc- 
fort en 1694 (toujours en 5 in-f°), augmentée d'une vie 
de l'auteur, une 5 e à Francfort en 1709, 6 in-f°, grossie 
d'un commentaire sur les Apocryphes (deutérocanoni- 
ques). L'ouvrage fut mis à l'Index le 21 avril 1693. — 
Poole mourut avant d'avoir pu terminer ses Annota- 
tions on the Holy Bible qu'il n'eut le temps de pousser 
que jusqu'au chapitre lviii d'Isaïe. Le travail fut achevé 
par d'autres presbytériens et publié en 2 in-f°, 1683. Il 
a été souvent réimprimé. La dernière édition, 3 in-8°, 
a paru en 1840. — Voir S. Lee, Dictionary of national 
Biography, t. xlvi, 1896, p. 99. J. Montagne. 

PORC (bébreu : hâzïr, le humsiru assyrien ; Sep- 
tante : x°4>°!> 3î; Vulgate : porcus, sus), mammifère de 
l'ordre des bisulques, à pied fourchu et à doigts pairs; 
c'est le type des porcins (%. 123). — Le porc est surtout 
remarquable par sa voracité, qu'on exploite pour l'en- 
graisser. Il se nourrit de glands et de fruits sauvages. 
Guidé par son odorat très tin, il fouille la terre de son 




._Si^ 



123. — Le porc. 

boutoir pour y chercher les larves d'insectes, les ra- 
cines et les tubercules. Tous lesdétritus lui sont bons, 
et, pour les trouver, il se vautre dans toutes les fanges. 
Il lui arrive de dévorer ses petits et même parfois de 
jeunes enfants. 11 vit jusqu'à 20 ans, et, chaque année, 
la truie a deux portées de 12 à 15 petits chacune. La 
chair du porc fournit un aliment substantiel, mais de 
digestion un peu difficile. Dans les pays chauds, elle 
devient aisément malsaine. 

1° L'usage de la viande de porc était interdit aux 
Israélites. Lev., xi, 7; Deut. r xiv, 8. Cf. Tacite, Hist., v, 
4; Juvénal, Sat., xiv, 98; Macrobe, il, 4. Cette prohibi- 
tion ne leur était pas spéciale. En Egypte, le simple 
contact du pourceau rendait impur. Cependant, à la 
pleine iune, il était permis d'immoler des porcs à 
Osiris et à la Lune, et ensuite d'en manger, mais seule- 
ment ce jour-là. Hérodote, il, 47. Les Égyptiens ne lais- 
saient pas d'élever des porcs en grand nombre' (fig. 124); 
quand les eaux du Nil se retiraient, ils lâchaient les 
porcs dans les champs avant de les ensemencer; le pié- 
tinement de ces animaux suffisait à tenir lieu de labour. 
Hérodote, n, 14. Cf. Élien, Hist. animal, x, 16; Plu- 
tarque, De hid., 8; Josèphe, Cont. Apion., h, 13. 
L'abstention du porc était encore en vigueur chez les 
Indiens, Élien, Hist. animal., xvr, 37; cf. 1. 1, col. 615; 
chez les Arabes. Pline, H. N., vm, 78, dont la coutume 
a été consacrée par le Coran, il, 168; v, 4; vi, 146; 
xvi, 116; chez les Éthiopiens, Porphyre, De abstin., i, 
14; chez les Phéniciens, Hérodien, v, 6, 21 ; voir ce- 
pendant Lampride, Vil. Hêliogabal., 31, qui est d'un 
avis contraire. Les Cretois s'en abstenaient également, 
mais parce qu'ils considéraient le porc comme sacré. 
Athénée, ix, 375. Les troglodytes ou les Chananéens qui 
précédèrent les Hébreux en Palestine mangeaient le 



porc ou l'offraient en sacrifice. On a retrouvé dans les 
cavernes de l'époque néolithique, à Gazer, les ossements 
de ces animaux. Cf. Revue biblique, 1904, p. 428. Les 
ossements de porcs qui abondent dans le haut -lieu néo- 
lithique de Gazer, donnent même à penser que le porc 
était une victime préférée dans l'ancien culte chana- 
néen, ce qui expliquerait encore la prohibition absolue 
de l'usage du porc par la loi mosaïque. Cf. Vincent, 
Canaan, Paris, 1907, p. 188, 202. Tacite, Hist., v, 4, se 
fait l'écho d'une fable, quand il prétend que les Israé- 
lites s'abstenaient du porc à cause d'une lèpre dont ils 
auraient été atteints et à laquelle le porc est sujet. Por- 
phyre, De abstin., i, 14, prend l'effet pour la cause, 
quand il dit que les Phéniciens et les Juifs ne man- 
geaient pas de porc parce qu'il ne s'en trouvait pas 
dans leurs pays. Les raisons qui avaient déterminé le 
législateur des Hébreux étaient à la fois d'ordre moral 
et d'ordre hygiénique. Voir t. i, col. 617, 620. Cf. S. Jé- 
rôme, Adv. Jovin., n, 6, t. xxm, col. 291. L'abstention 
de la chair de porc demeura l'une des caractéristiques 
du peuple juif. Cf. Philon, De concupiscent., 4-9, édit. 
Mangey, t. il, p. 352-355; Juvénal, Sat., vi, 160; xrv, 




124. — Porcher et troupeau de porcs en Egypte. 
D'après Wilkinson, Manners, t. n , p. 100. 

98; Cassel, De Judœorum odio et abstinenlia a por- 
cina ejusque causis, Magdebourg, 1740. 

2° Les prescriptions de la loi ne furent pas toujours 
suivies par les Israélites. Isaïe, lxv, 4, parle de ceux 
qui, de son temps, mangeaient de la chair de porc et 
des mets impurs, dans des cachettes où ils se retiraient 
la nuit. Il décrit ce que se passait dans les jardins ido- 
lâtriques, où, à l'exemple de celui qui présidait l'assem- 
blée, chacun mangeait de la chair de porc et d'autres 
choses abominables. Is., lxvi, 17. — A l'époque macha- 
béenne, les persécuteurs des Juifs entreprirent de leur 
imposer la transgression de la loi mosaïque au sujet 
du porc. Pour profaner le sanctuaire, le roi Antiochus 
Epiphane ordonna, sous peine de mort, d'y offrir en 
sacrifice des pourceaux et d'autres animaux impurs. 
Beaucoup de Juifs se soumirent à cet ordre. I Mach., i, 
50, 55. Il voulut anssi obliger les Juifs fidèles à man- 
ger la viande de porc, et il la taisait introduire de force 
dans la bouche de ceux qui résistaient. Il Mach., vi, 18. 
Le docteur Éléazar donna à cette occasion un admirable 
exemple de droiture de conscience et de fermeté. 
II Mach., vx, 18-31; voir Eléazar, t. h, col. 1652. Sept 
frères et leur mère subirent ensuite courageusement Je 
martyre, plutôt que de manger de la chair de porc. 
II Mach., vu, 1-41. Sous Caligula, le préfet d'Egypte, 
Flaccus, obligeait les femmes juives à manger de la 
chair de porc en plein théâtre. Philon, In Flacc, 11, 
t. n, p. 529-531. Par la suite, les Juifs ne furent pas 
toujours aussi intransigeants dans leur répulsion pour 
la chair de porc. Cf. Drach, De l'harmonie entre 
l'Église et la synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 265, 266. 

3» L'horreur dont le porc était l'objet parmi les Israé- 
lites se manifeste en plusieurs passages de la Sainte 



545 



PORC — PORC-ÉPIC 



546 



Écriture. Pour marquer le mépris de Dieu à l'égard du 
culte purement extérieur, Isaïe, lxvi, .3, dit : « Celui 
qui présente une oblalion offre du sang de porc, » c'est- 
à-dire celui qui présente à Dieu une oblation sans 
l'accompagner de sentiments intérieurs lui est aussi 
odieux que s'il offrait du sang de porc. La femme qui 
a le don de la beauté, mais est dépourvue de sens, est 
comparée à un anneau d'or au nez d'un pourceau. Prov., 
xi, 22. Anneau et beauté sont également mal placés. 
Notre-Seigneur dit : « Ne jetez pas vos perles devant les 
pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds. » 
Matth., vu, 6. Les pourceaux désignent ici les hommes 
grossiers, uniquement préoccupés de plaisirs immondes 
et de pensées terrestres. Ils n'apprécieraient pas, ils 
mépriseraient, ils profaneraient la doctrine évangé- 
lique et les biens spirituels, représentés par les perles. 
Inutile donc de les leur offrir. Pour indiquer le degré 
d'abaissement où est tombé le tils prodigue, Notre- 
Séigneur dit qu'on l'envoya garder les pourceaux. Luc, 
xv, 15. Les docteurs interdisaient aux Juifs d'être gar- 
diens de pourceaux. Baba kama, vu, 7; Jerus. Scheka- 




125. — Tuile de la Legio X' avec l'emblème du sanglier. 

lirn, f. 47, 3. Mais le fils prodigue n'est plus dans son 
pays; il est tombé si bas qu'il est devenu étranger à sa 
famille et à sa nation. Enfin, saint Pierre, parlant des 
faux docteurs qui, après avoir connu la vérité, enseignent 
le mensonge, leur applique le proverbe : « La truie vau- 
trée s'est lavée dans le bourbier. » II Pet., Il, 22. 
Horace, Ep., I, il, 26, dit de même, en unissant ensemble, 
comme l'Apôtre, le chien et la truie : 

Vixisset canis immundus, vel arnica luto sus. 

Sur le hâzir de Ps. lxxx (lxxxix), 14, voir Sanglier. 

4° Lorsque le Sauveur vint aux pays des Géraséniens 
(voir t. m, col. 204), et qu'il eut guéri un possédé dont 
le démon disait s'appeler « légion » (voir t. m, col. 159), 
pour indiquer que les esprits mauvais se trouvaient là 
en grand nombre, ces esprits demandèrent à être envoyés 
dans un troupeau de deux mille pourceaux qu'on fai- 
sait paître dans le voisinage. Le Sauveur le leur permit. 
Aussitôt les pourceaux, sous l'influence des démons, se 
précipitèrent du haut de la colline à pic dans le lac de 
Tibériade et y périrent tous. Matth., vm, 30-34; Marc, 
v, 9-20; Luc, vm, 30-39. Les évangélistes ne disent pas 
à qui appartenait ce nombreux troupeau. Que, contrai- 
rement à l'esprit de la Loi, il ait appartenu à un 
Juif, qu'il ait été gardé par des porchers juifs, ou bien 
qu'il ait eu pour propriétaire et pour gardien des étran- 

DICT. DE LA BIBLE. 



gers, Notre-Seigneur, qui commandait aux démons, 
n'en était pas moins le maître d'agir comme il le fit. 
Le troupeau, il est vrai, n'était pas en terre juive. Son 
voisinage n'en constituait pas moins une tentation ou 
une sorte de défi à l'égard des Israélites de l'autre rive 
du lac. Du reste, la perte était compensée par la sécu- 
rité rendue à la localité; car auparavant la fureur des 
possédés rendait le chemin impraticable. Matth., vin, 
28. — On a retrouvé à Jérusalem des tuiles portant 
l'estampille de la Legio X» Fretensis, qui, sous l'empe- 
reur Hadrien, campa à Gadara, non loin du pays des 
Géraséniens. Plusieurs de ces tuiles portent comme 
emblème un porc ou plutôt un sanglier (fig. 125). Cette 
représentation ne constitue pas, comme on l'a cru un 
moment, cf. Revue archéologique, 1869, t. xx, p. 259, 
une insulte à la nation juive ; car l'emblème du san- 
glier appartenait à plusieurs légions. Encore moins 
faut-il songer à chercher une relation quelconque entre 
la a légion » des démons se précipitant dans les porcs, 
et la Legio Fretensis ayant le porc ou le sanglier pour 
emblème. A l'époque évangélique, la X a légion campait 
en Espagne; elle ne vint en Judée que pour la cam- 
pagne de Vespasien. Tacite, Hist., v, 1. Cf. Revue 
biblique, 1900, p. 101-105. H. Lesêtre. 

PORC-ÉPIC, mammifère de l'ordre des rongeurs, 
qui, en dépit de son nom, n'a rien de commun avec le 




126. — Le porc-épic. 

porc, et se rapproche plutôt des lapins par sa taille et 
ses habitudes (fig. 126). Il est très inoffensif, malgré les 
piquants raides et aigus dont son corps est couvert. Ces 
piquants sont creux comme les tuyaux d'une plume, 
clairsemés et assez peu adhérents à la peau pour tomber 
souvent quand l'animal fait des mouvements brusques. 
Le porc-épic vit dans des terriers profonds. Il en sort 
la nuit pour chercher les graines, les racines, et même 
parfois les œufs et les petits oiseaux dont il se nourrit. 
— Le porc-épic n'est pas nommé dans la Sainte Écri- 
ture, bien que certains auteurs le croient désigné par 
le mot qippôd, comme le hérisson, avec lequel ses 
piquants lui donnent quelque ressemblance. Voir 
Hérisson, t. m, col. 609. Pourtant l'espèce hystrix 
cristata est fort commune en Palestine, dans les régions 
rocheuses et dans les gorges des montagnes. Elle 
abonde dans le voisinage de la mer Morte, dans la 
vallée du Jourdain et dans tous les endroits où les 
fentes des rochers peuvent lui ménager un abri. Le 
porc-épic n'a pas besoin d'eau; il peut vivre par con- 
séquent là où presque aucun autre mammifère serait 
incapable de résider. Il reste à dormir pendant l'hiver, 
et, le reste du temps, ne sort que la nuit. Aussi ne le 
rencontre-t-on pas vivant, excepté quand les Arabes 
réussissent à s'emparer de lui dans sa retraite. Celle-ci 
se reconnaît aux empreintes de pattes et au grand 

■V. - 18 



547 



PORC-EPIC 



PORTE 



548 



nombre de piquants qui jonchent le sol ; mais elle est 
bien trop enfoncée dans les fissures du rocher et bien 
trop étroite pour être accessible. Les Arabes n'ont pas 
trouvé le moyen de faire sortir le porc-épic de sa for- 
teresse. Sa chair est très estimée pour sa délicatesse, et 
ses piquants sont un objet de commerce à Jérusalem. 
Pour s'en emparer, on chasse l'animal pendant la nuit, 
au moment où il regagne son gîte avant le lever du 
soleil et on le met dans l'impuissance de s'échapper 
en le frappant à coups de bâton. D'autres fois, on dis- 
pose à l'entrée de son refuge des nasses de fil de fer. 
Pour se défendre, le porc-épic se roule en boule et 
darde ses piquants contre les assaillants qui ne peuvent 
l'atteindre sans se blesser cruellement. Cf. Tristram, The 
natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 125. 

Y\ r pcÈ'T'Rir 

PORFlRIANUSouPORPHYRIANUS(CODEX). 

Ce manuscrit, ainsi appelé du nom de son ancien 
possesseur, fut d'abord étudié et publié par Tischendorf 
dans ses Monumenta sacra inedita, t. v et VI, Leipzig, 
1865 et 1869. Il se trouve maintenant à la Bibliothèque 
impériale de Saint-Pétersbourg sous le numéro 225. 
C'est un palimpseste en écriture onciale du ix" siècle; 
il contient des fragments notables des Actes, desÉpîtres 
de saint Paul et de l'Apocalypse, mais une assez grande 
partie est à peu près illisible. L'écriture supérieure, 
datant de l'année 1301, comprend les Actes des Apôtres 
(315 act) et les Épîtres pauliniennes (474 paul); von 
Soden lui attribue le symbole a 463. — A cause de son 
état fragmentaire et de sa lecture difficile, le Porfiria- 
nus n'a été que peu utilisé par les critiques; son texte 
est d'ailleurs, au jugement de Hort, d'un type relative- 
ment récent. Le Porfirianus est désigné en critique 
par la lettre P, par le sigle a 3 dans la notation nou- 
velle de von Soden. — Voir Scrivener, Introduction, 
¥ édil., Londres, 1894, t. i, p. 172-173; Gregory, 
Textkritik des neuen Testaments, Leipzig, t. i, 1900, 
p. 102-103; von Soden, Die Schriften des neuen Tes- 
taments, Berlin, t. i, 1902, p. 216. F. Phat. 

PORPHYRION, oiseau de l'ordre des échassiers 
macrodactyles, appelé aussi poule sultane. Peu différent 




127. — Le porphyrion. 

delà poule d'eau, le' porphyrion est originaire d'Afrique 
et se fait remarquer par la belle couleur bleue de son 



plumage, sur lequel se détachent un bec rouge et des 
pattes rougeâtres (ftg. 127). — Les Septante ont traduit 
une fois par îtopçupiMv le mot tinSémét, qui désigne 
tantôt le caméléon, voir t. h, col. 90, tantôt un oiseau 
impur, le phorphyrion, d'après les Septante, le cygne, 
d'après la Vulgate, Lev., xi, 18, l'ibis, d'après les deux 
versions. Deut., xiv, 16. Voir Ibis, t. m, col. 801. Il est 
impossible de déterminer quelle est l'espèce visée par 
le législateur. Le porphyrion est commun sur le Nil 
et près des marais de la Palestine. Il se nourrit de 
toutes sortes de proies et, à ce titre, méritait de prendre 
place parmi les oiseaux impurs. Cf. Tristram, The na- 
tural history of the Bible, Londres, 1889, p. 250. 

H. Lesêtre. 
PORREAU. Voir Poireau, col. 489. 

PORTE (hébreu : dâldh, délét,môsd,pé(ah, tôUd'ôt, 
sa'ar; chaldeen : tera'; Septante : 6-jpa, itilr\, itvXiov, 




128. — Porle antique. Ptolémaïue. Musée judaïque du Louvre. 

èEiôo;; Vulgate : janua, porta, valva, ostium, fores), 
ouverture ménagée pour pénétrer dans une enceinte. 
Cette ouverture se compose d'une partie fixe, compre- 
nant le seuil, les montants et le linteau, et d'uneparlie 
mobile pivotant sur des gonds. Voir Gonds, t. 711, 
col. 275. La partie mobile peut être d'une seule pièce, 
s'articulant sur l'un des montants de la porte (%. 128), 
ou de deux pièces dont chacune s'articule sur un 
montant et dont la réunion clôt l'ouverture. Dans ce 
second cas, la porte est désignée par un mot au duel, 
delâtayim, ou au pluriel, deldfôf, fores, à cause de ses 
deux battants (fig. 131). Le nom de porte convient d'ail- 
leurs soit à la partie fixe de l'ouverture, soit à la partie 
mobile, soit à l'ensemble. 

I. Dans le sens propre. — 1° Différentes espèces 
de portes. — Les écrivains sacrés font mention des 
portes : 1. du Tabernacle, Exod., xxxv, 17 ; XL, 12, etc. ; 
— 2. du Temple, III Reg., vi, 31; IV Reg., ïii, 9; 
II Par., xxvm, 24; Ezech., vm, 5;x, 19; xli, 24;xliii, 



549 



PORTE 



550 



11; Mal., i, 10; Ps. xxiv (xxm), 7; cxvni (cxvn), 19, 
20; II Mach., vm, 33; Act., xxi, 30; etc.; voir Temple, 
— 3. des chambres du Temple, Ezech., xl. 38; xlii, 
11; I Mach., iv, 57; — 4. des temples païens, Bar., vi, 
17; Dan., xiv, 10; — 5. du camp Israélite, Exod., 
xxxn, 26, 27; — 6. des villes, Deut., m, 5; Jos., u, 5, 



^m 




129. — Porte avec g' ii 1^ il i rmeture d'un modèle de maison 
égyptienne. Brltish Muséum. D'après Wilkinson, Manners and 
customs of the anc. Egyptians, t. i, flg. 117, n. 2, p. 351. 

7; vi, 26; Jud., xvi, 3; I Reg., xxm, 7; III Reg., xxn, 
10; IV Reg., vu, 1; Judith, x, 6; Jer., xlix,31; Ezech., 
xlviii, 30; I Mach., xn, 38;'xin, 33; Act., xiv, 12, etc.; 

— 7. de Jérusalem, Ezech., xxvi, 2;IIEsd.,xni,19, etc.; 
voir Jérusalem, t. m, fig. 240-242, col. 1364-1365; — 

— 8. des maisons, Jud., xi, 21; Prov., v, 8; Marc, h, 
2; Luc, xvi, 20; Act., x, 17, etc.; — 9. des chambres, 
Jud., m, 23-25; — 10. des palais de Joseph en Egypte, 
Gen., xliii, 19, de David à Jérusalem, II Reg., xi, 9; 
xv, 2; du roi de Babylone, Dan., n, 49; du roi des 
Perses à Suse, Esth., n, 19; 21 ; iv, 2; v, 9, 13; vi, 10; 
de Caïphe, Matth., xxvi, 71; — 11. des lours, Jud., ix, 




130. — Porte égyptienne. 
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 123, p. 355. 

51; II Mach., xiv, 41; — 12. des prisons, Bar., vi, 17; 
Act., v, 19, 23; xvi,26, 27; — 13. des tombeaux, Matth., 
xxvii, 60; Marc, xv, 46; — 14. du jardin, Dan., xm, 
17; — 15. delà bergerie, Joa., 3, 1; — 16. de la four- 
naise, Dan., m, 93. — 17. de la ferme, Marc, xi, 4. 

2» Agencement des portes. — 1. Les portes des villes 
étaient de bois et formées de deux battants assujettis 
à l'intérieur par des barres. Voir t. i, fig. 453, col. 1468. 
La porte de Gaza, que Samson enleva pendant la nuit, 
avait chaque battant fixé à un poteau, jud., xvi, 3. Les 



villes qui possédaient des portes et des barres pouvaient 
se défendre et garder des prisonniers. 1 Reg., xxm, 7. 
Celles qui n'avaient ni portes ni barres étaient à la 
merci des assaillants. Jer., xlix, 31. Quand la ville 
était entourée de murailles assez épaisses, on pouvait 
ménager au-dessus de la porte une chambre de garde. 




131. 



— Portes égyptiennes fermées. Celle de gauche est close 
avec des verrous. 
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 121, p. 353. 



II Reg., xviii, 24, 33. Dans les sièges, on attaquait les 
portes parla cognée et par le feu et ensuite on renver- 
sait les montants qui les soutenaient. Lam., i, 4. — 2. 
Les portes du Temple de Salomon étaient fixées à des 
poteaux en bois d'olivier sauvage engagés dans la mu- 
raille; les battants se composaient de deux panneaux 




i ^^^i-^AtXni J1ZW&, ■> ',i 



?£Am.-,gilûi S'-vg^F 



132. — Porte égyptienne avec ornements et inscriptions. 
D'après Wilkinson, Manners, 1. 1, flg. 124, p. 356. 

en bois de cyprès, qui pouvaient se replier l'un sur 
l'autre. III Reg., VI, 34; Ezech., xli, 24. Les Chaldéens 
brûlèrent ces portes. IV Reg., xxv, 9. Cf. Ps. lxxiv 
(lxxiii), 3-7. Les portes du second Temple eurent le 
même sort. II Mach., vm, 33. — 3. Les portes des mai- 
sons et des chambres étaient aussi de bois, quelque- 



551 



PORTE 



552 



fois de bois de cèdre. Cant., vm, 9. Les monuments 
égyptiens nous ont conservé la représentation d'un 
grand nombre de portes. Le British Muséum possède 
le modèle d'une petite maison avec sa porte roulant 
sur des gonds (fig. 129). Voir Wilkinson, Manners, 
2° édit., 1. 1, fig. 117, p. 351. Les portes avaient naturelle- 
ment différentes formes (fig. 130), ibid., fig. 123, p. 355, 
et fermaient de diverses manières (fig. 131 ). Ibid., fig. 121, 
p. 353. Quelques-unes étaient très ornées (fig. 132). 
Ibid., fig. 124, p. 356. Quelquefois elles portaient un 
nom (fig. 133), ibid., fig. 115, n° 1, p. 346) ou Une ins- 
cription (fig. 134). Ibid., fig. 134, p. 362. Cf. Deut., xx, 
5. Les portes des maisons de Pompéi avaient générale- 
ment plusieurs battants, deux, trois et même quatre. 
Elles étaient divisées en panneaux et ornées de clous 
à grosse tête. Cf. H. Thédenat, Pompéi, Paris, 1906, 
t. i, p. 58. — 4. Les portes des tombeaux étaient souvent 
de pierre plus ou moins ornée. Voir t. m, fig. 41, 



c 





133. — Porte égyptienne, avec le nom de Remenkoprou 

(Thotmès III). 

D'après 'Wilkinson, Manners, 1. 1, fig. 115, p. 346. 

col. 205; fig. 56, col. 275. Cf. t. îv, fig. 392, 393, col. 1449, 
1450. D'autres fois, une simple, dalle fermait la porte. 
Voir t. m, fig. 268, col. 1478. — 5. Les portes de ber- 
gerie ne consistaient guère que dans une sorte de 
clayonnage suffisant pour arrêter les bêtes fauves. Voir 
t. il, fig. 611, col. 1987. — 6. Les portes de métal 
étaient plus rares. Il est probable qu'on s'en servait 
pour fermer les fournaises. Dan., ni, 93. Dans les pri- 
sons, où il fallait des fermetures particulièrement so- 
lides, on mettait des portes très épaisses. A Jérusalem, 
la porte extérieure était de fer. Act., xn, 10. — 7. La 
partie fixe des portes de temple, de palais ou de ville 
recevait une ornementation particulière en rapport 
avec sa destination. Voir t. i, fig. 68, col. 312 (égyp- 
tienne); t. h, fig. 246, col. 668 (assyrienne); fig. 587, 
col. 1845 (grecque), etc. 

3° Usage des portes. — 1. La porte tourne sur ses 
gonds, Prov.,xxvi,14. On l'ouvre, Jud., xix, 27; IV Reg., 
ix, 3; Act., xii, 14; Apoc., m, 20, ou on la ferme. Gen., 
xix, 10; Il Reg., xm, 17, 18; IV Reg., rv, 4, 5, 21, 33; 
Matth., xxv, 10, etc. Pour la fermer, on la fixe avec des 
barres, voir Babre, t. i, col. 1468, ou avec une clef qui 
peut être manœuvrée du dehors. Voir Clef, t. n, 
col. 800. Quant on veut être seul, à l'abri des dangers 
extérieurs, Is., xxvi, 20, pour prier, .Matth., vi, 6, ou 
pour se reposer, Luc, xi, 7; xm, 25, on ferme la porte 
sur soi; car d'ordinaire, elle restait ouverte, parce que 
c'était seulement par la porte qu'entrait la lumière 



dans les maisons les plus communes. Pour se faire 
ouvrir du dedans, on frappe à la porte. Jud., xix, 22; 
Act., xn, 13; Apoc, m, 20. — 2. Chez le roi Achis, à 
Geth, David, contrefaisant le fou, se heurtait contre les 
battants des portes, d'après la Vulgate (hébreu) : « il 
faisait des marques. » I Reg., xxi, 13. La porte était 
souvent assez légère ; écouter à la porte ce qui se disait 
à l'intérieur était une grossièreté. Eccli., xxi, 17. 
L'homme bien élevé s'arrêtait à la porte, même quand 
elle était ouverte; l'insensé entrait rapidement et se 
courbait dès la porte pour voir à l'intérieur. Eccli., 
xxi, 15, 16. — 3. La Loi ordonnait de placer sur la 
porte de la maison certains textes sacrés. Deut., vi, 9; 
xi, 20. Voir Mezdza, t. rv, col. 1057. Isaïe, lvii, 8, re- 
proche à celle qui veut _se conduire mal de reléguer 
derrière la porte et les poteaux son zikkarôn, « mé- 
morial », c'est-à-dire probablement sa mézuza, qui lui 
rappelle la loi de Dieu, ou, selon d'autres, ses amu- 
lettes idolâtriques, qu'elle veut dérober aux regards. — 
4. Quand un esclave voulait rester pour toujours au 




Porte égyptienne avec l'inscription 
r Belle maison. » 



D'après Wiliinson, Manners, t. i 



Pinofir, 
fig. 134, p. 362. 



service de son maître, celui-ci devait lui percer l'oreille 
contre la porte de la maison. Deut., xv, 17. Voir 
Oreille, t. iv, col. 1857. C'est devant la maison de son 
père qu'on lapidait la jeune femme que son époux 
n'avait pas trouvée vierge. Deut., xxn, 21. L'exécution 
ainsi faite entraînait une sorte d'infamie pour le père 
qui n'avait pas su garder sa fille et l'avait accordée en 
mariage sans savoir son état ou sans vouloir en tenir 
compte. — 5. A l'époque des Machabées, on brûlait de 
l'encens aux portes des maisons, en signe d'adhésion 
au culte idolâtrique. I Mach., l, 58. 

3° Les portes de la ville (fig. 135). — 1. EIIés étaient 
le lieu le plus passager à cause des entrants et des sor- 
tants. De plus, il était rare que les villes anciennes 
eussent des places spacieuses. Dans les villes entourées 
de murs, on utilisait pour les constructions tout l'es- 
pace disponible, afin de réduire au minimum la lon- 
gueur de l'enceinte à défendre. Le lieu de réunion le 
plus commode et le plus fréquenté était donc la porte 
de la ville. Là se tenaient les oisifs et les curieux, qui 
voulaient se distraire ou s'informer. Lot était assis à la 
porte de la ville de Sodome quand les deux anges y arri- 
vèrent. Gen., xix, 1. C'est là qu'on devisait sur le compte 
des uns et des autres. Ps. lxix (lxviii), 13. Jérémie, 
xvii, 19, reçoit l'ordre d'aller faire entendre ses oracles 
à la porte de la ville, pour qu'ils soient entendus des 
rois et des fils du peuple. On y tenait des marchés, 
IV Reg., v, 1, et, dans les temps d'idolâtrie, des hauts- 
lieux, c'est-à-dire de petits sanctuaires d'idoles, sur- 
montaient les portes, pour rappeler à tous le culte en 
honneur. IV Reg., xxiii, 8. La sagesse est représentée 



553 



PORTE 



554 



comme instruisant et invitant les hommes à la porte 
de la ville, Prov., i, 21; vm, 3; ix, 14, tandis que l'in- 
sensé était incapable de s'y faire entendre. Prov., xxiv, 
7. On amenait les malades à Notre-Seigneur à la porte 
des villes. Marc, i, 33. — 2. La porte de la ville cor- 
respondant en Orient à l'àfopdc grecque et au forum 
romain, on y passait les contrats, Gen., xxm, 18, et là 
se réunissaient les anciens auxquels on soumettait les 
affaires litigieuses. Deut., xxn, 15. On y faisait la re- 
nonciation 'publique au droit du lévirat. Deut.,xxv, 7; 
Ruth, iv, 11. Voir Lévirat, t. iv, col. 214. Dans le pays 
de Job, on écrasait à la porte, sans que personne les 
défendit, les fils de l'insensé, c'est-à-dire qu'on laissait 
à l'abandon et que l'on vouait au mépris la race de 
l'impie. Job, v, 4. Job lui-même venait siéger à la porte 
de la ville, sur la place publique, et se faisait vénérer 
de tous, parce qu'il prenait en main la cause de tous 
les infortunés, n'avait d'autre règle que celle de la jus- 
tice et réduisait l'injuste au silence et à l'impuissance. 
Job, xxix, 7-17. Il n'eût jamais profité de la faveur d'un 
juge pour accabler le faible. JoB, xxxi, 21. Il est re- 
commandé de ne pas opprimer le malheureux à la 



royale, parce que la porte donne accès au siège de cette 
puissance. Chez les Perses, al 8jpas, « les portes, » dési- 
gnaient la cour, Xénophon, Cyroped,, I, m, 2, et dans 
l'inscription de Behistoun, col. n, 13, Darius emploie 
le terme duvarayâmai, « dans ma porte ». L'usage du 
mot « porte », pour parler de la puissance souveraine, 
s'est conservé en Turquie, « la Porte », comme ailleurs 
l'usage des mots « cour, chambre, cabinet », etc., qui 
indiquent une autorité par le nom de l'endroit où elle 
s'exerçait jadis. En ce sens doivent s'entendre les pa- 
roles de Notre-Seigneur, déclarant que « les portes de 
l'enfer ne prévaudront pas contre son Église». Matth., 
xvi, 18. Ces portes de l'enfer ne sont autre chose que 
la puissance satanique qui sans cesse attaquera l'Église 
sans jamais pouvoir triompher d'elle. 

II. Dans le sens figuré. — 1° Les écrivains sacrés 
assimilent à une porte tout ce qui peut permettre ou 
empêcher un accès. Le» portes du pays sont les endroits 
par lesquels les ennemis peuvent l'envahir. Jér., xv, 1; 
Nah., m, 13. Le Seigneur ouvre devant Cyrus toutes les 
portes des nations, afin qu'il s'en rende maître. Is.,xlv, 
4. — Le rivage est comme une porte qui enferme la 
ixyïv. îob v xxxvui, 8, 10. Le ciel s'ouvre comme une 




135. — Portes assyriennes. 
D'après Smith, Dict. of the Bible, t. r, au mot Gâte, et Layard, The Monuments of Nineveh, part. I, p. 



l'époux de la femme forte siège avec honneur parmi 
les anciens du pays. Prov., xxxi, 23. Isaïe, xxix, 21, 
s'élève contre ceux qui tendent des pièges à l'homme 
juste qui les confond à la porte et le perdent par leurs 
mensonges. Amos, v, 10, 12, 15, constate la haine dont 
les oppresseurs du peuple poursuivent les hommes in- 
tègres à la porte, et le tort qu'ils y font aux justes et 
aux pauvres; il veut que le droit y règne. Après la 
prise de Jérusalem, les vieillards ne purent continuer 
de se réunir à la porte. Lam., v, 14. — 3. Quand les 
jugements étaient rendus, c'est encore à la porte de 
la ville qu'on exécutait les sentences. On y lapidait. 
Deut., xvii, 5; xxn, 24. Le Sauveur fut mis en croix à 
la porte de Jérusalem. Heb., xm, 12. A Suse même, 
Aman fut pendu à la porte de la ville. Esth., xvi, 18. 
— 4. Par extension, les portes sont prises pour les 
villes elles-mêmes. L'expression « dans tes portes », 
qui revient si souvent, surtout dans le Pentateuque, 
.signifie « dans tes villes ». Deut., xii, 12; xiv, 27;xvn, 
2, etc,; III Reg., vin, 37; II Par., vi, 28. Dieu affermit 
les verrous des portes de Jérusalem, c'est-à-dire for- 
tifie et protège la ville. Ps. cxlvh, 13. Les portes de 
Sion gémiront, c'est-à-dire la ville sera plongée dans le 
deuil. Is., m, 26. Rendre la justice dans ses portes, 
c'est la rendre dans ses villes. Zach., vin, 16. II est 
promis à Abraham que sa postérité possédera « la 
porte de ses ennemis ». Gen., xxn, 17. La porte repré- 
sente ici la puissance des ennemis, de même qu'elle 
représente la fore; d'une ville, l'autorité qui s'exerce 
à Ta porte et la ville elle-même. La « porte du roi », 
■dans Daniel, n, 49, fera' malkd', et dans Esther, m, 2, 
3; rv, 2; v, 9, Sa'ar ham-mâlék, désigne la puissance 



porte pour laisser tomber la pluie. Ps. lxxviii (lxxvii), 

23. Jérusalem est la porte des peuples, Ezech., xxvi, 2, 
toujours ouverte afin qu'on puisse par là arriver au sa- 
lut promis. Is., lx, H, 18. Les portes du Liban sont 
l'endroit par où l'incendie viendra dévorer les cèdres. 
Zach., xi, 1. On appelle « porte du ciel » un lieu sanc- 
tifié par une communication divine, Gen., xxvin, 17, 
et l'accès même du ciel aperçu en vision, Apoc.,iv, l,et 
« porte de la mort » ou « du schéol » toutes les causes 
qui acheminent vers le tombeau. Job, xxxviir, 17; 
Ps. ix, 15; cvii (evi), 16, 18; Is., xxxvm, 10; Sap., xvi, 
3. — Par une figure plus hardie, on parle de la porte 
du sein maternel, Job, m, 10, de la porte que forme la 
gueule du crocodile, Job, xu, 6, et de la porte de? lè- 
vres, à laquelle il faut mettre une garde sévère. Ps. cxli 
(cxl), 3; Eccli., xxvm, 28. Dans le Cantique, vin, 9, 
l'Épouse est comparée à une porte qu'on fermera avec 
des panneaux de cèdre, c'est-à-dire qu'on défendra 
contre toute tentative. 

2» Différentes locutions proverbiales empruntent l'idée 
de porte. Être à la porte de quelqu'un, c'est être tout 
près de lui pour le menacer ou l'assister. Gen., iv, 7; 
Matth., xxiv, 33; Marc, xm, 29; Apoc, m, 20. Veiller 
ou écouter à la porte de la sagesse, c'est se montrer 
attentif à ses enseignements. Prov., vm, 34; Eccli., xiv , 

24. User le seuil de la porte d'un homme sage, c'est 
aimer à le fréquenter pour profiter de ses leçons et de 
ses exemples. Eccli., vi, 36. Devant une pareille porte, 
les impies eux-mêmes s'inclinent, c'est-à-dire sont forcés 
de rendre quelque hommage à la vertu. Prov., xiv, 19. 
Par contre, faire le guet à la porte du prochain indique 
parfois des projets criminels. Job, xxxi, 9. 



555 



PORTE 



PORTIER 



556 



3° La « porte de la foi » est la facilité que Dieu mé- 
nage aux hommes pour qu'ils se convertissent à l'Évan- 
gile. Act., xiv, 26. Saint Paul aime à appeler « porte 
ouverte » toute occasion favorable qui se présente à lui 
d'annoncer Jésus-Christ. I Cor., xvi, 9; II Cor.,n, 12; 
Col., iv, 3; cf. Apoc, m, 8. La « porte du salut », celle 
qui mène à la vie éternelle, est une porte étroite par la- 
quelle on ne passe pas sans de sérieux efforts. Matth., vu, 
13; Luc, xiii, 24. — Notre -Seigneur déclare qu'il est 
lui-même la porte qui donne accès dans la bergerie ; si 
on entre par cette porte, on est sauvé. Joa., x, 9. Le 
divin Maître, en effet, aide les âmes par sa grâce à 
entrer dans l'Église et par l'Église dans le ciel. — 4° La 
Jérusalem régénérée, image de la Jérusalem céleste, a 
aussi des portes. Isaïe, liv, 12, dit qu'elles sont d'escar- 
boucles. Voir t. n, col. 1907. Tobie, xiii, 21, les voit 
« bâties de saphirs et d'émeraudes ». Saint Jean les dé- 
crit avec détail. La Jérusalem céleste a douze portes, 
portant chacune le nom d'une des douze tribus. Cha- 
que porte est formée par une seule perle, enchâssée 
dans les pierres précieuses qui forment la muraille. 
Comme il n'y a point de nuit, il n'est pas nécessaire de 
fermer ces portes. Apoc, xxi, 12, 21, 25. Sous ces 
figures de pierres précieuses et de perles, les auteurs 
sacrés veulent décrire les merveilles que Dieu opérera 
dans son Église par la grâce et dans le ciel par la 
gloire dont il environnera les saints. 

H. Lesêtre. 

2. PORTES DE JÉRUSALEM. Voir JÉRUSALEM, t. III, 
col. 1364. 

PORTIER (hébreu : sô'êr; chaldéen : tard' ; Sep- 
tante : mjXtagôç, tlvpwpd;; Vulgate : janitor, ostiarius, 
portarius), préposé à la surveillance d'une porte. 

I. Portiers du Temple. — 1° Des prêtres et des lévites 
avaient été chargés autrefois de tout ce qui concernait 
le service du Tabernacle. Num., xvm, 4. Il y en avait 
donc nalurellement parmi eux qui devaient veiller sur 
la porte. Ce service, d'après l'institution de Samuel et 
de David, comprenait 212 lévites. Ceux-ci se tenaient 
aux quatre côtés du Tabernacle et avaient à l'ouvrir 
chaque matin. La surveillance des chambres et des tré- 
sors de la maison de Dieu rentrait dans leurs attribu- 
tions. Quatre chefs les commandaient. Les portiers ré- 
sidaient dans les villages environnants; mais un roule- 
ment était établi entre eux pour faire à tour de rôle un 
service hebdomadaire. Les portiers de semaine logeaient 
auprès du Tabernacle. I Par., ix, 17-27. — Quand l'Arche 
eut été transférée à Jérusalem, David adjoignit à Bara- 
chias et Elcana, qui étaient portiers de l'Arche, deux 
autres portiers, Obedédom et Jéhias. A ces fonction- 
naires incombait la surveillance de l'entrée de la tente 
qui abritait l'Arche. I Par., xv, 23, 24. Obedédom et 
Hosa furent ensuite chargés de ce service avec 68 lévites. 
I Par., xvi, 38. En vue du service du Temple projeté, 
David régla que, sur les 24000 lévites chargés de rem- 
plir les différents offices, 4000 seraient portiers. I Par., 
xxiii, 5. Ils étaient partagés en différentes classes, sous 
les ordres de chefs appartenant à la descendance de 
Coré et de Mérari. Le sort désigna les portes qu'ils 
auraient à surveiller. A Obedédom échut le côté du 
midi, et à ses fils la maison des magasins; à Séphim et 
à Hosa le côté de l'occident; à Sélémias, le côté de 
l'orient et à Zacharie le côté du nord. Quatre portiers 
devaient être de garde chaque jour au midi, à l'occident 
et au nord, six à l'orient, quatre aux magasins et deux 
aux dépendances à l'occident, soit en tout vingt-quatre 
pour chaque journée. I Par., xxvi, 1-19. Les 4000 lé- 
vites chargés des portes se relayaient poiir ce service. 
Ils passaient la nuit à leur poste et, pendant le jour, 
surveillaient les entrées et les sorties. Chacun des 
vingt-quatre postes occupait naturellement plusieurs 
gardiens dans le cours d'une même journée, et il est 



probable, quoique les textes ne le disent pas, que 
chaque semaine l'effectif des portiers était changé. 
Quand le Temple fût bâti, Salomon, se conformant aux 
dispositions prises par son père, « distribua les por- 
tiers à chaque porte d'après leurs classes, » c'est-à- 
dire d'après l'attribution que le sort avait assignée à 
chaque famille. II Par., vm, 14. 

2» Sous Joas, le grand-prêtre Joïada eut à réorganiser 
le service du Temple, en partie supprimé sous les 
règnes précédents. Il rétablit des portiers aux entrées 
du Temple, avec ordre de ne laisser entrer personne 
qui eût quelque souillure. II Par., xxm, 19. — Sous 
Ézéchias, le lévite Coré, gardien de la porte orientale, 
était en même temps préposé aux dons volontaires et 
chargé de distribuer aux prêtres, même en dehors de 
Jérusalem, ce qui était offert au Seigneur. II Par., xxxi, 
14. Les chefs des portiers étaient donc des personnages 
considérables, ayant la responsabilité de services assez 
délicats. — Sous Josias, les portiers recueillaient l'ar- 
gent qu'on apportait pour la restauration du Temple 
et le remettaient aux intendants. II Par., xxxiv, 9, 13; 
IV Reg., xxn, 4. Ils furent chargés aussi de rejeter 
hors du Temple tout le mobilier idolâtrique dont on 
l'avait souillé. IV Reg., xxm, 4. A la Pâque solennelle 
que Josias fit célébrer, il fut enjoint aux portiers de ne 
pas quitter leur poste et des lévites furent chargés de 
préparer pour eux la Pâque. II Par., xxxv, 15. — A la 
prise de Jérusalem par les Chaldéens, le général vain- 
queur prit un certain nombre de notables de la ville, 
entre autres trois portiers, que Jérémie, xxxv, 4 ; lu, 
24, appelle « gardes du seuil » ; il les conduisit à Nabu- 
chodonosor, qui les fit mourir à Réblatha. IV Reg., 
xxxv, 18. 

3° Après la captivité, 139 lévites portiers revinrent 
avec Zorobabel. I Esd., n, 42, 70; II Esd., va, 46. 
D'autres accompagnèrent Esdras un peu plus tard. 

I Esd., vu, 7, 24. Trois d'entre eux avaient pris des 
femmes étrangères et durent s'en séparer. I Esd., x, 
24; II Esd., x, 28. Quand il fallut repeupler Jérusalem, 
on compta 172 portiers qui s'y établirent. II Esd., xi, 
19. A cette époque, les chefs des portiers du Temple 
étaient au nombre de six. II Esd., xn,25. Les portiers 
avaient part aux distributions des dîmes qui étaient 
versées par les Israélites, et remplissaient leurs fonc- 
tions conformément au règlement établi par David. 

II Esd., xii, 44, 46 ; xm, 5. — Ézéchiel, xliv, 11, prévoit 
aussi, dans son Temple idéal, des lévites chargés des 
portes. 

4° Dans le second Temple, il n'y avait plus que vingt 
et un postes de gardiens, au lieu de vingt-quatre. Mais, 
à chaque poste, dix lévites étaient de garde, et, chaque 
nuit, 240 lévites et 30 prêtres veillaient sur le Temple. 
Cf. Ps. cxxxin (cxxxiv); Tamid, i, 1; Middoth, i, 1; 
Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 118. Un 
fonctionnaire supérieur faisait des rondes nocturnes dans 
le Temple, sous la surveillance d'un intendant spécial. 
Cf. Schekalim, v, 1. D'après Josèphe, Cont. Apion., h; 
9, vingt hommes étaient employés à la fermeture, et il fal- 
lait les efforts de ces vingt hommes réunis pour ouvrir la 
porte orientale du sanctuaire, qui était toute de bronze 
et d'un poids énorme. Cf. Bell, jud., VI, v, 3. Les Juifs 
prétendaient que la porte principale du Temple grin- 
çait si fort quand on l'ouvrait, que le bruit s'en enten- 
dait jusqu'à Jéricho. Cf. Tamid, m, 8. On ouvrait les 
portes à la pointe du jour et on les fermait le soir à 
son déclin. Pendant les fêtes de la Pâque, on les ou- 
vrait dès le milieu de la nuit, cf, Josèphe, Ant. jud. r 
XVIII, il, 2, et à la Pentecôte les prêtres venaient la 
nuit pour remplir leurs fonctions. Cf. Bell, jud., VI, 
v, 3; Yoma, i, 8. — Les portiers surveillaient aussi 
ceux qui pénétraient dans le Temple et dans ses par- 
vis. Ils laissaient pénétrer dans le premier parvis tous 
ceux qui se présentaient, même les étrangers, mais non 



557 



PORTIER — PORTIQUE 



558 



les femmes en état d'impureté légale. Le parvis des 
femmes n'était ouvert qu'aux Israélites et le parvis 
d'Israël qu'aux hommes seuls, à l'exclusion de ceux et 
celles qui n'étaient pas légalement purifiés. Cf.Josèphe, 
Cont. Apion., n, 8. Les portiers ne remplissaient pas 
toujours leur office avec le soin requis et beaucoup d'Is- 
raélites trouvaient plus commode de traverser le grand 
parvis que de contourner l'enceinte du Temple pour al- 
ler du nord au sud de la ville. Notre-Seigneur intervint 
pour défendre de transporter différents objets à travers 
le Temple. Marc, xi, 16. 

5° L'importance des portiers dans l'ancien Temple et 
la nécessité de leur fonction ont déterminé l'Église à 
instituer aussi des portiers parmi ses ministres. L'ordre 
d'ostiarius est le moins élevé des ordres mineurs. Les 
portiers avaient à veiller sur ceux qui entraient pour 
assister aux réunions liturgiques et à prendre soin^de 
l'ordre dans l'église, de la garde de différents objets, etc. 




137. — Soldats égyptiens gardant la porte d'un campement. 
D'après Lepsiua, DenkmàUr, Abth. III, Blatt. 154. 

Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes, Paris, 
1877, p. 659. 

IL Autres portiers. — 1" Ii est plusieurs fois question 
de portiers veillant sur les portes d'une ville. Mais ces 
portiers étaient plutôt des gardes postés en cet endroit 
en cas d'alerte ou de guerre (fig. 137). Tels étaient les 
gardes des portes de Sa marie assiégée, IV Reg., vu, 10, 11, 
et ceux de Jérusalem, à l'approche des Chaldéens. Jer., 
xxxvii, 12. — Pour assurer le respect de la Loi, Néhémie 
posta des gardes aux portes de Jérusalem, avec ordre de 
les tenir fermées le jour du sabbat, pour empêcher les 
marchands tyriens d'entrer et de vendre. II Esd., xm, 19. 
— 2° Des portiers gardaient la porte des palais. Mardo- 
chée surprit le complot que tramaient deux gardiens de 
la porte du palais de Suse. Esth., n, 21 ; su, 1. A l'en- 
trée de la cour du palais de Caïphe, il y avait une por- 
tière qui, par ses propos, contribua à la chute de saint 
Pierre. Joa., xvm, 16, 17. — 3° Les maisons de quel- 
que importance avaient des portiers. En quittant sa 
maison, le maître commande au portier de veiller. Marc, 
xm, 35. A la maison de Marie, mère de Jean Marc, une 
servante, du nom de Rhodé, entendit saint Pierre frap- 
per à la porte du vestibule et ne songea pas à lui ouvrir. 
Act., xn, 13, 14. — 4» Le portier de la bergerie est le 
gardien qui veille sur le troupeau pendant la nuit et 
ouvre au vrai pasteur, quand celui-ci se présente. Joa., 
x, 2, 3-50. On lit dans Job, xxxvii, 17 : 

Les portes de la mort ont-elles été ouvertes devant toi? 
As-tu vu les portes des ténèbres? 

Il est question de portes dans les deux vers. Dans le 



second, les Septante lisent iruXtopoî, ce qui donne au 
parallélisme une forme bien préférable : 

Les portiers de l'Hadès ont-ils eu peur à ta vue? 

Cf. Dhorme, Le séjour des morts chez les Babyloniens 
et les Hébreux, dans la Revue biblique, 1907, p. 68. 
Dans le poème babylonien de lu Descente d'Istar aux 
enfers, il y a aussi un portier, pêtû, préposé à la garde 
des différentes portes. Sur la menace que fait Istar 
d'enfoncer la première porte si on ne la lui ouvré, 
le portier va avertir la déesse infernale et ensuite 
ouvre à Istar les sept portes successives de l'enfer. 
Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, 
p. 327-333. — Sur les portiers de prison, voir Geôlier, 
t. m, col. 193. H. Lesètre. 

PORTIQUE (hébreu : 'ûlâm, ou 'uldm, mûsâk, 
parbâr; Septante : aîXâfi, vao;, <7Toâ; Vulgate : porïi- 
cus, vestibulum), construction ordinairement composée 
de colonnes et d'un toit servant d'abri, destinée à orner 
l'entrée d'un édifice, le pourtour d'une cour où il sert 
contre la pluie et le soleil, etc. — 1» La première 
mention d'une sorte de portique se trouve dans les 
Juges, m, 23.' Il y est dit qu'Aod, après avoir tué Églon, 
roi de Moab, sortit par le misderôn. On fait venir le 
mot de sâdâr, « série » ; il désigne probablement une 
série de colonnes formant vestibule à la maison. Les 
Septante traduisent par npootâç, « vestibule » ; la Vul- 
gate ne rend pas le mot hébreu. Le portique de la mai- 
son d'Églon était sans nul doute fort simple. — 2° Le 
Temple de Salomon avait des portiques dont David 
avait laissé le plan. I Par., xxvm, 11. Sur les mots par- 
bâr et parvàrîm, pharurim, que plusieurs expliquent 
comme signifiant portiques, voir Pharurim, col. 220. 

— 3° Le portique du Temple porte ordinairement le 
nom de 'ûlâm, que les Septante reproduisent à peu 
près sans le traduire : aîXâjx. Le portique avait 20 cou- 
dées de largeur, 10 de profondeur et 120 de haut. 
III Reg., vi, 3; II Par., m, 4. Ce dernier chiffre est 
manifestement fautif, car le Temple lui-même n'avait 
que 30 coudées de haut. III Reg., vi, 1. D'après la des- 
cription qui en est fournie, ce portique occupait la façade 
même de l'édifice sacré. L'autel s'élevait en face de ce 
portique. II Par., vm, 12; xv, 8. Les rois impies le fer- 
mèrent; Ézéchias le purifia et le rendit à sa destination 
primitive. II Par., xxix, 7. Les prêtres se tenaient entre 
le portique et l'autel pour prier et demander pardon 
au nom du peuple. Joël, h, 17. Ézéchiel, XL, 7-17, pré- 
voit également des portiques dans son Temple idéal. — 
Sur l'espèce de portique construit par Achaz et appelé 
mûsak, IV Reg., xvi, 18, voir Musach, t. iv, col. 1345. 

— 4° Salomon orna aussi son palais de portiques : por- 
tique à colonnes, long de 50 coudées et large de 30, 
ayant en avant un autre portique avec des degrés, por- 
tique du trône, portique du jugement, portique de sa 
maison d'habitation et portique de la maison de la 
reine. III Reg., vu, 6-8. Voir Maison du Bois-Liban, 
t. iv, col. 597. — 5° Dans le Temple d'Hérode, des por- 
tiques occupaient les côtés du grand parvis des gentils, 
et en faisaient le tour, à l'exception de la partie occu- 
pée par la forteresse Antonia. Ces portiques formaient 
deux allées parallèles, au moyen de trois rangées de 
colonnes, dont la troisième était engagée dans la mu- 
raille même de l'enceinte. Le portique du midi, ou por- 
tique royal, avait une rangée de colonnes de plus et 
formait par conséquent trois allées. Les colonnes étaient 
de marbre blanc et avaient 25 coudées de haut. Des lam- 
bris de cèdre recouvraient les portiques. L'espace ainsi 
protégé contre la pluie et le soleil était de 30 coudées de 
large. Dans le portique royal, les deux allées latérales 
avaient 30 pieds de large et 50 de haut, celle du milieu 
45 pieds de large et 100 de hauteur. Cf. Josèphe, Ant. 
jud., XV, xi, 5 ; Bell, jud.,- V, v, 2. Ces portiques furent 



559 



PORTIQUE — PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



560 



incendiés à l'époque d'Archélaûs, pendant une sédition 
des Juifs contre les Romains. Cf. Joséphe, Ant. jud., 
XVII, x, 2. On les reconstruisit ensuite. Le portique situé 
à l'est et faisant face au Temple proprement dit s'appe- 
lait portique de Salomon.On se réunissait sous ces por- 
tiques pour converser, les docteurs y entretenaient 
leurs disciples. Un jour d'hiver, Jésus se promenait 
sous le portique de Salomon et les Juifs se rassemblèrent 
autour de lui. Joa., x, 23. Sous ce même portique, le 
peuple se réunissait plus tard autour de Pierre et de 
Jean, pour écouter leur prédication, Act., m, II, et les 
premiers fidèles se tenaient ensemble pour prier et 
entendre les Apôtres. Act., v, 12. — Sur la piscine Pro- 
batique et ses cinq portiques, Joa., v, 2, voir Bethsaïde, 
t. i, col. 1723. H. Lesêtre. 

fJPORTIUS (grec : FUpxioç; Vulgate : Portius), no- 
men gentilitium de Festus, procurateur de Judée. 
Act., xxxiv, 27. Voir Festus, t. n, col. 2116. 

PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. 

La nationalité, portugaise commença à se constituer 
à la fin du XI e siècle et, quoique le peuple eût déjà 
depuis longtemps son idiome particulier, formé des 
langues parlées par ceux dont il tirait son origine, les 
recherches les plus anciennes attestent que, même 
parmi les Portugais, jusqu'au commencement du 
xiv e siècle, les versions connues ou usitées des 
Saintes Écritures étaient en espagnol ou en une autre 
langue étrangère. 

I. Premières versions portugaises. — On doit au 
savant archevêque d'Évora (Portugal), D. Fr. Fortunato 
de S. Boaventura (f 1844), deux importantes publica- 
tions qui nous fournissent des renseignements et des 
documents sur les origines des versions portugaises 
des Écritures. Le premier de ces travaux a pour titre : 
Memoria sobre o começo, progressa e decadencia da 
litteratura hebraica entre os portugueses catholicos 
romanos et a paru dans le t. ix des Mémoires de l'Aca-, 
demie royale des sciences de Lisbonne. Un écrivain 
du xvi e siècle, Jacob Flavio d'Evora, suivi au xvm e siècle 
par Diogo Barbosa Machado, dans sa Bibliotheca Lusi- 
tana, et par d'autres savants, avait raconté qu'un évêque, 
supposé ou douteux, d'Evora, appelé Gaston de Fox, 
avait traduit la Bible en langue arabe et que le roi 
D. Diniz l'avait fait traduire de l'arabe en portugais. 
Fortuné de Saint-Bonaventure a démontré par des 
raisons si solides la fausseté de ce récit que le 
célèbre bibliographe du siècle dernier, Innocencio 
Francisco da Silva, dont l'autorité est universellement 
reconnue," déclare dans son Diccionario bibliographico, 
articles P e Francisco Recreio et Gastào de Fox, que 
l'existence de cette prétendue version est inadmissible 
au tribunal de la critique. 

La seconde publication de Fortuné de Saint-Bona- 
venture est une Collecçâo de Inédites Portuguezes dos 
seeufos xiv et sv, 3 in-8°, Coimbre, 1829, imprimerie 
de l'Université. Cette collection est la reproduction 
fidèle de Manuscriptos do Mosteiro de Alcobaça. Dans 
le tome I er (de 317 p.) on trouve entre autres, une 
Traducçâo do livro dos Actos dos Apostolos; dans le 
t. n (de xv-299 p.), Historias d'abreviado Testamento 
Velho, segundx) o Meestre das Historias scolasticas, e 
segundo outros que as abreviarom, e com dizeres 
à"artyeœf <?&et<?r&r e sabedores (depuis Je commence- 
ment de la Genèse jusqu'à la fin du second livre des 
Rois); dans le t. m (de 232 p.), sous le même titre, 
l'histoire se continue depuis le troisième livre des Rois 
jusqu'au secondlivre des Machabées, aveedes additions 
tirées de l'historien Josèphe. Le manuscrit des Histo- 
rias est de l'an 1320 et du règne du roi de Portugal 
D. Diniz. Fortuné de Saint-Bonaventure, dans son 
Historia chronologica e [critica da Real Abbadia de 



Alcobaça, a fait ressortir le mérite et l'utilité de cette 
œuvre, et Innocent da Silva, dans son Diccionario, 
notice sur la Collecçâo, les avantages qu'on peut en 
lirer pour l'étude archéologique et philologique de la 
langue. Comme on ne peut constater l'existence d'au- 
cune version portugaise d'un livre biblique antérieure 
au règne de D. Diniz, comme on n'a non plus aucune 
preuve que ce roi ait fait faire awcune autre traduction, 
même abrégée, c'est aux moines d'Alcobaça, auteurs 
de la version des Actes des Apôtres et de l'histoire 
abrégée de l'Ancien Testament, que revient l'honneur 
d'avoir été chronologiquement les premiers traducteurs 
de la Bible en langue portugaise. 

Fernào Lopes, surnommé le patriarche des histo- 
riens portugais, rapporte dans le prologue de la se- 
conde partie de sa Chronica d'el Rei D. Joâo h, qui 
régna de 1385 à 1433, que ce monarque « fit traduire 
par de grands lettrés, en langue (portugaise), les Évan- 
giles, les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul, 
ainsi que d'autres livres spirituels des saints ». Quels 
furent les « lettrés » qui exécutèrent ce travail, de 
quelle manière ils accomplirent leur tâche, où se 
trouvent ces versions, Fernand Lopes ne le dit pas et 
ceux qui sur son témoignage ont reproduit cette notice 
ne le disent pas davantage. D. Fr. Manuel do Cenaculo 
Villas-Boas, dans son livre Cuidados Utterarios do 
Prelado de Beja em graça de seu bispado, p. 64, dé- 
clare seulement qu'il a eu en sa possession une tra- 
ducçào historiada do Antigo Testamento manuscrite, 
faite au xv e siècle en portugais de l'époque par un 
théologien savant et versé dans la connaissance de la 
langue hébraïque, et il ajoute qu'à la date à laquelle 
il écrit (son livre fut imprimé en 1788) il ne sait pas 
autre chose sur cette traduction. 

Il convient de mentionner ici la version faite par le 
jurisconsulte Gonçalo Garcia de Santa Maria. Diogo 
Barbosa, dans le t. n de la Bibliotheca Lusitana, dit 
qu'elle a pour titre Epistolas e Evangelhos que se can- 
tam no decurso do anno, et qu'elle fut imprimée 
in-folio, en lettres gothiques, en 1479, sans indication 
de lieu. Antonio Bibeiro dos Santos, qui vivait de 1745 à 
1818, en parle aussi dans Memoria de algumas traduc- 
çôes biblicas menas vulgares em lingua portugueza, 
qui a paru dans le t. vu des Memorias de Litteratura 
Portugueza, publié par l'Académie royale des sciences 
de Lisbonne. Il est vrai que le bénéficier Francisco 
Leitào Ferreira (1667-1735), dans ses Noticïas Chrono- 
logicas da Universidade de Coimbra, dit que Gonçalo 
Garcia était originaire de Saragosse (Espagne) et qu'on 
ne connait de lui qu'une version en castillan de 138 
pages, imprimée en caractères gothiques. Barbosa et 
Bibeiro dos Santos, s'en rapportant à cette information, 
ont rétracté ce qu'ils avaient écrit avant de la connaî- 
tre. Toutefois leur rétractation a été trop prompte 
et elle n'est pas fondée sur des raisons suffisantes. Les 
langues parlées dans les deux pays ont une source com- 
mune et elles ont entre elles grande affinité et ressem-, 
blance ; Portugais et Espagnols des classes instruites 
cultivaient l'une et l'autre, la leur et celle de la nation 
voisine, de sorte qu'il y avait des Portugais qui 
écrivaient en espagnol, comme le rabbin Duarte Pinhel, 
qui, de concert avec le castillan Jacques de Vargas et 
d'autres, composa en cette langue une version de la 
Bible (Ancien Testament) éditée par Abraham Usque 
et connue sous le nom de Bible de Ferrare, parce 
qu'elle fut imprimée dans cette ville en 1553. Il y eut 
aussi des Espagnols qui écrivirent en portugais et de 
ce nombre fut Gonçalo Garcia de Santa-Maria. Innoc ent 
da Silva, dans son Diccionario, article Gonçalo Garcia, 
rapporte que le 21 mai 1866 le libraire Bertrand lui 
montra un livre in-folio, en caractères gothiques, où 
manquaient le frontispice et le dernier ou les der- 
niers feuillets, mais où, au haut du premier feuillet, le 



561 



PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



562 



titre constatait que c'étaient les Epistolas e Evangëlhos 
em portuguez par Gonçalo Garcia de Santa Maria, 
Da Silva n'affirme point que c'était l'édition de 1479, 
citée dans Je tome n de la Bibliotheca Lusitana, 
puisque le livre ne contenait ni frontispice ni suscrip- 
tion finale avec la date de l'impression, mais il dit qu'il 
n'a pas de doute que, s'il n'était du xv e siècle, il doit 
être au moins du commencement du xvi e . Pour se rendre 
compte que c'était un livre différent de celui dont 
parle Ferreira Leitào, il suffit à Da Silva de constater 
que celui que mentionne Leitâo avait 138 pages, tan- 
dis que celui que vendit le libraire Bertrand en avait 
plus de 400, sans compter celles qui étaient perdues- à 
la fin. 

A peu près contemporaine de la version de Gonçalo 
Garcia fut celle de D. Philippa de Lancastre, fille de 
l'infant D. Pedro et petite-fille de D. Joào I". Elle vécut 
de 1435 à 1497 et acheva ses jours dans le couvent des 
religieuses cisterciennes d'Odivellas. Le premier qui 
mentionne cette traduction est Jorge Cardoso (1606- 
1669) dans VAgiologio Lusitano, au 11 février, la lettre 
A. Elle a été citée depuis par le théatin D. Antonio 
Caetano de Sousa (1674-1759) dans le t. il de VHistoria 
Genealogica da Casa Real, et par Diogo Barbosa dans 
le t. il de la Bibliotheca Lusitana. D'après ces auteurs 
cette version, faite sur une traduction française, ren- 
ferme les Evangelhos e Homilias de todo o anno. Les 
deux premiers, et Antonio de Figueiredo, dans la Pré- 
face générale de sa traduction de la Bible, nous 
apprennent que, de leur temps, cette œuvre se conser- 
vait encore dans le monastère des Cisterciennes d'Odi- 
vellas. Augusto Soares d'Azevedo Barbosa de Pinho 
Leal, parle aussi de ce travail, en 1875, dans le t. vi de 
son Portugal Antigo e Moderno, au mot Odivellas. 
« D. Philippa, dit-il, écrivit un manuscrit et l'orna de 
belles miniatures; c'est un ouvrage de grand mérite, 
qu'elle donna au monastère ; il existe encore. » Sur le 
degré d'instruction de la princesse, le même auteur 
ajoute : « Dirigée par son père dans son éducation, elle 
connaissait à fond le latin et le français et elle a laissé 
des œuvres écrites de sa main. » 

Dans la Resposta â Consulta que o Deputado (da 
Real Mesa censoria) Antonio Pereira de Figueiredo 
fez aô Sr. Bispo de Beja sobre versôes partidas da 
Biblia em vulgar, em Fevereiro de 4794 (manuscrit 
qui, selon l'auteur de la Préface à la seconde édition 
de la Bible traduite par Figueiredo, appartient au- 
jourd'hui à l'Académie des sciences de Lisbonne), D. 
Fr. Manuel do Cenaculo rapporte que la reine D. 
Leonor, femme de D. Joào If, fit imprimer la traduc- 
tion des Actos dos Apostolos, as duas Epistolas de S. 
Pedro, as ires de S. Joâo e a de S. Judas, mais il ne 
dit pas par qui elle avait été faite et s'il en existe des 
exemplaires. 

Si ce n'est pas la même version, c'est au moins une 
version de la même époque, celle des Actos dos 
Apostolos, dont nous avons parlé plus haut, qui a 
été publiée dans le t. I de la Collecçào de Ineditos 
Porluguezes, éditée par D. Fr. Fortunato. D'après ce 
prélat, cette version fut faite, peut-être d'après une 
autre version plus ancienne, par Fr. Bernardo de Alco- 
baça, qui vivait sous le règne de D. Joào II. C'est à ce 
Fr. Bernardo de Alcobaça qu'on attribue généralement 
et avec raison la traduction portugaise de la Grande 
vida de Jésus Christo, écrite en latin par Ludolphe le 
Chartreux. Cette traduction fut imprimée à Lisbonne 
en 1495, par ordre du roi D. Joào II et de sa femme 
D. Leonor. 

Il est inutile d'énumérer ici en détail diverses ver- 
sions de moindre importance, qui sont de la même 
époque ou peu postérieures, des traductions d'un cer- 
tain nombre de Psaumes ou de chapitres d'autres 
livres de la Bible, intercalés occasionnellement dans 



des biographies ou dans des livres d'histoire ou de lit- 
térature profane. 

II. Versions portugaises depuis le xvi» siècle 
jusqu'au milieu du xvm e siècle. — Dans le cours du 
xvi« siècle, avec l'apparition du protestantisme et la 
propagation de sa fausse doctrine du libre examen et 
de l'interprétation privée des Écritures, la lecture de la 
Bible devint, dans une certaine mesure, un danger 
pour ceux qui n'étaient pas familiers avec les règles 
de l'herméneutique sacrée et qui ne connaissaient pas 
la véritable interprétation donnée aux Livres Saints 
par l'Église qui en a le dépôt. Pour ce motif, Pie IV, 
le 24 mars 1564, en publiant par la Bulle. Doniinici 
Gregis l'Index des livres défendus, établit dans la 
règle 4, que l'usage des versions de la Sainte Écriture 
n'est pas permis à tous sans discernement, mais que 
la permission de les lire n'est accordée qu'à ceux 
qui, au jugement de l'évéque ou de l'inquisiteur, peuvent 
le faire sans péril et au profit de leur foi et de leur 
piété. En Portugal, la religion des rois très fidèles et 
le zèle des évêques avaient déjà prévenu ce décret du 
Saint-Siège en adoptant à l'avance des mesures analo- 
gues. Les exemplaires de tout livre de la Bible traduit 
en langue vulgaire devaient porter à la première page 
la permission accordée à celui qui pouvait s'en servir, 
et les versions, quelquefois même dans les manuscrits 
originaux, portaient le nom de celui à qui elles 
étaient destinées. On possède des documents histo- 
riques qui en témoignent. Ribeiro dos Sanctos, dans 
sa Memoria da Litteratura Sagrada, publiée dans le 
t. il des Memorias de Litteratura Portugueza, de 
l'Académie des sciences de Lisbonne, cite un exem- 
plaire de la Bible où était incorporée à la première 
page la permission donnée par Fr. Francisco Foreiro 
pour autoriser Francisco de Sa de Miranda (f 1558) à 
en faire usage. Barbosa dans la Bibliotheca Lusitana et 
Figueiredo dans la Préface de sa traduction de la Bible, 
parlent d'une version manuscrite des Psaumes de la 
pénitence, faite par D. Fr. Antonio de Sousa (f 1597), 
évêque de Viseu, pour l'usage de sa sœur la comtesse 
de Monsanto. 

Ces défenses restrictives furent cause que les ver- 
sions devinrent de plus en plus rares et que les savants 
s'appliquèrent surtout dès lors à commenter en latin 
le texte latin de la Vulgate, chaque écrivain choisis-^ 
sant le livre de l'Écriture pour lequel il se sentait le 
plus d'attrait. L'auteur de la Préface générale de la 
version de la Bible par Figueiredo, éditée à Lisbonne 
en 1854, énumère un grand nombre de ces commen- 
tateurs, parmi lesquels figurent des noms de grande 
autorité dans les lettres portugaises, comme ceux de 
Bartholomeu dos Martyres, Bernardo de Brito, Fran- 
cisco Foreiro, Heitor Pinto, Joào de Lucena, Manuel 
de Sa, Antonio Vieira, Francisco de Mendonça, etc. 

De leur côté, les protestants, interprétant maligne- 
ment la défense faite par Pie IV, accusèrent l'Église 
d'interdire aux fidèles la lecture des Livres Saints afin 
qu'ils ne pussent pas connaître ce qui la condamnait 
dans les écrits sacrés, et ils se mirent avec une grande 
activité à composer et à publier des versions de la 
Bible, en supprimant une partie des livres du canon, 
en altérant parfois les textes comme il leur convenait 
et en proclamant surtout qu'il était libre à chacun de 
les interpréter à son gré. Ils trouvèrent un collabora- 
teur pour la langue portugaise dans la personne d'nn 
prêtre apostat du xvn e siècle qui était devenu mi- 
nistre calviniste en Hollande; il publia : Novo Testa- 
ment!), isto é, todos os sacrosantos livros de escriptos 
evangelicos e aposlolicos, do novo concerto de nosso 
fiel senhor, Salvador e redemptor Jesu Christo ; agora 
Iraduzidos em portuguez pelo Padre Joào Ferreira 
A. de Almeida, ministro prégador do Sancto Evan- 
gelho. Comtodasas licenças- necessaria . Em Amster- 



563 



PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



564 



dam. Por a Viuva de J. V. Someren. Anno 1681. 
Em 4°. La Bibliothèque nationale de Lisbonne en 
possède un exemplaire. Comme le fait remarquer le 
bibliographe da Silva, Diecionario, article Joâo Fer- 
reira A. de Almeida, cette traduction est remplie 
d'erreurs et de fautes typographiques provenant de ce 
que le correcteur était peu versé dans la langue portu- 
gaise, ainsi que le fait remarquer l'auteur lui-même 
dans un avertissement publié à Batavia le 1 er janvier 
1683 et où sont énumérées plus de mille erreurs à cor- 
riger, avec cette observation qu'il a été impossible de 
les relever toutes. 

Une seconde édition fut faite par les Hollandais éta- 
blis en Asie pour l'usage des protestants portugais de 
Batavia, sous ce titre modifié : Novo Testamento, 
isto é, todos os livros do novo concerto do nosso fiel 
senhor e redemptor Jesu Christo, traduzido na lingua 
portugueza pelo reverendo padre Joâo Ferreira A. de 
A Imeida, ministro prégadordo Sancto Evangelho n'esla 
cidade de Batavia em Java Maior. Em Batavia, por 
Joâode Vîtes, impressor da Illustre Companhia, e desta 
nobre cidade. Anno 1693. Sur le verso de la feuille où 
se lit le titre se trouve la déclaration que l'ouvrage a 
été imprimé por ordem do Supremo Governo da 
illustre Companhia das Vnidas Provincias na lndia 
Oriental, revista, com approvaçâo da congregaçào 
ecclesiastica da cidade de Batavia, pelos ministros 
prégadores do Sancto Evangelho na Igreja da mesma 
cidade Theodorus Zas, Jacobus Opden Akker. Cette 
édition est sur papier de Hollande, grand in-4°, et a 
vin-597 pages. Elle a de plus que la première la con- 
cordance des textes de l'Écriture. I. da Silva observe 
qu'on y a corrigé peu ou point des fautes de la pre- 
mière édition, mais qu'on y a fait des changements 
considérables, plaçant, par exemple, la plupart des 
verbes à la fin des propositions, « ce qui rend parfois 
le sens obscur, fait violence à la phrase et affecte la 
construction des périodes. » Da Silva possédait un 
exemplaire de cette édition. J.-Ch. Brunet, dans le Ma- 
nuel du libraire et de l'Amateur de livres, en signale 
une autre qualifiée de « rarissime » dans le catalogue 
de Meerman. 

En 1712 parut une troisième édition in-8°, à Ams- 
terdam, chez Joào Creliluz, par ordre de la même 
compagnie des Provinces-Unies, pour l'instruction 
des Indiens. Elle est encore plus fautive que les 
précédentes. Une quatrième édition fut publiée en 
1760 en deux grands in 8°, à Tramgambar, par l'of- 
fice de la mission royale du Danemark et au béné- 
fice de cette mission, aux frais de la Société (angli- 
cane) de la Propagation de la foi de Londres. Une 
cinquième édition fut donnée à Batavia par Egbert 
Humen, in-8°, 1773. Da Silva dit qu'elle fut comparée 
de nouveau avec le texte original et avec d'autres ver- 
sions et ainsi améliorée, les verbes furent remis à 
leur place naturelle et beaucoup de mots et de fautes 
corrigés. 

La traduction de Ferreira de Almeida, dit Ribeiro dos 
Santos, dans sa Memoria sobre versôes Biblicas, fut 
faite sur le texte grec qu'elle suit dans les points où il 
diffère de la Vulgate. En sa qualité de calviniste, l'au- 
teur n'en a pas exclu les livres deutérocanoniques que 
rejette le luthéranisme. D'après Antonio Pereira de 
Figueiredo, dans sa préface au Nouveau Testament, 
1. 1, 2» édit., on n'y trouve rien qui sente le calviniste, 
et il la regarde comme très servile. Mais d'autres écri- 
vains sont d'un avis tout à fait contraire el la préface 
que nous venons de citer ne fut pas reproduite dans 
les éditions de Figueiredo qui furent publiées en 1794 
et après, sous la surveillance de l'autorité ecclésias- 
tique qui y fit supprimer aussi des notes. Quant à sa 
servilité, la traduction, par exemple, de Luc, I, 28, 
prouve le contraire; au lieu de traduire par cheia de 



graça, elle traduit par em graça acceita dans quelques 
éditions et par agraciada dans d'autres. 

Le même traducteur publia en 1738, in-4°, à Tran- 
gambar, Livros Eistoricos do Velho Testamento, et 
en 1740, in-8° dans la même ville et, comme le précé- 
dent, par l'office de la mission royale de Danemark 
Livro dos Psalmos. En 1748 parut à Batavia, in-8 1 ", 
imprimé à l'office des séminaires par M. Mulder, Do 
Velho Testamento o primeiro tomo que contem os 
SS. Livros de Moysés, Josué, Juizes e Ruth, Samuel, 
Reys, Chronicas, Esra. Nehemias e Esther. Tradu- 
zidos emportuguez por Joâo Ferreira A. de Almeida, 
Ministro prêgador, etc. Eu 1753, G. H. Heusler impri- 
ma au même office du séminaire à Batavia, in-8°, Do 
Velho Testamento o segundo tomo que contem os 
SS. Livros de Job, os Psalmos, os Proverbios, o Prê- 
gador, os Cantares, com os Prophetas Mayores e me- 
nores. Traduzidos em portuguez por Joâo Ferreira 
A. de Almeida, e Jacob Opden Akker, Ministros pré- 
gadores do Santo Evangelho, etc. Entre la publication 
du t. i et du t. n de cette version parut en 1749 une 
nouvelle édition du Livro dos Psalmos, in-8°, à la 
même imprimerie, qui donna aussi plus tard, en 1757, 
dans une édition séparée, Û3 Livros de Moysés. 

La traduction de l'Ancien Testament fut faite aux 
frais de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. 
Elle ne contient pas les livres deutérocanoniques. Au 
témoignage de da Silva, Almeida fit sa version sur l'ori- 
ginal hébreu, en se servant de la version hollandaise 
imprimée en 1618 et de la version castillane de Cypria- 
no Valera, édition de 1602; il la poursuivit jusqu'aux 
derniers chapitres d'Ézéchiel ; elle fut achevée par 
Jacob Opden Akker, un de ceux qui avaient été chargés 
de revoir la traduction du Nouveau Testament éditée 
par Almeida en 1693. 

Depuis sa publication, la version d 7 Almeida a été si 
souvent réimprimée soit totalement, soit partiellement, 
pour les sociétés bibliques d'Angleterre et d'Amérique, 
qu' « il est ^difficile, dit da Silva, de donner une énu- 
mération exacte x de toutes ses éditions. Ce bibliographe 
mentionne deux éditions complètes dont il possède 
des exemplaires, l'un grand in-8°, imprimé par R. et 
A. Taylor, à Londres, 1819, l'autre grand in-8°, impri- 
mé à New-York en 1850. Nous avons entre les mains 
deux éditions complètes plus récentes, l'une in-8", 
publiée à New York en 1883, par la Société biblique 
Américaine, et où il est dit que le Nouveau Testament 
est une Reimpresso da ediçâode 1693, revista e emen- 
dada; l'autre, in-4°, imprimée à Lisbonne, en 1897, 
revista e correcta, com referencias e na margem 
algumas palabras segundo o hebraico e grego. Se 
vend au Deposito das Escripturas Sagradas. — En 
1862, l'archevêque de Bahia, D. Manuel Joaquim da 
Silveira, publia une Lettre pastorale pour prémunir ses 
diocésains contra adulteraçôes emu tilaçôes da Biblia 
traduzidaem portuguez pelo Padre J.F.A. de Almeida. 
Il y examine l'édition de New York que les protestants 
répandaient dans le Brésil et après l'avoir confrontée 
avec le texte reconnu authentique dès les premiers 
siècles, il montre qu'elle contient des altérations, 
changements, mutilations, additions, par exemple, 
Luc, 1, 28; Act., xiv, 23; Eph., v, 32; II Tim., iv, 5; 
II Joa., v, 6, 10, 13, 15, 17-20. Ces altérations se trou- 
vent .dans les éditions de New York, 1882, et de Us- 
bonne, 1897. 

Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria de algumas 
traducçôes biblicas (voir col. 560), appréciant la valeur 
philologique pt littéraire du travail de Ferreira de 
Almeida, dit que sa langue est a3sez riche et renferme 
un trésor de mots pour le vocabulaire portugais, mais 
que sa grammaire est défectueuse, parce qu'il emploie 
des phrases et des constructions qui n'ont pas la saveur 
du langage national et parce qu'il serre de trop près 



565 



PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



566 



le texte original ou fait usage de locutions et d'idio- 
tismes propres au pays où il vivait, 

III. Versions portugaises depuis le milieu du 
xvnr 3 siècle jusqu'à nos jours. — Au milieu du 
xviiJ e siècle, à peu près au moment où apparaissait la 
version complète faite par Almeida et son auxiliaire 
(1748-1753), s'ouvre une période nouvelle pour la mul- 
tiplication des traductions de la Bible. L'Église qui 
avait interdit la lecture de l'Écriture en langue vulgaire 
au commencement du [protestantisme pour entraver 
les progrès de l'hérésie naissante parmi le peuple, 
permit, dans la seconde moitié du xvn 8 siècle, pour 
détourner les fidèles de la lecture des versions pro- 
testantes, de publier des traductions en langue vul- 
gaire à la condition qu'elles fussent accompagnées de 
notes et d'éclaircissements tirés des saints Pères et des 
savants catholiques, et approuvées par le Siège aposto- 
lique. Benoît XIV modifia en ce sens en 1757 la qua- 
trième règle de l'Index formulée par Pie IV en 1564. Le 
résultat fut la publication de versions nouvelles parmi 
les catholiques : au Portugal, il parut presque simul- 
tanément deux traductions complètes de l'Ecriture. 

1° Version de Figueiredo. — La première fut celle 
de P. Antonio Pereira de Figueiredo (né en 1725, mort 
en 1797). Il commença par le Nouveau Testament, 
lequel étaitprêt dès 1772, comme on le voit dans l'Épltre 
dédicatoire au cardinal D. Joào da Cunha (f 1773), 
mais le premier volume ne fut imprimé qu'en 1778, 
nâopor culpa do auctor, dit le Prologue, daté du 8 jan- 
vier 1778, mas por infelicidade. La version de l'Ancien 
Testament commença par les Psaumes imprimés en 
2 volumes en 1782, elle se continua par la Genèse et 
les autres livres, imprimés par l'imprimerie royale à 
lisbonne de 1783 â 1790. La traduction complète forme 
23 in-8°. Dès 1781, on réimprima les deux premiers 
volumes du Nouveau Testament, corrigés pour le texte 
et augmentés pour les notes. 

Peu de temps après parut la seconde édition de la 
Bible entière : Eiblia Sagrada, traduzida em porlu- 
guez segundo a Vulgata latina, illuslrada com pré- 
facées, notas eliçôes variantes. Segunda ediçào revista 
e retocada pelo auctor. Les 17 volumes in-8°, que com- 
prend l'Ancien Testament, furent imprimés par l'impri- 
merie royale de Lisbonne de 1791 à 1803 et les 6 du 
Nouveau Testament par Simào Thaddeo Ferreira de 1803 
à 1805. 

En 1794, commença à paraître une troisième édition, 
en deux colonnes, contenant l'une le texte latin et 
l'autre la traduction portugaise, texte et notes retou- 
chés par l'auteur. Elle est dédiée au prince du Brésil 
D. Joào, dont elle reproduit en tête le portrait. Le tome 
pre mier contient une Prefacio gérai à toda a Sagrada 
Siblia, de xcv pages, dans laquelle il est dit que cette édi- 
tion « est incomparablement plus correcte et augmen- 
tée, de telle sorte qu'on peut dire avec raison que c'est 
une version nouvelle ». Outre cette Préface générale, 
chaque livre est précédé d'une Préface spéciale plus 
ou moins courte dans laquelle Figueiredo indique les 
traductions en langues diverses dont il s'est servi pour 
la version de ce livre. Cette édition, imprimée à Lis- 
bonne, par S. Th. Ferreira et terminée en 1819, com- 
prend sept tomes in-folio. 

Une réédition delà traduction de Figueiredo, avec le 
texte latin, en 2 in-f°, fut publiée en 1852-1853, par la 
Sibliotheca Economica,soas la direction d'Eduardo de 
Faria, auteur d'un Dictionnaire portugais, avec ce titre : 
A Biblia Sagrada contendo oVelho e Novo Testamento. 
Traducçào do Padre Antonio Pereira de Figueiredo. 
Enriquecida com varias notas pelo mesnio traductor 
(excepto aquellas que foram condemnadas cm Ronia) 
e por D. Felippe Scio de S. Miguel, Bispo de Segovia, 
Bossuet, etc. Ornado com gravuras. Lisboa. Typogra- 
phia de José Carlos de Aguiar Vianna, 1852. Appro- 



vada pelo Cardeal Patriarcha de Lisboa em 9 de Ja- 
neiro de 1852. Cette Bible fut critiquée lors de son 
apparition à cause des fautes typographiques nom- 
breuses, de la suppression des indications chronolo- 
giques et d'une partie des préfaces et aussi de l'insuf- 
fisance des notes. 

Une nouvelle édition parut en 1854, avec le texte 
-latin à la librairie populaire et historique de Lisbonne, 
sous les auspices du cardinal patriarche. Le Patriarche 
en autorisa la publication le 4 juin 1852, à condition 
qu'elle reproduirait la seconde édition, in-4°, faite à 
Lisbonne en 1794, par Simào Thaddeo Ferreira, avec 
ses préfaces et ses notes, lesquelles avaient été expur- 
gées, et qu'elle serait revue et corrigée par un savant 
ecclésiastique, aidé au besoin de deux autres réviseurs. 
Une préface nouvelle à l'Ancien Testament et une autre 
au Nouveau sont l'œuvre de l'un des censeurs, P. Fran- 
cisco Recreio. Elle comprend trois volumes in-folio. 
Le troisième contenant le Novo Testamento. Vida de 
Nosso Senhor Jésus Chrislo, paru* en 1857. La vie de 
Notre-Seigneur forme un supplément publié en 1858, 
avec ce titre spécial : Vida de Nosso Senhor Jésus 
Christo, redïgida pelo Reverendo Abbade Brispot, e 
vertida em vulgar por Luis Filippe Leite, Director 
da Escola Normal Primaria de Lisboa. 

La traduction de Figueiredo, sans le texte latin, fut 
éditée au Brésil, en 1864, en 2 in-4°, à Rio de Janeiro, 
par la librairie 0. B. L. Garnier. Elle contient peu de 
notes de Figueiredo et seulement dans les livres du 
Pentateuque, Josué, Esther, Daniel et Amos. Plusieurs 
livres n'ont aucune note. Celles qui sont relatives aux 
prophètes et au Nouveau Testament, œuvre du chanoine 
Delaunay, curé de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, sont 
placées à la fin de la Bible, sans aucun renvoi dans le 
texte sacré. Cette édition, avec les notes explicatives de 
Delaunay, est approuvée par un mandement de l'arche- 
vêque de Bahia, alors métropolitain du Brésil, daté de 
1863. — La Société biblique de Londres a publié di- 
verses éditions de la version de Figueiredo, sans pré~ 
faces et sans notes, 1821, 1866, etc. La lecture en fut 
permise aux catholiques du Portugal par un acte du 
ministère du royaume, du 17 octobre 1842, reproduit 
dans la Revista universal Lisbonense, 1™ série, t. H, 
p. 521. Francisco Recreio, un des censeurs de l'édition 
de la Librairie populaire de 1854, déclare à la fin de la 
préface que c'est « pour le bien de l'Église qu'est pu- 
bliée avec le plus grand soin cette traduction, parce 
que la propagande protestante l'a fâcheusementintro- 
duite dans le Portugal et les pays de sa domination, en 
la faisant imprimer à sa manière par ses presses im- 
pures et falsificatrices ». 

Au point de vue philologique et littéraire, la traduc- 
tion de la Bible par Figueiredo a justement la réputa- 
tion d'une œuvre de valeur. Il avait toutes les qualités 
requises pour ce travail, fait sur la Vulgate latine, étant 
lui-même un excellent latiniste, « connu comme tel 
même à l'étranger, » dit Innocencio da Silva, auteur 
d'études historiques et théologiques en latin, ainsi que 
d'ouvrages classiques pour l'enseignement élémentaire, 
moyen et supérieur de cette langue, adoptés universelle- 
ment pendant près d'un siècle au Portugal et au Brésil; 
sa compétence l'avait fait nommer rédacteur pour 
les lettres latines de la secrétairerie d'État. Quant à 
sa composition en langue portugaise, voici ce qu'en 
dit Fr. Recreio, dans la première préface de l'édi- 
tion 'de la Librairie populaire : « Dans le catalogue 
des livres à consulter pour la continuation du Diction- 
naire de la langue portugaise, publié par ordre de l'Aca ■ 
demie royale des sciences de Lisbonne, figure la traduc- 
tion de l'Ancien et du Nouveau Testament, édition in-8% 
d'Antonio Pereira de Figueiredo. Cette mention est la 
preuve authentique de son caractère classique. » On ne 
peut donner de semblables éloges aux notes que Figuei- 



567 



PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA. BIBLE 



568 



redo a jointes lui-même à sa version. « On ne saurait 
nier, dit Recreio, dans la préface déjà citée, l'utilité et 
l'étendue de l'érudition qui fait le mérite (des notes de 
Figueiredo) sous le rapport critique, dogmatique et 
moral. A ceux qui ne sont pas d'accord avec quelques- 
unes de ses opinions particulières, nous répondrons 
par les paroles de l'Apôtre, prises dans leur sens vul- 
gaire : Unusquisque in suo sensu abundet. » Sans 
contester ce jugement, nous devons observer que 
Figueiredo, tout en possédant une instruction variée et 
étant très versé dans les sciences ecclésiastiques et pro- 
fanes, souffrit néanmoins de l'influence des doctrines 
régalistes auxquelles ne surent pas alors résister même 
des membres notables de l'épiscopat; il les défendit 
dans les livres qu'il publia, tels que la Tentativa theo- 
logica et Y Analyse da Profisâo de Fé do santo Padre 
Pio IV, laquelle fut mise à l'index par décret du 26 jan- 
vier 1795, et il s'y montra tellement attaché qu'il refusa 
de se rétracter même à ses derniers moments, ainsi que 
l'affirme un de ses nsveux, dans une lettre adressée à la 
presse, et qu'il est rapporté par V Encyclopédie Portu- 
gueza illustrada (publication qui a commencé au 
xx« siècle, sous la direction de Maximiano Lemos), 
article sur Antonio Perdra de Figueiredo. Si l'on 
tient compte de ces circonstances, on comprend que 
ses notes aient été condamnées, quoiqu'un grand 
nombre d'entre elles témoignent de ses connaissances 
linguistiques, historiques et littéraires ; il n'y a pas 
d'injustice à affirmer qu'on n'y voit prédominer ni l'es- 
prit sacerdotal, ni la piété chrétienne qui animent les 
commentaires d'autres versions portugaises. 

De 1902 à 1904, la traduction de Figueiredo a été réé- 
ditée en Portugal sous ce titre : Biblia Sagrada con- 
tendo o Velho e Novo Testamento. Versâo do Padre 
Antonio Pereira de Figueiredo. — Commentarios e 
annotaçôes segundo os modernos trabalhos de Glaire, 
Knabenbauer, Lesêtre, Lestrade, Poels, Vigouroux, etc. 
— Pelo Rev. Santos Farinha. — Ediçào popular e 
illustrada, approvada pelo Emmo-Cardeal Patriar- 
cha, 3 in-8°, Lisbonne, 1902-1904. Les préfaces de Fi- 
gueiredo sont remplacées par des préfaces nouvelles, 
les archaïsmes et les inexactitudes sont corrigés. Les 
corrections ne sont pas toujours heureuses. Le com- 
mentaire est presque certainement nouveau. Cette édi- 
tion n'est pas accompagnée du texte latin. 

2» Versionde Sarmento. — Une autre traduction por- 
tugaise de la Bible fut faite en même temps que celle 
de Figueiredo par Francisco de Jésus Maria Sarmento 
qui vécut de 1713 à 1790. Le Nouveau Testament pa- 
rut d'abord sous le titre de Historia Evangelica,8 in-8°, 
Lisbonne, 1777-1778. Avant le texte sacré on trouve une 
Goncordia Evangelica, à imitaçâo da de Joào Buisson, 
impressa etn Savreux no anno de 1554. L'ancien Tes- 
tament parut à Lisbonne de 1778 à 1785 en 44 in-4», 
sous le titre de Historia biblica. Le traducteur ne s'est 
pas astreint à une traduction rigoureuse, comme il le 
déclare dans le prologue du premier livre, et il ajoute 
souvent des explications au texte. 

La traduction de Sarmento fut rééditée sans le texte 
latin à Porto. L'Ancien Testament parut sous ce titre : 
Historia Biblica e Doutrina Moral da Religiâo Catho- 
lica, extrahida dos Livros Santos do Anligo Testa- 
mento com fréquentes Paraphrases et Varias Notas 
Litterarias e Reflexôes Moraes, para sua maior e 
mais proveitosa intelligencia : 27 in-8°, Porto, 1864- 
1867. Le Nouveau Testament dans un premier volume 
la Concordia Evangelica, et les suivants : VHistoria 
Evangelica, apostolica e doutrinal, deduzida dos Livros 
Santos do Novo Testamento, com fréquentes para- 
phrases introduzidas no Texto, sobre algumas Notas 
Litteraes em certos lugares maisdifficeis, tudo extra- 
hido dos Antigos Padres e Modernos Expositores, 
para melhor e' mais facil intelligencia da Sagrada 



Escriptura, 11 in-8°, Porto, 1867-1869. Le troisième et le 
quatrième livre d'Esdras, également traduit par Sar- 
mento, avec la prière de Manassé, etc., sont contenus 
dans un 12 e volume paru en 1868. 

Le bibliographe Innocencio mentionne deux ver- 
sions partielles du Nouveau Testament, composées au 
xviii 6 siècle et restées manuscrites : Versâo das Epis- 
tolas e Evangelhos, que se recitam em todo o anno. 
acompanhada de illustraçôes, par Joaquim José da 
Costa Sa (f 1803), et O Evangelho de Jésus Christo 
segundo S. Matheus et S. Marcos, traduzido e illus- 
trado em largos commentarios, 3 in-4°, par Antonio 
Ribeiro dos Santos (f 1818), donnés par l'auteur à la 
Bibliothèque de Lisbonne. 

3° Versions du xix" et du XX e siècles. — D. Fr. Joa- 
quim de Nossa Senhora de Nazareth, qui [fut d'abord 
évêque de Maranhào et puis de Coimbra et acheva sa 
vie à Maranhào (Brésil), en 1851, publia : O Novo Tes- 
tamento de Nosso Senhor Jésus Christo, conforme a 
Vulgata Latina, traduzido em portuguez, e annotado 
segundo o sentido dos Santos Padres e Expositores 
Catholicos, pelo quai se esclarece a verdadeira dou- 
trina do texto sagrado, e se refutam os erros subver- 
sivos dos novadores antigos e modernos, 3 in-f°, Ma- 
ranhào, 1845-1847. Version estimée et accompagnée du 
texte latin. Une nouvelle édition fut imprimée, sans le 
texte latin, ia-12, à Lisbonne, 1875, em conformidade 
da Versâo France.za annotada porJ.-B. Glaire. 

En 1879, fut publié au Brésil une autre version : 
O Novo Testamento de Nosso Senhor e Redemptor 
Jésus Christo, traduzido do original grego. Primeira 
ediçào brazileira, in-8°, Rio de Janeiro. Elle paraît 
être une retouche de la version de Ferreira de Almeida 
et ne contient aucune note. 

En 1895, a paru à Porto une Biblia popular illustrada 
pelo abbade Drioux. Traducçào de Paiva Pona. Pu- 
blicada com permissâo do Cardeal Bispo do Porto. 
Velho e Novo Testamento, in-4°, avec gravures. Ce 
n'est pas proprement une version, mais un récit dans 
lequel le commentaire est mêlé au texte. 

Le premier congrès catholique brésilien, réuni à 
Bahia en 1900, résolut le 9 juin la publication d'une 
nouvelle édition de la Bible, pour combattre la propa- 
gande protestante. Le travail fut confié aux Francis- 
cains. Ils ont publié à Bahia, en février 1902 : O Santo 
Evangelho de Jésus Christo segundo S. Matheus, tra- 
duzido em Portug)iez segundo a Vulgata latina. Com 
annotaçôes extrahidas dos SS. Padres et de theologos 
eminentes, antigos e modernos. Editado pelos Religio- 
sos Franciscanos. — En avril de la même "année : O 
Santo Evangelho de Jésus Christo segundo S. Marcos. 
Une nouvelle édition de ces deux Évangiles parut en 
juin 1902. 

En août 1903 : O Santo Evangelho segundo S. Lucas; 
en décembre 1903 : U Santo Evangelho segundo 
S. Joào; en mai 1904 : Os Actos dos Apostolos; de 
mai 1905 à janvier 1906 ont été publiées : Epistola de 
S. Paulo aos Romanos ; l a et 2 a Epistola aos Corin- 
thios. La version des Évangiles et des Actes, avec les' 
notes, destinées surtout à combattre les erreurs des 
protestants, pour une nouvelle édition, qui est sous 
presse, ont été revues par le P. J. Knabenbauer, S. J. 

En 1903, le chanoine Duartè Leopoldo e Silva, de- 
venu successivement depuis évêque de Corytiba et au- 
jourd'hui de S. Paulo, publia une Concordancia dos 
Santos Evangelhos reunidos em um sô, in-8°, avec com- 
mentaire. Le texte des quatre Évangiles est fondu en- 
semble de manière à former un seul récit suivi. 

Le Brésil a vu paraître en 1905 une ( traduction por- 
tugaise : Os Santos Evangelhos de N. S. Jésus Christo 
e os Actos dos Apostolos, Au titre général des Évan- 
giles, on lit en plus : Traducçào portugueza segundo a 
Vulgata latina. Por um Padre da Missâo. Com notas 



569 



PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — POTERIE 



570 



da ediçâo [ranceza dos PP. da Assumpçâo, in-4°, Rio 
de Janeiro. Le traducteur est le P. Pedro Maria Booz, 
sa version est approuvée par l'archevêque de cette ville, 
M" Arcoverde, aujourd'hui cardinal. 

4° L'histoire des versions portugaises embrasse, comme 
on le voit, six siècles, et peut se partager en trois périodes, 
la première d'essais, la seconde de suspension, la troi- 
sième d'activité. La première va du commencement du 
xiv siècle au milieu du xvi e ; elle ne voit paraître que 
des traductions partielles dont les unes ont été impri- 
mées et les autres sont restées manuscrites. La seconde 
période s'étend jusqu'au milieu du xvm» siècle et corres- 
pond au temps où les erreurs protestantes qui regardent 
l'Écriture comme l'unique règle de foi et qui enseignent 
que chacun peut l'interpréter comme il l'entend, obligent 
les souverains Pontifes à interdire la lecture des ver- 
sions en langue vulgaire à ceux qui ne sont pas autori- 
sés à le faire par leurs supérieurs ecclésiastiques. Cette 
époque n'a guère vu paraître que la traduction protes- 




138. — Jarre archaïque, de Tell es-Safy. 
D'après Vincent, Canaan, p. 307. 

tante de J. Ferreira de Almeida, accommodée aux 
erreurs dont il faisait profession. La période finale 
s'ouvre avec le décret de Benoît XIV, autorisant la lec- 
ture des versions en langue vulgaire approuvées par 
le Saint-Siège et annotées d'après les saints Pères et 
les savants catholiques. Les traductions se sont alors 
multipliées et les éditions augmentent continuelle- 
ment. J. Pereira. 

POSIDONIUS (grec : LToueiSoûvioç), un des trois 
envoyés du général syrien Nicanor, chargés de porter à 
Judas Macchabée des propositions d'alliance qui furent 
acceptées. II Mach., xiv, 19. 

POSSÉDÉS DU DÉMON. POSSESSION. Voir 
Démonuques, t. n, col. 1374. 

POTEAU. Voir Mat, t. iv, col. 861-862; Pal, ïbid., 
col. 1961; Potence. 

POTENCE (hébreu : 'es; Septante : ?ûXov; Vulgate : 
lignum,patibulum, crux), pièce de bois servant pour la 
pendaison des criminels. Voir Pendaison, t. îv, col. 34. 
En général, l'hébreu emploie, pour désigner cet instru- 
ment, le mot 'ê$, « bois », qui ne préjuge rien quant à 
sa forme, et peut convenir au pal, voir Pal, t. iv, col. 1961. 
à la croix, voir CROfx, t. H, col. 1129, au simple poteau 



ou à un agencement de plusieurs pièces de bois. Gen., 
xl, 22; Num., xxv, 4; Deut., xxi, 22; Jos., vin, 29; x, 
27; Esth., il, 23; vi, 4; vn, 10; ix, 13. En hébreu, atta- 
cher à la potence se dit {âlâh 'al hâ-'ês, « suspendre au 
bois », Septante : sxpé|xa<x£, « il suspendit », Deut., xxi, 
22; ou simplement hôqîya', « pendre », Septante : 
itapix6eiYM-an<7ov, « on fit un exemple », on exposa en 




139. — Lamçe-canard, de Gazer. 
D'après Vincent, Canaan, p. 315. 

exemple, Num., xxv, 4, et ê^Xidcaav, «on exposa au so- 
leil ». II Reg., xxi, 6, 9. Une autre fois, les Septante 
supposent une potence en forme de croix: èstaupâdiai, 
«. être mis en croix »,en parlant de la potence d'Aman. 
Esth., xvi, 18. Cette potence avait cinquante coudées, 
près de vingt-cinq mètres de haut. C'était donc comme 
un grand mît au sommet duquel fut hissé le corps du 
condamné. H. Lesètre. 




140. — Oiseau peint, à Lachis. 
D'après Bliss, A mound of many cities, Londres, 1894, fig. 106. 

POTERIE, fabrication d'ustensiles et d'objets divers 
en terre cuite. — 1» Poterie chananéenne. L'argile se 
rencontrait assez communément en Palestine. Voir 
Argile, t. i, col. 949; Palestine, t. iv, col. 2013. Les 
plus anciens habitants du pays surent l'utiliser. 
Jusqu'en ces dernières années, les débris de poterie 
retrouvés dans le sol palestinien étaient assez rares. 
Depuis les fouilles de MM. Bliss et Macalister, Excava- 



571 



POTERIE 



572 



lions in Palestine dunng the yearsi898-î900, Londres, 
1902, part, n, The pottery, p. 74-141, les documents 
céramiques sont devenus beaucoup plus nombreux. 




141. — Jarre chananéenne. 
D'après Vincent, Canaan, pi. x, 8. 

Les plus anciens spécimens chananéens sont grossiers 
et simplement durcis au soleil. Puis, les potiers 
apprennent à cuire et perfectionnent leur art. Les vases 



d'animaux, comme la lampe-canard trouvée à Gœzer 
(fig. 139). Ensuite on décore les objets en noir sur 




143. — Cruche chananéenne décorée. 
D'après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 44. 

fond jaune, en y représentant divers ornements et 
surtout des animaux (fig. 140). 
A partir du xvi« siècle avant J.-C, l'emploi du tour 




142. — Marmites ehananéennes. D'après Vincent, Canaan, pi. x, 1, 15, 16. 



sont modelés à la main avec une assez grande habileté 
et à l'aide de silex pour aplanir les surfaces; mais le 
tour n'est pas encore utilisé. Des stries et des hachures 



se généralise, la technique devient plus habile et les 
pièces beaucoup mieux réussies. Les jarres sont pour- 
vues d'anses (fig. 141), les marmites prennent une forme 





144. — Lampe chananéenne. D'après Bliss et Macalister, Excavations, pi. 47. 



commencent à décorer les pièces. On ne se contente 
pas de fabriquer des vases à forme régulière (fig. 138), 
on s'essaie à faire des récipients affectant des formes 



élégante (fig. 142), les cruches reçoivent une déco- 
ration pittoresque (fig. 143), les lampes reproduisent 
plus artistiquement les types d'animaux (fig. 144), la 



573 



POTERIE 



574 



peinture rouge foncé sur fond jaune ou gris et même 
une sorte de vernis émaillé donnent aux pièces une 
physionomie plus agréable. On a retrouvé à Gazer des 
jarres à fond pointu qui servaient à la sépulture des 
enfants. Parfois ces jarres se rencontrent sous un mur, 
sous un seuil de porte, sous une maison; les cadavres 
qu'elles contiennent sont ceux des enfants qui ont été 




145. — Ancienne cruche à huile phénicienne. Nécropole de Tyr. 
D'après Lortet, La Syrie, p. -143. 

immolés selon le rite chananéen. Voir Sacrifice. — 
On a été tenté de reconnaître l'influence phénicienne 
dans la céramique chananéenne. Mais les Phéniciens 
n'ont jamais eu de céramique originale (fig. 145). La po- 
terie mise au jour à Tyr, à Tell-el-Rachédiéh, en 1903, 
est d'imitation cypriote. Cf. Revue biblique, 1904, p. 564- 
566. Les Phéniciens cherchaient avant tout â débiter 
les articles les plus capables d'exciter l'envie de leur 
clientèle; les légendes gravées ou peintes par eux sur les 
objets n'impliquaient nullement une origine tyrienne. 




146. — Cruche décorée, de style cypriote. 
D'après Sellin, Tell Ta'annek, Vienne, 1904, fig. 44^ 

Cf. Babelon, Manuel d'archéologie orientale, Paris, 
1888, p. 292-299; Maspero, L'archéologie égyptienne, 
Paris, 1887, p. 242-247. 

2» Poterie israélite. — Après leur installation en Pa- 
lestine les Hébreux imitèrent naturellement les procédés 
de la céranique chananéenne. Mais ils donnèrent des 
formes quelque peu originales à leurs produits, cruches 
décorées à la manière cypriote (fig. 146), ou à panse 
étroite, comme des gourdes (fig. 147). A partir de la 



monarchie, l'autonomie des potiers Israélites s'accentue, 
tout en subissant l'influence phénicienne, à laquelle la 
construction et l'ornementation du Temple avaient 
donné grand crédit. Les produits de la Grèce arrivaient 
aussi sur les marchés palestiniens et contribuaient à 
affiner le goût des artistes israélites. Néanmoins, leurs 
produits ne parviennent pas à rivaliser avec ceux de la 




147. — Cruche en forme de gourde. 
D'après Sellin, ibid., pi. v, a. 

dernière période chananéenne. Presque toute la vaisselle 
est fabriquée au tour; mais bien des vases domestiques 
sont grossièrement modelés à la main et à peine 
dégrossis au polissoir. Ils font des jarres larges et mas- 
sives (fig. 148). 11 n'y a pas de types absolument origi- 
naux; les ouvriers imitent l'ancienne poterie indigène 
ou s'inspirent des modèles mycéniens ou cypriotes 
(fig. 149). Voir. t. n, flg. 416, col. 1135. La décoration 







148. — Jarre juive. D'après Vincent, Canaan, p. 356. 

est purement linéaire ou empruntée au règne végétal. 
Le ton jaune ou noirâtre de la terre cuite reçoit des 
traits en noir ou en rouge. Les figurines de l'époque se 
rattachent aux productions grecques (fig. 150), quelque- 
fois avec des types sémitiques (fig. 151). Un certain 
nombre de pièces portent des estampilles. Parfois, 
c'est un nom de potier. Souvent, ce sont des estampilles 
royales, caractérisées par le mot -\bah et par le nom 
d'une localité (fig. 152). Quatre localités palestiniennes 



575 



POTERIE — POTHIER 



576 



sont nommées, Hébron, Ziph, Soccoth et Marésa. Il 
faudrait donc lire : « Au roi, Hébron; au roi, Ziph, » 
etc. Les ateliers royaux auraient ainsi fabriqué certaines 
catégories de vases; ces ateliers se trouvent précisément 
dans des régions où abonde l'argile apte au moulage. 
Les potiers d'Hébron et de Beit-Djebrin, au voisinage 



noms de la plante çétaç, le Poteriutn épineux. Mais le 
na'àsus est le jujubier ou, Zizyphus Spina-Christi. 
Voir' t.' m, col. 1861. 

POTHIER Rémi, théologien français, né à Reims en 
1727, mort dans cette ville le 23 juin 1812. Il fut suc- 




149. — Poterie israélite. D'après Vincent, Canaan, pi. xi. 



de l'antique Marésa, approvisionnent encore aujourd'hui 
les marchés de Jérusalem. Cf. H. Vincent, Canaan, 
Paris, 1907, p. 297-360. Les potiers israélites fabriquaient 
des récipients de toute nature, des lampes, voir 



cessivement curé de Béthenville et chanoine de Laon 
avant la Révolution. Esprit singulier, il croyait que per- 
sonne avant lui n'avait parfaitement compris le sens 
de l'Écriture. Il publia en 1773 le plan d'une Explica- 






150. — Figurines de style cypriote. D'après Vincent, Canaan, p. 356. 



Lampe, t. iv, fig. 14, col. 54, des ustensiles que 
la rareté du bois obligeait à faire en terre cuite, comme 
des mangeoires d'animaux, voir Crèche, t. h, col. 1108, 
des téraphim, des statuettes d'idoles. Cf. Sap., xv, 8, etc. 

H. Lesètre. 
POTERIUM ÉPINEUX. Les Septante traduisent 
le mot hébreu na'âsus, Is., lv, 13, par <rroi6ri, un des 



cation de l'Apocalypse, qui fut brûlé par le bourreau 
par ordre du Parlement de Paris, sur la réquisition de 
l'avocat général Seguier. Pothier n'en fit pas moins pa- 
raître son Explication, imprimée clandestinement à 
Douai, 2 in-8», 1773, et il en donna plus tard une tra- 
duction latine, 2 in-12, Augsbourg, 1797 et 1798. Il fit 
paraître à part un extrait intitulé Les trois dernière» 



577 



POTHIER — POTIER 



578 



plaies, in-12, Augsbourg, 1798, dans lequel il appelle 
Bonaparte précurseur de l'Antéchrist. En 1802, il publia, 
in-8°, à Augsbourg, une explication des Psaumes en 
latin. Voir Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. xl, 




151. — Figurines à profils de Sémites. 
D'après Vincent, Canaan, p. 357. 

1862, col. 895; Michaud, Biographie universelle, nouv. 
<5dlt., t. xxxiv, p, 190. 

POTIER (hébreu : yô? s r, de yâçar, « façonner »; 
chaldéen : péhâr; Septante : xspap.î-j<;; Vulgate : figu- 
lus), artisan qui fait des vases et des ustensiles de terre 
cuite. — 1° A une époque reculée, il y eut des potiers 
à Nétaïra et à Gédéra, qui travaillaient pour le compte 
du roi. I Par., iv, 23. D'autres sont signalés auprès de 



2» Pour exécuter son travail, le potier commençait 
par pétrir la terre avec les pieds. Is., su, .25. Puis, s il 
s'agissait d'un vase, il se servait de la roue (flg. 155) 
pour le façonner. La forme de l'instrument n'a guère 




JJ>. 



153. — Le dieu Phtah façonnant l'œuf du monde (peint en jaune) 
sur un tour à potier, dont il met la roue en mouvement avec 
les pieds. British Muséum. Cf. E. A. W. Budge, The Gods of 
the Egyptians, 2 in-4% Londres, 1904, t. i, p. 500. 

varié depuis les anciens temps. Il se compose essentielle- 
ment de deux roues pleines, fixées horizontalement aux 
extrémités d'un axe vertical. L'appareil est agencé sur 
un pivot, de telle manière que la roue inférieure puisse 
être mise en mouvement par les pieds d'un ouvrier 
assis. La roue inférieure, ainsi conduite par les pieds, 




152. — Estampilles royales. D'après Vincent, Canaan, p. 358. 



Jérusalem, dans la vallée de Ben-Hinnom, où Jérémie, 
xix, 2, mentionne une porte des Tessons ou du Potier, 
m'ar ha-harsùt, miXri ttjî ^apuetfi, porta fictilis, qu'il 
faut peut-être identifier avec la porte Sterquiline ou du 
Fumier. Voir Jérusalem, t. m, col. 1365. De ce même 
côté se trouvait le champ du potier que les Juifs ache- 
tèrent avec les deniers de Judas pour y inhumer les 
étrangers. Matth., xxvn, 8. Voir Haceldama, t. m, col . 386. 

DICT. DE LA BIBLE. 



entraîne dans son mouvement la roue supérieure, qui 
fait partie d'un même système. Les objets posés sur 
cette roue seront donc entraînés dans son mouvement 
giratoire, et, comme dans un tour à façonner le bois, 
auront leurs surfaces usées par les objets résistants 
qu'on tiendra à frottement auprès d'eux. Pourvu d'un 
appareil de cette nature, le potier s'assied, prend dans 
ses mains de l'argile suffisamment humide, lui donne 

V. - 19 



579 



POTIER 



580 



«ne première forme générale, accusant le relief exté- 
rieur et ménageant une cavité à l'intérieur de la masse. 
Puis il la pose sur la roue supérieure, maintient le vase 
avec une de ses mains placée à l'intérieur, met la roue 




154. — Tambourin en terre cuite 
D'après Lortet, La Syrie, p. 336. 

en mouvement, et de l'autre main, avec une pièce 
plate à échancrures appropriées, comprime doucement 
la masse d'argile, jusqu'à ce qu'elle ait été réduite à 



les tours sont mis en mouvement. Cf. 1. 1, fig. 22, col. 179. 
Il fallait au potier une certaine habileté pour réussir 
dans sa tâche. Parfois, pour une raison ou pour une 
autre, le vase se brisait avant d'être terminé. « Je des- 
cendis à la maison du potier, raconte Jérémie, xxrn, 3, 
4; or, il faisait son ouvrage sur des roues. Le vase qu'il 
faisait manqua, comme il arrive à l'argile dans la main 
du potier, et il refit un autre vase, comme il plut au po- 
tier de le faire. » L'Ecclésiastique, xxxvni, 32, 33, 
décrit avec plus de détails le travail du potier : 

Le potier assis à son ouvrage 

Et tournant la roue avec ses pieds, 

Constamment est en souci de son travail, 

Et fait effort pour fournir la quantité. 

Avec son bras il façonne l'argile, 

Et devant ses pieds il fait tourner la masse. 

Il met tout son cœur à parfaire le vernis, 

Un soin vigilant à nettoyer son four. 

En effet, le vase une fois séché à l'air, est mis au 
four pour y cuire. Le four doit être bien propre, pour 
que la pâte encore molle ne se déforme pas au contact 
d'objets étrangers. Le vernis, xptau-a, linitio, est un 
composé de divers oxydes, colorés ou non, qui se vitri- 
fie par la fusion et constitue une sorte d'émail à la 
surface du vase. C'est dans le four que les vases du 
potier prennent leur forme définitive; ils en sortent 
réussis ou manques. Eccli., xxvn, 6. Le potier peut 
faire ainsi des ouvrages de toutes sortes, à son choix. 
Sap., xv, 7. 

3° Comme, pour créer l'homme, Dieu prit de la 
poussière de la terre et en forma, yàçar, son corps, 
Gen., il, 7-8, les auteurs sacrés aiment à assimiler 




5 6 r <f 7 ( u 8 » 9 

155. — Potiers égyptiens. D'après Wilkinson, Manners and Customs, 2 e édit., t. u, fig. 397, p. 192. 
a, e, l, p, roues sur lesquelles est placée l'argile ; 1. Ouvrier façonnant l'intérieur d'une coupe qui tourne sur la roue a. — 
b, c, d, g, h, m, n, représentent des vases déjà faits. — 2. Autre ouvrier façonnant l'extérieur d'une coupe et se préparant à la 
séparer du bloc d'argile. — 3 vient de séparer la coupe k du bloc d'argile (. — 4 met sur la roue p l'argile qu'il va travailler. 
— 5 façonne avec les deux mains un disque d'argile. — 6 entretienne four q d'où l'on voit sortir les flammes s. — 7 fait passer 
à 8 les vases que celui-ci fait cuire au haut du four. — 9 emporte les vases déjà cuits. Beni-Hassan (Moyen Empire). 



l'épaisseur voulue et ait pris une forme circulaire bien 
régulière. On obtient ainsi toutes sortes de formes 
(fig. 154). S'il faut ajouter des anses au vase, élargir 
ou rétrécir quelque partie de ses bords, on le fait pen- 
dant que l'argile est encore fraîche. Des peintures 
égyptiennes représentent ce travail des potiers fabri- 
quant au tour des vases d'argile (fig. 155), sans qu'on 
puisse cependant se rendre compte de la manière dont 



son œuvre à celle du potier. Cf. t. i, fig. 22, col, 179, 
le dieu égyptien Khnoum façonnant l'homme. L'homme 
est donc, par rapport à Dieu, ce que l'argile est par 
rapport au potier. 

Comme l'argile est dans la main du potier, 

Et qu'il en dispose selon son bon plaisir, 

Ainsi tes hommes sont dans la main de celui qui les a faits, 

Et il leur donne selon son jugement. Eccli., xxxm, 13-14. 



581 



POTIER — POULE 



582 



En conséquence, l'homme n'a pas plus droit de se 
révolter contre Dieu que l'argile contre le potier. 

Folie ! Le potier sera-t-il pris pour de l'argile, 

De sorte que l'œuvre dise à l'ouvrier : H ne m'a point faite ! 

Et le vase au potier : II n'y entend rien ! Is., xxix, 16. 

Malheur à qui conteste avec celui qui l'a formé, 

Vase parmi des vases de terre, 

L'argile dira-t-elle à celât qui la façonne : Que fais-tu? 

Ton œuvre dira-t-elle : Il n'a pas de mains !... 

Oserez-vous m'interroger sur l'avenir, 

Me commander au sujet de mes enfants 

Et de l'ouvrage de mes mains ! 

C'est moi qui ai fait la terre, 

Et qui ai créé l'homme qui est sur elle. Is,, xlv, 9, 11, 12' 

Après avoir montré le potier mettant sur la roue un 
vase qui ne se moule pas bien, et le remplaçant par un 
autre, Jérémie, xviu, 3-6, ajoute de la part de Dieu : 

Est-ce que je ne puis pas vous faire 
Gomme a fait ce potier, maison d'Israël? 
Ce que l'argile est dans la main du potier, 
Vous l'êtes dans ma main, maison d'Israël. 

Saint Paul reprend la même comparaison et assimile 
Dieu au potier qui prend son argile et en fait ce qu'il 
veut, tirant de la même masse un vase d'honneur et 
un vase commun. Rom., ix, 20, 21. Cf. Sap., xv, 7. 

4° Quand l'ouvrage du potier a passé au four, on le 
brise aisément, mais on ne peut pas le réparer. Les 
auteurs sacrés tirent de là d'autres comparaisons. Dieu 
mettra en pièces les nations rebelles comme le vase du 
potier. Ps. n, 9; Apoc, h, 27. Isaïe, xxx, 14, compare 
l'alliance égyptienne à un ouvrage qui tombe subite- 
ment en morceaux, comme un vase de potier. Jérémie 
reçoit l'ordre d'acheter une cruche de potier, de la 
briser hors de Jérusalem sous les yeux des anciens et 
de leur dire : 

Ainsi parle Jéhovah des armées : 

Je briserai ce peuple et cette ville, 

Gomme on brise le vase du potier 

Qui ne peut plus être réparé. Jer., xix, 1, 11. 

Après la prise de la ville, les nobles filles de Sion, 
jadis estimées au poids de l'or, se plaignent d'être 
traitées comme de simples vases de terre, œuvre du 
potier. Lam., rv, 2. La statue du songe de Nabuchodo- 
nosor avait une partie des pieds en argile de potier, ce 
qui indiquait la fragilité de l'œuvre. Dan., H, 41. 

H. Lesètre. 

POU, insecte aptère, vivant sur le corps de l'homme 
et des animaux. Le pou est pourvu d'un suçoir qui lui 




156. — Pou et ses œufs. Grossis de 20 diamètres. 

permet de pomper le sang, après qu'à l'aide d'un ai- 
guillon corné il a percé la peau (iîg. 156). Ses pattes 
sont terminées par des crochets au moyen desquels il 
adhère fortement aux poils ou aux cheveux. — Josèphe, 



Ant. jud.,11, xiv, 3, suivi par beaucoup de commenta- 
teurs juifs, prétend que les kinnîm de la troisième plaie 
d'Egypte étaient des poux : « Une innombrable quantité 
de poux fourmillait des corps des Égyptiens, et il n'y 
avait ni lavages ni application de remèdes qui pût les 
détruire. » Les Égyptiens prenaient d'ordinaire de 
grandes précautions pour éviter ces insectes. Hérodote, 
II, 37. Mais ici Josèphe paraphrase le texte biblique. 
Les kinnîm ne sont pas des poux, tpôeipéç, pediculi, 
mais des cousins ou moustiques. Voir Cousin, t. n, 
col. 1093. Les poux n'en sont pas moins une vermine 
qui laisse assez indifférents les Bédouins, les Arabes, 
les Fellahs et la plupart des Orientaux. Cf. E. Pierolti, 
La Palestine actuelle, in-8°, Paris, 1865, p. 122, 169. 
Les anciens Juifs la connaissaient. Les Talmudistes 
disent qu'il y a autant de péché à tuer un pou le jour 
du sabbat qu'à tuer un chameau. Jerus. Schabbath, 
f. 107. — La multiplication des poux peut engendrer 
une maladie qui, dans quelques cas, devient mortelle, 
la phliriase ou maladie pédiculaire. Antiochus Épi- 
phane et Hérodote Agrippa moururent d'une maladie 
analogue. Voir Helminthiase, t. m, col. 585. Quelques 
auteurs ont pensé que la maladie dont mourut Hérodte 
le Grand, et que mentionne Josèphe, Ant. jud., XVII, 
vu; Bell, jud., I, xxxm, 5, n'était autre que la maladie 
pédiculaire. H. Lesètre. 

POUCE (hébreu : bohén; Septante : axpov ; Vulgate : 
pollex), doigt de la main ou du pied, occupant l'extré- 
mité intérieure du membre, et, dans la main, opposa- 
ble aux autres doigts. — Des lustrations de sang doivent 
être faites aux pouces des mains et des pieds dans la 
consécration du grand-prêtre, Exod., xxix,20; Lev., vin, 
23, et dans la purification du lépreux, pour lequel des 
lustrations d'huile sontajoutées aux premières. Lev., xvi, 
14, 17, 25, 28. Sur la signification de ces rites, voir 
Lustration, t. iv, col. 427, 428. — Le roi chinanéen 
Adonibésec, qui avait fait couper les pouces des mains 
et des pieds à soixante-dix rois, subit à son tour la 
même mutilation, après sa défaite par les hommes de 
la tribu de Juda. Jud., i, 6, 7. H. Lesètre. 

POULE (Grec : opviç; Vulgate : gallina), oiseau de 
l'ordre des gallinacés (fig. 157) et femelle du coq, dont 
elle difière par une taille plus petite, une queue plus 
courte et un plumage moins éclatant. Voir Coq, t. n, 
col. 951. Les poules pondent d'ordinaire un œuf par 
jour, sauf à l'époque de la mue. Quand elles en ont 
pondu une vingtaine, elles manifestent le besoin de 
couver. Les petits sortent de leur coquille au bout de 
vingt et un jours d'incubation. La poule remplit avec 
grande sollicitude et grand dévouement ses devoirs 
maternels. Elle suit ses poussins, les rappelle quand 
ils s'écartent, veille à leur nourriture avant de penser 
à la sienne, les réunit sous ses ailes pour les réchauffer 
et les protéger, et les défend résolument même contre 
les oiseaux de proie. — Les poules ne paraissent pas 
avoir été connues des anciens Israélites. Il n'en est 
jamais question expressément dans l'Ancien Testament, 
et les volailles engraissées qu'on servait à la table de 
Salomon, III Reg.,' iv, 23, pouvaient comprendre 
toute espèce d'autres oiseaux. Voir Barburim, t. i, 
col. 1458. On ne sait pas à quelle époque les poules 
furent introduites en Syrie. Elles ne sont jamais repré- 
sentées sur les monuments égyptiens. Dans l'Inde, on 
les trouve à l'état domestique dès les plus anciens 
temps. De là elles ont passé, par l'intermédiaire de la 
Perse, en Palestine, puis en Grèce. Il est peu probable 
que leur introduction soit due à Salomon; car les paons 
et les singes sont seuls mentionnés parmi les animaux 
que ses navigateurs lui rapportèrent d'Ophir. III Reg., 
x, 22. Cette introduction doit cependant être voisine du 
retour de la captivité, car déjà Pindare (520-450 avant 



583 



POULE — POURPRE 



584 



J.-C), Olynip., xn, 20, fait mention du coq. — Quoi 
qu'on ait dit sur la défense qui aurait été faite aux 
Juifs d'élever des coqs ou des poules (voir t. n, col. 953), 
ils ne font pas difficulté d'en nourrir en grande quan- 
tité même dans leurs maisons de Jérusalem, où il les 
laissent percher pendant la nuit. Les poulets et les 
œufs entrent pour beaucoup dans leur alimentation, 
surtout pour les personnes que les infirmités ou l'âge 
ont rendues plus délicates. Cf. Tristram, The natural 
Hiitory of the Bible, Londres, 1889, p, 221-223. — Il 
en était à peu près ainsi déjà à l'époque de Notre-Sei- 
gneur. De là cette comparaison que le divin Maître 
emprunte à la poule qui rassemble ses poussins sous 
ses ailes. Matth., xxm, 37. Il a voulu faire de même 
pour les fils de Jérusalem, mais ceux-ci n'y ont pas 
consenti. La Vulgate traduit .avec raison par gallina, 




1E>7. — La poule. 

« poule, » le mot grec ô'pvn, qui veut habituellement 
dire « oiseau », en général, mais qui désigne aussi la 
poule en particulier. Cf. Eschyle, Eumen., 866; 
Xénophon, Anab., rv, 5,25; Théocrite, xxiv, 63, etc. 

H. Lesêtre. 

POUPE (grec : irpù^w, ; Vulgate : puppis), arrière 
d'un navire. Voir Navire, t. rv, col. 1513. Au moment 
où une tempête s'éleva sur le lac de Tibériade, Notre- 
Seigneur dormait, appuyé sur un coussin, à la poupe 
d'une barque. Marc, iv, 38. C'est à la poupe qu'on fai- 
sait asseoir les passagers d'une embarcation; ils y 
étaient plus à l'aise et y gênaient moins la manœuvre 
des rames ou des voiles. Voir Proue. 

H. Lesêtre. 

POURCEAU. Voir Porc, col. 543, 

POURPIER DE MER, nom vulgaire de Varroche 
halime, plante vivace que nombre d'auteurs identifient 
au mallûath de Job, xxx, 4. Voir Arroche halime, t. i, 
col. 1032. 

POURPRE (hébreu : 'argâmân; assyrien : arga~ 
mannu ; chaldéen : 'ârigvdn ; Septante : rcopçiipa; Vul- 
gate : purpura), matière colorante extraite d'un mol- 
lusque et étoffe teinte avec cette couleur. L'étymologie 
du mot 'ârgdman n'est point certaine. Il est assez 
probable cependant qu'elle doit être tirée du sanscrit, 
dans lequel on trouve les mots râga; « couleur rouge, » 
ràgamanetrâgavan, « coloré en rouge. » Cf. Gesenius, 
Thésaurus, Addenda, p. 111. 

I. L'a pourpre dans l'antiquité. — 1° La pourpre.est 
une matière colorante que les anciens extrayaient de 



plusieurs mollusques, connus sous le nom de murex 
ou « rocher ». Ces mollusques sont gastéropodes et 
pectinibrancb.es, à coquille ovale ou oblongue, pourvue 
antérieurement d'un canal respiratoire, et dont chaque 
spire présente des bourrelets saillants en rangées lon- 
gitudinales et irrégulières. Ces bourrelets sont les restes 
des anciennes bouches de l'animal. Le murex truncu- 
lus ou rocher fascié (Hg. 158) fournissait la pourpre 
améthyste ou violette, dite de Tarente. Du murexbran- 
daris ou rocher droite-épine (fig. 159), on tirait la 
pourpre roùge foncé, dite pourpre de Tyr. On imitait 
cette dernière à l'aide de certaines coquilles univalves 




158. — Murex trunculus. 

ou buccins, le purpura hœmastoma (fig. 160), le pur- 
pura lapillus, le janthina, etc. La matière colorante 
du murex se trouve dans une poche située à la partie 
supérieure du corps, entre la tête et le foie. Incolore 
dans l'animal, elle passe par diverses nuances, quand 
elle est exposée à l'air et à la lumière, et part du 
vert pour se fixer à la couleur pourpre. Le produit 
du murex trunculus se compose de deux radicaux, 
une substance azurée analogue au bleu d'indigo, l'oxyde 
cyanique, et une substance d'un rouge ardent, l'oxyde 
purpurique. Le murex brandaris ne contient qu'un 
seul radical, l'oxyde lyrien. Cf. Grimaud de Caux, Sur 
la pourpre des anciens, dans la Revue de zoologie, 
1856, p. 34, et Lacaze-Duthiers, Mémoire sur la pour~ 
pre, dans les Annales des sciences naturelles, 1859, 
t. xn, p. 1-92. — 2° Les coquilles à pourpre se trouvent 




159, — Murex brandaris. 

en grande quantité sur les bords de la Méditerranée. 
Les anciens les recueillaient sur les côtes de Phénicie, 
Strabon, xvi,-757; sur celles du Péloponèse, Pausanias, 
m, 21, 6; sur celles du nord de l'Afrique, Strabon, 
xvn, 834, etc. Vitruve, De architect., vu, 12, remarque 
que la pourpre recueillie au nord de la Méditerranée 
était plus sombre, qu'elle passait au violet dans les 
régions moyennes, pour arriver au rouge sur les côtes 
méridionales. La nature du mollusque employé était 
aussi pour beaucoup dans ces colorations. Pouf extraire 
la matière colorante, on ouvrait la coquille sur les 
premiers tours de spire, soitfd'un coup de hachette, 
soit à l'aide d'une meule qui. l'usait par le frottement. 
Les Phéniciens se livraient en grand à l'exploitation de 



585 



POURPRE 



586 



la pourpre. Au dessus du port de Sidon, on rencontre 
des amoncellements de murex ouverts artificiellement, 
sur plusieurs mètres d'épaisseur et quelques centaines 
de mètres de largeur. Le long de l'isthme de Tyr, on 
constate des dépôts analogues (Hg. 161). A Pompéi, on 
a trouvé de semblables amas, indiquant l'existence 
d'anciens ateliers de teinture. Pour préparer la teinture, 
après avoir ouvert le sommet de la coquille, « on re- 
cueillait avec soin le suc un peu jaunâtre qui suintait 
de la blessure, on le laissait macérer trois jours avec 
du sel, on faisait bouillir dans des vases de plomb et 
l'on réduisait à feu doux; on filtrait la liqueur au 
tamis, pour la débarrasser des résidus de chair qui y 
baignaient, et l'on trempait l'étoffe. La nuance la plus 
fréquente était lin sang frais poussant au noir par ré- 
flexion; mais des manipulations graduées permettaient 
d'obtenir des tons rouges, violet sombre, améthyste. » 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
Paris, t. il, 1897, p. 203, 204. Cf. Aristote, Hist. anim., 
v, 13; Pline, H. N., ix, 36, 37. Aujourd'hui, « les ga- 
mins de Tyr savent encore parfaitement bien teindre 
des chiffons de laine en fixant la couleur sécrétée par 
le mollusque avec un peu de carbonate de soude et du 
jus de citron employés comme mordants. Ces guenilles 
colorées en rouge violacé leur servent de drapeaux 
lorsqu'ils jouent au soldat comme les enfants de nos 




160. — Murex hœmastoma. 

pays. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 127. — 3° « La pourpre était considérée comme la 
plus précieuse des teintures, à cause de son éclat et de 
sa durée. Un des plus grands avantages de cette cou- 
leur est, en effet, de résister indéfiniment à l'influence 
de la lumière, qui, au lieu de détruire ou affaiblir les 
principes colorants, en augmente au contraire l'éclat. 
Elle présente de plus à un très haut degré ces reflets 
chatoyants et changeants si appréciés des anciens. » 
Lortet, ibid., p. 202. Le prix de revient de la pourpre 
était fort élevé, à raison de la faible quantité de matière 
colorante que contient chaque murex, du grand nombre 
de mollusques qu'il fallait recueillir et de la manipula- 
tion qu'il fallait faire subir au produit. D'après les 
estimations de Pline, H. N., ix, 36, 61, le poids des 
mollusques employés représentait plus de six fois celui 
de la laine à teindre. A Rome, la laine teinte en pourpre 
se vendait au poids de l'argent, et la laine deux fois 
teinte, en écarlate puis en pourpre, ou dibapha, Pline, 
H. N., n, 39, 63; xxi, 8, 22, valait dix fois plus, soit 
2300 francs le kilogramme. Cf. Guignet, Les couleurs, 
Paris, 1889, p. 139. — i° Le haut prix de la pourpre 
n'en rendait l'acquisition possible qu'à des personnages 
très riches. Cf. Hérodote, îx, 22. Elle était l'emblème 
de la royauté et plus tard de la puissance impériale. 
Cf. Udyss., xix, 225; Lucain, Pharsal., vu, 228; Eu- 
trope, Breviar., îx, 8; Ammien Marcellin, xxi, 9; Cod. 
Theod., VI, xxiv, 3. Cod. Justin., n, 8; vi, 12, etc. A 
Byzance, on appelait itopcpupoYévvTv™;, « né dans la 
pourpre », le fils du prince. Des ordonnances impériales 
restreignirent l'usage de la pourpre à certains digni- 
taires. Cf. Suétone, Cses., 43; Ner., 32; Philostrate, 
Beroic, xix, 15; Cod. theod., IV, XL. Les Phéniciens 
restèrent toujours les principaux fabricants et les four- 
nisseurs des teintures de pourpre. Cf. Virgile, Georg,, 
m, 307; Tibulle, n, 3, 58; 4, 28; Ovide, Ars amat., m t - 



170. Cependant les Lydiens parvinrent à leur faire une 
concurrence appréciée. Cf. Élien, Nat. animal., IV, 46; 
Valer. Flaccus, Argonaut., iv, 369, etc. On cherchait 
naturellement à imiter la pourpre. Ctésias, lndic, 21, 
dit que dans l'Inde ou se servait d'une fleur couleur 
de pourpre pour obtenir un produit de même qualité 
que ceux de Grèce et encore plus brillant. La fabrica- 
tion de la pourpre au moyen du murex est délaissée 
depuis longtemps. Grâce aux progrès de la chimie, on 
obtient beaucoup mieux et surtout à meilleur marché. 
Cf. A. Schmidt, Ueber die Purpurfârberei und den 
Purpurhandel im Altertum, Berlin, 1842; Von Mar- 
tens, Purpur und Perlen, Berlin, 1874. 

II, La pourpre dans la Sainte Écriture. — 1» Moïse 
reçut l'ordre de recevoir des Israélites, au désert, la 
pourpre nécessaire à la confection des objets du culte. 
Exod., xxv, 4. On lui en apporta en effet, Exod., xxxv, 
6, 23, 25, 35, ce qui suppose que le fil de pourpre était 




161. — Conglomérat de débris de murex truncuîus trouvés à 
Tyr. — D'après W. R. Wilde, Narrative of a voyage to Ma- 
deira, Teneriffe, along the shores of the Mediterranean, 
2 in-8", Dublin, 1840, t. n, p. 482. 

assez commun en Egypte et que les Israélites en avaient 
emporté en quittant ce pays. Les fils de pourpre furent 
employés à confectionner les tentures du Tabernacle, 
le voile du Saint des Saints, Exod., xxvi, 1, 31, 36, les 
tentures de la porte du parvis, Exod., xxvn, 16, l'éphod, 
la ceinture, le pectoral, les grenades de la robe du 
grand-prêtre. Exod., xxvm, 5, 6, 8, 15, 33; xxxvi, 8, 
35, 37; xxxviii, 18, 23; xxxix, 1, 2, 8, 22, 28. Dans la 
confection de ces travaux entrent trois éléments : le ra- 
kêlél, hyacinthe ou pourpre bleue-violette, tirée, d'après 
le Talmud, du hilzôn, mollusque à pourpre , voir Cou- 
leurs, t. il, col. 1066; Y'argdmàn, ou pourpre rouge, 
et le tôld' ou cramoisi. Voir Cochenille, t. u, col. 818; 
Eccli., xlv, 12. — Quand Salomon voulut bâtir le Temple, 
il demanda à Hiram un ouvrier habile à teindre en 
pourpre. II Par., n, 7, 14. Pour fabriquer le voile du 
Temple, on employa le byssus, le bleu, le pourpre et le . 
cramoisi, II Par., m, 14, c'est-à-dire qu'à l'étoffe de 
bûs, voir Lin, t. iv, col. 264, furent joints des fils de 
laine bleue, pourpre et cramoisie. — Dans toute l'anti- 
quité, l'étoffe de pourpre fut considérée comme la plus 
riche et la plus magnifique de toutes. Aussi on en 
revêtait les statues des dieux. Jer., x, 9; Bar., vi, 71. 
On disait que l'Héraclès phénicien avait offert à Astarté 
la première tunique teinte avec la pourpre tyrienne. 
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 127. La statue 
de Jupiter Capitolin, à Rome, celle des Dioscures, à 
Sparte et à Messine, portaient des manteaux de pourpre 



587 



POURPRE — POUSSIÈRE 



588 



précieuse. Le vêtement de pourpre éveillant ainsi la 
double idée de royauté et de divinité, il convenait que 
la pourpre fût employée dans le culte de Jéhovah, pour 
marquer sa divinité unique et sa suprême royauté. 
Cf. Bâhr, Symbolikdes mosaischen Cullus, Heidelberg, 
1837, t. i, p. 330-332. 

2° La pourpre est signalée dans les dépouilles du roi 
de Madian, dont s'empara Gédéon, Jud., vm, 26; dans 
le siège de la litière de Salomon, Cant., m, 10; dans le 
conopée d'Holopherne, Judith., x, 19; dans les vête- 
ments de la femme forte, qui ordonne si bien sa riche 
maison, Prov., xxxi, 20; dans la parure de Daniel, 
après qu'il a expliqué le songe de Baltassar, Dan., v, 7, 
16, 29 ; dans celle dont est revêtu Mardochée pour son 
triomphe, Esth., vm, 15; dans les vêtements du mauvais 
riche à Jérusalem. Luc, xvi, 19. A l'époque des Macha- 
bées, les royautés orientales attachaient grande impor- 
tance au port de la pourpre. Quand Judas pilla le camp 
des Syriens, il y trouva beaucoup de pourpre. I Mach., 
îv, 23. Par contre, l'auteur sacré remarque qu'à Rome, 
à cette époque, personne ne prenait la pourpre pour 
se faire roi. I Mach., vm, 14. Antiochus Épiphane ôta 
le droit de pourpre à Andronique, le meurtrier du 
grand-prêtre Onias. II Mach., iv, 38. Alexandre Bala 
l'accorda à Jonathas, et le revêtit lui-même à Ptolémaïde, 
I Mach., x, 20, 62, 64; Antiochus VI lui confirma ce 
droit. 1 Mach., xi, 58. Après lui, le grand-prêtre Simon 
eut seul, parmi les Juifs, le droit de se revêtir de 
pourpre. I Mach., xiv, 43, 44. 

3° Ézéchiel, xxvn, 7, 16, dit que les Tyriens faisaient 
venir la pourpre des îles d'Élisa, c'est-à-dire de Laconie 
dans le Péloponèse, voir Élisa, t. h, col. 1686-1688; il 
ajoute qu'ils en échangeaient contre les marchandises 
des Syriens. — A l'époque de^aint Paul, une fervente et 
généreuse chrétienne,Lydie, était marchande de pourpre, 
jtop9upo7rwÀi{, purpuraria, à Thyalire. Act., xvi, 14. 

4° D'après saint Marc, xv, 17, Notre-Seigneur fut 
revêtu de pourpre par les soldats du prétoire. Saint 
Matthieu, xxvn, 28, dit que ce fut d'un manteau cra- 
moisi, xXet|jLtc xoxxi'vr]. Il y avait donc équivalence entre 
les deux couleurs, et, quand on parlait de pourpre sans 
autre explication, il s'agissait de pourpre rouge. 

5» Les cheveux de l'Épouse sont comparés à la pourpre. 
Cant., vu, 5. La comparaison porte moins sur la couleur 
que sur le brillant, la splendeur et les tons chatoyants 
de la pourpre. Les poètes appellent « cheveux de 
pourpre » ceux qui sont d'un brillant brun-noirâtre. 
Cf. Virgile, Georg.. i, 405; Tibulle, I, iv, 63. 

6° Enfin saint Jean représente Babylone comme une 
reine vêtue de pourpre et faisant le commerce de la 
pourpre. Apoc, xvn, 4; xvm, 12, 16. 

H. Lesètbe. 

POURRITURE (hébreu : maq, ràqâb, sahânâh, 
sâlia{, tam'âh; Septante : 8iaç8opâ, qpôopà, «janpi'a; 
Vulgate : putredo, corruptio), résultat de la décompo- 
sition des corps organiques. — 1° Job, xvii, 14, en 
proie à sa terrible maladie, en vient à dire à la pour- 
riture : « Tu es mon père ». Isaïe, m, 24, annonce aux 
filles de Sion que la pourriture remplacera pour elles 
l'odeur des parfums. Joël, il, 20, prédit que l'infection 
de la pourriture s'élèvera dans le camp des Assyriens. 
Dieu l'a fait déjà monter dans le camp des Israélites. 
Am., iv, 10. — 2° La pourriture est surtout la caracté- 
ristique du tombeau. Dieu ne permettra pas que son 
bien-aimé, son Messie, voie la corruption. Ps. xvi (xv), 
10; Act., il, 27; xm, 35. Par la mort, le corps de 
• l'homme tombe en pourriture, mais pour ressusciter 
ensuite : « Semé dans la corruption, le corps ressus- 
cite incorruptible; semé dans l'ignominie, il ressuscite 
glorieux. » I Cor., xv, 42, 43. Il est comme une se- 
mence qui d'abord pourrit en terre avant de revivre. 
— 3° La pourriture ou carie des os représente, dans les 
comparaisons, la femme acariâtre, Prov., xn, 4; l'en- 



vie, Prov., xiv, 30; la crainte des ennemis, Hab., m, 
16. Le pécheur repentant, en proie au remords, dit 
que l'infection et la purulence ont envahi ses meur- 
trissures, marquant ainsi combien est malheureux et 
répugnant l'état de son âme, Ps. xxxvm (xxxvn), 6. 
La racine des méchants est semblable à la pourriture, 
Is., v, 24, elle ne peut rien produire de bon. Leur nom 
aussi tombe en pourriture. Prov., x, 7. Les riches 
impies succomberont un jour à la pourriture d'une 
cruelle destruction, Mich., n, 10; leurs richesses sont 
pourries. Jacob., v, 2. Celui qui sème dans la chair en 
moissonnera la corruption, Gai., vi, 8, c'est-à-dire que 
celui qui vit au gré des convoitises mauvaises de sa 
nature n'en recueillera que péché et misère. Dieu est 
comme la pourriture pour la maison de Juda, Ose., v, 
12, il l'attaque et la consume lentement dans sa justice, 
afin de lui ménager le temps de la pénitence. 

H. Lesêtre. 

POUSSIÈRE (hébreu : 'àfâr, et une ou deux fois seu- 
lement : 'àbâq, 'âbâqàh, dahkâ', daq, Salfaq, neko'(; 
Septante : a|i^.oç, yrj, xoviopTÔs, xovz; Vulgate : pulvis), 
éléments solides réduits en particules très ténues. 

I. Au sens propre. — 1° Dans son corps, l'homme a 
été tiré de la poussière et il retournera en poussière. 
Gen.,m, 19; Job, x, 9; Ps. xc (lxxxix), 3; cm (en), 14; 
Eccle., xii, 7. Il en est de même des animaux. Ps. civ 
(cm), 29. — 2° La poussière du sol s'élève sous les pieds 
des chevaux, Ezech., xxvi, 10; elle couvre les statues 
des faux dieux. Bar., vi, 12, 16. Dans la poussière, un 
arbre meurt, Job, xiv, 8; mais la pluie fait de la pous- 
sière une masse consistante. Job, xxxvm, 38. La pous- 
sière joue un grand rôle dans les plaies d'Egypte. D'elle 
sortent les moustiques de la troisième plaie, Exod., 
vin, 16, 17, et les pustules de la sixième. Exod., ix, 9. 
Mise en mouvement par le khamsin de la neuvième 
plaie, elle empêche la lumière d'éclairer le pays pen- 
dant trois jours. Exod., x, 21-23. Voir Ourà.gah, t. rv, 
col. 1931. — 3° La loi sur l'épreuve de la femme accusée 
d'infidélité l'obligeait à boire une eau dans laquelle le 
prêtre avait mis de la poussière prise sur le sol du sanc- 
tuaire. Num., v, 17, 24. C'était une manière de marquer 
que le sanctuaire lui-même devait prendre parti contre 
la femme, si elle était vraiment coupable. Les Assyriens 
avaient un rite analogue. Ils versaient dans de l'eau du 
fleuve de la poussière du sanctuaire du dieu et d'autres 
poussières ramassées à différentes portes, et ils se ser- 
vaient de ce mélange, non pour le faire boire, mais 
pour arroser la porte de la maison que l'on voulait 
sans doute préserver. Cf. Fr. Martin, Textes religieux et 
babyloniens, I™ série, Paris, 1903, p. 243-245. — 4» La 
poussière résulte de l'écrasement ou de la décomposition 
de certains solides. Ainsi le veau d'or est réduit en pous- 
sière. Exod., xxxii,20; Deut., ix, 21. Voir Or, col. 1840, 
Quand les murs sont atteints de lèpre, on les racle et 
l'on jette la poussière au loin. Lev.,xiv, 41. Voir Lèpre, 
t. iv, col. 186. Josias fit enlever du Temple tous les 
objets idolâtriques et réduire en poussière les idoles; 
puis il ordonna de porter cette poussière à Béthel, cen- 
tre idolàtrique, et sur les tombes du peuple. IV Reg., 
xxiii, 4, 6, 15. — 5° En signe de deuil, on se jetait de la 
poussière sur la tête. Jos., vu, 6; I Reg., rv, 12; Job, u, 
12; Etech., xxvn, 30; Am., n, 7; Apoc, xvm, 19. Le pro- 
phète Michée, i, 10, annonçant le châtiment de Juda, 
joue sur le nom de la ville de Beth-Aphra, « maison 
de poussière », et dit d'elle : « A Beth-Aphra, je me 
roule dans la poussière, » c'est-à-dire je suis au comble 
de la désolation. Voir Aphra, t. i, col. 735. Cf. Jer.,xxv, 
34. En .Egypte, une des marques les plus fréquentes de 
douleur consistait à se barbouiller le visage de pous- 
sière et de boue (fig.162). Cf. Wilkinson, Manners and 
Customs, 2 e édit., t. m, pi. lxvh; Maspero, Les contes 
populaires de l'Egypte ancienne, 3" édit., p. 10. Les 
Hébreux employaient dans l'expression de leur deuil la 



589 



POUSSIÈRE 



590 



cendre et la poussière. Voir Cendre, t. n, col. 407. La 
poussière implique l'idée de fragilité et surtout celle de 
mort. Elle convenait donc bien à l'expression d'un cha- 
grin qui entamait la vie. Aux funérailles, chez les Ara- 
bes, « les femmes crient de toutes leurs forces, s'égra- 
tignent les bras, les mains et le visage, arrachant leurs 
cheveux, et se prosternant de temps en temps, comme 
si elles étaient pâmées de douleur ; elles prennent des 
poignées de terre ou de sable, et le jettent sur leur 
tête et sur leur visage. » De la Roque, Voyage dans la 
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 260. — 5° Pour marquer 
la colère et l'indignation, on lançait de la poussière en 
l'air. C'est ce que fait Séméï, en accompagnant David de 
ses imprécations. II Reg., xvi, 13. A Jérusalem, les Juifs, 
en fureur contre Paul, lançaient de la poussière en 
l'air. Act., xxn, 23. Cette expression de l'indignation 
parait être instinctive en Orient. Un fellah ayant été 
battu sur l'ordre d'un effendi, jusqu'à ce qu'il eût perdu 
connaissance, « il y eut une grande lamentation. Le 
malheureux fut apporté tout près de ma maison, au 



rv, 10; Job, xvi, 18; Is., xxvi, 21. — 3° Secouer la pous- 
sière de ses pieds sur quelqu'un ou sur un pays, c'est mar- 
quer qu'on regarde comme maudite la poussière de ce 
pays, qu'on ne veut rien emporter d'un pareil endroit, et 
qu'on cesse tout rapport avec des hommes qui n'ont su 
ni comprendre ni remplir leur devoir. Cette expression 
ne se lit que dans le Nouveau Testament. Matth., x, 14; 
Marc, vi, 11 ; Luc, îx, 5; x, 11 ; Act., xm, 51. « Aujour- 
d'hui, il n'est pas rare de voir un Égyptien, un Syrien, 
à la suite d'une discussion, ou au sortir d'une maison 
où il a été mal reçu, quitter ses babouches etles battre 
deux ou trois fois, semelle contre semelle, en face de 
son adversaire. Cela veut dire : Je ne veux plus avoir 
affaire avec toi. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 257. 
— 4° A raison de la sentence originelle, Gen., m, 19, la 
poussière éveille naturellement l'idée du tombeau. Aussi 
est-elle prise parfois pour la mort elle-même. Job, vu, 
11; xx, 11; xxi, 26; xl, 8 (13); Ps. vn, ~6; Is., xxvi, 
19; Dan., xn, 2. La poussière du tombeau, c'est-à-dire 
la mort ne chante pas la louange de Dieu. Ps. xxx 




d62. — Égyptiennes répandant de la poussière sur leur tête en signe de deuil. 
D'après Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, 1' édit., t. i, p. 167. 



milieu d'une foule de femmes qui hurlaient comme des 
possédées; la sienne surtout criait et se frappait la tête 
et jetait de la poussière en l'air, moremajorum, comme 
vous pouvez le voir dans les tombes. » Lady Gordon, 
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 273. 

II. Au sens figuré. — 1° La poussière du sol est 
l'image de ce qui est petit, faible, méprisable. Abraham 
parle au Seigneur, bien qu'étant poussière et cendre. 
Gen., xvm, 27. Dieu tire le pauvre de la poussière, c'est- 
à-dire de l'abaissement. I Reg., u, 8 ; III Reg., xvi, 2. 
Les nations ne sont devant lui que poussière. Is., xl, 15. 
Il réduit en poussière ou renverse dans la poussière, 
c'est-à-dire humilie, abaisse et ruine, Moab, Is-, xxv, 12; 
xxvi, 5; Babylone, Is., xlvii, 1; Tyr, Ezech., xxvi,4, 12; 
les ennemis. Is., xxix, 5. Il fait voler en poussière l'épée 
des puissants. Is., xli, 2. Dans l'épreuve, on est affaissé 
jusqu'à la poussière. Ps. xliv (xliii), 25. Jérusalem régé- 
nérée secoue sa poussière. Is., m, 2. Après la captivité, 
les Juifs sauront tirer de leur poussière les pierres 
de leurs murs. II Esd., iv, 2. — 2° Mettre sa bouche 
dans la poussière, c'est se prosterner très humblement. 
Lam., m, 29. Voir t. i, col. 541. Lécher la poussière des 
pieds de quelqu'un, c'est lui marquer sa complète sou- 
mission. Ps. lxxi (lxxii), 9; Is., xlix, 23. Ezéchiel, xxrv, 7, 
accusant Jérusalem de ses crimes, dit qu'elle a versé le 
sang sur la roche nue, et non sur la terre pour le re- 
couvrir de poussière. Le prophète veut signifier que les 
crimes de Jérusalem ont été commis impudemment, au 
grand jour, et que tes traces en sont visibles. Cf. Gen., 



(xxix), 10. Le supplicié attaché à la croix est réduit à la 
poussière de mort, c'est-à-dire dévoré, après la perte 
de son sang, par une fièvre brûlante qui le dessèche 
comme une poussière et le conduit à la mort. Ps. xxn 
(xxi), 16. — 5° Les nuages sont comme la poussière des 
pieds de Dieu. Nah., i, 3. A Israël infidèle, la poussière, 
c'est-à-dire la sécheresse, sera envoyée au lieu de pluie. 
Deut., xxviii, 24. 

III. Comparaisons tirées de la poussière. — 1» La 
poussière se compose d'une multitude innombrable de 
particules. La race d'Abraham deviendra aussi nom- 
breuseque la poussière. Gen., xih, 16; xxvm, 14; Num., 
xxiii, 10; II Par., i, 9. A la voix de Dieu, les cailles 
tombèrent comme la poussière dans le camp des Israé- 
lites. Ps. lxxviii (lxxvii), 27. Dans un sens analogue, 
Benadad, pour donner l'idée du grand nombre de ses 
soldats, prétend que la poussière de Samarie ne suf- 
firait pas à remplir le creux de toutes leurs mains. 
III Reg., xx, 10. — 2» La poussière est le résultat d'un 
broiement d'éléments solides. Les ennemis sont broyés 
comme la poussière. II Reg., xxn, 43. — 3° La pous- 
sière légère est emportée par le vent. Les nations enne- 
mies, Is., xvii, 13, les armées vaincues, IV Reg., xm, 17, 
la fleur des méchants, «'est-à-dire leur prospérité, les 
méchants eux-mêmes sont emportés par le vent comme 
la poussière. Ps. xvm (xvn), 43; xxxv (xxxiv), 5; Is., : 
xxix, 5. — 4° Le serpent rampe à terre- et semble lécher 
et manger la poussière. Gen., m, 14; Is., lxv, 25. En 
face d'Israël régénéré, les nations lécheront la poussière 



591 



POUSSIÈRE — POUZZOLES 



592 



comme le serpent, c'est-à-dire se feront humbles et 
soumises. Mich., vu, 17. — Sur la poussière aromati- 
que, Exod., xxx, 36; Cant., m, 6, voir Parfum, t. iv, 
col. 2163. H. Lesêtre. 

POUSSINES Pierre, érudit français né le 28 oc- 
tobre 1609,àLaurac (Aude), novice de la Compagnie de 
Jésus le 7 juillet 1624, fut, 19 ans durant, chargé du 
cours d'Écriture Sainte et d'hébreu au Collège romain. 
Revenu à Toulouse en 1682, il y mourut 4 ans plus 
tard, le 2 février 1686. Sa vaste et sûre érudition ne se 
porta pas seulement sur les Pères grecs, elle s'exerça 
sur l'Écriture Sainte et nous a valu notamment deux 
ouvrages fort importants. C'esl d'abord Catena Grseco- 
rum Patrum in Evangelium secundum Marcum, 
in-f", Rome, 1673. Cette œuvre est suivie de commen- 
taires sur des passages spéciaux des quatre Evan- 
giles; de collations du texte grec de tous les livres du 
Nouveau Testament avec 22 manuscrits; d'observations 



montants, colonnes, poteaux, etc. — Baruch, vi, 13, 
54, dit que les idoles sont dans leurs temples comme 
des poutres et qu'elles y brûleront comme ces der- 
nières. — Notre-Seigneur compare à une poutre dans 
l'œil les défauts de celui qui, oublieux ou inconscient 
de ses torts graves, ne songe qu'à remarquer les tra- 
vers beaucoup moindres du prochain. Matth., vu, 3-5; 
Luc., vi, 41, 42. La poutre dans l'œil est une hyper- 
bole orientale de même ordre que le chameau dans le 
trou d'une aiguille, Matth., xix, 24, le chameau avalé. 
Matth., xxm, 24, etc. La comparaison se retrouve dans 
la Mischna, Arackin, 16 b, à propos des réprimandes 
qu'on refuse d'accepter : « A qui dirait à son prochain : 
Ote la paille qui est dans ton œil, on ne manquerait 
pas de répondre : Ote la poutre qui est dans le tien. » 

H. Lesêtre. 
POUZZOLES (grec : IWoXoi; Vulgate : Puteoli), 
aujourd'hui Pozzuoli, port autrefois célèbre, situé vers 
l'extrémité septentrionale du golfe de Naples, ou du 




163. — Port de Pouzzoles ; ruines de l'ancien môle. 



sur divers endroits du Nouveau Testament. Son second 
ouvrage, plus remarquable, est Apocalypsis ènarra- 
tiones, in-4», Toulouse, 1685. On doit signaler encore deux 
Dissertations sur l' Assuérus d'Esther, le Darius de Daniel 
et le Zacharie de Barachie, deux autres Dissertations 
sur les prophéties concernant Notre-Seigneur, enfin 
une étude De adventu Christi nonnisi post prxvisum 
Adami lapsum décréta. P. Bliard. 

POUTRE (hébreu : krutôt, mehabbrôf, ?êl'ôt, 
éequfîm, qôrâh; Septante : 6ox6«; Vulgate : trabes), 
pièce de bois, longue et forte, employée dans les cons- 
tructions. — Il est question de poutres à propos de la 
construction des parvis du Temple, III Reg., vi, 36; 
vu, 12, du Temple lui-même, sous Salomon, II Par., 
ni, 7, et sous Josias, II Par., xxxrv, 11; des palais et 
autres édifices de Salomon, III Reg., vi, 15, 16; vu, 3, 
4, et de maisons riches, Cant., i, 16, ou communes. 
IV Reg., vi, 2, 5. Les termes hébreux, presque tous au 
pluriel, indiquent probablement des variétés de pou- 
tres, différentes quant à la forme ou quant à l'usage, 
poutres Droprement dites, poutrelles, fermes, solives, 



Sinus Puteolanus, comme on disait alors, à l'ouest et 
à 10 kilomètres de l'ancienne « Néapolis », entre le cap 
du Pausilippe et le cap Misène. L'origine de son nom 
est douteuse. On l'a rattaché tantôt aux exhalaisons 
putrides des sources sulfureuses de la région, pu~ 
tere; tantôt directement à ces puits sulfureux,, putei. 
Saint Paul y arriva de Malte en peu de jours, poussé 
par un vent favorable. Act., xxvm, 13. Puteoli était le 
grand port commercial de l'Italie. Pline, H. N., xxxvi, 
14, rapporte que les marchands de soixante-dix nations 
diverses s'y rencontraient, occupés à y entreposer pour 
Rome les produits de tout l'univers, spécialement le 
blé d'Egypte. Voir aussi Suétone, August.,98, et Titus* 
5; Silius Italicus, Silv., m, 2. Cicéron, comme saint 
Paul, y aborda en venant de Sicile. Cf. Pro Plane, 26. 
L'historien juif Josèphe y vint également à la suite 
d'un naufrage, Vita, 3. On nommait Pouzzoles «• la 
petite Délos », parce que cette île de la mer Egée avait 
été elle-même le grand marché de l'univers. Il existe 
encore des restes de l'ancien môle sur lequel saint Paul 
dut débarquer (fig. 163). Fondée par les Ioniens, Pouz- 
zoles portait primitivement, lorsque toute la rive cam- 



593 



POUZZOLES 



PRÉDESTINATION 



594 



panienne était beaucoup plus grecque que latine, le 
nom de Dikéarkhia, que lui donne encore Josèphe, 
Ant. jud., XVII, xu, 1. C'est pendant la seconde guerre 
punique qu'elle fut occupée par les Romains. 

En sa qualité de port marchand fréquenté du monde 
entier, Pouzzoles ne pouvait manquer de posséder une 
colonie de juifs, cf. Josèphe, l. c, et aussi d'entendre 
de très bonne heure la prédication chrétienne. Voir 
Ramsay, St. Paul the Traveller, 5 e édit., in-8°, Londres, 
1900, p. 346. C'est probablement parmi ces habitants 
israélites que germèrent les premières semences de la 
foi en Jésus-Christ. Paul, en y débarquant, y trouva 
des « frères », Act., xxvm, 14, qui le prièrent de de- 
meurer quelques jours auprès d'eux. Le centurion Ju- 
lius, sous la garde duquel était l'Apôtre, lui accorda 
cette faveur, comme précédemment à Césarée, Act., 
xxvn, 3, de sorte que saint Paul put passer une semaine 
entière à Pouzzoles. Une variante du texte grec, dans 
Act., xxvm, 13, mérite d'être signalée : au lieu de 
îrapsxX7i6^[isv nap'aÙToî; ini|».EÏvai, qui est la leçon la 
plus autorisée et celle qu'a suivie la Vulgate, le cod. D 
et d'autres manuscrits portent : TcapEx),. iit'aÛToïç é[i|j.st- 
vavreç, « Nous fûmes consolés, étant demeurés auprès 
d'eux ». L. Fillion, 

PRADO (Joronime de), exégète espagnol, né à 
Baeza en 1547, mort à Rome le 13 janvier 1595. Il 
entra en 1572 au noviciat de la Compagnie de Jésus et 
devint ensuite professeur à Cordoue où il enseigna 
d'abord les humanités, puis, pendant 16 ans, l'Écriture 
Sainte. Il est surtout Connu à cause de son grand ou- 
vrage sur Ézéchiel. Étant allé à Rome pour y chercher 
des artistes capables de faire les illustrations qu'il 
voulait joindre à son Commentaire, il y mourut, lais- 
sant inachevée son œuvre qui fut terminée par son con- 
frère Villalpaud : Hieronymi Pradi etJoannis Baptistse 
Villalpandi e Societate Jesu in Ezechielem Explora- 
tiones et Apparatus Vrbis ac Templi Eierosolymi- 
tani Cotnmentariis et Imaginibus illustratus. Opus 
tribus tomis distinctum, 3 in-f°, Rome, 1596-1604. Le 
tome i,part. I, renferme le commentaire des 26 premiers 
chapitres, le tome n est consacré au Temple et le tome ni 
à la ville de Jérusalem . La première partie seule du tome i 
est l'œuvre de Prado; la seconde partie du tome i 
(Èzech., xxvii-xxviii) et les tomes n et m sont l'œuvre 
de Villalpand. 

PRÉCURSEUR (grec : icpoTpÉ X cov, np<S5po[ioç; Vul- 
gate : prsecursor), celui qui court devant un person- 
nage pour préparer son passage. — Les précurseurs 
étaient employés chez les Égyptiens. Us sont représen- 
tés courant à pied devant le char du pharaon. Voir t. h, 
fig. 193, col. 566. L'un d'eux précédait le char de Jo- 
seph en criant 'abrek! Gen., xli, 43. Voir Abrek, t. i, 
col. 90; Main, t. iv, col. 584. Samuel prévit que les 
rois israélites voudraient aussi avoir des hommes pour 
courir « devant la face de leur char », à la mode égyp- 
tienne. I Reg., vin, 11. L'usage du précurseur existe 
encore en Egypte. « Il court devant notre landau, écar- 
tant de ses cris et menaçant de sa baguette les pares- 
seux ou les affairés qui sont sur la route. Les sais des 
grands seigneurs , mieux costumés que lui, portent des 
vestes brodées d'argent et d'or. Leurs manches larges 
et leur jupe volumineuse flottent au vent, tandis qu'ils 
crieirï, qu'i\s -<io\6ïrt, qw'ïis ftappetA. -i> Le Cawwvs, Notre 
voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 97. 
Cf. Landrieux, Aux pays du Christ, Paris, 1897, p. 65. 
— Le Seigneur promit à Moïse d'envoyer devant lui 
un ange pour précéder le peuple dans le pays de Cha- 
naan et ainsi lui frayer la voie. Exod., xxxm, 2. Plus 
tard, Dieu fit annoncer par Malachie, m, 1, qu'il enver- 
rait son messager pour préparer le chemin devant lui. 
Saint Jean-Baptiste remplit cet office à l'égard de 



Notre-Seigneur, Marc, i, 2, 4, ce qui lui a fait donner 
le nom de précurseur. — Jésus-Christ est entré dans 
le sanctuaire du ciel en qualité de précurseur. Heb., 
vi, 20. Il nous y précède et, par sa rédemption, nous 
mérite la grâce de le suivre. H. Lesêtke. 

PRÉDESTINATION, acte de volonté divine déter- 
minant à l'avance la fin surnaturelle que doit atteindre 
une âme. 

1» Il y a une prédestination à la grâce pour la vie 
présente. Des témoins choisis d'avance ont eu la faveur 
de voir Jésus ressuscité, et sont ainsi devenus capables 
de transmettre à d'autres la foi en cette résurrection. 
Act., x, 41. Saint Paul a été prédestiné à connaître la 
volonté de Dieu, à voir le Juste et à entendre les paroles 
de sa bouche. Act., xxn, 14. Les chrétiens sont prédes- 
tinés à être les fils adoptifs de Dieu par Jésus-Christ, 
selon sa libre volonté, en faisant ainsi éclater en eux la 
gloire de sa grâce, Eph., i, 5, prédestination qui est 
toute gratuite et ne suppose aucun mérite préalable de 
la part de l'homme, puisqu'elle ne dépend que de « la 
résolution de celui qui opère toutes choses d'après le 
conseil de sa volonté. » Eph., i, 11. Les chrétiens par- 
viennent à cette adoption divine parla grâce de Jésus- 
Christ, qui veut que nous accomplissions « les bonnes 
œuvres que Dieu a préparées d'avance afin que nous 
les pratiquions. » Eph., n, 10. Tout, dans la vie chré- 
tienne, est donc prévu et voulu à l'avance par Dieu, 
dont la volonté toute-puissante respecte cependant la 
liberté de l'homme. Rom., ix, 18. 

2° Il y a surtout une prédestination au salut et à la 
gloire éternelle. Saint Luc dit qu'à la prédication de 
Paul et de Barnabe, à Antioche de Pisidie, :< tous ceux- 
là crurent qui étaient prédestinés à la vie éternelle, s 
Act., xin, 48. Saint Paul formule en ces termes la doc- 
trine complète de la prédestination : « Toutes choses 
concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux 
qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu'il a 
connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être con- 
formes à l'image de son Fils, afin que son Fils soit le 
premier-né d'un grand nombre de frères. Et ceux qu'il 
a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu'il a 
appelés, il les a justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les 
a glorifiés. » Rom., vm, 28-30. Voilà donc quatre 
termes qui marquent l'action de la volonté divine sur 
une âme : prédestination ou détermination antécédente 
de Dieu; vocation ou appel adressé à l'âme; justifica- 
tion ou effet de la grâce sur l'âme; glorification ou 
entrée de l'âme dans la vie éternelle. L'Apôtre compare 
ensuite les âmes à l'argile dont le potier est le maître 
absolu, et dont il peut tirer, à son choix, un vase pré- 
cieux ou un vase commun. Ainsi fait Dieu, qui sup- 
porte avec patience « des vases de colère, formés pour 
la perdition », et qui exerce sa libre munificence « à 
l'égard des vases de miséricorde qu'il a d'avance pré- 
parés pour la gloire. » Rom., ix, 21-23. L'Évangile que 
prêche l'Apôtre est une sagesse « que Dieu, avant les 
siècles, avait destinée pour notre glorification. »I Cor., 
il, 7. Cette sagesse a été révélée « selon le dessein éter- 
nel qu'il a réalisé par Jésus-Christ. » Eph., ni, 11. Voir 
F. Prat, La théologie de saint Paul, 1. 1, 1908, p. 342-352. 

3° La prédestination ne peut en aucune manière être 
assimilée au destin, àuâfx-*], fatum, des anciens, qui 
déterminait aveuglément à l'avance le sort de chacun. 
Elle ne çréjudicie en rien à la libre activité de 
l'homme. Au dernier jugement, le sort de chacun 
est décidé, non d'après une détermination antécédente 
et nécessitante de Dieu, mais selon les œuvres bonnes 
ou mauvaises que l'homme a accomplies. Matth., xxv, 
34, 35,41, 42. D'après les paraboles du Sauveur, l'homme 
est lui-même l'artisan de son bonheur ou de son 
malheur éternels. Matth., xx, 10; xxn, 12, 13; xxv, 
3-12, 21, 23, 30, etc. « Si tu veux entrer dans la vie, 



595 



PRÉDESTINATION 



PRÉDICATION 



596 



garde les commandements », dit formellement le Sau- 
veur. Matth., xix, 17. Cf. Luc, xm, 23. D'après saint 
Paul, il faut courir et se donner de la peine pour 
atteindre le but final, I Cor., ix, 24; la récompense est 
une couronne due en justice à celui qui a bien tra- 
vaillé pour Dieu sur la terre, II Tim., iv, 7, et cette ré- 
compense est en rapport avec le labeur de chacun. 
Rom., il, 5; I Cor., m, 8. Saint Pierre déclare que les 
bonnes mœurs sont nécessaires pour fixer chacun dans 
sa vocation et son élection. II Pet., i, 10. La récom- 
pense promise demeure toujours incertaine tant qu'on 
ne la tient pas, car on peut la perdre par sa négligence 
ou son infidélité. Rom., xi, 22; I Cor.,x, 12; Phil., n, 
12; Apoc, m, 11, etc. Voir Justification, t. m, 
col. 1878; Œuvres, t. iv, col. 1756. De tous ces textes 
résulte cette conclusion, que par la prédestination Dieu 
prévoit le sort éternel de chaque âme, mais en tenant 
compte de la manière dont cette âme utilisera libre- 
ment ses grâces. Autrement l'obéissance aux comman- 
dements et les efforts pour la pratique de la vertu ne 
seraient pas de précepte pour le salut. Si, avant de 
venir au monde, on était prédestiné au bonheur ou au 
malheur par une volonté inéluctable de Dieu, indépen- 
damment de tout acte d'obéissance ou de désobéissance 
personnelle, il serait dès lors impossible, quoi qu'on 
fit, de manquer ce bonheur ou de se dérober à ce 
malheur. Pareille théorie est contraire à toutes les as- 
surances et à tous les conseils de l'Évangile. Dieu «veut 
que tous les hommes soient sauvés », I Tim., n, 4, et 
il a envoyé son Fils dans le monde « pour que le 
monde soit sauvé par lui ». Joa., m, 17. Telle est la pré- 
destination universelle ante mérita; c'est seulement la 
prédestination post mérita prmvisa qui assigne aux 
uns le bonheur et aux autres le malheur. Sur la 
théorie thomiste et sur les discussions auxquelles a 
donné lieu la doctrine de la prédestination, voir Turmel, 
Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p.' 276- 
282, 401-409. 

4° Il y a une prédestination spéciale pour Notre-Sei- 
gneur, dont saint Paul dit, d'après la Vulgate, qu'il « a 
été prédestiné Fils de Dieu miraculeusement, selon 
l'Esprit de sainteté, par une résurrection d'entre les 
morts ». Rom., i, 3. La prédestination ne peut porter 
sur le Fils de Dieu dans sa nature divine, mais seule- 
ment sur ce qu'il est devenu dans le temps par son in- 
carnation, et sur la gloire dont sa nature humaine a 
ensuite été comblée dans le ciel après son ascension. 
Dans le texte grec, au lieu de prœdeslinatus, on lit 
ôpiudrvToc, qui veut dire « défini, fixé, établi ». La 
pensée de l'Apôtre est donc que Jésus-Christ a été 
défini, déclaré, manifesté Fils de Dieu par sa résurrec- 
tion. H. Lesêtre. 

PRÉDICATION (hébreu : qeryâh ; Septante : 
x^puf|ia; Vulgate : prsedicatio), exposition et propa- 
gation par la parole d'un enseignement dogmatique 
ou moral. 

I. Dans I'Ancien Testament. — En plusieurs circon- 
stances, Moïse adressa au peuple qu'il avait à former 
des exhortations publiques à la fidélité envers Jéhovah. 
Elles sont consignées dans le Deutéronome, x, xi, xxix. 
Après lui, ce ne furent pas les prêtres, dont les fonc- 
tions étaient presque exclusivement liturgiques, mais 
les prophètes qui eurent à rappeler au peuple les 
prescriptions de la loi divine. Ainsi firent Samuel, 
Élie, Elisée, et ceux qui les suivirent. Josaphat envoya 
de ses chefs et des lévites dans les villes dejuda, avec 
le livre de la loi, pour enseigner le peuple. II Par., xvn, 
7-9. Plus tard, le roi Jtzéchias envoya de même à 
travers le pays d'Israël des messagers remplissant les 
fonctions de missionnaires, pour prêcher aux tribus 
séparées le retour au service de Jéhovah, sans grand 
succès d'ailleurs. II Par., xxx, 6-11. Sous Josias, la 



découverte du livre de la Loi fut l'occasion d'une sorte 
de prédication solennelle. II Par., xxxiv, 29-33. L'obéis- 
sance à la Loi fut de nouveau prêchée au temps d'Esdras. 
I Esd., ix, 6-x, 14; II Esd., vm, 1-ix, 38. Les oracles 
des prophètes sont souvent des prédications mises par 
écrit. Jer., vu, 2; xix, 2, etc. C'est par eux surtout 
que la sagesse prêchait sur les places publiques. 
Prov., i, 20. Jonas, i, 2; m, 2, fut envoyé à Ninive 
pour y prêcher la pénitence. Luc, xi, 32. Isaïe, lu, 
7, salue à l'avance celui qui doit venir prêcher à Israël 
la bonne nouvelle, la paix, le bonheur et le salut. Il 
annonce que le Messie prêchera la bonne nouvelle, le 
retour à la lumière et l'année de grâce. Is., lxi, 1 ; 
Luc, iv, 19. Quand les synagogues furent instituées, 
le service religieux y comprit une explication des 
textes sacrés et une exhortation morale. Voir Lecteur, 
t. rv, col. 147; Sïnagogue. Saint Jacques atteste que 
depuis bien des générations, Moïse avait dans chaque 
ville des hommes qui le prêchaient. Act., xv, 21. 
Néanmoins, sous l'ancienne loi, la prédication n'avait 
qu'un rôle secondaire, parce que le Livre sacré était 
la base de la religion et renfermait tout ce qui s'impo- 
sait à la croyance et à la pratique de l'Israélite. 

II. Dans le Nouveau Testament. — 1» Par sa pré- 
dication sur les bords du Jourdain, saint Jean-Baptiste 
prépare les foules à l'apparition du Messie. Il exhorte 
à la pénitence et à l'accomplissement des devoirs d'état; 
il interpelle sévèrement les pécheurs orgueilleux pour 
les obliger à rentrer en eux-mêmes. Mais sa mission 
se borne à annoncer le Messie, à disposer les âmes à 
le recevoir, et enfin à le montrer. Matth., m, 1; Marc, i, 
4, 6; Luc, m, 3; Act., xiii, 24. Cette prédication fit 
grand effet. Le précurseur eut beaucoup de disciples 
qui s'attachèrent à lui. Matth., îx, 4; Marc, h, 18; 
Luc, v, 33; vu, 18, 19; xi, 1; Joa., m, 25; iv, i. Plus 
tard, il s'en trouva même un, Apollos, à Éphése, qui 
prêchait la doctrine de Jésus tout en ne connaissant 
que le baptême de Jean. Act., xvm, 25. — 2° Le Sau- 
veur prêcha lui-même sa doctrine pendant tout le cours 
de sa vie publique. Cette doctrine constituait la « bonne 
nouvelle » ou l'Évangile, d'où l'emploi du mot eûoefyt- 
Xi(ra<iôaeou eiixT(tll&txQoii,evangeliza,re, « évangéliser, » 
pour désigner cette prédication. Le Sauveur prêchait 
donc le royaume de Dieu, Luc, iv, 43; vm, 1; il l'an- 
nonçait aux pauvres, Matth., vu, 22; xi, 5; Luc, iy, 
18, alors que les docteurs juifs se bornaient à enseigner 
leurs disciples. Il prêchait partout, Matth., iv, 17, 23; 
ix, 35; xi, 1; Marc, i, 14, 45; Luc, vm, 1; Marc, i, 
14, 45; Luc, vm, 1 ; dans les bourgs, Marc, i, 38; en 
pleine campagne, Matth., v, 1, 2; dans la Décapole, 
Marc, v, 20; dans les synagogues, Marc, i, 39; 
Luc, iv, 44; sur les bords du lac, Matth., xm,J-2, 3; 
dans le Temple, Joa., v, 18; vu, 14, etc. Sur la pré- 
dication du Sauveur, voir Jésus-Christ, t. m, col. 1480» 
1497. — 3" Notre- Seigneur chargea ses disciples et 
particulièrement ses apôtres de prêcher son Évangile. 
Matth., x, 7; Marc, m, 14; vi, 12; xvi, 15, 20; Luc, ix, 
2; xxiv, 47; Act., x, 42; I Pet., i, 12; etc. Il leur 
recommanda de le prêcher sur les toits, Matth., x, 27; 
Luc, xn, 3, c'est-à-dire de manière à être vus et enten- 
dus pas tous. — 4° L'ordre du Sauveur fut exécuté avec 
zèle. Dès le jour de la Pentecôte, saint Pierre se met 
à prêcher. Act,, n, 14; il a pour imitateurs le diacre 
Etienne à Jérusalem, Act., vi, 14; vu, 1-53, le diacre 
Philippe en Samarie, Act., vm, 5, 12, 40, tous les 
autres Apôtres à travers le monde. Act., v, 42; vm, 4, 
25; xiv, 6, 20; xv, 35, etc. — 5° Mais le prédicateur de 
l'Évangile par excellence est saint Paul, que le Sauveur 
lui-même a choisi pour porter son nom devant les na- 
tions, devant les rois et devant les enfants d'Israël. 
Act., ix, 15. Il s'en va prêcher partout daus le monde 
romain, en commençant par les synagogues des Juifs, 
Act., ix, 20; xiii, 5, etc., et en s'adressant ensuite aux 



597 



PRÉDICATION — PRÉMICES 



598 



gentils partout où il les rencontre. Act., xv, 36; xvh, 
13; xix, 13; xx, 25; xxvm, 31; I Cor., n, 4; xv, 1, 2, 
11, 14; II Cor., i, 19; xi, 4; Col., i, 23; I Thés., n, 9; 

I Tim., n,7, IITim ,i, 11; iv, 17;Tit.,i, 3, etc. Cepen- 
dant il se sait particulièrement chargé de la prédication 
aux gentils, Gai., i, 16; n, 2; Eph., m, 8; mais il s'ap- 
plique à prêcher l'Évangile là où il n'a pas encore été 
annoncé. Rom., xv, 20; II Cor., x, 16. Son rôle spécial 
n'est pas de baptiser, mais de prêcher, I Cor., i, 17, et 
malheur à lui s'il ne prêche pas. I Cor., IX, 16. — 
6° Les Épîtres de saint Paul énoncent un certain nombre 
de réflexions qui montrent quelle idée l'Apôtre se faisait 
de la prédication. Tout d'abord, dans la religion de 
Jésus-Christ, la prédication est indispensable. «Comment 
invoquer celui en qui on ne croit pas ? Comment croire 
en celui dont on n'a pas entendu parler? Comment en 
entendre parler sans prédication? Et comment y aura- 
t-il des prédicateurs s'ils ne sont envoyés? » Rom., x, 
14-15. La prédication est donc nécessaire, puisque 
Notre-Seigneur a donné pour base à sa religion non 
plus un livre, comme dans la loi ancienne, mais la 
parole de ses envoyés. Matth., xxvm, 19. Pourtant n'est 
pas prédicateur qui veut; il faut avoir reçu mission de 
Jésus-Christ, ou de ceux qui le représentent. Saint Paul 
ne se prêche pas lui-même, c'est-à-dire qu'il ne met 
en avant ni sa personne ni ses idées. II Cor., iv, 5. Il 
prêche Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, c'est-à- 
dire le Sauveur dans ses humiliations aussi bien que 
dans ses gloires. I Cor., i, 23. Il ne le prêche 
pas en faisant appel aux ressources de la sagesse 
et de l'éloquence humaines, I Cor., i, 17-25, mais 
simplement et en dépit de ses infirmités person- 
nelles, Gai., iv, 13, aQn qu'il soit bien constant que 
cette prédication agit par sa propre vertu, indépen- 
damment de la valeur du prédicateur. I Cor., i, 17. Il 
y en a qui se font prédicateurs de l'Évangile par envie 
et par esprit d'opposition. Phil., I, 15. Saint Paul prêche 
avec un parfait désintéressement, I Cor., ix, 18; 

II Cor., xi, 7, et il s'applique à pratiquer la doctrine 
qu'il prêche, afin de n'être pas réprouvé. I Cor., îx, 27. 
Il veut que son disciple Timothée « prêche la parole, 
insiste à temps et à contre-temps, reprenne, menace, 
exhorte, avec une entière patience et toujours en ins- 
truisant. » II Tim., iv, 2. Tels sont en effet les devoirs 
qui s'imposent au prédicateur de l'Évangile. 

H Lfsêtrf 
PRÉFETS DE SALOMON. III Reg., îv, 7-19. 
Voir Gouverneur, 12», t. m, col. 285. 

PRÉFIXES, terme grammatical par lequel on dé- 
signe dans la langue hébraïque les particules qui sont 
placées au commencement de certains mots. Voir Hé- 
braïque (Langue), t. m, col. 473. 

1 . PRÉMICES, prélèvements opérés sur les premiers 
fruits produits par la terre, destinés à être offerts au Sei- 
gneur, comme les premiers-nés de l'homme et des 
animaux. Ces prélèvements étaient de deux sortes, les 
prémices des fruits naturels et les prémices des 
fruits préparés. 

I. Prémices des fruits naturels. — 1° Ces prémices 
portent le nom de bikkûrîm, nçia>s<}yiwr\]>.ara., YsvvVjfj.aTa, 
fruges, et sont ordinairement désignées par l'expres- 
sion r'êsîp bikkàrê hà-'âdâmâh, àitap-/ai t<5v itpwTOYsv- 
vyiikxtwv Tri; fT|C> primitim frugum terrte, « les pré- 
mices des fruits de la terre », Exod., xxm, 19, ou 
r'èsît perî ha-âdâmâh, àitapxiî wv ffnruiâiiav xrj;yîic, 
primitise frugum terrée. Deut., xxvi, 10. — 2» La Loi 
ordonnait d'apporter les prémices des fruits de la 
terre dans la maison du Seigneur. Exod., xxui, 19; 
xxxiv, 26. Elle indiquait ensuite avec plus de détail la 
manière dont on devait procéder. Une fois dans la 
Terre Promise, l'Israélite prendra les prémices de tous 



ses fruits, les mettra dans une corbeille, s'en ira au 
lieu choisi par le Seigneur pour y être honoré et se 
présentera au prêtre en fonction en lui disant : « Je 
déclare aujourd'hui à Jéhovah, ton Dieu, que je suis 
entré dans le pays que Jéhovah a juré à nos pères de 
nous donner. » Le prêtre prendra la corbeille et la 
déposera devant l'autel. L'Israélite prononcera une 
formule rappelant tout ce que Dieu a fait pour ses 
pères et conclura en ces termes : « Et maintenant, 
voici que j'apporte les prémices des produits du sol 
que vous m'avez donné, ô Jéhovah! » Ensuite il se 
livrera à des réjouissances avec le lévite et l'étranger 
qui réside auprès de lui. Deut., xxvi, 1-11. — 3° Le 
traité Bikkurim de la Mischna a pour objet l'offrande 
des prémices. — Quelques docteurs ont prétendu que 
la loi sur les prémices ne fut obligatoire que quand le 
Temple exista, parce que le texte sacré dit de les 
apporter dans la « maison >> du Seigneur. Deut., xxvi, 
2. Cf. Schekalim, vin, 8. Mais cette assertion est inad- 
missible, puisque le Tabernacle lui-même est souvent 
appelé « maison ». Exod., xxnr, i9; Jos., vi, 24; I Reg., 
i, 7, 24, etc. — 3° Bien que la Loi parlât de tous les 
fruits de la terre, on restreignait l'obligation des pré- 
mices aux sept fruits qui sont indiqués. Deut., vm, 8, 
comme caractéristiques de la Palestine, le froment, 
l'orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l'olivier et le 
miel. Cf. Bikkurim, I, 2; Gem. Bekoroth, 35, 1. — 
4° La Loi ne portait que sur les produits de la terre 
d'Israël, à laquelle on ajoutait les anciens territoires 
de Séhon, Deut., n, 32-37, d'Og, Deut., m, 8-10, et 
plus tard la partie de la Syrie conquise par David. 
D'après Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 7, on apportait 
aussi les prémices d'Asie Mineure. — 5° Les fruits 
offerts en prémices devaient être de premier choix et 
tout frais, sauf les raisins et les figues qui pouvaient 
être secs quand on les apportait de loin. — La quan- 
tité de fruits à offrir en n^émices n'était pas déter- 
minée. On pouvait même offrir à ce titre ceux d'un 
champ tout entier. Cf. Bikhurim il, 4; Siphra, f. 25, 
1. Les prémices faisaient partie des six ou dix choses 
dont la Loi ne réglait pas la mesure. Cf. Pea,i,l; Gem. 
Jerus., Pea, 16, 1. Mais les docteurs avaient décidé que 
l'offrande devait être au moins d'un soixantième. Le 
mot téni', « corbeille », dont les trois lettres td, s, s, 
représentent les chiffres 9, 50 et 1, au total 60, servait 
à rappeler cette règle à la mémoire. Cf. Gem. Jerus. 
Bikkurim, 65, 3; Siphra, f. 202, 2. — 6° La sépara- 
tion des fruits constituant les prémices pouvait se 
faire soit sur l'arbre, avant maturité, au moyen d'un 
signe, soit après la récolte, à condition toutefois que 
les bikkûrîm, fussent mis à part avant toutes les autres 
redevances. Cf. Terumoth, m, 7. On était obligé de 
remplacer ce qui s'était pourri ©u avait été volé. — 
7° Quand le Temple eut été construit l'offrande de 
ces prémices se faisait à Jérusalem, mais pas avant la 
Pentecôte, Exod., xxm, 16; Lev., xxru, 17, ni après la 
Dédicace, le 25 casleu, les fruits plus tardifs n'ayant 
pas grande valeur. Cf. Bikkurim, i, 6; Challa, IV, 10. 
— 8° Par la suite des temps, l'offrande des prémices 
fut réglée dans tous les détails. Les fruits se plaçaient 
dans des corbeilles dorées, argentées ou en bois de 
saule. Si tous les fruits devaient être contenus dans 
la même corbeille, on mettait au fond l'orge, puis le 
blé, ensuite les olives, au-dessus le miel, les grenades, 
les figues et enfin les raisins. Ordinairement on atta- 
chait à la corbeille des tourterelles ou des colombes 
destinées à être offertes en holocauste. — La corbeille 
ainsi disposée était portée à Jérusalem par celui qui 
faisait l'offrande ou par son réprésentant. Le voyage 
était entrepris en grande pompe. De plusieurs loca- 
lités, on se réunissait à un rendez-vous commun. Le 
chef de la bande criait les paroles de Jérémie, xxxi, 6; 
cf. Mich., iv, 2 : « Levez-vous et montons à Sion, vers 



599 



PRÉMICES 



600 



Jéhovah notre Dieu! » et l'on se mettait en route, 
avec un bœuf à cornes dorées et couronné d'olivier, et 
un joueur de flûte. Chemin faisant, on répétait les 
paroles du Psaume CXXii (cxxi), 1 : « J'ai été dans la 
joie quand on m'a dit : Allons à la maison de Jéhovah ! » 

— Aux approches de Jérusalem, de hauts fonction- 
naires du Temple allaient au devant des arrivants et 
leur faisaient accueil. A l'entrée du Temple, chacun, 
même le roi, devait prendre sa corbeille sur ses 
épaules, et la porter à l'intérieur en chantant le 
Psaume CL, auquel les lévites répondaient par le 
Psaume xxx (xxix). Au parvis des prêtres, il la déchar- 
geait et l'agitait, avec l'aide d'un prêtre, en proférant 
les paroles prescrites. Deut., xxvi, 3-10. Cette formule 
n'obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves, 
ni ceux qui présentaient des prémices après la fêle 
des Tabernacles. Cf. Bikkurim, i, 5, 6. La corbeille 
était portée près de l'autel, sans qu'on pût mettre sur 
l'autel même ce qui contenait du levain ou du miel, 
Lev., n,ll, 12, et le sacrifice était offert. Si la corbeille 
était de métal, oh la rendait à l'Israélite porteur des 
prémices; les prêtres gardaient pour eux les corbeilles 
de saule ou de jonc. — Après l'offrande des prémices, 
l'Israélite était obligé de passer la nuit à Jérusalem; il 
ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bik- 
kurim, II, 2, 3, i. — Les prémices appartenaient aux 
prêtres, ce qui explique l'empressement avec lequel 
ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les prêtres 
de service pendant la semaine se les partageaient et les 
mangeaient à Jérusalem même, eux, leurs femmes, 
leurs esclaves et leurs bêtes, pendant le séjour en 
ville de celui qui avait présenté ces différents fruits. 
Num., xvm, 13; II Esd., x, 37. — Cf. Josèphe, Ant. 
jud., IV, vin, 22. Philon a écrit au sujet de la pré- 
sentation des prémices un petit traité De festo co- 
phini, publié par Mai et par Tischendorf, Philonea, 
1868, p. 69-71. • 

II. Prémices des fruits préparés. — 1° Ces prémices 
portent le nom de terùmâh, âçafpeu.a, cmaPx*), primi- 
tise. Elles font l'objet du traité Terumoth de la Mischna. 

— Outre les prémices des fruits à l'état naturel, la Loi 
ordonnait encore de donner aux prêtres les prémices 
des produifs tirés des fruits, Exod., xxn, 29, nommé- 
ment de la farine, Num., xv, 19, 21, du vin nouveau, 
de l'huile, même de la toison des brebis, Deut., xvm, 
4, et en général de tous les produits de la terre ou des 
arbres. Cf. Terumoth, n, 5, 6. Cette redevance devait 
être acquittée chaque année envers les prêtres par les 
Israélites non seulement de Palestine, mais aussi, après 
la captivité, de Babylone, d'Egypte, du pays d'Ammon 
et de Moab, et de Syrie. Toutefois les prémices de ces 
pays étrangers ne devaient pas êtres introduites en Terre 
Sainte. Cf. Te-umoth, i, 1. Les prémices des toisons 
étaient fidèlement offertes par Tobie, i, 6, qui, du 
royaume d'Israël, avant d'être emmené en captivité, se 
rendait régulièrement au Temple de Jérusalem et y pré- 
sentait « les prémices » et ses « premières tontes », 
icptDToxovpiaç. Les prémices de la farine et des aliments 
dont elle formait la base étaient l'objet de prescriptions 
spéciales contenues dans le traité Challa de la Mischna. 
Saint Paul y fait allusion quand il dit que « si les pré- 
mices, àirapxij, sont saintes, la masse de la pâte, yjpa- 
|ia, l'est aussi. » Rom., xi, 16. Était soumis à l'obliga- 
tion des prémices tout ce qui provenait du froment, de 
l'orge, de l'épeautre, de l'avoine et du seigle. Cf. Challa, 
i, 1. Ces prémices ne s'acquittaient pas en farine, mais 
en pâte et en pain tout préparé. Cf. Challa, n, 5. — La 
quantité de prémices à fournir n'était pas déterminée. • 
Ézéchiel, xlv, 13, 14, suppose une proportion d'un 
soixantième pour le froment et l'orge, et d'un centième 
pour l'huile. On estimait généralement qu'il était dû un 
cinquantième; les disciples d'Hillel opinaient pour un 
quarantième, ceux de Schammaïpourun trentième ; les 



moins généreux se contentaient d'un soixantième. Sur 
les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulan- 
gers 1/48. Cf. Challa, H, 7; Eduyoth, i, 2. Saint Jérôme, 
In Eiech., xiv, 45, t. xxv, col. 451, dit que, selon la 
tradition juive, on pouvait s'en tenir à une quantité in- 
termédiaire quelconque entre le quarantième et le 
soixantième. Cf. Philon, De.primitiis sacêrdotum, i, 
édit. Mangey, t. n, p. 233. 

2° L'usage de ces prémices n'était pas réglé. Chacun 
les attribuait au prêtre qu'il voulait. Ces prémices 
n'avaient donc pas un caractère sacré, comme les pré- 
cédentes qu'il fallait aller présenter au Temple. C'étaient 
de simples redevances au bénéfice de l'ordre sacerdotal. 
La liberté que chacun avait de les distribuer à son gré 
ne laissait pas que d'aider les prêtres à se rendre ai- 
mables et serviables à tous. Sous Ézéchias, des prémices 
abondantes de vin nouveau et d'huile furent ainsi pré- 
sentées, avec les autres prémices, par les habitants de 
Jérusalem aux prêtres et aux lévites, « afin qu'il s'atta- 
chassent fortement à la loi de Jéhovah, » c'est-à-dire 
au service du Temple. Il Par., xxxi, 4-10. Après la cap- 
tivité, les Israélites s'engagèrent à porter au Temple 
leurs prémices de farine, de vin et d'huile; mais ce fut 
dans le but d'attirer et de fixer les prêtres, alors peu 
nombreux, dans la maison de Dieu. Il Esd., x, 35-39; 
xii, 43; xiii, 5. Pour l'ordinaire, la redevance était 
acquittée partout où vivaient des prêtres. — Les pré- 
mices devaient être consommées en Terre Sainte par les 
prêtres en état de pureté et tous ceux de leur maison 
qui satisfaisaient à la même condition, Num., xvm, 11, 
leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs 
animaux même pouvaient manger des prémices. Cf. 
Terumoth, ix, 3; xi, 9. La fille d'un prêtre mariée à un 
simple Israélite n'avait pas le droit d'en manger, pas 
plus que ceux de sa maison. Lev., xxn, 11-13. Cf. Ye- 
bamoth, vu, 2; ix, 6. Une simple fille israélite mariée 
à un prêtre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison, 
cf. Yebamoth, vu, 2; IX, 5, mais seulement du vivant 
de son mari. Cf. Gittin, m, 4. — Cf. Reland, Antiqui- 
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 200-205; Iken, Antiqui- 
lates hebraicse, Brème, 1741, p. 210-218; Schûrer, Ge- 
schichte des judischen Volkes itn Zeït. J. C, Leipzig, 
t. n, 1898, p. 249-250. 

III. Remarques diverses sur les prémices. — 1° La 
pratique. — A toutes les époques de l'histoire d'Israël, 
il est question des prémices. Pour maudire les monts 
de Gelboé, David souhaite qu'ils n'aient aucun champ 
de prémices, c'est-à-dire qu'ils soient frappés de stéri- 
lité. II Reg., i, 21. Un homme de Baalsalisa apporte à 
Elisée vingt pains d'orge de prémices et du froment 
nouveau. IV Reg., îv, 42. Pareille offrande ne pouvait 
se faire qu'aux prêtres; mais il n'y en avait plus de lé- 
gitimes dans le royaume d'Israël, III Reg., xin, 33, et 
le présent fait à Elisée ne procédait que de la généro- 
sité du donateur. Ézéchias remit en honneur l'offrande 
de prémices abondantes. II Par., xxxi, 4-10. Il est re- 
commandé de faire honneur à Dieu des prémices de 
tout son revenu. Prov., m, 9. Cf. Eccli., xxxv, 10. Ezé- 
chiel, xx, 40; xliv, 30; xlviii, 14, rappelle que les pré- 
mices appartiennent au Seigneur et que celles des pre- 
miers produits de toutes sortes sont pour les prêtres. 
Les captifs de Babylone se plaignent qu'il n'y a plus 
d'endroit pour présenter les prémices au Seigneur. 
Dan., m, 38. Après la captivité, cette institution fut 
restaurée. II Esd., x, 35-39; xii, 43; xin, 5. Elle était 
en pleine vigueur à l'époque évangélique, comme le 
donne à supposer la composition des traités Bikkurim 
et Terumoth. — Deux offrandes de prémices étaient 
particulièrement solennelles, celle dés prémices de 
l'orge, à la Pâque, Lev.,xxin, 10, 11, voir Pâque, t. iv, 
col. 2094, et celle des prémices du froment et des deux 
pains, à la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22; Lev., xxm, 17. 
Voir Pentecôte, col. 119. 



601 



PRÉMICES — PREMIER-NÉ 



602 



2° Signification des prémices. — L'offrande des pré- 
mices, prescrite par le Seigneur, constituait à son égard 
un acte de reconnaissance, de soumission et de suppli- 
cation. En s'acquittant de ce devoir, l'Israélite faisait 
profession de reconnaître en Jéhovah le créateur de 
toutes choses, le maître de la nature et le dispensateur 
libéral de tous les biens. Il lui obéissait en sacrifiant 
une partie, la première et la meilleure, de ce qu'il avait 
reçu de sa munificence. En même temps, il se le ren- 
dait propice et s'assurait les mêmes bienfaits pour l'ave- 
nir. Ces idées étaient si naturelles qu'on trouve chez un 
bon nombre de peuples l'usage d'offrir à la divinité les 
prémices des fruits de la terre. Gf. lliad., ix, 529; Cal- 
limaque, In Cerer., 19; Théocrite, vu, 31 ; Aristophane, 
Ran., 4272; Pausanias, i, 43; Porphyre, De abstin., Il, 
5, 6, 27, 32; Épictète, 38; Ovide, Metam., vm, 273; x, 
431; Fasl., h, 519; Tibulle, i, 1, 13; Pline, H. N., iv, 
26, etc. En Egypte, les donations analogues de pains, de 
liqueurs, de quartiers de victimes, même de terres avec 
tout ce qu'elles contenaient, étaient faites aux dieux, 
pour se les rendre favorables, et laissées à la jouissance 
des prêtres. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu- 
ples de l'Orient, 1895, t. i, p. 303. Les mêmes usages 
régnaient en Chaldée. Ibid., p. 676, 677. 

3° Leur destination. — Les prémices constituaient 
une partie de la dotation des prêtres et des lévites. Il 
était juste que ceux qui, au nom de la nation, consa- 
craient leur vie au service du Seigneur, reçussent du 
peuple les choses nécessaires à la vie. On comprenait 
également le droit supérieur de Dieu qui, en donnant 
aux Hébreux la terre fertile de Chanaan, avait établi 
une réserve en faveur de ceux qu'il prenait à son ser- 
vice. Cf. Eccli., xlv, 25. Aux prémices s'ajoutaient, pour 
les prêtres et les lévites, les dîmes, voir Dîme, t. n, 
col. 1431; une part d'un centième sur le butin de 
guerre pour le grand-prêtre, et d'un cinquantième pour 
les lévites, Num., xxxi, 28-30; une part plus ou moins 
considérable des victimes offertes pour les sacrifices 
autres que l'holocauste, voir Sacrifice; différentes 
sommes d'argent ou divers biens en nature provenant 
de vœux, de restitutions, d'amendes, de rachats, etc.; 
l'épaule droite, l'estomac et la mâchoire de tous les 
animaux tués pour l'usage des particuliers, redevance 
qui était comme une extension des prémices. Cf. Iken, 
Antiquitates hebraicx, p. 217; Munk, Palestine, Paris, 
1881, p. 177. La vie des prêtres et des lévites était ainsi 
assurée dans des conditions suffisamment larges, mais 
qui ne permettaient pas l'accumulation de grandes 
richesses, comme il arrivait pour les castes sacer- 
dotales des autres pays de l'antiquité. Cf. Hérodote, 
ii, 37; Diodore de Sicile, i, 73; Munk, Palestine, 
p. 178-179. 

4° Les prémices au sens figuré. — Pour marquer que 
le peuple d'Israël appartenait spécialement au Seigneur 
et que le Seigneur le protégeait en conséquence, Jéré- 
mie, il, 3, dit : « Israël était consacré à Jéhovah, comme 
les prémices de son revenu; quiconque en mangeait se 
rendait coupable, le malheur fondait sur lui. » — Saint 
Paul salue en Jésus-Christ les prémices de la résurrec- 
tion et de la vie,, c'est-à-dire celui qui le premier est 
ressuscité glorieusement pour ne plus mourir et com- 
muniquer la vie aux âmes. I Cor., xv, 20, 23. — Les 
chrétiens ont ici-bas « les prémices de l'Esprit », c'est- 
à-dire le commencement d'une vie qui se développera 
un jour dans la gloire. Rom., vm, 23. Cf. S. Irénée, 
Adv. hmres., v, 8, 1, t. vu, col. 1142. — La famille de 
Stéphanas représente les prémices de l'Achaïe, c'est-à- 
dire qu'elle est la première qui se soit convertie dans 
cette province. I Cor., xvi, 15. Les âmes vierges sont 
des prémices pour Dieu et l'Agneau, c'est-à-dire qu'elles 
occupent une place privilégiée dans l'Église et dans le 
ciel. Apoc, xiv, 4. 

H. Lesëtre. 



2. PRÉMICES (FÊTE DES), un des noms de la fête de 
la Pentecôte. Exod., xxm, 16. Voir Pentecôte, col. 119. 

PREMIER (grec : jrpiôraç; Vulgate : princeps), titre 
que portait le magistrat qui gouvernait l'île de Malte, 
Act,, xxvni, 7. H s'appelait Publius, lorsque saint Paul 
y aborda après son naufrage. Voir Publius. L'île de 
Malte, pendant la seconde guerre punique, était passée 
en 342 avant J.-C. de la domination carthaginoise sous 
celle de Rome. Les Romains laissèrent aux Maltais une 
grande liberté, ils firent de Malte un municipe et per- 
mirent aux habitants de se gouverner d'après leurs 
propres lois. Malte dépendait du préteur de Sicile, 
mais celui-ci étaitreprésenté dans l'île par un propréteurj, 
à qui l'on donnait le titre de np&zot MeXsTatav, Primus 
Melitensium, comme l'atteste l'inscription suivante 
qui confirme l'exactitude de saint Luc : Aac.xtoç Kup. 
IIpo03ï]v; lirrceù; 'PtoiifacW] itprâxo; Me),irauiiv xaï 
irotTpwv. Kaibel, Inscript, greec. Italim et Sicilias, Ber- 
lin, 1890, p. 142, n. 601. Cf. Boeck, Corpus inscriptio- 
num grsecarum, n. 5754, t. m, p. 682; Une inscription 
latine porte : Mel. Primus. Smith, Voyage and ship- 
wreck of St. Paul, 3= édit., Londres, 1866, p. 150-151. 
Voir Schœffer, Dissertatio de Publio, xpiàxtù Meliten- 
sium, in-â», Iéna, 1755. 

PREMIER- NÉ (héhreu : bekôr, de bâkar, « être le 
premier »; Septante : itpwTÔroxoç; Vulgate : primogeni- 
tus), le premier qui vient au monde dans une famille. 
Il est aussi désigné par l'expression pétér réfyém, « ou- 
verture du sein », ou simplement pétér, Siocvoïyov [xv]t- 
pav, quod aperit vulvam. Exod., xni, 2, 12, 13, 15; 
xxxiv, 20. Ces désignations s'appliquent à la fois au 
premier-né de l'homme et à celui des animaux. 

I. Les premiers-nés des hommes. — 1° Dans les an- 
ciennes familles israélites, les premiers-nés jouissaient 
de certains droits. Voir Aînesse (Droit d'), 1. 1, col. 317- 
322. — 2° Le premier-né était naturellement l'objet 
d'une affection plus grande et d'attentions plus marquées 
de la part de son père dont il devait continuer la des- 
cendance. Si ce père mourait sans premier-né, on lui 
en procurait un en vertu de l'institution du lévirat. 
Voir Lévirat, t. iv, col. 213. On pleurait plus amèrement 
que celle des autres la mort du premier-né. Zach., 
xn, 10. Gette mort était le plus grand malheur qui 
pût arrivera une famille, Jos., vi, 26, et le plus grand 
sacrifice qu'un père pût s'imposer. Gen., xxn, 2, 12, 16 ; 
IV Reg., ni, 27; Mich., vi, 7. — 3° Dans un sens méta- 
phorique, Dieu appelle le peuple d'Israël son premier- 
né, c'est-à-dire son peuple de prédilection, celui auquel 
il accorde plus de bénédictions qu'aux autres et qu'il a 
chargé de garder son nom sur la terre, comme le pre- 
mier-né perpétue celui de son père. Exod., iv, 22, 23; 
Eccli., xxxvi, 14. Si Jérémie, xxxi, 9, appelle Éphraïm 
le premier-né de Dieu, c'est pour marquer qu'après la 
captivité le royaume d'Israël représenté par Éphraïm, 
retrouvera, aussi bien que Juda, le titre et les préro- 
gatives de premier-né de Jéhovah. Le titre de premier- 
né, donné par Dieu à Israël, est devenu comme l'idée 
maîtresse qui commande, historiquement et légalement, 
tout ce qui se rapporte aux premiers-nés. — 4° Moïse 
reçoit l'ordre de dire au pharaon d'Egypte que s'il re- 
fuse, de laisser aller le premier-né de Jéhovah, Israël, 
Jéhovah fera périr son fils premier-né, par conséquent 
l'atteindra dans son affection la plus chère. Exod., iv, 
23. Le pharaon s'obstine à refuser et la sentence divine 
s'exécute. Le premier-né du pharaon et les premiers^ 
nés des Égyptiens périssent en une nuit, et même les 
premiers-nés du bétail ne sont pas épargnés. Exod., xi, 
5; XH, 29, 30; xiii, 15; Ps. lxxvih (lxxvii), 51; cv (civ), 
36; cxxxv (cxxxiv), 8; cxxxvi (cxxxv), 10; Sap., xvin, 
13. Par contre, tous les Hébreux demeurent indemnes, 
y compris leurs premiers-nés. Exod. 3, 27, — 



603 



PREMIER-NE 



604 



5» En conséquence de cette préservation, Dieu veut que 
tous les premiers-nés lui soient consacrés, comme lui 
appartenant. Exod., xm, 2, 12; xxn, 29. Il indique lui- 
même la raison de cette consécration. Le père doit en 
effet dire à son fils : » Comme le pharaon s'obstinait à 
ne point nous laisser aller, Jéhovah fit mourir tous les 
premiers-nés dans le pays d'Egypte, depuis les pre- 
miers-nés des hommes jusqu'aux premiers-nés des ani- 
maux. Voilà pourquoi j'oflïe en sacrifice à Jéhovah tout 
mâle premier-né et je rachète tout premier-né de mes 
fils. » Exod., xm, 15-16. Le texte sacré ajoute que l'Is- 
raélite ne devra jamais perdre de vue le sens de cette 
consécration et que ce souvenir sera pour lui comme 
un signe sur la main et un bandeau entre les yeux. — 
6° En principe, les premiers-nés étaient ainsi réservés 
pour le service de Dieu. C'était en effet, dans les an- 
ciens temps, la prérogative du chef de famille et, après 
lui, de son premier-né, d'exercer le sacerdoce. Voir 1. 1, 
col. 318. Mais il plut à Dieu d'organiser le culte autre- 
ment chez le peuple qu'il se choisissait. 11 formula 
ainsi sa volonté : « J'ai pris les lévites du milieu des 
enfants d'Israël, à la place de chaque premier-né qui 
ouvre le sein de sa mère parmi les enfants d'Israël, et 
les lévites sont à moi ; le jour où j'ai frappé tous les 
premiers-nés dans le pays d'Egypte, je me suis consa- 
cré tout premier-né en Israël. » Num., m, 12, 13, 40-50; 
vin, 16. Les lévites sont donc désignés par Dieu pour 
remplir auprès de lui les fonctions cultuelles précédem- 
ment dévolues au père et à l'aîné de la famille. — 
7° Comme les premiers-nés appartiennent à Dieu et 
que cependant Dieu n'a pas le dessein de les utiliser 
pour son service particulier, la liberté leur sera laissée 
moyennant rachat. Tout premier-né doit donc être ra- 
cheté, et l'Israélite qui le reprend au Seigneur ne doit 
pas se présenter les mains vides. Exod., xxxiv, 20. Un 
mois après sa naissance, le premier-né tombe sous la 
loi du rachat fixé à cinq sicles d'argent. Num., m, 47; 
xviii, 15-16. — 8° Pour qu'un premier-né fût soumis à 
la loi, il devait être à la fois un garçon et le premier 
enfant de sa mère. Un garçon né après une ou plusieurs 
sœurs n'était pas pétér réftém, « ouvrant le sein » de 
la mère. Exod., xm, 2. Cette expression du texte sacré 
montre qu'il s'agit bien du premier fils de la mère, et 
non du premier fils du père. Ce premier-né pouvait 
n'avoir pas le droit d'aînesse, si le père avait eu déjà 
d'autres enfants d'une autre épouse. Réciproquement, 
un père pouvait avoir plusieurs premiers-nés d'épouses 
différentes. Voir t. i, col. 317. 11 n'y avait pourtant pas 
de premier-né dans toutes les familles. Dans le recen- 
sement que Moïse fit au désert, on trouva 22273 pre- 
miers-nés d'un mois et au-dessus, sur 603550 Israélites 
de vingt-ans et au-dessus, Num., i, 45; in, 43, soit un 
premier-né sur 27 hommes, et encore parmi ces der- 
niers ne sont pas comptés ceux qui ont d'un mois à 
vingt ans. Il s'agissait alors de substituer les lévites aux 
premiers-nés. Comme il n'y avait que 20000 lévites, les 
273 premiers-nés qui ne pouvaient être remplacés 
furent rachetés chacun au prix de cinq sicles. Num., m, 
40-50. Le rachat fut ensuite imposé à tous les premiers- 
nés, sans qu'il fût tenu compte de leur remplacement 
par les lévites. Num., xvni, 15. Les prêtres et les lé- 
vites n'étaient pas assujettis à cette loi, puisque tous 
ils devaient consacrer leur vie au service du Seigneur. 
— 9° Le prix du^ rachat était uniformément de cinq 
sicles, pour les riches comme pour les pauvres. 
Cf. Philon, De prœmiis sacerdotum, 1, édit. Mangey, 
t. il, p. 233. Ce prix appartenait au prêtre, Num,, xvm, 
15, sans doute en tant que remplaçant du premier-né. 
La loi n'obligeait nullement à présenter le premier-né 
au Temple. Cependant, après la captivité, on paraît 
avoir pris l'habitude de cette démarche. II Esd., x, 
36. On profitait pour cela de la visite que la mère 
avait à y faire après la naissance d'un enfant, Lev., 



xn, 2-8; mais rien de particulier n'était prescrit au sujet 
de ce dernier. La Sainte Vierge se conforma à l'usage 
des pieux Israélites en ce qui concernait la présenta- 
tion du divin Enfant. Le trentième jour après la nais- 
sance, elle avait remis ou fait remettre au prêtre les 
cinq sicles d'argent (environ 17 fr. 50, voir t. iv, 
col. 1254) imposés par la Loi. Num., xvm, 16. Quand 
elle vint au Temple, après les quarante jours de réclu- 
sion qui lui étaient prescrits, Lev., xn, 2-4, elle et 
Joseph eurent l'intention de présenter l'Enfant au Sei- 
gneur. Luc, il, 22. Les deux oiseaux offerts à cette 
occasion étaient destinés au sacrifice de purification 
pour la mère, et non au rachat de l'Enfant, comme 
on le dit quelquefois à tort. Cf. Bossuet, Serm. pour 
la Purification, 1658, 2 e part. ; Elév. sur les myst., 
xvm e serm., iv, Bar-le-Duc, 1870, t. vu, p. 233; t. viii, 
p. 508. Bossuet peut s'appuyer sur la liturgie de la fête 
de la Purification, qui répète plusieurs fois : obtulerunt 
pro eo par turlurum. Cette allégation liturgique est 
conforme à l'interprétation du texte du Lévitique, xn, 
6, par saint Augustin, In Heptat., m, 40, t. xxxiv, 
col. 695-696. Mais le saint Docteur n'explique ainsi le 
texte que par suite d'une ponctuation défectueuse. — 
10° Les juifs restèrent fidèles à l'accomplissement de 
cette loi, même après la destruction du Temple. Le 
trente-et-unième jour après la naissance du premier- 
né, ils invitaient le prêtre à un festin et lui versaient 
les cinq sicles. Ce festin se célébrait même un jour de 
jeûne, mais se remettait au lendemain si le trente-et- 
unième jour coïncidait avec le sabbat. Si le père mou- 
rait avant cette date, la mère n'était pas obligée de ra- 
cheter l'enfant. Elle lui mettait au cou une petite 
plaque portant les mots : bekôr sélô' nipdàh, « premier- 
né non racheté », et lui-même se rachetait une fois 
adulte. Les filles de prêtres et de lévites, mariées à de 
simples Israélites, étaient, comme leurs pères, exemptes 
de l'obligation du rachat. Cf. Iken, Antiquitateshebraicm, 
Brème, 1741, p. 516. — 11° Jésus est appelé le « pre- 
mier-né » de Marie. Matth., i, 25; Luc, u, 17; Heb., i, 
6. L'enfant premier-né était en effet bekôr tout en res- 
tant fils unique. Zacharie, xn, 10, met en parallèle le 
yâlyid, « fils unique », et le bekôr. — La Sagesse est 
« première-née avant toute créature, » d'après une ad- 
dition de la Vulgate, Eccli., xxiv, 5, et le Verbe incarné 
est « né avant toute créature, » Col., i, 15, le premier- 
né d'un grand nombre de frères, Rom., vin, 29, en- 
fants par adoption d'un Père dont il est fils par nature, 
et, par sa résurrection glorieuse, « premier-né d'entre 
les morts. » Apoc, i, 5. 

II. Les premiers-nés des animaux. — l°Dès l'origine, 
les premiers-nés des animaux ont été considérés comme 
ayant une valeur plus grande. Deut., xxxiii, 17. Déjà 
Abel offrait au Seigneur les premiers-nés de son trou- 
peau. Gen., iv, 4. — 2° A la dixième plaie d'Egypte, les 
premiers-nés du bétail furent frappés comme ceux des 
hommes. Exod., xi, 5; xu, 29. Aussi, en retour, Dieu 
voulut-il que les premiers-nés des animaux lui fussent 
réservés. Exod., xm, 2; Num., ni, 13. — 3° Les mâles 
premiers-nés des animaux devaient être immolés, comme 
appartenant à Jéhovah. Le premier-né de l'âne pouvait 
cependant être racheté pour un agneau et à défaut de 
rachat, on devait lui briser la nuque. Exod., xm, 13; 
xxxiv, 20. L'âne était l'objet de cette exception à cause 
de sa grande utilité pour les Israélites. Voir Ane, t. i, 
col. 566. On rachetait également les premiers-nés des 
animaux impurs et le prix en revenait aux prêtres; mais 
on immolait les premiers nés du bœuf, de la brebis et 
de la chèvre. Num., xvm, 15-18. Ces derniers devaient 
être amenés au sanctuaire, Deut., xu, 6, et c'est là seu- 
lement que les prêtres et les lévites pouvaient manger 
la part qui leur en revenait. Deut., xn, 17, 18; xiv,23. 
Il était défendu de faire travailler le premier-né du 
bœuf et de tondre le premier-né de la brebis. Si le pre- 



605 



PREMIER-NÉ — PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES) 



606 



mier-né était aveugle, boiteux, atteint d'un défaut ou 
d'une difformité quelconque, on ne l'offrait pas en sacri- 
fice et on pouvait le manger là où l'on résidait, sans 
aucune condition. Deut., xv, 19-23. — 4° La tradition 
juive a interprété ces différentes lois dans le traité Be- 
choroth de la Misçhna. Les prêtres et les lévites étaient 
tenus à l'offrande des premiers-nés, mais seulement des 
animaux purs. Cf. Beckoroth, n, 1 ; Midr. Mechilta, 15, 
2. Les premiers-nés, comme les prémices, devaient être 
amenés de toute la terre d'Israël. Cf. Themura, m, 5. 
On devait également offrir ceux qu'on introduisait dans 
le pays. — Si l'on n'avait pas d'agneau pour racheter le 
premier-né de l'âne, on en donnait le prix, fixé d'après 
^Tosèphe, Ant. jnd., IV, iv, 4, à un sicle et demi. A 
défaut de rachat, on frappait l'animal et on l'enterrait. 
D'après Philon, De prasm. sacerdot., 1, les premiers- 
nés des animaux impurs, cheval, âne, chameau, se ra- 
chetaient à prix d'argent, sur l'estimation du prêtre, 
avec majoration d'un cinquième. — Les premiers-nés 
des animaux purs devaient être amenés aux prêtres de 
service dans le Temple, au cours de leur première 
année, comptée cependant à partir du huitième jour 
après la naissance. L'animal était égorgé dans le par- 
vis, son sang versé aux pieds de l'autel, les parties in- 
térieures brûlées sur l'autel après addition dé sel, et 
le reste cuit au gré des prêtres et mangé par eux à 
l'intérieur de Jérusalem. Cf. Sebachim, v, 8. — Le 
premier-né atteint d'un défaut congénital, ou contracté 
ensuite, ne pouvait servir de victime. Mais il était sacré 
à raison de sa naissance, et on le remettait aux prêtres 
qui pouvaient en manger partout, ou le vendre à d'autres 
qui le mangeraient à condition de ne pas le mettre dans 
le commerce. Cf. Maaser caheni, i, 2. — Les défauts du 
premier-né pouvaient être manifestes ou douteux, passa- 
gers ou permanents. Des mandataires du sanhédrin 
étaient chargés de faire des inspections à ce sujet. 
Cf. Reland, Antiquitates sacrai, Utrecht, 1741, p. 185- 
188; Schûrer, Geschichte des jùdischen Volhes imZeit. 
J.-C, Leipzig, t. n, 1898, p. 253-254. — 5» Dans Job, 
xvm, 13, le « premier-né de la mort » est la maladie 
très cruelle qui conduit infailliblement à la mort. En 
arabe, les fièvres mortelles sont aussi appelées « filles de 
la mort». Cf. Frz. Delitzsch, DasBuch Job, Leipzig, 1876, 
p. 231. Un Targum traduit l'expression hébraïque par 
mal'ak môtâ', « ange de la mort », un autre par Sêrûy 
môtâ', « prémices de la mort », les Septante par ôpaïa 
Oivoacir, « le temps convenable de la mort » et la Vul- 
gate par primogenita mors, « mort première-née », 
sans doute dans le sens de « mort prématurée ». Dans 
Isaïe, xiv, 30, les « premiers-nés des pauvres » sont les 
plus pauvres de tous. H. Lesètre. 

PRÉMONTRÉS (TRAVAUX DES) SUR LES 
SAINTES ÉCRITURES. L'ordre des Prémontrés a 
été fondé par saint Norbert de Gennep, né à Xanten 
(duché de Clèves) en 1080 (1085), mort le 6 juin 1134. 
Il fut chanoine régulier de Xanten et. fonda un ordre 
de chanoines réguliers à Prémontré, dans le diocèse de 
Laon (1120). Il devint archevêque de Magdebourg en 
1126. Il fut canonisé en 1582. — Nous donnons ici, d'après 
l'ordre chronologique, les principaux ouvrages des 
Erémontrés relatifs aux Saintes Écritures. 

I. Introductions aux saintes Écritures. — 1. Ulin,ou 
Ulinus Guillaume (date ?), De studio linguas sanclœ, 
lngolstadt, 1543. — 2. Mansuy Nicolas (1690), Disser- 
tation sur les années et époques de V Ancien Testa- 
ment, pour redresser les erreurs de certains chro- 
nologistes, Clef du Cabinet de Luxembourg, novem- 
bre 1749. — 3. Nauwens Corneille (•{• 1774), Antilogise 
aliasque difficultatesscripturisticseampiificatse, 5 in-8» 
ms. „— 4. Kips Jean Baptiste (1716-1793), Compendiosum 
Sacrx Scripturm Dictionarium ad scripturisticarum 
historiarum notitiam. Ex ipsa Sacra Scriptura, Flavio 



Josepho, aliisque sacris historicis deductum et concin- 
natum, in-8°, Louvain, 1779; Synopsis Sawx Scripturm, 
3 vol. ms. — 5. Zasio André Maximilien (1741-1816), 
Hermeneuticx seu ratio interpretandi Sacram Scrip- 
turam Antiqui Fcederis, 1796, in-8»; Hermeneuticx 
Yeteris Testamenti partes du», in-8», Pesth, 1796-1797; 
Hermeneutica, seu ratio interpretandi Sacram Scrip- 
turam Novi Fcederis, Mu Tomi, Pesth, 1796; editio 
2<">, Vacii-Waitzen, 1801-1802. — 6. Jahn Martin Jean 
(1750-1806), Einleitung in die gôttlichen Schriften des 
alten Bundes, in-8», Vienne, 1792. Cette première édi- 
tion fut suivie d'une nouvelle : Zweyte ganz umgearbei- 
tete Auflage, 4 in-8°, Vienne, 1802; Bibtische Archâo- 
logie, trois parties en 5 in-8", Vienne, 1797-1804 ; lntro- 
ductio in libros sacros Veteris Fcederis. In epitomen 
redacta a Johanne Jahn. Editio secunda emendata, 
in-8», Vienne, 1814; Archseologitt Biblica in compen- 
dium redacta a Johanne Jahn, in-8", Vienne, 1805; 
Editio altéra emendata, in-8», Vienne, 1814; 3» édit., 1826, 
par Ackermann; 4= édit., 2 in-8°, Vilna, 1829-36; Biblia 
Hebraica digessit et graviores lectionum varietates ad- 
jecit JohantiesJahn, 4 in-8», Vienne, 1806; Enchiridion 
Hermeneuticee generalis tabularum Veteris et Novi 
Fcederis, in-8°, Vienne, 1812 ; Appendice Hermeneuticœ- 
seu exercitationes exegetiese. Vaticinia de Messia, 
Fasciculi duo, in-8», Vienne, 1813 et 1815; Jeremias, 
MS. latin, in-4". — 6. Stoppani Charles Antoine Jean-Bap- 
tiste (1778-1836), Sâtze aus der biblischen Auslegungs- 
kunde, den biblischen Alterthùmem und der Einlei- 
tung in die gôttlichen Bûcher, in-8°, Prague, K-S05-1812 ; 
Dissertatio de sludii biblici Veteris Testamenti, quan- 
tum ad christiarios theologos attinet, necéssitate ac 
preestantia, Prague, 1809; Einige ldeen zur Beurthei- 
lung des moralischen Theiles des alten Bundes, dans 
Frints' theol. Zeitschrift, 2 êf Jahrg., 2" Band, l« s Heft. 

— 8. Koppmann Adolphe Jean (1781-1835), Hermeneu- 
tica biblica, a Cl. Altmanno Arigler édita (Viennae, 
1813), fuit ab eximio D re Adolpho Koppmann scriptote- 
nus emendata. — 9. Gûntner Gabriel Jean Baptiste (1804- 
1867), Hermeneutica biblica generalis juxta principia 
catholica, in-8», Prague, 1848; 2" édit., 1851; 3° édit., 
Prague, 1863; Introductio in sacros Novi Testamenti 
libros historico-critica et apologetica, in-8», Prague, 
1863. — 10. Dallos, Szekeres et Wentko ont publié une 
revue, qui a pour titre : A Biblia es a Tudomàny (La 
Bible et la Science), depuis 1896, in-4», à Budapest. 

— 11. Crets Gommaire Joseph (né en 1858), De divina 
Bibliorum inspiratione ; dissertatio..., in-8», Louvain, 
1886. — 12. Kortleitner François-Xavier Joseph (né en 
1863), Archœologix Biblicse Summarium, in-8», Ins- 
pruck, 1906; De polytheismo universo... apud HebrsROS 
finifimasque gentes usitatis, in-8», Inspruck, 1908. 

II. Traductions des saintes Écritures. —1. Gebhard 
(f 1191), Psalmen Verdeutschung, 1174. — 2. Carré Ré- 
mi (1706-1773), Psaumes dans l'ordre historique, nouvel- 
lement traduits sur l'hébreu. — 3. Klimesch Philippe 
Mathieu (1809-1886), Codex Teplensis, enthaltend die 
Schrift des neuen Gezeuges. 1 Theil : Die vier heili- 
gen Evangelien. II" Theil : Die Briefe S. Pauli, 
111" Theil: Die Briefe S. Jacobi, S. Pétri, S. Johannis, 
S. Judée, das Botenbuch, und S. Johannis Offenba- 
rung, nebsl drei Anhângen, in-4«, Augsbourg-Munich, 
1884. 

III. Commentaires sur les saintes Écritures. — 1. 
S.Norbert (f 1134), archevêque de Magdebourg. On lui 
attribue: Commentarii sive Interpretaiiones in aliquot 
libros S. Scripturm. — 2. Luc du Mont-Cornillon 
(f 1179), In Evangelium Matthaei liber unus ; In Evan- 
gelium Joannis liber unus; In Apocalypsin. — 3. Phi- 
lippe de Harvengt (-J-1182) Commentarius mysiieus et 
moralis in Cantica canticorum Salomonis, in-f°, 
mdcxxi. — 4. Gebhard (f 1191), Commentaria in S. Pau- 
lum (1160); Interpretatio Apocalypseos (1156); Expo- 



607 RRÉMONTRÉS (TRAV. DES) SUR LES SS. ÉCRIT. — PRÉSENT 608 



sitioin Genesim,Exodum, Leviticum, librum Nume- 
rorum, Deuteronomium et Josue (1164) ; Explanatio 
Psalmorum (1170); VocabulariumS. Scripturse (1189). 
— 5. Zacharias Chrysopolitanus (xn e siècle), In unum 
ex quatuor sive de concordia Evangelistarum, libri 
quatuor, 1"> édit,, in-f°, 1473; 2 e édit., in-f», 1535; 
3« édit., Cologne, 1618. — 6. Jean d'Abbeville (vers 
VfcW),Glossa in Genesim; Commentaria in lïbros Exo- 
di et LeuUici; Conmientaria in Numéros, Deuterono- 
mium; in Canlica canticorum, et in Isaiam; Contmen- 
taria in Danielem, Tobiam, Judith et Esther; Glossa 
in Psalterium, 3 in-f"; Comnientaria in Acta Apostolo- 
rum. — 7. Lensius ou de Lens (Eustache) (né vers 1170, 
vivait encore en 1226), Seminarium verbi Dei (diction- 
naire biblique) ; Detropis et schematibus S. Scriplurse : 
De mysteriis S. Scripturœ; Cosmographie Moysis Li- 
bri III ; on lui attribue encore des Commentaires 
sur la Genèse, l'Exode, le Lévitique, le. Deutéronome, 
et sur les Paralipomènes. — 8. Jacques d'Arras (Jaco- 
bus Atrebas, 1227), In ultimam visionem Ezechielis, 
liber unus. — 9. Gervais (f 1228), Commentarii litté- 
rales in Psalmos ; Commentarii littérales in minores 
Prophetas (ces deux ouvrages n'existent qu'en manus- 
crit). — 10. Jaricns (f 1240), Commentaria in Genesim 
et Commentariain Ùantiea canticorum, (ms). — 11. Hay- 
tho, vel Haythonus (commencement du xiv c siècle), 
Commentarius in Apocalypsin (inédit). — 12. Pierre de 
Lutra, ou de Kayserslauter (vivait dans la 1™ moitié 
du xiv" siècle), In Evangelium S. Joannis, liber unus. 

— 13. Pierre de Herenthals (1322-1391), Collectarius 
Evangeliorum, 1364, 2 in-f»; Collectarius super 
librum Psalmorum, in-f», 1480, 1483, 1487, 1488, 1494, 
1498, 1504, etc. ; In septem Psalmos pxnitentiales Com- 
mentarius (ms.); In XV Cantica graduum liber 1 (ms). 

— 14. Thomas de Vicogne (vers 1308); on lui attribue; 
Commentarii in Cantica canticorum, liber unus; 
In librum Job. — 15. Lheureux, ou Félix Thomas 
(f 1420) : Annotationes in Psalmos Davidicos (ms). 

— 16. Ulin, ou Ulinus Guillaume (vers le milieu du 
XVI e siècle), Commentationes in Epistolam sancti Pauli 
ad Romanos, ms. in-4°. Le manuscrit n" 15333 de la 
bibliothèque royale de Munich a pour titre : G. Ulini 
Commentationes in sancti Pauli Epistolas et in Vil 
Epistolas canonicas, in-8», 1533. — 17. Motzhart An- 
toine (-{-1544), Annotationes in Evangelium sancti Joan- 
nis. — 18. De Quixada Thomas (1588), Sermones exege- 
tici in Sacram Scripturam. — 19. Manar (ou Mannaert) 
Jean (1583-1633), Annotationes in Novum Testamentum 
(ms). — 20. Fabri Christophe (f 1645). On lui attribue 
les ouvrages suivants : Commentaires sur les livres 
de Moyse; Commentaires sur Tobie; Commentaires 
sur les Psaumes de David. — 21. Hempfer Georges 
(f 1648), Exegesis Psalmorum. — 22. Balavenus Augus- 
tin, ou Balavoine (vivait vers le milieu du xvn e siècle), 
Paraphrasis mystica in Canticum canticorum.il tra- 
duisit ce même ouvrage en français. (Rien ne fut im- 
primé, pour autant que nous le savons du moins.) 

— 23. Tineo de Morales Louis (1660), Bexameron com- 
mentario litterali ac morali illustratum. — 24. Noizet 
Henri (f 1670), Annotationes in Epistolas B. Pauli. 
Manuscrit de 1578, in-f", biblioth. d'Averbode. — 25. De 
Estrada Gijon Jean (f vers 1679), In Exodum. — 26. Ma- 
clot Edmont (1639-1711), Histoire de l'Ancien Testament, 
Nancy, 1705, in-8°; Histoire du Nouveau Testament ou 
du sixième âge du monde, divisé en deux parties. Avec 
des réflexions théologiques, morales, critiques et chro- 
nologiques, in-8°, Paris, 1712. —27. Œrtle Eusèbe (1654- 
1721), CommentariusinPsalterium Davidis. — 28. Reif- 
fenberger Norbert (1694-1764), Varies Qusestione» in 
Historias Genesis et Judicurn, cum Resolutionibus. 

— 29. Béraneck Hugues (f 1771), Catechesis scripturi- 
stica in Pentateuchum. — 30. Caenen Candide Jean 
Joseph Mathiàs Antoine (1749-1811), Commentaria in 



Actus Apostolorum, ms. in-f°; Commentaria in Psal- 
mos, 3 in-4» ms; Breviarium historicum Veteris ac 
Novi Teslamenti, 1775, ms. in-4» (Bibliothèque d'Aver- 
bode). — 31. L'Ecuy Jean-Baptiste (1740-1834), auteur du 
8» et dernier volume de l'ouvrage de Bassinet : His- 
toire sacrée de l'Ancien et 9,u Nouveau Testament, 
Paris, 1804-1806. Ce dernier volume contient les Actes 
des Apôtres et l'Apocalypse, in-8»; La Bible de la 
jeunesse (96 figures), 2 in-8», Paris, 1819; 2 e édit.; 
Abrégé de l'Histoire de la Bible (24 figures), in-12», 
Paris, 1812. — A cet ouvrage est ajouté un Nouvel 
Attas de la Bible, pour servir à l'intelligence des 
livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testament, 
Paris, 1809, grand in-f»; La Bible de la jeunesse, par 
l'Écuy, reçut de grands éloges lors de sa publication. 

— 32. Seerwart Herman-Joseph (1752-1828), Thèses sacrée 
ex septem Epistolis catholicis, et Apocalypsi S. Joan- 
nis, in-4», Anvers, 1777; Thèses sacrée ex prioribus 
capitibus Evangelii secundum Joannem, Louvain, 1778. 

— 33. Gûntner Gabriel Jean-Baptiste (1804-1867), Com- 
mentarius in Evangelium S. Matthgei (cet ouvrage, 
annoncé dans la préface des 2 e et 3 e éditions de 
l'Hermeneutica du même auteur, est peut-être resté 
manuscrit). — 34. Wentko Justin François (né en 1848), 
Exegesis in Libros sacros (Hongrie), 1881. — 35. Ma- 
gashazy Antoine Adalbert (né en 1861), À négy evange- 
lium hasonlôsâga es Eùlônbôrôsège {Die Einheit und 
Verschiedenheit der vier Evangeliën), in-8», Keszthely, 
1896. — 36. Kortleitner François Xavier Joseph (né en 
1863), Canticum canticorum explicatum et prascipue 
ad historiam Ecctesim applicatum, in-8», Inspruck, 
1892. — 37. Daniel (dates inconnues), In Apocalypsin 
B. Joannis Commentariorum liber. 

IV. Bibliographie. — Dupré (Maur.), Annales brèves 
ordinis Prsemonstratensis,^ édit., in-8», Namur, 1886; 
Kohel Sigismond, Prœmonstratensis ordinis rionnul- 
lorum patrum viles ex variis aulhoribus collectes, 
in-4», 1608; Le Paige, Bibliotheca Prœmonstratensis 
ordinis, 2 in-f», Paris, 1633; Lienhart Georges, Spiritus 
literarius Norbertinus... seu sylloge viros ex ordine 
Prxmonstratensi, scriptis et doctrina célèbres necnon 
eorumdem vitas, res gestas, opéra et scripta tum ine- 
dita perspicue exhibens..., in-4», Augsbourg, 1771; 
Miraeus (4ub.), Chronicon ordinis Preemonslratensiç, 
in-8», Cologne, 1613; Ulysse Chevalier, Répertoire des 
sources historiques du moyen âge, Topo-Bibliographie, 
in-8», Montbéliard, 1894-1903, p. 2455; Léon Goovaerts, 
Écrivains, artistes et savants de l'ordre des Pré- 
montrés, Dictionnaire bio-bibliographique, 2 in-4». 
Bruxelles, 1899-1908. J. J. Feyen. 

PRÉPUCE. Voir Circoncision, t. u, col. 772. 

PRÉSENT (hébreu : berâkâh, « bénédiction » ; 
matfân, ma(tanâh, mattat, de nâfan, « donner »; 
Sohad, de Sâhad, « donner »; maSèa', mas'êf, de nàsd' 
« porter » ; minhâh, nedâbdh, nêdéh, terûmâh, tesû- 
râh, Salmonîm; chaldéen : mafton, nebizbâh; Sep- 
tante : Séy.a, Sûpov ; Vulgate : donum, donarium, dona- 
tio, munus, munusculum), chose que l'on donne à 
quelqu'un sans y être obligé en justice. On peut distin- 
guer les présents en trois sortes, suivant la pensée qui 
les inspire. 

1° Présents gracieux. — Ce sont ceux qui sont faits 
par amitié, par reconnaissance, par charité ou par 
respect. 1. Tels sont les présents d'Abraham à ses con- 
cubines, Gen., xxv, 6; d'Éliézer à Rebecca, à son frère 
et à sa mère, Gen., xxiv, 53; de Jacob à Ésaù, Gen., xxxn, 
14, 19, 21 ; xxxm, 11 ; d'Abigaïl à David, I Reg., xxv, 27 ; 
de David aux anciens de Juda, I Reg., xxx, 26; de 
Salomon à la reine de Saba, III Reg., x, 13; de ses sujets 
et de ses voisins à Salomon, III Reg., iv, 21; x, 25; 
II Par., ix, 24; de tout Juda à Josaphat, II Par., rvn, 



609 



PRÉSENT 



PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE 



610 



5; de Josaphat à ses enfants, II Par-, xxi, 3; de Méro- 
dach Baladan à Ézéchias, IV Reg., xx, 12; la., xxxix, 
t; de ses sujets à Ézéchias, II Par., xxxn, 23; du chef 
chaldéen à Jérémie, Jer., xl, 5; de Nabuchodonosor à 
Daniel, Dan., H, 6, 48; d'Assuérus à ses invités, 
Esth., il, 18, et à Mardochée, Esth., xn, 5; de Cyrus 
aux captifs israélites qu'il délivre, Is., xlv, 13; 
I Esd., i, 4; du roi de Perse aux Juifs, II Mach., i, 35; 
des Juifs à leurs frères indigents, Esth., ix, 22; des 
mages à Notre- Seigneur, Matth., n, 11; voir Mages, 
t. rv,.col. 551; des rois à leur médecin, Eccli., xxxviii, 
2; des hommes entre eux en signe d'allégresse, Apoc, 
xi, 10, etc. Parmi les présents, il faut ranger les dons 
qui sont faits par charité aux malheureux. Voir Au- 
mône, t. i, col. 1244. — 2. 11 est prédit qu'un jour, à 
l'époque du Messie, les rois et les nations apporteront 
leurs présents à Jérusalem. Ps. xlv (xliv), 13; lxxii 
(lvxi), 20; Tob., xill, 14. Il s'agit ici surtout des dons 
destinés à honorer le Seigneur. Sur ces présents, voir 
Oblation, Offrande, t. iv, col. 1725, 1758. — 3. Quel- 
quefois les présents gracieux sont refusés par ceux qui 
devraient les faire, I Reg., x, 27, ou par ceux qui pour- 
raient les accepter. Dan., v, 17. — 4. Les présents ont 
leurs raisons d'être : ils font plaisir à tous, Prov., xvn, 
8, procurent à celui qui les fait des amis, Prov., xix, 
6, et même des bénédictions temporelles, Prov., xi, 25, 
et sont parfois utiles pour calmer la colère. Prov., xxi, 
14. 

2» Présents intéressés. — 1. On les fait en vue d'un 
intérêt légitime. Hémor offre de grands présents afin 
d'obtenir que Dina soit accordée pour épouse à son 
fils Sichem. Gen., xxxiv, 12, Sur le présent ou niohar 
que l'époux doit offrir aux parents de l'épouse, voir Dot, 
t. il, col. 1496. Jacob envoie des présents à Joseph, pour 
gagner ses bonnes grâces. Gen., xliii, 11, 25, 26. Quand 
Saùl, à la recherche de ses ânesses, songe à consulter 
le voyant, il se prépare à lui offrir un présent. I Reg., 
ix, 7. Ainsi procèdent, vis-à-vis d'hommes de Dieu, 
Jéroboam, III Reg., xm, 7; Naaman, IV Reg., v, 15, et 
Hazaël, IV Reg., vm, 8-9. — 2. Des présents sont offerts 
à des rois dont on veut se ménager la faveur. Aod est 
chargé de porter des présents à Églon, roi de Moab. 
Jud., m, 15, 18. De cette espèce sont les tributs plus 
ou moins volontaires, mais décorés du nom de pré- 
sents, qui sont payés par les Moabites à David, II Reg., 
vm, 2, 6; par les Philistins à Salomon, III Reg., iv, 
21; par Asa à Benadad, III Reg., xv, 19; par Achaz au 
roi d'Assyrie, IV Reg., xvi, 8; II Par., xxvm, 21; par 
les Philistins à Josaphat, II Par., xvn, 11 ; par les 
Ammonites à Ozias, II Pari, xxvi, 8; par Éphraïm aux 
nations voisines, Os., vm, 9; par Tryphon à Jonathas, 
I Mach., xii, 43, etc. Le roi Osée se déroba à l'obliga- 
tion d'offrir des présents au roi d'Assyrie. IV Reg., 
xvn, 4. — 3. On offre des présents à quelqu'un pour le 
gagner ou l'adoucir. David, pour pallier son crime, en- 
voie des présents à Urie. II Reg., xi, 8. Antiochus Épi- 
phane en ofire à Matathias et aux Juifs de son parti 
pour qu'ils se soumettent. I Mach., n, 18. L'homme 
outragé dans son honneur de famille demeure inflexible 
et n'accepte pas les présents. Prov., vi, 35. — Ces 
sortes de présents frayent la voie à un homme et lui 
donnent accès auprès des grands. Prov., xvm, 16. Mais 
ils engendrent facilement des abus. Le roi qui en est 
avide ruine son pays. Prov., xxix, 4. Le présent injus- 
tement acquis périra. Eccli., XL, 12. Celui qui se glo- 
rifie de présents trompeurs, c'est-à-dire, comme traduit 
la Vulgate, qui en promet mais ne les donne pas, est 
un nuage ou un vent sans pluie. Prov., xxv, 14. En 
somme, celui qui hait les présents, vivra. Prov., xv, 27. 

3» Présents corrupteurs. — 1. Il y a des présents in- 
fâmes, qui sont le salaire de la prostitution. Ezech., 
xvi, 33. — 2. Bien plus fréquemment, il est question 
dans la Sainte Écriture de la corruption introduite par 

DICT. DE LA BIBLE. 



les présents dans l'exercice de la justice publique. La 
Loi recommande aux juges de ne pas accepter de pré- 
sents. Exod., xïiii, 8. Il est dit que Jéhovah ne reçoit 
pas de présents pour rendre justice, Deut., x, 17; 
II Par., xix, 7; que les jugés n'en doivent pas rece- 
voir, parce que les présents aveuglent, Deut., xvi, 19, et 
que maudit est celui qui, pour un présent, verse le 
sang innocent. Deut., xxvn, 25. Les auteurs sacrés 
rappellent que les présents corrompent le cœur, Eccli., 
vu, 7; qu'ils aveuglent les sages et les empêchent de 
blâmer ce qui est mauvais, Eccli., xx, 31; qu'il ne faut 
pas chercher à tromper le Seigneur par des dons, parce 
qu'il juge sans tenir compte de la qualité des per- 
sonnes. Eccli., xxxv, 14. — 3. Le juste n'accepte pas » 
de présents au préjudice de l'innocent. Ps. xv (xiv), 
5. Samuel a pu se rendre ce témoignage qu'il n'a jamais 
reçu de présents pour fermer les yeux à la justice. 
I Reg., xu, 3. En général, l'homme juste se défie des 
présents, et il secoue ses mains pour n'en pas recevoir 
et n'en pas garder. Is., xxxm, 15. — 4. Mais le méchant 
a la droite pleine de présents, soit de ceux qu'il a 
reçus pour mal faire, soit de ceux qu'il veut donner 
pour corrompre. Ps. xxvi (xxv), 10. Les fils de Samuel 
recevaient des présents au détriment de la justice. 
I Reg., vm, 3. D'autres cachaient des présents dans le 
pli de leur manteau pour gagner les juges. Prov., 
xvn, 23. Ceux-ci se laissaient facilement corrompre. 
Des plaintes sont formulées à ce sujet par Isaïe, i, 23; 
v, 23; Méchiel, xxii, 12; Amos, v, 12, et Michée, 
ni, 11. H. Lesètre. 

1. PRÉSENTATION de la Sainte Vierge au Temple 
de Jérusalem. "Voir Marie, t. iv, col. 778-780. 

2. PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE. — 

1° Saint Luc raconte que, quand les jours de sa (ou de 
leur) purification furent accomplis, « Marie et Joseph 
portèrent l'Enfant à Jérusalem pour le présenter au 
Seigneur, suivant ce qui est écrit dans la loi du Sei- 
gneur. «Luc, n,22-24. L'Évangéliste vise deux lois, celle 
qui ordonnait de consacrer au Seigneur tout mâle pre- 
mier-né, Num., vu, 17; xvm, 16-17, et celle qui pres- 
crivait le sacrifice à offrir pour la purification de sa mère 
quarante jours après la naissance de l'enfant. Lev., xu, 
2-4. La Sainte Vierge ayant seule à être purifiée légale- 
ment, on comprend que la Vulgate parle des jours de 
« sa purification ». Mais la plupart des manuscrits grecs 
portent ici le pluriel, « leur purification ». D'après ce 
texte, il faut comprendre sous le nom de purification 
la présentation de l'Enfant et le sacrifice de la mère, et 
le pronom au pluriel concerne Marie et Jésus, présenté 
lui-même à son Père. Selon la loi, Num., xvm, 16, le 
premier-né appartenait au Seigneur. Mais, comme le 
service direct du Seigneur avait été réservé à la tribu 
de Lévi, les premiers-nés qui s'en trouvaient ainsi 
exemptés devaient être rachetés, au prix de cinq sicles 
d'argent, à l'âge d'un mois. La loi ne prescrit pas en 
termes exprès la présentation du premier-né au Sei- 
gneur, mais l'usage avait ainsi interprété la loi qui 
ordonnait de le « sanctifier » (consacrer dans le texte 
hébreu) à Dieu. Exod., xm, 2; Num., vm, 17. « Quand 
les jours de sa (ou de leur) purification (les quarante 
jours) furent accomplis, dit saint Luc, n, 22-23, selon 
la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusa- 
lem pour le présenter au Seigneur, comme il est écrit 
dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera 
consacré au Seigneur. » Plus que toute autre mère, la 
Sainte Vierge devait être portée à offrir au Seigneur son 
divin Enfant. Elle savait qne cet Enfant, destiné au seul 
véritable et efficace sacrifice pour le genre humain, 
avait hâte défaire précéder sa future immolation d'une 
offrande officielle de lui-même dans le Temple. D'autre 
part, elle n'ignorait pas les prophéties, et, sans nul 

V.- 20 



611 



PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE — PRESSOIR 



612 



doute, comprenait que Jésus les réalisait par sa pré- 
sence : « Je remplirai de gloire cette maison;... grande 
sera la gloire de cette maison, la dernière plus que la 
première. » Agg., u, 7, 9. « Soudain viendra dans son 
Temple le Seigneur que vous cherchez, l'ange de 
l'alliance que vous désirez. Voici, il vient, dit Jéhovah 
des armées. » Mal., m, 1. Pendant sa vie publique, le 
Sauveur devait accomplir ces prophéties dans toute 
leur plénitude. Mais il ne pouvait attendre jusqu'à celle 
époque pour paraître dans la maison de son Père. Car 
la volonté de ce Père était qu'il y fût apporté peu après 
sa naissance. Le saint vieillard Siméon avait reçu la 
promesse « qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le 
Christ du Seigneur », et il fut envoyé dans le Temple 
pour le saluer, pendant que, de son côté, la prophétesse 
Anne, sur le déclin de sa vie, lui rendait hommage et 
parlait de lui « à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient 
la rédemption. » Luc, u, '26-38. Comme cette présen- 
tation n'était pas spécialement réglée par la loi, les 
prêtres n'eurent pas à intervenir pour la faire, et il se 
trouva que Marie, la plus pure et la plus sainte des créa- 
tures, eut à remplir cet office extérieurement, pendant 
qu'intérieurement le Verbe incarné renouvelait l'of- 
frande qu'il avait faite de son humanité dès le. premier 
instant de son union hypostatique. Heb., x, 5. 

2° La présentation du Sauveur, racontée par l'Évan- 
gile même, fut de bonne heure l'objet d'une fête chré- 
tienne. A la fin du IV e siècle, la JPeregrinalio SilvisR, 60, 
l'a mentionne comme célébrée à Jérusalem quadrage- 
simse de epiphania, « le quarantième jour de l'épipha- 
nie », c'est-à-dire de la naissance du Sauveur, selon le 
langage oriental. Justinien en prescrivit la célébration 
dans son empire en 542, à l'occasion d'une peste. Les 
Grecs appelaient cette fête ÛTcanâvr»), « rencontre », à 
cause de la rencontre au Temple de Jésus et ses parents 
avec Siméon et Anne. A Rome, elle est mentionnée par 
le sacramentaire de saint Gélase, h, 8, t. lxxiv, col. 1158, 
entre 492 et 496, sous le nom de purificalio. La litur- 
gie latine appelle cette fête la « Purification de la 
B. V. Marie » ; mais les souvenirs évangéliques y 
tiennent une très grande place et, en conséquence, s'il 
y est question de la très sainte Vierge, il y est encore 
plus parlé du divin Enfant, des prophéties qui annoncent 
son apparition et des circonstances qui accompagnèrent 
sa présentation. Cf. Kellner, Heortologie, Fribourg-en- 
Brisgau, 1901, p. 116-118. H. Lesètre. 

PRESLES (Raoul de), traducteur de la Bible en 
français, mort en 1382. Il fut avocat général au parle- 
ment de Paris et puis maître des requêtes de l'hôtel 
de Charles V, roi de France. 11 traduisit et composa 
plusieurs ouvrages. Nous n'avons à mentionner ici que 
sa traduction française des Saintes Écritures. Voir 
Françaises (Versions) de la Bible, iv, 3, t. in, 
col. 2960. 

PRESSENSÉ (Edmond de), théologien protestant, 
né à Paris le 3 juin 1824, mort dans cette ville le 8 avril 
1891. Au terme de ses études théologiques, commencées 
à Lausanne (1842-1845) sous la direction de Vinet, et 
poursuivies à Halle et à Berlin avecTholuck et Néander 
pour maîtres, Pressensé fut nommé pasteur de l'église 
Taitbout à Paris (1847). En 1870 il résigna ses, fonc- 
tions, pour remplir celles d'aumônier des ambulances à 
la frontière. De retour à Paris il partagea son activité 
entre la politique, la Revue chrétienne, fondée par 
lui en 1854 et qu'il dirigea pendant 37 ans, et la publi- 
cation de nombreux ouvrages. Le 11 janvier 1890, l'Aca- 
démie des sciences morales et politiques lui ouvrit ses 
portes, une année avant sa mort. — Sans parler des 
nombreux articles de la Revue chrétienne, relatifs aux 
études bibliques, on a de lui : Histoire des trois pre- 
miers siècles de l'Église chrétienne, 6 in-8°, Paris, 



1858-1877; L'école critique et Jésus-Christ, in-8», Paris, 
1863; Le pays de l'Évangile, in-12, Paris, 1864; Jésus- 
Christ, son temps, sa vie, son œuvre, in-8» et in-12, 
Paris, 1866 (plusieurs éditions); Éludes évangéUq&è», 
1 in-12, Paris, 1867; Saint Paul jugé par Renan, 
in-8", Paris, 1869. — Cf. Théophile Roussel, Notice sur 
la vie et les œuvres de M. de Pressensé, in-8°, Paris, 
1894. 0. Rey. 

PRESSOIR (hébreu :gat, yéqéb, pùrâh; Septante: 
).»)v6c, iupoXT,viov, inoX^viov; Vulgate : torcular), appa- 
reil servant à faire sortir le jus contenu dans les 
raisins, les olives, etc. 

1» Le pressoir se compose essentiellement d'une 
cuve dans laquelle on fait arriver le jus des fruits. 
Cette cuve s'appelle gat, Xïivô?. Le yéqéb désigne la 
même cuve, en tant que placée au-dessous de l'appareil 
à pression, ïnroXïjviov. Le irpoXriviov est la cuve placée 
non plus au-dessous, mais en avant. La pûràh, de 
pur, « broyer », est l'appareil à pression. Le torcular, 
de torqueo, « tordre », a le même sens que pûràh. 
Tous ces mots d'ailleurs désignent l'ensemble de 
l'appareil, bien qu'ils n'en nomment qu'une des par- 
ties. Parmi les pressoirs anciens, il y en a qui sont à 
torsion. Tel est un pressoir égyptien se composant d'un 




164. — Pressoir égyptien à torsion. Béni Hassan. 

D'après Wilkinson, Manners and custutns of the ancient 

Egyptians, t édit., 1. 1, fig. 160, p. 383. 

sac oblong et perméable, fixé par ses exlrémités à deux 
poteaux (fig. 164). Quand le raisin est enfermé dans le 
sac, on soumet celui-ci à une forte torsion, et le raisin 
comprimé laisse échapper son jus dans une cuve, qui 
est un {iiuoXtiviov. C'est là un torcular proprement dit. 
D'autres fois le raisin est foulé aux pieds (tig. 165). 
Un autre pressoir égygtien (fig. 166) consiste en un 
grand récipient dans lequel on a versé le raisin. Sept 
hommes le foulent aux pieds, en se tenant par les 
mains à des cordes qui pendent d'un châssis supérieur. 
Sur deux côtés du récipient, des cuves, qui sont des 
7cpo).T|Vta, reçoivent le jus. Beaucoup de monuments 
anciens représentent des vendangeurs qui foulent aux 
pieds le raisin ou d'autres fruits dans des cuves. 
Cf.Dicf. cJ'arc/i«'ol.c/irt>t.,t.i,fig.385,col.l616; fig.387, 
col. 1617; fig. 411, col. 1643; fig. 973, col. 2871, etc. 
Dans le pressoir à levier (flg. 167), primitivement 
employé en Grèce et en Italie, une lourde pierre 
pèse sur les raisins ou les olives. Ces fruits sont 
retenus par un panier ou par des lattes. Une longue 
poutrelle, articulée à l'une de ses extrémités, sert à 
soulever la pierre pour placer le panier, et ensuite à 
augmenter la pression par la pesée que des hommes 
exercent à l'extrémité libre. Ce pressoir parvenait à 
extraire ce qui restait de jus dans les raisins déjà fou- 
lés, ou l'huile dans les olives déjà écrasées. D'autres 
pressoirs moins encombrants furent inventés par la 
suite. Cf. Rich, Dicl. des antiquités romaines et 
grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873 s p. 655-659. — Les 
pressoirs à huile de Palestine ressemblaient un peu à 
des meules à blé. Voir t. m, fig. 157, col. 773. Sur 
une pierre creusée en cuvette, une meulp pouvait tour- 
ner, soit à la main, soit à l'aide d'une traverse de bois 



613 



PRESSOIR 



614 



passant à travers la meule et mise en mouvement par 
des hommes ou des animaux. — « Encore aujourd'hui, 
en Palestine et en Syrie, on creuse le pressoir dans là 
vigne. Le raisin est entassé sur une aire de fortes 



dans la Bible. Le pressoir ou la cuve sont nommés 
pour désigner leurs produits. Num., xvm, 27, 30; 
Deut., xv, 14; xvi, 13; IV Reg., vi, 27. Gédéon battait 
son froment sur son pressoir, c'est-à-dire sur l'aire 




165. — Pressoir égyptien dans lequel le raisin est foulé aux pieds.- 
fD'après Wukinson, Manners and customs of anc. Egyptians, 2" édit., t. H, p. 192. 



dalles, entourée d'une bordure en pierres et adossée à 
une muraille. Là il est foulé aux pieds, puis fortement 
pressé à l'aide de poutres engagées dans le mur. Le 
moût s'écoule dans des fosses, profondes d'un mètre, 



' ym\\\\\\\\\\\\mii//iun/i//tfn/r//f 




166. — Grand pressoir égyptien. Thèbes. 
D'après Wilkinson, Manners, t. i, flg. 162, p. 385. 

enduites avec soin. Quand il y a déposé ses impuretés, 
on le porte dans une chaudière établie tout auprès, où 
il reçoit une légère cuisson avant d'être mis en barils 
pour fermenter. On rencontre quelquefois des pressoirs 



dallée qui servait d'ordinaire à presser le raisin. Jud., 
vi, H. Des pressoirs sont signalés près du Jourdain, 
Jud., vu, 25, et dans le voisinage de Sichem. Jud., ix, 
27. Job, xxiv, 11, parle des pauvres gens que le riche 
occupe à exprimer l'huile dans ses celliers et à fouler la 
vendange au pressoir. Dans une vigne, on bâtissait 
d'ordinaire une tour et un pressoir, Is., v, 2;Matth.,xxi, 
33; Marc,, xn, 1, le pressoir pour faire le vin sur place, 
la tour pour y poster un veilleur chargé d'écarter les 
maraudeurs. Voir Tour. Zacharie, xiv, 10, parle de 
« pressoirs du roi » attenant à l'enceinte même de Jéru- 
salem, et probablement voisins des jardins royaux, au 
sud de la ville. Voir t. m, col. 1132. Gethsémani marque 
l'emplacement d'un pressoir à huile. Voir t. m, col. 230. 
Les villes de Geth, « pressoir », Géthaïm, « les deux 
pressoirs », Gethhépher, «le pressoir de l'excavation », 
ont dû leur origine à des pressoirs. Voir t. m, col. 223, 
227, 228. On trouve encore en Palestine de nombreux 
restes d'anciens pressoirs (flg. 169), plus ou moins dé- 
formés et enfouis sous la terre et les broussailles, dans 
les collines du sud de la Judée, entre Hébron et Ber- 
sabée ; il y en a beaucoup au mont Carmel et aux en- 
virons de Caïffa, en Galilée et spécialement près de 
Cédés. Cf. Tristram, The natural History of tke Bible, 
Londres, 1889, p. 409. — Néhémie rappela à l'ordre 
des hommes qu'il vit fouler au pressoir un jour de 
sabbat. II Esd., xm, 15. A l'Israélite fidèle, il était 
promis que sa cuve déborderait de vin nouveau. Prov., 
m, 10. Par contre, en Moab, châiié par le Seigneur, le 




167. — Pressoir romain. D'après Rich, Dict. des antiquités, p. 656. 



de ce genre tout entiers taillés dans le roc. » Jullien, 
L'Egypte, Lille, 1891, p. 261. 

2° La Palestine était un pays de vignes. Aussi les 

pressoirs sont-ils l'objet d'assez nombreuses mentions 



vendangeur ne foule plus le vin dans les cuves, Is., 
xvi, 10, et, chez les Israélites infidèles, quand on venait 
au pressoir pour y puiser cinquante mesures, il n'y en 
avait que vingt, Agg., n, 17, ou bien on pressait l'olive 



615 



PRESSOIR 



616 



et le raisin, mais on n'en jouissait pas. Mich., vi, 15. 
Cf. Ose., ix, 2. — Oh chantait et on ponssait des cris 
de joie en foulant le raisin au pressoir. Le Seigneur 
fait dire de Moab, Jer., xlviii, 33 : 

J'ai fait tarir le vin des cuves ; 

On ne le foule plus au bruit des cris de joie : 

Ce sont des cris de guerre et non des cris de joie. 

3» Le pressoir fournit matière à des comparaisons 
expressives. L'auteur de l'Ecclésiastique, xxxm, 16, 17, 
après avoir consacré ses veilles à la sagesse, se dit sem- 





ïrcfie 



Ww- 




168. — Pressoir à vin, antique, taillé dans le roc, à Aïn Karim- 
— On foule le raisin en a, d'où il s'écoule dans le bassin b, 
qui est de 1 mètre plus profond et plus large. Dans sa partie 
méridionale, qui est moins profonde, il y a trois niches, dont 
les deux latérales sont percées de trous, devant lesquels il y 
avait sans doute un clou qui devait servir à fixer des le- 
viers pour presser. Voir fig. 167. Les raisins foulés en a pas- 
saient donc, comme le montre la section, en b, où on les pres- 
sait encore davantage au moyen de pièces de bois et de leviers. 
Le liquide s'écoulait alors par les trous en e et d; c est beau- 
coup plus étroit et n'a que 1"40 de profondeur, tandis que d 
a environ 2 mètres de large et 2"30 de profondeur. De e à d 
il y a un trou rond par où le liquide peut passer du premier 
dans le second. Ce dernier a des marches au nord et à l'est. 
Sur le roc, près de la marche à l'est et au coin nord-est, il y a 
un creux en forme de coupe où l'on peut poser une jarre de 
terre sans qu'elle soit exposée à se renverser. — D'après Schick, 
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1899, 
p. 41. 

blable à celui qui grapille les raisins après la vendange 
et qui pourtant, comme le vendangeur, remplit le 
pressoir. Au temps messianique, les cuves regorge- 
ront de vin nouveau et d'huile, Joël, rt, 24, symboles de 
l'abondance des biens spirituels. — Le pressoir est la 
figure de l'épreuve et du châtiment qui écrasent. Les 
Chaldéens ont écrasé les jeunes hommes de Juda et le 
Seigneur a foulé au pressoir les jeunes filles. Lam., i, 



15. A la même idée se rapporte la pression, ffttyiç, 
pressura, de la femme qui enfante, Joa., xvi, 21, et 
celle qu'endure le chrétien de la part des persécuteurs. 
Joa., xvi, 33; II Cor., i, 4; Phil., i, 17. — Dieu, dans 
l'exercice de sa puissance ou de sa justice, est comparé 
au vendangeur qui travaille au pressoir. Isaïe, lxiii, 2-6, 
représente en ces termes le jugement exercé contre 
Édom, figure des ennemis des serviteurs de Dieu : 

Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, 

Et tes habits sont-ils comme quand on foule au pressoir? 

J'ai été seul à fouler au pressoir, 

Et parmi les peuples personne n'a été avec moi; 

Je les ai foulés dans ma colère, 

Écrasés sous mes pieds dans ma fureur; 

Le jus a jailli sur mes habits 

Et j'ai souillé tout mon vêtement... 

J'ai écrasé les peuples dans ma colère... 

Et j'ai fait couler leur sang à terre. 




169. — Pressoir à huile, trouvé à Taanach. 
D'après E. Sellin, Eine Nachlese aus dem Tell Ta'annak, 
dans les Denkschriften der K. Akademie der Wissenschaften 
Ph. hist. XL, Vienne, 1906, fig. 43, p. 27. 

On voit ici le vendangeur, se plaignant d'être seul 
à l'ouvrage quand d'ordinaire plusieurs foulent sur la 
même aire. Il se met cependant à la tâche avec ardeur; 
le jus du raisin jaillit sur ses habits qu'il rougit et. 
tombe en bas de la cuve. Jérémie, xxv, 30, montre le 
Seigneur sur le point de châtier Jérusalem par le glaive 
des Chaldéens : il fait entendre à tous les habitants de 
la terre le cri des vendangeurs qui foulent le raisin. 
Joël, m, 13, parlant de la vengeance qui va fondre sur 
les ennemis du peuple de Dieu, s'écrie : 

Venez, foulez, car le pressoir est plein, 

Les cuves regorgent, tant est grande leur malice. 

Saint Jean se sert des mêmes figures pour décrire 
le jugement du monde. « L'ange vendangea la vigne de 
la terre et il en jeta les grappes dans la grande cuve 
de la colère de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ville, 
et il en sortit du sang jusqu'à la hauteur du mors des 
chevaux. » Apoc, xrv, 19, 20. C'est le Roi des rois et 
le Seigneur des seigneurs « qui foulera la cuve du vi» 



617 



PRESSOIR — PRÊT 



618 



de l'ardente colère du Dieu tout-puissant. » Apoc, xix, 15. 

Plusieurs Psaumes ont en titre dans les versions : 
ûiràptûv >ï)viSv, pro torcularibus, «pour les pressoirs ». 
Ps. tiii, 1; lxxx, 1; lxxxiii, 1. Il y a en hébreu 'al 
hag-giftit, « sur la gittît ». Ce mot est le nom d'un 
instrument. Voir Giïtith, t. m, col. 245. 

E. Lesêtre. 

PRÊT, mise d'une somme d'argent ou d'un objet à 
la disposition de quelqu'un qui doit les rendre. En 
hébreu, le verbe lâvdh signifie « emprunter » au kal, 
■et « prêter » à l'hiphil causatif; Septante : Saveffciv, 
xty_p«vai; Vulgate : commodare. Le verbe nâSâh a le 
même sens. 

I. La loi. — 1° La loi mosaïque considérait le prêt 
■comme un service essentiellement désintéressé qu'il 
fallait rendre au prochain dans le besoin. « Si tu 
prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple, au 
pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard 
comme un créancier, tu n'exigeras pas de lui d'intérêt. » 
Exod., xxii, 25. La prescription est répétée dans le 
Lévitique, xxv, 35-37 : « Si ton frère devient pauvre et 
que sa main s'affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, 
fût-il étranger, afin qu'il vive auprès de toi. Ne tire de 
lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que 
ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton 
argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes 
vivres pour en tirer profit. » L'étranger est ici le gêr, 
admis à vivre- au milieu des Israélites en respectant 
leurs lois religieuses et sociales. Voir Prosélyte. Le 
Deutéronome, xxm, 19, 20, revient une troisième fois 
sur le même objet : « Tu n'exigeras de ton frère 
aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour 
aucune chose qui se prête à intérêt. » — L'intérêt 
porte en hébreu différents noms. On l'appelle d'abord 
néSék, du verbe nâSak, « mordre », parce que c'est 
mordre et dévorer le débiteur pauvre que de l'obliger 
à rendre quelque chose de plus que ce qu'on lui a 
prêté. L'araméen nekat, « mordre » donne de même 
nûktâ', « intérêt »; l'arabe qras signifie à la fois 
«ronger» et « tirer intérêt » ; Aristophane, Nub., I, 
i% emploie l'expression Sixvs(76a: ûitô twv x.pswv, «être 
mordu par les dettes », et Lucain, I, 181, qualifie 
l'usure de vorax, « dévorante ». Cf. Gesenius, The- 
saurus,p. 922. Les versions traduisent né$ék par tôxoç 
et uswa. Du verbe râbâh, « augmenter, multiplier », 
sont tirés deux autres noms de l'intérêt : marbît et 
farbîf, que les versions rendent par uXcovctandc, « sur- 
plus », super abundantia. L'intérêt d'un prêt se pré- 
sentait donc aux Hébreux sous un double aspect : celui 
d'une dureté à l'égard d'un homme déjà pauvre; et 
celui d'un profit en faveur d'un homme déjà riche. On 
comprend qu'à ces titres il ait été prohibé par une loi 
qui visait à resserrer les liens de fraternité entre tous 
les membres de la famille israélite. 

2° S'il ne pouvait exiger d'intérêt, du moins le prê- 
teur avait le droit de prendre un gage sur son débi- 
teur. S'il en eût été autrement, certains débiteurs au- 
jaient abusé de la situation pour se faire prêter sans 
intention de rendre, et bien des riches auraient refusé 
-de prêter, à cause des risques à courir; et, en défini- 
tive, c'eût été au détriment du pauvre. Mais la loi im- 
posait certaines conditions à celui qui se nantissait 
-d'un gage prélevé sur les biens de son débiteur. Voir 
Dette, t. n, col. 1394, 1395. Plus tard, la solvabilité du 
débiteur fut garantie par des cautions. Voir t. n, 
•col. 1395. — L'institution des années jubilaires et sab- 
batiques apportait certaines restrictions aux droits na- 
iûrels du prêteur. A l'année jubilaire, chaque famille 
devait rentrer dans sa propriété foncière. Dès lors, le 
gage pris sur cette propriété devenait caduc. Il ne s'en- 
suit nullement, comme le prétend Josèphe, Ant. jud., 
III, xii, 3, que les dettes s'éteignaient par le fait 
même. Rien dans les textes sacrés n'autorise à l'ad- 



mettre. Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1752-1753. 
L'effet de l'année sabbatique était purement suspensif. 
Comme, cette année-là, le sol n'était pas cultivé et ne 
rapportait rien, celui qui avait fait un prêt ne pouvait 
en exiger la restitution d'un Israélite. L'approche de 
l'année sabbatique ne devait même pas empêcher de 
prêter au pauvre, sous prétexte qu'on ne rentrerait pas 
dans ses fonds toute la durée de cette année. Le Sei- 
gneur voulait que l'Israélite lise eût le cœur mieux 
placé et n'hésitât pas à proroger d'une année entière 
l'échéance de la dette. Deut., xv, 1-3, 7-11. Ce précepte 
n'était pas d'une observation très onéreuse dans un 
pays et dans un temps où l'argent n'avait qu'une valeur 
représentative et n'était pas considéré comme portant 
profit par lui-même. 

3° Vis à vis de l'étranger, nokrî, àXXi-rptoç, de celui 
qui n'était pas agrégé à la nation comme le gêr, les 
droits de l'Israélite avaient plus d'extension. On pou- 
vait exiger de lui le paiement de la dette même l'année 
sabbatique. Deut., xv, 3. De plus, il était permis de 
lui prêter à intérêt. Deut. , xxm, 20. Cette faculté com- 
ptait parmi les faveurs accordées par Jéhovah à son 
peuple : « Tu feras des prêts à beaucoup de nations et 
toi tu n'emprunteras pas. » Deut., xv, 6; xxvm, 12. 
Or ces prêts comportaient intérêt; autrement les Israé- 
lites ne les eussent jamais consentis à des peuples vis- 
à-vis desquels aucune obligation ne les liait, ni en jus- 
tice, ni en charité. Chez les Babyloniens, on prêtait à 
intérêt. Le code d'Hammourabi prévoit plusieurs fois le 
paiement d'un capital et des intérêts, kaspu u sibat-su. 
Scheil, Textes élamitiques-sétnitiques, Paris, 1902, 
p. 49; art. 48-51, p. 41-43. Cf. Buhl, La société israé- 
lite d'après l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, 
p. 155-160. L'intérêt était de 20 et parfois même de 
25 pour 100. Cf. Rawlinson, Cun. Insc. W. As., t. n, 
pi. 12, col. 1, 20, 21; t. m, pi. 47, 9. Les prêtres ba- 
byloniens faisaient fructifier les immenses ressources 
accumulées dans les temples, trafiquaient sur l'argent 
et servaient d'intermédiaires entre prêteurs et em- 
prunteurs, avec intervention de scribe public et usage 
du gage, de la caution, de l'amortissement et de la 
saisie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 679, 750. 
Les Israélites ne faisaient donc que suivre un usage 
commun en tirant intérêt de ce qu'ils prêtaient aux 
étrangers. — Par contre, si l'Israélite devenait infidèle 
à son Dieu, les malédictions devaient tomber sur lui, 
celle-ci entre autres : « L'étranger qui vit au milieu de 
toi s'élèvera de plus en plus au-dessus de toi, tandis 
que toi, tu descendras toujours plus bas; il te prêtera, 
et tu île lui prêteras pas; il sera en tête, et tu seras à 
la queue. » Deut., xxvm, 43, 44. L'étranger en ques- 
tion est le gêr, admis à vivre au milieu d'Israël et astreint 
à ses lois. Par conséquent, s'il prêtait à un Israélite, il 
ne devait pas réclamer d'intérêt, et c'était déjà une 
humiliation pour l'Israélite que d'en être réduit à em- 
prunter sans avoir le moyen de prêter. Mais, pour la 
suite, on ne prêta guère sans intérêt dans de pareilles 
conditions. 

II. La pratique. — 1° Les prescriptions de la loi sur 
les prêts n'ont pas toujours été strictement observées. 
La femme dont Elisée multiplia l'huile pour l'aider à 
payer sa dette avait vu ses deux enfants réduits en escla- 
vage par un créancier impitoyable. IV Reg., rv, 1. Le 
texte ne dit pas si ce créancier était Israélite ou étran- 
ger. S'il était Israélite, il avait outrepassé ses droits; 
car la loi permettait à l'Israélite pauvre de se vendre 
comme esclave jusqu'à l'année jubilaire, Exod., xxv, 
39 ; elle n'autorisait pas un créancier à le réduire de 
force en esclavage. Il est assez probable que le créancier 
était étranger, car le fait se passait dans le royaume du 
nord ; on est alors en droit d'incriminer les compatriotes 
de cette veuve « d'entre les femmes des fils des pro- 
phètes »,qui avaient laissé cette violence s'exercer sans 



619 



PRÊT 



620 



venir au secours de la malheureuse famille. — Après 
la captivité, les gens du peuple se virent obligés, pour 
se nourrir et pour payer le tribut, d'emprunter de 
l'argent en engageant tous leurs biens et même de 
mettre leurs enfants en esclavage. II Esd., v, 2-5. Les 
créanciers étaient des Juifs. Néhémie les réprimanda 
sévèrement en leur disant : « Vous prêtez donc à inté- 
rêt à vos frères! » Et, prêchant lui-même d'exemple, il 
décida les riches à faire abandon des biens qu'on leur 
avait engagés et de l'intérêt qu'ils avaient exigé. Cet 
intérêt se montait à un centième de l'argent, du vin et 
de l'huile. II Esd., v, 7-12. Bien que peu élevé, il ne 
laissait pas cependant d'être contraire à la loi et oné- 
reux pour les pauvres gens. — Dans une des para- 
boles de Notre-Seigneur, un débiteur est condamné à 
être vendu, avec sa femme, ses enfants et tous ses 
biens, afin d'acquitter la dette. Matth., xvni, 25. Ici le 
divin Maître se réfère sans doute à la législation ro- 
maine, qui était très dure pour les débiteurs insol- 
vables et permettait de les mettre à mort ou de les 
vendre hors de Rome. Cf. Aulu-Gelle, xx, 1, 47. 

2° Les prophètes ont quelques allusions aux prêts 
qui se faisaient de leur temps. Isaïe, ),, 1, suppose des 
débiteurs vendus à des créanciers. Jérémie, xv, 10, 
dit en parlant des antipathies dont il est l'objet : « Je 
n'ai rien prêté, et tous me maudissent. » Celui qui 
prêtait pétait donc habituellement maudit, soit à cause 
de sa dureté, soit par suite de l'ingratitude de son dé- 
biteur. Le même prophète constate que de son temps, 
et même bien avant son époque, on n'obéissait plus à 
la loi qui ordonnait de libérer, à l'année sabbatique, 
les esclaves israélites qui avaient dû se vendre par 
pauvreté ou pour acquitter des dettes. Jer., xxxiv, 9-16. 
— Amos, h, 8, accuse les riches d'Israël de s'étendre 
près de chaque autel sur des vêtements reçus en 
gage, et de boire dans les maisons de leur Dieu le vin 
de ceux qu'ils ont condamné à l'amende. Ce passage 
fait allusion à la loi qui permettait au prêteur de 
prendre en gage le manteau du prochain, à condition 
de le lui rendre pour la nuit. Exod., xxn, 26. Les 
riches faisaient ainsi un étalage scandaleux et un usage 
déshonorant des manteaux qui constituaient la preuve 
de leurs prêts. Probablement, ils ne songeaient nul- 
lement à les rendre au temps prescrit. Le vin prove- 
nant des amendes avait peut-être aussi été prélevé sur 
des débiteurs. — Ézéchiel, xvin, 8,13, dit que le juste 
rend au débiteur son gage, ne prête pas à usure et ne 
prend pas d'intérêt, tandis que le méchant fait tout le 
contraire. Mais il constate qu'à Jérusalem le prêt à 
intérêt s'était généralisé contrairement à la loi. Ezech., 
xxii, 12. 

3» Les autres écrivains de l'Ancien Testament ont 
aussi quelques traits relatifs à la question du prêt. 
Dans Job, xxii, 6, on voit le méchant prendre sans 
motif des gages à ses frères et enlever les vêtements au 
misérable; il pousse devant lui l'âne de l'orphelin et 
retient en gage le bœuf de la veuve, tandis que, par sa 
faute, le pauvre est sans couverture contre le froid et 
passe la nuit sans vêtement. Job, xxiv, 3, 7. — Au 
maudit, on souhaite que le créancier s'empare de ce 
qui est à lui. Ps. cix (cvm), 11. Quant au juste, on lui 
fait honneur, comme d'une chose qui est loin de se 
pratiquer généralement, d'être compatissant et de prê- 
ter sans intérêt. Ps. xv (xiv), 5; xxxvn (xxxvi), 26; exil 
(cxi), 5. — Pour l'auteur des Proverbes, xxii, 7, em- 
prunter, c'est se faire l'esclave de celui qui prête. Par 
contre, avoir pitié du pauvre, c'est prêter à Jéhovah. 
Prov., xix, 17. — L'Ecclésiastique renferme des remar- 
ques intéressantes sur le prêt et ses' conséquences 
diverses : 

Ne prête pas à plus puissant que toi, 
Et si tu lui as prêté, tiens-le pour perdu. 

Eccli., vm, 15 (12). 



Les puissants n'avaient donc guère l'habitude de 
rendre. L'insensé « prête aujourd'hui et redemandera 
demain ». Eccli., xx, 16 (14). On ne peut se fier à lui. 
C'est faire acte de miséricorde que de prêter au pro- 
chain qui est dans le besoin. Eccli., xxix, 1, 2. Mal- 
heureusement, l'emprunteur n'est pas toujours délicat. 

Beaucoup regardentcomme une trouvaille ce qu'on leur a prêté, 

Et causent de l'ennui à ceux qui les ont aidés... 

Quand vient le moment de rendre, on prend des délais, 

On exprime tout son chagrin, on accuse la dureté des temps. 

Peut-on payer, le prêteur recevra la moitié à peine 

Et encorccroira à une bonne aubaine. 

Si on ne le peut, on le frustre de son argent, 

Et celui-ci se tait malgré lui de son obligé un ennemi 

Qui le paie en malédictions et en injures, 

Et qui, au lieu d'honneur, ne lui rend qu'outrage. 

Eccli., xxix, 4-6. 

L'auteur observe que, pour ces raisons, beaucoup se 
refusent à prêter; il les exhorte cependant à le faire 
par charité pour leurs frères. Eccli., xxix, 7-11. — De 
ces différents passages résulte cette conclusion que chez 
les Israélites, surtout aux époques d'affaissement reli- 
gieux, l'amour du gain se manifestait chez ceux qui 
empruntaient et surtout chez ceux qui prêtaient. La 
loi était d'autant plus aisément violée qu'on prétendait 
par là se mettre d'accord avec la pratique des étrangers . 

4» A l'époque évangélique, la situation n'est plus la 
même. On admet que l'argent prêté peut produire un 
intérêt. Notre-Seigneur, dans une parabole, fait allu- 
sion, sans un mot de blâme, aux opérations de banque 
qui rendaient l'argent productif. Matth., xxv, 27; 
Luc, xix, 23. Chez les Romains, l'intérêt légal était de 
12 pour 100 par an, et il s'accumulait d'année en année. 
Cf. Cicéron, Attic, vi, 3, 5. A son disciple cependant, 
le Sauveur recommande de ne pas chercher à éviter celui 
qui veut lui emprunter. Matth., v, 42. Il ajoute même : 
« Si vous ne prêtez qu'à ceux dont vous espérez resti- 
tution, quel mérite avez-vous ? Car les pécheurs prê- 
tent aux pécheurs afin de recevoir l'équivalent, t« ïo-a... 
Prêtez sans rien espérer, et votre récompense sera 
grande. » Luc, vi, 34, 35. Ces pécheurs sont sans doute 
des Juifs, car ils se contentent de recevoir l'équivalent 
du prêt, conformément à la loi mosaïque. Il y a dans 
le texte grec : u^Sèv à7t£),iit;ovT£«, ce que beaucoup 
d'anciens manuscrits latins traduisent: nihil despe- 
rantes, « sans désespérer de rien, » conformément au 
sens habituel du verbe grec, même dans les Septante. 
Is., xxix, 19; Judith, ix, 11; Eccli., xxii, 26; xxvn, 24; 
II Mach., ix, 18. Notre-Seigneur voudrait donc dire qu'il 
faut prêter sans désespérer de rien, car, à défaut du 
débiteur, Dieu sera là pour récompenser le bienfaiteur. 
Mais le verbs grec peut aussi avoir, comme d'autres 
verbes de composition semblable, le sens « d'espérer en 
retour ». Ce sens s'accorde mieux avec l'ensemble du 
passage, dans lequel Notre-Seigneur préconise la pra- 
tique d'une charité absolument désintéressée; aussi 
est-il le plus généralement admis. Le mot àm\izit;ov:ec 
équivaudrait à àvTsXm'CovTsç, « espérant en retour. » 
Cf. Bulletin critique, 15 juin 1894, p. 238; Knaben- 
bauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 239, 240. Cette 
sentence de Notre-Seigneur représente, de l'aveu de 
tous, non pas un précepte, mais un conseil à l'usage 
des parfaits. — Il y avait à Jérusalem un dépôt public 
dans lequel se conservaient les titres des créances. Au 
début du siège, les sicaires s'empressèrent d'y mettre le 
feu, afin de se concilier la faveur de la multitude ainsi 
libérée de ses dettes. Josèphe, Bell, jud., II, xvn, 6. — 
L'Évangile ne mentionne qu'un seul prêt effectif, celui 
de trois pains. Luc, xi, 5. < 

5° La loi mosaïque autorisait les spéculations d'argent 
avec les étrangers, mais non avec les compatriotes. 
Cette disposition ne laissa pas que de devenir gênante 
quand les Israélites commencèrent à se lancer dans les 



621 



PRÊT — PRÉTOIRE 



622 



affaires et à exercer en grand le commerce de l'argent, 
qui ne permettait pas de différer le paiement des 
dettes à la septième année. Les prêtres eux-mêmes 
participaient à ces opérations financières. Cf. Josèphe, 
Ant.jud., XX, ix, 2. Pour éluder la difficulté, le créan- 
cier acceptait l'argent de son débiteur à titre de cadeau, 
ou bien l'on excluait de l'ordonnance légale les dettes 
pour lesquelles le créancier avait un gage. Hillel ima- 
gina un autre moyen, la Kpoaoolr), qui consistait à lire 
à haute voix, devant le juge, une formule par laquelle 
on se réservait d'exiger son argent en tout temps. De la 
sorte, l'intérêt du commerce était sauf, mais non le 
texte de la loi. Cette déclaration prend le nom hébraïsé 
de prôz-bôl dans la Mischna. Cf. Schebiith, x, 3-7; 
Gittin, tv, 3; Pea, m, 6; Moed Katan, m, 3; Kethu- 
both, ix, 9; Vkzin, m, 10. Les titres déposés dans les 
archives publiques de Jérusalem étaient vraisemblable- 
ment accompagnés de cette déclaration. Cf. Schûrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leip- 
zig, t, h, 1898, p. 45, 363; F. Buhl, La société Israélite 
d'après l'A. T., trad. B. de Cintré, Paris, 1904, p.173, 174. 

H. Lesêtre. 
PRÊTEUR (hébreu : nôsëk, de nâsâh, « prêter » ; 
Septante : SavsKjTrjç; Vulgate : creditor, fœnerator), 
celui qui prête. — Voir Dette, t. n, col. 1394. Le prê- 
teur met de l'argent ou un objet quelconque à la dispo- 
sition de quelqu'un qui, tant qu'il n'a pas rendu ce qui 
lui a été prêté, demeure son débiteur, lôvéh, SavsiWptE- 
vo? iuô'/pswç, xp£<oç£0,éTj];, debitor. Il y a des prêteurs 
impitoyables, IV Reg., iv, 1, d'autres qui sont miséri- 
cordieux. Luc, vu, 41. Ils sont les uns et les autres 
sous le regard de'Dieu. Prov., xxix, 13. On vendait au 
prêteur des esclaves pour acquitter ses dettes, Is., L, 1, 
ou lui-même prenait tout dans la maison de son débi- 
teur. Ps. cix (cviu), 11. Au jour du grand jugement de 
Dieu, tous les hommes se trouveront dans la même si- 
tuation, le prêteur comme l'emprunteur, le débiteur 
comme le créancier. Is., xxiv, 2. Voir Emprunt, t. n, 
col. 1764; Prêt, col. 617. H. Lesëtre. 

PRÉTOIRE (grec : zo npatitôptov), mot dérivé du 
latin prsetorium, lequel est passé en grec. Il désignait 
primitivement, chez les Romains, dans les camps de 
marche, la tente du général en chef (prsetor): Cf. Tite- 
Live, vu, 12; x, 33. Il s'appliqua ensuite au conseil de 
guerre ou réunion des officiers supérieurs qui se 
tenait dans cette tente, Tite Live, xxvi, 15; XXX, 5; 
xxxvii, 5, et, dans les camps permanents, au quartier 
général du commandant en chef. Lorsque l'empereur 
devint théoriquement le général par excellence, l'iwi- 
perator, sa résidence prit le nom de prsetorium, et, 
comme d'habitude il demeurait à Rome, il y eut, à 
côté de preetoria changeant avec ses déplacements, un 
prœtorium fixe dans la capitale. A la tête de ce der- 
nier étaient les préfets du prétoire, prxfecti prsetorio, 
et les prœtoriani étaient spécialement chargés de 
le garder. Tacite, Ann., i, 20; n, 11, 24; iv, 46. Mais, 
même alors, le mot continua à être employé, comme 
auparavant, dans le sens de « résidence du gouver- 
neur » et particulièrement de « logement réservé au 
gouverneur dans ses déplacements ,•>. Cicéron,/n Verr., 
II, iv, 28; v, 35. Par une dernière extension, il devint 
synonyme de maison riche, palais, et même de maison 
d'habitation opposée aux constructions agricoles. 
Cf. R. Cagnat, Prsetorium, dans le Dictionnaire des 
antiquités grecques et romaines de Daremberg et 
Saglio, Paris, t. vu, p. 640. — Ce nom ne se trouve que 
dans le Nouveau Testament. Dans les Évangiles, Matth., 
sxvii, 27; Marc, xv, 16; Joa., xvm, 28, 33; xix, 9, et 
dans les Actes des Apôtres, xxm, 35, il désigne la 
résidence du gouverneur romain. Dans PÉpltre aux 
Philippiens, i, 13, il a un sens que nous aurons à dé- 
terminer. 



I. Dans les Évangiles. — Le prétoire, dans les 
Évangiles, soulève une question fort débattue de nos 
jours, à savoir l'emplacement qu'il occupait à Jéru- 
salem au moment de la Passion du Sauveur. Commen- 
çons par examiner les données scripturaires. 

i° Données évangéliques. — C'est de chez Caïphe 
que les Juifs conduisirent Jésus au prétoire, chez 
Pilate. Matth., xxvn, 2; Marc, xv, 1; Luc,, xxm, 1; 
Joa., xvm, 28. « C'était le matin, et ils n'entrèrent pas 
eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller 
et de pouvoir manger la Pàque. Pilate sortit donc au 
devant d'eux, c^XOev... ë£w; Vulgate : exivit... foras. » 
Joa., xvm, 28-29. Après leur avoir demandé quelle 
accusation ils portaient contre cet homme et entendu 
leur réponse, il « rentra dans le prétoire, et appela 
Jésus », qu'il interrogea sur sa royauté. Joa., xvm, 33- 
37. « Il sortit de nouveau au devant des Juifs » et leur 
proposa de relâcher le prisonnier à l'occasion de la 
fête de Pâque; mais ceux-ci réclamèrent Barabbas. 
Joa., xvm, 38-40. « Alors donc Pilate ordonna de saisir 
Jésus et de le flageller. Et les soldats (le conduisant 
dans la cour, qui est le prétoire, ïaa> t/jç a-ûÀîjç, fi àdTiv 
jrpaiTfipiov, Marc, xv, 16) tressèrent une couronne 
d'épines qu'ils lui mirent sur la tête, et le revêtirent 
d'un manteau de pourpre; puis ils s'avançaient vers 
lui en disant : <i Salut, roi des Juifs! » et ils lui don- 
naient des coups de verge. Pilate sortit de nouveau et 
leur dit : « Voici, je vous l'amène pour que vous 
« sachiez que je ne lui trouve aucun crime."» Jésus 
sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau 
de pourpre, et il leur dit : « Voici l'homme ! » Joa., 
xix, 1-5. Devant les cris de mort poussés par les Juifs, 
Pilate « rentra de nouveau dans le prétoire » et fit 
subir un nouvel interrogatoire à Jésus. Joa., xix, 7-11. 
Accusé de n'être pas l'ami de l'empereur, « Pilate fit 
sortir Jésus, ^aft'i ËSto, et s'assit sur le tribunal, êiul 
flrijjiaToç, à l'endroit appelé Lithostrotos, en hébreu 
Gabbatha. » Enfin « il le leur livra chargé de liens 
pour être crucifié. » Joa., xix, 12-16. — Voilà tout ce 
que nous apprend l'Évangile : le prétoire où demeurait 
Pilate, d'où il sortit, et où il rentra plusieurs fois au 
cours de ces différentes scènes, le lieu témoin de l'in- 
terrogatoire, de la tlagellation, du couronnement d'épi- 
nes et de la condamnation de Jésus, était précédé d'une 
place où la foule des Juifs put se rassembler et d'un 
lieu « élevé » (Gabbatha) et « pavé en pierre » (Lithos- 
trotos) où le gouverneur établit son tribunal. Saint Marc 
nous parle d'une cour intérieure ou atrium, qur était le 
prétoire. Mais dans quel endroit de la ville se trouvait-il? 
Le texte sacré ne nous le dit pas. Interrogeons l'histoire. 

2° L'histoire. — Le prétoire, chez les Romains, 
n'était pas un édifice spécial, semblable à nos palais de. 
justice, affecté aux audiences et aux jugements du 
tribunal; c'était, nous l'avons dit, la résidence du gou- 
verneur de province, qui y jugeait cependant les cas 
soumis à sa juridiction et y rendait ses sentences, 
puisqu'il était non seulement le chef de l'armée, mais 
encore le chef du gouvernement. Les procurateurs de 
Judée n'habitaient pas ordinairement Jérusalem, mais 
Césarée maritime, où ils occupaient le palais d'Hérode, 
qui est appelé itpatrwptov toû 'HpwSou, Act., xxm, 35, 
à propos de la comparution de saint Paul devant Félix. 
Ils venaient dans la ville sainte à l'époque des grandes 
fêtes de l'année, lorsque la multitude des Juifs rassem- 
blés à ces occasions pouvait amener et amenait sou- 
vent des émeutes. Pilate s'y trouvait donc à cause de la 
fête de Pâque. Mais où habitait-il? L'histoire nous 
éclaire un peu en nous apprenant qu'il devait, comme 
à Césarée, occuper un des palais d'Hérode, mais elle 
ne nous dit pas lequel. Nous savons, en effet, qu'Hérode 
le Grand agrandit et embellit la citadelle Antonia, 
située à l'angle nord-ouest de l'enceinte du Temple. Il 
en fit non seulement une forteresse remarquable, mais 



623 



PRETOIRE 



624 



encore un palais, renfermant des galeries et de somp- 
tueux appartements. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 
4; XVÎII, iv, 3; Bell, jud., I, m, 1; V, iv, 2; v, 8. 
Voir Antonia., t. i, col. 712. Elle est appelée 7tape[iëo).»î 
Vulgate : castra), Act., xxi, 34, 37; xxn, 24; xxm, 10, 
16, 32; elle servait, en effet, de caserne à la garnison 
romaine, mais elle offrait en même temps au gouver- 
neur une résidence agréable. Hérode cependant fit con- 
struire un autre palais, plus splendide encore, à l'angle 
nord-ouest de la ville, sur l'emplacement actuel de la 
citadelle. Flanqué* de trois tours énormes, appelées 
Hippicus, Phasaël et Mariamne, cette maison royale 
était, à l'intérieur, d'une richesse extraordinaire. Cf. Jo- 
sèphe, Bell, jud., V, iv, 4. Voir Jérusalem, t. m, 
col. 1373. Il est certain qu'elle offrait plus d'attraits 
encore que l'Antonia. Le procurateur Gessius Florus 
s'y installa, et nous le voyons un jour établir devant 
le palais son tribunal, près duquel se rassemblent les 
princes des prêtres et les principaux de la ville. Jo- 
sèphe, Bell, jud., II, xiv, 8. Le contexte, II, xv, 5, 6, 
montre bien qu'il s'agit ici d'une demeure royale dis- 
tincte de l'Antonia. Cependant on peut dire que, pen- 
dant les fêtes de Pâque, le gouverneur avait tout 
intérêt à occuper la citadelle, d'où il pouvait mieux 
surveiller les agissements des Juifs dans le Temple et 
parer plus vite à toute éventualité. Cherchons un peu 
plus de lumière dans la tradition. 

3° La tradition. — Le premier témoin est le Pèlerin 
de Bordeaux. Dans son itinéraire de l'an 333, après 
avoir parlé de la maison de Caïphe, qu'il visita sur le 
mont Sion, c'est-à-dire sur la eolline occidentale, et 
de l'endroit où fut le « palais de David », il ajoute : 
« De là, en sortant de l'enceinte de Sion et en se ren- 
dant à la porte napolitaine (aujourd'hui bâb el-'Amûd, 
appelée aussi porte de Naplouse et de. Damas), on a, 
à droite, en bas, dans la vallée les murs où fut la 
maison ou le prétoire de Ponce Pilate. Là, le Seigneur 
fut entendu avant sa passion. A gauche, est le monti- 
cule du Golgotha où le Seigneur fut crucifié. » Cf. Iti- 
nera Terrai Sanctœ, edit. T. Tobler, Genève 1877, t. i, 
p. 18. Ce texte, comme les autres, sera discuté plus 
loin. — Un passage de la Vie de Pierre l'Ibère nous 
apprend que, au v e siècle, il y avait une église de Pi- 
late. Quelle que soit la valeur intrinsèque de la vision 
qu'il relate, l'itinéraire dont il est question est claire- 
ment tracé : parti du Martyrium de saint Etienne, Pierre 
« courut au saint Golgotha et au tombeau; puis il des- 
cendit à l'église qui est dite de Pilate et de là à celle 
du paralytique (Sainte-Anne) et ensuite à Gethsémani. » 
Cf. J.-B. Chabot, Pierre l'Ibérien, dans la Revue de 
l'Orient latin, Paris, t. m, 1895, p. 381-382. — A cette 
église succéda un peu plus tard la basilique de Sainte 
Sophie. Nous lisons dans le Breviarius de Bierosolyma 
(vers 530) : « De là, vous allez à la maison de Caïphe, 
où saint Pierre renia [le Sauveur] et où une grande basi- 
lique est dédiée à saint Pierre. Vous vous rendez ensuite 
à la maison de Pilate, où celui-ci livra aux Juifs le 
Seigneur flagellé, et où il y a une grande basilique, 
appelée Sainte Sophie, avec une chambre où le Sau- 
veur fut dépouillé de ses vêtements et flagellé. » 
Cf. Itinera Terne Sanctx, p. 59. — Théodose, De 
Terra Sancta (vers 530), dit de son côté : « De la 
maison de Caïphe jusqu'au prétoire de Pilate, il y a 
cent pas. Là est l'église de Sainte-Sophie ; tout auprès, 
saint Jérémie fut jeté dans une citerne. De la citerne où 
fut jeté le prophète Jérémie jusqu'à la piscine de Siloé, 
il y a cent pas. Delà maison de Pilate jusqu'à la piscine 
probatique, il y a plus ou moins cent pas; là le Sei- 
gneur guérit le paralytique. » Cf. Itinern Terrx San- 
ctœ, p. 65. — En l'année 570 environ, nous avons le 
témoignage d'Antonin le Martyr, De Locis Sanctis : 
« Nous avons prié dans le prétoire où le Seigneur fut 
entendu et où est actuellement la basilique de Sainte- 



Sophie. Devant les ruines du Temple de Salomon, 
l'eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique 
de Salomon. Dans la même basilique, il y a le siège 
sur lequel s'assit Pilate quand il écouta le Seigneur, 
et une pierre quadrangulaire qui se trouvait au milieu 
du prétoire. C'est sur celle-ci que le Seigneur fut élevé 
quand il fut interrogé par Pilate, afin qu'il fût entendu 
et vu de tout le peuple; et il y laissa l'empreinte de 
ses pieds. » Cf. Itinera Terrse Sancta;, p. 104. L'église 
de Sainte-Sophie disparut sous le fléau de l'invasion 
persane, en 614, et près de 400 chrétiens arrosèrent 
de leur sang le sol de l'antique prétoire, s'il faut en 
croire une relation arabe. Cf. Clermont-Ganneau, Re- 
cueil d'archéologie orientale, Paris, t. il, 1896, p. 148. 
— Il faut arriver au commencement du IX e siècle pour 
retrouver mention du prétoire. L'auteur du Comme- 
moratorium de casis Dei, vers 808, dans le recense- 
ment qu'il fait des prêtres et clercs desservant les 
sanctuaires de Jérusalem en compte cinq dans Je Pré- 
toire. Cf. Itinera hierosolymitana, édit. Tobler et Mo- 
linier, Genève, 1880, t. i, p. 301. On pourrait croire 
d'après le contexte qu'il place ce lieu saint sur le 
mont Sion, avec l'église de Saint-Pierre; il ne faut peut- 
être pas trop presser celte conclusion. 

Nous verrons cependant s'accréditer, au temps des 
croisades, la tradition qui place le prétoire sur le 
mont Sion. Un des premiers historiens de cette époque, 
l'auteur des Gesta Francorum expugnantium Jérusa- 
lem, déclare que, au moment où les croisés entrèrent 
pour la première fois dans la ville sainte, il était dif- 
ficile de reconnaître certains sanctuaires, en particu- 
lier ceux qui marquaient le théâtre des diverses scènes 
du procès de Notre-Seigneur. Après avoir visité l'église 
de Sainte-Anne et la piscine Probatique, il ajoute : 
«r La flagellation de Jésus-Christ, le couronnement, la 
dérision et d'autres souffrances qu'il a endurées pour 
nous : mais il n'est pas facile à présent de reconnaître 
les endroits où ces faits s'accomplirent, surtout parce 
que la ville a été trop souvent depuis bouleversée et 
détruite. » Cf. J . Bongars, Gesta Dei per Francos, Ha- 
nau, 1611, p. 573. Cependant, en 1112 ou 1113, 
Phigoumène russe Daniel mentionne le prétoire à peu 
près dans la même direction que les pèlerins dont 
nous avons parlé. Cf. Itinéraires russes en Orient, trad. 
B. de Khitrowo, Genève, 1889, p. 18-19. Un petit traité 
des Lieux Saints intitulé : De situ urbis Jérusalem, et 
qui fut écrit entre 1130 et 1150, dit au sujet du prétoire : 
« [Jésus], étant retourné de là à Gethsémani, fut livré 
par Judas aux Juifs. Celui-ci le présenta lié à Anne et 
à Caïphe près du portique de Salomon, ensuite à Sion, 
au lieu qui est appelé Lithostrotos et qu'on montre à 
présent devant la porte de l'église. » Cf. M. de Vogué, 
Les églises de la Terre Sainte, Paris, 1860, p. 427. 
C'est le commencement de la confusion. Plusieurs 
écrivains anonymes, que l'on ne croit pas antérieurs 
à 1145 ni postérieurs à 1170, placent le prétoire sur le 
mont Sion. Ainsi, pour n'en citer qu'un, l'Innomina- 
tus vin dit : « Nous vînmes ensuite au mont Sion, où 
est la chapelle du Sauveur, appelée le prétoire de Pi- 
late. Là, Notre-Seigneur fut couronné, lié, exposé aux 
dérisions et condamné par Pilate. » Cf. Descriptiones 
Terrœ Sanctx a seec. viu-xv, édit. Tobler, Leipzig, 
1874, p. 194. — Vers 1165, Jean de Wurzbourg s'ex- 
prime de même. Cf. Descriptiones T. S., p. 139. — 
Théodoric (1172) mêle les deux traditions. D'un côté, 
il parle de la maison de Pilate près de l'église Sainte- 
Anne; de l'autre, il montre le tribunal de Pilate sur le 
mont Sion. Cf. Theodorici Libellus, édit. Tobler, Paris, 
1865, p. 10, 62-63. — Il est à remarquer cependant que, 
même à cette époque, la tradition maintient le lieu de 
la condamnation de Jésus du côté de l'église de Sainte- 
Anne et de la piscine probatique. C'est ainsi que, sur 
une carte topographique de Jérusalem, tracée vers l'an 



625 



PRETOIRE 



626 



1180, on lit, à gauche du chemin qui conduit ad por- 
tant vallis Josaphat, ces mots : Hic flagellatus est 
Jh'esus. Cf. Rôhricht, Kàrten und Plane zur Palàsti- 
nakunde aus dem 7 bis 16 Jahrhundert, dans la Zeit- 
schrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. XV, 
1892, p. 34-39, pi. i. On trouve de même dans Ernoul, 
L'estatdela citez de Iherusalem (vers 1231) : « A main 
destre de celle rue de Josaffas, avait un moustier c'on 
apeloit le Repos. Là dist on que Jhesu Cris reposa, 
quant on le mena cruceflier; et là estoit li prisons u il 
fù mis la nuit que il fu pris en Gessemani. Un poi 
avant, à main senestre de celle rue, estoit li Maisons 
Pilate. Devant celle maison avoit une porte par u on 
aloit al Temple. » Cf. Itinéraires à Jérusalem publiés 
par H. Michelant et G. Raynaud, Genève, 1882, p. 49. 
Parmi les ouvrages du xm« siècle, il en est quelques- 
uns qui parlent vaguement du prétoire au mont Sion. 
Ainsi nous lisons dans Les pelerinaiges por aler en 
Iherusalem (vers 1231) : « Vers midi sur la cité de 
Iherusalem est Monte Syon : là fu la grant yglise qui 
est abatue, où Notre-Dame trespassa, et d'ilueques 
l'emportèrent li apostre à Josaphas, et iluec devant 
est une chapele où Nostre Sire fu iugiés et batus et 
flacillez et d'espines tormentés et coronés; ce fu le 
Prétoire Cayfas et sa maison. » Cf. Michelant et Ray- 
naud, Itinéraires à Jérusalem, p. 96. Il en est de 
même dans Les sains pèlerinages que l'en doit re- 
querre en la Terre Sainte, et Pèlerinages et pardouns 
de Acre. Cf. Itinéraires à Jérusalem, p. 104, 231. 
Ces descriptions, tout en ne parlant que du prétoire de 
Caïphe, placent néanmoins implicitement le tribunal 
de Pilate au mont Sion, puisqu'elles y localisent le 
couronnement d'épines. Cependant, vers la fin du même 
siècle, Riccoldo da Monte Croce s'exprime en ces termes 
au sujet du prétoire : s Et nous arrivâmes à l'église de 
Sainte- Anne... Tout près de là, nous trouvâmes la 
piscine probatique. En montant, nous rencontrâmes la 
maison d'Hérode et, tout près, la maison de Pilate, où 
nous vîmes le lithostrotos et le lieu où fut jugé le 
Seigneur, ainsi que l'endroit où se tint le peuple, sur 
la place, devant le palais, lorsque Pilate sortit au- 
devant des Juifs. » llinerarius, édit. Laurent, Pere- 
grinatores medii sévi quatuor, Leipzig, 1864, p. 111- 
112. — Au xiv e siècle, Marino Sanuto (1310), après 
avoir mentionné l'église de Sainte-Anne et la piscine 
probatique, l'une en face de l'autre, la première à droite, 
et la seconde à gauche d'une des portes de la ville, 
ajoute que, en allant directement vers la porte opposée 
ou porte Judiciaire, on trouve « la maison de Pilate », 
où l'Agneau de Dieu fut flagellé, couronné d'épines et 
enfin condamné à mort. Près de la maison de Pilate, il 
place « la maison d'Aline, à laquelle le Christ, pris par 
les Juifs à Gethsémani, fut d'abord conduit. » Près de 
la maison d'Anne, il signale « l'église de Sainte-Marie 
de Pamason (Pasmus Virginis sur le plan), où cette 
bienheureuse vierge tomba en syncope de douleur, en 
voyant son fils innocent porter sa croix. » Cf. Rongars, 
{iesta Dei per Francos, cap. x, p. 257. C'est ce qui est 
nettement marqué sur un plan du même auteur, tiré 
■d'un manuscrit de Londres. Cf. Rôhricht, Marino Sa- 
nudo sen. als Kartograph Palàstinas, dans la Zeit- 
schrift des Deutsclien Palàstina-Vereins, t. xxi, 1898, 
p. 84, pi. 4. A remarquer que la maison de Pilate est 
placée en face de Notre-Dame du Spasme, du côté op- 
posé de la rue, à l'angle de celle qui conduit à la porte 
•de Saint-Etienne. — Au xvi e siècle, un pèlerin manceau, 
•Greffln Affagart (1533-1534), décrit ainsi le Prétoire : 
-« Plus loing un peu (an delà du carrefour où il place 
N.-D. du Spasme) est le prétoire de Pillate et aussi sa 
•maison en laquelle Jésus fut flagellé et couronné d'es- 
pines. Mays il est à noter que la mayson estoyt telle- 
ment située que l'une partie estoyt d'un costé de la rue 
•et l'autre part de l'autre, en faczon qu'on povoyt aller 



de l'une à l'autre par dessus une arche de pierre qui 
traversoyt la rue, faicte en manière degallerye... Après, 
l'on va à la maison de saincte Anne. » Cf. J. Chavanon, 
Relation déterre Sainte par Greffin Affagart, Paris, 
1902, p. 95. Ici il n'y a plus de doute, l'emplacement du 
prétoire est bien marqué par l'arc de YEcce Homo. — 
Au xvii e siècle, Quaresmius (1616) le montre au nord- 
ouest de l'enceinte du Temple, près de la tour Antonia, 
et décrit longuement l'état des lieux. Cf. Quaresmius, 
Elucidalio Terrse Sanctse, Anvers, 1639, t. H, lib. IV, 
cap. u. La tradition a continué sans interruption jus- 
qu'à nos jours, et c'est là que les pèlerins cherchent le 
commencement de la Voie douloureuse. 

Si nous résumons, en dehors de toute hypothèse, les 
enseignements de la tradition, nous arrivons donc aux 
résultats suivants. Le prétoire, que saint Cyrille de Jéru- 
salem, Catech., xm, t. xxxm, col. 820, déclare, au rv e siè- 
cle, « réduit en solitude, par la puissance de celui qui 
fut alors attaché à la Croix, » a, dès 333, son emplace- 
ment marqué à droite de la voie qui "conduit de Sion 
à la porte de Naplouse, c'est-à-dire du sud au nord, et 
en bas, dans la vallée (du Tyropœon). Plus tard, il est 
indiqué par une église dite de Pilate, à laquelle on 
descend en venant du saint Sépulcre, et qui se trouve sur 
une ligne allant de l'ouest à l'est, vers la piscine Proba- 
tique. A cette église succède la basilique de Sainte- 
Sophie, que Théodose, (vers 530) place à peu près à 
moitié chemin (quelle que soit la valeur de ses pas) 
entre la maison de Caïphe, sur le mont Sion, et la pis- 
cine probatique, et qu'Antonin le Martyr montre devant 
les ruines du Temple de Salomon, à un endroit où l'eau 
coule vers la fontaine de Siloé, c'est-à-dire le long de 
la vallée du Tyropœon. Après la destruction de la basi- 
lique, en 614, la tradition devient plus difficile à suivre; 
elle s'égare même au moment des croisades. Dès 
le début de la guerre sainte, on constate la difficulté 
de retrouver l'emplacement du prétoire. Trompés peut- 
être par une fausse lecture du texte évangélique : Ad 
Caipham principeni sacerdotum in prsetorium, au 
lieu de a Caipha in prsetorium, Joa., xvm,28 (cf. Tis- 
chendorf, Novum Testamentum grsece, édit. oct., 
Leipzig, 1869-1894, t. i, p. 932), et par certaines reliques 
transportées de l'ancien prétoire sur le mont Sion, les 
pèlerins des XII e et xm e siècles ont souvent cherché sur 
celte dernière colline le lieu de la flagellation, du 
couronnement d'épines et de la condamnation de Jésus. 
Il est cependant juste de remarquer que, même au mi- 
lieu de ces fluctuations, les anciens jalons ne dispa- 
raissent pas complètement. Nous le voyons d'après 
l'hégoumène russe, Daniel (1112 ou 1113), Théodoric 
(1172), certaines cartes topographiques de Jérusalem 
(1180) et Ernoul (vers 1231). Au xiv e siècle, Marino 
Sanuto maintient les mêmes lignes. Enfin la tradition 
se précise et se fixe à l'ancienne citadelle Antonia. Mais, 
il faut l'avouer, ce n'est qu'en des temps assez éloignés 
des origines qu'elle se localise d'une façon aussi posi- 
tive ; les premiers témoins laissent le champ libre à 
des recherches qui peuvent se poursuivre le long de 
l'enceinte occidentale et septentrionale du Temple. Il 
nous reste donc à voir si l'archéologie peut nous ap- 
porter quelque lumière, et à examiner les diverses théo- 
ries émises sur la question. 

4° Les hypothèses. — D'après les données de l'his- 
toire et de la tradition que nous venons d'exposer, 
nous sommes en face de deux hypothèses générales : 
le Prétoire se trouvait ou à l'ouest, sur le mont Sion, 
ou à l'est, sur ou vers la colline du Temple. Cette . 
dernière, la plus importante, se subdivise en trois 
opinions, que nous aurons à étudier séparément. 

a) lb prétoire au moxt swx. — Cette théorie, long- 
temps abandonnée, a été reprise de nos jours par 
Kreyenbûhl, dans la Zeitschrift fur die neutestament- 
liche Wissenschaft , Giessen, t. m, 1902.. p. 16 sq^L'au- 



627 



PRÉTOIRE 



628 



teur s'appuie principalement sur l'histoire, rappelant 
l'exemple de Sabinus, gouverneur de Syrie, qui, pen- 
dant un séjour à Jérusalem, occupa le palais d'Hérode, 
et celui de Gessius Florus, dont nous avons parlé plus 
haut. Cf. Josèphe, Bell.jud., II, h, 2; Ant. jud., XVII, 
ix, 3; Bell, jud., II, xrv, 8. Il cherche une confirma- 
tion de sa thèse dans le fait suivant, rapporté par l'his- 
torien juif, Bell, jud.f II, ix, 4; Ant. jud., XVIII, m, 
2. Pilate, ayant employé l'argent du trésor sacré à la 
construction d'un aqueduc, souleva contre lui le peuple, 
qui, profitant de la venue du procurateur dans la ville 
sainte, assiégea son tribunal, t'o j3f;|«.a, en poussant de 
grands cris. Prévoyant le tumulte, le gouverneur avait eu 
soin de mêler à la foule des soldats armés, mais vêtus à 
la manière du peuple, et leur avait enjoint de frapper 
les séditieux non avec le glaive, mais avec des bâtons. 
Sur un ordre qu'il donna du haut de son tribunal, la 
consigne fut exécutée, et un grand nombre de Juifs 
tombèrent sous les coups. Josèphe ne dit pas quel palais 
habitait Pilate à ce moment-là, mais il paraît clair à 
notre auteur que l'émeute ne put avoir lieu à PAntonia, 
où les soldats romains n'eussent pas laissé pénétrer la 
jnasse populaire; on ne saurait non plus placer le 
Pt) [xx du procurateur sur la place du Temple, au-dessous 
de l'Antonia, d'où l'on descendait par des degrés. Il est 
vrai que la sédition soulevée à propos de saint Paul, 
Act., xxi-xxiii, éclata en cet endroit, et que le tribun 
mit l'Apôtre en sûreté dans la citadelle. Act., xxr, 34, 
37; xxii, 24; xxm, "10, 16, 32. Mais il n'est pas ques- 
tion ici du procurateur, qui à ce moment était à Césa- 
rée, et le théâtre de l'émeute est nettement caractérisé 
par la mention du Temple, du « camp », raips;j.6oXï], 
c'est-à-dire de la partie de la citadelle qui servait de 
caserne à la garnison romaine, et des degrés, «votêaS- 
(not, par lesquels on y montait. Act., XXI, 35, 40. Dans 
le récit de Josèphe, au contraire, le soulèvement est 
dirigé contre le gouverneur. Il va sans dire que le 
palais d'Hérode avait sa garnison comme l'Antonia, et 
que le procurateur y avait au moins sa garde du corps. 
Lors donc que saint Marc, xv, 16, parle de la cohorte 
convoquée dans la cour du prétoire, pour prodiguer 
les outrages à Jésus, il ne saurait être question de la 
garnison de l'Antonia, mais de celle du palais d'Hérode 
ou d'une partie de celle-ci, la garde du procurateur. 
Aussi les Synoptiques, dans l'exécution de la sentence 
capitale, ne mentionnent-ils pas un -/iXi'ap-/oç ou tribun, 
comme les Actes, xxi-xxm, mais seulement un xïvtu- 
piwv, centurion. Marc, xv, 39. La présence d'une gar- 
nison dans le palais royal explique peut-être l'expres- 
sion de saint Marc, xv, 16, i\ tt\ù.r\, ô ètrriv irpatTtopiov; 
aùXi) seul ne pourrait s'appliquer à l'Antonia, qui était 
une forteresse. Sans doute celle-ci, avec ses magni- 
ficences, pouvait être assimilée à un château royal, 
mais, par destination, elle était surtout une forteresse, 
le çpouptov du Temple, comme le Temple était le çpoù- 
piov de la ville, suivant le mot de Josèphe, Bell, jud., 
V, v, 8; aussi l'historien juif la désigne-t-il régulière- 
ment SOUS les noms de itOpyo;, Trup-josiÇ^;, tppoûpeov, 
non sous celui de a-JX^. Une ocjXyJ, c'est le palais du 
grand-prêtre, Marc,, xiv, 54, ou de l'empereur, (jaat- 
Xtxï) aûXvj. Eusèbe, H. E., V, XX, 5. Josèphe lui-même, 
Bell, jud., Y, iv, 4, appelle le palais d'Hérode ^ toO 
(JaaiXéwç aOXrç. Contre cette théorie on a cherché à faire 
valoir l'expression à'ie.Tie.\itysi, employée par saint Luc, 
xxm, 7, à propos du renvoi de Jésus devant Hérode. 
Comme àvaTOinteo signifie « envoyer en haut, faire 
monter », on en conclut que le palais d'Hérode Antipas 
était à un niveau plus élevé que la demeure actuelle 
de Pilate. Or, Antipas, pendant son séjour à Jérusalem, 
habitait le palais des Asmonéens, situé plus bas du 
côté de la vallée de Tyropœon. Donc Pilate ne pouvait 
occuper le palais d'Hérode le Grand. M. Kreyenbùh 
répond que le verbe àvansiiitEtv n'indique pas seule- 



ment la direction vers un lieu plus élevé, mais 'encore 
vers une personne supérieure en dignité et en puis- 
sance. Cf. Act., xxv, 21, et que, Luc, xxm, 11, 15, il a 
même le sens de « renvoyer ». 

Tels sont les arguments par lesquels on cherche à 
prouver que le Prétoire devait se trouver sur la colline 
occidentale. Cette théorie a le grand inconvénient d'être 
absolument contraire à la tradition. Nous avons vu, en 
effet, que les témoignages les plus anciens et les plus 
authentiques, jusqu'à l'époque des croisades, fixent nos 
regards du côté de la colline orientale, Le silence des 
premiers siècles jusqu'à l'an 333 n'est pas un obstacle, 
car, malgré les bouleversements subis par Jérusalem, 
les chrétiens n'avaient pas perdu de vue les principaux 
points de la ville sanctifiés par Notre-Seigneur et de- 
venus l'objet de leur vénération, et cette tradition 
s'était transmise de génération en génération. Nous 
disons les principaux points, parmi lesquels il faut 
bien compter le Prétoire de Pilate, sans vouloir approu- 
ver pour cela la précision rigoureuse que la tradition 
a donnée plus tard et donne encore aujourd'hui à cer- 
tains détails des scènes évangéliques. Si, au moment 
des croisades, les recherches se sont égarées du côté 
du mont Sion, cette fausse piste est due à certaines 
méprises et," du reste, n'a pas fait oublier la vraie. 
Quant aux arguments historiques qu'on apporte, ils ne 
sont pas suffisants pour prouver que tous les procura- 
teurs, et Pilate en particulier, aient habité le palais 
d'Hérode. Pilate aurait sans doute pu l'occuper, et 
l'exemple de Gessius Florus rendrait ce séjour vrai- 
semblable, s'il n'y avait plus de vraisemblance encore 
à ce que, pendant les fêtes de la Pâque, en prévision des 
troubles, il n'eût choisi l'Antonia pour demeure. Les 
soldats romains d'ailleurs n'eussent pas plus laissé la 
foule envahir le palais de Sion que la citadelle, et la 
place sur laquelle le procurateur établit son tribunal, 
sans être celle du Temple, pouvait être au-dessous de 
l'Antonia, du côté de la ville. D'autre part, s'il n'est 
question que d'un centurion, Marc, xv, 39, il n'est pas 
nécessaire de ne voir dans la troupe qu'il commandait 
que la petite garnison du palais occidental, ou la garde 
de Pilate; c'était un simple détachement de l'effectif 
plus nombreux de la citadelle. L'argument tiré de aiXïj 
est de nature à frapper davantage, mais le mot ne veut 
pas seulement dire « palais », il signifie également 
« cour ». S'il a le premier sens dans certains passages, 
comme Matth., xxvi, 3, 58; Marc, xiv, 54, etc., il a le 
second dans d'autres, comme Matth., xxvi, 69; Marc, 
xiv, 66; Luc, xxii, 55. L'expression de Marc, xv, 16 : 
ï| a-JXV), S èo-tiv Ttpauioptov, pourrait donc désigner la 
cour intérieure qui servait de prétoire. Cependant, 
M. van Vebber, Theologische Quartalsckrift, 1905, 
Heft II, « arrive, à la suite d'un raisonnement objectif 
et très serré, à ces deux équations : ta 'HptiSou (3a<xi- 
Xeia = oîxc'a twv êmTpÔTtwv dans Philon, et tj aùXVî, S 
iattv itpatîfipiov de saint Marc = »| aûXi) 3a<nXot>î ou sim- 
plement «ûXioi que Josèphe applique uniquement au 
palais d'Hérode élevé dans la ville haute, tandis que 
pour lui la forteresse du Temple n'est que l'Antonia, 
le çpti-jpiov ou le itûp-fo;. La distinction du Prétoire et 
de l'Antonia est d'ailleurs confirmée par d'autres pas- 
sages de Josèphe. » Cf. Revue biblique, 1905, p. 650. Il 
y aurait donc là un argument sérieux en faveur de 
cette première théorie, si elle n'avait toute la tradition 
contre elle. Quant à l'objection tirée de àvéire(«}'£ v i nous 
sommes d'avis qu'il ne faut pas trop presser la signi- 
fication étymologique du mot. Cette opinion est admise 
par un certain nombre d'auteurs, entre autres par 
E. Schûrer, Geschichte des jùdischenyolkes im Zeital- 
ter Jesu Christi, Leipzig, 1901, t. i, p. 458, et dans 
Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 
Leipzig, 1884, t. u, p. 1293. Elle est regardée comme 
probable par G. T. Purves, dans le Dictionary of the 



629 



PRETOIRE 



630 



Bible de J. Hastings, Edimbourg, 1902, t. iv, p. 32, qui 
cite en sa faveur Meyer, Winer, Alford, Edersheim et 
d'autres. 

b) le prétoire et la colline orientale. — La tra- 
dition nous conduit plutôt du côté de la colline du 
Temple. Mais là, les opinions se partagent actuellement 
et cherchent le prétoire en trois points distincts. 

1. L'Antonia. —C'est là, nous l'avons vu, que, depuis 
le xni e siècle, les pèlerins ont coutume de vénérer le 
lieu sanctifié par les souffrances du Christ chez Pilate. 
On a même localisé en des points précis les différentes 
scènes: le couronnement d'épines, la flagellation, YEcce 



qui le rendait facilement accessible à l'ennemi. Il fallut 
donc, non seulement élever une tour de défense, mais 
encore séparer les deux collines par une tranchée. Or, 
voici ce que nous révèle l'exploration du terrain. Voir 
flg. 170. Au nord de l'ancienne enceinte, existait une 
vaste tranchée, taillée dans le- roc (c), au fond de la- 
quelle avait été creusé en outre un fossé large d'envi- 
ron dix mètres (d), destiné sans doute à défendre les 
approches d'un rempart élevé au nord du hiéron. La 
communication entre le mont Bézétha et le montMoriah 
n'étant pas jugée suffisamment interrompue par cette 
coupure, on en pratiqua une nouvelle vers le nord(E), 



ÉcMIe 



lin Mit. 



Les chiffres indiquent les hauteurs en mètres 
au-dessus du niveau de /a mer. 




t70. — Configuration du terrain au nord-ouest du Temple à l'avènement d'Hérode I". 
D'après le P. Barnabe, Le Prétoire de Pilote, p. 5. 



Homo, la condamnation à mort. La caserne turque ac- 
tuelle étant regardée comme l'emplacement du Prétoire, 
c'est de là que part la Voie douloureuse. Cette opinion, 
attaquée de nos jours par plusieurs savants catholiques, 
a été défendue en particulier, avec ampleur et ardeur, 
par le P. Barnabe d'Alsace, Le Prétoire de Pilate et la 
forteresse Antonia, in-8», Paris, 1902. II étudie la 
question au point de vue archéologique, historique et 
traditionnel; cette question est trop importante pour 
que nous ne donnions un résumé des considérations 
de l'auteur. 

Au moyen de l'archéologie et de l'histoire, le P. Bar- 
nabe a cherché d'abord à reconstituer le Prétoire, c'est 
à-dire la forteresse Antonia, telle qu'elle devait être au 
temps de Notre-Seigneur. On sait que cette forteresse 
se trouvait à l'angle nord-ouest de l'esplanade du Temple 
et avait succédé à l'antique Baris. Cf. Josèphe,Anf. jud., 
XV, xi, 4; XVIII, iv, 3. Elle était destinée à protéger de 
ce côté l'enceinte sacrée; le mont Moriah, en effet, en- 
touré partout ailleurs de ravins profonds, se rattachait 
au nord à la masse rocheuse appelée mont Bézétha, 



et on ne laissa subsister que le massif rocheux qui sup- 
portait la tour Baris. Par suite de ce travail, le rocher 
sur lequel est assise la caserne turque fut taillé à pic 
sur toutes ses faces. Il forme, dans son ensemble, un 
banc trapézoïde, long de 110 mètres, large de 40 en 
moyenne, et, à l'ouest, une équerre dont la branche qui 
va du nord au sud n'a que 9 mètres de largeur. Du côté 
sud, l'escarpe de ce bloc immense a une hauteur maxima 
de 10 mètres, tandis que, au nord, la taille perpendi- 
culaire n'a guère plus de 5 mètres. La contrescarpe, 
c'est-à-dire la coupure du mont Bézétha, a été retrou- 
vée à 70 mètres au nord du rocher Baris; elle se dirige 
de l'ouest à l'est, mais, à l'ouest, elle fait un coude 
comme pour contourner en lignes parallèles le massif 
de la citadelle, et, dans l'église de YEcce Homo, on voit 
le rocher taillé verticalement sur une hauteur de 
4 mètres. Cette coupure a en réalité 5 à 6 mètres de 
hauteur au-dessus du sol rocheux qui s'étend sous 
l'église, tandis que, au nord, la différence de niveau 
atteint environ 9 mètres. En creusant les premiers fon- 
dements du monastère des Daines de Sion, on a dé- 



631 



PRÉTOIRE 



632 



couvert également une ancienne piscine, taillée dans 
le roc, divisée en deux branches parallèles, qui se 
dirigent du nord-ouest au sud-est; elle s'enfonce légè- 
rement sous le rocher Baris, à l'angle nord-ouest. 

Tel était le terrain sur lequel Hérode bâtit l'Antonia. 
Mais il n'en fit pas seulement une forteresse, il voulut 
aussi s'y ménager un palais, avec péristyles, salles de 
bains et vastes cours. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8. 
Pour cela, il dut nécessairement élargir la citadelle de 
Baris, trop étroite pour porter les nouveaux monu- 
ments. Ne pouvant, d'après le P. Barnabe, l'agrandir 
du côté du sud, il l'étendit des autres côtés, et prin- 
cipalement sur le plateau artificiel taillé au nord. 
L'Antonia formait ainsi un vasle quadrilatère, enfer- 
mant dans son enceinte le rocher de Baris, qu'il dépas- 
sait. Voir fig. 171. Quatre grosses tours, reliées par des 



où se rendait la justice, lorsque le procurateur y habi- 
tait, en un mot le prétoire, r| aux*), 8 iaxiv jrpatT<ipiov, 
suivant l'expression de Marc, xv, 16. Le Lithostrotos 
formait la cour inférieure et extérieure. Quoique situé 
à cinq mètres en contre-bas de la cour intérieure, il 
n'en justifierait pas moins son autre nom de Gabbatha 
ou « élevé » par sa position dominante ; car il est placé 
au sommet d'une crête rocheuse, à laquelle montent 
deux chemins, l'un de l'est, l'autre de l'ouest. La fla- 
gellation, d'après le P. Barnabe, p. 93, aurait eu lieu 
en dehors du Prétoire, comme aussi en dehors du Li- 
thostrotos, dans le lieu spécialement destiné à ce genre 
de supplice. Ajoutons enfin que deux escaliers des- 
cendaient, du côté du sud, sur l'esplanade du Temple, 
pour permettre à la troupe de réprimer les premiers 
mouvements séditieux. D'autre part, le P. Barnabe, 



l-^-^J: ManirS/ 




171. - La citadelle Antonia. D'après le P. Barnabe, Le Prétoire, p. 29. 



portiques, le flanquaient aux quatre coins; un fossé, 
dont le Birket Israil est considéré comme le terminus, 
le séparait du mont Bézétha. Une porte monumentale 
à trois baies s'ouvrait vers la ville, du côté de l'ouest. 
Cette porte ne serait autre que l'arc de YEcce Homo, 
qui, comme on le sait, se compose d'un grand arc en 
plein cintre, à cheval sur la rue, et d'une arcade plus 
petite, qui se trouve dans l'église des Dames de Sion, 
et dont le pendant ou collatéral sud a complètement 
disparu. Voir Jérusalem, t. ni, col. 1342. Le P. Barnabe 
le compare à la porte monumentale d'un camp préto- 
rien. En avant et au delà, s'étendait un beau pavement, 
qu'on a mis à découvert à un ou deux mètres au-dessous 
du niveau de la rue, et qui se continue jusque dans 
l'enclos de la Flagellation. Il est formé de grandes 
dalles de pierre très dure, dont l'épaisseur varie entre 
35 et 45 centimètres; devant et derrière l'arc, elles sont 
striées par des cannelures transversales. Ce serait le 
Lithostrotos. Trois escaliers descendent au fond de la 
piscine. La résidence royale, par là même le palais du 
procurateur se trouvait sur le rocher Baris, dominant 
toute l'enceinte dn Temple; on y accédait du Lithos- 
trotos par un escalier, la Scala Santa de Borne. C'est 
là, an milieu des bâtiments qui constituaient le palais, 
que devait être l'atrium intérieur, la cour principale 



p. 56-77, au lieu de rattacher la seconde enceinte de 
Jérusalem à l'angle nord-ouest de l'esplanade du 
Temple, la fait passer au nord des constructions dont 
nous venons de parler et la ramène à l'angle nord-est 
(fig. 5, p. 16). Après avoir ainsi reconstitué l'Antonia, 
il avoue, p. 85, que l'histoire ne fournit aucun argu- 
ment péremptoire pour y placer le Prétoire de Pilate ; 
il y a simplement une très grande probabilité pour 
que, pendant les fêtes de la Pâque, le procurateur ait 
préféré la citadelle au palais du mont Sion. Ce dernier 
se trouvait éloigné du Temple et de la caserne princi- 
pale où les troupes se tenaient concentrées, ce qui 
devait paralyser tout commandement prompt et rapide, 
qu'auraient nécessité les circonstances (p. 84). 

Le P. Barnabe cherche à faire valoir en sa faveur les 
premiers témoignages traditionnels. Ainsi, en ce qui 
concerne le pèlerin de Bordeaux, il reconnaît bien (p. 141) 
que « les mots en bas, dans la vallée, désignent évi- 
demment ce qu'on appelle aujourd'hui VEl-Wad, la rue 
du Vallon, rue qui suit un moment la Voie doulou- 
reuse ». Mais on aurait mauvaise grâce à demander aux 
anciens pèlerins une précision mathématique. Et puis, 
d'après M. de Vogué, il ne faut pas prendre à la lettre 
les expressions deorsum in valle, et conclure que, pour 
le pèlerin de Bordeaux, le Prétoire était dans le val du 



633 



PRETOIRE 



634 



Tyropœon; le mont Sion domine beaucoup le Sérail 
actuel, qui, vu du haut, est sur un plan inférieur et 
parait, pour ainsi dire, dans une vallée. Au iv e siècle, 
du reste, le fond du vallon s'étendait vers la forteresse 
Antonia un peu plus qu'aujourd'hui, comme l'indique 
la mosaïque trouvée dans l'église de Notre-Dame du 
Spasme, et qui est à une centaine de pas seulement de 
l'arc Ecce Homo, à six ou sept mètres au-dessous du 
pied de l'arc. L'expression « descendit », qu'on ren- 
contre dans l'itinéraire de Pierre l'Ibère, est parfaite- 
ment justifiée, au dire de M. Clermont-Ganneau, Recueil 
d'archéologie orientale, Paris, 1900, t. m, p. 229, la 
cote d'altitude du parvis de l'église du Saint-Sépulcre 
étant de 2479 pieds anglais (755 mètres) et celle de la 
Voie douloureuse, à l'angle nord-ouest de la caserne, 
étant de 2448 (745 mètres). Quant aux chiffres de Théo- 
dose, il faut absolument s'en passer, tant ils sont sujets 
à caution. Les deux points suivants seuls sont à consi- 
dérer : 1» Le pèlerin nous conduit au Prétoire en se 
rendant à la piscine probatique et à l'église de Sainte- 
Marie; 2° près du Prétoire, est creusée la fosse dans 
laquelle fut jeté le prophète Jérémie; or la tradition a 
persisté à placer cette fosse au nord-est du Temple, 
dans le quartier qui renferme l'église de Sainte-Marie 
ou Sainte-Anne ; donc le Prétoire était non loin de ce 
dernier édifice. Enfin Antonin de Plaisance rencontre 
le Prétoire près du portique de ZSalomon, au-devant 
•des ruines du Temple. « Or, comme Ponce Pilate n'a 
absolument pas pu établir sa résidence et celle de sa 
cohorte païenne, ni sur la plate-forme du Temple, ni 
au pied du mur de l'enceinte sacrée, saint Antonin ne 
put trouver la basilique de Sainte-Sophie qu'à l'autre 
extrémité du hiéron, au nord, à l'emplacement de la 
forteresse Antonia. ï Et en effet « les ruines du temple 
de Salomon ne furent jamais montrées au pied du mur 
d'enceinte, qui a une hauteur énorme sur trois de ses 
côtés, mais bien sur la plate-forme elle-même, et ce 
n'est qu'au nord qu e le rocher de Baris se dressait en 
avant des ruines du temple. Quant au portique de Salo- 
mon, nous avons déjà vu que saint Willibald en indique 
les ruines non loin de la piscine probatique ». Barnabe, 
op. cit., p. 153, 154. Inutile d'aller plus loin; tout le 
monde concède que dans les sept derniers siècles la 
tradition de l' Antonia l'emporte. 

Il est certain que l'opinion qui vient d'être exposée a 
quelque chose de séduisant; elle semble reconstruire 
l'antique Prétoire d'une manière si naturelle, si con- 
formé en apparence à l'histoire et à l'archéologie, que 
les scènes évangéliques y revivent d'elles-mêmes. Elle 
donne tant de satisfaction à la piété traditionnelle, qui 
depuis longtemps cherche à l' Antonia et dans les envi- 
rons l'émotion des plus douloureux souvenirs, qu'on la 
voudrait absolument certaine. Et pourtant, il faut 
l'avouer, elle souflre bien des difficultés. Autant le Gol- 
gotha et le Saint-Sépulcre, malgré quelques attaques 
sans importance, sont des points absolument acquis 
dans la topographie de la Passion, autant le Prétoire 
reste encore soumis à des incertitudes^ Le P. Barnabe 
lui-même, p. 132, ne donne à sa conclusion qu'un sens 
négatif, lorsqu'il dit : « Par l'étude du terrain, nous 
croyons avoir bien clairement démontré que ni l'Écri- 
ture Sainte, ni l'histoire, ni l'archéologie ou les décou- 
vertes modernes ne s'opposent d'aucune façon à l'exis- 
tence du prétoire de Pilate dans la forteresse Antonia : 
bien au contraire. » Est-il bien vrai même que la vieille 
citadelle a pu servir de Prétoire? Plusieurs en doutent. 

On nous dit d'abord qu'Hérode ne pouvait étendre 
l' Antonia du côté du sud, parce qu'il avait déjà prolongé 
le hiéron jusqu'au rocher de Baris. C'est une assertion 
que n'admettent pas de bons archéologues, etM. deVogué, 
en" particulier, ne l'a pas compris ainsi. Voir Temple. 
Mais le plus grave est de porter les agrandissements 
jusque dans la coupure artificielle qui séparait le Bézéthà 



du Moriah. Il semble de prime abord qu'elle était des- 
tinée à servir de fossé, à rendre la citadelle plus inac- 
cessible de ce côté. Josèphe lui-même rapporte, Bell. ■ 
jud., V, v, 8, que l'Antonia était assise sur un rocher 
« escarpé de tous côtés, ropcxprinvou Si. nâarn, revêtu 
du haut en bas de pierres polies, pour l'embellissement 
de l'édifice, mais aussi pour faire glisser quiconque 
aurait voulu monter ou descendre ». Quelle eût 'été 
l'utilité de cette muraille septentrionale, si on la suppose 
précédée d'autres constructions et munie d'un escalier 
qui eût relié les appartements supérieurs aux cours 
inférieures? Cette coupure n'est-elle pas le fossé pro- 
fond dont parle Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, « creusé 
à dessein » pour que les fondements de l'Antonia fussent 
moins accessibles et plus hauts ' Même en admettant la 
reconstitution proposée par l'auteur, on se demande 
comment la concilier avec la direction de la seconde 
enceinte de Jérusalem. Nofus reconnaissons que cette 
seconde ligne de fortifications est hypothétique en plu- 
sieurs points, mais ses deux points d'attache sont cer- 
tains, puisque Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous dit 
qu'elle partait de la porte Gennath et se prolongeait 
« jusqu'à l'Antonia ». Voir Jérusalem, t. m, col. 1360. 
Il est donc tout naturel de croire que, venant de l'ouest, 
elle allait buter contre la paroi occidentale de la forte- 
resse, c'est-à-dire contre son angle nord-ouest. Ce qui 
confirme cette supposition, c'est la direction même de 
la contrescarpe, qui, descendant du nord au sud, fait, 
en face de l'arc de VEcce Homo, un détour à angle 
droit et s'en va du côté de l'ouest, le long de la Voie 
douloureuse. Cette dernière ligne semble donc bien 
indiquer celle que suivait le fossé et, par conséquent, 
le mur de la seconde enceinte. Mais, s'il en est ainsi, 
la porte monumentale dont on décore l'Antonia se trou- 
vait en dehors des murs et donnait sur le fossé, ce qui 
est inadmissible. Le P. Barnabe (fig. 5, p. 16) remédie 
à cet inconvénient en conduisant « la ligne supposée 
de la deuxième enceinte » par-dessus le mont Bézétha 
et la faisant aboutir à l'angle nord-est de l'enceinte du 
Temple. C'est se mettre en opposition absolue avec 
Josèphe, puis à quoi aurait servi cette muraille bâtie 
en plein sur le mont Bézétha? Il eût donc fallu un 
second fossé pour la défendre. D'autre part, le même 
auteur (p. 41) avoue que des archéologues distingués, 
comme MM. de Vogué et de Saulcy, après avoir cru 
reconnaître dans l'arc Ecce Homo un monument héro- 
dien, un débris du palais de Pilate, ont fini par émettre 
des doutes et lui assigner une date postérieure à la 
Passion de Notre-Seigneur. D'ailleurs, si ses débris 
avaient subsisté, ils eussent été des indices suffisants 
de l'emplacement de l'antique Prétoire. Comment se 
fait-il alors que la plus ancienne tradition n'en parle 
pas? Il va sans dire que le pavement de pierres ou 
Lithostrotos doit subir les incertitudes qui se rattachent 
à l'arc. Il y aurait encore bien des objections de détail ; 
celles que nous venons de faire montrent assez les 
défauts de la reconstitution archéologique. Au point de 
vue historique, nous avons vu qu'il est très difficile, 
sinon impossible, d'avoir des données certaines, per- 
mettant d'affirmer qu'un des procurateurs ait résidé à 
l'Antonia. 

La tradition elle-même fait bien entendre quelques 
protestations contre l'usage qu'on en fait. Sans exiger 
trop de précision des anciens pèlerins, et, en donnant 
à ces mots : deorsum in valle toute la latitude possible, 
il est difficile de les appliquer à l'Antonia, même vue 
de Sion, puisqu'elle se trouvait sur la partie la plus 
élevée du mont Moriah. Il en est de même de l'expres- 
sion « descendit » de Pierre l'Ibère; sans rechercher 
l'endroit précis où sont prises les cotes, il est peu 
naturel de dire, en partant du Saint-Sépulcre, qu'on 
« descend » à la caserne turque. Quant à Théodose, il 
est sans doute inutile dediscuter la valeur de ses pas; 



635 



PRETOIRE 



636 



mais ce qui ressort de son témoignage; c'est que le 
Prétoire était à peu près à égale distance de Siloé et 
de la pis.cine probatique. Or, l'Antonia est de beaucoup 
plus près de celte dernière. Antonin le Martyr place le 
Prétoire « devant les ruines du Temple de Salomon », 
à l'endroit où « l'eau coule vers la fontaine de Siloé, 
près du portique de Salomon. » Cette eau qui coule 
dans la direction de Siloé semble bien être celle qui 
suit la pente naturelle duTyropœon, le long de l'enceinte 
du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n'est 
donc pas à prendre ici dans son sens historique, comme 
indiquant l'est du Temple, mais dans un sens général 
que le pèlerin donne aux restes salomoniens de l'édifice 
sacré. 

2. Le Terrain des Arménien» catholiques. — Une 
seconde opinion, qui s'appuie également sur les données 
évangélîques, traditionnelles et archéologiques, se rap- 
proche de la précédente en ce sens qu'elle place le 




172. — Plan de l'église inférieure de Notre-Dame du Spasme. 

D'après Macalister, dans le Palestine Exploration 

Fund, Quarterly Statement, 1902, p. 122. 

Prétoire dans une certaine dépendance de l'Antonia, 
mais elle s'en écarte en le mettant à l'ouest, du côté 
de la vallée du Tyropœon. Le terrain de cet emplace- 
ment est situé entre la Voie douloureuse au nord, 
la rue de la Vallée à l'ouest, une rue qui va vers 
l'esplanade du Temple au sud, et le couvent des 
derviches à l'est; il appartient aux Arméniens catho- 
liques. On y a découvert les ruines d'un sanctuaire 
byzantin, (fig. 172) dont l'abside méridionale conserve 
une curieuse mosaïque, représentant deux sandales 
(fig. 173). Cette figure, d'après l'interprétation courante, 
marque l'endroit où se tenait la Sainte Vierge lorsqu'elle 
rencontra son divin, Fils marchant au supplice; d'où 
Notre-Dame du Spasme, signalée par d'anciens pèle- 
rins. Une autre explication y voit le lieu où Jésus se 
reposa sur le chemin du Calvaire; d'où « le moustier 
c'on apeloit le Repos », dont parle Ernoul. Mais les 
partisans de cette seconde hypothèse veulent y re- 
trouver la place qu'occupait Notre-Seigneur, la Sagesse 
incréée, lorsqu'il fut condamné par Pilate. Nous aurions 
ainsi l'emplacement exact de l'ancienne église de 
Sainte-Sophie, et par conséquent du Prétoire. Les 
raisons mises en avant sont les suivantes. La mosaïque 
est très ancienne, comme le prouvent les monnaies 
byzantines, les seules trouvées dans les environs au 
moment des fouilles en 1883. D'après M. Macalister, 



Palestine Exploration Fund, Quart. St. t 1902, p. 123, 
elle est plus ancienne que l'église elle-même. Elle n'a 
pas été faite pour servir d'ornement à l'église, mais 
pour consacrer un culte religieux, car elle était ren- 
fermée dans une partie de l'édifice où elle ne pouvait 
être profanée. Elle fixe donc un souvenir relatif à bj 
Sainte Vierge ou à Notre-Seigneur. Or, il n'est pas ques- 
tion d'un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le 
xm e siècle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas 
la mosaïque aux deux sandales. L'endroit d'ailleurs est 
trop éloigné de la Voie douloureuse pour avoir pu être 
le point de rencontre de Jésus avec sa Mère. Dès l'an 
570, au contraire, Antonin de Plaisance déclare avoir 
vénéré l'empreinte des pieds du Sauveur dans la basi- 
lique de Sainte Sophie. C'est donc bien la même basi- 
lique, tombée dans l'oubli depuis l'invasion persane, 
qu'on aurait retrouvée sur- le terrain arménien, « en 
bas, dans la vallée, s selon les indications du Pèlerin 
de Bordeaux concernant le Prétoire, « devant les ruines 
du Temple de Salomon », à l'endroit où « l'eau coule 
vers la fontaine de Siloé, » selon Antonin de Plaisance, 




173. — La mosaïque de N.-D. du Spasine, ibid., p. 124. 

Le Prétoire se trouvait ainsi au pied de l'Antonia, du 
côté de l'ouest, près d'une porte conduisant de la forte- 
resse à la ville. Ces données semblent confirmées par 
le plan de Jérusalem, tel qu'il apparaît sur la mosaïque 
de Madaba. En suivant, en effet, comme le Pèlerin de 
Bordeaux, la grande colonnade qui va du sud au nord 
et aboutit à la porte napolitaine, marquée par une 
belle place, avec une colonne, on rencontre à droite, 
presque en face de la basilique du Saint-Sépulcre à 
gauche, un peu plus loin cependant vers le nord-est, 
une église placée dans la direction de la r^e qui con- 
duit à la porte de l'est. La rue qui la borde à l'est n'a 
de colonnes que d'un côté; c'est un portique, et l'on 
peut y voir le portique de Salomon dont parle Antonin 
et le long duquel les eaux descendent à Siloé. Plus 
loin, près de la porte de l'est, se trouve une autre église, 
qui est celle du paralytique ou de Sainte-Marie, 
aujourd'hui Sainte-Anne, Cf. M. J. Lagrange, Jérusalem 
d'après la mosaïque de Madaba, dans la Revue bibli- 
que, Paris, 1897, p. 455-457. — Cette seconde opinion a 
été défendue de nos jours par E. Zaccaria, dans le Nuovo 
bullettino di archeologia mstiana, Rome, mars 1900 et 
mars 1901 ; et C. Mommert, Dos Prâtorium des Pilatus, 
Leipzig, 1903. Il est sûr qu'elle répond bien à la tradi- 
tion des plus anciens pèlerins, à la situation présumée 
de l'antique basilique de Sainte-Sophie; Mais on peut se 
demander comment elle rattache le Prétoire à la forte- 
resse Antonia, comment elle concilie cet emplacement 
avec la direction de la seconde enceinte de Jérusalem. 



637 



PRÉTOIRE 



638 



3. Le Mehhéméh. — Le Mehkéméh, qui servait 
autrefois de tribunal, est une grande salle que l'on 
rencontre près d'une des portes occidentales du Haram 
esch-Schérif, appelée Bâb es- Silsilék ou « Porte de la 
Chaîne ». Voir le plan de Jérusalem moderne, t. ni, 
col. 1344. Etabli sur de vieilles substructions, cet édi- 
fice n'est pas antérieur au xv e siècle. C'est là qu'une 
troisième opinion cherche le Prétoire. Au temps de 
Notre-Seigneur, l'emplacement était occupé par la 
Curie ou salle du Conseil, PouXti, que Josèphe, 
Bell, jud., V, iv, 2, nous montre contiguë au mur de 
la première enceinte, qui, descendant du palais d'Hérode, 
venait en cet endroit rejoindre l'esplanade du Temple. 
Voir le plan de Jérusalem ancienne, t. m, col. 1355. 
Au sud, se trouvait le Xyste, large place entourée de 
portiques, qui était reliée au Temple par un pont à 
arcades superposées. Un palais le surplombait à l'ouest, 
celui des Asmonéens, alors la propriété .des Hérode. 
« Les données de l'Evangile, disent les Professeurs de 
Noire-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, p. 103, 
s'adaptent parfaitement à ce cadre : La place du Xyste 
était le lieu des rassemblements publics, une sorte 
d'agora ou de forum comme on le constate particuliè- 
rement lors de la révolte juive en 66. Rien de plus 
vraisemblable que de voir Pilate y dresser son tribu- 
nal devant la foule assemblée. Il faisait ainsi à Césarée. 
Le palais où eut lieu l'instruction secrète du procès 
serait assez naturellement la Curie. Les accusateurs de 
Notre-Seigneur n'y enlrent pas pour ne pas se souiller 
la veille de la Pâque, et Pilate vient dehors entendre 
leurs dépositions. Les sanhédrites répondent du milieu 
de la foule qui se tenait sur la place. Celte place était 
sans doute dallée et peut-être surélevée à l'endroit où 
s'élevait l'estrade du tribunal; c'est le sens des deux 
mots Lithostrotos et Gabatha de saint Jean, xix, 13. 
La résidence d'Hérode Antipas, ancien palais des 
Asmonéens, était toute voisine, et explique parfaitement 
le rapide envoi de Jésus du Prétoire à Hérode en cette 
lugubre matinée. Quant au chemin suivi pour aller au 
Calvaire, on dut, en partant du Xysle, franchir tout 
d'abord la première enceinte à la porte dite de l'Angle, 
voisine de la Curie; puis entrer dans le faubourg neuf 
enclavé entre les deux murs, et enfin, du fond de la 
vallée,'gravir la pente de la colline occidentale jusqu'à 
la porte qui s'ouvrait près du Golgotha, dans le quar- 
tier où s'élève l'hospice des Nobles russes. La Voie 
douloureuse, ainsi reconstituée, monterait donc de la 
vallée parallèlement au tronçon du chemin de croix 
actuel qui va de la V e à la IX e station. Elle se tiendrait 
conslamment plus au sud. Mais ce parcours du Prétoire 
au Calvaire ne fut pas vénéré parla dévotion du chemin 
de la Croix tant que dura la tradition primitive; du 
moins, rien nel'indique. » C'est donc sur l'emplacement 
du Mehkéméh qu'aurait été l'antique basilique de 
Sainte-Sophie. Aujourd'hui, il est vrai, rien n'atteste 
matériellement dans l'endroit présumé l'existence an- 
térieure de cet édifice. On y a cependant découvert, 
il y a quelques années, dans le mur d'une maison, une 
pierre sur laquelle on a pu lire, gravé au-dessous d'une 
croix grecque, le mot 2]oçia;. Cette pierre, bien que 
déplacée, parait avoir appartenu à l'église dédiée à la 
divine Sagesse. Cf. Germer-Durand, Epigraphie chré- 
tienne de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, 
p. 584. Cette hypothèse, ajoute-t-on, est confirmée par 
la tradition, qui est avant tout celle des premiers siècles. 
Elle place, en effet, le palais de Pilate « en bas, dans la 
vallée » du Tyropœon, près c des ruines du Temple »; au 
point où « la vallée commence à s'abaisser vers Siloé » ; 
dans le « voisinage de l'église Sainte-Marie-la Neuve » 
(la Présentation) et des « hotelleries^bâties au centre de la 
ville" »; enfin à « égale distance de Sainle-Anne et de la 
piscine de Siloé, » distance qui est « double pour aller du 
prétoire à Saint-Élienne. » Telle est l'opinion adoptée 



par les Professeurs de Notre-Dame de France dans leur 
guide de La Palestine, p. 99-103, et par le P. Zanecchia, 
La Palestine d'aujourd'hui, trad. Dorangeon, Paris, 
1899, t. i, p, 349-359. 11 est certain que la tradition pri- 
mitive, dans son ensemble, peut s'appliquer au point 
en question; il serait cependant permis d'hésiter sur 
le texle du Pèlerin de Bordeaux, pris à la rigueur. 
D'autre part, on avouera que la pierre portant le mot 
So^iaç est, à elle seule, un faible indice archéologique, 
puisqu'on ne sait d'où elle provient; il en serait tout 
autrement si elle avait été trouvée in situ dans quelque 
vieux pan de muraille. Au point de vue historique, on 
se demande pourquoi Pilate choisit la Curie pour pré- 
toire. A cause du Xyste, lieu des rassemblements 
publics, répond-on. Mais ce n'est pas Pilate qui suivit 
la foule, c'est la foule qui vint le trouver à sa demeure 
officielle, et il y avait devant les palais qu'il pouvait 
occuper des places suffisantes pour contenir la populace 
juive et ses meneurs acharnés contre Jésus. La proxi- 
mité du palais des Asmonéens n'est pas non plus une 
raison bien déterminante. Les données évangéliques 
peuvent donc, croyons-nous, s'adapter aussi parfaite- 
ment à un autre cadre. M. Léonide Guyo, Le Prétoire, 
dans la Revue auguslinienne, 15 décembre 1903, p. 501- 
513, combat bien cette théorie du Mehhéméh; mais il 
a tort, croyons-nous, de placer le Prétoire au palais des 
Asmonéens, ce qu'il est difficile d'accorder avec la 
tradition primitive. 

5» Conclusion. — Tels sont les éléments essentiels 
du problème. Complexe et difficile., il n'a pas encore, 
on le voit, reçu de solution définitive. L'histoire seule 
laisse le choix entre le palais d'Hérode et l'Antonia. 
L'archéologie n'a que des indices insuffisants. La tradi- 
tion reste donc notre guide principal, mais un guide 
dont les fils conducteurs ont besoin d'être démêlés et 
ramenés à certaine unité de direction. Or, nous avons 
à distinguer ici entre la tradition primitive et la tradi- 
tion récente. Cette dernière dirige incontestablement 
nos pas du côté de l'Antonia. Mais quelle est son ori- 
gine? En remontant son cours, on finit par perdre ses 
traces. On aura beau accumuler les textes et les auto- 
rités, on ne pourra lui donner la force qui s'atlache à 
un témoignage primordial, authentique, que l'on suit 
sans interruption à travers les siècles. La tradition pri- 
milive, moins riche, est, on le conçoit, bien autrement 
importante; c'est la seule qui ait une valeur historique. 
"Mais là encore, les textes ont leur latitude; il est sout- 
ient facile de les étendre à tel ou tel point, dans une 
direction déterminée, et c'est ainsi, nous l'avons vu, 
que chacune des opinions exposées cherche à les reven- 
diquer en sa faveur. Chaque texte n'est qu'une voix de 
la tradition; écouter l'une plutôt que I'aulre serait s'ex- 
poser à faire fausse- route. La vraie méthode scientifique 
consiste à suivre, autant qu'on le peul, la résultante 
harmonique de ces voix, ou, si l'on aime mieux, l'orien- 
tation générale tracée par les fils conducteurs. Or, on 
peut remarquer chez les plus anciens témoins une 
double tendance : celle de placer le Prétoire dans un 
lieu bas, et celle de le mettre en relation avec la Piscine 
probatique. S'il n'est pas à l'Antonia, c'est donc au-des- 
sous, le long de la vallée du Tyropœon qu'il faudrait le 
chercher. Il serait sans doute plus consolant pour notre 
piété de reconnaître avec certitude dans les sanctuaires 
actuels, depuis longtemps en vénération à Jérusalem, 
les lieux témoins des souffrances de Notre-Seigneur au 
début de la Voie douloureuse. Mais la vérité scientifique 
a des droits que la piété bien entendue ne peut mécon- 
naître. Le débat dont il s'agit n'est ni une affaire de 
sentiment ni une question de rivalité entre sanctuaires. 
Mettre en doute l'authenticité de tel ou tel d'entre ceux- 
ci n'est poinl faire œuvre de démolition sacrilège. C'est, 
au contraire, rendre service à la foi chrétienne que de 
chercher en toute sincérité, sans parti pris ni animo- 



639 



PRÉTOIRE — PRÊTRE 



640 



site contre personne, la vérité sur nos Lieux Saints. 
Attendons que quelque heureuse trouvaille historique, 
épigraphique ou archéologique, la fasse éclater à nos 
yeux. 

6" Bibliographie, — Sans remonter jusqu'à T. Tobler, 
Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. i, p. 220- 
230, nous nous contentons de rappeler ici les derniers 
travaux sur la question : Barnabe d'Alsace, Le Prétoire 
de Pilate et la forteresse Antonia, in-8°, Paris, 1902; 
C. Mommert, Das Prâtorium des Pilatus, in-8°, Leipzig, 
1903; G. Marta, La questione del Pretorio di Pilato, 
in-8 , Jérusalem, 1905; D. Zanecchia, La Palestine 
d'aujourd'hui, Paris, 1899, t. i, p. 349-359; Professeurs 
de Notre-Dame de France, La Palestine, Paris, 1904, 
p. 99-107. Outre les articles de revues, comme ceux de 
Kreyenbûhl et de Zaccaria, mentionnés dans notre étude, 
nous signalerons : J. Arb-Arétas, Question de topo- 
graphie palestinienne : l'authenticité du Prétoire et 
du Chemin delà Croiœ, dans L'Université catholique, 
Lyon, 15 septembre 1903, p. 52-74 ; Léonide Guyo, Le 
Prétoire, dans la Revue augustinienne, Louvain et Pa- 
ris, 15 décembre 1903, p. 501-513. 

II. Dans les Actes des Apôtres, — Les Actes, xxm, 
35, nous apprennent que saint Paul fut amené de Jéru- 
salem à Césarée, devant le gouverneur Félix. Celui-ci, 
en attendant l'arrivée des accusateurs de l'apôtre, « or- 
donna de le garder dans le prétoire d'Hérode, ■:» ev x<à 
ixpatTwpt'o) toû 'HpwSou. Il s'agit évidemment ici du pa- 
lais bâti par Hérode le Grand et qui servait alors de 
résidence aux procurateurs romains. Voir Césarée du 

BORD DE LA MER, t. II, Col. 456. 

III. Dans l'épItre aux Philippiens. — Il n'est pas si 
facile de préciser le sens du mot « prétoire » dans ce 
passage de l'Épître aux Philippiens, i, 13, où saint Paul 
dit que « ses chaînes sont devenues manifestes dans le 
Christ dans tout le prétoire », i-jHlti> t» npauioséu), 
^;'est-à-dire que là on le regarde non comme un prison- 
nier vulgaire, mais comme un chrétien, un apôtre in- 
carcéré pour Jésus-Christ. Quelques commentateurs 
anciens et modernes ont voulu voir ici le palais de Cé- 
sar, à Rome, parce que plus loin, iv, 22, il est question 
des chrétiens qui sont « de la maison de César ». Mais 
il n'y a pas d'exemple de l'application de ce terme 
« prétoire » à la résidence de l'empereur à Rome. Aussi, 
plus communément, on l'entend de la caserne des pré- 
toriens, castra prsetorianorvm, bâtie par Tibère. Sous 
Auguste, trois cohortes prétoriennes seulement, sur les 
neuf qui furent alors créées, étaient logées à Rome dans 
différents quartiers, mais sans campement fixe; les 
autres étaient disséminées en Italie, dans les diverses 
résidences impériales. Tibère les réunit toutes dans un 
seul camp, au nord-est de la ville Cf. R. Cagnat, Prse- 
torise cohortes, dans le Dictionnaire des antiquités 
grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. vu, 
p. 632. Cependant Conybeare et Howson, The Life and 
Epistles of St. Paul, Londres, 1853, t. h, p. 428, pen- 
sent, à la suite de Wieseler, qu'il s'agit plutôt de la ca- 
serne de cette partie de la garde prétorienne qui était 
au service immédiat de l'empereur, sur le Palatin. 
D'autre part, il faut remarquer que icpaiTcoptov désigne 
ici les personnes, c'est-à-dire la garde prétorienne, 
plutôt que le local lui-même. C'est ce qui ressort du 
contexte et du membre de phrase suivant : xa\ toî; 
Xofiioïç TtStriv, Xotiré;, dans le Nouveau Testament, ne 
s'appliquant jamais à un lieu. C'est donc auprès des 
prétoriens et de beaucoup d'autres personnes que les 
chaînes de Paul étaient une sorte de prédication et ren- 
daient célèbre le prisonnier du Christ. Telle est l'inter- 
prétation présentée par la plupart des commentateurs, 
an sujet du mot i prétoire », depuis la fameuse contre-. 
verse à laquelle il donna lieu, à la fin du xni 6 siècle, 
entre Huber et Perizonius. Mais, de nos jours, une 
nouvelle explication a été proposée par Mommsen, Sit- 



zungber. der kônig. prevss. Acad. der Wissensch., 1895, 
p. 495 et suiv. Ce savant regarde comme peu probable 
que saint Paul ait été confié à la garde prétorienne. Il 
croit plutôt que le centurion Jules, qui amena l'apôtre 
à Rome, appartenait au corps des milites frumentarii 
ou peregrini. On nommait ainsi les soldats chargés d'as- 
surer l'alimentation en blé des troupes, particulière- 
ment ceux qui composaient ou escortaient les convois. 
Mais ce terme prit, à l'époque impériale, une valeur 
toute différente, par suite du changement ou plutôt de 
l'extension des fonctions réservées aux frumentarii. 
Le service des vivres légionnaires était le moindre de 
leurs emplois. De tous les textes que l'on possède, il 
semble bien résulter que ces soldats étaient, avant tout, 
des agents de police, aussi bien à Rome qu'en Italie et 
dans les provinces. On voit, en effet, que le préfet du 
prétoire s'adresse à eux pour opérer des arrestations 
et l'empereur pour faire surveiller ceux qu'il juge dan- 
gereux. Dans les légions, outre leurs fonctions de fru- 
mentarii ou approvisionneurs, ils devaient avoir un 
rôle de policiers, analogue à celui qui est réservé à la 
gendarmerie dans nos corps d'armée. Le nom de pere- 
grini leur vint de ce que, appartenant à différentes lé- 
gions provinciales, ils pouvaient être et étaient regardés 
comme des pérégrins, non point à cause de leur état 
civil, puisqu'ils étaient citoyens romains, mais à cause 
de leur origine extra-italique. On trouve à la tête de ce 
corps, et sous le commandement suprême du préfet du 
prétoire, un princeps peregrinorum et des centuriones 
frumentarii ou frumentariorum. Cf. R. Cagnat, Fru- 
mentarius, dans le Dict, des antiquités grecques et 
romaines, t. iv, p. 1348. Il est donc probable que Jules 
livra son prisonnier au princeps peregrinorum, dont 
la caserne, castra peregrinorum, était déjà sans doute, 
comme elle le fut plus tard, sur le mont Cœlius. Mais 
c'est devant le préfet du prétoire et ses assistants que 
l'apôtre comparut, et c'est ce tribunal qu'il mentionne 
dans l'Épître aux Philippiens. A. Legendre. 

PRÊTRE (hébreu : kohên, kômér, Septante : îepeijç; 
Vulgate : sacerdos), celui qui est spécialement consacré 
à l'exercice du culte divin. Deut., x, 8; xvm, 7. Le mot 
kômér (kdmiru dans les lettres de Tell-el-Amarna), se 
prend dans un sens méprisant pour désigner les prêtres 
des idoles. IV Reg., xxin, 5; Ose.,,x, 5; Soph., i, 4. Le 
prêtre est appelé mal'âk, « envoyé » ou « ange », dans 
deux passages. Eccle., v, 5;Mal.,n, 7. Le nom de mdg 
est celui des prêtres de Perse et de Médie. Voir Mage, 
t. iv, col. 543. 

I. Sacerdoce patriarcal. — A l'origine, le chef de 
famille remplit lui-même les fonctions sacerdotales et, 
au nom de tous ceux qui dépendent de lui, offre à Dieu 
ses hommages et ses sacrifices. Ainsi agissent Noé, 
Gen., vm, 20, Abraham, Gen., xn, 8; xv, 8-17 ; xvm, 
23; Isaac, Gen., xxvi, 25; Jacob, xxxni, 20, etc. An temps 
d'Abraham, Melchisédech, roi de Salem, est prêtre du 
Très-Haut. Gen., xiv, 18, Jéthro, beau-père de Moïse, 
est prêtre deMadian et adore le vrai Dieu. Exod., n,16; 
m, 1. Voir Jéthro, t. m, col. 1522. Job offre lui-même 
ses holocaustes au Seigneur pour la purification de ses 
fils. Job, i, 5. Les Hébreux, pendant leur séjour en 
Egypte, ne connurent que ce sacerdoce patriarcal. Eux- 
mêmes demandent à aller offrir leurs sacrifices au désert, 
Exod., v, 1-3, ce qui peut faire supposer qu'ils n'en ont 
guère offert dans la terre de Gessen, mais en tous cas à 
l'aide de ceux qui parmi eux remplissaient l'office de 
prêtres. « Les prêtres qui s'approchent de Jéhovah » sent 
mentionnés à l'occasion de la promulgation de la loi; il 
leur- est commandé de se sanctifier, mais défendu de 
franchir les limites posées autour du Sinaï ; ils doivent 
rester avec le peuple. Exod., xix, 22-24. Plus tard, quand 
il s'agit de conclure l'alliance, les prêtres ne sont pas. 
chargés d'offrir les sacrifices ; Moïse envoie des jeunes. 



641 



PRÊTRE 



642 



gens, enfants d'Israël, pour offrir des holocaustes à 
Jéhovah et immoler des taureaux en actions de grâces. 
Exod., ssiv, 4-5. Puis les anciens d'Israël, et non les 
prêtres, sont admis à monter sur la montagne. Exod., 
xxiv, 9. On a pensé que ces prêtres n'étaient autres que 
les premiers-nés, cf. S. Jérôme, Epist. lxxiii, 6, t. xxn, 
col. 680, que Jéhovah avait commandé de lui consacrer, 
Exod., xm, 2, et qui furent ensuite remplacés par les 
lévites. Mais rien ne prouve ojueles premiers-nés aient 
été appelés à remplir des fonctions sacerdotales si peu 
de temps avant l'institution du sacerdoce aaronique, et, 
d'autre part, les Hébreux devaient avoir depuis long- 
temps des hommes marqués pour offrir les sacrifices. 
D'après de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 
4897, p. 6, le sacerdoce aurait été exercé en première 
ligne par les chefs de famille, sans préjudice du droit 
qui appartenait aux fils, comme Caïn etAbel, Jacob, etc., 
d'offrir des sacrifices en certains cas. Jacob, chef 
de famille et prêtre, aurait transmis ses droits, non à 
son aîné, Ruben, mais à Joseph, qu'il appelle « prince 
de ses frères ». Gen., xlix, 26. Manassé, l'aîné de Joseph, 
aurait hérité de la charge sacerdotale de son père, et 
après lui les prêtres des Hébreux auraient été choisis 
dans sa tribu. Mais ensuite cette tribu serait devenue 
indigne de son mandat ; aussi Moïse tint-il ses prêtres 
à l'écart au moment de la promulgation de la loi et fit- 
il offrir les sacrifices par des jeunes gens choisis ailleurs. 
Les prêtres manasséens auraient été les instigateurs 
du culte rendu au veau d'or, et trois mille d'entre eux 
auraient été mis à mort par les fils deLévi.Exod.,xxxm, 
28. Plus tard, afin de briser davantage l'orgueil de la 
tribu et couper court à ses prétentions, Moïse l'aurait 
divisée en deux, pour qu'une partie fût établie à l'est 
du Jourdain et l'autre à l'ouest. Ces conjectures sont 
spécieuses; mais on ne peut démontrer historiquement 
ni la transmission exclusive du droit sacerdotal de 
Jacob à Joseph, ni la fixation du sacerdoce dans la tribu 
de Manassé. Pendant le séjour des Hébreux en Egypte, 
le sacerdoce continua à être exercé parmi eux dans des 
conditions sur lesquelles les renseignements nous font 
défaut. Quand Dieu voulut instituer les cérémonies de 
son culte, il était naturel qu'il mit de côté l'ancien 
sacerdoce, quel qu'il fût, pour en créer un nouveau. 

II. Sacerdoces idolatriques. — Les coutumes primi- 
tives étaient passées à tous les peuples, mais elles 
s'étaient transformées suivant les conditions particu- 
lières à chacun d'eux. Quand ceux-ci se créèrent de mul- 
tiples divinités, ils ne manquèrent pas de mettre à leur 
service des hommes ou même des femmes ayant les 
attributions sacerdotales. 

1° Chez les Égyptiens. — Le pharaon exerçait la 
haute maîtrise sur tous les cultes de son empire; il 
officiait devant tous les dieux, sans être spécialement 
prêtre d'aucun, et mettait à la tête des temples les plus 
richement dotés, comme ceux de Pthah Memphite ou 
de Rà Héliopolitain, les princes de sa famille ou ses 
serviteurs les plus fidèles. Le seigneur féodal exerçait 
sa juridiction sur les temples de son territoire et il y 
«xerçait le sacerdoce. Toute une hiérarchie, de prêtres 
remplissaient les autres fonctions, lis étaient de toute 
origine et il n'y avait pas de règles spéciales pour leur 
recrutement; mais ils tendaient à rendre leur situation 
■ héréditaire et leurs enfants occupaient presque toujours 
leur place, de sorte que les prêtres égyptiens finirent 
par constituer une sorte de caste sacrée. Les temples 
les logeaient, les nourrissaient du produit des sacrifices 
et leur assuraient des revenus en rapport avec leur 
rang; de plus, ils étaient exempts des impôts ordinai- 
res, du service militaire et des corvées. Les nombreux 
serviteurs et scribes qni les entouraient partageaient en 
fait les mêmes privilèges. Il y avait là tout un monde 
qui échappait aux charges communes. Le prêtre égyp- 
tien avait à veiller aux mille formalités que comportait 

DICT. DE LA BIBLE. 



le culte de la divinité à laquelle if était voué. Tous les 
prêtres étaient assujettis à de multiples purifications 
et devaient avoir la « voix juste » pour réciter correcte- 
ment les formules de prière. Ils formaient une hiérar- 
chie savamment ordonnée. Cf. Brugsch, Die Aegyptolo- 
gie, Lepzig, 1891, p. 275-291. A chaque culte était pré- 
posé un souverain pontife, appelé premier prophète 
quand il servait une divinité secondaire: Au temple de 
Râ, à Héliopolis, et dans ceux du même rite, il se nom- 
mait Oirou maou, « maître des visions »,parcequeseul, 
avec le pharaon et le seigneur du nome, il avait le droit 
d' « entrer au ciel et d'y contempler le dieu », c'est-à- 
dire de pénétrer dans le plus intime du sanctuaire. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 123-125, 303-305. 
Putiphar, « consacré à Rà », dont la fille Aseneth fut 
donnée en mariage à Joseph, était prêtre à On ou Hélio- 
polis, là même où Râ, le soleil, avait son temple. Gen., 
xli, 45. La fonction de Putiphar devait être la première 
du temple ou l'une des principales. Le philosophe stoï- 
cien Chœrémon, qui vivait au milieu du I er siècle, 
écrivit une histoire d'Egypte dont il ne reste que des 
fragments. Cf. Josèphe, Cont. Apion., i, 32-33. L'un 
d'eux, conservé par Porphyre, et cité par saint Jérôme, 
Adv. Jovin., n, 13, t. xxm, col. 302, décrit'en ces termes 
la vie des prêtres égyptiens : « Ils mettent de côté toutes 
les affaires et les préoccupations du monde, pour être 
toujours dans le temple. Ils observent les natures des 
êtres, les causes et les lois des astres. Ils ne se mêlent 
jamais aux femmes, et ne voient plus leurs parents, 
leurs alliés ni même leurs enfants, du jour où ils com- 
mencent à se consacrer au culte divin. Ils s'abstiennent 
absolument de viande et de vin, à cause de l'affaiblisse- 
ment des sens et du vertige de tête qu'ils éprouvent 
même après en avoir pris très peu, et surtout à cause 
des appétits désordonnés qu'engendrent cette nourriture 
et cette boisson. Ils mangent rarement du pain, pour ne 
pas se charger l'estomac; et quand ils mangent, ils 
prennent avec leurs aliments de l'hysope pilé, pour 
que sa chaleur fasse digérer une nourriture trop lourde. 
... Au même titre que la viande, ils s'abstiennent d'oeufs 
et de lait... Leur couche est faite avec des branches de 
palmiers; un escabeau incliné et posé à terre sert de 
coussin à leur tête; ils supportent des jeûnes de deux, 
trois jours. » Cf. Porphyre, De abstin., iv, 6-8. Ce por- 
trait ne s'appliquait qu'à une élite des prêtres égyptiens, 
ceux qu'on appelait prophètes, kposToXiirraf, « chargés 
des habits sacrés des dieux », scribes, et <opoX<Syoi, 
« ceux qui disent l'heure », et encore n'est-il pas certain 
que ces coutumes ascétiques remontent très haut. On 
voit cependant que certaines pratiques sont communes 
aux prêtres égyptiens et à ceux d'Israël. 

2° Chez les Babyloniens. — En Chaldée, comme en 
Egypte, le roi était le prêtre par excellence; il pre- 
nait le titre de patési ou « vicaire » de la divinité. 
Les fonctions journalières du sacerdoce étaient remplies 
par des prêtres, soit héréditaires, soit recrutés, for- 
mant une hiérarchie sous la conduite du grand-prêtre 
de chaque temple. Les grands-prêtres des divinités 
principales, Bel-Mardouk, Sin et Schamascb, partici- 
paient à la suprématie de leur dieu. Parmi les prêtres, 
les issakku présidaient aux libations, les sangu gouver- 
naient les différentes parties du domaine de la divinité, 
les kipu et les Satammû veillaient à ses intérêts finan- 
ciers, les pasiSu s'occupaient des détails du culte; au- 
dessous d'eux venaient les sacrificateurs et leurs aides, 
les devins, les augures, les prophètes, les hiérodules 
de toute espèce. Tous vivaient des revenus du dieu 
et des offrandes qui lui étaient apportées. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. I, p. 675-679. Le grand-prêtre s'ap- 
pelait Sangamahhu; sous ses ordres agissaient VaSipu 
et le bâru. UaSipu ou «c enchanteur » était une sorte 
d'exorciste chargé de conjurer les mauvais esprits, causes 
des maladies et de tous les maux qui affligent l'huma- 

V. - 21 



643 



PRÊTRE 



644 



nité; il consacrait les idoles destinées aux temples et 
présidait certaines cérémonies expiatoires. Le bâru ou 
« voyant », dont la fonction était héréditaire, interpré- 
tait la volonté des dieux et rendait des oracles en leur 
nom; il exerçait tous les genres de divination et pré- 
sidait aux sacrifices de caractère pacifique et eucharis- 
tique. Le bâru devait réaliser certaines conditions pour 
pouvoir se présenter dans le sanctuaire de l'oracle, 
être « issu d'un prêtre, d'un père pur », et être « lui- 
même accompli dans sa forme et dans ses propor- 
tions » . Il ne pouvait exercer sa charge si ces conditions 
faisaient défaut, et de plus s'il était « aigu quant aux 
yeux », c'est-à-dire louche ou borgne ou avec un oeil 
crevé, <* brisé quant aux dents », avec une ou plusieurs 
dents de moins, ayant « un doigt mutilé, la chair noi- 
râtre, des abcès, de la lèpre, un ulcère purulent », ou 
d'autres infirmités analogues. Il devait posséder une 
doctrine solide et savoir à fond ce qui était nécessaire 
dour ne pas commettre la moindre infraction à un 
rituel compliqué. Le bâru et Vasipu avaient aussi à 
revêtir des « vêtements purs », réservés pour leurs 
fonctions liturgiques. Cf. Zimmern, Beitràge zur 
Kerinlniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901 ; 
Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, 
Paris, 1903, p. xiv-xvii, 235; Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 221-246; Dborme, 
Textes religieux, Paris, 1907, p. 141-147. Daniel déjoua 
la fourberie des prêtres de Bel, qui venaient enlever 
de nuit les offrandes du temple et prétendaient que 
leur dieu les avait mangées. Dan., xiv, 1-27. Cf. Bar., 
vi, 9-54. — Sur le sacerdoce des Perses et des Mèdes, 
voir Mages, t. iv, col. 543. 

3° Chez les autres peuples sémites. — Chez les 
Arabes nomades, la fonction de sacrificateur n'était 
pas réservée au prêtre; celui-ci n'était qu'un sddin, 
« gardien » du sanctuaire ; il restait à son poste pen- 
dant que la tribu se déplaçait. Il rendait des oracles au 
moyen de flèches ou de bâtons, selon le procédé de la 
rhabdomancie. Cf. Ezech., xxi, 21. A côté de lui opé- 
rait le devin, kâhin, véritable sorcier, dont le rôle 
n'est nullement le prototype, mais la déformation de 
celui du kohên. Chez les Arabes civilisés du sud, le 
sâdin était réellement le sacrificateur, et le grand- 
prêtre, kabir, le « grand », servait d'éponyme pour le 
calcul des années. — Le prêtre araméen se nommait 
komér; il était prêtre de tel ou tel dieu. Josias chassa 
les prêtres de cette espèce que ses prédécesseurs avaient 
établis en Juda. IV Reg., xxm, 5. Osée, x, 5, signale 
leur présence en Samarie, et Sophonie, I, 4, annonce 
leur extermination. — Le temple phénicien avait ses 
sacrificateurs, ses résidents' occupés à la liturgie, ses 
barbiers pour raser les chevelures consacrées à la divi- 
nité et pratiquer les incisions-rituelles, ses scribes, ses 
hiérodules, ses portiers et ses esclaves, recevant tous 
un salaire. Cf. Lagrange, Éludes, p. 217-221, 478-481. 
A Sidon, le roi portait le titre de prêtre d'Astarthé, 
comme le prouve l'inscription d'un sarcophage trouvé 
en 1887 : « Tabnith, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon, 
fils d'Eschmunazar, prêtre d'Astarthé, roi de Sidon. » 
Cf. Revue archéologique, m e série, t. x, 1887, p. 2. 

4» Chez les Chananéens. — On constate chez les 
Chananéens la pratique des libations, l'érection et l'onc- 
tion des bétyles, celle des autels et des lieux sacrés, 
l'immolation des victimes et même fréquemment les 
sacrifices humains. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 1907, 
p. 201-203. Toutes ces choses supposent un sacerdoce. 
On n'a point de renseignements sur sa hiérarchie et 
son fonctionnement. Mais les deux grandes divinités 
chananéennes, Baal et Astarthé, survécurent à la prise 
de possession du pays par les Israélites. Elles avaient 
leurs prêtres qui perpétuaient leur culte et réusirent 
souvent à le faire adopter par le peuple conquérant. A 
ce titre, les prêtres chananéens se signalent de temps 



en temps dans l'histoire d'Israël. Voir Astarthé, Baal> 
1. 1, col. 1180, 1315. 

5° Chez les Gréco-Romains. — Les prêtres des cultes 
gréco-romains apparaissent dans les derniers récits de 
l'histoire israélite et dans ceux du Nouveau Testament. 
Voir Bacchus, t. i, col. 1374; Diane, t. n, col. 1405; 
Hercule, Jupiter, t. m, col. 602, 1866; Mercure, t. iv, 
col. 991. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. 
J. de P., Bruxelles, 1858, 1. 1, p. 280-287, t. m, p. 93-109. 

III. Sacerdoce mosaïque. — /. son institution. — 
Au Sinaï, Dieu donna l'ordre à Moïse de prendre son 
frère Aaron et les fils de celui-ci, Nadab, Abiu, Éléazar 
et Ithamar, pour qu'ils devinssent prêtres à son service. 
Exod., xxviii, 1. Il prescrivit ensuite tout ce qui con- 
cernait leurs vêtements et" leur consécration. Exod., 
xxviii, xxix. Lorsque tous les objets nécessaires au 
culte furent préparés et que Jéhovah eut pris possession 
du Tabernacle, Exod., xl, 34-38, Moïse procéda à la 
consécration d' Aaron et de ses fils, Lev., vin, 1-36, et 
huit jours après, leur fit inaugurer leurs fonctions par 
l'offrande de sacrifices, d'abord pour eux-mêmes, et 
ensuite pour le peuple. Lev., ix, 1-24. Mais bientôt, une 
sanction sévère fut exercée contré deux des nouveaux 
prêtres. Nadab et Abiu apportèrent devant Jéhovah 
des encensoirs contenant du feu profane, qui n'avait 
pas été pris sur l'autel. Ils furent immédiatement frap- 
pés de mort. Moïse défendit à Aaron et à ses deux fils 
survivants de prendre le deuil, et Jéhovah leur interdit 
l'usage du vin et des boissons enivrantes, chaque fois 
qu'ils auraient à exercer leur ministère dans le Taber- 
nacle. Lev,, x, 1-11. Le châtiment si rigoureusement 
iniligé aux deux coupables devait inculquer à tous cette 
idée qu'aucune négligence n'était tolérable dans le 
culte de Jéhovah. La prescription relative aux boissons 
enivrantes autorise à penser que, si Nadab et Abiu 
s'étaient si gravement trompés, leur manque d'atten- 
tion venait de quelque abus dans l'usage de ces bois- 
sons. Toute la tribu de Lévi, à laquelle appartenaient 
Moïse et Aaron, fut substituée aux premiers-nés pour 
être à Jéhovah et se consacrer à son service. Num.,m, 
45. Un membre de cette tribu, Coré, et deux de la 
tribu de Ruben, Dathan et Abiron,, jaloux de l'autorité 
qu'exerçaient Moïse et Aaron, se concertèrent avec 
deux cent cinquante autres Israélites, prétendant que 
dans Israël tous étaient saints et avaient les mêmes 
droits à l'exercice de l'autorité et du sacerdoce. Moïse 
en appela au jugement de Jéhovah. Il convoqua les mé- 
contents et leurs deux cent cinquante partisans, chacun 
avec un encensoir, devant le Tabernacle. Tous s'y ren- 
dirent; mais là, à la vue de tout le peuple, la terre 
s'entr'ouvrit et engloutit Coré, Dathan, Abiron et leurs 
familles, et un feu consuma les deux cent cinquante 
autres. Le peuple ayant murmuré le lendemain contre 
Moïse et Aaron, le Seigneur déchaîna une plaie qui fît 
mourir quatorze mille sept cents personnes et ne s'ar- 
rêta que quand Aaron exerça son rôle d'intercesseur, 
dont la légitimité fut ainsi démontrée. Num., xvi, 1-50. 
Dieu voulut encore confirmer son choix par un nouveau 
miracle. Il fit déposer dans le Tabernacle douze verges, 
au nom des douze tribus d'Israël; le lendemain, la 
verge d'Aaron, représentant Lévi, fut trouvée fleurie, et 
Dieu ordonna de la conserver en témoignage. Num., 
xvn, 1-11. Il décida en outre que les lévites feraient 
le service du Tabernacle, mais que seuls Aaron et ses 
fils rempliraient les' fonctions sacerdotales à l'autel et 
au dedans du voile. Il ajouta : « Comme un service en 
pur don, je vous confère votre sacerdoce. L'étranger 
qui approchera sera mis à mort. » Num., xvm, 1-7. A 
la mort d'Aaron, Éléazar fut investi du pontificat. 
Num., xx, 25-28. A Phinées, fils d'Éléazar, qui se 
montra plein de zèle contre l'idolâtrie, Dieu promit 
« pour lui, et pour sa postérité après lui, l'alliance 
d'un sacerdoce perpétuel ».Num., xxv, 13. 



645 



PRÊTRE 



646 



n. sa descendance d'aaron. — La volonté du 
Seigneur était manifeste; ne pouvaient être prêtres que 
les descendants d'Aaron. « Nul ne s'arroge cette dignité; 
il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron. » Heb., 
v, 4. Quand Jéroboam établit son culte schismatique 
et « fit des prêtres pris dans tous les rangs du peuple 
et n'étant pas enfants de Léyi », III Reg., xil, 31, ces 
derniers n'eurent donc de prêtres que le nom ; leur 
sacerdoce était criminel et sans valeur. Au retour de 
la captivité, on exclut du sacerdoce ceux qui ne purent 
produire leur généalogie pour justifier de leur descen- 
dance aaronique. I Esd., n, 62, 63; II Esd., vm, 63-65. 
Josèphe, Gant. Apion., I, 7, dit qu'on prenait le plus 
grand soin de maintenir dans toute sa pureté la des- 
cendance sacerdotale, et que les prêtres qui résidaient 
à l'étranger, à Babylone ou en Egypte, avaient pour 
règle d'envoyer à Jérusalem leur généalogie, avec le 
nom des témoins. Il ajoute qu'étant lui-même de race 
sacerdotale, il a trouvé sa généalogie dans les archives 
publiques. Vit., 1. Ces généalogies étaient en effet 
d'intérêt général ; il importait donc de veiller officiel- 
lement sur elles. — Pour maintenir la pureté de la 
race sacerdotale, le prêtre ne pouvait épouser ni une 
femme prostituée ou deshonorée, ni une femme répu- 
diée. Lev., xxi, 7. Il n'était pas obligé d'épouser la fille 
d'un prêtre, mais pouvait choisir une vierge ou une 
veuve quelconque, pourvu qu'elle fût Israélite. Cf. Jo- 
sèphe, Cont, Apion., I, 7; Ant. jud., III, XII, 2. Il lui 
fut aussi interdit d'épouser celle que son beau-frère 
refusait en mariage, cf. Sota, iv, 1; vm, 3; Makkoth, 
m, 1, celle qui avait été prisonnière de guerre, cf. Jo- 
sèphe, Ant. jud., III, xii, 2; XIII. x,5; Cont. Apion., 
i, 7, une prosélyte ou une esclave affranchie; la fille de 
la prosélyte ou celle de l'esclave affranchie ne lui 
étaient permises que si elles avaient une mère Israélite. 
Cf. Yebamolh, vi, 5. Aussi le prêtre qui voulait se ma- 
rier faisait-il l'enquête la plus sérieuse sur la condition 
de celle qu'il désirait épouser. Cf. Kidduschin, rv, 4, 5. 
Ézéchiel, xliv, 22, veut que le prêtre n'épouse ni une 
veuve, sauf celle d'un prêtre, ni une répudiée, mais 
seulement une vierge de la maison d'Israël. Cette res- 
triction n'est pas entrée dans la pratique. 

///. ses cowDiriox'S physiques. — Comme le bdru 
babylonien, le prêtre israélite devait être exempt de 
toute difformité corporelle. Il ne pouvait remplir les 
fonctions sacerdotales si, malgré sa descendance aaro- 
nique, il était aveugle ou boiteux, avait une mutilation 
ou une excroissance, une fracture au pied ou à la 
main, une bosse, une taille de nain, une tache à l'œil, 
la gale, une dartr.e, une hernie. La Loi insiste pour 
exclure de l'approche de l'autel ceux qui ont quel- 
qu'une de ces difformités. Lev., xxi, 17-23. Ces diffor- 
mités étaient en effet de nature à empêcher les prêtres 
d'accomplir les actes liturgiques ou de conserver la 
pureté légale et la dignité nécessaires à leur ministère. 
Dans la suite, les docteurs juifs étudièrent ces cas 
d'exclusion et, en spécialisant chacun d'eux par le dé- 
tail, les portèrent à 142. Cf. Bechoj-oth, vu; Selden, De 
successionein pontif. Ebr., n,5; Ugolini, Thés., t. xm, 
p. 897. L'intégrité du corps devait être le symbole du 
parfait état de l'âme, cf. Philon, De monarch., H, 5; 
il était d'ailleurs de la plus haute convenance, pour 
l'honneur de Dieu et l'édification du peuple, que les 
ministres du culte eussent une attitude corporelle 
irréprochable. Les cultes païens avaient souvent les 
mêmes exigences, cf. Aulu-Gelle, i, 12; la difformité 
corporelle-était de mauvais augure, et l'on écartait le 
sacrificateur qui en était atteint. Cf. M. Sénèque, Con- 
trov., rv, 2; Bâhr, Symbolik des rnosaischen Cultus, 
Heidelberg, 1839, t. n, p. 42-61. — Il était interdit aux 
prêtres en exercice de se raser complètement, d'enlever 
les côtés de leur barbe, de se faire des incisions, Lev., 
XXI, 5, de laisser flotter leurs cheveux en désordre, 



d'avoir des vêtements déchirés. Lev., x, 6. Il ne leur 
était pas permis de couper leurs cheveux ou de laver 
leurs vêtements la semaine où ils étaient de service, 
afin que tous ces soins fussent pris à l'avance. Les doc- 
teurs comptaient dix-huit cas empêchant le prêtre 
d'exercer son ministère : l'idolâtrie, la naissance d'une 
famille étrangère à celle d'Aaron, la difformité corpo- 
relle, l'incirconcision, l'impureté, la nécessité d'attendre 
au soir pour redevenir pur, l'obligation de se soumettre 
à l'expiation, le deuil, l'ivresse, le manque de vête- 
ments, leur trop grand nombre, leur déchirure, le 
manque de coiffure, les pieds ou les mains non lavés, 
s'asseoir pour remplir le ministère sacré ou se laver, 
ne pas toucher directement de la main les objets sa-, 
crés, ne pas tenir les pieds immédiatement sur le sol, 
faire les actions sacrées de la main gauche. Cf. Seba- 
chim, H,l; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, 
p. 96, 97. 

iv. entrée en fonction. — 1» Age. — La loi ne 
prescrivait rien quant à l'âge requis pour commencer 
le service sacerdotal. Pour les lévites, on ne comprit 
dans le premier dénombrement que ceux qui avaient 
trente ans, Num., iv,3, 23, 47; I Par., xxin, 3; un peu 
plus tard, cet âge fut abaissé à vingt-cinq, Num., vm, 
23-26, et David le réduisit à vingt, lorsque les lévites 
n'eurent plus à porter le tabernacle. I Par., xxm, 24- 
27; cf. II Par., xxxi, 17; I Esd., m, 8. On s'en tint dans 
la suite à cette règle qu'on pouvait entrer en fonction 
dès qu'apparaissaient les signes de la virilité, pratique- 
ment à la vingtième année. Cf. Babyl. Chullin, 24 b. — 
Avant d'être admis au sacerdoce, il fallait, dans les der- 
niers temps, subir un examen devant le sanhédrin ou 
devant d'autres prêtres. Cf. Middoth, v. 

2° Consécration. — Le jeune prêtre était consacré par 
un bain de purification, l'imposition des vêtements 
sacrés, l'onction et une série de sacrifices accompagnés 
de cérémonies particulières, destinées à lui rappeler 
ses droits et ses devoirs sacerdotaux. Exod.,xxix, 4-37; 
xl, 13-15; Lev., vm, 2-36. Les textes ne disent pas si 
le bain de purification était pour tout le corps, ou seu- 
lement pour les pieds et les mains, comme dans le 
service quotidien. Exod., xxx, 19. 

3° Vêtements. — Les vêtements sacrés, imposés au 
nouveau prêtre, étaient au nombre de quatre (fig. 172) : 
le caleçon de lin, voir Caleçon, t. h, col. 60; la tunique 
de lin, voir Tunique; la ceinture brodée, voir Abnêt, 
t. i, col. 66; Ceinture, t. n, col. 389, et la mitre de lin, 
voir Mitre, t. iv, col. 1135. Les prêtres pouvaient porter 
ces vêtements tant qu'ils étaient dans le Temple, hormis 
la ceinture qu'ils devaient quitter sitôt leur ministère 
accompli. Cf. Gem. Tarnid, 61, 2; Geni. Yoma, 69, 
1. L'usage des vêtements sacrés était prohibé hors du 
Temple; les prêtres les y déposaient dans une chambre 
spéciale. Quand ils étaient usés, ces vêtements servaient 
à fabriquer des mèches pour les lampes. Cf. Gem. 
Schabbath,?,l,\;l%,% 

4° Onction. — Des onctions furent certainement faites 
aux fils d'Aaron. Exod., xxx, 30; xi,, 14; Lev., x, 7. 
D'autres textes ne semblent parler d'onction qu'à pro- 
pos d'Aaron, Exod., xxix, 5-8; Lev., vm, 7-13,de sorte 
que le grand-prêtre est appelé par excellence le « prêtre 
oint ». Lev., xvi, 32; xxi 12; Num., xxxv, 25, etc. La 
contradiction disparaît si l'on observe que le grand- 
prêtre recevait sur la tête une onction abondante, cf. 
Ps. cxxxii, 2, tandis que les simples prêtres étaient seu- 
lement aspergés d'huile. Exod., xxix, 21; Lev.,vm,30. 
Ils étaient oints comme le pontife, Exod., xl, 15, mais 
d'une manière plus sommaire. Cf. Fr. de Hummelauer, 
In Exod. et Lev., p. 290-291. Voir Onction, t. iv, 
col. 1805, 1806. — On emplissait ensuite les mains des 
prêtres, ce qui signifie qu'on leur conférait les pou- 
voirs nécessaires à leur ministère, et l'on offrait les 
sacrifices prescrits, le veau pour le péché, Exod., xxix, 



647 



PRÊTRE 



10-14, le bélier en holocauste, Exod., xxn, 15-18, et le 
bélier de consécration. Exod., xxix, 19-28. Voir Grand- 
prêtre, t. ni, col. 297. Ct.H'Ahr,Symbolik, t. H, p. 166- 
168. Toutes ces cérémonies duraient sept jours. 
Exod., xxix, 35; Lev., vin, 33. — On s'est demandé si 
les cérémonies de la consécration sacerdotale n'avaient 
pas été accomplies une fois pour toutes dans la per- 
sonne des fils d'Aaron. Philon, Vit. Mosis, m, 16-18, 
et Josèphe, Ant. jud., III, vin, 6, se contentent de re- 
produire les passages bibliques, sans rien ajouter à ce 
sujet. Plusieurs auteurs pensent que la première con- 
sécration a suffi pour toute la suite des générations 
sacerdotales, et que le nouveau prêtre n'avait qu'à pré- 
senter l'offrande indiquée. Lev., vi, 15. Cf. Iken, Anti- 
quitates hebraicœ, Brème, 1741, p. 112; Munk, Pales- 




172. — Prêtre hébreu revêtu de ses vêtements sacerdotaux. 
D'après Galmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Prêtre. 

Une, Paris, 1881, p. 174; Zschokke, Historia sacra, 
Vienne, 1888, p. 114. Mais, d'après Schûrer, Geschiehte 
des jùd. Volkes, t. H, p. 232, cette opinion ne s'appuie- 
rait que sur l'interprétation défectueuse des textes rab- 
biniques qui rappellent au nouveau prêtre l'obligation 
de présenter l'offrande en question avant toute autre. 
Le silence des auteurs sacrés postérieurs ne peut 
d'ailleurs permettre de nier la consécration particulière 
des prêtres dans le cours des âges. 

5° Symbolisme. — Toutes les prescriptions relatives 
à la consécration des prêtres avaient leur sens symbo- 
lique. Les cérémonies duraient sept jours pour leur 
faire entendre qu'ils entraient au service de celui qui 
avait créé le monde en six jours suivis d'un septième 
jour de repos. Cf. Rosenmûlïer, Intewt., Leipzig, 1798, 
p. 51. Parmi les difformités qui excluaient du sacerdoce 
figuraient aussi des défauts de l'ordre moral. La blan- 
cheur des vêtements sacerdotaux rappelait la gloire 
et la sainteté divines, au service desquelles les prêtres 
étaient appelés. Le caleçon marquait 'la chasteté du 
prêtre, la tunique de lin sa pureté de vie, la ceinture sa 
discrétion, la mitre sa droiture d'intention. Cf. S.Tho- 
mas, Summ. t'heol., 1' II*, Cil, 5 ad 10. Sur le symbo- 
lisme de l'onction, voir t. rvcol. 1806. 



v. classement. — Quand les fils d'Eléazar et d'Itha- 
niar se furent multipliés, il ne leur fut plus possible 
d'être tous employés en même temps au service du 
culte. A l'époque de David, il se trouvait seize chefs de 
famille parmi les descendants d'Eléazar, et huit seule- 
ment parmi les descendants d'Ithamar. On tira au sort 
le rang que devaient occuper ces vingt-quatre chefs, 
afin qu'ils prissent à tour de rôle le service du culte 
avec les prêtres de leur famille. I Par., xxiv, 3-19; 
II Par., vin, 14. Cette organisation fonctionna jusqu'à 
la captivité de Babylone. Au retour, il ne se trouvra plus 
que quatre chefs de familles sacerdotales, Jadaïa, avec 
973 prêtres, Emmer, avec 1052, Pheshur, avec 1247, et 
Harim, avec 1017. I Esd., h, 36-38; II Esd., vu, 39- 
42. Avec Zorobabel, il y eut 22 chefs de familles sacer- 
dotales, II Esd., x, 2-8; xn, 1-7, et 21 seulement dans 
une autre liste. Il Esd., xii, 12-21. Tous les noms ne 
sont d'ailleurs pas identiques, ce qui indique des chan- 
gements dans l'organisation. Plus tard, on cite encore 
comme chefs de classes sacerdotales Joarib, IMach., h, 
1; xiv, 29, et Abia. Luc, i, 5. Josèphe, dans un passage 
dont nous n'avons que la traduction latine, et où le 
nombre 20 manque, d'après plusieurs critiques, Cont. 
Apion., h, 7, ne mentionne que quatre classes de cinq 
mille prêtres chacune. Mais ailleurs, Ant. jud., VII, xiv, 
7; Vit., l,il parle de vingt-quatre classes qui se sont 
maintenues jusqu'à son époque. Ce dernier nombre est 
celui que reproduit toute la tradition juive. Cf. Taa- 
nith., iv, 2; Sukka, v, 6-8; Jer. Taanith., iv, 68a; To- 
sephta Taanith., Il ; Ugolini, Thésaurus, t. xm, p. 876. 
— Les classes sacerdotales s'appelaient niahleqôf, 
ÈÇYiiiÊpi'ai, divisiones, I Par., xxvm, 13, 21; II Par., 
vin, 14; xxm, 8; xxxi, 2, 15, 16, vices, Luc, i, 8; bê( 
'âbôt, oïxot Tcaxpifiv, « maisons des pères », familix et 
domus, I Par., xxiv, 4, 6, ou mismârôt, « gardes », 
XsiToupfefaL, observationes, II Par., xxxi; 16, ècp-r)u,Epi'ai, 
ordines, II Esd. xm, 30. Dans la pratique, on réservait 
le nom de mUmâr pour la ciasse, et celui de bêt 'âb 
pour ses subdivisions. Cf. Taanith, n, 8, 7. Josèphe ap- 
pelle la classe ita-cpla, Ant. jud., VII, xiv, 7, ou if-r^zoiç, 
Vit., 1, et la subdivision ç-jXt]. Vit., 1; Bell, jud., IV, 
m, 8. Les subdivisions de chaque classe variaient de 
cinq â neuf. Cf. Jer. Taanith, îv, 68a. A la tète des 
classes étaient des sârîm, « princes », apx«vT-£ç, prin- 
cipes, I Par., xxiv, 5; II Par., xxxvi, 14; I Esd., vm, 
24, 29; ,x, 5, ou des rd'sîm, « chefs ». I Par., xxiv, 4, 
6; II Esd., xn, 12. Par la suite, ee dernier titre désigna 
spécialement les chefs des subdivisions. Le nom de 
zdqên, « ancien », a aussi quelquefois le même sens. 
Cf. Yonia, i, 5; Tamid, i, 1; Middoth, i, 8. Au-dessus 
de toutes les classes s'exerçait naturellement l'autorité 
du grand-prêtre. 

vi. fonctions BANS le temple. — 1° Service hebdo- 
madaire. — Chaque classe faisait le service du temple 
pendant une semaine. C'est ce qu'on appelait «l ^uip«i 
Tfj; XstTouyfaç» Aies officii, « les jours de service ». 
Luc, i, 23. Le service se prenait le jour du sabbat, 
IV Reg., xi, 6; II Par., xxni, 4; la classe sortante 
offrait encore le sacrifice du matin, et la classe sui- 
vante le sacrifice du soir. Cf. Tosephta Sukka, iv, 24- 
25; Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 7; Cont. Apion., n, 
8. Pendant les semaines de la Pâque, de la Pentecôte 
et des Tabernacles, les vingt-quatre classes étaient de 
service en même temps. Cf. Sukka, v, 6-8. On n'a au- 
cune donnée certaine sur l'ordre dans lequel les 
vingt-quatre classés se succédaient pour le service 
hebdomadaire. C'est donc sans aucun résultat qu'on a 
cherché à déduire l'année de la naissance de Jésus- 
Christ d'après la semaine de service attribuée- à la 
classe d'Abia. Luc, i, 5. On lit bien dans le Bdbyl. 
Taanith, 29a, que la classe de Joarib était de service au 
moment delà destruction du Temple; mais cette in- 
formation est tardive et peu sûre, et encore, pour en 



649 



PRÊTRE 



650 



tirer parti, faudrait-il savoir exactement quel rang 
occupaient les deux classes et à quelle époque de l'an- 
née eut lieu l'annonciation de Jean-Baptiste. Quand 
une classe prenait le service, chaque jour de la semaine 
était attribué à une ou plusieurs de ses subdivisions. 

2° Interdictions. — 11 était interdit aux prêtres du 
service hebdomadaire de se raser, sauf le sixième jour 
à cause du sabbat, d'avoir commerce avec leurs femmes 
et de boire du vin durant le jour; ceux qui étaient de 
service un jour déterminé ne pouvaient même en boire 
ni ce jour-là, ni la nuit, parce que c'était de nuit qu'on 
brûlait les graisses sur l'autel. Cf. Taanith, H, 7. Ces 
prohibitions s'inspiraient de la défense portée par le 
Seigneur, Num., x, 9, et aussi de la nécessité, pour le 
prêtre, d'être totalement et exclusivement à la fonction 
sainte qui lui était confiée, Elles lui rappelaient en 
même temps les dispositions morales de dévouement, 
de pureté et de pénitence que réclamait de lui le service 
du Seigneur. 

3° Tirage au sort. — Chaque jour on faisait désigner 
par le sort les prêtres qui devaient remplir les différents 
offices. Luc, i, 9. Ce tirage au sort se répétait quatre 
fois. Le premier sort désignait celui qui devait porter 
les charbons de l'autel extérieur usque dans le parvis 
intérieur. Le second sort pourvoyait aux treize fonc- 
tions suivantes : 1. égorger l'agneau; 2. en répandre le 
sang; 3. enlever la cendre de l'autel intérieur; 4. dis- 
poser les lampes; 5. porter à la montée de l'autel la 
tête et une jambe postérieure de l'agneau; 6. les deux 
épaules. 7. la croupe avec la queue, l'autre jambe et les 
reins; 8. la poitrine et la gorge;9. les deux côtés; 10. les 
intestins sur un plateau et les pieds; 11. l'offrande de 
farine; 12. le gâteau du grand-prêtre; 13. la libation de 
vin. Le troisième sort portait sur le prêtre qui devait 
brûler l'encens; on le choisissait parmi ceux qui 
n'avaient pas encore exercé cette fonction, à laquelle on 
ne pouvait être appelé qu'une fois dans sa vie. Enfin le 
quatrième sort désignait celui qui devait porter les 
membres de la victime de la montée de l'autel jusqu'à 
l'autel même. 

4" Cérémonies. — Le détail de toutes les cérémonies 
quotidiennes est donné par le traité Tamid. On y voit 
que les prêtres de service, qui couchaient dans une 
chambre du parvis intérieur, se mettaient à l'œuvre 
avant même le lever du jour. Avant de procéder à 
l'exercice de sa fonction, chacun se lavait les mains et 
les pieds au bassin d'airain qui se trouvait entre le 
Temple et l'autel. Dès que le jour paraissait, on prenait 
un agneau dans la chambre des agneaux et les 93 usten- 
siles qui servaient cKàque jour dans la chambre des 
ustensiles. Pendant ce temps, les deux prêtres chargés 
de nettoyer l'autel des parfums et les lampes arrivaient, 
l'un avec une clef d'or, l'autre avec un vase d'or, ou- 
vraient la grande porte du Temple et remplissaient leur 
office, en disposant d'abord les cinq lampes qui étaient 
au couchant, puis les deux autres, à moins que ces 
dernières ne fussent éteintes, car alors on commençait 
• par elles. C'est seulement à l'ouverture de la porte qu'il 
était permis d'immoler l'agneau. Sur les cérémonies du 
sacrifice lui-même, voir Sagrifice, Libation, t. iv, 
col. 234; Obiation, col. 1727; Parfum, col. 2164. 
Quand tout était disposé pour le sacrifice, les prêtres 
se rendaient dans la chambre ha-gasith pour y réciter 
le schéma du matin. Voir Prière. Cf. Tamid, iv, 1-3. 
Ensuite, les prêtres que le sort n'avait désignés pour 
aucune fonction quittaient leurs vêtements sacres. On 
procédait alors à l'offrande de l'encens et on brûlait 
l'holocauste sur l'autel. Enfin, les cinq prêtres qui 
avaient été employés à l'offrande de l'encens se ren- 
daient à l'entrée du Temple et prononçaient sur le peuple 
la formule de bénédiction prescrite, Num., vi, 24-26, en 
élevant les mains et en remplaçant le nom de Jéhovah 
par Adonaï. Cf. Tamid, vu, 2; Sota, vu, 6. Les mêmes 



cérémonies se répétaient pour le sacrifice du soir, qui 
avait lieu vers trois heures de l'après-midi. Mais on ne 
tirait au sort que le nom de celui qui devait offrir l'en- 
cens. Cf. Gem. Yoma, 26, 1. L'encens était offert 
avant le sacrifice, et les prêtres n'y donnaient pas la 
bénédiction au peuple. 

5° Fêtes. — Outre les sacrifices quotidiens, les 
prêtres en avaient d'autres à offrir à l'occasion des 
néoménies et des fêtes, à la Pâque, à la Pentecôte, à 
la fête des Tabernacles, à la nouvelle année et au jour 
de l'Expiation. Voir ces mots. Ils avaient aussi à s'oc- 
cuper des nombreux sacrifices de toute nature que fai- 
saient offrir les particuliers. 

6» Garde du Temple. — Ils avaient également à 
garder le Temple. Les portes en étaient fermées à la 
tombée de la nuit et ouvertes au point du jour. Les 
prêtres qui couchaient dans le parvis antérieur et à qui 
incombait le service du jour suivant, gardaient les 
clefs et les transmettaient à ceux qui devaient servir 
après eux. Le matin, le préfet du Temple les recevait 
pour l'ouverture des portes. Cf. Middoth, i, 8, 9; 
Tamid, i, 1. 

7» Trompettes. — Enfin, les prêtres avaient à sonner 
de la trompette dans le Temple. Num., x, 8-10; II Esd., 
xn, 41. Chaque jour ils sonnaient vingt et one fois, 
trois fois à l'ouverture des portes, neuf fois à la liba- 
tion du matin et neuf fois à celle du soir. Cf. Sukka, 
v, 5. Voir Trompette. 

8° Dignitaires. — Un certain nombre de prêtres rem- 
plissaient, sous l'autorité du grand-prêtre, les charges 
qui réclamaient des titulaires permanents. Les gisbd- 
rim, YaÏQcpuXaxeç, « gardiens du trésor », veillaientsur 
tous les biens du Temple, mobilier et apports. Les 
fonctions principales de ce service après ta captivité 
de Babylone, étaient confiées à des prêtres, II Esd., 
xin, 13, les autres à des lévites. I Par., ix, 28, 29; 
xxvi, 20-28; II Par., xxxi, 11-19. Il fallait surtout des 
prêtres préposés au bon ordre du culte quotidien, 
puisque ceux qui s'acquittaient des fonctions de ce culte 
n'avaient en général à s'en occuper que deux jours par 
an, ce qui ne leur permettait guère de s'en rappeler 
tous les détails. Il y avait donc, au moins dans les der- 
niers temps, quinze prêtres préposés aux services sut- 
vants : le sceau, les libations, les sorts, l'argent pour 
l'achat des victimes, la santé des prêtres malades des 
entrailles (voir t. iv, col. 910), les eaux, les temps, les 
portes, la discipline, les cymbales, la direction du chant, 
les pains de proposition, le parfum, les voiles, les vête- 
ments. Cf. Schekalim, v, 1. Le préposé aux sorts prési- 
dait aux tirages au sort au moyen desquels on désignait" 
chaque jour les prêtres chargés d'un office. Le préposé 
au sceau délivrait des cachets pour se procurer les liba- 
tions auprès du préposé aux libations. Le préposé à l'ar- 
gent pour l'achatdes victimes recueillait l'argent déposé 
dans le tronc destiné à cet usage et prenait soin de four- 
nir en échange les victimes convenables. Le préposé aux 
temps était le héraut chargé le matin d'appeler chacun 
à son poste. Le préposé à la discipline avait à réveiller 
et même à corriger les lévites trop lents à se mettre 
sur pied. Le Talmud parle encore d'autres fonction- 
naires : le sagan, voir Sagan, les amarkelin, cf. Sche- 
kalim, v, 2, probablement chargés de la caisse et des 
comptes, et des xaBoXtxo!, cf. Jer. Schekalim, v, 49 a, 
probablement des trésoriers ou des subordonnés du 
sagan .Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 88-91 ; Schûrer, 
Geschichtè des jûdischen Volkes im Zeitalter Christi, 
t. n, p. 269-299. 

vu. autres fonctions. — 1° A la guerre. — Avant le 
combat, un prêtre était chargé de parler au peuple 
pour l'exhorter au courage et à la confiance en Dieu. 
Deut., xx, 2-4. Cf. Num., xxxi, 6; I Reg., iv, 4; II Par., 
xm, 12. On appelait ce prêtre 1' « oint du combat », et 
L'onction qu'il recevait l'assimilait au grand-prêtre sur 



651 



PRÊTRE 



652 



plusieurs points, mais ne conférait pas l'hérédité de la 
charge. Cf. Sota, vjii, 1; Gem. Yoma, 73, 1. Judas 
Machabée parait avoir rempli la fonction d' « oint du 
combat ». I Mach., m, 55, 56. 

2° Lois de pureté. — Les prêtres étaient chargés de 
l'application des lois concernant la pureté légale. Ils 
devaient savoir discerner le saint du profane, le pur de 
l'impur. Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., xxn, 26; xliv, 23. 
Agg., h, 11-14. Ces lois étaient devenues très compli- 
quées, grâce aux décisions de détail portées par les 
docteurs. Voir Impureté légale, t. m, col. 857-860; 
cf. Reland, Antiquitates sacrœ, p. 105-112. Dans les 
cas ordinaires, les prêtres constataient l'impureté, s'il 
était nécessaire, indiquaient sa durée et le moyen de la 
taire disparaître; dans les cas douteux, ils éclairaient 
celui qui les consultait. Us intervenaient nécessaire- 
ment dans le cas de la femme soupçonnée d'adultère, 
Num., v, 11-31, voir Eau de jalousie, t. n, col. 1522; 
dans l'examen et la purification du lépreux, Lev., xm, 
xiv, voir Lèpre, t. iv, col. 180-184; dans l'examen delà 
lèpre des vêtements et des maisons, Lev., xm, 53-59; 
xiv, 34-53, voir t. iv, col. 186, 187, et dans tous les cas 
analogues d'impureté légale. Lev., xv, 1-33. Le juge- 
ment d'un seul prêtre suffisait pour la constatation 
de la lèpre. Cf. Gem. tfidda, 50, 1; Siphra, 100, 1. 

3° Estimations. — Certains rachats s'opéraient 
moyennant un prix laissé à l'estimation du prêtre, 
pour les personnes, Lev., xxvn, 3-8, pour les animaux, 
Lev., xxviij 12, 13, 27, pour les maisons. Lev., xxvii, 
14, 15. Voir Rachat. 

4» Jugements. — Quand une affaire relative à un 
meurtre, à une contestation, à une blessure, était trop 
difficile à juger, on la soumettait à la décision des 
prêtres. Deut., xvn, 8-12. Ils intervenaient spéciale- 
ment dans le cas d'un meurtre dont l'auteur était 
inconnu. Deut., XXI, 5. Josaphat mit des prêtres au 
nombre des juges, II Par., xix, 8-10; cf. Ezech., xliv, 
24, bien que la fonction de juge fût habituellement 
confiée aux anciens. Voir Juge, t. m, col. 1835. Quand 
commença à fonctionner le tribunal suprême appelé 
sanhédrin, des prêtres en firent partie. 

5° Enseignement. — La Loi ordonnait aux prêtres 
d' « enseigner aux enfants d'Israël toutes les lois que 
Jéhovah leur a données par Moïse ». Lev., x, 11 ; 
cf. Deut., xxxiii, 10. Ils s'acquittèrent de cette tâche 
d'une manière qui fut loin d'être toujours parfaite. La 
foi au vrai Dieu disparaissait quand cessait l'enseigne- 
ment du prêtre. II Par., xv, 3. Josaphat envoya dans 
Juâa, pour y prêcher la loi de Jéhovah, cinq de ses 
chefs, neuf lévites et seulement deux prêtres. II Par., 
xvn, 7-9. Ézéchiel, xxn, 26, se plaint que les prêtres 
n'enseignent plus à distinguer entre le saint et le pro- 
fane, le pur et l'impur; il annonce que, chez le peuple 
régénéré, ils enseigneront ces choses. Ezech., xliv, 23: 
Michée, m, 11, les accuse de prendre un salaire pour 
enseigner. Aggée, n, 12, constate que les prêtres de 
son temps ne savent pas faire la distinction dont parle 
Ézéchiel. Malachie, n, 7, 8, leur adresse les mêmes 
reproches : « Les lèvres du prêtre sont les gardiennes 
de la science, et c'est de sa bouche qu'on demande 
l'enseignement, parce qu'il est l'ange de Jéhovah des 
armées. Mais vous, vous vous êtes écartés de la voie, 
vous en avez fait trébucher plusieurs contre la loi, vous 
avez perverti l'alliance de Lévi. » Il est probable que 
le texte du Lévitique se rapportait beaucoup plus à la 
loi rituelle qu'à la loi morale. La connaissance de 
cette dernière venait de la conscience même, et, chaque 
année sabbatique, les prêtres devaient donner au 
peuple lecture du livre qui la rappelait. Deut., xxxi, 
9-13. En fait, l'enseignement moral et religieux donné 
par les prêtres semble avoir été assez restreint. Voir 
Enseignement, t-. il, col. 1813. Les prophètes s'en char- 
gèrent pendant un temps ; puis, après la captivité, les 



docteurs ou scribes, avec moins d'autorité et de sûreté 
dans la doctrine, prirent la tâche de l'enseignement. 
Les prêtres, uniquement occupés de leurs fonctions 
rituelles, s'en désintéressèrent à peu près complète- 
ment, sauf ceux d'entre eux qui devinrent docteurs de 
la loi. C'est ce qui fait que les prêtres d'Israël n'exer- 
cèrent qu'une influence médiocre sur le développement 
et la garde des idées morales et religieuses dans leur 
nation. 

vni. résidence. — Quand les Israélites occupèrent 
la Palestine, quarante-huit villes furent assignées aux 
membres de la tribu de Lévi, pour servir d'habitation 
aux prêtres et aux lévites. Num., xxxv, 1-8. Voir LÉvi- 
tiques (Villes), t. iv, col. 216. Parmi ces villes, treize 
étaient spécialement destinées aux prêtres dans les 
tribus de Juda, de Siméonet de Denjamin, par consé- 
quent dans le voisinage de Jérusalem. Jos., xxi, 4. Voir 
l'énumération de ces villes, t. iv, col. 217. Pourtant les 
prêtres n'étaient pas confinés dans ces seules villes. 
Partout ailleurs, ils pouvaient s'établir à leur gré, mais 
en s'achelant eux-mêmes des maisons et des champs. 
Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 373. 
C'est pourquoi, à l'époque du schisme de Jéroboam, 
les prêtres et les lévites « qui se trouvaient dans tout 
Israël », voyant qu'on les empêchait de remplir leurs 
fonctions en l'honneur de Jéhovah, abandonnèrentleurs 
champs et leurs propriétés pour passer en Juda et à 
Jérusalem. II Par., xi, 13, 14. Après la captivité, les 
prêtres et les lévites s'établirent dans leurs villes, ce 
qui s'entend seulement du pays mis à la disposition 
des nouveaux arrivants, c'est-à-dire de Jérusalem et 
de Juda. II Esd., vif, 6, 73. A Jérusalem même se fixèrent 
1192 prêtres, II Esd., xi, 4, 10-14, 1760 d'après II Par., 
rx, 13. Les villes et bourgades de Juda en reçurent 
aussi. I Esd., n, 70; II Esd., vu, 73; xi, 3, 20, 36. 
Le voisinage de Jérusalem était certainement préféré, 
parce qu'il rendait plus faciles les voyages au Temple. Le 
prêtre Zacharie demeurait dans la montagne de Juda. 
Luc, i, 39. 

ix. ressources. — Les prêtres, comme tous les 
lévites, n'avaient pas de domaine territorial; ils appar- 
tenaient exclusivement au service de Dieu, et Dieu de- 
vait être lui-même leur part et leur héritage au milieu 
d'Israël. Num., xvm, 20; Jos., xm, 14. Voici parquels 
moyens Dieu assurait leur subsistance et celle de leur 
famille. Il y a quelques divergences de détail à ce 
sujet entre le Lévitique et le Deutéronome; mais elles 
se concilient assez aisément, ou parfois accusent une 
modification dans la législation. 

1» Sacrifices. — Dans le sacrifice pour le péché, tout 
revenait au prêtre, Num., xvm, 9, 10, sauf l'un des 
deux oiseaux qu'offraient les pauvres, Lev., v, 7, et tout 
ce qui était offert pour le péché d'un prêtre. Lev., vi, 
23. —Dans le sacrifice pour le délit, tout revenait égale- 
ment au prêtre. Lev., vu, 7; Num., xvm, 9,10.— Dans les 
oblations, tout était pour le prêtre, sauf la poignée de 
farine prélevée pour l'autel. Lev., n, 3, 10; vi, 9-11; 
vu, 9, 10, 14; x, 12, 13; Num., xvm, 9, 10; Ezech., 
xliv, 29. — Les prêtres avaient encore pour eux les 
douze pains de proposition. Lev., xxiv, 5-9. —Dans les 
sacrifices pacifiques, la poitrine et la cuisse droite de 
la victime étaient pour le prêtre. Lev., vu, 30-34; x, 
14, 15. — Dans les holocaustes, les prêtres n'avaient 
pour eux que la peau de la victime ; mais le revenu ne 
laissait pas que d'être fort appréciable, à cause du grand 
nombre des victimes. Cf. Philon, De prœmiis sacer- 
dot., 4, édit. Mangey, t. n, p. 235. Le rituel babylo- 
nien assignait aussi, aux prêtres et aux serviteurs des 
temples, la part des victimes qui devait leur revenir 
après les sacrifices de bœufs et de moutons, ainsi que 
les poissons, légume's, vêtements, etc., auxquels ils 
avaient droit. Cf. Dhorme, Textes religieux, Paris, 
1907, p. 391-393. 



653 



PRETRE 



654 



2° Prémices. — Elles portaient sur le froment, l'orge, 
les raisins, les figues, les grenades, les olives et le 
miel. Deut., vin, 8; xxyi, 5-10; Num., xvm, 13; 
II Esd., x, ;36. Voir Prémices, col. 598. On y joignait 
ce qu'on appelait la (erûmdh, « offrande », prélevée 
sur le meilleur des champs et des arbres fruitiers, et 
consistant surtout en grains, vin et huile. On donnait 
de 1/40 à 1/60 de la récolte, suivant la générosité de 
chacun. Num., xyhi, 12; II Esd., x, 38. Cf. Terumoth, 
i, 7; iv, 3; etc. 

3° Dîme. — Elle portait sur tout ce qui croît de la 
terre et sert à la nourriture. Elle servait à alimenter 
non seulement les prêtres, mais aussi les lévites, qui 
d'ailleurs versaient encore aux prêtres la dîme de la 
dîme. Num., xvm, 20-32; II Esd., x, 38-40. Voir Dîme, 
t. il, col. 1434. 

4» Pain. — On devait aux prêtres une partie du 
pain préparé, Num., xv, 17-21; II Esd., x, 28, ce que 
saint Paul appelle àirapx*! xo " ù «pupi|JiaTo;, « prémices 
de la masse », Rom., xi, 16, et ce qui fait l'objet du 
traité Challa de la Mischna. La redevance portail sur 
1/24 pour les particuliers et sur 1/48 pour les boulan- 
gers. Challa, h, 7. 

5» Premiers-nés. — Exod., xni, 11-16; xxii, 29, 30; 
xxxiv, 19, 20; Deut., xv, 19-23. Le premier-né de la 
femme était racheté au prix de cinq sicles d'argent, 
qu} appartenaient aux prêtres. Num., xvm, 15, 16; 
II Esd., x, 37. Le premier-né des animaux purs leur 
était aussi destiné, sauf la graisse et le sang, qui 
allaient à l'autel. Num., xvm, 17-18; Deut., xv, 19, 20; 
II Esd., x, 37. S'il avait quelque défaut, sa destination 
était la même, mais on ne l'offrait pas à l'autel. Deut., 
xv, 19-23. Le premier-né des animaux impurs se rache- 
tait à prix d'argent, sauf celui de l'âne, qui se rache- 
tait pour un agneau, toujours au profit des prêtres. 
Exod., xm, 13; xxxiv, 20; Num., xvm, 15; II Esd-, x, 
37. Voir Premier-né, col. 603; Rachat. 

6° Viande. — Sur tout animal de gros ou menu bé- 
tail que l'on abattait, les prêtres avaient droit à trois 
morceaux, l'épaule, les mâchoires et l'estomac. Deut., 
xvm, 3. Cf. Chullin, x. 

7° Toisons. — Deut., xvm, 4; Tob., i, 6. Cf. Chullin, 
xi, 1, 2. La redevance n'était due que par celui qui 
avait plusieurs brebis, deux d'après l'école de Scham- 
maï, cinq d'après celle de Hillel. 

8° Vœux. — Le produit des vœux de toute nature de- 
vait être versé aux prêtres, soit sous forme réelle, soit 
sous forme de rachat, Lev., xxvji, 2-33; Deut., xxm, 21- 
23; Matth., xv, 5; Marc, vu, 11; mais il était probable- 
ment employé aux besoins du culte. Cf. Schekalim, iv, 
6-8. Voir Rachat, Vœu. 

9° Anathèmes. — Tout ce qui était voué à Jéhovah 
par anathème, sauf les personnes, allait aux prêtres sans 
pouvoir être racheté. Lev., xxvn, 28; Num., xvm, 14; 
Ezech., xliv, 19. 

10° Restitutions. — Quand un coupable voulait réparer 
le préjudice causé au prochain, il rendait le bien mal 
acquis avec majoration d'an cinquième, et si le lésé 
n'était plus là et n'avait plus de représentant, la resti- 
tution profitait aux prêtres. Num., v, 6-10. Cf. Schûrer, 
Geschichte, t. u,p. 243-257; F. Buhl, La société Israélite 
d'après l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 135-139. 

X. USAGE des RESSOURCES. — 1° Centralisation. — Cer- 
taines ressources, à raison de leur nature même, comme 
le pain, la viande, etc., ne pouvaient être portées au 
loin. On les remettait donc au prêtre là où il se trou- 
vait. Cf. Terumoth, II, 4. D'après Challa, IV, 8, 9, on 
pouvait remettre à tout prêtre le pain, le produit de 
l'anathème, les animaux premiers-nés, l'argent du ra- 
chat du fils prem}er-né, celui du premier-né de l'âne, 
les morceaux de l'animal abattu, la toison. Tout le reste 
était centralisé à Jérusalem. II Par., xxxr, 11, 12; 
II Esd., xii, 43; xm, 5; Mal., m, 10. 



2° Répartition. — Les ressources sacerdotales, au 
moins celles qui étaient apportées à Jérusalem, se ré- 
partissaient entre tous les prêtres. Sous Ézéchias, les 
distributions se faisaient dans les villes sacerdotales par 
des lévites préposés à ce service. II Par., xxxi, 15-19. 
Les prêtres qu'une difformité corporelle écartait du ser- 
vice de l'autel avaient part aux distributions au même 
titre que lesautres. Lev., xxi, 22. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
III, xii, 2; Bell, jud., V, v, 7; Sebachim, xii, 1. 

3" Consommation. — Les choses très saintes ne pou- 
vaient être consommées que par les prêtres seuls dans 
le Temple; on en comptait dix : les quadrupèdes du 
sacrifice expiatoire, les oiseaux du même sacrifice, les 
victimes pour le délit certain, celles pour le délit dou- 
teux, celles des sacrifices pacifiques publics, le log 
d'huile du lépreux, les deux pains de la Pentecôte, les 
pains de proposition, les restes des oblations et la gerbe 
pascale. On en comptait quatre autres qui devaient être 
utilisées à Jérusalem même : les premiers-nés des ani- 
maux, les prémices, ce qu'on réservait dans le sacrifice 
du nazaréen et les peaux des victimes très saintes. En- 
fin, il y en avait dix dont on pouvait faire usage hors de 
Jérusalem : la terumah, la dîme des dîmes, le pain de 
la challa, ce qui provenait des animaux abattus, le prix 
du rachat du fils premier-né, celui du premier-né de 
l'âne, le champ voué à Jéhovah, le champ de l'anathème 
et le produit de la restitution dévolue aux prêtres. 
Cf. Reland, Antiquitates sacrx, p. 97, 98. Tous ces 
biens, à l'exception des dix premiers qualifiés de « choses 
très saintes », pouvaient être utilisés par le prêtre et sa 
famille, femmes, filles et esclaves; mais elles étaient 
interdites au mercenaire et à la fille mariée à un homme 
qui n'était pas prêtre. Lev.,xxn, 1-16. Dans tous les cas, 
il fallait être en état de pureté légale pour participer à 
l'usage de ces biens. 

4° Condition économique des prêtres. — La législa- 
tion assurait ainsi, d'une manière assez large, la subsi- 
stance des prêtres. Car, ce n'étaient pas seulement • 
leurs compatriotes de Palestine qui leur versaient de 
multiples redevances; ceux de la dispersion ne man- 
quaient pas de remplir leur devoir à cet égard. Cf. Cha l- 
la, iv, 7-11 ; Chullin, x, 1 ; Philon, De monarch., n, 3; 
Leg. ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, t. n, p. 224, 568, 
592; Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2; XVI, vi, 2-7; Ci- 
céron, Pro Flacco, 28, etc. D'autre part, les prêtres 
n'avaient pas à s'occuper des besoins du culte, puisque 
des redevances spéciales y pourvoyaient. Rien ne les 
empêchait d'acquérir des propriétés en dehors de leurs 
villes, et, à ce point de vue, ils étaient assimilés aux 
autres Israélites. III Reg., n, 26; Jer., i, 1; etc. Mais, 
en tant que prêtres, ils n'avaient pas d'autre propriété 
territoriale que celle qui leur était assignée par la Loi, 
et comme les redevances qui leur étaient servies étaient 
à peu près toutes de nature mobilière, il n'y avait pas 
à craindre que la propriété foncière s'accumulât entre 
leurs mains. Au retour de la captivité, Artaxerxès ne 
voulut pas que les prêtres et les autres ministres du 
Temple fussent soumis aux impôts communs. I Esd., vu, 
24. Sans doute, le nombre des prêtres avait augmenté 
avec le temps ; mais les autres familles israélites s'ac- 
croissaient dans la même proportion que celle d'Aaron, 
et, avec la population, augmentaient les sacrifices, les 
dîmes et les autres sources de revenus. Dieu avait ainsi 
voulu assurer à ses prêtres une situation honorable aux 
yeux d'un peuple qui regardait l'aisance et la prospé- 
rité temporelle comme les marques habituelles de la 
faveur divine. H ne fallait pas non plus que les prêtres 
de Jéhovah fissent trop mauvaise figure à côté de ceux 
des dieux égyptiens et babyloniens, et des prêtres schis- 
matiques ou idolâtriques de leur voisinage immédiat. 
Tous auraient donc pu vivre à l'aise si les redevances 
recueillies leur avaient toujours été équitablement ré- 
parties. 



655 



PRÊTRE 



656 



XI.'LES PBÉ1RBS DANS L'HISTOIRE. — 1° De Moïse aux 

rois. — Le sacerdoce aaronique établi par Moïse ne fut 
pas installé sans opposition, comme le montre la ré- 
volte des rubénites Dathan et Abiron, qu'appuya le lé- 
vite Coré et à laquelle prirent part deux cent cinquante 
Israélites, « princes de l'assemblée, appelés au conseil 
et hommes de renom. t> Num., xvi, 1-2. Il fallut un 
châtiment terrible pour faire prévaloir la volonté de 
Jéhovah, et encore les Israélites ne se soumirent-ils pas 
de bon gré à la leçon qui leur était donnée, de sorte 
qu'il fallut que le châtiment recommençât pour les 
mettre à la raison. Num., xvi, 41-49. Une loi nouvelle 
rappela ensuite à tous le respect qu'ils devaient au prêtre 
et au juge : « Tu les consulteras, et ils te feront con- 
naître ce qui est conforme au droit... Tu agiras selon 
la loi qu'ils enseigneront et selon la sentence qu'ils au- 
ront prononcée, sans te détourner ni à droite ni à gau- 
che de ce qu'ils t'auront fait connaître. Celui qui, se 
laissant aller à l'orgueil, n'écoutera pas le prêtre qui se 
tient là pour servir Jéhovah, ton Dieu, ou qui n'écou- 
tera pas le juge, sera puni de mort. » Deut., xvii, 942. 
Dès lors, on ne vit plus se produire de protestation sé- 
rieuse contre le sacerdoce issu d'Aaron. Les prêtres 
exercèrent la fonction qui leur était dévolue dans les 
marches et dans les combats, Num., x, 5-10; au passage 
du Jourdain, Jos., m, 13-17, et à la prise de Jéricho. 
Jos., vi, 12-16. — Du temps des Juges, on Vit un simple 
lévite entrer comme prêtre au service d'un Éphraïmite, 
du nom de Michas, moyennant dix sicles d'argent par 
an, une provision de vêtements et la nourriture. 
Jud., xvii, 10. Il fut ensuite enlevé par les Danites qui 
le prirent à leur service, puis installèrent à Lais, comme 
prêtres, des descendants de- Gersam, fils de Moïse. 
Jud., xviii, 19, 20, 30. Ces prêtres, bien que lévites, 
étaient aussi illégitimes que le culte qu'ils exerçaient. 
Leur tentative demeura isolée. — La faiblesse du grand- 
prêtre Héli fut cause que ses fils deshonorèrent le sa- 
cerdoce par leur rapacité, attirèrent le mépris des Israé- 
lites sur les sacrifices et provoquèrent de terribles châ- 
timents, la défaite d'Israël par les Philistins, la prise 
de l'Arche, la mort d'Héli et leur propre mort. I Reg., n, 
12-17; iv, 1-18. Samuel fut suscité par Dieu pour réta- 
blir l'honneur du sacerdoce et du culte divin. Il était 
de la tribu de Lévi, mais non de la famille d'Aaron, 
puisqu'il descendait de Lévi par Coré. I Par., vf, 34-38. 
« Moïse et Aaron parmi ses prêtres, et Samuel parmi 
ceux qui invoquent son nom, » dit le Ps. xcix (xcvm), 
6. Un homme de Dieu dit à Héli, de la part du Sei- 
gneur : « Je me susciterai un prêtre fidèle, qui agira 
selon mon cœur et selon mon âme; je lui bâtirai une 
maison stable et il marchera toujours devant mon oint. 
Et quiconque restera de ta maison viendra se prosterner 
devant lui pour avoir une pièce d'argent et un morceau 
de pain, et il dira : Mets-moi, je te prie, à quelqu'une 
des fonctions du sacerdoce, afin que j'aie un morceau 
de pain à manger. » I Reg., n, 35, 36. La prophétie se 
réalisa quand le pontificat fut enlevé à Abiathar, qua- 
trième successeur d'Héli, de la descendance d'Éléazar, 
pour être conféré à Sadoc, de la descendance d'Ithamar, 
quatrième fils d'Aaron. III Reg., il, 26, 27, 35. Les petits- 
fils et descendants d'Héli en furent alors réduits à exer- 
cer les fonctions de simples prêtres. Il est bien dit, 
dans un commentaire faussement attribué à saint 
Jérôme, In I ad Cor., i, 1, t. xxx, col. 717, que le « prê- 
tre fidèle » n'était autre que Samuel. Mais saint Jérôme 
lui-même, Queest, hebr. in I Reg., t. xxx, col. 1333, 
n'exprime nullement cet avis, et enregistre seulenient 
l'opinion de ceux qui pensent que tout le passage IReg., 
Il, 27-36, se rapporte à une époque antérieure et a été 
inséré ici pour l'honneur de Samuel. Saint Augustin, 
De Civ. Dei, xvii, 5, 2, dit également qu'il ne peut pas 
s'agir ici de Samuel, qui était lévite, mais non de la 
famille d'Aaron. Cf. Cont. Faustum, xh, 33, t. xlii, 



col. 271. Les fonctions déjuge et de prophète n'exigeaient 
nullement le sacerdoce, et si Samuel conféra l'onction 
royale à Saûl, IReg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, 
il ne paraît pas qu'il fallût être prêtre pour cet office. 
IV Reg., ix, 6. Mais Samuel offrait des sacrifices, IReg., 
vu, 9, 10; ix, 8;EccH.,xlvi, 19(16): « Il offrit un agneau 
encore à la mamelle. » Aucun reproche n'est adressé 
au prophète à ce sujet. C'est donc qu'il agissait en vertu 
d'une inspiration divine, ou qu'il n'offrait de sacrifices 
que par le ministère habituel des prêtres. Voir Samuel. 
2° Sous les rois. — Le transport définitif de l'Arche 
à Jérusalem fixa dans la nouvelle capitale le culte de 
Jéhovah, et David offrit des sacrifices d'actions de- 
grâces et des holocaustes. II Reg., VI, 17. Il le fit, 
bien entendu, par le ministère des prêtres, pour ne 
pas encourir la réprobation qui avait frappé Saûl. 
I Reg., xiii, 9-14. En Egypte, les pharaons étaient les 
souverains sacrificateurs. Dieu ne voulait pas qu'il en 
fût ainsi en Israël ; il y maintint toujours très formel- 
lement la prérogative qu'il avait attribuée à la descen- 
dance d'Aaron. David s'occupa de l'organisation du 
culte à Jérusalem; il divisa les prêtres en vingt-quatre 
classes, de concert avec Sadoc et Achimélech, afin 
d'assigner à chaque classe son tour de service. 
I Par., xxiv, 1-19. Les prêtres figuraient aussi dans 
l'armée et y exerçaient même des commandements. 

I Par., xh, 27, 28; xxvii, 5, 6. Avec Salomon, l'organi- 
sation préparée par David commença à fonctionner 
dans le nouveau Temple. II Par., vm, 14, 15. Après lui, 
les choses changèrent de face. Les prêtres avaient leurs 
villes sacerdotales ; mais un bon nombre d'entre eux 
s'étaient établis dans tout le pays. Ils y avaient avan- 
tage, parce que, tout en restant assurés des ressources 
générales de leur ordre, ils pouvaient profiter en plus 
des redevances locales qu'il était impossible ou qu'il 
n'était pas nécessaire de centraliser à Jérusalem. Le 
schisme de Jéroboam les obligea à se replier sur le 
territoire du royaume de Juda et à abandonner ainsi 
la plus grande partie du pays précédemment occupé. 

II Par,, xi, 13, 14. Il dut en résulter une certaine gêne 
pendant quelque temps; car le nombre des prêtres res- 
tait à peu près tel qu'à l'époque de David et de Salo- 
mon, alors que le royaume de Juda était seul désor- 
mais à assurer leur subsistance, et rares furent ceux 
d'Israël qui continuèrent à s'acquitter des redevances 
légales. Tob., i, 6-8. La situation fut souvent aggravée 
par l'idolâtrie des rois et celle du peuple, ce qui com- 
mença dès le règne de Roboam. II Par., XII, 1. Il est 
évident que ceux qui se détournaient de Jéhovah pour 
passer au culte des idoles ne se préoccupaient guère 
d'acquitter leurs redevances envers le sacerdoce aaro- 
nique. Beaucoup de prêtres durent être souvent ré- 
duits, comme les descendants d'Héli, à solliciter une 
fonction active dans le service du culte, afin d'avoir un 
morceau de pain à manger. I Reg., n, 36. — Sous les 
ordres du grand-prêtre Joïada, les prêtres et les lévites 
furent les agents actifs de la révolution qui détrôna 
Athalie, pour mettre à sa place le roi légitime, Joas. 
IV Reg., xi, 4-16; II Par., xxm, 1-15. Quelques années 
plus tard, Joas blâma la négligence des prêtres qui 
n'avaient pas dignement entretenu la maison du Sei- 
gneur, et prit des mesures pour faire tout remettre en 
état. IV Reg., xu, 6-16; II Par., xxrv, 4-14. Le roi 
Ozias, qui eut la témérité d'imiter Saûl et de s'ingérer 
dans une fonction qui n'appartenait qu'aux prêtres,, 
fut frappé de Dieu, toujours jaloux de faire respecter 
les prérogatives de son sacerdoce. IV Reg., xv, 5; 
II Par., xxvi, 16, 21. Ézéchias rouvrit les portes du 
Temple fermées par Achaz, y rétablit' les prêtres dans 
leurs fonctions, restaura le culte de Jéhovah, fit re- 
prendre par le peuple l'habitude de s'acquitter deff 
redevances sacrées et en assura l'équitabte répartition.. 
II Par., xxix, 3-xxxi, 21. — Pendant son long règne- 



657 



PRÊTRE 



658 



de cinquante-cinq ans, Manassé installa le culte 
idolâtrique dans le Temple même, sans que les prêtres 
paraissent avoir fait une sérieuse opposition à un tel 
attentat. II Par., xxxm, 2-10; IV Reg., xxi, 2-9. Les 
prophètes seuls protestèrent, bien qu'inutilement. 
IV Reg., xxi, 10-15. Une dernière restauration du culte 
eut lieu sous Josias, avec le concours du grand-prêtre 
Helcias. IV Reg., xxn, 3-xxui, 28; II Par., xxxiv, 8- 
xxxv, 19. — A travers toutes ces vicissitudes de la re- 
ligion, selon le caprice des rois infidèles, on ne voit 
guère les prêtres prendre un parti décisif en faveur 
du culte de Jéhovah. Les prophètes nous donnent le se- 
cret de cette apathie. Il n'y avait évidemment pas à 
compter, pour maintenir le peuple dans la fidélité, sur 
les prêtres d'Israël, qui n'avaient qu'un sacerdoce fictif 
et dont Osée décrit l'ignorance, la scélératesse et le 
châtiment prochain. Ose., iv, 6-9; v, 1-9; vi, 6-10. En 
Juda même, les prêtres se laissaient entraîner au mal. 
Déjà Isaïe, xxvm, 7, 8, reproche leurs ignobles ivresses 
aux prêtres qui ont à rendre la justice. Cf. Is., lvi, 
10-12. Sophonie, m, 4, accuse les prêtres de profaner 
les choses saintes et de violer la loi. Jérémie, prêtre 
lui-même, donne des détails significatifs sur la con- 
duite des autres prêtres. Ils ne s'inquiètent pas de 
Jéhovah et n'ont de pensée et de culte que pour les 
idoles et pour 1' « armée des cieux ». Jer., h, 8, 26; 
vni; 1, 2; cf. Ezech., xliv, 12. Les faux prophètes sont 
leurs oracles, Jer., v, 31, le mensonge est leur loi. 
Jer., vi, 13; vin, 10. « Prophètes et prêtres sont des 
profanes, et dans ma maison même, j'ai trouvé leur 
méchanceté, dit Jéhovah. » Jer., xxm, 11. Comme les 
rois, les chefs et le peuple, les prêtres ont tourné le 
dos à Dieu. Jer., xxxii, 32. 11 n'est donc pas étonnant 
que le châtiment terrible soit tombé sur Jérusalem et 
tout le pays, « à cause des péchés de ses prophètes, 
des iniquités de ses prêtres qui répandaient dans son 
enceinte le sang des justes. » Lam., iv, 13. Ézéchiel, 
prêtre lui aussi, formule les mêmes accusations : 
« Les prêtres ont violé ma loi et profané mon sanc- 
tuaire ; ils ne distinguent pas entre le saint et le pro- 
fane, ils n'enseignent pas la différence entre celui qui 
est souillé et celui qui est pur, ils détournent les 
yeux de mes sabbats et je suis profané au milieu d'eux. » 
Ezech., xxn, 26. Les chefs des prêtres eux-mêmes mul- 
tipliaient les transgressions et profanaient la maison de 
Jéhovah. Il Par., xxxvi, 14. Aussi devinrent-ils vic- 
times de la captivité, avec le peuple qu'ils n'avaient pas 
su maintenir dans le devoir. Tous les prêtres ne furent 
pas transportés, sans doute; les pauvres furent laissés 

fn Palestine. Mais au milieu d'une population amoin- 
rie et ruinée, sans Temple et sans culte, ils ne pou- 
vaient que végéter misérablement. Il ne resta plus 
en fonction dans le pays que ces prêtres improvisés 
en Samarie après la première déportation, et qui 
alliaient sacrilègement le culte de Jéhovah à celui des 
dieux étrangers. IV Reg., xvn, 27-41. 

3° Après la captivité. — Avec Zorobabel revinrent 
en Palestine quelques milliers de prêtres, 4289 d'après 

I Esd., il, 36-39, et II Esd., vu, 39-42. On dut écarter, 
au moins provisoirement, ceux qui ne furent pas à 
même de fournir la preuve de leur descendance aaro- 
nique. II Esd., u, 61-63. Les prêtres reprirent l'exer- 
cice de leurs fonctions, selon la loi de Moïse, 1 Esd., 
m, 2; vi, 18; H Esd., vin, 14; x, 29, 34, et partici- 
pèrent à tout ce qui se fit pour la reconstruction du 
Temple et des murs de la ville. Les prêtres revenus de 
l'exil appartenaient à quatre familles, I Esd., n, 36-38; 

II Esd., vu, 39-42. Ces quatre familles comprenaient 
vingt-deux chefs au temps du grand -prêtre Josué, 
Il Esd., xn, l-7 r et du grand-prêtre Joakim, II Esd., 
xii, 12-21. A l'époque d'Esdras, des Israélites, et même 
des prêtres et des lévites prirent pour épouses des 
étrangères, contrairement à la Loi. I Esd., ix, 1, 2. 



Dix-sept prêtres, dont les noms sont cités, s'étaient 
rendus coupables de cette infraction; ils jurèrent de 
renvoyer leurs femmes et d'expier leur faute. I Esd., 
x, 18-22. Plus tard, Néhémie chassa le fils même du 
grand-prêtre, qui s'était allié à une étrangère. II Esd., 
xiii, 28. Il s'en faut que tout fût parfait parmi les 
prêtres de ce temps. Malachie, i, 6-14, leur reproche 
sévèrement d'offrir à l'autel des victimes indignes de 
Dieu. Il leur annonce le châtiment qui les frappera, 
Mal., il, 1-9; m, 2-3, et prédit à cette occasion l'obla- 
tion pure qu'un jour Dieu substituera aux anciennes 
victimes. Mal., i, 10, 11. On comprend que, dans ces 
conditions, l'influence religieuse qu'auraient pu exercer 
les prêtres ait passé peu à peu aux mains des scribes. 
Voir Scribes. — Les devoirs envers le prêtre étaient 
néanmoins rappelés au peuple. Osée, iv, 4, avait com- 
paré les Israélites impies à « celui qui aurait un pro- 
cès avec le prêtre », c'est-à-dire qui contesterait ses 
droits légitimes au vrai prêtre de Jéhovah et mérite- 
rait ainsi les plus graves châtiments. Deut., xvn, 12. 
Le fils de Sirach recommande de rendre aux ministres 
du Seigneur ce qui leur est dû : 

Crains le Seigneur de toute ton âme, 
Et tiens ses prêtres en grand honneur. 
Aime de toutes tes forces celui qui t'a fait, 
Et ne délaisse pas ses ministres. 
Crains le Seigneur et honore le prêtre, 
Donne-lui sa part, comme il est prescrit : 
La victime pour le délit avec le don des épaules, 
La sainte obîation et les prémices dues aux saints. 
Eccli., vir, 31-34. 

Il fait ensuite l'éloge du grand-prêtre Simon, qui 
officiait si majestueusement et autour duquel les autres 
prêtres remplissaient leurs fonctions saintes. Eccli., l, 
1-21. — Sous la domination des rois de Syrie, le prêtre 
Matathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Judas, Éléazar 
et Jonathas, prirent l'initiative d'un soulèvement na- 
tional pour délivrer le pays du joug étranger et réta- 
blir le culte de Jéhovah dans sa splendeur. I Mach., 
n, 1-5. Ils réussirent dans leur double entreprise. Us 
donnèrent eux-mêmes l'exemple de l'obéissance à 
toutes les prescriptions de la loi mosaïque. Ils gouver- 
nèrent le peuple juif avec une indépendance complète 
à partir de Simon, en l'an 142, jusqu'à la prise de 
Jérusalem par Pompée, en l'an 63. Jonathas, en 161, 
fut même investi du souverain pontificat, qui resta 
dans la famille machabéenne jusqu'en l'an 37 et passa 
successivement à huit grands-prêtres après Jonathas. 
Voir Grand-prêtre, t. m, col. 306; Machabées, t. iv, 
col. 480-487. Il est probable qu'un certain nombre de 
prêtres se laissèrent entraîner aux pratiques idolâ- 
triques mises à la mode par les rois de Syrie; car il 
est noté que, pour purifier le sanctuaire, Judas Macha- 
bée « choisit des prêtres sans défauts, attachés à la 
loi de Dieu ». I Mach., iv, 42. Les prêtres prenaient 
part aux luttes soutenues par leurs chefs, et plusieurs 
périrent dans les combats, parfois par leur propre 
imprudence. I Mach., v, 67. Quand Nicanor menaça les 
prêtres de détruira le Temple s'ils ne lui livraient 
Judas Machabée, ceux-ci en appelèrent à Dieu pour les 
secourir et ils furent exaucés; II Mach., xiv, 31-34. — 
Vers l'an 160, Onias IV, fils du grand-prètre Onias III, 
éleva un temple à Léontopolis, en Egypte, et, sous sa 
direction, des prêtres aaroniques y célébrèrent le -culte 
suivant les règles mosaïques, tout en se maintenant 
en relations avec le sacerdoce de Jérusalem. Cette en- 
treprise ne fut pas bien vue des Juifs de Palestine. 
Voir Onias IV, t. iv, col. 1818-1819. 

4° A partir de Jésus-Christ. — Quand Jean-Baptiste 
commença sa prédication, on envoya de Jérusalem des 
prêtres et des lévites pharisiens pour lui demander ce 
qu'il était. Joa., i, 19, 24. C'étaient des représentants 
du sanhédrin, exerçant ainsi le droit qu'il avait de sur- 



659 



PRÊTRE 



660 



veiller les manifestations religieuses qui se produi- 
saient dans le pays. — Notre-Seigneur lui-même 
semble avoir eu peu de rapports avec les prêtres. Il 
reconnaît cependant la légitimité de leur ministère 
dans le Temple, Matth., xn, 4, 5, et renvoie à leur 
examen le lépreux qu'il a guéri. Matth., vin, 4; Marc, 
i, 44; Luc, v, 14. — Depuis que le pontificat suprême 
était tombé sous la dépendance absolue du pouvoir 
civil, qui se réservait la nomination du grand-prêtre, 
c'est-à-dire depuis Hérode, le haut sacerdoce se recru- 
tait dans la secte des sadducéens, qui ne croyaient pas 
à Ja vie future et ne songeaient qu'aux honneurs, aux 
richesses et à la jouissance. Parmi les descendants 
d'Aaron, les riches seuls étaient admis à exercer leurs 
fonctions dans le Temple, avec la faculté de les exploi- 
ter conformément à leurs intérêts. Les autres prêtres 
vivaient dans l'abandon, la pauvreté et l'ignorance. 
Des grands-prêtres en vinrent à faire piller par leurs 
serviteurs les greniers contenant des dîmes destinées 
aux prêtres, si bien que ceux-ci mouraient de misère. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vm, 8; ix, 2. Ceux qui 
jouissaient de la faveur des grands n'en avaient pas 
plus d'influence morale pour cela. Ils ne se préoccu- 
paient plus que de la forme matérielle du culte, surtout 
dans ce qu'il avait d'honorifique et de lucratif. Il n'est 
pas surprenant que, dans ces conditions, leur influence 
morale fût à peu près nulle sur le peuple. Déjà même 
les meilleurs prêtres aaroniques eussent été impuis- 
sants à procurer le salut de leur nation et à travailler 
à celui de l'humanité, parce que la religion qu'ils re- 
présentaient n'avait pas grâce pour assurer ce bien et 
d'ailleurs touchait à sa fin. Notre-Seigneur le donne à 
comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui 
représente le prêtre de l'ancienne loi passant auprès 
du malheureux blessé et ne faisant rien pour lui, par 
impuissance plus encore que par mauvais vouloir, 
Luc, x, 31. Beaucoup de ces pauvres prêtres s'en ren- 
dirent compte; la grâce aidant, une multitude d'entre 
eux obéirent à la foi chrétienne. Act., vi, 7. — Bien 
que les prêtres influents au point de vue politique 
appartinssent à la secte sadducéenne, Act., v, 17; 
cf. Josèphe, Ant. jud., XX, îx, 1, il s'en faut cepen- 
dant qu'on ait le droit d'identifier le sacerdoce avec le 
sadducéisme. Les principaux seuls se rattachaient à la 
secte; beaucoup d'autres étaient pharisiens, et les pha- 
risiens défendaient avec zèle les droits légitimes du 
sacerdoce et lui reconnaissaient la première place dans 
la théocratie. Cf. Ckagiga, n, 7; Horayoth, m, 8; 
Gitlin, v, 8. Leur opposition ne visait que les prêtres 
inféodés au sadducéisme et au pouvoir civil, étranger 
à la nation. Au temps des Machabées, la hiérarchie 
sociale se composait de quatre éléments : le grand- 
prêtre, le sénat ou le conseil des anciens, les prêtres 
et le peuple. I Mach., xn, 6; xiv, 20. A l'époque évan- 
gélique, les prêtres n'étaient pas déchus de ce rang. 
Un certain nombre d'entre eux faisaient même partie 
du sanhédrin, soit dans la classe des grands-prêtres, 
soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes. 
Voir Sanhédrin. Dans les synagogues, les prêtres 
avaient la préséance; ils étaient appelés les premiers 
à faire la lecture. Cf. Gittin, v, 8. — Le sacerdoce 
judaïque, aboli en droit par la mort de Jésus-Christ, 
le fut en fait par la ruine définitive du Temple. On 
voulut croire d'abord que le désastre n'était que pro- 
visoire, comme au temps des Chaldéens. Les doc- ■• 
teurs suspendirent donc le paiement des redevances 
qui avaient pour objet l'entretien du Temple et l'exer- 
cice public du culte; mais les autres furent maintenues 
et on les acquitta, en général, là où se trouvaient des 
prêtres. Cf. Schekalim, vin, 8. Mais il fallut ensuite 
se rendre à l'évidence. Les prêtres avaient perdu leur 
raison d'être, puisqu'il n'y avait plus de fonctions ri- 
tuelles à remplir. Ils furent remplacés par les docteurs 



ou rabbins, qui n'avaient pas besoin de temple pour 
une religion privée de sacrifice et réduite au service 
des synagogues. 

IV. Sacerdoce chrétien. — 1» Sacerdoce de Jésus- 
Christ. — 1 . Jésus-Christ a été le prêtre par excellence 
de la loi nouvelle. Il a été appelé à cette fonction par 
Dieu même, qui déjà s'était réservé d'appeler, en la 
personne d'Aaron, les prêtres de la loi ancienne, Heb., 
v, 4, 5. Cet appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : « Tu 
es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui, » Ps. n, 7, 
et encore : « Tu es prêtre pour toujours selon l'ordre 
de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. — Notre-Seigneur 
n'est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. 
Son sacerdoce ne se rattache donc pas à celui d'Aaron. 
11 est prêtre selon l'ordre de Melchisédech, c'est-à-dire 
à la manière de ce « roi de justice » et « roi de paix », 
dont l'Écriture n'indique pas la généalogie, mais auquel 
Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui- 
même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de 
Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d'Aaron; il a 
sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs 
qu'Abraham a rendus à Melchisédech. Heb., vu, 1-7. — 
Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu 
ne lui ayanj; jamais promis l'exercice perpétuel de ses 
fonctions; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns 
aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce 
de Jésus-Christ a été établi avec serment : « Le Sei- 
gneur l'a juré, il ne s'en repentira pas : Tu es prêtre 
pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et 
ne se transmet point, parce que celui qui le possède 
est toujours vivant. Heb., vu, 20-25. — Les prêtres lévi- 
tiques étaient sujets au péché; se souvenant de leur 
faiblesse, ils étaient capables de se montrer indulgents 
envers les autres, mais devaient nécessairement com- 
mencer par offrir des sacrifices pour eux-mêmes. Jésus- 
Christ est un grand-prêtre « saint, innocent, sans 
tache, séparé des pécheurs, élevé au-dessus des cieux ». 
Il n'a donc pas besoin d'offrir de victimes pour lui- 
même; mais il s'est offert pour les péchés du peuple 
et a été exaucé pour sa piété. Heb., v, 1-9; vit, 26-28. 
— Les prêtres anciens exerçaient leur ministère dans, 
des sanctuaires faits de main d'homme, le Tabernacle 
et le Temple; il y avait là un Saint des saints caché 
par un voile, et de multiples prescriptions charnelles 
auxquelles les prêtres étaient assujettis. Le ministère 
sacerdotal de Jésus-Christ, après avoir commencé sur 
terre, s'exerce maintenant « à la droite du trône de la 
majesté, dans les cieux », où est assis Jésus-Christ, 
« comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle, 
qui a été dressé parle Seigneur, et non par un homme, » 
et il y est « toujours vivant pour intercéder » en faveur 
des hommes. Heb., vu, 25; vm, 1, 2; ix, 1-11. — Les 
sacrifices des anciens prêtres se multipliaient indéfini- 
ment, parce qu'ils étaient inefficaces et ne pouvaient 
procurer que la pureté de la chair. Le sacrifice de 
Jésus-Christ est unique, parce qu'il purifie les âmes 
elles-mêmes, abolit le péché une fois pour toutes, a une 
vertu toute puissante et assure le salut éternel à ceux 
qui veulent en profiter. Heb., v, 9; vu, 25; ix, 12-14. 
Jésus-Christ a donc été revêtu d'un véritable sacer- 
doce, supérieur au sacerdoce lévitique par son origine, 
son unité, sa sainteté et son efficacité. — 2. « Tout 
grand-prêtre, pris d'entre les hommes, est établi pour 
les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin 
d'offrir des oblations et des sacrifices pour les péchés. » 
Heb., v, 1. Jésus-Christ n'a offert qu'un seul sacrifice 
« par lequel il a procuré la perfection pour toujours à 
ceux qui sont sanctifiés. » Heb., x, 14. Ce sacrifice est 
celui de la croix, que le sacrifice eucharistique repré- 
sente et continue. Voir Sacrifice. Cf. De Condren, 
Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, Paris, 1858, 
p. 19-45. — 3. Les Pères appliquent à Jésus-Christ les 
paroles du Psaume xlv (xliv), 8 : « Le Seigneur t'a 



661 



PRÊTRE — PRIAPE 



662 



oint d'une huile d'allégresse. » Plusieurs ont pensé 
que cette onction s'éfait faite au jour du baptême; il 
est plus exact de dire, avec d'autres, que cette onction 
remonte au moment même de l'incarnation et que 
Jésus-Christ a été fait prêtre en même temps que fait 
homme. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XI, ix, 3-14; 
XII, xi, 1-11. 

2» Les prêtres de l'Église. — 1. Le sacerdoce de 
Jésus-Christ étant un sacerdoce éternel, qui ne se trans- 
met.pas parce que celui qui le possède est toujours 
vivant, il suit de là que les prêtres de la loi nouvelle 
ne peuvent être que les organes du prêtre éternel, mais 
invisible. Cf. S. Optât, De schismate Donatist., v, 3, 
4, t. xi, col. 1051 ; S. Augustin, In Joa., v, 17, 18, 20, 
t. xxxv, col. 1423, etc. Jésus-Christ les prend où il 
veut, en les appelant lui-même par une vocation inté- 
rieure, contrôlée extérieurement par le jugement de 
l'Église. I Tim., v, 22. Comme sa religion et son 
Église sont établies pour tous les peuples et pour 
tous les temps, il ne s'astreint pas à prendre ses 
prêtres dans une race spéciale; il les choisit partout. 
Le prophète l'avait prédit : « Le temps est venu de ras- 
sembler toutes les nations et toutes les langues... 
J'enverrai... vers les îles lointaines qui n'ont jamais 
entendu parler de moi et qui n'ont pas vu ma gloire, 
et ils publieront ma gloire parmi les nations... Et j'en 
prendrai même parmi eux pour prêtres et pour lévites, 
dit Jëhovah. » Is., lxvi, 18-21. Ainsi devait être pro- 
curé l'accomplissement de la prophétie de Malachie, i, 
11, annonçant l'offrande de l'encens, des sacrifices et 
de l'oblation pure, en tous lieux parmi les nations. — 
2. Jésus-Christ lui-même a institué le sacerdoce de la 
loi nouvelle. Il a confié à ses Apôtres le pouvoir de 
gouverner l'Église, Matth., xvi, 19; xvm, 18, de célé- 
brer le sacrifice eucharistique, Luc, xxn, 19; 1 Cor., 
xi, 25, de remettre les péchés, Joa., xx, 23, d'enseigner 
et de baptiser, Matth., xxxvm, 19,20; Marc, xvr, 15; 
Luc, xxiv, 47, etc. Les Apôtres ont exercé ces pouvoirs 
et les ont transmis à d'autres par l'imposition des mains. 
I Tim., iv, 14; II Tim., i, 6. Voir Ordination, t. iv, 
col. 1853. De très bonne heure, il y eut comme un dé- 
doublement du sacerdoce. Les Apôtres eux-mêmes, 
qui en étaient revêtus dans sa plénitude, instituèrent 
les diacres, Act., vi, 1-6, chargés de certains minis- 
tères qu'eux-mêmes remplissaient tout d'abord. Voir 
Diacre, t. n, col. 1401. Les ministres institués par les 
Apôtres pour leur succéder et administrer les églises 
étaient appelés indifféremment ÉniaxÔTtoc, « surveil- 
lants », Phil., i, 1, et itpes6vTipot, « anciens ». L'an- 
cien nom hébraïque, kohên, était donc abandonné 
et remplacé par des noms grecs plus intelligibles pour 
les convertis du monde gréco-rdinain. On laissait égale- 
ment de côté le nom grec t'sps'j;, que portaient les 
prêtres païens et que gardaient aussi les prêtres juifs. 
Saint Paul disait encore de son temps aux « prêtres » 
d'Éphèse, tov; TipsuëutÉpou; (majores natu dans la Vul- 
gate), que Dieu les avait constitués « évêques », imayr.6- 
7iouç, pour régir l'Église de Dieu. Act., xx, 17, 28. Ces 
ministres gouvernaient collectivement les églises qui 
leur avaient été confiées par les fondateurs. Act, xiv, 
22; xx, 17; TU., I, 5; I Pet., v, 1-5; Jacob., v, 14; 
Doclr. Apost., xv, 1. Mais cet ordre supérieur ne 
tarda pas à être dédoublé à son tour. Dès le commen- 
cement du second siècle, d'importantes églises sont gou- 
vernées par un chef unique, qui est appelé évêque. Voir 
Ëvéoue, t. n, col. 2121-2126. On peut affirmer que cet 
épiscopat unitaire a fonctionné dès l'organisation des 
églises de Jérusalem, de Rome, probablement d'An- 
lioche, etc. Cf. Duchesne, Hist. ancienne de l'Église, 
Paris, 1. 1, 1906, p. 84-95; Pourrat, La théologie sacra- 
meniaire, Paris, 1907, p. 283-286. Le sacerdoce chrétien 
se trouva ainsi, presque à l'origine, partagé entre trois 
ordres, l'épiscopat, qui en avait la plénitude, le pres- 



bytérat, qui en exerçait presque tous les pouvoirs, mais 
sous l'autorité de t'évêque, et le diaconat, qui ne jouissait 
que de pouvoirs inférieurs et restreints. Cf. Conc. Trid., 
Sess. xxm, can. 6, 7; D. A. Gréa, De l'Église et de sa 
divine constitution, Paris, 1885, p. 271-306. — 
3. Saint Paul recommande à son disciple Timothée de 
n'imposer trop vite les mains à personne. I Tim., v, 22. 
11 faut en effet que le sujet qui désire exercer le minis- 
tère sacré et ses fonctions excellentes soit examiné et 
éprouvé au préalable, parce que le ministre du Sei- 
gneur doit se « montrer, dans le service de Dieu, 
comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'ait point 
à rougir, dispensant avec droiture la parole de vérité. » 
II Tim.,. n, 15. L'Apôtre indique donc les qualités 
exigées du candidat à l'épiscopat ou au sacerdoce. Il 
faut qu'il soit irréprochable, qu'il n'ait été marié qu'une 
fois; le célibat n'était pas encore requis pour le sa- 
cerdoce, que cette exigence eût alors rendu impossible 
à recruter, mais les secondes noces constituaient un 
obstacle au ministère sacré. Il doit encore être 
vï)ipâ>,io;, sobrius, sobre ou modéré dans ses désirs, 
prudent, x6<t[moî, omatus, bien ordonné (pudique ajoute 
la Vulgate), hospitalier, capable d'enseigner. Il ne doit 
pas être adonné au vin, ni violent, mais doux, paci- 
fique (non querelleur, ajoute la Vulgate), désinté- 
ressé, gouvernant bien sa maison, maintenant ses en- 
fants dans la soumission en toute gravité, o-£[/,vôt»)ç, 
castitas. Car celui qui ne sait pas gouverner sa maison 
serait incapable de prendre soin de l'Église de Dieu. 
11 ne faut pas non plus qu'il soit un nouveau converti, 
de peur que la dignité si vite obtenue ne le porte à un 
damnable orgueil. Il est enfin nécessaire qu'il jouisse 
de la considération de ceux du dehors, afin de ne pas 
tomber dans l'opprobre et de là dans les pièges du 
diable. 1 Tim., m, 1-7. Saint Paul reproduit un pro- 
gramme analogue à l'usage de Tite. Il appelle l'évêque 
ou le prêtre ®eoû oîxovô^oç, « administrateur de la 
maison de Dieu », Dei dispensator. Il veut surtout 
qu'il soit « fermement attaché à la doctrine, afin d'être 
en état d'exhorter selon la saine doctrine et de réfuter 
ceux qui la contredisent ». Tit., i, 6-9. — L'Apôtre 
supplie Timothée de faire l'œuvre d'un prédicateur de 
l'Évangile et d'être tout entier à son ministère, Siaxo- 
via. II Tim., iv, 5. La même recommandation est 
adressée à Archippe, de Colosses. Col., iv, 17. — Le 
prêtre de la loi nouvelle, comme celui de l'ancienne, a 
le droit de vivre de son ministère. 1 Cor., ix, 4-12; 
1 Tim., v, 17, 18. — Il se peut qu'il ne soit pas^toujours 
à son devoir. On ne doit accueillir d'accusation contre 
lui que sur la déposition de deux ou trois témoins. 
S'il est coupable, on le reprendra publiquement, afin 
d'inspirer de la crainte aux autres, mais on ne devra 
agir ni par prévention, ni par faveur. I Tim., v, 19-21. 
— Saint Jean, III Joa., 9, signale un certain Diotré- 
phès qui exerçait dans une église une orgueilleuse et 
intolérante autorité. Il écrit aussi aux « anges » des 
sept églises, c'est-à-dire à leurs chefs spirituels, pour 
leur rappeler leurs devoirs, les féliciter ou les blâmer, 
selon qu'ils le méritent. Apoc, H, l-m, 22. 

Sur le sacerdoce attribué par certains textes aux 
simples fidèles, voir Ordre, t. iv, col. 1855. 

H. Lesêtre. 

PRIAPE, dieu de la fécondité des champs dans la 
mythologie grecque et latine. On le faisait naître de Bac- 
chus et de Vénus et l'on plaçait ses statues de forme 
indécente dans les jardins. On lui sacrifiait des boucs 
et des ânes. Ses fêtes s'appelaient priapées. On l'hono- 
rait particulièrement à Lampsaque. Il n'est pas nommé 
dans Je texte original des Écritures, mais saint Jérôme 
a traduit par son nom le mot hébreu miflêsét, 
III Reg., xv, 13; II Par., xv, 16, voir Idole, m, 35°, 
t. m, col. 825, parce que miflését désigne, d'après le 
contexte, un objet idolâtrique obscène en l'honneur 



663 



PRIAPE — PRIÈRE 



664 



d'Aslarthé que la reine Maacha honorait et faisait ho- 
norer par un culte impur. Saint Jérôme l'a rendu par 
Priape pour donner à ses lecteurs latins l'idée de ce 
qu'était cette sorte d'idole. Elle était en bois et le roi 
Asa, fils ou plutôt petit-fils de Maacha, la fit brûler 
dans le torrent de Cédron, Voir Maacha, t. iv, col. 465. 

PRICE John, en latin Pricœus, savant anglais, né 
vers 1600, mort à Rome en 1676. Il était né de parents 
protestants et fut élevé à Oxford. Après avoir achevé 
ses études, il se convertit au catholicisme et fut obligé 
de quitter l'Angleterre pendant les guerres civiles. 
Après avoir vécu quelque temps à Paris, il alla s'éta- 
blir à Florence et devint ensuite professeur de grec à 
Pise. Il se retira finalement à Rome au couvent des 
Auguslins où il mourut. Il avait une connaissance 
étendue des littératures classiques et il en fit un usage 
utile pour l'explication des Saintes Écritures par des 
notes courtes mais judicieuses. On a de lui : Matthxus 
ex Sacra Pagina, sanctis Patribus, etc., illustratus, 
in-8°, Paris, 1646; Adnolationes in Epistolam Jacobi, 
in-8», 1646; Acta Apostolorum ex Sacra Pagina, San- 
ctis Patribus, etc., illwtrata, in-8°, Paris, 16i7; Com- 
mentarii in varios Nevi Teslamenti libros; his acces- 
serunt Adnolationes in Psalmorum librum, in-f°, 
Londres, 1660, et dans les Critici sacri, t. v, 824, 
p. 362. Voir Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 362; 
S. Lee, Dictionary of national Biography, t. xlvi, 
1896, p. 330. 

1. PRIÈRE (hébreu : fefillâh, (el.iinnâh; chaldéen : 
bâ'û; Septante: t\>x~r\, 8éï)trt;, itpo<xeuj(''i > Vulgate : 
oratio, supplicatio, preces), acte par lequel l'homme 
s'adresse à Dieu pour lui rendre hommage ou solliciter 
sa bienveillance. — Pour les Hébreux, prier c'est sur- 
tout « invoquer le nom de Jéhovah », qdrâ' beSém 
yehovdh, lm*.a\eXaf)'aii tô ovo|iaxupfou toO 6eoû, invocare 
nomen Domini. Gomme habituellement le nom de 
Dieu se prend pour Dieu lui-même, l'expression hé- 
braïque revient à signifier « invoquer Dieu », l'appeler 
à son aide ou le nommer pour le louer. Gen., iv, 26; 
xii, 8; Deut., xxxn, 3; Ps. lxxix (lxxviii), 6; xcix 
(xcv(u), 6; cv (civ), 1; Is., lxiv, 7; Jer., x, 25; Lam., 
m, 55; Soph., m, 9; etc. 

I. Nature de la prière. — 1° Son caractère instinctif. 
Rien ne paraît plus naturel à l'homme que de tourner 
les- yeux vers une puissance supérieure pour l'appeler 
à son aide. De quelque nom qu'il désigne cette puis- 
sance, il l'invoque, parce que d'elle il attend des biens 
ou redoute des maux. C'est là un fait qui a été constaté 
chez tous les peuples de tous les temps. Cf. A. Bros, 
La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907, 
p. 276-304. Au commencement de la Bible, la prière n'est 
pas mentionnée dans l'histoire des premiers parents. 
Ce silence semble indiquer qu'elle a gravement manqué, 
soit immédiatement avant la chute, pour appeler le se- 
cours de Dieu contre le tentateur, soit immédiatement 
après, pour exprimer le repentir. Mais les rapports dans 
lesquels Adam et Eve ont tout d'abord été avec Dieu ne 
se conçoivent pas sans la prière, c'est-à-dire sans l'ex- 
pression de pensées, de sentiments et de désirs ma- 
nifestés- à Dieu dans le langage de l'homme. Cette 
expression est même si impérieusement commandée à 
l'homme par la conscience qu'il a de sa dépendance 
vis-à-vis d'un auteur et d'un maître, qu'elle jaillit ins- 
tinctivement de son âme. Dès lors, la prière ne résulte 
pas d'une institution positive; elle est d'ordre naturel, 
et la Bible n'avait pas à en enregistrer le précepte. 
A la seconde génération après Adam, Énos commence à 
invoquer le nom de Jéhovah. Gen., iv, 26. Quel que 
soit le sens véritable de ces paroles, elles n'en 
marquent pas moins une accentuation et un progrès 
dans l'idée et dans la pratique de la prière. Celle-ci 



est en pleine vigueur sous Noé, puisque ce patriarche 
offre un sacrifice avec un rite déjà ancien, et que le 
sacrifice n'est qu'une prière en action. Gen-, vm, 20. 
Par la suite, si haut qu'on remonte vers les origines 
des anciens peuples, on rencontre toujours des dieux, 
un culte, des sacrifices, institutions inséparables de la 
prière. Cf. Sap., xm, 2, 10, 17-19. La prière se trompe 
souvent dans la désignation de l'être auquel elle 
s'adresse, mais elle répond à un besoin instinctif que 
ressent chaque conscience et qui se constate chez tous 
les hommes. 

2» Sa dépendance de Vidée de Dieu. — L'idée que 
chaque peuple se fait de Dieu détermine nécessaire- 
ment la manière dont il le prie. A mesure que cette 
idée se déforme chez les peuples de l'antiquité, la 
prière passe de plus en plus au pur formalisme. De 
même que les dieux sont soumis à une sorte de néces- 
sité inéluctable qui limite leur bon plaisir, ainsi la 
prière doit s'accommoder servilement à des règles exté- 
rieures dont la négligence ruine toute possibilité de 
crédit auprès de divinités plus ou moins soumises à la 
volonté aveugle du destin. 11 en est ainsi chez les 
Égyptiens. De multiples et impérieuses formalités 
s'imposaient, comme condition indispensable, à celui 
qui voulait obtenir la faveur du dieu. De plus, « les 
formules qui accompagnaient chacun des actes du sa- 
crificateur comprenaient un nombre déterminé de 
mots, dont les séquences et les harmonies ne pouvaient 
être modifiées en quoi que ce soit, ni par le dieu lui- 
même, sous peine de perdre leur efficacité... Une note 
fausse, un désaccord entre la succession des gestes et 
l'émission des paroles sacramentelles, une hésitation, 
une gaucherie dans l'accomplissement d'un seul rite 
et le sacrifice était nul. » Maspero, Histoire ancienne, 
t. i, p. 124. En Babylonie se faisait sentir le même 
asservissement aux rites. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. i, p. 704, 705; Fr. Martin, Textes religieux assyriens 
et babyloniens, Paris, 1903, p. xx-xxvii. Le formalisme 
n'est pas moins outré dans la religion de la Grèce et 
surtout de Rome. « Il ne suffit pas de connaître les 
attributs du dieu qu'on veut prier, il est bon de lui 
donner son nom véritable, sans, quoi il serait capable 
de ne pas entendre... Même quand on invoque le plus 
grand d'entre eux, on lui dit : Puissant Jupiter ou 
quel que soit le nom que tu préières. Le nom du dieu 
trouvé, il faut savoir les termes exacts de la prière 
qu'il convient de réciter... Ces prières sont souvent 
très prolixes. Le Romain qui prie a toujours peur de 
mal exprimer sa pensée; il a soin de répéter plusieurs 
fois les choses pour être parfaitement compris... Quant 
aux disposilions de l'âme qu'il faut apporter à la 
prière, la religion romaine ne s'en occupe pas; elle 
s'arrête aux pratiques. Pour elle, les gens les plus reli- 
gieux sont ceux qui connaissent le mieux les rites. » 
G. Boissier, La religion romaine, 1884, t. i, p. 12-15; 
Dbllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., 
Bruxelles, 1858, t. i, p. 306-311; t. m, p. 112, 113; 
Fustel de Coulanges, La cité antique, Paris, 7 e édit.* 
p. 194-197. — Il y a un abîme entre cette conception 
mécanique de la prière et l'idée que nous en donne la 
Bible. Le premier exemple de prière un peu étendue 
qu'elle nous fournit est le dialogue qu'Abraham engage 
avec Dieu au sujet de Sodome. Gen., xvm, 16-32. Le 
Dieu d'Abraham n'est pas une entité rigide, inaccessible 
à tout sentiment désintéressé de bonté et de compas- 
sion et liée d'ailleurs par un inéluctable destin. C'est 
un père du genre humain, qui traite Abraham en ami, 
ne lui révèle les desseins de sa justice que pour pro- 
voquer son intercession, et exauce ses prières succes- 
sives avec une telle condescendance que celui qui sup- 
plie s'arrête plus tôt que celui qui exauce. Les autres 
prières bibliques procèdent toutes de ce même esprit. 
L'Israélite sait qu'il parle à un Dieu attentif, bon, mi- 



665 



PRIÈRE 



666 



séricordieux, généreux, patient, indifférent aux for- 
mules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments 
du cœur. Sans doute, un jour, les pharisiens étendront 
leur formalisme aux règles de la prière elle-même; 
mais Notre-Seigneur viendra bientôt pour détruire 
leur œuvre néfaste et rendre à la prière de l'homme 
son caractère d'appel simple, naturel, cordial et con- 
fiant de la créature au Créateur bon et puissant, de 
l'enfant à son Père des cieux. Aussi n'est-il pas éton- 
nant que les prières bibliques, les Psaumes en parti- 
culier, s'inspirant de sentiments si vrais et en même 
temps si élevés, aient pu traverser les âges et soient 
devenues, même après le passage du Sauveur, les 
prières de l'humanité. 

3° Ses fins. — Chez les anciens peuples polythéistes, 
la prière, à peu d'exceptions près, était devenue une 
formalité destinée à procurer les biens ou à écarter les 
maux d'ordre temporel. Cicéron, Sat. deor., m, 36, pou- 
vait dire : « Jamais personne n'a considéré la vertu 
comme un présent de la divinité. On appelle Jupiter le 
dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu'il nous 
rend justes, sobres et sages, mais parce qu'il nous 
donne la santé, le bonheur, la fortune et l'abondance. » 
Sans doute, les Israélites, comme tous les autres 
hommes, ont été plus sensibles aux biens temporels 
qu'aux avantages spirituels, et les premiers ont été 
fréquemment appelés par leurs prières. Mais, chez eux, 
la prière intéressée n'a pas été exclusive des autres. La 
Sainte Écriture renferme un grand nombre de prières 
qui ont des fins plus relevées : 1. La prière latreutique 
ou d'adoration. Ce genre de prière se reconnaît dans 
les Psaumes vm, xxrv (xxm),xcxiii (xcxii), xcv (xcrv), 
xcvii (xcvr), xcix (xcvm), cxm (cxii), etc. ; dans le 
cantique des trois jeunes gens, Dan., ni, 52-90; dans 
les acclamations d'îsaïe, vi, 3, et de saint Jean, Apoc, 
vu, 12; xi, 17-18; xv, 3-4; xvi, 5-7, etc. — 2. La 
prière eucharistique ou d'actions de grâces. Elle est 
fréquente dans la Bible. A ce genre appartiennent le 
cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; le cantique 
d'Anne, I Reg., n, 1-10; celui de David, II Reg., xxn, 
2-51^]les Psaumes xxxiv (xxxiii), xl (xxxix), lxx (lxix), 
cxxiv (cxxm), etc.; les cantiques de Tobie, xra, 1-23, 
et de Judith, xvi, 2-21; ceux de Marie, Luc, i, 46-55, 
et de Zacharie, Luc, i, 68-79, etc. — 3. La prière 
impétratoire ou de demande. La prière pour demander 
les biens d'ordre temporel se rencontre continuelle- 
ment, surtout dans l'Ancien Testament. L'Évangile lui- 
même enregistre les nombreuses requêtes de malheu- 
reux qui réclament leur guérison ou celle de, leurs 
proches. Ces demandes sont conformes à l'ordre de la 
Providence, et la meilleure preuve en est qu'elles sont 
très souvent exaucées. Mais les biens spirituels sont 
aussi l'objet de la prière. Ainsi Salomon demande la 
sagesse et l'intelligence, II Par., i, 10; des Psalmistes 
prient pour « connaître le sentier de la vie », Ps. xvi 
{xv), 11, pour revoir bientôt le sanctuaire du Dieu 
qu'ils aiment, Ps. xlh (xli), 2, 3, pour obtenir « un 
cœur pur» et « un esprit ferme », Ps. m (li), 12, pour 
que Dieu donne au roi l'esprit de justice et d'équité, 
Ps. lxxii (lxxi), 1, 2, pour qu'il accorde la connais- 
sance et l'amour de sa loi, Ps. cxix (cxvm), etc.; on 
prie Dieu d'envoyer du ciel sa sagesse, afin que l'on 
connaisse ce qui lui est agréable. Sap., ix, 4, 10. Quand 
ils conjurent si souvent le Seigneur d'envoyer le Messie, 
les prophètes demandent le bien spirituel par excel- 
lence, celui qui doit être pour l'humanité la source de 
tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en 
requêtes spirituelles, celles du don de Dieu, Joa., iv, 
10-15, du pain de vie, Joa., vi, 34, de l'accroissement 
de la foi, Marc, ix,23; Luc, xvn, 5, de la vue du Père, 
Joa., -xiv, 8, et toutes celles qui sont formulées dans 
les Actes des Apôtres ou dans leurs Épîtres. Ces re- 
quêtes répondent à l'invitation si formelle du divin 



Maître qui a recommandé de « chercher d'abord le 
royaume de Dieu et sa justice ». Matth., vi, 33. — 
4. La prière propitiatoire ou de repentir. Elle est re- 
présentée par les Psaumes de pénitence, vi, xxxii 
(xxxi), xxxvin (xxxvn), li (l), cil (ci), cxxx (cxxix), 
cxliii (cxm), les prières de saint Pierre, Luc, v, 8, et 
du publicain, Luc, xvm, i'à, etc. 

4» La prière type. — 1. Le Sauveur a daigné lui 
même l'enseigner à ses Apôtres. C'est le Pater, qui 
donne une si haute et si complète idée de ce que doit 
être la prière. Matth., vi, 9-13; Luc, x, 2-4. Cette prière 
ne renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement 
caractéristique de la religion chrétienne et qui ne puisse 
convenir qu'aux enfants de l'Église du Christ. Notre- 
Seigneur a voulu qu'elle fût par excellence la prière de 
l'humanité. Dieu y est présenté comme Père, par consé- 
quent comme celui auquel les hommes peuvent s'adres- 
ser en toute confiance, Père qu'on ne doit pas s'étonner 
de ne pas voir, puisqu'il est dans les cieux, mais dont 
la puissance et la bonté s'exercent de là-haut sur les 
enfants qu'il a sur la terre. Les trois premières 
demandes : « Que. votre nom soit sanctifié, que votre 
règne arrive, que votre volonté soit faite sur la 
terre comme au ciel », se rapportent à la gloire de 
Dieu, que l'homme souhaite et qu'il doit travailler à 
procurer par son obéissance. Ainsi l'homme satisfait 
au double devoir de l'adoration et de l'action de grâces. 
Sa prière passe ensuite à la demandé, quand elle 
détermine les biens qui sont attendus de la munifi- 
cence divine, pour le corps, le pain de chaque jour, 
pour l'âme, la préservation de la tentation, pour les 
deux ensemble, la délivrance du mal. Enfin le repen- 
tir a son expression dans les paroles : « Pardonnez- 
nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux 
qui nous ont offensés, » paroles qui font de t la charité 
fraternelle la preuve du repentir sincère. Ces choses 
sont exprimées en peu de mots, pour indiquer que 
Dieu tient plus aux sentiments du cœur qu'à la lon- 
gueur des formules. C'est la prière par excellence, tant 
par son origine que par sa simplicité et la perfection de 
ses demandes. — 2. Avec la leçon, Notre-Seigneur a 
tenu à donner l'exemple de la prière. Nul doute que la 
prière n'ait consacré le temps de sa- vie cachée. Pen- 
dant sa vie publique, aussitôt après son baptême, il est 
en prière quand le Père le fait connaître comme son 
Fils. Luc, m, 21. Au cours de ses tournées évangé- 
liques, il se lève de grand matin et va prier dans la 
solitude. Marc, i, 35. Après la guérison du lépreux, 
pour échapper à l'empressement indiscret des foules, 
il se retire dans le désert et y prie. Luc, v, 16. Avant 
de choisir ses Apôtres, il passe la nuit en prière sur la 
montagne. Luc, vi, 12. Après la multiplication des 
pains, il se retire seul sur la montagne pour prier. 
Matth., xiv, 23; Marc, vi, 46. Il était encore seul à 
prier, avant de demander à ses Apôtres ce qu'on pensait 
de lui. Luc, ix, 18. Sur la montagne de la transfigura- 
tion, il prie, et c'est pendant sa prière que son visage 
se met à resplendir. Luc, ix, 28, 29. A la suite d'une 
de ses prières, les Apôtres lui demandent de leur ap- 
prendre à prier. Luc, xi, 1. Ces quelques indications 
des Évangélistes montrent que la prière tenait la plus 
grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de 
toutes les occasions pour s'isoler et prier, sans parler 
des prières qu'il faisait publiquement avec ses Apôtres, 
sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple. 
La prière sanctifie surtout la dernière journée de 
Notre-Seigneur, au cénacle, Matth., xxvi, 30; Marc.,xiv, 
26; Joa., xvn, 1-26, à Gethsémani, Matth., xxvi, 36; 
Marc, xiv, 32; Luc, xxn, 41, et sur la croix. Luc, xxm, 
34; Matth., xxvn, 46; Marc, xv, 34; Luc, xxm, 46. 
L'Épître aux Hébreux, v, 7,'dit que, « dans les jours de 
sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes 
des prières et des supplications à celui qui pouvait le 



667 



PRIERE 



668 



sauver de la mort, et fut exaucé pour sa piété. » Cet 
exemple montre déjà quelle importance a la prière 
dans la religion et, en général, dans les relations de 
l'homme avec Dieu. 

II. Sa. nécessité. — Il y a, surtout dans l'ordre natu- 
rel, une foule de biens que Dieu accorde même à ceux 
qui ne le prient pas. « Il fait lever son soleil sur les 
méchants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les 
justes et sur les injustes. » Matth., v, 45. Mais beaucoup 
de biens, principalement dans l'ordre spirituel, ne 
peuvent être accordés qu'à ceux qui les demandent par 
la prière. « Sachant que je ne pouvais obtenir la sagesse 
si Dieu ne me la donnait, et c'était déjà de la prudence 
que savoir de qui vient ce don, je m'adre ssai au Sei- 
gneur et je l'invoquai. » Sap., vin, 21. Pour faire com- 
prendre cette nécessité de la prière, Notre-Seigneur se 
sert de deux exemples. Un ami déjà couché ne se lève 
que quand son voisin vient avec insistance le solliciter 
pour lui emprunter du pain. Autrement, il ne se lèverait 
pas et n'irait pas au-devant de ses désirs. En consé- 
quence, « demandez et l'on vous donnera, cherchez et 
vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. Qui de- 
mande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on 
ouvre... Si vous, qui êtes méchants, vous savez donner 
ce qui est bon à vos enfants, combien plus votre Père 
du haut du ciel donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le 
lui demandent! » Luc, xi, 5-13. Pour montrer « qu'il 
faut toujours prier sans se lasser », le Sauveur met 
encore en scène une pauvre veuve qui n'obtient gain 
de cause auprès d'un juge inique qu'à force d'instances. 
Puis, comparant Dieu à ce juge inique, il conclut qu'à 
plus forte raison ceux qui s'adressent à lui seront 
exaucés. Luc, xvm, 1-8. Le Sauveur prescrit à ses 
Apôtres de veiller et de prier, afin de ne pas entrer en 
tentation. Matth., xxvi, 41. Saint Jacques, iv, 2, dit aux 
chrétiens que, s'ils n'obtiennent pas, c'est qu'ils ne 
demandent pas. — De là les exhortations pressantes à 
la prière fréquente, Luc, xvm,l ; « Priez sans cesse, » 

I Thés., v, 17; Soyez « assidus à la prière, » Rom., xn; 
12; « persévérez dans la prière, » Col., iv, 2; s soyez 
prudents et sobres, pour vaquer à la prière. » I Pet., iv, 
7. Dans les circonstances graves, les Apôtres et les 
chrétiens avaient recours à la prière continue. Act., i, 
14; xn, 5. La vraie veuve « persévère nuit et jour dans 
les supplications et les prières. » I Tim., x, 5. Ces 
exhortations et ces exemples s'inspirent de la recom- 
mandation du Seigneur : « Veillez et priez sans cesse, 
afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous 
ces maux qui doivent arriver, et de paraître debout 
devant Je Fils de l'homme. » Luc, xxi, 36. 

III. Son efficacité. — Du commencement à la fin, 
la Sainte Ecriture témoigne de l'accueil bienveillant 
que Dieu fait à la prière. Gen., xxx, 17; Num., xxm, 
1; Deut, ix, 19; I Reg., vu, 9; III Reg., xvn, 22; 

II Esd., ix, 28; Ps. iv, 2; xvm (xvn), 7; xxxiv (xxxin), 
5; Is., xlix, 8; Dan., xm, 44; II Mach., i, 8; Luc, i, 
13, etc. Notre-Seigneur exauce presque tous ceux qui 
l'implorent. ILdonne les assurances les plus formelles 
sur l'efficacité de la prière. Matth., vu, 7-12; Luc, xi, 
1-13. « Je vous le dis de nouveau, si deux d'entre vous 
s'entendent sur la terre, quoi qu'ils demandent, ce leur 
sera accordé par mon Père qui est dans les cieux. » 
Matth., xvm, 19. « Tout ce que vous demanderez avec 
foi dans la prière, vous l'obtiendrez. » Matth., xxi, 22 ; 
Marc, xi, 2i. « Tout ce que vous demanderez à mon 
Père en mon nom, je le ferai, pour que le Père soit 
glorifié dans le Fils. » Joa., xiv, 13-14. « Si vous de- 
meurez en moi, et si mes paroles demeurent en vous, 
vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous 
arrivera. » Joa., xv, 1, 16. « Ce que vous demanderez à 
mon Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'à 
présent vous n'avez rien demandé en mon nom : 
demandez et vous recevrez. » Joa., xvi, 23, 26. En 



mettant au cœur de l'homme l'instinct naturel de la 
prière, Dieu s'était engagé à lui donner satifaction, el, 
par conséquent, à accueillir et à exaucer les prières 
qui lui seraient adressées. Notre-Seigneur corrobore 
puissamment la confiance de l'homme, en multipliant 
lui-même les promesses. « Nous avons auprès de Dieu 
cette pleine confiance que, si nous demandons quelque 
chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous 
savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous lui 
demandions, nous savons que nous obtenons ce que 
nous avons demandé. » I Joa., v, 14-15. La mort volon- 
taire de Jésus-Christ nous est un infaillible garant des 
promesses de Dieu. « Lui qui n'a pas épargné son 
propre Fils, mais qui l'a livré à la mort pour nous tous, 
comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes 
choses? » Rom., vm, 32. — Pour figurer l'efficacité de 
la prière, les auteurs sacrés se servent de métaphores 
expressives. La prière monte jusqu'au ciel, à la sainte 
demeure de Jéhovah, II Par., xxx, 27, devant la gloire 
du Dieu souverain, Tob., m, 25, en sa présence. 
Ps. lxxxviii (lxxxvii), 3. Elle s'élève comme l'encens. 
Ps. cxli (cxl), 2. Elle pénètre les nues. Eccli., xxxv, 
21. Quand il ne veut pas exaucer, Dieu se couvre d'une 
nuée, « afin que la prière ne passe point. » Lam., m, 
44. — Ce n'est pas à dire pourtant que la prière soit 
toujours efficace, au moins dans les termes où elle a 
été formulée. Dieu voit plus loin que celui qui le prie 
et sa sagesse règle l'action de sa bonté. Aussi saint 
Jean dit-il que Dieu nous écoute, si ce que nous lui 
demandons est « selon sa volonté ». I Joa., v, 14. 
Autrement, au bien demandé, il substitue un bien 
préférable. Il y a donc, dans la Sainte Écriture, des 
prières bonnes en elles-mêmes qui, pour ce motif, ne 
sont pas exaucées. Telles sont celle du possédé guéri 
qui demande à suivre Jésus, Marc, v, 18, 19; Luc, vm, 
38, 39, celle des fils de Zébédée et de leur mère, 
Matth., xx, 20-23; Marc, x, 35-40, et surtout celle du 
Sauveur à Gethsémani. Matth., xxvi, 39-44; Marc, xiv, 
36-40; Luc, xxn, 42. 

IV. Ses conditions. — Saint Jacques, iv, 3, écrit : 
« Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que 
vous demandez mal, avec l'intention de satisfaire 
vos passions. » Il y a donc des conditions à remplir 
pour être exaucé. La Sainte Écriture indique les sui- 
vantes: — 1° Conditions essentielles. — 1. La foi et la 
confiance. Comme il est impossible de plaire à Dieu sans 
la foi, il est de toute nécessité de croire pour s'approcher 
de Dieu utilement. Heb., xi, 6. Notre-Seigneur exige 
absolument cette foi. Matth., xxi, 22. Il la réclame or- 
dinairement de ceux qui le prient et les traite en con- 
séquence de leur fol. Matth., vm, 13; IX, 28; Marc, 
v, 36; ix, 22; xi, 23; Luc, vm, 50; etc. C'est la prière 
avec la foi qui soulage le malade. Jacob., v, 15. — 2. L'hu- 
milité. Dieu s'incline à la prière du petit. Ps. en (ci), 
18. C'est aux humbles qu'il accorde sa grâce. Jacob., 
iv, 6; I Pet., v, 5. La parabole du pharisien et du pu- 
blicain a pour but de faire comprendre la nécessité de 
l'humilité quand on parle à Dieu. Luc, xvm, 9-14. — 
3. La loyauté. Dieu veut que ceux qui lui demandent 
de faire leur volonté commencent par faire la sienne. 
« Jéhovah est près de tous ceux qui l'invoquent d'un 
cœur sincère. » Ps. cxlv (exuv), 18. « Il écoute la 
prière des justes. » Prov., xv, 29. Par conséquent, pour 
prier devant la face du Seigneur, il faut quitter ses 
péchés, diminuer ses offenses, détester le mal. Eccli., 
xvn, 24, 25. La prière de celui qui n'écoute pas la loi 
est une abomination. Prov., xxvm, 9. Elle est même 
réputée péché, c'est-à-dire qu'elle est offensante pour 
Dieu. Ps. cix (cvni), 7. « Quand-vous multipliez les 
prières, dit Jéhovah, je n'écoute pas... Lavez-vous, puri- 
fiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malice de vos 
actions. » Is., i, 15. — 4. La charité fraternelle. Le 
Sauveur en insère la condition dans le Pater même, et 



669 



PRIERE 



670 



il n'admet à prier devant l'autel que celui qui n'a aucun 
mauvais sentiment envers son frère. Matth., v, 23, 24. 
Il fait de l'union fraternelle un moyen d'être plus sûre- 
ment exaucé. Matth., xviii, 19,20. — 5. L'union à Dieu. 
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire, » dit le Sauveur. 
Joa., xv, 5. Cf. I Cor., xn, 3; II Cor., m, 5. Ceci s'ap- 
plique également à la prière. C'est pourquoi « l'Esp rit 
vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas 
ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans 
nos prières. Mais l'Esprit lui-même prie pour nous par 
des gémissements ineffables. » Rom., vm, 26. 

2° Conditions favorables. — Certaines pratiques ajou- 
tées à la prière peuvent la rendre plus efficace, com me 
le jeûne, Judith, îv, 8, 12; Bar., i, 5; II Esd., i, 4; 
Matth., xvii, 20; Marc, IX, 28; Act., Xiv, 22; l'aumône, 
Tob., xn, 8; Act., x, 4, et les larmes. I Reg., i, 10; Is., 
xxxvin, 5; Judith, xw, 6; Tob., m, H; vu, 13; xn, 12. 
La prière est d'ailleurs elle-même un remède à la tris- 
tesse. Jacob., v, 13. 

V. La prière pour les autres. — On ne prie pas seu- 
lement pour soi; l'intention de Dieu est que les hommes 
prient les uns pour les autres. Ainsi, 1» Abraham prie 
pour Abimélech, Gen., xx, 7, 17; le pharaon d'Egypte 
demande à Moïse et à Aaron de prier pour sa déli- 
vrance, Exod., vm, 8, 29, 30; ix, 28; x, 18; sur l'ordre 
de Dieu, Job prie pour ses amis, Job, xlii, 8, 10; Judith 
prie pour ses concitoyens, Judith, vm, 29; Sédécias 
demandée Jérémie de prier pour le peuple, Jer.,xxxvn, 
3, et le peuple renouvelle cette demande, Jer., xlii, 2, 
20; les exilés de Babylone sollicitent les prières de leur s 
frères de Jérusalem, Bar., i, 13; les Juifs de Jérusalem 
prient pour ceux d'Egypte. II Mach., i, 6. Le grand- 
prêtre Onias apparaît priant pour toute la nation, et 
disant de Jérémie : « Celui-ci est l'ami de ses frères, 
qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. » 
II Mach., xv, 12. — Dans la pensée de Notre-Seigneu r, 
la prière doit habituellement avoir un caractère collec- 
tif. Voilà pourquoi les demandes du Pater sont formu- 
lées au pluriel. En conséquence de cette indication et 
de la grande loi de la charité, les premiers chrétiens 
prient beaucoup les uns pour les autres. Saint Jacques, 
v, 16, le recommande à ses fidèles. Saint Paul réclame 
les ^prières de ses enfants dans la foi, Rom., xv, 30 ; 
II Cor., i, 11; Phil., i, 19; I Thés., v, 25, et il leur 
assure les siennes. Eph., i, 16; Phil., i, 3; I Thés., i, 
2; II Tim., i, 3; Philem., 4. Épaphras prie pour les 
Colossiens, rv, 12. — L'obligation de prier pour les 
autres s'impose plus spécialement aux pasteurs spiri- 
tuels, I Reg^ vu, 5; xn, 9, 23; II Mach., xv, 14; Col., 
i, 3, 9; II Thés., i, 11, etc. Notre-Seigneur prie pour 
ses disciples. Joa., xvn, 9,13, 20, 21. — 2° On prie pour 
les rois et les princes, même idolâtres, Bar., i, 11; 
I Esd., vi, 10, même persécuteurs. I Tim., H, 1-2. — 
Jérémie, xxix, 7, prescrit aux Israélites déportés à 
Babylone de prier Jéhovah pour cette ville dont la pros- 
périté leur profitera. — 3° On prie pour les persécuteurs. 
C'est une des lois les plus formelles de l'Évangile. 
Matth., v, 44; Luc, vi, 28; Rom., xn, 14. Elle a été 
consacrée par les exemples de Notre-Seigneur, Luc, 
xxm,34, et de saint Etienne. Act., vu, 60. — 4° On prie 
pous les morts. II Mach., xn, 44. Saint Paul prie pour 
Onésiphore, qui lui a rendu service à Rome et qui est 
mort depuis. II Tim., i, 15-18. Voir Onésiphore, t. iv, 
col. 1813. — 5° Dans le ciel, les prières des saints sont 
présentes devant le trône de Dieu. Ces prières sont 
celles des saintes âmes de la terre, offertes à Dieu par 
celles qui sont déjà au ciel. Apoc, v, 8; vm, 3, 4. 

VI. Les prières bibliques. — La Sainte Écriture 
renferme une foule de prières plus ou moins longues, 
par lesquelles les hommes s'adressent au Seigneur avec 
des Intentions diverses. Les plus caractéristiques sont 
les suivantes : 1» Dans V Ancien Testament : Abraham 
intercède en faveur de Sodome et poursuit sa requête, 



malgré la diminution progressive des chances de par- 
don. Gen., xviii, 23-32. — Jacob prie pour échapper à 
la colère d'Ésaû. Gen., xxxn, 9-12. — Moïse s'adresse 
souvent à Jéhovah, pour lui demander de l'eau douce, 
Exod., xv, 25; le pardon de son peuple, Exod., xxxn, 
11-13; la cessation d'un fléau, Num., xi, 2; l'éloigne- 
ment des serpents, Num., xxi, 8, etc. — David adresse 
ses louanges et ses actions de grâces au Seigneur, 
II Reg., vu, 18-29, et, dans les Psaumes dont il est 
l'auteur, il en renouvelle l'expression, en y joignant 
d'humbles demandes et des sentiments de repentir. — 
Salomon, à l'occasion de la dédicace du Temple, fait à 
Dieu une prière solennelle pour le remercier et implo- 
rer son assistance en faveur de ceux qui viendront 
l'implorer dans l'édifice sacré. III Reg., vm, 15-53; 
II Par., v, 4-42. Il avait d'ailleurs commencé son règne 
en demandant la sagesse. II Par., i, 8-iO. — Ézéchias 
prie pour que Dieu délivre son peuple de l'invasion 
assyrienne. IV Reg., xix, 15-19; II Par., xxxiji, 20. — 
Manassé en exil implore Jéhovah avec humilité et 
repentir. II Par., xxxn, 12. — Dans les écrits des pro- 
phètes, on trouve un bon nombre de prières : les can- 
tiques des rachetés, Is., xn, 1-6; xxvi, 1-19; la prière 
pour les captifs, Is., lxiv, 7-lxv, 12; les prières de 
Jérémie pour son peuple coupable, Jer., xiv, 7-22; ses 
plaintes à Jéhovah, Jer., xx, 7-18; Lam., m, 55-66; sa 
prière après la ruine de Jérusalem, Lam., v, 1-22; la 
prière de Baruch en faveur des exilés, Bar., n, 11-in, 
8; la prière d'Azarias dans la fournaise, Dan., m, 26- 
45, et le cantique d'actions de grâces qui la suivit, 
Dan., m, 52-90; la prière de Susanne, Dan., xm, 42, 
43; celle de Jonas, H, 3-10; le cantique de louanges 
de Michée, vu, 18-20; la prière d'Habacuc, m, 2-19, etc. 

— La plupart des Psaumes sont aussi des prières expri- 
mant les divers sentiments de l'âme bénie de Dieu, 
éprouvée ou' repentante. — Job interpelle Dieu fré- 
quemment et finit par une humble protestation de 
repentir. Job, xlii, 2-6. — Sara, fille de Raguel, de- 
mande la protection divine, Tob., m, 13-23, etTobie cé- 
lèbre la louange du Seigneur dans un cantique d'actions 
de grâces. Tob., xiii, 1-23. — Judith implore le secours 
de Dieu en faveur de son peuple, Judith, îx, 2-19, 
et ensuite exprime sa reconnaissance au Seigneur. 
Judith, xvi, 2-21. — Mardochée et Esther prient pour 
leur peuple menacé. Esth., xm, 9-17; xiv, 3-19. — 
Néhémie prie pour les enfants d'Israël, II Esdr., I, 5-11, 
et tout le peuple demande pardon et protection à Jéhovah. 
II Esdr., ix, 5-38. — L'auteur de la Sagesse, ix, 1-18, 
prêle à Salomon une prière pour demander la sagesse. 

— Celui de l'Ecclésiastique, xxm, 1-6, prie pour être 
préservé des péchés de langue, pour la délivrance 
d'Israël, Eccli., xxxvi, 1-17, et pour remercier le Sei- 
gneur de l'avoir tiré du péril. Eccli., li, 1-12. — On 
prie avant de livrer bataille. 1 Mach., 5, 33; xi, 71; 
II Mach., vm, 29; xv, 26, etc. 

2° Dans le Nouveau Testament. — Les cantiques de 
Marie, Luc, i, 46-55, de Zacharie, Luc, i, 68-79, et de 
Siméon, Luc, n, 29-32, sont des prières d'actions de 
grâces. — JJn grand nombre de prières, toutes très 
courtes, sont adressées à Notre-Seigneur par toutes 
sortes de personnes. Lui-même remercie son Père de 
la manière dont est répartie la grâce de la lumière, 
Matth., xi, 25, 26; il le prie à la dernière Cène, Joa., 
xvii, 1-26; au jardin des Olives, Matth., xxvi, 39-44; 
Marc, xiv, 36-39; Luc, xxn, 42, et sur la croix. Luc, 
xxm, 34, 46; Matth., xxvn, 46; Marc, xv, 34. —Au 
livre des Actes, des prières sont mentionnées en diverses 
occasions solennelles : pour l'élection de saint Mathias, 
1,24, 25; pour demander secours après la comparution 
des apôtres Pierre et Jean devant le sanhédrin, iv, 24- 
30; pour la délivrance de Pierre emprisonné, xn, 5. 

— Saint Jean termine son Apocalypse, xxn, 20, par un 
appel au Seigneur Jésus. 



671 



PRIÈRE 



672 



3° Prières sacramentelles. — Les Apôtres se consacrè- 
rent plus particulièrement à la prière et au ministère 
de la parole. Act., vi, 4. La prière devait accompagner 
nécessairement les actes par lesquels ils conféraient 
la grâce aux fidèles. Elle était inséparable de la fraction 
du pain, Matth., xxvi, 26; Act., n, 42, de l'imposition 
des mains, Act., vi, 6; xm, 3; xxviii, 8, de l'onction 
des malades, Jacob., v, 14, etc. 

VII. Usages concernant la prière. — i°Les formules. 

— Dans l'Ancien Testament, aucune formule spéciale de 
prière n'est indiquée comme devant être d'usage habi- 
tuel. Mais il y a un certain nombre de prières toutes 
préparées dans le recueil des Psaumes ; elles servaient 
surtout dans les cérémonies liturgiques. Des formules 
spéciales étaient imposées pour l'offrande des dîmes et 
des prémices. Deut., xxvi, 3-15. Pour l'ordinaire, il est 
probable qu'on s'inspirait des besoins du moment dans 
les prières que l'on adressait à Dieu. L'Oriental a d'ail- 
leurs une particulière facilité pour exprimer ses désirs 
et ses sentiments. La prière n'était pas toujours vocale. 
Anne parle à Dieu en son cœur et remue seulement les 
lèvres, sans que sa voix se fasse entendre. I Reg.,i, 13. 
Judith prie en silence et se contente de remuer les lèvres. 
Judith, xnr, G. Bien souvent, sans doute, des âmes 
pieuses et méditatives priaient intérieurement et don- 
naient un libre cours, sous le regard de Dieu seul, à 
l'expression de leurs pensées et de leurs sentiments. 

— A l'époque évangélique, la prière juive avait une for- 
mule bien déterminée, comprenant deux thèmes prin- 
cipaux, le Schéma et le Schemoné-Esré. Le Schéma se 
composait de trois passages bibliques : Deut., vi, 4-9 ;xi, 
13-21; Nom., xv, 37-41. Le premier morceau commence 
par le mot sema', « écoute, » d'où le nom donné à l'en- 
semble de la formule. Ces trois passages contiennent 
seulement des préceptes mosaïques et non des prières 
proprement dites. On les récitait comme nous récitons 
nous-mêmes soit notre symbole, soit les commande- 
ments de Dieu et de l'Église. On les accompagnait de 
bénédictions dites avant et après chacun de ces mor- 
ceaux. Le Schéma devait être récité le matin et le soir, 
en hébreu ou en une autre langue, par tous les Israé- 
lites, mais non par les femmes, les esclaves et les enfants. 
Berachoth, i, 1-4; m, 3; Sola, vu, 1. Les deux passages 
du Deutéronome, vi, 4-9; xi, 13-21, étaient écrits sur 
la mezuza, voir Mezuza, t. îv, col. 1057, et sur les phy- 
lactères. Voir Phylactères, col 350.Le Schemoné-Esré, 
semônéh 'ésrêh, s dix-huit », se composait de formules 
de bénédictions et de louanges en l'honneur de Dieu, 
presqu' entièrement empruntées aux Psaumes et aux 
prophètes. C'était pour les Israélites la fefillâh par excel- 
lence. Ces formules sont assez développées, mais, à 
l'époque évangélique, la rédaction actuelle n'était pas 
encore arrêtée. Le nombre en a été porté à dix-neuf. 
Tous les Israélites sans exception avaient à les réciter 
trois fois le jour, le matin, l'après-midi et le soir. Bera- 
choth, m, 3; IV, 1. Elles sont reproduites dans Scbûrer, 
Geschichte des jûd. Volkes ini Zeit. J. C, t. u, p. 461, 
462, et dans Stapfer, La Palestine au temps de J.-C-, 
Paris, 1885, p. 372-376. Les docteurs examinèrent une 
foule de cas concernant la récitation de ces formules. 

— Les plus dévots parmi les Juifs, ou du moins ceux 
qui tenaient à le paraître, ne manquèrent pas de mul- 
tiplier et d'allonger les formules de la prière. C'est déjà 
sans doute pour protester contre ces longueurs que 
Jean-Baptiste enseigna à ses disciples à prier. Luc, xi, 
1. Notre-Seigneur ne veut pas qu'on multiplie les pa- 
roles, comme les païens, et qu'on s'imagine qu'on sera 
esaucé à force de parler. Matth., vi, 7. Il reproche aux 
pharisiens hypocrites d'aller faire d'interminables priè- 
res chez les veuves, afin de tout dévorer chez elles. 
Matth., xxni, 14; Marc, xn, 40, Luc, xx, 47. La for- 
mule de prière qu'il enseigne à ses disciples est courte. 
Elle représente à peine en longueur la vingtième partie 



du Schemoné-Esré. Le Sauveur donne la raison de 
cette brièveté. Le Père céleste sait parfaitement ce dont 
nous avons besoin. Matth., vi, 32. Nous n'avons pas à 
le renseigner, mais seulement à lui témoigner notre 
confiance, notre soumission et notre amour. « Vous 
demanderez en mon nom, dit Notre-Seigneur, et je ne 
vous dis point que je prierai le Père pour vous, car le 
Père lui-même vous aime. » Joa., xvi, 26. 11 n'est donc 
pas nécessaire de lui exposer longuement un besoin. 
Ce n'est pas en répétant : « Seigneur, Seigneur! » 
qu'on est exaucé, c'est avant tout en faisant la volonté 
du Père. Matth., vu, 21. — En dehors du Pater, lés 
premiers chrétiens n'avaient guère d'autres formules 
de prières que les Psaumes et les Cantiques inspirés 
de l'Ancien et du Nouveau Testament. C'est peu à peu 
que d'autres formules entrèrent en usage parmi eux. 
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, 
p. 46-55. 

2° Les temps. — Les Israélites avaient l'habitude de 
prier trois fois le jour, le soir, le matin et au milieu 
du jour. Ps. lv (liv), 18. Trois fois par jour, Daniel se 
mettait à genoux et louait Dieu. Dan., vi, 10. La pra- 




173. — Égyptiens priant les mains étendues. 
D'après Wilkinson, Manners, t. n, p. 324. 

tique du Psalmiste qui, sept fois le jour, redisait les 
louanges du Seigneur, Ps. cxix (cxvni), 164, paraît 
avoir été exceptionnelle, bien qu'elle ait inspiré plus 
tard celle des sept heures canoniales du jour. Cf. Ba- 
cuez, Du Saint-Office, Paris, 1872, p. 284. Les Israé- 
lites récitaient le Schemoné-Esré le matin, l'après- 
midi, à l'heure de l'oblation, c'est-à-dire vers trois 
heures et le soir. Ils priaient également avant et après 
les repas. Voir Repas. Des prières spéciales étaient en 
outre prescrites pour le sabbat et les différentes fêtes 
de l'année. La prière avant le jour ou dès l'aurore est 
plusieurs fois mentionnée. Ps. lxxxvhi (lxxxvii), 14; 
Judith, xn, 5; Sap., xvi, 28, etc. La prière de la neu- 
vième heure ou de trois heures du soir, Act., m, 1, 
était celle qui accompagnait le sacrifice de l'après- 
midi. Saint Pierre priait également vers la sixième 
heure. Act., x, 9. Ces différentes indications bibliques 
ont déterminé le choix des heures auxquelles l'Église 
a fixé ses prières publiques, prime, au lever du jour, à 
l'heure de la prière du matin, tierce, à l'heure où se 
terminaient les sacrifices du matin, sexte, à l'heure 
consacrée par saint Pierre, none, à l'heure du sacri- 
fice du soir, vêpres, à l'heure de la prière du soir, 
c'est-à-dire à la chute du jour. ' 

3° Les lieux. — L'ancien sanctuaire, cf. I Mach., m, 
46, et plus tard le Temple ont été les rendez-vous in- 
diqués de la prière. Salomon suppose que l'on viendra 



«73 



PRIÈRE 



674 



fréquemment prier dans le Temple qu'il vient de con- 
sacrer. III Reg., vin, 28, 31, 33, 35, etc. Xe Temple 
était par excellence la « mai- 
son de la prière». Is., lvi, 
7; I Mach., vu, 37. Là, en 
effet, Dieu manifestait plus 
qu'ailleurs sa présence et 
sa grâce. C'est pourquoi 
Notre-Seigneur tint à inter- 
venir avec autorité pour 
faire respecter la destina- 
tion de cet édifice. Matth., 
xxi, 13; Marc, xi, 17;Luc, 
xix, 46. On se rendait donc 
au Temple pourprier. IReg., 
ï, 10-12; Luc, i, 10; xvm, 
10; Act., il, 46; m, 1, etc. 
En dehors du Temple, on 
priait en commun dans les 
synagogues,voirSïNAGOGUE, 
et dans de simples oratoi- 
res. Voir Oratoire, t. iv, 
col. 1850. Les particuliers 
priaient ensemble dans leur 
maison, ou bien, pour être 
seuls, ils se retiraient dans 
une chambre haute. III Reg., 
xvn, 19-23; IVReg.,iv, 10,33; Judith, ix,l; Dan.,vi,10; 
Act., x, 9, etc. Le Sauveur recommande à celui qui 
veut prier d'entrer dans sa chambre, d'en fermer la 




1174. — Carthaginois offrant 
un sacrifice, la main droite 
levée dans l'attitude de la 
prière. Chaton de bague 
sigiltaire en or. Musée La- 
vigerie à Carthage. 




175. — Personnage tenant la main droite levée dans 
l'attitude de l'adoration. Rasoir carthaginois (iv siècle 
avant J.-C). Musée Lavigerie à Carthage. Voir Delat- 
tre, La nécropole de Rabs, 3* année de fouilles, 
flg. 25, p. 22. 

porte et là, seul à seul, de s'adresser au Père qui est 
-présent dans le secret. Il blâme les hypocrites qui 
aiment à prier debout dans les synagogues et au coin 
des rues afin d'être vus des hommes. Matth., vi, 5- 
•6. Les chrétiens suivirent la recommandation du Sau- 

DICT. DE LA BIBLE. 



veur. I Cor., vu, 5. Les pharisiens avaient été amenés 
à prier dans les rues par une conséquence de leur 
casuistique. Les docteurs avaient réglé les heures aux- 
quelles devaient se réciter le Schéma et le Schemoné- 
Esré. Le bon pharisien sacrifiait le recueillement à la 
ponctualité servile. Il récitait la prière là où l'heure 
fixée le surprenait. Des règles spéciales déterminaient 
les cas dans lesquels il était alors permis de saluer ou 
du rendre un salut. Berachotk, H, 1-2. Sous prétexte 
de régularité, les pharisiens faisaient dégénérer en 
ostentation coupable ces prières en public, qui eussent 
été bien mieux dites dans la solitude et le recueille- 
ment, fût-ce avec plus ou moins de retard sur une 
heure arbitrairement fixée. Les docteurs permettaient 




176. • 



- Stèle funéraire. Attitude de la prière. 
Musée Lavigerie à Carlhage. 



aux ouvriers de faire la prière sur un arbre ou sur un 
mur, ce qui parfois pouvait avoir quelque raison d'être. 
Berachoth, h, 3, 4. Le principe que fait prévaloir, ici 
comme partout, Notre-Seigneur, c'est que les vaines 
réglementations des hommes sont à mettre de côté, 
quand elles sont un obstacle au vrai culte en esprit et 
en vérité. 

4° Les attitudes. — On priait ordinairement debout. 
1 Reg., i, 26; III Reg., vni, 22; Matth., vi, 5; Marc, 
xi, 25; Luc, xvnr, 11; Berachotk, v, 1; Taanith, n, 2 
(fig. 173-175). Quand on voulait témoigner d'une plus 
grande humilité ou prier avec plus d'instance, on se 
mettait à genoux. III Reg., vin, 54; II Par., vi, 13; 
xxix, 29; I Esd.,.ix, 10; Dan., vi, 10; Act., ix, 40; xx, 
36; xxi, 5, etc., ou même on se prosternait. Judith, 
ix, 1; II Esd., vm, 6; Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 
35, etc. On baissait parfois la tête. Ps. xxxv (xxxiv), 
13; Luc, xviii, 13. On étendait les mains, Is., i, 15, 
selon l'usage commun en Orient (fig. 176), on en frap- 
pait sa poitrine, Luc, xrai, 13, et surtout on les le- 
vait vers le ciel. III Reg., vm, 22; Lam., n, 19; m, 

V. — S2 



675 



PRIERE — PRIMAISE 



676 



41; I Esd., ix, 10; II Mach., m, 20; I Tim., H, 8, etc. 
(Bg. 177). Les Juifs tenaient beaucoup à ce qu'on les 
lavât avant de prier. Judith, xu, 7, 8. Le Zohar, Deul., 
f. 101, déclarait plus tard digne de mort quiconque 
priait les mains sales. Saint Paul fait allusion à cette 
exigence, mais il lui donne un sens moral. I Tim., n, 8. 
Cf. Tertullien, De oratione, 13, t. i, col. 1168. Le ca- 
non 241 d'Hippolyte dit cependant encore : « Qu'en tout 
temps le chrétien lave ses mains quand il prie. » Die 
Canànes Hippolyti, édit. H. Achelis, Leipzig, 1891, 
p. 130. Le lavement des mains subsiste toujours avant et 
pendant la célébration delà messe. — Pendant la prière, 
les Juifs se voilaient la tête; ils ont conservé depuis 




177. — Figurine carthaginoise (IV e siècle avant J.-C). 
Attitude de la prière. Musée Lavigerie à Carthage. 
Voir Delattre, La nécropole de Rabs, S' année de 
fouilles, flg. lût, p. 42. 

l'habitude de prier la tête couverte. Saint Paul déclare 
qu'il y a déshonneur pour un homme à prier la tête 
couverte, et déshonneur pour une femme à prier sans 
voile. I Cor., xi, 4, 5. Il ne vise que la prière publique. 
Les esclaves avaient habituellement la tête couverte; 
c'est pourquoi l'Apôtre veut que les chrétiens gardent, la 
tête nue, comme des hommes libres. La modestie com- 
mandait le contraire aux femmes. — Dieu avait fait 
du sanctuaire le centre de toute la vie religieuse de son 
peuple. Deut., XII, 5-7. Quand les .Israélites furent 
établis en Palestine, il ne leur fut possible de se rendre 
au sanctuaire et plus tard au Temple que de loin en 
loin. Ils prirent l'habitude de se tourner du côté du 
Temple pour prier. Salomon suppose cet usage en vi- 
igueur, III Reg., vin, 48; II Par., -vi, 34; Daniel, vi, 
11, et tous les Israélites s'y conforment. Cf. Beracholh, 
v, 5, 6; Siphre, 71 b; S. Jérôme, 7n Ezech., ni, 9, 



t. xxv, col. 83. Quand des prévaricateurs veulent se 
livrer à un culte idolàtrique, ils tournent le dos au 
Temple. Ezech., vm, 16. Toutefois, on a remarqué que 
la plupart des synagogues galiléennes dont il reste 
des ruines sont orientées du sud au nord. Pour prier 
selon la coutume, il aurait donc fallu se tourner du 
côté de la porte, ce qui paraît assez anormal, cf. Scliû- 
rer, Geschichte, t. II, p. 446, 453, à moins qu'on eût 
disposé les constructions tout exprès pour que, la porte 
étant ouverte, la prière pût se diriger vers Jérusalem 
sans se heurter à une muraille. — Les chrétiens adop- 
tèrent l'usage de prier tantôt debout, tantôt à genoux, 
et souvent les mains étendues (fig. 178). Il cessèrent 
naturellement de se tourner vers l'ancien Temple, 
pour prier de préférence vers l'orient, sans pourtant se 
faire une règle invariable de tourner leurs églises de 




178. — Orante chrétienne, à gauche. 
D'après Bullettino di archeol. cristiana, 1875, pi. 1. 

ce côté. Cf. Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes? 
Paris, 1877, p. 554, 666-669. Saint Paul veut qu'on prie 
en tout lieu. I Tim., n, 8. — Cf. Saubert, De precibus 
Hebreeorum, et Polemann, De ritu precandi veterum 
Hebrseorum, dans Ugolini, Thés., t. xxi; Voulliéme, 
Quoniodo veteres adoraverint, Halle, 1887. 

H. Lesêtre. 

2. PRIÈRE DE JOSEPH, écrit apocryphe. Voir Apo- 
cryphes (Livres), 7, t. î, col. 771. 

3. prière DE MANASSÉ, écrit apocryphe. Voir Me- 
nasse 8, t. iv, col. 651. 

PRIMAISE, en latin Primasius, écrivain ecclésias- 
tique, mort vers 560. -La date de sa naissance est in 
connue. Il fut évêque d'Adrumète, dans la province de- 
Byzacène en Afrique. Il apparaît pour la première fois 
au concile provincial tenu en 541 . On le retrouve en- 
suite, de 550 à 554, à Constantinopleoù il fut mêlé aux 
discussions théologiques de son temps. A la mort de 
Boèce, primat de Byzacène, il lui succéda dans celte 
dignité qui, dans cette province, n'était pas attachée à 
un siège v fixe. Il nous reste de lui : Commentario)~um 



677 



PRIMAISE — PRISON 



678 



super Apocalypsim libri quinque, t. lxviii, col. 793-936, 
composés vers 540. Il y a mis à contribution, d'après 
son témoignage, saint Augustin et Ticonius, et 
s'attacha surtout à expliquer le sens mystique. On lui 
a attribué des Commentaria in Epistolas sancli Pauli, 
col. 415-794, tirés en grande partie de saint Jérôme, 
de saint Ambroise, de saint Augustin, etc., mais ils ne 
paraissent pas être de lui. Le commentaire de l'Épître 
aux Hébreux, col. 685-794, en particulier, doit être 
f œuvre d'Haymon de Halberstadt. 

PRIMAT9CE1 Grégoire, en latin Primaticius ou 
De Primaticiis, exégète italien, mort en 1518. Il était 
docteur de Padoue et il enseigna dans cette ville la 
philosophie et la théologie. L'archevêque de Sienne, 
François Bondini, l'emmena, en qualité de théologien, 
au Concile de Trente. On a de lui : Expositio litteralis 
omnium Epistolarum Divi Pauli, in-4°, Venise, 1564. 

PRINCE, mot fréquemment employé dans la Vul- 
gate pour désigner un chef ou un personnage. C'est un 
terme générique qui traduit des mots divers de l'hé- 
breu et du grec : hôqêq, môSêl, nàdîb, nâgid, nàiî f 
nesîb, nissab, pâqîd, ro's, rôznîm, sar, sdrak, oipxarj, 
è6vap/r]ç, etc. Voir Gouverneur, t. m, col. 284-287. 

PRINTEMPS (Septante : é'ap; Vulgate :ver, tempus 
vernum), la saison de l'année qui succède à l'hiver. 
— En Palestine, les saisons n'ont pas la même grada- 
tion que dans nos climats. Aux pluies de l'hiver succède 
presque sans transition, en avril, la chaleur de l'été. 
Aussi le printemps proprement dit est-il très court. 
On en lit, dans le Cantique ri, 11-13, la description 
suivante : 

Voici que l'hiver est fini, 

La pluie a cessé, elle a disparu, 

Les fleurs se montrent sur la terre, 

Le temps des chants est arrivé ; 

La voix de la tourterelle s'entend dans nos campagnes, 

Le figuier développe ses fruits naissants, 

La vigne en fleur exhale son parfum. 

Les impies comparent la vie à un printemps dont il 
faut jouir : « Que la fleur de la saison, flos temporis, 
ne nous échappe point. » Sap., n, 7. Dans le texte grec, 
avôo; âspoç, « la ileur de l'air, » est une leçon fautive 
pour ot'vôo; Ëapoç, « la fleur du printemps, » que porte 
l'Alexandrin. L'Ecclésiastique, l, 8, compare le grand- 
prêtre Simon à « la Heur des roses aux jours du prin- 
temps », in diebus vernis, Septante : lv rjuipai; v£a>v, 
« aux jours des choses nouvelles, » du renouveau. Dans 
l'original hébreu, on peut lire : kenês be'anfê beyemê 
mô'êd, « comme la fleur sur les branches aux jours de 
fête. » — Au Psaume lxxiv (lxxiii), 17, il est dit que 
Dieu a fait l'été et le printemps, é'ap, ver. Au lieu de 
k'ap, l'édition de Venise lit ûpaïa, « les temps conve- 
nables. » En hébreu, le terme employé est horéf, 
« l'automne, » opposé à qayîs, « l'été; » ainsi sont 
désignées les deux saisons qui se partagent l'année en 
Palestine. Cf. Gen., vm, 22; Zach., xiv, 8. — Dans un 
passage où la Vulgate parle de printemps, il est ra- 
conté, Gen., xxxv, 16; xlviii, 7, que Jacob et Rachel 
avaient encore kibrat-hâ-'drés pour arriver à Éphrata. 
Le mot kibrat, analogue au kibrâli assyrien, qui 
désigne une portion du monde ou de la terre, indique 
en hébreu une distance, probablement celle de l'hori- 
zon. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, Leipzig, 
1899, p. 358. Le sens du texte est donc que les voya- 
geurs étaient arrivés à un kibrat de terre d'Éphrata, 
autrement dit qu'Éphrata était à l'horizon ou en vue. 
De fait, l'endroit où se trouvaient alors les voyageurs 
et auprès duquel Rachel fut inhumée n'est guère à 
plus d'un kilomètre de Bethléhem. Le Syriaque traduit 
par « parasange », mesure de longueur quatre fois plus 



grande. Les Septante ne traduisent pas le mot hébreu 
et disent que les voyageurs approchaient de Chabratha, 
gtç Xa6pa8â; Gen., xlyiii, 7 : xatà tôv ïu7tôSpou.av 
Xa6pa8à, « vers l'hippodrome de Chabratha, » le mot 
hippodrome doublant ici celui de Chabratha pour 
exprimer une idée de distance; IV Reg., v, 19: d; 
Asgpaôiou Xaâpaôâ. Aux deux passages de la Genèse, 
la Vulgate traduit kibraf par vemum tempus, « prin- 
temps. » On ne saurait dire comment saint Jérôme est 
arrivé â cette traduction, si, au livre des Rois, il n'avait 
rendu le même mot par eleclum tempus, « un temps 
de choix, » par extension « le printemps ». Il est pro- 
bable que le traducteur a rattaché kibrat à bârâh ou 
bârar, « choisir. » En tons cas, dans ces trois passages, 
il n'est pas question de printemps, mais d'une mesure 
itinéraire dont on ne peut préciser la longueur. — 
Dans l'Exode, xxxiv, 18, il est noté que les Hébreux 
sont sortis d'Egypte èv nr]vt tûv véwv, « au mois du 
renouveau, » même verni temporis, « au mois du 
printemps. » L'indication est exacte, mais donnée par 
équivalence. Dans l'hébreu il y a : « au mois a"abib, » 
c'est-à-dire « des épis ». La même expression et les 
mêmes traductions se retrouvent Deut., xvi, 1. 

H. Lesêtre. 
PRISCILLE (grec : iIptrTxiXÀa), diminutif de Pn$- 
ca, femme d'Aquila. Rom., xvr, 3; II Tim., IV, 19. 
Voir Prisque, col. 680, et Aquila, t. i, col. 809. 

PRISON (hébreu : bôr, « fosse », bêt hab-bôr, 
« maison de la fosse, » bêt hâ'êsûr, « maison du lien, » 
bêt hâ'sûrim, « maison des liés, » bê( hap-pequddôt, 
« maison des surveillances, » hélé', kelû', kêW, de 
kâlâ', « enfermer, » mattdràh, de ndtar, « garder, » 
masgêr, de sdgar, « enfermer, » mismâr, de sâmar, 
« garder; » Septante : çuXaxrj, Xâxxo;, oïxoç toû Sectjim- 
TïipEou; Vulgate : carcer, custodia, lacus), lieu dans 
lequel on enferme les hommes qu'on veut châtier. 

I" Prisons égyptiennes. — Injustement accusé par 
la femme de Putiphar, Joseph fut jeté dans une prison 
où étaient détenus les prisonniers du roi. Gen., xxxix, 
20. Cette prison est appelée bêt has-sohar, <c maison de 
la tour, » ôyjpwua. Elle était donc située dans une sorte 
de forteresse, probablement dans celle qui est appelée 
« Muraille blanche » par Thucydide, i, 104, et Hérodote, 
m, 13, 91, et qui se trouvait dans la « ville de la Muraille 
blanche », Pa-sebti-het, c'est-à-dire Memphis. La prison 
était gouvernée par un sar bêt has-sohar, « chef de la 
maison de la tour, » àpxeSeCTfiospiXay.o;, princeps car- 
ceris, dont Joseph ne tarda par à gagner les bonnes 
grâces. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, 6» édit., t. il, p. 67-69. Deux officiers du pharaon, 
le grand panetier et le grand échanson furent aussi 
enfermés dans cette prison. Au bout d'un certain temps, 
ils en sortirent tous les deux, le premier pour être 
pendu, le second pour être rétabli dans ses fonctions. 
Ce dernier avait promis à Joseph de penser à lui 
auprès du pharaon, mais il n'en fit rien et le jeune 
Hébreu resta encore deux ans en prison. Il en fut tiré 
pour expliquer le songe du prince. Toutefois avant de 
paraître à la cour, il dut.se raser et changer de vête- 
ments. Gen., xli, 14, 15. Cette double précaution 
n'implique rien quant au régime intérieur de la prison, 
dans laquelle Joseph était sans doute bien traité; 
mais on comprend qu'une tenue spéciale fût obliga- 
toire pour ceux qui étaient admis à l'audience du pha- 
raon. — Pour éprouver ses frères, Joseph à son tour 
les fit mettre en prison pendant trois jours, à leur 
premier voyage en Egypte. Ensuite, il commanda de 
tenir Siméon sous bonne garde et ne lui rendit la 
liberté que quand les autres revinrent avec Benjamin. 
Gen., xlii, 17, 24; xlih, 23. 

2° Prison philisline. — Après s'être emparés de 
Samson, les Philistins le menèrent à Gaza, lui cre- 



679 



PRISON — PROCEDURE 



680 



vèrent les yeux, le lièrent d'une double chaîne d'airain 
et le mirent dans une prison où il avait à tourner la 
meule. C'était une dure réclusion, compliquée des 
travaux forcés. Us l'en tirèrent an jour de la fête de 
leur dieu Dagon et Samson en profita pour renverser 
le temple où se tenait l'assemblée. ,(ud., xvi, 21, 25. 

3° Prisons assyriennes. — Pour punir la révolte 
d'Osée, roi d'Israël, Salmanasar, roi d'Assyrie, le fit 
saisir, enchaîner et jeter dans une prison. IV Reg., 
xvn, 4. Cette mesure suppose la relégation d'Osée en 
Assyrie, où le peuple d'Israël allait bientôt rejoindre 
son dernier roi. Voir Osée, t. iv, col. 1906. — L'avant- 
dernier roi de Juda, Joachin ou Jéchonias, subit le 
même sort. Nabuchodonosor le. tint en prison en Assyrie 
pendant trente-six ans. IV Reg., xxv, 9, 27. Au bout 
de ce temps, le nouveau roi, Évilmérodach, dès le 
début de son règne, le tira de son humiliation et le traita 
avec une faveur marquée. IV Reg., xxv, 27-30; Jer., lu, 
31-33. Voir Jéchonias, t. m, col. 1211. — Le dernier 
roi de Juda, Sédécias, pris et conduit à Nabuchodono- 
sor, alors à Rébla, eut les yeux crevés, fut chargé de 
deux chaînes d'airain et jeté dans une prison de Baby- 
lone, où il demeura jusqu'à sa mort. IV Reg., xxv, 6, 
7; Jer., lii, 11. Plus tard, Arsace, roi de Perse, fit 
mettre en prison le roi de Syrie, Démétrius, qui avait 
violé son territoire. I Mach., xiv, 2, 3. 

4° Prisons Israélites. — 1. Dans les premiers temps, 
les Israélites n'avaient pas de prisons. On se conten- 
tait d'exercer une surveillance étroite sur les coupables 
qui devaient être jugés et punis. Lev., xxiv, 12; Num., 
xv, 34. La première mention d'une prison se rencontre 
dans l'histoire d'Achab, roi d'Israël. Un prophète, du 
nom de Michée, ayant prédit l'insuccès de l'expédition 
qu'Achab et Josaphat allaient entreprendre ensemble 
contre les Syriens, le roi d'Israël le fit mettre en 
prison, avec ordre de le nourrir du pain et de l'eau 
d'afiliction. III Reg., xxii, 27. Voir Michée, t. rv, 
col. 1063. — Le prophète Jérémie subit plusieurs fois 
la prison. Enfermé d'abord dans la cour des gardes, 
Jer., xxxil, 2, 8, 12; xxxm, 1, il fut ensuite accusé de 
vouloir passer aux Chaldéens, saisi, battu, et jeté dans 
une basse-fosse, sous les voûtes, dans la maison du 
secrétaire Jonathan, dont on avait fait une prison. 
Après bien des jours, le roi Sédécias le fit tirer 
de là et garder dans la cour de la prison, avec 
ordre de lui fournir chaque jour une miche de pain, 
dont il était privé précédemment. Jer., xxxvn, 14- 

16, 20. Ses ennemis ne l'en firent pas moins descendre 
ensuite dans une citerne qui ne contenait que de la 
boue. Le prophète y enfonça . On l'en tira avec des cordes 
et on le relégua de nouveau dans la cour des gardes, 
où il demeura jusqu'à la prise de la ville. Jer., xxxvm, 
6, 13, 28; xxxix, 14, 15. — 2. Après la captivité, le roi 
Artaxerxès donna à Esdras des instructions en vertu 
desquelles les transgresseurs de la loi juive devaient 
être punis de mort, de bannissement, d'amende ou de 
prison. I Esd., vu, 26. Il y eut un peu plus tard une 
prison à Jérusalem. II Esd., irr, 25; xii, 38. Au temps 
des Machabées, le général syrien Bacchidès prit en 
otages les fils des principaux Juifs et les retint 
prisonniers dans la citadelle de Jérusalem. IMach., IX, 
53. — 3. A l'époque cvangélique, saint Jean-Baptiste 
est mis en prison à Machéronte par le roi Hérçode 
Antipas et y est décapité. Matth., xiv, 3, 10; Marc, vi, 

17, 27; Luc, m, 20; Joa., m, 24. Dans l'Évangile, il 
est fait mention de la prison dans laquelle le juge fait 
enfermer les accusés, Matth., v, 25; Luc, xn, 58; de 
celle où l'on met les débiteurs infidèles, Matth., xvm, 
30 ; de celle où était détenu Barabbas. Luc, xxiir, 19, 
25. Saint Pierre proteste qu'il est prêt à suivre Jésus 
en prison et à la mort. Luc, xxii, 33. On pouvait visiter 
les prisonniers et leur venir en aide. Act., xxv, 23. 
Notre-Seigneur dit qu'au jour du j ugement il considérera 



ce bon office comme rendu à lui-même en personne. 
Matth., xxv, 36. — 4. Les deux apôtres Pierre et Jean 
sont mis en prison par l'ordre du sanhédrin. Act., iv, 
3. Tous les autres Apôtres y sont enfermés à leur tour, 
mais un ange les en fait sortir pendant la nuit. Act., v, 
18-25. Saint Paul, avant sa conversion, faisait mettre 
en prison les disciples du Sauveur. Act., vin, 3; xxii, 
19; xxvi, 10. Lui-même y alla à son tour. II Cor., vi, 
5; xi, 23. A Philippes, il fut enfermé avec Silas dans 
un des cachots intérieurs de la prison, et aurait pu 
s'échapper s'il avait voulu. Act., xvi, 23-34. Les premiers 
chrétiens étaient souvent jetés en prison par leurs 
persécuteurs. Heb., xi, 36; Apoc.,n, 10. 

5° Au sens figuré. — La plaie des ténèbres enchaînait 
les Égyptiens comme dans une prison. Sap., xvii, 15; 
xvm, 4. — Satan est dans son enfer comme dans une 
prison. Apoc, XX, 7. — Avant la rédemption, les rois 
et les peuples étaient comme en prison, dans les 
ténèbres de leur ignorance et pour l'expiation de leurs 
méfaits. Is., xxiv, 22; xlii, 22. Le Messie devait venir 
pour faire sortir les captifs de prison. Is., xlii, 7. — 
Le sage, même pauvre et sortant de prison, est capable 
de régner. Eccle., iv, 14. H. Lesêtre. 

PRISONNIER. Voir Captif, t.n, col. 222; Prison, 
col. 678. 

PRISQUE (grec : Ilptaxa; Vulgate : Prtsca, « an- 
cienne, «nom de la femme du juif converti Aquila. Act., 
xvin,2, 18, 26; I Cor.,xvi, 19. On l'appelait aussi Pris- 
cilla, diminutif de Prisca, selon l'usage romain qui em- 
ployait souvent les deux formes. Suétone appelle Clau- 
dilla et Livilla celles que Tacite appelle Claudia et 
Livia. Cf. Drusa et Drusilla, Quinta et Quintilla, 
Secunda et S ecundilla. Voir Aquila, t. i, col. 809. 

PROBATIQUE (PISCINE) à Jérusalem. Joa., 
v, 2. La Vulgate a appelé probatica piscina, la piscine 
(xoXu[iêT)6pa), qui, d'après le texte grec, est située èjt\ ttj 
Tzpo$aïïAîj (sous entendu icjXti), c'est-à-dire près de la 
porte des Brebis ou du Troupeau, cf. II Esd., m,l, 32; 
xii, 38, où la Vulgate appelle cette porte porta Gregis. 
Voir Jérusalem, t. m, 1°, col. 1364. On donnait en hé- 
breu à cette piscine le nom de B-»)9Etr8à; Vulgate : Beth- 
saida. Voir Bethsaïde 3, t. I, col. 1723. 

PROCÉDURE, manière dont s'exerce la justice 
publique. — Chez les Hébreux, comme en général chez 
les Orientaux, la procédure était assez sommaire. La 
justice se rendait aux portes des villes, où les juges 
s'asseyaient. Prov., xxxi, 23. Voir Porte, i, 3°, col. 553. 
La justice était rendue par les anciens, puis, à partir de 
la domination grecque, par des tribunaux appelés sanhé- 
drins, formant trois juridictions graduées. Voir Juge, 
t. m, col. 1833-1836. Les rois jugeaient naturellement 
dans leur palais, III Reg., vil, 7, et le grand sanhédrin 
dans un local du temple. Voir t. m, col. 1843. Sur la 
comparution devant le tribunal, l'instruction de l'affaire, 
ia sentence et son exécution, voir Jugement judiciaire, 
t. m, col. 1844, 1845. Quand la cause en litige ne pou- 
vait être élucidée ni par la déposition des témoins, ni 
par le serment de l'accusé, on l'abandonnait au juge- 
ment de Dieu. La cause entendue, les juges donnaient 
chacun leur suffrage, soit pour absoudre, soit pour 
condamner, soit pour déclarer que la question ne leur 
paraissait pas claire. La sentence était rendue d'après 
le nombre des suffrages. S'il s'agissait d'une affaire 
grave, les juges ne pouvaient rendre leur sentence que 
le lendemain des débats. Ne prenant que peu de nour- 
riture et s'abstenant de vin, ils passaient la nuit à con- 
férer deux à deux sur la cause. Le matin, ils rendaient 
leur sentence définitive, et ne pouvaient d'ailleurs 
changer leur avis de la veille que dans un sens favo— 



681 



PROCÉDURE — PROCÈS 



682 



rable. Le nombre des juges étant toujours impair, il 
pouvait arriver que l'un d'eux déclarât que la question 
ne lui paraissait pas élucidée, et que les autres juges se 
partageassent à voix égales pour ou contre. En pareil 
cas, on adjoignait d'autres juges aux premiers, jusqu'à 
ce que la sentence pût être portée à la pluralité des 
voix. S'il y avait au grand sanhédrin trente-six voix 
pour condamner et trente-cinq pour absoudre, on con- 
tinuait les débats jusqu'à ce qu'un des juges qui con- 
damnaient se ralliât à la sentence opposée. Cf. Iken, 
Antiquitates hebraicse, Brème, 1741,. p. 410, 411. Ces 
complications de procédure ne furent instituées qu'assez 
tard après la captivité. Elles montrent le souci que 
l'on avait d'éviter une sentence erronée dans les affaires 
graves. Ce souci était d'autant plus justiQé qu'il n'exis- 
tait pas de tribunal d'appel et que la sentence était 
exécutée immédiatement. Cf. Sanhédrin, iv, 1 ; v, 5. 
Sur la procédure suivie au grand sanhédrin de Jérusa- 
lem, voir Sanhédrin. — Comme il était interdit aux 
Juifs de prendre part à une affaire judiciaire le jour du 
sabbat, cf. Beza (Yom tob), v, 2, l'empereur Auguste 
exempta les Juifs de tout l'empire de l'obligation de 
témoigner en justice ce jour-là. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XVI, vi, 2, 4. Par le même décret, il voulut que le 
vol de l'argent ou des livres sacrés fût considéré 
comme sacrilège et puni en conséquence. La loi mo- 
saïque réglant à la fois les affaires religieuses et les 
affaires civiles, les Juifs avaient obtenu le privilège 
d'être jugés selon le droit mosaïque. Ils dirimaient 
d'après ce droit les contestations qui s'élevaient dans 
leurs communautés de la dispersion. C'est ainsi que 
Saûl reçut pleins pouvoirs du sanhédrin de Jérusalem 
pour aller poursuivre juridiquement à Damas les Juifs 
passés à la foi chrétienne. Act., ix, 2; xxn, 19; xxvi, 
11, 12. A Corinthe, les Juifs traduisirent saint Paul 
devant le tribunal du proconsul Gai lion, sons prétexte 
qu'il prêchait une religion contraire à leur loi. Les 
Juifs attaquaient ainsi saint Paul en qualité de Juif; 
mais ne se sentant pas en force pour porter contre lui 
une sentence exécutoire, ils en appelaient à l'autorité 
romaine, qui d'ailleurs se récusa. Act., xvm, 12-16. Le 
sanhédrin le poursuivit plus tard à Jérusalem, mais 
devant le procurateur, à cause de l'amoindrissement de 
ses pouvoirs en matière criminelle. Act., xxiv, 1 ; xxv, 
7. Il l'accusait surtout d'actes contraires à la loi reli- 
gieuse, et les procurateurs de Judée étaient obligés d'en 
connaître, sans pouvoir se dérober comme Gallion, 
parce que les attributions du sanhédrin en matière 
criminelle étaient passées entre leurs mains. Du reste, 
il en avait été déjà ainsi au temps de Notre-Seigneur. 
C'est bien la loi. mosaïque que l'on invoqua devant 
Pilate, Joa., xix, 7; les Juifs avaient la prétention de 
la faire triompher dans le sens qu'ils lui prêtaient, et 
ils y réussirent au moins par intimidation. Saint Paul 
fut plus d'une fois cité devant les tribunaux juifs de la 
dispersion; il atteste que cinq fois il reçut des Juifs 
trente-neuf coups de fouet, châtiment que les commu- 
nautés de Palestine et de la dispersion avaient le droit 
d'infliger à leurs coreligionnaires. H Cor., xi, 24. A 
Sardes, avec l'autorisation du pouvoir de Rome, les 
Juifs avaient un tribunal dans lequel ils jugeaient les 
contestations qui s'élevaient entre eux. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XIV, x, 17. Presque toutes leurs commu- 
nautés exerçaient ce droit. Cf. Schûrer, Geschichte des 
jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. m, 1898, 
p. 71, 72. H. Lesétre. 

PROCÈS (hébreu : rib, mddôn; Septante : y.p(oiç, 
%çi\La, àvTiXoyfa; Vulgate : judicium, lis, disceptatio), 
action intentée devant les juges. L'objet même du pro- 
cès s'appelle ddbâY, « parole, affaire, s xp:'<Tt?, causa, 
Exod., xvm, 16, 22; xxii, 9, et celui qui a un procès 
est un ba'al debârîm, « ayant des affaires, * xpfaic> quid 



natum quœstionis. Exod., xxiv, 14. Sur les questions 
se rapportant aux procès, voir Jugement judiciaire, 
t. m, col. 1843; Plaideur, col. 448; Procédure, col. 680. 
— 1° La loi mosaïque s'occupe des procès que rendent 
inévitables les différentes manières d'envisager une 
même question, surtout quand il s'agit d'intérêts ma- 
tériels. Dans le principe, au désert, Moïse lui-même 
prenait la peine de juger tous les procès, et cette occu- 
pation l'accaparait du matin au soir; Sur le conseil de 
Jéthro, il se dessaisit de sa fonction de juge et la con- 
fia à des hommes chargés chacun des affaires d'une 
partie du peuple. Exod., xvm, 13-26. Voir Juges, t. m, 
col. 1834. Dans sa législation, il détermina la juridiction 
devant laquelle devaient être portés les différents pro- 
cès. Exod., xxn, 9, 14; xxiv, 14; Deut., xvn, 8; xix, 17; 
xxv, 1. Il défendit soit de se ranger dans un procès à 
l'avis du grand nombre contre la justice, soit de favori- 
ser le pauvre au détriment du droit, soit de l'accabler. 
Exod., xxiii, , 2, 3, 6. Son organisation judiciaire pour 
l'examen des procès fut plus tard renouvelée par Josa- 
phat. II Par., xvm, 9, 10. — Job, xxix, 16, dit qu'il 
examinait avec grand soin la cause de l'inconnu. — Les 
querelles et les procès sont fréquemment suscités par 
l'homme violent, Prov., xv, 18, ou l'homme faux. 
Prov., xvi, 28. 11 est permis de défendre sa cause con- 
tre l'insulteur, mais en veillant à ne pas compromettre 
des tiers. Prov., xxv, 9. Commencer un procès ou 
soulever une querelle, c'estouvrirune digue, Prov. ,xvn, 
14, car on ne sait ni quand ni comment la chose finira. 
Il est conseillé d'éviter les procès avec un riche, car 
celui-ci peut aisément gagner les juges à sa cause avec 
son argent. Eccli., vin, 2. — Notre-Seigneur recom- 
mande d'éviter les procès et de s'arranger à l'amiable, 
Matth., v, 25, et il désire que son disciple souffre le 
dommage plutôt que d'en exiger la réparation. Matth., v, 
38-41. Saint Paul blâme les chrétiens qui ont des pro- 
cès les uns avec les autres; il préférerait qu'on sup- 
portât l'injustice. I Cor., vi, 7, 8. Un chrétien et, à 
plus forte raison, un ministre de l'Église doit être 
afM<X '> * non combatif, » non liligiosus, ennemi des 
querelles et des procès. I Tim., ni, 3; II Tim., n, 24; 
Tit., m, 2. — Ponce Pilate proclama plusieurs fois 
qu'il n'y avait pas matière à procès dans ce que les 
Juifs reprochaient à Notre-Seigneur. Luc, xxiii, 4, 14; 
Joa., xvm, 38; xix, 4, 6. Sur les irrégularités dont le 
sanhédrin se rendit coupable dans la conduite de ce 
procès, voir t. m, col. 1845; Chauvin, Le Procès de 
Jésus-Christ, Paris, 1901. 

2° Au sens figuré, on compare à un procès dont Dieu 
est le juge les difficultés qui s'élèvent entre les bons et 
leurs persécuteurs, entre le juste éprouvé et Dieu lui- 
même. Ainsi Dieu juge entre Davbd et Saûl, I Reg., xxiv, 
16, entre David et Nabal. I Reg., xxv, 39. En butte à 
l'épreuve, à cause de laquelle on incrimine sa vertu, 
Job, xxxi, 35-37, s'écrie : 

Qui me fera trouver quelqu'un qui m'écoute ! 
Voilà mon thav : que le Tout-Puissant me réponde ; 
Que mon adversaire écrive aussi sa cédule ! 
On verra si je ne la mets pas sur mon épaule, 
Si je n'en ceins pas mon front comme d'un diadème . 

Job a écrit sa cédule d'accusation ou de défense et il l'a 
signée, comme on faisait d'habitude, avec le thav, la 
dernière lettre de l'alphabet hébraïque, qui avait dans 
l'ancienne écriture la forme d'une croix. Il veut que son 
adversaire, l'ami qui l'accuse, en fasse autant. Il est si 
sûr de son innocence et de la sentence du Tout-Puis- 
sant, qu'il traitera les pièces du procès comme si elles 
étaient pour lui un titre de gloire et les attachera osten- 
siblement à son épaule et à son front, — Dieu estjuge 
et défenseur dans la cause de l'orphelin contre l'oppres- 
seur. Prov., xxm, 11. Les justes éprouvés lui confient 
leur cause. Ps. ix, 5; xliii (xlii), 1; ïs., li, 22. — Le 



683 



PROCÈS 



PROCHAIN 



684 



Seigneur lui-même, en procès contre sa vigne, c'est-à- 
dire contre son peuple, défère le jugement aux habi- 
tants de Jérusalem et aux hommes de Juda, c'est-à-dire 
aux coupables eux-mêmes, dont l'infidélité est si évi- 
dente qu'ils seront bien obligés de se condamner. 
Is., v, 3. H. Lesêtee. 

PROCHAIN (hébreu : 'ah, « frère », rê'a, « compa- 
gnon; » Septante : à n^ui'ov (sous-entendu : wv), « ce- 
lui qui est auprès ; » Vulgate : proximus), tout homme 
vis-à-vis d'un autre homme. 

I. Devoirs envers le prochain dans l'Ancien Tes- 
tament. — 1» La loi ancienne prescrit différents devoirs 
à l'égard du prochain. Il faut respecter sa vie, Exod., 
xx, 13, sous peine de mort, Gen., ix, 5; Exod., xxi, 14; 
respecter ses biens, Exod., xx, 15, sous peine d'avoir à 
restituer le double, Exod., xxn, 9; ne convoiter ni sa 
femme, ni ses biens, Exod., xx, 17; ne pas le frapper, 
à peine d'avoir à réparer le tort causé, Exod., xxi, 18; 
le traiter humainement quand on prend un gage sur 
lui, Exod., xxjj, 26; ne pas l'opprimer, Lev., xix, 13; 
le juger selon la justice, Lev., xix, 15; ne pas l'accuser 
méchamment, Lev., xix, 16; le reprendre, Lev., xix, 17; 
l'aider dans sa pauvreté, Lev., xxv, 35, 36; respecter 
les limites de son champ. Deut., xix, 14, etc. Tous ces 
devoirs se résument en ces deux prescriptions : « Tu 
ne haïras point ton frère dans ton cœur, tu aimeras 
ton prochain comme toi-même. » Lev., xix,17, 18. Des 
recommandations spéciales visent certaines catégories 
de prochain, les esclaves, voir t. n, col. 1925, les 
étrangers, voir t. h, col. 2040, les mercenaires, voir 
t. iv, col. 990, les pauvres, voir t. iv, col. 2234, les 
pères, voir col. 128, et mères, voir t. iv, col. 995, etc. 

2° Les auteurs sacrés rappellent les différentes pres- 
criptions imposées par Dieu à l'égard du prochain. 
Eccli., xvn, 12. On doit s'abstenir de faire du mal au 
prochain ni croire celui que l'on dit de lui. Ps. xv 
(xiv), 3, 4. Celui qui méprise son prochain se rend 
coupable. Prov., xiv, 21. Il ne faut pas lui garder 
rancune de ses injustices, Eccli., x, 6, ni refuser de 
lui pardonner, si l'on veut être pardonné soi-même, 
Eccli., xxviti, 2, ni forger des mensonges contre lui, 
Eccli., vu, 13., On lui prêtera s'il est dans le besoin. 
Eccli., xxix, 2. On ne lui ravira pas sa subsistance, ce 
qui serait lui donner la mort. Eccli., xxxiv, 26. On lui 
dira la vérité. Zach., vm, 16. On n'imitera pas les faux 
témoins, qui sèment la discorde entre les frères. 
Prov., vi, 19. On évitera même de trop fréquentes 
visites dans la maison du prochain, Prov., xxv, 17, et 
les salutations intempestives. Prov., xxvn, 14. Si on 
juge des désirs du prochain d'après les siens propres, 
Eccli., xxxi, 18, on «aura comment régler sa conduite 
envers lui, et alors il sera bon et doux pour des frères 
d'habiter ensemble. Ps. cxxxm (cxxxn), 1. 

II. La notion de prochain chez les Juifs. — 1° Il 
faut observer que dans ces textes de l'Ancien Testa- 
ment, les devoirs prescrits envers celui que nous 
appelons le prochain concernent celui qui, pour les 
Hébreux, pouvait porter le nom de 'ah, « frère, » ou 
rê'a, « compagnon. » Or ces noms ne se donnaient en 
général qu'aux compatriotes. La loi interdisait toute 
amitié avec les Amalécites, Exod., xvn, 16; Deut., xxv, 
19; les Ammonites et les Moabites, Deut., xxm, 3-6; 
les Madianites, Num-, xxv, 17, 18, et sept peuples du 
pays de Chanaan. Deut., vu, 1, 2. Le Seigneur avait 
promis à Israël, s'il était fidèle, d'être l'ennemi de ses 
ennemis et l'adversaire de ses adversaires. Exod., xxm, 
22. Seuls, les Iduméens et les Égyptiens étaient mis à 
part et ne devaient pas être des objets d'abomination. 
Deut., xxm, 7. Ces mesures étaient prises pour inter- 
dire toute union et même tout contact entre les 
Hébreux et des populations immorales 'et idolâtres. 
Mais en Israël, comme généralement chez les autres 



peuples de l'antiquité, on en vint aisément à confondre 
ensemble l'étranger et l'ennemi. Chez les Grecs, 
àXAîÎTpio;, « autrui, l'étranger, » était devenu le nom 
de l'ennemi. Cf. Iliad., v, 214; Odys , xvi, 102, etc. 
Chez les Romains, la loi des xii Tables donnait encore 
à l'étranger le nom d'hoslis, qui par la suite fut celui 
de l'ennemi. Cf. Cicéron, De offic, i, 12, 37. De 
même, chez les Hébreux, on s'habitua à regarder 
comme ennemis, par conséquent comme exclus des 
préceptes de l'amour et de la bienveillance, tous ceux 
qui n'appartenaient pas à la nation choisie. On est 
obligé de convenir que les hostilités dont les Israélites 
furent fréquemment l'objet de la part des peuples 
voisins, n'étaient pas faites pour les incliner à une 
grande amitié pour les étrangers. 

2» Avec le temps, les sentiments d'antipathie s'accen- 
tuèrent et devinrent une véritable haine pour tout ce 
qui n'était pas Juif. Déjà à Suse, d'après Josèphe, 
Ant.jud., XI, vi, 5, Aman accusait le peuple juif d'être, 
par ses mœurs et ses lois, « ennemi du peuple perse et 
de tous les hommes. » Plus tard, Apollonius Molon 
représentait les Juifs comme « athées et misanthropes », 
Josèphe, Cont. Apion., n, 14; il leur reprochait de ne 
pas recevoir ceux qui avaient d'autres idées qu'eux sur 
la divinité et de refuser tout commerce avec ceux qui 
ne partageaient pas leur genre de vie. Il est vrai que 
Josèphe, Cont. Apion., il, 36, 37, lui renvoie le reproche 
en lui faisant observer que les autres peuples, spéciale- 
ment les Grecs, Lacédémoniens, Athéniens et autres, 
en faisaient tout autant. Lysimaque prétendait que 
Moïse avait ordonné à son peuple de n'avoir de bien- 
veillance pour aucun autre homme et de toujours 
conseiller aux autres non le meilleur, mais le pire, 
Josèphe, Cont. Apion., i, 34, et l'un des conseillers 
d'Antiochus Sidétès dissuadait ce prince de ne rien 
accorder aux Juifs à cause de leur àjjLtÇtœ, leur habitude 
de ne pas se mêler aux autres peuples. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, vm, 3. Tacite, Hist., v, 5, leur attribue 
adversus omnes alios hostile odium, « une inimitié 
haineuse à l'égard de tous les autres, » et Juvénal, 
Sat., xiv, 103, 104, les accuse de ne vouloir montrer le 
chemin et indiquer les fontaines qu'à leurs coreligion- 
naires. Cf. Justin, xxxvi, 2, 15. Ces accusations étaient 
justifiées en grande partie. Un docteur de la loi en est 
encore à demander à Notre-Seigneur : « Qui donc est 
mon prochain ?» Luc, x, 29. Du reste, les écrivains du 
Talmud déclarent formellement qu'on ne doit exercer 
envers les gentils ni bienveillance ni miséricorde, que 
le païen n'est pas le prochain, que les gentils sont com- 
parables aux chiens, etc. Cf. Lightfoot, Horœ hebraic» 
et talm., in Matth, v, 43, et in Luc, IX, 60. Saint Paul 
résume tout, d'un mot qui confirme ce qu'on dit les 
autres auteurs, quand il dénonce l'hostilité des Juifs, 
©sa fir) àpeffx(5vT(i)v, xai Tiâaiv àv9p(jù7to[c EvavTfœv, 
« déplaisant à Dieu et ennemis de tous les hommes. » 
I Thés., n, 15. 

3» Dans le discours sur la montagne, Notre-Seigneur 
dit à ses disciples : « Vous avez appris qu'il a été dit : 
Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. » 
Matlh., v, 44. Le Sauveur n'entend pas ici faire allusion 
à l'interprétation des Juifs, mais, comme dans les 
autres passages du discours, Matth., v, 21, 27, 31, 33, 
38, il se réfère aux termes de la loi ancienne. Or nulle 
part celle-ci ne commande la haine des ennemis. Aussi 
le mot « haïr » doit-il s'entendre ici dans un sens 
relatif. Il signifie seulement « aimer moins » ou « ne 
pas aimer », comme dans les textes où il est opposé à 
« aimer ». Gen., xxix, 31; Deut., xxi, 15, 16; Mal., i, 
2; Matth., vi, 24; Luc, xiv, 26; xvr; 13; Joa., xn, 25; 
Rom., ix, 13. La pensée du divin Maître doit donc être 
que la loi ancienne ne prescrivait pas d'aimer les 
ennemis comme on aime les amis, le prochain; lui- 
même va corriger cette loi ainsi entendue. Sans doute, 



€85 



PROCHAIN — PROGOPE DE GAZA 



la législation mosaïque suggérait parfois la haine envers 
les ennemis, non en tant qu'hommes, mais en tant que 
peuples pervers, malfaisants et idolâtres, dont il fallait 
se défier et se tenir à l'écart. En prescrivant d'aimer 
le rê'a comme soi-même, Lev., xix, 18, elle désignait 
tout d'abord l'Israélite, il est vrai ; rien ne prouve cepen- 
dant qu'elle excluait le prochain en général; le contraire 
résulte certainement de la manière [dont les auteurs 
sacrés parlent des autres hommes, de l'étranger inoffen- 
sif et même des ennemis personnels. Cf. Job, xxxi, 
•29, 30; Prov., xxiv, 17, ,29; xxv, 21; Rom., xn, 20. 
Aussi faut-il tenir pour fausse et contraire à la loi 
l'interprétation des Juifs qui, opposant le rê'a au nokrî, 
le compatriote à l'étranger, se croyaient permis d'avoir 
pour l'un l'amour et pour l'autre l'opposé de l'amour, 
la haine. 

III. Devoirs envers le prochain dans le Nouveau 
Testament. — 1° Notre- Seigneur parle beaucoup plus 
explicitement de ces devoirs que ne l'avait fait la loi 
ancienne. Tout d'abord, il donne au mot « prochain"» 
l'extension qu'il comporte. Le prochain, ce n'est pas 
seulement l'ami, le compatriote, c'est encore l'étranger 
et même l'ennemi. Notre-Seigneur le déclare avec 
insistance : « Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis, 
bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à 
ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous 
maltraitent et qui vous persécutent. » Matth., v, 44. Il 
veut qu'en cela on imite le Père céleste, qui fait lever 
son soleil et descendre sa pluie sur les méchants tout 
comme sur les bons. Matth., v, 45. Dans la parabole du 
bon Samaritain, il explique quel est celui qui se con- 
duit vraiment en prochain vis-à-vis d'un autre homme. 
Le prochain du malheureux Juif blessé n'a été ni le 
prêtre, ni le lévite, ses compatriotes, mais le Samari- 
tain, abhorré des Juifs, et pourtant miséricordieux 
envers quelqu'un qui le détestait. Le docteur de la loi 
est forcé d'en convenir. Luc, x, 30-37. 

2» Le Sauveur aime à rappeler le précepte de 
l'amour envers le prochain. A un autre docteur, il 
enseigne que le plus grand commandement de la loi 
concerne l'amour de Dieu, mais que « le second lui 
est semblable » et concerne l'amour du prochain. Matth., 
xxn, 36-39. Il appelle ce commandement un « com- 
mandement nouveau a, Joa., XIII, 31, parce que la loi de 
l'amour du prochain n'avait jamais été formulée avec 
tant d'instance, de précision et d'extension. Matth., v, 
44; xix, 19; xxvi, 39; Marc, xn, 31, 33; Luc, x, 27; 
Rom., xin, 9; Gai., v, 14; Jacob., n, 8. 

3° En conséquence du précepte, il ne faut pas s'irriter 
contre son frère, Matth., v, 22, ni juger le prochain, 
Rom., xiv, 10; Jacob., iv,13, ni chercher la paille 
<lans son œil, Matth., vu, 3; Luc, vi, 41, ni le scanda- 
liser. I Cor., vm, 13. On doit au contraire se réconci- 
lier avec lui, Matth., v, 24, le reprendre quand il fait 
mal, Matth., xvm, 15, lui pardonner ses torts, Matth., 
■xviri) 35, prier pour lui quand il pèche, I Joa., v, 16, 
l'aider dans, son indigence, Jacob., n, 15, chercher à 
-lui plaire pour le bien, Rom., xv, 2, faire de la vérité 
ùa règle des rapports qu'on a avec lui. Eph., iv, 25. Le 
véritable amour ne fait jamais de mal au prochain. 
Boni., xin, 10. Aimer le prochain, c'est accomplir la 
loi, Rom., xiii, 8, et vivre dans la lumière. I Joa., Il, 
10. Ne pas l'aimer, c'est vivre dans les ténèbres, I Joa., 
h, 9, 11, n'être pas de Dieu et se faire homicide. 
I Joa., ni, 10, 15. On ne peut pas vraiment aimer Dieu 
si l'on n'aime pas son frère. I Joa., iv, 20. 

4° Le divin Maître indique la raison fondamentale des 
devoirs envers le prochain quand il ordonne à tous de 
s'adresser à Dieu en disant : « Notre Père qui êtes aux 
çieux, » quand il fait ajouter : « Pardonnez-nous nos 
offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont 
offensés, » Matth., vi, 10, 12, et qu'il dit : « Vous êtes 
tous frères,., vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est 



dans les cieux. » Matth., xxm, 8, 9. Saint Paul reprend 
la même idée sous cette autre forme : « Nous sommes 
membres les uns des autres. » Eph., iv, 25. 

H. Lesêtre. 
PROCHORE (grec : Hp4x°poç),un des sept diacres 
institués par les Apôtres à Jérusalem. Il est nommé le 
troisième de la liste, après saint Etienne et saint Phi- 
lippe. Act., vi, 5. Son nom ne paraît nulle autre part 
dans le Nouveau Testament. D'après une tradition, il 
fut institué par saint Pierre, évêque de Nicomédie en 
Bithynie. On trouve dans la Magna Bibliotheca 
Patrum, Cologne, 1618, t. i, p. 49-69, une Historia 
Prochori Christi discipuli, de vita B. Joannis apostoli, 
livre apocryphe, rempli de fables et d'erreurs. Le mar- 
tyrologe romain place la fête de saint Prochore au 
6 avril. Voir Acta sanctorum, aprilis t. i, p. 818. 

PROCONSUL (grec : àveû-jioao?), gouverneur d'une 
province sénatoriale. Le nom grec du proconsul, àv- 
6iimxToc (àvt( « à la place de, » u7taxoî « celui qui est au 
sommet, le consul ») se trouve dans deux endroits du 
livre des Actes, xm, 7, 8, 12, et xix, 38. On y rencontre 
aussi une fois le verbe àv8vnraT£'i<j),xvin, 12, « être pro- 
consul », faire l'office de proconsul. — On sait que les 
provinces de l'Empire romain étaient divisées en séna- 
toriales et en impériales. Les provinces sénatoriales 
étaient celles qui étant pacifiées n'avaient pas besoin 
de forces militaires. On en confiait l'administration à 
un magistrat qui exerçait les fonctions civiles de gou- 
verneur de la province et portait !e titre de proconsul. 
— 1» L'île de Cypre, après labataille d'Actium, était deve- 
nue 'province impériale; mais [cinq ans après, elle [fut 
donnée au Sénat et administrée par un proconsul. Dion 
Cassius, liv, 4; Corpus incript. latin., t. ix, 2845; J. Mar- 
quardt, Organisation de l'empire romain (Manuel des 
antiquités romaines de Mommsen et Marquardt), t. H, 
p. 328. Comme ce proconsul était de rang prétorien, 
Strabon, xiv, vi, 6, quelques exégètes ont cru, bien à 
tort, que saint Luc, xm, 7, s'était trompé eu mettant 
un proconsul en Cypre. Mais l'historien des Actes des 
Apôtres donne à Sergius Paulus son vrai titre. Une in- 
scription découverte dans cette ile en 1677, est datée de 
son proconsulat: iSv èm LlauXou àv6uîtâTou. Cf. F. Vi- 
gouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes 
modernes, 2° édit., p. 200-206. Voir aussi la monnaie 
proconsulaire de Cominius Proclus, Cypre, t. n, fig. 443, 
col. 1166. — 2° L'Achaïe d'abord province impériale, Ta- 
cite, Ann., i, 76, fut rendue au Sénat par Claude. Suétone , 
Claudius, 26. Saint Luc a donc donné au gouverneur 
résidant à Corinthe le titre précis qui lui convenait. 
Ce proconsul, au moment ou saint Paul vint évangéliser 
cette ville, était Gallion, frère de Sénèque. J. Mar- 
quardt, loc. cit., p. 220. Voir Gallion, t. m, col. 93. — 
Au moment du partage des provinces l'Asie fut donnée 
au Sénat et administrée par un proconsul à 12 faisceaux 
qui résidait à Éphèse. Voir ÉPHÈse, t. H, fig. 582, 
col. 1831. Dans la sédition soulevée contre saint Paul 
par l'orfèvre Démétrius, le secrétaire de la ville dit au 
peuple, Act., xix, 38 : « Si Démétrius et ses ouvriers 
ont à se plaindre de quelqu'un, il y a des jours d'au- 
dience et des proconsuls. » En mettant le nom pro- 
consuls au pluriel, il ne veut pas indiquer qu'il y avait 
plusieurs proconsuls à la tête de la province d'Asie; 
mais il se sert d'un pluriel de catégorie, marquant qu'il 
y a toujours des proconsuls auxquels on peut recourir. 
Saglio et Daremberg, Dictionnaire des antiquités 
grecques et romaines, t. iv, 1, p. 661, 719. 

E. Levesque. 

PROCOPE DE GAZA (Ilpoxomos), écrivain ecclé- 
siastique qui tlorissait sous les empereurs Anastase I er 
(491-518) et\Tustin I« (518-527). — t L'école palestinienne 
des rhéteurs de la ville de Gaza a compté, parmi ses 
représentants les plus illustres, Procope. On ignore la 



687 



PROCOPE DE GAZA 



688 



date précise de sa naissance et de sa mort. Son disciple 
et son successeur, le sophiste Choricius, a écrit son 
éloge dans un discours intitulé Xopixt'ou uofioroO 
ÈKiTiiçio; citï Ilpoxoiti'ii) <Toç'.<rrrj YâXftib lôyoc, et publié, 
avec une traduction latine de Joseph Chrétien Wolff, 
par Fabricius, Bibliotheca greeca, édit. H»rless, V, 
xxxi, t. vin, p. 840-851, et aussi par Boissonade, Cho- 
ricii Gazaei orationes, declamationes, fragmenta, 
Paris, 1844, p. i-24. Avec les lettres de Procope 
(voir Pat. Gr., t. lxxxvii, col. 2717-92, Fabricius-Har- 
less, Bibliotheca grœca, t. ix, p. 296 et R. Hercher, 
Epistolograpki grxci, Paris, 1873, p. 533-598), le 
panégyrique de Choricius est la principate source pour 
la biographie, d'ailleurs peu fournie, de Procope. Sauf 
quelques courts séjours à Alexandrie, à Césarée, en 
Pamphylie, et peut-être à Constantinople, sa paisible 
carrière s'est toute entière écoulée dans sa ville natale. 
Étranger aux agitations qui, de son temps, boulever- 
sèrent l'Église et l'État, Procope se voua complètement 
et uniquement à des travaux littéraires et théologiques. 
Nous n'avons à nous occuper ici que de ces derniers. 
La majeure partie de l'œuvre de Procope est con- 
sacrée à l'Écriture Sainte. Il est, parmi les commenta- 
teurs de la Bible, un des principaux exégètes de ceux 
qui ont pratiqué la méthode dite de la Chaîne (ueipâ, 
Catena). Lui-même caractérise nettement son procédé, 
au début d'un commentaire sur la Genèse, t. lxxxvii, 
col. 21. « Nous avons réuni les explications sur l'Octa- 
teuque fournies par les Pères et d'autres écrivains, les 
recherchant dans les documents et divers discours... 
lorsqu'une explication est commune à tous, nous ne la 
donnons qu'une fois. S'il y a quelque divergence, nous 
l'exposons sommairement pour faire de toutes les opi- 
nions un seul corps, qui renfermera pour nous les 
sentiments de tous. » Les commentaires de Procope, 
qui tous portent sur l'Ancien Testament, sont les sui- 
vants. 1» Celui que Photius, -Bibl., ccvi, t. cm, col. 676, 
intitule IIpoxoTC(o'j coçkttou è^Yquxat ayjilcù éiç xe xr,v 
'Qxtocteuxov tûv IlaXaiwv Tpa^iiâTtov xai eïç ta; Ba<rt- 
Xeca; xal 8ï| sï; ta LTapaXe!ir<S|jisv<i. Il fut publié pour la 
première fois en 1553 à Zurich par André Gesner, mais 
seulement en traduction latine, peu correcte de Conrad 
Clauses, qui porte aussi le nom de Claude Thrasybule. 
Toutefois Conrad Clauser ne traduisit que le commen- 
taire sur la Genèse, l'Exode et le Lévitique ; le reste de la 
traduction, soit la partie concernant le Deutéronome, le 
livre de Josué, celui des Juges, ceux des Rois et les Pa- 
ralipomènes furent l'œuvre d'Hartman Hamberger. 
En 1620, J. Meursius publia à Lyon, une traduction de 
Louis Lavater, ou plutôt aussi, prétend-on, d'Hart- 
man Hamberger, le texte grec des scolies sur les livres 
des Rois. J. Meursius, Opéra, t. vm, p. 1 et suiv. Le 
cardinal Auguste Mai, au xix e siècle, retrouva le texte 
grec de la partie du commentaire qui se rapporte à la 
Genèse et l'édita à Rome en 1834, dans ses Classici 
auctores, t. vi, p. 1-18. Migne, t. lxxxvii, a reproduit 
le texte grec de Mai et la traduction de Gesnert, d'Ham- 
berger, on y ajoutant, pour certaines parties, le texte 
grec de la Catena Lipsiensis éditée à Leipzig en 1772, 
par Nicéphore Hiéromonachos, et que l'on a tout lieu de 
croire l'œuvre de Procope. — 2° Commentaire sur le livre 
des Proverbes; signalé par Montfaucon, Palœographia 
grœca, p. 278 et suiv., et Turrianus, Defensio epistola- 
rum Pontificum, t. iv, p. 4, 6, 17, le texte grec en a été 
publié par le cardinal Mai, Classici auctores, t. ix, 
p. 1-256, et il a été reproduit avec une traduction la- 
tine dans Migne, t. lxxxvii, col. 1221-1514. Dans un ma- 
nuscrit de la Bibliothèque royale de Belgique, n° 3895- 
96 (cf. J. Van den Gheyn, Catalogue des. manuscrits de 
la Bibliothèque royale de Belgique, t. Il, p. 221-222), 
oh trouve p. 1-247, le texte grec de IIpoxoTrtou TaÇat'oy 
XptCTTtavoû uotpioToy TtSv £tç *uàç îcapot|xtaç SaXofjLwvroç 
^YITtxôiv êxloYiôv ÊTttTOtiVî, accompagné d'une traduc- 



tion latine faite au xvnr siècle par Balthazar'Cordier,. 
S. J. Migne, t. lxxxvii, col. 1779-1800, en donne quel- 
ques extraits. — 3° Dans les Auctores classici, t. ix f 
p. 257-430, le cardinal Mai et Migne, t. lxxxvii, col. 1541- 
1754, ont publié Ilpoxomou TaÇaiou -/ptatiavovi «roiptaxoû 
e!c ta otaiiaTà twv àufiâtuv l$tiY1~tx<5v ÈxXofâJv èmTO(iVi r 
Procopii Gazsei christiani sophistse in Cantica Can- 
ticorum selectarum expositionum epitome. Migne 
a ajouté à son édition les variantes du mss. n» 3895-96- 
de la Bibliothèque royale de Belgique. En outre, Mai, 
Classici auctores, t. vi, p. 348, et Migne, t. cité, col. 1755- 
1779, ont publié des fragments d'un autre commentaire 
de Procope sur le Cantique des Cantiques. — 4° En 1579, 
Jean Curterius publia le texte grec et la version latine 
d'un long commentaire de Procope sur Isaïe, reproduit 
dans Migne, t. lxxxvii, col. 1801-2718. Cave, Historia- 
litteraria, 1740, p. 327, attribue à Procope un commen- 
taire sur les douze petits prophètes, mais cette opinion- 
n'est guère appuyée. Toutefois, il n'est pas impossible 
qu'un examen plus approfondi des manuscrits fasse 
retrouver encore un certain nombre d'ouvrages du 
sophiste de Gaza, ou du moins des exemplaires de 
traités de Procope connus seulement par un texte unique. 
Ainsi M. E. Bratke, Handschriftliches zu Procopio» 
von Gaza, dans Zeitschrift fur wissenschaftliche 
Théologie, t. xxxix, 1896, p. 303-12, croit avoir recon- 
nu une Chaîne de Procope sur le Cantique des Cantiques 
dans le manuscrit grec n» 131 de la bibliothèque de 
Munich et il signale également de nouveaux exem- 
plaires du commentaire sur le livre des Proverbes. 

Les travaux scriptùristiques de Procope ont de tout 
temps, chez ceux qui les ont édités ou connus, excité 
une vive admiration. Ernesti loue sa vaste érudition et sa 
profonde connaissance des anciens exégètes. Patr. Gr~,. 
t. lxxxvii, col. 15. Le cardinal Mai relève l'importance- 
des commentaires et qualifie la méthode de Procope 
« d'herméneutique solide et de doctrine authentique », 
et il constate que l'on retrouve chez lui d'intéressantes 
variantes des Hexaples d'Origène. Patr. Gr., t. IX, 
col. 17. Jacques Gesner, un des éditeurs de Procope, émet 
un jugement semblable. Ibid., col. 11. On s'est récem- 
ment surtout préoccupé, en ce qui concerne Procope de 
Gaza, de démarquer le fond même de ses commentaires 
sur l'Écriture, si riches en extraits d'auteurs anciens, 
dont quelques-uns sont en partie perdus ou incomplè- 
tement conservés. En d'autres termes, on s'est efforcé 
de reconnaître les sources auxquelles Procope a puisé; 
s'il nomme parfois les écrivains auxquels il emprunte, 
le plus souvent il fond les opinions d'autrui dans son 
propre texte. M. Rendel Harris, Fragmenta of Philo-, 
Cambridge, 1886, a constaté que Procope s'est plus d'une 
fois inspiré des écrits du juif Philon, dans son commen- 
taire sur l'Octateuque. Des constatations analogues ont 
été faites par MM.P. Windland, Neuentdeckte Fragmente 
Philo's, Berlin, 1891, p. 19, note 17, et L. Cohn, Zwr 
indirecten Uberlieferung Philo's und der àlteren Kir- 
chenschriftsteller, dans Jahrbuch fur protestantische 
Théologie, 1812, p. 475-492. Mais ils signalèrent en 
même temps l'influence d'Origène, toutefois en bornant 
leurs observations aux textes parallèles d'Origène et de 
Procope pour le commentaire sur la Genèse et suip- 
l'Exode et ne renseignant pas les homélies d'Origène 
comme ayant été utilisées par Procope. Cette dernière 
constatation était réservée à M. Éric Klostermann, qui a 
nettement indiqué que les ,homélies d'Origène ont été 
mises à contribution par Procope dans son commen- 
taire sur le livre de Josué; mais seulement les quatre 
premières et les onze dernières des vingt-six homélies- 
d'Origène sur Josué. Griechische Excerpte ans Homi- 
lien des Origenes, dans Texte und Untersuchungen 
zur altchrisllichen Literalur, t. xu, Heft 3, 1894, 
p. 1-12. Toutes les recherches sur l'œuvre de Procope 
et ses sources ont été complétées de façon notable par 



689 



PROCOPE DE GAZA 



PROCURATEURS ROMAINS 



690 



l'étude de M. Louis Eisenhofer, Procopius von Gaza. 
Eine UterarhistoHsche Studie, in-8°, Fribourg-en-Bris- 
gau, 1897. Par l'examen approfondi du commentaire 
sur l'Octateuque, comparé avec la Catena Lipsiensis, 
il a singulièrement augmenté la liste des auteurs con- 
sultés par Procope et réussi à reconstituer pour une 
bonne partie ses emprunts et ses citations. Ainsi, il 
démontre que l'utilisation des homélies d'Origène 
va au-delà de ce qu'a signalé M. Klostermann. Pour le 
commentaire sur la Genèse, M. Eisenhofer nomme 
Basile, Théodoret, Sévère de Gabales, Grégoire de 
Nysse, Cyrille d'Alexandrie, Méthode, etc., les mêmes 
ont été mis à contribution pour le commentaire sur 
l'Exode et en outre Grégoire de Nazianze; pour le 
commentaire sur le Lévitique, outre les écrits des 
Pères ayant servi aux deux premiers commentaires, à 
citer en outre Apollinaire de Laodicée; comme sources 
du commentaire sur le livre des Nombres, il y a Cyrille 
d'Alexandrie, Apollinaire, Grégoire de Nysse, pour celui 
sur le Deutéronome, Josué et les Juges, Cyrille d'Alexan- 
drie et les scolies anonymes de la Catena Lipsiensis. 
Théodoret a servi pour le commentaire sur les livres 
des Rois et les Paralipomènes; Cyrille d'Alexandrie; 
Eusèbe de Césarée et Théodore d'Héraclée pour celui 
sur Isaïe. Cf. J. Stiglmayr, t. i, dans Stimmen aus 
Maria Laach, t. lui (1897), p. 79-82, et Cari Weyman, 
dans Byzantinische Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 457-458. 

Procope eut avec le néoplatonicien Proclus une polémi- 
que théologique, dont on s'est beaucoup occupé en ces 
derniers temps. En 1831, le cardinal Mai en publia un 
fragment 'Ex xwv d; rà IIpôxXou 9eoXo-ftxâ xeçiXcua 
àvxtpoTiffewv, dans ses Classici auctores, t. rv, p. 274. 
Cf. Migne,Patr. Gr., t. lxxxvii, col. 2792. Démosthène 
Russos, Tpetç PaÇalot, ffuixëoXaî etç tï|v tffTopcav tt|; 
<fù.oao(flai tîiï FaÇaîtov, Constantinople et Leipzig, 
1893, constata que cet écrit polémique de Procope ser- 
vit de base à celui de Nicolas de Méthone dirigé aussi 
contre Proclus. J. Dràseke dénie toute paternité pour 
cette œuvre à Nicolas de Méthone et cherche à établir 
que c'est Procope qui en est l'auteur. Byzantinische 
Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 55-91. Mais ses conclusions 
ont été fortement battues en brèche parle P. J. Stigl- 
mayr, S. J. Ibid., t. toi, 1899, p. 263-301. Nous n'avons 
rien à dire ici des travaux purement littéraires du rhé- 
teur de l'école de Gaza. 

Bibliographie. — Outre les ouvrages cités au cours de 
l'article, voir Sainjore (R. Simon), Bibliotheca critica, 
1710, t. îv, p. 143-55; Bardenhewer, Patrologie, 1895, 
p. 303; Legrand, Bibliothèque hellénique, t. n, 1894, 
p. 230; A. Ehrard, Procopius von Gaza, dans Kirchen- 
lexicon, t. x, 1897, col. 453-55; K. Krumbacher, Ges- 
chichte der byzantinischen Citteratur, 2« éd., 1897, 
p. 125-127; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des 
neutestamentlichen Kanons und der allkirchlichen Lit- 
teratur, t. n, Erlangen, 1883, p. 239-253; J. Dràseke, 
dans Theologische Studien und Kritiken, 1895, fasc. 3, 
p. 371 sq. ; L. Eisenhofer, Procopius von Gaza, Fribourg 
(Bade), 1897; Kil. Seitz, Die Schule von Gaza, Heidel- 
berg, 1892, p. 9-21 ; C. Kirsten, Quœstiones Choricianse, 
Breslau, 1894, p. 8-13 ; ErnstLindi, Die Oktateuchkatene 
des Prokop von Gaza und die Septuagintaforschung, 
Munich, 1902. J. Van den Gheyn. 

PROCURATEURS ROMAINS (Nouveau Testa- 
ment : TiYe[iévEç), gouverneurs de certaines provinces 
impériales, en particulier de la Judée et de la Palestine. 
Matth., xxvii, 2, 11, 14, 15, 21, 27; Act., xxm, 24, 26, 
33, etc. 

I. Nom. — Le mot procurator, comme l'indique sa 
formation, s'applique à toute personne chargée de veil- 
ler , au [nom d'une autre, sur quelque affaire : manda- 
taire qui surveilje les biens d'un ami, intendant mis à 
la tête d'une propriété, conseil et fondé de pouvoirs, etc. 



C'est ainsi qu'il vint à désigner plusieurs hauts fonc- 
tionnaires de l'Empire romain : intendants de la mai- 
son impériale, chefs de la chancellerie, directeurs de 
divers services à Rome, administrateurs du fisc et 
agents financiers dans les provinces impériales ou sé- 
natoriales, enfin gouverneurs des provinces dites pro- 
curatoriennes qui avaient le jus gladii. Cf. Mommsen. 
et Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. 
franc., t. ix, 1892, p. 581. Son véritable correspondant 
en grec est êiurponoç. Cependant les écrivains du Nou- 
veau Testament n'emploient régulièrement que le mot 
Tiye(jniv. Cf. Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15, 21, 27; xxviii, 
14; Luc, m, 1; xx, 20; Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, l r 
10; xxvr, 30. Ce terme T|Y£(j.civ n'est pas un titre spécial, 
mais une appellation générale qui s'applique à tout per- 
sonnage investi d'un haut commandement : presses, 
« président. » Aussi, dans la langue des auteurs sacrés, 
les mots -fiYe^oveûio, r,YS[iov['a, riye^wv, sont-ils unifor- 
mément employés, qu'il s'agisse de Tibère, Luc, m, 
1, du légat de Syrie, Cyrinus, Luc, n, 2, ou de 
Ponce Pilate, Luc, m, 1; Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15, 
21, 27, et de Félix. Act., xxm, 24, 26. Josèphe lui-même 
varie ses expressions. Il appelle généralement le gou- 
verneur de Judée, JittTpojtoç, Ant. jud., XX, vi, 2; Bell, 
jud., II, vm, 1; ix, 2; xi, 6 (dans le passage parallèle- 
Ant. jud., XIX, ix, 2, lirapxo?); XII, 8; ÈTtirpoirsùiovi 
Ant. jud., XX, v, 1. Mais il le nomme aussi : É'irapx"? 
= prsefectus, Ant. jud., XVIH, n, 2; XIX, ix, 2; XX, 
IX, 1; Bell, jud., VI, v, 3; rjY^l^ixevoç, Ant. jud., XVIII, 
i, 1; r l i£.y.<&'j, Ant. jud., XVIII, ni, 1 : EUXâ-roç, ô xf,t 
'IouSaiaç rifzy.ûv ( c £ Matth., xxvn, 2 : IIiXiït» ta 
T|YE|J-évi); £7tt|xsXï)Tr]Ç, Ant. jud., XVIII, rv, 2. Il semble 
qu'Auguste avait plutôt choisi le titre de prsefectus, 
ïïtapxoç. Mais bien vile, au moins depuis Claude, et à 
l'exception de l'Egypte, le titre de procurator, éirrépottoc, 
devint prédominant. Dans une lettre aux Juifs, citée par 
Josèphe, Ant. jud-, XX, i, 2, l'empereur Claude dit lui- 
même : « J'en ai écrit à Cuspius Fadus mon procura- 
teur, t» èfiw ÊTUTpôirw. » On connaît aussi la parole de 
Tacite, Annal., XV, 44 : Christus Tiberio imperitante 
per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfe- 
ctus erat. Quant à la qualification de prseses, ^yeij.cuv, qui 
tire son origine de l'administration de la justice, où l'on 
opposait le président aux assessores ou au consilium, 
elle fut tardivement réservée aux gouverneurs de pro- 
vinces. On rencontre parfois, chez les auteurs du I er eS 
du II e siècle, dans un sens général, le terme pr&ses- 
provincise, qui devint officiel au début du m e siècle. 
Cf. Tacite, Annal., vr, 41 ; xii, 45; Plin. jun., Paneg., 
70 ; V. Chapot, art. Prœses, dans le Dictionnaire des 
antiquités grecques et romaines de Daremberg et 
Saglio, Paris, t. vu, p. 627. 

II. Attributions. — Les procurateurs, étant en même- 
temps chargés d'un commandement militaire, apparte- 
naient à l'ordre équestre, et ce fut une innovation ex- 
traordinaire lorsque, sous Claude, le gouvernement de- 
la Judée fut confié à un affranchi, Félix. Jusqu'à quel 
point étaient-ils soumis au légat de Syrie? Il semble 
que celui-ci avait le droit et le devoir d'intervenir, avec 
sa haute autorité, dans les cas de nécessité. Les écrivains, 
cependant ne s'expriment pas toujours d'une manière 
constante sur les relations de la Judée avec la province- 
de Syrie : tantôt ils les représentent comme deux 
provinces distinctes, et par là même indépendantes, tan- 
tôt ils donnent la première comme « ajoutée » à la se- 
conde : HP0CT87JX.T1 ttj; Supiaç, Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
i, 1; cf. XVII, xm, 5; Bell, jud., SI, vm, 1; Judsei... 
provincise Suriae additi, Tacite, Annal., xn, 23; cf. il, 
42. Quoi qu'il en soit, le commandement militaire et la 
juridiction indépendante que possédait le procurateur 
de Judée lui créaient, en temps ordinaire, une situation 
analogue à celle des gouverneurs des autres provinces. 
Mais le légat de Syrie avait à juger l'opportunité de son. 



691 



PROCURATEURS ROMAINS 



692 



intervention, lorsque des troubles étaient à craindre ou 
qu'il surgissait de sérieuses difficultés. Il agissait alors 
en Judée avec pleine autorité, comme le firent Petro- 
nius, Ant. jud., XVIII, vrn, 2-9; Cassius Longinus, Ant. 
jud., XX, î, 1; Cestius Gallus, Bell, jud., II, xiv, 3. 
Les procurateurs résidaient habituellement à Césarée, 
sur le bord de la mer; ils n'allaient à Jérusalem qu'à 
l'époque des grandes fêtes, pour surveiller les mouve- 
ments du peuple. Au commandement des troupes ils 
joignaient l'administration de la justice et des finances. 

1° Pouvoir militaire. — Les procurateurs étaient 
commandants de corps d'armée, comme les légats des 
provinces impériales, avec cette différence toutefois que 
les troupes rangées sous leurs ordres étaient des auxi- 
liaires et non des légionnaires. Voir Auxiliaires, t. i, 
col. 1282; Armée romaine, t. i, col. 994. Alors que, sous 
Auguste, il y avait trois légions en Syrie, et quatre 
depuis Tibère, la Judée ne posséda, jusqu'à Vespasien, 
que des troupes auxiliaires, pour la plupart levées dans 
le pays même, et recrutées dans la population non 
juive. C'est ainsi que nous trouvons mentionnés les 
SE6oKTTr]vot, Sebasteni, ou soldats pris sur le territoire 
de Sébaste, l'ancienne Samarie, aujourd'hui Sebastiyéh. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIX, ix, 1-2; XX, vi, 1 ; vin, 
7; Bell, jud., Il, m, 4; îv, 2-3. Ce corps est sans doute 
identique à celui que nous montrent plus tard les ins- 
criptions. Cf. Corpus inscriptionum latinarum,t.vm, 
n.9358,_9359. Un diplôme militaire de l'armée de Judée 
nous apprend que, en l'an 139 après J.-C, les corps 
auxiliaires (trois ailes et douze cohortes), placés sous 
les ordres du légat P. Calpurnius Atilianus, compre- 
naient entre autres une Cohors l Sebastenorum milia- 
ria. Cf. Héron de Villefosse, Revue biblique, 1897, 
p. 598-604. Aux 2sëa<jTr)voî Josèphe associe plusieurs 
fois les KotKTOtpeïç, Csesarenses. Cf. Ant. jud.,, XIX, IX, 
1-2; XX, vin, 7. Il ne faut pas confondre avec ces vo- 
lontaires de Sébaste la a-ïtsîpa Ssôokttti, à laquelle appar- 
tenait le centurion Julius, qui fut chargé de conduire 
saint Paul à Rome. Act., xxvii, 1. Le mot Eeëa<rrT|, Au- 
gusta, n'est qu'un titre honorifique donné à cette co- 
horte. Voir Augusta (Cohorte), t. i, col. 1235. Au temps 
•des Apôtres, il y avait à Césarée une cohorte italique, 
(TTisîpa 'ÏTaXtxTi, dont faisait partie le centurion Cor- 
neille, qui fut baptisé par saint Pierre., Act., x, 1. Voir 
Italique (Cohorte), t. ni, col. 1038. D'autres villes et 
d'autres postes possédaient également de petites garni- 
sons : ainsi Jéricho et Machéronte. Bell, jud., II, xvm, 
6. On les trouvait éparses dans la Samarie, Bell, jud., 
III, vu, 32, et la plaine d'Esdrelon était gardée par un 
décurion. Josèpbe, Vita, 24. Jérusalem avait une co- 
horte, commandée par un ^iXs'apxo; ( ou tr i DUn i d'après 
la Vulgate). Act., xxi, 31-37; xxn, 24-29; xxm, 10, 15-22; 
xxiv, 7, 22. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4;. XVIII, iv, 3, 
appelle le commandant de l'Antonia <ppoypapxo;.. La 
garnison comprenait aussi des cavaliers. Act., xxjii, 23, 
32. Après la grande guerre de 66-73 après J.-C, la situa- 
tion militaire changea en Palestine, le gouverneur 
«l'étant plus un procurateur d'ordre équestre, mais un 
légat d'ordre sénatorial; une légion, la legio X Freten- 
sis, vint s'établir sur les ruines de Jérusalem. 

2° Pouvoir judiciaire. — Comme les gouverneurs 
d'ordre sénatorial, les procurateurs avaient également 
droit de haute justice dans leur province; mais ceux 
de Judée ne l'exercèrent que dans les cas extraordi- 
naires. La justice ordinaire, en effet, aussi bien dans 
les causes criminelles que dans les causes civiles, 
était restée entre les mains des Juifs. Le pouvoir du 
procurateur comprenait le droit de vie et de mort, le 
jus gladii. Josèphe, Bell, jud., II, vw, 1, nous dit que 
Coponius avait reçu |iéxpt T0 ^ xTsfvetv èïoWoiv, la 
puissance de condamner même à la peine de mort. 
Cependant le citoyen romain, sous le coup d'une ac- 
cusation capitale, gardait, au commencement et au 



cours du procès, le droit d'en appeler à César. Act., 
xxv, 10-12, 21 ; xxvi, 32. Le pouvoir coercitif du gou- 
verneur ne s'étendait donc qu'aux gens de la province, 
qu'il pouvait néanmoins renvoyer à Rome, pour un ju- 
gement définitif, lorsqu'en raison de la difficulté du 
cas il aimait mieux laisser la décision à l'empereur. 
Ainsi fit Félix pour Éléazar et un grand nombre de 
ses compagnons. Ant. jud., XX, vin, 5; Bell, jud., Il, 
xiii, 2. Bien que le procurateur fût seul juge, il pre- 
nait cependant assez souvent l'avis de son « conseil », 
u'jjjiëoijXtov, Act., xxv, 12, composé en partie des hauts 
fonctionnaires de sa suite, en partie des jeunes gens 
qui l'accompagnaient pour leur propre formation. L'exé- 
cution de la sentence capitale revenait régulièrement 
aux soldats. Voir Bourreau, t. i, col. 1895. 

3» Pouvoir financier. — Les procurateurs avaient 
encore pour fonction de veiller à la perception des 
impôts; c'est même de là que leur venait leur titre. La 
Judée étant province impériale, son tribut allait au 
trésor de l'empereur, et non à celui du sénat. 
Cf. Matth., xxn, 17-21; Marc, vu, 14-17; Luc, xx, 22- 
25. Pour les impôts en usage dans la fiscalité impé- 
riale et la manière de les lever, voir Cens, t. n, 
col. 422; Impôts, t. m, col. 851; Publicains. 

III. Liste. — On compte quatorze procurateurs ro- 
mains en Palestine, sept de l'an 6 à l'an 41, avant le 
règne d' Agrippa I er (41-44), et sept après, de 44 à 66. 
Nous n'avons que peu de renseignements sur plusieurs 
d'entre eux. 

1° Coponius, 6-9 ap. J. C. Il vint en Judée avec Qui- 
rinius. Ant. jud., XVIII, 1, 1. C'est sous son administra- 
tion que quelques Samaritains, entrés furtivement à 
Jérusalem, vinrent, une nuit, pendant la fête de Pâque, 
jeter des ossements humains dans le temple, pour le 
souiller et ainsi en empêcher l'accès au peuple. Ant. 
jud., XVIII, II, 2. C'est aussi dans cette période que 
Judas le Gaulonite fomenta une sédition, en proclamant 
qu'on ne devait ni payer l'impôt aux Romains, ni re- 
connaître d'autre maître que Dieu. Bell, jud., II, vin, 1. 

S" Marcus Ambivius ou Ambibulus; on lit dans Jo- 
sèphe, Ant. jud., XVIII, n, 2 : 'Afiëioû'ioç, dans cer- 
tains manuscrits : 'A[xgiëouxoç; le nom d'Ambibulus 
se retrouve ailleurs, par exemple celui des consuls 
C. Eggius Ambibulus et Varius Ambibulus. Cf. Corpus 
Inscript, lat., t. x, n. 3864. Ce procurateur fut en 
Judée de l'an 9 à l'an 12. De son temps, Salomé, sœur 
du roi Hérode, légua en mourant à Livie, épouse d'Au- 
guste, différentes villes, comme Jamnia, Phasaélis et 
Archélaïs. Ant. jud., XVIII, n, 2; Bell, jud., II, ix, 1. 

3" Annius Rufus, 12-15. Ant. jud., XVIII, n, 2. 

4° Valerius Grdtus, 15-26. Envoyé par Tibère, il 
déposa et nomma successivement plusieurs grands 
prêtres : Anne (6-15); Ismaël, fils de Phabi; Eléazar, 
fils d'Anne; Simon, filsdeCamith; et Caïphe. Ant. jud., 
XVIII, n, 2. 

5" Pontius Pilatus, 26-36. Voir Pilate, col. 429. 

6° Marcellus, 36-37, ami de Vitellius, légat de Syrie, 
et envoyé par lui. Ant. jud., XVIII, îv, 2; 

7» Marullus, 37-41. Ant. jud., XVIII, vi, 10. 

8° Cuspius Fadus, 44-?. Envoyé par Claude, après la 
mort du roi Agrippa I, il gouverna, comme ses succes- 
seurs, non plus seulement la Judée, mais toute la Pa- 
lestine, Ant. jud., XIX, îx, 2. Il eutà arrêter un conflit 
entre les Juifs de la Pérée et les habitants de Phila- 
delphie, délivra la Judée des brigandages qui s'y com- 
mettaient; mais il souleva maladroitement une diffi- 
culté à propos des vêtements du grand-prêtre, qu'il 
voulait faire garder dans l'Antonia, afin qu'ils fussent 
au pouvoir des Romains. Ant. ;tctf v <XX, i, 1, 2. 11 mit 
également à mort l'imposteur Theudas et un grand 
nombre de ses partisans. Ant. jud., XX, v, 1. 

9° Tiberius Alexander, jusqu'à 48. Issu d'une des 
plus grandes familles juives d'Alexandrie, neveu de 



693 



PROCURATEURS ROMAINS 



694 



Philon, il avait abandonné la religion de ses pères, 
pour se mettre au service des Romains. De son temps, 
la Palestine fut éprouvée par une grande famine. Il fit 
crucifier les fils de Judas le Galiléen, Jacques et Simon. 
Ant. jud., XX, v, 2. 

10° Ventidius Cumanus, 48-52. Il eut d'abord à ré- 
primer un soulèvement du peuple, à Jérusalem, pen- 
dant les fêtes de Pâque, soulèvement provoqué par la 
faute d'un des soldats romains qui gardaient le temple. 
La foule, effrayée au premier aspect de la troupe, s'en- 
fuit, mais, dans la précipitation et vu l'étroitesse des 
issues, beaucoup trouvèrent la mort. Ce deuil à peine 
terminé, un autre conflit s'éleva, mais dont la cause 
venait cette fois du côté des Juifs. Un serviteur de 
l'empereur, nommé Etienne, ayant été, à quelque dis- 
tance de Jérusalem, attaqué et dépouillé sur la voie 
publique, Cumanus envoya des soldats pour tirer ven- 
geance des villages voisins du théâtre du crime. Mais 
un de ces soldats ayant lui-même gravement offensé 
les Juifs dans leurs sentiments religieux, ceux-ci 
allèrent à Césarée demander satisfaction au procura- 
teur, qui, dans la crainte de nouvelles complications, 
et sur le conseil de ses amis, se décida à punir le cou- 
pable, et apaisa ainsi un tumulte qu'il aurait pu rallu- 
mer. Enfin un troisième événement valut à Cumanus 
la déposition et l'exil. Des Galiléens qui passaient par 
la Samarie pour aller à Jérusalem furent assaillis et 
mis à mort. Les principaux personnages de la région 
galiléenne se rendirent près du procurateur pour 
crier vengeance. Mais celui-ci, acheté par l'or des Sa- 
maritains, ne voulut rien entendre. Alors les Galiléens 
se firent justice en pillant et incendiant, malgré les 
supplications de leurs chefs, plusieurs villages sama- 
ritains. A cette nouvelle, Cumanus marcha contre eux, 
en tua un grand nombre et en prit d'autres vivants. 
La sédition apaisée, grâce à l'intervention des princi- 
paux Juifs de Jérusalem, la cause fut portée devant 
Ummidius Quadratus, légat de Syrie, alors à Tyr. En 
présence des deux partis, qui s'accusaient mutuelle- 
ment, celui-ci différa le jugement et finalement les 
renvoya devant Claude. Il ordonna en même temps à 
Cumanus de les suivre en Italie. L'empereur, recon- 
naissant dans les Samaritains les auteurs de tout le 
mal, fit mettre à mort ceux qui avaient comparu devant 
son tribunal, et envoya Cumanus en exil. Cf. Ant. 
jud., XX, v, 2, 3, 4; vi, 1-3; Bell, jud., II, xn, 1-7. 

11° Félix, 52-60. Voir Félix, t. n, col. 2186. 

12° Porcius Festus, 60-62. Voir Festus, t. n, col. 2216. 

13° Albinus, 62-64. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 1, 
lui rend ce témoignage peu flatteur qu'il n'omit au- 
cune sorte de méchancetés. Homme d'argent avant 
tout, il pillait aussi bien le trésor public que les biens 
particuliers ; tout en accablant le peuple d'impôts, il 
relâchait, pour certaines sommes, les brigands qu'on 
avait jetés en prison. Avec de pareilles dispositions, il 
se laissait gagner par les ennemis comme par les amis 
de Rome. Cf. Ant. jud., XX, ix, 1-4. 

14° Gessius Florus, 64-66. Son gouvernement fut 
tellement odieux qu'Albinus auprès de lui pouvait 
passer pour un homme très juste, selon Josèphe, Bell, 
jud., II, xiv, 2. Celui-ci, en effet, cherchait encore à 
cacher ses méfaits, tandis que Gessius se glorifiait de 
ses sévices à l'égard des Juifs. C'était le pillage par- 
tout, au point de faire déserter les habitants. Il se 
plut, pour ainsi dire, à fomenter la sédition parmi les 
Juifs; il réussit si bien qu'il finit par allumer la 
grande guerre qui amena la ruine de Jérusalem et de 
la nation juive. Cf. Ant. jud., XX, xi, 1; Bell, jud., 
II, xiv, 2-9 sq. 

IV. La Palestine sous les Romains. — 1» Au point 
de vue politique. — Après la conquête de Jérusalem 
par Pompée, la Palestine perdit son indépendance et 
devint tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv, 4; 



Bell, jud., I, vu, 6. Fut-elle immédiatement incorporée 
à la province de Syrie? Ce n'est pas sûr. Les villes 
conquises par les Juifs en Cœlé-Syrie leur furent enle- 
vées et la nation se vit condamnée à vivre désormais 
dans les limites de son territoire. Hyrcan II (63-40) 
resta à la tête du gouvernement, mais sous la haute 
surveillance du légat romain. Plus tardGabinius (57-55) 
lui retira son pouvoir politique, pour ne lui laisser que 
le souverain pontificat. En même temps il divisa le pays 
en cinq districts, uùvoSoi, «rovÉSpta, dont les chefs-lieux 
furent : Jérusalem, Gazara, Amalhus, Jéricho et Sep- 
phoris. Ant. jud., XIV, v, 4; Bell, jud., I, vm, 5. On 
ne sait au juste ce qu'ils représentent, mais on peut y 
voir ou des circonscriptions territoriales établies en 
vue des impôts, ou des ressorts judiciaires, conventus 
juridici, peut-être les deux à la fois. Ces dispositions 
ne furent cependant pas de longue durée. César rendit 
à Hyrcan le pouvoir que lui avait enlevé Gabinius et 
le nomma ethnarque des Juifs. Il nomma aussi Anti- 
pater procurateur, èitt'tpoiioî, de Judée, ou plutôt il le 
confirma dans celte charge, car, déjà avant cette 
époque, Josèphe le présente comme ô twv 'Iouoai'wv 
è7ri|As)ii]TiQç. Ant. jud., XIV, vm, 1. Il est possible que 
Gabinius lui-même lui eût confié une certaine part 
dans l'administration des finances, comme l'indique le 
titre d'èmusXYjTTjç. Le faible Hyrcan n'eut guère du 
gouverneur que le nom. En réalité, ce fut Antipater 
qui exerça l'autorité. Il eut soin de donner à son fils 
aîné Phasaël le gouvernement de Jérusalem et des 
environs, et à son second fils Hérode celui de la Ga- 
lilée. Ant. jud., XIV, IX, 2 ; Bell, jud., I, x, 4. Plus tard, 
Antoine leur conféra à tous deux le titre de tétrarque, 
et, par un décret en forme, remit entre leurs mains 
l'administration de la Judée. Ant. jud., XIV, xm, 1; 
Bell, jud., I, xn, 5. Cependant la race des Asmonéens 
reparut sur le trône avec Anligone (40-37), qui fut ra- 
mené par les Parthes. Mais, trois ans après, avec 
l'appui des Romains, Hérode le Grand reparaissait avec 
le titre de roi. Voir Hérode le Grand, t. m, col. 638. 
Après sa mort, le territoire fut partagé entre ses fils : 
Archélaùs reçut la Judée, la Samarie et l'Idumée, avec 
le titre d'éthnarque ; Antipas, la Galilée et la Pérée; 
Philippe, la Gaulânitide, la Batanée, la Trachonitide et 
l'Auranitide, tous deux avec le titre de tétrarque. Cf. 
Luc, m, 1. Voir Archélaùs, t. i, col. 927; Hérode An- 
tipas, t. m, col. 647;Hérode Philippe II, t. m, col. 649. 
Après la déposition d'Archélaùs, ce furent les procura- 
teurs romains qui gouvernèrent son territoire. L'an 37 
après J.-C, Caligula donna la tétrarchie de Philippe 
et l'Abilène à Hérode Agrippa I er , avec le titre de roi. 
Ant. jud., XVIII, vi, 10; Bell, jud., II, ix, 6. En 39, il 
y ajouta celle d'Antipas, et, en 41, Claude réunit au 
tout la Judée et la Samarie. Ant. jud., XVIII, vir, 2; 
XIX, v, 1; Bell, jud., II, ix, 6; xi, 5. C'est ainsi 
" qu'Agrippa I posséda tout le royaume de son grand- 
père et que la Palestine se trouva de nouveau sous le 
même sceptre. Voir Hérode Agrippa l", t. m, col. 650. 
Mais bientôt après, en 44, le roi mourait et la province 
retombait sous les procurateurs romains. Cependant, 
en 53, son fils, Hérode Agrippa II, recevait de Claude, 
en échange de la principauté de Chalcis, et avec le 
titre de roi, la tétrarchie de Philippe et l'Abilène. 
Ant. jud., XX, vu, 1. Voir Agrippa II, t. i, col. 286. 
Après la ruine de Jérusalem, la Palestine fut confiée à 
des gouverneurs de rang sénatorial. 

2° Au point de vue géographique. — Telles sont les 
vicissitudes par lesquelles passèrent, dans l'espace 
d'un siècle, les différentes provinces de la Palestine. 
Pour les limites, divisions, description et histoire de 
chacune d'elles, voir les articles qui leur sont consa- 
crés. Nous devons nous borner ici à un aperçu géné- 
ral du pays et à ses particularités les plus remarquables 
pendant la période romaine. Voir la carte, fig. 179. 



695 



PROCURATEURS ROMAINS 



68& 



Josèphe décrit sommairement, Bell, jud., III, m, 
1-5, l'ensemble de la Palestine telle qu'elle était de 
son temps. L'historien juif est notre première source 
dans cette étude. Mais il n'est pas la seule. Pour avoir 
une idée plus complète de la région, il est utile de dé- 
passer les bornes de l'histoire auxquelles la Bible nous 
limite strictement, et d'étendre nos recherches géogra- 
phiques jusque vers le IV e siècle de notre ère. Après 



A) Sur la côte méditerranéenne, nous renconlrons, 
en allant du nord au sud : 'ExSticitot, Ptol., V, 15; Ec~ 
dippa, Pline, V. 17 ; 'Ex2t7t7t<ov, 'ExSfaouc, Josèphe, 
Bell, jud., I, xm, 4; Kezîb ou Gezîb, Talm.; 'A-/?' 1 ?, 
Achzif-Onom., p. 65, 224; aujourd'hui Ez-Zib. Voir 
Achazib 1, t. i, col. 136. 

IPcoXefj.aî'ç, Acl., xxi, 7; Bell, jud., I, xxi, 11; Ptolo- 
maide, Tab. Peut. : Ptolomais, dans Onom., 95; 'Akko r 




179. — Carte de Palestine sons le gouvernement des procurateurs romains. 



Josèphe, les sources seront donc : les Taltnuds (nous 
renvoyons à Neubauer, La géographie du Talmud, 
Paris, 1868, pour les détails), VOnomasticon d'Eu- 
sèbe et de S. Jérôme (édit. de Lagarde, Gœttingue, 1870), 
la carte mosaïque de Mâdaba (voir fig. 180), auxquels 
on peut joindre : Ptolémée, la Table de Peutinger, la 
Notifia dignitatum, etc. Nous retrouvons ainsi un cer- 
tain nombre de noms connus dans l'Ancien Testament. 
Mais il en est d'autres qui viennent s'y ajouter: plusieurs 
villes, en effet, furent bâties à celte époque ; d'autres 
furent rebâties ou prirent une plus grande impor- 
tance. Une simple esquisse nous suffira. 



Talm. ; aujourd'hui 'Akka. Voir Accho, t. i, col. 108. 

Heifa, nsm, Talm., probablement la ville de Taêi., 
que Josèphe, Bell, jud., III, m, 1, place près du Car- 
mel; auj. Haïfa ou Khaïfa, Cf. Neubauer, p. 197. Elle 
est appelée Epha, 'Hœâ, dans l'Onom. p. 134, 267, 
qui l'identifie avec la suivante. 

Suxà(itvwv, Ptol.; Siqmônah, ruiDpnr, Talm., Neu- 
bauer, p. 197; Ewijitvo;, Sycamii^um, Onom., p. 133, 
267; aujourd'hui Haifa el 'atiqa ou Tell es-Semak. 

Castra, NTODp, Talm., Neubauer, p. 196, que 
R. Schwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 
1852, p. 129, identifie avec A MU, le Castrum peregri- 



Cette carte, découverte en 1896, est une mosaïque datant du V e ou du vi" siècle de l'ère chrétienne; 
elle formait la plus grande partie du pavement d'une église située au nord-est de la ville de Mâdaha, au 
pays de Moab. Avec ce dernier pays, elle comprenait primitivement tout le territoire des douze tribus 
d'Israël, le désert du Sinaï, la Basse^Égypte et probablement une bande de l'Idomée, de l'Ammonitide 
et de la Syrie. Le fragment qui subsiste aujourd'hui, et qui a de nombreuses lacunes, s'étend depuis 
Naplouse jusqu'aux bouches du Nil. L'église étant orientée de l'est à l'ouest, la carte était dessinée 
dans le même sens, et les noms étaient écrits de manière à être lus à mesure qu'on avançait vers le 
chœur. Six tribus seulement figurent en tout ou en partie sur ce qui reste : Siméon, Juda, Dan, Ben- 
jamin, Ephraïm et Ruben. Les montagnes sont représentées par des combinaisons de lignes et de cou- 



leurs qut les distinguent nettement de la plaine. Les fleuves sont striés de bandes étroites et sinueuses; 
des poissons se jouent dans les eaux. La Mer Morte a sur ses flots deux navires qui manquent de pro- 
portions, mais sont d'un effet pittoresque. Au désert, les palmiers marquent les oasis; la gazelle fuit 
devant le lion. Dans les grandes villes, comme Ascalon, Gaza, Jérusalem, on distingue les colonnades, 
les principaux monuments, les églises, les rues. Les cités moins importantes sont figurées par des murs 
flanqués de tours carrées. Les plans des villes principales sont malheureusement plus ou moins enta- 
més; mais celui de Jérusalem est presque en entier et présente le plus haut intérêt. Les localités 
sont désignées, s'il y a lieu, par le nom ancien et le nom usité à l'époque où la carte a été cons- 
truite; souvent des renseignements historiques ou géographiques y sont ajoutés. Les indications sont 
en grande partie tirées de YOnomasticon d'Eusèbe. La mosaïque originale est en couleurs. 




180. — CARTE GÉOGRAPHIQUE DE MADABA EN MOSAÏQUE 



€97 



PROCURATEURS ROMAINS 



698 



norum du moyen âge. Il est possible que, dès l'époque 
f omaine, cet endroit très bien situé ait été une localité 
fortifiée, une sorte de camp. V. Guérin, Samarie, t. ii t 
p. 290, est disposé à y reconnaître, avec Ritter, la mu- 
tatio Certa, que le Pèlerin de Bordeaux (333) mentionne 
-entre Sycaminos et Césarée de Palestine, cf. ltinera 
Terrée Sanctx, édit. T. Tobler, Genève, 1877, t.'i, p. 15. 
C'est probablement aussi la Magdihel, MayStriA, que 
VOnomasticon, p. 139, 280, signale entre Dora et Pto- 
iémaïde. 

Awpa, Ptol. ; Thora, Tabl. de Peut.; aujourd'hui 
Tantûrah. Voir Dor, t. n, col. 1487. 

Kanràpsta 2tp<xto>voç, Ptol. ; primitivement la « Tour 
■de Straton, » Plin., H. N., v, 14, qui devint, sous 
Hérode le Grand, Césarée maritime, aujourd'hui Qai- 
sariyéh. Voir Césarée du bord de la mer, t. n, 
col. 456. 

Apollonia, AttoXXmvkx, Ptol. ; Apolloniade, Tab. Peut. 
Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 4, et Pline, v, 14, la 
placent entre Césarée et Joppé. C'est aujourd'hui Arsûf. 

lo-K-f), Ptol.; Joppe, Tab. Peut.; aujourd'hui Jafla. 
Voir Joppé, t. m, col. 1631. 

'Iafi.vEt<x, Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 6 ; Yabnéh, 
Talm., Neubauer, p. 73, était une petite ville, 7roXfyvT|, 
au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme, Onom., p. 132, 
276; cependant, la carte mosaïque de Mâdaha repré- 
sente Iaëv7]> ?) xat Iajj-vta comme une ville considéra- 
ble, mais sans colonnades ; aujourd'hui Yebna. Mais le 
port de Jamnia, lajivttwv A^v, Ptol., correspond à 
Minet Rabin. Voir Jamnia, t. m, col. 1115. 

"AÇwtoî, Ptol.; Azolon, Tab. Peut. ; aujourd'hui Esdûd. 
"AÇtotoç itapàXios ou Azot maritime : Mînet-el-Qal'a. 
La mosaïque de Mâdaba distingue bien Ao8m[S] de 
AÇmtoç itapaXo[çj, et montre l'importance de la cité 
maritime. Voir Azot 1, 1. i, col. 1307. 

'A<rxâ)wv, Ptol.; Ascalone, Tab. Peut.; 'A<TxaXw[v], 
carte de Mâdaba, sur laquelle on remarque une im- 
mense place rectangulaire entourée de colonnes, au 
milieu de laquelle se dressent trois obélisques; aujour- 
d'hui Asqûlân. Voir Ascalon, t. i, col. 1060. 

'AvOr]S<iv, Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 3; Arithe- 
don, Plin., v, 13, 68, dont le nom fut changé par 
Hérode en 'celui A'Agrippias, Josèphe, loc. cit., se 
trouvait au nord de Gaza. On l'identifie aujourd'hui 
avec les ruines d'el-Blachiyéh, appelées aussi Teda, à 
une heure au nord-ouest de Gaza. Cf. G. Gatt, Bemer- 
kungen ûber Gaza und seine Vmgebung, dans la Zeit- 
schrift des deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. vu, 
1884, p. 5-7; voir ibid., p. 140-142, les remarques de 
Noldeke et Gildemeister. 

TâÇa, Gaza, aujourd'hui Ghazzéh; Tafaioiv Xijiviv, le 
port de Gaza = el-Minéh. Voir Gaza, t. m, col. ^118. La 
mosaïque de Mâdaba fait ressortir la grandeur et la 
beauté de la ville de [r] aï<x avec ses édifices, sa grande 
rue à colonnades et sa superbe basilique. 

Raphia, 'Potç/ot, Strabon, xyi, p. 522;. Josèphe, Ant. 
jud., XIII, xv, 4; Raphea, Pline, v, 14; Talm. : mm, 
Neubauer, p. 20; aujourd'hui Khirbet bir Refah, au 
sud de Gaza. C'était la première ville syrienne que l'on 
rencontrait en venant d'Egypte, 

B) En Galilée :• — Giscala, Tid^aXa, Josèphe, Bell, 
jud., 11, xx, 6; IV, n, 1; Vita, 10; Gûstfalab, shv. \mi, 
Talm., Neubauer, p. 230; aujourd'hui el-Djisch. Voir 
Ahalab, t. i, col. 289. 

MT|pw6, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6; Vita, 37; 
Merôn, pna, Talm., Neubauer, p. 228; aujourd'hui 
Meirûn, au sud d'El-Djisch. 

Ackabara, 'Ax<x6âpr\, Josèphe, Vita, 37; 'Axaêâpoiv 
nétpa, « rocher d'Achabara, » Bell, jud., II, xx, 6; 
Akbarah, ni33ï, Talm., Neubauer, 226; aujourd'hui 
Akbara, au sud-est de Meirûn. 

Kefar Jfananiyah. r«2n -iS2,Talm.,Neubauer,p.226; 
aujourd'hui Kefr'Anân. Voir Hanathon, t. m, col. 415. 



Séldmis, SeXapn'c, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6; 
Vita, 37; aujourd'hui Khirbet Sellaméh, au sud-ouest 
de Kefr'Anân. 

Gabara, ràëapa, Josèphe, Vita, 25, 45; une des 
trois grandes villes de la Galilée, avec Tibériade et 
Sepphoris, d'après l'historien juif, loc. cit.; on l'a 
identifiée avec Khirbet Kabra, au nord-ouest de 
Kh. Sellaméh, voir cependant W. Oehler, Die Ort- 
schaften und Grenzen Galilâas nach Josephus, dans la 
Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. xxvm, 
1905, p. 56. 

Sogane, SwyavVi, Josèphe, Vita, 51; Siknin ou Sî- 
knî, j»j3»d »>33>d, Talm., Neubauer, p. 204; aujourd'hui 
Sakhnîn, au sud de Kh. Kabra. 

Chabolo, X«g(oX(i, Josèphe, Vita, 43; Kabûl. h\&, 
Talm., Neubauer, p. 205; aujourd'hui Kabûl, à l'ouest 
de Sakhnîn. Voir Chabul (Terre de), t. H, col. 473. 

lotapata, 'I(oxâ7taTa, Josèphe, Bell, jud., II, xx, 6; 
Vita, 37; sans doute la Yôdafat, nsTi>, des Talmuds, 
Neubauer, p. 203; aujourd'hui Kh. Djéfdt, au sud-est 
de Kabûl. 

Schefar'àm, ny.sw, Talm., Neubauer, p. 198; au- 
jourd'hui Schéfa 'Amr, au sud-ouest de Kh. Djéfdt. 

Uscha, tnrm, Talm., Neubauer, 199; aujourd'hui 
Kh. Hûschéh, au sud de Schéfa Amr. 

'PoufiS, Josèphe, Bell, jud., III, vu, 21; probablement 
la Rùma', ndh, des Talmuds, Neubauer, p. 203; au- 
jourd'hui Kh. Rûméh, au sud de Kh. Djéfât. 

Sepphoris, Séuçoiptç, Josèphe, Vita, 65; Sarcçoupst, 
Ptol. ; Sippôrî ou Sippôrîn, mss, jmss, Talm., Neu- 
bauer, p. 191; aujourd'hui Sejfuriyéh, au sud de 
Khi Rûméh. 

Tibériade, TiéEptiç, Josèphe, Bell, jud., II, xm, 
2, etc.; Ptol. ; Onom., p. 88, 215; Tyberias, Tab. Peut.; 
Tabarîa, woo, Talm., Neubauer, p. 208; aujourd'hui 
Tabariyéh. Voir Tibériade. 

Bi]9(iaoûç, Jos., Vita, 12, 62; Beth Maon, pro no, 
Talm., Neubauer, p. 218; aujourd'hui Tell Ma'ûn, à 
l'ouest de Tibériade. 

Sennabris, Eswaêpi'î, Josèphe, Bell, jud., III, IX, 7; 
Senabrî, >naas, Talm., Neubauer, p, 215; Sinn en- 
Nabra, au sud de Tibériade. Pour les difficultés d'iden- 
tification, en ce qui concerne Josèphe, cf. J. B. van Kas- 
teren, Am See Genezaret, dans la Zeitschrift des 
deutschen Palâstina-Vereins, t. xi, 1888. p. 242, 243; 
F. Buhl, Bemerkungen zu einigen frûheren Aufsât- 
zen der Palastina-Zeitschrift, dans la même revue, 
t. xm, 1890, p. 38-39. 

Tapirai ou Tapira, Josèphe, Bell, jud., III, x, t. 
Vita, 32; Tarichea, Plin., R. N., v, 15, 71; probable- 
ment la Beth Yerah, rn> n>a, du Talmud, Neubauer, 
p. 215. On la place généralement à Kh. el-Kérak, à la 
pointe sud du lac de Tibériade. D'autres cependant la 
cherchent au nord de la ville de Tibériade, à el-Medjdel. 
Pour les partisans des deux opinions, voir E. Schûrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes, t. i, p. 614, note 44. 

Kefar Sobtî, >ravv iss, Talm., Neubauer, p. 218; 
aujourd'hui Kefr Sabt, au nord-ouest de Sinn en- 
Nabra. 

Simonias, Sijiwnotç, Josèphe, Vita, 24; Sitnânîa', 
N»ïia»D, Talm., Neubauer, p. 189; aujourd'hui Semû- 
niyéh, à l'ouest de Nazareth. 

Scythopolis, Sxu86itoXcç, sur les confins de la Galilée, 
appartenait à la Décapole, au temps de Josèphe, Bell, 
jud., III, ix, 7; Scytopoli, Tab. Peut., Beth Sche'ân, 
Talm., Neubauer, p. 174. C'est la Bethsan de l'Écriture, 
aujourd'hui Béisàn. Voir Bethsan, t. i, col. 1738. 

C) En Samarie : Ginsea, Tivaîa, Josèphe, Bell, jud., 
III, m, 4 ; l'ancienne Engannim, aujourd'hui Djénîn, à 
l'entrée de la Samarie, au sud de la grande plaine 
d'Esdrelon. Voir Engannim 2, t. n, col. 1802. 

Caparcotia, Ka7rapy.ÔTta ou KaitapxÔTvei, Ptol.; Ca- 
porcotani, Tab. Peut., localité que Ptolémée marque 



699 



PROCURATEURS ROMAINS 



700 



comme appartenant à la Galilée; aujourd'hui Kefr Qûd, 
près de Djénîn, à l'ouest. 

Aefeiov, Legio, est un nom qu'on rencontre plusieurs 
fois dans VOnomasticon, p. 88, 94, 107, 214, 223,239, etc., 
et qui sert comme de point central pour déterminer la 
position de certaines autres localités. Il atteste sans 
doute que les Romains avaient établi en ce point stra- 
tégique important un camp pour une légion. Il a sub- 
sisté jusqu'à nos jours sous celui de Ledjdjûn, au 
nord-ouest de Kefr Qûd, et représente l'ancienne Ma- 
geddo. Voir Mageddo 1, t. iv, col. 553. .. 

Sébaste, Eegocar/i, Josèphe, Bell. ]ud., I, xxi, 2, nom 
donné à l'ancienne ville de Samarie par Hérode le 
Grand, qui la restaura et i'embellit. Elle porte encore 
le même nom de Sébastiyéh. Voir Samarie. 

Néapolis, NeiiroXtç, Josèphe, Bell, jud., ÏV, vm, 1 ; 
Ptol.; Neapoli, Tab. Peut.; appelée par les indigènes 
Ma6op8â, selon Josèphe, loc. cit. ; Mamortha, selon 
Pline, H. N., v, 14. C'est l'ancienne ville de Sichem, 
qui, rebâtie presque complètement à l'époque de Ves- 
pasien, reçut alors une colonie romaine, avec le nou- 
veau nom de Flavia Néapolis, qui subsiste encore en 
celui de Nablus chez les Arabes, Naplouse pour les 
Européens. Voir Sichem. 

D) En Judée. — Acrabbi, 'AxpaëSsiv, Onom., p. 87, 
214, localité donnée par Eusèbe et saint Jérôme comme 
« limite de la Judée vers l'orient », ['AxpJïSîji, Mad.; 
'Aqrabah, rrnpy, Talm., Neubauer, p. 159. C'est 1' 'Ax- 
paëarrâ de Josèphe, Bell, jud., III, m, 5, capitale de la 
toparchie d'Acrabatène, Bell, jud., Il, xx, 4; IV, ix, 3, 
9, aujourd'hui Aqrabéh, au sud-est de Naplouse. 

Antipatris, 'AvTtrcctTpi'ç, Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 
1; Bell, jud., I, iv, 7; Act., xxm, 31; Ptol., Onom., 
p. 127, 245; dti3S>-djs<, Talm., Neubauer, p. 86, aujour- 
d'hui Qala'at Râsel-'Aïn, au nord-est de Jaffa, suivant 
les uns; Medjdel Yaba, au sud-est de Qala'at Râs el- 
'Aïn, selon les autres. Josèphe semble l'identifier avec 
la localité suivante. Voir Antipatris, t. î, col. 706. 

Capharsaba, XocëapÇocëà, Josèphe, Ant. jud., XIII, 
xv, 1 : Km.fa.ciaa.ea., Ant. jud., XVI, v, 2; Kefar Saba', 
N3D isr, Talm., Neubauer, p. 87; aujourd'hui Kefr 
Sâbâ, au nord de Qala'at Rds el-'Aïn. Les Talmuds 
semblent distinguer cet endroit du précédent. Cf. V. 
Guérin, Samarie, t. n, p. 357-367. 

Capharsalama, Kaçp«p<ra),a(ic«, Josèphe, Ant. jud., 
XII, x, 4; Xonfxp<rala.\i.i., I Mach., vu, 31. Le Talmud 
connaît aussi un village appelé Kefar Salem, nbw ibd, 
Neubauer, p. 173. Capharsalama devait se trouver 
dans le voisinage de Jérusalem, mais l'identification 
exacte n'est pas connue. Voir Capharsalama, t. n 
col. 210. 

Beit Rimah, finn no, Talm., Neubauer, p. 82; au 
jourd'hui Beit Rima. 

Tôrmasia, NtDmin,Talm., Neubauer, p. 279; aujour- 
d'hui Turrnus Aya, au sud-ouest à.' Aqrabéh. 

Gophna, Tôjva, Josèphe, Ant. jud., XIV, XI, 2; ville 
importante, chef-lieu d'une toparchie, Bell, jud., III, 
m,5; routpvâ,Ptol. ; Cofna, Tab. Peut.; Gophna, miSTi : 
très populeuse, selon les Talmuds, Neubauer, p. 157; 
To^vâ. Onom., p. 300; Mâdaba; aujourd'hui Djifnéh,Au 
nord de Jérusalem. Voir Ophni 2, t. iv, col. 1833. 

Éphrem, 'E<ppa'ï[j.i Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 9 ; 
'Açsps([ia, Ant. jud., XIII, IV, 9; Efrem, Efrsea; 
'Eçpaejji, Onom., p. 94, 118, 257; Eopptov r) Eçpctta sv6a 
t)X8ev o *?, « Ephron ou Ephrata, où vint le Seigneur » 
(cf. Joa., xi, 5i), Mâdaba; aujourd'hui Et-Tayibéh, à 
l'est de Djifnéh, identification justifiée par la carte de 
Mâdaba, Voir jcphremI, t. il, col. 1885. 

Lydda, AOSôa, Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 2, chef- 
lieu d'une toparchie, Bell, jud., III,' m, 5; AuôSa, 
Ptol.; Luddis, Tab. Peut.; Lôd ou Lùd. -rh, Talm., 
Neubauer, p. 76; Diospolis, Aio<ntôXiç, Onom., p. 107, 
128, 219, 226, etc. ; Ato8 i^toi AuSsoc n xae Aeoa-itoXtç, 



carte de Mâdaba, qui représente la ville avec des édi- 
fices imposants, entre autres une colonnade circulaire 
autour d'une grande place, au fond de laquelle est une 
grande église. C'est aujourd'hui Ludd, au sud-est de 
Jaffa. Voir Lydda, t. iv, col. 444. 

Modin, Mtoôièt'ii, Josèphe, Ant. jud., XII, vi, 1; 
Môdî'im ou Môdî'îf, nvira, numo, Talm., Neubauer, 
p. 99; Modeim, Mï]ôee:(i, « bourg près de Diospolis 
d'où étaient les Machabées, » Onom., p. 140, 281 ; 
MmSeei^. ï] vuv Mb)6cQa ex t<xutï]ç rjaav oi Maxxaëaioi, 
Mâdaba; aujourd'hui El-Mediyéh, à l'est de Ludd. Voir 
Modin, t. rv, col. 1180. 

Bethoannaba, Be-roocwâg, bourg signalé par Y Onom., 
p. 90, 218, dans le voisinage de Diospolis, comme 
représentant l'ancien Anob, 'Avwë; Avwë r\ vuv Byjtooiv- 
vaêa, Mâdaba; aujourd'hui Annâbéh, au sud de Ludd; 
mais nous ne croyons pas que ce soit YAnab assiégé 
par Josué, XI, 21. Voir Anab, t. ï, col. 533. 

\Axx«p(iv, Josèphe, Ant. jud., V, n, 11, etc.; Acca- 
ron, était encore un très gros bourg au temps d'Eusèbe 
et de saint Jérôme, Onom., p. 91, 218; Axxap[wv] ri vuv 
Ax..., Mâdaba; aujourd'hui 'Aqîr, au sud-ouest d' Annâ- 
béh. Voir Accaron, t. ï, col. 105. 

Emmaûs, 'E\>.\i.a.o\)ç ou Annaoys, Josèphe, Ant. jud., 
XII, vu, 3; Bell, jud., II, xx, 4, était le chef-lieu d'une 
toparchie, Bell, jud., III, nr, 5; Pline, H. N., v, 14; 
'Eniiaoûi;, Ptol., Amavanle, Tab. Peut., dindn ou dind? 
dans les Talmuds, Neubauer, p. 100; appelée aussi 
Nicopolis, NtxorcoXtç, Onom., p. 121, 257; NixotcoXiî, 
Mâdaba, où la ville est figurée dans une petite plaine 
déjà dans la montagne, mais cependant en avant du 
grand massif judéen ; beaucoup plus étendue que les 
simples bourgs, elle n'a pas de colonnade. C'est au- 
jourd'hui 'Amuâs, à l'est d"Aqîr. Voir Emmaus 1, t. n, 
col. 1735. 

Jérusalem, appelée par Hadrien JElia Capitolina ; le 
nom & JElia, ADia, est habituellement employé par 
Eusèbe et saint Jérôme dans VOnomasticon. Elle est 
indiquée sur la carte de Mâdaba avec l'inscription : 
»! ocyia itoXiç Iepovo-a[Xï]ixl et y occupe une place très 
importante; à remarquer : les principales portes, entre 
autres celle qui est précédée, à l'intérieur de la ville, 
d'une colonne monumentale, d'où le nom de bâb el- 
'Amûd, « porte de la colonne, » qu'a conservé la porte 
de Damas; les deux colonnades, dont l'une traverse la 
cité du nord au sud, et qui est coupée à l'ouest par un 
grand édifice, dans lequel onreconnaîtle Saint-Sépulcre. 
Voir Prétoire, col. 621 ; Sépulcre (Saint-). 

Bethléhem, BrjOXéEfji, marquée sur la carte de Mâdaba 
par quelques édifices, dont le plus important est une 
église, celle de la Nativité. Voir Bethléhem 1, t. ï, 
col. 1688. 

Hérodium, 'HpwSia, 'HpwSsto'v, Josèphe, Ant. jud., 
XIV, xiii, 9; Bell, jud., I, xm, 8, ville et acropole bâties 
par Hérode le Grand à l'endroit même où il avait vaincu 
les Juifs partisans d!Antigone qui le poursuivaient; 
aujourd'hui djebel Furéidis, au sud-est de Bethléhem. 

Kefar Dikrîn, ï*m 123, Talm., Neubauer, p. 71; 
aujourd'hui Dhikrîn, au nord ouest de Beit Djibrîn; 
pour l'identification de ce lieu avec Geth, voir Geth, 
t. m, col. 223. 

'EXsuOspoTcôXti;, Eleutheropolis, ville souvent citée 
dans VOnomasticon, p. 92, 103, 106, 109, etc., comme 
point central ou point de départ auquel il rapporte les 
distances de plusieurs localités. C'est la BaiToyaëpet de 
Ptolémée, la Betogabri de la Table de Peutinger, la 
Beth Gùbrîn, fnmi n»3, des Talmuds, Neubauer, 
p. 122, et le nom subsiste encore aujourd'hui sous 
celui de Beit-Djibrîn. La mosaïque de Mâdaba ne la 
nomme pas, il est facile de la reconnaître dans la 
grande cité, avec place entourée de colonnes, qui se 
trouve au sud-ouest de Mopotofli, « d'où était le pro- 
phète Michée. » VOnomasticon, p. 141, 282, auquel la 



701 



PROCURATEURS ROMAINS 



702- 



carte emprunte ce3 paroles, place Morasthi à l'est 
d'Éleuthéropolis. 

Hébron, Xeëpwv, Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 9, dé- 
truite par l'un des généraux de Vespasien, quelque 
temps avant la ruine de Jérusalem, elle était, au temps 
d'Eusèbe, Onom., p. 209, un gros bourg, -/<à|iri vvv 
jj,eyf(nv, aujourd'hui El-Khalil. Voir Hébron 3, t. m, 
col. 554. 

Bersabée, Bvipffouëa', Josèphe, Ant. jud., I, xil, 1; 
Bepsana, Ptol. Au temps d'Eusèbe et de saint Jérôme, 
Onom., p. 103, 234, c'était un bourg considérable, où 
était établie une garnison romaine. La mosaïque de 
Mâdaba la mentionne sous le titre de Bïip<ra6£e i\ vuv 
Brjpoo-ffaëa, et la représente, en effet, comme une lo- 
calité importante. C'est aujourd'hui Bîr es-Sébâ. Voir 
Bersabée, 1. 1, col. 1629. 

Malatha, MocXiOa, Josèphe, Ant. jud., XVIII, vi, 2; 
Maleaha (var. Maleathia), dans la Kotitia dignitatum; 
MwXaSâ, Onom., [p. 279; aujourd'hui Kh. el Milh., à 
l'est de Bersabée. Voir Molada, t. iv, col. 1222. 

E) Le long de la mer Morte et de la vallée du Jour- 
dain, en remontant du sud au nord. — Masada, Ma- 
ffàSa, Josèphe, Bell, jud., VII, vin, 2-3, etc., célèbre 
forteresse que les Machabées construisirent, qu'Hérode 
le Grand rendit imprenable; aujourd'hui Sebbéh. 

Engaddi, 'EyyocSï, Josèphe, Ant. jud,, IX, i, 2; 
'EvyeSai'v, Ant. jud., VI, xrn, 1; 'Eyya35ai', une des 
toparchies, Bell, jud., III, m, 5; EvyaâSa, Ptol.; était 
encore « un gros bourg des Juifs », au temps d'Eusèbe 
et de saint Jérôme, Onom., p. 119, 254; aujourd'hui 
'Aïn Djidi, sur les bords de la mer Morte, presque à 
mi-chemin entre les deux extrémités nord et sud. Voir 
Engaddi, t. h, col. 1796. 

Jéricho, 'Iep^oûç, un e des toparchies, Josèphe, Bell, 
jud., III, m, 5; Iepixou;, Ptol. ; Herichonte, Tab. Peut. ; 
Jéricho, 'Ispr/ti, Onom., p. 131, 265, qui compte trois 
Jéricho successives. La mosaïque de Mâdaba la repré- 
sente comme une ville importante, flanquée de tours 
carrées et environnée de palmiers. Elle s'appelle au- 
jourd'hui Er-Rîhà. Voir Jéricho, t. ni, col. 1282. 

Archélaïs, 'Ap^sXacç, Josèphe, Ant. jud., XVII, xm, 
i, ville fondée par Archélaûs, fils d'Hérode le Grand; 
'ApxeXour, Ptol. ; Arcelais, Tab. Peut. Son emplace- 
ment exact n'est pas connu. D'après Josèphe, Anl. 
jud.., XVIII, il, 2, elle était dans la plaine du Jourdain 
et dans le voisinage de Phasaélis, mais les uns la 
cherchent au nord, les autres au sud de cette dernière 
ville. La carte de Mâdaba la place au sud. Cf. V. Gué- 
rin, Samane, t. i, p. 236-237; E. Schûrer, Geschichte 
des jùdischen Volkes, t. i, p. 452, note 12. 

Phasaélis, $£<ja-t\liç, Josèphe, Ant. jud., XXI, v, 2, 
ville fondée par Hérode le Grand, en l'honneur de son 
frère Phasaël, au nord de Jéricho; «fccerariXiç, Ptol. Les 
dernières lettres seulement du nom, [<f»a<ri-ii]>.iç, sont 
conservées sur la mosaïque de Mâdaba. Aujourd'hui 
Kh. Fasdïl. 

Corese, Kopsaf, Josèphe, Ant. jud., XIV, m, 4; Ko- 
peovç, Mâdaba ; aujourd'hui Kurâua, à l'embouchure, 
de Vouadi Fdri'a, au nord de Qarn Sartabéh. 

F) A l'est du Jourdain, du nord au sud. — Césarée 
de Philippe, Kattrapeia t| «ÊtXfcuo'j, Matth., xvi, 13; 
Marc, vin, 27; Josèphe, Ant. jud., XVIII, h, 1, etc. ; 
Kaio-âpEia Ilavidéî, Ptol.; Csesarea paneas, Tab. Peut.; 
aujourd'hui Bânias. 'Voir Césarée de Philippe, t. n, 
col. 450. 

Bethsaïda-Julias, Josèphe, Ant. jud., XVIII, ir, 1, 
nous dit que « le village de Bethsaïde, situé sur le 
lac de Génésareth », fut agrandi et fortifié par le 
tétrarque Philippe, qui lui donna alors le nom- de la 
fille d'Auguste, Julias. C'est la IoyXta; de Ptolémée, 
longtemps cherchée à Et-Tell, au nord du lac de 
Tibériade, plus probablement à El-'Aradj, ou El-Mes'a- 
diyéh, un peu plus bas. Voir Bethsaïde 1, t, i, col. 1713. 



Hippus, "Iîiîwk, Josèphe, XIV, rv, 4; Ptol.; Plin., v, 15; 
Onom., p, 116, 251. C'est la Sûsîtd, wvdid, des Tal- 
muds, Neubauer, p. 238; aujourd'hui Sûsiyéh, à l'est 
du lac de Tibériade. 

Gadara, TaSapi, une des places les plus importantes 
de la Pérée, Josèphe, Ant. jud., XII, ni, 3; PaSâpa, 
Ptol.; Cadara, Tab. Peut.; Gadar, "ni, Neubauer, 
p. 243; aujourd'hui Umm Qéis, au sud-est de la 
pointe méridionale du lac de Tibériade. Voir Gérasé- 
niens (Pais des), t. m, col. 200. Quelques auteurs dis- 
tinguent de cette Gadara celle que mentionne Josèphe, 
Bell, jud., IV, vu, 3, et la TaSoipa de Ptolémée, qu'ils, 
cherchent à Es-Salt. Cf. F. Buhl, Géographie des alten 
Pal&stina, Leipzig, 1896, p. 255, 263. 

Capitolias, KomiTwXia;, Ptol.; Capitoliade, Tab. 
Peut.; est souvent identifiée avec Beit er-Rds, au sud- 
est A' Umm Qéis, mais il faudrait plutôt peut-être la 
chercher à l'est ou au nord-est de cette localité. 
Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. i, 
p. 651, note 15. 

Pellà, IlfXXr), Josèphe, Bell, jud., III, m, 3; une des 
toparchies, Bell, jud., III, m, 5; IléXXa, Ptol.; Fahil, 
bns, Talm., Neubauer, p. 274; aujourd'hui Kh. Fahil, 
au sud d'Utnm Qéis. 

Dium, Afov, Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 3; Bell, 
jud., I, vi, 4; Ptol.; Plin., v, 18; aujourd'hui 'Eidûn 
ou El-Hosn, à l'est de Kh. Fahil. 

Gérasa, rèpaaot, Josèphe, Bell, jud., I, rv, 8; Ptol.; 
Onom., p. 130, 263; aujourd'hui Djérasch, au sud-est 
de Kh. Fahil, avec de magnifiques ruines. Voir Géra- 
séniens (Pays des), t. m, col. 200. 

Philadélphia, <J>[Xa5éXçeca, Josèphe, Bell, jud., I, 
xix, 5; Philadelfia, Tab. Peut.; est l'ancienne Rabbath 
Ammon, capitale des Ammonites, Deut., m, 11; Jos., 
xm, 25; Onom., p. 88, 215; elle reçut ce nom de Pto- 
lémée II Philadelphe, roi d'Egypte, qui la recon- 
struisit. C'est aujourd'hui 'Amman, au sud de Djé- 
rasch, avec des ruines importantes. Voir Rabbath 
Ammon. 

Tyrus, Tupo;, Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 11, place 
forte dont Josèphe attribue la fondation à un prince 
nommé Hyrcan; auj. 'Arâq el-Emir, avec des ruines 
intéressantes, à l'ouest d'Amman. 

Livias, Aiêi'a?, Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 4; Ptol. ; 
Onom., p. 103, 234; aujourd'hui Tell er-Raméh, au 
sud-ouest A'Arâq el-Emir. Voir Bétharan, 1. 1, coi. 1664. 

Callirrhoé, KaXXtppôï|, sources d'eaux thermales, 
situées à l'est de la mer Morte, célèbres dans l'anti- 
quité, Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 5; Plin., v, 16; 
Ptol. ; Ospfia KaXXiporj;, sur la carte de Mâdaba, qui 
représente trois fontaines : une plus petite au nord; 
une autre sur le cours d'un petit torrent, qui prend 
naissance au pied de la montagne ; entre les deux, la 
fontaine principale avec une construction en forme 
d'abside. D'après ce plan, Callirrhoé répond plutôt à 
Sâra, situé au sud-ouest d'Hammam ez-Zerqa, ce 
dernier endroit étant le [Bjaapo-j de la mosaïque. 
Cf. J. Manfredi, Callirhoé et Baarou dans la mo- 
saïque géographique de Mâdaba, dans la Revue bi- 
blique, 1903, p. 266-271. Voir Callirrhoé, t. n, col. 69. 

Machxrus, Ma^atpovs, Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 2; 
Bell, jud., VII, vi, 1, etc.; Plin., H. N., v, 16, célèbre 
forteresse, construite par Alexandre Jannée, recon- 
struite par Hétode le Grand, et qui servit de prison à 
saint Jean-Baptiste, Ant. jud., XVIII, v, 2; aujourd'hui 
M'kaur, au sud-est de Sara. 

La Batanée, la Trachonitide et l'Auranitide renfer- 
maient aussi de nombreuses villes, dont les noms nous 
sont connus ou par les auteurs anciens ou par les ins- 
criptions, et qui ont laissé des ruines encore impo- 
santes. Citons seulement : Bostra, aujourd'hui Bosra; 
voir Bosra 2, t. i, col. 1860; Dionysias, Es-Suéidéh, 
qui portait probablement un nom différent pendant la 



703 



PROCURATEURS ROMAINS — PROMESSE 



704 



période romaine; Athila, Atîl; Canatha, El-Qanauât, 
voir Canath, t. h, col. 121; Philippopolis, Schoubba; 
Saccoea, Schaqqa; Phœna, El-Musmiyéh ; Aéra, Es. 
Sanaméin; Dorea, Ed-Dûr. Voir Argob 2, t- i, 
col. 950; Auran, t. i, col. 1233; Basan, t. i, col. 1486. 

Comme on le constate d'après cette énumération, la 
Palestine, à l'époque romaine, vit s'élever plusieurs 
villes nouvelles, fondées par Hérode et ses fils : Césarée 
maritime, Césarée de Philippe, Anlipatris, Pharaélis, 
Archélaïs, Julias, Sepphoris, Livias, Tibériade. D'autres 
furent relevées de leurs ruines par Gabinius : Raphia, 
Gaza, Anthédon, Azot, Jamnia, Apollonia, Dora, Sa- 
marie, Scythopolis. Cf. Josèphe, Ant.Jud., XIV, v, 3; 
Bell, jud., I, vin, 4. Un certain nombre, et des plus 
importantes, furent déclarées libres par Pompée, tout 
•en reconnaissant la suprématie romaine. Ant. jud., 
XIV, iv, 4; Bell, jud., I, vu, 7. Outre celles qui sont 
citées par Josèphe, d'autres sont connues comme ayant 
gardé l'ère de Pompée. C'étaient des villes hellénistes. 
Voir Hellénisme, t. ni, col. 575. Elles se trouvaient 
principalement sur la côte : Raphia, Gaza, Anthédon, 
Ascalon^ Azot, Jamnia, Joppé, Apollonia, Césarée mari- 
time, Dor, Ptolémaïs, et à l'est du Jourdain : Hippus, 
Gadara, Abila, Canatha, Pella, Dium, Gérasa, Philadel- 
phie. Dans l'intérieur étaient : Antipatris, ISébaste, 
Sepphoris, Julias, Tibériade, Scythopolis, Phasaélis. 
Voir Décapole, t. H, col. 1333. Pour l'histoire de ces 
villes â l'époque romaine, cf. E. Schûrer, Geschichte 
des jûdischen Volkes, t. Il, p. 82-175. Pour les villes 
juives, voir Villes. 

V. Bibliographie. — E. Schûrer, Geschichte des 
jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 
1901, t. î, p. 454-507, 564-585; t. n, p. 72-188; G. Bœtt- 
ger, Lexicon zu den Schviften des Flavius Josephus, 
Leipzig, i879; W. Oehler, Die Ortschaften und Gren- 
zen Galilâas nach Josephus, dans la Zeitschrift des 
deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxvm, 1905, 
p. 1-26, 49-74, avec carte, 48; P. Thomsen, Palàstina 
nach dem Onomasticon des Eusebius, dans la même 
revue, t. xxvi, 1903, p. 97-141, 145-188, avec carte, 
144; Id., Unlersuchungen zur cilteren Palàstina-Lite- 
ratur, même revue, t. xxix, 1906, p. 101-132, avec carte, 
pi. 3; M.-J. Lagrange, La mosaïque géographique de 
Mddaba, daus la Revue biblique, 1897, p. 165-184; 
A. Jacoby, Das geographische Mosaik von Mddaba, dans 
les Siudien ïiber christliche Denkmàler, Leipzig, 1905. 

A. Legendre. 

PRODIGUE, celui qui dépense son bien à tort et à 
travers. — Il est fait allusion au prodigue dans quelques 
passages. « L'homme aux nombreux amis les a pour sa 
perte. >■ Prov., xvm, 24. « Celui qui nourrit les débau- 
chés fait honte à son père. » Prov., xxvm, 7. « De pré- 
cieux trésors, de l'huile sont dans la maison du sage, 
mais l'insensé les engloutit. » Prov., xxr, 20. — Dans 
une de ses paraboles, Notre-Seigneur met en scène un 
intendant dissipateur, SticrxopmÇtûv. Luc, xvi, 1. Cet 
intendant n'a pas fraudé pour se faire une fortune à lui- 
même, puisque, privé de son intendance, il en sera 
réduit soit à travailler, soit à mendier. Mais il a usé 
largement des biens de son maître comme s'ils étaient 
à lui et il a tout dissipé. — Dans la parabole de l'en- 
fant prodigue, un fils demande à son père la part d'hé- 
ritage qui lui revient, et, dans un pays éloigné, « il 
dissipe son bien en vivant dans la débauche. » Luc, xv, 
13. L'indigence absolue et la famine sont la conséquen- 
ce de sa conduite imprévoyante. II expérimente alors la 
vérité de ce qui est écrit : 

La richesse procure un grand nombre d'amis, 
Mais le pauvre voit s'éloigner l'ami qu'il possédait. 

Prov., xix, 4. — Dans un sens très différent, Dieu a été 
prodigue de ses biens envers l'homme dans l'incarna- 



tion et la rédemption. Joa., m, 16; iv, 10; Rom., vin, 
32; II Cor., ix, 15; II Pet., I, 4. Cette prodigalité a 
paru tenir de la folie aux yeux des gentils. I Cor., i, 
18, 23. H. Lesêtre. 

PROIE (hébreu : téréf, 'ad, 'okél; Septante : ÛTJpa, 
popâ, àpratY[ia;Vulgate : prœda, esca), ce que les ani- 
maux carnassiers chassent et prennent pour se nourrir. 
Sur les captures que les hommes font à la guerre, voir 
Butin, t. i, col. 1975. — Les auteurs sacrés font surtout 
allusion à la proie des lions. Le lion chasse et dévore 
sa proie en rugissant. Num., xxili, 24; Is., v, 29; xxxi, 
4; Ezech., xxii, 25; Am., m, 4; Ps. civ(cm), 21; IPet., 
v, 8. Il remplit de proie ses cavernes, Nah., n, 12, et 
apprend aux jeunes lionceaux à saisir et à déchirer leur 
proie. Ezech., xix, 3, 6. Faute de proie, il périt, Job, IV, 
11; aussi Dieu la lui procure. Job, xxxvm, 39. — Les 
loups chassent aussi et déchirent leur proie. Gen., xlix, 
27; Ezech., xxii, 27. — L'aigle vole pour atteindre sa 
proie. Job, ix, 26. Parfois, les cadavres des hommes 
sont abandonnés en proie aux oiseaux, ce qui est con- 
sidéré comme un châtiment redoutable, Deut., xxvm, 
26; Ps. lxxix (lxxvih), 2; Jer., xvi, 4; xix, 7; xxxiv, . 
20. Voir Oiseau, t. iv, col. 1772. H. Lesêtre 

PROMESSE (grec : èiiafYeXia ; Vulgate : pollici- 
tatio, promissio, promissum, repromis sio), annonce 
d'un bien futur que l'on s'engage à donner. 

I. Promesses humaines. — Les hommes promettent 
des choses plus ou moins bonnes, qu'ils n'ont pas tou- 
jours le pouvoir ni l'intention de donner. Sur les pro- 
messes faites à Dieu, voir Vœu. Sur les promesses 
faites avec serment, voir Jurement, t. m, col, 1870. 
Ozias promit de livrer Belhulie au bout de cinq jours. 
Judith, vin, 9. Tobie fit promettre à Raguel de lui 
donner sa fille Sara en mariage. Tob., vu, 10. Aman 
promit de verser une somme d'argent au trésor du rof 
en retour du massacre des Juifs. Esth., iv, 7. Bon 
nombre de promesses sont faites à l'époque des Ma- 
chabées. I Mach., x, 15; xi, 28; II Mach., m, 35; iv, 
8, 9, 27, 45; vu, 26; vin, 11, 36; xi, 14; xn, 11, 12. 
Hérode promit à la fille d'Hérodiade de lui accorder 
tout ce qu'elle demanderait. Matth., xiv, 7. Les princes 
des prêtres promirent de l'argent à Judas. Marc, xiv, 
11. Les faux docteurs promettaient la liberté à ceux 
qui les écoulaient. II Pet., n, 19. Les Corinthiens 
avaient promis leurs aumônes pour les pauvres de 
Jérusalem. II Cor., ix, 5. 

II. Promesses divines. — 1° Temporelles. — l.Dieu 
promit aux patriarches de leur donner le pays de Cha- 
naan et une nombreuse postérité. Gen., xv, 5, 
6, 18; xvii, 16; xxvi, 3, 4; Act., vu, 5, etc. Ces 
promesses sont fréquemment rappelées à Israël. 
Exod., xn, 25; Num., x, 29, xxxii, 11; Deut., vr, 3; 
xix, 8; xxxi, 21, 23; Heb., vi, 15; xi, 9, 11, 17, etc., 
et l'accomplissement en est demandé ou signalé. Jos., 
xxii, 4; Judith, xm, 18; Act., vu, 17; Rom., ix, 4; 
Heb., vi, 15, etc. — 2. Dieu promit encore à Israël les 
biens temporels. Tout d'abord, une promesse de longue 
vie fut attachée au commandement qui concerne le 
respect dû aux parents. Eph., vi, 2. Puis les prospé- 
rités de la terre furent promises aux Israélites, s'ils 
étaient fidèles à Dieu. Lev., xxvi, 3-13; Deut., vm, 7- 
14; xi, 13-17; xxvm, 9-14. Les Israélites s'appliquèrent 
trop exclusivement à la recherche de ces bénédictions 
temporelles. Longtemps après la rédemption, ils di- 
saient encore : « La bénédiction sur la terre consiste 
dans la richesse. » Zohar, i, 87 6; édit. Lafuma, Paris, 
1906, t. i, p. 507. — 3. Dieu promit à David que quel- 
qu'un de sa descendance occuperait toujours son 
trône. II Par., i, 9; vu, 18; xxi, 7; IV Reg., vm, 19; 
Ps. cxxxn (cxxxi), 11-13. — 4. Les Israélites comptèrent 
sur l'effet de ces promesses, Judith, xm, 7; Dan., m, 



705 



PROMESSE 



PROPHETE 



706 



36; Sap., xil, 21; II Mach., xi, 18, etc., à cause de 
la fidélité de Dieu. Heb., x, 24. 

2» Spirituelles. — 1. Notre-Seigneur promet que la 
prière adressée à son Père sera toujours exaucée. 
Voir Prière, col. 667. — 2. Les anciennes promesses 
temporelles avaient un sens spirituel concernant la nou- 
velle alliance et excellemment réalisé par Jésus-Christ. 
En lui s'accomplit pleinement ce qui a été promis aux 
anciens patriarches, Act., xxvi, 6; Kom., xv, 8; Gai., 
m, 22; II Cor., i, 20; II Pet., I, 4, spécialement par 
sa naissance, Act., xin, 23, et par sa résurrection. 
Act., xiri, 32. — 3. Lui-même a promis d'envoyer le 
Saint-Esprit, Luc, xxiv, 29; Act., i. 4, il l'a envoyé, 
Act., u, 33; Eph., i, 13, et on participe à cet Esprit par 
la foi. Gai., IX, 14. — 4. Les promesses de l'ancienne 
alliance ne concernaient que les Juifs; aussi ces der- 
niers sont-ils . appelés tout d'abord à bénéficier de 
l'effet spirituel compris dans les promesses anciennes. 
Rom., ix, 4; Act., n, 39. Les justes de l'Ancien Testa- 
ment n'ont vu que de loin l'accomplissement des pro- 
messes faites à leurs pères et ils y ont cru. assurant 
ainsi leur salut par la foi. Heh., xi, 13, 33, 39. Les 
gentils, étrangers aux promesses de l'ancienne alliance, 
Eph., il, 10, participent par Jésus-Christ à celles de la 
nouvelle. Eph., m, 6. En promettant d'ébranler la 
terre, Dieu promettait une nouvelle alliance, Heb., 
xn, 26, l'Évangile, promis par les prophètes. Rom., i, 
2. C'est par cette alliance nouvelle et par la grâce 
qu'elle apporte que se réalisent, dans un sens com- 
plet, définitif et spirituel, les promesses faites jadis à 
Abraham. Rom., iv, 13, 14, 16; Gai., m, 16; Heb., vi, 
13. Les vrais enfants de la promesse ne sont donc pas 
les Juifs, mais les descendants spirituels d'Abraham, 
Rom., ix, 8; Gai., iv, 28; Heb., vi, 17, et cette descen- 
dance spirituelle, qui donne droit aux bienfaits de la 
promesse, ne vient pas de la naissance naturelle ni de 
la loi ancienne, mais uniquement de la foi en Jésus- 
Christ. Gal.,_ m, 18; lv, 23; Heb., vi, 12, 13. — 
5. Jésus-Christ, Pontife de la loi nouvelle, établit cette 
loi sur des promesses bien supérieures à celles de la 
loi ancienne. Heb., vm, 6. Il promet à ses disciples le 
titre de fils de Dieu, II Cor., vu, 1, la vie surnaturelle, 
H Tim., i, 1, les biens de la vie présente et ceux de la 
vie future, I Tim., iv, 8, le repos de Dieu, Heb., rv, 1, 
la récompense et la couronne célestes, Heb., x, 36; 
Jacoty., i, 12; il, 5, la vie éternelle. Tit., i, 2; Heb., ix, 
15; I Joa., il, 25. Les incrédules doutent de la venue du 
royaume promis. II Pet., m, 4. Les croyants attendent 
de nouveaux cieux, c'est-à-dire la vie éternelle à l'avène- 
ment du Fils de Dieu, selon sa promesse. II Pet., m, 13. 

H. Lesêtre. 

PROPHÈTE, homme inspiré à qui Dieu manifeste 
ses volontés pour les communiquer aux autres. Les 
prophètes ont joué un rôle important dans l'histoire 
d'Israël, et Dieu s'est servi d'eux pour instruire son 
peuple choisi. Il n'a pas manqué non plus de prophètes 
dans les premiers temps du christianisme et les deux 
Testaments parlent fréquemment des prophètes de Dieu. 

I. Notion. — Le prophète, tel qu'il apparaît dans les 
Livres Saints, diffère de la conception vulgaire qui ne 
voit en lui que celui qui prédit l'avenir. La Bible lui 
donne une signification plus large et elle le reconnaît 
comme un homme à qui Dieu manifeste spécialement 
ses volontés, quelles qu'elles soient, présentes oufutures, 
pour qu'il les fasse connaître aux autres. Comme elle 
n'en donne nulle part une définition expresse et for- 
melle, il faut en dégager la notion des nombreux ren- 
seignements que l'Ancien Testament fournit sur les 
prophètes d'Israël. Les noms différents par lesquels 
ceux-ci sont désignés et la manière dont les prophètes 
agissaient de la part de Dieu nous serviront à préciser 
l'idée que la Bible nous en donne. 

/. d'après leurs noms. — Trois noms hébreux, 

DICT. DE LA BIBLE, 



rro'-t, mil, «'33, rô'éh, fyôzéh, nâbï, indiquent la nature 

du prophète Israélite. Comme, d'après une note que 
le rédacteur de I Sam., ix, 9, a insérée dans son récit, 
hni est le nom le plus ancien ou au moins le plus 

répandu dans l'antiquité, nous l'étudierons le premier 
nous y ajouterons son synonyme rnfi, avant d'examiner 
les noms techniques, n>33, ndbi', en hébreu, et npoç-rç- 

• T 

ttiç, en grec. 

1° Le rô'éhou voyant. — Étymologiquement, ce non» 
dérive de la racine nui, rtfâh, qui signifie originaire- 

T T 

ment « voir » des yeux du corps ou de l'esprit. Ce verbe 
a servi à exprimer les visions divines des prophètes. 
Is., xxix, 10; xxx, 10. Rô'éh en est le participe actif. De 
soi, il pourrait désigner un voyant quelconque; mai» 
l'usage biblique l'a réservé à dénommer une catégorie 
spéciale de voyants, d'hommes qui voient des yeux de 
l'esprit ce que les autres hommes ne voient pas. 

Ce nom est donné à Samuel, pour la première fois 
dans la Bible, par Saùl et son serviteur, I Sam., ix T 
11, 18, qui l'avaient d'abord appelé « homme de Dieu », 
6, 7, 8, 10.<La glose du verset 9, dans les deux rédac- 
tions différentes de l'hébreu et du grec, indique que ce 
nom était usité à l'époque de l'événement et désignait 
ceux qu'au temps du rédacteur on appelait ndbi'. Le 
voyant était donc l'homme qu'on allait interroger 
quand on voulait consulter Dieu. Il voyait ce qu'on 
voulait apprendre de Dieu et ce que Dieu répondait à 
"la consultation faite. Sa réponse était considérée comme 
la réponse de Dieu. Si l'objet de la consultation, rap- 
portée dans cette anecdote, est un intérêt temporel et 
privé, la découverte d'ânesses perdues, Dieu toutefois 
manifestait à Samuel des desseins plus importants et 
tout secrets. La veille, il lui avait révélé à l'oreille la 
venue de Saùl et ses vues sur lui, et quand Saùl parut 
devant lui, Dieu réitéra ses déclarations, 15-17. Samuel 
promit à Saùl de lui indiquer le lendemain tout ce 
qui était dans son cœur, après lui avoir annoncé que le» 
ânesses étaient retrouvées, 19, 20. Le lendemain, en 
effet, il fit connaître au fils de Cis la parole du Sei- 
gneur, 27, l'élection divine à la royanté, x, 1, et il lnï 
donna trois signes pour confirmer la vérité de cette 
déclaration, 2-11. Ce n'était pas, d'ailleurs, la première 
révélation faite par Dieu à Samuel. Celui-ci, encore 
enfant, avait entendu à Silo la voix divine. La première 
fois qu'elle se fit entendre, l'enfant ne savait de qui 
.elle provenait, I Sam., ni, 7, parce que la parole de 
Dieu ne lui avait pas encore été manifestée. Du reste, 
elle était rare à cette époque, et les visions n'avaient 
pas lieu, 1. Au troisième appel, Héli comprit que Je 
Seigneur parlait à Samuel, 2. Au quatrième, l'enfant, 
obéissant aux recommandations du prêtre, dit ; 
« Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute, » 10, et le 
Seigneur lui annonça le sort qu'il réservait à la famille 
d'Héli, 11-14. Samuel craignait de rapporter au prêtre 
la vision, nNisn, 15. Interrogé, il répéta les paroles 

divines, 16-18. Samuel fut dès lors connu dans tout 
Israël comme un prophète, 20, 21. Cf. II Par., 
xxxv, 18. Il porte spécialement dans l'Écriture le nom 
de voyant. I Par., ix, 22; II Par., xxvi, 28; xxix, 29. 

Quelques autres personnages cependant sont .dits 
voyants. David appelle ainsi le prêtre Sadoc. II Sam., 
xv, 27. Le prophète Hanani, qui vivait sous le règne 
d'Asa, porte aussi ce nom. II Par., xvi, 7, 10. Isaïe, 
xxx, 10; xxxn, 3, emploie poétiquement le pluriel 
rô'tni. On en a conclu que le nom de voyant a cessé 
d'être usité après le règne d'Asa. Quoi qu'il en soit, 
ces simples attributs ou ces substantifs absolus ne non? 
apprennent rien sur la signification du nom. Toutefois, 
de l'histoire de Samuel il ressort que le voyant recevait 
la vision et entendait la parole de Dieu pour les mani- 
fester aux autres. 



V. 



23 



707 



PROPHETE 



708 



2° Le Jfôzéh ou voyant. — Étymologiquement, ce nom 

a la même signification que ro'éh. Il vient, en effet 

de la racine mn, hâzâh, « voir ». Il en est le participe 

ii 
kal, pris substantivement, et dans l'usage, il désigne, 

comme ro'éh, le prophète voyant. Il est plus fréquem- 
ment employé que le précédent, surtout à partir d'Amos. 
Il désigne cependant des prophètes antérieurs. Gad 
est le hôzéh de David^ II Sam., xxiv, 11; I Par., xxi, 
9, ainsi que Héman, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par., 
xxix, 30, etldithun. [I Par., xxxv, 15. Addo, qui a écrit 
l'histoire de Salomonet de Roboam, est dit aussi hôzéh 
II Par., IX, 29; xii, 15. Quelques critiques en ont conclu 
que le hôzéh était le prophète attaché à la famille 
royale, tandis que le rô'éh était un voyant s'occupant 
des affaires des simples particuliers. Mais le hôzéh 
Jéhu, fils d'Hanani, avait fait des reproches à Josaphat. 
II Par., xix, 2. L'histoire d'Amos à Béthel, vu, 12-17, 
est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias 
interdit à Amos, qu'il appelle hôzéh, de prophétiser à 
Béthel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale. 
Si le hôzéh avait été le voyant de la cour royale, Amos 
n'aurait pas reçu ce nom de la bouche d' Amasias. Des 
hôzîm avaient parlé à Manassé au nom du Seigneur. 
Il Par., xxxill, 18. Il y avait eu, d'ailleurs, en Israël et 
en Juda des hôzîm qui avaient manifesté les ordres du 
Seigneur. II (IV) Reg., xvii, 13. Ils avaient vu les visions 
de Dieu, hâzôn, et reçu ses révélations pour les com- 
muniquer aux hommes. Voir Prophétie. 

Cependant, le pluriel, hôzîm, a spécialement dési-. 
gné les faux prophètes. Michée, m, 7, les nomme avec 
les devins et il annonce leur confusion : ils n'auront 
pas de « réponse de Dieu ». La nuit leur servira de 
vision et les ténèbres de divination, 6. Le prophète 
lui-même, au contraire, est rempli de la force de l'es- 
prit du Seigneur, 9. lsaïe, xxix, 10, parle aussi des 
faux prophètes de Juda, qui voient des visions, mais 
que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les 
paupières, de sorte que la vision sera pour eux comme 
un livre scellé, dans lequel ils ne pourront lire, 11, 12. 
Les Juifs incrédules refusaient de croire les vrais 
•voyants et demandaient aux faux prophètes de leur an- 
noncer ce qui leur plaisait et d'avoir des visions 
fausses et erronées. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xm, 9, 
16; xxn, 28. 

Bien que le nom de hôzéh ait servi en dernier lieu 
à nommer les faux prophètes, primitivement ii dési- 
gnait le vrai prophète considéré comme un homme 
dont les yeux ne sont pas fermés aux visions divines, 
qui les voit, qui lit la réponse de Dieu et qui la com- 
munique aux autres. Il était donc synonyme de rô'éh. 
La seule différence entre ces deux dénominations est 
que la seconde a été appliquée aux faux prophètes et 
la première pas. 

3° Le ndbî' ou interprète de Dieu. — a)Etymologie. 
— L'origine de ce nom est incertaine et sa signification 
étymologique douteuse. On l'a recherchée dans l'hébreu 
ou dans d'autres langues sémitiques. Si nàbï. ne peut 
venir de toa, ndbâ, qu'il est impossible de décompo- 
ser en une racine inconnue N3, ba', « parler », et en la 
préposition a, ayant le sens de xari nâbà' signifierait 

alors « convaincre par la parole », et le ndbî' serait un 
homme puissant en discours), on a cherché plus ou 
moins heureusement à le rattacher à d'autres racines : 
ou bien à ix, ndbâ', signifiant « bouillonner » et par 

TT 

suite « répandre abondamment des paroles i>, et dont 
N33 nâbâ", est la forme adoucie par le changement de 

TT 

aîn en aleph; ou bien à aw, nûb, « sortir, pousser, 
germer », ou à sa racine bilittère 33, nb, exprimant 
un mouvement quelconque du dedans au dehors, 
quels qu'en soient le point de départ et le moteur, 
de sorte que le nâbV serait l'homme qui émet des pa- 



roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui 
soutiennent que le mot ne dérive pas d'une racine 
hébraïque ou au moins n'a pas de racine dans l'hébreu 
de la période historique, le font provenir d'autres 
langues sémitiques, soit de l'arabe nabaa, « annoncsr » 
une nouvelle, porter un ordre, soit de l'assyrien nabù, 
qui signifie « crier, publier, annoncer » et d'où dérive 
le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse 
et de la science, de la parole et de l'écriture, voir 
t. iv, col. 143H436, de sorte que nâbi' signifierait 
celui qui parle de la part de Dieu, l'orateur divinement 
inspiré. 

6) Forme grammaticale. — Les hébraïsants ont 
reconnu au mot hébreu nâbf une forme passive ou 
active et ont précisé en conséquence la signification 
passive ou active du nom. Si on considère le mot ndbî' 
comme un participe passif qâlîl, le nâbi' est un homme 
à qui il est parlé, qui entend une voix intérieure, 
mystérieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle 
que sous l'action d'un révélateur, un homme qui est 
donc inspiré. C'est pourquoi les actes des prophètes 
sont toujours exprimés dans la Bible par des verbes au 
niphal et à Vhithpahel, qui sont deux formes passives. 
Mais même en admettant la justesse de ces observations, 
des grammairiens plus récents ont remarqué que les 
participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la 
signification passive et ont un sens actif; ainsi Tps, 

pdqîd, surveillant, -|tïF, qasîr, moissonneur, 3>-n, nd- 

•7 ' H 

dîb, noble, prince, -pu, nâgîd, chef, b>ai, rdkîl, ca- 

•T * T 

lomniateur, etc. D'ailleurs, le niphal est plutôt la forme 
réfléchie du gai ell'hithpahel la forme réfléchie du phel. 
Par suite N3: et N3^nn, qui sont souvent employés l'un 

pour l'autre, ont la signification réfléchie et veulent dire : 
ce se montrer prophète. » N'33, a donc plutôt une forme 

* T 

active et désigne « celui qui parle », non pas sans doute 
en son nom propre, mais bien au nom d'un autre. 

c) Signification d'après l'usage biblique. — Du reste, 
l'usage a fixé le sens du mot, et l'usage a, pour détermi- 
ner le sens, plus de valeur que l'étymologie et la forme 
grammaticale. Or, le passage classique qui détermine 
le sens usuel du mot, est le récit de l'Exode, vu, 1, 2. 
Moïse avait été chargé par Dieu de transmettre à Pha- 
raon ses volontés au sujet des Israélites opprimés. Il 
objecta que ses lèvres étaient incirconcises, Exod., iv, 
10; vi, 10-12, 29-30, et qu'il éprouvait de la difficulté 
à parler. Or, Dieu lui donna Aaron pour nâbi'; il 
parlera à sa place. Moïse dira à son frère tout ce que 
Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra à 
Pharaon, non pas comme truchement, mais comme 
porte-parole. De même, à l'égard des Israélites, Aaron 
sera « la bouche de Moïse ». Exod., iv, 14-16. Voir t. îv, 
col. 1194. Le nâbi' de Dieu était pour Dieu ce qu'Aaron 
était pour Moïse. Dieu mettait dans sa bouche les 
paroles qu'il voulait lui faire dire; lui-même, il ne 
disait que ce que Dieu voulait lui faire dire. Il était 
donc le porte-parole de Dieu, non pas seulement un 
inspiré, qui reçoit une révélation, mais un représentant 
officiel, chargé de parler au nom et à la place de Dieu, 
un orateur, un prédicateur qui dit aux hommes ce que 
Dieu veut leur faire savoir. 

La manière dont Jérémie reçut la mission prophétique 
confirme cette interprétation. Dieu lui révèle qu'il 
l'avait choisi dès le sein de sa mère pour être son nâbi' 
auprès des nations. Jer., i, 4,5. Le fils d'Helcias répond 
qu'il ne sait ou ne peut parler avec l'autorité nécessaire, 
parce qu'il n'est encore qu'un enfant. Dieu l'encourage, 
confirme sa mission prophétique, lui promet sa protec- 
tion, touche ses lèvres sur lesquelles il mettra les 
paroles que le prophète aura à prononcer, 7-10. Cf. v, 
14. Jérémie dit les paroles divines qu'il a entendues, I, 
11-.13, etc. Il parle donc par délégation divine et il est 



709 



PROPHÈTE 



710 



l'interprète des volontés de Dieu auprès des hommes. 

Le nom de nâbï, ayant cette signification, a remplacé 
l'ancien nom de rô'êh et est devenu d'un emploi uni- 
versel pour désigner les représentants de Dieu en 
Israël. I Sam., IX, 9. II a toujours caractérisé un homme 
qui parle au nom de Dieu et qui répand des oracles di- 
vins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication. 

4° Le npotpr ( TTn; des Septante. — Ce mot grec traduit 
régulièrement, dans la version grecque dite des Septante, 
le nom nâbi' appliqué aux vrais prophètes, et quelque- 
fois rô'éh, I Par., xxvi, 28; II Par., xvi, 7, 10, et hàzéh. 
II Par., ix, 2; xxix, 30; xxxv, -15. Il faut exposer la 
■véritable signification de ce nom, duquel viennent le 
mot latin propheta et le nom français prophète. 

a) Étymologie. — Les Pères et les théologiens ont 
donné diverses explications de ce nom. Eusèbe de Césa- 
rée, Demonsl. ev., I. V, prolog., t. xxn, col. 345, le faisait 
dériver de itpo:pocîveiv et lui donnait la signification de 
communication par le Saiut-Esprit des choses futures et 
cachées. Saint Thomas a adopté une dérivation analogue, 
puisqu'il séparait upô, procul, et tpavo:, apparitio, et il 
en a conclu que la prophétie consistait principalement 
dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues. 
Sum. theol., II a II 85 , q. clxxi, a. 1. Suarez, De fide, 
disp. VIII, sect. ni, n. 1, Opéra, Paris, 1858, t. xil, 
p. 227, l'a rejetée à juste titre comme n'ayant aucun 
fondement dans la langue grecque. Ce théologien 
préférait une autre étymologie, communément admise, 
qui fait venir ce mot de itpocpâvai, « dire à l'avance, » et 
qui considère la prophétie comme une prédiction de 
l'avenir. Cette interprétation était déjà acceptée par 
saint Irénée, Cont. hser., 1. IV, c. xx, n. 4, t. vu, 
col. 1034; par saint Ambroise, De benedictione patri- 
archarum, 1. II, n. 7, t. xiv, col. 676; par saint Basile, 
In Isa., proœm., n. 3; 1. III, t. xxx, col. 224, 
284 ; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, hom. Il, 
d. 2, t. lvi, col. 111 ; et par saint Grégoire le Grand, 
In Ezech., 1. I, hom. i, n. 1, t. lxxvi, col. 786. Elle a 
donné naissance à l'opinion vulgaire, qui ne reconnaît 
■dans les prophètes que des prédiseurs de l'avenir. Mais 
tout en admettant cette dérivation, on peut et on doit, 
semble-t-il, lui donner une meilleure explication. Dans 
TtpoçTyrric, la préposition itp<5 n'est pas une particule de 
temps. Comme dans les mots composés analogues, 
itpièoaxoç, vice-pasteur, itpi6ouXoç, qui prend conseil 
pour un autre, irpiStxoç, qui traite l'affaire d'autrui, 
■TrporiTopsîv, parler à la place d'autres, etc., et en latin, 
proconsul, procurator, proprietor, propugnator, etc., 
«Ile signifie « à la place de ». Le irpoçrJT/iï est donc 
celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi très bien 
le sens de nâbi'. 

b) Signification. — Du reste, upo^r/jc, chez les 
écrivains grecs profanes, signifie interprèle, et non 
prédiseur de l'avenir. Denys d'Halicarnasse appelle les 
prêtres Ttpotpîirat ifiv Seîtov, c'est-à-dire les interprètes 
des choses divines. Platon dit que les poètes sont 
Mo'Jdûv 7tpoçï]Tai. Thémistius, Orat., xxm, nomme 
xpocpïJTr,;, celui qui explique Aristote. Philon aplusieurs 
fois présenté les prophètes d'Israël comme les inter- 
prètes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait 
dire. Les Pères, même ceux qui admettaient, l'étymolo- 
gie tirée de upocpâvoti, ont donné cette signification. 

-S. Chrysostome, In Act., hom. xix, 5, t. lx, col. 156; 
In I Cor., hom. xxxvi, 4, t. lxi, col. 311; S. Augus- 
tin, Qusest, in Heptateuch., n, 17, t. xxxiv, col. 601 ; 
Synopsis Sac. Script, (attribuée à saint Chrysostome), 
t. lvi, col. 317. Les commentateurs catholiques, à partir 
du xvn e siècle, ont généralement adopté cette interpré- 
tation, qui n'est pas, comme on le prétend quelquefois, 
«ne découverte de l'exégèse moderne. 

il. d'après leur manière d'agir. — Tout ce que 
disent et font les prophètes, ils le disent et ils le font, 
non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu. 



Beaucoup de leurs oracles oraux ou écrits débutent par 
ces mots : « Ainsi parle le Seigneur. » I Sam., x, 18; 
xv, 2; I (III) Reg., xm, 2; xxn, 11; II (IV) Reg., vu, 1; 
Is., vu, 7; Jer., n, 2; xix, 1; Ezech., v, 5, 8; vi, 11; 
vu, 5; xi, 2, 7, 16; Amos, i, 2, 3, 6, 11, 13; n, 1, 4, 6; 
Abdias, 1; Agg., i, 2, 5, 7; Zach., i, 3, etc. Dieu lui 
ordonne de parler ainsi : «Le Seigneur dit ceci. » Jer., 
IX, 24; Ezech., xi, 17; xil, 23. Le prophète a entendu 
de la bouche de Dieu les paroles qu'il proclame. Ezech,, 
ni, 17; xxxiii, 7; Hab., m, 2. Il annonce la parole de 
Dieu. Is., i, 10; xxvni, 14; Jer., n, 4, 31; vu, 2; IX, 
20; Ezech., vi, 3; xm, 2; xx, 47; Ose., iv, 1; Amos, 
vu, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu'il lui 
a dit. Jer., xix, 2; Ezech., m, 4. C'est Dieu qui parle 
par sa bouche. Is., m, 6; Ezech., xvii. 21. La parole du 
Seigneur lui a été dite. Ezech., vi, 1; vu, 1; xi, 14; 
xn, 1, 5,17, 21, 26; xm, "1, etc. Bref, ce que le prophète 
dit n'est pas le produit de son esprit, et toutes ses 
paroles sont des paroles divines. Or, rien n'est plus 
varié que leur objet. Elles ne concernent pas toutes 
l'avenir. Elles font connaître les résolutions que Dieu 
a prises, ses desseins. Elles sont généralement accom- 
pagnées d'avertissements et d'exhortations, de reproches, 
de menaces, de consolations. Elles forment parfois un 
discours entier. Le prophète manifeste donc toutes les 
volontés de Dieu, présentes et futures. Il est le porte- 
parole de Dieu, le médiateur de la révélation divine, 
l'organe de Jéhovah, l'interprète humain de la pensée 
divine, un orateur divinement inspiré. Philon en 
donnait déjà cette définition, et saint Pierre l'a déclaré : 
« Les saints hommes de Dieu ont parlé sous l'inspira- 
tion du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21. 

II. Vocation et inspiration divine des prophètes. 
— Les prophètes d'Israël ne se sont pas introduits 
d'eux-mêmes dans le ministère qu'ils remplissaient. 
Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xvm, 18. 
Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont di- 
vines; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rap- 
portaient à Dieu. 

1» Vocation et mission. — Ce n'est ni de leur propre 
choix et de leur initiative privée ni par une éducation 
spéciale que les prophètes d'Israël ont commencé et 
rempli leur ministère. Amos était un simple berger de 
Thécué, i, 1; Dieu l'a pris derrière son troupeau et l'a 
envoyé prophétiser à Israël, vu, 14-15. Il est donc 
devenu prophète par vocation expresse et personne ne 
saurait aller à l'encontre de cet appel divin, ni les 
prêtres de Béthel ni les rois d'Israël. Ce n'est pas pour 
remplir un métier et gagner son pain qu'il prophétise 
comme le supposait Amasias, vu, 12; c'est pour obéir 
à l'ordre de Dieu. L'appel divin a été pour lui d'une 
clarté irrésistible; il a quitté son métier de berger et 
s'est exposé aux dénonciations et aux menaces d' Ama- 
sias. La parole divine l'a saisi et subjugué : « Dieu 
parle; qui ne prophétiserait? » m, 8. Dans une vision, 
Isaïe a entendu Dieu demander qui il enverrait; il s'est 
offert généreusement et il a reçu l'ordre d'annoncer à 
Juda les volontés divines, vi, 8, 9. Jérémie a été choisi 
par Dieu comme prophète dès le sein de sa mère. 
Comme Moïse, il veut repousser la mission qui lui est 
confiée. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la 
rendre éloquente et le charge d'une mission pénible, I, 
4-10. Plus tard, quand l'accomplissement de sa mission 
lui attire le mépris de ses contemporains, il se plaint 
amèrement que Dieu l'ait fait prophète par force. IJ 
avait voulu garder le silence; mais il a senti brûler 
dans ses entrailles et dans ses os un feu dévorant et il 
a été contraint de céder et de parler, xx, 7-9. Cf. îv, 
19-26; xv, 10, 15. Ézéchiel a reçu de Dieu, lui aussi, la 
mission de parler aux Israélites coupables et de ne pas 
craindre leur opposition, n, 1-6. Les autres prophètes, 
bien qu'ils ne nous aient fait connaître ni l'époque ni 
le mode de leur vocation, étaient cependant choisis par 



711 



PROPHÈTE 



712 



Dieu comme ses représentants et envoyés vers ceux à 
qui le Seigneur voulait révéler ses volontés, ordres ou 
menaces. Dieu lui-même l'affirme par la bouche de Jé- 
rémie, xx.iv, 4. 

2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas à envoyer 
ses prophètes et à les charger de parler en son nom ; il 
met sur leurs lèvres ce qu'ils doivent prêcher et annon- 
cer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et 
ioutes leurs démarches. L'action de Dieu sur ses en- 
voyés est exprimée dans les Livres Saints en des for- 
mules nombreuses, variées et très expressives. Les 
unes la décrivent d'une façon générale, d'autres en 
précisent la nature, tout en la laissant cependant en- 
core dans une mystérieuse obscurité qu'il est impos- 
sible de dissiper. 

La main du Seigneur est sur son prophète, Ezech., 
I, 3; m, 22; xxxm, 22, avant qu'il ne lui parle; elle 
tombe sur lui et il a une vision, Ezech., vin, 1; elle le 
conduit dans l'Esprit de Dieu. Ezech., xxxvn, 1; XL, 1. 
Elle faisait courir Élie devant le char d'Achab. I (III) 
Reg., xviii, 46. L'Esprit du Seigneur est sur Isaïe, 
lxi, 11. Michée, m, 8, a été rempli de sa force, de son 
jugement et de sa puissance. Cet Esprit se précipite 
sur Ézéchiel pour lui parler, xi, 5; il l'enlève et l'em- 
porte au lieu où il doit porter son message, ni, 12, 14; 
il pénètre en lui, le fait tenir debout et lui parle, m, 
24. Dieu a inspiré par son Espritles paroles desanciens 
prophètes. Zach., vu, 12. Aussi le prophète est-il 
l'homme de l'esprit, n=nn ut>n, qu'Israël coupable tient 

pour un insensé, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir. 
Mich., il, 11. Cette action de l'Esprit divin s'était pro- 
duite aussi sur les prophètes d'action. L'Esprit de Dieu 
s'était précipité sur Balaam, Num., xxrv, 2; il était 
venu sur Azarias, fils d'Oded, II Par., xv, 1, sur Jaha- 
ziel, II Par., xx, 14; il avait revêtu Zacharie, flls de 
Joïada. II Par., xxrv, 20. L'annonce de la multiplicité 
des prophètes aux temps messianiques est faite sous 
l'image d'une effusion de l'Esprit divin sur toute chair. 
Joël, H, 28, 29. Cet esprit qui animait les prophètes 
d'Israël, venait donc du dehors; il était étranger à 
leurs personnes ; il dirigeait leurs actes et il les pous- 
sait eux-mêmes à parler. 

Son action est précisée ailleurs et présentée comme 
une révélation divine. Dieu lui-même met ses propres 
paroles sur les lèvres des prophètes, Deut., xvm, 18, 
qu'il a purifiées. Is., VI, 5-7; Jer., i, 9. Il parle aux 
prophètes pour leur révéler ses secrets. Amos, m, 7. Il 
montre l'objet des visions. Amos, vu, 1,4, 7; vin, 1. 
Consulté et interrogé, il ne répond que s'il le veut. 
Ezech., xiv, 3. Le prophète doit attendre que Dieu lui 
réponde. Hab., n, 1. Quand le peuple demande une 
consultation, il prie le Seigneur de donner une ré- 
ponse qui n'est accordée qu'au bout de dix jours. Jer., 
XLH, 4, 7. En vain le prophète voudrait-il devancer 
l'heure et apprendre de force la parole de Dieu. Il 
n'obtient de révélation que si Dieu veut la lui accorder. 
Pour punir son peuple, Dieu ne donne plus de visions 
à ses prophètes. Lament, h, 9. Mais quand Dieu a 
ouvert la bouche de son prophète, celui-ci ne peut 
plus se taire. Ezech., xxxm, 22. Les prophètes ne 
parlent donc pas d'eux-mêmes et par leur propre vo- 
lonté; c'est l'Esprit qui les inspire. II Pet., i, 21. Leurs 
paroles ne sont pas le fruit de leurs réflexions person- 
nelles, ni la conséquence de leurs raisonnements. Elles 
leur viennent du dehors, sont mises par Dieu sur leurs 
lèvres, ou au moins leurs pensées sont produites dans 
leur esprit par une force supérieure, l'Esprit de Dieu, 
qui les fait agir et parler et qui anime toute leur con- 
duite. Sur la manière dont Dieu agissait sur les pro- 
phètes et leur communiquait ses volontés, voir Pro- 
phétie. 

Les prophètes n'ont pas décrit leur état psycholo- 
gique, tandis qu'ils recevaient les communications di- 



vines. Ils avaient le sentiment intime de posséder la 
vérité communiquée par Dieu. Toutefois, quelle qu'ait 
été la façon dont l'Esprit divin agissait sur l'intelli- 
gence des prophètes, il laissait leur personnalité in- 
tacte; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs 
actes et n'apportait aucun trouble ni aucune modifica- 
tion dans l'exercice régulier et normal de. leur intelli- 
gence et de leur liberté. Quoique inspiré, le prophète 
agissait, pensait et parlait comme les autres hommes. 
Ses pensées et ses paroles étaient celles de Dieu ; il 
avait compris la révélation qui lui avait été faite, et il 
la publiait comme il eût fait pour ses propres idées. 
En parlant et en agissant, il parlait et agissait au nom 
de Dieu, parfois comme s'il était revêtu de la person- 
nalité de Dieu qui parlait par sa bouche; il n'avait 
néanmoins rien perdu de son activité personnelle. 
Quand les prophètes s'exprimaient comme s'ils avaient 
été Dieu lui-même, quand ils lui attribuaient leurs dis- 
cours, ils formulaient la pensée divine dans leur lan- 
gage propre, avec les couleurs de leur imagination et 
la chaleur de leurs sentiments. Ils empruntaient leurs 
images à leur milieu social, et ils donnaient parfois 
l'empreinte de leur esprit à la pensée de Dieu. Ils avaient 
reçu de Dieu les ordres à communiquer, les vérités à 
manifester, l'impulsion pour agir et parler; mais dans 
l'exercice de la communication des pensées divines 
aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultés, 
Ils n'ont pas laissé d'indice que, même dans la vision, 
ils aient été ravis en extase. Ils ne disent pas que, tandis 
que leur esprit percevait la vérité que Dieu leur mani- 
festait, ils avaient perdu conscience des choses exté- 
rieures. Il n'y a donc pas lieu, d'ordinaire, de parler 
d'extase prophétique, au moins dans le sens antique 
d'hommes qui parlent étant hors d'eux-mêmes et sans 
l'usage de leurs facultés naturelles. Leur esprit avait dû 
parfois, peut-être, se fixer si attentivement sur la vérité 
révélée par Dieu, surtout lorsqu'elle était présentée à 
leur imagination sous des images, qu'au moment de sa 
manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement 
ou totalement, conscience des choses extérieures. Mais 
cette abstraction d'esprit ne durait que pendant la per- 
ception de - l'objet révélé; elle n'avait pas fait cesser la 
pleine conscience intérieure, et l'acte de perception 
accompli, le prophète gardait le souvenir distinct de 
ce qu'il avait vu ou de ce qu'il avait éprouvé, et il le 
manifestait avec l'usage plénier de sa liberté et de ses 
autres facultés naturelles. L'extase prophétique, quand 
elle s'est produite, différait donc de la jjav:« des devins 
antiques et n'avait rien de commun avec leur délire ou 
leur démence. Le prophète savait toujours ce qu'il 
prophétisait, quoiqu'il pût cependant ne pas saisir tou- 
jours toute la portée de ses oracles. Sur les prophètes 
exaltés et hors d'eux-mêmes, voir Prophétisme. 

Il est clair enfin que les prophètes d'Israël ne sen- 
taient pas constamment en eux ni toujours au même 
degré, quand elles se produisaient, l'influence et 
l'action de Dieu. Leur inspiration n'était pas continue 
ni habituelle. Quoique leur mission ait été ordinaire- 
ment perpétuelle, tout ce qu'ils faisaient et disaient 
n'y avait pas un rapport nécessaire. Quand ils remplis- 
saient leur mission, ils étaient poussés par l'Esprit de 
Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes étaient ins- 
pirés, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles 
révélations. L'inspiration divine avait donc lieu pour 
eux par intermittence. Le prophète Nathan avait de lui- 
même encouragé le roi David dans son projet de bâtir 
un temple au Seigneur; mais, la nuit suivante, Dieu 
lui révéla que David ne réaliserait pas son dessein qui 
serait accompli par son fils. II Sain., vu, 3-13. Dieu, 
ne parlait à Élie que dans des cas particuliers et à de 
longs intervalles. I (III) Reg., xvii* 2, 8; xvm, 1. Si 
Elisée reçoit une double part de l'esprit d'Élie, II (IV)l 
Reg., il, 9, 10. 15, Dieu lui avait caché la douleur de la. 



713 



PROPHÈTE 



714 



Sunamite privée de son fils unique, Il (IV) Reg., rv,27; 
et le prophète irrité a besoin d'un harpiste pour calmer 
•sa colère et le prédisposer à recevoir la révélation 
divine. II (IV) Reg., m, 11-20. Les oracles des pro- 
phètes écrivains n'étaient pas proférés à jet continu. 
■Chacun a eu son occasion propre et le prophète ne re- 
cevait les révélations divines que lorsque Dieu le vou- 
lait et dans la mesuré même où il le voulait. 

III. Manière dont les prophètes manifestaient 
les volontés divines. — 1° De vive voix et par la 
parole. — Les prophètes, étant essentiellement des ora- 
teurs et des prédicateurs qui parlaient au nom de Dieu 
et sous son inspiration, ont exercé leur mission sur- 
tout par la parole. Tous les anciens prophètes, qu'on 
appelle prophètes d'action ou non-écrivains, n'ont agi 
sur leurs contemporains que par leurs oracles promul- 
gués de vive voix et par leurs discours. Élie, Elisée et 
d'autres n'ont laissé aucun recueil de leurs prophéties. 
Ce n'est que vers le milieu du vm e siècle que commence 
la prophétie écrite et encore les prophètes de cette 
époque, avant de faire eux-mêmes ou de laisser faire 
la collection de leurs oracles, les avaient prononcés de 
vive voix en public. Amos, le plus ancien peut-être des 
prophètes écrivains, lorsqu'il paraît pour la première 
fois à Béthel, parle au peuple et au prêtre Amasias.On 
peut légitimement supposer qu'il a communiqué les 
autres messages de Dieu par la parole avant de les ré- 
digor par écrit. Jérémie a prophétisé pendant 23 ans 
sans écrire, et ce ne fut qu'après ce long laps de temps 
que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d'y 
consigner ses précédents oracles, xxxvi, 1, 2. Il avait, 
du reste, prononcé quelques-uns d'entre eux dans la 
cour du Temple de Jérusalem, xxvi, 2. Beaucoup de 
prophéties ont la forme de discours qui ont sans doute 
été dits avant d'être couchés par écrit. La parole était 
certainement à cette époque le moyen le plus efficace 
de faire connaître et de propager les oracles divins. 

On peut donc penser que la plupart des prophètes 
écrivains ont été orateurs avant de devenir écrivains. 
Ce n'est qu'après avpir fait entendre aux oreilles de 
leurs contemporains les volontés divines qu'ils les ont 
consignées par écrit. Leurs écrits ne sont donc qu'une 
reproduction de leur prédication. Vraisemblablement, 
les discours des prophètes n'étaient pas reproduits par 
eux intégralement, textuellement, sténographiquement. 
 moins qu'il ne s'agisse d'oracles écrits pour être lus, 
la reproduction n'est pas faite ira extenso, mais seule- 
ment sous forme de citations partielles ou même de 
simples résumés. Jérémie, commençant à dicter ses pro- 
phéties après 23 ans de ministère, ne se souvenait plus 
textuellement des paroles qu'il avait prononcées, et il 
n'a pu les reproduire littéralement. Les écrits de 
beaucoup de prophètes sont donc des recueils d'ex- 
traits ou de spécimens de leur prédication. Ils y ont 
résumé et condensé eux-mêmes la substance de leur 
enseignement, les thèmes qu'ils avaient vraisemblable- 
ment traités et développés à diverses reprises. Parfois 
cependant, le texte primitif a été reproduit intégrale- 
ment. On peut penser qu'il en a été ainsi de ces discours 
rédigés sous forme poétique, en strophes régulières et 
avec refrain répété. 

2° Par écrit. — Toutefois, certaines parties des 
livres prophétiques n'ont probablement pas été pronon- 
cées de vive voix, mais ont été publiées seulement par 
écrit. Ainsi les prophéties d'Osée paraissent être moins 
des discours que des oracles écrits pour être répan- 
dus parmi le peuple et communiqués par la lecture. 
Isaïe, qui avait été à la rencontre d'Achaz pour lui dire 
les menaces divines, vn, 3-25, voulut, parce que sa mis- 
. sion était mal vue du peuple, lire la révélation et fer- 
mer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, vin, 
16; ce qui signifie qu'il résolut de ne plus la répandre 
«n public, et de la réserver à un petit groupe de fidèles. 



S'il n'avait pas pensé alors à la laisser par écrit, il 
reçut plus tard de Dieu l'ordre d'écrire les instructions 
du Seigneur, xxx, 8. II est possible que toute la seconde 
partie de son livre, xl-lxvi, dont la composition est si 
régulière, n'a été publiée que par écrit. Quand Jérémie 
eut dicté à Baruch ses oracles antérieurs et les eut 
réunis en un volume, il en fit lire publiquement une 
partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On 
les lut aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25. 
Jérémie dicta à son secrétaire un volume plus complet 
que le précédent, 27-32. Le livre de Baruch a été écrit 
tout entier pour être lu aux Juifs exilés à Babylone, 
Bar., I, 1-4, ainsi que la lettre que Jérémie adressa 
aux mêmes captifs. Bar., vi. L'ordre et la disposition du 
livre d'Ézéchiel font penser que le prophète l'a écrit 
d'un seul jet, quoique quelques parties soient la repro- 
duction de discours précédents, in, 10-15; XX, 2-44; 
xxiv, 18-27; xl, 4. On estime que le plan de restaura- 
tion religieuse, dressé par lui, xl-xlvhi, n'a pas été des- 
tiné à être lu en public. Toutefois, Ézéchiel n'a pas été 
seulement un prophète de cabinet, comme on l'a dit, 
il a été aussi bien que ses devanciers un orateur en con- 
tact immédiat avec les exilés ; mais il a composé lui- 
même le recueil de ses prophéties. On a donc eu tort de 
prétendre que, pour lui, la vision prophétique n'était 
plus une expérience réellement éprouvée et qu'elle était 
devenue un genre littéraire, une simple forme dont se 
revêtait la pensée de l'écrivain. Le livre de Daniel a été 
composé pour être lu, et ses oracles ne semblent pas 
avoir été publiés de vive voix, avant leur publication 
littéraire. 

Les recueils d'oracles prophétiques ont vraisembla- 
blement été formés pour la plupart par les prophètes 
eux-mêmes qui réunissaient ainsi, groupaient l'ensem- 
ble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-être avaient 
primitivement été rédigés sur des feuilles volantes. Il 
n'est pas certain toutefois que tous aient fait la collection 
de leurs prophéties, Quelques-uns ont pu laisser ce 
soin à leurs disciples. Les oracles d'Isaïe et de Jérémie 
ne semblent pas avoir eu, dès le début, une destina- 
tion publique. Ces prophètes les avaient gardés dans le 
cercle étroit de leurs disciples. Plus tard, les livres 
prophétiques furent communiqués au peuple, et tous 
finirent par être reconnus officiellement et publique- 
ment comme la parole de Dieu. La prophétie écrite a 
ainsi exercé une plus grande influence que la prophétie 
simplement orale. Après avoir produit son effet immé- 
diat dans les milieux auxquels elle était destinée, elle a 
transmis aux siècles suivants et à toutes les généra- 
tions juives et chrétiennes la révélation divine. 

3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontés 
divines étaient manifestées au peuple et rendues tan- 
gibles en quelque sorte par des actions symboliques, 
accomplies par les prophètes et racontées dans les Livres 
Saints. Les prophètes d'action en ont accompli aussi 
bien que les prophètes écrivains, En coupant son man- 
teau en douze parts et en en donnant dix à Jéroboam, 
le prophète Ahias annonçait symboliquement le schisme 
de dix tribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophète, 
qui se fait battre et blesser et qui se présente au roi 
Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer 
l'attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort 
qu'il avait eu de s'allier avec Bénadad. I (III) Reg., xx, 
35-43. Les mariages d'Osée avec Gomer et avec une 
femme débauchée ne sont, probablement,- ni une 
fiction allégorique, ni une simple parabole, ni des 
actes accomplis en vision, mais des histoires vraies, 
symbolisant la conduite d'Israël è l'égard de Dieu: Voir 
t. iv, col. 1909-1912. Isaïe, 1-4, écrit sur une grande ta- 
blette en grands caractères et devant témoins le nom 
prophétique qu'il donnera au fils qui lui naîtra bientôt. 
Ce prophète, nu et déchaussé, parcourt Jérusalem,comme 
s'il était un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs 



715 



PROPHÈTE 



71& 



que le roi d'Assyrie, dans la campagne commencée, 
emmènera d'Egypte etd'Éthiopie, xx,1-6. Jérémie cache 
sa ceinture de lin au bord d'un cours d'eau et va la re- 
prendre plus tard, toute pourrie et impropre à aucun 
usage, pour annoncer le châtiment que Dieu tirera de 
.Tuda, auquel il s'est attaché comme la ceinture s'attache 
aux reins d un homme, xm, 1-21. Un potier, sous les 
yeux du prophète, change la destination du vase qu'il 
façonne : ce qui signifie que Dieu, lui aussi, peut mo- 
difier ses plans, xvm, 1-10. Jérémie brise ensuite 
devant témoins un vase acheté chez ce potier pour figu- 
rer la destruction prochaine de Jérusalem, xix, 1-13. 
Il met un joug sur ses épaules en vue de représenter 
l'asservissement de Juda par Dabylone et d'annoncer 
au roi que Dieu lui commande de se soumettre à ses 
vainqueurs, xxvn, 2-13, malgré les prédictions trom- 
peuses des faux prophètes. Hananias, l'un d'eux, brise 
le joug symbolique porté par Jérémie, et ce prophète 
contredit son adversaire et prédit sa mort prochaine, 
xxvm. 1-17. Il achète un champ à Anathoth, et cet achat, 
fait sous l'impulsion divine, est l'emblème et le gage 
des bénédictions que Dieu réserve aux captifs après 
leur retour, xxxii, 6-44. Réfugié en Egypte, il cache de 
grandes pierres pour prédire l'invasion du pays par 
Nabuchodonosor, xliii, 8-13. Après avoir écrit sa pro- 
phétie annonçant la ruine de Babylone, il remet le rou- 
leau à Sarias, qu'il envoie à Babylone pour le lire, 
l'attacher ensuite à une pierre et le jeter au milieu de 
l'Euphrate, afin de symboliser la submersion de la 
grande ville, Li, 59-64. Ezéchiel mange un rouleau d'écri- 
ture qui lui est présenté, et ce symbole ligure le message 
dont il est porteur, n, 8-m, 3. Il reçoit l'ordre de s'en- 
fermer dans sa maison et d'y garder un silence absolu 
pour montrer que les Israélites exaspèrent Dieu, qui ne 
veut plus leur parler, m, 24-27. Il trace sur une brique 
un plan de Jérusalem assiégée et représente lui-même 
les assaillants, iv, 1-3. Couché sur le côté gauche pen- 
dant 390 'jours, il représente la durée des iniquités 
d'Israël; couché ensuite sur le côté droit durant 40 jours, 
il figure celle des péchés de Juda, un jour étant pour 
une année; après quoi, il prophétise contre Jérusalem 
assiégée, iv, 4-8. Sa nourriture répugnante, malgré 
l'adoucissement obtenu, et sa boisson seront mesurées 
comme le signe du: sort misérable auquel seront ré- 
duits les assiégeants, iv, 9-17. Il coupe enfin sa cheve- 
lure, la livre au feu, au rasoir et au vent, pour signifier 
qu'un petit nombre seulement des habitants de Jérusa- 
lem survivra, v, 1-17. En présence des exilés, il simule 
un départ hâtif pour un voyage, et il explique que cette 
scène représente le roi Sédécias et les habitants de 
Jérusalem qui devront émigrer au milieu des nations, 
xii, 1-16. La manière dont le prophète mange son pain 
et boit de l'eau, signifie la condition misérable à la- 
quelle seront réduits les habitants de Jérusalem, xii, 
17-20. Sa femme étant morte, il reçoit de Dieu l'ordre 
de ne pas en porter le deuil, afin de servir de signe à 
ses compatriotes, en prévision de la ruine prochaine de 
Jérusalem, xxiv, 15-24. Le livre de Zacharie raconte 
une seule action symbolique. Trois exilés, revenus de 
Babylone, avaient rapporté de l'or et de l'argent; le 
prophète doit en faire des couronnes qu'il placera sur 
la tête du grand-prêtre Josué et qui seront déposées 
dans le Temple de Jérusalem comme des mémoriaux de 
la reconstruction de ce Temple, ainsi prédite, vi, 6-16. 
Bien que quelques-unes de ces actions symboliques 
présentent des difficultés au point de vue de leur 
réalité historique, ce ne sont pas de simples figures de 
rhétorique comme le prétendait Reuss, mais plutôt des 
faits réels, accomplis sous les yeux des spectateurs afin 
de les impressionner plus vivement et de leur donner 
une saisissante leçon de choses. 
IV. Preuves que les prophètes donnaient de la 

VÉRITÉ DE LEUR MISSION ET DE LEUR INSPIRATION. — 



1° Les miracles. —Les envoyés de Dieu justifiaient par- 
fois leur mission divine, en accomplissant des prodiges. 
Ainsi, Dieu accorda à Moïse le pouvoir de faire des pro- 
diges avec la verge qu'il tenait à la main ou de changer 
l'eau en sang pour l'accréditer auprès des Hébreux,. 
Exod., IV, 1-19, 29-21, aussi bien qu'auprès de Pharaon. 
Exod., vu, 3-5, etc. L'autel de Béthel fut brisé et la 
main de Jéroboam desséchée pour confirmer la pré- 
diction d'un prophète de Juda, réalisée plus tard dans- 
la personne du roi Josias. I (III) Reg., xm, 1-6. La ré- 
surrection de son fils fut pour la veuve de Sarephta» 
une preuve certaine qu'Élie était un homme de Dieu, 
et que la parole de Dieu était vraiment dans sa bouche. 

I (III) Reg., xvn, 23, 24. Le même prophète confondit: 
les prophètes de Baal qui ne purent faire dévorer par- 
le feu du ciel leurs victimes, et quand sa prière à Jého- 
vah eut été exaucée, le peuple entier proclama la puis- 
sance de son Dieu. Ibid., xvm, 20-30. Dieu lui-même 
fait proposer à Achaz par Isaïe un signe en preuve de- 
la vérité d'un oracle précédent. Is., vin, 7-12. La rétro- 
gradation de l'ombre sur le cadran d'Ézéchias devait 
être pour ce roi une assurance divine de la vérité des 
promesses qui venaient de lui être faites de la part du 
Seigneur. Is., xxxvih, 5-8. Toutefois, les prophètes- 
d'Israël ne se donnaient pas ordinairement comme 
thaumaturges, et l'accomplissement de signes et de- 
prodiges semble n'avoir été qu'accidentel pour autoriser,, 
de par Dieu, la mission de ces prophètes, en Israël. 

2° La réalisation de leurs oracles. — La véritable- 
marque distinctive des faux et des vrais prophètes était 
la réalisation ou la non- réalisation de leurs prédictions.. 
Dieu lui-même avait révélé ce critère à Moïse. Deut.,xvm,. 
20-22. Élie, au début de sa mission, prédit une séche- 
resse, qui se réalise aussitôt et cesse sur sa parole au< 
bout de trois ans. I (III) Reg., xvm, 1-45. Dans sa 
lutte avec les faux prophètes d'Israël, Michée, fils dfr 
Jemla, prédit à Sédécias et au roi le sort qui les attend 
en confirmation de la vérité de sa prédiction. I (III) Reg.,. 
xxn, 25, 28. Elisée annonce aux vieillards qui l'entou- 
rent que le roi envoie quelqu'un pour le tuer, et à peine- 
avait-il fini de parler que l'envoyé arrivait. II (IV) Reg.,. 
vi, 31-33. L'Israélite qui avait refusé de croire à l'abon- 
dance prédite par le même prophète, vit le fait réalisé, 
mais n'en profita pas, ainsi que l'homme de Dieu le lui 
avait déclaré. 111 Reg., vu, 1, 2, 16-20. L'événement jus- 
tifia promptement la prédiction d'Elisée à Hazaël, qui 
devint roi de Syrie après le meurtre de Benadad- 
III Reg., vin, 13-15. Il en fut de même pour celle que ce- 
prophète fit à Joas qui fut trois fois victorieux des- 
Syriens, III Reg,, xii, 14-19, 25, et pour celle qu'Isaïe fit 
à Ézéchias contre Sennachérib. III Reg., XIX, 20-35. Les 
incursions des Chaldéens, des Syriens, des Moabites et 
des Ammonites dans le royaume de Juda sous le règne 
de Joachim réalisaient les paroles que Dieu avait fait 
prédire parles prophètes, ses serviteurs. III Reg., xxiv,2. 
Amos, vu, 17, annonce au prêtre Amasias un châtiment; 
personnel, qui a dû avoir une prompte réalisation. 
Dans sa discussion avec le faux prophète Hananie,. 
Jérémie rappelait à son adversaire que les prophètes 
antérieurs avaient prédit des guerres, des dévastationsi 
et des famines, alors que lui annonçait la paix. L'évé- 
nement devait vérifier leurs oracles. Jer., xxvm, 8, 9. 

II donna tort à Hananie qui, lui-même, mourut dans 
l'année en punition de ses prédictions mensongères, 15- 
17. La réalisation des prophéties, faites ainsi à brève 
échéance, confirmait évidemment la mission divine de 
ceux qui les avaient faites. Mais toutes les prédictions, 
ne devaient pas se réaliser sous les yeux des auditeurs. 
Aussi les incrédules reprochaient-ils fréquemment avec 
dérision [aux prophètes ;le retard de leurs prédictions. 
Amos, v, 18; ix, 10; Is., v, 19; Ezech., xn, 21-28. De- 
même, parce que les prophètes annonçaient aux Israé- 
lites prévaricateurs des châtiments, ont-ils été persécu- 



717 



PROPHÈTE 



718 



tés. Matth., v, 12; Àct., vu, 52; Heb., xi, 35-40. 

3° Le caractère moral de leur prédication. — Le 
plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux 
prophètes, les voyants d'Israël, pour justifier leur mis- 
sion, en appellent à leur droiture, à la conscience 
intime et profonde qu'ils ont de parler au nom de Dieu, 
au caractère moral de leur prédication dirigée exclusi- 
vement, malgré des obstacles sans nombre, à maintenir 
ou à ramener Israël dans la vraie religion, dans la 
bonne voie et dans la pratique du bien. Michée repro- 
che à la maison de Jacob son impiété. S'il n'était un 
homme inspiré, il dirait des paroles mensongères, il 
verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait, 
il, 11. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans 
des visions vaines et trompeuses. Is., lvi, 10. Du temps 
de Jérémie, ils trompaient le peuple, vi, 13, parce qu'ils 
disaient la vision de leurs cœurs et non ce qui sortait 
de la bouche du Seigneur, xxm, 16. Ils empêchaient 
la conversion de Juda, xxm, 22. Au temps de la capti- 
vité, les fausses prophétesses cousaient des coussins et 
altéraient la vérité pour tromper les âmes. Ezech., xm, 
17-23. Les faux prophètes séduisaient le peuple pour 
lui plaire et par amour du lucre. Mich., m, 5, 11; Ezech., 
xm, 19, 21. Du reste, ils étaient adonnés au vin. Is., 
xxviii, 7. Leurs pensées étaient exécrables et leur con- 
duite mauvaise. Jer., xxm, 12, 11, 22; xxix,23; Soph., 
m, 4. Celte dépravation morale trahissait la fausseté 
de leur inspiration feinte, et les distinguait des vérita- 
bles prophètes, prédicateurs attitrés et officiels du culte 
moral de Jéhovah. 

V. Rôle et influence des prophètes en Israël. — 
Puisque les prophètes étaient, en Israël, les représen- 
tants de Dieu, ses envoyés directs, leur intervention 
s'est manifestée dans tous les domaines dans lesquels 
Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi. 
Elle était éminemment religieuse et morale ; mais comme 
le gouvernement d'Israël était théocratique, elle a néces- 
sairement débordé sur la politique. Enfin, comme à 
partir du vin" siècle elle s'est exercée par des écrits, 
elle est devenue littéraire. Nous étudierons donc suc- 
cessivement le rôle religieux et moral, politique et 
littéraire des prophètes israélites. 

1» Rôle religieux et moral, — Les prophètes n'ont 
pas été les créateurs du monothéisme, mais seulement 
ses ardents propagateurs. Voir t. m, col. 1235-1237. 
S'ils luttaient contre les rois, c'est que ceux-ci pour la 
plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs 
exemples et leurs actes de gouvernement à l'idolâtrie 
et que le peuple se laissait facilement séduire. Les pro- 
phètes étaient les adversaires de l'idolâtrie et des cultes 
impurs des Philistins et des Syriens. Déjà, sous Samuel, 
les disciples des prophètes, à l'époque de la lutte contre 
les Philistins, propageaient par leurs réunions, leurs 
chants et leurs prières en commun le culte de Jéhovah ; 
ils allaient par bandes errantes à travers le pays pour 
entraîner le peuple à leur suite. Sous Jéroboam I er , les 
prophètes luttèrent contre le culte du veau d'or, établi 
à Béthel. Pendant le règne d'Achab, de ce roi qui avait 
introduit en Israël les idoles tyriennes, ils voulaient 
avant tout sauver la foi monothéiste. L'extermination 
des prophètes de Baal par Élie s'explique par la gran- 
deur du danger (il était nécessaire de frapper un grand 
coup) et par les mœurs du temps. (C'étaient des repré- 
sailles : n'avait-on pas exterminé les prophètes de 
Jéhovah?) C'était un combat de vie et de mort entre le 
culte du vrai Dieu et celui des fausses divinités. Les 
prophètes suivants repoussent tout mélange des pra- 
tiques idolâtriques avec la religion nationale. Voir 
t. m, col. 810-813. 

S'ils n'ont pas créé le monothéisme, ils l'ont cepen- 
dant épuré et développé au moins dans les masses popu- 
laires. Ils travaillaient à répandre une connaissance, non 
pas spéculative et métaphysique, mais simple et pratique. 



de Dieu. Jéhovah, le Dieu des pères, était le seul Dieu 
du ciel et de la terre, supérieur à tous les êtres qu'il a 
créés, gouvernant le monde avec sagesse et puissance, 
d'une justice inflexible à punir les coupables, d'une 
bonté sans mesure pour ses fidèles adorateurs, enfin 
d'une sainteté si parfaite qu'il ne supportait aucune 
souillure. Ce Dieu unique et universel, souverainement 
bon et juste, quoique sévère et terrible, imposait un 
culte moral en esprit et en vérité et ne se contentait 
pas des sacrifices et des pratiques extérieures, auxquelles 
ne se joignaient pas les dispositions intérieures et les 
œuvres de justice. On a dit, à cause de cela, que la pré- 
dication des prophètes était antisacerdotale. Ils n'étaient 
pas les adversaires du culte mosaïque; ils défendaient, 
au contraire, sa spiritualité comme son intégrité contre 
les prêtres qui favorisaient avec l'idolâtrie la dévotion 
purement extérieure. Ils devenaient donc les guides 
religieux du peuple, et ils maintenaient la pureté des 
mœurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs 
reproches et leurs menaces autant que par leurs exhor- 
tations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans 
cesse à la nation juive son idéal religieux, jugeaient le 
passé et le présent d'après cet idéal dont ils annonçaient 
et préparaient la réalisation dans l'avenir. Ils se disaient 
des sentinelles, Is., lu, 8; Jer., vi, 17; Ezech., m, 17; 
xxxiii, 6-7, et des gardiens, Is., xxi, II, 12; lxh, 6, 
parce qu'ils veillaient à la sûreté de leur peuple. Cf. Ose., 
v, 1; ix, 8; Mich., vu, 4. 

Les prophètes ont aussi fait progresser les idées mo- 
rales en Israël. Ils ont tous été les protecteurs des 
pauvres et des opprimés et ils ont défendu les faibles 
contre les injustices et les tyrannies des puissants. Tout 
en prêchant la rétribution des actes, ils ont reconnu 
que le juste peut souffrir sans être coupable. Pour plus 
de détails, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. J. Brucker, 
L'enseignement des prophètes, dans les Etudes, août 
1892, p. 554-580; Id., L'Église et la critique biblique, 
Paris (1908), p. 244-262.] 

2» Rôle politique. — Il a été souvent mal compris et 
mal jugé, sinon travesti : on a fait des prophètes 
d'Israël des ambitieux voulant tout dominer, le trône 
et l'autel; on les a représentés comme des tribuns et 
des révoltés. En réalité, ils ont simplement tenu la place 
que la constitution théocratique de leur nation leur 
assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur 
imposait. Dans la constitution mosaïque, le prophète 
était, de par Dieu, une sorte de modérateur suprême, 
semblable à Moïse, un surveillant des rois comme des 
prêtres. Deut., xvm, 15-19. C'est le voyant Samuel qui, 
par révélation divine, oint Saûl, le premier roi, I Sam., 
IX, 15-17; x, 1, et quand Saûl «ut été infidèle à sa mis- 
sion, le même prophète fut chargé par Dieu d'oindre 
David, le chef d'une nouvelle dynastie. I Sam., xvi, 
1-13. Pendant la révolte d'Adonias, Nathan avertit 
Bersabée et lui conseille de faire sacrer Salomon. 
I (III) Reg., i, 11-14. Il intervient lui-même et fait agréer 
à David les propositions de Belhsabée, 22-27; il concourt 
à l'onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas 
que Nathan ne remplisse en cette circonstance son rôle 
de prophète. Du vivant de Salomon, Ahias se présente 
à Jéroboam et lui annonce qu'il régnera sur dix tri- 
bus, détachées de la dynastie salomonienne. I (III) Reg., 
xi, 29-39. Dès que Jéroboam élève un autel à Béthel 
et organise le culte des veaux d'or pour empêcher les 
Juifs d'aller adorer Jéhovah à Jérusalem, ibid., xn, 26- 
33, un homme de Dieu vient de Juda prophétiser contre 
le nouvel autel. Ibid., xm, 1-10, Parce que ce roi a été 
idolâtre, Dieu, par la bouche d' Ahias, lui prédit la chute 
de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Cette prophétie fut 
réalisée par la révolte de Baasa et l'extermination de 
tous les descendants de Jéroboam. Ibid., xv, 27-30. 
L'usurpateur, ayant suivi les voies impies de son pré- 
décesseur, apprit du prophète Jéhu sa mort prochaine: 



719 



PROPHÈTE 



720 



et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, 1-4, 7. Après deux 
ans de règne, Éla, fils deBaasa, fut détrôné par Zambri, 
8-13. Amri fut la tête d'une nouvelle dynastie, qui fut 
idolâtre. Cependant, c'est en punition de l'usurpation 
•de Sa vigne de Naboth par Achab qu'Élie prédit la chute 
de sa maison. Ibid., xxt, 17-24. Seule, la pénitence 
d' Achab fit retarder la menace de ruine à la génération 
suivante, 27-29. Elisée envoya un fils de prophète sacrer 
Jéhu, II (IV) Rég., ix, 1-10, qui extermina la maison 
d' Achab. Ibid., x, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut 
idolâtre, lui aussi, ses fils ne régnèrent que jusqu'à la 
quatrième génération, 30. Zacharie, en effet, périt 
assassiné. Ibid., xv, 12. Les prophètes faisaient donc et 
défaisaient les rois d'Israël. Us n'étaient pas pour cela 
desadversaires de la royauté par principes républicains. 
Aucun d'eux n'a prêché le renversement du trône au 
profit d'une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu, 
ils substituaient roi à roi, maison à maison, et ils pro- 
clamaient le principe de la légitimité dynastique, tant 
que la dynastie était elle-même fidèle à sa mission. 
S'ils prenaient fait et cause pour un prétendant et favo- 
risaient les usurpateurs, ce n'est pas par républica- 
nisme, mais simplement par application rigoureuse du 
régime théocratique. Dès que le roi, donné par Dieu à 
Israël, manquait à son devoir et introduisait ou mainte- 
nait l'idolâtrie, il cessait d'être le monarque que Dieu 
voulait à la tête de son peuple, et les prophètes, après 
avoir protesté contre les rois coupables, annonçaient 
leur chute sans toutefois les renverser directement du 
trône. 

Dans le royaume de Juda, comme Dieu avait promis 
la pérennité à la dynastie davidique, II Sam., vu, 13, 
les prophètes n'interviennent pas au sujet de la succes- 
sion au trône et ils se bornent à réclamer contre les 
infiltrations idolâtriques, favorisées par quelques rois. 
Leur action politique s'exerce sur un autre terrain. 
Après la scission des dix tribus, Séméias empêche 
Roboam de faire )a guerre aux Israélites. I (III) Reg., 
xii, 22-24. Azarias félicite Asa de sa victoire sur le roi 
d'Ethiopie et s'appuie sur cette protection divine ponr 
l'exciter à veiller à la pureté du culte. II Par., xv, 1-7. 

Dans les deux royaumes, les prophètes s'opposent 
spécialement aux alliances avec les peuples voisins, 
lorsqu'elles devaient servir à la lutte fratricide de Juda 
•et d'Israël et lorsqu'elles étaient dangereuses pour la 
religion. Hanani reproche à Asa sa confiance en Renadad, 
roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Quand Achab victorieux 
a épargné un autre Benadad, roi de Syrie, et a fait 
alliance avec lui, un fils de prophète, par une action 
symbolique, lui reproche cette conduite et le menace 
du châtiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des pro- 
phètes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13, 14, 22, 
28. Quand Achab et Josaphat se sont alliés contre les 
Syriens, tandis que les faux prophètes prédisent le 
succès, Michée, fifs de Jemla, annonce la défaite. Ibid., 
XXJi, 5-28. Et Josaphat fut repris par Jéhu, fils d'Hanani, 
pour avoir donné son concours à Achab en cette occur- 
rence. II Par., xix, 1-3. Le lévite Jahaziel est suscité 
par Dieu pour annoncer à ce roi la victoire dans la 
guerre contre les Ammonites et les Moabites. Ibid., xx, 
14-17. Elisée dévoile à Joram, roi d'Israël, les desseins 
du roi de Syrie. II (IV) Reg., ti, 8-23. Il promet à Joas 
trois victoires sur les Syriens. Ibid., xm, 14-21. Quand 
les rois d'Israël et de Juda voulurent jouer un rôle 
dans la politique générale en s'appuyant tantôt sur 
l'empire de Ninive, tantôt sur celui d'Egypte, les pro- 
phètes blâmèrent cette politique de bascule et furent 
constamment les adversaires des alliances étrangères. 
Osée, vu, 8-16, prédit aux Israélites qu'ils seront vic- 
times de leur confiance dans l'Egypte et que les Assy- 
riens les accableront, lorsqu'ils seront en guerre avec 
les Égyptiens. Isaïe qui a prédit à Achaz la défaite des 
peuples alliés contre Juda, vu, 1-17, est violemment 



opposé aux Judéens qui comptent sur l'Egypte. Le 
seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens 
est dans le Seigneur, xxx, l-7;xxxi, 1-9. Il réconforte 
Ézéchias et l'empêche d'accepter les propositions 
d'alliance avec les Assyriens, faites par Rabsacès, xxxvi, 
xxxvn. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda, 
un homme de Dieu prédit la défaite des Iduméens. 
II Par., xxv, 7-9. 

Les prophètes hébreux ont donc fait de la politique, 
mais c'a été pour réformer l'esprit de gouvernement 
des rois, pour faire prévaloir les principes du droit, de 
la justice, de la morale, les appareils exagérés de 
guerre et les alliances dangereuses. Us reprochaient 
aux rois leurs fautes, à David son aduJtère, à Achab 
l'usurpation de la vigne de Naboth. Ils s'opposaient à 
leurs projets de guerre, et loin de s'appuyer sur le 
peuple, même fidèle, pour combattre la fausse politique 
des monarques, ils bravaient parfois l'opinion, quand 
le peuple suivait ses princes infidèles à la théocratie ; 
ils annonçaient l'insuccès, la défaite et ils subissaient 
la persécution. Leur politique a donc toujours été une 
politique religieuse, théocratique, imposée et sanc- 
tionnée par Dieu. 

3° Rôle littéraire. — S'il ne nous reste rien ou à peu 
prés des discours enflammés des anciens prophètes 
d'Israël, nous avons toute une littérature prophétique, 
qui va du IX e siècle jusque après le retour des- Juifs 
captifs à Babylone. Les prophètes ont don créé, sous 
l'inspiration divine, un genre spécial de productions 
littéraires, dont la plupart sont des chefs-d'œuvre de 
la littérature hébraïque. Les premiers prophètes écri- 
vains ont composé et publié leurs écrits à l'âge d'or de 
cette littérature. La forme oratoire de leurs oracles 
parlés avant d'être rédigés, se rapproche à des degrés 
divers du lyrisme des poètes. Us sont des orateurs 
poètes, et leurs œuvres, qui sont les classiques hébreux, 
renferment des beautés littéraires de premier ordre. 
La vivacité, le coloris de leurs peintures, la véhémence 
de leurs apostrophes, l'originalité et le naturel de leurs 
comparaisons, la force, la franchise, la puissance et 
l'audace de leurs paroles inspirées donnent à leurs 
discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se 
sont pas élevés à ces hauteurs et, au cours des siècles, 
le genre prophétique a évolué au point de vue litté- 
raire. La lyre prophétique perd parfois de sa fraîcheur. 
Après la fin de la captivité, la forme est moins parfaite, 
et la poésie cède la place à la prose. La langue elle- 
même est moins pure; elle exprime pourtant encore 
de bien nobles accents. 

VI. Suite chronologique des prophètes. — Les 
prophètes d'action ont précédé les prophètes écrivains, 
— 1» Prophètes d'action. — Sans parler d'Abraham 
qui a été appelé nâbi', Gen., xx, 7, au sens large du 
mot, parce qu'il avait reçu de Dieu des révélations et 
des confidences, Moïse est le premier et le plus grand 
prophète hébreu. Au Sinaï, il avait parlé avec Dieu 
bouche à bouche, et il avait promulgué la loi religieuse 
qui devait régir le peuple choisi. Deut., xxxiv, 10. 
Voir t. iv, col. 1200-1202. Il était, en outre, l'interprète 
autorisé de la législation, dont il avait été l'intermé- 
diaire, et il avait en Israël la fonction d'oracle attitré 
de Dieu : il répondait aux consultations du peuple. 
Exod., xvni, 13-16. Sur le conseil de Jéthro, il choisit 
des chefs, qui le suppléèrent dans cette charge, 17-27, 
et sur lesquels Dieu répandit une part de l'Esprit qui 
était en Moïse. Ces hommes et d'autres, sur lesquels 
l'Esprit de Dieu s'était reposé, prophétisèrent et par- 
lèrent au nom du Seigneur. Num., xi, 24-29. Après le 
passage de la mer Rouge et le cantique de Moïse,Marie, 
la sœur du guide des Hébreux^ était devenue prophé- 
tesse et, sous l'inspiration divine, avait chanté le can- 
tique de son frère. Exod., xv, 20; cf. Num., xn, 2. Voir 
t. iv, col. 776. Ralaam, un devin païen, fut obligé de 



721 



PROPHÈTE 



722 



répéter les paroles que Jéhovah mit dans sa bouche, 
JNum., xxil, 25, 38; xxm, 3-12, et de bénir Israël, xxm, 
16-26; xxiv, 2-23. Voir t. i, col. 1392-1397. Dieu, qui 
voulait exclure à jamais d'Israël les devins et les au- 
gures, promit à son peuple, par la bouche de Moïse, 
une série de prophètes, semblables à Moïse, qui seraient 
les intermédiaires autorisés entre lui et les siens et les 
organes vivants de ses révélations. Deut., xvm, 15-19. 
VoirPENTATEUQUE, col. 116. La série, en effet, fut dès lors 
à peu près ininterrompue. Josué succéda à Moïse 
comme prophète. Eccli., xlvi, 1. 

Sous les Juges, Débora est dite « prophétesse », 
Jud., iv, 4; elle communiquait à Barac les ordres de 
Dieu, 6. Voir t. n, col. 1331-1333. Un prophète vint de 
la part de Dieu annoncer la délivrance aux Hébreux 
opprimés par les Madianites. Jud., vi, 8-10. F. de Hum- 
melauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris, 
1886, p. 53; Commentarius in librum Judicum et 
Ruth, Paris, 1888, p. 138. L'homme de Dieu, qui 
annonce au père de Samson la naissance d'un fils, 
Jud., xin, 6, bien qu'il soit un ange apparaissant sous 
forme humaine, est regardé par Manué et sa femme 
comme un prophète. Leur erreur, bientôt corrigée, 
prouve l'existence de prophètes à cette époque. F. de 
Hummelauer, Commentarius in librum Judicum et 
Ruth, p. 249, 253-254; J. Lagrange, Le livre des Juges, 
Paris, 1903, p. 227. Un homme de Dieu vint aussi 
adresser à Héli des reproches au nom du Seigneur. 

I Sam., n, 27. En ces jours, la parole de Dieu était rare, 
et les visions n'étaient pas fréquentes. I Sam., m, 1. 
Samuel entend la parole de Dieu, qui lui révèle le sort 
d'Héli et de sa famille, 2-21. C'est un « voyant », à qui 
Dieu manifeste ses desseins sur Saùl. I Sam.,ix,6-x,16. 
A côté de lui on voit des troupes de prophètes qui 
reconnaissent son autorité et parmi lesquels Saùl se 
mêle pour prophétiser, I Sam., x, 5, 6, 10-13; xix, 20- 
24, c'est-à-dire, pour chanter les louanges de Dieu. 
Voir t. il, col. 1567-1568. Samuel en mourant ne laissa 
aucun successeur de son autorité spirituelle. Il y avait 
cependant d'autres prophètes, puisque Saûl, avant de 
consulter la pythonisse d'Endor, avait interrogé les 
prêtres et les prophètes. I Sam., xxvm, 6. Sur la nature 
de ces anciens prophètes d'Israël, voir Prophétisme. 

Auprès de David interviennent les prophètes Gad et 
Nathan. Voir t. m, col. 23-24, t. iv, col. 1481-1482. 
Leurs interventions, à la fois politiques, religieuses et 
morales, sont relativement rares. Ces deux voyants 
s'étaient occupés de l'organisation de la musique sa- 
crée. II Par., xxix, 25. Ils écrivirent l'histoire de Da- 
vid, I Par., xxix, 29, et Nathan celle de Salomon. . 

II Par., îx, 29. On n'a signalé l'intervention directe 
d'aucun prophète sous le long règne de ce prince. Tou- 
tefois, Ahia vint prédire à Jéroboam son règne sur 
dix trftus détachées de la dynastie davidique. 
I (III) Reg., xi, 29-39; xn, 15; xiv, 2. Quand Jéroboam 
fut devenu roi d'Israël, sa femme alla consulter Ahia sur 
le sort de leur enfant malade. Le vieux prophète annonça 
la mort de cet enfant et prononça de terribles menaces 
contre la maison de Jéroboam. I (III) Reg., xiv, 1-18. Voir 
t. i, col. 291-292. Lors de l'organisation schismatique 
du culte à Béthel, un homme deDieu vint de Juda pro- 
phétiser contre l'autel élevé en ce lieu, et refusa les 
présents que le roi lui fît offrir pour le gagner à sa 
cause. I (III) Reg., xii, 26-33; xm, 1-10. Un vieux pro- 
phète de Béthel réussit à tromper l'homme de Dieu et 
à le ramener à sa maison. Il lui prédit une mort vio- 
lente, qui ne tarda pas à se réaliser; il l'ensevelit dans 
son propre sépulcre et demanda à sesfils de l'ensevelir 
lui-même à sa mort auprès de ce prophète dont les 
menaces contre l'autel de Béthel se réaliseront. 
1.(111) Reg., xm, H-32. Voir t. i, col. 1629; t. m, 
col. 1302. 

Des prophètes exercent leur action dans les deux 



royaumes de Juda et d'Israël. Séméias avait empêché 
Roboam, après la scission des dix tribus, de faire la 
guerre aux Israélites. I (III) Reg., xn, 22-24. Ce pro- 
phète écrivit l'histoire de Roboam, ainsi que le voyant 
Addo. II Par., xn, 15. Jéhu reproche à Baasa, roi d'Is- 
raël, ses crimes et lui annonce les châtiments divins. 
I (III) Reg., xvi, 1-4, 7, 12. Voir t. m, col. 1244-1245. 
Son père Hanani, ou lui-même désigné sous un autre 
nom, reproche à Asa la confiance qu'il avait dans le 
roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Voir t. m, col. 414. 
Azarias avait harangué ce roi victorieux et il exerça 
sur lui une heureuse influence. II Par., xv, 1-8. Cepen- 
dant Asa, dans sa dernière maladie, consulta les méde- 
cins plutôt que les prophètes. II Par., xvi, 12. Voir 
t. i, col. 1053-1054, 1300. Sous Achab, apparaît soudain 
Élie le Thesbite. I (III) Reg., xvii, 1-7. Sur sa mission, 
voir t. n, col. 1670-1676. Pendant la persécution de ce 
roi et de sa femme Jézabel contre les prophètes, 
Abdias avait caché cent d'entre eux. I (III) Reg., xvm, 
4, 13. Un prophète annonça la première victoire 
d' Achab sur Benadad, roi de Syrie. I (III) Reg., xx, 13, 
14. Le même prédit une reprise des hostilités pour 
l'année suivante, 22. Quand elle eut lieu, un prophète, 
qui, selon les rabbins, serait Michée, fils de Jemla, 
prédit la victoire, 28. Par une action symholique, un 
fils de prophète reproche au roi d'Israël d'avoir laissé 
la vie sauve au roi vaincu de Syrie, 35-40. Trois ans 
plus tard, avant de marcher avec Achab contre Ramoth- 
Galaad, Josaphat, roi de Juda, voulut consulter Dieu. 
Achab lit venir environ 400 faux prophètes qui annon- 
çaient la victoire. Mais Josaphat désira interroger un 
véritable prophète. Il restait Michée, fils de Jemla, 
prophète de malheur pour Achab. On l'appela. Il an- 
nonça la défaite; il fut souffleté par Sédécias, le chef 
des prophètes de mensonge, et mourut en prison. 
I (III) Reg., xxii, 1-28. Voir t. iv, col. 1062-1063. Josa- 
phat fut repris par Jéhu pour avoir donné son concours 
à Achab. II Par., xix, 1-3. Jéhu écrivit l'histoire de 
Josaphat. II Par., xx, 34. Le lévite Jahaziel avait été 
suscité par Dieu pour prédire à ce roi la victoire sur 
les peuples voisins. II Par., xx, 14-17. Voir t. m, 
col. 1106. Êliézer, fils de Dodau, avait aussi reproché à 
ce prince son alliance avec Ochozias, roi d'Israël, 37. 
Ochozias reçut les reproches d'Élie, parce qu'il consul- 
tait le dieu d'Accaron. II (IV) Reg., i, 1-16. Elisée fut le 
disciple et le successeur d'Élie. Voir t. n, col. 1690- 
1696. Il intervient auprès de Joram, roi d'Israël, et de 
Bénadad, roi de Syrie, et fait oindre Jéhu par un de 
ses disciples. Dans sa dernière maladie, il annonce à 
Joas de Juda la victoire sur les Syriens. Un homme 
de Dieu prédit à Amasias de Juda la défaite des Idu- 
méens et reproche au roi son idolâtrie. II Par., xxv, 
7-16. 

Quand parurent les prophètes écrivains, les prophètes 
d'action ne disparurent pas, et les deux classes d'en- 
voyés divins agirent simultanément par des moyens 
différents. Ceux-ci semblent toutefois avoir été moins 
nombreux qu'auparavant, ou, du moins, un plus petit 
nombre est mentionné dans l'Écriture. Le prophète 
Oded fait mettre en liberté par les Israélites les habi- 
tants de Juda, qu'ils avaient fait captifs. II Par.,xxvm, 
9-11. Des prophètes prédisent les châtiments que l'im- 
piété de Manassé, roi de Juda, devait attirer sur son 
peuple. II (IV) Reg., xxi, 10-15. Après la découverte du 
livre de la loi au Temple, Josias fit consulter la pro- 
phétesse Holda sur la conduite à tenir en cette circon- 
stance. II (IV) Reg., xxn, 12-20; II Par., xxxiv, 21-28. 
Voir t. ni, col. 727. Au milieu des faux prophètes qui 
trompaient Juda,Urie, fils de Séméi, s'associa aux prédic- 
tions de malheur de Jérémie, et fut mis à mort par 
ordre deJoakim. Jer., xxvi, 20-23. Baruch remplit les 
fonctions de secrétaire de Jérémie, Jer., xxxvi, 1-7, 
27-32; xl v, avant de devenir prophète lui-même. Parmi 



723 



PROPHÈTE 



724 



les captifs, emmenés de Jérusalem en Babylonie par 
Nabuchodonosor, se trouvaient des prophètes, à qui 
Jérémie adressait son livre, Jer., xxix, dans lequel il 
les mettait en garde contre les faux prophètes, qui 
avaient surgi à Babylone, 15-32. 

2° Prophètes écrivains. — 1. Leur nombre, leur divi- 
sion et leur disposition dans la Bible. — Les Bibles 
grecques et latines contiennent les écrits de seize pro- 
phètes, quatre grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel, 
et douze petits, Osée, Joël, Amos,Abdias,Jonas,Michée, 
Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Mala- 
chie. La prophétie de Baruch est jointe à celle de 
Jérémie, dont ce prophète avait été le secrétaire. Dans 
la Bible hébraïque, il n'y a que trois grands prophètes; 
Daniel est rangé parmi les hagiographes, ainsi que les 
Lamentations de Jérémie. Le livre de Baruch et la 
lettre de Jérémie ne sont pas au canon hébraïque. Les 
douze petits prophètes n'y sont considérés que comme 
un seul livre. Ils sont déjà mentionnés ensemble par 
l'auteur de l'Ecclésiastique, xlix, 12 (10, dans le texte 
grec), et cette mention, considérée par quelques cri- 
tiques comme une interpolation, est dans le texte hé- 
breu, récemment retrouvé. Josèphe en parle dans le 
même sens, Cont. Apion., i, 8, et les rabbins les te- 
naient pour un seul livre, recueilli par les hommes de 
la Grande Synagogue,voir t. n, col. 140, et formé ainsi, 
en un seul recueil, « de peur que, s'ils étaient demeurés 
séparés, l'un ou l'autre ne se perdît à cause de leurs 
petites dimensions, » dit Kimchi, Comment, in Ps., 
praef., d'après la tradition rabbinique. Les Pères de 
l'Église en parlaient aussi comme d'un seul volume : 
SiiSsxa h (iovoëc'ë),u),ditMélitonde Sardes, dans Eusèbe, 
H. E., iv, 26, t. xx,'col. 397. Cf. S. Grégoire de Nazianze, 
t. xxxvii, col. 473; S. Athanase, t. xxvi, col. 1177; Rufln, 
t. xxi, col. 374, etc. Saint Épiphane l'appelait d'un 
mot: to ôa>§exajrp6çr|Tov,t. xliii, col. 244. Ce sont les La- 
tins qui ont nommé ces prophètes minores, par opposi- 
tion aux majores, non en raison de leur importance et 
de leur valeur, mais seulement à cause de la moindre 
étendue de leurs oracles. Cf. S. Augustin, De civitate 
Dei, XVIII, xxix, 1, t. xli, col. 585. Si l'ordre du 
canon hébraïque et chrétien ne varie pas pour les trois 
ou quatre grands prophètes, il est différent pour les 
petits. Partout uniformes pour les six derniers : Nahum, 
Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et iWalachie, il 
varie pour les six premiers. Dans les Bibles hébraïques, 
latines et en langues modernes, ceux-ci sont placés 
dans cet ordre : .Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Mi- 
chée; mais dans la Bible grecque, on trouve la disposi- 
tion suivante : Osée, Amos, Michée, Joël, Abdias, Jonas» 
On pense généralement que la disposition de la Bible 
hébraïque a été déterminée par une préoccupation 
d'ordre chronologique, et saint Jérôme croyait que les 
écrits des petits prophètes, qui ne portent pas leur date 
dans le titre, sont de la même époque que les précé- 
dents, dont la date est connue. Prœfat. in prophetas, 
t. xxvin, col. 1016; Comment, in Joelem, i, 1, t. xxv, 
col. 950. Quoi qu'il en soit de cette règle qui n'est pas 
rigoureusement exacte, il reste vrai que les prophètes 
du vm e siècle, Osée, Amos et Michée, sont dans la pre- 
mière partie de la liste, que les prophètes du vll e siècle, 
Nahum, Habacuc et Sophonie, puis ceux d'après la fin 
de la captivité, Aggée, Zacharie et Malachie, ont été 
mis dans la seconde partie. D'ailleurs, la date de quel- 
ques-uns de cesécrits a été diversement déterminée par 
les critiques. 

2. Leur ordre chronologique. — Il n'est pas facile à 
fixer, parce que tous ne sont pas datés et que les rensei- 
gnements qu'ils contiennent ne suffisent pas à l'indi- 
quer avec certitude. Toutes les dates proposées ne sont 
pas certaines, et les critiques modernes ont émis à ce 
sujet des opinions divergentes de celles qui avaient 
cours autrefois. Ils prétendent même que plusieurs des 



livres prophétiques ne sont pas homogènes et renfer- 
ment des éléments de provenance d'époques différentes. 
Ainsi ils partagent couramment le livre d'Isaïe en deux 
ou trois recueils distincts, et celai de Zacharie en deux 
parties d'origine diverse. Comme la date de chaque 
prophète est discutée à son article, le tableau suivant 
résumera les dates proposées dans ce Dictionnaire et 
par les critiques libéraux et rationalistes. 



NOMS 


DATES 


DATES 


des 


du 


des 


PROPHÈTES. 


DICTIONNAIRE. 


CRITIQUES AVANCES. 


Abdias. . . . 


Vers 865 


vr ou V" siècle. 




837-801 


v* ou iv* siècle. | 


Jonas .... 


Sous Jéroboam II. 


V e ou IV e siècle. [ 


Amos .... 


804-779 


760-750 




789-706 


750-735 


Isaïe 


755-712 


I", 740; II', vers 
540; IIP, V siècle. 


Michée. . . . 


Contemporain d'Isaïe. 


740-701 


Nahum . . . 


Mil. du vil' s. (663-608J. 


650, 624, 610. 


Sophonie . . 


Vers 665 ■ 


630, 627, 625. 


Habacuc. . . 


645-630 


607, 605-600. 


Jérémie . . . 


639-586 


626-586 


Baruch . . . 


583 


Ep. machabéenne. 


Ézéchiel . . . 


592-570 


593-573 


Daniel. . . . 


538 


168-167; 164-163 


Aggée. . . . 


520-516 


520 


Zacharie. . . 


520 


I", 520; IP, 300 


Malachie. . . 


Après la 32- année d'Ar- 
taxerxès Longuemain. 


440 



Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, 
Paris, 1908, p. vn-x. 

La série des prophètes israélites se termina par Ma- 
lachie. Au temps des Machabées, on attendait la venue 
d'un prophète, pareil aux anciens, pour décider ce 
qu'il fallait faire des pierres de l'autel des holocaustes 
profané. I Mach., iv, 46. Cf. I Mach., ix, 27 ; xiv, 41. Ce 
ne fut qu'à l'aurore des temps messianiques que Jean- 
Baptiste put être appelé prophète du Très Haut eu 
raison de sa mission de précurseur. Luc, i, 76. 11 
vint dans la puissance et l'esprit d'Élie. Voir t. n r 
col. 1676. Jésus le déclara prophète et plus que pro- 
phète, parce qu'il avait préparé les voies au Messie. 
Matth., xi, 9,10; Luc, vu, 26-28. Voir t. m, col. 1157. 

VII. Faux prophètes. — Les livres de l'Ancien 
Testament signalent deux catégories de faux prophètes : 
ceux qui prophétisaient au nom des dieux étrangers, 
et ceux qui se donnaient mensongèrement pour des- 
envoyés du vrai Dieu d'Israël. — l" Prophétisant au 
nom des. dieux étrangers. — En dehors de Balaam, 
qui fut un devin plutôt qu'un prophète, voir t. i, 
col. 1398, les prophètes, qui étaient prêtres de Baal,. 
apparurent dans le royaume d'Israël sous le régne 
d'Achab. Élie en provoqua 450 sur le Carmel, et après- 
leur échec, il les fit massacrer sur les bords du Cison. 
I (III) Keg., xviii, 19-40; xix, 1. Voir t. n, col. 292-293> 
1671-1672. Sur les incisions qu'ils se faisaient, voir 
t. m, col. 868-870. Ils prophétisaient au nom de Baal 
et trompaient Israël. Jer., xxm, 13. Le Dieu chananéen 
eut aussi des prophètes en Juda jusqu'à la captivité de 
Babylone. Jer., ji, 8. Voir t. i, col. 1319-1320. — 
2» P?-ophétisant mensongèrement au nom de Jéhovah* 
— A côté des vrais prophètes, inspirés de Dieu, se 
levaient des personnages, qui se comportaient comme 
s'ils étaient de véritables prophètes. Dieu les avait 
annoncés et avait indiqué les signes auxquels on les 
reconnaîtrait, et le sort qu'ils méritaient. Deut., xm,. 
1-5; xvin, 20-22. Ils sont parfois explicitement dési- 
gnés comme faux prophètes. Souvent cependant ils 
sont dits simplement prophètes, mais le contexte per- 
met alors de les distinguer suffisamment des vrais 



725 



PROPHÈTE 



726- 



prophètes. Ils apparurent encore en Israël sous le 
règne d'Achab, au nombre de 400 environ. Parce que 
Josaphat, roi de Juda, veut consulter Dieu, Achab les 
interroge. Par une action symbolique, leur chef Sédé- 
cias prédit la victoire sur Bamoth-Galaad, et tous les 
autres confirment cette prédiction. Michée, fils de 
Jemla, tenté par l'envoyé du roi, refuse de s'associer 
à ce mensonge et annonce la mauvaise issue de l'expé- 
dition. Il a vu Jéhovah, assis sur son trône et envoyant 
un esprit menteur pour inspirer les faux prophètes 
et tromper Achab. Sédécias se prétend véritablement 
inspiré par Jéhovah et il frappe Michée qui en appelle 
à la prochaine réalisation de son oracle. I (III) Beg-., xxn, 
5-28. Dans le royaume de Juda, les faux prophètes 
furent nombreux au temps d'Isaïe et de Jérémie. Isaïe 
leur reproche leurs excès et leurs erreurs, causés par 
l'ivrognerie, xxvm, 7. Michée, son contemporain, leur 
adresse les mêmes reproches, il, 11, et les accuse de 
prophétiser pour de l'argent, m, 5, 11. Jérémie les 
accuse de mensonge, v, 13, 14; vin, 10; xiv, 13-18, et 
il les maudit, xxni,9-40. Il entre en conflit direct avec 
eux. Tandis qu'il prédit la ruine prochaine de Jérusa- 
lem et du royaume de Juda, les faux prophètes s'unis- 
sent aux prêtres et au peuple pour le contredire et 
l'amener en jugement, xxvi, 7-19. Il les contredit pu- 
bliquement et exhorte le peuple à ne pas ajouter foi à 
leurs oracles trompeurs, xxvh, 14-18. Il eut un conflit 
personnel avec Hanani, prophète de Gabaon, xxvm, 1- 
17. Il poursuivait les faux prophètes jusqu'au lieu de 
leur exil. Comme ils continuaient à tromper les pre- 
miers captifs, il les confond, et il prédit des châti- 
ments spéciaux à Achab, à Sédécias et à Séméias, x-xix, 
1-32. Le prophète de l'exil, Ézéchiel, eut à lutter aussi 
en Chaldée contre les faux prophètes d'Israël, hommes 
et femmes, qui trompaient les captifs, xnr, 1-23. Après 
le retour à Jérusalem, Gossem accusait Néhémie d'avoir 
suscité des prophètes pour favoriser ses projets. II Esd., 
vi, 7. Loin de là, Néhémie allant consulter Séméias vit 
que ce soi-disant prophète n'était pas envoyé par Dieu, 
pas plus que Noadias et les autres prophètes qui vou- 
laient l'épouvanter et le détourner de son dessein. 
lbid., 10-14. 

Ces prophètes prétendaient posséder, eux aussi, la 
parole de Dieu; mais leur parole n'était que du vent; 
elle ne contenait pas la parole d« Dieu. Jer., v, 13. 
Ils parlaient faussement au nom de Jéhovah, et ils 
mettaient en sa bouche leurs propres discours. Dieu ne 
les avait pas envoyés, ne leur avait pas ordonné de 
parler. Leur vision était mensongère; ils trompaient 
et séduisaient le peuple. Jer., xiv, 14, 15. Ils disaient 
la vision de leur cœur et non celle qui vient de la 
bouche de Dieu. Jer., xxm, 16. Dieu ne les envoyait 
pas, et ils couraient d'eux-mêmes ; il ne leur parlait 
pas, et ils prophétisaient d'eux-mêmes, 21. Ils préten- 
daient avoir eu des songes prophétiques, 25 ; mais ils 
annonçaient le mensonge et les séductions de leurs 
cœurs. Us volaient les paroles de Dieu, 30, et ils pre- 
naient leurs langues pour dire : « Le Seigneur a dit. » 
Ils rêvaient des mensonges, 31, 32. Ils n'avaient donc 
ni mission ni révélation divine. Us prétendaient avoir 
des visions, Jer., xw, 14; xxm, 16 : visions vaines, 
songes creux. Is., lvi, 10; Mien., m, 6, 7; Ezech., xm, 
3,6-9; xxii, 28. C'étaient des trompeurs et des séduc- 
teurs, Jer., xxix, 21, 23, 31 ; des chiens muets incapables 
d'aboyer. Is., lvi, 10. Loin de reprendre le peuple, ils 
le confirmaient dans le mal et empêchaient sa con- 
version. Jer., xxm, 14, 15, 17, 22; Ezech., xm, 5, 22. 
Ils faisaient avoir confiance dans le mensonge. Jer., 
xxix, 31. Us attendaient vainement la confirmation de 
leurs oracles, Ezech., xm, 6; leurs prédictions ne 
s'accomplissaient pas, ce qui était le signe de leur 
fausseté conformément à la prédiction de Moïse. Deut., 
xvin, 22. Us seront couverts de confusion, lorsque 



l'événement aura montré la fausseté de leurs prophé- 
ties. Jer., xiv, 13-15; xxvm, 9, 16-17. Leur caractère- 
moral était peu élevé, Soph., m, 4; ils s'adonnaient au» 
vin, Is., xxvm, 7; Jer., xm, 13, et prophétisaient poui- 
de l'argent et pour gagner la faveur des hommes. Mich., 
m, 5, 11; Ezech., xm, 18, 19. Us n'avaient donc rien 
de commun avec les véritables prophètes, et leur- 
inspiration était feinte. Us avaient cependant de l'in- 
fluence sur les prêtres, sur les chefs et sur le peuple, 
et ils contrecarraient souvent la mission des véritables- 
prophètes. 

VIII. Les prophètes du Nouveau Testament. — 
1° Jésus-Christ prophète. — Si, avec la plupart des 
Pères, on pense que Moïse prédisait, sous le nom de- 
prophète semblable à lui, que Dieu devait susciter au» 
milieu de son peuple, Deut., xvin, 15, le Messie seul et 
sa mission prophétique, voir col. 116, il n'est pas- 
étonnant que Jésus, le véritable Messie, ait été pro- 
phète. Luc, xxiv, 19; Joa., iv, 19; vu, 40; îx, 17;: 
Act., m, 22; vu, 37. Sa doctrine dogmatique et morale,.- 
voir t. m, col. 1480-1487, complétait et surpassait celle 
des prophètes, qu'il n'était pas venu renverser ni abo- 
lir. Matth., v, 17. Comme ses devanciers, il a connu efa 
prédit l'avenir. Ses prédictions ont été exposées, t. m, 
col. 1499-1501. — 2° Il y eut aussi des prophètes dans- 
le Nouveau Testament. D'abord, des prédiseurs de 
l'avenir. Quand l'Église d'Antioche eut été fondée, il y 
vint de Jérusalem des prophètes, dont l'un, nommé 
Agabus, prédit une famine qui se produisit sous le- 
règne de Claude. Act., xi, 27-28. Seize ans plus tard, à. 
Césarée, le même Agabus annonça par une action 
symbolique la prochaine captivité de saint Paul. Act,, 
xxi, 10-11. Voir t. i, col. 259. Ce fait se passa dans la 
maison de l'évangéliste Philippe, qui avait quatre filles, 
vierges et prophétesses. Act., xxi, 9. Ces prophètes- 
coexistaient à Antioche avec des docteurs. Act., xm, 1.. 
Deux prophètes de Jérusalem, Judas, surnommé Barsa- 
bas, et Silas, furent envoyés à Antioche. Act., xv, 32. 
Leur ministère prophétique comprenait sans doute la, 
prédication et l'enseignement, puisqu'ils consolèrent 
les frères et les confirmèrent dans la foi. Voir t. m, 
col. 1807. Parmi les charismes, qui se manifestèrent) 
dans l'Église de Corinlhe, saint Paul nomme la pro- 
phétie, I Cor., xii, 10, et il range ceux qui en étaient; 
dotés entre les Apôtres et les docteurs, 28-29. Le don 
de prophétie était supérieur au don des langues, car le- 
prophète parle aux autres et les édifie, les exhorte et 
les console, tandis que le glossolale n'édifie pas l'Église^ 
de Dieu, à moins que ses paroles ne soient interpré- 
tées. I Cor., xiv, 1-5. Le ministère de ces prophètes estj 
utile surtout aux fidèles, 22; il convertit cependant les - 
infidèles qui pénètrent dans les assemblées, en les- 
convainquant par la parole et en manifestant les se- 
crets de leurs cœurs, 24-25. Tous ceux que l'Espriti 
animait avaient le droit de prophétiser. Cependant, 
pour éviter les abus, saint Paul règle l'exercice de ce 
charisme. Il suffisait qu'à chaque assemblée deux ou 
trois seulement prennent la parole et exhortent les; 
fidèles; les autres devaient être juges de ces manifes- 
tations de l'Esprit. Us devaient parler successivement,, 
et dès qu'un nouveau prophète prenait la parole, le pré- 
cédent devait se taire, chacun enseignant et exhortant, 
l'assistance à son tour, car les prophètes sont soumis; 
les uns aux autres. Dieu qui les inspire est le Dieu de 
la paix et non pas de la discussion, 29-32. Et ces- 
règles l'Apôtre les enseignait dans toutes les Églises. Il* 
impose donc cette loiaux prophètes de Corinthe, comme- 
un ordre du Seigneur, 37, non pour étouffer l'espritu 
de prophétie, sinon celui des faux prophètes qui déso- 
béiraient^puisqu'il tient la prophétie pour le meilleur- 
des charismes divins, 38. Les prophètes, placés entre 
les Apôtres et les évangélistes, travaillent, comme eux,_ 
au service des saints et des fidèles. Eph., iv, 11. Ils* 



727 



PROPHETE 



PROPHETIE 



728 



sont avec les Apôtres les fondements de l'Église. Eph., 
H, 20. Ils sont nommés encore après les Apôtres. Eph., 
m, 5; Àpoc, xvm, 28. Ils n'ont pas disparu avec l'âge 
apostolique. La Didaché, x, 7; xi, 7-12, dans Funk, 
Patres apostolici, 2« édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 24, 
28-30, et le Pasteur d'Hermas, Mand., xi, ibid., 
p. 502-510, les signalent encore et les distinguent des 
faux prophètes. Ces prophètes, possédés, dirigés et 
conduits par le Saint-Esprit, étaient des prédicateurs 
inspirés, qui prêchaient et exhortaient les fidèles; 
c'étaient parfois des missionnaires qui, poussés par 
l'Esprit, répandaient comme les Apôtres l'Évangile. 
Mais leur prophétie était un charisme, ' une grâce 
•d'exception, qui se manifestait quand et comme vou- 
lait l'Esprit. Cf. Cornely, Prior Epistola ad Corintkios, 
Paris, 1890, p. 414 sq. — 3° Jésus avait mis ses dis- 
ciples en garde contre les faux prophètes. Matth., vu, 
15. Deux faux prophètes sont mentionnés dans le Nou- 
veau Testament : Barjésu, Act., xm, 6-12, voir t. i, 
■coi. 1461, et une femme de Thyatire, Jézabel. Apoc, 
•h, 20. Voir t. m, col. 1536. 

IX. Bibliographie. — Plusieurs anciens écrivains 
ecclésiastiques ont réuni les données bibliques à beau- 
coup de détails légendaires pour composer des notices 
sur tous les prophètes de l'Ancien Testament. On 
possède en grec les fragments d'Eusèbe de Césarée, 
Devitis prophetarum, t. xxn, col. 1261-1272; deux re- 
-censions du Liber de vitis prophetarum, attribué à 
^aint Épiphane, t. xlhi, col. 393-414, 415-428 ; un livre 
analogue, publié sous le nom de Dorothée de Tyr, 
dans le Chronicon pascale, t. xcn, col. 360-397. Sur 
ces textes, voir Th. Schermann, Propheten- und Apos- 
tellegenden, dans Texte und Vntersuchungen, de 
Harnack et de Schmidt, Leipzig, 1907, t. xxxi, fasc. 3, 
p. 1-133, qui en donne une édition plus complète et 
•plus critique. Dans le recueil de saint Isidore de Sé- 
ville : De vita et obitu patrum qui in Seriptura lau- 
dibus efferuntur, édité par Fabricius, De vita et morte 
Mosis libri très, Hambourg, 1714, p. 512-551, et par 
Migne, Patr. Lat., t. lxxxih, col. 131-156, il y a des 
notices 'sur les prophètes. Les légendes syriaques sur 
les prophètes ont été rassemblées par le nestorien 
Théodore bar Kôni, au IX e siècle, dans son Livre des 
-scholies, et par Michel le Syrien, Chronique, édit. 
Chabot, Paris, 1899, t. i, p. 63-101. 

Sur les prophètes, on pourra consulter toutes les 
introductions aux livres de l'Ancien Testament. Citons 
•seulement F. Vigouroux, Manuel biblique,' 12" édit., 
Paris, 1906, t. H, p. 566-591; Trochon, Introduction 
-générale aux prophètes, Paris, 1883; R. Cornely, 
Jntroductio speciafts in didacticos et propheticos 
V. T. libros, Paris, 1887, p. 267-305; card. Meignan, 
Les prophètes d'Israël. Quatre siècles de lutte contre 
l'idolâtrie, Paris, 1892, p. 1-48; Id., Les prophètes 
d'Israël. et le Messie depuis Salomon jusqu'à Daniel, 
Paris, 1893, p. 17; J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien 
Testament, 3» édit., Paris, 1902, t. n, p. 138 sq.; 
"E. Laur, Die Prophetennamen des alten Testamentes, 
Fribourg, 1903; *L. Gautier, Die Berufung der Propher 
ten, 1903. E. Mangenot. 

PROPHÉTESSE (hébreu : nebï'âh; Septante : 
TtpotpfJTi;; Vulgate : prophetis, prophetissa), nom donné 
■dans l'Ecriture 1° à des femmes douées de l'esprit de 
Dieu ; 2° à Marie, sœur de Moïse, considérée comme poète 
ou chantant au son des instruments le cantique de Moïse, 
. après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 20 (sans avoir 
aucun don de prophétie, cf. Num., xn, 6); 3° à la 
femme du prophète Isaîe, ainsi appelée parce que son 
mari était prophète. — Les femmes' à qui les auteurs 
-sacrés donnent le titre de prophétesses dans la pre- 
.mière acception du mot sont : Débora, qui rendait la 
.justice aux tribus d'Israël avec le secours divin, Jud., 



iv, 4; Holda, contemporaine du roi Josias, IV Reg., xxn, 
1-4; II Par-, xxxiv, 22; Noadias, fausse prophétesse, 
d'après l'hébreu, t. iv, col. 1635 (faux prophète d'après 
les Septante et la Vulgate), II Esd., vi, 14; et, dans 
le Nouveau Testament, Anne, fille de Phanuel. Luc, 
II, 36. Voir ces" noms. — La Vulgate, dans l'Ancien 
Testament, n'a employé le mot prophetissa que pour 
Marie, sœur de Moïse, et pour la femme d'Isaïe ; 
elle a donné à Débora et à Holda le titre de prophe- 
tis. En saint Luc, n, 36, Anne est appelée prophe- 
tissa. 

PROPHÉTIE. — I. Notion. — La notion biblique 
de la prophétie correspond à la définition du prophète 
d'Israël, donnée précédemment, col. 705. La prophétie 
dans la Bible n'est donc pas une simple prévision de 
l'avenir, quoique l'historien juif Josèphe, Ant. jud., 
XIII, x, 7, l'ait définie : r\ zû>\ sieXXôvtwv itpdfvuutç, et 
que plusieurs Pères de l'Église aient adopté cette défi- 
nition. Voir col. 709. Elle a, en réalité, une significa- 
tion plus large, et elle désigne toute manifestation de 
la volonté divine à un prophète et, par l'intermédiaire 
de celui-ci, aux autres hommes. 

Les noms qu'elle porte dans la Bible correspondent 
aux différents noms des prophètes. Si le prophète est 
un nsi, « voyant », la prophétie est une « vision », rwnB-, 

I Sam., ix, 15, et une vision de Dieu, communiquée 
par Dieu. Ezech., i, 1; vm, 3; xl, 2. Ce nom ne 
désigne pas seulement ce que Dieu fait voir aux yeux 
du corps ou de l'esprit, mais encore ce qu'il fait 
entendre aux oreilles. La vision est donc synonyme de 
la parole de Dieu. I Sam., m, 1, 15; IX, 10-18. Elle 
désigne par suite toute révélation divine. Ezech., i, 9; 
», 2; m, 5; v, 6; vi, 4, etc. Le verbe rvn est souvent 

T T 

employé dans les phrases dans lesquelles les prophètes 
rapportent les révélations qu'ils ont reçues de Dieu. 
Is., vl, 1; xxi, 6; Jer., i, 11-13; Ezech., i, 15; m, 
23, etc.; Joël, ni, 1; Amos, vu, 8; vm, 2; Hab., n, 1; 
Zach., i, 8; n, 4, etc. Partout, c'est Dieu qui fait voir 
(le verbe est à l'hiphil). Jer., xxiv, 1; Ezech., xl, 4; 
Amos, vu, 1 sq.; vm, 1; Zach., n, 3; m, 1. Le voyant 
ne voit que ce que Dieu lui fait voir. La vision est 
donc une révélation divine. Cf. S. Isidore de Séville, 
Etym., 1. VII, c vm, t. lxxxn, col. 283; S. Thomas, 
Sum. theol., II a II», q. clxxi, a. 1. — Si le voyant est 
dit rrrn, sa vision se nomme alors ^tn. Ce nom dé- 
signe la parole révélée par Dieu, II Sam., vu, 17; 
I Par., xvii, 5, ou la'chose elle-même. Hab., Il, 2, 3. La 
révélation est dite « vision », Ezeeh., vu, 13; vm, 22; 
x, 1, 9; xn, 13, 24, 27, ou « parole de vision ». Ezech., 
xn, 23. On parle une vision, Jer., xxm, 16 (faux pro- 
phète), comme on voit une parole. I (III) Reg., xxn, 19; 
Is., i, 1 ; n, 1 ; xm, 1 ; Amos, i, 1, etc.; Abdias, i, 1 ; Mich., 
i, 1; Nahum, i, 1; Hab., i, 1; Jer., i, 11-13. Jérémie a 
eu une vision de la bouche de Dieu. Jer., xxiir, 16. La 
vision ainsi nommée est donc encore une révélation 
divine, une manifestation de la parole de Dieu. — 3» Le 
substantif nN',32, nebû'dh, correspondant à N'33, dé- 

t : t 

signe un oracle, I Esd., vi, 14;)II Esd., vi, 12; II Par., 
xv, 8, ou même un écrit prophétique. II Par., ix, 29. — 
Dans les Septante, le mot grec npoç7)Tê('a répond soit à 
jïrn, hdzôn, II Par., xxxii, 32, soit à -[■m:. I Esd., vi, 

T T 

14; II Esd., vi, 12. — La prophétie consiste donc en 
une action extraordinaire ou surnaturelle, par laquelle 
Dieu communique à son prophète certaines lumières 
ou connaissances avec mission de les transmettre aux 
autres hommes. 

II. Manières dont Dieu communiquait aux pro- 
phètes ses volontés. — Pour connaître les vérités 
qu'ils devaient manifester de la part de Dieu, les pro- 
phètes d'Israël n'employaient aucun des procédés 



729 



PROPHÉTIE 



73a 



artificiels ou appris de la divination, voir t. n, col. 1443- 
1448, pas plus que des moyens naturels de se mettre 
en rapport avec Dieu. C'était Dieu lui-même qui leur 
révélait ou leur inspirait directement ce qu'ils devaient 
dire. Les moyens dont il se servait sont désignés dans 
l'Écriture par trois expressions différentes : la parole, 
la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de 
communication prophétique devaient être les plus 
ordinaires, puisqu'ils sont distingués de la parole 
articulée, employée régulièrement par Dieu pour ré- 
véler à Moïse ses volontés. Num., xn, 6-8. 

1° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sûre- 
ment de son peuple les devins, Deut., xvm, 9-14, pro- 
mit de susciter en Israël une série de prophètes, 
semblables à Moïse, il déclara qu'il placerait ses 
propres paroles dans leur bouche et qu'ils diraient 
tout ce qu'il leur ordonnerait de dire. Comme Moïse au 
Sinaï servit d'intermédiaire entre Jéhovah et son 
peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait 
d'entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21, 
ainsi les prophètes parleront au nom du Seigneur au 
peuple, qui devra écouter leurs paroles. Deut., xvni, 
15-19. Les prophètes entendirent donc parfois la parole 
articulée par Dieu lui-même, comme il arriva à Moïse 
au buisson ardent, Exod., m, 4-22, et au Sinaï. Samuel 
entendit à Silo la voix divine qui l'appelait, I Sam., 
m, 4-14, et Dieu parlait à son oreille. I Sam., ix, 15- 
17.. Cf. I(III)Reg., xvn, 2, 8; xvm, l;xxn,17; Amos, m, 
7; Ose., i, 2, 4, 6; m, 1; Is., xvm, 4; Jer., H, 1; xxm, 
28; Dan., vin, 1-27; x, 1, 5; Agg., n, 1, 21; Zach., i, 
1, 7. Il s'établissait parfois un véritable dialogue entre 
Dieu et le voyant, ainsi avec Élie, I (III) Reg., xix, 9-18, 
et avec Jérémie. Jer., xiv, 11-14. Mais le plus souvent, 
semble-t-il, les prophètes n'entendaient qu'une voix 
intérieure. Job, iv, 12, 16. C'est ainsi qu'on peut expli- 
quer les révélations faites aux oreilles des prophètes. 
Is., xxi, 10; xxii, 14; xxvm, 22; Abdias, i, 1. Ils trans- 
mettaient de vive voix ou par écrit les paroles qu'ils 
avaient entendues au fond de leurs cœurs. Aussi leurs 
oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos, 
ni, 1, et plusieurs recueils ont pour titre : « Paroles 
que Dieu a dites par le prophète. » Ose., i, 1; Joël., I, 
1; Soph., i, 1; Jer., i, 1, 2. 

2° La vision. — Les mentions de visions sont nom- 
breuses dans les écrits des prophètes. Amos a eu cinq 
visions, groupées à la fin de son livre, vu, l-ix, 15. 
Isaïe reçoit la mission prophétique dans une vision, 
vi. Il voit un oracle, xnr, 1. Jérémie, peu après sa 
vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une série 
de visions, i, 8, 18; n, 1; m, 1; iv, 1; v, 1, 5; vi, 1. 
Ézéchiel aussi en a fréquemment, i, 4; H, 1; vin, 2; 
x, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophétiques sont inti- 
tulés : « Vision ». Is., i; Abdias, I, 1; Nahum, i, 1. 
Quelques-unes de ces visions étaient extérieures, Dan., 
v, 25, et corporelles et formaient de véritables appari- 
tions. Dan., vin, 16-27. Mais le plus souvent, elles se 
produisaient dans l'imagination du voyant. Dieu 
avait annoncé à Aaron et à Marie qu'elles auraient lieu 
per senigmata et figuras. Num., xn, 8. On a remarqué 
qu'elles se présentaient sous des traits connus du pro- 
phète et empruntés au milieu où il vivait. Les images 
de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes 
ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la 
Palestine, i'Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient 
lieu à l'état de veille (autrement, elles auraient été des 
songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle à Samuel de 
nuit. 1 Sam., ni, 3, 10; vu, 4; xv, 11, 16; Zach., i, 8; 
Job, iv, 13. Si le voyant était endormi, Dieu le tirait de 
son sommeil, ou d'un état semblable au sommeil. Jer., 
xxxi, 26; Zach., iv, 1. 
"3° Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonté 
aux prophètes endormis, c'était en songe. Ce mode de 
manifestation divine, annoncé par Dieu, Num., xn, 6; 



Deut., xni, 1, 3, 5, est rarement attesté dans l'Écriture. 
Il est mentionné comme un moyen que Saùl aurait 
tenté inutilement pour consulter Dieu. I Sam., xxvin, 
6, 15. Joël, n, 28, annonce que, dans l'avenir messia- 
nique, les vieillards d'Israël auront des songes. Le 
seul exemple cité est celui de Daniel, vil, 1. Les faux 
prophètes aimaient les songes. Is., lvi, 10; Jer., xxm, 
25, 28, 32; xxvn, 9; Zach., n, 2. — Sur l'état psycho- 
logique des prophètes pendant les visions, voir Pro- 
phète, col. 712. 

III. Réalité des prophéties. — Qu'il y ait dans la 
Bible des prophéties véritables, c'est-à-dire des mani- 
festations surnaturelles de ses volontés, faites par Dieu> 
aux hommes par l'intermédiaire d'individus inspirés, 
c'est tout à la fois un fait constaté et un dogme de la 
foi catholique, — 1° Preuves scripturaires . — 
1. L'affirmation des prophètes eux-mêmes. — Tous 
les prophètes israélites déclarent qu'ils parlent au 
nom de Jéhovah, que Jéhovah parle par leur bouche- 
et qu'ils annoncent en son nom ce qu'il faut faire et 
ne pas faire et ce qui arrivera. Voir Prophète, col. 711. 
Ils croyaient donc être et ils se sont donnés comme 
les organes de la divinité, parce qu'ils avaient con- 
science de leur inspiration divine. Ils en fournissaient 
des preuves à leurs contemporains, qui ont cru à leur 
mission et à leur inspiration, en voyant plusieurs de 
leurs prédictions accomplies à brève échéance et les 
miracles qui les autorisaient. On peut chercher à> 
expliquer naturellement ces faits; on ne peut les nier, 
et le témoignage d'hommes probes, sincères, désinté- 
ressés, en faveur de leur propre inspiration est rece- 
vable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des 
expériences réelles qu'ils avaient éprouvées, et on ne 
peut prétendre qu'ils employaient un procédé littéraire 
pour exprimer leurs propres pensées et les faire 
passer auprès d'une foule crédule pour celles de Dieu. 
Leur parole n'a pas toujours été crue, Amos, n, 12," 
Is., xxxvm, 7; Jer., vi, 17; vu, 25-28; xi, 8, 21, etc., 
et ils . ont été persécutés, parce que leurs oracles 
inspirés étaient la plupart du temps à l'encontre des 
idées de leurs contemporains, des chefs de la nation 
aussi bien que du peuple tout entier. Matth., v, 12; 
xxm, 29-37; Luc, vi, 23; XI, 47-50; xm, 34; Act., vu,. 
52; Rom., xi, 3; I Thés., n, 15; Heb., xi, 32-40; Jac, 
v, 10. Seul, le sentiment intime de la réalité de leur 
inspiration divine a pu leur donner à tous l'énergie et 
le courage nécessaires pour supporter les persécutions 
dont ils étaient l'objet, et remplir, malgré tout, la mis- 
sion que Dieu leur avait confiée. — 2. L'affirmation 
de Jésus et de ses Apôtres. — Ils en ont appelé aux 
écrits des prophètes comme au témoignage de Dieu 
même, et ils ont signalé la réalisation des prophéties- 
messianiques. Voir t. m, col. 888-889. L'inspiration 
des prophètes a été explicitement affirmée par saint- 
Paul, Heb., I, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet., 
i, 10-12; II Pet., i, 16-21. Voir t. m, col. 889-890. — 
2° Preuves traditionnelles. — Les Pères, appuyés sur 
le double témoignage de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment, ont affirmé et enseigné l'inspiration divine des- 
prophètes d'Israël. Voir t. m, col. 891-897. Cf. Leitner r 
Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau, 
1896, p. 98-190. — 3° Preuves dogmatiques. — Après 
avoir été cru, affirmé et prouvé, le dogme de l'inspira- 
tion des prophètes a été explicitement défini par 
l'Église. Voir t. m, col. 897-898; Leitner, op. cit.,. 
p. 191-195. Le fait de l'inspiration divine des prophètes- 
est donc un dogme de la foi catholique. — 4° Réponse- 
aux objections des critiques. — La plupart des cri- 
tiques rationalistes ont opposé à la réalité divine des 
prophéties une fin de non-reeevoir, fondée sur des 
raisons philosophiques et sur l'impossibilité d'une in- 
tervention surnaturelle de Dieu et de la prédiction de- 
l'avenir. Kuenen a discuté à fond la doctrine tradi— 



731 



PROPHÉTIE 



732 



tionnelle sur les prophéties; il a prétendu que cette 
•conception était contraire à l'histoire et à la critique 
loyale des textes scripturaires. Il rejette d'abord le 
témoignage des prophètes sur leur, propre inspiration 
■divine. Si ce témoignage était valable, celui des faux 
prophètes serait recevable au même titre, puisqu'ils 
avaient, eux aussi, conscience de leur inspiration sur- 
naturelle et qu'ils l'affirmaient expressément. Tous 
tirent leur inspiration d'eux-mêmes; c'est leur convic- 
tion qui les inspire. La distinction entre les vrais et 
les faux prophètes a été inventée après coup. En fait, 
il y avait seulement des prophètes opposés les uns aux 
autres, et tous étaient considérés comme inspirés par 
Jéhovah. Ils étaient en conflit et dans le peuple chacun 
prenait parti pour ceux dont les idées lui agréaient. 
Cependant il finit par s'établir une ligne de démarca- 
tion plus nette entre les prophètes. Il y eut ceux dont 
la pensée religieuse avait fait plus_ de progrès et qui 
avaient sur Dieu des idées plus précises, et les autres 
plus retardataires et moins avancés au point de vue 
religieux. Les premiers ont écrit l'histoire sainte et 
traité de faux prophètes leurs adversaires. Toutefois 
l'élévation morale des uns, leur opposition avec les 
idées des grands et de la foule, la persistance de leur 
croyance à leur inspiration malgré les persécutions 
qu'elle leur attirait, tout cela, que Kuenen reconnaît, 
prouve la sincérité de leur prédication. Les faux pro- 
phètes flattaient les passions des rois et de la nation; 
ils avaient des idées moins élevées; leur moralité est 
discutée par leurs adversaires; tout cela constitue un 
préjugé contre la sincérité de leurs affirmations et la 
vérité de leur inspiration. D'ailleurs, pour assurer la 
permanence de la mission des vrais prophètes, leur 
crédit auprès de la portion saine de la nation et leur 
triomphe définitif, il a bien fallu qu'ils aient fourni des 
signes de leur mission divine. On les exigeait d'eux, et 
ils les donnaient. C'étaient ces prédictions claires et à 
court terme, relatées dans les livres historiques, l'an- 
nonce d'une défaite ou d'une victoire immédiate, du 
succès ou de l'échec d'une invasion. Voir col. 716. 
Supposer avec Kuenen que ces prédictions ne se soient 
jamais réalisées ou n'aient été que des prévisions 
purement naturelles, c'est se mettre dans l'impossibi- 
lité d'expliquer la permanence et le triomphe de pro- 
phètes, haïs du peuple, qui auraient été traités d'im- 
posteurs, s'ils s'étaient trompés, aussi bien que la non- 
réalisation des soi-disant oracles des faux prophètes, 
qui favorisaient les idées du peuple et élaient en oppo- 
sition directe avec les prédictions précises des vrais 
prophètes. Il a bien fallu que ces prédictions fussent 
vérifiées pour que les prophètes pussent continuer 
leur mission avec quelque chance d'être écoutés. Le 
non-accomplissement des oracles des faux prophètes 
devait diminuer leur crédit auprès de la foule qu'ils 
trompaient. L'œuvre des prophètes eut-elle simplement 
consisté, comme on le prétend, dans la destruction de 
l'idolâtrie et l'établissement du monothéisme en Israël, 
elle n'a pu aboutir que s'ils ont eu auprès d'un peuple 
grossier et idolâtre une réelle autorité et une autorité 
divine. 

Kuenen a prétendu, en second lieu, que si les pro- 
phètes d'Israël étaient véritablement inspirés par Dieu, 
il est nécessaire que toutes leurs prédictions se soient 
accomplies. Si elles ne se sont pas accomplies, c'est 
que les prophètes ne parlaient qu'en leur nom et pas 
au nom du Dieu de vérité. Cet argument, qu'il avait 
indiqué dans son Histoire critique des livres de l'An- 
cien, Testament, trad. franc., Paris, 1879, p. 15, 19- 
26, a été longuement développé. The Prophets and 
Prophecy in Israël, trad. anglaise, Londres, 1877, c. v- 
vn, p. 98-275. Le critique hollandais parcourt la série 
des prédictions contenues dans les livres canoniques 
et relatives soit aux peuples voisins d'Israël soit aux 



destinées du peuple élu (les prophéties messianiques) et 
il prétend démontrer que le plus grand nombre de ces 
prophéties n'a jamais été accompli. Au c. vm, p. 276, 
il examine un petit nombre de prophéties qui se 
sont réalisées ; mais il soutient ou bien qu'elles ont été 
vérifiées par l'événement d'une manière vague et ine- 
xacte, ou bien qu'elles ne sont pas authentiques et ont 
pu être écrites après l'événement, ou enfin qu'elles ne 
dépassent pas les limites de la prévision naturelle. Cet 
argument avait été énoncé par Munk, La Palestine, 
Paris, 1881, p. 420-421; A. Réville, dans la Revue des 
deux mondes, juin 1867, p. 836-840. Il a été repris par 
Paul Schwàrtzkopff, Die prophetische Offenbanmg 
nach Wesen, Inhalt und Grenzen, Giessen, 1896, 
p. 100-166. Ce n'est pas le lieu de reprendre une à une 
les objections de Kuenen. Voir, pour la réfutation de 
quelques-unes, F. Vigouroux, Manuel biblique, 12« édit., 
Paris, 1906, t. Il, p. 570-572. L'abbé de Broglie a observé 
que la plupart avaient été présentées auparavant et dis- 
cutées. La force de l'argumentation ne pourrait venir que 
de l'accumulation des objections. Mais cette argumen- 
tation part de principes faux, comme si le sens d'un 
texte prophétique devait être exclusivement déterminé 
d'après les idées du prophète lui-même et de ses con- 
temporains, comme si la réalisation avait dû s'accom- 
plir d'une façon absolument conforme à la prévision du 
prophète ainsi fixée, comme si enfin chaque fragment 
d'une prophétie devait être la prédiction d'un seul et 
même événement. En réalité, la prophétie a pu ne pas 
être parfaitement comprise des contemporains et du 
prophète lui-même, si elle avait un sens énigmatique 
que l'événement seul pouvait faire découvrir pleine- 
ment. N'étant pas claire et complète, elle ne cadre pas 
nécessairement avec l'événement d'une façon absolue, 
et l'accord ne peut pas être plus clair ni plus complet 
que la prévision elle-même. Enfin, toutes les parties d'un 
oracle prophétique ne s'appliquent pas à un même événe- 
ment. La vue de l'avenir en perspective a souvent réuni 
sur le même plan des événements analogues, dont la 
réalisation devait avoir lieu à des époques différentes. Voir 
P. de Broglie, Les prophéties et les prophètes d'après 
les travaux du. D r Kuenen, da^s. Compte rendu du 
III' Congrès scientifique international des catholiques, 
Bruxelles, 1895,11 e section, Sciences religieuses, p. 139- 
151 ; Id., Questions bibliques, édit. Piat, Paris, p. 346- 
380; J. Brucker, Les prédictions des prophètes, dans 
les Études, août 1893, p. 586-615; F. Vigouroux, Manuel 
biblique, t. n, p. 578-580. 

IV. Cycle des prédictions prophétiques. — Rien de 
plus varié que l'objet des prophéties bibliques. Cepen- 
dant, malgré leur grande variété, les oracles des pro- 
phètes écrivains ont des thèmes communs plus où 
moins développés et diversement appliqués selon les 
temps et les milieux, et se déroulent dans le même 
cercle d'idées, qu'il est bon d'indiquer. 

1» Les péchés d'Israël et de Juda. — Pour ramener 
leurs contemporains dans la voie droite, dont la plupart 
étaient sortis, les prophètes leur reprochent leurs fautes 
et font des tableaux éloquents de la perversité morale, 
qui attire sur eux la colère divine et de terribles châti- 
ments. Amos décrit avec véhémence les iniquités 
d'Israël, i, 6-8; m, 2, 9, 10; iv, 1-5; vi, 1-7. Les actions 
symboliques d'Osée et ses mariages figurent l'infidélité 
et l'idolâtrie du royaume schismatique, i, 2-ni, 5. Ses 
discours directs exposent en détail les crimes du peu- 
ple et de ses chefs, iv, 1-v, 7; vu, 1-7. Isaïe, dès le 
début de ses oracles, résume les fautes de Juda, dont 
il prédit les châtiments, 1, 2-31. Il y revient sans cesse, 
et signale celles que chacune des classes de la nation 
a commises, n, 5-9; m, 12, 16 f 17; v, 8-23; x, 1,2, etc. 
C'était sa mission et il devait la remplir avec force et 
constance, lviii, 1. Michée décrit les crimes de Samarie 
et de Juda, i, 5; n, 1, 2; m, 2; 3, 5, 9-11; vu, 1-4. Juda 



733 



PROPHÉTIE — PROPHÉTIQUES (LIVRES) 



734 



n'a pas tiré profit du sort d Israël: il imite son idolâtrie. 
Jer., m, 6-10; XI, 9-10; xvi, 11, 12. La corruption est 
profonde et universelle à Jérusalem. Jer., v, 1-9, etc. 
Ézéchiel voit les abominations commises dans le Temple 
de Jérusalem, 7111, 1-16. 1\ dénonce \es faux prophètes, 
qui trompent et séduisent les exilés, xm, 3-7, 18, 19. Il 
retrace les crimes des habitants de Jérusalem, xxli, 1- 
16, 24-31. Après le retour en Palestine, Aggée reprend 
les rapatriés qui négligent de relever le Temple, I, 2-6, 
et plus tard Malachie adresse des reproches aux prêtres, 
I, 6-8, 12, 13, et aux Juifs qui épousent des femmes 
étrangères, 11, 11. Les prophètes apparaissent donc 
tous comme des correcteurs de vices et des redresseurs 
de torts, et leurs prophéties sont remplies de plaintes 
contre les prévaricateurs. 

2° Le châtiment des coupables. — Comme les cou- 
pables s'endurcissaient et refusaient de profiter des 
reproches et de changer dévie, Jer.,xxxn, 33;Ezech., 
111, .7, si même ils ne se moquaient des menaces des 
prophètes, Amos, v, 18; Is., v, 19, la punition divine 
devait les frapper. Toutes les descriptions de crimes, 
précédemment rappelées, sont immédiatement suivies 
de l'annonce de châtiments. Plus souvent encore, la 
menace est directe, qu'elle soit adressée sous forme 
de plainte ou d'élégie, Amos, v, 1-14, ou d'exhortation 
ou de reproche. Ose., vin, îx; Is., ix, 8-x, 34. Elle tourne 
parfois en malédiction. Is., xxvm, 1-xxxill, 12. Elle 
vise tous les coupables. Tous seront punis, et la puni- 
tion répondra à la culpabilité. Chacune des classes de 
la société aura son châtiment propre et proportionné. 
Puisque la dépravation est générale et que tout espoir 
de conversion est perdu, la nation entière périra. Israël, 
qui est le plus coupable, disparaîtra le premier. Amos, 
1, 9-16; Ose., xm, î-xiv, 1; Mich., 1, 2-7. Juda, qui n'a 
pas compris la leçon, Jer., m, 6-10, aura le même sort. 
Jer., iv, 5-vi, 30; Ezech., xxm. Le châtiment sera gra- 
dué, Jer., iv, 27; v, 18, et la ruine définitive ne viendra 
pas frapper un peuple, capable encore d'amendement. 
Des coups isolés avertiront les coupables et tenteront 
de les ramener à résipiscence. La patience divine se 
lassera enfin, et la perte des deux royaumes sera tour 
à tour décidée. L'instrument des vengeances divines 
est ordinairement l'épée des nations voisines d'Israël et 
de Juda. La ruiue du royaume du nord sera l'œuvre de 
l'empire assyrien, Ose., x, 6; xi, 5; Is., vu, 17-25; celle 
du royaume du sud sera accomplie par les Babylo- 
niens. Is., xxxix, 3-7; Mich., îv, 10; Hab., 1, 6-11; 
Jer., ix, 10-16; xxi, 3-14; Ezech., xxiv, etc. 

3° Les oracles contre les nations. — Bien que les 
nations païennes soient la verge dont Dieu frappe Israël 
et Juda, elles ne seront pas toutefois épargnées, parce 
qu'elles sont coupables, elles aussi, et plusieurs livres 
prophétiques contiennent des recueils spéciaux d'ora- 
cles contre elles. Amos, 1, 3-n, 3; Is., xiv, 28-xxi, 17; 
Soph.,n,4-15;Zach.,ix,l-7; Jer.,XLVi, 1-xlix, 39; Ezech., 
xxv, 1-xxxn, 32. La prophétie d'Abdias est tout entière 
contre l'Idumée. Mais les deux grandes puissances 
vengeresses ont leurs menaces particulières, souvent 
répétées. Elles sont idolâtres ; elles ont dépassé la mesure 
en exécutant les jugements de Dieu contre Israël et 
Juda; elles ont tenté d'exterminer des peuples, que 
Dieu ne voulait que châtier; elles ont commis des in- 
justices dans la répression juste; elles seront donc 
punies à leur tour, et elles seront détruites comme 
nations. On lit des oracles contre l'Assyrie dans Isaïe 
x, 5-26; xxx, 27-33; xxxvil, 21-38; Nahum, 1, 2-m, 19; 
Sophonie, 11, 13-15, et contre la Chaldée ou Babylone 
dans Isaïe, xm, 1-xiv, 23; xxi, 1-10; xxxix, 3-7; xliii, 14- 
21; XLVI, 1-XLvn, 15; Jérémie, xxv, 12-14; L, 1-li, 64; 
Habacuc, n, 2-20. Cf. Rohart, De oneribus biblicis con- 
tra gentes, Lille, 1893. 

4° La conversion d'Israël et de Juda et leur restau- 
ration. — Quels qu'aient été les crimes dé son peuple 



choisi, quelque durs qu'aient été les châtiments infligés, 
Dieu faisait annoncer par ses prophètes la conversion 
finale d'Israël et de Juda sous le coup de l'adversité. Il 
ne se bornait pas à promettre des bienfaits, si les 
coupables quittaient les voies de l'iniquité, Ose., 11, 14- 
24, il déclarait que les Israélites, emmenés en captivité 
en Assyrie, reviendraient en Palestine, Ose., xi, 8-11. 
Abdias prédit le salut, 17-21. Israël se repentira et ob- 
tiendra miséricorde. Mich., vu, 1-20. Les Israélites dis- 
persés seront réunis de nouveau. Is., xi, 10-16 ; Jer., xxxi, 
1-14. Juda surtout trouvera grâce aux yeux du Seigneur. 
Is., 1, 26-31. Il sera restauré, is., xxvi, 1-xxvn, 13; 
xxxii, 1-20; xxxiii, 13-24; xxxv, 1-10; xl, 1-31; xli, 
8-20; xliii, 1-13; xlix, 14-26; lu, 1-12. Jérémie prédit 
la libération des exilés après 70 ans de captivité, xxix, 
8-14. Il décrit la conversion, le retour et la restaura- 
tion, xxx, 2-24; xxxn, 37-xxxin, 26. Baruch répète aux 
exilés la même promesse, 11, 30-m, 8; v, 1-9. Ézéchiel 
annonce aussi le salut, xxxvi, 8-xxxvti, 28. Il trace 
même tout un plan de restauration, xl-xlviii. Voir 1. 11, 
col. 2156. 

5° Le royaume messianique. — Le rétablissement de 
Juda comme royaume temporel de Dieu en Palestine 
amène les prophètes à annoncer la rédemption spiri- 
tuelle des Israélites et de tous les hommes et l'établis- 
sement d'un royaume nouveau, idéal, réunissant tous 
les peuples sous la loi du vrai Dieu, et gouverné par un 
rejeton de David, roi d'Israël et des nations. Michée a 
décrit ce nouveau royaume comme la glorification et 
l'exaltation de Sion, rv, 1-13. Isaïe a repris le même, 
thème, 11, 2-4. Il décrit la gloire de cette nouvelle Jéru- 
salem, liv, 1-lvi, 8; lx, 1-22; lxvi, 1-24. Jérémie en 
parle comme d'une alliance conclue entre Dieu et 
Juda sous de nouvelles conditions, xxxi, 31-40. Bref, 
les prophètes prédisent le royaume messianique et son 
roi, le Messie, et ils en décrivent les caractères. Leurs 
oracles messianiques sont exposés dans les articles de 
ce Dictionnaire, qui concernent chaque prophète en 
particulier. Celles qui ont trait à la personne du Messie 
ont été résumées, t. ni, col. 1431-1434, et leur signifi- 
cation en faveur de la divinité de Jésus indiquée un 
peu plus loin, col. 1497-1499. Pour la bibliographie, 
voir ibid., col. 1436. 

Sur les prédictions des prophètes en général, voir 
J.-B. Pelt, Histoire de l'Ancien Testament, 3 e édit., 
Paris, 1902, t. 11, p. 153-179; * Davidson, Old Testament 
prophecy, 1903. Sur la doctrine des prophètes, on 
pourra consulter *Zschokke, Théologie der Propheten 
desalten Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1877; Tro- 
chon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 
1883, p. xlix-lix; Selbst, Die Kirche Jesu Christi 
nach den Weissagungen der Propheten, Mayence, 
1883; "Duhm, Die Théologie der Propheten, Bonn, 
1875; "Kirkpatrick, Doctrine of the Prophets, 1892. On 
peut consulter aussi les théologies de l'Ancien Testa- 
ment : Scholz, Handbuch der Théologie des alten 
Bundes xm Lichte des Neuen, Ratisbonne, 1862; 'Franz 
Delitszch, Die biblisch-prophetische Théologie, Leipzig, 
1845; 'Schultz, Alttestamentliche Théologie, 2 in-8°, 
Francfort, 1869; 5» édit., 1896; *Œhler, Théologie des 
alten Testaments, Tubingue, 1873; 3 a édit., 1891; 
trad. anglaise, 2 in-8°, Edimbourg, 1874; trad. franc., 
2 in-8»; "Hitzig, Biblische Théologie des A. T., 1880; 
*Riehm,j4 Utestamentliche Theologie,i889; *Dillmann, 
Handbuch der alttestament. Théologie, 1895. 

E. Mangenot. 

PROPHÉTIQUES (LIVRES). Dans l'usage ecclé- 
siastique on donne spécialement ce nom aux livres qui 
contiennent les oracles des quatre grands prophètes 
et des douze petits prophètes dans l'Ancien Testament, 
et a l'Apocalypse dans le Nouveau. Dans la Bible hé- 
braïque, outre les œuvres des prophètes proprement 
dits qui sont appelés prophètes postérieurs, on distingue 



735 



PROPHETIQUES (LIVRES) 



PROPHETISME 



736> 



celles des prophètes antérieurs ou premiers, c'est-à-dire 
des auteurs du livre de Josué, des Juges, des deux livres 
de Samuel (nos deux premiers livres des Rois) et des 
deux livres des Rois (le troisième et le quatrième livre 
des Rois de la Vulgate). 

PROPHETISME. On désigne sous ce nom, dans le 
langage des rationalistes, l'explication naturelle de l'in- 
tervention, dans l'histoire d'Israël, des prophètes, hom- 
mes extraordinaires, doués d'une très grande intelli- 
gence et d'une très rare perspicacité, qui ont enseigné 
une doctrine religieuse très élevée et exercé sur leur 
peuple une très forte influence au point de vue reli- 
gieux, moral, social, politique et littéraire. Loin d'être 
un miracle vivant, une série presque ininterrompue 
d'interventions directes de Dieu en Israël, comme on 
l'a cru longtemps, le prophétisme hébreu est un phéno- 
mène purement naturel, unique en son genre, il est 
vrai, quoiqu'il ne soit pas absolument distinct d'autres 
actes religieux ni sans aucune analogie avec des faits 
de même nature dans les autres religions. A force d'étu- 
des, la critique moderne l'a enfin compris etl'aramené, 
sans le rabaisser, aux conditions et aux lois de l'his- 
toire positive. Avant d'exposer la nouvelle idée qu'on 
s'est faite des prophètes d'Israël, il sera bon d'indiquer 
brièvement les principes qui ont seryi de point de dé- 
part et la méthode suivie pour aboutir à de tels résultats. 

I. Principes et méthode. — Pour expliquer l'origine, 
la nature, le rôle historique du prophétisme hébraïque 
et son influence sur les destinées religieuses et politi- 
ques d'Israël, les critiques rationalistes ont écarté toute 
intervention surnaturelle de Dieu; ils se sont placés 
uniquement sur le terrain rationnel et ils n'ont eu re- 
cours qu'à la loi historique du développement de l'huma- 
nité. Le prophétisme hébreu leur est apparu comme un 
phénomène religieux et se présentant avec les mêmes 
caractères et les mêmes traits que le prophétisme des 
autres religions. L'unique différence entre le prophète 
hébreu et les prophètes païens, c'est qu'il a atteint une 
hauteur à laquelle les autres ne sont pas parvenus. Les 
prophètes d'Israël excellent; ils sont incontestablement 
et de beaucoup les premiers, les types du genre; mais 
leur supériorité ne les élève pas à l'ordre surnaturel et 
divin; ils restent dans l'ordre naturel de l'histoire des 
anciennes religions, surtout des religions sémitiques. 

En effet, le prophétisme n'est pas un phénomène 
particulier au peuple d'Israël. Il n'est pas de société 
humaine qui, à un moment donné de son existence, 
n'ait eu, sous un nom ou sous un autre, ses interprètes 
de la divinité, ses hommes de Dieu. Chez tous les peuples 
de l'antiquité et aujourd'hui encore parmi les nations 
qui n'ont pas dépassé un certain degré de culture et 
qui sont très rapprochées de la situation sociale des 
âges primitifs, il s'est rencontré et on rencontre des 
hommes qui se sont attribué ou s'attribuent, avec une 
entière bonne foi, le pouvoir surnaturel de lire dans 
l'avenir et de communiquer à ceux qui les entourent 
les décisions de la volonté divine, dont ils sont ou dont 
ils croient être les organes. Tous les peuples sémitiques, 
notamment ceux qui touchent de plus près à Israël, 
ont eu leurs prophètes. Les Arabes n'ont pas cessé d'en 
avoir. Le prophétisme caractérise en quelque sorte la 
race sémitique. Toutefois, il s'est produit aussi dans 
les races indo-européennes. La Grèce eut ses navreiç, ses 
devins possédés de la [iavia ou fureur prophétique, et 
cet ordre de faits donna lieu à une science spéciale, la 
mantique. La Gaule et la Germanie eurent leurs inspi- 
"rées, leurs prophétesses. Dans la plupart des cas, le 
prophétisme ne s'éleva pas très haut et ne dépassa guère 
les modes ordinaires de la divination. Si chez les Hé- 
breux il fut supérieur à ce qu'il apparaît ailleurs, il" ne 
faut pas cependant changer sa supériorité relative en 
singularité absolue. 



Il présente, en effet, dans ses manifestations exté- 
rieures, des ressemblances avec le prophétisme des- 
autres peuples. Ce que la Bible rapporte des prophètes 
d'Israël, de leur genre de vie, de leur mode d'action,, 
ressemble étonnamment à ce que nous savons des 
devins païens. On constate, chez les uns et chez les- 
autres, la révélation par les songes, une violente exal- 
tation de l'imagination dans l'exercice même de la 
prophétie, l'union de la vaticination avec l'art de la 
médecine et la poésie. Leur histoire a été embellie par 
la légende, et leur existence n'est signalée qu'à l'âgé 
héroïque des peuples anciens. On est ainsi ramené à 
une loi historique générale. Le prophétisme est com- 
mun à tous les peuples, et il est une manifestation 
propre aux temps héroïques. Le peuple d'Israël n'est 
donc pas, sous ce rapport, une exception dans le monde, 
et son prophétisme rentre dans les analogies de l'his- 
toire. D'ailleurs les récits bibliques, dépouillés de leur 
caractère légendaire et de leur interprétation surnatu- 
relle des faits prophétiques, se ramènent très facile- 
ment aux conditions ordinaires du développement des 
idées religieuses. 

Que penser de ces principes et de cette méthode? Il 
n'est pas exact, d'abord, que le prophétisme n'ait existé 
qu'aux âges héroïques de l'histoire, puisque les peuples 
païens ont eu leurs devins aux époques de la plus 
grande civilisation et en pleine histoire. Quant à la 
méthode employée pour ramener le prophétisme hé- 
breu aux lois et aux conditions ordinaires, elle n'est 
qu'une application spéciale de l'étude comparée des 
religions, comme si les ressemblances constatées prou- 
vaient l'identité de nature et de conditions. Mais ces 
ressemblances sont purement extérieures, partielles 
et isolées, et elles ne constituent souvent que de simples 
analogies. On ne peut donc sans paralogisme conclure 
à l'identité de cause, d'autant qu'à côté des ressem- 
blances, si multiples qu'elles soient, il y a de très 
grandes différences, et la supériorité du prophétisme 
hébreu sur les autres n'est niée par aucun critique. 
Ces différences et cette transcendance exigent donc 
une autre origine, des causes différentes et supérieures 
aux causes naturelles, par suite une cause surnaturelle 
qui est précisément l'inspiration divine, attestée dans 
la Bible. Voir Prophète et Prophétie. Les ressem- 
blances purement extérieures s'expliquent par l'iden- 
tité de quelques moyens, employés par Dieu même 
pour produire parmi son peuple de choix, les mêmes 
effets que la divination produisait chez les peuples 
païens, pour s'adapter aux mêmes dispositions du cœur 
humain et donner satisfaction aux mêmes aspirations. 
Cf. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l'his- 
toire des religions, Paris, 1885, p. 244-260, 321-326, 412- 
414. L'interprétation naturaliste des récits bibliques, 
faite en vue de leur enlever tout caractère surnaturel 
et divin, repose sur un principe a priori, étranger à 
la science véritable, et n'est pas capable de faire im- 
pression sur un esprit exempt du préjugé rationaliste. 

II. Développement prétendu du prophétisme hé- 
breu. — Le prophétisme a passé en Israël par trois 
périodes distinctes et caractéristiques : 1° celle des 
débuts sous Samuel; 2° une période de transition jus- 
qu'à Élie et Elisée, sous Achab ; 3° celle des prophètes 
écrivains, qui va du vm e siècle au iv= avant Jésus- 
Christ. 

r. période des débuts sous samvel. — Tous les cri- 
tiques soi-disant indépendants sont actuellement d'ac- 
cord pour placer l'apparition du prophétisme propre- 
ment dit en Israël vers la fin de la période des Juges, 
sous Samuel, qui est lui-même un des premiers pro- 
phètes, sinon même le premier des prophètes au moins 
d'une catégorie particulière-. En effet, si quelques-uns 
confondent encore tous les prophètes de cette époque 
dans une seule classe d'hommes divinement inspirés et 



737 



PROPHETISME 



738 



exaltés, groupés autour de Samuel, leur chef, la plu- 
part distinguent, à l'origine, deux catégories de pro- 
phètes, de nature et d'esprit fort différents, celle des 
voyants et celle des nebi 'im enthousiastes et extatiques. 

1° Les voyants. — Dans les parties anciennes de la 
légende de Samuel, celui-ci est appelé rô'éh, « voyant». 
Il tient du devin et du prêtre. C'était un simple sor- 
cier, que, dit-on, l'on consultait sur des ânesses per- 
dues et qu'on n'abordait qu'un cadeau à la main, 
I Sam., ix, 6-9, comme Balaam. Num., xxn, 17, 18; 
xxiv, 11-13. Il fondait son autorité sur des signes, I Sam., 
x,l-8, et il jetait les sorts pour savoir qui serait roi, 
20-22. Il s'occupait donc déjà de politique. Parfois ce- 
pendant, sa fonction se rehaussait, et il annonçait l'ave- 
nir. Tous les critiques ne sont pas d'accord sur la nature 
des voyants, selon qu'ils tiennent les détails de la vie de 
Samuel pour historiques ou légendaires. Kraetzschmar, 
Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et Leip- 
zig, 1901, p. 6-12, tient le voyant pour une personne 
que l'on consulte au sujet des affaires ordinaires de la 
vie privée, et qui ne s'en occupe que selon sa science 
et «a sagesse naturelles. Il ne se considère pas comme 
un représentant de la divinité. Il ne recourt qu'à des 
moyens naturels pour découvrir les forces secrètes de 
la nature. 11 voit ce que les autres ne voient pas, mais 
sans agitation ni extase, et il dit clairement ce qu'il 
voit d'après certains indices ou même une illumination 
intérieure. Il n'a aucun rapport avec le jahvéisme, et 
il est peut-être antérieur au jahvéisme. D'autres peuples 
avaient des voyants de même nature; ainsi Balaam en 
Mésopotamie. La profession de voyant n'a aucune rela- 
tion ni avec la nationalité ni avec la religion, et les 
premiers voyants d'Israël n'ont exercé aucune influence 
sur la religion de leurpeuple. Pour Smend, au contraire, 
le voyant et le prêtre étaient primitivement apparentés ; 
tous deux rendaient des oracles divins. Chez les Sé- 
mites, ils avaient élé d'abord identiques. Le mot hé- 
breu kôhen, « prêtre », signifie « voyant », kâhin, dans 
l'ancien arabe. Avant d'être voyant, Samuel avait été 
prêtre à Silo avec Héli La principale différence a con- 
sisté en ce que le charisme du voyant a un caractère 
plus personnel que celui du prêtre, qui est social. Il 
se rapproche ainsi du ndbï. Lehrbuch der altlestd- 
mentlichen lieligionsgeschichte, 2 e édit., Fribourg- 
en-Brisgau, 1899, p. 92-93. Cette dernière théorie est 
démentie par les faits, et au lieu que le prêtre soit ori- 
ginairement un devin, le devin n'est chez les Sémites 
qu'un prêtre dégradé. Cf. J. Lagrange, Éludes sur les 
religions sémitiques, 2 B édit., Paris, 1905, p. 218. Si les 
anciens rationalistes regardaient les voyanls d'Israël 
comme les successeurs de Moïse et les continuateurs 
de son oeuvre religieuse et morale, la plupart des ra- 
tionalistes récents pensent que Samuel a inauguré la 
série et que le peuple d'Israël n'avait pas eu dévoyants, 
ni au désert, ni au commencement de son installation 
au pays de Chanaan. M. Loisy cependant estime que les 
voyants d'Israël, Débora et Samuel, ont fait suite à 
Moïse et ont rendu, comme lui, des oracles au nom de 
Jéhovah, tout en s'occupant d'ordinaire d'intérêts pri- 
vés. La religion d'Israël, Paris, 1901, p. 60. Organes de 
Jéhovah, les voyants ne sont pas les prédicateurs de leur 
Dieu, parce qu'ils n'avaient pas besoin de le prêcher. 

2° Les nebî'îm. — A la même époque apparaissent 
des prophètes enthousiastes et possédés de la divinité. 
Ils sont mentionnés pour la première fois dans la lé- 
gende de Samuel, et les personnages antérieurs, Abra- 
ham, Moïse, Marie, Débora, sont nommés prophètes ou 
prophétesses par projection des notions du temps de 
l'écrivain dans le passé qu'il raconte. Les premiers 
nebi 'îm, contemporains de Samuel, n'étaient ni des 
devins, ni des prêtres. Ils ne rendaient pas d'oracles 
et, à plus forte raison, n'instruisaient pas le peuple. 
C'étaient des exaltés, des corybanles extatiques, réunis 

DICf. DE LA BIBLE. 



en groupes et formant des associations. Ils prophéti- 
saient par leurs cris et leurs attitudes, au son des ins- 
truments de musique. Saiil qui les rencontra en reve- 
nant de chez Samuel, fut saisi par l'esprit du Seigneur 
et prophétisa avec eux; il devint un autre homme, de 
telle sorte que ceux qui" l'apprirent disaient : « Saûl 
est-il donc du nombre des prophètes? » I Sam., x, 5, 
6, 10-12. C'étaient des hommes obscurs, dont personne 
ne connaissait l'origine, ou des gens mal famés, sans 
naissance, ni bonne renommée. Saiil, seul et isolé, eut 
dès lors des accès particuliers, qu'on attribuait à l'es- 
prit mauvais de Dieu. 11 prophétisait, c'est-à-dire faisait 
l'insensé dans sa maison, et on était obligé de recourir 
à un harpiste pour le calmer. I Sam,, xvi, 14-16, 23; 
xviii, 10; xix, 9. Les soldats envoyés par lui pour 
prendre David, qui s'était réfugié à fiamatha, rencon- 
trèrent une troupe de ces nebi 'im qui prophétisaient 
et, saisis par la contagion, se mirent à prophétiser eux 
aussi. D'autres émissaires, envoyés après eux, furent 
encore gagnés par l'exemple et le même fait se pro- 
duisit une troisième fois. Saùl enfin se mit en route et, 
chemin faisant, il fut saisi par l'esprit prophétique, et 
se dépouillant de ses vêtements, il tomba par terre et 
prophétisa tout nu ce jour-là et la nuit suivante, de 
sorte qu'il passa dès lors en proverbe de dire : « Saûl 
est-il donc du nombre des prophètes? » I Sam., xix, 
20-24. Ces nebi'im, auxquels Saiil se mêla à deux re- 
prises, étaient donc de véritables corybantes, qui se 
procuraient une ivresse orgiastique, et dans leur enthou- 
siasme extatique se livraient à des actes de folie sacrée. 
Selon M. Loisy, op. cil., p. 60, ces inspirés « n'étaient 
censés les organes de Jahvéh qu'à raison des phénomènes 
extraordinaires qui se manifestaient en eux ». Toute- 
fois, selon Smend, op. cit., p. 79, ils rendaient des ora- 
cles durant leur extase. 

Les critiques rapportent généralement leur origine à 
l'époque de leur première mention dans l'histoire d'Is- 
raël. Le nabisme parait alors nouveau, extraordinaire, 
mal défini encore. Budde, Die Religion des Volkes 
Israël bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 90. Il est 
donc, selon ce critique, d'origine palestinienne. Cornill, 
Der israelitische Prophelismus,b e édit., Strasbourg,1903, 
p. 12, qui fait dériver le mot nâbV d'une racine arabe, 
en conclut que l'Arabie a été la patrie du prophétisme. 
Cf. Cheyne, Encyclopsedia biblica, Londres, 1902, t. m, 
col. 3857. Mais la plupart des critiques lui reconnaissent 
une origine chananéenne. « Baal avait de ces confréries 
et cette forme inférieure du prophétisme aura passé 
des Chananéens aux Israélites. » A Loisy, op. cit., p. 60. 
Kraetzschmar, op. cit., p. 10, a cherché à expliquer leur 
apparition en la rattachant à l'oppression des Israé- 
lites par les Philistins à la fin de l'époque des Juges. 
Des fanatiques de Jahvéïî se levèrent alors pour soute- 
nir la supériorité de leur dieu national sur l'idole 
Dagon des Philistins et pour maintenir en Israël le culte 
de Jahvéh. Leur enthousiasme religieux produisit les 
accès de folie religieuse, qu'on remarque chez eux, qui 
frappèrent l'attention des foules et les rattachèrent plus 
fermement ou même les ramenèrent au culte de leur 
dieu. Ils continuèrent leurs manifestations religieuses 
sous le règne de Saùl, qu'ils avaient entraîné dans leur 
parti. Leur exaltation religieuse se compliquait d'une 
exaltation psychique, maladive, qui les poussait à l'ac- 
tion et qui développa une piété plus ardente envers le 
dieu national. Budde, op. cit., p. 90-94. Toutefois, pense 
ce critique, loc. cit., p. 90, il reste toujours possible 
que le nabisme ait existé déjà auparavant en Israël, au 
moins dans une partie du peuple, et que, après un long 
assoupissement, il ait pris sous l'oppression philisline 
une signification et une ampleur, jusque-là. inconnues. 

II. PÉRIODE DE TRANSITION JUSQU'A ÉLIE EV ELISÉE 

sous AcHAB. ~~ Durant cette période, les voyants et les 
prophètes se sont rapprochés au point de se confondre 

V. - 24 



739 



PROPHETISME 



740 



enfin dans la personne d'Elisée. L'enthousiasme des 
nebî'tm s'alténue fortement; les prophètes cessent d'être 
hors de raison; ils deviennent voyants et reçoivent des 
communications de Jéhovah. D'autre part, les voyants 
prennent quelques allures extraordinaires des anciens 
prophètes exaltés et font des actes plus singuliers que 
ceux qui sont attribués à Samuel dans les anciens ré- 
cits. Élie et Elisée inaugurent un ministère, qui est 
une sorte d'apostolat par protestation contre l'introduc- 
tion de Baal et des dieux étrangers en Israël. Autour 
d'Elisée, qui était un voyant, se groupent des troupes 
d'inspirés; ils devinrent ses disciples, et ils ont des ré- 
vélations. Les voyants prenaient alors le nom de pro- 
phètes, et les inspirés sont appelés fils de prophètes. 

Suivant la remarque de Kraetzschmar, op. cit., p. 23, 
il n'est pas toujours facile de discerner dans l'histoire 
de cette période de transition, à quelle catégorie des 
voyants ou des prophètes il faut ranger certains per- 
sonnages, et il se peut que, dans les anciens récits, le 
nom d'un groupe ait été attribué à des individus de 
l'autre groupe. Par suite, les critiques ne sont pas d'ac- 
cord sur le classement pas plus que sur certains dé- 
tails, dont ils admettent ou contestent l'historicité. 

Ils relèvent cependant, même chez les prophètes 
Élie et Elisée, qui paraissent être les successeurs des 
voyants, des traces du caractère extatique des anciens 
neb'îîm. Ainsi Élie courut au galop devant le char 
d'Achab durant tout le trajet du Carmel à Jesraël. 
I (III) Reg., xviii, 44-46. Elisée irrité eut besoin d'ap- 
peler un harpiste pour calmer son courroux et se 
procurer à l'aide de la musique l'inspiration prophéti- 
que. II (IV) Reg., m, 15. Quand ce prophète envoya un 
de ses disciples pour oindre .léhu, ce fils de prophète 
remplit sa mission, seul, sans témoin, dans la chambre 
de Jéhu, et dès qu'il eut fini, il ouvrit aussitôt la porte 
et s'enfuit. Les soldats demandèrent à leur chef : 
« Pourquoi ce fou est-il venu te trouver?» II (IV) Reg.,ix, 
1-11. Ce terme de jjjm, « fou, insensé », servait à dési- 
gner les prophètes. Cf. Ose., îx, 7, 8; Jer., xxix, 26. 
La conduite du fils de prophète, qui se fait frapper par 
un passant, et qui, couvert de son turban, se présente 
au roi Achab et lui propose un cas de conscience, paraît 
bien extravagante. Aussi, lorsqu'il eut enlevé le linge 
qui couvrait son visage, le roi le reconnut pour un 
prophète, pour un homme exalté et singulier. I (III) Reg., 
xx, 35-41. Kraetzschmar, op. cit., p. 9, après Stade, a 
même cru reconnaître dans cet épisode une preuve 
que les fils de prophètes portaient sur le front entre 
les yeux des cicatrices sacrées, que ce critique a appe- 
lées des « marques de Jahvéh », tatouage qui distinguait 
ceux qui appartenaient à ce dieu et qui se plaçaient 
sous sa protection spéciale. Un nabi' ne voulait-il pas 
être reconnu, il couvrait son front d'un linge et cachait 
ses cicatrices caractéristiques. Achab reconnut à ce 
signe le fils de prophète, qui s'était présenté à lui ainsi 
voilé. Pour les mêmes signes aux mains, on renvoie à 
Zach., xui, 3-6. Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits 
prophètes, Paris, 1908, p. 686-687. C'est parce que le 
ndbî' et le fils de nâbî' étaient encore mal considérés 
et passaient pour des insensés qu'Amos, le premier 
prophète écrivain, déclare qu'il n'est ni ndbi' ni fils 
de nâbï, vu, 14. 

Élie, dans la légende et dans l'histoire, apparaît comme 
la personnification idéale du prophète puritain de Jého- 
vah. Il est isolé. Une vraie pensée religieuse l'anime, 
quoiqu'elle soit empoisonnée par un sombre fanatisme. 
C'est un jéhoviste intégral, c'est-à-dire un adorateur de 
Jéhovah, dieu bon, juste, quoique sévère, exigeant un 
culte moral, en esprit et en vérité, Sous le règne 
d'Achab, qui favorisait le culte de Baal, la religion 
nationale* courait de grands risques. Le prophète se fit 
l'apôtre de son Dieu; mais c'était un apôtre ardent, 
fougueux, exalté, qui ne recula pas devant l'emploi de 



moyens violents pour faire triompher ses idées ieli- 
gieuses et morales. Il est entré en lutte ouverte avec 
Achab et a fait égorger les prêtres de Baal. Mais la 
légende l'a peut-être fait plus fanatique qu'il n'était en 
réalité. Son disciple, Elisée, continuateur de son esprit, 
est entouré de fils de prophètes, c'est-à-dire de nebî'im 
proprement dits, qui étaient de la même catégorie que 
les nebî'tm exaltés du temps de Samuel. C'étaient des 
adorateurs fervents de Jahvéh qui s'élevèrent, à cette 
époque de crise nationale et religieuse, pour l'honneur 
d'Israël et de son Dieu. Ils protestaient contre l'intrusion 
du culte étranger et polythéiste de Baal. Budde, op. cit., 
p. 94. Elisée les avait organisés en corporations, sur la 
nature et le but desquelles on est loin d'être d'accord. 
Généralement, on admet qu'on s'y exerçait à l'art pro- 
phétique et qu'on y recourait à des moyens naturels, 
à des recettes, à des procédés pour exciter l'inspiration. 
« La plupart d'entre eux, dit M. Maspero, Histoire des 
peuples de l'Orient classique, Paris, 1897, t. h, p. 749, 
étaient installés auprès des temples, et ils y vivaient en 
termes excellents avec les membres du sacerdoce 
régulier. Ils y répétaient au son des instruments les 
chants où les poètes d'autrefois avaient exalté les 
exploits de Jahvéh, et ils en extrayaient la matière des 
histoires semi- religieuses qu'ils racontaient sur l'origine 
du peuple, ou hienils s'en allaient prêcher à l'aventure 
dès que l'esprit les saisissait, isolés, ou le maître avec 
son disciple, ou par bandes inégales. Le peuple se pres- 
sait autour d'eux, écoutant leurs hymnes ou leurs his- 
toires de l'âge héroïque; les grands, les rois mêmes 
subissaient leurs visites et enduraient leurs reproches 
ou leurs exhortations avec un respect mêlé de terreur. » 
Et M. Loisy, op. cit., p. 61, conclut : « L'institution 
semble décliner après la mort d'Elisée, et elle n'a pas 
dû, en tout cas, survivre au royaume d'Israël. Amos, 
Osée, Isaïe ne sortent pas de ce milieu. » 

lll. PÉRIODE DES PROPHÈTES ÉCRIVAINS, DU VIW AU 

IV SIÈCLE. — Ces prophètes sont en progrès notable 
sur les précédents. Ils tiennent encore du devin, mais 
ils n'ont plus rien du prêtre. Ils sont les héritiers de 
Samuel et des voyants et non des nebi'îm exaltés, dont 
pourtant ils portent le nom, mais avec une autre signi- 
fication. Ons les consultait encore, comme on avait 
consulté Samuel, sur toutes sortes de sujets, et ils ré* 
pondaient à toutes les questions. « Les rois d'Israël et 
de Juda, avant de partir en guerre, interrogent les pro- 
phètes sur le succès de leurs expéditions. Beaucoup 
d'individus faisaient métier d'annoncer l'avenir et de 
fournir des renseignements sur les choses cachées, le 
tout au nom de Jahvéh, mais comme ils l'auraient fait 
au nom de Camos en Moab : ce sont ceux que l'Écriture 
appelle faux prophètes, et qui pratiquaient, en quelque 
façon, la divination pour elle-même. Les vrais pro- 
phètes exercent aussi la divination, mais en vue d'une 
fin supérieure, et les réponses qu'ils donnent au nom 
de Jahvéh sont en rapport avec le caractère moral de 
leur Dieu. Dans le temps et le milieu où ils vivaient, un 
enseignement dogmatique n'aurait eu aucune prise sur 
le commun des hommes. On eût mieux aimé recourir 
aux sorciers que de se passer d'oracles. Les vrais pro- 
phètes en ont donc rendu, et beaucoup, selon que 
l'Esprit les leur suggérait; mais nous les voyons de 
bonne heure subordonner leurs réponses à un principe 
général, à une condition religieuse et morale qui peut 
se résumer en ces termes : Jahvéh vous protégera si 
vous lui êtes fidèles; il vous abandonnera si vous 
l'abandonnez. Et comme ils en viennent de plus en 
plus à s'occuper des intérêts généraux de la nation, 
leurs prédictions se transforment progressivement en 
véritables prédications sur la^providence de Jahvéh, ses 
desseins, sa justice, les moyens de prévenir ses châti- 
ments et d'avoir part à sa miséricorde. » A. Loisy, 
op. cit., p. 61-62. 



741 



PROPHÉTISME 



742 



Ces prophètes ne se bornaient donc pas à prédire 
l'avenir; ils enseignaient une doctrine complète, qu'ils 
prêchèrent d'abori et qu'ils écrivirent ensuite, pour 
que leurs successeurs et la postérité en tirent profit. 
Sous ce rapport même, les critiques rationalistes 
exagèrent et faussent l'influence des prophètes du vm e 
siècle, quand ils en font les créateurs du monothéisme 
et les fondateurs de la théocratie. A l'époque d'Élie et 
d'Elisée, la religion d'Israël n'avait pas encore rompu 
complètement avec l'idolâtrie. Ces prophètes, qui com- 
battent avec la dernière énergie le culte de Baal, ne 
disent rien contre l'adoration du veau d'or à Béthel. 
Leur jéhovisme cependant est déjà monolâtre, puisqu'il 
n'est jamais fait mention d'un autre dieu, pas même 
d'une déesse compagne et épouse. Les prophètes du 
vm e siècle sont monothéistes. Jéhovah, pour eux, est le 
vrai Dieu, Je Dieu universel, maître du monde entier, 
unique par nature, invisible et spirituel, saint, juste et 
miséricordieux. Une fois en possession de cette idée 
monothéiste, obtenue par la comparaison du dieu na- 
tional avec les dieux des peuples voisins, par la consta- 
tation de sa supériorité et finalement par la conclusion 
de son unicité et de sa supériorité universelle, ils s'en 
firent les apôtres et les prédicateurs. Ils travaillèrent à 
la faire accepter par les rois, les prêtres et le peuple 
lui-même. La lutte fut longue et le triomphe ne fut défi- 
nitif qu'après le retour de la captivité de Babylone. 
Ils furent aussi les créateurs du culte moral. Aupara- 
vant, Jéhovah n'était honoré que par des actes extérieurs 
et par des sacrifices. Les prophètes découvrent que le 
Dieu unique et véritable demande le culte du cœur, la 
justice, la vertu, l'obéissance à sa loi, supérieure aux 
victimes et aux sacrifices. Ainsi donc, c< la critique 
historique ne s'est pas bornée à détruire les croyances 
traditionnelles, ainsi qu'on l'en accuse trop souvent. 
Elle a reconstruit après avoir démoli. En replaçant les 
prophètes d'Israël dans leur véritable milieu historique, 
elle a fait ressortir leur incomparable originalité, la 
haute valeur de leurs prédications enflammées; elle a 
reconnu en eux de véritables ancêtres de la conscience 
moderne, et s'ils ont perdu leur caractère miraculeux, 
ils y ont infiniment gagné en grandeur morale. » 
i. Réville, Le prophétisme hébreu, Paris, 1906, p. 2. 

Mais enfin, en quoi consistait donc, au sentiment de 
ces critiques, l'inspiration des prophètes, hommes 
d'action et écrivains? L'ancien rationalisme, celui de 
Voltaire et des encyclopédistes, ne voyait dans les pro- 
phéties que de pures conjectures sur l'avenir religieux 
et politique, capables de séduire les simples et d'en- 
flammer les fanatiques, ou bien des prédictions post 
eventum, c'est-à-dire l'histoire du passé écrite sous 
forme de prophétie, donc un procédé littéraire employé 
pour attirer l'attention, frapper l'imagination et aider 
la mémoire. Les rationalistes plus récents ont rejeté 
cette fausse conception et réduit les oracles post even- 
tum à un minimum de prédictions trop claires. Pour 
eux, l'inspiration des prophètes d'Israël, sans 
être surnaturelle et directement divine, est cependant 
réelle et religieuse. Ils y sont allés par degrés. Les 
prophètes d'Israël ont d'abord été des prédicateurs 
d'une doctrine élevée, des hommes d'une foi profonde, 
des orateurs inspirés par de grandes pensées, qui attri- 
buaient à Jahvéh leur propre inspiration. Mais cette 
inspiration provenait de leur exaltation religieuse; ils 
la puisaient dans leur enthousiasme pour la vraie reli- 
gion. Ils se mettaient constamment en rapport avec 
Dieu, et ils se regardaient comme ses serviteurs et ses 
messagers. Dieu, la religion, la morale étaient l'objet 
de leurs principaux discours. Ils rattachaient toutes 
leurs paroles à un ordre d'idées purement religieux; 
mais ils s'inspiraient toutefois réellement de leurs 
propres convictions, qu'ils attribuaient à Dieu. Des 
critiques plus récents ont reconnu cependant dans ce 



sentiment religieux une action de Dieu, réellement 
exercée dans l'âme des prophètes. La prophétie ne 
vient pas de Dieu en ce sens seulement qu'elle est, 
comme toutes les œuvres humaines, produite par les 
facultés que Dieu a données à l'humanité. Il y a plus. 
Le prophète a conscience que la pensée qui lui vient, 
que la conviction qui s'empare de son esprit, n'est pas 
de lui, qu'elle ne lui est pas arrivée par la voie ordi- 
naire du raisonnement, et il l'attribue à Dieu. Pour- 
quoi? Parce qu'il n'en trouve pas la source en lui. Il 
se sent inspiré, il le déclare, et nous ne pouvons douter 
de sa parole. Bien que les idées prophétiques ne lui 
aient pas été communiquées par révélation surnatu- 
relle, elles sont de Dieu, parce que la disposition qui 
les a produites dans l'esprit du prophète est l'œuvre de 
Dieu en lui. L'esprit de Jéhovah est entré et a agi dans 
l'esprit de l'homme. Les prophètes expliquaient ainsi 
l'obsession intérieure d'une grande pensée qui rem- 
plissait leur âme et dont l'origine psychologique échap- 
pait à leur conscience. Ils étaient sincères, et leur 
inspiration venait de Dieu en quelque manière. 

Voir "Knobel, Der Prophetismus der Hebràer, 1837; 
*M. Nicolas, Du prophétisme hébreu, dans Éludes cri- 
tiques sur la Bible, Ancien Testament, Paris, 1862, 
p. 301-442; *A. Kêville, dans la Revue desdeux mondes, 
juin 1867, t. lxix, p. 823; "Dillmann, Veber die 
Propheten des alten Bundes, 1868; "Kuenen, Histoire 
critique des livres de l'Ancien Testament, trad. franc., 
Paris, 1879, t. n, p. 1-52; Id., De profeten en de 
profetie onder Israël, 1875; trad. anglaise, Londres, 
1877; 'Robertson Smith, The prophets of Israël and 
their place in history, Edimbourg, 1882;* Darmesteter, 
Les prophètes d'Israël, Paris, 1895; "Cornill, Der 
israelitische Prophetismus, 1894; 4» édit., Strasbourg, 
1906; * Giesebrechl, Die Berufsbegabung der altlesta- 
mentlichen Propheten, 1897; *S. Michelet, Israels 
Propheten als Trager der Offenbarung, trad, alle- 
mande, Fribourg-en-Brisgau, 1898; *Smend, Alttesta- 
rnentliche Religions geschichte, 2 e édit., Fribourg-en- 
Brisgau, 1899, p. 78-93, 187-200, 253-264; 'Kraelzschmar, 
Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et 
Leipzig, 1901; *A. Sabatier, Esquisse d'une philosophie 
de la religion, 7» édit., Paris, 1903, p. 154-162; 
*B. Stade, Biblische Théologie des Alten Testaments, 
Tubingue, 1905, t. i, p. 124-126, 131-132, 204-212; 
M. Réville, Le prophétisme hébreu. Esquisse de son 
histoire et de ses destinées, Paris, 1906. 

III. Critique. — Les preuves, précédemment données 
aux articles Prophète, col. 711, et Prophétie, col. 730, 
de l'inspiration divine des prophètes d'Israël rendent 
inadmissible \e prophétisme, qui n'est qu'un essat 
d'explication naturelle d'un phénomène surnaturel et 
divin. Par conséquent, nous pourrions nous borner à 
conclure que l'institution prophétique en Israël et que 
son développement séculaire ne se justifient pas par 
les seuls agents de l'histoire, et qu'ils dépendent d'une 
vertu surnaturelle, que les prophètes eux-mêmes ont 
nommé l'Esprit de Dieu. Cependant, comme cet Esprit 
divin a pu se servir des causes secondes agir et se 
manifester diversement suivant les temps et les milieux, 
il se pourrait qu'il y ait quelque vérité dans ses mani- 
festations extérieures, telles que les critiques les dé- 
crivent, en ne tenant pas suffisamment compte de la 
puissance surnaturelle qui agit. Il y a donc lieu de se 
demander si les conclusions des critiques sur le déve- 
loppement de la prophétie en Israël ne sont pas cer- 
taines et conciliables avec l'action divine sur les pro- 
phètes. 

1° La distinction entre les voyants et les prophètes 
au temps de Samuel, si elle était démontrée, pourrait 
se concilier avec l'enseignement catholique, et elle 
prouverait seulement la diversité des dons divins et 
des manifestations prophétiques. Mais elle est loin 



743 



PROPHÉ.TISME 



744 



d'être certaine, et les raisons invoquées pour prouvera 
la séparation complète de ces deux catégories d'hommes 
inspirés ont paru insuffisantes à M. Jean Réville lui- 
même, Le prophétisme hébreu, p. 9. On recourt à des 
traditions différentes, qu'on prétend discerner dans les 
récits actuels des livres dits de Samuel. Mais la ré- 
flexion du rédacteur, I Sam., îx, 9, montre qu'il n'y 
avait pas, dans les documents qu'il connaissait, de 
différence bien tranchée entre le rô'éh et le nâbV. 
D'ailleurs, Samuel, que Saûl va consulter, n'ignore 
pas les nebi'îm, dont il annonce la rencontre au futur 
roi comme^signe de la vérité de la communication 
divine et de la voeation à la royauté. I Sam., x, 5-7. 
Quand David s'est réfugié auprès de Samuel à Ra- 
matha, Je voyant préside tes scènes prophétiques des 
nebi'îm. I Sam., xix, 18-20, 24. Ainsi donc, dans les 
deux seules circonstances dans lesquelles il est ques- 
tion de ces nebi'îm, Samuel, le voyant, est en rela- 
tions avec eux. C'est un indice certain que la distinc- 
tion des deux catégories de prophètes n'est pas aussi 
évidente qu'on le prétend, et pour l'introduire il faut 
attribuer au rédacteur du livre un travail de concilia- 
tion de deux traditions dont la diversité n'est pas dé- 
montrée. M. Van Hoonacker distingue les prophètes 
de vocation personnelle, tels que Amos, etc., des pro- 
phètes par état et consécration volontaire. Ceux-ci ont 
été groupés à l'époque de Samuel et de Saûl, puis, 
dans le royaume du nord, autour d'Élie et d'Elisée. 
Du sein de ces corporations sortaient parfois de véri- 
tables « hommes de Dieu », distingués par une voca- 
liùn personneïïe. Mais aussi de ces prophètes par état 
provenaient les faux prophètes, qui se prétendaient 
investis d'une mission d'en haut. Les douze petits pro- 
phètes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-être 
admise. 

Quant à la nature des fonctions du voyant, on ne 
peut les réduire à celles de devin et de sorcier qu'en 
ne prenant dans les récits actuels que ce qui va à la 
théorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des 
Vtà&t&& ^revj&s,, \feYs> qw'w %\ijfeV à'àtiesses égarées, 
I Sam., ix, 8, 9, Samuel avait reçu la veille une révé- 
lation divine concernant Saûl et sa vocation à la 
royauté, 15, 16; et Dieu lui en donne confirmation, 
quand Saûl se présente, 17. I! n'a pas besoin d'être 
mis au courant de l'affaire, et avant d'avoir été inter- 
rogé, il renseigne sur le sort des ânesses, 20, et il 
s'engage à révéler le lendemain à Saûl ses pensées les 
plus intimes, 19. Si Saûl se préoccupe du cadeau à 
offrir, c'est qu'il ne connaissait pas Samuel et que, sur 
les renseignements de son serviteur, il le prenait pour 
un devin ordinaire, 7. En fait, on ne raconte pas qu'il 
lui ait offert la pièce d'argent, dont parle le serviteur, 
8. Les événements furent tout autres que ceux qu'il 
attendait, et le lendemain, Samuel le traita royale- 
ment, 22-24. Plus tard, devant tout le peuple réuni, 
Samuel déclara qu'il n'avait jamais reçu de présents 
dans sa judicature, et le peuple le reconnut hautement. 

I Sam., xil, 3-5. Si le sort est jeté pour le choix du 
roi, c'est devant la face de Jéhovah, c'est-à-dire proba- 
blement auprès de l'arche. I Sam., IX, 19. On n'en 
peut conclure que Samuel était un vulgaire sorcier. En 
outre, le voyant est appelé « homme de Dieu », I Sam., 
IX, 6, 7, 8, 10, nom donné à d'autres prophètes, qui 
n'étaient pas des devins. J (III) Reg., xii, 22; xvn, 18; 

II (IV) Reg., iv, 9. La prévision des signes donnés du 
choix divin, I Sam., x, 3-7, n'a pu avoir lieu qu'en 
vertu du don prophétique. Donc, le récit tout entier, le 
seul sur lequel s'appuie la théorie du voyant, sorcier 
ou devin, nous montre en Samuel, le premier voyant 
connu, un véritable prophète. Donc, il d'est pas prouvé 
que la prophétie hébraïque a tiré son origine de la 
divination. Et s'il y a, entre quelques formes de la 
prophétie primitive et la divination superstitieuse, des 



nalogies extérieures, elles ne permettent pas de con- 
clure à l'identité du fond. Elles indiquent seulement 
que les premières manifestations de l'esprit prophé- 
tique se produisirent sous des formes imparfaites, 
adaptées aux usages de ces temps reculés et aux idées- 
encore peu élevées du peuple juif. Pour le détourner 
des pratiques superstitieuses des Chananéens, Dieu 
daignait condescendre à la faiblesse humaine et donner 
aux Israélites des moyens de communiquer avec lui et 
de connaître ses volontés, même en des choses de- 
moindre intérêt, par l'intermédiaire de ses prophètes, 
comme il l'avait promis. Deut., xvm, 9-22. 

Le soi-disant délire prophétique des nebi'îm exaltés 
ne repose que sur quelques textes qu'on interprété 
dans un sens défavorable. Saûl devait rencontrer une- 
troupe de prophètes, qui descendaient du haut-lieu, 
précédés d'instruments de musique et « prophétisant». 
L'esprit du Seigneur devait se saisir de lui; lui-même 
devait « prophétiser » et devenir un autre homme. Les 
faits se passèrent comme Samuel l'avait annoncé. Saûl 
rencontra les prophètes; l'esprit divin s'empara de lui, 
et au grand étonnement des assistants, Saûl « prophé- 
tisa » avec eux. I Sam., x, 5j 6, 10-13. Rien dans ce- 
récit ne décèle des extatiques, et il n'est rien dit de la 
nature de l'acte prophétique accompli. L'étonnemen 
des assistants ne porte ni sur les qualités des nebî'im 
ou la singularité de leurs actes, mais seulement sur le 
fait que Saûl se mêle à eux et est saisi lui-même par 
l'esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par 
ces prophètes, voir t. n, col. 1569-1570. Si, dans sa 
maison, Saûl commet plus tard des actes de fureur et 
de folie, c'est qu'il était sous l'influence d'un esprit 
mauvais, qui s'était emparé de lui et qui n'avait rien de 
commun avec les actes prophétiques des nebî'inl. Une 
seconde fois, I Sam. , xix, 18-24, il prit part aux actes des 
nebi'îm, ainsi que les trois troupes de soldats qu'il avait 
envoyées pour prendre David. Ici encore, les prophètes 
« prophétisaient ». L'esprit du Seigneur saisit les sol- 
dats, et ils prophétisent à leur tour. On parle de con- 
tagion communiquant le dé\ire prophétique. Rien dan& 
le texte ne l'indique. Il y a seulement une action de- 
l'esprit divin, qui fait participer les soldats aux exer- 
cices des prophètes, quels que soient d'ailleurs ces 
exercices. Le cas de Saûl est plus compliqué. En che- 
min et avant d'arriver à Ramatha, il est déjà sous 
l'action de l'esprit et il se met à « prophétiser ». S'il 
y a eu contagion, ça été contagion à distance. Arrivé à 
Ramatha, il se dépouille de ses vêtements et il prophé- 
tise avec les autres. « Et il tomba nu ce jour-là 
et la nuit suivante. » On voit ici la chute cataleptique 
de l'extase, en se référant à Balaam. Num., xxiv, 4, 
16. Plusieurs commentateurs catholiques l'admettent,, 
quoique von Gall, Zusammentsetzung und Herkunft 
der Bileaviperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie la> 
parité avec Balaam, et justement, semble-t-il, puisque 
ce devin a des visions, que n'ont pas les nebi'îm de- 
Saûl. Ce détail, joint à la nudité et à la longue durée 
de l'extase, rend le cas de Saûl fort singulier et extraor- 
dinaire. Ainsi entendu, il ne peut être généralisé et 
appliqué à tous les nebi'îm. Il semble plutôt que c'est 
un cas unique, qui s'explique, dans les circonstances 
spéciales, par les mauvaises dispositions de Saûl contre 
David, que Dieu voulait changer par une action plus 
énergique. Quoi qu'il en soit, ce sont là les seuls ren- 
seignements que nous ayons sur les nebî'îm exaltés, 
contemporains de Samuel. Suffisent-ils réellement à. 
justifier la théorie qu'on échafaude sur eux? Aussi- 
n'est-on pas fondé à traduire mifnabbé'îm par « faisant 
les fous, les insensés », ou bien « étant dans le délire 
prophétique ». On n'a pas de raison non plus d'attri- 
buer l'occasion de leur exaltation religieuse à l'oppres- 
sion des Israélites par les Philistins. Quand ils appa- 
raissent dans les récits bibliques, les nebi'îm n'ont 



"745 



PROPHÉTISME 



liff 



.aucune relation avec cette situation politique. On ne la 
suppose que par comparaison avec les betiê han- 
nebi'îm, qui entourent Elisée et qui luttent avec lui 
■contre Achab. On conjecture qu'une cause analogue a 
provoqué l'élan prophétique du temps de Samuel. Tout 
-cela ne sort pas du champ des hypothèses, et l'existence 
des prophètes exaltés, véritables corybantes de Jahvé, 
«'est pas prouvée. 

D'autre part, nous sommes trop peu renseignés sur 
^es actes des nebïim de cette époque pour nous faire 
une idée juste de leur nature et de leur influence re- 
ligieuse. En particulier, le côté extraordinaire de leurs 
manifestations collectives nous échappe complètement, 
■et c'est abuser de quelques ressemblances générales 
que de les assimiler entièrement aux phénomènes con- 
vulsifs d'autres mouvements analogues plus récents. On 
■ne peut, en tout cas, leur enlever tout caractère reli- 
gieux et il est légitime de penser que ces bandes orga- 
nisées de dévots serviteurs de Jéhovah, courant le pays 
au son des instruments de musique, priant et peut-être 
prêchant, ont, en un temps de marasme religieux, pro- 
duit une grande impression. Ils étaient une preuve 
manifeste de l'action de Jéhovah en Israël et ils ont pu 
-aboutir à relever le niveau religieux et moral de la 
foule. L'Esprit de Dieu, qui agit différemment suivant 
les époques et les milieux, a suscité un mouvement 
■extraordinaire, capable d'exciter alors dans le peuple 
la piété, l'espérance en Dieu et la confiance en l'avenir» 

2° Si, comme nous le pensons, la première période 
•du prophétisme en Israël n'a pas présenté les caractères 
imaginés par les critiques rationalistes, la seconde pé- 
riode, dite de transition, perd déjà par le fait même sa 
caractéristique générale, car il ne peut y avoir transi- 
tion d'un état qui n'a pas existé à un état futur. Élie 
■diffère beaucoup moins de Samuel qu'on ne le pré- 
tend, et c'est un indice assuré que la série des 
voyants se continue sans modification essentielle, et 
que, s'il y a progrès, il n'est pas aussi sensible qu'on 
le dit. Ce qu'on appelle le « galop » d'Élie devant le 
char d'Achab, accompli sous l'action divine, I (III)Reg., 
xvin, 46, avait sans doute pour but de frapper par sa 
singularité l'esprit. du roi, au début de l'activité pro- 
phétique d'Élie. Si Elisée demande un harpiste avant 
de répondre à la consultation de .Tosaphat, II (IV) Reg., 
m, 15, ce n'était pas pour se préparer directement à 
l'inspiration prophétique qui ne dépendait pas de 
moyens extérieurs, mais de la seule volonté de Dieu; 
c'étaitpour calmer l'irritation dont il s'était animé lui- 
même en parlant au roi d'Israël. Il n'y a pas à s'étonner 
que des soldats, ayant remarqué la fuite précipitée du 
fils de prophète qui était venu sacrer Jéhu, l'aient 
traité d'insensé. II (IV) Reg., IX, 11. Si l'épithète a le 
sens injurieux ou méprisant qu'on lui donne, cela 
viendrait du peu d'estime que ces soldats avaient pour 
les prophètes. On ne doit pas faire grand fond sur une 
injure ou une simple moquerie de caserne. Osée, IX, 
dit seulement que le peuple traite d'insensé le pro- 
phète dont les avertissements l'importunent et qu'à ses 
.autres crimes il ajoute celui de persécuter ceux que 
Dieu lui envoie. Dans sa lettre au prêtre Sophonie, le 
faux prophète Séméias ne parle, selon son sentiment, 
que des faux prophètes, des personnes qui feignent 
être saisies de l'esprit de Dieu. Jer., xxix, 26. Si l'ex- 
pression est injurieuse, elle vient d'un adversaire et 
elle vise Jérémie, 27. Vraiment, on ne peut conclure 
de ces faits que y&wa ait jamais été un nom ordinaire- 
ment donné aux prophètes. Cf. Laur, Die Propheten- 
namen des alten Testamentes, Fribourg, 1903, p. 38-40. 
L'acte de ce fils de prophète qui se présente devant 
Achab, la face voilée, n'est qu'une de ces actions sym- 
boliques que les prophètes accomplissaient pourannon- 
cer la volonté divine d'une manière plus expressive et 
saisissante. Il se fait blesser pour paraître revenir du 



combat. I (III) Reg., xx, 35-41. Quant aux prétendus 
signes de Jéhovah que les prophètes auraient portés au 
front et aux mains, c'est une de ces hypothèses singu- 
lières qui ne résistent pas à un examen attentif. 
On suppose gratuitement qu'il voile son tatouage qui, 
découvert, le fait reconnaître par le roi pour un pro- 
phète. C'est au symbolisme de son action que le roi 
reconnaît son caractère prophétique. Zacharie. parle de 
coups reçus par le faux prophète qu'il met en scène, 
et le terme qu'il emploie ne peut s'entendre d'un ta- 
touage antérieur de ses mains. Cf. Laur, op. cit., p. 54- 
59. Si Amos, vu, 14, déclare à Amasias qu'il n'est ni 
prophète ni fils de prophète, c'est qu'il est peut-être au 
début de sa vocation et qu'il ne fait pas partie d'une 
communauté de fils de prophètes. 11 n'en affirme pas 
moins sa mission divine et il ne rejette pas un titre 
qu'il regarderait comme injurieux, ne voulant avoir 
rien de commun, pas même le nom, avec ces insensés 
de prophètes. Il répond à l'insinuation malveillante 
d'Amasias et il déclare qu'il ne fait pas profession de 
prophète dans un but de lucre. Cf. Laur, op. cit., p. 39- 
41, 50-51; A. Van Hoonacker, Les douze petits pro- 
phètes, p. 269. 

Quant aux benê han-nebYïm, on a pu les distinguer du 
nâbi' de Jéhovah. Voir Laur, op. cit., p. 59-63. Les pre- 
miers ne seraient pas des prophètes proprement dits 
(quoique leur désignation biblique semble équivaloir à 
celle de nebVîm), mais des hommes menant, sous la 
direction d'un nâbï, un genre de vie déterminé, sans 
être généralement doués de l'esprit prophétique. Sur 
leurs associations, voir ÉCOLES DE prophètes, t. n, 
col. 1567-1570. Quoi qu'il en soit, ces fils de prophètes, 
groupés autour d'Elisée, ne présentent aucun de ces 
caractères excentriques et violents qu'on a voulu attri- 
buer aux prophètes exaltés du temps de Samuel. S'ils 
en sont les successeurs, ils en ont continué, avec des 
différences conformes aux temps, les fonctions et l'es- 
prit. Leur organisation parait plus régulière et leur 
action non moins efficace. Disciples des grands pro- 
phètes, ils faisaient connaître au peuple leur doctrine 
et ils ont contribué à arrêter l'invasion du polythéisme 
en Israël. Ils étaient, dans cette œuvré, personnelle- 
ment animés de l'Esprit de Dieu ; cet Esprit les inspi- 
rait, les dirigeait et favorisait leur succès : ce qui appa- 
raît tout à fait digne de l'action directe de Dieu sur son 
peuple choisi. 

3° Les prophètes de la troisième période ne diffèrent 
donc pas essentiellement de ceux des périodes antécé- 
dentes. Us continuent leur œuvre de direction et 
d'enseignement par des moyens nouveaux, plus parfaits 
en eux-mêmes peut-être ou selon notre mode d'appré- 
ciation, mieux adaptés aux besoins de leur temps et 
produisant, par l'écriture, des effets plus durables de 
leur ministère prophétique. Distinguer des formes in- 
férieures et des formes supérieures de l'inspiration 
divine, c'est mesurer l'action de Dieu aux idées hu- 
maines. Il reste cependant conforme aux lois de la 
providence que, puisque Israël avançait progressive- 
ment dans la civilisation, qu'il était plus directement 
en rapport avec les grands empires polythéistes et qu'il 
avait besoin de mieux comprendre la religion et le 
culte spirituels, Dieu ait choisi de nouveaux moyens 
d'entrer en communication avec lui était, si l'on veut, 
recouru à des formes plus parfaites d'inspiration pour 
éclairer ses prophètes. Ce développement et ce progrès 
de l'esprit prophétique se comprennent très bien et se 
justifient logiquement. Tls diffèrent, il est vrai, de ceux 
que les critiques ont créés d'après leurs vues naturelles 
et leurs idées rationalistes. 

La seule remarque à ajouter est que les prophètes 
du viii" siècle ne sont pas les créateurs du monothéisme. 
La foi monothéiste d'Israël remontait aux origines de 
ce peuple, constitué précisément pour en être le gar-. 



747 



PROPHÉTISME — PROPRIÉTÉ 



748 



dien dans l'humanité. Voir t. m, col. 1235-1237. Les 
prophètes, nous l'avons dit plus haut, col. 717, ont été 
assurément les apôtres et les propagateurs du mono- 
théisme; mais ils ne l'ont pas fondé. La création du 
monothéisme par les prophètes du vm e siècle, non seu- 
lement n'est pas démontrée, mais encore elle se heurte 
à des difficultés insurmontables qu'a bien fait valoir 
l'abbé de Broglie, Questions bibliques, 2 e édit., Paris, 
1904, p. 243-320. Leur rôle historique et l'influence des 
prophètes d'Israël, tels que nous les avons exposés 
précédemment, col. 717, ne sont pas pour cela amoin- 
dris. De ce qu'ils les ont remplis et exercés sous l'in- 
spiration divine, leur gloire n'en est pas diminuée. C'est 
un honneur pour un homme d'avoir été l'instrument 
intelligent, libre et docile de l'Esprit inspirateur. L'in- 
spiration prophétique n'est pas une action mécanique 
qui fait mouvoir des agents inconscients. Elle a sauve- 
gardé, nous l'avons dit, avec la doctrine catholique, la 
conscience, l'intelligence et la liberté des prophètes. 
Tout en maintenant leur inspiration surnaturelle, nous 
pouvons les saluer comme les plus grands hommes 
d'Israël et les plus dignes représentants de Dieu dans 
l'histoire du peuple choisi. La grandeur de l'œuvre 
qu'ils ont accomplie est la marque la plus certaine que 
Dieu a parlé par leur bouche. E. Mangenot. 

PROPITIATOIRE (hébreu : kappôrét; Septante : 
Uaurripiov, èîtiOena, ou seulement UaaT-^ptov; Vulgate : 
propitiatorium), plaque d'or qui couvrait l'Arche d'al- 
liance et portait les deux chérubins. Voir Arche d'al- 
liance, t. i, col. 913-919. 

1° Description, — Le propitiatoire était une plaque 
d'or pur, longue de deux coudées et demie (l m 31) et 
large d'une coudée et demie (0 m 78). Aux deux extré- 
mités étaient placés les chérubins d'or battu, qui fai- 
saient corps avec le propitiatoire. Les chérubins se fai- 
saient face, et leurs ailes déployées vers le haut 
couvraient le propitiatoire, en laisant vide l'espace du 
milieu. Le propitiatoire était posé au-dessus de 
l'Arche. Exod., xxv, 17-21 ; xxvi, 34; xxx, 6; xxxi, 7; 
xxxv, 12; xxxvn, 6-9; xxxix, 35; xl, 20. 

2° Destination. — 1. Le propitiatoire servait 1out 
d'abord à couvrir l'Arche. Celle-ci, étant un coffre ou- 
vrant par le haut et contenant différents objets, avait 
naturellement besoin d'un couvercle. Exod., xxv, 21. 
— 2. Le propitiatoire était de plus l'endroit où le Sei- 
gneur communiquait avec Moïse. « Là je me rencon- 
trerai avec toi et je te communiquerai, de dessus le propi- 
tiatoire, du milieu des deux chérubins,tous les ordres que 
je te donnerai pour les enfants d'Israël. » Exod., xxv,22. 
« Lorsque Moïse entrait dans le Tabernacle de l'alliance 
pour parler avec Jéhovah, il entendait la voix qui lui 
parlait de dessus le propitiatoire placé sur l'Arche du 
témoignage, entre les deux chérubins, et il lui parlait. » 
Nnm., vu, 89. C'était là comme le trône de Dieu, 
l'endroit où il manifestait sa présence et rendait ses 
oracles. C'est cette présence ainsi manifestée que plus 
tard les Juifs ont appelée sekînâh, « habitation ». Voir 
Gloire de Dieu, t. m, col. 252; Oracle, t. iv, col. 1846. 
On comprend dès lors pourquoi ce dessus du propitia- 
toire restait vide, pour servir de résidence au Dieu 
invisible et dont toute représentation était interdite. 
Les arches égyptiennes, au contraire, portaient toujours 
une image quelconque de divinité. Voir t. i, fig. 241, 
242, 245, col. 913, 915, 918. - 3. Le jour de la fête de l'Ex- 
piation, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint des 
saints; là, prenant avec son doigt du sang du taureau 
immolé, il aspergeait la face orientale du propitiatoire 
et faisait sept autres aspersions devant le propitiatoire. 
Il recommençait ensuite le même rite avec le sang du 
bouc immolé. Lev., xvi, 14-15. Ces aspersions avaient 
pour but de présenter à Jéhovah le sang des victimes 
égorgées pour se le rendre propice. 



3° Signification. — 1. Le mot kappôrét vient, d'après 
quelques anciens auteurs juifs et quelques modernes, 
de kâfar, « couvrir » ; il désignerait donc le propitia- 
toire uniquement comme im§ï\j.a, « couvercle » de 
l'Arche. Il est peu probable que les Hébreux aient at- 
taché un sens aussi restreint au mot kappôrét, qui 
n'est d'ailleurs employé qu'à propos de l'Arche. L'idée 
de « couvrir » était tout à fait secondaire dans un 
objet qui portait les deux chérubins et servait de trône 
à la majesté divine. Puis, aurait-on appelé le Saint des 
saints bel hak-kappôréf , « maison du couvercle »? 
I Par., xxviii, 11. — 2. Les anciennes versions ont fait 
dériver le mot du piel kippér, qui veut dire « par- 
donner » et « expier ». Cf. Deut., xxi, 8; Ps. lxv, 4; 
Jer., xvm, 23; Exod., xxx, 15; Lev., i, 4, etc. L'assy- 
rien kuppuru ou kapdru a aussi le sens de « purifier, 
essuyer ». Les takpirdli sont des purifications que 
VûHpu applique à des personnes ou à des objets 
divers. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens et 
babyloniens, Paris, 1903, p. xxii-xxiii; Zimmern, Die 
Keilinsckr. und dàs A. T., Berlin, 1903, p. 601. L'arabe 
kaffdrah, dans le Coran, désigne une « expiation » ou 
un « moyen d'expiation ». Cf. Hughes, Dicl. of Islam, 
Londres, 1896, p. 259. Le sens de kappôrét comporte 
donc certainement l'idée d'expiation. Les Septante 
le rendent par î).a<7T^piov,du verbe llà<r»t.o\i.ixi, «expier, 
rendre propice. » Dans l'Épître aux Hébreux, ix, 5, le 
même mot désigne le kappôrét. La Vulgate l'appelle 
propitiatorium, l'endroit de la propitiation. Le sens 
du mot est donc surtout emprunté au rite de la fête de 
l'Expiation. C'est invisiblement présent sur le kap- 
pore'f que Dieu recevait les marques authentiques du 
repentir d'Israël, c'est là qu'il accordait au peuple son 
pardon. Là aussi Dieu communiquait ses volontés à 
Moïse. Mais ces communications divines se firent après 
Moïse par l'Urim et le Thummin et le texte de I Reg., 
Xiv, 18, à supposer qu'il n'ait pas été altéré, n'indique 
nullement que L'Arche ait servi pour faire connaître 
au grand-prêtre Achias la volonté divine. Tous les ans, 
au contraire, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint 
des saints pour y implorer le pardon divin. Il était 
donc naturel que l'historien sacré parlât de la « maison 
de la propitiation », bêt hak-kappôrét . I Par., xxvm, 
11. Le propitiatoire d'or était en réalité le siège de la 
royauté de Jéhovah sur Israël ; c'est de là qu'il comman- 
dait, c'est là qu'il pardonnait. Au lieu d'être comme 
un accessoire destiné à couvrir l'Arche, le propitiatoire 
constituait au contraire la pièce principale, dont l'Arche 
était comme la base. Aussi les écrivains sacrés aiment- 
ils à appeler Jéhovah « celui qui siège entre les ché- 
rubins ». I Reg., iv, 4; 11 Reg., vi, 2; IV Reg., xix, 
15; I Par., xm, 6: Ps. lxxx (lxxix), 2; xctx (xcxvin), 
1; Is., xxxvn, 16; Dan., m, 55. Cf. Bkhr, Symbolik 
des tnosaischen Cultus, Heidelberg, 1837» t. i, p. 379- 
382, 387-395. — 3. Saint Paul dit que Jésus-Christ a 
été montré « comme Uaa-nîpiov, propitiatio, dans son 
sang parla foi. » Rom., m, 25. Le mot D.ajTÎiptov a été 
retrouvé dans un certain nombre d'inscriptions; il y 
désigne un « moyen » ou un « objet d'expiation » ou de 
« propitiation ». C'est bien le sens de l'hébreu kappo- 
rêt. Quant à Notre-Seigneur, il est présenté par 
saint Paul comme « moyen » ou « instrument d'expia- 
tion »; il expie « dans son sang >> et on s'applique 
cette expiation « par la foi. » Cf. F. Prat, La théologie 
de saint Paul, Paris, 1908, p. 282, 287-289. 

PROPOSITION (PAINS DE). Voir Pains de pro- 
position, ii, 2°, t. iv, col. 1957. 

PROPRIÉTÉ, droit en vertu duquel une chose ap- 
partient en propre à quelqu'un. 

I. A l'époque patriarcale. — 1» Dans le principe, 
Dieu avait placé l'homme sur la terre en lui disant, à 



749 



PROPRIÉTÉ 



750 



lut et à tous ses descendants : kibsuhd, xaTaxvpie-jrxaxs 
<vjt7|ç, subjicite eam, « soyez-en les maîtres. » Gen., i, 
28. L'homme était ainsi constitué le propriétaire de la 
terre, c'est-à-dire de tout ce qu'il pouvait en atteindre 
par l'exercice de son activité. Les animaux furent 
également mis à sa disposition. Gen., i, 28; ix, 2, 3. 
Celte propriété devait-elle rester indivise ou se partager? 
Dieu ne l'indiqua point. 11 laissa à l'homme la liberté 
de disposer de sa propriété comme il le jugerait bon. 
De fait, ceux d'entre les hommes qui menèrent la vie 
nomade exercèrent leur droit de propriété sur le sol 
en l'occupant transitai rement et en exploitant ses pro- 
duits spontanés pour leur usage et celui de leurs trou- 
peaux. Mais déjà les pasteurs nomades possédaient une 
propriété personnelle, celle de leur troupeau. Abel 
offrait à Dieu les premiers-nés de « son troupeau », 
c'est-à-dire les prémices d'un bien qui était à lai. 
Gen., iv, 4. D'autres s'établirent à demeure fixe sur une 
partie du sol. Un fils de Caïn, Hénoch, bâtit une ville. 
Gen., iv, 17. Le terrain occupé et les demeures élevées 
sur son emplacement devenaient, de droit naturel, la 
propriété des bâtisseurs. De plus, pour subsister, il 
leur fallait aussi posséder des terres environnantes, 
soit pour les cultiver, Gen., IV, 12, soit pour y élever 
des troupeaux. La propriété se trouva ainsi constituée 
naturellement sous diverses formes, engendrées par 
des manifestations différentes de l'activité humaine. 

2° En arrivant dans le pays de Chanaan, Abraham 
amenait avec lui les biens qu'il possédait. Ces biens 
consistaient surtout en troupeaux. Les Chananéens et 
les Phérézéens étaient alors établis dans le pays. Gen., 
xili, 7, Abraham et Lot n'en faisaient pas moins paître 
leurs troupeaux ici et là sans être inquiétés. Ayant 
constaté qu'ils ne pouvaient rester ensemble, Lot s'en 
alla dans la plaine du Jourdain tandis qu'Abraham 
demeurait en Chanaan. Il existait donc alors des espaces 
considérables, sur lesquels les habitants du pays ne 
songeaient à revendiquer aucun droit de prepriété, ou 
dont, tout au moins, ils laissaient le libre usage aux 
nomades. Dieu toutefois se réservait le droit de dispo- 
ser de la propriété du sol, puisqu'il dit à Abraham : 
« Tout le pays que tu vois, je le donnerai â toi et à tes 
descendants pour toujours. » Gen., xm, 15. Sur ce sol 
occupé d'une manière générale par des peuples séden- 
taires, il y avait des propriétés particulières. A Hébron, 
Éphron, fils de Séor, possédait un champ, et, au bout 
de ce champ, la caverne de Macpélah. Abraham dési- 
rait cette caverne pour y inhumer Sara et en faire un 
lieu de sépulture à lui. 11 fit marché avec Éphron et, 
pour quatre cents sicles d'argent, il acquit en toute 
propriété le champ et la caverne, avec les arbres qui 
se trouvaient dans le champ et tout autour. Gen., xxm, 
16-18. Dans les pays inoccupés, les nomades creusaient 
des puits pour les besoins de leurs troupeaux, et, bien 
que disputés par les populations sédentaires du voisi- 
nage, ces puits demeuraient leur propriété. Gen., xxvi, 
15, 18-22, 32. A Gérare, en pays philistin, lsaac put 
même faire des semailles et récolter abondamment. 
Gen., xxvi, 12. Les fils de Jacob allaient paître leurs 
troupeaux jusqu'à Sichem et Dothaïn, pendant que leur 
père résidait à Hébron, où Abraham avait acquis une 
propriété. Gen., xxxvn, 1, 14, 17. En somme, au point 
de vue de la constitution de la propriété, le pays de 
Chanaan apparaît déjà à peu près tel que les Hébreux 
le trouveront au moment de la conquête. La population 
forme des agglomérations qui possèdent les villes et les 
bourgs épars à travers le pays. Les membres de ces 
agglomérations comptent parmi eux des hommes qui 
sont propriétaires de champs situés dans les alentours. 
Puis, entre ces agglomérations, qui ont le haut domaine 
sur les habitations et la campagne environnante, 
s'étendent des espaces plus ou moins vastes, stériles 
ou inoccupés, sur lesquels les nomades. peuvent s'éta- 



blir transitoirement, mais toujours à leurs risques et 
périls, comme le montre l'histoire de Lot, Gen., xiv, 
12-16, et celle d'Isaac. Gen., xxvi, 16, 17, 20. 

II. Chez les Babyloniens. — 1° Le roi possédait de 
vastes domaines, à la tête desquels il plaçait des 
administrateurs. On trouve mentionnés les ministres 
du blé, les chefs des vignes, les chefs des troupeaux 
de bœufs, etc. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. W. As., t. n, 
pi. 31, col. h, 2; m, 22; vi, 4. Aux temples des dieux 
étaient attribués des territoires, des troupeaux, des 
biens de toute nature, qui allaient sans cesse en s'accu- 
mulant et que se chargeaient d'amoindrir de temps à 
autre des voisins pillards ou des rois à court de res- 
sources. En principe, la terre était le domaine impres- 
criptible des dieux; il convenait donc que les déten- 
teurs particuliers tinssent' compte de ce droit. Cf. Mas- 
pero, Histoire ancienne, t. i, p. 676-678. Le roi accor- 
dait à ses officiers. des apanages comprenant maison, 
champ et jardin. Ces domaines restaient inaliénables 
et la vente en était frappée de nullité. Le concession- 
naire ne pouvait les transmettre â sa femme ni à sa 
fille, qui n'avaient droit qu'aux biens propres de l'époux 
et du père. Celui-ci devait pourtant pouvoir transmettre 
à son fils les biens reçus du roi, à moins qu'ils ne fissent 
relour au donateur, ce sur quoi les textes ne s'expliquent 
pas. Cf. Seheil, Textes élamites-sémitiques, Code de 
Rammurabi, art. 35-41, p. 137. Les articles suivants, 
42-65, p. 138-140, se rapportent à la gestion des pro- 
priétés particulières. Les contrats chaldéens démontrent 
que, dans la classe moyenne, chaque famille avait sa 
propriété qu'elle s'efforçait de conserver. La maison 
était léguée à la veuve ou au fils aine, à moins qu'elle 
restât indivise. Les terres, fermes, jardins et autres 
biens se partageaient entre les frères ou les descendants 
naturels. Au temple, à la porte du dieu, un arbitre 
présidait à la répartition, et quand celle-ci était acceptée, 
il n'y avait plus à y revenir. Ces partages amoindrissaient 
graduellement les fortunes; au bout de quelques géné- 
rations, l'avoir des héritiers devenait trop médiocre 
pour les faire vivre, et ceux-ci servaient de proie à des 
usuriers, s'ils ne parvenaient à relever leur situation. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 748-749. Les 
terres étaient limitées par des bornes. Voir Borne, t. i, 
col. 1854. 

2° En Mésopotamie, Bathuel, père de Hébecca, était 
riche et possédait de grands troupeaux. Gen., xxiv, 
25, 32. Laban, frère de Rébecca, élevait au même 
endroit de nombreux troupeaux, dont Jacob prit la garde 
pendant vingt ans. Gen., xxxi, 38. Mais Laban ne vivait 
pas en nomade; il avait une maison, Gen., xxxix, 13, 
probablement avec des terres alentour, ce qui n'empê- 
chait pas de conduire les troupeaux jusqu'à trois jours 
de marche, Gen., xxx, 36, dans des endroits dont 
l'usage restait libre à tous. 

3° Quelques siècles plus tard, les Israélites furent 
transportés dans ce même pays. Pendant que leurs 
terres de Palestine étaient attribuées à des colons 
étrangers, eux-mêmes occupèrent celles qu'on leur 
assigna en pays chaldéen. II fieg., xvn, 6, -24. La 
propriété ne leur fut ni interdite, ni inaccessible. 
Voir Captivité, t. n, col. 234, 235, 239. Aussi Jérémie, 
xxix, 4, pouvait-il dire aux exilés : « Bâtissez des 
maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en 
les fruits. » 

III. Chez les Égyptiens. — 1° En Egypte, comme en 
Babylonie, une grande partie du territoire était la 
propriété des temples. Diodore de Sicile, i, 21, 73, dit 
que le tiers du pays appartenait aux prêtres. Son affir- 
mation a été reconnue conforme â la réalité. Le roi et 
les seigneurs se chargeaient d'arrêter l'extension de 
ces biens en mettant la main de temps en temps sur 
les revenus des dieux. Il était de principe que, mise à 
part la propriété des dieux, le sol entier appartenait 



<?51 



PROPRIÉTÉ 



752 



au pharaon. Mais celui-ci avait à faire de nombreuses 
largesses à ses favoris et aux seigneurs héréditaires. 
Son domaine immédiat ne s'étendait pratiquement que 
sur la moitié du pays; ce domaine se rétrécissait quand 
les concessions devenaient trop nombreuses, et il se 
reconstituait quand de grands fiefs lui faisaient retour par 
confiscation ou par quelque autre voie. Le pharaon exploi- 
tait directement une petite partie de ce domaine au 
moyen de ses esclaves royaux; le reste était confié àdes 
fonctionnaires qui payaient une redevance annuelle. Les 
seigneurs n'avaient droit qu'à l'usufruit de leurs fiefs, 
dont la propriété appartenait an pharaon. Cela ne les 
empêchait pas de s'y comporter en maîtres absolus 
et de les administrer pour leur compte personnel, 
soit directement, soit par des fermiers. Quelques 







181. — Borne égyptienne. 
D'après Mariette, Monuments divers, pi. 47 a. 

cultivateurs libres réussissaient à acheter des domaines 
sur les territoires concédés par le pharaon, et dont, par 
fiction légale, celui-ci restait toujours propriétaire. Ces 
cultivateurs pouvaient d'ailleurs, sans nulle opposition, 
non seulement faire valoir leur domaine, mais encore 
Je liguer, le donner, le vendre ou en acheter de nou- 
veaux. Ils payaient pour cela une taxe personnelle et 
l'impôt foncier. Les modifications apportées fréquem- 
ment à la configuration du terrain par les inondations 
du Nil obligeaient à reviser continuellement le cadastre 
et à limiter exactement chaque propriété par une ligne 
de stèles (fig. 18t), portant souvent le nom dn proprié- 
taire actuel avec la date du dernier bornage. Cf. Mas- 
pero, Histoire ancienne, t. r, p. 283, 296, 303, 328. La 
constitution de la propriété en Egypte tenait à la nature 
même du sol producteur. « Ici tout vient du Nil, et les 
terres avec leurs riches productions, pour nous servir 
d'une expression d'Hérodote, il, 5, sont un véritable 



présent du fleuve. Toutefois, pour répandre ses bienfaits 
sur l'Egypte, le Nil avait besoin d'une main puissante 
qui lui creusât des canaux et qui pût diriger ses eaux 
fécondantes; la distribution des eaux du fleuve exigeait 
le concours de la puissance publique et de l'autorité 
souveraine; il fallait que le pouvoir des gouvernements 
intervînt, et la nécessité de cette intervention dut 
changer en quelque sorte et modifier les droits de la 
propriété foncière. » Michaud, Correspondance d'Orient, 
Paris, t. vin, 1835, p. 64. ' 

2° Joseph connaissait bien la situation, quand il 
profita de la famine pour reconstituer le domaine royal. 
Il commença par vendre du blé aux Égyptiens, Gen., 
xli, 56, puis, après leur argent, il reçut en paiement 
leurs troupeaux. Gen., xlvii, 13-17. La famine se pro- 
longeant, les Égyptiens eux-mêmes offrirent leurs 
terres et se firent serfs du pharaon, afin d'obtenir du 
blé pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint 
ainsi la propriété du pharaon, à l'exception des terres 
des prêtres, c'est-à-dire des temples, qui étaient inalié- 
nables. Les Égyptiens continuèrent naturellement à 
occuper et à cultiver leurs champs, quoique passés 
dans le domaine royal; mais Joseph leur imposa une 
redevance d'un cinquième sur leurs récoltes. Gen., 
xlvii, 18-26. Ordinairement, l'impôt montait à un 
dixième. Cf. Revue des deux mondes, 15 février 1875, 
p. 815; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 330, 331. 
La mesure imposée par Joseph équivalait à une éléva- 
tion d'impôt, justifiée par les circonstances. Cependant, 
grâce à lui, le pharaon était devenu le seul propriétaire 
du pays, mis à part les dieux dont les propriétés fon- 
cières durent être respectées. L'auteur de la Genèse, 
xlvii, 26, dit que la loi imposée par Joseph était encore 
en vigueur de son temps. Hérodote, n, 108, 109, attribue 
à Sésostris le creusement des canaux égyptiens et le 
partage des terres entre tous les habitants, moyennant 
le paiement d'une certaine redevance sur le revenu. 
On sait que le nom de Sésostris, Sésoustouri, est un 
sobriquet désignant Ramsès II, et que la légende 
attribuait à ce prince bien des travaux et des exploits 
qui remontaient à ses prédécesseurs. Toujours est-il que, 
pour faire le partage des terres, il fallait que Ramsès II 
ou un pharaon plus ancien les eût en sa possession, ce 
qui confirme le récit de la Bible sur l'administration 
de Joseph. Ce partage n'empêcha pas Ramsès III de 
se donner comme le propriétaire du sol de l'Egypte. 
Cf. Grand Papyrus Harris. Plus tard, d'après Diodore 
de Sicile, i, 73, le territoire était divisé en trois parts, 
celle des prêtres, celle du pharaon et celle des soldats. 
Cf. Hérodote, il, 168. En somme, dans les anciens temps 
comme aujourd'hui, il importait peu à l'Égyptien d'être 
propriétaire ou locataire du sol. Toute la question se 
résumait pour lui à pouvoir le cultiver, à sauvegarder 
sa récolte contre les déprédations et à en abandonner 
le moins possible aux collecteurs d'impôts. Cf. Vigou- 
reux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. il, p. 165-189. 

IV. Chez les Israélites. — 1° La législation mosaïque 
commence par consacrer le principe même de la pro- 
priété, en rappelant le droit naturel qui défend de dé- 
rober, et en interdisant même de convoiter la maison, 
les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appar- 
tient. Exod., xx, 15, 17. Cette convoitise est prohibée en 
tant qu'elle prend le caractère d'un acheminement à 
l'appropriation illégitime du bien du prochain. La loi 
protège la propriété dans les différentes circonstances 
où elle peut être menacée. Voir Borkes, 1. 1, col. 1854> 
Dette, t. n, col. 1393; Dommage, t. u, col. 1482; Objets 
trouvés, t. îv, col. 1723; Vol. 

2° Le Seigneur, en vertu de son droit souverain, 
Lev., xxv, 23, donne à son peuple le pays des Chana- 
néens, pour qu'il en occupe les villes et les maisons. 
Deut., xix, 1. Il en prescrit le partage suivant certaines 



753 



PROPRIÉTÉ 



754 



règles. A chaque tribu, à chaque famille est attribué un 
lot inaliénable. Ce lot devait primitivement se tirer au 
«ort et être proportionné au nombre des membres de 
la famille. Num., xxxm, 51. Des précautions étaient 
prises pour que ce lot ne sortit ni de la tribu, ni de la 
famille, voir Goël, t. m, col. 260; Héritage, t. m, 
■col. 610, et pour qu'en cas d'aliénation il revint à la fa- 
mille au moins à l'année jubilaire. Voir Jubilaire 
(Année), t. m, col. 1752. Cette disposition s'appliquait 
même au champ voué à Jéhovah et faisant partie d'un 
patrimoine. Lev., xxvn, 22-25. Aux lévites étaient attri- 
buées des villes spéciales et des pâturages autour de ces 
villes. Num., xxxv, 2-5. Il est à croire qu'il en était de 
même dans les autres villes, autour desquelles la cam- 
pagne, sur une étendue variable, était réservée aux 
habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce 
terrain était probablement morcelé à proximité de la 
ville ou du village; il restait, à une certaine distance, 
propriété indivise. Le sol se trouvait ainsi loti à peu 
près comme du temps des Chananéens : autour des 
villes et des villages, des terrains attribués à chaque 
famille comme jardins ou champs destinés à la culture; 
au delà, un territoire plus ou moins étendu servant en 
commun au pâturage ; enfin, entre ces territoires appar- 
tenant aux villes ou aux villages, des espaces libres, 
incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait. 
L'existence d'un territoire indivis ou communal autour 
des villages parait supposée par quelques textes. Mi- 
chée, H, 5, dit au faux prophète : « Tu n'auras personne 
qui étende chez toi le cordeau sur une part d'héritage 
dans l'assemblée de Jéhovah. » Jérémie, xxxvn, 11, 
sort de Jérusalem pour aller au pays de Benjamin, afin 
de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-être 
s'agit-il dans les deux cas d'un terrain communal, qu'on 
divisait en portions tirées au sort chaque année par les 
familles du village. A cet usage se rapporterait l'allusion 
faite par le Psalmîste : 

Jéhovah est la part de mon héritage et de ma coupe ; 
C'est toi qui m'assures mon lot, 
Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse, 
Oui, un splendide héritage m'est échu. 

Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. Buhl, La société Israélite d'après 
l'A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 94-95. En tous 
cas, la propriété devenait collective, au moins quant à 
l'usage, durant l'année sabbatique. Exod., xxm, 11; 
Lev., xxv, 6, 7. A la même idée de propriété commune 
se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix, 9; xxm, 
22, Deut., xxiv, 19, de grapillage, Lev., xix, 10; 
Deut., xxiv, 21, et celui d'entrer dans un champ ou 
dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou 
des épis. Deut., xxm, 24-25. 

3° La propriété privée n'en était pas moins solidement 
constituée. Elle pouvait comprendre d'autres possessions 
que celles qui constituaient le domaine patrimonial. 
Lev., xxvn, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la pro- 
priété de la montagne d'Hébron, à condition d'en 
chasser les Énacim. Jos., xiv, 11-14. Après avoir donné 
à sa fille Axa un domaine peu arrosé, il lui en accorda 
un autre qui possédait des sources d'eau.- Jud., 1,14,15. 
Par la culture de leurs terres, l'élevage de leurs trou- 
peaux et l'extension de leurs domaines sur des terri- 
toires inoccupés, certains Israélites devinrent très riches, 
tels Nabal, I Reg.,xxv, 2; Berzellaï, IIReg., xix,32, etc. 
Les rois eurent naturellement des propriétés fort éten- 
dues. II Reg., IX, 7. David possédait des champs, des 
vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en 
déférents endroits du pays, avec des préposés chargés 
défaire valoir tous ces biens. I Par., xxvn, 25-31. Sa- 
lomon faisait administrer les siens par douze intendants, 
assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun 
d'eux pourvoyait pendant un mois à l'entretien du roi 
et de sa maison. III Reg., iv, 7. Josaphat possédait de 



grands biens dans les différentes villes de Juda. II Par., 
xvil, 13. D'autres, comme Achab, ne craignaient pas 
de recourir au crime pour agrandir leur domaine. 
III Reg., xxi, 15, 16. Les gros propriétaires israélites 
sont désignés sous le nom de gibbôrê harhayîl, les 
« grands en force », 7tïv 8uva-ôv iayyï, potentes et di- 
vites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents 
d'argent (8500000 fr.) versés au roi d'Assyrie, Manahem 
imposa de cinquante sicles d'argent (141 fr. 50) les 
propriétaires du royaume. IV Reg., 19, 20. Il en fallut 
donc 60000 pour fournir la contribution. Pour qu'un 
si grand nombre de propriétaires notables existât en 
Israël, la propriété foncière devait être assez morcelée. 
En Juda, il y avait une tendance abusive à étendre les 
propriétés. Isaïe, v, 8, le constate en ces termes : 

Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, 

Qui joignent champ à champ, 

Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace, 

Et qu'ils habitent seuls au milieu du pays. 

Cf. Mich., il, 2. Cet accaparement ne pouvait guère se 
produire qu'au mépris de la loi sur Finaliénabilité des 
héritages familiaux. Il avait pour effet de détruire cette 
égalité que la loi avait établie, de créer de grandes pro- 
priétés foncières et, par là même, de réduire à l'indi- 
gence et d'éliminer peu à peu les petites gens, ceux qui 
font la force d'une nation, Aussi le prophète ajoutait-il 
que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passées 
aux mains de quelques propriétaires, n'auraient bientôt 
plus d'habitants. Is.. v, 9. 

4° L'Israélite tenait pourtant avec une singulière 
énergie à son domaine familial. On aimait à habiter en 
sécurité « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg., 
IV, 25, c'est-à-dire dans sa propre maison et sous les 
ombrages de son propre jardin. Michée, iv, 4, promet- 
tait la même chose pour l'époque de la restauration 
spirituelle. Le vieux Berzellaï, invité par David à le 
suivre à Jérusalem, préférait s'en retourner dans sa 
ville pour y mourir près du sépulcre de son père et de 
sa mère. II Reg., xix, 37. Quand Achab offrit à Naboth 
d'acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure, 
celui-ci lui répondit sans hésiter : « Que Jéhovah me 
garde de donner l'héritage de mes pères !» III Reg., xxi, 
3. Le châtiment annoncé par Élie à Achab et à Jézabel, 
après le meurtre de Naboth, se rapportait à deux crimes : 
« N'as-tu pas tué et pris un héritage ? » III Reg., xxi, 
19. Le verbe hébreu yâra's signifie « prendre un bien 
héréditaire », Septante : ÈxXripavô(i.r,!Ja;, « tu as hérité, » 
tu as pris un bien d'héritage. Sous les patriarches, 
l'héritage pouvait passer à un esclave, quand le maître 
demeurait sans postérité. Gen., xv, 2, 3. Plus tard, 
l'esclave intelligent arrivait à recevoir une part dans 
l'héritage. Prov., xvn, 2. Mais le cas ne devait pas se 
produire assez fréquemment pour modifier sensible- 
ment l'assiette de la propriété. L'Israélite pouvait pour- 
tant vouer à Jéhovah sa maison ou son champ, lesquels 
devenaient propriétés des prêtres, si on ne les rachetait 
pas. Lev., xxvn, 14-21. Sur la vente des maisons, voir 
Maison, t. iv, col. 590. 

5° Dans sa description idéale de la nouvelle Terre 
Sainte, Ézéchiel fournit de curieux renseignements, en 
s'inspirant de l'état de choses antérieur, pour le consa- 
crer ou pour le corriger. Tout d'abord, le pays est par- 
tagé et tiré au sort. Le prophète prévoit trois grandes 
parts. La première part est pour Jéhovah ; son sanctuaire 
y est élevé, et le reste du territoire est occupé par les 
lévites. Une seconde part est attribuée à la maison 
d'Israël et une troisième au prince. Mais ce dernier 
devra se contenter de son lot et ne pins empiéter sur 
celui du peuple. « Ce sera son domaine, sa possession 
en Israël, et mes princes n'opprimeront plus mon 
peuple et ils laisseront le pays à la maison d'Israël. » 
Ezech., xlv, 1-8. A meilleur droit que les dieux 



755 



PROPRIÉTÉ 



756 



d'Egypte, Jéhovah étail considéré comme le souverain 
propriétaire du sol. Ps. xxiv(xxm), 1,2. Israël rendait 
hommage à son droit en payant les redevances exigées, 
dîmes, prémices, etc. Le prince pouvait faire des dons, 
à condition de les prendre sur son propre domaine» 
sans expulser personne de sa propriété, et avec cette 
clause que le don revenait au domaine royal à l'année 
jubiliaire si d'autres que les fils du roi en avaient 
bénéficié. Ezech., xlvi, 16-18. Nul du peuple ne courait 
donc le péril d'être dépouillé de son bien, comme 
l'avait été Naboth. Chaque tribu doit avoir une part 
égale de territoire, et ce territoire forme une bande 
allant de la mer à la vallée du Jourdain. Dans chaque 
tribu, une portion est attribuée non seulement à 
l'Israélite, mais aussi au gêr, à l'étranger qui vit au 
milieu d'Israël en respectant ses lois. Ezech., XL vu, 13, 
14, 21, 23. La capitale est comme une réduction de 
tout le pays. Il y a là encore la part des lévites, là part 
du prince et celle des habitants, pris d'ailleurs dans 
toutes les tribus. La ville n'est pas isolée; elle a une 
banlieue composée de champs et de pâturages. Les 
artisans s'y livrent à la culture et pourvoient ainsi à la 
subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans 
la ville. Ezech., xlviii, 8-22. On le voit, c'est pour le 
fond l'organisation antérieure, "mais idéalisée et visant 
à une égalité sociale qui n'a pas été réalisée. 

6° Au retour de la captivité, les Israélites trouvèrent 
les anciennes propriétés occupées ou à l'abandon. 
Assez peu nombreux eux-mêmes, victimes de calamités 
et de vexations multiples, ils eurent peine à vivre de 
leurs biens et beaucoup des moins aisés en furent 
réduits à engager leur avoir et à vendre leurs enfants 
comme esclaves. II Esd., v, 1-13. Néhémie parvint à 
relever momentanément la situation. La prospérité 
matérielle ne parait guère avoir repris que sous la 
domination des Ptolémées. 

V. A l'époque évangéliql'e. — 1° Du temps de Notre- 
Seigneur, la propriété ne reposait plus sur les mêmes 
bases qu'aux époques antérieures à la captivité. Les 
tribus étaient plus ou moins confondues et seules les 
généalogies en gardaient fidèlement le souvenir. De 
plus, beaucoup d'étrangers s'étaient établis en Palestine 
et y possédaient. Aussi, quand il fait quelque allusion 
à la propriété, le Sauveur ne s'en occupe-t-il qu'au point 
de vue moral ou ne la constate-t-il que comme un fait. 
Il parle du petit propriélaire, qui sème dans son 
champ, Matth., xm, 4, 2i, 31, et du grand propriétaire, 
qui a de nombreux esclaves, Matth., xvni, 23; Luc, xn, 
37; xvii, 7, qui possède de riches exploitations agri- 
coles, Matth., xx, t; xxi, 33; Luc, xvi, 1, qui amasse 
d'abondantes récoltes, Luc, xii, 17, et fait valoir sa 
fortune. Matth., xxv, 14; Luc, xix, 13. Il mentionne, 
sans apprécier sa conduite, celui qui réalise tout son 
avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu'un 
trésor est caché. Matth., xm, 44. Le père du prodigue, 
Luc, xv, 12, et Joseph d'Arimathie sont des riches. 
Matth., xxvn, 57. Le mauvais riche est condamné, non 
pour sa richesse, mais pour le mauvais usage qu'il en 
a fait. Luc, xvi, 19. Le Sauveur rappelle le commande- 
ment qui protège la propriété légitime contre le vol, 
Matth., xix, 18, mais il se met fort au-dessus de toute 
question d'intérêt temporel. Lui-même n'a pas la pro- 
priété d'un gîte, Matth., vm, 20; Luc, ix, 58; il refuse 
de s'occuper d'une question d'héritage, Luc, xii, 14, 
et présente les richesses comme un obstable à l'entrée 
dans le royaume de Dieu. Matth., xm, 22; xix, 23. A 
tous, il ordonne de chercher avant tout le royaume de 
Dieu et sa justice, Matth., vi, 23; Luc, xii, 31, et à 
ceux qui veulent devenir parfaits, il conseille de renon- 
cer à toute propriété, Matth., xix, 21. En somme, Notre- 
Seigneur laissa en l'état la question de la propriété. 
Il suppose formellement sa légitimité, mais il aban- 
donne à la liberté humaine le soin de la répartir et de 



l'utiliser. Il demande seulement aux plus aisés de 
s'intéresser à leurs frères pauvres, et à tous ses disci- 
ples de faire passer en première ligne les biens spiri- 
tuels. 

2» Après la Pentecôte, les chrétiens de Jérusalem 
établirent entre eux la communauté des biens. « Tous 
ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient 
tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs 
biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon 
les besoins de chacun. » Acl., u, 44, 45. Trois mille 
Juifs environ s'étaient convertis à la parole de saint 
Pierre. Act., n, 41. Parmi eux se trouvaient bon nom- 
bre de pauvres, de Juifs arrivés de l'étranger et de pro- 
sélytes sans grandes ressources. D'autre part, ceux qui 
demeuraient attachés au judaïsme se montraient fort 
peu sympathiques à ceux de leur famille qui embras- 
saient la foi nouvelle. Il était donc convenable que, 
parmi les convertis, les plus riches vinssent en aide 
aux moins fortunés. Leurs revenus ne suffisant pas à 
cette œuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens 
pour en utiliser le prix. Rien ne s'opposait à la vente 
et à l'achat des terrains. Naguère le sanhédrin avait 
acheté auprès de Jérusalem le champ d'un potier, avec 
les trente deniers de Judas. Matlh., xxvii, 7; cf. xm, 
44. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches 
faisaient grand acte de charité; en même temps, ils se 
dégageaient de toute attache terrestre et se rendaient 
libres pour le service de l'apostolat, comme il arriva 
pour Barnabe. Act., iv, 37, Quand la chrétienté de 
Jérusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de 
communauté fraternelle. « Nul n'appelait sien ce qu'il 
possédait, mais tout était commun entre eux... Il n'y 
avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui possé- 
daient des terres et des maisons les vendaient et en 
apportaient le prix aux pieds des Apôtres; on le dis- 
tribuait ensuite à chacun, selon ses besoins. » Act., w, 
32, 34, 35. Les choses se passaient ainsi sous la seule 
action de la grâce divine; on ne voit nulle part que les 
chefs de l'Église naissante aient imposé un renonce- 
ment si désintéressé. L'Esprit du Seigneur portait les 
fidèles à mettre en pratique ce que le Sauveur avait 
présenté comme un conseil de perfection, Matth., xix, 
21, et nullement comme une condition nécessaire à la 
vie chrétienne. L'épisode d'Ananie etSaphire le prouve 
surabondamment. Ces deux chrétiens avaient vendu 
une propriété pour en apporter le prix aux Apôtres, en 
se réservant cependant une partie du produit de la 
vente. Saint Pierre leur reprocha de mentir au Saint- 
Esprit en retenant quelque chose du prix de leur 
champ et il dit à Ananie : c< Ne pouvais-tu pas, sans le 
vendre, en rester possesseur? Et après l'avoir vendu, 
n'étais-tu pas maître de l'argent? i> Act., v, 4. Il suit de 
là que les nouveaux fidèles n'étaient obligés ni de ven- 
dre leurs propriétés, ni d'en donner le prix à la com- 
munauté. La faute d'Ananie et de Saphire consista donc 
surtout dans une dissimulation accompagnée d'orgueil 
et de défiance envers la Providence. Ils voulurent se 
procurer, aux yeux de l'Église, la gloire de tout aban- 
donner au bien commun, comme le faisaient leurs 
frères; mais en secret ils tinrent à garder en partie le 
bénéfice de leur vente, comme si Dieu n'était pas là 
pour leur assurer le nécessaire. Plusieurs Pères, se 
référant sans doute à Lev., xxvil, 16-21, supposent que 
l'offrande totale des biens résultait d'une promesse ou 
d'un vœu qu'il était criminel de ne pas accomplir inté- 
gralement. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxx, t. xxii, 
col. 1118; S. Augustin, Serm. cxlviii, 2, t. xxxvhi, 
col. 799; S. Grégoire, Epist. i, 34, t. lxxvii, col. 488. 

3° A cette même époque vivaient à part, sur le bord 
de la mer Morte et dans l'oasis d'Engaddi, les esséniens, 
totalement séparés du reste de la société juive. Une de 
leurs lois fondamentales était la communauté des biens. 
Pour faire partie de leur association, il fallait mettre 



757 



PROPRIÉTÉ — PROSELYTE 



758 



son patrimoine à la disposition de tous, ne rien con- 
server en propre, ne rien vendre et ne rien acheter au 
sein de la communauté, vivre dans la pauvreté en rece- 
vant d'une caisse commune ce qui était strictement 
nécessaire pour la nourriture, le vêtement, les soins en 
cas de maladie, verser à cette caisse le produit de son 
travail, ne rien emporter en voyage, etc. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., II, vin, 3, 4, 8, 9; Philon, Quod omnis 
probus liber, 12, 13, édit. Mangey, t. ir, p. 457, 458, 
632, 633. Les écrivains du Nouveau Testament ne 
font aucune mention des esséniens et les laissent can- 
tonnés dans leur orgueilleux et stérile particularisme. 
Les pharisiens les avaient en horreur, à cause de leur 
prétention à être des Juifs parfaits. Ils disaient à pro- 
pos de leur communisme : « Celui qui dit : le mien est 
à toi et le tien est à moi, est un niais. » Pirké aboth 
v, 14. Les doctrines singulières des esséniens, leur fidé- 
lité servile à la loi, leur éloignement systématique du 
Temple, l'étrangeté de leur manière de vivre ne per- 
metttent pas de dire que les premiers chrétiens aient 
voulu les imiter. Ceux-ci avaient pour se guider les 
exemples de la vie menée en commun par les Apôtres, 
les exemples et les conseils du Sauveur; et si le divin 
Maître voulut mener une vie qui, au regard des biens 
de ce monde, avait quelque analogie avec celle des essé- 
niens, il ne lui était pas nécessaire de recourir à eux 
pour en avoir l'inspiration. L'esprit et la pratique du 
détachement et de la charité fraternelle résultaient, 
comme une conséquence toute naturelle, des ensei- 
gnements qu'il apportait au monde. D'ailleurs celte vie 
d'obéissance et de pauvreté en commun n'était pas 
totalement étrangère aux anciens Israélites; elle avait 
dû être la vie de ces « fils de prophètes » qui se grou- 
paient autour de Samuel, d'Élie, d'Elisée et d'autres 
pieux personnages. I Reg., x, 10; III Reg., xx, 35; 
IV Reg., il, 3; iv, 38, etc. 

4° Le système inauguré par l'Église de Jérusalem ne 
pouvait être que transitoire. Les esséniens excitaient 
l'admiration du peuple par leur pauvreté volontaire et 
leur charité. Il était bon de montrer que la doctrine 
nouvelle avait la puissance de faire pratiquer ces 
grandes vertus par tous ses adhérents. Mais vint le 
jour où toutes les propriétés furent vendues et où il 
devint fort difficile d'entretenir une société nombreuse, 
incapable de se suffire par son seul travail et n'ayant 
rien à espérer de ses anciens coreligionnaires. Quand 
saint Paul vint à Jérusalem après ses premières mis- 
sions, les trois apôtres qui se trouvaient alors dans la 
capitale durent le prier de se souvenir des pauvres. 
Gai., h, 10. Il fut fidèle à cette recommandation. Voir 
Aumône, t. i. col. 1251. L'expérience montrait qu'au 
point de vue de la propriété, la pratique du con- 
seil ne pouvait devenir la règle générale parmi les 
chrétiens. 

5° Les Apôtres, dans leurs Épîtres, ne disent rien 
qui ait trait directement à la propriété. Saint Jacques, 
qui avait sous les yeux le contraste existant entre 
les pauvres de son église chrétienne et les riches pro- 
priétaires du judaïsme sadducéen, maudit ces derniers 
et les compare à la victime qui se repaît encore le jour 
où on va l'égorger. Jacob., v, 1-6. Saint Paul recom- 
mande de ne pas attacher son 'cœur à ce que l'on pos- 
sède. I Cor., vu, 30. Il veut que les ministres de Dieu, 
qui possèdent tout dans l'ordre spirituel, II Cor., vi, 
10, se contentent, pour toute propriété, de ce qui est 
indispensable à la nourriture et au vêtement. ITim., vi, 
8. Dans le cours de ses missions, l'Apôtre fut mis en 
rapport avec des personnes qui disposaient de pro- 
priétés considérables, Priscille et Aquila, qui entre- 
tenaient une communauté chrétienne dans leur maison, 
à Corinthe, I Cor., xvr, 19, et à Rome, Rom. , xvi, 5, Phi- 
lémon, auquel il demande l'hospitalité, Philem., 22, etc. 
Des patriciens de Rome ne tardèrent pas à suivre les 



exemples de ces premiers chrétiens et à mettre à la dis- 
position de leurs frères dans la foi leurs maisons, pour 
y célébrer leur culte, leurs domaines ruraux, pour y 
creuser leurs sépultures. H. Lesètre. 

PROSÉLYTE (Septante : TtpoariXvro;; "Vulgate ; 
proselytus), étranger qui adhère plus ou moins com- 
plètement à la religion juive. 

I. Dans l'Ancien Testament. — Le mot ^po^Xu™; 
est particulier au grec de l'Ancien Testament et ne se 
trouve pas chez les classiques. Dans la Genèse, xlvii, 
9, Aquila traduit màgûr, « séjour à l'étranger », rçjiipat 
âç jrapoixw, peregrinatio, par TrpoCTYiX-JTeurji;. Dans 
l'Exode, xn,40, les Septante traduisentsrë>\,« étranger », 
par 7rpo<rr)VuTo;, colonus. Dans Ézéchiel, xiv, 7, les mots 
hag-gêr 'âsér ydgûr beysrâ'êl, « l'étranger qui réside 
en Israël », sont rendus dans les Septante par npo<77)XiJT0t 
oE'TtpourjX'jTsuôvTsç h t<S 'I<rpï.r|X, et dans la Vulgate par de 
proselytis quicumque advena fuerit in Israël, « qui- 
conque des étrangers se sera établi en Israël. » Le 
mot prosélyte est encore employé pour désigner les 
étrangers, gérîm, qui habitent parmi les Israélites, 
I Par., xxn, 2; II Par., il, 17; xxx, 25; Tob., i, 8 (7). 
En somme, dans les versions de l'Ancien Testament, 
ce mot signifie simplement « étranger ». 

II. A l'époque du Nouveau Testament. — 1° Signifi- 
cation du mot. — Notre-Seigneur accuse les scribes et 
les pharisiens de courir les mers et la terre pour faire 
un prosélyte qu'ils conduisent ensuite à la perdition. 
Matth., xxm, 15. Le mot ne signifie plus seulement 
« étranger » ; car alors la remarque du Sauveur ne se 
comprendrait pas. Il s'agit d'un étranger conquis à la 
croyance et à la pratique religieuse des Israélites. A ta 
Pentecôte, l'écrivain sacré signale la présence à Jéru- 
salem d'« hommes pieux de toutes les nations », tant 
juifs que prosélytes. Act., H, 5, 11. Ici encore les pro- 
sélytes sont autre chose que de simples étrangers. 
D'autres noms éclairent la signification du précédent. 
Des étrangers sont appelés çoëoOjisvoi tôv Ôeôv, tinientys 
Deum, les « craignant Dieu », Act., x, 2, 22; xni, 16, 
26; <xeêp|jievo! tôv 9e<5v, colentes Deum, les « servant 
Dieu », Act., xvi, 14; xvni,7, ou simplement <re66u.evot, 
colentes, Act., xm, 50; xvn, 4, 17, et une fois «ëô(iEvot 
itpo<jr|X\jTo!, colentes advenœ,«. étrangers servant »Dieu. 
Act., xm, 43. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 2. Ces 
noms différents désignent les gêrim ou « étrangers » 
qui ont adhéré de quelque façon à la religion juive. 
Dans la Mischna, le mot gêr, traduit par itpo<n)XvToç, 
dans les versions, prend souvent ce sens spécial d'étran- 
ger converti. Cf. Bikkurim, 1, 4, 5; Schekalim, i, 3, 
6; vu, 6, etc. De gêr, les talmudistes ont même tiré 
le verbe nifgayyêr, « se convertir ». Cf. Pea,iv, 6; 
Challa, m, 6; Pesachim, vin, 8, etc. Comme en 
araméen gêr devient giyyorâ", les Septante ont créé le 
mot ys»ipaç, Exod., xii, 19; Is., xiv, 1, pour désigner 
les réunions d'étrangers qui se joignent aux Israélites. 
Ainsi, les deux mots gêr et Tipo^Xuio; ont perdu, dans 
la littérature juive,leur sens primitif pour en prendre 
un autre plus spécial. Philon, De monarch., i, 7, édit. 
Mangey, t. Il, p. 219, définit les TtpoirrjXurouc àtô toû 
itpoîeXïiXuôévat xaivrj xa\ çiXo6la> TreXitsia, « de ce qu'ils 
s'approchent d'un genre de vie nouvelle dans laquelle 
on aime Dieu. » Dans l'Évangile de Nicodème, 2, il 
est dit : « Que sont les prosélytes? On lui dit : Ce sont 
ceux qui sont nés enfants des Hellènes et maintenant 
sont devenus Juifs. » Les Pères parlent des prosélytes 
dans le même sens ; ainsi saint Justin. Dial . cum Tryph. f 
23, 122, t. vi, col. 525, 560, qui emploie le terme yrjiS- 
paç pour désigner la réunion des prosélytes; saint Iré- 
née, Adv. hxres., III, xxi, 1, t. vu, col. 946, qui appelle 
Théodotion et Aquila des « Juifs prosélytes s; Tertul- 
lien, Adv. jud., 1, t. n, col. 597, etc. Philon emploie 
parfois, comme synonymes de 7tpoor,XuTO{, les mots 



759 



PROSELYTE 



760 



iitT\\\nos, qu'on retrouve dans les Septante, Job, xx, 26, 
inriXuT!];' et ëhtjXv;. 

2° La propagande juive. — 1. Les Juifs ne jouis- 
saient pas d'une grande faveur dans l'ancien monde 
gréco-romain. Les écrivains classiques les traitent sou- 
vent avec mépris, haine et injustice. Cf. Tacite, Hisl., 
v, 4, 5, 8; Plutarque, Sympos., IV, 5; Juvénal, Sat.,\i, 
160; xiv, 97,98,103-106; AmmienMarcellin,xxn,5, etc. 
D'autre part les Juifs, par leur particularisme outré, 
leur antipathie pour les étrangers, le caractère de leur 
dogme et de leur morale, si surprenants pour des païens, 
semblaient destinés à rester confinés dans leur isole- 
ment. Mais la Providence avait ici très manifestement 
■des vues en contradiction avec les prévisions humaines. 
Les prosélytes juifs devaient fournir à la propagande 
•chrétienne des âmes toutes préparées. La loi mosaïque 
devenait ainsi le vestibule de l'Évangile, non seulement 
parson action préparatoire à la rédemption et au règne 
messianique, mais encore par une influence directe 
Bur les âmes des Juifs et sur celles que conquéraient 
les Juifs. C'en fut assez pour que ce peuple longtemps 
jaloux de ses prérogatives, qu'il tenait pour incommu- 
nicables, travaillât à y associer des étrangers, et pour 
que ces derniers, malgré leurs préjugés contre une 
religion d'assez mauvais renom parmi eux, se missent 
à l'étudier et à l'embrasser en grand nombre. Il y a là 
■un phénomème dont les explications naturelles ne suf- 
fisent pas à rendre compte d'une manière adéquate. — 
2. A vrai dire, cette adoption des étrangers dans le sein 
d'Israël, inaugurée à la sortie d'Egypte, Exod., xn, 38, 
n'avait ensuite pris quelque développement que dans 
les pays de l'exil, où le contact immédiat des Juifs per- 
mettait de mieux apprécier leur religion. Tob., I, 7; 
Esth., vin, 17. Mais la propagande ne devint vraiment 
•active et systématique que dans l'empire romain. Notre- 
Seigneur constate ce zèle, parfois exclusif et funeste 
dans ses résultats. Matth., xxm, 15. Saint Paul l'attri- 
bue à la conviction qu'avait le Juif d'être « le guide des 
-aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, 
le docteur des ignorants, le maître des enfants, ayant 
■dans la Loi la règle de la science et de la vérité », et 
jl lui reproche de ne pas pousser son zèle jusqu'à 
s'instruire lui-même. Rom., n, 19-21. — 2. La propa- 
gande eut tant de succès, dans le monde gréco-romain, 
que seuls, parmi les adeptes des cultes orientaux, ceux 
du culte d'Isis et de Mithra l'emportaient sur ceux du 
judaïsme. Josèphe, Cont. Apion., n, 10, constate que 
les Juifs étaient plus éloignés des Grecs par la distance 
que par les idées, et que beaucoup d'entre ces derniers 
avaient adhéré au judaïsme, bien que tous n'y eussent 
pas persévéré. Il ajoute, Cont. Apion., H, 39 : « Depuis 
longtemps beaucoup désirent s'associer à notre ma- 
nière de servir Dieu. Il n'y a pas de ville grecque ou 
barbare, pas de nation chez laquelle lie se soit intro- 
duite la coutume de célébrer le septième jour, que 
nous passons dans le repos, et où l'on n'observe les 
jeûnes, les allumages de lampes et les abstinences de 
mets qui nous sont défendus. On s'efforce d'imiter 
notre mutuelle entente, notre libéralité, notre applica- 
tion aux métiers, notre patience dans les tourments que 
nous endurons pour nos lois. » Des témoignages ana- 
logues sont fournis par Tertullien, Ad. nation., i, 13, 
t. i, col. 579; Sénèque, dans S. Augustin, De civ. Dei, 
vi, 11, t. xli, col. 192; Dion Cassius, xxxvn, 17. Les 
prosélytes étaient en nombre à Antioche, cf. Josèphe, 
Jiell. jud., Vil, m, 3; à Antioche de Pisidie, Act., xm, 
16,26, 43, 50; à Thessalonique, Act., xvil, 4; à Athènes, 
Act., xvii, 17, et à Rome. Cf. Horace, Sat., I, ix, 68-72; 
Sénèque, Epis t. xcv; Perse, v, 179-183; Ovide, De art. 
am.,\, 75, 415; Tibulle, i, 3; v, 18; Juvénal, Sa£.,xiv, 
.96-106, etc. Les femmes étaient plus nombreuses et 
pins empressées que les hommes à embrasser le judaïsme . 
-Act., xm, 50; xvil, 4. Certains Juifs faisaient profession 



de les initier à la connaissance et à la pratique de la 
loi mosaïque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5. A 
Damas, la majorité des femmes étaient prosélytes. Cf. 
Josèphe, Bell, jud., II, xx, 2. A Rome, des femmes 
célèbres, comme Fulvie, pratiquaient le judaïsme, et 
d'autres, comme Poppée, femme de Néron, lui étaient 
favorables. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5; XX,vm, 
11. Non contents de s'affilier au judaïsme, de nobles 
étrangers venaient faire acte de religion à Jérusalem 
même, comme le ministre de la reine Candace, Act.,vm, 
27, et la reine Hélène d'Adiabène, qui se fit construire 
un palais dans la Ville sainte et se montra si généreuse 
envers les Juifs dans des circonstances difficiles. Cf. 
Josèphe, Ant. jud., XX, n-rv. 

3° Causes du succès de cette propagande. — l.Dieu 
favorisait, sans nul doute, une œuvre dont la réalisation 
rentrait dans ses plans; mais il la laissait s'exécuter 
par des moyens humains. De leur côté, les Juifs avaient 
été saisis par un zèle véritable pour la propagation de 
leurs idées religieuses. Plusieurs adhérents devenaient 
nombreux dans les villes étrangères, plus leurinttuence 
se consolidait. Les hommes vraiment sincères et reli- 
gieux y voyaient un gain pour la cause de la vérité et 
aussi pour la gloire de leur nation, Luc, n, 32; les 
autres regardaient cette extension comme un achemi- 
nement vers cette conquête du monde et cette domina- 
tion universelle sur les peuples, que les prophéties 
semblaient promettre à Israël. Dans ce but, on employait 
des moyens divers. Pour convertir les Idumeens et en- 
suite les Ituréens, Jean Hyrcan et Aristobule leur don- 
nèrent à choisir entre la mort, l'exil ou la circoncision. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, ix, 3; xi, 3. Parfois, des 
fanatiques imposaient la circoncision par violence. Cf. 
Josèphe, Vit., 23. D'autres faisaient de la propagande 
par des moyens ou pour des motifs peu avouables. Cf. 
Josèphe. Ant. jud., XVIII, m, 5. Les procédés employés 
étaient le plus souvent de toute autre nature ; mais les 
instances ne faisaient jamais défaut pour déterminer 
une adhésion. De là le mol d'Horace, Sat., I, iv, 142 : 
Veluti te Judsei, cogemus in hanc concedere turbam, 
« nous te forcerons, comme font les Juifs à prendre 
rang dans cette foule. » — 2. La doctrine israélite exer- 
çait une forte attraction sur- les esprits sérieux qui, 
fatigués des hontes du paganisme et des pauvretés in- 
tellectuelles du scepticisme, cherchaient une base solide 
à la croyance, un appui à l'espérance d'un avenir meil- 
leur et une satisfaction à la fois digne et positive au 
besoin de Dieu qui torture le cœur humain. Les 
âmes ainsi disposées apprenaient que les Juifs possé- 
daient des traditions merveilleuses et des données in- 
comparables sur les questions qui intéressent la vie de 
l'âme; qu'ils avaient en main des livres sacrés du plus 
haut intérêt; que ces livres sacrés, sur le désir 
d'un Ptolémée d'Egypte, avaient été traduits en grec, 
pour être misa la portée de tous les penseurs du monde 
gréco-romain; que ces livres étaient interprétés par des 
docteurs compétents et que plusieurs d'entre ces der- 
niers, formés dans les célèbres écoles d'Alexandrie, 
cherchaient à montrer que ce qu'il y avait de meilleur 
et de plus élevé chez les grands philosophes delà Grèce 
ne différait guère de l'enseignement que professaient 
les livres juifs. En fallait-il davantage pour pousser 
beaucoup d'âmes à une étude qui promettait de leur 
donner satisfaction? L'expérience leur en montrait 
d'ailleurs l'à-propos. — 3. Les motifs qui déterminaient 
les prosélytes n'avaient pas toujours la même noblesse. 
Ceux du temps d'Esther, vin, 17, désiraient surtout, 
sans doute, échapper à des représailles ou partager la 
faveur dont jouissaient alors les Juifs. Les étrangers 
transportés en Samarie pendant' la captivité ne devin- 
rent juifs que par peur. IV Reg., xvil, 26-29. D'autres, à 
l'époque romaine, tendaient surtout à partager les pri- 
vilèges accordés aux Juifs par l'autorité, l'exemption 



76i 



PROSELYTE 



762 



du service militaire, par exemple. Cf. Josèphe, Ant. 
jud., XIV, x, 13. Ceux qui voulaient profiter de l'in- 
fluence, du crédit, de l'assistance des Juifs dans une 
ville, embrassaient le judaïsme. On en faisait autant en 
vue d'un mariage, cf. Josèphe. Ant. jud., XVI, vu, 6, 
ou d'intérêts qui n'avaient rien de religieux. Toutefois 
le nombre de ceux qui devenaient prosélytes sans vraie 
conviction se tenait dans des limites relativement res- 
treintes, à raison des sarcasmes dont les Juifs étaient 
l'objet de la part de la populace païenne, cf. Horace, 
Soi., I, iv, 142; Martial, vi, 29, 34, 81; xr, 95; xu, 37, 
et des mesures sévères que le gouvernement prenait 
contre eux de temps à autre. Cf. Tacite, Ann., il, 85; 
Suétone, Claud., 25; Domit., 12. — 4. Tout en tenant 
compte des ahus qui se produisirent naturellement, il 
est juste de reconnaître le succès de la propagande 
juive, le zèle qui portait des scribes et des pharisiens 
à traverser les mers et à parcourir la terre pour y tra- 
vailler, Matth., xxni, 15, et aussi le réel dévouement 
des nouveaux prosélytes qui adhéraient à une doctrine 
élevée, sans doute, mais qui en même temps s'assujettis- 
saient à des pratiques assez onéreuses. Il est à regretter 
cependant que les missionnaires juifs aient trop sou- 
vent communiqué à leurs prosélytes l'esprit d'orgueil 
et de formalisme qui les caractérisait eux-mêmes, de 
manière à faire de leurs nouveaux disciples, ainsi que 
Notre-Seigneur le leur reproche, « des lils de géhenne, 
deux fois plus qu'eux-mêmes. » Même convertis au 
christianisme, ces prosélytes seront pour l'Église nais- 
sante une cause de grandes difficultés. Voir Judaïsants, 
t. in, col. 1778. 

4° Les prosélytes juifs. — 1. Ainsi qu'il fallait s'y 
attendre, il y avait parmi ces prosélytes des convertis 
inconstants, comme l'avoue Josèphe, Cont. Apion., n, 
10, et d'autres qui n'acceptaient la loi juive qu'en par- 
tie. C'est à eux que saint Paul écrivait : « Je déclare 
encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, 
qu'il est tenu d'accepter la loi tout entière. » Gai., v. 3. 
Cependant, on passait outre quelquefois. Ainsi, quand 
Izate, fils d'Hélène et roi d'Àdiabène, voulut se faire 
circoncire pour devenir juif parfait, sa mère s'y opposa, 
pour ne pas causer de troubles dans le royaume; mais 
un marchand juif, du nom d'Ananias, déclara au roi 
« qu'on pouvait parfaitement servir la divinité sans la 
circoncision, pourvu (qu'on fût résolu à adopter les 
antiques coutumes des Juifs, qui importaient bien 
davantage que la circoncision ». Josèphe, Ant. jud., 
XX, n, 4. Un autre Juif, nommé Éléazar, meilleur 
interprète de la Loi, donna ensuite une décision con- 
traire à lzate, qui se fit circoncire. Il n'en est pas 
moins à penser que beaucoup partageaient les idées 
d'Ananias. Ils croyaient au Dieu unique, dont aucune 
représentation n'était permise; ils l'honoraient, fré- 
quentaient les synagogues et observaient la loi mo- 
saïque, mais en se bornant aux points principaux. Ce 
sont ces hommes que l'on désignait sous le nom de 
deëisievot ou <po6oij[i£vot tôv 6êôv, colentes ou timentes 
Deum, « ceux qui servent » ou « craignent Dieu ». 
Act., xiii, 43; x, 2, etc. Les anciennes inscriptions 
latines enregistrent de temps en temps quelque me- 
tuens ou observateur de3 coutumes juives. Cf. Corp. 
insc. lai., t. v, 1, 88; t. vr, 29759, 29760, 29763; t. vin, 
4321, etc. — 2. Or, ces hommes vivant à la juive ne 
sont pas de véritables prosélytes. On les appelle ordi- 
nairement gêrë has-Sa'ar, « prosélytes de la porte », 
tandis que les autres sont nommés gère has-sédéq, 
« prosélytes de justice ». Mais l'identification des 
« hommes craignant Dieu » et des « prosélytes de la 
porte » est arbitraire; la Mischna ne la connaît pas. 
Celle-ci distingue seulement entre le gêr, l'étranger 
proprement dit, et le gêr (ôsdb, l'étranger colon, qui 
habite au milieu du peuple d'Israël. Le gêr has-Sa'ar 
ne serait pas autre chose que ce dernier, l'étranger 



qui habite dans les portes ou le pays d'Israël, la porte 
étant prise souvent pour la ville elle-même. Deut, xn P 
12; xiv, 27 ; III Reg., vm, 37, etc. Voir Porte, col. 548. 
Cet étranger devait se soumettre aux lois imposées à 
tous les hommes qui n'étaient pas juifs, c'est-à-dire à 
ce que l'on appelait les sept commandements des fils 
de Noé concernant : 1° l'obéissance aux juges; 2° lt 
blasphème; 3° le culte des idoles; 4° l'impureté; 5° le- 
meurtre; 6° le vol ; 7° la chair avec le sang. Gen., ix, 4. 
Cf. Sanhédrin, 56 b. Il va de soi que, depuis la con- 
quête romaine surtout, les Grecs, Romains et autre» 
étrangers établis en Palestine se mettaient fort peu en. 
peine d'observer ces sept lois noachiques, de telle fa- 
çon qu'aucune différence pratique ne subsistait plus 
entre l'étranger vivant au milieu des juifs et l'étranger 
résidanthors de Palestine. Les noms de gêr,degêr fôsâb 
et de gêr has-sa'ar ne représentaient donc plus de» 
situations différentes. — 3. Les hommes « craignant » 
ou « servant Dieu » sont ainsi en dehors des deux 
autres classes. Corneille, par exemple, « religieux et 
craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, faisait beau- 
coup d'aumônes au peuple et priait Dieu sans cesse. » 
Act., x, 2. Mais il n'était pas circoncis; saint Pierre 
craignait de se commettre avec quelqu'un qui n'appar- 
tenait pas au judaïsme, Act., x, 10-16, et les fidèles 
s'étonnèrent beaucoup que le Saint-Esprit descendît 
sur des gentils. Act., x, 45; xt, 3. Les hommes tels que 
Corneille n'étaient pas regardés comme juifs, parce- 
qu'ils n'avaient pas reçu la circoncision; et cependant, 
par leurs croyances et leurs pratiques, ils étaient aussi 
proches des Juifs sincèrement pieux qu'éloignés du 
commun des païens. Les convertis de cette espèce- 
s'étaient multipliés autour des juiveries officielles, et 
l'appoint qu'ils fournirent au christianisme naissant 
dépassa probablement celui qui lui vint des Juifs propre- 
ment dits. Ce judaïsme incomplet ne comptait pas aux 
yeux des Juifs de stricte observance, comme le montre 
l'appréciation des judéo-chrétiens de Jérusalem au su- 
jet du baptême de Corneille. Beaucoup s'en conten- 
taient cependant, n'attachant qu'une importance secon- 
daire au rite de la circoncision, qui, d'ailleurs, les- 
décelait et leur attirait des sarcasmes dans les thermes 
publics. Voir Circoncision, t. n, col. 778. Aussi est-il 
probable que, parmi les Juifs de la dispersion, la pro- 
pagande religieuse n'obtenait pas toujours tout son 
effet; beaucoup se décidaient à vivre à la juive; les 
vrais prosélytes allant jusqu'à recevoir la circoncision 
étaient beaucoup moins nombreux. On le conclut des 
mentions fréquentes qui sont faites dans les Actes des 
hommes «craignant Dieu ». Il n'y a donc pas de valeur- 
à attacher à la division des prosélytes adoptée par cer- 
tains auteurs, qui distinguent les prosélytes « de la 
porte » et les prosélytes « de justice ». Les Juifs ne 
reconnaissaient d'autres prosélytes que ces derniers.. 
Depuis la conquête grecque, la Palestine ne comptait 
plus guère de prosélytes « de la porte », ou étrangers- 
soumis aux lois noachiques. Quant aux hommes 
« craignant Dieu », sans aller jusqu'à l'adoption com- 
plète de la loi mosaïque, ils avaient une religion bien 
supérieure à celle des prosélytes « de la porte », 
anciens ou nouveaux. 

5° Obligations et droits des prosélytes. — 1. Pour 
devenir prosélyte de justice, c'est-à-dire prosélyte com- 
plet et véritable, cf. Matth., m, 15, il fallait tout d'abord 
se soumettre à trois conditions, la circoncision, le 
baptême ou ablution conférant la pureté légale et un 
sacrifice. Lesfemmes se contentaient des deux dernières- 
conditions. Cf. Keritkoth, 81 a; Yebamoth, 46 a; Pe- 
sachim, vm, 8; Eduyoth, v, 2; etc. La circoncision 
incorporait le gentil au peuple juif, l'ablution le puri- 
fiait selon la loi lévitique et le sacrifice expiait ses- 
péchés. Après la destruction du Temple, la troisième 
condition devint naturellement impossible à remplir- 



763 



PROSELYTE 



PROSTERNEMENT 



764 



— 2. Les prosélytes devaient se conformer à toute la loi 
mosaïque et acquitter toutes les redevances sacrées. 
Cf. Gai., v, 3; Bikkurim, i, 4; Schekalim, i, 3, 6; Pea, 
iv, 6; Challa, m, 6, etc. Cependant ils n'étaient tenus 
à ces redevances que pour les biens acquis postérieure- 
ment à leur conversion. Cf. Pea, iv, 6; Challa, m, 6; 
Chullin, x, 4. Les frères nés avant la conversion de 
leur mère n'étaient pas obligés au lévirat. Cf. Yeba- 
moth, xi, 2. Aux filles nées avant la conversion de 
leur mère ne s'appliquait pas non plus la loi du Deu- 
téronome, xxu, 13-21. Cf. Kelhubolh, iv, 3. Les jeunes 
filles prosélytes ne pouvaient épouser un prêtre; les 
filles de prosélytes ne le pouvaient que si elles descen- 
daient d'un côté d'ancêtres israélites, à Va dixième gé- 
nération au plus. Cf. Yebamoth, vi, 5; Kidduschin, 
iv, 7 ; Bikkurim, i, 5. Les jeunes filles prosélytes pou- 
vaient épouser ceux que le Deutéronome, xxm, 1, 2, 
interdit aux juives de prendre pour époux. Cf. Yeba- 
moth, vin, 2. Elles n'avaient pas le bénéfice de la loi 
de l'Exode, xxi, 22. Cf. Baba kamma, v, 4. Elles 
étaient cependant obligées par celle des Nombres, v, 11- 
28. Cf. Eduyoth, v, 6. — 3. En principe, les prosélytes 
étaient assimilés aux Juifs de naissance; en réalité, il 
subsistait entre les uns et les autres une distinction 
notable. Au prosélyte, en effet, manquait toujours la 
descendance d'ancêtres juifs. « Quand un prosélyte 
apporte ses prémices, il ne récite pas la confession 
indiquée Deut., xxvi, 3, parce qu'il ne peut pas dire : 
Que tu as juré de nous donner. Si sa mère était israé- 
lite, il peut réciter la confession. Si le prosélyte prie 
à part, il doit dire : Dieu des pères d'Israël. S'il prie 
dans la synagogue, il doit dire : Dieu de vos pères. Si 
sa mère était israélite, il doit dire: Dieu de nos pères. » 
Bikkurim, i, 4. Il y avait là comme une ligne de dé- 
marcation que le prosélyte ne pouvait franchir et qui 
lui rappelait sans cesse son origine. D'ailleurs le rang 
qu'il devait occuper dans la société juive lui était ainsi 
assigné : « Le prêtre a le pas sur le lévite, le lévite sur 
l'Israélite, l'Israélite sur le bâtard, le bâtard sur le 
nalhinéen, le nathinéen sur le prosélyte, le prosélyte 
sur l'esclave affranchi. » Horayoth, m, 8. 

6° Les interdictions. — D'après la loi du Deutéro- 
nome, xxm, 2, 3, il était interdit de recevoir dans 
l'assemblée de Jéhovah, c'est-à-dire dans la société des 
Israélites, même à la dixième génération, par consé- 
quent à jamais, comme l'explique le texte, le mamzer, 
l'Ammonite et le Moabite. Voir Mamzer, col. 637. On 
rie pouvait donc recevoir de prosélytes ayant cette ori- 
gine. Mais, avec le temps, il devint impossible de 
remonter très haut dans la généalogie des étrangers 
qui demandaient à faire profession de judaïsme. Aussi 
les docteurs se montrèrent-ils faciles sur ce point, 
pour la raison que les Ammonites et les Moabites visés 
par la Loi n'existaient plus depuis longtemps. Cf. Ya- 
dayim, îv, 4. Les Iduméens et les Égyptiens pouvaient 
être reçus à la troisième génération. Deut., xxm, 7, 8. 
Vers l'époque évangélique, cette troisième génération 
datait de fort loin. Il ne subsistait donc aucune 
difficulté pour recevoir au prosélytisme ceux de ces 
nations qui le sollicitaient. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XIII, IX, 1; xi, 3; xv, 4, 7, 9. Pratiquement, la porte 
était ouverte à tous; les conditions imposées étaient 
par elles-mêmes assez onéreuses pour qu'on n'exigeât 
pas de celui qui les acceptait volontairement des ga- 
ranties trop difficiles à fournir. Le prosélytisme juif 
put donc ainsi se donner libre carrière, et préparer 
inconsciemment à l'Évangile de dévoués disciples et 
un certain nombre d'adversaires acharnés. 

Voir Slevogt, De proselytis Judxorum, Iéna, 1651, 
et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxu, p. 841; Mùller, 
De proselytis, dans le même volume d'Ugolini; Wâhner, 
De Ebrxonim proselytis, Gœtlingue, 1743; Danz, Cura 
Judœorum in conquirendis proselytis, ad Matt., xxm, 



15, dans Nov. Test, ex Talmude illuslratum de Meu- 
schen, 1736, p. 649-676; Lûbkert, Die Proselyten der 
Juden, dans Stud. und Krit., 1835, p. 681-700; Weill, 
Le prosélytisme chez les Juifs selon la Bible et le 
Talmud, Strasbourg, 1880; Friedlaender, La propa- 
gande religieuse des Juifs grecs avant l'ère chré- 
tienne, dans la Bévue des études juives, t. xxx, 1895, 
p. 161-181 ; et surtout Schùrer, Geschichte des jùdis- 
chen Volkes im Zeil. J.-C, Leipzig, t. m, 1898, p. 102- 
135, qui donne tous les textes et toutes les références 
sur le sujet. H. Lesêtre. 

PROSTERNEMENT, attitude qu'on prend en se 
mettant à genoux devant quelqu'un et en inclinant la 
tête vers le sol. — En prenant cette posture, on témoigne 
qu'on se fait humble et petit devant celui auquel on 
veut rendre hommage, qu'on remercie ou dont on 
attend quelque faveur. Les hommes se prosternent en 
diverses circonstances : — 1° Devant Dieu. Ainsi font 
Éliézer, Gen., xxiv, 52; Moïse, pendant quarante jours 
et quarante nuits, Deut., ix, 18; Tobie et sa famille, 
pendant trois heures, Tob., xn, 22; Judith et les Israélites 
ses compatriotes, Judith, vu, 4; ix, 1 ; x, 1, 20; les 
Machabées, II Mach., x, 4, une fois pendant trois jours. 
II Mach., xin, 12. Le Psalmiste invite son peuple à se 
prosterner devant Jéhovah pour l'adorer. Ps. xcv (xciv), 
6, et il annonce que les nations se prosterneront devant 
lui. Ps. lxviii (lxvii), 31; lxxii (lxxi), 9. Le Sauveur 




182. — Serviteurs prosternés devant leur maître. 

D'après Champollion-Figeac, L'Egypte ancienne, dans 

l'Univers pittoresque, de Didot, 1839, pi. 38. 

se prosterna trois fois devant son Père pendant son 
agonie. Matth., xxvi, 39; Marc, xiv, 35. Les vingt-quatre 
vieillards sont proslernés devant le trône de Dieu dans 
le ciel. Apoc, rv, 10. — 2° Devant les idoles. La Loi 
défendait de se prosterner devant des images taillées. 
Lev., xxvi, 1. C'est ce que faisaient les idolâtres. Is., 
xuv, 19; xwr, 6. Voir t. i, fig. 36, col. 234. Naaman 
était obligé, par son service auprès du roi de Syrie, 
de se prosterner devant le dieu Remmon. IV Reg., 
v, 18. A Babylone, on se prosterne pour adorer la 
statue de Nabuchodonosor. Dan., ni, 6, 10, 15. — 
3° Devant les anges. Lot se prosternait le visage contre 
terre pour accueillir les anges qui le visitent à Sodome. 
Gen., xix; 1. — 4» Devant le roi. On voit se prosterner 
devant David Abigaïl, I Reg., xxv, 23, Miphiboseth, 
II Reg., ix, 8, et Séméï, II Reg., xix, 18. Esther se 
prosterna devant Assuérus. Esth.,vm, 3. Les subalternes 
n'approchaient d'un roi qu'en rampant ou en se proster- 
nant. Voir t. ii, fig.541, col. 1637. Sur l'obélisque de Sal- 
manasarII,on voitJéhu prosterné devantleroi assyrien. 
Voirt. i, fig. 37, col. 235, — 5° Devant un grand. Joseph 
voit en songe les gerbes de ses frères se prosterner 
devant la sienne, le soleil, la lune et onze étoiles se 
prosterner devant lui, et son père se demande si les 
parents et les frères de Joseph auront à se prosterner 
de même. Gen., xxxvii, 7, 9, 10. C'est pourtant ce qui 
arriva plus tard. Gen., xlii, 6. En Egypte, on se pros- 
ternait ainsi devant un dignitaire (fig. 182). Joseph à 



765 



PROSTERNEMENT — PROSTITUTION 



766 



son tour, se prosterne devant son père. Gen., xlviii, 12. 
Achior se prosterne devant Judith, xm, 30. Plus tard, 
le centurion Corneille se prosterne devant saint Pierre, 
Act., x, 25, et le geôlier de Philippes devant Paul et 
Silas. Act., xvi, 29. — 6" Devant celui qu'on sollicite. 
Il faut se prosterner devant celui pour lequel on a 
répondu, afin d'être délivré delà caution. Prov., vi, 3. 
On se prosterne devant le créancier pour obtenir remise 
de la dette. Matth., xvm, 26, 29. Abraham se prosterne 
devant le peuple d'Hébron afin d'obtenir qu'on lui vende 
la caverne de Macpelah. Gen., xxm, 7. — Devant Jésus- 
Christ. Les Mages se prosternent pour l'adorer. Matth., 
u, 11. Saint Jean-Baptiste se reconnaît indigne de se 
prosterner devant lui pour détacher les cordons de ses 
sandales. Marc, i, 7. Devant lui se prosternent ceux 
qui demandent une faveur, le chef de la synagogue, 
Marc, v,22; l'hémorrhoïsse,Marc.,v, 33; Luc, vm, 47 ; 
la Chananéenne, Marc, vu, 25; le père du possédé, 
Matth., xvn, 14; le lépreux, Luc, v, 12; le démoniaque, 
Luc, vin, 28, et ceux qui veulent adorer et témoigner 
leur reconnaissance, Pierre, après la pêche miracu- 
leuse, Luc, v, 8, et l'aveugle-né après sa guérison. 
Joa., ix, 38. H. Lesêtre. 

PROSTITUTION (hébreu : zenût,zenûnîm, laznût ; 
Septante : itopvsia; Vulgate : fornicatio, prostitutio), 
genre dévie dans lequel on s'abandonne et on provoque 
à l'impudicité. 

I. En Egypte et en Chanaan. — 1° Le climat égyp- 
tien et le caractère sensuel du culte rendu à une mul- 
titude de dieux et de déesses ne pouvaient que favoriser 
l'immoralité sur les bords du Nil. La Bible cite les 
exemples du pharaon contemporain d'Abraham, Gen., 
xn, 15, 16, et de la femme de Putiphar, Gen., xxxix, 
7-12, dont la honteuse entreprise se trouve reproduite 
dans le conte des deux frères. Cf. Maspero, Les Contes 
populaires de l'Egypte ancienne, Paris, 3 e édit-, p. 6. 
On sait quelles coutumes incestueuses présidaient aux 
mariages égyptiens. Voir Inceste, t. m, col. 865. Hé- 
rodote, u, 48, 60, 64, parle de l'immoralité qui régnait 
en Egypte ; mais il déclare que la prostitution ne s'y 
pratiquait pas dans les lieux sacrés, comme cela se 
faisait dans la plupart des autres pays. Cependant, 
dans les temples des dieux mâles, un véritable harem 
de femmes fournissait à la divinité des épouses, des 
concubines, des servantes, des musiciennes et des dan- 
seuses. Dans les temples des déesses, les femmes occu- 
paient les premiers postes. Cf. Erman, Aegyplen und 
âgyptisches Leben, Tubingue, 1887, p. 399-401. 

2° Chez les Chananéens, le culte d'Astarthé comportait 
partout la prostitution. Voir Astarthé, t. i, col. 1187. 
Non seulement des femmes, mais aussi des hommes 
exerçaient ce commerce infâme. Cf. Eusèbe, Vit. 
Constant., m, 55, t. xx, col. 1120. Ce sont ces derniers 
que le Deutéronome, xxm, 18, désigne sous le nom de 
kelâbîm, s chiens ». Les pires impudicités se com- 
mettaient en l'honneur de la déesse, à Byblos,à Aphéca, 
dans le Lihan, voir t. i, col. 734, et dans toute la Syrie, 
d'où son culte se propagea ensuite dans le monde grec 
Cf. Lucien, De dea Syra; Dœllinger, Paganisme et 
judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. u, p. 241- 
244; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. m, p. 84-92. On trouve dans la Genèse les 
traces de l'influence exercée sur les mœurs des habi- 
tants par les exemples qui venaient des temples chana- 
néens. A Sodome, ce sont tous les hommes de la ville, 
des enfants aux vieillards, qui se livrent au vice infâme 
et attirent sur eux la vengeance divine. Gen., xix, 4-9; 
II Pet., u, 7. L'odieux inceste des deux filles de Lot avec 
leur père indique jusqu'à quel point le sens moral était 
oblitéré, même chez des femmes appartenant à la fa- 
mille d'Abraham. Gen. , xix, 30-38. Un peu plus tard, on 
voit Thamar, belle-fille de Juda, jouer le rôle de prostituée 



auprès de son beau-père. Elle s'assied au bord du che- 
min et se voile le visage. A ce signe, Juda la prend 
pour ce qu'elle n'est pas, fait marché avec elle et con- 
vient de lui payer un chevreau. Celle-ci demande des 
gages qui lui sont accordés, et c'est à ces marques que 
Juda reconnaît ensuite celle à qui il s'est si facilement 
abandonné. L'acte qu'il s'est permis ne semble pas lui 
causer beaucoup de honte, car il en parle à un ami 
qu'il charge de porter le chevreau convenu. Il n'en 
songe pas moins à faire brûler Thamar, quand on lui 
dit que celle-ci s'est livrée à la prostitution. Gen., 
xxxviif, 14-25. La peine portée contre Thamar ne visait 
pourtant pas la prostitution elle-même, mais la préva- 
rication que Juda, en tant que chef de famille, avait à 
reprocher à la femme veuve d'un de ses fils et promise 
à un autre. La courtisane Rahab avait sa maison à Jé- 
richo. Jos., u, 1. Samson alla chez une autre courti- 
sane dans la ville philistine de Gaza. Jud., xvi, 1. 

II. La législation mosaïque. — 1» Moïse devait pré- 
munir les Hébreux contre les dangers qu'ils courraient 
dans la terre de Chanaan, au point de vue des mœurs. 
Aussi commence-t-il en ces termes les articles de sa 
législation du mariage : « Vous ne ferez pas ce qui se 
fait dans le pays d'Egypte où vous avez habité, et vbus 
ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Chanaan où 
je vous conduis. >> Lev., xvm, 3. Puis il défend le ma- 
riage entre frère et sœur, usité en Egypte, Lev., xvm, 9, 
les unions incestueuses et les actes contre nature que 
se permettaient les Chananéens, et parfois aussi les 
Égyptiens. Lev., xvm, 22, 23; xx, 16; cf. Hérodote, n, 
46. Ces abominations ont souillé le pays, ont rendu ses 
habitants dignes d'être chassés, et attireraient sur 
l'Israélite la peine du retranchement. Lev., xvm, 24-30 ; 
xx, 23. Il dit ensuite formellement : « Ne profane pas 
ta fille en la prostituant, de peur que le pays ne se livre 
à la prostitution et ne se remplisse de crimes. » Lev., 
xix, 29. Aucune pénalité n'est pourtant assignée contre 
les coupables. Quand il s'agit de la fille d'un prêtre, il 
en est autrement; à cause du déshonneur qui rejaillit 
9ur son père, la coupable est livrée au feu. Lev,, xxi, 9. 
La défense de la prostitution est répétée avec plus d'in- 
sistance et de détail dans le Deutéronome, xxm, 17,18: 
« Il n'y aura pas de prostituée (qedèsâh, nôpvr„ mere- 
trix) parmi les filles d'Israël, et il n'y aura pas de 
prostitué {qâdês, iropve'jwv, scortator) parmi les fils 
d'Israël. Tu n'apporteras pas dans la maison de Jéhovah, 
ton Dieu, le salaire d'une prostituée (zônâh, îripvrj, 
prostibulum), ni le salaire d'un chien (héléb, xûwv, 
canis) pour l'accomplissement d'un vœu; car l'un et 
l'autre sont en abomination à Jéhovah, ton Dieu. » Les 
prostitués sont désignés par les mots qâdês, qedèsâh, 
« consacré, saint », qui étaient probablement en usage 
dans la langue d'un pays où la prostitution passaitpour 
une fonction sacrée. Les Grecs donnaient aux mêmes 
individus le nom de ÎEpiEouXot, « serviteurs sacrés », 
hiérodules. Le mot kélêb, « chien », désigne ici le 
qâdês. Dans l'Apocalypse, xxn, 15, les chiens sont éga- 
lement des impudiques. Parmi les fonctionnaires des 
temples phéniciens, l'inscription de Larnaca signale des 
kalabu, qui sont vraisemblablement les prostitués, 
scorta virilia, comme ont traduit les éditeurs du Corp. 
inscr. semit., t. I, p. 92-99. Cf. Lagrange, Etudes sur 
les religions sémitiques,Psivis,i90ô, p. 220. Le chevreau 
promis par Juda à Thamar, Gen., xxxvm, 17, était un 
de ces salaires de la prostitution qu'il n'eût pas été per- 
mis d'offrir en sacrifice. 

2° Non contente d'interdire directement la prostitu- 
tion, la loi la poursuivait encore dans ses moyens et 
dans ses effets. Il était défendu à l'homme et à la femme 
de prendre les habits l'un de l'autre. Deut., xxn, 5. Ce 
changement de costume favorisait les pires désordres; 
souvent, dans les temples idolâtriques, les hommes et 
surtout les prostitués s'affublaient de costumes ferai- 



767 



PROSTITUTION 



76» 



nins. Cf. Macrobe, Saturnal., m, 8. Un prêtre ne pou- 
vait épouser une zonâh (ndpvr], scorlum) ni une t}âld- 
lâh (peër,X(i)(ilvv), prostibulum). Lev., xxi, 7, 14. Ces 
deux termes désignent la courtisane. Voir Courtisane, 
t. il, col. 1091. D'après Josèphe, Ant. jud., IV, vm,23, 
la défense d'épouser une prostituée s'étendait à tout 
Israélite. Enfin, la descendance de la prostitution ne 
pouvait jamais entrer dans la société israélité. Deut., 
xxm, 2. Ce jtexte qui se rapporte au mamzer, voir 
Mamzer, t. iv, col. 637, comprend aussi très vraisem- 
blablement le fruit de la prostitution. 

III. La prostitution en Israël. — La Loi la con- 
damne sévèrement, mais ses prescriptions ne furent 
pas toujours observées. — 1° Dès le désert, les filles 
de Moab entraînèrent des Israélites à, là débauche et 
à l'idolâtrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent 
punis de mort. Un Hébreu osa amener avec lui une 
Madianite jusque sous les yeux de ses frères. Pbi- 
nées les perça tous les deux de la lance dans la qub- 
bdh, xâpuvo;, lupanar. Le mot hébreu qui, par 
l'arabe a donné « alcôve t>, a dans la Mischna le sens 
que lui assigne la Vulgate. C'est un rendez-vous de 
prostitution. Num., xxv, 1-9. Sous les Juges, Jepbté est 
le fils d'une courtisane; chassé plus tard de la maison 
paternelle, comme « fils d'une autre femme », il [n'en 
devient pas moins chef du peuple. Jud., xi, 1, 2, 11. 
Samson se rend chez une prostituée de Gaza. Jud., 
xvi, 1. A Gabaa de Benjamin, les habitants veulent re- 
nouveler sur un lévite le crime de Sodome, abusent 
de sa concubine et la font mourir. Jud., XIX, 22-26. 
Les fils du grand-prêtre Héli commettent le mal avec 
les femmes qui servent à l'entrée du Tabernacle. 
IReg., n,22, 25. 

2° Des prostituées étaient tolérées, peut-être à Jéru- 
salem même, du temps de Salomon. Deux d'entre elles, 
des zônôf, itôpvat, meretrices, furent admises au tribu- 
nal de ce roi et provoquèrent son fameux jugement au 
sujet de leur enfaut. III Reg., m, 16. Sous le roi Ro- 
boam, des prostituées se répandent dans le pays de 
Juda et les anciennes abominations chananéennes se 
reproduisent. 111 Reg.,xiv, 24. Asa, petit-fils deRoboam, 
fait disparaître les prostituées du pays. 111 Reg., XV, 12. 
Mais il en demeure encore, et son fils Josaphat achève 
de les supprimer. III Reg., xxn, 47. Le roi Manassé 
installe dans le Temple même l'idole d'Astarthé, 
IV Reg., xxi, 7, et avec l'idole s'introduisent naturelle- 
ment les hiérodules qui forment le cortège obligé de la 
déesse. Ces femmes habitaient des maisons qu'on leur 
avait bâties dans l'enceinte sacrée et elles s'occupaient 
à tisser des tentes pour la déesse. Josias chasse les 
prostituées et démolit leurs maisons. IV Reg., xxm, 7. 
Le règne de Manassé fut la seule période durant 
laquelle la prostitution prit un caractère officiel et pé- 
nétra dans le Temple même comme élément constitutif 
d'un culte idolâtrique. Il est donc inexact et souverai- 
nement injuste d'affirmer, contrairement à tous les 
textes, qu'elle servait en partie à payer les frais du 
culte à Jérusalem. Le Deutéronome, xxxm, 18, interdit 
formellement toute offrande souillée par une pareille 
origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, t. iv, p. 506-516. 

3° Les livres historiques ne font qu'une allusion à ce 
qui se passait dans le royaume d'Israël. Quand le ca- 
davre du roi Achab fut ramené à Samarie, on lava le 
char ensanglanté qui l'avait porté dans une piscine où 
les prostituées se baignèrent. III Reg., xxn, 38. La 
Vulgate ne parle pas de prostituées, zonôt, et les Sep- 
tante les remplacent par des porcs, usç. Il est présu- 
mable que dans le royaume du nord la prostitution 
avait pris beaucoup plus de développement que dans 
celui de Juda. Elle suivait naturellement le progrès de 
l'idolâtrie. De plus elle trouvait des exemples et des 
encouragements en Phénicie et en Syrie, où le culte 



des Astarthés avait à son service des foules d'hommes 
et de femmes voués à tous les genres d'impudicité. 
Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27; Movers, Die PhônU 
zier, Berlin, 1841, t. I, p. 677-681. Jéhu reproche pu- 
bliquement à Jézabel, la Sidonienne, ses prostitutions 
et ses sortilèges. IV Reg., ix, 22. 

4° Si les historiens fournissent peu de renseigne- 
ments sur la prostitution parmi les Israélites, les 
autres écrivains sacrés reviennent assez fréquemment 
sur ce sujet. Dans les Proverbes, v, 20; vi, 24; vu, 5, 
la prostituée est appelée « étrangère », nokriyâh, 
ài),oTpia, aliéna, extranea. Le parallélisme ne permet 
pas de s'y tromper : 

La prostituée (zônâh) est une fosse profonde, 

Et l'étrangère (noknyâh) un puits étroit. Prov., xxm, 27. 

11 en faut conclure que, très souvent du moins, 
c'étaient des étrangères, des Syriennes, des Phéni- 
ciennes, qui se livraient à ce vice en Palestine, où l'on 
avait tort de tolérer leur présence. Néanmoins des filles 
d'Israël se laissaient aussi pervertir, comme l'indiquent 
clairement les prophètes. De vives exhortations sont 
adressées dans le livre des Proverbes à ceux qui 
seraient tentés de succomber à la provocation des sé- 
ductrices. Prov., v, 3-6, 20; vi, 24-26; vil, 5-23; xxn, 
14; xxm, 27-85, etc. L'auteur de l'Ecclésiastique, IX, 
3-9; xix, 2, 3; xxvi, 8-12, etc., s'exprime de même. 
Job, xxxi, 1, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour 
n'être pas séduit. Amos, n, 7, dit qu'en Israël le père 
et le fils vont vers la même fille, profanant ainsi le 
nom de Dieu aux yeux des étrangers. Osée revient sans 
cesse sur les allusions à la prostitution, à laquelle il 
compare l'idolâtrie d'Israël comme à une chose fami- 
lière. Il déclare que Dieu ne punira pas les filles et les 
femmes de leurs adultères et de leurs prostitutions, car 
les hommes eux-mêmes « vont à l'écart avec les pros- 
tituées et sacrifient avec les courtisanes. Dès qu'ils ont 
fini de boire, ils se livrent à la prostitulion. » Ose., iv, 
13,14, 18. Isaïe, m, 9, appelle Jérusalem une Sodome; 
on y commet le mal en plein jour, sans se cacher. Jé- 
rémie, v, 7, montre les hommes de Jérusalem allantpar 
troupes dans la maison de la prostituée, et il les com- 
pare à des animaux. Ezéchiel; xlih, 7, 9, rappelle les 
prostitutions dont le Temple a été le théâtre, probable- 
ment à l'époque de Manassé. De ces textes il faut con- 
clure que la prostitution exerçait de grands ravages 
parmi les Israélites, surtout dans le royaume du nord, 
où la loi religieuse n'était plus capable de la réfréner, 
et dans les villes, comme Jérusalem, où se donnaient 
rendez-vous un grand nombre d'étrangères et où l'im- 
piété des rois et des grands favorisait souvent la 
propagation du mal. II ne s'ensuit nullement toutefois 
que la masse de la nation ait été atteinte, spécialement 
en Juda. La loi morale et les prescriptions mosaïques 
gardaient encore assez de vigueur pour tenir la géné- 
ralité des Israélites éloignée des excès auxquels se 
livraient leurs voisins. C'était un déshonneur, pour une 
fille de Juda, de devenir une prostituée. Am., vu, 17. 

IV. Descriptions bibliques. — Pour inspirer plus- 
grande horreur du vice, les auteurs sacrés ne reculent 
pas devant des descriptions très réalistes. L'histoire de- 
Thamar et de Juda en est un premier exemple. Gen.,. 
xxxvm, 14-26. L'auteur des Proverbes, vu, 10-23, 
montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison, 
dans la rue, sur les places, à tous les angles, abordant 
sa victime, lui vantant les charmes de sa demeure, la 
sécurité de la rencontre. 

D'autres fois, la provocatrice s'assied devant chaque- 
poteau. Eccli., xxvi, 15. Elle se construit un gdb, un- 
lieu élevé et visible, oî-nr^a icopvikov, lupanar, elle se 
fait un rdmâh, un tertre,'&x8eij.a, prostibulum; il y en 
a un à chaque carrefour, et là se multiplient les pros- 
titutions. Ezech., xvi, 24, 25. Non contente d'attendre- 



"769 



PROSTITUTION 



770 



-et de provoquer, la. courtisane chante et s'accompagne 
-d'instruments pour attirer l'attention. Eccli., ix, 4. 
lsaïe, xxiii, 16, parle de la chanson de la courtisane. 

Elle a des paroles doucereuses, comme le miel et 
J'huile, Prov., v, 3 ; vi, 24, la démarche agitée, Prov., vu» 
11, 12, un visage effronté, Prov., vu, 11, 13; Jer., m, 
-3, une mise qui la fait reconnaître. Prov., vu, 10. Il 
lui faut son salaire, Ezech,, xvi, 33, son pain et son 
eau, sa laine et son lin, son huile et sa boisson. Ose., 
H, 5; cf. IX, 1; Mich., i, 7. Pour elle, on se réduit à 
•un morceau de pain, Prov., vi, 26; on dissipe son 
bien. Prov., xxix, 3. -Cependant ce salaire était sou- 
vent mesquin. Joël, in, 3, dit que les ennemis d'Israël 
-donnaient un enfant pour le salaire d'une courtisane, 
c'est-à-dire le vendaient à vil prix. L'auteur de Job, 
xxxvi, 14, ajoute un trait au tableau, en disant que les 
pécheurs endurcis meurent dans leur jeunesse et 
voient leur vie se flétrir comme celle des qedêsîm, 
effeminati, les hommes qui font métier d'impudicité. 
Les Septante traduisent ici à tort le mot hébreu par 
-« anges ». 

V. En Babylonie. — 1» Toutes les monstruosités 
que comportaient le culte d'Astarthé en Chanaan se 
retrouvent en Babylonie dans le culte d'Istar. Les 
temples babyloniens ont leurs courtisanes sacrées, 
leurs qadistu ou hiérodules, leurs istaritu ou « con- 
sacrées à Istar », leurs harimtu ou prostituées. Héro- 
-dote, i, 199, exagère probablement quand il prétend 
que toute femme était obligée de s'offrir une fois dans 
sa vie au temple de la déesse. Cf. Strabon, vm, 378; 
xn, 559; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 639, 640 ; 
676. Mais tous les temples babyloniens avaient leurs 
bandes d'hommes et de femmes qui abusaient et lais- 
saient abuser d'eux-mêmes. Érech était comme la capi- 
tale de la prostitution en ce pays. Voir Arach, t. I, 
col. 868. Une inscription cunéiforme caractérise ainsi 
cette ville : « Érech, la demeure d'Anou et d'Istar, la 
ville des filles, des courtisanes et des prostituées, 
auxquelles Istar vend et livre l'homme; ...eunuques... 
■dont Istar, pour effrayer les gens, a changé la virilité 
•en hermaphroditisme, porteurs d'épées, de rasoirs, de 
stilets et de silex... » Cf. Jensen, Mythe d'Iura, col. Il, 
9. 5-12, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schra- 
•der, t. vi, p. 62. Ces instruments servaient aux inci- 
sions et aux mutilations que s'imposaient les serviteurs 
•de la déesse. Voir Eunuque, t. ir, col. 2044; Incisions, 
t. m, col. 869. La prostitution babylonienne, partie 
intégrante du culte des idoles, est signalée par Jérémie 
■dans sa lettre aux captifs israélites. Bar., vi, 42-44. 
Hérodote, I, 199, mentionne la couronne que portaient 
les prostituées. La farine qu'elles brûlent rappelle le 
■kavvân, gâteau offert aux Astarfhés, Jer., vu, 18; xliv, 
19, et sert d'encens à la déesse. La prostitution ne se 
•confinait pas dans les enceintes sacrées; aucun frein 
n'arrêtait son débordement. Quand les Perses occupèrent 
le pays, ils ne tentèrent vraisemblablement pas, malgré 
la pureté relative de leur culte, d'opposer une digue à 
'l'immoralité de la race conquise. D'ailleurs la faveur 
avec laquelle ils considéraient, à l'exemple des Égyp- 
tiens, les unions les plus incestueuses, (cf. Darmstetier, 
Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. I, p. 126-134), les dispo- 
sait peu à corriger l'immoralité des autres. 

2° Quand Sargon eut déporté en Assyrie les habitants 
de Samarie, il envoya pour les remplacer des colons 
'tirés de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Émath et de 
Sépharyaïm. Ces colons établirent leurs divinités par- 
ticulières dans les anciens hauts-lieux des Samaritains. 
« Les gens de Babylone firent Sochoth-Benolh (sukkôt 
benùf), ceux de Cutha firent Nergal, ceux d'Émath 
firent Asima, etc. » IV Reg., xvil, 30. Les mots sukkôt 
benôf, à s'en tenir à la transcription massoréiique, 
signifient « tentes des filles ». De ces simples mots 
-ainsi compris, on a tiré cette conclusion qu'il existait 

DICT. DE LA BIBLE. 



chez les Israélites une fête, que les colons de Babylone 
auraient adoptée, et dans laquelle les filles se tenaient 
sous des tentes pour des prostitutions sacrées. 
Cf. J. Soury, Revue des deux mondes, avril 1876, 
p. 599-600. Mais il est de toute évidence que, dans le 
texte des Rois, l'éuumération ne comprend que des 
noms de divinités. Il faut donc que Sukkôt Benôt ait 
un sens analogue à celui des autres noms. Déjà Gese- 
nius, Thésaurus, p. 952, se rendant compte que le sens 
obvie n'était pas le véritable, proposait de. lire sukkôt 
banôt, '< tentes sur les hauteurs ». Mais on reconnaît 
aujourd'hui qu'il y a ici un nom de divinité assyrienne. 
Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterb., p. 566. Sukkôfbenot 
serait une transcription hébraïque, peut-être altérée à 
dessein, du nom de la déesse assyrienne appelée Zir- 
banit, Zarpanit ou Sarpanit, « celle qui donne la pos- 
térité », la même qui est appelée Mylitta par Héro- 
dote, i, 131, 199. Cf. Halévy, dans la Revue critique, 
19 déc. 1881, p. 483, note; Vigoureux, La Bible et les 
découvertes modernes, t. m, p. 575-577; t. iv, p. 509- 
511. Toutefois l'hébreu rroD, que les versions tradui- 
sent ordinairement par « tentes », est dans Amos, v, 

26, le nom d'une divinité assyro-babylonienne, Sakkut, 
qu'on a trouvé joint au nom d'une autre divinité, Kaï- 
van, dans une incantation. Cf. Revue biblique, 1901, 
p. 358. Ce sont deux divinités sidérales. Il es't fort pro- 
bable que le Sakkut nommé dans Amos est aussi le 
dieu qu'honoraient les Babyloniens de Samarie. En 
toute hypothèse, il ne peut être question de « tentes de 
filles » érigées en vue de prostitutions sacrées, à 
l'exemple de ce qui se serait fait dans le pays. Les 
textes ne permettent pas cette interprétation, et il est 
incontestable qu'en Palestine la prostitution ne fut 
jamais qu'au service des cultes idolâtriques. 

VI. Prostitution et idolâtrie. — 1° La Sagesse, 
xiv, 23-27, déclare que « le culte des viles idoles est 
le principe, la cause et la fin de tout mal »; et parmi 
les manifestations du mal, elle signale les mystères 
clandestins, les débauches effrénées de rites étranges, 
l'impudeur dans la vie et dans les mariages, les crimes 
contre nature. Saint Paul constate aussi que les pré- 
tendus sages du paganisme, pour avoir substitué l'ado- 
ration de la créature à celle du Créateur, ont été livrés 
à l'impureté et en sont arrivés à << déshonorer entre 
eux leurs propres corps. » Rom., i, 24, — 2° Mais la 
relation de cause à effet entre l'idolâtrie et la prostitu- 
tion n'est pas \a seu\e qui existe. Les awtewïs sacrés v. 
ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en 
effet, la nation israélite appartient à Jéhovah ; quand 
elle se détourne de lui pour se livrer aux faux dieux, 
elle se rend donc coupable de fornication, voir Forni- 
cation, t. n, col. 2316, et de prostitution. Ainsi Moïse 
défend aux Israélites d'entrer en contact avec les Cha- 
nanéens, de peur qu'ils n'en viennent à se prostituer à 
leurs dieux. Exod., xxxiv, 15, 16. Dans le Pentateuque 
et les plus anciens livres, le culte des idoles et des faux 
dieux est habituellement appelé une prostitution. 
Lev., xvn, 7; xx, 5, 6; Deut., xxxi, 16; Jud., n, 17; 
vjii, 33, etc. Plus tard, toute la prophétie d'Osée roule 
sur l'idée de l'idolâtrie d'Israël représentée sous la 
forme d'une prostitution. « Va, prends une femme de 
prostitution et des enfants de prostitution, carie pays ne 
fait que se prostituer en abandonnant Jéhovah. » Ose.,i, 
2; cf. n, 2, 5; iv, 12-14; v, 3; vi, 10; îx, 1, 10. Jérémie 
emploie la même image pour décrire l'idolâtrie de Juda, 
et celle d'Israël. Jer., ni, 1-8. Ézécbiel, xvi, 17; xxm, 
30, se sert d'expressions identiques. — 3° Les auteurs 
sacrés qualifient aussi de prostitution les relations du 
peuple de Dieu avec les nations idolâtres dSns l'appui 
desquelles il met sa confiance. Israël s'est prostitué aux 
nations. Ose., vm, 9. Jérusalem surtout s'est prostituée 
à l'Egypte et à l'Assyrie. Eiech., xvi. 25-34; xxm,,8, 

27, 30. — 4° Enfin la conduite même de certaines na- 

V. - 25 



771 



PROSTITUTION 



772 



tions idolâtres est assimilée à la prostitution. Ainsi 
Tyr se prostitue à toutes les nations de la terre. 
Is., xxin, 17. Ninive est châtiée « à cause du grand 
nombre de prostitutions, de la prostituée pleine d'at- 
traits, de l'habile magicienne, qui vendait les nations 
par ses prostitutions et les peuples par ses enchante- 
ments. » Nah., m, 4. 

VII. Dans le monde gréco-romain. — De la Syrie et 
de la Phénicie, l'usage de la prostitution avait aisément 
passé en Asie-Mineure, en Grèce et en Italie. Dans l'île 
de Chypre régnait une immoralité analogue à celle de la 
Babylonie. Cf. Hérodote, i, 199. En Phrygie et en Bi- 
thynie, le culte de Cybèle comportait l'orgie et la pros- 
titution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, con- 
fondue avec Artémis par les Grecs. La déesse avait à 
Gomana un temple qui abritait six mille hiérodules, 
hommes et femmes. Analtis en comptait autant à 
Sarus, et Zeus trois mille à "Venasa. Cf. Dbllinger, 
Paganisme et Judaïsme, t. n, p. 169-173. En pays grec, 
les prostitutions sacrées n'étaient point en usage, si ce 
n'est peut-être à Corinthe et à Éryx, en Sicile. Cf. Jus- 
tin, xviii, 5; Strabon, vi, 2; Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, p. 445. Voir Corinthe, t. n, 
col. 975. Mais l'impudicité trouvait des excitations per- 
manentes dans les exemples des dieux, dans les fêtes 
célébrées en leur honneur et dans les mille facilités 
qu'une vie voluptueuse pouvait se ménager dans le 
monde antique et sous des climats qui la favorisaient. 
Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. m, p. 265- 
272; de Champagny, Les Césars, Paris, 1876, t. m, 
p. 303-306. A Rome, la prostitution avait pris, sous les 
premiers empereurs, un tel développement, que les 
courtisanes seules étaient considérées; pour attirer 
l'attention, les plus nobles matrones en venaient à se 
faire courtisanes, au point que Tibère même se crut 
ohligé de réprimer ce honteux désordre. Cf. Suétone., 
Tib., 35; Tacite, Annal., Il, 85; xiv, 16; xv, 37, etc. 
Des courtisanes syriennes, du plus bas étage, se ren- 
daient dans la capitale, où on les connaissait sous 
le nom A'ambubaiœ, «joueuses de flûte, » parce qu'elles 
attiraient l'attention à l'aide de cet instrument. Cf. Ho- 
race, Sat., 1, 2, 1 ; Suétone, Ner., 27; Pétrone, 
Sat., lxxvi, 13. — La Palestine ne fut pas à l'abri 
de la contagion. Le progrès de la prostitution y sui- 
vit l'introduction des mœurs grecques, mais en pre- 
nant les formes de la corruption asiatique. Par l'ordre 
d'Antiochus Épiphane, « le Temple fut rempli d'orgies 
et de débauches par des Gentils dissolus et des cour- 
tisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes 
dans les saints parvis. » II Mach., vi,4. Dans un autre 
passage, II Mach., iv, 12, il est dit, d'après la Vulgate, 
que Jason établit un gymnase et exposa les jeunes gens 
dans les lieux infâmes, in lupanaribus. Il y a dans le 
texte grec : \iith ■Kirxaoi ^-jev, « il les mena sous le 
chapeau », c'est-à-dire il les conduisit aux exercices 
de la palestre pour lesquels on se coiffait du néTano;, 
chapeau à larges bords. Voir t. n, col. 829. 

VIII. A l'époque évangélique. — 1» Il est plusieurs 
fois question de prostituées dans l'Évangile. C'est avec 
elles que le fils prodigue dissipa son bien. Luc, xv,30. 
La femme qui se présenta chez Simon le pharisien, 
et qui était Marie-Madeleine, est qualifiée de « péche- 
resse dans la ville », àuapTWÀô;, peccatrix. Luc, vil, 
37, 39. Ce terme adouci désigne une femme de mœurs 
légères. Les Juifs talmudistes ont bâti tout un roman 
sur son compte, pour diffamer, à son occasion, la mère 
du Sauveur. Voir t. IV, col. 808, 810. Les courtisanes, 
Ttôpvoti, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du 
royaume dé Dieu, si elles font pénitence. Il en est qui 
ont cru à la prédication de Jean.-Baptiste et ont fait 
pénitence. Elles précèdent, irpoctyoucrt, les prêtres et les 
anciens dans le royaume de Dieu, c'est-à-dire qu'elles y 
entrent plus rapidement et plus sûrement que les 



orgueilleux du sanhédrin. Mattb., xxi, 31, 32. Le Sau- 
veur en donne l'assurance à Marie-Madeleine, Luc,vn T 
50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient 
entendu les exhortations du précurseur. — Dans une 
discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche 
de ne pas faire les œuvres d'Abraham, dont ils se pré- 
tendent les fils, mais de faire les œuvres d'un autre 
père, c'est-à-dire de montrer par leur conduite qu'ils 
descendent d'un autre père, le diable. Ils lui répondent : 
« Nous ne sommes pas nés de la prostitution, èx itop- 
vet'ac, ex fomicatione ; nous n'avons qu'un père, qui 
est Dieu. » Joa., vin, 41. Ils abandonnent la paternité 
d'Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont 
compris l'allusion et ont été piqués au vif. 

2° Au cours de leurs prédications évangéliques, les 
Apôtres eurent à réprimer la prostitution, qu'ils ren- 
contrèrent à chaque pas sur leur chemin. Par leur 
décret de Jérusalem, ils proscrivent rigoureusement ce 
qu'ils appellent iîopv£Lct, fornicatio. Act., xv, 20, 29; 
xxi, 25. Le mot grec désigne toute liaison en dehors du 
mariage, non seulement quand elle est passagère, mais 
encore et surtout quand le vice devient une profession 
comme dans la prostitution. On sait que, pour les 
païens, c'était là une chose qui parfois revêtait un 
caractère religieux et qui, en tous cas, demeurait indif- 
férente et licite. Cf. Térence, Adelph., I, 2, 21; Cicé- 
ron, Pro Cœlio, 20; Horace, Sat., I, 2, 31, etc. Quel- 
ques auteurs pensent que le mot rcopves'a désigne les 
unions contractées dans des conditions de consangui- 
nité ou d'affinité prohibées par le Lévitique, xvni, 7- 
18. Ces unions sont indiquées par l'expression gallôt 
'érvdh, « découvrir la nudité », qui se retrouve Sanhé- 
drin, 56 b, pour formuler un précepte noachite, anté- 
rieur au Lévitique. Il est difficile d'admettre que les 
Apôtres n'aient eu en vue que des unions prohibées 
par une législation dont les Gentils ne pouvaient avoir 
connaissance. Ils doivent donc viser bien plutôt la for- 
nication en général, telle que les idolâtres la prati- 
quaient sans grand scrupule. Cf. Knabenbauer, Acius 
Apost., Paris, 1899, p. 266-267; Coppieters, Le décret 
des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 48. Pour 
la simple prohibition de certains mariages, cf. Cor- 
ne! y, Prior Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121; 
Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 76. — 
Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si déplorables 
exemples, saint Paul rappelle que les membres du. 
chrétien sont les membres du Christ, que son corps- 
est le temple du Saint-Esprit, et qu'il y aurait crime 
et honte à faire de ces membres ceux d'une prostituée,, 
et de ce corps un même corps avec le sien. I Cor., vi, 
1519. Seront d'ailleurs exclus du royaume de Dieu r 
entre autres criminels, r.ôpvot, fornicarii, les fornica- 
teurs; [(.otyoi, adulteri, les adultères; podaxof, molles, 
les mous, les efféminés qui servent à la débauche d'ins- 
truments passifs; àpjrevoxoîxat, masculorum concu- 
bitores, ceux qui se livrent au vice contre nature 
châtié àSodome; El8w7.o),aTpa!, idolis servientes, ceux 
qui rendent un culte aux idoles, particulièrement sous 
forme de prostitution sacrée, telle qu'on la pratiquait 
dans le temple d'Aphrodite à Corinthe. I Cor., vi, 9 f 
10. Tous les excès qu'entraîne la prostitution sont 
ainsi stigmatisés. Mais les séductions du mal étaient 
terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux 
chrétiens se laissaient entraîner. En leur écrivant un& 
seconde fois, l'Apôtre craint d'avoir à pleurer sur ceux 
qui n'ont pas fait pénitence après avoir succombé à 
l'ix«6apcjîa, immunditia, l'impureté en général, la 
itopvet'a, fornicatio, la prostitution, et râcj£),yeta, impu- 
dicitia, la dissolution des mœurs dans ce qu'elle a d& 
plus grossier. II Cor., xii, 21. Aux Thessaloniciens, 
dont la ville était un lieu de plaisir et de dépravation, 
cf. Lucien, Asin., 46, saint Paul rappelle l'obligation, 
de fuir la prostitution et ses conséquences. 1 Thess., IV, 



773 PROSTITUTION — PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 774 



3. A Timothée, évêque de cette ville d'Éphèse dans 
laquelle le culte de Diane attirait les courtisanes et les 
débauchés, il ordonne de condamner, au nom de 
l'Évangile, les icôpvot et les àpusvoxoîtai, ceux qui 
vivent dans la prostitution et les vices contre nature. 

I Tim., i, 10. Aux Éphésiens eux-mêmes, il recommande 
de ne plus se conduire comme les païens, qui, « ayant 
perdu tout sens, se sont livrés aux désordres, à toute 
espèce d'impureté, avec une ardeur insatiable.» Eph., IV, 
17-19. Cf. I Pet., iv, 3. 

3° Enfin, dans l'Apocalypse, n, 14, 20-21, saint Jean 
signale la prostitution à Pergame et à Thyatire. Il 
décrit la ruine de la cité du mal, de Babylone, tîjç 
ttipvf,? ttjç y.i~(i\rj<;, meretricis magna, « la grande 
prostituée, qui a abreuvé les nations du vin de sa 
furieuse impudicité. » Apoc, xiv, 8; xvn, 1, 2, 4; 
xvin, 3, 9; six, 2. Il annonce le châtiment qui est ré- 
servé aux impudiques, la seconde mort. Apoc, xxi, 8. 

II exclut à jamais de la cité bienheureuse les chiens et 
les débauchés, en compagnie des idolâtres, par consé- 
quent tous ceux qui vivent dans les hontes de la pros- 
titution et des vices qu'abritent les temples des faux 
dieux. Apoc, xxn, 15. H. Lesêtre. 

PROTÉVANGILE (premier évangile), nom donné 
1° à la première prophétie messianique, Gen.,'m, 15, 
annonçant que le Sauveur futur, de la race de la femme, 
écrasera la tête du serpent tentateur (voir Marie 2, 
t. IV, col. 778); 2° à un Évangile primitif supposé 
par divers critiques pour rendre compte des ressem- 
blances des Évangiles synoptiques (voir Évangiles, 
t. m, col. 2094); 3° à un Évangile apocryphe dit 
de saint Jacques. Voir Évangiles apocryphes, t. Il, 
col. 2115. 

PROTOCANONIQUES (LIVRES), livres de l'É- 
criture dont l'autorité n'a été l'objet d'aucune contesta- 
tion. Voir Canon, t. n, col. 137. 

PROUE (grec : itptipa; Vulgate : prora), avant d'un 
navire. Voir Navire, t. iv, col. 1513. Quand le navire 
qui portait saint Paul fut poussé par la tempête 
vers Ftle de Malte, les marins, craignant d'être portés 
sur les récifs au milieu de la nuit, jetèrent quatre ancres 
de la poupe, afin d'arrêter la marche du navire. Puis, 
pour échapper eux-mêmes au danger, ils mirent une 
chaloupe à flot du côté de la proue, sous prétexte d'y 
jeter une autre ancre. C'est de ce côté, en effet, qu'ils 
comptaient trouver un rivage. Quand le jour fut venu, 
on coupa les amarres des ancres et on échoua le navire 
sur une plage. La proue s'enfonça dans le sable et 
y resta fixée, tandis que la poupe se disloquait 
sous la violence des vagues. Act., xxvn, 29, 30, 41. 
C'est à la proue qu'on sculptait les figures symboliques 
qui servaient d'enseigne au navire. Voir Castors, t. n, 
col. 342. H. Lesètre. 

PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE. 

Leur histoire n'est connue exactement que depuis peu 
de temps seulement. Leurs manuscrits ont été long- 
temps confondus avec ceux des traductions bibliques 
faites dans le dialecte des vallées vaudoises. Cf. Ri- 
chard Simon, Nouvelles observations sur le texte et 
les versions du Nouveau Testament, II e partie, c. n, 
in-4°, Paris, 1695, p. 141-142 ; J. Le Long, Bibliotheca 
sacra, in-f», Paris, 1723, t. i, p. 368-369. Ed. Reuss 
a distingué le premier les versions albigeoises ou ca- 
thares en provençal des traductions vaudoises. Frag- 
mentslitléraires et critiques relatifs à l'histoire de la 
Bible française, dans la Revue de théologie de Stras- 
bourg, 1852, t. v, p. 321-349; 1853, t. vi, p. 65-96. 
Depuis lors, on a découvert et étudié des manuscrits 
nouveaux; on a confronté les textes, et de cette compa- 



raison Samuel Berger et Paul Meyer ont tiré des 
conclusions scientifiques, que nous exposerons 
brièvement. 

1° La plus ancienne traduction provençale a été re- 
trouvée dans un manuscrit unique du xit e siècle, conser- 
vé à Londres au British Muséum, Harleian 2928, 
fol. 187 v». 11 comprend cinq chapitres de l'Évangile de 
saint Jean, xm, 1-xvn, 26, dont le texte provençal est 
précédé de cette rubrique latine : Incipit sermoDomi- 
ni nostri Jhesu Christi quem fecit in cena sua quan- 
du pedes lavit discipulissuis. Il a été copié à Limoges, 
peut-être à l'abbaye Saint-Martial. Le texte est un 
morceau liturgique et on n'a pas de raison de penser 
qu'il ait fait partie d'une version plus étendue. Il est 
de la même époque que le manuscrit, par conséquent 
du xn e siècle. Il a été publié par Fr. Michel, par 
C. Hofmann, Gelehrte Anzeigen der kônigl. bayer. 
Akademie der Wissenschaften, juillet 1858, par Paul 
Meyer, Recueil d'anciens textes bas-latins, provençaux 
etfrançais, Paris, 1874, t. I,p. 32-39, etparK. Bartsch, 
Chrestomathie provençale, 4 e édit., Elberfeld, 1880, 
col. 9-18. 

2° Environ cent ans plus tard, au xm e siècle, on 
fit une version provençale de tout le Nouveau Testa- 
ment. Elle existe dans un seul manuscrit d'une écri- 
ture méridionale paraissant de la fin du xm e siècle 
(1250-1280), à la bibliothèque du Palais des arts à 
Lyon, n»36. Il a été apporté de Nimes à Lyon en 1815, 
et donné à la ville de Lyon par J.-J. Trélis. Le texte 
présente deux lacunes notables, provenant de la perte 
de quelques feuillets : les passages, Luc, xxi, 38-xxiil, 
13; Rom., vu, 8 6-Vm, 28, manquent. La version pro- 
vençale est suivie d'un rituel qu'Edouard Cunitz a 
reconnu le premier pour le rituel cathare ou albigeois, 
contenant la liturgie du consolament : Ein katharisches 
Ritual, dans les Beitrâge fur den theol. Wissenschaf- 
ten, Iéna, 1852, t. îv, p. 1-88. Il a été réédité par M. Léon 
Clédat avec le Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1888 
(le texte en a été transcrit en caractères ordinaires et 
traduit en français dans l'Introduction, p. ix-xxvi), et 
spécialement : Vieux provençal. I. Rituel provençal, 
manuscrit 36 de la bibliothèque municipale du palait 
Saint-Pierre, à Lyon, in-8°, Lyon, 1890. Les citations 
du Nouveau Testament de ce rituel appartiennent à la 
version provençale, dont le texte précède, quoiqu'elles 
n'en -soient pas extraites textuellement. Ed. Reuss, 
loc. cit., avait péremptoirement démontré, par la com- 
paraison avec les textes vaudois, que cette version 
n'avait rien de vaudois, et qu'elle avait été la traduction 
officielle des cathares ou albigeois. Samuel Berger, Les 
Bibles provençales et vaudoises, dans la Romania, Pa- 
ris, 1889, t. xviii, p. 354 sq., a constaté que la version 
provençale du manuscrit de Lyon avait été faite sur 
un texte latin de la Vulgate tout à fait caractéristique 
et usité dans le Languedoc pendant la première moitié 
d"u xm e siècle. Cf. son Histoire de la Vulgate pendant 
les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 72- 
82. Elle y correspond de tous points pour le fond 
(aussi bien que les corrections marginales) et lui res- 
semble même dans ses formes extérieures, et en par- 
ticulier pour la division en chapitres. Bien plus, 
comme un certain nombre de passages, tant du début 
de la plupart des livres que de quelques endroits du 
texte, sont restés en lalin sans traduction, il faut en 
conclure que le copiste transcrivait la version proven- 
çale interlinéaire d'un manuscrit latin glosé. Non 
seulement il a copié parfois, par inadvertance sans 
doute, le texte latin, mais l'ordre dès mots vulgaires 
est presque exactement celui du texte original. Cette 
copie semble avoir été prise directement sur le manus- 
crit latin glosé, car, si elle n'est pas un manuscrit 
d'auteur, elle n'est pas très éloignée du manuscrit de 
l'auteur. M. Paul Meyer, dans la Romania, loc. cit., 



775 



PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



776 



p. 423-426, par une étude comparée de la langue de 
cette version, a déterminé la région à laquelle appar- 
tenaient l'auteur et !e copiste du manuscrit. Toutes les 
particularités linguistiques se retrouvent à l'époque 
indiquée, dans les documents qui proviennent du pays 
correspondant au département actuel de l'Aude et 
même, pour plus de précision, à la partie orientale de 
ce département. Des fac-similés du manuscrit ont été 
reproduits par W. S. Gilly, The romaunt Version of 
the Gospel according to St. John, Londres, 1848, 
p. lvii; par Reuss, loc. cil.; dans le Recueil des fac-si- 
milés à l'usage de l'École des chartes, pi. 129. "W.Foers- 
ter a édité l'Évangile selon saint Jean, dans la Revue 
des langues romanes, 2 e série, 1878, t. v, p. 105 sq. 
M. Léon Çlédat a publié une reproduction photolitho- 
graphique du manuscrit entier : Le Nouveau Testa- 
ment traduit au xni* siècle en langue provençale, 
dans la Bibliothèque de la faculté des lettres de Lyon, 
Paris, 1888, t. iv. Cette version provençale a exercé, 
nous le verrons, une grande influence, directement ou 
par ses dérivés, sur les versions vaudoises, catalanes et 
italiennes du NouveauTestament.- 

3° Un autre état de cette traduction provençale du 
Nouveau Testament a été conservé dans le manuscrit 
français 2425 qui provient de Peiresc. Il est malheureu- 
sement mutilé en plusieurs endroits, et l'Évangile de 
saint Matthieu est perdu tout entier. L'écriture est de 
la première moitié du xiv e siècle. D'autre part, le texte 
lui-même est abrégé. Il a été écourté soit pour éviter 
des répétitions, soit par recherche de la brièveté. Au 
lieu de donner la traduction complète du texte, l'auteur 
n'en fait souvent qu'un résumé; parfois Cependant, il 
a ajouté quelques mots de paraphrase. La version est 
donc plutôt libre que littérale, et en beaucoup d'en- 
droits, elle est très négligée. D'ailleurs, la copie est 
souvent défectueuse. Or, elle ressemble en bien des 
points à celle du manuscrit de Lyon. La division en 
chapitres est en grande partie identique à celle de ce 
manuscrit. Le texte lui-même est si ressemblant que 
vraisemblablement on ne se trouve pas en présence de 
deux traductions différentes; les contresens sont les 
mêmes. Les divergences se ramènent à peu près à une 
traduction plus littérale de quelques mots; la diversité 
de l'ordre des mots et de la disposition des phrases 
provient de ce que la version interlinéaire du manuscrit 
de Lyon suit l'ordre du texte latin, tandis que celle du 
manuscrit de Paris à remis les phrases sur ses pieds. 
La communauté d'origine admise, le manuscrit de Lyon 
représenterait la première édition; celui de Paris en 
serait le redressement, et le texte provençal primitif 
aurait simplement été transcrit dans un langage plus 
moderne et, au jugement du transcripteur, plus con- 
forme au latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit., 
cette transcription a été faite dans le dialecte de la 
Provence, et plus probablement du sud ou du sud-est 
de cette province. Au point de vue doctrinal, cette vei-- 
sion est neutre, comme la précédente. La copie semble 
avoir été faite pour l'usage d'un catholique, qui y 
lisait les évangiles et les épltres des dimanches et des 
fêtes. Un grand nombre d'index, dus à plusieurs 
mains et qui paraissent remonter au xv« siècle, in- 
diquent en quelles mains ce manuscrit a passé. Ils at- 
tirent l'attention sur des textes de morale et sur des 
passages qui ont un rapport direct avec l'enseignement 
spécial des Vaudois, et ils semblent être le résumé de 
la prédication d'un « barde » et le témoignage de sa 
carrière errante et persécutée. S. Berger, ïbid., 
p. 365-371. 

Le texte de l'Évangile de saint Jean a été publié en 
entier par Gilly, The romaunt Version of the Gospel 
according to St. John, Londres, 1848, et par J. Wollen- 
berg, L'Évangile selon saint Jean en vieux provençal 
(Programme du Collège royal français de Berlin), 1868. 



P. Meyer a reproduit Joa., xm, dans Recueil d'anciens 
textes bas-latins, provençaux et français, Paris, 1874, 
t. i, p. 32-39. 1. Wollenberg avait publié déjà l'Épître 
aux Èphésiens, dans VArchiv fur das Studium der 
neueren Sprachen, 1862, t. xxxvm, p. 75 sq., et Karl 
Bartsch en a extrait Éph., i, 1-23, pour l'insérer dans 
sa Chreslomathie provençale, 4 e édit., Elberfeld, 1888, 
col. 331-332. 

Ces textes provençaux du Nouveau Testament ont 
exercé une influence notable sur les versions vau- 
doises, qui ont avec eux un grand nombre de points 
communs. Les divergences ne permettent pas d'ad 
mettre la communauté d'origine ; mais la dépendance 
de celles-ci relativement à ceux-là est certaine. S. Ber- 
ger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont influé aussi, comme les 
versions vaudoises elles-mêmes, sur la première traduc- 
tion italienne des Épitres de saint Paul, des Épîtres catho- 
liques et de l'Apocalypse. S. Berger, La Bible italienne 
au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiv, p. 45, 
47, 50. Voir Italiennes (Versions), t. m, col. 1020-1021. 
Ils ont même influé sur une Bible allemande, repré- 
sentée par les manuscrits de Tepl et de Freiberg 
(xiv e siècle) et par dix-huit édilions imprimées. Son 
texte se rattache surtout au manuscrit de Lyon; mais 
certaines de ses leçons ne se retrouvent que dans le 
manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. Il 
faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous 
les yeux un original intermédiaire entre les différentes 
versions. Voir la bibliographie du sujet, citée t. i, 
col. 376, et les articles de la Revue historique, janvier 
1886, t. xxx, p. 167; septembre 1886, t. xxxn, p. 184, 
et 1891, t. xlv, p. 148 (les deux premiers ont été repro- 
duits avec additions dans le Bulletin de la Société 
d'histoire vaudoise, n° 3, décembre 1887). 

4° Une version toute nouvelle ^du Nouveau Testa- 
ment a été découverte plus récemment encore dans 
deux manuscrits. Le premier, qui n'en contient qu'un 
fragment, a été trouvé par M. Mireur, archiviste du 
Var, dans les archives de Puget, où il servait de cou- 
verture à un registre de comptes. C'est un débris 
de deux feuillets, dont l'écriture est du milieu du 
xiv« siècle environ. Le texte reproduit est Matth., 
xxvm, 8-Marc, i, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet 
précédent se sont imprimées à l'envers sur le suivant 
et ont fourni Matth., xxvi, 1-4, 17-21. M. P. Meyer a 
édité ce texte et l'a étudié. Fragment d'une version 
provençale inconnue du Nouveau, Testament, dans la 
Romania, t. xvm, p. 430-438. Cette version est bien 
plus libre d'allures que la précédente; elle ne suit pas 
littéralement le texte latin, et elle vise à être claire et 
intelligible pour tous, parfois même en forçant un peu 
le sens. Tous les mots et toutes les locutions sont de 
bonne langue populaire, et on ne trouve pas de termes 
latins passés en provençal. La traduction ne paraît pas 
notablement plus ancienne que le manuscrit; elle serait 
donc de la première moitié du xrv e siècle. Les règles 
de l'ancienne déclinaison sont tombées en désuétude, 
et elles ne semblent pas être des corrections du copiste. 
La langue appartient à la partie méridionale de la 
Provence, en sorte que la version est du même pays 
que le manuscrit qui la contient. 

Samuel Berger a étudié plus tard un manuscrit nou- 
veau, qui reproduit la plus grande partie des Évangiles, 
à la suite d'un « livre de Genèse », dont il sera parlé 
plus loin. C'est le manuscrit français 6261 de la Biblio- 
thèque nationale de Paris. Écrit au xv e siècle, il a 
appartenu à Jean de Chastel, évoque de Carcassonne 
(f 1475), et au célèbre Tristan l'Ermite. Chaque Évan- 
gile est précédé de son argument, La division en para- 
graphes, à peu près semblable à celle des manuscrits 
de la version précédente, semble indiquer que la tra- 
duction est antérieure, sinon au milieu, du moins à la 
fin du xiu e siècle. Le texte latin, sur lequel elle a été 



777 



PROVENÇALES (VERSIONS) — PROVERBES (LIVRE DES) 



778 



faite, n'a presque rien du texte languedocien; c'est, à 
peu de chose près, celui qui a été en usage dans toute 
la France depuis le ix« siècle jusqu'au milieu du XIII e . 
La version est libre, souvent abrégée, parfois paraphra- 
sée ou accompagnée de gloses. Elle est, à certains en- 
droits, la même que celle du fragment du Puget. 
L'origine commune, au moins partielle, des deux textes 
est évidente. Le fragment est plus ancien et plus 
rapproché, à certains égards, de l'original. Cette tra- 
duction a certainement été en partie l'original de la 
plus ancienne des versions catalanes des Évangiles, 
qui se trouve dans le manuscrit de Peiresc, Bibliothèque 
nationale, fonds espagnol, 2-4, du xv« siècle. Voir t. il, 
col. 346. Il y a ressemblance en certains passages, et 
identité en beaucoup d'autres. Certains indices pour- 
raient faire croire que cette version provençale est 
d'origine cathare. Elle parle des « bons hommes » et 
des « parfaits ». Moins littérale que la précédente, elle 
est bien supérieure au point de vue du goût, et elle est 
faite pour le peuple. Certains contresens, dont quel- 
ques-uns sont peut-être le fait des copistes, nous 
apprennent comment l'auteur entendait l'original. Le 
texte n'en a pas encore été publié. S. Berger, Nouvelles 
recherches sur les Bibles provençales et catalanes, 
dans la Romania, 1890, t. xix, p. 535-548. La traduction 
toscane des Évangiles, du xnp siècle, a été faite, à cer- 
tains endroits, sons l'influence d'un te-tte pïoveuçal, 
parent de celui qui avait été traduit en catalan, mais 
plus ancien et plus rapproché de la source commune 
de tous les textes provençaux. S. Berger, La Bible ita- 
lienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxm, 
p. 30-32. 

5» Le « livre de Genèse », que contient le manus- 
crit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes, 
qui complète l'histoire sainte par des légendes évangé- 
liques. 11 paraît être du xiv a siècle. Il est conservé 
aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque de Sainte- 
Geneviève à Paris, Af 4, fol. 79, du xiv 8 siècle. 
M. Bartsch. l'a reproduit, Chrestomathie provençale, 
¥ édit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a été 
traduit en catalan. La version catalane, conservée dans 
les manuscrits : Bibliothèque nationale de Paris, esp. 46, 
du xv ! siècle; Barcelone, daté de 1451, a été publiée 
par M, V. Amer, Genesi de Scripturn, Barcelone, 
1873. Le même livre a été traduit en béarnais. V. Les- 
pey et P.Raymond, Récits aVhist. sainte, 2 vol., Pau, 
1876, 1877. 

6» Les livres historiques de l'Ancien Testament ont 
enfin été traduits en provençal au xv e siècle. Le texte 
en a été conservé dans un seul manuscrit du xv" siècle, 
à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds français 2426. 
Aux feuillets 152 et 366, il y a une signature qui pourrait 
bien être celle du copiste et qu'on peut lire « Johannes 
Convel » ou « Conveli ». Quelques parties en ont été 
éditées par M. J. Wollenberg, dans VArchiv fur das 
Studium der neueren Sprachen, à savoir: l'histoire de 
Susanne. 1860, t. xxvm, p. 85-88; Eslher, 1861, t. xxx, 
p. 159-169; Tobie, 1862, t. xxxu, p. 337-352. Elle a été 
pour une partie traduite littéralement sur une Bible 
historiale française, dont il existe trois manuscrits 
plus ou moins complets : Bibliothèque de l'Arsenal à 
Paris, manuscrit 5211, du milieudu XIII e siècle ; Biblio- 
thèque nationale, nouvellesacquisitionsfrançaises,1404, 
de la seconde moitié du xm 8 siècle; fonds français 
6447, copié entre le xm e et le xiv« siècle. Voir t. ir, 
col. 2353-2354. Cette version a les caractères de son 
original français, qui est une compilation et une œuvre 
mêlée due à plusieurs traducteurs. S. Berger, Nou- 
velles recherches, etc., p. 548-557. Elle a été faite peut- 
être pour servir de complément au Nouveau Testament 
provençal. 

La littérature provençale n'a jamais produit une 
BiWe complète. "E. SUè^gïkot. 



PROVERBES < LIVRE DES), un des livres sa- 
pientiaux de l'Ancien Testament. 

I. Titres du livre. — Ce livre a pour titre dans la 
Bible hébraïque les premiers mots du texte Mislê 
Se.lômôh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages 
juifs plus récents, il est assez souvent désigné par le 
seul mot Mislê; dans le Talmud également on le trouve 
aussi mentionné sous le titre de séfér hokmdh, « livre 
de la sagesse », Tosephot in Baba balhra, 14. — Dans 
les Septante il est intitulé llapoifu'at ou ITapoiiuai 
Sa>w(x.iovToç. — La Vulgate, au titre, de Liber Provsr- 
biorum, ajoute : gueni Hebraei Misle appellant. — 
L'antiquité chrétienne indique assez souvent les cita- 
tions empruntées à ce livre par ces seuls mots : Sala- 
mon a dit; cependant on le rencontre encore désigné, 
explicitement ou implicitement par le terme de Eoift'i 
ou Soçfot Sa)>ù)|j.MVToç, Sapientia Salomonis, S. Justin, 
Adv. Tryph., 129, t. vi, col. 771; Méliton de Sardes, 
cité dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397; Clé- 
ment d'Alexandrie, Psedag., n, 2, t. vm, col. 421; Ori- 
gène, In Gen., hom. xiv, t. xn, col. 237; S. Cyprien, 
l'estim. adv. Jud., m, 56, t. iv, col. 761; r| mxvâpsToc 
ao?U, S. Clément, 1 Cor., lvii, 3, édit. Gebhart et Har- 
nack, 1876, p. 94. Eusèbe nous apprend que cette épi- 
thète était en usage parmi les auteurs ecclésiastiques du 
II e siècle, H. E., iv, 36, t. xx, col. 397. — Dans la litur- 
gie, l'Église le désigne, ainsi que les autres livres sapien- 
tiaux, sous le titre général de « Livre de la Sagesse ». 

H. Pla.ce du livre dans la. Bible. — Le livre des 
Proverbes, dans la Bible hébraïque, fait partie des 
Hagiographes, et, par suite, il se trouve placé après la 
Loi et les Prophètes, le plus ordinairement à la suite 
des Psaumes et de Job; dans la Vulgate comme dans les 
Septante, il est placé à la suite de Job et des Psaumes. 

III. Canonicité du livre. — Le livre des Proverbes 
fait partie des protocanoniques ; il a toujours été con- 
sidéré comme livre canonique par les Juifs et par 
l'Église chrétienne. Dans les écrits du Nouveau Tes- 
tament, les passages de ce livre qui y sont cités 
sont rapportés avec les formules ordinairement em- 
ployées pour les citations scripturaires. Dans l'Épitre 
aux Romains, xu, 19-20, une citation des Proverbes, 
xxv, 21-22, est jointe à une autre du Deutéro- 
nome, xxxu, 25, et toutes les deux sont introduites 
avec la formule « car il est écrit ». Voir aussi II Cor., 
vjii, 21, et Prov., ni, 4; Heb., xn, 5-6, et Prov., m, 11- 
12; Jac, iv, 6; I Pet. v, 5, et Prov., ni, 34; I Pet., iv, 
18, et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxn, 
8 (Septante); Héb., xn, 13, et Prov., iv, 26 (Septante). 
Quelques anciens rabbins juifs soulevèrent des diffi- 
cultés relativement à la canonicité des Proverbes, mais 
ils visaient l'usage public du livre et non pas son auto- 
rité religieuse. Elles consistèrent principalement dans 
les contradictions que l'on pensait trouver entre ces 
deux passages, xxvi, 4, et xxvi, 5, ainsi que dans les 
descriptions de vu, 7-20, jugées inconvenantes comme 
trop réalistes et trop suggestives; celte question fut en- 
core soulevée au synode de Jamnia (vers 100 après 
J.-C). Une distinction mit fin à la première difficulté 
en rapportant xxvi, 4, aux choses de la terre et xxvi, 5, 
aux choses religieuses. Quant aux descriptions du 
chap. vu, elles furent interprétées d'une manière allé- 
gorique. Après cette date, aucun doute n'est plus signalé 
sur ce livre dans le milieu juif. — Parmi les chrétiens, 
le second concile général de Constantinople (553), 
Labbe, Conc, t. v, col. 451, condamna la doctrine 
de Théodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est 
vrai, que Salomon était l'auteur de ce livre, fait en 
vue de l'utilité d'aulrui, mais prétendait qu'il l'avait 
composé de lui-même, parce que pour ce travail 
il n'avait pas été favorisé, disait-il, des dons de pro- 
phétie. — Dans les temps modernes, cette attaque 
fut reprise par le juif B. Spinoza. Tractatus theologico- 



779 



PROVERBES (LIVRE DES) 



780 



polit., il, et par ,1. le Clerc, Sentiments de quelques 
théologiens de Hollande sur l'histoire critique du 
V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne 
pouvaient comprendre que « le Saint-Esprit eût inspiré 
des choses aussi simples que celles qu'on rencontre 
en plusieurs passages de ce livre et que des paysans 
sans instruction apprennent et connaissent sans le 
secours d'aucune révélation. » Raisonnement absolu- 
ment faux, parce qu'il confond la révélation et l'ins- 
piration et donne comme critère- de l'inspiration d'un 
livre son contenu, et qui, s'il était poussé logique- 
ment, aboutirait, comme le remarquait justement 
R. Simon, Réponse aux sentiments de quelques théo- 
logiens de Hollande, c. xm, Rotterdam, 1686, p. 138, 
à la négation de l'inspiration d'un bon nombre d'autres 
livres de la Bible. 

IV. Le sens du mot Proverbes. — Màsâl, dont 
Proverbe est la traduction, vient de la racine Vtfo, 

- T 

qui répond à l'idée de comparaison, de similitude, 
d'où parabole, sentence. Kautasch, dans The sacred 
Books of the Uld Testant. : The Book of Proverbs, 
i, 6, p. Ï52, préfère, pour fixer ce sens, recourir à un 
rapprochement avec l'assyrien mislu, qui veut dire 

« moitié », confirmé par l'arabe jfJ— ao, dont la signi- 
fication revient à ceci : « brisé en deux » ou « divisé 
par le milieu ». Pour lui, l'idée première de mâsâl ne 
serait donc point celle de similitude, au moins d'une 
façon directe, mais impliquerait immédiatement l'idée 
de stiques poétiques, c'est-à-dire de membres paral- 
lèles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot 
mâsâl est traduit ainsi : c< proverbe parabole, se dit 
de sentences disposées en parallélisme. » On peut dire, 
en général, que mâiâl signifie tout d'abord similitude, 
comparaison, et ensuite, similitude exprimée sous forme 
de parallélisme, avec diverses nuances de sens. En 
dehors du livre des Proverbes où il est employé 6 fois 
i, 1, 6; x, 1; xxv, 1: xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois 
dans l'Ancien Testament. 11 signifie : dicton populaire, 
I Sam., xxiv, 14; Ezech., XII, 22; oracles prophétiques 
fde Balaam), Num., xxm etxxiv; énigmes, Eiech., xxi, 
5f xxiv, 3; chant où domine l'ironie, Is., xiv, 4; 
Mich., H, 4; objet de risée, Deut., xxvm, 37; II Par,, vu, 
20, mais on peut retrouver dans ces diverses accep- 
tions une signification commune : celle d'une compo- 
sition littéraire plus ou moins longue, en langage figu- 
ré et suivant le rythme poétique, basée sur un rappro- 
chement ou une comparaison. Mais il y a encore une 
autre acception du mot màsâl qui le rapproche du 
mot yvm|jly) des Grecs, celle de maximes, de sentences, 
exprimées sous la forme poétique et ayant une portée 
morale, et c'est le sens qui convient à ce mot dans le 
livre des Proverbes. 

V. Objet du livre des Proverbes. — Ce recueil est, 
avant tout, le livre de la Sagesse, et on a vu comment 
les Pères lui ont donné ce titre. Cette désignation 
convient excellemment au contenu de ce livre, car, 
dans tout son ensemble, c'est la Sagesse qu'on y entend, 
soit que, personnifiée, elle instruise directement elle- 
même, soit qu'elle communique aux hommes ses 
enseignements par « les sages », ses représentants. 

Mais ce livre n'est point une œuvre abstraite, un re- 
cueil de considérations Ihéologiques sur la sagesse, 
c'est un livre pratique et l'enseignement qui y est 
donné, les préceptes et les leçons qu'on y trouve, pré- 
sentés par la Sagesse ou en son nom, convergent tous 
vers un même but et donnent ainsi sa véritable unité 
à ce recueil de sentences : rendre meilleur l'homme qui 
suivra ces conseils en le rendant participant de la sa- 
gesse. L'objet du livre des Proverbes, c'est donc, ainsi 
que l'exprime le prologue du livre I, 1-6, l'enseigne- 
ment donné par la sagesse pour rendre l'homme sage. 

Qu'est-ce donc que la sagesse? qu'est-ce qu'un sage? 



Dans la Bible, le nom de sage sert à désigner diverses 
catégories de personnages, mais si variées que puissent 
être les conditions sociales dans lesquelles ils sont 
placés, ou la nationalité à laquelle ils appartiennent, une 
idée commune se retrouve toujours dans cette appella- 
tion; celle d'une science plus parfaite. C'est ainsi 
que dans l'Exode Dieu déclare avoir rempli de sagesse, 
d'intelligence et de savoir Béséléelet Ooliab pour qu'ils 
puissent exécuter ses prescriptions relativement à la 
construction du Tabernacle. Exod., xxxi, 3-6; xxxv, 31, 
34. Hiram, à l'habilité de qui Salomon fait appel lors de 
la construction du Temple, est mentionné lui aussi 
comme « rempli de sagesse, d' intelligence et de savoir 
pour faire toutes sortes d'ouvrages d'airain. » I Reg., 
vu, 14. Au témoignage de Jérémie, xliv, 7, et d'Abdias, 
8, les Edomites étaient réputés pour leur sagesse, et, 
quand il s'agira de faire ressortir l'excellence de la sa- 
gesse de Salomon, l'historien sacré dira qu'il « élait 
plus sage... qu'Élhan l'Ezrahite, qu'Héman, Chalcol et 
Dorda, les fils deMahol. » I Reg., iv, 30-31. Et la sagesse 
de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclamée 
dans le jugement qu'il rend entre les deux mères qui 
viennent le consulter, I Reg., ni, 28, que lorsqu'il ré- 
pond aux questions de la reine de Saba et résout ses 
difficultés, I Reg., x, 3; 6, ou qu'il prononce de nom- 
breuses maximes. I Reg., iv, 32, 34. 

Si l'on examine maintenant les diverses acceptions 
du mot hokmdh, ordinairement traduit par Sagesse, 
on verra qu'une large part y est faite au côté intellec- 
tuel et qu'il implique une science plus parfaite en 
celui qui possède celte sagesse. Et cette connaissance 
supérieure n'est point restreinte dans son objet, elle 
est toujours susceptible de perfection, elle comprend 
tout aussi bien les choses divines que les choses hu- 
maines et elle embrasse les vérités pratiques et mo- 
rales tout autant que les vérités spéculatives. Si elle 
comprend la connaissance de la nature et des choses 
de la nature, elle comprend également la science de la 
pratique de la vie, et à ce titre elle est, a-t-on pu dire, le 
principe du savoir vivre comme du savoir faire dans 
l'homme qui la possède. Autant qu'elle se trouve en 
l'homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie, 
consiste donc dans la science de Dieu, de l'univers 
et dé la vie, 

Mais cette sagesse ou cette science éminente que 
l'on peut rencontrer dans l'homme et qui le rend 
supérieur à celui qui ne la possède point, ne vient pas 
de lui, il la reçoit de l'extérieur, et, en dernière ana- 
lyse de Dieu même en qui elle réside essentiellement, 
mais qui peut en communiquer quelque chose aux 
hommes, en sorte que ceux qui la posséderont seront 
des bénéficiaires d'un don divin. 

Si l'on se sert de ces réflexions pour apprécier les 
maximes que renferme le recueil des Proverbes, on 
peut reconnaître que ce livre constitue un manuel 
théorique et pratique de conduite morale, il a pour but 
d'amener celui qui en suit les enseignements à une 
science plus parfaite et au perfectionnement de sa 
propre vie, ce qui constituera sa véritable sagesse. 

Les Pères entendaient ainsi le but et l'objet de ce 
livre quand, avec saint Basile, ils définissaient la sa- 
gesse de ce recueil « une science des choses divines et 
humaines..., non pas tant spéculatives que pratiques, 
de nature à conduire l'homme à la pratique de toutes 
les vertus et par là-même le mettre en mesure d'attein- 
dre au bonheur parfait. » In princip. Proverb., 
hom. xn, 3, t. xxxi, col. 389. 

A plusieurs reprises, surtout dans les premiers cha- 
pitres, ceux à qui s'adresse la Sagesse sont désignés 
par le nom de « fils », mais on se tromperait sur la 
portée de ce terme si on ne voulait y voir que l'indica- 
tion d'un âge peu avancé, il désigne, avant tout ; ceux 
qui désirent mener une vie meilleure et ne font que 



781 



PROVERBES (LIVRE DES) 



782 



commencer. La sagesse prend à leur égard l'attitude 
du maître qui instruit et forme un disciple. 

VI. Divisions du livre des Proverbes.— Il renferme 
8 sections : — 1°, i, l-ix, 18. Une série de discours 
moraux qui paraissent destinés à servir d'introduction 
aux Proverbes proprement dits et qui ont pour titre : 
Parabolx Salomonis, Proverbes de Salomon, i, .1. — 
2° x, 1-xxti, 16. Une grande collection de sentences 
portant le même titre que les maximes de la section 
précédente : ParaboUe Salomonis, x, 1. Ce titre man- 
que dans les Septante. — 3° xxn, 17-xxiv, 22. Un 
recueil de pensées qui sont données comme « paroles 
des sages », xxn, 17. — 4° xxiv, 23-34. Quelques pensées 
également attribuées à des sages, xxiv, 23. — 5° xxv, 
1-xxix, 27. Nouvelle collection'de proverbes 'attribués à 
Salomon, mais réunis seulement au temps d'Ézéchias, 
xxv, 1. — 6° xxx. Recueil de maximes intitulé : Pa- 
roles d'Agur, xxxi,l. — 7 »xxxi, 1-9. Quelques réflexions 
de la mère du roi Lamuel, xxxi, 1. — 8° xxxi, 10-31. 
Poème alphabétique, sans titre, contenant le portrait 
de la femme forte, 

VII. Origine des différentes parties du livre. — 
Sept de ces sections portent donc le nom de person- 
nages déterminés : Trois sont attribuées à Salomon : 
1, 2, 5; deux le sont à des auteurs autres que Salomon 
et dont les noms sont indiqués : 6, 7; deux à des au- 
teurs désignés seulement par le titre de « sages », 3,4. 
On peut donc distinguer deux groupements dansle livre 
des Proverbes : les sections attribuées à Salomon et 
celles qui ne portent pas son nom. Cette distinction est 
aujourd'hui généralement admise. 

/. ORIGINE SAWMONIENNE DES PREMIÈRE, DEUXIÈME 

et cinquième sections. — Il s'agit ici de l'origine des 
trois principales sections du livre, celles qui renferment 
le nom de Salomon dans leurs titres respectifs i, 1; x, 
i ; xxv, 1. — 1» Preuves. — Les auteurs anciens et la 
plupart des auteurs modernes catholiques reconnaît 
dans ces sections une œuvre vraiment salomonienne. 
M. Vigoureux, Manuel biblique, t. n, 12 e édit., 1906, 
p. 482; Cornely, Introd. specialis, t. u, Paris, 1887, 
p. 143 sq.; Card. Meignan, Salomon, Paris, 1890, 
p. 328. La thèse est ainsi exposée : Salomon a composé 
un très grand nombre de maximes gnomiques, toutes 
ne nous sont pas parvenues, mais il en existe au 
moins deux recueils qui furent faits à deux reprises 
différentes. A ces sentences ainsi choisies on a ajouté 
des maximes provenant de divers auteurs, et de l'en- 
semble est résulté le livre des Proverbes que nous 
possédons. 

La preuve principale de l'origine salomonienne des 
trois grandes sections du livre repose sur la tradition 
qui lès attribue à Salomon. Les Pères et les auteurs 
ecclésiastiques, héritiers en cela des docteurs juifs, sont 
unanimes à reconnaître ce livre comme une œuvre 
vraiment salomonienne. Leur témoignage s'appuie sur 
les titres de ces trois sections, titres qui sont très an- 
ciens et antérieurs aux Septante. Il est vrai que la ver- 
sion grecque et la Peschitto n'ont point de titre, au 
début de la deuxième section, x, 1, mais quelle que soit 
l'explication de cette omission, on peut dire que le 
titre I, 1, devait, sans doute, servir à désigner tout le 
contenu i, 1-xxn, 16. Et même le titre général, 1, 1-6, 
ne peut avoir toute sa portée que s'il désigne les sen- 
tences de la deuxième section tout autant que les 
exhortations morales de la première. — Le troisième 
livre des Rois, iv, 29-32, nous apprend expressément 
que Salomon, doué par Dieu d'une sagesse particulière, 
« prononça trois mille maximes. » Le terme hébreu 
traduit par maximes est précisément ce mot niâsâl 
que l'on retrouve dans les titres du livre des Proverbes, 
i, 1; x, 1; xxv, 1. 

L'histoire de Salomon nous atteste encore que le 
règne de ce prince fut, dans son ensemble, une période 



de tranquillité, durant laquelle la civilisation pénétra 
de plus en plus dans la société Israélite, entraînant 
avec elle l'abondance des richesses, la puissance, le 
luxe et de nombreux abus. Elle nous permet de suppo- 
ser à cette époque, sinon dans toutes lesvilles.au moins 
à Jérusalem, par suite des exemples de Salomon et de 
sa cour, un cadre de vie sociale analogue à celui que 
supposent certaines descriptions des chap. l-ix. On pour- 
rait même signaler quelques rapprochements assez 
significatifs; c'est ainsi, par exemple, que l'abondance 
de parfums et d'aromates, que les tapis d'Egypte, que 
les lointains voyages, qui sont mentionnés, vu, 16-19, 
s'accorderaient bien avec ce que nous savons du luxe 
et du commerce d'Israël à l'époque de Salomon. 
III Reg., ix, 26-28; x, 2, 10, 14-15, 25. 

2» Objections contre l'authenticité des Proverbes. — 
L'authenticité salomonienne des sections 1, 2, 5, n'est 
pas admise par tous les auteurs modernes. Pour beau- 
coup de critiques, le livre des Proverbes n'est qu'une 
compilation de petites collections de sentences qui 
ont existé d'abord indépendantes les unes des autres, 
car elles sont et d'époques et d'auteurs différents. 
Plusieurs des sections du livre actuel renfermeraient 
même des sous-sections, aux caractères particuliers 
assez accentués pour qu'on pût considérer les sections 
actuelles comme étant elles-mêmes des résultantes de 
collections moins étendues: notamment x-xv et xvi-xxn, 
16, dans la 2 a section, et xxv-xxvu et xxvin-xxix, dans 
la 5 e section. Les caractéristiques de ces sous-sections 
se reconnaîtraient en particulier : aux répétitions de 
proverbes identiques, à l'emploi presque exclusifde tel 
genre de parallélismes, à la préférence pour certaines 
idées et à la manière de les apprécier. Toy, Pro- 
verbs, dans The internat, critical Comment., 1899, 
p. xix sq. 

Des dates sont proposées par ces auteurs, soit pour 
la composition, soit pour la compilation de ces sections 
et l'on peut constater une progression constante depuis 
une vingtaine d'années dans l'abaissement de ces dates 
par rapport à l'histoire d'Israël. Les critiques les plus 
récents ne recherchent même plus s'il y a des maxi- 
mes qui peuvent être de Salomon, mais ils voient 
uniquement en lui l'initiateur du genre gnomique 
en Israëlcomme David l'avait été de la poésie lyrique. 
Frz. Delitzsch, Bas Salom. Spruchbuch, 1873, p. 25, 
n'hésitait que pour les chap. i-ix qu'il plaçait à l'époque 
de Josaphat; Cheyne, Job and Solomon, 1883, p. 183, 
affirme qu'on ne peut reconnaître l'authenticité sa- 
lomonienne du livre, mais qu'il y a des proverbes 
remontaut au ix c siècle. Loisy, Les Proverbes de Salo- 
mon, 1889, p. 32, reconnaît que des sentences de Salo- 
mon avaient pu être conservées par la tradition orale, 
chez les sages; et que la partie du recueil qui paraissait 
la plus ancienne et qui reproduisait sans doute le plus 
exactement le fond et la forme des pensées authentiques 
de Salomon était la collection faite à l'époque d'Ezé- 
chias ; pour Bicfeelî, Krit. Bearbeilung der Proverbien, 
1891, la partie la plus ancienne du livre consiste dans 
la collection faite au temps d'Ézéchias; laquelle ne de- 
vait comprendre que xxv, 11-xxvn, 22; les discours sur 
la sagesse, i-ix, pourraient remonter au temps de Jé- 
rémie ; Driver, Introduction to the Literat.of the Old 
Test., I e édit., 1898, p. 407, considère comme histori- 
que la donnée de Prov. , xxv, 1 , et y voit la preuve qu'au 
temps d'Ézéchias les Proverbes qui suivent ce titre 
étaient regardés comme anciens; il ne conclut pas 
cependant à l'authenticité salomonienne de toute la 
section, mais seulement à l'existence certaine d'un 
noyau de proverbes salomoniens dans la 5 e comme dans 
la 3 e section, sans qu'on puisse en déterminer exacte- 
ment l'étendue; i-ix serait de peu antérieur à l'exil. 
Nowack, Kurzgef. exegetisches Handbuch, 1883, et 
Kuenen, Histor.-crit. onderzoek, 1865, partagent à peu 



783 



PROVERBES (LIVRE DES) 



784- 



près le même sentiment et placent la composition de ce 
livre avant l'exil, à partir du vm e siècle, sauf peut-être 
en ce qui. concerne les chap. xxx-xxxi; mais pour 
Reuss, Philos, mor. et relig. des Héb.,i81S, p. 151 sq,, 
on ne peut savoir ce qu'il y a de Salomon dans le livre 
des Proverbes, dont la partie la plus ancienne est la 
collection faite au vin e siècle au temps d'Ézéchias. 

Avec les auteurs plus récents, les conclusions sont 
assez différentes; pour Wildeboer, Die Sprûche, dans 
Kurzer Hand-Commentar de Marti, 1897, adoptant 
les conclusions de Cornill, Einleitung, 2 e édit., tout 
le livre des Proverbes est post-exilien et nullement 
antérieur au IV e siècle ; pour Frankenberg, Die Sprûche, 
dans Se Hand-Commentar de Nowack, 1898, et pour 
Toy, op. cit., p. xxx, et art. Proverbs, dans VEncyc. 
Bibl., t. m, 1902, col. 3917, les deux grandes sections x- 
xxn, 16, et xxv-xxix, proviennent de milieux différents, 
mais ne sont pas antérieures au iv e siècle, la 1™ section 
i-ix, appartient au milieu du m» siècle. L. Gautier, 
Introduction à l'Ane. Test., Lausanne, 1906, t. n, 
p. 89-90, tout en admettant la possibilité d'une collection 
de Proverbes faite au temps d'Ézéchias, ne voit aucune 
preuve permettant d'affirmer qu'ils nous auraient été 
conservés; et bien que le style ne s'oppose pas à une 
composition du VI e siècle, il place au iv e la composition 
de notre livre des Proverbes. 

Certains auteurs ont même modifié leur propre sen- 
timent sur ce sujet : ainsi Nov/ack dans son Commen- 
taire, 1883, plaçait les Proverbes avant l'exil; dans l'art. 
Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142, 
tout le contenu du livre lui semble post-exilien; Cheyne 
dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissait que 
non seulement les grandes sections du livre étaient pré- 
exiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient 
raisonnablement pas être placés après l'exil, et dans 
Jewish religions Life after ihe Exile, 1898, p. 128, il dé- 
clare qu'une littérature de la sagesse a pu exister avant 
l'exil, mais qu'il est impossible de dire dans quelle 
mesure il y a relation entre cette ancienne littérature 
plus ou moins hypothétique, et les œuvres des sages 
post-exiliens conservées dans nos livres sapientiaux 
actuels; Kuenen, dans la l re édit., 1865, de son Histor.- 
crit. Onderzoek, soutenait la composition pré-exilienne 
du livre des Proverbes; dans la 2« édit., 1893, § 97, 
note 15, il prétend que placer à l'époque contempo- 
raine des prophètes l'ensemble des idées morales 
religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait 
un véritable anachronisme. 

Quant à l'usage du nom de Salomon il s'expliquerait 
par ce fait que de bonne heure on songea à utiliser la 
réputation de sagesse que la tradition lui avait con- 
servée, en plaçant sous son nom et en couvrant de son 
patronage des recueils de sentences provenant d'au- 
teurs dont le nom n'était point connu. Les meilleurs 
témoignages de la haute antiquité de cette réputation 
de Salomon se trouvent et dans le titre de xxv, 1, qui 
repose sur une base historique et dans la mention des 
Prov. comme œuvre de Salomon par l'auteur de l'Eccli., 
XLVH, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de 
cette réputation traditionnelle, ces critiques récusent, 
au point de vue historique, la valeur des titres salo- 
moniens i, 1; x, 1; xxv, 1, pour eux ils n'ont pas plus 
de valeur que les titres des Psaumes pour en détermi- 
ner les auteurs. Le témoignage du livre des Rois, même 
considéré comme document strictement historique et 
non comme l'expression d'un sentiment traditionnel, 
n'autoriserait pas à conclure que les maximes con- 
tenues dans le livre des Proverbes sont une sélection 
des 3000 sentences dont il fait mention. Bien plus 
même la nature des sentences telle qu'elle est expliquée. 
III Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutôt 
que leur objet n'était pas le même que celui des sen- 
tences du livre des Proverbes. 



Les principaux arguments présentés par ces auteurs^ 
peuvent se résumer ainsi. Au point de vue religieux — 
c'est, à l'encontre de ce qui est constaté chez tous les 
auteurs pré-exiliens, l'absence de toute polémique- 
contre le polythéisme : le monothéisme est supposé 
admis par tous sans aucune difficulté; — c'est l'absence 
de cette préoccupation nationale dans l'emploi des 
expressions religieuses telle qu'on la constatait avant 
l'exil ; sans doute Dieu est bien encore désigné sous le 
vocable particulier (mn*) qui le caractérisait durant la 
période pré-exilienne, mais on ne rencontre jamais 
l'expression si fréquente chez les prophètes, de « Dieu- 
d'Israël », Toy. Proverbs, p. xxi, et de toute allusion à- 
la tendance des Israélites à se porter vers leurs sanc- 
tuaires les plus vénérés comme le leur reprochaient 
souvent les prophètes; — c'est encore l'élévation de 
pensée sur la divinité, en particulier sur la sagesse 
divine (vin) qui suppose, dit-on, un milieu religieux 
plus cultivé que n'était Israël avant la captivité (milieu 
grec) Toy, Proverbs, p. xxn; Cheyne, op. cit.; (milieu, 
persan) Kuenen, op. cit., Baudissin, Die allt. 
Sprïtch., 1893; enfin ce sont des réminiscences du 
Deutéronome qui ne permettent pas de reporter les 
maximes qui les renferment à une date antérieure 
à la réforme de Josias. 

Au point de vue social, les Proverbes supposent cons- 
tamment des habitudes et un état de choses qui n'exis- 
tèrent pas en Israël avant la captivité ou même avant 
le début de la période grecque; — dans la famille, la< 
monogamie comme règle générale et la place impor- 
tante occupée par la femme; par exemple : x, l;xv, 20;. 
xix, 14, et surtout xxxl, 10-21 ; — dans les habitudes 
sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite), 
spécialement mentionnés dans i-ix. Toy, art. Pro- 
verbs {Book), dans Encyc. Bibl., t. ni, col. 391â;. 
Nowack, dans Hastings, Dict. of the Bible, art. Pro- 
verbs, t. iv, p. 141. 

Enfin, au point de vue littéraire, la plupart des 
auteurs cités pensent que ce recueil ne saurait appar- 
tenir aux grandes époques de la littérature hébraïque. 

Toutes ces raisons sont loin d'être décisives et ne 
constituent pas des preuves péremptoires de la date 
relativement récente de ce livre, surtout de sa date 
post-exilienne. 

Il est à remarquer que tous ne récusent pas indis- 
tinctement la valeur des titres salomoniens, notam- 
ment xxv, 1. Si Baudissin, op. cit., p. 11, déclare que 
la mention de « roi de Juda » dans ce titre est une 
preuve qu'il fut écrit alors que depuis longtemps il n'y 
avait plus de roi de Juda, par contre Driver, op. cit.,. 
p. 407, soutient qu'il n'y a pas lieu de mettre en ques- 
tion la valeur de cette donnée, de même Loisy, qui, 
(op. cit., p. 32 et dans le compte rendu du Commentaire 
de Toy, Rev. d'Bist. et de Litt. relig., 1900, p. 384), 
déclare « qu'il n'est pas démontré que la mention des 
hommes « d'Ézéchias », Prov., xxv, 1, comme auteurs 
de cette seconde collection, n'ait aucune valeur tradi>- 
tionnelle ». 

Comparer les Proverbes avec les écrits prophétiques- 
au point de vue religieux et s'appuyer sur l'absence de 
polémique contre le polythéisme dans les Proverbes 
pour en fixer la date tardive, c'est méconnaître l'objet 
complètement différent de ces divers écrits' et la diffé- 
rence d'action et de ministère pour les prophètes et 
pour les sages. 

La prédication comme les écrits des prophètes- 
devaient prémunir les Israélites contre leur tendance 
naturelle à matérialiser les données de l'enseignement 
religieux et prévenir Je danger d'aboutir à un syn- 
crétisme religieux sous l'influence des civilisations- 
étrangères; les Proverbes s'adressaient aux Israélites- 
fidèles au monothéisme, et leur enseignaient la meil- 
leure manière de vivre une vie moralement bonne. 



785 



PROVERBES (LIVRE DES) 



786'. 



On peut cependant établir des rapprochements 
entre les données des écrits prophétiques et les Pro- 
verbes : l'élévation de la pensée religieuse de ceux-ci, 
dit-on, dépasse de beaucoup le milieu religieux ordi- 
naire antérieur à l'exil, mais n'y a-t-il pas certains 
passages bien authentiques d'Amos, d'Osée, d'Isaïe qui 
dépassent, et notablement, les données religieuses de 
nombreux passages de l'Ecclésiastique, ou de certains 
psaumes sûrement post-exiliens ? Et précisément en ce 
qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapproche- 
ment de date avec l'Ecclésiastique n'est peut-être pas 
aussi favorable qu'ils le veulent bien prétendre aux 
conclusions de ceux qui le soutiennent. La différence 
assez sensible qui sépare les données « sapientiales » 
des Proverbes de celles de l'Ecclésiastiquer réclame 
un laps de temps plus long qu'ils ne le reconnaissent 
et un milieu religieux sensiblement différent. Dans les 
Proverbes la Sagesse conserve son caractère universel 
et on ne la rencontre pas encore s'identifiant avec l'en- 
seignement et la pratique de la Loi, ainsi qu'on le 
constate dans Eccii., xxiv. Loisy, Les Proverbes de 
Salomon, p. 27. 

L'absence de toute préoccupation rituelle dans l'en- 
semble des conseils de la Sagesse destiné à faire l'édu- 
cation d'un juste, telle qu'on la constate dans le livre 
des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication 
sérieuse d'ancienneté pour ce livre, spécialement pour 
des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cul- 
tuelles sont particulièrement indicatrices de 1 ,'poque 
post-exilienne et que le culte du second Temple a eu 
une nécessaire répercussion sur toute la littérature bi- 
. blique du V e et du IV e siècle. 

Nowack, dans Dict. of tlte Bible, art. Proverbs, 
t. IV, p. 142, signale un certain nombre d'exemples pour 
montrer dans les Proverbes et dans les écrits prophé- 
tiques le même ton dans la louange de l'humilité et les 
avertissements contre l'orgueil (Prov., xi, 2 ; xiv, 29; xv, 1, 
4, 18, etc.; Is., Il, 11; Ain., vi,8; Ose., vu, 11); le même 
cœur pour dénoncer la conduite de ceux qui oppriment 
le pauvre et pour insister sur la sollicitude à laquelle 
celui-ci a droit, Prov., xiv, 31 ; xvtr, 5; xvm, 23, et Ara., 
iv, 1 ; Ose., v, 10, et l'on ne voit pas qu'il y ait cet ana- 
chronisme dont parlait Kuenen, op. cit., §97, note 15. 

Plusieurs descriptions des chap. l-ix semblent bien 
supposer dans le milieu social qu'elles visent, ces raffi- 
nements de luxe dont la civilisation grecque a fourni de 
nombreux exemples, mais, indépendamment que cette 
remarque n'atteindrait en définitive que les neuf pre- 
miers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu'elle 
ne s'impose pas nécessairement, car on peut trouver 
des situations sociales analogues, en Israël, dans la 
période pré-exilienne : par exemple, dans les reproches 
que les prophètes du ïlli" siècle adressaient aux femmes 
de leur temps; les prophètes du Nord (Amos et Osée) 
à celles de Samarie; Isaïe à celles de Jérusalem ; com- 
parer en particulier Is., m, 16-23, et Prov., vit, 11 sq., 
et ne pourrait-on pas encore alléguer à ces auteurs 
Gen., xxvm? 

La loi, il est vrai, permettait l'usage de la polygamie, 
mais on y trouvait surtout une grande facilité pour la 
répudiation de l'épouse, et en fait, en dehors des rois 
et des grands, la monogamie était pratiquée parle plus 
grand nombre des familles israélites, bien des siècles 
avant la fin de l'ère juive. Loisy, Les Proverbes de 
Salomon, p. 26. 

Les réminiscences du Deutéronome constatées dans 
les Proverbes, ainsi que la portée sociale de quelques 
sentences, comme xxn, 28, peuvent tout particulière- 
ment être alléguées contre ceux qui veulent placer 
après l'exil la composition de tous les Proverbes. 

Quant au vocabulaire du livre, il est assez difficile 
de s'en servir comme d'un argument bien rigoureux 
pour fixer la date de sa composition, et en fait, la plu- 



part des auteurs le reconnaissent et. par suite ne s'en* 
servent que comme d'un argument purement négatif. 
Cela est particulièrement vrai des deux grandes sec- 
tions 2 et 5. 

//. PARTIES DU LIVRE NON ATTRIBUÉES A SALOMON.. 

— Troisième section, xxn, 17-xxiv, 22. — L'introduc- 
tion, xxii, 17-21, commence par ces mots : Prête 
l'oreille et écoute les paroles des sages, que la Vulgate 
a traduits littéralement de l'hébreu. Les Septante pré- 
sentent une variante : Ao'yoïç aoyGrt izxpàêxhke. oov 
où; xai axoye èfxbv ).ôfov. Bickell, Carmina Vet. Test. r 
p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, complètent le premier 
stique hébreu avec i\ù>v ).ôyov des Septante en suppléant 
le mot'mDxb. Que cette correction soit admise ou non, 
cette section doit être considérée comme distincte de 
celle qui la précède; plusieurs raisons motivent cette 
conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont 
habituellement des maximes plus développées, 4 vers et 
même plus; — l'autorité dans le ton, il est exhortatif 
et prohibitif, le 'al hébreu prohibitif (correspondant à 
la particule, ne des Latins) se rencontre 17 fois dans 
ce petit recueil alors qu'on ne le trouve que 2 fois dans 
les 12 chapitres précédents ; — la détermination du dis- 
ciple, l'auteur s'y occupe de l'éducation d'un disciple en 
particulier, de là la fréquence de l'expression « mon 
fils », 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section, 
et une fois seulement dans la précédente (xix, 27) ; — 
la nature des maximes, très pratiques sur quelques 
sujets bien déterminés. — Le mot « sages » (xxn, 16) 
peut donc marquer une distinction d'auteur entre la 
2 a et la 3 e section, ce qui est confirmé par l'énoncé 
du titre de la 4 e section : « cela aussi vient des sages, » 
car cette remarque ne peut se justifier que si les= 
auteurs de la 3 e comme de la 4 e section sont distincts 
de celui à qui la 2* section a été attribuée. Il faut noter 
cependant que des auteurs comme Oornely, op. cit., 
p. 147-148, ne trouvent point de raisons suffisantes 
pour rejeter l'origine salomonienne de la 3 e section, 
comme de la 4 e . 

Quatrième section, xxiv, 23, 34. — L'hébreu, xxiv, 
23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient 
des sages. » Le b, l, placé devant le mot hâkâmîm, 
« sages, » étant interprété dans ce passage comme le b 
auctoris, fréquemment employé en ce sens dans les 
titres des Psaumes. Les anciennes versions n'ont pas 
ainsi compris ce passage : les Septante : taura 5s Xéyto 
ûjjitv toîç (rojpotç; la Peschitlo et le Targum traduisent 
de même; la Vulgate seulement, Hsec quoque sapien- 
libus; si l'on adoptait ce sens, il faudrait conclure que 
ce passage ne renferme aucune indication d'auteur, 
qu'il désigne seulement un enseignement destiné à 
ceux qui aspirent à la sagessse. Cf. Cornely, Introdu- 
clio specialis, t. n, 2" part., p. 118. Cette interprétation 
n'est pas motivée et paraît peu vraisemblable, car « ce 
ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce 
genre. » M. Vigouroux, Man. bibl.,t. n, p. 490. 

Quels furent ces sages à qui le contenu de la troi- 
sième et de la quatrième section est attribué, à quelle- 
époque ont-ils vécu et dans quel milieu se sont-ils 
trouvés? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut 
répondre d'une façon satisfaisante. 

Pour expliquer le fait de répétitions assez nombreuses- 
entre plusieurs passages de ces deux petits recueils et 
les deux grandes sections 1 et 2, surtout la première,, 
par exemple, xxn, 26, et vi, etc. ; xxiv, 1, et m, 31, 
tout particulièrement la description du paresseux, xxiv, 
33-34, et vi, ÎO-M. M. Lesêtre, Le livre des Proverbes, 
1879, préf., p. 21, conclut que ces auteurs ont dû s'ins- 
pirer de Salomon ou puiser à une source commune. 

Sixième section, xxx. — Le titre hébreu porte : 
« Paroles d'Agur, fils de Yâqéh. »Il est suivi du mot 
Kii/nn, ham-masàâ', susceptible de diverses interpréta- 
tions : on peut le traduire par l'oracle ou le discours,. 



787 



PROVERBES (LIVRE DES) 



788 



mais il peut être aussi considéré comme un nom de 
lieu : de Massa' ou le Massaïte. C'est le sens le plus 
ordinairement adopté par les auteurs modernes. 
Frankenberg, Die Sprûche, 1898 ; L. Gautier, op. cit., 
p. 95; Cornely, op. cit., p. 148. La Peschito et le Targum 
ont conservé exactement les noms propres. Les Sep- 
tante ne les ont pas reconnus et ont traduit ce passage : 
« Mon fils, crains mes paroles, et en les recevant, fais 
pénitence. » Saint Jérôme, influencé peut-être par les 
explications de quelques rabbins, y a trouvé des noms 
symboliques de David et de Salomon. Agur (celui qui 
assemble) serait à considérer comme un qualificatif 
personnel désignant Salomon rassemblant le peuple 
pour l'instruire, ïdqéh (celui qui répand) serait une 
allusion à David faisant connaître ou répandant la vé- 
rité, de là : Verba Congregantis, filii Vomentis. Voir 
Agur, t. j, col. 288-289. Agur et Yâqéh doivent être 
pris comme noms propres, ce sentiment communément 
admis par les auteurs modernes, était déjà soutenu 
par D. Calmet, Préf. des Prov., Bossuet, Proverbes, 
préf., Cornélius a Lapide, Comm. in loc. ; R. Bayne, 
qui s'exprimait ainsi : Nam quuni nomen viri et 
nomen patris ponantur, scripturam nobis hominem 
aliquem insinuare voluisse credendum est, ut omitlam 
vehementer duram esse metaphoram vocari Satomo- 
nem filium Vomentis. Comm., Paris, 1555, in loc. 
Si à l'époque où ce chapitre fut ajouté au recueil des 
Proverbes, il avait été considéré comme salomonien 
on l'aurait placé, sans titre, à la suite d'une collection 
attribuée explicitement à Salomon. 

Septième section, xxxr, 1-9. — Le texte hébreu, 
porte : « Paroles du roi Lamuel, sentence ou oracle 
(ici le mot niaèsa' semble plutôt se rattacher à ce qui 
suit et a an sens plus précis et plus certain que dans 
xxx, 1), dont l'instruisit sa mère. Ainsi saint Jérôme 
dans la Vulgate. — Les Septante (Oi k\Lo\ Xôfoi z\.prfna.<. 
vizb ©eoù : ces paroles de moi ont été dites par Dieu) 
n'ont pas vu qu'il s'agissait d'un nom propre. Un cer- 
tain nombre d'auteurs modernes voient cependant dans 
Maèsa' un nom de pays comme dans xxx, 1. Cornely, 
op. cit., p. 149. 

On ignore ce qu'était ce roi Lamuel. Un certain 
nombre d'interprètes catholiques ont vu dans ce nom 
un pseudonyme, M. Yigouroux, op. cit., p. 491; d'autres, 
un roi d'Israël, peut-être Ézéchias (Grotius), Salomon 
{card. Meignan, op. cit.); Lamuel (réservé à Dieu, consa- 
cré à Dieu), serait ainsi l'équivalent de yeduldh (Vul- 
gate : Amabilis Domino), nom donné à Salomon par 
Nathan. II Reg., xh, 25. Aucune des identifications pro- 
posées n'est justifiée d'une manière satisfaisante. 

Huitième section, xxxi, 10-31, la seule qui ne ren- 
ferme aucune indication comme titre ; les auteurs an- 
ciens l'attribuaient à Salomon, comme le reste du livre, 
mais la place qu'elle occupe à la fin du recueil, à la 
suite de deux sections dont les auteurs sont nommé- 
ment désignés semble s'opposer à cette attribution. — 
L'origine non salomonienne des sections 3, 4, 6, 7, 8, 
est admise par le plus grand nombre des auteurs mo- 
dernes. 

111. DATE DE LA FORME ACTUELLE DU LIVRE DES 

proverbes. — La date de composition des différentes 
sentences qui le constituent ne fixe pas, par là même, la 
date du livre des Proverbes dans l'état définitif dans 
lequel nous le possédons. Pour tous les auteurs, en 
effet, ce livre est le résultat d'un assemblage — sélec- 
tion ou collection. C'est un recueil qui a été formé de 
sentences qui existaient déjà avant d'être groupées en- 
semble. Mais tous ne s'accordent pas sur l'époque et les 
conditions dans lesquelles ce recueil a été formé, même 
ceux qui admettent l'origine salomonienne des Pro- 
verbes : pour les uns, le recueil actuel ne saurait être 
antérieur à l'exil, pour d'autres il remonterait au 
VIII e siècle. 



D. Calmet s'exprime ainsi : « De tout ce détail il 
paraît que les Proverbes, tels que nous les avons, sont 
une compilation des sentences ou autres ouvrages de 
Salomon, faites en divers temps et par différentes per- 
sonnes, et rassemblées en un corps par Esdras ou par 
ceux qui revirent les Livres sacrés après la captivité de 
Babylone et qui les mirent en l'état où nous les avons. » 
Et il ajoute qu'une des preuves les plus évidentes que 
ce livre est un assemblage fait par différentes per- 
sonnes, se trouve dans la répétition d'un assez grand 
nombre de versets, « ce qui ne serait pas arrivé si une 
seule personne eût travaillé à cette compilation. » 

Cornely, op. cit., p. 151-152, qui admet la date d'Ézé- 
chias pour la formation du recueil, i-xxix, hésite re- 
lativement à l'addition de xxx-xxxi qui complète le 
livre actuel des Proverbes, mais en tout cas il ne voit 
pas de raisons sérieuses pour l'attribuer à une date 
postérieure au temps d'Esdras. 

Mais le plus grand nombre parmi ces auteurs font 
remonter au vin" siècle la formation définitive de ce 
recueil. Les « hommes d'Ezéchias », xxv, 1, auraient 
trouvé déjà réunis les chap. i-xxiv, résultat d'une col- 
lection faite à la fin du règne de Salomon ou peu de 
temps après. Cornely, op. cit., p. 151 ; Vigouroux, op. 
cit., p. 485, etc. « Dans sa forme présente, le livre des 
Proverbes est du temps d'Ezéchias, » conclut M. Vigou- 
roux, faisant sienne l'affirmation de H. Reusch, Bible 
polyglotte, t. rv, 1903. p. 344. D'après le card. Meignan, 
Salomon, p. 329, le recueil officiel n'aurait d'abord con- 
tenu que ce que Salomon avait dicté ou écrit, puis au- 
tour de ce noyau se seraient successivement ajoutés 
d'autres proverbes salomoniens, « depuis Salomon jus- 
qu'au temps d'Ezéchias et peut-être au delà. » 

Pour la plupart des critiques contemporains, les re- 
cherches relatives à la fixation de la date du recueil 
définitif se trouvent circonscrites à un laps de temps 
relativement court par le fait de la date tardive qu'ils 
adoptent pour la composition même des sentences. Un 
point leur paraît définitivement acquis, c'est que la 
formation du livre tel que nous l'avons ne saurait re- 
monter à une période antérieure à la captivité. Cerlains, 
tout en reconnaissant que plusieurs des collections 
particulières qui composent le livre actuel ont pu être 
formées avant l'exil, ne penseut pas pouvoir admettre 
cette même date pour la formation définitive du recueil. 
Loisy, Les Proverbes, p. 32-33 ; Bickell, Wiener Zeit- 
schrift fur die Kunde des Morgenlandes, 1891 ; Driver, 
op. cit., p. 406. Kuenen, op. cit., 2« édit., § 97, p. 14-20. 
reconnaît que quelques proverbes peuvent être pré- 
exiliens, mais il prétend que toutes les collections sont 
post-exiliennes et que la rédaction de l'ensemble du 
livre est à placer entre 350-300. La question ne se pose 
même plus pour ceux qui ne reconnaissent qu'une 
origine post-exilienne à tous les proverbes (Wildeboer, 
Toy); pour ces derniers, le temps écoulé entre la com- 
position des sentences et la formation du recueil est 
même assez court; selon Wildeboer il faudrait placer 
au iv e et au m e siècle le travail de composition et de 
compilation. 

Entre ces auteurs les divergences sont particulière- 
ment accentuées en ce qui concerne la plus ou moins 
grande ancienneté des diverses collections particulières 
dont la réunion a formé le livre actuel des Proverbes. 
En 1862 Hooykas, Geschiedenis der beoefening van de 
Wijsheid onder de Hebreën, prétendait que la plus 
ancienne de ces collections correspondait aux chap. i-ix : 
par contre, les critiques contemporains sont à peu 
près unanimes à considérer cette même section comme 
la dernière en date pour la composition (notion plus 
parfaite de la sagesse et forme littéraire plus développée 
que dans le reste du livre) et pour la compilation géné- 
rale du recueil ; elle aurait été ajoutée aux deux grandes 
sections, 2 et 5, pour leur servir d'introduction. 



789 



PROVERBES (LIVRE DES) 



790 



Laquelle de ces deux dernières sections serait la plus 
ancienne? Les uns (Davidson, Loisy, Bickeli), utilisant 
la donnée chronologique de xxv, considèrent xxv-xxix 
comme le plus ancien recueil de proverbes; d'autres 
(Delitzsch,Ewald, Driver, Kautzsch), considérant plutôt 
la place respective de ces sections dans le recueil défi- 
nitif, regardent x-xxn, 16, comme la plus ancienne 
collection. Quelques-uns parmi les auteurs les plus ré- 
cents (Franckenberg, Nowack), tout en estimant qu'au 
point de vue des pensées, xxv-xxix (et spécialement xxv- 
xxvii), renferment les plus anciens proverbes, pensent 
néanmoins que comme compilation cette section serait 
postérieure à la 2 e (x-xxn, 16). 

Les proverbes qui constituent ces deux sections, pro- 
venant de milieux différents, auraient d'abord été réunis 
en deux groupements absolument distincts et auraient 
ainsi existé indépendamment l'un de l'autre vers le 
milieu du rv e siècle, tous les deux portant le même 
titre Proverbes de Salomon. Vers cette même époque 
(Nowack), ou vers la fin de ce même siècle (Toy), ils 
auraient été réunis ensemble, mais comme dès ce mo- 
ment le premier groupement (x-xxn, 16), était déjà 
pourvu des deux petites sections, xxn-17, xxiv, 22, et 
xxiv, 23-34, on ne toucha point à ces appendices et l'on 
ajouta xxv-xxix à la suite de xxrv, 34, en maintenant 
dans xxv, 1, le nom de Salomon comme il était déjà 
dans x, 1; et c'est ainsi que fut constituée la plus 
grande partie du livre x-xxix. 

Le recueil fut complété par les chap. i-ix, qui devaient 
servir d'introduction générale à tout l'ensemble formé 
par les précédentes collections, alors même qu'il n'au- 
rait pas été composé précisément dans ce but. La date 
de cette addition varie selon les auteurs car elle dépend 
de l'époque admise pour la composition même de cette 
section; en effet, ils admettent généralement que l'ad- 
dition suivit de près la composition, si même elle ne 
fut pas l'œuvre du même auteur. Davidson, Cornill, 
Wildeboer. La fixation de cette date dépend de l'in- 
fluence principale que l'on croit reconnaître dans ces 
pages : influence persane (Cheyne, Semit. studies,1891); 
influence grecque (Franckenberg, Wildeboer, Stade); 
ou seulement trace des créations haggadiques de la lit- 
térature rabbinique à la fin de l'ère persane (Baudissin). 
Selon Friedlsender, Griech, Phil. im ait. Test., 1904, 
p. 20, citant Clément d'Alexandrie, Strom., I, v, 
t. vin, col. 717, la femme étrangère (n, 16 sq.), dont le 
pieux Israélite doit si soigneusement se défier, serait la 
culture grecque, xrjv 'EXXsviiuiv «suSeiav, Et par suite, 
si le recueil est complet au début de la 2 e moitié du 
IV siècle pour Kautzsch, Kuenen; pour d'autres, Nowack, 
Franckenberg, Wildeboer, Toy, on ne trouvera point le 
recueil i-xxix avant la 2 e moitié du m« siècle. Enfin, 
avec certains de ces auteurs, Franckenberg, Toy, il faut 
descendre jusqu'au II e siècle pour trouver le livre actuel 
absolument complet avec l'addition de xxx-xxxi, c'est-à- 
dire à l'époque de Ben-Sira (200-180) et peu de temps 
avant la traduction grecque du livre des Proverbes. 

Ces assertions contradictoires et arbitraires ne peu- 
vent modifier le sentiment des auteurs catholiques qui 
soutiennent l'authenticité des sections salomoniennes, 
en s'appuyant sur les titres, Prov., i, 1; x, 1; xxv, 1, 
sur certaines descriptions de leur contenu et sur le 
témoignage de la tradition. 

VIII. Forme littéraire du livre des Proverbes. — 
I. rythme. — Par son contenu le livre des Proverbes 
appartient à la série des didactiques; par sa forme, aux 
livres poétiques. Les règles de la poésie hébraïque y 
sont constamment observées et se manifestent par un 
parallélisme très régulier. Les vers seraient uniformé- 
ment de sept syllabes d'après Bickeli, Carmina Veteris 
Teslctmenti metrice, p. 121; ils seraient de trois, quatre 
et très rarement de cinq accents, d'après le système dé 
Grimme, « et il faut s'attendre à voir changer le mètre 



à chaque sentence nouvelle. >> Mètres et Strophes, 
dans la Revue biblique, 1900, p. 405. Toy, Proverbs, 
p. ix-x, reconnaît également cette même mesure et 
désigne les stiques des Proverbes par l'appellation de 
binaire, ternaire ou quaternaire selon qu'ils comptent 
2, 3 ou 4 accents. Cf. N. Schlœgl, Études métriques et 
critiques sur le livre des Proverbes, c. I, dans la Revue 
biblique, 1900, p. 518-525. 

La strophe, sous différentes formes, se rencontre dans 
toutes les sections du livre, à l'exception de la 2 e , car 
elle n'est pas entièrement absente de la 5 e , bien que 
celle-ci renferme surtout des distiques. Toy, The Book 
of Prov., p. îx; Bickeli, Kritische Bearbeitung der 
Proverbien, dans la Wiener Zeitschr. fur die Kunde 
des Morgenlandes, 1891, où il établit l'existence de 
strophes de quatre vers chacune dans tous les poèmes de 
la première section. 

Toutes les pièces qui composent ce livre n'ont pas la 
même longueur, on trouve dans Frz. Delitzsch, Das Sa- 
lom. Spruchb., p. 7-17, le relevé des différentes formes 
de sentences constatées dans notre livre. La plus fré- 
quemment employée, c'est le simple distique, soit anti- 
thétique, x, 1, 20; xi, 1; xm, 24; soit synonymique, 
n, 3, 8, 11; soit synthétique, n, 13; xm, 14; soit para- 
bolique. Ce dernier renferme une comparaison, expri- 
mée ou sous-entendue par le simple rapprochement de 
l'énoncé de deux idées, empruntées à la connaissance 
de quelque phénomène naturel, x, 26; xxv, 14, ou à un 
incident de la vie quotidienne domestique ou sociale, 
xxv, 17, et qui sert à faire mieux ressortir la pensée 
morale que le sage veut apprendre à son disciple. C'est 
sous cette forme que se trouve pleinement réalisée la 
première notion du tndsàl. D'autres fois une même 
maxime dépasse les limites du simple distique et la pen- 
sée qu'elle renferme s'y trouve développée pendant 4, 
6, 8 vers et même davantage, m, 11-12 ; xxm, 19-21 ; vi, 
12-15; xxm, 29-35. 

A côté de celte catégorie de proverbes ainsi déve- 
loppés il convient de signaler soit des groupements de 
distiques ainsi placés parce que chacun d'eux renfer- 
mait une même expression ou avait trait à un même 
"objet, par exemple au roi, xvl, 12-15, soit des séries 
de vers à indication numérique. Dans ces derniers, 
l'auteur indique dès le premier distique la somme 
totale des sujets dont il va parler, mais le fait de telle 
sorte que le nombre répété dans le 2 a stique renferme 
une unité de plus que dans le 1 er , ainsi xxx, 21-22 : 

Trois choses troublent la terre 

Ei il en est quatre qu'elle ne peut supporter. 

Enfin on y rencontre un poème alphabétique très 
régulier. 

Toutes ces espèces de proverbes ne sont pas dispo- 
sées sur un plan uniforme et ne se rencontrent point 
également dans les diverses sections du livre : I re sec- 
tion, i îx. Dans l'ensemble, ce sont des discours mo- 
raux formant de petits poèmes plus ou moins développés, 
ni, 1-10; IV, 1-9;, vu, 6-23, ordinairement en strophes 
de 4 vers (Bickeli); les pensées détachées sont rares, 
ni, 29, 30. On y trouve un proverbe numérique (vi, 16- 
19) et l'usage du parallélisme synonymique y est à peu 
près exclusif. — II e section, x-xxu, 16; uniquement 
des distiques; dans x-xv presque exclusivement anti- 
thétiques, sans que cependant l'antithèse soit toujours 
aussi uniformément accentuée; dans xvi-xxii, 16, sur- 
tout synonymique et synthétique; peu d'antithèses, 
xvm, 23. — III e section, xx», 17-xxtv, 22; au début 
exhortation morale de 10 vers analogue à celles de la 
1" section; quelques distiques, mais surtout des tétras- 
tiques, plusieurs sentences de 5, 6, 7 et 8 stiques et 
même un petit poème de 16 stiques d'après Toy et 
Kautzsch, de 18 d'après Bickeli. Le texte massorétique 
compte 17 stiques : Toy et Kautzsch pensent qu'il y a un 



191 



PROVERBES (LIVRE DES) 



792 



stique^à retrancher, Bickell croit plutôt qu'il faudrait en 
ajouter un. Ordinairement parallélisme synonymique 
entre les stiques, parfois même entre Jes distiques d'un 
quatrain. — IV e section, xxiv, 23-34, la plus courte et 
la plus variée comme rythme: un distique, un tristique, 
un téfrastique, un décastique; sauf 2 exceptions, paral- 
lélisme synonymique. — V e section, xxv-xxix, au point 
de vue du rythme on peut la diviser en deux : — xxv- 
xxvii ; usage prédominant mais non pas exclusif du 
distique car on y trouve plusieurs tristiques et tétras- 
tiques, un pentasfique, un hexastique ainsi que 2 petits 
poèmes, l'un de 8, l'autre, de 10 stiques. Parallélisme 
parabolique et synthétique; les antithèses y sont très 
rares; — xxvin-xxix : emploi exclusif du distique et 
presque dans une égale proportion parallélisme anti- 
thétique et parabolique. — VI e section, xxx; quelques 
distiques isolés, mais ordinairement chaque sentence 
renferme plusieurs distiques; c'est dans cette partie du 
livre que se rencontrent (en dehors de vi, 16-19) les 
proverbes numériques dans lesquels on ne trouve point 
de parallélisme au point de vue de la pensée. En 
dehors de ces sentences, parallélisme synonymique. — 
VII e section, xxxi, 1-9. Elle renferme 3 sentences de 4, 
8, 4 vers : parallélisme synonymique. — VIII e section, 
xxxi, 10-31 : poème alphabétique de 22 distiques, paral- 
lélisme synonymique. 

//. style ET vocabulaire. — 1° Style. — Le caractère 
particulier du genre gnomique rend assez difficile la 
comparaison entre le style des Proverbes et celui des 
autres livres de l'Ancien Testament, la plus grande par- 
tie de ce recueil se composant de simples maximes dans 
lesquelles une pensée déjà bien concise est exprimée 
sous une forme elliptique dans un seul distique. Cepen- 
dant, la variété des comparaisons, le choix des images, 
la régularité de la forme rythmique, l'allure si vive de 
l'expression, la psychologie si pénétrante de certains 
tableaux, revêtent d'un cachet spécial les pages mêmes 
du livre où les pensées sont le moins étendues, et leur 
donnent un coloris tout particulier. Dans les proverbes 
plus développés, tout spécialement dans les exhor- 
tations de la I re section, comme aussi dans les portraits 
esquissés à travers les autres seclions, on trouve des 
passages dignes des plus beaux jours de la littérature 
hébraïque. 

2° Vocabulaire. — Il n'est point surprenant que ce re- 
cueil renferme, en outre des expressions plus spéciales 
aux livres sapientiaux, un certain nombre dé mots que 
l'on ne rencontre pas ailleurs dans la Bible hébraïque 
ou du moins que très rarement. La raison en est au su- 
jet lui-même et à cette forme de littérature qui demande 
une plus grande précision dans l'énoncé des pensées. 
On peut signaler quelques locutions qui ne se ren- 
contrent que dans ce livre ou bien s'y trouvent avec un 
sens particulier qu'elles n'ont pas ailleurs. 

Ne se trouvent que dans les Proverbes : rvjb, cou- 
ronne, i, 9, iv, 9. — n3N, hélas! ah! (que la Vulgate a 
traduit : Cujus patri vx? xxui, 29; — le verbe nn4, 
employé uniquement au Hithp. Dinnhnn, morceaux 
friands, xvm, 8 (le f. se retrouve identiquement répété 
xxvi, 22. — fD3 >Ttn, dans le sens de entrailles, pris 
au figuré, xvm, 8; xx, 27, 30 (xxvi, 22). — vb t>, assu- 
rément, xi, 21; xvi, 5. — 3-- >mrn, pommes d'or, xxv, 
11, 

Expressions rares rencontrées plus particulièrement 
dans les Proverbes : g»n yy, arbre de vie, 1 fois Gen., 
m, 24; et 4 fois Prov., m, 18; xi, 30; xm, 12; xv, 4- 

— rnp, ville, 1 fois, Job, xxix, 7; 4 fois dans Prov., 
vm, 3; IX, 3, 14; xi, 11 (Brown, Driver). — d>t;:, 
avec le sens de choses magnifiques, ne se rencontre 
que dans Prov. vm, 6. — niNSi, sartté, ne se rencontre 
que dans Prov. in, 8 et indique une forme aramaïsante- 

— 13, fils, xxxi, 2 (3 fois répété), est un mot araméen. 
Cependant les aramaïsmes sont rares et le livre ne ren- 



ferme point d'expression persane ou grecque. Toy, 
op. cit., p. xxxi. Driver, op. cit., p. 403-404, donne une 
liste des principales locutions particulières au livre des 
Proverbes, au moins pour la 2 e section. 

IX. Texte et versions du livre des Proverbes. — 
A) Texte. — Le texte hébreu de ce livre a subi quelques 
altérations par suite de la facilité qu'il y avait à chan- 
ger la suite des sentences en les transcrivant, à modi- 
fier une locution dans l'énoncé d'une maxime difficile 
à lire, le contexte ne pouvant pas, dans ces cas, servir 
à indiquer sûrement quelle était la vraie lecture du 
passage; le fait qu'il n'était point du nombre des 
Ketubim lus dans les synagogues eut peut-être aussi 
pour résultat de le faire traiter avec moins de soin que 
d'autres livres. Par contre, Toy, Proverbs, p. xxxi-xxxii, 
prétend que ce livre dut à cette situation de n'être 
point l'objet de retouches ou de modifications sous 
l'influence d'idées théologiques. 

Les altérations de ce texte peuvent être constatées par 
le contrôle des anciennes versions, par les moyens de 
critique que fournissent les règles poétiques et aussi, 
pour les plus notables transpositions, par les caractères 
particuliers de chaque section. C'est ainsi que plusieurs 
critiques voient une transposition dans la description 
du festin de la Sagesse, Prov., IX, 1-12 ; et rapportent les 
f. 7-10, à la 2» section x-xxn, 16. Bickell, Cdrnfina 
V. T. metrice, p. 129; Toy, op. cit., p. 192. 

Le texte actuel du livre, renferme également un cer- 
tain nombre de sentences répétées. Elles se présentent 
sous différentes formes, les unes sont absolument 
identiques dans V expression, vi, 10-"i\, et xxw, 3â-3i, 
d'autres comportent une légère modification sur un 
mot ou deux du mâsdl répété, xvi, 2, et xxi, 2, d'autres 
enfin sont identiques pour,la pensée et nullement dans 
les mots qui l'expriment, xi, 15, et xxn, 26. Les cas les 
plus difficiles à justifier sont ceux où il y a identité 
absolue dans les mots; et les critiques modernes se 
servent assez souvent de cette constatation pour con- 
clure à la pluralité d'auteurs et à une formation indé- 
pendante des différentes sections où on les rencontre ; 
ainsi entre autres Nowack, art. Proverbs, dans Dict. of 
the Bible, t. îv, p. 140; Cornill, Einleitung,\>. 225; Toy, 
op. cit., p. vu. Il importe cependant de remarquer qu'il 
y a des répétitions de distiques entièrement identiques 
dans une même section, xiv, 12, et xvi, 25; x, 1, et xv, 
20; xix, 5, et xix, 9. 

B) Versions. — 1° La plus ancienne des versions que 
nous possédons du livre des Proverbes est la version 
grecque des Septante; on la trouve dans les princi- 
paux manuscrits onciaux B, «, A (quelques fragments 
dans C) et dans de nombreux manuscrits cursifs. On 
admet communément que ce livre faisait partie des 
Hagiographes déjà traduits en grec et que l'auteur du 
prologue de l'Ecclésiastique désigne par les mots t« 
la:nk t&v fiioXiwv; cette traduction serait donc antérieure 
à 132 et aurait probablement été faite vers le milieu du 
II e siècle avant J.-C. Baumgartner, Etude critique sur 
l'état du texte du Livre des Proverbes, p. 8. Il est des 
auteurs cependant qui la placent vers la fin du n s siècle, 
Toy, Proverbs, p. xxxii; art. Proverbs, dans Encyc. 
Bibl., col. 3907. 

Cette traduction est plus libre que littérale et c'est 
l'idée du texte original qui a été exprimée plutôt que le 
mot n'a été exactement rendu. Frankenberg pense que 
le traducteur n'était point très familier avec la langue 
hébraïque et que d'ailleurs il n'aurait point été soucieux 
de l'exactitude littérale, parce qu'il n'entreprenait pas 
tant cette traduction pour l'usage de ses coreligionnaires 
que pour des païens instruits à qui il voulait faire 
connaître les enseignements moraux de la littérature 
gnomique d'Israël. Cette préoccupation et ce but expli- 
queraient la pureté relative du grec de cette version 
et certaines réminiscences classiques (également consta- 



793 



PROVERBES (LIVRE DES) 



794 



tées par Baumgartner), op. cil., p. 9. Indépendamment 
même de ces circonstances, il était à peu près impossible 
.au traducteur grec de rendre littéralement les mots d'un 
mâsâl dont l'expression portait si fortement accusée 
l'empreinte du cachet sémitique; et alors, tantôt un 
verbe, tantôt un qualificatif, tantôt une périphrase 
-devaient être ajoutés avant que la formule hébraïque 
devînt intelligible à des esprits grecs. 

Les différences entre le texte massorétique et la ver- 
sion grecque des Proverbes ne consistent pas unique- 
ment dans des manières différentes de rendre une pen- 
sée. 11 y a, entre les deux, d'autres divergences plus 
notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent 
que cette traduction a dû être faite sur un manuscrit 
hébreu différent du texte massorétique qui nous est 
parvenu (Vigouroux, Baumgartner, Toy, etc.). Il y a des 
■changements dans la composition même de distiques 
qui de synthétiques sont devenus antithétiques; il y a 
omission de plusieurs passages contenus dans le texte 
hébreu et l'on ne voit aucune raison pouvant légitimer 
■cette disparition; il y a surtout des additions de pas- 
sages assez nombreux, provenant plus probablement 
d'un texte hébreu plutôt que d'un original grec (Vigou- 
roux, Baumgartner, Toy); on y constate encore des 
■changements relativement à la distribution des chapitres 
■à partir dé 24. Ainsi, après xxiv, 22, de l'hébreu le grec 
intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9, 
«iprès xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31. 

La version grecque représentant un texte hébreu plus 
-ancien que le texte massorétique constituerait un 
excellent moyen de critique littéraire du texte hébreu 
reçu, si les particularités de sa composition et les modi- 
fications qu'elle a subies avant et après les recensions 
■du iri e siçcle, n'avaient un peu diminué sa valeur cri- 
tique, bien qu'elle soit encore assez notable. 

2° La version sahidique, éditée par Ciasca, qui com- 
prend une grande partie des Proverbes, pourrait èlre 
très utile pour la reconstitution du texte ancien des 
Septante, en tant que cette version a été faite avant les 
recensions et dans la suite n'en a subi qu'assez peu 
l'influence, Hyvernat, Versions coptes, dans la Revue bi- 
blique, 1896, p. 427-433, 540-569 ; 1897, p. 48-74. — Pen- 
dant longtemps, la Peschitto avait été considérée comme 
•dépendant du ïargum des Proverbes et indépendante 
des Septante, ce sentiment est maintenant complètement 
abandonné. R. Duval, Littérature syriaque, 3 e édit., 
1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito 
relativement aux Septante a été particulièrement étu- 
diée par H. Pinkuss, Me syrische Ubersetzimg der 
Prov. textkntisch untersucht, dans la Zeitschr. fur die 
alttest. Wissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222. 

3° La date de composition de la Peschito, en ce qui 
concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre 
n'étant point de ceux dont la traduction s'imposât en 
premier lieu : les uns comme R. Duval, op. cit., p. 31, 
ne font terminer l'ensemble de la traduction qu'au 
IV e siècle, tandis que d'autres, avec Baumgartner, 
op. cit., p. 14, ne descendraient pas au delà du milieu 
du II e siècle. La traduction aurait été faite sur un ma- 
nuscrit hébreu à peu près identique au texte massoré- 
tique, puis plus tard revision de cette traduction d'après 
les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33; au vii e siècle, 
au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de 
Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14; à rencontre de 
■cette opinion celle de Frankenberg, qui prétend que 
l'influence du grec remonte au traducteur; tout en sui- 
vant l'hébreu pour le fond il se serait inspiré en même 
temps de l'œuvre des Septante. Comme par ailleurs la 
traduction syriaque a une allure assez Jibre, qu'elle 
paraphrase en certains passages, ces diverses particu- 
larités diminuent sa valeur critique. 

4° Le Targum des Proverbes suit de très près Ja 
.Peschito et en dépend. Dalhe, De ratione consensus 



versionis chald. et syr. Prov. Salom. ; R. Duval, Lit- 
térature syriaque, p. 32. Les passages où il s'en écarte 
proviennent probablement d'une revision faite d'après 
le lexte massorétique. On ignore sa date, il peut être 
très ancien; la défense de mettre par écrit les ex- 
plications targumiques, si longtemps en [vigueur, ne 
s'appliquant qu'aux livres bibliques lus dans la syna- 
gogue. 

5° La traduction des Proverbes dans la Vulgate latine 
est l'œuvre de saint Jérôme; elle fut faite très rapide- 
ment, en même temps que celle de l'Ecclésiaste et du 
Cantique. Voir Ecclésiaste, t. h, col. 1543-1557, et Can- 
tique des Cantiques, t. n, col. 185-199. D'une façon 
générale elle suit assez fidèlement le texte massorétique 
sur lequel elle a été faite. Elle porte cependant des 
traces de l'influence des Septante, probablement par 
l'intermédiaire de l'ancienne version latine, très bien 
connue de saint Jérôme, Baumgartner, op. cit., p. 16; 
Toy, Proverbs, p. xxxiv; Frankenberg pense plutôt 
que les emprunts aux Septante constatés dans la Vul- 
gate seraient postérieurs à saint Jérôme et l'oeuvre de 
copistes qui ont voulu compléter la version hiérony- 
mienne avec l'aide de l'ancienne version latine faite 
sur le grec; de fait la comparaison entre la Vulgate 
Clémentine et le Codex Amiatinus, de la fin du VII e siècle, 
voir Amiatinus (Codex), t. i, col. 480, semble favoriser 
cette opinion. La Vulgate renferme donc la plus grande 
partie des additions des Proverbes qu'on trouve dans 
les Septante, mais elle en contient aussi un certain 
nombre qui lui sont propres. 

X. Comparaison avec les autres livres sapientiaux. 
— Le livre des Proverbes est ordinairement rapproché 
des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des res- 
semblances pour le fond comme pour la forme. — 1° Au 
point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines ex- 
pressions dont l'usage est assez fréquent dans ces livres 
comme se rapportant plus particulièrement à leur objet 
spécial : les mots exprimant le commandement, la loi, 
l'instruction, la connaissance de la vérité, la sagesse. 
Toy, Proverbs, p. xxiv, a dressé une liste comparative 
de ces expressions, telles qu'on les rencontre dans les 
Proverbes, Job et l'Ecclésiastique. 

2° La composition littéraire de ces livres se signale 
par une constante fidélité à garder les lois du parallé- 
lisme. Le rapprochement est plus particulièrement re- 
marquable avec l'Ecclésiastique (voir Ecclésiastique, 
t. il, plus spécialement col. 1543-1557) et dans l'un et 
l'autre se trouve la même préoccupation d'apporter une 
grande variété dans l'emploi de cette règle fondamentale 
de la poésie hébraïque. Le simple distique est cependant 
plus fréquent dans les Proverbes que dans l'Ecclésias- 
tique, et les chap. i-ix, malgré une certaine unité cons- 
tatée dans les discours et les exhortations de la Sagesse, 
ne présentent point ce caractère d'unité que revêt 
1' « Éloge des anciens » dans Eccli., xliv-xlix. 

3° Quant à [l'objet du livre, les Proverbes se rappro- 
chent également beaucoup plus de l'Ecclésiastique que 
des autres livres sapientiaux. L'étude de la Sagesse four- 
nit la note caractéristique de ces deux ouvrages comme 
elle donne une certaine unité à tout l'ensemble de leur 
contenu : son origine divine (Prov., vin; Eccli., xxiv), 
et surtout ses conseils pratiques pour l'instruction des 
hommes. L'un et l'autre livre constituent un manuel 
pratique pour l'instruction et la formation de ceux qui 
veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L'en- 
semble des vérités religieuses qu'ils renferment sur 
Dieu, sur la rétribution, sur la conduite de l'homme et 
sa dépendance vis-à-vis de Dieu, sont envisagées au même 
point de vue; à noter cependant la perspective na- 
tionale constatée dans Eccli., xxiv, qu'on ne trouve point 
dans les Proverbes. Il y a aussi grande analogie dans la 
description de la vie sociale que nous révèlent les Pro- 
verbes et l'Ecclésiastique. 



795 



PROVERBES (LIVRE DES) 



706 



XL Analyse du livre des Proverbes. — Il est 
impossible de donner une analyse bien serrée du con- 
tenu de ce livre ou d'indiquer la suite de toutes les 
pensées renfermées dans ce recueil, du moins dans 
toutes les parties qui le composent. 

7" section, i, 1-ix, 18. — i, 1-6. Introduction géné- 
rale indiquant le titre, le but et l'importance de l'ou- 
vrage. — i, 7-ix, 18. De petits discours moraux et 
quelques distiques isolés dans lesquels la Sagesse, di- 
rectement ou par l'intermédiaire du Sage, parle à son 
disciple qu'elle appelle « mon fils ». Ils forment comme 
une grande introduction préliminaire au recueil de ma- 
ximes proprement dites qui commencera avecle chap. x. 
Tout le contenu de cette section se ramène à un même 
objet : l'excellence de la Sagesse, de là, des exhortations 
sans cesse renouvelées d'étudier et de pratiquer la Sa- 
gesse. 

II» section, x, 1-xxir, 16. — C'est une longue série des 
pensées morales présentées dans de simples distiques. 
Dans cette section, on rencontre parfois des groupe- 
ments de vers présentant une certaine affinité de pen- 
sées, ou simplement contenant chacun un même mot 
important, mais un classement logique n'a point présidé 
à la formation de ce recueil. On a pourtant essayé de 
trouver un classement méthodique pour grouper tous 
ces proverbes sans obtenir un résultat tout à fait satis- 
faisant. Zôckler a proposé un tableau de ce genre ; il a 
été utilisé par Lesètre, Le livre des Proverbes, p. 29- 
31. Toutes les sentences de cette section considèrent 
l'homme dans diverses situations de la vie humaine où 
il peut se rencontrer, avec des devoirs sociaux, moraux 
et religieux. — On pourrait peut-être reconnaître que 
dans x-xv, où le parallélisme est antithétique on insiste 
plus spécialement sur les contrastes qui existent entre 
les heureux effets de la justice pratiquée et les châti- 
ments réservés au mal ; — que dans xvi, 1-xxu, 16, 
avec le parallélisme synonymique et antithétique on 
exhorte plus spécialement à la pratique du bien par la 
perspective du bonheur des justes et d u malheureux sort 
de l'impie. 

III" section, xxn, 17-xxiv, 22 : Exhortations morales 
du même genre que celles de la I re section: c'est un 
corps de maximes proposées par le Sage à son disciple 
comme dans 1-x. — xxn, 17-21 : Le disciple est invité à 
garder soigneusement l'enseignement du Sage. — xxn, 
22-xxm, 18 : Divers conseils entremêlés de formules 
dans lesquelles les exhortations sont présentées avec 
une insistance particulière; elles concernent tout spé- 
cialement la conduite à tenir à l'égard du prochain con- 
sidéré sous divers aspects de la vie sociale : pauvres, 
riches, grands, enfants, -orphelins, etc. — 19-35. Caté- 
gories d'individus à éviter plus spécialement : ceux qui 
s'adonnent au vin et les femmes de mauvaise vie. — 
xxiv, 1-14: Avantages et bienfaits de la Sagesse pour qui 
la possède, les devoirs qu'elle crée à l'égard d'autrui. 
— 15-22 : Vivre dans la paix et ne causer de mal à per- 
sonne ni au juste, ni même à ses ennemis. 

IV» section, xxiv, 23-34. — Divers conseils du Sage : 
rapports avec le prochain, 24 1 29 : altitude de justice et 
de charité qu'il faut prendre à son égard. — 30-34 : Évi- 
ter la paresse en constatant ses tristes effets. 

V e section, xxv, 1-xxix, 27. — Ce sont des maximes 
d'ordre général concernant des devoirs sociaux, mais 
il y a aussi de nombreuses sentences de conduite pra- 
tique dans l'ordre privé et domestique. On peut y dis- 
tinguer 2 parties assez nettement distinctes au point de 
vue du style et de la nature despensées : — xxv-xxvn, qui 
se terminent par un petit poème sur l'agriculture : les 
distiques n'y sont pas exclusivement usités et la valeur 
psychologique des maximes qui s'y .trouvent est parti- 
culièrement remarquable; — xxvm-xxrx, exclusivement 
des distiques : sentences morales avec moins de vie 
dans l'expression que dans les cha'p. précédents. 



VI» section, xxx, forme un tout distinct du reste du 
livre, en général les pensées y ont une certaine étendue. 
— 1. Titre. 2-4. Paroles d'Agur; faiblesse de l'intelligence 
humaine en face des œuvres de Dieu, qui est connu 
par la révélation de lui-même. — 5-6. Exhortations à la 
confiance en Dieu. — 7-9. Une prière pour demander à 
Dieu la loyauté de caractère et une situation qui ne 
l'expose pas à être tenté par les extrêmes de la fortune. 
— 10-33. Diverses maximes: descriptions de qualités ou 
de caractères, sous forme de proverbes numériques, 
avec prédominance du nombre 4. 

VII» section, xxxi, 1-9. — Maximes de la mère du roi 
Lamuel, genre homilélique; contre la fréquentation 
des femmes et l'intempérance; exhortation à la justice 
et au secours des faibles. 

Vlll» section, xxxi, 10-31. — Éloge de la femme forte 
ou description de quelques-unes des qualités que doit 
posséder l'épouse parfaite, cousidérée plus spécialement 
dans la direction et le soin des affaires de la vie do- 
mestique. 

XII. Doctrine dd livre des Proverbes. — /. géné- 
BALU'ÉS. — 1. Il ne faut point chercher dans le contenu de 
ce livre un exposé systématique ni un traité théorique 
où seraient classées et étudiées les différentes catégories 
de devoirs qui incombent à tous les hommes, même 
aux Israélites en particulier, mais bien plutôt une invi- 
tation à la pratique de la morale en vue de rendre la 
vie morale meilleure. — 2. La vie humaine est consi- 
dérée dans ces maximes sous son aspect extérieur, 
comme une collection d'actes moraux, conformes ou 
non à la loi, et c'est en partant de cette conformité 
comme norme que les hommes sont divisés en deux 
catégories dont les caractères paraissent absolument 
fixés : les bons et les méchants, les sages et les in- 
sensés. — 3. La vie humaine y est envisagée tout par- 
ticulièrement comme une discipline à réaliser, de là 
l'importance et la place prépondérante données à l'ins- 
truction, à l'éducation et à la loi. Par loi, dans l'ensem- 
ble du livre, on indique tout aussi bien les préceptes 
de la loi naturelle que ceux de la loi positive. — 4. Bien 
qu'à plusieurs reprises on y parle des devoirs sociaux 
de l'homme et que toujours l'homme y soit considéré 
comme faisant partie d'une collectivité sociale, domes- 
tique ou nationale, néanmoins c'est avant tout à l'indi- 
vidu qu'on s'adresse dans cet enseignement. Le bien 
général résultera de la mise en pratique des conseils de 
la sagesse par ceux qui voudront bien être ses disciples, 
mais il ne sera point l'objet immédiat de cette instruc- 
tion. De là le côté si fortement individualiste que pré- 
senteront un grand nombre de proverbes. — 5. L'exis- 
tence du mal physique et moral y est parfaitement 
reconnue, mais on n'y rencontre point une préoccupa- 
tion quelconque d'indiquer ou de solutionner quel- 
ques-uns des problèmes que cette constatation peut 
présenter à l'esprit; on indique seulement la possibi- 
lité et le devoir d'éviter la violation de la loi (mal moral) 
en l'observant fidèlement et la possibilité d'écarter le 
mal physique en méritant les faveurs de Dieu. 

//. dieu. — 1. La doctrine monothéiste est absolue 
dans toutes les parties du livre ; comme dans les autres 
livres de la Bible affirmée et toujours présupposée 
sans aucune préoccupation de démonstration : l'idolâ- 
trie n'est pas mentionnée, Dieu y est souvent désigné 
sous son nom de Jéhovah. — 2. Dieu est éternel, rien 
n'existait encore de tout l'univers et il était déjà vm, 
22-26; indépendant du monde, c'est lui qui est le créa- 
teur de tout ce qui existe, ni, 19-20; libre de créer, il 
est lui-même la cause finale de son œuvre, xvi, 4 (Vul- 
gate). — 3. Le livre ne renferme poin^ de données précises 
sur la nature divine, néanmoins les sections de vin, 
22 sq., sur la sagesse personnifiée, fournissent un ap- 
port tout nouveau et important sur cet objet. — 4. L'at- 
tention est surtout attirée sur les attributs de Dieu en 



797 



PROVERBES (LIVRE DES) 



798 



tant qu'ils se manifestent dans ses relations avec les 
hommes; — a) Sa science parfaite qui lui permet de 
suivre continuellement les actions et les intentions des 
hommes : cause d'effroi pour le pécheur, source de 
consolation pour le juste, v, 2î; xv, 3, il, xxiv, 12. — 
6) Une puissance infinie dans l'exécution de tous ses 
desseins, irrésistible dans son action même sur les 
actes de l'homme tout en respectant sa liberté xvi, 4, 9; 
xix, 21; xx, 24; xxr, 1. — c) Sa justice absolue, mise 
tout particulièrement en relief, soit qu'on le considère 
comme le principe de toute justice, xvr, 11, et ne pou- 
vant supporter la moindre injustice, XI, 1, soit qu'on 
envisage son activité par laquelle il se révèle toujours 
essentiellement juste : en appréciant chaque action 
selon sa valeur morale, m, 32, 35; xn, 2; en se consti- 
tuant le protecteur des faibles contre ceux qui pou- 
vaient abuser de leur force à leur égard, xxn, 23; en 
poursuivant le pécheur et en rétablissant par le châti- 
ment l'équilibre moral ébranlé par sa faute, xv, 25; 
xvi, 5; en récompensant le juste dont il est le défenseur, 
m, 5, 10. — d) Sa providence, soit au sens philosophi- 
que du mot, on la constate s'exerçant dans le monde 
par une action incessante à l'égard de l'homme comme 
par rapport aux nations, xvi, 4; vm, 15-16; soit au 
sens de protection spéciale, il est la source du bonheur 
pour quiconque se confie en lui, spécialement pour le 
juste, xvr, 20; xvm, 10, et pour ceux qui sont faibles et 
abandonnés : orphelins, veuves, etc., xv, 25; xxm, 10- 
11. — e) Sa bonté qui se manifeste même quand il 
châtie celui qu'il aime, m, 12. 

m. L'homme. — A) Sa constitution. — o) Consti- 
tution physique. — L'homme se compose d'un corps et 
d'une âme. L'âme (néfés) est le principe de la vie phy- 
sique et morale; le siège de la pensée et des passions, 
xxiii, 7; xi, 25. Souvent c'est le cœur qui est donné 
comme agent de la connaissance, xv, 14; xvi, 1, tandis 
que la vie effective de l'âme est manifestée par le tres- 
saillement des entrailles, xxm, 16. — b) Constitution 
morale. : il est un être libre qui a des commandements 
à observer et qu'il peut ne pas garder; tout le livre 
suppose cette liberté; de là la constatation de sa res- 
ponsabilité et la note caractéristique de l'insensé : il a 
méconnu les conseils de la sagesse, i, 24. — c) Dépen- 
dance de Dieu, dans sa vie corporelle : membres, con- 
servation de la vie, etc., xx, 12; dans sa vie morale : 
décisions, conseils, etc., xvi, 9; xix, 21; dans son 
bonheur, x, 22. — d) Destinée. Les Proverbes ensei- 
gnent que tout n'est pas fini pour l'homme avec la vie 
présente, ils connaissent et affirment la doctrine de la 
survivance, mais ils en parlent peu et leurs expressions 
sont -assez indéterminées. Ce qu'ils nous rappellent à 
ce sujet, c'est que tous les morts descendent au ùe'ôl, 
rendez-vous universel de tous les hommes où la vie 
est transformée en une sorte de léthargie, gouffre pro- 
fond situé dans les parties inférieures de la terre, 1, 12; 
II, 15, séjour immense dont la science parfaite de Dieu 
peut seule avoir une connaissance complète, xv, 11. 

B) L'homme dans sa vie morale. — 1° Morale gé- 
nérale. — 1. C'est Dieu qui est le principe et le fon- 
dement absolu de toute la morale, xvi, 11; xx, 24, 
comme de l'homme par la parole même de Dieu ou 
par des intermédiaires : parents, sages. — 2. L'idéal 
moral, c'est l'acquisition de la Sagesse qui consiste 
dans la crainte de Dieu, c'est-à-dire la haine du mal et 
la poursuite de la sainteté, i, 7; vm, 13. — 3. L'obser- 
vation de la loi morale est obligatoire pour l'homme, 
il en est le sujet et il y a mal moral pour lui à agir 
autrement, xiv, 21; xvi, 17, et il n'aura même sa véri- 
table vajeur d'homme que dans la mesure où il s'y 
vaontvera fidèle ; d'ailleurs la sagesse est accessible â 
quiconque la recherche, elle s'olfre à qui veut \a 
trouver, i, 20, vm, 1 sq.; ix, 3 sq.; — i. La 
méthode morale à employer (ou les dispositions inté- 



rieures requises) pour l'acquisition de la Sagesse con- 
siste dans une recherche sincère accompagnée de- 
beaucoup d'oubli de soi-même et de détachement, n, 
3 sq., iv, 7-8; vil, 4; d'humilité et de défiance de 
soi-même, m, 517; d'application à la pratique de la 
justice avec tendance constante à la perfection, xx, 9. 
— 5. La vie morale ne consiste pas dans des obser- 
vances purement extérieures, même excellentes comme- 
les sacrifices, xxi, 3, mais dans la crainte de Dieu, la 
pratique de toutes les vertus et l'accomplissement des 
diverses prescriptions concernant Dieu, le prochain 
ou soi-même. C'est une vie spéciale qui réclame même 
des actions plus qu'ordinaires, par exemple, les préve- 
nances à l'égard des ennemis, xxiv, 17, et où le fond 
essentiel, c'est l'intention, xvi, 30; xxi, 27. Elle com- 
porte une grande maîtrise de soi, manifestée surtout 
au moment des difficultés, îv, 23. — 6. La Sanction de 
cette vie morale se manifeste ordinairement dans la 
vie présente et peut être envisagée avec ou sans une 
intervention immédiate de Dieu. Dans le premier cas, 
comme récompense, c'est en particulier l'amitié de 
Dieu, l'intimité avec lui puisqu'il « communique ses 
Secrets aux cœurs droits », m, 32; vm, 17, 35 b ; xii, 2% 
c'est la santé et l'abondance des biens, m, 8, 10; c'est 
la prolongation des jours et la descente au se'ôl re- 
tardée le plus longtemps possible, x, 27; c'est le bon- 
heur et la stabilité dans le bonheur assurés par Dieu, 
m, 33 b ; xix, 23; — le châtiment se présente dans des 
conditions analogues, m, 33 a ; c'est l'arrivée subite de 
la ruine pour l'homme méchant, vi, 15, c'est le nombre 
de ses années abrégé, c'est à la ileur de l'âge qu'il 
descend au sêol, x, 27; si une affliction transitoire peut 
atteindre le juste, il s'en relève, il n'en est pas ainsi 
de l'impie, xxiv, 16. Sans mention de l'intervention 
immédiate de Dieu; c'est la paix et le bonheur accom- 
pagnant ordinairement la vertu, I, 33; h, 7; vin, 35», 
quant au péché, il se punit lui-même, car souvent 
l'homme est puni par où il a péché, I, 19, 32, v, 22. — 
Un autre genre de sanction souvent exprimée est celle 
qui récompense ou châtie l'homme dans sa postérité, 
les enfants du juste participant aux bénédictions dont 
il avait bénéficié, tandis que le pécheur fait partager à 
ses descendants la malédiction qu'il avait attirée sur 
lui, xm, 22; xx, 7. — Les proverbes mentionnent, 
bien qu'un peu obscurément, une relation entre la vie 
présente et les conditions de la vie future envisagée 
comme sanction, xi, 4; cf. xn, 28. 

2° Morale spéciale. — o) Devoirs envers Dieu. Les 
principaux sentiments qui doivent animer -l'homme 
dans ses rapports avec Dieu sont : la crainte, entendue 
spécialement comme exprimant l'idée de religion, i, 7, 
la confiance, ni, 4, la délicatesse de conscience qui ne 
présume pas trop facilement de sa perfection, xx, 9; 
xxviii, 14. Ces dispositions se manifestent par une 
fidèle obéissance â toutes les prescriptions de Dieu, 
m, 9-10; Xix, i8, qui n'a de valeur que si elle est 
accompagnée de la justice intérieure, XXI, 3, 27. 

b) Devoirs envers le prochain. — Ils sont prescrits par 
Dieu et fondés sur la nature des choses. Les prin- 
cipaux devoirs sur lesquels on insiste spécialement 
sont tout d'abord : la justice (on y revient très souvent 
dans le livre) dans les transactions commerciales, xi, 1 ; 
xx, 10, 23, dans les jugements, xvn, 15, 23, aussi bien 
que dans le respect du bien d'autrui, xxn, 28; xxm, 
10; — la charité dans ses différentes formes : aimer et 
secourir les deshérités de la fortune, car Dieu a fait 
le pauvre comme le riche et il veut qu'on aime les 
pauvres; ainsi, donner aux pauvres c'est prêtera Dieu, 
xiv, 31; xix, 17; xxn, 20; — s'intéresser à ceux qui 
ignorent la Sagesse en les instruisant, XV, 7; xvi, 23; 
— surtout en oubliant et en pardonnant les injures 
xix, 11, car c'est à Dieu seul de faire justice, xx, 23, 
ne pas même se contenter de ne se point réjouir du 



799 



PROVERBES (LIVRE DES) 



800 



malheur d'autrui, même s'il est notre ennemi, xxrv, 
17, mais encore lui faire du bien. 

Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger. 
S'il a soif, donne-lui de l'eau à boire, xxv, 21. 

c) Devoirs envers soi-même. — - D'une façon générale, 
•c'est d'un côté, des efforts incessants vers le bien et 
l'acquisition de la Sagesse, et de l'autre une applica- 
4ion continuelle à fuir le mal. Quelques vertus plus 
particulièrement recommandées dont les caractères se 
ramènent aisément à ces deux idées; modération et 
activité : l'humilité, m, 5, 7; xxvn, 2; la chasteté, n, 
16; vi, 24-29; la tempérance, xx, 1; xxm, 1-3; le déta- 
chement des richesses, xxm, 4-5; la modération et la 
.maîtrise de soi, xvi, 32; la droiture dans les actions, 
41, 15; iv, 26; l'amour et la pratique du travail, vi, 6- 
11; x, 4-5. — Quelques vices et défauts plus spéciale- 
ment signalés -.l'orgueil, vi, 17; l'impiété manifestée 
■dans les dispositions défectueuses de celui qui offre 
•un sacrifice, xv, 8, ou qui fait des vœux précipités, xx, 
25; le faux témoignage, la calomnie, la médisance, xix, 
"S, 28 ; x, 18; xvm, S ; l'humeur querelleuse et la colère, 
xn, 16; xvii, 19; l'impureté (on y insiste spécialement 
•dans les chap. v et vu); le mensonge et l'hypocrisie, 
:xn, 19; xix, 22; l'intempérance et la paresse signalées 
avec une insistance particulière, xxm, 29-35; xxiv, 30- 
34; xxvi, 13-16. 

d) Dans l'ensemble de ces prescriptions, il en est 
quelques-unes qui peuvent provenir de l'expérience, 
personnelle ou acquise des anciens, ce sont surtout 
■celles où l'intérêt immédiat du sujet paraît en cause, 
•comme l'est par exemple le conseil d'éviter la femme 
-adultère pour ne pas s'exposer à la vengeance du mari 
courroucé, VI, 32-35; mais il en est d'autres qui ne 
peuvent provenir de la même origine, car ils ne con- 
sistent pas uniquement dans le fait d'une modification 
ayant pour but d'en faire disparaître les principales 
imperfections, mais bien dans une transformation ra- 
dicale qui ne peut avoir que l'Esprit de Dieu comme 
principe, ainsi les conseils de chasteté par rapport à 
la courtisane, là où il n'y a plus les inconvénients 
signalés à propos de l'adultère, v, 20; vi, 24; ainsi les 
conseils concernant l'attitude à garder vis-à-vis du 
pauvre, quand la tendance naturelle porte l'homme 
fortuné à abuser de sa situation par rapport aux des- 
hérités de la fortune si ses intérêts l'y engagent, sur- 
tout vis-à-vis de l'ennemi quand la vengeance paraît 
si naturelle au cœur de l'homme, xix, 17; xxv, 21. 

C'est par une fidélité ponctuelle et continuelle que 
l'homme deviendra juste, car si la sagesse est la con- 
naissance des règles de l'activité humaine telle que 
Dieu veut qu'elle l'exerce, la justice consiste dans la 
mise en pratique des règles et des prescriptions élabo- 
rées ou proposées par la Sagesse. Les Proverbes insis- 
tent beaucoup pour montrer que cette sagesse n'est 
pas innée en nous et que d'ailleurs l'homme se fait 
très aisément illusion sur ses intérêts même les plus 
immédiats, xvi, 25, de là, l'impérieuse nécessité de 
l'éducation pour former le juste qui doit se constituer 
le disciple de ceux qui sont les intermédiaires de Dieu 
pour lui faire connaître la Sagesse. 

iy. la famille. — Plusieurs points sur ce sujet sont 
plus particulièrement intéressants à noter. — 1. Im- 
portance de l'épouse vertueuse dans l'intérêt de la 
maison, xu, 4; xiv, l a , aussi l'homme ne saurait-il 
-apporter trop de soin dans le choix de celle qui devra 
être sa compagne, xvm, 22. Le portrait de la femme 
forte, xxxi, 10-31, énumèrê avec complaisance les 
grands services que le mari peut attendre d'une épouse 
bien choisie, en même temps qu'il indique quelles 
qualités sérieuses il faut rechercher pour que ce choix 
soit sage et éclairé; une épouse de ce genre doit être 
.considérée comme un don de Dieu, xix, 14; — par 



contraste, le Sage ne manque pas de rappeler fréquem- 
ment quels maux peut attirer sur une maison l'épouse 
dépourvue de ces qualités, n, 16-18; xn, 4; xiv, 1*. — 
2. Le premier devoir du mari c'est la fidélité conjugale, 
aussi lui est-il recommandé, avec une insistance signi- 
ficative, de se garder avec soin de toute relation cou- 
pable avec la femme étrangère et corrompue, en même 
temps qu'on lui rappelle toute la gravité de l'adultère, 
v, 15-23; vi, 25, 29, 32-33. - 3. Parmi les devoirs des 
parents, l'éducation des enfants attire tout particuliè- 
rement l'attention du Sage, il reconnaît l'autorité du 
père et de la mère en cette matière et indique le res- 
pect et ^'obéissance que les enfants doivent également 
à l'un et à l'autre, i, 8; vi, 20; il signale toute l'impor- 
tance, xxu, 6, 15; xxix, 17, et les principaux caractères 
de cette éducation, insistant spécialement sur la fer- 
meté qu'on doit y employer, xm, 24; xxiv, 13, non 
toutefois sans recommander de tenir compte des ten- 
dances particulières de l'enfant, xxu, 11 ; c'est d'ailleurs 
l'intérêt des parents, car la conduite de leurs enfants, 
résultat de l'éducation reçue, leur sera une cause de 
bonheur ou de malheur, x, 1; xvii, 25; xxm, 24-25. — 
4. L'enfant doit montrer une très grande docilité à 
l'égard de ses parents; il leur doit un égal respect qui 
ne diminue nullement avec l'âge, vi, 20; xxm, 22; il 
trouvera le bonheur dans cette attitude, iv, 10, tandis 
que les menaces s'accumulent contre le fils insensé et 
indocile, xix, 26; xx, 20; xxx, 17. 

v. lasagesse. — 1° D'une façon générale, sciencepar- 
taite, propre à Dieu et communiquée par lui aux 
hommes; elle se présente sous différents aspects. — 
a) Une conception humaine de la sagesse, dont les traits 
caractéristiques sont -, une certaine habileté, i, 5; une 
grande facilité de discernement, i, 4,6; une prudence 
pratique ou « expérience » qui donne la science de la vie, 
m, 2 ; xiv, 8, — 6) Une conception religieuse, considérée 
comme distincte de l'habileté naturelle et impliquant la 
crainte de Dieu, i, 7, l'amour de Dieu, l'accomplisse- 
ment du culte et l'exécution de la loi, m, 9, et comme 
telle, source de bénédictions divines et principe de 
l'acquisition et de la pratique de la vertu et faisant de 
celui qui la possède « l'homme juste », vin, 13; xxx, 3. 
— L'acquisition de la sagesse par l'homme est donnée 
comme une chose ardue, elle lui serait presque impos- 
sible, si elle ne s'offrait elle-même à quHa recherche, vm, 
13; ix, 3, et si en définitive elle n'était communiquée 
par Dieu soit indirectement par des intermédiaires, 
soit surtout directement comme un don que lui seul 
peut faire, car elle est plus que la simple totalité de 
1' « expérience » (personnelle et des anciens); sa pos- 
session est vraiment un don de Dieu, il, 6. — c) Con- 
ception d'une sagesse absolue et universelle ; — elle 
nous est montrée comme s'adressant à tous, i, 20-33; 
vm, 2, 3; ix, 3; elle se trouve dans l'ordre général du 
monde qui la manifeste, m, 19-20; on la rencontre encore 
dans le gouvernement politique de l'humanité, vu. 
15-16. — d) La Sagesse considérée en elle-même. — a) Son 
origine; elle vient de Dieu dès l'éternité et avant 
toutes choses, vin, 22-23. — 3) Sa nature; 1° attribut 
de Dieu, en qui elle réside, qui la possède éternelle- 
ment et dont elle fait les délices, ni, 19; vm, 22-31. — 
2° hypostase : son activité coopératrice dans la création, 
vm, 20: son amour pour les hommes, elle leur sert de 
médiatrice auprès de. Dieu, vm, 31, c'est-à-dire qu'elle 
se présente avec les trois caractères suivants : nature 
transcendante, personnification nettement accentuée (la 
tradition catholique y voit une personnalité réelle et 
distincte), possibilité et désir de se communiquer aux 
hommes, que le progrès de la révélation accentuera de 
plus en plus et qui trouveront leur exposition complète 
dans le prologue du IV e Évangile. Voir dans J. Corluy, 
La Sagesse dans l'Ane. Test. (Congr. scient, des cath., 
1888, t. i, p. 61-91), un tableau comparatif des données 



801 



Pft OBEREES (^LW I\E. -BESy — PRONVûE^Cï, 



802 



de saint Jean, i, et des Proverbes, vm, ainsi que de l'Ecclé- 
siastique, xxiv, et de la Sagesse, vii-viii). — La liturgie 
catholique fait une application particulière de vm, 
224)1, à la très sainte Vierge. 

XIII. Bibliographie des Proverbes. — t. texte et 
verswns anciennes. — * R. Grey, The Book of Proverbs 
divided according lo the mètre, with Notes, Londres, 
1738; *J. A. Dathe, Prolusio de ratione consensus vers . 
chald. et syriacse Prov. Salom., Leipzig, 1764, étude 
publiée par Rosenmùller, dans Opuscula ad crisin et 
interpretationem V. T. spectantia, 1814 ; * L. Vogeb 
Observât, crit., addition à Vers, integ. Prov. Salom., 
de A. Schultens,Halle,1769;*J.G. Jaeger, Observalion.es, 
in Prov. Salom., versionem Alexand., Leipzig, 1788; 
*J. G. Dahler, Animadversiones in cap. i-xxtv vers, 
grsecm Prov. Salom., Strasbourg, 1786 ; * P. de Lagarde, 
Anmerkungen zur griechischen Uebersetzung êer Pro- 
verbien., 1863; *S. Baer, Liber Proverbiorum (texte 
massorétique), avec préface de Frz. Delitzsch, Leipzig, 
1880; * J. Dyserinck, Kritische Scholiën bij de verlaling 
van het boek der Spreuken, Leyde, 1883; *IJ. Grâtz, 
Exegetische Sludien zu den Satoni. Sprûchen, dans 
Monatsschrift fur Gesch. und Wissenschaft, des Juden- 
thums, 1884, p. 289, 337, 414, 433; et notes critiques 
sur les chap. l-xxn, dans Emendationes, Breslau, 
1893, p. 30; *II. Oort, Spreuken i-ix, dans Theol. 
Tijdsckrift, Leyde, 1885, p. 379; *A. J. Baumgartner, 
Etude critique sur Vétat du texte du livre des Pro- 
verbes d'après les principales traductions anciennes, 
Leipzig, 1890; ' H. P.Chajes; Proverbia-S Indien zu der 
sogenannten Salomonischen Sammlung, c. x-xxm, 16, 
Berlin, 1899; * E. Kautzsch, The Book of Proverbs, dans 
The sacred Books of the Old Test., édit. par P. Haupt, 
Leipzig, 1901; *G. Wildeboer, De Tijdbepaling van het 
Boek der Spreuken dans Verslagen en Mededeelingen 
der konink. Akad. van Welenschappen, Amsterdam, 
1899, p. 233. 

il. COUMENTAIUES. — Outre ceux qui ont été déjà 
nommés dans le cours de l'article : * H. Deutsch, Die 
Sprûche Salomo's nach der Auffassung im Talmud 
und Midrasch dargestellt und krilisch untersucht, 
1885; S. Hippolyte, In Proverbia (fragments), t. x, 
col. 615-628; Origène, Eiç xà; itaposiua; SaXofuôvtoç 
(fragments), t. xiu, col. 17-34; S. Basile, Hom. xu, In 
Principium Proverb., t. xxxi, col. 385-424; Didyme 
d'Alexandrie, fragments d'un comment, sur les Pro- 
verbes, t.xxxix, col. 1621-1646; Procope de Gaza, 'Ep|j.'<]- 
w.x eï; ta; îi«poi(«aî, t. Lxxxvn,l"part., col. 1221-1544; 
Supplément, t. lxxxvii, 2 e part., col. 1779-1800 ; Salonius, 
évêque de Vienne, In Parabolas Salomonis expositio 
mystica, t. lui, col. 967-99i; Bède, Super parabolas 
Salomonis allegorica expositio, t. xci, col. 937-1040, suivi 
du De muliere forii libellus, col. 1040-1052, également 
suivi de In Prov. Salom. allegoricse interprelationis 
fragmenta (chap. vu, xxx, xxxi, xxvi), col. 1050-1060; 
R. Maur, Expositio in Prov. Sal., t. cxi, col. 679-792; 
R. Holkoth, Prxlect. in lib. Sap., 1481; in Proverbia, 
Paris, 1515; S. Munster, Prov. Salom. juxta heb. ve- 
ritatem translata et adnotat. illustrata, Bàle, 1525; 
Gajetan, Parabôlie Sal. ad veritatem ebraicam casti- 
gatse etenarratee, Lyon, 1545; J. Arboreus, Comm. in 
Prov. Sal., Paris, 1549; K. Bayne, Comm. in Prov. 
Sal., Paris, 1555; Cornel. Jansenius, de Gand, Para- 
phrasis et adnotationes in Prov. Sal., Louvain, 1569, 
J. Mercèrus, Comm. in Salomonis Proverbia, Genève, 
1573; Th. Cartwrigbt, Comm. succincti et dilucidi in 
Prov. Salom., Leyde, 1617; Fr. de Salazar, Expositio in 
Prov. Salom., tam litteralis quant moralis et alle- 
gorica, 2 in-f°, Paris, 1619-1621; Bohl, Ethica sacra, 
sive comment, super Prov. Salom., publié par G. Witz- 
leben, Rostock, 1640; J. Maldonat, Scholia in Psalmos, 
Proverbia, etc., Paris, 1643; A. Agellius, Comment, in 
Proverbia, Paris, 1611; Vérone, 1649; Corn. Jansenius 

niCT. DE LA BIBLE. 



d'Ypres, Analecta in Prov., Louvain, 1644; M. Geier, 
Proverbia regum sapientissimi Salomonis cum cura 
enucleata, Leipzig, 1653, 1688, 1725; Bossuet, Lïbri 
Salom. Prov., Eccl., Paris, 1693; *C. B. Michaelis, 
Notée uberiores in Prov. Salom., dans Annotât, uber. 
inttagiogr. V. Test, libros, Halle, 1720; * A. Schultens, 
Proverb. Salomonis versionem intégrant ad Hebrœum 
fonlem expressif alque commenlarium adjecit, Liège, 
1748; *L. Nagel, Die Sprûchivorter Salomon's um- 
schrieben, Leipzig, 1767; *J. F, Hirts, Vollstândigere 
Erklârung der Sprûche Salomons, léna, 1768; J. D. Mi- 
chaelis, Uebersetzung der Sprûche und des Predigers 
Salomons mil Anmerkungen fur Vngelehrte, Gœltin- 
gue, 1778; *J. C. Dcederlein, Sprûche Salomon's. Neu 
i'tbersetzt mit kwzen erlâuternden Anmerkungen, 
Altdorf, 1778, 1782, 1786; "B. Hodgson, The Proverbs 
ofSal. translaled front the Hebreio with notes, Oxford, 
1788; *C. L. Ziegler, Neue Uebersetzung der Denk- 
sprùche Sal. im Geist der Parallelen, mit einer volls- 
tûndigen Einleitung, philologischen Erlàuterungen 
und praktisehen Anmerkungen, Leipzig, 1791; 
" C. G. Henslers, Erlàuterungen des ersten Bûches 
Samuels und der Salom. Denksprûche, Hambourg et 
liïel, 1796; * G; Holdens, Attempt towards an improved 
translation of the Prov. of Salom. front the original 
Ilebrew; with notes critical and explanatory, and a 
preliminary dissert., Londres, 1819; * G. Umbreit, Phi- 
lolog.-kritisch und philosoph. Commentar ûber die 
Sprûche Sal., Heidelberg, 1826; "Maurer, Comment, 
gram. critic. in Proverbia, 1841; * R. Noyés, New 
translation of the Prov., 1846; * E. Bertheau, Die 
Sprûche Salomo's, Leipzig, 1847, revu par W. Nowack, 
Leipzig, 1883; *M. Stuart, Comm. on the Book of 
Prov., 1852; * F. Hitzig, Die Sprûche Salomo's ûber- 
selzt und ausgelegt, Zuricb, 1858; * O. Zôckler, Comm. 
zu der Sprûche Salom., Leipzig, 1866; * H. F. Miihlau, 
De proverbiorum quse dicuntur Aguri et Lemuelis 
origine atque indole, Leipzig, 1869; A. Rohling, Das 
Salom. Spruchbuch ûbersetzt und erklârt, Mayence, 
1879; * L. Strack, Die Sprûche Salomo's, Nordlingue, 
1888, 2» édit., 1899; G. Frankenberg, Die Sprûche, 
Gœttingue, 1898. J. Marie. 

2. PROVERBES (UVRE DES), apocryphe. Voir 
Apocryphes (Livres), 3, t. i, col. 772. 

PROVIDENCE (grec : irpôvoia; Vulgate : provi- 
dentia), action par laquelle Dieu veille sur ses créatures. 
— L'idée de Providence est une idée abstraite et phi- 
losophique, qui était familière aux Grecs. Cf. Hérodote, 
m, 108; Sophocle, (Ed. Col., 1180; Euripide, Phen., 
640; Xénophon, Memor., i, 4, 6, etc. Elle ne passa 
que tardivement chez les Latins. Cf. Sénèque, Qiiœst. 
nat., il, 45; Quintilien, I, x, 7; xu, 19, etc. Le livre 
grec de la Sagesse est le seul livre inspiré où elle soit 
exprimée. L'auteur dit,, en parlant du vaisseau qui flotte 
sur les eaux : « O Père, c'est votre Providence qui le 
gouverne. » Sap., xiv, 3. Il représente ailleurs les 
Egyptiens, pendant la plaie des ténèbres, « fuyant eux- 
mêmes votre incessante Providence. » Sap., xvn, 2. — 
Les Hébreux avaient à un haut degré l'idée de la Pro- 
vidence, mais ils ne possédaient pas dans leur langue 
de mot spécial pour l'exprimer. Ils ne se représentaient 
l'action vigilante de Dieu que sous une forme concrète. 
Jéhovah est le Dieu de l'univers, mais en même temps 
leur Dieu particulier, qui prend soin d'eux, les bénit 
et les protège. Exod., xix, 5-6 ; xxm, 20-33; Deut., 
xxvn, 1-68, etc. Plusieurs Psaumes sont de véritables 
hymnes à la Providence. Ps. iv, vm, xxm (xxn), xxvli 
(xxvi), XLVI (xlv), lxv (lxiv), civ (cm), cvii (cvi), cxiii 
(cxii), cxxi (cxx), etc. D'autres célèbrent l'action de la 
Providence à travers l'histoire d'Israël. Es. lxxviii 
(lxxvii), cv (civ); cvi (cv). Ces mêmes idées sont expri- 

V. - 26 



803 



PROVIDENCE — PSALTÉRION 



804 



mées sous Néhémie. II Esd., ix, 6, 31. Dans le Nouveau 
Testament, la Providence est présentée comme le 
Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et 
sur les méchants, Matth., v, 45, et qui prend soin de 
toutes ses créatures. Matth., vi, 25-34. — La Vulgate 
emploie le mot providentiel dans plusieurs passages où 
il est question seulement de prévision divine, Judith, 
ix, 5; xi, 16; de prévoyance, Tob., ix, 2; Sap., vi, 17; 
ix, 14; de connaissance, Eccle., v, 5, ou de gouverne- 
ment. II Mach., rv, 6; Act., xxiv, 2. 

, H. Lesètre. 

. PRUDENCE (hébreu : (ebûnâh; Septante : «riveoic, 
«fovïjdiç; Vulgate : prudentia), vertu qui aide à choisir 
ce qu'il y a de meilleur et de plus sage, pour y confor- 
mer sa conduite. — Dans la Sainte Écriture, la pru- 
dence se confond fréquemment avec l'intelligence et la 
sagesse; c'est souvent en ce sens qu'il faut entendre le 
mot dans les versions. Les philosophes platoniciens 
faisaient de la prudence l'une des quatre vertus cardi- 
nales; le livre de la Sagesse, vin, 7, se réfère à cette 
classification. — La prudence vient de Dieu, Prov., n, 
6; Bar., m, 14, en face duquel il n'y a en réalité ni 
sagesse ni prudence, Prov., xxi, 30, les qualités hu- 
maines étant insignifiantes auprès de ses perfections. 
Ceux qui ont cherché la vraie prudence en dehors de 
Dieu ne l'ont pas trouve. Bar., m, 23. Heureux qui a 
acquis la prudence, Prov., m, 13; qui vit selon la pru- 
dence aura le bonheur. Prov., xix, 8. La prudence est 
aussi le fruit des années. Job, xii, 12. Elle apprend à 
veiller sur ses paroles, Prov., x, 19, et à ne pas attirer 
sottement l'attention sur soi. Eccli., xxi, 23 (20). Elle 
aide la femme à trouver un mari. Eccli., xxii, 4. 
L'homme prudent vaut mieux que l'homme robuste. 
Sap., vi, 1. Il plaît aux grands, Eccli., xx, 29 (26), est 
recherché dans les assemblées, Eccli., xxi, 20 (17), et, 
même esclave, sait s'imposer auxhommes libres. Eccli., 
x, 28 (24). — Notre-Seigneur recommande à ses dis- 
ciples d'être prudents comme des serpents. Matth., x, 
16. Voir Serpent. Il fait l'éloge du serviteur prudent, 
toujours à son devoir, Matth., xxiv, 45; Luc, xn, 42, et 
des vierges prudentes, attentives à la venue de l'époux. 
Matth., xxv, 2, 4, 9. Il remarque que les fils du siècle 
ont beaucoup plus de prudence, dans leurs affaires 
temporelles, que les fils de lumière dans leurs intérêts 
spirituels. Luc., xvi, 18. Il remercie son Père de n'avoir 
pas réservé sa révélation aux sages et aux prudents. 
Matth., xi, 25; Luc, x, 21. Le Sauveur fut lui-même, 
pendant toute sa vie, un admirable exemple de pru- 
dence. Il la fit spécialement remarquer dans sa réserve 
à manifester sa divinité. 11 défendait à ceux qui en 
avaient quelque idée, pendant sa vie publique, de dire 
ce qu'ils savaient ou ce qu'ils avaient vu, afin d'empê- 
cher des manifestations et des oppositions qui auraient 
mis obstacle à son ministère évangélique. Il ne s'expliqua 
publiquement à ce sujet que dans les derniers jours de 
sa vie, alors que ses déclarations devaient hâter un dé- 
nouement, dont il avait lui-même fixé l'heure. Cf. Lepin, 
Jésus Messie et. Fils de Dieu, Paris, 1905, p. 364-372. 
— Saint Pierre demande aux fidèles de se montrer 
prudents et sobres, afin de vaquer à la prière. I Pet., 
iv, 7. H. Lesètre. 

PSALTÉRION, PSALTÉRIUM (chaldéen : pe- 
santerln, pesanterïn; Septante : -t/aWipiov), instrument 
de musique, composé d'une table d'harmonie plate, en 
forme de trapèze allongé, portant un jeu de cordes 
tendu horizontalement. Les Septante ont traduit nébcl 
par «VaXTTJpiov exceptionnellement; la Vulgate presque 
toujours par psalterium. Kinnor est rendu i|/«XTT,pitiv 
dans les Septante, Ps. xlvhi, 5; cxlix, 3; Ezech., xxvi, 
13; par psalterium, Vulgate, Ps. xlvhi, 5; cxlix, 3. 

I. Nom. — iaXtrjptov, d'après son étymologie, tyâWw, 
« tendre les cordes », J/aX[i4<;, « percussion des doigts 



sur les cordes ». Voir Van Lennep, Elymologicum 
linguse grasese, Utrecht, 1808, p. 851. Comparer mizmôr 
de zdmar, voir Musique, t. ni, col. 1137, qui désigne 
tout instrument à cordes joué par percussion manuelle. 
Gevaert, Histoire et théorie de la musique dans l'an- 
tiquité, Gand, 1875-1881, t. n, p. 243. Ce nom com- 
prendrait par conséquent les harpes, lyres, cithares, 
sambuques, et même les instruments à manches. Il est 
à remarquer que Varron et Athénée appellent le nable 
un psaltérion droit, orthopsallium, J/aXrirçptov opôtov, 
BeifmoS; 1. IV, p. 183, par opposition sans doule aux 
instruments de forme plafe, comme le psaltérion pro- 
prement dit. — Cette signification générique justifierait 
en quelque manière les auteurs des anciennes versions 
grecques et les commentateurs ecclésiastiques latins et 
grecs, jusqu'aux lexicographes de la renaissance, d'avoir 
traduit par 'l/aX-ui)piov, psalterium, l'hébreu nébél et 
même le nom de la harpe, kinnor. Ezech., xxvi, 13. 
Cependant il est préférable d'admettre que par cette 
interprélation, ils nous ont représenté, au lieu de 
l'instrument hébreu, l'instrument grec en usage à 
Alexandrie sous la domination hellénique et qui avait 
remplacé à cette époque les anciens types d'instruments 
orientaux. Telle est aussi la valeur à donner aux textes 
des Pères, qui différenciaient la cithare du psaltérion 
par cette particularité, que la première a sa caisse 
sonore à la base; l'autre au contraire, à la partie supé- 
rieure. S. Basile: iioû.Tqp'.o-i tt^v ïjyo-jaav 8'jvafuv ly. to0 
avo>6ev 'i-/zn. In Ps. xxxu, t. xxix, col. 328. Le Bre- 
viarium in Psalmos, publié dans les œuvres de saint 
Jérôme, In Ps. cxlix, t. xxvr, col. 1266 : Psalterium 
similitudinum habet citharse sed non est cithara... 
Cilhara deorsum percutitur, cieterum psalterium sur- 
sum percutitur, S. Augustin : Psalterium de superiori 
parle habet testudinem, illud scilicet tympanum est 
concavum lignum, eux chordse innitentes résonant. 
Enarrat. in Ps. xni, t. xxxvi, col. 499. Voir col. 280, 
671-672, 900, 1964. Cassiodore : Psalterium est, ut 
Hieronymus ait, in tnodum A literx formati ligni so- 
nora concavitas obesum ventrem in superioribus 
habens.Prsef. in Psalt.,c. iv, t. lxx, col. 15; S. Isidore 
de Séville, Etymol., m, 22, t. lxxxii, col. 168; Bède le 
Vénérable, Interpretatio Psalterii, t. xcm, col. 1099. 
L'assimilation que ces auteurs font du psaltérion au 
nable provient de la version des Septante. Les dix cordes 
du psaltérion sont une erreur prise des textes où il 
est en réalité question du nable à dix cordes. Voir Na- 
ble, t. 'jv, col. 1432. Le rapprochement entre la forme 
de l'instrument et celle du delta grec, A, loin d'être 
exclusivement propre au psaltérion, figurerait plus 
exactement les harpes antiques, et tout spécialement le 
trigone. Voir Harpe, t. m, col. 434. En somme, ces 
textes, où les auteurs s'inspirent d'un instrument de 
musique, fort éloigné de l'antiquité biblique et même 
de la tradition hellénique, ne nous fournissent pas de 
renseignements suffisants pour une identification. C'est 
à l'aide des monuments anciens, rapprochés des types 
encore en usage chez les Orientaux, que nouspourrons 
connaître le psaltérion antique. 

II. Description du psaltérion antique. — Le troi- 
sième musicien du bas-relief de Koyoundjik, fig. 382, 
t. iv, col. 1353, porte un instrument (fig. 183) dont la 
forme rappelle le qanûn ou le santir des modernes 
Orientaux. Cette représentation montre en effet une 
Caisse plate, pourvue d'ouïes, avec un jeu de cordes 
tendu horizontalement. La caisse est bombée à la partie 
inférieure et se porte à plat devant la poitrine. Les 
cordes au nombre de dix, si la sculpture est exacte, dé- 
crivent une courbe, comme si elles étaient placées sur 
un rebord arrondi et tendues par des poids. Ces cordes 
étaient peut-être de métal, voir Botta, Monument de 
Ninive, t. I, pi. 62, et doublées pour augmenter la réson- 
nance, comme dans les instruments plus modernes. Les 



805 



PSALTÉRION 



806 



instruments de cette forme diffèrent de la harpe en ce 
que les cordes ainsi disposées sont accessibles sur une 
seule face, tandis que dans la harpe elles peuvent être 
touchées sur deux côtés par les deux mains. Ils différent 
d'autre part des instruments à manche en ce que les 
cordes, bien qu'elles aient la même disposition, sont en 
nombre nécessairement restreint dans ceux-ci, par suite 
du manque d'espace. 

Comme les autres instruments originaires d'Orient, 
le psaltérion, adopté par les Hellènes (tig. 184), retourna 
en Asie à la suite des conquêtes d'Alexandre; mais il y 
revint perfectionné et sous un nom grec. Nous n'avons 
pas le nom hébreu de l'ancien type asiatique qui devint 
le tyaXTigpiov. On ne le trouve en effet que dans l'énu- 




183. — Musiciens de Suse. 
D'après Place, Ninive et l'Assyrie, pi. S8. 

mération des instruments babyloniens de Nabuchodo- 
nosor, et sous la transcription jitbjds, pesanterîn, 

Dan., m, 7, ou jnsuDS, pesanferin, Dan., m, 5, 10, 15, 

où le changement de consonne, l pour », n'est qu'une 
particularité dialectale et où le groupe final ]> repré- 
sente la terminaison grecque iov plus complètement 
exprimée dans la transcription ayriaqno. Af. A \ <v> Q 

pe$al{erôn. Toutefois les grammairiens ont traité jnrCDS, 
pesanferin, comme un pluriel et consacré la forme du 
singulier itUDS, pesanfêr. Du même mot grec les Arabes 

ont fait postérieurement le mot j^aJ~^, santir, autre- 
ment pisantir, sa»(our,etles Syriens modernes samtur. 
Le santir arabe et son dérivé le qanûn affectent une 
disposition pareille à celle de l'instrument babylonien, 
mais sans doute moins primitive. Le premier, dont le 
nom rappelle directement le psaltérion grec, se com- 
pose d'une table d'harmonie en forme de trapèze ou de 
triangle tronqué, portant trente-six cordes de métal 
retenues à une extrémité par des attaches et à l'autre 
par des chevilles pour régler l'accord. Ces cordes, mises 
à l'unisson deux à deux, fournissent dix-huit notes. 

Le qanûn, £jy*-*, xa-zcôv, « règle, type », offrant par 
ordre les toniques de chacun des modes arabes, est le 
développement plus complet du psaltérion. Il a de 
soixante-six à soixante-quinze cordes, accordées trois 
par trois, et vingl-deux, vingt-trois ou vingt-cinq notes, 



En Algérie, on ne lui donne parfois que soixante-trois 
cordes et vingt et une notes. La table de l'instrument 
est pourvue de sillets en os, à charnière, pouvant se 
lever pour régler l'accord et distinguer certaines tona- 
lités. Les cordes sont en boyau, la caisse, en bois de 
noyer, a 3 mètres de long sur 0,40 de large et 0,05 de 
haut. Les cordes des notes élevées sont plus minces et 
plus courtes, et la série tout entière va en augmentant 
de longueur jusqu'aux notes graves. On accorde à partir 
de la corde basse (ré-2 substitué à l'ut par les musiciens 
turcs) et par succession de notes (non pas par quintes), 
la deuxième corde sur le premier sillet, la troisième 
sur le second et ainsi de suite. Le type ancien du 
qanûn est, suivant Al Farabi, le djank ou sank. Land, 




18i. — Psaltérion grec, d'après quelques archéologues. 

Baumeister, Denkmàler der klassischen Altertums, t. ni, 

p. 1345, fig. 1609. Peinture du jardin Farnèse. 

Recherches sur l'hhtoire de la gamme arabe, Leyde, 
1884, p. 52, 74. 

Le joueur ne marche pas comme le musicien baby- 
lonien; assis à terre ou sur un tabouret bas, et les 
jambes croisées à la manière orientale, il porte l'instru- 
ment sur ses genoux écartés et l'appuie contre sa poi- 
trine pour avoir les deux mains libres. Il touche les 
cordes au moyen de deux petits plectres, mizdrab, de 
corne, de baleine ou de becs de plume, fixés dans des 
anneaux portés au pouce et au médius de chaque main. 
Le son du qanûn est fort, vibrant, arec une résonnance 
étouffée dans les notes graves. Le santir, aux cordes de 
métal, estplus aiga et rappelle la mandoline. Le joueur 
oriental manie son instrument avec vivacité, en répé- 
tant rapidement les notes, suivant un procédé cher de 
tout temps aux exécutants orientaux. Voir Fontanes, 
Les Égyptes, Paris, 1882, p. 356-357. Le qanûn a sup- 
planté le santir dans presque tout l'Orient. Sauf à Mos- 
soul, Bagdad, Damas, les musiciens des. villes l'aban- 
donnent aux exécutants populaires. Le qanûn de Da- 
mas est très grand, il a cent sept cordes quadruples, 
sauf la dernière qui est triplé, et donne vingt-septnotes. 
Enfin les Persans ont gardé pour la musique de chambre 
le santir, qu'ils appellent ceintour. Il a soixante-douze 
cordes en cuivre jaune, que l'on touche avec des 
baguettes d'os ou de métal appelées mezrabe. Advielle, 
La musique chez les Persans en i885, Paris, 1885, 
p. 12-13. 



807 



PSALTÉRION — PSAUMES (LIVRE DES) 



De l'Orient, le psaltérion, qui avait passé à Rome 
sous les empereurs, revint en Occident après les croi- 
sades. On l'appela psalt'ere, saltère, de son nom 
biblique. Les sculpteurs le mirent parfois aux mains 
du roi David. L'instrument oriental resta en vogue pen- 
dant tout le moyen âge. On en perfectionna successi- 
vement la qualité, le mécanisme, on en augmenta les 
dimensions. Le Cymbel hongrois en est une dérivation. 
Finalement l'adjonction de marteaux fixes dépendant 
d'un clavier fit de l'ancien instrument le piano mo- 
derne. Mais le psaltérion subsiste de nos jours sous la 
forme de la Zither allemande. J. Parisot. 

1. PSAUMES (LIVRE DES), recueil de chants sa- 
crés des Hébreux. Les livres historiques et prophétiques 
de la Bible en renferment un certain nombre; mais la 
plus grande partie de leurs chants religieux forme un 
recueil spécial désigné en hébreu sous le nom de 1SD 
D'^nn, Sêfér tehillim, Walx^p^ov , Psalterium, en grec et 
en latin. La désignation hébraïque est transcrite S^ap 
6eXXe<|i, piëXoç <C«''[ 1 < Sv dans le Canon origénien en tête 
du Commentaire d'Origène sur le Ps. i, t. xii, col. 1084, 
et « Sephar thallim, quod interpretatur Volumen 
Hymnorum » dans S. Jérôme, Prasf. ad Sophronium 
in Ps., t. xxviii, col. 1124. Dans le Prologus galeatits, 
t. xxviii, col. 553, le même Père l'appelle du nom de 
David, et ajoute : quem quinque incisionibus et uno 
Psalmorum volumine eomprehendunt. La désignation 
du même livre est abrégée dans les références juives 
sous les formes n>^n, >Spi, tillim et fillî. 

I. Place des Psaumes dans la Bible. — Ce livre se 
trouve communément dans la Bible hébraïque masso- 
rétique en tête des Ketubim ou Hagiographes, la troi- 
sième partie du recueil ; saint Jérôme, dans son Epist. ad 
Paulinum, t. xxn, col. 547, le place de même; mais il 
n'en a pas toujours été ainsi ; dans le Prologus galeatus, 
t. xxvm, col. 555, il le fait précéder de Job; la liste tal- 
mudique du traité Baba bathra le fait précéder de 
Ruth ; les manuscrits hébraïques espagnols, des Chroni- 
ques ou Paralipomènes. Quant au mot mnémotechnique 
ton, désignant par abréviation les livres poétiques selon 
les Hébreux, Job, Proverbes, Psaumes, il donne préci- 
sément le renversement de l'ordre des manuscrits 
d'Allemagne, suivi par l'édition imprimée actuelle. Les 
Septante placent le Psautier dans la seconde partie de 
la Bible, en tète des livres sapientiaux, mais là encore 
on ne trouve pas d'uniformité : VAlexandrinus, par 
exemple, le rejette, avec les autres livres sapientiaux, 
après les prophètes, dans la troisième partie. La Vulgate 
Clémentine le place au contraire dans la seconde partie 
après Job. L'habitude des auteurs du Nouveau Testa- 
ment de citer la Bible sous la formule in Moysi, pro- 
phétie et psalmis, Luc, xxiv, 44, permet de conclure 
que de leur temps ce livre était placé comme dans la 
Bible massorétique, en tête de la troisième partie. 

II. Division des Psaumes en cinq livres. — Le Psautier 
se subdivise en cinq livres, terminés chacun par une 
doxologie indépendante du Psaume final, sauf pour 
le cl et dernier : XL, 14; lxxi, 18-20; lxxxviii, 53, et 
dans l'hébreu par une indication massorétique. Saint 
Jérôme dit dans son Epist. ad Sophronium, t. xxvm, 
col. 1123 : Nos Hebrœorum auctwitalem secuti et ma- 
xime Apostolorum qui seniper in Novo Testamento 
Psalmorum librum nominant, unum volumen asseri- 
mus. Mais parlant avec plus de précision dans son Epist. 
xxvi ad Marcellam, t. xxii, col. 431, il dit : In 
quinque volumina Psalterium apud Hebrseos divisum 
est ; également Epist. cxl, t. xxn, col. 1168, et dans le 
Prolog, galeat., t. xxvm, col; 553 : quinque inci- 
sionibus. La plupart des Pères anciens mentionnent 
cette division du Psautier. 

Le recueil total se subdivise en 150 morceaux, d'après 



l'hébreu actuel, le grec et la Vulgate : mais les anciens- 
manuscrits hébreux n'étaient pas tous d'accord, certains 
n'en comptant que 149 ou même 147. La séparation des 
Psaumes n'étant pas indiquée dans les anciens textes 
hébreux, comme en témoigne encore Origène, et un 
bon nombre de Psaumes n'ayant pas de titre, les cou- 
pures ont été pratiquées quelquefois très arbitrairement, 
de sorte que, tout en arrivant au même total, l'hébreu 
d'une part, et les Septante et la Vulgate d'autre part, 
donnent des numérotations un peu différentes; l'accord 
se maintient de i à vm ; ix de l'hébreu forme ix et x dans 
les versions; xi à cxm de l'hébreu correspond à x-cxil 
des versions; cxiv et cxv de l'hébreu à cxm dçs versions ; 
cxvi de l'hébreu à cxiv et cxv des versions; cxvuàcxLvi 
de l'hébreu à cxvi-cxlv des versions; cxlvii de l'hébreu 
donne cxlvi et cxlvii des versions ; enfin l'accord est 
rétabli de cxlviii à cl. En général donc l'hébreu l'em- 
porle d'une unité sur les versions. La critique textuelle 
permet de constater que les coupures sont fautives en 
nombre de cas; on a souvent, dans l'original comme 
dans les versions, joint des fragments qu'il fallait séparer , 
par exemple cxlih, 1-11 el 12-15; on a plus rarement 
séparé des fragments qui auraient dû être réunis, par 
exemple xli etxui. Les auteurs ecclésiastiques, appuyés 
sur certains manuscrits et sur les variantes des Actes, 
xm, 33, ont souvent cité le Ps. n : Quare fremuerunt 
gentes, avec la référence èv Ttpwrai itaXn.fi. Origène, 
Fragm. in Psalm., t. xn, col. 1100; S. Hilaire, In 
Psalm., t. IX, col. 262, 264. 

III. Noms des divers Psaumes. — Les Psaumes 
portent des noms différents, qui indiquent différents 
genres poétiques : celui du recueil entier est Sêfér (e- 
hillîm, bien rendu parsaint Jérôme, Liber hymnorum, 
exactement « Livre des louanges (de Dieu) » : le Ps. cxlv 
(cxliv) est cependant le seul qui porte un pareil titre, 
tehillâh, a."maiq,laudatio ; un titre plus ancien nous est 
donné pour une portion du recueil dans lxxi, 20, fefillôf, 
orationes; les Septante et la Vulgate ont dû lire fehil- 
lot, car ils traduisent laudes (David filii Jesse); exac- 
tement, « prières »!; le nom le plus courant est limn, 

mizmôr, i/a\y.ôc, psalmus, c'est-à-dire : chant destiné à 
être accompagné par les instruments, ou simple poème 
lyrique : de là vient le terme i|;aXrr,ptov, psalterium, 
détourné de sa signification première « d'instrument 
à cordes », pour signifier tout le recueil, le Psautier. 
En hébreu 57 Psaumes ont le titre de mizmôr, mais il 
y en a davantage dans les versions. On trouve aussi le 
titre de "Vu/, Ur, àspa, 4>Brj, canticum, hymnus, qui 

veut dire chant, xvn, xliv etXLV, souvent préposé (5 fois) 
ou postposé (8 fois) au terme mizmôr, et traduit alors 
canticum psalmi ou psalmus cantici, mais apparem- 
ment simple doublet provenant des variantes de diffé- 
rents manuscrits ; à noter en outre spécialement la série 
des Urê ham-ma'âlôt, canticum graduum, 5(7|ia t»v 
àva6a6[A<bvou àvaëdtaewv, « cantique graduel ou cantique 
des montées » (du pèlerinage liturgique à Jérusalem), de 
cxix-cxxxiii. Les titres désignent en outre 13 maskil, 
Vscd, terme traduit en grec par les Septante aivsuiç 

et par Aquila iitta-Tr,[AWv, par la Vulgate intellectus et 
intelligentia, parsaint Jérôme eruditio, dans le sens du 
verset psallite sapienter, psaumes de forme artistique, 
beaucoup ayant des strophes et des refrains; 6 miktam, 
DÏ13D, en "grec a-np.oYpoKpia, dans la Vulgate tituli in- 

scriptio, la plupart munis d'une indication de mélodie, 
de l'air sur lequel il les faut exécuter; enfin 1 Hggayôn, 
î"i>sia, le Psaume vu, traduit par les Septante simple- 
ment tyaXfAÔç, par Symmaque et Aquila ifvô^y.n, àyvoia, 
par la Vulgate psalmus et par saint Jérôme ignoralio, 
sorte d'ode irrégulière analogue au dithyrambe avec vifs 
changements de rythme et de pensée. Voir tous ces 
noms. Il est à remarquer que la valeur précise de ces 



809 



PSAUMES (LIVRE DES) 



810 



termes techniques s'est vite perdue, on ne les rencontre 
plus gnère dans le cinquième livre, et les Septante ne 
savent plus les traduire; les Pères de l'Église 'leur don- 
nent des sens mystiques. Au point de vue de la forme, 
et abstraction faite des appellations anciennes, il faut 
distinguer les Psaumes à simple parallélisme, les 
Psaumes'avec strophes, ceux avec refrain, et les Psaumes 
alphabétiques avec ou sans strophes. 

IV. Origine et date des Psaumes. — 1° Collections 
successives des Psaumes. — L'origine (auteur et date) 
des Psaumes est assez difficile à préciser dès qu'on sort 
des opinions extrêmes, attribuant l'une tous les Psaumes 
à David, l'autre les renvoyant tous à l'époque qui suit 
le retour de la captivité. Théodoret, Prsefat. in Ps., 
t. lxxx, col. 862, se décide pour l'attribution générale des 
Psaumes à David; cette opinion, ajoute-t-il, est celle de 
la majorité des auteurs ecclésiastiques : mais Origène 
et toute son école sont d'avis différent; et c'est leur opi- 
nion qu'exprime saint Jérôme, Epist. ad Sophron., 
t. xxviii, col. 1123 : Psalmos omnes eorum testamur 
auctorum qui ponuntur in titulis, David scilicet, 
Asaph et Idilhun, filiorum Core, Eman Ezrahitse, 
Moisi et Salomonis et reliquorum quorum Ezras uno 
volumine comprehendit (opéra). — D'autre part les 
additions évidentes datant de la captivité, telles que les 
deux derniers versets du Miserere et d'autres ana- 
logues, montrent bien que les Psaumes qui les ont 
reçues étaient d'origine notablement antérieure, et 
s'opposent à la composition récente du Psautier. La 
division du Psautier en cinq livres nous donne une 
chronologie approximative des Psaumes, pourvu qu'on 
n'oublie pas d'autre part que, pour des raisons di- 
verses, les Hébreux ont pu insérer dans un recueil 
ancien un Psaume ou un fragment plus récent, ou 
inversement ajouter à une collection récente un poème 
plus ancien. — 1. Le premier livre et une portion du 
second semblent avoir formé le noyau primitif : les 
Psaumes y sont, par leur titre, attribués à David, ont 
généralement un caractère élégiaque ou méditatif per- 
sonnel et non pas national, et trouvent une conclusion 
toute naturelle dans Vexplicit ou note finale du Ps. lxxi, 
20 : Defecerunt laudes David filii Jesse. Ce groupe 
n'est cependant pas d'une homogénéité parfaite, il ren- 
ferme des Psaumes davidiques en deux recensions, 
jéhoviste et élohiste, tels que xin et lu, xxxix et 
lxx, et même un groupe lévilique xli-xux ; les Psau- 
mes î et II sans nom d'auteur semblent aussi avoir été 
mis plus tard en tête du Psautier en guise de préface. 
— 2. Un second recueil a été superposé au premier, 
d'origine lévitique, formant le livre troisième : une 
tranche lévitique xli-xlix a même pénétré dans le livre 
deuxième, probablement par interversion des manus- 
crits; ce second recueil est nettement défini par les 
attributions d'auteurs, xli-xlviii les fils de Coré; xux et 
lxxii-lxxxii Asaph; lxxxiii-lxxxviii les fils de Coré; 
par le choix des sujets généralement nationaux, cultuels 
ou dogmatiques, et par le style plus soigne, avec plus 
de recherches d'ornements poétiques, strophes et re- 
frains, indications techniques et musicales. — Dans ces 
deux recueils composés des trois premiers livres, tout 
ce qui a trait à la captivité parait sous forme d'antienne 
additionnelle, la rojaulé davidique avec sa perpétuité, 
l'inviolabilité du temple et de la cité sainte y sont 
nettement inculquées, par conséquent la composition en 
est antérieure à la première destruction de Jérusalem 
et à la captivité de Nabuchodonosor. — 3. Au contraire 
les quatrième et cinquième livres donnent l'impression 
d'une composition ou d'une compilation plus tardive : 
les allusions à la captivité paraissent non plus sous la 
forme d'additions, mais comme partie intégrante ou 
même sujet principal des Psaumes : le style en est 
aussi très différent, on y rencontre de ces longues 
énumèrations ou des répétitions multiples, alignées 



souvent en groupe ternaire comme dans le cantique final 
de l'Ecclésiastique dans le texte hébreu, dans la Sagesse, 
dans le cantique deutérocanonique de Daniel ; les indica- 
tions techniques et musicales y font très communément 
défaut, la plupart des Psaumes sont anonymes, et les 
emprunts aux plus anciens y sont fréquents; la langue 
est plus teintée d'aramaïsme, ki pour k, pronom suf- 
fixe de la 2 e personne du féminin singulier, xi pour 
"ton, pronom relatif : beaucoup ne sont que des com- 
positions doxologiques à l'usage du culte public et privé, 
nourries de souvenirs historiques anciens, mais sans 
allusion aux événements contemporains. On y distingue 
même plusieurs petits recueils particuliers, les Hallel, 
le recueil des cantiques du pèlerinage ou Psaumes gra- 
duels, le Ps. cxviii, recueil de strophes à la louange de 
la loi divine, et les séries d'Alle!«ia;Vensemb\e formai! 
un groupe plus considérable que les autres livres a été 
partagé en deux par une doxologie finale apposée à la 
fin du Ps. cv; et l'on a obtenu ainsi cinq sections du 
Psautier, analogues aux cinq sections du Pentateuque 
et disposées à peu prés dans leur ordre chronologique. 
L'origine du recueil remonte donc aux plus hautes 
époques delà monarchie juive, les plus beaux morceaux . 
lévitiques étant de la période littéraire d'Ézéchias, l'exil 
et le retour correspondant au quatrième livre, le reste 
s'espaçant durant deux ou trois siècle's postérieurs. 

2° Psaumes dits Machabéens. — - Certains Psaumes 
descendent-ils jusqu'à l'époque des Machabées? La 
plupart des auteurs modernes l'admettent volontiers; 
et le contexte de Psaumes tels que xliii, lxxiii, 
lxxviii, lxxxii, semble leur donner raison. Toutefois 
il faut se garder de trop presser la conséquence, car 
en somme l'histoire juive dans ses détails nous est peu 
connue; les livres historiques de la Bible ne procé- 
dant que par extraits incomplets ou par référence à 
des ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, il nous 
est impossible de dire si les faits narrés par les Psal- 
mïstes sont ceux de la persécution d'Antiochus Épi- 
phane, ou ne datent pas d'une autre époque, si les 
invasions égyptiennes, assyriennes et babyloniennes 
n'ont pas amené de grands massacres ; nos renseigne- 
ments historiques sur la période pré-exilienne tiennent 
en quelques pages, ceux de la période post-exilienne 
sont plus défectueux encore. 

En outre, Renan a fait valoir contre les Psaumes 
machabéens des raisons qui ne manquent pas de soli- 
dité et que Davidson a repris dans le Dictionary ofthe 
Bible de Hastings, t. iv, p. 152-153, contre les exagéra- 
tions évidentes de Hitzig, Olshausen et Cheyne : « (Des 
poèmes machabéens) subsistent-ils dans le recueil actuel 
des Psaumes? C'est un des points sur lesquels il est le 
plus difficile de se prononcer : l'âme d'Israël n'était pas 
changée, mais sa langue était changée, et nous croyons 
que des prières composées au temps d'Antiochus ne 
seraient pas si difficiles à discerner des prières clas- 
siques plus anciennes : le siècle n'était pas littéraire, la 
langue était plate et abaissée... » Il ajoute en note : 
« Les Ps. xliv, lxxjv, lxxix, lxxxiii surtout conviennent 
parfaitement à ce temps : mais après tout rien ne 
s'oppose à ce qu'ils soient plus anciens, les 'ânavîm 
(fidèles) s'étant souvent trouvés dans des situations 
analogues. Ces Psaumes sont de la plus belle langue 
classique, du style le plus relevé, souvent pleins d'obs- 
curités et de fautes de copistes. Or, la langue à l'époque 
des Machabées était extrêmement abaissée, et le 
génie poétique perdu, le style est plat, prolixe à la 
façon araméenne, n'offrant jamais aucune difficulté 
quand l'auteur ne fait pas exprès de contourner sa 
pensée... Le Psautier de Salomon, peu postérieur aux 
Machabéens, a-t-il jamais pu être confondu avec les 
Psaumes davidiques?... Le Psaume qui parait le plus 
machabaïque, le Ps. ùxrv, est cité dans le premier . 
livre des Machabées, vu, 16-17, comme un vieux texte 



811 



PSAUMES (LIVRE DES) 



812 



prophétique. » Histoire d'Israël, t. iv, p. 316-317. 
Driver, An introduction to the Littérature of the 
O. T., Edimbourg, 1838, p. 388, bien qu'un peu moins 
affirma tif, fait des constatations analogues. On peut 
ajouter à ces raisons littéraires que les idées des rétri- 
butions ultra-terrestres et messianiques sont en tels 
progrès dans les Psaumes de Salomon qu'on ne peut 
supposer qu'ils soient de la même époque que les 
Psaumes canoniques. Quant à l'acrostiche Simon (Ma- 
chabée) obtenu par les initiales du Psaume Cix, 1 o, 2, 
3, 4, suivant les indications de G. Bickell, il est pour 
le moins fort arbitraire et n'est nullement établi. 

Il semble donc que nous n'avons guère de Psaumes 
postérieurs au hp siècle avant J.-C. La traduction des 
Septante, dont le Psautier est absolument homogène, 
est déjà utilisée par I Mach., vu, 16; l'original hébreu 
est déjà employé Ps. civ, 1-15; xcv; cv, 1, 47-48, par 
le rédacteur des Paralipomènes avec la doxologie finale 
du IV» livre, en transportant ce verset du sens original 
optatif, à une application à un passé historique, I Par., 
xvi, 8-36; or les Psaumes présentés comme les plus 
certainement machabéens sont antérieurs à cette doxo- 
logie finale. 

V. Auteurs des Psaumes. — La plupart des Psaumes 
— presque invariablement ceux des trois premiers 
livres, au contraire exceptionnellement ceux des deux 
derniers — portent en tête un nom d'auteur, David 
(73), Asaph (12), les descendants de Coré [(11), Salo- 
mon (2), Héman (1), Éthan-Idithun (4), Moïse (1); la 
formule fréquente dans la Vulgate, ipsi David, doit 
être considérée comme un génitif, et n'est que la tra- 
duction de l'hébreu le-Davîd, en grec, toO Aagîê, ipsius 
David; l'hébreu laisse 50 Psaumes orphelins, c'est-à- 
dire sans nom d'auteur; les versions n'en ont qu'un 
nombre moindre, la Vulgate n'en compte que 35, car 
elles ont mis des auteurs à de simples fragments indû- 
ment séparés de leur contexte, cf. xlii, attribué à David, 
quoique formant la troisième strophe du Ps. xli des fils 
de Coré. — Le fait qu'un bon nombre sont restés ano- 
nymes montre que les copistes n'ont pas donné des noms 
d'une façon arbitraire; une seconde observation, le 
style caractéristique de certains auteurs retrouvé d'une 
manière courante dans la plupart des morceaux qui 
leur sont attribués, par exemple le style élevé et 
souvent enflé des Psaumes d'Asaph, la perfection litté- 
raire et poétique de ceux des fils de Coré, montre qu'il 
faut tenir compte de ces indications, Beaucoup sont 
originales ou du moins ont été placées très ancienne- 
ment d'après des renseignements traditionnels; il y 
avait même des traditions divergentes, que l'on a re- 
cueillies simultanément dans certains exemplaires; 
ainsi s'expliquent les indications contradictoires trou- 
vées surtout dans les versions grecques et latines, par 
exemple, cxxxvi, attribué à David et à Jérêmie. Cer- 
tains de ces noms doivent aussi être considérés plutôt 
comme familiaux que comme individuels, ce sont des 
noms de tribu ou d'école; ainsi Coré et Asaph sont-ils 
appliqués à des époques très différentes, au temps des 
luttes de Sennachérib et d'Ézéchias, et à celui de la 
conquête de fa Palestine par Nabuchodonosor, 
Ps. lxxxii, xliii, xlviii, d'une part et d'autre part xli, 
xlii,.lxxiv, lxxix, lxxxiv. Dans les cas douteux, le 
critique peut essayer, par les indices tirés du style, les 
renseignements historiques contenus dans le Psaume, 
les analogies de doctrine avec telle ou telle autre partie 
de la Bible, de préciser la date de la composition. 

1» David. — Le roi David est le plus célèbre des 
Psalmistes et c'est pourquoi on a donné souvent son 
nom à la collection entière. L'absence de préoccupa- 
tions politiques, la forme plaintive et élégiaque, le ton 
de pieuse mysticité d'un grand nombre de Psaumes 
attribués à David, en opposition avec le caractère de ce 
prince tel qu'il parait se dégager des livres des Rois ou 



des Paralipomènes, sont les raisons qu'on allègue à 
rencontre de la composition davidique; mais il faut se 
rappeler que l'énergie, la vaillance, et même la dureté 
à la guerre des Orientaux n'empêchent pas chez eux 
un sentiment de soumission, d'humilité, de confiance 
plus ou moins mystique vis-à-vis de la divinité : vis-à-vis 
de leurs dieux, les prières ou psaumes d'Assurbanipal 
et d'Asarhaddon ont également un ton plaintif des 
plus accentués qui forme grand contraste avec le récit 
qu'ils font ailleurs de leurs exploits. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 405 ; 
Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott fur 
Slaal, p. 72-82; Eb. Schrader, Keilinschriften und 
Geschichtsforschung, p. 519; Records of the Past, 
newser., p. xi-x.ni. Il faut en outre se rappeler que 
nous n'avons des Psaumes qu'une rédaction liturgique, 
par conséquent parfois généralisée ou adaptée à des cir- 
constances différentes, et nullement l'édition originale : 
par exemple le Psaume ix et x de l'hébreu, ix des 
Septante et de la Vulgate, en strophes alphabétiques 
dans la rédaction primitive, a été amalgamé avec un 
autre, d'un rythme différent et non alphabétique, à peu 
près par moitié : on conçoit que le caractère primitif 
ait dû en souffrir, bien qu'on ait retenu le titre de 
Psaume de David. Tout le monde reconnaît que les 
deux versets ajoutés au Miserere en changent notable- 
ment le caractère moral et historique, la finale suppo- 
sant la destruction de Jérusalem et le grand prix 
attaché par Dieu aux sacrifices liturgiques, tandis que 
la fin primitive donne une impression différente. Le 
Ps. cxliii Benedictus attribué par le titre à David, 
abrégé du Ps. xvir, peut avoir un noyau davidique, 
que l'addition des f. 12-15 transporte dans des condi- 
tions historiques toutes différentes. Sous des réserves 
analogues, si les deux premiers livres du Psautier 
n'avaient pas un noyau vraiment davidique, on ne com- 
prendrait pas pourquoi, à une date très ancienne, on y 
aurait donné la finale: « (Ici) finissent lesprières de David, 
fils d'Isaï, » Ps. lxxi, 18-19; que du recueil ainsi dé- 
limité ou de tout autre analogue le rédacteur du ch. xxn 
de II Reg. eût extrait le Ps. xvn comme document final, 
suivi de ses novissima verba, ch. xxm, de style sem- 
blable à celui de beaucoup dé Psaumes davidiques, et 
l'eût nommé lui-même egregius psaltes Israël, en hé- 
breu : « aimable par les chants d'Israël. » Le rédacteur 
du règne de David dans les Paralipomènes I Par., xvi, 
8-36, lui attribuede même les Ps. civ, xcv, cv : tandis 
que le prophète Amos, vi, 5, dit des habitants de Sa- 
marie et de Jérusalem : sicut David putaverunt se 
habere vasa cantici, ou plus exactement d'après l'hé- 
breu : sicut David excogitant sibi vasa cantici; les 
deux élégies conservées de lui sur la mort de Saùl elde 
Jonathas et sur celle d'Abner ne suffisent pas à justifier 
toutes ces appréciations : la réputation littéraire de 
Salomon n'a pas suffi à lui faire attribuer plus de deux 
Psaumes, bien que les rédacteurs des Rois et des Para- 
lipomèmes aient grandement glorifié son œuvre reli- 
gieuse. 

Ewald concluait, d'après le critérium très subjectif 
du goût, de l'originalité, de la vivacité et du coloris, 
de la dignité et de la noblesse des sentiments exprimés, 
à l'origine davidique des.Ps. m, îv, vu, xi, XV (xiv), 
xviii (xvn), xix (xvm), 1 « partie, xxiv (xxm), xxix (xxviii) , 
XX.XII (xxxi), ci (c) et d'un bon nombre de fragments. 
Cette liste n'est pas définitive; d'autant moins que cer- 
tains de ces Psaumes ou fragments davidiques sont ré- 
pétés, ou abrégés, ou développés, dans d'autres parties 
du Psautier. Renan estime ancienne et davidique par 
exemple la strophe lx-lix, 8 (14), répétée dans le 
Ps. cvm (cvn). Nôldeke tient pour authentique le 
Ps. xvin (xvn) abrégé dans cxxxi : or, la longueur 
extrême du premier Psaume, la description du secours 
de Dieu sous l'allégorie d'une théophanie accompagnée 



813 



PSAUMES (LIVRE DES) 



«14 



de tempête et de tremblement de terre, sembleraient 
plutôt faire incliner à un jugement contraire : mais il 
ajoute, sans qu'on puisse vraiment le contredire : 
« Connaissons-nous donc si exactement le style de 
David? Est-ce qu'un chant de fête, composé peut-être 
par un vieillard, doit reproduire le style concis et 
simple d'une œuvre de jeunesse comme l'élégie sur 
Saû! et Jonathan? » Th. Nôldeke, Histoire littéraire de 
l'A. T., trad. H. Derenbourg et ,1. Soury, Paris, 1873, 
p. 185-186; Driver, op. cit., p. 379, 385. Enfin il est 
certain que le culte se développa en même temps que 
la royauté, sous David et Salomon, et aussi sous l'in- 
iluence extérieure égyptienne et phénicienne, peut-être 
aussi dès lors assyrienne ou babylonienne; il dut donc 
y avoir des chants religieux analogues à ceux de l'Egypte 
et de l'Assyrie, et il n'est pas vraisemblable qu'on les 
ait laissés de côté plus tard. 

Il faut reconnaître par contre que ces traditions an- 
ciennes de l'époque davidique ont pu occasionner plus 
d'une attribution arbitraire, et même évidemment 
erronée : par exemple les manuscrits utilisés par les 
Septante ont attribué, comme d'ailleurs aussi la Vul- 
gate, une composition davidique au Ps. xui, Judica me, 
qui n'est qu'une strophe détachée du Ps. précédent non 
davidique; cf. aussi Ps. cxxxvn, Super flumina Baby- 
lonis. Inversement le Ps. cxxiv, Nisi quia Dominus eral 
in nobis, porte dans l'hébreu une attribution davidique, 
que les Septante et la Vulgate ont justement laissée de 
côté, apparemment pour nous montrer ce qu'il fallait 
faire en présence du caractère si évidemment post- 
exilien d'un te) morceau ou de tout autre analogue. 

2° Les fils de Core'. — La série attribuée aux « Fils de 
Coré » comprend 11 Psaumes en deux groupes xli (xlii) 
(avec xlii (xliii); xliv (xliii) jusqu'à xlviii (xlix), puis 
lxxxiii (lxxxiv) jusqu'à lxxxvii (lxxxviii) à l'exception 
de lxxxv (lxxxvi) ; ce sont les plus beaux morceaux du 
Psautier, distingués pav \e\ir simplicité, leur délica- 
tesse, leur forme à la fois étudiée et parfaite au point 
de vue poétique, d'une strophique très régulière et 
avec emploi fréquent et heureux du refrain : au point 
de vue des sentiments on y distingue un grand amour 
du Temple et de la cité sainte. La tradition T&Uaehait 
l'origine de cette famille au Coré du désert; leur acti- 
vité littéraire fut marquante durant la période d'Ézé- 
chias et jusqu'après le retour de la captivité, comme le 
montrent les allusions historiques de leurs Psaumes : 
leurs idées théologiques ou messianiques sont ana- 
logues à celles d'Isaïe : voir par exemple Ps. lxxxvi 
(lxxxvii) et Isaïe, xix, 19 r 25 ; leurs fonctions dans le 
Temple sont indiquées dans les livres historiques 
depuis David jusqu'à la restauration d'Israël, gardiens 
des portes du temple, I Par., ix, 19; xxvi, 1-19; puis 
chantres. II Par., xx, 19. 

3° Asaph. — Douze Psaumes portent l'indication 
r Asaph » et sont par conséquent aussi de l'école lévi- 
tique : xlix (l) et lxxii (lxxiii) jusqu'à lxxxii (lxxxiii). 
Sous ce nom comme sous le précédent se cache une 
famille de lévites dont l'activité littéraire s'espace sur 
plusieurs siècles : par exemple lxxxii (lxxxiii) appartient 
à l'époque de la lutte contre l'Assyrie; lxxiii (lxxiv) et 
lxxviii (lxxix) à l'invasion babylonienne ; ce sont tou- 
jours des Psaumes nationaux, et non personnels : le 
style, moins parfait que ceux des Fils de Coré, est 
communément d'une grande autorité et d'une grande 
véhémence, qui approche souventdu sublime, mais qui 
aussi le dépasse quelquefois; ils renferment beaucoup 
d'allusions à l'histoire et aux vieux souvenirs d'Israël, 
et d'imitations des allégories des prophètes : voir par 
exemple la belle allégorie de la vigne lxxix (lxxx). Leur 
langue recherchée a été souvent mal traduite par les 
Septante et la Vulgate. Voir Asaph, 1. 1, col. 1056. 

4» Élhan. — Éthan, auteur du Psaume lxxxviii 
(lxxxix), est peut-être par une faute de transcription ou 



de lecture de Yaleph initial, le même qu'Idithun auteur 
de xxxviii (xxxix), lxi (lxii), lxxvi (lxxvii). Voir ces 
noms. Ces Psaumes sont par conséquent aussi d'origine 
lévitique, et très beaux; voir par exemple lxxxviii 
(lxxxix) élégie messianique sur la dynastie de David, 
en en séparant les f. 6-19, qui forment un Psaume diffé- 
rent et fort beau, également inséré dans le premier. 

5 D Salomon, Moïse , Psaumes anonymes. — Salomon 
est donné comme auteur des Psaumes lxxi (lxxii) et 
cxxvi (cxxvn) : cette dernière attribution est plus que 
contestable. Le Psaume de la vieillesse lxxxix (xc) est 
attribué à Moïse, mais saint Augustin, In Ps. lxxxix, 
t. xxxvil, col. 1141, en disait déjà : Non enim credendum 
est ab ipso omnino Moyse islum Psalmum fuisse con- 
scHptum, et il en donne pour raison que s'il eût eu cette 
origine, on l'eût joint au Pentateuque. Saint Jérôme, 
E/Àst. cxl ad Cyprianum, t. xxn, col. 1167, admet 
l'origine mosaïque de ce Psaume et des dix suivants, où 
il est cependant parlé de choses bien postérieures et 
même de Samuel. Ps. cxvm, 6. Les versions ajoutent 
encore des noms d'auteurs à quelques Psaumes ; mais ces 
additions sont généralement fort arbitraires. Il reste plu- 
sieurs Psaumes anonymes, comme on l'a vu plus haut. 
Quelques-uns des plus beaux du Psautier sont compris 
dans cette catégorie, tels que cm-crv, tableau de la créa- 
lion, et evi-cvii, action de grâces pour le retour de la 
captivité; la plupart se trouvent dans les deux derniers 
livres du recueil. 

VI. Indications historiques, liturgiques et techni- 
ques des titres. — 1° Indications historiques. — Les 
titres ajoutent quelquefois au nom de l'auteur des indi- 
cations de circonstances historiques, Elles semblent 
n'être plusieurs fois que des conjectures du recenseur; 
le contenu ne les justifie pas toujours; un mot a quel- 
quefois suffi pour qu'on rattachât tout un Psaume à la 
vie de David. Par exemple Ps. m, quand David fuyait 
devant Absalom son fils; vu, à l'occasion des paroles 
de Chusi le Benjamite; xxxm(xxxiv), quand David 
contrefit l'insensé en présence d'Abimélech; li(lii), 
quand Doëg l'iduméen vint dire à Saùl que David 
était chez Achimélech; lui (liv) quand les Ziphéens 
vinrent dire à Saûl : « David est caché parmi nous; » lv 
(lvi), quand les Philistins le saisirent à Cteth; lix(lx), à 
l'occasion de la guerre contre les Syriens de Mésopota- 
mie et de Soba, etc. Dans ce dernier cas, par exemple, 
il est question des Philistins, des lduméens comme 
encore à vaincre, et nullement des Syriens; dans le 
Psaume lxii (lxiii), la mention repose sur le f. 2, in terra 
déserta et invia et inaquosa, qui est lui-même vraisem- 
blablement pour sicut terra... inaquosa, sic in sancto ap- 
parut libi, « comme » étant à restituer au lieu de « dans». 

2° Indications liturgiques. — D'autres additions sont 
des indications liturgiques remontant à l'emploi des 
Psaumes dans le Temple, dans le culte public ou dans 
le culte privé : xxix(xxx) pour la dédicace du Temple; 
xci(xcii) pour le jour du sabbat; de cxix(cxx) jusqu'à 
cxxxih(cxxxiv) cantique des montées ou du pèlerinage . 
à Jérusalem, canticum graduum; xxxvii(xxxvin) et r 
lxix(lxx) pour la commémoraison (des bienfaits), in 
rememoralionem ; cxix(c), pour (le sacrifice d') action 
de grâces, in confessione. Les Septante et la Vulgate en . 
ont d'autres encore : xcv, pour li reconstruction du 
Temple après la captivité, guando domus sedificabatur 
post captivitalem ; xcn, quando fundata est terrai 
xxxvn, de sabbalo ;xxm le lendemain du sabbat, prima 
die sabbati; xlvii, secunda sabbati, le second jour de* 
la semaine; xcn, quarto sabbati, le quatrième jour; 
xcn, in die ante sabbatum, quando fundata est terra', 
la veille du sabbat, le jour où fut achevée (la création) 
de la terre. Les Septante, la Vulgate et aussi le Sy- 
riaque contiennent également des indications de cir- 
constances historiques ou une seconde série de noms 
d'auteurs inconnus à l'hébreu actuel, et généralement 



815 



PSAUMES (LIVRE DES) 



816 



peu soutenues par le contexte : Septante, (Psalnius 
David) filiorum Jonadab et priorum captivorum; 
cxxxvi, de David et de Jérémie; lxiv, Jeremise et Eze- 
chielis populo transmigrationis, cum inciperent exire: 
CXI, reversionis Aggxi et Zacharise, en tête du Beatùs 
vir qui n'a aucun rapport à la sortie d'exil; cxxv, Can- 
ticum ad Assyrios, qui semble au contraire une note 
marginale bien appropriée; xxvi, David priusquam 
linirelur ; xxvm, t|/aXu.ôç ™ Aaui'5 ê£oSi'ou axr^r^, in 
consummatione tabernaculi, etc. 

3° Indications techniques. — Ils contiennent encore 
des indications techniques, poétiques ou musicales; 
par exemple l'espèce particulière de chaque Psaume : 
niizmôr, sir, maskîl, niikfam, siggdyôn, {efilldh; 
sir yedidôf. Voir col. 808. 

Quant à la mélodie ou air connu indiqué, nous 
trouvons les formules suivantes : 'alniûp labbên, ûrckp 
tô>v xpuçiw toj Ycoù, pro occullis Filii, c'est-à-dire 
sur l'air 'almût labben (peut-être : la pâle mort), 
Ps. ix ; 'al 'ayyéle't has-sahar, {.7tip tr^ç àvTtXïjJ/ewi; t?,c 
êh)9tv7iç, pro susceptione matutina, sur l'air : « la biche 
de l'aurore »; Ps. xxi(xxii), 'al-yônat 'êlém rehôqîm, 
Oiiàp toû Xao-j tg-j àrnh TàW àffwv {ieîiaxpu{iu.évou, pro 
populo qui a sanctis longe foetus est, sur l'air : « colombe 
des lointains térébinlhes »; Ps. lv(lvi), 'al-(ashêf, 
(xri SiaopOsipVic ne disperdas, sur l'air : « ne détruis pas », 
Ps. lvi(lyii) jusqu'à l"VHi(lix) ; 'al-sûsan 'êdûf, toï; 
àXXoiw6i)<jo[ii\ot{ ï-ci,pro iis qui immutabuntur (adhuc), 
sur l'air: «lis, témoin de... »Ps.lix(lx),ou encore avec 
variante sôsannîm xliv(xi.v), lxviii(lxix), lxxix(lxxx). 
Il faut y ajouter quelques autres indications qui ont un 
sens vraisemblablement analogue, al-'âldmôt, inzïç 
T&v xpuçiwvjpro arcanis, c'est-à-dire super puellarum 
(vocem ou modulum), sur (l'air): «Jeunes filles...» ou 
« pour voix de jeunes filles, de soprani »,Ps. xlv (xlvi); 
'al-gil(i(, ûiùp TtSv Irp&v, pro torcularibus, « sur la 
Géthéenne », sur la (lyre ou le ton) de Gelh, ville phi- 
listine où résida David durant la persécution de Saûl, 
Ps. lxxx (lxxxi) et lxxxiii (lxxxiv); 'al-malyalat, 
•juèp MasXéd, pro maeleth, sur un air ou un instru- 
ment de musique dont on ignore la nature, peut- 
être la flûte qui guide le chœur, ce qui s'accorde assez 
bien avec la traduction d'Aquila, im xopeti, et de saint 
Jérôme (su)per chorum; Ps. lii(lui) et lxxxvh(lxxxviii), 
voir Maeleth, t. iv, col. 537; be-neginôf, iv]/txky.oïç, 
sans doute pour èv ^aXT-^ptoïç : Vulgate : in carmini- 
6us;saint Jérôme : inpsaltnis, sur les «psaltérions», sur 
les « instruments à cordes », Ps. i'v ; 'él han-nehilô(, Sep- 
tante îiTcèp Tri? xXï]povo|ioiKTr|ç, Vulgate : pro eaquse hrn- 
reditatem consequitur, saint Jérôme: super heereditati- 
bus, c'est-à-dire « sur les flûtes », Ps. v ; voir ces mots, 'al- 
hus-sénùnit, ùnèp ivi; o-fSôris, pro octava, c'est-à-dire pour 
« la lyre àhuit cordes » (ou peut-être « à l'octave » si l'on 
admet pour les anciens orientaux une échelle musicale 
semblable à la nôtre), Ps. vi. Enfin la plupart de ces 
indications ou rubriques sont adressées à un lévite ou 
officiant dont le nom hébreu est menasseal}, terme rendu 
par les Septante : Eiç tô te'Xoç, par la Vulgate, In finem, 
par saint Jérôme : Victori, et qui doit être traduit par « Au 
maître de chœur ». Voir Chef des chantres, t. ii,col. 645. 
On a remarqué que tous ces termes techniques étaient 
déjà devenus inusités lors de la rédaction des deux der- 
niers livres du Psautier; il furent même totalement in- 
compris des Septante, qui les traduisirent en les décom- 
posant ou en les remplaçant par des termes de pronon- 
ciation semblable mais de sens très différent, pris dans 
le vocabulaire qui leur était familier; de sorte que les 
premiers interprètes des Psaumes et les Pères de 
l'Église, ne trouvant dans ces titres que des mots in- 
compréhensibles, abandonnèrent le sens littéral pour 
chercher des explications allégoriques plus ou moins 
étranges, telles que l'explication de saint Ambroise : 
In Luc., y, c. 6, t. xv, col. 1649 : Pro octava enim 



multi inscribuntur Psalmi.. . spei nostrœ octava per- 
feclio est;... octava summa vir lutiim est. Tous les autres 
terroesanalogues sont expliqués de même, en y cherchant 
des sens dogmatiques, mystiques ou moraux. Origéne 
voyait dans les titres des Psaumes « la clef pour en pé- 
nétrer le sens, » mais il avouait ensuite que « les clefs 
avaient été mélangées et qu'il était devenu fort difficile 
de retrouver celle qui donnait entrée dans chacun des 
Psaumes. » In Ps. l, n. 3, t. xii, col. 1080. D'après l'ana- 
lyse que nous en avons donnée, ce sont des indications 
littéraires, poétiques, musicales et liturgiques, de date 
suffisamment ancienne mais qui méritent vérification ; 
on peut les comparer aux rubriques du bréviaire et 
du missel. Saint Thomas d'Aquin, In Psalm. ri, Opéra 
omn., Parme, 1863, t. xiv, p. 163, reconnaît qu'elles ne 
remontent pas aux auteurs des Psaumes : Sciendum 
est quod tilvli ab Esdra facli sunt. Par conséquent on 
ne peut les considérer comme nécessairement inspirées. 
L'Église ne les a jamais regardées comme faisant partie 
intégrante des Psaumes; dom Calmet, Sur les titres des 
Psaumes, dans le Commentaire littéral, Psaumes,t. i, 
p. xxxiv, 1713; Noël Alexandre, Histoire de l'Ane. Tes- 
tament, diss. XXIV, a. i, q.l, ont nié leur inspiration. 
Certains d'entre ces titres ont même été ajoutés aux 
Septante par une main chrétienne, pour passer de là 
dans la Vulgate, et même dans l'Éthiopien, comme 
Ps. lxv, 'j>«X[ib; àvacTTcicTed):;, Psalmus Resurrectionis ; 
enfin la Peschito les a généralement rejetés etremplacés 
par des indications chrétiennes: ainsi en tête du Ps. cix, 
Dixil Dominus, nous lisons : De solio Domini deque 
virtute ejus gloriosa : et prophelia de Chrislo et Vi- 
ctoria de hoste. 
VIL Caractère des Psaumes; leur supériorité par 

RAPPORT AUX CHANTS RELIGIEUX DES AUTRES PEUPLES 

orientaux. — Le Psautier est évidemment un recueil 
d'hymnes, de prières, de méditations et même de com- 
positions didactiques, histoire, dogme, prophétie, mo- 
rale; il appartient à la poésie lyrique, et les Psaumes 
hébreux peuvent être comparés, quoique infiniment su- 
périeurs quant au fond et généralement aussi quant à 
la forme, aux psaumes assyriens ou babyloniens, con- 
servés dans les textes cunéiformes ; aux chants religieux 
de l'Egypte, papyrus ou monuments; aux Gâthàs de 
l'Avesta et aux Vèdas de la littérature sanscrite. Bien 
que les sections ou coupures pratiquées entre les Psau- 
mes ne soient pas toutes certaines, les titres maintenus 
dans le texte nous montrent que la plupart sont des 
poèmes de peu d'étendue — à part le Ps. cxvm(cxix) qui 
est plutôt un recueil de maximes de morale religieuse, 
groupées en strophes alphabétiques — les uns servant 
à la récitation et au culte publics, les autres à la lec- 
ture ou récitation privée : les uns étaient destinés à louer 
Dieu dans le Temple, dans les assemblées religieuses, 
comme le Confitemini Domino, les autres à la prière 
privée tels que le Miserere mei; d'autres aux cérémo- 
nies religieuses, tels que VExurgat Deus, Ps. lxvhi; 
d'autres à l'instruction d'Israël, comme les Confitemini, 
civ et cv (cv et evi) ; beaucoup devaient leur origine à 
un événement particulier et se récitaient dans des cir- 
constances analogues. 

D'autres instruisaient Israël de son passé et de l'ave- 
nir que lui prédisaient les prophètes : il y a en outre 
un grand nombre de Psaumes de caractère individuel, 
relatifs à toute sorte d'épreuves, maladie, persécution, 
calomnies, vieillesse, etc. C'est une exagération évi- 
dente que celle de Reuss qui voit partout des Psaumes 
nationaux, où Israël est toujours caché sous la per- 
sonnification du Psalmiste; bien qu'il soit suivi par la 
plupart des critiques contemporains, tels que Duhm, 
Cheyne, Smend, il suffit" de s'en tenir au texte de 
Psaumes tels que m, iv, vi,et même xxi(xxn) ou autres 
semblables pour se persuader du contraire, l'auteur y 
parlant de circonstances personnelles qu'on ne peut 



817 



PSAUMES (LIVRE DES) 



818 



évidemment appliquer à Israël, son « père», sa « mère », sa 
« naissance », son « vêtement », etc. ; il y a cependant cer- 
tains Psaumes primitivement individuels qui sont deve- 
nus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple ac- 
commodation, soit même grâce à des changements ou 
des modifications pratiquées dans le texte primitif : le 
Ps. ix(x) en est un exemple caractéristique. 

VIII. Forme poétique des Psaumes. — Leur carac- 
tère poétique, non seulement quant au fond, mais en- 
core quant à la forme, est absolument évident, et si 
les Psauliers du temps d'Origène ont pratiqué la 
scriptio continua, source de mauvaises lectures et de 
fausses coupures fréquentes, à l'origine et pour la psal- 
modie primitive, la séparation des vers et des strophes 
a dû être conservée, comme elle l'était dans la poé- 
sie assyrienne et les papyrus égyptiens. Les déplace- 
ments du sélah, Sià^ïAu-a, qui indique la strophique 
dans beaucoup de Psaumes, et qui a été parfois copié 
un vers trop haut ou un vers trop bas, ne peut avoir 
d'autre origine qu'un texte hébreu où les vers étaient 
séparés ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs 
anciens ont tâché de reconstituer la disposition primi- 
tive. Le parallélisme qui constitue l'essence de la 
poésie hébraïque rendait cette reconstitution relative- 
ment facile. Voir Poésie hébraïque, t. m, col. 489. 
Il y a cependant dans les Psaumes des endroits dont 
la forme poétique est très peu accentuée, et où le pa- 
rallélisme est peu régulier, tels que le Ps. i; d'autres 
où les copistes lui ont fait subir des altérations en 
supprimant ou en ajoutant un membre, comme Ps. vin, 
3 b. c; enfin certains Psaumes ont été composés en 
rythme ternaire, et l'habitude de mettre deux membres 
du parallélisme par verset, les a rendus totalement 
méconnaissables, comme xcn (xcm) où il faut rétablir 
ainsi les versets • 

Eteuim firmavit orbem terra;... 

Parata sedes tua ex tune, 

A sasculo tu es. 
Eievavenmt flumina, Domine, 

Elevaverunt flumina vocem suam, 

Elevaverunt flumina fluctus suos; 
A voeibus aquaruoi multarum 

Mirabiles elationes maris, 

Mirabilis in altis Dominus; 
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis, 
- Domum tuam decet sanctitudo, Domine, 

In longitudinem dierum. 

Le parallélisme sous ses différentes formes, synony- 
mique, antithétique, synthétique, produit naturelle- 
ment en hébreu l'égalité du nombre des mots et par 
conséquent un rythme facilement perceptible. Sur le 
vers hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 490. 
Mais il faut noter que dans les Psaumes la régularité du 
vers est loin d'être constante et absolue : parce que les 
règles n'en étaient pas peut-être exactement fixées, bien 
connues ou bien observées, et parce que les copistes 
ne nous ont pas toujours conservé fidèlement le texte. 
Cf. Ps. xviu (xvn), xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam. 
Reg., xx, 2-51, et I Par., xvi, 8-36. Bien qu'entre ces 
passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut 
constater néanmoins qu'elles n'ontqu'une influence fort 
restreinte au point de vue rythmique etde la poésie. D'ail- 
leurs on ne peut guère supposer dans les Psaumes des al- 
térations prosodiques très nombreuses ni très graves du- 
rant la période ou le Psautier demeura partie intégrante 
de la liturgie juive, ou élément principal des chants 
d'Israël : par conséquent toute théorie sur la poésie 
hébraïque qui suppose trop d'altérations et exige de 
trop fréquents remaniements du texte doit être consi- 
dérée comme suspecte. 

Le caractère lyrique des Psaumes, l'usage où l'on 
était de les chanter couramment, amène à supposer 
dans un grand nombre l'existence de strophes : il en 



est cependant où l'on ne découvre aucune strophique, 
tels le Psaume moral cxh (cxi), Bealus vir, les Psaumes 
historiques cxi(cx), Confilebor, lxxviii (lxxvii), Atten- 
due, popule meus. D'autres ont plutôt des divisions 
logiques que des strophes proprement dites, l'égalité 
des fragments n'étant que très approximative; mais 
dans le plus grand nombre on découvre une stro- 
phique très intentionnelle, reconnaissable au déve- 
loppement égal attribué à chaque pensée du Psaume, 
souvent même celte strophique est accusée par des 
indications spéciales, l'alphabétisme en tête de chaque 
strophe ou de chaque vers, le nom de Jéhovah, placé 
dans chaque premier vers, ou au contraire le terme 
technique seiaA, gtâ^a^u.a (voir Sélah), ou la présence 
d'un refrain à la fin de chaque strophe. 

La division la plus simple, et probablement la plus 
ancienne, est le partage du Psaume en deux parties, 
la strophe et V antistrophe, sorte de parallélisme qui 
oppose non pas vers à vers ou membre à membre, 
mais tamêau à YîAAw^i dans un même \>oème : ainsi 
le Ps. I donne successivement le sort du juste et celui 
du méchant; le Ps. xvi (xv) le choix de Jéhovah comme 
Dieu unique, puis les heureuses conséquences de ce 
choix; le Ps. xix (xvut) la lumière physique, puis la 
lumière morale; le Ps. xxii (xxi) la souffrance du Ser- 
viteur de Jéhovah, puis l'action de grâce pour sa déli- 
vrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et 
l'antistrophe pousse même à juxtaposer et à réunir 
totalement quelquefois deux Psaumes primitivement 
distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes 
royaux xx (xix) et xxi (xx), Exaudiat te Dominus et 
Domine in virtute tua; on réunit dans l'hébreu rxv 
(exiv) Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propter 
quod locutus sum. Et même dans les Psaumes d'une 
strophique plus étudiée, on maintient la division géné- 
rale en deux parties, Ps. xix (xvtu), Cseli enarrant glo- 
riamDei; XLV (xuv), Eruclavit cor meuni. Avec ou 
sans cette division binaire très fréquente, on trouve 
souvent des strophes moins longues et plus nom- 
breuses de diftérents modèles, quelquefois avec de 
légères différences de longueur dont la responsabilité 
incombe à l'auteur primitif ou bien au copiste ; il est 
évident par exemple que le Ps. n, Quare fremuerunt 
gentes, se subdivise en quatre strophes d'une égalité 
approximative : révolte des nations, réponse de Jéhovah, 
consécration du Messie, conclusion du Palmiste; au 
contraire le Ps. m, Domine, quid multiplicati sunt, 
se divise naturellement en quatre strophes égales mar- 
quées en hébreu et en grec par les termes sélah et 
êtœij'aXu.a. La strophe la plus ordinaire se compose de 
quatre membre parallèles deux à deux : Ps. xxrv(xxm), 
A et B; xxxm(xxxii), cxiv(cxm) In exilu jusqu'à Non . 
nobis, etc. On trouve moins fréquemment la strophe de 
huit membres parallèles : Ps. xvm (xvn), xxxn (xxxi), 
etc. La strophe de seize membres est d'un emploi très 
rare à cause de sa longueur : voirPs. cxix (cxvm) qui 
est plutôt un recueil de maximes sur la loi de Dieu en- 
chaînées par ordre alphabétique qu'un Psaume véri- 
table. — Le rythme ternaire a donné naissance à la 
petite strophe de trois membres : Ps. xcm (xcn), et 
cxxxvi (cxxxv) à la strophe de six membres; Ps. xxn 
(xxi); xl vi (xlv); Ps. cxv 6, Non nobis; Domine, non 
nobin, dans 17» exitu; cxvm (cxvn), etc.; enfin à la 
strophe de douze membres, dont le modèle le plus 
achevé est le Ps. cxxxix (cxxxvni), Domine, probasti 
me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une 
strophe de dix membres parallèles : Ps. cxxxu (cxxxi), 
Mémento Domine David. 

Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destinés 
au chant public, font usage du refrain. Dans les cas 
les plus simples il parait seulement au commencement 
et à la fin du Psaume, et alors c'est plutôt une sorte de 
cadre donné au poème qu'un refrain véritable, Ps. vin ; 



819 



PSAUMES (LIVRE DES) 



820 



cm (eu), civ (cm); souvent le refrain' est répété régu- 
lièrement après chaque strophe : Ps, xlii (xli) en y 
joignant le suivant qui en donne la dernière strophe; 
xlvI (xlv) en rétablissant le refrain supprimé après le f. 
4, Dominus virtutum nobiscum; sûsceptor noster Deus 
Jacob; xlix (xlviii) homo cum in honore esset non 
intellexit; cvn (evi) refrain modifié après chaque 
strophe : clamaverunt ad Dominum... Confiteantur 
Domino misericordise ejus...; cxvi b (Credidi), vola 
mea reddatii... etc. Dans le seul Psaume cxxxvi 
(cxxxv) le refrain quoniam in seternum misericordise 
ejus est actuellement répété après chaque vers : 
comparer cxvin (cxvn) qui se chantait peut-être de 
même. Le même verset servait de répons et était repris 
par tout le chœur dans les solennités religieuses. 
I Par., xvi, 41; I Esd., m, 11. 

Enfin un certain nombre de Psaumes rentrent dans la 
catégorie des poèmes alphabétiques. Voir Alphabétiques 
(Psaumes), t. i, col. 416. Dans ce cas chaque vers, 
chaque strophe ou chaque distique, commence successi- 
vement par chacune des lettres de l'alphabet : ce genre 
d'acrostiche, que la poésie dédaigne chez nous, est 
hautement prisé au contraire par les poètes arabes 
ou syriaques, qui recherchent en ce genre les plus 
extraordinaires complications. Voir R. Duval, An- 
cienne littérature syriaque, p. 26-28. On serait porté à 
attribuer aux Psaumes alphabétiques une date récente : 
mais la présence de ces poèmes dans Nahum et les 
Lamentations prouve qu'ils étaient goûtés même des 
anciens Hébreux. On pourrait supposer aussi que les 
Psalmistes s'en servent pour grouper des versets qui 
n'ont pas entre eux d'enchaînement logique bien étroit : 
cette explication est admissible pour le Beati immaculati 
in via, exix (cxvili) et d'autres semblables; mais les 
Lamentations et le début de Nahum ne manquent pas 
d'unité et n'avaient pas besoin de ce lien factice : dans 
certains cas il brise même la suite logique ou la chro- 
nologie, comme dans le Ps. exi (ex) où il bouleverse la 
série régulière des événements de la sortie d'Egypte 
et du séjour au désert. Saint Jérôme l'avait déjà signalé, 
Epist. xxx ad Paulam, t. xxn, col. 442; suivant le goût 
de son temps il voit à chaque lettre une raison mys- 
tique ou allégorique qu'il explique dans Epist. xxx, 
t. xxn, col. 443. Harre s'en est servi pour les études de 
la poésie hébraïque, comme le rapporte Lowth, De sacra 
poesi Hebrseorum, édit. Rosenmùller, 1821, p. 39, 365, 
629; et Koester pour l'élude des strophes hébraïques 
Die Strophen und der Parallelismus der hebràischen 
Poésie, dans Studienund Krilxken, 1831, p. 40. — Dans 
le Ps. lx-x, Vulgate, ix de l'hébreu, chaque strophe de 
deux vers ou quatre membres commence successive- 
ment par une des lettres de l'alphabet hébreu, mais 
les strophes manquantes ont été remplacées par d'autres 
non alphabétiques : t, n, s, d, 3, d, v, s, ï. Les Ps. xxv 
(xxrv) et xxxiv (xxxm) sont semblables, une lettre par 
vers, avec addition au poème d'une antienne non alpha- 
bétique relative aux épreuves d'Israël; Ps. xxxvil (xxxvi) 
une lettre tous les deux vers ; exi (ex) et cxii (exi) une 
lettre pour chaque hémistiche ; cxix (cxvin), chaque lettre 
répétée huit fois en tète des hui t vers de chaque strophe : 
noter en outre que dans chaque strophe la loi de Dieu 
est désignée par huit termes synonymes, que chaque 
strophe ramène dans un ordre différent ; enfin Ps. cxlv 
(cxliv), une lettre par vers. Les irrégularités qui se 
remarquent — à part l'interversion de y et s qui est 
ancienne et se 'rencontre déjà dans les Lamentations — 
sont de date postérieure, et proviennent d'altérations, 
de suppressions et d'additions au texte : à noter la perte 
du : dans le Ps. cxlv texte hébreu, alors que le verset 
correspondant est conservé dans, les Septante, la Vul- 
gate et le syriaque. D'autres Psaumes ont un alphabé- 
tisme incomplet, le premier mot y commence par alepfi 
et le dernier commence ou finit par tliav, peut-être 



pour indiquer que le poème est complet et qu'il n'y a 
rien à y ajouter, qu'il comprend depuis la première 
lettre jusqu'à la dernière; tels sont ï, v, lxx (lxix), 
lxxix (lxxvih); cxii (cxi) commence aussi par aSré et 
finit par (obed comme le Ps. ï. 

Il faut enfin noter comme derniers ornements acces- 
soires la rime, assonance, monorime : m, rime propre- 
ment dite; cxxi (cxx) assonance en a, cxxiv (cxxm) as- 
sonance en nu; cxxxn (cxxxi); cxliii (cxxlii); — le 
rythme graduel ou gradation qui prend la finale d'un 
vers pour en faire le commencement du vers ou de l'hé- 
mistiche suivant, dont on trouve un modèle dans Isaïe, 
xxvi, 1-9, et une imitation dans le début du IV e Évangile; 
Exemple : Ps. exv (IVore nobis Domine). 

nequando dicant gentes : 

ubi est Deus eorum ? 

Deus autem noster in cselo... 

Benedicti vos a Domino 

Qui fecit cselurti et terram 

Caelum cseli Domino, 

Terram autem dédit filiis hominum. 

Cette construction avait pour résultat de faciliter la 
mémoire : aussi la retrou ve-t-on fréquemment dans les 
Psaumes de caractère'populaire, spécialement les Can- 
tiques du pèlerinage cxx-cxxxrv, nommés psaumes 
graduels, canticum graduum, Sir ham-ma'alôt. Les 
jeux de mots, formant dans la poétique orientale un 
ornement très recherché, se retrouvent naturellement 
aussi dans les Psaumes; par exemple : ire'û ve-irâû, 
ridebunt (mulli) et timebunt, XL (xxxix), 4lii (li),8; 
videbunt (justi) et timebunt, XL (xxxix), 18; 'anî'ani, 
miser (sum) ego, lxix (lxviii), 30 ; lxx (lxix), 6, etc. 
Voir Jeux de mots, t. ni, col. 1525. 

IX. Contenu et doctrine des Psaumes. — 1. sujet 
des psaumes, — Il est impossible de donner une clas- 
sification logique des Psaumes, un seul touchant sou- 
vent à des sujets fort divers, ainsi le Ps. mous donne le 
sort du juste et celui de l'impie; xix (xvm) la lumière 
matérielle et la loi de Dieu ; xxiv (xxm) portrait du juste 
et cérémonie religieuse xxxm (xxxn) invitation à louer 
Diju, sa justice, sa puissance créatrice, châtiment des 
nations, triomphe final du juste; lxxxix (lxxxviii) 
promesses de Dieu à David, puissance infinie de Dieu, 
sa fidélité à son peuple, promesses de perpétuité à la 
race davidique, ses abaissements, prière en sa faveur. 
Quoi qu'il en soit Dieu, son infinité, sa puissance, sa 
justice, sa miséricorde, en face de Vhamme, sa dépen- 
dance, sa faiblesse, ses fautes, ses épreuves, son besoin 
du secours divin, les dons divins qu'il a reçus et ceux 
qu'il réclame, tout cela forme le sujet général du Psau- 
tier, soit comme contemplation, soit comme louange, 
soit dans un but de prière, et presque toujours sous la 
forme d'un entretien personnel du psalmiste avec Dieu 
ou sous la forme d'un hymne liturgique. En ne tenant 
compte que de l'élément principal de chaque Psaume, 
on peut s'arrêter à la classification suivante : 

1» Psaumes dogmatiques : Dieu créateur : vm, créa- 
tion abrégée (Gen., ï); tableau développé, civjcm); 
xix (xvm A); chaque créature doit louer Dieu cxlviii; 
beauté des différen tes œuvres de Dieu, xxvm(xxvii), orage 
(à comparer avec xvm (xvn), 8-17); grandeur du créa- 
teur, xcni (xch) ; omniscience et immensité divines, 
cxxxix (cxxxvm); néant des idoles ou des faux dieux, 
lxxxi (lxxx), cxvft (cxiv); cxxxv (cxxxiv); sa bonté et 
sa miséricorde, li : (l), jCiii (cii); cxxx (cxxix)'; cxlv 
(cxliv). 

2° Psaumes moraux : la loi de Dieu, xix (xvniô), 
exix (cxvin); portrait du juste, xv (xiv); xxiv (xxm); 
lxii (lxi); cxii (cxi); l'impie, xn (xi), xiv (xm); xlix 
(xlviii) (mauvais riche).; lvih (lvii) et lxxxii (lxxxi) 
mauvais juge); lii (li) (calomniateur); l (xlix) (hypo- 
crite); sanctions divines, ï, xch (xci), xxxvii (xxxvi), 
lxxiii (lxxii); xiv (xm) = lui (lu), lxxxi (lxxx). 



821 



PSAUMES (LIVRE DES) 



822 



3° Psaumes /iistoWçues.-Lxvnf (lxvii), lxxvii (lxxvi), 
lxxviii (lxxvii), cxv (cxiv), cxi (ex), cxxxv, (cxxxiv), 
cxxxvi (cxxxv) (sortie d'Egypte, désert, conquête de 
Palestine); période des Juges, cv (civ), evi (cv); davi- 
diqne, lx (lis), cvm (cvn); période assyrienne, xuv 
(xi.hi), lxxxhi (lxxxii), xlvi (xlv), XLVI1I (xlvii), lxxvi 
(lxxv); période babylonienne, lxxiv (lxxiii), lxxix 
(lxxviii), lxxx (lxxix); exil, Cxxxvil (cxxxvi); retour, 
lxxxv (lxxxiv), cvii (cvi), cxxvi -(cxxv). 

4? Psaumes relatifs à Jérusalem au Temple : xx\i 
(xxvi), xlii (xll), xliii (xlil), xlviii (xlvd), lxxxivi 
(lxxxui), lxxxvii (lxxxvi), cxxii (cxxi), cxxxh (cxxxi); 
cérémonies religieuses ; xxiv (xxm 6), i.xviii (lxvii), 
cxviii (cxvii), cxvi, b (cxv). 

5° Psaumes royaux : xsl (xix), xxi(xx), ci (c), cxxxni 
(cxxxvn b); messianiques, lxxxix (lxxxviii); promesse: 
cxxxn (cxxxi); son règne universel, n, lxxii (lxxi), 
ex (cix) ; sa gloire xlv (xi.iv) ; le Serviteur de Jéhovah 
souffrant, lxxxviii (lxxxvii), xxii(xxi); le règne de Jého- 
vah sur les [nations, xlvii (xlvi), lxvii (lxvi), xcxvi 
(xcxv), cxlix, etc. 

6° Psaumes personnels : contre ennemis et persécu- 
teurs m, v, vu, xiii (xn), xiv (xni) etc. ; pardon du péché, 
li (l), cxxx (cxxix), etc.; la souffrance suite du péché, 
vi, xxxviii (xxxvii), xli (xl), eu (ci) ; la vieillesse, xxxix 
(xxxvm), xc (lxxxix); confiance en Dieu, xvi (xv), xxiii 
(xxn), cxxi (cxx), xci (xc), CXII (cxi). 

//. doctrine des psavues. — La doctrine générale 
des Psaumes est l'abrégé de toute la Bible, sous la 
forme la plus imagée et la plus brillante. Les Psal- 
mistes nous donnent, dans leurs chants, une image 
grandiose du monde et du créateur, naturellement 
sous des images proportionnées à la capacité intellec- 
tuelle et aux formes du langage des Hébreux. Le monde 
est comme une vaste demeure bâtie par Jéhovah, créa- 
teur, ordonnateur du chaos primitif, sorte d'océan im- 
mense et ténébreux. Les restes de cet océan entourent 
encore le monde actuel, c'est le grand fleuve, la merdes 
confins du monde jusqu'où le Messie devra étendre son 
règne; la terre s'élève par dessus, et ses plus hautes 
montagnes soutiennent le firmament qui sépare le ciel 
du monde visible. Au ciel, Dieu trône éternellement sur 
sa montagne sainte, entouré de la milice des armées 
célestes, et de là il gouverne le mondé matériel et le 
monde humain. Au dessus du firmament sont accumu- 
lés, prêts à exécuter ses ordres, les trésors des eaux, de 
la neige, de la grêle, des foudres et des tempêtes. Au 
firmament se balancent ou se meuvent les astres, les 
étoiles, la lune, le soleil qui forment une seconde armée 
céleste : c'est dans ces deux sens que Jéhovah s'appelle 
le Dieu des armées, Dominus Deus Sabaoth, Deus 
virtutum, Deus exerciluum ; tous ces termes ont le 
même sens. — Quand Jéhovah vient juger les hom- 
mes, c'est-à-dire sanctionner [ses lois par des récom- 
penses et des châtiments, ou soutenir ses fidèles et 
anéantir les méchants, il est représenté descendant 
sur son char, traîné par les chérubins, lançant la foudre 
autour de lui, caché derrière un voile de nuées, faisant 
entendre sa voix qui est le tonnerre, faisant trembler 
la terre et desséchant les abîmes. Le monde aune troi- 
sième partie, la terre des morts, le èeôl, sorte de grand 
tombeau souterrain où les défunts viennent successive- 
mentprendre place : c'est l'abîme de la nuit, du silence, 
et de l'oubli : Jéhovah n'y est pas loué. Les Psaumes les 
plus anciens ne sont guère plus explicites sur cette exis- 
tence ultra-terrestre et n'y distinguent pas le sort du 
juste de celui de l'impie. Dans ces descriptions, il n'est 
pas toujours facile de discerner le sens du fond d'avec 
ce qui est simple formule poétique et pure métaphore, 
ou bien allusion aux croyances de l'Orient ancien : les 
Babyloniens, les Égyptiens employaient souvent un 
langage analogue; la science du temps avait groupé sous 
cette série d'images l'ensemble des phénomènes observés 



par elle : les termes mêmes du dictionnaire hébreu ren- 
fermaient des mots qui faisaient allusion à ces opinions, 
le tonnerre ou la voix de Jéhovah, les armées célestes 
ou les étoiles, etc. Les Psalmistes hébreux devaient 
parler comme leurs contemporains. 

Mais, le contraste est frappant quand de la forme, on 
passe au fond : sans langue philosophique, sans raison- 
nements métaphysiques, ils .nous donnent une telle 
idée de Jéhovah que nulle part nous ne trouvons une 
notion de Dieu plus élevée ni plus exacte : tandis que 
les dieux des nations sont des vanités, des abominations 
dépourvues de sentiment, d'intelligence et de vie, Jého- 
vah est le créateur et le maître de tous les êtres célestes 
et terrestres : tout change et passe, seul Jéhovah est 
immuable : sa pensée pénétre l'avenir comme le passé 
et le présent; son regard voit partout, jusqu'au fond des 
abîmes et des ténèbres : nul ne peut fuir sa présence : 
où qu'on soit, sa main nous soutient. Sa puissance est 
telle que la création et ses merveilles ne lui ont coûté 
qu'un mot : c'est lui qui conserve à tout la' vie et l'exis- 
tence, s'il détourne sa face, tout rentre dans le néant; 
sa justice est incorruptible, et rien n'y échappe : la 
sainteté est sa nature, son essence : seule sa miséricorde 
et sa bonté la surpassent, le pardon habite avec lui, 
et il aime les enfants des hommes : sans doute il a une 
affection paternelle pour Israël, mais il veut aussi le 
bien de tous les peuples de la terre, il prend soin d'eux 
dès maintenant, et il les amènera tous un jour à recon- 
naître sa royauté. 11 aime l'homme et il prend soin de 
lui, il l'a fait à son image et comme le Dieu visible 
de la terre. 

La loi qu'il a donnée à Israël est une lumière qui ré- 
conforte l'âme, par ses enseignements et par ses pré- 
ceptes : les sacrifices qu'il exige ne sont pas son aliment 
à lui, il n'a besoin de rien, rien ne lui manque ; les 
pratiques rituelles doivent surtout être accompagnées de 
justice, de rectitude morale, de confiance en Jéhovah : 
il aime mieux le cœur repentant que les holocaustes; 
les sacrifices lui sont insupportables quand ils sont 
accompagnés de l'homicide, de l'oppression des faibles, 
du déni de justice aux opprimés : quant aux sacrifices 
offerts aux idoles, surtout le sacrifice humain des cultes 
chananéens et phéniciens, ils souillent la terre, Jéhovah 
les abhorre, et doit les punir. 

A la vérité le Psalmiste rend ces idées relevées par 
toute sorte d'anthropomorphismes, mais cela tient aux 
nécessités mêmes de la langue hébraïque : d'ailleurs, ils 
sont très bien choisis pour nous donner une haute idée 
deJéhovahtouten nous rapprochant de lui; Jéhovah est 
notre salut, notre bouclier, notre citadelle, notre rocher, 
tous termes du reste adoucis par les Septante et la Vul- 
gate; il trône dans les cieux et la terre est l'escabeau 
de ses pieds : ses yeux toujours ouverts sondent les cœurs 
des hommes, sa main les soutient, ses ailes les cou- 
vrent de leur ombre lutélaire, son bras châtie les impies; 
ses flèches les transpercent, sa colère les anéantit. 

Plusieurs points de la doctrine des Psaumes exigent 
cependant des éclaircissements spéciaux : 1° Immor- 
talité de l'âme. — La Providence, la justice de Dieu, 
son amour du bien et sa haine du mal soulèvent dans le 
Psautier le même problème que dans le livre de Job : le 
pécheur est souvent heureux, etle juste dans l'épreuve : 
l'auteur l'explique par la doctrine des rétributions ter- 
restres : puis il suggère des moyens de justifier la provi- 
dence divine : tout cela est passager, et le juste et le pé- 
cheur finissent toujours par obtenir le traitement auquel 
ils ont droit, en eux-mêmes et dans leur descendance : 
telle est la solution commune. A d'autres endroits, le 
psalmiste va plus loin et trouve une solution plus 
haute : Dieu seul est une récompense suffisante, le 
juste sera toujours avec Dieu, dont la main le conduira 
et l'introduira dans la gloire, Dieu sera son partage à 
jamais, lxxiii (lxxh), 23-26; xvi (xv), 10-11, assure 



823 



PSAUMES (LIVRE DES) 



824 



que le juste ne demeurera pas dans le sëôl, qu'il vivra 
devant la face de Jéhovah y trouvant plénitude de joie 
et des délices éternelles; xvn (xvi), 14-15, exprime le 
même espoir presque dans les mêmes termes; le juste 
se trouve plus heureux que le méchant, rassasié de ri- 
chesses, comblé d'enfants et de petits-enfants; xux 
(xlviii), 15, représente les impies conduits au sëôl par 
la mort qui sera leur berger : tandis que le juste sera ra- 
cheté par Jéhovah de l'étreinte du sëôl, et que Jéhovah 
le prendra avec lui. C'est l'acheminement à la croyance 
à l'immortalité de l'âme, sinon déjà une pleine pro- 
fession de cet article de foi, mis par l'Évangile seul 
dans toute sa lumière. Les Psaumes vi, xxx (xxix), 
xxxix (xxxvm), lxxxvih (i.xxxvn), sont moins précis : 
ils nous représentent le sëôl comme la terre de l'oubli, 
de l'éternel silence et de l'éternelle nuit que la pensée 
et la louange de Jéhovah n'interrompent jamais, sorte 
d'état, non d'anéantissement total, mais d'effacement et 
de semi-inconscience, analogue aux croyances baby- 
loniennes, mais dont les mythes babyloniens eux-mêmes, 
tels que la descente d'Istar aux enfers, nous montrent 
qu'on ne doit pas prendre toutes les expressions au 
pied de la lettre, pas plus qu'il ne faudrait le faire dans 
les textes hébreux. Quand nous-mêmes nous disons 
d'un mourant qu'il a cessé de vivre, qu'il n'est plus, 
nous sommes loin de faire une profession de foi maté- 
rialiste; il n'en faut pas voir davantage dans les formules 
des Psaumes : et amplius non ero : .« (donne-moi un 
peu de repos) avant que je cesse d'être (parmi les vi- 
vants), » sans préjudice à l'existence subséquente, dont 
les seules conditions d'eux connues; n'avaient à leurs 
regards et avant toute révélation plus précise, rien de 
particulièrement attrayant. Présentement bien des 
croyants, persuadés cependant de la vie future, parlent 
encore de la sorte. 

2° Psaumes imprécatoires : xvm (xvn), 38-40; 
xxxv (xxxiv), lu (li), lix (lviii) ; lxix (lxviii), 3-29; 
cix (cvin), 6-20; cxxxvn (cxxxvi), 7-9. — La justice de 
Dieu, dont le principe tient si fort à cœur aux Psalmis- 
tes, s'exerce sur les nations comme sur les* individus : 
par conséquent, les nations idolâtres ne peuvent pré- 
valoir définitivement contre Israël croyant et fidèle à 
Dieu : Effunde tram tuam in génies quse te non nove- 
t runl .'Ps. Lxxxvnr, 6; bien plus les ennemis d'Israël sont 
aussi les ennemis de Dieu même, puisqu'Israël est seul à 
connaître et louer le vrai Dieu : leur ruine ou leur châ- 
timent est donc certain à ses yeux. Ceci n'est pas 
seulement une certitude de foi, c'est aussi un objet de 
désir de la part d'une partie des Psalmistes, désir 
d'autant plus grand que plus grand est leur amour 
pour Jéhovah et son régne. C'est ce désir qui fait le 
fond des Psaumes dits imprécatoires, dont la plupart sont 
non des Psaumes individuels, mais des Psaumes natio- 
naux : Israël est sûr que Dieu triomphera de ses ennemis; 
ce jour de Jéhovah, le Psalmiste l'appelle de tous ses 
vœux, dans lesquels se mêlent à la fois l'amour de 
Jéhovah et le sentiment national. Quant aux formules 
que révêtent ces sentiments et à ce qu'elles paraissent 
avoir d'exagéré et de cruel, il ne faut pas oublier que 
le style de ces morceaux est poétique ou même prophé- 
tique, c'est l'hyperbole qui lui donne sa couleur, sa 
vivacité et sa chaleur, et le sens réel en doit être 
beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntés 
au vocabulaire courant de l'époque, et aussi aux ter- 
ribles droits de la guerre d'alors : ceux-là seuls s'en 
étonnent qui ignorent comment les vainqueurs anciens 
traitaient leurs vaincus, se faisant même gloire de 
leur cruauté, comme on peut le voir dans les Annales 
des rois d'Assyrie, en particulier d'Assurnasirpal et 
d'Assurbanipal. Dans le Super, ftumina Babylonis, 
le Psalmiste, sous une forme opta tive dictée par sa 
conviction du triomphe final par son amour pour le règne 
de Dieu et par son attachement à sa patrie, la Jérusalem 



terrestre, ne fait que dépeindre d'une manière poétique 
comment on traitait trop souvent les villes prises d'as- 
saut; on traitera Babylone comme celle-ci a traité la 
ville sainte : ami comme il est de la justice, Jéhovah 
ne doit pas vouloir moins ! Les mêmes principes d'ex- 
plication doivent prévaloir dans les Psaumes certaine- 
ment individuels : le véritable Israélite se considère 
comme le représentant du vrai Dieu, de la justice et de 
la religion sur la terre : il est sûr de son triomphe final, 
et il le décrit sous une forme optative ou prophétique : 
ses ennemis lui en veulent parce qu'il est le serviteur 
de Jéhovah, et à ce titre il est sûr que Dieu prendra 
en main sa défense, qu'il réduira à néant les projets 
de ses ennemis, qu'il châtiera tous leurs crimes. Ici, 
de plus, nous devons rappeler que les sentiments de 
charité que la loi chrétienne nous oblige d'avoir pour 
nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant 
pour ceux qui nous persécutent, sont d'origine exclusi- 
vement évangélique : là aussi, comme dans la question 
de la vie future, l'Evangile a mis dans notre foi et notre 
conscience des données nouvelles; c'est en cela que 
consiste le principal progrès de la révélation morale. 

3° Psaumes messianiques. — Ils tiennent une place 
particulièrement importante dans la collection : il en 
faut distinguer deux espèces, les uns nationaux, les 
autres personnels. Le but final des deux espèces est le 
même, c'est d'annoncer et de préparer le règne de Dieu, 
sur les nations infidèles jusqu'aux extrémités du monde : 
les Psalmistes saluent bien souvent, spécialement de 
xc (lxxxix) à ci (ci), cet avenir messianique. « Les idoles 
seront renversées et les dieux du monde, c'est-à-dire 
ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu 
d'Abraham, ils deviendront des citoyens de Jérusalem ; » 
termes et idées analogues à Isaïe xix et toute la se- 
conde partie du même prophète; outre ce groupe, on 
les rencontre encore dans des Psaumes isolés tels que 
xl vu (xlvi), xcvn (xevi), lxviii (lxvii), 29-36, etc. 

Mais la diversité commence où l'on étudie l'instru- 
ment de cette conversion du monde; dans certains 
Psaumes on ne mentionne qu'Israël en général, c'est 
Israël qui soumettra les nations, enchaînera leurs 
princes, et chantera la gloire de Jéhovah (Ps. cxlix); 
c'est donc une formule de messianisme ethnique, un 
royaume des Saints, analogue à celui des Visions de 
DanUl, vu, 17-18, 25-27. D'autres Psaumes ^sont plus 
précis. Il y est question d'un personnage particulier, 
d'un roi qui étendra partout le culte de Jéhovah, qui 
fera cesser l'injustice, qui donnera au monde la paix, 
dont la puissance sera partout reconnue ; on en fait dif- 
férents portraits, les uns le représentent surtout comme 
un conquérant, d'autres accentuent davantage sa mis- 
sion religieuse, l'iniquité et la violence disparaîtront à 
son avènement, il sera d'une façon particulière fils de 
Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les 
Psaumes comme dans les prophètes; Ps. n, ex (cix); 
i.xxii (lxxi) on y joint des annonces de prospérité tem- 
porelle qu'il faut, également comme dans les prophètes, 
Isaïe, xi, 6-9, prendre au sens allégorique: lxxh (lxxi), 
16-18; cxxxti (cxxxi), 14-16; cxliv (cxliii), 12-15. Un 
trait particulier du Messie qui ressort de plusieurs pas- 
sages, c'est que l'établissement du royaume de Dieu sur 
la terre sera le résultat de ses souffrances; l'humilia- 
tion et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies 
de sa glorification, amèneront le monde à croire à cette 
puissance de Jéhovah; en certains endroits, comme 
dans Isaïe, lin, et dans le Psaume xxn, le caractère 
individuel de la victime, de ses souffrances et de celle 
délivrance est précisé; et la fidélité de la peinture du 
sacrifice de la Croix a frappé tous les lecteurs, au point 
que les Évangélistes n'ont pas irîanqué de la souligner, 
que le Christ lui-même sur la croix a voulu montrer 
cette prophétie réalisée dans sa personne. Voir JÉsus- 
CHRisr, prophéties, t. m, col. 1433. 



825 



PSAUMES (LIVRE DES) 



826 



Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il 
faut évidemment les préciser par les textes prophé- 
tiques parallèles : les Psaumes n'ont pas de cadre his- 
torique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque 
aucune lumière : c'est alors l'analogie des Écritures, 
et l'ensemble de la révélation messianique qui doivent 
servir de guide et de lumière : toutes les pensées 
d'Israël, tous les battements de son cœur ont leur ré- 
percussion dans le Psautier, de même que ses épreuves 
et ses triomphes, en un mot toute son histoire, sa re- 
ligion, sa morale, ses croyances de tout ordre : natu- 
rellement aussi ses espérances et les grandes annonces 
des prophètes doivent y trouver leur écho; il est donc 
très logique d'éclaircir les uns par les autres; et 
quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment 
clairs, ou indiscutablement datés, comme c'est souvent 
le cas, les textes correspondants des prophètes nous 
donnent un commentaire à la fois littéraire, chronolo- 
gique et exégétique sur lequel on peut s'appuyer en 
tonte sécurité. On ne peut nier le caractère messiani- 
que des Psaumes que si l'on nie également l'existence 
de toute prophétie messianique dans la Bible. Cepen- 
dant il faut bien se garder de traiter comme vraiment 
messianiques certains passages détachés ordinairement 
de leur contexte et expliqués indépendamment du 
reste du Psaume : ce sont alors des accommodations 
plus ou moins ingénieuses, mais qui n'ont pas de va- 
leur rigoureusement exégétique ou théologique. Quel- 
ques Pères de l'Église, pour l'instruction des fidèles, 
ont appliqué à Notre-Seigneur la plupart des Psaumes, 
comme on le voit dans le commentaire de saint Au- 
gustin; saint Jean Chrysostome, bien que plus attaché 
au sens littéral, le fait aussi quelquefois et cherche 
même à s'en justifier par le style général des prophé- 
ties. InPsalm. cxvn, t. i.v,col. 336. 

Les Pères ne faisaient en cela que suivre l'usage des 
Juifs qui avaient alors coutume d'appliquer à la venue 
du Messie bien des textes qui n'ont pas d'application 
directe à Jésus-Christ, mais dont on pouvait se servir 
à leur égard comme d'arguments ad hominem ou 
comme moyen d'édifier les chrétiens. 

X. Texte des Psaumes. - 1° Texte hébreu. — Tel 
que nous le connaissons par l'hébreu actuel et les ver- 
sions anciennes, le texte des Psaumes n'est pas tou- 
jours correct : les versions ou de simples conjectures 
permettent de le corriger en certains endroits, mais le 
plus grand nombre des altérations échappe à toute re- 
touche. Comme plus ancien témoin du lexte, nous avons 
la traduction grecque dite des Septante, deux siècles 
environ avant Jésus-Christ ; nous avons au il» siècle les 
versions grecques citées dans les Héxaples d'Origène, 
principalement Aquila, Théodotion et Symmaque, mal- 
heureusement nous n'en possédons que quelques frag- 
ments; enfin vers le commencement du v» siècle, 
nous trouvons la traduction de saint Jérôme adressée 
ad Sophronium ou Psautier secvndum veritateni he- 
braicam. Quant au texte hébreu actuel dit massorétique, 
il se présente à nous avec fort peu de variantes, mais il 
bénéficie d'une unité factice, les éditeurs juifs ayant 
supprimé impitoyablement toutes les divergences des 
manuscrits. On peut ajouter à cette liste les citations dû 
psautier dans le Nouveau Testament; seulement la 
plupart sont faites non d'après l'hébreu mais d'après 
les Septante, et très souvent sans l'exactitude verbale 
absolue que réclamerait la critique; enfin la version 
syriaque, faite sur le texte hébreu mais avec des leçons 
ou des retouches dans le sens des Septante, et dont 
l'origine est incertaine; les Targum et le Talmud ont 
peu aidé la critique textuelle. 

On peut constater que lé texte dont saint Jérôme s'est 
servi pour sa traduction était substantiellement identi- 
que au nôtre, bien qu'il offrit quelques divergences 
accidentelles : par exemple Ps. ex (Cix), 3, au lieu du 



tecwii principium des Septante et de laVulgate, il traduit 
populi lui 3ponta.net, ce qui correspond à l'hébreu actuel 
'ammekâ nedâbôf dont il a lu le premier mot 'ammêyka, 
le pluriel pour le singulier : au lieu de haderêy, in splen- 
doribus, de l'hébreu et des versions, il a lu harerêy, in 
montibus; avant ex utero il intercale ke, quasi (de 
vulva); au lieu de mishar, aurora, lucifer, il lit izrafy, 
orietur ; pour le reste il le lit comme l'hébreu actuel, de 
sorte qu'il traduit tout le verset ; populi lui sponlanei 
erunt in die forlitudinis tuas in montions sanctis : quasi 
de vulva orietur tibi ros adolescentise tuse, conformé- 
ment à l'hébreu actuel, au lieu de la traduction des 
Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die 
virtutis tuse in splendoribus sanctorum, ex utero ante 
luciferum genui te; Ps. iv, 3, au lieu de usquequo gravi 
corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit à peu près 
comme notre texte hébreu : Usquequo inclyti mei igno- 
miniose, avec la légère différence de kebôdî pour kabe- 
daï; Ps. xi (x), 1, il lit contre l'hébreu et suivant les 
Septante et la Vulgate : (Transmigra in) montent ut 
(avis), fiarkemô sippôr pour harkém sippôr; Ps. xvi 
(xv), 10 : {Non dabis) sanctum muni (videre corrup- 
lioneni), ce qui parait du reste la leçon primitive de 
l'hébreu que les massorètes n'ont pas rejeté totalement, 
au lieu de sanclos tuos, hasidka pour fyasidêka; Ps. 
xix-xviii, 14, il lit avec l'hébreu, mizzedim, a superbis 
au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la 
Vulgate; Ps. xxir (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt 
(pedes meos et manus meas) au lieu de fodientes (pe- 
des meos), ka'arû pour ka'arê ou ka'ari, sicut leo ; 
xxix (xxvrn), 6, il lit avec l'hébreu Sariun, le mont Si- 
rion, au lieu de yesûrûn, dilectum des Septante et de 
la Vulgate; xux (xlviii), 13, il lit avec l'hébreu Un, 
commorabilur, contre les Septante et la Vulgate bîn, 
inlellexit, etc. De même pour les séparations et les ti- 
tres des Psaumes, S. Jérôme confirme l'hébreu masso- 
rétique; par exemple xliii (xlii) il omet avec raison 
l'attribution psalmus David puisque c'est une strophe 
séparée du Psaume précédent. des Fils de Coré : dans le 
Cod. Amiatinus on trouve même rétablie la suscription 
filiis Chore; de même encore contre les Septante et la 
Vulgate, et en suivant l'hébreu il supprime au cxxxvn 
(cxxxvi), le Super flumina Babylonis le litre étrange 
Psalmus David, Jeremise. On doit donc conclure que 
depuis saint Jérôme le texte des Psaumes n'a guère subi 
d'altération. 

La même conclusion s'impose quand on compare 
l'hébreu actuel avec les traducteurs grecs du n e siècle 
cités dans les Héxaples d'Origène : par exemple IV, 3, 
ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint 
Jérôme et l'hébreu massorétique, ot é'v8o?oi' [aou ou ^ 
Sôia |iov; iv, 8, âm> xaspoû, a tempore, pour a fructu 
(frumentx) ; xi-x,l, ilslisentcependant avec les Septante, 
la Vulgate et saint Jérôme (transmigra in monlem), à; 
iteTstvôv, ut avis, la leçon massorétique étant une faute 
évidente; xix (xvm), 14, ànô tû>v ûitepintpâviùv, a superbis 
avec saint Jérôme et le texte actuel ; xxix (xxviu), 6. 
EEptwv ou Sapiciv, le mont Sirion, au lieu de dilectum 
(quemadmodum 'filins unicornium), etc. Voir Field, 
Origenis Uexapl., 1875, t. n, p. 90, 91, 102, 115, 129 : 
cx(cix),3, ex utero aurorse, aoi Spôao; iraifisÔTijTÔ; ctou 
ou 7) veotïi; oou, tibi ros juventutis tuse au lieu de rcpo 
êiù<7<p6pou iyéwriaâ at, ex utero ante luciferum genui 
te des Septante et de la Vulgate. lbid., p. 266. En som- 
me les traductions du II e siècle sont presque toujours 
favorables au texte massorétique : du reste on sait que 
saint Jérôme, qui lui est favorable également, n'a guère 
fait que suivre presque partout Aquila, le premier de 
ces traducteurs, à qui il ne trouve à reprocher que sa 
littéralité exagérée et son manque de goût. On peut dire 
d'une façon générale que lé Psautier hébreu était au 
temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu'il est au- 
jourd'hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de 



827 



PSAUMES (LIVRE DES) 



828 



ses citations du Psautier étant prises aux Septante, il 
n'y a guère de conclusion spéciale à en déduire. 

Le Psautier est un des livres de l'Ancien Testament le 
plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs : mais 
c'est aussi un de ceux dont le texte a reçu le plus grand 
nombre d'altérations : les travaux critiques d'Origène, 
loin de lui conserver sa pureté primitive, ont souvent 
même contribué à augmenter la confusion, car on a 
parfois substitué aux Septante, ou même on leur a su- 
perposé les différentes traductions grecques des Hexa- 
ples, supprimant les signes diacritiques, astérisques et 
obèles, et mélangeant dans une rnéme phrase des ver- 
sions différentes : ainsi au début de xxn (xxi) nous li- 
sons à ©s'oc, 6 ©eô; (no-j, np6<r/e{ [loi, traduit dans la Vul- 
gate exactement : Deus Deus meus, respice in me : or ce 
sont deux traductions juxtaposées des mêmes mots hé- 
breux : 'Êlî 'Êli, qu'on peut entendre Deus meus, Deus 
meus, ou bien in me, in me (sous entendu respice). 
Dans l'Évangile, Notre-Seigneur le cite selon l'hébreu et 
la traduction qui y est jointe omet le respice in me des 
Septante. Eusèbe, InPsalm., t. xxm, col. 204, fait aussi 
remarquer que npôoye; jjioi n'a pas d'équivalent dans 
l'hébreu. Saint Jérôme avait soigneusement indiqué ces 
signes critiques dans son Psautier ex Origenis Hexaplis 
ou gallican; mais là aussi les copistes les supprimèrent 
comme il s'en plaint souvent, par exemple Epist., cvr, 
55, t. xxn, col. 857 : Qux signa dum per scriplorum 
negligenliam a plerisqae quasi superflua relinquun- 
tur, magnus in legendo error exoritur. Toute cette 
lettre de saint Jérôme est pleine de remarques critiques 
analogues qui s'appliquent aussi bien au Psautier grec 
qu'au lalin. Au Ps. cxxxn (cxxxi), 4, on lit un doublet 
d'origine analogue : toi; pUtpàpot; \i.av v\j<tc«y(jiôv xa\ 
àvimxvaiv toï; y.poiàçoiî (iou, {si dedero) soninum oculis 
mets, et palpebris nieis dornritationem, la seconde 
partie étant une deuxième traduction des mêmes mots 
hébreux empruntée à Théodotion . Dans le même Psaume 
nous lisons, f. 15, ttjv yjipoiv (aOir,; b\i\o^ûiv tvloyr^aui) 
viduam (ejus benedicam benedicam), qui est une alté- 
ration subséquente pour tï|v Oïipàv : « Ubi enim nostri 
legunt viduam ejus benedicens benedicam... in hebrseo 
habel Seda idest cibaria ejus. » S. Jérôme, Qusest. he- 
braic. in Gen., xlv, 21, t. xxm, col. 1000. 

Mais les altérations les plus nombreuses et les plus 
profondes sont antérieures à la traduction grecque : les 
scribes d'alors transcrivaient les textes hébreux, et le 
Psautier particulièrement, avec des négligences qui 
contrastent vivement avec le soin dont leurs succes- 
seurs commencèrent à faire preuve après l'ère chré- 
tienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vul- 
gate), qui est alphabétique, on n'a conservé que la moitié 
des strophes primitives, les autres appartiennent à une 
composition différente et sans alphabétisme : les autres 
Psaumes alphabétiques sont copiés plus exactement, 
mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d'un 
verset final non alphabétique. Le début du Psaume vm 
est évidemment altéré de même que le y. 3, lema'an 
sorarêka lehasbïf 'ôyeb u-mitnaqêm, propter inimi- 
cos ut destruas inimicum etultofem; le texte du 
Psaume xvm (xvn) est fort différent de la reproduction 
qui en est donnée dans II Sam. (Reg., xxn), où le texte 
semble meilleur; le Ps. xxiv (xxm) a une finale f. 7-10 
étrangère au sujet, le portrait du juste; la finale de xxxix 
(xxxvm) parait écourtée: xlii-xli et xlih-xui sont sépa- 
rés sans raison; xlvi (xlv) a perdu son premier refrain 
après jf. 4; lui (lu) et xiv (xm) identiques offrent des 
variantes multiples; lx (lix) et cvm (cvn) dans leur 
partie identique présentent des variantes nombreuses; 
lxxx (lxxix) a perdu son troisième refrain ; lxxxvih 
(lxxxvii) a perdu sa conclusion;, cvhi (cvii) offre des 
variantes inattendues de lx et lviii qu'il'copie; les deux 
parties de cxvi, séparées dans les Septante et la Vul- 
gate, sont réunies à tort dans l'hébreu, etc. Graetz a 



raison de dire que le Psautier, précisément à cause de 
son caractère populaire, est l'un des livres les plus 
altérés de la Bible, Kritischer Kommentar zu den 
Psalmen, Breslau, 1882, t. i, p. i45; mais il exagère 
outre mesure quand il ajoute que « très peu de Psaumes 
sont demeurés totalement intacts, tandis que beaucoup 
fourmillent de tant de fautes qu'il sont devenus tota- 
lement incompréhensibles. » Les altérations qu'a su- 
bies le texte des Psaumes sont d'ailleurs sans impor- 
tance grave au point de vue doctrinal. Elles intéressent 
surtout les critiques et l'on en trouve d'analogues 
dans tous les livres anciens qui ont été fréquemment 
transcrits. 

2" Traduction des Septante. — Quan t à la version grec- 
que dite des Septante, elle a été faite au deuxième siè- 
cle avant Jésus-Christ, en un temps où l'hébreu était 
un peu moins altéré que le texte massorétique, mais où 
il avait déjà perdu en très grande partie son intégrité 
primitive. En outre, les interprètes à qui l'on doit la 
version des Psaumes sont de beaucoup inférieurs aux 
traducteurs du Pentateuque; ils connaissent l'hébreu 
vulgaire de leur temps, fortement aramaïsé, mais pa- 
raissent fortpeuau courant de la langue littéraire clas- 
sique; ils distinguent rarement entre les différentes 
significations d'un mot; et dans les passages difficiles, 
fréquents dans les Psaumes à cause de leur caractère 
poétique, ils se contentent de traduire isolément chaque 
terme hébreu par un mot grec, sans se préoccuper du 
sens, ou de l'absence de sens, qui en peut résulter 
pour l'ensemble. Les relations des mots entre eux, 
quand elles sont exprimées en hébreu, le sont souvent 
par des particules fort différentes des conjonctions ou 
prépositions grecques par lesquelles ils essaient de les 
traduire, le vav conjonctif hébreu par exemple, signifiant 
à lui seul suivant les cas, et, maïs, ou, alors, au contraire, 
parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque 
toujours par %oà, qui donne un sens fort différent; enfin 
le verbe hébreu exprime la modalité, certaine et incer- 
taine, absolue ou conditionnée, et nullement la division 
du temps, présent, passé ou futur; or, ilsohtrendu pres- 
que invariablement la modalité certaine par le passé, 
l'incertaine par le futur. Il faut ajouter que le texte hé- 
breu alors n'était pas ponctué de voyelles, que les mots 
n'y étaient pas séparés, non plus que les phrases ni les 
Psaumes eux-mêmes. S'ils n'ont pas commis plus 
d'erreurs, il faut l'attribuer à une certaine connais- 
sance traditionnelle qui leur restait de la signification 
des Psaumes et de leur emploi dans le "culte judaïque. 
C'est à eux que l'on doit faire remonter la responsa- 
bilité des nombreux passages étranges que renferme la 
Vulgate. 

3° Traduction latine des Psaumes dans la Vulgate. 
— La version latine en effet est une traduction très 
littérale des Septante; sa forme primitive nous est 
connue par les citations des Pères et quelques rares 
manuscrits; outre les particularités de la lingua ru- 
stica qu'elle partage avec tous les textes bibliques anté- 
rieurs aux travaux de saint Jérôme, elle a les qualités et 
les défauts de la version grecque du Psautier : texte 
hébreu plus ancien que la recension massorétique, et 
multiples imperfections des premiers traducteurs, aux- 
quelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de co- 
pistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de 
base au premier travail de saint Jérôme pendant son 
séjour à Rome sous le pape saint Damase; il fut fait 
vraisemblablement sur Vltala, qu'il revit, non sur l'hé- 
breu, mais sur la KoivtJ ou Vulgate grecque : ce fut une 
revision partielle et hâtive : Psalterium Romœ dudum 
positusemendaram... ;et juxta Septuaginla interprè- 
tes cursim,... magna ex parte, dit-il lui-même; il 
ajoute que le texte ainsi expurgé fut bientôt altéré de 
nouveau : Scriptorum vitio depravatum, plusque anti- 
quum errorem, quam novam emendationeni valer.e. 



829 



PSAUMES (LIVRE DES) 



830 



Praef. in Psalterium sec. Septuaginla edit., t. xxix, 
col. 117-118. Ce premier travail forme le Psalte- 
rium romanum, employé autrefois à Rome jusqu'à 
saint Pie V, maintenu dans le Missel et dans une partie 
du Bréviaire, ainsi que dans l'office capitulaire de 
Saint-Pierre de Rome; saint Jérôme en décrit le prin- 
cipal caractère, ubiùumque sensus idem est (non dans 
l'hébreu mais dans le grec), veterum interpretum con 
suetudinem mulare noluimus, ne nimia novitate lec- 
toris studium terreremus. Epist. cri, t. xxn, col. 844, 
et plus loin : nos antiquam interpretalionem sequentes, 
quod non nocebat, mulare noluimus. Il fit ce pre- 
mier travail vers 384. Voir Jérôme, t. m, col. 1307. De 
retour à Béthléhem, entre 386-391 selon le P. Van den 
Gheyn, i&itf., sa première édition étant déjà fort corrom- 
pue, il en entreprit une seconde, où il prit pour texte 
i'édilion hexaplaire des Septante, avec astérisques et 
obéles, les premiers destinés à indiquer ce que les 
Septante omettaient de l'hébreu et dont lui-même em- 
prunta la traduction à Théodotion, les autres signalant 
au contraire ce qu'ils y avaient ajouté : saint Jérôme 
dit lui-même qu'il avait fait cette seconde traduction 
« avec beaucoup de soin, » Epist. ad Sophron., t. xxvm, 
col.H26;il l'appelle « une version nouvelle» dansl'iîpist. 
ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 838; c'était donc 
un travail critique où l'on pouvait voir d'un seul coup 
d'œil la version des Septante et sa comparaison avec le 
texte hébreu dans les passages qu'elle avait en plus ou 
en moins : il n'y manquait que la retouche des en- 
droits où les Septante avaient traduit d'une façon in- 
suffisante ou inexacte. Malheureusement la transcrip- 
tion de tous ces signes critiques exigeait trop desoins; 
et malgré les prières réitérées du saint docteur, on les 
omit dans la plupart des mauuscrits, de sorte qu'on 
cessa de distinguer ce qui venait des Septante, ou de 
Théodotion, ou qui était surajouté au teiLte hébreu. 
Dans cet état, et avec les altérations encore subies de- 
puis, elle constitua le Psalterium gallicanum qui est 
celui de l'édition officielle de la Vulgale et du Bréviaire, 
et dont le nom rappelle sa diffusion rapide dans les 
églises de France et de Germanie : dom Martianay re- 
marque en effet que la plupart des manuscrits du Psau- 
tier avec astérisques et obtles proviennent de France, 
et que l'Italie n'en a conservé que très peu, t. xxvm, 
col. 66. Saint Jérôme ne dit pas qui l'engagea dans sa 
première retouche; il composa la seconde à la prière 
de sainte Paule et d'Eustochium ; enfin, sur les instances 
de Sophronius, il donna une troisième traduction. 

P Traduction nouvelle de saint Jérôme. — Elle fut 
faite exclusivement sur le texte hébreu vers 390-391, en 
tout cas avant la lettre à Domnion, t. xxvm, col. 53-54. Il 
donne les raisons de cette nouvelle traduction dans sa 
lettre à Sophronius, t. xxvm, col. 1 124 : la nécessité de 
donnera la controverse contre les Juirs une base solide, 
ceux-ci rejetant les prophéties tirées des Septante comme 
ne rendant pas l'original hébreu : ensuite la science 
des Écritures qui n'est véritable que si elle est établie 
sur les originaux. Autant que nous en pouvons juger 
par le peu de fragments qui nous en restent, Aquila lui 
servit surtout de guide pour le sens de l'original; 
quant à la forme, il s'éloigna le moins possible des tra- 
ductions connues jusqu'alors. Dans cette dernière 
œuvre, il s'écarte quelquefois de la version qu'il avait 
cru devoir donner de l'hébreu dans d'autres ouvrages; 
ainsi Ps. H, il traduit adorale pure au lieu de apprehen- 
dite disciplinam des autres versions et de adorate \i- 
lium comme lui-même avait traduit précédemment; il 
répond même aux critiques que ce changement avait 
excitées, dans son Apologie contre Rufln, i, 19, t. xxm, 
col. 413; en cela il s'accommode encore à la traduction 
d'Aquila qui lisait xa-raçi}7i<xxre êxtecrâç, ou à Symmaque 
itpo(7xuvT)<raTe xafiapûç; de même dans le titre du Psaume 
xxn, il traduit d'après la plupart des manuscrits : pro 



eerva malulina, tandis que dans le commentaire d'Osée, 
1. II, t. xxv, col. 867, il veut qu'on lise pro cervo ma- 
tutino, qu'il applique au Christ. Le nom du maître de 
chœur, menasseah, est souvent traduit par victori, tan- 
dis que dans le commentaire sur Daniel, Prsefat., t. xxv, 
col. 492, il le rend par pro Victoria ; Ps. xlv, il rend de 
domibus eburneis, ce qu'il traduit de templo dentium 
dans son Epist., lxv ad Principiam, t. xxn, col. 633; 
Ps. lvi, il traduit pone lacrymam meam in conspectu 
luo, bien qu'il traduise ailleurs le même mot no'd par 
outre, ce qui est exact; Ps. lxiii, il traduit sitivit te, 
bien qu'il prétende qu'il faille traduire tibi dans l'Epi- 
(re xxxv, ad Svnniam et Fretelam, t. xxn, col. 850; 
Ps. xci, 1, Saddaï est traduit in umbraculo Domini, 
tandis que le même mot est rendu Deum sublimem 
dans Ézéchiel et robustum. et sufficientem ad omnia 
dans l'Epist-, xxv, ad Mareellam, t. xx/i, col. 429; 
Ps. eu, 7, il traduit quasi bubo, et dans l'Epist. 
ad Sunniam et Fretelam, t. xxu, col. 859, quasi no- 
ctua; Ps. civ, il traduit petra refugium herieiis, et dans 
la même lettre refugium cuniculi. — . D'une façon 
plus générale on doit lui reprocher d'admettre trop 
facilement et trop universellement l'intégrité absolue du 
texte hébreu, de Vhebraica verilas, ainsi qu'il s'exprime 
après Origéne et Eusèbe : de la sorte il essaie de donner 
un sens à des passages altérés qui en sont dépourvus, 
comme Ps. vm, 3; cxli, 5-7; il traduit dans les titres 
canticum psalnii ou psalmus cantici, les deux appel- 
lations cantique, psaume, juxtaposées comme variantes . 
et entre lesquelles il faut seulement choisir; il se 
montre trop attaché aux traductions de ses devanciers, 
surtout du juif Aquila, rendant comme lui les termes 
techniques d'une façon étrange, miktam, ode, par 
(David) humble et parfait, sélah, pause après les stro- 
phes, par toujours, joint à la phrase précédente; beau- 
coup de noms propres sont traités comme noms com- 
muns, et rendant la phrase inintelligible : tels dans le 
Ps. Lxvm, Saddaï, nom divin, Basan, montagne, deve- 
nus robuslissimus et pinguis ; il faut enfin lui reprocher 
trop de servilité dans la traduction des modes du 
verbe hébreu, qu'il fait trop régulièrement correspondre 
au prétérit ou au. futur latins, et trop d'uniformité dans 
cei/e des particules : ainsi Ps. es, il traduit :percussit in 
die furoris sui reges, judicabit in genlibus, implevit 
valles, percutiet caput in terra multa; or c'est une» 
description dont tous les verbes devraient être au 
même temps; Ps. cxvi il traduit : credidi propter 
quod locutus sum, au lieu de confidebam eliam quando 
dicebam, etc. Toutefois ces critiques de détail ne doi- 
vent pas faire méconnaître la valeur de cette version 
du Psautier : elle est au contraire ce qu'il y a de plus 
parfait comme traduction dans l'œuvre du saint doc- 
teur, et même les commentateurs protestants comme 
Delitzsch en font le plus juste éloge : ils en ont même 
donné plusieurs éditions critiques, telles que celle de 
P. de Lagarde, Leipzig, 1874, et celle de Tischeudorf, 
Baer et Frz. Delitzsch, Leipzig, 1874. On la trouve aussi 
dans les éditions des œuvres de saint Jérôme. Voir le 
tableau col. 831-832. 

XI, Canonicité. — Le Psautier est l'un des livres 
bibliques dont la canonicité est la plus facile à établir : 
ou plus exactement, elle n'a jamais été contestée, hor- 
mis par les sectes qui ont nié la divinité de l'Ancien 
Testament, guostiques ou manichéens. Les Psaumes 
sont cités, exactement comme les autres textes bibliques, 
dans I Machabées, iv, 24; vu, 16; dans II Machabées 
on rappelle qu'ils eurent place dans la bibliothèque 
sacrée de Néhémie, n, 13. Dans le prologue de l'Ecclé- 
siastique, ils sont évidemment compris dans les for- 
mules générales qui désignent les hagiographes ou troi- 
sième partie de la Bible hébraïque, rôt Xomà -cwv (StêJutov, 
et sont explicitement désignés dans le précis historique 
qui forme la seconde partie de ce livre, xlvii, 8-11 . Le 



831 PSAUMES (LIVRE DES) 832 

TABLEAU COMPARÉ DU PS. IV DANS LES REVISIONS ET TRADUCTION DE SAINT JÉRÔME 



PSALTERIUM ROMANUM. 

J N FINEM^ PSALUUS DAVID , CANTICUM. 



Cum invocarem te, exaudisti me, Deus 
justitïae meœ : 

in tribulatione dilatasti rnihi. 
Miserere mihi, Domine, et exaudi ora- 
tionem meam. 
Filii homînum, usquequo gravi corde? 
utquid diligitis vanitatem. et quae- 
ritîs mendacium? 

DIAPSALMA. 

Scitote quonram magnilicavit Dominus 
sanctum suum : 

Dominus exaudiet me, dum clama- 
vero ad eum. 
Irascimini, et nolite peccare : 
quae dicitis in cordibus vestris, et 
in cuiilibus vestris corapungimini. 

DIAPSALMA. 

Sacriilcate sacriûcium justitiœ, 

et sperate in Domino. 
Multi dicunt: quisostenditnobisbona? 
signatam est super nos lumen vultus 
tui, Domine. 
Dedisti laetitiam in corde meo : 
a tempore frumenti, vint et olei suï 
multiplicati sunt. 

In pace in idipsum obdormiam et re- 
quiescam : 

quoniam tu Domine sïngulariter in 
spe constituisîi me. 



PSALTERIUM OALLICANUM. 

IN FINEM, IN CARMINIBUS, PSALHUS DAVIIK 



. Cum invocarem, exaudivit me Deus 
justitiae meœ : 

in tribulatione dilatasti mihi. 
Miserere mei : et exaudi oiationem me 

[am. 
Filii hominum, usquequo gravi corde ? 
^ ut quid X diligitis vanitatem, — et { 
quœritis mendacium? 

DIAPSALMA. 

# Et J scitote quoniam miriiicavit Do- 
minus sanctum suum : 

Dominus exaudiet — me X cum cla- 
mavero ad eum. 

Irascimini et nolite peccare : 
vr quae + dicitis in cordibus vestris, 
in cubilibus vestris compungimini. 

DIAPSALMA. 

Sacriflcate sacrilîcium justitiae, 
et sperate in Domino : 
multi dicunt : quts ostendit nobis bona? 
Signatum est super nos lumen vultus tui, 
Domine. 

dedisti laetitiam in corde meo. 
Afructu frumenti et vini ■£- et olei % sui : 
multiplicati sunt 

In pace in idipsam, dormiam et requies- 
cam : 

Quoniam tu, Domine, sïngulariter in spe 
constituisti me. 



PSALTERIUM JUXTA 
HEBBAICAM VERITATEM. 

VICTORl IX PSALHIS, CANTICUM DAVID. 



Invocantem me exaudi me, Deus justitiae 
mese, 

in tribulatione dilatasti mihi : 
Miserere mei: et exaudi orationem meam. 

Filii viri, usquequo inclyti mei ignomî- 
niose 

diligitis vanitatem quœrentes menda- 
cium ? SEMPER 

Et cognoscite quoniam mirabilem reddi- 
dit Dominus sanctum suum, 

Dominus exaudiet cum clamavero ad 
eum. 
Irascimini et nolite peccare, 
loquimitii in cordibus vestris super 
cubilia vestra et tacete. 

SEMPER. 

Sacriflcate sacrifîcium justitiae 

et fidite in Domino. 
Multi dicunt : quis ostendit nobis bonum ? 
leva super nos lucem vultui tui, Do- 
mine. 
Dedisti laetitiam in corde meo 
a tempore frumentum et vinum eorum 
multiplicata "sunt. 
In pace simul requiescam et dormiam. 

quia tu, Domine, specialiter securum 
habitare fecisti me. 



La première colonne comprend le Ps. IV d'après la première recension hiéronymienne ; la seconde lo même psaume avec 
les astérisques et obèles: les astérisques indiquentles passages que Théodotion avait déjà ajoutés aux Septante, et qui étaient 
dans l'hébreu sans être dans leur version; saint Jérôme les lui emprunte et les traduit : par exemple Et scitote. Les obèles 
marquent au contraire les mots qui n'ont pas d'équivalent dans l'hébreu, tels que utquid, et olei, etc., et qu'il veut faire 
considérer comme non existants. Son texte de la seconde colonne correspond assez généralement au texte officiel de notre 
Vulgate, avec cette notable différence qu'on en a éliminé les astérisques et les obèles dont il écrivait : Quœ diligenter emen- 
davi, cum cura et diligentia tran&cribantur. Notet sibi unusquisque vel jacentem lineam vel signa radiantia : id est vel 
obelos, vel astericos. Aussi cette suppression des signes critiques donne-t-elle parfois un sens tout opposé à celui qu'avait en 
vue le traducteur. — La troisième est celle du Psalterium ad Sophronium ou juxta ïiebraicam verilatem, où il faut 
remarquer la traduction des versets ; Filii viri, loquimini in cordibus, leva super nos, a tempore [quo] frumentum, etc. 
qui sont très exactement rendus. Toutefois les termes techniques ne sont pas exactement traduits, le maître de chœur par' 
victori, pause par semper. Saint Jérôme a emprunté ces traductions au Juif Aquila. 



II livre des Rois (Samuel), XX, 2-31, avait déjà cité comme 
davidique le Psaume xvm, en ajoutant, xxi, 2, que 
«l'Esprit de Jéhovah avait parlé par [lui] et que sa parole 
était sur [ses] lèvres; » I Par., xvi, 8-36, fait aussi au 
Psautier un long emprunt, mais sans formuler aucune 
appréciation sur sa canonicité; il témoigne seule- 
ment qu'ils servaient aux usages liturgiques, Il Par., 
vu, 6, xxix, 30 : voir de même I Esd., m, 10, et IIEsd., 
xn, 45. Les Psaumes ne suscitèrent jamais chez les 
Juifs les doutes qui parurent au sujet du Cantique, de 
l'Ecclésiaste, etc. Quant au Nouveau Testament, il ne 
fait que continuer la tradition juive : il cite souvent le 
Psautier comme portion de l'Écriture et fait même du 
nom des Psaumes une désignation pour tous les hagio- 
graphes: in prophetis et psalmis, Luc, xxiv, 44; outre 
les références générales il en est de spéciales pour Notre- 
Seigneur, Luc, xx, 42; les Apôtres, saint Pierre, Act., i, 
20; xm, 33; saint Jean, n, 17; saint Paul, Rom., 
in,13-18; Heb., i, 5-n, 9 etc.; filles forment plus de 
la moitié des citations de l'Ancien Testament par le 
Nouveau. 

Aussi figurent-ils dans tous les canons, même les plus 
exclusifs, de l'antiquité : Meliton de Sardes; Origène, 
Athanase; ils se trouvent dans tous les Pères, cités ou 



commentés; ils forment le livre de l'Ancien Testament 
qu'on rencontre le plus fréquemment, et de beaucoup, 
dans les manuscrits ; ils se trouvent dans toutes les listes 
conciliaires et versions officielles de l'Orient, de l'Église 
grecque et de l'Église latine. 

Quant aux attaques dont ils ont été l'objet, elles ve- 
naient de l'erreur générale des gnostiquesou des mani- 
chéens qui attribuaient l'Ancien Testament en entier au 
mauvais principe, créateur de la matière : c'est pourquoi 
ce livre fut rejeté par eux et les nicolaites. Philastre, 
Hseres., t. xu, col. 1199, 1259. Théodore de Mopsuesle 
fut condamné, non parce qu'il les rejetait, mais parce 
qu'il avait exagéré, au sujet de quelques Psaumes, le 
littéralisme historique dont il faisait profession dans 
l'explication de l'Écriture, spécialement des Ps. xxh 
(xxi) et xlv (xlvi) : Codicem in prophetiam Psalmorum 
conscripsit, omnès de Domino prxdictiones abnegan- 
lem... Judaicse impietatis viaticum. Mansi, Collect. 
concil., 1763, t. ix, 212-213. Cf. Patr. gr., t. lxvi, 
col. 30, 32, 111-112, 663. C'est pourquoi il fut con- 
damné par le IV" Concile de "Constantinople. . 

Quant aux Psaumes^ que Paul de Samosate remplaça 
par des cantiques à sa louange personnelle, ce pour 
quoi il fut condamné par le concile d'Antioche, c'étaient 



833 



PSA.UMES (LIVRE DES) 



834 



des compositions liturgiques récentes, et non le Psau- 
tier biblique. Eusèbe, H. E., vu, 30, t. xx, col. 713. 
Dans les deux derniers documents conciliaires où l'on 
affirme la canonicité de ce livre, il faut noter la diffé- 
rence des désignations : le concile de Florence l'avait 
désigné sous le titre de Psalterium Davidis; le Con- 
cile de Trente, reproduisant le même décret, changea 
ces termes en Psalterium davidicum pour éviter de 
paraître enseigner l'origine exclusivement davidique du 
Psautier, tandis qu'il ne voulait qu'attester sa canoni- 
cité. Theiner, Acta conc. Tridentini, t. i, p. 79 sq. 

XII. Usage des Psaumes dans l'Église chrétienne. 
— Pour les chrétiens, le fait indubitable que les 
Psaumes ont été souvent récités par le Christ donne à 
ce recueil une autorité et un attrait tout particuliers : 
dans sa passion il répète le Deus Deus meus, quare de- 
reliquisti me? et In manus tuas commendo spiritum 
meum, comme des textes absolument familiers, et pres- 
que les seules paroles qu'il ait prononcées alors. Dans 
sa vie mortelle, bien que l'Évangile n'en dise rien, il dut 
souvent réciter les Psaumes à la synagogue, au temple, 
aux fêtes juives, aux pèlerinages à Jérusalem : la narration 
de la Cène nous atteste qu'il y dit VHallel de la Pàque. 
11 s'en sert également dans sa prédication : le Seali 
mites quoniam ipsi possidebunt terrani, est l'abrégé du 
Psaume xxxvn (xxxvi); le Dixit Dominus lui sert pour 
enseigner sa filiation divine; le Lapidem quem reproba- 
verunt sedificantes, pour expliquer l'aveuglement des 
Juifs; le Benediclus qui venit in nomine Domini est ap- 
pliqué par Jésus au retour final des Juifs; le Ex ore in- 
fantium et lactentium perf'ecisti laudem estappliqué à 
son entrée triomphale dans le Temple. Ce livre, outre 
l'inspiration qui lui est commune avec tous les livres 
de l'Écriture, a donc eu le privilège d'être la prière 
même du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout 
imprégné des sentiments mêmes de Jésus : il n'y a que 
l'Oraison dominicale à quoi on puisse le comparer. 
On comprend que l'Église ait toujours cherché à s'unir 
aux pensées et aux affections du Fils de Dieu, en re- 
prenant le Psautier comme sa principale prière. Elle 
ne faisait du reste que continuer les usages de la Sy- 
nagogue. Voir Hallf.l, t. m, col. 404. Saint Paul l'y 
engage instamment dans deux textes parallèles : Laquan- 
tes vobisrnelipsis in psalmis et hymnis et canticis 
spiritualibus, canlantes et psallentes in cordibus ve- 
stris Domino, Eph., v, 19 ; Commonentes vosmetipsos 
psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratia 
contantes in cordibus vestris Deo. Col., m, 16. Les 
psalmi idiolici ou de composition nouvelle et chré- 
tienne, s'y ajoutent peu à peu sans les supplanter, ce 
sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint 
Paul, et il semble même qu'on en retrouve des restes 
dans ses propres Épîtres. I Tim., m, 16. Tertullien, De 
anima, (X, t. u, col. 660, rapporte qu'une visionnaire de 
son temps dont la mention revient plusieurs fois dans 
ses écrits, avait des extases en correspondance avec les 
différentes parties de l'office public, selon que Scripturœ 
leguntur, psalmi canuntur, alloculiones proferuntur 
aut petitiones deleganlur. On constate que le peuple 
prit peu à peu une place, mais généralement modérée, 
à cette récitation, comme autrefois chez les Juifs où il 
répondait : Quoniam in seternum misericordia ejus; 
les séries de Psaumes étaient interrompues par quel- 
que oraison, ou par quelque antienne ou doxologie 
dite en chœur par l'assistance : dans certaines Églises 
comme Alexandrie et Rome, c'était une récitation plutôt 
qu'un chant; ailleurs c'était un chant véritable. Dé 
même la fréquence des versets redits en chœur était 
différente : soit après plusieurs Psaumes, soit après 
chaque. Psaume, soit même après quelques versets. 
Saint Basile emploie le terme de ôvxi+àXXeiv àXXr,Xoic, 
« psalmodier en deux choeurs. » Epist., ccvu, t. xxxn, 
col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie ana- 

DICT. DE LA BIBLE. 



logue à Milan. Notre office romain a conservé la trace 
de ces trois récitations. L'alternance proprement dite, 
par deux chœurs qui lisent successivement tous les 
versets du Psaume, introduite d'abord en Syrie, passa 
de là dans les églises d'Egypte, de Palestine, à Antioche, 
à Césarée, puis à Constantinople et en Occident, en 
commençant par Milan, au temps dé saint Ambroise. 
Voir Batiffol, Histoire du Bréviaire romain, 1893, 
p. 5, 23; Bâumer, Histoire du Bréviaire, trad. Biron, 
1905, t. i, p. 12, 52, 170-178, etc.; (Bacuez,) Du saint- 
Ofï.ce, Paris, 1872, p. 89-109. 

Outre la récitation liturgique, l'Église, surtout daus 
les siècles passés, a toujours grandement estimé, con- 
seillé et pratiqué la récitation privée des Psaumes, 
divins par leur origine, sanctifiés par l'usage qu'en 
ont fait les saints de l'Ancien et du Nouveau Testament, 
et surtout Jésus-Christ. Les lettres de saint Jérôme 
nous montrent l'usage qu'on en faisait de son temps : 
dans son Éloge de sainte Paute, t. xxu, col. 894-896, on 
voit combien les paroles de ce livre lui étaient fami- 
lières; elle s'en servait contre ses ennemis, ou pour 
s'exciter à la patience, pour se consoler dans la tristesse, 
pour se résigner à la perte des siens, pour exciter ses 
désirs du ciel; « elle désira même d'apprendre l'hébreu, 
ajoute-t-il; et elle vint tellement à bout de son dessein 
qu'elle chantait les Psaumes en hébreu, et le parlait 
sans y rien mêler de la prononciation latine ; ce que nous 
voyons faire à sa sainte fille Eustochium. » Dans une 
lettre de sainte Paule à Marcelle, t. xxn, col. 491, elle 
écrit elle-même qu' « à Bethléhem il n'y a que le chant 
des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur gui- 
dant sa charrue chante Alléluia, le moissonneur tempère 
le poids du jour et la chaleur par le chant des Psaumes ; 
le vigneron en taillant la vigne a toujours à la bouche 
quelque passage de David. » Saint Jérôme, écrivant à 
Lseta, Epist., cvi, t. XXII, col. 871, 876, pour l'éducation 
de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre 
aucune chanson profane, mais seulement à chanter les 
Psaumes; » il veut ensuite que « au lieu de perles et 
de riches habits, elle recherche surtout les livres sacrés, 
non pas les mieux enluminés, mais les plus corrects et 
les plus capables de fortifier la foi; qu'elle commence 
par apprendre le Psautier, qu'elle prenne plaisir à le 
chanter. » Écrivant à Gaudentius sur l'éducation à 
donner à Pacatule, il conseille de même : « Quand elle 
sera parvenue à sa septième année, qu'elle apprenne le 
Psautier par cœur. » Epist., cxxti, t. xxiï, col. 1098. Saint 
Ambroise, à la même époque, écrit « qu'un homme 
sensé aurait honte de terminer sa journée sans la réci- 
tation de quelque Psaume; » qu'à l'église, « alors 
qu'il est si difficile d'obtenir le silence pendant qu'on 
lit les leçons ou que l'orateur essaye de parler, dès 
qu'on lit le Psaume, cela suffit à faire faire le silence : 
la psalmodie réunit les âmes divisées, réconcilie dans la 
discorde, apaise le ressentiment des offenses... On 
éprouve autant de joie à le chanter qu'on gagne de 
science à l'apprendre. » S. Ambroise, In Psalm. I, 
t. xiv, col. 925. Ce chant des Psaumes à Milan avait 
produit une profonde impression sur saint Augustin 
qui parait même se reprocher le plaisir qu'il prenait à 
entendre les mélodies ambrosiennes. Confess., IX, vi- 
vii ; X, xxxm, t. xxxn, col. 769-770, 800. Son peuple 
d'Hippone était si familier avec le texte sacré qu'il ne 
voulut pas corriger les fautes de latin de la version 
africaine, et qu'il laissait chanter dans le Psaume cxxxii- 
cxxxi : Super ipsuni autem floriet (pour efflorebit) 
sanctificatio mea. De doctr. christiana, xm, t. xxxiv, 
col. 45. L'Église orientale les avait en égale estime et 
en faisait le même usage : le texte cité de saint Ambroise 
est pris presque textuellement à saint Basile, Homil. in 
Ps. I, t. xxix, col. 212, qui ajoute : « Les plus indolents, 
c'est-à-dire le grand nombre, ne retiennent même pas 
un verset des prophètes ou des Épîtres;; mais pour les 

V. - 27 



835 



PSAUMES (LIVRE DES) 



836 



Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu'en pu- 
blic. . Et quel enseignement n'y puisons-nous pas? l'éclat 
de la force, la perfection de la justice, la gravité de la 
tempérance, la plénitude de la prudence, la manière de 
faire pénitence, la juste mesure de la patience, en un 
mot toute sorte de biens ! Là se trouve une théologie 
parfaite, là les prophéties de l'Incarnation, la menace 
du jugement, l'espérance de la résurrection, la crainte 
du supplice, les promesses de la gloire, la révélation 
des mystères; tout cela se trouve dans le Psautier 
comme dans un grand et riche trésor. » Théodoret 
s'exprime d'une façon presque identique dans la Pré- 
face de son Commentaire, t. lxxx, col. 857. 

XIII. Beauté des psaumes. — Sur ce fond tout divin 
fourni par l'inspiration, les auteurs du Psautier ont jeté 
leur empreinte personnelle, en le colorant des pensées et 
des sentiments les plus variés, les plus grandioses, les 
plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-à- 
vis de Dieu, de son temple, de sa cité sainte, de sa loi, 
de sa création tout entière, du peuple croyant, des na- 
tions infidèles, des destinées du monde ou des néces- 
sités de l'existence personnelle. A la vérité la langue 
hébraïque manque de nuances et de précision, elle n'a 
pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les 
Psaumes n'y perdent guère, ils y prennent plutôt un 
caractère d'universalité et de grandeur hiératique d'où 
est banni tout ce qui est trop personnel et trop étroit, 
trop étudié ou trop mesquin : leur rythme poétique, 
grâce au parallélisme, à la strophe ou au refrain, est 
facilement traduisible en nos langues; et leur grandeur 
un peu abstraite permet à chacun de se les appliquer. 
Rien n'est beau, dans aucune poésie, comme les Psaumes 
messianiques : Quare fremuerunt génies ; Deus judicium 
tuum régi da; Misericordias Domini; Dixit Dominus; 
rien n'est grandiose, recueilli, coloré et varié comme 
les tableaux de la création dans Domine Dominus noster; 
Cœli enarranl; Benedic anima mea Domino; comme 
la peinture de la tempête dans le Diligam te et Afferte 
Domino : rien n'est sublime comme la description des 
attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea]; 
le Domine probasti me. Aucun sanctuaire vénéré, aucune 
des cités du monde antique n'ont été aimés, chantés, 
glorifiés et pleures comme Jérusalem et son temple dans 
les Psaumes religieux, triomphants, prophétiques ou 
élégiaques des fils de Coré et d'Asaph. Le groupe des 
cantiques graduels (Psaumes du pèlerinage hiérosoly- 
mitain) est plein de vie, de fraîcheur, de naïveté, d'en- 
thousiasme; il donne les leçons de la foi la plus sublime 
et de la morale la plus pure dans une langue simple, 
animée et populaire. Aucune littérature n'a rien qui 
égale le sentiment de confusion, de repentir, de con- 
fiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la 
pénitence, surtout du Miserere et du De profanais. 
Aucune histoire n'a été décrire comme celle d'Israël 
dans les trois Psaumes Confitemini, VExurgat, Vin 
exitu Israël; nulle religion, nulle philosophie n'a été 
exposée, développée, méditée et surtout exaltée et aimée 
comme la loi de Jéhovah dans les Psaumes moraux 
l, cxix(cxviii). Aussi saint Jérôme pouvait-il écrire dans 
sa Prsef. in Chronic. Euseb., t. xxvn, col. 36 : Quid 
Psallerio canorius, quod in morem nostri Flacci 
et Grseci Pindari nunc iambo currit, nunc alcaïco Per- 
sonal! L'impression de beauté et de perfection ne 
fait que s'accroître si l'on met en face des Psaumes 
hébreux les chants religieux des autres peuples, Vêdas, 
Gathas, textes égyptiens, psaumes assyriens et babylo- 
niens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le 
plus de nos Psaumes; mais malgré des coïncidences 
partielles, ils en demeurent encore séparés de toute la 
distance de l'humain au divin. 

XIV. Les psaumes et la récitation du bréviaire. — 
La récitation du Bréviaire crée pour ceux qui y sont 
obligés, une véritable nécessité de faire une étude spé- 



ciale du Psautier, non seulement abstraite et purement 
scientifique, mais encore au point de vue spécial de la 
prière. Il est incontestable que cette étude doit être 
basée sur le sens littéral des Psaumes, sur celui que 
le Saint-Esprit-, leur auteur, avait en vue, et non pas 
sur les accommodations plus ou moins arbitraires par 
lesquelles on s'évite la peine de pénétrer jusqu'au sens 
véritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans 
son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave, 
s'il s'appliquait aux ecclésiastiques, qu'il ne l'était 
adressé aux fidèles qu'il instruisait : Vos qui ah infanlia 
ad extremam usque senectutem Psalmuin hune médi- 
tantes, nihil aliud quant verba tenetis, quid aliud 
facitis nisi quod thesauro absconso assidetis, et obsi- 
gnatam crumenam circumfertis? In Ps. ext, t. lv, 
col. 427. Ce serait négliger une portion obligatoire et 
principale de la science ecclésiastique, se priver du 
vrai moyen de dire pieusement le saint office et re- 
noncer à une véritable jouissance spirituelle non 
moins qu'intellectuelle. Il faut donc, principalement 
pour le nombre relativement restreint des Psaumes de 
récitation fréquente, s'appliquer à en saisir le sens 
général, en bien préciser le sujet, à voir surtout l'en- 
chaînement des idées, souvent indiqué par la division 
slrophique, sans vouloir néanmoins que dans la réci- 
tation l'esprit s'attache à tous les détails, ni même 
exiger que dans l'étude préalable il en approfondisse 
d'abord toutes les obscurités. Il ne faut pas quitter ce 
sens littéral dans la récitation des Psaumes théologiques, 
messianiques ou moraux du Bréviaire. Les premiers 
nous dépeignent Dieu, ses attributs, la création, son 
gouvernement du monde, sa justice, sa miséricorde et 
finalement sa royauté établie sur toute création; les 
secondes décrivent les gloires du Messie, ses souffrances, 
son empire sur les nations et nous servent à nous unir 
à la prière qu'il fait lui-même à son Père : Postula a 
me, et dabo libi génies hxreditalem luam. Ps. n, 8. 
C'est l'accomplissement de sa loi en nous et dans les 
autres que nous devons demander dans les Psaumes 
moraux, tels que i, xviii (xix), et surtout cxvm (exix), 
dont chaque verset est comme la répétition des de- 
mandes du Pater, adveniat regnum tuum, fiât voluntas 
tua. Les Psaumes relatifs à Jérusalem, à sa beauté, à 
ses épreuves, à ses triomphes, aux destinées glorieuses 
que Dieu lui réserve, sont des chants prophétiques qui 
ont bien plus en vue l'Église et la Jérusalem céleste que 
celle de la terre, comme on le voit dans lxxxvi (lxxxvii), 
cxxi (cxxii), cxlvu, et autres. Les Psaumes historiques, 
outre leur sens propre déjà suffisant à remplir l'esprit 
des pensées de la puissance, de la bonté et de la justice 
de Dieu dans la conduite d'Israël, ont en outre un sens 
figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul 
et de toute l'Écriture ; H sec omnia in figura conlinge- 
bant illis. I Cor., x, 'II. C'est ainsi que le Psaume ex 
(exi) relatif à la sortie d'Egypte, aux prodiges du désert, 
à la promulgation de la loi, à la prise de possession de 
la Palestine est appliqué par les Pères à la conversion 
des nations, à leur évangélisation, aux biens spirituels 
de l'Église, à la patrie céleste; on peut dire que c'en 
est l'interprétation générale dans saint Augustin, Enar- 
rationes in Psalm., t. xxxvn, col. 674966. Enfin les 
Psaumes personnels sont rédigés de telle sorte que leur 
texte, loin d'être particulier à David, à Asaph ou aux 
autres Psalmistes, trouve une application facile à la vie 
intime de chacun des lecteurs, comme déjà on en voit, 
la remarque dans saint Athanase, Epist. ad Marcellin., 
t. xxvn, col. 19 : Hoc sibi proprium et admirandum 
habet quod eliani uniuscujusque animi motus eorutn- 
que mutatxones et castigationes in se descripta et 
expressa contineat... singuhs in rébus quisque repe- 
riet divina cantica ad nos nostrosque motus mo- 
tnumque temperationes accommodata. Les Psaumes 
de la pénitence, ceux de recours à Dieu au milieu des 



837 



PSAUMES (LIVRE DES) — PSAUMES APOCRYPHES 



838 



adversités, de la maladie, de la vieillesse, des ennemis, 
des calomniateurs, conviennent merveilleusement à 
l'Église, et à chaque âme chrétienne aii milieu de ses 
épreuves intérieures et extérieures, péchés, tentations, 
misères de toute espèce. On trouvera le développement 
de ces indications générales dans Bacuez, Du Saint- 
Office, 1872, p. 101-109; Vigouroux, Manuel biblique, 
1895. t. il, p. 358-363; Bossuet, Explication du Psautier; 
dom Martianay, Les Psaumes de David et les Canti- 
ques de l'Église, 1705 ; Wolter, Psallite sapienter, 1883; 
Ad. Schulte, Die Psalmen des Breviers, 1907. 

XV. Bibliographie. — Une bibliographie des com- 
mentaires du Psautier absolument complète serait d'une 
longueur démesurée et sans utilité : nous nous borne- 
rons à mentionner les principaux, et pour l'époque des 
Pères d'après l'ordre de la patrologie de Migne. — 
1° S. Hippolyte, In Psalmos fragmenta, t. x, col. 606- 
616, 711-724; Origène, Selecta in Psalmos, t. xu, 
col. 1013-1685 ; Homilize in Ps. xxxvi-xxxvm a Rufino 
translates et excerpta e catenis, t. xu, col. 1319-lilO; 
t. xvu, col. 105-149; ce sont les restes de ses td(i,o(, 
ayo'ktai et des o(j.O,tai sur les Psaumes ; y joindre pour 
le texte et sa critique Field, Origenis Hexaplorum quse 
supersunt, t. H, p. 83-305. Eusébe et Théodoret chez 
les Grecs, saint Hilaire et saint Ambroise chez les la- 
lins, lui ont beaucoup emprunté, c'est ce qui explique 
les coïncidences verbales qu'on remarque entre eux. 
Eusèbe de Césarée, Commentarii in Psalmos, t. xxm, 
col. 65-1396; t. xxiv, col. 9-76; commentaire utile et 
nullement influencé par les idées un peu ariennes de 
l'auteur; S. Alhanase, Epist. ad Marcellinum, t. xxvii, 
col. 11-46; Exégèses in Psalmos, t. xxvii, col. 55-546; 
De litulis Psalmorum t. xxvii, col. 645-1344; l'une 
et l'autre d'authenticité douteuse; Fragments, t. xxvu, 
col. 547-590; S. Basile, Homilise in Psalmos, t. xxix, 
col. 209-494; Pseudo-Basile, t. xxx, col. 72-117; Apolli- 
naire de Laodicée, Explication métrique des Psaumes 
(fragments), t. xxxn, col. 1313-1537; S. Didyme 
d'Alexandrie, Explication des Psaumes (fragments), 
t. xxxrx, col. 1155-1615; Astérius d'Amasa, Homélies 
sur les Psaumes v-vil, t. XL, col. 389-477; S, Grégoire 
de Nysse, Sur le titre des Psaumes, t. xliv, 431-608; 
Explication du Psaume VI (fragment), ibid., col. 608- 
615; S. Jean Chrysostome, Expositio Psalmorum (in- 
complet), long, moral, mais aussi littéral et intéres- 
sant, t. lv, col. 35-528; fragments douteux, t. lv, 
col. 527-784; Théodore de Mopsueste, Fragments, t. lxvi, 
col.641-696; (voir aussi Batiffol, Littér. grecque, 1897, 
p. 297); S. Cyrille d'Alexandrie, Interpret. Psalmo- 
rum (incomplet), t. lxix, col. 699-1274; Théodoret, 
lnterpretatio Psalm., t. lxxx, col. 857-1998 (le plus 
ulile parmi les Grecs, avec S. Jean Chrysostome) ; Euthy- 
mius de Zigabène, Comment., t. cxxvm, col. 41-1326 
(formé d'extraits). — Pères latins : S. Hilaire de Poi- 
tiers, Traclatus super Psalmos : c'est Origène abrégé, 
traduit et expurgé, t. ix, col. 231-908 ; S. Ambroise, 
Enarraliones in xu Psalmos (xxxv-xl, xliii, xlv, xlvii, 
xlviii, lxi) et Expositio in Psalmum cxvm, t. xiv, 
col. 921-1526; oratoire et moral plus qu'exégétique; 
S. Jérôme, Liber Psalmorum juxta hebraicam verila- 
lem, traduction soignée sur l 'hébreu, t. xxvm, col. 1 123- 
12W); Excerpt a dePsalterio ou Enchiridion beati Hie- 
ronymi in Psalmos, publié par D. Morin sous le titre : 
Sancti Hieronymi, qui deperditi hactenus patabantur, 
commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895; Epistolx, 
t. xxii, col. 433, 441, 837; Breviarium in Psalmos (non 
authentique, mais formé d'extraits de saint Jérôme et au- 
tres); t. xxvi, eol. 821-1300, trop allégorique; S. Augus- 
tin, Enarrationes in Psalmos, t. xxxvh, col. 67-1966 
(commentaire moral et pieux : tout y est appliqué au 
Christ et à l'âme chrétienne; il est abrégé dans S. Pros- 
per d'Aquitaine, Expositio in Psalmos c-cl, t. li, 
eol. 277-426); Cassiodore, Expositio in Psallerium, 



t. lxx, col. 9-1056 ; et un inconnu placé parmi les œu- 
vres de Rulin, In Lxxv Davidis Psalmos commenta- 
rius, t. xxi, col. 641-960. 

2° Le moyen âge ne fit que compiler les Pères, 
quelques-uns en y ajoutant des raisonnements et une 
forme scolastique : on peut citer Bède, Richard de 
saint Victor, Pierre Lombard, saint Thomas d'Aquin, 
saint Bonaventure, Denys le Chartreux; Nicolas de Lyre 
et Paul de Burgos emploient des sources rabbiniques, 
l'un dans ses Postillx, l'autre dans ses Additiones édi- 
tées avec la BibliaMaximacumglossada moyen âge; on 
y retrouve assez confusément les opinions de Raschi de 
Troyes, Aben-Ezra et David Kimchi. Sur les commen- 
taires des Juifs médiévaux, voir Frz. Delitzsch, Koni- 
mentar iïber den Psalter, Einleilung, 1873, t. i, p. 41, 
ou la traduction anglaise, 1895, t. i, p. 55-57. 

3° Auteurs modernes : M. A. Flaminius : In Ubrum 
Psalmorum brevis expositio, 15S5; Jansenius Ganda- 
vensis, Paraphrasis in omnes Psalmos Davidicos, 1614 ; 
Génébrard, Commentarius in Psalmos, 1582 (dans 
Aligne, Cursus Complelus S. Sacrée, t. xiv-xv); Agelli, 
Commentarius in Psalmos, 1611 ; Bellarmin, Expla- 
natio in Psalmos, 1611 ; Simon de Muis, Commentarius 
in omnes Psalmos cum versione nova, 1630; Bossuet, 
Liber Psalmorum, 1690; Notée in Psalmos cum disser- 
talione in libr. Psalmorum, Lyon, 1691 ; Supplendain 
Psalmos, Paris, 1693; Bellenger, Liber Psalmorum 
cum notis, 1629; Reinke, Die Messianischen Psalmen, 
1857-1858; Scheg, Die Psalmen, 1857; Rohling Die 
Psalmen, 1871 ; Thalhofer, Erklârung der Psalmen, 
Ratisbonne, 1880; Wolter, Psallite Sapienter, 1883; 
Bickell, Der Psalter, 1884; Van Steenkiste, Commenta- 
rius in Ubrum Psalmorum, i810; Patrizi, Cento Salmi 
tradotli e commentati, 1875; Minocchi, 1 Salmi tra- 
dotti dal testo ebraico, 1895, 1902 ; H. Laurens, Job et les 
Psaumes, 1839; de la Jugie, Les Psaumes d'après l'hé- 
breu, 1863; Mabire, Les Psaumes traduits en français 
sur le texte hébreu 1868; Le H/'r, Les Psaumes traduits 
de l'hébreu en latin avec la Vulgate en regard, Paris, 
1876; Lesêlre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883; Fil- 
lion, J^es Psaumes commentés selon la Vulgate et 
l'hébreu, 1893; Crampon, Le livre des Psaumes, tra- 
duction sur la Vulgate avec sommaire et notes, 1889; 
Flament, Les Psaumes traduits en français sur le 
texte hébreu, 1898; Boulleret, Les Psaumes selon la 
Vulgate, leur véritable sens littéral, Paris, 1902; M.-B. 
d'Eyragues, Les Psaumes traduits de l'hébreu, Paris, 
1904; E. Pannier, Les Psaumes d'après l'hébreu en 
double traduction, Lille, 1908. — Hétérodoxes : *Ro- 
senmùller, Scholia in Psalmos, 1821-1823; * de Wette, 
Convmenlar ùber die Psalmen, ¥ édit., 1836; 'Hitzig, 
die Psalmen, 1863-1865; * Hengstenberg, Commentar 
ùber die Psalmen, 2 e édit., 1845-1852; "Ewald, Poet. 
Bûcher des A. B., t. il, 2" édit., 1886; 'Hupfeld-Riehm, 
Die Psalmen, ¥ édit., 1867-71 : * Hupfeld-Nowack, 1888; 
* Graetz, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, 1882- 
1883; *Frz. Delitzsch, Commentar ûber den Psalter, 
1859-60; 5" édit., 1894; Delitzsch-Bolton, traduction an- 
glaise revisée, 1895; *ûuhm, Die Psalmen erklârt, 1899, 
dans le Hand-Commentarde Marti; "Perowne, TheBook 
of Psalms, 1878; * Cheyne, The Book of Psalms, 1888, 

E. Pannier. 

2. PSAUMES APOCRYPHES. Indépendamment des 
« Psaumes de Salomon » (col. 840), on connaît quel- 
ques Psaumes apocryphes, peu importants. — Leur 
forme extérieure est en gros celle des Psaumes cano- 
niques. Les pensées sont pour la plupart littéralement 
extraites des écrits, poétiques et autres, de l'Ancien 
Testament. Le plus connu de ces Psaumes est. celui 
qu'on trouve dans les Septante, à la fin du Psautier, 
sous le chiffre eu. D'après son titre, il aurait été 
composé par David, en souvenir de son combat avec 
Goliath; il est désigné en propres termes, dans 



839 



PSAUMES APOCRYPHES — PSAUMES DE SALOMON 



840 



ce même titre, comme étant « en dehors du nombre s> 
canonique de 150. C'est une composition pseudépigra- 
phique, qui a pour base les récits de I Reg., xvi, 1-13, 
et xvii, 1-51. Saint Jérôme l'a traduit en latin, comme 
les autres Psaumes. Voir Psalterium juxCa Hebrœos 
Hieronymï, édit. de Lagarde, 1874, p. 151-152; F. Vi- 
gouroux, Manuel biblique, t. h, 12 e édit., p. 476. Le 
voici traduit en français, d'après la version syriaque 
publiée par M. Wright ; elle contient quelques variantes 
intéressantes. 

1. J'étais le plus jeune parmi mes frères 

Et un jeune homme dans la maison de mon père. 

2. Je faisais paître le troupeau de mon père; 
Et je trouvais un lion et un loup, 

Et je les tuais et les mettais en pièces. 

3. Mes mains firent une flûte, 

Et mes doigts fabriquèrent une harpe. 

4. Qui me montrera mon Seigneur? 

Lui, mon Seigneur, est devenu mon Dieu. 

5. 11 m'a envoyé son ange, 

Et il m'a pris derrière le troupeau de mon père, 
Et il m'a oint avec l'huile d'onction. 

6. Mes frères, eux, beaux et grands, 

Le Seigneur ne s'est pas complu en eux. 

7. Et je sortis à la rencontre du Philistin, 
Et il me maudit par ses idoles. 

8. Mais je tirai son épée et je coupai sa tête, 
Et j'enlevai l'opprobre des fils d'Israël. 

En 1887, M. William Wright, a publié dans les 
Proceedinga of the Society of Biblical Archeology, 
t. ix, Londres, p, 256-266, en syriaque et en anglais, 
sans notes ni commentaires, cinq Psaumes apo- 
cryphes, découverts par lui dans un manuscrit sy- 
riaque qui appartient actuellement à la bibliothèque 
de l'Université de Cambridge. A part le premier, qui 
reproduit le Ps. cli, ces poèmes étaient inédits 
jusqu'ici. Le manuscrit dont ils font partie contient 
un traité de théologie composé par un évêque nommé 
Élie, qui vivait vers l'an 920 de notre ère. Voir Asse- 
mani, Bibliolheca orientalis, t. m, l re part., p. 258- 
259. Ce manuscrit ne remonte guère au delà de 1700. 
On trouve aussi les cinq Psaumes dans un autre ma- 
nuscrit du même ouvrage, daté de l'an 1703, conservé 
à la bibliothèque du Vatican. Les titres qui les précè- 
dent en attribuent trois à David, y compris le premier 
d'entre eux, qui correspond au Ps. eu; un autre est 
attribué à Ézéchias; un autre est sans nom d'auteur. 

Le second a pour titre : « Prière d'Ézéchias, lorsque 
ses ennemis l'entouraient; » ce qui fait évidemment 
allusion à la situation décrite IV Reg., xvm, 13-xix, 
37, et Is., xxxvi, 1-xxxvn, 38. — Le troisième mor- 
ceau de la petite collection syriaque publiée par 
M. Wright mériterait une attention spéciale. 11 est 
intitulé : « Lorsque le peuple reçut de Cyrus la per- 
mission de rentrer dans la patrie. » Quoique l'auteur 
parle à la première personne du singulier, c'est moins 
en son nom personnel qu'en celui de toute la nation 
théocratique qu'il présente à Dieu sa prière et sa re- 
connaissance anticipée. Voir W. Baethgen, Die Psal- 
men ûbersetzl und erklârt, Gœttingue, 1892, p. iv et 
xl. C'est le plus long de tous; il a vingt versets. — Du 
quatrième, il est <lit qu'il fut « prononcé par David, 
lorsqu'il luttait avec le lion et le loup qui ravissaient 
une brebis de son troupeau. » Il n'est pas sans 
quelque couleur locale : 

i . O Dieu, 6 Dieu, viens à mon secours. 
Aide-moi et sauve-moi ; 
Délivre mon àme de l'égorgeur. 

2. lrai-je dans le séjour des morts par la gueule du lion? 
Ou le loup me ccuvrîra-t-il de 'confusion? 

3. N'est-ce pas assez pour eux d'avoir tendu des embûches au 

[troupeau de mon père, 
Et mis en pièces une brebis du troupeau de mon père? 
(Faut-il) qu'ils désirent aussi détruire ma vie ? 



4. Aie pitié, Seigneur, et sauve ton saint de la destruction, 
Afin qu'il puisse raconter tes louanges dans tous les temps 
Et qu'il puisse louer ton grand nom, 

5. Lorsque tu l'auras délivré des mains du lion destructeur et 

Çdu loup furieux. 
Et lorsque tu auras délivré ma captivité des mains des 

[bêtes fauves. 

6. Vite, ô mon Seigneur, envoie devant moi un sauveur, 

Et tire-moi de la fosse béante qui m'emprisonne dans ses 

[profondeurs. 

Le cinquième Psaume fut « prononcé par* David 
lorsqu'il rendit grâces à Dieu, qui l'avait délivré du lion 
et du loup, après qu'il les eut tués l'un et l'autre. » Il 
a également six versets. « Toutes les nations » sont in- 
vitées à louer Dieu de cette délivrance. 

Personne ne s'est prononcé, que nous sachions, sur 
l'origine de ces cinq Psaumes. Le premier, ou CLi e des 
Septante, est assez ancien. Les quatre autres pour- 
raient bien appartenir à la même époque. Mais les do- 
cuments font défaut, de sorte qu'on ne saurait se pro- 
noncer avec cerlitude à ce sujet. 

J. A. Fabricius a publié depuis longtemps déjà,, en 
latin, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, 
2 e édit., Hambourg, 1822, t. I, p. 21-26, deux pré- 
tendus « Psaumes d'Adam et d'Eve. » Ces deux pièces 
ne méritent guère d'attirer l'attention. Comme le dit 
Fabricius, loc. cit., p. 21, c'est un franciscain portugais, 
nommé Amodéus, né en 1474, qui les mit par écrit 
à la suite d'une révélation qui les lui aurait fait con- 
naître. Le premier aurait été composé par Adam, après 
la création d'Eve. C'est un développement assez peu 
poétique de Gen., il, 20 b -24; on y annonce indirecte- 
ment la naissance du Messie : Filius ex maire sine 
paire orietur. — Le second Psaume, qui est censé avoir 
été composé après la chute de nos premiers parents, 
contient sept strophes assez étendues, qui sont attri- 
buées, la première à Adam, la seconde à Eve, la troi- 
sième, la quatrième et la cinquième à Adam, la sixième 
et la septième à Eve. Il exprime les gémissements, les 
sentiments de contrition, la demande de pardon d'Adam 
et d'Eve après leur péché. Chaque strophe commence 
par les mots : Adonai, Domine Deus, secundum ma- 
gnani misericordiam tuant miserere mei, 

L. Fillion. 

3. PSAUMES DE SALOMON, livre apocryphe. - 
I. Histoire et nature de ce recueil. — On désigne par 
ce titre (TaXu.o'i SoÀou.wvtoç) une petite collection 
pseudépigraphique, qui se compose de dix-huit 
poèmes rédigés sous la forme des anciens psaumes, et 
qui compte parmi les meilleurs et les plus intéressants 
des écrits apocryphes de l'Ancien Testament. 

1» Transmission et éditions principales. — L'anti- 
quité chrétienne mentionne très rarement ce psautier.- 
Nous ne possédons même à son sujet aucune citation 
patristique bien nette. Lactance, De divin, inslit., îv, 
12, t. vi, col. 479, signale un texte emprunté, dit-il, à 
la « 19" ode de Salomon, » mais qui n'a rien de commun 
avec le contenu de nos dix-huit psaumes, quoiqu'il 
semble supposer leur existence. Plus tard, il est ques- 
tion de ce recueil d'une manière directe dans plusieurs 
listes du canon chrétien de l'Ancien Testament. On le 
range tantôt parmi les Anlilegomena, avec les livres des 
Machabées, la Sagesse de Salomon, l'Ecclésiastique, 
Judith, Tobie, etc. — c'est le cas pour la Synopsis [du 
pseudô-Athanase, t. xxvm, col. 450, et pour la Sticho- 
métrie de Nicéphore, cf. Kicephori opuscula, éd. de 
Béer, Leipzig, 1880, p. 134, et T. Zahn, Geschichte des 
neuteslamenll. Kanons, t. n, p. 299 — tantôt parmi 
les apocryphes proprement dits, avec le livre d'Hénoch, 
le Testament des douze patriarches, les apocalypses de 
Moïse et d'Esdras, etc. Il est encore cité par deux 
auteurs byzantins du xn« siècle, Zonaras et T. Balsa- 
mon. Voir Beverngius, Pandeclx canonum, Oxford, 
1672, t. i, p. 481, T. Zahn, loc. cit., t. n, p. 288-289. 



841 



PSAUMES DE SALOMON 



842 



Au moyen âge, il n'est plus question des Psaumes 
de Salomon, et ils avaient depuis longtemps disparu, 
lorsqu'ils furent publiés à Lyon, en 1626, d'après un 
manuscrit de la bibliothèque de Vienne (Autriche), par 
le jésuile J.-L. de la Cerda, comme appendice à son 
ouvrage intitulé Adversaria sacra, in-4». Voir 0. von 
Gebhardt, dans Texle und Vntersuchungen, t. xm, 
fasc. 2, p. d-8. ' 

Il ne faut pas confondre ces psaumes avec les cinq 
« odes de Salomon » que l'auteur de l'écrit gnostique 
Pistis Sophia a incorporées à son livre ; elles en diffèrent 
essentiellement. Voir Migne, Dictionnaire des Apo- 
cryphes, t. i, col. 955-958; Mûnter, Odse gnosticss Salo- 
moni tributse, Havnise, 1812; A. Harnack, Texte und 
Vntersuchungen, t. vu, fasc. 2, 1891, p. 35-49; Ryle et 
James, Psalms of the Pharisees, p. xxm-xxvii, 155-161. 
Pendant très longtemps, on se contenta de l'édition 
princeps, fort imparfaite, publiée par le P. de la Cerda, 
Celle de J. A. Eabricius, imprimée en 1713 dans le 
Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, in-8", 1. 1, 
p. 914-999, n'en est guère que la reproduction tant soit 
peu modifiée. La première édition scientifique fut celle 
de A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur wissenschaft- 
liche Théologie, 1868, p. 134-168, et dans le Messias 
Judseorum, in-8°, Leipzig, 1869, p. 1-38; mais elle 
n'avait pareillement pour base que le manuscrit de 
Vienne, corrigé d'après des conjectures plus ou moins 
heureuses. 11 en estde même des deux suivantes, prépa- 
réesl'uneparun savant catholique, Ephrem Geiger, Der 
Psaiter Salomo's herausgegeben und erkldrt, in-8°, 
Augsbourg,1871, l'autre parle D'Fritzsche, Libriapocry- 
phi Veteris Testamenti greece, in-8", Leipzig, 1871, p. 569- 
589. Une sixième édition, par M. B. Pick, fut insérée 
dans la Presbyterian Review, 1883, p. 775-812. Celle 
de MM. H. E. Ryle et M. R. James, iPaXiioi 2o).ojiwvTo:, 
Psalms of the Pharisees, conimonly called the Psalms 
of Solomon, in-8°, Cambridge, 1891, réalise de sérieux 
progrès, car ces savants purent collationner des 
manuscrits nouvellement découverts. Vint ensuite celle 
du D r H. B. Swete, dans l'ouvrage Old Testament in 
Greek according to the Septuagint, in-12, t. m, Cam- 
bridge, 1894; 2» édit., 1899, p. 765-787. La plus récente 
et la meilleure de toutes est celle d'O. von Gehbardt, 
qui a pu consulter des manuscrits plus nombreux en- 
core, découverts au mont Athos et ailleurs; elle a paru 
dans les Texle und Vntersuchungen zxtr Geschichte 
der altchristlichen Lileralur, t. xm, fasc. 2, in-8°, 
Leipzig, 1895, sous ce titre : Die Psalmen Salomo's zum 
ersten Maie mit der Benulzung der Athoshandschrif- 
tenund des Codex, Casanatensis herausgegeben. 

2» Forme extérieure. — La forme de ces poèmes est 
celle des Psaumes canoniques qu'ils imitent très osten- 
siblement sous le rapport des pensées, du style, de la 
marche générale, du genre poétique. Ils font defréquents 
emprunts à l'Ancien Testament, dont on entend sans 
cesse l'écho en les lisant. Ils sont très simples pour la 
plupart et dépourvus d'originalité, d'élévation poétique, 
bien qu'ils renferment quelques beaux passages. Voir 
en particulier les psaumes n, rv, vin, xi, xvn et xvm. 
Chacun d'eux a son unité, son plan bien déterminé. Le 
parallélisme des membres, ce trait essentiel de la poésie 
hébraïque, y apparaît avec toutes ses nuances'; mais il 
manque habituellement d'art et de distinction. — A part 
le 1 er , les Psaumes de Salomon sont munis, comme 
^eux du Psautier canonique, d'une petite inscription, 
qui en désigne l'auteur prétendu, tû 2oXm[i'Àv; le 
sujet, « sur Jérusalem, contre la langue de ceux qui 
sont opposés à la loi, » etc.; la nature, « psaume », 
« parmi les hymnes », « dithyrambe ». On trouve 
aussi, xvn, 31, et xvm, 10, l'expression 8c<n|jaXu.a, qui, 
dans les Septante, représente l'hébreu sélah et qui 
parait supposer un emploi liturgique des Psaumes 
qu'elle accompagne. 



II. Sujet. — Le sujet traité par ces poèmes a aussi 
une grande analogie, dans son ensemble, avec celui 
des psaumes et des cantiques de l'Ancien Testament. 
Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le sommaire de 
quelques-uns d'entre eux : I, Les péchés et le châti- 
ment de Jérusalem; iir, Contraste entre les justes et 
les pécheurs; rv, Description et dénonciation de ceux 
qui cherchent à plaire aux hommes; x, Les avantages 
de l'affliction; xi, La future restauration d'Israël. Mais 
il a beaucoup moins d'ampleur, puisque les psaumes 
de Salomon sont si peu nombreux et qu'ils furent 
composés, on le dira bientôt, en vue d'une situation 
très particulière. Ils reviennent souvent sur les humi- 
liations infligées au peuple juif, d'abord par un parti 
national puissant, anti-théocratique, puis par un en- 
vahisseur étranger qui a profané la capitale et le 
temple, et ils présentent ces humiliations, ces souf- 
frances, comme autant de châtiments que les Juifs 
avaient mérités par leurs fautes. Sous ce rapport, ce 
petit psautier rappelle les psaumes canoniques de 
l'époque chaldéenne, qui décrivent les peines analogues 
endurées par Israël. A ce thème douloureux est ratta- 
ché l'éloge perpétuel de la justice divine, et aussi 
l'ardent désir de voir luire des jours meilleurs, et sur- 
tout de voir apparaître bientôt le libérateur promis, le 
Messie. Voir Wittichen, Die Idée des Reich'es Gottes, 
in-8», 1872, p. 155-160. 

Le portrait que les psaumes xvn et xvm tracent du 
rédempteur si impatiemment attendu a pour type les 
oracles messianiques de l'Ancien Testament. Il est re- 
marquable en maint endroit, et dépasse tout ce que 
la littérature apocryphe contient en ce sens. Cf. A. Bousr 
set, Die jiïdische Apokalyptik, in-8°, Berlin, 1903, 
p. 12-13; H. Mon nier, La Mission historique de Jésus, 
in-8°, Paris, 1906, p. 20-21. Le Christ, le Xpitn:!>; Kûptoç, 
comme il est nommé à deux reprises, xvn, 36, et xvm, 
8, cf. Luc, il, 11, appartiendra à la race de David; il 
exercera lui-même la royauté, non-seulernent sur les 
Juifs, mais aussi sur les païens, qu'il soumettra à son 
sceptre très puissant. 11 viendra à l'époque fixée par 
Dieu, xvn, 23, à la suite de grandes épreuves subies 
parla nation choisie, qu'il délivrera et purifiera de ses 
péchés. 11 rétablira les douze tribus d'Israël et rendra à 
Jérusalem sa gloire antique, matériellement et spiri- 
tuellement, xvn, 26-29. 11 régnera par la sainteté et la 
justice, par la sagesse et par la puissance. Néanmoins, 
dans ces psaumes comme au livre d'Hénoch, le Messie 
ne semble pas être autre chose qu'un délégué de Dieu, 
bien qu'il porte lui-même le titre de « Seigneur », Il y 
a donc une différence étonnante entre ce Christ et celui 
des Évangiles, qui, d'ailleurs, sauve les hommes avant 
tout par ses souffrances et par sa mort. — Relativement 
à Dieu, nos psaumes enseignent, le plus pur mono- 
théisme. Par rapport à la vie future, leur doctrine ne 
s'écarte pas non plus de l'Ancien Testament : les justes 
seront à jamais récompensés ; les méchants subiront 
une damnation sans fin. 

Il existe une ressemblance frappante, assez souvent 
littérale, entre le Ps. xi de Salomon et le chap. v de 
la prophétie de Baruch. Plusieurs critiques protestants, 
entre autres MM. Ryle et James, The Psaiter of thé 
Pharisees, p. lxxu-lxxvii, et le D r Schûrer, Gesch. des 
jùdisch. Volkes, 3 a édit.,t. m, p. 154, en ont conclu que 
celui qu'ils nomment le pseudo-Baruch aurait connu et 
utilisé notre recueil. C'est le contraire qui aurait plu- 
tôt eu lieu, puisque le livre de Baruch est authen- 
tique et contemporain des oracles de Jérémie. Voir Ba- 
ruch, t. i, col. 1475; E. Geiger, Der Psaiter Salomo's, 
p. 137. D'ailleurs, la ressemblance en question est de 
telle nature, qu'elle peut s'expliquer fort bien aussi par 
une source commune, c'est-à-dire quelque prière litur- 
gique déjà en usage à l'époque de Baruch. 

III. Date de la. composition. — Elle était, il y a cin- 



843 



PSAUMES DE SALOMON 



844 



quante ans, l'objet de discussions 1res vives. — 1° D'assez 
nombreuses critiques, à la suite du D r H. Ewald, 
Geschichte des Volkes Israël, in-8°, t. iv, 3 e édit., 
p. 392, attribuaient aux psaumes de Salomon une date 
assez reculée, celle du règne d'Antiochus Épiphane 
(175-164 avant .J.-C.), et plus spécialement celle delà 
prise de Jérusalem par ce prince (170 avant J.-C). 
Naguère encore, le D r W. Frankenberg essayait de faire 
revivre ce sentiment dans l'ouvrage Die Datierung 
der Psalmen Salomo's, in-8°, Giessen, 1896. Comme 
preuves, ces savants allèguent en particulier les pas- 
sages i, 8; h, 3; vm, 12-14, où il'est parlé de la profa- 
nation du temple et de l'autel. Mais c'est à plusieurs 
reprises que des profanations de ce genre eurent lieu, 
à des époques très diverses, et rien n'indique que l'au- 
teur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se ratta- 
chent à la persécution d'Antiochus Épiphane. Tout au 
contraire, il affirme que l'oppresseur sacrilège d'Israël 
était venu des extrémités de l'Occident, vu, 26, .tandis 
qu'Antiochus venait seulement de la Syrie pour atta- 
quer les Juifs. 

2° D'autres, notamment Frz. Delitzsch, Commentar 
ûber den Psalter, in-8°, t. Il, Leipzig, 1860, p. 381, et 
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, t. i, p. 243, retar- 
daient la composition de ces poèmes jusqu'à l'époque 
d'Hérode le Grand (40 avant J.-C, - 1 après J.-C), éga- 
lement sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince 
serait « l'homme étranger » qui s'éleva contre la dynas- 
tie alors régnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c'est 
Jaune erreur manifeste d'interprétation, car« l'homme 
étranger » ne diffère pas en réalité de l'envahisseur en- 
nemi qui s'empara de Jérusalem et emmena captifs des 
Juifs nombreux, xvn, 14; ce qui ne futnullement lecas 
pour Hérode. 

3° L'historien juif H. Grâtz, Geschichte der Juden, 
2 e édit., in-8°, Leipzig, t. m, p. 439, est allé encore 
plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon 
aurait eu une origine chrétienne, et en lui assignant 
comme date la fin du premier siècle de notre ère ; mais 
il a abandonna son opinion dans une édition subsé- 
quente. On ne trouve pas, dans ce recueil, le plus léger 
détail qui trahisse la main d'un chrétien. 

4° On admet très généralement aujourd'hui que ces 
dix-huit poèmes furent composés vers l'époque de la 
conquête de Jérusalem par Pompée, en 63 avant J.-C; 
quelques-uns peut-être avant cette date, quelques 
autres certainement un peu plus tard, de sorte que les 
années 80-40 avant notre ère peuvent servir de date 
moyenne. En effet, les psaumes de Salomon, surtout 
les psaumes n, vm, xvu, supposent la situation sui- 
vante : Les Juifs sont gouvernés par des rois qui 
n'appartiennent pas à là race de David, xvn, 5-8, mais 
à une famille d'usurpateurs qui se sont emparés de la 
couronne, et sous l'administration desquels toute la 
nation est tombée dans le péché, xvn, 7-8, 21-22. Le 
Seigneur renversera ces mauvais princes; contre eux 
s'est levé un envahisseur étranger, qui, conduit par 
Dieu, est arrivé des extrémités de la terre, déclarant 
la guerre à Jérusalem et à la nation entière, xvn, 8-9. 
Les chefs du peuple sont allés au devant de lui et lui 
ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu'il y est 
entré comme dans sa propre maison, vm, 15-20. Après 
s'être installé dans la cité, il a massacré de nombreux 
habitants, choisis parmi les plus distingués, et il a 
renversé les remparts au moyen du bélier. Cf. n, 1, 
20; vm, 21-24. L'autel du Seigneur n'a pas été épargné, 
n, 2. En grand nombre aussi, d'autres citoyens ont été 
emmenés captifs dans l'Occident, et les princes ont subi 
d'odieux outrages. Cf. n, 6; vm, 24; xvn, 13-14. Mais 
finalement, le « dragon » qui avait humilié Jérusalem 
a péri lui-même, égorgé près des montagnes d'Egypte, 
sur la mer, et son cadavre a été privé d'une sépulture 
honorable, n, 29-31. Or, il est évident que ces diffé- 



rentes circonstances se rapportent à la conquête de 
Jérusalem par Pompée, puis à sa mort (48 avant J.-C). 
« Les princes qui s'étaient arrogé la royauté en Israël 
et s'étaient emparés du trône de David sont les Ilas- 
monéens, qui, depuis Aristobule I«r, portaient le tilre 
de rois... L'homme étranger, qui frappe avec force, 
que Dieu a amené de l'extrémité de la terre, c'est 
Pompée. Les princes qui vont au devant de lui sont 
Aristobule II et Hyrcan 11. Les partisans de ce dernier 
ouvrirent les portes de la ville à Pompée, qui s'empara 
ensuite par la force du reste de la ville, où le parti 
d'Àristobule s'était retranché. Tous les autres détails, 
la violation du temple par les envahisseurs, le massacre 
des citoyens les plus distingués, la déportation des 
prisonniers en Occident, et aussi des princes pour 
qu'ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces 
détails correspondent à l'histoire, » telle qu'elle nous 
est racontée par les anciens historiens. Schûrer, Ge- 
schichte des Volkes Israël, 3 e édit., t. m, p. 152. Le 
transport des prisonniers en Occident, xvu, 14, est 
une circonstance décisive en cet endroit, car, indé- 
pendamment de la conquête de Jérusalem par Titus, 
de laquelle il ne saurait élre question ici, ce trait ne 
convient à aucune autre victoire que celle de Pompée. 
S'il restait encore quelque doute, il disparait dès qu'on 
lit les détails relatifs à la mort du conquérant, tant ils 
correspondent à la lettre avec ce que les anciens au- 
teurs nous racontent de la fin tragique de Pompée. 
Cf. Plutarque, Pompée, lxxx, 1-2; Tacite, Hist., v, 9; 
Strabon. XVI, n, 40; Dion Cassius, xxxvm, 15-16; 
xlii, 3-8. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., I, vi-xix; 
Ant. jud., XIV, iii-iv; Orose, Hist. Eccl., vi, 6, 
t. xxxi, col. 10O4-1U06. En somme, les Psaumes de 
Salomon appartiennent à la dernière période de l'his- 
toire de l'ancienne théocratie. 

IV. Esprit religieux de ces psaumes. — Il con- 
firme ce que nous venons de dire au sujet de l'époque 
de leur composition. Il ne diffère pas de l'esprit légal, 
de l'esprit pharisaïque, tel qu'il est si bien décrit dans 
nos évangiles; aussi, plusieurs des savants qui se sont 
occupés de ce petit psautier, entre autres MM. Ryle 
et James, Font-ils nommé assez justement « le psautier 
des pharisiens. » Voir col. 841. Une très grande impor- 
tance y est attachée aux œuvres légales; c'est d'elles 
que nos psaumes font dépendre la résurrection pour 
la vie éternelle ou l'éternelle condamnation. La gjxaio- 
aiivr\ 7tpo(7Tay(i(2Tii>v, c'est-à-dire l'accomplissement inté- 
gral, non pas précisément de la loi divine, mais sur- 
tout des prescriptions pharisaïques, y apparaît comme 
le comble de la vertu. Cf. m, 16; ix, 9; xiv, 1, etc. 
Les psaumes de Salomon doivent donc avoir été com- 
posés dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors 
de toutes ses forces contre le parti sadducéen. Ce.s 
cantiques insistent fréquemment sur le contraste qui 
existe entre les hommes pieux et les impies, les justes 
et les pécheurs. Mais ces dénominations sont prises 
surtout par le dehors : les hommes pieux sont ceux 
qui pratiquent les observances pharisaïques; par contre, 
les impies ne diffèrent pas des Sadducéens. — On voit 
par ces détails que les Psaumes de Salomon sont d'un» 
grande utilité pour nous faire connaître le judaïsme 
de l'époque à laquelle ils appartiennent, avec ses senti- 
ments religieux, son idéal politique et historique. 

V. Auteur. — Le P. de la Cerda, qui admettait 
l'authenticité du titre général, « Psaumes de Salomon », 
et des titres spéciaux placés en tête de la plupart de 
ces dix-huit cantiques, « de Salomon », etc., croyait 
que Salomon était réellement l'auteur de notre collec- 
tion. Mais cette opinion, condamnée, nous venons de 
le voir, par le contenu mêmedes poèmes, fut réfutée 
de bonne heure et ne trouva dès lors aucun défenseur 
sérieux. Cf. Huet, Demonstr. evangel., iv; Neumann, 
De Psaltcrio Sal&monis, Wiltemberg 1687. Aucun dé- 



845 



PSAUMES DE SALOMON 



PTOLÉMÉE 



846 



lail, en effet, ne contient la plus petite allusion au roi 
Salomon. Peut-être est-ce le passage III Reg., jv, 32, 
qui a suggéré le titre « Psaumes de Salomon », ajouté, 
non par l'auteur lui-même, mais plus tard, sans qu'on 
puisse dire à quelle époque. 

On ne peut désigner l'auteur que d'une manière 
générale et approximative. Il était Juif, et appartenait 
au parti pharisaïque, comme le montre sa vive polé- 
mique contre les Saddùcéens, qui sont pour lui les 
« pécheurs » et les « transgresseurs » par excellence, 
tandis que les Pharisiens sont les « justes » et les 
« saints ». Ces derniers ont actuellement le dessous; 
leurs adversaires sont au pouvoir, riches et puissants. 
L'auteur devait habiter la Palestine, comme le prou- 
vera ce que nous dirons de la langue primitive du 
livre; peut-être résidait-il à Jérusalem. Son œuvre 
donne de lui une idée favorable; c'était un homme 
pieux et humble. — On a parlé quelquefois de plusieurs 
auteurs distincts pour le recueil; mais cela ne paraît 
pas vraisemblable, tant il y a d'unité dans le style, 
l'esprit et les pensées. 

VI. La langue primitive. — On ne possède aujour- 
d'hui les Psaumes de Salomon qu'en grec. Auraient-ils 
été composés dans cet idiome? C'est ce qu'a pensé 
l'évêque d'Avranches, Huet, loc. cit. D'autres encore 
l'ont fait à sa suite, spécialement le D r Hilgenfeld, qui 
leur attribue l'Egypte comme lieu d'origine. Mais il est, 
aujourd'hui, à peu près seul de son avis, car c'est 
presque à l'unanimité que les critiques déclarent qu'on 
doit regarder l'hébreu, ou tout au moins l'araméen, et 
non pas le grec, comme la langue originale. Le grec 
actuel n'est donc qu'une traduction, faite de très bonne 
heure, ou pour les Juifs dispersés, ou pour les chré- 
tiens, qui ne tardèrent pas à prendre goût à ces 
psaumes. A l'appui de ce fait, on allègue plusieurs 
preuves, « avec une entière certitude, » dit le D r Kittel, 
dahsKautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen 
des Alten Testant., Fribourg, 1899, t. n, p. 129. La pre- 
mière, qui est aussi la meilleure, consiste dans un 
coloris hébraïque très sensible. Le texte grec est telle- 
ment « maladroit », Reuss,Gesc/i. der lieiligen Schrif- 
ten des A. T., 1881, p. 652, que l'hébreu apparaît pour 
ainsi dire à travers. Les temps des verbes, en parti- \ 
culier, ont été souvent mal rendus; parfois, dans un 
seul et même passage, on trouve de curieux exemples 
de cette confusion. Cf. m, 8-10; xvu, 8-12, etc. Il faut 
recourir à l'hypothèse d'un texte hébreu primitif pour 
expliquer ces difficultés. Voir Ryle et James, loc. cit., 
p. lxxvii-lxxxvii. Il n'est donc pas possible de dire 
que nous avons ici de simples hébraïsmes, comme 
dans la traduction des Septante. En second lieu, nous 
avons vu que ces Psaumes avaient très probablement 
une destination liturgique ; or, ce fait suppose aussi que 
l'hébreu était la langue originale. 

VII. Bibliographie. — Indépendamment des ouvra- 
ges cités ci-dessus, voir G. Janonski, Dissertatio de 
psalterio Salomonis, Wittemberg, 1687 ; Migne, Dic- 
tionnaire des apocryphes, t. i, Paris, 1856, col. 939- 
956; J. Langen, Das Judenthum in Palâstina zur Zeil 
Chrisli, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 64-70; 
A. Carrière, De Psallerio Salomonis, in-8°, Strasbourg, 
1870; A. Hilgenfeld, Die Psalmen Salomo's deutsch 
ùberselzt undaufs neue untersucht, dans la Zeitschrift 
fur wissenschaftliche Théologie, 1871, p. 343-418; 
M. "Vernes, Histoire des Idées messianiques, in-8°, Pa- 
ris, 1874, p. 121-135; J. Wellhausen, Lie Pharisâerund 
die Sadducâer, in-i8 , Greifswalden, 1874, p. 112-164; 
J. Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, in-8°, 
Toulouse, 1887; B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, 
in-8», Berlin, 1888, t. u, p. 448-466; O. Zôckler, Die Apo- 
kryphen des Alten Testaments, in-8°, Munich, 1891, 
p. 405-420; W. J. Deane, Pseudepigrapha, in-8», Londres, 
1891 ; E. Jacquier, Les Psaumes de Salomon, dans l'Uni- 



versité catholique, Lyon, 1893, p. xh, 94-131, 251-275; 
Frankenberg, Die Datierung der Psalmen Salomo's, 
ein Beitrag zur jûdischen Geschichte, in-£S°, Giessen, 
1896; Lévi,.£es dix-huit Bénédictions et les Psaumes 
de Salomon, dans la Revue des Études juives, t. xxxn, 
Paris, 1896, p. 161-178; W. Baldensperger, Die mes- 
sianisch-apokalyptischen Hoffnvngen des Judentums, 
3« édit., Strasbourg, 1903, in-8», p. 33-36; E. Kautzsch, 
Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Tes- 
taments... ùbersetzt und herausgegeben, gr. in-8°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1900, p. 127-148. L. Fillion. 

PTOLÉMAÏDE (n.zoU\i.a.îc), ville de Palestine, 
nommée primitivement Accho et plus tard Saint-Jean 
d'Acre. Elle reçut le nom de Ptolémaïde quand elle 
tomba en la possession de Ptolémée II Philadelphe, 
roi d'Egypte, et elle figure sous ce nom dans l'histoire 
des Machabées, I Mach., v, 15, 22, 55; x, 1, 39, 56, 57, 
58, 60; xi, 22, 2, 4; xh, 45, 48; xm, 12; II Mach., 
xni, 24, 25, et dans l'hisloire de saint Paul. Act., xxi, 
7. Voir Accho, t. i, col. 108. 

PTOLÉMAÏOIENS (grec : o{ n-coU^ei;; Vulgate : 
Ptolemenses), habitants de Ptolémaïde. I Mach., XII, 48; 
II Mach., xm, 25. Voir Ptolémaïde. 

PTOLÉMÉE (grec : TlxaUy.xïoî; Vulgate : Ptole- ■ 
matus), nom de plusieurs rois d'Egypte et de quatre au- 
tres personnages dans l'Écriture. Le nom grec signifie 
« belliqueux », de htqXe^o;, pour noXejjiQç, « guerre ». On 
le trouve déjà dans l'Iliade, lv, 228. Voir W. Pape, 
Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3 e édit.. 
t. n, p. 1271. Il devint surtout célèbre à partir d'Alexan- 
dre le Grand, lorsqu'un de ses généraux, Ptolémée, fils 
de Lagus, eut fondé la dynastie à laquelle on a donné 
son nom. 

1" Dynastie. — Les Ptolémées ou Lagides ont régné 
en Egypte depuis la mort d'Alexandre le Grand jusqu'à 
la mort de Cléopàtre VI (323-30 avant J.-C), où ce 
royaume devint province impériale romaine. 

TABLEAU chronologique de la dynastie des lagides 

Avant J. -G. 

Ptolémée J" Soter, satrape 323-305 

Ptolémée I" Soter, roi 305-285 

Ptolémée H Philadelphe 285-247 

Ptolémée III Évergète I" 247-222 

Ptolémée IV Philopator 222-204 

Ptolémée V Épiphane 204-181 

Ptolémée VI Philométor 181-146 

Ptolémée VII Évergète II 170-117 

Ptolémée VIII Eupator Mort en 146 

Ptolémée IX Néos Philopator .... Mort en 130 

Ptolémée X Philométor Soter II (Lathyros) . . 116-108 
Ptolémée XI Alexandre I" Philométor .... 108-88 

Ptolémée X Soter II restauré 88-86 

Ptolémée XII Alexandre II 80 (?) 

Ptolémée XIII Phitopator II Philadelphe Nées 

Dionysos (Aulètès) 81-58 

Bérénice IV. . .„ 58-55 

Ptolémée XIII restauré 55-51 

Cléopàtre VI Philopator 51-30 

Ptolémée XIV Philopator 51-47 

Ptolémée XV Philopator 47-44 

Ptolémée XVI (César Phitopator Philométor). . 44-30 
L'Egypte devient province impériale sous Au- 
guste , 30 

2° Bibliographie des Lagides. — J. Vaillant, Historia 
P lolemseorum Mgxjpti regum ad /idem numismalum 
accommodata, Amsterdam, 1701; J. .T. Champollion- 
Figeac, Annales des Lagides, 2 in-8°, Paris, 1819-1820; 
A.-J. Lelronne, Recherches pour servir à l'histoire de 
l'Egypte pendant la domination des Grecs et des Ro- 
mains, in-8°, Paris, 1823; S. Sharpe, History of Egypt 
under the Plolemies and the Romans, 2« édit., Londres, 



847 



PTOLÉMÉE I er SOTER — PTOLÉMÉE II PHILADELPHE 



848 



1852; R. St. Poole, The Ptolemies Kings of Egypt 
(Catalogue ofthe Greek Coins ofthe Brilis h Muséum), 
in-8», Londres, 1882; Max L. Strack, Die Dynastie der 
Ptolemâer, in-8», Berlin, 1897; J. N. Svoronos, Ta 
Non''o,u.*T2 toû Kpârovc tûv irroXEpiat'wv, 3 parties en 
1 in-f°, Athènes, 1904; Paul M. Meyer, Das Heerwesen 
der Ptolemâer und Rômer in Aegypten, in-8°, Leipzig, 
1900; J. P. Mahafly, The Empire of the Ptolemies, 
in-16, Londres, 1895; Id., A History of Egypt under 
the Ptolemies (t. iv de V History of Egypt de Flinders 
Pétrie), in-16, Londres, 1899; E. R. Bevan, The House 
of Séleucus, 2 in-8», Londres, 1902; E. W. Budge, 
History of Egypt frûm the end of the neolithic period 
to the death of Cleopatra, t. vil et vm, in-16, Londres, 
1901 ; À. Bouché-Leclerq, Histoire des Lagides, 2 in-8", 
Paris, 1903-1904; B. Niese, Geschichle der griechischen 
und makedonischen Slaaten seit der Schlacht bei 
Chaeronea, 3 in-8», Gotha, 1893-1903. 

F. YlGOUROUX. 
1. PTOLÉMÉE I er SOTER, roi d'Egypte, n'est pas 
nommé par son nom dans l'Écriture, mais Daniel pré- 
dit son avènement (fig. 186). Il était né vers 367 et, 




186. — Monnaie de Ptolémée I" Soter. 
Tête de Ptolémée Soter, à droite. Devant le nez une contre-marque. 
— ■§. nTOAEMAlor baeiaeql. Aigle debout sur un foudre, à 
gauche; dansJe champ, à gauche, un monogramme. 

quoiqu'il passât pour fils de Lagus, Macédonien de bonne 
naissance, on le croyait fils de Philippe, roi de Macé- 
doine, et d'Arsinoé. Q. Curce, IV, vm, 22; Pausanias, I 
vi, 2. Il jouit d'une grande faveur auprès d'Alexandre le 
Grand et il se distingua par sa bravoure et par son habi- 
leté militaire, dans la campagne de l'Inde en particulier. 
Arrien, Anab., iv, 24, 25, 29; v, 13, 23, 24; vi, 5, 11; 
Q. Curce, VIII, x,21; xiii, 13-27; xiv, 15; IX, v, 21. Après 
la mort d'Alexandre, il réussit à se faire donner le gou- 
vernement de l'Egypte et chercha aussitôt à y établir 
solidement son pouvoir (323). 

Il gouverna au nom de Philippe Arrhidée, frère idiot 
d'Alexandre le Grand, et d'Alexandre IV, fils d'Alexandre 
le Grand (fig. 187), de 323 à 316 avant J.-C, et au nom 
d'Alexandre IV seul de 316 à 311 ; il fut indépendantde311 
à 305, mais sans prendre le titre de roi, ce qu'il ne fit 
qu'en 305. Daniel avait prédit, xi, 3-4, qu'il serait un de 
ceux qui recevraient une part de l'empire d'Alexandre, 
quand cet empire serait divisé aux quatre vents du ciel. 
% Le roi du sud (c'est ainsi qu'est désigné le roi d'Egypte) 
deviendra fort, mais un de ses princes (Séleucus) sera 
fort aussi et celui-ci (Séleucus) deviendra plus fort 
que lui (Ptolémée I er ) et il aura la domination. » xi, 5. 
Ptolémée avait été en guerre avec Antigone, dit le 
Cyclope, un des généraux d'Alexandre, au sujet de la 
possession de la Syrie et de la Phénicie dont il s'était 
rendu maître en 320, après avoir réussi à s'emparer de 
Ja plus grande partie de l'Asie. Une grande bataille 
navale avait été livrée entre les troupes des deux 
rivaux dans les eaux de Salamine en Cypre. Les Égyp- 
tiens avaient été complètement battus (306). Antigone, 
fier de sa victoire, prit à cette occasion le titre de roi. 
Ptolémée, malgré sa défaite, se sentait encore fort; il 



l'imita et se déclara roi à son tour (305). Une tentative 
d'invasion de l'Egypte par Antigone échoua. — Quelques 
années auparavant, en 316, un autre général d'Alexandre, 
Séleucus, satrape de Babylone, traqué par Antigone, 
s'était réfugié en Egypte auprès de Ptolémée. Profi- 
tant de circonstances favorables, Séleucus avait repris, 
en 322, sa satrapie de 
Babylone, et son retour, 
d'après l'opinion com- 
mune, marque le com- 
mencement de l'ère des 
Séleucides (1 er octo- 
bre 312). En 302, Sé- 
leucus se ligua avec 
Ptolémée et quelques 
autres contre Antigone. 
Ce dernier tut vaincu 
et tué à la bataille 
d'Ipsus (301). Ptolémée 
n'avait pas pris part à 
la bataille. Aussi les 
coalisés ne lui rendi- 
rent-ils ni Cypre ni la 
Phénicie, et la Cœlésy- 
rie fut attribuée à Sé- 
leucus, qui fonda aussi- 
tôt Antioche (300) et en 
fit sa capitale. Strabon, 
xvi, 4-5; Appien, Syr., 
57. Séleucus fut alors 
« plus fort » que Pto- 
K'mée. Celui-ci réussit 
à reprendre Cypre en 
295, mais la Phénicie 
et la Cœlésyrie avec la 
Judée restèrent à Séleu- 
cus. En 284, Ptolémée 
abdiqua en faveur de 
son plus jeune fils, Pto- 
lémée II Piladelphe, et 
il mourut environ deux 
ans après (283). 

Dans une de ses ex- 
péditions en Syrie, à 
une date incertaine,mais 
probablement vers 320, 
Ptolémée avait mis à 
profit le repos imposé 
aux Juifs le jour du 
sabbat pour s'emparer 
de Jérusalem. Josèphe, 
Cont. Apion., i, 21; 
Ant. jud., XII, i, 1. Il 
traita d'ailleurs avec bienveillance les Juifs qu'il em- 
mena captifs à Alexandrie et leur accorda dans sa 
capitale des privilèges avantageux qui y attirèrent 
volontairement un nombre croissant d'enfants d'Israël. 

F. Vigouroux. 

2. PTOLÉMÉE II PHILADELPHE (284-247), le plus 
jeune fils de Ptolémée I» r et son successeur (flg. 188), 
avait été proclamé roi par son père deux ans avant sa 
mort, afin de lui assurer ainsi sa succession. Sous son 
règne, la lutte recommença entre l'Egypte et la Syrie, 
par suite des intrigues de Magas, demi-frère de Pto- 
lémée II par sa mère Bérénice et roi de Cyrène, avec 
Antiochus I er Soter, son beau-père. Après plusieurs 
années de guerre entre la Syrie et l'Egypte, une partie 
des possessions d'Antiochus II Théos, petit-fils de 
Séleucus I" Nicator, étaient tombées entre les mains 
des Égyptiens, et le roi de Syrie avait été obligé de 
faire la paix avec Ptolémée II et d'épouser sa fille 
Bérénice, en répudiant sa femme et sœur Laodice et 
en s'engageant à laisser le trône, non aux enfants qu'il 




187. — Statue colossale gréco- 
égyptienne d'Alexandre IV à 
Karaak. D'après Mahaffy, 'dans 
Pétrie, History of Egypt, t. iv, 
p. 37. 



849 



PTOLÉMÉE II PHILADELPHE — PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE 



850 



avait eus de Laodice, mais à ceux qui naîtraient de 
Bérénice, a Ptolémée Philadelphe, dit saint Jérôme, 
In Dan., xt, 6, t, xxv, col. 560, voulant après plusieurs 
années mettre fin à une guerre importune donna en 
mariage sa fille Bérénice à Antiochus II (Théos), qui 
de sa première femme Laodice avait deux fils, Séleu- 
cus qui fut surnommé Callinicus, et un autre Antiochus. 
(Son père) la conduisit jusqu'à Péluse et lui donna 
pour dot une grande quantité d'or et d'argent, ce qui 
le fît appeler çïpvtxpSpoc, c'est à dire dotalis, « qui dote ». 
Antiochus déclara qu'il faisait partager son royaume à 
Bérénice, et que Laodice n'avait plus que le rang de 
concubine, mais longtemps après, cédant à son amour 
pour Laodice, il la ramena dans le palais royal avec 




188..— Monnaie de Ptolémée II Philadelphe. 

AAEA<ï>îiN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée II 

et d'Arsinoé. Derrière la tête du roi, un monogramme. — 

H?. ©EQN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée I er 

Soter et de Bérénice. Derrière la tête du roi, un fer de lance. 

ses enfants. Celle-ci, redoutant l'esprit versatile de 
son mari et craignant qu'il ne reprît Bérénice, le fit 
empoisonner par ses serviteurs; Icadion et Gennée, 
princes d'Antioche, mirent à mort par ses ordres 
Bérénice et le fils qu'elle avait eu d'Antiochus, et elle 
établit roi son fils aîné Séleucus Callinicus à la place 
de son père. » Voir Antiochus II, t. i, col. 687. A 
l'époque du meurtre de Bérénice, son père était mort. 
Ptolémée II avait conservé les pays que lui avait 
laissés le traité de paix, la Phénicie et la Cœlésyrie. 
C'est sous son règne que fut commencée, d'après la 
tradition, la version grecque de l'Ancien Testament par 
les Septante. Voir Septante. F. Vigouroux. 

" 3. PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE, fils aîné de Ptolémée II, 
lui succéda sur le trône (fig. 189). Il était frère de 




183. — Monnaie de Ptolémée III Évergète. 
Buste de Ptolémée 111 Évergète, radié, à droite. — h). I1TOAE- 
MAior baeiaeqs. Corne d'abondance radiée. Au bas dans le 
champ AI. 

Bérénice, la victime de Laodice. Il voulut venger le 
meurtre de sa sœur et envahit la Syrie à la tête d'une 
puissante armée. « Il sortira un rejeton (Ptolémée III) 
de ses racines (de Ptolémée II), dit Daniel, xi, 7-9, il 
ira avec une grande armée, il entrera dans les places 
fortes du roi du nord (Antiochus II) et il en disposera 
à son gré et il se rendra puissant. Il enlèvera même et 
transportera en Egypte leurs dieux et leurs statues 
(nesihêhém), leurs objets précieux d'or et d'argent et 
pendant plusieurs années il sera plus fort que le roi 
du nord. Et celui-ci marchera plus tard contre le roi 
du midi (en Egypte), mais il reviendra dans son pays 
(en Syrie). » 



« Après le meurtre de Bérénice, dit saint Jérôme, 
In Dan., xi, 7-9, t. xxv, col. 560, son père Ptolémée 
Philadelphe étant mort en Egypte, son frère appelé aussi 
Ptolémée et surnommé Évergète lui avait succédé, troi- 
sième, dans son royaume, rejeton de sa racine... II s'en 
alla avec une grande armée et il entra dans la province 
du roi du nord, c'est-à-dire de Séleucus, surnommé 
Callinicus, qui régnait en Syrie avec sa mère Laodice, 
et il les maltraita et il s'empara de force de la Syrie, de 
la Cilicie et des pays situés au delà du haut Euphrate 
et de l'Asie presque entière. Mais ayant appris qu'une 
sédition .venait d'éclater en Egypte (cf. Justin, xxvn, 
1,9), il ravagea le royaume de Séleucus et emporta 
quarante mille talents d'argent, des vases précieux, 
en même temps que les statues des dieux, au nombre 




190. — Antiochus 111 le Grand, roi de Syrie. Musée du Louvre. 

de deux mille cinq cents, parmi lesquels se trouvait le 
butin que Cambyse, après la prise de l'Egypte, avait 
emporté chez les Perses. » 

L'inscription d'Adulis, conservée par Cosmas Indico- 
pleuste, Pair. gt\, t. uivin, col. 103-104; Corpus in~ 
script, grsec, n. 5127, donne des détails analogues sur 
les résultats de la campagne de Ptolémée III en Syrie : 
« Le grand roi Ptolémée... s'étant rendu maître de 
tout le pays en deçà de l'Euphrate, et de la Cilicie, et 
de la Pamphylie et de l'Ionie et de l'HeUespont et de 
la Thrace..., franchit l'Euphrate, et ayant soumis la 
Mésopotamie et la Babylonie et la Susiane et la Perse 
et la Médie et tout le reste jusqu'à la Bactriane, et ayant 
recherché tous les objets sacrés emportés d'Egypte par 
les Perses et les ayant rapportés en Egypte avec tous 
les autres trésors provenant de ces lieux, il expédia 
des troupes parlesileuves creusés de mainsd'homme... » 
Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. I, p. 261- 
262. C'est en reconnaissance du recouvrement des 
objets sacrés qu'avait emportés Cambyse que les Égyp- 
tiens donnèrent à Ptolémée III le surnom d'Évergète, 
« le Bienfaisant ». S. Jérôme, ibid. Cf. le décret de 
Canope, dans Bouché-Leclercq, ibid., p. 267-272; texte 



851 



PTOLÉMÉE III ÉVERGÉTE — PTOLÉMÉE V ÉPIPHANE 



852 



grec dans Mahaffy, The Empire of the Ptolemies, 
1895, p. 227 7 239. 

Après le retour de Ptolémée en Egypte, Séleucus 
parvint à reprendre une partie des provinces qu'il avait 
perdues, pendant que son ennemi restait « quel- 
ques années loin du roi du nord » Dan., xi, 8 (texte 
hébreu). Séleucus s'enhardit alors à tenter de repren- 
dre la Cœlésyrie. « Le roi du nord, dit Daniel, xi, 9 
(texte hébreu), marchera contre le royaume du roi du 
midi (l'Egypte), mais (il sera défait et) retournera dans 
son royaume. » Séleucus fut complètement battu et 
obligé de se retirer à Antioche. Justin, xxvu, 2, 5. Son 
frère Antiochus Hiérax se fit alors proclamer roi en 
Asie Mineure, et Ptolémée III, sans poursuivre son 
succès, laissa les deux frères se faire la guerre entre 
eux, se contentant pour son compte de travailler à 
faire fleurir la paix dans son royaume. Il se montra 
bienveillant envers les Juifs et fit offrir des sacrifices 
dans le temple de Jérusalem. Josèphe, Cont. Apion., 
Il, 5. Cf. Ant. jud., XII, îv. Il mourut en 221 et sa mort 
offrit à Antiochus III (fig. 190), qui venait de monter sur 
le trône de Syrie une occasion favorable pour attaquer 
l'Egypte dès le commencement du règne de Ptolémée IV. 

C'est peut-être sous le règne de ce roi que le petit- 
fils de l'auteur de l'Ecclésiastique, étant allé en Egypte, 
comme il nous l'apprend lui-même dans le Prologue 
de ce livre, traduisit en grec le livre de son grand- 
çère Bea SkaeVi. Coiarae il ^ a devrx. vois d'Egypte 
qui ont été surnommés Évergéte, Ptolémée III et Pto- 
lémée VII, dit aussi Physcon, frère de Ptolémée Phi- 
lométor, les commentateurs placent le voyage du tra- 
ducteur, les uns sous Ptolémée III, les autres sous 
Ptolémée VII. F. Vigouroux. 

4. PTOLÉMÉE IV PHILOPATOR, roi d'Egypte, fils 
aîné et successeur de Ptolémée III Évergéte (222-204), 
fut un prince efféminé et dégradé, qui déploya cepen- 
dant une certaine énergie en quelques circonstances 
(fig. 191). Les principaux événements de son règne et 




191. — Monnaie de Ptolémée IV Philopator. 
Buste de Ptolémée IV, à droite, diadème. — fy nTOAEMAIOl" 
•MiVOriAïPOE. Aigle debout sur un foudre à droite; devant lui, 
un monogramme. 

ses guerres avec la Syrie sont décrits dans Daniel, xi, 
10-12. Voir Antiochus III, 1. 1, col. 688-689. Il remporta 
sur Antiochus à Raphia une grande victoire qui le 
remit en possession de la Cœlésyrie. Ce fut à cette 
occasion qu'il put aller à Jérusalem. D'après le troi- 
sième livre des Machabées, Ptolémée IV offrit des pré- 
sents au vrai Dieu, mais il voulut entrer, malgré le 
grand-prêtre, dans le Saint des Saints. A cette nouvelle, 
toute la ville se souleva, et le roi, frappé d'une terreur 
miraculeuse, fut emporté évanoui par ses gardes. De 
retour à Alexandrie, irrité de ce qui était arrivé, il 
voulut forcer les Juifs de la ville à honorer ses dieux, 
sous peine d'être écrasés par les éléphants dans l'Hip- 
podrome de la ville. Au lieu d'écraser les Juifs, les 
éléphants se retournèrent contre les soldats du roi, 
qui s'empressa de révoquer ses' ordres. III Mach.,i-vii. 
Eusèbe parle du massacre de soixante mille Juifs par 
ce prince. Le récit du troisième livre des Machabées 



ne saurait être pris à la lettre, mais il doit avoir un 
certain fond de vérité, puisque Josèphe, Cont. Apion., 
Il, 5, atteste que les Juifs célébraient une fête en sou- 
venir de ces événements. Voir Machabées (Livres apo- 
cryphes des), t. IV, col. 499. Ptolémée IV passa les 
dernières années de sa vie dans l'oisiveté, occupé seu- 
lement à satisfaire les plus basses et les plus honteuses 
passions. Il mourut en 204. Justin, xxx, 2; S. Jérôme, 
In Dan., xi, 13, t. xxv, col. 562. F. Vigouroux. 

5. PTOLÉMÉE v ÉPIPHANE, roi d'Egypte, fils unique 
de Ptolémée IV (204-181) (fig. 192). Il n'avait que quatre 




192. — Monnaie de Ptolémée V Epit hane. 
Buste de Ptolémée V, à droite, diadème et radié ; derrière le cou' 
un fer de lance. — f$. nTOAEMAlor dasiaeqb. Corne d'abon" 
dance. Dans le champ, deux astres et un monogramme. 

ou cinq ans quand il succéda à son père. Antiochus III 
voulut profiter de cette circonstance pour se venger de 
l'échec que lui avaient infligé les Égyptiens. Il fut d'abord 
victorieux, Dan., xi, 13-15, mais l'intervention des Ro- 




193. — Ptolémée V Épiphane, en habits sacerdotaux, offrant de 
l'encens aux dieux. D'après E. A. w. Budge, A History of 
Egypt, t. viu, 1902, p. 19. 

mains l'arrêta au milieu de ses victoires. Voir Antio- 
chus, m, t. i, col. 689-690. Le roi de Syrie fit la paix 
avec Ptolémée V et lui donna en mariage sa fille Cléo- 
pâtre, Dan., xi, 17, qui reçut en dot la Palestine et les 
autres provinces conquises sur l'Egypte. Josèphe» 



853 



PTOLEMÉE V ÉPIPHANE 



PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR 



854 



Ant. jud., XII, iv, 1; Polybe, xvm, 51. Antiochus 
avait compté sur elle pour exercer son influence sur le 
roi d'Egypte. Ses calculs furent déjoués. Cléopâtre prit 
le parti de son mari contre son père et l'encouragea à 
rester fidèle aux Romains dont l'alliance paralysait 
toutes les entreprises de la Syrie contre lui. Les pro- 
vinces contestées restèrent néanmoins sous la domina- 
tion d' Antiochus III jusqu'à sa mort (187). Ptolémée V 
préparait une expédition pour les reprendre sur le 
nouveau roi de Syrie, Séleucus IV Philopator, lorsqu'il 
périt par le poison, d'après plusieurs historiens, 
cf. S. Jérôme, Jn San., xi, 20, t. xxv, col. 565, laissant 
la mémoire d'un prince impopulaire, indolent et 
vicieux. La célèbre inscription trilingue connue sons 
le nom de Pierre de Rosette, découverte en 1799 par un 
officier français pendant l'expédition d'Egypte, et con- 
servée aujourd'hui au British Muséum à Londres, qui 
a donné à Champollion la clef de l'écriture hiérogly- 
phique, fut gravée en l'honneur de Ptolémée V pour 
célébrer la fête de son intronisation à Memphis et 
ordonner qu'une statue lui serait dressée dans tous les 
temples du pays (fig. 193). F. Vigouroux. 

6. PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR, roi d'Egypte 
(fig. 191), succéda à son père, étant encore en bas âge 




194. — Monnaie de Ptolémée VI Philométor. 
Tête diadémée de Ptolémée Philométor, à droite. — $. DAEIAEfiï 
UTOAEMAlOr *IAOMHTOPOS OEOr. Aigle debout, à gauche, 
sur un foudre et portant un épi. Dans le champ, lettre et mo- 
nogramme. 

(181-146). Il pouvait avoir environ six ans. Sa mère 
Cléopâtre gouverna le royaume en son nom et vécut 
en paix jusqu'à sa mort avec la Syrie dont elle était 
originaire (173). Mais à peine eut-elle fermé les yeux 
que l'eunuque Eulaeus et l'affranchi syrien Lenoeus 
qui exercèrent le pouvoir au nom du jeune Ptolé- 
mée VI, cherchèrent à reconquérir la Cœlésyrie et la 
Judée. Polybe, XXVII, 19; Diodore de Sicile, xxx, 2; 




195. — Monnaie de Ptolémée VII Physcon Évergète II. 
Tête de Jupiter Ammon, à droite. — ^.baeiaeos nTOAEMAlOl" 
EïEFrETOr. Aigle debout à droite sur un foudre et portant 
un bâton. Dans le champ *. 

16. Àntiochus IV Èpiphane était alors devenu roi de 
Syrie. Voir Astiochus IV, t. i, col. 693. 11 se hâta 
d'attaquer l'Egypte avant que les Égyptiens eussent 
achevé leurs préparatifs, 11 Mach., lv, 21; cf. I Mach., 
l, 17, et il les délit entre Péluse et le mont Casius (171). 
Le jeune Ptolémée tomba entre ses mains, Dan., xi, 



22; S. Jérôme, In Dan., xi, 22, t. xxv, col. 566; Po- 
lybe, xxvm, 7, 16 ; Diodore de Sicile, XXX, rv, 1 et 2, 
on ne sait de quelle manière. Antiochus devenait par 
là même maître de l'Egypte; il se rendit à Memphis et 
s'y fit proclamer roi. Mais la population d'Alexandrie 
refusa de le reconnaître comme tel; elle conféra la 
dignité royale au frère cadet de Philométor qui prit le 
titre d'Évergète et est connu sous le nom de Ptolémée 
Physcon Évergète 11 (fig. 195). 

Cet événement fournit au roi de Syrie un prétexte 
pour marcher contre Alexandrie, soi-disant pour réta- 
blir Philométor sur le trône. Il assiégea la ville, mais 
sans succès, et il se détermina quelque temps après à 
retourner en Syrie, en laissant une forte garnison à 
Péluse. Quand il se fut éloigné, Philométor s'entendit 
avec son frère et sa sœur Cléopâtre (fig. 196) qu'il avait 




196. — Monnaie de Cléopâtre II. 
Tête de Cléopâtre II, en Isis, avec de longues tresses attachées 
par des épis, à droite. — ,$. nTOAEMAiOr baeiAE.QE. Aigle 
aux ailes éployées, sur un foudre, à gauche. — Elle épousa 
successivement ses deux frères. 

épousée et ils convinrent de régner conjointement 
(fig. 197). Polybe, XXXIX, vin, 4; Tite Live, xlv, 11. 
Cet accord ramena Antiochus en Égyple. Au commence- 
ment du printemps 168, il se mit en route, et envoya 
sa flotte en Cypre; l'Ile lui fut livrée par la trahison de 
Ptolémée Macron. Il Mach.,x, 13. Lui-même se dirigea 
vers la vallée du Nil. Philométor envoya des ambassa- 




197. — Ptolémée VI, son frère Ptolémée VII 

etkur sœur Cléopâtre, rois d'Egypte. Temple de Deir-el-Medinéb- 

D'après Mabaffy, dans Pétrie, t. îv, p. 170. 

deurs au-devant de lui à Rhinocolure. Le roi syrien for- 
mula de nouvelles demandes : la possession de Cypre, 
celle de la bouche pélusiaque du Nil avec Péluse, etc. 
Comme les rois égyptiens ne lui donnèrent pas de 
réponse au temps qu'il avait fixé, il marcha contre 
Alexandrie par Memphis. Près de six mois s'étaient 
écoulés depuis son départ de Syrie quand il arriva 
prés de la capitale des Lagides. Un coup de théâtre 



855 



PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR — PTOLÉMÉE (DE SYRIE) 



856 



mit fin à sa marche victorieuse. L'envoyé de Rome, 
Popilius Lœnas, l'arrêta à Eleusis près d'Alexandrie et, 
l'enfermant dans un cercle qu'il traça autour de lui, 
l'obligea à promettre de retourner immédiatement en 
Syrie, ce qu'il fit (juin 168). Il dut aussi retirer sa 
flotte de Cypre. Polybe, xxix, 27; Tite Live,-XLV, xi, 
8-xii, 8; Diodore; xxxi, 2; Velléius Palerculus, i, 10; 
Appien, Syr., 66 ; Justin, XXXIV, m, 1-4 ; Valère Maxime, 
vi, 3. En quittant l'Egypte, Antiochus IV s'arrêta à Jé- 
rusalem et se vengea aux dépens des Juifs des humilia- 
tions qu'il venait de subir de la part des Romains. 

Ptolémée Philométor, au contraire, se montra bien- 
veillant pour les Juifs de ses États et c'est sous son 
règne qu'Onias IV éleva dans le nome d'Arabie, à Léon- 
topolis, près d'Héliopolis (vers 154), un temple rival 




198. — Portrait de Ptolémée VI, à Kom-Ombo. 
D'après Mahaffy, dans Pétrie, t. îv, p. 180. 

de celui de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIII, m, 1. 
Les commentateurs placent communément sous le 
règne de Ptolémée Philométor le voyage de Dosithée 
qui apporta en Egypte la lettre des phurim, c'est-à-dire 
probablement la traduction du livre d'Esther en grec. 
Voir Cléopâtre 2, t. h, col. 805; Dosithée, t. h, 
col. 1494. 

Après la mort ignominieuse d'Antiochus Épiphane, 
Ptolémée VI eut à combattre contre son propre frère 
qui était devenu roi.de la Cyrénaïque, mais voulait s'em- 
parer en plus de l'Ile de Cypre. Il arrêta son ambition 
et songea alors à la Syrie. Pendant le règne du jeune 
Antiochus Eupator, il semble avoir pris parti pour Phi- 
lippe le Phrygien (voir col. 266) contre le régent du 
royaume séleucide, Lysias. Cf. II Mach., ix, 29. Lorsque 
Démétrius I er eut fait périr Eupator, le roi d'Egypte prit 
d'abord parti pour Alexandre Balas, le rival de Démé- 
trius, en haine de ce dernier .qui avait essayé de s'em- 
parer de Cypre. Alexandre Balas battit et tua Démé- 
trius I er . Philométor s'entendit alors avec le vainqueur 
et lui/lonna sa [fille Cléopâtre en mariage à Ptotémaîde 



(150). I Mach., x, 51-58. Mais il cherchait par là à faire 
valoir ses droits sur la Syrie. Cf. I Mach., xi, 1, 10. Il 
eut à se plaindre d'Alexandre, qui attenta à sa vie, 
cf. I Mach., xi, 10, ce qui le fit tourner en faveur de 
Démétrius II, le compétiteur d'Alexandre Balas; il 
enleva sa fille Cléopâtre. à Alexandre et la donna à son 
rival (147). La Syrie fut soumise en peu de temps par 
le roi d'Egypte et il fut couronné roi d'Asie à Antioche. 
I Mach., xi, 13. Mahaffy, The Empire of the Ploleniies, 
1895, p. 366. Alexandre fit de vaines tentatives pour 
recouvrer le royaume; il fut battu par les armées réu- 
nies de Philopator et de Nicator et périt peu après en 
Arabie. Voir Démétrius II Nicator, t. h, col. 1362. 
Ptolémée VI devait le suivre de près dans la tombe (145), 
Grièvement blessé à la tète dans la bataille, les méde- 
cins essayèrent de le trépaner, mais il mourut pendant 
l'opération, la 36 e année de son règne. Tite Live, Epist., 
lu. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, rv, 8. 

Ptolémée Philométor (fig. 198) est, avec son frère Pto- 
lémée VII Physcon, le dernier roi d'Egypte nommé 
dans les Saintes Écritures. F. Vigouroux. 

7. PTOLÉMÉE VII PHYSCON ÉVERGÈTE II, roi 

d'Egypte (170-117). Ptolémée Physcon (fig. 195) est men- 
tionné I Mach., xv, 16, comme le destinataire d'une 
lettre qui lui fut adressée de la part des Romains par 
le consul Lucius en faveur des Juifs. Voir Lucius, t. iv, 
col. 409. C'est peut-être aussi de lui qu'il est question 
dans le Prologue de l'Ecclésiastique. Voir plus haut, 
col. 851. Sur son règne, voir Ptolémée VI. 

F. Vigouroux. 

8. PTOLÉMÉE, fils de Dorymine. I Mach., m, 38 (et 
dans le texte grec de II Mach., rv, 45); cf. Polybe, v, 61. 
On l'identifie communément avec le Ptolémée qui est 
surnommé Macron (Macer, dans la Vulgate), Voir t. iv, 
col. 479. II Mach., x, 12. Cette identification n'est pas 
sans souffrir quelques difficultés. D'après Athénée, vl, 
p. 246, le Ptolémée qui fut gouverneur de Cypre pendant 
la minorité de Ptolémée Philométor et qu'on confond 
avec le Ptolémée del Mach., m, 38, était fils d'Agésarque 
et non de Dorymine. Si Athénée donne le véritable nom 
de son père et si ce nom et celui de Dorymine ne dési- 
gnent pas un même personnage, Ptolémée fils d'Agé- 
sarque est alors le Ptolémée Macron de II Mach., x, 12, 
et distinct du Ptolémée de I Mach., m, 38, mais il est 
possible que Dorymine et Agésarque soient une seule et 
même personne. Cf; I Mach., m, 38 et II Mach.; x, 13. 

Ptolémée surnommé Macron, mégalopoiitain d'origine, 
fut gouverneur de l'Ile de Cypre au nom de Ptolémée 
Philométor encore mineur, et il remplit d'abord fidèle- 
ment ses fonctions. Polybe, xxvii,12. Mais la lutte était 
vive à cette époque entre les Séleucides et les Lagides, 
et les sujets des uns et des autres passèrent quelquefois 
du camp égyptien au camp syrien £t réciproquement. 
Après avoirservile roi d'Egypte, le gouverneur de Cypre 
se mit au service d'Antiochus IV Épiphane, il devint son 
favori et en reçut le gouvernement de la Phénicie et 
de la Cœlésyrie. II Mach., vin, 8; x, 11-12. Ptolémée 
(fils de Dorymine) profita de son crédit auprès du roi 
pour protéger le grand-prêtre juif usurpateur Menélas 
(t. iv, col. 961), qui avait acheté son concours à prix 
d'argent. II Mach., iv, 45-50. Il fût un des fauteurs de 
la persécution syrienne contre les Juifs. II Mach., vi, 8. 
(La Vulgate et plusieurs manuscrits grecs, comme le 
texte de l'édition romaine des Septante, portent « les 
Ptolémées » au pluriel, mais la vraie leçon parait bien 
être « Ptolémée » fils de Dorymine, au singulier. 
0. Fr. Fritzsche, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch 
zu den Apocryphen, iv, Lief., 1857, p. 111-112.) Lorsque 
Judas Machabée eut remporté ses premières victoires 
contre les Syriens, Lysias choisit pour combattre 
les Juifs Ptolémée fils de Dorymine, avec Nicanpr et 
Gorgias. I Mach., m, 38. Ils furent battus par les Juifs 



857 



PTOLÉMÉE — PUBLICAINS 



858 



(108), mais nous ne savons rien de particulier sur la 
conduite de Ptolémée dans cette guerre. Il paraît seule- 
ment avoir compris l'inutilité dé la violence contre 
Israël. Nous apprenons par II Mach., x, 13, qu'à 
l'avènement du roi mineur Antiochus Eupator au trône 
d'Antioche, Ptolémée (Macron) était animé ,de senti- 
ments conciliants à l'égard des Juifs. Ce fut la cause de 
sa chute. Ses ennemis en profitèrent pour le perdre: on 
l'accusa de trahison et ne pouvant supporter sa disgrâce, 
il s'empoisonna. « Ptolémée, surnommé Macron, dit 
le texte grec, avait été le premier à observer la justice 
envers les Juifs à cause des violences qu'ils avaient 
subies et s'était efforcé de gouverner pacifiquement. 
Mais pour cela même il fut accusé par des amis (du roi) 
auprès d'Eupator et comme il s'entendait partout appeler 
traître, parce qu'il avait abandonné Cypre que Philo- 
métor lui avait confiée et qu'il était passé (dans le parti) 
d'Antiochus Épiphane, n'ayant plus qu'un pouvoir sans 
honneur, il perdit courage et prenant du poison, il 
s'ôta la vie. » F. Vigouroux. 

9. PTOLÉMÉE, fils d'Abobi, gendre de Simon Ma- 
chabée. Il était fort riche et avait reçu le gouvernement 
de Jéricho et de son territoire. Il conçut le projet de 
devenir maître de la Judée et pour le réaliser, ayant 
reçu son beau-père dans la petite forteresse de Doch 
(t. il, col. 1454), il le mit traîtreusement à mort avec 
ses deux fils Mathathias et Judas, à la fin d'un grand 
festin. Un troisième fils de Simon, Jean, surnommé 
Hyrcan (t. ni, col. 1154), n'avait pas accompagné son 
père à Jéricho et se trouvait alors à Gazara (Gazer, 
t. m, col. 126). Son beau-frère expédia des émissaires 
dans cette ville pour le mettre à mort, mais heureuse- 
ment prévenu à temps de la mort de son père et de ses 
frères et du danger qui le menaçait, Jean fit saisir et 
exécuter ses assassins à leur arrivée. Pendant ce temps, 
Ptolémée demandait des secours au roi de Syrie, pour 
prendre possession de la Judée et essayait de se rendre 
maître de Jérusalem. I Mach., xvr, 14-22. L'auteur de 
I Mach. ne nous apprend plus rien sur cet ambi- 
tieux, mais Josèphe, Ant. jud., XIII, vu, 4; vin, 1, 
ajoute que Jean Hyrcan alla l'assiéger dans sa forteresse 
de Doch, d'où Ptolémée s'échappa finalement pendant 
l'année sabbatique, et se réfugia auprès de Zenon Coti- 
las, prince (tupaweûovTa) de Philadelphie. Cf. Bell, jud., 
I, il, 3-4. Contrairement au récit de I Mach., Josèphe 
suppose que Ptolémée avait conservé ses deux beaux- 
frères comme otages, ainsi que leur mère, et qu'il se 
servit de sa belle-mère, qu'il exposait aux coups des 
assaillants, pour ralentir les attaques de Jean Hyrcan ; 
il explique ainsiles longueurs du siège. L'auteur sacré 
ne parle point de la mère de Jean et il raconte que 
ses frères avaient été tués en même temps que leur 
père, comme on l'a vu plus haut, et non après que le 
siège eut été levé, comme le dit le récit de Josèphe, 
qui ne fait d'ailleurs jouer aucun rôle dans le siège à 
Mathathias et à Judas, ce qui confirme indirectement le 
récit des Machabées, qui est seul exactement historique. 

F. ViGOUROUX. 

PUBERTÉ, âge auquel le jeune homme ou la jeune 
fille deviennent . aptes à la vie conjugale. — Cet âge 
vient plus tôt dans les pays chauds que dans les autres. 
Chez les Juifs, il était fixé à treize ans et un jour 
pour les garçons, à douze ans et un jour pour les 
filles. Si alors les signes de la puberté étaient constatés, 
on déclarait les jeunes gens gedolim et gedolô}, c'est-à- 
dire « grands, majeurs ». S'il en était autrement, ils 
pouvaient rester mineurs jusqu'à dix-neuf ans et onze 
mois; mais c'est seulement à trente-cinq ans et un jour 
qu'on les déclarait, s'il y avait lieu, impropres au ma- 
riage. Cf. Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 519, 530. On se mariait, en général, à Un âge très 
jeune. Le jeune homme nubile était appelé 'élém, 



veavt'aç, adolescens. C'est le nom qui est attribué au 
jeune David, I Reg., xvn, 56, et au jeune page de 
Jonathas. I Reg., xx, 22. Sur la jeune fille nubile, voir 
'Almah, t. i, col. 391, 392. — Il est plusieurs fois parlé 
de la « femme de la jeunesse », 'êsét ne'ûrim. Prov., 
il, 17; v, 18; Ezech., xxm, 3, 8, 21 ; Jo., i, 18; Mal., h, 
14, etc. Les Septante traduisent par -pjvri veqt.yitoî, et la 
Vulgate ordinairement par uxor puberlatis, « femme 
de la puberté », expression exacte quant au fond, car 
il s'agit ici de la première union, de celle qui a été 
contractée par les époux à un âge encore tendre, dès 
qu'ils ont été nubiles. — Dans le Lévitique, xix, 20, la 
Vulgate appelle simplement nubilis, « en âge d'être 
mariée », une esclave néhërefef le'îë, « fiancée à un 
homme », 8fane.<pj\xy\>.hi\ âvBptùroo, « réservée à un 
homme ». H. Lesêtre. 

PUBLICAINS (grec : «Xûvai; Vulgate : publicani), 
nom qui sert à désigner, soit dans la littérature classi- 
que, soit dans les trois premiers évangiles, avec la nuance 
importante qui sera indiquée plus bas, ceux qui levaient 
les divers genres d'impôts chez les Romains. Le nom 
grec vient de téXoç, « impôt, taxe » ; le nom latin dé- 
rive du mot publicum, employé comme synonyme de 
vectigal, ou dans le sens de trésor public, Tite-Live, 
xxxit, 7, parce que les sommes perçues par les agents 
en question étaient versées dans le trésor de l'État. 

1° Les publicaim en général. — A Rome, sous l'em- 
pire comme au temps de la république, la perception 
des impôts ne se faisait pas au moyen d'une adminis- 
tration spéciale, à la solde et sous le contrôle direct de 
l'État, mais au moyen d'une mise à ferme, qui trou- 
vait de nombreux candidats, car l'opération permettait 
presque infailliblement d'obtenir de gros bénéfices. 
Voir Impôts, t. ni, col. 851-853. Les publicani étaient 
donc ceux qui affermaient le droit de lever, dans une 
région déterminée, la totalité des impôts, ou du moins 
telle ou telle catégorie spéciale d'impositions, par 
exemple, la taxe de pacage, scriptttra, la dîme, decuma, 
les droits de douane, portoria, etc. Publicani... 
dicuntur qui publica vectigalia habenl conducta. 
DigesC, xxxix, 4. La somme à verser dans la caisse 
publique étant considérable, il fallait être très riche 
pour prendre les impôts à bail; aussi les publicani 
appartenaient-ils généralement à l'ordre des chevaliers 
Le fermage avait lieu par la voie des enchères publiques, 
au profit de celui qui oftrait le prix le plus élevé. 
Souvent, un seul capitaliste était incapable de verser 
la somme requise; on formait alors des sociétés vecti- 
galiennes, societates publicanorum , Digest., xvn, 2 ; 
Cicéron, Pro Sextio, iv, 32, dont les membres, au mo- 
ment où l'on partageait les bénéfices, recevaient une 
quote-part proportionnée à leur cotisation. Ces sociétés 
étaient présidées à Rome par un magister; en province, 
par un pro magister. Cicéron, Ad Div., xm, 9; Ad 
Attic, v, 15; Tite-Live, xxm, 48-59. La durée du fer- 
mage était de cinq ans au temps de l'empire, et l'exé- 
cution du contrat commençait le 15 mars. — On com- 
prend sans peine que ce système de perception des im- 
pôts était très vicieux en lui-même, et ouvert aux plus 
criants abus. Aussi ne manqua-t-il pas de porter ses 
fruits : la vexation, le vol, la fraude, les brutalités de 
tout genre. L'État y avait un grand avantage, puisqu'il 
évitait ainsi les frais de perception; mais, par contre, 
les contribuables étaient livrés à l'arbitraire d'une levée 
d'impôts non réglée par la loi, et organisée unique- 
ment dans l'intérêt des adjudicataires. Cf. Tite Live, 
XLV, xvin, 4. Les publicani devaient tout naturel- 
lement songer à lever sur les particuliers des sommes 
supérieures à celles qu'ils s'étaient eux-mêmes engagés 
à payer, car ils étaient personnellement responsables 
des contributions qui ne rentraient pas, et tenus de les 
acquitter à leurs propres dépens. 



859 



PUBLIGAINS 



860 



Ce sont ces fermiers généraux qui recevaient à pro- 
prement parler le titre de publicani. Ils avaient sous 
leurs ordres un nombre considérable d'agents infé- 
rieurs, nommés en latin portitores, exactores, qui 
exerçaient à peu près les fonctions de nos douaniers, 
et qui étaient attachés à des stations déterminées : sur 
les ponts, aux carrefours des routes, à la porte des 
villes, près des lieux de débarquement. Cf. Matth., ix, 
i, 9. Ces sous-agents, qui traitaient directement avec 
les contribuables, n'imitaient que trop la conduite 
odieuse et tout spécialement les concussions de leurs 
chefs, d'autant mieux que leur recrutement avait lieu 
dans de mauvaises conditions, et que, ayant souvent 
une part des profits dans les perceptions, ils ne crai- 
gnaient pas de surtaxer les objets soumis à la douane. 
Aussi le sentiment populaire leur était-il partout dé- 
favorable; on se plaignait d'eux de tous côtés. Cf. Di- 
gest., xxxix, 4. D'après Stobée, Serm., il, 34, les 
•portitores étaient comme les ours et les loups de la 
société humaine; cf. Théocrite, Char., 7. La locution 
Ilâv-cô; -ceXûvat navreç âp7!ays;, « Tous les publicains 
sont des voleurs », était devenue de bonne heure pro- 
verbiale. Cicéron, dans une lettre à son frère, Ad 
Quint., I, I, 11, avoue que le public se plaignait moins 
encore des portoria, quoique si lourds, que des in- 
iuriœ portitorum. Il dit ailleurs, De Offic, i, 42, 
que la profession de publicain était la pire de toutes. 
Et il n'y avait pratiquement aucun recours contre leurs 
procédés vexatoires, car, dans les provinces surtout, 
les autorités romaines, qui auraient dû réprimer les 
abus, étaient souvent de connivence avec les publicains 
pour dépouiller le public, sous le prétexte de perce- 
voir les impôts. Voir Tacite, Ann., xm, 50. 

2° Les publicains dans les Evangiles. — Remarquons 
d'abord qu'à l'époque de Notre-Seigneur la Palestine 
dépendait de trois juridictions différentes au point de 
vue politique, et par conséquent sous le rapport des 
impôts. La Judée et la Samarie étaient sous la domi- 
nation direcle de Rome et étaient gouvernées par le 
procurateur romain; la Galilée et la Pérée apparte- 
naient à Hérode Antipas; la Trachonitide, l'Abilène et 
l'Iturée, à son frère Philippe. Cf. Luc, m, 1. En Judée 
et en Samarie, les impôts étaient donc levés pour le 
compte de Rome; dans les autres districts, pour celui 
des deux tétrarques. Sur ces divers territoires, il y avait 
de nombreux collecteurs d'impôts. Des deux publicains 
qui sont mentionnés nommément dans l'Évangile, l'un, 
Lévi ou l'apôtre saint Matthieu, dont le bureau était à 
Capharnaùm, près du port, Matth., ix, 1, 9, levait la 
taxe au nom d'Hérode Antipas; l'autre, Zachée, à Jé- 
richo, Luc, xix, au nom du gouverneur romain. 

La mention fréquente des publicains par les Évangé- 
listes indique quelle grande place cette catégorie 
d'hommes tenait dans la vie sociale de la Palestine. 
Dans le Nouveau Testament, les synoptiques sont seuls 
à les mentionner, encore ne parlent-ils pas des publi- 
cani proprement dits, c'est-à-dire des entrepreneurs 
généraux, mais des simples portitores, auxquels la 
Vulgate donne improprement le nom de « publicains » ; 
le grec les nomme toujours TEÎ.wvai. Il existe tout au 
plus une exception à cette règle : Luc, xix, 2, Zachée 
est nommé àp-/!T€).wvï]ç, Vulgate, princeps publicano- 
rum, et il est fort possible qu'il ait été lui-même adju- 
dicataire des impôts pour tout le district de Jéricho. 
Cette ville, en effet, était une station importante de 
douanes, à cause du grand commerce de baume dont 
elle était le centre. 

Dans les Évangiles aussi, on trouve plusieurs allu- 
sions aux extorsions injustes et à la violence des 
publicains. Jean-Baptiste, interrogé par quelques-uns 
d'entre eux sur la manière dont ils devaient faire péni- 
tence, leur répondit : « Ne faites rien de plus que ce 
qui vous a été prescrit, » Luc, m, 13, c'est-à-dire : n'exi- 



gez rien au delà de la taxe légitime. Zachée, prenant en 
face de Jésus de généreuses résolutions, promet, s'il a 
fait tort à quelqu'un, de restituer au quadruple. 
Luc, xix, 8. Dans ce second texte, l'équivalent grec de 
defraudavi de la Vulgate est uuxoçaviEtv, extorquer de 
l'argent au moyen de fausses accusations. Les porti- 
tores recouraient donc au chantage, accusant à faux 
les gens d'avoir fraudé, pour obtenir d'eux des sommes 
plus considérables. Leur conduite est surtout stigma- 
tisée, dans les Évangiles synoptiques, par la manière 
perpétuelle dont le peuple les associait soit aux pé- 
cheurs en général, cf. Matth., ix, 10, II ; xi, 19 ; Marc, 
il, 15-16; Luc, v, 30; vu, 29-30; xv, 1; xvm, 11, etc., 
soit en particulier aux femmes publiques, Matth., xxi, 
31-32, et aux païens, Matth., xvm, 17, c'est-à-dire aux 
êtres les plus odieux d'après les principes Israélites. 

C'est que, dans les divers districts de la Palestine, 
les collecteurs subalternes des impôts étaient le plus 
souvent Juifs eux-mêmes. Cf. Matth., ix, 9; Luc, m, 
12 et xix, 2; Josèphe, Ant.,ll, xiv, 4. Or, spécialement 
en Judée, ce fait les rendait doublement méprisables 
aux yeux de leurs compatriotes, parce qu'ils avaient, 
par leurs fonctions mêmes, indépendamment de leur 
rapacité, le tort impardonnable de servir d'instruments 
aux Romains, les puissants ennemis de la cause théo- 
cratique. On lés regardait donc, non seulement comme 
des hommes avides, qui songeaient avant tout à leurs 
intérêts personnels, mais aussi comme des traîtres et 
des renégats sous le rapport politique et religieux. En 
effet, à ce dernier point de vue, plus d'un Israélite 
se posait au fond de sa conscience, lorsqu'il s'agissait 
de se mettre en règle avec les publicains, cette ques- 
tion qui fut adressée un jour à N.-S. Jésus-Christ, 
Matth., xxii, 17 : « Est-il permis de payer le tribut 
à César? » Le payer, n'était-ce pas substituer une 
royauté païenne à celle du Seigneur? Les publicains 
étaient donc particulièrement abhorrés en Palestine, 
comme on le voit par les écrits talmudiques. On les 
bannissait impitoyablement de la société des gens hon- 
nêtes, Luc, vu, 34; on regardait comme une chose in- 
convenante de manger et de boire avec eux, Matth., 
ix, 11; Marc, n, 16; Luc, v, 30; ils n'avaient pas le 
droit d'être juges ou témoins dans les procès. Les 
rabbins allaient jusqu'à affirmer que le repentir, et par 
conséquent le salut des publicains, sont impossibles, 
Baba Kama, 94 b; ils les rangeaient parmi les voleurs 
et les assassins. Nedar., m, 4, 1. Les publicains étaient 
donc excommuniés de fait. Cf. Lightfoot, Opéra orania, 
Utrecht, 1599, t. n, p. 295-296, 344, 502-503, 555. Leur 
famille était regardée comme déshonorée. Il était in- 
terdit d'accepter leurs aumônes et même de changer 
delà monnaie chez eux, leur argent étant souvent le 
produit du vol. Baba Kama, 10, 1. Au contraire, il 
était permis de les tromper le plus possible; par 
exemple, en déclarant que les objets soumis à la douane 
étaient destinés au Temple, en faisant passer un es- 
clave pour un fils, etc. Le Talmud ne se montre indul- 
gent à leur égard que lorsqu'ils diminuaient les taxes 
pour leurs compatriotes. Sanhedr., 25, 2. Ainsi traités 
en parias, les publicains n'avaient d'autre ressource 
que de s'associer étroitement entre eux ou à d'autres 
parias, et c'est précisément pour ce motif qu'ils sont si 
fréquemment rapprochés des pécheurs dans les Évan- 
giles. On ne pouvait les fréquenter sans se compro- 
mettre; aussi les Pharisiens ne pardonnaient-ils pas à 
Jésus-Christ les relations qu'il avait avec eux et les 
sentiments de bienveillance qu'il leur témoignait. 
Cf. Matth., ix, 10-11; xi, 19; Marc, n, 15-16; Luc, v, 
29-30; vu, 34; xv, 1; xix, 1-10. Bien plus, Jésus lui- 
même, malgré sa bonté pour les pécheurs, employait 
parfois envers les publicains le langage sévère de ses 
compatriotes. Cf. Matth., xvm, 17; xxi, 31-32, etc. La 
conversion de plusieurs d'entre eux, comme on le voit 



861 



PUBLICAINS — PUDÈNS 



862 



par celles de Lévi et de Zachée, fut sincère et géné- 
reuse. Cf. Matth:, ix, 9-13; Marc, h, 14-17; Luc, v, 
27-32; xviii, 13-14; xix, 2-10. Jésus avait une grande 
influence sur beaucoup d'entre eux. 

3" Bibliographie. — Struckmann, De portitoribus in 
Novo Teslamento obviis, Lemgo, 1750; C. G. Muller, 
De TcXcivatç et àfiapToXotc, Géra, 1779; Salkowski, Quse- 
stiones de jure socielatis prxcipue pvblicanorum, 
in-8°, Regiomonti Borussi, 1859; G. Friedlânder, Dar- 
stellungen aus der Sitlengeschichte Roms in der Zeit 
von Augusi bis zum, Ausgang der Antonine, in-8°, 
Leipzig, 1865-1867, t. h, p. 25-27, G. Humbert, Les 
douanes et les octrois chez les Romains, in-8°, Tou- 
louse, 1867, extrait du Recueil de l'Académie de lé- 
gislature; ,T. Marquardt, Rômische Staatsverwaltung, 
Berlin, 1876, t. n, p. 261-269; du même auteur, 
De l'organisation financière chez les Romains, 
trad. franc, du t. x de T. Mommsen et J. Marquardt, 
Manuel des antiquités romaines, in-8°, Paris, 1888, 
p. 379-384; L. Herzfeld, flandelsgesckichte der Juden 
des Alterthums, in-8", 1865, p. 160-165; A. G. Dietricb, 
Beitrâge zur Kenntniss des rbmisch. Steuerpàchter- 
systems, in-8°, Leipzig, 1877, p. 5-10; Id., Dierechtliche 
Natur der Societas publicanorum, in-8°, Meissen, 1889 ; 
Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah, 
in-8°, Londres, 1883, t. i, p. 545-518; Vigie, Les douanes 
dans l'empire romain, in-8°, Montpellier, 1884, p. 157- 
168; F. Thibault, Les douanes chez les Romains, in-8°, 
Paris, 1888; P.-Allard, Les publicains et l'organisa- 
tion dans l'ancienne Rome, dans la Réforme sociale, 
février 1889. L. Fillion. 

PUBL1US (grec : IIôtiXio;, forme grécisée du latin 
Publius), «premier», tiomto;, de l'île de Malte (voir 
Premier, col. 602), à l'époque où saint Paul y aborda 
après son naufrage. Il gouvernait File en qualité de 
légat du proconsul de Sicile. Il possédait des terres à 
l'endroit où furent jetés les naufragés : il fit bon accueil 
à l'Apôlre et à ses compagnons et lui donna l'hospitalité 
pendant trois jours. Saint Paul l'en récompensa; il gué- 
rit son père qui était au lit malade de la fièvre et de la 
dysenterie, en priant pour lui et en lui imposant les 
mains. Act.,xxvtn, 6-8. Dieu lui accorda à lui-même une 
grâce plus grande encore, le don de la foi. D'après la 
tradition, Publius devint évèque d'Athènes après saint 
Denis l'Aréopagite et reçut la couronne du martyre, 
S. Jérôme, De vir. M., 19, t. xxin, col. 637; Acla 
sanctorum, januarii t. n, édit. Palmé, p. 792. 

PUCE (hébreu : par'os, le purSu'u assyrien ;. Sep- 
tante : «J/ûXXoc; Vulgate : pulex), insecte diptère et suceur, 




199. — Pulex irritans (grossi de 20 diamètres). 

composé de douze segments cornés, dont la tête est ar- 
mée de petites scies et d'un suçoir aigu, et dont les 
longues pattes, surtout celles de derrière, sont confor- 
mées pour permettre à l'animal des bonds extraordi- 
naires pour sa taille (fig. 199). La puce femelle pond de 
huit à douze œufs qu'elle dépose dans la poussière, 
dans les fentes des boiseries ou des meubles ou dans 



des linges malpropres. De ces œufs sortent de petites 
larves, qui se changent en nymphes, puis en puces par- 
faites. Cette transformation demande de vingt à trente 
jours. La chaleur et la malpropreté sont des conditions 
favorables à la multiplication de l'insecte. Le pulex irri- 
tans s'attaque à l'homme; il y a d'autres espèces par- 
ticulières pour les chiens, les chats, les poules, les 
pigeons, etc. — Les puces trouvent en Orient tout ce 
qu'il faut pour faire prospérer leur race. Tous les 
voyageurs se plaignent amèrement du supplice qu'elles 
leur font endurer. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la 
mer Morte, Paris, 1853, t. n, p. 463; lady Gordon, 
Lettres d'Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 33; Le 
Camus, Voyage aux pays bibliques, t. n, p. 170. 
Aucun n'échappe à leur atteinte et les habitants de la 
Palestine, ordinairement si patients, ne peuvent se 
défendre de manifester leur irritation contre cet in- 
secte. Parfois les Bédouins sont obligés de capituler 
devant les puces et de s'en aller camper ailleurs; mais 
malheur au voyageurqui s'arrête à leur ancienne place, 
même s'ils l'ont quittée depuis un mois ! Des myriades 
de puces sortent de la poussière et s'acharnent après 
lui. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, 
Londres, 1889, p. 305; Wood, Bible animais, Londres, 
1884, p. 638. '— Après avoir épargné Saùl qui le pour- 
suivait injustement, David lui dit : « Qui poursuis-tu? 
Un chien mort, une puce! » I Reg., xxrv, 14. Un peu 
plus tard, dans une occasion analogue, il dit encore : 
« Le roi d'Israël s'est mis en marche pour chercher 
une puce! » I Reg., xxvi, 20. David parlait ainsi par 
hyperbole; il se comparait à un insecte insignifiant, 
indigne d'occuper l'attention d'un roi. — Un certain 
nombre d'Israélites portèrent le nom de par'os, «puce». 
I Esd., il, 3; vin, 3; x, 25; II Esd., m, 25; vu, 8; x, 
15. Voir Pharos, col. 218. H. Lesëtre 

PUDENS (grec : flo-JS^), chrétien de Rome, dont 
l'apôtre saint Paul envoie les salutations àTimothée avec 
les salutations d'Eubulus, Linus, Claudia et des au- 
tres frères. II Tim., jy, 21. 

Le nom de Pudens est un cognomen assez fréquent 
chez les anciens Romains; et il fut porté par deux 
consuls du II e siècle, c'est-à-dire « Arvrius Pudens » de 
l'an 165 et « Servilius Pudens » de l'an 166. On le 
trouve aussi chez un personnage de la gens Pomponia 
adopté par un Flavien (P. Flavio Pudenti Pomponiano),- 
Renier, Inscriptions de l'Afrique, n. 1521, et dans la 
gensOctavia. C. Oclavio FI. Pudenti, ibid., n. 3893. Il . 
y a aussi un L. Cassius Pudens militaire et un C. Vale- 
rius Pudens et d'autres encore comme on peut le voir 
dans les recueils épigraphiques. Corp. inscrip. lai., 
t. m, n. 3543, cf. aussi Willmans, Exempta Inscrip-- 
tïonum lalinarwr», eVc. lft^tyttv 4e ¥v\Aeus Cwt aussi 
un nom servile qu'on trouve porté par des affranchis. 
Ainsi pour en citer un exemple on trouve en Espagne 
un Pudens affranchi de l'empereur Nerva. Corp. insc. 
lai., t. n, n. 956. 

On voit par là que le Pudens rappelé par saint Paul 
dans sa lettre envoyée de Rome à Timothée a pu être 
à la rigueur, soit un humble esclave chrétien, soit un 
affranchi, soit aussi un personnage distingué et appar- * 
tenant à une gens. Le plus probable, c'est qu'il a été 
un personnage d'une certaine distinction comme pou- 
vait être aussi une femme distinguée, Claudia, rappelée 
dans la même lettre et qui porte un nom de la plus 
haute aristocratie romaine. On peut donc identifier 
notre personnage avec un Pudens qui, d'après un an- 
cienne traditien, aurait reçu chez lui l'apôtre saint 
Pierre à Rome pendant sa première venue dans la 
capitale de l'empire et qui aurait été baptisé par l'apô- 
tre même. On dit qu'il était fils d'un Punicus et d'une 
Priscille et qu'il fut le père des deux célèbres vierges 
chrétiennes Pudentienne et Praxède. 



863 



PUDENS 



864 



On parle de ce Pudens dans les Actes des saintes 
Pudentienne et Praxède, mais on n'y dit rien de sa 
noblesse ni de sa dignité sénatoriale. Àcta sanctorum, 
maii t. rv, p. 299; Baronius, Annales, ad ann. 159; 
Fiorent, Martyrol., p. 701 sq. ? Le récit du Liber pon- 
tificalis dans la biographie du pape Pie I er , à ce sujet 
est une interpolation d'après Mgr Duchesne, Liber pon- 
iificalis, 1. 1, p. 1331. Cependant Adon, dans son martyro- 
loge, appelle sainte Pudentienne illuslrissimi generis. 
Adon, MariyrOl., 19 mai. 

Dans ces documents, quoique apocryphes, il y a cer- 
tainement un fond de vérité historique, comme J. B. De 
Rossi l'a aussi reconnu, Bull, d'arch. crisliana, 1867, 
p. 3. Mais on ne peut pas accepter tout ce qu'ont 
imaginé à ce sujet, d'abord Bianchini et Febeo et, 
depuis, plusieurs autres qui ont fait des confusions in- 
croyables. Bianchini soupçonne que Pudens était de la 
gens Cornelia et de famille sénatoriale, et la chose est 
possible; mais on est arrivé après jusqu'à dire qu'il 
jetait le même personnage que le centurion Corneille 
baptisé par saint Pierre en Palestine et on lui a attri- 
bué aussi des inscriptions qui sont certainement fausses. 
De Rossi ne partagea jamais ces opinions qui néanmoins 
lui ont été attribuées. Bull, di arch. crise, 1880, p. 53. 

Enfln il y a un auteur qui a cru reconnaître le Pudens 
de saint Paul dans un personnage nommé sur une 
inscription de la Grande-Bretagne et en a fait un fils 
de Pomponia Grsecina (!) Mais, ces rêveries ont été 
justement réfutées par Hùbner, Corp. inscr. lat., vu, 
p. 19, et dans le Rheinisches Muséum, t. xiv, 1859, 
p. 358. 

Voici ce que l'on peut établir à cet égard. Il est sûr 
qu'il y a eu à Rome de nobles matrones qui ont porté 
les noms de Pudenliana et de Pudentilla réunis aux 
noms de famille des Cornelii et des JEmilii. De Rossi, 
Borna sotterranea, t. i, p. 312. Il est certain que, au 
commencement du in e siècle, demeurait à Rome sur 
l'Aventin, près de l'endroit où on bâtit après l'église de 
sainte Prisque, un personnage appelé C. Marins Pu- 
dens Ccrnelianus, qui était originairement de la gens 
Cornelia, adopté après dans la gens Flavia, et qui 
devait se nommer Cornélius Pudens. Un de ses des- 
cendants fut probablement ce M. Marins Pudens, 
dont le nom est marqué sur quelques briques. Ma- 
rini, lscrizioni doliari, 152, 6. Ce Cornélius Pudens 
demeurait sur l'Aventin tout près de l'endroit où l'on 
reconnaissait au moyen âge la maison d'Aquila et de 
Prisque (église de Sainte-Prisque); et on sait que ces 
deux célèbres personnages nommés par saint Paul 
dans sa lettre aux Romains, eurent leur sépulture dans 
le cimetière de Priscille sur la voie Salaria, cimetière 
qui prit le nom de la mère de Pudens, le maître de la 
maison sur le vicus patricius (aujourd'hui Sainte- 
Pudentienne) et qui fut enseveli aussi dans le même 
cimetière. Cette circonstance ne peut pas être attri- 
buée au hasard; mais elle nous autorise à supposer 
qu'il y eut des relations entre les deux maisons chré- 
tiennes de l'Aventin et du vicus patricius et que le 
centre où ces souvenirs se réunissaient, était le cime- 
tière de Priscille sur la voie Salaria. J.-B. De Rossi 
retrouva dans le cimetière de Priscille une inscription 
d'un PUDENS FELIX et il fit remarquer que ce co- 
gnomen Félix peut bien faire penser à un« Cornélius ». 
Inscrip. scelle délia B. V. Maria, p. 17. On peut donc 
tirer la conclusion que très probablement le Pudens 
nommé par saint Paul était le fondateur du cimetière 
de Priscille et qu'il pouvait très bien être un Cornélius 
Pudens. 

Ce rapprochement nous oblige de dire un mot sur 
le célèbre cimetière de la voie Salaria dont l'histoire 
et la topographie a été éclairée d'une lumière inatten- 
due par les études de mon maître J.-B. De Rossi et 
après aussi par les miennes. 



Il est maintenant certain que ce cimetière est le 
plus ancien de tous les autres cimetières chrétiens de 
Rome et que ses monuments peuvent remonter jusqu'à 
l'âge apostolique. A la suite des nouvelles fouilles, mon 
maître a pu démontrer que le célèbre cimetière de la 
voie Salaria avait été fondé par la noble famille des 
Acilii Glabriones dont un membre, Manius Aciliùs 
Glabrio, consul de l'an 91, fut mis à mort par ordre 
de Domitien à cause de sa profession de foi chrétienne. 
Bull, d'arch. crist., 1888-1889, p. 3-4. Il y retrouva 
des inscriptions qui mettent en rapport les Acilii avec 
quelques nobles femmes qui portent lé nom de Pri- 
scilla et il en a tiré la conclusion que le Pudens de la 
légende de sainte Pudentienne était lié de parenté avec 
la famille même des Acilii et qu'il fut le fondateur de 
ce vénérable cimetière, le plus ancien de tous, où il 
fut enseveli et où furent déposées aussi ses filles Puden- 
tienne et Praxède. 

Priscille, la mère de Pudens, pouvait être aussi 
de la gens Acilia; et en effet on trouve dans le nom 
de cette famille le cognomen « Priscus ». Dans le 
musée du Vatican on voit l'inscription d'un Acilhis 
Priscus. 

Après de longues recherches sur le cimetière de la 
voie Salaria, je suis parvenu à démontrer que dans le 
cimetière de Priscille on vénérait le grand souvenir de 
la première prédication de saint Pierre et de la fonda- 
tion de l'Église romaine; et qu'on y doit reconnaître 
le célèbre cimetière Ostrien où l'Apôtre aurait admi- 
nistré le baptême, c'est-à-dire le cœmeterium ad 
nymphas appelé aussi cœmeterium fontis S. Pétri. 
En voir les preuves développées dans plusieurs articles 
publiés par moi dans le Nuovo Bullettino di archeologia 
cristiana, 1901-1908. La célèbre indication du cata- 
logue de Monza du vi e siècle, sedes ubi prius sedit 
sanclus Pelrus, doit être considérée comme une indi- 
cation topographique et être attribuée au cimetière de 
Priscille. Nuovo Bullettino, 1908, n. 1-2. 

Or cette identification a une grande importance pour 
la question du Pudens de la légende; elle nous con- 
firme que, dans cette légende, il y a un fond de vérité 
quand on met saint Pierre et sa première venue à Rome 
en relation avec un personnage qui avait été le fonda- 
teur d'un cimetière creusé dans un endroit de la ban- 
lieue romaine où l'apôtre avait inauguré son épiscopat 
dans la capitale de l'empiré. 

Le cimetière de Priscille peut être appelé aussi le 
cimetière de Pudens car il y avait là son tombeau de 
famille. D'après les dernières fouilles on pourrait 
reconnaître ce monument dans la région du cimetière 
qui est près de l'entrée actuelle et dans les environs de 
la chambre sépulcrale que l'on appelle la « chapelle 
grecque ». Mais le monument le plus important de ce 
cimetière, et qui renfermait, pour ainsi dire, tous ses 
grands souvenirs, était la basilique établie à la surface 
du sol dans la maison même de campagne des Acilii 
Glabriones qui a pu être très bien la maison de cam- 
pagne de Pudens. Cette basilique (ou il y avait les tom- 
beaux de sept papes) fut retrouvée et rebâtie par mon 
initiative aux frais de la commission d'archéologie 
sacrée, l'an 1907. Voir Nuovo Bullettino di arch. crist., 
1908 n. 1-2. Après le cimetière de la voie Salaria, un 
autre souvenir de Pudens était le titulus Pudentis, 
c'est à dire la maison même habitée par lui à l'intérieur 
de la ville où est aujourd'hui l'église de Sainte-Puden- 
tienne. Les documents qui nous fournissent des indi- 
cations sur l'origine de l'église de Sainte-Pudentienne 
sont les récits dits de Pasteur et de Timothée; les 
lettres de Pie I er à Juste de Vienne, et le Liber ponti- 
ficalis. Les deux premières classes sont apocryphes; 
mais nous avons plusieurs motifs de penser qu'elles 
contiennent un fond de vérité, comme j'ai déjà dit. 
D'après ces documents, il y avait là primitivement la 



865 



PUDENS 



maison dans laquelle le sénateur Pudens avait reçu 
saint Pierre, et qui fut transformée en église au 
11 e siècle, sous Pie I er . Elle prit le nom de titulus Pa- 
storis, du nom du frère de ce Pape ; mais nous savons 
par quelques inscriptions qu'elle fut appelée aussi titu- 
lus Pudentis. Les Bollandistes ont admis qu'il a existé 
deux personnages du nom de Pudens, celui qui donna 
l'hospitalité à saint Pierre, et un autre qui aurait vécu 
an 11 e siècle et qui serait un descendant du premier et 
le père des saintes Praxède et Pudentienne. Cette sup- 
position n'est pas nécessaire; il suffit pour justifier les 
données des documents, que les deux saintes aient eu 
une longue vie, et de fait la mosaïque de l'église les 
représente sous les traits de personnes assez âgées. 



qui est au Vatican, prise à tort par Visconti pour une 
inscription mithriaque et qui dit : 

MAXIMVS ■ HAS ■ OLIM - THERMAS «^ 
DIVINAE ■ MENTIS • DVCTV • CVM - O M^ 

Elle devait rappeler une restauration faite par Maxime 
des Thermes déjà tranformés en église sous l'inspira- 
tion divine (divinx mentis ductu). Une autre mosaïque 
représentait saint Pierre assis sur une chaire et ensei- 
gnant au milieu d'un troupeau d'agneaux : monument 
qui nous montre dès le iv e siècle la tradition locale 
relative à saint Pierre. J.-B. De Rossi mit en relation 
avec ces thermes le souvenir de saint Justin, qui, d'après 
ses actes, habita prope ad balneum cognomento Timo- 




200. — Mosaïque de l'église Sainte-Pudentienne. 



Le titre de Pudens était en relation avec le cimetière 
de Priscille, sur la via Salaria dont j'ai résumé tout à 
l'heure les grands souvenirs. Or tout cela s'accorde 
parfaitement avec la tradition du séjour de l'Apôtre 
dans la maison qui devint après l'église de Sainte- 
Pudentienne. Dès le iv e siècle cette église était appelée 
ecclèsia Pudentiana. C'est le nom que Pasqualini, au 
xvi« siècle, a lu sur une inscription dont il n'a pas noté 
la provenance. De Rossi, Bull, d'arch. crist., 1867. On 
le lit aussi sur une autre inscription qui se trouve 
encore au cimetière de Saint-Hippolyte, et sur la 
mosaïque même de l'abside : Dominus conservator 
ecclesix Pudentianœ. 

Toutes ces indications sont confirmées par les notes 
des archéologues du xvi e siècle qui ont pu voir l'église 
avant qu'elle fût gâtée par les restaurations modernes. 

Ciaeconio nous a laissé un dessin d'une mosaïque de 
la chapelle de Saint-Pierre qui représentait le Sauveur 
entre deux personnages, probablement No rat et Timo- 
thée, avec l'inscription Maximus fecit cuwi suis. C'est 
probablement un souvenir de ce Maxime et des Thermes 
de Novat que nous avons dans une autre inscription 

DtCT. DE LA BIBLE. 



tinum. Il en tira la conclusion que près des thermes 
de Novat et du titulus Pudentis on devrait recon- 
naître un centre d'enseignement chrétien même au II" 
et au m? siècle. 

On voit qu'il y a quelque chose d'historique dans les 
légendes relatives à ces titres, tandis qu'il ne faut attri- 
buer aucune valeur aux relations supposées par Bian- 
chini entre Pudens et le centurion Corneille ou à 
l'histoire de la chaire curule donné par le sénateur 
Pudens à saint Pierre qu'a imaginée Febeo. D'abord 
oratoire privé, l'église de Sainte-Pudentienne devint au 
IV e siècle basilique publique. Le successeur de Damase 
Sirice, la restaura. Ce lait a de l'importance même par 
rapport à la tradition de la venue de saint Pierre au 
vicus patricius et à la via Salaria. On peut penser en 
effet que Sirice avait un culte spécial pour les souvenirs 
du cimetière de Priscille, où en effet il fut enterré. 
L'inscription de son tombeau renferme des allusions à 
une autre chaire et à une fontaine baptismale; et l'une 
et l'autre étaient apparemment dans ce cimetière. Dans 
cette inscription on dit qu'il mérita d'être reconnu 
comme pape près d'un très célèbre baptistère, qui était 

V. - 28 



867 



PUDENS 



PUITS 



très probablement celui auquel on rattachait le sou- 
venir du baptême administré par saint Pierre : Fonte 
sacro niagnus mentit sedere sacerdos. Pavinio a vu 
près de l'autel de sainte Pudentienne l'inscription : 
Satvo Siricio epiçcopo Ecclesiae sanctae, il y avait à 
la suite : et Icilio Leopardo et Maximo. L'un de ces 
textes est au musée de Latran, l'autre à Sainte-Puden- 
tienne. La date de cette inscription nous est fournie 
par "une autre inscription que copia Suarez au temps 
d'Urbain VIII. Cette restauration eut donc lieu entre 
387 et 398. Elle est par conséquent contemporaine d'au- 
tres travaux et exécutée prés du vicus Patricius, par 
les mêmes prêtres et par l'autorité publique. En effet 
on a retrouvé en 1850 cette inscription qui est main- 
tenant au musée de Latran. 

OMNIA • QVAE • VIDENTUR 
A • N\E.N\OfUA ■ SANCTl • MAR 

T\ms • \ppo\.m • x/sqx/e • hvc 

SVRGERE • TECTA • 1L1CIVS 

PRESB • SUMPTV ■ PROPRIO ■ FECIT 

Or l'église de Saint-Hippolyte se trouve précisément 
sur le vicus Patricius. On l'appelle Saint Hippolyte in 
fonte, parce que, suivant une tradition, ce serait la 
.maison du geôlier de saint Laurent converti et baptisé 
tpar le saint diacre. Il s'agit dans l'inscription d'un por- 
tique construit par ce prêtre Icilius. D'autre part on a 
trouvé près de Sainte-Pudentienne une inscription rap- 
pelant des travaux d'embellissement ordonnés par 
FI. Valerius Messala, préfet de Rome, à la fin du 
IV e siècle. Corsini, Séries prœfectoium urbis, p. 304. 

La reconstruction de l'ancienne église de Pudens, 
commencée par le pape Sirice fut achevée par le pape 
Innocent I er au commencement du V e siècle, et en effet 
l'Panvinio put voir dans l'abside un fragment de l'in- 
îscription commémoralive SALVO-INNOCENTIO (epis- 
copo). D'autres restaurations suivirent pendant le moyen 
âge jusqu'à la dernière du cardinal Gaetani, à la fin du 
xvi« siècle qui changea l'ancienne forme de l'édifice et 
qui détruisit aussi en partie la belle mosaïque. Cette 
, mosaïque (6g. 200) est la plus importante des mosaïques 
basilicales romaines, et elle appartient, comme on a dit, 
à l'époque du pape Sirice. Le Sauveur assis occupe le 
centre de la composition; de la main droite il semble 
! bénir, de la gauche il tient un livre ouvert sur lequel 
sont tracés les mots DOMINVS CONSERVATOR 
ECCLESI/E PVDENTIAN/E. Et cette manière dédire 
est très importante, et montre l'antiquité du monu- 
ment; caràune époque postérieur&on aurait dit «église 
de Sainte-Pudentienne », tandis que « église Puden- 
tienne » est une dénomination primitive et qui signifie 
l'église bâtie dans la maison de Pudens. 

A côté du Sauveur étaient les douze Apôtres (main- 
tenant on n'en voit que dix) et au-dessous de Saint 
Pierre et de saint Paul il y avait leurs noms. Derrière 
les deux chefs des apôtres, on voit deux femmes qui 
présentent au Christ leurs couronnes, probablement 
sainte Praxéde et sainte Pudentienne. Derrière la série 
des Apôtres on voit un édifice formé d'un portique et, 
au-dessus, une colline avec d'autres monuments, et au 
milieu une grande croix gemmée. Parmi les différentes 
explications qu'on a données de cette [scène, la plus 
vraisemblable est qu'elle représente une reproduction 
des monuments locaux; c'est-à-dire de la maison même 
de Pudens et du portique qui flanquait le vicus Patri- 
cius. Au-dessus on aurait représenté le Viminal avec ses 
édifices, et enfin la croix pour indiquer le triomphe 
définitif du christianisme sur l'idolâtrie. 

En 1895 on fit des fouilles dans les souterrains de 
Sainte-Pudentienne et on retrouva des ruines impo- 
santes des thermes de Novat et de l'ancienne maison 
de Pudens qu'on peut encore visiter et qui montre la 
grande importance de cet édifice. Ce groupe monu- 



mental a été dernièrement en grand danger d'être dé- 
truit à cause de la construction d'une nouvelle rue de 
la Rome moderne, la « via Balbo », qui devait passer 
derrière l'église de Sainte-Pudentienne. Mais la Com- 
mission d'archéologie qui veille sur les grands souve- 
nirs de la ville éternelle a réussi à empêcher ce vanda- 
lisme qui aurait été une honte ineffaçable. Cette menace 
de destruction a même amené à faire de nouvelles 
études sur cet ensemble imposant de monuments et à 
étudier la manière de le rendre mieux visible au pu- 
blic étant resté jusqu'à présent en grande partie caché 
à l'intérieur du monastère de religieuses qui habitent 
là. De cette manière, quand les travaux proposés par la 
Commission archéologique seront terminés, on pourra 
voir dans toute sa magnificence ce vénérable édifice de 
l'ancienne maison de Pudens, qui peut être considéré 
comme le pendant du cimetière de Priscille. En effet 
dans cette maison urbaine et dans ce cimetière subur- 
bain se conserve le grand souvenir de la première 
prédication apostolique dans la ville des Césars. 

H. MaRUCCHI. . 
PUITS (hébreu : bëêr, bayîr; Septante : çpsap; 
Vulgate : puteus), excavation creusée dans le sol jus- 
qu'à une profondeur où l'eau puisse se trouveW/ig.'20'l.l. 




201. — Un des puits de Bersabée, avec ses auges. 
D'après H. van Lennep, Bible Lands, laiô, p. 47. 

1° Pùils mentionnés dans la Bible. — 1. Les puits 
sont en Orient, surtout dans le désert sans cours d'eau 
et sans sources, d'une nécessité extrême. Sans eux, il 
serait impossible d'abreuver les troupeaux et de désal- 
térer les hommes, et la vie nomade et pastorale serait 
impossible dans beaucoup de régions. Aussi, dans la 
Genèse en particulier, est-il souvent question de puits 
comme de propriétés importantes. 1. Le premier puits 
dont il soit parlé est celui qu'Agar aperçoit dans le dé- 
sert; elle y va, remplit son outre et désaltère son fils 
Ismaël. Gen., xxi, 19. — 2. En Mésopotamie, le servi- 
teur d'Abraham, Éliézer, s'arrête avec sa caravane non 
loin de la ville de Nachor, auprès d'un puits. Rébecca 
puise de l'eau du puits et abreuve les chameaux 
d'Éliézer, qui, à ce signe, reconnaît la future épouse 
d'Isaac. Gen., xxiv, 11, 20. A son arrivée en Chanaaa, 
Rébecca rencontra lsaac non loin du puits de Lafjtay 
rô'î, « le vivant me voit », ainsi nommé jadis par Agar 
quand, maltraitée par Sara, elle avait fui au désert et 
y avait entendu la voix de Jéhovah lui annonçant les 



869 



PUITS 



870 



destinées d'Ismaël. Gen., xvn, 14; xxiv, 62. — 3. Dans 
là vallée de Gérare! à la frontière sud-auest de la Pa- 
lestine, voir t. m, col. 197, les serviteurs d'Abraham 
avaient jadis creusé des puits que les Philistins, tout 
voisins de là, comblèrent ensuite. En s'établissant à 
son tour dans cette vallée, Isaac fit creuser les puits à 
nouveau et leur rendit les noms assignés par son père. 
Quand on eut trouvé l'eau vive dans le premier puits, 
les bergers de Gérare s'en prétendirent les maîtres, 
d'où dispute avec les bergers d'Isaac. Alors celui-ci 
appela le puits 'êèéq, <i dispute », àoiy.ioe, « injustice », 
calumnia, « calomnie ». Un second puits donna lieu à 
des rixes, d'où son nom de silnâh, t hostilité »,è^8pi'a, 
inimiciiix. Autour du troisième puits, le calme régna, 
d'où le nom de rehobôt, « latitude », eùp-jywpi'a, lati- 
tude). De là, Isaac remonta jusqu'à Bersabée, be'iir 
Sâba', « puits du serment ». Gen., xxvi, 15-24. Voir 
Bersabée, t. i, col. 1629. — 4. Lorsque Jacob s'en alla 
en Mésopotamie, il arriva à un puits autour duquel 
étaient réunis des troupeaux qu'on abreuvait. Voir 
t. m, fig. 195, col. 1065-1066. Les troupeaux se rassem- 
blaient autour des puits en Orient. On fermait ces puits 
à l'aide d'une pierre qu'on était quand on voulait puiser 
l'eau. Gen., xxix, 2, 3. — 5. Moïse, fuyant l'Egypte, 
arriva au pays de Madian et s'assit près d'un puits. Là 
vinrent bientôt les filles d'un prêtre pour abreuver leur 
troupeau; des bergers arrivèrent à leur tour et chas- 
sèrent les jeunes filles; mais Moïse protégea ces der- 
nières et abreuva lui-même leur troupeau. Exod., il, 
16, 17. Des scènes de violence se passaient donc quel- 
quefois auprès des puits; les plus forts voulaient se ser- 
vir les premiers ou accaparer l'eau à leur profit. — 6. A 
l'une des dernières stations du désert, les Israélites 
s'arrêtèrent à Béer, « le puits ». Num., xxi, 16-18. Voir 
Béer, t. i, col. 1548. Ce puits est probablement le 
même que Béer-Élim, « puits des héros » ou « des té- 
rébinthes », mentionné par Isaïe, xv, 8. Voir Béer- 
Elim, t. i, col. 1548. Au désert du Sinaï, les Israélites 
avaient dû rencontrer un certain nombre de puits. 
« Une vallée du Sinaï est appelée el-Biyar, «les puits», 
à cause des trois ou quatre puits profonds, mais va- 
seux, qui existent en ce lieu. C'étaient les premiers 
que nous rencontrions d'une forme semblable à celle 
qui est si commune en Palestine. Un certain nombre 
de grandes auges de pierre les entourent; elles sont 
destinées à abreuver les troupeaux. L'orifice des puits 
est fermé par une grande pierre qu'on roule, quand on 
en a besoin, exactement de la façon décrite dans la 
Genèse... Vis-à-vis du douar (de l'ouadi Beiran) sont 
deux puits profonds, solidement bâtis en maçonnerie, 
et entourés d'auges pour abreuver les troupeaux; l'un 
d'eux est à sec, l'autre contient encore une eau excel- 
lente; il a environ sept mètres cinquante de profon- 
deur. Outre ces auges, il y a des canaux circulaires, 
garantis tout autour par des pierres et destinés à servir 
d'abr,euvoirs au bétail. On voyait toujours là un homme 
qui, dans le costume de nos premiers parents, était 
occupé à tirer de l'eau pour les chameaux venant 
boire par centaines; quand les chameaux avaient fini, 
les troupeaux arrivaient; c'était un spectacle. curieux 
de voir les brebis et les boucs s'avançantehapun à leur 
tour; un certain nombre de chèvres venaient d'abord, 
puis cédaient la place à. un certain nombre de brebis, 
et ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le troupeau eût 
fini. » E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Cam- 
bridge, 1871, t. ii, p. 319-320, 362. Cf. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. u,p.570- 
571. — 7. Quand les Israélites voulurent passer à tra- 
vers le territoire d'Édom, et, un peu plus tard, à 
travers celui des AmorrJiéens,, ils offrirent de ae pas 
boire l'eau des puits. Num., xx, 17; xxi, 22. Les puits, 
en effet, étaient considérés comme une propriété parti- 
culière, que l'étranger devait respecter. On pouvait 



raindre aussi qu'ils fussent épuisés si une grande 
multitude en faisait usage. L'engagement que prirent 
les Israélites se bornait sans doute à ne pas se servir 
des puits sans la permission des maîtres et sans les 
indemniser. On leur refusa cependant le passage. Pour 
garder la jouissance de leurs puits dans le désert, les 
Bédouins souvent les récouvrent d'une pierre et en- 
suite de terre, afin que personne n'en puisse recon- 
naître la présence. Ils ne les retrouvent eux-mêmes 
qu'à l'aide de certains signes. —8. Jonathas et Achi- 
maas, pour échapper aux poursuites d'Absalom, se ré- 
fugièrent à Bahurim, chez un homme qui avait un puits 
dans sa cour. Ils y descendirent, puis la femme de 
l'hôte étendit une couverture sur l'ouverture du puits 
et répandit dessus du grain pilé, comme pour le faire, 
sécher au soleil. Quand les envoyés d'Absalom arri- 
vèrent, ils ne se doutèrent de rien et allèrent chercher 
ailleurs les fugitifs. II Reg., xvn, 17-19. Le texte parle 
ici, non d'une citerne, mais d'un puits, be'ër, que les 
Septante appellent un bassin, Xix-xoç. Il faut d'ailleurs 
supposer que le puits était desséché ou disposé dételle 
sorte à l'intérieur que deux hommes pouvaient y trouver 
refuge. — 9. Il est raconté qu'au moment de partir en 




i 202. — Orifice d'un puits en Orient. 

D'après une photographie. 

captivité, des hommes pieux prirent le feu sacré dé 
l'autel et le cachèrent dans le creux d'un puits dessé- 
ché qui ensuite demeura inconnu. Après bien des 
années, Néhémie le fit rechercher par les descendants 
de ceux qui avaient caché le feu. On ne trouva dans le 
puits qu'une eau épaisse, dont on aspergea le bois mis 
sur l'autel. Alors ce bois s'enflamma spontanément.' 
II Mach., i, 19-22. — 10. Notre-Seigneur s'arrêta un 
jour, près de Sichar, au puits de Jacob et y convertit la 
Samaritaine. Le puits était profond; il fallait une corde 
et des ustensiles pour y pouvoir puiser. Joa., iv. 5-11.' 
Voir, Jacob (Puits de), t. m, col. 1075. — Un assez 
grand nombre de localités de Palestine ont un nom 
dans la composition duquel entre le mot Bir, indiquant 
la présence d'un puits. ' 

2° Remarques sur les puits. — 1. Les puits étaient 
ordinairement maçonnés et pourvus d'un escalier' de 
pierre pour descendre jusqu'à l'eau, quand ils n'étaient 
pas trop profonds. Gen., xxiv, 16. On couvrait l'ouver- 
ture d'une large pierre, pour éviter les accidents, 
parce que l'orifice se trouvait ordinairement à ras de 
terre (fig. 202). Exod., xxi, 33. Josèphe, Ant. jud., IV K 
vm, 37, dit qu'on devait les entourer de sortes de toits 
servant de murs pour empêcher les animaux d'y tom- 
ber. Dans les jours qui précédaient les trois gràndes- 
fètes, on ôtait les pierres de l'orifice des puits, afin 
d'en laisser la libre disposition aux pèlerins^ Voir 
Pèlerinages, col. 24. En dépit des précautions prises, 



871 



PUITS 



PURETÉ 



872 



un âne ou un bœuf tombaient de temps à autre dans un 
puits et l'on s'empressait de les en retirer, même le 
jour du sabbat. Luc, xv, 5. Les puits dans lesquels 
pouvaient tomber de si gros animaux devaient avoir 
une certaine largeur, ce qui explique pourquoi ils 
n'étaient pas recouverts d'une pierre. Le bois était trop 
rare pour qu'on l'employât communément à couvrir 
les puits. — 2. On puisait l'eau à l'aide d'ustensiles 
divers, cruches, seaux, etc. Gen., xxrv, 20; Num., 
xxiv, 7; Joa., iv, 11. Il fallait évidemment des cordes 
quand le puits était profond; il est probable même que 
l'on utilisait les poulies. Quand l'eau ne se trouvait 
qu'à deux ou trois mètres, on se servait vraisemblable- 
ment du schadouf, encore en usage dans l'Egypte mo- 
derne. Voir t. ii, fig. 532, col. 1609. — 3. Pour exhorter 
l'homme à se contenter des joies de la famille et à ne 
pas aller chercher ailleurs des jouissances coupables, 
l'auteur des Proverbes, v, 15, lui dit : « Bois l'eau de ta 
citerne et les ruisseaux qui sortent de ton puits. » Il 
compare ailleurs la femme de mauvaise vie à un puits 
profond et étroit. Prov., xxni, 27. D'un pareil puits, il 
est difficile de tirer de l'eau et les cruches se brisent 
aisément contre les parois. 

3° Autres espèces de puits. — 1. Il y avait dans la 
vallée de Siddim des puits de bitume, c'est-à-dire des 
excavations au fond desquelles se trouvait du bitume à 
l'état liquide. Au moment de la catastrophe de Sodome 
et de Gomorrhe, plusieurs des fugitifs tombèrent dans 
ces puits et y périrent. Gen., xiv, 10. Voir Bitume, 1. 1, 
col. 1802. — 2. Dans deux Psaumes, lvi (lv), 24; lxix 
(lxviii), 16, il est question d'un be'èr sahaf, « puits de 
perdition », dans lequel le suppliant ne voudrait pas 
tomber. Ce puits est le tombeau. Peut-être l'auteur 
sacré fait-il allusion à un genre de tombes fréquentes 
en Egypte. « Ainsi sont disposées les tombes de l'an- 
cienne Egypte : un puits carré, creusé profondément 
dans le sol, et au fond de ce puits des chambres sé- 
pulcrales, à jamais closes quand elles ont reçu leur 
dépôt funèbre : tel est l'arrangement général... Le plus 
souvent le puits est comblé, le terrain nivelé tout au- 
tour; rien n'annonce aux vivants la demeure des 
morts... C'est dans des puits semblables qu'on a décou- 
veet à Saïda, en 1887, la momie du roi de Sidon Tabnite, 
et les splendides sarcophages pour lesquels le sultan 
fait construire une nouvelle salle dans son musée de 
Constantinople. On rencontre également en Palestine 
quelques-uns de ces puits à tombeaux, moins profonds 
que ceux de l'Egypte. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, 
p. 275, 276. A ces puits ressemblent assez les tombes de 
famille qui s'enfoncent verticalement dans le sol de 
nos cimetières de grandes villes. Pour descendre les 
sarcophages dans ces profondeurs sans les endommager, 
voici comment procédaient les anciens. Ils commen- 
çaient par remplir de sable toute la cavité et amenaient 
à l'orifice le monument à descendre. Puis, le sable 
retiré latéralement petit à petit, grâce à sa fluidité, 
abaissait peu à peu son niveau et le sarcophage s'en- 
fonçait sans heurts jusqu'à ce qu'il eût atteint je sol 
définitif. Le psalmiste compare vraisemblablement à 
ces puits le séjour des morts d'où l'on ne revient 
pas. — 3. Dans une de ses visions, saint Jean parle 
d'une étoile tombée du ciel sur terre, c'est-à-dire d'un 
ange auquel on donne la clef du puits de l'abîme. Cet 
abîme est, sans doute, le séjour des démons, figuré 
comme communiquant avec la terre par un puits 
fermé à clef. Voir Abîme, t. i, col. 53. Du puits ouvert 
s'élève une fumée épaisse et de cette fumée s'échappent 
des sauterelles, figures des maux que Satan aura la 
permission de déchaîner sur la terre. Apoc, ix, 1-3. 

H. Lesêtre. 

PUK, mot hébreu, ^s, qui désigne la poudre avec 
laquelle on se peint les yeux en Orient. Voir Antimoine, 
I. I, col. 670. Dans deux passages de l'écriture, Is., 



Liv, 11, et I Par., xxix, 2, pûk a une autre signification 
qu'il est difficile de préciser et sur laquelle les plus 
anciens traducteurs eux-mêmes ne sont pas bien ren- 
seignés. — 1° lsaïe, s'adressant à Jérusalem, lui dit, 
liv, 11 : 

Malheureuse, battue de la tempête, sans consolation, 
Voici que je poserai tes pierres dans le pûk.... 

Saint Jérôme a traduit pûk par per ordinem, « avec 
ordre », les Septante, par âvBpaxoe, « escarboucle », 
« je prépare pour toi des escarboucles au lieu de 
pierres. » Ils semblent avoir lu -\si, nôjéft, « escar- 
boucle », au lieu de "]is, puk. Dans son commentaire sur 
lsaïe, liv, 11, saint Jérôme, t. xxiv, col. 521, dit : Ubi 
nos diximus : Sternam per ordinem lapides tuos, in 
Hebraico scriptum est baphphuch, quod omnes prxter 
Septuaginta similiter transtulerunt ; Sternam in sti- 
bio lapides tuos. In similitudinem compta mulieris, 
quee oculos pingit stibio, ut pulchritudinem signi- 
ficet civitatis. Les modernes acceptent au fond cette 
explication et traduisent : « Je cimenterai tes pierres 
avec de l'antimoine. » J. Knabenbauer, Comment, in 
ls., t. ii, p. 345. 

2° Dans I Par., xxix, 2, David dit qu'il a rassemblé 
pour la construction du temple de Jérusalem de l'or, 
de l'argent, de l'airain, du fer, du bois, « des pierres 
d'onyx, des pierres à enchâsser, des pierres de pûk, 
des pierres de diverses couleurs, et toute espèce de 
pierres précieuses et des pierres de marbre blanc en 
abondance. » Le mot pûk désigne donc une pierre 
dans ce passage. La Vulgate a traduit par lapides quasi 
stibïnos, c'est-à-dire par « des pierres semblables à . 
l'antimoine »; les Septante n'ont pas rendu le mot. 
Les modernes entendent par là des pierres de prix et 
d'ornement, mais sans pouvoir en préciser la nature. 
Videntur, dit Gesenius, Thésaurus, p. 1094, lapides 
pretiosiores... parietibus vestiendis et quasi fucandis 
vel pavimentis faciendis adhibendi. 

F. Vigouroux. 

1. PUPILLE (hébreu : 'îSôn, bâbâh, 'ayin; Septante : 
xôdyj; Vulgate : pupilla), ouverture ronde située dans 
l'œil au milieu de la membrane de l'iris et par laquelle 
passent les rayons lumineux qui vont impressionner 
la rétine. Comme l'intérieur du globe de l'œil est obscur, 
la pupille forme comme un petit miroir dans lequel 
se reflètent en forme très réduite les images extérieures^ 
De là le nom de la pupille dans beaucoup de langues, 
particulièrement en hébreu, 'îsôn, « petit homme », de 
'îs, « homme », en grec, xop-rç, « jeune fille », en latin 
pupilla, diminutif de papa, « petite fille ». Zacharie, 
h, 8, appelle la pupille bâbàh 'ayin, « porte de l'œil », 
parcequ'elle est l'ouverture par laquelle entre l'image 
des objets. — La pupille est chose très précieuse, 
puisque l'œil et la vue dépendent d'elle; aussi figure-t- 
elle ce que l'on tient beaucoup à conserver. Dieu a gardé 
Israël comme la pupille de son œil, Deut., xxxn, 10; 
il déclare que toucher à Sion, c'est toucher à la pupille 
de son œil, Zach., n, 8; il garde comme la pupille de 
son œil les œuvres de bien de l'homme charitable, Eccli., 
xvn, 18, et son serviteur lui demande de le protéger 
« comme la pupille, fille de l'œil. *> Ps. xvn (xvi), 8. Le 
sage recommande qu'on garde ses enseignements comme 
la pupille de l'œil. Prov., vu, 2. — La pupille est prise 
pour l'œil lui-même, qui verse des larmes. Lam., n, 
18. — Comme la pupille est au milieu de l'œil, le mot 
'ïéôn est quelquefois employé pour désigner le milieu 
de la nuit, Prov., vu, 9, ou des ténèbres. Prov., xx, 20. 

H. Lesêtre. 

2. PUPILLE, orphelin confié à la garde d'tn tuteur. 
Voir Orphelin, t. iv, col. 1897. 

PURETÉ (hébreu : bôr, tdhôr, tohôrâh, niqqâyôn; 
Septante : à-(vi{a, -/.aflaptôri);; Vulgate : munditia, pu- 



873 



PURETÉ — PURGATOIRE 



874 



ritas), absence de souillure. Dans le Nouveau Testa- 
ment, il n'est tenu- compte que de. la pureté morale, 
qui consiste dans l'absence de péché; dans l'Ancien, 
on se préocupe aussi de la pureté légale, qui consiste 
à éviter certaines souillures extérieures prévues par la 
Loi. 

I. Pureté légale. — On est en état de pureté légale 
quand on est exempt de tout contact avec les choses ou 
les personnes que la Loi désigne comme impures. 
Voir Impuretés légales, t. m, col. 857. Les règles de 
pureté légale sont consignées dans le Lévitique, xi-xv, 
et les Nombres, V, 1-4; xix. Les docteurs juifs les ont 
longuement développées dans les douze traités du 
sixième ordre de la Miscbna. Voir Mischna, t. Iv, 
col. 1121. Les prêtres étaient chargés de faire le discer- 
nement entre ce qui était pur et ce qui ne l'était pas. 
Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., xxii, 26; xliv, 23. La pure- 
té légale était absolument requise pour toute participa- 
tion aux choses saintes. Lev., vu, 21; I R'eg., xxi, 4; 

I Esd., vi, 20, etc. On sait comment les pharisiens 
exagérèrent le souci de la pureté légale, au point de 
négliger à cause d'elle la pureté morale, ainsi que 
Notre-Seigneur le leur reproche. Matth., xv, 2, 3;xxm, 
25, 26; Marc, vu, 2-9; Luc, xi, 39-41. Saint Pierre se 
défend lui-même de prendre des aliments déclarés 
impurs par la Loi, et il faut que le Seigneur lui signifie 
qu'il ne doit plus tenir compte de cette prescription 
mosaïque. Act., x, 14-16. La loi nouvelle en effet mettait 
fin à toutes les dispositions spéciales à la loi ancienne. 
A partir de la rédemption, « tout est pur, pour ceux 
qui sont purs, » c'est-à-dire que la pureté morale 
importe seule. Tit., i, 15. L'homme n'est pas souillé 
par ce qu'il mange, mais par le niai qu'il commet. 
Matth., xv, 17-20. Bien que les choses extérieures 
devinssent toutes pures, il fallait cependant apporter 
certains tempéraments à leur usage, en faveur de ceux 
qui attachaient encore quelque importance aux an- 
ciennes prescriptions. Rom., xv, 20. Pour retrouver la 
pureté légale perdue à la suite de quelque infraction 
volontaire ou involontaire, il fallait se purifier. Voir 
Purification. 

II. Pureté morale. — 1° Les prescriptions légales 
concernant la pureté n'avaient pas d'autre but que de 
figurer et de favoriser la pureté morale. Dieu le signifie 
à son peuple au début même de la législation sur la 
pureté légale : « Vous vous sanctifierez et vous serez 
saints, car je suis saint. » Lev., xi, 44, 45. Or il est 
bien certain que la sainteté de Jéhovah, proposée aux 
Hébreux comme raison nécessaire delà leur, comportait 
tout autre chose qu'une pureté légale et extérieure. 
C'est d'ailleurs ce qui ressort de toutes les exhortations 
de Moïse et des prophètes à fuir le péché ou à s'en 
purifier par la pénitence. — 2° Avoir les mains pures, 
c'est être exempt de faute grave et de mauvaises 
intentions. Gen., xx, 5; Job, ix, 30; xvn, 9; xxii, 30; 

II Reg., xxii, 21, 25; Ps. xvni (xvn), 21, 25. Quand on 
prie, il faut avoir les mains pures, si l'on veut être 
écouté de Dieu. Job, xvi, 18; ITim., H, 8. Celui-là seul 
qui a les mains et le cœur purs arrive à la montagne de 
Dieu, à son Temple. Ps. xxiv (xxm), 4. — 3» Dieu étant 
la sainteté par essence, « un mortel sera-t-il pur devant 
son Créateur? » Job, iv, 17. « Les cieux ne sont pas 
purs devant lui, i> Job, xv, 15, « les étoiles ne sont pas 
pures à ses yeux, » Job, xxv, 5, « comment le fils de la 
femme serait-il pur? » job, xxv, 4. s Qui peut tirer le 
pur de l'impur? ?> Job, xiv, 4. L'auteur de Job parle ici 
de l'imperfection morale inhérente à l'homme, à raison 
même de sa qualité de créature. Ses paroles se justi- 
fient davantage encore si l'on songe à la déchéance ori- 
ginelle dont Adam fut la cause et dont héritent tous les 
hommes. Les veux de Dieu sont trop purs pour voir le 
mal et il ne peut contempler l'iniquité, Hab., i, 13, 
c'est-à-dire qu'il ne peut être indifférent au mal moral. 



La sagesse qui émane de lui pénètre toutes lés parties 
de l'univers à cause de sa pureté, et parce que rien de 
souillé ne peut tomber sur elle. Sap., vu, 24, 25. Le 
juste demande à Dieu de créer en lui un cœur pur, 
Ps. li (l), 12, et il fait ce qui dépend de lui pour le 
conserver tel. Job, xxxm, 9; Tob., m, 16. Après la 
venue du Messie, une offrande pure sera présentée à 
Dieu du levant au couchant, Mal., 1,11, dans le sacri- 
fice eucharistique. « Celui qui aime la pureté du cœur, 
et qui a la grâce sur les lèvres, a le roi pour ami, » 
Prov., xxii, 11, c'est-à-dire se concilie la faveur des puis- 
sants. L'enfant montre déjà par ses inclinations si ses 
oeuvres seront pures et droites. Prov., xx, 11. Ici^bas, le 
sort est le même pour celui qui est bon et pur çt pour 
celui qui est impur, Eccle., IX, 2, parce que les sanctions 
divines ne s'exercent pas définitivement sur la terre. — 
4° Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux qui ont 
le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. Matth., v, 8. Par 
sa grâce, les Apôtres sont purs, à l'exception du traître. 
Joa., xm, 10; xv, 3. Saint Paul recommande de garder 
avec soin le cœur pur, I Tim., i, 5; Il Tim., n, 22, et 
la conscience pure. I Tim., m, 9; 11 Tim., i, 3. 

H. Lesètre. 

PURGATOIRE, lieu d'expiation temporaire, dans 
lequel les âmes sauvées achèvent de se purifier avant 
d'être admises au ciel. 

I. Chez les anciens peuples. — 1» Les Égyptiens 
avaient l'idée très nette d'un jugement subi après la 
mort. Mais, dans leur croyance, l'âme n'arrivait devant 
ses juges divins qu'après avoir parcouru des régions 
semées de difficultés et de périls. Elle faisait alors sa 
confession négative, par laquelle elle se dégageait de 
toute espèce de faute ; puis elle était admise à conti- 
nuer dans le séjour bienheureux ses occupations de la 
terre, ou mieux à revenir dans les lieux qu'elle avait 
habités pour s'y intéresser perpétuellement aux choses 
qui lui plaisaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, t. I, 1895, p. 182-199. Les épreuves 
subies par l'âme avant sa comparution devant les juges 
ne représentent que très imparfaitement et de fort loin 
l'idée d'expiation. D'ailleurs elles précèdent le jugement 
et n'ont aucune relation avec les fautes commises. — 
2° Chez les Babyloniens, on apportait des offrandes au 
corps du défunt afin que l'âme eût de quoi subsister 
sans venir tourmenter les vivants. Puis l'âme passait 
dans une région ténébreuse-, l'Aralou, sous la puissance 
de la déesse des enfers, Allât, qui livrait à des supplices 
épouvantables les âmes qui n'avaient pas fait preuve de 
piété envers les dieux et envers elle, et, laissait les 
autres mener une existence morne et sans joie. On 
n'était libéré de ce séjour que par exception, sur l'or- 
dre des dieux d'en haut. Les Babyloniens n'en gar- 
daient pas moins l'idée d'une résurrection des morts. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 684-692; La- 
grange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 
1905, p. 337-341. Un bas-relief en bronze (fig. 203), 
publié par Clermont-Ganneau, Revue archéologique, 
1879, t. xxxvm, p. 337-349 et pi. xxv, représente la 
prise de possession de l'âme parla déesse des enfers. Au 
sommet se voit la tète de Nergal, au-dessous duquel les 
dieux suprêmes sont figurés par des astres ou des sym- 
boles. Au-dessous sont rangés des démons protecteurs, 
Shàrgés d'écarter les mauvais esprits qui tenteraient de 
s'emparer du corps. Le mort est couché sur son lit 
funèbre, les bras levés comme pour une dernière prière. 
Éa, le dieu poisson, a deux représentants près de lui. Au 
registre inférieur, Allât, avec deux lionceaux aux ma- 
melles, est à demi-agenouillée sur un cheval porté par 
une barque. Elle vient chercher l'âme, qui ne manquera 
de rien, grâce aux offrandes placées à gauche du défunt 
et à droite de la déesse. Dans cette conception chal- 
déenne, il n'y a pas de place pour un purgatoire. — 
3° Dans le système religieux des Perses, au moins â 



875 



PURGATOIRE 



678 



partir du ix e siècle av. J.-C, l'âme demeurait trois 
jours auprès du corps, après la mort, puis, suivant la 
valeur morale de ses actions, passait à travers des 
contrées agréables ou horribles pour aller subir son 
jugement. Au sortir du tribunal, l'âme arrivait au pont 
Schinvât, qui passe par-dessus l'enfer et mène au para- 
dis; condamnée, elle culbutait dans l'abîme; pure, elle 
parvenaitTaisément au séjour de la divinité. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. m, p. 589, 590. Entre cet enfer et 
ce ciel existait pourtant un état intermédiaire, appelé 
Hamêstakdn. VAvesla postérieur ignore cet état. L'enfer 
purifiait les coupables, de sorte qu'à la fih tous étaient 




mk%n^ 



t , jp^ "' q™ 3""^ :-Y^- ~î ^ E §^î4p^ 



203. — Allât, déesse des enfers. 
D'après la Bévue archéologique, 1879, t. xxxvni, pi. 25. 

sauvés et participaient à la résurrection. « Ainsi, juge- 
ment particulier, jugement 'général, paradis, enfer et 
purgatoire, résurrection des corps, toute cette eschato- 
logie est assez semblable à celle du christianisme, 
hormis le pardon de tous. » Lagrange, La religion des 
Perses, Paris, 1904, p. 30. Mais, dans cette doctrine, 
l'état intermédiaire n'est pas très déterminé et l'enfer a 
le caractère d'un véritable purgatoire; déplus, la date 
de ces idées ne peut guère être fixée. 

IL Dans l'Ancien Testament. — 1° On a cru quelque- 
fois qu'il était question de sacrifices pour les morts 
dans ce passage de Tobie, iv, 18 : « Fais servir ton 
pain et ton vin à la sépulture des justes. » Mais il ne 
s'agit ici que des repas funèbres par lesquels on célé- 
brait la mémoire des morts. Cf. Jer., xvi, 7. 

2» Le seul texte qui implique l'idée de purgatoire est 
celui de II Mach., xn, 43-46. Après une bataille gagnée 
sur Gorgias, Judas Machabée s'aperçut que ceux de ses 
soldats qui gisaient sur le sol portaient sous leurs tu- 
niques des objets idolâlriques provenant du pillage de 




Jamnia. Ces objets étant essentiellement impurs aux 
yeux de la Loi, il y avait eu faute à les garder. Judas 
vit un châtiment providentiel dans la mort de ses sol- 
dats. « Puis, ayant fait une collecte, où il recueillit la 
somme de deux mille drachmes, il l'envoya à Jérusalem 
pour être employée à un sacrifice expiatoire. Belle et 
noble action inspirée par la pensée de la résurrection! 
Car, s'il n'avait pas cru que les soldats tués dans la 
bataille dussent ressusciter, c'eût été chose difficile et 
vaina de prier pour des morts. Il considérait en outre 
qu'une très belle récompense est réservée à ceux qui 
s'endorment dans la piété, et c'est là une pensée sainte 
et pieuse. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire 
pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leurs 
péchés. » La Vulgate traduit un peu différemment la 
dernière phrase : « C'est donc une sainte et salutaire 
pensée que de prier pour les morts, afin qu'ils soient 
délivrés de leurs péchés. » Dans le fond, l'idée ex- 
primée est la même. Ce texte se lit dans toutes les 
versions et dans tous les plus anciens manuscrits. 
C'est donc sans raison qu'on a prétendu qu'il avait été 
ajouté. Voici ce qui ressort de ce passage. Les soldats 
avaient commis une faute, mais cette faute n'était pas 
mortelle, puisque l'auteur sacré suppose qu'elle pou- 
vait être remise après la mort; ou bien, si elle était 
mortelle, on est en droit de croire que les coupables 
s'étaient repentis avant de mourir, comme l'avaient, 
fait jadis beaucoup de ceux que le déluge avait englou- 
tis. I Pet., m, 19, 20. Ces soldats devaient ressusciter 
un jour, autrement la prière pour les morts serait 
vaine. Ressuscites, ils auraient part à la récompense 
réservée à ceux qui s'endorment dans le Seigneur. 
Mais auparavant, il fallait qu'ils fussent libérés de leurs 
péchés, et c'est ce résultat que procurait le sacrifice 
expiatoire offert à Jérusalem. Les âmes de ces défunts 
n'étaient donc pas en enfer, où il n'y a point de rémis- 
sion; elles n'étaient pas au ciel, encore fermé, et dans 
lequel elles ne seraient d'ailleurs pas entrées à cause 
de leurs péchés. Il fallait que ces péchés fussent expiés 
pour qu'elles pussent prétendre à la récompense. La 
situation dans laquelle ces âmes se trouvaient est 
précisément celle que nous appelons le purgatoire, 
lieu où les âmes se purifient dans la souffrance, mais 
où elles sont aidées dans leur purification par les 
prières et les sacrifices des vivants. C'est un homme 
très attaché à la religion et aux traditions de ses pères, 
Judas Machabée, qui prend l'initiative de la collecte et 
du sacrifice. Nullement surpris de la proposition, ses 
compagnons lui répondent généreusement. Le texte ne 
dit pas comment on prit la chose à Jérusalem; mais il 
faut penser qu'elle ne pouvait élonner personne, puisque 
Judas envoie la collecte sans autre justification que sa 
demande même. Enfin, l'auteur inspiré raconte le fait 
avec une visible insistance, en accompagnant le récit 
de réflexions destinées à bien inculquer la légitimité 
de la croyance et de la pratique. 

3° On peut se demander comment Cette croyance et 
cette pratique apparaissent tout d'un coup dans le texte 
sacré, sans que rien semble les préparer dans les livres 
antérieurs. Il faut observer tout d'abord qu'entre Esdras 
et Judas Machabée, il s'est écoulé une période d'envi- 
ron trois siècles, durant laquelle un silence à peu près 
complet enveloppe l'histoire des Juifs. Au cours de ces 
longues années, bien des points de doctrine se sont 
éclaircis, qui auparavant étaient demeurés dans une 
ombre plus ou moins profonde. Telle, par exemple, la 
doctrine de la vie future si fortement exposée dans le 
livre de la Sagesse, n-v. Il a dû en être de même pour 
la doctrine du purgatoire et de la prière pour les morts. 
Peu à peu, à l'heure marquée par la Providence, elle 
s'est dégagée pour se manifester au grand jour quand 
l'occasion en devint propice. On voit bien, d'après le 
texte des Machabées, que cette doctrine est entrée dans 



877 



PURGATOIRE 



878 



la croyance des Juifs pieux, mais qu'elle a encore 
besoin d'être affirmée. Elle devait, en effet, se heurter à 
une -vive opposition des sectaires sadducéens qui ne 
croyaient pas à la vie future, et même rencontrer quel- 
ques hésitations chez ceux qui n'aimaient pas les inno- 
vations et prétendaient s'en tenir à la Loi et aux pro- 
phètes. On pourrait être tenté d'attribuer à l'influence 
des idées perses l'introduction en Israël de la croyance 
au purgatoire et à l'utilité de la prière pour les morts. 
Mais les doctrines de l'Avesta, tout en présentant cer- 
taines analogies avec celles que formule l'auteur des 
Machabées, sont par trop indécises, et, sur des points 
importants, trop différentes de ces dernières, pour qu'une 
influence directe et efficace puisse être admise. Cf. de 
Broglie, Cours de l'histoire des cultes non chrétiens, 
Paris, 1881, p. 41, 42. Ce qu'on peut croire plus légi- 
timement, c'est qu'au contact de la religion iranienne, 
la doctrine juive s'est développée en vertu de sa propre 
force interne et dans le sens voulu de Dieu. L'obscurité 
qui enveloppe toute une période de l'histoire juive ne 
permet pas de suivre avec plus de précision le travail 
religieux accompli durant ce temps. 

4° Les livres juifs, même assez postérieurs à la pré- 
dication évangélique, ne renferment aucune mention 
d'un état intermédiaire entre le. ciel et l'enfer. Par la 
suite, les Juifs assignèrent comme séjour aux âmes qui 
n'étaient ni justes ni impies la géhenne supérieure, 
comprenant les six régions les plus élevées de l'enfer- 
Les âmes s'y purifiaient pendant douze mois dans la 
souffrance, avant d'être admises parmi les justes. Un 
fils devait prier pour son père défunt tous les jours 
pendant onze mois, et à chaque sabbat toute l'assem- 

Slée récitait une prière solennelle appelée « souvenir 
es âmes ». Cf. Iken, Ariliquitates hebraicm, Brème, 
1741, p. 614, 615; Drach, De l'harmonie entre l'Église 
et la synagogue, Paris, 1844, 1. 1, p. 16. 
III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Il n'y est pas 
directement question du purgatoire, mais son existence 
est clairement supposée par quelques textes. Il est cer- 
tain tout d'abord qu'après le jugement général, le pur- 
gatoire n'existera plus; le "souverain Juge ne mentionne, 
en effet, dans sa sentence que l'élernel supplice et la 
vie éternelle. Matth., xxv, 46. Mais Notre-Seigneur 
parle aussi d'un péché contre le Saint-Esprit qui ne 
sera remis ni en ce siècle, èv toC™ rà oîûvi, ni dans 
le siècle à venir, lv t<j> [liMovxt, c'est-à-dire ni en cette 
vie ni en l'autre. Dans l'Évangile, le mot aîûv, seecu- 
Iwn, désigne habituellement la vie présente, Matth., xiu, 
22, 39; xxiv, 3; Marc, lv, 19; Luc, xvi, 8;xx, 34, etc., 
et l'expression aîûv epxojiivov^ identique à.aîûv [iéXXov, 
se rapporte non au temps à venir sur la terre, mais au 
temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la 
vie éternelle. Marc, x, 30; Luc, xvni, 30. Il y a donc 
des péchés qui, n'ayant pas été remis en cette vie, peu- 
vent l'être dans l'autre. A la rigueur, on aurait droit 
de croire que ces péchés remis dans l'autre vie le sont 
au moment même du jugement, grâce au repentir du 
pécheur et à la miséricorde de Dieu, car Notre-Sei- 
gneur ne parle d'aucune peine à subir pour obtenir 
cette rémission. Mais, étant donnée la croyance à l'exis- 
tence du purgatoire, il paraît plus naturel de penser 
■que ces péchés sont expiés par la peine temporaire, 
alors que le péché contre le Saint-Esprit n'est pas 
•expié même par la peine éternelle. Aussi, de ce texte, 
a-t-on généralement conclu à l'expiation subie en pur- 
gatoire. Cf. S. Augustin, De civ. Dex, xxt, 24, t. xli, 
■col. 738; S. Grégoire, Dial., iv, 39, t. lxxvii, col. 396; 
Bellarmin, De purgatorio, i, 4, etc. 

2° Dans un autre endroit, le Sauveur compare le 
péché à une dette pour laquelle on est mis en prison. 
Il conseille donc à l'homme de s'entendre avec son 
.adversaire pendant qu'il est avec lui sur le chemin, 
c'est-à-dire dérégler ses comptes avec Dieu pendant la 



vie présente; autrement il serait mis en prison, et, 
conclut le Sauveur, « tu n'en sortiras pas que tu n'aies 
payé jusqu'à la dernière obole. » Matth., v, 26. On 
pourrait encore être tenté, à première vue, d'appliquer 
ce texte au purgatoire, cette prison d'où l'on ne peut 
sortir avant d'avoir payé sa dette complètement. Mais 
la généralité des Pères et des commentateurs l'enten- 
dent de l'enfer, d'où l'on ne sort jamais parce qu'on 
n'y peut jamais payer sa dette. Cf. Knabenbauer, 
Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 220. Cependant, 
observe Jansénius, In Sancl. J. G. Evangel., Louvain, 
1699, p. 56, le Sauveur n'affirme pas que la dernière 
obole ne pourra pas être payée, mais il ne le nie pas non 
plus. Aussi saint Cyprien, Èpist. x, ad Anton., 20, t. ni, 
col. 786, entend-il le texte du purgatoire, quand.il met 
en opposition ceux qui attendent leur pardon et ceux 
qui sont parvenus à la gloire, ceux qui sont en prison 
jusqu'à ce qu'ils aient payé la dernière obole et ceux qui 
ont immédiatement reçu la récompense, ceux qui de- 
meurent longtemps dans le supplice du feu pour s'y 
purifier de leurs péchés et ceux qui ont tout expié par 
le martyre. Il est donc possible de voir dans ce, texte 
une allusion au purgatoire; mais cette interprétation 
ne s'impose pas exclusivement et elle n'a pas par con- 
séquent une valeur dogmatique absolue. 

3» Saint Paul s'exprime ainsi, en parlant des divers 
prédicateurs de l'Évangile : « Personne ne peut poser 
un autre fondement que celui qui est déjà posé, c'est-à- 
dire Jésus-Christ. Si l'on bâtit sur ce fondement avec 
de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du 
foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté, 
car le jour (du Seigneur) le fera connaître, parce qu'il 
va se révéler dans le feu, et le feu même éprouvera ce 
qu'est l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage que l'on aura 
bâti dessus subsiste, on recevra une récompense; si 
l'ouvrage de quelqu'un est consumé, il perdra sa 
récompense; lui pourtant sera sauvé, mais comme au 
travers du feu. » I Cor., m, 11-15. L'ouvrage en ques- 
tion est manifestement celui des prédicateurs qui, sur 
le fondement qui est Jésus-Christ, érigent une œuvre 
plus ou moins solide. Le jour du Seigneur est, selon les 
interprètes, le jour de l'épreuve, le jour de la mort et 
du jugement porticulier, ou, bien plus probablement, le 
jour du second avènement du Seigneur et celui, du ju- 
gement général. Le jugement divin est ordinairement 
comparé à une conflagration, à un feu qui éprouve. 
II Thess., r, 8; II Pet., m, 7. Ce jugement manifestera 
la valeur de l'œuvre des différents prédicateurs de 
l'Évangile. Celle-là seule méritera la récompense qui 
aura été jugée digne par le Seigneur; tout le reste dis- 
paraîtra à la lumière de ce jugement, comme le bois et 
la paille à la chaleur du feu. Il ne peut s'agir ici du 
feu du purgatoire, car le purgatoire ne peut être con- 
fondu avec le « jour du Seigneur », et ce n'est pas le 
feu du purgatoire qui éprouve les œuvres des hommes. 
Mais l'Apôtre, I Cor., m, 15, ajoute que le prédicateur 
dont l'œuvre aura été détruite « sera sauvé, oM-^u^xi, 
comme au travers du feu. » Au moment du jugement 
général, le prédicateur qui aura fait une œuvre fragile 
et, à ce titre, aura été condamné, pourra donc cependant 
être lui-même sauvé, si sa faute n'a pas été sans rémis- 
sion et si lui-même a passé par le feu. Ce feu représente 
spécialementle^purgatoire. Par analogie, on conclut 
que tous les fidèles qui emportent avec eux des dettes 
rémissibles dans l'autre monde peuvent aussi être sa u- 
vés, « mais comme au travers Au. feu, » c'est-à-dire en 
passant par les épreuves douloureuses et expiatriees 
qui constituent le purgatoire. Cf. Cornely, I Epist. ad 
Cor., Paris, 1890, p. 86-92. 

4° Saint Paul prie le Seigneur de faire miséricorde 
à Onésiphore, qui lui a rendu grand service à Rome et 
à Éphèse. II Tim., 1, 16-18. Il est probable qu'alors 
Onésiphore n'était plus de ce monde. La prière faite 



879 



PURGATOIRE — PURPUREUS (CODEX) 



880 



pour lui suppose donc qu'il peut en être aidé, et que 
par conséquent il y a un purgatoire. 

5° Le baptême pour les morts, auquel saint Paul fait 
allusion comme à une pratique à l'usage de certaines 
personnes, qu'il se gardedu reste d'approuver, I Cor., xv, 
29, pourrait du moins attester cette croyance que cer- 
taines œuvres accomplies par les vivants sont utiles aux 
âmes des morts. "Voir Baptême des morts, 1. 1, col. 1441. 

Les Pères ne s'appuient que sur les textes précédents, 
sauf les deux derniers, pour établir la doctrine du pur- 
gatoire. Cf. Turmel, Hist. de la théol. positive, Paris, 
1904, p. 194, 363, 485. Le concile de Trente se référé en 
général aux Saintes Écritures, aux Pères et aux conciles, 
mais sans les citer, pour définir la doctrine du purgatoire. 
Sess. xxv, 11; sess. vi, can. 30; sess. xxn, can. 2, 3. 

H. Lesëtre. 

1. PURIFICATION (hébreu : tôhar, lohorâh, mii'î, 
tamrûq ; Septante : xaOapmsiôç, y.âûaput;; Vulgate : 
purificatio, purgatio), enlèvement de l'impureté 
physique,- légale ou morale. 

I. Purification physique. — Le mot mi's'i, employé 
une seule fois, Ezech., xvi, 4, désigne la purification 
du nouveau-né au moyen du bain. Le mot tamrûq se 
rapporte à .la purification que l'on faisait subir aux 
jeunes filles avant de les présenter au roi de Perse. 
£sth., H, 3. Les versions rendent ce mot par êmuiieia, 
n. soin », et ad usus necessaria, « ce dont on a besoin ». 
Sur les différents moyens de purification physique, 
voir Bain, t. i, col. 1386; Lavage, t. iv, col. 130; Lave- 
ment des pieds, t. iv, col. 132; Laver (Se) les mains, 
t. iv, col. 136. 

IL Purification légale. — A chaque cause d'impu- 
reté légale correspondait une forme particulière de 
purification. Voir Impureté légale, t. m, col. 857. — 
1° L'ablution c'est-à-dire l'immersion dans l'eau était 
une première condition imposée dans toutes les puri- 
fications. Voir Lustration, t. iv, col. 423-425. — 
2° Outre l'ablution, la purification exigeait en certains 
cas un sacrifice : o) La femme accouchée, quarante 
jours après la naissance d'un enfant mâle, et quatre- 
vingts jours après celle d'une fille, devait présenter au 
Temple un agneau d'un an en holocauste et un jeune 
pigeon ou une tourterelle en sacrifice expiatoire. Si 
elle était pauvre, elle remplaçait l'agneau par un pigeon 
ou une tourterelle. Lev., xn, 1-8. C'est -ée second sacri- 
fice qu'offrit la sainte Vierge pour sa purification. Luc, 
h, 24. Voir Premier-né, col. 601. — b) Sur la purifica- 
tion du lépreux, voir Lèpre, t. iv, col. 183. — c) Les 
impuretés de l'homme et de là femme, gonorrhée pour 
le premier, flux de sang anormal pour la seconde, 
exigeaient, le huitième jour après la guérison, l'offrande 
de deux tourterelles ou de deux jeunes pigeons, l'un 
en holocauste, l'autre en sacrifice expiatoire. Lev., xv, 
2, 14, 15, 25, 29, 30. — 3" Les prêtres et les lévites, 
chargés des purifications du peuple, I Par., xxm, 28, 
devaient commencer par se purifier eux-mêmes, quand 
il était nécessaire, avant de remplir aucune de leurs 
fonctions. Exod., xix, 22; Num., vm, 6-22; II Par., v, 
11; I Esd., vi, 20; II Esd., xm, 22. — 4° Les Israé- 
lites se purifiaient aussi quand ils avaient à s'approcher 
du Seigneur pour accomplir quelque devoir religieux. 
Gen., xxxv, 2; Judith, xvi, 22; II Mach., xn, 38; Act., 
xxi, 26. Ces [purifications comportaient des ablutions, 
Joa.,.il, 6, et en plus des sacrifices, selon les cas. La 
fête annuelle des Expiations avait pour but la purifica- 
tion de tout Israël. Lev., xvi, 30. — 5° Avant de prendre 
possession du pays de Chanaan, les Israélites eurent 
ordre de le purifier de tout ce qui se rapportait à l'ido- 
lâtrie. Num., xxxiir, 52. Ézécbiel, xxxix, 12, 16, pré- 
voit une purification analogue pour le pays souillé par 
Gog. A plusieurs reprises, on fut obligé de purifier le 
Temple, II Par., xxix, 15; I Mach., iv, 36; II Mach., i, 
18, 36; x, 7; xiv, 36; le pays israélite, II Par., xxxiv, 



3, les maisons et la citadelle de Jérusalem. 1 Mach., 
xui, 47, 50. Ces purifications consistaient principale- 
ment dans l'enlèvement de tous les objets idolàtriques, 
II Par., xxix, 16-19, et ensuite, quand il s'agissait du 
Temple, de sacrifices solennels. — Daniel, vin, 14, 
avait annoncé qu'à la suite de la domination grecque 
en Palestine, le Temple serait purifié. 

III. Purification morale. — 1° Les prescriptions 
concernant la purification légale constituaient déjà par 
elles-mêmes une leçon de purification morale. L'épreuve 
contribue à cette purification. Prov., xx, 30; Dan., xi, 
35. On la demande par la prière, Ps. li (l), 4, 9; les 
auteurs sacrés la prescrivent, Eccli., xxxv/ir, 10; Is., 
lu, 11, et les prophètes annoncent qu'elle sera surtout 
l'œuvre du Messie. Ezech., xxxvi, 25; Dan., xn, 10. — 
2° Les Apôtres renouvellent les recommandations an- 
ciennes. Jacob, iv, 8; II Cor., vu, 1, et attribuent cette 
purification à la rédemption de Jésus-Christ, Eph., v r 
26; Tit., ii, 14; Ileb., ix, 22, 23, appliquée par le 
Saint-Esprit. Act., xv, 9. H. Lesêtre. 

2. PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE. — La 

Sainte Vierge se soumit à la loi qui prescrivait à la mère 
de se présenter au Temple le quarantième jour après 
la naissance de son enfant. Luc, n, 22-24. Voir Marie, 
III, n, t. iv, col. 789; Présentation 2, col."610. L'Église 
célèbre la fête de la Purification le 2 février. Voir Acta 
sanclorum, februarii t. i, édit. Palmé, 1863, p. 270-276. 

PURIM, fête juive. Voir Phurim, col. 338. 

PURPUREUS (CODEX). Les 227 feuillets de ce 
précieux manuscrit se trouvent actuellement dispersés 
en cinq endroits différents : 2 sont à Vienne, Biblio- 
thèque impériale (n. 2 du catalogue Lambeck); 4 à 
Londres, Musée Britannique, Cotton, Titus C. XXV; 6 
à Rome, Vatican, grec 3875 ; 33 à Patmos, Couvent de 
Saint-Jean; 182 à Saint-Pétersbourg, Bibliothèque impé- 
riale. — Le Codex Purpureus est en parchemin très 
fin, teint en pourpre et écrit en lettres d'argent que le 
temps a noircies. Les noms divins 0Ç, XC, etc. sont en 
lettres d'or. Les pages (0,320 x 0,265) ont deux colonnes 
de seize lignes. L'écriture, très grosse et très régulière, 
n'a d'autre ponctuation qu'un simple point en haut 
et quelques alinéas marqués par une majuscule initiale : 
il y a très peu d'esprits et pas d'accents. Les caractères 
paléographiques font dater le manuscrit de la fin du 
vi e siècle, mais l'aspect général semblerait plus ancien. 
Le codex Purpureus est désigné en critique par la 
lettre N; par le sigle e 19 dans la nouvelle notation de 
von Soden. 11 contient des fragments des quatre Évan- 
giles : on en trouvera le détail exact dans Gregory, 
Textkritik, 1. 1, p. 57-58, ou dans von Soden, Die Schrif- 
ten des N, T., t. i, p. 120-121. — Les pages du Purpu- 
reus conservées à Vienne furent décrites par Lambeck, 
Comment, de aug. biblioth. Csesar. Tindob., Vienne, 
t. ni (1776), col. 30-32. Tischendorf, Monumenla 
sacra inedila, Leipzig, 1846, p. 11-36, publia tout ce 
qu'on connaissait alors du manuscrit, c'est-à-dire les 
feuillets de Vienne, de Londres et du Vatican. Duchesne, 
Archives des missions scientifiques et littéraires, 
Paris, 1876, 3 me série, t. m, p. 386-419, a donné une 
édition des feuillets de Patmos. Enfin Cronin a publié 
l'ensemble du texte, y compris les feuillets de Saint- 
Pétersbourg, Codex Purpureus Petropolilanus ; The 
text of codex N of the Gospels edited with an intro- 
duction and an appendix, Cambridge, 1899, dans 
Texls and Sludies, t. v, n. 4. C'est l'étude la plus com- 
plète sur ce manuscrit. — Voir Scrivener, Introduction, 
4« édit. Londres, 1894, t, i,p. 439-141; Gregory, Text- 
kritik des N. T., Leipzig, t. i, 1900, p. 56-59; von 
Soden, Die Schriflen des iV. T., Berlin, t. i, 1902, 
p. 120-121. F. Prat. 



881 



PUSEY — PUSTULES 



882 



PUSEY (Edward Bouverie), né à Pusey (Berkshire 
le 22 août 1800, mort à Ascot Priory (Berkshire) le 14 
septembre 1882. Il prit ses degrés à Oxford, au 
Collège Oriel dont il fit bientôt partie en qualité 
d'agrégé. C'est alors que commença entre lui, Keble 
et Newman cette intimité faite de profond respect 
et d'affection qui, quoique sous une forme moins 
communicalive, survécut à la conversion de Newman. 
De 1825 à 1827, il étudia dans différentes universités 
d'Allemagne, surtout le syriaque et l'arabe. Quand il 
revint en Angleterre, il emportait la conviction attris- 
tée que le protestantisme allemand tendait et devait 
fatalement aboutir au rationalisme, conviction qui le 
détermina, par réaction sans doute, à se donner da- 
vantage à la piété et moins aux recherches exclusive- 
ment scientifiques. Suivant les termes de ses bio- 
graphes anglicans, il reçut le diaconat le 1 er juin 1829, 
puis, au mois de novembre suivant, fut nommé par le 
duc de Wellington, alors Premier Ministre, tout à la 
fois professeur royal d'hébreu et chanoine de Christ- 
Church, à Oxford. L'influence considérable de Pusey 
dans l'Église Anglicane tient bien plus à l'autorité de 
sa personne qu'à ses écrits. C'est de lui que relèvent 
ce qu'on appelait naguère encore Ritualisme (qu'on 
nomme aujourd'hui plus communément Haute-Église 
ou même Église anglo-catholique et qui, au début, 
porta l'étiquette de Puséysme), et aussi la création de 
maisons religieuses de femmes qui se sont multipliées 
depuis, tant en Angleterre qu'en Amérique. Il ne sem- 
ble point toutefois que la netteté de la vision intellec- 
tuelle, la rigueur de la logique, nou plus que la déci- 
sion du caractère aient égalé la réelle dignité de sa vie ; 
aussi était-il voué à rencontrer sur sa route de mul- 
tiples déconvenues, même dans l'Église anglicane, 
pour ne rien dire de l'échec de ses propositions d'union, 
en 1869 avec l'Église catholique et en 1874 et 1875 avec 
l'Église orthodoxe grecque. Les commentaires de Pusey 
sont ses ouvrages les moins célèbres. Il a publié 
Daniel the prophet, in-8", Oxford, 1864,'pour défendre 
l'authenticité de sa prophétie ; The Minor Prophels 
with Commentary, six parties, in-4°, Oxford, 1860-1877. 
Il avait eu l'intention de publier un Commentaire 
populaire de la Bible et avait trouvé pour le réaliser 
des collaborateurs, mais ce projet n'aboutit point. Voir 
H. P. Liddon, A Life of Edward Bouverie Pusey 
(commencée par Liddon, continuée par J. 0. Johnston, 
R. J. Wilson et Newbolt), 4 in-8», Londres, 1893-1897; 
Pusey, by the author of Charles Loivder, Londres, 1900. 

J. Montagne. 

PUSTULES (hébreu : 'âba'ebiïôf, de la racine 
ba'ba', « gonfler s>; Septante : çXuxtsSsç; Vulgate : ve- 
sicse), petites tumeurs cutanées renfermant du pus. — ' 
Il en est question à propos de la sixième plaie d'Egypte, 
qui consista dans une « inflammation produisant des 
pustules. » Dieu ordonna à Moïse et à Aaron de remplir 
leurs mains de cendre de fournaise et de la jeter vers 
le ciel sous les yeux du pharaon, de manière que, ré- 
pandue en fine poussière sur tout le pays, elle pro- 
duisît sur les hommes et sur les animaux des tu- 
meurs bourgeonnant en pustules. C'est ce qui arriva. 
Les magiciens, atteints comme tous les autres, ne 
purent tenir en présence de Moïse. Il n'est point dit 
cependant que personne soit mort de cette plaie. Exod., 
ix, 8-11. — Il faut remarquer tout d'abord que la 
cendre prise dans la fournaise et répandue dans l'atmo- 
sphère n'est pas la cause de la plaie. C'est un simple 
symbole des principes pernicieux qui vont vicier l'air 
et une indication que la plaie naîtra non plus de l'eau, 
comme les grenouilles, Exod., "vin, 3, ni de la pous- 
sière de la terre, comme les moustiques, Exod., vnr, 
16, mais de l'air même qu'on respire. La cendre joue 
ici le même rôle que la boue dans la guérison de 
l'aveugie-né. Joa., ix, 6. Quant aux pustules, elles peu- 



vent caractériser de- affections assez diverses, qui ne 
sont pas nécessairement les mêmes pour les hommes 
et pour les animaux. D'après Josèphe, Ant. jud., Il, 
xiv, 4, « les corps furent atteints de terribles ulcères, 
pendant que la pourriture était à l'intérieur, et ainsi 
beaucoup d'Égyptiens périrent. » II y a là une exagéra- 
tion du texte sacré. Rosenmûller, In Exod., Leipzig, 
1795, p. 443, voit dans les pustules l'effet de l'éléphan- 
tiasis, ce qui est peu probable. Voir ÉléphantiaSIS, 
t. ir, col. 1662. Les maladies éruptives n'ont jamais 
manqué sur les bords du Nil. Le « bouton du Nil », 
par exemple, est une maladie cutanée dans laquelle le 
derme se remplit de tubercules qui peuvent couvrir 
tout le corps. Cette affection, endémique sur les bords 
méridionaux et orientaux de la Méditerranée, ainsi 
que sur les rives du Tigre et de l'Euphrate, est appelée 
ailleurs « bouton d'Alep, clou de Biskra », etc.; elle est 
identique avec le lichen tropicus, inflammation cutanée, 
avec éruption de petites papules, ulcérations superfi- 
cielles et démangeaisons fort incommodes. Mais ces 
maladies mettent quatre à cinq mois à se développer 
et produisent ensuite des suppurations pendant cinq 
ou six autres mois. Cf. W. Ebstein, Die Mêdizin im 
Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 141-144. Les pus- 
tules pourraient être aussi la conséquence d'une espèce 
de peste, comme il s'en produit parfois par suite de la 
stagnation des eaux sur le sol. Les calendriers égyp- 
tiens, dans lesquels sont notés les jours bons ou mau- 
vais, donnent cette indication pour le 19 du mois de 
tybi : « L'air dans le ciel, en ce jour, mêle à lui les 
aatu annuels, n Papyrus Sallier, pi. xv. Dans le 
Papyrus de Leyde, des formules magiques sont four- 
nies pour préserver de Yaat. Quiconque récite ces for- 
mules « est sauvé de Yaat annuel, l'ennemi (la morl) 
ne s'empare pas de lui,... Yaat annuel ne l'abat pas,... 
la débilité ne s'empare pas de lui, Yaat annuel ne le 
tue pas, Yaabu (la maladie) ne le détruit pas. » La 
maladie désignée par le mot aat revenait donc annuel- 
lement; c'était une sorte d'épidémie dont les effets 
pouvaient être mortels, ainsi que le supposent les for- 
mules magiques. Cf. Chabas, Mélanges égyptologigues, 
l re sér., t. i, p. 39 ; Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit. , t. n, p. 331-332. En réalité, 
il n'est pas nécessaire d'identifier le mal qui constitua 
la sixième plaie avec une maladie déterminée. Pour 
cette plaie, comme pour les autres, Dieu se contenta 
de déchaîner un mal que les Égyptiens voyaient de 
temps en temps se produire dans des conditions natu- 
relles; mais il le fit sévir à l'instant indiqué par Moïse, 
avec une soudaineté, une universalité, une intensité 
qui en rendaient le caractère absolument miraculeux. 
La plaie cependant ne parait pas avoir causé la mort, 
comme le font fréquemment les autres maladies épi- 
démiques qui se développent en Egypte. Les pustules 
étaient choses très connues sur les bords du Nil. Les 
Égypliens en furent tous atteints en peu de temps et 
dans des conditions qui ne permettaient pas d'attribuer 
le mal à des agents naturels. Les magiciens eux-mêmes, 
frappés comme les autres, ne furent plus en état de 
paraître devant le pharaon pour remplir leur office 
habituel ; les pustules les défiguraient et on pouvait 
craindre que la, contagion s'en communiquât à la per- 
sonne du prmceVLes animaux échappés à la cinquième 
plaie, c'est-à-dire ceux qui, au moment de cette plaie, ne 
se trouvaient pas dans les champs, Exod., îx, 3, furent 
également frappés d'une épizootie éruptive, analogue à 
la contagion qui atteignait les hommes. D'ordinaire, 
les pustules n'ont de caractère épidémique que sur les 
hommes et sur les troupeaux de moutons; le mal se 
propage alors d'homme à homme, de mouton à mou- 
ton. Dans les races bovine, caprine, chevaline et ca- 
nine, ils n'apparaissent guère qu'à l'état sporadique. 
Cf. Erbstein, Die Medizin, p. 144. A la sixième plaie, 



883 



PUSTULES — PUTIPHAR 



884 



le mal ne se répandit pas par contagion, ce qui eût ré- 
clamé un délai trop considérable; tous les êtres visés 
furent atteints à peu près en même temps d'un mal 
qui déterminait en eux des éruptions cutanées ana- 
logues à celles des hommes, et plus ou moins assimi- 
lables à celles que certaines pestes occasionnent chez 
les animaux. Le texte sacré ne mentionne pas de morts 
parmi les animaux. Il ne dit pas non plus que les pus- 
tules ne sévirent pas parmi les Hébreux, dans la terre 
de Gessen; mais il faut l'inférer de ce qui est remarqué 
à propos des autres plaies. Exod., vin, 22; ix, 4, 26; 
xii, 23. H.Lesètre. 

PUTIPHAR, nom de deux Égyptiens, l'un, le maî- 
tre, et l'autre, le beau-père de Joseph. Leur nom est 
écrit différemment en hébreu, Pôlifar et Pôtifera', 
cependant on s'accorde généralement à regardercomme 
identique^ Jes deux noms Putiphar = Pôtiphar, Gen., 
xxxvn, 36, xxxix, 1, et Putiphare = Pôtiphera', xli, 
45, 50; XL vi, 20. Toutefois Brugsch, Egypt under the 
Pharaohs,t. i, 2 e édit, Londres, 1881, p. 308, fut d'abord 
pour leur non-identité, mais plus tard, Steininschrift 
und Bibelwort, 2 e édit., 1891, p. 83, il se rallia à l'opi- 
nion commune. Les versions grecque et copte sont 
unanimes de leur côté à transcrire d'une façon unique 
les noms de deux personnages : OsTEcppîjç et rUT,q>pfj) 
iiCTetÇpH et neTt^pH. Cf. Champollion, Précis du 
système hiéroglyphique, 1827-1828, p. 177; 0. von 
Lemm, Kleine koptische Studien § x-xx, 1900, § xiv, 
p. 61-62; A.Dillmann, Die Genesis, 6 e édit., 1892, p. 397. 
Leur identité une fois admise, il est permis de discuter 
du même coup la formation de Pôtiphar et de Pôti- 
phera'. Le plu9 grand nombre y voit ou accepte d'y voir 

la forme égyptienne t " lit 9 , P(a)-dy(dou)-pa-Râ. 

« celui que Râ (le soleil) a donné, le don de Rà », en 
grec 'HXiô5»po;. Cf. Sethe, De Aleph prosthetico in 
lingua xgyptiacâ verbi formis prseposito, 1892, p. 31. 

Nous aurions donc ici l'article ■ p, ou jfZn pa, le verbe 

dou, .=— i ou A, et le nom du dieu Râ | précédé d'un 

second article. Les noms déformation semblable, P-dou 
plus un nom de dieu ou de déesse, ne sont pas rares 
sur les monuments. Au British Muséum, deux stèles 
en bois, n. 8482 et 8484, nous donnent pour la XX* dy- 
nastie un certain Auserhaàroua fils de I ^ ,Pa-dou 

Ast, « le don d'Isis », et ("""> Pa-dou-Amew 

« le dond'Amon ».Cf. Budge, A Guide to the thirdand 
fourth Egyptian Rooms, 1904. p. 78 et 75. Une ins- 
cription de la XXI e dynastie fournit "Jt A \> , Pa-dou 
Hor, « le don d'Horus ». Maspero, Les momies de Deif 
el-Bahari, dans Mémoires de la Mission archéologique 
française au Caire, t. i. 1889, p. 522. Avec la]XXII e dy- 
nastie se multiplient les ~ =L , P-dou-Khonsou, 

« le don de Khonsou », les H, P-dou-Ptah, « le 

don de Ptah », etc. Cf. Lieblein, Dictionnaire des 
noms hiéroglyphiques, 1871-1891, n. 1051, 1280, 1305. 
On ne les compte plus sous les dynasties suivantes, 

par exemple, jÉL .=»— i ? , Pa-dou-Bast, & le don de 
Bast », transcrit Pou(oubasti par Assurbanipal, Cylin- 
dre A, col. 1, lig. 98; I"**" , P-dou-Asar, «le don 

d'Osiris ». Cf. Champollion, Grammaire égyptienne, 
1836, p. 310. Les Grecs reçurent ces noms et nous re- 
marquons qu'ils en transcrivent ordinairement les deux 
premières syllables par rUre comme dans IIeTeçp9ie, avec 
des exceptions pourtant : m-tsîitjiç, Ilexexôvutç, IIsto- 
oïpiç, Ile-roëàcrTiç. Cf. entre autres, Grenfell etHunt, The 
Hibeh Papyri, Part, i, 1906, n. 35,. 53, 112; Parthey, 



Aegyptische Personennamen, 1864, p. 79-81 ; Spîegel- 
berg, Aegyptische und griechische Eigennamen aus 
Mumienetiketten der rômischen Kaiserzeit, 1901, 
n. 198 sq. Un observera toutefois que l'article est 
supprimé devant le nom du dieu ou de la déesse et 
qu'au lieu de P-dou-pa-Khonsou et ïï.twitey&-vaiï, par 
exemple, nous avons P-dou-Khonsou et Ùzïexùriaiç. 
Mais il y a des noms égyptiens où le nom du dien 

se préfixe de l'article, ^^"J^^Î^- 
Pa-Amen-bouf-nefer, « la beauté d'Amon », du temps 
de Ramsès II. Virey, Etude d'un parchemin rapporté 
de Thèbes, dans Mémoires de la Mission, t. i, 1889, 
p. 509, Le nom de Râ, en particulier, n'échappe pas à 

cet usage. On rencontre plusieurs yt ^r ,Parà- 

m-heb, « le soleil en fête », à la XVIII e dynastie.'. Virey, 
loc. cit., p. 498. 500; Spiegelberg, The Viziers of the 
New-Empire, dans Proceedings of the Society of Bibii- 
cal Archseology, t. xv, 1892-1893, p. 525, 526; Daressy, 
Notes et Remarques, dans Recueil des Travaux rela- 
tifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et 

assyriennes, t. xvr, 1894, p. 124. A côté de r "^^ 

Râ-holep se trouve la forme Jt ? ^^ Pa-râ- 

holep, « la paix, l'union de Râ, celui que Rà s'unit. » 
Lieblein, loc. cit., n. 2101, 2130, 2131; Spiegelberg, 
Joe. cit., p. 523, 525. Cela nous autorisé à conclure 
avec Heyes, Bibel und Aegypten, 1. 1, 1904, p. 106-107, 
qu'on ne peut pas dire que Pa-dou-pa-râ s'éloigne des 
formes égyptiennes. Nous devons même admettre avec 
le même auteur que, si cet article n'était pas toujours 
écrit, il était souvent prononcé, puisque le nom d'un 
des fils de Ramsès II nous apparaît tantôt sous la forme 
Râ-her-ounem-f, et tantôt sous la forme Pa-râ-her-ou- 
nem-f, « Rà à sa droite ». Lepsius, Kônigsbuch der 
alten JEgypter, 1858, pi. 34, n. 438; Sethe, Untersu- 
chungen zur Geschichte und Altertumskunde JEgyp- 
tens, t. i, 1896, p. 59. Somme loule, il reste probable 
que Putiphar apparlient à la catégorie des noms pro- 
pres ayant pour parties constitutives Pa-dou plus un 
nom de dieu, ici le dieu Râ : Pa-dou-pa-râ. Nous 
disons probable seulement. C'est ce qu'a oublié Stein- 
dorif. Partant de la supposition que Putiphar était à 
n'en pas douter la forme égyptienne pa-dou-pa-râ, il 
a affirmé à deux reprises, Der Name Josephs, dans 
Zeitsch'rift fur àgyptische Sprache, t. xxVH, 1889, 
p. 41-42, et Weiteres zu Genesis, loc. cit., t. xxx, 1892, 
p. 51, que les noms de cette catégorie commenceut 
d'apparaître à la XXII e dynastie, qu'ils deviennent 
fréquents seulement après l'an 700 avant J.-C, et que 
l'écrivain de l'histoire de Joseph, qui introduit le nom 
de Petephrê comme appartenant à des [personnes, 
est, par suite, à placer dans le septième siècle avant 
J.-C. Brugsch lui-même, Steininschrift und Bibelwort, 
1891, p. 83, n'attendait pas la seconde affirmation de 
Steindorff pour écrire : « Les noms propres de Pôtiphar 
et de Pôtiphera', en ancien égyptien Petipherè, « le 
« don du Soleil », qui tous les deux se trouvent dans la 
Bible, marquent par leur constitution qu'ils sont d'une 
époque postérieure au temps de Joseph. Ils sont en- 
tièrement inconnus des monuments anciens quant à 
leur composition o.u forme et ils n'apparaissent pour 
la première fois qu'au neuvième siècle avant J.-C , 
c'est-à-dire quelque mille ans après les faits rapportés 
dans l'Écriture. » La conséquence saute aux yeux : la 
rédaction de l'histoire de Joseph que nous possédons 
serait postérieure à Moïse, d'ailleurs Brugsch l'a dit 
expressément, Deutsche Rundschau, t. xvi, 1890, p. 2't5- 
246. — Mais 1» est-il certain que Putiphar, soit à ratta- 
cher à Pa-dou-pa-râ ? Nous avons dit plus haut que ce 
n'était que probable, c'est-à-dire qu'il y a place pour 
d'autres-probabilités. Aussi Ed. Naville, The egyptian 



885 



PUTIPHAR 



886 



name of Joseph, dans Proceedings of the Society of Ihe 
Biblical Archseology, t. xxv, 1903, p. 160-161, déclare, 
qu'il ne ne peut être d'accord avec Steindorff et qu'il 
est prématuré de vouloir échafauder sur le nom de 
Putiphar une théorie concernant la date de la compo- 
sition de l'histoire de Joseph. « La transcriplion 

yt j , Heliodorus, pour Pôliphera' , semble 

très naturelle à première vue, dit-il, et j'y ai moi-même 
fait appel. Mais on petit apporter contre elle que ce 
nom avec deux articles a une physionomie quelque peu 
étrange. » Naville estime donc que la forme très sem- 
blable JÉL j , Pa-lfotep-rd, et qui se rencontre à 

plusieurs reprises, nous fournirait une meilleure inter- 
prétation. « Nous savons, ajoute-t-il, parles transcrip- 
tions copte et grecque qu'il y avait un ô dans le mot 

, Cet ô correspondrait au cholem du nom hébreu. 

Sur la fameuse statue de Méidoum (Maspero, Guide au 
Musée du Caire, 1902, p. 33, n. 6) nous avons le nom 

de (Rà-hotep), qui est celui d'un grand-prêtre 

d'Héliopolis sous l'Ancien Empire. Il n'est pas impos- 
sible qu'il fût lu (ifotep-Bâ), le nom du dieu 

étant toujours écrit le premier. Ou encore les deux 
formes du nom ont pu coexister, tout comme nous 
trouvons Hotep-Ptah et Ptah-hotep, Jfotep-Halhor 
et Uathor-lxotep. Pa-râ-fiotep existe (voir plus haut) 
et je pense qu'on peut avoir pareillement Pa-hotep-râ, 
Photep-râ, qui transcrirait exactement le nom du 
grand-prêtre de On, Pôtiphera', et serait analogue à 
celui du grand prêtre de l'Ancien Empire. » — 2" A 
supposer même que Padou-pa-râ soit la vraie forme de 
Putiphar, est-il bien sûr que cette forme soit aussi 
récente que le veulent Brugsch et Steindorff? On in- 
voque ici le silence des monuments. Mais en Egypte 
silence des monuments ne dit pas absence des monu- 
ments. On ne sait jamais si les fouilles de demain ne 
viendront pas combler une lacune et renverser les 
théories de la veille, C'est donc peu scientifique d'ad- 
mettre comme un fait acquis qu'où ne peut rencontrer 
de témoignages constatant l'ancienneté de la forme Pa- 
dou-pa-râ et d'en déduire d'une façon absolue la non- 
existence de cette forme avant telle ou telle date. Est-ce 
que Héliopolis, par exemple, a livré tous ses secrets — 
et les livrera-t-elle jamais? Connait-ôn, en particulier, 
Ja nécropole de ses prêtres contemporains des Hyksos 
et du Nouvel-Empire, nécropole qui pourrait nous 
révéler la série des noms héliopolitains pour cette 
époque ? Sayce, The Egypt of the Hebrews, 3 e édit., 
1903, p. 24, a dit excellemment : « Il a été avancé par 
des égyptologues que le nom de Putiphar ne remonte 
pas au delà de la XXII e dynastie, à laquelle apparte- 
nait Scheschankh (Sésac), le contemporain de Roboam' 
Mais de ce qu'aucun nom semblable n'a été trouvé 
jusqu'ici pour une date plus ancienne, il ne Suit pas 
qu'il n'ait pas pu exister. Aussi longtemps que nos 
matériaux seront imparfaits, nous ne pouvons pas tirer 
des conclusions positives simplement de l'absence de 
témoignage. » "W. M. Mûller, art. Pôtiphera II, dans 
Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, 1899-1902, t. iv, 
col. 3814-3815, tout en admettant l'usage relativement 
récent des noms de la catégorie de Putiphar, écrit de 
son côté : « Nos matériaux ne spnt pas encore assez 
complets pour autoriser des affirmations si précises... 
La transcriplion (de Putiphar) avec teth et aln donne 
d'ailleurs une bonne impression d'archaïsme et s'op- 
pose à toute tentative trop extravagante d'en abaisser 
la date. » Lieblein, Mots égyptiens de la Bible, dans 
proceedings, t. xx, 1898. p. 208-209, va plus loin encore : 
« '^Pôtiphera' et Potiphar sont généralement regardés 
comme identiques. Or, Pôtiphera' a été rapproché de 



Jt ? comme appartenant au groupe de noms 
composés de . Cependant je veux faire observer que? 
Potiphar pourrait très bien être assimilé à ' I . 

pt-bar, nom d'un homme qui vivait sous les Hyksos 
et qui était chef des constructions du dieu Amon. » 
Louvre, stèle C 50. Cf. Pierret, Recueil d'inscriptions 
inédites du Louvre, t. i, 1874, p. 50-55. Lieblein ajoute 
que la dernière partie du nom nous donne probable- 
ment le nom de Baal, que la première partie 

joue le même rôle que et que, par conséquent, les 

noms composés de remontent au temps des Hyksos. 

Toutefois, pour le moment, il n'ose l'affirmer sans 
réserve, par suite de doutes qu'il ne peut lever. « En 
tout cas, conclut-il, il est bien certain que les noms 

composés de ne peuvent être employés comme 

argument chronologique quant à la rédaction du texte 
biblique. » Ailleurs, L'Exode des Hébreux, loc. cit., 
t. xxi, 1899, p. 58-59, Lieblein revient sur le même sujet 
de façon plus explicite : « Le nom de Potiphar... pour-» 
rait très bien être identique au nom Pt-bar qui figure 
en tête d'une généalogie dont j'ai donné la table dans 
mon Dictionnaire des noms, n° 553. Potibar est visible- 
ment une composition hybride de égyptien, proba- 
blement identique à , et de I , nom du dieu 

sémitique Baal... Je ne veux pas dire que Potiphar et 
Potibar soient le même individu...; mais je crois que 
les deux sont identiques et qu'ils remontent au même 
temps. » Il y a bien le changement du b en p avec le 
son /, Potibar, Potiphar. Mais ce changement se pro- 
duisait souvent d'une langue à l'autre. De plus le b 
égyptien se rapprochait dans le parler courant du son f 
comme le prouvent certains mots coptes sortis du fonds 
égyptien où b est devenu q. Cf. Loret, Manuel de la 
langue égyptienne, 1889, p. 91; Sethe, Dos àgyptische 
Verbum) t. i, 1899, p. 121. C'est d'après ce parler cou- 
rant que Moïse aura transcrit le mot Potibar, Potiphar. 
j II y a bien aussi qu'au nom de Potibar manque le déter- 

minatif divin Td, Sel, mais ce déterminatif était écrit 

ou omis à volonté, comme en témoigne toute une sérié 
de noms propres dont (a dernière composante est Baal. 
Pour de pareils noms avec le déterminatif, voir Spie- 
gelberg, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xm, 1898, 
p; 5i; Papyrus Golenischeff , pi. i, lig. 16-17, pi, m, 
lig. 7; — sans le déterminatif, Spiebelberg, Studien 
und Materialien zum Rechlswesen des Pharaonen- 
reickes der Dyn. 18-21, 1892, p. 36, 37, 51; Papyrus 
Anaslasi III, 6, 3, et verso.6, 1, 7. Pour toute la ques- 
tion de Potibar, cf. Heyes, loc. cil., p. 110-111. — 
Potiphar peut donc venir ou de Pa-dou-pa-râ ou de 
Pa-hotep-râ ou de Pet-bar. Il n'est point certain que le 
premier n'ait pas existé avant la XXII e dynastie. Nous 
en avons apporté des exemples de la XX e . Les deux 
autres datent de l 'Ancien-Empire et des Hyksos. Cela 
suffit à démontrer que la conclusion chronologique de 
Brugsch et de^Steindorff, dans ce qu'elle a d'absolu, 
est entièrement -gratuite. Nous ajouterons : en admet- 
tant même un instant que les noms propres eussent 
subi des retouches de la part des copistes qui les 
auraient adaptés aux noms à la mode de leur temps, il 
ne s'ensuivrait pas encore que, pour le reste, le texte 
de l'histoire de Joseph ne soit pas de Moïse. 

C. Lagier. 

1. PUTIPHAR (hébreu : Pôtifar; Septante : IIs-csçpTjç), 
grand officier égyptien à qui les Madianites vendirent 
Joseph, fils de Jacob. N 

I. Ses titres. — Le récit biblique note que Putiphar 



887 



PUTIPHAR 



888 



était Égyptien, et non sans raison, puisque sous les Hyk- 
sos, qui devaient appeler aux charges principales sur- 
tout ceux de leur race, il n'en fut pas moins grand offi- 
cier de la couronne, « eunuque du pharaon et chef de 
l'armée, » selon la Yulgate. Gen., xxxrx, i. — 1° Eunuque 
du pharaon. — L'hébreu porte sdrîs dout le premier 
sens est castrat. Chez les sémites on employait le castrat 
dansle service des harems. Putiphar en était-il un? C'est 
possible, si nous jugeons de l'Egypte ancienne d'après 
les autres peuples de l'Orient. A l'exception du peuple 
juif, cf. Lev., xxn, 24; Deut., xxm, 1, tous ces peuples 
polygames pratiquèrent la castration. Hérodote, vin, 
105; Layard, Nineveli and its remains, t. il, 1849, 
p. 324-326, 334, 340; Botta-Flandin, Monuments de Ni- 
nive, t. Il, 1849, pi. 145. C'est possible encore si nous 
voyons et s'il est légitime de voir cette même Egypte à 
travers l'Egypte musulmane où l'eunuque est dans tout 
harem de la haule classe. Les voyageurs à l'envi ont 
parlé des eunuques modernes, de leur recrutement et 
aussi de leur influence. Caillaud, Yoxjage à Méroé, 
t. m, 1826, p. 117-118; E. Delmas, Egypte et Pales- 
tine, 1896, p. 260-251. Cet argument a pari trouve-t-il 
sa justification dans les monumenls antiques de la 
vallée du Nil? Rosellini, Monumenli dell' Egitto e 
délia Nubia, 1836, part. 11, t. nr, p. 132-134, et Monu- 
menti civili, pi. 34, fig. 2; pi. 68, fig. 2; pi. 77, fig. 12; 
pi. 79 et 88, fig. 3, a prétendu avoir rencontré des 
eunuques et les avoir reconnus. Ebers, Aegyplen und 
die Biicher Mose's, 1868, p. 298, les a distingués, 
croit-il, à leur obésité et aux plis graisseux de leur 
poitrine, surveillant des fileuses dans la tombe de 
Khnoumhotep à Beni-llassan. Cf. Newberry, Beni- 
Hasan, part. 1, 1893, pi. xxix. Mais on accordera bien 
que cela ne suffit pas à la démonstration. La preuve 
topique fait défaut et les inscriptions n'en révèlent 
rien. 11 y a mieux. Dans cette même tombe et dans les 
autres du même groupe, il n'y a pas que les surveil- 
lants des fileuses qui soient ainsi, mais c'est la règle' 
générale pour tous les préposés à quelque service, 
comme on peut s'en convaincre à l'examen des scènes 
diverses. Voir Newberry, loc cit., pi. xxx, xii, etc. On 
remarque ailleurs la même loi : les directeurs des 
corps de métiers, le bâton ou la courbache, ou même 
l'aiguillon à la main contrastent par leurs formes re- 
plètes avec la maigreur de l'entourage. On peut voir en 
eux l'embonpoint de l'âge, et non les chairs boursou- 
flées de l'eunuque, ou tout au plus l'application d'un 
canon imposé au peintre et au sculpteur. Cf. La tombe 
d'Apoui, dans Mémoires de la Mission du Caire, t. v, 
I891,pl.netp.610. Voir Eunuque, t. il, col. 2044, fig 622, 
où dans une scène de marché des vendeuses échangent 
aux acheteurs des melons, des poissons, des concom- 
bres contre du blé, une étoffe et le contenu d'un sac. 
Pour le plaisir de la variété, à un seul des acheteurs 
le peintre a donné une taille ramassée, un aspect vieil- 
lot, un torse chargé de graisse. Le rapprocher des ti- 
reurs des chadoufs, pi. i, loc. cit. Tous ces personnages 
ne nous rappellent à peu près rien, par l'ensemble de 
leurs traits, des eunuques que l'on rencontre à chaque 
pas dans les rues du Caire. Leurs pareils, plus ou moins 
âgés, ne sont pas rares au musée du Caire. Bas-reliefs 
20473 et 20474. Sans s'en douter, les premiers égypto- 
logues se sont laissé conduire par l'idée reçue de leur 
temps que l'Egypte sur le point des eunuques devait 
ressembler aux autres nations orientales. Un exemple 
bien connu nous montrera quelle réserve s'impose à 
juger sur la mine des gens peints ou sculptés, et com- 
bien il faut tenir compte de la mode et de la fantaisie 
de l'artiste. Qui plus qu'Anénophis IV Khounaten a 
« dans l'ensemble de sa* personne ce type particulier 
et étrange que la mutilation imprime sur la face, les 
pectoraux et l'abdomen des eunuques? » Mariette, cité 
par Lenormant, Bistoire ancienne de l'Orient, t. n, 



9 e édit., 1882, p. 212. Qui plus que lui a été traité d'eu- 
nuque? Ce prince, toutefois, non seulement était marié, 
mais l'on voit avec ses années de règne le nombre de 
.«es filles augmenter. Il en eut jusqu'à sept. Cf. Mas- 
pero, Bistoire ancienne de l'Orient classique, t. n, 
1897, p. 326, fig. p. 328. 

A défaut des représentations, l'existence du harem 
royal nous révélera peut-être l'existence des eunuques. 
En effet, à côté de la reine, son épouse légitime, dame 
de fa maison, libre de ses mouvements, commandant 
à un nombreux personnel, le roi possédait un harem 

flfll » m ou , hhent. Cf. Maspero, loc. cit., 

t. I, 1895, p. 270. Le Khent avait sa hiérarchie de fonc- 
tionnaires : un intendant, Papyrus judiciaire de 
7ur»'»,iv, 4 ; des scri bes, IV, 5 ; v,10,et Mariette, Catalogue 
général des monuments d'Abydos, 1880, n. 686, 719; 
des délégués, Papyr. jud. de Turin, v, 9 ; des por- 
tiers, V, 1, et stèle C 6 du Louvre. Or, de plusieurs de 
ces fonctionnaires, et précisément de ceux qui pas- 
saient leur vie dans le harem, les portiers, nous savons 
qu'ils étaient mariés. Papyr. jud. de Turin, V, 1, Celui 
de la stèle C 6 du Louvre, nommé Kefenou, avait de 
nombreux enfants. Sans doute les Égyptiens en contact 
avec les peuples d'Orient ont dû connaître l'institution 
des eunuques. Mais autre chose est connaître une ins- 
titution, autre chose l'admettre chez soi. Aucune mo- 
mie n'a révélé l'aspect d'une opération faite durant la 
vie. On ne peut pas s'appuyer sur la légende d'Osiris 
émasculé par Typhon son ennemi à qui Horus fit su- 
bir la peine du talion. Texte des Pyramides, Teti, 
lig. 276-277; Pepi, 1, lig. 30-31; Lefébure, Sur diffé- 
rents mots et noms égyptiens, dans Proceedings, etc., 
t. xm, 1890-1891, p. 342-353; Plutarque, De Iside et 
Osiride, c. lv. C'est une pure légende qui peut reflé- 
ter une coutume d'ennemi à ennemi, mais aucunement 
un usage de la vie sociale. Visiblement inspiré de cette 
légende, dans la partie qui nous concerne, Le conte 
des deux frères, que l'on a parfois invoqué, n'a pas 
plus de valeur. Papyrus d'Orbiney, p. 7, lig. 9, et p. 9, 
lijj. 6; Maspero, Les contes populaires de l'ancienne 
Egypte, 3 e édit. (1905), p. 9-12. Il est très probable 
même que le terme d'eunuque, au sens strict, n'existe 
pas dans la langue égyptienne. Si on avait eu la chose, 
comment le mot ne se rencontrerait-il pas et même 
souvent? Lefébure, loc. cit., p. 345, a cru toutefois le 

reconnaître dans S <•* %k , hem ou hemti, de J, hmt, 

« femme ». Mais ce mot se traduit d'ordinaire par 
« lâcbe », « poltron », et dès l'Ancien Empire, ne se 
trouve jamais que comme une épithète flétrissante 
jetée à la face des gens de rien. Maspero, Études égyp- 
tiennes, t. il, p. 82; Champollion, Notices, t. n, p. 186; 
Stèle de Pianchi, où il est dit qu'il n'y a « pas de durée 
à une armée dont le chef est hemti. » Lefébure le 
constate lui-même, p. 342, 456. Dès lors hemti ne 
peut convenir à Putiphar, et si celui-ci était l'eunuque 
du pharaon, ce ne peut être qu'exclusivement dans 
un sens dérivé. Eunuque devint en effet dans les lan- 
gues sémitiques synonyme d'attaché au prince, de mi- 
nistre de la Cour, cf. Gesenius, loc. cit., probablement 
parce que, en Asie, spécialement à Ninive et à Baby- 
lone, les eunuques parvenaient aisément aux postes les 
plus importants. 11 est tout naturel, par suite, que l'hé- 
breu désigne par ce nom l'officier du palais du pha- 
raon. C'est avec ce sens d'officier que le mot sâris péné- 
tra en Egypte aux basses époques, du lemps de Cambyse, 
de Darius et de Xerxès,et on le lit dans les inscriptions 
rupestres de l'Ouadi Hammamat. Rosellini, Monumenti 
slorici, l. n, pi. 11 c et p. 174; Golenischeff, Bamma- 
mat, pi. 18. L'inscription de l'an XXXVI de Darius et 
de l'an XIII de Xerxès se termine par ces mots : 

« Fait par le sâris, M _~- , de Perse, prince de Coptos 



PUTIPHAR 



890 



Ataiouhi. » Sous ce mot sârîs n il faut évidemment 
comprendre ici l'officier. » W. M. Mûller, toc. cit., 
Col. 3813. Par ailleurs, Putiphar était marié, et cela 
montre bien l'idée que l'écrivain sacré attachait au 
mot sdrïs en le lui appliquant. Que l'on n'objecte pas 
que l'on a vu des eunuques mariés et possédant même 
un harem. Ebers, loc. cit., p. 299. Ce sont là chez les 
musulmans des cas exceptionnels qui n'infirment pas 
la règle générale et qui, du reste, ne pouvaient se 
produire chez les Égyptiens, d'après ce qui a été dit 
plus haut. Putiphar était donc un officier, du palais, 
probablement un de ces connus du roi, de ces amis 
uniques, de 'ces courtisans, en un mot, à qui le pha- 
raon distribuait les emplois de confiance. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. i, p. 287-281. 

2° Car hat-tabbaîm. — Tel est le nom hébreu de la 
charge confiée à Putiphar. Si nous consultons les Sep- 
-tante, il faudrait entendre par là « le chef », sar, « des 
cuisiniers », hat-tabbaîm : àf>-/mcifeîpoç. En effet, 
tabbah, I Reg., IX, 23, 24, désigne un cuisinier, et la 
position de chef des cuisines royales pouvait être inv 
portante à la cour, si nous supposons qu'elle donnait 
autorité sur l'armée des officiers de bouche. Cf. Mas- 
pero, loc. cit., p. 279-280; Études égyptiennes, t. n, 
p. 10-11, 61-63, où la liste de ces nombreux personnages, 
d'après le Papyrus Uood, est donnée par ordre hié- 
rarchique; Brugsch, Die Aegyptologie, 1897, p. 219- 
221. Mais rien ne nous prouve que le surintendant des 
cuisines eût un pouvoir si étendu, et cela serait-il que 
la traduction des Septante n'en serait pas justifiée, car 
tabbah a bien plutôt le sens de « celui qui tranche 
égorge, tue », d'où satellite, garde du corps. Cf. Gese- 
nius, Handw., 9 e édit. , p. 303. ?ar hal-tabbahim semble 
donc désigner une fonction militaire, soit le chef de 
ceux qui exécutent les ordres du maître. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. h, 
p. 33. C'est ainsi que l'a compris saint Jérôme 
qui rend l'expression par magister miliium, Gen., 
xxxvu, 36; pr inceps exercitus, xxxix, 1; princepsmi- 
litum, xl, 3, xli, 10; dux militum, xli, 12; cmtos 
carceris, xl, 4. Et cela avec d'autant plus de raison 
que le même titre devenu plus tard rab-tabbah.îm 
marque une dignité militaire pour Nabuzardan, 
•IV. Reg., xxv, 8, 11, 20, Jer., xxxix, 9, etc., et pour 
Arioch, Dan., n, 14, quoique les Septante continuent à 
le traduire par àpxijiàfsîpoç. Le Targum d'Onkelos et 
la version syriaque, rendant sar hal-tabbahîm par 
« chef des exécuteurs » ou « chef des gardes du corps »> 
confirment la nature des fonctions de Putiphar, Pour 
les Septante, « on ne peut rendre compte de leur tra- 
duction qu'en supposant qu'ils ont vu une allusion 
aux fonctions de Putiphar dans le passage où Moïse dit 
que le maître de Joseph ne s'occupait de rien si ce 
n'est de ce qu'il mangeait. » Vigouroux, loc. cit., 
p. 32; Gen., xxxvi, 9. 

Si nous consultons maintenant les documents an- 
térieurs à la XVIII e dynastie, c'est-à-dire les documents 
qui ne dépassent pas l'époque de Joseph, nous verrons 
que plusieurs titres militaires peuvent convenir à Pu- 
tiphar. Il était peut-être un de ces chefs d'armée 

%k - — Ul£; i , nier mSà, que nous rencontrons déjà 

sous l'Ancien Empire, Sethe, Urkunden des Alten 
Reichs, t. i, 1903, p. 92, lig. 1 et p. 148, lig. 3, 16, que 
nous retrouvons à la XII e et à la XIII e dynastie. Breasted, 
The Wadi Halfa stela of Senwosret I, dans Procee- 
dings, etc., t. xxm, 1901, pi. 233 et pi. m, lig. 11, 23; 
.Lepsius, Denkmâler, n, pi. 151 c. Ou bien encore avait-il 
reçu le commandement des Mazaiou. Ces mercenaires 
nubiens, voir Phuth, col. 348, qui, dès l'Ancien Empire, 
servent dans les armées égyptiennes, Sethe, loc. cit., 
p. 10/1, lig. 14, et qu'on a chargés delà sécurité publique. 
Le Papyrus xym de Boulaq, qui date de la fin du 



Moyen Empire parle des Mazaiou et des capitaines ou 

« grands de Mazaiou, » J^ ^~, ^ ^ ^' \ \ ) $ , ur 

n Mazaiu. Borchardt, jain Reichnungsbuch des KOnig- 
lichen Hofes, dans Zeitsehrift fur âg. Spr., t. xxviii, 
1890, p. 94-97. Putiphar put être surtout du nombre 

de ces suivants 1 V, ëemsu, qui apparaissent de 

bonne heure autour des rois. Un certain Thethi, par 
exemple, ne quittait pas d'un pas ses maîtres Antef I et 
Antef II. Breasted, Ancient Records, t. i, 1906, p. 202- 
203. Ces suivants ou gens de la suite, vrais gardes du 
corps, se multiplient sous la XII 8 dynastie. Cf. Mariette, 
Catalogue d'Abydos, n. 634, 649, 699, 744; Lepsius, 
Denkmâler, n, 136 e, g, 138 g, 144 i, k. Le Papyrus 
xvin de Boulaq contient aussi une liste de suivants 
stationnant à la cour avec leurs officiers. Borchardt, 

loc. cit., p. 92-94. Les officiers portent le titre de fit, 
seliez setnsu, « commandant des suivants ». Cf. Ma- 
riette, loc. cit., n.664, 780, 864. A ces gens de la suite 
le roi donnait les charges et les missions importantes. 
Témoin cet Aménémhat cumulant les titres de com- 
mandant des suivants et de commandant de la milice 
nationale, Lepsius, loc. cit., il, 138 a, qui formait en 
Egypte une classe spéciale. Maspero, Études égyp- 
tiennes, t. n, p. 34-36. Témoin encore ce Sehotepabra, 
« le suivant de son maitre dans toutes ses allées et 
venues, surintendant de tous les travaux du palais, 
chancelier, etc., » qui demande d'être après sa mort 
« un suivant de Dieu ». Maspero, Sur une stèle du 
Musée de Boulaq, dans Études de mythologie et d'ar- 
chéologie égyptiennes, t. îv, 1900, p. 134-137 [Biblio- 
thèque égyptologique, vin). Une stèle récemment dé- 
couverte, celle de Sebekhou, surnommé Zaa, nous 
montre où pouvait arriver un suivant entre les mains 
du roi. Zaa fit d'abord partie, en qualité de suivant, de 
la troupe personnelle d'Osortésen III; puis il en de- 
vint un des chefs, sehez; puis il obtint la charge de 
« grand ouârtou », quelque chose comme gouverneur 
de la résidence royale. Garstang, Et Arabah, 1901, 
pi. rv-v, p. 32-33. Quelques années plus tard, après 
l'achèvement de sa stèle, en l'an IX d'Aménémhat III, 
nous retrouvons Zaa à Senméh relevant la côte du 
Nil à la seconde cataracte. Il était alors « ouârtou du 
souverain ». Lepsius, loc. cit., n, 136 b. — A côté des 
suivants se trouvaient ceux que les textes nomment 
« les hommes du cercle », les familiers de l'entourage 

immédiat du pharaon : X. Il m ' Na^ ' > Senitu. Entre 

ces derniers et les premiers la différence n'était peut- 
être — cela soit dit sous toute réserve — qu'une question 
de degré de courtisan à courtisan. Les familiers n'au- 
raient été que les premiers des suivants. Ainsi le sui- 
vant Sehotepabra était en même temps « le familier 
du roi, se tenant derrière son maître, » pour le proté- 
ger, « le véritable ami de cœur, le confident intime, etc. » 
Maspero, toc. cit., p. 136-137, Plus tard, dans une liste 
de charges, on signale parmi les premiers dignitaires 
de la Cour un « commandant des soldats doyens des 
familiers » ou vétérans de la garde. Maspero, Études 
égyptiennes, t. il, p. 23-24. Il serait bien tentant de 
voir dans les «^suivants » et les « familiers » ceux que 
la Bible appelle les eunuques de pharaon. C'étaient là 
des titres qui n'indiquaient pas une fonction définie, 
semble-t-il, mais plutôt une prérogative de cour, une 
aptitude à remplir les premières charges, comme celles 
de grand échanson, par exemple, ou de grand panetier. 
Gen., xl, 1. Putiphar lui-même, en qualité de suivant 
ou de familier aurait été choisi pour être soit général 
d'armée, soit capitaine des Mazaiou, soit chef de la mi- 
lice, soit commandant de la garde du corps, et à tous 
ces titres la prison d'État aurait été sous ses ordres, 
pour une part au moins, cette prison où il lit jeter 



891 



P1TIPHAR 



892 



Joseph. Gen,, xxxix, 20; XL, 3; xli, 10. Nous en.avons 
assez dit pour montrer qu'à la Cour nombreuses étaient 
les fonctions militaires qui purent échoir à Putiphar. 
Lés expressions vagues de la Bible, d'une part, et, de 
l'autre, les mystères qui enveloppent encore la hiérar- 
chie égyptienne ne permettent pas de faire un choix 
entre elles. Toutefois, si l'on peut marquer une préfé- 
rence, ce serait pour le commandant des vétérans de 
la garde que Maspero, foc. cit., p. 24, et Brugsch, Die 
Aegyptologie, p. 213, identifient avec V &pxt.ata\x<XTayùla. f , 
dont il est si souvent question à l'époque ptolémaïque. 
Strack, Die Dynastie der Ptolemaër, 1897, p. 219, 246, 
251,252, 256,*257, 275 ; Grenfell, Greek Papyri, 1896, 
n. xxxvih, lig. 1, p. 69; n. xlii, lig. 1, p. 73. 

II. Putiphar et Joseph. — Putiphar s'aperçut vite 
que le Seigneur était avec Joseph et qu'aux mains de 
celui-ci toutes choses prospéraient. Il le tira doncdu rang 
des esclaves, le mit à la tête de sa maison et en fit l'ad- 
ministrateur de tous ses biens. Maison et biens furent 
bénis à cause de Joseph, au point que Putiphar lui en 
abandonna la pleine direction, ne s'informant plus de 
rien avec lui, et n'ayant d'autre souci que de prendre 
sa nourriture. Gen.. xxxix, 3-6; cf. le texte hébreu. Moïse 
ne pouvait mieux exprimer la confiance absolue de Pu- 
tiphar en son serviteur devenu le surintendant — le 
wakil moderne — d'une grande maison et de ses domai T 
nés. Voir Joseph, t. m, col. 1657-1658; cf. Heyes, Bi- 
bel und Aegypten, t. i, p. 125-128. Putiphar, d'ailleurs, 
en jetant ainsi les yeux sur un, esclave étranger, restait 
dans la tradition des bords du Nil. Tout nous montre 
que l'Egypte ne fut jamais un pays fermé. Le mérite 
d'un étranger, même esclave, y était reconnu et mis à 
profit. Aux exemples déjà cités, voir Pha.ra.on, col. 202, 
on peut ajouter le sémite Jsaa premier officier de bou- 
che de Thothmès I er . Wiedemann, Ëgyptian monu- 
ments at Dorpat, dans Proceedings, t. xvi, 1894, p. 154- 
155; le juge Pa-Jmerui, « l'Amorite », dont la femme 
se nommait Karouna et dont les deux fils aux noms 
égyptiens étaient l'un, Ouser-min, prêtre, l'autre, Meri- 
na, le suivant et le porte-carquois de Thothmès III. 
Mariette, Catalogue d'Abydos, n» 1055. Et nous ne sa- 
vons pas combien d'autres étrangers se cachent sous le 
nom égyptien qu'ils reçurent, à l'exemple de Joseph, 
Gen., xli, 45, en guise de lettres de naturalisation, au 
moment de leur élévation. Tous, en effet, n'imitent pas 
Ramsès-m-per-râ, le premier porte parole de Meneph- 
tah, qui se vantait d'être le chananéen.Ben-Matana, Ma- 
riette, loc. cit., n. 1136. On ne compte pas moins de sept 
fonctionnaires d'origine étrangère dans l'affaire de la 
conjuration contre Ramsès III. Cf. Deveria, Le Papy- 
rus judiciaire de Turin, dans Mémoires et fragments, 
t. n, 1897, p. 207, 209, 211, 213, 215, 218,221 {Biblioth. 
égypt., \). Il faut y joindre un autre coupable signalé 
par le Papyrus Lee n" i, lig. 4. Deveria, loc. cit., 
p. 197. — Mais voici que Joseph fut sollicité par la fem- 
me de son maître et accusé du crime qu'il avait refusé 
de commettre. Gen., xxxix, 7-19. Putiphar s'indigna 
grandement et le fit jeter dans la prison où étaient dé- 
tenus les prisonniers d'État : jï. 19-20. Ce traitement a 
paru trop doux à plusieurs et ils ont cherché à l'expli- 
quer par le fait que Putiphar aurait eu des doutes sur 
la réalité des faits. Crellier, La Genèse, 1901,. p. 372, 
n. du y. 20, dans La Sainte Bible de Lethielleux. Il se 
peut que Putiphar ait eu ces doutes. Pourtant Moïse ne 
nous y fait guère songer quand il nous dépeint la colère 
de Putiphar devant l'accusation portée par sa femme 
contre Joseph. L'effet de cette colère va tout entier con- 
tre celui qu'il fait emprisonner en vertu de son droit 
de maître offensé et que, par suite, il parait croire sim^ 
plement coupable. En tout cas, là se bornait son rôle 
et l'accusé tombail dès lors sous la juridiction de lajus- 
tice royale. A celle-ci revenait le soin de la procédure : 
enquête préliminaire, réunion du tribunal, interroga- 



toire, audition, des témoins,, puis jugement, Capart, 
Esquisse d'une histoire du droit pénal égyptien, 1960, 
p. 15-32, extrait de la Revue de l'Université de 
Bruxelles, t. y, 1899-1900 février. Un papyrus de Bo- 
logne, qui date des Ramessides, contient un cas tout 
à fait semblable. Un esclave syrien s'est échappé du 
temple de Thot d'Hermopolis, Le maître, le grand prê- 
tre Ramessou, charge son fils de retrouver le fugitif 
qui est livré à la justice. Celle-ci décidera de l'affaire 
dans ses grandes assises. Revillout, Notice des papyrus 
démotiques archaïques, 1896, p. 127-128; Mélanges de 
métrologie, 1895, p. 437-439. L'acte de Putiphar n'a- 
boutissait donc qu'à la détention préventive, il ne pré- 
jugeait rien, ,et il ne faut pas le mesurer à la peine 
réservée par la loi aux adultères.! Moïse n'a pas jugé 
à propos de nous dire quel fut le résultat de la procé- 
dure contre Joseph. Il est probable que le crime ne fut 
pas établi ni son innocence complètement reconnue, 
pour une cause ou pour, l'autre, car il demeura en 
prispn, environ trois ans. Gen., xli, 1, 46. Gunkel, Die 
Genesis, 1901, p, 382-383, a prétendu, au contraire, 
qu'il, est à peine croyable qu'un esclave, sous l'accusa- 
tion d'avoir attenté à l'honneur de sa maîtresse, ait 
été, mis en prison. Le châtier sévèrement, ou le rendre 
eunuque, ou l'appliquer à des travaux plus durs, ou le 
vendre, cela se concevrait encore; mais le mettre en 
prison et se priverainsi de son travail, on ne l'imagine 
pas. C'est là un raisonnement en l'air. 11 ne tient pas 
compte des lois égyptiennes relatives à l'adultère, à 
cet adultère si redouté devant le juge des morts et qui 
interdisait l'entrée du ciel, Pierret,Xe livre des morts, 
1882, p,,370. Aux anciennes époques, l'adultère était un 
crime capital., « Une femme dont le mari est éloigné 
te remet des écrits, dit le scribe Ani, t'appelle chaque 
jour si elle n'a pas de témoin. Elle se tient debout, je- 
tant son filet, et cela peut être réputé crime digne de 
mort, même quand elle n'a pas accompli son dessein en 
réalité. » « C'est un homme qui court à la mort celui 
qui va auprès de la femme ayant un mari, » dit un 
papyrus du Louvre. Revillout, Notice, p. 210. Au Pa- 
pyrus Weslcar, « la Majesté, du roi de la haute et de la 
basse Egypte, Na.bka, à la voix juste, fit conduire la 
femme (adultère) d'Ouabou-anir au côté nord du palais; 
on, la brûla et on jeta ses cendres au fleuve. » Maspero, 
Les contes populaires, 3° édit., p. 27. Ce n'est que bien 
plus tard et sous l'influence des étrangers que s'adou- 
cirent les peines contre l'adultère. Vers l'époque ro- 
maine, « elles condamnaient celui qui avait fait violence 
à une femme libre à la mutilation. Pour l'adultère com- 
mis d'un consentement mutuel, l'homme était condamné 
à recevoir mille coups de verge et la femme à avoir le 
nez coupé. » Diodore, i, 78. — Le raisonnement de 
Gunkel ne tient pas davantage compte de la condition 
sociale de l'esclave en Egypte, Le papyrus de Bologne 
cité plus haut nous a montré que, au cas de délit, on 
poursuivait l'esclave en justice comme un homme libre, 
et, par conséquent, il devait avoir la même prison que 
les autres prévenus. « L'esclave, ainsi compris, n'était 
nullement celui dont le vieux Romain nourrissait à son 
gré ses poissons et qu'il pouvait brutaliser, violer ou 
tuer à son gré. » Revillout, Précis du droit égyptien, 
t. il, 1903, p. 885. Le même auteur dit encore :~ <t Si la 
Genèse nous montre Petiphra ou Putiphar livrant à la 
justice et faisant enfermer en prison son esclave Joseph, 
acheté pour de l'argent, dont il avait à se plaindre, les 
documents égyptiens ne sont pas moins formels pour 
une multitude d'esclaves se trouvant dans les mêmes 
conditions, » p. 971, n. 1. Cf. Cours de droit égyptien, 
t. i, 1884, p. 89-96. — Que Putiphar fût différent du 
gouverneur de la prison, sarbêf lias sohar, cela ressort 
de la Genèse, xxxix, 19-21. Ce gouverneur, du chef de sa 
charge, peut être dit, comme Putiphar, le maître de 
Joseph prisonnier, xl, 7, texte hébreu, et celui-ci. son 



PUTIPHAR — PYGARGUE 



894 



serviteur, xli, 12. La seule chose qui fasse difficulté, 
c'est qu'il est désigné aussi sous. le titre de sar hat- 
tabbahîm, et la prison elle-même est appelée la prison 
du sar hat-tabbahim, xl, 3; xli, 10. Mais le gouverneur 
de là prison, en vertu même de son titre et comme 
ayant des gardes sous ses ordres, pouvait bien être sar 
hat-tabbahim, quoique à un degré inférieur à Putiphar. 
Ce que nous savons de la hiérarchie égyptienne, de l'ac- 
cumulation des titres sûr un même personnage, du 
nombre des titulaires pour une désignation honorifique, 
ne s'oppose pas à eette explication. Une autre solution 
est celle de Delïtzsch, Die Genesis, t. n, 2 e édit. p. 94 : 
« Putiphar était comme sar hat tabbahîm à la tête du 
pouvoir exécutif. La prison d'État était sous ses ordres 
et le sar bel has sohar était ainsi son subordonné. Cette 
distinction fait évanouir la difficulté imaginée par Tuch 
et Knobel, d'après lesquels Joseph aurait dû avoir 
deux maîtres qui 'auraient dû être l'un et l'autre chefs 
des gardes du corps. » 

Bibliographie. — Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, 6 e édit., t. n, p. 23-33, 68-69; Heyes, 
Bibel und Aegypten, t. i, 1804, p. 105-112, 117-128. 

C. Lagier. 
. 2. PUTIPHAR (hébreu : Potivhera' ; Septante : Ile- 
T£?pfi), prêtre d'Héliopolis. Voir Héliopolis, t. m, 
col. 1571-1575. A l'époque où nous sommes, Héliopolis, 
avec son temple de Rà ou du soleil, est le centre reli- 
gieux le plus célèbre de l'Egypte, comme il en est le 
plus ancien. Les rois de la V e dynastie se glorifiaient 
déjà de tenir leur origine de Râ. Le premier d'entre 
eux, Ouserkaf, aurait commencé par être grand-prêtre 
d'Héliopolis. Papyrus Westcar, pi. ix, lig. 11-12; 
Erman, Die Mârchen des Papyrus Westcar, t. i, 1890, 
p. 20,' 55. Il introduisit dans le protocole royal le titre 

de i^, sa râ, « fils du Soleil », qui désormais n'en 

sortira plus, et que les rois Ryksos portent comme leurs 
devanciers indigènes. Ce n'est pas seulement son dieu 
qui rendit Heliopolis illustre, mais c'est aussi son col- 
lège de prêtres, réputé dès l'origine pour la profondeur 
de sa science et à qui l'on doit, au moins comme 
inspiration, la plus grande partie de fa littérature 
religieuse d'Egypte. Cf. Erman, Life in ancient Egypt, 
Londres, 1894, p. 27. Le grand prêtre de l'endroit était 
un des premiers personnages du royaume. Ail titre de 

^|k «=- il', mer henu neleru, « administrateur des 

prophètes », qui lui était commun avec tous les autres 

grands-prêtres, il joignait les épithètes de *T , ur-ma, 

« le grand veilleur », « celui qui voit les secrets du 
ciel », « le chef des secrets célestes ». Mariette, Monu- 
ments divers, 1872-1877, n° 18; Id.. Mastabas, 1881- 
1887, n» 149. Il n'avait donc pas son pareil comme 
astronome et astrologue. Une statue de la XVIII e 
dynastie nous montre Anen, grand prêtre d'Hélio- 
polis, avec la peau de panthère semée d'étoiles, pour 
bien nous marquer l'objet spécial de ses études 
(fig. 204). Alors même qu'Amon fut devenu sous le 
second empire thébain le dieu national de l'Egypte, 
voir No-Amon, t. iv, col. 1641, et quoique son grand- 
prêtre se déclarât « chef des prophètes des dieux de 
Thèbes et de tous les dieux du sud et du nord, » 
Mariette, Catalogue d'Abydos, n. 408, Héliopolis et ses 
prêtres ne perdirent rien de leur renommée. Comme 
autrefois le prince Rahotep, Mariette, Monuments 
divers, loc. cit., nous voyons deux autres prinees, 
portant le même nom de Meri-Atoum, l'un fils de 
Ramsès II, l'autre fils de Ramsés III, être grands 
prêtres d'Héliopolis. A l'époque d'Hérodote, il, 3, les 
prêtres du collège héliopolitain étaient toujours regardés 
comme les plus savants d'entre les prêtres égyptiens, 
).oYicitaTot. Bientôt Platon, Eudoxe et d'autres viendront 
leur demander le dernier mot de la sagesse. — Par le 



fait donc de son titré de prêtre et probablement de 
grand-prêtre d'Héliopolis, Putiphar avait rang parmi 
les courtisans les plus rapprochés du trône. Sa fille 
pouvait aspirer à la main des plus grands, même, à une 
main royale. Voir Pharaon, col. 202. Le roi la donna 




204. — Anen, grand-prètre d'Héliopolis. 
Statue de la XVIII e dynastie. Musée de Turin, 

à Joseph. Gen., xli, 45. C'était du même coup honorer 
grandement son nouveau ministre et lui assurer le 
respect du peuple. C. Lagier. 

PUTOIS, petit quadrupède carnassier, répandant 
une odeur désagréable, et probablement confondu avec 
ses analogues, la belette, voir t. i, col. 1650, et la marte. 
Voir t. iv, col. 822. 

PYGARGUE (hébreu : dison; Septante : ■Kv^apYoç; 
Vulgate : py g argus), espèce d'antilope. Voir Antilope, 
t. I, col. 669. Le mot dison ne se lit qu'une seule fois, 
Deut., xiv, 5, comme nom d'un animal qu'il est permis- 
se manger. Les Septante traduisent ce mot par 
irjyapYOî! animal qui a l'arrière-train blanc, et qn'Hé- 
rodote, rv, J&1, "place dans le nord de l'Afrique en 
compagnie des chevreuils et des bubales. Le pygargus 
est pour Pline, H. N., vin, 53, 79, et pour Juvénal, xi, 
138, une espèce de gazelle ou d'antilope. Le nom de 
pygargue est probablement commun aux antilopes à 
croupe blanche, et l'on identifie communément le dîSon 
avec l'antilope addax, que les Arabes appellent adas 
ou akas, et qui serait celle que P.Iine, H. N., xi, 37, 
45; rai, 53, 79, nomme arpeifuxspwç, strepsiceros, qui 
a les cornes recourbées en forme de lyre. Voir t. i, 
fig. 162, col. 669. L'antilope addax vit, en troupes peu 



895 



PYGARGUE — PYRAMIDE 



896 



nombreuses, dans le Sahara, la Nubie, PÉgypte et 
l'Arabie. Elle est bien connue des Bédouins, qui la ren- 
contrent au sud de la mer Morte. La forme de ses 
cornes, permet de la distinguer facilement de l'oryx et 
du bubale. C'est un bel animal, qui a près de trois 
pieds et demi de haut aux épaules et dont les cornes 
ont deux pieds et demi de long. Il est tout blanc, avec 
une courte crinière noire et une nuance fauve sur les 
épaules et le dos. Cf. Tristram, The natural hislory of 
the Bible, Londres, 1889, p. 126. H. Lesêtre. 

PYGMÉES (hébreu : Gammadîm; Septante : 
ç-iXaxe;; Théodotion : rou.ta?îu.; "Vulgate : Pygmxi), 
nom d'un peuple qui fournissait des archers à Tyr. 
Ezech., xxvii, 11. La véritable signification de ce nom 
a été problématique pour les anciens traducteurs eux- 
mêmes qui l'ont rendu de manières fort différentes. 
Les Septante ont traduit ç-jXaxe;, « des gardes », 
comme s'ils avaient les Sômrîm; Symmaque, divisant 
le nom, a lu gâm Mâdîm, « et aussi les Mèdes; » la 
paraphrase chaldaïque, dérivant le mot de Gomer, a 
entendu les Cappadociens qu'elle prend pour les des- 
cendants de Gomer. Cf. Ezech., xxxvm, 6. Les rabbins, 
de même qu'Aquila et la Vulgate, rattachent Gam- 
madimk gômèd, « coudée », cf. Gesenius, Thésaurus, 
p. 292, parce qu'ils ont cru que ce mot signifiait « des 
hommes d'une coudée », c'est-à-dire les Pygmé s, 
dont le nom vient de tcuyM» « P°ing, coudée ». Mais 
Saint Jérôme, In Ezech., xxvii, 11, t. xxv, col. 252, 
donne une autre étymologie : Pygmxi sunt, dit-il, hoc 
est, bellatores et ad bella promptissimi, ômb tîiç 
iru-fu,^;, 9*** greeco sermone in « certamen » vertitur. 
Quoi qu'il en soit de cette étymologie, les modernes 
ont donné des explications encore plus diverses mais 
purement conjecturales, quoique plusieurs traduisent 
encore par « hommes vaillants, braves soldats ». Le 
contexte d'Ézéchiel, décrivant les auxiliaires de Tyr, 
semble exiger un nom de peuple, et on l'admet assez 
généralement aujourd'hui, mais on ne connaît pas de 
ville du nom de Gamad. Le P. Knabenbauer, Comment, 
in Ezech., 1890, p. 272, pense avec Cornill que nnoi 
est une altération de nnia, les Samaréens, Gen., x, 18, 
qui habitaient entre Arvad et Émath (Hamath). D'autres 
pensent que ce sont les Gamales de Pline, H. N., Il, 93, 
édit. Lemaire, 1827, t. i, p. 418. « Pygmœi, dit Huré, 
Dictionnaire de philologie sacrée, édit. Migne, 1846, 
t. m, col. 649, sont des peuples de Phénicie, braves à 
la guerre appelés en hébreu Gammadsei, Cubitales, 
parce qu'ils habitaient près de la mer, dans une langue 
de terre faite en forme de coude. Plin., n, 91 (93). » — 
La découverte des lettres de Tell el-Amarna a fourni 
une explication nouvelle. 11 y est question des Qamadu 
= Kutnidi, peuplade voisine de PHermon. Buhl, 
Gesenius' Handwbrterbuch, p. 156. Cf. Kamid el-Lauz, 
dans Ed. Robinson, Biblical Researches, 2 e édit., 1856, 
t. m, p. 425. Ces Qamadu peuvent être les Gamma- 
dim. Voir aussi Nègres, 3°, t. iv, col. 1562. — Ézé- 
chiel, xxvu, 11, dit que les Gammadîm étaient sur les 
tours de Tyr, dont ils avaient la garde ; ils suspendaient 
leurs boucliers à ses murs. F. ViûoUROi'x. 

PYLE Thomas, théologien anglican, né en 1674 à 
Stodey dans le comté de Norfolk, mort à Swaffham dans 
le même comté le 31 décembre 1756. Après avoir étudié 
à Cambridge, il fut chargé de la paroisse de Sainte- 
Marguerite à Lynn et obtint une prébende à Salisbury. 
Il a publié : A paraphrase, with short and useful notes 
on the Books of the Old Testament, 4 in-8°, Londres, 
1717-1725 ; A paraphrase with notes on the Révélation 
of St. John, ,in-8°, Londres, Ï735; A paraphrase with 
notes on the Acts of the Apostles, and upon ail the 
Epistles, 2 in-8», 1725; 3« édit., 1737. —Voir W. Orme, 
Biblioth. biblica, p. 365. B. Heurtebize. 



PYRALE, insecte lépidoptère nocturne, dont la 
chenille est particulièrement nuisible à la vigne. Cette 
chenille (fig. 205) a le corps ras ou garni de poils rares 
et courts. Elle s'attaque aux arbres fruitiers. Elle vit 
dans les feuilles roulées en cornet, repliées sur leurs 
bords ou réunies ensemble. Certaines espèces se nour- 
rissent aux dépens des bourgeons de la vigne : d'autres 
pénètrent à l'intérieur des tiges et des fruits. Toutes 
nuisent beaucoup à la vigne et empêchent la produc- 
tion du raisin. Il est dit au Deutéronome, xxvni, 39, 
que, si les Israélites sont infidèles, ils planteront la 
vigne et la cultiveront, mais ils n'en recueilleront rien, 




205. — Pyrale. 
Au bas, à droite, cocon ; au-dessus, la chenille et devant elle 
la feuille de vigne à laquelle elle s'attaque. Au bas, à gauche, 
le papillon du pyrale. 

« parce qu'elle sera ravagée par les vers. » Sous le nom 
de ver, tolâ'at, o-x<o).y]?, vermis, le texte sacré désigne 
ici, comme dans plusieurs autres passages, une che- 
nille. Celle qui devait ravager les vignes des Hébreux 
était probablement la chenille du pyrale, indépendam- 
ment des autres vers capables de nuire à la plante. 

H. Lesètre. 
PYRAMIDE (grec : 7rjpa[juç; Vulgate : pyramis), 
construction à base quadrangulaire, dont les quatre 
crêtes se rejoignent au sommet, et qui est destinée à 
servir de tombeau. — On a cru trouver une allusion 
aux pyramides d'Egypte, voir t. n, fig. 534, col. 1613, 
dans ce passage de Job, m, 13-15 : 

Je dormirais, je me reposerais 

Avec les rois et les grands de la terre, 

Qui se sont bâti des hôrâbûf. 

Les hôrâbôf sont ordinairement des endroits déserts, 
des « solitudes », quelquefois des ruines. Quelques au- 
teurs ont pensé qu'il fallait lire ici hôrâmôt, des édi- 
fices, des mausolées. Cf. Rosenmûller, lobus, Leipzig, 
1806, t. i, p. 96. D'autres préféreraient 'armenôt, 
cf. Buhl, Gesenius' Handivôrt.,p. 276, à cause de l'arabe 
'ahrâtn, qui veut dire « haute construction, pyramide », 
et de l'ancien égyptien amr, qui est le nom même de 
la pyramide. Le mot grec Ttupaftîç pourrait même 
n'être qu'une transposition de amr, précédé de l'ar- 
ticle égyptien. Cf. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 
1876, p. 71. L'allusion aux pyramides est, sinon pro- 
bable, du moins possible de la part de l'auteur de Job, 
si bien informé des choses d'Egypte. — Simon Mâcha- 



897 



PYRAMIDE — PYTHONISSE 



bée éleva sept pyramides sur les tombeaux de son père 
et de ses frères à Modin. I Mach., xra, 28. Voir ModiN, 
t. rv, col. 1186. Sur les pyramides d'Egypte, voir Flin- 
ders Pétrie, The Pyramids and Temples of Gizeh, 
in4°; Londres, 1883. H. Lesêtre. 

PYRRHUS (grec : Iluppo;), père de Sopater de 
Bérée, l'un des compagnons de saint Paul. Act., xx,4. 
On ne connaît de lui que son nom. Il est omis dans 
certains manuscrits, maïs il se lit dans un grand 
nombre et dans la Vulgate latine; on admet commu- 
nément l'authenticité de la leçon. C'est le seul cas du 
Nouveau Testament où le nom patronymique est ajouté 
à un nom propre à la manière grecque : Sopater 
Pymhi. Peut-être cela indique-t-il qu'il était de famille 
noble. Voir Sopater. 

PYTHON (hébreu : 'ô6; Septante : iyya<iTp{[jiu9o;; 
"Vulgate : pytho), esprit qui fait parler le devin, spécia- 
lement le nécromancien. Voir Divination; Évocation 
des MORTS, t. Il, col. 1446, 2128. — 1° Les Septante 
traduisent ordinairement '6b par ÈYYa<7rp![rj6oç, « ven- 
triloque ». La ventriloquie est l'art de parler sans re- 
muer les lèvres et en modifiant la voix dé telle sorte 
qu'elle semble venir de tout autre que de celui qui parle. 
Un sujet qui a les prédispositions nécessaires et un 
exercice suffisant peut arriver ainsi à faire illusion à 
ceux qui l'entourent. Aujourd'hui encore des hommes 
se livrent à cet art singulier et réussissent à produire 
des effets surprenants. Cf. l'abbé de la Chapelle, Le 
ventriloque ou V engastrimythe, Londres, 1772. Beau- 
coup d'auteurs pensent que les oracles païens n'étaient 
qu'un effet de la ventriloquie pratiquée par les devins 
et les prêtres des dieux. Plutarque, De defect. oracul., 
9, prétend que les pythons étaient tout simplement 
des ventriloques. Dans la fable, Python désignait un 
serpent énorme qui gardait l'oracle de Delphes et 
qu'Apollon mit à mort. 11 en prit le nom d'Apollon 
Pythien, cf. Ovide, Metam., i, 438, et devint l'inspira- 
teur de la pythie. Pour rendre ses oracles, la pythie 
s'asseyait sur un trépied au-dessus d'une ouverture 
d'où sortaient des vapeurs sulfureuses. Ces vapeurs 
produisaient en elle une excitation violente qu'on pre- 
nait pour l'action de l'esprit divin. Elle proférait alors 
des paroles incohérentes que les prêtres d'Apollon 
interprétaient et auxquelles ils donnaient la forme 
d'oracle. 11 est clair que ces interprètes entendaient à 
leur convenance les exclamations de la pythie et prê- 
taient un sens à ce qui n'en avait pas. Cf. Fontenelle, 
Histoire des oracles, Paris, 1908, p. 86, 105. Cependant 
Platon, Conviv., trad. Aimé Martin, Paris, 1845, t. Il, 
p. 359, et Plutarque, De defect. oracul,, 7, croient à 



l'influence de démons intermédiaires entre les dieux et 
les hommes dans l'inspiration de la pythie et des de- 
vins en générai. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, 
trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 292-294. Plu- 
tarque ayant identifié les pythons et les ventriloques, 
saint Jérôme rendit habituellement le grec èYYaorp£i<,u6oç 
par pytho, mot d'origine mythologique, qui a l'avan- 
tage de ne pas restreindre la divination à un simple 
phénomène naturel et de laisser supposer en elle une 
influence démoniaque. Le pseudo-Clément, Recognit,, 
iv, 20; Bomil., ix, 16, t. I, col. 1323, t. h, col. 253, 
remarque en effet que « les pythons font de là divina- 
tion, mais que nous les regardons comme des démons 
et les mettons en fuite. » Il est incontestable, que la 
supercherie n'explique pas tous les faits et que bien 
souvent les démons, pour abuser les hommes, ont dû 
intervenir dans la production de ces phénomènes. — 
2» La loi mosaïque portait la peine de la lapidation 
contre ceux-qui évoquaient les esprits ou se livraient à 
la divination. Lev., xx, 27; Deut., xviii, 11. — Sur le 
cas de la pythonisse d'Endor, I Reg., xxvm, 7, 8; 
I Par., x, 13, voir t. n, col. 2128. — Le roi Manassé 
favorisa de tout son pouvoir l'influence des devins, 
IV Reg., xxi, 6, que Josias chercha ensuite à faire dis- 
paraître. IV Reg., xxiii, 24. — Isaïe, vin, 19, men- 
tionne les devins qui « parlent d'une voix sourde en 
chuchotant. » Il dit, xxix, 4, ,de Jérusalem humiliée 
et châtiée : 

Ta voix viendra de terre comme un 'ôb, 

Et ta parole de la poussière comme un murmure. 

Ces expressions laissent soupçonner des pratiques 
comme celle de la ventriloquie. Le démon n'inspirait 
pas toujours les devins; il trouvait souvent son compte 
dans leurs seules supercheries et dans les mensonges 
au moyen desquels ils combattaient les vrais prophètes. 
— A Philippes, saint Paul et Silas rencontrèrent une 
jeune fille qui avait un esprit python, îivEvfioc twôwv, 
spiritus pytho. Elle les poursuivit longtemps en les 
proclamant serviteurs du Très-Haut venus pour en- 
seigner la voie du salut. Il ne s'agissait pas là de ven- 
triloquie, mais de possession véritable. La jeune fille 
rapportait grand gain à ses maîtres par sa divination, 
et il est à croire que le démon qui l'inspirait voulait 
accaparer à son profit et faire attribuer à son influence 
l'action merveilleuse des deux Apôtres.: Saint Paul 
coupa court à cette obsession en commandant à l'esprit 
de sortir de la jeune fille. Dès lors, celle-ci fut réduite 
à l'impuissance, Act., xvi, 16-18. H.Lesetre. 

PYTHONISSE. Voir Python; Évocation des morts, 
t. n, col. 2129. 



/ 



DICT. BÇ^WLE. 



V. - 29 



Q 



Q. Voir Qoph, dix-neuvième lettre de l'alphabet 
hébreu. 



QADIM (hébreu : onp nn; Septante : ave[xoc v6- 

toç; Sv£[noç -/tâucnov v<Jto;; Vulgate : ventus urens, spi- 
ritus vehemens ; ventus auster; Q>ip; xavsuv; ardor, 

«stus, tienfws urens), vent de l'est. Qâdîni seul se dit 
par ellipse pour rûah qâdim. Quoiqu'il désigne le 
vent d'orient, on ne doit pas toujours prendre cette 
expression dans un sens rigoureux, les Orientaux dési- 
gnant assez vaguement sous le nom de vent d'est tout 
vent qui souffle entre le nord et l'est, et entre l'est et 
le midi. Les traducteurs grecs l'ont traduit par ave[io; 
xa'j<7wv, xavauv, de même que la Vulgate par ventus 
urens, ardor, xstus, parce que le trait le plus carac- 
téristique de ce vent en Palestine, c'est qu'il est brû- 
lant. Mais les Septante ont rendu qàdîm dans six 
passages, Exod., x, 13 (2 fois); xrv, 21; Job, xxxvm, 
24; Ps. lxxvii, 26; Ezech., xxvn, 26, par votos, « vent 
du midi », parce que, en Egypte, il y a deux vents brû- 
lants; le premier, le khamsin, souffle du sud et non de 
l'est, et le second, le simoun, souffle du sud-est et du 
sud-sud-est. M. Lane, Manners and Customs of the mo- 
dem Egyptians, 1837, 1. 1, p. 2-3. Dans la vallée du Nil, 
le vent d'est est plutôt frais, à rencontre du vent du sud. 

1° Au sens propre. — Le vent d'est est très violent 
en Palestine et brûlant. Quand il y souffle plusieurs 
jours, au mois de mai, de juin, de juillet et d'août, 
il est désastreux pour les récoltes, pour les céréales 
et pour les vignobles, comme pour les navigateurs 
sur la Méditerranée. Job, xiv, 2; xv, 2; Ps. xlviii, 7; 
cm, 5; Is., xl, 7; Ezech., xvn, 10; Ose., xm, 15; 
Jon., iv, 8; cf. Gen., xli, 6, 23. Ce vent traverse avant 
d'arriver en Palestine les sables de l'Arabie déserte, ce 
qui lui fait donner aussi le nom de « vent du désert », 
Job, i, 19; Jer., xm, 24; il brûle et enfièvre comme le 
sirocco. Ezech., xvn, 10; xix, 12, etc.'Cf. Jac, i, 11. 
« Le vent d'est, privé d'ozone, dit Baedeker, Palestine et 
Syrie, 1882, p. 48, absorbe toute humidité et s'il fond 
sur les moissons avant l'époque de leur maturité, il 
détruit parfois toutes les espérances du moissonneur. 
Il dure souvent plusieurs jours de suite et élève le 
thermomètre à 40 degrés et plus. De temps à autre, il 
souffle par vives rafales; pendant qu'il règne, l'atmos- 
phère est ordinairement voilée. 11 exerce sur l'homme 
une action énervante accompagnée d'insomnies et de 
maux de tête. » Cf. Palestine, t. iv, col. 2027. 

2» Au sens figuré. — La violence du qâdim et les 
maux qu'il produit ont donné naissance à diverses 
métaphores dans les Livres Saints. Ce mot désigne un 
discours véhément, plein de malice, dans Job, xv, 2 ; 
il devient synonyme de calamités et de maux divers 
spécialement de la guerre, Is., xxvn, 8; Jer., xvm, 17; 
Ezech., xvxi, 10; xix, 12; xxvn, 26; Ose., xm, 15; du 
jugement de Dieu, Job, xxvn, 21; suivre le qâdim, 
c'est suivre une voie funeste. Ose., xn, 1. « Tes rameurs, 
dit Ézéchiel en parlant de Tyr, xxv, 26, t'ont fait voguer 



sur les grandes eaux, le qâdim t'a brisé au milieu de 
la mer. » 

QANAH (VALLÉE DE), ou vallée des Roseaux, 
vallis Arundineti dans la Vulgate. Jos., xvi, 8; xvn, 
9. Voir Cana i, t. n, col. 104. 

QARQOR (Septante : Kapxâp; Alexandrinus et 
Eusèbe : Kapx.i), nom d'une ville située à l'est du Jour- 
dain. La Vulgate n'a pas conservé ce nom propre et 
elle l'a traduit par requiescebant : « (Zébée et Salmana) 
se reposaient, » au lieu de : « Zébée et Salmana (qui 
s'étaient enfuis après leur défaite par Gédéon) étaient 
(arrivés) à Qarqôr, avec (le reste de) leur armée, » 
comme le porte le texte hébreu. Les deux chefs madia- 
nites se croyaient là en sécurité, à l'abri de toute 
poursuite. Mais Gédéon les atteignit à l'improviste, 
battit les quinze mille hommes qui étaient avec eux 
et s'empara de leur personne. La situation précise de 
Qarqôr est inconnue. D'après le récit des Juges, vin, 
10-11, cette localité était située à l'est du Jourdain, à 
une distance inconnue- au ;delà de Socoth et de Pha- 
nuel, vers le sud, à l'est de Nbbé et de Jegbaa (voir 
Nobé 2, t. iv, col. 1655; Jegbaa, t. m, col. 1218), 
peut-être dans le voisinage de Rabbath-Ammon. Voir 
la carte de la tribu de Gad, t. m, col. 28. Eusèbe et 
saint Jérôme, dans VOnomasticon, édit. Larsow et 
Parthey, 1862, p. 252, 253, disent que, de leur temps, 
Qarqôr (Kapxdt, Carcar) s'appelait Carcaria, petit fort 
à une j ournée de distance au nord de la ville de Pétra, 
qui parait être le Mons regalis, « Mont royal » des 
Croisés. On objecte contre cet emplacement qu'il est 
trop méridional. Le site de Qarqôr reste encore un 
problème. 

QEDÉSCHIM, QEDÉSCHOTH (hébreu : qedêslm, 
qedêsôl), prostitués des deux sexes qui par la plus 
étrange aberration morale s'imaginaient honorer As- 
tarthé ou d'autres dieux infâmes en se livrant à l'impu- 
dicité. Num., xxv, 1-4; I (III) Reg., xv, 12; xxii, 47; 
cf. xiv, 24;'II (IV) Reg., xxm, 7; Job, xxm, 14; Ose., iv, 
14. Cf. Hérodote, i, 199. Le mot hébreu signifie « consa- 
cré», voué au culte. Il correspond au grec UprfSouXoç, 
mais, dans les Septante, les qedêSîm.sonX appelés nop- 
veJtov; <TÛv2e<T(ji.oç, I Reg., xiv, 24; zaSrjui'tJL, IV Reg., xxm, 
7; ïeTeXE<T(ievoi, III Reg., xxn, 47 (Vulgate : scortator, 
effeminati), et les qedêSôt, rcopvïj (Vulgate : nieretrix), 
Deut., xxm, 17 (hébreu, 18). Les qedêsîm sont désignés 
aussi sous le nom de « chiens » dans le texte original 
et dans les versions, Deut., xxm, 18 (hébreu, 19), et 
les hiérodules des deux sexes sont sévèrement condam- 
nés. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
■modernes, 6 e édit., t. iv, p. 506-512. Cf. Gesenius, Thé- 
saurus, p. 1196-1197; S. Jérôme, In Ose., iv, 14, t. xxv, 
col. 851. = 

QERI, « lis », c'est-à-dire ce qu'il faut lire, dans les 
Bibles massorétiques. Voir Keri, t. m, col. 1889. 



901 



QESITAH — QUADRUPÈDES 



902 



QESITAH (hébreu : îrettarp, Septante : àjjivôç ; Vul- 

gate : agnus). Dans la Genèse, xxxm, 19, nous lisons 
que Jacob acheta à Sichem un champ qu'il paya cent 
qeèitâh, ce qui est répété dans Josué, xxrv, 32. — Les 
amis de Job, après sa guérison, lui firent chacun pré- 
sent, entre autres choses, d'un gesitâh. Ce sont les trois 
seuls passages de l'Écriture où l'on rencontre ce mot. 
On ne sait pas d'une manière certaine ce qu'il désigne. 
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il servait à faire 
des paiements comme une sorte de monnaie. Voir Mon- 
naie, t. iv, col. 1235. 

QIR, mot hébreu, signifiant « muraille, rempart », 
qui entre dans la composition du nom delà capitale de 
Moab. Voir Km Haraseth ou Haréseth, Km Harès ou 
Kir Hères, Km Moab, t. iv, col. 1895. 

QIRYAT HUSOT, ville de Balac, dont le nom n'a 

été conservé ni par les Septante ni par la Vulgate. 
Voir Cariath Husoth, t. Il, col. 272. — Le mot qiryaf, 
qui signifie « ville ». entre dans la composition de 
plusieurs noms de ville. La Vulgaté l'a transcrit ;ordi- 
nairement Cariath. Voir t. il, col. 268-279, cf. col. 282- 
285. 

QOPH, *p et i"ip, dix-neuvième lettre de l'alpha- 
bet hébreu, d'où est venue par l'intermédiaire du 
phénicien, du grec et du latin, notre lettre Q, q, dont 
la forme ancienne est encore reconnaissable, et qui a 
•conservé à peu prés la même valeur phonétique. Dans 
la numération hébraïque, elle vaut le nombre cent. On 
suppose que les Phéniciens l'ont emprunté à l'hiéro- 
glyphe dont la forme rappelle celle d'un coin. Voir 
Alphabet, t. I, col. 405. Gesenius, Thésaurus, p. 1189, 
et d'autres hébraïsants, ont cru que la figuration an- 
tique du caractère représentait le trou d'une aiguille ou 
le trou de la hache dans laquelle on fait entrer le 
manche, mais si cette explication peut convenir à l'an- 
cienne forme grecque du qoppa, <p, elle convient 
moins aux formes primitives sémitiques. Voir t. i, 
col. 406-410. Quoi qu'il en soit, le qoph fut d'abord 
(admis, dans l'alphabet grec, sous le nom de qoppa et 
sous la forme <p. On le voit sur les anciennes monnaies 
de Corinthe, t. n, fig. 347, 348, col. 974, 975, comme ini- 
tiale du nom de cette ville, ainsi que sur les monnaies 
de plusieurs autres villes grecques : Le xômra a disparu 
plus tard comme lettre superflue de l'alphabet grec, 
d'où il fut chassé par le k, y.&mza, mais il est resté dans 
la langue sous sa forme antique comme signe numé- 
rique, avec la valeur de 90. Avant d'être expulsé par les 
Grecs, le qoppa avait été adopté par les Latins, Quin- 
tilien, I, iv, 9, qui nous l'ont transmis. Cependant le q 
n'a jamais été employé par la Vulgate dans la transcrip- 
tion des noms propres hébreux où entre la lettre qoph, 
sans doute parce que les Grecs les avaient toujours 
transcrits par le xaTtmx et qu'ils avaient été connus 
primitivement avec cette orthographe par les premiers 
chrétiens de Rome et d'Italie. Ainsi Cariathsepher, 
Caath, etc. — Le son de la lettre qoph est en hébreu 
guttural et plus dur que le son de la lettre palatale 
analogue caph. La Vulgate, quoiqu'elle transcrive les 
deux lettres hébraïques également par c, marque ce- 
pendant souvent une différence en transcrivant le qoph 
pour un simple c, Cis, Cison, Cariath, Ceiura, etc., 
et le caph pour ch, Chqnanxus, Chelion, Cherubim, 
Chidon, Chobar, Chus, etc. Mais la règle n'est pas tou- 
jours suivie fidèlement. Nous avons Caleb et Carmel, 
quoique, pour ce dernier cas, nous ayons Charmél, 
Is., xxix, 17; xxxn, 15, 16. 

QUADRANS (grec : xo8pâvxr,ç. mot latin grécisé), 
petite monnaie romaine, de bronze, • qui équivalait, 



comme son nom l'indique, au « quart » de l'as; par 
conséquent, au quart de sept ou huit centimes, ou à 
environ deux centimes. Voir As, 1. 1, col. 1051. 11 en est 
question deux fois dans le Nouveau Testament : 
1° Matth., v, 26. « En vérité, je te le dis, tu ne sortiras 
pas de là (de prison), que tu n'aies payé jusqu'au 
dernier quadrans; » 2" Marc, xn, 42, « Deux petites 
pièces (XéitTa; Vulgate : minuta; voir MiNUTUM, t. IV, 
col. 1108), valant le quart d'un as, quod est quadrans. » 
Saint Marc ajoute cette explication pour ses lecteurs 
romains. Les écrits rabbiniques mentionnent aussi le 
quadrans, sous le nom un peu défiguré de qedriontos. 
Ses types étaient les suivants : à l'avers, la tête d'Hercule, 
protecteur des fortunes; au revers, comme pour l'as 
et ses autres divisions, une proue de navire (Bg. 206). 
Il avait cours en Palestine au temps de Notre-Seigneur, 
avec les autres monnaies divisionnaires de Rome. A 
l'origine, il pesait trois onces, et on le nommait parfois, 
pour ce motif, teruncius; son poids primitif était 
marqué par trois globules sur l'une de ses faces. 




206, — Quadrans romain. Les trois boules indiquent que 
le poids de Ja monnaie est de trois onces. 

Cf. Pline, H. N., XXXIII, m, 13. A l'époque de Cicéron, 
c'était la plus petite monnaie romaine. Cf. Plutarque, 
Cicer., xxix, 26. Mais, aux premiers temps de la répu- 
blique, les Romains avaient eu le sextans ou sixième 
partie de l'as; Yuncia, sa douzième partie, et même la 
semiuncia, sa vingt-quatrième partie. 

L. ÉILLION. 

QUADRIGE, char attelé de quatre chevaux, usité 
chez les Romains. Notre Vulgate latine emploie sou- 
vent le mot quadriga dans l'Ancien Testament (jamais 
dans le Nouveau), pour traduire l'hébreu rékeb, « char ». 
Jud., iv, 28, etc. L'expression quadriga, à l'entendre 
rigoureusement, est impropre, car il n'est jamais ques- 
tion dans l'Écriture d'attelage à quatre chevaux; il 
faut la prendre dans le sens général de char. Voir 
Char, t. n, col. 565. 

QUADRUPÈDES (hébreu : hôlêk 'al-arba', « mar- 
chant sur quatre » pattes; Septante : S TtopsiiEraî iiti 
réuo-expa, TS-cpâicoSa; Vulgate : quadrupes, quadrupe- 
dia), animaux qui marchent sur quatre pattes. — Les 
quadrupèdes appartiennent en majeure partie au genre 
des mammifères ou animaux pourvus de mamelles. 
Cependant il y a des animaux qui vont à quatre pattes 
et ne sont point des mammifères, les lacertiens, lézard, 
crocodile, etc., les batraciens, grenouille, crapaud, etc;, 
et les chéloniens, tortue, etc. Mais on désigne vulgai- 
rement sous le nom de quadrupèdes les animaux que 
l'hébreu appelle/6e/jêm.â/j, le bétail, les grands animaux 
domestiques où sauvages, etc. — Parmi les quadrupèdes, 
la Bible déclare impurs tous ceux qui marchent sur la 
plante des pieds et qui, par conséquent, n'ont pas de 
sabot, Lev., xi, 27, et tous ceux qui, avec quatre pieds, 
sont des reptiles. Lev., xr, 42. Voir Animaux, t> i, 
col. 603. — Baruch, m, 32, rappelle la création par Dieu 
des animaux quadrupèdes. Dans la vision qui signifiait 
l'admission des païens dans l'Église, saint Pierre re- 
connut tous les quadrupèdes de la terre, les reptiles 
terrestres et les oiseaux. Act., x, 12; xi, 6. Les idolâtres 
représentaient des quadrupèdes auxquels ils rendaient 



903 



QUADRUPÈDES — QUARANTAINE (DÉSERT DE LA) 



904 



les honneurs divins. fiom., i, 23. — Les quadrupèdes 
dorit parle la Bible, à part ceux qu'elle met- au rang 
des reptiles, voir Reptiles, sont des mammifères mo- 
nodelphes, c'est-à-dire dont les petits se développent 
tout entiers dans le sein de la mère. Ils appartiennent 
aux ordres suivants : 1" Quadrumanes, singe. — 
2» Chéiroptères, chauve-souris. — 3° Insectivores, hé- 
risson, musaraigne, taupe. — 4» Rongeurs de diffé- 
rentes familles : muridés, campagnol, rat; dipodés, 
gerboise; hystrïcidés, porc-épic; léporidés, lapin, liè- 
vre. — 5° Carnassiers de différentes familles : ursidés, 
ours ; canidés, chacal, chien, loup, renard; félidés, 
chat, lion., panthère, tigre; hyénidés, hyène'; mustéli- 
clés, belette, ichneumon, mangouste, marte. — 6° Pro- 



ie Sauveur resta seul avec les bêtes sauvages, ïjv (jeta 
t&v eript'aiv (Marc, i, 13), est le désert de Judée ou une de 
ses parties. Les anciens interprètes l'ont toujours ainsi 
compris. Cf. S. Jean Chrysostomè, In Matth., hom. xiv, 
t. lvii, col. 217 : S. Thomas, Expositio continua seu 
Catena aurea, in Matth., c. iv. D'après l'ancienne Glose 
citée par le même, ibid., '« ce désert est entre Jéru- 
salem et Jéricho... » « C'est le désert maintenant 
appelé le désert de la Quarantaine, ajoute le dominicain 
Burchard (1283), et qui s'étend jusqu'au dessus de Gai- 
gala et jusqu'au désert qui fait face à Thécué et Engad- 
di. » Descriptio Terrx Sanctœ, 2° édit. Laurent, Leip- 
zig, 1873, p. 51; cf. 57. C'est la partie septentrionale du 
désert de Judée comprise dans le territoire de l'ancienne 




207. — Montagne de la Quarantaine. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



boscidiens, éléphant. — 7» Jumentés de deux familles : 
équidés, âne, cheval, onagre, mulet; hyracidés, daman, 
rhinocéros. — 8° Ruminants de différentes familles : 
bovidés, antilope, aurochs, bison, bœuf, bouquetin, 
bubale, buffle, chèvre, mouton; cervidés, cerf, che- 
vreuil, daim, girafe; camélidés, chameau, dromadaire. 
— 9°. Porcins, hippopotame, porc, sanglier. Voir lés 
articles consacrés à chacun de ces animaux. 

H Lfsêtre 

QUARANTAINE (DÉSERT DE LA), désert où 
Notre-Seigneur passa les quarante jours et les quarante 
nuits qu'il jeûna avant de commencer. sa vie publique 
et où il fut tenté par le diable. Matth., iv, 1-11; Marc, 
î, 12-13; Luc, rv, 1-13 (fig. 207). 

I. Identification. — Le récit des trois Évangiles 
synoptiques suit immédiatement celui du baptême du 
Sauveur, indirectement indiqué en Judée. Les trois 
Évangélistes ajoutent, Matth., 12; Marc, 14; Luc, 14, 
que Jésus retourna ensuite en Galilée. Ils laissent par 
là clairement entendre que « le désert », ï| epr|[io<;, où 



tribu de Benjamin et connue jadis sous le nom de dé- 
sert de Béthaven. Voir Béthaven, t. i, col. 1666; Dé- 
sert, t. ii, col. 1391; Juda (Désert de), t. ni, col. 1174. 
Aujourd'hui et depuis le xn e siècle, le nom de Qua- 
rantaine, montagne de la Quarantaine, djebel Qaranfal, 
est particulièrement attribué à la montagne qui forme 
la lisière orientale de l'ancien désert de Béthaven. Une 
charte de 1134, délivrée par le patriarche Guillaume, 
donne le lieu de la sainte Quarantaine, sanctœ Quaran- 
tense locum, avec toutes ses dépendances, aux chanoi- 
nes du Saint-Sépulcre. Une seconde charte du même, 
donnée en 1136, accorde à ceux-ci toutes les dîmes de 
Jéricho pour l'entretien de l'église et des religieux de 
la très sainte Quarantaine... lé lieu glorieux où Notre- 
Seigneur jeûna quarante jours et quarante nuits. » Car- 
tulairedu S. Sépulcre, n.xxvu et xxvm, t. clv, col. 1119-. 
1120. Il n'est point de pèlerin, de quelque rite et de 
quelque langue qu'il soit, qui ne mentionne depuis, dans 
sa relation, la sainte montagne de la Quarantaine et sa 
chapelle où le Seigneur jeûna et fut tenté par le démon. 



905 



QUARANTAINE (DÉSERT DE LA) — QUENOUILLE 



906 



— Les Croisés toutefois, ce n'est pas douteux, avaient 
trouvé le lieu en honneurparmi les Orientaux. En 1102, 
«n effet, c'est-à-dire au début de l'occupation de la Terre 
Sainte par les Francs, le pèlerin flamand Soewulf, après 
avoir visité la fontaine d'Elisée, s'était rendu à la haute 
Montagne située sur le bord de la plaine, où le Sauveur 
■a jeûné quarante jours et a été tenté par Satané Dans 
Recueil de voyages de la Société de géographie, t. îv, 
4839, p. 848. Aux temps antérieurs, elle était recherchée 
par les solitaires qui voulaient mener une vie plus 
austère. Auvtii e siècle, saint Etienne le thaumaturge, 
moine de la laure de Saint-Sabas, y vint expressément 
pour y accomplir un jeûne de quarante jours. Vita 
S. Steph.,- n. 139, Acla Sanctorum, t. m julii, Paris, 
1867, p. 559. A la fin du rv e siècle, les solitaires qui à 
la suite de saint Elpide, successeur de saint Chariton, 
étaient venus habiter les grottes de la montagne, étaient 
si nombreux qu'elle avait plutôt l'apparence d'une grande 
-ville que d'un désert. Pallade, Historia Lausiaca, c; cvi, 
t. xxxiv, col. 1211-1212. La montagne portait alors le 
■nom de Douca (AoOxa) qui parait être l'appellation bi- 
blique Doch. Voir Doch, t. n, col. 1454-1456, 

Les éditeurs de la vie de saint Euthyme ont cru 
reconnaître le désert delaQuarantaine dans le désert de 
Ruban, souvent mentionné dans l'histoire des solitaires 
de la Palestine. Ce désert se trouvait à l'orient de la 
laure de Saint-Sabas et sur le côté nord-ouest de la mer 
Morte. Le mont Marda ou Mardès, aujourd'hui le Mun(âr, 
au-pied duquel, à cinq kilomètres au nord-est de Saint- 
Sabas, est la ruine appelée Mird, serait, selon les savants 
Bollandistes, le mont de la Quarantaine de l'histoire. 
Acta Sanctorum; 20 julii, t. H, p, 671, note b. Cette 
identification est exclusivement fondée sur une inter- 
prétation inexacte d'Adrichomius et de Quaresmius. 
Pour ces deux auteurs ainsi que pour Burchard, dont 
Adrichomius ne fait que reproduire les paroles, la 
montagne de la Quarantaine est incontestablement le 
Djebel Qarantal actuel, et le désert de la Quarantaine 
le désert qui s'étend à la suite vers Mukmds, 'Anafd et 
Jérusalem, à l'occident. 

D'après Wiesner et Ad. Neubauer, la montagne de la 
■Quarantaine serait identique au mont Çouq (pis, Çuq) 
■de la Mischna, Yôma, vi, 5, qui était à 96 stades ou 
12 milles de Jérusalem. Le mont Çouq ne serait pas 
■différent de l'Azazel de la Bible où l'on chassait le bouc 
émissaire. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 
4867, p. 44-45. Le s hébreu correspond au k (?) des 
Arabes, ordinairement. prononcé Jf> (à) en Palestine, et 
la distance de 12 milles (environ 18 kilomètres), conve- 
nant d'autre part à la montagne de la Quarantaine, du 
■moins si on l'entend dans l'acception de massif monta- 
gneux comme le comporte le mot en hébreu et en 
arabe, on peut considérer comme probable l'identité de 
Sûq et de Dùq. — Quoi qu'il en soit, le mont de la 
■Quarantaine, tant par ses caractères que par sa situation, 
répond très bien à l'idée du désert habité seulement par 
•les bêtes sauvages où se retira le Sauveur pour jeûner. 

II. Description. — Le mont ou plutôt le rocher delà 
•Quarantaine s'élève presqu'à pic en face de tell es- 
Sultan formé des ruines de l'ancienne Jéricho, à douze 
■cent mètres environ, à l'occident. Son altitude est, 
d'après les mesures de la société anglaise d'exploration 
de 492 mètres au-dessus du niveau de la mer Morte, 
■de 323 au-dessus de 'aîn es-Sulfân qui sort du tell du 
même nom, et de 98 au-dessus de la mer Méditerranée. 
Le côté oriental complètement dénudé contraste avec le 
petit vallon verdoyant arrosé par les eaux de 'aïn Dûq 
■qui s'étend à sa base. De nomhreuses grottes, naturel- 
les ou creusées de main d'homme, le perforent. Une d'en- 
tre elles, située vers l'extrémité méridionale où la mon- 
tagne fléchit vers l'ouest et à mi-hauteur, est célèbre 
-entre toutes : c'est celle où l'on croit que le Sauveur 
s'abrita pendant son jeûne et où Satan se présenta à lui. 



Des restes de peinture du XII e siècle représentent celte 
scène sur les parois de la caverne transformée en cha- 
pelle. En 1870, V. Guérin la trouva occupée par des 
moines abyssins. Depuis 1874 elle est devenue la pro- 
priété des Grecs. Kn 1895, ceux-ci y ont annexé un cou- 
vent assez spacieux, qui demeure comme suspendu au- 
dessus de l'ouadi-Teisûn. On y arrive par un sentier 
pratiqué dans le roc sur le flanc de la montagne, jadis 
très difficile et périlleux, aujourd'hui élargi et pratica- 
ble. — Un autre sentier plus difficile encore monte 
du couvent au sommet de la montagne. Un petit pla- 
teau actuellement environné d'un mur la couronne. 
C'est là, au dire d'un grand nombre de pèlerins, que le 
démon aurait transporté le Seigneur; d'autres indiquent 
une autre montagne plus au nord. Au xn* siècle les 
Templiers s'y étaient fortifiés pour la défense des pèle- 
rins. Il y avait en outre une chapelle dont on voit les 
restes et que les Grecs se proposent de relever. — La 
montagne de la Quarantaine se prolonge vers l'ouest 
par une suite de hauteurs reliées entre elles par des cols. 
Son aspect et sa nature sont ceux des parties les plus 
âpres du désert de Judée. Les failles profondes et 
abruptes qui l'entourent, l'ouâà" es-Soueinît à l'ouest, 
1 ! 'oudd' ' Abû-Retméh, au sud, et plus bas l'ouâd' él-Kélt, 
les ouâdis Maqûq et Rummdmanéh au nord en font un 
désert presque inabordable. Aussi ne paraît-il guère avoir 
été. habité par d'autres que par les ermites et les bêtes 
sauvages. 

Voir Theodorici Libellus de Locis Sanctis editus circa 
A. D. 1172, xxix, édit. Tobler, Saint Gall et Paris, 1865, 
p. 70-72; Adrichomius, Theatrum TerrxSanctee,Trib. 
Benjamin, n. 97 et 98, in-fo, Cologne, 1600, p. 19; 
F. Quaresmius, Terrse Sanctte Elucidatio,' part, II, Pe- 
regrinatio vi, cap. xn, in-f>, Anvers, 1639, p. 757-578; 
Victor Guérin, Samarie, ch. n, t. n, p. 39-45; Liévin de 
Hamm, Guide-Indicateur de la Terre Sainte, 3 e édit. 
Jérusalem 1887, t. n, p. 305-310. ; L. Heidei\ 

QUARTUS (grec : KouâfToç, forme grécisée du 
latin quartus, « quatrième »), chrétien résidant à Co- 
rinthe, lorsque saint Paul écrivit de cette ville son 
Épitre aux Romains. Son nom semble indiquer un 
Romain d'origine. Aussi était-il connu à Rome et 
l'Apôtre envoie ses salutations aux fidèles de cette 
Église. Rom., xvi, 23. Des traditions anciennes en 
font un des soixante-douze disciples et un évêque de 
Béryte. L'Église latine célèbre sa fête le 3 novembre. Til- 
lemont, Mémoires pourservir àl'histoire ecclésiastique, 
t. i, p. 259; Acla Sanctorum, novembris t. il. 

QUATRE. "Voir Nombre, vu, 4», t. , iv, col. 1688. 

QUENOUILLE (hébreu : kîsôr), instrument destiné 
à porter la laine à filer (flg. 208). Le mot kîsôr ne se Ut 
qu'une fois, Prov., xxxi, 19, à propos de la femme forte 

Elle met la main au kUôr 

Et ses doigts tiennent le fuseau. 

Kîsôr vient probablement de kâsar, « être droit ». Le 
versions l'ont traduit par xi <ru|jupépovTo<, « les choses 
utiles », et fortia, « les choses fortes ». On a pensé 
qu'il désigne le neson, le poids qu'on met dans le fuseau 
pour faciliteç-Sa\fttation.Yoir Fuseau, t. m, co1.2426j 
La manière dont s'exprime le texte rend plus probable 
le sens de « quenouille », sone de bâton droit auquel 
la femme « met la main » avant de tenir le fuseau. A ce 
bâton, on fixait la laine ou le lin à filer. Ce bâton 
était parfois disposé à son sommet en forme de petite 
corbeille dans laquelle on enfermait la matière à filer. 
On le fixait à la ceinture. De la main gauche, on tirait les 
fibres à travers les larges claires-voies de la corbeille 
et on les rattachait au fuseau qui, tournant d'une ma- 
nière continue et alimenté sans interruption par la que- 



907 



QUENOUILLE — QUÊTE 



908 



nouille, imprimait au fil la torsion convenable. Cf. Rich, 
Dict. des antiquités romaines et grecques, p. 182, 426. 




. — Femme fllant une quenouille. Bas-relief d'une frise 
du Forum de Nerva à Rome. 



Voir Fileuse, Fuseau, fig. 662, 663, 708-711, 722, t. m, 
col. 2250, 2426, 2427. H. Lesëtre. 

QUERELLE (hébreu : mâdôn, massâh, massât, merî- 
bdh, rib; Septante : xpfoic, (iâxi» ■veïxoç, tv-p&xhl ^ u ^ _ 
gâte : discordia, jurgium, lis, rixa), désaccord qui se 
manifeste par des paroles plus ou moins vives et même 
par des voies de fait. 

1° Plusieurs querelles ont été notées par les écrivains 
sacrés : la querelle entre les bergers d'Abraham et ceux 
de Lot, Gen., xm, 7, 8, qui se renouvela entre les ber- 
gers d'Isaac et ceux du pays de Gérare, Gen., xxvi, 20; 
la querelle entre les deux Hébreux que Moïse veut apai- 
ser, Exod., it, 13; celle qui s'élève au désert entre un 
Israélite et le fils d'un Égyptien, Lev., xxiv, 10; celle 
que les Éphràïimtes cherchent à Gédéon, Jud., vin, 1; 
celle que la femme de Thécué suppose entre ses deux 
fils, II Reg., xiv, 6; etc. —La Loi s'occupait des querel- 
les.Quand deux, hommes se querellaient et en venaient 
aux coups, celui qui en avait blessé un autre devait 
l'indemniser et le faire soigner. Exod., xxi, 18. La peine 
devenait beaucoup plus grave si, au cours d'une que- 
relle, quelqu'un heurtait une femme enceinte et lui 
causait quelque mal. Exod., xxi, 22-25. En cas de que- 
relle et de contestation sérieuse, les deux partis devaient 
se présenter devant les juges, et celui qui était reconnu 
avoir tort recevait la flagellation séance tenante. Deut., 
xxv, 1, 2. La femme qui prenait indécemment parti 
dans unequerelle entre deux hommes avait la main cou- 
pée, Deut., xxv, 11. 

2» Les querelles paraissent avoir été fréquentes chez 
les Israélites. Isaïe, lviii, 4, reproche à ceux de son 
temps d'associer à leurs jeûnes, qui sont louables, des 
querelles qui les rendent odieux au Seigneur. Jérémie, 
xv, 10, se plaint d'être continuellement un objet de 
contestations et de querelles de la part de ses conci- 
toyens. Habacuc, i, 3, constate aussi l'esprit querelleur 
qni régnait partout. — Les livres sapientiaux sont ins- 
tructifs à ce sujet. Les querelles sont excitées par le 
méchant, Prov., vi, 14, 19; le haineux, Prov., x, 12; 
le violent, Prov., xv, 18; l'emporté, Prov., xm, 33; 



l'orgueilleux, Prov., xm, 10; l'hypocrite, Prov., xvi, 
28; le cupide, Prov., xxvm, 25; le buveur de vin, Prov. T 
xxm, 29. L'insensé vient se mêler inutilement à la que- 
relle, Prov., xviii, 6; mal lui en prend, car il a le sort 
de ceVui qui saisit un chien par les oreilles. Prov.,xxvi T 
17. Grâce au moqueur et au rapporteur, les querelles 
deviennent interminables, Prov., xxii, 10; xxvi, 20, car 
ils se plaisent à apporter du 'bois et du charbon pour 
le feu. Prov., xxvi, 21. « Commencer une querelle, c'est 
ouvrir une digue, » Prov., xvn, 14, on aura mille peines 
à arrêter l'eau, il faudra qu'elle s'écoule toute entière, 
La femme querelleuse passaitpour être particulièrement 
insupportable. On la compare à une gouttière qui, de 
la terrasse formant toiture, coule à l'intérieur de la 
maison. Prov.,xix,13; xxvii, 15. Plutôt que de demeu- 
rer avec elle, mieux vaut habiter à l'angle du toit, Prov., 
xxi, 9; xxv, 24, ou même au désert. Prov., xxi, 19. Le 
pain sec est préférable à la bonne chère accompagnée 
de querelles. Prov.. xvn, 1. Aimer les querelles, c'est 
aimer le péché. Prov., xvn, 19. — L'auteur de l'Ecclé- 
siastique, vin, 2, 4, recommande d'éviter les querelles 
avec le riche, que son or rend puissant et redoutable, 
et avec le grand parleur, auquel ce serait fournir un ali- 
ment comme du bois au feu. Il donne les conseils sui- 
vants au sujet des querelles : 

Éloigne-toi de la dispute, tu pécheras moins, 

Car l'homme irascible échauffe la querelle... 

Le leu s'embrase selon le bois qui l'alimente : 

Ainsi la colère d'un homme h' allume selon sa puissance... 

Une querelle précipitée allume le feu, 

Une dispute irréfléchie fait couler le sang. 

Souffle sur une étincelle, elle s'embrase, 

Crache dessus, elle s'éteint : 

Les deux portent de la bouche. Eccli., xxvm, 8-12. 

A l'époque évangélique, comme de tout temps en 
Orient, les querelles devenaient facilement bruyantes 
chez les Juifs et dégénéraient souvent en voies de fait. 
On tirait l'oreille de son adversaire, on lui arrachait les 
cheveux, on crachait sur lui, on le frappait à l'oreille ou 
à la mâchoire. Ces actes entraînaient des compensations 
pécuniaires. Cf. Baba kamma, vm, 6. « Toutes ces 
peines étaient proportionnées à la dignité de la personne 
lésée. Quant à l'insulte, aucune loi ne la punissait... 
Deux Juifs ne pouvaient discuter froidement, et les 
insultes les plus méprisantes, les injures les plus gros r 
sières, faisaient partie de la conversation courante dans 
toutes les classes de la société... Les discussions de la 
maison d'école dégénéraient souvent en disputes... Du 
reste, le Juif n'a jamais su discuter froidement... Les 
accusations de folie, d'ineptie, d'imbécillité étaient fré- 
quentes, le mot raca sans cesse prononcé. » Stapfer, La 
Palestine au temps de J.-C, Paris, 1885, p. 111, 289, 
L'exagération et l'hyperbole sont inhérentes au tempé r 
rament oriental. On comprend dés lors qu'il ait été écrit 
du Messie : « Il ne criera point, il n'élèvera pas la voix, 
il ne la fera pas entendre dans les rues, » Is., xlii, 2, 
et que lui-même ait dit : « Recevez mes leçons, 
parce que je suis doux et humble de cœur. » Matth. r 
xi, 29. 

3° Les Apôtres condamnent les querelles, comme les- 
œuvres de la chair, Gai., v, 20, et l'effet des passions 
mauvaises. Jacob., iv, 1. Le fidèle doit les éviter, Tit., 
iii,2; le serviteur de Dieu ne doit pas contester. II Tim., 
n, 24. Il faut s'abstenir des questions stériles qui les 
engendrent. II Tim., il, 23. Voir Procès, col. 681. 

H. Lesètre. 

QUÊTE, demande d'aumônes pour une œuvre cha- 
ritable. La charité étant un des caractères essentiels- 
du christianisme, on retrouve à son origine même 
l'organisation des quêtes pour venir en aide aux pau- 
vres et aux malheureux, surtout dans les calamités 
publiques. Saint Paul avait établi des collectes poul- 
ies pauvres de Jérusalem en Galatie et il en fit faire 



909 



QUÊTE — QUIRINIUS 



910 



également à Corinthe, le dimanche, laissant à chacun 
la liberté de donner à son gré, et en demandant qu'elles 
fussent faites avant son arrivée dans cette ville. 1 Cor., 
xvi, 1-3. Cf. Gai., il, 9-10; II Cor-, vm, 14; ix; Rom., 
xy,2ô, XI; Act., xxiv, 17. Voir R. Cornely, Comment, 
in 1 ad Corinth., 1890, p. 518-521. Depuis lors, on n'a 
jamais cessé dans l'Église de faire des quêtes pour sub- 
venir aux besoins des pauvres. Le Talmud, Baba metsia, 
f. 38 a, mentionne un usage analogue chez les Juifs. 
Des quêteurs, appelés npis »Na:, gabbâ'ai sedâqâh ou 
« collecteurs d'aumônes » recueillaient pendant la se- 
maine les dons de leurs coreligionnaires charitables et 
distribuaient tous les samedis aux nécessiteux l'argent 
qu'ils avaient recueilli ou, si c'étaient des dons en na- 
ture, tous les soirs. Voir ,T. Buxtorf, Lexicon chaldai- 
cum. talmudicum, in-f°, Bàle, 1640, col. 375-376. 

, QUEUE (hébreu : zânâb, 'alydh; Septante: xipxo;, 
o'jpâ; Vulgate : couda), appendice postérieur des ani- 
maux, ordinairement formé par un prolongement de 
l'épine dorsale. 

1° Au sens propre. — 1, Il est souvent question de 
la queue des brebis qui élait offerte dans les sacrifices. 
Le mot 'alyâh sert exclusivement à la désigner. Les 
Septante l'appellent crréap, « graisse », parce que cette 
queue se compose surtout d'une masse de graisse dont 
le poids peut atteindre de six à dix kilogrammes. Voir 
Brebis, t. i, col. 1912. La queue du bélier, de la brebis 
et de l'agneau devait être brûlée sur l'autel. Exod., xxix, 
22; Lev., m, 9; vu, 3; vm, 25; n, .19. Voir Graisse, 
t. m, col. 293. On pouvait offrir en sacrifice volontaire 
un bœuf ou une brebis avant un membre trop long ou 
trop court. Lev., xxir, 23. Les versions parlent ici d'un 
animal avant la queue coupée, xoXoêôx£pxoç, cauda 
amputatum. — 2. Sur l'ordre du Seigneur, Moïse saisit 
par la queue le^erpent en lequel s'était transformé son 
bâton. Exod., iv, 4. Samson attacha par la queue, deux 
à deux, les chacals qu'il envoya incendier les moissons 
des Philistins. Jud., xy, 4. Voir Chacal, t. n, col. 477. 
D'après Job, xl, 17, béhémoth, l'hippopotame, « fléchit 
sa queue comme un cèdre. » Le verbe hébreu fyâfês a 
le sens de « fléchir, incliner ». La queue de l'hipppo- 



potame est courte, trapue, et n'a que de rares poils. 
Elle ne peut donc être comparée au cèdre que par la 
solidité; glabre et vigoureuse comme le tronc du cèdre, 
elle fléchit et s'incline comme fait l'arbre sous l'action 
du vent. Cf. Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, p. 526. 
Quand le jeune Tobie et sa femme revinrent près de 
leurs vieux parents, «le chien qui les avait accompagnés 
dans le voyage courut devant eux, comme pour appor- 
ter la nouvelle, caressant de la queue et tout joyeux. » 
Tob., xi, 9. Ce verset ne se lit que dans la Vulgate. 

5° Au sens figuré. — I. Par opposition avec la tête, la 
queue marque le dernier rang, ce qu'il y a de plus 
intime. Fidèles à Jéhovah, les Israélites seront à la tête 
et non à la queue, en haut et non en bas; infidèles, 
ils seront en bas et à la queue par rapport aux autres 
peuples. Deut., xxvm, 13, 44. Dieu retranchera d'Israël 
la tête, c'est-à-dire l'ancien et le noble, et la queue, 
c'est-à-dire le prophète de mensonge, ce dernier plus 
méprisable que tous les autres parce qu'il les entraine 
au mal. Is., ix, 14, 15. La tête et la queue désignent éga- 
lement en Egypte la nation et ses mauvais conseillers 
Is., xix, 15. — % La queue est prise pour l'extrémité. 
Le roi de Syrie et le roi d'Israël sontappelés deux queues, 
c'est-à-dire deux bouts de tisons fumants, [s., vu, 4. La 
queue d'une armée, oiox-fta, extremi, ce sont les traî- 
nards, Deut., xxv, 18, ou l'arrière-garde. Jos., x, 19. — 
3. Dans les visions de saint Jean, les sauterelles ont des 
queues comme des scorpions et c'est en ces queues que 
réside le pouvoir de nuire aux hommes. Apoc, ix, 10. 
Des chevaux sont auasi pourvus de queues pareilles à 
des serpents dont la tête fait des blessures. Apoc, ix, 
i9. L'Apôtre décrit au moyen de ces images les fléaux 
qui doivent fondre sur les hommes. Le grand dragon, 
symbolisant Satan, entraîne avec sa queue le tiers des 
étoiles, représentant les anges. Apoc, xn, 4. 

H. Lesêtre. 

QUINTUS MEMMIUS (grec : Kotvro; Msu^oc), 
légat romain. Voir Memmius, t. rv, col. 954. 

QUIRINIUS, vrai nom latin du magistrat romain 
que la Vulgate écrit Cyrinus, parce que le texte grec 
l'appelle Kupeîvo;. Voir Cyrinus, t. Il, col. 1186. ■ 



f 



R 



R, vingtième lettre de l'alphabet hébreu. Voir Rescii. 

RAAIA (hébreu : Reâ'yâh, « (celui que) voit Jého- 
vah »), nom de trois Israélites dans le texte Jiébreu. La 
Vulgate appelle Raaïa celui qui est nommé, I Esd., h, 
47, et II Esd., vu, 50; Raïa, le fils de Sobal,.I Par., iv, 
2;_ Réia, le fils de Micha, I Par., v, 5. Voir Raïa et 
Rèia. — Raaïa (Septante : 'Païi, LEsd., n, 47; 
'Paotia, II Esd., vu, 50), un des chefs nathinéens 
dont tes, (Jftsce.'Niwï.ts, t«X<mïiRfi.ce.ti.t. de. la. caçtivUé de 
Babylone en Palestine avec Zôrobabel. 

RAAMIAS {hébreu : Ra'amydh, « tonnerre de 
Jéhovah », Septante : Tee'/ yi), un des chefs israé- 
lites qui retournèrent de Rabylone en Palestine avec 
Zôrobabel. II Esd., vu, 7. Dans I Esd., n, 2, il est 
appelé Rahelaïa. 

RAB, abréviation du nom de Rabbi Abba Àréka. 
Voir Abba Aréka, t. i, col. 18. 

RABAN M A UR, archevêque deMayence.VoirMAUR, 
t. iv, col. 897. 

' RABBA (hébreu : Rabbâh, « la nombreuse, la 
grande»), nom 1» de la ville principale des Ammonites 
dont le nom complet est Rabbath des fils d'Ammon ou 
Rabbath-Ammon (Voir Rabbath-Ammon); 2" d'une 
ville de Juda (hébreu : Hd-Rabbdh), Jos., xv, 60, qui 
porte dans la Vulgate le nom d'Arebba (voir Arebba, 
t. I, col. 938); 3° la ville principale de Moab, nom- 
mée dans l'Écriture Ar et Ar-Moab (t. i, col. 814), por- 
tait aussi le nom de Rabbath-Moab. 

1. RABBA (hébreu : Rabbâh), capitale du royaume 
des Ammonites ainsi simplement nommée, Jos., xm, 
25; II Reg., xi, 1; xii, 27; I Par., xx, 1 (2 fois); .1er., 
xlix, 3; Ezech., xxv, 5; Amos, i, 14. Dans les Septante, 
à ces mêmes passages, on trouve tantôt 'Paéëi, tantôt 
'Paëëoie; une fois, Sinaïticus, 1 Par., xx, 2, Paëéâv; une 
fois, Vaticanus : 'ApâS, par erreur de copiste. La Vulgate 
écrit cinq fois Rabba et ailleurs Rabbath. Voir Rabbath, 
Rabbath-Ammon. 

%. RABBA (hébreu : avec l'article hâha-Rabbâh), ville 
de la tribu de Juda, Jos., xv, 60. La Vulgate transcrit : 
Arebba. VoirÂrtEBBA, t. i^col. 938. 

S. RABBA ou RABBAH, dont le nom subsiste encore 
dans le district de Kérak, l'ancien pays de Moab, est 
souvent mentionnée par les écrivains ecclésiastiques et 
profanes sous le nom de Rabbath-Moab ou Rabath- 
moba. Voir Eusèbe et saint Jérôme, (Jnomaslicon, 
édit. Larsow et Parthey, p. 292, 293. Les auteurs arabes 
l'appellent ordinairement Mââb, équivalent de Moab. 
Dans la Bible elle est connue seulement sous le nom 
d'Arou Ar-Moab. Voir Ar, Ar-Moab, t. i, col. 814-817. 



1. RABBATH, RABBATH-AMMON (hébreu : 
Rabbâtâh, à l'état construit et avec le hé local, II Sam., 
xii, 29; partout ailleurs : Rabbaf benê-'Ammôn, « la 
grande [ville] des fils d'Ammon »), capitale des Ammo- 
nites, aujourd'hui 'Amman (fig. 210). Le nom, la situa- 
tion et les conditions de cette localité ne laissent aucun 
doute sur son identité avec la capitale dès Ammonites. 

I. Noms. — Les trois formes Rabbâh, Ràbbât et 
Rabbâf benê 'Ammôn se trouvent simultanément em- 
çta^ées, U. Sam. ((U. Re.g.\, m, 2.6-29, çouc désigner la 
ville. Les Septante rendent deux fois la dernière forme 
par 'PaëgàO vlû>v 'A|i(iûv, II Reg.,xn, 26, et Ezech., xxi, 
20 (hébreu, 25); une fois par ^ axpa t<5v -jÎôv 'Aftjjiâv, 
Deut., m, 11, et une fois par ^ to5Xcî toû 'Ay.p.â'1, Ezech., 




209. — Monnaie de Rabbath-Ammon. 
AYT. ylk\. M. aïpk. ahtqnehioe. MuiotunTèle et Vervjs sa don- 
nant la main. — %. HPAKAHS. Buste d'Hercule jeune, de face, 
la poitrine nue, avec sa. massue derrière la tête; dans le 
champ *IA. — KOI AÇ?)H. — ErP. 

xxv, 5. La Vulgate traduit constamment par Rabbath 
flliorum Artimon.— Amman, Bit- Amman ou Ammâna, 
fréquemment nommée dans les inscriptions assyriennes, 
désigne sans doute la ville elle-même et indirectement 
la contrée. Cf. Ammonites, t. i, col. 494, 497; F. Vigou» 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6« édit., 
t. nr, p. 461, 526; t. iv, p. 25, 34, 71, 88, 120. —Appelée 
Philadelphie, *i>.aSeX<jta, par les Grecs et les Romains, 
du nom de Ptolémée Philadelphe, roi d'Egypte (284-247), 
elle fut souvent encore désignée de son ancien nom, 
même par les écrivains grecs. Polybe, Hist., v, 71, 
l'appelle 'Paëa&âjiavot. Cf. Reland, Palestina, Utrecht, 
1714, p. 957-958. Eusèbe et saint Jérôme, Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, Rerlin, 1862, p. 306 et 307. 
Procope de Gaza assure que Philadelphie était [tou- 
jours] appelée Amman par les. indigènes, c'est-à-dire 
par tous les Orientaux en général. In Gen., c. xii et xix, 
t. lxxxvii, col. 349 et 378. — Le nom de Philadelphie 
n'a jamais été employé par les auteurs bibliques. Il 
disparut, avec les Grecs et les Romains, quand les Arabes 
eurent conquis la contrée (635) et le nom de 'Amman 
est resté jusqu'aujourd'hui le seul en usage dans le pays. 
II. Situation. — Rabbath-Ammon (fig. 211) était non 
loin de la limite [orientale] de Gad, au nordd'Hésébon,.et 



913 



RABBATH-AMMON 



914 



en face d'Aroër de cette tribu. Jos., xin, 25. Le site 
d'Aroèr n'est pas connu. D'après les indications de 
YOnomasticon, Ammon-Philadelphie se trouvait aiisud 
de Gérasa dont elle était séparée par le Jabôc; elle 
était distante, à l'ouest, de sept milles (=10472°") 
d'Abéla, l'ancienne Abel des Vignes; de huit milles 
(= 11968" 1 ) ou dix milles (16490 1 »), plus ou moins, 
d'Azor ou Iazer située elle-même à quinze milles 
(22440 m ) [au nord] d'Hésébon, et d'autant de Zên 
(localité inconnue) et de Ramoth en Galaad. Loc. cit. 
et p. 8 et 9, 200 et 201, 308 et 309. — Ptolémée, dans 
sa Géographie, v, 15, place Philadelphie dans la Cœlé- 



jardins bordaient la ville. Cf. El Muqaddasi, Géogra- 
phie, édit. Goeje, Leyde, 1874, p, 175, 192; Yaqût, Dict. 
géogr., édit. Wûstenleld, Leipzig, 1867, t. Il, p. 719-720; 
Abu'1-Féda, Géogr.,- édit. Renaud et Slane, Paris, 1840, 
p. 246-247. L'admiration des Arabes a été partagée par 
les explorateurs européens qui, après plusieurs siècles, 
sont revenus, dans le cours du dernier, visiter 'Am- 
man. Ses ruines en effet, avec celles de Djérai, sont 
les plus importantes et les plus belles que l'on trouve 
dans la contrée au delà du Jourdain. Elles se déve- 
loppent surtout an coté méridional de la colline où 
se trouve la citadelle. £Iies s'étendent sur une longueur 




210. — Plan de Rabbatb-Ammon. 
D'après Couder, The Survey of Eastern Palestine, Mémoire, 1889, vis-à-vis de la p. 20. 



Syrie, au 68° de latitude et au 3i"20' de longitude. — 
'Amman est en effet, d'après les géographes moderùes, 
au 31»57'30" de latitude nord et au 33°38' de longitude 
-est de Paris. 

III. Description. — Rabbath-Ammon, à l'époque de 
David, se composait de deux villes ou deux quartiers : 
« la ville des eaux, » 'îv ham-mâîm, et la ville où se 
trouvait la résidence royale ou la citadelle. L'une et 
l'autre avait, semble-t-il, sa muraille distincte. 
Of. II Reg., xn, 26-29. — Les écrivains arabes ne parlent 
qu'avec admiration des mines considérables et magni- 
fiques de 'Amman. La ville basse, arrosée par d'abon- 
dants cours d'eaux et des canaux, entourait la montagne 
sur laquelle s'élevait le château de Djâlût (Goliath). 
On remarquait le cirque de Salomon, et près de la rue 
<iu marché (sûq) une élégante mosquée. Des moulins 
Relevaient sur le bord de l'eau et de riants et. riches 



de pivs d'un kilomètre. Non loin du point de jonction 
des chemins venant de tfésbdn et de Car, prés de fa 
rivière canalisée, qui amène les eaux de 'aïn-' Amman, 
que l'on, peut considérer comme la source de la Zerqâ 
ou du Jaboc, on rencontre des vestiges qui paraissent 
une ancienne porte de ville. À cent cinquante pas au delà, 
on voit, sur le bord du chemin, une construction rec- 
tangulaire qui semble être un monument sépulcral. 
Bientôt, c'est Une suite de grands bâtiments dont les 
murailles sont souvent presque entières, basiliques, 
temples, églises chrétiennes, portiques, thermes, 
palais, boutiques qui se succèdent sur le parcours de 
la rivière. Un pont d'une seule arche en plein ceintre 
réunit les bords de celle-ci. A huit cents mètres de la 
porte, on] aperçoit à la droite du ruisseau et appuyé 
contre la colline qui borde au sud Vouadt-' Amman, 
un théâtre d'une admirable conservation. Une grande 



915 



RABBATH-AMMON 



916 



place rectangulaire, jadis entourée de colonnes corin- 
thiennes dont douze restent debout, précède l'amphi 
théâtre. C'est sans doute « le cirque de Salomon » 
auquel fait allusion El-Muqadassi. Six mille specta- 
teurs pouvaient s'y tenir. A l'est de la place, se trouve 
un petit théâtre couvert en odéon. Parmi les ornements 
dont est chargée la frise de l'entablement, on remarque 
la louve de Romulus et de Rémus. La plupart des cons- 
tructions paraissent être romaines et de l'époque des 
premiers Césars. — Plus bas, on rencontre un moulin. 
En cet endroit et sur un espace d'environ trois cents 
mètres, la rivière était recouverte d'une voûte et une 
belle muraille se développait sur la rive. Un édifice 
carré situé non loin du voisinage d'une mosquée 
ruinée semble être un monument sépulcral, que l'on a 
cru celui d'Urie. — La colline qui formait l'acropole 
domine au nord toutes ces ruines. Son altitude au- 
dessus de la mer Méditerranée est de 818 mètres- 
Elle s'élève ainsi de 102 mètres au-dessus de la ville 
basse dont l'altitude, près du théâtre, est de 776 mètres. 
La ville haute, appelée el-Qal'ah, « la citadelle », affecte 
la forme d'une équerre ou d'un L. Un fossé large et 
profond, coupant la croupe méridionale, limite la ville 
à l'orient. Le mur qui l'entourait, flanqué de quelques 
tours, était construit avec de gros blocs posés sans 
ciment, indice d'une haute antiquité. Une porte s'ou- 
vrait au sud en face de la ville basse et une seconde à 
l'ouest. Dans l'intérieur, on remarque les restes d'un 
grand temple dont les caractères architecturaux sont 
ceux de l'époque des Antonins. La ville semble avoir 
été renversée par un tremblement de terre. Plus au 
nord, s'élève entière parmi les ruines une construction 
disposée à l'intérieur en forme de croix grecque, à 
voûtes ogivales, et dont les murs sont décorés de pein- 
tures orientales, comme on en voit dans un grand 
nombre de châteaux du désert qui est à l'orient de 
Moab. Pour les uns c'est une mosquée, pour d'autres 
un édifice de la période des Sassanides; c'est, pensons- 
nous, un palais de l'époque chrétienne desGhassanides. 
De grandes citernes se rencontrent çà et là. — Des 
habitations particulières s'élevaient sur les flancs de fa 
colline, spécialement du côté de l'ouest. Les nombreux 
restes de constructions épars sur la colline qui fait face 
à la citadelle et sur les autres des alentours, semblent 
indiquer des villas dispersées dans les vignes et les 
jardins. Lesflancs des vallées dont Amman est entourée 
recèlent de nombreux tombeaux : les uns avec sarco- 
phages appartiennent aux temps gréco-romains, les 
autres offrent des dispositions et un travail identique 
aux sépultures hébraïques de la Judée. Parmi ces 
sépulcres l'un d'eux, situé vers l'est, et qui se fait 
remarquer par les proportions plus qu'ordinaires de sa 
couche funèbre, a été pris par des voyageurs pour 
« le lit » du roi Og, auquel l'Écriture fait allusion. Deut., 
iii,ll. 

IV. Histoire. — Les admirables conditions dans 
lesquelles se trouve le site de Amman, n'ont pu 
manquer d'y attirer les premiers occupants du pays 
qui étaient de la race des Raphaïm et étaient appelés 
les Zomzomrniu par les Ammonites. Deut., h, 20. Les 
fils d'Ammon cependant s'y étaient établis déjà et en 
avaient fait leur capitale à laquelle ils avaient donné le 
nom de . leur père, quand les Israélites, sortis de 
l'Egypte, arrivèrent avec Moïse sur les confins du pays 
de Moab. Le roi Og paraîtrait l'avoir occupé quelque 
temps auparavant. Cf. lbid. et m, 11. Deux siècles plus 
tard, Rabbath-Ammon, laissée par Moïse en la posses- 
sion des fils de Lot, dut voir arriver les parlemen- 
taires de Jephté demandant raison de l'envahissement 
des terres d'Israël par les Ammonites. Jud., xi, 12-28. 
Les députés de David, venus pour présenter les condo- 
léances du roi d'Israël au roi Hanon à propos de la 
mort de son père, y furent ignominieusement accueil- 



lis. C'est pour venger cette injure que Joab, avec- 
l'armée de David, vint l'assiéger l'année suivante. 
Maître de la ville basse, « la ville des eaux, » et sur le 
point de s'emparer de la ville haute, Joab appela Da- 
vid pour assister à l'assaut. Urie était mort pendant le 
siège, tué sous les murs, dans une sortie des assiégés 
prévue parle général israélite. D'immenses richesses 
étaient accumulées dans la ville royale, David s'en, 
empara et réserva la couronne du roi, du poids ou de 
la valeur d'un talent d'or, et chargée de pierres pré- 
cieuses, pour son propre usage. II Reg., x, xi, xii, 26- 
31 ; I Par., xx, 1-3. Rabbath devint un simple chef-lieu 
d'une province de l'empire de David, jusqu'après le 
schisme d'Israël. Au temps de Jérémie, Rabbath avait 
recouvré son indépendance. Le prophète reprocha à 
son peuple ses empiétements et lui annonça des châ- 
timents célestes. Jér., xlix, 1-6. Ezéchiel le menace 
du glaive du roi de Babylone. Celui-ci consultera le- 
sorl pour savoir s'il doit porter l'épée contre Rabbathr 
Ammon d'abord ou contre Jérusalem. Pour n'être pas- 
choisie la première, Rabbath n'échappera cependant 
pas à l'épée. Ezech., xxi, 19-22, 28-29. Les fils d'Ammon. 
ont applaudi avec fureur aux malheurs d'Israël et de 
Juda et à la profanation du sanctuaire du Seigneur, 
pour cela Rabbath sera livrée aux Benê-Qédém, c'est-à- 
dire aux Arabes, et deviendra la demeure de leurs- 
chameaux. Ezech., xxv, 1-7. En effet, la cinquième année- 
après la destruction de Jérusalem, raconte l'historien. 
Josèphe, NabachodoRosor marcha contre Ammon et 
Moab et les réduisit en sa puissance. Josèphe, Ant. }ud, r 
X, IX, 7. Ainsi, Rabbath perdait son indépendance pour- 
toujours. De la domination des Assyriens et des Chal- 
déens elle passa sous celle des Perses, et des mains- 
des Perses aux mains des Crées, des Romains et des^ 
Arabes. 

C'est sans doute la présence d'une colonie grecque 
installée à Rabbath aussitôt après la conquête de la. 
Transjordane (332), qui porta Ptofémée II Philadel- 
phe (258-247) à agrandir et à embellir la ville qui» 
fut alors appelée de son nom. Etienne de Byzance, 
Ethniques, au mot «ÊtXaSeXç/a. — Rabbath-Ammon- 
Philadelphie apparaît, avec son général d'armée, 
Timothée, comme l'adversaire le plus implacable des 
Juifs, pendant la guerre soutenue par ceux-ci contre 
l'hellénisme. Cf. I Mach., v; II Mach., vm-x, xn; Ant. 
jud., Xll, vm, 3-4. L'assassin de Simon Machabée, de 
sa femme et de ses fils, vint lui demander un refuge 
pour échapper aux vengeances de Jean Hyrcan, Ant. 
jud., X.111, vm, 1; Bell, jud., I, n, 4. Elle fut une 
des villes qui s'unirent, quand Pompée et les Romains 
se furent emparés de là Syrie (63), pour former la pe- 
tite confédération hellénique de la Décapole. Pline, 
H. N., v, 18. Cf. Décapole, t. n, col. 1333. Cependant 
à côté de l'élément grec s'en développait un autre 
mêlé à la population aborigène d'Ammon qui devait 
bientôt absorber ce dernier et le supplanter, en atten- 
dant qu'il restât seul maître de la ville : c'était l'élé-, 
ment arabe. Il devait être assez nombreux déjà, dès les- 
premiers temps de l'occupation macédonienne, pour- 
que Polybe, faisant allusion à cette époque, appelât,, 
loc. cit., Rabathamana une « ville d'Arabie ». Arétas,. 
roi des Arabes, qui avait pris parti pour Hyrcan II,. 
contre son frère Aristobule, menacé par Scaurus,, 
lieutenant de Pompée, acheté par celui-ci, se réfugia à. 
Philadelphie comme dans une ville qui lui appartenait. 
Bell, jud., I, vi, 3. Hérode, chargé par Antoine de ré- 
duire les Arabes à l'est du Jourdain, vint avec les Juifs, 
mettre le siège devant Philadelphie (31), où se trouvait 
le roi des Arabes. Repousses dans plusieurs sorties,, 
dans lesquelles plus de douze mille hommes avaient 
péri et quatre mille avaient été faits prisonniers, les- 
Arabes rendirent la ville et recomiurent le roi da, 
Judée pour patron (npaazixr^) de leur nation. BelL 



917 



RA.BBATH-AMMON 



RABBI 



918 



jvd., I, xix, 5. Suivant la parole de Jérémie, xlix, 2, 
ceux qui avaient été possédés possédaient à leur tour. 
Les Romains continuèrent à tenir Philadelphie pour 
une ville arabe. Pline, loc. cit. Saint Épiphane appelle 
la contrée environnante 1' « Arabie de Philadelphie ». 
Rabbath-Philadelphie peut être comprise parmi les villes 
de la Décapole où se répandit le bruit de la délivrance 
du possédé de Gérasa et qui envoyèrent des leurs en- 
tendre la parole du Sauveur. Matth., iv, 25; Marc, v, 
20; vu, 10. 11 est probable aussi que parmi les Arabes 
qui écoutèrent le discours de Pierre, le jour de la 
Pentecôte, Act., n, 11, se trouvaient des habitants de 
cette ville. Elle peut être encore un des lieux de 
l'Arabie où s'arrêta l'apôtre Paul, pendant les trois ans 
qu'il y resta après sa fuite de Damas, avant de se rendre 
à Jérusalem. Gai., i, 17. Quoiqu'il en soit, il n'est pas 
douteux que Rabbath-Ammon ne fût une des pre- 
mières cités évangélisées par les disciples mêmes du 
Christ. Les anciennes listes ecclésiastiques mention- 
nent Philadelphie la septième ville parmi les 33 sièges 
épiscopaux de la province d'Arabie dont Bosra était la 
métropole. Reland, Palsestina, p. 217, 219, 223, 226, 
228. 

Il semblerait que 'Amman était ruinée et abandonnée, 
quand y arrivèrent les Arabes musulmans (635). « Sa- 
luez les ruines désertes de 'Amman, dit un ancien poète 
cité par Ibn Khordâdbêh (c. 860), et demandez le cam- 
pement de Rab'a, s'il reviendra. » Les routes et les 
royaumes, édit. Goeje, Leyde, 1866, p. 56. « La ville a 
été détruite et le château et il n'y reste qu'un village 
de fellahin, » dit el-Yaqûby (c. 874), Géographie, édit. 
Juynboll, Leyde, 1851, p. 113. Les nouveaux conqué- 
rants n'avaient cependant pas tardé à l'occuper. Dès le 
principe, en effet, 'Amman est indiquée comme la ca- 
pitale de la Belqd, c'est-à-dire de la province compre- 
nant, avec l'ancien territoire de l'Ammonitide, toute la 
région au sud de la Zerqà ou le Jaboc qui avait appar- 
tenu à la tribu de Gad et à Ruben et parfois à Moab. 
Abandonnée de nouveau, après les Croisades, elle 
n'était plus qu'un parc où venaient parfois camper, 
avec leurs chameaux, les Bédouins du désert de l'est. 
C'était l'accomplissement parfait de .la prophétie 
d'Ézéchielj xxv, 5. Eu 1878, le sultan de Constanti- 
nople a livré les ruines de 'Amman et la contrée des 
alentours aux Circassiens fanatiques qui refusaient de 
demeurer dans leur pays conquis parles Russes. Ils ont 
établi leurs huttes informes au milieu des temples et 
des palais de l'antique Philadelphie. La présence de 
ces sauvages habitants est loin-de rélever l'aspect des 
ruines et d'être une protection pour elles. Une gare 
portant le nom de 'Amman vient d'être construite non 
loin de la ville, sur la ligne du chemin dé fer de Damas 
à la Mecque. 

V. Bibliographie. — N. .T. Seetzen, Reisen dure h 
Syrien, Palâstina, etc., édit. Kruse et Fleischer, 
4 in-8», Berlin, 1854-1859, t. i, p. 396-397; t. iv, 212- 
216 ; J. Z. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy 
Land, in-4», Londres, 1822, p. 356-360; V. de Saulcy, 
Voyage en Terre-Sainte, 2 in-8", Paris, 1865, t. i, 
p. 241-270; Cl. R. Conder, The Survey of Èastem 
Palestine, Menwirs, 2 in-4°, Londres, 1889, t. i, 19-64; 
Id., Heth and Moab., in-12, Londres, 1885, p. 157-161, 
167; Guy le Strange, Palestine under the Moslems, 
in-8», Londres, 1890, p. 391-395; 274-286; Id., A ride 
through 'Ajlûn and the Belkd during the autumn Of 
i884, dans G. Schumackcr, Across the Jordan, in-8% 
Londres, 1886, p. 308-311. L. Heidet. 

2. RABBATH MOAB, nom donné au iv e siècle par 
Eusèbe à la capitale des Moabites et probablement 
usité déjà à l'époque. biblique, quoiqu'on ne le ren- 
contre pas dans les livres de l'Ancien Testament où 
elle est appelée kt, Xrl&oaV.'SsÂî ta.,\.\,«»\.SflAu 



RABBI (>3i, (Saêë! ou pa6êet)> de la racine rab, 
« grand », avec le pronom suffixe de la première 
personne du singulier, î. Mot hébreu, qui signifie à la 
lettre « mon grand »; puis, d'après un usage spécial : 
mon maître, mon professeur. C'était un titre d'honneur 
et de respect, analogue à Magister, Doctor. Cf. S. Jé- 
rôme, In Matth., xxm, 7, t. xxvi, col. 165. On le 
donnait chez les Juifs aux docteurs de la loi, à l'époque 
de Notre-Seigneur, lorsqu'on les saluait ou qu'on leur 
adressait la parole. Cf. Matth., xxm, 7. Le suffixe l 
perdît graduellement sa valeur pronominale, surtout 
lorsqu'on plaçait le mot rabbi devant un nom propre : 
Rabbi Akiba, Rabbi Samuel, etc. C'était, dans ce cas, 
une expression semblable à notre « Monsieur». Peu à 
peu aussi ce titre se généralisa, et on l'appliqua non 
seulement aux docteurs officiels, mais à quiconque 
groupait autour de lui des élèves, pour les instruire 
dans la science religieuse d'Israël. Voilà pourquoi Jean- 
Baptiste était appelé rabbi par ses disciples, Joa., m, 
26, de même que Jésus recevait habituellement ce nom 
de la part soit de ses familiers, Matth., xxvi, 25, 49; 
Marc, ix, 5; xi, 21; Joa., î, 38; iv, 31; vi, 25; ix,2, etc., 
soit aussi d'autres personnes, Marc, x, 51 ; Joa., xx, 
16, etc. 

Il est employé une douzaine de fois sous sa forme 
hébraïque dans les Évangiles selon saint Matthieu, selon 
saint Marc et selon saint Jean; mais très souvent aussi, 
dans ces mêmes écrits, il est remplacé par son équi- 
valent grec ii5iay.ale; Vulgate: magister. Cf. Matth., 
vm, 19; xxn, 16, 24, etc.; Marc, iv, 38; ix, 17; x, 35, 
etc.; Joa., 1, 39; vin, 4; xx, 16. Saint Luc ne le cite 
jamais sous sa forme étrangère, conformément à un de 
ses principes littéraires. Cf . L. Cl. Fillion, Évangile selon 
saint Luc, Paris, 1882, p. 17. 11 dit, lui aussi, SiÔâaxaXe 
(douze fois), ou bien, èiuaTâta (six fois : Luc, v, 5; vin, 
24, 45; îx, 33, 49; xvn, 13; Vulgate ■prxceptor). Fré- 
quemment aussi, par exemple Matth., vm, 21, 25, le 
mot rabbi est traduit en grec par x-jpie; Vulgate : Do- 
mine. 

On ne saurait déterminer l'époque exacte à laquelle 
ce titre honorifique commença à être employé avec 
celte signification spéciale. Les Talmudistes étaient 
déjà en désaccord sur ce point. Quelques-uns d'entre 
eux, avec l'exagération dont ils sont coutumiers, en fai- 
saient remonter l'origine jusqu'à Élie. Leur principal 
argument consistait dans le texte IVReg. , n, 12, où Elisée, 
s'adressant au prophète son maître, s'écrie, d'après la 
traduction du Targum : Rabbi, rabbi (dans l'hébreu : 
'Abî, 'âbi, « mon père, mon père »). D'après l'opinion 
la plus vraisemblable, c'est dans le siècle qui précéda 
la naissance de Notre-Seigneur que cet usage fut 
introduit. Voir Schûrer, Geschichte des jûdischen 
Volkes, t. n, 3» édit., p. 316. On le trouve très souvent 
dans la Mischna. Cf. Nedarim, IX, 5; Beraeholh, II, 
5-7; Pesachim, vi, 2; Baba kama, vm, 6, etc. Chez les 
Juifs de Babylone, on disait d'ordinaire Rab au lieu de 
Rabbi. 

Nous savons par l'Évangile, Matth., xxm, 7, que les 
docteurs de la loi tiraient beaucoup de vanité du titre 
de rabbi, auquel ils attachaient un grand prix. C'était 
d'ailleurs un principe^u'on ne devait jamais interpeller 
un de ces savantsypar son nom personnel. Voir Chr. 
Schœttgen, Horse hebr. et talmud., 1733, t. 1, p. 386. 
On employait aussi, à l'époque de Jésus-Christ, mais 
très rarement, les titres Rabbân ou Rabbôn, forme 
intensive de rab. On ne cite que sept grands docteurs 
de la loi auxquels ils aient été appliqués d'une ma- 
nière officielle; le premier de tous aurait été Gama- 
liel, le maître célèbre de saint Paul. On disait alors 
proverbialement, pour marquer les nuances des mots 
rabbân, rabbi et rab, usités comme titres de res- 
pect : Major est Rabbi guam Rab, et major est Rab 
\kj», qvwMw Rfl&6v Voir Nathan ben Jechiel, Aruclt, 



919 



RABBI — RABSACËS 



920 



au mot Abi; Dessauer, Aramâisches Wôrterbuch, 
p. 216. 

C'estdu mot rabbi que dérive le substantif « rabbin », 
qui sert à désigner actuellement les ministres princi- 
paux du culte judaïque, dont les fonctions sont de 
• prêcher, de célébrer les mariages, etc. De rabbi vient 
aussi, d'après la prononciation ribbi ou rebbi, qu'on 
rencontre sur des inscriptions juives relativement 
récentes, le titre rebb, octroyé par les juifs contempo- 
rains à quiconque, chez eux, possède quelque connais- 
sance du Taîmud. Voir la Revue des Études juives, 
t. vi, p. 205; Corpus inscript, lalin,, t. îx, n. 648 et 
6220; L. Kompert, Scènes du Ghetto, trad. franc., 
Paris, 1859, p. 11, n. 1. 

Bibliographie. — Buxtorf, De abbrevialuris hebrai- 
cis, Bâle, 1640, p. 172-177; W. mil, De Hebrœorum 
rabbinis seu magistris, léna, 1746, in-4»; ,1. A. Othon, 
Lexicon rabbinico-philologicum, in-12, Altona, 1757, 
p. 560-563; J. Hamburger, Real-Encyclopâdie furBi- 
bel und Talmud, in-8°, t. n, Strelitz, 1883, p. 943-944; 
J. Levy, Neuhebrâisches und chaldâisches Wôrterbuch 
ùber die Talmudim und Midraschim, in-4», t. iv, 
Leipzig, 1889, p. 409-410, 416-417; G. Dalman, Die 
Worte Jesu, in-8», t. i, Leipzig, 1898, p. 267-268, 272- 
280; Leopold Loew, Gesammtl. Schriften, in-8», t. iv, 
1898, p. 211-216. L. Fillion. 

RABBINIQUES (BIBLES). On appelle ainsi les 
éditions de la Bible hébraïque qui contiennent avec le 
texte original les commentaires de rabbins célèbres. 
On leur donne aussi le nom de mVni mNipn, Mi- 
gr'aôt gedôlôt, « grandes Bibles ». — 1» La première 
Bible rabbinique est celle de Bomberg, 4 in-f» ou in-4°, 
Venise, 1516-1517, dont Félix Pratensis dirigea l'im- 
pression, t. n, col. 2187. Voir Bomberg, t. i, col. 1844. 
— 2» Cette première édition, ayant été critiquée par les 
juifs, Bomberg en publia une seconde, également à Ve- 
nise, 4 in-f», 1524-1525, sous la direction de Jacob ben 
Chayim (né à Tunis vers 1470, converti au christia- 
nisme dans sa vieillesse et mort vers le milieu du 
xvi» siècle). — 3» Une nouvelle édition de la Bible de 
Bomberg, avec des modifications, fut publiée à Venise 
en 1546-1548 sous la direction de Cornélius Adelkind 
(t. i, col. 215). — 4° La quatrième édition de la Bible 
de Bomberg, 4 in-f°, Venise, 1568, par Jean de Gara, 
fut revue par Isaac ben Joseph Salam et Isaac ben 
Gerson Trêves et éditée avec divers changements. — 
5° La cinquième édition, publiée à Venise, 4 in-f», 1617- 
1619, par Pietro et Lorenzo Bragadin, sous la direc- 
tion de Léon de Modène (né à Venise, le 23 avril 1571, 
mort dans cette ville en 1648) et d'Abraham Chaber- 
Tob ben-Solomon Chayim Sopher. C'est à peu de 
chose près une reproduction de la précédente. Elle 
porte l'imprimatur du censeur René de Modène, 
1626.. — 6° La sixième édition, éditée par Jean Buxtorf, 
parut à Bâle., 2 in-f», 1618-1619. — 7» La septième édi- 
tion, connue sous le nom de Bible d'Amsterdam, fut 
éditée dans cette ville en 4 in-f°, 1724-1727, par Moses 
Frankfurter. C'est la plus estimée des Bibles rabbi- 
niques. Elle a pour base les éditions de Bomberg et 
«lie reproduit tout ce qu'elles contiennent, ainsi que 
ce qui se trouve dans la Bible de Buxtorf, avec des 
additions nouvelles, Onkelos, la grande Massore, les 
commentaires de Raschi, d'Abenesra, de Kimchi, etc.; 
les variantes des manuscrits orientaux et occidentaux, 
les différences du texte de Ben-Ascher et de Ben-Naph- 
thali, recueil important pour la critique du texte 
hébreu. — 8° Mentionnons une dernière Bible rabbi- 
nique publiée à Varsovie par Lebenson, 12 petits in-f», 
1860-1868, qui renferme, -outre le texte hébreu, les 
Targums, la grande et la petite Massore, les variantes 
de Ben-Ascher et de Ben Naphthali, et divers commen- 
taires dus à des rabbins. 



RABBONI. C'est le mot rabbân ou rabbôn, avec le 
suffixe î; plus simplement peut-être, ' d'après divers 
auteurs, une autre forme de rabbi. Voir ce mot. Dans 
le grec des Évangiles, paëoovî d'après le texte reçu, 
Vulgate : rabboni; paëëouvi ou paëëovivei d'après de 
nombreux manuscrits. Ce titre apparaît deux fois seu- 
lement dans le Nouveau Testament. 1» Marc, x, 51, 
l'aveugle de Jéricho s'écrie : « Rabboni, que je voie. » 
2° Joa., xx, 16, Marie Madeleine interpelle par ce même 
nom le Sauveur ressuscité, après l'avoir reconnu dans 
le jardin. Saint Jean traduit rabboni par StSioxaXs. — 
Voir J. Dalman, Die Worte Jesu, in-8», t. î, Leipzig, 
1898, p. 279. L. Fillion. 

RABBOTH (hébreu : hd-Rabbif; Septante : Codex 
Vaticanus .•AaêeipoSv; Codex Alexandrinus : PaggtM), 
ville de la tribu d'Issachar, mentionnée une seule fois 
dans la Bible, Jos., xix, 20. Elle se trouve citée entre 
Anaharath, aujourd'hui très probablement En-Na'urah, 
sur la partie septentrionale du Djebel Dâhy, et Césion, 
appelée aussi Cédés, et représentée sous ce dernier 
nom par Tell Abu Qudéis, au sud-est d'El-Led/djûn. 
Voir la carte d'Issachar, t. m, col. 1008.. Mais ces deux 
points ne nous servent guère pour l'identification de 
Rabboth. Il faut descendre jusqu'au sud-est de Djénîn 
pour rencontrer un nom correspondant à celui-là. Ce 
nom est Râbd, qui représente bien l'antique dénomi- 
nation. Le village n'a aucune importance; on remarque, 
au nord-ouest, des citernes parmi des ruines. Cf. 
V. Guérin, Samarie, t- î, p. 336; Survey of Western 
Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. H, p. 227- 
228;'A. Buhl, Géographie des allen Palàstina, Leipzig, 
1896, p. 204. Cette identification est regardée au moins 
comme probable par les différents auteurs. Rabbît fut 
une des villes prises par Sésac du temps de Roboam. 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
6 e édit., 1904, p. 422. A. Legendre. 

RABDOMANCIE, divination au moyen de bâtons 
ou d'objets analogues. — II en est question dans deux 
passages bibliques. Ezech., xxi, 26; Ose., IV, 12. D'après 
saint Jérôme, In Ezech., vu, 21; In Ose., î, 4, t. ,xxv, 
col. 206, 850, il y est "en effet question de bélomancie 
et de rabdomancie, divination par les traits ou par les 
bâtons. Le bârû ou devin babylonien « levait le cèdre, » 
c'est-à-dire probablement un bâton de ce bois servant 
à ses présages. Cette verge divinatoire parait désignée 
dans les textes par le mot gU-Hm. Cf. Martin, Textes 
religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 220, 
228; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, 
Paris, 1905, p. 236. Chez les Arabes nomades, le prêtre 
rendait des oracles pour indiquer ce qu'il y avait à 
faire, par exemple entreprendre la guerre ou y renon- 
cer. La réponse était fournie au moyen de flèches ou de 
• bâtons. Cf. Lagrange, Études, p. 218. Le bâton sémi- 
tique a quelque analogie avec le lituus de l'augure ro- 
main, bâton recourbé en crosse et servant à tracer des 
lignes idéales dans le eiel pour deviner l'avenir. Cf.'Ci- 
céron, Divinat., 1, 17; Tite Live, I, 18. Le bâton du 
bàrû et celui de l'augure n'avaient qu'un pouvoir ma- 
gique ou fictif. La rabdomancie à laquelle les pro- 
phètes font allusion n'était en réalité qu'un appel au 
sort. Le Prqtévangile de Jacques, 8, 9, imagine une 
scène de rabdomancie compliquée de surnaturel pour 
expliquer le choix de Joseph comme époux de Marie. 
Le Coran, m, 39, se réfère à ce récit. Voir Divination, 
t. H, col. 1444. H. Lesêtre. 

RABSACÈS, hébreu : nptfai, rabsaqêh; Septante : 
'PaëoixY);, Pa^âxTi;. Ce mot n'est ni un nom propre 
comme l'avaient admis beaucoup de versions et d'inter- 
prètes anciens, ni un composé hébreu signifiant « grand 
échanson » formé de rab, « grand, chef », et saqêh 



921 



RABSACÈS — RACHAT 



922 



pour masqêh, « échanson », comme l'expliquaient jus- 
qu'à maintenant les exègètes modernes (échanson, 
masqêh, et prince des éehansons, sar ham-maiqîm se 
trouvent dans Genèse, XL, 1 et 9) : c'est un titre assyrien 
d'officier de rang supérieur, bien que placé au-dessous 
du tartan ou tur-ta-nu, dans les textes cunéiformes 
comme dans la Bible, IV Reg., xvm, 17; Is. xxxvi, 12. 
Ce titre paraît ainsi soit dans la liste des officiers assy- 
riens, The'tCuneiform Inscriptions of Western Asia, 
t. il, pi. xxxi, col. i, n. 5, 1. 34, soit dans les listes chro- 
nologiques des éponymes (12° éponymie de Ramman- 
nirar, roi d'Assyrie, en 799), soit dansles annales rela- 
tant les guerres des monarques assyriens : c'est ainsi que 
Théglathphalasar, The Cun. Inscrip. of West. Asia, 
-t. il, pi. lxvii, 1. 66, mentionne l'envoi d'un rab-sak 
comme ambassadeur chargé de recevoir le tribut de 
Metenna ou Mathon, roi de Tyr. Le premier élément du 
mot signifié « grand, chef », et le second sak-(u), 
synonyme.de rie-su signifie « tête, chef, officier». Dans 
la sommation envoyée à Ézéchias par Sennachérib retenu 
au siège de Lachis, c'est le. rab-sak qui prend la parole, 
bien qu'il n'occupe dans la liste des officiers que le 
troisième rang; outre l'assyrien, il est représenté 
comme parlant l'araméen et l'hébreu : le3 envoyés 
d'Ezéchias le prient d'employer l'araméen pour ne pas 
décourager la population hiérosolymitaine qui l'écoute, 
mais il persiste à employer l'hébreu, et redouble d'in- 
solence : il paraît même renseigné sur les réformes reli- 
gieuses d'Ezéchias qui a fait partout supprimer les 
hauts-lieux et les autels érigés à Jéhovah pour ne 
laisser subsister que l'autel de Jérusalem : il semble 
avoir aussi connaissance des oracles d'isaïe, vin, 7, 8; 
x, 5, 6, lorsqu'il affirme que c'est sur l'ordre de Jého- 
vah que Sennachérib' marche contre Jérusalem, IV (II) 
Reg., xvm, 25. À la "vérité il a pu dire ces choses de lui- 
même pour effrayer davantage les sujets d'Ezéchias. Les 
Juifs du temps de saint Jérôme, In ls., xxxvi, t. xxrv ; 
col. 380, prétendaient sur ces légers indices que c'était 
un fils d'isaïe, transfuge et apostat. Voir Schrader- 
Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the 
OU iTest., t. il, 1888, p. 34; Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, p. 23-24, 50; 
G. (Rawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. il, 
p. 165. E. Pannier. 

RAB-SARIS (hébreu ono-ai, rab-sâris), dans 

Jer., Septante : 'Paëuapi; (Na6ouoapt«); Vulgate : Rab- 
saris, dans Jer., xxxix, 3, 13; Rabsares, dans IV Reg., 
xvm, 17, dans Daniel, i,;3, 7, 8 [avec le second élément au 
plurfel rab-sarisim ; Septante : àp^isuvoûxoç; Vulgate: 
prœpositus eunuchorum, voir Asphenez, 1. 1, col. 1124]), 
titre analogue à rab-saces, indiquant un emploi élevé à 
la cour des rois d'Assyrie ou de Babylone : l'hébreu le 
traite comme signifiant « grand eunuque » ou « chef 
des eunuques », et c'est le sens donné à ce mot par tous 
les anciens interprètes : mais on constate en différents 
passages que le terme d'eunuque perd souvent le sens 
étymologique pour garder la signification plus large 
d' a officier de la cour >>. Voir Eunuque, t. il, col. 2044. 
— Les textes cunéiformes transcrivent ce titre en trois 
éléments rubu sa riesuj riêsu ou rêsu ayant le sens de 
« tête, chef prince », l'appellation complète signifie 
« chef des princes », ce qui cadre avec le récit de Daniel 
où il a la garde des enfants « de race royale », Dan., i, 3, 
resu étant synonyme de sak, saku. Rab-saris est donc 
analogue au terme rab-sacés; mais la vocalisation est 
différente et, semble-t-il aussi, la fonction. Le titre se 
trouve dans une inscription du Musée Britannique 82-7- 
14, 3570, publiée par Pinches, The Academy, 25 juin 
1892. On le trouve également dans une inscription bi- 
lingue, babylonienne et araméenne, attribuée à un Nabu- 
sar-ussur, limu ou éponyme en 683; mais le titre ne se 



trouve que dane la partie araméenne, où il est transcrit 
exactement comme dans l'hébreu, Dicai, tablette 81-2- 
4, 147. Berger, Comptes rendus de l Académie des 
inscriptions et belles-lettres, 1886, p. 201; Corpus ins- 
cript, semiticarum, t. I, fasc. i/p. 43-44. Jusqu'à pré- 
sent, il ne s'est rencontré que rarement dans les textes 
cunéiformes; dans la Bible, il est mentionné plusieurs 
fois; pour un officier assyrien de Sennachérib, entre 
le tartan et le rabsacés; pour des officiers babyloniens, 
Sarsakim et Nabusezban, Jer., xxxix, 3, 13; pour Asphe- 
nez, Babylonien chargé de l'éducation des jeunes Hé- 
breux à la cour ,de Nabuchodonosôr, Dan., i, 3. Voir 
Vigouroux, La Bible et \les découvertes modernes, 
6 e édit., t. iv, p. 23; T. G. Pinches, dans Hastings, Dic- 
tionary of the Bible, t. iv, p. 191. E. Pannier. 

RACA, mot adressé au prochain pour l'insulter. — 
Ce mot se rattache à l'araméen rêqâ' et à l'hébreu rêq, 
qui signifient « vide, vain », et, d'après saint Jérôme, 
In Matth., I, 5, t. xxvi, col, 37, équivalent ici à l'in- 
jure habituelle : « sans cervelle ». Les rêqîm sont sou- 
vent des « gens de rien ». Jud., IX, 4; XI, 3; II Reg., 
VI, 20. Notre-Seignèur renvoie au tribunal local celui 
qui s'irrite contre son frère, au tribunal suprême ou 
sanhédrin celui qui lui dit : « raca !» et à la géhenne 
du feu celui qui lui dit : « fou ! » Matth., v, 22. Le 
mot « raca », d'après la gradation des peines, constitue 
donc une injure intermédiaire entre la simple colère 
et l'appellation de « fou ». La tète vide est en effet moins 
responsable que la tête folle, c'est-à-dire celle qui se 
sert de sa raison pour faire le mal. Fou est pris dans le 
sens d'impie. Cf. Ps. xm, 1. Voir Fou, t. n, col. 2330. 

H. Lesëtre. 

RACHAL (hébreu : Râkâl; Septante : Codex Alexan- 
drinus : 'Pax^), ville de Juda, à laquelle David en- 
voya de Siceleg une part du butin qu'il avait pris sur 
lés Amalécites. I Reg., xxx, 29. Elle n'est mentionnée 
qu'en ce seul endroit de l'Écriture et est complètement 
inconnue. Cependant les Septante, en ajoutant plusieurs 
noms, placent ici une ville de Carmel. On suppose donc 
que, au lieu de hzis, be-Râkdl, « à ceux qui étaient à 

T7 î 

Râkâl, » il faudrait lire : Sïnss, be-Karmél, toïç êv 

Kap t"iX(p, « à ceux qui étaient à Carmel. » Il s'agirait 
alors de la ville de ce nom, dont il est question Jos. 
XII, 22; xv, 55, et qui est représentée aujourd'hui par 
les ruines appelées Khirbet Kermel, à environ quinze 
kilomètres au sud d'Hébron. Voir CarmélI, t. n, col. 288. 
Cette hypothèse, acceptée par bon nombre d'exégètes 
est plausible, malgré les obscurités du texte grec dans ce 
passage. A. Legendre. 

RACHAT (hébreu ; ge'ullâh; Septante : Xûipov; 
Vulgate : redemptio), compensation fournie en échange 
de ce que l'on veut garder ou recouvrer. Le prix du 
rachat s'appelle kofêr, Exod., xxi, 30, pedûyyîm, 
Num., in, 46, ou pidyôn, Num., m, 49, X^ipov, pré- 
tiurn. — Sur le rachat des esclaves, voir Esclave, t. n, 
col. 1923. — Sur le rachat de certains délits, voir 
Amende, 1. 1, col. 476, — Le rachat pouvait porter sur les 
personnes, les animaux ou les choses. 

1» Rachat des peysDmn.es. — Tout fils premier-né ap- 
partenait au Seigneur et devait être racheté. Exod., xm, 
13; Num., m, 49, etc. Voir Premier-né, col. 602. En 
dehors du premier-né, un Israélite quelconque, homme 
ou femme, pouvait se consacrer ou être consacré par 
vœu au Seigneur. La consécration par immolation 
effective, comme la comprit Jephté, Jud., xi, 31-39, 
était contraire à la Loi. D'autre part, ceux qui étaient 
consacrés par vœu ne pouvaient être employés au ser- 
vice du Temple, puisque ce service était réservé aux 
Lévites. Quelques uns donnaient suite à leur consécra- 
tion en professant le nazaréat. Voir Nazaréat, t. iv, 



923 



RACHAT 



924 



col. 1515. Le plus grand nombre profitaient de la faculté 
de rachat accordée par la Loi. Ce rachat se faisait à 
prix d'argent et la somme variait selon l'âge et le sexe 
des personnes. On payait pour un homme de 20 à 60 
ans, 50 sicles d'argent (175 francs, le sicle valant à peu 
près 3 €r. 50); pour une femme, 30 sicles (105 fr.); de 
5 à 20 ans, pour un garçon, 20 sicles (70 fr.), et pour 
une fille, 10 sicles (35 fr.); d'un mois à cinq ans, pour 
un garçon, 5 sicles (17 fr. 50), et pour une fille, 3 sicles 
(10 fr. 50J; au-dessus de 60 ans, pour un homme, 
15 sicles (52 fr. 50), et pour une femme, 10 sicles (35 fr.). 
Suivant l'âge, les hommes payaient donc successive- 
ment 5, 20, 50, et 15 sicles, et les femmes, 3, 10, 30, et 
10 sicles. Cette gradation n'est pas proportionnelle au 
travail qu'on peut fournir, puisque d'un mois à cinq 
ans l'enfant n'est capable de rien. Elle s'inspire de la 
prééminence de l'homme sur la femme et de celle de 
l'âge mûr sur l'enfance et la vieillesse. Ces prix 
n'étaient payés qu'une fois, le texte ne supposant au- 
cune redevance périodique, à moins, sans nul doute, 
que le vœu n'ait été renouvelé, rendant ainsi possible 
de nouveaux rachats. Les pauvres ne pouvaient aisément 
payer les taxes, relativement élevées. La Loi s'en 
remettait alors à l'estimation du prêtre, qui fixait le 
prix du rachat proportionnellement aux moyens de 
l'intéressé. Lev., xxvm, 3-8. — En aucun cas, l'on ne 
pouvait racheter les personnes frappées de hêrém, 
c'està-dire vouées à l'anathème par Dieu ou ses repré- 
sentants autorisés, et par conséquent condamnées à 
périr. Lev., xxvn, 28, 29. Voir Anathème, t. i, col. 545- 
547. 

2° Rachat des animaux. — Les premiers-nés des ani- 
maux domestiques, behêmâh, {JouxoXt'a, pecora, appar- 
tenaient au Seigneur. On immolait, sans pouvoir les 
racheter, ceux qui étaient admis dans les sacrifices, 
veaux, agneaux et chevreaux. Exod., xili, 13; xxxiv, 19; 
Num., xviii, 17. Si quelqu'un de ces . animaux était 
impropre aux sacrifices à raison de quelque défaut, on 
ne le rachetait pas davantage, quoi qu'en pensent 
plusieurs auteurs, cf. De Hummelauer, In Exod. et 
Levit., Paris, 1897, p. 139, 547; la Loi prescrivait de 
le manger comme ou mange la gazelle ou le cerf, sans 
l'offrir en sacrifice à Jéhovah. Deut., xv, 21,22. On 
devait racheter le premier-né de l'animal impur. 
Num., xvm, 15. Par animal impur, il faut entendre 
ici le cheval, l'âne et le chameau, d'après Philon, De 
prim. sacerdot., 1, édit. Mangey, t, h, p. 391. Le rachat 
se taxait sur l'estimation du prêtre, avec majoration 
d'un cinquième. Lev., xxvu, 27. D'après Josèphe, 
Ant. jud., IV, iv, 4, la taxe était pratiquement fixée à 
un sicle et demi (5 fr. 25). Si l'animal n'était pas ra- 
cheté, les prêtres le vendaient sur leur estimation. On 
obviait probablement à ce que l'Israélite ne fût pas 
amené, par avarice, à préférer l'abandon au rachat. 
Une règle spéciale concernait le rachat de l'âne; on 
pouvait donnera sa place un agneau, et, faute de ra- 
chat, on lui brisait la nuque. Exod., xin, 13;xxxiv, 20. 
Cette exception s'inspirait de la grande utilité que pro- 
curaient les ânes dans un pays comme la Palestine, où 
ils constituaient à peu près la seule iranture possible et 
où ils rendaient de si grands services. Voir Ane, t. i, 
col. 568. De plus, l'ânesse porte onze mois et la brebis 
seulement cinc^. 11 \ avait donc grand intérêt à substi- 
tuer un agneau à un ânon. 11 n'est pas ici question des 
animaux sauvages que l'on pouvait cependant manger, 
comme le cerf, la gazelle, le chevreuil, l'antilope, etc., 
parce qu'il n'était pas au pouvoir de l'Israélite de dis- 
cerner et de prendre leurs premiers-nés. Le porc est 
également passé sous silence, parcequ'il ne peut servir 
qu'à la nourriture, que cette "nourriture était expres- 
sément prohibée et qu'en conséquence les Israélites 
n'élevaient pas ce genre d'animaux. On pouvait aussi 
offrir, en dehors des premiers-nés, un animal quelcon- 



que à Jéhovah. S'il était de ceux qui convenaient aux 
sacrifices, on n'avait le droit de le remplacer que par 
un équivalent. S'il n'était pas de nature à être offert, le 
prêtre en estimait le prix, et le propriétaire qui désirait 
le reprendre payait ce prix majoré d'un cinquième. 
Lev., xxvn, 12, 13. Cette majoration tendait sans doute 
à empêcher des retours trop fréquents sur la posses- 
sion de ce qu'on avait voué. 

3° Rachat des choses. — 1. Champs. La propriété 
qu'un Israélite, pressé par la pauvreté, cédait en tout 
ou en partie, pouvait être rachetée par son parent le 
plus proche, voirGôÊL, t. m, col. 260, ou par lui-même, 
quand il en retrouvait le moyen. En pareil cas, le taux 
du rachat se calculait d'après le nombre d'années qui 
devaient s'écouler avant l'année jubilaire, époque à' 
laquelle chacun rentrait en possession de son patri- 
moine familial. Lev., xxv, 25-28. Voir Jubilaire (Année), 
t. ni, col. 1752. — Un Israélite pouvait aussi consacrer 
à Jéhovah, par vœu, une partie de ses champs. Mais 
comme les propriétés étaient inaliénables, on n'en con- 
sacrait en réalité que les revenus jusqu'au prochain 
jubilé. La valeur du don se calculait à raison de 
50 sicles d'argent par chômer de semence d'orge. En 
admettant la valeur du sicle à 2 fr. 50, celle du chômer 
à 388 litres 80, et le rendement moyen d'un chômer de 
semence à 20 chômer de récolte, on a chaque année 
7776 litres de grains pour 175 francs, soit 44 litres 
pour 1 franc. A l'époque d'Elisée, le bas prix de deux 
séah d'orge était d'un sicle, soit environ 26 litres pour 
3 fr. 50 ou 7 litres et demi pour 1 franc. IV Reg., vu, 
1. Le prix fixé par la loi concernant les vœux était donc 
extraordinairement faible, ce qui devait à la fois faci- 
liter la vente des grains ainsi consacrés et éviter aux 
prêtres la tentation de s'enrichir à l'aide de pareils 
vœux. Celui qui voulait racheter son champ payait donc 
la redevance indiquée par chômer de semence pour 
chaque année, c'est-à-dire, si l'on était alors à l'année 
jubilaire, pour le temps qui devait s'écouler jusqu'à la 
suivante année jubilaire, soit pour 43 ans, en défal- 
quant les années sabbatiques, ou autrement selon le 
nombre d'années qui restaient avant le prochain jubilé. 
De la teneur du texte et de la faiblesse de l'évaluation 
en argent, il ressort en effet avec évidence que le prix 
indiqué devait être annuel. Lev., xxvn, 16-18. Pour ra- 
cheter son champ voué au Seigneur, l'Israélite payait 
donc la redevance, mais avec une majoration d'un cin- 
quième. Si l'Israélite ne payait pas le prix du rachat et 
que le prêtre fût obligé en conséquence de vendre le 
champ à un autre, le champ ne revenait plus au pre- 
mier propriétaire l'année du jubilé, mais il restait à 
Jéhovah et passait dans le domaine du prêtre. *Lev., 
xxvn, 20, 21. Cette clause devait faire réfléchir celui 
qui hésitait à payer ses redevances votives; il y allait 
pour toujours de son bien patrimonial. Enfin, celui 
qui avait acheté un champ à son frère pauvre pouvait 
aussi consacrer ce champ à Jéhovah. Mais, en pareil 
cas, le champ revenait toujours au propriétaire primi- 
tif l'année du jubilé, et, pour que le vœu ne restât pas 
sans exécution assurée, celui qui l'avait fait payait sur 
le champ le prix total du rachat, suivant le nombre 
d'années qui restaient jusqu'au jubilé. Lev., xxvn, 22- 
25. — 2. Maisons. Celui qui vendait une maison entou- 
rée de murs conservait le droit de rachat pendant 
toute une année. Ce temps révolu, la maison apparte- 
nait au nouvel acquéreur à titre définitif, et ne reve- 
nait pas au propriétaire primitif à l'époque du jubilé. 
Cette mesure ne troublait pas l'ordre des patrimoines, 
parce que les habitants des villes murées ne vivaient 
pas sur le domaine familiaL Les maisons des villages 
non entourés de murs suivaient au contraire le sort des 
champs environnants et revenaient au propriétaire pri- 
mitif à l'époque du jubilé; aussi, n'était-il pas besoin 
d'accorder à ce dernier toute une année de réflexion 



925 



RACHAT 



RACHEL 



926 



avant qu'il prît sa résolution définitive. Par exception, 
les lévites avaient sur leur maison un droit de rachat 
perpétuel, et celles-ci leur revenaient toujours à 
l'époque du jubilé. Cette disposition s'explique par le 
fait que les lévites n'avaient que des propriétés assez 
restreintes, mais les possédaient à perpétuité. Lev., xxv, 
29-34. —On pouvait aussi consacrer par vœu sa maison 
àJéhovah. Les prêtres en fixaient la valeur par une es- 
timation à laquelle on devait s'en tenir. Si celui qui 
avait consacré sa maison voulait la racheter, il en 
payait le prix fixé avec une majoration d'un cinquième. 
Lev., xxvn, 14, 15. — 3. Dîmes. Il était permis de rache- 
ter une partie de la dime prélevée sur les céréales ou 
sur les fruits, à condition d'en majorer le prix d'un 
cinquième. Lev., xxvn, 31. Le rachat évitait les frais de 
transport; sans la majoration, il eût constitué un avan- 



sa servante Bala, qui eut deux fils. De son côté, Lia 
donna sa servante, Zelpha, qui eut deux fils, et elle- 
même en eut deux autres. Alors seulement, Rachel 
connut les joies de la maternité et enfanta un fils 
qu'elle appela Joseph, en souhaitant que Dieu lui accor- 
dât un autre fils. Quand Jacob se fût enrichi au service 
deLaban, qui se montrait peu bienveillant à son égard, 
il proposa à Lia et à Rachel de retourner en Chanaan. 
Celles-ci acceptèrent, et l'on se prépara au départ à 
l'insu de Laban, occupé à la tonte de ses brebis. Rachel 
déroba même les théraphim de son père. Laban les 
atteignit cependant dix jours après, et se plaignit, entre 
autres choses, qu'on lui eût emporté ses théraphim. 
Jacob ignorait ce détail ; il dit à son oncle de fouiller 
les tentes. Rachel cacha alors les objets réclamés dans 
la selle de son chameau et s'assit dessus, en prétextant 




211. — Tombeau de Ractiel. D'après une photographie. 



tage pour le cultivateur exonéré de ces frais, et un 
dommage pour les prêtres qui eussent eu à se les im- 
poser. Ces majorations indiquaient en outre qu'il fallait 
savoir consentir un sacrifice pécuniaire, quand on ne 
voulait pas faire à Dieu l'abandon définitif de ce qu'on 
lui avait consacré. H. Lesêtre. 

RACHEL (hébreu : Râfiêl, <r brebis »; Septante : 
'Pa^r;}), fille de Laban et femme de Jacob. — Quand 
Jacob arriva en Mésopotamie, où il devait demander 
en mariage l'une des filles de son oncle Laban, il ren- 
contra auprès d'un puits les bergers de ce dernier. Il 
s'entretenait avec eux, quand ceux-ci lui signalèrent 
l'approche de Rachel, qui amenait au puits les brebis 
de son père. Jacob abreuva les brebis de la jeune fille, 
l'embrassa ensuite et se fit connaître à elle. Rachel se 
hâta d'aller annoncer à Laban la présence de son neveu. 
Jacob, bien accueilli par son oncle, se mit à son service, 
à condition qu'au bout de sept ans il aurait le droit 
d'épouser Rachel qu'il aimait. Ce temps écoulé, Laban 
substitua son aînée, Lia, à Rachel que Jacob avait compté 
obtenir. Celui-ci put cependant épouser cette dernière 
au bout de quelques jours, à condition de s'engager à 
servir encore sept années. Lia eut successivement qua- 
tre fils. Rachel, qui demeurait stérile, donna à Jacob 



une indisposition pour ne pas se lever. Laban ne trouva 
donc rien, et Jacob put en conscience protester contre 
une perquisition injurieuse pour lui. Rachel s'était 
jouée de son père, en lui dérobant des objets auxquels 
il attachait un grand prix et en le trompant pour l'em- 
pêcher de les retrouver. Mais il faut avouer que Laban 
s'était rendu coupable d'une injure bien autrement 
grave envers sa fille, quand il lui avait frauduleuse- 
ment substitué Lia, au lieu de l'accorder elle-même à 
Jacob, ainsi que le réclamait la justice. Gen., xxix, 9- 
xxx, 24; xxxi, 4-44. Quand Jacob fut arrivé dans le pays 
de Chanaan, il se dirigea du côté de Mambré, pour y 
retrouver son père Isàac. Parti de Béthel, il était à une 
certaine distance dAÉphrata, voir Printemps, col. 677, 
quand Rachel fut prise des douleurs de l'enfantement. 
La sage-femme l'encouragea en lui annonçant la nais- 
sance d'un fils. Rachel se mourait; elle donna à son 
fils le nom de Benoni, « fils de ma douleur », que Jacob 
changea en celui de Benjamin, « fils de la droite ». 
Rachel expira à cet endroit, près de Bethléhem. Jacob 
éleva sur sa tombe un monument qui se voyait encore 
à l'époque où ce passage de la Genèse fut écrit. Gen., 
xxxv, 16-20. Le monument actuel de Rachel est « un joli 
ouély carré surmonté d'un dôme (fig. 211) qui date seu- 
lement de 1679, avec une allonge à l'est construite- par 



927 



RACHEL — RAFRAICHISSEMENT 



928 



sir Muses Montefiore. Le tombeau est dans l'intérieur 
de l'édifice. C'est un monument en forme de double 
plan incliné, comme un de nos toits; sa hauteur est de 
trois à quatre mètres; sa surface est recouverte d'ara- 
besques en stuc. Mais si le monument est moderne, sa 
position répond parfaitement au texte de la Genèse. 
Le tombeau y est mentionné comme existant au temps 
de Moïse. Sept cents ans plus tard, Samuel l'indique à 
Saûl. I Reg., x, 2. Saint Jérôme le cite plusieurs fois. 
Epist. cvm, 10, t. xxii, col. 884; Adv. Jovin., i, 19, 
t. xxiii, 'col. 237. Arçulphe (h, 7) le décrit au vn« siècle 
comme surmonté d'une pyramide, et il mentionne une 
stèle érigée par Jacob. Édrisi, géographe arabe du 
XII e siècle, dit que sur ce tombeau sont douze pierres 
placées debout en mémoire dés douze tribus. Ainsi, par 
suite d'une tradition constante, juifs, chrétiens et 
musulmans saluent en ce lieu la sépulture de la gra- 
cieuse épouse de Jacob. » Chauvet-Isambert, Syrie, 
Palestine, Paris, 1890, p. 349; cf. Josèphe, Ant. jud., 
I, XXI, 3; Socin-Benzinger, Palàstina und Syrien, 
Leipzig, 1891, p. 123; Le Camus, Notre voyage aux 
pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 389. — Rachel était 
l'épouse de prédilection de Jacob ; de là le grand amour 
qu'il porta toujours aux deux fils qu'il tenait d'elle, 
Joseph et Benjamin. Aussi, dans le souvenir des Israé- 
lites, Racbel prenait-elle le pas sur sa sœur Lia. Ruth, 
iv, 11. — On lit dans Jérémie, xxxi, 15 : 

Une voix a été entendue à Rama, 

Des lamentations et des pleurs amers ; 

Rachel pleurant ses enfants, 

Elle refuse d'être consolée 

Parce que ses enfants ne sont plus. 

Le prophète fait allusion à l'exil d'Israël. Du haut de 
la colline de Rama, d'où l'on domine le pays d'Éphra'im, 
Rachel, mère de Joseph et par conséquent aïeule 
d'fcphraïm et de Manassé, est représentée comme pleu- 
rant ses enfants disparus. Saint Matthieu, n, 17, 18, 
applique ces paroles au massacre des innocents, sur le 
territoire de l'ancienne tribu de Benjamin, second fils 
de Rachel. H. Lesètre. 

RACINE (hébreu et chaldéen : soréi; Septante : 
pfSct ; Vulgate : radix), organe au moyen duquel la 
plante puise dans le sol l'humidité et les éléments né- 
cessaires à sa nutrition. 

I. Au sens propre. — La plante ne peut pas végéter 
sises racines ne trouvent pas l'humidité indispensable. 
Matth., xin, 6; Marc, iv, 6. Desséché jusqu'à la racine, 
l'arbre meurt. Marc, xi, 20. Si, avant qu'il soit mort, 
ses racines rencontrent l'eau, il peut revivre. Job, xiv,8. 
Pour le faire périr sûrement, on coupe sa racine avec 
la cognée. Matth., m, 10. Il y a des racines qui pos- 
sèdent des propriétés nutritives ou médicinales; la 
connaissance de ces propriétés a été attribuée à Salo- 
mon. Sap., vu, 20. Il fallait être réduit à une bien 
grande misère pour se nourrir de la racine du genêt. 
Job, xxx, 4; voir Genêt, t. m, col. 185. 

2° Au sens figuré, -r Les écrivains sacrés donnent 
le nom de racine à tout ce qui, dans un être quel- 
conque, remplit un rôle analogue à celui de la racine 
dans la plante. — 1. Israël est comme une vigne 
plantée parle Seigneur dans la terre de Chanaan; il y 
a enfoncé et étendu ses racines, c'est-à-dire il y a fixé 
sa vie matérielle et sa vie nationale et il y a prospéré. 
Ps. lxxx (lxxix), 10; Ezech., xvn, 6, 7, 9. Pour lui 
faire place, Dieu a détruit les racines de l'Amorrhéen. 
Ara., il, 9. La racine d'Éphraïm a été complètement 
desséchée. Ose., ix, 16. Juda, à son tour, sera trans- 
porté ailleurs, mais ce qui- en reviendra poussera des 
racines dessous et des fruits dessus, c'est-à-dire pros- 
pérera de nouveau. IV Reg., xix, 30; Is., xxxvu, 31. Le 
peuple juif, héritier des anciennes promesses, a été la 



racine sur laquelle a vécu ensuite le peuple converti 
de la gentilité. Rom.,xi, 16-18. Autrefois, Assur plon- 
geait ses racines dans 1 les eaux abondantes, il était 
prospère et puissant. Ezech., xxxi, 7. — 2. Le juste, 
béni de Dieu, a ses racines arrosées par les eaux. Job, 
xxix, 19; Jer., xvii, 8. Sa racine ne sera pas ébranlée 
et elle donne son fruit. Prov., xii, 3, 12. — 3. L'impie 
lui aussi étend ses racines. Job, v, 3; Jer., xii, 2. Mais 
ces racines sont semblables à la pourriture, Is., v,24; 
elles s'entrelacent entre les pierres, Job, vm,17; Eccli., 
xl, 15; se desséchent, Job, xvm, 16; n'ont pas de pro- 
fondeur. Sap., iv, 3. Le Seigneur les arrache, Ecc)i.,ix, 
18, et les fils des méchants ne poussent pas de racines, 
Eccli., xxiii, 35. Le jour du Seigneur ne laissera aux 
impies ni racines ni rameaux. Mal., iv, 1. Toutes ces 
images signifient que la prospérité du méchant ne peut 
être qu'éphémère. — 4. A une racine sont comparés 
ceux qui donnent naissance à une postérité. La racine 
de Jessé a produit un rejeton qui est le Christ. Is., xi, 
1; Rom., xv, 12; Apoc, v, 5; xxn, 16. "Voir t. m, 
fig. 185, col. 937. Des successeurs d'Alexandre sortit une 
racine d'iniquité, Antiochus Épiphane. I Mach., I, 11; 
cf. Dan:, xi, 7. Nabuchodonosor fut puni, mais Dieu 
lui laissa sa souche avec ses racines, Dan., iv, 12, 20, 
23, c'est-à-dire la possibilité de recouvrer sa royauté. 
— 5. Certaines causes sont comme la racine des effets 
qu'elles produisent. A qui a été révélée la racine de la 
sagesse? Eccli., i, 6. Cette racine ne périt pas, Sap., 
m, 15, et elle s'est répandue au milieu du peuple élu. 
Eccli., xxiv, 13. La connaissance de Dieu est la racine 
de l'immortalité. Sap., xv, 3. La racine d'un procès est 
le motif de condamnation. Job, xix, 28. La cupidité est 
la racine de tous les maux. I Tim., vi, 10. Il y a une 
racine produisant le poison et l'absinthe, Deut., xxix, 
18, et une racine d'amertume. Heb., xii, 15. Sous ces 
images sont signalés aux Israélites et aux chrétiens les 
péchés et les vices qui attirent le malheur et sèment la 
discorde. Les âmes faibles, succombant aisément à la 
tentation, ne permettent pas à la parole de Dieu de 
prendre racine en elles. Matth., xm, 21; Marc, iv, 17; 
Luc, vin, 13. — 6. Par analogie, on donne le nom de 
racine à ce qui occupe la partie inférieure d'une chose 
et lui sert de soutien. Il est question de la racine des 
pieds, Job, xin, 27, de la racine de la mer, Job,xxxvi, 
30, de la racine d'un lieu, Gen., xxxv, 8, et surtout de 
la racine des montagnes, Exod., xix, 17; xxiv, 4; 
xxxii, 19; Deut., m, 17; iv, 11, 49; I Reg, xxv, 20, de 
celle de l'Hermon. Jos., xi, 3. Israël restauré poussera 
ses racines comme le Liban. Ose., xiv, 6. Les mineurs 
ébranlent les montagnes dans leurs racines. Job, 
xxvm, 9. H. Lesètre. 

RADDAÏ (hébreu: Baddaï; Septante : 'PaSSai, dans 
le Codex Alexandrinus ; Vaticanus : ZaBSoci [ZaëSac], 
un des frères de David, le cinquième des fils de Jessé. 
I Par., iv, 14. Il n'est nommé que dans ce seul pas- 
sage de l'Écriture. 

RAFRAICHISSEMENT (hébreu : meqêrâh, de 
qdrar, « être froid », Jud., Ill, 20, non rendu par les 
versions), soulagement contre la grande chaleur. — 
1» On prenait le frais dans une chambre haute, Jud., 
m, 20, sous un péristyle. II Mach., iv, 46, etc. La rosée 
rafraîchit les ardeurs du vent d'Orient. Eccli., xvm,16. 
En enfer, le mauvais riche demande que Lazare lui 
vienne rafraîchir la langue. Luc, xvi, 24. — 2° Au sens 
figuré, le rafraîchissement désigne un bien moral ana- 
logue au bien physique que produit la fraîcheur quand 
il fait grand chaud, Saint Pierre appelle temps de ra- 
fraîchissement, a.'izty\>Ze,ia<;,rrefrigerii, celui où les Juifs 
convertis consentiront à recevoir la grâce de Jésus- 
Christ. Act., m, 20. Notre Seigneur prédit qu'à la fin 
des temps, l'iniquité croissant, la foi d'un grand 



929 



RAFRAICHISSEMENT — RAGES 



930 



nombre se refroidira. Matth., xxiv, 12. Ici le rafraî- 
chissement devient excessif en une chose qui ne le 
comporte pas ; en conséquence, il constitue un malheur. 
— 3° La Vulgate emploie plusieurs fois les mots refri- 
gerium, réfrigéra, là où il est question de repos, 
Exod., xxni, 12; Ps. xxxix(xxxvm), 14; Prov., xxix,17; 
Sap., iv,'7; ,1er., xlvh, 6; Rom., xvi, 32; de soulage- 
ment, Eccli., xxxi, 25; Is., xxvm, 12; de remède, Sap., 
il, 1; de consolation, Eccli., m, 7; de réconfort, 
II Tim., I, 16, ou d'abondance. Ps. lxvi (lxv), 12. — 
4» L'figlise a retenu le mot de refrigerium, c< rafraî- 
chissement », comme désignant l'état qu'elle désire 
•voir succéder à l'expiation douloureuse pour les âmes 
de ses défunts. Canon Missse. H. Lesètre. 

RAGAU, nom d'un des ancêtres de Notre-Seigneur 
et d'une localité de Médée. 

1. RAGAU (grec : 'Payai), fils de Phaleg, un des an- 
cêtres de Notre-Seigneur en saint Luc, m, 35. Son 
nom est écrit Reù dans la Genèse, xi, 18, etc. La dif- 
férence d'orthographe provient de ce qu'il y a un>,ai«, 
dans la forme hébraïque du nom. La Vulgate n'a pas 
rendu celle lettre dans la Genèse, tandis que le texte 
grec de saint Luc l'a transcrit par un y, d'où est venu 
le g dans la forme latine du nom Ragaù. 

2, RAGAU (Seplante : 'Paya-j), grande plaine (Iv tô> 
•neStto Tiâ uxyàXw), où Nabuchodonosor vainquit Ar- 
phaxad le Mède. Elle est mentionnée seulement dans le 
livre de Judith, i, 5 (texte grec), comme étant située sur 
les confins de Ragaû (dans la Vulgate, 1,6, incampo ma- 
gnn qui appellatur Ragau circa Euphraten et Tigrim). 
Au y. 15 du texte grec, il est dit que Nabuchodonosor 
prit Arphaxad 'et le perça de traits èv toï? opest 'Payaû, 
in montibus Ragau, ce qui peut s'entendre des plateaux 
élevés de la Médie où est situé Rages. « La campagne 
de Ragaû, dit Calmet, est apparemment celle qui est 
aux environs de la ville de Ragse ou Rages. Ce fut dans 
ces plaines, au pays de Médie, qu'Arphaxad fut entiè- 
rement défait. Il avait déjà souffert divers échecs sur 
le Tigre et surl'Eupbrate.» Comment, iilt. sur Judith, 
1722, p. 371. — Au lieu de Ragau, le syriaque porte Dura, 
nom connu par Daniel, m, 1. Les noms propres sont 
tellement altérés dans le livre de Judith et le passage 
relatif à Ragaù est si différent dans le texte grec et le 
texte latin qu'il est bien difficile dé résoudre le pro- 
blème soulevé par Judith, i, 6 (latin), 5-6, 13-16 (grec). 

. La Vulgate, i, 6, dit que Ragaû est « près de l'Euphrate, 
du Tigre et du Jadason, dans la plaine d'Érioch, roi 
des Éliciens. » Éliciens doit se lireÉlyméens ou Mèdes, 
comme le porte le texte grec. Voir Eliciens, l. h, 
col. 1670. Le Jadason est l'Ulaï, d'après le syriaque. 
Voir Jadason, t. m, col. 1103. Si Ragaû est Rages, les 
indications géographiques données par la Vulgate sont 
très vagues et imprécises. Le texte paraît ici visible- 
ment altéré dans les noms propres. 

RAGE, maladie virulente qui atteint surtout le chien, 
et, à sa dernière période, le rend furieux et le porte à 
mordre l'homme ou d'autres animaux, auxquels se 
communique le funeste virus. Les chiens de Palestine 
ne sont pas exempts de cette maladie, bien qu'elle les 
atteigne moins fréquemment qu'ailleurs. — Gesenius, 
Thésaurus, p. 774, pense que le participe miflahelêah 
vient du verbe Idhah, « avoir grand soif », et signifie 
« enragé », Prov., xxvi, 18 : « Comme un enragé qui 
lance des traits enflammés, des flèches et la mort, 
ainsi celui qui trompe son prochain » pour plaisanter. 
Septante : «i|j.evoi, tiré peut-être de i6ç, « trait » et 
« venin a ; Vulgate : noxius, « funeste s. L'idée d'en- 
ragé pourrait être appelée par le verset précédent, où 
il est parlé de chien pris par les oreilles. Rosenmùller, 

DICT. DE LA BIBLE. 



Proverlia, Leipzig, 1829, p. 637, et d'autres préfèrent 
rattacher le mot à l'arabe là'âh, «. jouer » : « Celui qui 
joue à lancer des traits, eic. » Ce sens fournirait, 
semble-t-il, une pensée plus en harmonie avec le paral- 
lélisme. Cependant on s'en tient plus généralement à 
l'étymologie hébraïque. Buhl, Gesenius' Handw., 
p. 403, traduit Je mot par « stupide, imprévoyant ». — 
D'aprèsla Mischna, ïoma, f. 84. 29, quand un homme 
avait été mordu par un chien enragé, on lui donnait à 
manger le foie de ce chien. H. Lesêtre. 

RAGES, ville de Médie, appelée habituellement 
'Payai', par les anciens auteurs classiques, et aussi 
Tob., ix, 2, 5, dans le Codex Sinailicus ; 'Payaéa par 
Plolémée; Râghd dans l'ancien persan; 'Pàyoi dans 
l'édition romaine des Septante. Tob., i, 14; rv, 1, 20; 
v, 5, etc. (flg. 212). 

1° Situation géographique. — Rages était située 
dans la Médie orientale (voir Ja carte, t. rv, col. 916), 
du côté de la Parthie, au pied de la chaîne de l'El- 
bourz, à dix jours de marche d'Ecbatane, à une journée 
des célèbres Pylss Caspiss, cf. Arrien, De expedit. 
Alexandri, III, xx, 2, ce qui lui donnait une grande im- 
portance stratégique; dans la province nommée d'après 
elle Rhagiana, Ptolémée, VI, n, 6, ou Rhagee, Dio- 
dore de Sicile, xix, 44. D'après le livre de Tobie, où 
cette ville est mentionnée fréquemment, elle était le 
séjour d'un grand nombre de Juifs déportés par Sal- 
manasar, en particulier de Gabélus (t. ni, col. 11- 
29), auquel Tobie l'ancien avait prêté dix talents d'ar- 
gent. Cf. Tob:, i, 16; iv, 21,\v, 8, 14; ix, 3, 6. La 
Vulgate nomme Rages deux autres fois, m, 7, et vi, 6, 
mais évidemment par une erreur des copistes, comme la 
demeure de Raguël. Tob., vi, 6. Elle fait partir l'ange 
Raphaël de Rages, où demeurait Raguël, pour aller 
à Rages, où il s'était chargé de réclamer à Gabélus 
l'argent dû par celui-ci à Tobie père. Il y a là une con- 
tradiction manifeste. Pour la faire disparaître, quel- 
ques auteurs ont supposé faussement qu'il existait en 
Médie deux villes distinctes, portant le nom de Rages. 
Cf. O. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith er- 
klârt, Leipzig, 1853, p. 52. Le texte grec porte exac- 
tement dans ces deux passages « Ecbatane s an lieu de 
Rages. Voir Ecbatane, t. n, col. 1530. Cf. H. Reusch, 
Das Buch Tobias ïtbersetzt und erklârt, Fribourg-en- 
Brisgau, 1857, p. 29; Gutberlet, Das Ruch Tobias, in-8», 
Munster, 1877, p. 117-119, 210. 

2° Histoire et description de Rages. — L'histoire de' 
la ville de Rages est peu connue, surtout dans ses débuts. ' 
D'après la légende persane, la cité aurait été bâtie à une 
époque extrêmement reculée. En fait, le Zend-Avesta, 
Vendidad, ch. i, la mentionne comme une ville d'une 
haute antiquité. Il est certain qu'elle fut un des centres 
les plus anciens de la civilisation dans l'Iran. Darius fils 
d'Hystaspe (521-485 avant J.-G.) nomme deux fois dans 
son inscription de Béhistoûn, col. il, par. 13, lignes 71- 
72, le pays de Rdghd, qui ne diffère certainement pas de 
celui de Rages. Il dit y avoir battu et fait prisonnier 
le rebelle Mède Phraorte, qui s'y était réfugié. Voir 
J. Menant, Le syllabaire assyrien, in-4°, Paris, 1869, 
p. 125; J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes, 
in-8», Paris, 1879, p. 512-513^,11 n'y a donc rien 
d'étonnant à ce que le livre de Tobie place à Rages les 
Juifs déportés sous le règne de Salmanasar. En effet, 
IV Reg., xvn, 6; xrm, 11, ce roi avait exilé des Israé- 
lites dans les villes mèdes. Voir F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 561- 
568. Arrien, De expedit. Alex., III, xx, 2, fait mention 
de Rages, à l'occasion d'Alexandre le Grand, qui y sé- 
journa pendant cinq jours en 331, lorsqu'il poursui- • 
vait Darius Codoman. Tombée en ruines, peut-être à 
la suite d'un tremblement de terre, elle fut reconstruite 
par Séleucus I er Nicator (358-280 avant J.-C), qui lui 

V. - 30 



931 



RAGES — RAGUEL 



932 



donna le nom d'Europos. Strabon, XI, jui, 6. Elle eut 
beaucoup à souffrir pendant les guerres des Parthes. 
Arsacès la restaura à son tour et la nomma Arsacia. 
Stràbon, ibid. Elle servit de résidence d'été à ses suc- 
cesseurs. Les Arabes la conquirent aussi, l'an 642 de 
notre ère. 

L'ancienne dénomination survécut à, toutes ces péri- 
péties et à tous ces désastres; c'est ainsi que, jusqu'au 
X e siècle, Rages est citée comme une ville considé- 
rable encore, sous le nom de Raï ou Reï, par les his- 
toriens persans et arabes. En 763, elle avait donné le 
jour au célèbre Harôûn al-Raschid. Elle fut détruite 



soit écroulé. L'état des ruines montre que la ville for- 
mait une sorte de triangle très accentué. Partout, dans 
l'enceinte, on trouve des fragments épars de poterie plus 
ou moins fine. En contemplant ces restes grandioses, 
on comprend qu'Isidore de Charax, Stathmi parthici, 
7, dans les Geograplri grseci minores, édit. Didot, 
t. i, p. 251, ait appelé Rages « la plus grande ville de 
la Médie. » Clavijo, ambassadeur d'Espagne à la cour 
de Tamerlan, en 1404, l'a décrite comme une cité toute 
en ruines. Cf. Curzon, Persia, t. i, p. 349. 

3» Bibliographie. — W. Ouseley, Travels in various 
cauntrics of the East, t. m. p. 116-117, 174-170; Ker 








212. — Réï, l'ancienne Rages. Tours d'Abdul Â2im. D'après W. Jackson, Persia pàst and présent, p. 428. 



pour la troisième fois par les Mongols, en 1220. En 
1427, elle portait encore le titre de capitale; puis elle 
disparut peu à peu. Ses ruines, d'une immense étendue, 
sont situées à environ 13 kilomètres au sud-est de Té- 
héran; on leur donne toujours le nom de Reï. Elles 
ne consistent plus actuellement qu' « en une masse de 
murs croulants, en excavations, en aqueducs brisés, 
avec très peu de signes de vie parmi la poussière des 
âges; la désolation règne partout. » Jackson, Persia, 
p. 428. Néanmoins les remparts, très épais, sont 
encore assez bien marqués et flanqués de tours nom- 
breuses. C'est celui du sud qui est le mieux conservé. 
Le monticule de débris qui se dresse à l'angle nord- 
est représente l'ancienne citadelle. En quelques en- 
droits, les murs ont encore 50 pieds de haut; les 
briques dont ils se compQsent sont parfois très larges 
(44 centimètres sur 18). La plupart des matériaux qui 
avaient servi à construire la ville consistaient égale- 
ment en briques cuites ou simplement séchées au 
soleil ; il n'est donc pas étonnant que presque tout se 



Porter, Travels in Georgia, Persia, etc., Londres, 
1820-1822, t. i, p. 356-364; L. Dubeux, La Perse, in-8° r 
Paris, 1841, p. 15; Karl Iiitter, Erdkunde, t. vui, 
p. 395-398; C. Barbier de Meynard, Dictionnaire géo- 
graphique, historique et littéraire, de la Perse et de» 
contrées adjacentes, in-4", Paris, 1861, p. 273-280, 516- 
518; G. Rawlinson, The five great Monarchies of the 
eastern World, in-8», 2« édit., Londres, 1870, t. n, 
p. 272-273; G. H. Curzon, Persia, ^ vol. in-8», Londres, 
1892, t. i, p. 345-352; F. Vigouroux, Les Livres Saints 
et la critique rationaliste, in-12, 5 e édit., t. ry, Paris, 
1902, p. 572-576; Dieulafoy, La Perse, p. 136 et 722; 
A. V. William Jackson, Persia fast and présent, in-8", 
New- York, 1906, p. 428-441. L. Fillion. 

RAGUEL, nom du beau-père de Moïse et du père 
de Sara qui épousa Tobie le fils. 

1. RAGUEL (hébreu : Re'û'êl, « ami de Dieu )>; 
Septante j: 'Vx-youriX), [prince madianite, qui ^donna à 



933 



RAGUËL 



RAHAB 



934 



Moïse sa fille Séphora. Exod., il, 21. Il eut pour fils 
Hobab, d'après Num., x, 29. Voir Hobab, t. m, col. 725. 
Dans l'Exode, il, 18, il est nommé comme le père des 
sept filles qni gardaient les troupeaux dans le désert du 
Sinaï et dont Moïse prit là défense contre les bergers 
qui les empêchaient d'abreuver leurs brebis. L'une de 
ces sept filles était Séphora qui devint la femme de 
Moïse. Or, Exod., m, 1; iv, 18, le nom du beau-père 
de Moïse est Jethro et non Raguël. Cf. Exod., xvm, 1, 5, 
12. Raguël et Jethro doivent donc être la même personne, 
quoique nous ignorions pourquoi elle est désignée sous 
deux noms diûérents et que les diverses hypothèses 
émises à ce sujet offrent toutes des difficultés. Voir 
Jethro, t. m, col. 1521. 

2. RAGUEL ('PayooîïX, nom identique à l'hébreu 
He'û'el), pieux Israélite de la tribu de Nephthali, 
Tob., vr, 11 ; cf. i, 1 ; vu, 3-4, qui joue un rôle impor- 
tant dans le livre de Tobié. Sa femme se nommait 
Anne ou Edna. Voit" Anne 3, t. i, col. 629. Il avait 
pour fille unique Sara, si cruellement éprouvée par le 
démon. Voir Sara 2. Il était apparenté à ïobie l'an- 
cien, Tob., vi, 11, qu'il désigne tour à tour comme son 
cousin (Septante, àvc^iô;; Vulgate, consobrinus), Tob., 
vu, 2, et comme son frère dans le sens large, Tob., 
vu, 4 (deux fois son frère, d'après le Cod. Sinaitic). 
Il était domicilié non pas à Rages, comme le dit inexac- 
tement la Vulgate, Tob., m, 7, par suite d'une erreur 
des copistes, mais à Ecbatane. Voir Rages, col. 930. II 
offrit l'hospitalité au jeune Tobie et à l'ange Raphaël, 
son compagnon, lorsqu'ils se présentèrent chez lui, au 
cours de leur long voyage. Tob., vu, 1-9. Le jeune 
homme ne l'accepta qu'à la condition que son cousin 
lui accorderait la main de sa fille. Raguël donna 
son consentement, mais avec une très vive angoisse, 
car il craignait que Tobie n'éprouvât le sort des sept 
premiers maris de Sara. Malgré les encouragements 
de Raphaël, il était si peu rassuré, que le lendemain 
des noces, dès l'aurore, il fit creuser une fosse par ses 
serviteurs pour enterrer secrètement son gendre. C'est 
avec, une grande reconnaissance envers Dieu qu'il 
apprit que ses craintes n'étaient pas fondées. Tob., vir, 
10-vin, 20. II donna la moitié de sa.fortune aux jeunes 
époux, et les retint auprès de lui tandis que l'ange 
Raphaël allait à Rages, pour recouvrer l'argent prêté 
à Gabélus par Tobie l'ancien, Tob., vin, 21-ix, 6. Raguël 
aurait ensuite voulu garder perpétuellement son gendre 
et sa fille à Ecbatane ; mais il ne put refuser de les 
laisser partir, lorsque le jeune Tobie lui eut décrit, en 
termes pathétiques, l'anxiété de ses propres parents à 
son sujet. Tob., x, 8-13. Après leur départ, il n'est plus 
question de lui. L. FilliON. 

RAHAB, nom, dans la Vulgate, d'une femme de 
Jéricho et surnom de l'Egypte, mais dans le texte 
hébreu l'orthographe des deux mots est différente, 
2m et :m, Rdhâb et Rahab. 

1 T 

1. RAHAB (hébreu: Râhâb; Septante : 'Paie, de même 
Heb., xi, SI, et .Tac, H, 25; 'PaxàëdansMatth.,!, 5, où la 
lettre h, le cheth hébreu, a été conservée), femme dé Jé- 
richo, qui reçut chez elle et sauva les deux espions israé- 
lites envoyés dans cette ville par Josué, qui voulait con- 
naître sa situation stratégique avant de l'attaquer. Jos., 
H, 1-21. Les deux étrangers furent bientôt reconnus et 
dénoncés au roi, qui fit porter à Rahab l'ordre de les 
lui livrer. Elle les cacha au contraire sous des tiges de 
lin, qu'elle faisait alors sécher sur le toit plat de sa 
maison, et fit croire à ceux qui les cherchaient qu'ils 
avaient quitté la ville depuis peu d'instants. Après le 
départ des messagers royaux, elle rejoignit ses hôtes, 
leur annonça ce qui venait de se passer et leur commu- 
niqua un plan de fuite très habile. Elle leur fournit 



aussi des informations importantes sur la situation in 
térieure de Jéricho, dont les habitants étaient livrés au 
découragement et à l'effroi, depuis qu'ils avaient eu 
connaissance des prodiges éclatants qui avaient accom- 
pagné la marche triomphale des Hébreux après leur 
sortie d'Egypte. Ne doutant pas que ceux-ci ne s'em- 
parassent bientôt de la ville, elle demanda aux deux 
explorateurs la vie sauve pour elle-même et ses proches 
parents, lorsque leur peuple se serait rendu maître de 
Jéricho. Ils firent cette promesse sans hésiter, et il 
fut convenu que son père, sa mère, ses frères et ses 
sœurs se réuniraient dans sa maison au moment de 
l'approche des Israélites, et qu'elle suspendrait une 
corde écarlate à sa fenêtre, du côté de la campagne, 
pour la rendre très visible aux assaillants. Elle aida 
ensuite les espions à s'échapper le long du rempart, 
sur lequel sa demeure était bâtie, et ils purent rejoin- 
dre leur camp sans obstacle. Josué ne manqua pas de 
tenir la promesse faite par ses envoyés. Jos., vi, 22-25. 
Le narrateur termine son récit en disant que Rahab et 
ses proches « habitèrent dans Israël jusqu'au jour pré- 
sent. » Sur tout ce passage, voir F. Keil, Josue, 
2= édit., 1874, p. 19-24, 50-52. 

Dès la première mention que le récit sacré fait de 
Rahab, il ajoute à son nom l'épithète de zôndh (Sep- 
tante, itôpvy], Vulgate, meretrix), qui marque sa triste 
condition morale à l'époque de l'incident qui l'a 
rendue célèbre. D'assez bonne heure, quelques écri- 
vains juifs essayèrent de réhabiliter sous ce rapport 
celle qu'ils regardaient justement comme la bienfai- 
trice de leurs ancêtres. Ils firent donc de Rahab, non 
pas une femme de mauvaise vie, mais une hôtelière, 
chez laquelle les deux espions israélites seraient tout 
naturellement descendus. Voir Josèphe, Ant. jud., V, 
î, 2 .et 7, et les commentaires de Kimchi et de Jarchi 
sur Jos., [n, 1. Néanmoins, la littérature rabbinique 
reconnaît que Rabah n'avait été d'abord qu'une vul- 
gaire meretrix, et c'est en ce sens que le Targum lui 
donne, In Jos., n, 1, le nom de pandekîtd' , transcrip- 
tion araméenne du grec pandokissa, « celle qui reçoit 
tout le inonde », mais ici en mauvaise part. Divers com- 
mentateurs chrétiens, mus par un scrupule analogue 
à celui des anciens interprètes juifs dont il a été ques- 
tion en premier lieu, ont adopté leur sentiment, et ils 
n'ont pas voulu, eux non plus, voir autre chose en 
Rahab qu'une hôtelière ordinaire. Pour cela, allant 
encore plus loin, ils ont fait violence aux mots zôndh 
etitôpvr;, dont ils ont faussé l'étyuiologie, pour les ra- 
mener à la signification requise; ou bien, ils ont donné 
à ces substantifs, pour la circonstance, le sens adouci 
de païenne, d'étrangère à Israël ou de femme illégi- 
time. Voir Schleusner, Lexicon in Septuaginta, 1820, 
au mot Tt<5pvY), t. iv, p. 429; J. G. Abicht, Dissertatio 
de Rahab meretrice, in-4°, Leipzig, 1714. Mais il n'y 
avait pas d'hôtelleries proprement dites dans ces temps 
reculés, et, lorsqu'on en trouvait l'équivalent lointain, 
elles n'étaient jamais tenues par des femmes; d'autre 
part, le mot hébreu zônâh ne peut pas être traduit 
autrement que par meretrix dans le sens strict. Aussi 
est-ce bien de la sorte qu'il est-pris dans toutes les 
traductions primitives de l'Ancien Testament, comme 
aussi Heb., xi, 31, et Jac, n, 25,pour désigner la pre- 
mière partie de la vie de Rahab. Du reste, on a cessé 
depuis longtemps, à très juste titre, de recourir à de 
tels palliatifs, qui étaient inconnus aux anciens com- 
mentateurs chrétiens. On conçoit fort bien que les 
espions de Josué soient entrés de préférence chez une 
femme de ce genre, pour mieux dissimuler le but de 
leur séjour dans Jéricho et pour écarter les soupçons. 

Autrefois, on aimait a discuter également, par rapport 
à la conduite de Rahab, sur le fait de son mensonge aux 
envoyés du roi de Jéricho, Jos., ir, 4-5, et sur celui de 
sa trahison à l'égard de son peuple. Us s'expliquent 



935 



RAHAB 



RAHABIA 



936 



l'un et l'autre par les circonstances extraordinaires 
dans lesquelles elle se trouvait. Le mensonge était 
regardé par les peuples païens comme une chose insi- 
gnifiante, et Rahab croyait avoir une raison grandement 
suffisante d'y recourir. Cf. S. Augustin, Cont. men- 
dac, xv, t. xl, col. 540. Si elle abandonna son 
peuple pour se ranger du côté des Hébreux, ce fut par 
suite d'une lumière supérieure, qui lui montra que le 
Dieu d'Israël était l'unique vrai Dieu. Voir P. Keil, 
loc. cit. 

Le motif de sa conduite si étonnante envers les en- 
nemis de ses compatriotes a donc consisté dans un 
mouvement de foi très vive, comme on le voit par le 
langage qu'elle tint à ses hôtes, Jos., n, 9--11 : « Je 
sais que le Seigneur (dans l'hébreu, « Jéhovah ») vous 
a livré ce pays... Nous avons appris qu'à votre sortie 
d'Egypte le Seigneur (encore « Jéhovah ») a desséché 
devant vo-us les eaux de la mer Rouge..., car le Sei- 
gneur (« Jéhovah ») votre Dieu est Dieu en haut dans 
les cieux et en bas sur la terre. » Ce n'est donc pas en 
vainque l'Épltre aux Hébreux, xi, 31,1a range parmi les 
héros de la foi, et dit à son sujet : « C'est par la foi 
que Rahab la prostituée ne périt point avec les re- 
belles — c'est-à-dire avec les habitants de Jéricho 
demeurés incrédules — parce qu'elle avait reçu les 
espions avec bienveillance... » D'un autre côté, saint 
Jacques, il, 25, la loue d'avoir été <s. justifiée par les 
œuvres, lorsqu'elle reçut les messagers et les fit partir 
par un autre chemin. » Ce langage des deux écrivains 
du Nouveau Testament, comme celui de Rahab elle- 
même, suppose d'une manière évidente une conversion 
sincère de l'ancienne meretrix, sous le rapport reli- 
gieux et moral. Aussi a-t-on supposé très souvent, et 
avec raison, croyons-nous, qu'elle ne tarda pas à accep- 
ter entièrement les croyances et la religion des Hé- 
breux. Il n'est guère probable qu'un chef de la tribu 
de Juda, Booz, l'eût épousée (voir ci-dessous), si elle 
était demeurée païenne. Cf. H. Ewald, Geschichte des 
Volkes Israël, in-8°, 2« édit., t. n, p. 246. Aussi les 
Pères voient-ils volontiers dans cette femme le type 
des nations païennes qui se convertirent plus tard au 
christianisme; on l'a nommée en ce sens primitise 
gentium. Cf. J. Grimm, Geschichte der Kindhêit 
Christi, in-8°, 2» édit., Ratisbonne, 1890, p. 198-200. Les 
anciens Docteurs de l'Église, à la suite du pape saint 
Clément, I Cor.,, xu, t. I, col. 231, aiment aussi à faire 
un usage allégorique de l'histoire de Rahab. Ils se 
complaisent surtout à tirer parti de la corde écarlate 
dont elle se servit pour rendre sa maison facile à 
reconnaître, Jos., Il, 21. Cette corde représenterait 
d'après eux, comme s'exprime saint Clément, loc. cit., 
« la rédemption qui aura lieu, par le sang du Sei- 
gneur, pour tous ceux qui croient et qui ont confiance 
en Dieu. » S. Justin, Contra Tryph., cxi, t. vi, col. 733; 
S. Irénée, Adv. hwr.. iv, 20, t. vi, col. 1043; Origène, 
Helecta in Jesum Nave, hom. m, t. xu, col. 820; 
S. Jérôme, Adv. Jovinian., i, 23, t. xxm, col. 243, et 
Epist. LU, ad Nepotian., m, t, xxn, col. 530. Voir F. 
de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 118-119. 

Non seulement Rahab est devenue membre de la 
nation théocratique et a mérité d'être louée pour sa 
foi, mais elle a eu encore l'honneur incomparable de 
compter parmi les ancêtres du Messie, et d'être citée 
exceptionnellement comme son aïeule, dans sa généa- 
logie officielle, avec trois autres femmes qu'on est tont 
d'abord surpris d'y rencontrer aussi : Thamar, Ruth et 
Bethsabée. En effet, nous lisons Matth., i, 5 : « Salmon 
engendra Booz, de Rahab. » Cf. Luc, m, 32. Celle-ci 
avait, donc épousé, comme nous l'apprend aussi d'une 
manière indirecte un passage de l'Ancien Testament, 
Ruth, rv, 21, Salmon, fils de Naasson, qui était prince 
de la tribu de Juda durant les pérégrinations des Hé- 
breux à travers le désert, cf. Num., vu, 12, et par lui 



elle devint la mère de Booz, l'aïeule de David. Peut- 
être, comme on l'a souvent conjecturé, Salmon était-il 
l'un des deux explorateurs sauvés par elle ; de la sorte, 
on comprend qu'il ait voulu lui témoigner sa recon- 
naissance, en l'épousant quelque temps après. En tout 
cas, cette union n'a rien d'invraisemblable en elle- 
même. C'est aussi en vertu d'une hypothèse injusti- 
fiable qu'on a parfois prétendu qu'il s'agirait, dans les 
trois arbres généalogiques que nous avons cités, d'une 
autre Rahab que celle du livre de Josué. Voir le pro- 
fesseur hollandais G. Outhov, dans l'ouvrage Bibliotheca 
Bremensis litter. philolog., theolog., p. 438-439. On 
affirme que la 'Pa^àê de Matth., i, 5, ne saurait être la 
même que la 'Paâ6 des Septante, de l'Épltre aux Hé- 
breux, et de saint Jacques; mais cette difficulté philo- 
logique disparaît, lorsqu'on voit Josèphe, Ant. jud., 
V, xi, 15, appeler la Rahab du livre de Josué tantôt 
'Paxiëïi, tantôt 'Pixitr,. 

Rahab dans les écrits rabbiniques. — On conçoit 
que les anciens écrivains juifs fassent le plus brillant 
éloge de celle qui avait rendu un si éminent service 
aux Hébreux, à un moment critique de leur histoire. 
Quelquefois ils lui font épouser, contrairement aux 
textes cités plus haut, non pas Salmon, mais Josué 
lui-même. Voir Megill., f. 14, 2; Kohélelh Rabba, vin, 
10, dans A. Wûnsche, Bibliotheca rabbinica, der Mi- 
drasch Koheleth, in-8°, Leipzig, 1880, p. 116; Juchasin, 
x, 1. Wetsteiri, Novum Testam. grsscum, in Matth., i, 
5. A en croire les rabbins, il y aurait eu jusqu'à huit 
prophètes parmi ses descendants, entre autres Jérémie 
et Baruch,sans compter la prophétesseHolda.Cf. Light- 
foot, Horse hebr. et talmud. in Matth., I, 5; Meu- 
schen, Nov. Testam. ex Tàlmude illustratum, p. 40-43; 
A. Wûnsche, Neue Beitràge zur Erlâulérung der 
Evangelien aus Talmud und Midrasch, in-8», Gœttin- 
gue, 1878, p. 3-4. Au dire de Josèphe, Ant. jud., V, 
i, 7, Josué lui aurait douné un territoire qui lui appar- 
tenait en propre. On lui attribuait aussi différentes 
bonnes œuvres. Voir F. Weber, System der altsynago- 
galen palàstinischen Théologie., in-8», Leipzig, 1880; 
p. 318. L. Fillion. 

2. RAHAB (hébreu : Rahab; Septante : 'P<zï6), nom 
symbolique dé l'Egypte. Ps. lxxxvii (lxxxvi), 4. Comme 
râhàb, Ps. XL (xxxix), 5, et rôhab, Ps. xc (lxxxix), 10, 
signifie « orgueilleux, orgueil, superbe », un certain 
nombre de commentateurs ont cru que ce surnom 
avait été donné à l'Egypte à cause de son orgueil, 
mais il est plus probable que rahab signifie un 
monstre marin et en particulier le crocodile, animal 
qui abonde dans le Nil et que c'est à cause de cette 
circonstance que Rahab est devenu l'emblème de 
l'Egypte. Rahab, dans le sens de monstre marin (« le 
monstre impétueux », qui fait bouillonner les flots, de 
la racine rdhab, tumultuatus est) se rencontre cinq 
fois dans l'Ancien Testament, Job, ix, 13; xxvi, 12; 
Ps. lxxxvu,4; lxxxix, 11; Is., xxx, 7. Quelques inter- 
prètes voient dans plusieurs de ces passages une allu- 
sion à l'Egypte, Job, xxvi, 12; Ps. lxxxix, 11; Is., 
xxx. 7. Certains exégètes qui découvrent volontiers 
des allusions mythologiques dans les livres de l'Ancien 
Testament ont cru en retrouver aussi dans le nom de 
Rahab, H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, in-8°, 
Gœttingue, 1895, p. 30-40, mais tout ce qu'ils disent 
à ce sujet est pure hypothèse. 

RAHABIA (hébreu : Rehabyah, I Par., xxm, 17; 
Rehabyahû,! Par., xxiv, 21; xxvi, 25; « Yah a di- 
laté, » c'est-à-dire a rendu heureux; Septante : 'Paëti; 
Alexandrinus : 'Paa6câ, I Par., xxm, 17; 'Paêia, 
I Par., xxiv, 21; 'Patêia;, Alex. : "Paa6ia«. 1 Par., 
xxvi, 21), fils unique d'Éliézer, de la tribu de Lévi. Il 
était petit-fils de Moïse et eut une nombreuse postérité, 



937 



RAHABIA — RAISON 



938 



I Par., xxin, 17, qui forma du temps de David une 
famille de Lévites, xxiv, 21. La Vulgate, qui écrit le 
nom du fils d'Ëliézer sous la forme Rahabia, XXVI, 25, 
l'orthographie Rohobia, xxm, 17, et xxiv, 21. 

RAHAM (hébreu : Raham; Septante : 'Pa£|i)> fi' 9 
de Samma, de la tribu de Juda. Il descendait de Caleb, 
fils d'Hesron, et eut, un fils appelé Jercaam. I Par., n, 
44. D'après les Quxst. hebr. inlib. 1 Paralip., t. .xxm, 
col. 1569, Jercaam né serait pas le nom du fils de 
Jaham, mais d'une ville fondée par lui. 

RAHELAIA (hébreu : Réêlâyâh: Septante : 'PseXîac), 
nommé le quatrième parmi les « fils de la province » 
qui retournèrent de Babvlone en Palestine avec Zpro- 
babel. 1 Esd., n, 2. Dans II Esd., vu, 7, il est nommé 
Raamias. Voir col. 911. 

RAHUEL (hébreu : Re'û'él; Septante : 'Payeur,/.), 
nom, dans la Vulgate, d'un Édomite et d'un Benjamite 
qui portent dans le texte hébreu le même nom que le 
beau-père de Moïse, écrit Raguël par saint Jérôme. 
Voir Raguel, col. 932. 

1. RAHUEL, un des fils d'Ésaû, par Basemath. 11 fut 
père de Nahath, de Zara, de Somma et de Méza. Gen., 
xxxvi, 4, 10, 13, 17; I Par., i, 35, 37. 

2. RAHUEL, fils de Jébanias et père de Saphatias, de 
la tribu de Benjamin. Il figure dans la généalogie 
d'Ela, un des chefs des Benjamites qui s'établirent à 
Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 8. 

RAiA (hébreu : Re'âydh, « Yah voit, pourvoit »), nom 
de trois Israélites dans le texte hébreu. Dans la Vulgate, 
le nom de l'un d'entre eux, I Par., v, 5, est écrit Réïa. 

\. RAiA (hébreu :Re'âyâli; Septante: 'Piôce; Alexan- 
drinits : 'Psïà), fils de Sobal, et petit-fils de Judas. 11 
eut pour fils Jahath. I Par., iv, 2. 

2. RAIA (Septante : 'Païi, I Esd., Il, 47; 'Paaut, 

II Esd., vu, 50), chef d'une famille de Nathinéens qui 
revint de Chaldée eii Palestine avec Zorobabel. IEsd., 
n, 47: II Esd., vu, 50. 

RAISIN, fruit de la vigne. Voir Vigke. 

RAISON (hébreu : binâh, da'at, Ijésbôn, mezim- 
mdh, sêkèl, tebùnâh; chaldéen : binâh, manda', 
sokletdnû; Septante : aîsS/iiriç, 'évvo'.a, voû;,' o\ive<7iç ; 
Vulgate : intellectus, intelligentia, mens, ralio, sensus), 
faculté de l'âme au moven de laquelle elle connaît, 
juge, dirige la volonté et préside à tous les actes cons- 
cients de la vie naturelle. Les écrivains sacrés ne 
distinguent pas les facultés de l'âme avec autant de 
précision que nous pouvons le faire. Aussi les mots 
qui correspondent à l'idée de raison ont-ils des sens 
assez larges, marquant tentôt la faculté elle-même 
tantôt son exercice, tantôt même Son résultat. A ces 
mots il convient de joindre celui de lêb, « cœur », 
parce qu'en hébreu le cœur est considéré comme le 
siège principal de la pensée et du raisonnement. Voir 
Cœur, t. n, col. 823. Cf. Frz. Delitzsch, System der 
biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 166-187. 

1° Sa source. — En Dieu résident la sagesse, le con- 
seil, l'intelligence, Job, xn, 13; il est par conséquent la 
raison suprême. Lui seul peut donner l'esprit de 
sagesse, d'intelligence, de conseil, de connaissance. 
Is.,xi,2. « C'est l'esprit mis dans l'homme, le souffle du 
Tout-Puissant qui lui donne l'intelligence. » Job, xxxn, 
8. Le Verbe même dé Dieu éclaire tout homme, Joa., 
i, 9, et la raison de l'homme n'est pas autre chose que 



cette illumination divine. Dieu a donné aux hommes 
le discernement, un cœur pour penser; il les a remplis 
de science et d'intelligence, il leur a fait connaître le 
bien et le mal, il a mis son œil dans leurs cœurs pour 
leur montrer la grandeur de ses œuvres. Eccli., x\\t, 
5-7. La sagesse de Dieu « nourrit l'homme du pain de 
l'intelligence et lui donne à boire l'eau de la sagesse. » 
Eccli., xv, 3. Notre-Seigueur voulut lui-même ouvrir 
le sens à ses Apôtres afin qu'ils comprissent les Écri- 
tures. Luc, xxiv, 45. Saint Paulassure â son disciple 
que Dieu lui donnera l'intelligence en toutes choses. 
II Tim., il, 7. « Nous savons que le Fils de Dieu est 
venu, et qu'il nous a donné l'intelligence pour connaître 
le vrai » Dieu. I Joa., v, 20. En somme, c'est par sa 
raison que l'homme est créé à l'image de Dieu. 
Gen., 1, 27. 

2° Son pouvoir. — La raison a été donnée à l'homme 
pour le rendre capable de connaître les choses de l'ordre 
naturel. Si nous sommes incapables de concevoir 
quelque chose comme venant de nous-mêmes, Il Cor., 
m, 5, c'est dans l'ordre surnaturel. « L'homme naturel, » 
c'est-à-dire celui qui ne pense qu'avec les seules 
lumières de la raison, « ne reçoit pas les choses de 
l'Esprit de Dieu, parce qu'elles sont une folie pour lui, 
et il ne peut les connaître, parce que c'est par l'Esprit 
qu'on en juge. » I Cor., n, 14. Il y a donc tout un 
domaine dans lequel la raison est incapable de pénétrer 
à l'aide de ses seuls moyens. Néanmoins, elle a sa puis- 
sance propre, continuellement supposée dans toute la 
Sainte Écriture, et il faut tout d'abord qu'elle entre en 
exercice pour que l'homme puisse arriver à la connais- 
sance des choses de Dieu et à la pratique du devoir. 
Dans le Pentateuque, Moïse s'adresse sans cesse à la 
raison des Hébreux, pour leur faire comprendre ce 
que Dieu a fait pour eux, ce qu'ils doivent faire pour 
lui, et les conséquences qui résulteront pour eux de 
leur obéissance ou de leur infidélité. Il leur commande 
d'aimer Dieu de tout leur cœur et de toute leur âme, 
Deut., xxx, 6, ce qui, dans la langue hébraïque, implique, 
toute la raison, tout l'esprit, comme dira Nôtre-Seigneur. 
Matth., xxn, 37; Marc, XII, 30, 33. Les auteurs des 
livres sapientiaux n'ont pour but que d'inculquer â la 
raison la connaissance et l'amour du devoir. Les pro- 
phètes interpellent à chaque instant la raison pour lui 
faire reconnaître ses torts et la mettre à même de 
prendre les décisions les plus avantageuses pour la na- 
tion et pour les individus. Dans l'Évangile, le Sauveur 
fait appel à la raison de ses auditeurs. Matth., xv, 17; 
xvi, il; Marc, vu, sl8; vin, 21, etc.; il leur demande 
s'ils ont compris, Marc, xm, 51, constate que leur 
jugement a été correct. Luc, vu, 44. Il argumente 
souvent avec les docteurs et excite leur raison à com- 
prendre la portée de ses enseignements et de ses 
miracles. C est encore à leur raison qu'il demande de 
comparer ses propres actes avec les annonces des 
prophètes. Joa., v, 39. Saint Paul déclare aux Romains, 
i, 20, que la raison peut et doit parvenir à la connais- 
sance de Dieu; « car ses perfections invisibles, son 
éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la créa- 
tion du monde, rendues visibles à l'intelligence par le 
moven de ses œuvres. » La raison a donc un pouvoir 
certain dans l'ordre des connaissances naturelles; ces 
connaissances peuvent même s'élever très haut, puisque, 
par sa raison, l'homme arrive à acquérir la notion 
certaine de Dieu et de son existence !et une idée suffi- 
sante de ses perfections. Cf. Act., xvii, 27. 

3° Ses limites. — La raison est bornée, par le fait 
même qu'elle est créée. L'homme ne peut donc « com- 
prendre l'œuvre que Dieu fait, du commencement 
jusqu'à la fin, » Eccle., m, 11; il n'en saisit qu'une 
partie, et encore assez imparfaitement, bien qu'avec une 
certitude suffisante. Les derniers chapitres du livre de 
Job, xxxvui-XLii, ont pour but de montrer que la raison 



939 



RAISON — RAM 



940 



ignore la plupart des secrets de la nature. Job, xlii, 3, 
fait à la fin cet aveu : « J'Ai parlé sans intelligence des 
merveilles qui me dépassent et que j'ignore. » A plus 
forte raison, « l'homme faible, à la vie courte, est-il 
peu capable de comprendre les jugements et les lois » 
de Dieu. Sap., îx, 5. Pour saisir quelque chose à la 
conduite de la Providence, illaut à la raison le secours 
d'une lumière supérieure. « C'est par la foi que nous 
reconnaissons que le monde a été formé par la parole 
de Dieu, en sorte que les choses que l'on voit n'ont pas 
été faites de choses visibles. » Heb., XI, 3. Le passage 
n'infirme pas ce qui a été dit du pouvoir de la raison 
pour atteindre à la connaissance de Dieu et de ses 
perfection? Rom., i, 20; il enseigne seulement que 
certains pioblèmes naturels, comme celui de l'origine 
du monde, ne peuvent être résolus par la raison seule, 
sans le secours de la révélation. « Celui qui veut 
sonder la majesté sera accablé par sa gloire, » Prov;, 
xxv, 27, c'est-à-dire celui qui veut pousser trop avant 
dans la connaissance de Dieu verra sa raison réduite 
à l'impuissance, à cause de la disproportion inlinie qui 
existe entre le Créateur et la créature. De là ces conseils 
destinés à réprimer la curiosité excessive de la raison : 

Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi, 

Ne scrute pas ce qui est plus fort que toi. 

Ce qui t'est prescrit, voilà à quoi il faut penser, 

Car tu n'as que faire des choses cachées. 

Ne t'applique pas à ce qui te dépasse ; 

Ce qu'on t'a montré va plus loin que la raison humaine. 

La conjecture en a égaré beaucoup, 

Une conception blâmable a dévié leurs pensées. 

Eccli., m, 20-23. 

L'Ecclésiaste, i, 13-18, a reconnu par expérience que 
cette recherche des choses inaccessibles est « vanité et 
poursuite du vent. » 

4° Ses devoirs. — La raison doit appeler Dieu à son 
aide, pour qu'il l'éclairé et l'empêche de s'égarer. Sap., 
-vu, 7; Ps. cxix (cxvin), 34, 73, 125, 144, etc. Elle doit 
ensuite reconnaître la souveraine sagesse de Dieu. 
« Quelle folie que le vase puisse dire du potier : Il 
n'y entend rien! » Is., xxix, 16. Il lui faut encore se 
tourner du côté du bien, car « fuir le mal, voilà l'in- 
telligence. » Job, xvm, 28. 

La sagesse n'entre pas dans une âme qui médite le mal, 

Et n'habite pas dans un corps esclave du péché ; 

L'Esprit-Saint, qui instruit, fuit l'astuce, 

II s'éloigne des pensées dépourvues d'intelligence 

Et se retire de l'âme à l'approche de l'iniquité. 

Sap., 1, 4-5. 

La malice altère l'intelligence et le vertige de la pas- 
sion pervertit un esprit sans malice. Sap., iv, 11-12. 
Moïse promet aux Israélites que, s'ils sont fidèles à 
ohserver les lois du Seigneur, les autres peuples diront 
d'eux : « Certes, cette grande nation est un peuple 
sage et intelligent ! » Deut., iv, 6. Il faut enfin que la 
raison fasse effort pour s'instruire et se développer 
elle-même par les leçons et les exemples des sages. 
C'est à faciliter cette formation et ce progrès que ten- 
dent des livres comme les Proverbes, i, 2-6, l'Ecclé- 
siaste, la Sagesse et l'Ecclésiastique. Saint Paul rap- 
pelle l'obligation de ce progrès de la raison quand il 
écrit : « Ne soyez pas des enfants sous le rapport du 
jugement, mais faites-vous enfants sous le rapport de 
la malice; pour le jugement, soyez des hommes faits. » 
I Cor., xiv, .20. 

5° Ses écarts. — La Sainte Écriture stigmatise sou- 
vent la conduite des lësînf, « moqueurs », esprits fri- 
voles qui emploient leur raison à s'éloigner de Dieu et 
à l'outrager. Voir Moquerie, t. rv, col. 1258. Les Israé- 
lites du temps de Moïse n'ont pas voulu comprendre 
la signification des merveilles opérées en leur faveur. 
Jéhovah ne leur a pas donné un cœur qui comprenne, 



Deut., xxix, 4; leur raison, par leur faute, a manqué 
de discernement. Il a fallu dire d'eux : 

C'est une nation dénuée de sens, 

Et il n'y a point d'intelligence en eux. Deut., xxxil, 28. 

« C'est un peuple au cœur égaré, » Ps. xcv (xciv), 10, 
c'est-à-dire aux idées et à la conduite déraisonnables. 
Les méchants ne prennent point garde aux œuvres de 
Dieu, Ps. xxviii (xxvii), 5; ils cessent ainsi d'avoir 
l'intelligence qui les conduirait au bien. Ps. xxxyi 
(xxxv), 4. L'homme raisonnable, malgré sa dignité, ne 
veut pas comprendre et s'assimile ainsi à la bête, 
Ps. xlix (xlviii), 21, au cheval et au mulet qui n'ont 
point la raison. Ps. xxxu (xxxi), 9; Tob., vi, 17. — Il 
faut le dire surtout des idolâtres. 

Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu, 
Et qui n'ont pas su, par les biens visibles, 
S'élever à la connaissance de Celui qui est, 
Ni, en voyant ses œuvres, reconnaître l'Ouvrier... 
D'autre part, ils ne sont pas non plus excusables ; 
Car, s'ils ont acquis assez de science 
Pour chercher à connaître les lois du monde, 
Comment n'en ont-ils pas connu plus aisément le Seigneur? 

Sap., xnr, 1, 8, 9. 

Au jugement de Dieu, impies et idolâtres déploreront 
en vain le mauvais usage qu'ils auront fait de leur rai- 
son : « Nous avons donc erré, loin du chemin de la 
vérité! » Sap., v, 6. Saint Paul ne condamne pas 
moins sévèrement ceux qui n'ont pas su se servir de 
leur raison pour rendre à Dieu l'hommage qui lui est 
dû. « Ils sont inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, 
ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas 
rendu grâces; mais ils sont devenus vains dans leurs 
pensées, et leur cœur, sans intelligence s'est enveloppé 
de ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus 
fous, et ils ont échangé la majesté de Dieu incorrup- 
tible pour des images représentant l'homme corrup- 
tible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. » 
Rom., i, 21-23. C'est là le pire écart de la raison, 
rendre à de grossières créatures les honneurs divins. 
Les conséquences de cette déraison sont lamentables. 
Ceux « qui suivent la vanité de leurs pensées ont l'in- 
telligence obscurcie et sont éloignés de la vie de Dieu, 
par l'ignorance et l'aveuglement de leur cœur. Ayant 
perdu tout sens, ils se sont livrés aux désordres. » 
Eph., iv, 17-19. Cf. Tit., i, 15. — A l'enseignement 
apostolique, les faux docteurs ont opposé les erreurs 
de leur raison pervertie. « Us ne comprennent ni ce 
qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment, » dit saint Paul. 
I Tim., i, 7. Ils ont une science qui n'en mérite pas le 
nom. I Tim., vi, 20. Sous des formes diverses, la rai- 
son a cherché à combattre la doctrine de Jésus-Christ. 
L'Apôtre s'oppose à ses prétentions : « Nous renver- 
sons les raisonnements et toute hauteur qui s'élève 
contre la science de Dieu, et nous assujettissons toute 
pensée à l'obéissance du Christ, » II Cor., x, 5. Cet 
assujettissement n'abaisse pas la raison, mais au con- 
traire l'élevé et l'ennoblit, puisque le Christ est « la 
vraie lumière, » Joa., i, 9, et qu'en lui « sont cachés 
tous les trésors de la sagesse et de la science. » 
Col., il, 3. H. Lesêtre. 

RAM (hébrtL : Kâm), nom de deux ou trois person- 
nages mentionnés dans l'Ancien Testament. 

1. RAM (Septante : 'Apiu,), fils d'Hesron, ou Esron, 
descendant de Juda, par Phares, I Par., il, 9, 10. 
Comme il n'est pas nommé dans la généalogie de Juda, 
Gen., xlvi, 4, on doit en conclure qu'il ne vint au 
monde qu'après l'établissement de la famille de Jacob 
en Egypte. Il est mentionné pour la première fois 
dans la généalogie de Booz, Ruth, iv, 19, mais la Vul- 
gate l'appelle en cet endroit Aram, comme les Septante. 



941 



RAM — RAMA 



942 



Ram fut le frère cadet de Jéraméel, I Par., Il, 9, 10; 
il a la gloire d'avoir été un des ancêtres de Notre- 
Seigneur. Matth., n, 4; Luc, m, 3. Les deux évan- 
gélistes ont adopté l'orthographe des Septante et 
l'appellent Aram. Voir Aram 4, t. i, col. 876. 

2. RAM (Septante : 'Pâti), fils aine de Jéraméel et 
neveu de Ram 1, père de Moos, de Jamin et d'Achar, 
de la tribu de Juda. I Par., Il, 25, 27. 

3. RAM (Septante : 'Pàn), chef d'une famille d'où 
•descendait Éliu, un des interlocuteurs de Job. Job, 
xxxn, 2. Ce Ram est inconnu. Certains commentateurs 
ont voulu l'identifier avec le Ram de la tribu de Juda 
et en faire ainsi un descendant d'Abraham, mais cette 
identification est en désaccord avec la qualification de 
Buzîte qui lui est donnée, car les Buzîtes ne font pas 
partie de la postérité d'Abraham. Voir Buzîte, t. i, 
■col. 1082; Éuu, t. n, col. 1698. 

RAMA (hébreu : Ràmâh, «élévation », et plus sou- 
vent hâ-Râmâh, « le lieu élevé », avec l'article; Sep- 
tante 'Pa[i.ii), nom de six ou sept villes d'Israël. 

1. RAMA, ville de Benjamin, aujourd'hui er-Râm. Ce 
village situé un peu à droite du chemin de Jérusalem 
à Ndblus et à Nazareth, est à huit kilomètres au nord 
de la ville sainte, à quatre et demi de Sa'afâtet àtrois 
et demi de Tell el-Fûl dont les sites occupent celui de 
Gabaa de Saûl. Il est, à quatre kilomètres et demi ou 
cinq kilomètres vers l'est d'el-Djib eous'Nébi-Samûel, 
l'ancienne Gabaon, à trois kilomètres à l'ouest de Djéba 
ou Gabaa de Benjamin, à six au sud i'El-Biréh tenue 
par un grand nombre pour Béroth, à neuf et demi de 
Beitîn, l'antique Béthel. La correspondance de cette 
situation aux données bibliques et historiques jointe à 
l'identité des noms, fait que l'identification d'Er-Râm 
avec Rama de Benjamin est universellement adoptée. 

1° Situation d'après la Bible et l'histoire. — Rama 
est nommée dans le lût des villes attribuées à la tribu 
de Benjamin entre Gabaon et Béroth. Jos., xvm, 25. 
En indiquant « le palmier de Débora entre Béthel et 
Rama, » Jud., rv, 5, l'écrivain sacré montre cette der- 
nière localité assez rapprochée de l'autre. La parole du 
lévite de Bethléhem : « nous passerons la nuit à Gabaa 
ou à Rama, » ibid., xre, 13, la suppose peu éloignée de 
Gabaa de Saûl et plus au nord. Le passage de I Reg., 
xxu, 6, oit il est dit de Saûl qu' « il se tenait à Gabaa, 
■sous le tamaris de Rama, » en fait deux villes toutes 
voisines. Il en est de même de I Esd., n, 26; II Esd., 
vu, 30; Is. x, 29, où Rama est constamment unie à Gabaa. 
Elle paraît avoir été la forteresse frontière septentrionale 
■du royaume de Juda. III fieg., xv, 17, 22; II Par., 
xvi, 1, 5, 6. D'après le verset cité d'Isaïe, on voit qu'elle 
étaitau noiylde Gabaa de Saûl et de Jérusalem, etàl'est 
de Machmas et de Gabaa de Benjamin. Josèphe qui 
transcrit son nom 'Apaiiaôûv (variante : 'Pa[ia6û>-j), Ant. 
jud., VIII, xn, 3, la dit éloignée de Jérusalem de 40 
stades ou près de sept kilomètres et demi. D'après Eu- 
sèbe et saint Jérôme elle est au VI e milliaire, c'est-à-dire 
au delà de 7480 mètres, au nord d'iElia ou Jérusalem. 
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, 
p. 308-309. 

2° Description. — Er-Râm est assis au sommet d'un 
mamelon de 792 mètres d'altitude, complètement dénudé 
à l'ouest et au sud, mais planté de vignes et de figuiers 
■au nord et à l'est. C'est un pauvre petit village arabe 
de moins de cent habitants, tous musulmans. La petite 
mosquée à coupole est bâtie dans les ruines d'une 
église. On remarque dans les murs des masures actuelles 
■quelques pierres de bel appareil ayant appartenu à des 
constructions plus anciennes et à côté du village une 
petite piscine. Des sépulcres taillés dans le roc de la 



montagne attestent également l'antiquité de la localité. 
3° Histoire. — La position stratégique occupée par 
Rama de Benjamin en fit une des villes importantes non 
seulement de la tribu de Benjamin, mais de tout Israël. 
Débora s'asseyait près de Rama, sous le palmier qui 
fut appelé de son nom, pour juger le peuple. Jud., iv, 
5. Saûl était près de Rama, la lance à la main, entouré 
de ses hommes d'armes, et leur reprochait leur sympa- 
thie pour David, quand Plduméen Doëg dénonça le 
grand-prêtre Achimélech pour avoir accueilli le fils 
d'Isaï et lui avoir fourni des vivres et remis l'épée de 
Goliath. Le roi envoya aussitôt un détachement à 
Nobé pour lui amener le pontife et les prêtres. Les 
guerriers refusant d'obtempérer à l'ordre criminel de 
Saûl, et de tuer les prêtres du Seigneur, il en chargea 
Doëg qui mit à mort les quatre-vingt-cinq prêtres qui 
avaient été conduits en cet endroit. IReg., xxu, 6-18. 
Sous le pieux rot Asa, Baasa, roi d'Israël, envahit le 
territoire de Juda, s'empara de Rama et se mit à la 
fortifier de manière à pouvoir empêcher les Juifs de 
passer au delà et à arrêter ceux des Israélites qui vou- 
draient aller en Juda. Asa acheta le concours duroi de 
Syrie Bénadad qui attaqua le royaume d'Israël au nord. 
Baasa dut retirer ses soldats pour voler au secours de 
son pays attaqué. Asa reprit possession de Rama et avec 
les matériaux qu'y avait apportés son adversaire, il alla 
fortifier Gabaa de Benjamin et Maspha.III Reg.,xv, 17- 
23; II Par., xvi, 1-6. Rama, située tout près de Gabaa 
de Benjamin où l'armée assyrienne de Sennachérib 
dans sa marche contre Jérusalem, tracée à l'avance par 
Isaïe, x, 29, allait, après avoir franchi le passage de 
Machmas, se reposer, devait être elle-même frappée 
de terreur et sans doute, comme les villes ses voisines, 
prise et occupée par l'ennemi. — C'est à Rama, que, 
après l'incendie du temple et la destruction de Jérusa- 
lem, Nabuzardan, général de l'armée chaldéenne de 
Nabuchodonosor, réunit les captifs qu'il allait 
conduire à Babylone et que fut délivré Jérémie. Le 
prophète, suivant les commentateurs juifs et d'autres, 
Jér., xl, 1-5, aurait fait allusion à la désolation des 
prisonniers et à la ruine de la nation accomplie alors, 
dans la célèbre parole : « Une voix s'est fait entendre 
à Rama, [voix] de lamentation, de deuil et de pleurs; 
[c'est] Rachel qui pleure ses enfants, parce qu'ils ne 
sont plus. » Ibid., xxxi, 15. Cf. S. Jérôme, In Jer., 
t. xxv, col. 876-877. Suivant plusieurs interprètes, il 
s'agirait ici d'une autre Rama située prés de Bethléhem. 
Voir Rama 7. La Vulgate a pris Râmâh pour le nom 
commun et le traduit par in excelso. Les Septante ont 
faitde même, Ose., v, 8, où le prophète s'écrie : « Sonnez 
du cor à Gabaa, de la trompette à Rama. » — Quelques 
auteurs tiennent Rama de Benjamin pour identique à 
Rama, ville de Samuel ou Ramathaïm-Sophim. Voir 
Rama 6 et Ramathaïm-Sophim. — Les gens originaires 
de Rama et de Gabaa qui se joignirent à Esdras, pour 
retourner dans la terre de leurs pères, étaient ensemble 
au nombre de 621. I Esd., n, 26; II Esd., vu, 30. Rama 
fut habitée de nouveau par des Benjarnites probable- 
ment du nombre des précédents. II Esd., xi, 33. Elle est 
appelée par Josèphe, Ant. jud., VIII, xn, 3, « une ville 
non sans célébrité. » Rangée parmi les cités nobles que 
rebâtit Salomon, par saint Jérôme, elle n'était plus à 
l'époque de ce père qu'un pauvre petit village, parvus 
viculus. In Soph., i, t. xxv, col. 1354. Voir A Reland, 
Palxstina, Utrecht, 1714, p. S63-964; E. Robinson, 
Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. n, 
p. 110, 315-316; V. Guérin, Samarie, t. n, p. 199-204; 
The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 
1889, t. m, p. 13. L. Heidet. 

2. RAMA (hébreu : hâ-Râmâh; Septante : 'P^uii), 
ville de la tribu d'Aser, dont le nom est transcrit, 
Jos., xix, 29, Horma. Voir Horma 2, t. m, col. 756. 



943 



RAMA — RAMATHAÏM-SOPHIM 



944 



3. RAMA (hébreu : hâ-Bâmdh; Septante, Vatica- 
nus : 'ApaTjX; Alexandrinus : 'Px[Li), ville de Neph- 
thali, dont le nom est transcrit dans la Vulgate, Jos., 
six, 36, Arama. Voir arama 1, t. i, p. 876. 

L. Heidet. 

4. RAMA (hébreu, Râmâh; I Sam., xix, 22, 23; xx, 

I, xxv, 1 ; Septante,'î < Pof(j.i, excepté Vaticanus: xxv, 1, 
où on lit : 'Apui6a'4i; Vulgate : Ramatha), résidence 
du prophète Samuel où étaient les Naïoth, où -vint le 
trouver David fuyant jSaûl et où il fut enseveli. Gese- 
nius, Thésaurus, p. 1276, suppose que cette Ramah est • 
la même que Ramatha, mais différente de Ramathaïm- 
Sophim.EUe serait encore identique à Rama de Matlh., 

II, 18, et à la Ramta' du Talmud ; Schabb., f. 26, 1 ; cette 
localité doit être cherchée, suivant cet auteur, au delà du 
tombeau de Rachel, par rapport à Gabaa, c'est-à dire 
au sud, parceque Saûl se rendant de Rama à Gabaa, sa 
patrie, trouva ce tombeau sur son chemin. I Reg., x, 2. 
Le site de l'ancienne Hérodium, aujourd'hui djebel 
Fereidis (à six kilomètres au sud-est de Bethléhem), 
lui conviendrait très bien. Thésaurus, p. 1275-1276- 
La plupart des interprètes et des critiques voient une 
seule localité dans Rama, Ramatha et Ramathaïm- 
Sophim, ou plutôt Rama est une des « deux Rama » 
de Ramathaïm. — Quant à la Ramfa du Talmud, c'est 
selon toute probabilité, Ver-Ràrnéh des Arabes ou tell 
er-Raméh) la Bélharan delà Bible. — Voir Rama 7, 
Ramatha et Ramathaïm-Sophim. L. Heidet. 

5. RAMA (hébreu, 1 Sam., xxx, 27 : Rdmof-Négéb ; 
Septante : 'Potuoc vôto-j, « Rama du midi »; Alexan- 
drinus : Pap.a8; Vulgate : Ramolli ad méridien i), ville 
du sud du pays d'Israël. Voir Ramoth Négeb. 

L. Heidet. 

6. RAMA (hébreu, II (IV) Reg., vm, 29 : Râmâh; 
Septante, Vaticanus : 'Pimi.wb ; Alexandrinus : 'Pajuie, 
Vulgate : Ramoth), ville de la région transjordanique, 
ordinairement appelée Ramoth en Galaad. Voir Ramoth 
et Ramoth-Galaad. L. Heidet. 

7. RAMA, .Matth., h, 18, est, suivant certains inter- 
prètes, le nom commun de « hauteur »; suivant d'au- 
tres, c'est le nom propre d'une localité. — L'Évan- 
géliste, en appliquant au massacre des Innocents, le 
passage de Jérémie, xxxi, 15 : « Une voix a été entendue 
à Rama... [c'est] Rachel qui pleure ses fils..., » attribue 
sans doute à Rama la même signification que lui donne 
le prophète. « Nous ne pensons pas que l'expression 
in Rama, dit Jérôme, soit le nom de la localité voisine 
de Gabaa, mais Rama signifie hauteur, excelsum, de 
manière que le sens est : « Une voix s'est fait entendre 
« sur la hauteur, in excelso, c'est-à-dire s'est répandue 
« au long et au large, id est longe lateque diffusa. » In 
Matth., n, 18, t. xxvi, col. 28. Les chaînes origéniennes 
et les gloses l'entendent généralement de même. 
Cf. iTischendorf, Kovum Testamentuni grmcum, 
edit. 8"- critica major, Leipzig, 1872, t. r, p. 8. — 
Eusèbe cependant l'entend d'une localité : « Il y a une 
autre Rama de Benjamin, dit-il, dans le voisinage de 
Bethléhem dont il est dit : Une voix a été entendue à 
Rama. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 
1862, p. 306. Le nom de Benjamin est ici une erreur ; 
Bethléhem et tousses alentours appartenaient à la tribu 
de Juda. Le mosaïste de Madaba a rapporté l'indica- 
tion à un monument situé près de Bethléhem que l'on 
peut prendre pour le sépulcre de Rachel; mais on ne 
trouve nulle part que le lieu où se trouve ce sépulcre 
ait jamais porté le nom de Rama, non plus qu'aucun 
site des alentours. — La plupart des exégètes modernes 
tiennent aussi le mot de Rama pour un nom propre. 
Le grec et les versions, même la Vulgate, qui ont tous 
Rama, ne permettent pas de douter qu'il n'appartienne 
au texte original de saint Matthieu. Or, si l'évangéliste 



eût voulu dire in excelso, il aurait fait usage de be- 
marôm, en hébreu, ou be-marôma' , en araméen, non 
de be-Râmâh inusité en ce cas. — Pourplusieurs de ces 
interprètes, cette Rama ne serait pas différente de 
Rama de Benjamin située à quinze kilomètres au nord 
de Bethléhem et l'expression de l'évangéliste et du 
prophète indiquerait la véhémence des cris de douleur 
des méreâ qui retentirent jusque-là. Pour les autres, 
comme pour Gesenius, il s'agit réellement d'une loca- 
lité des alentours de Bethléhem, souvent identifiée 
par eux avec Rama ou Ramatha de Samuel. Pour 
Eusèbe et le mosaïste, ce sont deux localités différentes. 
Voir Maldonat, In Matth., dans Migne, Cursus Scriptu- 
rse, t. xxi, col. 424-426; F. Vigouroux, Manuel biblique, 
12 e édit., t. h, p. 704, note 1; Polus, Synopsis critico- 
rum, Math., Francfort-sur-le-Mein, 1712. Voir col. 924; 
Rama 4 et Ramatha. L. Heidet. 

RAMATHA (hébreu : hà-Râmâtâh ; Septante : 
'ApfiaôatV, variante : 'Ap(jt,a6é,u, excepté Codex Alexan- 
drinus : I Reg., xxv, 1 : 'Paiii), patrie et résidence de 
Samuel. — Ramatha ou Rdmâtâh est le nom de Râma 
ou Râmâh, Râmat à l'état construit avec le hé (n) 
final, signe du mouvement. La Vulgate transcrit Râmâh, 
de l'hébreu par Ramatba, I Reg., xix, 19, 22, 23 (2 fois) ; 
xx, 1 ; xxv, 1 ; xxvm, 3. La transcription grecque 'Ap- 
[iaôaffi, équivalente de hd-Rdmd(aim, porteraità indui- 
re que cette leçon se lisait primitivement partout où se 
lit maintenant Râmdfâh, dans le texte massorétique. 
Le nom de "Pa[j.a6É[j. (variante : 'PaDa^ecv; Vulgate : 
Ramathan, ace. de I Mach., xi, 34, et de Ramthis 
forme gréco-romaine usitée au rv" siècle, probablement 
pour Ramlhaim, comme Esbous, Marrous, Nemarias 
pour Hésébon, Marom, Nemarlm (Onomasticon), et 
qui l'une et l'autre semblent bien être la Ramatha de 
Samuel, paraissent en même temps montrer la persis- 
tance dans l'usage du duel Râmâtaîm. Ce nom devait 
s'écrire et se prononcer Râmatêm, comme Oronaïm 
Qariataïm, dans l'inscription de Mésa, s'écrit fforonên 
ou IJoronêm Qariatên, etc., comme les Arabes bédouins 
prononcent tous les duels. Ainsi, il est possible et 
vraisemblable que Ramathaïm écrit diidt dans les 
anciens exemplaires soit devenu rtrim, par une erreur 
de transcription du scribe de la massore. Quoi qu'il en 
soit, l'identité de Rama et Ramatha avec Ramathaïm, 
indiquée déjà par la leçon constante des Septante, n'est 
guère contestable. Voir Ramathaim-Sophim. 

L. Heidet. 

RAMATHAi'M-SOPHIM (hébreu, I Sam., i, I : 
hâ- Râmâtaîm Sofïm-; Seplante : 'Ap|jia6tii[ji Stiâ; 
Vaticanus : 2et:pdc : Alexandrinus : Stoçipi), ville d'É- 
phraïm, patrie d'Elcana et du prophète Samuel, son 
fils. 

1° Nom. — Ramatbaïm-Sophim, « les deux Rama des 
Sophim », se trouvant une fois seulement dans la Bible 
hébraïque, des critiques l'ont suspecté le fait de quel- 
que copiste et cru Ramatha le véritable nom. La leçon 
'Ap(ia8a!(i des Seplante semble plutôt, voir Ramatha, 
indiquer le contraire. Ramathaïm était employé pour 
désigner la localité en général et Rama la partie par- 
ticulière où étaient les naïoth et où Samuel avait 
fixé son habitation au milieu des prophètes. Sophim 
est apposé comme déterminatif pour distinguer ce 
Rama des nombreuses autres. Ce nom a été interprété 
différemment; Pour le Targum de Jonathan c'est la 
« Ramatba des disciples des prophètes », pour la version 
syriaque c'est « la colline des vedettes », la version 
arabe y voit a la hauteur de l'exploration ». On admet 
plusgénéralement qu'il faut entendre : « la double- Rama 
des Suphites n on « des fils de Suph » dont descendait 
Elcana et dont la région était appelée du nom de leur 
père « la terre de Suph. » I Reg., i, 1; I Par., vi, 
35; I Reg., ix, 5. Cf. Polus, Synopsis criticorum, 



945 



RAMATHAÏM-SOPHIM 



946 



Francfort-sur-le-Main, in-f°, 1712, t. i, col. 1152. 
2° Identifications diverses. — Plus de douze localités 
ont été proposées pour être identifiées avec la patrie de 
Samuel (Bg..213). — Elle se trouverait « dans la mon- 
tagne d'Ephraïm, -omê-har Efrâîrn, ou èv vacrtg Eçpaîu., 
«dans le district(?) d'Ephraïm. selon les Septante.'I Reg., 

1, 1. L'itinéraire de Saûl, itinéraire sans doute direct, 
pour se rendre de Ramathaïm à Gabaa, sa patrie, sup- 
pose le tombeau de Rachel sur cette route. I Reg., x, 

2. Ce monument se trouvant près de Bethléhem de 
Juda, selon Gen., xxxv, 16, et xlvhi, 7, il résulte de là, 
disent plusieurs critiques, que Ramatha, habitation de 
Samuel, était au sud de Gabaa et du tombeau de Rachel. 
De là il faut reconnaître, ajoute Gesenius, Thésaurus, 
p. 1274, que ce lieu est différent de Ramathaïm, pa- 
trie d'Elcana. "Voir Rama 4. Les autres concluent, au 
contraire, que la montagne d'Éphraim de I Reg., I, 1, 
n'est pas différent de la région montagneuse d'Éphrata 
où il faut chercher Ramathaïm, c'est-à-dire de Bethlé- 
hem. Suph est en effet, disent-ils, appelé, ibid., 
l'Éphratéen et « la terre de Suph », doit être identique 
au pays d'Éphrata ou Rethléhem. En conséquence, ces 
critiques cherchent Ramathaïm dans le territoire de 
Juda et aux alentours de Bethléhem. — Van de Velde, 
Syria and Palestine, in-8», Edimbourg et Londres, 
t. il, p, 50, la voit dans er-Râméh, ruine située à trois 
kilomètres au nord d'Hébron et dans le voisinage de 
l'ancien Mambré, W. F. Birch, l'identifie avec Beit- 
Djàla' grand village situé à deux kilomètres à l'ouest du 
sépulcre de Rachel. Dans Pal. Expl. Fund, Quarterly 
Statement, 1883, p. 48-52. — G. Schick, Ramathaïm- 
Sophim, dans Quarterly Statement, 1898, p. 7-20, la 
place au moment du Rds-es-Sarféh à l'ouest et au-dessus 
des vasques de Salomon, à six kilomètres, à l'ouest 
sud-ouest de Bethléhem, où sont plusieurs ruines assez 
considérables. — La plupart des commentateurs n'ad- 
mettent pas que l'on puisse entendre « la montagne 
d'Ephraïm » de la contrée de Bethléhem. Si l'ethnique 
« Éphratéen » a été appliqué à des habitants de cette 
ville comme il l'a été aux Jiphraïmites, et même si le 
nom d'Éphrata a été pris, selon quelques interprètes, 
pour synonyme de « la terre d'Ephraïm », celui-ci n'a 
jamais été employé pour indiquer un autre territoire 
que celui de la tribu de ce nom. La description du 
voyage de Saûl. I Reg., IX, 3-6, qui nous montre, une 
seconde fois, la terre de Suph et la ville de Samuel 
dans « la montagne d'Ephraïm », ne permet de douter 
de l'authenticité de la leçon. D'autre part, l'identité 
de Rama ou Ramatha apparaît de la suite du récit de 

I Reg., I. La ville d'Elcana d'où il se rendait régulièrer 
ment à Silo, du verset 3, est bien certainement la 
Ramathaïm du f. 1 et la Ramatha du y. 19, où le même 
avait sa maison, où il retournait après sa visite à Silo et 
où naquit Samuel, est indubitablement la même ville. 
La leçon d"Ap|ji.x6a!{ji des Septante, donnant partout 
Ramatha pour identique à Ramathaïm, ne serait-elle 
pas la leçon authentique, indiquerait toujours leur 
sentiment, dont on ne pourrait pas ne pas tenir compte. 

II faut donc admettre que Ramathaïm était réellement 
dans la montagne d'Ephraïm, sauf à conclure que le 
tombeau de Rachel, dont il est parlé dans le voyage de 
retour de Saûl est un autre tombeau et que probable- 
ment on lisait jadis un autre nom à la place de Rachel. 
La situation; en Éphraïm, de Ramathaïm n'en est pas 
moins encore une des questions topographiques des 
plus controversées. — D'après le juif Benjamin de 
Tudèle (xn e siècle), « Ramléh est Ramah » de Samuel. 
Itinéraire, édit. Lempereur, Leyde, 1633, p. 20. C'était 
l'opinion de quelques savants chrétiens de l'époque 
pour qui Ramléh était une variante de Rama et Rama- 
tha. Gf, Guibert de Nogent, Historia hierosolymitqna, 
\H, 1, édit. Bongars, p. 253. La plaine de Ramléh, 
prétend Burchard (1293), appartenait à la montagne 



d'Ephraïm. Descriptio, 2 e édit. Laurent, in-4» Leipzig, 
1873, p. 78. — Quelques pèlerins postérieurs au 
xm e siècle paraissent indiquer Sôbâ, située à 11 kilo- 
mètres à l'ouest de Jérusalem, sur une montagne 
élevée... C'est le sentiment défendu par Robinson qui 
voit dans ce nom Eeiçà des Septante. Biblical Resear- 
ches, Boston, 1841, t. h, p. 328-334. — Le rabbin Joseph 
Schwarz croit avoir trouvé « Rama de la montagne 
d'Ephraïm » dans er-Râméh, village situé à sept 
kilomètres et demi à l'ouest de Sânur et à neuf du 
nord-nord-ouest de Sébasfiéh (Samarie). Tebuoth ha- 
'Aréz, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 198-193. — 
M. Slant le voit au Khirbet-Marmâtâ, à un kilomètre 
et demi à l'est-sud-est d'Artûf (ard Tûf ou Çûf « la 




213. — Carte des sites divers attribués à Ramathaïm-Sophim. 

terre de Sûf »), situé à deux kilomètres au sud-est de 
Sara. Ibid., Appendice, p. 508-510. — S'il faut en 
croire Mugir ed-Dîn, les Juifs de son temps (1474) 
auraient vu la patrie de Samuel au village de Siléh 
(â<\ «,<..>) du territoire de Nâblus, appelé par eux 
Rdméh. Il y a un Sîléh à quatre kilomètres et demi 
au nord de Sébasfiéh: Gf. Histoire de Jérusalem et 
d'Hébron, édit., du Caire, 1283 (= 1866), p. 106. — 
M. Gaston Marmier semble chercher Ramathaim à 
TJmm-Sûfja, à six kilomètres et demi à l'est du 
Khirbet-Tibnéh, l'ancienne Thamnay^wwe des études 
juives, 1894, p. 41. — MM. Gutheet Éenziger l'identifient 
avec Beît-Rima, situé à trois kilomètres an nord de la 
ruine précédente. Voir Wandkarte Palâstina, Leipzig 
(sans date). De même Buhl, Géographie des alten 
Palâstina, 1896, p. 170-171. Ewald la plaçait à 
Ramallah, grand village chrétien à quinze kilomètres 
au nord de Jérusalem. Geschichte des Volkes Israël, 
Gœttingue, 1843-1852, t. n, p. 550. — Quelques pèlerins 
des siècles derniers paraissent l'identifier avec er-Râm, 
l'ancienne Rama de Benjamin. A. de Noroff croit avoir 
reconnu \e tombeau du prophète dans une « grotte 



947 



RAMATHAIM-SOPHIM 



948 



sépulcrale » incorporée au mur de l'ancienne syna- 
gogue convertie plus tard en une église chrétienne. 
Dans le Pèlerinage de Daniel l'higoumène, Saint- 
Pétersbourg, in-4» 1864, p. 13 et 14, note. Cette identi- 
fication est acceptée parquelques modernes. VoirBonar, 
Land of Promise, in-8°, Londres, 1856, p. 178, 554; 
P. B. Meistermann, 0. F. M., Nouveau guide'de Terre- 
Sainte, in-8», Paris, 1907, p. 314-315. Cette identifica- 
tion, comme les précédentes, se base seulement sur 
l'identité ou la similitude onomastique. Le P. von Hunl- 
melauer, In lib. Samuel, I Reg., i, 1, 1886, jp. 29-31, 
reconnaît l'identité de Rama ou Ramatha avec Rama- 
thaïm; il la veut cependant, comme Gesenius, au sud 
de Bethléhem. Selon lui, l'expression de la montagne 
d'Éphraîm se rapporte, non à Ramathaïm, mais à Elcana 
et il faudrait lire : « Il était un homme de Ramathaïm- 
Sophim [et cet homme était civilement de la tribu ou] 
de la montagne d'Éphraîm. » Le docte commentateur 
parait n'avoir pas remarqué les autres passages indi- 
quant comme nous le verrons, Ramathaïm en Éphraïm. 
3° Deux autres identifications. — Deux localités, 
outre leur nom, se présentent avec d'autres titres : ce 
sont Nebi-Samûêl etRantis. — 1. Nébi-Samûîl, «le pro- 
phète Samuel », est un petit village de moins de cent 
habitants, bâti sur la montagne la plus élevée des alen- 
tours de Jérusalem, à sept kilomètres et demi de cette 
dernière. On y voit d'anciennes habitations et des pis- 
cines entièrement creusées dans le roc, des restes d'une 
enceinte restaurée à différentes époques; S de belles 
pierres taillées dispersées çà et là et surtout une église 
ogiivale du XII e siècle, dont le transept sert aujour- 
d'hui de mosquée. A l'intérieur un cénotaphe en dos 
d'âne, semblable à tous ceux des personnages vénérés 
dans l'islam, est désigné comme celui du prophète 
Samuel. — Vers 530 déjà, le pèlerin Theodosius indi- 
quait : « à cinq milles (7480 mètres) de Jérusalem 
Ramatha'où repose Samuel. » De Terra Sancla, Genève, 
1877, p. 71. L'église et le monastère auxquels Justinien 
(527-565) apporta des améliorations portaient dès lors 
le nom de « Saint-Samuel ». Procope, De œdificiis, 
V, IX. Il resta célèbre et vénéré chez les Arabes mu- 
sulmans. Cf. Et-Muqaddasi, 19881, Géographie, [édit. 
Goeje, Leyde, 1871, ip. 188. Pendant toute la période 
des croisades (xn e s. etxnr 3 ), les pèlerins francs et autres 
ne cessèrent d'aller vénérer le tombeau à Saint-Samuel 
de Montjoie ou Silo, souvent encore appelé de Rama 
et de Ramatha. A peu près toutes les relations en font 
mention. Les juifs ne l'eurent pas en moindre respect. 
R. Benjamin y mentionne, loc. cit., la présence des 
reliques. Le savant rabbin Estôri (xm e siècle) désignant 
Nébi-Samûêl l'appelle hâ-Rdmâtâh et ajoute : « Là est 
Samuel, parce que là est sa maison. » Caftor va-Phérah, 
édit. Luncz, Jérusalem 1897-1999, p. 300. Les pèlerins 
juifs dont on connaît les récits, y vont tous vénérer le 
sépulcre. Cf. Carmoly, Pèlerinages de ta Terre Sainte 
traduits de l'hébreu, Bruxelles, 1847, p. 130, 186, 387. 
443. Une tradition si universelle et si constante est un 
argument en faveur de la présence à Nébi-Samùêl des 
restes du prophète. Or, ajoutent les auteurs qui identi- 
fient cet endroit avec Ramathaïm, d'après I Reg., xxv, 
1, Samuel fut enseveli « dans sa maison à Ramatha ». 
Si le tombeau de Nebi-Samûêl est authentique, il faut 
reconnaître que là est Ramathaïm. Les deux hauteurs 
terminant le sommet delà montagne justifient d'ailleurs 
ce nom. Voir |Maspha 4, t. iv, fig. 228, col. 843. 
Ramathaïm, il est vrai, est indiqué dans la montagne 
d'Éphraîm et Nébi-Samûêl appartient au territoire de 
Benjamin; mais le palmier de Débpra qui s'élevait entre 
Rama de Benjamin et Béthel était déjà dans la mon- 
tagne d'Éphraîm, Jud., iv,'5, et Saûl parcourant la terre 
de Jemini, synonyme de Benjamin (voir t.^iii, col. 1248), 
se trouvait dans la montagne d'Éphraim, Cf. I Reg., ix, 
4. Ce sentiment, qui est celui de la plupart des inter- 



prètes et géographes du xvn e siècle et du xvm«, est 
défendu par plusieurs savants modernes, en particulier 
par F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la 
Terre Sainte, in-8", Paris, 1877, p. 257, et par 
Victor Guérin, Judée, t. i, p. 362-384; d'autres palesti- 
nologues cependant croient plusjuste de s'en rapporter 
aux témoignages d'Eusèbe et de saint Jérôme indiquant 
Rantîs. 

Selon ces palestinologues, 1° il n'esl aucunement cer- 
tain que le nom de « mont Éphraïm » ait jamais été 
donné à la plus petite partie de la montagne de Benja- 
min. Le Palmier de Débora pouvait être dans la mon- 
tagne d'Éphraim s'étendant au sud de Bethel, sans 
qu'il soit besoin de prolonger celle-ci jusqu'à Rama et 
à la montagne de Nébi-Samûêl. Le Jemini qui donna 
son nom à la région parcourue par Saûl après avoir 
passé par les terres de Salisa et de Salim et avant 
d'entrer dans la terre de Suph, est distingué, et sans 
doute avec raison, par les Septante, au codex Vatica- 
nus, du Jemini qui pouvait donner son nom au terri- 
toire de Benjamin. Ils appellent le premier, I Reg., ix, 
4, 'laasv, nom de familles en diverses tribus (cf. 
Jamin, t. m, col. 1115) et le second, verset 1, ïbid. 
'iEIxivatoç. La terre de Jemini, ou Jamin, dont il 
est ici question, était au-delà de « la terre des Chacals » 
(oibyiir y-iN, y*) £EYa)i[ji, terra Salim, de I Reg., ix, 4), 
identique selon toute probabilité à la terre des Cha- 
cals (byiïf ynN, collectif équivalant au pluriel, Y7jSo)Yâ),, 
terra Suai) de I Reg.,xm, 17, qui parait être aux alen- 
tours d'Éphra, ville possession d'Éphraîm; à plus forte 
raison lui appartenait cette terre de Jemini. — 2» La des- 
cription du voyage de Saûl à la recherche des ànesses 
de son père, tant à l'aller, I Reg., IX 3-6, qu'au retour, 
ibid., ix, 26-x, 74, indique une longue course, tandis 
que Nébi-Samûîl est à cinq kilomètres seulement du 
site où l'on doit placer Gabaa de Saûl. Le mot 
de Samuel, ibid., x, 2 : Vous trouverez deux hommes 
sur la frontière de Benjamin, indique bien que Ra- 
matha était en dehors de cette frontière. — 3° La ville 
de Ramathem (Vulgate : Hamatka) de I Mach., xi, 34, 
est, selon toutes les probabilités, identique à Rama- 
thaïm. Or, la Samarie, à laquelle elle appartenait, était 
tout entière formée du territoire d'Éphraîm. De ces 
indices ne faut-il pas conclure que Ramathaïm doit 
être cherchée ailleurs qu'à Nébi-Samûil et que le sé- 
pulcre qu'on y vénère est, non le tombeau primitif du 
prophète, mais un monument où ses restes furent 
transférés d'ailleurs? C'est ce que l'on disait au 
xi! e siècle. Selon le témoignage de Benjamin deTudèle, 
en 1173, les chrétiens avaient. trouvé à Ramatha, à côté 
de la synagogue des Juifs, le tombeau de Samuel et 
avaient trausporté les reliques du prophète à Silo, c'est- 
à-dire à Nebi-SamûU, où ils construisirent une grande 
église. Ce rabbin, il est vrai, attribue cette invention 
aux Francs, à leur arrivée en 1099, et la place à Ramléh, 
tenue par lui pour Ramatha ; mais elle doit être attri- 
buée, sans doute, aux Byzantins et reportée au temps 
d'Arcadius (395-408), époque où, selon saint Jérôme, 
Cont. Vigilant., 5, t. xxm, col. 343, une partie des 
ossements du prophète furent transportés en Thrace. — 
Ce Père etEusèbe attestent indirectement qu'il ne peut 
en être autrement, quand ils indiquent qu'Arimathie 
ou Armathem, patrie d'Elcana et de Samuel, est la lo- 
calité appelée de leur temps Ramthis, certainement 
différente dû Nébi-Samuel actuel. D'après ces Pères, 
Remphis, Remphîtis dans le monument de Leyde, 
Remphtis dans d'autres manuscrits, était de leur 
temps généralement reconnue pour l'Arimathie évan- 
gélique et pour l'Armathem-Sophim des Septante, 
patrie de Samuel. Onomasticon, aux mots Ruma et 
Armathent-Sophim , édit. Larsow et Parthey, Berlin, 
1862, p. 60-61, 316, 317; éd. E. Klostermann, Leipzig, 
1904, p. 32-33, 144. Elle est située « près » (jiXïioiov, juxta) 



949 



RAMATHAÏM-SOPHIM 



950 



de Diospolis (Lydda) ou « dans le territoire, i> iv ôpi'oiç, 
in finibus, de cette ville. Saint Jérôme ajoute qu'elle 
appartient à la Thamnitique, ittregione Thamniticâ. Les 
mots « dans le territoire, près de » ne peuvent pas 
être entendus dans le sens restreint que nous leur 
donnons. Ainsi, avec les mêmes expressions, ils nous 
indiquent Remmon à quinze milles, ou 22 kilomètres et 
demi au nord d'/EIia, ibid., p. 314 et 315, ,et Bethsarisa 
également à quinzemilles au nord de Diospolis et aussi 
dans la Thamnitique. Ibid., p. 94, 95. Par ce dernier 
passage, nous constatons que la Thamnitique était au 
nord de la Diospolitaine ou toparchie de Lydda. Au 
xii e siècle, les .Assises de Jérusalem, ch. 267, édit. 



centreforts des monts d'Éphraïm, du côté de l'ouest. 
Il occupe une partie seulement d'un plateau assez 
spacieux, sur lequel se rencontrent de nombreuses 
bouches de citernes antiques, et terminant une pre- 
mière hauteur de 209 mètres d'altitude; celle-ci est 
dominée par un ressaut de la montagne formant une 
seconde hauteur couronnée d'un plateau plus vaste que 
le premier et toute plantée d'oliviers. Dans l'intérieur 
du village, se remarquent les restes de deux églises 
paraissant de l'époque byzantine; plusieurs pans de 
murs engagés dans des constructions modernes, par 
leur appareil, et de nombreuses pierres taillées disper- 
sées dénotent le même âge. Sur le plateau supérieur 




214. — Rantis. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



Beugnot, Paris, 1841, t. i, p, 417, nomment un Rantis 
où, parmi les suffragants de l'archevêque de Lydda, 
est un abbé de Saint-Joseph d'Arimalhie. Ce Rantis, 
est, à n'en pas douter, le Hemphlis du IV e siècle et le 
Rantis ou Remis (fig. 214) que l'on trouve aujourd'hui à 
moins de quinze kilomètres (environ dix milles ro- 
mains), au nord-est de Lydda, à huit kilomètres à l'ouest- 
nord-ouest de Tibnah, l'ancienne Thamna, qui donnait 
son nom à la Thamnitique, et à quarante kilomètres au 
nord-ouest de Jérusalem. Le nom de Rantîs permet de 
croire que la vraie leçon d'Eusèbe était Ramphtis, forme 
grecque pour Ramthis, comme Ramphta pour Ramtha, 
était donnée, an iv« siècle, à BétharandeGad. Ramthis 
ne diffère au fond de Ramathaïm que par la trans- 
formation de la finale en s, modification fréquente, 
dans les noms hébreux, à l'époque gréco-romaine. On 
ne peut douter que le témoignage d'Eusèbe et de saint 
Jérôme, à une époque où l'on savait où se trouvait le 
tombeau de Samuel, ne soit l'expression de la tradition 
locale du pays. — Rentîs est un village . d'environ 150 
habitants musulmans, s'élèvant sur un des derniers 



on rencontre divers débris d'anciennes constructions, 
parmi lesquels des fragments d'une belle mosaïque. Les 
lianes de la colline, recèlent un certain nombre de 
grottes sépulcrales anciennes. — Depuis trente ans, 
ceux qui, à Jérusalem, se sont occupés particulière- 
ment de la topographie iiblique, admettent plus com- 
munément que Rentîs est la localité correspondant le 
mieux aux données de la Bible et de l'histoire. 

Histoire. — Ramathaïm avait été sinon fondée du 
moins occupée par une colonie de lévites de la famille 
de Suph, dont descendait Eicana^pèrèsde Samuel. 
I Reg., i, 1. C'est là que naquit le prophète et il y fut 
élevé jusqu'au temps de son sevrage où il fut conduit 
â Silo pour être présente au grand-prêtre. I Reg., i, 
2-28. Il paraît être revenu en sa patrie après la mort de 
Héli et la prise de l'arche par les Philistins, et il y 
résida jasqu'à sa mort. Le don de prophétie dont il était 
gratifié attira à Ramathaïm une multitude de gens 
qui venaient le consulter. C'est ce qui engagea Saùl, cher- 
chant ses ânesses, à y venir aussi. Déjà Samuel avait 
été reconnu juge d'Israël et peu de temps auparavant 



951 



RAMATHAÏM-SOPHIM — RAMEAU 



952 



les anciens du peuple étaient venus le trouver pour 
lui demander un roi. Le prophète avait élevé un autel 
au Seigneur près de la ville. Jud., vu, 17; vm, 41; îx, 
6-10. 11 sortait de la ville pomr « monter » au bâmàli, 
où il devait offrir un sacrifice, quand Saûl se présenta 
à lui. Il invita le fils de Cis « à y monter avant lui » 
et à assister au festin qu'il y donnait; « ils descen- 
dirent » de là pour passer la nuit sur la terrasse de la 
maison du prophète. Le lendemain matin, celui-ci 
accompagna Saûl en dehors de la ville, le sacra et lui 
donna rendez-vous à Galgala. I Reg., rx, 11-x, 8. Toutes 
les assemblées générales de la nation, Samuel les tenait 
à Galgala, Béthel et Maspha. I Reg., vin, 16. [Rama- 
thaïm située loin de la ligne de faite des montagnes 
habitée par Israël par où passait la route des commu- 
nications entre les tribus et dont elle était encore sépa-. 
rée des vallées profondes et escarpées, était d'un abord 
trop difficile pour y convoquer le peuple.] — Saûl 
revint à Ramathaïm de longues années après. Il pour- 
suivait alors David de sa jalousie et de sa haine. Celui- 
ci s'y était enfui près de Samuel, et les deux se trou- 
vaient auxA'ai'otft, du Râmâh supérieur sans doute, où 
Samuel semble avoir groupé une école de prophètes 
autour de l'autel de Jéhovah où il sacrifiait. Cf. I Reg., 
xix, 18-24. David s'en échappa y laissant Saûl qui y 
passa la journée et la nuit suivante « prophétisant », 
XX, 1. Samuel y mourut peu d'années après et y « fut 
enseveli dans sa maison, » c'est-à-dire en son domaine, 
partout Israël qui vint assister à ses funérailles, xx, 1. 
— Ramathaïm, qui appartenait à Éphraïm, resta au 
royaume schismatique d'Israël et puis au territoire des 
Guthéensou Samaritains. Jonathas Machabée en obtint 
la séparation, et, avec Lydda et Éphrem, la réunit à la 
Judée, car il n'y a point de raison de douter que Ra- 
mathem, I Mach., xi, 34 (Vulgate : Ramatha) ne soit 
Ramathaïm. Devenue ainsi « ville des Juifs », ttoXiç 
tûW 'Io-uSatuv, et connue dans les.Êvangiles sous le nom 
d'Ârimathie, elle fut, au témoignage d'Eusèbe, de saint 
Jérôme et généralement de tout le peuple de Palestine, la 
patrie de Joseph qui ensevelit le Seigneur dans son 
propre sépulcre. Voir Arimathie, t. i, p. 958. — Rama- 
thaïm était trop en dehors des chemins suivis par les 
pèlerins pour avoir été fréquentée par eux; on la leur 
indiquait comme située dans une région presque ina- 
bordable. « D'jElia (Jérusalem), jusqu'à la ville de Sa- 
muel, située vers le nord et appelée Ramathas, la con- 
trée est rocheuse et escarpée ; on y peut Voir des ré- 
gions et des vallées couvertes débroussailles épineuses, 
s'étendant ainsi jusqu'au district de la Thamnitique », 
disait, vers 670, Arculfe qui ne parait pas l'avoir 
visitée non plus. Adamnan, De locis sanctis, I, xx, 
t. lxxxviii, col. 790. C'est sans doute pour permettre 
aux pèlerins de satisfaire leur dévotion et de vénérer 
les reliques du grand prophète, que l'on transporta 
ses ossements sur la montagne voisine de Jérusalem 
qui prit son nom. 

Outre les auteurs et les ouvrages déjà indiqués, on 
peut consulter encore : Quaresmius, Elucidatio Terrx 
Sanctx, I. VI, § v, cap. v et vi; cf. § i, cap. u, in-f», 
Anvers, 1639, p. 6-8; The Survey of Western Palestine, 
Memoirs, in-4°, Londres, 1882, 't. n, p. 286-287; t. m, 
p. 12-13; Palestine Exploration Fund, Quarterly 
Statement, 1879, p. 130-131, 170-172; 1883, p. 110-112, 
156-159, 183-184; 1884, p. . 51-54, 144; A. R. Gonder, 
Tent-Work in Palestine, in-8», Londres, 1885, p. 256- 
257; Fr. Liévin de Hamm, Guide indicateur de la Terre 
Sainte, 3' édit., Jérusalem, 1887, t. n, p.' 264-266. 

L. Heidet. 

RAMATHEM ('Pa(ia8éii), ville de la Samarie réunie 
avec son district (vou.6;h à la Judée sous Jonathas 
Machabée. I Mach., xi, 28, 34; cf. X, 30^ Ce nom est 
sans doute identique à 'Apa[ii8£|iou 'Apatia8ai|isansla 
transcription de l'article hébreu. La Vulgate l'a transcrit 



Ramatha, car la finale n paraît, comme pour Lydda, 
le signe de l'accusatif. Le traducteur semble aussi 
l'identifier avec Ramatha identique, dans la traduc- 
tion, avecRamathaïm-Sophim, comme l'est dans les Sep- 
tante 'Apay.aHy.et 'Apajia6ai[i. La situation de 'Pa(ia6é(J. 
indiquée par l'historique de ce passage dans la partie 
méridionale de la Samarie voisine de la Judée, autorise 
à croire que cette localité n ! est pas différente de la Ram- 
this d'Eusèbe et de saint Jérôme, Onomasticon, édit. 
Larsow et Parthey, p. 317, qu'il faut chercher dans la 
même région, et qu'ils identifient avec Ramathaïm pa- 
trie de Samuel. L'intérêt que Jonathas semble attacher 
à l'indépendance et à la possession de Ramathem se 
comprend si elle était la ville du prophète et gardait 
ses cendres et ce fait est loin d'infirmer f'assertion de ' 
Y Onomasticon, et l'identité de Ramathem avec Rama- 
thaïm-Sophim et Ramthis. Son territoire est situé entre 
Lydda et Éphrem et plus au nord, et Jonathas ne pou- 
vait l'avoir sans posséder aussi ceux de ces deux der- 
nières villes; Voir Ramathaïm-Sophim. 

L. Heidet. 
RAMATHLÉCHD (hébreu : Rdmat-Léhi. Les Sep- 
tante traduisent le nom : 'Avaîpeai; ataydvoç, enlève- 
ment de la mâchoire, sans le transcrire ; la Vulgate 
après l'avoir transcrit ajoute : qùod interpretatur ele- 
valio maxillx), localité où Samson frappa mille Philis- 
tins, avec une mâchoire d'âne. Jud., xv, 17. Voir Léchi, 
t. iv, col. 145. L. Heidet. 

RAMATH-MASPHÉ (hébreu : Râmalam-Mispéh ; 
Alexandrinus : 'Paiiù; Vulgate : Ramotli). Jos., xiu, 
26. Voir Ramoth-Maspiiè. 

RAMATH-NÉGÉB (hébreu :Rà'mâ(-Né'géb, « Râ- 
'mo/i du Midi »; Vulgate : Ramath contra auslralem 
plagam; le vocable est ajouté comme complément d'un 
autre nom de localité Baalath Béer). Voir Iîaalath 
Béer Ramoth, t. i, col. 1324. C'est, semble-t-il, le lieu 
appelé I Sam. (Reg.), xxx, 23, Ramoth-Négéb. Voir 
ce nom. 

RAMBAN, surnom de Nachmanide. Voir Nachita- 
nide, t. iv, col. 1455. ■ 

RAME, voir Rameur, col. 959. 

RAMEAU (hébreu : dâlyôf, zaîf, 'âbô(, 'ânâf, sôk, 
zemôrâh; chaldéen : 'ànàf; Septante : x),âSoç, x^not, 
tpûXXov ; Vulgate : ranius, ramusculus, palmes), branche 
d'arbre ou de végétal quelconque. L'hébreu a encore 
d'autres termes qui ne sont guère employés qu'une 
fois : Ifôtér, Is., xi, 1; kipdh, Job, xv, 32; mattéh, 
Ezech., xix, 11, 14; nésér, Is., xiv, 19; sûr, .1er., H, 
21; sansinnîm, Gant., vu, 9; se'apâh, Ezech., xxxi, 6, 
8; sar'âpah, Ezech., xxxi, 5; sibbélet, Zach., iv, 12. Le 
verbe sê'ê/'veut dire « couper des branches », Is., x, 33. 

1° Au sens propre. — 1. La colombe revient dans 
l'Arche après le déluge en portant un rameau d'olivier. 
Gen., vm, 11. Les explorateurs envoyés par Moïse dans 
le pays de Ghanaan en rapportent une gigantesque 
branche de vigne avec son raisin. Num., xm, 24. Pour 
faire périr les habitants de la tour de Sichem, réfugiés 
dans la forteresse du dieu Bérilh, Abimélech coupa une 
branche d'arbre et dit à tout le peuple qui le suivait 
d'en faire autant. Toutes ces branches furent placées 
contre la forteresse, on y mit le feu et ceux qui s'étaient 
réfugiés à l'intérieur trouvèrent la mort. Jud., ix, 48, 
49. Les oiseaux habitent dans les branches d'arbres et 
y font entendre leurs chants. Sap., xvn, 17; Matlh.,xm, 
32; Marc, îv, 32; Luc, xm, 19. A l'approche de l'été, 
les rameaux du figuier deviennent tendres et poussent 
des feuilles. Matth., xxiv, 32; Marc, xm, 28. Dépouillés 
de leur écorce par les sauterelles, les rameaux du 



953 



RAMEAU — RAMESSÈS 



954 



figuier deviennent tout blancs. Joe., i, 7. — 2. La 
loi prescrivait aux Israélites, pour la fête des Taber- 
nacles, de prendre des branches de palmiers et des 
rameaux d'arbres touffus; puis, pendant sept jours, ils 
devaient habiter sous des huttes de feuillage. Lev., 
40, 42. Sous Judas Machabée, les Juifs fidèles, après 
avoir passé une fête des Tabernacles dans les montagnes, 
suppléèrent ensuite à la solennité omise, en portant des 
rameaux verts et des palmes, et en chantant la gloire 
du Seigneur. Il Mach., x, 7. Sur le rameau qu'on por- 
tait à son nez dans certains cultes idolàtriques, Ezech., 
vin, 17, voir Nez, t. iv, col. 1612. — 3. Pour décerner 
le triomphe à quelqu'un, on prenait en mains des 
rameaux de palmiers en lui faisant cortège. Ainsi fit-on 
pour Simon Machabée, I Mach., xm, 51, et plus tard 
pour Notre-Seigneur à son entrée dans Jérusalem. 
Matin., xxi, 8; Joa., xii, 13. 

2° Au sens figuré. — 1. Jacob, dans sa prophétie sur 
ses douze fils, dit de Joseph, Gen., xlix, 22 : 

Joseph est le rejeton d'un arbre fertile, 
Rejeton d'un arbre fertile au bord d'une source ; 
. Ses branches s'élancent au-dessus de la muraille. 

Le rejeton, bien arrosé et abrité par une muraille, 
pousse si vigoureusement qu'il envoie ses branches par 
dessus cette muraille. C'est l'image de la tribu de 
Joseph, établie à Sichem et dans le pays fertile qui 
l'environne. Les branches sont ici appelées bânôt, 
« filles » du rejeton. Les Septante ont rendu autrement 
le dernier vers : « Mon jeune fils, reviens à moi. » La 
Vulgale l'a traduit servilement : « Les filles ont couru 
sur la muraille. » Celte traduction, étant donnée celle 
du vers précédent, prête à un sens fort différent de 
celui que présente l'hébreu. Ce dernier est d'ailleurs 
beaucoup plus naturel. — La sagesse étend aussi, 
comme un térébinthe, ses rameaux de gloire et de 
grâce, et heureux qui s'y abrite. Eccli., xiv, 26; xxiv, 
22. — Israël est la vigne du Seigneur, dont les branches 
dépassent les cèdres et s'étendent jusqu'à la mer, 
Ps. lxxx (lxxix), 11, 12. — Les méchants semblent 
prospérer et pousser des rameaux; mais ces rameaux 
ne verdissent pas, Job, xv, 32, ils sont brisés encore 
tendres, Sap., iv, 4, ils ne portent pas de fruits, Eccli., 
xxm, 35, et ne se multiplient pas. Eccli., xl, 15. — 
2. Les prophètes empruntent de nombreuses compa- 
raisons aux rameaux. Le Messie est un rameau qui sor- 
tira de Jessé. Is., xi, 1. Jéhovah abattra Assur comme 
on abat avec fracas la ramure des arbres. Is., x, 33. 
Babylone sera mise de côté comme un rameau méprisé. 
Is., xiv, 19. L'Ethiopie, sous la vengeance de Dieu, sera 
comme une vigne dont on coupe les pampres à coups 
de hache. Is., xvm, 5. Atteint lui-même, Israël devien- 
dra comme un olivier qui n'a plus que quatre ou cinq 
olives à ses branches. Is., Xvii, 6. — Israël, la vigne 
du Seigneur, n'a donné que des rameaux bâtards. 
Jer., il, 21. Juda était un olivier verdoyant; à cause de 
son infidélité, Jéhovah y met le feu et ses rameaux sont 
brisés. Jer., xi, 16. — Dans Ézéchiel, les rameaux de 
cèdre, xvii, 6, 22; xxxi, 5-14, et de vigne, xvii, 8, 23; 
xix, 11, 14; xxxi, 3, figurent le peuple de Dieu et sa 
destinée. Après la restauration, les montagnes d'Israël 
pousseront leurs rameaux et porteront leur fruit, c'est 
à dire redeviendront fertiles comme auparavant. Ezech., 
xxvi, 8, 9. Le prophète accuse les hommes de Juda de 
se livrer à l'idolâtrie et de « porter le rameau à leur 
nez ». Ezech., IX, 17. Chez les Perses, quand on offrait 
un sacrifice, on dressait les morceaux de la victime sur 
de la verdure, comme pour les offrir aux dieux. 
« L'emplacement du sacrifice est orné d'une jonchée 
ou d'un coussin d'herbes qui est censé le siège de la 
divinité : en védique, c'est le barhis ; dans l'Avesta, le 
baresman. » Oldenberg, La religion du Véda, trad. 
Henry, Paris, 1903, p. 26. Plus tard, on remplaça la 



jonchée de verdure par un simple bouquet de tiges, en 
même temps qu'on se plaçait un voile devant la bouche. 
Il se pourrait que le prophète, qui écrivait en Baby- 
lonie, fit allusion à cet usage, et que le rameau porté 
au nez et devant la bouche dérivât du baresman. — Au 
temps de sa prospérité, Nabuchodonosor ressemblait 
à un arbre puissant, abritant les oiseaux sur ses 
branches. Dan., iv, 9, 11, 18, — Dans une de ses vi- 
sions, Zacharie, iv, 11, 12, voit deux rameaux d'olivier 
symboliques. — 3. Noire-Seigneur compare son dis- 
ciple fidèle au rameau de vigne qui ne porte du fruit 
que s'il est uni au cep ; le rameau qui ne porte pas de 
fruit doit être rejeté, puis mis au feu où il brûlera. 
Joa., xv, 2-6. Ce rameau est l'image de l'âme chrétienne, 
qui ne vit de la vie surnaturelle et ne porte des fruits 
de vertu que si elle est intimement unie à Jésus-Christ 
par la charité. En dehors dé cette union, il n'y a que 
stérilité, sécheresse et perte éternelle. — 4. D'après 
saint Paul, Israël a été planté par Dieu qui a fait de 
lui une racine sainte. Parmi les branches qui ont 
poussé sur cette racine, plusieurs ont été retranchées; 
ce sont les Juifs incrédules à l'Évangile. A leur place, 
d'autres branches ont été greffées sur la racine et ont 
participé à sa sanctification : ce sont les gentils con- 
vertis à la foi. Rom., xi, 16-21. H. Lesêtre. 

RAMESSÈS (hébreu : Ra'msès; Septante : 'Poc- 
usaavj), nom, dans l'Écriture, d'un pharaon, d'une ville 
et d'un district. Pour le pharaon persécuteur des Hé- 
breux et constructeur de la ville de Ramessès, voir 
Ramsès. 



1. RAMESSÈS, ville d'Egypte. — P A plusieurs re- 
prises les textes égyptiens mentionnent Ramsès comme 
nom de ville ou de résidence. C'est d'abord la Grande 
Inscription d'Abydos, lig. 29. Ramsès II vient de célé- 
brer à Thèbes les fêtes de son père imon; il redescend 
le fleuve vers « la demeure de Ramsès, la grande de la 

victoire (ou de la force) » : '-| Q ffl =i= , per 

Ramessu aâ nekht, marquant par là le but extrême de 
son voyage, bien qu'en passant il doive visiter Abydos. 
A en juger par un autre passage du même texte, lig. 93 
Ramsès II fît graver l'inscription d'Abydos quand déjà 
il avait mené plusieurs campagnes en Asie où l'avait 
suivi l'assistance de son père divinisé. « Ramsès- 
Grande-de-la-"Victoire » est donc antérieure à Van XXI. 
Elle est décrite au Papurus Anastosi 1 1 J,pl. m, lig. 1-9 ; 
Bâtie « d'après les plans de Thèbes, » avec des gre- 
niers, des jardins, il y fait bon vivre. « Les riverains 
de la mer lui apportent en hommage des congres et des 
poissons, et lui paient le tribut de leurs marais. Les 
habitants se mettent en vêtement de fête chaque jour, 
de l'huile parfumée sur leurs têtes, et des perruques 
neuves; ils se tiennent à leur porte, leurs mains char- 
gées de bouquets, de rameaux verts du village de 
Pihâthor, de guirlandes de Pahor, le jour que le Pha- 
raon fait son entrée. i> Maspero, Hist. ancienne, t. n, 
p. 288-289. Et au Papyrus Anastasi II, pi. i, lig. 2-5, 
et iv, pi. VI, lig. 1-5 : « La résidence que ta Majesté a 
bâtie pour elle se nomme Grande-de-la-Victoire. Elle 
s'étend entre le Zahi (Phénicie) et l'Egypte... Amon y 
demeure au midi dans le temple de Soutek, Astarté 
au soleil couchant, Bouto au nord. » Cf. Papyrus de 
Leide, I, 348. Les dieux locaux sont ici Amon associé 
avec Set, Astarté et Ouadjit ou Bouto qui semblent dé- 
signer la région de Tanis. De même, le nom géogra- 
phique de Pahor a son correspondant dans le « Canal 
d'Horus », she-Hor, qui appartenait au xiv nome dont 
Tanis était la capitale. Brugsch, Dictionnaire géogra- 
phique de l'Egypte ancienne, 1879, p. 416. Cf. J. de 
Rougé, Géographie ancienne de la Basse-Egypte, 1891, 
p. 93. L'expression « entre le Zahi et l'Egypte » se com- 



955 



RAMESSÈS 



956 



prend très bien de Tanis. C'est de Tanis, porte orientale 
de l'Egypte, que partit Ramsès II pour la campagne de 
l'an V contre les Hélhéens. Poème de Pantaour, lig. 9. 
Setil er avait fait de même dans sa première campagne. 
Lepsius, Denkmàler, m, pi. 126. L'inscription d'un 
certain Za/io, dont la statue a été retrouvée à Tanis, 
établirait que la Ramsès en question conserva long- 
temps son nom. Zaho était à l'époque ptolémaïque ou 
romaine nomarque du xiv« nome et « prêtre d'Amon- 

Ramsès dans Per-Ramsès » "j { j| ^ (jj ^ *— i ^ (|j P ^ 

neter-l}en-anien ramsès en per-ramessès, à moins que 
Per-Ramessès ne désigne simplement Je temple élevé 
par ce pharaon à Tanis. Cf. de Rougé, loc. cit., p. 93- 
94. C'est à l'appui de ces textes et en y pliant d'autres 
textesque Brugsch, loc. cit., et La sortie des Hébreux 
de V Egypte et les monuments égyptiens, 1874, en 
vint à placer la Ramsès biblique à Tanis et à imagi- 
ner un Exode par le lac Sirbon. 

2° Brugsch allait trop loin. Tout au plus pouvait-il 
conclure que Tanis ou une ville de son voisinage im- 
médiat avait porté le nom de Ramsès. Mais d'autres 
Ramsès avaient pu exister. Une stèle découverte à Tell 
Rotab, Pétrie, Hyksosand Israélites cities, 1906, pl.xxxn 
et p. 31, glorifie en effet Ramsès II « d'élever des cités 

à son nom pour l'éternité : » fnJ <> — i ^k _w u " T 

£=} ~" Y ked m dmiou lier ran-f r zêta. L'in- 

dication d'une de ces cités, bien différente de celle de 
la région de Tanis, nous est fournie par le texte du 
Traité avec les Hittites, lig. 2 : « En ce jour (le 21 de 
Tybi, an XXI), Sa Majesté se trouvait dans la ville de 
Ramsès-Miamon, accomplissant les ordres de son père 
Amon-Rà-Armachis-Atum, seigneur des deux terres 
d'Héliopolis, l'Amon-de-Rarnsès-Miamon, le Ptah de 
Ramsès-Miamon et Set. » C'est là que le messager de 
Khétasar lui remit la tablette d'argent contenant le 
traité. On voit qu'ici les dieux officiels de la ville sont 
les dieux de l'ouadi Toumilat, où Tum d'Héliopolis 
était le dieu principal, et que, par suite, cette ville, qui 
n'est pas la « Grande-de-la- Victoire », doit être cher- 
chée dans cette dernière région. Est-ce à la Ramsès de 
l'ouadi Toumilat ou à celle de Tanis que fait allusion un 
texte d'Ibsamboul, Naville, Le décret de Ptah Totunen 
en faveur de Ramsès II et de Ramsès III, lig. 16, 
dans Transactions of the'Sociely of biblical Archaeo- 
logy, t. vu, 1882, p. 124, on ne saurait le décider, 
Tanis et l'ouadi Toumilat, l'une au nord, l'autre au sud, 
étant également situés sur la ligne de la frontière 
orientale de l'Egypte. « Tu as construit, dit Ptah à 
Ramsès II, une augusle résidence pour affermir les 
frontières des deux terres : Demeure de Ramsès- 
Miamon donnant la vie; elle est solide sur la terre 
comme les quatre piliers du ciel... » Au Papyiiis Har- 
ris, pi. lx, lig. 2, Lxna, lig. 3, où Ramsès III parle de 
la résidence qu'il a élevée dans « la ville de Ramsès (II)- 
Miàmon,» il est plus probable qu'il s'agit de la Ramsès 
de l'ouadi Toumilat. 11 nomme en effet Ramsès entre 
Baïlos et Athribis qui appartiennent à ce district. Na- 
ville, Goshen and the shrine of Saft el-Henneh, p. 20. 
Si maintenant nous consultons la Bible, nous voyons 
que les Israélites furent fixés dans la terre de Ramsès. 
Gen., xlvii,',11. Moïse donnant à cette région le nom 
qu'elle portait de son temps. Or, la terre de Ramsès 
est identique à la terre de Gessen, ou du moins approxi- 
mativement la même chose. Voir Gesses, t. m, col. 218 ; 
Naville, loc. cit., p. 11-20, surtout p. 20 où l'auteur se 
résume. C'est là que les Hébreux bâtirent Phithom. 
Voir Phithom, col. 323-327. C'est là aussi qu'ils durent 
bâtir la Ramsès biblique", et non à Tanis située à cin- 
quante kilomètres environ de l'ouadi Toumilat, bien 
au delà de la branche pélusiaque. Le récit de Moïse est 
donc d'accord avec la seconde catégorie des textes 



égyptiens pour situer une Ramsès dans l'ouadi Tou- 
milat. 

3° Tournés vers la Terre Promise, les Hébreux par- 
tent de Ramessès. Leur première slalion est à Socoth 
dans la région de Phithom'. Exod., xn, 37; Num.,xxxm, 
3-5. Voir Phithom, col. 325. Ramessès doit donc être 
cherchée à l'ouest et dans un rayon très rapproché de 
Phithom ou Tell el-Maskhouta. Or, dans cette direction, 
deux sites seulement portent des ruines anciennes : 
Schugafiéh et Tell Rotab, tous deux sur la rive droite 
du canal, comme Phithom. Le premier site, le plus 
éloigné de Phithom (vingt-cinq kilomètres environ), à 
la hauteur et au sud de Tell el-Kébir, ne présente sur 
une largeur d'un kilomètre et une longueur de deux 
que des débris d'époque romaine, M. Naville, The Sto- 
recity of Pithom, 4» édit., 1903, p. 36, est tenté d'y 
voir la station de Thou ou Thohu de V Itinéraire , 
édit. Wessling, p. 170. Le deuxième site, à huit kilo- 
mètres environ de Phithom, proche des traces du canal 
antique, présentaiten 18851e même aspect que la butte 
de Tell el-Maskhouta avant 1883. Dans l'espoir d'y trou- 
ver Ramessès, Naville se mit à l'œuvre. Mais un frag- 
ment de grès et un scarabée seulement lui fournirent 
le nom de Ramsès II. Sa conclusion fut que Tell Ro- 
tab n'avait dû être qu'une des stations militaires éche- 
lonnées à l'époque romaine le long du canal. Il inclina 
à chercher Ramessès du côté de Saft el Uennéh iden- 
tifié par lui avec Phacusâ. Goshen, p. 24-25. En 1906, 
Pétrie reprit les fouilles au même point. Le résultat fut 
que, loin d'être un camp romain, le sile était le plus 
ancien de ceux connus à l'est de Zagazig. Poteries de 
l'Ancien Empire, scarabées de la IX e à la XII e dynastie, 
plus de quatre mètres de ruines au-dessous des cons- 
tructions de la XVIII e et XIX e dynastie, tout dénotait 
avec évidence une ville très ancienne et très importante. 
Pétrie, Hyksos and Israélites Cities, p. 28. Dans la 
pensée que Ramsès II avait dû utiliser une place sacrée 
remontant si haut dans l'antiquité, M. Pétrie rechercha 
d'abord le temple. Il s'attaqua donc au côté est des 
ruines. La masse des débris s'y élevait moins haut que 
partout ailleurs, et l'on sait que d'ordinaire c'esf à cet 
endroit que se trouve le temple, tandis que le corps 
principal delà butte marque l'emplacement. de la ville. 
Après un long travail, une moitié de la façade du 
temple sortit au jour. Les blocs descellés, mais non 
brisés, en gisaient à terre prêts à être utilisés comme 
matériaux de construction. Pétrie, loc. cit., p. 29. Ram- 
sès II y est représenté (flg. 215) brandissant la massue 
au-dessus de la tête d'un Sémite qu'il a saisi par les 
cheveux. Devant lui et lui offrant la harpe se tient le 
dieu « Tum d'Héliopolis, maître de Thukut. » Cette 
scène était à gauche du spectateur. A droite existait un 
tableau semblable, mais le sacrifice humain s'accom- 
plissait devant Set, comme l'ont révélé les blocs re- 
trouvés de la partie supérieure. Pétrie, loc. cit., 
pi. xxix, xxx et p. 31. Une stèle de granit rouge nous 
dit que Ramsès a pourchassé (es Bédouins jusque dans 
leurs montagnes, « pillant leurs forteresses, massa- 
crant leurs faces » et « qu'il a bâti des villes à son nom 
pour l'éternité. » Pétrie, loc. cit., pi. xxvm, xxxn. Un 
groupe de granit rouge où toute écriture a disparu, 
rongé qu'il est dans sa partie supérieure et brisé à sa 
partie inférieure, représente certainement, selon Pé- 
trie, pi. xxxil et p. 31, le dieu Tum et Ramsès II. Ram- 
sès III aussi travailla au temple, comme le prouve un 
fragment,'pl. xxxi, qui nous a conservé de lui un fin 
portrait. De plus, il enferma le sanctuaire dans un nou- 
veau mur, plus fort, plus développé, dont la porte était 
flanquée de bastions en briques massives. PI. xxxv. Au 
coin sud-est de. cette enceinte se sont retrouvés les 
dépôts de fondation. De l'ensemble de ces découvertes, 
Pétrie, loc. cit., p. 2, 31, conclut que le site de Tell 
Rotab remplit toutes ;ies conditions pour qu'on puisse 



957 



RAMESSÈS 



958 



y reconnaître la Ramessès biblique, la ville sœur de 
Phithom, toutes les deux bâties parles Hébreux. Ram- 
sès II y avait son temple. La stèle de granit rouge, par 
l'allusion aux villes bâties à son nom, suggère que 
nous sommes en présence d'une de ces villes, c'est-à-dire 
de Ra'amsès. Le groupe de Tum et de Ramsès II est 
probablement celui que sainte Silvie vit encore debout 
vers 385 : Nunc ibi (au site qu'on lui indiqua comme 
étant celui de Ramsès) nihil aliud est, nisi tantum 
ùnus lapis ingens thebeïts in quo sunt dux slatux ex- 
cisée, ingénies, quas dicunt esse sanctorum hominum, 
id est Moysi et Aaron. Itinéra hierosolymitana sas- 
culi iv-vni, dans Corpus scriptorum ecclesiasticovum 



de Per-Ramsès, ni aucun vestige de greniers. Pétrie, 
loc. cit., p. 31, nous dit bien que sur un montant de 
porte tombale, remployé plus tard dans une construc- 
tion de la ville, se lit l'inscription d'un préposé aux 
greniers. Mais le mot qu'il traduit par « greniers » est 
visiblement, d'après la pi. xxxi : , Khast, t terres 

frontières, désert, pays étranger », et non , she- 

nut, <t greniers ' j». Nous n'avons là qu'un surintendant 
des frontières. Toutefois, en acceptant, d'un côté, qu'au- 
cun autre "site non identifié à l'ouest de Phithom ne 
renferme de monuments de Ramsès II; étant donné, de 
l'autre, que Tell Rotab est au voisinage de Phithom, 




215. — Ramsès II terrasse un Sémite devant le dieu Tum. 



latinorum, t. xxxvm, Vienne, 1898, p. 48. A son tour, 
nous [l'avons vu, Ramsès III s'occupa de cette localité 
et justement, dans un texte de son prédécesseur qu'il 
s'appropria et fit graver à Médinet Habou, Ptah le glo- 
rifie d'avoir « construit une résidence grande et ma- 
gnifique pour affermir les frontières de l'Egypte, la ville 
de Ramsès, le grand trésor de l'Egypte... » Le dieu 
ajoute : « Ta Majesté est établie dans le palais, j'y ai 
bâti une enceinte qui est ma demeure... » Naville, Le 
décret de Ptah Totunen, loc. cit., lig. 23, qui répond 
à la lig. 16 du texte de Ramsès II, texte qu'elle pré^ 
cise peut-être, nous permettant de l'appliquer à Tell 
Rotab. Là viendrait aussi un autre texte, Papyrus 
Harris, pi. lx, lig. 2, où Ramsès III dit : « J'ai élevé 
un grand temple, travaillant à l'agrandir, dans la de- 
meure de Soutek de Ramsès-Miamon. » Il faut l'avouer, 
toutes ces preuves restent fragiles : les textes de 
Ramsès III ne s'imposent pas absolument pour Tell 
Rotab; ceux de Ramsès II pourraient se lire dans n'im- 
porte quel point de l'ouadi restauré par lui; à Tell 
Rotab nulle part jusqu'ici ne s'est rencontré le nom 



que la première station des Hébreux est dans la région- 
de Socoth ou Tkukut, quelque part entre Tell el Mas- 
khouta et le lac Timsah, Tell Rotab demeure l'empla- 
cement le plus probable de la Ramessès biblique. 

C. Lagier. 
2. RAMESSÈS, district d'Egypte. La région qui est 
appelée Gessen, Gen., xlv, 10; xlvi, 1, 4, 6, est aussi 
appelée terre de Ramessès, xlvh, 11. Ces deux noms- 
semblent donc être synonymes. La seconde appellation 
n'est certainement pas contemporaine de Jacob, mais 
elle est contemporaine de Moïse eVîlTï'en sert tout na- 
turellement par un procédé familier auï historiens en 
pareil cas. On peut se demander ici si la terre tire son- 
nom de la ville. Ce n'est guère probable, car la ville de 
Ramessès n'était pas le centre administratif de la pro- 
vince. Il faut plutôt prendre Ramessès dans son sens- 
original, comme étant sans intermédiaire le nom royal 
de celui qui colonisa l'ouadi Toumilat, en fit son œuvre, 
y établit sa résidence préférée, et le remplit de monu- 
ments à son nom ; c'était vraiment sa terre : la terre de- 
Ramsés II. Cf. Naville, Goshen, p. 18-19. On peut se 



959 



RAMESSES 



RAMOTH-GALAAD 



960 



demander encore si Gessen et terre de Ranlsès sont 
d'une synonymie pleinement correspondante. M. Na- 
ville, loc. cit., p. 14-19, ne le pense pas. 11 borne la 
terre de Gessen au triangle compris entre les villages 
de Saft, Belbéis et Tell el-Kébir, ce qui fut plus tard 
le XX e nome, le nome Arabia. « L'expression — terre 
de Ramsès — s'applique, dit-il, p. 20, à une aire plus 
vaste et couvre cette partie du Délia qui s'étend à l'est 
de la branche tanitique, contrée que Ramsès II dota 
d'innombrables monuments d'architecture, et qui cor- 
respond à la province actuelle de Sharkieh. » Peut-être 
est-ce pousser un peu loin la conjecture. Voir Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
1896, t. Il, p. 215-287; W. M. Mûller, art. Rameses, 
dans Cheyne-B.lack, Encyclopedia biblica, 1899-1902, 
t. IV, col. 4012-4014; Brugsch, outre ses autres ouvrages 
cités au cours de l'article, Steinschrift und Bibelwort, 
1891, p. 154 sq.; Ebers, art. Bamses, dans Riehm, 
Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 2" édit., 
1893-1894, p. 1254. C. Lagier. 

RAMETH (hébreu : Bémét; Septante, Vaticanus : 
Pei<.[jui«; Alexandrinus : 'PajuaB), ville de la tribu 
d'Issachar. Jos., xix, 21. C'est la localité appelée 
Jaramoth, Jos., xxi, 59, et Ramoth, I Par., vi, 33 
(hébreu, 58). Selon le rabbin J. Schwarz, c'est Rama- 
thaïm-Sophim et il l'identifie avec er-Râméh, village 
situé à l'ouest de Sânour et au nord de Sébasfiéh 
(Samarie), Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 
1900, p. 191-193. Voir Ramathaïm-Sophim et Jaromoth, 
t. m, col. 1128. — Er-Râméh se trouve incontesta- 
blement dans le territoire de la tribu de Manassé et 
Rameth d'Issachar mentionnée avec Engannim, au- 
jourd'hui Djénîn, doit se chercher non loin de cette 
ville et sur une des hauteurs qui bordent le Merdj 
ibn 'Amer, l'ancienne plaine de Jezraël ou Esdrelon. 
La seule localité dont le nom a quelque rapport, 
contestable toutefois, avec Rameth est 'Arranéh. On 
peut supposer, à la rigueur, que 'Ar est une transfor- 
mation de l'article arabe; quant à Rdnéh, il pourrait 
être une modification de Râméh ou Râmet, 'Arranéh 
est un petit village, avec des citernes antiques, entouré 
de plantations de figuiers et situé sur une colline 
calcaire peu élevée, à droite du chemin de Djenin à 
Zera'în, l'ancienne Jezraël, à six kilomètres au sud de 
cette dernière et à quatre au nord de Djénîn. 

L. Heidet. 

RAMEUR (hébreu : Sàtim; Septante : xuTnjXxtric; 
Vulgate ; rémiges), celui qui fait avancer un navire à 
la rame, Le mot hébreu vient du verbe sut, « frapper 
avec un morceau de bois, ramer », ÈXscjyecv, remigare; 
de là vient également le nom de la rame, Sayit, masôt, 
x<iir»i, remus, longue et légère pièce de bois au moyen 
de laquelle le rameur appuie sur l'eau pour faire avan- 
cer le bateau. Dans Jonas, l, 13, le travail du rameur 
est indiqué par le verbe hâ{ar,« couper le flot, ramer ». 
— Isaïe, xxxili,21, mentionne les navires à rames. Dans 
sa description de la prospérité de Tyr, Ezéchiel, xxvi, 
6, 8, 26, 29, dit que les rames étaient faites avec les 
chênes de Basan, que les habitants de Sidon et d'Arvad 
fournissaient les rameurs et que ceux qui manient la 
rame ont conduit Tyr sur les grandes eaux. — L'Évan- 
gile parle deux fois des apôtres ramant sur le lac de 
Tibériade par un gros temps. Marc, vi, 48; Joa., vi, 
19. Voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1494-1515, avec 
les figures représentant, sous différentes formes et en 
différentes positions, des rames et des rameurs. Sur 
les rames qui servent à gouverner, voir Gouvernail, 
t. m, col. 282. H. Lesêtre. 

RAMOTH (hébreu : ordinairement Bâmôt, Bâ'môt, 
Deut., IV, 43; Jos., xx, 8, et IPar., vi, 58 (Vulgate: 73), 
pluriel de Râmâh et Râ'mdh, « lieu haut », des ra- 



cines rûm et râ'rn, ayant toutes deux la même signi- 
fication d' « être élevé »), nom de plusieurs localités 
de la terre d'Israël, généralement distinguées les unes 
des autres par un complément. On le trouve seul pour 
désigner la ville d'Issachar nommée aussi Jaramoth 
et Rameth. Voir tes articles qui leur sont consacrés. 
Cette forme Rameth et les singuliers Râmdh, en cons- 
truction Rânial, employés aussi, Jos., xrn, 26; xix, 8; 
II Sam. (Reg.j, xxx, 29; II (IV) Reg., vm, 29, pour 
désigner les villes appelées encore Râmôt, permettent 
de supposer que ce mot est plutôt une prononciation 
particulière de Râmat, qu'un pluriel. 

1. RAMOTH (hébreu : Râ'môt; Septante : 'Pa|jt<o6), 
nom dans I Par., vi, 73 (hébreu, 58), delà ville d'Issa- 
char appelée Jaramoth dans Josué, xxi, 29. Voir Jara- 
moth, t. m, col. 1128. 

2. RAMOTH (hébreu : Yerâmôf; Septante : 'P/](jim6), 
un u des fils de Bani » qui avait épousé une femme 
étrangère et qui fut obligé de ia répudier par ordre 
d'Esdras. I Esd., x, 29. 

RAMOTH-GALAAD (hébreu : Râmôt-Gil'âd, 
II (IV) Reg., IV, 13, etc., ordinairement; Râmôt bag- 
Gil'âd, Deut., iv, 43; Jos., xx, 8; 1 Par., vi, 65; une 
fois Râmâh seul, II (IV) Reg., vin, 29; Septante : 
'Pa|iw6 TaXaiS; 'Pa(iw6 êv rr^ rxXaaS; variantes fré- 
quentes : 'Pann-wO, 'P£(jid)8 'Pe(ji|ji(i9; parfois : 'Pa[iô6, 
'Pec^oS, 'PEjiéô, 'P£[i[).d(8; deux fois 'Pa^oiô rrj; Fa- 
XaaSÉTiç, II Par., xvm, 2, 3; Vaticanus, Jos., xx, 8 : 
'ApTi|j.ù9 èv r?j TaXaaS; A lexanârinus, Jos., xxi, 38 : 
'PajiràS iv y?, TaXotâS; la Vulgate transcrit ordinaire- 
ment Ramoth Galaad et Ramoth in Galaad. Deut., 
iv, 43; Jos., xx, 8 et xxi, 37; I Par., vi, 80. Râmâh, 
IV Reg., vin, 29, est rendu dans les Septante par 'Pejjt- 
[iw8 seul ou 'Pa(jiw6 et par Ramoth dans la Vulgate), 
ville lévitique et de refuge du pays de Galaad, au delà 
du Jourdain, et de la tribu de Gad. 

I. Identification. — Le Galaad où se trouvait Ramoth, 
au sentiment des Septante, de la Vulgate et des autres 
versions est la région de ce nom. Josèphe l'a en- 
tendu de même et il rend l'expression biblique par 
'Api(ii ou 'AptjjiavQV -clic PaXaS/ivôv ynç, Ant. jud., 
IV, vu, 4; 'Apau-iôi hôâi; êv Tfj TaXaS-^v^, ibid., V1I1, 
xv, 3; uoliç t?,ç raXoaojTiôoc, IX, vi, 1. S'agirait-il de 
la localité du même nom, comme le veulent quelques 
exégètes modernes, l'indication serait équivalente, 
puisque c'est de la localité et du monument appelés 
Galaad, que la contrée au delà du Jourdain a été 
dénommée de même. Cette dernière indication topo- 
graphique « au delà du Jourdain, du côté du soleil le- 
vant » est d'ailleurs ajoutée trois fois. Deut., rv, 41 et 
43, et Jos., xx, 8. Quatre fois Ramoth-Galaad est for- 
mellement attribuée à la tribu de Gad. Deut.. iv, 43; 
Jos., xx,i8; xxi, 37 (hébreu et Septante, 38), et I Par., 
vi, 80 (hébreu, 65). La situation particulière de la ville, 
précisée moins clairement, est jusqu'aujourd'hui un 
sujet de controverse. — La tribu de Gad s'étendait 
depuis Hésébon et la mer Morte, au sud, jusqu'au lac 
de Cénéreth au nord, Deut., m, 16-17 ; Jos., xm, 25- 
27, sur une longueur d'environ cent kilomètres, par- 
tagée en deux par le Jaboc : les interprètes disputent 
pour savoir si Ramoth doit se chercher dans la partie 
méridionale ou, au contraire, dans la partie septen- 
trionale. 

1° Eusèbe indique « Ramoth, ville sacerdotale de 
refuge, de la tribu de Gad, en Galaaditide, qui est 
maintenant à environ 15 milles (22 440 m.) de Phila- 
delphie ('Amman), au couchant, itpo; vuofidci;; » saint 
Jérôme la place, au contraire, « du côté de l'Orient , 
contra orientem. » Onomasticon, édit. Larsow et 
Parthey, Berlin, 1862, p. 308-309. Au mot Rammoth 



961 



RAMOTH-GALAAD 



962 



Galaad, tous les deux le disent « un village de la Pérée 
près (xapâ, juxta) du fleuve Jaboc. » Ibid., p. 314,315. — 
De ce que l'on ne peut chercher le territoire de Gad â 
l'est de 'Amman et se fondant sur le texte d'Eusèbe, 
les savants identifient Ramoth avec la ville actuelle d'es- 
Salt. Ainsi Karl Ritter, après Burkhardt, Irby et Mangles, 
Erdkunde von Asien, p. 1121, et carte de Palestine, 
Berlin, 1840 ; Graetz, Schauplatz der heiligen Schrift, 
in-8°, nouvelle èdit., Ratisbonne, p. 442; Van de Velde, 
Map ofthe Holy Land, Gotha, 1865 ; H. Kiepert, Neue 
Handkarte Palsestina's, Berlin, 1875; Tristram, The 
Land of Israël, in-8°, Londres 1885, p. 550-555 ; 
F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de 



Zerqâ. Pour ces auteurs, Ramoth et Galaad sont deux 
noms d'une même ville, dont le dernier survit dans 
les localités indiquées. Quelques autres le voient à 
Djébél Os'a, à six kilomètres au nord de Sait. Cf. Gese- 
nius, Thésaurus, GiVad, p. 290,; Buhl, Géographie des 
alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 262; J.-M. Lagrange, 
Au delà du Jourdain (extrait de la Science catholique), 
Paris-Lyon, 1890, p. 21-23; Galaad 5, t. m, col. 46; 
Ramoth-Masphé. 

2° Ces identifications et toutes les autres que l'on 
pourrait proposer au sud du Jaboc, sont contestées par 
d'autres interprètes et palestinologues, parce que selon 
toutes les données bibliques et plusieurs extra-bibliques, 




216. — Es-Salt. Vue générale. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



la Terre-Sainte, in-8», Paris 1877, p. 256; P. Séjourné, 
dans Revue biblique, t. n, 1893, p. 228-232, et plu- 
sieurs autres. — Es-Salt ou es-Salt, écrit encore es- 
Salt par les auteurs arabes, est située à 25 kilomètres 
environ au sud de la rivière ez-Zerqd, l'ancien Jaboc, 
et à23 ou 24 à l'ouest-nord-ouest de 'Amman. Entourée 
de montagnes et bâtie en grande partie sur les pentes 
d'un mont de 835 mèlres d'altitude dont le sommet 
est couronné des restes d'un ancien château-fort, nulle 
localité ne mérite mieux le nom de Ràmah ou Ramoth 
(fig. 216). Le nom A'es-Salt semble venir du latin saltus, 
« forêt», et de l'époque de la domination romaine. Le 
Sait est aujourd'hui la capitale de la Belqà qui correspond 
assez exactement à la partie méridionale de l'antique 
Galaad (fig. 217). La population du Sait est d'environ 
douze mille habitants dont neuf mille sont mahomé- 
tans et les autres chrétiens grecs et catholiques, avec 
quelques protestants, la plupart de race arabe d'ori- 
gine bédouine. Cependant plusieurs explorateurs mo- 
dernes préfèrent chercher Ramoth à Djil'ûd ou 
Djîl'dd, localités avec ruines, au nord et au nord-est 
Ses-Salt, et à six ou huit kilomètres au sud de la 

UCT. DE LA BIBLE. 



Ramoth de Galaad doit être cherchée au nord de ce 
fleuve. D'après le Talmud de Babylone, Makkoih, 96, 
les villes de refuge de la Transjordane étaient oppo- 
sées aux villes de refuge de la région occidentale, et 
Ramoth-Galaad, faisait face à Sichem. Se fondant sur 
cette indication et le mot du Midras, Samuel, xm : 
« Géras c'est Galaad, » le Dr Sepp, qui voit aussi dans 
Galaad et Ramoth deux noms de la même ville, la re- 
connaît dans Djéras. Cf. A. Neubauer, Géographie du 
Talmud, Paris, 1868, p. 55, 250 ; R. von Riess, Biblische 
Géographie, Fribourg-en-Br,, 1872, p,-76. Plusieurs la 
cherchent aux alentours de Géras. Ibid. \ 

Les membres de la Société anglaise d'exploration de 
la Palestine proposent comme « probable » l'identifica- 
tion de Ramoth avec Reimûn, village situé à sept ki- 
lomètres â l'ouest de Djéras et à huit au nord du Jaboc. 
Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres 1885, p. 158- 
195; Armstrong, Names and places in the Old Testa- 
ment, Londres, 1887, p. 144, etc. Le rabbin Schwarz 
remonte jusqu'au Qal'at-Rabad, situé sur une haute 
montagne voisine de 'Adjloûn et d'où l'on voit comme 
en face le Garizim. Tebuolh ha-Arez, édit. Luncz, 

V. - 31 



963 



RAMOTH-GALAAD 



964 



Jérusalem, 1900, p. 272. — Ces identifications ont le 
tort, suivant d'autres, quoique moins que les précé- 
dentes cherchant Ramoth au sud du .Jaboc, de ne pas 
tenir compte des indications particulières de l'Écriture 
sur cette ville. Ramoth, dont le nom précède, Jos v xm, 
26, celui de Maspha que l'on croit assez communément 
opposé au premier comme déterminatif, n'est pas diffé- 
rente, suivant ces savants, de Ramolli en Galaad; or, 
dans le passage cité, Ramoth est désignée comme ville 
frontière nord-est de la tribu de Gad, opposée à Hésé- 
hon marquant la frontière sud-est. Cf.M.Polus, Synopsis 
crilicorum, t. i, col. 915. La frontière septentrionale de 



Vers la lin du xii! e siècle, on plaçait Ramolli presque 
à la hauteur de l'extrémité méridionale du lac de 
Génézareth ouTibériadeet non loin des frontières orien- 
tales du pays d'Israël. Cf. Karte Palâstina's, c. iSOO, 
dansZeilschrifl des deutschen Palâslina- Vereins, t.xiv, 
pi. "I. Dans cette situation, on rencontre aujourd'hui le 
village A'er-Rantfêh ou Ramtah (fig. 218) dont le nom 
est l'équivalent de Ràmata', forme syriaque de Râmah 
et Ràrnôf. Situé sur les confins du Hauran, l'ancien 
Basan et du district de 'Adjlùn, l'ancien Galaad septen- 
trional, entre el-(loson et ed-Der'ah, à dix kilomètres 
au nord-est du premier, et à quinze au sud-est du 




217. — Vue de l'intérieur de la vitte et de la fontaine. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



Gad, indiquée Jos., xm, 27, étant la mer de Cénéreth, 
Ramoth devait être à peu près à la même latitude, et . 
près de la frontière méridionale de Manassj oriental, 
au sud de Basan, d'Argob et des Havoth ,lair ou du Hau- 
ran actuel. Cf. Jos., xm, 30. Cette situation estconiirmée, 
III Reg., iv, 13 : « Bengaber [résidait] à Ramoth-Ga- 
Iaad et avait les Havoth de Jaïr, fils de Manassé, en 
Galaad; il était préposé à toute la contrée d'Argob, qui 
est en Basan, et aux soixante cités fortes et murées 
ayant des verrous d'airain. » Pour être le chef-lieu de 
cette région Ramoth devait lui être contiguê : on ne 
peut donc pas plus la chercher vers le sud ou au 
centre de la partie septentrionale de la tribu de Gad 
qu'au sud du Jaboc : ce dernier quartier dépendait de 
Gaber ben-Uri et les autres, selon toute apparence, 
d'Ahinadab ben-Addo qui résidait à Mahanaïm. lbid., 
14, 19. Le fait de l'occupation de Ramoth par les Sy- 
riens, III Reg., xxn, et celui de Joram, blessé sous Ra- 
moth allant se faire soigner à Jezraël, suppose égale- 
ment cette ville au nord du Jaboc et sur la frontière 
nord-est du pays de Galaad proprement dit et de Gad. — 



second et à environ 25 au nord de tell Ma?fah, décou- 
vert naguère par M. Gotl. Schumacher, Ramféh pa- 
raît répondre pour le mieux à toutes les indications 
bibliques. S'il est un peu loin pour justifier sûrement 
l'appellation Ramoth-Maspha, il est à remarquer que 
celle-ci n'est pas certaine elle-même et que cet éloi- 
gnement justifierait la leçon de la Vulgate qui sépare les 
deux noms. Voir Ramoth-Masphé. Cette identification a 
été proposée, mais suivie dés signes ?? et*, c'est-à-dire 
très timidement, pour Ramoth-Maspha, par Gonder et 
Armstrong, tleth and Moab, p.178, etNanies and Places, 
p. 143; elle a été adoptée simplement par Luncz, dans 
Thebuoth ha-Arez, p. 270, note *, et par Isr. Belkind, 
Sobremaennaja Paleslina, in-8°, Odessa, 1903, p. 268. 
Er-Ramtéh est un grand village de près de deux mille 
habitants, tous mahométans et fanatiques, établi sur 
une large colline calcaire perforée de citernes antiques 
et de grottes. Xes habitations, à toit plat, sont souvent 
bâties avec de belles pierres en basalte qui paraissent 
provenir de constructions anciennes. Les terres des 
alentours sont planes et fertiles, mais sans aucun arbre. 



965 



RAMOTH-GALAAD — RAMOTH-MASPHÉ 



96fi 



Cf. G. Schumacher, Das sûdliche Basan, in-8», Leipzig, 
1898, p. 66-67. 

3° Histoire. — Ramoth en Galaad fut une des trois 
villes de la Transjordane désignée par Moïse pour ville 
de refuge. Deut., iv, 43, Jos., xx, 8; xxi, 31. Elle avait 
été conquise sur le roi Og et fut assignée aux lévites 
de la famille de Mérari, Jos., xxi, 37 (hébreu: 38); cf. 
xiii, 30-31. — Salomon fit de Ramoth ie siège d'un des 
douze préfets chargés de fournir pour un mois la mai- 
son royale de vivres. III Reg., iv, 13. Le fait que Ben- 
gaber chargé de cette fonction l'exerçait sur Basan et 
les villes de Jaïr, c'est-à-dire sur la tribu orientale de 



chargea le fils d'un des prophètes d'aller à Ramoth- 
Galaad sacrer Jéhu roi, pour accomplir la vengeance du 
Seigneur contre la maison d'Achab. Le jeune homme 
trouva les chefs de l'armée réunis et, suivant l'ordre 
reçu, appela Jéhu à part. Il répandit sur la tête de celui- 
ci la fiole d'huile qu'il avait apportée, le salua roi d'Israël 
au Dom du Seigneur, et s'enfuit de la ville. Instruits du 
fait, les collègues de Jéhu étendirent leurs vêtements 
sous ses pieds et au son des trompettes le proclamèrent 
roi. Jéhu prit soin que personne ne pût sortir de la ville 
pour aller annoncer l'événement, avant que lui-même 
n'arrivât à Jezraël. IV Reg., ix, 1-15. Cf. F. Vigoureux, 




218. — Er-Bamtéh. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



Manassé, montre que cette ville, bien qu'assignée à la 
tribu de Gad, avait été occupée par les Manassites. — 
Les rois araméens de Damas, profitant sans doute des 
perturbations survenues en Israël après le schisme, 
s'étaient emparés de Ramoth. Le roi Achab forma le 
projet de la reprendre. Malgré l'avis du prophète Michée, 
fils de Jemla, lui annonçant l'insuccès de l'entreprise 
et sa fin» le roi d'Israël marcha contre Ramoth, accom- 
pagné du roi de Juda, Josaphat, qu'il avait entraîné 
en cette expédition. Blessé mortellement dans un com- 
bat, dès le commencement de l'action, Achab mourut 
vers le soir, sur son char, devant Ramoth. L'armée fut 
dissoute et l'entreprise abandonnée. III Reg., xxn; 
II Par., xvm. Joram, fils d'Achab et son second suc- 
cesseur, reprit le dessein de son père. Assisté d'Ocho- 
zias, roi de Juda, fils de sa sœur Athalie et petit-fils de 
Josaphat, il arracha Ramoth aux Syriens. Blessé dans 
un combat contre ceux-ci et leur roi Hazaë.1, Joram 
descendit à Jesraël pour se faire soigner, laissant la 
ville à la garde de ses officiers dont Jéhu semble avoir 
été le principal. IV Reg., vm, 28-29; cf. Josèphe, Ant. 
jud., IX, vi, 1. Sur ces entrefaites, le prophète Elisée 



La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, 
p. 479. — Ramoth de Galaad dut subir plus tard le sort 
de toutes les autres villes de cette région tombée entre 
les mains de Téglathphalasar, roi d'Assyrie. IV Reg,, 
xv, 29. — Elle est sans doute aussi une des villes fortes 
et grandes dont s'emparèrent sur leurs adversaires, 
après la prise de Bosor et de Maspha, Juda Machabée et 
son frère Jonathas, dans leur expédition en Galaditide. 
I Mach., v, 26-36. Elle n'est cependant plus désignée 
en particulier. L. Heidet. 

RAMOTH-MASPHÉ (hébreu : Rânïat ham~Mis- 
péh, « Rama de Masphé »; Septante, Vaticanus : 'Apa- 
ëîbô xctTM zr[i Ma<rffT,?â; Alexandrinus : 'Pau.ù>8 xccrà 
-rriv Maa-tpi, « Ramoth prés de Maspha »; la Vulgate 
sépare les deux noms : Ramoth, Masphé), appellation 
mentionnée sous celte forme une seule fois par Jos., 
xiii, 26, décrivant les limites de la tribu de Gad en Ga- 
laad. Mais s'agit-il ici d'une ville à double vocable? 
s'agit-il, au contraire, de deux localités différentes et 
ces deux localités sont-elles directement citées ou seu- 
lement Ramoth, au nom de laquelle le nom de Masphé 



967 



RAMOTH-MASPHÉ — RAMSÈS II 



968 



est apposé. pour la distinguer des autres Ramoth? 
Cette Ramoth est-elle la même que Ramoth en Galaad 
ou est-elle différente? Les interprètes sont partagés de 
sentiment. 

1° Pour plusieurs, Ramoth-Masphé est une double 
appellation d'une même localité, comme Bethléhem- 
Éphrata : l'identité de signification des noms et de la 
situation géographique paraissent les motifs sur les- 
quels se fonde cette opinion. Un grand nombre tiennent 
en outre, pour une seule et même localité Ramoth-Mas- 
phé et Ramoth de Galaad, à cause de l'identité de site 
des villes de Masphée et de Galaad. Voir t. ni, col. 45- 
47 et t. îv, col. 833 et 849. La plupart des partisans de 
cette opinion identifient Ramoth-Masphé de Galaad avec 
la ville actuelle i'es-Salt. Cf. Gesenius, Thésaurus, 
p, 1179; F. de Saulcy, Dictionnaire topographique 
abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 222 et 256; 
R. von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 64, 79. — 
Le rabbin Schwarz admet l'identité de Ramoth et de 
Masphé, avec l'identification précédente ; mais il dis- 
tingue Ramoth-Masphé de Ramoth de Galaad qu'il place 
au Qala'at er-Rabad près d'Adjloun, au nord du Jaboc. 
Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, 1900, p. 269-270; cf. p. 95, 
272. — D'autres au contraire préfèrent chercher cette 
dernière au sud du Jaboc et Ramoth-Masphé au nord 
de cette rivière. Cf. Buhl, Géographie des alten Palàs- 
tina, 1896, p, 261.-262. 

2°. Le plus grand nombre des commentateurs, avec 
la Septante, la Vulgate et la plupart des versions, tien- 
nent pour distinctes, Ramoth et Masphé. D'entre ceux- 
ci, les uns, se fondant sur la vocalisation des Mas- 
sorètes, sur l'interprétation des Septante et d'autres 
versions, considèrent ici Masphé comme un simple 
complément distinctif de Ramoth. Pour d'autres, si les 
Septante peuvent attester la distinction entre Ramoth 
et Masphé, leur traduction, en donnant cette significa- 
tion au nom en question, n'est plus qu'une interpréta- 
tion. Il n'y avait dans le cas présent aucune raison de 
distinguer Ramoth déjà suffisamment déterminée par 
le contexte ; c'est d'ailleurs toujours par l'apposition du 
nom de Galaad que les auteurs sacrés l'ont distinguée 
quand il a été nécessaire. Par conséquent, d'après ces 
commentateurs, il n'y a aucune relation entre Ramoth 
et Masphé, et celle-ci est citée comme ville frontière de 
Gad, de la même manière que Ramoth et Bétonim. — 
Parmi ces interprètes il en est pour qui cette Ramoth 
est elle-même distincte de Ramoth en Galaad. Une 
raison, pour un certain nombre de ceux-ci, c'est la né- 
cessité de chercher Ramoth nommée avec Masphé non 
loin de celle-ci, laquelle, d'après l'Écriture, se trou- 
vait au nord du Jaboc, tandis que Ramoth de Galaad, 
d'après YOnomasticon, était au sud de cette rivière. la 
principale raison pour tous ceux qui soutiennent la dis- 
tinction entre Ramoth-Masphé et Ramoth en Galaad, 
c'est la différence de ces appellations et celle de la voca- 
lisation de l'une et de l'autre, la première étant Rânxat 
et l'autre Râmôt. Cl. R. Conder suppose que Reimûn, 
à cinq kilomètres au sud-ouest de Sûf, qui est pour lui 
Masphé, pourrait être Ramoth de Galaad et propose 
Rémthé, situé à trente-cinq kilomètres au nord-est du 
même, pour Ramoth-Masphé.' Heth andMoab, Londres, 
J885, p. 178-182. Cf. Armstrong, Names and Places in 
the Old Testament, Londres, 1887, p. 143. Plus généra- 
lement on place Ramoth de Galaad au sud de la Zerqa, 
l'ancien Jaboc, au Sait à Djilad ou ailleurs, et l'on 
cherche Ramoth-Masphé dans quelque localité au nord 
du Jaboc, plus ou moins voisine du lieu choisi pour 
Maspha. Voir Buhl, loc. cit. 

3° Cependant, parmi les interprètes qui voient dans 
Ramoth et Masphé deux localités complètement dis- 
tinctes, plusieurs se refusent à reconnaître deux Ramoth 
dans la Transjordane. Les indications de Y Onomastican, 
sur ce point, sont trop contradictoires, trop obscures, 



trop contestables, suivant eux, pour qu'on puisse en tenir 
compte. Même en supposant qu'il faille lire Ramoth de 
Masphé, les deux vocables ne prouvent pas plus deux 
villes différentes que ne le feraient, par exemple, les 
deux noms de Bethléhèm-Éphrata et Bethléhem de Juda, 
auxquels on pourrait joindre encore Bethléhem de, ou 
près de Jérusalem : une même ville peut être détermi- 
née de manières diverses. La vocalisation différente 
peut être le fait des copistes. Les Massorètes d'ailleurs 
ont souvent ponctué différemment le nom de la même 
ville ; ainsi Ramoth d'Issachar est aussi vocalisée Re- 
met et Yarmût, et les Septante et le traducteur de la 
Vulgate le prononcent encore tout autrement. Il n'y a 
donc pas de raison solide pour soutenir la distinctton; il 
y en a pour l'unité. S'il y eut dans la Transjordane ou 
en Galaad deux Ramoth .que l'on eût pu confondre, ce 
n'élait pas en apposant à l'une le nom de Galaad qu'on 
pouvait les caractériser : il n'y en a donc qu'une seule 
que l'on distingue d'avec les Ramoth de la Cisjor- 
dane. Les indications topographiques données pour Ra- 
moth de Galaad sont les mêmes d'ailleurs que celles 
indiquées pour Ramoth nommée avec Masphé. Voir Ra- 

MOTH-GiLAAD. L. KeIDET. 

RAMOTH-NÉGÉB (hébreu : Ràmôt-Négéb; Sep- 
tante : Tau.à v<Stou'; Alexandrinus : 'Pa^àâ; Vulgate : 
Ramoth ad meridiem, « Ramoth du midi »), localité 
située dans la région la plus méridionale du pays d'Israël, 
où David envoya de Sicéleg une part du butin fait sur 
les Amalécites. C'est sans doute la même localité appelée 
dans Josué, xix, 8, Ramaf-Négéb. Voir Baalàth Béer 
Ramath, t. I, col. 1324. 

RAMSÈS II, roi d'Egypte ;(flg. 219; voir aussi t. i, 
flg. 436, col. 1427; t. n, fig. 535, col. 1617). Le pharaon, 




219. — Ramsès IT. Granit noir. Musée de Turin. 

à la cour duquel fut élevé Moïse, Exod., ir, 10, est un 
Ramsès. Il donne son nom à une ville que les Hé- 
breux bâtissent au prix des plus dures corvées. Exod., 
1, 11. Cette ville fut lepoint de départ de l'Exode. Exod., 
xii, 37; Num., xxxm, 3, 5. Le texte des Septante la 
mentionne dans Judith, i, 9. A son tour cette ville 
donne son nom à la région qui en dépend, Gen., xlvii, 
11; à moins que cette région ne tire directement son 



969 



RAMSÈS II 



970 



appellation de celui qui la colonisa avec prédilection 
et en fit une terre administrée. Ce Ramsès est vrai- 
semblablement Ramsès II, celui dont les cartouches 
s'étalent à peu près sur toutes les ruines de l'Egypte, 
de la seconde cataracte aux bouches du Nil : 



Ramessu ou Ramsès Meri-Amon ou Mïamon, ouser 
■maat rà sotep en rà « Rà l'a enfanté, l'aimé d'Amon, 
riche de la vérité de Râ, l'élu de Rà. » De la première 
partie de son prénom, Ouser maat rà, les Grecs firent 
Osymandias. Autour d'un des surnoms de sa jeunesse, 
Sesturî ou Sessuri, l'imagination populaire et surtout 
la littérature grecque groupèrent plus tard les éléments 
dont se compose le roman ou la (reste de Sésostris. 
Cf. Maspero, La geste de SésostHs, dans le Journal des 
savants, 1901, p. 593-609, 665-683. Nous ne prendrons 
de sa vie, telle qu'elle ressort des monuments, que 
les faits pouvant éclairer nos conclusions. 

I. Ses guerres. — D'après une chronologie approxi- 
mative et reçue d'un grand nombre, mais contestable, 
voir Chronologie, t. h, col. 721, Ramsès II régna de 
1292 à 1225 avant J.-C. Dans une stèle d'Abjdos, Ram- 
sès IV de la XX e dynastie se souhaite à lui-même les 
soixante-sept années de Ramsès II. Mariette, Abydos, 
t. h, 1880, pi. 34-25, lig. 23-24. Et dans ces soixante-sept 
années n'entrent pas les années de co-régence avec son 
père Seti I er . Si, en effet, dans la Grande Inscription 
d' Abydos, Mariette, loe. cit., t. i, 1870, pi. 1, lig. 47-48, 
Ramsès II nous dit lui-même qu'il était encore « un 
enfant dans les bras de son père » lorsque celui-ci 
s'écria : « Qu'il reçoive la couronne royale pour que, 
moi vivant avec lui, je le voie dans sa splendeur; » si, 
d'autre part, danslaStèfe de Kouban, Prisse d'Avenues, 
Monuments égyptiens, pi. xxi, lig. 16-17; cf. Chabas, 
Les Inscriptions des mines d'or, 1862, p. 24-25, il se 
vante d'avoir occupé une situation officielle et com- 
mandé les armées dès l'âge de dix ans; toutefois il ne 
date que de l'an 1 les faits qui suivirent immédiate- 
ment la mort de Séli I er . Grande inscription d' Abydos, 
lig. 22, 26, 72. Cf. Maspero, La grande inscription 
d' Abydos et la jeunesse de Sésostris, 1869, p. 14, 17, 48. 
Resté seul maître du trône,, il se trouvait à la tête 
d'une Egypte tranquille au sud et au nord. Son pouvoir 
s'exerçait en Asie sur la péninsule sinaïtique, les oasis 
^du désert d'Arabie, la côte phénicienne proprement 
dite, la Palestine, et son influence se faisait plus ou 
moins sentir jusqu'aux sources du Litany et de l'Oronte. 
Traité des Héthéens avec Ramsès II, dans Brugsch, 
Recueil de monuments, t. i, 1862, pi. xxvm, lig. 5-7, 
où il est fait allusion à un traité ancien et qu'on ne 
fait que renouveler. Cf. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, t. n, 1897, p. 372, 
403. On est loin toutefois de l'époque où Thothmès III 
•érigeait ses stèles au bord de l'Euphrate. Mariette, 
Karnak; 1875, pi. xm, lig. 17-18; E. dé Rougé, Notice 
de quelques fragments de l'inscription de Karnak, 
1860, p. 17-18, 24-26. Et les Khétas, les Héthéens de la 
Bible, restent à craindre. Constitués en une puissante 
confédération, répandus de la Commagène à l'Oronte, 
tenant les villes de Carchamis sur l'Euphrate, de 
Kadesch sur le haut Oronte, de Khaloupou (Alep) et 
Hamath, ils avancent sans cesse dans la Cœlésyrie et 
intriguent contre les possessions égyptiennes. Aussi dès 
l'an IV Ramsès II pousse une pointe jusqu'au nord de 
Beyrouth, à l'embouchure du Nahr el-Kelb, le Lycus 
des anciens. Il y grave sur les rochers ses stèles triom- 
phales. Lepsius, Denkmâler, t. ni, pi. 197 a-c La stèle 6 
porte clairement la date de l'an IV. Breasted, Ancient 
Records of Egypt, t. ni, 1906, p. 125. Mais le prince 
des Héthéens, Moutalou, veut l'arrêter. J. de Rougé, 
Poème de Pentaour, lig. 1-3, dans Revue égyptolo- 



gique, t. m, p. 149; Breasted, loc. cit., p. 136. Une 
bataille décisive a lieu en l'an V sous les murs de 
Kadesch. Séparé du gros de son armée et surpris par les 
Héthéens, Ramsès II court un moment les plus grands 
dangers, mais grâce à sa valeur personnelle il tient 
tête à l'ennemi et, ses légions survenant, le jette dans 
l'Oronte. Voir Cédés 2, t. n, fig. 114, col. 367. Cf. Mas- 
pero, loc. cit., p. 395-398; Breasted, loc. cit., p. 135-142. 
Le bulletin officiel de la bataille et les tableaux de 
ses phases diverses, au Ramesseum, premier et second 
pylône, à Louxor, à Ibsamboul, souvent reproduits, l'ont 
été de nouveau par Breasted, The baille of Kadesh, 
Chicago, 1903. Cf. Ancient records of Egypt, loc. cit., 
p. 142-157. De ce choc les deux partis restent épuisés et 
il s'ensuit une trêve tacite, laissant les choses au même 
point qu'avant la guerre. Peu après, et sans doute à 
l'instigation des Héthéens, la Palestine est en pleine 
révolte. Ramsès assiège et prend Ascalon. Voir Ascaxon, 
t. i, fig. 286, col. 1061. Cf. Champollion, Notices des- 
criptives, t. il, p. 195; Lepsius, Denkmâler, m, pi. 145 c. 
En l'an VI11, il enlève Dapour près du Thabor et vingt- 
trois autres villes de la Galilée. Lepsius, Denkmâler, 
t. m, pi. 156; Mariette, Voyage dans la Haute-Egypte, 
1893, t. il, pi. 59 et p, 221. Cf. W. M. Mùller, Asien 
und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, 1893, 
p. 220-222; Maspero, loc. cit., p. 400, n. 1. C'est peut- 
être à cette occasion qu'il rétablit l'influence égyptienne 
au delà du Jourdain, dans le Hauran, influence attestée 
par un monument connu sous le nom de Pierre de 
Job. Cette œuvre d'un représentant du pharaon se trouve 
au village moderne de Sahadîéh, à l'est du lac de Géné- 
sareth. Schumacher, Der Hiobstein, Sachrat Eijub, im 
Hauran, dans Zeitschrift des Deutschen Palâstina- 
Vereins, t. XIV, 1891, p. 142; Erman, Der Hiobstein, 
ib., t. XV, 1892, p. 210-211. La guerre reprit ensuite de 
plus belle contre les Héthéens. Il y eut là, semble-t-il, 
cinq années de lutte. Tounip, aux environs d'Alep, est 
prise, Fragment du Ramesseum, dans Champollion, 
Notices descriptives, t. I, p. 888, la Mésopotamie enva- 
hie avec toute le vallée de l'Oronte, et Babylone,Assur 
et Cypre envoient des présents au pharaon. Mariette, 
Karnak, pi, 38; Abydos, t. II. pi. 2 et p. 13. Cf. Breas- 
ted, Ancient records of Egypt, t. m, p. 161-162. Sur 
ces entrefaites, Khétasar avait succédé à son frère Mou- 
talou. De part et d'autre le besoin de la paix se faisait 
sentir, et peut-être l'Hëthéen éprouvait-il la nécessité 
de recueillir ses forces contre l'Assyrien menaçant. En 
l'an XXI, son envoyé apporta au pharaon, dans la ville 
de Ramessès, écrit sur une tablette d'argent, un traité 
d'alliance offensive et défensive. Les choses en Asie 
étaient remises au point où les avait trouvées Ramsès II 
à son avènement : l'Egypte gardait la possession tran- 
quille de la Palestine et de la Pérée transjordanienne, 
delà Phénicieméridionale,Tyr et Sidon jusqu'au Nahr 
el-Kelb, d'où une ligne allant couper la « Cœlésyrie en 
diagonale, du nord-ouest au sud-ouest, jusqu'à la pointe 
de l'Hermon, » Maspero, loc. cit., t. Il, p. 278, marquait 
probablement la frontière entre les alliés. Voir Maspero, 
loc. cit., p. 401-404; W. M. Mûller, Der Bùndnissvertrag 
Ramsès 11 und des Chetiterkônigs, 1902; Breasted, 
loc. cit., p. 163-174. Les quarante-six dernières années 
de Ramsès II se passèrent dans une-çaîx profonde. 

II. Ses constructions et ses travaiix"d'utilité pu- 
blique. — La guerre asiatique, loin d'interrompre les 
grandes coustructions, leur fournit des milliers de 
bras dans la personne des captifs. Ramsès II avait 
poursuivi l'achèvement des travaux commencés par son 
père à Karnak, à Qournah et dans Abydos en s'y réser- 
vant une place considérable ; partout ses propres mo- 
numents sortaient de terre; il les multiplia encore 
pendant la paix, s'appropriant dans une large mesure 
colosses, obélisques, tout ce qui dans l'œuvre de ses 
prédécesseurs était à sa convenance. Les temples an- 



971 



RAMSÈS II 



972 



ciens eux-mêmes servirent de carrière à ses ouvriers. 
Cf. entre airtres, Quibell, The Ramesseum, 1896, 
pi. xi et p. 15; pi. xin et p. 16. Voir dans Maspero, 
loc. cit., p. 408-423, le tableau de ses principales en- 
treprises d'Ibsamboul à Memphis, en passant par Derr, 
Ès-Seboua, Kouban, Gerf-Hosséin, Bélt-Oually en 
Nubie; par les deux rives de Thèbes, par Aoydos et 
Heracléopolis. Jamais la lièvre des constructions co- 
lossales ne fut si intense, jamais si nombreux les bras 
réduits à la corvée par « le roi maçon par excellence. » 
Le Delta oriental surtout attira son attention et toutes 
les cités qui en faisaient partie, « Héliopolis, Bubaste, 
Athribis, Patoumou, Mendès, Tell-Mokhdam... forment 
comme un musée dont chaque pièce rappelle son acti- 
vité... 11 fit de Tanis une troisième capitale, compa- 
rable à Memphis et à Thèbes... Il releva le temple et 
y ajouta des ailes qui en triplèrent l'étendue... son nom 
y encombre les murailles, les stèles renversées, les 
obélisques couchés dans la poussière, les images de 
ses prédécesseurs qu'il usurpa. Un géant de grès sta- 
tuaire, assis comme celui du Ramesseum, s'échappait 
de la cour maîtresse et semblait planer haut par des- 
sus le tumulte ;des [constructions. » Maspero, loc. cit., 
p. 423-424 et notes. C'est là que se trouvait la fameuse 
Stèle de l'an 400 découverte par Mariette et publiée par 
lui dans la Revue archéologique, nouvelle série, t. xi, 
1865, pi. IV et p. 169-190. Ramsès II colonisa spéciale- 
ment l'ouadi Tôumilat. Outre Pitum, voir Phithûm, 
col. 323-324, tous les tells environnants, Sopt, Rotab, 
Iiantir, Khataanéh, Fakous et Horbéit rendent ses sta- 
tues et ses cartouches. Naville, The shrine of Saft el- 
Henneh and the Land of Goshen, 1887, p. 18 (mé- 
moire V de YEgypt Exploration Fund). On les a 
retrouvés encore sur le bord du lac Timsah, au pied 
du Djebel Maryam, là où Naville, The Store city of Pi- 
thom, 4 e édit., 1903, p. 25, n'avait vu qu'un emplace- 
ment romain. Au préalable, Ramsès avait canalisé 
l'ouadi. C'est sur ce fait que s'appuyèrent les auteurs 
classiques,' Aristote, Meteorol., î, 14, Strabon, i, 1, 31, 
Pline, H. N., vi, 29, 165, pour lui prêter l'intention 
d'avoir voulu établir la communication entre le Nil et 
la mer Rouge, intention, disent-ils, qu'il ne put réa- 
liser, comme le fit plus tard Néchao. Hérodote, n, 158. 
Il releva ou agrandit les postes fortifiés qui comman- 
daient à l'est du Nil les débouchés par où les nomades 
menaçaient les plaines du Delta oriental. Il en cons- 
truisit de nouveaux. Et c'est encore ce qui lui valut la 
réputation d'avoir établi cette ligne de défense, Diodore, 
I, 57, ligne qui datait de l'Ancien Empire. Cf. Maspero, 
loc. cit., t. i, p. 351-352, 469; t. n, p. 122, 409. 

III. Ramsès et les Hébreux. — Si le chiffre de 
430 ans de l'hébreu et de la Vulgate, Exod., I, 11, doit 
être accepté pour le séjour des Hébreux en Egypte ; si 
leur arrivée est à placer sous les Hyksos égyptianisés; 
si l'Exode s'est accompli sous Ménéphtah, ou même un 
peu après lui, comme le veut Maspero, loc. cit., t. n, 
p. 444, évidemment Ramsès II est à tout le moins le 
principal oppresseur des Hébreux. Or, le -, chiure de 
430 ans nous semble le plus naturel si nous songeons 
que, « après la mort de Joseph et celle de tous ses 
frères, et de toute cette génération, les enfants d'Israël 
s'accrurent et se multiplièrent extraordinairement; et 
étantdevenus extrêmement forts, ils remplirent toute la 
contrée. » Exod., i, 6-7. Et c'est au moment de cette 
multiplication accomplie que « s'éleva en Egypte un 
nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph, » y. 8. Tout 
cela joint au temps de la persécution suppose un laps 
de temps considérable et l'on peut difficilement réduire 
à 250 ans le séjour en- Egypte. "Voir Chronologie bi- 
blique, t. [il, col. ,737. Cf. Lesêtre, Les Hébreux en 
Egypte, dans la Revue pratique d'apologétique, t. m, 
1906-1907, p, 225-228, qui est pour la réduction. Ajou- 
tons que la persécution a dû commencer sous- Séti I er 



et que c'est lui peut-être le <t roi nouveau qui ne con- 
naissait pas Joseph, » puisque c'est sous lui, Ram- 
sès II étant déjà son associé au trône, que recom- 
mencent en Egypte les grands travaux, et que dès 
lors la corvée devient rigoureuse. En second lieu, 
l'arrivée de Jacob en Egypte à la dernière période 
des Hyksos nous est attestée par une tradition cons- 
tante, voir Joseph, t. m, col. 1657, Pharaon 3, 
col. 196-197, et l'avis des égyptologues, quel que soit 
leur sentiment sur l'oppresseur et sur l'Exode, est 
unanime sur ce point. Maspero, loc. cit., t. n, p. 71 
et n. 2; Erman, Zur Chronologie der Hyksos, dans 
Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xviii, 1880, 
p. 125-127; Lieblein, The Exodus of the Hebrews, 
loc. cit., p. 217; Spiegelberg, Der Aufenthalt Jsraels 
inAegypten, Strasbourg, 1904, p. 13, etc. En troisième 
lieu, l'Exode dans les premières années de Ménéphtah 
fut d'abord admise à peu près généralement par les 
premiers égyptologues. E. de Rougé, Examen critique 
de l'ouvrage de M. le chevalier de Runsen, 1846-1847, 
dans Œuvres diverses, t. i, 1907, p. 165 (Rîbliothèque 
égyptologique, t. xxi), et Moïse et les monuments 
égyptiens, dans Annales de la philosophie chrétienne, 
6 e série, t. i, p. 165-173; Chabas, Recherches pour ser- 
vir à l'histoire de l'Egypte sous la XIX e dynastie et 
spécialement à celle du temps de l'Exode, 1873, 
p. 139 sq.; Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 581- 
584; Ebers, Durch Gosen zurn Sinai, 1872, p. 139, etc. 
Mais si aujourd'hui beaucoup retiennent cette opinion, 
Pétrie, Egypt and Israël, dans Contemporary Review, 
mai 1896, p. 617-627; Spiegelberg, (oc. cit.; Sayce, 
The Egypt of the Hebrews, 3 e édit., 1902, p. 91-100, etc. , 
un certain nombre d'autres la rejettent à la suite de 
Lieblein. Nous y reviendrons. Pour le moment, et quoi 
qu'il en soit, il est à remarquer que les 430 ans du 
Séjour des Hébreux en Egypte confirment l'opinion 
traditionnelle. Cette durée remplit en effet tout l'espace 
compris entre Ménéphtah et les derniers Hyksos, 
1225-1655. Et ceci nous ramène pour l'oppression au 
prédécesseur de Ménéphtah, à Ramsès IL La Stèle de 
l'an 400 nous y ramène également. Elle nous apprend 
que Ramsès II dépêcha son vizir Seti à Tanis avec 
l'ordre d'y ériger une stèle en l'honneur de Séti I er . 
Le vizir en prit occasioade faire sienne la stèle, y gra- 
vant ses prières au-dessous du protocole de son 
maître et la datant de la 400» année d'un roi Hyksos, 
Aâpehetiset-Noubti. Malheureusement l'année de Ram- 
sès n'y figure pas et l'on ne peut que conjecturer 
d'après les 430 ans du séjour en Egypte, que l'érection de 
la stèle eut lieu vers l'an XL de ce pharaon. Eh tout 
cas, la période désignée par l'an 400 cadre avec nos 
autres données. Par l'un de ses extrêmes elle nous con- 
duit aux Hyksos égyptianisés, car on ne peut supposer 
que Noubti servant de point de départ à une ère ne soit 
un de ceux-là; par l'autre, elle nous fait tomber en 
pleine oppression des Hébreux, précédant l'Exode d'une 
trentaine d'années. 

2° Le récit de l'Exode suppose un règne tranquille, 
un roi grand bâtisseur, pour qui les guerres à un mo- 
ment donné ne fournissent plus de captifs, un roi 
inquiet du côté de l'est et d'un règne très long, un roi 
qui s'appelait Ramsès, qui colonisa et fortilia d'Ouadi- 
Toumilat. Or, sous Séti I er , sous Ramsès II surtout, la 
paix règne à l'intérieur de l'Egypte, le pouvoir est 
assez fort pour s'imposer brutalement et sans résis- 
tance. Cf. Lettre d'Ameneman, dans Papyrus Salliei- 1, 
pi. vi, lig. 2-8, et Papy>-us Anastasi V, pi. xv, lig. 8, 
xvii, lig. 2. A l'extérieur, si du vivant de Seti, puis 
durant les vingt-et-uneprernières années de Ramsès II, 
la guerre est menée presque sans répit, ce ne sont 
qu'excursions et rentrées triomphales dont le profit le 
plus net se chiflre par des milliers de captifs qui vont 
alimenter les chantiers. Cf. Hérodote, n, 108; Diodore, 



973 



RAMSÈS II 



RAPHA 



914 



i, 56. Mais avec la fin'de la guerre finirent les razzias 
d'hommes et la lièvre croissante des travaux publics 
réclamait des bras. D'autre part, la forte cohésion de 
l'empire héthéen, ses intrigues toujours à craindre en 
Palestine, l'obligation de traiter avec lui sur le pied 
d'égalité avaient appris à Ramsès la nécessité de se tenir 
en garde contre la Syrie du Nord. En persécutant les 
Hébreux, par une politique à double fin, il suppléait 
donc au manque de bras pour ses entreprises, il leur 
enlevait la possibilité de trop se multiplier et d'aller 
renforcer ses ennemis en cas de conflit. « Et il dit à son 
peuple : Vous voyez que le peuple des enfants d'Israël 
est devenu très nombreux, et qu'il est plus fort que 
nous. Venez, opprimons-les avec sagesse, de peur qu'ils 
ne se multiplient encore davantage, et que si nous 
nous trouvons surpris de quelque guerre, ils ne se 
joignent à nos ennemis, et qu'après nous avoir vain- 
cus, ils ne sortent d'Egypte. » Exod., I, 9-10. Et aussi- 
tôt les Hébreux sont accablés de corvées par les inten- 
dants des travaux et les chefs de brigade, sous l'insulte 
et le mépris des Égyptiens. On leur demande toutes 
sortes de travaux agricoles, du mortier, des briques, 
et ils bâtissent les villes fortifiées et contenant des 
magasins, Phithom et Ramsès. Exod., i, 11-14. Voir 
Briques, t.i, col., 1931-1934; Phithom, col. 323-324. Ces 
vexations exténuantes n'empêchant pas leur multiplica- 
tion, les sages-femmes reçoivent l'ordre de tuer tous 
les mâles, puis il est enjoint à tout le peuple de les 
noyer dans le fleuve. Exod., i, 15-22. C'est au cours de 
cette violente persécution que Moïse sauvé des eaux 
quarante ans plus tôt, Act., vu, 23, et élevé à la cour, 
tua un égyptien qui frappait un hébreu et s'enfuit dans 
la terre de Madian, Exod., H, 15, pour échapper à la 
vengeance royale. Quarante autres années s'étaient 
écoulées pour lui chez le prêtre de Madian, Exod., 
vu, 7, Act., vil, 30, quand il reçut de Dieu la mission 
de sauver le peuple d'Israël. Exod., m, iv, 1-19. Il avait 
donc quatre-vingts ans. Cela nous fait sans aucun doute 
remonter à Séti I° r ; mais Ramsès II était son bras droit 
en qualité de corégent « dès le temps qu'il était dans 
l'œuf, » Grande Inscription d'Abydos, lig. 44. On peut 
donc en déduire, sans grand risque de se tromper, 
que Ramsès II vit éclore la persécution, que, sûrement, 
il en fut le principal, sinon l'unique agent, et qu'avec 
ses soixante-sept ans de règne personnel c'est lui que 
l'Écriture désigne par ces mots : « Après beaucoup de 
temps mourut le roi d'Egypte.» Exod., n, 23. D'autant 
mieux que, Exod., i, 11, une des villes bâties par les 
Hébreux s'appelle Ramsès et ne peut tirer son nom 
que de son fondateur, tout comme Alexandrie d'Alexan- 
dre, Constantinople de Constantin, et tant d'autres. 
Et ce Ramsès ne peut être l'éphémère Ramsès I er , ni 
Ramsès III, d'une date tardive, 1198-1167. Reste donc 
Ramsès II que la Bible nomme indirectement en nom- 
mant une des villes qu'il fonda. Chabas, Mélanges 
égyptologiques, II e série, 1864, p. 109; E. de Rougé, 
Moïse et les Hébreux d'après les monuments égyp- 
tiens, loc cit., p. 169. Nous savons par ailleurs que 
l'ouadi Toumilat, où s'élevèrent Phithom et Ramsès, 
ne fut colonisé qu'à partir de Seti I er . « Dans les plus 
anciennes listes de nomes, qui sont du temps de Seti I er , 
Dùmiçhen, Geographische lnschriften, t. i, 1865, 
pi. lxxxxii, le nome d'Arabie (Gessen) ne se rencontre 
pas [et à plus forte raison le nome héroopolite]. Nous 
avons seulement quinze nomes pour la Basse- Egypte, 
au lieu de vingt-deux, comme sous les Ptolémées. La 
liste de Séti I er finit avec le nome d'Héliopolis, et ne 
mentionne ni le Bubasiite (Zagazig) ni l'Athribite 
(Benha), circonstance qui montre que cette partie du 
royaume n'était pas encore alors organisée en provinces 
régulièrement administrées, chaque nome ayant sa 
capitale et son gouvernement. Au lieu de nomes, nous 
ne trouvons que des noms de marécages ou de branches 



du Nil. » Naville, Goshen and the skrine of Saft 
el-Henneh, 1885, p. 18 (Mémoire IV de VEgypt Explo- 
ration Fund). On peut en déduire que c'est Ramsès 
qui organisa la région où partout se rencontre son 
nom. De cette terre inculte, mais suffisamment arrosée 
pour produire de bons pâturages, de cette terre libre 
qu'on avait abandonnée aux en Tants de Jacob et à leurs 
troupeaux sans frustrer aucun Égyptien, il fit une terre 
cultivable, répartie entre des colons, gouvernée à 
l'instar des anciens nomes. « Une conjecture très 
ancienne, dit Maspero, loc. cit., t. h, p. 462, n. 2, 
identifie avec Ramsès II le pharaon qui n'avait pas 
connu Joseph. Les fouilles récentes, en montrant que 
les grands travaux ne commencèrent à l'orient du Délia 
que sous ce prince, ou sous Séti I er au plus tôt, confir- 
ment l'exactitude de cette tradition d'une manière 
générale. » On doit même en déduire que les deux 
villes nommées sont bien son œuvre, puisque l'une 
d'elles, reconnue par Naville, voir Phithom, col. 321- 
328, n'a livré, avec ses magasins ou greniers et son 
enceinte de briques, aucun nom de roi ni aucun 
monument antérieurs à Ramsès II. Par contre les car- 
touches de ce pharaon l'ont révélé comme le fondateur 
de Pitum-Phithom. Voir ce mot, col. 327-328; cf. Bœ- 
deker (Steindorff), Egypte, édit. française, 1908, p. 174. 
Nous n'ignorons pas que d'après une autre hypothèse, 
qu'on base sur la chronologie, Lieblein, The exodus of 
the Hebrews, dans Proceedings of the Society .of the 
Biblical archœology, t. xxtx, 1907, p. 214-218; Lindl, 
Cyrus, 1903, p. 11, 40, etc., Thothmès III serait l'op- 
presseur et Aménophis II ou lit le pharaon de l'Exode. 
On invoque à l'appui quelques faits : Stèle de Meneph- 
tah, cf. Pharaon, col. 196-197; Manéthon, dans Josèphe, 
Contra Apionem, i, 26; cf. Chabas, Mélanges égypto- 
logiques, l re série, 1862, p. 43-44; les prétendus Hé- 
breux (Khabiri) des Lettres de Tell el-Amarna. 
H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, 
n. 181, p. 303-313. Cf. Delattre, Les Pseudo-Hébreux 
dans les lettres de Tell el-Amarna, dans la Revue des 
questions historiques, t. xxxi, 1904, p. 353-382. Mais 
ces faits sont tous susceptibles de plusieurs explications 
et, par suite, de nulle valeur probante. Pour la chro- 
nologie, rien de plus sujet à caution. Cf. Lagrange, Le 
Livre des Juges, Introduction, p. xlii-xlih. Il reste 
donc préférable de s'en tenir à l'hypothèse tradition- 
nelle plus conforme tout ensemble et au récit de la 
Bible et à ce que nous savons de l'histoire de l'Egypte. 

C. Lagier. 
RAPHA, nom, dans la Vulgale,de trois Israélites et 
d'un Géthéen. Dans le texte hébreu, cinq personnages 
portent le nom de Refâyâh, « celui que "ïâh guérit ». 
Notre version latine a transcrit sous la forme Rapha le 
nom de l'Ephraïmite, I Par., vu, 25, et celui du Ben- 
jamite, I Par., vm, 37. Le premier Rapha dont elle 
parle, I Par., vu, 25, s'appelle en hébreu Réfâh, le 
second, le troisième et le quatrième, I Par., vm, 2, 33, 
et xx, 7, Râfà'. Le Refâyâh hébreu de I Par., m, 21, 
devient en latin Raphaïa, de même que celui de 
I Par., iv, 42 et ix, 43. Le cinquième Refâyâh de 
l'hébreu, II Esd., ni, 9, est aussi appelé Raphaïa dans 
notre version latine. Voir ces noms. — Le nom de 
Rapha se trouve peut-être aussi dans^Bethrapha, I Par., 
iv, 12. Voir Bethrapha, t. i, col. 1712. v 

1. RAPHA (hébreu : Réfâh ; Septante : Tauçr,), fils 
de Béria, de la tribu d'Éphraïm, un des ancêtres de 
Josué. I Par., va, 25. 

2. RAPHA (hébreu : Râfâ'; Septante : 'Paq>â); le cin- 
quième fils de Benjamin. I Par., vm, 2. 

3. RAPHA (hébreu : Râfâ'; Septante : 'Parafa), fils 
de Baana, et père d'Élasa de la tribu de Benjamin. 



975 



RAPHA 



RAPHAIM 



976 



I Par., vin, 37. La Vulgate l'appelle Raphaïa. I Par., 
ix, 43. C'était un descendant de Saûl et de Jonathas. 

4. RAPHA (hébreu : hâ-Râfâ' ; Septante : -'Pa<pi), 
chef d'une famille de Geth, qui fut remarquable par 
une taille gigantesque. I Par., xx, 6, 7 et aussi 4, dans 
le texte hébreu où la Vulgate a traduit par Raphaïm. 
Ce père de géants est aussi mentionné quatre fois dans 
le passage parallèle de II Sam. (Reg.), xxi, "16, 18, 20, 
22, mais dans ce livre son nom est écrit Hd-Râfâh, et 
la Vulgate l'a rendu par Arapha. Voir Arapha, t. i, 
col. 878. Le texte hébreu fait toujours précéder le nom 
de Rapha de l'article hâ;la Vulgate l'a supprimé dans 
les Paralipomènes et l'a conservé dans les Rois. 

RAPHAËL, nom d'un lévite et de l'ange de Tobie. 

1. RAPHAËL (hébreu : Refâ'êl, « [celui que] Dieu 
guérit »; Septante : 'Paçs-rj).), lévite, fils de Séméias. 
Ce dernier était le fils aîné d'Obédédom. Raphaël fut 
un des portiers de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 4, 6-7. 

2, RAPHAËL, ange qui, sous une forme humaine 
et sous le nom d'Azarias, accompagna le jeune Tobie 
pendant son long voyage, comme guide et conseiller. 
D'après sa propre définition, Tob., XII, 15, il est « l'un 
des sept anges qui se tiennent debout devant le Sei- 
gneur,» cf. Apoc, vin, 2; il est aussi, selon Tob., m, 
25, et l'étymologie de son nom, l'ange qui guérit les ma- 
ladies des hommes. Dans la littérature sacrée, il n'est 
fait mention de l'ange Raphaël qu'au livre de Tobie. 11 
y intervient d'une manière toute providentielle, cf. Tob., 
xn, 14, pour guérir Tobie l'ancien de sa cécité, et pour 
délivrer la jeune Sara du démon qui la tourmentait. 
Nous le voyons d'abord s'offrir au jeune Tobie, puis au 
père de celui-ci, pour accompagner le jeune homme, de 
Ninive à Rages, chez son parent Gabélus, afin de recou- 
vrer une somme importante prêtée autrefois à ce dernier. 
Tob., v, 1-22. Ils partent, et, dès le premier jour, au bord 
du Tigre, l'ange délivre son compagnon d'un poisson 
énorme qui s'élançait sur lui; il lui recommande d'en 
garder le cœur et le foie, comme des remèdes utiles, 
celui-là pour chasser les démons qui s'attaquent aux 
hommes, celui-ci pour rendre la vue aux aveugles. 
Tob., vi, 1-9. Lorsqu'ils arrivèrent à Ecbatane, Raphaël 
conseilla à Tobie de prendre l'hospitalité chez son cou- 
sin Raguël (voir Raguël 2, col. 933) et de lui demander 
la main de Sara, sa fille unique. Tob., vi, 10-14. Tobie 
ayant objecté que la jeune fille avait été déjà mariée 
sept fois, et que le démon avait aussitôt mis à mort 
ceux qui l'avaient épousée, l'ange lui indiqua le moyen 
de mettre en fuite l'esprit mauvais, vi, 14-22; de son 
Côté, Raphaël entraîna Asmodée dans le désert d'Egypte, 
où il le confina. Voir Asmodée, t. i, col. 1103-1104. 
Cf. Tob., vin, 3. Ensuite, sur la demande du jeune 
homme, le prétendu Azarias consentit à aller recou- 
vrer sans lui l'argent prêté à Gabélus. Tob., IX, 1-12. 
Après les noces, lorsque le moment fut venu de re- 
partir pour Ninive, il prit les devants avec son com- 
pagnon, et, dès leur arrivée, Tobie père recouvra mi- 
raculeusement la vue par l'emploi du remède indiqué. 
Tob., xi. 7-17. Lorsque les deux Tobie voulurent le 
récompenser généreusement de ses services, il leur 
lit connaître sa vraie nature, leur révéla les desseins 
mystérieux de la Providence dans les épreuves qu'ils 
avaient subies, les engagea à témoigner à Dieu, l'au- 
teur véritable des bénédictions reçues, leur vive re- 
connaissance; puis il disparut soudain. Tob., xn, 1-22. 
— Pour les difficultés ,qui se rattachent au rôle de 
l'ange Raphaël, voir Tobie (Livre de). 

L. Filliox. 
RAPHAIA (hébreu : Refàyâh), nom de cinq Israé- 
lites. Voir Rapha, col. 974. 



1. RAPHAIA (Septante: 'Paçâ).; A lexandrinus: 'Vot- 
<paia), fils, d'après la Vulgate et les Septante, de Jéséias 
et père d'Aman, de la tribu de Juda; il descendait 
de Zorobabel. I Par., m, 21. Le texte hébreu est 
moins précis que les versions grecque et latine, et 
obscur. 

2. RAPHAIA (hébreu : Refàyâh; Septante : 'Paipata), 
un des chefs de la tribu de Siméon qui entreprit sous 
le règne d'Ézéchias, roi de Juda, à la tête de cinq cents 
hommes, une expédition contre les restes des Amalécites ; 
ils les exterminèrent dans les montagnes de Séir où ils 
s'établirent à leur place. I Par., iv, 42. 

3. RAPHAIA (Septante : 'Poccpaîa), second fils de 
Thola, fils aîné d'Issaçhar, et l'un des chefs de famille 
de cette tribu. I Par., vu, 2. 

4. RAPHAIA (Septante : 'Pi<poua), fils de Baana, delà 
tribu de Benjamin, I Par., ix, 43, le même que Rapha 3, 
col. 974. 

5. RAPHAIA (Septante : 'Paçaia), fils d'Hur, qui du 
temps de Néhémie était placé à la tête d'un quartier de 
Jérusalem et travailla à la restauration des murs de la 
ville. II Esd. m, 9. 

RAPHAIM (hébreu : Refaim, employé toujours au 
pluriel), désigne 1° une race de géants; 2° un ancêtre 
de Judith; 3° une vallée des environs de Jérusalem. — 
En hébreu, les morts qui habitent le sche'ôl sont appe- 
lés refaim, mais la Vulgate n'a jamais conservé ce 
mot qu'elle traduit par gigantes. Voir Sche'ôl. 

1. RAPHAIM, race de géants. Leur nom est précédé 
cinq fois de l'article dans le texte hébreu. Gen., xv,20; 
Deut., m, 11; Jos., xn, 4; xm, 12; xvm, 15. Sur le 
nom hâ-Râfâ', qui semble le nom propre d'un géant, 
II Sam., xxi, 22; I Par., xx, 8, voir Arapha, t. i, 
col. 878; Rapha 4, col. 975. Les anciens traducteurs de 
la Bible n'ont pas conservé le plus souvent le mot Re- 
fa'ïm, mais l'ont rendu par yfyavxeç, « géants », ce qu'ils 
ont fait non seulement quand ïlefa'im désigne véritable- 
ment des géants, mais aussi quand il désigne les morts 
qui sont dans le se'ôl. — 1» Les Raphaïm semblent 
avoir désigné proprement une race de Chananéens de 
haute stature et d'une force redoutable, qui habitaient 
à l'est du Jourdain à l'époque où les Hébreux ne 
s'étaient pas encore emparés de la Terre Promise. 
Gen., xiv, 5; xv, 20; Jos., xvn, 15 (Vulgate : Raphaïm). 
Quand les enfants d'Israël, sous la conduite de Moïse, 
arrivèrent dans le pays situé au delà du Jourdain, ils 
y rencontrèrent, comme leur ennemi le plus redou- 
table, Og, roi de Basan, « qui restait seul, dit le texte 
sacré, de la race des Refa'ïm » (Vulgate : de stirpe gi- 
gantum). Deut., ni, 11. Cf. Jos., xu, 4; xm, 12 (Vul- 
gate : Rapkaim). Voir Og, t. iv, col. 1759. Si les lils 
de Rapha mentionnés dans II Sam., xxi, 22; I Par., x, 
8, sont de véritables Raphaïm, ils sont les derniers 
mentionnés dans les Écritures. — 2° Elles nous ont 
conservé le souvenir de deux autres races de géants, 
les Émim (voir t. n, col. 1732) et lesÉnacites (voir t. h, 
col. 1766) qui habitèrent les premiers à l'est, les se- 
conds à l'ouest du Jourdain et à qui l'on donnait éga- 
lement par extension le nom de Raphaïm. Deut., n, 11 
(Vulgate : quasi gigantes). C'est des Énacites que la 
vallée de Raphaïm, au sud-ouest de Jérusalem, a sans 
doute tiré son nom. Voir Raphaïm 2. 

2. RAPHAIM, fils d'Achitob et père de Gédéon, un 
des ancêtres de Judith, dans la Vulgate, vm, 2. Ces 
trois noms propres ne sont pas dans les Septante. 



977 



RAPHAÏM (VALLÉE DES) 



978 



3. RAPHAIM {VALLÉE DES) (hébreu : 'êméq-Refd- 
'îm; Septante, Jos., xv, 8 : v5j 'Paça'i'v; xvm, 16 : 
'sijièx 'Paçatv (Aleœandrinus : 'Pa(pa£su);II Reg., v, 18, 
22 : ïj xo'.Xà; taSv Titôviov; xxih, 13; ï) xotXàç "Paçaiv 
(Alex. : 'Payass'v); I Par., xi, 15; xrv, 9 : ^ xosXa; tûv 
riyctvTuv ; Is., xvn, 5 : (pâpay? CTteped, « vallée fertile »; 
Vulgate : vallis Raphaim, excepté III Reg., xxiii, 13, 
où elle traduit |: vallis gigantum), large vallée ou 
plaine au sud-ouest de Jérusalem, appelée aujourd'hui 
el-Béq'ah. 

1° Nom. — Dans la langue biblique, le mot 'êméq 
désigne une vallée large et spacieuse. Gesenius, Thé- 
saurus, p. 1045. Celle-ci a sans doute pris son nom de 



ne peut être que l'ouâd' er-Rebdbt longeant le côté sud 
de Jérusalem, et la montagne en face, la masse monta- 
gneuse s'étendant à l'ouest de Jérusalem, entre cette 
ville et Liftâh, au nord de la Béq'ah. La partie la plus 
septentrionale de cette plaine arrive jusqu'au bord de 
Youâd' er-Rebâbi et son extrémité forme le col étroit 
qui relie le mont dit du Mauvais-Conseil et râs ed- 
Dabbous avec le mont opposé, à l'occident, à Vouâd- 
er-Rebabi et à Jérusalem : il est impossible de ne pas 
reconnaître dans la Beq'ah, la vallée des Raphaïm 
indiquée, au sud de la montagne frontière. Voir Jéru- 
salem, t. m, flg. 235, col. 1321. 

Le passage de II Reg., xxm, 13-16, montrant les trois 




220. — La Béqah ou vallée des Raphaïm. Partie de la plaine située au sud-ouest de Jérusalem, 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 



ses premiers propriétaires, établis sur les collines des 
alentours. Yoirj Raphaïm 1. 

•2» Identification. — La situation au sud de Jérusa- 
lem est incontestablement assignée à cette vallée, 
Jos., xv, 8; xvm, 16, où est placée la frontière des 
tribus de Juda et de Benjamin. Dans le tracé de la 
première, après avoir passé à la fontaine de Rogel a la 
limite monte [par] la vallée du fils d'Hinnom (Vulgate: 
Geennom), sur le côté Çél-kétéf) du Jébuséen, au midi, 
c'est-à-dire de Jérusalem, et la limite monte au sommet 
de la montagne qui est en face de la vallée du fils d'Hin- 
nom, à l'occident, à l'extrémité (bi-qeséhj de la vallée 
des Raphaïm, au nord. » Dans le tracé de la seconde, 
après avoir passé à la fontaine de Nephtoa, « la limite 
descend à la partie de la montagne qui est en face de 
la vallée du fils d'Hinnom, laquelle est près de la vallée 
des Raphaïm (be J êméq-Refa'im), au nord, et elle 
descend la vallée du fils d'Hinnom sur le côté du Jébu- 
séen, au midi, et se rend à la fontaine de Rogel. » — La 
vallée du fils d'Hinnom (voir Géennom, t. m, col. 153) 



braves de David, alors à Odollam, obligés, pour se ren- 
dre à la porte de Bethléhem, de traverser le camp des 
Philistins occupant la vallée des Raphaïm, indique par 
là celle-ci au'sud de Jérusalem. C'est aussi la situation 
que lui assigne l'historien Josèphe, Ant. jvd., VII, XII, 
4. Parlant du même fait et de la même vallée : « Le camp 
des ennemis était établi, dit-il, dans la vallée qui s'étend 
jusqu'à Bethléhem distante de vingt stades de Jéru- 
salem. » L'auteur a voulu dire, pensohs-nous :1a vallée 
s'étend vers Bethléhem, sur une distance de vingt 
stades (3700 m.), ce qui est en effet l'étendue de la 
plaine de Béq'ah. — Nonobstant ces indications, Eusèbe 
et saint Jérômeplacent'Kniég Refa'im, qu'ils traduisent 
« la vallée des étrangers », «XXoyjXwv, dans la tribu des 
Benjamin et au nord de Jérusalem. Onomasticon, 1862, 
p. 186 et 187, 308 et 309. Ils se fondent sans doute sur 
II Reg.,v, 25 (Septante), et I Par. xiv, 16, où, après le récit 
de l'invasion de la plaine des Raphaïm par les Philistins, 
on lit : « David fil ce que le Seigneur lui avait ordonné, 
et il battit les Philistins depuis Gabaon jusqu'à Gézer 



979 



RAPHAÏM (VALLÉE DES) — RAPHIDIM 



980 



(Gazer)'; » ils confondaient ainsi là plaine des Râphaïm 
avec la plaine prés de Gabaon danslsaïe, xxvw, 21. — S' 
l'on excepte Titus Tobler qui cherche, Wanderung, m, 
p. 202, la vallée des Raphaïm dans Vouâdi courant sous 
Deir-Yasin, à l'ouest nord-ouest de Jérusalem, et un ou 
deux modernes croyant la trouver dans la vallée de 
Liflati, au nord de la précédente, l'universalité des 
commentateurs et des géographes s'accordent à la voir 
au sud à Jérusalem et dans là Béq'ah. La défaite des 
Philistins à Gabaon, non plus que la citation simul- 
tanée, par Isaïe, loc. cit., de la vallée de Gabaon et du 
mont des Pharasim ou Baalpharasin, n'impliquent pas, 
comme nous le verrons, la nécessité de chercher près 
de cette ville la plaine ofi ils posèrent leur camp. 
Gf. Reland, Palœslina, Utrecht, 1714. p. 355; Gesenius, 
Thésaurus, p. 1302; E. Robinson, Biblical researches 
in Palestine, Boston, 1841, t. i, p. 323-324; R. v. Riess, 
/Ji6iiscAeGfeo5frapftie,Fribourg-en-Brisgau,1872, p.80; 
V. Guérin, Judée, 1. 1, p. 244-248; Armstrong, Wilson 
et Conder, Names and places in the Old Testament, 
Londres, 1887, p, 147, etc. 

3° Description. — Du pied de la montagne à l'ouest de 
Jérusalem où commence au nord la Béq'ah jusqu'à la 
base des collines se prolongeant vers Betléhem où elle 
se termine au sud, son étendue est de quatre kilomètres; 
sa largeur d'est à ouest, depuis la ligne de partage des 
eaux qui la sépare des ravins courant vers le Cédron 
jusqu'au pied de Qatamôn et au point où elle rejoint la 
« vallée des Roses », ouâd' él-Ouard, est de trois kilo- 
mètres. Elle incline d'est en ouest et appartient toute 
entière au versant méditerranéen. La terre qui recouvre 
le calcaire du fond, a de deux à trois mètres de profon- 
deur. Elle était mêlée de nombreuses pierres de silex 
qui en partie ont été amoncelées, ou rangées en 
murs le long de ses chemins. Elle est brune et fertile 
(flg. 220) La culture du blé, froment, orge, doura, a dû 
toujours en être la principale. Le prophète Isaïe, xvm, 
5, compare le peuple d'Israël en décadence au glaneur 
recueillant, après la moisson, les épis oubliés dans la 
plaine des Raphaïm. 

Les lentilles, le kersenné, les fèves, les pois-chiches 
les haricots y prospèrent également. Les oliviers plantés 
sur ses confins y ont pris les plus belles proportions. 
Les nombreux pressoirs antiques et les restes de vieilles 
tours qui se voient sur les collines environnantes, 
montrent qu'autrefois comme aujourd'hui la "Béq'ah 
était entourée de vignobles. Plusieurs voies antiques, 
partant toutes de Jérusalem, la traversaient dans toute sa 
longueur. Deux d'entre elles se dirigeaient vers Bethlé- 
hem et Hébron. 

4° Histoire. — La limite tracée par Josué laissait la 
plaine des Raphaïm à la tribu de Juda. Elle fut envahie 
par les Philistins, sous le règne du roi Saûl, tandis 
que celui-ci poursuivait David de refuge en refuge. Le 
futur roi d'Israël était en ce temps cache dans la grotte 
d'Odollam. Ayant manifesté le désir de boire de l'eau 
de la citerne qui était prés de la porte de Bethléhem, 
trois de ses compagnons ne craignirent pas de traver- 
ser le camp ennemi établi dans la plaine, pour aller 
chercher l'eau désirée. II Reg., xxm, 13*17; I Par. xi, 
15-19. Deux autres fois les adversaires du peuple de 
Dieu revinrent y dresser leurs tentes; la première fois 
quand ils apprirent que tout Israël avait reconnu 
David pour son roi, que celui-ci s'était emparé de la 
forteresse de Sion et avait fait de Jérusalem sa capitale; 
la seconde fois, quelque temps plus tard, dans le dessein 
sans doute de prendre leur revanche. La première 
fois David les battit à l'endroit qu'il appela Baal-Phara- 
sim, situé sans doute sur les confins de la plaine, 
mais dont le nom n'a pas été retrouvé. Voir t. i, 
col. 1341. Les Philistins abandonnèrent là leurs idoles. 
Les Israélites les brûlèrent. II Reg., v, 17-21; I Par., 
xiv, 8-12. La seconde fois, le roi reçut de Dieu l'ordre 



de ne pas attaquer l'ennemi' de front, mais de le sur- 
prendre par derrière. David contourna la plaine, dissi- 
mulé, selon toute probabilité, par la . colline de 
Qatamôn, pour tomber sur les Philistins du côté des 
Békâ'im. Voir Mûrier, t. îv, col. 1344. 

Par ce mouvement, l'armée israélite coupait la retraite 
à l'ennemi. Mis en. déroute les Philistins durent s'en- 
fuir par le côté oriental de la plaine pour gagner le 
Cédron et remonter au nord de Jérusalem, puisque 
nous les retrouvons près de Gabaon où David achève 
leur défaite en les poursuivant de là jusqu'à Gézer. 
II Reg., v, 22-25; I Par., xiv, 13-17. — La plaine des 
Raphaïm a vu passer les plus illustres personnages de la 
Bible : Ahraham se rendant à Hébron et revenant avec 
son fils Isaac pour le conduire à la montagne Moria; 
Éliézer ramenant Rébecca; Jacob fuyant son frère Ésaû 
et retournant de Mésopotamie avec ses épouses et ses 
fils; la Vierge Marie et saint Joseph allant se faire ins- 
crire à Bethléhem et apportant le Sauveur au Temple; 
les Mages s'avançant pour aller adorer le Roi des Juifs; 
le trésorier de la reine Candace lisant Isaïe sur son 
char, et que devait bientôt rejoindre le diacre Philippe ; 
puis toute la multitude des pèlerins montant du sud 
pour aller, en son Sanctuaire, adorer Jéhovah. 

5° Etat actuel. — Depuis quelques années, l'ancienne 
plaine de Raphaïm a subi plusieurs modifications. Une 
route carrossable, construite en 1883, entre Jérusalem, 
Hébron et Bethléhem, voit rouler des voitures de forme 
européenne. Sur la voie ferrée de Jaffa à Jérusalem, 
ouverte en 1892, la locomotive entraîne, à travers la 
plaine, des wagons qui déposent les pèlerins à une 
gare bâtie vers l'extrémité septentrionale de la Béq'ah* 
Une colonie wurtembergeoise appartenant à une secte 
protestante millénariste, s'est établie, en 1871, dans le 
même quartier, donnant naissance à un faubourg formé 
d'une vingtaine d'habitations couvertes de toits à tuiles 
rouges, environnées de jardins, de caractère tout euro- 
péen. De nombreuses autres constructions se sont éle- 
vées depuis jusque vers le milieu delà plaine, menaçant 
de l'envahir tout entière. L. Heidet. 

RAPHIDIM (hébreu : Refîdim; Septante : 'Paçtêefv), 
une des stations des Hébreux à travers la presqu'île 
sinaïtique, entre le désert de Sin et le désert du Sinaî, 
Exod., xvn, 1; xix, 2; ou plus précisément entre Alus 
et le Sinaï. Num., xxxm, 14, 15. 

I. Identification. — De l'étymologie du mot « Ra- 
phidim » on ne peut pas tirer d'argument pour son 
identification. Assez probablement ce mot provient de 
la racine hébraïque râfad, « préparer le lieu du repos », 
d'où sa signification de « halte, lieu de repos ». Saint 
Jérôme, De situ et nominibus hebraicis, t. xxm, 
col. 789, semble bien donner ses préférences à cette 
explication. Raphidim est spécialement « un lieu de 
repos », la station de Raphidim était située, entre Alus, 
dans le désert de Sin et le désert du Sinaï. Le désert 
de Sin est aujourd'hui assez généralement identifié 
avec la plaine d'el-Markha. Cf. Bartlett, From Egypt 
to Palestine, p. 213; Vigouroux, La Bible et les dé- 
couvertes modernes, & édit., t. il, p. 459-460; voir Dé- 
sert, II, i, 3, t. h, col. 1390. Voir Sin. Le Sinaï désigne 
dans l'Exode le noyau central du massif de montagnes 
granitiques dont le Djebel Mouça, ou mont de Moïse, 
forme aujourd'hui le point le plus célèbre. Cf. Vigou- 
roux, La Bible, t. n, p. 490-491; Désert, IL, i, 4, 
t. n, col. 1391. Voir Sinaï. On peut aller par diverses 
routes principales, voir Alus, t. ij col. 424, du désert 
de Sin au Sinaï. Une d'elles, la route du nord, quitte 
assez vite la plaine d'el-Markha, et parcourant i'ouadi 
Bâbah, le Debbetvr-Ramléh, I'ouadi Kamilêh et I'ouadi 
esch-Scheikh, aboutit tout droit au Sinaï. Les parti- 
sans de cet itinéraire ont mis Raphidim un peu par- 
tout; et quelques-uns d'entre eux signalent l'ouâdi 



981 



RAPHIDIM 



982 



Erfayid, qui ne figure que dans la grande carte an- 
glaise du Survey, une petite vallée qui débouche dans 
l'ouadi Emleisah situé à proximité du Djebel Mouça. 
Cf. Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans la Bévue 
biblique, 1900, p. 86. Cet itinéraire a le grand incon- 
vénient d'aller contre toutes les données traditionnelles; 
il est dépourvu de tout souvenir local, et pour ce qui 
regarde l'identification de Raphidim, elle n'a dans le 
mot Erfayid qu'un équivalent arabe à peine suffisant. 
Cette même route du nord, au lieu de pénétrer dans 
le Debbet er-Ramléh, peut replier au sud, s'élever 
jusqu'à la chaîne du Nagb-Buderah et le franchir, 
pour gagner les mines égyptiennes de l'ouadi Maghâra, 
et retomber ensuite dans l'ouadi Feiran, pour aboutir 



plus facile, tandis que des détachements isolés, pour 
éviter un détour de dix-sept kilomètres de chemin, pu- 
rent quitter assez vite la plaine d'el-Markha à onze kilo- 
mètres environ plus bas que Y Aïn-Dhafary , au sud; 
remonter d'ouest en est l'ouadi Sidrêh; là, tourner à 
droite pour aller rejoindre, du nord-ouest.au sud-est, 
par l'ouadi Mokatteb, l'ouadi Feiran, à vingt-sept kilo- 
mètres au-dessus de son embouchure, et ici, six kilo- 
mètres environ au-dessous d' ' Hési-eUKhattaiin, at- 
tendre le gros du peuple qui venait par la route plus 
longue el plus facile. La seule objection que l'on puisse 
faire contre l'itinéraire de ces détachements d'Israël 
c'est la crainte que, en passant tout près des mines de 
Maghara, ils auraient pu trouver là des Égyptiens em- 




221. — Vue de l'oasis Feiran. 



d'ici au Sinaï. Il s'agit cependant d'un passage difficile 
qui n'a été ouvert que dans les temps modernes, et qui 
par conséquent fort peu probablement peut avoir été 
tenté par les Israélites. 

Une deuxième route descend de la plaine d'el-Mar- 
kha au midi, pénètre dans le désert d'el-Qâah, et après 
l'avoir parcouru, remonte au Sinaï soit tout à fait au 
sud par l'ouadi Islih soit un peu plus au nord par 
l'ouadi Rebran; ou bien, sans arriver jusqu'à l'ouadi 
Hebran, par l'ouadi Feiran à 46 kilomètres à' Aïn-Dha- 
fary, la source d'eau douce qui devait alimenter les 
Hébreux dans le désert de Sin. En remontant à ce point 
l'ouadi Feiran jusqu'à Rêsi-el-Khattatin, et tournant 
ensuite au sud par le même ouadi, la route va aboutir 
au Sinaï. Aucune considération ne permet de prolonger 
au sud jusqu'à l'extrémité de la péninsule l'itinéraire 
des Israélites : nous écartons par conséquent, comme 
un prolongement inutile d'itinéraire, l'opinion qui les 
fait remonter au Sinaï soit par l'ouodi Islih, soit par 
l'ouadi Rebran; mais nous trouvons très vraisemblable 
que le gros des Israélites, avec les troupeaux, soit re- 
monté au Sinaï par l'ouadi Feiran, suivant un itinéraire 



ployés aux travaux des mines et la garnison qui les 
surveillait; mais l'exploitation des mines de Maghara 
paraît avoir cessé sous la XII e dynastie, c'est-à-dire 
longtemps avant l'exode. Cf. Vigouroux, Mélanges bi- 
bliques, 2 e édit., p. 265. D'après tout ce qui vient d'être 
dît, Raphidim doit être placé dans l'ouadi Feiran 
(fig. 221) : la tradition chrétienne, la topographie des 
lieux, les monuments archéologiques chrétiens de la 
tradition locale appuient cette identification. 

La tradition chrétienne place Raphidim dans l'ouadi 
Feiran, avant l'oasis omonime. L&/Pe) , egrinatio Syl- 
viee (vers l'an 385), édit. Gamurrini, p>140, en est le 
premier écho. D'après ce document, les Hébreux y 
vinrent après avoir franchi l'ouadi Mokatteb ; et l'en- 
droit de Raphidim y est précisé à el-Kessuéh, où des 
bosquets de palmiers ombragent quelques misérables 
huttes en pierre, disséminées autour d'une petite mos- 
quée, elle-même construite avec les matériaux d'une 
église chrétienne, à un peu plus de deux kilomètres, 
avant d'arriver à l'oasis Feiran. Il semble bien que les 
chrétiens de la plus haute antiquité aient attaché le 
nom de Raphidim au hameau d'el-Kessuéh; mais 



983 



RAPHIDIM 



984 



d'après l'Exode, le pays de Raphidim, qui, comme 
nous avons vu, veut dire « halte ou lieu de repos », 
semble bien comprendre la région où le peuple 
d'Israël ne trouva point d'eau et celle où il campait 
après la défaite des Amalécites. Eusèbe et saint Jé- 
rôme, en effet, indiquent à Raphidim tant l'événement 
de l'eau miraculeuse que la défaite infligée par Josué 
à Amalec, et retendent jusqu'à Pharan, l'ancienne 
ville épiscopale de l'oasis Feiran. Onomasticon, t. xxm, 
col. 916. Àntonin le Martyr, Itinerarium, 40, P. L., 
t. lxxii, col. 912, est du même, avis, quoique sa descrip- 
tion soit un peu confuse dans les détails. Cosmas In- 
dicopleuste, Topographia christiana, v, t. lxxxvui, 
col. 200, localise justement Raphidim à Pharan ; mais 
après avoir fait aller Moïse avec les anciens du peuple 
d'Israël jusqu'au mont Choreb, c'est-à-dire au Sinaï, 
qui selon lui est distant seulement de six milles de 
Pharan, pour y opérer le miracle des eaux au bénéfice 
d'Israël, il localise dans ce même endroit la défaite 




222. — Le rocher de Hésl el-Khattatin. 

d'Amalec et la visite de Jéthro. Un pareil manque de 
précision s'explique aisément dans la description de ce 
marchand devenu moine, qui n'avait pas assez bien 
saisi le sens de l'Exode, xvii, 6. Nous nous dispense- 
rons de relater les témoignages d'autres pèlerins plus 
récents, parce qu'ils sont presque tous d'accord, même 
ceux qui transportent au mont Horeb le théâtre du 
prodige des eaux que fit jaillir Moïse. 

Les témoignages des pèlerins et des écrivains qui 
placent Raphidim à Feiran sont appuyés par le témoi- 
gnage des monuments archéologiques chrétiens. A 
l'époque de la Peregrinatio Sylvise le Djebel Tahou- 
néh, qui se dresse à l'entrée de l'oasis de Feiran, était 
couronné d'une église pour perpétuer la mémoire de 
l'endroit où Moïse se tenait en prière pendant la fa- 
meuse bataille, Exod., xvir, 8, qui amena la défaite 
d'Amalec. Antonin le Martyr, loc. cit., parle d'une ville 
près de laquelle eut lieu la bataille, et où se trouvait 
un oratoire dont l'autel était bâti sur les pierres qui 
servirent d'appui à Moïse priant pendant le combat. 
Les premiers chrétiens rattachèrent donc à la ville 
épiscopale de Pharan, qui s'élevait à l'entrée occiden- 
tale de l'oasis, le souvenir des mémorables événements 
qui avaient eu lieu à Raphidim. On voit encore au- 



jourd'hui à Pharan les ruines de nombreuses églises 
et chapelles, de monastères, de cellules et de tombeaux. 
Cf. S. Nil, Narratio M, t. LXXix, col. 620. La plupart 
des maisons bâties dans l'oasis avec les débris de bâ- 
timents plus anciens semblent remonter au xn« siècle. 
Parmi les débris qui jonchent le sol, les explorateurs 
anglais ont trouvé un chapiteau de grès sur lequel 
on voit un homme vêtu d'une tunique et les bras 
levés dans l'attitude de la prière, c'est-à-dire tel que 
l'Exode, xvii, 11, nous représente Moïse pendant la 
bataille de Raphidim. Cf. E. H. Palmer, The désert 
of the Exodus, t. i, p. 168. Un bas-relief, placé au- 
dessus d'une porte et divisé en trois compartiments, 
représente aussi trois personnages dans une attitude 
semblable. On comprend sans peine que les habitants 
de Raphidim aient aimé à représenter par la sculpture 
la principale scène du grand acte auquel ces lieux 
étaient redevables de leur célébrité. De plus, la topo- 
graphie des lieux concorde parfaitement avec le récit 
de l'Exode, comme on le verra plus loin. 

II. Description. — L'ouadi Feiran est la vallée la 
plus longue et la plus importante de toute la pénin- 
sule. Elle reçoit le nom de Feiran au nord-est de la 
chaîne du Serbal; mais de fait, elle n'est que le pro- 
longement de l'ouadi Sclieikh qui prend naissance aa 
mont Sinaï, décrit une grande courbe au nord, traverse 
l'oasis de Feiran, et après avoir pris la direction du 
nord-ouest, elle se dirige vers le sud-ouest, et va 
aboutir dans la mer Rouge à travers la plaine d'ei- 
Qaah. La vallée est tantôt large comme le lit d'un 
grand fleuve, tantôt resserrée entre des rochers souvent 
perpendiculaires, formant d'étroits déniés, avec des 
tournants brusques et inattendus qui varient l'aspect 
du paysage à l'infini. Aux roches crayeuses succèdent 
des calcaires plus durs, puis le grès bigarré et le gra- 
nit traversé du nord au sud de filons réguliers de 
porphyre rouge et de diorite noir. Le sol sablonneux 
n'est couvert que d'une maigre végétation. Les flancs de 
l'ouadi Feiran sont fréquemment entrecoupés par des 
vallées latérales. Un peu plus d'un kilomètre à partir 
d'une de ces vallées, l'ouadi Umm ïus, et après avoir 
rencontré à droite des inscriptions nabatéennes, le 
voyageur voit apparaître à gauche devant le Djebel 
Sulldh un énorme rocher de granit détaché de la 
montagne qui semble vouloir barrer le chemin. C'est le 
Hési el-Khattatin, le rocher traditionnel d'Horeb ou de 
Raphidim (fig.222). Les méandres de la gorge aride s'ac- 
centuent de plus en plus pendant la marche d'une heure 
jusqu'à l'oasis A'el-Kessuéh, le Raphidim de la Pere- 
grinatio Sylvise, où le sol se couvre d'une belle végé- 
tation ; partout poussent de hautes herbes au milieu de 
bouquets de tamaris, de nebqs et de seyals ; et de 
multiples filets d'eau claire entretiennent une fraî- 
cheur délicieuse. A une heure A'el-Késsuéh on arrive 
à la pittoresque vallée A'Aleyât, qui, encaissée dans 
des pics de granit, débouche à droite dans l'ouadi Fei- 
ran. C'est le lieu très probable de l'attaque d'Israël 
contre les Amalécites qui venaient lui barrer le pas- 
sage dans l'oasis de Feiran. En effet, à ce point l'ouadi 
Feiran débouche, entre le Djebel Tahunéh à gauche 
et le petit Djebel Meharret à droite, dans l'oasis de 
Feiran, nommée à bon droit « la perle du Sinaï», 
parce que tout y est gai, riant, animé; c'est vraiment 
« le paradis terrestre des Bédouins ». A l'entrée occi- 
dentale de l'oasis s'élevait jadis la ville épiscopale de 
Pharan dont le nom rappelle le vaste désert qui s'étend 
au nord de la presqu'île sinaïtique, appelé aujourd'hui 
et-Tih, Voir Pharan, col. 187. Puisque le nom de 
Pharan ou Paran, Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 
2» édit., p. 414, signifie « un pays montagneux sillonné 
et déchiqueté par des ravins », il convenait aussi bien 
à cette localité qu'au désert A'et-Tîh. Les Arabes pour- 
tant ont transformé le mot Pharan en celui de Feiran 



985 



RAPHIDIM — RAPHON 



986 



qui veut dire « fertile ». Diodore de Sicile, m, 42, 
semble déjà mentionner la palmeraie de l'oasis 60 ans 
avant J.-C; et des auteurs du n= siècle parlent du 
« bourg de Pharan ». Mais, seulement plus tard, la 
localité, devenue chrétienne, prit de l'importance. 
Elle fut habitée par un grand nombre de moines et 
d'anachorètes, et devint le siège d'un évêché, vers l'an 
400. Ce siège était vacant à l'époque ou les musulmans, 
après la conquête de l'Egypte et de la Syrie par Omar, 
s'établirent en grand nombre dans la fertile oasis, en 
usurpèrent les propriétés et chassèrent les moines et 
Ja plupart des chrétiens. La ville, ainsi abandonnée, 
tomba bientôt en ruinés; au xip siècle, sous la domi- 
nation des rois latins, elle se releva un peu; mais après 
leur départ déchut rapidement jusqu'à l'état de com- 
plète ruine où elle se trouve à présent. 

III. Histoire. — Raphidim est resté célèbre à cause 
de l'eau que Moïse y fit jaillir, de la victoire sur Amalec, 
et, d'après quelques interprètes, de la visite de Jéthro 
à Moïse. — Les Israélites vinrent à Raphidim par l'iti- 
néraire dont nous avons parlé. L'eau manque aujour- 
d'hui complètement le long de ces routes. S'il en était 
de même au temps de l'exode, la marche dut être pré- 
cipitée; cependant nous ne savons pas combien de 
temps elle dura, parce qu'Alus, la dernière station 
que les Hébreux quittèrent pour venir à Raphidim est 
inconnue. Cf. Alds, t. i, col. 434. Ils eurent à emporter 
dans des outres une provision d'eau pour le trajet ; mais 
il semble que le peuple s'attendait à trouver des sour- 
ces à Raphidim. Quand on y fut arrivé, l'eau sur laquelle 
on avait compté manqua. Les Israélites, qui, depuis 
Elim ou au moins depuis la station dans le désert de Sin, 
prés des sources de VAïn-Dhafary et de VAïn-Markha, 
n'avaient eu que la quantité indispensable pour étan- 
cher leur soif, éclatèrent en murmures contre Moïse : 
Exod., xvn, 2-4. Dieu alors ordonna à Moïse de frapper 
le rocher d'Horeb, et il en jaillit de l'eau en abondance. 
Moïse donna à ce lieu le nom de Massah et Méribah, 
que la Yulgate, Exod,, xvn, 7, traduit « Tentation », 
parce que les enfants d'Israël avaient contesté et tenté 
le Seigneur. Cf. Num., xx, 2, 13. Voir Massah, t. iv, 
col. 853. 

Très probablement les Israélites, après la halte de 
Raphidim, lorsqu'ils se remettaient en route pour le 
Sinaï, rencontrèrent les Amalécites, qui venaient leur 
barrer le passage à travers l'pasis Feiran, au point où 
cet ouadi reçoit l'ouadi Aleyât et est dominé par le 
Djebel el-Tahunéh. Les Amalécites, tribu belliqueuse 
du désert, capable de lutter contre des forces considé- 
rables, se partageaient la péninsule sinaïtique avec les 
Madianites amis de Moïse, qui était, gendre de l'un 
d'entre eux, c'est-à-dire de Jéthro. Ils descendaient 
d'Abraham par un de ses arrière-petits-fils, Àmalec, qui 
leur avait donné son nom, Gen., xxxvi, 12, 16, et occu- 
paient le déserl de Pharan, c'est-à-dire une partie du 
désert ûeliVi. Voir X»kLÉcsTï.s, t. i, col. 428-430; Pha- 
ran, t. v, col . 187-189. Ils avaient entendu parler de l'ap- 
proche de la nombreuse armée des Israélites, et ils cru- 
rent sans doute qu'elle avait des projets de conquête; ils 
s'assemblèrent donc au premier endroit qui leur parut 
propice pour arrêter l'ennemi dans sa marche et l'em- 
pêcher de s'établir solidement dans la péninsule. L'en- 
droit comme désigné à l'avance c'était le défilé étroit, 
sinueux de Feiran, bien approvisionné d'eau de leur 
côté, sans eau du côté d'Israël, entouré de rochers 
escarpés, couvert de végétation, à l'abri d'une attaque 
de flanc, offrant tous les avantages désirables pour 
battre en retraite, dans le cas d'une défaite. D'autres 
raisons sans doute déterminèrent les Amalécites dans 
leur choix. Cette belle oasis, avec ses bosquets fertiles 
et ses eaux courantes devait être leur possession la 
plus chère de la péninsule. Probablement aussi on 
n'oublia pas que les Israélites, après un voyage telle- 



ment long par une route sans eau, devaient être affai- 
blis, fatigués et mourant de soif, Deut., xxv, 18; on 
avait donc lieu de penser qu'une attaque contre eux. 
avant qu'ils pussent atteindre les eaux de Feiran 
serait couronnée de succès. Enfin, la configuration des 
vallées latérales qui entouraient la position occupée par 
les Israélites favorisait ce genre de guerre, qui consis- 
tait à harceler l'ennemi par le flanc et par derrière, et 
auquel fait allusion le Deutéronome, xxv, 17-18. 
H. S. Palmer, Sinaï, p. 199-200. Josué, à la tête des 
Hébreux, soutint l'assaut des Amalécites. Dieu donna 
la victoire à son peuple, grâce aux prières de son ser- 
viteur Moïse, qui pendant la bataille se tint, les mains 
levées et soutenu par Aaron et Hur, sur le sommet du 
Djebel el-Tahunéh, le gibe'âh de l'Exode, xvn, 9. Ici, 
à l'abri des traits et des flèches de l'ennemi, il pouvait 
aisément suivre toutes les péripéties du combat et in- 
tercéder pour les siens. Quand la défaite d'Amalec fut 
complète, Moïse éleva, en actions de grâces, un autel 
auquel il donna le nom de Jéhovah-Nessi, « le Seigneur 
est ma bannière », peut-être sur la colline voisine, 
appelée' aujourd'hui Djebel Meharret. Cf. Yigouroux, 
La Bible et les découvertes, t. H, p. 489. 

D'après divers commentateurs, la visite de Jéthro à 
Moïse, après la défaite des Amalécites, voir Jéthro, 
t. m, col. 1322, eut lieu à Raphidim. Fillion, La 
Sainte Bible commentée, Paris, 1899, t. i, p. 245; 
Crelier, Comment, de l'Exode, Paris, 1895, p. 148; 
De Hummelauer, Cpmm. in Exodum et Leviticum, 
Paris, 1897, p. 183. 11 faut cependant observer que les 
Israélites ne se sont pas arrêtés longtemps dans leur 
campement de Raphidim. Ils étaient arrivés le 15 e jour 
du second mois au désert de Sin, Exod., xvi, 1, et le 
l" ou le 3 e jour du troisième mois ils avaient déjà 
atteint le désert de Sinaï, Exod., xix, 1. S'il est possi- 
ble que le prêtre madianite ait eu le temps de rencon- 
trer Moïse à Raphidim, après avoir appris sa victoire 
sur Amalec, il dut le suivre au désert de Sinaï. Cf. Cal- 
met, Comment, in Exodum, Lucques, 1730, t. i, p. 467, 
suivi par un assez grand nombre de critiques modernes, 
entre autres Dillmann, Die Bûcher Exodus und Levi- 
ticus, Leipzig, 1880. A. Molini. 

RAPHON (Tatptôv), ville de la Galaaditide ou 
Transjordane, près de laquelle Judas Machabée rempor- 
ta une insigne victoire sur le général gréco-syrien 
Timothée. I Mach., v, 37. — 1° Judas et son frère Jonathas 
avaient passé le Jourdain pour aller assister les Juifs 
persécutés par les païens au milieu desquels ils ha- 
bitaient. Déjà Judas s'était emparé d'un grand nombre 
de villes qu'il avait livrées aux flammes et avait exter- 
miné ou dissipé les forces ennemies. Avec une nou- 
velle armée, formée de toutes les nations environnantes 
et forte de 120000 fantassins et de 2500 cavaliers, 
Timothée avait établi son camp en face de Raphon, 
près du torrent. Judas le cherchait, à la tête d'une 
armée de 6 (100 hommes seulement. A son approche, \e 
général gréco-syrien dit à ses officiers : « Si Judas tra- 
verse la rivière et passe le premier de notre côté, nous 
ne pourrons soutenir son choc. S'il craint, au contraire 
de venir à nous et dresse son camp au delà du torrent, 
passons à lui et nous serons vainqueurs. » En arrivant 
Judas plaça les scribes près de la rivière avec l'ordre 
de faire passer tout le monde pour prendre part au 
combat. Il passa lui-même le premier et tous les sol- 
dats le suivirent. Les ennemis ne purent soutenir l'im- 
pétuosité de l'attaque : ijs s'enfuirent vers Carnaïm tom- 
bant sur leurs propres armes ou s'écrasant les uns les 
autres. Sans compter ceux qui périrent de cette ma- 
nière, Judas en extermina encore trente mille. Timo- 
thée tomba entre les mains de ûosithée et de Sosipater, 
généraux de Judas. Sur ses supplications et sa pro- 
messe de reudre tous les Juifs détenus par lui, il fut 



987 



RAPHON — RASIN 



988 



relâché. I Mach., v, 36-43; H Mach., xji, 20-25. 
Cf. Ant. jud., XII, vin, 4. 

2» Pline l'ancien, B. N., v, 18, compte Raphana 
d'Arabie parmi les villes de la Décapole. Le nom de 
Capiloliade qui se trouve, au lieu de Raphana, parmi 
les villes de la Décapole énumérées par Ptolémée, Gèogr., 
v, 15, a fait supposer à quelques auteurs que Raphon 
ou Raphana n'est pas différente de Capitoliade. Cf. 
Rich. v. Riess, Eiblische Géographie, Fribourg-en- 
Brisgau, 1872, p. 29 et 80; Buhl, Géographie des Allen 
Palàstina, Leipzig, 1896, p. 249-250. Capitoliade est 
communément identifiée avec le village actuel de Beit- 
Râs, situé à quatre kilomètres au nord d'irbid de 
'Adjlûn, et à vingt kilomètres au sud-est d'el-Mezeirxb 
identifié par quelques-uns avec Carnaïm ou Camion 
des Machabées et où se voient de nombreuses ruines 
gréco-romaines. Cf. G. Schumacher, Northern 'Adjlûn, 
Londres, 1889, p. 154-168. La plupart des auteurs n'ad- 
mettent pas cette identité et il est certain que l'on n'a 
pas toujours recensé les mêmes villes parmi les dix de la 
confédération décapolite. Voir Décapole, t. n, col. 1334. 
— Quelques uns ont proposé de voir Raphon dans 
Tell es-èihdb, « la colline des Braves », grand village, 
avec des ruines anciennes, situé à cinq kilomètres à 
)'ouest-sud-ouest A' el-Mezeirîb et sur le bord d'un des 
principaux affluents du Yarmouk. Cf. Buhl. loc. cit., 
et Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886, 
p. 199-203. On ne voit pas de raison positive pour jus- 
tifier ce choix. — Les géographes reconnaissent assez 
généralement Raphon dans Ràféh, dont la similitude 
du nom est incontestable. Râféh est un village situé à 
quinze kilomètres à l'ouest de Bosr el-Hariri du Ledjà 
et à treize au nord-est de Seih-Sa'ad, le chef-lieu ac- 
tuel du Hauran. Ce Bosr est très probablement Bosor, 
la dernière ville nommée, I Mach., v, 36, dont Judas 
venait de s'emparer, et c'est autour de Seith-Sa'ad que 
l'on cherche Astaroth-Camaïm et Camion où se réfu- 
gièrent les débris de l'armée de Timothée après la 
bataille de Raphon. Le torrent sur le bord duquel 
se livra le combat pourrait être l'ouad 'el-Lebuah qui 
n'est guère distant que de trois kilomètres, au nord- 
est de Ràféh, L'ouadi-Qanauât qui court à la même 
distance au sud-est pour aller rejoindre l'ouadi précé- 
dent, n'a guère d'eau qu'au moment des grandes pluies 
de l'hiver. Cf. R. C. Cpnder, Tent-Work in Palestine, 
Londres, 1878, t. n, p. 344; Armstrong, Names and 
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 144; 
Rich. von Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Br., 1887, 
p. 25. Cf.; Carnion, t. n, col. 306-308; Judas Macha- 
bêe, iv, t. m, col. 1794. L. Heidet. 

RAPHU (hébreu : Râfû'; Septante : 'Pacoû), fils de 
Phalti, de la tribu de Benjamin. Il fut choisi au nom 
de cette tribu pour aller explorer la Terre Promise, du 
temps de Moïse, avec les onze autres espions israélites. 
Num., xiii, 9. 

RAPINE (hébreu : bésa', gâzêl, gezêlâh, péréq; 
Septante : àfTzxirt, «pitaYC-ôç; Vulgate : rapina), sous- 
traction du bien d'autrui à l'aidé de la violence. La 
rapine s'exerce à découvert, par un plus fort au détri- 
ment d'un plus faible. Elle se distingue ainsi des 
atteintes au bien d'autrui exécutées en cachette ou par 
ruse. Voir Fraude, t. n, col. 2398 ; Injustice, t. m, 
col. 878; Vol. — La loi condamnait celui qui avait 
exercé la rapine à restituer ce qu'il avait pris, avec un 
cinquième en plus, sans compter le sacrifice de répa- 
ration auquel il était obligé. Lev., VI, 2. — Jéthro con- 
seilla à Moïse de choisir^ pour juger le peuple, des 
hommes ennemis de la rapine. Exod., Xvm, 21. La 
rapine est signalée de temps en temps par les écrivains 
sacrés. Les fils d'Héli, I Reg., n, 12, puis ceux de 
Samuel s'en rendirent coupables. I Reg., vjii, 3. (1 est 



recommandé de ne pas mettre son espoir dans la ra- 
pine, Ps. lxii (lxi), 11, et de longs jours sont promis 
au prince qui hait la rapine. Prov., xxvm, 16. Dieu la 
hait également, Is., lxi, 8, et le juste s'en détourne. 
Is., xxxiii, 15. Mais il en est qui s'y adonnent. Is., m, 
14; xlii, 22; Lvii, 17. Jérémie, xxii, 17, accuse les rois 
de Juda d'avoir les yeux et le cœur tournés à la rapine. 
Ézéchiel, xvm, 7, 12; xxn, 17, 29, signale ses progrès 
parmi ses compatriotes; ceux-là seuls sont justes qui 
s'en abstiennent. Ezech., xvm, 16. Amos, m, 10, re- 
proche aux riches d'entasser dans leurs palais le fruit 
de leurs rapines, et Malachie, i, 13, dit qu'on ose offrir 
au Seigneur des victimes qui sont le fruit de la rapine. 
Nahum, m, 1, annonce à Ninive le châtiment que vont 
lui attirer ses rapines. Au temps de Notre-Seigneur, 
les scribes et les pharisiens étaient à l'intérieur pleins 
de rapine et d'intempérance. Matth., xxnr, 25; Luc, 
il, 39. — Les premiers chrétiens souffraient avec joie 
la rapine dont leurs biens étaient l'objet. Heb., x, 34. 
Voir Proie, col. 704. H. Lesêtre. 

RASCHI (Rabbi Salomon Jarchi), rabbin juif, né à 
Troyes en Champagne, en 1040, mort dans cette ville, 
le 13 juillet 1105. C'est le plus célèbre des rabbins 
français du moyen âge. Son père s'appelait Isaac et c'est 
de là que lui est venu le 'surnom d'Isaaki. Son nom 
lui-même est formé par les initiales des mots Rabbi 
Schelomo Isaaki. Il est souvent cité sous le nom de 
Jarchi, par confusion avec un autre Salomon de Lunel, 
et comme ce mot Jarchi, en hébreu, signifie « de la 
lune », plusieurs en ont conclu à tort qu'il était origi- 
naire de Lunel, en Languedoc. Il fit de bonne heure de 
grands progrès dans l'étude de l'Écriture Sainte et du 
Talmud, qu'ilétudia à Worms et dont il fut le premier 
et le plus utile commentateur. Pour perfectionner ses 
connaissances il alla, dit-on, visiter les écoles juives 
d'Egypte, de Perse, d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie; 
ses voyages sont considérés aujourd'hui comme légen- 
daires. Il a semé ses écrits de fables et d'allégories ; 
cependant il s'attache surtout à l'explication littérale 
de l'Écriture, en rapportant dans leurs termes mêmes 
les opinions des rabbins les plus accrédités. Son style 
est concis, mais obscur et bariolé de termes hébreux, 
chaldêens, rabbiniques et français, ce qui ne l'a pas 
empêché d'être cité par les commentateurs chrétiens, 
Nicolas de Lyre, Siméon de Muis, etc. — Ses principaux 
écrits scripturaires sont : Commentarius in Penlateu- 
chuni, en hébreu, Reggio, 1475 (sans le texte; avec le 
texte à Bologne, en 1482), et souvent depuis, Francfort 
a. M., 1905; Commentarius in Canticum, Ecclesiasten, 
Ruth, Ester, Daniel, Esdram, Nehemian, in-4°, Naples, 
1487, etc. Le. commentaire sur le Pentateuque est le pre- 
mier livre hébreu daté qui ait été imprimé. Dans l'édi- 
tion de Bologne de 1482, le commentaire fut placé en 
marge du texte, et c'est le premier commentaire imprimé 
de la sorte. Les commentaires de Raschi ont été à leur 
tour l'objet de nombreux commentaires, à cause de leur 
réputation. On lui a attribué beaucoup d'autres ouvrages, 
dont plusieurs ne sont pas de lui. — Voir Georges, Le 
Rabbin Salomon Raschi, dans V Annuaire administra- 
tif du département de VAv.be, 1868, part. 2; Kronberg, 
Raschi als Exeget, Halle, 1882; A. Berliner, Beitràge 
zur Geschichte der Raschi-Commentare, in-8°, Berlin, 
1903; Jewish Encyclopedia, t. x, New-York, 1905, p. 324- 
328; Schlôssinger, Raschi, hit lif.e and his work, Bal- 
timpre, 1905. 

RASIN (hébreu : Resîn ; Septante : 'Pâaiv), nom 
d'un roi de Damas et d'un chef de Nathinéens. 

1. RASIN (hébreu : Resîn, Septante : 'Poatv, 'Paaa- 
aiiv), roi de Damas, qu'on peut considérer comme le 
second du nom. Voir Damas, t. u, col. 1225. D'après les 



RASIN — RAT 



990 



inscriptions cunéiformes, son nom aurait dû être 
écrit psi, Ra?ôn, au lieu de \'f\, car l'assyrien est 
Ra-sun-nu. Ce prince, qui ne nous était connu 
que par la Bible, l'est aussi maintenant par des docu- 
ments assyriens, qui rapportent pour le fond les 
mêmes événements. Le nom de Rasin se lit quatre fois 
dans les fragments de l'inscription des Annales de 
Théglathphalasar III, roi de Ninive, lig. 83, 150, 205, 
236. P. Rost, Die Keiîschriftteocte Tiglat-Pilesers IU, 
in-12, Leipzig, 1893, p. 14, 26, 34, 38. Le conquérant 
assyrien le nomme comme roi de Damas (lig. 83, 150, 
205); il nous dit (lig. 205) qu'il s'empara de la ville de 
Jjladara, résidence du père de Rasin de Damas, où il 
était né; il l'énumère parmi ses tributaires (lig. 83-84, 
150) et, dans ce dernier passage, il le place entre Kus- 
taspi de Qummuf,i, Mi-ni-fyi-im-mi Sa-mi-ri-na-ai, 
« Manahem de Samarie », et Hirom de Tyr. Il raconte, 
lig. 191, 210, sa campagne contre Rasin. Ces lignes 
sont très mutilées, mais ce qui en reste nous montre 
que, en 733-732 (xn e , xin e et xrv e campagnes), Théglath- 
phalasar voulut en finir avec le plus puissant de ses 
ennemis; il le battit, malgré une résistance longue et 
opiniâtre; il l'enferma et l'assiégea dans Damas, dont 
il ravagea tous les alentours, rasa 591 villes de son 
territoire et en fit prisonniers les habitants; il ter- 
mina la guerre par la prise de Damas. Rost, ibid., 
p. xxx, xxxiv. 

Ces inscriptions confirment pleinement ce que 
l'Écriture nous apprend de Rasin, roi de Damas. 
D'après IV Reg., xvi, 3, et Isaïe, vu, 1-9, Rasin de Da- 
mas 1 et Phacée d'Israël déjà ennemis de Juda sous 
Joatharn, IV Reg., xv, 37, marchèrent contre Achaz, 
son fils, roi de Juda, qui avait refusé de s'unir à eux 
pour secouer le joug de Théglathphalasar auquel ils 
étaient obligés de payer tribut. La nouvelle de cette 
coalition remplit d'effroi les habitants de Jérusalem 
et ils devinrent tremblants comme les feuilles des 
arbres agitées par le vent, Is., vu, 2, lorsque les deux 
alliés vinrent assiéger la capitale. Isaïe tenta en vain 
de les rassurer, au nom du Seigneur, contre les me- 
naces de « ces deux bouts de tisons fumants ». Is.,vn, 
4. Rasin et Phacée ne purent s'emparer de Jérusalem, 
mais le roi de Damas, descendant au sud du pays, alla 
prendre Élath sur le golfe Élanitique, fit de nombreux 
captifs dans le royaume de Juda et les déporta à Da- 
mas, pendant que Phacée, de son côté, infligeait à 
l'armée de Juda une sanglante défaite. IV Reg., xvi, 
5-6; II Par., xxvm, 5-8. Abattu par tous ses désastres, 
Achaz, jeune roi de vingt ans, compta plus sur son 
habileté politique que sur le secours de Dieu, que lui 
promettait Isaïe. Il résolut de réclamer l'aide du roi de 
Ninive; prenant l'or et l'argent qui étaient dans les tré- 
sors du Temple, il l'envoya en tribut à Théglathphala- 
sar, afin d'obtenir de lui son intervention immédiate. 
jt. 8-9. L'occasion était trop belle pour le roi d'Assyrie, 
jl ne se fit pas prier ; il porta aussitôt la guerre dans le 
royaume d'Israël. A son approche, Phacée fut mis à 
mort par ses propres sujets et Théglathphalasar, dans 
ses inscriptions, s'attribua à tort ou à raison d'avoir 
donné le trône à Osée. Voir Osée 2, t. iv, col. 1905. — Il 
ne devait pas triompher aussi facilement de son second 
ennemi, Rasin, comme on l'a vu plus haut. Il ne lui 
fallut pas moins de deux ans pour l'abattre, mais la 
destruction fut complète. Le roi Théglathphalasar III 
« prit Damas, lisons-nous IV Reg., xvi, 9, il emmena 
les habitants en captivité à Kir et il fit mourir Rasin. » 
Ce dernier détail ne se trouve point dans les fragments 
des inscriptions de Théglathphalasar qui ont été pu- 
bliées, mais Henry Rawlinson eut entre les mains une 
tablette assyrienne, malheureusement égarée depuis en 
Asie, qui confirme le fait rapporté par l'historien sacré. 
G. Smith, The Armais of Tiglath Pileser II, dans la 
Zeitsckrift fur âgyptische Sprache, 1869, p. 14. Voir 



F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., t. m, p. 519-526. 

Dans le récit de la guerre de Rasin et de Phacée 
contre Juda, il est dit, Is., vu, 6, que leur projet était 
d'établir roi à Jérusalem le fils de Tabéel. Ce Tabéel est 
inconnu. Quelques savants ont supposé qu'il pouvait 
bien être le père de Rasin et que celui-ci était désigné par 
les mots « fils de Tabéel », comme Phacée est désigné 
par ceux de « fils de Romélie ». Is., vu, 4, 5, 9; vm, 6. 

2. RASIN, un des chefs des Nathinéens qui retournè- 
rent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zo- 
robabel. I Esd., n, 48; II Esd., vu, 50. Les Septante 
l'appellent 'Pao-t&v dans le premier passage et 'Poknkôv 
dans le second. Le nom de ce Nathinéen n'étant pas 
israélite indique sans doute une origine étrangère. 

RASOIR (hébreu : môrâh, fa'ar; Septante : lupôv, 
dt'Sïlpo;, « fer »; Vulgate : novacula, ferrum), lame 
effilée servant à couper au ras de la peau les cheveux, 
la barbe, les poils, etc. — Le rasoir ne devait pas tou- 
cher celui qui avait fait le vœu de nazaréat. Num., vi, 
5. Ainsi en fut-il pour Samson, Jud., xm, 5; xvi, 17, et 
pour Samuel. I Reg., i, 11. Par contre, au jour de leur 
purification, les lévites devaient passer le rasoir par 
tout leur corps. Num., vm, 7. — Le rasoir est l'image 
de ce qui ravage de fond en comble. La langue perni- 
cieuse est comparée à une lame de rasoir, parce qu'elle 
détruit totalement la réputation du prochain. Ps. lu 
(m), 4. Pour raser la Syrie et la Judée, le Seigneur 
louera un rasoirau delà du fleuve, c'est-à-dire emploiera 
le roi d'Assyrie, qui n'est pas d'ordinaire à son service, 
et celui-ci rasera tout, de la tête aux pieds. Is., vu, 20. 
Ézéchiél, v, 1, se sert de la même figure pour annoncer 
la ruine de Jérusalem; il reçoit l'ordre de prendre une 
lame tranchante, ftéréb, en guise de « rasoir de bar- 
bier », et de la faire passer sur sa tête et sur sa barbe, 
afin de tout enlever. Voir Barbier, t. i, col. 1456 et 
fig. 450. H. Lesêtre. 

RASSIS (FILS DE) (grec : Tio\ Tacra(;), peuplade 
mentionnée seulement dans Judith, il, 23. La Vulgate 
porte : Filii Tharsis, c'est-à-dire « fils de Tarse (en Ci- 
licie) », Judith, n, 13. Holoferne ravagea leur pays dans 
sa campagne contre l'Asie occidentale. Voir Tarse. 

RAT (hébreu : 'akbar ; Septante : (j.îç; Vulgate : 
mus), petit mammifère de l'ordre des rongeurs, muni 




223. — Le rat. 

de deux dents incisives et tranchantes^ chaque mâ- 
choire, omnivore, très vorace et d'une extraordinaire 
fécondité (fig. 223). — 1" Il y a de nombreuses espèces 
de rats ; on en trouve dans tous les pays. On rencontre 
en Syrie le rat proprement dit, la souris, la marmotte, 
la gerboise, voir t. lu, col. 209, le campagnol, voir t. n, 
col. 103, le loir et le hamster. Vingt trois espèces au 
moins sont représentées en Palestine, dont trois espèces 
de loirs parmi lesquels le plus grand de tous, le myoxus 
glis; quatre ou cinq espèces de rats à courte qneue, 
dont Yarvicola arvalis ou campagnol, qui ravagea les 



991 



RAT 



RAVISSEMENT 



992 



champs des Philistins, I Reg.,.vi, 4, 5, n, 18; six 
espèces de rats des sables, psammomys ou gerbillus. 
Ces derniers petits animaux ont le dos couleur cha- 
mois clair et le ventre blanc; leur queue est longue et 
touffue; ils terrent au désert dans les racines des buis- 
sons, et dans les pays montagneux au creux des ro- 
chers. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 455, a,observé ces animaux aux environs de Jéricho. 
« Le sol est ici entièrement miné, dit-il, par les gale- 
ries profondes du psammomys obesus, espèce de gros 
rat, à queue courte, à grosse lête, ressemblant à une 
marmotte minuscule, et qui se tient assis sur un mon- 
ticule artistement tassé non loin de l'ouverture de son 
terrier. Du haut de son observatoire, il regarde avec 
curiosité ce qui se passe autour de lui; mais au plus 
petit bruit, à la moindre alarme, ces jolis animaux se 
précipitent tête baissée et disparaissent avec rapidité 
dans leurs cachettes profondes. Quelques voyageurs 
ont confondu ce mammifère avec des gerboises, dont 



Londres, 1889, p. 122. Au temps d'Isaïe, lxvi, 17, des 
Israélites prenaient rendez-vous dans des jardins pour 
y manger de la chair de porc et de 'akbàr. Ce dernier 
mot désignait pour les Hébreux les différentes espèces 
de rats. Quand les habitants de Béthulie sortirent de 
leur ville pour attaquer les Assyriens, ceux-ci dirent : 
« Ces rats sortent de leurs trous et nous provoquent au 
combat. » Judith, xiv, 12. Au lieu de rats, les Septante 
mettent ici des esclaves, SoO),ot, ce qui est bien moins 
pittoresque et probablement moins vrai. Ils ont lu 
□H3y au lieu de d'imt, avec omission du ; et change- 
ment du t en -j. Une caricature égyptienne (fig. 224)- 
représente une armée de rats assiégeant un fort défendu 
par des chats. Ces rats figurent les soldats du pharaon 
attaquant les défenseurs des villes syriennes. 

3° Dans Isaïe, n, 20, il est dit, d'après la Vulgate, que 
l'homme rejettera les idoles qu'il s'était faites, les taupes 
et les chauves-souris qu'il adorait. Les Septante rem- 
placent les taupes par des a, choses vaines », y.axat'a. 




224. — Bats assiégeant une ville défendue par des chats. D'après Lepsius, Auswahl der wichtigsten Urkunden, pi. xxm B. 



il diffère absolument. Ces rongeurs sont très nombreux 
dams les endroits sablonneux et assez élevés pour 
n'être point atteints par les inondations du fleuve. Ils 
vivent en familles et se creusent des retraites placées 
les uûes à côté des autres. L'entrée principale de ces 
demeures souterraines se trouve ordinairement à la 
base d'un arbrisseau, non loin du tumulus où l'animal 
se met aux aguets lorsqu'il est inquiet. Les galeries 
sont souvent multiples et communiquent les unes avec 
les autres, ce qui rend très difficile la capture de leurs 
habitants. Dans celles que nous avons éventrées, nous 
avons trouvé, à plus de trois pieds, de profondeur, un 
élargissement, une espèce de chambre plus ou moins 
circulaire dans laquelle la femelle avait déposé ses 
petits, au nombre de six à huit. Le nid était formé de 
fines tiges de graminées desséchées. » Le hamster ou 
rat des blés, cricetus auritus, exerce de grands ra- 
vages dans les céréales pour s'assurer ses provisions 
d'hiver. Le rat porc-épic ou acomys fréquente les 
ravins et les pays arides des environs de la mer Morte 
et du désert du sud. On en connaît plusieurs espèces. 
C'est un joli petit animal, couleur de sable clair en 
dessus et blanc en dessous. Son nom lui vient de ce 
qu'il porte sur le dos des poils raides comme ceux du 
hérisson. 

2° La loi mosaïque range le 'akbar au nombre des 
animaux qu'il n'était pas permis de manger. Lev., xi, 
29. Il y a des Arabes qui mangent la gerboise, plusieurs 
espèces de loirs et le rat des sables appelé psammomys 
obesus. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, 



Le terme hébreu correspondant est hepor-pêrôt , qui 
ne se trouve qu'en cet endroit et paraît devoir se rat- 
tacher aux verbes hdfar et pd'ar qui tous deux signi- 
fient « creuser ». Pour la Vulgate, il s'agit d'un animal 
qui creuse, mais a quelque analogie avec la chauve- 
souris, la taupe. Voir Taupe. D'autres pensent qu'il est 
plutôt question du rat, qui creuse aussi et est appelé 
farah par les Arabes. En tous cas, la chauve-souris, la 
taupe et le rat n'étaient pas adorés comme des divinités. 
Le texte hébreu doit se traduire : l'homme jettera ses 
idoles « aux rats et aux chauves-souris. » Les taupes 
n'attaquent que ce qui, est sous terre. Les rats convien- 
nent donc mieux ici, puisqu'ils rongent ce qu'on leur 
abandonne sur le sol. H. Lesêire. 

RATIONAL, ornement du grand-prêtre. Voir Pec- 
toral, col. 18; Pierres précieuses, col. 422. 

RAVISSEMENT, état extatique dans lequel l'âme, 
soudainement soustraite aux impressions externes, se 
trouve mise en face d'une vision qui la subjugue par 
son caractère extraordinaire, inattendu et grandiose. A 
la manifestation surnaturelle qui constitue la simple 
vision s'ajoute donc, dans le ravissement, une action 
puissante exercée par Dieu sur l'âme pour l'abstraire 
de son milieu naturel et la transporter dans un monde 
tout surnaturel, df. Ribet, La mystique divine, Paris, 
1879, t. i, p. 284. — Il est possible que certains pro- 
phètes aient eu de véritables ravissements, comme 
Isaïe, vi, 1-13; Ezéchiel, I, 28; n, 1-10, ni, 12, etc. Mais 



993 



RAVISSEMENT 



RAZIAS 



994 



ils ne le disent pas d'une manière positive, de sorte 
qu'on ne peut savoir si l'action dont ils étaient l'objet 
allait au delà de la simple vision. Les écrivains du Nou- 
veau Testament sont plus explicites. A la montagne de 
la transfiguration, les trois apôtres Pierre, Jacques et 
Jean sont abstraits du monde extérieur par le spectacle 
qui se déroule à leurs regards, si bien que Pierre, 
saisi de crainte et ne sachant pas ce qu'il disait, Marc, 
[X, 5, par conséquent hors de lui, propose de dresser 
des tentes, sans se douter qu'il est transporté hors du 
monde naturel. Matth., xvm, 4; Marc, ix, 4, 5; Luc, 
IX, 32, 33. A Joppé, saint Pierre aune extase, exrrracriî, 
mentis excessus, Act., x, 10, qui se répète deux autres 
fois, et dans laquelle une vision lui signifie ce que Dieu 
attend de lui. Lui-même distingue très bien deux phé- 
nomènes différents : « J'ai vu, dans une extase, une vi- 
sion. » Act., xi, 5. — Saint Paul a été violemment en- 
levé, ïpniyr,, raptus esf,jusqu'au troisième ciel, jusque 
dans le paradis, et il y a vu des choses que l'homme 
ne saurait exprimer. Mais il ne peut pas savoiv s\ \e 
ravissement a porté sur le corps el l'âme ou bien sur 
l'âme seule. Il Cor., xii, 2, 4. Il affirme deux fois de 
suite le même fait, dont l'objectivité est pour lui indu- 
bitable, bien qu'il n'ait pas eu pleine conscience des 
conditions dans lesquelles il se produisait. Mais l'igno- 
rance de ces conditions - importe peu, puisque le ravis- 
sement n'est qu'un moyen qui a pour fin la révélation 
que Dieu veut faire à une âme. Le « troisième ciel », le 
« paradis » sont ici des expressions mal définies pour 
nous, par lesquelles saint Paul indique que son ravis- 
sement l'a mis en rapport immédiat et surnaturel avec 
Dieu. Le livre des Secrets d'Hénoçh compte sept cieux, 
dont le troisième est celui des bienheureux. Ce troi- 
sième ciel est au-dessus du ciel atmosphérique et du 
ciel sidéral. Rien ne prouvé que saint Paul admette 
sept cieux; il ne fait qu'identifier le troisième ciel avec 
le paradis, séjour dans lequel il est entré en relation 
surnaturelle avec Dieu. Voir Ciel, t. n, col. 755; Cor- 
nély, Altéra Epist. ad Corinthios, Paris, 1892, p, 317, 
318. Le ravissement dont parle saint Paul remonte à 
quatorze ans en arrière. II Cor., xir, 2. Peu de temps 
après son baptême, il avait eu, dans le Temple même 
de Jérusalem, une extase au cours de laquelle le Sei- 
gneur lui commanda de quitter cette ville, qui ne rece- 
vrait pas sa prédication. Act., xxir, 17. — A Patmos, un 
dimanche, saint Jean fut âv nii.\i\i.azi, in spiritu, c'est- 
à-dire ravi en esprit, pour recevoir les révélations di- 
vines. Apoc, î, 10. — Les Pères expliquent que, dans 
l'extase et le ravissement, l'âme est soustraite à l'in- 
fluence des sens et du monde extérieur, mais qu'elle 
ne cesse point d'être pleinement consciente et libre. Cf. 
Origène, In Ezech., hom. ix, 1, t. xm, col. 739; S. Ba- 
sile, In ls., Proœm., xm, 1, t. xxx, col. 125, 565; 
S. Jean Chrysostome, In Ps. sliv, t. i,v, col. 184; In I 
ad Cor., hom. xxix, 2, t. lxi, col. 242; S. Jérôme, In 
ls. Prol-, t. xxiv, col. 19; In Nah., Prol., t. xxv, 
col. 1292; In Eph., m, 2, t. xxvi, col. 510, etc. Cette 
abstraction des sens a pour but et pour effet de rendre 
l'âme plus apte à saisir les communications divines. 
Cf. S. Augustin, Ad Sirnplic, n, q. I, 1, t. xl, col. 130; 
In Ps. lsvii, 36, t. xxxvi, col. 834, etc. Elle ne produit 
aucun désordre dans les facultés naturelles de l'homme 
et n'a par conséquent rien de commun avec l'aliénation 
mentale et la divagation intellectuelle. Cf. S. Thomas, 
Sitm. theol-, II a II*, q. clxxui, a. 3; Sainte Thérèse, 
Vie écrite par elle-même, trad. M. Bouix, Paris, 1880, 
p. 151, 227, 326. H. Lesêtre. 

RAYON (hébreu : qerén; Septante : àxi::; Vul- 
gate : radius), lumière émise par un foyer et se propa- 
geant en ligne droite. L'hébreu n'a pas de mot particu- 
lier pour désigner le rayon lumineux; il se sert pour 
cela du mot qérén, « corne », employé seulement au 

DICT. DE LA BIBLE. 



duel, qarnayîm, Hab., m, 4, parce que les rayons lu- 
mineux partent de leur foyer comme les cornes de la 
tête de l'animal. — Les rayons du soleil chassent le 
brouillard, Sap., il, 3, et éblouissent les yeux. Eccli., 
xliii, i. Les premiers rayons faisaient fondre la manne- 
Sap., xvi, 27, — Habacuc, m, 4, décrivant une théo- 
phanie, dit de Dieu : « C'est un éclat comme la lu. 
mière, des rayons partent de ses mains, là se cache sa 
puissance. » Dieu est comparé à un soleil éclatant; de 
ses mains et de toute sa . personne s'échappent des 
rayons de lumière éblouissante. Comme il s'agit ici et 
dans les versets suivants de la puissance de Dieu, il se 
pourrait que les rayons dont parle le prophète soient 
ceux de la foudre. — Quand Moïse descendit du Sinaï, 
à la suite de ses communications avec Jéhovah, « la 
peau de sa face rayonnait, » qâran, et il la voilait 
pour parler aux enfants d'Israël. Exod., xxxiv, 29-35. 
Les Septante traduisent par Zzio\mma'., « était glorifiée ». 
La Vulgate rend trop servilement le verbe qâran, cor- 
nuta eral, « avait des cornes ». Il s'agit ici de rayons 
et non de cornes, et ces rayons ne jaillissaient pas 
seulement du front, mais de « la peau de la face », 
c'est-à-dire de toute la partie du visage que ne recou- 
vraient pas les cheveux ou la barbe. — Dans la descrip- 
tion du crocodile, l'auteur de Job, xli, 21, dit que le 
dessous de son corps ressemble à des pointes de tes- 
sons, haddûdê hàrés. Les écailles qui recouvrent le 
ventre de la bête sont en effet comme des tessons tran- 
chants et aigus, imbriqués les uns sur les autres. Les 
Septante traduisent par àêtliav.oi ô£sîç, « des pointes 
aiguës ». Dans la Vulgate, ces pointes de tessons de- 
viennent des « rayons de soleil ». Il faut qu'au lieu de 
w-in, « tesson », le traducteur ait lu uraur, Semés, « so- 
leil ». Des pointes de soleil peuvent être les traits du 
soleil, ses rayons; mais alors le texte n'a plus de sens, 
si on l'applique au crocodile. — Par similitude, on 
donne le nom de raies ou rayons aux pièces rectilignës 
qui rayonnent autour du moyeu d'une roue et s'ajus- 
tent dans les jantes qu'elles maintiennent. Ces rayons 
s'appellent en hébreu hiSsuqîm, de hasaq, « joindre »; 
Vulgate : radii. Il en est parlé à' propos des bassins 
roulants fabriqués en airain pour le service du Temple. 
III Reg., vu, 33. Voir Mer d'airain, t. iv, col. 987. 

H. Lesêtre. 
RAZIAS (grec : 'PaÇeîî), un des anciens de Jérusa- 
lem qui, pendant les guerres de Judas Machabée, se 
donna lui-même la mort pour ne pas être livré à Ki- 
canor. Cet ennemi des Juifs envoya cinq cents hommes 
pour le prendre, à cause de l'influence qu'il exerçait 
sur ses coreligionnaires, et lorsque Razias vit qu'ils 
mettaient le feu à la tour (texte grec) où il était ren- 
fermé et qu'il ne pouvait leur échapper, il se frappa de 
son glaive, « aimant mieux mourir noblement, dit l'au- 
teur sacré, que de tomber entre les mains des pécheurs 
et de subir des outrages indignes de sa naissance. » 
II Mach., xiv, 42. Mais le coup qu'il s'était porté préci- 
pitamment n'était pas mortel. Avec un courage héroï- 
que, il courut sur le mur et se précipita dans le vide; 
il se releva du sol couvert de sang et de plaies, tra- 
versa la foule en courant et, se tenant debout sur une 
pierre escarpée, il saisit ses entrailles des deux mains 
et les jeta sur la multitude, en invoquant le maître de 
la vie, afin qu'il les lui rendît de nouveau. C'est en 
faisant cet acte de foi à la résurrection qu'il expira. 
II Mach., xiv, 37-48. Un tel acte de courage devait 
remplir d'admiration ceux qui en furent les témoins. 
On ne peut néanmoins approuver sa conduite en elle- 
même et l'on ne peut l'excuser que par la droiture de 
ses intentions ou .par une inspiration divine particulière, 
comme celle des martyrs qui se sont précipités eux- 
mêmes dans les bûchers. « Sa mort, dit saint Augustin, 
Cont. Gaudent., I, xxxi, 57, t. xnn, col. 729, fut plus 
admirable que sage, et l'Écriture, en racontant sa mort 

V. — 32 



995 



RAZIAS — RÉBECGA 



996 



telle qu'elle avait eu lieu, ne l'a pas louée comme l'ac- 
complissement d'un devoir. i> Voir ibid., 36-37, col. 728- 
729. Magna hsec sunt, écrit le même saint docteur, au 
tribun Dulcitius, Epist., cciv, 8, t. xxxm, col. 941, nec 
tamen bona. 

RAZON (hébreu : Rezôn; Septante: 'Pe^wv, Alexan- 
drinus : 'PaÇoJv), Syrien, fils d'Éliada. Divers savants 
croient que son nom est le même que celui de Rasin, 
poi de Damas (col. 988), mais il faut admettre alors 
que l'orthographe en est fautive, car la seconde con- 
sonne du nom est un zaïn, tandis qu'elle est un tsadé 
dans le nom de Rasin. Tout ce que nous savons de lui 
est résumé dans quelques mots de III Reg., xi, 23-25 ; 
« Dieu suscita un autre ennemi à Salomon : Razon, fils 
d'Eliada, qui s'était enfui de chez son maître Adadézer, 
roi de Soba. Il rassembla des hommes auprès de lui, et 
il était chef de bandes, quand David massacra les troupes 
de son maître. Ces hommes allèrent à Damas, ils s'y 
établirent 'et ils régnèrent à Damas. Il fut ennem 
d'Israël pendant toute la vie de Salomon. Il régna sur 
la Syrie. » Tout ce qu'on peut dire sur son compte en 
dehors de ce passage n'est qu'hypothèse. On ignore 
quelle était sa situation auprès d'Adadézer et comment 
il s'empara de Damas. Ce fut peut-être après la défaite 
du roi de Soba et avec les débris de ses troupes. Mais 
à quel moment et de quelle manière, on ne saurait le 
dire. Après sa victoire sur Adadézer, David avait établi 
une garnison à Damas. II Reg., vin, 6. Combien de 
temps se maintint-elle dans la ville? Est-ce Razon qui 
l'en chassa? Impossible de le savoir. Ce qui est certain, 
c'est que Razon et ses successeurs, appartenant sans 
doute à la dynastie qu'il fonda, furent les ennemis les 
plus acharnés et les plus irréductibles d'Israël, et que 
Salomon fut le premier à souffrir de cette haine pro- 
fonde. 

Bénadad, roi de Syrie, du temps d'Asa de Juda, 
est appelé, III Reg., xv, 18, «fils de Tab-Remmon, 
fils d'Hézion. » Plusieurs exégètes en concluent qu'il 
était petit-fils de Razon, qu'ils identifient avec Hézion, 
Cette identification est possible ; elle n'est pas prouvée. 
Le passage de Nicolas de Damas, rapporté par Josèphe, 
Ant. jud., VIII, vu, 6, qui substitue Adad à Razon, n'a 
aucune autorité et paraît lêtre le résultat d'une confu- 
sion occasionnée par la version des Septante mal com- 
prise. 

RÉBÉ (hébreu : Réba' ; Septante : 'Poëôx, dans les 
Nombres; 'Poëi, dans Josué), un des cinq chefs ma- 
dianiles qui furent tués par les Israélites, du temps de 
Moïse, pour se venger du mal qu'ils leur avaient fait 
sous l'inspiration de Balaam. Num., xxxi, 8; Jos., xm, 
21. Dane le premier passage, Rébé est qualifié: mélék, 
« roi »; dans le second, nâsî', « prince ». 

RÉBECCA (hébreu : Rïbqâh; Septante : 'Peêéxxa), 
femme d'Isaac. Abraham, devenu vieux, voulut pourvoir 
au mariage d'Isaac. Il envoya donc son serviteur Éliézer 
en Mésopotamie, pour lui choisir une épouse dans son 
pays d'origine. Voir Éliézer, t. n, col. 1678. Le servi- 
teur, arrivé près de Nachor, s'arrêta auprès d'un puits, 
rendez-vous naturel des gens de la ville. 11 vit bientôt 
venir une jeune fille qui offrit gracieusement à boire à 
lui et à ses chameaux. C'était Rébecca, fille de Bathuel, 
qui lui-même avait eu pour mère Melcha, femme de 
Nachor, le propre frère d'Abraham. Rébecca était ainsi 
une petite nièce de ce dernier. Éliézer donna à la jeune 
fille un anneau et deux bracelets d'or. Informé de ce 
qui s'était passé, Laban, frère de Rébecca, vint au 
puits et ramena chez lui Éliézer. Celui-ci raconta alors 
qu'il venait de la part d'Abraham, et qu'il avait demandé 
au Seigneur de lui faire connaître la jeune fille qui 
devait devenir l'épouse d'Isaac : ce serait la première 



qui consentirait à donner à boire à lui et à ses cha- 
meaux. Bathuel, père de Rébecca, et Laban reconnu- 
rent qu'il y avait là une indication de la Providence. 
Ils accédèrent à la requête d'Éliézer, reçurent les pré- 
sents qu'il leur offrit, et laissèrent Rébecca partir avec 
lui pour le pays de Chanaan. Isaac pleurait encore la 
mort récente de Sara, sa mère. Il se trouvait dans le 
Négéb, voir t. iv, col. 1560, aux environs d'Hébron, 
quand, un soir, il aperçut la caravane d'Éliézer. Le 
serviteur lui raconta ce qui était arrivé. Isaac conduisit 
Rébecca dans la .tente de Sara, l'épousa et se consola 
auprès d'elle de la mort de sa mère. Gen., xxiv, 1-67. 

Rébecca, d'abord stérile, eut ensuite deux jumeaux, 
Ésaù et Jacob. Le premier, habile chasseur et homme 
des champs, fut le préféré d'Isaac; l'autre, paisible et 
sédentaire, eut l'affection de Rébecca. Un jour, £saû 
vendit son droit d'aînesse à Jacob pour un plat de len- 
tilles. Gen., xxv, 21-34. Rébecca songea alors à rendre 
ce droit d'aînesse effectif en faveur du fils qu'elle ché- 
rissait, d'autant plus que les femmes épousées par Ésaù 
lui causaient plus d'un chagrin. Un jour, le vieil Isaac 
demanda à son fils aîné de lui servir de sa chasse, et 
celui-ci partit à la recherche du gibier. Aussitôt Ré- 
becca, qui avait entendu ce qu'avait dit Isaac, fit pren- 
dre deux chevreaux et les assaisonna suivant le goût 
du vieillard. Puis, avec la peau, elle couvrit le cou et 
les mains de Jacob, pour qu'il ressemblât à son frère 
qui était velu, elle le revêtit des habits de ce dernier, et 
elle lui commanda de porter le plat de chasse à Isaac, 
en se faisant passer lui-même pour Ésaû. Le vieillard 
avait les yeux trop obscurcis pour reconnaître son 
second fils; au toucher, il le prit pour son aîné, bien 
que la voix qu'il entendait lui persuadât le contraire, 
et il lui donna la bénédiction qu'il réservait à Ésati. 
— Il est certain que Jacob était autorisé à réclamer la 
bénédiction paternelle qui consacrait le droit d'aînesse 
cédé par Ésaii. Mais, puisqu'il était dans les desseins de 
Dieu qu'il obtînt cette bénédiction, Rébecca eût dû 
laisser à la Providence le soin de la lui faire donner. 
Or, pour y parvenir, elle use de toute une série de 
tromperies, dont Isaac ne paraît pas être absolument 
dupe, puisqu'il reconnaît Jacob à sa voix, mais dont 
elle aurait dû se dispenser. Il est vrai qu'en Orientées 
sortes de procédés sont considérés bien plutôt comme 
des coups d'adresse que comme des fraudes. Plusieurs 
Pères ont excusé Rébecca. Saint Augustin a dit à ce 
sujet : Non est mendacium, sed mysterium. Cf. Cont. 
mendac, x, 23, 24; De mendac, v, 7, t. xl, col. 533, 
491; De Civ. Dei, xvi, 37, t. xli, col. 515; S. Thomas, 
Sum. theol., II a II e , q. ex, a. 3, ad 3 am . Saint Jérôme, 
Apol. adv. Rufin., i, 18, t. xxm, col. 413, reconnaît le 
mensonge, mais l'excuse. Les modernes sont moins 
portés que les anciens à regarder .comme bonnes et 
louables toutes les actions qui sont attribuées aux per- 
sonnages bibliques. D'ailleurs l'intention des écrivains 
sacrés n'est nullement d'approuver tout ce qu'ils ra- 
content. Voir Jacob, t. m, [col. 1061. 

.Dieu ratifia la bénédiction accordée à Jacob, puisqu'il 
était dans ses desseins qu'il l'obtînt, mais celui-ci la 
paya cher. Devant la colère d'Jisaû, qui parlait de le 
tuer après la mort de son père, Rébecca résolut de 
l'éloigner. Elle persuada à Isaac de l'envoyer en Méso- 
potamie, afin de s'y marier avec l'une des filles de son 
oncle Laban. Jacob partit donc. Lui, qui avait trompé 
son père, fut joué par Laban, qui substitua Lia à Rachel 
sur laquelle Jacob comptait et l'obligea à un dur service 
pendant quatorze ans. A son retour en Chanaan, Jacob 
ne retrouva plus sa mère, dont il n'est plus fait men- 
tion et qui sans doute c était morte. Il est seulement 
raconté que Débora, nourrice de Rébecca, mourut alors 
et fut enterrée près de Béthel. Gen., xxxv, 8. Il est à 
croire que, Rébecca étant morte, Débora avait cherché 
à aller au-devant de Jacob. Isaac mourut ensuite à Hé- 



997- 



RÉBECCA. — RÉBLA 



998 



bran et fut inhumé dans la caverne de Makpélah. 
« C'est là qu'on a enterré Abraham et Sara, sa femme, 
C'est là qu'on a enterré Isaac et Rébecca, sa femme. » 
Gen., xlix, 31. Sara était morte avant Abraham; la 
place que ce texte assigne à Rébecca ne prouve donc 
nullement qu'elle ait survécu à Isaac. 

H. Lesètre. 
RÉBLA, nom d'une ou deux villes de Syrie. 

1. RÉBLA (hébreu : hâ-Biblâh, avec l'article, «la fer- 
tilité »; Vaticanus :.,. ap BrjXà; Alexandrinus : 
'ApêiXi. Le traducteur syriaque a lu T pour net trans- 
crit Diblat), ville de la frontière orientale de la Terre 
Promise. — Moïse, après avoir décrit la frontière 
septentrionale décrit ainsi, Num., xxxiv, 10-12, la 
frontière orientale : « Et vous tracerez votre frontière à 
l'orient depuis IIô.sar'Ênàn à Sefâmâh; et la frontière 
descendra de Sefâmâh à hà-Riblâh, à l'orient de 'Ain, 
et la frontière descendra et s'étendra jusqu'au côté de 
la mer de KinnéreJ, à l'orient. » La Vulgate, dans un 
certain nombre de manuscrits et dans les éditions offi- 
cielles, porte : descendent termini in Rebla contra fon- 
tem Daphnim. Dans le targum de Jérusalem et la version 
arabe de Sa'adiah, Rébla est remplacée par Daphni. 
Plusieurs interprètes modernes croient la Rébla ici 
nommée différente de « Rébla du pays d'Émath », 
plusieurs fois mentionnée ailleurs. Voir Rébla 2. La 
frontière décrite par Moïse doit, suivant eux, désigner 
la frontière du pays dont Josué allait bientôt les mettre 
en possession, et ne peut remonter jusqu'au pays 
d'Émath. L'appellation de Rébla d'Émath suppose, selon 
le rabbin Schwarz, une autre ville du même nom dans 
la terre d'Israël; celle-ci serait la Daphni de Sa'adiah, 
identique à laDaphné deJosèphe voisine du lac Mérom, 
aujourd'hui Dafnéh, ruine sur le bord du nahar el- 
Léddân, à deux kilomètres au sud-ouest du tell. el-Qddi. 
febuoth ha-Arei, Jérusalem, 1900, p. 33-34 et 507-508; 
cf. Daphnis, t. h, col. 1293. — Pour Furrer, le vrai 
nom de cette Rébla est Harbêl, comme l'indique la 
transcription des Septante, el il l'identifie avec 'Arbîn, 
village situé à cinq kilomètres au nord-est de Damas. 
Antike Stàdte in Libanongebiete , dans Zeitschrift des 
Palâstina-Vereins, t. vin (1885), p. 29. Cf. R. von Riess, 
Bibel-Atlas, 1887, p. 25. — Le P. Van Kasteren ne croit 
pas nécessaire de porter la frontière septentrionale de 
Moïse auidelà du nahar Qasmiêh et de la ruine appelée 
Serâdâ, dont le nom pourrait représenter la Sédâd ou 
Sedadâh de la Massore, écrite dans le texte samaritain, 
Num.,xxxiv, 8, SeradâheX Espace*, dans les Septante. 
Rébla ou harbêl devrait ainsi se chercher plus au sud. 
On pourrait le reconnaître soit dans le Zôr Ramliéh ou 
dans tell Abîl, la célèbre Abila, situés tous deux à l'est 
de 'Ayiûn, en face de l'extrémité sud-est du lac de Tibé- 
riade; ou encore dans VHalibna de la carte historique 
d'Armstrong. Cf. Van Kasteren, La frontière septen- 
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 
1895, p. 31-33; Chanaan (Pays de), t. n, col. 534-535. 

L. Heidet. 

2. RÉBLA, RÉBLATHA (hébreu, IV Reg., xxiii, 33 : 
Ribldh; partout ailleurs avec le hé locatif : Riblâfâh; 
Septante, IV Reg., xxiii, 33, Vaticanus : 'PeêXaotii ; 
Alexandrinus : AeëXai; partout ailleurs le premier 
transcrit 'PeêXaUi, le second AeëXaSâ; les traducteurs 
syriaque et arabe ont également lu i au lieu de -i), 
ville de Syrie dont le nom se retrouve dans celui d'er- 
Ribléh. 

I. Identification et description. — Le plus grand 
nombre des interprètes modernes, avec tous les an- 
ciens, voir REbla 1, reconnaissent une seule Rébla 
bihlique. Suivant eux, l'indication, « dans le pays 
•d'Émath », ajoutée à son nom, IV Reg., xxiii, 33; xxv. 
21 ; Jer., xxxix, 5; lu, 9, 27, l'est simplement pour en 
faire connaître la situation géographique, sans aucune 



idée de distinction par rapport à une ville du même 
nom. — Les anciens ayant souvent confondu Émath 
avec Antioche, ont confondu de même Rébla avec elle, 
ou ont cherché celle-ci dans son voisinage. « Riblâh, 
c'est Antioche, » ditleTalmud deBabylone, Sanhédrin 
96, 6. Il est suivi par Raschi et la plupart des commen- 
tateurs juifs. Cf. Estori ha-Parchi, Caftor va-Phérach, 
édit. Luncz, Jérusalem, 1899, p. 258 et 280. A Neu- 
bauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 314. 
Adoptant la même opinion et corrrigeant Eusèbe faisant 
de Reblatha « le pays deBabylone », x^P« (ia8u).<i>v(<ov, 
saint Jérôme ajoute : « ...ou plutôt c'est la ville appelée 
aujourd'hui Antioche. » Onomasticon, édit. Larsow et 
Parthey, p. 313. Le Talmud de Jérusalem, Schekalim, 
vi, 4, la Pesikta rabbathi, ch. 3, voient Rébla dans 
Daphné d' Antioche. Cf. Neubauer, loc. cit. ; Daphné, 
t. ii, col. 1295. Saint Jérôme considère Daphné comme 
un faubourg d'Antioche et l'identifie également avec 
Rébla, ïn Ez., xlvii, t, xxv, col. 478. Cette identifica- 
tion ne paraît avoir d'autre fondement que la confu- 
sion commise par les copistes qui, pour Rébla, ont lu 
Dëbla ou Devla, nom que les interprètes ont cru recon- 
naître dans Daphné. Celui-ci a, en effet, était trans- 
crit Dijlâ ou Diflé, (_yl-i.>, par les Arabes, qui le 
donnent au laurier-rose. Quoi qu'il en soit, saint Jé- 
rôme semble être revenu de cette erreur et la réfute, 
In Amos, VI, 2, t. xxv, col, 1050. Distinguant deux 
« Émath, la grande appelée Antioche et la petite autre- 
ment dite Epiphanie, encore appelée Emmas », il 
ajoute : « Si son nom a été altéré, elle en conserve 
encore des vestiges et son territoire est appelé Rebla- 
tha. » Il semble ainsi identifier Émath-Épiphanie avec 
Rébla. Reblatha, selon Théodoret, appartient à la con- 
trée d'Émèse, qui, pour lui, est l'Émath biblique. 
In Jer., xxxix, t, lxxxi, col. 691. Le découverte faite 
par Buckingham, entre Ba'albek et ffamah, à 32 kilo- 
mètres au sud-ouest de R-oms, et publiée par lui en 
1825, Travels among the Arab tribes, in-4», Londres, 
1825, p. 481, d'une localité du nom Riblâ ou Ribléh, la 
fît généralement adopter pour la Rébla biblique de Syrie. 
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1258; voir Riess, Bibli- 
sche Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 81; 
F.deSaulcy, Dict. topographique de la Terre Sainte, 
Paris, 1877, p. 259; Armstrong, Names and Places in 
the old Testament, Londres, 1887, p. 248. Robinson, 
Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. m, 
p. 461; Id., Neuere biblische Forschungen in Palàs- 
tina, in-8°, Berlin, 1857, p. 710-711. 

L'histoire n'a conservé aucun détail suç la topographie 
de l'ancienne Rébla et l'on n'y signale aucune ruine 
remarquable, le choix qu'en font les rois d'Egypte et 
de Chaldée poury établir leur quartier général, permet 
cependant de croire que cette ville n'était pas sans 
importance. Ribléh est aujourd'hui un tout petit village 
syrien, formé d'une douzaine de maisons. Sa situation 
est toutefois des plus avantageuse : bâtie sur la rive 
droite du Nahar el-'Asy, -l'Oronte des anciens, au mi- 
lieu des plaines fertiles et riantes de la Béq'ah, sur 
la ligne du chemin de fer qui relie Alep et la haute 
Syrie, avec Hamâh, Homs (Èmèse), et Ba'albek à la 
ligne de Beyrouth-Damas, Ribléh semble^destiné à pren- 
dre un plus grand développement. ^ 

II. Histoire. — Néchao II, roi d'Egypte, vainqueur 
des Assyriens et maître de la Syrie jusqu'à l'Euphrate, 
s'était arrêté à Rébla. Apprenant que les Juifs, après la 
mort du roiJosias, avaient mis sur le trône, à sa place, 
son fils Joachaz, il se le fit amener à Rébla où il le 
chargea de chaînes et le retint prisonnier jusqu'à 
son départ pour Jérusalem. IV Reg., xxm, 33; cf. 
II Par., xxxv, 20. — Tandis que Nabuzardan, général 
des troupes babyloniennes, poursuivait le siège de 
Jérusalem où le roi Sédécias, troisième fils de 
Josias, se défendait, le roi Nabuchodonosor était venu 



999 



REBLA 



RÉCHA 



100O- 



en attendre l'issue à Rébla. La ville avait été prise, 
après une année et demie; le roi de Juda en fuite 
fut arrêté près de Jéricho et conduit à Rébla avec tous 
ses enfanls. Là, le roi de Babylone fit comparaître 
Sédécias devant lui; il fit égorger en sa présence ses 
fils et tous les grands de Juda, puis il lui creva les 
yeux et le fit conduire chargé de chaînes à Babylone. 
IV Reg., xxv, 1-7; Jer., xxxix, 1-7. Gf. Ant. jud., X, 
vm, 2, 5. Les monuments assyriens représentent les 
rois d'Assyrie traitant de la sorte leurs prisonniers. 
Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, 6 e édit., t. Tvy p. 94-97, 153. Voir Sédécus. 

L. Heidet. 
REBNIAG (hébreu : in-3-1, rab-mâg; Septante : 

T 

'Paëa(j.ây [(x,0,t]). Ce mot est, non pas un nom propre, 
mais un titre babylonien porté par Neregel-Serezer 
(voir ce mot), l'un des officiers de Nabuchodonosor qui 
prirent d'assaut Jérusalem, Jer., xxxix, 3, sous Sédé- 
cias. Il désigne évidemment une fonction supérieure, 
il faut le conclure du premier élément rab, qui signifie 
« grand, chef « comme dans Rabsacès, Rabsaris, voir 
col. 920, 921, mais la seconde partie du mot ne peut 
s'interpréter que d'une façon très incertaine, et laisse 
par conséquent douteux le sens exact de ce titre ; les 
termes babyloniens dont il paraît être la transcription 
ne nous offrent pas d'ailleurs un sens plus précis. La 
plus ancienne interprétation voit dans la seconde par- 
tie du mot, Mâf(oc), l'aryen maghu, mage; elle est 
encore maintenue par Schrader dans Riehm, Handwôr- 
terbuch des biblischen Alterlums, t. 1, p, 937-938, et 
Schrader- Whïtebouse, The Cvneiform Inscriptions and 
the OU Test., 1888, 1. 11, p. 110-114, où il essaie d'établir 
une sorte d'influence réciproque de la Babylonie et de 
la Médie au point de vue de la civilisation et de la reli- 
gion : on sait par Hérodote que les mages étaient des 
prêtres mèdes formant une caste ou tribu; et l'on voit 
dans Eusèbe, Chron.,i, 5, 9, t. xix, col. 119-120, 124, 
que Nabuchodonosor avait épousé une princesse mède 
Amyitis. Mais rien ne prouve que le inagisme eût pé- 
nétré en Babylonie et qu'il y eût un « chef des mages. » 
Bien que pratiquant la divination comme tous ses con- 
temporains, Nabuchodonosor nous apparaît dans ses 
nombreuses inscriptions comme exclusivement fidèle à 
la religion babylonienne, et nullement adepte du ma- 
gisme. — G. Rawlinson, The five great Monarchies, 
1879, t. m, p. 62 et 63, n. 18 et 19, rapproche ce titre 
des mots rubu e-im-ga, assez souvent rencontrés dans 
les inscriptions babyloniennes, et spécialement dans 
celles de Nergal-sar-ussur qu'il suppose identique à 
Nergel-serezer : mais rubu e-im-ga n'est pas un titre de 
fonction spéciale, c'est un des nombreux qualificatifs 
du protocole royal babylonien, signifiant « prince puis- 
sant » ou « profond » en sagesse, qu'on trouve appliqué 
à Nebo-baladhsu-iqbi, père du roi Nabonide, bien qu'il 
n'ait pas porté la couronne lui-même, mais qu'on ne peut 
mettre en parallèle avec les titres rab-saris, etc. — Se- 
lon Frd. Delitzsch, The hebrew language viewed in the 
light ofassyrian research, 1883, p. 14, nous aurions ici 
la transcription hébraïque du terme assyro-babylonien 
mahhu, synonyme de âsipu, devin, interprète des pré- 
sages ou des songes, Nérégel-sarézer serait le « chef 
des devins » ce qui expliquerait ses relations bienveil- 
lantes avec Jérémie,xxxix, 13-14. Toutefois il faut cons- 
tater que la transcription par un j hébreu du n redoublé 
assyrien est assez surprenante. Au point de vue étymo- 
logique l'opinion de T. G. Pinches est plus satisfaisante ; 
nous aurions dans rab-mag la transcription du titre 
mentionné dans plusieurs inscriptions cunéiformes, 
rab-mugi et rab-mungi :. malheureusement le sens 
de mugu n'est pas non plus certain, Pinches le tra- 
duit avec hésitation « prince », dans Aid. Smitb, 
Keihchrifltexle Assiirbanipals, part. 2, 1687, p. 67 



note à ligne 89; dans Hastings, Dictionary, t. iv, p. 190;:. 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes,, 
6» édit., t. iv, p. 340-341; Schrader-Whitehouse, The- 
Cuneiform Inscr. and the Old Testament, 1888, t. 11,. 
p. 110-115. E. Paknier. 

RECCATH (hébreu : Raqqat; Septante : ['Q|ib6a]Sa- 
xé6 en amalgamant R(d)eccath avec le nom d'Émath pré- 
cédent) ; Alexandrinus : 'Psxxà6), une des villes forti- 
fiées de la tribu de- Nephthali, mentionnée seulement 
une fois, Jos., xix, 35, entre Émath et Cénéreth, et par- 
conséquent très probablement située sur la rive occi- 
dentale du lac de Génésareth. Émath, qui devait tirer- 
son nom de ses eaux thermales, est l'actuel El-Hammam r 
à une demi-heure au sud de Tibériade. Voir Émath 3, 
t. 11, col. 1720. Le site précis de Cénéreth est douteux, 
mais cette ville était aussi sur le lac. Voir Cénéreth \ r 
t. n, col. 417. A cause de cette incertitude, on ne peut 
déterminer l'emplacement précis de Reccath. On 'n'a 
trouvé dans ces parages aucune trace de ce nom. Cette 
localité devait être néanmoins située à l'endroit où est 
actuellement Tibériade ou bien dans ses environs- 
D'après le Talmud ce fut sur l'emplacement de Reccath 
ou auprès que s'éleva Tibériade. Voir les passages cités 
par J. Lightfoot, A chorographical Century of the Land 
of Israël, lxxii, dans ses Works, t. 11, Londres, 1684, 
p. 67. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 208; 
F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, 1896, p. 226- 

RÉCEM, nom, dans le texte hébreu, d'un Madianite r 
de deux Israélites et d'une ville de Benjamin. La Vul- 
gate écrit Récen, I Par., vu, 13, le nom d'un des- 
Israélites. 

1. RÉCEM (hébreu : Réqém; Septante : 'Pox<5|j. r 
Num., xxxt, 8; 'Poêo'x, Jos.,xm,21), un dès cinq chefs 
madianitès qui furent mis à mort par les Israélites, 
ainsi que Balaam, à cause du mal qu'ils avaient fait 
aux Israélites, du temps de Moïse. Deut., xxxi, 8; Jos. r 
xin, 21. 

2. RÉCEM (hébreu : Réqém; Septante : 'Pexôij.; 
Alexandrinus; 'Poxôn), le troisième des quatre fils 
d'Hébron, de la famille de Caleb, de la tribu de Juda. \\ 
fut le père de Sammaï, d'après l'hébreu et la Vulgate- 
L'édition sixline des Septante donne pour père à Sam- 
maï 'Uxlâv, I Par., il, 43, 44, et le Codex Alexandrinus 
'Ispxaâv, par répétition fautive de ce nom mentionné- 
auparavant. 

3. RÉCEM (hébreu : Réqém /Septante, Alexandrinus: ■ 
'Psxs|i; I e nom n ' est pas reconnaissable dans le Vali- 
canus), ville de la tribu de Benjamin placée entre Amosai 
dont le site est incertain, t. i, col. 519, et Jaréphel, qui. 
est également inconnue. Jos., xvm, 27. Aucune trace- 
de Récem n'a été retrouvée. 

RÉCEN (hébreu : Réqém [Râqém, à cause de la 
pause]; Septante : 'Poxô[ji), fils de Sarès (?) et petit-fils 
de Machir, de la tribu de Manassé. I Par., vu, 16. Son 
nom devrait être écrit, dans la Vulgàte, Récem, comme 
Récem 1, 2, 3. 

RECENSEMENT, dénombrement des Israélites.. 
Voir Nombre, vi, t. iv, col. 1684-1687. 

RÉCHA (hébreu: Rêkâh; Septante: Trixâë), ville de- 
Palestine dont le nom seul est connu. Nous lisons, 
I Par., rv, 12, que les fils d'Esthon, Bethrapha, Phessé et 
Tehinna qui Tut le père (le fondateur) de la ville de 
Naas, furent « les hommes de Récha, » c'est-à-dire 
habitèrent la ville de Récha. C'est l'unique, passage- 
de l'Écriture qui mentionne cette localité. -.' _ . . 



«iooi 



RECHAB 



RECHABITES 



1002 



RÉCHAB (hébreu : Rêkâb; Septante *P»)-/i6), nom 
■de trois personnages de l'Ancien Testament. On inter- 
prète ce nom par « cavalier », c'est-à-dire nomade 
•voyageant à chameau. 

1 . RÉCHAB, fils de Remmon, de la tribu de Benjamin, 
îl s'était attaché à la fortune d'Isboseth après la mort 
de Saûl, avec son frère Baana.Tous les deux avaient été 
-à la tête d'une bande de pillards et ils devinrent les 
meurtriers du fils de Saûl qu'ils firent périr traîtreu- 
sement. Ayant apporté sa tête à David, celui-ci les fit 
mettre à mort. II Reg. , rv, 2. Voir Baana 1 , t. m, col. 1343. 

2. RÉCHAB, père ou aïeul de Jonadab. Voir Jona- 
dab 2, t. ni, col. 1604. C'est de lui que tirèrent leur nom 
•les Réchabites. IV Reg., x, 15, 23; I Par., n, 55; Jer., 
xxxv, 6-19. Voir Réchabites. Il appartenait à la tribu 
des Cinéens et était descendant de Hammath, nom que 
la Vulgate, I Par., n, 55, a traduit par Chaleur. Nous 
ne savons rien de son histoire personnelle. 

3. RÉCHAB, père de Melchias. Ce dernier refit sous 
Néhémie la porte du Fumier à Jérusalem. II Esd-, m, 
di. Beaucoup d'interprètes croient que Réchab était 
•son ancêtre, non son père, et qu'il n'est pas différent 
-de Réchab 2. Melchias était, dans ce cas, un Réchabite. 

Voir RÉCHABITES. 

RÉCHABITES (hébreu : Rêkâbîm; Septante : Ap- 
^a6eiv ; Alexandrinus : 'AXy_a.6s.iv; Vulgate : Rechabitœ), 
•descendants de Réchab 2. Jer., xxxv, 2, 3, 5, 18. Les 
Réchabites étaient une famille cinéenne. I Par., ir, 55. 
Quelques commentateurs ont supposé que Réchab 
était le même que Hobab, Num., x, 29; Jud., iv, 11; 
Calmet, Dissertation sur les Réchabites, dans Comment, 
litt. ,Jérémie, 1731, p. xlvii, mais cette hypothèse s'appuie 
seulement sur son origine cinéenne. Voir Cinéens, 
4. il, col. 768. — Les ancêtres des Réchabites habitèrent 
-au sud et aussi au nord de la Palestine, où le livre des 
Juges nous montre des Cinéens établis au temps de 
Débora. Jud., iv, 17; v, 24. C'était d'ailleurs une tribu 
nomade et, du temps de Jérémie, nous les rencontrons 
dans le royaume de Juda, Jer., xxxv, 11, comme nous 
les rencontrons dans celui d'Israël au temps de Jéhu. 
m Reg., x, 15-17. 

I. Histoire. — L'Écriture parle trois ou quatre fois 
•des Réchabites. — 1° Jonadab le Réchabite fit éclater 
son zèle pour le monothéisme en poursuivant avec le 
roi Jéhu les adorateurs de Baal. IV Reg. x, 15-17. 

2° L'événement le plus célèbre de leur histoire est 
celui qui est raconté par Jérémie, xxxv. Lorsque Nabu- 
•Chodonosor envahit le royaume de Juda, sous le règne 
•de Joakim, les Réchabites qui campaient, peut-être à la 
suite de la ruine du royaume du nord, dans le sud de 
la Palestine, se réfugièrent à Jérusalem pour se mettre 
A l'abri des Chaldéens. Le prophète Jérémie, connaissant 
'leurs coutumes, les invita avec leur chef Jézonias, Jer., 
xxxv, 1-11, à se réunir avec lui dans une chambre du 
Temple et là il leur offrit du vin. Ils refusèrent de l'ac- 
"«cepter, pour obéir, dirent-ils, aux prescriptions de leur 
père Jonadab qui leur avait interdit de boire du vin, 
•de bâtir des maisons, d'ensemencer des terres et de 
planter des vignes, et leur avait ordonné « de vivre 
sous la tente. » La nécessité les avait contraints de se 
•retirer à Jérusalem, mais ils n'avaient jamais violé les 
•ordonnances de leur ancêtre qui vivait du temps de 
-3éhu, près de trois cents ans auparavant; ils voulaient 
■toujours lui obéir. Ces prescriptions avaient sans doute 
pour but dans l'esprit de Jonadab de préserver ses des- 
cendants de la contagion des mœurs païennes et de les 
maintenir dans la pureté du culte de Jéhovah, auquel 
ils avaient toujours été fidèles, en les faisant vivre dans 
l'isolement, en nomades et en pasteurs. Les coutumes 



qu'ils suivaient étaient dans le fond une conséquence 
de la vie nomade (cf. Diodore de Sicile, xix, 94), sur les 
Nabuthéens, mais Jonadab, pour conserver sa tribu 
dans l'intégrité de ses croyances, rendit ces pratiques 
comme sacrées et inviolables, de sorte que, sans se 
mêler avec les Juifs et probablement sans être astreints 
à l'observance des rites mosaïques qui n'avaient été 
imposés qu'aux Israélites, ils menaient une vie presque 
ascétique et adoraient fidèlement le vrai Dieu. Jérémie 
loue au nom du Seigneur leur obéissance, qu'il met en 
contraste avec la conduite des Juifs, et leur promet de 
la part du Dieu d'Israël qu'il subsistera toujours « en 
présence de Jéhovah un homme de la race de Jonadab, 
fils de Réchab. » Cette locution, qui est appliquée aussi 
à la tribu de Lévi, Deut., x, 8; xvm, 5, 7; cf. Gen., 
xviii, 22; Jud., xx, 28; Ps. cxxxui, 1; cxxxiv, 1 (Vul- 
gate, 2); Jer., xv, 19, signifie « servir Dieu » dans son 
sanctuaire. Voir Gèsenius, Thésaurus, p. 1039. On croit 
assez communément, d'après ces paroles de Jérémie, 
qu'il y eut des Réchabites attachés au service du Temple, 
comme les Nathinéens; leurs filles, dit-on, furent 
données en mariage aux Lévites. 

3° La troisième circonstance où les Réchabites 
sont nommés dans l'Écriture, c'est dans le titre du 
Psaume lxx (hébreu, lxxi). Les Réchabites étaient 
sans doute encore enfermés dans Jérusalem quand 
Nabuchodonosor se rendit maître de cette ville, et plu- 
sieurs d'entre eux purent être emmenés en captivité 
en Cbaldée. Les Septante et la Vulgate portent au titre 
du Psanme lxx : « Psaume de David, des fils de Jonadab 
et des premiers captifs. » Le texte hébreu ne contient 
pas cette indication, mais, quelle que soit la valeur qu'on 
y attache, il en résulte du moins qu'à l'époque de la 
traduction grecque des Psaumes, au deuxième siècle 
avant notre ère, sinon auparavant, on croyait dans les 
milieux juifs, que les Réchabites avaient été captifs à 
Rabylone. 

4» Un chef appelé Réchab, probablement parce qu'il 
était Réchabite, II Esd., m, 14, travailla avec les princi- 
paux du peuple, du temps de Néhémie, au rétablissement 
de l'enceinte de Jérusalem. Voir Réchab 3, col. 1001. 

II. Opinions diverses sur les Réchabites. — Les sa- 
vants anciens et surtout modernes ont fait toutes sortes 
d'hypothèses sur les Réchabites, mais elles s'appuient 
généralement sur des arguments peu sérieux, sur des 
subtilités d'étymologie, sur des identifications forcées 
de personnages divers, etc. Plusieurs, Cheyne, Ency- 
clopedia biblica, t. iv, 1903, col. 4019, voient dans les 
Réchabites « une sorte d'ordre religieux, analogue aux 
Nazaréens ». Il ne faut rien outrer, malgré quelques 
points de ressemblance : les Nazaréens, Samson, 
Samuel, etc., n'appartenaient pas à un ordre religieux, 
si l'on attache un sens précis à ce dernier mot, et nous 
ne voyons nulle part que les» Réchabites aient suivi les 
pratiques caractéristiques des Nazaréens, si ce n'est en 
tant qu'elles étaient communes aux nomades, comm 
l'abstention de vin, etc. Saint Jérôme, Epist. Lix, ad 
Paulin., t. xxu, col. 583, voit sans doute dans les 
Réchabites, comme dans Élie, Elisée et les fils des pro- 
phètes, des précurseurs des moines, mais leur genre de 
vie ressemblait beaucoup plus à celle des Bédouins de 
nos jours qu'à celle des solitaires et des^ânaehorètes. — 
On a fait aussi des Réchabites une secte religieuse ; nous 
savons seulement qu'ils adoraient Jéhovah, comme Jé- 
thro et leurs ancêtres les Cinéens. — On les a assimilés 
aux Assidéens, Râsîdîm, dont parlent les livres des 
Machabées. IMach.,ii,42; vn,17. «Le nom d'Assidéens, 
dit avec raison Calmet, Dissert, sur les Réchabites, p. li, 
se donnait à toutes les personnes qui faisaient une pro- 
fession particulière de dévotion et de piété... Qui oserait 
soutenir que tous ceux qui consacraient leur vie aux 
exercices de la religion suivaient l'institut des Récha- 
bites? » Et il ajoute : « D'autres les confondent avec 



4003 



RÉCHABITES — RÉCOMPENSE 



1004 



les Esséniens, mais leur genre de vie est trop dissem- 
blable. Les Esséniens vivaient à la campagne, occupés 
à cultiver la terre, etc. » Josèphe Ant. jud., XVIII, n, 
5; Bell, jud., II, vin, 2-13. Sur les Esséniens, voir 
E. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes itn 
Zeit. Christi, t. il, 3» édit., 1898, p. 556-584. 

Les Réchabites ne sont plus nommés dans les Écri- 
tures depuis le retour de la captivité (excepté l'allusion 
II Esd., h, 14). Héségippe, dans Eusèbe, H. E., n, 23, 
t. xx, col. 201, raconte qu'un prêtre réchabite essaya 
d'empêcher le martyre de l'apôtre saint Jacques Je 
Majeur, mais le titre de prêtre qu'il donne à un Récha- 
bite rend son récit suspect — Benjamin de Tudèle ra- 
conte que de son temps vivaient dans le pays de Théma, 
Is., xxi, 14; Jer., xxv, 23, les Benê Rekhab ou Récha- 
bites, qui y possédaient un territoire de seize jours de 
marche en longueur et vivaient de razzias. Ce qu'il en 
dit ne mérite pas confiance, The Itinerary ofR. Ben- 
jamin of Tudela, translatée and edited by A. Asher, 
2 in-12, Londres, 1840-1841, t. i, p. 112-114 - Sur les 
Réchabites, voir *H. Witsius, Exercitatio ix de 
Rechabitis, dans ses Miscellanea sacra, 2 in-4°, Ams- 
terdam, 1695-1700, t. il, p. 223-237; Calmet, Disserta- 
tion sur les Réchabites, dans le Commentaire littéral, 
Jérémie, 1731, p. xlhi-lih. F. Vigouroux. 

RECHUTE, retour volontaire au péché déjà commis. 
— De fréquentes rechutes sont signalées dans l'histoire 
du peuple d'Israël. Au désert, après avoir murmuré 
sur le manque d'eau potable, Exod., xv, 24, et de 
viande, Exod., xvt, 3, et avoir obtenu leur pardon â la 
suile de 'leurs hommages au veau d'or, Exod., xxxill, 
1-17, les Hébreux recommencent à manifester leur 
mécontentement au sujet de la nourriture, Num., xi, 
4-6, et de l'eau, Num., xx, 2-5, et ils retombent dans 
l'idolâtrie, Num., xxv, 1-6. Sous les Juges, l'abandon 
de Jéhovah se reproduit à plusieurs reprises, Jud., ni, 
12; iv, 1; vi, 1; x, 6; etc., et les mêmes rechutes dans 
l'idolâtrie se renouvellent durant la période des rois. 
Isaïe, xxx, 1, reproche à ses contemporains d'accumu- 
ler péché sur péché. — L'Ecclésiastique, xix, 13-14, 
recommande d'interroger l'ami qui a mal agi ou mal 
parlé, afin qu'il ne recommence plus. Il observe qu'il 
ne sert de rien de se purifier, si l'on touche ensuite 
une chose impure, ni de jeûner pour ses péchés, si 
l'on va les commettre encore. Eccli., xxxiv, 30, 31 
(25, 26). L'insensé qui retourne à sa folie, c'est- 
à-dire à son péché, est comparé au chien qui re- 
tourne à son vomissement, Prov., xxvi, 11. — 
Notre-Seigneur représente l'âme en péché comme 
habitée par le démon. Celui-ci parti, l'âme se purifie 
et s'orne de vertus. Mais le démon revient, il amène 
avec lui sept autres démons plus méchants, et, si tous 
rentrent dans cette âme, l'état de cette dernière devient 
pire qu'auparavant. Matth., xn, 43-45; Luc, xi, 24-26. 
Le Sauveur applique ce qu'il vient de dire à la géné- 
ration qui lui est contemporaine; elle renouvelle, en 
les aggravant, les fautes des générations qui ont pré- 
cédé : elle en subira les conséquences. Il en est de 
même pour chaque âme en particulier, ainsi que 
l'explique saint Pierre : « Si ceux qui, par la connais- 
sance de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, 
s'étaient retirés de la corruption du monde, se laissent 
vaincre en s'y engageant de nouveau, leur dernier état 
devient pire que le premier... Il leur est arrivé ce que 
dit un proverbe avec beaucoup de vérité : Le chien est 
retourné à son propre vomissement. » II Pet., n, 20- 
22. — Sur le texte de l'Épître aux Hébreux, vi, 4-6, 
concernant l'impossibilité du renouvellement après la 
rechute, voir Pénitence, col. 43. H. Lesètre. 

RÉCOMPENSE (hébreu : sâkâr ou sékér; Sep- 
tante : sii<jfl<$;, àvraxôSo»t«; Vulgate : merces, retribu- 



tio), avantage ou jouissance que l'on accorde à celui 
qui a bien agi. Sur la récompense matérielle payée à 
celui qui a travaillé pour un autre, voir SalmRE. 

1° Récompense temporelle. — Le Seigneur dit à 
Abraham : « Ne crains point, Abram ; je suis ton bou- 
clier; ta récompense (sera) très grande. x> Septante : 
« Je te protège, ta récompense sera très grande. » Vul- 
gate : « Je suis ton protecteur et ta récompense (sera) 
très grande. » Les Septante ont bien rendu le sens de 
la phrase, dans laquelle il faut nécessairement suppléer 
le verbe en hébreu et dans la Vulgate. Le Seigneur 
ne dit pas à Abraham qu'il sera lui-même sa récom- 
pense très grande; autrement l'on ne comprendrait 
plus la question qu'Abraham adresse ensuite à Jéhovah : 
« Seigneur Jéhovah, que me donnerez- vous? » La ré- 
compense promise sera la postérité, nombreuse comme 
les étoiles, que Dieu assurera à_ son serviteur. Gen., 
xv, 1, 2, 5. — Booz souhaite à Ruth que Dieu lui 
accorde la récompense que mérite son dévouement. 
Ruth, n, 12. Tobie le fils, xn, 2, demande quelle ré- 
compense pourra être offerte à celui qui l'a conduit et 
protégé. Mardochée n'avait reçu aucune récompense 
après avoir dénoncé le complot tramé contre la vie du 
roi; celui-ci la lui fit décerner. Esth., vi, 3-11. — Cer- 
tains avantages temporels peuvent avoir le caractère de 
récompenses, comme, par exemple, la famille nom- 
breuse, Ps. cxxvn (cxxvi), 3; le don de la parole. 
Eccli., li, 30. Mais souvent cette récompense est vaine. 
Eccli., xi, 18; Matth., vi, 2, 5, 16. — En général, Dieu 
traite ici-bas les hommes suivant leur conduite. 
II Reg., xxn, 21; III Reg., vin, 32; H Par., vt, 23; 
Ps. xvm (xvn), 21, 25. La récompense est assurée au 
juste, Prov., xm, 21 ; à l'observateur de la loi de Jého- 
vah, Ps. xix (xvm), 12; à celui qui a foi dans le Sei- 
gneur, Eccli., n, 8; à l'homme pieux, Eccli., xi, 24; à 
celui qui fait l'œuvre de Dieu, Eccli., li, 38; à celui 
qui sème la justice, Prov., xi, 18; au bienfaiteur de 
l'homme pieux. Eccli., xn, 2. Dieu récompense celui 
qui donne, en lui rendant sept fois autant. Eccli., xxxv, 
13. — D'après les Septante et la Vulgate, le juste 
incline son coeur à l'observation des lois divines « à 
cause de la récompense. » Ps. cxix (cxvffl), 112. Dans 
l'hébreu, il y a : « jusqu'à la fin. » Le mot hébreu 
'êqéb veut dire « fin » et se prend adverbialement avec 
le sens de « jusqu'à la fin, perpétuellement i>. Ps. cxxi 
(cxvra), 33, 112. Par extension, cette fin peut être une 
récompense, le prix d'un travail; mais alors « pour la 
récompense » se dit en hébreu 'al-êqéb, Ps. xl 
(xxxix), 16; lxx (lxix), 4, quoiqu'on lise simplement 
'êqéb dans Isaïe, v, 23, ÉWev Siipov, pro muneribus, 
« pour des présents ». L'idée de remplir son devoir à 
cause de la récompense n'est pas étrangère à la Sainte 
Écriture, puisqu'il est dit qu'Abraham « avait les yeux 
fixés sur la récompense, s eîc ttjv [ii<j9a7roSo<rt'av, m 
reniunerationem. Heb. , xi, 26. Le concile de Trente, 
visant le t. 112 du Ps, cxvin, sess. vi, De juslificat., 
11, a déclaré parfaitement légitime, « tout en cherchant 
avant tout la gloire de Dieu, d'envisager aussi la ré- 
compense éternelle. » Il ne suit pas de là cependant 
que le motif intéressé de la récompense soit le seul 
qui détermine le juste à faire le bien. Le motif désin- 
téressé de l'amour et de la gloire de Dieu a aussi sa 
part plus ou moins large et prépondérante dans ses 
déterminations. Le Sauveur ressuscité dit de lui- 
même : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes 
ces choses pour entrer dans sa gloire? » Luc, xxiv, 
26. Or personne ne contestera qu'il a mis l'amour et 
la gloire de son Père bien au-dessus du triomphe de 
sa sainte humanité., Il en est de même, à proportion, 
de tous les vrais serviteurs de Dieu. 

2» Récompense éternelle. — Sans exclure formelle- 
ment les récompenses de l'autre vie, les écrivains de 
l'Ancien Testament s'en tiennent surtout à celles de la 



1005 



RÉCOMPENSE — RECONNAISSANCE 



1006 



vie présente. Isaïe, le premier, annonçant le salut 
futur, montre le Seigneur qui vient, « et sa récom- 
pense avec lui. » Is., XL, 10; lxu, 11; cf. Apoc., xxn, 
12. Dans la Sagesse, h, 22, il est dit plus clairement 
que, si les méchants « n'espèrent pas de rémunération 
pour la justice, et ne jugent pas qu'il existe une glo- 
rieuse récompense pour les âmes justes, » cependant 
« les justes vivent éternellement et leur récompense 
est auprès du Seigneur. » Sap., v, 15-16. Cf. II Mach., 
xn, 45. — Notre-Seigneur insiste sur la récompense 
promise à ses serviteurs. Méprisés et persécutés sur la 
terre, ils auront une grande récompense dans les 
Cieux. Matth., v, 12; Luc, vi, 23. A ceux qui ont tout 
quitté pour le suivre, il promet le centuple et la vie 
éternelle. Matth., xix, 29; Marc, x, 30; Luc, xvm, 
30. Il y a là une double récompense : le centuple, 
beaucoup plus qu'on n'a quitté, c'est la récompense 
terrestre, ^exà Stwruôv, « au milieu des persécu- 
tions », dit saint Marc, x, 30, et non cum persecutio- 
nibus, « avec des persécutions », comme traduit la 
Vulgate, bien qu'en un certain sens les persécutions 
bien' supportées puissent être considérées comme une 
récompense, parce qu'elles augmentent le mérite et la 
gloire éternelle; celle-ci constitue la récompense de 
l'autre vie. Celui qui reçoit le prophète ou le juste, à 
raison de leur caractère, aura la récompense du pro- 
phète ou du juste, Matth., x, 41, et celui qui donne 
une simple coupe d'eau fraîche au nom du Sauveur, 
aura aussi sa récompense. Matth., x, 42; Marc, îx, 40. 
Celui qui fait du bien aux pauvres est heureux que 
ceux-ci ne puissent le lui rendre; « il aura sa récom- 
pense à la résurrection des justes. » Luc, xiv, 14. 
Cette récompense sera le royaume préparé dès l'origine 
du monde pour les bénis du Père, la vie éternelle. 
Matth., xxv, 34, 46. — Les Apôtres aiment à rappeler 
aux fidèles la récompense promise, le repos après 
leurs travaux, Apoc, xiv, 13; cf. xi, 18; la « pleine 
récompense », II Joa., 8; l'héritage céleste, Col., m, 
24. 11 faut croire que Dieu « est le rémunérateur de 
ceux qui le cherchent. » Heb., xi, 6. Cette récompense 
sera proportionnée au travail de chacun. I Cor., m, 8. 
Voir Œuvre, t. iv, col. 1758. Mais, seul, l'ouvrage qui 
résistera au feu pourra l'obtenir. I Cor., m, 13-15. 
Cette récompense est présentée sous la figure d'une 
couronne. Saint Paul attend la couronne de justice 
que lui donnera le Seigneur, le juste Juge, ainsi qu'à 
tous ceux qui auront aimé son avènement. II Tim., iv, 
8. Celui qui supporte l'épreuve recevra la couronne de 
vie que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. Jacob, i, 
12. Quand paraîtra le Prince des pasteurs, ses fidèles 
obtiendront la couronne de gloire qui ne se flétrit 
jamais. I Pet., v, 4. La couronne de vie est assurée à 
celui qui est fidèle jusqu'à la mort et qui tient ferme 
ce qu'il a, de peur qu'on ne la lui ravisse. Apoc, il, 
10; in,ll. H. Lesêtre. 

RÉCONCILIATION (grec : xaxaXXa-n, àvTàXXavua; 

Vulgate : reconciliatio), reprise des rapports amicaux 
entre deux partis ennemis. 

1° Entre hommes. — Des réconciliations sont men- 
tionnées entre Ésaû et Jacob, Gen., xxxiii, 4; entre 
Joseph et ses frères, Gen., xlv, 3-5; entre les Benja- 
mites et les autres tribus d'Israël, Jud., XXI, 13; entre 
David et Absalom, II Reg., xiv, 21-33; entre Eupator 
et les Juifs, II Mach., xm, 23; entre Hérode et Pilate, 
Luc, xxiii, 12, etc. — Notre-Seigneur veut qu'on aille 
se réconcilier avec son frère avant de présenter son 
offrande à l'autel. Matth., v, 24. Lui-même, par sa mort, 
a renversé le mur de séparation qui se dressait entre 
les deux peuples, juifs et gentils, et il les a réconciliés. 
Eph., il, 16. — Saint Paul décide que la femme séparée 
de son mari doit ou se réconcilier avec lui ou rester 
sans se marier. I Cor., vu, 11. 



2° Entre Dieu et les hommes. — Au temps de la 
colère, Noé est devenu un ivT<iXXaY|JLa, « une réconci- 
liation ». Eccli., xliv, 17. Il a rétabli les bons rapports 
entre Dieu et l'humanité. Le mot hébreu correspon- 
dant est tahâlif, de l'hiphil de hâlaf, comme nahâlif 
dans Isaïe, ix, 9. Il signifie « substitution », comme 
quand on remplace un arbre par un autre. Noé est en 
effet devenu la souche d'une nouvelle humanité. — Le 
Seigneur se réconcilie avec son peuple quand il cesse 
de le traiter sévèrement. II Mach., I, 5; v, 20; vu, 33; 
vin, 29. — La réconciliation parfaite et définitive de 
Dieu avec l'humanité a été opérée par la mort de 
Jésus-Christ. Rom., v, 10,11; II Cor., v, 18; Col., i, 20, 
22. Pour assurer les fruits de cette réconciliation, 
Notre-Seigneur a confié à ses Apôtres la prédication et 
le ministère de la réconciliation, II Cor., v, 19, c'est- 
à-dire la mission de la faire connaître et le pouvoir 
d'en appliquer la grâce. Il ne manque plus que le 
consentement de l'homme, et c'est pourquoi saint Paul 
supplie ses fidèles de se réconcilier avec Dieu. II Cor., 
v, 20. H. Lesêthe. 

RECONNAISSANCE (hébreu : (ôdàh, « action de 
grâces » ; Septante : e-j^apsori'a, aîvé<riç, È|o(j.oXdyi](j'n; ; 
Vulgate : gratiarum actio, laus, confessio), expression 
des sentiments de joie, d'affection et de dévouement 
que l'on éprouve à l'égard de celui dont on a reçu un 
bienfait. Le contraire de ce sentiment est l'ingratitude. 
Voir Ingratitude, t. m, col. 877. La Sainte Écriture 
parle quelquefois de reconnaissance envers les hommes. 
Esth., xvi, 4; Sap., xvm, 2; Eccli., xxxvn, 12; 1 Mach., 
xiv, 25; II Mach., m, 33; xn, 31, etc. Mais habituelle- 
lement la reconnaissance à laquelle elle fait allusion 
s'adresse à Dieu. 

1° La reconnaissance envers Dieu s'exprime d'abord 
par des sacrifices. Les offrandes de Caïn et d'Abel sont 
un hommage rendu à Dieu à cause de sa grandeur et 
aussi de ses bienfaits. Gen., iv, 3, 4. L'action de grâces 
inspire également les sacrifices de Noé, Gen., vin, 20, 
et de Melchisédech. Gen., XIV, 18, 19. Dans la loi mo- 
saïque, le sacrifice pacifique, sélém, était souvent un 
sacrifice d'action de grâces, Lev., m, 1; vu, H, 13, 15; 
Num., vu, 17, et il s'appelait {ôddh quand il avait pour 
but spécial l'expression de la reconnaissance. Lev., vu, 
13, 15; xxn, 29; Ps. lvi (lv), 13. Comme le sacrifice de 
la croix et le sacrifice de la messe remplacèrent tous 
les sacrifices anciens, l'action de grâces est une des 
quatre fins pour lesquelles ils ont été offerts. Voir Sa- 
crifice. 

2° La reconnaissance s'exprime encore par des chants. 
Elle inspire les cantiques de Moïse après le passage de 
la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; de Débora, Jud., v, 1 ; 
d'Anne, I Reg., ji, 1-10; de Tobie, xm, 2-23; de Judith, 
xvi, 2-21 ; d'Ézéchias, Is., xxxvm, 10-20; des jeunes 
hommes dans la fournaise, Dan., m, 52-90; de la 
Sainle Vierge, Luc, i, 46-55; de Zacharie, Luc, i, 68- 
79; de Siméon, Luc, a, 29-32, etc. De plus, trente 
Psaumes ont pour objet direct la reconuaissance. 
Ps. (hebr.), ix, xvm, xxi, xxx, xxxiv, xl, xlvi-xlviii, 

LXV, LXVII, LXVUI, LXX, LXXXV, XCVIII, C, CIII, CIV, CVII, 
CXI, CXVI, CXVIII, CXXIV, CXXVI, CXXXIV, CXXXVI, cxxxvm, 

cxliv, cxlvi, cxlvii. Dans plusieurs âùtrésyies auteurs 
sacrés expriment leur reconnaissance. Ps. xxvi (xxv), 
7;xlh (xli),5; h (xlix), 14, 23; cvn (cvi),22; cxvi (cxv), 
17, etc. 

3° La prière est une troisième forme d'action de 
grâces. Tob., n, 14; xi, 7, 12. C'est ainsi que le Sauveur 
rend grâces à son Père. Joa., xi, 41. Saiut Paul fait de 
même. Act., xxvni, 15. Dans presque toutes ses Epîtres, 
il insère de3 formules d'actions de grâces. Rom., i, 8; 
VI, 1; xvi, 4; 1 Cor., 1, 4, \k; w , \& ; "sm , 5>î -, UCoï., 
h, 14; vin, 16; ix, 15; Eph., i, 16; Phil., î, 3 ; Col., i, 
3; I Thess., i, 2; u, 13 ; m, 9; II Thess., i, 3; I Tim., 



1007 



RECONNAISSANCE 



REDEMPTION 



1008 



1, lï; II Tim., i, 3; Phïlem., 4. Il recommande vive- 
ment le devoir de l'action de grâces : « En toutes 
choses rendez grâces, car c'est la volonté de Dieu dans 
le Christ Jésus à l'égard de vous tous. »I Thess., v, 18. 
Il constate souvent l'accomplissement de ce devoir. 

I Cor., xiv, 17; Il Cor., î, 11; rv, 15; IX, 11, 12; Eph., 
v, 4, 20; Phil., rv, 3; Col., i, 12; H, 7; m, 17 ; iv, 2; 

II Thess., il, 12; ITim., n, 1; cf. Apoc, vu, 12; xi, 17. 
4° Les bienfaits de Dieu appellent la reconnaissance. 

Dieu ne les a refusés à personne, pas même à ceux qui 
le méconnaissaient. Act., xiv, 16. Les gentils sont donc 
inexcusables, « puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont 
pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu 
grâces. » Rom., 1, 21. Sur dix lépreux guéris par Notre- 
Seigneur, un seul songea à venir le remercier. Luc, 
xvii, 16. L'aveugle de Jéricho, une fois guéri, suivait 
Jésus en glorifiant Dieu. Luc, xvm, 43. L'action de 
grâces du pharisien ne pouvait plaire à Dieu, parce 
qu'elle était dictée par l'orgueil. Luc, xvm, 11. — 
Notre-Seigneur rend grâces au moment de multiplier 
les pains. Matth., xv, 36; Marc, vin, 6; Joa., vi, 11,23, 
Saint Paul rend grâces avant de manger, Act., xxvn, 
35, et suppose que les fidèles font de même. Rom., xiv, 
6; I Cor., x, 30; I Tim., îv, 3, 4. Le Sauveur surtout 
rend grâces avant d'instituer son divin sacrement, 
Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 23; Luc, xxn, 17,19; 
I Cor., xi, 24, d'où le nom d'iîucharistie donné à ce 
sacrement. H. Lesëtre. 

RÉDEMPTEUR (hébreu : gô'êl; Septante : Xutpu- 
tï|ç, Xytpo'j(j.6vos, py<ràu.evoç, pyiJfiEVOç, l£aipoyu.£voç; Vul- 
gate : redemptor), celui qui défend contre les ennemis, 
Job, xix, 25, et délivre d'eux. Voir Goêl, t. m, col. 264- 
265. Jéhovah est par excellence le rédempteur d'Israël, 
parce qu'il doit le délivrer des ennemis temporels qui 
le tiendront en captivité, comme il a fait dans les temps 
anciens, Is., lxiii, 16, et que, par son Messie, il déli- 
vrera le nouvel Israël, l'humanité rachetée, de la tyran- 
nie de Satan et du péché. Au nom de go'êl, est souvent 
joint celui de « Saint d'Israël », Is., xlî, 14; xliii, 14; 
xlvii, 4; XLViir, 17; xlix, 7; liv, 5, ou de « Puissant 
de Jacob », Is,, xlix, 26; lx, 16, à cause de la victoire 
remportée sur Dieu par Jacob, Gen-, xxxn, 28, pré- 
sage de la victoire que doit remporter en faveur d'Israël 
la miséricorde de Dieu sur sa justice. Le rédempteur 
est aussi « Jéhovah des armées », Is., xliv, 6; xlvii, 4, 
à cause de la puissance qu'il déploiera pour délivrer 
son peuple. Cf. Is., xliv, 24; liv, 8; lix, 20; Jer., L, 
34; Lam., m, 58; Ps. xix (xvm), 15; lxxviii (lxxvii), 
35. — Dieu est aussi appelé mipldt, «celui qui délivre », 
pyorri?, liberalor. Ps. xvm (xvn), 3, 48; lxx (lxix),6; 
Cxliv (cxlih), 2; Dan., vi, 27. — Jésus-Christ est le 
rédempteur par excellence de son peuple et de toute 
l'humanité. Voir Rédemption. Cependant ce nom ne 
lui est jamais donné dans le Nouveau Testament. On 
lui attribue le nom équivalent de Sauveur. "Voir Sau- 
veur. — Saint Etienne applique le nom de rédempteur, 
ïuTpcoTifc, à Moïse. Act., vu, 35. Celui-ci l'a mérité en 
tant que chargé par Dieu de tirer les Hébreux de la 
servitude d'Egypte. H. Lesëtre. 

RÉDEMPTION (grec : Xy-rpuxriç , àitoX-J-ptouiç; Vul- 
gate : redemptio), mystère de Jésus-Christ donnant sa 
vie pour le salut des hommes. 

I. Sa. réalité. — D'après certains auteurs protestants 
ou rationalistes, l'idée de rédemption serait étrangère 
à la Sainte Ecriture et à la pensée de Jésus. Au 
xvii e siècle, les Sociniens ne voulurent voir dans la 
mort de Notre-Seigneur qu'un grand exemple de fidé- 
lité et de courage. D'après la théorie de Ritschl, au- 
jourd'hui en faveur parmi les Don-catholiques, la mort 
. de Jésus ne nous sauverait qu'en nous démontrant les 
peines d'ici-bas : ce ne sont pas des châtiments, mais 



des afflictions inséparables de toute vie humaine, et 
Jésus les endura avec une constance exemplaire. 
Cf. Bertrand, Une conceptien nouvelle de la Rédemp- 
tion, Paris, 1891. « Il n'y a pas lieu de parler d'une 
condamnation surnaturelle et particulière atteignant 
Jésus sur la croix... Jésus souffre plus et mieux, mais 
il ne souffre pas autrement que Socrate, les martyrs, 
les sages, les bons, en un mot, engagés par la vie dans 
les trames que tissent ici-bas les crimes des méchants.» 
Aug. Sabatier, La doctrine de Vexpialiun et son évo- 
lution historique, in-16, Paris, 1903, p. 87. La doctrine 
de la rédemption apparaît tout autre dans la Sainte 
Écriture. 

1» Dans l'Ancien Testament. — 1. Le récit de la 
chute montre Adam frappé d'une peine à cause de son 
péché; cette peine est durable et doit s'étendre à toute 
sa postérité. Dieu promet, il est vrai, qu'un jour quel- 
qu'un de cette postérité meurtrira l'ennemi à la tête, 
c'est-à-dire en triomphera; mais la manière dont sera 
remporté ce triomphe n'est pas indiquée. Gen., ni, 15- 
19. La pratique des sacrifices ne donne d'abord aucun 
renseignement à ce sujet. Gen., vin, 20. Mais le sacri- 
fice commandé à Abraham présente une très haute 
portée figurative. Le patriarche reçoit l'ordre d'immoler 
son fils; Dieu arrête l'exécution de cet ordre, et un 
bélier est pris et offert en holocauste à la place de l'en- 
fant. Gen., xxn, 13. A la victime primitivement exigée, 
une autre est substituée et subit la mort, non pour le 
péché, il est vrai, mais pour rendre hommage à Dieu. 
Avec la loi mosaïque, l'idée de substitution s'affirme 
dans la prescription concernant les premiers-nés, qui 
appartiennent de droit au Seigneur, mais à la place 
desquels on doit immoler une victime. Exod., xm, 13, 
15. Puis des sacrifices sont spécialement institués 
pour le péché, c'est-à-dire que quand un péché a été 
commis, et qu'on veut en obtenir la rémission, le cou- 
pable, indépendamment de ses sentiments de repentir, 
doit immoler une victime, qui subit ainsi le châtiment 
à sa place. Lev., iv, 1-v, 13. Ces sacrifices sont offerts 
régulièrement par les Israélites; mais le Seigneur leur 
fait savoir que, par eux-mêmes, les sacrifices ne lui 
sont pas agréables et. ne répondent pas aux exigences 
de sa justice. Ps. XL (xxxix), 7, 8; li (l), 18; Is., i, 11; 
.1er., vi, 20; Ose., vin, 13; Am., v, 22; Mal., i, II. Voir 
Sacrifice. — Le prophète Isaïe, décrivant les souffrances 
du serviteur de Jéhovah, c'est-à-dire du Messie, affirme 
clairement que ces souffrances seront endurées pour 
des pécheurs : 

Véritablement c'étaient nos maladies qu'il portait 
Et nos douleurs dont il s'était chargé... 
Lui, il a été transpercé â cause de nos péchés, 
Brisé à cause de nos iniquités ; 
Le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, 
Et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris.. 
Jéhovah a fait retomber sur lui 
Notre iniquité à tous... 
Et, parmi ses contemporains, qui a pensé 
Qu'il était retranché de la terre des vivants, [pie?... 

Que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peu- 
Par sa science, le juste, mon serviteur, en justifiera beau- 
Et lui-même se chargera de leurs iniquités... [coup, 

Il a livré son âme à la mort, 
Et il a été mis au nombre des malfaiteurs, 
Lui-même a porté la faute de beaucoup 
Et il intercédera pour les pécheurs. Is., liii, 4-12. 

Voici donc le serviteur de Jéhovah qui se livre lui- 
même à la mort, sur qui Jéhovah fait peser les iniquités 
des hommes, qui est frappé à cause des péchés de son 
peuple, qui intercède pour les pécheurs et qui, par ses 
souffrances, leur donne la paix et les guérit. C'est la 
prophétie formelle delà mission rédemptrice du Messie. 
Il est impossible de prétendre que ce serviteur de 
Jéhovah est le peuple juif persécuté, comme les doc- 
teurs juifs le soutenaient déjà du temps d'Origène, 



-1009 



REDEMPTION 



1010 



■Cont. Cels., 1, 55, t. xi, col. 761. Les paroles : « La 
plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple » 
excluent absolument cette interprélation. Celui qui 
•souffre est une personne très distincte, et, s'il souffre, 
-ce n'est pas pour des péchés personnels dont le pro- 
phète ne fait aucune mention, c'est pour les péchés 
■des autres. Cette idée, d'ailleurs, n'est pas formulée 
■comme en passant; elle constitue le fond même de 
l'oracle d'Isaïe qui ne la répète pas moins de dix fois 
dans ces quelques versets. Le serviteur de Jéhovah, 
•c'est le Messie, le Rédempteur. Cf. Condamin, Le livre 
•d'haïe, Paris, 1905, p. 328-344. Toutefois les Juifs n'ont 
pas compris la prophétie concernant le Messie souffrant. 
L'idée d'une rédemption par la mort du Messie n'appa- 
raît chez eux qu'exceptionnellement, et encore posté- 
rieurement à la prédication évangélique. Voir Jésds- 
Christ, t. m, col. 1438. Pour eux, la rédemption devait 
-être seulement une œuvre de puissance et spécialement 
une délivrance des oppressions temporelles. Cette mé- 
•connaissance du vrai caractère du rédempteur était 
prédite par le même prophète : « Parmi ses contem- 
porains, qui a pensé... que la plaie le frappait à cause 
des péchés de mon peuple? » Is., lui, 8 (texte hébreu). 
Elle n'ôte rien à la force de la prophétie. — L'idée de 
souffrances expiatoires subies pour d'autres n'est for- 
mulée que tardivement dans la littérature juive. Elle 
•est indiquée dans II Mach., vu, 37-38. Mais, dans un 
apocryphe du premier siècle après Jésus-Christ, elle est 
présentée avec beaucoup plus de précision. Les martyrs 
« sont devenus responsables par substitution des péchés 
■de la nation ; "par les mérites de leur sang et de leur 
mort expiatoire, la divine Providence a sauvé Israël 
prévaricateur. » JV Mach., xvn, 20-23; cf. vi, 28, 29; 
■vu, 12. Cette conception, comme celle du Messie souf- 
frant, est d'époque tardive chez les Juifs. 

2° Dans l'Évangile. — 1. Malgré l'affirmation de ceux 
qui prétendent que les Évangiles sont l'écho des doc- 
trines ayant cours à l'époque de leur rédaction, et qui, 
en conséquence, en éliminent arbitrairement les textes 
qui contredisent leur système, on a le droit et le devoir 
d'y reconnaître la pensée même du Sauveur et de ses 
contemporains. Or, la mission rédemptrice de Jésus y 
est péremptoirement affirmée. Tout d'abord, le précur- 
seur est envoyé pour donner au peuple « la science du 
salut dans la rémission de leurs péchés, » Luc, i, 77, 
«'est-à-dire pour apprendre aux hommes que le salut 
doit consister dans la rémission des péchés, et non 
dans la restauration d'un empire chimérique. Puis 
l'ange prescrit à Joseph de donner au fils de Marie « le 
nom de Jésus, parce qu'il doit sauver le peuple de ses 
péchés. «Matth., i, 21. Ce nom, qui signifie « sauveur», 
est d'autant plus significatif, que beaucoup d'autres 
noms différents, Emmanuel, Pasteur, Sagesse, etc., 
avaient été assignés au Messie dans l'Ancien Testament. 
Seul, Isaïe, xn,3; xuv,8, l'avait appeléyesû'dh, «salut». 
"Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1423-1426. A Bethléhem, 
les anges le proclament le Sauveur. Luc, II, 11. Siméon 
annonce qu'il vient pour la ruine et la résurrection 
d'un grand nombre en Israël, Luc, n, 34, c'est-à-dire 
pour que, à cause de lui, beaucoup se perdent, et que 
par lui beaucoup ressuscitent en passant du péché à 
la vraie vie. Anne la prophëtesse parle de lui à ceux 
qui attendaient la « rédemption d'Israël », Luc, il, 38, 
c'est-à-dire, sinon dans leur idée, du moins dans la 
réalité, le salut qui devait résulter de la rémission du 
péché. 

2. Dès le début de la vie publique, Jean-Baptiste 
présente Jésus comme « l'Agneau de Dieu, qui ôte le 
péché du monde. » Joa., i, 29, 36. A Nicodéme, le 
Sauveur annonce qu'un jour lui r même sera élevé de 
terre, comme le serpent d'airain, « afin que le monde 
soit sauvé par lui. » Joa., in, 17; cf. vin, 28; xn, 32, 
47. Plus tard, par trois fois consécutives, il précise ce 



que doit être cette élévation de terre en prédisant sa 
condamnation et sa mort violente. Matth., xw, 21; 
Marc, vin, 31; Luc, ix, 22; Matth., xvm, 22; Marc, 
lx, 30; Luc, ix, 44; Matth., xx, 19; Marc, x, 34; 
Luc, xvih, 33. A la transfiguration, sa mort qui devait 
arriver à Jérusalem fait l'objet de l'entretien de Moïse 
avec Élie. Luc, ix, 31. Il sait que les Juifs veulent le 
mettre à mort. Joa., v, 20. Il a hâte de recevoir son 
baptême de sang. Luc, xn, 50. Il propose à deux 
Apôtres de boire le même calice que lui, Matth., xx, 
22; Marc, x, 38, ce calice qu'il acceptera de son Père 
à Gethsémani. Matth., xxvi, 37-47; Marc, xiv, 34-42; 
Luc, xxn, 40-47. Or cette mort du Sauveur ne se pré- 
sente nullement dans l'Évangile comme le résultat 
inattendu d'une attitude qui révolte les Juifs. Elle est 
prévue et voulue par le divin Maître, parce qu'elle est 
décrétée par le Père et prédite dans les Écritures 
comme le moyen choisi pour opérer la rédemption. 
« Il faut, il est écrit, » dit le Sauveur en parlant de ses 
souffrances et de sa mort. Marc, vm, 31 ; ix, 12 ; xiv, 21 ; 
Matth., xxvi, 24, 54; Luc, xvn, 27; xvm, 31; xxn, 37; 
xxiv, 25, 44. A Pierre, qui ne veut pas entendre parler 
de passion et de mort, il reproche sévèrement de n'avoir 
pas le « sens des choses de Dieu, » Matth., xvi, 22; 
Marc, vm, 33, c'est-à-dire l'intelligence de la place 
qu'occupe la mort du Christ dans le plan divin. Quand 
la pensée de son supplice trouble son âme, il se res- 
saisit en disant : « Mais c'est pour cela que je suis 
arrivé à cette heure! » Joa.,xn, 27. La rédemption par 
la mort violente est sa raison d'être ; il accepte cette 
mort parce que telle est la volonté de son Père. Matth., 
xxvi, 42. Il décrit la nécessité de ce dénouement tra- 
gique dans la parabole des vignerons homicides qui 
mettent à mort le fils même du père de famille. Les 
pharisiens comprennent enfin, Matth., xxi, 38, 45; 
Marc, xn, 6, 12; Luc, xx, 13-15, 19; mais il ne pro- 
fitent pas de la leçon, parce que l'oracle d'Isaïe, un, 1 : 
« Seigneur, qui a cru à notre parole? » est pour eux 
lettre morte. Enfin, l'idée de rédemption établit la 
synthèse entre les deux précédentes : Jésus doit sauver 
le monde de son péché, Jésus doit mourir de mort 
violente, c'est par cette mort qu'il salive. « Le bon 
pasteur donne sa vie pour ses brebis» » Joa., x, 11. 
« Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa 
vie pour ses amis. » Joa., xv, 13. « Il est de votre inté- 
rêt qu'un seul homme meure pour \e pewpte, > 4JA, 
Caïphe, sous l'empire d'une inspiration inconsciente. 
Joa., xi, 50-52. 

3. A la dernière Cène surtout, le Sauveur affirme 
solennellement sa mission rédemptrice. D'après saint 
Matthieu, xxvi, 27, Notre-Seigneur présenta la coupe 
à ses Apôtres en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon 
sang, de la nouvelle alliance, répandu pour un grand 
nombre en rémission des péchés. » Dans la Vulgate : 
« qui sera répandu ». Le texte de saint Marc est le 
même dans le grec, avec le futur dans la Vulgate. Les 
mots : » ils en burent tous », placés avant : « ceci est 
mon sang », Marc, xiv, 23, 24, ne modifient en rien le 
sens général; ils expriment seulement la simultanéité 
de l'acte des Apôtres avec les paroles du Sauveur. Dans 
saint Luc, xxn, 19, 20, la formule est plus explicite : 
« Il prit du pain et, ayant rendu grâces, il le rompit et 
le leur donna en disant : Ceci est mon r -corps, qui est 
donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. Il fit 
de même pour la coupe, après le souper, disant : Cette 
coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est 
versé pour vous. » Dans la Vulgate : « qui sera versé ». 
Saint Luc ajoute donc, à propos du corps : « qui est 
donné pour vous. » Ces paroles manquent dans le 
Cod. Bezm, dans trois manuscrits latins de la version 
antérieure à saint Jérôme et dans la version syriaque 
de Cureton. Mais ils se trouvent dans tous les autres 
manuscrits grecs et leur authenticité n'est pas douteuse. 



1011 



RÉDEMPTION 



1012 



Le fût-elle, la même formule est répétée dans saint Luc 
à propos du sang; par conséquent, l'idée de rédemption 
est aussi formellement exprimée par saint Luc que par 
les deux autres synoptiqnes. Il faut aussi faire entrer 
ici en ligne de compte le récit de saint Paul, qui se 
fait évangéliste pour raconter la dernière Cène. Son 
récit a d'autant plus d'importance que lui-même l'a 
reçu àitb to-j Kupîou, « du Seigneur ». I Cor., xi, 23. 
Les anciens commentateurs et beaucoup de modernes 
admettent qu'il s'agit ici d'une révélation immédiate. 
La préposition âitô a très souvent ce sens : [/.ciOete ait ' 
è|xou, « apprenez de moi ». Matth., xi, 29; cf. Act,, ix, 
13; Col., i, 7; m, 24; I Joa., i, 5, etc. Cf. Cornely, 
In J ad Cor., Paris, 1890, p. 335-336. Saint Paul 
rapporte ainsi l'institution de. l'Eucharistie : « Le 
Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du 
pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit : 
Ceci est mon corps, pour vous (ou : qui est rompu 
pour vous); faites ceci en mémoire de moi. De même, 
après avoir soupe, il prit le calice et dit : Ce calice est 
la nouvelle alliance en mon sang; toutes les fois que 
vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. » I Cor.. 
xi, 23-26. D'après saint Luc et saint Paul, le corps est 
« donné pour vous », ou simplement « pour vous »; 
d'après saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le 
sang est « versé pour beaucoup » ou « pour vous », 
ÛTtÈp TtoVAwv ou û(iûv, ou 7tEpl nn\\&v. Les prépositions 
,-ùitÉp et itepi précèdent en grec le nom de la personne 
en faveur de qui se fait une chose. On meurt ùirép 
tivôç, « pour quelqu'un », Sophocle, Trach., 708; Euri- 
pide, Bec, 314; Platon, Conviv., 1796; on court un 
danger itepî -uvô;. Hérodote, vin, 74. Le sang versé 
pour beaucoup, c'est donc la vie donnée et sacrifiée 
pour eux. Dans les textes grecs, le participe est au 
présent, l-/.yyw6\i.piov, « versé », d'où il suit que cette 
effusion du sang se fait dans le sacrifice eucharistique 
lui-même, mais n'y est possible que si ce sang a été 
versé effectivement dans le sacrifice de la croix. La 
Vulgate remplace le présent par le futur : quod pro 
vobis tradelur, « qui sera livré pour vous », I Cor., xi, 
24, qui pro niultis eftundetur, « qui sera versé pour 
beaucoup », Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 24, ou, qui 
pro vobis fundelur, « qui sera versé pour vous ». Luc, 
xxii, 20. La formule liturgique du canon de la messe 
est aussi au futur : pro vobis et pro mullis effundetur, 
« qui sera versé pour vous et pour beaucoup ». L'effu- 
sion du sang est alors rapportée au sacrifice de la croix, 
avec lequel le sacrifice de la messe est étroitement uni. 
Enfin saint Matthieu ajoute à la formule les paroles 
« pour la rémission des péchés, » qui caractérisent 
encore plus nettement la valeur expiatrice du sacrifice 
de Jésus-Christ. Dans tous ces textes, la mission ré- 
demptrice est l'objet des affirmations les plus positives, 
sous les formes variées. Il serait contraire à toute 
critique de [n'y voir qu'une idée mentionnée en passant, 
ou même introduite après coup dans la contexture des 
Évangiles. Tout peut donc se résumer dans la parole 
proférée par le Sauveur à l'occasion de la requête des 
fils de Zébédée : « Le Fils de l'homme est venu, non 
pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour 
la rançon, Vitpov, redemptio, d'un grand nombre. » 
Matth., xx, 28; Marc, x, 45. 

3° Dans les Actes. — Saint Pierre montre Jésus 
« livré en vertu d'un dessein arrêté par la pres- 
cience de Dieu, » Act., h, 23; il l'appelle « sauveur » 
exalté par Dieu. Act., v, 31. Philippe explique au mi- 
nistre de la reine Candace le chapitre lui d'Isaïe en 
l'appliquant à Jésus-Christ. Act., vm, 30-35. Saint Pierre 
dit au centurion Corneille que tous ceux qui croient 
en Jésus doivent « recevoir la rémission des péchés en 
son nom. » Act., x, 43. Saint Paul répète la même 
affirmation. Act., xni, 38, 39; xxvi, 18. Ces quelques 
indications laissent entrevoir que la prédication des 



Apôtres, sur la question de la rédemption, se con- 
formait aux données consignées plus tard dans les 
Évangiles. 

4° Bans saint Paul. — La doctrine de l'Apôtre sur la 
rédemption peut se ramener aux points suivants : 

1. Dieu nous a réconciliés avec lui par son Fils. Rom., 
v, 10; II Cor., v,18-19; Eph., n,.4-16; Col.,i, 19-23; il, 13, 
14; I Thés., i, 10. Voir Réconciliation, col. 1005. — 

2. Dieu a satisfait aux exigences de sa justice à notre 
égard en sacrifiant son Fils. « C'est lui que Dieu a 
montré comme victime propitiatoire par son sang au 
moyen de la foi, afin de manifester sa justice. » Rom., m, 
25. a. En envoyant, pour le péché, son propre Fils dans 
une chair semblable à celle du péché, il a condamné 
le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût 
accomplie en nous. » Rom., vm, 3, 4. Il « n'a pas épar- 
gné son propre Fils, mais il l'a livré à la mort pour 
nous tous, » Rom., vm, 32, « il l'a faitpéché pour nous, 
afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » 
II Cor., v, 21; cf. Gai., m, 13. Jésus-Christ « a été 
livré pour nos offenses. » Rom., îv, 27; cf. Is., lui, 4, 
5. — 3. Le Sauveur s'est livré lui-même pour nous. Il 
s'est « fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de 
sa pauvreté, » II Cor., vm, 9; « il s'est humilié, il s'est 
soumis jusqu'à la mort, et la mort de la croix, » Phil., 
h, 8; « il est mort pour nous, » I Thés., v, 10; « il est 
mort pour tous, » II Cor., v, 15; « le Christ, au temps 
marqué, est mort pour les impies... Lorsque nous 
étions encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour 
nous. » Rom., v, 6, 8,9. Il s'est livré pour son Église, 
Eph., v, 25-26, et pour chaque âme en particulier. 
Rom., xiv, 15; I Cor., vm, 11; Gai., il, 20; I Tim., i, 
15, Il « nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu 
pour nous en oblation et en sacrifice d'agréable odeur. » 
Eph., v, 2. « Le Christ est mort pour nos péchés, con- 
formément aux Écritures, »I Cor.,xv, 3;"«il s'est donné 
lui-même pour nos péchés. » Gai., i, 4. En disant que 
Jésus-Christ est mort pour nous, qui étions des impies 
et des pécheurs, et que Dieu l'a fait péché et l'a livré 
à la mort, afin que sa justice fût manifestée, saint Paul 
fait entendre que l'injuste seul méritait le châtiment, 
et que le juste ne l'a subi que par substitution. Or, 
dans tous ces passages de ses Épifres, l'Apôtre, au lieu 
d'employer la proposition qui indique la substitution, 
àvT!, « à la place de », se sert toujours de ûirip, «pour». 
C'est que cette seconde préposition marque mieux l'in- 
tention du Sauveur, la fin qu'il se propose expressé- 
ment en mourant pour nous. De plus, les anciennes 
victimes étaient bien immolées àv-ri, « à la place » des 
coupables; mais c'est tout ce qu'elles pouvaient faire. 
Le Sauveur ne se contente pas de mourir « à la place » 
des coupables; I Tim., n, 6; il meurt « pour» eux, c'est- 
à-dire que, par sa mort volontaire, non content de se 
substituer à nous et de nous soustraire au châtiment, 
il nous assure encore les plus grands biens. Rom., vm, 
32. — 4. Par sa mort, Jésus-Christ a efficacement assuré 
notre rédemption. Rom., m, 24; v, 9, 10. Ce rachat a 
été opéré « à grand prix, » I Cor., vi, 20; vu, 22, 23, car 
le Fils de Dieu « s'est donné lui-même pour notre ran- 
çon. » I Tim., n, 6. 11 nous a délivrés de la servitude 
du péché, Col., 1, 14; Eph., I, 7; Tit., u, 14; de celle de 
la loi mosaïque, Rom., vu, 4; Gai., ni, 13; îv, 5; de- 
celle de Satan, II Tim., n, 26; Col., n, 15, et de celle 
de la mort. II Tim., i, 10. Par contre, il nous a donné 
la vie.I Thess.,v,10; Col.,n,13; II Cor., v, 15. — 5. Les 
idées de saint Paul sur la rédemption ont leur expres- 
sion encore plus complète dans l'Épltre aux Hébreux, 
qui traite spécialement du sacerdoce et du sacrifice de 
Jésus-Christ. Le Sauveur est venu « dans la chair et le 
sang, afin de briser par sa mort la puissance de celui 
qui a l'empire de la mort, afin d'être un Pontife misé- 
ricordieux et qui s'acquittât fidèlement de ce qu'il faut 
auprès de Dieu pour expier les péchés du peuple. »• 



1013 



RÉDEMPTION 



1014 



Heb., it, 14, 17--18. « Nous avons en Jésus, le Fils de 
Dieu, un grand-prêtre excellent, qui a pénétré les 
cieux... Nous n'avons pas un grand-prêtre impuissant à 
compatir à nos infirmités; pour nous'ressembler, il les 
a toutes éprouvées, hormis le péché. » Heb., rv, 14,15. 
« Il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de 
Dieu par lui, puisqu'il est toujours vivant pour intercé- 
der en leur faveur... Il n'a pas besoin, comme les 
grands-prêtres, d'offrir chaque jour des sacrifices d'abord 
pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, 
car ceci, il l'a fait une fois pour toutes en s'offrant lui- 
même. » Heb., vu, 25, 27. « Ce n'est pas avec le sang 
des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang 
qu'il est entré une fois pour toutes dans le Saint des 
Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle. » 
Si le sang des victimes purifiait la chair, « combien 
plus le sang du Christ qui, par l'Esprit éternel, s'est 
offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre 
conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vi- 
vant'?... Sa mort a eu lieu pour le pardon des transgres- 
sions commises sous la première alliance... Sans effu- 
sion de sang, il n'y a pas de rémission. » Le Christ est 
entré « dans le ciel même afin de se tenir désormais 
pour nous présent devant la face de Dieu... Il s'est 
montré une seule fois, dans les derniers âges, pour 
abolir le péché par son sacrifice. » Heb., ix, 12, 15, 22, 
24, 26. En entrant dans le monde, il a dit : « Vous n'avez 
voulu ni sacrifice, ni oblation, mais vous m'avez formé 
un corps; vous n'avez agréé ni holocaustes, ni sacrifices 
pour le péché. Alors j'ai dit : Me voici... C'est en vertu 
de cette volonté que nous sommes sanctifiés, parl'obla- 
tion que Jésus-Christ a faite, une fois pour toutes, de 
son propre corps... Par une oblation unique, il a pro- 
curé la perfection pour toujours à ceux qui sont sancti- 
fiés. » Heb,, x, 5, 10, 14. « Le Dieu de paix a ramené 
d'entre les morts celui qui, par le sang d'une alliance 
éternelle, est le grand Pasteur des brebis, Notre-Sei- 
gneur Jésus. » Heb., xm, 20. Ainsi donc le Seigneur 
Jésus a pris un corps pour substituer volontairement sa 
propre immolation à celle des anciennes victimes, im- 
puissantes à obtenir la rémission du péché. Il a versé 
son sang une fois pour assurer cette rémission et la 
sanctification des hommes, et maintenant, dans le sanc- 
tuaire du ciel, il est toujours vivant afin d'intercéder en 
leur faveur. 

5° Dans saint Pierre. — Aux anciens prophètes, 
l'Esprit du Christ attestait d'avance les souffrances qui 
lui étaient réservées, et les fidèles ont été affranchis 
« par un sang précieux, celui de l'Agneau sans défaut 
et sans tache, le sang du Christ. » I Pet., I, 11,19. « Le 
Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle, 
afin que vous suiviez ses traces... Lui qui a porté nos 
péchés en son corps sur le bois, afin que, morts au 
péché, nous vivions pour la justice; c'est par ses meur- 
trissures que nous avons été guéris. » I Pet., n, 21, 
24. « Le Christ a souffert une fois la mort pour nos 
péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous ramener 
à Dieu. » I Pet., m, 18. « Puis donc que le Christ a souf- 
fert (pour nous) en la chair, armez-vous, vous aussi, de 
la même pensée... Dans la mesure où vous avez part 
aux souffrances du Christ, réjouissez-vous. »IPet.,iv, 1, 
13. C'est le Seigneur qui nous a rachetés; il est à la fois 
Seigneur et Sauveur. II Pet., il, 1, 20. 

6° Dans saint Jean. — « Le sang de Jésus-Christ 
nous purifie de tout péché. » I Joa., i, 7. « Si quelqu'un 
a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus- 
Christ, le juste. Il est lui-même une victime de propi- 
tiation pour nos péchés, non seulement pourles nôtres, 
mais pour ceux du monde entier. » I Joa., n, 1,2. 
« Jésus a paru pour ôter nos péchés..., pour détruire 
les œuvres du diable. » I Joa., m, 5, 8. Dieu « nous a 
aimés et a envoyé son Fils comme victime de propitia- 
tion pour nos péchés..., comme Sauveur du monde. » 



I Joa., iv, 10, 14. « A celui qui nous a aimés, qui nous 
a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits 
rois et prêtres de Dieu, son Père, à lui la gloire et la 
puissance. » Apoc, i, 5, 6. s Vous avez été immolé, et 
vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, ceux de 
toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute 
nation, et vous les avez faits rois et prêtres. j> Apoc, v, 
9, 10. Dans l'Apocalypse, Jésus-Christ est acclamé comme 
« l'Agneau qui a été immolé. » Apoc, y, 12, 13; vu, 
14, etc. 

7° On le voit donc, les écrivains du Nouveau Testa- 
ment ont sur la rédemption une doctrine concordante, 
et cette doctrine est en parfaite harmonie avec celle 
qu'a formulée le prophète Isale. L'affirmation capitale 
de la mission rédemptrice du Sauveur se trouve dans 
les paroles de la dernière Cène, préparées par celles 
qui précèdent dans Isaïe et dans l'Évangile, reproduites 
et expliquées ensuite par la prédication et les écrits des 
Apôtres. Attribuer à saint Paul la première idée d'une 
doctrine si importante, c'est méconnaître la significa- 
tion de la prophétie d'Isaïe, le caractère spirituel de 
l'œuvre du Messie, la cause finale de l'incarnation et le 
sens des paroles attribuées au Sauveur lui-même sous 
la garantie des témoins de sa vie publique. Ce serait 
d'ailleurs supposer très gratuitement et contrairement 
à toutes les probabilités qu'il a suffi que saint Paul 
imaginât une théorie de la rédemption pour que les 
Evangélistes et saint Pierre lui-même en fissent la base 
de leur exposition doctrinale. Car ce ne sont pas de 
rares et vagues allusions, ce sont des affirmations répé- 
tées et concordantes qui se rencontrent dans tous les 
auteurs sacrés du Nouveau Testament. A s'en tenir à 
tous ces textes, et indépendamment même de l'inter- 
prétation unanime des Pères, on est donc en droit de 
conclure que le fait de la rédemption est une réalité 
prévue plusieurs siècles à l'avance, voulue formelle- 
ment par Dieu, acceptée volontairement par Jésus- 
Christ avec toutes les conséquences qui devaient en 
résulter pour sa personne divine, et effectuée par lui 
au jour de sa passion et de sa mort sur la croix. Cf. 
Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, 
p. 38-99; Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, 
p. 218-270. 

II. Ses effets. — La rédemption ne doit pas être 
isolée de l'incarnation. La valeur de la rédemption se 
tire, en effet, de la qualité personnelle du Rédempteur, 
par conséquent de la divinité qui s'est unie à l'humanité 
dans l'incarnation. D'autre part, le mérite rédempteur 
a été acquis à tous les actes du Sauveur; presque tout 
ce qui est affirmé de la rédemption peut donc s'étendre 
à toute la vie de Jésus-Christ. Néanmoins sa mort sur la 
croix constitue l'acte rédempteur par excellence, celui 
qui couronne tous les autres et en vue duquel ils sont 
ordonnés. Les effets qui résultent de cet acte sont les 
suivants : 

1° Satisfaction pour le péché. — Le péché constitue 
une dette vis-à-vis de Dieu; c'est le nom que lui donne 
Notrc-Seigneur. Matth., vi, 12. Cette dette représente 
une jouissance que le pécheur s'est procurée contrai- 
rement à la volonté de Dieu. Pour s'acquitter, le pécheur 
doit donc offrir à Dieu une souffrance en compensation 
de la jouissance illégitime, et, à raison de la majesté de 
l'offensé, « sans effusion de sang, il n'y-4 pas de rémis- 
sion. » Heb., IX, 22. Mais tout le sang des animaux et 
des hommes étant incapable de donner satisfaction à la 
justice divine, Jésus-Christ est venu, et en mourant pour 
les hommes, il s'est constitué leur rançon. Matth., xx, 
28; Marc, x, 45; ITim., n,6;Tit., n, 14; I Pet., i, 18, 
19. En conséquence, le péché a été remis. Joa., I, 29, 
36; Act., x, 43; xm, 38, 39; xxvi, 18. La victime étant 
divine, la satisfaction offerte par son sacrifice a été sur- 
abondante, de sorte que non seulement la justice de 
Dieu a été pleinement satisfaite, Rom., m, 25; vin, 3, 



1015 



REDEMPTION 



REFRAIN 



1016 



4, 32; II Cor., v, 21, mais encore le prix de la ran- 
çon a été très élevé. I Cor., vi, 20; vu, 22, 23, « Là où 
le péché avait abondé, la grâce a surabondé. » Rom., 
t, 20. 

2° Réconciliation avec Dieu. — Les exigences de la 
justice divine ayant reçu satisfaction, l'homme a été 
réconcilié avec Dieu, aux yeux duquel il était naguère 
-un révolté. Rom., v, 10; II Cor., v, 18-19; Eph., n, 4- 
16; Col., i, 19-23; I Thés., i, 10; I Pet., m, 18. Le Sau- 
veur « a détruit l'acte qui était écrit contre nous et 
nous était contraire avec ses ordonnances, et il l'a fait 
disparaître en le clouant à la croix. » Col., il, 14. La 
rédemption est ainsi devenue la cause du salut du monde 
en le sauvant des effets du péché qui faisait de Dieu, 
source unique de la vie éternelle, l'ennemi de l'homme. 
Joa., m, 17; vin, 28; xn, 32, 47; Heb., vu, 25, 27; 
I Joa., iv, 10, 14. Cette rédemption a été universelle, 
acquise à tous les hommes qui veulent en profiter. 

I Joa., n, 12; Apoc., v. 9, 10. Si, à la dernière Cène, le 
Sauveur dit seulement que son sang est versé « pour 
beaucoup », Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 24, c'est que 
c mort pour tous >; en droit, II Cor., v,14, même pour 
ceux qui se détournent de lui, Il Pet., n, 1, il ne par- 
lait alors que de ceux qui, en fait, devaient profiter de 
sa mort. 

3° Ruine de l'empire de Satan. — Avant la rédemp- 
tion, Satan était le « prince de ce monde, » Joa., xn, 
31; xiv, 30; « il avait l'empire de la mort, » Heb., n, 
14, par laquelle il exerçait sa tyrannie sur les hommes 
qui avaient préféré son service à celui de Dieu. Par la 
rédemption, Jésus-Christ le jette dehors. Joa., xn, 31. 

II dépouille les principautés et les puissances, et les 
livre hardiment en spectacle. Col., n, 15. Il brise par 
sa mort la puissance de celui qui avait l'empire de la 
mort, c'est-à-dire du diable. Heb., n, 14. Il détruit les 
œuvres du diable, I Joa., m, 8, c'est-à-dire le péché et 
l'influence néfaste dont Satan disposait pour le faire 
commettre. 

4° Délivrance de toutes les servitudes. — Jésus-Christ 
met fin par sa mort à la servitude du péché, Col., i, 
14; Eph., i, 7; Tit., n, 14; Heb., ix, 26; I Joa., m, 4-6; 
à celle de Satan, II Tim., H, 26; à celle de la mort, 
Heb., il, 14; II Tim., 1,10, et à celle de la loi ancienne. 
Rom., vu, 14; Gai., ni, 13; îv, 5. Il remplace ces servi- 
tudes par la loi de liberté. Jacob., i, 25; h, 12. C'est la 
liberté glorieuse des enfants de Dieu, Rom., vni; 21, 
par laquelle le Christ nous a affranchis. Gai., rv, 31 ; 
cf. v, 13. 

5° Biens de la vie spirituelle. — « Dieu n'a pas 
épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous 
tous; comment donc, avec lui, ne nous a-t-il pas donné 
tous les biens ? » Rom., vin, 32. Ces biens sont mul- 
tiples. Jésus-Christ nous a assuré la possession de la 
vie, Joa., x, 10; Col., u, 13; I Joa., m, 14, de cette vie 
spirituelle et surnaturelle qui doit conduire à la vie 
éternelle. Joa., m, 15; Heb., v, 9; ix, 12; I Joa., v, 11, 

13. Cettte vie surnaturelle comporte la sanctification, 
Joa., xvn, 19; Heb., x, 10, 14; xm, 12, l'adoption divine 
qui fait de l'homme racheté l'enfant de Dieu, Joa., i, 
12; Rom., vin, 15, 23; Gai., iv, 5; Eph., î, 5, le cons- 
titue roi et prêtre, Apoc, i, 6; v, 9; I Pet., n, 5, c'est- 
à-dire le consacre pour le service de Dieu et lui donne 
de vivre pour Jésus-Christ. II Cor., v, 15; I Thess., v, 
10. Pour que toutes les grâces que comporte cette 
dignité nouvelle soient accordées à l'homme et digne- 
ment utilisées, Jésus-Christ rédempteur est tout à la fois 
l'intercesseur qui les demande dans le ciel, Heb., iv, 

14, 15, et le modèle à imiter sur la terre. I Pet., n, 21, 
24; iv, 1, 13. 

6° Gloire de Dieu. — Cette gloire est, à vrai dire, le 
premier et principal résultat que le Fils de Dieu avait 
en vue en venant sur la terre, tout en se proposant de 
la procurer par la rédemption des hommes : « Gloire, 



dans les hauteurs, à Dieu, et sur la terre, paix, bien- 
veillance pour les hommes. » Luc, II, 14: Dans ce qu'il 
dit, ce qu'il fait et ce qu'il souffre, le Fils de Dieu ne 
cherche que la gloire de son Père. Joa., vin, 49, 50; 
xm, 31, 32; xiv, 13. Au moment de partir pour Gethsé- 
mani, il dit aux apôtres : « Afin que le monde sache 
que j'aime mon Père et que j'agis selon le commande- 
ment que mon Père m'a donné, levez-vous, partons 
d'ici. » Joa., xiv, 31. Il rappelle à son Père qu'il l'a 
glorifié toute sa vie et demande à pouvoir le faire encore 
en mourant. Joa., xvn, 1, 4, 6, 26. Enfin, dans son 
agonie, il accepte la mort parce que telle est la volonté 
de son Père. Matth., xxvi, 39, 42; Marc, xiv, 36; Luc, 
xxii, 42. Cette mort est le sacrifice par excellence ; elle 
procure donc éminemment la réalisation des fins du 
sacrifice; elle n'est pas seulement un acte d'expiation 
et d'intercession en faveur des hommes coupables, elle 
est aussi et avant tout un acte d'adoration et de recon- 
naissance envers le Père qui est dans les cieux. 

H. Lesètre. 
RÉÉMA, ville d'Arabie, Ezech., xxxvn, 12, dont le 
nom est écrit en hébreu comme celui que la Vulgate a 
rendu par Regma. Gen., x, 1 ;1 Pav., i, 9. VoirREGiu, 
col. 1022. 

REFAÏM- Voir Raphaïm, col. 975. 

REFRAIN, un ou plusieurs mots qui se répètent à 
plusieurs reprises dans un chant. Le refrain répété en 
chœur est un élément commun à toutes les poésies 
populaires, il appartient à toutes les liturgies. La Bible 
l'exprime par le mot n:y, 'ândh, « élever la voix », 
spécialement : « répondre », Gen., xxm, 14; Ps. lxvii 
(lxvi), 14; Dan., 11, 7; et « chanter (en refrain ou en 
chœur) ». Ex., xxxu, 18; Num., xxi, 27; Ps. CXlvii 
(cxlvj), 7; Is., xxvii, 2. Dérivés : ma'ânâh, Job, xxxu, 3, 
et ma'anit, Ps. cxxix (cxxviii), 3, « réponse ». Les Sy- 
riens appellent le refrain 'ûnîtâ. C'est le ^W»-, « ré- 
plique, réponse », des chants arabes, Viç-j^to-i ou 
YvKaiiô-tj des hymnes grecques. 

1° L'usage du refrain dans les chants hébreux estattesté 
par l'Écriture, le refrain lui-même est souvent, mais 
pas toujours régulièrement, porté dans les pièces bibli- 
ques. Le Ps. xxvin (xxvii) donne en titre l'indication 
lë'annôt, « pour chanter » ou « pour répondre ». L'Exode 
dit gôl 'ânôt, « voix de chants » ou c< de chœurs ». 
Ex., xxxu, 18. Certains auteurs croient que l'expression 
'alpé sin'dn, Ps. lxviii (lxvii), 18, « les milliers qui 
répètent », signifierait la réponse en chœur des foules. 
Goussanville, Prxf. ad Antiphonarium S. Gregorii, 
dans Gerbert, Monuni. vel. lit. Alem., t. i, p. 64. Quoi 
qu'il en soit, l'usage du refrain est prouvé par le Tal- 
mud, Sota, 20 b : « Après chaque division (de strophe), 
le peuple reprenait les paroles initiales. » Voir H. Grù- 
newald, Ueber den Einfluss der Psalmen auf die 
Enttialtung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890, 
p. 17, 18. 11 était très pratiqué chez les Thérapeutes : 
àvctçiivoiç ipjjLovfat;... atpotpâç te,., xai àvTKTtpôçnu;..'. 
(UXsffiv àvTr,xoi; *ai àvitçiovoiç. Philon, De vita contem- 
plàtiva, xi, édit. Mangey, 485, 486; comme aussi dans 
les premières liturgies chrétiennes : Carmen Christo 
quasi Deo, dicere SECUM invicem. Pline le jeune, 
Epist. lxix ad Trajan., édit. Lemaire, t. Il, p. 199 : 
« A celui qui psalmodie dans l'église, les vierges et les 
enfants répondront en psalmodiant. Si deux ou trois se 
trouvent psalmodiant à la maison, ils se répondront 
l'un à l'autre en psalmodie. » Rahmani, Testamentum 
D. N. J. €., Mayence, 1899, p. 142, 143. 'O X«b« xà 
ày-pooTt^ia v-xafyoù.Xézia. Constit. apostol., II, 57, t. I, 
col. 728. Les termes liturgiques ûitaxoT,, îmaKoOetv, fré- 
quents sous la plume des écrivains ecclésiastiques grecs, 
Acta Concil. Nicseni 11, Mansi, Conc., t. xm, col. 170; 
S. Jean Chrysostpme, In Ps. xli, t. lv, col. 155-158; 



1017 



REFRAIN — REFUGE (VILLES DE) 



101* 



S. Athanase, Apologia de fuga sua, 24, t. xxv, col. 675; 
sont un emprunt à la traduction des Septante, Job, xiv, 
13, etta xaXéaetç, éy'5 8s <rot Ù7raxou<rou.ai. 

2° Le refrain primitif est une acclamation, teru'âh, 
Ps. xxxiii (xxxn)3; lxxxjx, (cxxxviii) 16; Num., xxm, 
21; II Sam. (Reg.) vi, 5; I Esd., m, 11, souvent prise 
en dehors du texte, comme « Amen », Deut. xxv, 15-26. 
Voir Amen, t. i, col. ,475, ou « Alléluia », qui est encore 
dans le Psautier hébreu placé comme une « antienne » 
ajoutée aux Psaumes. Voir Alléluia, t. i, col. 369; ou 
bien cette réplique appartient au textelui-même. Nous 
en avons plusieurs exemples. Au Psaume cxxxvi (cxxxv), 
chaque verset comporte la réponse kî le'ôldm hasdô, 
laquelle est indiquée aussi aux Psaumes cvi (cy), et cyn 
(cvi); et il semble que cette même formule de refrain 
s'employait dans toutes les circonstances solennelles : 
I Esd. m, 11 : « ils répondront wi, en louant et 
en célébrant le Seigneur, parce que sa miséricorde est 
éternelle. » Voir I P»t.,xvi, 41; II Par., v, 13; vu, 6; 
xx, 21. Le cantique des trois jeunes hommes a pour 
retrain après chaque verset : « Loué, glorifié et exalté 
dans les siècles. » Dan., m, 52-57; puis : « Louez-le et 
exaltez-le dans les siècles », 57-88. Ailleurs le refrain 
est la reprise des premiers vers. Cf. Exod. xv, 20 avec xv, 
1. Voir aussi Ps. vin, 1, et 10. Telle est l'ancienne forme 
orientale du chant à refrain ou chant alterné. Mais l'al- 
ternance eut lieu aussi en suivant sans répétition la 
psalmodie ou l'hymne, chanté à deux chœurs. Socrate, 
H. E., vi, 8, t. lxvii, col. 689; Barhébraeus, Chronic. 
ecclesiast., H, 11, édit. Abeloos-Lamy, Paris, 1864, t. H, 
p. 33-34. Les traditions artistiques de la Grèce attri- 
buaient du reste aux chants alternés une antiquité 
immémoriale, lliad., i, 604. Mais le plushaul exemple 
de chant alterné se trouve dans Isaïe, vi, 3 : « [Les deux 
séraphins] criaient l'un à l'autre et disaient : « Saint, 
saint, saint est le Seigneur le Dieu des armées; toute la 
terre est remplie de sa gloire, » 

L'usage populaire du refrain devint plus tard, dans 
les poésies scripturaires, un procédé littéraire étudié. 
Au Psaume xlvi (xlv) le refrain se forme des derniers 
vers de la strophe : 

Le Seigneur des armées est avec nous ; 
Le Dieu de Jacob est notre refuge. 

Voir Bickell, Metrices biblicse regitlœ exemplïs illus- 
tratœ, Inspruck, 1879, p. 45. C'est aussi un refrain 
trois fois répété que présente le texte des Psaumes xlii 
xli)6, 12; xliii (xlii), 5. 

[dedans de moi ? 
Pourquoi te troubler, ô mon âme et pourquoi défaillir au 
Espère au Seigneur, car je le louerai encore : 
Il est le salut de ma face et mon Dieu. 

Isaïe insère comme ua refrain, dans sa prophétie 
contre Israël et la Syrie, ces deux vers, répétés régu- 
lièrement après chaque strophe de douze vers : 

Tous ces maux n'ont pas détourné sa colère. 

Et son bras est encore levé. Ps. IX, 12, 17, 21 ; X, 4. 

Le Psaume cvn (cvi) termine toutes ses strophes par 
un refrain de quatre vers chaque fois modifié : 8 et 9, 
15 et 16, 21 et 22, 31 et 32. Cf. Ps. clxiv (cxlv), 8 et 
11; lxxx (lxxix). Mais la transcription de ces ré- 
pétitions n'est pas toujours régulière. Faut-il voir 
aussi un double refrain au Psaume lix (lviii). 7 et 15, 
10 6,-11 a et 18 bf Quoi qu'il en soit, les. exemples 
cités montrent largement l'emploi du chant à refrain 
dans la Bible. On peut en constater encore la pratique 
dans le service actuel de la synagogue, où la récitation 
de prières rythmées, alternée entre l'officiant et le 
peuple, ressemble à une sorte de litanie. L'ancien 
usage juif passa aux chrétiens, et ce sont ces acclama- 
tions liturgiques primitives qui ont donné origine aux 
antiennes de notre psalmodie, lesquelles n'étaient jadis 



que la réponse donnée par le peuple ou le chœur aux 
versets du Psaume chantonnés par le lecteur ou le- 
chantre. . J. Parisot. 

1. REFUGE (hébreu : hâsût, mahséh, mànôs, mis- 
(ôr, mâ'ôz, mâ'ôn, misgab, \oz; Septante : xaTaçuY^; 
Vulgate : réfugiant), lieu où l'on se met à l'abri d'un- 
danger. 

1» Au sens propre. — La Palestine abonde en 
rochers, en vallées escarpées et en cavernes dans les- 
quels on pouvait se mettre en sûreté quand on était 
poursuivi par quelque ennemi ou menacé d'un danger. 
Voir Caverne, t. n, col. 355, Les malheureux cherchaient 
le rocher comme refuge pendant la pluie. Job, xxiv, 
8. On demandait aussi un refuge aux villes. I Mach., x, 
14; II Mach., v, 9. Contre l'orage et la pluie, une tente 
pouvait servir de refuge, ànoxp'joov, absconsio. Is., 
iv, 6. 

2° Au sens figuré. — Il n'y a point de refuge pour 
les méchants, .lob, xi, 20. Le juste persécuté se plaint 
de ne pas trouver dé refuge, tovyri, fuga. Ps. cxlh 
(Cxli), 5 . Le refuge que les Israélites cherchent à 
l'ombre de l'Egypte tournera à leur confusion. Is., xxx, 
3. La grêle emportera le refuge du mensonge et les 
eaux renverseront l'abri sur lequel on compte. Is., 
xxvni, 17. —Très souvent, c'est Jéhovah lui-même qui 
est considéré ou invoqué comme le refuge de ses servi- 
teurs. Ps. ix, 10; xxxi (xxx), 3; xlvi (xlv), 2; xc 
(lxxxix),1; xci(xc), 2, 9; xciv(xciii), 22; II Reg., xxu, 
3; Is., xxv, 4 ; Joël, iv, 16, etc. Les différents synonymes 
hébreux ne sont pas toujours traduits par y.xxa!f\iyri> '*e~ 
fugium. Les versions se servent encore des mots (3oyj- 
6ita,« force », auxitium, « secours »,. Ps. lxh (lxi), 8; 
fjoïiôdç, « fort », fortitudo, « force », Is., xxv, 4; adju-. 
tor, « aide », Ps. lxii (lxi), 9; lxxi (lxx), 7; tôttoc 
ôxupoç, locus munitus, « lieu fortifié », Ps. lxxi (lxx), 
3; xpaTatMa.*, fortitudo, « forteresse », Ps. xxviii,. 
(xxvn), 8; xliii (xlii), 2; àv"[eXv}7rrMp, susceptor, « sou- 
tien », Ps. xvm (xvii), 3; xlvi (xlv), 8, 12; xlviii,. 
(xlvii), 4 ; UX (iron), 10, 18", xci (X.C), 2; înwçaarcKrtifit,. 
protector, « protecteur ». Ps. xxvm (xxvn), 8; xxxvit 
(xxxvi), 39. Dans un même verset, Jérémie, xvi, 19, 
appelle le Seigneur 'oz, mâ'ôz, mànôs, td/ûc, porfîzia, 
xaTatpuyTJ, fortitudo, robur, refugium, «. forteresse, 
force, refuge ».Tous ces mots expriment la même idée : 
en Jéhovah, le juste trouve un refuge puissant et assu- 
ré, comme celui que ménagent aux fugitifs les rochers 
les plus solides. H. Lesêtre. 

2. REFUGE (VILLES DE) l'ârê miqlàt ; Septante : 
nt5Xei; t<5v çuYaScuTi)p(u>v, fuyàSevTr'pia, çuyaSeîa; Vul- 
gate : urbes, prsesidia, auxilia fugitivorum), villes 
dans lesquelles s'exerçait le droit d'asile en faveur des 
homicides involontaires. 

1» La législation. — En portant la loi contre l'homi- 
cide, Moïse avait dit au sujet du meurtrier et de sa 
victime : « S'il n'a pas eu cet homme en vue et que 
Dieu l'ait présenté à sa main, je te fixerai un lieu où 
ii pourra se réfugier. » Exod., xxi, 13. Quand, en effet,. 
un meurtre avait été commis, un propre parent de 
la victime avait le droit de poursuivre le meurtrier 
et de le mettre à mort. Voir GoEi,^t. m, col. 262. 
Mais il pouvait arriver que le meurtre^eùt été invo- 
lontaire. On avait jeté quelque chose sans intention 
ou laissé tomber une pierre par mégarde, le fer de la 
hache s'était échappé du manche et avait frappé mor- 
tellement un compagnon de travail, etc. Num., xxxv, 
22, 23; Deut., xix, 5. En pareil cas, le crime d'ho- 
micide n'existait pas, et, s'il y avait imprudence, elle 
n'était pas toujours gravement coupable. D'autre part, 
il n'eût pas été sage de laisser l'appréciation de 
l'acte. au vengeur du sang, qui eût souvent manqué 
d'impartialité. Lors donc qu'un homicide accidentel 



1019 



REFUGE (VILLES DE) — RÉGÉNÉRATION 



1020 



était survenu, le meurtrier se hâtait d'aller se réfugier 
dans une ville déterminée. Il s'arrêtait à la porte et 
exposait son cas aux anciens. Ceux-ci devaient lui assi- 
gner une demeure et ensuite prendre soin de le faire 
comparaître devant l'assemblée, qui jugeait l'affaire. 
Si le meurtrier était reconnu coupable, on le livrait au 
vengeur du sang, qui le mettait à mort. Dans le cas 
contraire, les anciens le ramenaient dans la ville de 
refuge. Là il était inviolable. Mais il restait confiné 
dans la ville jusqu'à la mort du grand-prêtre. S'il en 
sortait auparavant, le vengeur du sang avait le droit de 
le frapper en dehors de la ville de refuge. A la mort du 
grand-prêtre, le meurtrier pouvait impunément rentrer 
dans son pays. Cette loi était portée pour que le sang 
innocent ne fût pas versé et ne retombât pas sur le 
peuple. Le législateur tenait tant à ce que le meurtrier 
involontaire pût se mettre à l'abri, qu'il ordonna d'en- 
tretenir en bon état les routes conduisant aux villes de 
refuge, afin que l'intéressé pût y arriver plus rapide- 
ment et plus sûrement. Num., xxxv," 12-28; Deut., xix, 
1-13; Jos., xx, 2-9. La loi est répétée jusqu'à trois fois, 
à raison de son importance. Le séjour forcé du meur- 
trier dans la ville de refuge pouvait être assez long. 
Certains grands-prêtres ont été en fonction de 40 à 50 
ans et beaucoup de 15 à 20 ans. La gêne qui résultait de 
cet internement était compensée par la sécurité dont 
jouissait le meurtrier. Elle constituait aussi un avertis- 
sement sérieux; il fallait apporter une grande prudence 
dans tous les rapports avec le prochain. 

2° Les villes désignées. — Après avoir promis d'indi- 
quer un lieu de refuge, Exod., xxi, 13, Moïse décida 
que six villes jouiraient du droit d'asile, trois à l'est 
du Jourdain et trois à l'ouest. Elles devaient être ouver- 
tes à l'Israélite, au gêr ou étranger vivant au milieu 
des Israélites en adoptant leurs coutumes, et même à 
l'étranger séjournant simplement dans le pays. Après 
la conquête de la contrée à l'est du Jourdain, Moïse 
désigna trois villes de refuge : Bosor, dans le désert 
de la plaine, pour la tribu de Ruben ; Ramoth, en Ga- 
laad, pour la tribu de Gad, et Golan ou Gaulon, en Ba- 
san, pour ceux de la tribu de Manasêé. Deut., iv, 41-43. 
Plus tard, il rappela que trois autres villes devaient 
être désignées dans le pays de Chanaan et il ajouta 
qu'on pourrait en désigner trois de plus lorsqu'on aurait 
conquis la Terre Promise jusqu'à ses limites extrêmes. 
Deut., xix, 2, 7-9; cf. Gen., xv, 18; Exod., xxrri, 31. 
Le pays de Chanaan devait, à cet effet, être divisé en 
trois parties, Deut., xix, 3, comme le pays transjorda- 
nique. Sous Josué furent désignées les trois villes de 
Chanaan : Cédés, en Galilée, dans la montagne de Neph- 
thali; Sichem, dans la montagne d'Éphraïm, et Cariath- 
arbé ou Hébron, dans la montagne de Juda. Jos., xx, 
2-9; On peut remarquer, à la suite des docteurs de la 
Gémara, Makkoth,tol. 9, 2, que ces trois dernières vil- 
les correspondaient, par la latitude, à celles de la rive 
gauche du Jourdain, Cédés à peu près à Gaulon, Si- 
chem à Ramoth et Hébron à Bosor. Voir Bosor, t. i, 
col. 1856; Cariatharbé, t. n, col. 272; Cédés, col. 360; 
Gaulon, t. m, col. 116; Hébr0n,co1. 554; Ramoth, t. v, 
col. 960; SiGHEjf. En Chanaan, les villes de refuge se 
trouvaient dans la montagne et pouvaient être plus fa- 
cilement défendues. Les six villes étaient assez distan- 
tes l'une de l'autre pour que le meurtrier n'eût pas à 
s'attarder en chemin, s'il voulait échapper au vengeur. Il 
est probable d'ailleurs qu'il ne prenait les routes prin- 
cipales que quand son habitation en était voisine. Pour 
l'ordinaire, il avait intérêt à suivre les sentiers les plus 
courts et les moins fréquentés. Le nombre des villes de 
refuge ne parait jamais avoir été de pins de six. La 
Terre Promise atteignit ses limites extrêmes du temps de 
David et de Salomon, mais ce ne fut que d'une manière 
passagère, et l'on n'eut pas besoin de multiplier les asi- 
les. — Les anciens des villes de refuge avaient la charge 



d'assurer la protection du réfugié, sa comparution devant 
l'assemblée etsa remise au vengeur du sang s'il était re- 
connu coupable. Les lévites furent choisis pour s'ac- 
quitter de ces soins et, dans ce but, les villes de refuge 
furent rangées parmi les villes lévitiques. On attribua 
donc Hébron aux fils d'Aaron, Sichem aux fils de Caath, 
Gaulon et Cédés aux fils de Gersom, Ramoth et Bosor 
aux fils de Mérari. Jos., xxi, 13-38; I Par., vi, 57, 67, 
71, 73, 78, 80. — Dans la suite de l'histoire d'Israël, 
il n'est pins fait mention des villes de refuge, ce qui 
prouve seulement que cette institution ne donna lieu 
à aucun incident notable. Les rabbins prétendent que 
les 48 villes lévitiques jouissaient du droit d'asile. Il 
est vrai que dans le texte grec de Josué, xxi, 27, on 
appelle les villes lévitiques ràç mSXei; ràç àçwpiajiévaç 
■toïç çoveûijaac, « les villes assignées aux meurtriers ». 
La Vulgate porte aussi confugii civitates. Mais l'hébreu 
a ici le mot 'ir, « ville », au singulier, conformément 
aux passages analogues. Jos., xxr, 32, 36, etc. On ne 
peut donc s'appuyer sur les versions pour justifier l'ex- 
tension du droit d'asile à toutes les villes lévitiques. 
Les rabbins distinguent d'ailleurs entre les villes de 
refuge et les autres villes lévitiques. D'après eux, les 
villes de refuge protégeaient le meurtrier, qu'il connût 
ou non le privilège de la ville, et il n'avait pas à y 
payer son logement; les autres villes, au contraire, ne 
protégeaient que celui qui croyait à leur privilège, 
mais elles ne l'hébergeaient pas gratuitement. Cf. Uak- 
koth, n, 4; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, 
p. 119. 

3° Le droit d'asile. — Il est dit dans l'Exode, xxr, 
14 : « Si un homme, de propos délibéré, tue son pro- 
chain par ruse, tu l'arracheras de mon autel pour le 
faire mourir. » Ce texte suppose en vigueur l'usage de 
chercher un refuge auprès de l'autel quand on était 
coupable ou seulement menacé de mort. Dieu ne veut 
pas que son autel protège le coupable; il n'interdit 
pas cependant que l'autel continue à préserver celui 
qui est menacé de mort sans l'avoir mérité. La législa- 
tion mosaïque réprouve ainsi très nettement le droit 
que les autres peuples reconnaissaient aux lieux d'asile. 
Les coupables eux-mêmes y trouvaient un abri contre 
les sévérités de la justice. Chez les Israélites, ni l'autel, 
ni les villes de refuge ne protégeaient les coupables. 
Quand Adonias se vit surprendre au milieu de sa cons- 
piration contre Salomon, il se hâta d'aller saisir les 
cornes de l'autel, pour se mettre sous la protection 
divine. Il n'était pas meurtrier, mais coupable d'un 
crime qui méritait la mort. Salomon lui fît grâce, mais 
par pure clémence. III Reg., i, 50-53. Il en alla autre- 
ment pour Joab, le meurtrier d'Asaël et d'Abner. 
II Reg., n, 23; m, 27. Il eut beau se réfugier dans le 
sanctuaire, auprès de l'autel ; Salomon ne l'en fit pas 
moins mettre à mort. III Reg., n, 28-34. — Chez les 
Grecs et les Romains, le droit d'asile appartenait aux 
autels, aux temples et à leur enceinte sacrée. Cf. Hé- 
rodote, n, 113; Euripide, Hecub., 149; Pausanias, n,5, 
6; Dion Cassius, xlvii, 19; Strabon, v, 230; xiv, 641; 
xv, 750; Tite Live, i, 8, 35, 51; Tacite, Annal., m, 60, 
63; Florus, n, 12, parfois même à des villes et à leur 
territoire. Cf. Polybe, vi, 14, 8; etc. Le temple d'Apol- 
lon et de Diane, à Daphné, possédait le droit d'asile, 
et c'est là que se réfugia le grand-prêtre Onias III, quand 
il voulut dénoncer le vol sacrilège de Ménélas. II Mach., 
îv, 33. Voir Daphné, t. n, col. 1292. — Osiander, De 
asylis Uebrseorum, Tubingue, 1672, dans Ugolini, Thé- 
saurus, t. xxvi ; Ries, De prsssidiariis Levitarum urbi- 
bus, Vitebsk, 1715. H. Lesétre. 

RÉGÉNÉRATION (grec : icaXiYyevE<n'a,àvaxaivw(ji:; 
Vulgate : regeneratio, renovatio), don d'une vie nou- 
velle et surnaturelle faite à l'âme chrétienne par Jésus- 
Christ. — Ce don a été annoncé et expliqué par le Sau- 



1021 



RÉGÉNÉRATION — RÉGOM 



1022 



veur à Nicodème. « Nul, s'il ne naît de nouveau, ne 
peut voir le royaume de Dieu. Nul, s'il ne renaît de 
l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume 
de Dieu. Il faut que vous naissiez de nouveau. » Joa., 
m, 5-7. Cette naissance nouvelle n'est pas une naissan- 
ce corporelle, comme l'imagine le docteur d'Israël; 
elle s'opère par l'eau du baptême et l'Esprit qui pro- 
duit dans l'âme la vie surnaturelle. De cette manière, 
les hommes sont « régénérés d'un germe non corrup- 
tible, mais incorruptible, parla parole de Dieu vivante 
et éternelle. » I Pet., i, 23. Dieu « nous a sauvés par 
le bain de la régénération, en nous renouvelant par le 
Saint-Esprit qu'il a répandu sur nous largement par 
Jésus-Christ. » TH., m, 5, 6. Le Sauveur, par sa mort, 
a réconcilié ensemble Juifs et Gentils, « afin de fondre 
en lui-même les deux dans un seul homme nouveau. » 
Eph., n, 15. Il n'importe donc nullement d'avoir été 
circoncis ou non ; « ce qui est tout, c'est d'être une 
nouvelle créature. » Gai., vi, 15. « Quiconque est en 
Jésus-Christ, est une nouvelle créature; les choses an- 
ciennes sontpassées, tout estdevenu nouveau. » II Cor., 
v, 17. Être en Jésus-Christ, c'est ne plus vivre selon la 
nature, mais par l'effet de la grâce surnaturelle qui 
unit à Dieu et fait vivre de la vie divine. II Pet., i, 4. 
Le chrétien devient par là un homme nouveau, au lieu 
d'être comme auparavant ce vieil homme qui vivait de 
l'ancienne vie purement humaine. Saint Paul exhorte 
à se dépouiller du vieil homme, corrompu par les con- 
voitises trompeuses, et à revêtir l'homme nouveau, créé 
selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables. 
Eph., iv, 22-24. Le vrai chrétien a « dépouillé le vieil 
homme avec ses œuvres et revêtu l'homme nouveau 
qui, se renouvelant sans cesse à l'image de celui qui 
l'a créé, atteint la science parfaite. » Col., ni, 9, 10. 
« Alors même que notre homme extérieur dépérit, notre 
homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » II Cor., 
iv, 16. Désormais, dit-il aux Romains, vu, 6, « nous 
servons Dieu dans un esprit nouveau, et non selon une 
lettre surannée. » Il ajoute : « Purifiez-vous du vieux 
levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle. » I Cor., 
v, 7. Cette régénération dqit donc être reçue de Dieu, 
conservée avec soin, renouvelée sans cesse. Sans elle 
comme l'a dit Notre- Seigneur, on ne peut entrer dans 
le royaume de Dieu, on est exclu de l'Église et 
ensuite du ciel. — Sur le sens dans lequel il faut 
entendre l'impossibilité de la rénovation à la suite 
de la rechute grave. Heb., vi, 6. Voir Pénitence, 
col. 43. — Dans saint Matthieu, xix, 28, la régénéra- 
tion est prise dans le sens de résurrection. — La résur- 
rection corporelle est l'image de la résurrection spiri- 
tuelle; Jésus-Christ est venu pour rendre la vie aux 
âmes, comme il la rendra aux corps à la fin des temps. 
Il est né « pour la chute et la résurrection d'un grand 
nombre en Israël. » Luc, h, 34. Le baptême était con- 
sidéré comme une sorte de sépulture dont on sortait 
par la résurrection spirituelle. « Nous avons été ense- 
velis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, 
comme le Christ est ressuscité des morts par la 
gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une 
vie nouvelle. » Rom., vi, 4. Cf. Col., n, 12, 13. « Si 
donc vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez 
les choses d'en haut. » Col., m, 1. Dieu, « selon sa 
grande miséricorde, nous a régénérés par la résurrec- 
tion de Jésus-Christ d'entre les morts pour une vivan- 
te espérance. » IPet., i, 3; cf. m, 21. La mort de Jésus- 
Christ est donc la cause de notre réconciliation avec 
Dieu, et sa résurrection, celle de notre régénération. 
C'est pourquoi l'Apôtre écrit que Notre-Seigneur a été 
« livré pour nos offenses, et est ressuscité pour notre 
justification. » Rom., iv, 25. — Saint Paul recommande 
à son disciple de ressusciter, «vaÇwîtupetv, de «rallu- 
mer» en lui la grâce de l'ordination. II Tim.,i, 6. Voir 
Baptême, 1. 1, col. 1433. H. Lesétre. 



REGINA, sœur de Galaad, de la tribu de Mariasse, 
que la Vulgate a ainsi appelée parce qu'elle a traduit 
son nom hébreu, ham-M ôléhéf (Septante : MaXex^)> 
mère d'Ishod (t. m, col. 989; Vulgate : Virum déco- 
rum), d'Abiézer 1 (t. i, col. 47) et de Mohola (t. iv, 
col. 1188). II Par., vu, 18. Gédéon fut un de ses descen- 
dants. On ignore pourquoi son nom a été conservé 
dans la généalogie de sa tribu, par exception à l'usage 
général. D'après une tradition juive, rapportée par 
Kimchi dans son commentaire sur ce passage, elle 
aurait régné sur une partie du territoire de Galaad, 
mais cette tradition tire probablement son origine de 
l'étymologie de son nom. 

RÈGLE (hébreu : qdv; grec : xavwv ; Vulgate : régula), 
ligne de conduite à suivre pour arriver à un but. Le 
mot hébreu qdv désigne tout d'abord la corde tendue 
à l'aide de laquelle on mesure; en grec, xavwv est le 
roseau ou la barre de bois dont on se sert pour tirer 
une ligne droite; le latin régula et le français « régie » 
ont ordinairement le même sens. Ainsi la Vulgate 
appelle régula aurea, « règle d'or », la barre d'or 
nommée en hébreu lesôn zdhâb, yXônoa -/puff^, « langue 
d'or ». Jos., vu, 21. Les mots qui désignent l'objet, 
corde ou barre de bois, au moyen duquel on peut tra- 
cer une ligne droite, ont été ensuite employés pour dé- 
signer l'ensemble des prescriptions, techniques ou 
morales, dont il faut tenir compte si l'on veut atteindre 
directement un but déterminé. — Isaie, xxvm, 10, met 
en scène les prêtres et les faux prophètes de Jérusa- 
lem qui, pris de vin, le tournent lui-même en ridicule 
et répètent en balbutiant : sav lasav, sav lasdv, qav 
Idqdv, qav lâqâv, « ordre sur ordre, ordre sur ordre, 
règle sur règle, règle sur règle », faisant ainsi allusion 
aux conseils d'Isaïe. Les versions, Septante : èXni'Sâ 
ÈTi'èXTiiSi, « espérance sur espérance», Vulgate : expecta, 
reexpecla, « attends, attends encore », ont rattaché qdv 
au verbe qivvdh, « attendre, espérer ». Dans la suite 
du même oracle, le Seigneur dit qu'il prendra le droit 
pour règle, qàv, Septante : eîç ilTziSa, « pour espérance », 
Vulgate : in pondère, « pour poids ». Is., xxvm, 17. 
— Saint Paul appelle x«vmv, régula, « règle », le champ 
d'action qui a été assigné par Dieu à son apostolat 
et qu'il ne veut pas dépasser. II Cor., x, 13, 15, 16. 
Après avoir rappelé que la circoncision et J'incirconci- 
sion ne sont rien par elles-mêmes et quo l'essentiel est 
d'avoir part à la régénération en Jésus-Christ, il souhaite 
paix et miséricorde « à ceux qui suivront cette règle ». 
Gai., vi, 16. Il dit aux Philippiens, m, 16 : « Marchons 
comme nous l'avons déjà fait jusqu'ici, » ce que la 
Vulgate traduit : « Tenons-nous en à la même règle. » 

H. Lesétre. 

REGMA (hébreu : Ra'emdh; Septante : 'Pty\i.â; 
dans Ézéchiel : 'Pa[iâ),fils de Chus et père deSabaetde 
Dadan. Gen., x, 7; I Par., i, 9. C'est un nom ethnique. 
Ézéchiel, xxvn, 22, parle de la tribu qui portait ce 
nom comme d'une tribu qui faisait le commerce avec 
les Syriens. Les Septante^ en transcrivant le nom hébreu 
par 'PsY(xâ, semblent avoir pensé que ce peuple 
habitait la ville de la rive orientale du golfe Persique 
appelée de ce nom. Ptolémée, vi, 7, 14. Cette identifi- 
cation très ancienne est généralement-adoptée .« Regma 
(de Ptolémée) est rapprochée avec raison du Ra'emah 
biblique, » dit Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und 
Géographie Arabiens, 1890, t. Il, p. 252; cf. p. 325, 
où il place Regma à Ras Mesandum. Voir aussi 
D. H. Muller, Der Status constructus im Bimjari- 
chen, dans Zeitschrift der deutschen morgenlândis- 
schen Gesellschaft, t. xxx, 1876, p. 122. Cf. Gesenius, 
Thésaurus, p. 1297. 

RÉGOM (hébreu : Régém; Septante : 'Paysi*), fils 
aîné de Jahaddaï, de la tribu de Juda, descendant de 



1023 



RÉGOM 



REHUM 



1024 



Caleb par Épha, I Par., h, 17. Voir JahaddaÏ, t. m, 
col. 1105. — Pour un autre personnage dont le premier 
élément du nom est aussi en hébreu Régém, veir 

HOGOMMÊLECH. 



1. REHOBOTH- ÎR (hébreu : l>y nifn; Septante : 

'Powâàfl irôXtv), une des villes qui constituèrent, à 
l'origine, le royaume d'Assur. La Vulgate traduit : 
Niniven.et plateas civitatis. Gen., x, 11, Les com- 
mentateurs de nos jours considèrent généralement 
Refcobof-'lr comme une ville distincte et proprement 
dite, tout en faisant observer que son nom signifie : 
« faubourg y ou « banlieue », d'une façon certaine. 
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6= édit., t. 1, p. 360; J. Oppert, Expédition en Mésopo- 
tamie, Paris, 1863, t. i, p. 136; Calmet, Commentaire 
littéral, La Genèse, Paris, 1734, t. i, p. 105; Frd. De- 
litzsch, Wo lag das Parodies? Leipzig, 1881, p. 260. 
En général on la rattache à Ninive. Eb. Schrader, 
Die Keilinschriflen und das alte Testament, 2 e édit., 
1883, p. 100. — Quant au site de Rehobop-Ir, il est incon- 
nu. On a tour à tour proposé : Oroba, sur le Tigre ; 
Birta oaVivta, vers l'embouchure du Lycus; Rahabath 
Melci = « la Rahabath du Roi » citée Gen., xxxvi, 37, 
et ainsi nommée parce qu'elle donna un roi à l'Idumée; 
Rahabath, au-dessous de Circésium et de l'embouchure 
da Ghaboras dans l'Euphrate. Depuis les découvertes 
assyriennes quelques assyriologues, en s'appuyant sur 
l'expression ina rébit Nina, de l'inscription du prisme 
d'Asarhaddon, lig. 54 (cf. l'inscription du cylindre de 
Sargon, lig. 44), ont voulu placer Rehobot-'Jr au nord- 
nord-est de Ninive, dans l'angle formé par le Chôser et 
le mur oriental de Ninive, en dehors de ce mur et du 
côté de cette porte de l'Est par laquelle les monarques 
assyriens aimaient à rentrer dans leur capitale, en 
triomphateurs. Au delà de cette porte s'élevèrent succes- 
sivement l'antique ville de Magganubba ainsi que la 
ville de Sargon : Dûr-Sarrukîn, aujourd'hui Khorsâbàd. 
Herzog, Real-Encyclopâdie, 2 e édit., Leipzig, 1882, t. x, 
p. 584; Fr. Hommel, Grundriss der Géographie und 
Geschichte des Alten Orients, 2 e édit., Erste Hâlfte, 
Munich, 1904, p. 107; Frd. Delitzsch, loc. cit. D'autres 
ont voulu retrouver Rehobo[-lr sur le terrain même 
de Mossoul, A. Billerbeck et A. Jeremias, Der Un~ 
tergang Kinevelïs und die Weissagungschrift des 
Nahum von Elhosch, dans les Reitrâge iur Assyrio- 
logie, t. m, Leipzig, 1898, p. 100; Id., Das alte Tes- 
tament im Lichte des Alten Orients, 2 e édit., Leipzig, 
1906, p. 273, ou encore dans les ruines de Rahaba, 
sur la rive droite du Tigre, à 40 milles de Ninive 
et à 20 milles de Kalah-Chergat. H. Rassam, Ribli- 
cal nationalities Past and Présent, dans Transac- 
tions of The Society of Riblical Archmology , 1885, 
t. vin, p. 365. Toutes ces opinions sont conjecturales. 
Remarquons enfin que la traduction de saint Jérôme 
peut être soutenue. En effet, l'assyrien rêbitu, de la 
racine asn, qui signifie « faubourg, banlieue », et aussi 
« grande rue, place, et marché », présente une exacte 
parité de signification avec l'hébreu rehôb, rehôbôt. Les 
données de l'assyriologie ne prouvent pas, en effet, que 
Rehobof-'lr fût une ville distincte. Le m. assyrien est, 
en fait, toujours suivi d'un nom propre, soit de ville, 
soit de personne. Sans exclure les constructions qui 
pouvaient s'élever dans ce genre de faubourg, on doit 
y comprendre les terrains de culture qui, tout en étant 
situés en dehors des murs de la ville close, dépendaient 
néanmoins du centre urbain. L'étendue même de cette 
banlieue pouvait permettre le déploiement d'une armée 
en bataille; c'est ainsi que Sargon vainquit JJumbanigaS, 
roi d'Élam, i-na ri-bit Dûr-ilu ki. C. H. W. Johns, 
An Assyrian Doomsday Booh, Leipzig, 1901, p. 50. Il 
n'est donc pas impossible que Rehôbôt- lr désigne la 



banlieue deT^inive. Frd. Delitzsch, dans CalwerBibel- 
lexicon, 1885, p. 748-749. Y. Le Gac. 

2. REHOBOTH (PUITS DE) (hébreu: Rehôbôt; Sep- 
tante : zvpyyjuz'.ai; Vulgate : Latitudo, Gen., xxvi, 22), 
nom donné par Isaac à un puits [creusé par ses servi- 
teurs près de la ville philistine de Gérare. — La raison- 
étymologique du mot Rehôbôt, « amples espaces », 
se trouve ici dans l'histoire du creusement du puits au- 
quel le mot fut appliqué. Isaac demeurant à Gérare 
était devenu très riche. Ce fait excita la jalousie des- 
Philistins. Pour s'y soustraire Isaac dut quitter la ville, 
et vintétablir son campement dans la vallée de Gérare. 
Lés serviteurs d'Isaac y creusèrent deux puits qui 
devinrent l'occasion de querelles avec les bergers du- 
pays. Isaac alors nomma le premier puits 'Éseq, « que- 
relle », voir t. m, col. 1950, et le second Sitndh, « ini- 
mitiés ». Voir t. m, col. 877. S'étant avancé plus loin, 
Isaac creusa un autre puits, pour lequel il n'y eut plus 
de querelle, et il le nomma Rehobôp, « car maintenant, 
dit-il, Jéhovah nous a mis au large, et nous prospére- 
rons dans le pays. » Gen., xxvi, 12-22. 

Il y a des savants qui croient reconnaître Rehoboth 
dans le Rubûti ou Rubûte des Tablettes de Tell Amarna. 
Cf. Expository Times, 1900, p. 239, 377. Cette iden- 
tification n'est pas improbable, quoiqu'elle ne soit pas 
unanimement admise. Ainsi Sayce, Early Israël, p. 289 ;. 
Pétrie, Syria and Egypt from the Tell el-Amarna Let- 
ters, p. 180, préfèrent identifier le Rubûti des Tablettes- 
avec Rabbath de Jos., xv, 60; tandis que Fr. Hommel, 
Die altisraelitische Veberlieferung, in- 12, Munich, 
1897, p. 234, y voit indiquée Kiriatharba ou Hébron, qu'if 
suppose avoir été alors appelé Roba'ôt, « les quatre 
quartiers ». On place plus généralement aujourd'hui le- 
puits de Rehoboth à huit heures au sud-ouest de Ber- 
sabée, dans Vouadi Ruheibéh, au nord-est de Vouadies- 
Sa'di. Le nom de cet ouadi rappelle Rehoboth ; il y a là, 
dans l'ouadi même, un puits de douze pieds de diamètre,, 
actuellement obstrué, et sur les pentes latérales il y a 
d'autres puits, des citernes et des réservoirs. « Un peu 
au delà de cet endroit, l'ouadi s'élargit et reçoit le nom 
de Babr bêla mi, « la mer sans eau », et sur la gauche, 
dit Palmer, débouche une petite vallée, appelée Sutnet 
er Ruheibéh, dénomination dans laquelle sont conservés 
les deux noms de Sitnah et de Rehoboth de la Bible. » 
Palmer, Désert of the Exodus, 2 in-8°, Cambridge, 
1871, t. il, p. 385; cf. p. 290, Map of the, Négeb. Avant 
Palmer, J. Rowlands, dans G. Williams, The holy city 
of Jérusalem, 2 in-8, Londres, 1849, t. i, p. 465, avait 
déjà signalé le puits de Ruheibéh. « A un quart d'heure 
à peu près au delà de Sebàta, dit-il, nous arrivâmes 
à des ruines qui doivent être celles d'une ville très- 
bien bâtie, appelée aujourd'hui Rohêbéh; c'est là, je 
n'ai pas à ce sujet le moindre doute, cette ancienne 
Rohoboth où Isaac creusa un puits. Gen., xxvi, 18, 22. 
Cette ville est située, comme Rohoboth, dans le pays- 
de Gérare. Hors des murs de la ville, il y a un puits 
d'eau vive et bonne, appelé Bir Rohêbéh. C'est là très 
probablement le site, sinon le puits même creusé par 
Isaac, » A. Molim. 

REHUM (hébreu : Rehûm; Septante : 'Peo-jh)! nom, 
dans le texte hébreu, de cinq personnes, dont trois sont 
ainsi exactement appelées dans la Vulgate et dont les 
deux autres sont nommées en latin Reum (Beelteem). 
I Esd.,iv, 8-17, et Rhénm, II Esd., xn, 3. 

1. REHUM, un « des fils de la province » qui re- 
vinrent en Palestine de la captivité de Babylone avec 
Zorobabel. I Esd., H, 2. Dans le passage parallèle de 
Néhémie, vu, 7, il est appelé Nahum. Voir Nahum 1, 
t. iv, col. 1462. 



1025 



REHUM — REINE DU CIEL 



1026 



2. REHUM, lévite, fils de Benni, qui travailla du temps 
-de Néhémie à la reconstruction des murs de Jérusalem. 

Il Esd., m, 17. 

3. REHUM, un des chefs du peuple qui, du temps de 
Néhémie, signèrent l'alliance avec Jéhovah. II Esd., 
.3, 25. 

RÉI (hébreu : Rê'î; Septante : 'Priai), un des parti- 
sans de Salomon avec Sadoc, Banaï, Nathan et les 
gardes de David, quand Adonias tenta de lui ravir le 
trône. III Reg., I, 8. Son nom ne se lit pas ailleurs. Il 
parait suspect aux critiques. D'après les Qusest. hebr. 
in 111 Reg.. i, 8, t. xxm, col, 1363, Rhei (pour Rei), 
ipse est Hiram Zairites sacerdos, idest, magister Da- 
vid. Les exégètes modernes ont fait les hypothèses les 
plus diverses sur ce personnage, mais sans fondement. 

RÉI A (hébreu : Re'âyâh; Septante : 'Pr/xà), fils de 
Micha, de la tribu de Ruben, père de Baal. I Par., v,5. 
Voir Raïa, col. 937. 

1. REINE, nom de femme dans la Vulgate. Voir 
Regina, col. 1022. . 

2. REINE (Septante : flaaftio-cra; Vulgate : regina), 
titre donné à la femme d'un roi et à celle qui règne sur 
une nation. — I. Nom. — En hébreu, il y a plusieurs 
mots pour exprimer ce titre. —1" Malkâh se dit d'une 
reine régnante, comme la reine de Saba, I (III) Reg., 
X, 1, 4, 10, 13; II Par., ix, 1, et d'une épouse royale, 
Esther, i, 9, n, 22, etc., IV Reg., x, 13, etc.; mais sans 
impliquer dans ce second cas la dignité qui est atta- 
chée à ce titre dans les monarchies d'Europe. C'est le 
féminin de mélék, « roi ». — 2° Gebîrâh est employée 
dans le même sens et signifie « puissante ». I (III) Reg., 
xi, 19; II (IV) Reg., x, 13; Jer., xm, 18; xxix, 2. Maa- 
cha, grand-mère d'Asa, est appelée gebîrâh. II Par., 
xv, 16. Ce titre est donné aussi à Jézabel, femme 
d'Achab, II (IV) Reg., x, 13, qui eut-beaucoup d'ascen- 
dant sur son mari. — 3» Sëgal désigne la femme du 
roi dans le Psaume xlv (xliv), 10; dans Daniel, v, 2,3, 
23, et dans Néhémie, n, 6. — 4° èârâli, proprement 
«t princesse ». Ce mot est pris dans le sens de reine, 
Is., xlix, 23, d'une manière générale, et I (III) Reg., 
xi, 3, il est appliqué, par opposition à concubines, aux 
femmes de Salomon. Cf. Lam., i, 1. — 5° Athalie, qui 
avait usurpé le trône de Juda, est appelée risSb, 

môlékéf. II (IV) Reg., xi, 3; II Par., xxn, 12. — 6» Le 
nom grec de {jacrîXicrcra se lit quatre fois dans le Nou- 
veau .Testament. Matth., xii, 42; Luc, xi, 27 (parlant 
de la reine de Saba); Act., vin, 27 (de Candace); Apoc, 
xviii, 7 (de Rome au figuré). — 7° Les femmes de second 
rang du roi sont appelées pilgdsîm et distinguées ex- 
pressément des melakôf. Cant., VI, 8. 

II. Histoire. — Nous savons peu de choses de l'his- 
toire des reines. Sous le premier roi, Saûl, elles sem- 
blent avoir continué à mener la vie simple des femmes 
israélites. Nous connaissons le nom d'Achinoam, la 
mère de Jonathas, I Reg., xiv, 50, et de la concubine de 
Saûl, Respha, célébrée pour son dévouement maternel. 

II Reg., III, 7; xxi, 8-11. — David multiplia le nombre 
de ses femmes et le nom de plusieurs d'entre elles 
nous a été conservé. II Reg., m, 2-5; v, 13-16; xi, 3. 
Voir Abigaïl 1, t. i, col. 47; Bethsabée, col. 1712. — 
Salomon épousa la fille d'un pharaon d'Egypte et aug- 
menta successivement sans mesure le harem royal. 

III Reg., m,l; xi, 1-3; Cant., vi, 8. Plusieurs de ces 
mariages étaient contraires à la loi et les femmes 
étrangères de Salomon le portèrent à l'idolâtrie. 
III Reg., xi, 2-4. Ce fut le crime dont se rendirent cou- 
pables les autres reines sur lesquelles les auteurs sa- 

DICT. DE LA BIBLE. 



crés nous ont donné quelques détails dans la suite de 
l'histoire des rois, Maacha, grand'mère d'Asa, III Reg., 
xv, 13; voir Maacha, t. iv, col. 465, en Juda; Jézabel, 
femme d'Achab, t. m, col. 1535, en Israël, et, en Juda, 
sa fille Athalie, 1. 1, col. 1207. — En dehors des reines 
dont il vient d'être parlé, on ne connaît que le 
nom de quelques autres dont les fils montèrent sur le 
trône de Juda et qui sont mentionnées pour cette rai- 
son. Voir Femmes mentionnées dans l'Ecriture, t. m, 
col. 2194-2199. Le nom de deux reines perses, Vasthi 
et Esther, nous est connu par le livre qui porte le nom 
de cette dernière. Voir Esther, t. n, col. 1973, et 
fig. 606, une reine perse; Vasthi. — Sur la cour des 
reines israélites, leur costume, etc., nous ne sommes 
pas renseignés. On peut'conclure seulement de Jéré- 
mie, xm, 18, que la reine portait, comme le roi, le 
diadème. — Voir une reine assyrienne, la femme 
d'Assurbanipal, t. iv, fig. 97, col. 289. 

F. Vjgouroux. 
REINE DU CIEL, hébreu : melékét has-sàmaïm ; 
Septante : y\ paat'Xitfcîix toû oùpavoû; dans Jer., vu, 18, 
ï) (jtpattà to3 oùpavoO; Vulgate : regina cxli), déesse, 
d'après l'opinion la plus commune, adorée par les Juifs 
infidèles. Selon divers commentateurs et selon les 
Septante eux-mêmes, dans leur traduction de Jer., 




225. — Astarthé. Pierre précieuse antique trouvée à Damas. 
D'après Wilson, Lands ofthe Bible, t. u, p. 769. 

vu, 18, ce n'est pas de la reine du ciel, mais de la mi- 
lice céleste qu'il s'agit, c'est-à-dire des astres en géné- 
ral, en lisant îcnSd, comme le portent quelques ma- 
nuscrits, au lieu de robn. Le culte qu'on rendait à cet 

objet d'idolâtrie consistait à lui offrir des gâteaux 
appelés havvanîm, et préparés par des femmes. Les en- 
fants ramassaient le combustible pour les faire cuire, 
les pères allumaient le feu; c'étaient les femmes qui 
pétrissaient la pâte. On les offrait dans les villes de 
Juda et dans les rues de Jérusalem. avant Jérémie et 
du temps de ce prophète, et l'on attribuait à ces 
offrandes l'abondance des récoltes et la prospérité du 
peuple. C'étaient surtout les femmes qui accomplis- 
saient ces rites, mais avec la complicité de leurs maris. 
Le prophète prédit à ses compatriotes les maux qui 
seront le châtiment de leur idolâtrie. Jer., vu, 17-20; 
xliv, 15-30. 

Il n'est pas impossible que les femmes juives ren- 
dissent un culte à toute la milice célestef^Ju'Astarthé, 
déese lunaire (voir 1. 1, col. 1185), groupait autour d'elle 
(fig. 225), mais on a cru beaucoup plus généralement, 
avec saint Jérôme, qu'il s'agissait d'une déesse spéciale, 
de la lune, quoique le saint docteur ne se prononce 
pas expressément. Reginse cxli, dit-il, In Is., vu, 17, 
t. xxiv, col. 732, quant lunam debemus recipere; vel 
certe militiez cxli, ut omnes stellas intelligamus. II 
estassezprobableque l'objet de l'adoration des femmes 
juives était, sinon la lune, la planète Vénus, que les 
Assyriens identifiaient avec la déesse Istar (fig. 226), 
appelée dans les documents cunéiformes bilil sam-i-i, 

V. - 33 



1027 



REINE DU CIEL 



REINKE 



1028 



« la dame du ciel », comme elle est aussi appelée bilit 
mâtâti, « la t dame des terres ». H. Winckler, Die Thon- 
tafeln von Tell-el-Amarna, lettre xx, lig. 17-19, 
Keilinschr. Bibl., t. v, 1896, p. 48. Les cultes assyro- 
babyloniens trouvaient de nombreux adeptes sur la rive 
orientale^de la Méditerranée à l'époque de Jérémie. Si le 
culte de la reine du ciel était véritablement d'origine 
babylonienne, il faut entendre parla, Istar et la pla- 




226. 



: La déesse Istar. 



nète Vénus, car sur les bords de l'Euphrate, la lune 
était adorée comme le dieu Sin et non comme une 
déesse, et c'est surtout en Occident que la lune était 
honorée comme reine du ciel. Siderum regina bicor- 
nis,audi, Luna, puellas, dit Horace, Carm. sseculare, 
35-36. Isaac d'Antioche, Opéra, édit. Bickell, t. i, 
p. 246, dit expressément que la reine du ciel dont 
parle Jérémie est Kaukabto, c'est-à-dire la planète 
Vénus. 

Quant à l'abondance et aux bienfaits que lui attri- 
buaient les femmes juives, Jer., xliv, 27. Philastre, 
Heer., 15, t. xn, col. 1126, écrit : Alia est hœresis in 
Judseis, quee Reginam quam et Fortunam Cseli nun- 
cxipant, quant et Cxlestern vocant in Africa, eique 
sacrificio offerre non dubitabant. Philastre explique 
ainsi les paroles de Jérémie, xliv, 27. Voir les notes 
sur ce passage loc. cit., dans Migne. — Voir Marcus 
Jastrow, A Dictionary of the Targumim, the Talmud 
and the Midrashic Literature, 2 in-4«, Londres, 1903, 
t. i, p. 619 a; W. H. Roscher, Ausfùrhliches Lexicon 
der griechischen und rômischen Mythologie, au mot 
Astarte, t. i, Leipzig, 1884-1890, col. 649 ; P. Scholz, 
Gôtzendiensl bei den allen Hebràern, in-8°, Ratis- 
bonne, 1877, p. 300-301. F. Vigouroux. 

REINECCIUS Christian, hébraïsant allemand, né 
le 22 janvier 1668 à Grossmûhlingen, en Saxe, 
mort à Weissenfels le 18 octobre 1752. Fils d'un mi- 
nistre protestant, il étudia à Rostock et à Leipzig. De- 
puis 1700 jusqu'à 1721,' il enseigna à Leipzig les langues 
orientales et la philosophie. Il devint alors recteur du 
gymnase de Weissenfels. Parmi ses ouvrages, on re- 
marque : — 1» ses publications lexicologiques : Janua 



hebr aica linguse Veteris Testamenti una cutn Lexico 
hebr seo-chaldaico, in-8°, Leipzig, 1704 (cet ouvrage, qui 
donne la traduction et l'analyse des mots héreux selon 
l'ordre de la Bible, a servi à étudier la langue sacrée à 
une multitude de jeunes hébraïsants et a eu huit édi- 
tions de 1704 à 1778) ; — Lexicon hebrœo-chaldaicum, 
1731; 1741; 1788; nouvelle édition éditée par J. Fr. 
RecHsopf, in-8», Hanovre, 1828; — Index memorïalis, 
quo voces hebraicse et chaldaicee Veteris Testamenti 
continentur, in-8», Leipzig, 1725; 1730; 1735; 1755; — 
Syllabus memorialis vocuyn graicarum Novi Testa- 
menti, in-8», Leipzig, 1725, 1734; 1758. 

2° Publication des textes bibliques. — A) Texte hé- 
breu. — Biblia hebraica ad optimorum codicum et 
editionum fidem expressa, adjectis notis masorelhicis 
necnon versuum et capilum distinctionibus, in-8°, 
Leipzig, 1725 (cette édition contient le texte de la Po- 
lyglotte d'Anvers, avec des sommaires nouveaux en 
tête des chapitres); 2 e édit. in-8", 1739 (reproduction 
de la précédente); 3 e édit., in-4°, aussi de 1739, où les 
livres sont imprimés à la façon des langues occiden- 
tales, c'est-à-dire de gauche à droite; ¥ édit., publiée 
par Pohl en 1756, après la mort de Reineccius ; 5» édit., 
notablement améliorée, publiée en 1793 par J. Chr. 
Docderlein et J. H. Meisner; cf. E. Fr. K. Rosenmùl- 
ler, Handbuch fur die Literatur der biblischen Kri- 
tik und Exégèse, in-8°, Gcettingue, 1797-1800, t. i, 
p. 236-238. 

B) Texte grec. — Testamentum grsecumex versione 
Septuaginta interprète»! , una cum libris apocryphis, 
secundum exemplar Vaticanun, in-4», Leipzig, 1730 ; 
plusieurs éditions. 

C) Polyglottes. — Biblia sacra quadrilinguia Vete- 
ris Testamenti hebraici cum versionibus e regionepo- 
sitis, utpote versione grseca Sevtuaginta interpretum 
ex codice manuscripto Alexandrino, item versione 
latina Sebastiani Schmidii noviter revisa, et textui 
hebrœo curalius accommodata et germanica B. Lu- 
theri, adjectis notis masorethicis et grsecse ver' 
sionis lectionibus codicis Vaticani, notisque philolo- 
gicis et exegeticis, 2 in-f°, Leipzig, 1750-1751; Biblia 
sacra quadrilinguia, Novi Testamenti grseci, cum 
versionibus syriaca-, grseca vulgari, latina et germa- 
nica universa, ad optimas quasque editiones reco- 
gnita, adjectis variantibus lectionibus, in-f°, Leipzig, 
1747. 

D) Concordances. — Die deutsche hebràische und 
griechische Concordanzbibel, 2 in-8», 1718, nouvelle 
édition de la concordance de Fried. Lanckisch, 
parue pour la première fois en 1677 ; Concordia get- 
manico-lalina, 2 e édit., 1735. — Reineccius publia 
aussi environ cent cinquante programmes ou disserta- 
tions, parmi lesquels nous mentionnerons seulement : 
De scholis Hebrseorum, in-4°, Leipzig, 1722; Carmina 
sibyllina, prout hodie exstant, conficta esse a chri- 
stiano et nociva fuisse Ecclesise, 1740. 

F. Vigouroux. 
REINKE Laurent, exégète catholique d'Allemagne, 
né à Langfôrden, dans le duché d'Oldenbourg, le 6 fé- 
vrier 1797, mort à Munster en Westphalie, le 4 juin 
1879. Après avoir fait ses études théologiques à la Fa- 
culté de Munster, il passa cinq ans à l'Université de 
Bonn, où il étudia les langues orientales sous la direc- 
tion de Freytag. Il fut ordonné prêtre le 1 er juin 1822. 
En 1827, il devint répétiteur pour l'exégèse de l'Ancien 
Testament à l'Académie de Munster. Il fut nommé pro- 
fesseur extraordinaire, en 1831; puis professeur ordi- 
naire, en 1837, toujours pour l'exégèse de l'Ancien 
Testament. A cette fonction il unit, entre les années 
1831 et 1852, celle de professeur au séminaire episcopal .. 
de la même ville. — Avant l'âge de cinquante ans, il ne 
publia que deux dissertations, intitulées : Exegesis 
critica in ls., lu, iS-uu, iU, seu deMessia eœpiatore 



1029 



REINKE — REISCHL 



1030 



passuro et monturo commentatio, in-8», Munster, 
1836, et Exegesis crxtica in Is., u, 2-4, seu de gentium 
conversione in Veteri Testamento prsedicta ejusque 
effëctibus, in-8», Munster, 1838. Mais ensuite, de 1848 
à 1874, il fit paraître presque chaque année quelque 
savant volume. Voici la liste de ses œuvres principales : 
Die Weissagung von der Jungfrau undvon Immanuel 
(Is., vu, 14-16), in-8», Munster, 1848; Die Weissagung 
Jacobs ïiber das zukunftige Loos des Stammes Juda 
und dessen grossen Nachhommen Schilo (Gen., xlix, 8- 
12), in-S», Munster, 1849; entre les années 1851 et 1872, 
la série intitulée Beitrâge zur Erklârung des Alten 
Testaments, qui traite de quarante-sept sujets dis- 
tincts, 8 in-8», dont les sept premiers ont été publiés à 
Munster, le huitième à Giessen ; Der Prophet Malachi, 
Einleitung, Grundleœt und Ùbersetzung, mit einem 
vollstândigen philosophisch-kritischen und histori- 
schen Commentar, in-8», Giessen, 1856; Die messia- 
nischen Psalmen, 2 in-8°, Giessen, 1857-1858; Die 
messianischen Weissagungen bei den grossen und 
kleinen Propheten des Alten Testaments, Einleitung, 
Grundtexte, etc., 4 in-8°, Giessen, 1859-1862 ; Zur 
Kritik der àlteren Versionen des Propheten Nahum, 
in-8», Munster, 1867; Der Prophet Haggai, in-8», 
Munster, 1868; DerProphet Zephania, in-8°, Munster, 
1868; Der Prophet Habakuk, in-8», Brixen, 1870; 
Der Prophet Micha, in-8», Giessen, 1874. — La con- 
naissance très étendue que Reinke avait acquise des 
langues de l'Orient lui permit d'établir avec une éru- 
dition et une vigueur remarquables, le sens tradition- 
nel des livres qu'il commente. — Voir E. Rassmann, 
Nachrichten von dem Leben und den Schriften 
mùnsterlândischer Schriftsteller, in-8», Munster, 1866, 
p. 267-271, et Neue Folge, 1881, p. 169-170; Literaris- 
cher Handweiser de Munster, 1879, col. 241-243; Hurter, 
Nomenclator literarius recentioris théologies catho- 
licx, in-8», Inspruck, 1895, t. m, col. 1276-1278. 

L. Fillion. 
REINS (hébreu : kelâyôt, tuhôt; Septante : veçppof; 
Vulgate : renés), organe de sécrétion, composé de deux 
glandes disposées de chaque côté de la colonne verté- 
brale, à la hauteur des hanches. Les reins constituent 
une sorte de filtre qui laisse passer les substances à 
éliminer, telles que l'urée et ses composés. Ils sont 
maintenus en place par une membrane et enveloppés 
d'une grande quantité de graisse. La signification radi- 
cale du mot kelâyôt, en assyrien kalitu, est inconnue. 
Quant au mot tufyot, Job, xxxvm, 36; Ps. Li (l), 8, il 
vient du verbe tùah, « recouvrir », et a été donné aux 
reins, par les auteurs juifs, parce que les reins sont 
recouverts de graisse. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 547. 
Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, p. 296, conteste la 
légitimité de cette étymologie. Dans le passage de Job : 
« Qui a mis la sagesse dans les reins de l'homme? » 
les Septante traduisent : « Qui a donné aux femmes la 
science des tissus ?» le verbe tûâl.i voulant dire aussi 
« filer, tisser ». La Vulgate traduit : « Qui a mis la 
sagesse dans les entrailles de l'homme ? » Rosenmùller, 
Iobus, Leipzig, 1806, t. il, p. 907, 908, d'après l'arabe : 
Qui a donné la sagesse aux « traits vagues j> et sans loi 
apparente de la foudre ou de la pluie? Pour d'autres, 
les tuhôt sont les nuées qui « recouvrent » l'atmos- 
phère. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psycho- 
logie, Leipzig, 1861, p. 269, et Dos Buch lob, Leipzig, 
1876, p. 503, garde le sens de « reins », qui parait le 
plus probable. Au Psaume li (l), 8, l'hébreu doit se 
traduire : « Tu aimes que la vérité soit bat-tuhôt, dans 
les reins, » c'est-à-dire au fond du cœur. Les versions 
rendent ici le mot par xi aSr\l<x, incerta, les choses 
obscures, ï recouvertes >\ — Les reins, comme les 
autres organes intérieurs du corps humain, cœur, en- 
trailles, etc., se prêtent à différentes acceptions chez 
les écrivains sacrés. 



1» Reins proprement dits. — Les reins des animaux 
offerts comme victimes doivent être brûlés sur l'autel 
des holocaustes, avec la graisse qui les entoure, dans 
les sacrifices pour la consécration des prêtres, Exod-, 
xxix, 13, 22; Lev., vm, 16, 25, dans les sacrifices paci- 
fiques, Lev., m, 4, 10, 15, dans les sacrifices pour le 
péché. Lev., iv, 9; vu, 4. La graisse était considérée, 
dans les animaux, comme la partie la plus délicate et 
la plus précieuse; à ce titre, elle était réservée à 
Jéhovah quand on offrait quelque sacrifice. Voir Graisse, 
t. m, col. 293. Comme les reins sont entourés d'une 
graisse abondante, il était naturel qu'on ne les en sé- 
parât pas dans les sacrifices. — Cette richesse des 
reins en graisse a suggéré une locution poétique qui se 
trouve dans le cantique de Moïse, Deut., xxxii, 14; 
pour rappeler que Dieu a donné à son peuple des 
champs fertiles en excellent froment, l'auteur sacré 
parle de « la graisse des reins du froment. » — Les reins 
de l'homme sont mentionnés Ps, cxxxix (cxxxvm), 13. — 
Les Hébreux, comme d'ailleurs les anciens en général, 
n'avaient qu'une vague idée de l'anatomie intérieure du 
corps humain. Ils ne la connaissaient approximati- 
vement que par comparaison avec celle des animaux 
qu'ils mettaient en pièces pour leur alimentation ou 
dans leurs sacrifices. Ils ne pouvaient pas se rendre 
compte de la fonction des reins ; ils les regardaient 
seulement comme un organe intérieur, analogue aux 
autres, mystérieusement formé par Dieu, et concou- 
rant d'une certaine manière à la vie physiologique et 
psychologique de l'homme. Cf. III Reg., vm, 19. — 
2» Reins pris pour les hanches. — Les hanches cor- 
respondent extérieurement aux reins, quant à leur 
position. Aussi, les versions confondent-elles souvent 
les reins avec les hanches qui portent la ceinture. 
Exod., xii, 11; xxvni, 42; IV Reg., i, 8; II Esd., IV-, 
18; Job, xn, 18; Is., v, 27; n, 5; Ezech., xxm, 15; 
Dan., x, 5. On passe un torrent avec de l'eau jusqu'aux 
reins. Ezech., xlvii, 5. Voir Hanche, t. m, col. 416. — 
3» Reins siège de la pensée. — Les reins ne sont con- 
sidérés à ce point de vue précis que dans les deux 
passages où on les croit désignés par le mot tuhot. 
Job, xxxvm, 36; Ps.u (l), 8. — 4» Reinssiège du senti- 
ment. — Les reins tressaillent d'allégresse. Prov., xxm, 
16. Sous l'empire de la crainte ou de la douleur, ils 
s'aigrissent, Ps. lxxiii (lxxii), 21, s'émeuvent,I Mach., 
u, 24, chancellent, Ezech., xxix, 7, relâchent leurs 
jointures, Dan., v, 6, se tordent. Nah., u, 10. L'épreuve 
perce les reins, Job, xvi, 13, y fait pénétrer les fils du 
carquois. Lam.,m, 13. Quand Jéhovah châtie ses enne- 
mis, son épée est « pleine de la graisse des reins des 
béliers, » Is., xxxiv, 6, ce qui signifie qu'il frappe ses 
adversaires dans ce qu'ils ont de plus sensible et de 
plus cher. — 5» Reins siège de la conscience. — La 
nuit, les reins du psalmiste l'avertissent, c'est-à-dire lui 
rappellent les préceptes divins. Ps. xvi (xv), 7. Dieu 
voit les reins et les cœurs, Jer., xx, 12, il les sonde, 
Ps. vu, 10; Sap., i, 6; Jer., xi, 20; xn, 2; xvu, 10; 
Apoc, u, 23; il les passe au creuset, Ps. xxvi (xxv), 2, 
c'est-à-dire que rien ne peut lui échapper dans les pen- 
sées, les sentiments et les volontés de l'homme. 

H. Lesêtre. 

REISCHL Wilhelm Karl, théologien catholique 
allemand, né à Munich le 13 janvier 1818, mort dans 
cette ville le 4 octobre 1873. Après de fortes études 
classiques, il étudia la philosophie et la théologie à 
l'Université de sa ville natale, où enseignaient alors 
plusieurs professeurs remarquables, entre autres 
Gœrres, Klee, Mœhlèr, Windischmann, Reithmayr. 
Ordonné prêtre en 1840, il fut d'abord vicaire à Haid- 
hausen, près de Munich, puis successivement curé à 
Saint-Jean de Munich et dans la Herzogspitalkirche. 
Après avoir conquis, en 1842, le grade de docteur en 
théologie, il devint Privatdozent à la Faculté théologique 



1031 



REISCHL — RELIGION 



1032 



dont il avait été l'élevé. En 1845, il fut nommé profes- 
seur de dogme et d'exégèse biblique au lycée d'Am- 
berg; il passa, ett 1851, au lycée de Ratisbonne, où il 
occupa jusqu'au printemps de 1867, avec un grand 
succès, la chaire d'histoire ecclésiastique et de droit 
canonique. Il fut alors appelé à l'Université de Munich, 
avec le titre de professeur ordinaire de théologie mo- 
rale. Il venait de refuser la chaire d'exégèse de l'Uni- 
versité de Prague, lorsqu'il fut emporté par le choléra, 
en pleine maturité. — C'est à Amberg qu'il entreprit, 
avec son collègue Valentin Loch (voir Loch, t. iv, 
col. 321), une traduction allemande et un commen- 
taire de la Bible, surtout à l'usage des fidèles : Die hei- 
ligen Schriften dés Altenund Neuen Testamentes nach 
der Vulgata, unter steter Vergleichung des Grund- 
textes ùbersetzt und erklârt, 4 Th., in-8", Ratisbonne, 
1851-1867; 4» édit., 1899; édition illustrée en 5 volumes, 
1884-1885, 2' édit., 1905. La part du D' Reîschl consista 
à traduire et à annoter plusieurs livres de l'Ancien Tes- 
tament, spécialement celui des Psaumes (édition à 
part, sous ce titre : Das Buch der Psalmen (tus der 
Vulgata, unter steter Vergleichung des Grundtextes 
ùberset&t und nach Wort und Geist erklârt, 2 in-8°, 
Ratisbonne, 1873), et le Nouveau Testament tout en- 
tier. — Voir le Schematismus der Geistlichkeit des 
Erzbisthums Mûnchen und Freïsing fur das Jahr 
181b, Munich, 1874, p. 293-296; F. Kaulen, dans 
Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2 e édit., t. x, col. 991- 
992; Hûlskamp, dans le Literatischer Handweiser, 
Mûnster-en-Wesphalie, 1873, col. 494; P. tturter, No- 
menclator literarius recentioris theologim catholicse, 
2« édit., t. m, Inspruck, 1895, col. 1293-1294. 

L. Fillion. 
REITHMAYR François-Xavier, exégète catholique 
allemand, né le 16 mars 1809, dans le village d'Illkofen, 
près de Ratisbonne, mort à Munich, le 26 février 1872. — 
11 étudia la philosophie et la théologie au lycée de Ra- 
tisbonne, 1826-1830; puis encore la théologie à l'Uni- 
versité de Munich, en 1831 et les années suivantes, 
pour se préparer directement au professorat, dont il 
voulait faire sa carrière. Il -doit à l'un de ses profes- 
seurs, le célèbre Môhler, son attrait spécial pour 
l'étude des saints Pères, desquels il a tiré un excellent 
parti dans ses compositions exégétiques, sans parler 
des ouvrages spéciaux qu'il leur a consacrés. Il fut 
ordonné prêtre à Ratisbonne, le 20 août 1832, et con- 
quit le grade de docteur en théologie en 1836. 11 devint 
professeur extraordinaire de théologie à la Faculté de 
Munich en 1837, et professeur ordinaire d'exégèse du 
Nouveau Testament en 1839; il conserva cette dernière 
situation jusqu'à sa mort. — Ses publications seriptu- 
raires sont les suivantes : Conimentar zum Briefe an 
die Rimer, in-8°, Ratisbonne, 1845; Editio grœco- 
latinaNoviTestamenti, édition classique destinée aux 
•étudiants, Munich, 1847 ; Einleitung in die canonischen 
Bûcher des Neuen Bundes, in-8°, Ratisbonne, 1852; 
Comtnentar zum Briefe an die Galater, in-8°, Munich, 
1865; Lehrbuch der biblischen Hermeneutik, in-8°, 
Kempten, 1874, œuvre posthume publiée par Thalhofer. 
Dès l'année 1842, Reithmayr réfutait solidement les 
sophismes de Strauss, dans la savante revue de Munich 
Historisch-politische Blâtter. Tous ses ouvrages sont 
composés dans un esprit à la fois scientifique et tradi- 
tionnel. — Voir l'esquisse que le D r Thalhofer donne 
de sa vie dans le Lehrbuch der bibl. Hermeneutik, 
p. vii-xv; le Literarischer Eandweiser de Munster, 
1871, col. 53; Hurter, Homendator literarius recen- 
tioris theologim catholicse, in-8», Inspruck, 1895, t. m, 
col. 1289-1290; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 
2« édit., t. x, col. 1001-1002. L. Fillion. 

RELIGION, ensemble de croyances et de devoirs qui 
règlent les rapports de l'homme avec Dieu. 



I. Noms donnés à la religion. — 1° La crainte de 
Dieu. — C'est la formule la plus usitée. Le verbe yârê' 
veut dire à la fois « craindre » et « respecter ». Il con- 
venait parfaitement, surtout dans l'Ancien Testament, 
pour marquer l'attitude que l'homme doit s'imposer 
vis-à-vis de Dieu le Tout-Puissant, qui se révèle à lui 
par des œuvres éclatantes et parfois par des interven- 
tions effrayantes. Voir Crainte de Dieu, t. n, col. 1099. 

— 2° La Loi, tôrâh, et, en chaldéen, dd(, Dan., vi, 5; 
vu, 25, vojioç, lex. La Loi est l'expression de la volonté 
de Dieu, et, quand on la suppose acceptée et pratiquée 
par l'homme, la Loi désigne d'une manière générale 
la religion mosaïque. Les Machabées ont le « zèle de 
la Loi, » c'est-à-dire de la religion ancienne. I Mach., 
Il, 27. Saint Paul oppose constamment la Loi, c'est-à- 
dire la religion mosaïque à la religion de grâce apportée 
par Jésus-Christ. Gai., v, 2, 4, etc. Voir Loi mosaïque, 
t. iv, col. 341-346. — 3° La voie, dérék, 686;, via. Cette 
expression se trouve déjà dans Amos, vin, 14, où « la 
voie de Rersabée » désigne la religion, et, d'après les 
Septante, le « dieu » de Rersabée. Mais elle est surtout 
fréquente dans le Nouveau Testament. Des pharisiens 
reconnaissent que Notre-Seigneur enseigne « la voie de 
Dieu dans la vérité, » c'est-à-dire une vraie religion. 
Matth., xxn, 16 ; Luc, xx, 21. Dans les Actes, « la voie » 
désigne couramment la religion nouvelle. Act., ix, 2; 
xviii, 25, 26; xix, 9, 23; xxii, 4; xxiv, 22. Cf. II Pet., 
il, 2, 15, 21. — 4° L'Évangile, eûaYyeXtov, mot qui dé- 
signe souvent la religion nouvelle, comme (ôrâh dé- 
signe la religion ancienne. Matth., iv, 23; Marc, i, 14, 
15; Rom., 1,16; x, 16; I Cor., ix, 23; II Tim., i, 8; etc. 

— 5° Le culte, 9pt]<yv.Eia, religio, l'adoration et l'ensem- 
ble des devoirs rendus à Dieu. Saint Paul appelle de ce 
nom la religion juive. Act., xxvi, 5. Saint Jacques, i, 
26, 27, indique des conditions essentielles au vrai culte 
de Dieu. — 6° La Vulgate emploie encore le mot de 
« religion », dans un sens plus restreint, pour désigner 
le rite de la Pâque, 'âbôdâh, XaTpeia, Exod., xii,26, 43; 
certaines lois particulières, huqqâh, v<5[ioç, Exod., xxix, 
9; Lev., vu, 36; xvi, 31; Num., xix, 2; le respect du 
sabbat, II Mach., VI, 11 ; le culte des anges ; 6p;r;<7xe!'a. 
Col., Il, 18. Par contre, les Juifs appellent la religion 
de Jésus-Christ aipéais, secta, « une secte ». Act., xxvm, 
22. 

II. Phases diverses de la religion. — La religion 
parfaite et définitive n'a pas été donnée à l'homme dès 
le principe. Aussi peut-on distinguer plusieurs phases 
dans le progrès de la religion. — 1° Religion natu- 
relle. — C'est celle qui est inscrite par Dieu au cœur 
de l'homme, indépendamment de toute révélation exté- 
rieure. Cette religion comporte la connaissance de 
l'existence de Dieu, la notion de ses perfections et 
l'idée de devoirs à lui rendre. Rom., i, 20, 21. En médi- 
tant sur ces données fondamentales, l'homme peut, par 
les seules forces de sa raison, les développer et les ap- 
profondir. C'est ce qui a été fait, et les philosophes 
grecs, en particulier, ont poussé assez loin leurs con- 
naissances sur Dieu et sur les rapports que l'homme 
doit entretenir avec lui. Les notions qui composent la 
religion naturelle demeurent toujours vraies; elles 
constituent même le fonds sur lequel s'appuie toute 
religion révélée. Ce fonds se retrouve constamment 
dans la Sainte Écriture. Un très grand nombre des pré- 
ceptes qui y sont rappelés appartiennent à la religion, 
naturelle, à cette loi que les gentils « accomplissent, 
naturellement », montrant par là que ce-' que. la: loi 
mosaïque ordonne de plus important s est écrit dans 
leurs cœurs, leur conscience rendant en même temps 
témoignage par des pensées qui les accusent ou les 
défendent. » Rom., n, 14-15.. Le décalogue lui-même, 
à part la fixation du jour de repos, appartient tout en- 
tier à la loi naturelle. • 

2» Religion primitive. — En fait, la religion natu- 



1033 



RELIGION 



REMI 



1034 



relie fut complétée dès l'origine par une révélation di- 
recte de Dieu. Après avoir créé l'homme, Dieu lui parla 
pour lui imposer un précepte tout positif, celui de ne 
pas toucher au fruit d'un arbre. Gen., n, 17. A la suite 
de la chute, il parla encore à Adam. Gen., m, 14-19. 
Plus tard, il parla à Noé, père de la race nouvelle. 
Gen., IX, 2-17. Les éléments ainsi ajoutés à la religion 
naturelle ont été dogmatiques et moraux. Dieu était 
connu désormais non plus seulement par le témoignage 
des créatures matérielles, mais encore par celui des 
hommes qui avaient été en rapport direct avec lui. 
L'état premier de l'homme avait comporté une dignité 
qui s'était perdue au moment de la désobéissance 
d'Adam. Mais après cette chute, une rédemption était 
promise et devait venir de la race de la femme. En 
même temps, l'homme apprenait l'existence de purs 
esprits, les uns mauvais, les autres bons. Gen., m, 1- 
5, 24. Des préceptes particuliers étaient ajoutés à ceux 
de la loi naturelle, celui du sacrifice, Gen., rv, 3, 4; vm, 
20; celui de la sanctification du septième jour, Exod., 
xvi, 23; xx, 8; celui de la distinction des animaux purs 
et impurs et la défense de manger du sang. Gen., vm, 
20; ix, 4. Pour conserver ces traditions et ces préceptes, 
aucun sacerdoce spécial ne fut institué; les chefs de 
famille présidèrent naturellement à l'exercice du culte 
de Dieu et à l'observation de ses lois. Pour pratiquer 
la religion naturelle, l'homme était assuré de l'assis- 
tance providentielle que Dieu accorde à toutes ses créa- 
tures, suivant les besoins de leur nature. Mais Dieu, 
en élevant Adam à un état supérieur à sa nature, mit 
à sa disposition un secours proportionné à sa dignité 
surnaturelle, la grâce. Cette grâce ne fut pas totalement 
supprimée par la chute; elle fut continuée à l'homme, 
en considération du futur sacrifice rédempteur. Adam 
en profita le premier, puisque la Sagesse, par consé- 
quent l'assistance venue du ciel pour diriger l'esprit 
et le cœur de l'homme, « le tira de son péché. » Sap., 
x, 2. 

3° Polythéisme. — En s'éloignant du berceau de 
l'humanité primitive, les hommes ne surent pas con- 
server intactes les données de la première révélation, 
ni même toutes celles de la religion naturelle. Les ré- 
cits de la Genèse ont pour but d'enseigner que les 
aberrations religieuses de l'homme sont, par rapport 
à l'état initial de l'humanité, une déchéance et une 
perversion, et nullement une progression du plus gros- 
sier au plus parfait. L'auteur de la Sagesse décrit trois 
phases successives de l'erreur polythéiste. Tout d'abord, 
les hommes commencent par diviniser les forces de la 
nature : le feu, le vent, l'air, l'eau, les astres devien- 
nent pour eux « comme des dieux gouvernant l'univers. » 
Ce polythéisme est inexcusable, parce que l'admiration 
des créatures devrait conduire l'homme à « connaître 
par analogie Celui qui en est le Créateur. » Toutefois, 
cette forme de l'erreur mérite moins de reproches que 
d'autres, car enfin, ce sont de véritables créatures de 
Dieu que les hommes honorent ainsi « en cherchant 
Dieu et en voulant le trouver. » Sap., xm, 1-9. Plus 
grossiers et plus coupables sont ceux qui rendent leur 
culte aux idoles. Celles-ci n'ont pas toujours existé; 
c'est la folie des hommes qui les a introduites dans le 
monde. L'idole, œuvre de la main des hommes, est 
maudite ainsi que son auteur, parce qu'étant une chose 
périssable et même sans vie, elle porte le nom de Dieu. 
Sap., xm, 10-xiv, 14. Voir Idolâtrie, t. m, col. 809. 
Une troisième forme de polythéisme est le culte des 
ancêtres. On vit représentés par de belles statues ceux 
qu'on avait aimés et admirés de leur vivant, et on « re- 
garda comme un dieu celui qui naguère était honoré 
comme un homme. » Sap., xiv, 15-21. Ces trois formes 
du polythéisme, animisme ou culte des choses de la 
nature, fétichisme ou culte des idoles fabriquées, et 
évhémérisme ou culte des grands hommes, sont encore 



en vigueur chez les peuples qui n'admettent pas le 
monothéisme. Cf. A. Bros, La religion des peuples 
non civilisés, Paris, 1907, p. 103-113. En dehors des 
Israélites, les anciens peuples ont tous versé dans le 
polythéisme et l'idolâtrie. Cf. P. de Broglie, Problèmes 
et conclusions de l'histoire des religions, Paris, 1885, 
p. 89-122 ; Id., Monothéisme, hénothéisme, polythéisme, 
Paris, 1905 ; Dëllinger, Paganisme et judaïsme, trad. 
J. de P., Bruxelles, t. i-m, p. 109; Lagrange, Etudes 
sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 70-466; 
La religion des Perses, Paris, 1904; H. Vincent, Ca- 
naan, Paris, 1907," p. 90-204. — Les écrivains sacrés 
signalent et réprouvent l'affreuse corruption morale 
qui fut la conséquence du polythéisme. Sap., xiv, 22- 
31; Rom., I, 24-32. Les prophètes reviennent constam- 
ment, pour la combattre, sur l'immoralité qu'entraîne 
la pratique de l'idolâtrie. — C'est un grave problème 
que Celui du triomphe de l'idolâtrie dans le monde 
parmi tant de peuples et durant tant de siècles. A Lys- 
tres, saint Paul disait à ce sujet: « Dieu, dans les 
siècles passés, a laissé toutes les nations suivre leurs 
voies, sans que toutefois il ait cessé de se rendre témoi- 
gnage à lui-même, faisant du bien, dispensant du ciel 
les pluies et les saisons favorables, nous donnant la 
nourriture avec abondance et remplissant nos cœurs de 
joie. » Act.,Xiv, 15, 16. A Athènes, il déclare que « Dieu 
ne tenant pas compte de ces temps d'ignorance, annonce 
maintenant aux hommes qu'ils aient tous, en tous 
lieux, à se repentir. » Act., xvn, 30. Mais aux Juifs, il 
montre que si les gentils ont péché sans la Loi, eux- 
mêmes ont tout autant péché avec la Loi, et que tous 
par conséquent, Juifs et Grecs, sont sous le péché et 
doivent au même titre attendre de Dieu la justification. 
Rom., n, ll-iii, 20. 

4° Religion mosaïque. — C'est la religion que Dieu 
a imposée au peuple israélite par l'entremise de Moïse. 
Cette religion n'ajoutait presque rien aux dogmes de la 
religion primitive; mais elle développait beaucoup la 
morale positive, en imposant aux Israélites une multi- 
tude d'observances. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 329. 
La religion mosaïque n'était destinée qu'aux Israélites. 
Les étrangers pouvaient pourtant l'embrasser moyen- 
nant certaines conditions. Voir Prosélyte, col. 758. 
Dans ce qu'elle avait de particulier à Israël, elle ne de- 
vait durer que jusqu'à son remplacement par la religion 
du Messie. 

5° Religion chrétienne. — Elle a été instituée par 
Jésus-Christ pour compléter et remplacer les précé- 
dentes, s'étendre à tous les peuples sans exception et 
se perpétuer jusqu'à la fin des temps. Voir JÉSuS- 
Christ, t. m, col. 1480-1487; Loi nouvelle, t. iv, 
col. 347; Morale, t. iv, col. 1260. Par son dogme, sa 
morale, ses sacrements et son culte, elle réalise cet 
idéal de religion que Notre-Seigneur a lui-même tracé 
quand il a dit : « Les vrais adorateurs adoreront le 
Père en esprit et en vérité; ce sont de tels adorateurs 
que le Père demande. Dieu est esprit, et ceux qui 
l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité, » Joa., 
iv, 23, 24. — Sur l'absence de religion, voir Impie, 
t. m, col. 845. H. Lesêtre. 

RÉMÉIA (hébreu : Ramyâh, « Jéhovah est^élevé » ; 
Septante : 'Pa^iâ), un des fils de Pharos qui avait 
épousé une femme. étrangère et qui fut obligé de la 
répudier du temps d'Esdras. I Esd., x, 25. 

REMI, moine bénédictin à Saint-Germain d'Auxerre, 
naquit en Bourgogne, vers 851. On perd sa trace en 
908 et l'on sait seulement par un ancien nécrologe de 
la cathédrale d'Auxerre que le jour de sa mort fut le 
2 mai, sans indication d'année. Disciple d'Heiric, qui 
lui-même fut élève du célèbre Haimon, évêque d'Hal- 
berstadt, il lui succéda dans sa chaire au monastère 



Î035 



REMI — REMMON 



1036 



de Saint-Germain. Plus tard, vers 893, il fut, avec 
Hacbald, moine de Saint-Amand, appelé par Foulques, 
archevêque de Reims, à enseigner dans les écoles 
de cette ville. Rémi y demeura jusqu'à la mort de 
Foulques, en 900. Il passa de là à Paris, où il ouvrit 
la première école publique que l'on sait avoir été éta- 
blie dans cette ville. Rémi a laissé plusieurs écrits, 
qui relèvent surtout de l'exégèse. Bien qu'on ait 
attribué quelques-unes de ses œuvres à Haimon 
d'Halberstadt, la critique moderne est parvenue à lui 
restituer l'ensemble des productions sorties de sa 
plume. Ce sont, au point de vue biblique :.— 1° Com- 
mentarius in Genesim, P. L., t. cxxxi, col. 51-134. 
L'auteur s'attache surtout au sens allégorique du texte, 
comme plus propre, dit-il, à nourrir l'âme. Le fond du 
commentaire est emprunté aux Pères, il cite pourtant 
aussi en quelques endroits les traditions juives. — 
2° Enarrationum in Psalmos liber unus, t. cxxxi, 
eol. 134'844. C'est l'œuvre la plus considérable de Rémi 
et celle qui fonda surtout sa réputation d'exégète. Le 
Maître des Sentences en faisait tant de cas qu'avec le 
commentaire de saint Jérôme, de saint Augustin et d'au- 
tres Pères, il reprit les Enarrationes de Rémi pour en 
composer une chaîne sur les Psaumes. — 3° Conimen- 
tarius in Cantica canticorum, t. cxvir, col. 295-358. 
Ce traité fut longtemps attribué à Haimon d'Halber- 
stadt, mais il est certainement de Rémi. — 4° Commen- 
tarius in XII prophetas minores, t. cxvil, col. 9-294, 
qui dans les quatre éditions de 1519, 1529, 1533 et 
1573, porte le nom d'Haimon. Ce fut Jean Henten de 
Malines qui restitua le traité à Rémi d'Auxerre, son 
véritable auteur. L'ouvrage sur les petites prophéties 
est particulièrement estimé ; bien qu'il s'attache avant 
tout au sens spirituel, il ne néglige toutefois pas la 
siguiflcation littérale. — 5° Explanaliones Epistolarum 
B. Pauli aposloli, t. cxvn, col. 361-938. Encore une 
fois, après de longues controverses sur la paternité de 
ce commentaire, on finit par l'imprimer en 1618, dans 
la BibliothecaPatrum sous le nom du véritable auteur. 
— 6° Commentarius in Apocalypsin, t. cxvn, 
eol. 937-1220. Cette explication de l'Apocalypse, divisée 
en sept livres, est toute allégorique et morale. L'objet 
principal de l'auteur est de rapporter toutes ses inter- 
prétations aux deux cités spirituelles, celle des élus et 
celle des réprouvés. Divers auteurs citent encore 
d'autres traités d'exégèse de Rémi d'Auxerre, restés en 
manuscrit, ce sont des commentaires sur les quatre 
Évangélistes et une glose sur les livres de l'Ancien 
Testament. Il demeure douteux que les douze Homé- 
lies publiées sous le nom de Rémi, t. cxxxi, col. 865- 
932, soient réellement de lui. En tout cas, ces homélies 
relèvent plus de l'herméneutique que de la paréné- 
tique. Rémi est encore l'auteur de plusieurs ouvrages 
sur la liturgie, la musique, la grammaire et la littéra- 
ture profane, dont on n'a point à s'occuper ici. Voir 
Histoire littéraire de la France, t. îv, p. 99-122; Fa- 
bricius-Mansi, Bibliotheca latina, 1859, p. 367;Duru, 
Bibliothèque historique de l'Yonne, t. vr; Ebert, 
Allgemeine Geschichte der Litteratur des Mittelalters, 
Leipzig, 1887, t, m, p. 234, U. Chevalier, Répertoire des 
sources hist. Bio-bibliogr., 2 e édit., t. h, 1907, col. 3926; 
Kaulen, Kirchenlexikon, t. x, 1897, col. 1044-1045. 

J. VAN DEN GliEYN. 

REMMON (hébreu : Rimmôn), nom d'un Israélite, 
d'un dieu syrien, et de trois villes ou localités d'Israël, 
remarquables sans doute ' par leurs plantations de 
grenadiers, car rimmôn désigne cet arbre et son fruit. 
Remmon entre en outre dans la composition de plu- 
sieurs noms de localités comme Remmonpharès, Ada- 
. dremmon, Gethremmon, etc. 

1. REMMON (Septante : 'Peu.[jt.a>v), Benjamite, ori- 
ginaire de Béroth (voir Béroth 2, t. I, col. 1621), père 



de Baana et de Réchab, les meurtriers d'Isboseth, fils 
de Saùl. II Reg., iv, 2, 5, 9. 

2. REMMON (hébreu : Rimmôn; Septante : 'Piu-tiav), 
divinité païenne, d'origine chananéenne ou araméenne 
selon les uns, babylonienne ou assyrienne selon les 
autres, qui, d'après IV Reg., v, 18, le seul passage de 
la Bible où elle est mentionnée directement, avait 
un temple à Damas du vivant d'Elisée. Naaman, chef 
de l'armée de Bénadad II, roi de Syrie, demanda au 
prophète, après avoir été miraculeusement guéri de la 
lèpre par son intermédiaire, s'il lui était permis de se 
prosterner dans le temple de Remmon, lorsqu'il y 
accompagnait son maître, qui s'appuyait sur son bras. 
Elisée répondit simplement : « Va en paix ! » Il est 
très probable, d'après ce texte, que Remmon était le 
dieu principal et spécial de Damas. Cf. aussi IIIReg.,xv, 
18, où nous apprenons qu'un habitant notable de cette 
ville portait le nom de Tab-Rimmôn (Vulgate, Tabre- 
mon), c'est-à-dire, « Rimmôn est bon ». Voir Tabremon. 
On ne doute pas non plus, actuellement, que le nom 
du dieu Remmon n'entre dans le mot composé 
Uadadrimmôn, Zach., xn, 11. Voir Adadremmon, t. i, 
col. 167-170. Peut-être en est-il de même pour les 
localités palestiniennes nommées Remmon. 

Avant les découvertes faites récemment en Babylonie 
et en Assyrie, on rattachait volontiers le nom du dieu 
Remmon au substantif hébreu rimmôn, «grenade », 
et on regardait cette divinité comme l'emblème du 
principe fécondant de la nature. Cf. C. Movers, Die 
Phônizier, 4 in-8°, Bonn, 1841-1856, t. î, p. 196-198; 
Baehr, Symbolik des mosaischen Cultes, 2 vol. in-8°, 
Heidelberg, 1837-1839, t. îr, p. 122; Fr. Lenormant, 
Lettres assyriologiques, in-4», Paris, 1874, t. ri, p. 215. 
Mais on est d'accord aujourd'hui pour reconnaître que 
cette étymologie est fausse; que la vocalisation rim- 
môn provient des Hébreux, qui avaient modifié légè- 
rement le nom pour l'adapter à leur langue; enfin, que 
la vraie prononciation était Rammân, comme on le voit 
par les monuments babyloniens et assyriens. Les Sep- 
tante ont donc assez exactement indiqué le nom du 
dieu. Ce nom étant très vraisemblablement d'origine 
babylonienne, on a eu tort aussi de le faire dériver de 
l'hébreu rûm ou rdmâm, « être élevé », de sorte qu'il 
aurait signifié : haut, majestueux. Cf. Selden, De Dis 
Syris, t. n, p. 10; W. Baudissin, Studien zur semit. 
Religionsgeschichte, 1. 1, p. 307; Gesenius, Thésaurus, 
p. 1292. Telle était déjà l'interprétation d'Hésychius, 
Lexicon, édit. M. Schmidt, t. m, 1861. p. 421 : 'Pa^aç, 
i ûijvtTro; Séoç. La véritable racine est le mot assyrien 
ramâmu qui désigne un bruit violent, en particulier 
celui du tonnerre. Cf. Frd. Delitzsch, Assyrisches 
Handwôrterbuch, p. 624; W. Jastrow, Die Religion 
Babyloniens und Assyriens, p. 156-164. A Babylone 
et en Assyrie Rammân était, en effet, le dieu de l'air, 
des nuages, du vent, delà pluie, des orages, des éclairs 
et du tonnerre, en un mot, le dieu de l'atmosphère et 
de ses phénomènes multiples, bienfaisants ou malfai- 
sants. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das 
Aile Test. ,3 e édit., p. 447. Les inscriptions cunéiformes 

le désignent par l'idéogramme ^J^|| - , c'est-à-dire, 

« dieu des régions célestes ». Elles le louent comme un 
bienfaiteur des hommes, lorsqu'il envoie la pluie ; elles 
regardent au contraire comme un malheur que Ram- 
mân ait empêché les eaux du ciel de tomber. Cf. Schra- 
der, ibid. Voir dans J. Menant, Collection de Clercq, 
t. i, Cylindres orientaux, in-f°, Paris, 1888, Planches, 
les n<* 124, 153, 169,' 188, 204, 207, 211, 217, 233, 249. 
Sur les bas-reliefs, les cylindres (fig. 227), etc., on le 
représente armé d'un faisceau d'éclairs et d'une hache. 
Les orages, avec les éclairs, la foudre et les déluges 
d'eau qui emportent tout sur leur passage, caracté- 



1037 



REMMON 



1038 



risent sa terrible puissance. Les rois assyriens, dans 
leurs annales, lorsqu'ils racontent leurs conquêtes 
rapides, aiment à les comparer aux manifestations 
redoutables de Rammân. Voir Frd. Delitzsch, Assy- 
risches Handivôrterbuch, aux mots sagamu et rahamu, 
p. 640, 617-618. Il joue un rôle important dans l'histoire 
du déluge babylonien. La phrase « Puisse Rammân 
faire briller ses mauvais éclairs sur le pays de tel ou 
tel » était employée comme une formule de malédic- 
tion. Le taureau lui était consacré; c'est pourquoi on 
trouve parfois des cornes de bœuf sur ses images. Il 
était aussi honoré comme le dieu des oracles, bêlbiri. 
Dans la seconde triade divine, qui se composait 
habituellement des dieux Sin, Samas etlstar, il appa- 
raît souvent à la place d'istar. On le regardait comme 
le fils d'Anu et d'Anatu, et on lui consacrait le mois de 
sebaf, qui était le onzième de l'année babylonienne 
(janvier-février), et le mois des pluies. Son nom entre 
dans la composition de divers noms propres assyriens, 




227. — Cylindre babylonien. Sceau de Ramman-Taiar, fila de 
Taribum. D'après Riehm, Handivôrterbuch des biblischen 
Altertums, 1884, t. il, col. 1294. 

tels que Rammànidri, Rammânlidari, Rammânnirâri, 
Rammânbelliduri, etc. Voir Tiele, Babyl.-assyrische 
Geschichte, p. 640; Winckier, A Uoriental. Forschungen, 
t. î, p. 564. Les études assyriologiques ont aussi établi 
que Rammân est identique à Adad ou Hadad de Syrie. 
Cf. Hadad, t. m, col. 392 ; Schrader, Die Keilinschriften 
und das A. Test., 3 e édit., p. 343-344. Il est dit dans les 
annales de Salmanasar II que ce prince, pendant 
une de ses campagnes, offrit des sacrifices au dieu 
Rammân à Alep. Cf. Winckier, loc. cit., p. 84. — Sur 
ces divers points, voir aussi W. Baudissin, Studien 
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8», Leipzig, 
1876-1878, t. i, p. 294-308 ;E. Schrader, Keilinschriften 
und Geschichtsforschung, in-8», Giessen, 1878, p. 538- 
539; Die Keilinschriften und das Aile Testament, 
3 e édit., publiée par H. Zimmern et H. Winckier, in-8°, 
Rerlin, 1903, p. 442-451; Sayce, The God Rammân, 
dans Zeitschrift fur Assyriologie und verwandte Ge- 
biete, t. il, 1887, p. 331-332; F. Baîthgen, Beitrâge 
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8», Rerlin, 
1888, p. 75; Hugo Winckier, Geschichte Babyloniens 
und Assyriens, in-8», Leipzig, 1892, p. 164, 166 ; du 
même, Alttestamentliche Forschungen, in-8", t. i, 
Leipzig, 1893, p. 84-85; H. V. Hilprecht, Assyriaca, eine 
Nachlese auf dem Gebiete der Assyriologie, in-8», 
Berlin, 1894, p. 76-78; C. P. Tiele, Babylonische-assy- 
rische Geschichte, 2 in-8», Gotha, 1886-1888, t. n, p. 325- 
526; A. Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des 
alten Orient, in-8», Leipzig, 1904, p. 39-40, 320-321 ; 
W.Jastrow, Die Religion Babyloniens und Assyriens, 
in-8», Giessen, 1905, p. 156-161. L. Fillion. 



3. REMMON (Septante, Vaticanus, Jos., xv, 32 : 
'Epw|iw8; xix, 7 : 'Epe^càv ; I Par., iv, 32 : 'Pe(ivtiv ; 
Zach., XIV, 10 : 'Pejijitiv; Alexandrinus : 'PejifJitôv par- 
tout, excepté Jos., xix, 7, où on lit 'Peuh^O; Vulgate : 
Remmon, excepté Jos., xv, 32, où elle a Remon), ville 
de !a tribu de Siméon. — Les transcriptions 'Epe[j,(58 et 
'EpejiiJiiSv sont évidemment pour 'Ev-'Penniiv.Les Sep- 
tante, dans ces deux passages de Josué, tiennent ainsi 
pour une seule localité 'Aïv et 'P£(X(xtiv distinguées dans 
le texte hébreu, excepté II Esd., xi, 29, où l'on trouve 'Ên- 
Rinvmôn. La Vulgate les distingue toujours, ainsi que 
les Septante, si ce n'est en ces deux endroits. La dis- 
tinction semble indubitablement établie par le fait que 
Ain était une ville lévitique, tandis que Remmon était 
habitée par la famille de Séméi, de la tribu de Siméon. 
Cf. Jos., xxi, 16; I Par., iv, 32; Aïn, t. i, col, 315. — 
Le prophète Zacharie fait allusion, xiv, 10, à cette 
«Remmon au midi de Jérusalem » qu'il distingue ainsi 
de Remmon de Benjamin. — Eusèbe mentionne . 
« 'Epetigwv, très grande ville de Juifs, au XVI e mille- 
d'Éleuthéropolis. » Saint Jérôme ajoute qu'Éremmon 
est « au midi, dans la Daroma. » Onomasticon, édit. 
Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 190 et 191. Au 
mot Remma, les deux Pères, parlant de la même loca- 
lité, disent que 'P^iioû;, Remmus (d'après le codex 
de Leyde 'Peniniv, Remmon), est un « village de la 
Daroma. » Ibid., p. 312 et 313. — Les modernes croient 
reconnaître le nom de Remmon dans celui de la ruine 
appelée Umm er-Remàmin. Celte ruine est en réalité à 
27 kilomètres et demi (= 19 milles romains) au sud de 
Beit-Djebrin, l'ancienne Éleuthéropolis des Grecs et 
des Romains. Les chiffres de V Onomasticon, souvent 
approximatifs, n'infirment pas cette identification, 
confirmée d'ailleurs par l'état des ruines. Elles occu- 
pent toute la surface d'une large colline dont l'altitude 
est, d'après les travaux de la Société anglaise d'explo- 
ration de la Palestine, de 482 mètres au-dessus du ni- 
veau de la Méditerranée. On y rencontre d'innombra- 
bles citernes, silos et chambres souterraines creusées 
dans le roc. Les pierres des habitations, éparses sur 
le soi, dépassent souvent les dimensions de l'appareil 
moyen et sont très régulièrement équarries. Au som- 
met, on remarque les restes d'une grande construction, 
divisée en nombreux appartements, dont plusieurs 
assises sont en place. — Remmon avait fait partie du 
lot primitif de Juda. Jos., xv, 32. Au retour de la 
captivité de Babylone, elle fut occupée de nouveau par 
les Juifs. II Esd., xi, 25, 29. - Cf. E. Robinson, Bi- 
blical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. m, 
p. 193; Ad. Neubauer, Géographie du Talniud, Paris, 
1868, p. 118; V. Guérin, Judée, t. h, p. 352-354; The 
Survey of Western Palestine, Memoirs, t. m, p. 32. 

L. Heidet. 

4. REMMON (Septante, Vaticanus : 'PEjiixwvaâ; 
Alexandrinus : 'Psnixiovài).), ville de la tribu de Zabu- 
lon. Jos., xix, 13. — Dans leur transcription, les Sep- 
tante unissent au nom les premières syllabes du mot 
ham-Metô'âr qui suit, dans le texte hébreu. Voir 
Amthar, t. i, col. 527; Noa 2, t. iv, col. 1635. Rem- 
mono, I Par., vi, 77, transcrit par les Septante -f) 
'Pe(A[u5v, nom d'une ville de Zabulon assigfiëe aux lévites 
de la famille de Merari, n'est sans doute qu'une 
variante de Remmon. Il en est probablement de 
même de Damna, Jos., xxi, 35, transcrit Remin par 
la version syriaque. Cf. Damna, t. n, col. 128 Rem- 
mono, col. 1039. « On appelle Remmon de Zabulon 
Rûmmânéh, » nous assure le rabbin Estôri ha-Parchi, 
au xiii» siècle. Caftor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusa- 
lem, 1897-1899, p. 293. J. Schwarz désigne pour Rem- 
mon la même localité, qu'il indique à trois quarts de 
lieue au nord-est de Séphoris, mais dont il altère le 
nom en l'appelant Reimûn et Rûmein. Tebuoth ha- 
Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 208, 242. Cette 



1039 



REMMON 



REMORDS 



104O- 



identification a été communément acceptée. — Rum-r 
mânéh est un tout petit village de moins de 70 habi- 
tants, tous musulmans, à 4 kilomètres et demi au nord- 
nord-est de Safûriéh (Séphoris). Il s'élève sur les der- 
nières pentes, à l'occident, du Djébél-Tûrân, sur la 
limite méridionale de la plaine de Battaûf, en face de 
Qdnah, au milieu d'assez belles plantations d'oliviers. 
De nombreuses citernes antiques perforent la colline. 
On remarque aussi aux alentours quelques anciennes 
grottes sépulcrales. Cf. E. Robinson, Biblical Resear- 
ches in Palestine, Boston, -1841, t. u, p. -141-143; The 
Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, 
t, i, p. 363. L. Heidet. 

5. REMMON (ROCHER DE) (hébreu : Séla hâ-Rim- 
môn, Jos., xx, 45, 47, Séla' Rimmôn, sans l'article, 
Jos.. XXI, 13; Septante : 7) izhpa toO 'Pe^ji/âv et -^ 
nézpa 'PE[i|i<iv; Vulgate, Jos., xx, 45; petra cujus vo- 
cabulum est Remmon, 47 et xxi, 7 : petra Remmori), 
montagne rocheuse de Benjamin où s'enfuirent et res- 
tèrent quatre mois les six cents Benjamites qui échap- 
pèrent à l'extermination de leurs frères, à la bataille 
de Gabaa. Le même nom, sous la forme Rammûn, lui 
est demeuré jusqu'aujourd'hui. — « Remmon, dit 
Eusèbe, est maintenant un village près d'yElia (Jéru- 
salem), au XV e milliaire (22 kil. 496 m.), au nord.» 
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, 
p. 315 et 316. Sur la carte mosaïque de Madaba, voir 
fig. 180, vis-à-vis col. 695, Remmon est désignée par une 
petite forteresse placée au nord-est de Jérusalem et au sud 
d' « Éphron ou Éphraïm où vint le Christ. » La loca- 
lité indiquée par ces documents est incontestablement 
la Rammûn actuelle, située en effet à 3 kilomètres au 
sud de Tayibéh, l'ancienne Éphrem, et à 22 ou 23 
kilom. au nord-nord-est de Jérusalem. Le récit du 
livre des Juges, xxi, nous conduit dans la même direc- 
tion. Attirés dans l'embuscade que leur avait tendue 
l'armée d'Israël, les Benjamites tombèrent en masse 
sous les coups de leurs adversaires, « à l'orient de 
Gabaa, » probablement entre ljizméh et Djéba', là où 
se voient les curieux monuments connus sous le nom 
de Qobûr bnî Israîn, « tombes des fils d'Israël », peut- 
être élevés en souvenir de ce terrible combat. Le 
corps d'armée laissé pour prendre Gabaa, après l'avoir 
livrée aux flammes et massacré tous ceux qu'elle ren- 
fermait, s'avançait du sud-ouest; les Benjamites ne 
pouvaient retourner en arrière. Il ne leur restait qu'à 
s'échapper par le désert , c'est-à-dire par l'est et le 
nord; c'est ce qu'ils firent en gagnant Remmon. Six 
cents seulement l'atteignirent. — L'identité du « rocher 
de Remmon » avec l'actuel Rammûn est admise de 
tous.. — Rammûn couronne une montagne rocheuss 
haute de 762 mètres au-dessus du niveau de la Médi- 
terranée. Des vallées profondes l'entourent de toute 
part, excepté du côté du nord où le rocher sur lequel 
est bâti le village ne domine que d'une cinquantaine 
de mètres le large col qui le relie à la colline de 
Tayibéh. De nombreuses grottes sont creusées dans 
le roc, surtout à la partie supérieure de la montagne, 
peut-être les mêmes que celles où s'abritèrent les 
échappés de la défaite de Gabaa. La population du 
village, toute musulmane, est de quatre à cinq cents 
âmes. Des vergers plantés de figuiers, de grenadiers, 
d'oliviers et de vignes se développent çà et là autour 
de la montagne. — Cf. J. Schwarz, Tebuoth ha-Arez, 
èdit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 101; E. Robinson, 
Biblical researches in Palestine, Boston, 1841, t. N, 
' p. 113-114; V. Guèrin, Judée, t. n, p. 352-354; The Sur- 
vey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, 
t. n, p. 292. L. Heidet. 

REMMON O (hébreu : 'Rimmônô ;I Chr. , n, 62 ; Sep- 
tante : -f) 'P£[ji[iiov, I Par., vi, 77), ville lévitique de Za- 



bulon. C'est sans doute une variante pour Remmon. 
Au passage parallèle de Jos., XXI, 35, parmi les villes 
attribuées à la famille lévitique de Mérari, on trouve 
dans la Peschito Damna remplacée par Remîn. La plu- 
part des interprètes tiennent Damna pour une altéra- 
tion de Remmon ou Remmono. Voir Remmon 2 et 
Damna, t. n, col. 1231. Cf. A. Reland, Palx&tina,. 
Utrecht, 1714, p. 735 et 974; I. Schwarz, Tébuoth ha- 
Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 208, 280; Arm- 
strong, Wilson et Conder, Names and Places in the 
Old Testament, Londres, 1887, p. 49, 148; Gesenius, 
Thésaurus, p. 1292. 

REMMONPHARÈS (hébreu : Rimmôn-Pérés, 
à la pause Parés, « grenade brisée »; Septante : Pifi|j.i>v 
<ï>apéç), la quatrième station des Israélites dans le dé- 
sert, après le départ du Sinaï. Num., xxxm, 19-20. 
Elle est entre la station de Rethma et celle de Lebna. 
Le site n'en a pas été retrouvé jusqu'ici par les explo- 
rateurs. On peut cependant, semble-il, déterminer 
d'une manière générale la région où elle peut être 
cherchée. Elle doit se trouver, croyons-nous, au sud- 
est du Djebel ef-Tamad, à peu près à la latitude de 
l'extrémité septentrionale du golfe de 'Aqâba, à 30 ou 
35 kilomètres plus à l'ouest et un peu au sud de la- 
route du hadjj égyptien de la Mecque. De 'Ain JJu- 
deirah, assez sûrement identifiée avec Haséroth la se- 
conde station, jusqu'à cette région il y a environ 
70 kilomètres. À mi-distance doit se rencontrer Rethma. 
la troisième station. A 35 kilomètres au nord du point, 
indiqué, sur le bord de Vouâdi-Djéràféh, M. Aloïs 
Musil indique une région appelée el-Beida, « la 
Blanche », où l'on trouve de l'eau, et qui pourrait bien 
correspondre à la station de Lebna, dont la significa- 
tion est la même, et qui suit Remmonpharès. Cf. Mu- 
sil, Karte von Arabia Petrea, Vienne [1908]. 

L. Heidet. 

REMORDS (hébreu : mikêôl lêb, I Sam., xxv, 31; 
Septante : p5eJ.uYiJ.QC, >ûjtï] àfj.apTtaç; Vulgate : scrupu- 
lus cordis, tristitia delicti), reproche que la conscience 
adresse avec persistance à celui qui a commis le mal. 
L e sens de ce mot est plus précis dans nos langues mo- 
dernes que dans les langues anciennes. — Le remords 
se fait sentir immédiatement après le premier péché et 
oblige Adam et Eve à se cacher. Gen.,m, 7, 10. Abi- 
gaïl prie David de ne pas sévir contre Nabal et sa 
maison, afin de s'épargner à lui-même le remords et 
la souffrance du cœur après l'effusion du sang. I Reg., 
xxv, 31. Au temps d'Esdras, les Israélites sont saisis 
de remords à la suite de leurs unions avec des femmes 
étrangères. I Esd., ix, 4. Antiochus IV Épiphane, frappé 
d'une terrible maladie, a le remords du mal qu'il a fait 
aux Juifs. II Mach., îx, 13-17. Hérode le tétrarque, 
meurtrier de saint Jean-Baptiste, est troublé par ce 
qu'il entend raconter de Jésus-Christ et s'imagine que 
sa victime est ressuscitée sous ce nom. Matth., xiv, 1, 
2; Marc., vi, 14-16; Luc, ix, 7-9. Le remords amène 
Judas, le traître, à se pendre. Matth., xxvn, 3. — Par- 
fois, lépécheur arrive à étouffer le remords dans sa cons- 
cience. Il dit alors : « J'ai péché et que m'est-il arrivé 
de fâcheux? » Eccli., v, 4. Il boit l'iniquité comme- 
l'eau, Job., xv, 16, sans qu'elle lui fasse plus d'effet. 
Néanmoins, il n'y réussit pas toujours. Le faux docteur 
a la conscience cautérisée, c'est-à-dire marquée d'une 
cicatrice deshonoran te. ITim., IV, 2. Il est aÛToxatàxpiîoc, 
il se condamne lui-même dans sa conscience. Tit., m, 
11. La Vulgate parle du « glaive de la conscience », 
Prov., xn, 18; le texte hébreu et les Septante ne men- 
tionnent que le glaive en général. L'Ecclésiastique, , 
xiv, 1, proclame heureux l'homme « qui n'a pas été 
meurtri par le remords de fautes commises. » — 
Le remords suivra les méchants dans l'autre vie. « Ils 
se diront les uns aux autres, pleins de regret, et gé- 



1041 



REMORDS — RENAN 



1042. 



missant dans le serrement de leur cœur : A quoi nous 
a servi l'ogueil? » Sap., v, 3, 8. Il est répété en plu- 
sieurs passages que le feu et le ver seront le châtiment 
de l'impie. Is., lxvi, 24; Judith, xvr, 21; Eccli., 
vu, 19 (17); Marc, ix, 43, 45,47. Pour beaucoup d'in- 
terprètes, le ver désigne métaphoriquement le re- 
mords qui ronge l'âme du damné. Tout en admettant 
cette explication, saint Augustin, De civ. Dei, xxi, 9, 
t. ai, col. 723, croit que le ver peut aussi se rapporter 
au supplice corporel. H. Lesêire. 

REMPART. "Voir Mur des villes, t. iv, col. 1340- 
1342. 

REMPHAM, nom difficile à interpréter, qui, dans 
notre version latine, apparaît seulement au livre des 
Actes, vu, 43. Le diacre Etienne, reprochant à ses core- 
ligionnaires les perpétuelles infidélités de leurs an- 
cêtres à l'égard du Seigneur, leur dit, faisant un em- 
prunt à Amos, v, 26 : « Vous avez porté (durant vos 
pérégrinations à travers le désert de Pharan) le ta- 
bernacle de Moloch et l'astre de votre dieu Rempham, 
figures que vous avez faites. » — Comme d'autres noms 
propres, ce mot est écrit de bien des manières dans les 
anciens manuscrits grecs du Nouveau Testament : 
'Pe(içà(i, d'après D et la Vulgate; 'Pe^çcc, dans le ma- 
nuscrit 61, l'arménien, Origène et divers manuscrits 
latins; .'PEjiçpàv, dans le syriaque et d'autres manus- 
crits latins; 'Poytçav, dans le Cad. Sinaitic, le minus- 
cule 3, etc.; 'Po[j.çï, dans B et d'autres documents; 
'Pacpiv, dans saint Justin, Dial. cum Tryph., 22, édit. 
Archambault, t. î, 1909, p. 98; 'Paiçiv ou "Peçiv dans 
C, E, les versions égyptiennes et éthiopiennes. 'Pcuçàv 
paraît être la leçon la mieux accréditée. Voir Westcott 
et Hort, The New Testament in the original Greek, in- 
12, t. H, Cambridge, 1882, p. 92 des notes. — Si du texte 
grec des Actes nous passons à la traduction d'Amos par 
les Septante, nous rencontrons des variantes analogues : 
Complute : TPEfiçà; Q, 'Pecpàv; A et B ont 'Pcaçotv. Or, 
'Paupâv, dans Amos, v, 26, correspond au mot hébreu 
JV3, Kîyyûn, et il n'est guère douteux que, d'une part, 

la leçon des Septante, et de l'autre, la vocalisation des 
Massorètes, ne soient fautives. On croit généralement 
aujourd'hui que 'Pottcpâv est la corruption de Kaijpœv, 
et que l'hébreu doit se prononcer Kêvdn (p>3). — 

D'après l'opinion la plus généralement admise aujour- 
d'hui, Kévân serait le nom d'une divinité chananéenne 
et araméenne, vraisemblablement Saturne, que les Hé- 
breux auraient autrefois adorée dans le désert, après 
leur sortie d'Egypte. VoirKiON, t, m, col. 1892-1893. 

L. Fillion. 
RENAN Ernest, orientaliste français, né à Tréguier, 
en Bretagne, le 27 février 1823, mort à Paris le 2 oc- 
tobre 1892. Il termina ses études classiques à Paris, 
au petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. En 
1842, il étudia la philosophie au séminaire d'Issy-sur- 
Seine, où la lecture des philosophes allemands, surtout 
celle de Hegel, commença à ébranler sa foi. Néan- 
moins, il entra au séminaire de Saint-Sulpice de Paris 
et il y passa deux ans, 1843-1845 : il y étudia l'Écriture 
Sainte, l'hébreu et le syriaque sous la direction du sa- 
vant abbé Le Hir, auquel, disait-il volontiers, il devait 
toutes ses connaissances hébraïques. Il raconte lui- 
même que sa sœur Henriette exerça sur lui une in- 
fluence désastreuse durant la crise religieuse qu'il 
traversait. En 1845, il renonça définitivement 4 la vo- 
cation ecclésiastique. Devenu professeur particulier, il 
se lia d'une étroite amitié avec Berthelot, qui contribua 
aussi pour beaucoup à faire tomber les derniers restes 
de sa foi chrétienne. En 1847, on le nomma professeur 
au lycée de Versailles. L'année suivante, il publia son 
premier o\mage, VHi8toire des langues sémitiques, 



qui établit sa réputation comme orientaliste. Vers la fin 
de 1849, il fut chargé d'une mission scientifique en 
Italie, où il passa huit mois. Un peu plus tard, en 
1851, il fut attaché au département des manuscrits à 
la Bibliothèque nationale, et il conserva cette fonction 
environ dix ans. En 1860-1861, on lui confia une mis- 
sion archéologique en Phénicie; puis, à son retour, 
1862, on le nomma professeur d'hébreu, de chaldéen, 
et de syriaque au Collège de France. Sa première leçon,, 
dans laquelle il osa dire que N.-S. Jésus-Christ, «lait 
seulement « un homme incomparable, » suscita de 
violentes manifestations; le cours fut alors suspendu, 
et supprimé définitivement deux ans plus tard, le 
11 juin 1864. Un an auparavant, 23 juin 1863, E. Renan, 
avait publié sa Vie de Jésus, qui souleva dans toute 
l'Europe une si légitime indignation ; c'était le premier 
volume de l'ouvrage Histoire des origines du chris- 
tianisme, dont il avait depuis longtemps conçu le plan. 
En 1864-1865, il fit un nouveau voyage en Orient, pour 
visiter les lieux où avait vécu saint Paul. En 1870, le 
gouvernement de la République le réintégra dans sa 
chaire d'hébreu. Il fut élu membre de l'Académie fran- 
çaise en 1879; enfin, en 1884, il devint administrateur 
du Collège de France. — Ceux de ses ouvrages qui se 
rattachent à la Bible sont les suivants : Histoire des 
langues sémitiques, in-8°, Paris, 1848; Histoire géné- 
rale et système comparé des langues sémitiques, in-8\ 
Paris, 1855 (c'est au fond le même ouvrage, plus 
développé); Le livre de Job, traduit de l'hébreu avec 
une étude sur l'âge et le caractère du poème, in-8°, 
Paris, 1859, 3 e édit., 1865; Le Cantique des cantiques, 
traduit de l'hébreu avec une étude sur le plan, l'âge 
et le caractère du poème, in-8°, Paris, 1860, 3 e édit., 
1870; Vie de Jésus, in-8°, Paris, 1863; Mission de 
Phénicie, în-4°, avec un atlas in-f°, Paris, 1864-1874; 
Les apôtres, in-8», Paris, 1866; Saint Paul et sa mis- 
sion, in-8°, Paris, 1869; L'Antéchrist, in-8°, Paris, 
1871; Les Évangiles et la seconde génération chré- 
tienne, in-8», Paris, 1877; L'Église chrétienne, in-8»,. 
Paris, 1879 ; Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 
in-8°, Paris, 1881 (cet ouvrage forme le septième et 
dernier volume des Origines du christianisme) ; L'Ec- 
clésiaste, traduit de l'hébreu avec une étude sur l'âge 
et le caractère du livre, in-8°, Paris, 1882; Histoire du 
peuple d'Israël, 5 in-8°, Paris, 1894 (les deux derniers 
volumes ont été publiés après la mort de l'auteur). A 
signaler encore de nombreux articles publiés dans plu- 
sieurs recueils périodiques, surtout dans la Revue des- 
deux mondes et le Journal des débats, et réunis par- 
tiellement en volume sous le titre d'Études d'histoire 
religieuse, in-8», Paris, 1857; 7<= édit., 1864. C'est 
E. Renan qui conçut, dès l'année 1868, l'idée et le plan 
du Corpus inscriptionum semiticarum, dont la publi- 
cation commença en 1881, et auquel il collabora avec 
intérêt. — On s'est demandé si Renan n'était pas « un 
dilettante supérieur, se plaisant à jouer avec tout. » 
Ch. de Mazade, dans la Revue des deuxmondes, t. cxiii, 
1892, p. 946. Il doit principalement sa réputation scan- 
daleuse à la Vie de Jésus, et c'est d'après cet écrit 
blasphématoire qu'il a été surtout jugé. Voir dans 
A. Schweitzer,' Von Reimarus zu Wrede, 1906, p. 404- 
418, la liste de quatre-vingt-cinq ouvrages ou brochures, 
presque tous en français, provoqués par ce livre. Les 
critiques d'Allemagne, protestants ou rationalistes, n'ont 
pas été les moins sévères pour l'auteur, voyant dans sa 
Vie de Jésus, et aussi dans ses ouvrages subséquents, 
des œuvres en grande partie d'imagination. — Voir en 
particulier : Ch. E. Luthardt, Les historiens modernes 
de la Vie de Jésus, Conférences sur les écrits de 
Strauss, Renan „et Schenkel, trad. franc, Paris, broch. 
in-8», s. d., p. 34-54; K. von Hase, Geschichte Jesu nach 
akademischen Vorlesungen, 2 e édit., in-8°. Leipzig, 
1891, n. 189-194; B. Labanca, Lavita di Gesù di Ernesto- 



1043 



RENAN — RÊNES 



1044 



Renan in Italia, in-8», Rome, 1900; A. M. Fairbairn, 
The place of Christ in modem theology, in-8», 10 e édit., 
Londres, 1902, p. 278-279; H. Weinel, Jésus im neun- 
zehnten Jahrhundert, in-12, Tubingue, 1903, p. 68-83; 
F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa- 
lùsle,5'édit., in-12, t.n,Paris,1901, p. 627-634; A. Schweit- 
zer, von Reimarus zu Wrede, in-8", Tubingue, 1906, 
p. 179-191. — Sur l'homme et le critique libre-pen- 
seur, voir aussi, en divers sens : Pons, Ernest Renan 
et l'origine du christianisme, Paris, 1882 ; l'abbé 
Cognât, dans le Correspondant, n» s des 10 mai, 10 juin, 
10 juillet, 25 déc. 1882, des 25 janv., 10 mars et 10 juil- 
let 1883, du 25 août 1884; E. Renan, Souvenirs d'en- 
fance et de jeunesse, in-8», Paris, 1883; F. Vigouroux, 
La Bible et la Critique, Réponse aux Souvenirs d'en-? 
fance et de jeunesse de M. Renan, in-8», Paris, 1883; 
les Études religieuses et philosophiques des Pères 
jésuites, 1889, t. xlviii, p. 209-229; 1892, t. lvii, 
p. 422-438; E. Renan, Feuilles détachées faisant suite 
aux Souvenirs d'enfance et de jeunesse, in-8», Paris, 
1892; ûuff, Ernest Renan, In memoriam, in-8°, Lon- 
dres, 1893; R. Allier, La philosophie d'Ernest Re- 
nan, in-12, Paris, 1895; Lettres intimes d'Ernest Re- 
nan et Henriette Renan, in-8», Paris, 1896; M m » J. ûar- 
mesteter, Vie d'Ernest Renan, in-12, Paris, 1898; 
E. Renan et M. Berthelot, Correspondance, 1847-1892, 
in-8», Paris, 1898; E. Faguet, Ernest Renan, dans la 
Revue de Paris, juillet-août 1898, p. 85-134; Ch. Denis, 
La critique irréligieuse de Renan : les précurseurs, 
la Vie de Jésus, les adversaires, les résultats, in-18, 
Paris, 1898; Ed. Platzhoff, Ernest Renan, 1 vol. in-8», 
Dresde, 1900. L. Fillion. 

RENARD (hébreu : Sù'âl; Septante: àlwnr\ï; Vul- 
gate : vulpes), quadrupède de la famille des canidés, 




228. 



Le renard. 



qui se distingue du chien par une tête plus large, un 
museau pointu, une queue longue . et touffue, et sur- 
tout des prunelles fendues verticalement, ce qui décèle 
chez l'animal des habitudes nocturnes (ûg. 228). Le 
renard, moins grand que le loup, a un pelage fauve, 
semé de poils blancs avec quelques taches noires; le 
museau est roux, le devant du cou, le ventre et le de- 
dans des cuisses blancs. . Le renard se nourrit d'ani- 
maux plus petits, poules, perdrix, lièvres, lapins, et 
aussi d'oeufs, de miel, de raisin, de baies de gené- 
vriers, etc. Pour s'emparer de sa proie, il n'est pas de 
ruse dont il ne se serve. Il ne chasse que la nuit, et 
alors fait entendre un cri nommé glapissement. Il 
habite des terriers creusés aux endroits propices pour 
la chasse, comme l'entrée des bois, le voisinage des 
fermes, etc. La femelle met bas sept ou huit petits. 
L'animal exhale une odeur très forte. — Le renard est 
commun en Syrie, où il habite surtout dans les ruines. 
Au sud et au centre de la Palestine, c'est le renard 
égyptien, vulpes niloticus, un peu plus petit que le 
nôtre, grisâtre en dessous et plus fauve en dessus. Au 



nord, c'est le renard syrien, vulpes flavescens ou canis 
syriacus, plus grand et plus fort. Les gens du pays 
confondent les. deux espèces sous le nom de thaleeb, 
tandis qu'ils désignent le chacal par celui de dheeb. 
Les renards égyptiens qui habitent les cavernes voi- 
sines de Mar-Saba, viennent manger au couvent la 
nourriture que les moines leur préparent. Cf. Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 399. — Le mot 
hébreu sû'âl désigne aussi le chacal, canis aureus, qui 
est également un canidé, tenant le milieu entre leloup 
et le renard. Voir Chacal, t. n, col. 474-478. Dans les 
quelques passages où le sû'âl est nommé, le contexte 
indique s'il s'agit du chacal ou du renard, car les 
mœurs des deux espèces d'animaux ne sont pas iden- 
tiques. Le renard est un peu omnivore, il est très rusé 
et surtout il chasse toujours seul; le chacal est Carni- 
vore et va par bandes à la recherche de sa proie. Dans 
le Cantique, n, 15, il est parlé des vignes en fleur au 
retour du printemps et des petits renards qui ravagent 
ces vignes; ils ne mangent pas les raisins, qu'ils aiment 
beaucoup, mais qui ne paraissent pas encore; ils se 
contentent de toutravager en prenant leurs ébats à tra- 
vers la vigne. — Ézéchiel, sm, 4, compare les faux 
prophètes à des renards dans des ruines. Ces pro- 
phètes se croient très rusés, mais l'événement montrera 
qu'ils se sont trompés; par leurs faux oracles, ils 
contribuent au malheur de leur peuple, comme le re- 
nard qui accélère la chute des ruines au milieu des- 
quelles il creuse son terrier. — Quand les Juifs se 
mettent à restaurer les murailles de Jérusalem, Tobie, 
l'Ammonite, se moque d'eux en disant : « Qu'un renard 
s'élance, il renversera leur muraille de pierre ! » II Esd., 
îv, 3. En s'élançant, un renard pouvait dégrader plus 
ou moins ces murs de pierres sèches dont on entourait 
les vignes; les murailles de Jérusalem étaient autre- 
ment solides, et c'est là ce qui exaspérait les ennemis 
des Juifs. — Notre-Seigneur dit" que les renards ont 
leurs tanières et les oiseaux du ciel leur nid, alors que 
le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. Matth., 
Vin, 20; Luc, IX, 58. — Averti qu'Hérode Antipas veut 
le mettre à mort, le Sauveur le traite de renard et dé- 
clare qu'il continuera son ministère jusqu'au temps 
fixé. Luc, xiii, 32. Hérode, le meurtrier de saint Jean- 
Raptiste, méritait cette appellation par son astuce, sa 
lâcheté et sa cruauté. H. Lesêthe. 

RÊNES (Septante : r^iai; Vulgate : habenœ), cordes 
ou courroies rattachées au mors des chevaux et servant 




229. — Rênes <J'un cheval assyrien. 

D'après un bas-rèlief. Fr. Lenormant, Histoire ancienne 

de l'Orient, t. v, p. 55. 

à les diriger (fig. 229). — Il n'en est point question 
dans le texte hébreu. D'après la Vulgate, on lava dans 



1045 



RÊNES 



REPAS 



1046 



l'étang de Samarie les rênes ensanglantées duchard'A- 
chab. Dans l'hébreu et les Septante, il est seulement 
dit que « les courtisanes se baignèrent » dans cet étang 
où l'on avait lavé le char royal. III Reg., xxu, 38. — 
Nahum, n, 3, parlant de l'armée qui s'avance contre 
Ninive, dit que « l'acier des chars étincelle. » D'après 
les Septante, « les rênes de leurs chars seront en dé- 
sordre, » et d'après la Vulgate, « les rênes de son char 
sont de feu. » — "Voir Harnais, t. m, col. 431. . 

H. Lesétre. 
RENONCEMENT (hébreu : 'dzab,« laisser »; Sep- 
tante : x««Xe!ic<i), occupa, Vulgate : relinquo), abandon 
volontaire, pour un motif supérieur, des personnes ou 
des choses auxquelles on tient le plus. — Parfois, le 
motif est purement humain. Ainsi l'homme abandonne 
son père et sa mère pour s'attacher à son épouse. 
Gen., h, 24; Marc, x, 7; Eph., v, 31. Ruth renonce à 
son peuple pour suivre Noémi. Ruth, i, 16. Elisée 
quitte tout poursuivre Élie. III Reg., xix, 20-21. —Mais 
le renoncement le plus parfait est celui que l'on s'im- 
pose pour obéir à Dieu et le servir. Abraham renonce 
à son pays, à sa famille et à la maison de son père pour 
obéira l'ordre divin. Gen., xn, 1. Moïse renonce au 
titre de (ils de la fille du pharaon, préférant l'opprobre 
du Christ à tous les trésors de l'Egypte. Heb., xi, 24-26; 
Exod., Il, 15. Il est dit du Lévite qu'il n'a pas vu son 
père et sa mère, qu'il n'a pas reconnu ses frères et 
qu'il ne sait rien de ses enfants, Deut., xxxin, 9, parce 
que, pour venger l'honneur du Seigneur après l'adora- 
tion du veau d'or, la tribu de Lévi n'a pas craint de 
frapper les coupables, sans égard pour les liens de pa- 
renté ou d'amitié. Exod., xxxil, 27-29. — Dans le Nou- 
veau Testament, le renoncement devient une des condi- 
tions nécessaires à la perfection. Luc, xiv, 33 (orao- 
tàaaw, renuntio). Pour suivre Notre-Seigneur, les 
Apôtres renoncent à tout : Pierre et André quittent 
leurs filets, Matth., iv, 20; Marc, i, 18, Jacques et Jean 
abandonnent leurs filets et leur père, Matth., iv, 22; 
Marc, i, 20; Luc, v, 11, le publicain Matthieu laisse 
là son comptoir. Matth., îx, 9; Marc, h, 14; Luc, 
v, 28. Plus tard, saint Pierre rappelle, au nom de tous, 
qu'ils ont tout quitté, et il demande quelle sera leur 
récompense. Le Sauveur répond que ceux qui, par 
amour pour lui et à cause de l'Évangile, ont tout quitté, 
maison, frères, sœurs, père, mère, épouse, enfants, 
champs, auront le centuple en ce monde même et en- 
suite la vie éternelle. Matth., xix, 27-29; Marc, x, 
28-30; Luc, xviii, 28-30. Pour aller avec le divin Maître, 
il faut renoncer à soi-même, prendre sa croix et le 
suivre. La première conséquence de ce renoncement 
{àTiapvifaaaOai, àpvTJaaaSat, abnegare), consiste à ne pas 
tenir à sa vie plus qu'à tout, car la sacrifier pour Dieu 
et pour l'Évangile, c'est la sauver, tandis que vouloir la 
sauvera tout prix serait la perdre. Matth., xvi, 24-25; 
Marc, vm, 34-35; Luc, ix, 23-24; Joa., xn, 25. Il faut 
•encore être prêt à abandonner tout ce qui peut être 
une occasion de péché, fût-ce l'œil, le pied ou la main, 
■c'est-à-dire ce à quoi on tient le plus intimement. 
Matth., v, 29-30; xvin, 8; Marc, ix, 46-48. De plus, 
chez celui qui se renonce pour suivre Jésus, l'amour 
du divin Maître doit surpasser l'amour du père, de 
la mère, de l'épouse, des frères et des sœurs. Luc,xiv, 
26-27. Enfin, on ne peut à la fois servir Dieu et l'ar- 
gent. Matth., VI, 24; Luc, xvi, 13. Sous la loi nou- 
velle, bien plus encore que sous l'ancienne, il est 
nécessaire de ne pas attacher son coeur aux richesses 
Ps. lxii (lxi;, 11. Le renoncement aux biens de ce 
monde doit devenir effectif pour quiconque veut 
atteindre la perfection évangélique. Matth., vm, 19-20; 
xix, 21; Marc, x, 21; Luc, ix, 57-62; xvm, 22. — 
Saint Paul prêche le renoncement à ses fidèles et 
veut qu'ils usent de toutes les choses de ce monde 
comme n'en usant pas, c'est-à-dire avec un complet 



détachement. I Cor., vu, 29-31. Lui-même a renoncé 
à tous les avantages temporels qui résultent de son 
passé, pour se donner totalement au Christ. Phil., 
m, 4-9. H. Lesêtre. 

REPAS (grec : apt<rrov, Setnvov; Vulgate : pran- 
dium, cœna), acte par lequel l'homme pourvoit à son 
alimentation. 

1° Heure des repas. — L'hébreu n'a pas de substantif 
pour désigner le repas; il emploie habituellement le 
verbe 'âkal, « manger », qui, par lui-même, ne donne 
aucune indication sur le temps ou sur la manière. Il' 
nomme un repas de fête qui consistait surtout à boire, 
mistéh, littéralement cowpotafio. Dans le Nouveau Tes- 
tament, on trouve joints ensemble deux noms de re- 
pas, â'ptorov r, fotuvov, prandium aut cœnam. Luc, 
xiv, 12. Chez les Grecs, comme chez les Latins, le pre- 
mier de ces deux termes se rapportait au repas qui se 
fait vers le milieu du jour; le second désignait le re- 
pas de l'après-midi ou du soir. Le repas du milieu du 
jour est mentionné plusieurs fois, Gen., xvm, 1, 8; 
Ruth., il, 14; III Reg., xx, 16; Matth., xxn, 4; Luc, 
xi, 38; xiv, 12, etc. CF. Josèphe, Vita, 54; il est éga- 
lement question de celui du soir, Gen., xix, 1, 3; Ruth, 
m,7; Matth., xxrn, 6; Marc, vi, 21; Luc, xiv, 16; Joa., 
XII, 2; xin, 2, 4; xxi, 20. Sous ce rapport, les Juifs sui- 
vaient à peu près l'usage du monde grec et prenaient 
deux repas principaux qui, selon les circonstances, 
avaient plus ou moins d'importance. On voit en effet 
qu'ils invitaient aussi bien à l'un qu'à l'autre. Luc, 
xiv, 12. Le repas que Notre-Seigneur ressuscité pré- 
para à ses Apôtres au bord du lac, Luc, xxi, 9-13,n'est 
pas l'indice d'un déjeûner habituellement pris dès le 
matin. Il était très naturel que des hommes quiavaient 
travaillé toute la nuit prissent quelque chose dès la 
première heure. Il se trouva aussi nn jour que Notre- 
Seigneur eut faim le matin et s'approcha d'un figuier 
pour y chercher un fruit. Matth., xxi, 18, 19. Mais, en 
général, « l'Oriental mange peu avant le milieu du 
jour; les nomades, les travailleurs, ne prennent le 
matin qu'un morceau de galette, et s'en passent pour 
un rien. Dans les villes et ailleurs, l'usage est de ne 
prendre avant midi qu'une petite tasse de café noir 
sans pain, tasse si petite qu'elle peut servir de coque- 
tier; elle ne tient que 25 à 30 grammes. Même au col- 
lège les enfants sont assez indifférents au déjeûner du 
matin. Il semble qu'autrefois les Juifs étaient encore 
plus sobres avant midi. Ne lisons-nous pas dans l'Ecclé- 
siaste, x, 16 : Malheur au pays dont les princes mangent 
le matin! Du reste, chez les Juifs, ne rien prendre 
avant midi n'était pas jeûner. » Jullien, L'Egypte, 
Lille, 1891, p. 274. Voir Jeûne, t. m, col. 1531. D'une 
remarque de saint Pierre, Act., n, 15, il résulte même 
qu'un Juif ne se serait ïpas permis de se restaurer 
avant la troisième heure ou neuf heures, moment 
où l'on offrait le sacrifice perpétuel dans le Temple. 
— Sur les repas plus solennels, voir Festin, t. n, 
col. 2212. 

2° Manière de les prendre. — Avant le repas, on 
commençait par prendre toutes les précautions récla- 
mées par les lois de pureté, et invariablement on se 
lavait les mains. Voir Laver (Se) les mains, t. iv, 
col. 136. — La prière précédait et terminait tous les 
repas. Elle était récitée par le chef de la famille, à 
condition qu'on fût au moins trois, autrement chacun 
la disait pour son compte. Tous y étaient obligés, même 
les femmes, les esclaves et les enfants. Berachoth, m, 
3, 4. Celte obligation découlait d'un texte de la Loi. 
Deut., vm, 10. Le Sauveur et les Apôtres ne manquaient 
pas de se conformer à un usage si justifié. Matth., xiv, 
19; xv, 36; Luc, ix, 16; Joa., vi, 11; Act., xxvn, 35; 
Rom., xiv, 6; I Tim., iv, 3-5. Les docteurs, vers l'époque 
de Notre-Seigneur, avaientréglé minutieusement ce qui 



1047 



REPAS 



1048 



concernait ces prières. Elles variaient d'ailleurs selon 
l'importance des repas. Brèves dans les repas ordi- 
naires, elles s'étendaient davantage pour les repas du 
sabbat et de la veille des fêtes, et se compliquaient de 
chants et de Psaumes pour le festin pascal. Voir CÈNE, 
t. n, col. 413-415. On disait pour le pain : « Sois loué, 
ô Seigneur notre Dieu, roi de l'univers, qui fais sortir 
le pain de la terre; » pour le vin : « Sois loué, ô Sei- 
gneur notre Dieu, roi de l'univers, qui as créé le fruit 
de la vigne. » D'autres fois : « Sois loué, o Éternel, 
roi de l'univers, qui nourris le monde entier par 
ta bonté, en toute grâce et miséricorde. Il donne 
le pain à toute chair — car sa miséricorde est 
éternelle. » Ou encore : « Nous te remercions, à Éter- 
nel, notre Dieu, de ce que tu as donné à nos pères un 
pays spacieux, exquis et magnifique (cf. Deut., vni, 10) ; 
de ce que, ô Eternel, notre Dieu, tu nous a conduits 
hors de l'Egypte et délivrés de la maison d'esclavage; 
pour ton alliance que tu as marquée dans notre chair, 
pour ta Loi que tu nous as enseignée, pour tes com- 
mandements que tu nous a intimés, pour la vie que tu 
nous as donnée par ta grâce et ta miséricorde. » Les 
docteurs prescrivaient même des prières spéciales pour 
chaque espèce d'aliments. La prière était obligatoire, 
même si l'on ne mangeait que la valeur d'un œuf ou 
d'une olive. Celui qui l'avait oubliée, avait à la repren- 
dre ensuite, au moins tant que les aliments demeuraient 
dans son estomac. Berachoth, vi, 5, 7, 8; vu, 2; vm, 
7. Une allusion faite par Notre-Seigneur, Marc, xn, 
40; Luc, xx, 47, donne à penser que certains docteurs 
allongeaient démesurément les prières, quand ils pre- 
naient place à la table des veuves aux dépens des- 
quelles ils entendaient vivre. — Dans les anciens temps 
on s'asseyait pour prendre le repas. Gen., xxvn, 19; 
Jud., xix, 6; I Reg., xx, 5, 24. Voir un repas égyptien, 
Festin, t. n, fîg. 649, col. 2213; assyrien, fig. 650, 
col. 2215. Plus tard, on suivit la mode Introduite en 
Palestine de manger étendus sur des divans. Am., VI, 
4. Voir Couronne, t. n, fig. 393, col. 1083; Architri- 
clinus, t. i, ûg. 248, col. 935; Lit, t. iv, fig. 97 et 99, 
col. 290, 291. Il va de soi que cet usage n'était suivi que 
dans les maisons où l'on jouissait d'une certaine ai- 
sance. — Les mets élaient ordinairement servis sur 
une table. I Reg.,xx,29; II Reg., ix, 7, 11; III Reg.,x, 
5; Luc, xxii, 21. Voir Table. — Sur la nature des 
mets habituels, voir Nourriture, t. rv, col. 1700. La 
viande, coupée en morceaux, était apportée sur un plal. 
Marc, xiv, 20; Luc, xi, 39. Voir Plat, col. 460. Chaque 
convive en recevait un morceau du chef de la famille, 
IReg.,i, 4; le pain, très plat et flexible, voir Pain, t. iv, 
col. 1951, lui servait d'assiette, et au besoin de cuiller 
pour puiser de la sauce contenue dans un unique plat 
creux, au service de tous les assistants. Les fourchettes, 
couteaux et autres ustensiles élaient totalement incon- 
nus et d'ailleurs considérés comme inutiles; les doigts 
suffisaient à tout.. Ainsi s'explique la rigueur de la loi 
qui obligeait à les laver avant le repas. Ces coutumes 
sont encore en vigueur chez les Arabes de Palestine. 
Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 
1718, p. 202-206; Plerotti, La Palestine actuelle dans 
ses rapports avec Vancienne, Paris, 1865, p. 224-227; 
Julien, L'Egypte, p. 273, 274. L'eau et le vin étaient les 
boissons ordinaires. Voir Coupe, t. il, col. 1074; Vih. — 
La prière terminait le repas comme elle l'avait com- 
mencé. 

3» Remarques diverses. — On cessait toute occu- 
pation quand venait l'heure du repas. Dan., xm, 13. 
Tobie, H, 3; xn, 12, ne craignait pas cependant d'in- 
terrompre son repas pour aller ensevelir les morts. 
Parfois Notre-Seigneur et ses Apôtres, accablés par la 
foule qui envahissait leur maison, ne pouvaient même 
pas prendre leur repas. Marc, ni, 20. — Certaines 
règles de convenance devaient être observées pendant 



les repas. L'Ecclésiastique, xxxi, 12-22, les formule 
ainsi : 

As-tu pris plaee à une table bien servie, 

N'ouvre pas la bouche devant elle, 

Et ne dis pas : Voici bien des mets! 

N'oublie pas que l'œil cupide est chose mauvaise... 

Où il regarde, n'étends pas la main, 

Et ne te heurte pas avec lui dans le plat. 

Juge des désirs du prochain d'après les tiens, 

Et, en tout, agis avee réflexion. 

Comme il sied à un homme, mange de ce qui est devant toi. 

Ne mâche pas avec bruit, pour ne pas causer de dégoût, 

Gesse le premier, par bonne éducation, 

Ne te montre pas insatiable, de peur de scandaliser. 

Si tu es assis en nombreuse compagnie, 

N'étends pas la main avant les autres... 

Les insomnies, les vomissements pénibles 

Et la colique sont pour l'homme intempérant. 

Si l'excès du manger t'incommode, 

Lève-toi, promène-toi au large, et tu seras soulagé. 

A la place de ce dernier conseil, la Vulgate en donne 
unautre, evonie, qui pourrait faire allusion à unepré- 
caution hygiénique, mais nullement à l'excès auquel 
se livraient les Romains, par un raffinement de gour- 
mandise. En grec, il y a le mot (leo-omopcôv, qui devrait 
venir régulièrement de uiaov, « milieu », et ÔTnipa, 
« arrière-saison », mais alors n'aurait aucun sens. On 
lui assigne une signification plus acceptable en le rat- 
tachant au verbe rcopeiSw, « marcher ». D'ailleurs ce com- 
posé n'est pas classique. La recommandation de man- 
ger de ce qui est devant soi, comme il sied à un 
homme, est encore obéie. En Orient, « chacun se sert 
avec les doigts et prend directement dans le plat com- 
mun le morceau qu'il porte à sa bouche. Pourtant 
tout se fait avec une certaine convenance. On ne prend 
que devant soi sans jamais attaquer la région du plat 
qui fait face au voisin. » Jullien, L'Egypte, p. 273. 

4° Différentes sortes dé repas. — 1. Un repas de fa- 
mille terminait ordinairement la cérémonie de la cir- 
concision. Voir Circoncision, t. n,col. 777. — 2. Celui 
qui faisait offrir un sacrifice pacifique devait abandon- 
ner aux prêtres la cuisse droite, la poitrine et une 
épaule de la victime. Lev., vu, 32-35. Le reste lui ser- 
vait à faire un repas, le jour même après un sacrifice 
pacifique, le jour même et le lendemain, après un 
sacrifice votif ou volontaire. Il était absolument défen- 
du de retarder ce repas jusqu'au troisième jour, ou d'y 
prendre part sans être en état de pureté. Lev., vu, 15- 
20. — 3. D'autres repas suivaient la présentation des 
dîmes. Comme les précédents, ils devaient avoir lieu 
prés du sanctuaire, par conséquent à Jérusalem après 
la construction du Temple. Deut., xn, 6, 7. Ceux qui 
demeuraient trop loin pour apporter leurs dîmes en 
nature les vendaient sur place, apportaient le prix à 
Jérusalem et y faisaient des repas sacrés auxquels ils 
invitaient les lévites de leur voisinage. Deut., xiv, 24- 
27. — 4. Chaque troisième année, avec le produit d'une 
autre dime, on offrait des repas aux lévites, à l'étran- 
ger, à l'orphelin et à la veuve, mais dans la localité 
même. Deut., xrv, 28, 29. Voir DIme, t. n, col. 1434, 
1435. — 5. Sur le repas de la Pâque, voirPÂQUE, t. iv, 
col. 2096. — 6. Jérémie parle de repas funèbres en sou- 
venir des morts. Il dit de ses compatriotes voués au 
châtiment . 

On ne leur rompra point le pain du deuil 

Pour les consoler au sujet.des morts, 

Et on ne leur offrira pas la coupe de consolation 

Pour un père et pour une mère. Jer., xvi, 7, 

Ézéchiel, xxiv, 17, et Osée, ix, 4, font aussi allusion 
au pain de deuil. Te vieux Tobie recommande à son 
fils de faire servir son pain et son vin à la sépulture des 
justes, Tob., îv, 18, c'est-à-dire à des repas funèbres 
dans lesquels on célébrait la mémoire des justes après 



1049 



REPAS 



REPROBATION 



1050 



les avoir inhumés. Dans les anciens temps, on faisai 
même porter des provisions dans la maison du défunt, 
en vue du repas qui devait s'y donner. Deut., xxvi, 14. 
Il ne saurait être question, dans aucun de ces textes, 
d'aliments offerts aux morts, selon la coutume des peu- 
ples idolâtres. Une pareille idée est absolument étran- 
gère aux Israélites et aussi opposée que possible à 
l'esprit de leur législation. Cf. Lagrange, Etudes sur 
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 332-334. 

H. Lesêtre. 
REPENTIR. Voir Pénitence, ii, col. 39. 

REPHAÏM. Voir Raphaïm, col. 976. 

REPOS (héhreu : demi, mennûfrâh, margô'a, noah, 
nahap, Séqét ; Septante : àv âiuau ait, ivârcau u-a, xcactTiau <nç, 
•fierir/ta, 2vboiç; Vulgate: g«tes,requies, otium, refrige- 
rium), cessation du travail, del'activité, de l'inquiétude, 
de tout ce qui agite l'homme physiquement ou morale- 
ment. — Dans la Sainte Écriture, le repos désigne les 
différents états suivants : 

1» La cessation dé l'activité. — Dieu se repose le 
septième jour et il veut que le septième jour de la se- 
maine soit consacré au repos. Gen., H, 2; Exod., xvi, 
23; xx, 11; xxxi, 15; xxxv, 2; Lev., xxm, 3, 39; 
Deut., v, 14, etc. Voir Sabbat. On demande à Dieu de 
ne pas se reposer, c'est-à-dire d'intervenir,, quand les 
ennemis menacent. Ps. lxxxiii (lxxxii), 2. Isaïe, lxii, 
6, 7, dit dans le même ordre d'idées ; « vous qui 
faites souvenir Jéhovah, ne prenez point de repos et ne 
lui laissez point de repos, jusqu'à ce qu'il rétablisse 
Jérusalem. » — Saint Paul n'a pas eu de repos qu'il 
n'ait exécuté ce qu'il voulait. II Cor., n, 13; vu, 5. Les 
pieds de la courtisane ne peuvent tenir en repos dans 
sa maison, Prov., vu, 11, et le méchant est comme une 
mer agitée qui ne peut trouver le repos. Is., lvii, 20. 
— Jérémie, xlvii, 6, demande quand l'épée de Jéhovah 
■sera au repos. Quand les Israélites infidèles seront dé- 
portés à l'étranger, leur terre de Chanaan aura le repos, 
c'est-à-dire ne sera plus cultivée et ne travaillera plus 
à produire les moissons. Lev., xxvi, 34,35. 

2° La tranquillité. —• On est en repos quand on ne re- 
doute pas les ennemis et qu'on n'a pas à faire la guerre. 
Exod., xxxiii, 14; Jos., xi, 23; Juô\, m, 11, 30; v, 32; 
vm, 28; xv, 7; xx, 28; IIReg., vu, 1; III Reg., v, 4; 
vin, 56; xxii, 6; I Par., xxii, 9, 18; xxxm, 25; 
II Par., xviii, 5, 14; xxxu, 22, etc. Issachar « voit que 
le repos est bon. » Gen., xlix,15. Voir Issachar, t. m, 
col. 1010. Les Israélites ont dû, par l'effort de la con- 
quête, s'assurer le repos en Chanaan. Deut., ni, 20; 
xil, 9; xxv, 19; Jos., i, 13, 15. Devenus infidèles, ils 
n'auront pas de repos au milieu des nations. 
Deut., xxviii, 65. Le Seigneur avait promis le repos à 
son peuple s'il était fidèle. Is., xxvm, 12. Mais le pays 
lui-même ne sera pas un lieu de repos pour les riches 
à cause du châtiment menaçant. Mich.,n, 10. Ces der- 
nières prophéties se sont réalisées. Lam., i, 3; v, 5. 
A l'époque messianique, Jéhovah mettra Israël en re- 
pos. Jer.,xxxi, 2. Pour les damnés, il n'y aura de repos 
ni jour ni nuit. Apoc., xiv, 11. — Mieux vaut une 
main pleine de repos que deux remplies de labeur et 
d'agitation inutile. Eccl.,iv, 6. Le repos et la confiance 
font la force, Is., xxx, 15, mais le repos est le fruit de 
la justice. Is., xxxu, 17. Pour le garder, il faut fuir les 
insensés, Eccli., xxii, 16, et les mauvaises langues. 
Eccli., xxvm, 20. Un peu de travail pour acquérir la 
sagesse procure ensuite un grand repos. Eccli., li, 35. 
Quand le mort repose, il faut laisser reposer sa mé- 
moire. Eccli., xxxviii, 24. Les anges parcourent la terre 
pour voir si elle est en repos. Zach., i, H. Voir Paix, 
t. IV, col. 1960. 

3° Le délassement après la fatigue ou l'épreuve. — Is., 
xiv, 3; Eccli., xxxvm, 14. On se repose sous un 



tarbre. Gen.,xvin, 4. Notre-Seigneur invite ses Apôtre 
à se reposer dans la solitude, Marc, vi, 31, et, à Geth- 
sémani, à se reposer en dormant. Matth., xxvl, 45; 
Marc, xiv, 41. Cf. Is., lvii, 2. La douleur ne permet 
pas le repos. Is., xlv, 3. Saint Paul assure qu'un jour 
Dieu donnera le repos aux affligés. II Thess., i, 7. Le 
démon, chassé d'un homme, cherche en vain du repos. 
Matth., xn, 43; Luc, xi, 24. Au ciel, les justes se re- 
poseront après leurs travaux. Apoc, xiv, 13. 

4° La jouissance. — Comblé de biens par Jéhovah, 
\e juste retourne à son repos. Ps. cxvi (cxiv), 7. Le 
riche a accumulé ses richesses; 

H peut dire : « J'ai trouvé le repos 

Et maintenant je veux manger mon bien. » 

Mais il ne sait pas que le temps a marche', 

II va laisser ses biens à d'autres et mourir. Eccli., xi, 17. 

La même leçon est donnée par Notre-Seigneur au riche 
qui dit à son âme : « Repose-toi, mange, bois, fais 
bonne chère. *> Luc, XII, 19. 

5» Le tombeau. — L'avorton a plus de repos que 
l'homme vivant. Eccle., vi, 5. Le repos est assuré a 
celui qui est au sépulcre. Job, ni, 13, 17; Eccli., xxii, 
11; Ps. xvi (xv), 9; Act., n, 26. Mieux vaut l'éternel 
repos qu'une souffrance continuelle, Eccli, xxx, 17, 
« si du moins dans la poussière on trouve du repos. » 
Job, xvn, 16. 

6° Le séjour, c'est-à-dire le lieu de repos. — Le pays 
de Chanaan est le repos assigné par Dieu à son peuple. 
Deut., xn, 10; xxvm, 65; Jos., xxii, 4. Cf. Is., xxvm, 
12. Le Seigneur avait juré aux Israélites rebelles qu'ils 
n' entreraient pas dans son repos. Ps. xcv (xciv), 11 ; Heb. , 
ni, 11, 18. La Terre Promise était la figure du repos 
que Dieu destine à ses serviteurs. Heb., iv, 1-11. — 
Pour l'épouse, le repos est la maison de l'époux. Ruth, 
i, 9. — Jéhovah repose entre les épaules de Benjamin, 
c'est-à-dire le protège spécialement. Deut., xxxm, 12. 
Son repos, c'est-à-dire sa résidence marquée par la 
présence de l'Arche, est à Jérusalem. II Par., vi, 41; 
Ps. cxxxii(cxxxi), 5, 14; Is., xxv, 10; Eccli., xxxvi, 15. 
Cependant, dans la nouvelle Jérusalem, Dieu n'aura 
que faire d'un pareil lieu de repos. Is., lxvi, 1. La sa- 
gesse a cherché parmi toutes les nations un lieu de 
repos, et le Créateur l'a fait habiter en Jacob. Eccli. > 
xxiv, 11, 12. 

7° L'influence. — L'esprit qui repose sur quelqu'un 
exerce sur lui son action. Num., xi, 25, 26; IV Reg., 
ii, 15; ls., xi, 2; I Pet., iv, 14. La paix qui repose sur 
une maison lui assure la tranquillité et le. bonheur. 
Luc, x, 6. 

8° La paix intérieure. — Quand on cherché la voie 
du salut, c'est-à-dire du bien, et qu'on la suit, on a le 
repos dans l'âme. Jer., vi, 16. Notre-Seigneur promet 
à ceux qui reçoivent ses leçons le repos de leurs âmes. 
Matth., xi, 29. H. Lesètbe. 

RÉPROBATION (hébreu : mâ'as, « rejeter » ; grec : 
à6ïTT)<ji; ; Vulgate : reprobatio), rejet de ce dont on ne 
veut plus. — Saùl est réprouvé, rejeté par Dieu avec 
toute sa race, à cause de son infidélité. I Reg., xiii,13- 
14; xv, 23; xvi, 1. — Dieu réprouvera le Temple, si 
son peuple est infidèle. II Par., vu, 20. — La réproba- 
tion frappe successivement Israël et Juda, à cause de 
leur idolâtrie. IV Reg., xvn, 20; xxiv, 20; Jer., vi, 30; 
vu, 15, 29; xiv, 19; Ps. lx (lix), 3, 12; lxxiv (lxui), 1; 
lxxxix (lxxxviii), 39. — La pierre angulaire, le Messie, 
sera l'objet de la réprobation de son peuple. Ps. cxvm 
(cxvii), 22. Notre-Seigneur rappelle cette prophétie, 
Matth., xxi, 42; Luc, xx, 17, dont les anciens d'Israël 
procureront l'accomplissement. Marc, vm, 31; Luc, 
IX, 22; xvn, 25. Les Apôtres insistent sur les consé- 
quences de cet accomplissement. Act., iv, 11; I Pet., 
Il, 4, 7. — La mise en vigueur de la loi nouvelle en- 



1051 



RÉPROBATION — REPUDIATION 



1052 



traîne la réprobation de l'ancienne. Heb., vu, 18. — 
Notre-Seigneur fait connaître la sentence de réproba- 
tion définitive que prononcera le Juge souverain. 
Matth., xxv, 41. Saint Paul traite son corps durement, 
pour n'avoir pas à subir cette sentence. I Cor., ix, 27; 
Le serviteur de Dieu fait cette prière : « Ne me rejetez 
pas du nombre de vos enfants. » Sap., ix, 4. — Sur la 
réprobation des méchants, voir Prédestination, col. 594. 

H. Lesêtre. 
REPROCHES (hébreu : (ôkafyat; Septante : ïXsy- 
1o<l; Vulgate : correptio, increpatio, reprehensio, vi- 
tuperatio), expression du mécontentement que l'on té- 
moigne à quelqu'un au sujet de sa conduite. — Les 
reproches sont destinés à corriger et à former le carac- 
tère. Prov., i, 23, 25, 30; m, 11; v, 12, vi, 23, etc. Mais 
ils ne doivent être adressés qu'à bon escient. Eccli., 
xi, 7. — Dieu adresse des reproches à ceux qui font 
le mal, à Adam, Gen., m, 11-13, à Caïn, Gen., iv, 10, 
et très souvent à son peuple, par le ministère des pro- 
phètes. Is., i, 3-6; v, 1-7; Jer., n, 2-37; vin, 4-13; 
Ezech., v, 5-10; Ose., iv, 1-19; Agg., i, 4-6, etc. Notre- 
Seigneur reproche aussi à ses contemporains leurs ini- 
quités et leur incrédulité. Il s'adresse ainsi aux villes 
de Galilée qu'il a évangélisées, Matth.. xi, 21-24, Luc, 
x, 13-15; à Jérusalem, Matth., xxm, 37-39; aux Juifs, 
Joa., vm, 30-59; aux pharisiens et aux scribes, Matth., 
xxm, 1-39; Marc, xii, 38-40; Luc, xx, 45-47; àPierre, 
Marc, vm, 33; Matth., xxvi, 52-54; à Jacques et à 
Jean, Luc, ix, 55, 56; aux Apôtres incrédules à sa ré- 
surrection, Marc, xvi, 14, etc. — Très fréquemment 
les hommes s'adressent des reproches, à tort ou à raison . 
Tels sont ceux du pharaon à Abram, Gen., xn, 18-20; 
de Jacob à Laban, Gen., xxxi, 36-42, à Siméon et à Lévi, 
Gen., xxxiv, 30, à Joseph, Gen., xxxvn, 10; de Ruben 
à ses frères, Gen., xlh, 22; de Joseph à ses frères, Gen., 
xliv, 4, 5; des Hébreux à Moïse, Exod., n, 14; xiv, 11, 
12, etc. ; de Moïse aux Hébreux, Deut., IX, 7-24; de Josué 
aux Gabaonites, Jos., IX, 22; des Hébreux aux tribus 
transjordaniques, Jos., xxii, 16-20; des Éphraïmites à 
Jephté, Jud., xn, 1; d'Héli à Anne, I Reg., I, 14; de 
Samuel à Saill, I Reg., xm, 13, 14; de Michol à David, 

II Reg., vi, 20; de Nathan à David, II Reg., xn, 7-12; 
d'Élie aux Israélites, III Reg., xvm, 21, au roi Achab, 

III Reg., xxi, 20, 21, et à Ochozias, IV Reg., i, 16; de 
Joas aux prêtres, IV Reg., xn, 7 ; de Néhémie aux grands 
de Juda, II Esd., xm, 17, 18; de Job à sa femme, Job, 
il, 10, etc. — Dans le Nouveau Testament, il y a à si- 
gnaler les paroles de Marie à Jésus retrouvé dans le 
Temple, Luc, n, 48; les reproches de saint Jean-Bap- 
tiste à Hérode, Luc, ni, 19; des pharisiens à Jésus et à 
ses disciples à l'occasion du festin chez Matthieu, Matth., 
ix, 11; Marc, II, 16, Luc, v, 30, des épis froissés le 
jour du sabbat, Matth., xn, 2; Marc,n, 24; Luc, vi, 2, 
de l'abstention des ablutions, Matth., xv, 2; Marc, vu, 
5, des guérisons opérées le jour du sabbat, Joa., v, 10; 
ix, 16; Luc, xm, 14, etc., des cris poussés dans le 
Temple en l'honneur de Jésus, Luc, xix, 39; le re- 
proche de Juda au festin de Béthanie, Joa., xn, 5; ceux 
de saint Pierre à Ananie et à Saphire, Act., v, 3, 4, 9 ; 
de saint Etienne aux Juifs, Act., vu, 51-53; des fidèles 
de Jérusalem à saint Pierre après le baptême du cen- 
turion Corneille, Act., xi, 2, 3; de saint Paul à saint 
Pierre, à Antioche, Gal.,n, 14, aux Corinthiens à cause de 
leurs schismes, ICor., xi, 17; de saint Jean auxévêques 
d'Éphèse, Apoc, n, 4, de Pergame, n, 16, de Thyatire, 
n, 20, et de Laodicée, m, 15, etc. — Il faut savoir en- 
tendre les reproches mérités : s'y soustraire, c'est 
marcher sur les traces des pécheurs. Eccli., xxi, 6; 
xxxn, 21 (17). Le chrétien doit se conduire de manière 
à n'en point mériter. Phil., n, 15; II Cor., vi, 3; vin, 
20. H faut en adresser, à l'occasion, aux enfants, Eph., 
vi, 4, au prochain qui a péché, Matth., xvm, 15, à 
ceux qui troublent l'ordre, I Thess., v, 14, à ceux qui 



oiit besoin d'être convertis, II Tim., n, 25, même aux 
vieillards, mais sans rudesse, ITim., v, 1, aux Cretois, 
mais avec sévérité. Tit., i, 13. Le fauteur de divisions 
qui demeure insensible aux reproches doit être évité. 
Tit., m, 10. H. Lesêtre. 

RÉPROUVÉS. Voir Élus, t. n, col. 1708; Enfer, 
col. 1792; Prédestination, t. v, col. 994; Réproba- 
tion, col. 1050. 

REPTILES (hébreu : réméS, de râmai, «ramper», 
sérésde sâras, «ramper »; Septante : ipœzâ; Vulgate: 
reptile, reptilia), animaux appartenant à l'embranche- 
ment des vertébrés, et devant leur nom à leur genre de 
locomotion qui fait qne la plupart d'entre eux parais- 
sent ramper. — 1» Reptiles en général. — Les reptiles 
ont des formes très diverses, se ramenant aux trois 
types de la tortue, du lézard et du serpent. Ils ont la 
respiration pulmonaire, mais peu active, et ils s'en- 
gourdissent sous l'action du froid. Leur peau est cou- 
verte d'écaillés épidermiques. Ou distingue quatre or- 
dres de reptiles : 1. Les chéloniens ou tortues, dont il 
n'est pas question dans la Bible. — 2. Les crocodiliens . 
Voir Crocodile, t. n, col. 1120. — 3. Les sauriens. 
Voir Caméléon, t. n, col. 90; Gecko, t. m, col. 143 ; Lé- 
zard, t. iv, col. 223. — 4. Les ophidiens. Voir Serpent. 

2° Les reptiles dans la Bible. — 1. Les reptiles ou 
« tout ce qui rampe sur la terre » sont mentionnés dans 
toutes les énumérations d'animaux, à propos de la créa- 
tion, Geu., i, 20, 24-26, et du déluge. Gen.,vi, 7, 14, 20, 
21, 23; vm, 17, 19; ix, 2. Ils fourmillent dans la mer, 
Ps. civ (cm,), 25, tremblent devant Jéhovah, Ezech., 
xxxvm, 20, et lui obéissent. Ose., n, 18. Sur la terre, 
ils rampent et lèchent la poussière, Mich., vu, 17, et, 
dans la mer, ils n'ont pas de chefs et se laissent prendre 
par le pêcheur. Hab., i, 14. On voit que la qualification 
des reptiles est quelquefois étendue à des animaux qui 
ne rampent qu'en apparence. — 2. On contractait une 
impureté légale parle contact d'un reptile, mort, Lev., 
v, 2, ou vivant, Lev., xi, 29; xxii, 5, et surtout en le 
mangeant. Lev., XI, 41-44. C'est pourquoi saint Pierre 
fut si surpris par la vision où il lui fut ordonné de tuer 
et de manger tontes sortes de bêtes, et entre autres des 
reptiles. Act., xi, 6-8. — 3. Il était expressément dé- 
fendu de faire aucune image d'être qui rampe sur ,1e 
sol. Deut., iv, 18. Ézéchiel, vm, 10, constata, dans une 
de ses visions, que les anciens d'Israël adoraient des 
figures de reptiles et d'animaux immondes peints sur 
la muraille. — 4. Salomon disserta sur les reptiles 
comme sur les autres animaux. III Reg., îv, 33. 

H. Lesêtre. 

RÉPUDIATION (hébreu : keritôt ou kerituf; Sep- 
tante : àrcoaToiaiov ; Vulgate : repudium), rupture légale 
de l'union conjugale. — Chez les Hébreux, le mari 
avait seul le droit de provoquer le divorce; de là le 
nom donné à la femme répudiée, gerûsâh, de gdras, 
« chasser ». Le nom de la répudiation, kerîtot, vient 
de kârâf, « couper, séparer >>. Le divorce était en vi- 
gueur chez les Hébreux, voir Divorce, t. il, col. 1449; 
mais c'est seulement le Deutéronome, xxiv, 1, 3, qui 
prescrivit de l'attester par un acte officiel appelé sêfér 
kerîtut, êiêllov ànofftaa-i'ou, libellus repudii. Cette pres- 
cription s'inspirait de plusieurs motifs graves. La ré- 
daction de l'acte de répudiation réclamait un certain 
délai ; la plupart du temps, le mari n'était pas capable 
d'écrire lui-même ; il lui fallait recourir aux bons 
offices d'un prêtre ou d'un scribe qui, sans être investi 
par le législateur du droit de discuter, d'approuver ou 
de désapprouver la décision du mari, pouvait cependant 
denner à ce dernier d'utiles conseils. Le mari, en tous 
cas, avait forcément le temps de réfléchir, de revenir sur 
sa résolution du premier moment ou de peser les consé- 
quences morales d'une répudiation décidée parfois sans- 



1053 



REPUDIATION 



RESEN 



1054 



motifs suffisants. D'autre part, l'acte de répudiation 
n'énonçait pas les causes delà répudiation, ce qui aurait 
pu nuire à la femme en mettant obstacle à un mariage 
ultérieur; mais il établissait officiellement son état 
libre, de telle sorte qu'aucun reproche ne pouvait lui 
être adressé au cas où elle se remariait. On a un spé- 
cimen de cet acte, au moins pour l'époque talmudique, 
t. h, col. 1449. Au temps de Notre-Seigneur, il était en 
usage, conformément à la loi. Matth., v, 31; xix, 7; 
Marc, s, 4. Les prophètes le mentionnent. Isaïe, l, 1, 
dit que Dieu n'a point donné d'acte de répudiation à 
Sion, ce qui signifie qu'il ne s'est pas séparé de Juda 
sans retour. Jérémie, n, 8, dit au contraire qu'il a 
donné cet acte à Israël. — A Babylone, la répudiation 
était prévue par le code d'Hammourabi. Quand un mari 
répudiaitsa femme ou sa concubine, il devait luirendre 
sa dot, son trousseau, une part d'usufruit, si elle avait 
des enfants, ou lui donner une certaine somme d'ar- 
gent. Art. 137-140. Mais si sa femme s'était mise dans 
son tort par sa mauvaise conduite, il suffisait à son 
mari de dire : « Je la répudie, » et il la renvoyait sans 
aucun « prix de répudiation, » Art. 141. Cette formule : 
« Je la répudie » suppose que l'affaire se traitait devant 
des témoins ou des juges. Du reste, le mariage célébré 
sans contrat n'était pas regardé comme valide. Art. 128. 
La logique demandait donc que la rupture du mariage 
fût aussi attestée par une pièce quelconque. L'époux 
renvoyait la femme à son père avec un acte constatant 
que l'union était dissoute. Aux époques anciennes, la 
répudiation était même accompagnée d'un certain céré- 
monial. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 736, 737. 

H. Lesêtrk. 
RÉPUTATION (hébreu : i&m, « nom »; Septante : 
ovo[ia xaXôv; "Vulgate : nomem bonum), jugement 
qu'inspire la conduite d'un homme. — Ce jugement 
n'est pas indifférent, dans l'intérêt même de l'huma- 
nité au milieu de laquelle la vertu aura d'autant plus 
d'influence qu'elle sera plus estimée. Aussi osl-il dit : 

(Bonne) renommée vaut mieux que grandes richesses, 
L'estime a plus de prix que l'argent et l'or. Prov.; xxn, i. 

L'Ecclésiaste, vu, 2, met la bonne réputation au dessus 
d'un bon parfum. De là, l'opportunité du conseil suivant 

Prends soin de ta réputation, 

Bien plus durable pour toi que mille grands trésors; 

On compte les jours d'une bonne vie, 

Mais un beau nom demeure à jamais. Eccli.. XLI, 15-16. 

Pour s'acquérir un nom, on entreprend parfois des 
actions difficiles. I Mach., m, 14; v, 57; vi, 44. — La 
réputation est mise en danger par les mauvais propos, 
■Voir JuGMENT téméba.yrï,, t. m, col. 1845', Médisance. 
t. iv, col. 926. On est alors en droit de la défendre. Jos., 
xxn, 22; I Reg., i, 15; III Reg., xvm, 18; Jer., xxxvh, 
12; etc. — Saint Paul veut qu'on se préoccupe de faire 
le bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant 
les hommes. Rom., xii, 17; II Cor., vm, 21. Il s'agit 
en effet, en pareil cas, de l'honneur de Dieu et de celui 
du nom chrétien. Cette recommandation n'est pas 
opposée à celle de Notre-Seigneur, qui ne veut pas 
qu'on imite l'ostentation des pharisiens, Matth., vi, 1-5; 
elle est, au contraire, conforme à l'ordre qu'il donne 
à ses disciples : « Que votre lumière brille devant lësf 
hommes, afin que, voyant vos bonnes œuvres, ils glo- 
rifient votre Père qui est dans les cieux. » Matth., v, 16. 
Saint Pierre insiste énergiquement sur cet enseigne- 
ment : « Ayez une conduite honnête au milieu des 
gentils, afin que, sur le point même où ils vous calom- 
nient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils arrivent, 
en y regardant bien, à glorifier Dieu pour vos bonnes 
œuvres au jour de sa visite... Que nul d'entre vous ne 
souffre comme meurtrier, comme voleur ou malfaiteur, 
ou comme avide du bien d'autrui. Mais s'il souffre 
comme chrétien, qu'il n'en ait pas honte, qu'il glorifie 



plutôt Dieu pour ce nom même. » I Pet., il, 12; iv, 15- 
16. Ce n'est donc pas pour sa propre gloire, c'est pour 
la gloire de Dieu et de sa foi que le chrétien doit 
veiller sur sa réputation. H. Lesêtre. 

RÉSA (grec : *Pri<rà), fils de Zorobabel, et père 
de Joanna, un des ancêtres de Notre-Seigneur, dans 
la généalogie de saint Luc, m, 27. Son nom ne figure 
pas dans I Par., m, 19-21, non plus que celui de 
Joanna (voir t. ni, col. 1155), parmi les descendants de 
Zorobabel. On a proposé d'identifier Résa avec Raphaïa 5. 
Voir col. 976. 

RESCH, -i, nom de la vingtième lettre de l'alphabet 
hébreu, exprimant la consonne r. Le P grec, d'origine 
phénicienne, est cette lettre retournée et de là vient 

aussi le R latin. La forme phénicienne est a' Q, 4. Elle 
semble provenir de l'hiéroglyphe égyptien <=», ro, 
«bouche », qui, en hiératique, était devenu q, voir Al- 
phabet, t. i, col. 405-412, mais la lettre phénicienne prit 
le nom de -àvn, qui a la même signification que tfrii, 

« tête », parce que les Phéniciens virent une certaine 
ressemblance entre la forme qu'ils donnèrent à ce 
caractère et la forme de la tête et du cou. Le resch est 
en hébreu une lettre gutturale, qu'on prononçait ordi- 
nairement du gosier, en même temps qu'une lettre 
liquide. Elle permute parfois avec le lamed (les lettres 
l et r se confondent en égyptien). Les Septante et la 
Vulgate rendent naturellement le resch par r dans les 
noms propres : Rama, etc. 

RÉSEN (hébreu : résên; Septante : \a<rï\; Codex 
Alexandrinus : Aidsji.; Codex Bodleianus Geneseos : 
Aàsev), ville d'Assyrie, entre Ninive et Chalé. Elle est 
mentionnée seulement dans Genèse, x, 12, où elle est 
qualifiée de « la grande ville ». La Vulgate attribue sa 
fondation à Assur, le texte hébreu s'interprète naturelle- 
ment dans le même sens, quoique plusieurs l'entendent 
de telle sorte que Résen est une ville de l'empire de 
Nemrod. — L'identification de Résen est jusqu'ici 
incertaine. C'est parmi les tells de ruines, qui s'éche- 
lonnent entre Koyoundjik et Nebi-Younous (Ninive) et 
Nimroud (Chalé), qu'il faut chercher l'emplacement de 
la grande Résen. Eb. Schradér, Die Keilinschriften und 
das alte Testament, 2 e édit., 1883, p. 100; C. P. Tiele, 
Babylonisch-Assyrische Gesckichte, Gotha, 1886, p. 90; 
A. Jeremias, Das alte Testament im Lichte des alten 
Orients, Leipzig, 1906, p. 274. Ceux de Selâmîdje, 
au nord et à environ quatre heures de Nimroud, où se 
voient encore des vestiges d'une enceinte de plus de 
cinq kilomètres de pourtour, s'appuyant au Tigre, 
semblent avoir retenu les préférences des assyriologues. 
J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, 1874, p. 59 et 
pi. Il; Lycklama a Nijeholt, Voyage en Russie, au Cau- 
case et en Perse, Paris, 1875, t. IV, p. 172; Frd. Delitzsch, 
Wo lag das Paradies? Leipzig,. 1881, p. 261. On a 
aussi proposé, dans les mêmes limites,, d'autres tells : 
ceux de Yàremdjéh, à trois milles anglais de Ninive, 
dont l'importance a été jugée insuffisante, H. Rassam, 
Biblical nationalises, dans les Transactions of the Soc. 
ofBibl. Arch., t. vm, 1885, p. 364-365; Frd. Delitzsch, 
dans Real-Encyklop., 2» édit., t. x, 1882, p. 598; et 
ceux de Keremlis, peut-être trop à l'est de Ninive, 
ainsi que ceux de Karakouch, qui sont dans le sud-est de 
la même ville. J. Oppert, Expédition en Mésopotamie, 
t. n, p. 82. Une opinion récemment émise et qui 
s'écarte du cadre fixé par la Genèse, est celle qui veut 
établir l'équivalence: Résen=Nisin=Larissa. Elle propose 
de reconnaître Résen=Nisin, ville dénommée d'après la 
Nisin chaldéenne, à l'est du Tigre et dans les environs 
de Bagdad. F. Homme], Grundriss der Géographie des 
Alten Orients, 1904, 1. 1, p. 295,297; A. Jeremias, loo. 



1055 



RESEN — RESPEGT HUMAIN 



1056 



cit., p. 274. On a voulu, en effet, depuis longtemps 
retrouver dans la Aocpiso-a de Xénophon, Anab., III, 4, 
7, le nom grécisé de Résen. Mais la situation de La- 
rissa est elle-même incertaine; les uns la placent au 
nord du Zàb supérieur et d'autres à Nimroud. 

Le nom de Résen, d'après une expression connue des 
inscriptions royales qui relatent les mouvements des 
armées, dans les parages des fleuves, a pu signifier : 
« source == res êni. » Il y a lieu de rappeler, à ce sujet, 
les nombreuses localités asiatiques qui s'appellent : 
Râs el-'Ain. On a aussi proposé de rattacher le nom de 
Résen à l'assyrien : rasânu, « arroser, mouiller ». 
.Frd. Belitisch, art. Resen, dans Calwer, Bibellexicon, 
1885, p. 758. Comme nom de ville similaire, un seul ac- 
tuellement peut être cité, et il a été relevé sur l'inscrip- 
tion de Sennachérib, à Bavian, ligne 9 : {alu) Ri-es~e-ni. 
Le roi énumère là dix-huit villes, d'où il fit creuser des 
canaux qui aboutissaient au : (ndru) JJu-su-ur, « le 
Chôser ». De nos jours, on trouve un village nommé : 
Râs el-'Ain, au nord-est de Khorsâbâd, sur un des bras 
orientaux du Chôser. Frd. Delitzsch, Wo lag das Pa- 
radies? p. 261; H. Pognon, L'inscription de Bavian, 
Paris, 1879, p. 116. Bien qu'on ait déclaré qu'il n'y 
avait pas impossibilité à ce que la ville du temps de 
Sennachérib soit identique à l'antique Résen, rien ne 
permet de l'affirmer, H. Sayce, dans l'Academy, 1 er mai 

1880, et l'emplacement de la ville du second empire 
assyrien demeure aussi incertain que celui de la Résen 
du chapitre x de la Genèse. Y. Le Gac. 

RÉSEPH, nom d'un Israélite et d'une ville de 
Mésopotamie, dans la Vulgate. Les deux noms sont 
«crits différemment en hébreu. 

i. RÉSEPH (hébreu litése/ 1 ; Septante: 'Pacpefc, Totcpéç, 
l P«ç£9), ville araméenne, que les envoyés de Senna- 
chérib à Ézéchias mentionnent, dans les deux passages 
parallèles, IVReg., xix, 12, et Is., xxxvn, 12, avec Gozan, 
Haran, etc., comme étant tombée depuis un certain 
temps au pouvoir des Assyriens. — Son nom devait 
être autrefois assez commun, car Abulfeda, Tabul. Syr., 
p. 190, cite plusieurs villes qui le portaient. Il n'est 
pas douteux que les deux textes cités plus haut n'aient 
•en vue celle que Ptolémée, V, XV, 24, nomme 'Prçuîça, 
et envisage comme une localité de la Palmyrène. C'est 
le sentiment adopté aujourd'hui d'une manière à peu 
près unanime, grâce aux découvertes assyriennes. En 
effet, les inscriptions cunéiformes signalent plusieurs 
fois Réseph, sous la forme Ra-sa-ap-pa, Râ-sap-pa ou 
Ra-s a-pi ; or, nous savons que cette ville était située à 
l'ouest et à un jour de marche de l'Euphrate, au sud 
de Rakka ou Sûra, sur la route qui va de Palmyre à 
Charran, et son emplacement porte encore aujourd'hui 
le nom de Russâfé. — Réseph, IV fleg., xix, 12, et Is., 
xxxvn, 12, est mentionnée avec d'autres localités de la 
Mésopotamie occidentale et de la Syrie septentrionale; 
elle devait donc aussi se trouver dans cette même ré- 
gion. Les monuments assyriens nous apprennent qu'elle 
servait de résidence à un gouverneur royal, et ils si- 
gnalent nommément plusieurs personnages qui y rem- 
plirent cette fonction : Ninip-kibsi-usur, en 839 avant 
J.-C. ; Ninip-êres, entre les années 804 et 774; Sin- 
sallim-anni, en 747 ; Bêl-êmur-anni, en 737. Ils nous 
apprennent aussi que Réseph était le centre d'un com- 
merce important. — VoirE. Schrader, Die Keilinschrif- 
ten und das Alte Testament, in-8°, Giessen, 1872, 
p. 203, 2« éclil., p. 327; Id., Keilinschriften und 
Geschichtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 167, 199; 
Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, in-8°, Leipzig, 

1881, p. 297. L. Fili.ion. 

2. RÉSEPH (hébreu : Reséf, « flamme, éclair » ; 
«plante :S«pâo; Alexandrinus: 'Page?), Éphraïmite, 



fils de Béria. I Par., vu, 25. Voir Béria 2, t. i, col. 1618. 
Un des dieux adorés en Syrie s'appelait Reséf, voir. 
M. de Vogué, Mélanges d'archéologie orientale, p. 49; 
78-82; Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient, t. i, p. 155-159. 

RÉSIA (hébreu : Risyà", « délices » ; Septante : 
'Poecriâ), troisième fils d'Olla, de la tribu d'Aser. I Par., 
vu, 39. 

RÉSINE (hébreu : nâlâf ; Septante : orax-rVi; Vul- 
gate : stade), substance qui découle de certains arbres 
à l'état plus ou moins visqueux. Plusieurs résines ren- 
ferment assez d'huile essentielle pour deveniràpeu prés 
liquides. Le baume est de cette espèce. Voir Baume, 
t. i, col. 1517. — Le nâtâf, mentionné une seule fois, 
Exod., xxx, 34, entrait dans la composition du parfum 
destiné à être brûlé dans le sanctuaire. Ce serait, 
d'après certains auteurs juifs, l'opobalsamum originaire 
d'Abyssinie, dans lequel ils voient le baume de Galaad, 
et selon d'autres, le storax ou gomme odorante du sty- 
rax officinalis. — Ailleurs, les versions emploient le 
mot ^yiti'vï), résina, «résine», pour désigner le sorî, pro- 
bablement le surw ou surj des lettres de Tell-el-Amar- 
na, le tara égyptien, résine du pistachier ou du téré- 
binthe, particulièrement de Galaad, qui servait à guérir 
les blessures. Les Ismaélites qui achetèrent Joseph 
portaient cette substance en Egypte. Gen., xxxvn, 25. Ja- 
cob en fit offrir par ses fils à Joseph. Gen., xliii, 
11. Jérémie, vin, 22; xlvi, 11; li, 8, fait allusion à ses 
propriétés curatives, et Ézéchiel, xxvil, 17, la range 
parmi les produits dont Juda et Israël trafiquaient 
avec Tyr. Voir Balanite, t. i, col. 1408; Térébinthe. 
Cf. Movers, Die Phônizier, Th. m, Abth. 1, p. 220-223. 

H. Lesêtre. 

1. RESPECT, sentiment que l'on doit avoir à l'égard 
des autres, à raison de leur caractère, de leur dignité, 
de leur âge, etc. L'action de respecter s'exprime ordi- 
nairement par le verbe yârê', « craindre », ço6stu8at, 
timere. Sur le respect de Dieu, voir Crainte de Dieu, 
t. n, col. 1099. Il est question, dans la Sainte Écriture, 
du respect envers les pères et mères, recommandé par- 
dessus tout, Exod., xx, 12; Lev., xix, 3; Deut., v, 16; 
xxvn, 16 ; Mal., i, 6 ; Tob., iv, 3; Eccli., m, 5-9 ; vu, 29 ; 
Matth.,xv, 4; xix, 19; Marc, vu, 10; x, 19; Luc, xvni, 
20; Eph., vi, 2; envers les beaux-parents, Tob., x, 13; 
le vieillard, Lev., xix, 32; la femme, I Pet., m, 7; les 
veuves, ITim,, v,3;les maris, Esth., i, 20; le roi, I Reg., 
xv, 30; le chef, Jos., iv, 14; le juge, Eccli., x, 27; l'au- 
torité établie, Rom., xni, 7; le prêtre, Eccli., vu, 33; 
le médecin, Eccli., xxxvm, 1; le sage, Sap., Vin, 10; le 
maître, Mal., 1, 6; I Tim., VI, 1; l'ouvrier évangélique, 
Phil., II, 29; le sanctuaire, Lev., xix, 30; le Temple. 
II Mach., m, 12; xm, 23. Tous les chrétiens doivent se 
respecter mutuellement. Rom., xn, 10; I Pet., n, 17. 
— Le respect doit être refusé au pécheur, Eccli., x, 28 
(22); à l'insensé, Prov., xxvi, 8; au vieillard impie. 
Sap., m, 17. En général, un prophète n'est pas res- 
pecté dans son propre pays. Matth.,xni, 57; Marc, vi, 
4; Joa., iv, 44. Le Sauveur constate que les Juifs n'ont 
pas pour lui le respect auquel il a droit. Joa., vm, 49. 
II recommande de ne pas prendre à table les premières 
places, de peur d'avoir à les céder à de plus respec- 
tables. Luc, xiv, 8. H. Lesêtre. 

2. RESPECT HUMAIN, crainte des hommes prenant 
le pas sur la crainte de Dieu. — Ce défaut n'apparaît 
guère chez les Israélites qu'au temps de leurs premiers 
rapports avec les étrangers. Daniel et ses compagnons, 
Dan., I, 8-16, Éléazar, les sept frères et leur mère, 
II Mach., vi, 18-vn, 41, ne connaissent pas le respect 
humain, lorsqu'ils se refusent à manger des viandes 
souillées. Par contre, à l'époque de la persécution, beau- 



1057 



RESPECT HUMAIN — RESPIRATION 



1058 



coup de Juifs se laissent entraîner aux pratiques idolâ- 
triques. II Mach, VI, 6, 7. 

Tel se perd par une fausse honte, 

Il tombe dans la ruine à cause du regard d'un insensé. 

Eccli., xx, 24 (21). 

On ne doit pas rougir de son ami, qu'il soit dans la pau- 
vreté ou dans l'épreuve. Eccli., xxn, 28, 29, 31 (21, 23). 
Il ne faut pas rougir non plus « de la loi du Très Haut 
et de son alliance, » ni, en général, de l'accomplissement 
■du devoir. Eccli., xm, 2-7. L'économe infidèle a honte 
de mendier, quand la mendicité serait moins honteuse 
pour lui qùél'improbité. Luc, xvi,3. — Notre-Seigneur 
déclare qu'il refusera de reconnaître devant son Père 
celui qui l'aura renié devant les hommes. Matth., x, 
-32; Marc, vm, 38; Luc, îx, 26; xii, 8. Les parents de 
l'aveugle-né n'osèrent parler de leur fils pour attester sa 
guérison, par crainte des Juifs. Joa., IX, 22. Beaucoup, 
même parmi les principaux d'entre les Juifs, croyaient 
en Jésus; mais ils n'osaient le déclarer par crainte des 
pharisiens. Joa.,xil, 42. Nicodème fut quelque peu sous 
l'empire de ce sentiment. Joa., m, 2. Il en fut de même 
Je Joseph d'Arimathie, Joa., xix, 38, qui sut cependant 
montrer beaucoup de résolution pour assurer la sépul- 
ture du Sauveur. Matth., xxvn, 58; Marc, xv, 43. La 
triple négation de Pierre lui fut inspirée par le respect 
tiumain. Matth., xxvi, 69-75; Marc, xiv, 66-72; Luc, 
xxn, 55-62," Joa., xvin, 15-18, 25-27. L'Apôtre céda de 
nouveau, mais beaucoup moins gravement, à cette 
crainte des hommes, quand il changea de conduite à 
l'égard des chrétiens d'Antioche, ce que saint Paul 
déclare « digne de blâme ». Gai., n, 11-14. Ananie et 
Saphire obéirent au respect humain en sens contraire, 
•lorsqu'ils feignirent de sacrifier tous leurs biens, pour 
imiter ce qui se pratiquait dans leur milieu. Act., v, 
1-10. Saint Paul ne connaît pas le respect humain; il n'a 
point honte de l'Évangile. Rom., i, 16. Il écrit à son dis- 
ciple : « Ne rougis pas du témoignage à rendre à Notre- 
Seigneur, ni de moi, son prisonnier, » et il loue Onési- 
phore de n'avoir pas rougi de ses fers, à Rome, et de 
lui avoir rendu toutes sortes de services. II Tim., i, 8, 
16. Il flétrit ceux qui « font profession de connaître Dieu 
•et le renient par leurs actes. » Tit, I, 16. 

, H. Lesétre. 
RESPHA (hébreu : Rispâh; Septante : Psutpi; 
Il Reg., xxi, 8, Alexandrin. : 'PeixçàO), fille d'Aïa, 
II Reg., m, 7; xxi, 8, 10, 11, concubine de Saûl, 

II Reg., m, 7; xxi, 11, dont elle eut deux fils, Armoni 
■et Miphiboseth. II Reg., xxi, 8. On l'a rattachée par- 
fois, comme descendante lointaine, à l'Horréen Aïa, 
fils de Sébéon, dont il est question Gen., xxxvi, 24; 
mais ce n'est là qu'une conjecture sans fondement. — 
Après la mort de Saûl, Respha se retira sans doute à 
Mahanaïm, où Abner, général en chef des troupes de 
l'ancien roi, avait conduit Isboseth, héritier et succes- 
seur de Saûl, avec le reste de la maison royale. Un 
jour, dans un moment de colère, Isboseth reprocha à 
Abner de s'être approprié la concubine de son père ; 
-ce qui, d'après les mœurs de l'époque, était faire acte 
de prétendant au trône. Cf. II Reg., xvi, 20-22; 

III Reg., Il, 13-25. Abner fit une réponse indignée,, 
-comme si la chose ne tirait pas à conséquence, et; à 
partir de cet instant, il se détacha d'Isboseth, pour 
favoriser le parti de David. Cf. II Reg., m, 8-12. — Il 
n'est ensuite question de Respha qu'à une époque plus 
itardive de l'histoire de David. II Reg., xxi, 1-14. Une 
famine ayant désolé le pays pendant trois ans, David fit 
consulter le Seigneur, et l'oracle divin répondit que ce 
malheur avait pour cause la conduite injuste et cruelle 
de Saûl envers les Gabaonites, qu'il avait durement op- 
primés, malgré la promesse faite autrefois par Josué à 
ces Chananéens de les laisser vivre en paix au milieu 
-de la nation théocratique. Cf. Jos., ix. Cette injustice 

D1CT. DE LA BIBLE. 



avait attiré la colère du Seigneur, qui, en châtiment, 
avait fait éclater la sécheresse dans le pays. David 
offrit une compensation pécuniaire aux Gabaonites; 
mais ils demandèrent qu'on leur livrât sept des fils de 
Saûl, pour les mettre à mort. Le roi y consentit et 
leur remit les cinq fils de Mérob, fille de Saûl, et les 
deux fils de Respha, qui furent pendus sans pitié, 
« dans les premiers jours de la moisson, au commen- 
cement de la moisson des orges. » Les corps des vic- 
times demeurèrent exposés sur le gibet, au sommet de 
la montagne « devant le Seigneur; » ce qui montre 
que ce lieu avait été consacré autrefois à Jéhovah. Res- 
pha se conduisit alors comme la plus aimante et la 
plus courageuse des mères. Elle étendit son grossier 
vêtement de deuil sur le sol rocheux de la colline, et, 
se tenant assise, elle veilla nuit et jour sur les cadavres 
de ses enfants, pour empêcher les oiseaux de proie et 
les bêtes fauves de les dévorer; ce qui eût été pour eux 
la dernière des ignominies. Cf. I Reg., xvil, 44, 46; 
IV Reg., ix, 10; Jer., xvi, 4; Ezech., xxix, 5, etc. Le 
narrateur ajoute qu'elle monta cette garde héroïque et 
douloureuse « depuis le commencement de la moisson, 
jusqu'à ce que la pluie tombât sur eux, » c'est-à-dire, 
s'il a voulu désigner la saison des pluies périodiques 
d'octobre, pendant environ cinq mois, puisque c'est 
d'ordinaire au mois d'avril qu'a lieu la récolte de l'orge 
en Palestine. David, ému lui-même, fit ensuite ense- 
velir les corps des malheureuses victimes avec les os- 
sements de Saûl el de Jonathas, dans le tombeau de 
Cis, père de l'ancien roi. Il Reg., xxi, 12-14. 

L. FlLLION. 

RESPIRATION (hébreu : néfes, rûafy, nesâmâh; 
chaldéen : nismâ' ; Septante : ilujrr,, 7tvsûp.a; Vulgate : 
anima, spiritus, halitus), mouvement rythmique par 
lequel les poumons aspirent l'air qui doit vivifier le 
sang et expirent celui qui a servi à cet usage. Quand 
l'air expiré sort doucement, il s'appelle haleine, voir 
Haleine, t. m, col. 402; il prend le nom de souffle 
quandilest rejeté avec une certaine force par les lèvres 
entr'ouvertes. Voir Souffle. — 1» Au sens propre, la 
respiration est la condition et le signe de la vie dans 
tous les êtres animés. Gen., i, 30; n, 7; vi, 17; vu, 15, 
22. La respiration, par conséquent la vie, est aux mains 
de Dieu. Dan. , v, 23. La respiration est suspendue par une 
vive émotion. Dan., x, 17. Elle se ralentit et s'épuise par 
l'effet de la maladie. III Reg., xvil, 17; Job, xvn, 1. 
Quelquefois elle est arrêtée par la violence. C'est ainsi 
qu'Hazaël, prenant une couverture plongée dans l'eau, 
en couvrit, la tête de Rénadad,. roi de Syrie, et l'asphy- 
xia pour régner à sa place. IV Reg., vm, 15. Tibère 
devait mourir étouffé d'une manière analogue. Cf. Tacite, 
Annal,, VI, 50. Aussi longtemps qu'il respirera, c'est-à- 
dire qu'il vivra, Job, xxvn, 3, repoussera l'iniquité de 
ses lèvres. Le souffle du crocodile allume des charbons, 
Job, xli, 12; ceci signifie qu'à la vive lumière du soleil, 
l'air mêlé de vapeur que l'animal rejette en respirant 
semble être enflammé, comme chez les tauri spirantes 
naribus ignem de Virgile, Georg,, il, 140. Les idoles 
ne respirent pas, Ps. cxxxv (cxxxiv), 17; donc elles 
n'ont pas la vie. — 2" Au sens figuré, « respirer » 
signifie, comme en français, être au repos, n'avoir 
aucune de ces causes d'inquiétude ou d'agitation qui 
gênent l'acte de la respiration, si essentiel à là vie. Au 
septième jour de la création, Dieu lui même a respiré, 
nâfas, êTtsûuaro, cessavit, « a cessé » son œuvre. 
Exod., xxxi, 17. Ce même jour de la semaine, on doit 
laisser respirer la servante et l'étranger, en arrêtant le 
travail. Exod., xxm, 12. Arrivés à Aiêfim (voir t. i, 
col. 298), David et ses gens respirèrent. II Reg., xvi, 14. 
Job, IX, 18, se plaint que Dieu ne le laisse pas respirer ; 
il voudrait pouvoir s'expliquer, afin de respirer ensuite 
à son aise. Job, xxn, 20. Holopherne menace les habi- 
tants de Réthulie de ne pas les laisser respirer tant 

V. - 34 



1059 



RESPIRATION — RESPONSABILITE 



1060. 



qu'il ne les aura pas exterminés. Judith, vi, 4. Sous 
Judas Machabée, le peuple put respirer quelque temps. 
II Mach., xm, 11. H. Lesêtre. 

RESPONSABILITÉ, obligation de rendre compte 
de ses actes personnels et d'en subir les conséquences. 
— 1" Vis-à-vis de Dieu. — Après avoir proscrit l'adora- 
tion des idoles, Dieu ajoute la sanction suivante : « Je 
suis Jéhovah ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punit l'ini- 
quité des pères sur les enfants, jusqu'à la troisième et 
quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent, 
et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à 
ceux qui m'aiment et qui gardent mes commande- 
ments. » Exod.,xx, 5, 6; Deut., v, 9. Cette sanction ne 
s'applique littéralement qu'à ceux qui abandonnent 
le culte de Jéhovah pour celui des idoles. Elle n'im- 
plique pas de responsabilité morale de la part des en- 
fants; Dieu punira pourtant sur eux l'idolâtrie de leurs 
pères, mais seulement par des calamités temporelles, 
dignement méritées si les enfants imitent leurs pères, 
et devenant de simples épreuves si eux-mêmes se con- 
duisent bien. Il n'est donc pas nécessaire d'interpréter, 
la première partie du texte comme le fait le Chaldéen, 
qui ajoute : « quand les fils continuent à pécher après 
leurs pères. » L'expérience montre d'ailleurs que la 
menace divine a comporté un grand nombre d'excep- 
tions; les enfants d'idolâtres n'ont pas tous été éprou- 
vés et tous ceux qui ont été éprouvés n'étaient pas des 
enfants d'idolâtres. Les Apôtres, comme beaucoup de 
leurs contemporains, entendaient trop servilement le 
texte de l'Exode, quand ils supposaient que l'aveugle-né 
pouvait porter la peine de fautes paternelles. Notre- 
Seigneur redressa leur fausse interprétation. Joa., ix, 
1-3. — D'ailleurs, cette loi de sanction temporelle attei- 
gnant les enfants devait être un jour abolie. Jérémie, 
xxxr, 29, 30, annonce qu'après la captivité chacun ne 
portera plus que les conséquences de ses propres fautes. 
Ézéchiel, xvm, 1-20, affirme également que chacun n'est 
responsable devant Dieu que de ses propres actions. 
L'homme juste n'est pas responsable des fautes de son 
fils criminel; le fils vertueux ne pâtira pas pour les 
vices de son père. — La doctrine du péché originel ne 
suppose aucune responsabilité personnelle de la part 
des descendants dupremier homme. En Adam, tous ont 
péché, et par sa fauté tous ont été constitués pécheurs. 
Rom., v, 12-19. En conséquence, «nous étions par nature 
enfants de colère ». Eph., il, 3. Mais Adam seul était 
personnellement responsable du péché commis ; ses des- 
cendants, ne portent pas toutes les conséquences de ce 
péché. Ils encourent la déchéance commune à la race, 
mais non le châtiment personnel mérité par le préva- 
ricateur. — L'enseignement général de la Sainte Écri- 
ture est que chacun n'est responsable que de ses œuvres 
personnelles, et qu'il est jugé et traité d'après ces 
œuvres. Prov., xxiv, 12, 19; Eccli., xvi, 15; Is., m, 11 ; 
Jer., xx\, 14; Matth., xvi, 27; Rom., n, 6; II Cor., xi. 
15 ; II Tim., iv, 14; I Pet., i, 17 ; Apoc, n, 23; xx, 12, 
13; xxii, 12. Ces œuvres sont le seul bien qui suive 
l'homme dans l'autre vie. Apoc, iv, 13. « Il nous faut 
comparaître devant le tribunal du Christ, afin que 
chacun reçoive ce qu'il a mérité étant dans son corps, 
selon ses œuvres, soit bien, soit mal. » II Cor., v, 10. 
« Chacun recevra sa propre récompense selon son 
propre travail. » ICor., m, 8. En somme, chacun n'aura 
à répondre que pour lui-même. — Il est vrai que 
« Dieu donna à chacun des prescriptions à l'égard du 
prochain. » Eccli., xvn, 12. Mais ces prescriptions 
ne transfèrent jamais sur quelqu'un les responsabilités 
d'autrui. On n'est responsable à l'occasion du prochain 
que si l'on ne s'est pas conduit à son égard comme on 
le devait, ou si l'on a contribué à lui faire tenir une 
conduite coupable. A s'en tenir aux Septante et à la 
Vulgate, on pourrait lire au Psaume xix (xvm), 14 : 



» Préservez votre serviteur des fautes d'autrui, >. àr.ô 
àVkotpiwv, ab alienis. Le sens peut être également : 
« Préservez votre serviteur des étrangers. » Il y a en 
hébreu : miz-zédîm, « des orgueilleux », que les ver- 
sions ont lu : miz-zârîm, « des étraugers ». Il ne sau- 
rait.donc être question ici, en aucune manière, de res- 
ponsabilité pour les péchés d'autrui. 

2» Vis-à-vis des hommes. — La justice humaine n'a 
pas le droit d'étendre la responsabilité à d'autres 
qu'aux coupables. C'est pourtaut ce que faisaient la 
plupart des législations anciennes. D'après le code 
d'Hammourabi, si quelqu'un frappe une femme et que 
celle-ci meure, on tue la fille de l'agresseur; art. 210, 
si le fils d'un homme meurt par suite de mauvais trai- 
tements, on tue le fils de celui qui l'a maltraité, art. 116; 
si une maison s'écroule, par la faute de l'architecte, et 
tue le fils du propriétaire, on tue le fils de l'architecte, 
art. 230. Chez les Mèdes et les Perses, on faisait périr 
avec certains coupables leurs femmes et leurs enfants. 
Dan,, VI, 24; Esth., IX, 10, 14; XVI, 18. Cf. Hérodote, 
m, 119. Dans une de ses paraboles, Notre-Seigneur 
parle d'un débiteur insolvable, dont on menace de faire 
vendre la femme et les enfants, Matth., xvm, 25, vente 
qui n'était nullement autorisée par la loi juive. Voir 
Esclave, t. n, col. 1921. Seul, un père pouvait vendre 
sa fille pour être esclave, probablement quand la misère 
l'y obligeait. Exod., xxi, 7. La loi mosaïque condamne 
expressément toute action exercée contre les parents 
d'un coupable. « Les pères ne seront pas mis à mort 
pour les enfants, ni les enfants pour les pères; chacun 
sera mis à mort pour son péché. » Deut., xxiv, 16. La 
sanction doit donc être personnelle, aussi bien que la 
faute. Le roi Amasias est loué de s'être conformé à la 
loi de Moïse, en ne faisant pas mourir les fils des 
meurtriers de son père. IV Reg., xiv, 5, 6; II Par.,xxv, 
3, 4. 11 paraît avoir été dérogé à la loi en deux circons- 
tances, lorsque les fils et les filles d'Achan furent lapi- 
dés avec leur père, Jos., vu, 24, et lorsque sept fils de 
Saûl furent livrés aux Gabaonites pour être mis à mort. 
II Reg., xxi, 7-9. Mais dans le premier cas, il y avait 
anathème vouant à la destruction tout ce qui apparte- 
nait au coupable, Jos., vu, 13-15, et il est d'ailleurs 
assez probable que les enfants d'Achan s'étaient asso- 
ciés à la prévarication de leur père. Dans le second cas, 
il ne s'agit pas d'une sentence judiciaire, mais d'un acte 
politique dont la légitimité peut être discutée. — La 
Loi prévoyait certains cas dans lesquels la responsabi- 
lité était engagée. L'Israélite était responsable de l'acci- 
dent causé par son bœuf, s'il connaissait le vice de 
l'animal, Exod., xxi, 29-32, des accidents ou des dom- 
mages survenus grâce à son imprudence. Exod., xxj, 
34-36; xxn, 12, 14. Le grand-prêtre Héli fut déclaré 
responsable des méfaits sacrilèges commis par ses fils, 
parce qu'il aurait dû et pu les empêcher. I Reg., H, 28, 
29. — Saint Jacques, n, 10, déclare que « quiconque aura 
observé toute la loi, s'il vient à faillir en un point, est 
coupable de tous. » On ne peut pas conclure de ce teste 
que celui qui a commis une faute a la responsabilité de 
toutes les autres fautes qu'il n'a pas commises. Car 
alors toutes les fautes seraient égales et, l'une ayant été 
commise, il n'y aurait pas de raison pour s'abstenir des 
autres. Saint Augustin, Epist. CLxrn, t. xxxm, col. 733- 
741, consulte Saint Jérôme au sujet de ce texte et pro- 
pose cette solution, col. 740: « Qui observe toute la loi, 
s'il pêche en'un point, est coupable sur tous, parce 
qu'il agit contre la charité, de laquelle dépend toute la 
loi. » Saint Jérôme, t. xxxm, col. 752, 753, ne répond pas 
à cette question. Saint Thomas, I a II*, q. lxxiii, a. 1, 
adl um , dit que l'Apôtre s'exprime « au point de vue de 
l'aversion, en tant que l'homme qui pêche se détourne 
du précepte de la loi. Tous les préceptes de la loi viennent 
d'un seul et même auteur, comme il le dit lui-même, 
et c'est pourquoi le même Dieu est méprisé dans tout 



1061 



RESPONSABILITE 



RESTITUTION 



1062 



péché, A ce point de vue, qui pêche sur un point est 
coupable sur tous, parce que, en commettant un seul 
péché, il encourt la peine due au mépris de Dieu, 
mépris d'où provient la culpabilité de tous les péchés >>. 
— Sur la responsabilité encourue par celui qui volon- 
tairement fait pécher les autres, voir Scandale. 

H. Lesêtre. 
RESSA (hébreu : Rissàh, « fracture, ruine »; Sep- 
tante, Teuffàv), station des Israélites dans le désert de 
l'exode, située entre Lebna et Céélatha. Num., xxxi, 
21-22. On l'identifie communément avec le Rasa de la 
Table de Peutinger, sur la route d'Akaba à Jérusalem, 
à 32 milles romains ou 48 kilomètres au nord d'Élath 
et à 203 milles, ou environ 300 kilomètres, au sud de 
Jérusalem.. 

RESTES (hébreu : se'âr, se'êrî}, yéiér, pelêtàh; 
Septante : xaraXemna, Û7tôXeini».a, ta Xoinov, rà xarâ- 

Xoi7tOV, TO 7tSpiXo£lTOV, TO XaTaXttçOfv, oi <T<i)Ô£VT£Ç ," Vul- 

gate : reliquiœ, residuum, qui fugerint), ce qui sub- 
siste de choses ou d'hommes après qu'une partie con- 
sidérable en a disparu. — 1° Parmi les restes de choses, 
il est surfont question de ceux de la nourriture. On 
doit brûler les restes de l'agneau pascal. Exod., xn, 10. 
Ruth gardait les restes de son repas pour les donner à 
sa belle-mère. Ruth, n, 14, 18. Les malheureux re- 
cueillent les restes ouïes miettes des repas. Jud., î, 7; 
Matth.,xv, 26-27; Luc, xvi, 21. A la multiplication des 
pains, Notre-Seigneur fait ramasser les restes, pour 
qu'ils ne soient pas perdus. Matth., xiv, 20; Marc, 
vi, 43. Après sa résurrection, dans Tune de ses appari- 
tions, il mange devant ses disciples et, d'après la Vul- 
gate, quelques autres versions et plusieurs manuscrits 
grecs, il leur donne ensuite les restes. D'après le texte 
grec, il « prend devant eux et mange. » Luc, xxrv, 43. 

2° Quand il s'agit, d'hommes, les restes désignent 
d'abord la postérité, ce qui reste après qu'un chef de 
famille a disparu. Il y a des restes pour le juste, mais il 
n'y en a pas pour le méchant. Ps. xxxvn (xxxvi), 37; 
Job, xvin, 19. Tobie, xm, 20, compte qu'il y aura des 
restes de sa race pour revoir Jérusalem. Les restes des 
arbres de la forêt d'Israël pourront être comptés, Is., 
x, 19; on les grapillera comme une vigne. Jer., VI, 9. 
Les prophètes annoncent la destruction des restes de 
Babylone, Is., xrv, 22; des Philislins, Is., xiv, 30; de 
Moab, Is., xv, 9; de la Syrie, Is., xvn, 3; de l'Arabie, 
Is., xxi, 17; d'Anathoth, Jer., xi, 23, et de Caphthor, 
Jer., xlvii, 4; Ezech., xxv, 16. 

3° Habituellement les prophètes désignent les Israélites 
survivant aux désastres de la déportation ou laissés en 
Palestine, par les mots Se'êrî}, collectifenibrassant toute 
la population qui reste, et plus rarement pelêtàh, 
« évasion », les réchappes. IV Reg., xix, 4, 31; Is., 
xxxvn, 4, 32. Ces restes sont appelés restes d'Israël, 
Is., xlvi, 3; Jer., xxxi, 7; Ezech., ix, 8; xi, 13; Mich., 
il, 12; Soph.,n, 9; m, 13; restes de Jacob, Is., x, 20; 
Mich., v, 7; restes de Juda, Jer,, XL, 11, 15; xui, 2, 15, 
19; XLiv, 12, 14; restes de Joseph, Am., v, 15; restes 
de Jérusalem. Ezech., v, 10. Le châtiment est annoncé 
à ces restes. Jer., xnv, 14; Ezech., v, 10; ix, 8; xi, 13. 
Mais, le plus souvent, il n'est question pour eux quelhy 
miséricorde et de restauration. Le germe de Jéhovah 
fera la gloire des réchappes; eux-mêmes formeront un 
peuple saint; Jéhovah étendra la main pour les racheter, 
il y aura une route d'Assyrie en Judée pour les ramener 
et Jéhovah sera leur couronne. Is., iv, 2, 3; x, 21, 22; 
xi, 11, 16; xxvm, 5. Dieu rassemblera le reste de ses 
brebis des endroits où il les avait chassées, il les sau- 
vera et le roi de Babylone laissera un reste à Juda. 
Jer., xxiii, 3; xxxi, 7; xl, 11, 15. Mais le faible reste 
demeuré en Palestine s'en ira périr en Egypte. Jer., 
xm, 2, 15, 19; xnv, 12, 14. Dieu ne voudra pas détruire 
ce qui reste d'Israël. Ezech., ix, 8 ; xi, 13. Il aura pitié 



des restes de Joseph. Am., v, 15. Il rassemblera les restes . 
d'Israël; il en fera une nation sainte, placera les restes 
de Juda comme un lion au milieu des peuples et oubliera 
les transgressions des restes de son héritage. Mich., n, 
12; iv, 7; v, 7; vu, 18. Il y aura des réchappes à Sion 
et à Jérusalem. Jo., H, 32; Abd., 17. Les restes d'Israël 
pilleront Moab et Ammon et désormais ne commettront 
plus d'iniquité. Soph., Il, 9; in, 13. Les prophéties se 
réalisent : le grand-prêtre et tout ce qui reste à Jérusa- 
lem écoutent la voix de Dieu. Agg., I, 12. Dieu revient 
à ces restes et les bénit. Zach., vin, 6, 11, 12. Ces restes 
sont petits, mais la colère de Dieu se détournera d'eux. 
I Esd., IX, 8, 14. — Sur le nom du fils d'Isaïe appelé 
« le reste reviendra », Is., vu, 3, voir Sche'ar Jasub. 

H. Lesêtre, 

RESTITUTION (hébreu : Saltem; Septante : àuo- 
tîv»; Vulgafe :, restituo, c< restituer »), réparation im- 
posée à celui qui a lésé le prochain dans ses biens. 

1° La loi mosaïque prescrit différentes mesures au 
sujet de la restitution. Celui qui dérobe un bœuf ou 
une brebis, et ensuite les égorge ou les vend, doit res- 
tituer cinq bœufs ou quatre brebis. Exod., xxil, 1. Celui 
qui vole un bœuf, un âne ou une brebis et a l'animal 
encore vivant, restitue le double. Exod.,xxn, 4. Ce der- 
nier est tenu à une moindre restitution parce qu'il n'a 
rien fait contre l'animal et n'a pas ôté au propriétaire 
la possibilité de reconnaître et de récupérer son bien. 
Le premier, au contraire, en tuant ou en vendant l'ani- 
mal volé, rendait beaucoup plus difficiles les recherches 
du propriétaire. La restitution imposée est relativement 
plus forte pour un bœuf que pour une brebis, parce 
que les brebis étaient beaucoup plus nombreuses, tan- 
dis que les bœufs, en moindre nombre, servaient aux 
travaux agricoles, de sorte que leur disparition causait 
plus grand dommage à leur légitime possesseur. — Le 
code d'Hammurabi montrait beaucoup plus de sévérité; 
celui qui volait un bœuf, un mouton, un âne, un porc 
ou une barque au temple ou au palais, devait en resti- 
tuer trente fois la valeur, et dix fois seulement s'il avait 
volé un noble. Art. 8. S'il ne pouvait restituer, il en- 
courait la mort, peine que la loi mosaïque ne porte pas 
contre les voleurs. — Celui qui luait une bête d'un 
troupeau avait à en restituer une semblable. Lev., xxiv, 
18, 21. C'était l'application simple de la loi du talion, 
supposant ici qu'il n'y avait pas eu intention de vol, 
mais seulement violence injuste. Celui qui avait fait 
tort dans ses offrandes à Jéhovah devait restituer aux 
prêtres, auxquels revenaient ces offrandes, en y ajou- 
tant une majoration d'un cinquième. Lev., v, 16. — 
Celui qui causait un préjudice au prochain, en le volant 
par fraude ou par violence, en s'appropriant un dépôt 
confié, en gardant un objet trouvé, mais ensuite confes- 
sait sa faute de lui-même, rendait l'objet avec majora- 
tion d'un cinquième. Si le lésé n'existait plus ou n'avait 
pas laissé de représentants, la restitution se faisait aux 
prêtres. Lev., vi, 4, 5; Num., v, 7, 8. Le code d'Ham- 
murabi, art. 112, condamnait le dépositaire infidèle à 
rendre cinq fois ce qu'il gardait indûment. — Le 
voleur d'argent ou d'objets mobiliers qui n'avouait 
pas de lui-même devait restituer le double. Exod.,xxn, 
7. La gradation de ces pénalités obligeait l'Israélite, 
dans son intérêt même, à respecter le bien d'autrui et, 
en cas de faute, à aller lui-même au-devant de la répa- 
ration. — Dans les Proverbes, vi, 31, il est dit que le 
voleur surpris rend sept fois autant et au besoin donne 
tout ce qu'il a dans sa maison. Il n'y a pas ici l'indice 
d'une modification à la loi ancienne. Il s'agit d'un homme 
qui, pressé par le besoin, a eu le malheur de dérober; 
pour échapper à la honte, il restituera tout ce qu'on 
voudra et n'encourra pas le mépris. Il est mis en pa- 
rallèle avec l'adultère pour lequel le mari outragé Sera 
sans pitié et n'acceptera aucune rançon. 

2° Quelques cas de restitution sont mentionnés dans 



1063 



RESTITUTION — RESURRECTION DES MORTS 



1064 



la Sainte Écriture. David restitua à Miphiboseth toutes 
les terres de Saùl, son grand-père. II Reg., jx, 7. Jo- 
ram, roi d'Israël, fit restituer tous ses biens, avec 
l'arriéré des revenus, à la femme dont Elisée avait 
ressuscité le fils. IV Beg., TOI, 6. Cyrus restitua aux 
Juifs les vases d'or du Temple, que Nabuchodonosor 
avait emportés à Babylone. 1 Esd., vi, 5. Néhémie força 
les riches à restituer aux pauvres de leur nation les 
vignes, les oliviers, les maisons et tous les intérêts qu'ils 
avaient exigés d'eux, en un temps de famine, pour leur 
fournir du blé. II Esd., v, 1. Tobie, H, 21, voulait 
qu'on' restituât un chevreau qu'il croyait dérobé. — 
Zachée, qui était juif et chef de publicains en Palestine, 
offre de restituer quatre fois le montant des torts qu'il 
a pu causer, doublant ainsi le taux de la restitution 
fixé par la loi mosaïque. Luc, xix, 8. La loi romaine 
condamnait le voleur à restituer le double, l'usurier 
ainsi que le cultivateur qui avait fraudé l'État sur la 
fourniture du blé, à restituer le quadruple. Cf. Caton, 
De re rustica, proœm.; Cicéron, Verr., n, 3, 13. Il est 
probable que Zachée ne s'inspire pas de ces prescrip- 
tions, mais plutôt d'un principe de généreuse et sura- 
bondante équité. Dans les paraboles de l'Évangile, le 
débiteur est mis en prison tant qu'il n'a pas restitué 
jusqu'à la dernière obole, Matth,, v, 26; Luc, XII, 59; 
on vend le débiteur, sa femme et ses enfants pour assu- 
rer la restitution, Matth., xvm, 25. Voir Dette, t. n, 
col. 1395. H. Lesètre. 

1. RÉSURRECTION DE LA CHAIR, reconstitu- 
tion des corps humains, en vue de leur réunion avec les 
âmes avant le jugement dernier. — Cette résurrection 
est insinuée par différents textes de l'Ancien Testament. 
Job, xix, 23-27; Ezech., xxxvn, 1-10. Elle est formelle- 
ment supposée par les textes évangéliques qui parlent 
de la résurrection des morts. Joa., v, 28, 29; vi, 39, 
40, 44 ; xi, 25 ; Matth., xxiv, 31 ; xxv, 32, 33, 46; Marc, 
xm, 27; Luc, xiv, 14, etc. Car, ce qui est susceptible de 
résurrection, ce n'est pas l'âme immortelle, mais le 
corps, représenté ici par une de ses parties composantes, 
la chair. En Jésus-Christ, la résurrection a comporté 
le retour de la chair à la vie. Le Sauveur ressuscité 
pouvait dire à ses Apôtres : « Touchez-moi, et considé- 
rez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez 
que j'en ai. » Luc, xxiv, 39. Il pouvait inviter Thomas 
à toucher ses mains percées et son côté ouvert. Joa., xx. 
27. Sa chair, la même qu'il avait avant sa mort, avait 
donc retrouvé la vie par sa réunion avec l'âme. Or, 
d'après saint Paul, le Christ est « les prémices de ceux 
qui se sont endormis; » il est le type des ressuscites, 
comme Adam a été celui des victimes de la mort. I Cor., 
xv, 20-28. La chair de l'homme aura donc un jour le 
sort de la chair du Christ. Après l'humiliation de la cor- 
ruption, due au péché, elle reprendra la vie parla puis- 
sance de Dieu. Saint Paul explique, autant qu'il le peut, 
les conditions dans lesquelles la chair ressuscitera. Le 
corps aura alors quelque chose de la nature spiritu- 
elle, quant à l'incorruptibilité et à l'agilité. I Cor., xv, 
36-44. La chair ressuscitée sera mise par Dieu en un 
état tel, qu'elle puisse partager la gloire ou le supplice 
de l'âme et supporter les conditions d'une existence très 
différente de celle que nous connaissons sur la terre. 
Le corps du Christ, et, selon la croyance de l'Église, 
celui de sa sainte Mère, participent maintenant dans le 
ciel à la vie glorieuse de leurs âmes. Voir Résurrection 
desmorts. Cf. Prat,£a théologie de S. Paul, Paris, 
1908, p. 185-194. — Les anciens pensaient que la sé- 
pulture était une condition nécessaire pour que le mort 
pût jouir du sort heureux qu'il espérait après la vie 
présente. Voir Sépulture. Aussi les persécuteurs des 
chrétiens s'acharnaient-ils souvent à brûleries corps 
de leurs victimes, à les faire dévorer parles bétes, à les 
jeter dans les fleuves ou à la mer, de manière, croyaient- 



ils, à mettre obstacle à la résurrection que l'on espérait. 
Mais, même dans ces conditions, les chrétiens ne dou- 
taient pas de la résurrection de la chair. Ils savaientque 
« Dieu donne la vie aux morts et appelle les choses 
qui ne sont point comme si elles étaient. » Rom., iv, 
17. Ils étaient assurés que « celui qui a ressuscité le 
Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à nos corps 
mortels, à cause de son Esprit qui habite en nous. » 
Rom., vm, 11. La puissance de Dieu sera assez grande 
pour réunir un jour les éléments des corps qui ont été 
privés dé sépulture, aussi bien que s'ils avaient été 
réduits à l'état de poussière dans un tombeau ou dans 
le sein de la terre. Elle ne trouvera pas davantage d'obs- 
tacle dans ce fait que les éléments désagrégés d'un corps 
ont pu servir successivement à la composition d'autres 
corps humains. Ce qui fait l'identité du corps, c'est la 
vie qu'une même âme lui communique. Pendant l'exis- 
tence terrestre, les éléments du corps humain se re- 
nouvellent sans cesse. Il se peut qu'entre le corps du 
vieillard et celui de l'enfant il ne subsiste plus une 
seule parcelle commune. Cependant c'est le même corps, 
parce que c'est la même âme qui l'anime et en retient 
associés tous les éléments. Quels que soient donc les 
éléments constitutifs du corps ressuscité, son identité 
sera assurée par la présence de l'âme, et ce corps, trans- 
figuré à la manière que décrit saint Paul, sera le même 
que celui de la vie terrestre tout aussi réellement que 
le corps du vieillard est le même que celui de l'enfant. 
Saint Paul suppose formellement cette identité, quand 
il écrit : « Semé dans la corruption, le corps ressuscite 
incorruptible; semé dans l'ignominie, il ressuscite glo- 
rieux; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de 
force; semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. » 
I Cor., xv, 42-44. La différence des éléments matériels 
n'est pas un obstacle plus grand à l'identité du corps 
ressuscité, que leur merveilleuse transformation. 

H. Lesêtre. 

2. RÉSURRECTION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS- 
CHRIST. Voir Jésus-Christ, t. ni, col. 1478-1480. 

3. RÉSURRECTION DES MORTS (grec : àvâinaa!;; 

Vulgate : resurrectio), retour de l'homme à la vie par îa 
réunion de l'âme et du corps séparés par la mort. 

I. Dans l'Ancien Testament. — Dans les plus an- 
ciens Livres sacrés, il n'est point fait d'allusion formelle 
à l'idée d'une résurrection corporelle. L'idée contraire 
est même communément exprimée, non pour nier la 
possibilité d'une résurrection, mais pour constater que, 
dans le cours ordinaire des choses, elle ne se produit 
pas. « L'homme se couche et ne se relève plus », Job, 
xiv, 12, c'est-à-dire qu'il s'étend dans le tombeau et 
n'en sort plus. Cf. Ps. su (xl), 9; xliii (xlii), 17; 
Am., vm, 14. Cependant, si la loi qui fait retourner à 
la poussière l'homme tiré de la poussière, Gen., m, 
19, ne comportait pas d'exception, il était possible d'es- 
pérer une résurrection future, un retour des corps de 
l'état de poussière à l'état vivant par leur réunion avec 
les âmes immortelles. Cette espérance fut lente à poin- 
dre en Israël. On ne peut trouver un témoignage en fa- 
veur de la croyance à la résurrection dans le soin que 
les Hébreux prenaient de la sépulture de leurs morts. 
Voir Morts, t. iv, col. 1316. Les Égyptiens faisaient bien 
davantage pour les cadavres des morts et, chez la plu- 
part des peuples sémites, des soins analogues étaient 
pris, sans que l'idée de résurrection future y fût pour 
quelque chose. On croyait seulement que la sépulture 
du cadavre était nécessaire pour que l'âme pût pénétrer 
dans le royaume des morts et y mener en paix la vie 
d'outre-tombe. Voir <Sépi.'lture. L'idée de résurrection, 
vint aux Hébreux d'antiques traditions que la révélation 
éveilla, précisa et développa peu à peu. 

1» Bans Job. — L'auteur du livre de Job ne fait ordi- 
nairement appel qu'aux sanctions temporelles pour ré- 



1065 



RÉSURRECTION DES MORTS 



106$ 



soudre le problème de l'épreuve infligée à l'homme de 
bien. Mais, pressé par la discussion et désespérant de 
convaincre ses amis de son innocence, soit parsesaffir- 
mations réitérés, soit par un prompt retour à la prospé- 
rité, Job évoque le témoignage futur d'un go'êl ou ven- 
geur vivant. Voir Job, t. ni, col. 1576, la traduction de 
ses paroles; Job, xix, 25-27. Les mots hébreux de ce 
texte fournissent matière à discussion, mais, de quelque 
manière qu'on les interprète, il reste que le Vengeur 
vivant se lèvera le dernier, ou à la fin, sur la poussière 
du tombeau, et que celui qui était poussière le verra 
de ses propres yeux, qui devront alors lui avoir été 
restitués, ce qui suppose une résurrection. Dans toutes 
les versions, l'idée de résurrection est formulée plus 
ou moins expressément. On a prétendu que, si l'appel 
à la résurrection future avait été dans la pensée de l'au- 
teur, le débat serait clos par le fait même et la suite 
du livre n'aurait plus raison d'être. Cf. Loisy, Le livre 
de Job, Paris, 1892, p. 6-11. Mais, bien que ses amis 
ne semblent tenir aucun compte de sa déclaration, Job 
n'attend rien sur la terre, puisqu'il se déclare sûr de 
bientôt mourir. Job, xxx, 19-23. La solution ménagée 
par l'épilogue est donc incomplète, et la compensation 
à laquelle Job aspire n'est autre que la vision de Dieu 
dans l'au-delà. Cf. V. Rose, Étude sur Job, xix, 25-27, 
dans la Revue biblique, 1896, p. 39-55; Vidal, L'idée 
de résurrection dans Job, dans la Revue du clergé, 
1 er février et 15 mars 1909. 

2° Dans Osée. — Pour décrire la restauration d'Israël, 
ce prophète emprunte ses images à l'idée de résurrec- 
tion : 

Venez et retournons à Jéhovah... 

En deux jours il nous fera revivre, 

Le troisième jour il nous relèvera. 

Et nous vivrons devant sa face. Ose., vi, 2, 3. 

Je les rachèterai de la main du sche'ôl, 

Je les délivrerai de la mort. 

Où est ta peste, ô mort ? 

Où est ta destruction, ô sche'ôl? Ose., xrv, 14. 

La résurrection ne vient ici que comme comparaison 
sans doute ; mais l'allusion est si claire que saint Paul 
peut signaler dans la résurrection des justes la vérifi- 
cation des dernières paroles du prophète. I Cor., xv, 55. 
3° Dans Isaïe. — Le prophète veut célébrer la gloire 
de son peuple racheté par Dieu. Il dit d'abord des en- 
nemis : 

Morts, ils ne reviendront pas à la vie, 

Ombres, ils ne se relèveront point. Is., xxvi, 14. ■ 

Puis, s'adressant au peuple régénéré, il dit : 
Que les morts revivent, 
Que mes cadavres se relèvent ! 
Réveillez-vous et chantez, 
Vous qui habitez la poussière ! 
Car votre rosée est rosée d'aurore 
Et la terre fait renaître les ombres. Is., xxvi, 19. 

On sait que, dans le style prophétique, la restauration 
d'Israël figure la rédemption de l'humanité et, pour un 
avenir plus lointain, la vie éternelle. Aussi des auteurs 
comme Frd. Delitzsch, Dillmann et Duhm, reconnaissent- 
ils que, dans ce texte, l'idée de la résurrection future 
se présenté au premier plan. Cf. Lagrange, L'apocalypse. 
d'Isaïe, dans la Revue biblique, Paris, 1894, p. 211, 2jf 2. 

4° Dans Ézéchiel. — Le prophète a une vision qui se 
rapporte à la restauration d'Israël. Dans cette vision, il 
a sous les yeux des ossements desséchés épars dans une 
vaste plaine. Sur l'ordre de Jéhovah, il voit ces ossements 
se revêtir de muscles, de chair et de peau. Ensuite l'es- 
prit revient en eux, ils se redressent, ils revivent et for- 
ment une « grande, très grande armée. » Ezech., xxxvn, 
1-10. C'est la scène même de la résurrection des morts. 
Dieu dit ensuite au prophète : « Ces ossements, c'est 
toute la maison d'Israël... J'ouvrirai vos tombeaux, je 
vous ferai remonter hors de vos tombeaux, ô mon 



peuple, et je vous ramènerai sur la terre d'Israël. » 
Ezech., xxxvn, 11, 12. La résurrection des morts n'es 
donc prise ici que comme terme de comparaison. Tou- 
jours est-il que, pour figurer les restaurations d'Israël 
comme chose possible et certaine, il fallait que la ré- 
surrection fût tenue pour telle par le prophète et par 
ceux auxquels s'adressait. Car son affirmation revenait 
à ceci : aussi réellement que les morts ressusciteront à 
la voix de Dieu, vous, vous serez tirés de votre état de 
servitude et d'abjection. 

5« Dans Daniel. — Avec ce prophète, la-doctrine de- 
là résurrection des morts trouve sa formule précise. 
« En ce temps-là, lui dit l'ange, se lèvera Michel) le grand 
chef, qui se tient près des enfants de ton peuple, et ce 
sera un temps d'angoisse tel qu'il n'y en eut jamais 
depuis qu'il existe des nations jusqu'à ce jour; alors 
seront sauvés de ton peuple tous ceux qui seront trou- 
vés inscrits dans le livre. Et beaucoup de ceux qui dor- 
ment dans la poussière se réveilleront, les uns pour 
une vie sans fin, les autres pour l'opprobre et la honte 
éternelle. Ceux qui auront été c(es sages brilleront 
comme la splendeur du firmament, et ceux qui en au- 
ront guidé beaucoup vers la justice, comme les étoiles, 
éternellement et toujours. » Dan., xu, 1-3. La formule 
n'est pourtant pas encore^ complète. La résurrection fu- 
ture est affirmée pour les Israélites, fidèles ou infidèles, 
mais, d'après divers interprètes, il n'est pas certain que 
le prophète ait l'intention de l'étendre à tous « ceux qui 
dorment dans la poussière. » Cependant la restriction 
n'est pas tellement expresse qu'on ne puisse entendre 
ce qu'il dit dans le sens de l'universalité. — On s'est 
demandé si Daniel n'aurait pas emprunté aux Perses 
ses idées sur la résurrection. Mais les Perses de son 
époque croyaient-ils à la résurrection ? Un trait rapporté 
par Hérodote, m, 62, prouve qu'au temps de Cambyse 
on admettait la possibilité d'une résurrection indivi- 
duelle; mais il n'est nullement question d'une résur- 
rection générale pour l'avenir. On cite surtout un texte 
de Théopompe, rapporté par trois écrivains. D'après 
Plutarque, De Is. et Osir., 47, Théopompe aurait 
appris des mages qu'un jour l'Hadès serait vaincu et 
que les hommes n'auraient plus besoin de nourriture 
pour vivre. A la fin du second siècle, Diogène Laerce, 
Proœm., édit. Didot, 9, fait dire à Théopompe que, 
selon les mages, les hommes doivent revenir à la vie 
et devenir immortels. Enfin, avec Enée de Gaza, chré- 
tien de la fin du v e siècle, le dire de Théopompe prend 
la forme suivante : « Zoroastre prédit qu'un temps vien- 
dra où il y aura une résurrection de tous les morts.. » 
Fragm. H. G., 1. 1, p. 289. En réalité, il y a là un texte 
qui va en se précisant avec le temps, au gré des auteurs 
qui le rapportent. Quant à la doctrine de la résurrec- 
tion, elle n'est formulée que dans l'Avesta postérieur, 
qui ne fut clos qu'au troisième siècle de l'ère chrétienne. 
Cf. Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 33- 
35. — Par contre, l'idée de résurrection est familière 
à la mythologie babylonienne. Dans le poème de la Des- 
cente d' 1 star aux enfers , on voit Istar et Tammouz re- 
monter vivants du séjour des morts. Cf. Fr. Lenormant, . 
Mélanges d'archéologie égyptienne et assyrienne, t. 1, 
p. 31-35; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 693-696; 
Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, p. 339- 
341. Les grands dieux, Mardouk, Éa, Nébo et les autres 
ont le pouvoir de rappeler les morts à la vie. A. Jere- 
mias, Babylonisch-Assyrischen V orstellungen vont 
Leben nach dem Tode, Leipzig, 1889, p. 100-101, donne 
la liste des dieux qui ont le droit de ressusciter des 
morts; ce sont probablement les divinités de premier 
rang. Mardouk marche naturellement en tête. Il est 
appelé « le miséricordieux qui se plaît à éveiller les 
morts, le miséricordieux à qui il est permis de rendre 
la vie, le maître de la libation pure, qui éveille les 
morts. » Cf. Jensen, Die Kosnwlogie der Babylonier, 



1067 



RÉSURRECTION DES MORTS 



4068 



Strasbourg, 1890, p. 296-297; Dhorme, Choix de textes 
religieux, p. 71. Il est invoqué comme « celui qui rend 
la vie aux morts. » Cf. Fr. Martin, Textes religieux assy- 
riens et babyloniens, Paris, 1903, p. 217. Ces testes et 
d'autres semblables supposent au moins que l'idée de 
résurrection n'était pas étrangère aux anciens Babylo- 
niens. Ils regardaient comme possible la sortie de 
Varallu, le séjour des morts, et ils reconnaissaient à 
leurs dieux la puissance de la procurer. Seuls du reste, 
parmi les anciens Sémites, sans parler des Hébreux, ils 
se sont préoccupés du grave problème de la résurrec- 
tion. « Si l'on songe à l'influence extraordinaire exercée 
par la Châldée dans le domaine religieux et au nombre 
assez élevé des croyances communes à tous les Sémites, 
on ne sera pas éloigné de placer la résurrection dos 
corps parmi les idées dont se préoccupait le monde 
ancien vers 2000 avant J.-C, et le soin pris des sépul- 
tures trouve encore dans l'attente delà résurrection une 
explication plus complète. On ne voit pas d'ailleurs 
qu'il se soit formé sur ce point une doctrine universelle 
et très ferme. Tout en admettant la possibilité de la ré- 
surrection* en en conservant probablement l'espérance, 
les Babyloniens n'ont pas fait de ce pressentiment un 
article de foi fondamental. » Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 340. Cf. A. Lods, 
La croyance à la vie future et le culte des morts dans 
l'antiquité israélite, 2 in-8", Paris, 1906, et Revue bi- 
blique, 1907, p. 422-433. Logiquement la foi en la 
résurrection future se rattachait aux traditions con- 
cernant la chute originelle. La mort avait été, non 
pas une nécessité matérielle, mais le châtiment du 
péché. Gen., H, 17. La promesse d'une revanche de 
l'humanité contre celui qui fut l'instigateur de la faute 
permettait de compter sur le rétablissement de toutes 
choses en l'état primitif, par conséquent sur une res- 
titution de la vie au composé humain tout entier, mal- 
gré la ruine momentanée du corps après la mort. Cette 
idée persista, à l'état un peu vague, chez les Chaldéens, 
comme le montrent les textes. Les patriarches hébreux 
emportèrent-ils avec eux quelque chose de cette espé- 
rance ? L'Écriture ne dit rien à ce sujet. Le séjour des 
Hébreux en Egypte les mit en contact avec un peuple 
qui possédait une notion très nette de la survivance 
de l'âme, mais n'était pas si explicite sur la résurrection 
du corps. Ce n'est donc pas l'Egypte qui devait leur 
parler de la résurrection. Ce ne fut pas non plus Moïse, 
qui n'eut pas à transmettre de révélation sur cette ques- 
tion. Ce furent encore moins les Chananéens, aux yeux 
desquels « tout demeurait impuissant à arracher les 
morts à l'oppression du sépulcre. » Vincent, Canaan, 
Paris, 1907, p. 295. Et cependant l'idée de résurrection 
apparaît tout d'un coup dans le livre de Job, écrit, croit- 
on, au x° siècle avant J.-C. au plus tôt, et ensuite, avec 
plus de précision, dans Osée, au vm« siècle. Est-il néces- 
saire de rechercher au dehors l'influence qui a éveillé 
en eux l'espérance de la résurrection, traditionnelle chez 
leurs ancêtres chaldéens, mais profondément endormie 
chez leurs compatriotes? Non, évidemment, puisque ces 
auteurs étaient inspirés et que, quelque excitation qu'ils 
aient subie du dehors, ils avaient l'Esprit de Dieu pour 
leur rappeler et, au besoin, leur révéler ce qu'ils 
avaient à dire. Dans la révélation progressive qui fut 
faite aux Hébreux, la croyance à la résurrection future 
vint donc à son tour, à l'heure choisie par Dieu pour 
la rendre explicite dans la foi de son peuple. 

6° Dans les Machdbées. — De magnifiques profes- 
sions de foi en la résurrection sont consignées dans le 
récit du martyre des sept frères et de leur mère, sous 
Antiochus IVEpiphane. Plusieurs de ces jeunes héros se 
consolent eux-mêmes en évoquant la certitude de leur 
résurrection, et ils en font une menace à l'adresse du 
tyran : « Scélérat que tu es, tu nous êtes la vie présente, 
mais le Roi de l'univers nous ressuscitera pour une vie 



éternelle, nous qui mourons pour être fidèles à ses lois. » 
irMach., vu, 9. « Je tiens ces membres du ciel, mais, 
à cause de ses lois, je les dédaigne, et c'est de lui que 
j'espère les recouvrer un jour. » II Mach., vu, 11. « Heu- 
reux ceux qui meurent de la main des hommes, en es- 
pérant de Dieu qu'ils seront ressuscites par lui ! Quant 
à toi, ta résurrection ne sera pas pour la vie.» II Mach., 
vu, 14. Cf. Heb., xi, 35. Et la mère, pour soutenir le 
courage de ses fils, leur disait : « Le créateur du monde 
vous rendra dans sa miséricorde et l'esprit et la vie, 
parce que maintenant vous vous méprisez vous-mêmes 
pour l'amour de sa loi. » II Mach., vu, 23. La résurrec- 
tion est ainsi affirmée, non seulement pour les justes, 
mais même pour le persécuteur ; seulement sa résur- 
rection ne sera pas pour la vie. II Mach., vu, 14. L'àvà- 
trzixmç sis ïwr,v dont il est ici question paraît être en 
effet la résurrection le-hayyê 'ôldm, sis Çwt]v a'ioimov, 
« pour la vie éternelle », que Daniel, xn, 2, oppose à 
la résurrection pour l'opprobre éternel. Il se pourrait 
cependant que le texte des Machabées voulût dire sim- 
plement qu'Antiochus ne reviendra pas plus tard à la 
vie, c'est-à-dire ne ressuscitera pas du tout. Mais ce se- 
cond sens ne s'impose nullement de préférence au pré- 
cédent. — Un autre passage du même livre ajoute une 
nouvelle notion à celle de la résurrection. A la suite 
d'une bataille, Judas Machabée prie et fait offrir un 
sacrifice à Jérusalem pour ceux de ses soldats qui sont 
morts. Après avoir relaté le fait, l'historien sacré pour- 
suit: « Belle et noble action inspirée par la pensée de 
la résurrection ! Car s'il n'avait pas cru que les soldats 
Lues dans la bataille dussent ressusciter, c'eût été chose 
inutile et vaine de prier pour des morts. » Mach., xn, 
43-44. La Vulgate traduit un peu différemment, sans 
que le sens soit modifié. Avant la résurrection, il y a 
donc une expiation nécessaire pour les justes qui sont 
morts avec quelques fautes pardonnables, et les vivants 
peuvent aider les morts dans cette expiation. 

7° Dans la Sagesse. — C'est surtout la foi à l'immor- 
talité qui est affirmée énergiquement dans ce livre. Les 
impies de ce temps disent déjà : « On ne connaît per- 
sonne qui soit revenu du séjour des morts. » Sap., H, 

1. Mais ils se trompent. Sap., n, 21. Donc le contraire 
est vrai; on reviendra du séjour des morts et, un jour, 
les bons et les méchants se retrouveront en face les uns 
dès autres au jugement de Dieu. Si la résurrection 
n'est pas plus nettement affirmée, elle est du moins 
supposée par l'attitude qui est prêtée aux impies devant 
le tribunal suprême et par la nature des châtiments qui 
fondent sur eux. Sap., v, 2-23. Mais l'auteur se place 
presque exclusivement au point de vue de l'âme séparée 
du corps et pouvant vivre sans lui dans un autre monde, 
comme elle le fera en réalité depuis la mort jusqu'à la 
résurrection. Sans doute, il rappelle, au sujet des im- 
pies, les sanctions temporelles auxquelles s'arrêtaient 
presque toujours les écrivains sacrés qui l'ont précédé. 
Sap., m, 10-IV, 6. 11 ne paraît nullement, néanmoins, 
que les impies dont il parle soient exclusivement des 
Israélites. Or, impies et justes comparaissent également 
au tribunal de Dieu. Sap., iv, 20; v, 1, 2. Les justes y 
viennent en corps et en âme, d'après Daniel, xn, 1-3; 
on peut donc considérer comme acquis que les mé- 
chants en général y seront dans le même état, ainsi que 
le prophète l'a affirmé déjà des Israélites infidèles. 

8° Dans les apocryphes. — Le Livre d'Hénoch re- 
présente l'état des idées palestiniennes dans le siècle 
qui a précédé Jésus-Christ. On y lit : ce En ces jours, la 
terre rendra son dépôt, et le sche'ol rendra ce qu'il a 
reçu, et les enfers rendront ce qu'ils doivent. Il (l'Élu de 
Dieu) choisira parmi eux les justes et les saints, car il 
est proche le^jourjoù ils seront sauvés. » Hénoch, li, 1, 

2. Les anges ont en main des mesures qui seront un 
instrument de résurrection. « Ces mesures révéleront 
tous les secrets de l'abime de la terre, et ceux qui ont 



1069 



RÉSURRECTION DES MORTS 



1070 



été détruits par le désert, et ceux qui ont été engloutis 
par les poissons de la mer et par les bêtes, afin qu'ils 
reviennent et qu'il s'appuient sur le jour de l'Élu ; car 
il n'y a rien qui périsse devant le Seigneur des esprits, 
et il n'y a rien qui puisse périr. » Hénoch, lxi, 5. « Alors 
les justes surgiront de leur sommeil, la sagesse se lèvera 
aussi et leur sera donnée. » Hénoch, xci,10; cf. xcii, 3; 
c, 5. L'ange Remeiel est préposé par Dieu aux ressusci- 
tes. Hénoch, xx, 8. Ces passages doivent s'entendre d'une 
résurrection générale aussi bien des Gentils que des 
Israélites, bien que dans d'autres parties du livre, dû à 
des auteurs différents, la résurrection corporelle soit 
restreinte aux justes et à certaines catégories de Gentils. 
Gf. Fr. Martin, Le livre d' Hénoch, Paris, 1906, p. xxxv- 
xxxvii. — La résurrection des justes est encore affirmée 
dans le Psautier de Salomon, antérieur d'environ un 
demi-siècle à Jésus-Christ. Les justes ressusciteront, 
mais les méchants, ou seront détruits, ou, plus proba- 
blement, ne ressusciteront pas « pour la vie ». Psalt. 
Salom.,m, 16; xiv, 2, etc. Cf. Touzard, Le dévelop- 
pement de la doctrine de l'immortalité, dans la Revue 
biblique, 1898, p. 240. — Plus tard, la doctrine de la ré- 
surrection générale est encore professée dans VApoca- 
lypsede Baruch, xxx, 1-5; l, 1;'li, 6; IV Esd., vu, 32 ; 
le Testament des XII patriarches, Juda, 25 ; Benjamin, 
10. Mais il se peut que ces apocryphes aient déjà subi l'in- 
fluence chrétienne. — Philon, contemporain de Jésus- 
Christ, s'en tient à peu près aux données des apocry- 
phes. Il ignore la résurrection des corps et, quant aux 
âmes, s'il croit fermement à l'immortalité des âmes des 
justes, il dit seulement que les âmes des méchants sont 
déjà comme mortes en ce monde. Cf. J. Martin, Philon, 
Paris, 1907, p. 247-254. 

A l'époque qui précède immédiatement l'Évangile, la 
croyance à la résurrection se présente donc sous la 
forme suivante : les Israélites, fidèles ou infidèles, res- 
susciteront dans leur corps avant le dernier et solennel 
jugement; en attendant, leur âme séparée du corps 
peut avoir à subir une expiation dont l'exemptent plus 
ou moins les prières des vivants. Quant à ceux qui ne 
sont pas Israélites, ils subiront le jugement divin et il 
est à croire qu'eux aussi ressusciteront dans leur corps. 
II. Dans i.e Nouveau Testament. — 1» Doctrine de 
Notre-Seigneur. — Le Sauveur déclare que son Père lui 
a donné le pouvoir de juger les hommes, en sa qualité 
de Fils de l'homme. Il ajoute, en s'adressant aux Juifs : 
« Ne vous en étonnez donc pas ; car l'heure vient où tous 
ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix. 
Et ils en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour 
une résurrection de vie ; ceux qui auront fait le mal 
pour une résurrection de condamnation. » Joa., v, 28, 
29. Ici, plus de différence entre Juifs et Gentils ; « tous 
ceux qui sont dans les sépulcres, » par conséquent, 
tous les morts, ressusciteront pour être jugés. Dans 
sondiscours sur le pain de vie, Notre-Seigneur promet 
de ressusciter lui-même au dernier jour celui qui croira 
«n lui, Joa., vi, 39, 40, celui qui obéira à l'appel et à 
Ja grâce du Père, Joa., vi, 44, et celui qui se nourrira 
du pain eucharistique. Joa., vi, 54. Ceux que le Sauveur 
ressuscitera « lui-même » ressusciteront « pour la vie ». 
Cette affirmation n'exclut pas celle qui précède, sur la 
résurrection des méchants. Celui qui fait du bien aux 
pauvres aura sa récompense « à la résurrection des 
justes, » Luc, xiv, 14 ; car, à celle des méchants, il n'y 
aura que des châtiments. A Marthe, qui atteste sa foi 
en la résurrection du dernier jour, Notre-Seigneur dé- 
clare qu'il est lui-même « la résurrection et la vie, » 
c'est-à-dire le principe de la résurrection pour ceux 
■qui auront cru en lui. Joa., xi, 25. Avant le dernier juge- 
ment, « il enverra ses anges avec une trompette et une 
■voix puissante, et ils rassembleront ses élus des quatre 
vents, des hauteurs des cieux à leurs limites. » Matth., 
xxiv, 31 ; Marc, xiii; 27. Puis, les bons seront placés à 



droite et les méchants à gauche, et la sentence sera 
. prononcée selon les mérites de chacun. Matth., xxv, 
32, 33, 46. Ces images supposent que le souverain Juge 
fait comparaître devant lui tous les hommes en corps 
et en âme. Elles ne prouvent pas à elles seules qu'il 
en sera ainsi, mais elles s'harmonisent parfaitement 
avec les autres déclarations qui les complètent. 

2» La négation des Sadducéens. — Dans les derniers 
jours de sa vie, Notre-Seigneur fut abordé par des 
sadducéens, « qui nient la résurrection. » Ces sectai- 
res n'admettaient ni l'immortalité de l'âme, ni les châ- 
timents et les récompenses de l'autre vie, et ils pré- 
tendaient que les âmes périssent avec les corps. Cf. Josè- 
phe, Bell, jud., II, vm, 14; Ant. jud., XVIII, i, 4. 
« Encore que les Juifs eussent dans leurs Écritures 
quelques promesses des félicités éternelles, et que vers 
les temps du Messie, où elles devaient être déclarées, 
ils en parlassent beaucoup davantage, comme il parait 
par les livres de la Sagesse et des Machabées, toutefois 
cette vérité faisait si peu un dogme formel et universel 
de l'ancien peuple, que les sadducéens, sans la recon- 
naître, non seulement étaient admis dans la Synago- 
gue, mais encore élevés au sacerdoce. » Bossuet, Disc, 
sur l'hisl. univers., Il, i9, édit. Bar-Ie-Duc, 1870, t. ix, 
p. 467. Pour justifier leur négation, ils avaient imaginé 
un cas qu'ils croyaient insoluble et péremptoire contrela 
résurrection : Une femme a successivement épousé sept 
frères; si l'on ressuscite, duquel des sept serait-elîe 
l'épouse? La difficulté eût été la même avec deux époux 
successifs ; mais en compliquant le cas, les sadducéens 
pensaient fortifier leur argument. Notre-Seigneur ren- 
verse d'un mot leur échafaudage, en leur faisant obser- 
ver que les hôtes du ciel deviennent comme les anges 
de Dieu, par conséquent immortels et dégagés des liens 
de la matière; ils n'ont donc pas à contracter ou à 
renouer des unions qui ont pour but la propagation de 
l'espèce humaine, puisqu'au ciel cette propagation n'a 
pas de raison d'être. Le coté négatif de la thèse saddu- 
céenne ainsi écarté, le Sauveur passe à la démonstra- 
tation positive de la résurrection. L'argument choisi 
est emprunté aux paroles du Seigneur à Moïse : « Je 
suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de 
Jacob. » Exod., m, 6. Or, conclut le Sauveur, « Dieu 
n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. » 
Matth., xxn, 23-33; Marc, xn, 18-27; Luc, xx, 27-40. 
Saint Jérôme, In Matth., îv, 22, t. xxvi, col. 165, 
observe que Notre-Seigneur aurait pu citer des textes 
beaucoup plus probants, par exemple, Is., xxvi, 19, et 
Dan., xn, 2; mais il prétend que Notre-Seigneur 
pris un texte de l'Exode parce que les sadducéens n'ao. 
mettaient dans l'Écriture que le Pentateuque. Cette 
assertion, empruntée à Origéne, et reproduite par les 
Philosophumena, IX, 29, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 469, 
et d'autres, ne s'appuie sur aucun témoignage authen- 
tique et ne peut être considérée comme exacte, d'après 
Schiirer, Geschichte des jûdisch. Volket, t. n, p. 411, 
412. Ce qui est vrai, c'est que les sadducéens n'admet- 
taient que les pratiques prescrites par la Loi et rejetaient 
celles qu'avaient introduites les docteurs. Puisqu'ils 
connaissaient si bien la Loi, ils auraient dû remarquer 
le texte si mémorable que Notre-Seigneur signale à leur 
attention, et c'est pourquoi ce texte leur est cité. La 
valeur de l'argument venait de ce que le Seigneur n'a 
pas dit : « J'ai été le Dieu d'Abraham, » mais « Je suis 
le Dieu d'Abraham. » Comme Dieu n'est que le Dieu des 
vivants, il suit de là qu'Abraham, Isaac et Jacob sont 
encore vivants, non par leur corps, qui est au sépulcre, 
mais par leur âme. Or l'immortalité de l'âme entraînait, 
pour les Juifs, la résurrection future du corps, comme 
le donne à conclure le texte II Mach., xn, 43-46. Si 
cette manière d'argumenter peut paraître manquer de 
rigueur, c'était celle des Juifs. Notre-Seigneur se met 
à leur portée; il est compris et sa démonstration est 



1071 



RÉSURRECTION DES MORTS 



1072: 



acceptée comme irréfutable. Pour les docteurs, en effet, 
« celui qui dit que la résurrection des morts ne découle 
pas de la Loi, n'a aucune part au monde à venir. » 
Sanhédrin, x, 1. Là doctrine défendue par Notre-Sei- 
gneur était alors commune et particulièrement professée 
par les pharisiens. Aussi ces derniers se montrèrent-ils 
enchantés que le divin Maître eût péremptoirement 
réfuté les sadducéens. Matth.,xxn, 33; Marc, xii, 28; 
Luc.,- xx, 39. 

3 3 Les affirmations des Apôtres. — Saint Paul écrit 
aux Romains, vin, 11 : « Celui qui a ressuscité le Christ 
d'entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels, 
à cause de son Esprit, qui habite en vous. » S'adressant 
aux Corinthiens, il s'élève contre ceux qui, parmi eux, 
disent qu'il n'y a point de résurrection des morts. 
I Cor., xv, 12. Cette négation provenait sans doute soit 
d'une source sadducéenne parmi les chrétiens d'origine 
juive, soit d'une source grecque parmi les autres. On 
sait comment les Athéniens accueillirent l'Apôtre quand 
il parla de résurrection. Act., xvn, 32. Saint Paul fail 
valoir les raisons suivantes pour démontrer la résur- 
rection future. S'il n'y a pas de résurrection possible, 
le Christ lui-même n'est pas ressuscité, et si le Christ 
n'est pas ressuscité, c'est toute la foi des chrétiens qui 
croule, entraînant dans son désastre l'espérance du 
salut à venir. Or, le Christ est vraiment ressuscité, 
comme l'Apôtre l'a prouvé antérieurement, 1 Cor., xv, 
3-8; donc il y a une résurrection possible. I Cor., xv, 
12-18. Mais le Christ ressuscité est « les prémices de 
ceux qui se sont endormis, » c'est-à-dire le premier à 
passer par une condition qui sera celle des autres après 
lui. Il sera pour la résurrection ce qu'Adam a été pour 
la mort; le sort du premier entraîne le sort de tous ceux 
qui lui sont unis. I Cor., xv, 2Q-28. Cf. Rom., VI, 5. S'il 
n'y avait pas de résurrection, il n'y aurait plus de rai- 
son d'être dans tout ce qu'on fait pour les morts, ni 
dans les graves périls auxquels l'Apôtre s'expose pour 
ses fidèles. La seule règle de vie se résumerait en deux 
mots : « Mangeons et buvcns. » I Cor., xv, 29-34. 
Cf. Sap., ii, 1-9. Cette argumentation ne prouve la 
résurrection qu'en faveur des chrétiens; mais saint 
Paul n'avait pas besoin de prouver davantage à ses fidè- 
les .de Corinthe. La dernière raison ne vaudrait qu'en 
faveur de l'immortalité de l'âme. La thèse générale n'en 
est pas moins bien démontrée, parce que l'idée de 
résurrection était liée intimementà celle d'immortalité, 
et que précédemment l'Àpôtre a présenté Jésus-Christ 
ressuscité en corps et en âme comme le typé auquel 
seront conformés les fidèles. — Dans sa seconde lettre 
aux Corinthiens, saint Paul affirme encore la résurrec- 
tion, « sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur 
Jésus nous ressuscitera aussi avec Jésus, et nous pré- 
sentera à lui avec vous. » II Cor., iv, 14. 11 dit aux 
Philippiens, m, 10, 11, qu'il s'efforce d'acquérir la jus- 
tice par la foi dans le Christ, « afin de le connaître, 
■ lui et la vertu de sa résurrection, et d'être admis à la 
communion de ses souffrances, en lui devenant con- 
forme dans sa mort, pour parvenir, si je le puis, à la 
résurrection des morts. » A Timothée, il signale « Hymé- 
née et Philète, qui se sont éloignés de la vérité en 
disant que la résurrection a déjà eu lieu, et qui renver- 
sent la foi de plusieurs. » II Tim., Il, 18. Ces hérétiques 
préludaient à l'erreur des sectaires qui prétendirent 
plus tard qu'il n'y aurait pas de résurrection corporelle, 
la seule vraie résurrection consistant à passer de 
l'erreur à la vérité. Cf. S. Irénée, Adv. hmres., Il, 31, 
t, vu, col. 825; Tertullien, De resur. carn., 19, t. n, 
col. 820. — L'Épitre aux Hébreux, vi, 2, range la 
résurrection des morts au nombre des premiers élé- 
ments de la doctrine chrétienne. — Saint Jean appelle 
« première résurrection » la première phase de la 
vie éternelle, celle qui va de la mort du juste à la 
résurrection des corps. Apoc, xx, 5, 6. Il parle ensuite 



de la résurrection des morts en se servant des termes- 
du Livre d'Hcnock, Ll, 1, 2 : « La mer rendit ses morts, 
la mort et l'enfer rendirent les leurs, et ils furent jugés- 
chacun selon ses oeuvres. » Apoc, xx, 13. — Dès l'ori- 
gine, tous les symboles chrétiens professent la foi en la 
« résurrection de la chair. » Cf. Denzinger, Enchiri- 
dion, p. 2-11. Les artistes chrétiens ont aimé à repro- 
duire ce sujet dans leurs représentations des événe- 
ments de la fin du monde. 

4° Mode de la résurrection. — Saint Paul traite cette 
question pour la première fois dans sa première Epître 
aux Thessaloniciens, IV, 13; v, 3. Les fidèles de Thessa- 
lonique croyaient à la résurrection future; mais, se 
figurant que cette résurrection allait se produire dans 
un avenir très prochain, ils se demandaient avec anxiété 
de quelle manière elle s'accomplirait, pour leurs morts- 
et pour enx-mêmes. Saint Paul leur répond, mais il ne 
traite que de la résurrection des justes, les seuls qui 
soient ici en question. On n'a pas le droit d'en tirer 
cette conséquence que l'Apôtre adoptait la théorie juive 
qui n'admettait à la résurrection que les justes seuls- 
Lui-même a déclaré formellement « qu'il y aura une- 
résurrection des justes et des pécheurs. i> Act., xxiv, 15. 
II se préoccupe ici d'établir la parfaite égalité des morts 
et des vivants devant le Christ, quand il apparaîtra pour 
juger les hommes et établir son règne triomphant. Tous- 
ensemble, vivants et morts, seront introduits par lui 
dans la vie bienheureuse. Ceux qui c se sont endor- 
mis » ne seront donc pas laissés de côté ou ne verront 
pas différer indéfiniment le temps de leur bonheur. Par 
conséquent, les Thessaloniciens doivent se consoler, au 
lieu de s'affliger comme ceux qui n'ont pas d'espérance 
et pensent que la mort les sépare à tout jamais les uns. 
des autres. La résurrection du Sauveur est le gage que 
les fidèles qui ne sont plus lui seront réunis un jour.- 
1 Thés-, iv, 13-14. Voici d'ailleurs comment les choses 
se passeront; saint Paul l'enseigne « d'après la parole 
du Seigneur, » c'est-à-dire d'après la doctrine du divin 
Maître, telle qu'il l'avait reçue lui-même. Cf. I Cor., xi, 
23. « Nous, les vivants, laissés pour l'avènement du 
Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont 
endormis. » Saint Paul parle ici comme s'il devait être au 
nombre de ceux qui verront la résurrection de leur 
vivant même. S'exprime-t-il ainsi pour entrer dans 
l'hypothèse des Thessaloniciens qui croyaient la parou- 
sie prochaine, ou pour rendre son explication plus topi- 
que en se mettant lui-même en scène avec ses lecteurs? 
Plusieurs admettent cette seconde explication, en allé- 
guant que saint Paul use souvent de ce procédé de lan- 
gage . I Cor., vi, 14, etc. Cf. Cornely, 1 Epist. ad Cor., 
Paris, 1890, p. 510. Voir Fin du monde, t. n, col. 2275- 
2276. 

Mais, quel que soit le point de vue auquel se place- 
l'Apôtre, son enseignement sur les conditions de la ré- 
surrection ne s'en impose pas moins. « Au signal donné,, 
à la voix de Farchange, au son de la trompette divine, 
I Thess., iv, 16, le Seigneur lui-même descendra du 
ciel, » Matth., xxiv, 30; xxvi, 64; Marc, xm, 26; xiv,. 
62; Luc, xxi, 27 ; Act., i, 11, c'est-à-dire apparaîtra 
pour procéder au jugement des hommes. Alors, « ceux 
qui sont morts dans le Christ, » c'est-à-dire dans sa 
grâce, « ressusciteront d'abord, » tcoùtov , leçon préférée 
à TcotûTot, « les premiers », qui se lit dans un bon 
nombre de manuscrits. « Puis nous, qui vivons, qui 
sommes restés, nous serons emportés avec eux sur les. 
nuées à là rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi 
nous serons pour toujours avec le Seigneur. » I Thess.,, 
iv, 16-17. Pour être ainsi transportés, les corps des vi- 
vants devront subir #u préalable la transformation que 
saint Paul décrit ailleurs. I Cor., xv, 35-57. L'Apôtre 
n'ajoute rien sur le jugement et l'entrée au ciel, parce 
que les Thessaloniciens n'avaient pas besoin d'être ren- 
seignés sur ces questions. « Quant aux temps et aux. 



1073 



RÉSURRECTION DES MORTS 



1074 



moments, » c'est-à-dire à l'époque et aux circonstances, 
Dan., Il, 21; Sap., vm, 8; Luc, I, 7, etc., l'Apôtre n'a 
pas besoin d'en écrire, car les Thessaloniciens savent 
très bien que « le jour du Seigneur vient ainsi qu'un 
voleur pendant la huit, » c'est-à-dire que, comme le 
voleur qui arrive soudain pendant la nuit, le Seigneur 
apparaîtra sans qu'on s'y attende. I Thess., v, 1-3. 
Cf. Matth., xxiv, 42-44; Luc, xm, 3946; II Pet., m, 
10; Apoc, xvi, 15. .— Éclairés sur ce point, les Thes- 
saloniciens se laissaient émouvoir plus que de raison 
à la pensée d'un avènement imminent du Seigneur. Ils 
y étaient excités par de soi-disant révélations d'un es- 
prit, et par des propos et des lettres que l'on colportait 
comme étant de saint Paul lui-même. L'Apôtre leur 
écrit de ne pas se laisser alarmer, puisque, avant le 
jour du Seigneur, doit apparaître l'Antéchrist. II Thess., 
il, 1-4. — Ces premières questions résolues, d'autres 
se posaient tout naturellement : « Comment les morts 
ressuscitent-ils? Avec quel corps reviennent-ils? » 

I Cor., xv, 35. Les Corinthiens se préoccupaient de 
ces problèmes. Vivant au milieu de compatriotes que 
l'idée de résurrection faisait sourire, Act., xvii, 32, ils 
se heurtaient souvent, sans doute, aux objections mul- 
tiples que l'incrédulité leur opposait, ou que faisait 
naître leur ignorance. Beaucoup se figuraient, comme 
les sadducéens, que les corps ne pouvaient ressusciter 
qu'avec leurs propriétés naturelles, ce qui soulevait 
des difficultés presque insolubles contre la possibilité 
de la résurrection. L'Apôtre commence par établir que 
le corps subira une transformation radicale, analogue 
à celle du grain qui meurt en terre et d'où sort une 
plante qui a une tout autre forme que la semence, en 
vertu de la puissance végétative que Dieu donne au 
végétal. De même Dieu rendra la vie au corps qui périt 
en terre. Mais, quand il s'agit du grain, ce qu'on sème 
« n'est pas lé corps qui sera un jour. » Le corps de 
l'homme, au contraire, sera le même à la résurrection 
qu'au jour de la mort, avec cette différence que, semé 
dans la corruption, l'ignominie, la faiblesse, l'anima- 
lité, il ressuscitera incorruptible, glorieux, fort et spi- 
rituel. Il y aura cependant des degrés dans la perfection 
de cette transformation ; elle différera pour chacun 
comme diffèrent entre eux les corps, soit terrestres, 
soit célestes. Saint Paul attribue au corps ressuscité 
quatre propriétés : l'incorruptibilité, qui le rend im- 
passible et le soustrait à toute cause d'altération et de 
mort; cf. Apoc, vu, 16; la gloire, qui met en lui le 
reflet de la glorification de l'âme; cf. Matth., xm, 43; 
la vigueur et par conséquent l'agilité, qui permet au 
corps d'être totalement au service de l'âme au lieu de 
constituer pour elle une entrave; la spiritualité, qui 
soustrait le corps aux lois régissant la matière, lui per- 
met de vivre sans nourriture et l'assimile aux esprits 
dans toute la mesure possible. I Cor., xv, 36-44. Cette 
transformation est la conséquence de la régénération 
par le Christ. Adam a été créé « âme vivante » et ne 
put transmettre à ses enfants que ce qu'il avait par na- 
ture, un corps que l'âme devait animer ; par sa résur- 
rection, le Christ est devenu « esprit vivifiant », asso- 
ciant son corps aux propriétés de J'esprit et produisant 
la même transformation dans ses fils adoptifs. Adanj, 
tiré de la terre, ne transmettait qu'une vie terrestre ; 
le Christ, venu du ciel, associe tout l'homme à la vie 
céleste. I Cor., xv, 45-50. C'est donc « le Seigneur Jésus- 
Christ qui transformera notre corps si misérable, en le 
rendant semblable à son corps glorieux, par sa vertu 
puissante qui lui assujettit toutes choses. » Phil., m, 21. 

II est nécessaire qu'il en soit ainsi pour que l'homme 
tout entier participe à la gloire future; le séjour du ciel 
serait impossible à la chair et au sang, à ce qui est 
corruptible, par conséquent au corps non transfiguré. 
— Les paroles qui suivent se présentent sous trois formes 
différentes dans les manuscrits : « .Nous ressusciterons 



tous, mais nous ne serons pas tous changés ; — nous 
nous endormirons tous, mais nous ne serons pas tous- 
changes ; — nous ne nous endormirons pas tous, mais- 
nous serons tous changés. » La première leçon ne se 
lit guère que dans la Vulgate; la troisième est celle qui 
a le plus d'autorités pour elle. Les deux premières, 
d'ailleurs, concernent nécessairement la résurrection 
générale des bons et des méchants, tandis que, dans tout 
ce passage, saint Paul ne traite que de la résurrection 
des justes. L'Apôtre entend ici révéler un mystère, sur 
le sort de ceux qui seront vivants au moment de l'appa- 
rition du souverain Juge. Alors, en effet, Jésus-Christ 
viendra juger les vivants et les morts, comme le dit 
saint Pierre, Act., x, 42, et comme le répètent les sym- 
boles de foi catholique. Le mystère est celui du passage- 
direct à l'état glorieux des corps qui seront vivants à 
l'avènement du Christ. La transformation se fera « en 
un instant, en un clin d'oeil, au son de la dernière 
trompette. » La mort sera donc épargnée à la dernière 
génération des justes ; par la puissance de Dieu, ce 
qu'il y aura en eux de mortel sera absorbé par la vie.- 
II Cor., v, 4. Saint Paul parle ici de lui-même et de 
ses fidèles de Corinthe comme s'ils devaient être en vie 
quand la fin des temps se produira, Il répond ainsi à 
une question qui a dû être posée en ces termes : « Si 
l'avènement du Christ nous surprend encore en vie, 
qu'arrivera-t-il de nous? » L'hypothèse qu'il examine 
ne doit s'appliquer ni à lui, II Cor., iv, 14, ni à ses 
lecteurs, mais seulement à ceux qui verront la fin du 
monde. Cette manière de parler à l'a première personne 
est familière à l'Apôtre, même dans le cas où il est 
absolument hors de cause, comme I Cor., vi, 14, etc. 
Quand donc la résurrection aura été accomplie dans 
les conditions que vient de décrire saint Paul, tant 
pour les vivants que pour les morts, ce sera le triomphe 
définitif sur la mort, à laquelle l'homme avait été sou- 
mis à cause du péché. I Cor., xv, 51-57. — Écrivant 
une seconde fois aux Corinthiens, saint Paul complète 
son enseignement. Il leur dit que, grâce à la persécu- 
tion, nous portons « toujours avec nous dans notre 
corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soif, 
aussi manifestée dans notre chair mortelle,... sachant 
que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, nous res- 
suscitera aussi avec Jésus, et nous présentera à lui avec 
vous. » II Cor., iv, 10, 14. Nous avons ici-bas une tente 
qui doit être détruite, le corps qui sert d'habitation à 
l'âme; mais Dieu nous réserve une maison qui est son 
ouvrage, « une demeure éternelle qui n'est pas faite de 
main d'homme, dans le ciel, » c'est-à-dire ce « corps; 
spirituel », I Cor., xv, 44, construit sur le modèle de 
celui que Jésus a relevé pour lui-même. Joa., n, 19. 
En attendant, « nous gémissons dans cette tente, dans 
l'ardent désir que nous avons d'être revêtus de notre 
demeure céleste, si du moins nous sommes trouvés 
vêtus » de notre corps, au moment de la parousie, « et 
non pas nus, » dépouillés de notre corps par la mort. 
« Car tant que nous sommes dans cette tente, nous 
gémissons accablés, parce que nous voulons, non pas 
ôter notre vêtement, i> c'est-à-dire mourir, « mais re- 
vêtir l'autre par-dessus, afin que ce qu'il y a de mortel 
soit englouti par la vie. » Tel doit être en effet le sort 
de ceux que l'avènement du Seigneur trouvera encore 
en vie ; leur désir est que « le corps lui-même, dit 
saint Augustin, Epist. cxl, 6, 16, t. xxxiii, col. 544, 
soit transféré, sans passer par la mort, de l'infirmité à 
l'immortalité. » Ce désir, inspiré par l'Esprit de Dieu, 
sera exaucé. Mais, sachant que, tant que nous habitons 
dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur, que 
nous n'atteignons que par la foi et non par la vision 
bienheureuse, « nous aimons mieux déloger de ce corps 
et habiter auprès du Seigneur. » Les âmes dépouillées 
de ce corps, et non encore revêtues du corps ressuscité, 
habiteront donc près du Seigneur et jouiront de la, 



1075 



RÉSURRECTION DES MORTS — RËTHMA 



1076 



vision béatifique, même avant la résurrection, à condi- 
tion d'avoir été agréables au Seigneur, soit dans la vie, 
soit dans la mort, et d'avoir comparu devant le tribunal 
du Christ, qui traitera chacun selon ses mérites. II Cor., 
v, 1-10.. Cf. Cornely, II Epist. ad Cor., Paris, 1892, 
p. 137-154. Voir Jugement de Dieu, t. m, col. 1840. 

III. .Les résurrections miraculeuses. — Plusieurs 
fois, par la puissance de Dieu, des morts ont été res- 
suscites, non dans les conditions qui se produiront à la 
résurrection générale, mais pour reprendre leur vie 
antérieure. — 1» Élie ressuscite le fils de la veuve de 
Sârepta.Voir Élie, t. n, col. 1670-1671.— 2° Elisée opère 
ui> miracle semblable pour le fils de la Sunamite. Voir 
Elisée, t. n, col. 1692-1693. — 3" Après la mort d'Elisée, 
le contact de ses ossements ressuscite un mort, lbid., 
col. 1696. — 4° Lorsque les disciples de Jean-Baptiste 
vinrent trouver le Sauveur pour se rendre compte de 
sa mission, celui-ci se contenta de leur faire constater 
l'accomplissement de deux prophéties d'Isaïe, xxxv,5, 6; 
lxi, 1, concernant le Messie. Il y ajouta cependant deux 
traits que n'avait pas signalés le prophète : « Les lépreux 
sont purifiés, les morts ressuscitent. » Matth., xi, 5; 
Luc, vn,22. Cette dernière affirmation était justifiée par 
la résurrection d'un jeune homme à Naïm, que Notre- 
Seigneur avait opérée quelque temps auparavant et dont 
la nouvelle avait ému Jean-Baptiste dans sa prison. Luc, 
vu, 14-19. Après la mort du précurseur, les merveilles 
accomplies par le Sauveur faisaient dire à plusieurs qu'il 
était Élie ou l'un des prophètes revenus à la vie. Hérode, 
poursuivi par ses remords, disait à ses courtisans: « Ce 
Jean que j'ai décapité, c'est lui qui est ressuscité des 
morts. » Matth., xiv, 1, 2; Marc, vi, 14-16; Luc, rx, 7-9. 
La résurrection d'un mort en particulier était alors une 
chose extraordinaire à la réalité de laquelle on n'oppo- 
sait pas une incrédulité de parti pris. Cf. Hérodote, m, 
62.Notre-Seigneur, dans sa parabole du mauvais riche, 
fait demander par celui-ci la résurrection d'un mort, et 
Abraham répond que, même si un mort ressuscitait, les 
incrédules ne se rendraient pas. Luc, xvi, 27-31. — 5° La 
première résurrection opérée par le Sauveur est celle 
du fils de la veuve de Naïm. Voir Naïm, t. iv, col. 1471, 
— 6» La seconde résurrection est celle de la fille de 
Jaïre. Voir Jaïre, t. m, col. 1110. — 7° La troisième 
résurrection est celle de Lazare. Voir Lazare, t. îv, 
col. 139. Il y a une gradation voulue dans ces trois mi- 
racles, et plus la mort semble avoir pris possession de 
sa victime, moins Notre-Seigneur fait d'effort pour la 
lui arracher. A la jeune fille qui vient à peine de mourir, 
il prend la main et ordonne de se lever ; pour le jeune 
homme déjà porté en terre, il se contente de toucher le 
brancard avant de commander au mort de se lever ; pour 
Lazare mis au tombeau depuis quatre jours, il formule 
simplement un ordre. — 8° Après la mort du Sauveur, 
« les sépulcres s'ouvrirent et beaucoup de corps de 
saints qui étaient morts ressuscitèrent; puis, sortant 
de leurs sépulcres après sa résurrection, ils vinrent 
dans la cité sainte et apparurent à un grand nombre. » 
Matth-, xxvn, 52, 53. Bien que l'Évangéliste rattache 
ces résurrections à la mort même du Sauveur, on est 
d'accord pour admettre qu'elles ne se produisirent pas 
avant celle de Jésus-Christ, « le premier-né d'entre 
les morts. » I Cor., xv, 20; Col., i, 18. Les sépulcres 
purent s'ouvrir au moment du tremblement de terre, 
Matth., xxvn, 51, mais les morts ressuscites n'ont pas 
eu à y rester vivants une quarantaine d'heures. Ils appa- 
rurent ensuite pour témoigner de la résurrection et, 
par conséquent, de la divinité de Jésus. Ils n'appa- 
rurent pas avec ces formes d'emprunt, comme celles 
dont se servent les anges, mais avec leurs vrais corps ; 
autrement l'ouverture de' leurs sépulcres n'aurait pas 
eu de raison d'être. Leurs corps étaient donc dans Fétat 
que décrit saint Paul, I Cor., xv, 35-44, pour les corps 
ressuscites. Il s'agit ici de saints personnages, proba- 



blement morts assez récemment pour être connus de 
ceux auxquels ils se montrèrent. Saint Matthieu ne dit 
pas ce qu'ils devinrent à la suite de ces apparitions. 
Saint Augustin, Epist., CLXiv, 9, Ad Evod., t. xxxm, 
col. 712, pense qu'ils retournèrent dans leurs tombeaux. 
Mais beaucoup d'autres croient qu'associés à la ré- 
surrection corporelle du Christ, ils l'accompagnèrent 
au ciel, en corps et en âme, au jour de son ascension. 
Cf. S. Ambroise, In Ps., I, 54, t. xiv, col. 951 ; Serm. 
lxi, 2, t. xvii, col. 729 ; S. Jérôme, Epist . cxx, 8, 2, 
t. xxn, col. 993; S. Épiphane, Hseres., lxxv, 8, t. xlii, 
col. 513, etc. La croyance de l'Église est que la même 
faveur a été accordée à la bienheureuse Mère du Sau- 
veur. Voir t. îv, col. 801. — 9» A Joppé, saint Pierre res- 
suscite une chrétienne nommée Tabitha. Voir Tabitha. 
— 10° Saint Paul opère aussi une résurrection. Voir 
Eutyque, t. n, col. 2057. — Le Sauveur avait promis 
que ceux qui croiraient en lui feraient les œuvres qu'il 
faisait lui-même et de plus grandes encore. Joa., xiv, 
12. Après les Apôtres, les saints, de temps en temps, 
ressuscitèrent des morts. Les résurrections racontées 
dans la Sainte Écriture ne peuvent être révoquées en 
doute. La mort avait eu des témoins, et, à supposer 
même qu'elle n'eût été qu'apparente, elle avait été pré- 
cédée d'une maladie ou d'un accident dont les effets ne 
pouvaient disparaître instantanément sans intervention 
divine. Or, quand il n'y a que simple guérison de ma- 
ladie, les écrivains sacrés savent bien le dire; il faut les 
en croire quand ils racontent qu'il y a eu résurrection. 
Par conséquent, on ne doit pas entendre dans leur sens 
propre les paroles de Notre-Seigneur : « La jeune fille 
n'est pas morte, mais elle dort, » Matth., ix, 24, « Notre 
ami Lazare dort, » Joa., xi, 11, le sommeil en question 
n'étant autre que celui de la mort. Joa., xi, 13-15. De 
même, si saint Paul dit du jeune Eutyque, « son âme 
est en lui », Act., xx, 10, ce n'est pas que la mort fût 
apparente, mais parce que, par une intervention mira- 
culeuse, il venait de ramener l'âme dans le corps. On 
remarquera d'ailleurs que tous ces miracles sont ra- 
contés avec une grande simplicité, sans la moindre 
préoccupation de faire valoir le prodige. Les auteurs 
sacrés se contentent de noter brièvement l'effet produit 
sur les témoins et sur les foules. Il est à croire que, 
s'ils avaient cédé à l'imagination, on trouverait dans 
toute la Bible plus de huit résurrections miraculeuses. 
Ils ne disent rien non plus de l'état psychologique dans 
lequel se sont trouvés les ressuscites pendant leur mort 
transitoire, de leurs impressions en revenant à la vie, 
des souvenirs qu'ils ont gardés, de ce qu'ils ont pu 
raconter, etc. Toutes ces choses étaient de pure curio- 
sité et n'ajoutaient rien à la signification ni à la force 
probante du miracle. — Sur la résurrection spirituelle, 
voir Régénération, col. 1020. H. Lesëtre. 

RETHMA (hébreu : Ritmah; Septante : 'Paçapa), 
une des stations des Israélites dans la presqu'ile sinaï- 
tique. Num., xxxiii, 18-19. Rethmaest la première des 
douze stations qui, après Haséroth, sont énumérées seu- 
lement dans le catalogue de Num., xxxm, 18-31. Elle 
doit sans doute son nom aux plantes qui poussaient là 
en abondance, c'est-à-dire aux genêts, en hébreu rôfém. 
Voir Genêt, t. m, col. 183. Le genêt abonde dans les 
déserts de l'Arabie et au sud de la Palestine. Les Arabes 
d'aujourd'hui dans leurs marches à travers le désert 
recherchent les bosquets de genêts pour y dresser leurs 
tentes, parce que ce sont les plus grandes et les plus 
remarquables de toutes les plantes du désert. Cf. Tro- 
chon, Géographie biblique, dans La Sainte Bible, 
Paris, 1894, t. H, p. 68. 

La ressemblance du nom a induit Robinson, Bibli- 
cal Researches, Londres, 1856, 1. 1, p. 279, 299, à iden- 
tifier Rethma avec l'ouâdi Abu Rétamât, une large 
vallée parsemée d'arbustes et de genêts, qu'on rencon- 



1077 



RETHMA 



REUSCH 



1078 



tre sur la route d'Aqabah à Jérusalem, près de Cadès. 
Clay Trumbull, gadesch-Barnea, New- York, 1884 , p. 151 , 
regarde comme assez probable cette identification, en 
faisant observer que de cette manière ftethma devient 
le nom très naturel d'une station qui devrait se trou- 
ver aux bords du désert. — Cependant, la seule ressem- 
blance de nom n'est pas suffisante pour qu'on puisse en 
conclure à l'identification de Rethma avec l'ouadi Abu 
Rétamât. Cf. Gray, Numbers, dans The international 
critical Commentary, Edimbourg, 1903, p. 446. En 
admettant l'identification de Cadès avec Aïn-Qadis (voir 
Cadès 1, t. n, col. 13), on doit admettre au moins dix- 
sept stations entre Rethma et ce ternie final, Num., 
xxxm, 18-36; ce qui rend assez improbable la proximité 
de Rethma et de Cadès. Il faut plutôt chercher Rethma 
dans le désert de Pharan à cause de la place qu'occupe 
cette station dans le catalogue des Nombres, Xxxm, 17-18, 
comparé avecNum.,x,33;xm, 1. Voir Pharan, col. 188. 
Dans l'hypothèse que les Israélites, pour se rendre du 
DjébelMouça àAin-Qadis, prirent la route du nord-ouest 
pour gagner le fort de Nakhel, on pourrait être tenté 
d'identifier sur cette route Rethma avec l'ouâdi Re- 
thaméh; qu'on y rencontre; mais il est situé trop prés 
du Sinaï pour être la troisième station. Cf. Revue bi- 
blique, 1897, p. 607. L'itinéraire du nord-est vers, le fort 
de l'Akabah se recommande de préférence à celui du 
nord-ouest pour diverses raisons. Cf. Lagrange, L'itiné- 
raire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jour- 
dain, dans la Revue biblique, 1900, p. 275. Dans cette 
direction, il n'est pas nécessaire d'atteindre les rives 
de la mer Rouge; on peut escalader le plateau d'et-Tih 
par diflérents cols plus ou moins connus. Étant donné 
qu'Haséroth, sur cette route, doit être identifié avec 
Aïn Hadrah, voir Hasérotit, t. m, col. 445, il est 
facile d'en conclure que si l'on ne veut pas faire des- 
cendre les Israélites par l'ouadi el-Aïn au sud jus- 
qu'à Aïn Noueba, sur les bords de la mer Rouge, 
ce qui est peu probable, l'hypothèse de l'escalade d'et- 
Tih à ce point de l'itinéraire se présente comme très 
vraisemblable. Hull, Mount Seïr, p. 61, a gagné direc- 
tement de là par la côte nord de Youadi el-Aïn le 
. sommet A'et-Tih. La localisation de Rethma aux bords 
du désert A'et-Tih, de ce côté, est donc toute naturelle. 
Le genêt qui se trouve partout en grande abondance 
dans les vallées de la péninsule suffit pour expliquer le 
nom de Rethma. nom descriptif, donné à ce campement. 
■Cf. Trochon, Géographie biblique, dans La Sainte 
Bible, t. Il, p. 186. D'après Léon de Laborde, Commen- 
taire géographique sur l'Exode et les Nombres, p. 120, 
celte localisation de Rethma est appuyée sur trois rai- 
sons : sa distance à trois journées du Sinaï, sa direction 
sur la route de !a Syrie, sa position près des montagnes 
qui bordent le plateau de la Syrie et en forment jusqu'à 
Cadès et à l'ouâdi Arabah les limites les plus étendues. 
Un lieu et une source, dit-il, nommés Ramathim par 
les voyageurs, conviennent sous tous les rapporls à 
cette station. On remarque d'ailleurs dans les noms une 
analogie sur laquelle il n'insiste pas. Rethma n'a gardé 
le souvenir d'aucun événement de l'histoire de l'exode. 
De savants exégètes supposent que c'est le lieu d'où par- 
tirent les espions qui devaient explorer la Terre Pro- 
mise. L. de Laborde, Commentaire géographique, etc., 
p. 121; De Hummelauer, Comment, in Numeroi, Pa- 
ris, 1899, p. 363, etc. Mais, même si l'on accepte la 
conclusion suggérée par Num., xm, 1 ; xxxm, 18, c'est- 
à-dire que Rethma doit être la première station du 
désert de Pharan, cette hypothèse n'est pas admissible, 
jjarce qu'elle est en contradiction avec ce qu'on lit dans 
le Deutéronome, i, 19-24. A. Molini. 

RÉU, fils de Phaleg, engendra son fils Sarug à l'âge 
de trente ans et mourut âgé de cent trente neuf ans. 
•Gen., xi, 18-21. Il est appelé Ragau dans 1 Par., i, 25, 



et dans la généalogie âe 'Notre-'SeigTieOT , \a\c, \\\,%, 
Réû et Ragau ne sont que des transcriptions différentes 
du même nom original : Re'û. Voir Ragau 1, col. 929. 
L'étymologie est inconnue. 

RÉUNI BÊELTÉEM (hébreu : Rekûm Be'êl-Te'èm; 
Septante : 'Peoùn BoA-tâp.), fonctionnaire perse en 
Samarie. I Esd., iv, 8, 17, 23. Malgré les apparences, 
Réeltéem ne fait pas partie du nom propre, mais est 
le titre de Réum, qui représentait le roi de Perse en 
Samarie (voir Bêeltéem, t. i, col. 1546) et écrivit au roi 
Artaxerxès I er , avec le scribe Samsaï, contre les Juifs, 
au nom des Samaritains, afin que le roi de Perse em- 
pêchât la restauration de la ville de Jérusalem. Il 
obtint ce qu'il demandait et obligea les Juifs à inter- 
rompre les travaux de restauration de la ville et du 
temple qu'ils avaient commencés et qu'ils ne purent 
reprendre que la seconde année du règne de Darius, 
roi de Perse. I Esd., iv, 8-24. Le nom de Réum est 
sémitique, mais nous ignorons s'il était né en Perse 
ou s'il était syrien ou samaritain. 

REUSCH François Henri, exégète catholique alle- 
mand, devenu vieux-catholique, né dans la petite ville 
de Rrilon, en Westphalie, le 4 décembre 1825, mort 
à Bonn, le 3 mars 1906. — Il fit ses études théolo- 
giques à l'Université de Bonn, 1843-1846, et il les 
compléta en suivant pendant quelque temps les cours des 
Facultés catholiques de Tubingue et de Munich. Dans 
cette dernière ville, il fut le condisciple de Dœllinger, 
avec lequel il contracta une étroite amitié, qui exerça 
une très fâcheuse influence sur la seconde partie de sa 
vie. Ordonné prêtre en 1849, il fut d'abord vicaire à 
Saint-Alban de Cologne, puis répétiteur au Convict 
théologique de Bonn. En 1854, il devenait Privat- 
dozent pour l'exégèse de l'Ancien Testament, à la Fa- 
culté de théologie catholique de cette même ville, 
où se passa toute sa carrière de professeur. En 1858, 
il fut nommé professeur extraordinaire, et en 1861 
professeur ordinaire, toujours pour l'exégèse de 
l'Ancien Testament. Ses collègues lui conférèrent le 
titre de Rector magnificus durant l'année scolaire 
1873-1874, et pendant quatorze ans celui de membre 
du Sénat universitaire. Dès l'année 1865, il fondait à 
Bonn, avec le concours de Dœllinger et la collabora- 
lion de nombreux savants catholiques d'Allemagne, la 
revue Theologisches Literaturblatt, dont il fut le 
directeur attitré aussi longtemps qu'elle continua de 
paraître (1865-1877). Son adhésion à la révolte des vieux- 
catholiques lui attira l'excommunication de la part de 
l'archevêque de Cologne, Ma' Melchers (12 mars 1872). 
— Les ouvrages publiés par lui au temps de son ortho- 
doxie attestent de grandes connaissances et des dons 
exégéliques remarquables: Erklârung des Bûches Ba- 
ruch, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1853; DasBuch Tobias 
ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1857; 
Liber Sapientise, grxce secundum exemplar Vatica- 
num, latine secundum editioneni Vulgatam, in-8°, 
Fribourg-en-Brisgau, 1858; Lehrbuch der Einleitung 
in das Aile Testament, in-8», Fribourg-en-Brisgau, 
1859; 4 e édit., 1870; Observationes criticse in librum 
Sapientise, in-4°, Fribourg-en-Brisgau, 1861 ; Bibel 
und Natur, Vorlesungen ûber die mosaische Vr- 
geschichte und ihr Verhâltniss zu den Ergebnissen 
der Naturforschung, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1862, 
4 e édit., 1876 (ouvrage excellent, qui a été traduit 
dans la plupart des langues européennes ; en français 
par l'abbé X. Hertel, sous le titre, La Bible et la 
nature, Paris, 1867; l'auteur en a publié un extrait, 
intitulé : Die biblische Schôpfungsgeschichte und ihr 
Verhâltniss zu den Naturwissenschaften, in-8°, Bonn, 
1877); Libellus Tobit e codiee Sinaitico editus et re- 
censitus, in-4°, Bonn, 1870. Il faut mentionner aussi 



1079 



REUSCH — REVELATION 



108» 



de nombreux et importants articles d'exégèse et 
de critique biblique, publiés dans la Theologische 
Quartalschrift de Tubïngue, le Chilianeum de "Wurtz- 
hourg et le Katholik de Mayence. — Voir Schulte, 
Der Altkatholicismus, Giessen, 1887; Encyclopœdia 
Britannica, 10 e édit., t. xxxii, p. 223; Friedrich, 
Nekrolog auf Franz Heinrich Beusch, dans les 
Sitzunsberichte der philosoph.-philolog. und der his- 
torischen Classe der kœnigl. bayer. Akademie der 
Wissenschaflen, Munich, 1900, p. 170-171; Altkatho- 
lisches Volksblatt, 6 et 13 décembre 1895, 9 mars 
1900; Allgemeine Zeitung de Munich, 9 mars 1900; 
J. Major, Franz Heinrich Beusch, in-16, Cambridge, 
1901; G'œtz, Franz Heinrich Beusch, eine Darstellung 
seiner Lebensarbeit, in-8°, Gotha, 1901; Meyer, Grosses 
Konversations-Lexicon, 6 e édit., t. xvi, Leipzig, 1907, 
p. 839. L. Fillion. 

REUSS Edouard, théologien protestant rationaliste, 
né à Strasbourg, le 29 messidor an xn (18 juillet 1804), 
mort dans cette ville, le 19 avril 1891. Il étudia la théo- 
logie, en premier lieu à Strasbourg, puis à Gœttingue, 
où il fut l'élève d'Eichhom (voir Eichhorn, t. n, 
col. 1627); les langues orientales, soit à Halle, sous la 
direction de Gesenius, soit à Paris, sous celle de Syl- 
vestre de Sacy. D'abord simple répétiteur au séminaire 
protestant de Strasbourg, pour les sciences bibliques 
et orientales, 1828-1834, il y devint successivement pro- 
fesseur extraordinaire, 1834, et professeur ordinaire^ 
1836. En 1838, il fut nommé professeur à la Faculté 
protestante de la même ville, tout en conservant sa 
chaire au séminaire. Une activité remarquable lui per- 
mît de mener de front, et avec succès, ce double ensei- 
gnement pendant de longues années. Comme on l'a dit, 
« ses sympathies étaient plutôt allemandes que fran- 
çaises, » Encyclopœdia brilannica, 9 e édit., t. xxxn> 
p. 223; aussi, après l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne, 
lorsque le gouvernement allemand eut rétabli l'Univer- 
sité de Strasbourg sur des bases nouvelles, Reuss ac 
cepta la chaire d'exégèse biblique pour l'Ancien Testa- 
ment, qui lui fut aussitôt offerte, et il la garda jusqu'en 
1888. — Comme on le verra par la liste de ses ouvra- 
ges, ses premiers travaux furent consacrés à la critique 
et à l'explication du Nouveau Testament. Il dirigea en- 
suite ses études sur les livres de l'ancienne Alliance, 
qui l'attiraient à cause de sa grande connaissance de 
l'hébreu. Il appartenait au parti dit libéral de l'Église 
luthérienne. Sa position comme critique était à peu 
près celle que K. H. Graf, son disciple, et J. Wellhau- 
sen ont rendue célèbre. Ses opinions sur la composition 
de l'Ancien Testament peuvent se résumer dans ces 
quelques mots : Les prophètes sont plus anciens que 
la Loi, et les Psaumes sont plus récents que ces deux 
catégories d'écrits. L'érudition philologique, la discus- 
sion des variantes, la réfutation des opinions diver- 
gentes tiennent peu de place dans ses commentaires; 
en revanche, il s'efforce de bien mettre en relief, par 
une exposition nourrie et serrée, les idées propres à 
chaque écrivain sacré. Malheureusement, son point de 
vue rationaliste le. fait tomber dans de fréquentes er- 
reurs. — Il a écrit en français et en allemand. Ses 
principaux ouvrages exégétiques sont : Dissertatio po- 
lemica de libris Veteris Testamenti apocryphis per- 
peram plebi negatis (par quelques sociétés bibliques), 
thèse de licence, in-4°, Strasbourg, 1829; Die Ge- 
schichte der heiligen Schriften Neuen Testaments, 
in-8°, Halle, 1842, 6« édition en 1887; Histoire de la 
Théologie chrétienne au siècle apostolique, in-8°, Stras- 
bourg, 1852, 3 e édition en 1864; Histoire du Canon des 
Saintes Écritures dans l'Église chrétienne, in-8», 
Strasbourg, 1863, 2« édition en 1864; Das Buch Riob, 
in-8°, Strasbourg, 1869; Bibliotheca A T ovi Testamenti 
grsece, cujus ediliones ab initio typograpltise impres- 



sas quotquot réperiri potuerunt collegit, digessitr 
illustravit E. Beuss, in-8», Brunswick, 1872 (c'est une 
bibliographie assez complète du Nouveau Testament 
grec) ; La Bible, traduction nouvelle avec introductions 
et commentaires, 16 in-8°, Paris, 1874-1881 (cet ou- 
vrage, qui comprend tout l'Ancien Testament, à part les. 
parties deutérocanoniques, et le Nouveau Testament, a 
été aussi publié en allemand dans sa première moitié,, 
sous ce titre : DasAlte Testament ûbersetzt, eingeleitet 
und erklàrt, 7 in-8°, Brunswick, 1892-1894); Die Ge~ 
schichte der heiligen Schriften Alten Testaments, in-8°, 
Brunswick, 1881 , 2» édit., 1890; Hiob, traduction ryth- 
mique (en allemand) du livre de Job, in-8°, Brunswick, 
1889; Notifia Codicis quatuor Evangeliorum grœci 
m embranacei, viris doctis hucusque incogniti, queîm 
in museo suo asservat E. Beuss Argentoratensis, in-8°, 
Cambridge, 1889. Le D r Reuss a publié aussi un nombre- 
considérable d'articles dans diverses revues et encyclo- 
pédies, notamment dans les Beitrâge zv den theologis- 
chen Wissenschaflen in Verbindung mit der theolog. 
Gesellschaft zu Strassburg herausgegeben von E. Reuss 
und E. Cunitz, Iéna, 1847-1855; dans la Bévue de théo- 
logie et de philosophie chrétienne, Strasbourg, 1850- 
1859; dans la Nouvelle Bévue de Théologie; dans Y Aïï- 
gemeine Encyclopàdie der Wissenschaften und Kûnste- 
d'Ersch et Gruber ; dans la Beal-Encyklopàdie fur 
protestant. Théologie und Kirche de Herzog; dans 1& 
Bibel-Lexikon de Schenkel; dans l'Encyclopédie pro- 
testante de Lichtenberger, etc. — Voir Théodore Gerold, 
Edouard Beuss, Notice biographique, in-8°, Paris et 
Strasbourg, 1892; H. J. Holtzmann, Zum hundertjâh- 
rigen Geburtslag von Eduard Beuss, dans le Evan- 
gelisch. protestantischer Kirchenbote fur Elsass- 
Lothringen, Strasbourg, 30 juillet 1904; K. jBudde uudi 
H. J. Holtzmann, Eduard Beuss' Briefwechsel mit 
seinem Schùler und Freunde K. H. Graf, in -8% Gies- 
sen, 1904 ; Encyclopœdia, brilannica, 10 e édition, 
t. xxxii, p. 223. L. Fillion. 

RÉVÉLATION (grec :àTroxâ),u<}";; Vulgate: revela- 
tio), communication faite par Dieu à l'homme et por- 
tant sur des vérités que l'intelligence humaine n'eût 
pu connaître par elle-même. Les révélations que men- 
tionne la Sainte Écriture se rapportent à trois périodes 
distinctes. 

I. Période patriarcale. — Des révélations sont faites 
à Adam, avant et après la chute, Gen., H, 16; m, 14-19; 
à Noé, pour lui annoncer le déluge, Gen., VI, 13-21; 
vu, 1-4, et contracter alliance avec lui et ses descen- 
dants, Gen., vin, 21, 22; ix, 1-17; à Abraham, pour lui 
faire quitter la Chaldée, Gen., xn> 1-3, lui promettre la 
possession de Chanaan et une postérité nombreuse, 
Gen., xiii, 14-17; xv, 1-16; xvn, 1-21, lui annoncer la 
destruction des villes coupables, Gen., xvm, 17-21, lui 
demander le sacrifice d'Isaac et renouveler les pro- 
messes, Gen., xxn, 1-18; à Isaac, pour confirmer les 
promesses faites à son père, Gen., xxvi, 2-5; à Jacob, 
pour répéter les mêmes promesses, Gen., xxvm, 13-15; 
à Moïse, pour lui conférer sa mission, Exod., ni, 6-19, 
lui faire annoncer les dix plaies d'Egypte et la déli- 
vrance de son peuple. Exod., vu, 1-xiv, 26. 

II. Période mosaïque. — 1° Moïse. — Le libérateur 
d'Israël est choisi pour fonder la religion qui sera im- 
posée au peuple de Dieu. A ce titre, il reçoit au désert, 
et particulièrement au Sinaï, de nombreuses commu- 
nications de Dieu. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 334; 
Moïse, col. 1193-1200. — 2° Josué, les Juges, David, Sa- 
lomon. —. Après - la mort de Moïse, Jéhovah parle à 
Josué pour confirmer sa mission, Jos., i, 2-9, ordonner 
le passage du Jourdain, Jos., m, 7-13, la circoncision 
du peuple, Jos., v, 2, la prise de Jéricho, Jos., vi, 2-5, 
la punition d'Achan, Jos., vu, 10-15, etc. — Sous les 
Juges, des communications divines sont adressées à 



i081 



RÉVÉLATION 



1082 



Gédéon, Jud., vi. 14, 16; à la mère de Samson, Jud., xm, 
3-5, et à Samuel. I Reg., ni, 7, 21;ix, 15. — Jéhovah se 
révèle à David, II Reg., vu, 27; I Par., xvn, 27, et à 
Salomon. III Reg., ix, 3-9; II Par., I, 7-12 ; vu, 12-22. 
— 3° Les prophètes. — Dieu leur fait connaître direc- 
tement ses volontés, Jéhovah parle à Élîe, III Reg.,xvil, 
2,8; xvm,l; xix,9; xxi,17; IV Reg., i, 3, 15; à Isaïe,vn, 
3;vm,l,5;xvi,14;xx,2;xxii, 14 ; xxxvm, 5, etc;àjéré- 
mie, i,2; n,l; m, 6; vu, 1; xm, 1; xvm, 1 ; xxiv, 4, etc.; 
à Ézéchiel, i, 3; m, 22; vi, 1; xn, 1, etc.; à Daniel, n, 
19, 22, 28-30, 47; x, 1; à Amos, m, 7; et à tous les 
autres prophètes. Cf. I Pet., I, 10-12. Soit qu'ils trans- 
mettent les ordres de Dieu, soit qu'ils annoncent l'ave- 
nir, surtout l'avenir messianique, ils ne peuvent le faire 
qu'en vertu d'une révélation directe. — 4° Les auteurs 
inspirés. Pour eux, l'inspiration comporte une révé- 
lation toutes les fois que les choses qu'ils écrivent 
n'ont pu être connues naturellement ou dépassent la 
portée de l'intelligence humaine. Voir Inspiration, t. iii 5 
■col. 903. Dieu « seul met à découvert les choses cachées 
dans les ténèbres. » Job, xn, 22. « A qui le bras de 
Jéhovah a-t-il été révélé? » Is., liii,1, c'est-à-dire quel 
est l'homme qui peut connaître ce que fera la puissance 
■de Dieu? De même, « à qui a été révélée la racine de 
la sagesse? » Eccli., i, 6. Cf. Sap., IX, 16, 17. 

Le Seigneur [seul] possède toute science, 

Et il voit les signes du temps; 

11 annonce le passé et l'avenir 

Et il dévoile les traces des choses cachées. Eccli., XLH, 19. 

Les secrets du passé, les événements de l'avenir et les 
mystères de l'action divine, voilà, en effet, les objets des 
révélations dont sont favorisés les écrivains inspirés. 

III. Période évangélique. — 1" Zacharie, Marie 
Joseph. — De la part de Dieu, l'ange Gabriel vient 
révéler à Zacharie qu'il aura un fils destiné à être 2e 
précurseur. Luc, i, 11-20. — Marie reçoit la visite du 
même messager, qui lui annonce sa maternité divine. 
Luc, 1,28-37. Le Saint-Esprit inspire ensuite les paroles 
prophétiques que profèrent Elisabeth, Luc, I, 41-45, 
Marie, Luc.,l, 46-55, Zacharie, Luc, n, 67-79, et Siméon, 
-Luc, n, 27, 32. — Joseph reçoit à plusieurs reprises 
les révélations nécessaires à la direction de sa conduite. 
Matth., I, 20-23; n, 13, 19, 20. — 2° Jésus-Christ. — Le 
Sauveur n'a pas à recevoir de révélations; c'est lui- 
même qui révèle ce que le Père lui a enseigné. Voir 
Jésus-Christ, t. m, col. 1489. Il remercie le Père d'avoir 
révélé aux petits ce qu'il a caché aux sages et aux pru- 
dents, Matth., xi, 25; Luc, x, 21, et il ajoute que 
« personne ne connaît le Père, si ce n'est !e Fils, et 
celui à qui le Fils a voulu le révéler^ » Matth., xi, 27; 
Luc, x,22. Il félicite Pierre, qui a proclamé sa divinité, 
de ce que ce ne sont ni la chair ni le sang, mais le 
Père qui est dans les cieux qui la lui a révélée. 
Matth., xvi, 17. Avant de mourir, il dit à ses apôtres : 
« Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le ser- 
viteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous 
ai appelés amis, parce que tout ce que j'ai entendu de 
mon Père, je vous l'ai fait connaître. » Joa., xv, 15. Il 
promet enfin que le Saint-Esprit viendra compléter sa 
révélation. « J'ai encore beaucoup de choses à vous 
dire, mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand 
le Paraclet, l'Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera 
dans toute la vérité. » Joa., xvi, 12, 13. La révélation 
faite par le Sauveur et gravée dans l'âme des Apôtres 
par le Saint-Esprit est définitive et complète. Elle ne 
porte quesur les choses nécessaires au salut de l'homme. 
C'est pourquoi le Sauveur se refuse à révéler l'époque 
du jugement, Matth., xxiv, 36; Marc, xm, 32; le nom- 
bre des élus, Luc, xm, 23, la date de l'établissement du 
royaume. Act., i, 6, etc. — 3» Saint Paul. — Converti 
plusieurs années après l'Ascension du Sauveur, saint 
Paul a cependant reçu directement sa doctrine, comme 



Jes autres Apôtres. « Ce n'est pas d'un homme que je 
l'ai appris, mais par une révélation de Jésus Christ. i> 
Gai., I, 12. Quand il plut à Dieu de. révéler en lui son 
Fils, saint Paul, sans consulter ni la chair ni le sang, 
sans monter à Jérusalem vers ceux qui étaient apôtres 
avant lui, se retira en Arabie. Gal.,l, 15-17. Il eut alors 
des visions et des révélations du Seigneur. II Cor., xn, 
1. C'est par suite d'une révélation qu'il monta quatorze 
ans plus tard à Jérusalem pour exposer son évangile. 
Gai., n, 2. Il a eu connaissance du mystère de Jésus- 
Christ par révélation. Eph., m, 3; I Cor., h, 10. Pour 
que l'excellence de ces révélations ne l'enorgueillit pas, 
un ange de Satan a été chargé de le souffleter. 
II Cor., xn, 7. — La révélation chrétienne est celle du 
mystère du Christ caché depuis des siècles, Rom., xvi, 
25, et révélé à la foi, Gai., m, 23, à ceux qui ont reçu 
l'esprit de sagesse. Eph., i, 17. — L'Apôtre dit qu'il 
serait inutile aux fidèles s'il parlait par glossolalie, au 
lieu de parler « par révélation, par science, par pro- 
phétie et par doctrine. » I Cor., xiv, 6, Il est probable 
qu'ici la révélation est mentionnée comme cause de la 
prophétie et la science comme source de la doctrine. 
Cf. Cornely, In 1 ad Cor., Paris, 1890, p. 420. La révé- 
lation était aussi l'un des charismes accordés aux pre- 
miers fidèles. I Cor., xiv, 30. — 4° Saint Jean. — 
L'apôtre bien aimé a eu, sur les destinées de l'Eglise, 
de nombreuses et importantes révélations qu'il a con- 
signées dans son livre de l'Apocalypse, dont le nom 
signifie « révélation ». 

IV. Modes de révélation. — Toute révélation vient 
nécessairement de Dieu qui seul peut révéler 'ce qu'il 
est seul à savoir. Mais Dieu communique sa révélation 
de différentes manières. — 1° Directement. C'est ainsi 
qu'il communique avec Adam et Noé, avec Abraham, 
Gen., xn, 1; xm, 14; xvn, 1; xvm, 17; xxn, 1; Isaac, 
Gen.. xxvi, 2; Moïse, Exod., m, 6; vu, 1; etc.; Josué, 
i, 1; ni, 7; v, 2; vi, 2; vu, 10; Samuel, I Reg., m, 21; 
ix, 15; David, II Reg., vu, 27; Salomon, III Reg., ix,3; 
Élie, III Reg., xvn, 2; Isaïe, vu, 3;Jérémie, i, 4; Ézé- 
chiel, i, 3; saint Paul. Gai., i, 12. Les auteurs sacrés ne 
donnent pas d'explications sur la manière dont se sont 
produites ces révélations directes. On sait seulement 
que Moïse entendait la voix de Jéhovah mais ne pou- 
vait voir sa face. Exod., xxxm, 18-23; xxxiv, 5-8. Sur 
le chemin de Damas, saint Paul entendit et vit Jésus, 
Act., îx, 4; I Cor., ix, 1 ; xv, 8, mais il ne dit rien de 
la manière dont le Sauveur communiqua avec lui au 
désert d'Arabie. Il y a certainement dans ces révélations 
directes une action divine qui s'exerce sur l'intelli- 
gence de l'homme et se fait reconnaître elle-même, 
puisque ceux qui en sont favorisés ont conscience que 
c'est Dieu lui-même qui leur révèle des choses inacces- 
sibles à leur raison. Mais on ne peut savoir si les sens 
étaient ordinairement affectés par cette révélation, ni 
dans quelle mesure ils l'étaient. — 2° Par un ange. — 
Un ange sert d'intermédiaire dans les révélations faites 
à Abraham, Gen., xxn, 12; à Gédéon, Jud., vi, 12; à la 
mère de Samson, Jud., xm, 3; à Daniel, vin, 17; x, 5 ; 
à Zacharie, Luc, I, 11, à Marie, Luc, i, 28,. et à saint 
Jean. Apoc, i, 1. En pareils cas, l'intermédiaire cé- 
leste se fait voir et entendre; la révélation arrive à l'in- 
telligence en passant par les sens et l'apparition angé- 
lique en garantit l'objectivité. — 3° En songe. — Ainsi 
sont informés de la pensée divine Abraham, Gen., xv; 
1; Jacob, Gen., xxvm, 13, et Daniel, vil, 1. La révélation 
porte alors avec elle un caractère de certitude qui ne 
permet pas le doute à celui qui la reçoit. Saint Joseph 
apprend en songe, la volonté de Dieu, mais c'est un ange ' 
qui la lui révèle. Matth., I, 20; H, 13, 19. Des songes ré- 
vèlent aussi l'avenir à certains personnages, soit d'une 
manière claire, comme à Abimélech, Gen., xx, 3, et aux 
Mages, Matth., n, 12, soit d'une manière qui a besoin 
d'être expliquée, comme aux prisonniers de Putiphar, 



1083 



REVELATION 



RHAMNUS 



1084 



Gen., XL, 8-13, au pharaon d'Egypte, Gen., xli, 1-32, et 
à Nabuchodonosor. Dan., n, 3-45; iv, 1-24. Voir Songe. 
— 4° En vision, Daniel reçoit parfois les communica- 
tions surnaturelles sous formé de visions, soit durant 
la nuit, Dan., vu, 2, soit pendant le jour, Dan., vm,2; 
x, 5. Dans ces visions, des anges se montrent à lui et 
l'interpellent. Dan., vm, 15, 19; IX, 21, 22; x, H, 12; 
xii, 4. Le prophète en subit le contre-coup dans sa 
santé. Dan., vm, 27. Ce sont là des visions intellec- 
tuelles, c'est-à-dire des interventions surnaturelles par 
lesquelles Dieu fait passer devant l'intelligence du 
prophète le tableau des événements futurs, en éclairant 
ce tableau d'une lumière qui aide à le comprendre. Les 
sens n'ont aucune part à cette vision; ils n'en sont 
émus qu'indirectement, à cause de l'effet produit sur 
l'âme elle-même par une révélation effrayante. De 
même nature sont les visions de l'Apocalypse, trans- 
mises à saint Jean par un ange de Dieu. Apoc, I, 1.. 
Saint Paul a aussi reçu des révélations sous forme de 
visions. Il dit que ces visions ont consisté dans des 
ravissements ou des extases, dans lesquels il s'est 
trouvé transporté en paradis et y a entendu des choses 
qu'il ne peut répéter. Il ne saurait dire cependant si 
son corps a participé à ces ravissements. Il Cor., xn, 1-4. 

Quelquefois, la révélation est considérée non plus 
comme l'acte par lequel Dieu communique sa pensée à 
l'homme, mais comme le résultat de cette communi- 
cation. On a ainsi la révélation primitive, la révélation 
mosaïque, la révélation évangéiique, ou, en général, la 
révélation, pour indiquer l'ensemble des enseigne- 
ments surnaturels qui constituent la religion. Voir 
Religion, col. 1031 . Il arrive aussi que le mot révélation 
est pris par les versions dans le sens de manifestation. 
Eccli., xxii, 27; xlii, 1 ; Tob., xn, 7; Rom., n,' 5; 
I Cor., i, 7; II Thess., i, 7; I Pet., i, 7, etc. 

H. Lesêtre. 

1. RÉVILLE Albert, théologien protestant libéral, 
né à Dieppe le 4 novembre 1826, mort à Paris le 25 oc- 
tobre 1906. — Il suivit les cours des Facultés de théolo- 
gie de Genève, 1844-1848, et de Strasbourg. Après avoir 
élé pendant quelques mois vicaire suffragant à Nimes, 
il fut tour à tour pasteur à Luneray près Dieppe, 1849- 
1851, et à Rotterdam, en Hollande, où il demeura pen- 
dant dix-huit ans (1851-1873) à la tête de l'Église wal- 
lonne. En 1862, il fut reçu docteur en théologie par 
l'Université de Leyde. En 1873, il revint se fixer à 
Dieppe, où il demeura jusqu'au début de 1880, sans 
occuper de fonctions officielles. A partir de janvier 
1880, jusqu'à sa mort, il occupa la chaire, nouvelle- 
ment fondée, de l'histoire des religions au Collège de 
France. En 1886, il fut nommé, en outre, président de 
la section des sciences religieuses à l'École des Hautes 
Études. — M. Albert Réville a beaucoup écrit sur la 
théologie, l'exégèse et l'histoire des religions. Ses 
principales œuvres exégétiques sont les suivantes : une 
traduction française dulivre d'Olshausen sur l'Authen- 
ticité du Nouveau Testament, in-8°, 1851 ; Études cri- 
tiques sur l'Évangile selon saint Matthieu, in-8", 
Leyde, 1862; La Vie de Jésus de M. Renan devant les 
orthodoxes et devant la critique, in-8°, Paris, 1863; 
L'enseignement de Jésus-Christ, in-8», Paris, 1870; 
Une nouvelle vie de Jésus par le P. Didon, in-8°, Paris, 
1891; Jésus de Nazareth, 2 in-8», Paris, 1896, 2= édit., 
1906; De Jesu Christo colloquium doctum, in-8°, Paris ; 
1898. Son Histoire du dogme de la divinité de Jésus- 
Christ, in-12, Paris, 1869, 5« édit., 1906, est également 
à signaler, ainsi qu'un nombre considérable d'articles 
publiés dans la Revue des deux mondes, 1863-1876, 
dans la Revue de l'histoire des religions, 1884-1906, 
et dans d'autres recueils, sur l'histoire d'Israël, les 
livres prophétiques et les livres poétiques de l'Ancien 
Testament, les Évangiles, l'Apocalypse, etc. —A. Réville 
appartenait à l'extrême gauche du protestantisme libé- 



ral français. Ses opinions étaient tellement avancées, 
qu'il fut mis pendant quelque temps en interdit par 
les consistoires de Paris et de Genève. Sa position en 
fait de critique biblique était celle du rationalisme le 
plus avancé ; on le voit surtout par son Jésus de 
Nazareth, où il ne laisse presque rien subsister des 
récits évangéliques. — Voir le Polybiblion, année 1897, 
p. 199-203; P. Alphandéry, Albert Réville, dans la 
Revue de l'histoire des religions, année 1906, p. 401- 
423; la Revue chrétienne, année 1896, p. 416-417. 

L. Fillion. 
2. RÉVILLE Jean, théologien protestant libéral, fils 
du précédent, né à Rotterdam, en Hollande, le 6 no- 
vembre 1854, mort à Paris le 6 mai 1908. — Après 
avoir fait ses études théologiques à la Faculté protes- 
tante de Genève, et suivi pendant quelque temps les 
cours des Universités de Berlin et de Heidelberg, il 
passa sa thèse de licence en théologie à Paris, en 1880. 
La même année, il devint pasteur à Sainte-Suzanne, 
près de Montbéliard. En 1881, il fut nommé pasteur 
suppléant au lycée Henri IV de Paris. Il prit, en 1884, 
de concert avec M. Le Marinier, la direction de la 
Revue de l'Histoire des religions, qu'il conserva jus- 
qu'à sa mort. En 1885, il devint maître de conférences 
d'histoire ecclésiastique à l'École pratique des Hautes 
Études. En 1886, il conquit le grade de docteur en 
théologie. Il occupa, en 1894, la chaire de patrologie 
à la Faculté de théologie protestante de Paris; en 
mars 1907, il succéda à son père comme professeur 
d'histoire des religions au Collège de France. — Ses 
écrits bibliques sont : Le Logos d'après Philon d'A lexan- 
drie, in-8°, Genève, 1877; La doctrine du Logos dans 
le quatrième évangile et dans les œuvres de Philon, 
in-8°, Paris, 1881 ; Le quatrième Évangile, son origine 
et sa valeur historique, in-8», Paris, 1900, 2» édit., 
1902 ; Le prophètisme hébreu, esquisse de son histoire 
et de ses destinées, in-18, Paris, 1906. — M. Jean Ré- 
ville n'était pas moins rationaliste que son père; dans 
son ouvrage sur l'Évangile selon saint Jean, où il est 
allégoriste à outrance, il ne craint pas de dire, 2 e édit., 
p. 300-301 : « Dans un livre de ce genre, il n'y a aucun 
renseignement historique proprement dit, parce que 
l'auteur n'a aucun souci de l'histoire... Les événements 
qu'il raconte sont toujours présentés de manière à faire 
ressortir que ce sont des symboles. » — Voir W. San- 
day, The criticism of the fourth Gospel, in-8°, Oxford., 
1905, p. 2, 28, 31, 200, 256; Journal de Genève, 8 mai 
1908; A.Reiyss, dans Le Protestant, journal des chré- 
tiens libéraux, année 1908, p. 155-156 ; la Revue de l'his- 
toire des religions, juin-juillet 1908; la Revue chré- 
tienne, 1<* juin 1908, p. 521. L. Fillion. 

RHAMNUS (hébreu : 'âtàd; Septante : pdifivoç;. 
Vulgate : rhamnus; hébreu : Mmir; Septante :%ipaoç, 
yoptoç, à'Ypwariî ûXïjv; Vulgate: vêpres, spina, spinœ), 
plante épineuse. 

I. Description. — Ce genre, connu aussi sous le nom 
vulgaire de nerprun, est le type d'une famille compo- 
sée d'arbrisseaux souvent épineux, soit que leurs 
rameaux se terminent en pointe, soit que les stipules 
se transforment en aiguillons de forme très caracté- 
ristique. Voir Paliure, t. iv, col. 2057. Les fleurs se 
distinguent aisément par leurs pétales très petits et 
libres avec autant d'étamines superposées. Le fruit se- 
compose de 2 à 4 noyaux ordinairement recouverts par 
une pulpe peu abondante. Les nerpruns sont des arbris- 
seaux très rameux, à feuilles coriaces et parfois per- 
sistantes, croissant sous le couvert des bois ou sur les 
flancs escarpés des montagnes. — Les espèces de Pales- 
tine peuvent se ranger en deux séries, suivant qu'elles 
sontinermes ou spinescentes. Dans la première figure 
l'Alaterne (Rhamnus alatemus L.), bel arbuste glabre 
et toujours vert, répandu sur le littoral phénicien, qui 



1085 



RHAMNUS — RHEGIUM 



1086 



se distingue de ses congénères par ses fleurs toutes 
pentamères et disposées en petites grappes; et en outre 
une espèce des escarpements du Liban (Rhamnus Liba- 
notica Boissier), à feuilles caduques, couvertes sur les 
deux faces d'un tomentumjaunâtre, et pourvues de ner- 
vures très rapprochées. — La. 2 e série comprend de 
nombreuses espèces, décrites aussi par Boissier, à fleurs 
ordinairement tétramères et disposées en fascicules : le 
Rhamnus petiolaris, à feuilles et rameaux presque tous 
opposés, croit dans les forêts de montagne, où ses 
graines sont récoltées pour la teinture et envoyées en 
Europe sous le nom de graines de Perse; le Rhamnus 
punctata (lig, 230) à feuilles coriaces, entières et révo- 
lutées sur la marge, veloutées en-dessous et ordinai- 
rement pourvues de glandes ponctuées-translucides ; 
le Rhamnus oleoides (fig. 231), dont le feuillage persis- 
tant rappelle celui de l'olivier ; enfin le Rhamnus Pa- 
Isestina, voisin du précédent, dont il se distingue par 
les légères crénelures de sesfeuilles. F. Hy. 

II. Exégèse. — 1° Le mot 'dtâd se rencontre en deux 
passages de la Bible hébraïque. Dans l'apologue de 
Joatham, Jud., ix, 14-15, où les arbres veulent élire 
un roi; sur le refus de l'olivier, du h'guier et de la 
vigne, la royauté est offerte au 'dtâd. « Si vraiment 




230. — Rhamnus punctata. 

vous voulez m'établir roi, répond ce dernier, venez, 
confiez-vous à mon ombrage, sinon un feu sortira de 
V'dtâd et dévorera les cèdres du Liban. » Tous les in- 
terprètes voient dans le 'dtdd un arbuste ou buisson 
épineux, symbole d'Abimélech, proclamé roi par les 
habitants de Sichem, qui ne pourra que blesser et 
nuire. Semblable au buisson d'épines, facile à prendre 
feu, il communiquera la flamme aux cèdres et aux 
plus beaux arbres de la forêt, qui figurent les plus 
riches et les plus honorables citoyens de Sichem. 
Vâtdd se rencontre aussi dans une locution prover- 
biale, Ps. lviii (lvii), 10, que n'ont pas bien rendue les 
■ Septante et la Vulgate : 

Avant que vos marmites sentent les épines Çâtâd), 
Vertes ou enflammées l'ouragan les emportera. 

C'est une allusion à la coutume des Bédouins de 
suspendre leurs marmites sur un tas d'épines, affà*-~ 
chéesaux buissons environnants, auxquelles ils mettent 
le feu. Qu'un coup de vent violent s'élève, il éteint le 
feu et disperse les épines enflammées ou non. 

De nombreux auteurs identifient cette plante épineuse 
avec le lyciet. Voir t. iv, col. 443. Mais d'autres pré- 
fèrent le rhamnus ou nerprun. Sans doute le terme 
arabe ,=— j*=. 'aussedj, qui sert à rendre Vâtdd hé- 
breu, s'applique au lyciet, mais il signifie aussi le 
Rhamnus. Ibn-Ël-Beithar parlant du Rhamnos de Dios- 
coride distingue trois espèces de 'aussedj dont les deux 
premières sont des Lycium, mais la troisième, une 



plante notablement différente, le Rhamnus. Ibn-El- 
Beithar, Traité des simples, dans Notice et extraits des 
manuscrits de la Bibl. nationale, t. xxv, l re partie, 
1881, p. 482-483. La traduction arabede ûioscoride, eod. 
loco, p. 484, dit expressément : Rhamnos c'est Vaus- 
sedj. Le supplément de Dioscoride dit que pour les 
Africains le Rhamnus, c'est Vâtdd. Pâfivo; - 'Açpol 
Axaô'ev. Dans son commentaire sur le Traité Schebiit 
du Talmud, vu, § 5, Maimonide entend également par 
V'âtdd le nerprun ou le rhamnus. O. Celsius, Riero- 
botanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, 1. 1, p. 201. Les Sep- 
tante et la Vulgate traduisent également par pâ^voç, 
rhamnus, le mot 'dtâd dans les deux endroits où il 
se présente. Jud., ix, 14-15; Ps. lviii (lvii), 10. 
F. Buhl, Hebr. Handwôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1895, 
p. 23; Fr. Brown, Hebrew and English Lexicon, in-8°, 
Oxford, 1905, p. 31, voient dans Vâtdd le nerprun ou 
rhamnus, dont les espèces sont abondamment multi- 
pliées en Palestine. 

2°Le Sdmir, plante épineuse dont le' nom revient huit 
fois dans Isaïe, v,6; vu, 23, 24, 25; ix, 17, x, 17; xxvn, 
4, est plus généralement identifié avec le Paliure. Voir 
t. iv, col. 2057. Cependant sous le nom de samur, les 
Arabes comprennent souvent avec le Paliurus aculea- 




231. — Rhamnus oleoides. 

tus, d'autres rhamnées, en particulier le Rhamnus 
punctata, le Rhamnus oleoides et ses variétés. Il existe, 
du reste, de grandes ressemblances entre ces deux 
genres et même avec le Zizyphus SpinaChristi. Toutes 
ces espèces sont des rhamnées. 

Le nerprun ou rhamnus était et est très abondant 
en Palestine. Les buissons de cette épine se voient 
fréquemment autour de Jérusalem. P. Belon, Observa- 
tions de plusieurs singularités, in-4», Paris, 1588, 1. III, 
c. lxxviii, p. 309. Dans ces régions les habitants se 
servent de ces branches tortueuses et épineuses pour 
entretenir le feu : elles donnent une large et belle 
flamme. C'est parmi ces branches, sans doute entassées 
dans la cour pour alimenter le feu. que les soldats 
durent choisir les épines qui servirent à tresser la 
couronne de Jésus-Christ. Quelques épines analysées 
ont révélé le Zizyphus spina Christi ou jujubier (t. m, 
col. 1861). Il est possible que d'autres parties de la cou- 
ronne appartinssent à des espèces diverses de Rham- 
nées. E. Levesque. 

RHÉG1UM (grec : "PVjyiov), ville de l'Italie méri- 
dionale (fig. 232), dans l'antique province romaine du 
Brutium, Tite-Live, xxiv, 1, actuellement la Calabrer 
en face de la pointe sud-est de la Sicile, Pline, H. N. r 
m, 14, à l'entrée du détroit de Messine lorsqu'on y 
pénètre en venant du sud. Aujourd'hui, Beggio. Le 
fameux rocher de Scylla se voyait à quelque distance 
au nord de Rhégium, tandis que le gouffre de Charybde 
était près de Messine. 



4087 



RHEGIUM 



RHODES 



1088 



1° Histoire de Rhégium. — Cette ville fut, à l'ori- 
gine, une colonie qui parait avoir été fondée entre les 
années 730 et 710 avant J.-C, par des Ioniens venus'de 
Chalcis en Eubée, Strabon, vi, p. 257, Diodore de Sic, 
xiv, 40, auxquels s'adjoignirent plus tard des Doriens 
qui avaient émigré de Messène, dans le Péloponèse, 
après l'issue malheureuse des deux guerres de la Sicile 
avec Sparte (710 et 630 avant J.-C). Son histoire fut 
d'ailleurs mêlée plusieurs fois, pour son propre 
malheur, à celle de Messine. Au vi« et au V e siècle avant 
notre ère, Rhégium fut une cité importante, au com- 
merce très florissant, grâce à son admirable situation 
maritime, qui faisait d'elle l'escale obligatoire des vais- 
seaux qui allaient du sud et de l'ouest de la Méditerra- 
née vers Naples et vers Rome. L'an 387 avant J.-C, 
elle eut beaucoup à souffrir du tyran Denys I er de Sy- 
racuse, auquel, après un siège de plusieurs mois et 
une vive résistance, elle fut obligée de se rendre, 
pressée parla famine. Diodore de Sicile, xiv, 107-112. 
Elle se soumit à Rome un siècle plus tard (282 avant 
J.-C); mais, deux ans après, la garnison campanienne 
qu'elle avait introduite dans ses murs pour se défendre 




232. — Quart d'as de Rhégium. 
Têtes des Dioscures conjuguées à droite. — h). Mercure debout 
à gauche tenant son caducée et une corne d'abondance. 
PHriNQN. 90 avant J.-C. 

contre Pyrrhus, se révolta et fît subir aux habitants de 
terribles violences. Les soldats rebelles ne furent ré- 
duits qu'en 270, avec l'aide des Romains, et exterminés 
sans pitié. Rhégium devint ensuite une civitas fce.de- 
rata, -c'est-à-dire une ville officiellement alliée avec 
Rome et gardant toute son autonomie, voir Marquardt, 
Organisation de l'empire romain, trad. franc., t. I, 
p. 60-61, et elle retrouva en partie sa prospérité d'au- 
trefois. Néanmoins, elle ne devint un municipium pro- 
prement dit, c'est-à-dire une ville vraiment romaine, 
qu'au I er siècle avant notre ère. C'est à elle que venait 
aboutir la via Popilia, commencée en 132 avant J.-C, 
laquelle, au moyen de la via Appia, qu'elle rejoignait 
à Capoue, la mettait en communication directe avec les 
principales villes de l'Italie et avec Rome. Plus tard, 
elle reçut d'Auguste divers privilèges et le nom de Ju- 
Uum Rhégium. Ptolémée, III, i, 9. Au moyen âge, la 
ville partagea la fortune variée des empereurs byzan- 
tins et des Sarrasins. La Reggio moderne était une ville 
de plus de 30000 habitants et la capitale officielle de 
la Calabre; mais la malheureuse cité a été détruite 
par un tremblement de terre dans la nuit du 28 au 
29 décembre 1908. 

2» Rhégium dans le Nouveau Testament. — 11 n'est 
question de Rhégium dans la Bible qu'une seule fois, 
et d'une manière tout à fait occasionnelle. Le livre des 
Actes, xxviii, 13, nous apprend que le navire qui por- 
tait saint Paul, lors de son voyage à Rome pour com- 
paraître au trihunal de l'empereur, toucha dans ce 
port, en allant de Malte à Pouzzoles. Ce vaisseau était 
-arrivé directement de Syracuse en longeant les côtes, 
itspieiôôvTîç, parce que le vent n'avait pas été favorable, 
ou mieux encore, peut-être, à cause des contre-courants 
qui sont fréquents dans le détroit de Messine. 
Cf. A. Trêve, Une traversée de Césarée de Palestine à 
Putéoles au. temps de saint Paul, Lyon, 1887, in-8°, 
p. 46. — Le récit des Actes ajoute, xxvm, 13, que le 
navire passa un jour entier dans le port de Rbégium, 
sans doute pour attendre le vent du sud, dont on avait 



besoin pour franchir le détroit. Ce trait, et aussi le sui- 
vant, d'après leque la brise fut si favorable, qu'on alla 
de Rhégium à Pouzzoles en vingt-quatre heures, sont 
intéressants à noter, parce qu'ils démontrent la parfaite 
exactitude du narrateur. Dans l'antiquité, les vaisseaux 
devaient souvent attendre longtemps à Rhégium un 
vent qui leur permît de lutter contre les courants du 
détroit, très violents sur certains points. C'est précisé- 
ment pour ce motif que la ville avait pris comme pro- 
tecteurs les Dioscures, regardés comme les patrons des 
marins. — « En enlevant [il y a quelques années], à Reg- 
gio, les décombres d'une maison détruite par un trem- 
blement de terre, on a découvert au-dessous les ruines 
d'un temple de Diane, dans l'atrium duquel saint Paul 
aurait prêché, d'après la tradition, en l'an 61, lors de 
son passage dans cette ville. » F. Vigouroux, Le Nou- 
veau Testament et les découvertes archéologiq. mo- 
dernes, 2= édit., in-12, Paris, 1896, p. 347. — Voir Kie- 
pert, Alte Géographie, § 399, p. 462; W. Smith, 
Dictionary of Greek and Roman geography, t. il, 
p. 703-706. L. Fillion. 

RHÉUM (hébreu : JRehûm, voir Rehum, col. 1024; 
Septante : 'Pïoju.)> un des prêtres qui revinrent de 
la captivité de Babylone avec Zorababel. IIEsd., xn, 3. 
Jl paraît être le même que celui qui est nommé, Harim 
(Vulgate, Haram), x, 15. Voir Harim 3, t. iv, col. 430. 

RHINOCÉROS, grand mammifère herbivore, d'ex- 
térieur massif et difforme, et surtout remarquable par 
une corne qui se dresse à l'extrémité de son museau. 
Cette corne est pleine et doit probablement sa forma- 
tion à une agglutination de poils. De là le nom de 
l'animal : p:vôç, « de nez », y.Épatç, « corne ». Il existe 
deux espèces de rhinocéros, celui des Indes et celui 
d'Afrique. Le rhinocéros indien est unicorne; il vit 
solitairement dans les forêts les plas désertes, à proxi- 
mitédes rivières ou des marais où il aime à se vautrer. 
Le rhinocéros africain vit dans les mêmes conditions ; 
mais derrière la corne principale, il en porte une se- 
conde beaucoup plus courte. — Le rhinocéros n'est 
nommé que dans la Vulgate. Job, xxxix, 9. Dans ce 
passage, l'auteur sacré parle du re'êrn ou aurochs. 
Voir Aurochs, t. i, col. 1260. Les Septante ont traduit 
le mot hébreu par u.ovoxepu>{, « animal à une corne ». 
Voir Licorhe, t. iv, col. 244. Saint Jérôme a cherché à 
rendre le terme grec par le nom d'un animal n'ayant 
qu'une corne. Mais le rhinocéros n'a jamais dû être 
connu dans le voisinage de la Palestine, et d'ailleurs 
l'identification du re'êm avec l'aurochs n'est plus dou- 
teuse. H. Lesêtre. 

RHODE (grec : 'Pô8r), « rosier » ; Vulgate : Rhode), 
nom de la servante de Marie, mère de Jean-Marc, à 
Jérusalem. Saint Pierre, délivré miraculeusement de la 
prison où l'avait enfermé Hérode Agrippa, alla frapper 
à la porte de la maison de Marie. Rhode, reconnaissant 
la voix de l'apôtre, fut si joyeuse de sa délivrance, 
qu'elle alla l'annoncer en courant, sans penser même à 
lui ouvrir, aux personnes qui étaient rassemblées là 
pour prier. Act., xn, 13-17. 

RHODES (grec: Tôoo;; Vulgate : Rhodus), la plus 
célèbre des lies doriques, située dans la partie sud-est 
de la mer Egée, à 18 kilomètres et en face de la côte 
méridionale de la Carie, à l'angle sud-ouest de l'Asie 
Mineure, dont elle n'est séparée que par un détroit 
(flg. 233). On croit que son nom vient du mot pôSov, 
« rose », de sorte qu'il équivaudrait à Pays des roses. 

1° Géographie de Vile. — L'Ile de Rhodes avait; 
d'après (Pline, H. N., v, 36, une circonférence de 
125 milles romains. Sa superficie est de 1460 kil. 
carrés. Quoique en partie rocheuse, elle avait autre- 



1089 



RHODES 



1090 



fois un sol très fertile, admirablement cultivé, qui 
produisait, outre d'immenses forêts, de nombreux 
arbres fruitiers, entre autres l'oranger, le grenadier, 
le figuier, et aussi la vigne, le coton, le lin, des pâtu- 
rages, le blé et différentes espèces de céréales. Cf. Ho- 
mère, IL, il, 653, 670; Pindare, Olymp., vu, 49. Grâce 
à cette circonstance, comme aussi à ses excellents ports 
et à son admirable situation, l'île jouissait d'une grande 
prospérité dans les temps anciens. Son climat était 
et est encore délicieux, son air très pur. C'était un 
proverbe populaire, volontiers répété par les habitants 
actuels, que le soleil brille, a Rhodes tous les jours de 
l'année. Cf. Pline, H. N., u, 62. Elle est traversée d'une 
extrémité à l'autre par une chaîne de montagnes dont 
le sommet le plus élevé, haut de 1 240 mètres, portait 
le nom d v Atabyrios. Sur sa cime était bâti un temple 
dédié à Zeus ; mais l'île était elle-même consacrée au 
dieu Hélios ou Soleil. Elle est très bien arrosée par la 
rivière Candura et d'autres nombreux cours d'eau. 
Avant de s'appeler Rhodes, elle avait été nommée 
Ophriusa, Stadia, Trinacria, etc. Pline, H. N., v, 36; 




233. — Monnaie de Rhodes. 

Tête d'Hélios radiée, — i?. Victoire debout, tenant une couronne 

et une palme ; bordée de grenetis. 

Strabon, xvi, p. 653. Nous avons vu qu'Homère la men- 
tionne déjà, IL, n, 654-655. 

2° Histoire de l'île. — Rhodes paraît avoir été d'abord 
dépendante de la Carie; mais les Phéniciens y fon- 
dèrent de très bonne heure, vers l'an 1300 avant J.-C, 
des colonies qui la firent passer entre leurs mains. On 
voit encore, en plusieurs endroits, des ruines attestant 
leur passage. Vers l'an 800 avant J.-C, elle tomba au 
pouvoir des Grecs Doriens. En 408 avant»notre ère les 
habitants des trois anciennes cités de Lindos, sur la côte 
orientale, de Jalysos et de Camiros, sur la côte occiden- 
tale, lesquelles formaient, avec Cos, Cnide et Halicar- 
nasse, situées sur le continent, P«Hexapolis dorique», 
s'entendirent pour fonder à la pointe nord-est, une ville 
nouvelle, qu'ils appelèrent Rhodes, comme l'île. Celte 
ville, bâtie en amphithéâtre, ne tarda pas à devenir 
l'une des plus belles et des plus brillantes de l'ancien 
monde. Diodore de Sicile, xm, 75. C'est surtout après 
la mort d'Alexandre le Grand, 323 avant J.-C, lorsque 
ses habitants eurent expulsé la garnison macédonienne 
qui l'occupait, qu'elle parvint à une prospérité commer- 
ciale qui faisait d'elle la rivale d'Alexandrie et de Car- 
thage. — Elle était gouvernée par une aristocratie sage 
et puissante, qui, au moyen d'une excellente Hotte de 
guerre, montée par les meilleurs marins du monde, 
Strabon, I, 57; Cicéron, Pro lege Manilia,i8; Tite- 
Live, xxxvil, 29, sut habilement maintenir la neutralité 
de l'île, et par suite son indépendance, au milieu d,ésP 
compétitions et des guerres intestines des successeurs 
d'Alexandre lé Grand. Les Rhodiens fondèrent plusieurs 
colonies non seulement en Italie, mais jusque dans les 
iles Baléares et en Espagne. Leur capitale jouissait 
aussi d'une très juste célébrité comme centre des arts 
et des sciences ; plus tard, elle eut même une école 
d'éloquence, que les Romains fréquentaient en grand 
nombre : Caton, Cicéron, César et Pompée y prirent 
des leçons. Aristophane était originaire de Rhodes. On 
admirait, à l'entrée du port, le célèbre « colosse », 
statue gigantesque du dieu Hélios, haute de 32 mètres, 
en;airain,'' qui avait coûté 300 talents. Mais le colosse 

DICT. DE LA BIBLE. 



fut renversé par un tremblement de terre, dès l'année 
203 avant J.-C; toutefois, ses fragments mêmes exci- 
tèrent l'admiration pendant de longs siècles. Strabon, 
xiv, p. 652; Polybe, v, 86; Pline, H. N., xxxiv, 18; 
xxxv, 12. Le colosse avait été érigé en 280 avant J.-C, 
pour rappeler le souvenir du succès avec lequel les 
Rhodiens avaient soutenu le siège de leur capitale par 
Dëmétrius Polyorcète. 

Alliés de Rome depuis le commencement du II e siècle 
avant l'ère chrétienne, les Rhodiens étaient trop puis- 
sants pour ne pas exciter la jalousie et s'attirer la 
haine de leurs ambitieux amis. Ceux-ci leur devinrent 
hostiles dés l'année 167 avant J.-C, et prirent contre 
eux des mesures qui nuisirent beaucoup à leurs inté- 
rêts politiques et commerciaux. Les Rhodiens furent 
obligés de tout subir. Durant les guerres civiles de 
Rome, 47-43 avant J.-C, ils embrassèrent le parti de 
César contre les républicains ; mais ils en payèrent 
durement les conséquences, car la ville de Rhodes fut 
pillée sans pitié, en 43, par le général C. Cassius. Elle 
se releva à grand' peine de sa ruine commerciale. 
Néanmoins, l'île conserva une sorte d'indépendance 
nominale jusqu'en 44 après J.-C. A cette date, elle fut 
incorporée à l'empire par Claude, . Suétone, Claud., 
xxv ; Dion Cassius, lx, 24, mais seulement d'une ma- 
nière transitoire; plus tard, Vespasien la rattacha dé- 
finitivement à la province d'Asie proconsulaire, Sué- 
tone, Vespas., VIII. Lorsque Dioclétien réorganisa 
l'empire, elle devint le centre de la « province des 
îles ». Nous savons par Josèphe, Ant. jud., XIV, xiv, 
3; XV, vi, 6; XVI, v, 3; Bell, jud., I, xxi, 11, 
qu'Hérode le Grand entretint quelques relations avec 
les Rhodiens. 

Conquise par les Arabes, reconquise par les empe- 
reurs byzantins, l'île redevint peu à peu prospère. 
Elle eut de nouveau une période très brillante au 
moyen âge, lorsque les chevaliers de Saint-Jean-de- 
Jérusalem, expulsés de Palestine, se furent rendus 
maîtres de la ville de Rhodes, en 1310. Ils y établirent 
leur résidence, la fortifièrent solidement, et en firent 
le centre d'un État qui comprenait aussi quelques-unes 
des petites iles voisines et plusieurs villes du conti- 
nent. De là, ils luttèrent contre les Turcs avec une 
vaillance que rien ne pouvait lasser. A diverses re- 
prises, les musulmans attaquèrent en vain la capitale, 
durant la seconde moitié du xv e siècle; finalement, ils 
s'en emparèrent en 1522, sous la conduite de Soli- 
man II le Magnifique, qui récompensa la bravoure des 
chevaliers, en leur accordant des conditions géné- 
reuses. Rhodes fut la dernière place du Levant qui sut 
résister aux Sarrasins. Sous la domination tyrannique 
et rapace du gouvernement turc, qui n'a pas cessé 
depuis lors, la capitale et l'île de Rhodes ont perdu à 
peu près tout ce qui faisait leur prospérité et leur 
gloire. La ville actuelle de Rhodes ressemble beaucoup, 
avec ses rues étroites et tortueuses, aux cités du moyen 
âge; ce qui la caractérise surtout, ce sont ses remparts 
crénelés, munis de tours et de nombreux édifices 
(iig. 234), construits autrefois par les chevaliers de 
Saint-Jean. Comme restes des temps anciens, on ne 
voit guère que des autels païens avec inscriptions, des 
bases de statues, quelques fragments d'architecture, etc. 
Les monnaies de l'antique Rhodes, dont on a de nom- 
breux spécimens, portaient toutes l'image du dieu 
Soleil et souvent une rose au revers. 

3° Rhodes dans l'Écriture. — 1. L'île de Rhodes est 
mentionnée une fois dans l'Ancien Testament, I Mach., 
xv, 23, dans une longue liste d'États auxquels fut com- 
muniqué par les Romains un décret que leur sénat 
avait porté en faveur des Juifs. Tous les États en 
question étaient autonomes et indépendants; Rhodes 
ne pouvait donc pas être oubliée, car elle formait la 
puissance maritime la plus considérable et la plus 

V. - 35 



1091 



RHODES — RICHARD DE SAINT-VICTOR 



1092 



puissante de la Méditerranée orientale. — 2. Il est 
parlé de Rhodes une fois aussi dans le Nouveau Testa- 
ment, Act., xxi, 1, comme d'un port où toucha le 
navire qui portait saint Paul, lorsque l'Apôtre se ren- 
dait de Milet à Jérusalem, à la fin de son troisième 
voyage de missions. Il venait directement de l'île de 
Cos et fit ensuite route pour Patare, en Lycie. On re- 
garde comme très probable, sinon comme certain, que 
saint Paul s'arrêta également à Rhodes en plusieurs 
autres circonstances, spécialement lorsqu'il alla par 
mer d'Éphèse à Antioche, en terminant son second 
voyage apostolique. Act., xvm, 21-22. En effet, le port 
de Rhodes se trouvait sur la voie habituellement suivie 
à cette époque par tous les bateaux qui se dirigeaient 




234. — L'auberge de France dans la rue des Cbtvalieis à Rhodes. 
D'après une photographie. 

vers le nord ou vers l'est de la Méditerranée. Dion 
Cassius, lxxvi, 8; Josèphe, Bell, jud., VII, n, 1; Zona- 
ras, n, 17; E. Reclus, L'Asie antérieure, Paris, 1884, 
p. 640. — 3. Les Septante mentionnent aussi les Rho- 
diens en trois autres passages : — a) Gen., x, 4, où ils 
traduisent par 'PoSfos, alors que l'hébreu porte Doda- 
nim, Vulgate, Dodanim; — 6) I Par., i, 7* où le même 
cas se renouvelle, quoique le texte hébreu flotte entre 
Roddnim et Dodânîm, Vulgate, Dodanim ; — c) Ezech., 
xxvn, 15, où ils ont : « Tes marchands (ô Tyr) étaient 
des fils des Rhodiens, » tandis que l'hébreu porte : 
« des fils de Dédan »; Vulgate, filii Dedan. Il est pro- 
bable qu'en ces trois endroits la leçon de l'hébreu 
mérite la préférence. Voir R. Kittel, Biblia hebraica, 
in-8», t. n, Leipzig, 1906, p. 122; Knobel, Die Vôlker- 
tafel der Genesis, in-8°, Giessen, 1860, p. 104-105. 
Parmi les interprètes, les uns préfèrent la lepon des 
Septante, et les autres, en plus grand nombre, celle 
de l'hébreu. Voir Dodanim, t. u, col. 1456-1459. Il est 
vraisemblable que les Septante ont fait ce changement, 
parce qu'ils ne savaient plus ce qu'étaient les Doda- 
nim, tandis que les Rhodiens étaient alors puissants 
et célèbres; d'ailleurs, il leur paraissait naturel que 



l'Ile de Rhodes, peuplée en grande partie de Grecs, eût 
sa place parmi les descendants de Javan. Voir Javan, 
t. in, col. 1146. 

4» Bibliographie — J. Meursius, Creta, Cyprus, 
Rhodus, in-4°, Amsterdam, 1675; V. Coronelli, Isola 
di Rodi geographica, storica, in-8°, Venise, 1702; 
J. D. Paulsen, Commentatio exhibens Rhodi descrip- 
tionem macedonica xtate, Goettingue, 1818; Th. Menge, 
TJeber die Vorgeschichte der Insel Rhodus, Cologne, 
1827; Rottiers, Description des monuments de Rhodes, 
Bruxelles, 1828; Ross, Reisen auf den griechischen 
Insein, t. m, p. 70-113; du même, Reisen nach Kos, 
Halikamassos, Rhodos, Stuttgart, 1840; Schubert, 
Reisen in' s Morgenland, 2 e édit., t. i, Erlangen, 1840, 
p. 441-480; Berg, die Insel Rhodos, 2 in-8°, Brunswick, 
1860-1862; Becker, De Rhodiorum primordiis, Leipzig, 
1882; Schneiderwirth, Geschichte der Insel Rhodos, 
in-8", Heiiigensfadt, 1868; V. Guérin, L'île de Rhodes, 
in-8°, 2» édit., Paris, 1880; Biliotti et Cotteret, L'île de 
Rhodes, in-8°, Rhodes et Paris, 1881 ; C. Torr, Rhodes 
in ancient Times, in-8», Cambridge, 1885, et Rhodes 
in modem Tinies, in-8°, Cambridge, 1887; C. Schu- 
macher, De Republica Rhodiorum commentatio, Hei- 
delberg, 1886; Selivanow, Topographie de l'ancienne 
Rhodes (en russe), Kasan, 1892; H. von Gelder, Ge- 
schichte der alten Rhodier, in-8°, La Haye, 1900. 

L. FlLLION. 

RHODOCUS (grec : 'PiiSoxoç), soldat de l'armée 
juive qui trahissait ses compatriotes assiégés dans 
Bethsura par le roi de Syrie Antiochus Eupator. Le 
traître fut découvert et jeté en prison. II Mach,, xm,21. 

RIBAÏ (hébreu : Ribaï; Septante : Ti6â, 'PtSts, 
très diversement écrit dans les divers manuscrits), 
père d'un des gibborîm de David appelé Éthaï (t. il, 
col. 2002) et Ithaï (t. m, col. 1038), de la tribu de Benja- 
min et de la ville de Gabaath. II Reg., xxm, 29; I Par., 
xi, 31. 

1. RICHARD DE SAINT-VICTOR, Écossais de 
naissance, devenu chanoine de l'abbaye de Saint-Vic- 
tor à Paris. Reçu- par le premier abbé dom Gilduin, il 
fut disciple d'Hugues^dé Saint-Victor. La première date 
connue de sa vie est l'année 1157, pendant laquelle 
il signa, en qualité de sous-prieur, une convention 
entre l'abbaye de Saint- Victor et Frédéric, seigneur de 
Palaiseau. Plus tard, il fut nommé prieur et semble 
être mort vers 1173,1e 10 mars, jour auquel on célèbre 
son anniversaire dans le nécrologe de Saint-Victor. 
Richard, au milieu des leçons qu'il professa, trouva 
le moyen d'écrire bon nombre d'ouvrages. On les a di- 
visés en trois classes : les écrits exégétiques, les traités 
théologiques et un certain nombre de dissertations et 
d'essais détachés. Nous n'avons à nous occuper ici que 
des premiers. Ils sont au nombre de quatorze. Toute- 
fois, ils relèvent bien plus de la morale mystique que de 
l'exégèse scripturaire proprement dite. — 1° Benjamin 
minor, t. cxcvi, col. 1-63. Expliquant les mots du 
Ps. lxvii, 28 : Benjamin in mentis excessu, Richard 
cherche à faire voir que Benjamin, le plus cher des 
enfants de Rachel, fut l'ouvrage de la contemplation. — 
2° Benjamin major, ibid., col. 63-191. Dans ce traité 
sont expliqués les mots du Ps. cxxxi, 8 : Surge, Domine, 
in requiem tuant, tu et arca sancli/icationis tuée. 
C'est la sagesse qui donne la satisfaction et la perfec- 
tion de la sagesse, c'est la contemplation. — 3» Comme 
Appendice de Benjamin major sont données Nonnullse 
allegorise tabernaculi fœderis, ibid., col. 191-202. 
C'est encore une invitation à la contemplation divine 
figurée par le tabernacle intérieur, auquel nous mène 
la raison, tabernacle extérieur. — 4° L'opuscule De 
meditandis plagis quse circu finem mundi evenient, 
ihid., col. 202-211, est le commentaire d'une version 



1093 



RICHARD DE SAINT-VICTOR — RICHESSE 



1094 



du chap. xu, 1-6, de l'Ecdésiaste : Mémento creatoris 
tui in diebus juventutis tuse, etc. — 5<> Dans l'Expo- 
sitio difficultatum suborientium in expositione ta- 
bernaculi fœderis, ibid., col. 215-255, Richard traite 
d'abord de la construction du temple dont il tire un 
sens tropologique. La seconde partie est un simple 
commentaire littéral de la description du temple de 
Salomon d'après le livre des Rois, tandis que la troi- 
sième traite de la chronologie des rois de Juda et d'Is- 
raël. — 6° Les Declarationes nonnullarum difficul- 
tatum Scripturse, ibid., col. 255-265, et YExplica- 
iio aliquorum _ pastuum difficilium Apostoli, ibid., 
col. 665-681, portent sur certains textes de saint Paul. On 
a donné depuis le xti e siècle des explications plus plau- 
sibles aux difficultés indiquées par Richard. — 7° Sui- 
vent, col. 265-401-, les Mysticas adnolationes in Psal- 
mos. Ce sont plutôt des homélies pieuses que de véri- 
tables commentaires exégétiques. Le Psaume xxtii est 
seul expliqué tout entier. — 8° Vin Cantica Canti- 
corum explicatio, ibid., col. 405-524, semble inspirée 
de saint Grégoire le Grand; elle renferme plus d'ins- 
tructions morales que d'interprétations allégoriques. 
-— 9' Citons pour mémoire le petit opuscule Quomodo 
Christus ponitur in signum populorum, ibid., col. 523- 
528. C'est plutôt un sermon. — 10» Dans Vin visionem 
Ezechielis, ibid., col. 527-660, orné de plans et de 
figures schématiques, Richard s'attache surtout à 
l'explication littérale des animaux, des roues et des 
édifices décrits dans la vision du prophète. — 11° De 
Emmanuele librï duo, ibid., col. 601-661, réfutant les 
objections d'un certain maître André. C'est donc un 
petit traité d'exégèse polémique. — 12" L'œuvre scrip- 
turaire la plus considérable de Richard de Saint- 
Victor est constituée par les In Apocalypsim loannis 
libri seplem, ibid., col. 683-888. C'est encore une 
paraphrase mystique de chacune des visions de l'Apo- 
calypse. Si nous avons exactement recensé l'œuvre 
exégétique de Richard de Saint- Victor, il faut pourtant 
rappeler que lj n'est point son principal mérite. Il est 
bien plus théologien mystique qu'interprété de la Bible. 
— Voir Histoire littéraire de la France, t. xm, p. 472- 
88; Fabricius, Bibliotheca medii œvi (1746), t. vi, 
p. 243-39. La plupart des autres études relatives à 
Richard de Saint-Victor s'occupent surtout du mystique, 
du théologien et du philosophe. 

J. VAN DEN GlIEYN. 

2. RICHARD SIMON. Voir Simon (Richard). 

RICHE (hébreu : ddsên, mêah, 'asar, sô'a, kâbêd; 
Septante : tiXo-juio;, îumv; Vulgate : dives, locuples), 
celui qui possède des richesses. — 1" Riches en géné- 
ral. — Le riche et le pauvre sont tous deux l'œuvre du 
Seigneur, Prov., xxn, 2, qui n'a pas plus d'égards pour 
le premier que pour le second. Job, xxxrv, 19. La bé- 
nédiction de Dieu fait devenir riche, Prov., x, 22; la 
gloire du riche, comme celle du pauvre, est la crainte 
du Seigneur, Eccli., x, 25, et heureux est-il quand il 
est sans tache et ne court pas après l'or. Eccli., xxxi, 
8. Qui donne libéralement devient riche. Prov., xi, 24. 
La prière du pauvre monte à l'oreille du riche. Eccli.," 
xxi, 5; le riche peut donner de larges aumônes. Marc., 
xu, 41; Luc, xxi, 1. Un riche devait avoir l'honneur 
d'offrir une sépulture au Sauveur. Is., mt, 9, — Il ne 
faut pas se tourmenter pour devenir riche, Prov., xxm, 
5, ni s'enorgueillir de l'être. Jer., IX, 23. La fortune 
est pour le riche comme sa forteresse. Prov., x, 15; 
xviii, 11. Il a de nombreux amis, Prov., xiv, 20; il se 
croit naturellement sage. Prov., xxvm, 11. 11 travaille 
encore à acquérir des richesses, Eccli., xxxi, 3; mais 
la satiété lui ôte le sommeil, Eccle., v, 11, et mieux 
vaut le pauvre bien portant, que le. riche affligé de ma- 
ladie. Eccli., xxx, 14. Le riche peut être réduit' à la 
plus basse condition. Eccle., x, 6. — On a ordinaire- 



ment pour le riche des attentions qui ne sont pas tou- 
jours justifiées. « Le riche vient-il à chanceler, ses 
amis le soutiennent... Quand le riche fait une chute, 
beaucoup lui viennent en aide; il tient des discours 
insensés, et on l'approuve... Le riche parle, et tout le 
monde se tait, et on élève son discours jusqu'aux nues. » 
Eccli., xm, 25-28. Saint Jacques, h, 2, 3, blâme ceux 
qui attribuent au riche une place d'honneur à cause de 
sa richesse. 

2° Riches célèbres. — Parmi les personnages, bons 
ou mauvais, renommés pour leur richesse, la Sainte 
Écriture nomme Abraham, Gen., xin, 2; Ésaû et Jacob, 
Gen., xxxvi, 7; Booz, Ruth., H, 1; Job., xxxi, 25; Da- 
vid, I Par., xxix, 28; Nabal, I Reg., xxv, 2; Berzellaï, 
II Reg., xix, 32; Salomon, III Reg., x, 23; II Par., îx, 
22; Josaphat, II Par., xvn, 5; xvru, 1; Ézéchias, 
II Par., xxxii, 27; Judith, vm, 7; Aman, Esth., T, 11; 
X.erxès, Dan., xi, 2; Joakim, mari de Suzanne, Dan., 
xm, 4; Zachée, Luc. xix, 2; Joseph d'Arimathie, 
Matth., xxv, 57, et, parmi les hommes illustres d'Israël, 
« des riches ayant des biens en abondance. » Eccli., 
xuv, 6. 

3° Mauvais riches. — Le. mauvais riche répond du- 
rement, Prov., xvni, 23, domine sur le pauvre, Prov., 
xxn, 7, commet l'injustice et ensuite prend de grands 
airs, Eccli., xm, 3, écrase les pauvres qui, à cause de 
cela, le détestent, Eccli., xm, 23, 24; Is., v, 17, use de 
fraude, Eccli., xxv, 4, opprime les malheureux. Mich. 
vi, 12; Jacob, h, 6. L'apologue du riche qui s'empare 
de la brebis du pauvre, II Reg., xu, 1-4, et la parabole 
du mauvais riche et de Lazare, Luc, xvi, 19-22, font 
ressortir le caractère injuste ou égoïste du riche qui 
n'a pas la crainte de Dieu. Mieux vaut le pauvre intègre 
que le riche fourbe. Prov., xxvm, 6. Il y a toujours 
inconvénient à se lier avec un plus riche que- soi, 
Eccli., xin, 2, et surtout à se quereller avec lui, parce 
que son or lui permet d'écraser son adversaire. Eccli., 
vm, 2. — Le méchant ne s'enrichira pas définitivement, 
sa fortune tombera un jour ou l'autre, Job. xv, 29; un 
jour, il se couchera pour la dernière fois, Job, xxvii, 
19, et n'emportera rien avec lui en mourant. Ps. xlix 
(xlviii), 17; Jacob., 1,11. Souvent, à devenir plus riche, 
on se perd. Prov., xxn, 16. Le riche qui pense à bâtir 
pour serrer ses récoltes, va mourir la nuit même. Luc, 
xu, 16-20. Que les riches ne soient donc pas impies. 
I Tim., vi, 17. — Les riches sont exposés ainsi à toutes 
sortes de tentations. Il leur est difficile, par consé- 
quent, d'entrer dans le royaume des cieux. Matth., xix, 
23, 24; Marc.; x, 25; Luc, xvm, 23-25. Vouloir devenir 
riche, c'est s'exposer à succomber à ces tentations.' 
I Tim., vi, 9. Malheur aux riches qui cherchent et 
trouvent leur consolation ici-bas. Luc, vi, 24. Qu'ils 
pleurent sur les calamités qui fondront sur eux. Jacob., 
v, 1. ' 

4» Riclies spirituels. — Le Seigneur lui-même est 
riche envers ceux qui l'invoquent, Rom., x, 12, riche 
en miséricorde. Eph., h, 4. Riche par nature, Jésus- 
Christ s'est fait pauvre, afin de nous rendre riches 
spirituellement. II Cor., vm, 9. — Les chrétiens sont 
ainsi riches en Jésus-Christ. I Cor., i, 5. Ils doivent 
l'être en bonnes œuvres, I Tim., vi, 18, en humilité, 
Jacob., i, 10, en foi, Jacob., n, 5, en mérites. Apoc, h, 
9. Il en est qui se croient riches et ont besoin de tout. 
Apoc, ni, 17. Pour devenir riche, il faut acheter au 
Sauveur de l'or éprouvé par le feu, c'est-à-dire obtenir 
de lui une charité ardente. Apoc, m, 18. Au festin du 
Rédempteur, les riches de la terre mangeront et se 
prosterneront, devenant ainsi des riches spirituels. Ps. 
xxn (xxi), 30. Les riches qui ne le feront pas seront 
renvoyés les mains vides. Luc, i, 53. 

H. Lesètre. 

RICHESSE (hébreu : hâmôn, tôb, yegî'a, nékés, 
oSér, sû'a; chaldéen : nekas: Septante : 7cXovtoî, t« 



1095 



RICHESSE 



1096 



iitipyovra, « les ressources », ti àyaôà, « les biens »; 
Vulgate : divitise, opes, bona), ensemble de biens ma- 
tériels possédés en grande quantité. Voir Argekt, t. I, 
col, 947; Mammon, t. îv, col. 636; Or, t. îv, col. 1841; 
Trésor. 

1° Sources de la richesse. — Avant tout, c'est du 
Seigneur que vient la richesse. I Par., xxix, 12; Eccle., 
v, 18. Les idoles seraient donc incapables de l'accorder. 
Bar., vi, 34. Salomon n'avait pas demandé les richesses; 
mais Dieu, satisfait de son désintéressement, les lui a 
départies. III Reg., m, 11,13; II Par., i 11. 12. Les 
méchants eux-mêmes ne tiennent leurs richesses que 
de Dieu. Job, xxn, 18. Cependant l'homme sage ne 
demande ni pauvreté, ni richesse. Prov., xxx, 8. — 
La richesse n'est rien auprès de la sagesse, Sap., vu, 
8; vin, 5, mais elle vient facilement à sa suite, Prov., 
m, 15, 16; vm, 18, et elle est une couronne pour le 
sage. Prov., xiv, 24. Elle est aussi le résultat des ser- 
vices rendus, I Reg.,xvn, 25, de la diligence, Prov.,x, 

4, de l'énergie, Prov., xi, 16, de la vertu. Prov., xx, 4. 
Le juste la possède dans sa maison. Ps. cxii (cxi), 3. 
Mais elle ne va pas toujours à l'intelligent, Eccle., ix, 
11, et le méchant même l'acquiert. Ps. lxxih (lxxh)> 

2° Conséquences de la richesse. — Elle procure un 
grand nombre d'amis, Prov., xix, 4; mais souvent, 
celui qui aime l'argent n'est pas rassasié par l'argent, 
celui qui aime les richesses n'en goûte pas le fruit; 
quand tes biens se multiplient, ceux qui les mangent 
deviennent aussi plus nombreux, et quel avantage en 
revient-il à leurs possesseurs, sinon qu'ils les voient 
<le leurs -jeuxl ï.cc\e., \, 9-10. La richesse fait parfois 
oublier et mépriser les amis. Eccli., xxxvii, 6. — Là 
richesse est instable; il ne faut donc pas se fier à elle. 
I Tim., VI, 17. Au jour de la richesse, on fait bien de 
penser à la pauvreté. Eccli., xviii, 25. Tel n'est jamais 
rassasié de richesses, mais pour qui donc travaille-t-il? 
Eccle., iv, 8. Peut-être n'en jouira-t-il pas, et c'est un 
étranger qui profitera de ses biens. Eccle., vi, 2. Des 
richesses sont conservées, pour son malheur, par celui 
qui les possède; elles se perdent par quelque fâcheux 
accident et rien n'en demeure aux mains de son fils. 
Eccle., v, 12, 13. Qui se confie dans sa richesse, tom- 
bera. Prov., xi, 28. Comme Dieu n'a aucun égard aux 
richesses, Job, xxxvi, 19, au jour, de la colère, la ri- 
chesse ne servira de rien. Prov., xi, 4. Si les richesses 
augmentent, il ne faut pas y attacher son coeur. Ps. 
lxii (t.xi), 11. — A plus forte raison en est-il ainsi 
quand la richesse est alliée à l'iniquité. Qu'on se garde 
de s'appuyer sur les richesses injustes. Eccli., v,10. Ces 
richesses se pourrissent et se perdent. Jacob., v, 2. 
Bonne renommée vaut mieux que grande richesse, 
Prov., xxn, 1, et le peu du juste est préférable à toute 
l'opulence des méchants. Ps. xxxvii (xxxvi), 16. Ces 
derniers ont beau compter sur leurs richesses, elles 
passeront à d'autres. Ps. xlix (xlviu), 7; lu (li), 9. 
L'indigent dévore les richesses de l'insensé, Job, v, 

5, et le méchant qui a englouti des richesses est forcé 
de les vomir. Job, xx, 15. Ainsi ont été ravies succes- 
sivement les richesses de Jérusalem, Is., xx, 5, de Tyr, 
Ezech., xxvi, 12, et de Ninive. Nah., H, 9. L'homme 
qui acquiert des richesses injustement doit les quitter 
au milieu de ses jours et, à sa fin, il n'est plus qu'un 
insensé. Jer., xvii, 11. 

3° La richesse d'après l'Évangile. — Les bénédictions 
temporelles avaient été promises autrefois aux Israé- 
lites fidèles. Deut., xxvm, 1-14. Beaucoup de leurs 
plus illustres personnages avaient vécn ou du moins 
fini dans la richesse, Eccli., xuv, 6, tels Abraham, Da- 
vid, Salomon, Josaphat, Ézéchias, Job, Judith, etc. La 
richesse apparaissait donc comme une bénédiction du 
Seigneur. Lorsque, dans les siècles qui précédèrent 
l'Évangile, beaucoup de Juifs succombèrent à la tenta- 



tion de matérialiser les espérances messianiques et 
d'attendre un grand royaume terrestre, puissant et 
riche, la richesse prit à leurs yeux une importance 
extrême; elle devenait pour eux le signe et en même 
temps le moyen de leur affranchissement et de leur 
domination future. Isaïe, lx, 5, 17. La Palestine, devait 
être dans le monde le centre de ce royaume de prospé- 
rité. Cf. Scbiïrer, Geschichte des jûdischen Volkes im 
Zeit. J. C, Leipzig, t. n, 1898, p. 538-544. Satan s'ima- 
ginait que Jésus lui-même pouvait entrer dans cet ordre 
d'idées, quand il lui disait, en lui montrant tous les 
royaumes du monde avec leur gloire et toutes leurs 
richesses : « Je vous donnerai lout cela si, tombant à 
mes pieds, vous m'adorez. » Matth., rv, 9. En naissant, 
en vivant, en mourant dans la pauvreté, le Sauveur 
montre tout d'abord que la richesse n'est pour lui ni 
un but, ni même un moyen. A ceux qui veulent le 
suivre, il conseille de se défaire de tout. Matth., xix, 
21; Marc, x, 21; Luc, su, 33; xiv, 33. Les envoyés 
qui prêchent son Évangile ne doivent rien posséder. 
Matth., x, 9; Marc, vi, 8; Luc, îx, 3; x, 4. Toutefois, 
il ne condamne pas la richesse en elle-même; il fré- 
quente des riches sans leur adresser le moindre re- 
proche au sujet de leur richesse. S'il en condamne 
quelques-uns, Luc, vi, 24, c'est à cause du mauvais 
usage qu'ils en font. Le riche impitoyable ne va en en- 
fer qu'à raison de son égoïsme, et Lazare est dans le 
sein d'Abraham, qui a été un riche. Le premier a gardé 
pour lui les biens pendant sa vie; Lazare avait les 
maux, sans qu'il y eût échange entre l'un et l'autre. La 
compensation, négligée sur la terre, s'impose dans, 
l'autre vie. Luc, Xvi, 19-25. La richesse est légitime, 
mais elle devient une richesse d'iniquité si on ne l'em- 
ploie pas à se faire des amis par lesquels on puisse 
être reçu dans les tabernacles éternels, Luc, xvi, 9, 
c'est-à-dire si on ne la consacre pas à des œuvres de 
justice et de charité dont le mérite puisse être récom- 
pensé dans le ciel. Notre-Seigneur fait ressortir ce ca- 
ractère dangereux des richesses quand il explique la 
parabole de la semence. De même que les épines étouf- 
fent la bonne semence quand elle commence à croître, 
ainsi « la duperie des richesses » étouffe dans une âme 
la parole de Dieu et sa grâce. Matth., xm, 22; Marc, 
iv, 19; Luc, vm, 14. L'histoire des débuts du christia- 
nisme confirme par l'expérience la leçon que le Sauveur 
avait donnée. Partout, les pauvres vinrent les premiers 
à l'Évangile. I Cor., i, 26. A Jérusalem, en particulier, 
la première communauté chrétienne vivait dans la pau- 
vreté, en face de la société juive, opulente et persécu- 
trice, Jacob., il, 6, 7; v, 1-6, et saint Paul faisait des 
quêtes pour elle parmi les gentils convertis. Gai., n, 
10. Après les pauvres, les riches entrèrent à leur tour 
dans l'r.glise, quand ils surent faire de leur richesse 
l'usage prescrit par le Sauveur. Cet ordre avait été an- 
noncé à l'avance par la prophétie. Tout d'abord, au 
banquet du Messie, Ps. xxn (xxi), 27, 30, 

Les affligés mangeront et se rassasieront ; 

et seulement ensuite, 

Les riches mangeront et se prosterneront. 

4° La. richesse spirituelle. — La richesse du Christ, 
ce sont tous les biens qui découlent pour nous de son 
incarnation et de sa rédemption. Eph., m, 8. Il y a en 
lui des richesses de bonté, Rom., H, 4, de sagesse, 
Rom., xi, 33; Col., n, 2, de grâce, Eph., i, 7; n, 7, et 
de gloire. Rom., ix, 23; Eph., i, .18; m, 16; Phil., rv, 
19. — La vraie richesse devant Dieu, ce n'est pas le 
vêtement dont on se pare, c'est la pureté incorruptible 
du cœur, accompagnée de douceur et de paix. I Pet., 
m, 3, 4. La chute des Juifs a été la richesse du inonde 
et leur amoindrissement la richesse des gentils. Rom., 
xi, 12. Lorsque en effet les Juifs ont refusé la foi et le 



1097 



RICHESSE — RICIN 



1098 



salut qui leur ont tout d'abord été présentés, les Àpôlres 
leur ont dit : « Puisque vous la repoussez et que vous- 
mêmes vous vous jugez indignes de la vie éternelle, 
voici que nous nous tournons vers les gentils. » Act., 
xiii, 46. Saint Paul ajoute cependant que l'adoption de 
la foi par les Juifs, loin de diminuer la richesse spiri- 
tuelle des gentils, ne pourra que l'accroître. Rom., xi, 
12, 15. H. Lesêtre. 

RICIN (hébreu : qîqâyôn; dans les Septante : xoXo- 
xi5v8ï) ; dans la Vulgate : hedera), plante au large feuil- 
lage et à la croissance rapide. 

I. Description. — Le Ricinus communia (fig. 235) 
est un grand arbrisseau de la famille des Euphorbia- 
cées, spontané dans la région tropicale et souvent cul- 
tivé comme ornement dans les jardins de la zone tem- 
pérée, où sa tige demeure herbacée et annuelle. Ses 
larges feuilles alternes ont leur limbe découpé en lobes 
palmés et dentés sur le pourtour; les stipules sont 




235. — Le ricin. 

connées en une seule lame embrassant la tige. Vers le 
sommet une vaste inilorescence oppositifoliée porte de 
nombreuses fleurs monoïques, dont les mâles, qui 
occupent la base, ont 3 à 5 sépales membraneux et 
valvaires entourant plusieurs faisceaux d'étamines ra- 
meuses. Dans les fleurs femelles le périanthe est caduc, 
en forme de spathe à déchirure latérale, avec au cen- 
tre un ovaire triloculaire, surmonté de styles courts et 
triades. Le fruit mûr est une capsule lisse ou plus sou- 
vent hérissée de pointes, s'ouvrant en trois coques bival- 
ves. Les graines solitaires sont volumineuses, ovales, 
comprimées du côté interne, terminées par un appen- 
dice blanchâtre ou caroncule, revêtues d'un testajra- 
gile, luisant et marbré de brun. Embryon très grand, à 
cotylédons larges et plats, au centre d'un albumen oléa- 
gineux, dont on extrait une huile servant en médecine 
ainsi qu'à divers usages industriels. F. Hy. 

• II. Exégèse. — Lorsque Jonas sortit de la ville de 
Ninive après sa prédication, il se retira sous une hutte 
de branchages pour attendre le résultat de ses menaces. 
Dieu, dit le texte biblique, Jon., iv, 6-10, fit pousser 
un qîqâyôn qui, s'élevant au-dessus de l'abri de Jonas, 
lui procura de l'ombrage. Pendant qu'il jouissait de 
cette ombre bienfaisante, un ver piqua le qîqâyôn qui 
se dessécha, si bien que le soleil darda ses rayons brû- 
lants sur la tête du prophète qui défaillit. Pour expri- 



mer la croissance rapide de ce qîqâyôn, H est dit au 
f. 10, que, venu en une nuit, il a péri dans une autre 
nuit. 

Les Septante ont traduit qîqâyôn par xoXoxvvD.*,. 
J. D.Michaelis, Supplément, ad Lexica hebraîca, in-8», 
Gœttingué, 1787, t. H, p. 2186, se demande si leur tra- 
duction n'est pas due à une méprise entre deux noms 
de son assez approchant, comme est le mot ^jj^-j 

khanvafr, « ricin », avec le mot , J>, karah, « courge ». 

Cependant ils pouvaient être amenés à donner la pré- 
férence au Cucurbila Lagenaria par ce qu'ils sa- 
vaient de cette plante et de son usage. On sait que la 
courge croît très rapidement clans les pays chauds, et 
qu'elle est utilisée pour couvrir les murs des maisons 
et les abris de verdure, où elle s'attache comme la 
vigne vierge et forme ainsi, par ses replis et ses larges 
feuilles, une protection contre la chaleur. Le Cucurbita 
Lagenaria leur semblait donc répondre aux conditions 
du qîqâyôn, marquées dans le texte sacré. L'ancienne 
Italique avait suivi les Septante. Dans les peintures 
symboliques des catacombes empruntées à l'histoire de 
Jonas, c'est toujours cette plante qui est représentée. 
Voir t. H, col. 1081-1082. Cette opinion a encore ses 
partisans comme H. B. Tristram. The natural History 
of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 449; G. E. Post, 
article Gourd, dans Hasting's Dictionary of the Bible, 
t. i', p. 250, etc. 

Saint Jérôme ne crut pas devoir conserver la traduc- 
tion de l'ancienne Italique calquée sur les Septante. 
« Pro cucurbita, dit-il dans son commentaire sur Jonas, 
IV, 6, t. xxv, col. 1148, sive hedera, in Hébrao legimus 
ciceion, qu* etiam lingua Syra et Puniça ciceia dici- 
tur. » La description qu'il fait ensuite de cette plante 
désigne bien le ricin. Mais ne trouvant pas de nom 
latin usité pour exprimer cette plante (Pline est le seul 
auteur ancien à avoir employé le mot ricinus), il pré- 
féra mettre un nom connu de tous, différent de cucur- 
bita, et adopta hedera, le lierre, à la suite d'Aquila,de 
Symmaque et de Théodotion qui rendaient qîqâyôn par 
*.laoo\. Il savait donc que cette dernière traduction ne 
sejustifiaitd'aucune façon. Elle fut l'occasion de troubles 
dans l'Église d'Oéa en Afrique; elle attira au savant 
exégète les reproches de Rufin qu'il releva vertement. 
Saint Augustin lui-même, Epist. lxxi, 5, t. xxxm, 
col. 252-243, crut devoir se plaindre de cette substitu- 
tion qui ne lui paraissait pas justifiée. Saint Jérôme, 
Epist. exir, t. xxii, col. 931, se contenta de répondre 
en accusantde mensonge les Juifs, qui avaient prétendu 
à saint Augustin que le grec et le latin étaient con- 
formes au texte hébreu. Cependant Niebuhr, dans sa 
Description de l'Arabie, in-4», Paris, 1779, t. i, p. 209, 
observe qu'à Mossoul où croissent la courge, El Kerra, 
et le ricin, El Kherwa, les Juifs lui avaient assuré que 
le prophète avait voulu parler de la courge. C'est en- 
core cette plante qu'on emploie en Orient, comme la 
vigne vierge, pour former des tonnelles ombragées. 

S'il est donc des raisons en faveur de la courge, il 
en est d'autres, surtout d'ordre philologique, qui mili- 
tent pour le ricin. Eu Grèce, dit Hérodote, h, 94, cette 
plante (xpoTcuv) croit spontanément et sans culture; 
mais les Égyptiens la soignent; ils la sèment sur les 
bords des rivières et des canaux et lui font produire 
en grande abondance des fruits d'une odeur très forte, 
qu'ils pressent ensuite et dont ils extraient une huile 
bien connue qui a des propriétés médicinales, et qui 
brûle avec autant d'éclat et de facilité que l'huile 
d'olive. Les Égyptiens appellent la plante silicyprion 
et l'huile kiki. Dioscoride, iv, 161, parlant du xpôrav, 
« ricin », l'identifie aussi avec le x£xt égyptien. Les Égyp- 
tiens, dit Diodore de Sicile, i, 34, pour entretenir leurs 
lampes se servent de l'huile d'une plante qu'ils appel- 
lent *ixi. Pline, H. N., xv, 7, et Strabon, xvn, tien- 



4099 



RICIN 



RIPHATH 



1100 



lient le même langage. 11 est bien ceriain que le ricin 
croissait en Egypte et y était cultivé. On a retrouvé des 
graines du Ricinus communia dans plusieurs tombes : 
et elles sont conservées dans plusieurs musées. On a 
même prétendu découvrir dans quelques peintures 
funéraires la représentation du ricin, notamment à 
Tell-El-A marna, et à Thèbes dans des tombes de Abd- 
El-Qunah. Cf. Lepsius, Denkmâler, t. m, pi. 63; 
Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegypten, in-8", 
18SC, p. 338. Mais ces représentations, plutôt, du reste, 
schématiques, ne semblent guère convenir au ricin. 
Il est étrange que ce nom kiki, si souvent mentionné 
dans les auteurs anciens, n'ait pas été encore retrouvé 
dans les lextes hiéroglyphiques. Peut-être est-ce comme 
en copte où kiki désigne non la plante, mais la graine? 
M. Révillout paraît avoir découvert le nom du ricin, du 

moins en démotique. Ce serait /w. V i, Deqam. 

L'huile du Deqam correspond au xïxtdes auteurs grecs. 
Kiki serait sans doute le nom de la graine de cette 
plante. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., Paris, 
1892, p. 49. L'huile que les auteurs grecs appellent 
xfxivov &<xiov, d'un terme emprunté à l'Egypte, est 
connue dans le Talmudsous un nom de même origine, 
pip jour, sémén qiq. Les Juifs s'en servaient pour les 
lampes le jour du sabbat. Qiq, C'est bien le kiki copte 
ou égyptien, et le qîqàyôn du texte sacré. D'autre part 
cette plante, de croissance rapide, atteint dans les pays 
orientaux les dimensions d'un arbre, et ses larges 
feuilles sont propres à fournir de l'ombre. Aussi 
Bochart, Calmet, Michaelis, Rosenmiiller, Gesenius, 
Winer, etc., et la plupart des exégèles modernes tien- 
nent-ils pour le ricin. E. Levesque. 

RIDEAU, grande pièce d'étoffe servant à fermer une 
ouverture, à enclore un espace, etc. (fig. 236). La Sainte 
Ecriture mentionne quatre espèces de rideaux. 




236. — Rideaux et tentures devant un temple à colonnes ioni- 
ques. En avant, cinq vestales marchant en procession. Bas- 
relief d'un autel de Sorrente. 

1» Yerî'àh, a\ilaia, corlina, nom des dix rideaux for- 
mant l'enceinte du Tabernacle. Ils étaient tissés en lin 
retors, en pourpre violette et rouge et en cramoisi ; des 
chérubins y étaient brodés. Chacun d'eux avait 28 cou- 
dées (14™70) de longueur et 4 (2">10) de largeur. Ils 
étaient assemblés cinq par cinq, et les deux pièces ainsi 
formées se réunissaient au moyen d'agrafes d'or, de 



manière à entourer tout l'espace formant le Tabernacle. 
Exod., xxvi, 1-6; xxxvi, 8. Cf. II Reg., vil, 2. On don- 
nait le même nom aux pièces d'étoffe qui servaient à 
construire des tentes luxueuses. Cant., i, 5 ; Is., liv, 2; 
Jer., îv, 20; xlix, 29; Hab., ni, 7. Voir Tente. 

2° Mdsàk, ÈTtiaîiasTpov, tentorium, nom du rideau 
qui fermait l'entrée du Tabernacle. Il était de même 
étoffe que les précédents, moins les chérubins brodés. 
Exod., xxvl, 36; xxxix, 38; XL, 5. Le même nom est 
donné au rideau fermant l'entrée du parvis qui entou- 
rait le Tabernacle. Exod., xxxv, 17; xxxix, 40; Num., 
IV, 25, 26. Quand Jonathas et Achimaas descendiren* 
dans un puits pour se cacher, une femme étendit sur 
l'ouverture un mâsdk, £-[v.iXu^,|jia, velamen, qui sans 
doute lui servait de couverture.. II Reg., xvii, 19. 

3° Pârokét, /.aTaTrÉTaffpa, vélum, le voile qui fermait 
l'entrée du Saint des saints dans le Tabernacle et dans 
le Temple. Il était de même étoffe que les rideaux du 
Tabernacle et également orné de chérubins. Exod., xxvi, 
31, 33, 35; xxvn, 21 ; xxx, 6; xxxvi, 35; xxxvm, 27 ; xl, 
3, 26; Lev., rv, 6, 17; xvi, 2, 15; xxi, 23; xxiv, 3; 
Num., xvni, 7. A cause de sa destination, il est quel- 
quefois appelé pdrokét liam-niâsdk, expression que les 
versions rendent de différentes manières. Exod., xxxv, 
12; xxxix, 34; xl, 21 ; Num., iv, 5. Dans le Temple sa- 
lomonien, ce rideau fut fait de byssus bleu, pourpre et 
cramoisi, avec des chérubins brodés. II Par., m, 14. 
Sur celui du Temple d'Hérode, voir Voile du Temple. 

4° Qéla', icmov, tentorium, nom donné aux rideaux 
de lin retors, supportés par des colonnes, qui formaient 
l'enceinte du parvis autour du Tabernacle. Exod., xxvn, 
9, 11, 14; xxxv, 17; xxxvm, 9, 12, 14-16; Num., m, 20. 
Le nom de qéla' est aussi donné, ainsi que celui de 
mdsdk, au rideau de la porte du parvis. Exod., xxxvm, 
18; xxxix, 40; Num., iv, 26. H. Lesètre. 

RIEGLER Georg, théologien catholique allemand, né 
le 21 avril 1778, mort en 18i7. 11 fut ordonné prêtre en 
1806 et devint professeur à Bamberg en 1821. On a de 
lui, entre autres publications, DasBuch Ruthaus dem 
Hebraïsclien mil Erlàulerungen, Wurzbourg, 1812; 
Krilische Geschichte der Vulgata, Salzbach, 1820; Die 
Klagelieder des Jeremias erlàulert, 1820, Der xrni; 
Psalm erlàulert, 1823; Biblisclte Hermeneulik, 1835, 
llebràische Spracldehre (avec A, Martinet), Bamberg, 
1835. 

RINNA (hébreu: Rinnâh, « cri d'allégresse »; Sep- 
tante : 'Avoi; A lexandrinwt : Pawûv), fils de Simon, 
de la tribu de Juda. I Par., iv, 20. Dans les Septante 
et dans la Vulgate, Rinna parait être fils de Hanan ; en 
réalité, il est frère de Béh-hànan, le premier élément 
de ce nom propre ayant été traduit à tort comme nom 
commun. Voir Hanan 1, t. m, col, 412-413. 

RIPHATH (hébreu : Rifaf, dans la Genèse ; Dîfa(, 
par erreur de scribe, dans I Par.; Septante : 'Pt?iô), 
second fils de Gomer et petit-fils de Japhet, frère 
d'Ascenez et de Thogorma. Gen., x, 3; I Par., i, 6. On 
ne trouve son nom que dans la table ethnographique. 
On a essayé d'identifier Riphath avec divers pays, en 
particulier avec les 'PncaXa opr„ monts Riphéens, que 
les anciens géographes placent dans les régions bo- 
réales, Strabon, VII, m, 1; Ptolémée, m, 5, 15; Pline, 
H. N., iv, 12, et qui formaient les limites extrêmes 4e 
la terre au nord, mais ces montagnes paraissent fabu, 
leuses. P. de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, 
1866, Abh. 255, a indiqué, comme rappelant le nom de 
Riphath, le fleuve 'Ptj6ok; mentionné par Arrien et la 
contrée nommée 'Pf|6avTiâ sur le Bosphore de Thrace. 
Knobel, Die Volkertafel der Genesis, 1850, p. 43, se ' 
prononce pour les Karpathes qu'il croit être les monts 
Riphxi des anciens et voit sans motif les Celtes et les 



1101 



RIPHATH 



ROBOAM 



1102 



Gaulois dans les descendants de Riphath. La version 
arabe rend Riphath par *s^i (France). D'après Jo- 
sèphe, Ant. jud.,1, vi,l, Riphath fut le père des Paphla- 
goniens : 'Piçà8»)î (<uxio-sv) 'PupâôaiO'JS, toù; naçXayôva-r 
XsYo[iévou;, et cette opinion paraît encore la plus vrai- 
semblable. Voir PAPHLA.GOMENS, t. iv, col. 2077; Fr. 
Lenormant, Les origines de l'histoire, t. H, 1882, p. 395- 
399; Id., Histoire ancienne de l'Orient, t. i, 1881, 
p. 292-293. Voir la carte t. iv, vis-à-vis la col. 2208. 

RIRE (hébreu : sel.wq, sef>oq ou sel.iôq, Septante ; 
fiXai;; Vulgate : risus), phénomène particuîier à l'homme 
et lui servant à exprimer la joie, la plaisanterie, la mo- 
querie, etc. Le rire a différents degrés. Dans le sourire, 
les yeux prennent une expression joyeuse et là bouche, 
sans s'ouvrir ou en ne s'ouvrant que légèrement, se 
dilate dans le sens horizontal en produisant un plisse- 
ment dans les deux joues. Quand le rire est plus accen- 
tué, la voix s'y mêle en faisant entendre le son inarti- 
culé d'une voyelle plus ou moins sonore. A un degré 
supérieur, la voix se fait entendre par éclats successifs, 
suivis d'un temps de respiration proportionnée l'effort, 
et le corps tout entier peut prendre part au rire par 
des mouvements divers. La gravité orientale se prête 
peu facilement au rire. Les Arabes « tiennent que ceux 
qui rient aisément pour la moindre chose ont l'esprit 
faible et mal tourné, et que cet air gracieux, riant et 
enjoué n'est agréable que sur le visage des filles et des 
jeunes femmes. Ils affectent tant de sagesse dans leurs 
actions et dans leur contenance, que tout ce qu'il y a 
au monde de plus plaisant ne saurait presque les faire 
rire, quand ils sont parvenus à l'âge d'être mariés et 
qu'ils ont la barbe assez longue pour ne plus paraître 
de jeunes garçons, v De la Roque, Voyage dans la 
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 133. 

Le rire est mentionné plusieurs fois dans la Sainte 
Écriture et attribué à des motifs de différente nature. 

— 1° La joie. Abraham appela son fus îshaq, « il rit », 
Isaac, voir t. m, col. 930, et Sara dit à son sujet : « Dieu 
m'a donné de quoi rire; quiconque l'apprendra me sou- 
rira. » Gen., xxi, 3-6, Qu'un sage se fâche ou qu'il rie, 
l'insensé ne peut s'entendre avec lai. Prov., xxix, 9. Le 
rire qui procède de la joie n'est ni durable, ni sans 
mélange. « Il y a temps pour pleurer et temps pour 
rire. » Eccle., m, 4. 

Même dans le rire, le cçeur trouve la douleur, 

Et la joie se termine par le deuil. Prov., XIV, 13. 

J'ai dit au rire : Insensé ! 

Et à la joie : A quoi bon ce que tu donnes? Eccle., II, 2. 

Aussi, « mieux vaut la tristesse que le rire, car le vi- 
sage triste fait du bien au cœur. » Eccle., vu, 3. Voilà 
pourquoi Notre-Seigneur condamne le rire, quand il 
procède d'une joie mauvaise ; mais il le promet pour le 
temps de la récompense éternelle : « Heureux vous qui 
pleurez maintenant, car vous rirez... Malheur à vous 
qui riez maintenant, car vous aurez le deuil et les 
larmes. » Luc, vi, 21, 25. Et saint Jacques, rv, 9, dit 
aux pécheurs : « Que votre rire se change en pleurs. » 

— 2» La bienveillance. Au temps de sa prospérité, Job 
se montrait aflable envers ses inférieurs : / ^ 

Si je leur souriais, ils ne pouvaient le croire, 

Ils recueillaient avidement ce signe de faveur. Joh, xxix, 24. 

— 3» La surprise. A l'annonce qu'il aura un fils de 
Sara, Abraham tomba la face contre terre et il rit. 
<5en., xvn, 17. Cf. Rom., iv, 19. — 4° L'assurance. Le 
juste se rit de la dévastation et de la famine, Job, v, 22, 
parce qu'il sait qu'il n'a rien de grave à en redouter. 
La femme forte se rit de l'avenir, Prov., xxxi, 25, parce 
qu'elle a tout prévu et préparé à l'avance. Les Chal- 
>déens sont si forts qu'ils se rient des princes et de leurs 
forteresses. Hab., i, 10. Daniel souriait quand Cyrus 



lui parlait de tout ce que Bel mangeait et buvait, et il 
se prit à rire quand il montra au roi les traces des pas 
de ceux qui étaient entrés dans le temple pour enlever 
les offrandes placées devant l'idole. Dan., xiv, 6, 18. — 
5° L'incrédulité. Quand Sara, avancée en âge, entendit 
annoncer qu'elle aurait un fils, elle se mit à rire. L'ange 
lui reprocha d'avoir ri; Sara, prise de peur, dit : « Je 
n'ai pas ri; » et l'ange répliqua : « Si, tu as ri. » Gen., 
xviii, 12-15. La foi vint ensuite à Sara. Heb., xi, 11. — 
6" La sottise. Le sot rit sans motif et sans retenue : 

Comme le pétillement des épines sous la chaudière, 

Tel est le rire des insensés. Eccle., vu, 7. 

Le sot quand il rit fait éclater sa voix, 

Mais l'homme sensé sourit à peine tout bas, Eccli, xxi, 23. 

Aussi dislingue-t-on aisément l'un de l'autre à leur 
manière de rire. Eccli., xix, 27. Souvent d'ailleurs la 
joie qui provoque le rire de l'insensé est celle du 
péché. Eccli., xxvii, 14. — 7° La moquerie. Esther, 
xiv, 11, demande que les ennemis n'aient pas à rire de 
la ruine de son peuple. Les justes se riront de l'impie, 
au jour de son châtiment. Ps. lu (li), 8. Job, ix, 23, se 
plaint que Dieu rie des épreuves de l'innocent, en diffé- 
rant de le délivrer. Dieu rira du malheur des méchants. 
Prov., î, 26. Cf. Luc, vi, 25. H. Lesètre. 

RITES. Voir Cérémonies, t. n, col. 437. 

1. RIVIÈRE. Voir Fleuve, k t. n, col. ,2289; Tor- 
rent; Palestine, Hydrographie, t. iv, col. 1988, 2000. 

2. rivière D'Egypte. Voir Egypte 3, t. h, col. 1621, 

RIXE. Voir Querelle, col. 907. 

ROAGA (hébreu : Rôhegàh, Rohegdh, « clameur »; 
Septante : 'Pooyâ; Alexandrinus : O0paovâ),le second 
des quatre fils de Somer, de la tribu d'Aser. I Par., 
vu, 34. 

ROBE. Voir Tunique, Vêtement. 

ROBOAM (hébreu : Rehab'âm; Septante : 'PoSocuy.), 
fils et successeur de Salomon (975-958 avant J.-C, selon 
la chronologie ordinaire; 932-915 d'après quelques 
assyriologues). — Roboam avait pour mère Naama, l'Am- 
monite. IIIReg., xiv, 21. Il étaitâgéde quarante et un ans 
au moment de son accession au trône. III Reg., xiv, 21; 

II Par., su, 13. Sa naissance et, par conséquent, l'union 
de Salomon avec Naama, remontaient donc à la der- 
nière année du règne de David. Il est probable dès lors 
que Roboam occupa le trône de son père par droit 
d'aînesse, ce qui n'empêche pas que Salomon ait pu 
consacrer ce droit par une désignation explicite. — Le 
nouveau roi inaugura son règne par une faute. Il ne 
pouvait totalement ignorer les menées de Jéroboam, 
que Salomon avait cherché à faire mourir et qui était 
allé chercher un refuge auprès de Sésac, roi d'Egypte. 

III Reg., xi, 40. A l'âge qu'il avait, il devait être capable 
de prendre une détermination prudente. Il en fut tout 
autrement. Dès qu'il eut appris la mort de Salomon, 
Jéroboam accourut et, à la tête du peuple, réclama du 
nouveau roi l'allégement du joug qui pesait sur la 
nation. Roboam remit sa réponse à trois jours. Entre 
temps, il consulta les vieux conseillers de son père, 
qui l'exhortèrent à se montrer bienveillant à l'égard de 
ses sujets. Il voulut aussi entendre les courtisans, ses 
contemporains, qui composaient sa compagnie ordi- 
naire. Ces derniers furent d'un avis tout opposé ; ils 
conseillèrent au roi la rigueur. Leur avis prévalut. — 
Le troisième jour, Roboam formula sa réponse dans 
les termes durement expressifs que lui avaient suggérés 
ses maladroits conseillers. « Mon père, dit- il, a rendu 



1103 



ROBOAM 



1104 



votre joug pesant, je vous le rendrai plus pesant encore. 
Mon père vous a châtiés avec des fouets, je vous châ- 
tierai avec des scorpions. » III Reg., xii, 14. Ces paroles 
brutales frappèrent des esprits déjà prêts à la révolte. 
De tout temps, la tribu d'Éphraïm avait eu des préten- 
tions à l'hégémonie de la nation.Voir Éphraîm (Tribu d'), 
t. il, col. 1877-1878. La prise de possession de la royauté 
par la tribu de Juda lui avait causé un sourd mécon- 
tentement qui n'attendait qu'une occasion pour éclater. 




237. — Iudhamatek. Karoak. 
D'après Champollion, Monuments de l'Egypte, t. iv, pi. 305. 

L'Éphraïmite Jéroboam épiait cette' occasion. Il savait 
que la plus grande partie des tribus partageait plus ou 
moins expressément les idées d'Éphraïm,et d'ailleurs 
la prophétie d'Ahias l'avertissait que l'occasion atten- 
due était non seulement proche, mais imminente. L'en- 
semble des faits montre assez qu'il était lui-même à la 
tête des mécontents et que ses mesures étaient prises 
pour exercer l'autorité suprême. La réponse de Roboam 
amena le dénouement fatal. La réaction contre la royauté 
de Juda fut nettement formulée : & Quelle part avons- 
nous avec David 1 A tes tentes, Israël ! » III Reg., xii, 
16. Les actes succédèrent aux paroles. En vain Roboam 
envoya-t-il Aduram pour ramener les rebelles au devoir. 
Le choix du négociateur ne pouvait être plus malheu- 
reux; car Aduram était préposé aux impôts et sa seule 



présence devait exaspérer le peuple, en lui rappelant 
l'obligation la plus lourde' et la plus odieuse qui pesait 
sur lui. Aduram fut lapidé par toute l'assemblée. Puis 
Jéroboam fut proclamé roi d'Israël, la seule tribu de 
Juda restant fidèle au fils de Salomon, ainsi que celle 
de Renjamin, qui se trouvait territorialement dans la 
dépendance de la précédente. 

Roboam ne crut pas au caractère définitif de la scis- 
sion. Il s'imagina que, par la force, il remettrait toutes 
choses en état. II rassembla donc, dans les deux tribus 
qui lui restaient, une armée de 180000 combattants et 
se disposa à partir en guerre contre les tribus séparées. 
Mais Dieu même avait permis le schisme, en punition 
des infidélités de Salomon. III Reg., xi, 31-34. En son 
nom, le prophète Séméï vint signifier au prince qu'il 
eût à renoncer à une lutte fratricide et Roboam dut 
obéir. Le schisme fut ainsi consommé. Le nom de 
Roboam parait vouloir dire « qui élargit le peuple » ; 
par une singulière ironie, il se trouvait que le fils de 
Salomon venait de diminuer le sien dans des propor- 
tions lamentables. 

Malgré ce grave avertissem ent, la conduite de Roboam 
s'inspira des exemples de l'infidélité paternelle et peut- 
être aussi des leçons de l'Ammonite Naama. Toutefois, 
le prince commença par garder quelque réserve pen- 
dant les trois premières années, pour ne pas s'aliéner 
les prêtres, les lévites et les Israélites qui, du royaume 
du nord, s'étaient repliés sur Juda, afin de rester fidèles 
au culte de Jéhovah. Roboam avait pour épouse Maha- 
lath, petite-fille de David. Il prit ensuite Abihaïl, d'après 
les Septante et la Vulgate, ici préférables au texte hébreu. 
Sa préférée fut Maacha, fille d'Absalom, dont il eut 
Abia, auquel il assura sa succession. Il eut d'ailleurs 
dix-huit femmes et soixante concubines, qui lui don- 
nèrent vingt-huit fils et soixante filles. Pour éviter 
toute difficulté à Abia, il dispersa tous ses fils dans les 
villes fortes de Juda et de Benjamin et les y pourvut 
abondamment de tout ce qu'ils pouvaient souhaiter. 
II Par., xi, 13-23. Plusieurs de ces villes fortes étaient 
son œuvre. En toutes, il rassembla tout ce qui était 
nécessaire en vivres et en armes, et il mit ces places 
en parfait état de défense. II Par.,xi, 5-12. On voit que 
Roboam s'attendait à quelque attaque. Plus sage qu'au 
début de son règne, il prenait ainsi d'utiles précautions 
contre un danger facile à prévoir, celui d'être pris entre 
deux ennemis qui s'entendaient évidemment contre lui, 
le roi d'Israël et le roi d'Egypte. 

Rassuré sur ce point, Roboam en prit à son aise 
avec la loi de Jéhovah. Son peuple l'imita. L'impiété 
s'accentua dans Juda, les hauts-lieux et les idoles se mul- 
tiplièrent dans le pays, les prostituées apparurent partout 
et toutes les anciennes abominations chananéennes repri- 
rent faveur. III Reg., xiv, 22-24; II Par., xii, 1, 14. Ces 
infidélités appelaient le châtiment. « 11 y eut toujours 
des guerres entre Roboam et Jéroboam. » II Par., xii, 
15. Ce trait suppose un état continuel d'hostilité, se 
manifestant par des escarmouches intermittentes entre 
les guerriers des deux royaumes. Mais le coup le plus 
rude vint d'Egypte. 

Sésac ou Schéschonq régnait alors sur les bords du Nil 
Étranger à la famille du prince qui avait donné sa fille 
en mariage à Salomon, voir Jéroboam, t. m, col. 1301, 
il accueillit Jéroboam poursuivi par la colère du monar- 
que de Jérusalem. 11 suivit ensuite attentivement les 
événements qui se déroulèrent en Palestine. La cin- 
quième année de Roboam, il se décida à intervenir à 
main armée. Nulle part n'est indiquée la cause de cette 
intervention. On croit généralement qu'elle fut provo- 
quée par Jéroboam, l'ancien protégé de Sésac. Le pharaon 
monta d'Egypte avec une armée nombreuse et toute une 
suite de Libyens, de Sukkienset d'Éthiopiens. Il prit les 
villes fortes de Juda et parut devant Jérusalem. Là terreur 
fut grande dans la ville; tous, roi et sujets, s'humilie- 



1105 



ROBOAM — ROCHER 



1106 



rent sous la main du Seigneur qui pesait sur eus. Le 
prophète Séméï annonça alors que le châtiment serait 
passager. En effet, Sésac prit Jérusalem, qui sans doute 
ne résista guère, et il s'empara des trésors du Temple, 
ainsi que des cinq cents boucliers d'or que Salomon 
avait fait exécuter. II Par., m, 2-9 ; III Reg., xiv, 25, 
26. Le désastre n'était pas irrémédiable; mais il était 
fort humiliant, surtout au lendemain d'un règne comme 
celui de Salomon, et il dépouillait le royaume de grandes 
richesses. Le prophète Séméï avait annoncé en outre 
que le pays resterait assujetti au roi d'Egypte et appren- 
drait ainsi la différence qu'il y avait entre le service 
de Jéhovah et celui des princes de la terre. II Par., 
xn, 8. 

Sésac a laissé un monument de sa campagne en 
Palestine. Sur la muraille sud du temple d'Amon à 
Karnak, il a fait graver la liste de ses conquêtes sur des 
cartouches dont chacun figure une ville prise. Le vingt- 
neuvième cartouche porte la mention Yud hamâlek ou 
Yudah malek. Champollion y vit, mais à tort, le portrait 
de Roboam. Le sens des mots est encore douteux, mais 
le type représenté est bien le type juif (fîg. 1 et 2). 
Voir Sésac. Cf. Champollion, Lettres écrites d'Egypte, 
2 M édit., p. 99, 100; Rosellini, Monumenti Storici, 
t. n, p. 79, 80; t. iv, p. 158, 159; de Rougé, Mémoire 
sur l'origine égyptienne de l'alphabet phénicien, Paris, 
1874, p, 53; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t, m, p. 407-427. Le monument 
de Karnak nomme beaucoup d'autres localités de l'Idu- 
mée, de Juda et d'Israël; il mentionne même la Phé- 
nicie, ce qui suppose, non une action militaire directe, 
mais le paiement plus ou moins volontaire d'un tribut 
par ceux qui avaient quelque chose à craindre ou à 
espérer du monarque égyptien. Quoique les égypto- 
logues ne s'entendent pas sur le sens qu'on doit 
donner aux mots Yud hamélek (cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, t, il, p. 774), il n'en 
est pas moins certain que l'inscription de Karnak con- 
firme le récit biblique dé la campagne de Sésac en 
Palestine. 

Roboam répara comme il put les pertes qu'il avait 
subies. Il remplaça les boucliers d'or par d'autres en 
airain. Ses gardes les portaient quand ils l'accompa- 
gnaient à la maison de Jéhovah. Par la suite, « il y eut 
encore quelque chose de bon en Juda, » que le Sei- 
gneur n'avait châtié qu'avec mesure. II Par., xn, 10-12; 
III Reg., xiv, 27, 28. Roboam régna en tout dix-sept 
ans, par conséquent douze ans rncore après l'invasion 
égyptienne. Il ne parait pas qu'il soit revenu sérieuse- 
ment à résipiscence. Le Chroniqueur, en effet, termine 
le récit de sa vie par cette remarque : t II fit le mal, 
parce qu'il n'appliqua pas son cœur à chercher Jého- 
vah. » II Par., xll, 14. Victime des conditions dans les- 
quelles s'était passée sa jeunesse, il eut le tort de croire 
que le prestige qui avait entouré la royauté de son père 
suffirait à garantir la sienne. Il ne sut pas comprendre 
qu'un grave changement s'était produit dans l'état des 
esprits et n'eut pas l'idée de chercher du eôté de Dieu 
l'inspiration et le secours dont il avait besoin. Sur sa 
mémoire pèse le souvenirdu schisme auquel son impru- 
dence donna l'occasion de se produire. 

H. Lesêtre. 

ROCHER (hébreu : sûr, sôr, 'ébén, kêf, miSgâb, 
séla'; Septante : ïrkpa ; Vulgate : petra, saxwm, rupes, 
lapis), masse minérale compacte, s'élevant au-dessus du 
sol à des hauteurs variées et avec des formes souvent 
abruptes. 

1" Au sens propre. — La Palestine est un pays accidenté 
dans lequel les altitudes varient de 392 mètresau-dessous 
du niveau de la mer, à la mer Morte, jusqu'à 2800 mè- 
tres au-dessus, au sommet de l'Hermon. Voir la carte, 
t. îv, col, 1980. Le roc affleure donc souvent dans les 
accidents de terrain, y forme des ravins profonds et 



escarpés et des montagnes plus ou moins dénudées. 
Aussi est-il assez souvent question des rochers dans la 
Sainte Écriture. Les rochers ne peuvent être changés 
de place. Job, xviii,4. Les aigles y établissent leur aire, 
Job, xxxix, 28, et les animaux sauvages y ont leur re- 
paire. Ps. civ(ciii), 18. Les malheureux y trouvent un 
abri pour habiter, Job, xxvm, 4; xxx, 6, et un refuge 
contre les ennemis. I Reg., xui, 6; Jer., iv, 29. La de- 
meure du Cinéen était dans le roc. Num.,xxiy, 21. Dans 
la poursuite de Saùl contre David, comme dans les 
guerres d'Israël contre les Philistins, l'action se passe 
souvent au milieu des rochers. I Reg., xiv, 4; xxiv, 4. 
Voir Caverne, t. h, col. 355. A la mort du Sauveur, les 
rochers se fendirent. Matth., xxvn, 51. Voir Calvaire, 
t. il, col. 82. — Le miel du rocher est celui que les 
abeilles y déposent. Deut., xxxn, 13; Ps. lxxxi (lxxx), 
17. L'huile du rocher est celle que produisent les oli- 
viers plantés au milieu des roches. Job, xxix, 6. 

2° Au sens figuré. — Par sa solidité, son évélation, 
la facilité de sa défense, le rocher figure le refuge inex- 
pugnable dans lequel on est sûrement hors d'atteinte, 
irkpa, petra. Ps. xxvu (xxvi), 5. Jéhovah est par excel- 
lence le rocher d'Israël, 'ébén, xaTtff^j<ra{ pour xoctiï- 
-/Tjaac, « tu as rendu fort i>, loj.is.Gen., xlix, 24. Isaïe, 
xxx, 29, appelle aussi Jéhovah le rocher d'Israël, sûr. 
Très fréquemment, les auteurs sacrés invoquent Dieu 
comme leur rocher, c'est-à-dire leur ferme et invin," 
sible appui. Ps ix, 10; xvm (xvu), 3; xxxi (xxx), 4 
xlii (xli), 10; xlvi (xlv), 8, 12; xlviii (xlvii), 4; lix 
(lviii), 10, 18; xcxiv (xcxm), 22; I Reg., n, 2; II Reg., 
xxn, 2; Is.,xvii, 10. Dans ces passages, l'hébreu em- 
ploie les mots misgâb, séla' et sûr. Les Septante et, à 
leur suite, la Vulgate rendent toujours cette expession 
figurée par des équivalents moins imagés : xaïaçuY'n, 
refugiunt,cnEçii<o\i.a,firmamentum, avTiWJTtrap, suscep- 
tor, poTi6os, adjuior. Là où l'hébreu dit : « le Rocher, 
son œuvre est parfaite », Deut., xxxn, 4, ils remplacent 
le mot hébreu par le mot « Dieu ». « Notre Rocher n'est 
pas comme leurs rochers » devient « notre Dieu n'est 
pas comme leurs dieux ». Deut., xxxn, 31. « Où sont 
leurs dieux, le rocher en qui ils mettaient leur con- 
fiance ? » est traduit : « Où sont leurs dieux, en qui 
ils avaient confiance? » Deut., xxxn, 37. En atténuant 
ainsi la métaphore du « rocher», les Septante ont obéi à 
leur souci constant de remplacer par des euphémismes 
'es termes qui leur paraissaient inintelligibles pour des 
étrangers ou capables de leur inspirer une idée fausse 
de Jéhovah. Cf. Cornely, Introductio in U. T. libros, 
Paris, 1885, t. i, p. 329. Or, il est certain que la repré- 
sentation de Jéhovah sous la figure de rocher pouvait 
avoir des inconvénients en un temps où les divinités 
idolâtriques revêtaient habituellement la forme de sta- 
tues de pierre ou même de stèles informes. — Au dé- 
sert, Moïse avait frappé le rocher pour en faire jaillir 
l'eau dont les Hébreux avaient besoin. Exod., xvu, 6; 
Num., xx, 11; Ps. cxiv (cxui), 8. Saint Paul dit à ce 
sujet: « Ils buvaient à un rocher spirituel qui les accom- 
pagnait, et ce rocher était le Christ. » I Cor., x, 4. Les 
anciens auteurs juifs prétendaient que le rocher qui 
avait fourni l'eau une première fois accompagnait les 
Hébreux dans leur voyage. Le miracle aurait été dû 
aux mérites de Marie, sœur de Moïse. Voilà pourquoi 
il fallut qu'il fût renouvelé à la mort de celle-ci. Le ro- 
cher, que quelque-uns réduisent à l'état de petite pierre 
que Marie pouvait porter dans son sein, franchissait 
les montagnes et les vallées. A lui se rapporteraient les 
paroles du cantique : « Monte, puUsl » Num., xxl,17. 
Cf. Bammidbar, i, fol. 182b; lalkut Rubeni, fol. 144; 
Raschi, sur Taanith, fol. 19a; Schoellgen, Horse hebr. 
et thalmud. K Dresde, 1733, p. 623 ; ûrach, De l'harmo- 
nie entre l'Eglise et la Synagogue, Paris, 1844, t. n, 
p. 423. Tertullien, De baptismo, 9, t. i, col. 1210, a 
admis la tradition juive de comité petra, du rocher qui 



1107 



ROCHER — ROGEL (FONTAINE DE) 



1108 



accompagne. Plusieurs commentateurs, au lieu de sup- 
poser une translation du rocher, ont cru que l'eau qui 
en était issue formait une rivière qui suivait les Hébreux 
partout, ou même que ceux-ci se contentaient d'emporter 
avec eux de cette eau pour l'utiliser dans les lieux arides- 
Cf. Cornely, 1 Epist ad Cor., Paris, 1890, p. 275-277. 
Saint Paul n'authentique pas ici la tradition juive, 
comme on l'a cru. Cf. Drach, Épîtres de saint Paul, 
Paris, 1871, p. 179. Il se réfère à la comparaison 
biblique qui appelle si souvent Jéhovah un « rocher ». 
Il neparle que d'un rocher spirituel, procurant un breu- 
vage spirituel. Il appelle de même la manne un aliment 
spirituel, I Cor., x, 4, c'est-à-dire ] un aliment fourni 
directement par Dieu. Le même Dieu, le « rocherspiri- 
tuel», qui était déjà le Christ, a ménagé partout aux Hé- 
breux le moyen de trouver de l'eau, et deux fois l'a pro- 
curée par un miracle, quand la nature n'en fournissait 
pas. D'ailleurs les textes du Pentateuque notent for- 
mellement que ce qui accompagnait les Hébreux, c'était 
Jéhovah lui-même. « Je me tiendrai devant toi sur le 
rocher qui est en Horeb. » Et Moïse appela ce lieu 
Maassa/t et Meribah, parce que les Hébreux avaient tenté 
Dieu en disant : « Jéhovah est-il au milieu de nous, ou 
non? » Exod., xvu, 6, 7. La seconde fois, au désert de 
Sin, Dieu dit à Moïse et Aaron : « Vous parlerez au 
rocher. » Num., xx, 8. La parole ne s'adressait évi- 
demment pas au rocher matériel, mais à celui qui se 
tenait au-dessus, à Jéhovah. Le rocher qui suivait les 
Hébreux n'était donc autre que Jéhovah, par conséquent 
son Christ et son Esprit, qui accompagnaient le peuple 
élu afin de pourvoir à tous ses besoins corporels et spi- 
rituels. A ce titre, saint Paul peut dire que « ces choses 
ont été des figures » de ce qui se passe pour le peuple 
nouveau, I Cor., x, 6, puisque le Christ qui prit soin 
des anciens Hébreux est aussi Je Dieu des chrétiens. 

ROGEL (FONTAINE DE) (hébreu : 'Ên-RôgU. 
Septante : lïrjTi Piayi\>.; Vaticanus : III Reg., i, 9 : 
PwyiîX; Vulgale : fons Rogel), source voisine de Jéru- 
salem. Les anciens ont toujours traduit ce nom « la 
fontaine du Foulon ». 

I. Identification.— 1° Opinion ancienne. — Depuis 
longtemps, le puits-source connu sous le nom de Bir 
'Ayûb, «le puits de Job » (flg. 238) était communément 
tenu pour l'antique « fontaine de Rogel ». Rbbinson 
en 1841, Williams, Schulz, Kraft en 1845 et 1846, Tobler 
en 1853, Thrupp en 1855, Lewin et Sepp en 1863, de 
Vogué en 1865 et plusieurs autres le reconnaissaient 
encore comme tel. Ce sentiment pouvait se réclamer 
de trois principaux arguments, fondés sur le nom par- 
ticulier de la fontaine, la description de la limite de 
Juda et Benjamin, de Josué, et la tradition locale. 
— 1. On connaît deux sources, dans les vallées au sud 
de Jérusalem et du Temple : Bir 'Ayûb et la fontaine 
appelée aujourd'hui 'Aïn Ummel-Deradj, « la fontaine 
des Degrés » et par les Européens, la fontaine de la 
Vierge, située à 650 mètres au sud de la première. 
Celle-ci est toujours appelée dans les écritures et dans 
les récits de Josèphe « la fontaine de Siloé ». Son canal 
et son issue en sont désignés sous le même nom ou 
sous celui de Gihon. Nulle part on ne trouve que c'est 
la même fontaine qui est nommée, dans les livres an- 
ciens « la fontaine de Rogel ». Il faut donc reconnaî- 
tre que celle-ci est une source différente. — 2. Deux 
fois Josué nomme « la fontaine de Rogel » : « La limite 
[de Juda] passe aux eaux de 'En-SéméS et arrive à 'Ën- 
Rôgêl; et [de là], la frontière monte la vallée de Ben- 
Rinnom, au côté du Jébuséen, au midi, c'est-à-dire de 
Jérusalem, » xv, 7-8. Reprenant le même tracé en re- 
venant de l'ouest, xvtii, 16-18 : « La frontière [de Ben- 
jamin]... descend, dit-il, Gè-Hinnom, au côté du Jébu- 
séen, au midi, et arrive à 'Ên-Rôgêl; et elle tourne, 
■MttN, au nord et parvient à 'Ên-SémeS. » Bîr 'Ayûb 



se trouve précisément au sommet du coude que doit 
décrire la frontière en arrivant à l'extrémité de Vouâd' 
er-Rebâby, l'ancienne Gê-Hinnom, pour remonter la 
vallée du Cédron et aller prendre 800 mètres plus haut, 
250 au-dessus de la « fontaine des Degrés », en fléchis- 
sant vers l'est, le col au sud du mont des Oliviers par 
où elle descendra à 'Aïn el-Blaûd ÇÊn-Sémés'). — 
3« L'ancienne version arabe éditée par Walton, où 
souvent les noms bibliques sont remplacés parles noms 
arabes qui les ont supplantés, au lieu de 'Ên-Rôgêl 
porte Jos., xv, 7 : 'Aïn 'Ayûb. — Le plan de Jérusalem 
de Marin Sanut, publié dans les Gesla Dei per Francos, 
de Bongars, et celui de 1308, donné par M. de Vogué, 
dans les Églises de la Terre Sainte, Paris, 1868, par la 
place assignée à la * fontaine de Rogel, » désignent in- 
dubitablement Bîr 'Ayûb. Voir t. îv, fig. 473 et 474, 
col. 1783 et 1784; la description anonyme du xn e siècle 
reproduite en appendice par M. de Vogué, Ion. cit., 
p. 247; Fretellus, t. clv, col. 1048; Jean de Wurzbourg, 
ibid., col. 1072; Burchard, édit. Laurent, Leipzig, 1863) 
p. 69-70, etc. ; Antonin de Plaisance, vers 670, ltinera- 
ro'tttn, 32, t. lxxii, col. 910. Eusèbe parle de « la piscine 
de Foulon », certainement voisine de la fontaine, si, 
elle n'est elle-même la fontaine, au mot ©açs6. Ono- 
masiicon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 216. 
Josèphe mentionne, Ant. jud., IX, x, 4, r t xœXoujiivii 
'Epu>Yrj, près de laquelle, à l'occident, est une mon- 
tagne, située elle-même devant la ville, 7tpô ttj; tiô/.êm;, 
et à l'ouest du jardin du roi. Érogé est évidemment 
Enrogel, « la fontaine du jardin du roi », près de 
laquelle Adonias offrit un banquet à ses partisans. 
Ibid. VII, xrv, 4. Tel est le sentiment général des 
anciens. 

2° Opinion moderne. — Les archéologues modernes 
préfèrent au Bir 'Ayûb la fontaine dite Umm ed- 
Deradj « là fontaine des Degrés » ou de la Vierge. 
— M. Clermont-Ganneau ayant entendu, en 1870, un 
fellah de l'endroit désigner du nom de Zûheiléh le 
quartier rocheux qui est au nord du village de Silôân 
et directement en face, à l'est, de « la fontaine des 
Degrés », en conclut que celle-ci est l'En-Rogel des 
anciens. La plupart des savants paraissent aujourd'hui 
favorables à celte identification nouvelle et la défendent 
par les arguments suivants : — 1. La fontaine de Ro- 
gel, selon I (III) Reg., i, 9, était « à côté de la pierre 
de Zohéleth. » Or, Zûheiléh est évidemment la Zohé- 
leth biblique : la fontaine de Rogel qui était à côté ne 
peut donc être que 'Aïn Umm ed-Deradj , située de 
l'autre côté de la vallée et en face de Zûheiléh, à 
moins de cent mètres de distance. Clermont-Ganneau, 
dans Pal. Expl. Fund, Quarterly Stalement, 1870, 
p. 252-253; The Survey of Western Palestine, Jérusa- 
lem, p. 293-294. Cet argument est le principal. — 2. Le 
Bir 'Ayûb n'est pas une « fontaine », en, 'aïn; c'est 
un « puits », bîr. Ce n'est point de lui dont il peu^ 
être question. Fr. Liévin de Hamme, Guide indicateur 
de la Terre Sainte, 3 e édit., Jérusalem, 1887, p. 382. 
P. Barnabe Meistermannn, La ville de David, p. 114, 
118; Nouveau Guide, p. 173. — 3. Il n'y avait à Jéru- 
salem qu'nne seule fontaine permanente, c'est ce 
qu'atteste Tacite, Hist., v, 12. Or, la seule fontaine 
désignée comme telle par toute l'antiquité c'est la fon- 
taine de Siloé ou de la Vierge. C'est donc bien elle 
aussi qui est la fontaine de Rogel. — 4. Lors d'une 
grande sécheresse qui dura cinq ans (513-518), le pa- 
triarche Jean (III), raconte Cyrille de Scythopolis, fit 
creuser dans le torrent de Siloé, près de la colonne 
Saint-Côme, sur le chemin de la grande Laure ou 
de Saint-Sabas, un puits profond de 40 toises. Vila 
S. Sabœ, édit. Cotelier, Paris, 1686, p. 334. Ces indi- 
cations conviennent fort bien au Bîr 'Ayûb, et comme 
il n'est jamais question d'un puits dans ces parages 
avant le vi e siècle, il n'est pas permis de soutenir que 



1109 



ROGEL (FONTAINE DE) 



1110 



le « puits de Job » est la fontaine Rogel. Ainsi, il reste 
seulement la fontaine de la Vierge. P. Meistermann, 
La Ville de David, p. 115; Id., Nouveau guide, p. 173. 
— 5. Un grand nombre d'anciens ont reconnu Rogel 
dans la fontaine de la Vierge ou Siloé. Quaresmius, 
Elucidatio Terrée Sanctm, III, vm, c. 28, édit. Venise, 
1881, t. il, p. 222-224. Le Talmud, Yebamoth, 496, 
l'auteur de la « Vie des Prophètes », y, t. XLiir, col. 397 
et une multitude de pèlerins donnent pour un seul 
lieu et une seule fontaine Siloé et Rogel. Itinéraire 
français des XI e et xni" siècles, édit. Michelant et 
Raynaud, Genève, 1882, p. 96, 168, 184, 231, etc. — 
Cf. Meistermann, La Ville de David, p. 111-122; Wil- 
son et Warren, The Recovery of Jérusalem, Londres, 



« puits » d'Agar, be'êr la-tlai roi, Gen., xvi, 14, est 
appelé, f. 7, 'en ham-mairn. Le traducteur arabe cité 
rend indifféremment 'en qui précède Rogel tantôt par 
'aîn, tantôt par bir. Cf. Fontaine, t, n, col. 2303 et 
Puits, col. 868. 

3. Tacite ne dit pas qu'à Jérusalem était une seule 
fontaine /mais, décrivant les avantages de la montagne 
du Temple pour la défense, relève qu'elle avait « une 
source intarissable », fons perennis aquse. Ce mot est 
sans préjudice des sources qui sont au dehors, signa» 
lées ailleurs, par exemple II Par., xxxili, 3-4. 

4. Plusieurs fois, on n'en peut douter, le Bîr 'Ayûb, 
soit fortuitement, soit par mesure stratégique, dut dis- 
paraître et être découvert de nouveau. Au temps 




238. — Le Bir Ayub au moment du débordement. Le puits est à gauche. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



1872, p. 305; Armstrong, Names and Places in the 
Old Testament, Londres, 1887, p. 57; Conder, The 
Stone of Zoheleth, dans P. E. F. Quarterly State- 
ment, 1889, p. 90. 

Les raisons exposées en faveur de 'aîn Vmm ed~ 
Derajd, n'ont pas paru péremptoires à tous et un 
nombre respectable de critiques et d'archéologues con- 
tinuent à défendre l'ancien sentiment, en faisant re- 
marquer la faiblesse de ces raisons. — 1. Si le nom de 
Zoheleth, disent-ils, a été porté par la partie rocheuse 
de la montagne qui s'étend au nord du village actuel 
de Siloân, on ne comprend pas que cette appellation 
ait été bornée à cet endroit et n'ait pas été donnée à 
toute la masse rocheuse jusqu'au Bîr 'Ayûb où elle 
s'étend et même au delà. C'est le nom du village, il y a 
tout lieu de le croire, qui fait reculer le nom de 
Zùheiléh à mesure que les habitations s'étendent da- 
vantage vers le nord. Voir Zoheleth. — 2. Chez les 
Hébreux, comme chez les Arabes et généralement tous 
les autres Sémites, un puits au fond duquel sort une 
source est indifféremment nommé 'en 'aîn ou be'ên, 
bir. Ainsi le « puits profond », <ppésp... Pa9-J, puteus... 
altus, ainsi désigné, Joa., rv, 11, est appelé, ji. 6, « la 
source de Jacob », mrr») toû 'IscxwS, fons Jacob; le 



d'Ozias, it dut être enseveli sous les décombres de 
l'éboulement de la montagne voisine qui recouvrirent 
tout le jardin du roi. Cf. Ant. jud., IX, x, 4. A 
l'approche de Sennachérib, Ézéchias fit obstruer et re- 
couvrir toutes les fontaiues des alentours de Jérusa- 
lem. II Par., xxxin, 3-4. Les mêmes précautions durent 
être prises en 70 et en 132, lors de l'approche des 
armées romaines de Titus et d'Adrien. En 1182, le Bîr 
'Ayûb était à retrouver. Par suite de la sécheresse, 
l'eau faisait complètement défaut. Un bourgeois franc 
de Jérusalem, nommé « Germain, avoit ouï dire aux 
anciens hommes de la terre, raconte le continuateur 
de Guillaume de Tyr, xxn, 1, t. CCI, col. 896-897, que 
de jouste la fontaine de Siloé avoit un puis ancien 
que Jacob (Job? Joab?) y fist et estoit couvert et em- 
pli... Si fi fouir tant que on trouva le puis. Quant il 
l'eût trouvé, le fist vuider et maçonner de neuf et tout 
à ses cous. Puis fit faire par-dessus une roe (noria). 
...Cet puis avoit bien l toises (près de cent mètres) 
et plus de parfont, puis le dépecièrent et emplirent, 
quant ils oirent dire que le Sarazin d'Egypte venoit la 
cité asegier. » — Un fait analogue, dont la date n'est 
pas précisée, est rapporté par Mugir ed-Dîn, dans son 
jiistoire de Jérusalem et d'Hébron, édit. du Caire, 



un 



ROGEL (FONTAINE DE) — ROHOB 



H12 



1283 (1866), p. 408. L'auteur semble confondre la res- 
tauration avec l'origine de Bir 'Ayûb. L'existence de 
la fontaine au confluent du Cédron et d'Hinnom étant 
attestée par Josué, l'œuvre du patriarche Jean, n'a pu 
être qu'une découverte du même genre, s'il s'agit tou- 
tefois du même puits, ce que contestent quelques-uns. 
Cf. R. von Riess, Bibel-Atlas, 1887, p. 23. 

5. Le témoignage des pèlerins postérieurs au xiif siè- 
cle, époque où un grand nombre des anciennes tradi- 
tions s'égarent, est de peu d'autorité par lui-même. 
S'ils placent le chêne de Rogel près de la fontaine de 
Siloé, ou plutôt près de l'embouchure du canal, c'est 
sur une interprétation contestable des anciens récits. 
Cf. Pseudo-Épiphane, De vitis prophetarum, loc. cit. 
Les indications de ceux-ci sur la fontaine voisine du lieu 
du martyre ou de la sépulture d'Isaïe : l'apparition sou- 
daine des eaux, en un endroit où elles furent recouvertes 
par ordre du roi Ézéchias, par conséquent avaient Clé 
en dehors de la ville; leur réapparition à l'anniversaire 
de la mort du prophète et quelques autres indices 
semblent bien se rapporter, comme celui d'Antonin, au 
Bîr 'Ayûb. Ces documents, on n'en peut guère douter, 
donnent le nom de Siloé au Bîr Ayûb lui-même. Au- 
jourd'hui toute la région appartenant aux habitants de 
Silôan, dans laquelle se trouve Bîr 'Ayûb, est appelée 
Siloé. Le puits lui-même est fréquemment désigné du 
même nom. L'auteur du Jichus ha-Abôt, observait, 
en 1569, que « la partie inférieure de la vallée [de Josa- 
phaf] porte aussi le nom de Siloé, parce que les eaux 
découlent de là et qu'on y lave les vêtements. » Dans 
Carmoly, Itinéraires de la Terre Sainte traduits de 
l'hébreu, Bruxelles, 1847, p. 442. Saint Jérôme, In 1er., 
vu, 32, t. xxiv, col. 735, donne le nom de « fontaines de 
Siloé » à toutes les fontaines qui arrosent la région où 
est le Bir 'Ayûb. Cette appellation ne peut donc tirer 
à conséquence contre l'identité de ce puits avec 'En- 
Rogêl. — Cf. Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 75; 
C. Schick, dans P. E. F. Quarterly Statement, 1886, 
p. 56; Namenliste und Erlâuterungen, dans Zeitschrift 
desdeutschen Palâstina-Vereins, t. xvm (1895), p. 153; 
Guy le Strange, Palestine under the Moslems, Lon- 
dres, 1890, p. 221 ; Socin-Baedeker, Palestine et Syrie, 
Leipzig, 1882, p. 241; J.-M. Lagrange, Topographie de 
Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 32; 
D* Sepp, Neue hochwichtige Entdeckungen auf der 
zweiten Palâstinafahrt, in-8°, Munich, 1896, p. 130. 

II. Description. — Le Bîr 'Ayûb est à 106 mètres 
au-dessous de l'esplanade du Temple et sa profondeur 
actuelle n'est plus que de 30 mètres. Il est construit 
en grosses pierres, d'apparence très ancienne, et offre 
une grande ressemblance avec les puits de Bersabée. 
Une vieille construction voûtée, à laquelle est annexée 
au nord une salle de prière pour les musulmans, en 
abrite l'orifice. Parmi les pierres dont est formé ce 
bâtiment, on en remarque de taillées en bossage dont 
les unes remontent au moyen âge, d'autres beaucoup 
plus haut. Des auges en pierre et en maçonnerie, 
auxquels ont vient abreuver les animaux et laver le 
linge, entourent le puits. Le niveau de l'eau varie avec 
les saisons et les années. Les habitants de Silôân la 
disent intarissable. Ces dernières années, quand la 
« fontaine des Degrés » était à sec, les porteurs d'eau ve- 
naient remplir leurs outres au Bir 'Ayûb et en alimen- 
taient la cité. Ses eaux sont réputées salutaires. Les 
années où les pluies sont suffisantes, le puits déborde 
et l'eau s'échappe en bouillonnant à quelques mètres 
plus bas, formant un fort ruisseau qui va se perdre à la 
mer Morte (fig. 238). Au premier débordement, les habi- 
tants de Silôâm s'empressent de porter en ville les pré- 
mices de l'eau aux personnages de distinction, comme 
un témoignage de bénédiction divine. Toute la ville 
descend alors et la vallée du Cédron ne cesse de reten- 
tir de cris et de chants d'allégresse tant que dure le 



courant, qui pendant les hivers de pluies très abon- 
dantes, se perpétue de trois à quatre mois. A quelques 
pas au sud-ouest, sous la montagne d'Haceldama, est 
une piscine ancienne, peut-être celle à laquelle font 
allusion Eusèbe et saint Jérôme. Tout à côté, une petite 
mosquée à coupole tombe de délabrement. 

III. Histoire. — l°Chusaï, un des conseillers de David, 
s'était chargé d'informer David en fuite des desseins de 
son fils révolté, Absalom. Achimaas (t. i, col. 139), fils 
du grand-prêtre Sadoc et Jonathas, fils du grand-prêtre 
Abiathar, étaient allés se cacher près de la fontaine de 
Rogel, pour y attendre les informations que devaient 
leur communiquer leurs pères. Une servante envoyée 
par ceux-ci vint les y trouver, pour leur faire connaître 
les résolutions prises par les rebelles et, en même 
temps, les avis de Chusaï à David. Ils furent aperçus 
par un jeune garçon qui les dénonça à Absalom. Celui-ci 
les fit poursuivre inutilement. II Reg., xvil, 17-18. — 
2° Quelques années plus tard, Adonias, avait formé le 
projet de s'emparer du trône de son père David, au dé- 
triment de Salomon; il invita ses principaux affidés, à 
la tête desquels était Joab, à un grand banquet, près de 
la fontaine de Rogel, à la pierre de Zohéleth. III Reg., I, 
9. On sait comment le complot échoua. Voir Adonias 1, 
t. i,col. 225. — 3° Au grand tremhlement de terre qui, 
sous le roi Ozias, ébranla Jérusalem et tout le pays, 
Amos, i, 1; Zach., xiv, 5, la montagne qui est à l'occi- 
dent d'Erogé se fendit; un immense éboulement se 
produisit, Ant. )ud., IX, x, 4. La fontaine dut alors 
disparaître. — 4» Remis en ordre, Rogel, par le charme 
de ses eaux et de ses jardins, devint un centre d'idolâ- 
trie. VoirToPHETH. C'est parce qu'Isaïe voulait s'opposer 
à ces débordements qu'au même endroit il fut, suivant 
la tradition talmudique, Yabamoth, 49b, par ordre du 
roi Manassé, scié en deux avec une scie de bois. Cf. Vit. 
prophet., t. xliii, col. 397; Actasanct., t. iijulii, p. 252. 
Voir Isaïe, t. m, col. 944-945. — 5» Depuis le xvi' siè- 
cle, le « puits de Job » devenu pour les pèlerins le 
« puits de Néhémie », où les prêtres, avant le départ 
pour l'exil, auraient caché le feu sacré, et où, au retour, 
on aurait trouvé 1' « eau épaisse » qui, répandue sur 
l'autel, mit le feu au bois du sacrifice. II Mach., I, 19- 
22; cf. Nephtar, t. iv, col. 1597. Cette identification n'a 
aucun fondement. — Voir G. Williams, The Holy City, 
2« édit. in-8», Londres, 1849, t. n, p. 489-495 et Sup- 
plément, p. 54-56; Titus Tobler, Topographie von 
Jérusalem, in-18, Berlin, 1854, t, n, p. 50-61. 

L. Heidet. 

ROGELIM (hébreu : Rûglim, « [lieu où habitent] 
les foulons »; Septante : 'Po>Ye).X(|ji), localité du pays de 
Galaad, où demeurait Berzellaï, un de ceux qui appor- 
tèrent des provisions à David fuyant devant Absalom. 
II Reg., xvn, 27; xix, 31. Voir Berzellaï 1, 1. 1, col. 1638. 
Le site exact de Rogefim est inconnu. 

ROGOIMMÉLECH (hébreu -.RégémMélék), nommé 
dans un passage obscur de Zacharie, 'Vu, 2. Voir SiRA- 
sar 2. 

ROHOB (hébreu : a'im et afin, Refiôb, « spacieux »)> 
nom de deux personnes et de trois villes de Palestine. 

1. ROHOB (Septante : 'Paie), père d'Adarézer, roi 
de Soba. II Reg., vni, 3,12. 

2. ROHOB (Septante : 'Poiië), un des lévites qui 
signèrent l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie. 
II Esd., x, 11. 

3. ROHOB (Septante : 'Poô6, 'Potiê), localité qui 
fut le point septentrional extrême où se rendirent les 
douze Israélites envoyés par Moïse dn désert de Pharan 
pour explorer la terre de Chanaan. Num., xin, 22 (21), 



4113 



ROHOB — ROI 



1114 



Le texte sacré dit que Rohob est à l'entrée d'Émalh, 
c'est-à-dire à l'entrée de la vallée qui sépare le Liban de 
l'Hermon, et unit la Palestine à la Cœlésyrie. Voir 
Émath 1, t. ïi, col. 1715. La position de Rohob n'est pas 
connue d'une manière précise, mais comme il y a tout 
lieu de croire que les explorateurs israélites ne remon- 
tèrent pas au delà de la partie supérieure de la vallée 
du Jourdain, l'indication des Nombres marque la si- 
tuation de Rohob aux environs de Banias (Césarée de 
Philippe de l'Évangile) et de Lâïs ou Dan (Tellel-Kadi). 
Le renseignement, fourni par le livre des Juges, rvm, 
28 (cf. Jos., xix, 47), que Laïs était «dans la vallée qui 
s'étend vers Beth-Rehob » (Vulgate : in régions Rohob) 
confirme cette opinion. On ne peut douter que la ville 
de Beth-Rehob et Rehob (Rohob) ne soient identiques, 
puisquele second livre des Rois ou II Sam., x,l'appelle 
indifféremment Beth-Rehob, f. 6, et Rehob tout court. 
f. 8. Beth-Rohob devait donc être à l'extrémité de la 
vallée au delà de Dan, c'est-à-dire à la grande source 
du Jourdain à Banias. F. Buhl, Géographie des allen 
Palàstina, p. 240. — De l'histoire de Rohob, nous 
savons seulement qu'il y avait là, du temps de David, 
un petit roi qui fournit un certain nomlre de soldats 
mercenaires à Hanon (t. in, col. 419), roi des Ammo- 
nites, pour résister aux attaques de Joab, général de 
David. Quand Joab s'avança contre les gens de Rohob 
et contre les autres Syriens de Soba, dé Tob et de Maa- 
cha, ils prirent tous la fuite. II Reg., x, 6-14. 

4. ROHOB (Septante : 'Paâë; Alexandrinus : 'Po<i6), 
ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 28. Elle était située 
d'une part entre Abran (inconnue, 1. 1, col. 89), et d'au- 
tre part, entre Hamon (probablement Dmm el-Awâmid, 
t. m, col. Î409) et Cana (de Phénicie) qui porte encore 
aujourd'hui son nom antique (t. n, col. 105). On peut 
l'identifier avec Tell ér-Rahib. Voir la carte d'AsER, 
1. 1, col. 1085. — Rohob devint une ville lévitique, attri- 
buée aux descendants de Gerson. Jos.,xxi, 31; I Par., 
vi, 75. 

f>. ROHOB (Septante: 'PaaO; Alexandrinus: 'Patoé), 
autre ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 30. Le site en 
est inconnu. Les descendants d'Aser ne réussirent 
pas à en chasser les Chananéens, lors de la conquête 
de la Palestine, Jud., i, 31, non plus que des autres 
villes de la Phénicie, voisines de la Méditerranée, 
comme l'était probablement Rohob. 

ROHOBIA (hébreu : Rehabyâh et Rehabyâhû, 
« Jéhovah a dilaté » ; Septante: 'Paaëiii; 'Paëi'aç; Alexan- 
drinus : Taaëiaç), fils unique d'Éliézer et petit-fils de 
Moïse, de la tribu de Lévi, I Par., xxiii, 17; xxiv, 21; 
xxvi, 25. Rohobia eut une nombreuse postérité, I Par. 
xxixi, 17, dont Jésias fut l'aîné et le chef, xxiv, 21 (il 
est appelé Isaïe, xxvi, 25). Le nom de Rohobia est écrit 
Rahabia (voir col. 936) dans la Vulgale. I Par., xxvi, 
25. 

ROHOBOTH (hébreu : Rehobôf han-nàhâr ; Sep- 
tante : 'Poft>ê(M) icapi itotafiÔM; Vulgate : « le fleuve de 
Rohoboth », Gen., xxxvi, 37; « Rohoboth (ville) située 
sur le fleuve », I Par., i, 48; Seplante : I Par., i, 51), 
nom d'une ville mentionnée dans le catalogue des rois 
édomites. Gen., xxxvi, 37; I Par., ï, 48. La leçon de 
l'hébreu et des Septante, Gen., xxxvi, 37, est préfé- 
rable à celle de la Vulgate, ainsi que le démontre la 
comparaison des textes parallèles, Gen., xxxvi, 37 et 
I Par., ï, 48, dans la Vulgate même ; et dans l'opinion 
du traducteur saint Jérôme, De situ et nom. locor: 
hebr., t. xxm, col. 915. 

Le mot Rehobôf, « amples espaces »,est un pluriel fé- 
minin dérivé de la racine hébraïque râfrab, « être spa- 
cieux». A cause de sa signification étymologique, ce nom 



dut être fréquemment usité dans l'onomastique topo- 
graphique de l'Orient hébreu. Cf. Knobel, Die Genésis, 
xxxvi, 37, Leipzig, 1860; W. Max Mûller, Asien und 
Europa nach altâgyplischen Denkmâlern, Leipzig, 
1893, p. 134. L'identification de la ville de Rohoboth, 
dont il est question ici, est très douteuse. Voici les 
opinions principales à ce propos. Il y a des auteurs 
modernes qui cherchent Rohoboth sur les bords de 
l'Euphrate, à cause de l'analogie avec plusieurs autres 
passages de l'Ancien Testament, dans lesquelles le 
mot hébreu : han-nâhâr, « le fleuve », avec l'article, 
désigne le grand fleuve babylonien, dit « le fleuve par 
excellence ». Gen., xxxi, 21 ; Exod., xxm, 31 ; plus plei- 
nement, Gen., xv, 18; Deut., ï, 7; xi, 24; Jos., ï, 4; et, 
poétiquement, même sans l'article, Is., vu, 20; Jer., 
il, 18; Mich., vu, 12; Zach., ix, 10; Ps. (hébreu), lu, 
8. Voir EuphRATe, t. Il, col. 2046. Dans ce cas, Rohaboth 
pourrait être identifié avec Rahaba, sur le bord occi- 
dental du fleuve, un peu au sud du Chaboras. Cette 
opinion, suggérée par des raisons principalement phi- 
lologiques, trouve un certain appui sur l'autorité de 
Benjamin de Tudèle,de Burckardtet d'Édrisi, cités par 
Gesenius, Thésaurus, t. n, p. 1281. 

D'autres, qui n'insistent pas sur l'attribution exclu- 
sive du mot han-nàhâr à l'Euphrate, préfèrent chercher 
Rohoboth entre la Palestine et l'Egypte, sur les bords 
dÉl'ouadi el 'Arîsch, qui, dans ce cas, serait le han-nâ- 
hâr des textes en question et « le Torrent d'Egypte » de 
Num., xxxiv, 5. Cf. Winckler, Geschichte Israels, 1896, 
1. 1, p. 192. Cette opinion se rapproche plus que l'autre de 
l'opinion traditionnelle, que l'on peut regarder comme 
représentée par Eusèbe et par saint Jérôme. Onomas- 
ticon, t. xxm, col. 915. D'après eux la ville de Rohoboth 
dont il est question ici se trouvait dans la Gébalène, 
c'est-à-dire dans le district qui comprenait toute la 
partie septentrionale des montagnes de l'idumée. 
Ps. lxxxii, 8. Cf. Notitia dignitatum, c. xxix. Au 
iv c siècle de notre èrej elle était une grosse bourgade, 
qui portait encore son ancien nom biblique. Une gar- 
nison y avait sa résidence. Cf. Onomasticon, loc. cit. 
Cependant, aujourd'hui on ne saurait indiquer, dans 
cette région, un terme topographique qui corresponde 
à l'ancienne ville de Rohoboth. A; Molini. 

ROI (hébreu : mélék; chaldéen : mélék; Septante : 
flacrt'Xs.û? ; Vulgate : rex), le chef suprême d'un peuple 
ou d'un pays. 

I. Le nom de roi dans la Bible. — l°Le nom de roi 
est souvent donné, surtout dans les anciens temps, à des 
hommes dont le pouvoir se restreint au commande- 
ment ou à la possession d'une ville ou d'un district. 
Ainsi en est-il des rois de Sodome, de Gomorrhe, d'A- 
dama, de Séboïm et Ségor, Gen., xiv, 2, de Gérare, 
Gen., xx, 2, de Jérusalem, d'Haï et de Jéricho, Jos., x, 
1, d'Asor, de Madon, d'Achsaph, de Séméron, etc., Jos., 
xi, 1, 2, et aux différents rois de Chànaan. Jos., xii, 1- 
24; Jud., v, 19. — 2° D'autres rois exercent leur pou- 
voir sur un territoire plus considérable ou sur des tri- 
bus entières. Tels sont les rois des Amalécites, I Reg., 
xx, 8, des Ammonistes, Jud., xi, 28, des Amorrhéens, 
Jos., xii, 2, de Basan, Jos., xm, 30, d'Émath, II Reg., 
vin, 9, des Iduméens, Gen.,.xxxvi, 31; des Madianites, 
Jud. , vin, 5, desMoabites, Jos., xxiv, 9, de Sidon, Jer. , xxv, 
22, de Syrie, Jud., m, 10, de Tyr, II Reg., v, 11, etc. —3° A 
plus forte raison, ce nom convient-il aux chefs des 
grands états, au roi d'Egypte, Exod., ï, 8, 15, 17, désigné 
habituellement sous le nom de « pharaon », aux rois 
d'Assyrie, de Chaldée, de Perse, etc. Ceux-ci, pour se 
distinguer des rois secondaires qui s ont souvent leurs 
vassaux, renforcent leur titre. Le roi de Babylone s'ap- 
pelle mélék nielâkîm, ,'« roi des rois », Ezech., xxvi, 
7 T c'est-à-dire celui qui lient les autres rois sous sa 
puissance. Le titre chaldéen de mélék malkayyâ', qui 



■1115 



ROI 



1116 



signifie la même chose, est attribué au roi de Babylone, 
Dan., il, 4, et à celai des Perses. I Esd., vu, 12. Le 
roi d'Assyrie prend le titre de ham-mélék hag-gâdôl, 
« le grand roi ». Is., xxxvi, 4. En assyrien, le titre de 
sarru est supérieur à celui demalku. Les princes baby- 
loniens le prennent, comme on le voit dans le proto- 
cole du roi Hammourabi, et même se nomment sarsar- 
rânu ou sarru rabû, titres qui correspondent aux 
titres hébreux de « roi des rois » ou de « grand roi ». 
— 4° Il était naturel que le titre de roi fut attribué à 
Jéhovah par les écrivains sacrés. Ps. v, 3; xliv (xliii), 
5; i,xviii(lxvu),25; lxxiv (lxxiii), 42; lxxxiv (lxxxiii), 
4; Is; vi, 5; xxxiii, 22; xlih,15; Jer., xlviii, 15; Zach., 
xiv, 9. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, 
Paris, 1905, p. 99-109. Dieu est le « grand roi », Ps. xlviii 
(xlvii), 3; Matth,, v, 35, le « roi des rois », I Tim., vi, 
15; Apoc, xix, 16, le « roi de gloire »,Ps. xxiv (xxm), 
7-10, le « roi de Jacob », Is., xli, 21 , le « roi d'Israël », 
Deut., xxxm, 5; Is., xliv, 6, le « roi immortel des 
siècles », I Tim., î, 17, etc. — 5° Le nom de roi est 
aussi donné quelquefois aux idoles. Am., v, 26; Soph., 
i, 5. Job, xviii, 14, appelle poétiquement la mort le 
« roi des épouvantements ». — Pour ce qui concerne 
les rois des différents peuples autres que les Hébreux, 
voir les articles consacrés à ces rois et à ces peuples. 
II. Origine de la royauté en Israël. — 1° La pré- 
vision de Moïse. — Les nomades n'avaient pas de rois, 
mais seulement des chefs de tribus ou de familles. Les 
populations sédentaires étaient, au contraire, ordinaire- 
ment gouvernées par des rois. Les anciens patriarches 
s'étaient souvent trouvés en contact avec les rois des 
districts qu'ils traversaient, et les Hébreux eux-mêmes 
avaient vécu longtemps en Egypte, sous le régime des 
pharaons. Ils ne pouvaient songera se donner un roi im- 
médiatement après leur départ de la terre de servitude. 
Mais le désir d'en mettre un à leur tête ne pouvait man- 
quer de leur venir un jour, quand ils seraient établis en 
Chanaan. Il était donc tout naturel que Moïse prévît 
cette éventualité dans sa législation. C'est ce qu'il fit. 
Deut., xvn, 14-20. D'ailleurs, l'idée de royauté israélite 
avait déjà été évoquée bien antérieurement, quand Dieu 
avait prédit à Abraham que de Sara sortiraient « des 
rois de peuples », Gen., xvii, 16, quand Jacob avait 
parlé du « sceptre » et du « bâton de commandement» 
de Juda, Gen., xlix, 10, et que Balaam avait entrevu 
le sceptre s'élevant d'Israël. Num., xxv, 17. Dans un 
autre passage, le Deutéronome, xxxvm, 36, fait encore 
mention du roi que le peuple hébreu aura mis à sa tête. 
Il n'y a donc pas de raison sérieuse pour attribuer à une 
époque contemporaine des rois ce que Moïse dit de la 
royauté future. Il n'impose pas cette institution; il 
prévoit seulement qu'un temps viendra où, à l'exemple 
des peuples de leur entourage, les Hébreux voudront 
avoir un roi. Il formule donc quelques prescriptions 
à cet égard. La première concerne le peuple lui-même: 
il ne pourra se donner pour roi un étranger, mais il 
prendra un de ses frères, celui que Jéhovah aura choisi. 
Ainsi sera écarté le péril d'un prince qui entraînerait 
Israël hors de sa vocation. Trois autres prescriptions 
regardent le roi lui-même. — 1. Qu'il n'ait pas un 
grand nombre de chevaux et ainsi n'ait pas l'idée de 
ramener le peuple en Egypte pour en avoir beaucoup. 
Cet article n'a pu être libellé qu'à une époque où le 
peuple tournait encore avec regret ses regards du côté 
de l'Egypte, comme il fit plusieurs fois au désert. 
Exod., xiv, 11, 12; xvi, 3; Num., xi, 5; xiv, 3, etc. 
Pareil regret ne revint jamais aux Hébreux quand ils 
furent installés en Chanaan. Les chevaux n'étaientguère 
employés alors que pour /a guerre. En prohiber la 
multiplication, c'était donc interdire aux futurs rois 
les expéditions lointaines et les guerres de conquêtes. 
La Palestine était un pays accidenté et facile à défen- 
dre sans le secours des chars. III Reg., xx, 23, 28. 



Les rois devaient se contenter d'y maintenir et d'y 
défendre leur peuple. — 2. Que le roi se garde de mul- 
tiplier à son usage les femmes, l'argent et l'or. Il ne 
fallait pas qu'il imitât, sous ce rapport, les excès des 
princes orientaux, que l'abus des plaisirs rend incapa- 
bles de bien gouverner. — 3. Le roi copiera le livre de 
la loi, le méditera assidûment et conformera sa vie aux 
préceptes divins. Le gouvernement d'Israël ne doit pas 
cesser d'être une théocratie, et la loi de Jéhovah ser- 
vira au roi de règle inviolable. — Les prescriptions de 
Moïse ne portent que sur des points fondamentaux, 
mais très généraux. Si çepassagedu Deutéronome avait 
été ajouté à l'époque des rois, on y trouverait certaine- 
ment beaucoup plus de détails, tels, par exemple, que 
ceux qui se lisent dans le discours de Samuel sur la 
royauté. I Reg., vin, 11-17. 

2» L'établissement de la royauté.— 1. Pendant trois 
siècles et demi (de 1453 à 1095), les Hébreux se passè- 
rent de rois. La remarque en est faite à plusieurs 
reprises dans l'histoiredes Juges, xvii, 6; xvm, 1; xxi, 
24, pour bien montrer que les sauveurs que Dieu sus- 
citait périodiquement au milieu de son peuple n'avaient 
qu'une mission temporaire ou locale et ne ressemblaient 
pas aux rois des villes ou des nations environnantes. A 
cette époque, chacun r aisait ce qui lui semblait bon et 
personne ne commandait. — 2. Samuel exerça un pou- 
voir plus régulier et plus durable. I Reg., vu, 15-17. 
Mais ce pouvoir n'avait pas de caractère militaire, 
comme il eût été nécessaire pour tenir constamment 
les ennemis à distance et centraliser contre eux les 
efforts des tribus. De plus, Samuel devenait vieux et 
la conduite de ses fils n'était rien moins que recom- 
mandable. I Reg., vm, 3-4. C'est alors que le peuple 
demanda à avoir un roi « comme toutes les nations ». 
Cf. Deut., xvii, 14. Celte requête déplut à Samuel, pro- 
bablement pour des raisons qui le touchaient person- 
nellement, comme le donne à supposer la parole de 
Jéhovah : « Ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi. » 
I Reg., vm, 7. Il suit de là que, bien que prévue et 
légitime en soi, la requête impliquait un sentiment dont 
Dieu avait le droit de se plaindre. Qn comptait moins 
sur son secours que sur le savoir-faire du roi qui serait 
Choisi. Ose., xm, 10-11. Cf. Zschokke, Historia sacra, 
Vienne, 1888, p. 198. Avant d'accéder au désir du peuple, 
le prophète eut ordre de lui faire connaître les charges 
qui pèseraient sur lui par le fait de la royauté. Le peuple 
aura à fournir au roi des soldats, des serviteurs, des 
cultivateurs, des ouvriers, des parfumeuses, des cuisi- 
nières, des boulangères, puis des terres, des dîmes, 
des troupeaux, sans compter tout ce que le roi pren- 
dra de force. I Reg., vm, 11-18. Telles étaient les char- 
ges que les rois voisins imposaient à leurs sujets : telles 
sont celles que les meilleurs rois, David, par exemple, 
ne pourront se dispenser de faire peser sur leur peuple. 
Les Israélites ne s'émurent pas des prédictions de 
Samuel. Ils persistèrent dans le désir d'avoir un roi 
pour les gouverner, les conduire à la guerre et mettre 
ainsi leur nation au même niveau social que les nations 
d'alentour. Jéhovah ordonna à Samuel d'accéder au 
désir du peuple. Si, malgré sa répugnance, le prophète 
n'avait pas tout d'abord opposé un refus formel à la 
demande des Israélites, c'est vraisemblablement par- 
ce que les dispositions, éventuelles réglées par Moïse lui 
étaient connues. — 2. Ces dispositions supposaient un 
roi choisi par Jéhovah. Deut., xvii, 15. L'élection du 
premier roi fut conforme à la prescription mosaïque. 
Dieu lui-même indiqua Saùl à Samuel, I Reg., ix, 16; 
il prit soin ensuite que le sort désignât publiquement 
celui qu'il avait choisi. I Reg., x, 20-24. Sans doute, 
Dieu n'entendait pas désigner ainsi chacun de ceux 
qui régneraient sur son peuple. H se contentait de 
choisir le chef de la dynastie qui devait fournir les 
rois. C'est pourquoi, après le rejet de Saûl, il intervint 



1117 



ROI 



1118 



de nouveau pour désigner le chef de la dynastie défi- 
nitive. — 3. Après la proclamation de Saûl, Samuel 
exposa au peuple la charte de la royauté, qui réglait 
les droits et les devoirs du roi, et il l'écrivit dans un 
livre qui fut déposé devant Jéhovah. Cet écrit rappelait 
probablement les dispositions arrêtées par Moïse et en 
ajoutait d'autres plus détaillées, comme l'exigeaient 
les circonstances. La principale recommandation devait 
concerner la fidélité que le roi et le peuple étaient tenus 
de garder à Jéhovah, comme l'indique si formellement 
fe discours d'adiea da prophète. I Reg., xu, 13-17. 

III. Avènement du roi. — 1° Choix du roi. — La loi 
voulait que le roi fût choisi par Jéhovah. Deut., XVII, 15. 
Il en fut ainsi pour Sàûl, I Reg., ix, 16, et pour David. 

I Reg., xvi, 3, 12. Le choix de David ne fut pas seulement 
personnel; il porta sur toute sa dynastie, II Reg., vu, 
12, 15, 16, qui régna en effet jusqu'à la prise de Jéru- 
salem. Dieu intervint également pour assigner à Jéro- 
boam le royaume schismatique d'Israël, III Reg., xi,31, 
et ensuite pour désigner Jéhu. III Reg., xix, 16. 

2° Ordre de succession. — Dans le royaume de Juda, 
le successeur du roi était habituellement son fils aîné. 
Toutefois cette règle n'avait rien d'absolu. Adonias 
était bien antérieur par la naissance à Salomon. 

II Reg., m, 4. Cependant David eut pour successeur 
Salomon, selon la promesse que lui-même avait faite à 
Bethsabée, III Reg., i, 13, et que Dieu semblait avoir 
approuvée. II Reg., xu, 24, 25. iioboam assigna aussi 
la royauté à Abia, qui n'était pas son aîné, II Par.,xi, 
22, et Joachaz fut préféré par le peuple pour succéder 
à Josias, à la place de son frère aîné Joakim, qu'on 
regardait probablement comme trop porté du côté de 
l'Egypte. IV Reg., xxm, 34. D'ordinaire, le fds aîné suc- 
cédait à son père Par., xxi, 3, même quand il était 
encore en bas âge. IV Reg., xi, 21. Le peuple intervenait 
parfois pour maintenir cet ordre de succession. IV Reg., 
xxi, 24; xxm, 30. Vers la fin du royaume de Juda, on 
voit le pharaon Néchao assurer à Joakim, fils aîné 
de Josias, la succession de son père, IV Reg., xxm, 34, 
et le roi de Babylone établir à la place du roi Joachin 
son oncle Sédécias. IV Reg,,xxiv, 17. — Dans le royaume 
d'Israël, l'ordre de succession varie beaucoup. Neuf 
familles différentes fournissent des rois. Deux d'entre 
eux sont désignés par des prophètes, Jéroboam 1 et 
Jéhu. IV Reg., ix, 6. Amri est établi par le peuple. 

III Reg., xvi, 16. Six montent sur le trône après l'assas- 
sinat de leur prédécesseur, Baasa, III Reg., xv, 26, 
Zambri, III Reg., xvi, 10, Sellum, IV Reg., xv, 10, 
Manahem, IV Reg., xv, 14, Phacée, IV Reg., xv, 25, et 
Osée. IV Reg., xv, 30. Enfin dix, sur dix-neuf, succè- 
dent à leur père. Pour couper court à toute compé- 
tition, le nouveau roi prenait soin quelquefois de faire 
périr toute la famille de son prédécesseur. Ainsi firent 
Zambri, III Reg., xvi, 11, et Jéhu, IV Reg., x, 11,17. 
Dans le royaume de Juda, Athalie, la seule qui ait 
interrompu quelque temps la succession normale, fit 
aussi mourir les princes de la famille royale, à l'excep- 
tion de Joas qui fut soustrait à ses coups. IV Reg., xi, 
1, 2. Athalie et six rois d'Israël s'emparèrent donc de 
la royauté par violence, au lieu de la recevoir par voie 
régulière. 

3» Sacre du roi. — L'onction royale fut donnée à 
Saûl, I Reg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, par 
Samuel; à Salomon par le prêtre Sadoc, III Reg., i, 39 ; 
à Joas par le grand-prêtre Joïada, IV Reg., xi, 12, et à 
Joachaz sans doute aussi par le grand-prêtre de l'époque. 

IV Reg., xxiv, 30. Jéhu fut sacré roi d'Israël par un 
jeune homme, sur l'ordre d'Élie et d'Elisée. On consi- 
dérait donc que l'huile d'onction avait, en pareil cas, une 
vertu par elle-même. Il ne paraît pas que tous les rois 
de Juda aient été sacrés. On ne recourait à cette céré- 
monie que dans des circonstances particulières, afin de 
fonder une nouvelle dynastie, comme il arriva pour 



Saûl, David, et pour Jéhu en Israël, d'assurer une suc- 
cession contestée, comme ce fut le cas de David quand 
tout Israël le proclama roi, II Reg., v, 3, de Salomon 
et plus tard de Joachaz, menacé par le pharaon Néchao 
dans les droits que le peuple lui avait conférés, enlin 
de rétablir une succession légitime interrompue, comme 
on fit pour Joas. L'onction était valable pour tous les 
descendants légitimes du roi, de même que la première 
onction sacerdotale reçue par les Bis d'Aaron avait 
suffi pour tous les prêtres de sa descendance. Aussi le 
nom d' « oint du Seigneur » pouvait-il être donné à tout 
prince légitime. Voir Onction, t. iv, col. 1808. 

4° Manifestations populaires. — Des marques pu- 
bliques de satisfaction accompagnent la proclamation 
de certains rois. Quand Saûl est présenté au peuple par 
Samuel, on crie : « Vive le roi ! » Un cortège d'hommes 
importants conduisent l'élu à sa maison et on lui offre 
des présents. I Reg., x, 24-27. Les partisans d'Adonias 
font un grand festin et crient : « Vive le roi Adonias ! » 
III Reg., i, 9, 25. Pour déjouer leur complot, Sadoc et 
Nathan conduisent Salomon à Gihon et le sacrent. On 
sonne de la trompette, le peuple crie : « Vive le roi 
Salomon! » puis on accompagne le nouveau roi en 
jouant de la (lûte et en poussant des acclamations. 

III Reg., i, 38-40. Quand les compagnons de Jéhu 
apprennent qu'il a reçu l'onction royale, ils se servent 
de leurs manteaux pour faire un trône au nouveau roi, 
sonnent de la trompette et crient : « Jéhu est roi ! » 

IV Reg., tx, 13. Les démonstrations sont plus éclatantes 
pour la proclamation de Joas. Celle-ci a lieu dans e 
Temple, au milieu des prêtres, des grands officiers et 
d'un grand concours de peuple qui témoigne de sa joie. 
On crie : « Vive le roi ! » et l'on fait retentir les trom- 
pettes. IV Reg., xi, 9-14; II Par., xxm, 11-13. 

IV. Prérogatives royales. — 1° Insignes de la 
royauté. — Les rois portaient un riche costume qui 
les distinguait de leurs sujets. III Reg., xxn, 10. Saûl 
avait au bras un bracelet. II Reg., i, 10. Au temps des 
Machabées, les vêtements de pourpre furent ,1e signe 
de la souveraineté. I Mach., x, 20, 62; xi, 58; xiv, 43. 
Un diadème ceignait la tète du roi, II Reg., i, 10; 
IV Reg., xi, 12, et se portait même à la guerre. A ce 
diadème s'ajoutait une couronne d'or et de pierres pré- 
cieuses. II Reg., xii, 30; Cant., m, 11; Ezech., xxi, 31; 
I Mach., x, 20. Voir Couronne, t. u, col. 1083. Ézéchiel, 
xtx, 11, parle d'unsceptre de bois. Le roi de Perse avait 
un sceptre d'or. Esth.,v, 2; vin, 4. Le roi Saûltenaitune 
lance au lieu de sceptre. I Reg., xm, 22; xvni, 10; xxit, 
6. Voir Sceptre. Les rois possédaient un trône plus ou 
moins riche. Celui de Salomon était d'ivoire et d'or. 
III Reg., x, 18-20; II Par., ix, 17. Achab et Josaphat 
avaient le leur. III Reg., xxn, 10. Le roi de Perse pos- 
sédait aussi le sien. Esth., v, 1. Voir Trône. L'usage des 
chars fut introduit en Israël par les rois. C'était une 
prérogative royale d'en posséder. III Reg., i, 5; IV Reg., 
ix, 21 ; x, 15. Voir Char, t. n, col. 567. 

2° Garde du corps. — Saûl commence le premier à 
attacher à son service tout homme « fort et vaillant » 
qu'il rencontre, I Reg., xiv, 52; xxn, 27. David, même 
avant sa royauté, s'entoure d'hommes qui partagent sa 
vie d'aventures. lien a autour de lui jusqu'à six cents. 

I Reg., xxv, 13, xxx, 1-4. Devenu roi, il prend comme 
garde du corps les Céréthiens et lesPhéléthiens. IIReg., 
vm, 18; xv, 18, etc. Voir Céréthiens, t. n, col. 442. Il 
s'entoure aussi probablement de Géthéens. II Reg., 
xv, 18-22. Voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 973. 
Ces gardes se tiennent auprès de Salomon au jour de 
son sacre. III Reg.,'i, 38. Roboam a des gardes qui 
prennent le nom de « coureurs ». III Reg., xiv, 28; 

II Par., xu, 11.11 en est de même de Jéhu.lVReg.,x,25. 
Athalie a aussi une maison de coureurs. IVReg.jXi, 6. 
Voir Coureur, t. n, col. 1080. La garde du corps était 
trop utile pour qu'aucun roi s'en passât. Cette garde 



1119 



ROI 



1120 



veillait sur la personne du roi, quand il résidait dans 
sa demeure, voir Palais, t. iv, col. 1967, et quand il 
allait au dehors. II Reg., xv, 14. 

3° Harem. — La loi recommandait au roi de n'avoir 
pas un grand nombre de femmes. Deut., xvu, 17. Mais, 
chez les princes asiatiques, l'importance du harem était 
une marque de puissance etde richesse. Les rois israé- 
lites suivent en cela l'usage de leur temps. Salomon 
dépasse toutes les bornes et, sous ce rapport, se met 
au niveau des plus grands monarques asiatiques. Voir 
Polygamie, col. 511. Le harem faisait partie du domaine 
royal. Le successeur d'un roi en prenait possession 
comme des autres biens laissés par son prédécesseur. 

II Reg., xn, 8, 11. Cf. Hérodote, m, 68. Un prétendant 
au trône croyait établir son droit en prenant publi- 
quement possession du harem de celui qu'il voulait 
remplacer. Ainsi fit Absalom pour le harem de son 
père. II Reg., xvi, 22. Adonias, qui avait brigué la 
royauté au détriment de Salomon, osa demander ensuite 
qu'on lui accordât pour épouse Abisag, la Sunamite, qui 
avait fait partie du harem de David. Salomon estima que 
cette demande équivalait presque à celle de la royauté, 
et il fit mourir Adonias. III Reg., n, 13-25. 

4° Honneurs royaux. — On témoignait au roi le plus 
grand respect. David s'incline à terre et se prosterne 
devant Saûl. I Reg., xxiy, 9. Devant David, Abigaïl des- 
cend de son âne et se prosterne à terre. I Reg., xxv, 
23. Miphiboseth et Séméï font de même. Il Reg., ix, 6; 
xix, 18. Cf. II Reg., xiv, 4. Salomon lui-même traite sa 
mère avec le plus grand honneur, se prosterne devant 
elle, et la fait asseoir sur un trône, bien qu'il doive 
aussitôt opposer un refus à sa requête. III Reg., H, 19. 
En certaines circonstances heureuses, on fait cortège 
au roi, on l'acclame et on joue des instruments. 1 Reg., 
xviii, 6 ; IV Reg., ix, 13. Maudire le roi était un crime 
digne de mort. III Reg., xxi, 10. Le prince qui se con- 
duisait mal était éloigné de la cour. II Reg., xiv, 24, 
28. Le respect qu'on leur témoignait n'empêchait pas 
les rois de se montrer simples et familiers avec leur 
peuple, II Reg., xix, 8; III Reg., xx, 39; Jer., xxxvm, 
7, et d'avoir tin abord facile. II Reg., xiv, 4; xviu, 4; 

III Reg., m, 16; IV Reg., vi, 26-30; vm, 3, etc. Sous 
ce rapport, les rois israélites ne ressemblaient guère 
aux autres monarques orientaux, qui s'enfermaient 
dans leur majesté et n'étaient abordables que pour de 
rares privilégiés. Cf. Esth., i, 14; îv, 11; v, 1, 2. Les 
rois s'honoraient mutuellement en entretenant des rap- 
ports d'amitié et en s'envoyant des présents d'un pays 
à l'autre. II Reg., x, 2; III Reg., x, 2; IV Reg., xx, 
12, etc. — Après leur mort, les rois recevaient les hon- 
neurs de la sépulture royale, dans la cité de David, pour 
les rois de Juda, III Reg., Il, 10; xi, 43; xiv, 31, etc., 
et à Samarie pour les rois d'Israël. III Reg., xvi, 28; 
xxn, 37 ; IV Reg., x, 15 ; xiv, 16, etc. L'honneur de la 
sépulture paternelle fut cependant refusé à l'impie 
Achaz. II Par., xxvm, 27.0zias, à cause de sa lèpre, fut 
inhumé dans le champ qui entourait la sépulture royale. 
II Par., xxvi, 23. 

V. Pouvoirs royaux. —1° La théocratie. — 1. Les 
grands monarques orientaux prétendaient toujours être 
les représentants directs des dieux. Sous le couvert de 
cette fiction, ils exerçaient l'autocratie la plus absolue; 
Chez les Hébreux, le roi était aussi le mandataire de Dieu ; 
mais Jéhovah ne s'était pas réservé Un pouvoir fictif. Le 
roi devait compter avec les volontés formelles de ce 
puissant suzerain. Jéhovah choisit Saûl « pour chef sur 
son héritage. » I Reg., x, 1. C'est lui qui met le roi en 
possession de son autorité et de tous ses biens. II Reg., 
xn, 7, 8. Il est un père pour le roi, et le roi est pour 
lui un fils. II Reg., vu, 14. Mais le roi doit se souvenir 
qu'il y a un maître au-dessus île lui, et que sa propre 
autorité est bornée et soumise à celle de Jéhovah. La loi 
lui prescrit d'obéir aux ordonnances divines et de ne 



pas s'élever au-dessus de ses frères. Deut., xvu, 19, 20. 
Le code de la royauté, quel qu'il ait été, I Reg., x, 25, 
définissait certainement les pouvoirs du roi, en regard 
des prescriptions de la volonté divine. Ce code est vrai- 
semblablement le « témoignage» que Joïada remit à Joas 
le jour de son sacre. IV Reg., xi, 12 ; II Par., xxm, 11. 
D'après Sota, vi, 8, le second jour de la fête des Taber- 
nacles, le roi, assis sur un siège de bois disposé daus le 
parvis des femmes, lisait au peuple divers passages du 
Deutéronome, i, 1-vi, 4; xi, 13; xiv, 22 ;xxvi, 22; xvit,14; 
xxvii, xxvm. — 2. Plus encore que les ordonnances, les 
faitsmontrerent.ee que Dieu attendait du roi qu'il avait 
choisi. Saûl fut rejeté pour avoir contrevenu deux fois 
aux prescriptions divines, la première fois en prenant 
une initiative qui n'appartenait pas au prince, 1 Reg., 
xm, 9, la seconde fois, en épargnant des ennemis que 
Jéhovah avait condamnés. I Reg., xv, 26. Saûl n'était 
pas pour Jéhovah « l'homme selon son cœur, s et il ne 
pouvait rester « le chef dé son peuple. » I Reg., xm, 
14. David eut soin de se régarder comme le serviteur 
de Jéhovah, II Reg., vu, 19, 25-28, et d'agir en consé- 
quence. Dieu intervint visiblement, quand il se con- 
duisit mal, pour le châtier, Dieu parle à Salomon pour 
lui recommander la fidélité à tous ses commande- 
ments; à cette condition, dit-il, « je n'abandonnerai 
pas mon peuple d'Israël. » III Reg., vi, 13. Il renouvelle 
ses recommandations et ses promesses après la dédicace 
du Temple, et parle à Salomon en maître qui entend 
toujours régir son peuple. III Reg., îx, 6-9. Quand le 
roi en vient à prendre l'exact contre-pied des prescrip- 
tions du Deutéronome, Jéhovah partage lui-même son 
royaume et donne dix tribus à Jéroboam, auquel il 
promet même une maison stable comme celle de David, 
s'il lui demeure fidèle. III Reg.. xi, 31-39. Par la suite, 
Dieu intervient en Juda et en Israël, pour mener les 
événements qui les intéressent et finalement les faire 
partir l'un après l'autre en exil. Il domine les rois de 
son peuple, non pas seulement par son action provi- 
dentielle, comme il fait pour tous les autres rois du 
monde, mais par l'exercice direct et manifeste de son 
autorité souveraine. En somme, le roi n'est que son 
pouvoir exécutif. Jéhovah a dit à David : « Tu paîtras 
mon peuple d'Israël. '» II Reg., v, 2; I Par., xi, 2. Le roi 
est le berger de son peuple ; il n'en est pas plus le maître 
que le berger n'est le maître de son troupeau. Comme 
le berger, il veille, conduit, défend pour le compte de 
Jéhovah auquel appartienne peuple élu. Le roi israélite 
ne peut faire sa volonté qu'autant que sa volonté se 
conforme aux prescriptions générales de la loi divine 
et aux prescriptions particulières de son suzerain, le 
Dieu d'Israël. — 2. Pour exercer effectivement son pou- 
voir théocratique et signifier ses volontés particulières 
au cours des événements, Dieu créa chez son peuple un 
organisme spécial, le prophétisme. Entre autres fonctions 
le prophète recevait la mission de transmettre aux rois 
les indications qui lui venaient directement de Jéhovah. 
Voir Prophète, col. 721. Il était ainsi auprès du roi 
comme le résident dans nos pays de protectorat. Le 
prince n'agissait librement que dans des limites déter- 
minées et le prophète intervenait pour prévenir ou 
corriger les infractions à la volonté du Maître souverain 
et intimer ses ordres. Ce rôle est rempli par Samuel au- 
prèsde Saûl et de David. Nathan reprend David, II Reg., 
xn, 7-12, et pourvoit au sacre de Salomon. III Reg., i, 
11-40. Ahias annonce à Jéroboam la division du royaume 
et la part que Dieu lui attribue dans la nouvelle orga- 
nisation. III Reg., xi, 30-39. Séméï défend à Roboam 
d'entrer en lutte contre les tribus schismatiques. III Reg., 
xn, 23-24. Un autre prophète signifie à Jéroboam le 
sort qui est réservé à sdn institution sacrilège. III Reg., 
xm, 1-3. De nouveau, le prophète Ahias fait connaître 
à Jéroboam prévaricateur les malheurs qui fondront 
sur sa maison. III Reg.,xiv, 7-16. Il ne lui reproche que 



1121 



ROI 



1122 



son abandon de Jéhovah et son culte « d'autres dieux et 
d'images de fonte. » Bien loin de lui faire un grief du 
schisme, il rappelle que Dieu même lui a donné le 
royaume arraché à la famille de David. Il faut conclure 
de là que la division du royaume en deux eût été conforme 
au plan divin, si le royaume d'Israël fût demeuré Adèle 
à Jéhovah. Élie et Elisée sont envoyés au royaume d'Is- 
raël, que Jéhovah ne cesse pas de traiter comme une 
partie de son domaine, et ils emploient tous les moyens, 
fléaux et miracles, pour faire prévaloir la volonté divine 
dans la politique des rois. Amos et Osée continuent en- 
suite leur œuvre. Isaïe commence la sienne en Juda, 
au milieu du vin e siècle. Michée est suscité à la même 
époque. Sous le roi Josias, une prophétesse, Holda, in- 
dique, de la part de Dieu, les conséquences qu'impose 
la découverte du livre de la Loi. IV Reg,, xxn, 15-20. 
Au siècle suivant, Jérémie annonce aux derniers rois 
de Juda les arrêts divins et s'efforce, mais en vain, de 
les détourner d'une politique qui les conduit à la catas- 
trophe. Il est donc vrai de dire que les prophètes exercent 
une mission continuelle auprès des rois, pour maintenir 
en face d'eux les droits de la volonté de Dieu, redresser 
les abus, diriger la politique dans ses grandes lignes, 
surtout aux époques de crise, en un mot servir de 
contrepoids à un pouvoir royal qui ne fut que trop porté 
à secouer le joug de Jéhovah. Quelques prêtres seule- 
ment, comme Sadoe et Joïada, eurent à exercer une in- 
fluence sur les rois. Mais le rôle du sacerdoce était sur- 
tout rituel; le prophétisme constituait l'organisme voulu 
par Dieu pour maintenir effectivement les droits de la 
théocratie. Si les prophètes apparaissent assez souvent 
comme des messagers de malheurs, c'est qu'en Juda 
comme en Israël les prescriptions divines furent presque 
toujours transgressées. 

2° L'administration — 1. Les rois avaient à gou- 
verner leur royaume et à y, établir cet ordre, favorable 
aux intérêts généraux et particuliers, qui ne pouvait 
être obtenu à l'époque où « chacun faisait Ce qui lui 
semblait bon. » Jud., xxi, 24. Le roi Saùl, presque 
continuellement occupé par ses guerres, puis saisi d'un 
esprit mauvais, n'eut pas le loisir de s'occuper de l'orga- 
nisation du pays. Cette organisation ne faisait pourtant 
pas défaut totalement; car la Loi avait prévu l'essentiel 
et elle était obéie. Voir Anciens, 1. 1, col. 554. Lorsque Da- 
vid eut achevé la conquête de tout le pays, il se donna 
une capitale, Jérusalem, admirablement choisie, par sa 
situation, pour être d'une défense relativement facile. Il 
tint à ce que la capitale civile fût en même temps la capi- 
tale religieuse. Il y transporta l'Arche et prépara la cons- 
truction du Temple unique où devait se célébrer magni- 
fiquement le culte de Jéhovah. Il s'occupa d'organiser ce 
culte, I Par., xvi, 1-42 ; xxm-xxvi, puis mit des fonction- 
naires à la tête des différents services civils du royaume- 

II y avait des conseillers, des confidents plus intimes 
appelés «amis du roi », des intendants et des préposés 
à toutes les parties du domaine royal. I Par., xxvii, 
25-34. Salomon développa cette organisation. Il institua 
les charges nécessaires au service du nouveau Temple, 
bâtit des villes, des magasins, des places fortes dans 
tout le pays, étendit le commerce, créa une flotte, ré- 
duisit à un esclavage laborieux les anciens Chananéens 
qui survivaient en Palestine et leur préposa des inspec- 
teurs. II Par., vin, 3-10. Ces mesures devaient rendre le 
royaume puissant et prospère. Des causes d'ordre moral 
en paralysèrent bientôt l'effet. Sous Roboam, le pays se 
divisa en deux, au grand détriment de Juda et d'Israël. 
Les rois d'Israël cherchèrent à organiser leur royaume 
en se rapprochant de leurs voisins de Syrie et en affec- 
tant une hostilité presque constante contre leurs frères 
de Juda. Ainsi Achab laisse établir à Samarie des bazars 
syriens et lui-même établit des bazars israélites à Damas. 

III Reg., xx, 34. Cependant Ochozias tente avec Josaphat, 
en vue d'une expédition maritime, une alliance qui ne 

DICT. DE LA BIBLE. 



réussit pas. III Reg., xxn, 50. En Juda, l'administration 
salomonienne se maintient, bien que restreinte . Plusieurs- 
rois apportent une certaine activité dans leur gouverne- 
ment. Ils combattent de leur mieux, mais pas toujours 
avec succès, l'invasion de l'idolâtrie qui, ils le sentent 
bien, doit amener la ruine de la nation. III Reg., xv, 
11-15; xxn, 43-45; IV Reg., xn, 1-3; xvm, 3-4, etc. 
Joas travaille à assurer le bon emploi des revenus du 
Temple. IV Reg., xn, 4-16. Ozias multiplie les cons- 
tructions défensives et les travaux agricoles. II Par., 
xxvi, 9, 10. Ézéchias renouvelle les rouages vieillis dé 
l'ancienne administration, prend des mesures éner- 
giques contre l'idolâtrie et cherche même à ramener 
au culte de Jéhovah les habitants laissés dans le royaume 
du nord. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. Josias fait aussi 
quelques efforts pour remettre les choses en bon état. 

II Par., xxxv, 10-25. Mais bientôt après lui survient la 
ruine. David et Salomon sont donc les deux grands 
initiateurs d'une administration rationnelle et puissante 
qui, immédiatement après eux, s'achemine déjà à la 
décadence. 

3° Le pouvoir militaire. — Sur l'organisation des 
armées israélites, voir Armée chez les Hébreux, t. i, 
col. 971. Le roi était naturellement le chef de l'armée. 
Quand les israélites réclament un roi, c'est surtout 
pour qu'il marche à leur tête et méfie leurs guerres. 

I Reg., vin, 20. Voir Guerre, t. m, col. 361. Parfois, le 
roi commande en chef directement; ainsi font Saûl, 
David, Achab, III Reg., xx, 14-15, Josaphat, III Reg., 
xxn, 29-36, etc. Le plus souvent, il confie la direction 
de la guerre à un ou plusieurs chefs. Le roi peut et 
doit entreprendre une guerre défensive. II le fait de sa 
propre initiative. I Reg., xi, 7; II Reg., vin, 1-14, etc 
Mais, quand la guerre est agressive ou que son issue 
est douteuse, le roi consulte Jéhovah avant de l'entre- 
prendre, I Reg., xiv, 37; xxvm, 6; II Reg., v, 19, 23; 
ou bien il reçoit, par l'intermédiaire d'un prophète, 
l'ordre soit d'aller en avant, I Reg., xv, 3,16; III Reg., 
xx, 28; IV Reg,, m, 18, 19, etc., soit de ne pas enga- 
ger la guerre. III Reg., xn, 24; xxn, 15-28. Parfois, le 
roi demande au préalable l'avis des anciens. III Reg., 
xxi, 7. Mais, avec le temps, les rois prennent l'habitude 
de se passer de tout conseil. Des guerres assez nom- 
breuses sont entreprises sans qu'aucune consultation 
n'ait précédé. Les rois s'associent les uns avec les autres 
pour faire la guerre. Asa fait alliance avec le roi de 
Syrie, à prix d'argent, III Reg., xv, 18-22; Josaphat avec 
Achab, III Reg., xxn, 4, et avec Ochozias, II Par., xx, 
35-37; Ochozias de Juda avec Joram d'Israël, IV Reg., 
vin, 28; Achaz avec Théglathphalasar, à prix d'argent, 
IV Reg., xvi, 7-9. Dieu intervient quelquefois pour régler 
le sort des vaincus, I Reg., xv, 3-33; IV Reg., vi, 20-23; 
d'autres fois, le roi dispose d'eux à son gré. IV Reg., 
vi, 31-34; ix, 24, 27; xiv, 13, 14, etc. 

4° Le pouvoir judiciaire. — Le roi était le juge 
suprême auquel on s'adressait en dernier ressort ou 
même en première instance. II Reg., xv, 2-6. Voir 
Juge, t. m, col. 1835. De là cette prière de Salomon : 
((Accordez à votre serviteur un cœur attentif pour juger 
votre peuple, pour discerner le bien et le mal. Car qui 
pourrait juger votre peuple, ce peuple si nombreux? » 

III Reg., m, 9. Sans doute, «juger» signifie principa- 
lement ici « gouverner » ; mais l'administration de la 
justice suprême était un des devoirs du gouvernement. 
Le pouvoir du roi était sans appel. Il avait le droit de 
faire grâce à ceux que la loi condamnait. II Reg., xrv, 11. 

II pouvait aussi condamner à mort, sans autre infor- 
mation judiciaire, ceux qu'il jugeait coupables. II Reg., 
i, 15; rv, 12; xn, 5; III Reg., n, 25, 29,46. 

5» Les abus de pouvoir. — Les tentatives de despo- 
tisme royal trouvaient un obstacle dans l'intervention 
du peuple, représenté par les anciens, II Reg., v, 3; 

III Reg., xn, 3, 4; IV Reg., xi, 17, etc., et dans celle 

V. - 36 



Î123 



ROI 



1124 



des prophètes. Beaucoup de rois néanmoins, et même 
des meilleurs, abusèrent de leur autorité. La conduite 
de David à l'égard' d'Urie en est un exemple lamen- 
Wm*. ^\^eg.,"x\, 'VIT! . ïrtikmwsa *YsVAS*4e sas droits eu 
aggravant les impôts et les corvées, pour satisfaire à 
ses goûts exagérés de constructions et de faste. Roboam 
ne voulut rien rabattre de la rigueur du gouvernement 
paternel et il fut cause du schisme. III Reg., xii, 3-19. 
Achab laissa condamner juridiquement l'innocent 
Naboth, afin de s'emparer de sa vigne. III Reg., xxi, 
8-14. Athalie s'attribua par le crime une royauté à 
laquelle elle n'avait aucun droit. IV Reg., xi, 1-3- Joas 
se saisit de tout l'or du Temple pour éloigner Hazaël. 
IV Reg., xii, 18. Ozias, comme Saùl, voulut s'ingérer 
dans l'exercice du ministère sacerdotal. I Reg., an,. 
9; II Par., xxvi, 16-19. Les rois d'Israël et la majeure 
partie des rois de Juda, à l'exemple de Salbmon, tolé- 
rèrent, favorisèrent ou pratiquèrent eux-mêmes l'ido- 
lâtrie, ce qui les constituait en opposition formelle avec 
le statut théocratiqne. Ils s'entouraient de prophètes 
courtisans, qui approuvaient leurs desseins et secon- 
daient leur politique toute humaine. III Reg., xxn, 
12-23; 1er., xxm, 1-32; xxvu; xxvm, etc. Plusieurs 
s'emportèrent contre les vrais prophètes du Seigneur 
et les maltraitèrent. Telle fut la conduite d'Achab à 
l'égard de Michéfe, II Par., xvm, 26, et d'ï.lie, III Reg., 
xvm, 7-17; xix, 2; celle de Joakim, qui brûla les pro- 
phéties de Jérémie, Jer., xxxvi, 23, etc. L'institution de 
la royauté Israélite paraît avoir été nécessaire pour 
assurer la cohésion de la nation et la mettre en état de 
se défendre contre des agresseurs puissants. Mais les 
rois d'Israël et de Juda eurent le tort de vouloir donner 
à leur royauté le caractère et l'indépendance des royau- 
tés environnantes. L'exemple de Salomon fut fatal à 
cet égard. Il entraîna comme conséquences la mécon- 
naissance des conditions de la théocratie et la ruine du 
royaume lai-même. La protection de Jéhovah devait 
seule préserver l'existence de ce petit royaume situé au 
milieu d'empires puissants et hostiles. Cette protection 
finit par faire défaut, quand les rois et le peuple ou- 
blièrent Jéhovah pour mettre leur confiance dans les 
appuis humains et dans les idoles. C'est à cette préva- 
rication persistante que les auteurs sacrés attribuent la 
ruine du royaume d'Israël, IV Reg., xvn, 7-23, et celle 
du royaume de Juda. IV Reg., xxiv, 2-3- 

VI. Revenu royal. — Il fallait aux rois des res- 
sources considérables pour faire face aux dépenses qui 
s'imposaient à eux. Sans doute, ils n'avaient pas un 
budget d'État destiné à subvenir aux dépenses d'intérêt 
général. Mais l'entretien de leur cour étaitcoûteux. Les 
ressources leur venaient de différents côtés. 

1° Les dons. — Il a toujours été d'usage en Orient 
que les sujets fissent des présents à leurs princes. Ces 
dons, volontaires en apparence, n'en sont pas moins de 
véritables impôts au paiement desquels nul ne peut se 
dérober. Sitôt que Saùl fut proclamé roi, on lui apporta 
des présents, et le nouveau prince fut assez habile pour 
ne pas prendre garde à ceux qui les lui refusaient. Son 
pouvoir était encore trop peu solide pour se permettre 
des exigences ou des rigueurs. I Reg., x, 27. Isaï 
envoya des présents à Saùl par son fils David. I Reg., 
xvi, 20. On en offrit à David, quand il s'exila de Jéru- 
salem. II Reg., xvii, 28, 29. La coutume devint une ins- 
titution régulière sous Salomon, auquel chacun offrait 
annuellement argent, or, vêtements, armes, parfums, 
chevaux et mulets. III Reg., iv, 21; x,25. Nul doute que 
ses successeurs n'aient maintenu avec soin cette tra- 
dition. Ces présents venaient quelquefois aux rois de 
la part des princes . étrangers. II Reg., vin, 10-12; 
III Reg., x, 10; IV Reg., m, 4. 

2° Le butin. — Les guerres heureuses se terminaient 
toujours par le partage des dépouilles de l'ennemi. Voir 
Butin, t. i, col. 1976. Le roi en eut naturellement sa 



bonne part. I Reg., xxx, 20. Après la prise de Rabbath, 
David enleva une couronne d'or du poids d'un talent 
avec un très grand butin. II Reg., xn, 30. Il faut avouer 
néanmoins que, par la suite, cette source de revenus ne 
fut pas très considérable. Les rois eurent plus à payer 
aux étrangers qu'à recevoir d'eux. 

3° Les propriétés foncières. — Samuel avait prévu 
que les rois deviendraient de grands propriétaires, aux 
dépens de leurs sujets. I Reg., vm, 14. Déjà David a 
des champs et des ouvriers qui les cultivent, des vignes, 
des plantations d'oliviers et de sycomores, de riches 
prairies où paissent de nombreux troupeaux. I Par., 
xxvn, 25-31. Plus tard, Ozias possédait aussi de grands 
troupeaux, dans la plaine et sur la montagne; des 
laboureurs et des vigneronscultivaient ses terres. II Par., 
xxvi, 10. Dans sa description de la Palestine idéale, 
Ézéchiel, xlv, 7-12, attribue au prince un domaine ter- 
ritorial, qui est son unique source de revenus. Le 
prophète fait ces remarques significatives : « Ce sera 
son domaine, sa possession en Israël; et mes princes 
n'opprimeront plus mon peuple, ils laisseront le pays à 
la maison d'Israël... C'en est assez, princes d'Israël! 
plus de violences ni de rapines ! » Le prophète ajoute 
plus loin, en faisant une allusion visible au cas de Na- 
both : « Le prince ne prendra l'héritage de personne 
en l'expulsant de sa propriété; c'est de son propre 
domaine qu'il donnera un héritage à ses fils. » Ezech., 
xlvi, 18. Ces remarques indiquent assez de quelle 
manière s'accrut le domaine royal, surtout sous les 
princes impies et peu scrupuleux. Les propriétés, une 
fois acquises, ne sortaient. plus de ce domaine, parce 
que le propriétaire était en mesure de les défendre. 

4° Les impôts. — Voir Impôts, t. m, col. 852, Cf. I Reg., 
vm, 15; xvii, 25. Le produit des impôts ordinaires res- 
tait à la seule disposition du roi pour les dépenses de 
sa cour, ses constructions, etc. Ces impôts se payaient 
le plus souvent en nature. Am., v, 11; vu, 1. Salomon 
avait organisé tout un service pour que, chaque mois, 
un des douze districts palestiniens fournît le nécessaire 
à l'entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7-19. 
Les provisions de chaque jour étaient considérables. 
III Reg., iv, 22, 23, 

5° Le commerce. — Salomon ne dédaigna pas de 
chercher dans le trafic une nouvelle source de revenus. 
III Reg., x, 14, 15, 28, 29. Ses entreprises maritimes 
tendaient au même but. III Reg., x, 22. Mais ses dépen- 
ses étaient telles que, vingt ans après la construction 
du Temple et du palais, il n'était pas capable de payer 
à Hiram ses fournitures de matériaux et ses avances. 

II fut obligé de lui donner vingt villes en Galilée, ce 
dont le roi de Tyr se montra peu satisfait. III Reg., ix, 
10-14. Josaphat tenta de renouveler les entreprises 
maritimes de Salomon, mais sans succès. III Reg., xxii, 
49. La division du royaume eu deux parties hostiles ne 
dut pas être favorable aux tentatives commerciales des 
autres rois. 

6° Les corvées. — Les rois faisaient travailler pour 
leur compte les peuples vaincus. II Reg., xn, 31; 

III Reg., ix, 20-22. Voir Corvée, t. n, col. 1032. Sansles 
traiter absolument comme esclaves, Salomon pressura 
fortement ses sujets pour l'exécution de ses grands tra- 
vaux, III Reg., v, 13, comme le montre le mécontente- 
ment général à l'avènement de Roboam. III Reg., xii, 
4, 14. — Les rois ne disposaient jamais de ressources 
trop grandes pour satisfaire à leurs besoins ou à leurs 
caprices. Il leur fallait tout d'abord subvenir à leur 
entretien et à celui de leur cour, puis faire digne figure 
à côté des autres rois orientaux, dont le luxe était sans 
mesure, IV Reg., xx, 13, établir les nombreux fils que 
leur donnait la polygamie, II Par., xi, 23, avoir des 
appartements d'hiver et d'été, Jer., xxxvi, 22; Am., m, 
15, des palais et des jardins magnifiques, des ustensiles 
d'or, des chars, des chevaux et tout ce qui constituait 



1125 



ROI 



H26 



le confort asiatique. III Reg., x, 21, 26, Ce qui aggra- 
vait la charge pour le peuple, c'est que les intermédiaires 
dont le roi était obligé de se servir pour faire rentrer 
ses revenus résistaient rarement au désir de s'enrichir 
eux-mêmes, comme ce Sobna qui se préparait un 
magnifique sépulcre. Is., xxii, 15-17. Ils se croyaient 
le droit, ainsi qu'il est habituel en Orient, de majorer 
le taux des redevances, soit pour se couvrir eux-mêmes 
quand l'impôt ne fendait pas, soit pour s'assurer un 
bénéfice sérieux. Cf. Jahn, Archssologia biblica, dans le 
Script. Sacr. cursus complet, de Migne, Paris, 1857, 
t. il, col, 958-968. 

VII. Fonctionnaires royaux. — 1» Au temps de David, 
les fonctionnaires sont les suivants : — 1. 'al 'osrôf ham- 
mélék, «le préposé aux trésors du roi », surintendant 
résidant à la cour; — 2. le préposé aux trésors dans 
les champs, les villes, les villages et les tours, proba- 
blement chargé de centraliser les redevances qui pro- 
viennent des diverses localités et des tours élevées pour 
protéger les cultures; — 3. le préposé à la culture des 
champs; — 4. le préposé à la culture des vignes; — 
5. le préposé aux provisions de vin dans les vignes, c'est- 
à-dire probablement aux vendanges; — 6. le préposé 
aux plantations d'oliviers et de sycomores dans la Sé- 
phéla; — 7. le préposé à la récolte de l'huile; — 8. le 
préposé anx bœufs de Saron ; — 9. le préposé aux bœufs 
des vallées; — 10.1e préposé aux chameaux; — 11. le 
préposé aux ânes; — 12. le préposé aux brebis. Ces douze 
premiers fonctionnaires sont des èârim, npocrrârai, 
principes, chargés des intérêts financiers du roi. Vien- 
nent ensuite ceux qui prennent part au gouvernement 
proprement dit : — 13. sôferîm, aii[i.6ouXot, consiliarii, 
les conseillers; — 14. rê'a ham-mélêk, ç&oç toû fiacri- 
Xêon;, amicus régis, titre qui paraît être celui d'une 
fonction officielle, celle de confident ou de conseiller 
intime; — 15. iar iâbâ', àç>x<-<rzp6.rr i -(oç, princeps exer- 
citus, le chef de l'armée. II Par., xxvn, 25-34. Cette 
dernière fonction était des plus importantes; mais il y 
a lieu de penser que celles de grand-bouvier, grand- 
chamelier, grand-ânier, etc., ne l'étaient guère moins, 
comme celle de connétable chez les anciens rois de 
France. Enfin, il est encore question sous David d'un 
archiviste, d'un secrétaire, d'un chef des gardes du 
corps et des fils du roi, qui ont le titre de kohânîm 
ou ministres. C'est le sens primitif d'un mot qui a été 
réservé ensuite pour désigner les prêtres. II Reg., vin, 
16-18; I Par., xvm, 17. 

2° Sous Salomon, le développement des services 
royaux entraîna l'inslitution de nouvelles charges. 
Voici celles qui sont énumérées, en dehors des fonctions 
sacerdotales: 1. soferim, Ypaniiatet;, scribse, les scribes 
ou secrétaires; — 2. ham-mazkir, àva[u|Avvi<TX(i>v, a 
commentariis, l'archiviste ou historiographe; — 3. 'al 
has-sebâ', hii trie Suvâjjiswç, super exercilum, lé chef 
de l'armée; — 4. 'al han-niSsâbîm, im tôv xaôearoc- 
[isvwv, super eos qui assistebant regi,\e chef des inten- 
dants ou préposés aux redevances; t- 5. l'ami du roi 
ou conseiller intime; — 6. 'alhab-bàîf, ocxovrfpo:, pree- 
positus domus, l'intendant du palais; — 7. 'al ham- 
mas, éjuI tmv <p<5pcov, super tributa, le surintendant des 
tributs. Au-dessous de ces fonctionnaires, probable- 
ment sous les ordres du nisiàb en chef, étaient placés 
douze nissâbîm préposes à douze districts palestiniens 
dont chacun devait fournir les provisions nécessaires 
à la cour pendant un mois à tour de rôle. III Reg., 
iv, 2-7. Ces intendants locaux remplaçaient vraisembla- 
blement les préposés chargés par David de s'occuper 
des champs, des vignes, du bétail, etc. L'organisation 
de Salomon était plus pratique, parce que chaque inten- 
dant n'avait à régir qu'un territoire restreint. 

3» Ces différentes charges subirent des modifications 
après la division du royaume, et l'on ne peut savoir 
dans quelles conditions elles furent exercées aux diffé- 



rentes époques. Cependant, après Salomon, il est encore 
fait mention de secrétaires royaux, IV Reg., xn, 10 ; xix, 
2; xxii, 8; Jer., xxxvi, 12; d'historiographes, IV Reg., 
xvm, 18; Is., xxxvi, 3,22; d'intendants du palais, IIIReg., 
xviii, 3; Is., xxxvi, 3; de conseillers, Is., m, 3; de gou- 
verneurs des provinces, Mrêham-medînôt, III Reg., xx, 

14, etc. La charge de « gardien du vestiaire », IV Reg., 
x, 22, n'était pas une charge royale. Il ne s'agit, dans ce 
passage, que du vestiaire du temple de Baal. Les rois 
de Juda et d'Israël s'entouraient d'ailleurs des mêmes 
sortes de fonctionnaires que les autres souverains. On 
retrouve les mêmes titres partout. A l'époque évangé- 
lique, saint Luc mentionne un intendant d'Hérode, êm- 
TpdJtoç, procurator, Luc, vin, 3, un trésorier, ènl Tf,<; 
yâ&ic, super gazas, de la reine Candace, Act., vm, 27, 
et un chambellan, lui toO xoiuôvo;, super cubiculum, 
du roi Hérode. Act., xn, 20. Voir Ami, t. i, col. 480; 
Archiviste, col. 936; Conseiller, t. ri, col. 922; His- 
toriographe, t. ni, col. 722; Palais, t. iv, col. 1973; 
Scribe, Secrétaire. 

VIII. Remarques bibliques au sujet des rois. — 
Outré les faits historiques, le s auteurs sacrés notent quel- 
ques traits qui renseignent sur l'idée qu'on se faisait des 
rois. — 1 er Leur dépendance de Dieu. — Cette dépen- 
dance est naturellement plus accusée dans une théo- 
cratie. C'est par Dieu que' les rois régnent. Prov., vm, 

15. Il incline leur cœur où il veut. Prov., xxi, 1. Il délie 
leur baudrier et les ceint d'une corde, Job, xh, 18, c'est- 
à-dire les abaisse à son gré. Au roi méchant, il dit : 
Vaurien ! Job, xxxiv, 18. Les rois doivent donc devenir 
sages et servir Jéhovah avec crainte. Ps. Il, 10-11. — 
1° Leur pouvoir. — Les rois dominent leurs sujets. Luc, 
xxii, 25. Le roi armé pour le combat est redoutable. Job, 
xv, 24. La colère du roi est une messagère de mort, 
Prov., xvi, 14; elle est comme le rugissement du lion, 
mais la sérénité de son visage donne la vie et sa faveur 
est comme la rosée sur l'herbe. Prov., xvi,15; xix,12; 
xx, 2; Is., xxxiii, 17. Le roi juste dissipe tout mal par 
son regard et le roi sage disperse les méchants. Prov., 
xx, 8, 26. — 3° Leurs devoirs. — Le roi doit se réjouir de 
la protection de Dieu et avoir confiance en lui. Ps. xxi 
(xx), 2, 8. Car ce n'est pas le nombre des soldats qui lui 
assuré la victoire. Ps. xxxm (xxxn), 16. 11 doit recevoir 
de Dieu le jugement et la justice. Ps. lxxii (lxxi), 2. Il 
ne faut pas qu'il viole la justice, parce que ses paroles 
sont des oracles, Prov., xvi, 10, c'est-à-dire des arrêts 
dont on ne peut appeler. S'il veut assurer la prospérité 
et la durée de son règne, qu'il ait de la bonté et de la 
fidélité, Prov., xx, 28; qu'il pratique la justice, Prov., 
xxix, 4; qu'il juge fidèlement les pauvres, Prov., xxlx, 
14; qu'il aime la sagesse, Sap., vi, 20, 25; qu'il examine 
toutes choses, Prov., xxv, 2; qu'il ne subisse pas l'in- 
fluence des méchants, Prov., xxv, 5; qu'il se garde des 
femmes, Prov., xxxi, 3, du vin, Prov., xxxi, 4, et de l'or. 
Eccli., vm, 3. C'est une abomination pour le roi de faire 
le mal, Prov., xvi, 12, car Dieu brise les rois au jour 
de sa colère. Ps. ex (cix), 5. — i° Leur administration. — 
Le peuple nombreux est la gloire du roi. Prov., XIV, 28. 
Heureux le peuple dont le roi est de noble race, Kccle., 
x, 17, car il aura des qualités qui l'aideront à bien gou- 
verner; mais malheur au pays dont le roi est un en- 
fant, Eccle., x, 16, car il sera mal conduit. Mieux vaut 
un jeune homme pauvre et sage qu'un roi vieux et in- 
sensé. Eccle., îv, 13. Un roi ignorant perd son peuple. 
Eccli., x, 3. Le roi doit s'entourer de dignes conseillers. 
Sa faveur va au serviteur intelligent. Prov., xiv, 35. 
Il aime celui qui parle avec justice et droiture. Prov., 
xvi, 13. L'homme habile a sa place auprès de lui. Prov., 
xxii, 29. Celui qui a le cœur pur et la grâce sur les 
lèvres est désigné pour être 1' « ami du roi ». Prov., 
xxii, 11. Le cœur du roi est impénétrable, Prov., xxv, 
3, il ne révèle pas ses secrets à tous. Le roi qui donne 
ses soins à l'agriculture travaille pour l'avantage du 



1127 



ROI — ROIS (LES QUATRE LIVRES DES) 



112» 



pays, Eccle., v, 8, et pour le sien, puisque beaucoup de 
ses ressources lui viennent de là. Avant d'engager une 
guerre, il commence par se rendre compte de l'état de 
ses forces. Luc, xiv, 31. Les rois célèbrent solennel- 
lement les noces de leurs fils, Matth., xxn, 2, mais ils 
n'exigent pas d'eux le cens ni le tribut. Matth., xvn, 
24. Le luxe règne à la cour des rois. Matth., xi, 8; 
Luc, vu, 25. C'est le propre d'un roi débauché et cruel, 
comme Hérode Àntipas, de promettre la moitié de son 
royaume à une danseuse et de lui accorder la tête d'un 
prophète comme Jean-Baptiste. Marc, vi, 22-27. — 
5° Devoirs envers le roi. — Il faut craindre, c'est-à-dire 
révérer Dieu et le roi. Prov., xxiv, 21; I Pet., Il, 17. 
Les Apôtres veulent qu'on lui soit soumis, I Pet., il, 
13, cf. Eccle., vin, 2, et qu'on prie pour lui. I Tim.,n, 
2.f)n doit tenir caché le secret du roi, Tob., xii, 7, ne 
pas prendre des airs superbes devant lui, Prov., xxv, 
6, ne pas chercher à paraître sage à ses yeux, ni lui 
demander un siège d'honneur. Eccli., vu, 4, 5. Il faut 
éviter de le maudire, même en pensée, car tout finit 
par se savoir. Eccle., x, 20. 

IX. Liste des rois des Hébreux. 



ROIS DE TOUTE LA NATION 

Saut 1095 (avant J.-C). 
David 1055. 
Salomon 1015. 


ROIS DE JUDA 


ROIS D'ISRAËL 


Roboam .... 


975 

958 (960) 

955 


Jéroboam I. . . 


975 (938) 






Nadab 

Baasa 


954 

953 (950) 

930 

7 jours 

930 

918 (875) 






















Josaphat .... 


914 (877) 


Ochozias .... 


897 

896 (855) 






Ochosias .... 

Athalie 

Joas 


889 (852) 

884 

883 

877 (837) 




884 (865) 






Joachaz. . . . . 


856 (815) 
840 (798) 






Amasias .... 


838 


Jéroboam II. . . 


824 (783) 




• 809 


Zacharie . . . 

Mauahem. . . . 
Phacéia. .... 


772 
772 
771 
761 
759 


















Joatham .... 


757 (750) 
741 (744) 




729 


Ézéchias .... 


726 (729) 


Prise de Samarie. 


721 


Manassé .... 

Joachaz. .... 

Joakim 

Jéchomas. . . . 
Sédécias .... 
Prise de Jérusa- 


697 (688) 

642 

640 

609 

609 

598 

598 

587 



Sur les difficultés que présente l'établissemen de la 
chronologie des rois de Juda et d'Israël, voir Chrono- 
logie biblique, t. h, col. 730-733; Pelt, Histoire de 
l'Ancien Testament, Paris, 1904, t. n, p. 131-140. Sur 



les rois de la famille des llérodes, voir Hérode (Famille; 
des), t. m, col. 638-652. 

X. Le roi des Juirs. — Ce titre est un des noms qui 
désignent le Messie. La royauté du Messie était annoncée- 
par les prophéties, Ps., n, 9; Is., xxxii, 7; Jer., xxm, 
5; Mich., iv, 7; Zach., IX, 9, et les Juifs attendaient un 
Messie roi et dominateur. Voir Jésus-Christ, t. m,, 
col. 1438, 1439. Aussi, quand les Mages se présentent à 
Jérusalem en demandant: «Où est le roi des Juifs qui 
vient de naître ?» Hérode s'enquiert aussitôt auprès du 
sanhédrin du lieu « où le Christ doit naître. » Matth., H, 
2, 4. Dès le début du ministère public, Nathanaël dit à» 
Jésus : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël, » 
Joa., i, 49, et, après la multiplication des pains, le& 
témoins du miracle reconnaissant en lui «le prophète 
qui doit venir en ce monde,» veulent le proclamer roi- 
Joa., vi, 15. A l'entrée triomphale à Jérusalem, on 
l'appelle le «roi d'Israël». Joa., xn, 13. C'est pendant 
la passion surtout que ce titre de « roi des Juifs » est 
mis en avant; les ennemis du Sauveur cherchent à 
l'exploiter contre lui devant Pilate. Ils accusent Jésus 
de s'être dit le «Christ roi». Luc, xxm, 2. Pilate lur, 
demande alors s'il est « le roi des Juifs », et Jésus- 
répond que. son royaume n'est pas de ce monde, mais 
que cependant il est roi pour rendre témoignage à la 
vérité. Matth., xxvn, 11; Marc, xv, 2; Luc, xxm, 3; 
Joa., xviii, 36, 37. Il ne s'agit donc pas d'une royauté- 
de la terre. Pilate ne s'y trompe pas et il déclare qu'il 
ne trouve dans l'accusé aucun motif de condamnation. 
Joa., xvni, 38. Il retient cependant le titre de «roi des 
Juifs ». Il s'en, sert pour désigner Jésus quand il le met 
en parallèle avec Barabbas, Marc, xv, 9; Joa., xviii, 
39, et quand il le ramène dehors après la flagellation, 
Joa., xix, 14, 15; il l'inscrit sur le titre de la croix et se 
refuse à changer sa formule, malgré le mécontentement 
des Juifs. Matth., xxvn, 37; Marc, xv, 26; Luc, xxm, 
38; Joa., xix, 19-22. Les soldats de la cohorte saluent 
Jésus de nom de «roi des Juifs». Matth., xxvn, 29; 
Marc, xv, 18; Joa., xix, 3. Enfin, au Calvaire, on évo- • 
que encore les titres de « roi des Juifs » et de « roi 
d'Israël », pour mettre le Sauveur en demeure de les 
justifier par sa propre délivrance. Matth., xxvir, 42; 
Marc, xv, 32; Luc, xxm, 37. Sur le sens de cette 
royauté, voir Royaume de Dieu. Il est à remarquer que r 
de tous les titres donnés à Jésus-Christ, celui de « roi. 
des Juifs » est le seul que la tradition chrétienne n'ait- 
pas continué à lui donner. Jésus-Christ est le « prince 
de la terre. » Apoc, i, 5. H. Lesêtre. 

ROIS (LES QUATRE LIVRES DES).- lisse divi- 
sent, d'après leur sujet comme d'après leur origine, en, 
deux groupes distincts, composés chacun de deux livres, 
et placés, dans la Bible hébraïque, immédiatement après 
le livre des Juges, tandis que lés Septante, la Vulgate, etc. , 
les insèrent à la suite du livre de Ruth. — Les Juifs 
désignent par la dénomination collective de « Samuel», 
ou, dans le détail, par les titres « premier (livre) de 
Samuel, second (livre) de Samuel », les écrits que 
nous nommons « Premier livre des Bois, Second livre 
des Rois ». Notre troisième et notre quatrième livre 
des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et le- 
second des Meldhîm, c'est-à-dire, des Rois. Saint Jérôme- 
a conservé en partie ces noms dans les inscriptions 
qu'il a placées en tête des quatre livres : Liber primus 
Samuelis, quem nos primum JRegum dicimusj Liber- 
secundus Samuelis, quem nos secundum Regum dici- 
nus ; Liber Beg uni tertius, secundum Hebrœos primusr 
Malachim ; Liber Regum quartus, secundum Rebrmos* 
Malachim secundus.^ — Les deux premiers livres ne. 
forment en réalité qu'un seul et même écrit ; le troisième 
et le quatrième en forment un second. Origène, In Ps. i, 
t. xil, col. 1084| et dans Eusébe, H. E., vi, 65, t. xx,. 
col. 581, atteste, de concert avec saint Cyrille de Jéru- 



-1129 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1130 



salem, Catech., rv, 35, t. xxxiii, col. 500, que, de 
-son temps, ils n'étaient pas séparés l'un de l'autre dans 
«la Bible hébraïque ; ce qui est encore vrai de toutes les 
éditions manuscrites de cette Bible. La séparation n'a 
^té introduite qu'en 1518 dans les éditions de Venise 
imprimées par Daniel Bomberg. Mais elle remonte à la 
«traduction des Septante, ainsi que la division en quatre 
livres, et c'est de là qu'elle est passée dans les Bibles 
chrétiennes. En fait, la division en quatre livres n'a 
•pas d'autre raison que la longueur des deux écrits, qui 
ne pouvaient être contenus chacun dans un seul et même 
Touleau, voir Livre, t. iv, col. 307, d'après les dimen- 
sions ordinaires qu'on leur donnait. — Les livres 1 et II 
forment un tout suivi : les premières lignes du second se 
rattachent étroitemen aux dernières lignes du premier, 
•sans la moindre interruption. Il en est de même pour le 
troisième et le quatrième. — Les titres donnés par les 
Septante ont leur raison d'être; mais l'arrangement 
adopté dans la Bible hébraïque est plus exact, puisque 
le troisième et le quatrième livre des Rois forment en 
réalité une œuvre à part, très différente de celle que les 
Juifs et les protestants désignent par le nom de Samuel. 
•Quant à ce dernier nom, il a été choisi parce que le pro- 
phète Samuel nous apparaît, dès le début et pendant un 
certain temps, comme le personnage principal, et aussi 
à cause du rôle prépondérant qu'il joua dans l'institution 
de la royauté israélite, qui forme le fond de la narra- 
ion. C'est lui, en effet, qui consacra rois Saûl et David. 

I. LES DEUX LIVRES DE SAMUEL (I et II Rois). — 
■I. 'contenu. — 1° Sujet. — Les deux premiers livres 
-des Rois exposent la suite de l'histoire des Israélites, 
•depuis la dernière partie de la période des Juges, 
jusqu'aux dernières années du règne de David. Ils 
s'occupent d'abord des origines et de l'établissement 
-définitif de la royauté au sein du peuple théocratique. 
Pendant quelque temps, les Hébreux sont encore gou- 
vernés par des Juges, Héli, Samuel, les fils de Samuel, 
-comme sous la période précédente. Divers incidents, 
qui se groupent autour de la personne de Samuel, 
excitent peu à peu au cœur du peuple le désir d'avoir 
ik sa tête un roi proprement dit, comme les nations 
voisines : Saùl est élu et sacré; mais bientôt reconnu 
indigne, devant Dieu et devant les hommes, d'exercer 
de si hautes fonctions, il est rejeté et David est choisi 
à sa place. Saûl jaloux persécute David et essaie de 
s'en défaire ; puis Saùl périt dans un combat contre les 
Philistins, et David ne tarde pas à régner glorieuse- 
ment sur tout Israël, procurant à ses sujets la force et 
la gloire, soit au dedans, soit au dehors. — Nos deux 
•livres entrent d'ordinaire dans de longs développements 
sur les faits qu'ils racontent; ils nous fournissent une 
biographie assez complète de Samuel, de Saùl et de 
David, sans craindre çà et là les répétitions, à la façon 
des écrivains orientaux. Néanmoins, en quelques 
endroits le récit prend une forme très abrégée, et on y 
remarque même des lacunes, l'historien ne s'étant pas 
proposé de tout dire d'une manière absolue, pas même 
-de raconter la fin du règne et la mort de David. 

2° Division et analyse. Premier livre. — Il entre en 
matière d'une façon abrupte : un vieillard débilité de 
corps et d'esprit gouverne les Hébreux, que les Phi- 
listins oppriment et humilient. La douce figure du 
jeune Samuel nous apparaît en même temps comme 
un contraste, et aussi comme une promesse qui se réa- 
lise promptement. Nous passons ensuite à Saùl et à 
David. Le premier livre s'achève après la mort du grand 
prophète et du roi maudit; le second s'occupe exclusi- 
vement de David etdesonrègae glorieux. En réunissant 
les deux livres, on obtient une division très naturelle, en 
•trois parties : 1° histoire de Samuel, I Reg. , i-xn ; 2° his- 
toire. de Saûl, I Reg., xiii-xxxi; 3° histoire de David, 
II Reg., i-xxiv. — Ces trois parties se subdivisent ains : 



Premier livre. —1. Les derniers Juges d'Israël, l, 1-vil, 
17. Deux sections : o) La judicature d'Héli et la com- 
plète défaite desHéhreux par les Philistins, r, l-iv,22. 
Cette triste histoire sert d'introduction à celle de Sa- 
muel, dont nous apprenons ici la naissance, la consé- 
cration au service du Seigneur dans le sanctuaire de 
Silo, i,1-ii, 10, et les premères relations avee Dieu, n, 
11-m, 21, qui annonce par lui les vengeances terribles 
qu'il tirera de la maison d'Héli. La sentence . divine 
ne tarde pas à recevoir son exécution : les Israélites 
sont battus par les Philistins, qui s'emparent de l'Arche; 
Héli et ses fils périssent tragiquement, IV, 1-22. — 
b) Judicature de Samuel, v, 1-vn, 17. Effrayés par les 
fléaux qui frappaienttoutes celles de leurs villes où ils 
conduisaient l'Arche de Jéhovah, les Philistins se. dé- 
cident à la renvoyer sur le territoire d'Israël, v, 1-vi, 

12. Elle séjourne successivement à Bethsamès, vi, 13- 
20, et à Cariathiarim, vu, 1. Ramenés par Samuel à 
leur Dieu, qu'ils avaient gravement offensé, les Israé- 
lites infligent à leur tour une grande défaite aux Phi- 
listins, vu, 2-14. Suit un sommaire de la judicature 
de Samuel, vm, 15-17. — 2. Saûl roi d'Israël, vin, 
i-xv, 35. Deux sections : a) Élévation de Saùl à la di- 
gnité royale, vm, 1-Xii, 25. Fatigués des malversations 
des fils de Samuel, qui abusaient de l'autorité que leur 
père leur avait confiée, les Hébreux expriment au pro- 
phète leur vif désir d'être gouvernés par un roi stable, 
vin, 1-9. Samuel leur expose les graves inconvénients 
de la royauté, f. 10-18. Ils insistent, et Dieu lui-même 
ordonne au prophète d'obtempérer à leur demande, f. 
19-22. L'écrivain sacré décrit alors l'origine de Saùl et 
ses premières relations avec Samuel, IX, 1-27, puis son 
onction royale, x, 1-16, et la ratification par le peuple 
du choix que Dieu avait fait de lui, x, 17-xi, 15. Il ra- 
conte ensuite l'abdication de Samuel et ses adieux au 
peuple, xn, 1-25. — b) Saûl reprouvé de Dieu, xm, 
1-xv, 35. Passant sous silence, ainsi qu'on l'admet 
généralement, un intervalle de plusieurs années, le nar- 
rateur nous conduit directement aux causes qui ame- 
nèrent la réprobation du roi. Elles se rattachent à deux 
guerres d'Israël, l'une contre les Philistins, xm, 1-xrv, 
52, l'autre contre les Amalécites, xv, 1-35, et à de 
graves désobéissances de Saùl aux ordres de Dieu, à 
l'occasion de ces guerres. — 3. Les dernières années 
de Saûl et les commencements de David, xvi, 1-xxxi, 

13. Trois sections : a) David à la cour de Saùl, xvi, 
1-xx, 43. Il reçoit l'onction royale et est introduit à la 
cour, xvi, 1-23. Il s'illustre en triomphant de Goliath, 
XVII, 1-58. Saùl devieut jaloux de lui et lui tend de 
secrètes embûches, xvni, 1-30; il s'abandonne ensuite 
à une haine ouverte et essaie plusieurs fois de le faire 
mourir, xix, 1-xx, 43. — b) David fugitif à travers le 
désert de Juda, xxi, 1-xxvj, 25. Le texte sacré nous 
montre le futur roi d'Israël errant çà et là, parmi de 
nombreux périls, pour se mettre à l'abri des persécu- 
tions de Saùl, xxi, 1-xxn, 23,' et il décrit les soins tou- 
chants de la divine Providence pour le sauver, xxin, 
1-xxvi, 25. — c) David exilé chez les Philistins, xxvii, 
1-xxxi, 13. C'est la continuation douloureuse de 
l'épreuve. Nous voyons successivement David réfugié 
chez les Philistins et Saùl allant consulter la pytho- 
nisse d'Endor, xxvn, 1-xxvni, 25; David vainqueur des 
Amalécites, Saûl défait par les Philistins et tué sur le 
champ de bataille, xxrx, 1-xxxi, 13. 

Second livre. — Trois parties : — 1. David règne à 
Hébron, i, 1-iv, 12. Son grand deuil au sujet de la mort 
de Saûl et de Jonathas, 1, 1-27. 11 reçoit l'onction royale 
pour la seconde fois, mais il n'est reconnu que par la 
tribu de Juda, tandis qu'Isboseth, fils de Saùl, soutenu 
par Abner, gouverne le reste de la nation, n, 1-32. Sa 
famille va croissant et se fortifiant, celle de Saûl décroit, 
m, 1-iv, 12. •— 2. David règne à Jérusalem, sur tout le 
peuple, v, 1-xx, 26. Deux sections : a) Extraits des an- 



1131 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1132 



nales royales, décrivant la puissance toujours grandis- 
-sante de David; v, 1-x, 19. Toutes les tribus le recon- 
naissent pour roi, v, 1-15. Il sîempare de la citadelle 
de Sion et fait de Jérusalem sa capitale, v, 6-10. Il se 
construit un palais, v, 11-16, et livre aux Philistins 
deux guerres victorieuses, v, 17-25. ^transporte solen- 
nellement l'Arche à Sion, VI, 1-23. A l'occasion du désir 
qu'il avait exprimé de bâtir un temple au Seigneur, il 
reçoit un brillant oracle, relatif à la perpétuité de son 
trône, vu, 1-29. Sa puissance continue de se fortifier 
par une série de guerres heureuses, vin, 1-x, 19. — 
•6) Le crime de David et ses suites funestes, xi, 1-xx, 
26. Le roi adultère et homicide, xi, 1-27. Repris par 
Nathan, il reconnaît la gravité de sa faute, XII, 1-14. 
Naissance de Salomon, xu, 15-25. Prise de Rabbath- 
Ammon, xn, 26-31. Désordres dans la famille royale et 
inceste d'Amnon; fratricide d'Absalom, xm, 1-xiv, 33. 
Révolte d'Absalom et conséquences désastreuses qu'elle 
faillit avoir pour David, xv, l-xvm,5. Défaite et mort 
du rebelle, xvm, 6-33. David rentre à Jérusalem et 
dompte une seconde révolte de ses sujets, xix, 1-xx, 
26. — 3. Dernières années du règne de David, xxi, 
1-xxiv, 25. C'est là une sorte d'appendice, dontvoiciles 
principaux incidents : a) Ruine de plus en plus com- 
plète de la maison de Saùl, xxi, 1-14; 6) Quatre expé- 
ditions victorieuses contre les Philistins, XXI, 15-22; 

c) Cantique d'action de grâces de David, xxn, 1-51; 

d) Ses dernières paroles, xxm, 1-7; e) Liste des héros 
de David, xxm, 8-39; f) Dénombrement du peuple et 
peste qu'il occasionna, xxiv; 1-25. 

II. BUT ET IMPORTANCE DES DEUX PREMIERS LIVRES 
Des ROIS. — 1" Le but est triple, tel qu'on peut l'envi- 
sager à la lumière des événements. Il y a d'abord un 
but très général, qui consiste à raconter la suite de 
l'histoire des Israélites, en tant qu'ils étaient le peuple 
de Jéhovah. On peut distinguer aussi un but plus spé- 
cial, qui est de démontrer les droits de David et deses 
descendants au trône d'Israël. Enfin et surtout, un but 
plus particulier encore est d'attester la fidélité de Dieu 
à ses anciennes promesses relatives au Messie et 
d'en décrire l'accomplissement progressif, Autrefois, 
Gen., xlix, 8-11, le Seigneur avait fait annoncer à la 
tribu de Juda qu'elle exercerait sur la nation choisie 
une hégémonie glorieuse, qui devait se transformer 
un jour et devenir le règne du Messie lui-même. Voici 
qu'il place réellement un membre de cette tribu sur 
le trône d'Israël, en affirmant, dans les termes les plus 
solennels, que le sceptre et la couronne de David se- 
ront transmis au dernier et au plus auguste de ses 
descendants. Cf. II Reg., vu, 12-16. Aussi n'est-il pas 
surprenant que le nom de Masiah, « Messie », qui 
deviendra si célèbre, apparaisse pour la première fois 
dès le commencement du I er livre des Rois, u, 10. Ii 
domine tout le reste et lui donne le ton. Voir F. 
Keil, Die Bûcher Samuelis, 2 e édit., Leipzig, 1875, 
p. 5-8; Frz. Delitzsch, Old Testament History of Ré- 
demption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 84-94; R. Cor- 
nely, Introd. specialis in historicos Veteris Testant, 
libros, in-8», Paris, 1887, p. 250-253; Mgr Meignan, 
Les Prophéties messianiques contenues dans les deux 
premiers livres des Mois, in-8», Paris, 1878. Mais il y 
a plus encore, puisque, dans ces livres, David nous 
apparaît, en maint détail de sa vie, comme la figure 
et le type du futur Messie. Voir David, t. n, col. 1323- 
1324. 

2° L'importance dogmatique des deux premiers livres 
des Rois est tout indiquée par là-même. Leur impor- 
tance historique est aussi très considérable, attendu 
qu'ils nous font assister à une période de crise et de 
formation dans Israël, à' un changement complet dans 
le mode de son gouvernement. Entre les mains de ses 
rois, la nation théocratiqué prendra plus d'unité, de 
consistance et de vigueur, et nous la verrons secouer 



victorieusement le joug que lui avaient imposé plu- 
sieurs des peuples voisins. Il est un autre point de vue 
très consolant de cette histoire : en même temps que 
la royauté sera fondée, Dieu enverra à son peuple une 
sériepresque ininterrompue de prophètes fidèles, pour 
régler et contrebalancer l'autorité des rois. Ces pro- 
phètes ouvriront autour d'eux des écoles, où la sainteté 
et la science sacrée seront cultivées de concert; delà 
sorte, les représentants de Jéhovah seront multipliés 
pour le plus grand bien de la nation. Voir Écoles de 
Pbophètes, t. u, col. 1567-1570. 

///. auteur et sources. — 1° Auteur. — Il est im- 
possible de résoudre cette question d'une manière cer- 
taine, la tradition étant demeurée très imparfaite à son 
sujet, et nos deux livres ne nous fournissant aucun ren- 
seignement sur lequel on puisse étayer une opinion so- 
lide. D'après une ancienne tradition juive, Baba bathra, 
fol. 14, Samuel lui-même aurait été l'auteur des deux 
livres qui portent son nom dans l'hébreu. Saint Gré- 
goire le Grand a adopté ce sentiment, In libr. I Reg. 
Expositio, Proœm., iv, t. lxxix, col. 40. Mais le fait 
n'eût été possible que pour les chap. i-xxiv du I er livre, 
puisque la mort de Samuel est mentionnée I Reg., xxv, 
1. Aussi d'anciens rabbins ont-ils modifié l'opinion du 
Talmud, en disant que Samuel aurait composé les 
chap. i-xxiv du I er livre, tandis que tout le reste se- 
rait l'œuvre des prophètes Gad et Nathan. Voir 
L. Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique, 
in-8«, Paris, 1881, p. 26-27; K. Budde, Der Kanon des 
Alten Testaments, in-8», Giessen, 1900, p. 23-27. C'est 
ce qu'ont pareillement admis d'assez nombreux com- 
mentateurs chrétiens, entre autres Sanchez, Bellarmin, 
Cornélius a Lapide. L'un des plus récents interprètes de 
I et II Rois, le P. von Hummelauer, Commentarius 
in libros Samuelis, in-8", Paris, 1886, p. 9-24, a même 
cru pouvoir tracer plus nettement encore la part de 
chacun des auteurs qui auraient ainsi contribué à com- 
poser nos deux livres : l'histoire de Samuel, I Reg*, 
i-vii, aurait été écrite par ce prophète lui-même; l'his- 
toire de Saûl, I Reg., viu-xvi, ajoute-t-on, forme un 
document spécial, dû à la plume soit de Samuel, soit 
de Gad; celle de David exilé, I Reg., xvii-xxxi, a cer- 
tainement Gad pour' auteur à partir du chap. xxv, peut- 
être aussi le reste de ce récit; l'histoire du règne de 
David, II Reg., 1-xx, parait avoir été composée avant 
la mort du roi; elle provientdu prophète Nathan. C'est 
sans doute aussi Nathan qui a réuni en un seul et même 
livre sa propre composition et celles de Samuel et de 
Gad. Les appendices, II Reg., xxi-xxiv, ont été ajoutés 
un peu plus tard, quoique assez promptement. 

Cependant ce ne 'sont là que des hypothèses plus ou 
moins ingénieuses. Comme on l'admet communément au- 
jourd'hui, il est impossible de déterminer l'auteur défi- 
nitif avec précision. Mais les théories qui, d'une manière 
ou de l'autre, aboutissent à une pluralité de rédac- 
teurs sont condamnées par un argument irréfutable-: 
savoir, l'unité de fond et de forme qui règne dans toutes 
les parties du récit de I et II Samuel. « Si l'on exa- 
mine de près la manière du narrateur, le style, le 
lien étroit et perpétuel qui unit tout l'ensemble, la 
juste disposition des parties entre elles, le but pour- 
suivi et atteint dans le choix des matériaux, on décou- 
vrira dans tout le livre une unité qui n'aurait pas pu 
se rencontrer si trois livres (ou un plus grand nombre 
encore), écrits par différents auteurs, à différentes 
époques, avaient été réunis ensuite dans un même corps 
d'ouvrage. » R. Cornely, Manuel d'Introd. historiq. 
et a-itiq. à toutes les Saintes Écritures, trad. franc., 
in-12, Paris, 1907, t. i, p. 359. Voir aussi B. Welte, 
Einheitlicher Characier der Bûcher Samuelis, dans 
la Quartalschriftàe Tubingue,1846,p. 183-215;D. Erd- 
mann, Die Bûcher Samuelis, Bielefeld, 1875, p. 6-26 
Clair, Les livres des Rois, Paris, 1879, t. i, p. 8-18. 



1133 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



113$ 



A défaut du nom de l'auteur, nous pouvons du moins 
indiquer d'une manière approximative l'époque à 
laquelle il vivait. Plusieurs petits détails insérés çà et 
là dans le récit montrent qu'il a écrit un certain temps 
après les événements racontés. 1° I Reg., IX, 9, il 
croit devoir expliquer un terme usité à l'époque de 
Samuel et qui était tombé en désuétude : « Autrefois, 
dans Israël, tous ceux qui allaient consulter Dieu s'en- 
tredisaient : "Venez, allons au Voyant; car celui qui 
s'appelle aujourd'hui Prophète, 9'appelait alors le 
Voyant. » 2° I Reg., xxvh, 6, il dit que la ville de 
Sicéleg était demeurée au pouvoir « des rois de Juda » 
jusqu'au moment où il écrivait. Or, le titre de « roi 
de Juda » ne semble pas avoir été en usage avant le 
schisme des dix tribus, lorsqu'une distinction fut éta- 
blie entre les royaumes d'Israël et de Juda : ce trait nous 
conduirait donc au moins au règne de Roboam (962- 
946 av. J.-C). 3° II Reg,. xm, 18, l'auteur nous apprend 
que les princesses royales étaient autrement vêtues du 
temps de David que du sien ; ce furent sans doute les 
femmes étrangères introduites à la cour par Salomon 
qui apportèrent des modes nouvelles. D'autre part, la 
composition ne saurait dater d'une période de beau- 
coup postérieure à David et à Salomon, car le style est 
encore celui de l'âge d'or de la langue hébraïque. Une 
addition qu'on lit dans les Septante aux passages 
II Reg., vm, 7, et xiv, 27, et où Roboam est mentionné 
nommément, semblerait supposer que nos deux livres 
ont été écrits sous le règne de ce prince, après l'in- 
vasion du roi J'Égypte Sésac en Palestine ; mais leur 
authenticité est douteuse. En fait, de nombreux ëxé- 
gétes se décident aujourd'hui en faveur de ce règne, 
et leur opinion est pour le moins très vraisemblable. 
Voir F. Keil, Lehrbuch der... Einleitung in das A. T., 
2 8 édit., p. 208; Erdmann, Die Bûcher Samuelis, p. 37 ; 
Cornely, lntrod. specialis, p. 270-271; F. Vigouroux, 
Man. bibl., 12 e édit., t. n, p. 85. Plusieurs rationalistes, 
entre autres Ewald, Thenius, Haevernick, sans parler 
de quelques protestants orthodoxes, attribuent même 
la composition à l'époque de David ou de Salomon. 
D'ailleurs, la plupart des critiques, malgré la fausseté 
de leurs systèmes par rapport à l'origine des deux pre- 
miers livres des Rois, n'hésitent pas à regarder des 
parties notables de cet écrit comme très anciennes, et 
à les dater du x» ou du IX e siècle avant notre ère. Voir 
E. Kœnig, Einleitung in das Alte Test., in-8°, Bonn, 
1893, p. 261-263 ; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. Il est 
vrai, comme il sera dit plus bas, qu'ils regardent d'au- 
tres nombreux passages comme beaucoup plus récents et 
qu'ils reculent la composition finale jusqu'après l'exil. 

2° Sources. — A ce sujet aussi, on peut faire des 
conjectures très raisonnables, bien qu'il soit impos- 
sible de fournir des détails absolument certains. L'au- 
teur dut avoir à sa disposition, d'une part, des documents 
écrits, assez abondants et contemporains des faits; de 
l'autre, des traditions orales conservées jusqu'à lui. 
« C'est ainsi seulement que l'on peut s'expliquer la dé- 
licatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse 
des traits biographiques et la fraîcheur incomparable 
des récits renfermés dans les livres de Samuel. » La 
Bible annotée, Les livres historiques, t. m, .Neucbàtel, 
1893, p. 184. — Plusieurs des sources écritesauxqûelles 
l'historien sacré recourut sans doute sont désignées en 
propres termes au I er livre des Paralipomènes. Il y eut 
d'abord, d'après I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel 
le Voyant », « le livre du prophète Nathan », et « le 
livre de Gad le Voyant »; puis, d'après I Par., xxvh, 
24, les « Fastes du roi David » : sortes d'annales dont 
on ne saurait décrire au juste la nature et l'étendue, 
mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu'elles 
provenaient d'auteurs contemporains, d'une autorité 
incontestable. Ces documents paraissent avoir été uti- 
lisés à tour de rôle par l'auteur des deux premiers 



livres des Rois et par celui du I er des Paralipomènes : 
on le voit par un certain nombre de passages où ces 
récits coïncident d'une manière souvent presque litté- 
rale. Les suivants méritent une mention à part. Com- 
parez : 

I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12. 

II Reg., Hf, 2-5, et — ni, 1-3. 

— v, 1-10, et — xi, 1-5. 

— v, 11-25, et — xiv, 1-17. 

— vi, 1-11, et — xm,, 1-14. 

— vi, 12-23, et — xv, 25-29. 

— vu, 1-viii, 18, et .— xvii, 1-xvin, 17. 

— x, 1-xi, l,et — xix, 1-xx, 1. 

— xii, 26-31, et - xx, 1-3. 

— xxi, 18-22, et - xx, 4-8. 

— xxiii, 8-39, et - xxi, 10-47. 

— xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27. 

En étudiant ces divers passages, on se rend compte 
que l'auteur des Paralipomènes n'a pas fait directement 
d'emprunts à celui des Rois, ou réciproquement, mais 
qu'ils ont puisé tous deux à des sources communes, 
très vraisemblablement celles qui ont été marquées 
ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Sa- 
muelis, p. 5-6, 16-17. — L'auteur des livres de Samuel 
noua apprend lui-même, \I Re§., \, \°j, ï\\\.'vl a. em- 
prunté au « livre des Justes », déjà mentionné Jos., 
x, 13 (voir Justes [Le livre des], t. m, col. 1873-1875), 
l'élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas. 
Il est fort probable qu'il a transcrit le « cantique du 
Rocher », II Reg., xxii, 1-51, du premier livre des 
Psaumes, cf. Ps. xvii. Il a aussi puisé le cantique 
d'Anne, I Reg., n, 1-10, et les « dernières paroles de 
David », II Reg., xxm, 1-7, dans d'autres documents 
authentiques. — La tradiiion orale, encore très vivante 
sur des faits si importants, si récents, lui a pareille- 
ment fourni d'abondants matériaux. Ses narrations le 
prouvent, il existait encore des monuments relatifs à 
plusieurs des faits racontés, cf. I Reg., vi, 18; vu, 12: 
des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x,ll , 
II Reg., v, 8; des noms significatifs donnés aux lieux 
et aux personnes, cf. I Reg., 1,20; iv, 21 ; vu, 12;xxiii, 
28; II Reg., Il, 16, etc. — De tout cela il s'est servi 
comme un écrivain intelligent, habile et fidèle. 

iv. style. — Le style, comme il a été déjà insinué 
plus haut, est celui de l'âge d'or de la langue hé- 
braïque. L'auteur de nos deux livres est regardé à 
juste titre comme l'un des meilleurs prosateurs de 
la littérature sacrée. « Il n'a point les archaïsmes 
du Pentateuque;... il n'a pas non plus ce qu'on a 
appelé les provincialismes de l'auteur des Juges...; 
il est supérieur à celui des Paralipomènes, qui ap- 
partient à l'âge de fer, et aussi à l'auteur des troi- 
sième et quatrième livres des Rois, chez qui l'on 
trouve un certain nombre d'aramaïsmes, tandis qu'on 
n'a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres 
de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. H, 
12» édit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont 
propres, il faut mentionner surtout l'appellation Yehô- 
vdh sebd'ôf, « Seigneur des armées », par laquelle il 
est le premier à désigner le Dieu d'Israël. Il l'emploie 
dix fois : I Reg., i, 3, 11; iv, 4; xv, 2; xvii, 45; II Reg., 
v, 10; vi, 18; vu, 8, 26, 27. Elle est devenue fréquente 
après lui. Citons aussi l'expression nahalaf Yehôvâh, 
« héritage du Seigneur », pour marquer la nation théo- 
cratique, I Reg., xxvi, 19; II Reg., xx, 19 et xxi, 3; 
les formules Usée faciat Dominus et hsec addat, IReg., 
m, 17 ; xiv, 44; xx, 13, etc. ; tinnient aures ejus, I Reg.-, 
m, 11 : le titre nâgîd, «c prince », pour désigner le roi, 
etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174. 

V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET CES 

néo-critiques. — 1» Exposé des théories principales. 
— Le système des documents multiples, des couches 



1135 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1136 



superposées et des rédactions successives, des rema- 
niements nombreux jusqu'à l'agencement définitif, ne 
pouvait manquer d'être appliqué â ces deux livres, de 
même qu'il l'avait été au Pentateuque, au livre de Josué 
et au livre des Juges. Les néo-critiques n'ont pas 
épargné leur peine pour découvrir ce qu'ils nomment 
les sources primitives et les éléments secondaires de 
notre écrit. Le jugement qu'ils portent sur lui est sévère : 
« C'est une combinaison d'éléments divers et inégaux, 
une compilation de documents souvent incohérents et 
contradictoires, dont on ne peut extraire qu'avec de 
grandes précautions et difficultés les faits dignes d'être 
acquis à l'histoire. » Maurice Vernes, dans VEncyclo- 
pëdie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, 
Paris, 1881, p. 445. « Tels qu'ils ont été conservés 
dans le canon, les livres de Samuel ne sont évidem- 
ment pas l'œuvre d'hommes contemporains des événe- 
ments racontés. Derrière ces documents on découvre 
<les traditions variées et contradictoires, que le compi- 
lateur, se conformant à la méthode de l'historiographie 
hébraïque primitive, a incorporées... dans une seule, 
sans faire aucun effort pour mettre d'accord les diffé- 
rences. » The Jewish Encyclopœdia, t. XI, New- York, 
1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en 
fragments plus ou moins nombreux, groupés tardive- 
ment, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, re- 
monte au début du xix e siècle. Les plus célèbres ratio- 
nalistes d'alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis 
Gramberg, ébauchèrent ce travail. Thenius le compléta 
dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Humme- 
lauer, Comtn. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c'est surtout 
-à Wellhausen età ses études réitérées sur cette question 
que se rattachent les théories généralement admises 
aujourd'hui par les néo-critiques. Il fait porter simul- 
tanément ses recherches sur les livres des Juges, de 
Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans 
lesquels il prétend reconnaître les mêmes errements, la 
même méthode de remaniements successifs et d'addi- 
tions contradictoires. A la base du système, il y a cette 
assertion bien connue : le Pentateuque se compose de 
trois parties, savoir, le Deutéronome, le Code sacerdo- 
tal, et le récit jéhovisle, qui est le plus ancien des 
trois. Le Deutéronome fut retrouvé, et même proba- 
blement composé de toutes pièces, à l'époque du roi 
Josias, en 621; prêtres et prophètes s'entendirent pour 
lui donner force de loi, et pour restreindre dès lors le 
culte au temple de Jérusalem. Le Code sacerdotal est 
plus récent que le Deutéronome et postérieur â l'exil; 
il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte 
unique, établi en réalité sous le règne de Josias, re- 
montait jusqu'à Moïse. Pendant l'exil de Babylone, les 
anciens livres historiques, notamment ceux des Juges, 
de Samuel et des Rois, furent révisés et remaniés, 
pour qu'ils se trouvassent d'accord avec les pratiques 
religieuses adoptées depuis Josias. De nombreux détails 
ont donc été modifiés dans ces livres, tout particulière- 
ment dans ceux de Samuel, sous l'influence et d'après 
l'esprit du Deutéronome. — Tel est le fondement de la 
théorie développée par Wellhausen dans les ouvrages 
qui seront énumérés plus loin (col. 1144). On voit com- 
bien il est faux, arbitraire, et par conséquent fragile. 
Voir Pentateuque, col. 86-107. « L'historiographie deu- 
téronomique i>\ comme on la nomme, c'est-à-dire la 
rédaction définitive de « la plus grande partie des 
écrits historiques d'Israël... sous l'influence de la loi 
deutéronomique, » se serait prolongée pendant près de 
deux siècles, entre les années 621 et 433 avant J.-C. 
« Commencée à la fin de l'indépendance nationale 
d'Israël, elle contient un jugement porté sur tout le 
passé du peuple dans la Terre Promise ; son but pro- 
prement dit, très visible partout, est de donner un 
avertissement sérieux à la nation, qui espérait avec 
certitude son rétablissement, en s'appuyant sur la pa- 



role des prophètes. » C'est donc « à la lumière de la loi 
deutéronomique » que fut modifiée toute l'ancienne 
histoire d'Israël. Cette historiographie est « une grande 
théodicée, qui démontre comment la ruine du peuple 
de Jéhovah fut une conséquence de la justice divine. » 
G. Wildeboer, Die Litteralur des Allen Testaments 
nach der Zeitfolge ihrer Entslehung, trad. du hollan- 
dais, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient à 
dire que, sous l'influence du Deutéronome, les idées 
surnaturelles auraient pénétré après coup dans les 
livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu 
explique pourquoi de nombreux passages sont rejetés 
en détail par les rationalistes. 

Il serait sans utilité de suivre un à un, sur ce ter- 
rain, tous ceux des néo-critiques qui ont émis quelque 
théorie plus spéciale au sujet de la composition des 
livres de Samuel. Ici, comme à propos du Pentateuque 
et de la plupart des écrits bibliques, nous assisterions 
à une vraie surenchère, chacun voulant aller plus loin 
que ses prédécesseurs en fait de négation. C'est ce que 
montre fort bien le tableau d'ensemble placé par le 
D r Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire 
des livres de Samuel, composé aussi dans un sens ra- 
tionaliste. Nous nous contenterons donc de signaler 
l'analyse des sources de nos deux livres, telle que la 
donne le D r K. Budde, qui s'est acquis une certaine 
notoriété sûr ce point; il ne fait, du reste, que déve- 
lopper la théorie de Wellhaqsen. 

Comme ceux qui lïont précédé dans cette voie, il 
attire d'abord l'attention du lecteur sur trois formules 
des livres de Samuel, I Reg., vu, 15-17; xiv, 47-52 et 
II Reg., vm, 15-18, qui auraient servi de conclusion à 
trois documents anciens, consacrés, le premier à Sa- 
muel, le second à Saûl, le troisième à David. Elles 
doivent, dit-il, leur forme actuelle à la « main deuté- 
ronomique », par laquelle auraient été amalgamés les 
documents en question. Des répétitions et même des 
contradictions assez nombreuses, que nous examinerons 
en détail (col. 1138), attesteraient aussi l'existence de 
plusieurs sources écrites, que des compilateurs ou ré- 
dacteurs successifs auraient cousues l'une à l'autre, 
maladroitement, sans remarquer qu'elles ne corres- 
pondent plus au même point de vue religieux ou poli- 
tique. La première de ces sources aurait été simple- 
ment remaniée; les deux autres auraient subi des mo- 
difications importantes. La première, qui est postérieure 
au Deutéronome, présente de grandes affinités avec 
l'écrit élohiste du Pentateuque que l'on désigne par le 
sigle E; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait 
l'œuvre de l'écrivain jéhoviste, J^ Mais, d'un examen 
plus attentif, il ressort que ces deux documents ont été 
remaniés plusieurs fois, de façon à produire, d'une 
part J'jJ 2 , et de l'autre E 1 , E 2 . Le rédacteur qui les a 
unis sans essayer de les concilier est désigné par les 
lettres R JE . Après lui vint un dernier rédacteur R", 
animé de l'esprit deutéronomique. Voici quel serait le 
résultat final de cette minutieuse enquête : 

J -I Reg.,ix,l-x,7, 9-16; xi, 1-11, 15; xm, 1-7»,15>>- 
18; xiv, 1-46, 52; xvi, 14-23; xvrn, 5-6, 11, 20-30; xx, 
1-10, 18-39,. 22>>; xxn, 1-4, 6-18, 20-23; xxm, 1-14»; 
xxvi; xxvn ; xxix-xxxi. — 11 Reg., 1,1-4, 11, 12, 17-27; 
n,l-9, lOb, 12-32; m; iv; v, 1-3, 6-10, 17-25; vi; ix-xi; 
xu, 1-9, 13-31; xm, 1-xx, 22. 

J2 — I Reg., x, 8; xm, 7M5», 19-22. 

E — I Reg., iv, lMrii, 1; xv, 2-34; xvn, 1-11, 14-58; 
xvrn, 1-4, 13-19; xix, 1, 4-6, 8-17; xxi, 1-9; xxn, 19; 
xxlii, 19-xxiv, 19; xxv; xxvm. — II Reg., i, 6-10, 
13-16, vu. 

E 2 — I Reg., i, 1-28; n, 11.-22», 23-26; m, 1-iv, 1»; 
vu, 2-vin, 22;x, 17-24' ; xu. 

Rje _ I Reg., x, 25-27; xi, 12-14; xv, 1; xviil, 2; xix, 
2,3, 7;. xx, 11-17, 40-42»; xxn, 10>>; xxm, 14M8;xxiv, 
16, 20-22». - II Reg., i, 5. 



■1137 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1138 



R D — I Reg., xiv, 18"; vu,. 2; xm, 1; xiv, 47-51; 
xxvm, 30. — II Reg., ir, 10% 11 ; v, 4-5; vm; xn, 10-12 

Un rédacteur encore plus récent aurait ajouté les 
passages suivants : 

I Reg., iv, 15, 22; vi, 11", 15, 17, 18, 19; xi, 8*; xv, 
4; xxiv, 14; xxx, 50. — II Reg., m, 30; v, 6 b , 7", 8»; 
xv, 24; xx, 23-26. 

A un dernier remaniement seraient dues les addi- 
tions qui suivent : 

I Reg., il, 1-10, 22"; xvi, 1-13; xvn, 12-13; xix, 18-24; 
xxi, 10-15; xxii, 5. — Il Reg., Xiv, 26; xxi-xxiv. 

Voir Budde, Die Bûcher Sumuelis erklârt, p. x-xxi, 
et aussi, dans le même sens, quoique avec des nuances 
assez nombreuses, Nawack, Die Bûcher Samuelis, 
ûbersetzt und erklârt, p. xiv-xxm; Cornill, Einleitung 
m dos A. Test., 2<> édit., 1892, p. 106-121. — Voici quel 
serait l'âge respectif de ces divers documents ou rema- 
niements : la partie la plus ancienne, J 1 et J2, remonte 
au IX e siècle avant notre ère; E 1 appartient probable- 
ment au viii c siècle; E 3 , sinon au vm e siècle, du moins 
au commencement du vu e ; R JÉ date d'une époque plus 
tardive du VII e siècle (avant la réforme de Josias, en 
621); les autres rédactions sont plus récentes, et datent 
de l'exil, ou même d'une période postérieure à l'exil. 

2» Réfutation du système des néo-critiques. — 
1. D'une manière générale, nous dirons d'abord qu'ex- 
poser de telles théories, c'est en grande partie les ré- 
futer. Il faut tout le parti pris, toute la hardiesse du 
rationalisme, pour croire qu'à environ trente siècles 
^'intervalle, on puisse être capable de déterminer, 
verset par verset, dans un écrit dont le style est bien 
caractérisé (col. 1134), des diversités, et même de 
simples nuances, qui trahiraient des auteurs très dis- 
tincts, séparés les uns des autres par des centaines 
d'années et par les sentiments religieux les plus di- 
vers. Aussi, ceux qui présentent ces théories sur les 
livres de Samuel s'appuient-ils le plus souvent sur des 
preuves purement subjectives et arbitraires, et de là 
viennent les divergences considérables d'appréciation 
qui régnent entre eux, soit pour la nature et le nombre 
des documents primitifs, soit pour celui des compila- 
teurs et rédacteurs, soit pour l'époque des uns et des 
autres. Lorsqu'ils veulent parler sincèrement, ils re- 
connaissent, avec le D r G. Wildeboer, Die Litteratur 
des A. Testant., p. 53, que la plupart de leurs juge- 
ments ne reposent que sur des hypothèses; avec le 
D r Stade, Encyclopssdia biblica de Cheyne, t. iv, 
col. 4279-4280, qu'un grand nombre des assertions des 
néo-critiques touchant l'origine des livres de Samuel 
sont inexactes; avec le D r Budde lui-même, Die Bûcher 
Samuelis, p. xvm, qu'en voulant trop préciser sur ce 
point, on commet des actes d'audace entièrement sub- 
jectifs. Ils trouvent que l'histoire de la composition de 
ces écrits est « très compliquée », Stade, Le, col. 4274. 
Voir aussi E. Reuss, op. cit., p. 87. Mais ils sont eux- 
mêmes responsables de cette complication, qui n'exis- 
tait pas avant eux. 

2. Si nous passons à l'examen des preuves principales 
sur lesquelles les néo-critiques appuient leur théorie, 
nous, verrons qu'elles sont aisées à réfuter. — a) Il y a 
d'abord les trois formules qui ont été mentionnées,plus 
haut (col. 1136) : I Reg., vu, 15-17; xiv, 47-52; II Reg., 
vm, 15-18. A la suite de Thenius et de Wellhausén, on 
a vu, dans ces sommaires de la judicature de Samuel, 
du règne de Saùl et du règne de David, des traces d'une 
compilation tardive. Elles auraient servi de conclusion 
à trois documents distincts, et le rédacteur les aurait 
insérées dans son œuvre avec les passages qu'elles 
achevaient. — Mais l'hypothèse est toute gratuite- Ces 
formules, en effet, ne mettent fin en réalité ni au rôle 
de Samuel, ni aux règnes des deux premiers rois israé- 
lites. L'auteur des livres de Samuel, qui place volon- 
tiers des formules générales au commencement des 



nouveaux règnes, cf. I Reg., xm, 1; II Reg., H, 10-11; 
v, 4-5, en emploie d'autres pour marquer la conclusion 
de quelque période importante du régne. Ainsi, ouire 
celles qui ont été notées plus haut, nous mentionne- 
rons II Reg., in, 1-5; v, 12-16; xx, 19-26. Pourquoi les 
néo-critiques demeurent- ils muets sur ces dernières? 
Simplement parce qu'elles n'ont rien qui favorise leur 
système. Les autres ne l'étayent pas davantage. « Ces 
données sous forme de résumé trahissent une méthode, 
une idée intentionnelle, et ne portent point en elles le 
cachet de la compilation. Elles servent donc unique- 
ment à terminer, ou, si l'on veut, à arrondir chacune 
des périodes et forment comme des points de repère, 
sans porter préjudice à la liaison des parties et sans 
briser l'unité de composition. » P. Clair, Les livres 
des Rois, p. 14. Voir F. Kei], Lehrbuch der Einleitung 
in die Schriften des AU. Test,, 2 e édit., p. 167-168. 

6) Les répétitions fréquentes que l'on rencontre 
dans nos deux livres prouveraient aussi jusqu'à l'évi- 
dence, nous dit-on, l'origine diverse des passages où 
elles se rencontrent. — Il est vrai qu'il en existe plu- 
sieurs : par exemple, la double mention de la mort de 
Samuel, I Reg., xxv, 1, et xxvm, S; les détails relatifs 
à la famille de David, I Reg., xvi, 1-13, etxvii, 12-21, etc. 
Mais elles ne sont pas inconciliables avec l'unité du livre, 
et elles sont conformes au genre des écrivains orien- 
taux. Les néo-critiques les signalent avec éclat, dans 
l'intérêt de leur thèse. Bien plus, ils affectent de pren- 
dre pour des répétitions, pour des « doublets », comme 
ils disent, un certain nombre de faits entre lesquels il 
existe sans doute une certaine ressemblance, mais qui 
présentent des circonstances très différentes de temps, 
de lieu, etc. Examinés de près, les prétendus « dou- 
blets » sont le récit d'événements très distincts. I Reg., 
xm, 13-14, il s'agit de la réprobation de la maison de 
Saùl, et plus loin, xv, 10-11, de la réprobation person- 
nelle du roi. I Reg., x, 10^12, il est question de l'ori- 
gine du proverbe Num et Saul inter prophetas 1 tandis 
que plus bas, xix, 23-24, l'écrivain sacré mentionne la 
confirmation de ce même proverbe. L'hébreu marque 
mieux cette nuance, et suppose l'existence antérieure 
de l'adage. Au premier passage, nous lisons : Fuit in 
proverbium; au second : « C'est pourquoi ils disent : 
Est-ce que Saûl... 1 ? »Par deux fois, Saiil tente de trans- 
percer David de sa lance, I Reg., xvm, 10, et xix, 9. Or, 
nous apprenons I Reg., xx, 33, que le roi avait recours 
à ce geste haineux, lorsqu'il était sous l'empire de sa 
passion mauvaise. Deux fois aussi, les habitants de 
Ziph trahirent David en indiquant à son ennemi le lieu 
de son refuge, I Reg., xxm, 10, et xxvi, 1; deux fois, 
David dut aller chercher un abri chez les Philistins, 
I Reg., xxi, 10-15, et xxvn, 1-7; deux fois, d'abord dans 
une caverne, puis dans le camp royal, il épargna géné- 
reusement la vie de Saûl, I Reg., xxiv, 5-8, et xxvi, 
7-25. Mais pourquoi ces divers faits ne se seraient-ils 
pas renouvelés, dès lors que les mêmes causes persé- 
véraient : chez Saûl, sa haine intense ; chez les habitants 
de Ziph, le désir de nuire à David; chez celui-ci, sa 
grandeur d'âme; par rapport aux Philistins, la proxi- 
.mïté de leurs frontières. II Reg., vm, 11-12, on men- 
tionne brièvement les résultats de la guerre avec les 
Ammonites ; x, 1-25, on expose tout au long cette guerre, 
qui servit d'occasion au grand crime de David. Con- 
cluons avec le D r (protestant) Strack, Einleitung in 
das Alte Testant., 4 e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 67: 
« L'assertion d'après laquelle, dans ces cas, il n'aurait 
existé réellement qu'un incident unique, le rédacteur 
s'étant laissé induire en erreur par les divers orne- 
ments qu'aurait surajoutés la tradition, n'est nullement 
démontrée; » ou plutôt, c'est le contraire qui est 
démontré par une élude impartiale des textes. Voir 
F. Keil, Lehrbuch der Einleitung in die Schrifteri 
des A. T., 2« édit., p. 172-174. 



1139 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1140 



3. Les néo-critiques sont allés plus loin, et ont pré- 
tendu découvrir dans, les livres de Samuel des con- 
tradictions véritables, qui démontreraient encore mieux 
leur thèse relative à l'origine de ces écrits. Cette autre 
affirmation ne résiste pas non plus à l'examen sérieux 
des faits. Les soi-disant contradictions concernent Sa- 
muel, l'origine de la royauté chez les Hébreux, l'intro- 
duction de David à la cour de Saûl, la mort de ce 
dernier, la prise de Sion par David, enfin le géant Goliath. 

— à) Les récits relatifs au prophète Samuel seraient 
deux fois contradictoires. En premier lieu, d'après 
I Reg., vu, 15, il exerça « durant tous les jours de sa 
vie » les fonctions de juge en Israël, et pourtant nous 
le voyons, I Reg., vin, 1, cf. xn, 2, déléguer son auto- 
rité à ses fils. Mais cette difficulté s'explique au moyen 
d'une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux, 
cessa de rendre des jugements et d'exercer certaines 
prérogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui; 
mais il ne se démit jamais entièrement de son autorité 
de juge, et il n'en avait d'ailleurs pas le droit, puis- 
qu'elle lui avait été déléguée par Dieu lui-même. 
I Reg., viu, 4, après qu'il a été question de son rem- 
placement partiel par ses fils, nous voyons le peuple 
s'adresser à lui pour avoir un roi. Même sous le règne 
de Saûl, il conserva son autorité suprême, que le roi 
ne songea nullement à contester. Cf. I Reg., xv, 2-34. 
David aussi recourut à lui comme à un guide officiel- 
lement institué par Dieu. I Reg., xix,18, etc. On objecte 
aussi que, d'après IReg., XV, 35, à partir de tel instant, 
« Samuel ne vit plus Saûl jusqu'au jour de sa mort, » 
tandis qu'il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, à propos 
de Saûl : « Il prophétisa... devant Samuel. » Ici encore, 
la conciliation est aisée : le premier trait signifie que 
le prophète cessa d'aller visiter le roi ; le second annonce 
simplement qu'il le rencontra d'une façon accidentelle. 

— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradic- 
tions dans les récits relatifs à l'institution de la royauté. 
Les raisons pour lesquelles les Hébreux désirèrent et 
demandèrent un roi suivant notre livre leur paraissent 
inconciliables : d'une part, la cupidité des fils de 
Samuel, I Reg., vin, 3-5; de l'autre, les craintes que 
les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xn, 12- 
13. Mais en quoi ces motifs s'excluent-ils? Ils se com- 
plètent mutuellement, au contraire, et le narrateur 
n'était pas tenu de les indiquer en même temps. Autre 
objection sur le même événement : I Reg., x, 1, nous 
apprenons que Saûl reçut l'onction royale des mains de 
Samuel, sur l'ordre direct du Seigneur; d'après 
I Reg., x, 20, 25, il futélu par le sort et ensuite reconnu 
par le peuple. Mais il n'existe pas d'opposition réelle 
entre les deux faits : Dieu désigna d'abord Saûl en 
secret à son prophète, qui lui conféra l'onction sainte; 
^ette onction secrète ne pouvant suffire pour donner 
une autorité publique au nouveau roi, il fallait une 
révélation extérieure et solennelle de la volonté divine, 
et l'élection par le sort la fournit. — c) La difficulté tirée 
de la présentation de David à la cour royale est plus 
sérieuse. Nos adversaires affirment qu'elle est racontée 
dans le I er livre des Rois sous deux formes tellement 
différentes, d'abord xvi, 14-23, puis xvn, 1-xvin, 5, qu'il 
n'est pas possible de faire concorder les récits : preuve, 
ajoute-t-on, qu'ils ont été empruntés à des sources 
différentes, que le rédacteur a maladroitement réunies. 
Voici les détails de l'objection : « Quand Samuel arrive 
à Bethléhem (pour sacrer David), l'historien nous fait 
connaître le père et les frères de David, IReg., xvi, 1- 
13, et, un peu plus loin, il les présente de nouveau au 
lecteur, comme s'il n'en avait jamais encore parlé. 
I Reg., xvn, 12-15. Avant la guerre, Saûl fait de David, 
qui est très brave, son écuyer, I Reg., xvi, 21, et, au 
moment de la guerre, nous voyons David gardant son 
troupeau, et n'allant au camp que par hasard, afin 
d'apporter des vivres à ses frères. I Reg., xvn,17. Mais 



ce qui est plus extraordinaire encore, Saûl qui, avant 
d'aller combattre les Philistins, avait choisi David 
comme écuyer et le connaissait très bien, ainsi que 
son père, I Reg. , xvi, 18-22, ne sait pas quel est ce jeune 
homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvn, 15-16. » 
F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa- 
liste, 5' édit., Paris, 1902, t. iv, p. 495-496. Telles sont les 
antilogies apparentes de la narration. Le même auteur 
nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Après avoir 
fait remarquer très justement qu'un narrateur européen 
aurait ordonné son récit d'une autre manière que 
l'écrivain israélile, lequel a compliqué visiblement les 
faits par les répétitions chères à sa race, il reprend : 
« Les deux récits dont nous nous occupons ne sont pas 
d'ailleurs complètement indépendants. L'historien ne 
parle pas la seconde fois des frères de David comme s'ils 
nous étaient totalement inconnus, et, au sujet de David 
lui-même, il a soin de rappeler qu'il l'avait déjà fait 
connaître à ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet 
homme d'Éphrata (dont il a été déjà parlé, explique 
justement la Vulgate), de Bethléhem de Juda. I Reg., 
xvn, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saûl peut-il igno- 
rer qui est David, puisqu'il avait fait demander à son 
père de le lui laisser comme écuyer, I Reg., xvi, 19-22, 
et comment Abner n'en sait-il pas plus long que son 
maître? La réponse est facile, et il y a longtemps qu'elle 
a été donnée par saint Ephrem. Le roi connaissait 
suffisamment le berger de Bethléhem pour l'attacher à 
sa personne, en qualité d'écuyer et de musicien ; mais 
le courage de David l'étonné et fait qu'il s'intéresse 
davantage à lui; de plus, ayant promis sa fille au vain- 
queur de Goliath, il désire des informations plus pré- 
cises sur la parenté de celui qui peut devenir son 
gendre, et c'est pour ce motif qu'il charge Abner de 
s'en occuper, I Reg., xvn, 55-57... Nous n'avons donc 
ici aucune contradiction réelle. » Il est remarquable, en 
effet, que, dans le texte sacré, IReg., xvn, 53-56, Saûl 
ne demande pas qui était personnellement David, 
mais de qui il était fils, à quelle famille il appartenait. 
Ajoutons que Saûl avait plusieurs écuyers, selon l'usage 
d'alors, cf. II Reg., xvin, 15, de sorte que David, après 
avoir distrait pendant quelque temps le roi par son 
talent de harpiste, était ensuite retourné à la maison 
paternelle, où il se trouvait lorsque la guerre fut 
déclarée. On a allégué aussi que les passages I Reg., 
xvn, 12-31 et xvn, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu 
à la difficulté proposée, sont supprimés dans la version 
des Septante; ce qui prouverait que les traducteurs 
d'Alexandrie ne croyaient pas à la possibilité d'établir 
une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58. 
Mais cette omission ne démontre rien par elle-même, 
car la Bible des Septante présente d'autres nombreux 
exemples de suppressions, d'additions, de transposi- 
tions, etc. D'ailleurs, si le Cad. Vaticanus ne contient 
pas les versets en question, d'autres manuscrits les 
renferment, et les anciens interprètes grecs, entre 
autres Théodoret de Cyr, lntrod. in I Reg., t. lxxx, 
col. 567-568, s'efforçaient déjà d'harmoniser les deux 
récits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr. 
1 Reg., t. lxxxvii, col. 1109. — d) Si les narrations re- 
latives à la mort de Saûl, I Reg., xxxi,2-6, et II Reg., i, 
2-12, sont réellement contradictoires, la faute n'en re- 
tombe pas sur l'écrivain sacré, qui donne la véritable 
version au premier des passages indiqués, mais sur 
l'Amalécite qui fit à David un récit mensonger, pour se 
faire bien venir de lui. Voir Théodoret, l. c, t. lxxx, 
col. 598. — e) Il est dit, I Reg., xvn, 54, que David porta 
la tête de Goliath à Jérusalem, puis, assez longtemps 
après, II Reg., v, 9, qu'il s'empara de la citadelle de 
Sion. Mais ouest la contradiction? Sans doute, les Jébu- 
séens demeurèrent longtemps les maîtres de la citadelle; 
mais la ville, c'est-à-dire Jérusalem, était déjà au pou- 
voir des Hébreux, qui l'habitaient en paix. — f) S'il 



1141 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1142 



est parlé, IIReg., xxi,19, d'un géant philistin nommé 
Goliath, tué par un habitant de Bethléhem, cela ne 
suppose nullement deux récits qui se contrediraient. 
D'après I Par., XX, 5, le second héros philistin était le 
frère du géant mis à mort par David (t. m, col. 269). — 
Sur ces divers points, voir Himpel, Ueber Widersprùche 
und verschiedene Quellen der Bûcher Samuelis, dans 
la Tûbinger Quartalschrift, 1874, p. 71-126, 237, 281; 
Keil, Lehrbuch der Einleitung, p. 167-171; Clair, Les 
Livres des Mois, t. i, p. 18-29; Cornely, Introductio 
specialis in historicos Vet. Testam. libros, in-8», Paris, 
1887, p. 260-272. 

V7. LA VÉRACITÉ ET L' AUTORITÉ DES LIVRES DE SA- 
MUEL. — De ce qui vient d'être dit, il résulte que 
les néo-critiques en attaquent sur bien des points 
l'exactitude et le caractère historique. D'ailleurs, ils 
affirment en termes exprès qu'en beaucoup d'en- 
droits, surtout dans les passages qui mentionnent 
quelque intervention surnaturelle, le récit n'a pour 
base que des légendes populaires. Hugo Winckler, 
entre autres, Geschichte IsraeU in Einzeldarstellun- 
gen, in-8", Leipzig, 1900, t. n, p. 147-152, prétend 
que la plus grande partie de nos deux livres est légen- 
daire. D'après Nowack aussi, Die Bûcher Samuelis 
ûbersetzt und erklàrt, p. xiv-xxiii, les chap. i-m 
du premier livre sont de l'idylle, non de l'histoire; 
dans les chap. ix etx, on remarque de nombreux em- 
bellissements poétiques, beaucoup de détails qui ont 
reçu « une forme idyllique »; dans les chap. vu, vm, 
xii, etc., souvent la narration n'a rien de réel, mais 
a été inventée à plaisir. Etc. "Wellhausen, Prolêgo- 
mena zur Gesch. IsraeU, 5 e édit., p. 247-275, prétend 
de même qu' « il n'y a pas un mot de vrai » dans tel 
et tel récit; il mentionne en particulier, p. 266, a la 
légende du combat entre le jeune berger et Goliath, 
I Reg., xvn, 1-xvIn, 5. » A travers le livre entier les 
« tendances » seraient visibles, et elles auraient cor- 
rompu l'esprit des récits. Aussi, dans son ouvrage Die 
israelitische und jûdische Geschichte, in-8», 2 e édit., 
Berlin, 1895, p. 51-64, le même auteur supprime-t-il 
un nombre considérable d'événements racontés par les 
deux premiers livres des Rois. Voir aussi Maurice 
Vernes, dans V Encyclopédie des sciences religieuses, 
t. xi, p. 445. Néanmoins, les écrivains rationalistes 
les plus avancés sont obligés de reconnaître que d'au- 
tres passages, également nombreux, présentent toutes 
les garanties désirables de véracité et qu'on ne saurait 
nier leur caractère visiblement historique. Ils admirent 
tout spécialement, dans le second livre, les chap. ix- 
xx, où « tout le monde reconnaît qne nous avons une 
source historique de premier ordre. » Nowack, l. c, 
p. xxit. D'après Kuenen, Histor.-crit. Onderzoek, 
2 e édit., t. i, p. 380, ces chapitres, et d'autres passages 
encore, sont « l'œuvre d'un auteur bien informé, » qui 
ne fait pas intervenir à tout instant la divinité. Le 
D r Kautzsch ajoute, Abriss der Geschichte des alttes- 
tamenll. Schrifttums, Fribourg-en-Brisgau, 1897, 
p. 21, que ce document fait partie de « ce que nous 
possédons de plus complet, de plus fidèle, de plus 
parfait sur le domaine de l'histoire Israélite, bien plus, 
sur celui de l'histoire ancienne en général. » .^ 

A coup sûr, le critique catholique ne peut être que 
de leur avis lorsqu'ils font un éloge si mérité des pas- 
sages en question ; mais il applique à tout le contenu 
des deux livres ce qu'ils ne consentent à accepter qu'à 
propos de fragments isolés. Nous dirons donc que la 
véracité des livres de Samuel est attestée de toutes 
manières. — 1» Elle l'est d'abord par les preuves in- 
ternes : vie et simplicité des récits ; minutie des dé- 
tails, qui sont d'ailleurs toujours conformes aux 
mœurs de l'époque; exactitude parfaite de la topo- 
graphie; sincérité manifeste et candeur touchante du 
narrateur, qui demeure étranger à tout esprit de parti. 



H raconte avec une entière franchise les égarements 
des acteurs les plus vénérés de cette histoire, aussi 
bien que leurs plus belles actions : « Sacerdoce, prophé- 
tisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe, 
comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial 
du jugement divin. » La Bible annotée, Les livres 
prophétiques, t. In, Neuchâtel, 1893, p. 185. David 
n'est pas plus épargné que les autres sous ce rapport, 
et l'histoire de son double crime est exposée dans tous 
ses détails, avec les châtiments terribles qu'elle lui at- 
tira. Les caractères des divers personnages sont dé- 
crits aussi avec une vérité psychologique très frappante. 
Nous voyons se dresser vivants devant nous Héli, avec 
son singulier mélange de faiblesse et de piété; Samuel 
avec sa gravité sereine, sa mâle décision, sa grandeur; 
Saûl, d'abord aimé de Dieu, puis devenant insuppor- 
table et se livrant à toute la fougne de sa passion ; David, 
aimable, juste, habile, prudent, aux sentiments pleins 
de naturel, etc. Les acteurs secondaires, Abner, Jona- 
thas, Joab, etc., sont aussi très bien dépeints. — 2° La 
véracité de ces deux livres est également attestée par 
le dehors, c'est-à-dire par d'autres passages de la Bible 
qui leur confèrent une autorité en quelque sorte divine. 
Jérémie fait plusieurs fois allusion à leur contenu : 
cf. Jer., il, 37, et II Reg., xm, 19; Jer., xv, 1, et I Reg., 
xii, 19-23; Jer., xxm, 5, et II Reg. vu, 12; vm, 15, etc. 
Les deux derniers livresdes Rois citentpresque textuelle- 
ment plusieurs passagesdes deux premiers. Cf. III Reg., 
il, 27, et I Reg., n, 31, etc. Comme il a été dit plus haut 
(col. 1134), le premier livre des Paralipomènes repro- 
duit en partie, et d'une manière toute semblable, ,1e 
thème traité dans I et II Reg. Le fils de Sirach, 
Eccli., xlvi, 6-xlvii, 13, résume les livres de Samuel 
de la façon la plus exacte; il en est de même du 
Ps. xvn, sans parler des titres d'assez nombreux chants 
du Psautier, certainement très anciens, quoi qu'il en 
soit de leur authenticité, qui se rapportent à divers 
traits de la vie de David. Cf. Ps. m,. 1; xvn, 1; xxvi, 
1; xxxm, 1; l, 1; li, 1-2; lu, 1 ; lvî, 1; lviii, 1; lix, 
1-2; lxii, 1, etc. Dans l'Épltre aux Hébreux, I, 5, 
saint Paul appuie son argumentation sur un texte em- 
prunté à II Reg., vu, 14; dans le discours qu'il pro- 
nonça à Antioche de Pisidie, Act., Xiii, 20-22, il résume 
brièvement le sujet traité dans les livres de Samuel, 
et fait un emprunt à I Reg., xm, 14. La Sainte Vierge 
s'est approprié plusieurs passages du cantique d'Anne. 
Cf. Luc, i, 46-55, et I Reg., n, 1-10. Jésus-Christ lui- 
même fit une allusion très claire à I Reg., xxi, 1-6, 
lorsqu'il demanda aux Pharisiens s'ils avaient « lu >> ce 
qu'avait fait le roi David lorsqu'il fut pressé par la faim. 
Cf. Matth., xii, 3-4. Tout cela prouve en quelle haute 
estime les livres de Samuel étaient tenus chez les Juifs. 
Pour attaquer à un autre point de vue la crédibilité 
de cet écrit, les critiques rationalistes ont relevé quelques 
erreurs de chiffres qu'on rencontre cà et là dans le 
texte; entre autres les suivantes : I Reg., vi, 19, où 
il est dit que le Seigneur frappa « 70 hommes et 
50000 hommes de Bethsamès, » qui avaient regardé 
l'arche; I Reg., xm, 1, ou nous lisons que Saûl avait 
« un an» au début de son règne; probablement aussi 
I Reg., xm, 5, et II Reg., x, 18, etc. Mais il est de toute 
évidence qu'on n'a pas le droit de rejeter ces erreurs 
sur l'auteur lui-même ; elles sont le fait des copistes, 
qui se sont souvent trompés en transcrivant les chiffres, 
comme on le voit par les divergences qui existent 
entre le texte hébreu et les différentes versions. Voir 
L. Reinke, Beitràge zur Erklàrung des Alt. Testam,, 
t. m, Munster, 1855, p. 125-150. 

VII. CHRONOLOGIE DES LIVRES DE SAMUEL. — NOUS 

nous trouvons en face des mêmes difficultés que pour 
les livres de Josué et des Juges : en effet, les renseigne- 
ments positifs sont insuffisants pour que nous puissions 
déterminer avec certitude, d'un côté, la durée générale 



-1143 



ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 



1144 



•de la période embrassée par l'ensemble delà narration, 
de l'autre, l'époque précise des événements les plus 
importants. Les deux premiers livres des Rois sont 
extrêmement sobres en fait de dates; aucun livre 
historique de l'Ancien Testament ne l'est davantage. 
Il en cite quelques-unes aux passages suivants : 
■I Reg., i, 20, 23; h, 19; vi, 1; x, 27" (Septante); 
xxvh, 7, cf. xxix, 3; lIReg.,xin, 37; xiv,28. Mais elles 
-sont trop vagues parfois, ou trop incomplètes, pour une 
■chronologie. Cependant, I Reg., iv, 18, nous apprenons 
que le grand prêtre Héli exerça la judicature pendant 
40 ans (20 années seulement d'après les LXX), et, 
•II Reg., v, 4-7, que David régna à Hébron durant 7 ans 
et demi, à Jérusalem pendant 33 ans, ce qui fait 40 ans 
en chiures ronds. Mais nous ignorons combien de 
temps Samuel et ses fils gouvernèrent Israël; de plus, 
bien que la période de 40 années assignée par saint 
ctienne au règne de Saûl, Act., xm, 31, cf. Josèphe, 
Ant. jud., VI, xiv, 9, soit très claire par elle-même, elle 
n'est pas néanmoins sans obscurité, car il n'est pas dit 
-si les deux années d'Isboseth, Il Reg., h, 10 —sept ans 
et demi selon d'autres, cf. II Reg., n, 11 — sont com- 
prises dan s ce chiffre, ou si elles doivent être calculées à 
_part. Cependant, on compte d'ordinaire environ 130 ou 
150 ans pour la durée totale des faits racontés dans les 
deux livres de Samuel. Voir Chronologie, t. n, col. 738; 
von Hummelauer, Comment, in libros Samuel, p. 25- 
26. L'an 1000 avant Jésus-Christ coïncida approximati- 
vement avec le règne de David. 

VIII. TEXTE HÉBREU ET VERSIONS PRINCIPALES. — 

.1. Le texte hébreu de la Massore, reproduit dans les 
Bibles ordinaires, est très imparfait et a subi des alté- 
rations évidentes. Tous les critiques sont d'accord sur 
ce point. Voir Kuenen, , Gesammelte Abhandlungen 
zur biblischen Wissenschaft, in-8°, p, 82-134. Par 
exemple, I Reg., vi, 18, au lieu des mots 'ad 'abel 
■hag-gedôlâh, qui ne donnent aucun sens (Vulgate, ad 
Abel Magnum), il faut lire :.'êd 'ébén hag-gedôlâh, « la 
grande pierre est témoin ». t Reg.,vi,19, au lieu de 
«50000 hommes, 70 hommes », lisez : « 70 hommes ». 
I Reg., vin, 16, au lieu de bahurêkém, « vos jeunes 
gens d'élite » (Vulgate, juvenes optimos), il faudrait : 
biqerêkem, «vos bœufs ».IReg., xn, 11, la leçon Bedan 
(Vulgate, Badân) est une faute évidente pour Baraq, 
cf. Jud., IV, 6, ou pour Abdon, cf. Jud.,xn, 17. 1 Reg., xiv, 
18, au lieu de « Fais approcher l'arche de Dieu », il 
faut lire : « l'éphod de Dieu ». II Reg., xv,, 7, la vraie 
leçon est 40| au lieu de 4, etc. Voir F. Kaulen, Einlei- 
4ung in die heil. Schriften des Alten uni Neuen Tes- 
tant., 3« édit., p. 192-193. 

2. La traduction des Septante a eu pour base un 
texte hébreu qui diffère très souvent, et parfois d'une 
manière notable, de celui de la Massore. En divers 
endroits, elle mérite certainement les préférences 
de l'exégète et sert à corriger les imperfections de 
l'hébreu actuel. Mais on est trop porté de nos jours à 
exagérer ses avantages. Elle aussi, elle présente des 
fautes nombreuses, des transpositions et des suppres- 
sions arbitraires, de sorte qu'il est nécessaire de prendre 
de grandes précautions à son sujet. Elle a d'ailleurs 
-été remaniée à plusieurs reprises d'après le texte 
massorétique. Fréquemment, un seul et même passage 
a reçu une double traduction. Cf. I Reg., n, 24; v, 4, 
6; vi, 8; x, 1, 21; xii, 4; xm, 15; xv, 3; xx, 9; xxi, 13 
,(14); II Reg., v, 14-16; xii, 3, 4; xv,20; xvïn, 17; xix, 
18 (19). Du reste, les manuscrits des Septante ne con- 
tiennent pas un texte identique; le Codex Vaticanus 
(B) e.st regardé comme le meilleur de. tous, en ce qui 
concerne les livres de Samuel. C'est celui qui est im- 
primé dans l'édition' de H. B. Swete,,TAe Old Testa- 
ment in Greek according to the Septuagint, in-12, t. i, 
-Cambridge, 1887, p. 545-668. La recension de Lucien 
.peut rendre de grands services pour la critique du texte. 



Sur ces divers points, voir Lôhr, Die Bûcher Samuels, 
p. lxxx-ciii; Nowack, Die Bûclier Samuelis, p. îx-x. — 
Pour les deux premiers livres des Rois, il n'existe que 
de simples fragments des traductions grecques d'Aquila, 
de Symmaque et de Théodotion.Cf. Field, Hexaplorum 
Origenis quse supersunt, in-8", Londres, 1875, 1. 1. Il en 
est de même de la Vêtus latina, faite d'après les Sep- 
tante. Cf. Sabatier, Bibliorum Saerorum latinse versio- 
nis anliquse, 1743; Vercellone, Variée lectiones Vul- 
galx latinse Bibliorum editionis, Rome, 1864, t. h. — 
Quant à la Vulgate, elle a été traduite directement et 
fidèlement sur l'hébreu, et elle a conquis l'estime de la 
plupart des critiques. Voir W. Nowack, Die Bedeutung 
des Hieronymus fur die Textkritik des Alten Testam., 
in-8°, Gœttingue, 1875. Il n'est pas sans intérêt de noter 
que saint Jérôme commença par nos deux livres sa 
traduction sur l'hébreu. Malheureusement elle a con- 
servé mainte addition de Vllala; dans ce cas, elle diffère 
du texte original et correspond au grec des Septante. 
Cf. I Reg., iv, 1; v, 6, 9; vin, 18; x, 1 ; xi, 1; xm, 15; 
xiv, 22, 41; xv, 3, 12, 13; xvn, 36; xxi, ll;xxx, 15; 
II Reg., i, 26; v, 23; x, 19; xm, 21, 27; xiv, 30. Voir 
Vercellone, op. cit., t. ii, p. ix. Il lui arrive aussi de 
donner une double traduction du même texte. Cf. I Reg., 
ix, 25; xx, 15; xxi, 7; xxm, 13, 14; II Reg., n, 18; iv, 
5; vi, 12; xv, 18, 20. — Il n'y a pas beaucoup de profit 
à tirer de la traduction syriaque pour la critique tex- 
tuelle des livres de Samuel; on peut utiliser avec plus 
de fruit le Targum, qui, tout en demeurant d'ordinaire 
conforme à l'hébreu massorétique, s'en écarte assez 
souvent aussi. , ' ■ 

rx. bibliographie. —1» Pour la critique du texte et les 
origines du livre : C. A. Graf, Delibrorum Sapiuelis et 
Regum compositione, scriptoriOus etfide historica, 
in-8», Strasbourg, 1842; F. BoUcher, Neue exegelisch- 
kritische Aehrenlese zuni Alten Testamente, in-8», 
t. i, Leipzig, 1863, p. 83-208; J. Wellhausen, Der Text 
der Bûcher Samuelis, in-8", Gœttingue, 1871 (c'est cet 
ouvrage qui a servi de guide principal à tous les néo- 
critiques); du même auteur, Einleitung in das Alte 
Testam. de Bleek, 4» édit., in-8», 1878, p. 181-267; Die 
Composition des Hexateuchs und der historischen 
Bûcher des Alt. Testam., in-8°, Berlin, 1878; 3 e édit. 
en 1899, p. 238-266; Prolegomena zur Geschichte 
Israels, in-8«, Berlin, 1883, 5» édit. en 1899, p. 247-275; 
E. Reuss, dans l'ouvrage cité plus bas, p. 85-148; 
C. H. Cornill, dans la Zeitschrift fur kirchliche 
Wissenschaft und kirchl. Leben, 1885, p. 113-141, dans 
les Kœnigsberger Studien, 1. 1, 1888, p. 25-59, et dans la 
Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1890, 
p. 96-109; C. Bruston, Les deux Jéhovistes dans les 
livres de Samuel, dans la Revue (protestante) de théo- 
logie et de philosophie, 1885, p. 511-528, 602-637; 

A. Kuenen, Historisch-critisch Onderzoek naar het ont- 
staan en de verzameling van de boeken des Ouden Ver- 
bonds, in-8°, 2» éd., Leide, 1887, I« part., p. 368-392; 
K. Budde, dans la Zeitchrift fur alttestamentl. Wissen- 
schaft, 1888, p. 231-245; du même auteur, TheBooks of 
Samuel, dans Haupt, Critical édition of the sacred 
Books of the Old Testam., in-4», Leipzig, 1894; 

B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, in-8 , Berlin, 
1887, t. i, p. 197-292; S. R. Driver, Notes on the hebrew 
Text of the Books of Samuel, in-8», Londres, 1890; 
R. Kittel, dans les Studien und Kritiken, 1892, p. 44- 
71 ; du même auteur, Geschichte der Hébrâer, in-8°, 
Leipzig, 1892, t. n, p. 22-50; F. Montet, La composi- 
tion de l'Rexateuque, des Juges, de Samuel et des Rois, 
Étude de critique biblique, broch. in-8», Lyon, 1894; 
A. Mez, .Die Bibel des Josephus untersucht, in-8», 
Bâle, 1895; N- Peters, Beitrâgèzur Text- und Literatur- 
kritik der Bûcher Samuelis, in-8», Fribourg-en- 
Brisgau, 1899. Ce dernier ouvrage seul a été composé 
par un auteur catholique. 



114& 



ROIS (III e ET IV LIVRES DES) 



114& 



2° Commentaires. — A. Ouvrages catholiques : 
S. Éphrem, In Samuelem, Opéra syriaca, t. i, p. 331- 
567 ; Théodoret de Cyr, Qusestiones in libros Regno- 
rum, t. lxxx, col. 527-800; Sanchez, Commentarius et 
paraphrasis in Regum libros, 2 in-f°, Lyon, 1623; 
Duguet, Explication des livres des Rois, Paris, 1738- 
1740; P. Clair, Les livres des Mois, introd. critique et 
commentaires, in-8°, Paris, 1884; de Hummelauer, 
Commentarius in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886. 
— B. Ouvrages hétérodoxes : 0. Thenius, Die Bûcher 
Samuels, in-8", Leipzig, 1842, 3 8 édit. (par Lôhr), 
1898; F. Keil, Die Bûcher Samuels, in-8», Leipzig, 
1864, 2« édit., 1875; CF. Erdmann, Die Bûclier Samu- 
elis, in-8 , Bielefeld, 1873; E. Reuss, Histoire des 
Israélites depuis la conquête de la Palestine jusqu'à 
l'exil : Livres des Juges, de Samuel et des Rois, 
in-8», Paris, 1877; A. F. Kirkpatrick, The first Book of 
Samuel, in-18, Cambridge, 1880, The second Book of 
Samuel, in-18, Cambridge, 1881; A. Klostermann, 
Die Bûcher Samuelis und der Kônige, in-8°, Munich, 
1887; K. Budde, Richter und Samuel, in-8», Giessen, 
1890; le Midras Semu'el, commentaire haggadique réé- 
dité par Buber, in-8°, Cracovie, 1893; A. P. Smith, A 
critical and eœegetical Commentary on the Books of 
Samuel,in-8°, Edimbourg, 1899; K. Budde, Die Bûcher 
Samuelis erklârt, in-8», Tubingue,1902 ; W. Nowack, Die 
Bûcher Samuelis ûbersetztund tir&fârt,Goettingue,1902. 

II. TROISIÈME ET QUATRIÈME LIVRES DES ROIS. — 

I. contenu et DIVISION. — 1° Ces livres racontent l'his- 
toire des Israélites depuis les dernières années de David 
jusqu'à la fin de l'État juif. Le nom qu'ils portent est 
parfaitement justifié, puisque, à part le règne de Saûl 
et la plus grande partie de celui de David, ils contien- 
nent l'histoire entière de la monarchie théocratique 
jusqu'à sa chute. Les événements racontés dans les 
deux livres occupent, d'après la chronologie le plus 
communément adoptée, un intervalle de 454 ans. En 
effet, le couronnement de Salomon, dont il est ques- 
tion dans le premier chapitre, III Reg., i, 32-40, semble 
avoir eu lieu en 1015, et le dernier fait raconté, la restitu- 
tion des privilèges royaux à Joachim par Évilmérodach, 
IV Reg., xxv, 27-30, se rapporte à l'année 561 avant 
Jésus-Christ. — Ils se divisent en trois parties. — La 
première, III Reg., i, 1-xi, 43, s'occupe des derniers 
événements de la vie de David, du couronnement et 
du règne de Salomon. — La seconde, III Reg., xn, 1-IV 
Reg., xvn, 41, renferme l'bistoire synchronique des 
royaumes de Juda et d'Israël, depuis le schisme des 
dix tribus, jusqu'à la ruine de l'État schismatique. — 
La troisième, IV Reg., x.\ih, 1-x.xv, 30, expose l'his- 
toire de Juda depuis cette ruine jusqu'à la captivité de 
Babylone. La première partie comprend 40 années, de 
1015 environ à 975; la seconde, 253 ans, de 975 à 722; 
la troisième, 161 ans, de 722 à 561 avant J.-C. 

1. Histoire du règne de Salomon, III Reg., i, 1-xi, 
43. — Cinq sections : 1. Avènement du jeune prince et 
inauguration de son règne, III Reg., i, 1-n, 46. Re- 
montant à la fin du règne de David, l'auteur raconte 
comment Adonias, qui se posait en héritier du trône, 
vit ses espérances frustrées par le prophète Nathaja-et 
par Bethsabée, i, 1-31. Sur l'ordre de David, Salomon 
fut proclamé son héritier exclusif et reçut l'onction 
royale, i, 32-53. Suivent quelques détails relatifs aux 
dernières recommandations de David, à sa mort, n, 
1-12, et à diverses mesures prises par Salomon pour 
assurer la sécurité du trône, n, 13^46. — 2. Débuts du 
règne de Salomon. III Reg., m, 1-iv, 34. Son mariage 
avec la fille du roi d'Egypte, sa belle prière à Gabaon, 
son jugement célèbre, va, 1-28. Sesprincipaux ministres, 
sa magnificence, sa sagesse, iv, 1-34. — 3. Les cons- 
tructions de Salomon. III Reg., v, 1-ix, 9. Le roi 
s'entend avec Hiram de Tyr, au sujet des ouvriers et 



des matériaux nécessaires pour bâtir le temple, v, t-18. 
L'édifice . sacré, commencé la quatrième année du 
règne de Salomon, est achevé après sept ans de tra- 
vail, vr, 1-38. Construction de plusieurs palais, vu, 1- 
12. Le mobilier du temple est préparé avec un grand 
déploiement de zèle, d'art et de richesse, vu, 13-51, 
Dédicace solennelle du sanctuaire, où l'arche sainte est 
transférée, vin, 1-ix, 9. — 4. Apogée de la puissance 
et de la gloire de Salomon, III Reg., ix. 10-x, 29. 
Échange de présents avec le roi de Tyr, ix, 10-14. 
Salomon bâtit et fortifie plusieurs villes de son royaume,, 
ix, 24-25. La reine prend possession du palais construit 
pour elle, ix, 24-25. La flotte de Salomon, ix, 26-28. Visite 
de la reine de Saba,x, 1-13. Les revenus du roi et leur 
emploi, sa grandeur et sa puissance, x, 14-29. — 
5. Les fautes et le châtiment de Salomon, III Reg., xi, 
1-43. Il épouse un grand nombre de femmes étrangères, 
dont il favorisé les pratiques idolâtriques, xi, 1-8, 
Menaces divines, xi, 9-13. Adad, Razon et Jéroboam se 
révoltent successivement, xi, 14-40. Conclusion dit 
règne de Salomon, xi, 41-43. 

2. Histoire synchronique des royaumes d'Israël et de 
Juda, III Reg., xu, 1-IV Reg., xvii, 41. — Trois grandes 
sections: — 1. La séparation des deux royaumes et leurs 
hostilités perpétuelles jusqu'au règne d'Achab, III Reg., 
xu, 1-xvi, 28. — o) Schisme des dix tribus, xu, 1-20. 
Dieu interdit à Roboam d'attaquer les rebelles, xu, 21- 
24. — b) Règne de Jéroboam I er d'Israël, xu, 25-xiy, 
20. Pour établir une séparation perpétuelle entre ses 
sujets et ceux de Juda, il établit le culte des veaux 
d'or à Dan et à Béthel, xu, 25-33. Le Seigneur blâme 
vivement et châtie cette conduite sacrilège, xm, 1-3-xiv, 
18. Mort de Jéroboam, xiv, 19-20. — c) Roboam, xiv, 
21-31, Abiam, xv,'l-8, etAsa, xv, 9-24, régnent sur Juda. 
Nadab, Baasa, Éla, Zambriet Amri se succèdent rapide- 
ment sur le trône d'Israël, xv, 25-xvi, 28. — 2. Israël 
et Juda pendant le règne d'Achab, III Reg., xvi, 29- 
xxn, 54. ■-- a) Sommaire du règne de l'impie Achab r 
xvi, 29-34. — b) Le prophète Élie prédit une famine 
terrible, qui ne tarde pas à éclater, xvii, 1-24. Entrevue 
du prophète et du roi, xvm, 1-19. Victoire remportée 
par Élie sur les prophètes de Baal, xvin, 20-40. Cessa- 
tion de la sécheresse, xvm, 41-46. Elie se réfugie sur 
le mont Horeb, pour échapper à la colère de la reine 
Jézabel, xrx, 1-18. Onction d'Elisée, xix, 19-21. — 

c) Achab triomphe à deux reprises des Syriens, xx, 
1-43. Jézabel fait lapider Naboth pour s'emparer de sa 
vigne; Élie lui prédit, ainsi qu'à Achab, le châtiment 
divin, xxi, 1-25. — d) Achab fait alliance avec Josaphat 
de Juda, pour attaquer Ramoth-Galaad, xxii, 1-5. Les 
deux rois sont battus, mort d'Achab, xxii, 6-40~ 
Sommaire du règne de Josaphat, xxii, 41-51, Ochozias, 
fils d'Achab,devientroid'Israël,xxn, 52-54. — 3. Annales 
des rois de Juda et d'Israël depuis la mort d'Achab 
jusqu'à la prise de Samarie et à la ruine du royaume 
schismatique, IV Reg., i, 1-xvn, 41. — a) Ochozias et 
Joramsur le trône d'Israël, un autre Joram. sur le trône 
de Juda, i, 1-m, 27. Elie prédit à Ochozias sa mort pro- 
chaine, i, 1-18. Le prophète est enlevé sur un char de feu, 
n, 1-12; premiers miracles d'Elisée, n, 13-25. Expédition 
victorieuse de Joram d'Israël et de Josaphat contre les 
Moabites, m, 1-27. — 6) Les principaux actes du minis- 
tère d'Elisée, iv, 1-vin, 15; il opère de nombreux 
miracles et fait plusieurs prophéties, dont on signale, 
l'accomplissement. — c) Joram et Ochozias régnent sur 
Juda, Jéhu s'empare du trône d'Israël, vin, 16-x, 35. 
Règne de l'impie Joram, vin, 16-24. Règne d'Ochozias, 
son fils non moins impie, vm, 25-29. Jéhu est sacré 
roi d'Israël par Elisée, ix, 1-10; il se révolte contre 
Joram et le met à mort, avec Ochozias de Juda, 
Jézabel et toute la famille d'Achab, ix, 11-x, 17. — 

d) Depuis l'avènement de Jéhu jusqu'à la prise de Sama- 
rie, x, 18-xxn, 41. Jéhu est d'abord béni de Dieu, 



1147 



ROIS (III e ET IV e LIVRES DES) 



1148 



parce qu'il avait détruit le culte de Baal, x, 18-27; il 
s'attire ensuite les vengeances divines, x, 28-36. Usur- 
pation d'Athalie; le grand prêtre Joïada réussit à la 
renverser, xi, 1-16, et à faire monter sur le trône le 
jeune Joas, dont le règne fut unYnélange de bien et de 
mal, xt, 17-xil, 21. Joachaz et Joas gouvernent Israël; 
mort d'Elisée, xui, 1-25. Règne d'Amasias à Jérusalem; 
Joas d'Israël envahit la Judée, xiv, 1-20. Azarias succède 
à Amasias, xiv, 21-22. Jéroboam II devient roi d'Israël, 
xiv, 13-29. Au temps d'Amasias, de Joatham et d'Achaz, 
rois de Juda, le royaume d'Israël, déchiré par des luttes 
intestines sous ses derniers rois, se précipite vers sa 
ruine et tombe finalement sous les coups des Assy- 
riens, xv, 1-xvii, 6. Causes morales de cette ruine, 
xvii, 7-23. Ce que devint le territoire des dix tribus 
pendant l'occupation assyrienne, xvn, 24-41. 

3. Histoire des rois de Juda, depuis la ruine du 
royaume d'Israël jusqu'à la captivité de Babylone, 
IV Reg., xvm, 1-xxv, 29. — Trois sections : — 1. Règne 
d'Ézéchias, xvm, 1-xx, 21. Le pieux roi lutte énergi- 
quement contre l'idolâtrie, et, pour ce motif, il est 
délivré d'une invasion assyrienne, vin, 1-xix, 37. Sa 
guérison miraculeuse, xx, 1-11. S'étant glorifié de ses 
trésors, il est sévèrement blâmé par Isaïe, qui lui pré- 
dit la chute prochaine du royaume, xx, 12-21. — 
2. Règnes de Manassé, d'Amon et de Josias, xxi, 1-xxin, 
30. Manassé et Amon font revivre l'idolâtrie et accé- 
lèrent la ruine de Juda, xxxi, 1-26. Le saint roi Josias 
rétablit le culte du vrai Dieu et renouvelle l'alliance 
théocratique, xxn, 1-xxin, 23; il ne fait cependant que 
retarder la chute du royaume, arrêtée dans le plan divin 
et il périt dans une guerre contre le roi d'Egypte, xxin, 
24-30. — 3. Les derniers rois de Juda, xxm, 31-xxv, 
30. Joachaz, Joachim et Jéchonias se succèdent rapide- 
ment sur le trône, faisant le mal tour à tour; Dieu les 
châtie par les Égyptiens et surtout par les Assyriens, 
qui s'emparent de Jérusalem, détruisent la ville et le 
temple, et déportent le roi en Chaldée, avec des Juifs 
nombreux, xxm, 31-xxv, 26. Évilmérodach restitue à 
Jéchonias les honneurs royaux, xxv, 27-30 

//. PLAN ET BUT DE L'AUTEUR. — 1° Plan. — L'his- 

toire du peuple de Dieu est ramenée, durant toute la 
période indiquée, à celle de ses rois, et les divers 
règnes sont décrits d'après leur suite naturelle, c'est-à- 
dire, d'après l'ordre chronologique. La marche est 
constamment uniforme. La biographie, le plus souvent 
très courte, de chacun des rois, soit de Juda, soit 
d'Israël, est placée dans une sorte de cadre régulier, 
qui consiste en deux formules à peu prés identiques, 
dont l'une ouvre le règne, tandis que l'autre le termine. 
Pour les rois de Juda, celle-là se compose de deux 
phrases : la première marque le synchronisme avec le 
roi d'Israël alors régnant, tandis que la seconde spéci- 
fie l'âge du roi lors de son intronisation, la durée de 
son règne et le nom de sa mère. Cf. III Reg., xv, 1-2, 
9-10, etc. Pour les rois d'Israël, il n'y a d'ordinaire 
qu'une seule phrase, qui signale simplement le syn- 
chronisme avec les rois de Juda et la durée du règne. 
Cf. III Reg., xv, 25, 33; xvi, 8, 15, 20, 23, etc. L'autre 
formule apprécie le caractère du monarque en question 
au point de vue moral, habituellement en quelques 
mots rapides, presque toujours les mêmes : « Il fit ce 
qui était bon — ou, ce qui était mauvais — aux yeux 
du Seigneur, » cf. III Reg., xv, 3, 11, 33, etc. ; mais 
parfois en termes plus développés, cf. III Reg., xiv, 22- 
24; xv, 11-15; xvi, 30-33, etc. Puis l'auteur conclut, 
en indiquant le document dans lequel ses lecteurs 
pouvaient trouver des renseignements plus complets, et 
en signalant la mort du roi, ses funérailles et le nom 
de son successeur. Cf. III Reg., xi, 43; xiv, 19, 20, 31; 
xv, 8, 24, etc. Il arrive quelquefois que la désignation 
du document et la mention de la mort sont séparées 
l'une de l'autre par une courte donnée historique. Cf. 



III Reg., xiv, 30; xv, 7, 23; xxn, 6-50; IV Reg., xv, 37. 
Le trait « il fut enseveli avec ses pères » est parfois omis, 
surtout pour les rois d'Israël, III Reg., xvi, 27-28; xxn, 
54, etc., mais aussi pour quelques rois de Juda. III Reg., 
xxi, 26; xxm, 30. Il y a d'ailleurs çà et là d'autres excep- 
tions à la complète régularité des formules. Entre ces 
phrases caractéristiques du commencement et de la fin, 
l'auteur insère les détails biographiques concernant 
chaque monarque. — Il suit le principe suivant pour 
l'arrangement des deux séries de rois : un règne com- 
mencé est raconté jusqu'à son achèvement; le narrateur 
reprend ensuite le règne ou les règnes synchroniques 
de l'autre série. C'est ainsi qu'après avoir relaté les 
événements du règne de Jéroboam I ar d'Israël, il passe 
à ceux des trois rois de Juda qui occupèrent le trône 
en même temps que lui; puis il revient aux six rois 
schismatiques qui furent contemporains d'Asa, etc. Cf. 

III Reg., xiv, 13-Xvi, 28. 

2» But de l'auteur. — Comme les autres annalistes 
sacrés d'Israël, l'auteur des deux derniers livres des 
Rois ne s'est point proposé de raconter de l'histoire 
pure et simple. Le point de vue auquel il s'est placé 
est avant tout religieux et théocratique; ce sont les 
destinées du peuple de Jéhovah, les développements du 
royaume de Dieu sur la terre, qu'il veut constamment 
décrire. Il manifeste cette intention plus peut-être 
qu'aucun autre historien biblique, et c'est en ce sens 
qu'il apprécie constamment les hommes et les faits. On 
en trouve des preuves nombreuses et saillantes dans 
son livre. — a) Tout en fournissant sur les événements 
politiques tous les renseignements indispensables, il 
glisse avec rapidité sur la plupart d'entre eux; bien plus, 
il ne craint pas d'en omettre d'assez importants, qui 
n'allaient point à son but, ce qui ne s'expliquerait 
point de la part d'un annaliste ordinaire. C'est ainsi, 
comme on le voit en comparant nos deux livres avec 
le second des Paralipomènes, qu'il est muet sur la 
campagne de Zara contre Juda, sur les guerres de Josa- 
phat contre les Moabites, les Ammonitesetles Édomites, 
sur la victoire remportée par Ozias dans sa campagne 
contre les Philistins, sur la captivité de Manassé à 
Babylone, etc. Cf. II Par., xiv, 9-15;xx,l-30; xxvi,6-15; 
xxxiii, 11-17. Il ne mentionne aussi que superficielle- 
ment la prise de Jérusalem par Sésac, III Reg., xiv, 
25-26; cf. II Par., xn, 1-12; la guerre d'Amasias contre 
l'Idumée, IV Reg., xiv, 7; cf. II Par., Xxv, 5-17; la 
guerre désastreuse de Josias contre le pharaon Nécbao, 

IV Reg., xxm, 29-30; cf. II Par., xxxv, 20-25, etc. — 
b) Au contraire, il appuie sur certains détails, sur cer- 
taines périodes, qui se rattachaient davantage à son 
but. Ainsi, bien que tous les rois d'Israël et de Juda 
soient mentionnés dans le récit et qu'on porte un juge- 
ment sur leur vie, n'eussent-ils régné que quelques 
jours, cf. III Reg., xvi, 15-19, il est remarquable que le 
narrateur a spécialement insisté sur six règnes plus 
importants, soit en bien, soit en mal, sous le rapport 
théocratique : ceux de Salomon, III Reg., i-xi, de Jéro- 
boam I er , III Reg., xu, 25-xiv, 20;d'Achab,III Reg., xvi, 
29-xxn, 40; de Joram d'Israël, IV Reg., m, 1-ix, 26; 
d'Ézéchias, IV Reg., xvm-xx; de Josias, IV Reg., xxn- 
xxiii. Salomon avait développé le culte divin; Ezéchias 
et Josias contribuèrent à le rétablir; Jéroboam I er , 
Achab et Joram introduisirent ou favorisèrent l'idolâ- 
trie. — c) Même réflexion à faire au sujet de l'ampleur 
des récits qui concernent le temple et le rôle des pro- 
phètes. Cf. III Reg., v, 1-ix, 9; xn, 22-24; xm, 1-32; 
xiv, 1-10; xvii-xix; xxi, 17-24; xxn,13-28;IVReg.,l-n; 
lv-vm; ix, 1-10; xn, 4-16; xm, 14-21; xix, 1-34; xx, 
1-19; xxi, 10-16; xxii-xxiii; xxv, 9-17, etc. L'auteur se 
complaît à signaler le zèle des prophètes en tant que 
gardiens vigilants de la loi divine. — d) Les réflexions 
morales par lesquelles l'écrivain sacré commente briè- 
vement les faits et la manière dont il rattache les mal- 



U49 



ROIS (III e ET IV e LIVRES DES) 



1150 



heurs de la nation aux crimes qu'elle avait commis 
contribuent aussi pour beaucoup à révéler son dessein 
et son but. Voir III Reg., ix, 3-9; xi, 11, 33, 38; xiv, 
7-16; xvi, 12, 13; IV Reg., x, 31; xm, 2-3; xxi, 11-16; 
xxii, 15-20; xxiv, 3, 20, et surtout le passage si poignant 
IV Reg., xvn, 7-23. — e) Il parle également avec insis- 
tance de la loi mosaïque et de l'alliance du Sinaï, 
comme d'une source de vie et de bonheur pour Israël. 
Cf. III Reg., h, 2-4; m, 3, 14; vi, 12, 38; vm, 35, 55, 
58, 61; ix, 4, 6; xi, 11, 33, 34, 38; xm, 21 ; xiv, 8; xvm, 
18; xix, 10, 14; IV Reg., x, 31 ; xm, 23; xiv, 6; xvn, 8, 
13, 15, 16, 19, 34, 37-38; xvm, 6, 12; xxi,8; xxn, 8, 11 ; 
xxiii, 2-3; xxi, 24-25. — f) Enfin, le narrateur revient 
très fréquemment sur le magnifique oracle par lequel 
Dieu avait promis, II Reg., vu, 1-29, la perpétuité du 
trône aux descendants de David. Cf. III Reg., it, 4, 14; 
m, 6; vu, 12; vm, 25-26; ix, 5; xi, 11-13, 34-39; xv,4; 
IV Reg., vm, 19; x, 34; xx, 6, etc. — Il est clair, 
d'après tout cela, que ce que l'auteur veut avant tout, 
c'est de nous montrer « la main de Dieu dans l'histoire 
du peuple (israélite) et de ses rois. » LaBïble annotée, 
Les livres' historiques, in-8°,t. iv,Neuchatel, 1897, p. 4. 
Dans ses pages, nous avons donc surtout une histoire 
religieuse pour l'époque de la royauté. Comme l'a dit 
Strack, Einleitung in das Allé Testament, 4 e édit., 
in-8°, Munich, 1895, p. 74 : « Son intention n'était pas 
d'enseigner l'histoire d'Israël, mais de dégager les 
leçons de l'histoire. » 

UT. IMPORTANCE DES IIP ET IV LIVRES DES ROIS. — 

Elle est tout à la fois historique et religieuse, mais surtout 
religieuse. De beaux et vastes horizons sont ouverts dans 
cet écrit, plus encore au théologien qu'à l'historien. Et, 
puisque c'est au point de vue messianique que se mesure 
tout d'abord l'importance d'un livre biblique, on peutdire 
que le livre des Melàkîm est privilégié sous ce rapport. 
En effet, nous venons de voir que l'oracle par lequel 
Nathan promit à David, au nom du Seigneur, la per- 
pétuité du trône, en forme le centre d'une certaine 
manière; or, cet oracle se rapporte certainement au 
Messie, qui seul devait le réaliser finalement. Voir le 
Ps. Lxxxvin; Frz. Delitzsch, Old Testament llistory of 
Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 87-111; Cvon 
Orelli, Die alttestamentliche Weissagung von der Vol- 
lendung des Gottesreiches, in-8°, Vienne, 1882, p. 168- 
171;. A. Tholuck, Die Propheten und ihre Weissagun- 
gen, in-8°, Gotha, 1860, p. 165-170. C'est bien une con- 
clusion messianique que nous lisons à la fin du dernier 
livre, IV Reg., xxv, 27-30. La faveur accordée à Jécbo- 
nias par Evilmérodach « jette sur la sombre nuit de 
l'exil le premier rayon lumineux d'un avenir meilleur, 
qui devait bientôt commencer pour la race de David, 
en même temps que pour tout le peuple; elle lui ga- 
rantissait l'accomplissement certain de la promesse en 
vertu de laquelle le Seigneur ne retirerait pas à jamais 
sa miséricorde à la postérité de David. » F. Keil, Die 
Bûcher der Kônige, p. 7. Or, c'est en Jésus-Christ seul 
que cette promesse s'est accomplie, et par lui seul que 
la race de David règne éternellement. 
. iv. l'époque de la composition et l'auteuti. — 
1° L'époque. — La date la plus ancienne à laquelle 
puissent remonter nos deux livres est marquée par le 
fait qui les termine : l'exaltation du roi Jéchonias, IV Reg., 
xxv, 27-30; or, il eut lieu en 561 avant J.-C. L'auteur ne 
mentionne pas la fin de la captivité, dont l'édit de Cy- 
rus, en 536, donna le signal. La composition du troi- 
sième et du quatrième livre des Rois est donc anté- 
rieure au retour d'exil. Par conséquent, comme limites 
extrêmes, nous avons d'une part l'année 561, de l'autre 
l'année 536 avant notre ère. La rédaction eut lieu entre 
ces deux dates, vers le milieu de la captivité de Baby- 
lone. La plupart des néo-critiques, entre autres Kue- 
nen, Wellhausen, Benzinger, Kautzsch, admettent que 
l'ouvrage aurait été à peu près achevé vers l'an 600 



avant J.-C. Divers passages parlent clairement de la 
ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., IX, 1-9; 
xi, 9-13; IV Reg., xvii, 17-20; xx, 17-18; xxi, 11-15; 
xxn, 15-20; xxiv, 18-25, 30, etc. 

2» L'auteur. — 1. Quoi qu'on ait dit parfois en sens 
contraire, l'auteur des deux derniers livres des Rois 
n'est certainement pas le même que celui des deux 
premiers livres. Il existe, en effet, entre les deux écrits 
des différences trop sensibles pour qu'ils puissent pro- 
venir d'une main identique. Pour le style, voir ci- 
dessous. Quant au fond, voici les nuances les plus 
frappantes : a) Les livres de Samuel (1 et II Reg.) ex- 
posent d'ordinaire l'histoire israélite avec beaucoup de 
détails; ceux des Rois (III et IV Reg.) l'abrègent et 
la condensent le plus souvent. — b) Les livres de Sa- 
muel ne citent que fort peu de dates; ceux des Rois 
en fournissent un grand nombre. — c) Les livres de 
Samuel ne mentionnent pas les sources auxquelles 
leurs renseignements ont été puisés; les livres des Rois 
renvoient fréquemment aux leurs. — d) Là, le culte 
des hauts lieux paraît avoir été encore toléré, cf. I Reg., 
IX, 12; ici, il est sévèrement blâmé et condamné, 
cf. III Reg., ut, 3; xn, 31;xm,32; xv* 14, etc. — e)Les 
livres de Samuel ne renvoient qu'une seule fois le 
lecteur à la loi mosaïque, II Reg., xxn, 23; ceux des 
Rois y font de nombreuses allusions. Voir col. 1149. 

2. La tradition juive affirme très explicitement que 
le prophète Jérémie aurait composé les deux derniers 
livres des Rois. « Jérémie, dit le Talmud de Babylone, 
traité Baba bathra, 15 a, a écrit son livre (c'est-à-dire 
sa prophétie), le livre des Melàkîm (III et IV Reg.) et 
les Thrènes. » Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et 
de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris, 
1881, p. 28. Divers interprètes catholiques ou protes- 
tants, à la suite de saint Isidore de Séville, De off. eccl., 
i, 12, t. Lxxxin, col. 747, de Sixte de Sienne, de Cor- 
nélius à Lapide, etc., regardent encore cette opinion, 
sinon comme certaine —avec Hasvernick, Einleitung in 
das A. T., t. H, 1™ partie, p. 171-172; Rawlinson, dans 
la Speaker's Bible, t. h, p. 471-472; Fr. Kaulen, Ein- 
leitung in die heil. Schriften, 3 e édit., p. 198; R. Cor- 
nely, lntroductio specialis in Vet. Testamenti libros, 
in-8°, Paris, 1887, p, 293-295 — du moins comme très 
vraisemblable. Les données de l'histoire sont insuffi- 
santes pour démontrer d'une façon rigoureuse la vérité 
de cette opinion ; il est néanmoins certain qu'on peut 
alléguer en sa faveur quelques considérations qui ne 
manquent pas de force : — a) Les hébraïsants ont établi 
d'intéressantes comparaisons, desquelles il résulte que 
le style et le genre littéraire de nos deux livres rap- 
pellent beaucoup la diction et le genre de Jérémie. 
Voir Haevernick, op. cit., t. H, 1" partie, p. 171-178; 
Rawlinson, dans la Speaker's Bible, t. n, p. 470-471; 
Driver, Introduction to the Books of the Old Testant., 
5 e édit., p. 193. Pour la promesse faite à David et à sa 
race, cf. III Reg,, vm, 24; ix, 5, et Jer., xui, 13; xvii, 
25; xxxm,17; pour la prophétie relative à la ruine du 
temple, cf. III Reg., ix,8, et Jer., xvm, 16; xix,8,etc; 
au sujet du caractère terrible des calamités que devait 
subir le peuple d'Israël, cf. IV Reg., xxi, 12-xxiv, 16, 
et Jer., xtx, 3; xxn, 17; xxx, 16; Thren., n, 8, etc. 
D'autre part, il est remarquable que le verbe hiddiah, 
employé dix-neuf fois par Jérémie pour marquer la 
dispersion des Juifs en exil, n'apparaît nulle part dans 
les deux derniers livres des Rois. — 6) La conclusion 
historique par laquelle se termine la prophétie de Jé- 
rémie, lu, 1-34, est pour ainsi dire calquée sur la der- 
nière page des Rois, IV Reg., xxiV, 18-xxv, 30, ou ré- 
ciproquement. — c) Le ton grave et mélancolique 
qui caractérise les oracles de Jérémie est aussi celui 
de nos deux livres. Le prophète d'Anathotha en grande 
partie composé son écrit pour démontrer, lui aussi, 
que Dieu avait été très juste en châtiant sévèrement 



1151 



ROIS (III e ET IV e LIVRES DES) 



1152 



les Israélites et en mettant fin au royaume théocratique. 
Or, tel est précisément le but du troisième et du qua- 
trième livre des Rois. — d) Les épisodes dont est 
parsemé le recueil des prophéties de Jérémie et ceux 
qui remplissent la partie correspondante de nos deux 
livres semblent provenir delà même main. Cf.IVReg., 
xxiv, 1, et Jer., xxv, 1-11 ; IV Reg., xxiv, 7, et Jer., xlvi, 
2-12; IV Reg., xxiv, 10-17, et Jer., xxvri, 1-15; IV Reg., 
xxv, 1-30, et Jer., xxvn, 16-22; xl, 5-9; xu, 1-34, etc. 

— e) III et IV Reg. contiennent des renseignements 
nombreux et importants sur les prophètes. Or, ce 
thème devait être particulièrement cher à Jérémie. 
D'autre part, ce Voyant célèbre, qui joua un rôle poli- 
tique et religieux très considérable de son temps, n'est 
pas même mentionné au quatrième livre des Rois ; ce 
fait, difficile à expliquer en lui-même, devient clair 
si Jérémie est l'auteur de III et IV Reg. — Il est vrai 
que Jérémie, dont la mission prophétique fut inaugurée 
durant la treizième année du règne de Josias, cf. Jer., 
I, 2, c'est-à-dire en 627, aurait été âgé d'environ 90 ans 
lors de la mise en liberté de Jéchonias. Mais il putfort 
bien composer le troisième et le quatrième livres des 
Rois aussitôt après que ce prince eut été emmené en cap- 
tivité; dans ce cas, il n'aurait eu qu'à ajouter ensuite la 
conclusion commune à sa prophétie et à IV Reg. Ce fait 
expliquerait pourquoi, en divers passages, cf. III Reg., 
vin, 8; IX, 22; xu, 19; IVReg., vm, 22, l'écrivain sacré 
parle comme si l'état de choses qui existait avant la 
ruine du royaume de Juda demeurait encore en vigueur. 

— Ajoutons d'ailleurs qu'il ne s'agit, dans cette thèse, 
que d'une possibilité et d'une vraisemblance, nulle- 
ment d'une certitude. 

V. DOCUMENTS QUI ONT SERVI A COMPOSER LES DEUX 

derniers livres des rois. — 1° Les trois sources 
principales. — - L'auteur a eu à sa disposition plusieurs 
documents, qu'il mentionne très souvent lui-même, 
et auxquels il renvoie ceux des lecteurs qui désire- 
raient avoir des renseignements plus complets que les 
siens. Pour le règne de Salomon, il cite « le livre des 
actes » de ce prince (Vulgate, liberverborùm dierum Sa- 
lomonis). III Reg., xi, 41. Pour l'histoire synchronique 
des rois de Juda et d'Israël, il cite assez régulièrement 
deux autres sources, à la fin de chaque règne : d'un 
côté la « chronique des rois de Juda » (Vulgate, liber 
sermonum dierum Juda); de l'autre, la « chronique 
des rois d'Israël » (Vulgate, liber verborum dierum 
regum Israël). Celle-là est citée quinze fois : III Reg., 
xiv, 29, pour Roboam; xv, 7, pour Abias; xv, 23, pour 
Asa; xxii, 45, pour .Tosaphat, IV Reg., vin, 23, pour 
Joram; xn, 19, pour Joas; xiv, 18, pour Amasias; xv, 
6, pour Azarias; xv, 36, pour Joatham; xvi, 19, pour 
Achaz;xx, 20, pour Ézéchias; xxi, 17, pour Manassé; 
xxi, 25, pour Amon ; xxm, 28, pour Josias; xxiv, 5, 
pour Joakim. Elle est omise pour Ochozias, Athalie et 
les deux derniers rois de Juda, Jéchonias et Sédécias. 
Là « chronique des rois d'Israël a est mentionnée dix- 
sept fois : III Reg., xiv, 19, pour Jéroboam I er ; xv, 31, 
pourNadab; xvi, 5, pour Baasa; xvi, 14, pour Éla; 
xvi, 20, pour Zamhri; xvi, 27, pour Amri; xxii, 39, 
pour Achab; IV Reg., i, 18, pour Ochozias; x, 34, pour 
Jéhu; xiji, 8, pour Joachaz; xm, 12, pour Joas; xiv, 
38, pour Jéroboam II; xv, 11, pour Zacharie; xv, 15, 
pour Sellum; xv, 21, pour Manahen; xv, 26, pour 
Phacéia; xv, 31, pour Phacée. Elle n'est omise 
que pour Joram et Osée, le dernier roi. Ces rares 
omissions n'ont sans doute pas d'autres causes, de 
part et d'autre, que la difficulté d'insérer la formule 
habituelle, vu l'arrangement des matériaux. — Au 
passage III Reg., vm, 53, les Septante font suivre la 
prière prononcée par Salomon après la dédicace du 
temple, de cette note qui manque dans l'hébreu : 
« Est-ce qu'elle (atftri, la prière) n'est pas écrite dans le 
Vivre i^ç ùS-fc'? » Le traducteur a lu sans doute hassîr, 



<i du cantique », tandis que son texte portait vraisem- 
blablement hay-yâSdr, « du juste »; par conséquent, 
dans le livre du Juste. Cf. Jos., x, 13; Juste (Livre Du) r 
t. m, col. 1873-1875. — Ce renvoi perpétuel à ses 
sources montre que l'auteur les a utilisées fidèlement 
et consciencieusement, qu'il désirait un contrôle, bien 
loin de le redouter. 

2° Nature de ces documents. — En comparant les- 
deux derniers livres des Rois avec le second des Para- 
lipomènes, nous pouvons nous former une idée assez 
exacte des sources qui ont servi de base aux Melâkim. 
Pour d'assez nombreux passages il existe, entre le& 
deux écrits, une ressemblance frappante, qui va par- 
fois jusqu'à la coïncidence verbale. Nous nous borne- 
rons à signaler ici les principaux : 

Cf. III Reg., m, 5-15, et II Par;, i, 7-13. 

(v 2-ix, 27) (h, 1-vni, 2). 

x, 1-29 ix, 1-28. 

xi, 41-43 29-31. 

au, 1-19 s, 1-19. 

21-24 xi, 1-4. 

xiv, 25-31 xu, 9-16. 

xv, 16-22 xvi, 1-6. 

xxii, 2-35 xviii, 1-34. 

41-50 xx, 31-37. 

IV Reg., vm, 17-23 xxi, 5-10. 

25-29 xxii, 1-6. 

xi, 1-xn, 14 xxii, 10-xxiv, 14. 

xiv, 12-14 xxv, 1-5, 17-24. 

17-22 xxv, 25-xxvi, 2. 

Xv, 32-38 xxvn, 1-9. 

xvi, 1-4 xxvm, 1-4. 

XXi, 1-9 xxxih, 1-9. 

17-24 18-25. 

xxii, 1-xxni, 4 xxxiv, 1-33. 

De cette ressemblance, on conclut communément et 
à bon droit que les deux écrivains sacrés ont puisé â 
des sources identiques, Or, l'auteur des Paralipomènes- 
est un peu plus explicite que celui des Melâkim sur 
la nature de ses propres documents, et, grâce à lui, il 
nous est possible de nous faire une idée assez précise 
des matériaux qui ont également servi à composer le 
troisième et le quatrième livres des Rois. D'après- 
II Par,, ix, 29, le récit des événements du règne de 
Salomon a été emprunté aux « paroles du prophète 
Nathan », au « livre d'Ahia le Silonite » et à la « vi- 
sion du Voyant Addq ». D'un autre côté, les passages 
II Par., xu, 15; xm, 22; xx, 34; xxvi, 22; xxxn, 32; 
xxxm, 18-19, nous avertissent que les annales des rois- 
de Juda furent rédigées d'après les « livres du pro- 
phète Séméias et du Voyant Addo », les « paroles de 
Jéhu fils d'Hanaël », la « vision d'Isaïe fils d'Amos »,. 
et lès « discours d'Hozaï». L'auteur des Paralipomènes 
cite souvent aussi le « livre des rois de Juda et 
d'Israël », Lorsqu'il mentionne les écrits de Nathan, 
d'Ahias, d'Addo, etc., il lui arrive d'ajouter qu'ils sont 
contenus dans ce livre. Cf. II Par., xx, 30; xxxii, 
32, etc. Il suit de là que les prophètes en question 
avaient écrit l'histoire de leur temps, que leurs com- 
positions avaieut été reunies, avant l'exil, dans un 
grand ouvrage, que l'on désignait tantôt par le titre de 
Livre des rois de Juda ou d'Israël, tantôt sous le nom. 
du prophète qui en avait écrit telle partie déterminée. 
On explique par là pourquoi les faits relatifs à Salomon- 
sont donnés, III Reg., xi, 41, comme extraits des 
« fastes » de ce prince, tandis que, II Par., ix, 29, il 
est dit qu'ils sont tirés des « Paroles des prophètes » . 
Il est probable, d'après le langage de l'auteur des deux 
derniers livres des Rois, que les annales des royaumes 
d'Israël et de Juda ne formaient pas un seul et même 
ouvrage, mais deux œuvres distinctes. En plusieurs- 
endroits de nos deux écrits, par exemple III Reg., iv,. 



1153 



ROIS (IIP ET IV LIVRES DES) 



4154 



3; vm, 16; xx, 24; IV Reg., xvui, 18, 37 et II Par., 
xxxiv, 8, il est dit que David, Salomon et Ézéchias 
avaient parmi leurs ministres principaux un mazkîr, à 
la lettre, « celui qui aide la mémoire » (Septante, ô 
■j7rou.iu.vr|(jxwv, <> •J7co!rvï]u.aTo"fp*ïoç, etc., Vulgate, a 
commentariis), dont le rôle aurait consisté, croit-on, à 
noter officiellement les faits de chaque règne. Il est 
vraisemblable que les autres rois de Juda et ceux 
d'Israël avaient un fonctionnaire analogue. Quelques in- 
terprètes n'ont pas manqué de supposer que les deux 
derniers livres des Rois et le second des Paralipomènes 
ont eu ce genre de documents pour base; mais nous 
venons de voir que leur opinion est réfutée par l'au- 
teur lui-même des Paralipomènes. Cet auteur et celui 
des Meldkîm n'ont pas eu pour documents principaux 
les annales assez problématiques du mazkir officiel de 
chaque règne, mais les écrits historiques des prophètes. 
Voir Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xii-xm. Il 
suit encore de là que quelques néo-critiques se lancent 
dans une discussion assez oiseuse — les uns ré- 
pondant affirmativement, les autres négativement — 
lorsqu'ils se demandent si l'auteur de III et IV Reg., 
a puisé d'une manière immédiate aux sources aux- 
quelles il renvoie, ou s'il n'a eu à sa disposition qu'un 
ouvrage historique fondé sur elles. L'auteur a eu di- 
rectement entre les mains les documents cités par lui. 

3° Leur valeur. — Ces divers documents étaient tous 
contemporains des faits racontés, ce qui leur donne 
une grande autorité. A un autre point de vue encore, 
ils présentent la plus haute garantie de fidélité histo- 
rique, puisqu'ils furent composés par des personnages 
saints et sacrés. Les rationalistes eux-mêmes sont obli- 
gés de reconnaître à ces sources une véritable valeur et 
une antiquité réelle, du moins en bien des cas. Voir 
Kautzsch, Abriss des alttestum. Schrifttums, in-8°, 
Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 63. 

4° Emploi qu'en a fait le narrateur. — Souvent, il 
a dû insérer textuellement dans son récit les passages 
qui lui convenaient. On le voit en comparant IV Reg., 
xviil, 13-xx, 19, et Is., xxxvi-xxxix, passages identiques 
dans lesquels une source commune a été utilisée d'une 
façon littérale. Ce fait explique aussi quelques réflexions 
qui semblent, à première vue, un anachronisme de la 
part d'un écrivain qui raconte la ruine de Jérusalem 
et du temple. Cf. III Reg., vm, 8; ix, 21; su, 19; 
IV Reg., xiv, 7. D'autres fois, l'auteur abrège ou com- 
plète d'après d'autres documents. Cf. III Reg., xv, 1-8 
et II Par., xm, 1-23, etc. Mais l'ensemble dénote par- 
tout un travail très réel de composition, accompli par 
un seul et même écrivain, qui avait son plan tracé 
d'avance, et qui a tiré de ses. sources le meilleur pro- 
fit, tout en demeurant personnel et indépendant. 

VI. LES NÉO-CRITIQUES ET LES DEUX DERNIERS LIVRES 

des kois. — 1" Exposé de leurs théories. — a) A ren- 
contre de ce qui vient d'être dit, les critiques ratio- 
nalistes se refusent à voir dans ces deux livres un tra- 
vail unique, provenant d'un seul et même historien; 
ils les regardent comme une œuvre de compilation, 
préparée peu à peu par une série plus ou moins consi- 
dérable de rédacteurs. Nous avons déjà exposé plus 
haut le principe qui, d'après leur assertion toute 
gratuite, sert de base à leur opinion, pour cet écrit 
comme pour ceux des Juges et de Samuel. Ils le ré- 
pètent ici avec plus de force que jamais, et prétendent 
découvrir à tout instant dans les Melâkim les « in- 
fluences deutéronomiques « qui démontreraient, sui- 
vant eux, l'existence de rédactions multiples et de 
remaniements réitérés. Voir Driver, Introduction, 
p. 189; Kautzsch, Abriss, p. 61-66; Benzinger, Die 
Bûcher der Kônige, p. xm; Kittel, Die Bûcher der 
Kônige, p. vu, etc. Comme pour les deux premiers 
livres, leur langage est aussi injuste que sévère : 
« Un examen superficiel des livres des Rois (III et 

DICT. DE LA BIBLE. 



IV Reg.) suffit pour démontrer clairement le fait qu'ils' 
sont une compilation, et non pas une composition ori- 
ginale. » The Jewish Encyclopedia, t. vu, New-York, 
1904, p. 506. « Nous ne pouvons pas parler de l'auteur 
des (livres des) Rois,... mais seulement d'un ou de 
plusieurs éditeurs successifs, dont le travail principal 
a consisté à arranger sous une forme continue des 
extraits de livres plus anciens. » W. R. Smith, dans 

V Encyclopmdia Britannica, 9 e édit., t. xiv, Edimbourg, 
1882, p. 83. Le même auteur, ibid., p. 86, parle du 
« caractère purement mécanique de la rédaction par 
laquelle ont été groupés des documents de différentes 
sortes; » il affirme que « les historiens du (royaume 
du) nord et du (royaume du) sud ont été simplement 
rattachés les uns aux autres dans une sorte de 
mosaïque. » 

b) Prenant l'existence de ces prétendues « influences 
deutéronomiques » pour point de départ de leurs 
investigations, les néo-critiques signalent à chaque 
page de l'écrit les divers rédacteurs ou compilateurs qui 
ont successivement concouru à produire nos deux livres 
sous leur forme actuelle, et ils assignent à chacun d'eux 
sa part déterminée, ne se composât-elle que de quel- 
ques mots épars çà et là. C'est ce que font en particulier, 
à la suite du D 1 Wellhausen, MM. Kuenen, Cornill, 
Kautzsch,Winckler, Benzinger, Kittel, Stade et Schwally, 
dans les ouvrages désignés ci après (col. 1162). Rien de 
plus significatif, sous ce rapport, que la manière dont 
M. Kittel d'une part, MM. Stade et Schwally de l'autre, 
ont essayé de placer directement sous les yeux de leurs 
lecteurs, celui-là au moyen de types différents, ceux-ci 
par l'emploi des couleurs (dans la Bible hébraïque dite 
« polychrome ») le résultat de leurs découvertes. 
M. Kittel admet neuf couches distinctes de documents, 
amalgamés par le compilateur. MM. Stade et Schwally 
ont recours à dix couleurs variées, pour marquer 
autant d'espèces de documents, de remaniements, 
d'insertions, etc. Le blanc représente la base originale 
de l'écrit, savoir, « l'épitomé prophétique des rois 
d'Israël et de Juda, composé aux derniers jours du 
royaume de Juda, sous Joachin ou Sédécias, par un 
pieux auteur qui était imbu de l'esprit du Deutéro- 
nome » (par exemple, III Reg., vm, 11-13; ix, 12-13, 
*20, 26-27; x, 28-29; xv, 2-3, etc.). Le rouge foncé 
marque « des extraits de documents historiques plus 
anciens » (entre autres, III Reg., I, 1-53, à part le 
verset 37; il, 13-25, 28-33, etc.); le rouge clair, « des 
extraits de sources plus récentes » (par exemple, 
III Reg., m, 16-28; v, 15-16, 20-27, etc.). Le vert tendre 
désigne, d'une part, « toutes les portions d'un caractère 
deutéronomique » qui n'appartiennent point à l'abrévia- 
teurlui-même; d'autre part, « la continuation de l'épi- 
tomé par un deutéronomiste postérieur à l'exil, » et 
aussi « des additions subséquentes, ayant pour but d'éta- 
blir une connexion entre les légendes des prophètes et 
les parties deutéronomiques du livre » (III Reg., vin, 
14-25, 26-32, 35-66; xi, 2-3, 29-31, 33-38 etc.). A l'orange 
clair correspondent « des additions non deutérono- 
miques d'origine inconnue » (III Reg., x, 1-11, 13-27; 
xvi, 12; xvin, 32-33; xxi, 21-23, etc.); à l'orange foncé, 
« les additions qui semblent avoir été empruntées â 
d'autres ouvrages historiques, et qui, tout d'abord, étaient 
peut-être placées en marge » (par exemple, III Reg., 
xiv, 1-19; v, 7-8, 29-30 ; vil, 41-44, etc.) ; au violet foncé, 
« les textes qui ont pour but d'établir l'harmonie entre 
divers passages du livre » (III Reg., ix, 18-23, 25; x, 
12, 27; xi, 32, etc.); au bleu clair, « des extraits des 
légendes des prophètes » qui, sous leur forme présente, 
sont toutes postérieures à l'exil, bien que le fond de 
ce qui concerne Élie et Elisée remonte peut-être à une 
époque antérieure à la captivité. III Reg., xn, 21-24; 
xin, 1-33, etc. Le bleu foncé et le violet clair servent 
à marquer, dans ce qu'on nomme les légendes d'Isaïe, 

V. - 37 



1155 



ROIS (IIP ET IV LIVRES LES) 



1156 



« des insertions provenant de narrations parallèles » 
(par exemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34; xx, 1-6, 12- 
19, etc.). On admirerait une telle perspicacité, si elle 
n'inspirait dès l'abord une vive défiance. Qui ne 
voit, en effet, combien elle fait redouter l'arbitraire, 
surtout lorsqu'on la sait animée d'un esprit préconçu ? 

c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme 
dans les deux premiers, M. Cornill reconnaît la main 
du jéhoviste et celle de l'élohiste, actives en divers sens. 
C'est le jéhoviste qui raconte la fin du règne de David. 
III Reg., i-ii. D'ailleurs, les néo-critiques sont à peu 
près d'accord pour rattacher ces deux chapitres au 
second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient 
fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage 
où est exposée la vie de Salomon, M. Cornill aperçoit 
trois couches distinctes : 1° une série de récits ou de 
notes qui ont pour but manifeste d'exalter le roi, entre 
autres, iv, 2-19; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28,31-32; vi, 
37-38, etc.; 2° des enjolivements encore plus légen- 
daires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses, 
par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc.; 3» « une couche 
deutéronomique, qui tantôt demeure indépendante, 
tantôt se borne à remanier, » par exemple, m, 1-15; 
v, 17-19; vin, 15-53, etc. Dans la suite du récit, à partir 
de III Reg., xii, M. Cornill consent à trouver une 
œuvre généralement pleine d'unité, « de telle sorte que, 
pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre 
historique (de la Bible), il est permis de parler d'un 
auteur. » L'élohiste a eu sa grande part dans la com- 
position des chap. xii, xiv, xv et xvi; mais le jéhoviste 
a fourni les passages xiv, 25-28; xv, 16-20; xvi, 34. Le 
chap. xill est une légende de prophètes «. d'un genre 
tout à fait grotesque; » c'est un produit très récent. La 
partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve 
dans le groupe III Reg., xvu-IV Reg., x. « Elle con- 
tient les morceaux les meilleurs et les plus satisfaisants 
des récits historiques de l'Ancien Testament; » mais 
\\ îanl evi séparer 1\ Heg., i, 2 b -12, où nous n'avons 
qu'une légende sans portée. M. Comili est en outre 
partisan, comme la plupart des néo-critiques contem- 
porains, de deux rédactions « deutéronomiques », dont 
l'une date environ de l'an 600 avant J.-C, tandis que 
l'autre est un peu plus récente (la moitié ou la fin de 
l'exil); mais il croit que, jusqu'au m» siècle avant notre" 
ère, on a opéré des remaniements dans les deux livres. 
Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui 
appartient à chacun des deux rédacteurs, et ce qui est 
simple remaniement; ainsi, « il faut attribuer le syn- 
chronisme (des rois) au second rédacteur; les dates des 
règnes ont été insérées par le premier. » Benzinger, 
Die Bûcher der Kônige, p. xvin. 

2° Fausseté de ces théories. — a) L'auteur des deux 
derniers livres des Rois affirme lui-même, nous l'avons 
vu, qu'il s'est servi de plusieurs documents contempo- 
rains des événements qu'il raconte, et il est certain 
qu'il a dû leur faire en certains endroits des emprunts 
considérables. Mais, entre son mode de composition et 
celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y 
a une énorme différence. Ce n'est point «d'une manière 
mécanique », et pour ainsi dire fortuite, qu'il a groupé 
ses matériaux; il les coordonne et les dispose toujours 
d'une façon suivie, régulière, conforme au plan 
qu'il s'était tracé d'avance. Il a ainsi produit, non 
pas une « mosaïque », mais une œuvre qui ne manque 
pas d'unité. Cette unité se manifeste soit par la marche 
du récit, toujours uniforme et semblable à elle-même, 
et, en particulier, par le cadre extérieur dans lequel 
ont été insérés les faits de chaque règne; soit par le 
but et le point de vue spécial de l'auteur, qui sont iden- 
tiques depuis le commencement jusqu'à la fin ; soit par 
le style, car les locutions propres à l'historien sacré 
reviennent aussi partout. — 6) Ce que nous avons dit 
plus haut de l'arbitraire, des preuves purement sub- 



jectives, des contradictions perpétuelles des néo-cri- 
tiques à propos des livrés de Samuel, on peut le dire 
également de leurs théories relatives aux Meldkim. 
Leur genre de critique littéraire est aisé, et qui ne se 
chargerait de l'appliquer avec aussi peu de sérieux et 
de solidité, aux œuvres de Racine et de Bossuet, ou 
même à des ouvrages beaucoup plus récents? 

3° Réfutation de quelques objections particulières. 
— a) Évidemment, le rationalisme contemporain ne 
pouvait manquer de signaler, à l'appui de ses négations, 
la part très notable qui a été faite à l'élément surnatu- 
rel dans nos deux livres, surtout dans l'histoire d'Élie 
et d'Elisée. « Un trait caractéristique des livres des Rois, 
ce sont les histoires des prophètes, les nombreuses 
légendes relatives aux représentants de la théocratie, 
dont la plupart ont été mêlés aux événements... Il n'y 
a presque pas de chapitre où ils n'occupent le premier 
rang. Quand l'occasion se présente de le3 introduire, 
de les faire parler et agir, la narration s'arrête aux 
détails, devient pittoresque, anecdotique, prolixe même, 
de sommaire et décolorée qu'elle est ailleurs. » Ency- 
clopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, 
t. XI, p. 258-259. — Nous n'avons pas à redire ici que 
la présence de l'élément surnaturel, des miracles, des 
prophéties, ne démontre absolument rien au sujet de 
l'époque où a été composé tel ou tel récit, et il a été 
remarqué plus haut qu'il entrait précisément dans le 
plan de l'auteur d'insister sur tout ce qui, dans l'his- 
toire des rois d'Israël, offrait un caractère théocratiqu 
plus palpable. 

6) On prétend que l'intérêt pour la loi de Moïse, si 
vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n'exis- 
tait pas dans l'ancien Israël, » et qu'il est « tout à fait 
étranger aux mémoires plus anciens qui ont été incor- 
porés dans ces livres, » de sorte que, partout où il fait 
son apparition, on peut être sûr qu'il s'est glissé tardi- 
vement une main « deutéronomique ». — Mais c'est là 
une assertion toute gratuite, dont il est impossible de 
démontrer la vérité, car elle repose sur une base entiè- 
rement fausse, la fabrication du Deutéronomeâ l'époque 
du roi Josias. Quant à l'intérêt, d'ailleurs très réel, 
que l'auteur des Meldkim manifeste pour la loi mo- 
saïque, nous avons montré qu'il fait également partie 
de son but et de son plan. 

c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte 
contre l'unité de rédaction, mais plus timidement, les 
« doublets » ou répétitions, et même les contradictions 
proprement dites qu'on rencontrerait parfois dans 
l'histoire des rois de Juda et d'Israël. — Il existe, en 
effet, quelques répétitions. Cf. IV Reg., vm, 28, et ix, 
14, 16; xill, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s'expliquent par 
les habitudes et par la manière de parler des Orienr 
taux; elles ne nuisent pas à l'unité de composition, et 
ne supposent point des rédacteurs venus l'un après 
l'autre. Comme exemples Je contradictions, on allègue, 
d'une part, III Reg., IX, 22, et xi, 28; de l'autre, III Reg., 
xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages, 
après avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu'un 
des fils d'Israël fût esclave, » l'écrivain sacré parle d'un 
chef chargé de diriger «les travaux des esclaves. «Mais, 
si l'on se reporte à l'hébreu, on voit que par « travaux 
des esclaves » il faut simplement entendre des corvées 
pénibles, et point une servitude proprement dite. En 
comparant les deux autres textes, on constate que c'est 
à Samarie que les chiens léchèrent le sang d'Achab, 
et non dans la vigne de Naboth, comme Élie l'avait 
prédit. Toutefois, le récit ajoute en termes formels, 
III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit à adou- 
cir la sentence d'Achab, à cause de son repentir, et que 
la menace divine fut exécutée à la lettre dans la per- 
sonne de Joram, fils d'Achab, conformément à la mo- 
dification qu'elle avait subie. Cf. JV Reg., ix, 24-26. — 
Pour ces difficultés de divers genres, voir F.Keil,£e/ir- 



1157 



ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES) 



1158 



buch der Einleitung in die kanon. und apokryph. 
Schriften des Alten Testant ., 2 e édit., Francfort-sur-le- 
Main, 1859, p. 183-187; P. Clair, Les livres des Rois, 
ia-8», Paris, 1879, p. 126-187; R. Cornely, Introduetio 
specialis in historicos Véteris Testant, libros, in-8°, 
Paris, 1887, p. 288-293. 

VU. LA VÉRACITÉ ET L'AUTORITÉ DIVINE DES DEUX 

derniers livres des rois. — 1° Le caractère véridique 
et historique (te cet écrit a été attaqué sur divers points, 
nous l'avons vu, par les rationalistes contemporains. 
Ceux-ci sont néanmoins contraints de reconnaître, 
malgré leurs préjugés multiples, que, « dans leur en- 
semble, les récits sont assurément très dignes de foi. » 
Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenber- 
ger, t. xi, p. 258. Voir les aveux analogues du D r Cor- 
nill, col. 1155. Nous disons que la véracité de la narra- 
tion est partout la même, et il est facile d'en donner 
des preuves intrinsèques et extrinsèques. 

A) Preuves intrinsèques. Partout, dans nos deux livres , 
l'histoire est racontée de la manière la plus sérieuse, 
la plus objective. Nulle part on n'aperçoit les traces de 
la plus légère flatterie à l'égard des rois ou des autres 
grands personnages dont la vie est racontée : les bons 
rois reçoivent de légitimes éloges, mais leurs faiblesses 
et leurs fautes sont relevées, blâmées sévèrement; 
quant aux mauvais princes, ils sont flétris avec une 
juste indignation. On n'aperçoit aucune de ces exagé- 
rations, de ces louanges dithyrambiques, dont les ins- 
criptions égyptiennes et assyriennes fournissent tant 
d'exemples. En outre, tout, dans les narrations, est 
conforme à ce que nous connaissons par ailleurs de la 
vie orientale et des mœurs des potentats dans ces ré- 
gions. C'est donc ■ bien à tort que les néo-critiques 
supposent, en certains endroits, des « tendances » et 
de « l'idéalisation », c'est-à-dire des faussetés histo- 
riques. Par la manière dont l'auteur mentionne à tout 
instant ses sources, il prouve qu'il ne redoutait point le 
contrôle de l'histoire. Cf. F. Kaulen, Einleitung in die 
Bûcher A. und N. Teslam., 3 e édit., p. 198-199. 

B) Les preuves extrinsèques sont encore plus frap- 
pantes. Elles nous sont d'abord livrées — a) par la 
Bible elle-même, où d'autres récits, entièrement indé- 
pendants des deux derniers livres des Rois, permettent 
de faire le contrôle dont il vient d'être question. Il a 
été dit ci-dessus que le second livre des Paralipomènes 
couvre la même période que ceux des Melâkim; or, 
celui qui l'a composé conserve son entière liberté, 
tout en utilisant les mêmes sources : les deux récits 
concordent admirablement. Les allusions historiques 
qui apparaissent fréquemment dans les livres prophé- 
tiques d'Osée, d'Amos, d'Isaïe, de Michée, de Jérémie, 
de Sophonie, etc., nous procurent un argument iden- 
tique. « Depuis Ozias, il s'est à peine passé un fait dans 
Juda ou dans Israël, sans qu'un prophète ou l'autre y 
ait fait allusion; et partout il règne un accord complet 
avec les données des livres des Rois. » Kaulen, loc.cit., 
p. 199. Voir aussi Eccli., xlvii, 14-xlix, 9. — 6) Les 
littératures étrangères et les monuments que nous ont 
légués les contrées bibliques nous documentent d'une 
façon remarquable sur le point traité. Nous avons 
1° les fragments des anciens historiens, Bérose^ fcné- 
thon, Ménandre, etc. Josèphe, ContraApion., 1/13-34, et 
Ant. jud., VIII, v, 3, et xm, 2, en appelait'déjà à leur 
témoignage pour défendre la véracité des livres histo- 
riques de son peuple. Cf. Eusèbe, Prsep. evang., x, 1- 
42, t. xxi, col. 680-1764; Rawlinson, Bampton Lectures, 
2" édit., 1860, p. 89-92. Nous possédons aussi les inscrip- 
tions égyptiennes, spécialement celles de Sché- 
schonq I er , le Sésac de la Bible, III Reg., xi, 40, etxiv, 
■25, gravées sur les murs du temple de Karnak, qui con- 
firme ce que raconte le III e livre des Rois de la cam- 
pagne de ce prince en Palestine. "Voir Sésac. Cf. Blau, Si- 
saqs Zug gegen Juda, dans la Zeitschrift derdeutschen 



morgenlândischen Gesellschaft, 1861, p. 293-250; The 
expédition of Pharao Shishak against Palestine, 
dans les Actes du viip congrès international des Orien- 
talistes, IV« partie, in-8», Leyde, 1892, p. 193-199; 
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., Paris, 1896, t. m, p. 407-427. - c) La célèbre 
inscription de Mésa, roi de Moab, complète ce que nous 
dit la Bible au sujet de ce monarque. Cf. IV Reg., m, 
4-27; C. D. Ginsburg, The Moabite stone, in-4», Lon- 
dres, 1871; V. Testa, L'iscrizione di Mesa illustrata e 
commentata, in-8°, Turin, 1875; H. Winckler, Keilin- 
schriftliches Textbuch zum Alt. Testant., in-8", 1892, 
p. 100-105; F. Vigouroux, loc. cit., p. 464-474. — d)Ce 
sont les monuments assyriens et les inscriptions cunéi- 
formes qui fournissent les renseignements les plus 
complets et les plus intéressants. « Après avoir été 
ensevelis, pendant de longs siècles, sous les ruines et 
les décombres amoncelés sur les bords du Tigre, ces 
pages monumentales, gravées sur la pierre ou écrites 
sur l'argile, ont enfin reparu à la lumière du jour..., 
et les savants contemporains y ont lu, avec un étonne- 
ment mêlé d'admiration, non seulement les noms des 
fiers monarques de-Ninive, mais aussi des noms qu'on 
ne s'attendait point à trouver en dehors de la Sainte 
Écriture, ceux de six rois d'Israël : Amri, Achab, Jéhu, 
Manahem, Phacée, Osée, et de quatre rois de Juda : 
Azarias ou Ozias, Achaz, Ézéchias et Manassé, sans 
parler des noms géographiques. C'est ainsi que les 
ennemis mêmes du peuple de Dieu sont venus confir- 
mer l'authenticité et la véracité des annales sacrées. » 
F, Vigouroux, loc. cit., p. 430. Voir sur ce sujet 

E. Schrader, Die Keilinschviften und das Alte Testa- 
ment, in-8», Giessen, 1872, p. 87-233; 3° édit. en 1905; 

F. Kaulen, Assyrien und Babylonien nach den neuesten 
Enldeckungen, in-8", Fribourg-en-Brisgau, 3 e édit. , 1885, 
p. 203-225; Sayce, Alte Denkmâler im Lichte neuer 
Forschungen, Leipzig, 1886; et surtout F. Vigouroux, 
op. cit., t. m, 253-642, t. iv, p. 1-154. 

2. L'autorité divine de III et IV Reg. — Ces deux 
livres, qui ont toujours fait partie du canon biblique 
chez les Juifs et chez les chrétiens, sont par là-même 
inspirés et divins. Jésus-Christ et ses Apôtres leur ont 
emprunté des citations et allusions relativement nom- 
breuses, montrant ainsi la haute estime qu'ils avaient 
pour eux, et l'autorité supérieure qu'ils leur reconnais- 
saient. Notre-Seigneur mentionne la richesse des vête- 
ments de Salomon, Matth., vi, 29, cf. III Reg., x, 25; 
la visite de la reine de Saba, Matth., xn, 42, cf. III Reg., 
x, 1-10; la sécheresse au temps d'Élie, la manière dont 
le prophète secourut la veuve de Sarepla et la guéri- 
son du Syrien Naaman par Elisée, Luc., iv, 25-27, 
cf. III Reg., xvn, 1-16, et IV Reg., v, 1-19. Saint 
Etienne rappelle dans son discours, Act., vu, 46-48, le 
désir exprimé par David de construire un temple à 
Jéhovah et la réalisation de ce souhait par Salomon. 
Cf. III Reg., vi, 1-38. Dans l'Épitre aux Romains, xi, 24, 
saint Paul cite III Reg., xix, 10, comme parole de 
l'Écriture; dans l'Épitre aux Hébreux, xi, 35, il fait 
allusion aux résurrections opérées par Élie et Elisée. 
Cf. III Reg., xvn, 17-24; IV Reg., iv, 18-38. Saint 
Jacques, v, 17-18, signale l'exemple d'Élie comme une 
preuve de l'efficacité de la prière. Cf. III Reg., xvn, 
1. L'Apocalypse, n, 10, nomme deux fois l'infâme 
Jézabel. 

VIII. CHRONOLOGIE DES DEUX DERNIERS LIVRES DES 

rois. — 1° Fréquente mention des dates. — Ainsi 
qu'il a été dit plus haut, l'auteur note très soigneuse- 
ment les données chronologiques. Il fait passer sous 
nos yeux non seulement la durée dés divers règnes, 
mais aussi le synchronisme des rois d'Israël et de Juda, 
et les dates des principaux événements. Cf. III Reg., 
n, 11 ; vt, i, 37, 38; vu, 1; vin, 2, 65; IX, 10; xi, 42; 
xiv, 20, 25; xv, 1, 9, 25, 33; xvi, 8, 10, 15, 23, 29; 



1159 



ROIS. (IIP. ET IV» LIVRES DES) 



1160 



xvm, 1; xxn, 1, 41, 52 ; IV Reg., i, 17; m, 1 ; vm, 16, 
25; ix, 29; x, 36; xi, 3-4; xn, 1, 6; xm, 1, 10; xiv, 
1-2, 17, 23; xv, 1, 8, 13, 17, 23, 27, 30, 32; xvi, 1; xvn, 
1, 5; xvm, 1, 9, 13 ; xxi, 1, 19; xxu, 1, 3; xxm, 23, 31, 
36; xxiv, 1, 8,.12, 18; xxv, 1, 3, 8, 25, 27, 

2° Difficultés provenant de cette chronologie. — 
Saint Jérôme les signalait déjà : Relege omnes et Ve- 
teris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum 
reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et 
Israël, id est, inter regnum utrumque, confusum. 
Epist. lu, 5, t. xxn, col. 675-676. Non seulement les 
chiffres bibliques ne sont pas d'accord les uns avec 
les autres; mais la chronologie assyrienne, dont on a 
découvert la clef, accroît encore l'embarras des com- 
mentateurs, car elle ne cadre pas non plus avec les 
dates de détail indiquées par les livres des Rois. De nos 
jours on a beaucoup écrit sur cette question, sans 
pouvoir la résoudre d'une manière entièrement satis- 
faisante. Voir, en sens divers, J. Wellhausen, Die 
Zeitreehnung des Bûches der Kônige seitder Teilung 
des Beiches, dans les Jahrbùchér fur deutsche Théo- 
logie, 1875, p. 617-640; Krey, Zur Zeitreehnung der 
Bûcher der Kônige, dans la Zeitschrift fur wissen- 
schaftliche Théologie, 1877, p. 404-408; W. R. Smith, 
The Chronology of the Books of Kings, dans le Jour- 
nal of Phïlology, 1882, p. 209-220; id., The Proyhels 
. of Israël, nouvelle édition, in-12, 1895, p. 145-151, 
403-406, 415-421; A. Kamphausen, Die Chronologie 
der hebraischen Kônige, in-8°, Bonn, 1883; Rûhl, Die 
Chronologie der Kônige von Israël undJuda, dans la 
Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, 1895, 
p. 44-76, 171; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e éd., 
t. H, p. 95-97; id., Les Livres Saints et la critiqué 
rationaliste, ,5" édit, t. iv, p. 499-507. Voir aussi 
Chronolooie bïbuqYjE, t. il. co\. 130-131, où Von men- 
tionne les principales difficultés et leur solution pos- 
sible. Rien n'autorise à prétendre que les inexactitudes 
de chiffres qui se rencontrent dans nos deux livres 
soient le fait de l'auteur; elles sont toutes attribuables 
aux copistes, qui se trompent facilement en transcri- 
vant des nombres. Nous en avons un exemple frappant 
à propos du roi Ochozias de Juda, qui, lorsqu'il monta 
sur le trône, avait 42 ans d'après II Par., xxu, 2, 
seulement 22 d'après IV Reg., vm, 26. Il est évident 
qu'il y a une erreur d'un côté ou de l'autre. Mais, ni 
cette faute, ni les autres du même genre ne sauraient 
nuire à l'autorité d'un livre sérieux : les conclusions 
qu'en ont tirées les critiques rationalistes demeurent 
donc sans valeur. 

ix. le style. — 1" Il est moins pur que celui des li- 
vres de Samuel et il présente d'assez nombreux exemples 
de néologismes et d'aramaïsmes. Néanmoins, des par- 
ties considérables des Melâkîm sont écrites en excel- 
lent hébreu des meilleurs jours. Le genre de diction 
est le même partout et manifeste l'unité d'auteur. Cer- 
taines particularités dialectales s'expliquent par les 
sources spéciales qui servirent à composer les passages 
où elles sont employées. Il suffira d'en citer quelques- 
uns : ,1a forme féminine en > : >ra pour nx, 

« toi », IV Reg., iy, 16, 23; vm, 1, etc.; >3b pour ih, 

: t t 

n à toi », IV Reg., iv, 2; 'ôtô pour 'iffô, « avec lui », 
IV Reg., 1, 15; m, 11, 12, etc.; 'ôfâm pour 'itfâm, 
« avec eux », IV Reg., vi, 16; nîr pour nêr, «lampe», 
III Reg., xi, 36, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der 
...Einleitung, 2«édii., p. 183-1M. Pour les nomsd'Élie 
et d'Ochozias de Juda, l'écrivain sacré emploie tantôt 
la forme complète, 'Eliydhû, 'A-hazydhû, tantôt la 
forme abrégée, 'Eliyâti, 'Ahazyâh; elles alternent 
parfois à quelques lignes seulement d'intervalle. Pour 
Elie, cf. III Reg., xvn* 1, 3; xvin, 1, 2, etc.; IV Reg., 
i, 3, 4, 10, 12, etc.; pour Ochozias, III Reg., xxii, 40, 
50, 52; IV Reg., i, 18; x, 24, etc. 



2° On a noté aussi un certain nombre d'expressions 
que l'auteur des deux derniers livres des Rois emploie 
volontiers, quoique la plupart d'entre elles ne lui 
soient pas exclusivement propres; celles-ci en particu- 
lier : Marcher dans la voie du Seigneur, III Reg., h, 
3; m, 14; vin, 5; xi, 23, 28; garder ses lois, ses 
ordonnances, ses jugements, ses préceptes, III Reg., 
h, 3; m, 14; vi, 12; vm, 58; ix, 4, 5; IV Reg., xvn, 
13, 19; xxm, 3, etc.; « témoignages », dans le sens de 
commandements divins, III Reg., H, 3; IV Reg., xvu, 
45; xxm, 3, etc.; afin que tu réussisses, III Reg., n, 
3, etc.; accomplir la parole, III Reg., n, 4; vi, 12; ylii, 
21; xii, 15; marcher devant moi (avec vérité, etc.), 
III Reg., il, 4; m, 6; vm, 23, 25, etc.; tu ne manque- 
ras jamais de..., III Reg., h, 4; vm, 25; ix, 5; de tout 
ton (son) cœur et de toute ton (son) âme, III Reg., n, 
4; vm, 48; IV Reg., xxm, 3, 25; bâtir une maison au 
nom du Seigneur,III Reg., m, 2; v,3, 5; vm,17, etc.; 
comme c'est aujourd'hui, III Reg., m, 6; vin, 24, 61 ; 
choisi parmi toutes les tribus d'Israël, III Reg., vm, 
16; xi, 32; xiv, 21; IV Reg., xxi, 7; afin que mon 
cœur soit ici, III, Reg., vm, 16, 29; IV Reg., xxm, 27; 
parfait, dans le sens de dévoué entièrement, III Reg., 
vm, 61; xi, 4; xv, 3, 14; IV Reg., xx, 3; exterminer du 
pays, III Reg., ix, 7; xm, 34; xiv, 15; rejeter de de- 
vant la face, III Reg.. IX, 7; IV Reg., xm, 23; xvn, 
20, etc.; les abominations (des faux dieux), III Rog., 
xi, 5, 7; IV Reg., xxm, 13, 24; faire ce qui est mal aux 
yeux du Seigneur, III Reg., xi, 6, et plus de trente 
fois ailleurs; à cause de David ton père (ou, mon ser- 
viteur), III Reg., XI, 12; xm, 32, 34; xv, 4; IV Reg., 
vm, 19 ; xix, 34 ; xx, 6 ; Jérusalem que j'ai choisie, 

III Reg., xi, 13, 32, 36; vin, 44, 48; xiv, 21; IV Reg., 
xxi, 7; xxm, 27; provoquer la colère du Seigneur, 

IV Reg., XIV, 9, 15, et très souvent ailleurs; Voici, je 
vais faire venir le malheur, III Reg., xiv, 10; xxi, 21; 
IV Reg., xxi, 12; xxu, 16, etc.; l'enchaîné et le libre, 
c'est-à-dire tout le mondé, III Reg., xiv, 10; xxi, 
21; IV Reg., lx, 8; xiv, 26; (Jéroboam) qui a fait pécher 
Israël, III Reg., xiv,16; xv, 26, et très souvent encore; 
sur toute colline élevée et sous tout arbre vert, III Reg., 
xiv, 23; IV Reg,, xvi, 4; xvir, 10; les abominations 
des nations (païennes), III Reg., xiv, 24; IV Reg., xvi, 
3; xxi, 2; les nations que le Seigneur avait chassées 
de devant Israël, III Reg., xiv, 2, i ; xxi, 26; IV Reg-, 
xvi, 13, etc.; ne pas se détourner de..., III Reg., xv, 
5; xxn, 43; IV Reg., ni, 3; x, 29, etc.; se vendre (pouf 
faire le mal), III Reg., xxi, 20, 25; IV Reg., xvn, 7; le 
peuple offrait encore des sacrifices et des parfums 
sur les hauts lieux, III Reg., m, 2, 3; xxn, 43;. 
IV Reg., xn, 4; xiv, 4; xv, 4, 35, etc.; mes (ses) ser- 
viteurs les prophètes, IV Reg., ix, 7; xvn, 13, 23; xxi, 
10; xxiv, 2; l'armée des cieux (les astres, objet d'un 
culte), IV Reg., xvn, 16; xxi, 3, 5; en ce temps-là, 
III Reg., xiv, 1; IV Reg., xvi, 6; xvm, 16; xx, 12; 
xxiv, 10; en ces jours, IV Reg., x, 32; xv, 37; xx, 1 ; 
la formule « attendu que », pour introduire des prophé- 
ties, III Reg., m, 11; vm, 18; xi, 11; xm, 24, etc. 
Voir Driver, Introduction, 5 e édit., p. 178, 190-193; 
Hastings, Dictionary of the Bible, t. n, p. 859-861. 

X. LE TEXTE HÉBREU ET LES ANCIENNES VERSIONS- 

— 1° Le texte. — Quoique loin d'être parfait sous sa 
forme présente, le texte hébreu des Melâkîm nous est 
parvenu en meilleur état que celui des livres de Samuel. 
On croit reconnaître qu'il a été corrigé en plusieurs 
endroits d'après la traduction des Septante. Entre autres 
traces manifestes de corruption, on cite : III Reg,, i, 
10, au lieu -de (ibbâkd', lire fitfdqdh, Septante des 
Hexaples, ^xïio-ev, Vulgate, insonuit; III Reg., vu, 40, 
au lieu de hakkîrôt, lire hassîrôf, Septante, llërpo.ç, 
Vulgate, lebetes; III Reg., vm, 57, au lieu de be'éres 
Se'ârdv, lire be'ahaf 'arâv, Septante, iv \uâ t£>v itôXeuv 
<x!to0 ; III Reg., xi, 15, au lieu de biheyôt, lire behakkôp, 



H61 ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES) — ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) 



116! 



Septante, èv t<3 £.^Xo6peû<7«i; III Reg., xi, 25, au lieu de 
'Ardm, lire 'Èdôm; III Reg., xm, 11, au lieu de « son 
fils vint et lui raconta », lire, d'après les Septante et 
la Vulgate, « ses fils vinrent et racontèrent »; III Reg., 
xix, 23, au lieu de vayyare', lire vayyèrë , Septante, 
lyoêrfirij Vulgate, tim'uit ; IV Reg., v, 26, au lieu de 
hâlak, « il alla », il faut lire, 'immeka, « avec toi », 
•d'après les Septante et la Vulgate, etc. Notons aussi 
quelques erreurs manifestes de chiffres : III Reg., v, 6, 
40000 doit être corrigé en 4000, d'après II Par., ix, 
25; IV Reg., xxv, 17, lire « cinq coudées », au lieu de 
« trois », d'après III Reg., vu, 15, et Jer., lu, 22, etc. 
Voir F. Bôttcher, Neue exegetisch-kritische Aehrenlese 
zum Alten Testament,^' partie, Leipzig, 1864, p. 1-120; 
R. Kitlel, Biblia hebraicd, t. I, Leipzig, 1905, p. 458- 
552. 

2° Les versions anciennes. — a) Septante. — Pour 
les deux derniers livres des Rois, comme pour les deux 
premiers, la traduction des Septante se fait remarquer 
par des ^variantes nombreuses — additions, omissions, 
transpositions, autres modifications de divers genres — 
souvent considérables, d'autres fois plus légères . Elle re- 
présente certainement une recension de l'hébreu diffé- 
rente de celle qui a servi de base au texte massorétique. 
Exemples d'additions : la fontaine de Salomon dans le 
temple, III Reg., à la suite de n, 35, ou de m; 1 ; la chaus- 
sée du Liban, III Reg., III, 46; la mention du soleil dans 
la prière de Salomon, le jour de la dédicace du temple, 
III Reg., vin, 53; un long passage sur Jéroboam, 
inséré III Reg., xil, entre les versets 24 et 25. Voir aussi 
III Reg., xv, 8 ; xvi, 22; xvrn, 1, etc. Exemples d'omis- 
sions : le passage III Reg., vi,ll, 14, est omis intégrale- 
ment; de même III Reg., xv, 6; xvi, 8 et 15, etc. Les 
transpositions sont très nombreuses : III Reg., n, 36- 
46, passe après m, 1; III Reg., m, 1, et ix, 16-17, sont 
groupés ensemble et placés entre iv, 34, et v, 1 ; III Reg. , 
vu, 1-12, vient après vu, 51 ; III Reg., vin, 12-13, après 
53; ix, 15, 22, après, x, 22; les chap. xx et xxi sont 
transposés, etc. Malgré ses imperfections, la tra- 
duction des Septante, nous l'avons constaté plus haut, 
peut servir assez souvent à corriger le texte hébreu 
actuel; mais il faut beaucoup de réserve et d'esprit 
•critique pour faire ces corrections. Une autre particu- 
larité de la version des Septante consiste dans le nombre 
relativement extraordinaire des expressions hébraïques 
•qui n'ont pas été traduites, mais simplement transcrites 
en grec. Entre autres, au IV e livre, à?ç(i,n, 4, et x, 10; 
vmxrjS, m, 4; «pttie, iv, 39; êeêpaôa, v, 19; ÊXfiwvi, vi, 8; 
Havaâ, vin, 8 et 9; yxpzy., ix, 13, etc. On voit par là 
que le traducteur n'était pas à la hauteur de sa tâche, 
■car plusieurs de ces expressions sont faciles à com- 
prendre . Dans la recension de Lucien, au passage IV Reg. , 
îv, 34, le verbe hébreu igehâr est d'abord traduit par 
<Tuvéxafji4ev, puis reproduit en hébreu, iyaiip, lequel 
mot a été ensuite corrompu en iy>.àS, etc. Le meilleur 
texte des Septante est celui du Cod. Vaticanus, comme 
pour les livres de Samuel. Voir Silberstein, Uber den 
Ursprung des im Cod. Alexandrinus und Vaticanus 
des dritten Kônigsbuches der Alexand. Ubersetzung, 
dans la Zeitschrift fur die alttestatnentl.Wissensckaft, 
1893, p. 1-75; 1894, p. 1-30; pour la version jd'Aquila, 
F. C. Burkitt, Fragments of the Books of /the Kings 
■according la the translation of Aquïla, in-8», Cam- 
itridge, 1897. — 6) Versions latines. — La Vêtus llala 
présente beaucoup d'affinités avec la recension grecque 
de Lucien. La Vulgate, qui a été traduite fidèlement sur 
l'hébreu, montre que, depuis l'époque de saint Jérôme, 
le texte primitif n'a pas subi d'altérations bien sen- 
sibles. On voit, par certaines interprétations de détail, 
■que, si les points-voyelles qu'on lit actuellement dans 
l'hébreu ne correspondent pas toujours à la leçon 
adoptée par les rabbins qui guidaient le saint docteur, 
les consonnes étaient à peu près les mêmes qu'aujour- 



d'hui. — c) Autres versions orientales. — Le syriaque 
le chaldéen, l'arabe n'offrent pas une grande utilit 
pour l'interprétation des Melâkîm. Les modification 
qu'on y rencontre sonl dues généralement aux allure 
trop libres des traducteurs. Pour le syriaque, voi 
Berlinger, Die Peschitto zum ersten Bûche der Ko 
nige, in-8» Berlin, 1897. 

XL Bibliographie. — 1° Pour la critique du text 
et l'origine du livre: *J. Wellhausen, Die Compositiot 
des Hexateuchs und der histor. Bûcher des A lien Test. 
in-8», ï' édit., Berlin, 1889, p. 266-302; Id., Prolegomeni 
zur Geschichte Israels, in-8°, 5° édit., Berlin, 1899 
p. 275-298; * B. Stade, dans la Zeitschrift fur alttestam 
Wissenschaft, 1883, p. 129-177; 1885, p. 275-297; 1886 
p. 156-189; *Preiss, W. Vatkes Ansichtûber die Bûcha 
Samuelis und der Kônige, dans la Zeitschrift fur mis- 
senschaftliche Théologie, 1885, p. 257-275 ; * A. Kuenen 
Historisch-critisch onderzoek naar het ontstaan en dt 
verzameling van de boéken des Ouden Verbonds, in-8» 
2«édit., 1« partie, Leyde, 1885,p. 392-443;*S. R.Driver 
An Introduction tù the Literature of the Old Test. 
in-8», Edimbourg, 1891, 5= édit., 1894, p. 179-188 
*H. Winckler, Beilràge zur Quellenscheidung der Ko 
nigsbùcher, dans les Alttestam . Untersuchungen, in-8° 
t. ï, Leipzig, 1893, p. 1-54; *R. JUttel, Geschichte de 
Hebrâer, in-8», 1892, p. 45-57, 177-195; *E. Kônig, Ein 
leitung in dasA. Test., in-8», Bonn, 1893, p. 263-269 
*C. H. Cornill, Einleitung in das Alte Teslam., in-8» 
2Ȏdit.,Fribourg-en-Brigau, 1892,p. 121-131 ; C. Holzhey 
Das Buchder Kônige,Untersuchung seiner Bestandtheil 
und seiner litterar. und geschichtlichen Charakters 
in-8», Munich, 1899; *B. Stade et F. Schwally, 27» 
Books of Kings, dans les Sacred Books of the OU 
Test., édités par *Haupt, in-4«, 9 e partie, Leipzig, 1904 
— 2° Commentaires. — A) Catholiques : Théodore! 
Qusest. in lib. Reg., t. lxxx, col. 527-798; Clair, Le 
livres êtes Rois, 2 in-8», Paris, 1884. — B) Hétérodoxes 
O. Thenius, Die Bûcher der Kônige, in-8», Leipzig 
1849, 2» édit., 1873; F. Keil, Die Bûcher der Kônigt 
in-8», Leipzig, 1865, 2" édit., 1876; W. F. Bâhr, Di 
Bûcher der Kônige, in-8», Bielefeld, 1868; E. Reuss 
Histoire des Israélites, Paris, 1877, p. 137-148; A. Klos 
termann,DiâjBiic/!er Samuelis und der Kônige, in-8' 
Nordlingue, 1887, p. 262-498; J. R. Lumby, The fin 
Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1886, et Th 
second Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1888 
J. Benzinger, Die Bâcher der Kônige erklârt, in-8 1 
Tubingue, 1899; R. Kittel, Die Bâcher der Kônig 
âberselzt und erklârt, in-8», Gœttingue, 1900. 

L. Fillion. 

ROMA (hébreu : Be'umâh, « corail » ; Septante 
'Peufia), femme de second rang de Nachor, frère d'A 
braham. Elle eut pour fils Tabée, Gaham, Tahas e 
Maacha. Gen., xxn, 24. 

ROMAIN (grec : 'P<o|j.aïoç). 1» Le mot « Romains : 
dans l'Écriture désigne la puissance romaine. I Mach. 
vin, 1, etc. ; xn, 16; xiv, 24, 40; xv, 16; II Mach., rv 
11; vin, 10, 36; xi, 34; Joa., xi, 4&; Rom., xxv, 16 
xxviii, 17. (La Vulgate a traduit par « Romains » 
Dan., xi, 30, le mot hébreu Kiftîm (Septante : Kt'ttoi) 
qui doit s'entendre des Gréco-Macédoniens.) — 2»« Ro- 
mains », Act., il, 10, désigne des Juifs qui habitent 1; 
ville de Rome. — 3" Dans îles Actes, xvi, 21, 37, 38 
xxn, 25-29; xxm, 27, « Romain » est dit de celui qui : 
le droit de cité romaine et peut prendre le titre Ai 
citoyen romain. Voir Citoyen romain, t.n, col. 789-791 

ROMAINS (ÉPITRE AUX). - I. Importance. - 
Par la nature du sujet qu'elle traite aussi bien qu« 
par la profondeur et la sublimité de sa doctrine, cette 
Épitre a toujours été considérée comme l'écrit fonda- 
mental où se trouve le mieux résumé ce qu'on peutappe- 



1163 



ROMAINS (ÉPiTRE AUX) 



1164 



1er « l'évangile de saint Paul ». C'est de beaucoup celui 
où sa pensée s'est exprimée avec le plus de suite et de 
régularité. Le ton calme, le mode d'exposition large et 
presque didactique, l'ordonnance des preuves lui don- 
nent l'allure d'un traité de théologie. Pourtant ce n'est 
pas, comme les protestants d'autrefois affectaient de le 
croire, une sorte de catéchisme doctrinal, un manuel 
du christianisme : c'est une lettre. Si l'on n'y trouve pas, 
comme ailleurs, des épanchements affectueux, des con- 
fidences, des reproches, des détails personnels, des 
traces d'apologie, des nouvelles, cela tient à ce que 
saint Paul n'était pas entré, jusque-là, en rapport avec 
l'Église de Rome. Il y connaissait un certain nombre 
de fidèles, ceux qu'il salue à la fin de sa lettre, mais 
ceux-ci n'étaient qu'une' minorité et l'Apôtre ne pouvait 
écrire au reste de la communauté, sur le même ton 
qu'aux fidèles de Corinthe ou de Macédoine. Son mes- 
sage porte beaucoup moins l'empreinte des circons- 
tances locales. Il se rapproche davantage d'une thèse 
dogmatique, c'est une sorte de spécimen doctrinal, 
destiné à édifier les chrétiens de Rome, à consolider 
leur foi, à les préparer à la visite de Paul. Rom., i, 11. 
L'épître, tout en paraissant plus détachée que les au- 
tres des particularités du style épistolaire, en garde 
pourtant les caractères généraux ainsi que le but pra- 
tique. Au point de vue du fond, elle a une ressemblance 
frappante avec l'Épltre aux Galates. Dans l'une comme 
dans l'autre de ces lettres, le thème est presque iden- 
tique : le salut par la foi. Seulement elles diffèrent au- 
tant par le ton ou par le développement des preuves et 
par le point de vue où se place l'auteur. Dans l'Épltre 
aux Galates, l'Apôtre avait montré la relation de l'Évan- 
gile avec l'économie juive. Ici l'horizon s'élargit. Paul, 
embrassant tout le passé de l'humanité, avec ses deux 
grands courants ,juif etpaïen, montre que l'histoire abou- 
tit, dans les desseins de la Providence, au salut ché- 
tien. 11 ne se renferme plus dans une comparaison entre 
l'alliance mosaïque et l'alliance nouvelle, cette période 
de la Loi n'est qu'un épisode dans le développement du 
programme providentiel. L'Apôtre remonte plus haut, 
jusqu'au chef de l'humanité déchue, Adam, qu'il oppose 
au second Adam, chef de l'humanité régénérée. Le 
salut n'est plus simplement, comme dans l'Épître aux 
Galates, la réalisation des promesses faites à Abraham, 
Gai., m, 6-9, 14-16, mais la restauration de l'âme 
créatrice par le Christ, le nouvel Adam, dont la mort a 
expié les fautes de l'humanité. Le rejet d'Israël, à peine 
marqué dans la lettre aux Galates, îv, 30, est traité ici 
ex professo. Rom., ix-xi. Au reste, aucune trace de 
polémique ou d'apologie personnelle dans l'Épltre aux 
Romains. Partout la calme sérénité d'une pensée qui 
se développe en toute liberté avec une ampleur remar- 
quable, en sorte que l'Épltre n'est, comparée à l'autre, 
qu'un canevas, une esquisse delà grande thèse du salut 
par la foi. Ceci explique l'analogie de certains passages 
des deux Épitres, encore que les circonstances où elles 
ont été rédigées soient si différentes ! Le poète anglais 
Coleridge estimait que l'Épître aux Romains était ce 
que l'homme avait écrit de plus profond. « En effet, 
dit Godet, Introd. au Nouv. Test., t. i, p. 482, les deux 
pôles de l'existence terrestre, le péché et le salut y 
sont saisis avec une égale énergie et l'on voit se dessi- 
ner avec une admirable netteté, autour de ces deux 
points fixes, la petite et la grande ellipse du salut indi- 
viduel et du salut humanitaire. Un écrivain a appelé 
l'Épître aux Romains la clef d'or des Écritures ; il eût 
pu dire : la clef d'or de l'histoire. Si, en effet, le salut 
est le centre de l'histoire, lever le voile dont ce salut 
était couvert, c'était jeterlejoursur le fond des choses.» 
Avec les deux lettres aux Corinthiens, cette Épître forme 
une admirable trilogie où l'Apôtre traite du salut, but 
suprême de l'humanité, de l'Église, dépositaire de ce 
salut, enfin du ministère apostofique qui applique à I 



tous, peuples et individus, le salut divin. Mais là où 
elle surpasse toutes les autres Épitres, c'est dans la 
façon « philosophique » de traiter un thème suivi. 
On est presque tenté, en la lisant, de croire qu'ici 
l'Apôtre a voulu donner, aux chrétiens de la Ville éter- 
nelle, un aperçu de cette « sagesse supérieure » qu'il 
tenait en réserve pour les « parfaits ». ICor., n, 6. 
C'est ainsi qu'il projette un jour tout nouveau sur les 
origines de la religion, du paganisme en particulier, i, 
sur l'influence opposée des deux chefs de la voie hu- 
maine, v, sur la loi psychologique qui préside au déve- 
loppement moral de l'individu, vi, sur l'insuffisance de 
la loi par rapport à la justification, vu, sur la glorifica- 
tion de la nature inanimée elle-même, vm, sur la mar- 
che et le but de l'histoire, ix-xi. 

II. Date et lieu de rédaction. — D'un commun ac- 
cord, les critiques placent la composition de cette 
Épître durant les mois d'hiver que saint Paul passa à 
Corinthe, lors de sa troisième visite. C'est donc entre 
57-58 qu'elle fut écrite, en flécembre, janvier ou février. 
On ne peut en retarder la rédaction au delà de mars, car 
ce fut au printemps que l'Apôtre se mit en route vers 
la Judée avec les délégués des Églises qui devaient 
l'accompagner à Jérusalem. Ces conclusions découlent 
des données fournies par les Actes, la seconde Épître 
aux Corinthiens et le contenu même de l'Épître aux 
Romains. En effet, au moment où celle-ci fut écrite, 
l'Apôtre n'avait pas encore visité Rome, Rom., i, 13, 
mais il se proposait d'y venir bientôt. Rom.,xv, 23. Il a 
prêché ,1'Évangile jusqu'aux confins de l'Illyrie et, se 
considérant à la fin de son travail dans les pays 
d'Orient, il est sur le point de transporter son minis- 
tère en Occident. Rom., vi, 19, 23; II Cor., x, 16. Une 
autre circonstance précise encore plus clairement ces 
détails. D'après Rom., xv, 25, Paul se dispose à partir 
pour Jérusalem avec le produit de la collecte qui vient 
d'être achevée dans les Églises de Macédoine et d'Achaie. 
Ceci nous reporte, sans doute possible, aux dernières 
semaines du troisième séjour de Paul à Corinthe. 
I Cor., xvi, 1-4; II Cor., vm-ix; Act., xx, 2, 3. La lettre 
aux fidèles de la capitale a donc été écrite dans le cours 
des trois mois d'hiver- (57-58) que l'Apôtre passa à Co- 
rinthe et en Achai'e, à la fin de son troisième voyage de 
mission. Act., xx, 2, 3. Elle fut portée à Rome par 
Phœbé, diaconesse de Cenchrées, un des ports de 
Corinthe, Rom., xvr, 1. Gaius, l'hôte de Paul en ce mo- 
ment, Rom., xvi, 23, est, suivant toute probabilité, le- 
même qu'il avait baptisé lors de son premier séjour à 
Corinthe. I Cor., î, 14. Enfin la mention de Timothée et 
de Sopater ou Sosipater dans les salutations finales, 
Rom., xvi, 21, correspond aux indications des Actes, 
xx, 4, qui signalent la présence de ces deux frères 
parmi les délégués des Eglises, au moment du départ 
de saint Paul pour Jérusalem. Il se peut aussi que le 
Jason qui, en compagnie de Lucius et des deux frères 
nommés ci-dessus, envoie ses saluts aux chrétiens de- 
Rome, soit le Jason de Thessalonique dont l'Apôtre 
avait reçu l'hospitalité à son arrivée en Macédoine, 
Rom., xvi, 21; Act., xvn, 6, et qui, vraisemblablement, 
faisait partie de la troupe qui devait accompagner Paul 
en Palestine. Tous ces renseignements, on le voit, 
s'accordent, d'une façon très précise, à établir les 
conclusions énoncées plus haut et à leur donner une 
entière certitude, alors que pour plusieurs autres Épi- 
tres, on se trouve réduit à des conjectures. 

III. Destinataires de l'Épître. — Si l'Épître aux 
Romains n'est pas, comme on l'a démontré, une simple 
dissertation, mais une lettre véritable, ayant, comme 
ses devancières, un but particulier déterminé par des 
circonstances spéciales, il importe de connaître la com- 
munauté à laquelle elle a été adressée, les éléments, 
juifs ou gentils, dont elle se composait et les tendances 
religieuses qui y prédominaient. 



1165 



ROMAINS (EPÎTRE AUX) 



1166 



Les commencements de l'Église de Rome sont obs- 
curs. Les premiersprédicateurs de la foi dans cette ville 
furent sans doute des Juifs convertis, comme Àquila et 
Priscille et plusieurs autres que nomme saint Paul. 
Rom., xvi, 3-15. Sur la date de l'arrivée de saint 
Pierre à Rome, voir Pierre, col. 373. D'après l'opinion 
traditionnelle la plus répandue, le prince des apôtres 
était allé à Rome, avant l'envoi de l'ÉpUre de saint 
Paul aux Romains, mais il ne devait pas se trouver dans 
la capitale de l'Empire quand elle leur fut adressée, 
puisqu'il n'y est point nommé. La plupart des premiers 
chrétiens de Rome devaient être Juifs d'origine, la mi- 
norité se composant de Gentils devenus croyants, mais 
leur nombre augmentait de plus en plus; il devint 
prédominant et ce fut la raison pour laquelle saintPaul 
leur écrivit. L'Épître aux Romains suppose donc un élé- 
ment juif, et c'est pourquoi dans les chapitres ix-xi, 
saint Paul explique les causes providentielles de l'in- 
crédulité de ses anciens coreligionnaires, que, iv, 11, 
il appelle Abraham notre ancêtre selon la chair, que, 
vil, 1-6, il dit à ses lecteurs qu'ils sont morts à la Loi 
(•jfjLEïî), qu'il leur parle comme à des gens connais- 
sant la Loi, et qu'il emploie des arguments tirés de 
l'Ancien Testament, propres à impressionner des es- 
prits habitués à la lecture de la "Loi et des prophètes. 
Mais dès le début, la lettre suppose une communauté 
où l'élément ethnic.o-chrétien occupe une large place. 
L'adresse, qui dans la circonstance est la partie de la 
lettre où doit le mieux se révéler le genre de lecteurs 
auxquels elle s'adresse, parle expressément de Gentils, 
Rom., i, 5-6, 13-14; cf. xv, 14-16. A Rome, comme à 
Antioche, à Éphèse, ou à Corinthe, la communauté 
chrétienne avait commencé par les Juifs gagnés à 
l'Évangile par les émigrants dont il a été question. A 
ce premier groupe de convertis s'adjoignirent, plus 
tard, un nombre considérable de néophytes d'origine 
païenne. Ce dernier groupe s'accrut dans de telles 
proportions qu'il forma, à la longue, la majorité de la 
nouvelle église. L'Église de Rome était donc mixte mais 
avec un élément non juif prépondérant, si bien que vers 
la iin du I er siècle elle était principalement composée de 
nationaux romains, d'anciens païens; comme l'atteste la 
lettre de saint Clément. D'après le récit des Actes, 
Jtxvm, 22, la propagande chrétienne ne semble pas avoir 
jusque-là fait beaucoup de conquête dans les synago- 
gues de Rome. 

IV. Occasion et but de l'Épître. — Ceux qui font 
de la première communauté romaine une église com- 
posée surtout de judéo-chrétiens, lui attribuent des 
tendances judaïsantes. L'Épître de Paul aurait alors eu 
pour but de les combattre. Mais outre que rien, dans cet 
écrit, ne sente la polémique, il est facile àdémontrerque 
lamajoritédes fidèlesdeRome n'avait pas uneConception 
religieuse différente de celle de Paul lui-même. Ainsi 
dès le début, Rom.,i, 8, l'Apôtre approuve et loue la foi 
des Romains, déjà connue dans le monde entier; v, 11, 
il leur dit que s'il désire les voir, c'est dans l'intention 
de les affermir. Même idée à la fin de l'Épître, xvi, 
25 : « et celui qui peut vous affermir selon mon évan- 
gile et la prédication de Jésus-Christ. » Dans le chapitre 
précédent, xv, 14-15, Paul déclare qu'il n'a rien *oùlu 
leur enseigner de nouveau mais seulement leur rappeler 
ce qu'ils savent déjà, attendu qu'ils sont remplis de 
toute science et qu'ils peuvent se corriger mutuelle- 
ment. Enfin, vi, 17, l'Apôtre remercie Dieu de ce que ses 
lecteurs ont adhéré de cœur à la forme de doctrine 
(tuttov StSxxik) 1 u i ' eur a été enseignée, et qui, d'après 
le contexte, n'est autre que l'évangile de Paul lui- 
même. 

L'Apôtre exprime lui-même, à deux reprises, Rom., i, 
10-15, et xv, 22-33, la circonstance qui l'a décidé à 
écrire celte Épitre. Depuis longtemps ses regards 
étaient tournés vers Rome. Il pressentait que l'avenir 



de la foi nouvelle était là. Une voix intérieure l'y 
poussait d'une façon impérieuse, irrésistible. Cf. Act., 
xxili, 11. Le désir devenait plus intense à mesure qu'il 
considérait son œuvre comme achevée en Orient. 
Rome lui apparaissait comme le centre providentiel de 
nouvelles missions à travers les pays d'Occident. La 
capitale de l'univers devait, dans son idée, être le 
pont d'appui de cette excursion apostolique, comme 
l'avait été Antioche dans la première partie de sa carrière. 
« Il faut que je voie Rome, » disait-il sans cesse. Act., 
xix, 21; Rom., î, 11-17; xv, 23. Jusqu'ici il n'avait pu 
songer à réaliser son plan : les menées de judaïsants, 
en Galatie, à Corinthe même, exigeaient sa présence 
en Orient. Mais tout ayant été remis en ordre à Corinthe 
dans les mois d'hiver de son dernier séjour, il fut 
repris par le désir de voir Rome et par delà Rome, 
l'Espagne, située, suivant l'opinion du temps, aux con- 
fins de la terre. Une diaconesse de Cenchrées, port de 
Corinthe, se disposait alors à franchir la mer pour se 
rendre en Italie. L'Apôtre saisit cette occasion pour 
écrire cette lettre qui devait préparer sa venue dans la 
Ville Éternelle, où il ne devait arriver que deux ans plus 
tard, avec des chaînes de prisonnier. 

On ferait un livre des opinions et des controverses 
présentées par cette question : « Quel but s'est proposé 
saint Paul dans l'Épître aux Romains? » Dès les temps 
anciens, deux opinions se font jour. Les Pères grecs 
(Origène, saint Jean Chrysostome, Théodoret, plus 
tard, saint Jean Damascène, Œcuménius, Théophy- 
lacte) lui prêtent en général, une intention dogma- 
tique : « Conduire les hommes au Christ. » Dans 
l'Église latine, le canon de Muratori partage la même 
opinion : saint Paul a voulu inculquer à ses lecteurs 
cette vérité que « le Christ est le principe des Écri- 
tures. » Le commentaire d'Hilaire, V Ambrosiaster , 
indique à l'Épître un autre but. D'après lui, les chré- 
tiens de Rome « s'étaient laissé imposer les rites mo- 
saïques, comme si le salut complet ne se trouvait pas 
dans le Christ; c'est pourquoi saint Paul voulut leur 
enseigner le mystère de la croix du Christ, qui ne 
leur avait pas encore été exposé. » Pour saint Augustin, 
l'Apôtre a voulu opérer une œuvre de réconciliation 
entre les deux fractions, juive et païenne, de la com- 
munauté. Les c. xiv et xv, 13, contiendraient alors le 
vrai but de la lettre. Au moyen âge, on retrouve le 
même point de vue chez Raban-Maur et Abélard. 
Saint Thomas, dans ses remarquables commentaires sur 
les Épîtres de saint Paul, admet aussi le but purement 
dogmatique de l'Épître aux Romains. Érasme, le pre- 
mier, soupçonne que Paul, en composant cet écrit, 
a voulu prémunir la jeune Église romaine, contre le 
péril judaïsant. Le passage, xvi, 17, 20, refléterait ainsi 
la pensée directrice de l'Épître tout entière. Dans 
l'idée des Pères de la Réforme, l'Apôtre a voulu donner 
à l'Église de Rome un exposé Complet de l'Évangile, 
tel que l'enseignait Paul. Aussi, dans les premiers 
temps, les Réformateurs employaient-ils l'Épitre aux 
Romains comme le critérium presque exclusif de 
.toute vraie foi. Ils avaient repris, en l'exagérant, l'opi- 
nion des Pères grecs. Dans l'Épître aux Romains, dit 
Mélanchton, l'Apôtre ne philosophe ni sur les mystères 
de la Trinité, ni sur le mode de l'Incarnation, ni sur 
la création active et passive; mais.il donne le som- 
maire de la doctrine chrétienne (doctrinse christianse 
compendium); et n'est-ce pas en effet de la loi, du 
péché et de la grâce que résulte la connaissance du 
Christ? Au commencement du xix» siècle, l'exégète 
catholique Hug reprit l'idée de saint Augustin, c'est-à- 
dire prêta à l'Apôtre l'intention d'opérer un rappro- 
chement entre les deux parties de l'Église, tandis 
qu'Eichhorn revint à l'hypothèse d'une polémique anti- 
judaïque. Une lutte se serait produite dans la commu- 
nauté romaine à la suite de l'arrivée des amis et des 



1167 



ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) 



1168 



disciples de Paul, qui exposaient un autre évangile que 
celui entendu jusqu'à ce jour, par les néophytes d'ori- 
gine juive. Saint Paul avait pris la plume pour soute- 
nir les siens. Quelques aimées apTès, ThoYuck pré- 
senta l'Épître aux Romains comme un écrit destiné à 
prouver la valeur de la doctrine chrétienne, en. tant 
que seule capable de répondre aux besoins du cœur 
humain, besoins que n'avaient pu satisfaire ni le paga- 
nisme, ni le judaïsme. Sauf quelques variantes, le même 
point de vue a été développé par Reiche, Glôckler, 
Kolner, de Welte, qui précisent ainsi le but de l'Épitre: 
proclamer l'Évangile, comme la religion universelle 
dans la capitale du inonde. Olshausen part de cette 
même idée pour commenter toute l'Épître; Meyer,à son 
tour, pense, avec Fritzche et Baumgarten-Crusius, que 
l'Apôtre a voulu suppléer, par la plume, à l'impossi- 
bilité actuelle où il se trouvait de leur annoncer de 
bouche son Évangile. On arrive ainsi à 1836. A ce 
moment, Baur, dans Ueber Zweck und Veranlassu/ng 
des Rômerbrief, paru dans Tùbingen Zeitschrift, 1836, 
complété plus tard par Ueber .Zweck und Gedanken- 
gang des Rômerbrief., dans Theol. Jahrbùcher, 1849, 
reprit sur une nouvelle base l'étude de la question. 
11 crut découvrir, dans les c. ix-xi, jusque-là regar- 
dés comme une sorte de digression, la pensée domi- 
nante de l'Épître tout entière. Là saint Paul semblait 
aller au-devant d'un reproche ou plutôt d'une inquié- 
tude qu'aurait fait naître, dans la majorité judéo-chré- 
tienne de la communauté romaine, sa large tolérance 
à l'égard des gentils qu'il admettait dans l'Église avant 
que le peuple élu y fut lui-même entré, lui à qui le 
salut messianique avait été promis tout d'abord. Tel est 
le préjugé auquel l'Apôtre veut répondre avant de com- 
mencer son nouveau ministère en Occident. Dans une 
belle page de philosophie de l'histoire, il esquisse, à 
grands traits, les desseins de Dieu pour la réalisation 
du salut dans l'humanité ; le rejet actuel des Juifs n'est 
que momentané; c'est un moyen voulu de Dieu pour 
opérer plus facilemementla conversion du monde païen 
qui, une fois accomplie, ouvrira les voies à la réhabi- 
litation finale d'Israël. Le reste de l'Épître est subor- 
donné à cette idée principale. Les huit chapitres qui 
précèdent ix-xi, c'est-à-dire, la théorie de la justifica- 
tion par la foi, servent de support à cette histoire du 
salut. Cette manière nouvelle d'envisager l'Épitre aux 
Romains avait l'avantage de relier cet écrit important 
à l'ensemble de l'œuvre apostolique de son auteur, en 
lui assignant un rôle historique nettement caractérisé; 
aussi devient-elle prédominante parmi les critiques, 
surtout dans l'école de Tubingue. — Reuss, pourtant, 
ne s'y rallia qu'en partie. Comme Baur, il attribue à la 
majorité de la communauté romaine une origine et une 
tendance judéo-chrétienne, mais il refuse de considé- 
rer les c. ix-xi comme la partie essentielle de l'Epître. 
Le vrai but de saint Paul a été; en exposant son évan- 
gile universaliste, d'établir un lien spirituel entre cette 
Église et lui, afin qu'en arrivant à Rome il trouve un 
point d'appui pour ses missions d'Occident. — Ewald 
écrit, à son tour, une hypothèse qui est restée sans 
partisans. D'après lui, l'Apôtre prévoyant, dix ans à 
l'avance, les soulèvements de l'an 68-70, auraitécritaux 
fidèles de Rome pour rompre le lien trop étroit qui 
existait là entré l'Église et la Synagogue. Le c. xn, 1-8, 
donnerait ainsi la clef de toute lalettre. Le reste ne serait 
qu'accessoire. — Bleek a repris les explications iréni- 
ques, c'est-à-dire l'idée d'un but de pacification entre 
les deux partis dont se composait alors l'Église de 
Rome. Mangold essaya à deux reprises, de fortifier, en 
le modifiant, le point- de vue de Baur, Der Rômerbr. 
und die Anfânge der rôm. Gemeinde, 1866; puis Der 
RSmerbr. und seine geschichtlichen Voraussetzungen, 
1884. — Ritschl et Sabatier arrivèrent, de leur côté, 
aux mêmes conclusions, si bien qu'en 1876, J. H. Holtz- 



mann déclarait que l'idée de Baur avait complètement 
triomphé parmi les savants. Mais en 1876 une réaction 
se produisit à la suite de l'apparition du travail de 
Weiisàckev, Ueber die atteste rôm. Gemeinde, dans 
les Jahrb. f. deutsch. Theol., 1876, où l'on admettait, 
dans la communauté romaine, une majorité ethnico- 
chrétienne, ce qui ruinait par la base toutes les suppo- 
sitions de Baur. Bon nombre de critiques, Harnack et 
Grafe, entre autres, adoptèrent ces vues nouvelles. 
Reuss lui-même, dans son dernier ouvrage, La Bible 
commentée, les Épitres pauliniennes, modifia complè- 
tement ses premières conclusions et ne vit plus, dans 
Ttpltre aux Romains, qu'un écrit exempt de toute 
polémique, moins destiné à l'Église de Rome qu'à 
l'Église tout entière. Si l'Apôtre l'a adressée à cette 
Église particulière, c'est moins pour répondre à un 
besoin spécial de cette Église que pour faire de celle-ci 
le foyer de lumière de l'Occident. Depuis plusieurs 
aimées déjà, Renan, Saint Paul, p. 460, avait exprimé 
une idée analogue : « Paul profita d'un petit intervalle de 
repos pour écrire sous forme d'épître une sorte de ré- 
sumé de sa doctrine théologique. Il l'adressa à l'Église 
de Rome, composée d'Ébionites et de judéo-chrétiens et 
aussi de prosélytes et de païens convertis, et comme un 
tel exposé intéressait foute la chrétienté, il l'envoya en 
même temps à la plupart des Eglises qu'il avait fondées. » 
Oltramare, dans son Commentaire sur l'Épître aux 
Romains, p. 43,77-78, dit que saint Paul n'a pas voulu 
tomber chez les Romains comme à l'improviste et sans 
s'être annoncé. «Voulant prendre l'Église de Rome pour 
son point d'appui dans l'évangélisation de l'Occident, 
il a pensé que le meilleur moyen de se procurer un 
bon accueil auprès d'elle était de lui adresser ce grand 
manifeste évangélique, qui pourrait servir en même 
temps, auprès de plusieurs, de prédication d'appel. » 
Weiss, dans la 6 e édition du commentaire de Meyer, 
n'est pas éloigné d'accepter cette explication. En 1891, 
Lipsius, Handcommentar zum N. T., persiste à croire, 
avec Schùrer, que l'impression totale qui se dégage de 
l'Épître aux Romains, ne permet pas de douter qu'elle 
ne soit adressée à des judéo-chrétiens. Seulement c'est 
un judéo-christianisme déjà à moitié hellénisé, bien 
éloigné de Pétroitesse du parti judaïsant. L'intention 
de saint Paul aurait été de corriger cette teinte légère 
de judaïsme en exposant, d'une façon magistrale, la 
conception chrétienne. Après une étude approfondie 
de la question, suivie d'une critique détaillée des di- 
verses opinions émises dans toutes les écoles, Godet 
résume ainsi ses conclusions : « Assurément, je ne le 
conteste point, l'Apôtre a voulu par cette lettre prépa- 
rer son arrivée à Rome; par elle il a travaillé à munir 
puissamment cette Église contre l'oppression prévue du 
judéo-christianisme; par elle aussi il a pu contribuer 
à l'union des éléments opposés qui se trouvaient dans 
l'Église et en particulier renverser les préjugées judaï- 
ques d'une partie de ses membres et les pensées d'or- 
gueil qui germaient dans l'esprit du parti opposé. Tout 
cela, ce sont bien des effets voulus de la lettre. Mais la 
vraie circonstance qui y a donné lieu, a été le manque 
d'un enseignement solide posé à la base de l'édifice, et 
le vrai but que Paul s'est proposé, a été, comme il l'a 
indiqué lui-même, celui d'affermir cet édifice impor- 
tant, que pouvait faire écrouler la première secousse. » 
Introd. au Nouv. Test., 1893, p. 464. Cette dernière opi- 
nion paraît être celle qui concilie le mieux les deux 
aspects particuliers sous lesquels se présente l'Épître 
aux Romains : le point de vue historique et le point 
de vue dogmatique. C'est en exagérant tour à tour l'un 
au préjudice de l'autre que l'on est arrivé aux hypo- 
thèses diverses exposées plus haut. L'Épitre aux Ro- 
mains est, au fond, d'une nature spéciale qui n'est ni 
un traité didactique ex professo ni une simple lettre au 
sens ordinaire du mot, mais qui participe à la fois, 



1169 



ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) 



1170 



dans une certaine mesure, au caractère propre de ces 
deux sortes de compositions. 

"V. Authenticité et canonicité. — Avec la première 
Épître aux Corinthiens, cette lettre est, dans toute la 
correspondance de saint Paul, celle qui possède la plus 
riche tradition littéraire. On en trouve des citations 
non seulement dans les Pères apostoliques, mais dans 
le Nouveau Testament lui-même. Tout d'abord dans la 
I Pétri : ceci résulte de la comparaison des passages 
suivants : Rom., ix, 25, et I Pet., n, 10; ix, 32, et n, 6-8; 
xn, 1, et h, 5; xn, 2, et i, 14; xn, 3, et rv, 7-11; xn, 9, et 
/ i, 22; xu, 16, et m,8-9; xm, 1, et n, 13-17. De plus, I Pet., 
' n, 6, une citation de l'Ancien Testament, tirée des 
Septante, avec les mêmes variantes que Rom., ix, 32, 
des images semblables pour désigner le sacrifice, 
Rom., xu, et I Pet., n, 5, certaines expressions carac- 
téristiques, telles que avay/^ax'Xta^ai, âvuitôxptTo; et 
des idées présentées dans le même ordre. Rom., xm, 
1-7, et I Pet., il, 13-17. On note aussi une certaine res- 
semblance avec deux passages de l'Épître aux Hébreux, 
en particulier un passage du Deutéronome que les 
deux lettres rapportent en s'écartant de la même façon 
delà version des Septante. Rom., iv, 17-21, et Heb., xi, 
11,12,19; xn, 19-x, 3. On pense aussi trouver une cer- 
taine analogie et peut-être une dépendance entre les 
deux derniers versets de l'Épître de saint Jude, 24-25, et 
le doxologie finale de l'Épître aux Romains, xvi, 25, 27. 
Dès le seuil de l'âge apostolique, les emprunts à notre 
Épître sont nombreux et indiscutables, d'abord chez 
saint Clément de Rome, Rom., i, 21, et Clem., xxxvi, 51; 
n, 24, et 47; iv, 7,8, 9-50; vi, 1-33; i, 29, et 35; x, 4-32 ; 
xm, 1, 2, et 61; dans les lettres de saint Ignace; Rom., 
i, 3, et Smyr., i; n, 24, et Trall., 8; ni, 27 ; Ephes., 
18; vi, 4; Ephes., 19; vi, 5; vin, 17, 29, et Mag., 5, 
Trall. ,Q;\i,\l, et Mag., 6; vu, 6, et Mag. 9; vin, 11, et 
Trall., 9; ix, 23, et£p/*., 9; xiv,17, et Trall., 2; xv,5, et 
Eph., 1, des points de ressemblance avec la lettre de 
Polycarpe, Rom., vi,13, etPol., 4; xm, 12, et Pol.,4;xn, 
10, etPol., l;xm, 8, et Pol., 3; xiv, 10, et Pol., 6; des 
réminiscences dans Aristide et dans saint Justin. Même 
des hérétiques appartenant aux sectes de Valentin et 
de Basilide s'en servaient comme base d'argumentation. 
L'auteur des Douze patriarches paraît lui-même l'avoir 
utilisée. Rom., i,4, et l'est. Lev. AS; H, 13, et Test. Aser, 
4; v, 6, et Test. Ben}., 3; VI, et Test. Lev., 4; vi, 7, et 
Test. Sinu, 6; vu, 8, et Test. Neph., 8; vm, 28, et Test. 
Benj., 4; ix, 21, et Test. JVep/i.,2;xii, i, et Test. Lev. ,3; 
xn, 21, etTest.Benj., 4; xm, 12, et Test. Neph.,H; xv, 
33, et Test. Dan., 5;xvi,20, et Test. Aser., 7. Jusqu'ici, 
pourtant, aucune citation formelle. Marcion l'avait in- 
sérée, mais en la mutilant, dans son Apostolicon, après 
la seconde Épître aux Corinthiens. A partir de saint 
Irénée, tous les auteurs ecclésiastiques la citent comme 
desaintPaul et la regardent comme la base de la théologie 
chrétienne. Ainsi, en résumé, l'Épître aux Romains est 
connue et employée à Rome et même ailleurs : dans le 
premier quart du II e siècle, elle fait partie de la collec- 
tion des Épîtres pauliniennes dont on se sert déjà à 
Antioche, à Rome, à Smyrne, peut-être même à Co- 
rinthe; au milieu du ip siècle, elle entre dans V Apo- 
stolicon de Marcion, et vers la fin du même siècle^ elle 
est partout reçue comme canonique. A ces témoigna- 
ges externes se joignent des critères d'évidence interne 
si frappants que la critique radicale de Tubingue n'a 
pu les contester. L'Épître aux Romains est une des 
quatre lettres de saint Paul que la presque unanimité 
des critiques déclare inattaquable. Les opposants, depuis 
Évanson (1792), sont très peu nombreux. Les tentatives 
de Bruno Bauer, en 1852, contre l'authenticité de cette 
Épitre, sont restées sans résultat. Elles n'ont guère 
trouvé de crédit qu'auprès de certains théologiens de 
Suisse et de Hollande. Loman, professeur à Amsterdam, 
s'appuie sur le silence des Actes, de prétendues incohé- 



rences dans le contenu de l'Épître, dans la variété des 
opinions sur l'origine de l'Église romaine, pour rejeter 
notre Épître. Quxstiones Paulionœ, dans Theologisch 
Tijdschrift, 1882, 1883, 1886. En 1888, Steck, profes- 
seur à Berne, fait de l'Épître aux Romains le premier 
manifeste d'un petit cénacle de philosophes chrétiens 
grecs établi à Rome au commencement du il" siècle. 
Der Galaterbrief nach seiner Echtheit uniersucht, 
Berlin, 1888. — A côté de ces négations radicales ont 
pris place diverses hypothèses, ^émergèrent diverses 
recensions, même de nombreuses interpolations dans 
l'Épître aux Romains. Weisse, Beitrâge zar Kritik der 
Paulinischen Briefe an die Gàlaten,Rômen, PMUppen 
und Colossen, Leipzig, 1837; Naber, Verisimilia, Lace- 
ram conditioner)! N. T. èxhibentia, Amsterdam, 1886; 
Michelsen, dans Theologisch Tijdschrift, 1886; Vôlter, 
dans Theologisch Tijdschrift, 1889, p. 265; von Manen, 
De Brief aan de Romeinen, Leyde, 1891. L'ardeur de 
ces attaques n'a pas dépossédé notre Épître des mar- 
ques d'indubitable authenticité qu'on n'a cessé de lui 
reconnaître dès l'origine. 

VI. Intégrité. — Le texte grec de l'Épître aux Ro- 
mains se trouve en entier dans les manuscrits suivants: 
A, B, L, S. Dans les autres codex, il y a des variantes 
ou des omissions. Les principales versions de l'Épître 
aux Romains sont les versions latines. Voir Sanday et 
Headlam, A critïcal and exegetical commentary on 
the Epistle to the Romans, p. lxiii-lxxiv. 

Les objections contre l'intégrité sont peu importantes. 
— 1° Les mots h 'Pu>|j.ri, i, 7 et 15,. manquent dans le 
texte grec et latin du manuscrit G; omission renforcée 
par une note marginale du manuscrit xlvii, au y. 7, tô 
èv 'Pcô(i.r| o'2t£ êvTij êÇriyr,(ret oû'ts év tû fltw (ivrijiovEÛet. 
Plusieurs en concluent, comme pour l'Épître aux 
Éphésiens, que l'original était une lettre encyclique 
qui devait circuler à travers les principales commu- 
nautés : Rome, Éphèse, Thessalonique; chacun des 
exemplaires destinés à ces églises laissait en blanc dans 
l'adresse, le nom de l'Église qui devait la recevoir. 
D'autres n'y voient qu'une fantaisie de scribe. La leçon 
Romse a pour elle la presque totalité des manuscrits. 

2° Une autre variante concerne le plan de la doxologie 
finale, xvi, 25-27, dans plusieurs manuscrits. — '1. Les 
codex ),,'B, C, D, E, Origéne latin, la Vulgate, la Peschitto, 
la version hébraïque, la version éthiopienne, l'Ambro- 
siaster, Pelage la placent à la fin du ch. xvi. — 2, Le 
codex L, 200 manuscrits byzantins, les lectionnaires, la 
version syriaque de Thomas d'Héraclée, saint Chrysos- 
tome, Théodoret, saint Jean Damascène, la mettent à 
la fin du ch. xiv. — 3. Les onciaux A et P et les cur- 
sifs 5, 17, l'ont tant à la fin du ch. xiv, qu'à la fin du 
ch. xvi. — 4. Les codex F et G, à la suite de Marcion, 
l'omettent totalement, laissant en blanc la flnduch.xiv. 
Quelques-uns supposent, pour expliquer ces omissions, 
que dès une époque très ancienne, toute la portion du 
texte depuis xiv, 23, à xvi, 24, aurait été retranchée dans 
un certain nombre de documents. Rinck a même émis 
l'idée que des exemplaires mutilés par les Marcionites 
avaient été employés plus tard dans l'Eglise, sans qu'on 
ait pris le soin d'y replacer les ch. xv et xvi. Godet 
propose quelque chose de plus matériel. « On sait, dit- 
il, qu'un grand nombre de leçons propr.es au texte by- 
zantin proviennent de modifications exigées par les be- 
soins de ,1a lecture publique ; ainsi, par exemple, la 
substitution si fréquente du nom propre au pronom, au 
commencement des morceaux destinés aux lectures ré- 
gulières. Or ce sont précisément les autorités byzan- 
tines, minuscules, lectionnaires cod. LI, qui présentent 
la ligne dont nous nous occupons; Pourquoi? Parce 
que la lecture publique avait uniquement en vue 
l'édification et que les ch. xv et xvi, ne contenant guère 
que des détails historiques, d'un intérêt local ^et tem- 
poraire, n'avaient que peu de prix à ce point de vue. Il 



1171 



ROMAINS (ÉPiTRE AUX) 



1172 



était donc assez naturel de les omettre dans ces lec- 
tures. Nous avons un exemple frappant de cette ma- 
nière de faire dans l'extrait syriaque des lettres d'Ignace 
publiées par Cureton. On avait cru un moment que 
c'était la vraie teneur du texte primitif. Zahn a mis 
hors de doute, me paraît-il, que c'étaient là des extraits 
faits à l'usage d'un couvent syrien, et dans lesquels on 
avait omis tout ce qui n'allait pas à l'édification, c'est- 
à-dire tous les détails historiques et personnels qui 
nous intéressent aujourd'hui à notre point de vue cri- 
tique. C'est la même raison sans doute qui, à une 
époque ancienne, a occasionné dans la lecture publique 
l'omission de nos ch. xv et xvi et, par suite, dans les 
documents byzantins, la translation de la doxologie à 
la fin du c. xiv où s'arrêtait cette lecture. On comprend 
par là que l'influence de ce fait se soit surtout fait sen- 
tir sur les lectionnaires ou recueils de péricopes et sur 
des explications horoiléliques, comme celles de Chrysos- 
tome. On a objecté qu'au V e siècle, Euthalius, à Alexan- 
drie, faisait rentrer notre c. xv dans le cycle des péri- 
copes destinées à la lecture publique. Mais l'omission 
des ch. xv et XVI pouvait fort bien remonter à une 
époque antérieure à Euthalius; il y remédia pour le 
ch. xv. Mais l'omission, maintenue par lui, du ch. xvi 
confirme notre explication. » Op. cit., p. 474-475. 

VII. Analyse du contenu. — La lettre se divise 
d'une façon régulière, en trois parties principales : 

/. LE prologue (i, 1-16) contient l'adresse et l'action 
de grâces. L'adresse, f. 1-7, revêt une certaine solen- 
nité. Écrivant à une Église qu'il n'a ni fondée ni visitée, 
saint Paul éprouve le besoin d'expliquer à quel titre il 
ose lui écrire : c'est en qualité d'Apôtre des Gentils. 
Les Romains se trouvent, de ce fait, dans le ressort 
de sa mission. Il n'outrepasse donc point ses droits en 
leur adressant son message évangélique. Dans l'action 
de grâces,^. 8-16, l'Apôtre exprime successivement la 
joie de voir l'Église de Rome si prospère et si renom- 
mée dans le monde entier pour sa foi si admirable, 
le vif désir qu'il a depuis longtemps de visiter une 
communauté si florissante pour la faire bénéficier de 
la grâce de son apostolat, en complétantçhez les fidèles 
leurs connaissances évangéliques. 

■//. le corps de la lettre (i, 17-xv, 13). — On y trouve 
deux parties distinctes : l'une dogmatique et doctrinale; 
l'autre morale. 

1° Partie dogmatique (i, 17-xi). — La thèse peut se 
résumer dans ces mots : Le salut par la foi à l'Évan- 
gile, réalisation de la prophétie d'Habacuc : « Le juste 
vit de la foi », 1,16-17. — .4) Pour le prouver, l'auteur 
montre d'abord l'impuissance de la nature, par la des- 
cription des désordres du monde païen, i, 18-32. Les 
gentils ont connu Dieu et la loi naturelle, mais ils ont 
agi comme s'ils n'en avaient pas eu la moindre notion. 
Tout en se disant sages, ils ont agi en fous et transféré 
la gloire du Dieu incorruptible à des images représen- 
tant des hommes mortels, des oiseaux, des quadru- 
pèdes, des reptiles : c'est l'histoire de l'idolâtrie. Cette 
perversion de l'idée et du culte du vrai Dieu a eu pour 
conséquence les pires désordres moraux. « Dieu les a 
livrés aux désirs de leurs cœurs, si, 26, c'est-à-dire à 
leurs passions, à l'esprit d'erreur et de mensonge, au 
sens réprouvé; après l'obscurcissement de l'esprit, 
l'oblitération du sens moral. L'apôtre expose ensuite 
sans ménagement les désordres du monde païen, d'où 
il est facile de conclure que Ja nature, laissée à elle- 
même, ne conduit pas à la justification. 

B) La loi n'y conduit pas davantage, n-iu, 8. Après le 
réquisitoire contre le paganisme, l'acte d'accusation des 
fils d'Abraham. Eux aussi ont provoqué, par la préva- 
rication, la colère de Dieu. La tâche était délicate. Saint 
Paul l'aborde avec précaution, eu donnant aux faits 
l'appui de l'Écriture. Le témoignage des faits est écra- 
sant : il remplit tout le ch. n. « Toi donc, qui que tu 



sois, qui condamnes les autres, tu es inexcusable. En 
condamnant les autres tu te condamnes toi-même, 
puisque tu fais précisément ce que tu condamnes. » 
n, 1, et plus expressément encore. « Toi qui instruis 
les autres, tu ne t'instruis pas toi-même; tu défends le 
larcin et tu le pratiques; tu condamnes l'adultère et tu 
le commets; tu hais les idoles et tu es sacrilège; tu te 
glorifies de la Loi et tu déshonores Dieu en violant la 
loi, » n, 23-24. Ceci n'est pas une exception ou le fait 
de quelques-uns. L'Écriture elle-même le reconnaît 
quand elle dit : <x Il n'y a point de juste, pas un, nul 
homme intelligent, aucun qui cherche Dieu. Tous sont 
sortis de la voie, tous sont pervertis; il n'y en a pas 
un qui fasse le bien, pas un seul. » n, 10-12. La con- 
clusion générale, c'est que juifs et païens, pris en 
masse, sont sous la condamnation divine. Les deux 
économies, nature et loi, ont fait faillite et n'ont pu 
donner la justification. 

C) L'Apôtre arrive ainsi à l'économie nouvelle, pra- 
tiquée par la Loi, annoncée par les prophètes : l'éco- 
nomie évangélique dans laquelle la justification s'opère 
par la foi en Jésus-Christ, Rédempteur de l'humanité, 
ni, 21. Il décrit les deux caractères essentiels de ce 
nouveau mode de justification : — 1. son universalilé 
(in omnes), conséquence directe du monothéisme. 
Puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, ce Dieu est nécessai- 
rement le Dieu des gentils aussi bien que le Dieu des 
Juifs. — 2. sa gratuité. Ni les uns ni les autres n'ont 
mérité cette grâce. « Tous ont péché et se sentent pri- 
vés de la gloire de Dieu, justifiés qu'ils sont gratuite- 
ment par sa grâce, m, 23-24. La cause de cette justifi- 
cation n'est pas l'observation de la Loi, mais la mort 
rédemptrice du Sauveur Jésus, Dieu l'ayant constitué 
instrument de propitiation par la foi, dans son sang, 
f. 25. Quant au but final de cette économie nouvelle, 
c'est toujours la gloire de Dieu « pour faire éclater sa 
justice obscurcie par la tolérance des péchés qu'il a 
supportés avec patience, pour faire éclater sa justice à 
l'heure actuelle, afin d'être reconnu juste lui-même et 
auteur de la justification pour quiconque relève de la 
foi en Jésus, » m, 26. De ces considérations l'Apôtre 
déduit deux conséquences préliminaires : une leçon 
d'humanité, y. 27-28, une leçon d'égalité : Juifs et païens 
sont justifiés l'un et l'autre de la même manière, 

D) Pour mieux pénétrer la nature intense de ce nou- 
veau mode de justification, saint Paul J'envisage sous 
divers aspects. — 1° Dans ses rapports avec l'Ancien 
Testament, îv, 1-25. Il la compare avec la justification- 
type d'Abraham, IV, 1-25. Toutes deux conviennent 
dans leurs traits essentiels, c'est-à-dire qu'elles s'opè- 
rent l'une l'autre par la foi dans la Loi, f. 1-8. Ainsi 
tout ce qu'a obtenu Abraham en fait de justice, il l'a 
acquis non par la circoncision, f. 9-12, puisqu'il a été 
justifié avant d'être circoncis, a fortiori, sans les obser- 
vances mosaïques qui sont l'antithèse de la promesse 
et qui d'ailleurs sont venues longtemps après, y. 1317, 
en sorte que la justification d'Abraham est le modèle 
de celle des chrétiens, f. 17, 25. — 2° Dans ses effets 
salutaires (v-vm). Entre la justification et le salut il y 
a une certaine différence : celle du commencement de 
l'œuvre par rapport à son achèvement. L'Apôtre va 
montrer, dans ces quatre chapitres, que d'après la 
pensée et les plans de Dieu, justification et salut sont 
les deux anneaux extrêmes d'une chaîne indissoluble, 
quoique ce soit le triste privilège de notre libre arbitre 
de pouvoir le briser. La grâce est le germe de la gloire, 
la foi est le gage de la vision, les dons de 1 "Esprit-Saint 
sont les aubes de la béatitude et l'éclat bienheureux 
des élus n'est que la floraison tardive mais spontanée 
de la charité, qui est elle-même un esprit particulier 
de la justice. « Nous sommes sauvés en espérance » et 
« l'espérance ne déçoit pas, » voilà le thème qui va être 
développé. En effet, trois grandes puissances s'opposent 



1173 



ROMAINS (ÉPiTRE AUX) 



1174 



à notre salut : le péché, la mort, la chair. Or le Christ 
a triomphé pour nous de « cette triple alliance ». 

o) La victoire sur le péché, v, 1-21, est décrite par 
un magnifique parallèle entre Adam, le premier chef 
de l'humanité, et Jésus-Christ, second Adam et chef de 
l'humanité renouvelée. « Ainsi donc, comme par une 
seule faute est venue sur tous les hommes la condam- 
nation, de même par un seul mérite viendra sur tous 
les hommes la justification de vie. En effet comme par 
la désobéissance d'un seul homme, tous, malgré leur 
nombre, ont été constitués pécheurs, de même aussi, 
par l'obéissance d'un seul, tous, malgré leur nombre, 
seront constituées justes. » v, 18-19. — Subsidiaire- 
ment, l'Apôtre parle du rôle de la Loi par rapport au 
péché, pour bien montrer que le Christ seul, par son 
obéissance jusqu'à, la mort, nous a délivrés du péché. 
En effet, loin de détruire cette puissance ennemie, la 
Loi a été plutôt son alliée, son auxiltaire, l'instrument 
actif du péché; elle a étendu son règne, v, 20. 

b) Notre second ennemi, c'est la mort, suite inévi- 
table du péché, Jésus-Christ en a triomphé pour nous, 
vi, 1-23, ici-bas par la grâce, là haut, dans la gloire. 
Le symbole de cette vie rendue, c'est le baptême. Jésus 
nous associe là, d'une manière mystique mais non 
moins réelle, à sa mort et à sa vie. « Ignorez-vous 
que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ 
Jésus, nous avons été baptisés dans sa mort. Nous 
avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans 
la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des 
morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi nous 
marchions dans la nouveauté de vie, » f. 3-4. En nous 
associant à sa mort, le Christ neutralise le principe 
d'activité que le péché avait déposé en nous et qui 
constituait le vieil homme ; en nous associant à sa vie, il 
détruit tous les germes de mort et nous confère le pri- 
vilège d'une vie sans fin : vie de l'âme et vie du corps, 
vie de la grâce et vie de la gloire. La conclusion pra- 
tique que l'Apôtre retire de cet enseignement, c'est 
que le chrétien doit se libérer du péché, f. 6-23. 

c) La' troisième puissance hostile à notre salut, c'est 
la chair, dont la loi mosaïque fut l'auxiliaire incons- 
cient mais funeste. Tous deux devaient donc être dé- 
truits par le Christ. C'est ce qui, en fait, est arrivé, vu, 
1-25. Saint Paul commence par l'abrogation de la Loi, 
« Le chrétien est mort à la loi par le corps du Christ. » 
La loi n'existe donc plus : elle a fourni des œuvres au 
péché et à la chair : elle périt donc avec eux, il. 1-7. 

Il était nécessaire d'expliquer cet aphorisme étrange : 
« la Loi instrument de péché avec la chair. » Des dis- 
tinctions s'imposaient. L'Apôtre n'a garde de lesomettre. 
Il montre, par son propre exemple, comment la Loi, 
bonne de sa nature, devient, au contact de nos pas- 
sions, une plus grande occasion de péché, f. 7-13; il 
décrit, avecdes accents déchirants, cette vie puissante 
qui n'est qu'une lutte continuelle, toujours renaissante, 
entre le désir d'accomplir la Loi d'après l'intimation 
de la conscience, et les appétits de la chair, pour 
aboutir au honteux esclavage du péché. De là ce cri 
déchirant : « Qui me délivrera de ce corps de mort? » 
f. 14-25. 

Le ch. vin, 1-39, termine la thèse de l'Épître par ûfr 
chant de triomphe. Il célèbre la victoire du Christ sur 
nos très grands ennemis qui sont là gisant devant la 
croix du Sauveur. Le péché est détruit : « Il n'y a plus 
de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ 
îésus, » f. 1; la mort est vaincue d'avance par le 
germe d'immortalité déposé en nous, ji. 11; la Loi, 
occasion de péché, est abrogée, f. 2-7; seule, la chair 
lutte encore contre l'esprit, mais avec l'aide de la 
grâce, la victoire est assurée. Le présent nous garantit 
l'avenir : la grâce nous prépare la gloire du ciel. Quatre 
témoins nous attestent cette connexion intime et né- 
cessaire; la création matérielle, qui, associée à notre 



déchéance, a le pressentiment de notre glorification 
future, f. 19-22; l'Esprit-Saint qui est en nous, baptisés,» 
constitue comme les arrhes de la béatitude céleste, 
f. 23.27; Dieu le Père, qui par sa prédestination en- 
chaîne, par un lien infrangible, tous les actes par les- 
quels nous passons de la justification première au 
triomphe éternel, f. 28-34; enfin l'amour de Jésus- 
Christ qui nous lie inséparablement à lui, en dépit 
des obstacles de tous genres, jr: 35-39. 

E) A sa thèse principale, l'Apôtre ajoute une sorte 
de complément dogmatique pour expliquer le scan- 
dale de la réprobation des Juifs, ix-xi. C'était, au mo- 
ment où Paul écrit son Épître, un fait indéniable 
que la masse des juifs était rebelle à l'Évangile, alors 
que les païens l'acceptaient en foule, douleur amère 
au cœur de l'Apôtre, énigme insondable pour son 
esprit! N'était-ce pas un démenti aux prophètes et aux 
promesses de l'Ancienne Loi? Est-il possible que Dieu 
ait voulu que son peuple élu fût privé d'un salut qui 
semblait préparé pour lui? Pour quel motif Dieu agit- 
il de la sorte? Quels sont, à ce sujet, les desseins de 
Dieu? Voilà les trois questions auxquelles saint Paul 
essaie de répondre dans trois chapitres. 

a) Le ch. ix, 1-29, soutient que Dieu est juste et fidèle 
dans la réprobation des Juifs. Après avoir énuméré 
avec orgueil les prérogatives d'Israël, f. 1-5, saint Paul 
montre que les prétentions de ses anciens coreligion- 
naires, au sens où ils les entendent la plupart, reposent 
sur un malentendu. Il y a deux Israëls; l'Israël selon 
la chair et l'Israël selon l'esprit : c'est au second seul 
qu'appartient la promesse, seul il hérite des béné- 
dictions. A l'appui de cette distinction viennent des 
exemples tirés de l'Écriture Sainte; Isaac, fils du miracle 
et de la promesse, hérite seul des bénédictions pro- 
mises à Abraham; Ismaël et les fils de Cëthura n'y ont 
point de part; puis, dans la lignée même d'Isaac, une 
autre sélection. Jacob est préféré par Dieu à Esaû. 
Autre exemple pour prouver que Dieu est libre dans 
ses dons, Moïse et Pharaon. Les dons de Dieu sont 
entièrement gratuits. Toute cette doctrine est d'ailleurs 
conforme aux oracles d'Osée et d'Isaïe, f. 25-29. Dieu 
n'a pas agi arbitrairement dans le rejet d'Israël, il n'a 
fait qu'établir sa justice, ix, 30-x, 21. En effet, Israël 
a méconnu la fin de l'économie mosaïque, dont la ve- 
nue du Messie était le signal. Il n'a pas compris que 
la Loi devait le conduire à une justice supérieure, au 
salut gratuit par la foi. Il n'a pas compris davantage 
que ce nouveau salut était destiné à tous les hommes. 
Et cependant Moïse et Isaïe avaient parlé de cette, 
conversion des païens. 

b) Dans le ch. xi, l'Apôtre trace une sorte de philoso- 
phie de l'histoire d'après les plans divins. Il voit, dans 
le rejet actuel des Juifs, une occasion providentielle de 
la conversion des gentils : le rejet est, en somme, par- 
tiel et temporaire; il est destiné à ouvrir toute large 
aux païens la porte du salut et à dépouiller l'Évangile 
de l'enveloppe légale : après cela, les Juifs eux-mêmes 
l'accepteront, f. 1-15. Le chapitre s'achève par un avis 
aux païens eux-mêmes afin qu'ils ne se livrent pas à 
l'égard des juifs à un orgueil semblable à celui qui a 
perdu ceux-ci, f. 16-24, et par l'espoir que la conver- 
sion des gentils sera le moyen que Dieu emploiera 
pour ramener Israël, ji. 25-32. Une belle doxologie 
y. 33-36 célèbre les secrets insondables de la Provi- 
dence divine dont on vient d'esquisser les plans. 

2» Partie morale, xii-xv, 13. — D'abord les principes 
généraux de la morale chrétienne : 1. le sacrifice 
vivant du fidèle est comme la base de sa vie, f. 1-2, 
sacrifice réalisé principalement par les deux vertus 
d'humilité et de charité, l'humilité par laquelle chacun 
limite son activité d'après son don, *. 3-8, la charité 
par laquelle il se donne tout entier à ses frères et 
même à ses ennemis, ,,t. 9-21. Les 7 premiers versets 



1175 ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) — ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE 1176 



du eh. xm règlent les rapports de l'Église et de l'État: 
le chrétien est soumis aux puissances établies, il 
s'acquitte avec soin de ses dettes de justice, f. 7-10. 
La perspective du retour du Seigneur tient le fidèle 
dans une perpétuelle vigilance, f. 11.14. Après ces 
règles générales de vie chrétienne, des conseils de 
circonstance pour l'Église de Rome. Saint Paul recom- 
mande aux « forts » d'être charitables avec les « faibles », 
c'est-à-dire envers ceux qui avaient des scrupules au 
sujet des anciennes observances mosaïques, xiv, 1,23. 
Il revient encore, xv, 13, à la tolérance mutuelle et il 
invite juifs et païens à louer la bonté et la fidélité 
divine. 

m. épilogue, xv, 14-xvi, 27. — La lettre se termine 
par des communications personnelles, indique le but 
qu'elle s'est proposé, annonce la prochaine visite de 
l'Apôtre à Borne; xv, 14-33. Puis viennent les saluta- 
tions à divers personnages, xvi, 1-15, un avertissement, 
xvi, 17-20, un post-scriptum des compagnons de l'Apôtre 
et du copiste qui a écrit la lettre, xvi, 21-23, une béné- 
diction et la doxologie finale, xvi, 24-27 

VIII. Langue et style. — ' Comme toutes les autres 
Épîtres de saint Paul, celle-ci est écrite en grec. Le 
latin paraîtrait tout désigné pour écrire aux chrétiens 
de la capitale de l'Empire, mais le grec fut la langue do- 
minante de l'Église de Rome, durant les trois premiers 
siècles. Voir Caspari, Quellen zur Geschichte des Tauf- 
symbols, Christiania, 1875. — Le style de cette Épître 
est si varié qu'on a sérieusement agité la question de 
savoir si le même auteur avait tenu la plume jus- 
qu'au bout. Mais quand on considère l'étendue de la 
lettre, les amples développements théologiques,- la di- 
versité des sujets traités, on ne s'étonne plus de ces 
différences de vocabulaire, de syntaxe, d'images, et de 
sentiments exprimés. Ce qui caractérise surtout cette 
Épltre, c'est une exposition magistrale, qui n'exclut 
pas une certaine vivacité et une admirable énergie ; 
on y trouve des passages de la plus belle éloquence. 
La style est vif, élégant, parfois incisif, la dialectique 
serrée, les arguments généralement bien enchaînés, 
les périodes courtes mais d'une belle ordonnance. En 
résumé, l'Épître aux Romains semble être, dans l'en- 
semble, le meilleur morceau littéraire qui soit sorti 
de le plume de saint Paul. 

IX. Bibliographie. — Parmi les commentaires les 
plus remarquables, on doit citer, chez les anciens, 
Origène, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos, 
t. xiv, col. 857-1292; S. Jean Chrysostome, Homil. 
in Epist. ad Romanos, prêcbées à Antioche entre 
387 et 397, t. lx, col. 391-632; Théodoret, saint Jean 
Damascène, Œcumeniua, Théophylacte, Euthymius, 
l'Ambrosiaster, Pelage; au moyen âge, Hugues de 
Saint-Victor, Pierre Abélard, saint Thomas d'Aquin, 
dans son Expositio in Epistolas omnes Divi Pauli 
Apostoli; Cornélius a Lapide, Commentarius in omnes 
D. Pauli Epistolas, Anvers, 1614; Estius, In omnes 
Pauli Epistolas commentarius, Douai, 1614-16; *Gro- 
tius, dans ses annotationes inN. T., Paris, 1644; *Ham- 
mond, Paraphrase and annotations of the N. T., 
1653; "Locke, A paraphrase and notes to the Epislle 
of St. Paul, 1759-1707; Bengel, Gnomon Novi Testa- 
menti, 1742. Durant la période moderne, Tholuck dont 
les commentaires ont paru en 1824; "Fritzsche, 1836- 
1843; Meyer, 1832, un des meilleurs commentaires de 
l'Épître aux Romains; réédité par B. Weiss en 1900; 
'L. de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch 
zum Neuen Testament, 1836-1848; "Alford, Greek Tes- 
tament, 1849-1861; 'Jowett, St. Paul's Epistles to the 
Thessalonicians, Galatians and Romans, 1855; 'Godet, 
Commentaire sur l'Épître aux Romains, Paris, 1879; 
'Oltramare, Commentaire sur l'Épître aux Romains, 
1881-1882; * Gifford, dans The Speaker's commentary, 
Genève, 1881; "Liddon, Explanatory analysis of St. 



Paul's Epistle to the Romans, 1893; *Lipsius, dans le 
H andcommentar zum. N. T., publié sous la direction 
de H. J. Holtzmann, 1891 ; * Sanday et Headlam, dans 
l'International critical commentary, 1902. Les catho- 
liques, Klee, 1830; Reithmayer, 1845, Ad. Maier, 1847, 
Bisping, Schaefer, 1891 ; Drach ; Maunoury, 1878 ; R. Cor- 
nely, dans le Cursus Scriptural Sacrée, 1896. 

C. Toussaint. 

ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE. La 
langue romanche ou roumanche est un r rameau des 
langues romanes, issues du latin, ou néo-latines. Elle 
embrasse une série d'idiomes romans, qui sont parlés 
le long des Alpes, des sources du Rhin antérieur à la 
mer Adriatique. La Bible a été totalememt ou partiel- 
lement traduite dans trois dialectes seulement de l'En- 
gadine et du canton des Grisons à l'usage des protestants 
à partir du xvi» siècle. Les catholiques de langue 
romanche n'ont pas dé version spéciale de la Bible 
dans aucun dialecte. 

1° Dialecte de la Raute-Engadine. — Le Nouveau 
Testament a été traduit du latin et autres langues en 
haut engadinois par Jacques Bifrun ou Biveroni (f 1572), 
de Sarmëdan, jurisconsulte et théologien, réformateur 
et ami de Zwingle : L'g nouf Testamaînt, in-8°, s. 1., 
1560. Il l'a publié à Bâle à ses frais. Cette première 
édition a une préface de Philippe Gallicius. En 1605, 
Lucius Papa en publia une nouvelle édition, et il en 
parut à Fuschlâff une troisième, accompagnée de notes, 
en 1607. Voir Bœhmer, Romantische Studien, t. vi, à 
l'année 1560; Campell, Zwei Bûcher ràtischer Ges- 
chichte, t. i, p. 414. Comme Bifrun est l'écrivain clas- 
sique du haut engadinois, M. J. Ulrich a réédité quatre 
livres de sa traduction du Nouveau Testament dans la 
Revue des langues romanes : l'Évangile selon saint Luc, 
1897, t. xl, p. 65-83, 97-109, 265-279, 552-572; l'Évangile 
selon saint Jean, 1898, t. xli, p. 239-271 ; 1899, t. xlii, 
p. 56-70, 301-304; lesActes des Apôtres, i&id., p..509-535 ; 
1901, t. xuv, p. 521-530; 1902, t. xlv, p. 357-369; 1903, 
t. xlvi, p. 75-93; et l'Apocalypse, 1905, t. xlviii, p. 75- 
87, 306-323. Pour les Épîtres de saint Paul et des 
autres apôtres, il n'a publié que les mots intéressants 
ou rares que fournit leur traduction. Ibid., juillet et 
août 1906, janvier et février, mai et juin 1907. Une 
autre version du Nouveau Testament dans le même 
dialecte fut faite par Jean Gritti de Zuoz et parut, in-8", 
Bâle, 1640. Les Psaumes furent traduits par Laurent 
Witzel, Bâle, 1661. Janev Menni rédigea une nouvelle 
traduction du Nouveau Testament à Coïre, en 1861. 

2° Dialecte de la Basse-Engadine. — Les Psaumes et 
cantiques furent traduits dans ce dialecte par Ciampel 
pour l'usage litnrgique et parurent avec notation mu- 
sicale en 1562; 2 e édit., in-8», Bâle, 1606. Des parties 
détachées de l'Ancien Testament furent traduites par 
Jean Pitschen Saluz en 1657 et les années suivantes. 
Une Bible entière est due à la collaboration de Jacques 
Antoine Vulpi et de Jacques Dorta a Vulpera. Elle fut 
imprimée â Schuol, village de la Basse-Engadine, in-f 3 , 
1657. La traduction avait été faite sur la version ita- 
lienne de Diodati. Voir t. m, col. 1030-1031. Des réédi- 
tions complètes parurent à Bâle, en 1679 et en 1743. 
Le Nouveau Testament fut imprimé à part, Bâle, 1812, 
et l'Ancien, à Coire, en 1815, sous ce titre : Biblia o 
vero la Soinchia Scritûra del Velg Testamaînt. La 
Bible entière a encore été rééditée à Cologne, 1867- 
1870. A Paris, en 1836, un in-12 est intitulé : Il nouf 
Testamaînt da nos Segner Jesu Chrisla, tradiit in 
rumansch d'Engadina bassa. 

3° Dialecte réto-roman des Grisons. — Le Psautier 
fut traduit en, ce dialecte par Gabriel Sapharius, in-8», 
Bâle, 1611. Lucius Papa traduisit la Sagesse de Siracide 
ou l'Ecclésiastique, in-12, Zurich. 1628. Lucius (Louis) 
Gabriel donna tout le Nouveau Testament : Il n'ef Tes- 
tamaint, in-8°, Bâle, 1648. Les Psaumes furent traduits 



1177 



ROMANCHES (VERSIONS) DE LA RIRLE — ROME 



1178 



par J. Grass, Zurich, 1683. Une Bible entière : La S. Bi- 
bla, contenant même les apocryphes, c'est-à-dire les 
deutérocanoniques, et due à la collaboration de la plu- 
part des ministres de la région, parut in-f°, Coire, 1719. 
Une 2= édition en 2 vol. fut faite, 1818-1820. En 1870, 
cette version fut éditée à Francfort aux frais de la So- 
ciété biblique d'Angleterre sous ce titre : La Bïblia u 
la Sontga Scartira dit Veder a Niev Testamaînt. Enfin 
Otto Carisch a publié : llg niev Testamaînt suenler ilg 
original grec, Coire, 1856. Voir F. Rausch, Geschichte 
der Literatur des Rhâto-Romans Volkes, Francfort, 
1870. On trouvera aussi la parabole de l'enfant prodigue 
en douze textes romanches, dans Coquebert de Mon t- 
bret, Mélanges sur les patois de France, 1831. Cf. J. Le 
Long, Bibliotheca sacra, in-f°, Paris, 1723, t. i, p. 369- 
370; Kirchenlexikon, 2« édit., 1883, t. m, col. 742-743; 
Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und 
Kirche, 3 e édit., 1897, t. m, p. 144. 

E. Mangenot. 
ROMANES (VERSIONS) DES SAINTES 
ÉCRITURES. On désigne sous ce nom les traduc- 
tions de la Bible en langues romanes, ou néo-latines, 
c'est-à-dire en francais,t. il, col. 2346-2373; en italien, 
t. ni, col. 1012-1038; en espagnol, t. u, col. 1952-1956; 
en catalan, t. n, col. 345; en portugais, col. 559, 569; en 
romanche, col. 1176. Voir aussi Roumaines (Versions). 

ROMATHITE (hébreu : hâ-Râmâtî; Septante : h. 

'PariX; Alexandrinus : 6 'Pau.a9ai'o!;; Vulgate : Roma- 
thites), originaire de Rama de Benjamin. Ce qualificatif 
indique la patrie de Séméias, chargé de la culture des 
vignes royales du temps de David. I Par., xxvil, 27.. 

ROME (grec: T?.ti|iïi; Talmud : «dit, rdr\), capi- 
tale de l'Empire romain, lors de la naissance de 
Notre-Seigneur, devenue depuis la capitale du monde 
catholique. — Les origines de la ville des Césars sont 
plus légendaires qu'historiques et ce n'est pas le lieu 
de s'en occuper ici. La tradition romaine la plus an- 
cienne reconnaît l'existence de villages distincts sur 
les sept collines avant Romulus. Le Palatin semble 
avoir été le principal et c'est là que des bergers venus 
d'Albe pour chercher des pâturages auraient été les 
premiers fondateurs de Rome, ainsi nommée, d'après 
une des nombreuses étymologies qu'on en a données, 
de rumon, « fleuve », parce qu'elle était située près du 
lleuve(le Tibre). Guidi, Bullettino archeol.com., 1881, 
p. 63. Romulus fit du Palatin une place fortifiée, qui fut 
ainsi le noyau de la capitale du monde. Elle eut pour 
limites un retranchement tracé autour de la colline 
et formant un carré d'environ 400 mètres de côté. La 
fondation de la Roma quadrata est fixée au 21 avril 
de l'an 752 (753) avant J.-C. Ce n'était qu'une sorte de 
camp où l'on habitait dans des chaumières. D'après la 
tradition romaine, te village de Saturnîa, appelé depuis 
le Capitule, fut réuni de bonne heure au Palatin. Au 
• dire de Denys d'Halicarnasse, Numa Pompilius y ajouta 
le Quirinal. Après lui, ïullus Hpstilius l'agrandit du 
Coelius, Ancus Martius de l'Aventin, Tarquin l'Ancien 
de l'Esquilin et du Viminal. Ainsi furent réunies les 
trois races principales : latine, sabine et étrusque, qui 
habitaient les sept collines et devinrent le peuple ro- 
main (fig. 239). La situation de la nouvelle capitale 
était extrêmement avantageuse et favorisa son rapide 
développement. Tite Live, v, 54, l'a très bien dit : Flu- 
men opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges 
devehantur, quo maritimi commeatus accipiantur, 
mare vicinum ad commoditates, nec expositum nimia 
propinquitate ad pericula classium externarum, re- 
gionum ltalise médium, ad incrementum urbisnatum 
unice locum. — Servius Tullius partagea Rome en 
quatre régions, Denys d'Halicarnasse, iv, 14 (fig. 240); 
Auguste divisa la ville agrandie en quatorze régions. 



I. Rome dans l'Ancien Testament. — Le prophète 
Daniel, xi, 30, parle des Romains, mais sans les nom- 
mer expressément. Leur nom apparaît pour la pre- 
mière fois dans les livres des Machabées. Ils nous ap- 
prennent qu'Antiochus IV Épiphane, dont Daniel avait 
prédit l'humiliation future par les Romains et par Popi- 
lius, voir t. i, col. 697, avait été otage à Rome, I Mach., 
i, 11; que Démétrius I er Soter, fils de Séleucus, l'avait 
été aussi à son tour pour y remplacer comme tel son 
oncle Antiochus épiphane, I Mach., vu, 1, voir t. n, 
col. 1358; ils nous racontent surtout l'alliance que 
contracta avec les Romains Judas Machabée afin d'obte- 
nir leur appui contre les rois de Syrie (161 avant!. -C). 
I Mach., vin, 1-31; II Mach., iv,ll. Voir t. m, col. 1801, 
Le frère de Judas, Jonathas Machabée, renouvela l'al- 
liance avec Rome (144 avant J.-C). I Mach., xii, 1-4, 16. 
Voir t. m, col. 1623. Les Romains s'associèrent au deuil 
des Juifs à la mort de Jonathas et renouvelèrent l'al- 
liance {139 avant J.-C.) avec Simon son frère, qui lui 
succéda, et envoya à Rome de riches présents. I Maoh., 
xiv, 16-19, 24, 40; xv, 15-24. Une des causes pour les- 
quelles Antiochus Épiphane avait fait la guerre aux 



*, ' \ 




239. — Rome assise sur les s>ept collines. 
Monnaie antique agrandie. 

Juifs était de se procurer par la vente des esclaves dont 
il s'emparerait une partie de la somme qu'il devait 
payer aux Romains. II Mach., vin, 10. L'alliance que 
les Machabées contractèrent avec Rome leur fut profi- 
table dans leur lutte contre les Séleucides ; les légats ro- 
mains Memmius et Manilius confirmèrent en particulier 
par Une lettre les privilèges que Lysias avait accordés 
aux Juifs, au nom des rois de Syrie, II Mach., xi, 34-38; 
mais cette intervention dans les affaires de la Judée de. 
vait amener peu à peu la prise de possession du pays- 
Pompée s'empara de Jérusalem l'an 63 avant J.-C. 
Tacite, Hist., v, 9; Florus, ni, 5, 30. Il emmena à Rome 
comme esclaves un certain nombre de Juifs qu'il avait 
fait prisonniers, mais la capitale du monde en avait déjà 
vus auparavant. Quelques-uns de ceux qui avaient ac- 
compagné Numénius, l'ambassadeur de Jonathas et de 
Simon Machabée, dans ses deux voyeges à Rome, cf. 

I Mach., xii, 16; xiv, 24; xv, 15 (voir Numénius, t. iv, 
col. 1715), y avaient sans doute fait de la propagande 
religieuse, car c'est probablement à cette époque que 
se passa le fait rapporté par Valère Maxime, I, m, 2, et 
dont on admet généralement aujourd'hui l'authenticité. 

II raconte que « Cornélius Hispalus força ceux qui 
avaient essayé de corrompre les moeurs romaines par 
le culte simulé de Sabazius Jupiter, de retourner chez 
eux. » Cf. J. Marquardt, Le culte chez les Romains, trad. 
M. Brissaud,t.i, Paris, 1889, p. 100,note 1. CeJupiter- 
Sabaziuspeut n'être que le nom altéré de Jéhovah Sa- 
baoth (voir la note de l'édit. Lemaire, 1822, p. 30) et les 
expulsés sont vraisemblablement les Juifs, Reinach, 
Textes relatifs au judaïsme, p. 259. Quoi qu'il en soit, 
les Juifs désormaissoumis aux Romains depuis.Pompée, 
ne durent pas tarder à se rendre en assez grand nombre 
à Rome pour leurs affaires et pour leur commerce. 



1179 



ROME 



1180 



II. Rome dans le Nouveau Testament. — /. les 

JUIFS A ROME AV COMMENCEMENT DE L'ÈRE CBBÉ- 
TIENNE. — Avec l'établissement de l'empire sous 
Auguste, Rome acquit un nouvel éclat et exerça sur les 
étrangers, sn particulier sur les Juifs, une sorte de fas- 
cination. Comme l'a dit notre vieux poète J. du Bellay : 

Rome fut tout le monde et tout le monde est Rome. 

Le roi juif Aristobule avait été emmené à Rome avec 
ses enfants par Pompée, son vainqueur. Josèphe, 



rèrent-ils sa mort. Suétone, Div. Julius, 84. Cf. Josèphe, 
Ant.jud., XIV, x, 8. Auguste et aussi Tibère, dans la se- 
conde partie de son règne, leur furent également favo- 
rables. Il leur était permis de pratiquer leur religion 
et leurs coutumes. Philon, lac. cit. Leur nombre avait 
si rapidement augmenté que, lorsque les Juifs envoyés 
en ambassade de Palestine auprès d'Auguste pour faire 
entendre leurs plaintes contre Archélaùs arrivèrent 
dans la capitale, ils y furent appuyés par plus de huit 
mille de leurs coreligionnaires établis à Rome. Jo- 







240. — Carte dsRoma qttadrata, du Septimontium, des quatre régions et de l'enceinte de Servius Tullius. D'après L,. Homo. 



Ant. jud., XIV, IV, 5. Un quartier spécial fut bientôt 
attribué aux Juifs qui après la guerre y avaient été 
vendus comme esclaves et avaient été ensuite affranchis 
ou qui s'y étaient rendus volontairement, attirés par 
l'espoir de s'enrichir dans la grande ville. Ce quartier 
n'était pas le Ghetto moderne, entre le Capitole et l'île 
du Tibre, mais la rive du Tibre, dans la partie appelée 
aujourd'hui le Transtévère. Philon, Légat, ad Caium, 
édit. Mangey, p. 568. Cette situation était très favorable 
à leur commerce, rendu facile par le voisinage du 
fleuve. Aussi les Juifs acquirent-ils bientôt de l'impor- 
tance à Rome. La-manière dont en parle Cicérondans son 
discours en faveur de Valérius Flaccus montre qu'on 
était déjà obligé de compter avec eux. Pro Flacco, 28, 
69. Jules César les traita avec bienveillance, aussi pleu- 



sèphe, Ant. jud., XVII, xm, 2; Bell, jud., II, vi, 1 
A l'époque où Tibère les bannit de la ville, à cause des 
crimes commis par quelques-uns d'entre eux, quatre 
mille furent enrôlés dans l'armée romaine et envoyés 
en Sardaigne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 5; Tacite, 
Ann., h, 85; Suétone, liber., 37, 66. 

Malgré tout, leur nombre augmentait toujours. Us 
faisaient des prosélytes, surtout parmi les femmes des 
hautes classes. Horace, Satir., i, 4,114; Juvénal, Satir., 
m, 14; vi, 642; xiv, 96. On peut conclure des allusions 
de Juvénal, m, 10, 15, de même que des catacombes 
exclusivement juives de Rome, qu'ils avaient débordé 
le quartier du Transtévère et s'étaient répandus un peu 
partout. Cf. 0. Marucchi, D'un antico cimitero giu- 
daico, dans les Atti deW Accad. rom., 1884. Les Actes, 



1181 



ROME 



1182 



xviii, 17, parlent de l'édit de l'empereur Claude, qui 
les chassa de Home, l'an 9 de son règne (49 ou 50). 
Orose, vu, 6, t. xxxi, col. 1075. Judseos, impulsore 
Chresto, assidue tunwltuantes Roma expulit, dit 
Suétone, Claud., 25, mais ils ne tardèrent pas à y 
rentrer, tant était considérable l'influence qu'ils y 
avaient déjà acquise. Sénèque (dans S. Augustin, De 
civ. Dei, vi, 11, t. xli, col. 192), en parle avec amer- 
tume : Cum intérim usgue eo sceleratissimx gentis 
consuetudo convaluit, ut per omnes jam terras recepta 
sit : victi victoribus leges dedervnt. — La Providence 
avait ainsi envoyé à Rome les descendants d'Abraham 
pour préparer les voies à l'établissement du christia- 
nisme dans la capitale de l'empire. Sans le vouloir et 
malgré eux, ils allaient faciliter à Pierre et à Paul leur 




241. — Restes de la Porta Capena. 
D'après une photographie de M. l'abbé Saint-Martin. 

mission évangélique : les Apôlres n'avaient plus qu'à 
venir. 

//. SAWT PIERRE ET SAINT PAUL A ROME. — 1° Les 
troubles dont parle Suétone et qui furent l'occasion de 
l'édit de Claude, doivent s'entendre sans doute des dis- 
sensions que provoqua parmi les Juifs la prédication 
de l'Évangile. Les chrétiens ne furent pas tout d'abord 
distingués des Juifs proprement dits, parce qu'ils étaient 
eux-mêmes la plupart d'origine juive. Nous ignorons 
par qui et quand la bonne nouvelle fut apportée pour 
la première fois dans la capitale du monde. Ce fut pro- 
bablement peu après la Pentecôte par quelqu'un des 
Juifs de Rome qui se trouvaient alors présents à Jéru- 
salem. Act., h, 10. Parmi les trois mille convertis qui 
crurent alors à la parole de Pierre, f. 41, il devait se 
rencontrer vraisemblablement quelque advena Roma- 
nus. Quand le prince des Apôtres arriva un peu plus 
tard dans la capitale de l'empire, voir Pierre, col. 373, 
le nom du Christ Jésus y était donc sans doute déjà 
honoré par un groupe de tidèies. Ce qui est certain, 
c'est que, avant l'arrivée de saint Paul à Rome, cette 
ville comptait des chrétiens dans ses murs, parmi 
lesquels Andronique et Junie s'étaient convertis avant 
l'Apôtre lui-même. Rom., xvi, 7, L'ipitre aux Romains, 



xvi, énumère dans les salutations vingt-quatre chré- 
tiens de marque qui habitaient la cité des Césars, et 
tout son contenu suppose qu'ils étaient assez nom- 
breux. Rom., i, 8. Plusieurs des Juifs qui avaient été 
chassés de Rome par l'édit de Claude étaient devenus 
disciples de saint Paul, et étant retournés dans cette 
ville, ils avaient grossi le nombre des fidèles et des pré- 
dicateurs. Act., xviii, 2, 3, 18; Rom., xvi, 3, 7, 9, 12. 
Voir Romains (Épitreaux), col. 1165. 

2° Depuis plusieurs années, l'Apôtre des gentils 
caressait le désir d'aller prêcher dans la capitale de la 
gentilité. II regardait ce voyage comme un devoir : 
Atï (is xaî 'P[i[rr,v ÏSsïv. Oportet me et Romani videre. 
Act., xix, 21. Les circonstances seules l'avaient forcé 
de retarder l'accomplissement de son projet. Rom., i, 
13. Nous ignorons comment se fit le premier voyage de 
saint Pierre à Rome, mais nous savons comment s'y 
rendit saint Paul. A Césarée de Palestine, accusé par 
les Juifs devant le procurateur Festus, il fit appel à 
César et en conséquence, il fut conduit comme pri- 
sonnier au siège de l'empire. Act., xxv, li-12, 25. Saint 
Paul débarqua à Pouzzoles. Des chrétiens de Rome, 
informés de son arrivée, allèrent à sa rencontre jus- 
qu'à Forum Appii et par la via Appia, ils vinrent à 
Rome où ils entrèrent par la porte Capène, qui s'ou- 
vrait dans celte partie de l'enceinte de Servius Tullius, 
dont on peut voir encore des restes dans la cave de 
YAntica Osleria di Porta Capena (fig. 241). C'est donc 
chargé de chaînes et cependant entouré de fidèles qui 
le vénéraient plus qu'un' César, que l'Apôtre des gen- 
tils mit pour la première fois le pied sur le sol de cette 
capitale que sa parole, avec celle de saint Pierre, allait 
transfigurer et rendre encore plus glorieuse et plus 
illustre : 

Di quella Roma onde Christo è romano. 
Dante, Purgat., xxxn, 102. 

3» Saint Paul entra dans Rome l'an 61, la septième 
année du règne de Néron, sous le consulat de Cœsennius 
Paetus et de Petronius Sabinius Turpilianus. Quels 
durent être ses sentiments à la vue de cette reine du 
monde, qui tenait l'univers sous sa domination et était 
le siège de l'idolâtrie? Celui dont l'auteur des Actes 
nous dit qu'à la vue d'Athènes, incitabatur spiritus ejus 
in ipso videns idololatriss deditam civitalem, Act., xvir, 
16, ne dut pas être moins ému en contemplant tant de 
signes de superstition et tant de monuments du paga- 
nisme au milieu de cette immense cité. Qu'était Jéru- 
salem, qu'était Athènes auprès ;de cette capitale ! Elle 
avait grandi depuis Servius Tullius et débordé de son 
enceinte trop étroite. Elle comptait maintenant, avec ses 
faubourgs, une population que les uns estiment à un 
million (0. Marucchi, Excursioni archeol. in Roma, 
p. 25), d'autres à un million et demi d'habitants. Fr. de 
Champagny, Les Césars, t. iv, p. 347-353. Elle se com- 
posait de représentants de toutes les parties du monde, 
attirés par l'ambition, l'amour du luxe, ta soif des 
jouissances et des plaisirs, les besoins de l'administra- 
tion et les affaires. Le philosophe grec y coudoyait le 
rhéteur d'Asie, l'astrologue de Chaldée, le magicien 
d'Egypte, le prêtre d'Isis, parmi les Latins et les Juifs. 
L'Apôtre des Gentils allait avoir un vaste champ pour 
exercer son zèle, mais qui, parmi ceux qui le virent 
entrer dans Rome et le remarquèrent à peine au mi- 
lieu de ceux qui lui faisaient escorte, aurait pu s'ima- 
giner qu'un grand événement s'accomplissait à cette 
heure et que c'était l'envoyé d'un conquérant plus grand 
que les Césars qui venait préparer la prise de possession 
de son Maître? 

4° La capitale de l'empire n'avait pas encore tout l'éclat 
qui la rendit si belle et si somptueuse dans la suile 
sous le gouvernement des empereurs, après l'incendie 
de Néron. Les superbes monuments dont les ruines 



1183 



ROME 



1184 



nous remplissent aujourd'hui d'admiration n'étaient 
pas alors élevés. La ville n'était pas bâtie d'après un 
plan régulier. Les rues étaient étroiles, tortueuses, 
non pavées, malpropres, boueuses ou poussiéreuses, an- 
gusti et flexi viei, dit Suétone ; arcta itinera, ditTacite, 
Ann., xv, 38; Romani in montibtts posilam et conval- 
libus, csenaculis sublatam atgue snspensam, non opli- 
mis viis, angustissimis semitis, dit Cicéron, n, De 
lege agraria, 35. Les maisons étaient trop hautes, 
eœnacula excelsa, dit Pline, H. N., XXXVI, XIH, 88; 
Auguste interdit de les élever de plus de 70 pieds (en- 
viron 21 mètres). Strabon, v, 7. Souvent mal bâties, 
elles manquaient de solidité; la fièvre y exerçait fré- 



c'estque, malgré sa captivité, il put jouir d'une liberté 
relative. Il fut autorisé à demeurer dans une maison 
qu'il loua, èv îSe'ui (ico6ci|iati, ira suo conductu, avec 
le soldat qui le gardait, Act., xxvm, 16, 20. Il était en- 
chaîné, Eph., VI, 20; Phil., 1,13; mais sa parole ne l'était 
pas. Laboro usque ad vincula, comme il l'écrivait plus 
tard à Timothée, sed verbum Dei non est alligatum. 
II Tim., n, 9. Saint Luc nous dit expressément, Act., 
xxvm, 30-31, qu'il recevait tous ceux qui voulaient 
le visiter et qu'il leur prêchait le royaume de Dieu, Il 
fit entendre sa voix même à quelques-uns de ceux qui 
appartenaient à la maison de César. Phil., i, 13; IV, 22. 
Et comme il avait toujours la sollicitude des Églises 




242. — Via Appia, entre le cinquième et le sixième milles. D'après une photographie. 



quemment ses ravages. Gomme beaucoup d'habitations 
étaient en bois, les incendies n'y étaient pas rares. 
Voir Attilio Profumo, Le Fonti ed i tempi dello incen- 
dia Neroniano, in-4°, Rome, 1905, p. 405-407. La moitié 
de la population de Rome était esclave. La plus grande 
partie du reste des habitants était pauvre et vivait 
des largesses des empereurs. L'industrie était inconnue. 
Le nombre des familles riches était restreint. Il n'y 
avait pas de classe moyenne. Pauvres et esclaves étaient 
entassés dans d'étroits espaces. Une des choses qui 
étonnent le plus les visiteurs de la maison dite de Livie 
au Palatin et des maisons conservées à Pompéi par les 
cendres du Vésuve, c'est la petitesse et l'exiguité des 
appartements, où l'on a été parfois obligé d'échancrer 
le mur pour y faire tenir le lit. 

5» C'est dans quelque réduit analogue que dut résider 
saint Paul, pendant les deux ans qu'il attendit sa sen- 
tence, Act., xxvm, 16, 30, et pendant son dernier séjour 
à Rome. Lors de sa première captivité, il habita, soit 
auprès du camp des prétoriens, établi hors des murs par 
Tibèreau nord-est de la ville, Tacite, Ann., îv, 2; Sué- 
tone, Tiber., 37; soit près de la caserne attachée à la 
résidence impériale sur le Palatin. Ce qui est certain, 



qu'il avait fondées, pendant cette première captivité, il 
écrivit alors outre son Épitre à Philémon, ses Épîtres 
aux Philippiens, aux Colossiens et aux Éphésiens. C'est 
aussi de Rome que fut écrite, an peu avant son mar- 
tyre, sa seconde Épitre à Timothé». Voir Paul, t. iv, 
col. 2226-2228. L'emprisonnement de l'Apôtre se ter- 
mina par un acquittement. Ibid., col. 228. Cf. II Tim., 
iv, 17. Mais le livre des Actes ne nous fournit plus de 
renseignements sur sa délivrance ni sur ses dernières 
années. Il revint à Rome, fut jeté une seconde fois en 
prison et, cette fois, il n'en sortit que pour subir le 
martyre, en 67. Voir t. iv, col. 2230. 

6° Sur le séjour de saint Pierre à Rome nous avons^ 
encore moins de détails que pour saint Paul, mais il 
est démontré, malgré tous les efforts des ennemis de 
l'Eglise catholique en sens contraires, qu'il établit sa 
chaire à Rome, qu'il y vécut de longnes années, vingt- 
cinq ans, d'après le Liber pontificalis, et qu'il y mou- 
rut martyr sur une croix (an 67). Voir Pierre, col. 373- 
376»SaintPaul eut la tête tranchée aux Trois-Fontaines;. 
saint Pierre fut crucifié au Vatican, comme nous le 
dirons plus loin. 

III. SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE A ROME. — SOUS Ves- 



Uictioimatre de ta Biïjle ■ 



Letoutey et Ane-Paris 




jtesç&2Z££^ï£m^ 



ImpI)ufrmoy-.Pari&. 



PLAN COMPARÉ DÉ ROME ANCIENNE ET MODERNE . 



1185 



ROME 



1186 



pasien et sous Titus, les Juifs furent hien traités à 
Ror&e et les chrétiens, qu'on confondait encore souvent 
avec eux, à cause de leur genre de vie, bénéficièrent 
■de la large tolérance qui leur était accordée. Mais sous 
Domitien, la persécution recommença. La rapacité de 
■cet empereur en fut la cause première. II voulut obli- 
ger les chrétiens, qui judaicam viverent vitam, 
Suétone, Domit., 12, à payer le tribut du didrachme, 
autrefois destiné à l'entretien du temple de Jérusalem, 
et, depuis sa destruction, consacré soi-disant aux édi- 
fices du Capitole. Josèphe, Bell, jud., VII, VI, 6; Dion 



Cette porte donnant accès à la voie Latine ne fut 
ouverte qu'aux jours où Aurélien recula l'enceinte de 
la ville... Jean sortit intact et sain du bain de feu... 
Domitien rassuré sur le compte des chrétiens com- 
mençaità relâcher ses poursuites. Cesoutfte de clémence 
détourna les magistrats de s'acharner contre un vieil- 
lard; ils se contentèrent de le reléguer dans l'Ile de 
Patmos. » C. Fouard, Saint Jean, Paris, 1904, p. 99- 
100. Voir Je/un - 7, t. iv, col. 1165. On peut dire que le 
souvenir du voyage de saint Jean à Rome et de ce qu'il 
y avait souffert est resté marqué en traits de feu dans 




. -243. — Le tombeau de Cœcilia Métella sur la Voie appienne. Il avait été construit avant l'arrivée de saint Paul, entre 686 et 700, 
de Rome. Nibby, Roma antica, Rome, 1839, t. n, p. 550. Les créneaux ont été ajoutés en 1299 de notre ère. D'après une pho- 
tographie de M. H. Saint-Martin. 



Cassius, lxvi, 7. Les chrétiens, considérant comme 
une sorte d'apostasie la soumission à cet impôt, qui les 
■confondait avec les Juifs, refusèrent la plupart de 
l'acquitter et on les poursuivit devant les tribunaux 
comme athées. Suétone, Domit., 12; Dion Cassius, 
lxvii, 14. La persécution contre les chrétiens s'étendit 
-de proche en proche et fit des victimes en Asie Mineure, 
a Smyrne, Apoc, il, 10; à Pergame, il, 43; et ailleurs, 
■v, 6; vi, 9, 10; xx, 1. Saint Jean résidait alors à 
Éphése; il en fut lui-même victime. Domitien avait 
tlonné l'ordre d'arrêter et d'amener à Rome lès descen- 
dants des rois de Juda, ce qui fut fait. Hégésippe, dans 
Eusèbe, H. E., m, 19, 20, t. xx, col. 252-256. Saint 
Jean, si renommé pour avoir vécu dans l'intimité du 
Sauveur, fut peut-être arrêté au même titre. On l'amena 
à Rome et il fut condamné à périr dans une chaudière 
d'huile bouillante. « Le lieu traditionnel de son exécu- 
tion es,t la Porte Latine, ou, pour mieux dire, l'espace, 
libre alors, qu'occupa plus tard cette barrière de Rome. 

DICT. DE LA BIBLE. 



l'Apocalypse. Saint Pierre avait déjà désigné Rome sous 
le noni de Babylone. 1 Pet., v, 13. C'est sous ce titre 
qu'elle apparaît, Apoc, xiv, 8; xvi, 19; xvn, 5; xvui 
2. Dans le livre du prophète de Paticos, Vurbs septicol- 
lis, Apoc, xvu, 9, opposée à Jérusalem, Rome qui siège 
super aquas multas, xvu, 1, comme une reine vêtue 
de pourpre et d'or, est « la grande Babylone, mère des 
abominations de la terre, ivre du sang des martyrs, 
la grande ville qui a l'empire sur les rois de la terre. » 
xvii, 4, 5, 6, 18. Le quatrième livre d'Esdras, m, 1,2; 
xv, 43, et l'Apocalypse de Baruch appellent également 
Rome Babylone. Saint Jean la décrit aussi, Apoc, xm, 
sous l'emblème d'une bête monstrueuse, dont la bouche 
profère des blasphèmes et qui exerce sa fureur contre 
les saints. L'heure de la justice et de la vengeance 
viendra : Cecidit, cecidit Babylon Ma magna, quse a 
vino irœ fornicationis suas potauit omnes gentes. 
Apoc, xiv, 8. Mais le sang des martyrs, qui lui a mérité 
le châtiment annoncé par le prophète, donnera à Rome 

V. - 38 



1187 



ROME 



1188 



une Vie et une gloire nouvelles. C'est l'Église elle-même, 
l'Église qui a été d'abord victime de ses persécutions, 
qui chantera un jour dans l'hymne de la fête des 
apôtres Pierre et Paul : 

Romafelix, quse duorum-principum 
Es consecrata glorioso sanguine . 
Horum cruore purpurata esteras 
Excellis orbis una pulchritudines. 

Ses empereurs et ses grands hommes n'avaient pu 
lui conserver sa splendeur; deux Juifs, un pêcheur du 
lac de Génésareth, un fabricant de tentes de Tarse, 
l'ont rendu plus glorieuse que jamais. C'est à eux qu'elle 
doit d'avoir survécu à tous les désastres et à toutes les 
ruines, et d'être encore Urbs Borna. Un poète ano- 
nyme disait avec raison, lorsque Constantinople lui 
eut ravi son titre de capitale de l'empire (Marucchi, 
Excursioni archeol. in Roma, parte II, p. 47) : 

Conslantinopolis florens nova Borna vocatur, 
Mœnibus et mûris Roma vetusta cadis. 
Non si te Pétri meritum Paulique foveret, 
Tempore jam longo misella fores. 

III. Sduvenibs apostoliques a Rome. — La Rome 
chrétienne a conservé et honoré le souvenir de ses 




245. — La prison Mamertîne. 

Apôtres et l'on peut suivre encore aujourd'hui leurs 
traces dans la ville éternelle. — 1° C'est par la via Appia 
que saint Paul arriva dans la capitale de l'empire. Cette 
voie, restaurée parJPie IX, en 1S50-1S53, jusqu'à la 
onzième pierre miliiaire, se présente encore à nous, 
en partie, avec l'aspect qu'elle oflrjt aux yeux de l'Apôtre 
des Gentils (flg. 242 et 243). 

2° Nous avons vu plus haut, col. 1182, qu'il reste 
encore quelques débris de l'ancienne porte de Capoue, 
porta Capena, par laquelle saint Paul fît son entrée 
dans la ville. 

3° Les Castra prsetoriana. — Une caserne marque 
encore aujourd'hui l'emplacement où se trouvait le 
camp des Prétoriens (flg. 244), et où saint Paul dut être 
conduit par les soldats qui l'avaient amené prisonnier. 
Cf. Phil., i, 13. .Le textus receptus grec, Act., xxvm, 
16, contient, d'après quelques manuscrits du vin e au 
x» siècle, ces mots, qui ne sont ni dans les plus anciens 
manuscrits grecs (ni dans la VuJgate) : 6 èxa-zàtzapyos 
itapéSoixe toiç Ss^iu'ou; t<S orpaTOuESâpx^, « le centuriqn 



remit le prisonnier au préfet du camp ». Si l'on peut 
ajouter foi à cette addition, comme le prœfectus ca~ 
strorum devait avoir son habitation dans le quartier 
même des prétoriens, l'Apôtre demeura probablement- 
dans le voisinage et opéra sans doute la conversion 
de quelques soldats. 0. Marucchi, S. Pietro e S. 
Paolo in Roma, 1900, p. 23-25. Quelques savants 
croient cependant plus probable qu'il résida prés du 
Palatin où se trouvait une caserne pour la garde im- 
périale. L'opinion qui fixe le séjour de l'Apôtre à l'en- 
droit où s'élève aujourd'hui Santa Maria in via 
hâta, à la jonction de l'ancienne via Lala et de la 
via Flaminia (le Corso actuel) ne s'appuie pas sur 
des documents dignes de foi. Marucchi, /S. Pietro e 
S. Paolo in Roma, p. 157-159. Il n'y avait pas là de 
maison privée, mais le portique qui entourait les 
Septa Julia, mentionnés sur le plan capitolin de 
Rome. Ce sont des restes de ce portique qu'on voit 
dans le souterrain de l'église. Marucchi, Basiliques de 
Rome, 1902, p. 393. 

4» L'église de San Paolo alla Regola (ainsi appelée 
du mot arenula, à cause du sable déposé là par le Tibre), 
près du Ghetto. Elle était nommée primitivement Scuola 
di SanPaolo, parce qu'il y a en cet endroit une chambre 
souterraine fort ancienne, où l'Apôtre, disait-on, avait 
instruit ses premiers convertis, mais on n'a du fait 
aucune preuve. Voir Bartolomei, Sulla Chiesa di 
San Paolo alla Regola, Rome, 1858; M. Armellini, Le 
Chiese di Roma, 1887, p. 499. 

5° Deux chapelles rappellent le martyre de saint 




246. — Cirque, avec ia spina, l'obélisque et les duse mètre ; au- 
dessous un côté^de l'arène et les ebars. D'après une pierre gra- 
vée. Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 566. 

Pierre et de saint Paul. L'une est l'oratorio délia sepa- 
razione, sur la voie d'Ostie. Marucchi, S. Pietro e 
S. Paolo in Roma,]). 155-156. Il a remplacé un oratoire 
du moyen âge et marque le lieu non authentique où l'on 
raconte que saint Pierre et saint Paul se séparèrent en 
allant au martyre. L'autre chapelle, sur la via Appia, à 
dix minutes de la porte de Saint-Sébastien, bien connue, 
sous le nom de Domine, quo vadis, est ainsi nommée 
parce que saint Pierre, fuyant la persécution, y aurait 
rencontré Notre-Seigneur et lui aurait adressé ces pa- 
roles. Jésus-Christ lui aurait répondu : Redeo Romam ut 
iterum crucifigar, ce qui aurait fait revenir sur ses pas le 
prince des Apôtres pour aller subir le martyre. Ce récit 
se lit dans les actes des martyrs saints Processus et 
Martinien, qui ne sont pas antérieurs au V e siècle. Les 
deux chapelles sont modernes; la seconde a succédé 
à une autre plus ancienne. 11 y avait là au xni a siècle 
une Ecclesia ubi Dominus apparuit. Marucchi, S. Pie- 
tro e S. Paolo, <p. 150-153. 

6» Maison de Pudens. — Saint Pierre et saint Paul, 
d'après une ancienne tradition consignée dans le Liber 
pontificalis (par interpolation), et dans d'autres docu- 
ments,Acto sanctorum,t.n maii,p.295;J.-B.lJeRossi, 




Plans du Cirque de Néron et des deuK Basiliques de Sainr-Pierre(ancienne et nouvelle] 

Le plan de la "Basilique Constantinienne d'après celui de Tibério Alfarano ( 1590) expliqué dans 
De Rossi, Inscriptionea Christian» urbls Romee, t. 11, Rome, 1888, page 229. 

Le rapport établi entre les deux basiliques et le Cirque de Néron d'après la Forma urbis Romœ 
de R. Lanciam, in-folio, (Milan, 1893* 1901 , pi. Xlll. 



Eh kouge 


Cûque de Néron. 








N. 


Nef. 


En noir 


Basilique Constantinienne. 








A. 


Atrium. 


En bleu 


Basilique actuelle. 








a. 


Pinea. 


O. 


Obélisque. * 








b. 


Fontaine. 


flLM* 


Metae (Bornes du Cirque). 








B. 


Samte ; Pétronille, J Ces a "»»>»*<*» B et D ont 


G.G' 


Gradins du cirque dont une 


partie 


sert de 


(Mauso.ee de Vaïentinien U). lZJE3^«"t££S 




soubassement aux colonnes de 


gauche 


D. 


Saint- André J eu eeJises. 




de l'ancienne basilique. 








('Mausolée de la famille théodosienne). 


C~ 


Confession (Tombeau de saint 


Pierre). 


V.V 


Via Camélia. 












R. 


Degrés de l' ancienne basilique. 



4189 



ROME 



U9a 



Bullettino di archeologia crisliana, 1867, p. 43-44, réuni- 
rent plusieurs fois les premiers chrétiens sur le Vimi- 
nal, dans la maison de Pudens, nommé II Tim., iv, 21. 
Elle était située à l'endroit où s'est élevée depuis l'église 
Sainte-Pudentienne (voir Pudens, col. 862), d'après 
l'opinion commune. 

7» L'église de San Pietro in Vincoli, non loin du 
Colisée, où l'on révère les chaînes de saint Pierre, est 
attribuée par le Martyrologe hycronymien à l'apôtre 
lui-même, au 1 er août : Romse dedicatio Ecclesiœ a 
B. Petro conslructœ et ssdificatss, ce qu'on pourrait 
peut-être entendre en ce sens que saint Pierre a réuni 
quelquefois les fidèles en cet endroit. Marucchi, Basi- 
liques de Borne, p. 816. 

8° Maison de Prisque et d'Aquila. — Saint Paul dit 



S. Giovanni in Laterano, au-dessus de laquelle s'éleva 
dès les premiers siècles de l'ère chrétienne une église 
qui fut consacrée à la mémoire du saint. Voir Mullooly, 
St. Clément pope and martyr and his basilica in 
Borna, 2« édit., 1873. 

10° Une autre tradition ancienne fait conférer le 
baptême par le prince des Apôtres dans le cimetière 
ostrien, ainsi appelé des Ostorii qui en furent les fon- 
dateurs : Cœmeterium ostrianurn ubi Pelrus aposto- 
lus baptizavit, portent les Actes du pape Libère, qui 
sont apocryphes, il est vrai, mais remontent au moins au 
v e siècle. Mansi, Concil., t. i, p. 222. Ce cimetière a été 
d'abord identifié avec celui qui fut découvert en 1873 
dans sa propriété par Mï r Crostarosa. Voir Marucchi, 
S. Pietro e S. Paolo in Borna, p. 100-107. Aujourd'hui 




247. — La basilique de Saint-Pierre et le Vatican au moyen âge. 
D'après un ancien dessin. Marucchi, Basiliques et Églises de Rome, t. ni, p. 113. 



en termes formels qu'il y avait dans la maison de 
Prisque et d'Aquila « une église domestique » où se 
réunissaient les fidèles et il la salue. Rom., xvi, 3-5. 
On place généralement cette maison à l'emplacement 
où est aujourd'hui l'église de Sainte-Prisque. Une 
inscription en vers que fit apposer le pape Calliste III 
(1455-1458), quand il restaura l'église et qui est à gauche 
du grand autel : 

...Petrus id docuit populus dum ssspe doceret, 
Dum faceret magno sacraque srnpe Deo 

Dum quos Faunorum factis deceperat error, 
Hic melius sacra purificaret aqua... 

M. Armellini, Le chiese di Borna, p. 561. Cette tradi- 
tion remonte au moins au vin e siècle. Voir Mai, Script, 
vet., t. v, p. 148; J.-B. DeRossi, Bull, diarcheol. crist., 
1887, p. 45; V. Carini, Sul titolo presbiterale di santa 
Prisca, Rome, 1895. 

9° On peut admettre comme très vraisemblable que 
saint Pierre et saint Paul ont réuni aussi quelquefois 
tes premiers chrétiens dans la maison de saint Clé- 
ment, dans la région du Coelius, à la rue actuelle de 



M. Marucchi l'identifie avec le cimetière de Priscille. 
Voir Pudens, col. 864. * 

11° La prison Mamertine. — D'après une tradition 
ancienne, les apôtres Pierre et Paul furent enfermés 
avant leur martyre dans la prison Mamertine, près du 
Forum. Ce nom de Mamertine ne date que du moyen 
âge, mais la prison, Tite Live, î, 33, remonte jusqu'à 
Ancus Martius, le quatrième roi de Rome (641-617 
avant J.-C), qui la fit construire. Elle s'appela d'abord 
simplement Carcer. Sa partie inférieure reçut le nom 
de Tullianum ideo quod additum a Tullio rege, dit Var- 
ron,L. L., v, 32. Cf. Salluste, Cat., 55. Saglio etDarem- 
berg,Uict. des antig., t. il, p. 917-918, au mot Carcer. 
Les Actes des saints Processus et Martinien, qui sont du 
v e ou du y I e siècle, racontent que ces deux martyrs 
furent baptisés par saint Pierre dans cette prison où 
il attendait le supplice. Cette tradition, dit M. Marucchi, 
« ne contredit d'une manière absolue, ni l'histoire ni 
l'archéologie, puisque la prison Mamertine avec le 
Tullianum placé au-dessous était certainement la pri- 
son publique de la ville, même à l'époque impériale. » 
i>. Pietro e S. Paolo in Borna, p. 148 (fig. 245). 



1191 



ROME 



1192 



12» Lieu du martyre de saint Pierre et de saint 
Paul. — a) La tradition est constante et uniforme sur 
le lieu du martyre de saint Paul, mais il n'en est pas 
de même pour saint Pierre, l'une le plaçant au Vatican, 
l'autre sur le Janicule. La tradition la plus ancienne est 
en faveur du Vatican. Le Liber pontificalis, édit. Du- 
chesne, p. 52, dit que son corps fut déposé nia Aurélia 
in témpïo Apollinis (apud templum Apdllinis) juxta 
locum ubi cruciftxus est juxta pàlatium neronianum 
iH Vaticanum in territorium triumphale. Les Actes 
apocryphes, il est vrai, mais fort anciens, déterminent 
exactement le lieu du martyre, apud pàlatium nero- 
nianum juxta obetiscum. Vue tradition postérieure le 
place inter duas mêlas (du cirque). Ces indications 
désignent le cirque Vatican qui se trouvait dans la villa 
de Néron, le palatiumneronianum. Le cirque avaitson 



orbis veneraiione celebratur, dit saint Jérôme. De vir. 
M., 1, t. xxiii, col. 609. Cf. le témoignage de Caius, 
dans Eusèbe, H. E., n, 25, t. xx, col. 209. On accédait 
autrefois à la Confession de Saint-Pierre et auprès des 
reliques du saint Apôtre. Elles furent soigneusement 
fermées en 846 à l'époque où Rome fut assiégée par les 
Sarrasins et depuis ce temps elles sont restées invisi- 
bles. L'autel papal s'élève au-dessus du tombeau apos- 
tolique dans la basilique actuelle (fig. 248). 

h) Le lieu du martyre de. saint Paul est ainsi indiqué 
dans les Actes apocryphes des Apôtres : Eîç [icciraàv 
xaXouuivvjv Axxo'jai aaXSiaç lù.-^ai toO 8év8pou toO crtpo- 
6fXou. Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, 
p. 35. Cette notice est confirmée par Ve Liber pontijx- 
calis et par les anciens pèlerins qui placent le martyre 
de l'apôtre des Gentils ad aqvas Salvias, J.-B. De 



=â- 





■ 7 \ 












249. — Inscription du tombeau de saint Paul à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. 



axe parallèle à celui de la basiiique actuelle de Saint- 
Pierre; les duœ metse (bornes) correspondaient à l'obé- 
lisque, qui s'élevait sur la spina du cirque, et elles 
étaient placées à peu de distance des deux extrémités 
de la spina (voir fig. 246), mur bas et étendu qui coupait 
l'arène en long en deux portions distinctes. Cet obé- 
lisque, apporté d'Héliopolis peu de temps aupara- 
vant, sous Caligùla, resta à sa place primitive jus- 
qu'au pontificat de Sixte-Quint qui le fit transporter 
sur la grande place de Saint-Pierre à l'endroit où on 
le voit aujourd'hui. Il était situé près de la sacristie de 
la basilique actuelle. Voir Marucchi, Gli ûbelischi egi- 
ziani di Borna, in-4°, Rome, 1898, p. 149-151. C'est 
dans les mêmes lieux que les premiers martyrs chré- 
tiens avaient subi les cruels supplices décrits par Tacite, 
Ann., xv, 44. L'opinion d'après laquelle saint Pierre 
aurait été crucifié sur le Janicule, à l'endroit où s'élève 
aujourd'hui San Pietro in Montorio, ne s'appuie sur 
aucun document antique. 

Saint Pierre fut enseveli près du lieu de son supplice. 
Plus tard, l'empereur Constantin, commal'attesteleii- 
ber pontificalis, p. 176, dans la biographie du pape saint 
Silvestre, fit élever, en 306, sur l'humble tombe primi- 
tive, la basilique de saint Pierre (fig. 247), où le prince 
des Apôtres n'a jamais cessé d'être honoré depuis. Se- 
pullus in Vaticano juxta viam triumphalem lotius 



Rossi, Roma sollerranea, 1. 1, p. 182. Les aquss Salviœ 
portent aujourd'hui le nom des Tre Fontane, situées 
à un peu plus de trois milles de Rome en passant par 
la voie Ardéatine moderne, à gauche de la via Ostien- 
sis. Sur le lieu du martyre s'élève l'église deSaw Paûlo 
aile Tre Fontane, dans l'intérieur de laquelle sont, en 
effet, trois fontaines qui jaillirent, d'après la croyance 
populaire, aux trois endroits où bondit la tête du mar- 
tyr décapité. L'édifice actuel est de 1599, mais on y 
avait élevé d'assez bonna heure une église sur le même 
emplacement. 

Le corps de l'apôtre saint Paul ne fut pas enseveli à 
l'endroit même où il avait subi le supplice. Il fut dé- 
posé à une demi-heure de distance, par une matrone 
chrétienne, nommée Lucine, dans le prsedium qu'elle 
possédait sur la via Ostiensis, à l'endroit où s'élève 
aujourd'hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs. 
Le cimetière de Lucine ne parait pas avoir été souter- 
rain, mais en plein air. D'après le Liber ponti/icalis 
( Vita Sylvestri), p. 118, l'empereur Constantin édifia nne 
basilique au-dessus du tombeau du grand Apôtre, mais 
il n'en reste plus rien que le revêtement du sarcophage 
placé aujourd'hui sous l'autel papal et où l'on peut 
lire encore l'inscription qu'y fit graver probablement 
l'empereur et qui est surtout remarquable par sa sim- 
plicité : Paulo apostol. mart. (fig. 2491, J.-B, De Rossi, 



1193 



ROME 



U94 



Bullettino di archeol. crist., 1883, p. 153. L'empereur 
Valentinien II, en 386, fit démolir Ja basilique conslan- 
tinienne pour en construire une plus grande, qui fut 
continuée par Théodose et achevée par Honorius. Sou- 
vent restaurée depuis, elle fut détruite par un incen- 
die pendant la nuit du 15 au 16 juillet 1823. On doit 
la basilique actuelle à Léon XII, à Grégoire XVI et à 
Pie IX qui la consacra en 1854. Malgré toutes ces dé- 
molitions et toutes ces restaurations, la Confession où 
repose le corps de l'Apôtre n'a jamais changé de place. 
Son tombeau, comme celui de saint Pierre au Vatican, 
fut visible jusqu'au IX e siècle. Obstrué alors, il n'a été 



IV. L'arc de triomphe de Titus. — Trois ans après 
le martyre de saint Pierre et de saint Paul, en 70, 
Titus réalisait à Jérusalem, par la prise de la ville et la 
destruction du Temple, les prophéties de Notre-Seigneur 
contre la ville déicide. Matth., xxiv, 2; Marc, xm, 2; 
Luc, xix, 43-44; xxi, 6. L'abomination de la désola- 
tion était entrée dans le Temple avec les aigles des lé- 
gions romaines et la Judée avait été rayée du nombre 
des royaumes. L'arc de Titus (fig. 250) est toujours là, 
près du Golisée, à l'extrémité du Forum, sur la voie 
Sacrée triomphale, pour rendre témoignage à la véra- 
cité des prophéties du divin Maître. Il fut construit en 




250. — Arc de triomphe de Titus. 



dégagé que dans la reconstruction actuelle. On peut 
voir maintenant par la fenestrella la plaque de marbre 
qui recouvre le sarcophage. 

Les reliques de saint Pierre et de saint Paul se trou- 
vent ainsi aujourd'hui, celles du prince des Apôtres à 
la basilique de Saint-Pierre, celles de saint Paul, à la 
basilique de Saint-Paul, à l'endroit même où elles fu- 
rent primitivement déposées. Quelque temps après 
leur martyre d'après les uns, ou ver? le_milieu du 
m e siècle d'après les autres, si ce n'est ^deux fois, pour 
les mettre sans doute plus en sûreté, elles furent trans- 
portées dans un souterrain de la voie Appienne, appelé 
Platonia, mais elles y restèrent peu de temps. On peut 
visiter encore ce souterrain derrière l'abside de la basi- 
lique de Saint-Sébastien. Marucchi, Le catacombe 
ossia il sepolcro apostolico dell' Appia, Rome, 1892; 
Id.. San Pietro e San Paolo, p. 75-92. C'est par leur 
supplice que les deux apôtres ont pris ainsi possession 
de Rome. Aujourd'hui, la statue de saint Pierre se 
dresse au sommet de la colonne Trajane et celle de 
saint Paul au sommet de la colonne de Marc-Aurèle. 



mémoire des victoires de Titus et inauguré sous Domi- 
tien en l'an 81. Senatus populusque Romanus divo 
Tito, divi Vespasiani filio, Vespasiano Au\/usto. A 
l'extérieur, du côté de l'inscription, une frise repré- 
sente le cortège d'un sacrifice. A l'intérieur de l'arcade 
unique, un bas-relief représente Titus sur un quadrige 
que conduit Rome; vis-à-vis, un autre bas-relief montre 
le cortège triomphal qui était passé là avec des Juifs 
prisonniers, le chandelier à sept branches et la table 
des pains de proposition ^vec les trompettes sacrées. 
Voir Chandelier, t. n, fig. 184, col. 544. Le sénat et le 
peuple romain, en élevant ce monument en l'honneur 
de Titus, étaient bien loin de se douter de son impor- 
tance et de sa signification future. Leurs troupes venaient 
de ruiner Jérusalem : c'était pour préparer la ruine de 
l'empire romain lui-même et pour faire grandir à sa 
place l'empire spirituel destiné à le supplanter. 

V. La Rome chrétienne s'élevant sur les ruines de 
la Rome païenne. — Si, quand on vient de visiter 
l'Arc de Titus, on veut se rendre compte de la révolu- 
tion qu'a produite dans l'empire romain la prédication 



1195 



ROME 



11S6 



des Apôtres et l'accomplissement des prophéties de 
saint Jean dans l'Apocalypse, il suffit de faire quelques 
pas et de monter au Palatin qui l'avoisine. De là, au 
nord, de la terrasse des Orti Famesiani, on a le Forum 
à ses pieds et l'on peut embrasser d'un coup d'œil en 
raccourci l'histoire de l'ancienne Rome. Aucun autre 
coin de terre n'a été témoin de tant et de si grands 
événements. La colline qui a été le berceau de la Rome 
des Césars en est aujourd'hui le tombeau. Les empereurs 
ont commandé de là en maîtres à toute la terre. Aujour- 
d'hui une épaisse couche de terre, accumulée par les 



crée est déserte; on n'aperçoit que quelques curieux, d-es 
touristes et des archéologues qui cherchent à reconsti- 
tuer le passé, dans ce cimetière de la grandeur païenne, 
au milieu de cet entassement de pierres, de briques, 
de marbres brisés. À droite se dresse encore la grande 
masse du Colisée, mais en lambeaux, et, tout auprès, 
une maison des Petites sœurs des pauvres, s'élève là 
où fut l'emplacement de la maison dorée de Néron, 
qui s'est effondrée avec la Rome persécutrice des saints. 
La prophétie de l'Apocalypse est accomplie. 
Cependant sur les débris de la Rome païenne a grandi 




251. — Rome dominée par la croix, vue du Palatin. D'après une photographie de M. l'abhé H. Saint-Martin. 
. Église Saint-Adrien. — 2. Église Sainte-Marie de Lorette. — 3. Colonne Trajanne surmontée de la statue de saint Pierre. — 
4. Église du Saint-Nom de Marie. — 5. Temple de Faustine, devenu église Saint-Laurent in Miranda. — 6. Tour des Milices, 
dite tour de Néron. A côté, à droite, Église Sainte-Catherine de Sienne. — t. 8. 9. Eglise Saints Cosme-et-Damien du vi* siè- 
cle. — Plusieurs autres églises qu'on voit avec leur croix de la terrasse du Palatin, à droite et à gauche, n'ont pu être repro- 
duites sur cette vue photographique, à cause de ses dimensions restreintes. 



siècles, recouvre leurs maisons fastueuses : l'herbe et les 
arbres y poussent en abondance et le promeneur y foule 
littéralement aux. pieds les palais de Tibère et de Cali- 
gula. Elle est tombée, la Rome impériale: cecidit, ceci- 
dit Baby Ion magna. Apoc, xiv,8; xvm,2. Et le Forum, 
qui est là sous nos yeux, il est mort également. Il 
était comme le cœur de la Rome républicaine et de la 
Rome impériale, et il a cessé de battre. Autrefois, on y 
affluait de toutes les parties de la terre et de là partaient 
dans toutes les directions les ordres qui réglaient les 
destinées du monde. Maintenant, là aussi, ce ne sont que 
des ruines et des souvenirs. Les temples où l'on hono- 
rait les dieux de la cité sont renversés; plus de consuls, 
plus de tribuns, plus de licteurs, plus A'imperatoreh et 
de centurions; le peuple n'y tient plus ses comices; le 
sénat ne reçoit plus dans la Curie voisine (église Saint- 
Adrien) les ambassadeurs qu'y envoyaient les Machabées 
et tous les pays de la terre ; la tribune aux harangues est 
muette ; les vestales ont cessé d'entretenir le feu sacré 
dans l'atrium de Vesla; le Capitale est toujours là, à gau- 
che, mais il n'y monte aucun triomphateur; la voie Sa- 



la Rome chrétienne. Si du Palatin on lève les yeux au- 
dessus du Forum et qu'on contemple la ville moderne 
qui s'étend au loin, quel changement profond, quel 
spectacle saisissant! Regardez aux quatre vents du ciel : 
partout vous voyez un instrument de supplice, autrefois 
réservé aux esclaves et ignominieux entre tous, la croix, 
qui se dresse triomphante sur d'innombrables églises 
(fig. 251), qui domine, de haut, tous les quartiers de la 
cité, la croix, surtaquelle est mort le fils de Dieu à Jéru- 
salem, la croix sur laquelle saint Pierre est mort dans le 
cirque de Néron ! Ceci, cette croixrédemptrice, a tué cela, 
le paganisme avec ses hontes, le pouvoir oppresseur des 
tyrans. Un jour, là, au bas du Capitole, saint Pierre est 
sorti, dit la tradition, de la prison Mamertine, condamné 
par le César persécuteur, pour marcher au supplice de 
la croix. Il est allé prendre ainsi possession du Vatican. 
Si de la partie septentrionale de la terrasse du Pala- 
tin, nous allons à quelques pas vers le couchant, nous 
apercevons dans le lointain la coupole calme et majes- 
tueuse de la basilique de Saint-Pierre, portant dans les 
airs la croix triomphante. A son ombre habite un 



1197 



ROME — RONCES 



1198 



vieillard, aujourd'hui prisonnier, le successeur du 
prince des Apôtres. En lui s'incarne, si l'on peut ainsi 
dire, la puissance spirituelle. Les Césars commandaient 
aux corps; il commande aux âmes; leur domination ne 
s'étendait pas au delà des limites du monde ancien ; la 
sienne s'étend à toutes les parties de la terre ; bien 
plus, elle ouvre les portes du purgatoire et les portes 
du ciel; en lui se réalisent les promesses que le Sau- 
veur avait faites à Pierre; il est le vicaire du Christ 
■et le représentant de Dieu sur la terre. 

VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages déjà cités, 
voir H. Kiepert et Th. Huelsen, Formas urbis Romse 
antiquœ, accedit nomenclator typographicus, in-4°, 
Berlin, 1896 ; H. Jordan, Topographie der Stadt Rom 
im Alterthum, 2 in-8», Berlin, 3 e édit., 1871-1885; 
Ch. Dezobry, Rome au siècle d'Auguste, 4 in-8°, 
Paris, 1870; F. Reber, Die Ruinen Roms, 2= édit., 
Leipzig, 1879; 0. Gilbert, Geschichte und Topographie 
der Stadt Rom im Allertum, 3 in-8», Leipzig, 1883- 
1890; J. H. Middleton, The Remains of ancient Rome, 
2 in-8°, Londres, 1892 ; R. Lanciani, Ancient Rome in 
the light of modem Discoveries, Londres, 1888; Id., 
Pagan and Christian Rome, Londres, 1892; The Ruins 
and excavations of ancient Rome, Londres, 1897; 
R. Garruci, Cimiterio degli antichi Ebrei in Vigna 
Randinini, in-8», Rome, 1862; E. Schurer, Die Gemein- 
deverfassung der Juden in Rom, 1879; Berliner, Ge- 
schichte der Juden in Rom, 1893; Holtzmann, Ansie- 
delung des Christenthums in Rom, 1874; Huidekoper, 
Judaism at Rome, 1876 ; Hild, Les Juifs à Rome, dans 
la Revue des étudies juives, 1884; Ph. Gerbet, Es- 
quisse de Rome chrétienne, 8 e édit., 2 in-12, Paris, 
1875; 0. Marucchi, Le memorie dei SS. Apostoli 
Pietro e Paolo nella Cilla di Roma, in-8», Rome, 1894. 

F. YlGOUROUX. 

ROMÉLIE (hébreu : Remalyâhû, « celui que Jého- 
vah protège»; Septante : 'Poy.û.(a;; Vulgale : Rome- 
lias), père de Phacée, roi d'Israël. IV Reg., xv, 25, 27, 
30, 32, 37; xvi, 1, 5; II Par., xxvm, 6; Is., vu, 1, 4. 5, 
9; vm, 6. On croit communément que Romélie était de 
basse condition et que c'est par mépris que son lils 
Phacée, usurpateur du royaume d'Israël, est appelé 
« fils de Romélie » tout court. Is., vu, 4; vin, 6. 

ROMENTHIÉZER (hébreu ; Rômanfî x Ézèr; Sep- 
tante ; 1 P(i>!iet6i£ïep), le dixième des quatorze fils 
d'Héman. Il fut le chef de la vingt-quatrième section 
des musiciens du temps de David, laquelle se compo- 
sait de douze personnes, ses fils et ses frères. I Par., 
xxv, 4, 31. Quelques critiques ont supposé que le nom 
de Romenthiézer et de quatre de ceux qui sont nom- 
més avec lui, $, 4, éfait, à cause de leur forme insolite 
un fragment d'hymne ou de prière, et non une liste 
de personnes réelles. La répétition de ces noms dans 
l'énumération des classes de musiciens démontre la 
fausseté de cette hypothèse. 

RONCE (hébreu: barqânim; Septante : papxT)V!p., 
pâ-coç; Vulgate : tribuli, rubus), plante épineuse. 

I. Description. — Les ronces, comme les rosiers, 
sont des arbrisseaux à feuilles composées, munis 
d'aiguillons sur leurs rameaux ainsi qu'à la face infé- 
rieure des pétioles. Elles en difierent surtout par les 
fruits formés de carpelles charnus disposés au pour- 
tour d'un réceptacle saillant, et qui sont en réalité de 
petites drupes, chacune avec un noyau central recou- 
vert par le péricarpe succulent. Les fleurs, comme 
dans la généralité des Rosacées, sont régulières, herma- 
phrodites, avec les pétales et de nombreuses étamines 
sur le bord interne du tube du calice. Les Rubus de 
Palestine appartiennent tous à la série des Rubus homa- 
lacanthi, ayant leurs tiges marquées de cinq faces planes 
ou canaliculées, et portant leurs aiguillons sur les 



angles saillants. Ils correspondent à l'ancien Rubus 
fruticosus L. démembré depuis en de nombreuses 
espèces ou formes dont les plus tranchées sont R. 
discolor (fig. 252) à folioles blanchâtres en dessous, 
R. tomentosus à feuilles veloutées au moins sur la face 
inférieure, et celle que de Candolle nommait R. colli- 
nus, intermédiaire entre les précédentes, dont elle n'est 
peut-être qu'un hybride. F, Hy. 

II. Exégèse. — Les mots par lesquels la Bible dé- 
signe d'une façon générale les épines ou plantes épi- 
neuses sont assez nombreux. Voir Épines, t. h, col. 1895. 
Mais il est un certain nombre de noms, souvent mal 
rendus par les versions, qui ont un sens précis de 
plante déterminée. Tel est entre autres, semble-t-il, le 
mot barqânim, qui se rencontre en un seul passage. 
Jud., vm, 7, 16. « Lorsque Jéhovah aura livré entre mes 




232. — Rubus discolor. 

mains Zébée et Salmana, dit Gédéon aux gens de Soc 
coth,je déchirerai votre chair avec des épines du déser 
et des barqânim », Jud., vm, 7; et c'est Ce qu'il fit, 
comme il est dit plus" loin au f. 16. Plusieurs exégètes 
avec Gesenius, Thésaurus, p. 244, font de ces barqâ- 
nim des espèces de herses armées de pointes aiguës. 
Mais on ne s'explique pas bien, dans cette hypothèse, 
ce que viennent faire les « épines du désert » qui pré- 
cèdent immédiatement les barqânim. Il semble plutôt 
que les deux expressions sont unies comme dans notre 
locution « les épines et les ronces ». Aussi est-ce dans 
ce dernier sens que de nombreux exégètes entendent le 
mot barqânim. On ne peut appuyer ce sens sans doute 
sur les Septante qui ont simplement transcrit le mot 
hébreu, k-i TCtte Papx^vtn (ce qu'Eusèbe, Onomasticon, 
édit. P. de Lagarde, 1887, p. 140, a pris pour un nom 
de lieu, mais Aquila traduit par «xivDaç, « épines »). La 
Vulgate met tribulis, tribulos (qui ne saurait être la 
herse, en latin tribula ou tribulum) plante épineuse. 
« Barqânim, dit le rabbin Kimchi dans son commentaire 
des Juges, est une espèce d'épines. » Mais quelle épine? 
Le texte demande une épine rampante, flexible, dont on 
puisse au besoin se servir comme d'un fouet. Le châti- 
ment infligé par Gédéon ne consistait pas à coucher les 
hahitants de Soccoth sur des épines et des ronces, et à 
faire passer sur eux ainsi étendus des chariots ou des 
rouleaux. Ce châtiment rappellerait, disent certains exé- 
gètes, celui de II Reg., su, 31, et I Par., xx, 3, mais ces 
passages n'ont pas ce sens. Cf. Revue biblique, 1898» 
p. 253. Il consistait plutôt, dans ce passage des Juges, viiij 



1199 



RONCE — • ROSE 



1200 



7, 16, en des fouets d'épines et de ronces qui auraient 
servi à fustiger et à châtier les habitants de Soccoth. 

La ronce ((3c£toc, rubus) est expressément marquée 
dans un texte de saint Luc, vu, 44, où elle vient dans 
une sorte de proverbe : « Chaque arbre se reconnaît à 
son fruit, on ne cueille pas de figues sur les épines, on 
ne récolte pas de raisins sur la ronce. » — C'est à tort 
que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par 
Bi-roç (rubus) le mot hébreu sench qui désigne le 
buisson enflammé de l'Horeb du milieu duquel Dieu se 
manifesta à Moïse. Exod., m, 2-4; Deut., xxxm, 16; 
Act., vu, 30-35. Voir 1. 1, col. 1967. Ce passage de l'Exode 
est cité par saint Luc, xx ; 37 et saint Marc, xn,26, sous 
untilreou expression reçue chez les rab'bins pour indi- 
quer cet endroit dé la Bible : èitl roû pi-cou, super rubum. 

RONDET Laurent-Etienne, fécond écrivain français, 
né a Vaïis \e Ç> ïaa\ YK\ , mott Aaus cette ville le 
1 er avril 1785. Son père était imprimeur à Paris. Rondet 
fut très attaché au jansénisme. Il est surtout connu 
par son édition de la Sainte Bible, en latin et en fran- 
çais, avec des notes, des préfaces et des dissertations, 
14 in-4°, Paris, 1748-1750; 2 e édit., 17 in-4°, Avignon, 
1767-1774. Cette Bible est connue sous le nom de Bible 
de l'abbé de Vence, quoique ce dernier n'y ait eu au- 
cune part et que Rondet lui ait emprunté seulement 
quelques dissertations. La plus grande partie des pré- 
taces et des dissertations sont prises dans dom Cal- 
met, avec des corrections et des additions. La traduc- 
tion avec paraphrase n'est guère que la reproduction 
de celle de Carrières. La Bible de Vence a été plusieurs 
fois réimprimée, en particulier à Paris en 1828, 25 
in-8° avec atlas in-4°. Parmi les autres publications de 
Rondet, on peut citer Isaïe vengé, in-12, Paris, 1762 
(critique de la Traduction d'haie de Deschamps) ; 
Figures de la Bible en 150 tableaux, avec des expli- 
cations, in-4», Paris, 1767; Histoire de l'Ancien et du 
Nouveau Testament, avec figures, in-8», Paris, 1771; 
Dictionnaire historique et critique dé la Bible, in-4°, 
Paris, 1776-1 784; cet ouvrage, qui devait servir de 
supplément à la Bible de Vence, est resté inachevé et 
s'arrête à la lettre E; Dissertation sur l'Apocalypse, 
in-4°, et in-12, Paris, 1776; Dissertation sur la version 
des Septante, in-4» et in-12, Paris, 1783; etc. ; Verba 
Christi, en grec et en latin, in-4», Paris, 1784; la se- 
conde édition de la Sainte Bible de l'abbé Legros, tra- 
duite sur les textes originaux, avec un Discours sui- 
tes prophètes et des notes (édition modifiée sans en pré- 
venir), 5 in-12, Paris, 1756; une édition du Nouveau 
Testament traduit par Mésenguy; deux éditions de la 
Bible de Sacy, in-f», Paris, 1759, 1776; etc. 

ROS (hébreu : Ro's, <c tête, chef»; Septante: 'P<iç), 
le septième fils de Benjamin. Gen., xlvi, 21. Ce nom 
ne se lit point dans la généalogie de Benjamin repro- 
duite dans I Par., vil, 6 (abrégée), ni vm, 2. Cette der- 
nière, quoique plus détaillée que vu, 6, contient seu- 
lement cinq noms, au lieu des dix de la Genèse. Bans 
viif, 2, le cinquième nom est Rapha (col. 974); c'est 
peut-être une lecture différente de Bos. La liste des fils 
de Benjamin, Num., xxvr, 38-39, contenant le second 
recensement des familles israéliles fait dans le désert, 
à la veille de l'entrée dans la Terre Promise, ne ren- 
ferme aussi que cinq noms. Les cinq autres fils de 
Benjamin énumérés dans la Genèse étaient apparem- 
ment morts sans postérité ou bien leurs descendants 
s'étaient fondus avec d'autres familles. Ros ne figure 
pas non plus dans les Nombres. On a émis l'hypothèse, 
qui n'est pas sansquelque vraisemblance, que le nom 
d'Ahiram mentionné le troisième parmi les fils de 
Benjamin, Num., xxvi, 38, et qui est appelé expres- 
sément père de la famille des Ahiramites (ce qui est 
un argument en faveur de la conservation exacte de 



ce nom), peut bien être la dénomination véritable 
d'un seul fils de Benjamin lequel, par une mauvaise- 
coupure de lecture, aurait été divisé en deux ; le mot 
anttis, 'Ahîrdm, des Nombres, serait la véritable leçon 
et les deux noms m>s. ÉhX de Genèse, et wi, Rô'S, 
seraient le dédoublement de 'Ahîrdm, avec la trans- 
formation du mem final en schin, à cause de la res- 
semblance de ces deux lettres dans l'ancienne écriture 
hébraïque. Voir Alphabet, t. i, col. 407. 'a.lfirâm pa- 
raît être devenu aussi 'Ahirah. I Par., vin, 1. Voir 
t. i, col. 290. 

ROSCH (hébreu : irai, Rô's; Septante, Symmaque-, 
Théodotion : 'P<iç), contrée nommée dans Ézéchiel, 
xxxvni, 2, 3; xxxix. — 1. La Vulgate a pris Rô's pour 
un nom commun; elle a traduit Gog, [princeps] capitis 
[Mosoch et T/iubal]; mais Mosoch et Thubal étant des 
noms propres, il est plus naturel de voir aussi dans 
Rô's un nom propre, comme l'ont fait les Septante et 
comme le font aujourd'hui la plupart des interprètes. 
11 faut donc traduire « Gog » (t. m, col. 265), prince 
de Rosch, de Mosoch (t. iv, col. 1319) et- de Thubal. 
Saint Jérôme dit, In Ezech., xxxvm, 2, t. xxv, 
col. 357 : Primant genteni Ros, Aquila interpretalur 
« caput », quem et nos secuti sunius, ut sit sensus .- 
Principem capitis Mosoch et Thubal. Et rêvera, nec 
in Genesi, nec in alio Scripturx loco, nec in Josepho 
quideni, hanc gentem potuimus invenire. Ex quo ma- 
nifestum est « Ros » non genteni significare, sed « ca- 
put». L'argument n'est pas concluant: Ezéchiel a dans 
ses prophéties plusieurs noms géographiques incontes- 
tables qui ne se lisent dans aucun autre livre de la Bible- 

2° L'identification de Rosch est fort controversée. 
Bochart, Phaleg., m, 13, Opéra, Leyde, 1692, col. 186, 
188, voit dans Rosch et Mosoch les ancêtres des Busses 
et des Moscovites. A Rhos et Mesech, dit-il, col. 186, id 
est, Rhossis et Moschis, descendisse « Russos » et « Mos- 
covitas s . Rhos appellari Tauricam Chersonesum. Cette- 
opinion, adoptée par Gesenius, Thésaurus, p. 1253, 
qui l'appuie sur les dires des écrivains byzantins du 
X e siècle, a compté un certain nombre de partisans, 
mais elle est sujette à bien des difficultés. Le nom des 
Russes n'a pris naissance qu'au IX e siècle (A. Ram- 
baud, Histoire de la Russie, p. 37-42), et le rapproche- 
ment si tardif établi par les auteurs byzantins entre 
les Russes et le Rosch d'Ézéchiel (cf. Socrate, H. E. r 
vu, 43, t. lxvii, col. 833), est loin d'être justifié. — Les 
textes cunéiformes du viif et du \'ii e -siècle avant notre 
ère fournissent une explication plus naturelle et plus 
vraisemblable. Ils mentionnent un pays de Rasu ou 
Rosi, dont le nom correspond bien au Rosch d'Ézéchiel ; 
il touchait à Élam et était situé à l'ouest de ce dernier 
pays. G. Smith, Ristory of Assurbanipal, p. 218; Eb. 
Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung; 
p. 110, 112; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies r 
p. 322; Id., dans Calwer Bibellexicon, 1885, p. 774; Fr. 
Lenormant, Les origines de l'histoire, t. n, p. 456. 

ROSE (grec : pôSov; Vulgate : rosa), la reine des 
fleurs. 

I. Description. — Ce genre est le type de la famille 
des Rosacées, dialypétales calieiflores régulières, dont 
une série est constituée par le seul genre Rosa, très 
nettement caractérisé par son fruit, le Cynorrhodon 
des anciens. C'est un réceptacle creux, resserré à son 
orifice et charnu à la maturité, renfermant dans sa. 
cavité plusieurs carpelles secs et entremêlés de poils 
rigides. Les feuilles sont imparipennées, avec stipules 
soudées au pétiole. 

Le Rosa phœnicia Boissier (fig. 253), qui habite la 
région littorale, se reconnaît à ses fleurs blanches, ses 
sépales caducs, ses longues tiges sarmenteuses, et sur- 
tout à ses slvles soudés en colonne saillante. Dans les 



1201 



ROSE 



12G2 



parties montueuses on trouve diverses formes com- 
prises dans l'ancien Rosa canina de Linné. Une des plus 
remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253), 
sous-arbrisseau tout couvert d'aiguillons inégaux, les 
uns sétiformes, les autres recourbés à base dilatée. 
Les fleurs sont petites et roses, les fruits précoces 
couronnés par les sépales entiers et persistants. Enfin 
sur les escarpements rocheux du désert de Sinaï croît 
le Rosa arabica Crépin, simple variété du vulgaire 
Rosa rubiginosa qui diffère du type par les soies du 
fruit, la plupart dépourvues de glandes. F. Hv. 

II. Exégèse. — Le nom de la rose ne se rencontre 
pas dans les textes hébreux de l'Ancien Testament; il 
ne parait que dans les livres composés en grec, dans la 
Sagesse, it, 8, et selon quelques auteurs dans l'Ecclé- 
siastique. Cette fleur originaire de la région du Caucase 
ne parait avoir été cultivée dans les jardins syriens qu'à 
partir de l'époque des Séleucides. Ch. Joret, La rose 
dans l'antiquité et au moyen âge, in-8°, Paris, 1892, 
p. 124-125; Les plantes dans l'antiquité, l rc partie, 




253. 



- Rosa pliœnlcia. 



dans L'Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 399. D'après 
le III e livre des Machabées, vu, 17, Acco ou Ptolémaïde 
tirait de la culture abondante de cette fleur le surnom 
de poSojpo'poç, « rosifère ». Le traité Maaseroth, h, 5 
(Surenhusius, Mischna, t. i, p. 251), fait allusion à un 
jardin de roses situé près de Jérusalem. Le rosier 
était assez répandu dans la Palestine au commencement 
de l'ère chrétienne : nous voyous par les Actes, XII, 13, 
que le mot 'PôSti, « Rosier », était usité comme nom 
de personne; il était porté par une servante. Actuelle- 
ment la culture de la rose est très intense en plusieurs 
régions de Palestine et des pays syriens, spécialement 
à Damas où l'on fabrique de l'essence de rose et des 
pâtes et des sirops aromatisés de cette essence. 

Dans le milieu où vécut l'auteur de la Sagesse, 
l'Egypte, la rose ne pénétra aussi qu'as^eï tard, c'est-à- 
dire à l'époque des Ptolémées. Ch. Joret, Les plantes 
dans l'antiquité, p. 156. C'est ce qui explique que le nom 
n'en paraisse pas dans les anciens textes. On ne le trouve 

qu'en démotique. La rose se nommait il "W * ==> 1 ^ 

ûart, ûarta, en copte, ovepT, d'où est venu le nom 
arabe j>^, ûard, ouarda, et le nom araméen de la Mi- 
schna et des Talmud ntti, varda', Uarda'. C'est le 
même nom dans les pays grecs où la plante est plus an- 
ciennement connue, pôSov, primitivement flpôSov, 
-Fp68ov. Le nom du pays d'origine a passé avec la fleur 



dans toutes les régions où elle a été implantée. Eu 
Egypte, la rose parait avoir été spécialement cultivée- 
dans le nome d'Arsinoé. Fr. Crépin, Sur les restes de- 
roses découverts dans les tombeaux de la nécropole- 
d'Arsinoé, dans le Bulletin de la Société royale de 
botanique de Belgique, t. xxvm, 1888, 2» partie, p. 184. 
Dans la nécropole gréco-romaine de Hawara au Fayoum, 
M. Flinders Pétrie en a également trouvé des restes. 
Hawara, Biahniu and Arsinoé, 1887, p. 48; V. Loret, 
La Flore pharaonique, 2 e édit., Paris, 1892, p. 82. 

Rien ne s'oppose donc à ce que le pôSov de la Sagesse, 
H, 8, ne soit la rose. L'usage auquel l'auteur fait allu- 
sion confirme cette attribution. Il fait parler les 
impies qui dans leurs banquets veulent se donnei- 
toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis. 
« Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou> 
pétales de roses) avant qu'elles se flétrissent. » On sait 
que dans leurs fêtes les anciens Grecs ou Romains 
aimaient à porter des couronnes de fleurs. Leurs belles- 
couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la 
rose pour cet usage. Horace, Ode, I, xxxvi, 15; Pline, 
H.N., xxi, 8; Ovide, Fast., v, 335; Martial, v, 65. Dans 
les banquets on portait ces couronnes sur la tête, et 
autour du cou. Cioéron, In Verr., il, 5, 11 ; Lucrèce, v, 
1397; Athénée, Deipn., xv, 674; Garcke, De Horal.. 
corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860. — Il est 




254. — Rosa glutinosa. 

également fait allusion aux roses dans le texte grec 
d'Esther, i, 6, où sont décrites les décorations de la 
salle du festin royal. On y parle de tapisseries magni- 
fiques parsemées de fleurs et ornées sur les bords d& 
roses épanouies. — Rien n'est moins certain, au con- 
traire, quo l'identification faite par plusieurs exégètes de 
laroseavecle poSovde deux passages de l'Ecclésiastique, 
xxiv, 13-14. et xxxix, 13. Le premier de ces textes con- 
tient l'éloge de la Sagesse que l'on compare à des arbres 
remarquables par leur port et leur feuillage : 

Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi 

El comme les mit fdSov à Jéricho, 

Comme un bel olivier dans la plaine, 

Et j'ai grandi comme un platane (xxiv, 13-14). 

Le second texte nous montre le pôSov croissant sur le 
bord des eaux courantes (xxxix, 13). Or le rosier peut 
difficilement être mis en parallèle avec l'olivier, le pla- 
tane et le palmier; et il ne croît pas d'ordinaire au 
bord des eaux. Le laurier-rose remplit mieux les con- 
ditions et il porte dans les textes des auteurs anciens 
les noms de poSoSâsvrj, laurier-rose, poBoSévêpov, arbre à 
rose. Dans les écrivains arabes sur la médecine on remar- 
que que le nom reçu en Syrie pour le laurier rose est 
rodyon. Voir le Laurier-rose ou Nerium oleander, 
t. îv, col. 130. 



1203 



ROSE — ROSEAU 



1204 



Malheureusement l'original hébreu de ces deux pas- 
sages de l'Ecclésiastique, xxiv, 14 (Vulgate,18) etxxxix, 
13 (Vulgate, 17) n'a pas été retrouvé. Quant au f. 8 du 
chapitre L, où Simon est comparé, dans le grec et le 
latin, à la fleur des rosiers aux jours du printemps, le 
mot hébreu découvert donne un autre sens : « Comme 
la fleur isj72, be'anfê, aux branches, aux jours du 
printemps ». Il faut avouer que la leçon déchiffrée sur 
les manuscrits, >SJ73 (pluriel irrégulier), n'est pas très 
satisfaisante : On s'attendait à trouver ici un nom de 
plante particulier et non pas un nom vague et général 
comme celui de branches. Le traducteur grec n'a cer- 
tainement pas lu 'Sjya pour traduire par po8<iv. N'au- 
rait-il pas trouvé dans l'original hébreu le mot cmi, 
uardim, pluriel de nvh , uardd", « rose »? Et ce mot 

t: t 

omi, mal lu dans l'écriture carrée ou dans l'ancienne 
écriture par un copiste du texte hébreu, n'aurait-il pas 
été confondu avec >sm 1 
Quant au Cant., h, 1, et 7s., xxxv, 1, où quelques ver- 




255. — Arundo donax. 

sions modernes à la suite de Kimchi et d'Abenesra 
ont cru trouver la rose, la rose de Saron, le mot hébreu 
bâbasséléf, n'a certainement pas ce sens. Il désigne le 
colchique, ou plutôt le narcisse. Voir t. n, col. 831, et 
t. iv, col. 1477. — Ce qu'on a l'habitude d'appeler rose 
de Jéricho n'a rien de commun avec les roses propre- 
ment dites : c'est l'Anastatica hierochuntina, qui a la 
propriété, dès qu'elle est plongée dans l'eau, de s'ouvrir 
peu à peu, et d'étaler ses branches et ses feuilles. 
Voir t. m, col. 1291, flg. 227 et 228. 

E. Levesque. 

ROSEAU (hébreu : qânéh; Septante : y.aXot[ioç; Vul- 
gate : arundo, calamus), plante aquatique. 

I. Description. — Ce nom vulgaire a été appliqué à 
plusieurs genres de graminées à chaume robuste et vi- 
vace, tels que les Phalaris, Calamagrostis, etc. Mais 
il convient surtout aux espèces de la tribu des Aron- 
dinées, très répandues aux bords des eaux dans toute la 
région méditerranéenne et caractérisées par leurs 



épillets pourvus de longs poils à la base; ainsi que par 
leurs glumelles portant ordinairement 2 ou 3 dents au 
sommet. Le principal genre Arundoa ses épillets velus 
sur la glumelle même et comprend comme principale 
espèce Arundo Donax (fig. 255), vulgairement la Canne 
de Provence. D'un puissant rhizome tubérisé s'élancent 
des tiges ligneuses, hautes de plusieurs mètres, à nœuds 
rapprochés et abondamment ramifiées à la partie supé- 
rieure. Les feuilles distiques, planes, largement lan- 
céolées à pointe aiguë, ont une très courte ligule garnie 
de cils. La panicule terminale dense et dressée en que- 
nouille porte au sommet de ses nombreuses branches 
des épillets à 3 ou 4 fleurs. Les glumes scabres sur la 
carène dorsale égalent presque les glumelles à sommet 
bifide et munies d'une arête courte dans l'échan- 
crure. 

Les Phragmites ont leurs poils portés par le rachis, 
au-dessous des épillets,' tandis que les glumes et glu- 
melles sont glabres. Le Phragmites communia (fig. 256) 




256. — Phragmites communia. 

un des roseaux les plus répandus, présente dans la ré- 
gion chaude, principalement en Syrie, en Galilée et en 
Egypte, une variété plus robuste atteignant 15 à 20 pieds 
(2 mètres 10) qui rivalise pour ses dimensions avec 
VArundo, mais en diffère par sa panicule de fleurs 
diffuse et un peu penchée. F. Hï. 

II. Exégèse. — Le qânéh est une plante d'eau mise 
en parallèle avec le jonc, sûf, III Reg., xiv, 15; Is., 
xix, 6, avec le papyrus, g&mê', Is., xxxv, 7; croissant 
en épais fourré et pouvant fournir une retraite assurée 
au crocodile, Ps. lxviii (Vulgate, lxvii), 31, à l'hippo- 
potame, Job, xl, 21 (Vulgate, 16), dontla tige droite peut 
servir de bâton, de canne. IV Reg., xvm, 21; Ezech., 
xxxrx, 6. Tous ces caractères conviennent au roseau, à 
VArundo Donaœ, et aux espèces voisines comme le 
Phragmites communis. On trouve d'ailleurs le même 
nom pour désigner cette plante en assyrien : qânû, en 
syriaque et chaldéen : qanyâ', et même en grec : xâwa 
et en latin canna. I. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, 
in-8°, Leipzig, 1881, p. 341. — Cette plante était ré- 



Iâ05 



ROSEAU — ROSEAU AROMATIQUE 



1206 



pandue sur les bords du Tigre et de l'Euphrate, en 
Egypte et en Palestine. Les monuments assyriens ré- 
présentent souvent le roseau dans des cours d'eaux. 
E. Bonavia, The Flora of the Assyrian Monuments, 
in-8°, Londres, 1894, p. 30-31 (fig. 257). Le roseau était 
plus abondant sur les bords du Nil et est souvent 
représenté dans les peintures des tombeaux. C'est la 
panicule du roseau (fig. 258) qui sert de signe hiérogly- 
phique pour la lettre a, I, On, utilisait la tige pour 
fabriquer des flûtes, des flèches, etc., les feuilles pour 
tresser des nattes, etc. On lui donnait le nom de !: I , 

nabi. Voir Loret, La Flore pharaonique, in-8°, Paris, 
1892, p. 19. En Palestine on trouve YArundo Donax et 
le Phragmites communia, un peu partout et particu- 
lièrement au lac Houléh, sur les bords de la mer de 
Tibériade, sur les rives du Jourdain, dans la vallée de 
Cana ou des roseaux. Jos., xvt, 8; xvn, 9. Voir t. n, 
col. 105. Si le feu s'y met en temps de sécheresse, la 




257. — Roseaux sur les bords d'un marais. 
D'après Layard, Monuments of Nineveh, 2' série, pi. 27. 

flamme court avec rapidité et jette un éclat splendide, 
auquel l'auteur de la Sagesse, m, 7, compare la récom- 
pense des jusles. Le roseau qui plie à tous les 
vents est le symbole de la faiblesse de caractère qui 
cède à toutes les impulsions. Ce n'est pas ainsi qu'était 
Jean-Baptiste. Matth., n, 7; Luc. vu, 24. La tige droite 
du roseau, coupée à la mesure voulue, sert de bâton, de 
canne, appui souvent fragile. « L'Egypte a été un appui 
de roseau pour la maison d'Israël », dit le prophète, 
Ezech., xxix, 6. « En qui as-tu placé ta confiance pour 
te révolter contre moi », dit àÉzéchias l'officier envoyé 
par le roi d'Assyrie? C'est dans l'Égypïfr que tu l'as 
mise, prenant pour soutien ce roseau cassé qui pé- 
nètre et perce la main de quiconque s'appuie dessus. » 
IV Reg., xvm, 21; Is., xxxvi, 6. — Voulant peindre la 
douceur du serviteur de Jéhovah, le Messie, Isaïe, 
xlii, 3, se sert de cette image proverbiale : « Il ne bri- 
sera pas le roseau fendu ». S. Matthieu, xn, 20, ap- 
plique à Jésus-Christ ce passage du prophète. 

Le roseau, formant une tige droite, et atteignant 
trois mètres et plus de hauteur, a servi de mesure de 
longueur : qenêh ham-mîddâh, « canne à mesurer, » 
c'est le mon donné par Ézéchiel, xl, 5. Elle sert à éva- 



luer les mesures du temple, XL, 3; xlh, 8; xlii, 16-19 : 
elle avait six coudées et six palmes, 3 m 675. Voir t. iv, 
col. 1042. Dans sa vision de la fondation du nouveau 
temple, Ézéchiel, xl, 3, nous montre d'abord « un 
homme ayant à la main un cordeau de lin et une 
canne à mesurer. » Faut-il voir quelque rapproche- 
ment avec ce qui est dit souvent dans les cérémonies 
de fondation de temples en Egypte? « La canne de 
roseau est dans sa main, (du pharaon), il fait la céré- 
monie de la fondation. » Recueil de travaux relatifs 
à la philologie et archéologie égyptienne et assy- 
rienne, t. i, Paris, 1870, p. 176. Il est vrai que dans la 
cérémonie de fondation des temples égyptiens, la canne 
de roseau sert à retenir le cordeau destiné à marquer 
les limites des fondations à faire. N'en serait-il pas de 
même pour le prophète? 

Le roseau taillé servait à écrire : c'est le calame. 
IH'Joa., 13. Le « roseau, qanêh, pour faire le calame 
à écrire, » dit la Mischna, Schabbat, vin, 5. Voir 
Calame, t. ii, col. 50. Par analogie on appela 
qdnèh, la tige du blé ou chaume, Gen., xli, 5, 22; les 
sept branches de chandelier d'or, Exod., xxv, 33; 




258. - Panicule du roseau. 

D'après F. Woenig, Die Pflanzen int alten Aegypîen, 

18S6, p. 131. 

xxxvm, 19, etc. — Voir Pline, H. N., xvi, 66; O. Cel- 
sius, Hierobolanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. n, 
p. 312-325; Gr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegijp- 
ten, in-12, Leipzig, 1886, p. 131. 

E. Levesque. 

ROSEAU AROMATIQUE (hébreu : qenêh bôsèm, 
« roseau odorant », Exod., xxx, 23; Septante : xaXâjiou 
e-jûêo'jc ; Vulgate : calamus. Il est encore appelé en hé- 
breu : qâneh hattob, « le bon roseau », Jer., vi, 20; Sep- 
tante : xtvi|i£U(AOv; Vulgate : calamum suave olentem; et 
plus fréquemment qânéh, « roseau », Cant., v, 14; Is., 
xlhi, 24; Ezech., xxvn, 19; Septante : r.i}.au,oç Cant., 
v, 14; 8-j(7i'a*|jia, Is., xlhi, 24, et tpoxi=U, Ezech., xxvn, 
19; Vulgate : fistula, Cant., iv, 14; calamus, Is., xlhi, 
24; Ezech., xxvn, 19), plante aromatique. 

1. Description. — Sous ce nom les anciens désignaient 
une aroïdée qui habite le bord des eaux dans toute la 
région froide ou tempérée de l'Ancien Monde. L'Acorus 
calamus (fig. 259) de Linné est une herbe ayant le 
port des iris, avec des feuilles ensiformes et engai- 
nantes à la base, qui occupent sur 2 rangs toute la face 
dorsale d'un rhizome rampant à fleur du sol. La gaine 
est longuement dépassée par un limbe linéaire, à côte 



1207 



ROSEAU AROMATIQUE — ROSEE 



1208 



proéminente, et légèrement crispé aux bords près du 
sommet. Le pédoncule floral, presque semblable, mais 
plus franchement triquètre, se termine par une spathe 
foliacée à la base de laquelle est inséré latéralement un 
spadice épais, obtus, cylindracé, tout recouvert de 
petites fleurs sessiles et sans éclat. Leur périanthe 
rudimentaire a néanmoins 6 pièces bien constituées, 
tronquées au sommet et formant -voûte pour l'ovaire 
central entouré de 6 étamines, et qui devient à maturité 
un fruit bacciforme en pyramide renversée. F. Hy. 

II. Exégèse. — Des exégètes ont identifié le qânêh 
odorant avec YAndropogon schœnanthus ou jonc odo- 
rant. Voir t. m, col. 1630. D'après les textes bibliques le 
qânéh odorant est une plante aromatique, mise en 
parallèle avec l'encens de Saba et venant aussi des terres 
lointaines, c'est-à-dire de l'Arabie ou des régions voi- 




259. — Acorus calamus. 

sines. Jer., vi, 20. Des tribus arabes du Yémen l'appor- 
taient sur les marchés de T$r. Ezech., xxvn, i9. Il 
entrait dans la composition aromatique brûlée sur 
l'autel des parfums, Is., XLiir, 24; Jer., vi, 20, et dans la 
composition de l'huile d'onction, huile sacrée qui ne 
pouvait être reproduite par les particuliers. Exod., xxx, 
23. Ces raisons ont paru suffisantes à ces exégètes pour 
voir dans le qânéh odorant, YAndropogon schœnanthus 
ou joue odorant, dont le plus estimé est celui des Nabu- 
théens, et qui est mentionné parmi les ingrédients du fa- 
meux parfum sacré des Égyptiens, le kyphi. Cependant le 
qânéh n'est pas un jonc, mais bien un roseau. Or, chez 
les Égyptiens, une autre plante, qui entrait également 
dans la composition du kyphi, portait le nom de roseau 

de Phénicie, Nabi-nt-Djahi, 1\ J i \^ I U /\ 

et n'était autre queY Acorus calamus ordinairement ap- 
peléau moyen âge Calamus aromaticm. De plus dans une 
recette pour faire le kyphi donnée par un texte d'Edfou, 
Brugsch et Dûmichen, Bec, îv, pi. 83, col. 1-2, on lit 

/~—* | ^"1 II I a j 1 1, kanen djol-rseb nédjem, « kanen, 
autrement dit, roseau odorant, *~~+ I ; kanen », écrit 

aussi a~~i 1 a «^ ", qenna, n'est qu'un mot étranger, le 

qânéh hébreu, le xàwa grec, canna latin. Cf. iU-S, 
qui a \esens àe canna, «taKvws., C'est le. uo«\ asiatique 
qu'on explique par l'expression proprement dite égyp- 



tienne : autrement dit seb nedjem, roseau aromatique. 
V. Loret, Varia, dans Recueil de travaux relatif s à la 
philologie et Varchéol. égypt., Paris, 1870, 1. 1, p. 190; 
t. îv, p. 156. Les auteurs grecs rangent V Acorus cala- 
mus, sous le nom de xâXajio;, au nombre des ingrédients 
du kyphi. L'jlcorus aromaticus ne poussait pas en 
Egypte, mais il y était apporté par les marchands phé- 
niciens qui le recevaient de l'Asie orientale. C'est pour 
cela qu'il était connu en Egypte sous le nom de roseau 
de Phénicie. V. Loret, La flore pharaonique, 2» édit., 
Paris, 1892, p. 31 ; Le kyphi, parfum sacré des anciens 
Egyptiens, dans le Journal asiatique, Paris, juillet- 
août 1887. Cf. O. Celsius, Hierobotanicon, t. n, p. 326. 

E. Levesque. 
ROSEAUX (VALLÉE DES), vallée ou torrent de 
Cana, dont le nom a été ainsi traduit dans la Vulgate 
(Vallis arundinetï). Voir Çana 1, t. il, col. 104. 

ROSÉE (hébreu : lai; Septante : Spàaoç; Vulgate : 
ros), dépôt de gouttelettes d'eau qu'on remarque le 
matin sur beaucoup d'objets exposés à l'air libre, quand 
la nuit a été sereine. Pendant les nuits claires, les 
objets qui sont dehors rayonnent leur chaleur vers les 
espaces célestes et se refroidissent très vite. L'air 
chauffé pendant le jour se refroidit aussi à leur con- 
tact et dépose sur eux la vapeur d'eau qu'il contenait. 
Les premières gouttelettes s'accroissent peu à peu par 
l'adjonction des dépôts successifs de vapeur. La rosée 
est d'autant plus abondante que l'écarl est plus consi- 
dérable entre la température de la nuit et celle du 
jour, et que les corps exposés à l'air sont moins bons 
conducteurs de la chaleur. La rosée ne se produit pas 
quand le rayonnement vers les espaces célestes est- 
empêché par un obstacle, nuages, arbres, etc. Quand la 
température nocturne descend au-dessous de 0», la rosée 
se congèle et donne le givre. Voir Givre, t. ni, 
col. 247. — En Palestine la température de la nuit des- 
cend ordinairement de 15" à 25» degrés au : dessous de 
celle du jour. Jacob se plaignait à Laban d'être « dévoré 
le jour par la chaleur et la nuit par le froid, » pendant 
qu'il gardait les troupeaux en Mésopotamie. Gen., xxxi, 
40. « Il tombe à Jérusalem, la nuit surtout, une rosée 
très pénétrante. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
Paris, 188ï, p. 257. Il en est de même dans la plus 
grande partie du pays. Il n'est pas rare de la voir dé- 
goutter en abondance, par exemple de la toiture des 
tentes. Cette rosée supplée à la pluie qui ne tombe 
pas pendant plus de la moitié de l'année ; elle fournit 
aux plantes l'humidité dont elles ont besoin et ainsi 
atténue, dans la mesure nécessaire à la végétation lo- 
cale, les effets désastreux de la chaleur et de la séche- 
resse prolongée. 

1° Sens propre. — L'explication théorique de la ro- 
sée n'a été trouvée qu'en 1810. Les anciens n'ont donc 
pas l'idée exacte de l'origine du phénomène. Ils l'assi- 
milent à celui de la pluie. 

La pluie a-t-elle un père ? 

Qui engendre les gouttes de la rosée ? Job, xxxvm, 28. 
C'est par la science (de Jéhovah) que les abîmes se sont ou- 
Et que les nuages distillent ta rosée. Prov., m, 20. [verts,. 

Israël est établi dans un pays fertile « et son ciel dis- 
tille la rosée. » Deut., xxxm, 28. C'est « la rosée de* 
l'Hermon qui descend sur les sommets de Sion. » 
Ps. cxxxin (cxxxn), 3. Au désert, la manne apparaissait 
le matin en même temps que la rosée et les Israélite* 
considéraient l'une et l'autre comme tombant du ciel. 
Exod., xvi, 13, 14; Num., xi, 9. — La rosée constitue- 
pour les habitants de la Palestine un bienfait très appré- 
cié. Isaac souhaite que « Dieu donne à Jacob la rosée- 
du ciel, » tandis que la demeure d'Ésaù sera (•: privée 
de la rosée qui descend du ciel. » Gen., xxvn, 28, 39- 



1209 



ROSÉE — ROSENMÛLLER 



1210 



Moïse prédit à la tribu de Joseph « le précieux don du 
ciel, la rosée. » Deut., xxxm, 13. Après le retour des 
Juifs exilés en Palestine, « \a terre donnera ses produits, 
les cieux donneront leur rosée, » Zach, rai, 12; les 
deux bienfaits sont solidaires. La rosée rafraîchit les 
ardeurs du vent d'Orient, qui est sec et brûlant, Eccli., 
xvni, 16; après la chaleur, elle ramène la fraîcheur et 
la joie. Eccli., xliii, 24. Un vent de rosée rafraîchissait 
les jeunes Hébreux au milieu de la fournaise. Dan., m, 
50. Aussi l'invitent-ils à bénir Dieu, en l'associant tan- 
tôt à la pluie et tantôt au givre. Dan., m, 64, 68. — La 
privation de rosée devenait une calamité et une malé- 
diction. David souhaite que les monts de Gelboé, qui 
ont vu périr Saûl et Jonathas, ne reçoivent désormais 
ni rosée ni pluie. II Reg., i, 21. Au roi Achab, Élie 
annonce qu'il n'y aura ni rosée ni plaie durant plu- 
sieurs années. III Reg., xvii, 1. La famine en résulta. 
Aggée, I, 10, dit aux Juifs que les cieux retiennent leur 
rosée parce qu'on ne s'occupe pas de rebâtir la maison 
du Seigneur. — Celui qui passe la nuit dehors -est 
ensuite tout couvert de rosée. Cant., v, 2. Ce fut ce qui 
arriva à Nabuchodonosor pendant sa folie. Dan., rv, 12, 
20, 22, 30. — Avant d'accepter la mission que Dieu veut 
lui confier, Gédéon demande un double signe au- 
quel devait servir le phénomène de la rosée. Il prend 
une toison de laine, gizzat has-sêmér, « une tonte de 
laine », par conséquent la laine de la toison sans la 
peau, comme traduisent avecraison les Septante : noxov 
toû êptou, et il la met sur l'aire exposée à tous les vents. 
Il désire, une première fois, que la toison soit impré- 
gnée de rosée et que la terre reste sèche, une seconde 
fois que la rosée humecte la terre mais ne tombe pas 
sur la toison. Dieu condescendit au double désir de 
Gédéon. La terre qui devait rester sèche ou humide 
n'était pas seulement celle qui recouvrait la toison, 
niriis kol-ha'drés, « toute la terre » de l'aire. Jud-, vi, 
36-40. 

2» Comparaisons. — La rosée est l'image de la pros- 
périté, à cause de la fécondité qu'elle assure à la terre. 
Job, xxix, 19, pour marquer le bonheur qu'il imagi- 
nait, dit que la rosée passait la nuit dans son feuillage. 
Osée, xiv, 6, assure que Dieu sera la rosée pour Israël. 
Isaïe, xlv, 8, appelle le libérateur en ces termes : 

Cieux, répandez d'en haut votre rosée 

Et que les nuées fassent pleuvoir la justice. 

Jacob, dispersé parmi les nations, sera comme la rosée 
venant de Jéhovah, Mich., v, 7, c'est-à-dire comme 
une source de grâces pour elles. La faveur du roi est 
comme la rosée sur l'herbe, Prov., xix, 12, elle entre- 
tient la vie. Moïse dit, au début de son cantique : « Que 
ma parole tombe comme la rosée » douce et fécondante. 
Deut.,xxxn,2. Pour laisser grandir les ennemis de son 
peuple, Dieu se tient en repos. 

Comme une chaleur sereine par un brillant soleil, 
Gomme un nuage de rosée dans la chaleur de la moisson. 

Puis, quand la moisson est sur le point de mûrir, il 
coupe soudain tout ce qui a poussé, c'est-à-dire qu'il 
détruit les ennemis au moment où ils se croient sûrs 
du triomphe. Is., xvm, 4. — La roséje figure aussi le 
réveil et la vie ; la rosée du Seigneur est une « rosée 
de l'aurore », elle fait revivre les trépassés, elle res- 
suscite le peuple des justes. Is., xxvi, 19. Jéhovah dit 
au Messie : 

Du sein de l'aurore, à toi 
La rosée de ta jeunesse, 

c'est-à-dire, dans le sens concret, tes enfants, tes sujets 
gardant une éternelle jeunesse, viennent à toi aussi 
nombreux que les gouttes de rosée qui découlent du 
sein de l'aurore. Ps. ex (cix), 3. C'est l'annonce de 
l'empressement avec lequel une multitude d'âmes 



accourront pour se mettre à la suite du Messie. Aquila, 
Symmaque et saint Jérôme traduisent conformément à 
ce sens. Les Septante et la Vulgaie ont lu un texte diffé- 
rent : « De mon sein avant l'aurore, je t'ai engendré. » 
Ces versions n'ont pas rendu les mots lekâtal, « à toi 
la rosée », également ignorés de Théodotion, et au lieu 
de ~}T\-h>, yalduléka, « ta jeunesse », elles ont lu i»m':>, 
yelidfika, « je t'ai engendré », comme Ps. Il, 7. — La 
rosée couvre la terre doucement et sans qu'on s'en 
aperçoive. Chusaï conseille à Absalom de s'enteurer 
d'une multitude et, avec elle, de tomber sur David et 
ses partisans « comme la rosée tombe sur la terre, » de 
manière à les atteindre tous sans qu'aucun n'échappe. 
II Reg., xvn, 12. — La rosée s'évapore rapidement aux 
premiers ravons du soleil. La piété des Israélites 
ressemble à la rosée, elle ne dure guère, Ose., vi, 4; 
Éphraïm passera lui-même comme se dissipe la rosée 
du matin. Ose., xm, 3. La petite gouttelette de rosée 
n'est rien; le monde est devant Dieu « comme la goutte 
de rosée matinale qui tombe sur la terre. » Sap., xi, 
23. H. Lesêtre. 

1. ROSENMULLER Ernst Friedrich Karl, fils de 
Jean- Georges Rosenmûller, orientaliste 'et théologien 
protestant allemand, né le 10 décembre 1768 à Hessberg, 
près d'Hildburghausen, où son père était alors pasteur, 
mort à Leipzig, le 17 septembre 1835. Il fit ses études 
d'abord dans sa famille, pais au collège de Giessen, et 
enfin, à partir de 1785, à Leipzig, où il fut repu doc- 
teur en philosophie en 1788. A cette même université, 
il fut nommé professeur extraordinaire d'arabe en 
1796, professeur ordinaire de langues orientales en 
1813, et prit le grade de docteur en théologie en 1817. 
Aussi actif que savant, il a publié, soit seul, soit en 
collaboration avec d'autres, une grande quantité d'ou- 
vrages se rapportant aux études bibliques, écrits origi- 
naux, éditions annotées, traductions, revues; parmi ces 
ouvrages nous devons citer : Scholia in Vêtus Testa- 
■mentum, grand ouvrage qui parut par parties à Leipzig, 
depuis 1788 jusqu'à 1832 (la Genèse et V Exode en 1788; 
3 e édit. en 1821; le LévUique, les Nombres et le Deu- 
téronome en 1790; 3 e édit. en 1824; lsaïe en 1791- 
93; 3= édit. en 1829-33; les Psaumes en 1798-1804; 
2« édit. 1821-1822; Job en 1806; 2» édit. en 1824; ainsi 
qu'Ezéchiel; 2 e édit. en 1826; les Petits prophètes 
en 1815; 2« édit. en 1827-28; Jérémie en 1826-27; les 
Livres de Salomon en 1829-30, Daniel en 1832; Josué 
en 1833; les Juges, Rulh en 1835). A la mort de 
l'auteur, l'ouvrage était donc encore incomplet. Un 
abrégé eii avait été publié sous le titre de Scholia in 
Vêtus Testamentum in compendium redacla, 5 in-8°, 
1828-1832. On a aussi de lui : Handbuch fur die Litera- 
tur der biblischen Krilik und Exégèse, 4 in-8°, Gœt- 
tingue, 1797-1800; Das aile und neue Morgenland 
oder Erlâuterungen der heiligen Schrift aus der na- 
lûrlichen Beschaflenheil, den Sagen, Sitten und Ge- 
br&uchen des Morgenlandes, 6 in-8", Leipzig, 1818- 
1820; Biblisch-exeget. Reperlorium, 2 in-8°, Leipzig, 
1822-1824; Handbuch der biblischen Allerthumskunde, 
3 in-8», Leipzig, 1823-1831 ; Commentatio de Penta- 
teuchi versione persica, in-4°, Leipzig, 1813. 

A. Régnier. 

2. ROSENMULLER Johann Georg, théologien pro- 
testant allemand, né le 18 décembre 1736 à Ummers- 
tadt, dans la principauté de Hildburghausen, mort le 
14 mars 1815. Il fit ses études à la Lorenzschule de 
Nuremberg, puis à Altdorf où il resta jusqu'en 1760. 
En 1768, il fut nommé ministre à Hessberg, puis, en 
1772, à Kœnigsberg en Franconie; en 1773, professeur 
de théologie et pasteur à Erlangen. De 1783 à 1785, il 
fut successivement professeur et surintendant à Gies- 
sen, puis professeur à l'université de Leipzig et pasteur 
à l'église Saint-Thomas de la même ville. Il avait 



1211 



ROSENMÛLLER — ROUE 



1212 



acquis une certaine renommée comme prédicateur, et 
il a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels : 
Scholia in Novum Testanientum, 6 in-8°, Nuremberg, 
1777-1782. Quatre autres éditions parurent de son 
vivant, dont la dernière fut terminée en 1808. De la 
sixième édition il ne put publier que le premier vo- 
lume, en 1815 ; les autres ne virent le jour qu'après sa 
mort, de 1827 à 1831. Un supplément à cet ouvrage 
avait paru sous le titre de : Emendationes et supple- 
menta, 5 in-8», 1789-90. On a aussi de lui : De falis 
interpretationis sacrarum litterarum in Ecclesia 
christiana, 1789 et suivantes, constituant divers articles 
recueillis et complétés plus tard sous ce titre : Historia 
interpretationis librorum sacrorum in Ecclesia chri- 
stiana, inde ab apostolorum setale ad Origeneni, 5 par- 
ties, Leipzig, 17954815. A. Régnier. 

ROSSANENSIS CODEX, évangéliaire grec, 
découvert en 1879 par Oscar von Gebhardt et Adolf 
Harnack, à Rossano, siège archiépiscopal de la Calabre. 
11 est désigné sous le nom de Codex S. Il est la pro- 
priété du chapitre de la cathédrale de Rossano. Il est 
écrit en lettres d'argent sur parchemin pourpre en 
belles onciales, sans accents et sans séparation de mots, 
avec de belles miniatures en couleurs. Plus de la moi- 
tié du manuscrit original semble perdu. Il reste 
188 feuilles à deux colonnes, de vingt lignes chacune, 
contenant saint Matthieu en entier et saint Marc jus- 
qu'au milieu du f. 14 du dernier chapitre. Le texte 
suit de près A, A, n, au lieu des manuscrits plus an- 
ciens B et x, mais quand l'un des trois premiers ma- 
nuscrits, par exemple A, s'accorde avec B et s, S le 
suit ordinairement. 11 est généralement d'accord avec 
le Codex purpureus N, du vi e siècle, dont les fragments 
sont dispersés à Saint-Pétersbourg, Paris, Rome, Pat- 
mos, Londres et Vienne. Les éditeurs, Gebhardt et 
Harnack, le rapportent au VI e siècle. Evangeliorum 
Codex Grsscus Purpureus Rossanensis, litteris argen- 
teis sexto ut videtur seeculo scriptus picturisque or- 
natus, Leipzig, 1880. Les miniatures sont remarquables 
par le dessin et par le coloris et d'autant plus impor- 
tantes que, si les manuscrits latins à miniatures sont 
relativement nombreux, les manuscrits grecs ainsi 
ornés, antérieurs au vn« siècle, sont très rares. A. Hasse- 
loff, Die Miniaturen des Codex purpureus Rossanen- 
sis, in-4°, Berlin, 1898. 

1. ROSSI (Azariah de) Ben-Moses, savant juif de la 
célèbre famille appelée en hébreu Min ha-Adummim, 
né à Mantoué, en 1513, mort dans cette ville en novembre 
1577. Il étudia à Mantoue, Ferrare, Ancone, Bologne, et 
se voua à l'étude de la langue hébraïque et des Saintes 
Écritures. Il est l'auteur d'un ouvrage de grande répu- 
tation parmi les Israélites, dw liND, Me'ôr 'ênayîm, 

« La lumière des yeux », Mantoue, 1574-1575. Il se 
divise en trois parties, dont les deux premières ont été 
réimprimées à Vienne en 1829. Dans la première par- 
tie, il s'occupe surtout du tremblement de terre du 
18 novembre 1570 à Ferrare, dont il avait été témoin, 
et de ce que disent l'Écriture, les rabbins, etc., sur ces • 
commotions de la nature. La seconde a pour sujet prin- 
cipal la version des Septante ; la troisième traite entre 
autres des sectes juives, en particulier des Esséniens, 
des versions araméennes, des juifs d'Alexandrie et 
de Cyrène, des dix tribus, de l'exégèse midraschique 
et hagadique, de la chronologie juive, de l'antiquité 
des lettres et des points-voyelles, de la poésie hé- 
braïque, etc. De nombreux fragments de cette œuvre 
bigarrée et assez souvent incorrecte ont été traduits en 
latin par divers écrivains. Voir la biographie d'A. de 
Rossi par M. Zunz, dans Kerem fféméd, Prague, 1841- 
1842, v, p. 131-138, 159-162; vu, p. 119-124. 



2. ROSSI (Giovanni Bernardo De), orientaliste ita- 
lien, né le 25 octobre 1742 à Castelnuovo, petit village 
du Piémont, mort à Parme en mars 1831. Il fut reçu 
docteur en théologie à Turin en 1762 et reçut le sacer- 
doce la même année. Il se livra alors avec passion à 
l'étude de l'hébreu et des langues orientales et euro- 
péennes. Il obtint en 1769 un emploi à la Bibliothèque 
de Turin et devint peu après professeur de langues 
orientales à Parme où il enseigna jusqu'en 1821. Il em- 
ploya exclusivement les dernières années de sa vie à 
la composition et à la publication d'oeuvres philolo- 
giques et bibliographiques, mais il était déjà depuis 
longtemps célèbre par la publication de travaux remar- 
quables. En 1776 avait paru à Oxford le premier volume 
des variantes de l'AncienTestament hébreu de Kennicott, 
Vêtus Testamentum hebraicum cum variis lectionibus. 
Voir t. m, col. 1888. J.-B. De Rossi ne fut point satisfait 
de cette publication, à cause de sa critique défectueuse et 
de ses lacunes, et comme il possédait d'anciens manus- 
crits hébreux inconnus au savant anglais, il résolut de 
faire une œuvre plus exacte et plus complète. Ce fut 
l'origine de ses Varim lecliones Veteris Testament* 
ex immensa manuscriplorum editorumque codicum 
congerie haustœ et ad Samaritanum textum, ad ve- 
tustissimas versiones, ad accuratiores sacrie crilicee 
fontes ac leges examinâtes, 4 in-4», Parme, 1784-1788; 
Scholia critica in Veteris Testamenti Libros seu 
Supplementa ad variantes sacri textus Lecliones, 
Parme, 1798. Pour ce travail colossal, il avait rassemblé 
710 manuscrits hébreux avec 336 éditions anciennes de 
la Bible. A l'exemple de Kennicott, il avait collationné 
avec l'édition de la Bible de van der Hooght 691 manus- 
crits et 333 éditions imprimées et, continuant infatiga- 
blement son œuvre, il avait dépouillé uu total de 
1793 exemplaires des textes hébreux, sans compter de 
nombreuses traductions anciennes et commentaires. 
Le résultat de cet immense labeur ne donna pas un très 
grand nombre de variantes, mais il n'en fut que plus im- 
portant et il permit de constater que tous les manuscrits 
étudiés provenaient d'une même recension. De Rossi 
enrichit sa collection d'année en année, et, afin qu'elle 
ne fût point dispersée et pût être mise au service des sa- 
vants, il la vendit en 1816 à l'archiduchesse Marie-Louise 
pour la somme de 100000 francs. Elle est conservée à la 
Bibliothèque de Parme. — On a aussi du même auteur : 
De prxcipuis caussis et momentis negleclee a nonnullis 
hebraicarum litterarum disciplinée disquisitio elen- 
chtica, Turin, 1769; Délia lingua propria di Cristo e 
degli Ebrei délia Paleslina da' tempi de' Maccabei, 
in-4°, Parme, 1772; Delta vana aspetlazione degli 
Ebrei del loro re Messia dal compimento di tutte le 
epoche, in-4°, Parme, 1773; De hebraicse typographiai 
origine ac primitiis, Parme, 1776; Spécimen inéditm 
Bibliorum versionis syro-estranghelx, in-4», Parme, 
1778; in-8», Leipzig, 1778; Annales hebraico-typogra- 
phici sstcvli XV', in-4°, Parme, 1795; Bibliotheca ju- 
daica antichristiana, in-8°, Parme, 1800; Dizionario 
storico degli autori Ebrei e délie loro opère, 2 in-8», 
Parme, 1802: Manuscripti codices hebraici bibliothecse 
J. B. De Bossi accurate descripti et illustrati. Accedit 
Appendix qua continentur manuscripti codices reli- 
qui aliarum linguarum, 3 in-8°, Parme, 1803; Intro- 
duzione alla Sacra Scritlura, Parme, 1817; Sinopsi 
délia ermeneutica sacra, Parme, 1819. — Voir Memo- 
rie storiche sugli siudj e suite produzioni del D. G. 
B. De Bossi da lui dislese, Parme, 1809. 

ROUE (hébreu : 'obén, 'ôfân, galgal, gilgâl; Sep- 
tante : Tpo-/6i, Sçw/, « essieu de roue »; Vulgate : rota), 
appareil circulaire pouvant tourner autour d'an axe 
(fig. 260). II est question, dans la Sainte Écriture, de 
différentes espèces de roues. 

1° La roue des chars, montée verticalement sur m» 



1213 



ROUE — ROUGE (COULEUR) 



1214 



essieu horizontal, s'appuie sur le sol, porte le poids du 
véhicule et tourne en avançant ou en reculant, selon 
le mouvement imprimé à ce dernier. Pendant qu'ils 
poursuivaient les Hébreux à travers la mer Rouge, les 
Égyptiens virent les roues de leurs chars tomber de 
leurs essieux, sous l'effort d'une traction trop rude au 
milieu du sable.et des pierres. Exod.,xrv, 25. Les roues 
des chars de guerre faisaient grand bruit ; Isaïe, v, 28, 
les compare à l'ouragan. Les roues des chars égyptiens 
firent trembler les Philistins, Jer., xlvii, 3, celles des 
chars chaldéens épouvantèrent les Israélites, Ezech., 
xxm, 2ï, celles des chars de Babylone ébranlèrent les 
murs de Tyr, Ezech., xxvi, 10, et Ninive fut terrifiée 
par le même fracas. Nah., m, 2. Sur la forme de ces 
roues, voir Char, t. n, col. 565-578. — Les chariots 
d'airain qui transportaient l'eau dans le sanctuaire 
avaient des roues comme celles d'un char. III Reg., vu, 
30-33. Voir Mer d'airain, t. iv, col. 985, 986. — Pour 
marquer la mobilité d'esprit et l'instabilité des idées de 
l'insensé, l'Ecclésiastique, xxxm, 5, dit de lui : 

L'intérieur de l'insensé est comme une roue de chariot, 
Et sa pensée comme un essieu qui tourne. 

2» Isaïe, xxviii, 27, 28, parle d'une roue de chariot 
qui servait à îovAer ie îrotneirt, mais qw'otv tfewi- \ 




260. 



■ Roue de char. Musée du Vatican. 



d'ordinaire est en pierre. Cet instrument ne se trouve r 
pas dans nos pays (la Mauritanie), mais chez les potiers^ 
orientaux. Je l'ai vu cependant dans ce pays même 
chez un des potiers orientaux qui y résident. » Dans Ge- 
senius, Thésaurus, p. 16. Voir Potier, col. 578. Le 
potier fait tourner cette roue avec les pieds, Eccli., 
xxxviii, 32, pendant que ses mains façonnent l'argile. 
4» La poulie de la citerne ou de la fontaine est appelée 
galgal dans ce passage de l'Ecclésiaste, xn, 6 : 

Avant que la cruche se brise à la fontaine, 
Que la poulie se casse à la citerne. 

Ces deux accidents, qui empêchent de puiser l'eau, 
figurent la fin de la vie. La poulie est une roue ou un 
rouleau, tournant autour d'un axe horizontal et facili- 
tant le va-et-vient de la corde qui soutient la cruche. 

5° La roue figure souvent dans les visions prophéti- 
ques. Ézécbiel, i, 15-21, voit avec les quatre chérubins 
des roues qui ressemblent à la pierre de Tharsis, c'est- 
à-dire à la chrysolithe. Voir Chrysolithe, t. n col. 740. 
Chacune d'elles est comme traversée par une autre 
roue; elles avancent sur leurs quatre cotés sans se re- 



ployait pas pour de menues graines comme le cumin. 
Saint Jérôme, In Is., ix, 28, t. xxiv, col. 326, dit qu'en 
Palestine on foulait le blé avec des roues de fer; ces 
roues, pourvues d'espèces de dents, étaient promenées 
circulairement sur les gerbes, faisaient sortir les grains 
de l'épi et broyaient la paille. Ces roues n'ont pas 
cessé d'être en usage. Cf. Rosenmiiller, Jesaise vaticin., 
Leipzig, 1793, t. n, p. 632. Ce sont plutôt des rouleaux 
qui, montés sur une espèce de châssis, étaient traînés 
par des bœufs. On en peut voir la forme et la manœu- 
vre t. i, fig. 73, 74, 75, col. 325-327. Il est dit qu'un roi 
sage fait passer la roue sur les méchants, c'est-à-dire 
qu'il les tient sous sa puissance, les châtie et les em- 
pêche de se relever pour mal faire. Prov., xx, 26. La 
roue à laquelle il est fait allusion ici, bien qu'appelée 
'ôfdn, comme la roue des chars, ne diffère pas du rou- 
leau qu'Isaïe appelle aussi bien 'Ôfdn qwe^gilgdl. 

3° La roue du potier est une pièce /cylindrique qui 
tourne horizontalement sur un axe vertical et entraine, 
dans son mouvement giratoire, la masse d'argile à 
mouler. Jérémie, xvni, 3, lui donne le nom de 'ob- 
naïm, « deux pierres », Xc'Qoe, rota. Abulwalid explique 
ainsi la signification de ce nom : « L'instrument sur 
lequel le potier tourne ses vases d'argile est double. Il 
se compose de deux roues de bois, semblables à des 
meules à main; celle de dessous est plus grande et celle 
de dessus plus petite. L'instrument, bien qu'il ne soit 
pas de pierre, s'appelle 'obnaïm, « paire de pierres », 
à cause de sa ressemblance avec la meule à main qui 





2*# 



261 Roue assyrienne. D'après Meyer, Sumerier vnd Semiten 

in Babylonien, dans les Abhaadlungen Aer k. pr. Akademie 
der Wissenschaftenzu Berlin, Ph. hist. K. Abh. Ul, pi. vin, 

tourner, et peuvent s'élever de terre comme les chéru- 
bins. Leurs jantes sont d'énorme hauteur et remplies 
d'yeux, c'est-à-dire de facettes brillantes. Elles font 
grand bruit en se mouvant. Ezech., m, 13; x, 2, 6, 19; 
xi, 22. On ne saurait dire si ces roues avaient des for- 
mes purement idéales ou si elles présentaient quelque 
analogie avec des objets assyriens, comme on l'a re- 
connu pour les chérubins. Voir (fig. 2) un fragment d'un 
char divin en calcaire, — Daniel, vu, 9, décrivant le 
trône de Dieu, dit : « Son trône était de flammes de 
feu, les roues un feu ardent. » On a retrouvé un siège 
royal babylonien, monté sur roues, qui a pu servir de 
type à celui que décrit le prophète. Cf. de Longpérier, 
Notice des antiquités assyriennes, p. 37; Vigouroux, 
La, Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, 
p. 221-223, 399. 

6° Saint Jacques, m, 6, appelle « roue » le cours de 
la vie; celle-ci va en effet comme une roue qui tourne 
sans cesse. — Le mot galgal signifie à la fois « roue » 
et « tourbillon ». Les versions ont pris deux fois le pre- 
mier sens là où convenait le second. Ps. lxxvii (lxxvi), 
19; lxxxiii (lxxxii), 14. H. Lesêtre. 

ROUGE (COULEUR). Voir Couleurs, i, 3», t. m, 
col. 1066. 



1215 



ROUGE (MER) 



1216 



ROUGE (MER) (hébreu : yâm-sûf, « mer des Ro- 
seaux », Exod., x, 19; xm, 18; xv, 4, 22, etc.; parfois 
simplement hay-yàm, « la mer », Exod., xiv, 2, 9, 16, 
21, 28, etc.; une fois sûf, Deut., 1, 1; Septante : 
t| Épu8pà ÔàXautra, Exod., X, 19; xm, 18, etc.; eiXamra, 
Exod., xiv, 2, 9, 16, etc. ; 7) ê^xà-tr] 8ocXa<7o-<), III Reg., 
»x, 26; ôâXaaaï] Eeîep, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus); 
les écrits grecs de l'Ancien et du Nouveau Testament 
■ont èpo6pà 9â/a<j<7?j, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7; 
i Mach., îv, 9; Act., vu, 36; Heb., xi, 29), grand golfe 
de l'extrémité nord-ouest de l'océan Indien, entre 
l'Asie sud-occidentale à l'est et l'Afrique nord-orientale 
à l'ouest. Célèbre par le passage miraculeux des Israé- 
lites à travers ses eaux, elle est connue dans la Bible 
surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe 
<Ie Suez et le golfe d'Akabah. 

, I. Noms. —1» Le vrai nom de la mer Rouge en hébreu 
-est yâm sûf. Mais le mot sûf n'a pas un sens très 
précis; tout en désignant des plantes aquatiques, il 
peut s'appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues. 
"Voir Algues, t. i, col. 364. Nous croyons cependant 
que le sens qui prime est celui de « roseaux ». Cf. Exod., 
h, 3, 5; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en égyptien 

par s=> % y. X *îf> tufl, « papyrus »; mais, d'après 

W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgy ptis- 
chen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se ren- 
contre pas dans l'ancien empire et paraît un emprunt 
fait aux Sémites. Il se retrouve encore dans le copte 
•sous la forme iooiT'q, « jonc, papyrus ». Cependant 
la version copte, Exod.,x, 19; xm, 18, a traduit yâm 
sûf par io six ïiuj*.pi, yom n-'sari. Mais la signification 
•est la même, car sari représente l'ancien égyptien sar, 
plante aquatique dont il est question dans une inscrip- 
tion du temple d'Edfou, et dont on mâchait les tiges 
comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen 
zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533; Ch. Joret, Les 
plantes dans l'antiquité, 1™ partie, Paris, 1897, p. 174. 
■On comprend d'ailleurs que le nom de « mer des Ro- 
seaux » ait quelque chose de spécifique, tandis que 
celui de « mer des Algues » ne convient pas d'une façon 
spéciale à la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux 
n'existent aujourd'hui qu'en quelques endroits des 
bords de cette mer, notamment au sud du djebel 
'Atâqa, à l'embouchure de Youadi Jauâriq, et par 
groupes, mais en moins grande quantité, dans le golfe 
Elanitique ou d'Akabah, on a voulu rapporter le nom 
de sûf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge 
renferme, ainsi que la Méditerranée, et qui forment 
«omme des prairies sous-marines, visibles par un 
temps calme jusqu'à une grande profondeur, ou bien 
«ncore aux bancs de coraux recouverts d'algues qu'on 
aperçoit près des côtes. Mais ces raisons ne peuvent 
infirmer celles que nous avons fait valoir; elles 
prouvent simplement que l'état de la mer Rouge, sous 
ce rapport, devait être autre à l'époque des Hébreux. 
Il fallait, en effet, que l'abondance des roseaux y fût 
remarquable pour qu'ils aient cherché dans ce fait une 
dénomination caractéristique. Or, cette plante et ses 
semblables croissent surtout au voisinage des eaux 
douces. Comme celles-ci sont rares sur les bords des 
deux golfes dont nous parlons, il est donc probable qu'il 
faut remonter à un état ancien où le golfe occidental 
s'avançait plus haut dans les terres, en s'unissant aux 
lacs Amers. C'est dans cette région septentrionale que 
les Israélites connurent surtout la mer Rouge, et nous 
verrons plus loin que cette hypothèse du prolongement 
a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu'ils 
aient été frappés pa.r les fourrés de roseaux qui devaient 
occuper les bords plus ou moins marécageux de cette 
partie, où venaient aboutir certains canaux du Nil. 

2° Les Septante traduisent régulièrement par f] épuBpà 
*â).ocr<ra, « la mer Rouge ». C'est le nom qu'on trouve 



dans les écrits grecs de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7; I Mach., iv, 9; 
Act., vu, 36; Heb., xi, 29. C'est celui qui est usité 
chez les historiens et géographes grecs, Hérodote, 
Strabon, etc. ; les Latinsont de même Mare Èrythrseum, 
Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien 
plus grande extension, en l'appliquant à l'océan Indien 
lui-même et au golfe Persique; ils réservent à la mer 
Rouge proprement dite et à son bras oriental les 
appellations spéciales de golfe Arabique et golfe Ela- 
nitique, comme nous le verrons tout à l'heure. Pour le 
moment, demandons-nous d'où est venu ce nom de 
« mer Rouge ». Il n'est pas facile de le savoir. Il va 
sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschrei- 
bung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, que 
l'eau de cette mer n'est pas plus rouge que celle de la 
mer Noire n'est noire, que celle de la mer Blanche des 
Turcs (Archipel) n'est blanche. C'est donc à quelques 
circonstances particulières qu'est due cette appellation. 
Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes 
flottantes sous-marines peuvent produire des reflets 
donnant une teinte rougeâtre à la surface. C'est ce qu'a 
constaté en 1843, sur une longueur de 475 kilomètres, 
le D r Montagne, qui attribue cette couleur écarlale 
principalement â des Erythronema ou algues de la 
tribu des Oscillatoriées. Cf. Montagne, dans le Bulletin 
de la Société de géographie, Paris, 1844, p. 151 ; et 
Mémoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845. 
Quelques bancs de sable et de corail ont aussi cette 
nuance. On fait appel également à la rougeur du ciel 
qui se reflète dans la mer, à la lumière éblouissante des 
monts et des rochers environnants. Une autre hypothèse 
ferait.de « rouge » le synonyme de « torride » ; on 
sait, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette 
mer. Beaucoup enfin croient que l'étymologie vient 
plutôt du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une 
bonne partie de ses rives. C'est la signification A'Edoni 
en hébreu, de Himyar (dérivé de Ahmar) en arabe, 
de Pount en égyptien. Ce dernier nom désignait une 
grande tribu chananéenne du golfe Persique, qui 
fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du 
golfe d'Aden, puis de là eh Afrique; d'où il fut appliqué 
par les Egyptiens à l'Arabie et au pays de Somâl. Ces 
Chananéens, essaimant sur la Méditerranée, devinrent 
les «Êoîvixeç des Grecs ou les Phéniciens, les Pœni ou 
Puni de Carthage pour les Romains. On pourrait 
trouver un appui à cette hypothèse dans le nom que 
les Égyptiens donnaient à la région déserte qui les 
environnait, par opposition à leur propre pays, c'est- 
à-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam, 
Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la 
couleur du sol, tandis qu'ils nommaient celle-là 
ta désert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la 
mer du pays rouge ». C'est peut-être de là que les 
Grecs et les Romains auraient tiré le nom de « mer 
Erythrée » ou « Rouge ». 

3° Nous avons dit que les historiens et géographes 
classiques appelaient la mer Rouge proprement dite 
« le golfe Arabique », 6 'Apiëioç ou 'Apaëixôç xoXnoç, 
Arabicus sinus. Cf. Hérodote, n, 11, 159, etc.; Strabon, 
xvii, 798, 803; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras 
occidental portait aussi le nom de « golfe Héroopolite», 
'IIpwoTroXïTVj; x6Xtto; ou ja-j^o;, "Hpwoç xoXttoç, Théo- 
phraste, Hist. PL, IV, 8, dénomination tirée d'une ville 
qui se trouvait près du lac Timsah, l'ancienne Pithom, 
ce qui tend à prouver, nous le verrons, que la mer 
Rouge, dans les temps anciens, remontait beaucoup 
plus au nord que maintenant. Le bras oriental était 
appelé «golfe Elanitique »,AîXaviTr)ç, 'EXavrér]ç, 'EXavt- 
Tixb« jcôXtt&ç ou (rJx°!> de la ville d'Élath, située à l'ex- 
trémité du golfe. VoirÉLATH, t. n, col. 1643. On trouve 
dans Pline les formes Mliniticus, Aleniticus et Lseni- 
ticus sinus. 



1217 



ROUGE (MER) 



1218 



4» Les Égyptiens donnaient différents noms à la mer 
Rouge : « la mer du pays de Punt », cf. H. Brugsch, 
Geographische Inschriften altâgyplischer Denkmâler, 
Leipzig, 1858, t. n, p. 16; « la grande mer de l'eau de 
Qat » ou « de l'eau du circuit », cf. P. Pierret, Dic- 
tionnaire d'archéologie égyptienne , Paris, 1875, p. 487; 
« la Verte », cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, 
p. 42., etc. Les Arabes n'ont point d'appellation générale 
pour la désigner, mais ils emploient des noms locaux : 
Bahr es-Sueiz, Bafir el-Akabah, Bahr el-Redjaz, etc.; 
au sud, le nom habituel est Bahr Yémen. 

II. Description. — La mer Rouge forme entre les 
deux continents d'Asie et d'Afrique un sillon d'une 
régularité remarquable; creusé du sud-sud-est au. nord- 
nord-ouest, il mesure 2325 ou 2 350 kilomètres depuis 




262. — Carte de la sortie des Hébreux d'Egypte. 

le détroit de Bab-el-Mandeb jusqu'au port de Suez, son 
extrémité septentrionale. A la pointe du triangle sinaï- 
tique, elle se bifurque en deux bras secondaires, symé- 
triques : l'un qui s'en va au nord-ouest, sur 302 kilo- 
mètres, est le golfe de Suez; l'autre, moins long de 
presque moitié, est dirigé au nord-nord-est, sur 162 
kilomètres, et s'appelle le golfe d'Akabah. Large seule- 
ment de 24 kilomètres à l'entrée, près du cap Bab-el- 
Mandeb, elle arrive progressivement à 345, 377 et 394 
kilomètres, sa plus grande largeur, /entre Kounfouda 
d'Asie et Souakim d'Afrique. Elle se resserre ensuite 
jusqu'à 195 kilomètres, se rélargit de nouveau jusqu'à 
326 kilomètres sous le tropique, puis se resserre en- 
core et diminue petit à petit jusqu'à 179 kilomètres sur 
le parallèle du Ras Mohammed de la péninsule du 
Sinaï. De là, le golfe de Suez, large à cette entrée de 
71 kilomètres, perd bientôt de sa largeur et varie entre 
40 et20, puisl2 kilomètres à sonextrémité. Le golfe d'Aka- 
bah varie entre 28 et 12 kilomètres. Le bassin de la mer 
Rouge est une sorte de cuvette profonde et allongée. 

DICT. DE LA BIBLE. 



L'axe des profondeurs court au milieu de la mer sui- 
vant les sinuosités du littoral; l'endroit le plus profond, 
mesuré jusqu'à présent, se trouve à une distance pres- 
que égale du Râs Mohammed et de la passe de Bâb-el- 
Mandeb ; la sonde y indique 2 271 mètres. La profondeur 
moyenne est de 461 m 85. Mais on signale une grande 
différence bathymétrique entre les deux golfes de l'ex- 
trémité septentrionale. Le golfe de Suez n'a qu'une 
profondeur maxima de 50 mètres, tandis que le golfe 
d'Akabah s'unit avec la mer Rouge à une profondeur de 
200 mètres et offre à son intérieur une profondeur de 
plus de 300 mètres; le premier n'est donc qu'un simple 
fossé d'érosion latérale, tandis que le second est le 
véritable prolongement de la mer. Pendant lès mois 
d'été, quand l'atmosphère est calme, et plus encore 
quand souffle le vent du désert, la mer Rouge est une 
véritable fournaise; l'eau y est à la température de 30 
à 32». 

Les marées sont peu marquées dans ce fond resserré 
de l'Océan; selon la position des ports, la montée varie 
de ln 75à l m 25. A Suez, les grandes marées de printemps 
son t de 2 mètres, et les m arées ordinaires de 1 m 50, chiffres 
qui peuvent être modifiés par l'action du vent. Dans le 
golfe d'Akabah, la marée est beaucoup plus basse que dans 
celui de Suez. Le golfe Arabique, ayant à peine quel- 
ques affluents qui durent toute l'année, ne reçoit qu'une 
très faible quantité d'eau; on peut donc le considérer 
comme un immense bassin d'évaporation. Les pluies 
élant également très rares, le niveau de la mer baisse- 
rait sensiblement, le bassin finirait même, au bout de 
quelques siècles, par se vider, si l'océan Indien n'en- 
voyait un courant pour remplacer les eaux perdues. 
Depuis que le canal de Port-Saïd a mis la mer Rouge 
en communication avec la Méditerranée, des échanges 
se font aussi entre le golfe de Suez et le bassin des lacs 
Amers. « Peu de mers offrent un spectacle comparable 
à celui que l'on contemple sur les fonds de la mer 
Rouge, à travers l'eau transparente et cristalline, à 20, 
25 et même 28 mètres au-dessous de la surface. Les 
« prairies » sous-marines des zoophytes apparaissent 
avec leurs milliard* de rameaux, de lanières, de b.our- 
geons et de fleurs, les unes irrégulières, les autres" de 
formes géométriques, et toutes rayonnant du plus mer- 
veilleux éclat, comme diamants, rubis et saphirs : c'est 
un inonde infini de formes et de couleurs. Au milieu 
des plantes animales se balancent les algues, et des 
centaines d'autres espèces végétales. Aucun brisant des 
lames n'indique la présence des récifs, à cause des 
mille cavernes de la masse coralline et des forêts 
d'herbes dans lesquelles se propage la vague en 
s'amortissant peu à peu et en perdant sa violence. » 
E. Reclus, L Asie antérieure, Paris, 1884, p. 868. 
Voir aussi Vivien de Saint-Martin, Nouveau Diction- 
naire de géographie universelle, Paris, 1879-1895, t. v, 
p. 241-245. 

III. Histoire. Passage dks Hébreux. — L'histoire 
de la mer Rouge, dans la Bible, consiste surtout dans 
le passage miraculeux des Israélites à travers ses flots. 

II est raconté dans l'Exode, xiv, chanté par Moïse, Exod., 
xv, 1, 4, 8, 10, 19, 22; rappelé Deut., xi, 4; Jos., n, 
10; iv, 23; Jos., xxiv,6, 7;Jud., xi, 16; II Esd., ix,9; 
Ps. cv (cvi), 7, 9, 22; cxxxv (cxxxvi), 13, 15; Judith, v, 
14; Sap.,x, 18; xix,7; IMach., iv, 9; Act., vu, 36; Heb., 
xi, 29. En dehors de là, cette mer est assignée comme 
frontière méridionale à la Terre Promise, Exod., xxm, 
31. Les Nombres, xiv, 25; xxxm, 10, nous apprennent 
que les Hébreux, dans la péninsule du Sinaï, cam- 
pèrent sur ses bords. Élath était située sur son rivage. 

III Reg., ix, 26; II Par., vin, 17; Jer., xux, 21. Mais à 
quel endroit les Hébreux la passèrent-ils ? C'est un 
problème qui n'est pas encore résolu d'une façon cer- 
taine. 

1° Récit biblique. — Pour le mieux comprendre, 

V. - 39 



4219 



ROUGE (MER) 



1220 



examinons d'abord le récit biblique, qui fixe les prin- 
cipaux points de l'itinéraire. « Lorsque Pharaon eut 
laissé partir le peuple [d'Israël], Dieu ne le conduisit 
pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus 
courte; car Dieu pensait que le peuple pourrait se re- 
pentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte. 
Dieu fit donc tourner le peuple par le chemin du dé- 
sert, vers la mer Rouge, et les enfants d'Israël en 
armes montèrent de la terre d'Egypte. » Exod, xm, 
17, 18. « Étant partis de Sukkôt, ils campèrent à 'Êfâm, 
à l'extrémité du désert. » Exod., xm, 20. « Alors le 
Seigneur dit à Moïse : Parle aux fils d'Israël, afin qu'ils 
retournent et qu'ils campent devant Pîhahirât, entre 
Migdôl et la mer, vis-à-vis de Ba'al $efôn ; c'est vis-à- 
vis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pha- 
raon dira des enfanta d'Israél : Ils sont égarés dans le 
pays, le désert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon 
fit atteler son char et prit ses troupes 3vec lui ; et il 
prit six cents chars d'élite et tous les chars d'Egypte, 
avec les chefs de toute l'armée. » Exod., xiv, 7. « Les 
Égyptiens poursuivant donc [les Israélites], les atteigni- 
rent comme ils étaient campés sur le bord de la mer, 
toute la cavalerie et les chars de l'armée de Pharaon, de- 
vant Pihalfirôt, vis-à-vis de Ba'al IjSefôn. A l'approche de 
Pharaon, les enfants d'Israël, levant les yeux et voyant 
les Égyptiens qui marchaient à leur poursuite, furent 
saisis d'une grande crainte et ils crièrent vers le Sei- 
gneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit à Moïse : 
« Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d'Israël 
de se mettre en route. Et tei, élève ta verge et étends 
ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d'Israël 
marchent à sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 15- 
16. «Moïse ayant étendu sa main sur la mer, le Seigneur 
refoula la mer par un vent d'est violent pendant toute 
la nuit, et il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent. 
Et les enfants d'Israël marchèrent à sec au milieu de 
la mer, les eaux formant un mur à droite et à gauche.» 
Exod., xiv, 21-22. L'armée égyptienne, en les poursui- 
vant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur 
cours sur un signe de Moïse. Exod., xrv, 23-28. 

2° Topographie. — Ce récit et les hypothèses aux- 
quelles il a donné naissance demandent une descrip- 
tion au moins générale du théâtre des événements, 
c'est-à-dire de l'isthme de Suez. Voir carte, fig. 262. 
Cet isthme a une largeur totale de cent treize kilo- 
mètres. En partant de l'extrémité méridionale du lac 
Menzaléh et en allant vers le sud, on traverse une série 
(te dunes de sable dont le point culminant est el-Qanta- 
ra ou « le pont », ainsi appelé parce qu'il sert de lieu 
de passage entre l'Egypte et le désert qui la borde au 
nord-est. Après les dunes, on rencontre le lac Balah, 
puis un pli de terrain, nommé el-Gisr, qui, avec ses 
vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, est l'en- 
droit le plus élevé de l'isthme. II forme uu seuil qui, 
sans le travail de l'homme, aurait toujours empêché 
toute communication entre la Méditerranée et les lacs 
inférieurs. Au delà est le lac Timsah, puis viennent deux 
nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussûm et celui du 
Sérapéum. A dix kilomètres plus au sud, sont les lacs 
Amers, formés d'un grand et d'un petit bassin, qui se 
dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur 
totale est de quarante kilomètres environ, la plus grande 
largeur de dix à douze, et la plus grande profondeur 
de quinze mètres à peu près au-dessous du niveau de la 
mer. Avant le percement de l'isthme, ils étaient à sec 
depuis des siècles ; des bancs de sel en formaient le 
fond. Ils sont séparés de la mer Rouge par le seuil de 
èalûf, dont la hauteur est de près de sept mètres au- 
dessus du niveau de la mer. A partir de là, le terrain 
descend insensiblement jusqu'à l'extrémité de l'isthme; 
c'est une plaine sablonneuse, d'environ vingt kilo- 
mètres, et élevée d'un peu plus d'un mètre, en moyenne, 
qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitée 



à l'est par une suite de petites collines qui s'élèvent 
dans le désert, à l'ouest par une ondulation de terrain 
qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffèh. 
A l'extrémité méridionale de la plaine est bâtie la ville 
de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6» édit., t. il, p. 385-389. 

C'est donc par cette ligne que les Hébreux devaient 
nécessairement passer pour quitter l'Egypte. Le récit 
sacré nous dit que la route la plus naturelle et la plus 
courte était celle qui allait au pays des Philistins, 
c'est-à-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin, 
les Israélites devaient rencontrer des postes égyptiens 
et tomber entre les mains de peuples alliés du pharaon. 
Dieu ne voulut pas les exposer à une lutte qui les 
aurait facilement découragés. Quelle voie donc sui- 
virent-ils ? Le problème est d'autant plus difficile qu'il 
ne se compose presque que d'inconnues. Le point de 
(Répart est incertain, et la plupart des noms de lieu 
indiqués par la Bible ne sont pas identifiés. Nous sa- 
vons que les Hébreux partirent de Ramsès. Exod., xif, 
37. Mais où se trouvait cette ville? Plusieurs égypto- 
logues l'identifient avec Tanis (hébreu ; Sô'ân; égyp- 
tien : Than; aujourd'hui : San), dont les ruines sont si- 
tuées à environ 30 kilomètres de Faqûs, et qui fut une 
des résidences des pharaons. 11 est certain que cette 
ville fut restaurée par Ramsès et qu'elle porte son nom 
dans les documents égyptiens. Mais cette raison ne suffit 
pas pour établir que la Ramessès biblique est la même 
cité que Tanis. Ramsès II, en effet, fonda une ville nou- 
velle, ou du moins une résidence royale de ce nom, et 
la Bible, qui connaît Tanis sous sa propre dénomination; 
a dû réserver pour un autre endroit le nom de Ramsès. 
Le Pentateiique d'ailleurs prouve clairement la distinc- 
tion des deux. Ramessès était dans la terre de Gessen, 
à laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n'était pas 
dans la terre de Gessen, comme il résulte de l'histoire 
de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir 
son père fixé dans le pays de Gessen, cf. Gen., xlvi, 
28, 31; xlvii, 1,7, 10-11, et de l'histoire des dix plaies, 
puisque la terre de Gessen fut exempte des fléaux qui 
frappèrent la résidence du roi. Cf. Exod., vin, 22; fx, 
26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au désert, il 
fallait franchir la branche pélusiaque du Nil, ce qui 
n'est mentionné nulle part. Les uns placent Ramessès 
près de Phithom, non loin du canal d'eau douce qui tra- 
verse Vouadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et les 
déc. modernes, t. n, p. 368. D'autres la chercheraient 
plus volontiers à es-Salihiyéh, point de jonction des 
deux routes d'Asie, l'un passant par el-Qantara, l'autre 
allant droit à lsmailiya. Cf. Lagrange, L'itinéraire des 
Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir 
Ramessès, col. 954. 

Sukkôf ou Soccoth est un nom de forme hébraïque, 
qui signifie a les tentes » ; mais il correspond exac- 
tement à l'égyptien Thkut ou Thukut (th remplaçant 
le samech hébreu). 11 désigne ici une région plutôt 
qu'une ville proprement dite, car une multitude comme 
celle des Hébreux ne pouvait s'arrêter dans une ville, 
en supposant même que les portes s'en fussent ou- 
vertes devant elle. Or les monuments égyptiens nous 
montrent cette terre de Thukut près de Pitum ou 
Phithom, qui semble bien avoir avoir été retrouvé à 
Tell el-Maskhuta, dans Vouadi Tumilat, entre Tell 
el-Kébir et lsmailiya. La première station des Israélites 
dut donc être dans les environs, vers l'ouest ou le 
nord-ouest du lac lïmsa/i.'Voir Phithom, col. 321. 

'Êfâm ou Étham est à la fois le nom de la deuxième 
station et celui du désert que les Hébreux parcouru- 
rent après le passage de la mer Rouge. Num., xxxm, 
8. On l'a rapproche de l'égyptien Khatem, « muraille », 
ce qui nous ramènerait à la ligne de fortifications éle- 
vée par les pharaons contre les Arabes nomades à la 
frontière du désert. Si ce point n'est pas déterminé, il 



1221 



ROUGE (MER) 



1222 



est probable qu'il se trouvait à l'est à'el-Gisr, puisque 
c'est de là que, par un mouvement tournant, sur un 
ordre de Dieu, Moïse vint du côté de la mer Rouge, devant 
Pihahirôt ou Phihahiroth. Voir Etham, 1, t. h, col. 2022. 
Ce dernier nom est l'égyptien Pikeheret rencontré par 
E. Naville, The Slore-City of Pithom, Londres, 1885, 
p. 16, 17; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el~ 
Maskhula, sur une stèle de Ptolémée Philadelphe. On 
en conclut que cet endroit devait être non loin de Phi- 
thom ce qui convient bien au mouvement dés Israélites 
revenant sur leurs pas. Il faudrait alors le chercher sur 
les bords du lac Timsah. Mais comme la conséquence 
est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les 
lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent 
Phihahiroth vers le sud jusqu'à 'Adjrûd, qui se trouve 
à quatre heures au nord-ouest de Suez, et dont le nom 
renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir 
Phihahiroth, col. 253. L'Écriture nous dit bien que 
Phihahiroth était entre Migdol ou Magdal et la mer, 
vis-à-vis de Ba'al $efôn ou Béelséphon. Mais ces 
points de repère nous sont eux-mêmes inconnus. Le 
mot Migdol, qu'on retrouve dans les inscriptions égyp- 
tiennes sous la forme Maktl, signifie « tour, forte- 
resse ». Il indique donc ici une de ces enceintes forti- 
fiées qui défendaient la frontière de l'Egypte contre les 
invasions des tribus pillardes du désert. Mais comme 
il y en avait un certain nombre, le renseignement 
reste nul. Voir Magdal 1, t.iv, col. 538. Quant à Ba'al 
§efôn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ». 
Gomme le culte de Baal s'établissait surtout sur les 
hauts lieux, et que le Set égyptien assimilé à Baal était 
un dieu de la mer, on peut croire que le nom en 
question désigne une montagne qui domine la mer, le 
Djebel (rene/féh ouïe Djébél 'Ataqa.Voir Béelséphon, 
t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Béelséphon à 
l'est sur la colline de Tussum.GC.E. Naville, The Store- 
City of Pithom, p. 22 et carte. 

3° Hypothèses. — C'est avec ces données incertaines 
qu'il nous faut retrouver le chemin des Hébreux. Elles 
suffisent cependant pour nous permettre de condamner 
certaines hypothèses et d'en établir de probables. 

1. Hypothèse du P. Sicard. — Le P. Sicard, mission- 
naire jésuite, est le premier voyageur qui ait eu la 
gloire d'étudier scientifiquement la question. Il entre- 
prit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal 
motif était d'examiner de près la route des Israélites. 
Le résultat de ses recherches a été publié dans une 
Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israélites 
à travers la mer Rouge, dans les Lettres édifiantes et 
curieuses, édition de Toulouse, 1840, t. v, p. 211 sq. 
Il commence par établip que le pharaon de l'exode 
ne demeurait pas à Tanis, mais à Memphis. Ramsès 
est pour lui Bessatin, petit village à trois lieues du 
vieux Caire, à l'orient du Nil. De là, pour se rendre sur 
les bords de la mer Rouge, les Hébreux suivirent la 
vallée qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi, 
et ils passèrent la mer à une certaine distance au- 
dessous de Suez, en face de 'Ayân Musa. Cette opi- 
nion eut un grand succès et compta un très grand 
nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie dé 
Jésus, la défendait encore en novembre 4$72, dans les 
Études religieuses. Elle a cependant pour défaut capital 
d'assigner aux Israélites un faux point de départ : le 
pharaon ne résidait pas à Memphis, et Ramsès n'est 
pas Bessatin. Si le livre de l'Exode ne nomme pas 
expressément la résidence du roi, le Psaume lxxvii 
(hébreu, lxxviii), 12, 43, dit formellement que les 
merveilles opérées par Moïse eurent lieu « dans les 
champs de Tanis ». C'est, du reste, une vérité générale- 
ment reconnue aujourd'hui. D'autre part, Ramsès était 
dans la terre de Gessen; or la terre de Gessen n'était 
pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au 
nord de l'Egypte. Voir Gessen, t. ni, col. 218. Ce sys- 



tème est done à rejeter, quel que soit le point d'arrivée 
qu'il fixe sur les bords de la mer Rouge. 

2. Hypothèse de H. Brugsch. — Une nouvelle opinion, 
qui suscita quelque émoi dans le monde savant, fut 
soutenue eu 1874 par un égyptologue bien connu, 
Henri Brugsch, d'abord dans une conférence faite à 
Alexandrie, puis, le 12 septembre de la même année, 
au congrès des orientalistes à Londres. Cf. H. Brugsch, 
La sortie des Hébreux d'Egypte, Alexandrie, 1874; 
Report of the proçeedings of the second international 
Congress of the Orienlalists held in London, i874, 
Londres, 1874, p. 28; L'Exode et les monuments 
égyptiens, discours prononcé à l'occasion du Congrès 
international d'orientalistes à Londres, Leipzig,, 1875. 
Disons tout de suite qu'elle est fausse dans le point de 
départ qu'elle assigne aux Hébreux et dans le point où 
elle les conduit. L'auteur prétend d'abord que Ramsès 
est la même ville que Tanis. Nous avons suffisamment 
réfuté cette idée. Voir Ramsès, Tanis. S'appuyant ensuite 
sur un document égyptien, dont il arrange la traduction 
pour les besoins de la cause, il place dans la direction 
de l'est les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phiha- 
hiroth. Arrivés à Etham, les Hébreux auraient tourné 
vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac 
Serbonis,» le Barduil actuel. H. Brugsch, L'Exodeel 
les monuments égyptiens, p. 28. Ils auraient ainsi passé 
sans traverser aucune mer, par l'étroite langue de terre 
qui séparait le lac Serbonis de la Méditerranée; les 
troupes égyptiennes, surprises par une haute marée, 
auraient été ensevelies dans les gouffres du lac, comme 
le furent plus tard les soldats d'Artaxercès. Diodore, 
xvi, 46. La géographie de H. Brugsch n'est pas moins 
singulière que son exégèse. La Bible, le seul texte 
autorisé dans la question, renverse de fond en comble 
le système du savant allemand, en nous parlant, non 
de la Méditerranée, mais de la mer Rouge. La tradition 
israélite n'a pu confondre deux mers si différentes. 
Yàm Sûf n'indique ni le lac Serbonis ni les autres 
lacs de la Basse-Egypte. 11 désigne, nous l'avons vu, la 
mer qui baigne la péninsule sinaïtique, s'appliquant 
aussi bien au golfe Élanitique qu'au golfe de Suez. 

3. Hypothèse des lacs Amers. — Les systèmes précé- 
dents ont marqué, au nord et au sud, deux lignes 
extrêmes qui se trouvent complètement en dehors de la 
route suivie par les Hébreux. Reste donc à chercher 
entre les deux. Quelques-uns des ingénieurs qui ont 
pris part au percement de l'isthme de Suez ont soutenu 
que les Israélites avaient passé à travers les lacs Amers, 
qui, à cette époque, n'auraient fait qu'un avec la mer 
Rouge. M. Lecointre surtout s'est fait le défenseur de 
cette hypothèse, Du passage de la mer Rouge par les 
Hébreux, avec deux cartes, dans les Études religieuses, 
octobre 1869, p. 557-582; réponse au P. Pujol, dans la 
même revue, juillet et août 1873. Il regarde comme 
incontestable et incontesté que les lacs Amers commu- 
niquaient avec la mer Rouge; que le soulèvement de 
Schalouf a interrompu la communication; que la salure 
de l'eau des lacs était supérieure à celle de la mer; ce 
qui amène forcément à conclure que la communication 
était intermittente; par conséquent, il existait à Schalouf, 
non pas un gué, mais un passage ordinairement à sec. 
11 place Étham au Sérapéum, à l'extrémité nord des 
lacs Amers; il prend Magdal pour une chaîne de mon- 
tagnes, et l'identifie avec le Djébél Genefféh; Béelséphon 
est Chebrewet, le seul pic remarquable de cette plaine; 
Phihahiroth est la plaine située entre le Djébél Genefféh 
et la mer; le lieu de campement des Hébreux est la 
partie de cette plaine située au pied de Chebrewet. 
Moïse, en quittant Étham, suivit la rive occidentale des 
lacs Amers, alors remplis d'eau, dans l'intention d'aller 
rejoindre le passagede Schalouf et d'entrer dans le désert 
à l'est du golfe de Suez. Mais il ne put y réussir; les 
chars du pharaon, venant du sud-ouest, du côté de 



1223 



ROUGE (MER) 



1224 



Memphis, lui barrèrent le chemin, et il se trouva empri- 
sonné entre l'armée égyptienne au midi, les lacs à l'est 
et le Djebel Genefféh à l'ouest. Dieu délivra miraculeu- 
sement son peuple en lui ouvrant un chemin à travers 
les lacs Amers. — E.Naville, The Store-City of Pithom, 
p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait 
avec les lacs Amers, qu'elle s'étendait même jusqu'au 
lac ïimsah. Les Hébreux, en revenant sur leurs pas, 
au sortir d'Étham, passèrent entre Pithom et l'extrémité 
du golfe, c'est-à-dire du lac Timsah, à peu prés vers 
Maghfar, puis ils s'acheminèrent vers le sud. Le cadre 
de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest 
Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom; au sud-est 
Migdol, à peu de distance du Sérapéum actuel; à l'est 
la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelséphon, 
aujourd'hui la colline de Tussum. Là, dans l'espace 
compris entre le Sérapéum et le lac Timsah, la mer 
était étroite, l'eau n'était pas profonde, et le vent d'est 
put ouvrir un chemin aux Israélites. The Store-City of 
Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in 
Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde également 
comme plus probable le passage de la mer entre le lac 
Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange, 
L'itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 
1900, p. 80, dit de son côté : «La vraisemblance com- 
mande seulement de descendre jusqu'à un lieu où la 
mer sera assez peu profonde pour que l'action du vent 
d'est se fasse sentir. Ces conditions sont réalisées au 
Sérapéum, qui devait être peu submergé, de façon que 
• les eaux poussées par un vent du sud-est fussent refou- 
lées vers le lac Timsah, landis qu'à Suez le vent du 
sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les 
documents égyptiens fournisssent à Maspero la preuve 
que Migdol est au Sérapéum, la question est tout à fait 
tranchée. » Il s'agit donc en somme de savoir si réel- 
lement, à l'époque de l'exode, la mer Rouge remontait 
jusqu'au lac Timsah. Ceux qui sont pour l'affirmative 
apportent des arguments historiques, géographiques et 
géologiques, que combattent les défenseurs de l'opinion 
contraire. Voir Phihahiroth, col. 253. Ces derniers ont 
donc une quatrième hypothèse, que nous allons exposer 
avant déjuger la précédente. 

4, Hypothèse du golfe de Suez. — Ce système a été 
surtout mis en lumière par F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, t. n, p. 403-426. C'est, du 
reste, à cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les 
détails des opinions qui viennent d'être exposées. En 
quittant Ramsès, les Israélites suivirent les bords du 
canal d'eau douce qui longeait ïouadi Tumilat; le 
besoin d'eau les contraignait à s'en écarter le moins 
possible. La première étape fut courte, en raison de 
la multitude des émigrants et de la nécessité d'atiendre 
ceux qui étaient éloignés de Ramessès. La halte de Soc- 
coth eut lieu dans la région voisine de Pithom. Moïse 
en profita pour régler définitivement la marche. Afin 
de cacher â Ménephtah son véritable projet, il devait 
se rendre dans le désert le plus proche, à Étham; 
mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la 
direction du Sinaï en marchant vers le sud. Sur l'ordre 
de Dieu, il quitta la route des Philistins, et, tournant 
brusquement, se rendit sur les bords de la mer Rouge. 
Combien de temps mit-il à faire ce voyage? Nous ne 
savons; le texte sacré ne nous donne aucun renseigne- 
ment. A en juger d'après la distance, il est probable 
qu'il mit plus d'un jour pour aller d'Étham à l'extré- 
mité du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne men- 
tionne pas de stations intermédiaires, mais station et 
jour de marche ne sont pas synonymes; sept stations 
seulement sont mentionnées pour le premier mois tout 
entier. Exod., xvr, 1; cf. Num., xxxm, 3, 11. La suite 
du récit d'ailleurs confirme cette supposition. Moïse, 
en effet, ne dut guère séjourner à Phihahiroth que le 
temps de la nuit, parce qu'il devait lui tarder d'arriver 



aux fontaines appelées aujourd'hui de son nom, 'Ayùn 
Mûsa, sur la rive orientale du golfe, pour y être à 
l'abri des Égyptiens. Or, d'après l'Exode, le soir qui 
précéda la traversée miraculeuse, les Hébreux virent 
les chars du pharaon qui les poursuivaient. Si le trajet 
d'Étham à Phihahiroth s'était effectué en un jour, il 
aurait fallu que, dans cette même et seule journée, 
les messagers partis d'Étham fussent allés à Tanis 
avertir le roi, que celui-ci eût donné à son armée les 
ordres nécessaires pour se mettre en mouvement et 
qu'elle eût parcouru la distance de Tanis à Phihahiroth. 
Tout cela n'a pu se faire en une douzaine d'heures, 
quelque célérité qu'on veuille bien supposer, lbid., 
p. 410. Le besoin d'eau pour eux-mêmes et de pâtu- 
rages pour leurs troupeaux obligea donc vraisembla- 
blement les Israélites à longer la rive occidentale des 
lacs Amers et à passer entre ces lacs et le mont Genef- 
féh; les canaux du Nil apportaient encore dans cette 
terre la vie et la fertilité. Arrivés à la pointe de la mer 
Rouge, ils campèrent sur ses bords, pour de là passer 
à l'est, dans le désert du Sinaï. Leur camp était dans 
le voisinage du Djebel 'Atâqa, qui doit être Béelséphon. 
C'est là que l'armée égyptienne les surprit. En venant 
de Tanis, elle avait suivi, à partir des environs du lac 
Timsah, la même route que les Hébreux. Elle allait les 
enfermer comme un oiseau dans une cage, selon le 
langage des conquérants assyriens, c'est-à-dire les 
mettre dans une impasse où ils étaient pris de tous 
côtés. Le Djebel 'Atâqà, qui s'avance tout près de la 
mer, leur fermait toute retraite à l'ouest et au sud; la 
mer les empêchait de se sauver au sud-est; les chariots 
du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et 
le nord-est. Israël ne pouvait être sauvé que par un 
miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance 
parcourue dans le lit de la mer? Il est probable qu'elle 
ne fut pas très considérable, puisqu'elle fut franchie 
en une nuit, c'est-à-dire en six ou huit heures, par une 
immense multitude. On peut croire que, partis du 
nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hébreux 
suivirent une ligne oblique et allèrent sortir plus bas 
sur l'autre rive, au sud-est. Quand, à l'aurore, les Égyp- 
tiens s'aperçurent que leurs esclaves leur échappaient, 
ils se mirent à leur poursuite. Mais les eaux qui avaient 
sauvé Israël engloutirent leurs persécuteurs. Le texte 
sacré cependant, remarquons-le, ne dit pas que le 
pharaon fut noyé avec son armée. 

5. Conclusion. — Le choix reste donc entre les deux 
dernières hypothèses. Celle du golfe de Suez est exposée 
de la façon la plus séduisante, tant la route des Israé- 
lites y paraît naturelle. Elle souffre bien cependant 
quelques difficultés. Elle repose sur la supposition que 
la mer Rouge, à l'époque de l'exode, ne s'étendait pas 
jusqu'aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet, 
amener le peuple d'Israël jusqu'au golfe de Suez. Mais 
s'il ne l'est pas, on se demande pourquoi Moïse a en- 
traîné si loin, près de 80 kilomètres, tout son peuple 
d'émigrants, pour le faire prendre dans une vraie sou- 
ricière. Or, les partisans de la quatrième hypothèse 
avouent eux-mêmes « que nous n'avons aucune preuve 
positive que, du temps de Moïse, les lacs Amers étaient 
séparés de la mer Rouge. De ce qu'ils ne lui étaient plus 
unis du temps d'Hérodote, il ne s'ensuit pas qu'ils 
ne le fussent point à l'époque de Sésostris. La preuve 
de leur antique séparation, tirée de la géologie, est 
contestée par plusieurs géologues. L'égyptologie seule 
peut nous apprendre, par de nouvelles découvertes, ce 
qui en est réellement. » F. Vigouroux, La Bible et les- 
découvertes modernes, t. n, p. 402, note 1. Les monu- 
ments égyptiens<parleut d'un bassin d'eau salée, appelé 
Kem-uer ou Kîni-otri, « la très Noire », qui se trou- 
vait précisément dans la ligne des lacs Amers. M. Mas- 
pero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient clas- 
sique, Paris, 1895, t. i, p. 351, note 3; p. 471, note 3, 



-1225 



ROUGE (MER) 



1226 



prétend que cette expression s'applique à la partie sep- 
tentrionale de la mer Rouge, par parallélisme avec 
Ouaz-oîrît, Ouazit-oîrît, « la très Verte », la Méditer- 
ranée, et que le lac d'Ismaïliya formait autrefois, sous 
le premier empire thébain, le fond de la mer Rouge. 
D'autre part cependant la stèle de Pithom distingue ce 
bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mûller, Asien 
und Eurôpa, p. 42; E. Naville, The Store-City of Pi- 
thom, p. 18. La troisième hypothèse s'appuie encore 
sur le nom de golfe Héroopolile donné à la mer Rouge. 
Comme il est prouvé qu'Héroopolis est la même ville 
que Pithom, il fallait donc que la mer s'étendît jusque- 
là. Dans ces conditions, le passage à travers les lacs 
Amers a aussi sa vraisemblance. La solution du pro- 
blème exige de plus amples lumières; l'égyptologie, 
nous les fournira peut-être un jour. 

4° Caractère historique et miraculeux du passage 
de la mer Rouge. — On pourrait s'étonner du silence 
que les monuments égyptiens gardent d'événements 
aussi considérables que le départ des Hébreux, le pas- 
sage et en même temps le désastre de la mer Rouge. 
Mais, dit M. E. de Rougé, « il n'est pas à penser que 
les Égyptiens aient jamais consigné ni le souvenir des 
plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer 
Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien 
rarement le souvenir de leurs défaites. » Moïse et les 
Hébreux, dans l'Annuaire de la Société française de 
numismatique et d'archéologie, 1884, p. 213. Cepen- 
dant Flinders Pétrie a découvert en 1896 une stèle de 
Ménéphtah où il est question de plusieurs peuples de 
)a Syrie méridionale, et en particulier d' « Israîlou 
(qui] est rasé et n'a plus de graine. » M. Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
t. H, p. 443, parlant des récits de l'Exode, ditlui-même : 
« Un fait ressort incontestable de ces récits : les Hé- 
breux ou, tout au moins, ceux d'entre eux qui habi- 
taient le Delta, s'évadèrent un beau jour et se réfugiè- 
rent aux solitudes d'Arabie. L'opinion la plus accréditée 
place leur exode sous le règne de Ménéphtah, et le té- 
moignage d'une inscription triomphale semble la con- 
firmer, où le souverain raconte que des gens d'Israîlou 
sont anéantis et n'ont plus de graine. Le-contexte in- 
dique assez nettement que ces Israîlou si maltraités 
étaient alors au sud de la Syrie, peut-être au voisinage 
d'Ascalon et de Gézer. Si donc c'est bien l'Israël biblique 
qui se révèle pour la première fois sur un monument 
égyptien, on pourra supposer qu'il venait à peine de 
quitter la terre de servage et de commencer ses courses 
errantes. » 

Le caractère surnaturel de l'événement ressort de 
tous les traits du récit, qui se présente, non sous 
forme poétique, mais historique, et a été entendu litté- 
ralement par toute la tradition. Sa fin providentielle 
fut, non seulement d'arracher à l'oppression le peuple 
choisi, mais d'affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant, 
ce Jéhovah, qui s'était révélé à lui par Moïse. Il semble 
bien que Dieu lui-même ait amené les Israélites dans 
une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en 
effet, ils avaient gagné le désert par le nord de la 
pointe maritime, les Egyptiens les y auraient facile- 
ment atteints. Dieu voulut donc frapperjîïeVIe début de 
leur histoire leur esprit et leur cœur. Et, en réalité, le 
passage de la mer Rouge fut regardé comme une mer- 
veille de premier ordre, dont le souvenir excita d'âge en 
âge l'admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4; 
Jos., il, 10; iv, 24, etc. L'incrédulité cependant n'a pas 
manqué de chercher une explication naturelle pour 
effacer le miracle; les Hébreux auraient profité du 
moment du reflux pour passer à gué, et une marée ex- 
traordinaire, survenue aussitôt après leur passage, 
aurait submergé les soldats du pharaon. Cf. du Bois- 
Aymé, Notice sur le séjour des Hébreux en Egypte et 
sur leur fuite dans le désert, dans la Description de 



l'Egypte, Antiquités, Mémoires, 1809, t. i, p. 309-310; 
J. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du 
peuple hébreu, 3 e édit., 1862, p. 52-55. Il existe, en 
effet, deux gués à l'extrémité de la mer Rouge : l'un à 
une heure et demie environ au nord de Suez, qui était 
ordinairement praticable avant le percement du canal; 
l'autre au sud, placé vis-à-vis de Suez, et qui prend à 
peu près la direction du sud-est. Dans cette direction, 
celui-ci est recouvert à marée haute sur une étendue 
de plus d'une demi-lieue et n'est pas praticable; à 
marée basse, il est ou plutôt il était à sec avant l'ouver- 
ture du canal, laissant seulement un étroit chenal, 
serpentant comme une rivière. Même en tenant compte 
de l'état ancien des lieux, il est impossible d'expliquer 
naturellement le récit sacré, dont les expressions ex- 
cluent formellement l'idée d'un gué. Comment d'ailleurs 
la multitude qu i suivait Moïse aurait-elle pu passer la mer 
Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, à 
plus forte raison par un gué? La marée basse ne dure 
pas assez longtemps et l'espace laissé à sec n'est point 
assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les décou- 
vertes modernes, t. il, p. 427-439. D'autre part, croit-on 
que les Égyptiens, qui connaissaient mieux encore que 
Moïse le régime de la mer en cet endroit, se seraient 
laissés surprendre par le retour habituel de la marée? 
Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies 
d'Egypte, se servir. d'un phénomène naturel pour ses 
desseins miséricordieux, mais là encore on n'échappe 
pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence 
fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour 
permettre aux Israélites de passer et la fît revenir juste 
à temps pour engloutir l'armée égyptienne. C'est ainsi, 
d'après la Bible elle-même, Exod., xiv, 21, qu'il 
fit appel à un impétueux vent d'est pour refouler 
la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de là que 
le vent seul sépara les eaux; il les aurait plutôt 
repoussées à l'ouest, précisément du côté des Hé- 
breux. Il eut donc plutôt pour effet de sécher 
la route par laquelle ceux-ci devaient passer. Le mi- 
racle nous oblige-t-il cependant à prendre dans son 
sens strict l'expression de « mur » qu'emploie l'Ecri- 
ture, Exod., xiv, 22, 29; xv, 8, pour montrer la posi- 
tion des eaux à droite et à gauche? Pas nécessairement. 
Il était sans doute facile à Dieu, par un nouveau mi- 
racle, de les maintenir dans un état absolument con- 
traire aux lois de l'équilibre des liquides . Mais alors 
on ne comprend pas que les Égyptiens n'aient pas été 
frappés de ce phénomène, n'y aient pas vu la main 
d'une puissance divine et aient osé s'aventurer sur un 
chemin si extraordinairement tracé. L'auteur sacré a 
donc décrit les choses selon les apparences. Cf. F. de 
Hummelauer, In Exod., p. 149. Enfin, même en n'ad- 
mettant que des agents naturels dans l'événement qui 
nous occupe, on n'éviterait pas encore le surnaturel 
dans les circonstances. En effet, « étant donné qu'un 
retrait extraordinaire de la mer devait se produire à 
un endroit précis dans le cours de telle nuit déterminée, 
il fallait, pour aboutir au résultat indiqué, assurer 
toute une série d'actes ne dépendant d'aucune prévision 
possible, mais découlant d'événements imprévus et de 
volontés très diverses, à savoir : le départ des Hébreux 
en temps convenable, la durée ni trop longue ni trop 
courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgré 
leur intention d'atteindre le désert oriental, leur ar- 
rivée à la mer au soir même qui précédait la nuit où 
allait se produire le séisme, leur station juste à portée 
du seuil qui allait être mis à sec, leur confiance dans 
la sécurité d'un passage qu'ils ne connaissaient pas, 
leur mise en mouvement à une heure telle qu'ils pus- 
sent atteindre l'autre rive avant le retour du flot, une 
chance très spéciale pour qu'un pareil cortège tra- 
versât assez rapidement et sans encombre ; puis, d'autre 
part, la résolution prise par les Égyptiens de poursuivre 



1227 



ROUGE (MER) — ROUILLE DES BLÉS 



1228 



les fugitifs... Voilà une douzaine de conditions presque 
toutes essentielles pour que l'événement se produisit 
tel qu'il est raconté. Personne, pas même Moïse, ne les 
connaissait à l'avance, et, les eût-il connues, il n'eût 
pas été en son pouvoir de les assurer. La réalisation 
de ces conditions dans l'ordre et dans le temps voulu 
ne pouvait non plus arriver par hasard. Il a fallu de 
toute nécessité que Dieu réglât toutes choses, tant 
celles qui dépendaient en apparence de la volonté des 
hommes que celles qui tenaient aux forces de la na- 
ture... Pour nier cette intervention surnaturelle, il 
faut effacer la récit de l'Exode et renoncer à expliquer 
la suite de l'histoire d'Israël. » H. Lesêtve, Le passage 
de la mer Rouge, dans la Revue pratique d'apologé- 
tique, Paris, 1 er février 1907, p. 534. — Voir, outre les 
auteurs cités dans cet article, Vivien de Saint-Martin, 
Dictionnaire de géographie universelle, t. v, p. 245. 

A. Legendre. 

1. ROUILLE (hébreu: fyél'âh; Septante: Uç, 3pô>ai;; 
Vulgate : œrugo, rubigo), produit de l'altération d'un 
mêlai par l'oxygène de l'air. Ce produit est un oxyde 
du métal qui commence par se ternir, puis est attaqué 
de plus en plus profondément. La rouille du fer est 
rouge, mais les Livres Saints n'en parlent pas. Celle 
du cuivre est verte, c'est le vert-de-gris. Par extension, 
l'oxydation des autres métaux prend aussi le nom de 
rouille. — Ézéchiel, xxrv, 6, 11, 12, compare Jéru- 
salem, ville de sang, à une chaudière de cuivre cou- 
verte de vert-de-gris. En vain la met-on sur des char- 
bons ardents pour faire disparaître cette souillure; le 
vert-de-gris persiste malgré tout. C'est l'image de 
l'endurcissement de Jérusalem dans le mal, malgré les 
châtiments qui la frappent. On sait que les oxydes- se 
réduisent par le feu; la chaudière aurait donc dû 
perdre sa rouille par la chaleur. — Les idoles d'or et 
d'argent ne peuvent se défendre de la rouille; si l'on 
n'enlève pas cette rouille, elles ne brillent pas. Bar., 
vi, 11, 23. — Notre-Seigneur dit qu'il faut amasser des 
trésors non sur la terre, où ils Sont la proie de la 
rouille et des vers, mais dans le ciel, où ils n'ont pas à 
craindre ces inconvénients. Matth., vi, 19, 20. — Saint 
Jacques, v, 3, dit aux riches que leur or et leur argent 
se sont rouilles et que leur rouille rendra témoignage 
contre eux. — La Vulgate parle de la rouille de l'argent 
dans un texte, Prov., xxv, 4, où il est question d'argent 
de mauvais aloi, d'après les Septante, et de scories 
d'argent, dans l'hébreu. — Il est aussi question dans 
l'Écriture de ce qu'on appelle la rouille des blés. Voir 
l'article suivant; Blé, t. i, col. 18'17;Gharboîj des blés, 
t. il, col. 580. 

2. ROUILLE DES BLÉS (hébreu : t/èrdçôn,Deut.,xxviii, 
22 ; III Reg., vm, 37; Il Par., yi, 28; Amos, iv, 9; Agg., 
ii, 17; Septante : w-/pa, Deut., xxvin, 22; Èpuat'6r„ 
lit Reg., vm, 37; îx-rcpoç, II Par., vi, 28; Amos, iv, 9; 
àve[jioç6op!'a, Agg., il, 18; Vulgate : rubigo, Deut., 
xxvm, 22; œrugo et rubigo, III Reg., vin, 37; aurugo, 
II Par., vi, 28; Amos iv, 9; Agg., il, 18), champignon 
qui attaque les céréales et quelques autres espèces de 
plantes. 

I. Description. — C'est le nom d'une maladie re- 
couvrant les céréales d'une sorte de poussière brune 
ou rougeâtre qui simule la rouille du fer, et due au 
parasitisme d'un champignon de la famille des Urédi- 
nées. L'appareil végétatif se compose de filaments très 
tenus, cloisonnés et rameux qui s'insinuent dans les 
espaces intercellulaires de la plante infectée, puis per- 
cent Pépiderme à certaines places déterminées où les 
spores viennent se former â l'air libre sous forme de 
coussinets pulvérulents. 

Aucun végétal ne possède un plus remarquable po- 
lymorphisme, au point que dans le cours de son évo- 
lution il revêt jusqu'à 4 ou 5 formes si différentes d'as- 



pect et de coloris que longtemps on les a attribuées â 
autant de genres distincts. Ces variations se compli- 
quent de phénomènes d'hétérœcie, consistant en c e 




7»? 







263. — Puccinia graminls (agrandi 100 fois). 

que le parasite ne peut poursuivre le cycle complet de 
son développement qu'en attaquant l'une après l'autre 
deux plantes nourrices appartenant à des espèces diffé- 
rentes et nettement déterminées. Ainsi, la Rouille la 
plus commune, appelée Rouille noire et due au para- 
sitisme du Puccinia graminis (fig. 263), vit au prin- 
temps sur les jeunes feuilles d'un arbrisseau, le Ber- 
beris (vulgairement Épine- Vinette). Or les spores ainsi 




264. — Puccinia straminis (agrandi 100 [ois). 

produites ne peuvent germer en été que sur les chaumes 
de certaines graminées. Enfin, à leur tour, les spores 
de cette dernière sorte appelées téleutospores et cons? 
tituant la vraie Rouille ne peuvent entrer en germina- 
tion qu'après le repos hibernal. La formation indé-r 
pendante à laquelle elles donnent naissance est éphér 
mère et composée seulement de quelques cellules en 
filament, ou promycelium, d'où s'échappent des 
sporidies si légères que le moindre souffle dn vent 
suffit à les porter sur l'épiderme des feuilles naissantes 
de l'Épine- Vinette, seul milieu favorable à leur déve- 
loppement. Et c'est ainsi que reprend de nouveau un. 
cycle complet de révolution du parasite. 



1229 



ROUILLE DES BLES 



ROUTES 



1230 



Outre le Puccinia granxinis, on connaît encore le 
P. slratninis (fig. 264) qui attaque aussi les diverses 
céréales, sous le nom de Rouille tachetée. Elle vit au 
printemps sur les feuilles de diverses Boraginées sau- 
vages. Enfin le Puccinia coronata forme une rouille 
spéciale à l'avoine, tandis que sa forme alternante 
habite sur les Nerpruns. Elle n'a pas, du reste, la 
gravité des précédentes. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le yêrâqôn (de la racine p-i>, yâraq, 
« verdir », cf. vert-de-gris), rouille, est constamment 
uni dans les textes au siddàfôn qui est le charbon des 
blés ou nielle. Voir t. h, col. 582. La rouille des blés 
comme le charbon est un des fléaux dont Dieu menace 
son peuple infidèle, Deut., xxviii, 22, qu'il détournera 
si le peuple se repent et vient prier dans son temple, 

III Reg., vin, 37-40; II Par., vi, 28. Dans la traduction 
des Septante, de III Reg., xin, 37, ipvaiêr,, la rouille, 
au lieu d'être placée en second lieu, comme dans l'hé- 
breu, a passé au troisième rang après ppoû^oç, <t la 
sauterelle ». Dans la Vulgate, III Reg., vm, 37, yêrâqôn 
a été traduit à sa place régulière par serugo, puis il est 
rendu une seconde fois par rubigo, après locusta, la 
sauterelle. Ce fléau comme le charbon a sévi souvent 
en Palestine. « Je vous ai frappés par la nielle et la 
rouillé, » dit Dieu par la bouche de ses prophètes. 
Amos, iv, 9; Agg., il, 17 (Vulgate, 18). 

E. Levesque. 
ROULEAUX. Les livres anciens écrits sur papyrus 
ou sur parchemin étaient roulés en volumina. Voir 
Livre, m, t. rv, col. 305. 

ROUMAINES (VERSIONS) DES SAINTES 
ÉCRITURES. Les Roumains sont les descendants 
des Daces et des colons romains qui s'établirent en 
Dacie après la conquête de ce pays par l'empereur 
Trajan. A cause de leur origine en partie romaine, les 
Valaques s'appellent eux-mêmes « Rumanje ». Leur 
langue contient un grand nombre de mots latins, mais 
près de la moitié de leur dictionnaire est tiré du grec, 
du turc et du slave. Il n'existe pas de traduction ancienne 
de la Bible en roumain. Le Nouveau Testament fut 
publié en 1648 à Belgrade. La Bible, traduite par le 
métropolitain Théodotius, fut imprimée en 1668 à 
Bucharest. On a publié depuis plusieurs éditions nou- 
velles du Nouveau Testament et la Société biblique de 
Londres a donné une édition complète revisée de la 
Bible. Voir Bible of every Land, p. 279. 

ROUTES (hébreu : dérék, niesilidh, 'ôrah; Septante : 
6ôô;). Les termes « route, voie, sentier, chemin » sont 
fréquemment employés dans l'Écriture, mais ils sont 
souvent pris dans un sens métaphorique, par exemple : 
pour la manière d'agir ou les desseins de Dieu, Exod., 
xxxm, 13; Ps. lxvi (lxvii), 2; Ps. lxxvi (lxxvii), 14, etc.; 
pour la conduite morale de l'homme, IV Reg., il, 4; 
VIII, 25; Ps. cxviii (cxix), 1, 9, etc. Au sens propre, il^ 
indiquent la direction vers un point, c'est-à-dire lé 
chemin généralement suivi pour l'atteindre ; c'est ainsi 
que sont mentionnés : « le chemin qui conduit à 
Ephrata », Gen., xxxv, 19; xlvih, 7; « le chemin de la 
mer Rouge », Num., xiv, 25; « le chemin" de Béthel à 
Sichem », Jud., xxi, 19; « le chemin de Bethsamés s, 
I Reg., vi, 12, etc. Mais il ne faut pas s'attendre à 
trouver dans la Bible des renseignements bien précis 
sur l'ensemble des voies de communication qui reliaient 
entre elles les différentes parties de la Palestine, ou 
qui reliaient la Palestine aux pays voisins. Quand elle 
parle de « routes », il ne faut pas non plus s'imaginer 
des voies tracées avec art comme le furent plus tard 
les voies romaines. Souvent il ne s'agit que de simples 
sentiers destinés aux piétons, à quelque monture ou 
bête de somme. Cf. Jud., xrx, 10; l Re%., xxv, 20-, 

IV Reg., iv, 2't. Cependant, dès les temps les pYos an- 



ciens, les chariots et les chars circulaient à travers la 
montagne. Cf. Gen., xlv, 27; I Reg., vi, 12; II Reg., 
vi, 6; xv, 1; III Reg M i, 5, etc. Si ce fait ne suppose 
nécessairement pas des routes quele travail de l'iiomme 
avait rendues praticables, on peut croire pourtant que 
les rois, surtout après que Salomon eut introduit en 
grand nombre les chevaux et les chars, s'appliquèrent 
à améliorer les principales voies. Le mot niesilidh, 
IV Reg., xvin, 17; Is,, vu, 3, etc., d'après son étymo- 
logie (sâlal, « combler» et «aplanir »), semble désigner 
une route travaillée, aplanie. Va paiole 4'Ysaïe, xj.,2, •. 
pannû dérék, « préparez la voie », yaBerû niesilidh, 
« rendez droit le chemin », fait également allusion à la 
manière dont on préparait dans certains cas la route 
que devaient suivre les souverains. Le livre des Nombres, 
xx, 17; xxi, 22, parlait déjà d'une « voie royale », 
hébreu : dérék ham-mélék; Vulgate : via publica, xx, 
17; via regia, xxi, 22, que Moïse oppose aux chemins 
qui allaient à travers champs. Il s'agit sans doute d'une 
grande route, entretenue aux frais du roi, destinée 
à ses chars et à son armée, l'équivalent de ce qu'on 
appelle encore en Orient le Derb es-Sultân, « la route 
du Sultan ». Nous verrons tout à l'heure comment les 
Romains établirent en Palestine un admirable réseau 
de voies. Nous parlerons d'abord des voies militaires 
et commerciales qui traversaient le pays. Voir la carte, 
Qg. 265. 

1° Voies militaires. — La Palestine a été justement 
appelée le carrefour des nations ou, suivant une antre 
comparaison, le pont jeté entre l'Egypte et les grands 
empires du nord. C'est ce pays, en effet, que les armées 
ont nécessairement dû traverser pour aller de la vallée 
du Nil aux rives de l'Euphrate et vice versa. C'est dans 
la plaine d'Esdrelon, en particulier, qu'elles se sont 
souvent rencontrées en des chocs formidables. Quelles 
routes suivaient-elles? Elles n'avaient guère le choix, 
car toute la partie montagneuse leur offrait un obstacle 
sérieux. Elles devaient donc suivre principalement le 
chemin des granb.es pSaVafe&. Q«y&fe -rwKm^m&Jsfc, &■& 
reste, il suffit de jeter les yenx sur une carte de la 
Palestine ancienne pour voir comment leur voie est 
jalonnée par les noms égyptiens et assyriens attachés à 
certaines villes palestiniennes. Cf. A. Legendre, Carte 
de la Palestine ancienne et moderne, Paris, 1894 
Partis de Zalu, à la frontière égyptienne, les pharaons 
s'avançaient dans la direction du nord-est, à travers 
l'immense plaine qui sépare leur pays de la Syrie. La 
-première place syrienne qu'ils rencontraient comme 
une sentinelle avancée était Raphia, égyptien -.Rapihui; 
assyrien : Rapikhi; aujourd'hui : Bir Rajah; puis ils 
taisaient halte à Gfiza, égypt. •. Gazatu; assyr. •. Khaz- 
zatu. De là, ils suivaient la plaine de Séphélah, par- 
semée de villages et de forteresses, rencontrant larza, 
aujourd'hui Khirbet Yarzéh ; Magdilu, auj. El-Medjdel, 
l'ancienne Magdalgad; Asdudu, auj.Esdûd, anc.Àzot, 
pour arriver à Iopu, Iappv, Jaffa. De ce point, ils 
filaient en droite ligne vers le Carmel, à travers la 
plaine de Saron. Poulailler vers le nord, la route con- 
tourne bien la pointe du Carmel qui regarde la nier, 
mais ce passage, quoique pratiqué par quelques armées, 
est coupé par des rochers et est étroit, par là même 
difficile à forcer s'il est défendu. Ce n'est donc pas, on 
peut le dire, le passage historique pour sortir de la 
plaine de Saron on y entrer. Trois routes se présen- 
taient pour franchir la région montagneuse qui sépare 
cette plaine de celle d'Esdrelon. La première va de 
Subbarîn vers l'extrémité sud-est du Carmel, là où'le 
mont se détache par une coupure des collines samari- 
taines, puis elle atteint la plaine d'Esdrelon à Tell 
Keimûn ; c'est celle que suivit Napoléon, dont l'objectif 
était Saint-Jean d'Acre ; c'était la plus courte pour aller 
. d'Èç^çte sur le littoral phénicien. La seconde quittait 



1231 



ROUTES 



1232 



Vouadi Arah, franchissait le colacluel A'Vmni el-Fahm, 
l'Alûna égyptien, et descendait à Mageddo, égypt. : 
Magidi; assyr. : Magidu. Mais elle avait le grave in- 
convénient de se resserrer à tel point qu'elle obligeait 
les troupes à s'allonger outre mesure. C'est pourtant 
celle que Thothmès III voulut suivre, malgré l'avis de 
ses généraux. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient classique, Paris, 1897, t. il, p. 256. 
La troisième et la pVus fréquentée quittait la plaine de 
Saron plus au sud, et, par Vouadi Abu en-Ndr, se 
dirigeait vers Dothân, égypt. : Dutina, l'ancienne 
Dotkaïn, et le Sahel Arrabéh, pour aboutir kDjenîn. 
C'était la plus commode et, en outre, la plus courte pour 
gagner Bethsan, égypt. : Bitschanla, et la vallée du 
Jourdain, c'esl-à-dire pour se rendre d'Egypte à Damas. 

De la plaine d'Esdrelon, trois routes s'ouvraient pour 
gagner les régions du nord et du nord-est. L'une obli- 
quait à l'ouest et regagnait la Méditerranée vers Accho, 
Aku, Saint-Jean d'Acre, qui était une des clefs de la 
Syrie. Puis elle suivait la plaine côtière, laissant à droite 
des villes comme Aksapu, Acksaph, aujourd'hui Kefr 
Yâsîf; Maschalu, aujourd'hui Maisléh ; Lubina, aujour- 
d'hui Lebbuna, franchissait l'Échelle des Tyriens, et se 
dirigeait du côté de Tyr. L'autre s'en allait d'abord vers 
l'est, par Bethsan, traversait le Jourdain, puis filait sur 
Damas : c'était un champ de pâture immense, fré- 
quenté en tout sens par les Bédouins, clairsemé de 
bourgs murés, Hamaiu, probablement el-Hamméh; 
Astirotu , l'ancienne Aslaroth, aujourd'hui Tell Asch- 
taréh; Ono-Rapha, ancien Raphon, aujourd'hui Er- 
Râféh. La troisième coupait au plus court : elle gra- 
vissait les collines galiléennes, passait auprès du lac 
Mérom, puis vers les sources du Jourdain, à Ban-Lais, 
la Lauisa égyptienne, et s'engageait dans la plaine de 
Cœlé-Syrie. C'est celte dernière que Théglathphalasar III 
suivit en sens inverse lorsqu'il prit les villes de Aïon, 
AbeUbeth-maacha, Cédés, Hazor, la Galilée et la tribu 
de Nephthali, dont il transporta les habitants en Assyrie. 
Cf. IV Reg., xv, 29. La seconde fut suivie, au moins 
dans sa partie septentrionale, par Chodorlahomor et 
ses alliés, lorsque, venant combattre les rois de la Pen- 
tapole, ils frappèrent d'abord les Rephaïm à Astdroth- 
Carnaïm ; mais ils descendirent ensuite vers le sud, 
dans une course prodigieuse, avant d'aborder le terrain 
de la bataille. Cf. Gen., xiv, 5, 7. Du reste, la grande 
voie de l'est a tlû être de tout temps le chemin appelé 
aujourd'hui Derb el-Badj, « la route des Pèlerins », 
le long de laquelle se déroule le chemin de fer. Nous 
'ne parlons pas des autres voies que les armées ont 
dû se frayer dans l'intérieur de la Palestine, pour 
attaquer Samarie et Jérusalem, ni de celles que les 
Hébreux suivirent pour faire la conquête du pays, ni 
enfin de celles qui marquent les différentes petites 
guerres dont il fut le théâtre; elles se confondent avec 
les chemins battus qui la sillonnent en tous sens; il 
ne s'agit ici que 'des grandes voies historiques; pour 
le reste, voir Judée, 3» Description, t. m, col. 1815; 
Galilée, 4» Routes, t. m, col. 92; Samarie. 

2° Voies commerciales.— Ces voies militaires servaient 
naturellement aussi de lieu de passage aux caravanes 
qui faisaient le commerce entre l'Arabie, TÉgypte et 
l'Assyrie. D'un côté, les ports de mer étaient les débou- 
chés où affluaient les marchandises de l'Orient. Ils 
étaient, il est vrai, en grande partie, aux mains des 
Phéniciens, mais, pour les atteindre, il fallait traverser 
le territoire des Hébreux. C'est ainsi que Tyr, Saint-Jean 
d'Acre et Khaïfa furent longtemps les entrepôts préférés 
de Damas. Une première route, parlant de la grande 
ville, longeait le pied de l'Hermon, passait par Banias, 
et s'en allait, par les collines septentrionales de 
Galilée, droit à Tyr. Une seconde traversait le Jourdain 
au sud du lac Mérom et descendait vers le lac de Tibé- 
riade pour gagner ensuite la plaine d'Esdrelon et la 



mer au nord du Carmel. C'est la « voie de la mer » 
dont parle Isaïe, ix, 1. Enfin, une troisième passait le 
Jourdain au sud du lac de Tibériade et rejoignait le 
réseau de la plaine d'Esdrelon. Gaza était l'entrepôt des 
caravanes qui venaient du sud de l'Arabie. Les Israé- 
lites, qui longtemps n'eurent guère que le port de Jaffa 
comme principal débouché du côté de la Méditerranée, 
en cherchèrent un autre du côté de la mer Rouge, et, 
sous Salomon, Élathet Asiongaber virent partir la flotte 
royale pour le pays d'Ophir. Mais cette voie ne resta 
ouverte que peu d'années; elle était d'ailleurs très 
longue, peu commode et peu sûre. Voir Asiongaber, 
t. i, col. 1097; Elath, t. n, col. 1643. D'autre part, les 
caravanes qui se rendaient de la Transjordane en Egypte 
passaient le Jourdain vers Bethsan et, pénétrant dans 
la plaine d'Esdrelon, suivaient la route de Bothaïn et 
de Saron dont nous avons parlé tout à l'heure. C'estsur 
ce chemin que les Madianites rencontrèrent les fils de 
Jacob qui leur vendirent Joseph. Cf. Gen., xxxvn, 25, 
28. Les gués du Jourdain établissaient ainsi une commu- 
nication entre ses deux rives et, du pays de Moab, on 
arrivait à Jéricho pour remonter ensuite vers Sichem 
ou Jérusalem. La grande voie que nous avons signalée 
à l'est du fleuve est déjà mentionnée, Jud., vin, 11, 
comme celle des caravanes bédouines. Quant aux routes 
de l'intérieur, nous allons les trouver transformées par 
les Romains. 

3° Voies romaines. — Une des gloires architectu- 
rales des Romains consisté certainement dans ce 
magnifique réseau de routes pavées par lequel ils 
relièrent les différentes parties de leur immense em- 
pire. Les distances y étaient indiquées par des bornes 
milliaires, c'est-à-dire placées de mille en mille pas 
(1481-50). Voir Mille, t. iv, col. 1089. La Palestine fui 
sillonnée de ces voies, dont on rencontre encore des 
vestiges. On a même retrouvé un certain nombre de co- 
lonnes qui lesjalonnent suffisamment et nous permettent 
de les suivre sur plusieurs points, à l'ouest et à l'est du 
Jourdain. Voir carte, fig. 266. Nous donnons un aperçu 
du sujet, que les découvertes complètent de jour en jour. 

A) Cisjordane. — 1. De Jérusalem à Hébron. — 
L'ancienne voie se confond à peu près avec la route 
moderne jusqu'aux Étangs ou réservoirs de Salomon. 
Avant d'arriver à ce point, au delà de la bifurcation 
qui mène d'un côté à Belhléhem, de l'autre à Beît 
Djala, on a retrouvé une partie du VI e milliaire. A 
partir des réservoirs, elle s'écarte du chemin carros- 
sable, qui serpente sur le tlanc des collines, et elle 
gagne les hauteurs, en passant par Khirbet ' Alia et au 
point culminant de la contrée, kRàs esch-Scherif. Là, un 
groupe de colonnes doit marquer le X e mille, puis on 
rencontre successivement le XI e et le XII e milliaires, 
tous deux anépigraphes. Au delà de Khirbet Kùfin, la 
voie romaine revient à la route moderne,- et, un peu 
avant 'Ain Diruéh, se trouve le XVIII e milliaire, dont 
l'inscription peut être rétablie en entier. Le XIX e et le 
XXIe sont signalés par la carte anglaise. Quelques 
autres fragments ont été découverts, mais n'apportent 
aucune indication de distance. Cf. Germer-Durand, 
Inscriptions romaines de Palestine, dans la Revue 
biblique, 1895, p. 69-71, 239; 1899, p. 419. 

2. De Jérusalem à Eleuthéropolis (Beit-Djibrîn). — 
Cette voie descendait dans la direction du sud-ouest. 
Un fragment de milliaire qui se trouve à la hauteur de 
Malhah a dû appartenir au III e . Le IV» est au-dessus 
de 'Ain Yalo et le V e dix-sept minutes plus loin. Le 
VIII e a été trouvé à Bittir ; la colonne est presque en- 
tière, et l'inscription, quoique usée, est encore lisible, 
sauf la. première ligne; il remonte au règne d'Hadrien. 
Au delà d'El-Kabu, il y en a deux, anépigraphes, qui 
doivent marquer le XI e et le XIII e milles. A ce point, la 
carte anglaise fait bifurquer la voie, d'un côté vers el- 
Khadr et la voie romaine de Jérusalem à Hébron, de 



1233 



ROUTES 



1234 



l'autre vers er-Râs; elle ne trace pas la branche que 
nous venons de décrire d'après les monuments eux- 
mêmes. Le XIV" et le XVII» milliaires se trouvent avant 



— Éleuthéropolis fut un point central d'où partaient 
plusieurs voies. L'une s'en allait, en suivant les con- 
tours d'un ouadi, rejoindre Hébron, dans la direction 




265. — Carte des anciennes routes de Palestine. 



Be.it Nettif. Au-dessous de cette localité, est le XV1II«, 
avec le protocole des empereurs Marc-Aurèle et Vérus, 
et la distance marquée en langue grecque. Cf. Revue 
biblique, -1892, p. 264; 1894, p. 613; 1895, p. 269. 
3. D' Éleuthéropolis dans les différentes directions. 



du sud-est. Une autre descendait au sud, vers ed- 
Duéiméh et probablement jusqu'à Bersabée. La carte 
anglaise signale deux milliaires entre Beit Djibrîn et 
Duéiméh ; on en a retrouvé d'autres, en particulier le 
Ile avec fragment d'inscription. Une troisième se diri- 



1235 



ROOTES 



1236 



geait vers le nord, du côté de ZakaHya; au II e mille, 
on a découvert cinq colonnes, dont une a gardé la fin 
de l'inscription, qui se rapporte au règne de Caracalla 
et à l'an 213 de notre ère. Cf. Revue biblique, 1895, 
p. 267; 1899, p. 421-422. Une quatrième allait au nord- 
ouest vers Dhikrin et Tell es-Safiyéh, cf. Revue 
biblique, 1900, p. 114; d'autres conduisaient sans 
doute du côté de l'ouest et du sud-ouest. 

4. De Jérusalem à Engaddi. — La ville sainte était 
reliée à Engaddi par une voie qui se confondait 
d'abord avec celle d'Hébron jusqu'à Bethléhem, puis 
venait contourner le D/ébel Furéidis et descendait au 
sud-est sur le rivage de la mer Morte. D'Engaddi par- 
taient d'anciennes routes qui la rattachaient à Masada 
au sud et à différentes villes à l'ouest. 

5. De Jérusalem à Jéricho. — C'est la voie bien 
connue qui conduisait à la vallée du Jourdain; mais, au 
sortir de Jérusalem, elle prenait plus haut que la route 
actuelle. La carte anglaise signale deux bornes mil- ■ 
liaires, dont l'une au delà de Tal'at ed-Denim. 

6. De Jéricho en différentes directions. — >De Jéri- 
cho, qui était à l'est la place la plus importante, partaient 
plusieurs voies. L'une allait directement au nord, parla 
vallée du Jourdain, rejoindre Bethsan-Scythopolis. Elle 
se bifurquait une première fois pour monter au nord- 
ouest jusqu'à Naplouse ; une seconde fois, pour suivre 
Vouadi Faràh et, par un détour, regagner Sichem. A 
la première branche s'en rattachait une autre, qui 
passait par Akrabéh et retombait au même point que 
les deux précédentes. Une autre se dirigeait au nord- 
ouest vers Tayibéh, l'ancienne Éphrem; elle est mar- 
quée par plusieurs milliaires, dont on a retouvé des 
fragments. Cf. Revue biblique, 1895, p. 68-69. 

7. De Jérusalem à Naplouse. — Cette voie centrale 
est jalonnée par plusieurs milliaires : le III e avec frag- 
ment d'inscription a été retrouvé près de Scha'fat; le 
V", qui porte les noms des empereurs Marc-Aurèle et 
Lucius Verus, est un peu au delà de l'embranchement 
qui se dirige vers El-Djîb ; le XXV* a été découvert 
aux environs de Lubbàn. Cf. Revue biblique, 1899, 
p. 420; 1901, p. 96-100. 

8. De Jérusalem vers l'ouest. — Un embranchement 
de la voie précédente passait par Bethoron et conti- 
nuait sur Lxjdda. Un milliaire a été constaté à Beit 
'Ur el-Fôqâh, et le suivant esta la distance voulue plus 
loin. Au sortir de Bethoron, une bifurcation se diri- 
geait sur Nicopolis par Beit Sira. Cf. Revue biblique, 
1893, p. 144; 1898, p. 122-123. — De Jérusalem, une 
voie s'en allait par Beit lksa, Biddu, Beit Liqia, dans 
la direction du nord-ouest; elle était croisée à Biddu 
par celle qui venait d'Él-Djib et descendait vers 
Qarietel-'Enab. Une autre se dirigeait vers Qoluniyéh, 
Qariet el-'Enab, et se bifurquait d'un côté vers Yalô, 
de l'autre vers Nicopolis. Nous pouvons rattacher à ce 
réseau la voie qui, se séparant à el-Biréh de la route 
septentrionale, passait par Djifnéh, Vmm Safah, 
Tibnéh, Abùd, où elle se divisait en deux branches, 
celle du nord continuant vers el-Lubbdn, et-Tiréh et 
la plaine; elle est marquée par quelques milliaires 
que signale la carte anglaise. 

9. De Naplouse à Scythopolis, au Jourdain et à 
Tibériadé. — Cette voie allait, dans ■ la direction du 
nord-est, par Tell el-Farah, Tubas, Teiàsîr, etc., re- 
joindre l'importante place de Bethsan-Scythopolis, et, 
au delà du Jourdain, continuait vers Damas. La carte 
anglaise signale trois milliaires avant Beisân : le pre- 
mier entre Tûbàs et Téiasir; le second à Téiasir, et le 
troisième au delà, avant d'arriver à la plaine. Celui de 
Téiasir doit représenter le XV e ; il estprobable, en effet, 
que cette localité correspond à l'ancienne ville d'Aser, 
qu'Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 
1870, p. 93, 222, placent au quinzième mille quand on 
descend de Naplouse à Scythopolis. Le précédent repré- 



sente donc le XIV», ce qui est, du reste, confirmé par 
VOnomasticon, p. 157, 262, lorsqu'il montre Thébès = 
Tûbâs « presque au treizième mille en allant de Na- 
plouse à Scythopolis. » Il y a, en effet, un peu plus d'un 
mille de Tûbâs au milliaire en question. Au delà de 
Téiasir, on retrouve le XVI e , le XVII e et le XVIII e 
milliaires. De Béisân au pont du Jourdain, on en a 
constaté trois autres : le I er au nord-est de la ville, 
trois colonnes anépigraphes; le III e , trois colonnes, 
dont une seule porte des restes d'inscription; le IX e , 
au bord du fleuve, tronçon de colonne sur lequel on 
ne distingue que les traces d'un grand chiffre. Cf. Revue 
biblique, 1895, p. 71-73; 1899, p. 30-31. La voie con- 
tinuait au nord vers Tibériadé. Un milliaire a été re- 
trouvé non loin du Djisr el-MudjâmV , à 10 ou 12 
milles romains de Scythopolis. Cf. Zeitschrift des 
deutschen Palàstina-Vereins, Mittheilungen, Leipzig, 
1905, p. 37-40. — Nous avons indiqué plus haut les 
routes qui reliaient Naplouse à Jéricho. 

10. De Tibériadé à Ptolémaide. — La carte anglaise 
signale une voie romaine passant par Vouadi 'Abilîn 
et se dirigeant vers Saint-Jean d'Acre. Elle devait relier 
cette ville à Tibériadé. 

11. De Legio en différentes directions. — Legio, qui a 
succédé à Mageddo, Tell el-Mutesellina, était le point 
le plus important de la plaine d'Esdrelon. Elle était le 
centre de plusieurs voies. L'une allait, vers Djénin, au 
sud-est, l'autre vers Ptolémaide au nord-ouest. Sur' 
cette dernière on a découvert, au nord-ouest de Ledj- 
djûn, un milliaire qui doit représenter le III e à partir 
de l'ancienne ville. Cf. Zeitschrift des deutschen Palâs- 
lina-Vereins, Mittheilungen, 1906, p. 67-69. Une autre 
route traversait le massif montagneux dans la direc- 
tion du sud-ouest, passant près d'Umm el-Fahm; il 
est facile également de la suivre d'après les milliaires. 
Cf. Zeitschrift des deut. Pal.- Ver., Miltheil., 1903, 
p. 5-10. 

B) Transjordane. — 1. De Damas vers le sud- 
ouest. — Une première voie allait vers Banias, l'an- 
cienne Césarée de Philippe. Une seconde, plus au sud, 
venait à El-Qonéitrah, où elle se bifurquait pour 
rejoindre, d'un côté, Banias, au nord-ouest, de l'autre 
le Jourdain, au-dessous du lacMérom. AvantjQonéitra/» 
même, une branche se dirigeait vers Césarée de Phi- 
lippe. Avant d'arriver au Jourdain, la route rencontrait 
celle qui se dirigeait vers l'est et se rattachait à un 
autre réseau. Une branche de ce dernier descendait, 
par Khisfîn, Sûsiyéh = Hippos, jusqu'au Jourdain, 
au-dessous du lac de Tibériadé. Une autre allait à Naua, 
d'où partait une nouvelle voie qui rejoignait celle de 
Khisfîn, en passant par Tsîl. 

2. De Gadara à Bostra. — Une voie, se dirigeant de 
l'ouest à l'est, traversait le Hauran. De Gadara, aujour- 
d'hui Vmm Qéis, elle "se rendait à Der'at, l'ancienne 
Edraï, puis à Bostra, à Salkhad et plus loin. Un em- 
branchement, partant de Bostra, venait, dans la direc- 
tion du sud-ouest, rejoindre le Derb el-Hadj à Qala'at 
ez-Zerqa. 

3. De Pella (Kh. Fahil) à Gerasa(Djérasch). — Cette 
voie est jalonnée par quelques milliaires. Le I er mille 
se trouve tout près de la ville basse; il est marqué par 
six colonnes, dont une seule, encore debout, portait 
une inscription devenue illisible, au bas de laquelle le 
chiffre est inscrit en latin et en grec. III e , deux colonnes 
anépigraphes. IV e , fragment de colonne contenant la 
fin d'une inscription avec le chiffre dans les deux 
langues. V e , une colonne anépigraphe. VIII e , six 
colonnes brisées dont il reste les bases cubiques; 
quelques lettres seulement sur un des fragments. Une 
borne milliaire, au nom des empereurs Marc-Aurèle 
et L. Verus, a été signalée à Adjlûn par M. Clermont- 
Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, 1888, 
t. i, p. 207. Un autre point de repère se trouve au 



1237 



ROUTES 



ROYAUME DE DIEU 



1238 



sixième mille avant Gérasa, trois colonnes, dont deux 
portent des inscriptions. Cf. Revue biblique, 1899, 
p. 31-33. 

4. De Gérasa à Philadelphie {'Amman). — On a 
retrouvé sur cette voie des bornes milliaires représen- 
tant les VII e , VIII e et IX e milles. ;Des fragments ^d'inscrip- 
tions rappellent les noms de Marc-Aurèle et L. Verus 
que nous avons déjà rencontrés. Cf. Revue biblique, 

1895, p. 392-393; 1899, p. 35-37. Cette voie rejoignait 
avant Yadjûz celle qui, de Philadelphie, allait vers le 
nord. On a découvert sur cette dernière un certain 
nombre de colonnes marquant les III e , IV e , V e , VI e , 
'VII e , VIII e , IX e , X e et XI e milles. Le VII e se trouvait à 
Aïn Yadjûz. Plusieurs des colonnes ont des inscrip- 
tions intéressantes. Cf. Revue biblique, 1895, p. 394-398. 

5. De Philadelphie vers le sud. — De ce côté, la voie 
reliait 'Amman à Hesbân, l'ancienne Hésébon. 

6. D'Hesbân au Jourdain. — Cette ancienne voie 
partait d'Hesbân pour aller traverser le Jourdain au 
Makadet Hadjlah. On y a retrouvé des groupes de mil- 
liaires avec inscriptions, marquant le V e et le VI e milles. 
Cf. Revue biblique, 1893, p. 123; 1895, p. 398-400; 

1896, p. 613, 615. A cette route se rattachait celle de 
Mâdaba au Jourdain. 

7. De Mâdaba à l'Arnon et jusqu'à Pétra. Cette 
grande voie de communication, qui continuait celle de 
Gérasa-Hesbân, traversait du nord au sud la province 
d'Arabie. D'après les nombreuses inscriptions qu'on y 
a relevées, elle fut ouverte par Trajan, au commence- 
ment du second siècle, el maintes fois restaurée sous 
les empereurs Marc-Auréle et Vérus, Septime Sévère 
etc. Cf. Revue biblique, 1895. p. 624; 1896, p. 601-613; 

1897, p. 574-591; 1898, p. 438-440. 

4° Voies actuelles. — On voit comment les Romains 
avaient transformé les anciennes roules. Leur travail 
Colossal finit par disparaître, et longtemps le pays ne 
fut guère praticable pour les voitures. Il existe aujour- 
d'hui plusieurs routes carrossables, dont quelques-unes 
en mauvais état. Elles vont: de Jaffa à Jérusalem; de Jaffa 
à Khaïfa, avec embranchement sur Naplouse; de Jaffa 
à Gaza; de Jérusalem à Hébron, à Jéricho, au Jourdain 
et à la mer Morte, à Naplouse et au delà (en construc- 
tion); de Khaïfa à Djenîn, à Nazareth et à Tibériade. 
Les chemins de fer vont : de Jaffa à Jérusalem ; de 
Khaïfa à Damas par la plaine d'Esdrelon, puis Mezeirib 
ou Der'at à l'est du Jourdain ; de Damas dans le Hau- 
ràn, par les deux lignes de Mezeirib et de Der'at, qui 
s'unissent en ce dernier point, pour se prolonger vers 
le sud. 

Bibliographie. — Rejand, Palseslina, Utrecht, 1714, 
t. i, p. 395-421; Survey of Western Palestine, Londres, 
3 e in-4», 1881-1883, dans les différentes sections; R. E. 
Brûnnow et A. von Domaszewski, Die Provincia Ara- 
bia, Strasbourg, 1904', t. i, p. 15-124; 6. A. Smith, The 
historical Geography of the Holy Land, Londres, 
1894, p. 149-154, 263-271, etc.; F. Buhl, Géographie des 
alten Palàstina, Leipzig, 1896, p. 125-131 ; P. Thomsen, 
Palâstina nach dem Onomasticon des Eusebius, dans 
la Zeitschrift des deutschen Palàstina] Vereins, Leipzig, 
t. xxvi, 1903, p. 168-188, avec car^ V. Schwôbel, 
Die Verkehrswege und Ansiedlungen Galilâas inihrer 
Abhàngigkeit von den natûrlichen (Bedingungen, dans 
la même revue, t. xxvn, 1904, p. 57-88. 

A. Legendre. 

ROYAUME DE DIEU ou ROYAUME DES 
CIEUX (grec: pa<rOxi«toC ©eoû; pauiXeîaxwv oùpavùv). 
La conception du royaume de Dieu est spécifiquement 
juive et chrétienne, bien que certains de ses traits 
puissent se retrouver dans d'autres religions, par 
exemple chez les Perses. Nous allons suivre le déve- 
loppement de cette notion dans l'Ancien Testament, 
dans le judaïsme et dans le Nouveau Testament. 

I. Daks l'Ancien Testament. — Ba<xi).e;'a signifie en 



grec classique « royauté », et par dérivation « royaume », 
Cette même signification s'esl conservée dans les Sep- 
tante qui traduisent par ce terme diflérentes «pres- 
sions du texte original : m^Do, nsibo, m^D, 

tt : - t : : - 

nij^DD. La plupart de ces mots hébreux marquent en 

premier lieu l'idée abstraite de régne, de royauté, de 
pouvoir royal, et secondairement seulement le royaume, 
soit comme territoire, soit comme société. — I e Dans 
l'Ancien Testament il est plusieurs fois question de la 
royauté ou du règne de Jéhovah. Ps. xxn, 29; cm, 19; 
cxlv, 13; Abdias, 21; Dan., m, 54; Tob., xui, 1 ; Sap., 
vi, 4; x, 10. Il ne semble pas qu'on y parle jamais du 
royaume de Dieu au sens de ferriloire; mais le royaume 
des Saints de Daniel est évidemment conçu comme 
une société. Dan., u, 44; vu, 18. — La royauté de Dieu 
est déjà implicitement contenue dans le récit de la 
création; en appelant les êtres à l'existence, Dieu se 
réserve le droit de les gouverner. Si l'homme reçoit 
une sorte de pouvoir royal sur les créatures, Gen., I, 
26; ix, 1-3; cf. Ps. vin, 7-9, c'est parce qu'il est fait 
à l'image du Créateur. Dieu est roi de toute la terre, 
Ps. xlvii, 7; tous les royaumes du monde lui sont sou- 
mis, car c'est lui qui a fait le ciel et la terre. Is., xxxvii, 
16. Jéhovah possède un pouvoir de judicature sur toute la 
terre. Gen., xvm, 25. Rien n'est soustraità sa souverai- 
neté, et son nom doit être célébré par toute la terre. Exod. , 
ix, 16. — La création a donc conféré à Jéhovah un droit 
royal sur lous les êtres, particulièrement sur les 
hommes, qui doivent reconnaître ce droit et se soumettre 
aux volontés de leur souverain. Gen., n, 17; vi, 5-13. 
Mais les hommes frustrèrent l'attente divine; les pre- 
miers parents se révoltèrent contre Dieu et leurs descen- 
dants méconnurent de plus en plus sa souveraineté. 
— Ce que la mauvaise volonté des hommes avait détruit, 
la grâce allait le rétablir. Déjà au paradis terrestre 
Dieu avait donné à enlrevoir la victoire finale du bien 
sur le mal. Gen., m, 15. Pour assurer la reconnais- 
sance de son pouvoir, Dieu fit alliance avec les patriar- 
ches et leur postérité, Gen., xvn; xxvi, 24; xxvm, 
13-15. et devint ainsi à un titre spécial le souverain 
d'Israël. Tout en restant, de droit, le roi des autres 
nations, il affirma de façon particulière sa royauté sur 
le peuple élu. C'est lui qui veilla en Egypte sur les 
enfants de Jacob, qui les sauva des mains du pharaon, 
qui renouvela solennellement avec eux l'alliance au 
Sinaï et qui leur donna en partage la terre de Canaan. 
Les droils souverains de Jéhovah sont si bien établis- 
que Gédéon refuse le titre de roi, car « c'est Jéhovah 
qui est votre maître ». Jud., vm, 23. L'institution de 
la royauté ne modifiera point les rapports d'Israël avec 
Jéhovah : le roi est le lieutenant de Dieu, choisi par 
lui pour combattre les guerres du Seigneur. Toute la 
suite des événements racontés dans la Bible, ne sera que 
l'histoire des vicissitudes de celte théocratie, dont le but 
providentiel élait de préparer l'avènement du règne de 
Dieu sur les hommes. — 2» En eûet, bien que ledroit royal 
de Jéhovah sur la création soit éternel et immuable, 
Ps. xciu,2; xxix, 10; cxlv, 13, le règne n'existe de fait 
que dans la mesure où cette royauté est reconnue. En un 
sens, le règne est déjà commencé, puisque la royauté de 
Jéhovah est acceptée parlsraël.« Tu asétabli dansJacob 
le droit et la justice... Jéhovah est roi, que les peuples 
tremblent. » Ps. xcix, 1-4. En un autre, il est encore 
à venir, car les nations ne sont pas soumises à Jéhovah; 
elles aussi doivent célébrer le Seigneur et reconnaître 
la puissance de Dieu. Ps. lxviii, 33-34; Ps. lxvh, 3-8. 
Le règne est donc aussi eschatologique, parce que dans 
l'avenir seul il sera établi dans toute sa splendeur, sur 
les Gentils aussi bien que sur les Juifs. Ce jour glo- 
rieux, les prophètes l'entrevoient et l'annoncent. «Dieu 
règne sûr les nations... les princes des peuples se réu- 
nissent au peuple du Dieu d'Abraham. »Ps. XL vu, 9-10. 



1239 



ROYAUME DE DIEU 



1240 



Le règne sera universel : Rahab et Babylone, les Phi- 
listins, Tyr e * l'Ethiopie seront appebjs fils de Sion. 
Ps. lxxxvij, 4; cf. Ps. xcvi, xcvm; Is., h, 2-4; xxv, 
3-9; Zaeh., xiv, 16. Cette eschatologie peut-être appelée 
messianique dans un sens large, car les descriptions 
peuvent viser une ère de bonheur futur sans mettre 
en scène un Messie personnel. — 3° Rarement le 
règne de Dien est mis en rapport avec l'eschatologie 
transcendante, dont le domaine propre est l'au-delà. 
La résurrection des justes est un acte de la royauté 
divine, II Mach., vu, 9. Au ciel, le Seigneur régnera 
sur les élus, Sap., m, 8, et ceux-ci participeront à 
son pouvoir royal, Sap., v, 16. On serait tenté de 
«rapprocher de ces textes, Sap., x, 10 c< elle (la Sa- 
gesse) conduisit par des voies droites le juste (Jacob)... 
•et lui montra le règne de Dieu »; mais il s'agit ici de 
Ja connaissance des lois mystérieuses par lesquelles 
Dieu gouverne le monde, plutôt que d'une vision du 
royaume céleste. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, 
p. 102-103. — 4° Jamais le règne de Dieu n'est mis en 
•relation avec l'eschatologie cosmique. « Pas un mot 
dans l'Ancien Testament ne (le) représente comme 
-établi sur un monde détruit ». Lagrange, Le Règne de 
Dieu dans l'Ancien Testament, dans la Rev. bibl., 
1908, p. 60. On aurait tort d'identifier avec le jugement 
dernier le 'jugement du « roi Jéhovah » dans les 
Psaumes lxvii, 5; xcvi, 10, 13; xcvm, 9; juger est ici 
synonyme de gouverner. — Le royaume des Saints de 
Daniel succède aux quatre grands empires dans le 
gouvernement des nations, n, 44; mais ces nations 
continueront à exister, elles seront simplement sou- 
mises au Fils de l'homme, vu, 14. — Quoique le règne 
soit, à certains égards, réservé aux temps à venir, il 
n'est cependant jamais conçu, même sous cet aspect 
eschatologique, comme un fait absolument nouveau. 
C'est qu'il plonge ses racines dans le passé, il est 
fondé sur les droits éternels de Dieu ou sur les bien- 
faits accordés jadis à Israël; le règne annoncé sera 
seulement « le passage du droit au fait, ou encore la 
reconnaissance du droit, la mise en scène historique 
d'une idée éternelle, le progrès, sans doute extraordi- 
naire et merveilleux, mais enfin la suite d'une chose 
commencée. » Lagrange, loc. cit. — 5° Du moment 
que le régne ne pouvait s'établir que par la reconnais- 
sance de la royauté de Dieu, il présentait un caractère 
éminemment moral. Ses traits spiritualistes sont, du 
reste, souvent mis en relief par les prophètes. Les 
messagers du règne sont des messagers de salut et de 
paix, Jéhovah révèle sa sainteté, Is., lu, 7-10; la justice 
est le bien par excellence du règne, Is., xlv, 8, et tous 
les peuples accourront au salut comme à un festin 
plantureux, Is. xxv, 6. « Venez, se diront-ils, et mon- 
tons à la montagne de Jéhovah... il nous instruira de ses 
voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Is., Il, 3. 
Alors « la terre sera remplie de la connaissance et de 
la gloire de Jéhovah. » Hab.-, n,14. Le roi messianique 
gouvernera le peuple avec équité, et il aura un soin 
particulier des pauvres, des malheureux et des oppri- 
més. Ps. lxxii. En un mot, au jour du salut « la bonté 
et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s'em- 
brasseront. » Ps. lxxxv, 11-12; cf. Ps. xcix,4;Is., vi, 13; 
Mich., v, 9-13; Jer., xxm, 5; Ezech., xxxvi, 25-27; xxxvn, 
24; Soph., m, 13. — La haute spiritualité du règne 
attendu est encore accentuée par la notion du pardon 
des péchés, Jer., xxxi, 31-34, et par la perspective 
d'une expiation rédemptrice. Le Serviteur de Jéhovah 
« a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause 
de nos iniquités; le châtiment qui nous sauve a pesé 
sur lui, et par ses plaies nous sommes guéris. » la., 
■yil, 5. — Le livré- de la Sagesse fait ressortir si bien 
l'aspect religieux et individuel du salut, qu'à ce point 
de vue il présente une ressemblance marquée avec la 
jdoctrine des Évangiles. Ce n'est point encore l'épa- 



nouissement, dans les âmes, de l'amour pour le Père; 
c'est du moins le règne de Dieu dans les individus par 
la pratique de la justice. Cf. Lagrange, dans la Rev. 
bibl., 1907, p. 102-104. — 6° Cependant on ne saurait 
nier que le règne se présente souvent, dans les des- 
criptions prophétiques, sous les traits d'une restaura- 
tion nationale et d'une ère de prospérités matérielles. 
Mais ce ne sont là que des dehors; la perspective du 
règne de justice est prédominante chez les prophètes. 
Cf. Touzard, L'argument prophétique, dans la Revue 
pratique d'apologétique, 15 oct. 1908, p. 92-98. D'ail- 
leurs il ne faut pas oublier que l'accomplissement de ces 
promesses était lié à certaines conditions d'ordre moral. 
« Si donc quelques-unes des prophéties faites à Israël 
n'ont pas été réalisées, qu'il se demande si, pour sa 
part, il a rempli toutes les conditions auxquelles était 
attachée leur réalisation. » Kônig, Geschichte des Rei- 
ches Goties bis auf J.-C, Berlin, 1908, p. 328. 

II. Dans le judaïsme. — 1° 11 ne semble pas que 
l'expression PSamXEÏa toî Osoû soit employée, dans la 
littérature juive postérieure, au sens de territoire, 
excepté peut-être Psaumes de Salomon, v, 18, édit. 
Gebhardt : « Ta bonté (se répand) sur Israël, èv t*] fia^i- 
Àeia <jou, et Hénoch, xli, 1, trad. Martin, p. 88 : « Je 
vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume 
sera partagé. » Mais le premier texte peut aussi bien 
se traduire « par ton gouvernement »,et le second est 
peu clair. Cf. DasSlavische Henochbuch, Berlin, 1896, 
xxiv, 3 « mon royaume immense », édit. N. Bonwetsch 
Rec. A, p. 125. — Le royaume au sens de «société » se 
trouve Sibyll,, m, 767, édit. Geffcken. « Alors il (Dieu) 
suscitera un royaume éternel ». Cf. Dan., n, 44. De façon 
générale il est plutôt question du règne ou du droit royal 
de Dieu; du reste, le règne est logiquement corrélatif à 
un ensemble de sujets sur lesquels s'exerce la royauté 
et qui constituent un royaume. Comme dans l'Ancien 
Testament, Dieu possède la royauté universelle de toute 
éternité ; il est le roi du monde, le roi éternel, sa royauté 
demeure à jamais et dans les siècles des siècles, car 
c'est lui qui a fait et qui domine toutes choses. Hénoch, 
xii, 3; xxvii, 3; lxxxiv, 2-3. Cf. Ascens. Mos., iv, 2. — 
Il est en particulier le roi d'Israël. Ps. Sal., v, 18-19; 
xvn, 1, 46. La royauté israélite est la royauté même du 
Seigneur, Testaments des Douze Patriarches, Benj., 
ix, 1, édit., Charles, et les rois sont choisis par lui. Test. 
Rub., vi, 11. Le pouvoir royal de Dieu s'affirme de 
diverses façons, parla protection et la miséricorde qu'il 
accorde à Israël, Ps. Sal., xvn, 1-3, aussi bien que 
par les châtiments qu'il envoie aux Gentils. Ps. Sal., 
il, 29-32; xvii, 3. 

2° Le règne de Dieu à l'époque qui nous occupe, est 
surtout considéré comme à venir. Les Juifs traversaient 
alors de douloureuses épreuves ; persécutés par les 
Séleucides, ils avaient un instant reconquis leur indé- 
pendance nationale; mais bientôt ils tombèrent sous le 
joug des Romains. Au sein même du peuple élu, un 
grand nombre s'était soustrait à la royauté de Dieu et 
méconnaissait ses lois. Les Gentils, abandonnés à tous 
les vices, dominaient sur le monde. Ce n'était point là 
le règne attendu. Aussi tous les regards se tournaient-ils 
vers l'avenir, vers ce qu'on peut appeler l'ère messia- 
nique au sens large. Malgré la diversité des systèmes, 
on peut diviser en deux courants distincts les espé- 
rances qui se font jour : le messianisme apocalyptique, 
qui prévoit un bouleversement général de l'ordre actuel, 
et le messianisme rabbinique, qui attend la domination 
d'Israël sur les nations. Cf. Lagrange, Le Messianisme 
chez les Juifs, Paris, 1909; P. Volz, Jûdische Eschato- 
logie, Tubingue, ^903. — Le premier n'eut sans doute 
jamais une grande influence sur les masses; ce sont 
les rabbins qui formèrent l'esprit du peuple. Le résumé 
de toutes les espérances, c'était la glorification d'Israël ; 
et même dans les écrits où l'on semble opposer justes 



1241 



ROYAUME DE DIEU 



1242 



et pécheurs, plutôt que Juifs et Gentils, il est entendu 
que les justes ne comprennent que les Juifs fidèles à 
la Loi ou les Gentils qui se sont convertis au judaïsme. 
Omnia ad majorent Judaeorum gloriam, tel pourrait 
être l'exergue de toute cette littérature. — D'après les 
écrits rabbiniques en particulier, le règne de Dieu 
jusqu'à présent si contrarié, allait s'établir bientôt 
dans toute sa splendeur par l'avènement du Messie; 
guerrier valeureux, il soumettra à son sceptre les 
Gentils et donnera aux Juifs la royauté du monde 
entier. Les « dispersés s reviendront en Palestine, et 
Jérusalem sera la glorieuse capitale du nouveau royaume. 
Alors commencera la félicité messianique, qui sera pré- 
cisément le contre-pied des malheurs présents. Les 
Gentils semblent parfois admis à partager ce bonheur, 
à la condition de se faire Juifs ; mais le plus souvent 
on les montre réduits en servitude. — Dans l'attente 
des Juifs de cette époque, le règne de Dieu à venir 
s'identifiait donc généralement avec le règne national 
d'Israël. Ce sont là les dispositions qui, selon toute 
vraisemblance, étaient dominantes autour de Jésus. 
Cf. Luc, xix, 11; xxiv, 21. « Seigneur, demandent les 
Apôtres à Jésus ressuscité, est-ce maintenant que tu 
rétabliras la royauté en faveur d'Israël?» Act., i, 6. La 
conviction que le triomphe national serait le triomphe 
même du règne de Dieu, maintint lès Juifs dans une 
agitation perpétuelle ; c'est elle qui arma leurs bras 
contre les Syriens d'abord, puis contre les Romains, 
et qui amena sous Hadrien la chute définitive de l'État 
israélile. 

3° Cependant la notion traditionnelle d'un règne de 
Dieu se réalisant dans les hommes par leur soumission 
à la volonté divine, n'avait point disparu. Dieu règne 
déjà sur les Juifs fidèles. Ps. Sal., v, 18-19; xvu, 1, 46. 
Il ne tient qu'aux hommes d'étendre davantage le règne 
en acceptant la loi divine. Abraham, par son obéissance, 
choisit Dien et son règne, Jub., xn, 19; réciter le 
Schéma', c'est prendre sur soi le joug du règne des 
cieux, b., Bërackoth i4 h ; 61 b ; s'abstenir de choses dé- 
fendues, parce que Dieu les a prohibées, c'est recon- 
naître le règne des cieux, (baraitha d'Eléazar ben Aza- 
riah, vers 100 après J.-C, dans Bâcher, Die Agada der 
Tannaiten, P, p. 220); omettre la récitation du Schéma', 
c'est se soustraire au joug de. ce règne, Mischna, Ber., 
il, 5; le sabbat est, entre tous les autres jours, un jour 
du saint règne, Jub., L, 9, parce qu'en l'observant on 
fait régner Dieu. Il en résulte que le règne de Dieu est 
déjà présent, et qu'il pourra se développer indéfini- 
ment; les Gentils eux-mêmes sont appelés à recevoir 
sur eux le joug de son règne et à rendre honneur à 
son nom. 'Alênu, prière composée vers 240 après J.-C. 
Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 307. Le règne messia- 
nique lui-même, malgré l'aspect de nouveauté qu'il 
présentera à certains points de vue, ne sera que l'agran- 
dissement d'une chose déjà existante : la royauté de 
Dieu s'affirmera, non plus seulement sur un petit 
groupe de fidèles, mais sur tout l'univers. Son inaugu- 
ration pourra être conçue comme plus ou moins catas- 
trophique ; la reconnaissance de la souveraineté éternelle 
de Dieu en constituera toujours l'essence. Ps. Sal., xvu. 
Cf. Lagrange, Le règne de Dieu dansf Te judaïsme, 
dans la Bev. bibl., 1908, p. 350-366. — 0n voit dès lors 
ce qu'il faut penser de la définition du royaume 
donnée par Loisy, Évangiles Synoptiques t. i, p. 229, 
note 6 : « le royaume de Dieu... est proprement 
le règne ou la royauté de Dieu, l'ère messianique. » — 
C'est une définition en fonction d'un système. Le règne 
comprend aussi l'ère messianique, mais il n'est point 
seulement cela; toujours il a été considéré comme 
réalisé déjà, d'une certaine façon, dans le présent. 

III. Dans le Nouveau Testament. — L'expression 
fSgt<jiXet'a toû ©sou est employée 63 fois dans le Nouveau 
Testament (Matth., 4 fois; Marc, 14; Luc, 32; Joa., 2; 



Act., 6; les autres écrits, 5); {îaadet'a ©eoO, 4 fois (dans 
saint Paul); {Sao-iXeîa ™v o-jpavûv, 32 fois (unique- 
ment dans Matth.). Si le mot se lit fréquemment, 
l'idée se rencontre bien plus souvent encore, et l'on ne 
se trompera pas en voyant dans « le royaume de Dieu » 
le concept fondamental de la prédication de Jésus. 
Le judaïsme connaît ces différents termes; hébr. 
c-2ïf mzhzi [Mischna, Ber. il; Ghemara, b. Ber. 13 b , 

14i>,61 b ,etc)., aram. N>aun NniD^D, >H Nirabn (Targums: 
t- : • t : -. r- t :- 

ls., xxxr, 4; Abd., 21; Mich., iv, 7; Zach., xiv, 9), 
NrftNT NmsbD (Targums : ls., XL, 9; lu, 7). Cf. Dal- 

TTV:'.* T : " 

man, Die Worte Jesu, 75-83. — Quelle est l'expression 
dont se servait N. S.? disait-il « règne de Dieu » ou 
« règne des cieux», ou employait-il indifféremment l'un 
et l'autre terme? Il est difficile de le déterminer avec 
certitude. D'une part, le mot « cieux » ou << ciel », — car 
le singulier n'existe ni en hébreu ni en araméen, — 
était une des nombreuses locutions, alors en usage chez 
les rabbins, pour désigner Dieu dont on évitait de pro- 
noncer le nom. On peut aussi se demander si Matth., 
qui seul présente le terme « royaume des cieux », n'a^ 
pas conservé plus fidèlement la formule primitive, 
puisqu'il écrivait pour des judéo-chrétiens. — Mais 
d'autre part, il est impossible de prouver que Jésus 
se soit astreint à suivre toujours l'usage rabbinique; le 
mot « Dieu » se rencontre souvent sur ses lèvres, et saint 
Matthieu lui-même a plusieurs fois le terme « royaume 
de Dieu ». Rien n'empêche donc de penser que Jésus se 
soit exprimé de l'une et de l'autre façon. A vrai dire 
cette discussion importe peu, car les deux expressions 
sont synonymes, c cieux » étant simplement une 
métonymie pour « Dieu ». Les Évangiles, aussi bien 
que la littérature contemporaine, leur attribuent an 
sens identique, avec cette nuance que « le régne des 
cieux » est le règne du Dieu transcendant. Dalman, 
loc. cit., p. 76. 

Quelle est la signification précise de ftamXsia ? Si 
l'on s'en tient à l'usage de l'Ancien Testament et des 
écrits juifs, il faut y voir avant tout le sens abstrait 
de règne, de souveraineté ; d'après Dalman, loc. cit., 
p. 77, il ne serait jamais question, dans toute cette 
littérature, du royaume de Dieu au sens de territoire. 
Il est donc à prévoir que dans le Nouveau Testament le 
premier sens sera prédominant; mais il ne sera pas le 
seul, et l'étude impartiale des textes montrera que 
Jésus a envisagé aussi la ^aadeia toû ®eoû comme un 
royaume au sens de société. 

J". LE ROYAUME DANS LES SYNOPTIQUES. — 1° L'évan- 
gile de l'enfance. — Les récits de l'enfance forment la 
transition entre l'Ancien Testament et le Nouveau. — 
L'archange Gabriel annonce à Marie la naissance d'un 
enfant, auquel le Seigneur Dieu donnera le trône de 
David son père, et qui régnera sur la maison de Jacob à 
jamais. Luc, i, 32-33. Le Magnificat, cantique d'une 
fille des rois, célèbre le Dieu sauveur qui vient au 
secours d'Israël, son serviteur. Luc, i, 47-55. C'est 
également sous les couleurs de l'Ancien Testament que 
le Benedictus dessine la figure du Messie : il est « la 
corne du salut .» qui délivre Israël de ses ennemis, et 
lui permettra de servir Dieu dans la sainteté, la justice 
et la paix. Luc, 1,68-79. — Israël occupe le premier 
plan, et à bon droit, puisqu'il est le peuple choisi, Luc, 
I, 72-73; mais déjà l'on entrevoit le rôle spirituel et 
universaliste du libérateur : il illuminera ceux qui 
sont assis dans les ténèbres et à l'ombre de la mort, 
Luc, I, 79; s'il est « la gloire d'Israël », il est aussi 
« le salut préparé pour tous les peuples, la lumière qui 
éclairera les nations. » Luc, il, 30-32. Il sera roi, et 
assis sur le trône de David, il sauvera son peuple; 
mais sa royauté est de telle nature qu'il ne cessera 
jamais de régner, Luc, i, 33, et le salut qu'il apporte 
consistera avant tout à « délivrer son peuple de ses- 



1243 



ROYAUME DE DIEU 



1244 



péchés. » Matth., i, 21. — Combien ces premières pages 
de l'Évangile nous transportent loin du royaume messia- 
nique terrestre, attendu alors par les foules ! 

2» Jean-Baptiste. — L'heure où le règne de Dieu 
allait s'établir, a enfin sonné. Le précurseur paraît sur 
les bords du Jourdain, disant : « Repentez-vous, car 
le règne du ciel est proche. » Matth., m, 2. Ce règne est 
spirituel : pour s'y préparer, il faut faire pénitence, se 
repentir de ses péchés, et, comme symbole du renou- 
vellement moral, recevoir le baptême. Il importe 
d'exercer la miséricorde et de pratiquer l'équité. Luc, 
m, 11-14. La descendance d'Abraham ne sert de rien; 
pour accueillir le règne, il faut produire de dignes 
fruits de pénitence. Luc, m, 8-9. Rien n'insinue un 
bouleversement catastrophique du monde ou de la 
nation; l'eschatologie est tout individuelle. Le juge- 
ment est imminent, car « déjà la hache est posée à la 
racine des arbres », Matth., ni, 10, la « pelle » est 
dans la main du vanneur, Matth., m, 12; l'apparition 
du Messie fera, en effet, connaître ceux qui se sont dis- 
posés à recevoir dignement le don messianique; le 
triage s'opérera entre les arbres qui ont produit de 
bons fruits, et les autres, entre le bon grain et la 
paille. Le Messie réunira ceux-là « dans ses greniers » ; 
quant aux autres, ils n'ont en perspective que le « feu 
inextinguible ». Luc., IH,17. Chaque individu (cf. Matth., 
in, 10, « chaque arbre ») sera en définitive son propre 
juge, selon qu'il se sera rendu digne, ou non, du règne 
messianique. 

3° Jésus-Christ. — Quel sens le Sauveur attacha-t-il 
à l'expression « royaume de Dieu »? De la solution de 
cette question fondamentale dépend l'idée qu'on de- 
vra se faire de la personne et de la mission de Notre- 
Seigneur. Inutile de dire que les opinions les plus 
contradictoires ont été émises. — 1. D'après A. Ritschl, 
Christliche Lehre von der Reçhtfertigung und Ver- 
sbhnung, Bonn, ¥ édit. 1895-1903; H. Wendt, Die 
Le/ire Jesu, Gœttingue, 2 e édit. 1901; B. Weiss, Lehr- 
buch der biblischen Théologie des A\ T., Stuttgart, 
7 8 èdit. 1903; A. Ilarnack, Das Wesen des Christen- 
tums, Leipzig, 1900, et la plupart des protestants libé- 
raux, Jésus n'a prêché . et n'a voulu fonder qu'un 
royaume intérieur, immanent dans les âmes, et par 
suite son rôle s'est réduit à celui d'un docteur de 
morale. — 2. Reimarus, Fragmente eines Ungenann- 
ien, publiés par Lessing de 1774-1778, E. von Hart- 
mann, Das Christentum des N. T., 2 e édit., 1905, con- 
sidèrent Jésus comme un révolutionnaire, qui accepta 
sans modification les espérances politiques de ses con- 
temporains et voulut rétablir le royaume national. — 
3. Enfin, selon J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche 
Gotles, Gœttingue, 2 e édit., 1900; Shailer Mathews, 
The messianic Hope in the N. T., 1906; A. Schweitzer, 
Von Reimarus m WreAe, Tubingue, 1906; A. Loisy, 
L'Évangile et l'Église, Paris, 1902; Autour d'an petit 
livre, 1903; Les Évangiles synoptiques, 1907, et 
d'autres auteurs, Jésus ne prévoyait que le royaume 
eschatologique, s'établissant par un coup de théâtre 
dans un monde transformé; il n'est Messie qu'en 
expectative, sa morale est purement provisoire, et n'a 
d'autre but que de préparer les hommes à l'avènement 
imminent du règne. — Tous ces systèmes ont ceci de 
commun, que dans la perspective de Jésus il n'y avait 
point déplace pour l'Église. Selon une formule célèbre, 
« Jésus annonçait le royaume, et c'est l'Église qui est 
venue ». Loisy, L'Évangile et l'Église, p. 111. 

Il n'entre pas dans le cadre de cet article, de réfuter 
une à une toutes ces théories avec les différentes 
nuances qu'y met chaque auteur. Du reste, les parti- 
sans du royaume intérieur ont de très bonnes raisons 
à faire valoir contre les eschatologistes, et réciproque- 
ment. L'erreur n'est que dans la partie exclusive de 
chacun des systèmes. Si l'on ne tient compte à la fois 



de tous les éléments de solution que fournissent les 
Évangiles, et si l'on réjette systématiquement, comme 
non authentiques, les passages qui vont à rencontre 
d'une théorie préconçue, il est impossible d'aboutir à 
une définition objective du royaume, tel que le com- 
prenait Jésus-Christ. L'étude impartiale des textes 
montrera que ce royaume est à la fois présent et à venir, 
intérieur et en même temps social. En tant qu'intérieur, 
il est le règne immanent; en tant que réunissant ses 
sujets dans une société, il est l'Église; en tant qu'es- 
chatologique, il est le royaume transcendant. 

A) phases du royaume. — Le message de Jésus, 
comme celui de ses disciples, se formule invariable- 
ment par les mots : fîyyixev -f] paui^sia tûv oOpav&v, 
« le règne du ciel s'est approché », ou plutôt « est 
arrivé », car selon la remarque de J. Weiss, Die Pre- 
digt Jesu, p. 70, fiYYtxev est très probablement syno- 
nyme de eç6«(7ev ; les deux expressions répondent au 
même verbe araméen xioa « arriver ),. Cf. Dan.,,iv, 8, 

araméen, niso»; Septante, YÎYytÇev; Théodotion, sçOauev. 

Luc.,x, 9, r,Yi'txev è? ' û|j.5ç tj flaeriXsta toû ©eoû ; xi, 20, dans 
un contexte tout à fait semblable, s(rô*oev i<p' ûy.ôcc f, p. x. 
©. « L'évangile du règne », Matth., iv, 23; ix, 35, c'est 
la bonne nouvelle de l'arrivée du règne de Dieu. Son 
fondateur est présent, Luc, iv, 18-19; vu, 19-23; et, dès 
les premiers jours, Jésus s'appelle» Fils de l'homme », 
Marc, il, 10, 28, etc., titre qui est en connexion intime 
avec le royaume annoncé par Daniel, vu, 13-14. Com- 
ment douter que le règne de Dieu ne soit déjà là, 
quand le règne adverse, celui de Satan, s'effondre ! 
« Si je chasse les démons par la force de Dieu, c'est 
donc que le règne de Dieu est venu sur vous. » Luc, 
xi, 20; cf. Matth., xii, 28. Le règne de Dieu est com- 
mencé; il s'affirme et progresse dans la mesure où ses 
ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. — Cette 
déclaration catégorique de Jésus embarrasse fort les 
partisans d'un royaume purement eschatologique. 
Pour Loisy, ces paroles « se dégagent nettement de 
leur contexte », « elles appartiennent à une rédaction 
secondaire », et « reflètent plutôt les préoccupations 
de la controverse judéo-chrétienne que la pensée du 
Sauveur. » Ev. Syn., t. i, p. 706-707. J. Weiss ne les 
trouve point du tout déplacées dans leur contexte, mais 
il ne veut y voir qu'un « transport prophétique » 
« l'expression d'une extase pneumatique » se rappor, 
tant à l'avenir. Loc. cit., p. 90. Il faut de la bonne 
volonté pour ne pas reconnaître que l'argumentation 
tout entière porte sur des faits présents ; les deux rè- 
gnes, celui de Satan et celui de Dieu, sont mis dans 
une corrélation très étroite : si l'un perd du terrain, ce 
ne peut être que parce que l'autre s'établit hic et nunc 
à ses dépens. — Le règne de Dieu est donc déjà présent. 
En effet, jusqu'à Jean-Baptiste on était sous le régime 
de la Loi et des Prophètes; mais « depuis lors le 
royaume de Dieu est annoncé, et chacun lui fait vio- 
lence. » Luc, xvi, 16. Si le plus petit des citoyens du 
royaume est plus grand que Jean, qui cependant fut le 
plus grand des prophètes, Matth., xi, 11, c'est précisé- 
ment parce que Jean marque le terme de l'ancien état 
de choses, et que le règne constitue ses sujets dans un 
état plus parfait. L'établissement de ce règne n'a rien 
de catastrophique; les Pharisiens en sont encore à se 
demander quand il viendra, que déjà il est au milieu 
d'eux, èvtôc Cjaûv èortv, Luc, xvii, 20-21. Le scribe qui 
connaît les deux grands commandements, n'est pas 
loin du règne, Marc, xn, 34; pour le posséder, il suffit 
de le chercher, comme font les disciples, car il a plu 
à leur Père de leur donner le régne. Luc, xn, 31-32. 
Les Juifs, qui daifs l'ensemble s'opposeront à l'évangile, 
se verront enlever le règne qui leur avait été offert, 
Matth,, xxi, 43, tandis que les publicains et les courti- 
sanes y entrent avec empressement. Matth., xxi, 32-32. 



1245 



ROYAUME DE DIEU 



4246 



— Le régne de Dieu s'établit ainsi sous l'action de la 
parole du Christ; il est présent, et à portée de toutes les 
bonnes volontés. 

Mais « Jésus ne prétend pas... que le règne de Dieu 
soit une quantité indivisible, un avènement qui vient 
tout d'une pièce, comme un décor de féerie. » La- 
grange, dans la Revue bibl., 1906, p. 477. La phase 
décisive, inaugurée par Jésus, avait ses points d'attache 
dans le passé; le règne qu'il annonce, est lui-même 
susceptible de développements, et il ne trouvera son 
couronnement final que dans l'au-delà. Bien que déjà 
présent, il peut toujours se réaliser davantage, et les 
disciples, auxquels le Père a donné le règne, Luc, xii, 
32, ne doivent jamais se lasser de prier : « Notre Père, 
qui êtes au ciel..., que votre règne arrive, » car la vo- 
lonté de Dieu peut toujours, sur terre, être accomplie 
plus parfaitement encore. Matth., vi, 10; Luc, xi, 2. 
Semblable à la semence qui est jetée dans un champ, 
le règne ne fructifie pas de façon égale dans tous les 
cœurs; bien des ennemis contrarient sa croissance. 
Matth., xni, 3-23 et parall. Le bon grain est mélangé 
pendant longtemps à de l'ivraie, Matth., xm, 24-30; 
cependant, malgré les obstacles, il se développe et 
grandit, en vertu de sa force intrinsèque et du con- 
cours apporté par la terre qui l'a reçu, jusqu'à ce qu'il 
devienne mûr pour la moisson. Marc, iv, 26-30. Comme 
le grain de sénevé, le règne est destiné à devenir un 
grand arbre; comme le levain, il devra faire lever peu 
à peu toute la masse. Matth., xm, 31-33 et parall. 

Néanmoins, ce règne terrestre, quelque illimité que 
soit son horizon, n'est point encore le règne définitif; 
il n'en est que la phase initiale et préparatoire. Le vrai 
royaume de Dieu est au ciel, et c'est vers ce but su- 
prême que doivent s'acheminer tous les citoyens du 
règne. — Pour les individus, il s'inaugure par la mort 
et le jugement. « Souvïens-toidemoi, supplie le larron, 
lorsque tu seras entré dans ton royaume » ; et Jésus de 
répondre : « Aujourd'hui même tu seras avec moi dans 
le paradis. » Luc, xxm, 42-43. C'est là le royaume 
promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent per- 
sécution pour la justice, Matth., v, 3, 10, à ceux qui 
font la volonté du Père, Matth., vu, 21, aux enfants et 
à leurs semblables, Mattb., xix, 14; xvm, 2-3; il est la 
terre que les doux recevront en héritage, Matth., v, 4, 
« la joie du Seigneur »,dàns laquelle entre le serviteur 
qui a fait valoir les talents. Matth., xxv, 21, 23. 

Pour la société humaine, ce règne s'inaugurera par 
la parousie du Fils de l'homme et par le jugement 
général. Matth., xxtv, 30; Marc, xm, îfi; Luc, xxi, 
27; Matth., xxv, 31-46. L'avènement du Christ sera 
fulgurant; aucun signe précurseur ne pourra en faire 
présager l'époque. Alors les « scandales » qui auront 
existé dans le royaume préparatoire seront enlevés; 
les boucs seront définitivement séparés des brebis, les 
, bons poissons des mauvais, le bon grain de l'ivraie. 
Matth., xm, 24-30, 37-41, 47-51; xxv, 32. —Dans cet 
acte final, les Apôtres participeront à la royauté du 
Christ : « et moi je dispose en votre faveur de la 
royauté, comme mon Père en a disposé en ma faveur, 
afin que... vous soyez assis sur des trônes, jugeant les 
douze tribus d'Israël. » Luc, xxn, 29-30; cf. Matth., xix, 
28. / 

Le véritable royaume .est enfin constitué : c'est la vie 
éternelle pour les individus, Matth., xxv, 46, la société 
des saints pour la collectivité. Dans ce royaume, Jésus 
boira « le vin nouveau » avec ses disciples, Matth., xxvi, 
29; des Gentils viendront de l'Orient et de l'Occident 
et s'assoieront au festin avec les patriarches, tandis que 
« les fils du règne », c'est-à-dire les enfants d'Israël, 
seronjt jetés dans les ténèbres extérieures. Matth., vm, 
11-12. s Les justes y brilleront comme le soleil s, 
Matth., xm, 43; purs, ils verront Dieu, Matth., v, 8, 
comme les anges, Matth., xvm, 10, et pour toujours ils 



posséderont le royaume qui leur a été préparé dés l'ori- 
gine du monde; Matth., xxv, 34. 

Ces différentes phases ne constituent pas des royaumes 
distincts; le règne de Dieu établi sur terre dans les 
âmes, se développe à travers toutes sortes de vicissi- 
tudes, jusqu'à ce qu'enfin il se consomme au ciel. Il y a 
donc continuité, et accepter le règne de Dieu ici-bas, 
c'est déjà posséder un droit au royaume céleste. Aussi, 
l'expression « règne de Dieu » a-t-elle souvent double 
et triple signification, l'une superposée à l'autre, parce 
qu'en réalité c'est le règne tout court, mais avec ses 
différents aspects, qui est visé. Rien de plus instructif, 
à ce point de vue, que le logion suivant, conservé par 
Marc, x, 15 et Luc, xvm, 17, en termes identiques : 
« Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas la 
3a<rc).si* to-j 0£o5 comme un petit enfant, n'y entrera 
point. » La PïcjiXsia to-j ©soû est un règne que l'on doit 
recevoir, aussi bien qu'un royaume où l'on doit entrer 
dès maintenant, cf. Matth., xxiii, 13, afin d'avoir accès 
au royaume céleste. L'humilité, la pauvreté, la simpli- 
cité, la justice, sont aussi bien des conditions d'entrée 
dans le royaume terrestre que dans le royaume de l'au- 
delà. L'appel au festin nuptial est au même titre la 
vocation au règne préparatoire et au règne définitif. 
Les scribes et les Pharisiens hypocrites qui n'entrent 
pas dans le royaume, et qui, de plus, empêchent les 
autres d'y entrer, Matth., xxm, 13, sont un obstacle 
pour le règne sous toutes ses formes. L'unité la plus 
parfaite se constate donc dans le développement du 
royaume. 

Quelle est la relation chronologique établie par Nbtre- 
Seigneur entre les différentes étapes du royaume? La 
phase eschatologique est-elle conçue comme imminente, 
et faut-il dire avec Charles, A critical history of the 
doctrine of a Future Life, Londres, 1899, p. 331, que 
« selon l'enseignement du Christ la parousie devait 
avoir lieu au coiys de la génération contemporaine »? 
Rien de plus authentique dans les Evangiles, que cette 
déclaration de Jésus : « Quant à ce jour et à cette heure 
personne ne les connaît, pas même les anges dans le 
' ciel, ni le Fils, mais (seulement) le Père. » Matth., xxiv, 
36; Marc, xm, 32. Cf. Act., i, 7. Le « jour » dont il est 
question dans ce logion, c'est le jour du jugement, le 
grand jour de Jéhovah. Mais ce jugement doit se dis- 
tinguer, d'après le contexte même, de la terrible ca- 
tastrophe qui atteindra Jérusalem; celle-ci peut se pré- 
voir, grâce aux signes précurseurs qui l'annonceront, 
celui-là tombera à l'improviste, avec la soudaineté de 
V éclair, sur Vhumanité endormie; la ruine de la ville 
sainte arrivera encore du vivant des auditeurs de Jésus, 
tandis que « le Père seul », Matth., xxiv, 36, connaît la 
date de la parousie. Dans cette complète incertitude, les 
disciples du Christ n'auront d'autre ressource, pour 
prévenir toute surprise fâcheuse, que de veiller tou- 
jours, et c'est précisément la nécessité d'une vigilance 
continuelle que Notre-Seigneur veut avant tout incul- 
quer. Cf. Lagrange, L'avènement du Fils de l'homme, 
dans Rev. iiM.,1906, p. 382-411, 561-574. Bien que cet 
avènement apparaisse à l'horizon du royaume, la dis- 
tance n'est jamais déterminée. Le maître de la maison 
peut venir à la seconde ou à la troisième veille, Luc, xii, 
38, « le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du 
coq, ou le matin, » Marc, xm, 35; on. pourra même 
avoir l'impression que « le maître tarde à venir. » 
Matth., xxv, 48. L'hypothèse d'un délai assez prolongé 
n'est donc pas exclue : « l'homme noble », qui va pren- 
dre possession du royaume, est parti pour une région 
lointaine, Luc, xix, 12; le maître qui a confié des 
talents à ses serviteurs, né revient qu'après un laps de 
temps considérable, et les dépositaires ont tout le 
loisir de faire fructifier ces richesses, Matth., xxv, 19; 
l'époux tarde à venir an delà de toute prévision, et 
les vierges se laissent aller au sommeil. Matth., xxiv, 5. 



1247 



ROYAUME DE DIEU 



1248 



Cf. Luc, xxi, 34-36. Le levain a le temps de trans- 
former toute la masse et le grain de sénevé de deve- 
nir un grand arbre;; l'ivraie croîtra et se développera 
à côté du froment jusqu'au temps de la moisson. 
Matth., xiii, 24-33 et parall. L'évangile deyra d'abord 
être prêché à toutes les nalions, Marc, xm, 10, et 
Jésus assistera ses disciples jusqu'à la consommation 
du siècle. Matth., xxvm, 19-20. 

Cette promesse du Christ nous aide à comprendre 
une autre série de logia. En raison de l'assistance de 
Jésus, on pourrait dire de son immanence dans le 
royaume, les progrès du royaume sont, en un certain 
sens, la manifestation de la présence de Jésus; chaque 
étape décisive, par exemple, l'établissement du règne, la 
résurrection du Christ, la destruction de l'État juif, sera 
comme un nouvel avènement, une sorte de parousie. (Sur 
l'emploi dece mot 7tapoua!a dans les papyrus, cf. Deiss- 
mann, Licht vom Osten, Tubingue, 1908, p. 268-273; il 
se dit surtout de la visite d'un souverain, ou de sa pré- 
sence dans une ville; il est très apparenté à èitiçâvsia 
« manifestation », et parfois « assistance divine »). 
C'est en ce sens qu'il faut interpréter, semble-t-il, les 
paroles suivantes, Matth., x, 23 :« Vous ne finirez pas les 
villes d'Israël, avant que vienne le Fils de l'homme » ; 
Matth., xvi, 27 : « Il y en a parmi ceux qui sont ici pré- 
sents, qui ne goûteront pas la mort avant de voir le 
Fils de l'homme venant dans son royaume » (Marc, ix, 
9, « avant qu'ils n'aient vu le règne de Dieu venu en 
puissance »); Matth., xxvi, 63 et parall. : « Désormais 
vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la 
puissance et venant sur les nuées du ciel. » Cf. Lagrange, 
loc. cit. — Le Filsde l'homme est corrélatif au royaume, 
il en partage les vicissitudes, et les phases successives 
par lesquelles se réalise le royaume, sont en un sens 
autant d'avènements de son chef. On peut donc dire 
que dans ces sortes de passages, il «s'agit seulement 
d'une action particulièrement puissajpte, par laquelle 
le Christ manifeste sa présence dans le royaume. 

B) ASPECT INTÉRIEUR ET INDIVIDUEL DU ROYAUME. — 

i« Spiritualité. — En opposition avec l'attente géné- 
rale des Juifs, le règne fondé par Jésus est purement 
moral. Tout y est spirituel, les conditions pour y entrer, 
son origine, son but, ses moyens d'action, et c'est là 
ce qui fait la valeur éternelle de l'enseignement de 
Jésus. — Aux Pharisiens qui se croyaient justifiés par 
des rites matériels, le Sauveur rappelle qu'il ne suffit 
pas de « nettoyer l'extérieur du plat, » mais qu'il faut 
avant tout purifier l'intérieur. Matth., xxni, 25-26. Rien 
ne sert d'honorer Dieu des lèvres, lorsque le cœur est 
loin de lui. Matth. j xv, 8. La moralité des actes pro- 
vient de l'intention, Matth., vi, 22-23, et par suite on 
doit éviter non seulement les péchés extérieurs, mais 
encore ceux qui se commettent au plus intime de notre 
âme. Matth., v, 22-28. C'est donc une religion « en 
esprit et en vérité » que Jésus entend établir. — Aussi, 
pour entrer dans le royaume, faut-il se convertir 
(orpicpeiv,' Matth., xvm, 3), et changer de sentiments 
(jieTavoEîv, Matth., iv, 17; xi, 20; Marc, I, 15; vi, 12; 
Luc, xm, 3), être détaché des biens de la terre, Matth., 
v, 3 ; xix, 23-24, être pur de cœur, doux, miséricor- 
dieux, pacifique, Matth., v, 4-10, simple comme les 
petits enfants, Marc, x, 14-15, humble, Matth., xvm, 
4; Luc, xvui, 14, patient et généreux, Matth., v, 39- 
44; Luc, vi, 27-30, en un mot, imiter dans la mesure 
du possible les perfections du Père céleste. Matth., v, 
48. Il faut prendre sur soi le joug de la nouvelle loi, 
Matth., xi, 29, et substituer aux sentiments terrestres 
ceux que doit avoir un enfant de Dieu. — La paternité 
divine, voilà en effet la base nouvelle sur laquelle 
s'établit le règne , de Dieu dans les âmes. % Ne donnez 
à personne sur la terre le nom de père, car vous 
n'avez qu'un seul Père, celui qui est dans les cieux. » 
Matth,, xxiii, 9. Dieu est encore roi des hommes, mais 



comme le père à la tête de sa famille, provoquant par 
sa bonté la soumission et la confiance la plus filiale. 
Luc, xi, 10-13. Rien ne caractérise mieux la nature 
de ce règne, que la prière sublime enseignée par 
Jésus : « Notre Père qui êtes au ciel..., que votre règne 
arrive », c'est-à-dire « que votre volonté soit faite sur 
la terre comme au ciel », Matth., vi, 10;, Luc, xi, 2, 
omet la seconde demande, virtuellement contenue dans 
la première. 

La haute spiritualité du royaume s'affirme encore 
dans la notion du salut, qui en est le fruit naturel. Le 
salut, dont Jésus est le messager, n'est pas la délivrance 
politique, si ardemment souhaitée par les Juifs : il faut 
rendre à César ce qui est à César. Matth., xxn, 21. Il 
y a une servitude autrement honteuse, c'est l'esclavage 
du péché, l'asservissement à Satan. Dès son entrée en 
scène, Jésus déclare qu'il est envoyé pour « porter la 
bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la 
délivrance, aux aveugles le retour à la lumière, pour 
rendre libres les opprimés, et publier l'année de grâce 
du Seigneur. » Luc, iv, 19. La mission de Jésus est 
spirituelle, et c'est dans un domaine de même nature 
qu'il faut chercher ses adversaires. Le royaume fondé 
par lui est l'antithèse du royaume de Satan : l'un doit 
s'édifier sur les ruines de l'autre. Luc, Xr, 14-26. Les 
esprits mauvais savent.que Jésus est venu pour les 
perdre. Luc, îv, 34. Aussi le diable met-il tout en 
œuvre pour entraver les progrès du règne; n'ayant 
pas réussi dans sa tentative contre Jésus, il s'en prend 
aux disciples : c'est lui qui sème l'ivraie parmi le bon 
grain, Matth., xm, 39, qui enlève la parole du royaume 
du cœur des hommes, Luc, vin, 12, qui pousse Judas 
à la trahison, Luc, xxu, 3, qui demande à faire passer 
les Apôtres au crible de la tentation. Luc, xxn, 31. — 
Le péché est donc, en un sens, l'œuvre de Satan, et 
en tout cas, il est le grand obstacle au royaume. Les 
fautes doivent être bannies du cœur des fidèles; et si 
par malheur une brebis s' égare, quelle sollicitude pour la 
chercher, et quel bonheur quand elle est retrouvée ! 
« Je vous Je dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour 
un seul pécheur, qui se repent, que pour quatre-vingt- 
dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentir. » 
Luc, xv, 4-7-; cf. la parabole de l'enfant prodigue. 
Luc, xv, 11-32. De là, la touchante familiarité de 
Jésus avec les pécheurs, au grand scandale des pha- 
risiens; de là aussi, la nécessité du pardon mutuel, 
afin que le Père céleste nous remette nos propres of- 
fenses; de là enfin, l'importance que Jésus allache à 
son pouvoir de remettre les péchés, Matth., îx, 1-8; 
Luc, vu, 48; cf. Matth., i, 21; pouvoir que les Juifs 
n'ont jamais osé attribuer au Messie. Cf. Dalman, Die 
Worte Jesu, p. 215. C'est ici pareillement que s'ouvre 
la perspective de la rédemption, Marc, x, 45, le Fils 
de l'homme « donnera sa vie pour le rachat d'un 
grand nombre, » et son sang sera « répandu pour 
plusieurs, » Marc, xiv, 24; et ainsi l'enseignement de 
Jésus rejoint le point culminant des promesses pro- 
phétiques. 

Le régne de Dieu sur terre est donc pour l'individu 
le salut de l'âme, par le pardon des péchés et le 
triomphe de toutes les vertus dans son cœur. — Il 
conserve encore cet aspect éminemment spirituel dans 
son stade définitif. Au ciel, il ne peut plus être ques- 
tion de mariage, car on sera semblable aux purs es- 
prits (îo-àfYeXoi), débarrassé des appétits sensuels et 
de tout penchant terrestre. Luc, xx,36et parall. Entrer 
dans le royaume céleste, c'est entrer dans la vie éter- 
nelle, Matth., xxv, 46; xix, 17; Marc, ix, 43,45, dans la 
joie du Seigneur, Matth., xxv, 21, 23, dans le paradis 
avec Jésus et les anges. Luc, xxm, 43; Matth., xvin; 10. 
Les justes y resplendiront comme le soleil, Matth., xm, 
43, ils verront Dieu, Matth., v, 8, et prendront ainsi 
pour toujours possession de la Terre Promise. Matth., 



1249 



ROYAUME DE DIEU 



1250 



y, 4. — Sans doute, le ciel est parfois comparé à un 
festin où l'on s'assoit pour manger et boire, Luc, xxn, 
30; Matth., vm, 11; xxn, 1-12; xxvi, 29, et Loisy d'in- 
sinuer, que « ce n'est point (là) pure métaphore. i> 
Ev. Syn., t. i, p. 238. — Charles, A critical history 
of the doctrine of a Future Life, p. 340, répond avec 
beaucoup de justesse : «c La nourriture en question ne 
peut être terrestre et matérielle, car ceux qui la pren- 
nent sont assimilés aux anges... Le fait, que précisé- 
ment ces phrases évangéliques (déclarant les élus 
pareils aux anges) se trouvent dans Hénoch, civ, 4, 6; 
H, 4, et dans l'Apoc. de Baruch, Li, 10, en des passages 
où la vie des bienheureux est conçue de la façon la 
plus spirituelle, montre avec clarté, que les expressions 
des Évangiles relatives à la nourriture, doivent être 
interprétées au sens figuré. » Cf. aussi Ascension 
d'Isaïe, IX, 9, trad. Tisserant, Paris, 1909, p. 175. 
C'est vraiment trop rabaisser Jésus que de le mettre 
au-dessous d'un certain rabbin, du début du in« siècle, 
.dont la baraïtha suivante nous a été conservée (Kailah 
rabbathi, c. 2 : « Dans le monde à venir, il n'y aura 
ni boire, ni manger, ni génération, ni reproduction, 
mais les saints seront assis portant une couronne sur 
leur tête et se délectant à l'éclat de la divinité, car il 
a été dit, Exod., xxiv, 11, ils virent Dieu, et ils 
mangèrent et burent » (« comme les anges de ser- 
vice, » ajoute Abot/i de Rabbi Nathan, c. i). C'est 
dire que la vision de Dieu constitue le meilleur festin 
pour les élus et pour les anges. Cf. Klausner, Diemes- 
sianischen Vorstellungen im Zeitalter der Tannaiten, 
Berlin, 1904, p. 20-21. 

2. Grâce librement acceptée par Vhomme. — Par 
sa nature intime, le règne est un don divin, qui exige 
de la part de l'homme une généreuse coopération. — 
a) Le règne a été donné aux disciples, en vertu du bon 
plaisir de Dieu. Luc, xn, 32. C'est un nouvel ordre 
de choses, venant sur les hommes, ëipôaacv è<p' ûu,Sç, et 
ceux-ci ne font que le recevoir. Malth., xvm, 17, etc. 
Impossible de l'amener par la violence, comme les 
zéJotes croyaient pouvoir le faire : il arrive à l'heure 
marquée dans les desseins de Dieu. Cf. Act., i, 7. La 
connaissance des mystères du règne est un don, 
Matth., xih, 11-16, le fruit d'une révélation bénévole du 
Père. Luc, x, 21. On entre dans le royaume à la suite 
d'un appel. Matth., xxn, 3-14. Luc, xiv, 16-24. Tyr et 
Sidon n'ont point reçu cette invitation, qui aurait as- 
suré leur conversion. Matth., xi,21. C'est gratuitement 
aussi que Dieu remet la dette immense, contractée à 
son égard par l'homme pécheur. Matth., xviii, 23-35. 

b) Mais la grâce du règne ne s'impose pas, l'homme 
doit l'accepter librement et y coopérer avec générosité. 
Il doit même s'y prédisposer, pour qu'elle ne tombe 
pas, comme la semence, sur un chemin battu, où elle 
serait foulée aux pieds. Luc, vm, 5. On ne peut jeter 
des perles devant des animaux immondes, Matth., vu, 
6, et le règne est bien une perle précieuse, un trésor, 
pour l'acquisition duquel il faut faire les plus grands 
sacrifices. Matth., xm, 4i-46. Tous ne seront pas aptes 
à recevoir cette grâce : il y aura des villes et des mai- 
sons qui en seront indignes. Marc, vi, ll.-Les hommes 
attachés aux biens de ce monde refuseront l'invitation 
et s'excluront ainsi du régne par le fait de leur mau- 
vaise volonté. Luc, xiv, 17-24. C'est là le cas de Jéru- 
salem, Luc, xm, 34, et de la majeure partie des 
Juifs. Matth., xxi, 43. 

c) Quand l'homme a reçu la grâce du règne, il doit 
encore faire effort pour la conserver. Il est nécessaire 
que le terrain soit débarrassé des pierres et des ronces, 
qui empêcheraient la semence de germer et de se déve- 
lopper, Luc, vin, 13-14; même dans les âmes bien 
préparées, le profit n'est pas égal. Marc,, iv, 20. Une 
énergie indomptable est requise, Matth., xi, 12; il faut 
sacrifier, sans hésiter, les affections terrestres, Luc, 

DICT. DE LA BIBLE. 



xiv, 26, se priver même des membres les plus néces- 
saires, quand ils seraient un obstacle au règne, Marc, 
ix, 43-47, et ne jamais regarder en arrière, nne fois 
qu'on a mis la main à la charrue. Luc, ix, 62. Les 
vertus qui ouvrent la porte du royaume, sont pareille- 
ment une condition de persévérance; constamment il 
faut « chercher le règne et sa justice, » Matth., vi, 33, 
pratiquer le renoncement et porter avec courage sa 
croix. Luc, ix, 23; xiv, 27. C'est donc une vie d'efforts 
et de combats incessants qu'il s'agit de mener. Aussi, 
combien peu savent passer par la porte étroite et s'en- 
gager dans la voie resserrée, qui conduit à la vie! 
Luc, vu, 14. 

d) En effet, la grâce du règne contient virtuellement, 
et comme en germe,*le don de la vie éternelle. Elle 
est semblable à une mine ou à un talent que le bon 
serviteur fait fructifier : en échange, il aura la récom- 
pense finale. Matth., xxv, 21, 23; Luc, xix, 17,19. Le 
travail latent qui s'opère sous l'influence de cette grâce, 
pareille au grain de blé confié à la terre, Marc, iv, 
26-30, se termine tout naturellement par la moisson. 
Les bonnes œuvres sont la manifestation, et pour ainsi 
dire l'éclat extérieur, de cette élaboration intérieure ; 
« que votre lumière luise devant les hommes, et qu'ils 
voient vos bonnes œuvres, » Matth., v, 16; ce sont au- 
tant de trésors amassés au ciel. Matth., vi,20, etc. — Le 
don du royaume céleste n'est donc que l'épanouisse- 
ment suprême de la grâce initiale; bien que ce royaume 
soit une récompense ([uaMç, Matth., v, 12; Luc, vi, 
25) du travail de l'homme, particulièrement de sa 
charité, Malth., xxv, 31-46, il n'en reste pas moins une 
grâce, il a été « préparé » par Dieu dès l'origine du 
monde, Matth., xxv, 34; le rang respectif des élus est 
déterminé par le Père, Matth., XX, 23, qui entend dis- 
poser de ses biens comme bon lui semble, Matth., xx, 
1-16, et de cette manière Dieu, en couronnant les 
mérites de l'homme, couronnera ses propres dons. — 
Le règne de Dieu, sous cet aspect intérieur et indivi- 
duel, se constitue donc par la reconnaissance libre de 
la royauté du Père et l'accomplissement de tous les 
devoirs qui en découlent; l'âme est ainsi établie, par 
la grâce divine, dans un état de justice, qui est le gage 
du salut éternel. Cf. Batiffol, L'enseignement de Jésus, 
p. 158-174. 

C) ASPEC2 1 EXTÉRIEUR ET SOCIAL DU ROYAUME. — 

1» Universalisme. — Les conditions posées par Jésus 
pour l'admission dans le royaume, Matth., v-vn, faisaient 
abstraction des différences de race et de nationalité. 
Le royaume était donc accessible à toute l'humanité, 
sans autre obligation que celle d'observer la loi divine, 
amenée par le Christ à sa perfection. Par suite, la 
distinction entre juif et gentil se trouvait implicitement 
supprimée. — D'ailleurs, l'uni versalisme était la con- 
clusion logique du monothéisme. Si un seul Dieu a 
droit aux hommages des peuples, il était naturel de. 
penser que tous les hommes pouvaient et devaient 
faire partie de son royaume. Cf. Rom., m, 29-30; 
Eph., iv, 6. — Cependant les Juifs avaient des droits 
de primauté, que Jésus ne pouvait méconnaître : son 
ministère personnel se borne généralement aux brebis 
de la maison d'Israël, Matth., xv, 24; les Apôtres ne 
doivent point encore s'en aller sur les routes des Gen T 
tils'ni entrer dans les villes des Samaritains. Matth., x, 
5. Mais ces restrictions ne sont que temporaires : son 
regard embrasse le monde entier, il voit des fils de 
l'Orient et de l'Occident venir prendre part au festin 
éternel, Matth., vm, 11, et le champ ensemencé par le 
Fils de l'homme est le monde entier. Matth., xm, 37- 
38. Lui-même ne s'interdit pas d'aller en Phénicie ou 
dans la Décapole. Marc, vu, 24-37. Bien plus, la nation 
juive sera exclue du royaume pour son obstination, 
Marc, xii, 9; Matth., xxi, 40 sq.; Luc, xrv, 22-24; 
Jérusalem sera détruite, Luc, xxi, 20 et parall., et ia 

V. - 40 



1251 



ROYAUME DE DIEU 



-1252 



vigne sera confiée à d'autres ouvriers. Matth., xxi, 43. 

— Enfin, l'ordre d'évangélisation donné aux Apôtres 
par le Christ ressuscité, est franchement. nniversaliste : 
« Allez donc, enseignez toutes les nations, » Matth., 
xxvm, 20, « prêchez l'Évangile à toute créature. » 
Marc, xvi, 15;'cf. Luc, xxiv, 47; Marc, xm, 9-10; 
xiv, 9. Et si l'on récuse l'authenticité de ces textes, il 
suffira de considérer les Apôtres parcourant le monde 
romain en se réclamant d'une mission reçue du Christ; 
ce seul fait atteste, mieux que toutes les paroles, l'éten- 
due du mandat qui leur fut confié par Jésus. 

H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen 
Théologie, 1. 1, p. 232-233, avec un grand nombre de 
protestants, prétend que Puniversalisme ne se fit jour 
dans la prédication de Jésus, qu'ïu moment où la nation 
juive se détournait de Jui, et le forçait ainsi à élargir 
ses horizons. Loisv, Év. syn., t. i, p. 229-231, va plus 
loin : selon lui, le Christ « ne paraît pas s'être soucié 
de répandre cette espérance (du royaume) là où elle 
n'existait pas encore, c'est-à-dire chez les païens; il 
s'adresse aux seuls Juifs, comme s'il n'était envoyé 
qu'à eux... l'évangélisation ultérieure du monde païen 
est une idée étrangère à là prédication de Jésus... 
Jésus ne songe pas à (le) convertir, » et à cela rien 
d'étonnant, puisque la fin devait venir avant même 
« qu'on eût seulement porté l'Évangile dans toutes les 
villes de Palestine. » Les textes qui affirment le con- 
traire sont déclarés des retouches rédactionnelles, ou 
bien sont soumis à un traitement énergique qui leur 
enlève la signification qu'ils ne doivent point avoir. 

— Cependant, Jésus ne pouvait ignorer les passages 
prophétiques qui annonçaient l'universalité du salut. 
Déjà à Nazareth il prononce cette parole significative : 
« Aucun prophète n'est bien reçu dans sa patrie, » et 
il insinue qu'à l'exemple de la veuve de Sarepta et de 
Naamanle Syriennes étrangers pourraient bien, encore 
cette fois, être préférés aux Juifs. Luc, iv, 24-27. Le 
Dieu dont il proclame les droits, n'est pas Jéhovah qui 
a délivré Israël de la servitude égyptienne, mais le 
Père qui accorde ses bienfaits indistinctement à tous 
les hommes. Matth., v, 45. Enfin, la charte du royaume 
n'a aucune attache nationale, et par le fait était la loi 
de l'humanité entière. Cf. M. Meinertz, Jésus und die 
lieidenmission, Munster, 1908. 

2° L'Église. — Le règne, c'est-à-dire la royauté 
en exercice, suppose tout naturellement un ensemble 
de sujets soumis à cette juridiction. La conception du 
royaume de Dieu comme société n'est pas absente de 
l'Ancien Testament et la littérature juive la connaît 
également; le plus souvent elle est contenue de façon 
seulement implicite dans l'affirmation du règne de 
Dieu sur Israël, ou sur les hommes à l'époque messia- 
nique. Cf. Ps. Sal., xvii, 36, 40-44; Jub.,i, 28; Sib.,n\, 
47-50, 767-783, etc. Au pasteur correspond le trou- 
peau et il est intéressant de remarquer que c'est sous 
l'image de troupeau 'que la société gouvernée par le 
Roi-Messie est parfois représentée (tto^viov, Ps. Sal., 
xvii, 40). — Il serait étonnant que sur les lèvres de 
Notre-Seigneur l'expression ^amldii toû ©eoy ne 
s'appliquât jamais à une société, alors surtout que son 
titre préféré « Fils de l'homme » paraît bien emprunté 
à un texte de Daniel, vu, 13-27, cf. u, 37-45 où le pro- 
phète décrit l'avènement du royaume des Saints, après 
la chute des royaumes précédents. Nous voyons, en 
effet, que le royaume céleste constitue une société; de 
même que le blé mûr, au temps de la moisson, est 
recueilli dans les greniers, ainsi en sera-t-il des élus, 
Matth., xm, 30; ils forment l'assemblée des convives 
prenant part au festin éternel. Matth., vin, 11; Luc, 
xm, 28. Mais le royaume annoncé est un; la continuité 
la plus parfaite règne entre ses différentes phases. Si 
donc dans son stade définitif il est une société, non 
seulement un règne, il est aisé de conclure que dans 



sa phase préparatoire il aura pareillement un aspect 
social. L'Église triomphante n'estque la suite de l'Église 
militante. Loisy, Évangile et Église, 1902, p. 111, a 
raison de dire, que « le royaume (prêché par Jésus) 
devait avoir forme de société. » Dans la pensée du cri- 
tique, il ne s'agit sans doute que du royaume eschato- 
logique. Cependant, si le royaume doit s'établir dès à 
présent, n'aura-t il plus forme de société? et si l'Église est 
venue, alors que Jésus annonçait le royaume, ne sera-ce 
point parce qu'il y a entre les deux un lien organique, 
essentiel, parce que l'Église est elle-même, en un 
sens, le royaume annoncé? 

En effet, dans le royaume il y en a qui sont plus 
grands que d'autres, Matth., v, 19; xi, 11; l'ambition 
cependant devra en être bannie, l'humilité et la charité 
la plus cordiale devront régner entre les disciples. 
Luc, xn, 24-30. Le royaume est comparé à une salle 
de festin où viennent s'asseoir bons et mauvais, même 
ceux qui n'ont pas la robe nuptiale, Matth., xxii, 8-14, 
à un champ où croissent ensemble l'ivraie et le bon 
grain, Matth., xm, 24-31, à un filet contenant de bons 
et de mauvais poissons. Matth., un, 47-51. En un mot, 
il y a un royaume où se trouvent des « scandales » et 
des hommes qui commettent l'iniquité. Matth., xm,41. 
— Il est difficile d'entendre tous ces textes d'Un 
royaume purement intérieur, puisqu'ils supposent que 
la royauté de Dieu ne sera pas reconnue par tous les 
sujets du royaume; il est encore moins facile de les 
appliquer au royaume transcendant, qui ne pourra con- 
tenir aucun mélange. Ces images évoquent l'idée d'une 
société, groupant par des liens extérieurs des membres 
qui n'ont pas tous l'esprit propre de la société. 

Le royaume-Église transparait dans la parabole du 
grain de sénevé, qui grandit insensiblement jusqu'à 
devenir un arbre immense, capable d'abriter les oiseaux 
du ciel. Matth., xm, 31-33. — L'identification devient 
encore plus claire dans le fameux passage de Matth., xvi, 
18-19, a ...sur cette pierre je bâtirai mon Église... et je 
te donnerai les clefs du royaume des deux, et tout ce 
que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux... » 
Dans la première partie, l'Église est comparée à une 
construction dont Pierre est le soutien inébranlable; 
dans la seconde, la métaphore de l'édifice se continue, 
et Pierre en est constitué le majordome. Si donc dans 
le premier cas l'édifice est l'Église, Jl semble naturel 
qu'il le soit encore dans le second. Celte interprétation 
est confirmée par le pouvoir de lier et de délier, qui 
est évidemment le même que celui des clefs. Cf. Matth., 
xvm, 17-18. Il est hors de doute que le pouvoir unique, 
conféré à Pierre sous une triple image, doit s'exercer 
sur terre, dans une société organisée dont il est déclaré 
le chef. Cf. H. J. Holtzmann, Lehrbuch, i, p. 212, 
note 4 : « le contexte de xvi, 18 et 19, invite à identifier 
la pautXEÎa twv oùpavâv avec l'Inx^cia ». 

Cependant, d'après M9<- BatifTol, L'Église naissante, 
1909, p. 95 (cf. Enseignement de Jésus, p. 184), « la 
notion du royaume, telle qu'elle se dégage de l'Évan- 
gile, est distincte de la notion de l'Église. » La « figure 
des clefs peut être entendue dans ce sens que Pierre 
sera celui qui ouvre les portes du royaume à l'Église. 
La distinction du royaume et de l'Église s'affirme ici à 
nouveau » (ibid., p. 107). Cette exégèse ne nous semble 
pas épuiser le sens des textes. Les deux termes ne sont 
sans doute pas synonymes; la notion du royaume est 
plus large que celle de l'Église, puisqu'elle s'applique 
aussi au règne immanent et au royaume transcendant, 
Mais cela n'empêche pas le royaume d'être pareillement 
l'assemblée des fidèles qui ont accueilli le message du 
Christ, et qui selon l'esprit de leur vocation doivent 
posséder et conserver le règne intérieur, seul gage du 
royaume céleste. « L'Église, en tant que société, est 
l'expression visible du royaume dans le monde. » Has- 
tings, Dictionary of the Bible, t. il, p. 854 b. — Bien 



1253 



ROYAUME DE DIEU 



1254 



que L'identification du royaume avec l'Église soit sur- 
tout devenue classique depuis la controverse donatiste, 
elle n'était pas entièrement inconnue auparavant. Elle 
est déjà insinuée dans les passages qui appliquent à 
l'Église le parabole de l'ivraie et du bon grain : S. Ca- 
lixte, d'après Philosophoumena, ix, 12, édit. Cruice, Pa- 
ris, 1860, p. 444; S. Cyprien, Epistol., liv (al. li), t. iv, 
col. 344; S. Optât de Milève, De schismate Donatista- 
rum, vu, 2, t. xi, col. 1085; S. Jérôme, In Matth., 
xiii, 37, t. xxvi, 261. — Cf. aussi Aphraate, Demonstr., 
xxi, 13, édit. Graffin, t. i, p. 966; surtout S. Augustin, 
De s. virginitate, xxiv, t. XL, col. 409, et S. Grégoire, 
Moral., xxxn, t. lxxvi, col. 695; Exposit. in I Beg., 
1. 1, m, t. lxxix, col. 76; Homil. inEv., 1. I, homil. xn, 
t. lxxvi, col. 1118. 

On a pu remarquer que les principaux textes relatifs 
au royaume-Église sont puisés dans Matth., qui pour 
cette raison est souvent appelé l'Évangile de l'Église. Le 
caractère «ecclésiastique» du premier Évangile est fran- 
chement reconnu par la plupart des criïiques. i. Weiss, 
Die Predigt Jesu, p. 38, lui trouve un penchant 
décidé pour les théories catholiques. H. J. Holtzmann, 
Handcommentar zum Neuen Testament, Die Synopti- 
ker,i90l,p. 259, reconnaît que «la conscience ecclésias- 
tique, qui trouve son expression dans toute cette enclave 
(Matth., xvi, 18-19), est en principe déjà catholique, à 
cause de l'unification des concepts « Église * et 
« royaume des cieux t; cf. Lehrbuch, t. i, p. 210-214. 
D'accord avec eux, Loisy, Évangiles synoptiques, t. i, 
p. 136-137, écrit: « Le premier évangile est, entre tous, 
un livre d'édification, l'on pourrait même dire d'orga- 
nisation ecclésiastique...; l'Église est pour (le rédac- 
teur) le royaume des cieux déjà réalisé. » — Ces aveux 
sont significatifs; on ne fait donc pas difficulté de con- 
céder que, d'après Matth., le Christ a parlé d'une 
Église visible, d'un organisme social destiné à durer, 
et que cette Église équivaut, dans sa pensée, au 
royaume des cieux. Pour se débarrasser de textes si 
gênants, on les met au compte du rédacteur. Le pro- 
cédé est commode, mais il a le tort d'être la consé- 
quence nécessaire d'un système préconçu, l'impossi- 
bilité que le Christ ait prévu et voulu fonder une 
Église. 

//. le royaume dans SAlNr paul. — 1° Le royaume 
<le Dieu n'occupe plus dans l'enseignement de saint Paul 
le rang prépondérant qu'il avait dans les Synoptiques; 
il disparait presque derrière les grandes thèses christo- 
logiques. L'Apôtre a même une tendance à identifier 
le royaume de Dieu avec celui du Christ, Eph., v, 5; 
Col., i, 13; 11 Tim., lv. 1, 18; en effet le Christ et Dieu, 
c'est tout un. Philipp., n, 6. 

2° Pour saint Paul, le royaume est en un sens déjà 
présent, « car il faut que le Christ règne, jusqu'à ce 
qu'il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. » I Cor., 
xv, 25. Ce régne s'étend, grâce à l'activité de l'Apôtre 
et de ses collaborateurs. Col., iv, 11. Le boire et le 
manger sont choses indifférentes par rapport au règne 
de Dieu; il consiste dans l'obéissance au Christ, et ses 
fruits sont « la justice, la paix et la joie dans le 
Saint-Esprit. » Rom., xiv, 17-19. La préséance du règne 
dans les âmes se manifeste par des œuvres, non par 
des paroles. I Cor., iv, 20. — Cependant il n'est pas 
toujours conçu comme une réalité immanente; il est 
aussi un royaume, dans lequel les fidèles, délivrés de 
la puissance des ténèbres, ont été transportés, Col., i, 
13 ; c'est l'Eglise, dont le Christ est le chef, en vertu de sa 
mort rédemptrice et de sa résurrection. Col., I, 14-23; 
Act., xx, 28. Sur l'Église dans saint Paul, cf. Batiffol, 
L'Église naissante, p. 80-93, 115-125, 135-142. — Le 
règne du Christ se fonde par la défaite du règne des 
ténèbres, du règne de Satan, qui domine sur le monde 
par le péché. Col., n, 13-15; Eph., vl, 12; II Cor., iv, 
4; Gai., i, 4; Rom., v, 21. 



3° Mais dans la pensée de saint Paul, le royaume est 
surtout eschatologique; il ne se constituera définitive- 
ment qu'au ciel, quand le Christ aura remporté la vicr 
toire finale sur la puissance des ténèbres et remis le 
règne à Dieu, son Père. I Cor., xv, 24. C'est le royaume 
glorieux auquel Dieu nous convie, I Thess., n, 12, où 
l'Apôtre lui-même compte être reçu, II Tim., iv, 18, où 
l'on n'arrive cependant qu'après avoir passé par le 
creuset des tribulations. II Thess., i, 4-5; Act., xiv, 22. 
Le corps de l'homme y entrera aussi; mais il devra 
auparavant subir une complète transformation, car « la 
chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, 
ni la corruption, l'incorruptibilité. » I Cor., xv, 50." 

4° Le royaume est une grâce offerte à tous les hommes ; 
l'universalisme de saint Paul n'est nié par personne. 
Toutefois, pour partager au ciel la royauté du Christ, 
I Tim., n, 12, il faut mener une vie digne de Dieu qui 
nous a constitués ses fils adoptifs, les cohéritiers de 
Jésus. I Thess., n, 12; Rom., vin, 16-17. Aussi les pé- 
cheurs n'auront-ils point part à cet héritage céleste. 
I Cor., vi, 9-10; Gai., v, 21 ; Eph., y, 5. — Sur l'eschato- 
logie de saint Paul, cf. Prat, La théologie de S. Paul, 
Paris, 1908, p. 104-120. 

m. le royaume dans saint jean. — 1" Apocalypse. 
— Ce livre décrit la lutte du royaume du bien avec la 
puissance du mal et la victoire définitive du premier. 
Le royaume est donc surtout présenté sous un aspect 
eschatologique et social. Cependant l'aspect intérieur 
et individuel n'est pas négligé, on peut même dire que 
les préoccupations individualistes de l'auteur appa, 
raissent à chaque page. La menace du jugement et de 
la parousie n'est pour lui qu'un thème à instructions 
morales. Il exhorte à la foi en Jésus, n, 3; m, 8; xiv, 
12, à la pratique des bonnes œuvres, surtout de la 
charité, n, 2, 4, 19, etc., à l'observation des comman- 
dements, xiv, 12, en un mot à la persévérance chré.7 
tienne, h, 3, 4, 10; m, 10-11; xm, 10. Le fidèle doit 
répondre aux appels de Jésus, lui ouvrir la porte, et 
se préparer ainsi à prendre part au festin céleste ni, 
20, aux noces de l'Agneau avec son Épouse, xix, 7-9; 
ceux qui auront gardé la continence, y jouiront de 
prérogatives spéciales, xiv, 1-5. 

Mais les fidèles forment une société visible : on peut 
voir dans les « anges » auxquels sont adressées les sept 
épitres, les évêques des communautés chrétiennes. Unis 
entre eux par une même foi au Christ, les chrétiens 
constituent le royaume de Dieu, en lutte constante avec le 
royaume de Satan, xn, 10^17, ■ xm, 7-18; xvu, 12-18; 
xix, 11-21 ; xx, 7-10. Dès ici-bas, la victoire est assurée 
aux disciples du Christ, car Jésus les a fait participer à 
sa royauté, i, 6, 9; v, 10, et ils régneront sur la terre, 
v, 10. La constance des martyrs manifeste la royauté 
de Dieu, xn, 10-11. Le triomphe du mal ne sera que 
momentané; le jugement atteindra les méchants, le 
Christ « paîtra les nations avec une verge de fer, » 
xix, 15; xn, 5, il régnera d'abord avec les saints pen- 
dant mille ans, xx, 1-6, puis, après une dernière 
victoire, la royauté de Dieu et de son Christ sera défi- 
nitivement reconnue, xi, 15, 17. — Plusieurs passages 
semblent supposer que la parousie est imminente, I, 
7; m, 3, 10, 11; m, 11 ; xxn, 12. Mais rien ne s'oppose 
à ce qu'on interprète ces textes soit dans le sens de 
l'eschatologie individuelle, soit dans le sens d'une 
manifestation triomphante de la présence du Christ, 
C'est dans ce dernier sens qu'il convient aussi d'inter- 
préter l'annonce du règne millénaire, xx, 1-6. Il faut 
se garder de prendre trop à la lettre les expressions 
d'un livre où tout est symbole. 

Le règne de Dieu, dans l'Apocalypse, est universaliste, 
aussi bien que dans les autres écrits de saint Jean. 
L'a gneau a racheté par son sang des hommes de toute 
tribu, de toute langue, de tout peuple, v, 9. Au ciel se 
trouve une foule innombrable d'hommes de toute 



1255 



ROYAUME DE DIEU 



1256 



nation, vu, 9; les pécheurs seuls en sont exclus, xxi, 
8, 27; xxn, 15. Le peuple juif, par son rejet du Messie, 
est devenu une synagogue de Satan, n, 9; ni, 9; la 
ville sainte a subi le châtiment de Sodome et de 
l'Egypte, xi, 8. — On rencontre sans doute, ça et là, des 
traits qui semblent assigner aux Juifs une place privi- 
légiée dans la Jérusalem céleste. Mais des expressions 
semblables se trouvent dans les écrits prophétiques de 
l'Ancien Testament. On peut donc les considérer comme 
de simples réminiscences littéraires. D'ailleurs, l'esprit 
général du livre suffit amplement à laver l'auteur du 
reproche d'exclusivisme national. 

2» Évangile et Épîtres. — L'expression « royaume 
de Dieu » ne se rencontre que dans l'entretien de 
Jésus avec Nicodème. (Joa., xvm, 36, il n'est pas ques- 
tion de royaume, mais de royauté. A la demande de 
Pilate : « Es-tu le roi des Juifs? » Jésus répond qu'en 
réalité il possède la dignité royale, mais que cette 
royauté est transcendante par son origine et ses 
moyens; elle ne s'affirme pas par le déploiement de 
forces armées, mais par le règne de la vérité surna- 
turelle.) Cet entretien même nous permet de com- 
prendre sous quel aspect l'Évangile de saint Jean et 
les Épîtres qui n'en sont que le prolongement, présen- 
tent l'idée du royaume. « En vérité je te dis qu'à 
moins de naître d'en haut, on ne peut pas voir le 
royaume de Dieu, etc. » Joa., m, 3-17. Le royaume de 
Dieu est ici synonyme de vie éternelle, de salut; c'est 
dire que l'auteur met surtout en relief le côté inté- 
rieur et individuel du royaume, et que chez lui la no- 
tion de la vie remplace l'idée du royaume. 

Déjà dans les Synoptiques, le royaume de l'au-delà 
se traduit pour l'individu par la vie éternelle. Ici-bas 
le fidèle possède cette vie en germe : c'est une semence 
déposée dans son cœur, il doit en favoriser la croissance 
et débarasser le terrain de tous les obstacles, jusqu'à 
ce qu'elle s'épanouisse en fruits mûrs pour la moisson. 
Matth., xin ; Marc, iv, 26-29, — Dans saint Jean, cette 
notion se trouve à la base de tous les développements 
sur l'ordre surnaturel. Le Père a la vie en lui-même, 
et il a communiqué la vie à son Fils, v, 26. A son 
tour, le Fils est venu dans le monde, pour donner 
aux hommes la vie, et une vie abondante, x, 10, en 
leur donnant la faculté '<de devenir fils de Dieu, i, 12- 
13; I Joa., m, 1-2. Pour acquérir cette filiation, il faut 
une nouvelle naissance, dont le baptême par l'eau et 
l'esprit est le symbole efficace, m, 5. L'homme reçoit 
ainsi comme une semence divine, I Joa., m, 9, qui le 
fait passer de la mort spirituelle à la vie de la grâce, 
v, 24. 

Cette vie, tout comme la grâce du royaume dans les 
Synoptiques, est un don gratuit de la part de Dieu, iv, 
10; vi, 65; personne ne peut venir au Fils si le Père 
ne l'attire, vi, 44. Mais ce don laisse la liberté de 
l'homme entière; le Verbe donne la faculté de devenir 
enfants de Dieu à ceux qui le reçoivent, i, 12. Si 
beaucoup ne l'ont pas connu, i, 10-11, c'est qu'ils 
n'ont pas voulu le recevoir; ils ont fermé volontaire- 
ment les yeux à la lumière, parce que leurs œuvres 
étaient mauvaises, m, 19. Pour recevoir le Verbe, il 
faut être disposé à l'écouter, v, 24; vm, 43, 47, accueil- 
lir ses parolesd'un cœur docile, vm,37; xvm, 37, croire 
en lui et en celui qui l'a envoyé, v, 24; vin, 24; xn, 36, 
46, enfin, aimer Dieu et le prochain, xv, 9-25; I Joa., îv, 
7-21. L'homme entre ainsi en union avec Dieu, I Joa., 
i, 3, 6, 7, et la grâce reçue devient une source d'eau 
jaillissant à la vie éternelle, iv, 14, à la condition tou- 
tefois qu'il conserve précieusement ce don. Car les 
rameaux de la vigne peuvent cesser de recevoir la sève, 
xv, 2, 6, on peut ne pas rester dans l'amour, xv, 9, 
10. La vie se conserve par la fidélité à retenir les pa- 
roles du Fils, xv, 7; I Joa., n, 5, 24, et par tous les 
moyens qui unissent l'intelligence et la volonté au 



Christ, par la foi, l'observation des commandements, 
et en particulier l'exercice de la charité, xv, 11-17. 
Cette union se parfait par l'Eucharistie, où Jésus lui- 
même devient la nourriture et le breuvage des fidèles. 
La manducation de ce pain céleste est une condition 
de vie pour le présent, aussi bien qu'un gage de la vie 
éternelle, vi, 53-58. La vie future achève l'union com- 
mencée ici-bas, car nous serons semblables à Dieu et 
nous le verrons tel qu'il est. I Joa., m, 2. — L'eschato- 
logie individuelle occupe ainsi le premier plan. Cepen- 
dant il est aussi question de la parousie, xiv, 2, 3; 
xxi, 22, 23; I Joa., n, 28, sans détermination d'époque. 
— La vie est offerte à tous les hommes, comme le 
royaume des Synoptiques. Sans doute, « le salut vient 
des Juifs, ■» iv, 22 ; mais la religion étant une adora- 
tion « en esprit et en vérité, » ni les Juifs ni les Sama- 
ritains ne pourront plus prétendre au privilège exclu- 
sif de posséder le vrai culte, IV, 21-23. En réalité, <r la 
vie était la lumière des hommes..., illuminant tout 
homme venant dans le monde », I, 4, 9. Jésus est 
l'Agneau qui efface le péché du monde entier, i, 29; 
xi, 51; I Joa., n, 2, et quand il sera élevé de terre, il 
attirera tout à lui, m, 17. Tous ceux qui croient en lui 
peuvent obtenir la vie éternelle, vi, 40. 

Le royaume johannique se présente donc générale- 
ment comme immanent. Cependant l'Église n'est pas 
absente. Un lien étroit s'établira entre les croyants; ils 
ont été retirés du monde et séparés de tous ceux qui 
les entourent, xv, 19 ; ils formeront une société entre 
eux et avec Dieu, I Joa., i, 3, 7, et la charité sera le 
trait d'union entre les disciples, xm, 35. Cf. aussi, 
l'allégorie de la vigne, xv, 1-10. L'aspect extérieur de 
cette société apparaît dans la parabole du bon pasteur, 
x, 1-30 : le troupeau de Jésus-Christ est formé de tous 
ceux qui entendent sa voix ; il constitue un tout bien 
compact, distinct de tous les autres troupeaux; ceux 
qui sont dehors, seront appelés, eux aussi, à en faire 
partie. — Cette société ne comprend pas seulement 
les prédestinés. Il est vrai que, dans la mesure où la 
persévérance dépendra de Jésus, aucun de ceux que 
le Père lui a confiés, ne se perdra, vi, 39; x, 28. Néan- 
moins, des sarments, jadis en communication de sève 
avec la vigne, pourront cesser de produire des fruits, 
et être retranchés, xv, 2, 6. Les apostats qui sortent 
de la société, lui ont appartenu au moins pendant un 
certain temps, bien qu'ils n'aient pas eu l'esprit qui 
doit en animer les membres, 1 Joa,, n, 19, et l'insis- 
tance avec laquelle Jésus exhorte ses disciples à de- 
meurer en sa charité, à conserver ses paroles, à 
observer ses commandements, montre bien que les 
membres de cette société pourront déchoir et perdre 
la vie de la grâce. D'ailleurs, Judas n'avait-il pas été 
donné à Jésus par le Père ? xvn, 12. — Mais le bon 
pasteur ne pourra rester toujours auprès de ses bre- 
bis; et cependant les disciples devront être les témoins 
de Jésus, xv, 27, et subir une longue série de persé- 
cutions, xvi, 2-4. Jésus a pourvu à l'unité de son trou- 
peau : il sera un, parce qu'il n'aura qu'un seul pasteur, 
x, 16. A Pierre est confiée la charge de paître les 
agneaux et les brebis de Jésus, xxi, 16-17; il rempla- 
cera, dans ses fonctions de pasteur, Jésus invisible- 
ment présent, en marchant devant le troupeau qui le 
suit et en le défendant contre les loups ravisseurs. 
Cf. X, 4-14. — Union des fidèles par la foi et la cha- 
rité, rites communs (baptême, eucharistie, rémission 
des péchés), autorité suprême de Pierre : tels sont les 
grands linéaments de l'Église, telle qu'elle se dessine 
dans l'évangile et les épîtres de saint Jean. « Jean... 
représente... l'Évangile de l'Église organisée en royaume 
de Dieu^ur la terre. » Loisy, Le quatrième évangile, 
p. 75. 

1Y. LE ROYAUME BANS LES AUTRES ÉCRITS DU NOUVEAU 

testament. — La notion du royaume ne se rencontre 



1257 



ROYAUME DE DIEU 



RUBEN 



1258 



ici que rarement. « Dieu a choisi les pauvres selon le 
monde pour les rendre riches en foi et héritiers du 
royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment. » Jac, n, 
5. « Appliquez-vous à affermir votre vocation et votre 
élection... et ainsi l'entrée dans le royaume éternel de 
N.-S. et Sauveur J.-C. vous sera pleinement accordée. » 
II Pet., i, 11. « Puisque nous rentrons en possession 
d'un royaume qui ne sera point ébranlé, retenons fer- 
mement la grâce. » Heb., xii, 28. Comme on le voit, il 
s'agit, dans tous ces textes, du royaume céleste. Cf. en- 
core Heb.,i, 8. 

Conclusion. — S'il fallait maintenant comprendre sous 
one formule globale les significations diverses de l'ex- 
pression fJadiAsi'a toû ©eoû, nous la définirions : l'actua- 
lisation de la royauté éternelle de Dieu, dans les âmes 
par la libre soumission à la loi du Dieu créateur et 
sauveur, dans le monde par l'établissement et le déve- 
loppement progressif de la société des fidèles (Église), 
dans l'au-delà par l'union définitive des élus avec Dieu 
(vie éternelle) et leur incorporation dans l'Église triom- 
phante. 

IV. Bibliographie. — La question du royaume de 
Dieu est traitée, plus ou moins longuement, dans 
toutes les Vies de Jésus, les commentaires, les Théolo- 
gies de l'Ancien ou du Nouveau Testament, ainsi que 
dans les différents dictionnaires bibliques. Nous nous 
contenterons d'ajouter aux ouvrages ou articles, men- 
tionnés au cours de ce travail, les publications qui se 
rapportent plus directement à notre sujet. — E. Fleck, 
De regno divino, Leipzig, 1829; " F. Crusius, De nolione 
xîjç fiaffiAEÎa; toû ©so3 inN. T. obvia, 1844; "Wittichen, 
Die Idée des Reiches Grottes, Gœttingue, 1872; 'Linden- 
meyer, Das gôltliche Reich aïs Weltreich, nach der 
■Kl. Schrift, Gùtersloh, 1876; * E. Schûrer, Der Begrift 
des Himmelreiches aus jùdischen Quellen erlâutert, 
dans Jahrbûcher fur proteslantische Théologie, 1876, 
p. 166-187; *J. S. Candlish, The Kingdom of God, 
Edimbourg, 1884; 'A. B. Bruce, The Kingdom of God, 
Edimbourg, 1890; 'Schmoller, Die Lehre vom Reiche 
Gottes im N. T., Leyde, 1891 ; * Bousset, Jesu Predïgt 
in ihrem Gegensatz zuni Judentum, Gœttingue, 1892; 
"Issel, Die Lehre vom Reiche Gottes imN. T., Leyde, 
2«édit., 1895; *G. Schnedermann, Die Vorstellurtg 
vom Kônigreich Gottes, Leipzig, 1893-1896; L. Paul, 
Die Vorstellungen vom Messias und vom Goitesreich 
bei den Synoptikem, Bonn, 1895; "Titius, Jesu Lehre 
vom Reiche Gottes, Leipzig, 1895; "Lûtgert, Das 
Reich Gottes nach den synoptischen Evangelien, Gù- 
tersloh, 1895; *F. Krop, La pensée de Jésus sur le 
royaume de Dieu, Paris, 1897; J. Schâfer, Das Reich 
Gottes im Licht der Parabeln des Herm, Mayence, 
1897; V. Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, 
c. m, Le Royaume de Dieu; * J.Bôhmer, Der alttesta- 
mentliche Vnterbau des Reiches Gottes, Leipzig, 1902; 
ld., Reichsgottesspuren in der Vôlkerwelt, Gùtersloh, 
1906; "P. Wernle, Die Reichsgotleshoffnung in den 
àltesten christlichen Dokumenten und bei Jésus, Tu- 
bingue, 1903; Bartmann, Das Hinimelreich und sein 
Kônig nach den Synoptikern, Paderborn, 1904; 
*W. Wrede, Vortràge und Studien, luhingue, 1907, 
•c. iv, Die Predïgt Jesu vom Reiche Glottes. 

J.-B. Frey. 

ROYAUMONT (BIBLE DE). On connaissons ce 
nom l'Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, 
jn-f°, Paris, 1670, qui a été si populaire en France et 
a eu d'mombrables éditions. \*oir Footmtse % t. n, 
■col. 2306. 

RUBEN (hébreu :Re'ûbên; Septante : 'Pouëiy*), nom 
d'un patriarche et d'une tribu d'Israël. 

1. RUBEN, l'aîné des fils de Jacob, le premier que 
lui donna Lia. Gen., xxix, 32. Le nom hébreu, p»n-i, 



Réûbên, signifie proprement : « Voyez, un fils. » G'est 
sans doute le cri de joie que poussa sa mère en le 
mettant au monde. L'Écriture cependant y ajoute celui 
de la reconnaissance envers le Seigneur, et fait dire à 
Lia : Rà'âh Yehôvâh be'onyi, « Jéhova a vu mon afflic- 
tion. » Le mot Re'ûbên ne serait-il point plutôt sorti 
de cette exclamation : >W3 n*n, Râ'dh be'onyi, con- 

• :t: it 

tractée en Râ'ù be'ên ? Quelques-uns le pensent ; mais 
ce n'est guère probable. En dehors de l'étymologie que 
fournit la forme actuelle du nom, on n'aboutit qu'à des 
conjectures plus ou moins hasardées. Josèphe, Ant. 
jud., I, xix, 8, etc., appelle le patriarche 'PovigrjXoc; les 
versions syriaque, arabe, éthiopienne donnent de même : 
Rûbîl. Partant de là, on a tenté diverses explications. 
Pour les uns, Roubel viendrait de l'hébreu : "wa >ini, 

Ra'ûi be'El, qui serait l'équivalent de ïieov toî ©eoï, 
[objet de la] « miséricorde de Dieu», étymologie donnée 
par Josèphe, loc. cit., et conforme à la parole de Lia. 
Cf. J. Fùrst, Hebrâisches und chaldâisches Handwôr- 
terbuch, Leipzig, 1876, t. n, p. 344. A. Dillmann, Gene- 
sis, Leipzig, 1892, préfère cette lecture et la rapproche 
de l'arabe ri'bâl, « lion » ou « loup. » Inutile d'aller, 
avec C. J. Bail, The Book of Genesis, dans la Bible 
polychrome de Paul Haupt, Leipzig, 1896, p. 83, jusqu'à 
l'égyptien Ra-uban ou l'arabe ra'ûb, aussi bien que de 
faire appel à l'araméen b»a-|, Rabel, dont la formation 
n'est pas la même. Mieux vaut*nccepter l'origine toute 
simple du nom que de chercher si loin. Quant à la 
vraie forme du mot, il est permis de donner la préfé- 
rence au texte hébreu. On invoque, il est vrai, le chan- 
gement de Béthel en Beîtîn, deJezraël en Zer'în; mais 
la permutation entre n et l rend aussi plausible le pas- 
sage de Re'ûbên à Roubel. — L'Écriture nous repré- 
sente Ruben comme une nature ardente, passionnée, 
mais généreuse. Il commit un crime en souillant la 
couche de son père. Gen., xxxv, 22. Mais c'est à lui que 
Joseph dut d'échapper à la mort. Pour l'arracher aux 
mains de ses frères, qui voulaient le tuer, il conseilla 
de le jeter dans une vieille citerne sans eau, ayant l'in- 
tention de l'en retirer après et de le rendre à son père. 
Gen., xxxvn, 21-22. Son désespoir en ne retrouvant 
plus l'enfant montre à quel point il partageait son in- 
fortune et la désolation que sa perte causerait au 
malheureux Jacob. Gen., xxxvn, 29-30. C'est avec rai- 
son que, plus tard, en Egypte, il rappelait à ses frères 
et ses conseils et leur indigne conduite. Gen., xlii, 
22. Sa générosité éclate encore lorsque, sur le point 
d'emmener Benjamin réclamé par Joseph, il offre ses 
propres iils en gage pour lui. Gen., xlii, 37. Ruben eut 
quatre fils : Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi. Gen., 
xlvi, 9; I Par., v, 3. Au lieu de la bénédiction de son 
père, c'est la punition de sa faute qu'il reçut, en per- 
dant la prééminence que lui assurait son titre d'aîné. 
Gen., xlix, 3-4. Voir, pour l'explication de ce passage 
et pour les autres endroits où se trouve le nom, ce qui 
est dit de la tribu, Ruben 2. A. Lkgendre. 

2. RUBEN, une des douze tribus d'Israël. 

I. Géographie. — La tribu de Ruben occupait « au 
delà», c'est-à-dire à l'est « du Jourdain », Num., xxxn, 
32; Jos., xiii, 8, le territoire situé à l'extrémité méridio- 
nale des possessions israélites de ce côté. Elle avait 
partagé avec Gad le royaume de Séhon, roi des 
Amorrhéens. Num., xxxn, 33; Jos., xm, 8-10, 21. Voir 
la carte, fig. 266. 

/. limites. — Ses limites sont décrites Jos., xm, 
15-23. Elles s'étendaient depuis Aroër ('Ara'îr), sur le 
bord du torrent d'Arnon, au sud, jusqu'à Hésébon (Hes- 
bân) au nord. 11 est probable, en effet, qu'au lieu de 
lire, f. 16-17, avec la Vulgate : « Toute la plaine qui 
conduit à Médaba et Hésébon... » (hébreu : vekol-ham- 
mîSôr 'al Mëdbâ' fféSbôn...), il vaut mieux traduire, 



1259 



RUBEN 



1260 



d'après les Septante : xa\ itâirav rr|V Miuwp ewc 'Eoeëtiv, 
« tout le.Misor jusqu'à (iy, 'ad, à la place de Sy, 'al), 

Hësébon ». Hésébon marque donc un point de la fron- 
tière septentrionale. Nous en trouvons un autre dans 
îîethjésimoth (Khirbet Suéiméh), compté parmi les 
villes de la tribu, Jos., xm, 20, et situe dans la vallée 
du Jourdain, à peu de distance de l'extrémité nord-est 
de la mer Morte. Éléalé (el-'Al), appartenait aussi aux 
Rubénites. Num., xxxii, 37. Il y a cependant une cer- 
taine indécision (voir Gad 4, t. m, col. 27), de ce côté 
des limites, d'autant plus que l'identification de Méphaath 
avec Neifa, si elle est certaine, nous oblige à remonter 
les jalons un peu vers le nord. A l'ouest, la mer Morte 
et une petite partie du Jourdain constituaient une 
borne naturelle. Deut., m, 17; Jos., xm, 23. A l'est, le 
territoire confinait au désert, et sa ligne de démarca- 
tion peut être placée à la *, route des Pèlerins ». 

II. villes principales. — Les villes attribuées à 
Ruben par Josué, xm, 16-20, sont les suivantes : 

1. Aroër (hébreu : 'Arô'êr; Septante : 'Apo^p), au- 
jourd'hui 'Ar'âîr, sur le bord de Youadi Môdjib, l'an- 
cien Arnon. Voir Aroër 1, t. i, col. 1023. 

2. Médaba (hébreu : Mêdbâ'; Septante : omis, Jos., 
xm, 16; MotcSaêâ, Jos., xm, 9), se retrouve avec le 
même nom dans Mâdeba ou Mâdaba, à vingt-sept kilo- 
mètres au nord de la vallée de l'Arnon. Voir t. iv, 
col. 902. 

3. Hésébon (hébreu : flésbôn; Septante : 'E<yeëwv), 
actuellement Bîesbân, au nord de Mâdaba. Voir t. m, 
col. 657. 

4. Dibon (hébreu : Dîbôn; Septante : Aatgwv) = 
Dhibân, non loin d"Ar'dir. Voir t. Il, col. 1410. 

5. Baniothbaal (hébreu : Bâniôf Ba'al; Septante : 
Batfitiv BaâX), peut-être El-Maslûbîyéh, à l'ouest de 
Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1428. 

6. Baalmaon (hébreu : Ba'al Me' on; Septante : Codex 
Vaticanus : Mee).g(o6; Codex Alexandrinus : BeXainov), 
généralement reconnue dans Ma'în, au sud-ouest de 
Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1340. 

7. Jasa (hébreu : Yahsâh; Septante : Vaticanus : 
Batriv ; Alexandrinus : 'Iaa.oi), dont l'emplacement 
exact n'est pas connu. Voir t. ni, col. 1138. 

8. Cadémoth (hébreu : Qedêmô{; Septante : Vatica- 
nus : Bax£8|i(48; Alexandrinus : KeSthmûÔ), inconnue. 
Voir t. il, col. 12. 

9. Méphaath (hébreu : Mêfa'af; Septante : Vatica- 
nus : Matifâa8; Alexandrinus : Mv^âoiô), a été identi- 
fiée avec Neifa, à neuf kilomètres au sud de 'Amman. 
Voir t. iv, col. 978. 

10. Cariathaïm (hébreu : Qiryâ(aim; Septante : 
Kapia6aî[i), = Qureiyat, au sud du Djebel Attarus. 
Voir t. n, col. 270. 

11. Sabama (hébreu : èibmâh; Septante : Se6a(tâ), 
serait, suivant les uns, Sumia, au nord-ouest d'Hesbân; 
suivant les autres, Sckânab, plus au nord. 

12. Sarathasar (hébreu': $ére'( haS-Sahar; Septante : 
Vaticanus : EepaSa; Alexandrinus :Sap9), se retrouve 
dans Sâra, près de l'embouchure de Youadi Zerqâ 
Ma'în; c'est l'ancienne Callirrhoé. 

13. Bethphogor (hébreu : Bê( Pe'ôr; Septante : 
BaiSço-fwp), devait être entre le Nébo et la vallée du 
Jourdain. Voir t.i, col. 1710. 

14. Asédoth-Phasga (hébreu : 'ASdàf hap-Pisgâh; 
Septante : 'AuoSwO 3>ao7â), territoire situé dans le 
voisinage du mont Nébo. Voir t. i, col. 1076. 

15. Bethjésimoth (hébreu : Bêt hay-¥esîmô( ; Sep- 
tante : Vaticanus : Baiflfla<retv<i6; Alexandrinus : 
Br)<it[jioû6) = Sûeirnéh, dans la vallée du Jourdain, près 
de la mer Morte. Voir 1. 1, col. 1686. 

A cette liste il faut ajouter d'autres noms signalés 
dans divers endroits de l'Écriture et qui rentrent dans 
les possessions rubénites • Atarolh, Num., xxxii, 



3, 34 = 'Attdrûs, au sud du Zerqa Ma'în, t. i, 
col. 1203; BeerÉlîm, Is., xv, 8, t. i, col. 1046; Beon 
Num., xxxii, 3, t. i, col. 1604; Bethgamul.Jer., xlviii, 
23 = Djémaïl, à l'est de Dhibân, 1. 1, col. 1685; Bosor 
ou Bosra, Jos., xx, 8; Jer., xlviii, 24, identifiée par 
plusieurs avec Qasr el-Bescheir, au sud-ouest de 
Dhibân, et dont le nom, suivant d'autres, serait rap- 
pelé par Barzâ, au nord-ouest de la même ville, t. i, 
col. 1856; Carioth, Jer., xlviii, 24, 41, peut-être Qe- 
reiyet Fâléh, au nord-ouest de Djémaïl, t. n, col. 283; 
Déblathaîm, Jer., xlviii, 22, dont le nom a peut- 
être laissé un reste dans celui de et-Teîm, au sud de 
Mâdaba, t. n, col. 1330; Hélon, Jer., xlviii, 21, proba- 
blement el-Lehûn, à l'est d"Ar'aîr, t.- ni, col. 586; Men- 
nith, Jud., xi, 33, probablement Khirbet Beddih, au 
nord de Hesbân, t. iv, col. 970. Nebo, Num., xxxii, 3, 
ou Nabo, Num., xxxii, 38, sans doute sur la montagne 
du même nom, t. îv, col. 1540,; Nophe, Num., xxi, 30, 
t. iv, col. 1698; Oronaïm, Is., xv, 5; Jer., xlviii, 3, 
t. iv, col. 1895. 

///. description. — La tribu de Ruben se trouvait 
ainsi enclavée entre le 'territoire proprement dit de 
Moab au sud, celui de Gad au nord, la mer Morte et 
le Jourdain à l'ouest, et le désert syrien à l'est. N'oc- 
cupant qu'une toute petite bande de la vallée du Jour- 
dain, elle comprenait le plateau moabite situé au nord 
de l'Arnon et la région accidentée qui s'étend sur les 
bords de la mer Morte. Le plateau est une bande de 
terre dont l'attitude moyenne est de 7 à 800 mètres; 
le sol ondulé est parsemé çà et là de collines générale- 
ment en forme de mamelons. Il est sillonné par une 
multitude d'ouadis qui se ramifient au Zerqâ Ma'în 
ou au Modjib. La lisière qui borde la mer Morte est 
en général d'une altitude inférieure à celle du plateau, 
bien que, vue de l'occident, elle ait l'aspect d'une mon- 
tagne. Les nombreux torrents qui la découpent en ont 
fait une succession de collines tourmentées, séparées 
par des ravins et des gouffres. Voir Abarim, t. i, col. 16; 
Nébo (Mont), t. iv, col. 1544. La plaine inférieure, au 
nord de la mer Morte, est une profonde dépression, dont 
le sol est généralement très fertile. Pour les détails 
de topographie physique, de climat, productions, etc., 
voir Moab 2, t. iv, col. 1143-1157. 

II. Histoire. — Au moment où Jacob descendait en 
Egypte, les quatre fils de Ruben, c'est-à-dire Hénoch, 
Phallu, Hesron et Charmi, formaient le noyau de la 
tribu, Gen,, xlvi, 9; Exod., vi, 14. Lors du premier re- 
censement fait au Sinaï, elle avait pour chef Elisur, 
fils de Sédéur. Num., i, 5; n, 10; x, 18, et elle comp- 
tait 46500 hommes en état de porter les armes. Num., 
i, 21. Elle avait sa place au sud du tabernacle avec Si- 
méon, né de Lia comme Ruben, et Gad, leur demi- 
frère, né de Zelpha, la servante de leur mère. Num.,ir, 
10. Elle offrit à l'autel, par les mains de son prince, les 
mêmes dons que les autres tribus, d'après l'ordre pres- 
crit pour les marches et les campements. Num., vu, 30. 
Elle fut représentée parmi les explorateurs du pays de 
Chanaan par Sammua, fils de Zéchur. Num., xm, 5. 
Au second dénombrement, dans les plaines de Moab, 
elle ne comptait plus que 43 730 guerriers, soit une 
perte de 2770. Num., xxvi, 5-7. Il est probable qu'un 
grand nombre de Rubénites avaient pris part à la ré- 
volte de Coré, Dathan et Abiron. Num., xvi, 1; xxvi, 
8-11. Après la conquête du territoire situé à l'est du 
Jourdain, la tribu de Ruben s'unit à celle de Gad pour 
réclamer une part du pays. Devant les représentations 
de Moïse, toutes deux promirent de marcher en tête 
des autres dans les combats qui devaient assurer aux 
Hébreux la possession de la région occidentale. Nuni., 
xxxii, 1-32. Une fois installés, les Rubénites commen- 
cèrent par rebâtir certaines villes importantes, comme 
Hésébon, Éléalé, Cariathaïm, Nabo, Baalméon et Sa- 
bama. Num., xxxii, 37. Dans la scène imposante de la 



Dictionnaire de la Bible 



LetrozeyetMé-Pqris 












1 *_ ZabeùzsJd 
yî sreffiaA 



j/xJÇfain ex. 






» gfcz/a at Ztzty 



shah"? 



etrBdha. 






%el-Mifi 



^^ 













&«—HftJaia„ 

,' ^Tdibon , * 






MUFoulum M< 



^/Rx^juHu J«v%" 






''c/ï. oBalho, 
rf«jjfe— ^ Schihânj- 1 ï 

/'EnhaiX 

fJfeUelriïôuj'Tii. t^ 

ïaiZout el-JÉàJ /"V- l "î 

EjfBabhah, >-/ k 

/ djh'etiL-lïjaroiUL 



^L^^i^^^ 1 ^ '-Bal'} 



tycrrahyKfiàn.7U 





D J ^1 



h^ 



i : ^^^—'\m^^ 




TRIBU DE RUBEN 



Zaf noms- d'après laYuigate sont écrits en- 

carcLctères droits jvupes -les noms qui< 

ne sont pas bibïiqujes sont en- caractères droits 
Meus. _^=_ 



Échelle 



ïbKilom. 



JmjzJ>uJrvni>i/.Jizrùr. 



1261 



RUBEN — RUBIS 



1262 



vallée de Sichem, ils se trouvèrent sur le montHébal, 
pour les malédictions, à côté de Cad, Aser, Zabulon, 
Dan et Nephthali. Deut., xxvn,13. Ils avaient, en effet, 
accompli leur promesse et aidé leurs frères à la con- 
quête de Chanaan, Jos., iv, 12, et leurs possessions au 
delà du Jourdain furent confirmées, Jos., xm, 15-23; 
xvm, 7. Ruben fournit comme villes lévitiques : Bosor, 
Jos., xxi, 36; I Par., vt, 78; Jaser^ Jos., xa, 36 (Jasa, 
I Par., vi, 78); Gadémoth, I Par., vi, 79 (Jethson, Jos., 
xxi, 36); Mephaath, Jos.,xxi, 36; I Par., vi, 79. Licenciés 
avec honneur par Josué et arrivés sur la rive droite du 
Jourdain, les guerriers de la tribu, avec ceux de Gad 
et de Manassé oriental, érigèrent un autel d'une gran- 
deur considérable, ce qui causa parmi les autres tribus 
une vive surexcitation. L'incident eut une conclusion 
pacifique. Jos., xxu, 1-34. Pour cet événement et les 
précédents, qui furent communs à Ruben et à Gad, voir 
Gad 4, Histoire, t. m, col. 30. — D'après le cantique de 
Débora, Jud., v, 15-16, il semble que les Rubénites ne 
furent généreux, du temps de Barac, que dans leurs 
délibérations pour secourir leurs frères, sans passer à 
l'action. Voir plus bas, Caractère. — Ils fournirent un 
contingent de guerriers pour l'élection royale de David 
à Hébron. I Par., xu, 37. — Vers la fin du règne de 
Jéhu, la tribu succomba, comme les autres situées à 
l'est du Jourdain, sous une invasion victorieuse d'Ha- 
zaë 1 ., roi de Syrie. IV Reg., x, 32, 33. Elle prit part avec 
elles à une .expédition contre les Agaréniens, I Par., v, 18, 
19, et avec elles fut emmenée en captivité par les Assy- 
riens. I Par., v, 26. — Dans le nouveau partage de la Terre 
Sainte, Ézéchiel,XLvm, 6-7, place Ruben au nord, entre 
Éphraïmet Juda. Dans sa reconstitution idéale de la cité 
sainte, xlviii, 31, il met au nord» la porte de Ruben », 
avec celles de Juda et de Lévi. Enlin saint Jean, dans 
l'Apocalypse, vu, 5, cite Ruben entre Juda et Gad. 

III. Caractère. — Le droit d'aînesse conférait au 
patriarche, père de la tribu, des privilèges qu'il perdit 
par le crime dont il se souilla. Cette déchéance re- 
tomba sur ses descendants. Voici, d'après l'hébreu, ce 
que Jacob dit de Ruben, Gen., xlix, 3-4 : 

Ruben, tu es mon premier-né, 

Ma force et les prémrees de ma vigueur, 

Éminent en dignité, éminent en pouvoir; 

Bouillant comme l'eau, tu n'auras pas la prééminence, 

Car tu es monté sur la couche de ton père, 

Alors tu as profané le lit sur lequel tu es monté. 

Ainsi Ruben, par la faute dont il se rendit coupable, 
fut privé de la principauté, de la dignité messianique, 
du sacerdoce et du double héritage, qui étaient l'apa- 
nage de l'aîné; cet apanage fut partagé entre Juda, 
Lévi et Joseph. Cf. Gen., xlix, 10, 25-26; I Par., v, 1-2. 
Dathan et Abiron, qui étaient ses descendants, cherchè- 
rent en vain à faire prévaloir ses droits. Num., xvi, 1. 
La tribu fut sans importance parmi les autres. C'est le 
même écho que nous recueillons sur les lèvres de 
Moïse, Deut., xxxm, 6 : 

Que Ruben vive, et qu'il ne meure pas ; 
Et que ses hommes soient en petit nombre. 

La famille du premier-né de Jacob, reléguée-^aux 
confins des possessions israélites, vécut sans gloire, 
sans pouvoir compter parmi ses enfants un juge, un 
prophète ou un héros. Il y eut pourtant chez elle, 
comme chez le patriarche qui aurait voulu être le sau- 
veur de Joseph, des sentiments généreux, au moins des 
velléités d'énergie, mais qui n'allèrent pas jusqu'à la 
réalité du dévouement. C'est ce que "laisse supposer le 
cantique de Débora, Jud., v, 15M6 : 

Sur les rivéâ de Ruben, 

Grandes sont les anxiétés de l'esprit. 

Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs 

Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux? 



On entrevoit ici les délibérations des Rubénites au 
moment de la guerre contre Sisara ; mais les douceurs 
de l'oisiveté au milieu de leurs troupeaux l'empor- 
tèrent sur le désir de secourir leurs frères. Ce ne 
furent cependant pas les qualités guerrières qui leur 
manquèrent. Comme les autres tribus transjorda- 
niennes, ils marchèrent vaillamment à la tête du 
peuple pour la conquête de Chanaan, et ils avaient une 
valeur militaire reconnue. I Par., v, 18. Placés aux 
avant-postes du territoire israélite, ils eurent à ba- 
tailler, d'un côté, contre les Bédouins pillards du dé- 
sert, de l'autre, contre les Moabites. Us ne surent pas 
toujours se défendre contre ceux-ci, qui occupèrent 
plusieurs de leurs villes, comme nous le voyons d'après 
la stèle de Mésa. Voir Mésa 3, t. iv, col. 1014. Chose 
singulière, ce dernier monument parle de Gad, mais 
ne fait aucune mention de Ruben, ce qui confirme le 
peu de place que tenait cette tribu, qu'on dirait presque 
englobée dans sa voisine. En dehors de la faute origi- 
nelle qui pesait sur elle, et d'un certain manque de 
décision, on pourrait peut-être aussi attribuer sa fai- 
blesse à son isolement. A. Legendre. 

RUBÉNITE (hébreu : Re'ûbêni; Septante : ô 'Pou6r|v ; 
Vulgate : Rubenita, Rubénites), descendant de Ruben. 
Jos., i, 12; xu, 6; xm, 23; xxu, 1; I Par-, xi, 42; xxvi, 
32; xxvii, 16. Dans tous ces passages, il est question de 
la tribu de Ruben, en général, excepté I Par., xi, 42, 
où est mentionné « Adina, fils de Siza, le Rubénite ». 

RUBIS (hébreu : kadkôd ; quelques manuscrits : 
karkôdou karkôr; Septante : x^PX°5 etxpûaraV/.o;; Vul- 
gate : chodchod eijaspis), pierre précieuse. — Le rubis 
oriental est un corindon (alumine cristallisée) (fig. 267) 




26V- — Corindon (alumine cristallisée). 

d'un beau rouge qui, par sa pesanteur spécifique 4,283, 
son éclat et son velouté, est supérieur aux autres 
pierres précieuses et ne le cède qu'au diamant. Les 
plus beaux rubis viennent de l'Ile deCeylan, de l'Inde, de 
la Chine. Cette pierre est extrêmement dure et très diffi- 
cile à tailler et à graver. Il est un autre rubis (aluminate 
de magnésie), fig. 268, qui va du rouge ponceau, comme 
le rubis spinelle, au rouge lie de vin comme le rubis 
balais. La densité est moindre, 3,7. Il est plus facile 
à tailler et à graver. F. Leteur, Traité élémentaire de 
minéralogie pratique, in-4°, Paris, p. 97-98; Ch. Barbot 
et Baye, Guide pratique du joaillier, in-12, s. d., p. 306. 
— Plusieurs exégètes ont identifié la pierre précieuse 
appelée TjSi, nôfêk, qu'on apportait sur les marchés 
de Tyr, Ezech., xxvii, 16, et qui figure parmi les pierres 
du rational, Exod., xxvm, 18, avec le rubis. J. Braun, 
Veslitus sacerdotum hebrœorum, in-8°, Leyde, 1680, 
p. 660-669. La traduction des Septante, ôtvGpai;, et celle, 
de la Vulgate, carbunculus, désignent sans douté une 
pierre d'un rouge brillant, comme un charbon ardent. 
Mais l'avdpaî ou carbunculus, l'escarboucle des anciens, 
comme on peut le voir par les descriptions de Théo- 
phraste, De lapid., 18, et de Pline, H. Pf., xxxvn, 25, 
comprend plusieurs espèces de pierres rouges et s'ap- 



1263 



RUBIS — RUE 



1264 



plique aussi bien au grenat syrien qu'au rubis orien- 
tal. D'autre part le rubis oriental n'aurait pu être taillé 
et gravé par les Hébreux pour entrer dans l'ornemen- 
tation du pectoral. Aussi est-il plus probable que nôfék, 
av8pa£, carbunculus, escarboucle des anciens, le car- 
bvnculus garamanticus de Pline, est un grenat syrien. 
Voir t. n, col. 1907 t. v, col. 426. Les grenats sont des 
silicates moins difficiles à graver. 

Quant au rubis spinelle ou balais, il pourrait être 
désigné par un nom hébreu, tins, kadkôd, qui se pré- 
sente deux fois dans les textes. Une première fois, dans 
Is., liv, 12, où il s'agit de la Jérusalem nouvelle qui doit 
être splendidement rebâtie. Après avoir montré que 
les pierres qui formeront les assises de l'édifice nou- 
veau seront des ôtv8poxa, des escarboucles (les Septante 
ont lu -pj, nôfék, qui se comprend mieux ici que "ps, 
pûk, antimoine) sur des fondements de saphir, il 
ajoute : 

Je te ferai des créneaux de kadkôd, 

Des portes de cristal, 

Et toute ton enceinte de pierres précieuses. 

DansÉzéchiel, xxvn, 16, le mot seprésentede nouveau, 
dans la description du commerce de Tyr. « Aram payait 
tes marchandises avec des 
escarboucles, de la pourpre, 
des broderies, du fin lin, du 
corail et du kadkôd. » 
L'étymologie ("03, kddad, 

— T 

« briller, scintiller ») et le 
contexte n'offrent pas grand 
secours pour déterminer la 
nature de celte pierre pré- 
cieuse. Aussi saint Jérôme, 
dans son Commentaire sur 
Ézéchiel (t. xxv, col. 255) à la 
question « Que signifie chod- 
chod ? » répond : « Jusqu'ici 
je n'ai pu le découvrir. » 
J. D. Michaëlis, Supplemenla 
ad lexica hebraica, in-8°, Gœltingue, 1792, t. n, col. 1213, 
après avoir exposé les divers sentiments des critiques, 
finit par avouer la même impuissance. 

Mais ne faudrait-il pas lire "n~a, karkôd, comme le 
portent plusieurs manuscrits hébreux, et comme lisait 
Symmaqùe? Karkôd rappelle Kap~/r)àwv, un carbuncu- 
lus. On lit dans la traduction arabe du Pseudo-Aristole, 
«le kerkend ressemble à l'yaqout rouge, mais il ne sou- 
tient pas comme lui l'action du feu. » Clément Mullet, 
Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54. 
Or le kerkend rappelle le nom spécifique du carbuncu- 
lus carchedonius, et le karkôd hébreu. Cette pierre qui 
ressemble au yaqout rouge ou rubis oriental, mais 
est moins résistante à l'action du feu, serait le rubis 
tendre dont parle Chardin. Voyage en Perse, in-8°, 
Amsterdam, t. iv, p. 70, c'est-à-dire le rubis spinelle ou 
le rubis balais. Le rubis spinelle, qui se prête très bien à 
la taille et à la gravure, qui est d'un rouge vif, pourrait 
donc bien être désigné par le karkôd hébreu : ce serait 
le rubis des anciens dont on peut voir la reproduction, 
fig. 83 B, vis-à-vis col. 424. 

On a voulu quelquefois voir le rubis dans la pierre 
'éqdâh qui n'apparaît que dans Is., uv, 12. La racine mp, 
qadal), « scintiller», et le contexte paraissent indiquer 
une pierre brillante, mais dont rien ne permet de 
déterminer l'espèce. Plusieurs exégètes pensent que la 
vraie leçon devait être mp, qêrah, « cristal ». La 
Jérusalem nouvelle aurait donc des portes de cristal. 
Voir Cristal, t. n, col. 1119. Mais les Septante ont 
traduit le mot hébreu par ixXExtrfuc; ils ont donc lu 
mpt, yeqârâh, au lien de mpN, 'éqdâh. La locution 
'ébén yeqârâh pour désigner les pierres précieuses en 




268. — Rubis spinelle 
(aluminate de magnésie). 



général est connue dans les textes bibliques. Cf. III Reg., 
x, 2, 10, 11, etc. L'expression le-ébén yeqârâh, « en 
pierre précieuse », ferait le pendant des mots du 
membre parallèle, le-abnê héfés, « en pierres de choix » . 

E. Levesque. 

1. RUE (grec : ir^yavov; Vulgate : ruta), plante herba- 
cée très a mère. 

I. Description. — Herbe vivace, sous-ligneuse à la base, 
à feuilles glauques, décomposées en segments oblongs, 
les terminaux un peu plus larges, obovales. Fleurs ré- 
gulières, 4 ou 5 mères, diplostémones. Comme dans 
toutes les plantes de la même famille, les divers paren- 
chymes sont creusés de poches secrétrices dont ï'oléo- 
résine, d'une odeur très forte, mais peu agréable, 
fournit un puissant emménagogue, d'ailleurs rarement 
employé. Le Ruta graveolens (fig. 269) est spontané 
dans les lieux arides de la région méditerranéenne, 




269. — Ruta graveolens. 



ce qui relève encore l'importance de sa culture dans 
les jardins de Palestine. On trouve, en outre, aux 
mêmes endroits deux autres espèces très voisines, le 
Ruta montana, à divisions foliaires plus étroites, et le 
Ruta bracteosa dont les bractées sont plus larges, ordi- 
nairement ovales-cordiformes. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le nriyavov, qui désigne certainement 
la rue, Theophraste, Hist. plant., i, 3, 4; Dioscoride, 
m, 45, ne se rencontre qu'une seule fois dans la Sainte 
Écriture. Luc, xi, 42. « Malheur à vous, pharisiens, 
qui payez la dime de la menthe, de la rue, et de toutes 
les herbes potagères, et qui n'avez nul souci de la jus- 
tice et de l'amour de Dieu. » La loi ne faisait point ren- 
trer les plantes énumérées dans ce texte parmi les reve- 
nus du sol sujets à la dîme, comme le vin, l'huile, le 
blé. Lev., xxvn, 30; Num., xvm, 21; Deut., xiv, 22. 
Mais les rabbins avaient étendu cette obligation à tous 
les légumes d'après cette règle générale de la Mischna, 
Maaseroth, i, 1; Surenhusius, Mischna, t. I, p. 245. 
« Tout ce qui est comestible et se conserve pour être 
mangé, et ce que produit la terre est soumis à la dîme. » 
Cependant exception est faite expressément pour la rue 
dans le traité Schebiilh,ix, 1, Surenhusius, i&td., p. 188; 
la raison qu'on en donne est que cette plante « n'a pas 
coutume^ d'être conservée pour la nourriture. » Là rue 
se trouve, en effet, à l'état spontané dans la Palestine. 
Cependant on en cultivait, et on en cultive encore, en 
Syrie, une espèce, et à ce titre plus d'un pharisien 
devait la comprendre parmi les herbes potagères sujettes 



1265 



RUE 



1266 



à la dlme. Dioscoride, m, 45, distingue une espèce sau- 
vage it^yavov ôpEtviv, la rue des montagnes, Ruta cha- 
lepensis, ou sa variété Bracteosa et une espèce cultivée 
royyavovxTi7rEUT<>v,«la rue des jardins y> , Kula graveolens. 
Estimée en médecine au temps d'Hippocrate,elle servait 
aussi de condiment. Pline, À. iV^xix, 45;Columelle,I>e 
re rustica, XII, vu, 5; Ârnobe, Adv. Gent., vu, 16, t. v, 
col. 1238. Dans le passage parallèle deMatth., xxm, 23, 
on énumère la menthe, l'aneth et le cumin, tandis que 
Luc, xi, 42, cite la menthe, la rue et les herbes pota- 
gères. Comme la rue est omise dans le passage de saint 
Matthieu, et qu'on trouve à la place l'aneth, il a paru à 
quelques critiques que le mot employé dans le Matthieu 



de pierres, hautes de 0°30 à 0™90 et à peu près larges 
de l m 50, établies sur le roc dont elles compensaient 
les inégalités. Mais elles constituaient un dédale inex- 
tricable (Gg. 270), auprès duquel les rues de Jérusalem 
actuelle paraissent presque avoir la régularité d'unç 
jeune cité américaine, au dire de M. Macalister. Cf. Pa- 
lest. Expl. Quart. Stat., 1904, p. 115. Les ruesd'Hébron, 
de Naplouse, et d'autres villes et villages de Palestine 
présentent encore l'aspect du même fouillis. Les Orien- 
taux s'accommodent d'autant mieux d'un tel état de 
choses que le soleil a plus de peine à pénétrer dans 
ces ruelles étroites, et que, le soir, la terrasse de leurs 
maisons leur ménage un endroit propice pour respirer. 

















270. — Rue en ruines de Gézer. D'après H. Vincent, Canaan, p. 24. 



araméen, xmuf, Sebeta' (et traduit av^Cov dans le Mat- 

t " : 

thieu grec), avait été mal lu par le troisième évangéliste 
et pris pour N"otf, sabara', mrjvavov, rue. Mais le cumin 

T r - 

n'est pas plus nommé que l'aneth dans saint Luc, et la 
différence des deux synoptiques peut s'expliquer plus 
simplement, par une énumération incomplète qui s'atta- 
chait plus à reproduire la pensée du Maître qu'à en 
conserver tous les mots. Cf. Celsius; Hierobotanicon, 
in-8», Amsterdam, 1748, t. Il, p. 251: 

E. Levesque. 
2. RUE (hébreu : rehôb, sûq, hûs; Septante : pùfiï], 
ôSéç, è^ôSoc; Vulgate : vicus, via), voie ménagée à 
travers les maisons d'une ville. Les termes hébreux 
désignent assez souvent la place aussi bien que la rue. 
Voilà pourquoi les versions les rendent plusieurs fois 
par le mot « place». Voir Place publique, col. 447. — ' 
Dans les anciennes villes de Chanaan récemment ex- 
plorées, les maisons sont entassées sans ordre et les 
rues ne sont que des passages étroits et tortueux, dont 
le tracé s'est modifié d'une période à l'autre. A Gézer, 
vers 3000 avant J.-C, les rues formaient des chaussées 



Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 73. La diffi- 
culté de se reconnaître à travers un pareil réseau de 
rues rendait plus difficile la tâche de l'envahisseur et 
plus aisée la fuite du vaincu. C'est ainsi que, quand les 
Chaldéens eurent pris Jérusalem, Sédécias put s'enfuir 
par les rues écartées avec les hommes de guerre. Jer., 
lu, 7. — David écrase ses ennemis comme la boue des 
rues. II Reg., xxn, 43; Ps. xvm (xvn), 43. La boue des 
rues est une expression employée pour désigner ce qui 
est vil et méprisable. Is., x, 6; Mien., vu, 10. Voir Fange, 
t. Il, col. 2176. A Tyr, l'or était commun comme la boue 
des rues. Zach., IX, 3, — Les rues sont le théâtre de 
différents épisodes de la vie sociale. L'épouse y cherche 
son bien-aimé. Cant., m, 2. On y rencontre les exci- 
tations au mal, Prov., vu, 8 ; Eccli., ix, 7, et des dan 
gers pour la vie. Prov., xxn, 13; Tob., n, 3. Les portes 
des maisons donnent sur la rue, où les pleureuses se 
font entendre. Eecle., xii, 4, 5. On y pousse des cla- 
meurs dans les jours de détresse. Is.,xxiv, 11; II Mach., 
m, 19. En temps de guerre, les ennemis y exercent leurs 
ravages, Jer., xliv, 6; Lam., iv, i, et y massacrent les 
habitants. Is., v, 25; Lam., n, 12; 1 Mach., n, 9. Le 



1267 



RUE — RUINE 



1268 



fracas des guerriers retentit ainsi dans les rues de Tyr, 
Ezech., xxvi, 11; de Sidon, Ezech., xxvin, 23, et de 
Ninive. Nah,, n, 4. Après le départ des envahisseurs, 
les princes de Jérusalem errent consternés dans les 
rues. Lam., iv, 8, 14. A l'époque de Jérémie, v, 1 ; vu, 
17, 34, et à celle de la persécution syrienne, I Mach., i, 
58, l'idolâtrie se pratiquait publiquement dans les rues 
de Jérusalem. — A la restauration d'Israël, le vieillard 
pourra s'asseoir et le jeune homme s'ébattre en paix 
dans les rues, Zach., vin, 4, 5, et l'on y fera retentir 
V alléluia d'allégresse. Tob., xm, 22. — Le commerce 
installait ses bazars dans les rues. Le père de Bénadad-II, 
roi de Syrie, avait établi à Samarie des rues syriennes, 
dans lesquelles les trafiquants de Syrie avaient le droit 
de se rassembler et de tenir des comptoirs. En vertu 
d'un traité, le même Bénadad concéda à Achabdes rues 
à Damas, dans lesquelles les commerçants israélites 
pussent tenir leurs bazars. III Reg., xx, 34. — Notre- 
Seigeur signale l'hypocrisie dont les pharisiens font 
preuve dans les synagogues et dans les rues. Matth,, vi, 
2, 5; Le père de famille envoie chercher des convives 
dans les places et dans les rues de la cité. Luc, xrv, 
21. Les Apôtres guérissent des malades dans les rues de 
Jérusalem. Act., v, 15. Saint Pierre va à travers ces 
rues, après sa sortie de prison. Act., xii, 10. Saint Paul 
est recueilli dans la rue Droite, à Damas. Act., ix, 11. 
Voir Damas, t. n, col. 1217. H. Lesètre. 

RUFUS (grec : 'Po-jço;), nom d'homme, mentionné 
deux fois dans le Nouveau Testament. — 1» Saint Marc 
le cite, XV, 21, comme celui d'un des fils de Simon le 
Cyrénéen : « Ils contraignirent un certain Simon de 
Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus,... de porter la 
croix de Jésus. » — 2" Saint Paul, Rom., xvi, 13, salue 
Riifus, « élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi 
la ihienne. » Ainsi qu'on l'a souvent remarqué, le trait 
« Simon de Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus », 
propre au second Évangile, suppose que Rufus et son 
frère étaient bien connus des chrétiens de Rome, pour 
lesquels saint Marc écrivit très spécialement son livre, 
à Rome même._ Voir Marc, t. iv, col. 739-740; 
L.-Cl. Fillion, L'Evangile selon saint Marc, in-8°, Paris, 
1879, p. 4-5, 9-11. Peu important en lui-même, ce détail 
avait un intérêt particulier pour les chrétiens romains ; 
il n'est pas possible d'indiquer une autre raison qui 
ait porté l'évangéliste à le signaler. Bien plus, en rap- 
prochant le texte de saint Marc de celui de saint Paul, 
on arrive à une autre conclusion, qui est assez géné- 
ralement adoptée par les commentateurs modernes : 
c'est que le Rufus de Marc, xv, 21 et celui de Rom., 
XVI, 13, ne sont qu'un seul et même personnage, qui 
s'était établi à Rome avec sa mère et son frère, et qui 
y résidait lorsque fut composée l'Épître aux Romains 
(59 après J.-C). Voir F. X. Reithmayr, Commentar 
zum Brief an die Rômer, inr8°, Ratisbonne, 1845, 
p. 771; J. Knabenbauer, Comment, in Evangelium 
sec. Marc, in-8°, Paris, 1894, p. 412; R. Cornely, 
Epist. ad Romanos, in-8», Paris, 1896, p. 779-780; 
J. Grimm, Geschichte des Leidens Jesu nach den vier 
Evangelien dargestellt, in-8°, t. n, Ratisbonne, 1899, 
p. 51-52. Cette opinion est très ancienne, car on la 
rencontre déjà, au moins implicitement, dans les Actes 
apocryphes d'André et de Pierre. Voir N. Bonnet, 
Passio Andrese..., Acla Pétri et Andrew, in-8», Leipzig, 
1898, p. 117-118. Néanmoins, de graves auteurs sont 
contraires à l'identification, surtout parce que le nom 
de Rufus était alors très commun chez les Romains. 
Cf. F. Kaulen, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et 
Welte, 2 e édit., t. x, col. 1356. On a fait aussi de Rufus 
un des soixante-douze disciples et un évêque de Thèbes 
en Egypte. Voir R. A. Lipsius, Die Apostelgeschichlen 
urtd Apostellegenden,\. H, 2 e partie, Brunswick, 1887, 
p. 222; t. m, 1890, p. 2. Dans le martyrologe syrien 



de 412, sa fête est placée le 19 avril ; le 8 avril dans les 
ménologes grecs. — Il est évident qu'au passage 
Rom., xvi, 13, Vépithète eleelum in Domino n'est pas 
employée dans le sens pour ainsi dire technique qu'elle 
a souvent, c'est-à-dire, comme synonyme de « chrétien », 
puisque saint Paul se propose de faire un éloge tout 
spécial de Rufus. Elle dénote une distinction particu- 
lière sous le rapport soit de la piété, soit des fonctions. 
Cf. I Pet., h, 6; II Joa., 1; AV. Sanday et A. C. Headlam, 
A critical and exegelical Commentary onthe Epistle 
to the Romans, in-12, 4 e édit., Edimbourg, 1900, 
p. 427. L. Fillion. 

RUGISSEMENT - {s'e'âgâh; Septante : ùpùwfia; 
Vulgate : rugitus), cri que font entendre le lion et 
d'autres animaux féroces du même genre. — 1° Sens 
propre. — Le rugissement du lion est formidable. 
« Lorsqu'il retentit dans les forêts, dans le silence de 
la nuit, il remplit d'épouvante tous les êtres vivants, à 
une lieue à la ronde. Ces accents graves, profonds, 
caverneux, mêlés, par intervalles, de notes plus aiguës, 
ont quelque chose de terrifiant, qui glace le cœur. 
Lorsque cette grande voix se fait entendre, les bestiaux 
tremblent dans les fermes et en suivent avec anxiété 
les diverses modulations, pour se rendre compte de la 
marche de l'ennemi qui s'approche. » L. Figuier, Les 
mammifères, Paris, 1869, p. 321. Voir Lion, t. iv, 
col. 269. — Aux vignes de Thamna, Samson vit venir à 
lui un lion rugissant. Jud., xiv, 5. Les lionceaux rugis- 
sent après leur proie en réclamant leur nourriture. 
Ps. civ (cm), 21. Le lion rugit après la proie qu'il con- 
voite, sans craindre les bergers assemblés pour lui 
tenir tête. Is., xxxi, 4. Quand il rugit, c'est qu'il va se 
livrer au carnage, Am., m, 4, et son rugissement ré- 
pand l'épouvante. Am., m, 8. L'onagre ne ruçit pas 
auprès de l'herbe tendre. Job, vi, 5. 

2° Sens figuré. — Le rugissement du lion est pris 
comme terme de comparaison pour caractériser diffé- 
rentes autres voix. On a ainsi : 1. Le rugissement du 
tonnerre ou la voix de Jéhovah menaçant de sa colère, 
Job, xxxvn, 4; Jer., xxv, 30; Am., 1, 2; Joël, iv, 6 
(m, 16); Ose., xi,10. « Le rugissement du lion est si 
fort que, quand il se fait entendre par échos la nuit 
dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre. » 
Buffon, Œuvres compl., Paris, s.d., 12in-8°,t. v, p. 294. 
La voix de l'ange est aussi comme le rugissement du 
lion. Apoc, x, 3. — 2. Les rugissements de la haine et 
de la cupidité sont poussés par les ennemis et les 
persécuteurs, Job, iv, 10; Ps. lxxiv (lxxih), 4; 
xxii (xxi), 14; Prov., xxvm, 15; Eccli., li, 4; Jer., u, 
38; il, 15; Ezech., xix, 7; xxii, 25; Soph., m, 3. 
Satan rugit comme un lion, quand il cherche à faire 
périr les âmes. I Pet., v, 8. — 3. Les rugissements 
viennent aussi de la douleur. Job, m, 24; Ps. xxii, 
(xxi), 2; xxxii (xxxi), 3; xxxvm (xxxvn), 9; Is., lix, 
11; Zach., xi, 3. — 4. On compare encore au lion qui 
rugit la majesté du roi inspirant la terreur, Prov., xx, 
2, les prêtres poussant des cris devant les idoles, Bar., 
vi, 31, et Judas Machabée courant bravement sur les 
ennemis. I Mach., m, 4. H. Lesètre. 

RUINE, ensemble de matériaux qui restent, partie en 
place et partie à terre, après la destruction d'un édifice 
ou d'une ville. Par assimilation, on donne le nom de 
ruine à la perte de la prospérité pour les nations ou les 
individus. 

1° Ruines matérielles (hébreu : galîm, « monceau 
de pierres»; Septante : àfavio'ii.ôc, «destruction », ne- 
Toiju'a, « émigration i, x<i|ia, « amas de terre » ; Vul- 
gate : acervus arenx, tumulus; — hôrbâh, « dévas- 
tation», Èp-rinoç, «désert », déserta, destrucla, ruinosa; 
— makiêldh, 6pùfta, « plaie », ruina; — me'i, « mon- 
ceau de ruines », 7ttw»i{, « chute », xaTaXeXsiijiva, 



1269 



RUINE — RUMA 



1270 



« choses abandonnées *, acervus lapidum ruina; — 
inapdlâh,mapêldh,mapélé(,Tzt&>aiç,ruina;— maSëû'ôt, 
èitovYipejo-axo, malignatus est; — mel}itiâh, SsiXs'ot, 
« frayeur », forrnido ; — 'î, ômapof uXôxiov, i cabane de 
gardien », aoorro-/, « impraticable », acervus lapidum; 

— Se'iyyâh, épriixo;, solitudo; — s'ômênôf, àçav^riiôç, 
ipr,|xoç, desolalio, dissipata; — resisîm, 8Xâo-t>.a, « meur- 
trissure », ruina; — beqî'îm, ^otypta, sans doute pour 
payâç, & crevasse », scissio). — Le grand nombre de mots 
hébreux en usage pour exprimer l'idée de ruines montre 
que les destructions dues aux invasions étaient fré- 
quentes. — Le Seigneur dit aux Hébreux que, s'ils luj 
sont infidèles, il réduira leurs villes en ruines désertes. 
Lev., xvvi, 33. — Isaïe évoque douze fois l'idée de ruines 
en se servant [de neuf mots différents. Dans Jérusalem 
dévastée, on dira au premier venu ayant un manteau : 
« Sois notre chef, et que cette ruine soit sous ta garde ! » 
Is., m,6. Damas ne sera plus qu'un monceau de ruines. 
Is., xvn, 1. Les Chaldéens ont fait de Tyr un monceau de 
ruines. Is., xxui, 13. Babylone à son tour a eu le même 
sort. Is., xxiv, 12; xxv, 2. Au temps de la restauration, 
les ruines de Sion seront trop étroites pour contenir ses 
nouveaux enfants. Is., xux, 19. Ses enfants rebâtiront les 
ruines antiques et relèveront les fondations d'autrefois. 
Is., lviii,12; lxi, 4. C'est ainsi que Dieuconsolera Sion 
de ses ruines. Is., ti,3. — Jérémie, ix,ll; xxvi, 18; li 
37, prédit à Jérusalem et à Babylone qu'elles deviendront 
des monceaux de ruines. Michée, î, 6; m, 12, annonce 
le même sort [à Samarie et à Jérusalem. Amos, vi, 12, 
dit aussi à Sion et à Samarie que Dieu fera tomber en 
ruines la grande maison et en débris la petite maison, 
c'est-à-dire que rien ne sera épargné, ni palais ni mo- 
destes demeures. — Dieu a permis aux Assyriens de 
réduire des villes fortes en monceaux de ruines. IV Reg., 
xix, 25. Les ennemis ont mis en ruines le sanctuaire, 
Ps. lxxiv (lxxxiii),3; ils ont fait de Jérusalem un mon- 
ceau de pierres. Ps. lxxix (lxxviii), 1. Tyr connaîtra 
aussi la ruina. Ezech., xxvr, 15,18. Les ruines d'Israël 
seront relevées. Ezech., xxxvi, 10, 33. Édom voudra re- 
lever les siennes, mais Dieu l'en empêchera. Mal., î, 4. 

— Ézéchiel, xxxvm, 12, prédit que Gog ira piller des 
ruines maintenant habitées. Daniel, ix, 26, annonce la 
grande dévastation qui ruinera le sanctuaire après le 
temps du Messie. — Notre-Seigneur compare celui qui 
ne met pas en pratique sa parole à l'insensé qui bâlit sa 
maison sur le sable; quand surviennent la pluie et les 
vents, la maison n'est bientôt qu'une ruine. Matth., vu, 
27; Luc, vi, 49. 

2° Ruines personnelles (hébreu : madhéh, àxaroco-T»- 
aia, « bouleversement », ruina; — mehiftâh, o-jv-rptêT), 
« brisement », xaxov, « mal », confusio, malum; — ma- 
pëlâh, mapélél, massû'ôt, irrwtrtç, ruina). — Les dieux 
de Damas seront une occasion de ruine pour Achaz et 
Israël. II Par.,xxvm, 23. Jésus-Christ le sera aussi pour 
ceux qui ne voudront pas le reconnaître. Luc, n, 34. — • 
Job, xxxi, 29, ne s'est pas réjoui de la ruine de ses en- 
nemis. Babylone s'est réjouie au contraire de la ruine 
de Jérusalem. Bar., îv, 31. Judith, xm, 25, a sauvé son 
peuple de la ruine. Esther, xtv, 11, demande à Dieu 
que les ennemis de son peuple n'aient pas à rire de sa 
ruine. — Dieu abat les méchants, ils/ne sont plus que 
ruines, Ps. lxxiii (lxxh), 18; mais, au juste, il est un 
refuge au jour de la ruine. Jer.,xvn,17. Il faut se' con- 
vertir pour que l'iniquité ne devienne pas une cause de 
ruine. Ezech., xvm, 3. Au jour de la ruine de l'&gypte, 
chacun tremblera pour soi. Ezech., xxxii, 10. — Les 
justes contempleront la ruine des méchants, Prov., 
xxix, 16 ; cependant, il ne faut pas se réjouir de la 
ruine de ses ennemis. Prov., xxiv, 17. La ruine est 
amenée par la bouche de l'insensé. Prov., x, 14; xvm, 
7, par l'arrogance et l'orgueil, Prov., xvi, 18; xvn, 19, 
par l'intempérance de la langue, Prov., xm, 3, et par 
les paroles de flatterie. Prov., xxvi, 28. C'est s'exposer 



à la ruine que se mêler aux hommes remuants. Prov., 
xxiv, 21, 22. 

La voie de Jéhovah est un rempart pour le juste, 
Mais elle est une ruine pour ceux qui font le mal. 

Prov., x, 29. Cf. Luc, n, 34; Joa., m, 19, 20. 

H. Lesètre. 
RUISSEAU d'Egypte. Voir Egypte 3, t. n, col. 1621. 

RUMA, nom de deux localités de Palestine dont le 
nom est différent en hébreu. 

1. RUMA (hébreu, Jos.,xv,52: Dâniâh, «silencieuse»; 
Septante, Vaticanus : 'Papivâ; Alexandrinus : 'Poupot; 
— II (IV) Reg., xxui, 36 : hébreu : Rûmâh; Vaticanus : 
'Poujxi; Alexandrinus : 'Pjjidt; Sinaïticus : Kpou[iric), 
ville de la tribu de Juda. Elle est mentionnée, Jos., xv, 
52, entre Arab et Ésaan, parmi les villes qui furent 
ensuite attribuées à la tribu de Siméon. La plupart des 
interprètes tiennent Ruma de IV Reg., patrie de Pha- 
daïa et de sa fille Zebida, mère du roi Joachim, pour la 
même ville que Ruma de Josué. Quelques-uns le con- 
testent et pensent qu'elle pourrait être la Ruma de 
Jud., iv, 51. Voir Ruma 2. — Bien que la lecture Ruma 
soit encore, II (IV) Reg., celle de l'hébreu, et celle des 
versions, les critiques préfèrent généralement la lec- 
ture Dûmdh, parce que le nom de Dûméh, (*.««> 

(quelques-uns transcrivent Daûméh), se trouve être 
celui d'une ruine située à 16 ou 17 kilomètres au sud- 
ouest d'Hébron, entre er-Rabiéh et Sâmîâ, deux loca- 
lités identifiées avec Arab et Ésaan. Eusèbe et saint 
Jérôme paraissent avoir lu encore au iv« siècle Aoujjni 
et Duma. Aouiii, dit le premier en faisant allusion à 
la ville de Josué, de la tribu de Juda, [est] maintenant 
un très grand village du Daroma, dans le territoire 
d'Éleuthéropolis, au xvii» mille de cette ville. Saint 
Jérôme ajoute : « au sud i.Onomasticon, Berlin, 1862, 
p. 172, 173. Dix-sept milles romains, environ 25 kilo- 
mètres, est la longueur à peu près exacte du chemin 
qui conduit de Beit-Djibrîn, l'Éleuthéropolis des 
Grecs et des Romains, à Dûméh. Cette ruine, située sur 
deux collines divisées par un ravin, occupe un assez 
vaste espace. Parmi les débris des hahitations renver- 
sées et qui étaient formées de pierres taillées et équar- 
ries, on remarque les restes de deux églises chrétiennes. 
Elles étaient bâties avec de graudes et belles pierres, 
relevées en bossage, qui paraissent provenir d'édifices 
plus anciens. On rencontre d'innombrables citernes et 
des caveaux spacieux taillés dans le roc, très probable- 
ment les uns et les autres de l'époque juive ou même 
des époques antérieures. De nombreuses grottes sépul- 
crales entourent la localité. — Cf. Rich. von Riess, 
Biblische Géographie, 1872, p. 18, 81; V. Guérin, 
Judée, t. m, p. 359-361 ; Armstrong, Wilson et Conder, 
Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, 
p. 50; The Survey of Western Palestine, Memoirs, 
t. m, p. 313. L. Heidet. 

2. RUMA (hébreu 'Arûmâh; Septante, Vaticanus: 
'ApT)|ixt; Alexandrinus : 'Apijia), résidence du juge 
Abimélech, fils de Gédéon. Jud., ix, 41. — Selon Gese- 
nius, Thésaurus, p. 1275, Ruma de II (IV) Reg., xxm, 
36, pourrait être identique à celle-ci. Voir Ruma. 1. 
La transformation de t en t de la part des copistes 
semble toutefois plus admissible que la supposition du 
mariage du pieux roi Josias, père de Joachim, avec une 
femme du pays de Samarie depuis longtemps habité 
par les Cuthéens. — Quoi qu'il en soit, pour Eusèbe, 
« 'PoujhJ, c'est Aria. Là, ajoute-t-il, selon [le livre des] 
Juges, résida Abimélech. Elle est maintenant appelée 
Remphis (Remthis) et appartient au territoire de Dios- 
polis (Lydda). C'est la même [ville] qu'Arimathie. » 
Saint Jérôme, au lieu d'Aria lit Arima, et atténue un 



1271 



RUMA — RUSE 



1272 



peu la dernière affirmation en disant : « La plupart 
disent maintenant que c'est Arimathie. » Onomasticon, 
édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 316, 317. Si 
l'identité de Remthis, aujourd'hui Rentîs avec Arima- 
thie et Ramathaim (voir Ramathaîm-Sophîm, col. 944) 
est aujourd'hui reconnue d'un grand nombre, on con- 
teste presque universellement qu'elle puisse être la 
Ruma, ou Arima, du livre des Juges. D'après son récit, 
cette localité semble avoir appartenu au territoire de 
Sichem et n'avoir pas été éloignée de cette ville. Rentîs 
est, en effet, à environ 40 kilomètres de Nablus, l'an- 
cienne Sichem et les chemins pour arriver de l'une à 
l'autre sont des plus difficiles. — On doit faire, malgré 
l'analogie des noms, la même remarque pour Beil-Bîma, 
située à 8 kilomètres à l'est de Rentîs, et dans laquelle 
plusieurs auteurs ont voulu voirRuma-Arima. Cf. Buhl, 
Géographie des Alten Palâstina, 1896, p. 170-171. — 
Au xii e siècle, on la reconnaissait dans une localité 
à 4 verstes, selon l'hégoumène russe Daniel, à l'ouest 
de Sébaste (Samarie). Itinéraires russes en Orient, 
édit. de Khitrowo, Genève, 1884, p. 58. 11 s'agit évi- 
demment de Bâmîn, grand village, bâti sur une col- 
line à 4 kilomètres et demi à l'ouest de Sébasliéh. Le 
rabbin Schwarz propose la même identification. Tebuoth 
ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 194. On peut 
objecter que Râmin parait avoir plus de rapport avec 
le mot Rimmôn, «. grenade », qu'avec la racine râm 
dont Rûmdh, « élevée », semble plutôt procéder. — 
Les explorateurs modernes préfèrent généralement 
el-'Orméh, proposée par Van de Velde. Celte ruine 
située à 10 ktlomèlres au sud-est de Nablus et à 3 au 
nord-ouest de 'Aqrdbéh, est une antique forteresse, 
couronnant le sommet d'une colline abrupte qui com- 
mande toute la contrée. On y voit de nombreuses ci- 
ternes et de vastes caveaux pratiqués dans le roc. Une 
belle vallée plantée d'oliviers se développe à l'est. Le 
changement de VA initial en l'aspiré 'A, se retrouve 
en d'autres noms, par exemple dans celui d"Ascalon 
devenu 'Asqalân. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topo- 
graphique de la Terre Sainte, Paris, 1877. p. 262 ; 
TheSurvey of Western Palestine, Memoirs, t. n,p.387; 
Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 6. — On trouve 
en outre, à douze cents mèlres à l'est-nord-est de Sébas- 
tiéh et à cinq cents à l'ouest de Nusf edj-Djebêl, « à 
moitié des montagnes », village situé sur le flanc sep- 
tentrional de la montagne qui est le prolongement de 
l'ancien Ébal et à dix kilomètres deNaplouse,une source 
connue sous le nom de 'Ain Kefr Bûmâ, « la fontaine 
du vitlage de Rùmà ». Ce dernier nom était sans doute 
celui du village voisin. 11 semble plus rapproché que les 
autres du nom biblique et peut-être serait-il plus juste 
de chercher ici qu'ailleurs la résidence du juge Abi- 
mélech. L. Heidet. 

RUMINANTS, animaux qui ruminent. — La rumi- 
nation est appelée gêràh; Septante : |jujpuxi<Tfi6;). Les 
deux mots hébreu et grec désignent, dans le sens 
concret, ce que ruminent certains animaux. Le mot hé- 
breu ne se rencontre que dans les expressions hé'âlâh 
gêrâh, « faire monter la rumination », Lev., xi, 3-6, 26; 
Deut., xiv, 6, et gdrar gêrah, « tirer la rumination ». 
Lev., xi, 7; Deut., xiv, 8.11 n'est point certain d'ailleurs 
que gêrâh vienne de la racine gdrar. La Vulgate tra- 
duit ces expressions par le seul mot ruminare. — Un 
Certain nombre de mammifères herbivores sont pour- 
vus de quatre estomacs. Une fois mâchés, les aliments 
sont absorbés par un premier estomac appelé panse; 
l'animal les fait remonter dans la bouche à travers 
un second estomac, le bonnet, dans lequel ils s'imbi- 
bent et se compriment; les aliments remâchés 
passent ensuite, par l'œsophage, dans un troisième 
estomac appelé feuillet, pour se rendre enfin dans le 
quatrième estomac, la caillette, où se fait la diges- 



tion. Même quand leur repas est terminé, les rumi- 
nants mâchonnent presque constamment, pour achever 
la mastication des aliments précédemment ingérés. 
Les ruminants n'ont pas d'incisives supérieures, rem- 
placées chez eux par un bourrelet dur et calleux; 
ils ont les pieds fourchus. Les ruminants sont, parmi 
les bovidés, le bœuf, la chèvre, le mouton, l'antilope, 
le bouquetin; parmi les cervidés, le cerf, le chevreuil, 
la girafe; parmi les camélidés, le chameau, le droma- 
daire, etc. — La loi mosaïque permettait de manger les 
ruminants, caractérisés par la rumination et par le 
pied fourchu. Elle en excepte le chameau, dont la corne 
n'est pas divisée. Le chameau a bien le pied bifurqué, 
comme les autres ruminants, mais ce pied est muni en 
dessous d'une forte semelle cornée, ce qui permet de 
dire qu'il n'est pas divisé. Voir Chameau, t. u, col. 519. 
La loi range aussi parmi les ruminants le lièvre et le 
daman. Lev., xi, 5, 6; Deut., xiv, 7. Ces deux animaux 
ne ruminent qu'en apparence, et c'est seulement 
d'après cette apparence que la loi parle d'eux. Voir 
Chœrogrylle, t. il, col. 714; Lièvre, t. iv, col. 252. 

H. Lesêtre. 
RUPERT DE OEUTZ (Rupertus Tuitiensis), exé- 
gète et mystique de la première moitié du xii b siècle, 
dont la patrie et la date de naissance ne sont pas exac- 
tement connues. Il était originaire des environs de 
Liège, d'après Mabillon ; il était Allemand, d'après Tri- 
thème, P. L., t. clxvii, col. 11. Son surnom de Deutz pro- 
vient de l'abbaye de Deutz, monastère de bénédictins, 
situé sur la rive droite du Rhin en face de Cologne, dont 
il devint abbé en 1119 ou 1120. Il avait pris l'habit de 
saint Benoît au monastère de Saint-Laurent à Liège. 
Il mourut d'après l'opinion la plus probable en 1135. 11 
s'était voué principalement à l'étude de l'Écriture Sainte 
et de la théologie mystique. Il s'attacha moins à l'expli- 
cation littérale du texte sacré qu'à l'explication spiri- 
tuelle et allégorique. Nous citerons parmi ses écrits 
De Trinitate et operibus ejus libri XLII, publié en 
1117, dans lequel il se proposait d'expliquer tout le plan 
du salut, qu'il étudie successivement dans les cinq 
livres du Pentateuque, Josué, les Juges, les Rois, Isaïe, 
Jérémie, Ézéchiel, Daniel et les quatre Évangiles, 
t. clxvii, col. 198-1570; Commentaria in duodecim 
prophelas minores, t. CLXvm, col. 1-836; in Cantica 
Canticorum de Incarnatione Domini, col. 839-962, que 
Rupert résume dans ces deux vers : 

Femina mente Deum concepit, corpore Christum : 
Integra fudit eum nil opérante viro ; 

Super Job, col. 961-1196; In librum Ecclesiastes, 
col. 1195-1306, où l'auteur s'attache au sens littéral 
plus que dans ses autres ouvrages : Opus de gloria et 
honore Filii hominis super Mallhseum, col. 1307-1434 
(commentaire allégorique) ; In Evangelium Joannis 
commentariorum libri XIV, t. clxix, col. 201-826 (le 
commentaire suit le texte, dans le sens littéral, concilie 
les divergences et ajoute souvent une interprétation 
allégorique); In Apocalypsim, col. 825-1214 (le contenu 
de ce livre est considéré plutôt comme se rapportant à 
l'histoire de l'Église dans le passé, depuis la création 
jusqu'à la venue de Noire-Seigneur que comme une 
prophétie de l'avenir). — Voir Histoire littéraire de 
la France, t. XI, 1759, p. 422-587; Rocholl, Rupert von 
Deutz, Gûtersloh, 1886. 

RUSE (hébreu : nêkél, iëkél, 'armâh; Septante : 
SôXoç, SoXtonric, uavoypyta; Vulgate : aslutia; le rusé 
est appelé 'ârûm, iravo'jpvoç, astutus,callidus), habileté 
à se tirer d'embarras ou à y mettre les autres, et 
acte procédant de cette habileté. Cette habileté confine 
parfois à la fourberie. Voir Fourberie, t. n, col. 2339. 
— La première et la plus grave des ruses dont parle 
la Sainte Écriture est celle de Satan, prenant la forme 



1273 



RUSE — RUTH (LIVRE DE) 



1274 



du serpent et faisant tomber Eve dans le péché. Gen., 
in, 1 ; II Cor., xi, 3. — Celui qui tuait son prochain 
par ruse ou guet-apens devait être mis à mort sans 
pitié. Exod., xxi, 14. — Les ruses des Madianites 
firent tomber les Israélites dans l'idolâtrie à Béelphé- 
gor. Num.,xxv,18. —Jacob obtient par rusela bénédic- 
tion d'isaac, et il s'enrichit par ruse aux dépens de 
Laban. Voir Jacob, 1, t. m, col. 1061, 1063. — Les 
Israélites, comme plusieurs autres peuples anciens, 
estimaient la ruse presque à l'égal de la bravoure. 
Différentes ruses de guerre sont mentionnées : Les 
Gabaonites feignent de venir de très loin afin que 
Josué fasse alliance avec eux, Jos., IX, 3-15; la ville de 
Haï est prise grâce à un stratagème, Jos., vin, 3-23; 
Gédéon se sert de trompettes et de torches enfermées 
dans des cruches pour jeter la panique parmi les 
Madianites, Jud., vu, 15-23; Abimélech s'empare de 
Sichem par ruse, Jud., ix, 32-40; plus tard, Judith se. 
sert de la ruse pour se bien faire venir d'Holopherne 
et le tuer. Judith, x, 1-xui, 11, etc. Saûl remarque que 
David était fort rusé. I Reg., xxm, 22. Ce dernier jus- 
tifia sa réputation à la caverne d'Engaddi, 1 Reg., xxiv, 
4-10; au désert de Ziph, I Reg., xxvi, 7-16; à Geth, 

I Reg., xxvii, 8-12, etc. — Job, v, 13, dit que Dieu 
prend les plus habiles dans leurs propres ruses. C'est 
ce que l'on constate fréquemment dans l'Évangile, 
quand les ennemis du Sauveur cherchent à le prendre 
en défaut. Ainsi en est-il à propos des guérisons 
opérées le jour du sabbat, Matth., xil, 10-12; de la 
femme adultère, Joa., vin, 5; de l'autorité divine du 
Sauveur, Matth., xxi, 23-27; du tribut à César, Matth., 
xxii, 15-22; de la résurrection, Matth., xxn, 23-33, etc. 
— Saint Paul rappelle la sentence de Job à propos de 
la sagesse de ce monde. I Cor., ni, 19. Il recommande de 
ne pas se conduire par astuce, II Cor., iv, 2, et de ne 
pas se laisser prendre, comme des enfants, à la ruse 
des docteurs de mensonge. Eph., iv, 14. — Lui-même, 
parlant des industries de son zèle, se présente à ses 
fidèles comme un homme astucieux qui use d'artifices. 

II Cor., xn, 16. H. Lesêtre. 

RUSSES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRI- 
TURES. Voir Slaves (Versions). 

1. RUTH (hébreu : Rûf; Septante : 'Pouô), femme 
moabite dont l'histoire est racontée dans le petit livre 
qui porte son nom. Élimélech, Israélite domicilié à 
Bethléhem, dans la tribu de Juda, à l'époque des Juges, 
émigra au pays de Moab avec sa femme Noémi, et ses 
deux fils Mahalon et Chélion, poussé par la famine 
qui désolait alors la Palestine. Il y mourut après un 
certain temps, et ses deux fils épousèrent des femmes 
moabites : Mahalon s'unit à Ruth, iv, 10, et Chélion à 
Orpha. Ils ne tardèrent pas à mourir eux-mêmes, et 
Noémi resta seule avec ses deux belles-filles, i, 1-5. La 
famine ayant cessé de sévir à Bethléhem, elle se décida 
à rentrer dans sa patrie, et elle engagea ses brus à 
demeurer avec leurs familles d'origine. Après un mo- 
ment d'hésitation, Orpha prit le parti de rester; mais 
Ruth refusa de se séparer de sa belle-mère : « En 
quelque lieu que tu ailles, j'irai, et partout où tu demeu- 
reras, j'y demeurerai aussi; ton peuple sera mon peuple, 
et ton Dieu sera mon Dieu, » i, 6-16. Noémi l'emmena 
donc avec elle, i, 18. Elles arrivèrent à Bethléhem au 
commencement de la moisson des orges, c'est-à-dire 
vers la fin d'avril, et Ruth se mit aussitôt à glaner, pour 
subvenir aux besoins de l'humble ménage, i, 19-n, 2. 
La Providence permit que le champ où elle vint tout 
d'abord appartint à Booz, riche propriétaire, qui était 
un assez proche parent d'Élimélech. Booz remarqua la 
jeune femme, et, comme il connaissait l'histoire de ses 
vertus, et son attachement pour sa belle-mère, pour le 
pays et la religion d'Israël, il ordonna à ses moisson- 



neurs non seulement de la traiter avec respect et de la 
faire manger avec eux, mais de laisser tomber à dessein 
des épis à terre, pour que sa glane fût plus considé- 
rable, il, 3-23. Lorsque Noémi eut connaissance de cette 
noble etgénéreuse conduite, elle donna des instructions 
à Ruth, pour que celle-ci engageât Booz à remplir son 
rôle de go'ël, c'est-à-dire de protecteur, en rachetant 
l'héritage d'Élimélech et en l'épousant elle-même, m, 
1-18. Comme il y avait un parent encore plus proche 
que Booz, on obtint qu'il se désistât, iv, 1-12; ensuite 
Booz épousa Ruth, à la grande joie de tous les habitants 
de Bethléhem. Ils eurent un fils, qu'on nomma Obed et 
qui fut l'aïeul de David, iv, 13-22. — Ruth peut être en- 
visagée comme « un singulier exemple de vertu et de 
piété, dans un âge de rudesse et parmi un peuple ido- 
lâtrique...; comme l'héroïne d'une histoire exquise en 
beauté et en simplicité. » A. C. Hervey, dans Smith, 
Diction, of the Bible, t. m, p. 1064. Saint Jérôme fait 
remarquer, Epist. xxii ad Paulam, t. xxn, col. 471, que 
nous pouvons apprécier la grandeur de sa vertu par la 
grandeur de sa récompense : Ex ejus semine Christus 
oritur. Elle est, en effet, mentionnée dans la liste des 
ancêtres de Notre-Seigneur. Matth., i, 5. — Sur l'époque 
où elle vivait, voir Ruth 2. L. Fillion. 

2. RUTH (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVISION. — 
1° Cet écrit, l'un des plus courts de ceux qui compo- 
sent l'Ancien Testament, est ainsi nommé parce qu'il 
raconte l'histoire de Ruth la Moabite. Comme l'a fait 
remarquer Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3 e édit., 
t. I, p. 225, ce livre est unique en son genre dans l'An- 
cien Testament, où nous ne trouvons nulle part une 
histoire de famille d'ordre aussi intim,e, exposée avec 
autant de détails. 

2° Il se divise en deux parties. La première, qui sert 
d'introduction, i, 1-22, raconte comment Ruth, après 
avoir épousé un des fils de Noémi, et être devenue 
veuve comme sa belle-mère, vint se fixer avec celle-ci 
à Bethléhem. La seconde, qui contient le corps du récit, 
H, 1-iv, 22, montre dans quelles circonstances elle 
devint la femme de Booz, la mère d'Obed, et par là- 
même l'aïeule du roi David. — En voici les subdivi- 
sions : 1. 1» Premier mariage et veuvage de Ruth, i, 
1-5; 2° Noémi revient à Bethléhem avec Ruth, i, 6-22. 
— II. 1° Ruth glane dans les champs de Booz, n, 1-23; 
2° Noémi intervient pour ménager un mariage entre 
Rulh et Booz, m, 1-6; 3° Booz consent à épouser Ruth, 
ni, 7-18; 4° L'affaire du mariage est légalement traitée 
en présence des notables de la ville, iv, 1-12; 5» Ma- 
riage de Booz et de Ruth, naissance d'Obed, iv, 13-17; 
6» Généalogie de David, en remontant jusqu'à Phares, 
iv, 18-22. 

II. ÉPOQUE A LAQUELLE SE PASSÈRENT LES FAITS. — 

Le livre de Ruth ne signale qu'une seule date propre- 
ment dite. Nous la trouvons dès la première ligne, I, 
1 : « Aux jours où les Juges jugeaient, » c'est-à-dire 
gouvernaient; avec une paraphrase dans la Vulgate : ira 
diebus unius judicis, quando judices preeerant. Mais 
la période en question fut considérable, puisqu'elle 
correspond à l'intervalle de temps compris entre les 
années 1401 et 1095 avant J.-C. Voir Chronologie bi- 
blique, t. h, col. 738. On a cherché à préciser davan- 
tage cette donnée générale. Josèphe, Ant. jud., y, ix, 
1, place l'histoire de Ruth sous la judicature d'Héli, qui 
précéda immédiatement celle de Samuel etl'institution 
de la royauté chez les Hébreux. Cela nous conduirait 
aux années 1168-1128 (t. n, col. 738), et cette date est ad- 
missible. En effet, les deux derniers versets du livre, 
rv, 21-22, supposent quatre générations entre Booz et 
David, y compris celle de Booz; ce qui équivaut à envi- 
ron 100 ans : or, il s'écoula cent treize ans depuis le 
début de la judicature d'Héli jusqu'au règne de David 
(1168-1055). — D'autres ont pensé que celte date était 



1275 



RUTH (LIVRE DE) 



1276 



trop récente. En rapprochant iv, 21 de Malth., i, 5, on 
voit que le père de Booz, Salrnon, avait épousé la cé- 
lèbre Hahab quelque temps après la prise de Jéricho 
par Josué, en 1453. Voir Rahab, col. 934. D'après cela, 
les événements que raconte le livre de Ruth auraient 
eu lieu sous les premiers Juges. Mais alors on aurait 
un intervalle d'environ 400 ans (1455-1055) entre la 
naissance de Booz et le règne de David. Les partisans 
de cette opinion supposent qu'il manque un certain 
nombre de générations entre Booz et David. Il est cer- 
tain qu'on en a omis plusieurs entre Phares et Booz, îv, 
18-21, car six générations seulement pour environ neuf 
cents ans sont insuffisantes ; il faut donc admettre qu'en 
cet endroit les principaux ancêtres auront été seuls 
mentionnés. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. m, 
col. 165-167. — Comme date des événements racontés au 
livre de Ruth, on a aussi désigné parfois la judicature 
de Samuel (1128-1095), celle d'Aod (après 1343), celle 
de Gédéon (1256-1216). Ce dernier sentiment s'appuie 
sur la famine mentionnée dans Ruth, i, 1, et Jud., 
vu, 4-5. Mais la famine qui sévit en Palestine au temps 
de Gédéon provenait surtout des ravages opérés par les 
Madiânites, tandis que celle que signale notre livre 
parait avoir eu plutôt des causes naturelles. D'ailleurs, 
en toute hypothèse, un fléau de ce genre est une chose 
trop fréquente en Palestine pour pouvoir servir de 
date précise. — De ce qui précède, il résulte qu'il n'est 
pas possible de déterminer d'une manière certaine 
l'époque où vivaient Ruth et Booz. Quoi qu'il en soit, 
le livre qui raconte leur mariage complète admirable- 
ment l'histoire des Juges. « Sans lui,, nous n'aurions 
connu Israël que d'une manière très imparfaite, et uni- 
quement par le, dehors, durant la période tragique des 
Juges. Mais voici que ce petit livre nous révèle la vie 
intime des pieux Israélites d'alors, et nous la montre 
sous son jour le plus favorable. » L.-Cl. Fillion, la 
Sainte Bible commentée, t. u, p. 120. 

III. Date de la composition. — Les sentiments des 
interprètes et des critiques varient beaucoup sur 
l'époque où fut composé le livre de Ruth; on l'a placée 
à toutes les périodes de l'histoire israélite qui se sont 
écoulées entre le règne de David et le temps des Macha- 
bées. Les commentateurs catholiques, entre autres le 
P. Cornely, lntrod. specialis, t. i, p. 234, et le P. von 
Hummelauer, Lib. Judicum et Ruth, p. 357, et plu- 
sieurs protestants orthodoxes, notamment MM. Keil, 
P. Cassel et Wrigth, dans les ouvrages cités plus loin, 
placent la composition du livre sous le règne de David, 
et, pour la plupart, vers la fin de ce règne. MM. E. Reuss, 
Oeltli, Driver, etc., notablement plus tard, pendant la 
dernière période du royaume de Juda; Reuss, entre 
la ruine du royaume d'Israël et celle du royaume 
de Juda; d'autres, sous Ézéchias. Ewald, Gesch. des 
Volkes Israël, 3 e édit., t. i, p. 107; Bertheau, Com- 
ment., 2 e édit., p. 237, et le D r Kcenig, Einleilung in 
das A. T., p. 285, réclament une date beaucoup plus 
récente encore, et regardent le livre de Ruth comme 
un fruit de la captivité de Babylone. La plupart des 
néo-critiques vont le plus loin possible après l'exil : 
tels MM. Kuenen, Schrader, Wellhausen, Bertholet, 
Budde,Nowack, dans leurs Introductions ou leurs com- 
mentaires. Voir aussi E. Meyer, Geschichte der poet. 
National-Literatur der Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1856, 
p. 500-504; C. H. Cornill, Einleitung in das A. T., 
2 e édit., p. 243; G. A. Barton, dans la Jewish Encyclo- 
pedia, t. x, p. 577. Les partisans d'une composition 
relativement récente mettent surtout en avant l'ancienne 
coutume mentionnée dans Ruth., iv, 7, qui consistait à 
remettre sa chaussure au propriétaire auquel on cédait 
son droit de propriété. Elle était usitée « autrefois » 
(hébreu: lefdnim; Septante : e(ijtpoo6ev; Vulgate : anti- 
quitus). Voir E. Kautzsch, Abriss der Gesch. des alt- 
testam. Schrifttums, in-8°, Leipzig, 1897, p. 115. L'au- 



teur du livre croit devoir expliquer à ses lecteurs 
l'usage en question, tombé en désuétude; mais il est 
signalé, Deut., xxv, 9, comme remontant au moins à 
Moïse, et, entre l'époque de Ruth et le moment où 
David arriva à l'apogée de sa gloire, il s'écoula environ 
150 ans; ce qui suffit largement pour expliquer comment 
cette coutume avait pu cesser d'être en vigueur dès la fin 
de la période des Juges, et par conséquent d'être connue. 
Cf. Keil, Richter und Ruth, p. 384. — On peut dire avec 
assez de vraisemblance que le livre de Ruth aura été 
difficilement composé après le règne de Salomon; en 
effet, ce prince est fortement blâmé, III Reg., xi, 1-8, 
d'avoir épousé des femmes étrangères, et en particulier 
des Moabites et des Ammonites. Il ne l'aura pas été non 
plus pendant l'exil, puisque les Juifs vécurent alors 
plus que jamais séparés des autres peuples. — Les don- 
nées du livre qui peuvent nous aider à fixer l'époque de 
sa composition sont peu nombreuses. Il en est deux, 
néanmoins, qui ont un caractère plus déterminé. — 
1. Nous venons de le voir, l'épisode qui forme le fond 
du récit est daté des « jours où les Juges jugeaient, » i, 
1. Il suit de là que, lorsqu'il fut rédigé, la judicature 
avait disparu comme forme de gouvernement et fait 
place depuis un certain temps à la monarchie. — 2. La 
généalogie qui termine l'écrit s'arrête brusquement à 
David. On peut conclure de là que ce prince régnait 
encore au temps de la composition, et qu'il avait déjà 
acquis une grande importance sous le rapport théo- 
cratique. On ne comprend guère que l'auteur, s'il n'a 
pas été contemporain du roi David, ne soit pas allé au 
delà de lui dans sa liste. 

IV. Auteur du livre. — Si l'incertitude règne au 
sujet de l'époque précise où fut composé le livre de 
Ruth, à plus forte raison est-il impossible d'en déter- 
miner l'auteur avec quelque vraisemblance. D'après le 
Talmud, Baba bathra, fol. 14 b, c'est le prophète 
Samuel qui aurait écrit le livre des Juges, celui de 
Ruth et les deux livres dits de Samuel. Le fait n'est 
pas impossible en soi, mais les preuves positives font 
défaut, et le style du livre de Ruth est tel, que des hé- 
braïsants distingués ne croient pas possible que le 
même écrivain ait pu composer cet écrit et en même 
temps le livre des Juges et ceux de Samuel. Cependant 
cette opinion, qui était celle de Calmet et de Cornélius 
à Lapide, a encore aujourd'hui des partisans, entre 
autres le P. Cornely, lntrod. specialis in histor. Veteris 
Testam. libros, Paris, 1887, p. 233-234. Sans être au^si 
formel, le P. von Hummelauer, Comm. in lib>: Judi- 
cum et Ruth, p. 359-360, admet que le livre a pu être, 
sinon composé, du moins publié par Samuel. La ques- 
tion est actuellement insoluble. 

V. Style. — Tout bref qu'il soit, le livre de Ruth a 
ses particularités bien marquées sous le rapport du 
style, qui ne ressemble à celui d'aucune autre partie 
de l'Ancien Testament. Les principales sont les sui- 
vantes : 1° les terminaisons en in, au lieu de î, pour 
la seconde personne du féminin singulier, au temps 
imparfait : n, 8, 21; (idebâqîn; m, 4, ta'asin; m, 18; 
(éde'in; 2° les terminaisons en fi, au lieu de (e, pour 
la seconde personne du féminin singulier, au temps 
parfait : u, 8, (a'abûri; m, 3, sam(i, yâradefi; m, 4, 
sâkab[i; 3» les terminaisons eaûn, au lieu de w, pour 
la 3 e personne du pluriel : u, 9, iqsôrûn ; 4° les verbes 
'âgan, « retenir, fermer », î, 13; sâbat, « présenter », 
u, 14; sâlal, « tirer », u, 16; nilpa{, « se retourner 
pour voir », m, 8; 5° le substantif ?ébe(, « gerbe », u, 
16, et l'adjectif mârà', « amer », au lieu de tnârâh, î, 
20; 6» les conjonctions térem, «. avant que », m, 14, et 
Idhên, « c'est pourquoi », au lieu de làkén, î, 13; 7° la 
locution 'eik ippol ddbâr, m, 18, etc. Voir F. Keil, 
Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, p. 415-416; 
E. Kcenig, Einleitung in das A. T., p. 286-287; 
J. R. Driver, An lntrod. to the Literature of the Old 



1277 



RUTH (LIVRE DE) 



1278 



Test., 5 e éd., Edimbourg, 1894, p. 426-427. Les Masso- 
rèles ne se sont pas toujours rendu compte de ces par- 
ticularités et tes ont corrigées dans le texte, comme si 
elles eussent été des fautes. Un fait plus surprenant, 
c'est que « tous les interprètes modernes, qu'ils veuil- 
lent démontrer l'origine ancienne du livre ou lui assi- 
gner une date plus récente, invoquent cet argument (la 
preuve tirée du style), et que ces singularités, ils les 
appellent, les uns archaïsmes, les autres néologismes, 
ceux-ci bethléhémismes, ceux-là'moabilismes. Cepen- 
dant, parce qu'elles se rencontrent surtout dans les 
entretiens (i, 13; ir, 8; m, 3, 4), elles semblent ne dé- 
montrer qu'une chose : c'est que l'auteur, en transcri- 
vant les entretiens, s'est tenu de très près à la source 
où il a puisé. » R. Cornely, Manuel d'Introd. historiq. 
et critiq. à toutes les Saintes Écrit., trad. franc., in-12, 
t. i, Paris, 1907, p. 349. 

Ces contradictions des hébraïsants contemporains sont 
frappantes, et démontrent que ce genre de preuve peut 
devenir très facilement subjectif et arbitraire. Il est 
remarquable que les néo-critiques prétendent voir à 
tout instant dans le livre de Ruth des aramaïsmes, et 
par conséquent des expressions relativement récentes. 
« Le style du livre, dit Cornill, Einleitung, 2 e éd., 
p. 343, a un coloris fortement araméen, et présente 
mainte particularité qui dénote avec une pressante né- 
cessité l'époque d'après l'exil. » Mais il se trouve que 
les aramaïsmes mis en avant ne méritent nullement ce 
nom, et sont ou bien des expressions ordinaires, ou des 
archaïsmes représentant le langage populaire du temps 
de Ruth. Par exemple, on cite comme araméennes telles 
et telles .locutions employées de concert par le livre de 
Ruth et par ceux des Paralipomènes, de Daniel, d'Es- 
dras, de Néhémie, etc. — celles-ci, entre autres : mar- 
gelô(,m, 7-8, 14, et Dan., x, 1; paras kendfîm, in, 
9, et Ezéch., xvi, 8; lâkên, i, 13, et Dan., n, 6, 9; 
iv, 24, nâsd' nâëîm, i, 4, et II Par., xi, 21; xm, 21; 
Esd., IX, 2; qiyyam, « confirmer, » iv, 7, et Esd., ix, 
21, etc. — et l'on conclut aussitôt, à cause de ces 
quelques mots ou tournures, que l'histoire de Ruth ne 
saurait avoir été composée antérieurement à ces autres 
écrits. On allègue aussi, comme preuve d'une compo- 
sition récente, le nom divin Saddaï, employé seul, sans 
être précédé de 'El : ce qui n'a jamais lieu ailleurs 
dans la simple prose, mais seulement au livre de Job. 

Mais tout cela est fortement exagéré. Comme le dit 
M. Driver, l. c, p. 427, « ce style dans son ensemble... 
ne manifeste aucune marque de détérioration; il dif- 
fère d'une manière palpable, non seulement de celui 
d'Esther et des Paralipomènes, mais aussi de celui des 
mémoires de Néhémie...; il se tient au niveau des 
meilleures parties (des livres) de Samuel... Le style est 
classique dans son entier... En général, la beauté et la 
pureté du style (du livre) de Ruth désignent d'une ma- 
nière beaucoup plus décisive (comme époque de la 
composition) la période antérieure à l'exil, que les 
expressions isolées, sur lesquelles on s'appuie, ne mar- 
quent la période qui suivit la captivité. » Le D r Kœnig 
affirme de même, Einleitung in das A. T., p. 287, que 
« les signes de la période la plus récente du développe- 
ment de l'hébreu font défaut dans le livre » de Ruth. 
D'après lui, les formules hase mihi faciat Dominus et 
hsec addat, I, 17 (onze fois dans les livres de Samuel 
et des Rois), pelcmi 'almôni (iv, 1; cf. I Sam., xxi, 3; 
II fieg., VI, 8), la forme archaïque du pronom 'anoki 
(sept fois; deux fois seulement 'ani), l'emploi constant 
du pronom relatif 'aSer (tandis que l'abréviation Se 
n'apparaît jamais) sont des preuves certaines d'anti- 
quité sous le rapport du style. Les terminaisons signa- 
lées plus haut sont également des archaïsmes, car 
elles reproduisent des formes primitives. 

VI. Caractère historique. — La simplicité et la 
candeur des récits prouvent en faveur de leur réalité 



objective. L'écrit lui-même se présente comme voulant 
raconter des faits historiques. Cf. 1,1, et iv, 17-22. Dans 
ce dernier passage, la narration particulière qui forme 
le fond du livre est rattachée à l'histoire générale du 
peuple de Dieu. Nous savons d'ailleurs, par Malth., j, 
5, que Booz, Obed et Ruth furent des personnages très 
réels. « Il n'a pas été inséré (dans le livre) un seul 
trait auquel on puisse reprocher d'être invraisemblable, 
à plus forte raison d'être historiquement impossible. » 
Oeltli, Die geschichtl. Bagiographen, p. 214. Les moin- 
dres détails sont conformes aux circonstances de temps, 
de lieux, de personnes, telles que nous les connaissons 
par ailleurs. Les divers personnages que nous présente 
le livre de Ruth ont été peints sur le vif. Rien de plus 
réel, de plus vivant que Ruth, Noémi, Orpha, Booz, 
les femmes de Bethléhem et les différentes scènes qui 
décrivent leurs relations réciproques. Voir Oettli, 
loc. cit., p. 213-214. L'historien Joséphe a inséré ce 
récit dans ses Ant. jud., V, ix, 1-3, comme reprodui- 
sant des faits réels. Comment aurait-on songé à ratta- 
cher si étroitement le roi David au peuple odieux de 
Moab, si le fait n'eût été certain? 

L'accent de vérité qui règne partout est si frappant, 
que des critiques rationalistes assez nombreux ont re- 
connu tantôt la nature strictement historique de tous 
les événements racontés, tantôt au moins l'existence 
d'une tradition ancienne ayant servi de base à l'écrit. 
C'est ainsi que Kuenen admet partiellement le carac- 
tère historique du livre, en ce sens que David a eu vé- 
ritablement une aïeule issue du peuple de Moab. Voir 
Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 2« éd., 
p. 239; Bertholet, Die fùnf Megilloth, p. 53. Kœnig, 
Einleitung, p. 266, croit aussi qu'il y eut d'abord une 
tradition orale correspondante des faits réels, que cette 
tradition fut mise par écrit, puis rédigée finalement sous 
sa forme actuelle par un Israélite qui avait de l'attrait 
pour les anciens usages et du talent pour peindre les 
caractères. Mais d'autres néo-critiques ne voient dans 
le livre de Ruth qu'un petit roman composé d'une ma- 
nière plus ou moins habile. D'après J. Wellhaus'en, 
Die Komposilion des Hexateuchs und der hislor. 
Bûcher des A. Test., in-8», 3« éd., Berlin, 1899, p. 358, 
l'histoire de Ruth n'aurait d'autre fondement que le 
passage biblique I Reg., xxu, 3-4, où il est dit que 
David, à l'époque où il était persécuté par Saiïl, emmena 
son père et sa mère à Maspha de Moab, et les mit sous 
la protection du roi des Moabites. Selon Budde, dans 
la Zeitschrift der alttestamentl. Wissenschaft, 1892, 
p. 37-46, l'histoire de Ruth aurait formé, à l'origine, une 
partie du « Midrasch du livre des Rois » mentionné 
II Par., xxiv, 27 (la Vulgate a traduit inexactement ce 
passage). Voir aussi Wildeboer, Die Litteratur des A. 
Testam., p. 342. C'est Bertholdl, Einleitung insâmmt- 
liçhe... Schriften des Alt. und N. Testant., 1812- 
1819, 5 e partie, p. 2337-2353, qui a essayé le premier 
de démontrer que le livre de Ruth ne serait qu' « une 
histoire inventée », « un simple poème », un a tableau 
de famille tout romantique ». Ses arguments se ramè- 
nent à six principaux, que répètent à l'envi, depuis 
bientôt un siècle, les interprètes rationalistes. — 1° Les 
noms des personnages du livre auraient tous une si- 
gnification symbolique, en harmonie avec le rôle et Ja 
situation de ceux qui les portaient; ce qui suffirait, 
nous dit-on, pour démontrer le caractère fictif du ré- 
cit. E. Reuss, La Bible, t. \n, p. 20, répond très juste- 
ment que celte objection « repose sur des étymologies 
forcées ou purement gratuites. » En effet, on n'a pas 
encore réussi à s'entendre sur le sens véritable des 
noms de Ruth et de Booz; Élimélech, c'est-à-dire 
« mon Dieu (est) roi », n'a rien de particulier pour 
l'histoire de Ruth; Afâklonpeut désigner aussi bien la 
«perfection» que la ce langueur » maladive, et il en est 
de même de Kilyion; 'Orfàh, que l'on prétend avoir été 



1279 



RUTH (LIVRE DE) 



1280 



ainsi appelée parce qu'elle tourna le dos Çôrêf) à sa 
belle-mère, est plutôt un nom synonyme de « gazelle ». 
Voir Kœnig, Einleitung in das A. T., p. 287; Oettli, 
Die geschichll. Hagiographen, p. 215. — 2° Tous les ca- 
ractères seraient trop parfaits pour correspondre à la 
réalité. Ils sont admirables, il est vrai, mais simples 
e\.\tttane\s towyswcs-, vie^i ue montre qu'ils aient été 
idéalisés le moins du monde. L'objection est donc en- 
tièrement gratuite. Orfâh, d'ailleurs, n'a pas été parfaite, 
quoiqu'on ne puisse lui faire un reproche d'être restée 
dans son pays. — 3° On a prétendu voir aussi dans le 
livre de Ruth des traces d'érudition scientifique, qui 
démontreraient qu'il est le fruit d'un travail de cabinet. 
Cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3 e édit., t. i, 
p. 236; Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 
p. 236. Mais cette assertion porte à faux, car nulle part, 
dans le récit, on ne voit les marques d'une érudition 
proprement dite. Si l'auteur signale tel ou tel usage 
ancien, par exemple, iv, 7, s'il met sur les lèvres des 
notables un souhait qui rappelle l'histoire de Lia et de 
Rachel, rien ne dépasse en cela les limites de la con- 
naissance d'un Israélite ordinaire. — 4° On a dit encore 
que cette idylle pacifique aurait été impossible à l'époque 
orageuse des Juges. Cf. Wellhausen, dans Bleek, Ein- 
leitung, 4 6 édit., p. 204; Nowack, Richter und Ruth, 
p. 181 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 50. Mais le 
livre des Juges affirme en termes exprès, et à plusieurs 
reprises, Jud., m, 11, 30, etc., que les périodes de 
paix et d'accalmie furent loin de manquer totalement 
pendant cette époque, et l'histoire de Rulh fut préci- 
sément une oasis de ce genre au milieu du tumulte des 
invasions étrangères. — 5° On a prétendu que l'auteur 
du livre ne connaissait plus le parent le plus rappro- 
ché de Noémi, et que, ne pouvant citer son nom, il fut 
forcé de le désignerparla vague formule peloni'almoni, 
« un certain », îv, 1. Celte circonstance fournirait la 
preuve que l'histoire entière a été inventée. Mais il faut 
remarquer qu'un temps assez long s'était écoulé entre 
les événements et la composition du livre. L'ignorance 
de l'auteur sur ce point secondaire, supposé qu'elle 
ait été réelle, n'a donc rien d'étonnant; elle est une 
preuve de plus de sa sincérité, car un faussaire n'aurait 
nullement été embarrassé pour trouver un nom 
quelconque. — 6° Le mariage de Mahalon et de Chélion 
avec des femmes moabites aurait été contraire à la loi 
juive, et ce trait prouverait à lui seul le caractère pure- 
ment idéal de l'histoire. A l'appui de cet argument, on 
allègue le texte Deut., xxm, 3-4. 11 est vrai que le droit 
de cité en Israël était à jamais interdit aux Moabites, à 
cause du mal qu'ils avaient fait aux Hébreux après leur 
sortie d'Egypte. Cf. Num., xxv, 1-5. Toutefois, l'inter- 
diction faite par Moïse aux Israélites d'épouser des 
femmes étrangères ne concernait que les Chananéennes. 
Cf. Exod., xxxiv, 11-16; Deut., vi, 1-4. Plus tard, Esdras 
et Néhémie eurent de graves raisons de se montrer 
plus sévères, et d'interdire formellement à leur conci- 
toyens de contracter des mariages avec les femmes de 
Moab. Cf. I Esd., ix, 1-2; II Esd., xm, 23-29. Mais ces 
raisons n'existaient point à l'époque de Ruth. 

VII. But du livre de Ruth. — Tout le monde est 
d'accord pour reconnaître que ce livre a été écrit dans 
un but spécial. Mais, ici encore, les néo-criliques ont 
émis beaucoup d'idées fausses. — 1° Les fausses ten- 
dances. — 1. Bertholdt, Einleitung, t. v, p. 2331-2335, 
disait que le but principal de l'auteur aurait été d'éta- 
blir que le mariage du lévirat (voir Lévirat, t. iy, 
col. 213-216) ou son équivalent était stricteuent obli- 
gatoire, même à l'égard d'une parente issue d'une race 
étrangère. Voir aussi F. Benary, De Hebrseorum levi- 
ratu, Berlin, 1835, p. 30. Cette opinion a trouvé un cer- 
tain nombre de partisans. Le D r H. A. Redpath, dans 
le Dict. of the Bible de Hastings, t. iv, p. 316, croit 
également que notre livre a été composé d'une manière 



générale « pour servir d'illustration aux lois matri- 
moniales des Israélites. » Mais, quoique le récit roule 
tout entier autour du mariage de Ruth avec Booz, il ne 
met en saillie aucune tendance de ce genre. La ques- 
tion de la parenté des deux conjoints y est tout à fait 
secondaire. S'il avait eu en vue le lévirat, l'auteur 
aurait vraisemblablement rappelé la loi de Deut., 
xxv, 5-10, dans le cours de sa narration. — 2. Selon 
Kuenen, Introd. histor. et critique, trad. franc, § 96, 
notes 9 "et 10, et Godsdienst, t. n,p. 148-149; A. Geiger, 
Urschrifl und Uebersetzung, p. 49-55, Wildeboer, Lit- 
teratur des A. Test., § 21, n. 10; Kautzsch, Abriss 
der Geschichte des alttestam. Schriftums, p. 115-116; 
Nowack, Richter und Ruth, p. 181-185; Bertholet, Die 
fûnf Megilloth, p. 51-54, etc., l'auteur du livre, opposé 
en principe aux mesures de rigueur prises par Esdras 
et Néhémie contre les mariages que des Juifs nom- 
breux avaient contractés avec des femmes de nationalité 
païenne, aurait composé cette histoire en guise de pro- 
testation. Dans son petit livre, il indiquerait, nous 
dit-on, que parfois une femme étrangère était digne 
d'être incorporée au peuple de Jéhovah, et même d'y 
occuper une place d'honneur. Mais, s'il y a quelque 
chose d'inventé ici, c'est bien cette tendance prétendue. 
Si elle avait existé réellement, il aurait été beaucoup 
plus simple et plus naturel d'opposer à Esdras et à 
Néhémie, non pas le mariage mixte d'un Israélite peu 
connu, tel qu'était Booz, mais celui de David lui-même. 
Cf. I Par., m, 2. D'ailleurs, il est probable que Booz 
n'aurait pas songé à épouser Ruth, si celle-ci ne se 
fût mise sous sa protection en qualité de parente. 
Ajoutons avec le D r Strack, Einleitung in das A, Test., 
Munich, 1895, 4 e édit., p. 137, qu' « un livre d'une 
époque si tardive et ayant une telle tendance n'aurait 
jamais pu devenir canonique. » — 3. Le but de l'auteur 
aurait été entièrement politique, d'après la thèse assez 
étrange de E. Reuss, Gesch. des Alt. Testam.,^' édit., 
p. 292-298; La Bible, t. vu, p. 24-27. Écrit après la ruine 
du royaume des dix tribus schismatiques, le livre vou- 
lait démontrer, sous la forme d'un gracieux roman, à 
ceux des habitants |ui n'avaient pas été déportés dans 
les provinces, assyriennes, que les rois issus de David 
n'étaient pas seulement les héritiers du patriarche Juda 
par l'intermédiaire de Booz, mais qu'ils avaient aussi 
des droits très réels sur le territoire d'Éphraïm et de 
tout le royaume du nord, grâce à Obed, fils légal de 
« l'Éphraïmite» Mahalon; d'où il suit que les sujets du 
royaume du nord devaient se rallier aux descendants 
légitimes de David. On le voit, l'argument principal, on 
plutôt l'argument unique de Reuss consiste à regarder 
le titre 'Éfrâti (Vulgate, Ephrathsei), attribué à Mahalon 
et à Chélion, Ruth, i, 2, comme synonyme d'Éphraïmite. 
Sans doute, ce mot a quelquefois cette signification, 
cf. Jud., xii, 5; I Reg., I, 1; III Reg., xi, £6; mais il 
ne l'a certainement pas dans le livre de Ruth, où il 
désigne manifestement les habitants de l'ancienne 
Éphrata, c'est-à-dire de Bethléhem. Voir ÉPHRATA,t. ir, 
col. 1882. La thèse est donc fausse par sa base; aussi 
M. Reuss n'a-t-il convaicu personne. 

2° Vrai but de l'écrivain sacré. — 1 . Ce but se dé- 
gage très visiblement de l'ensemble du sujet traité, 
comme aussi de la liste généalogique qui termine 
l'écrit. Le livre de Ruth a été composé pour conserver 
le souvenir d'un touchant épisode qui intéressait la 
famille de David, et pour établir la série d'un certain 
nombre de ses ancêtres. En effet, les livres des Rois 
ne contiennent presque rien sur ces deux points, qui 
avaient acquis de l'importance lorsque la famille de 
David fut devenue famille royale. Cf. I Reg., xvi, 
1-13, etc\ Celui de Ruth, au contraire, nous renseigne 
officiellement sur la généalogie du grand roi du- 
rant toute la période des Juges, puisque Salmon avait 
dû être contemporain de Josué, et il rattache David à 



1281 



RUTH (LIVRE DE) 



1282 



îuda par Phares. Le but de l'auteur est donc directe- 
ment théocratique, montrant comment une femme 
d'origine étrangère, née au milieu d'un peuple païen, 
hostile et odieux à Israël, cf. Is., xv-xvi; Jer., xi.viij, 
était devenue d'une manière toute providentielle, à 
cause de son amour pour la nation et pour le culte de 
Jéhovah, l'aïeule du saint roi David. Voir F. Vigouroux, 
Manuel bibl, '12 e éd., t. n, p. 76; Umbreit, dans les 
Theolog. Studien und Kritiken, année 1834, p. 315- 
318. — 2. Le but du livre dans l'intention de l'Esprit- 
Saint se rattache étroitement à celui de l'auteur, mais 
il va beaucoup au delà. Il consiste à fixer, pendant la 
période marquée par la généalogie finale, la liste des 
ancêtres, non seulement de David, mais du Messie lui- 
même. Cela résulte clairement du passage parallèle, 
Matth., I, 3 b -5, qui insère sans aucune modification 
Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aïeux de N.-S. Jésus- 
Christ. Les anciens interprètes chrétiens l'avaient fort 
bien compris. Cur scripta est de Ruth historia? se 
demandait Théodoret, In Ruth., t. lxxx, col. 518. Et il 
répondait sans la moindre hésitation : Primum propter 
Christum Dominum. 

VIII. Place du livre dans le canon biblique. — Elle 
u'est pas la même dans la Bible hébraïque que dans 
les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hébraïque, le 
livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq 
Megillôf ou « rouleaux », qui font eux-mêmes partie 
de la troisième catégorie des écrits sacrés, les Ket ùbîm 
ou Hagiographes. Il vient immédiatement- après le 
Cantique des cantiques et précède les Lamentations de 
Jérémie. Dans les traductions officielles grecque et la- 
tine, il est placé à la suite du livre des Juges, auquel 
il se rattache directement par ses premiers mots : place 
très convenable, puisqu'il complète l'histoire des 
Hébreux à l'époque des Juges, et que, d'ailleurs, celle 
qui en est l'héroïne vivait à cette même époque. Il sem- 
blerait que les Juifs eux-mêmes lui ont aussi attribué 
primitivement cette place, car Joséphe, Cont. Apion., 
i, 8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n'en 
formant qu'un seul. Peut-être a-t-il été détaché tardi- 
vement de sa première place « lorsqu'on l'affecta à la 
lecture synagogale et qu'il dut, pour cette raison, faire 
partie des rouleaux officiels. s> L. Wogue, Hist. de la 
Bible et de l'exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8», 
Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fête de la Pen- 
tecôte. Méliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origène,dans 
Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille 
de Jérusalem, Cat., iv, 35, t. xxxm, col. 500, disent 
formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des 
Juges et de Ruth n'étaient comptés que comme un seul. 
Saint Jérôme fait de même dans son Prolog, galeat, 
t. xxviii, col. 553 : Deinàe subiexunt Sophtim, id est, 
fudicum librum, et in eumdem compingunt Ruth, 
quia in diebus Judicum facta narratur historia. 
Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. Apostol.,xxx\n, t. xxr, 
col. 374. A l'époque des Septante, le livre de Ruth était 
encore rangé parmi les livres historiques. C'est donc 
plus tard seulement, durant l'ère chrétienne, lorsque 



le canon juif reçut la forme qu'il a encore aujourd'hui, 
que le livre de Ruth fut placé parmi les Hagiographes 
en général, et spécialement parmi les cinq Megillôf. 
IX. Beauté littéraire. — Le livre de Ruth est géné- 
ralement admiré. On a dit de cette composition que 
c'est « une œuvre d'art exquise, d'un charme inexpri- 
mable » . Ce qui est vrai, à condition de ne pas exagérer 
le sens des mots œuvre d'art. Voir Cornill, Einleitung 
in das A. T., 2 6 éd., p. 242. « La variété ne manque 
pas à la poésie des Hébreux, écrivait A. de Humboldt, 
dans son Commentar zum west.-ôstlich. LHwan, p. 8, 
Cosmos, trad. franc., 1864, t. n, p. 53-54. Tandis que, 
depuis Josué jusqu'à Samuel, elle respire l'ardeur des 
combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un 
tableau de la simplicité la plus naïve et d'un charme 
inexprimable. Goethe, à l'époque de son enthousiasme 
pour l'Orient, l'appelait le poème le plus délicieux que 
nous eût transmis la muse de l'épopée et de l'idylle. » 
Le card. Gibbons écrivait de son côté, The Ambas- 
sador of Christ, in-12, Baltimore, 1896, p. 332 : 
« La simplicité de la vie pastorale des Hébreux est 
décrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant 
et si conforme à la nature, qu'elle n'est dépassée 
par aucun morceau d'Homère ou des Églogues de Vir- 
gile. » 

X. Bibliographie. — Théodoret, In Ruth, Migne, 
t. lxxx, col. 517-528; Midrasch Ruth Rabba, publié 
dans la Bibliotheca rabbinica àek. WwasaYve, Leipzig, 
1883; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. clxvii, 
col. 1057; Collegium rabbinico-biblicum in librum 
Ruth, publié par J. B.Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi« au 
xvm e siècle : Marcellinus Evangelista, O. M., Explana- 
tiones in libr. Ruth, Florence, 1586; Nie. Serarius, 
Indices et Ruth, explanali, Mayence, 1609; C. Sanchez, 
Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651; J. Khell, De 
Epocha historié Ruth, Vienne (Autriche), 1756; F. W. 
C. Umbreit, Ùber Geist und Zweck des Bûches Ruth, 
dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308; 
Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus per- 
petuaque interprétations illustratus, Tubingue, 1856; 
Auberlen, Die drei Anhànge des Bûches der Richter, 
dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860, 
ç. 536-568; C. H. Wright, The Book of Ruth in ffebrexv 
with a criticaïly revhseà Taxt, uanous Readings..., 
in-8°, Leipzig, 1864; C. Hamann, Annotationes cr'i- 
ticx et exegeticœ in libr. Ruth ex vetustissimis ejus 
interpretationibus depromptœ, in-8», Marbourg, 1871; 
A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied ini l'r- 
text, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8», 
1879; H. Zschokke, Biblische Frauen, in-8°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225; H. F. Kolil- 
brûgge, Verklsering van het Boek Ruth, in-8", Utrecht, 
1886; G. Wildeboer, Die Litteratur des AU. Testant, 
nach der Folge ihrer Entstehung, trad. du hollan- 
dais, in-8«, Gœttingen, 1895, p. 341-345; K. Budde, 
Vermuthungen zum Midrasch der Kônige, dans la 
Zeitschrift fur aUtestam. Wissenschaft, t. xn, 1892, 
p. 37-51. L. Fillion. 



DICT. DE LA BIBLE. 



V. 



41 



DICTIONNAIRE 











CONTENANT 

TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, d' ANIMAUX 

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES 

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES 

RELATIVES A L'ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT 

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES 

PUBLIÉ PAR 

F. pGOUROUX 

PRÊTRE DE SAINT-SULPICE 

AVEC LE CONCOURS D'UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS 



DEUXIÈME TIRAGE 



TOME CINQUIEME 

DEUXIÈME PARTIE 

s— z 










PARIS 

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS 

76 bls , RDE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis 
1912 



TOCS DROITS RÉSERVÉS 



S, quinzième, dix-huitième et vingt-et-unième lettre 
de l'alphabet hébreu. Voir Samech, Tsadé, Sin et Sciun. 

SA ou SAA (DE) Manoel, exégète portugais, né en 
1530 à Villa de Conde, province d'Entre DouroeMinho 
en Portugal, mort à Arona en Italie le 30 décembre 1596. 
Il entra à l'âge de quinze ans dans la Compagnie de Jésus. 
11 s'acquit de la réputation comme théologien et exégète 
et saint Pie V l'appela à Rome en 1557 pour prendre 
part aux travaux de la commission chargée de préparer 
l'édition des Septante qui parut sous le pontilicat de 
Sixte-Quint. On a de lui Scholia in quatuor Evange- 
lia, in-4", Anvers, 1598; 2 e édit., in-4°, Lyon, 1620; et 
Nofationes in totam Sanctam Scripturam, in-4°, 
Anvers, 1598; Cologne, 1610; in-f», Paris, 1943. Sa est 
surtout connu par ses Notaliones dans lesquelles il 
explique le sens littéral du texte sacré avec brièveté, 
clarté et précision. — De Backer, Bibliothèque, édit. 
Sommervogel, t. vu, 1896, p. 349. 

SAADIA? ou SAADIA HAG-GAON ben Joseph 
ha-Pithûmi, en arabe Said Ibn-Yaakûb al-Fayumi, 
rabbin juif, né à Dalas, dans le Fayoum (Egypte) en 
892, mort à Sora en Babylonie en 942. Le titre d'Hag- 
Gaon fut ajouté à son nom, parce que le prince de 
l'exil David ben Sakkai le choisit en 928 comme gaon 
ou chef de l'école de Sora. C'est un des rabbins les 
plus célèbres. Il est surtout connu parmi les orienta- 
listes par sa traduclion arabe du Pentateuque, à laquelle 
il travailla de 915 à 920. Voir t. i, col. 846. Ce fut le 
premier Israélite qui écrivit en arabe sur la Bible. Il a 
laissé des commentaires et des écrits de divers genres, 
p?rmi lesquels on peut mentionner son «Explication des 
mots rares de la Bible », publiée pour la première fois 
par L. Dukes, dans la Zeilschrift fur die Kunde des 
Morgenlandcs, v, 1844, p. 1151; puis par Geiger, dans 
sa Wissenchaflliche Zeilschrift, Leipzig, 1844, t. v, 
p. 317-324, avec des corrections importanles. On trouve 
dans les Œuvres complètes de Saadia, publiées sous la 
direction de J. Derenbourg, Version arabe du Penta- 
teuque de Saadia, par J. Derenbourg, 1. 1, Paris, 1893; 
Version a"Isaïe (en caractères hébreux), par J. Deren- 
bourg, t. m, Paris, 1896; Version arabe des Proverbes, 
par J. Derenbourg et Mayer Lambert, t. vi, 1894. — Voir 
Rappaport, Biographie de Saadia, dans Bikkure 11a- 
lttim, Vienne, 1828, ix, p. 20-37; S. Munk, Notice 
sur Rabbi Saadia Gaon et sa version arabe, dans la 
Bible de Cahen, Paris, 1838, t. ix, p. 73; Ewald et 
Dukes, Bel trâge zur Geschicltte der âlteslen Auslegung 
des Allen Testaments, Stuttgart, 1844, t. i, p. 1-115; 
t. h, p. 5, 115; J. Guttmann, Die Religionsphilosophie 
des Saadia, Gœllingue, 1882; M. Wolf, Zur Charak- 
teristik der Bibelexegese Saadias Alfayummi's, dans 
la Zeilschrift fur die altteslamentliche IT issenschafl, 
t. iv, 1884, p. 225; t. v, 18?-"), p. 15; Graetz, Histoire 
des Juifs, t. iv, trad. M. Bloch, Paris, 1893, p. 1-12. 

SAAL (hébreu : Se'âl; Septante : 2a).oj:a; Alexan- 
drinus : Eadc).)i un des fils de Bani qui avait épousé 

DICT. DE LA BIBLE. 



une femme étrangère et qui fut obligé par Esdras de 
la quitter. I Esd., x, 29. 

SAANANIM, localité dont le site est inconnu et 
dont le nom même est douteux. Dans Josué, xix, 33, 
DI337Ï3 ]V»», « le térébinthe qui est à Sa'ânannim », 
d'après un certain nombre de traducteurs, est marqué 
comme une des frontières de la tribu de Nephthali. 
Au lieu de traduire par « térébinthe ou chêne de Saa- 
nannim », la Vulgate a pris le premier mot'Ëlôn pour 
un nom propre et traduit : « La frontière (de Nephthali) 
commence à... Élon en Saananim. » Dans les Juges, 
IV, 11, nous lisons que Héber, le Cinéen, avait dressé 
ses tentes jusqu'à DWsn ]ihn, que plusieurs tra- 
duisent comme dans Josué,'« le térébinthe de Sa'ànai'm » 
ou plutôt « Sa'ananîm » en acceptant la lecture du 
keri des Massorètes. La Vulgate a traduit ici «la vallée 
qui est appelée Sennim ». Sur ces différentes traduc- 
tions, voir Éi.on 4, t. il, col. 1703. — Quant au vrai 
nom de Saanannim, il est un sujet de discussion. Cer- 
tains critiques soutiennent que le a, b, qui précède 
Sa'ânannim et Sa'ânnim dans le texte hébreu, n'est pas 
la préposition be, « dans », comme l'a compris la Vul- 
gate, mais la première consonne du nom propre, dont 
elle est une partie intégrante, ainsi que l'ont pensé les 
Septante qui ont transcrit BesEijuiv (Alexandrinus : 
Be<jevav![i), Jos., xix,33. Cette opinion est soutenable. 
— R. Conder, Tentwork in Palestine, t. n, p. 132; 
Memoirs, t. i,p. 365, identifie Saananim avec Khirbet 
Bessim, au nord du mont Thabor,et Cédés qui, d'après 
Jud., îv, 11, était voisin, est la ruine actuelle de 
Qadisch, sur le bord du lac de Tibériade et au sud de 
la ville qui donne son nom au lac. D'après Gesenius, 
Thésaurus, p. 1177, l'étymologie de Sa'ânannim est 
« chargement des bêtes de somme », ce qui fait allu- 
sion à la levée d'un camp de nomades qui chargent 
leurs bêtes quand ils émigrent d'un campement dans 
un autre. « De l'identité de signification, dit Tristram, 
Bible Places, p. 278, on a conjecturé que Bessim est 
Saanannim, un peuà l'estduThabor.Dans cette plaine, 
on peut toujours voir les tentes noires des Bédouins, 
les Cinéens de nos jours. » On identifie plus souvent 
le Cédés de Jud., iv, 11, avec Cédés de Nephthali. Voir 
Cédés 1, t. ii, col. 360; Nephthali 2, t. iv, col. 1593. 

SAAPH (hébreu : Sa'af; Septante : Sayas; Alexan- 
drinus : Sayâç), nom de deux Israélites. 

1. SAAPH, le plus jeune des six fils de Jahaddaï 
(t. m, col. 1105), de la tribu de Juda. I Par., n, 47. 

2. SAAPH, le troisième des quatre fils que Caleb, de 
la tribu de Juda, eut de Maacha, une de ses femmes de 
second rang. Saaph fut « père », c'est-à-dire fondateur 
de la ville de Madména. 1 Par., n, 49. VoirMEDÉMENAl' 
t. iv, col. J14. 

SAARIM (hébreu : Sa'âraim, « les deux portes s ; 
Septante : [Bapou]<xEwp!'m par l'union de ce nom avec une 

V. — 41 a 



4285 



SAARIM — SABA 



1286 



partie du mot précédent dans l'hébreu : [Bèt] bir'i), 
ville de la tribu de Siméon. I Par., iv, 31. Dans Josué, 
six, 6, elle est appelée Sdrâhén (Vulgate : Sarohen; les 
Septante ont traduit: oi àYpoi oûtwv, «leurs champs », 
parce qu'ils ont lu sans doute pnï, au lieu de jrmti). 

Dans Josué, xv, 32, son nom est écrit d'ïi^ti;; Septante : 

SaXri; Alexandrinus : SeXselV; Vulgate : Selim. Cette 
ville siméonite était située dans la partie méridionale 
de la Palestine, que le texte hébreu appelle Négéb. 
Jos., xv, 21, 32. Voir Négeb, t. iv, col. 1557. Le site est 
inconnu. C'est peut-être la ville chananéenne qui 
est mentionnée dans les annales de Thothmès III, 

Mil "w" •*. 14-a, Sarohana, comme « forteresse du 

pays de Saruana ou Saluana ». — Une autre ville 
de la tribu de Juda, qui porte en hébreu le même 
nom de Sa'âarim, est appelée dans la Vulgate Saraïm. 
Jos., xv, 36. La plupart des commentateurs ont fait de 
Saarim et de Saraïm une même ville, à cause de la 
similitude de nom, et parce que la ville de Saraïm 
avait été attribuée primitivement à la tribu dé Juda, 
à laquelle appartint aussi Saraïm ; mais il y a lieu de les 
distinguer parce que d'après le texte sacré Selim = 
Saarim était située dans le Négéb, tandis que Saraïm 
était dans la Séphéla. Jos., xv, 33, 36. Voir Saraïm. 

SABA, nom d'homme et de pays. La Vulgate trans- 
crit ainsi des mots orthographiés diversement en 
hébreu. 

1. SABA (hébreu : Sebâ'; Septante : Eaëi), fils aîné 
de Chus, Gen., x, 7; I Par., i, 9. Son nom désigne ses 
descendants et le pays qu'ils habitèrent. Il faut distin- 
guer avec soin ce-Saba des autres qui portent le même 
nom dans la Vulgate, mais non en hébreu. Seba' est 
aussi nommé, Ps. lxxii (lxxi), 10, où il est dit que les 
rois de Seba' an* (Vulgate : Arabes) et de Seba', N3D 

t : 

(Vulgate : Saba), apporteront leurs présents ou leur 
tribut à Jérusalem (au Messie). Isaïe, xliii, 3, nomme 
Sebâ' avec l'Egypte et Chus (l'Ethiopie). De même, xlv, 
14, où le prophète, au lieu de Sebâ', emploie le nom 
ethnique Sebd'lm, et dit que les Sabéens (Vulgate : 
Sabaim) sont « des hommes de haute taille ». Ce sont 
là les seuls passages où l'Écriture nomme Sebâ' et ses 
habitants, à moins qu'on n'admette avec certains cri- 
tiques que les Sebâ'im sont aussi nommés dans Ézé- 
chiel, zxiii, 42, comme le porte le keri; le chethib a 
□>N3iD, « les ivrognes » (Alexandrinus : oivopjvoi; 

omis dans le Vaticanus et dans la "Vulgate). Le syriaque 
a adopté la leçon « Sabéens » et elle paraît la plus na- 
turelle. Josèphe, Ant. jud., II, x, 2, a identifié Sebâ' 
avec Méroé. Cette identification est la plus communé- 
ment acceptée. Voir Ethiopie, t. n, col. 2007-2008. 

2. SABA (hébreu : Sebâ'; Septante : Saga), fils aîné 
de Regma et petit-fils de Chus; il eut pour frère Dadan. 
Gen., x, 7; I Par., i, 9. Voir Saba 5. 

3. SABA (hébreu : Sebâ' ; Septante 'Sa.Sx), descen- 
dant de Sem, fils de Jectan. Gen., x, 28; I Par., i, 22, 
Josèphe, Ant. jud,, I, vi, 4, l'appelle SaSe-Jç. Voir 
Saba 5. 

4. SABA (hébreu : Seba; Septante : Eaëcc), fils de 
Jecsan et frère de Dadan, petit-fils d'Abraham et de 
Cétura. Gen., xxv, 3; I Par., i, 32. Voir Saba 5. 

5. SABA (hébreu : Seba'; Septante : Saëâ), peuple 
et contrée d'Arabie, III Reg., x,l,4, 10,13; II Par., ix, 
1, 9, 12; Job, i, 15 (hébreu : Sebâ'; Vulgate : Sabsei); 
vi, 19; Ps. lxxi (lxxii), 10 (Vulgate : Arabes), 15 (Vul- 
gate : Arabia); Is., lx, 6; Jer., vi, 20; Ezech., xxvu, 



22, 23; xxxvni, 13. —Joël, m, 8 (hébreu, iv, 8), nomme 
les Seba'im ou Sabéens. Les Septante avaient déjà 
identifié Saba avec l'Arabie, Ps. lxxi, 10, 15, et tous 
les savants admettent leur interprétation d'une façon 
générale. — Les Sabéens, d'après les données de 
l'Écriture, étaient de trois races différentes, chami- 
tique-couschique (voir Saba 2), sémitique jectanide, 
(voir Saba 3) et sémitique jecsanide (voir Saba 4). 
Elles purent se mélanger plus ou moins ensemble 
dans la suite des temps. Il est aussi possible que la 
couche sémitique se soit superposée à la couche cha- 
mitique. Mais, à en juger par la comparaison des divers 
renseignements fournis par la Bible, les Sabéens sep- 
tentrionaux paraissent être jecsanides, ceux de l'est 
couschites et ceux du midi jectanides. Il existait donc 
des Sabéens dans différentes parties de l'Arabie : 
il y en avait dans le nord (les Sab'u des inscriptions 
assyriennes), Job, i, 15; VI, 19; dansl'est(Ezech., xxvn, 
22, cf. 20-21, Saba est associé avec Regma, qu'on 
place communément à l'est, sur la rive arabe du golfe 
Persique), et dans le sud, comme l'indiquent les pro- 
duits du pays : la reine de Saba offre à Salomon une 
grande quantité d'or et d'aromates, avec des pierres 
précieuses, III Reg., x, 10; II Par., ix, 9; les 
Psaumes, lxxii (lxxi), 15, et Isaïe, lx, 6, mentionnent 
l'or du pays ; le même prophète, lx, 6, et Jérémie vi, 
20, l'encens. Ces richesses du pays des Sabéens 
avaient valu à leur contrée le nom d'Arabie heureuse, 
Arabia Félix, et les avaient rendus célèbres dans l'an- 
tiquité : la manière dont en parlent les auteurs profanes 
confirme ce qu'en disent les auteurs sacrés. Stra- 
bon, XVI, IV, 19, 21 (Saëaïov xr|V eûSacV-ova 'Apaêfav 
vé[icivt«i, etc.); Diodore de Sicile, m, 38, 46; PIine,ffl. N., 
vi, 32; Gesenius, Tliesaurus, p. 351. La reine de Saba 
qui alla visiter Salomon à Jérusalem était reine des 
Sabéens (et non des Éthiopiens). Voir Saba 6. 

Les recherches qui ont été faites en Arabie par des 
voyageurs européens et les nombreux travaux des sa- 
vants sur les inscriptions sabéennes depuis une cin- 
quantaine d'années nous ont fait connaître beaucoup 
mieux que les auteurs anciens ce qu'avait été ce pays 
et quelle était sa richesse et son importance. Ces ins- 
criptions embrassent une période de treize siècles en- 
viron. Des inscriptions datées de Marib sont du v s et 
du vi e siècle de notre ère. Ce fut au vi e siècle que le 
royaume Sabéen fut complètement détruit par les 
Abyssins. 

Saba était le nom de la nation qui habitait l'Yémen, 
au sud de la péninsule arabique. Du temps d'Ératho* 
sthéne, vers 240 avant J.-C, elle se composait de quatre 
grandes tribus entre lesquelles était partagée l'Arabie 
méridionale : les Minéens dont la ville principale était 
Karna; les Sabéens proprement dits, capitale Maryab 
ou Marib; les Kattabaniens, capitale Tamna, et l'Hadra- 
maut, capitale Katabanon.Les inscriptions parlent sou- 
vent des rois de Saba. Sargon, dans ses Annales, Botta, 
75, lig. 6, nomme parmi ses tributaires le « Sabéen 
Ithamara » (lt-'-am[a-]ra mat Sa-ba-ai), Ce nom 
se retrouve dans les inscriptions sabéennes sous la 
forme Yetha'amara, comme celui de six rois ou chefs 
sabéens, dont l'un d'entre eux doit être celui qui est 
mentionné par le roi d'Assyrie. Malheureusement les 
inscriptions sabéennes ne sont pas généralement histo- 
riques et ne permettent pas de reconstituer l'histoire 
des Sabéens d'une manière satisfaisante; une partie 
raconte les razzias faites par les tribus; un grand 
nombre sont religieuses. Ces dernières attestent l'abop- 
dante richesse du pays en or, en argent et en parfums. 

Voir A. P. Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire 
des Arabes avant l'islamisme, 3 in-8°, Paris, 1847; 
J. Halévy, Inscriptions sabéennes, dans le Journal 
asiatique, 1872, p. 129, 489; David H. Mûller, Die 
Burgen und Schlôsser Sûdarabiens nach den Ihlli 



1287 



SABA — SABAOTIÎ 



1288 



des TTamdâni, dans les Sitzungsberichte der k. Aka- 
demie der Wissenschaften, Phil. Ida t. Classe, t xciv, 
1879, p. 335; t. xcvu, 1881, p. 955; P. Schlumberger, Le 
trésor de Saria, in-4°, Paris, 1880; Mordtmann, dans 
Wiener Numismatik Zeitschrift,iS80, p. 289-320; J. H. 
Mordtmann et D. H. Mûller, Sabâische Denkmâler, 
Vienne, 1883; Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und 
Géographie Arabiens, t. Il, Berlin, 1890; Mordtmann, 
Himyarische Inschriften in den k. Museen zu Berlin, 
1893; H. Derenbourg, Les monuments sabéens du Musée 
d'archéologie de Marseille, 1899; D. H. Mûller, Siïda- 
rabische Allerthùmer in kunsthistorischen Hofmu- 
seutn, Vienne, 1899; Fr. Hommel, Die sudarabische 
Alterlhûmer des Wiener Hofmuseums, dans ses 
Aufsâtze und Abhandlungen, t. n, 1900; Corpus 
inscriptionum semiticarum, part. IV, 1889 sq. 

F. Vigouroux. 
6. SABA (REINE DE). Elle alla visiter Salomon à 
Jérusalem, attirée par la réputation de sa sagesse, et 
lui offrit de riches présents. Salomon lui en fit à son 
tour, devina les énigmes qu'elle lui proposa et la 
remplit d'admiration pour sa sagesse. III Reg., xi, 1-13; 
II Par., ix, 1-12. Notre-Seigneur a rappelé cet épisode 
dans un de ses discours, Matth., xn, 42; Luc, xi, 31, 
en la désignant sous le nom de « reine du midi ». 
Josèphe, Ant.jud., VIII, VI, 1, l'appelle Nicaulis et la 
fait reine d'Egypte et d'Ethiopie. Les Éthiopiens n'ont 
pas manqué de la revendiquer : ils l'appellent Makeda 
et disent qu'elle eut de Salomon un fils nommé Méne- 
lek, ancêtre des rois d'Ethiopie. Les Arabes appellent la 
reine de Saba Bilkis, et le Coran, xxvn, 24, raconte son 
histoire en l'entremêlant de fables. — La reine de Saba 
était arabe et non éthiopienne. Les inscriptions sabéennes 
retrouvées jusqu'ici ne mentionnent pas de reine sabé- 
enne; une femme cependant paraît être appelée « maî- 
tresse d'un château-fort (Corpus inscript, semit., 
part. IV,n. 179), etles monuments assyriens mentionnent 
sous Théglathphalasar III, Samsi ou Samsiéh et Zabibi, 
reines de la terre des Aribi; sous Asarhaddon, Yapa, 
reine de Dihuta, et Bail, reine d'Ihil. Voir F. Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. m, p. 254-257 ; F. Prsetorius, Fabula de regina 
Sabsea apud Mlhiopes, in-4°, Halle, 1870; A Rosch, 
Die Kônigin von Saba dis Kônigin Bilqis, dans les 
Jahrbàcher fur protestantische Théologie, t. vi, 1880, 
p. 524-572. 

SABACTHAN1 (grec : <7a6axO<xvî); verbe araméen, 

, 9 
. \K n -> a) de la racine sebaq, à la seconde per- 



sonne du singulier du parfait, avec suffixe de la pre- 
mière personne, traduction du mot hébreu >2pni7, 
du Psaume xxn (xxi), 2, dereliquisli me, tel qu'il fut 
prononcé sur la croix par Notre-Seigneur : « Mon Dieu, 
mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » Matth., 
xxvn, 46; Marc, xv, 31. Voir Petersen, Erforschung 
des Wurtes axêxyfixil (sans lieu), 1701. 

1. SABAIM (hébreu: Sebaïm, « les gazelles »; Sep- 
tante : EaSaij*), nom d'homme ou de lieu. II Esd., 
vu, 59. Ce nom est écrit Asebaïm dans 1 Esd'., il, 57. 
Voir Asebaïm, t. i, col. 1075-1076. 

2. SABAIM (hébreu : Sebà'îm; Septante : Eaëaef|i.), 
les Sabéens. Is., xlv, 14. Voir Saba. 5 et Sabéens. 

SABAMA (hébreu : hm'ït, « fraîcheur » ou « par- 
fum »; Septante : Seêaai; dans Jer., 'A^prini), ville 
de la tribu de Ruben. Le texte hébreu écrit ce nom 
Dafr, Sebdm, Num., xxxn, 3. Dans ce passage, la Vul- 

gate porte Saban. — 1° Celte ville appartint d'abord aux 



Moabites, puis aux Amorrhéens, Num., xxi, 26, ensuite 
aux Rubénites; du temps d'Isaïe, xvi,8-9, et de Jérémie, 
xlviii, 32, elle était retombée au pouvoir des Moabites. 
Quand Moïse se fut emparé du pays situé à l'est du Jour- 
dain, les descendants de Gad et de Ruben lui demandé* 
rent, à cause de leurs nombreux troupeaux, à s'établir 
dans le pays conquis, qui était riche en pâturages. Ruben 
reçut pour sa part entre autres villes Sabama,qui était 
en ruines et qu'il restaura. Num., xxxn, 3, 38; Jos., 
xiii, 19. A quelle époque les Moabites en reprirent-ils 
possession, nous l'ignorons. Tout ce que nous savons, 
c'est que Isaïe, xvi, 8, 9, et Jérémie, xlviii, 32, la 
comptent parmi les villes moabites dont ils annoncent 
la désolation. 

2° Eusébe et saint Jérôme, dans VOnomasticon, 1862, 
p. 320, 321, disent que « Sabama est une ville de 
Moab, dans le pays de Galaad. » Saint Jérôme ajoute, 
In ls., xvi, 8, J. xxiv, col. 174, que « Sabana est à 
peine à cinq cents pas d'Hésébon ». Cetie ville est en 
effet nommée à côté d'Hésébon, Num., xxxn, 3; Is., 
xvi, 8, mais son site n'a pas été identifié d'une ma- 
nière certaine. Les uns le placent hypothétiquement à 
Chanab, au nord d'Hésébon, t. m, col, 1160; d'autres 
à Soumia, au nord-ouest de la même ville, à trois 
kilomètres environ, voir Ruben, carte, fig. 266, col. 1268, 
sur le flanc méridional de Vouadi Hesban. On re- 
marque en cet endroit des ruines, des tombeaux et des 
pressoirs taillés dans le roc. Ces pressoirs rappellent 
ce que disent Isaïe et Jérémie des vignes de Sabama, 
des chants des vendangeurs et des raisins qu'ils fou- 
laient dans les pressoirs. Is., xvi, 8-10; Jer., xlviii, 
32-33. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, 
Eastern Palestine, p. 221. 

SABAN, ville de Ruben. Num., xxxn, 3. Voir 

Sabama. 

SABANIA (hébreu : Sebanyâh [Sebanayahû, I Par., 
X, v, 24], « Jéhovah a fait croître »), nom de quatre 
descendants de Lévi dans le texte hébreu. La Vulgate 
appelle deux d'entre eux Sabania. Elle écrit le nom 
de Sebaniyahû, I Par., xv, 24, Sebenias, et celui de 
Sebanyâh, II Esd., x, 4, Sebenia. Dans II Esd., xn, 3, 
aekanyâh paraît être pour Sebanyâh (Vulgate : Se- 
benias). — 11 existe un sceau antique poriant le nom de 
Sebanyâh. Voir t. m, fig. 68, col. 310. Cf. Ad. de Long- 
périer, Œuvres, t. i, p. 198-199. 

1. SABANIA (hébreu : Sebanyâh; Septante : Eeyevt'a, 
avec de nombreuses variantes), lévite qui, du temps 
d'Esdras, se tint avec d'autres sur l'estrade et implora 
Dieu à haute voix. II Esd., ix, 4, 5. Au f. 5, la Vulgate 
écrit son nom Sebnia (omis dans les Septante). Ce nom 
se retrouve au milieu de celui des signataires de l'al- 
liance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x,. 
11 (10). La Vulgate écrit son nom au f. 10. Sebenia; 
Septante; Saêaviâ. 

2. SABANIA (Septante : Eeëavi'a), autre Lévite qui 
signa le renouvellement de l'alliance faite avec Dieu 
du temps de Néhémie. II Esd., x, 12. 

SABAOTH, forme grécisée du mot hébreu niNiï, 

t : 

pluriel de »ox, qui, précédé d'Elohim ou de Jéhovah, 

T T 

est un des noms de Dieu. La Vulgate n'a conservé 
qu'une fois le mot Sabaoth dans l'Ancien Testament, 
Jer., xi, 20; il se lit deux fois dans le Nouveau, Rom., 
ix, 29; Jac, v, 4; ailleurs il est traduit par exercitus, 
Jer., iv, 14, etc., virtutes, Ps. xxm, 10, etc., dans le 
sens de « forces ». Les Septante ont 2aëa<i9, écrit aussi 
2u8Saw8, 1 Reg., i, 3, 11 ; xv, 2 ; xvii, 2 ; Is., i, 9, etc. ; mais 
le plus souvent ils l'ont traduit luavToxpxnop. II Reg., v, 



1289 



SABAOTH — SAËATHAÏ 



1290 



10; vu, 18, etc. Le mot Sabaoth n'est jamais employé 
seul comme nom de Dieu dans l'Écriture, mais comme 
complément; ce n'est que par oubli du sens du mot 
qu'il a été pris plus tard comme nom propre par 
quelques écrivains grecs, par exemple, Orac. Sibyll., 

I, 304. 

1° Emploi. — Sabaoth est précédé ordinairement de 
« Jéhovah » quand il est appliqué à Dieu. Voir Jéhovah, 
t. m, col. 1221, tableau, col. iv). 'Âdônâï est quelquefois 
placé devant Yehôvdh ha$-Sebâ'ô(, Is.. m, 15; xin,15; 
Amos, ix, 5, etc.; ou bien hâ'-Adôn, 1s., i, 24; xix, 4; 
hâ-Adôn Yehôvdh Seba'ôt; dans d'autres passages, 
nous lisons : Yehôvdh 'Elôhê Sebdôt, II Sam., v, 10; 
I(III) Reg., xix, 10, 14; Ps. lxxxix, 9; Jer., v, 14; xv, 
16; xxxv, 17; xxxviii, 17; xliv, 7; Ose., xii, 6; Amos, 
m, 13; iv, 13; v, 14, 15, (16 suivi de 'Adànaï) 27; vi, 8, 

II. Nous trouvons : Yehôvdh 'Èlôhîni Seba'ôt (au 
lieu d'i?(o7iê),Ps. lix, 6; Lxxx,5,20; lxxxiv,9; 'Adônaï 
"ie'iôvâh 'Elôhê has-Seba'ôt, Amos, m, 13; 'Elôhîm, 
Seba'ôt (sans Yehôvdh), Ps. lxxx, 8, 15. Ce nom est 
surtout fréquent dans les prophètes. Voir le tableau, 
t. m, col. 1221. On ne le rencontre ni dans le Penta- 
teuque, ni dans Josué, ni dans les Juges. 

2» Signification. — N2X, employé comme nom com- 
mun, signifie « une multitude organisée, d'où armée», 
Num., i, 3; xxxi, 36; Deut., xxiv, 5, et, par extension, 
une troupe, une armée au ligure : c'est ainsi que les 
anges ou les troupes angéliques sont appelés Sebâ' ha$- 
sdmaim, l'armée céleste, I (III) Reg., xxii, 19; II Par., 
xvm, 18; Ps. cm, 21; cxlviii, 2;cf. Jos., v, 14, 15; oipa- 
•ctà ojpàvioî, mililia cselestis, Luc, il, 13; les astres sont 
aussi nommés seb'd haS-sdmaîm, Jer., xxxm, 22; cf. Is., 
xl, 26; xlv, 12, etc.; Matth., xxiv, 9 (oef 8'jvdtp.si; tmv o-j- 
pocvûv = ye6'd has-sàmâim, les Septante ayant plusieurs 
fois traduit sâbd' par Savait; dans l'Ancien Testament). 
Les écrivains sacrés, en appelant Dieu Yehôvdh Se- 
ba'ôt, nous le représentent donc ayant sous ses ordres, 
pour exécuter ses volontés, une armée céleste, comme 
les rois de la terre ont une armée terrestre, et c'est 
peut-être pour ce motif que cette appellation n'apparait 
en Israël qu'après l'institution de la royauté. L'armée 
céleste dont Jéhovah est le Dieu est surtout l'armée 
angélique, comme l'admettent la plupart des inter- 
prètes, quoiqu'il soit en même temps le Dieu des 
astres dont il est le créateur. Il ne faut donc pas en- 
tendre par Sabaoth les armées d'Israël, ni, non plus, 
l'ensemble des choses créées, comme semblent l'avoir 
compris les Septante, qui ont traduit Yehôvdh Sebâ'ôf 
par Kjpioç nscTraxpârwp, « tout-puissant », II Reg., v, 
10 ; vu, 8, 26, etc. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1146. On 
trouve d'ailleurs aussi dans les Septante KûpcoçSa6aw6, 
I Reg,, i, 3,11; xv, 2; xvn, 45; Is., i, 9; vi, 15, etc., 
K-jpio; râv cuvajiéuv, « Seigneur des armées », IV Reg.; 
In, 14 (hébreu: Yehôvdh Sebâ'ôf; Vulgate : Dominus 
exercituum). F. Vigouroux. 

SABARIM, nom, dans la Vulgate, de deux localitéj 
qui ont une dénomination différente dans le texte 
hébreu. 

1. CABARIM (hébreu : has-Sebarim, « brèches » ; les 
Seplante [et le TargumJ prennent ce mot pour un nom 
commun et traduisent (ruvérpi^acv, « ils mirent en 
pièces »), localité des environs de Haï (t. m, col. 398). 
Josué ayant envoyé de Jéricho trois mille hommes 
pour s'emparer de Haï, les habitants les repoussèrent 
«t les poursuivirent jusqu'à Sabarim en frappant les 
fuyards. Jos., vu, 5. Cette localité était donc située 
sur la route qui descendait de Haï à la vallée du 
Jourdain, mais son emplacement précis n'est pas connu. 

2. SASARIM (hébreu: Sibraim; Septante: [;] 'Egpa|i- 
■nXiii».] , les • noms propres contenus, dans le f. 16 



d'Ézéchiel, xlvii, ont été mal coupés), une des localités 
qui marquent la frontière idéale de la Palestine, au 
nord, dans le partage de la Terre Sainte par Ézéchiel, 
xlvii, 16. Sabarim était située entre la frontière de 
Damas et la frontière d'Émath, mais le site est inconnu. 
On a proposé d'identitier Sabarim avec Zéphrona,Num., 
xxxiv, 9, qui, d'après quelques géographes, est la 
Safrânéh actuelle à l'est de l'Oronte, sur la route de 
Homs à Hamah, ou avec Schomeriyéh à l'est du lac de 
Homs. Le P. J. P. van Kasteren, La Frontière septen- 
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 
1895, p. 24, 31, identifie le Sabarim d'Ézéchiel avec le 
Khirbet Senbariyéh, au pied de l'Hermon, à l'ouest de 
Banias, sur le Nahr Hasbani. 

SABATH (hébreu : Sebdt; Septante : Eagâr; en 
babylonien : sa-ba-tu), onzième mois de l'année Juive, 
de trente jours. Zach., i, 7; I Maeh., xw, 14. Voir 
Buxtorf,. Lexic. chald. talni., i869, col. 1148. If cor- 
respondait à la dernière partie de janvier, et à la pre- 
mière partie de février. Voir Calendrier, t. u, col. 66. 

SABATHA (hébreu : Sabfdh, Gen., x, 7; Sabfâ', 

I Par., 9; Septante : Saôarrâ, Saêa-râ), Je troisième 
des cinq tils de Chus, descendant de Cham, dont la 
postérité habita probablement la côte méridionale de 
l'Arabie. Les opinions des géographes sont très diverses 
au sujet de l'endroit précis de la région de Sabatha.La 
plupart reconnaissent les traces de la tribu cousebite 
dans le nom de la ville de Sabalha, ville commerciale 
importante de l'Arabie heureuse. Ptolémée, VI, 7, 38; Pe- 
ripl., édit. Mûller, dans les Geogr. min., p. 278, 279, etc. 
Strabon, XVI, IV, 3, fait de Sagatâ la capitale des 
XaTpa|i.<<>T!Tac; Pline, H.N., vi, 32,155, dit qu'elle renfer- 
mait soixante temples : A tramilœ (aujourd'hui Hadra- 
maut), quorum caput Sabota {Sabatha), sexaginta 
templa mûris includens. Cf. xn, 32. Ed. Glaser, Skizze 
der Geschichte und Géographie des Arabiens, t. u, 
1890, p. 252, identifie Sabatha avec Dhu'l Sabtd,a côlé 
d'El-Abatir, dans l'Yémamah, mais cette identification 
est très conleslable. 

SABATHACA (hébreu : Sabtekd'; Septante^ Saëa- 
6axà, Gen., x, 7; SEgeÔaydc, I Par., I, 91), le dernier 
des cinq fils de Chus, descendant de Cham. L'identifi- 
cation du pays représenté par la famille chamitique 
de Sabathaca est très douteuse. Bochart, Phaleg., IV, 4, 
Opéra, 1692, t. u, col. 212, assimile Sabathaca à la ville 
de 2<x[uSdcx(], mentionnée par Ptolémée, VI, 8, 7, et 
située en Caramanie, aujourd'hui Kirman, sur la rive 
orientale du golfe Persique. Cette opinion a été adoptée 
par un assez grand nombre de commentateurs. D'autres 
placent Sabathaca en Ethiopie. Gesenius, Thésaurus, 
p. 936. Il s'appuie sur le Targum du Pseudo-Jonathas, 
qui explique Sabathaca par 'Nui, Dang'i, c'est-à-dire 
Zingis, ville et cap de l'Ethiopie orientale, au nord du 
cap Guardafui, au sud d'Opone sur le sinus barbaricus. 
Ptolémée, IV, 7, 10. Ce nom de Zingis subsiste encore 
dans celui d'une tribu abyssine, les Zeng, qui habitent 
sur la rive droite du Nil. Voir Maçoudi, Les Prairies 
d'or, édit,, Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, 
Paris, 1861-1866, t. m, p. 5. Comme Regma est nommé 
immédiatement avant Sabathaca, Gen„ x, 7, il est plus 
vraisemblable de placer cette dernière à l'est de la pré- 
cédente c'est-à-dire sur le golfe Persique, comme le font 
observer les partisans de Samydace. Ed. Glaser, Skizze 
der Gesch. und Geog. des Arabiens, t. u, p. 252. 

SABATHAÏ (hébreu : Sablai, « sabbatique », né le 
jour du sabbat; Septante : EagêocGai; Vulgate : Sebe- 
tliai, dans I Esd., x, 15; Vaticanus, Alexandrinus, 
Sinaiticus : Saâëiôaîoç; Vulgate : Septhaî, dans 

II Esd., vu, 8; omis dans les Septante; Vulgate : Sa- 



1291 



SABATHAÏ — SABBAT 



1292 



balhai, dans II Esd., xi, 16), lévite contemporain d'Es- 
dras et de Néhémie. La Vulgate traduit, I Esd., x, 15 : 
« Jonathan et Jaasia... furent établis pour cette affaire 
(pour régler les points de détail dans la question du 
renvoi des femmes étrangères épousées par les Juifs), 
et Mesollam et Sébéthaï, lévites, les y aidèrent. » 
L'hébreu porte au contraire : « Il n'y eut que Jona- 
than... et Jaasias... pour s'opposer à cela (le renvoi des 
femmes étrangères), et Mosollam et Sabtaï, le Lévite, 
les appuyèrent. » Sabathaï figure parmi les Lévites qui 
furent chargés d'expliquer la Loi au peuple, II Esd., 
vin, 7; xi, 16, parmi les chefs des Lévites qui s'éla- 
Llirent à Jérusalem et furent chargés de la surveillance 
des affaires extérieures de la maison de Dieu. 

SABATIER Pierre, érudit français, bénédictin de la 
congrégation de Saint-Maur, né à Poitiers en 1682, d'une 
famille originaire du Languedoc, mort à l'abbaye de 
Saint-Nicaise à Reims, le 24 mars 1742. Il fit ses études 
à Paris au collège des Quatre-Nations et à l'âge de 
18 ans, il entra à l'abbaye bénédictine de Saint-Faron, 
à Meaux, et y fit profession le 30 juin 1700. Ses supé- 
rieurs l'envoyèrent terminer ses études à l'abbaye de 
Gaint-Gcrmain-des-Prés, à Paris. Dom Ruinart se l'as- 
socia pour la publication du tome v des Annales béné- 
dictines. Après la mort de son maître, il conçut le 
projet de recueillir tout ce qu'il lui serait possible de 
retrouver des versions de l'Écriture antérieures à saint 
Jérôme, et il en annonça la publication en 1724. Son 
plan était de recueillir toutes les citations qui étaient 
contenues dans les écrits des Pères et des écrivains 
ecclésiastiques de l'Église lutine antérieurs à saint 
Grégoire le Grand et aussi celles qu'il pourrait relever 
dans les anciens missels, les lectionnaires, les actes 
des martyrs, etc. Ses recherches absorbèrent sa vie en- 
tière. La part qu'il eut le tort de prendre aux querelles 
du jansénisme l'avait fait exiler à Reims. Le second 
volume était presque achevé lorsqu'il y mourut à l'âge de 
60 ans. Le troisième volume fut publié par les soins de 
dom Vincent do La Rue et do dom Charles Ballard, ses 
confrères : Biblionmi Sacrorum latines versiones an- 
tiques, seu vêtus Ilalica et cœlerse qusecumque in 
codicibus manuscriptis et antiquorum libris reperiri 
foluerunt, ques cum Vulgata lalina ac cum textu 
yrœco comparanlur, 3 in-f°, Reims, 1743. Les deux 
premiers volumes renferment l'Ancien Testament et le 
troisième le Nouveau. Réédité en 1751. C'est le premier 
travail de ce genre qui ait été publié et quoique l'on 
ait découvert depuis beaucoup d'autres restes des pre- 
mières traductions latines, l'œuvre de Sabatier reste 
toujours une œuvre fondamentale. Voir t. m, col. 101. 
La biographie de dom Sabatier se trouve dans le t. m 
des Versiones antiques. 

SABBAT (hébreu : sabbâf; Septante : aâèêxiov; 
Vulgate : sabbalum), jour du repos chez les Juifs. — 
Le mot Sabbat vient de Sdbaf, « se reposer, cesser ». 
L'analogue assyrien, Sabdfu, signifierait plutôt « être 
disposé, en bon état ». Le sabatfu assyrien était un jour 
de purification et d'expiation, qui a pour but de réta- 
blir les rapports de bienveillance entre la divinité et 
l'homme. Il se pourrait donc qu'en hébreu le sens de 
« repos » ne fût pas exclusif et qu'il se mêlât au mot de 
Sabbat une idée de fête et d'hommage rendu à Dieu, 
comme dans le passage du Lévilique, xxv, 2, où il est 
dit que l'année sabbatique est Sabbâf la-yehôvâh, « un 
sabbat à » ou « en l'honneur de Jéhovah ». Bien qu'il 
y ait une certaine analogie, pour la forme et pour le 
fond, entre sabat et le nom numéral ééba', «sept », le 
nom du sabbat ne se rattache, ni étymologiquement, 
ni historiquement, au nombre septennaire, comme l'a 
cru Laclance, Jnst., vu, 14, t. v, col. 782. 

I. Institution du sabbat. — 1° Il faut chercher chez 



les Babyloniens les premières traces de la consécration 
à la divinité d'un jour sur sept. Voir Semaine. Dans un 
ancien vocabulaire assyrien, les mots uni nul} libbi, « un 
jour de l'apaisement du cœur », sont interprétés par 
SapaUu ou sabattu. Le jour de l'apaisement du cœur 
était celui où les dieux se rendaient favorables, à cause 
des prières et des offrandes qu'on leur présentait. On 
croit qu'il correspondait au quinzième jour du mois, 
c'est-à-dire à la pleine lune. Cf. Th. Pinches, Sapaltu, the 
Babylonian Sabbath, dans les Proceed. of the Soc. of bi- 
blic. Arch., 1904, p. 51-56. D'autres tablettes contiennent 
les calendriers détaillés du mois intercalaire Elul et de 
Marcheswan. On y lit : « A la nuit, le roi présente son 
sacrifice à Mardouk et à Istar le 7, à Bélit et à Nergal 
le 14, à Ninib et à Gula le 19, à Samasch, à Bélit malati, 
à Sin et à Bélit-ilê le 21, à Ea et à Bélit-ilê le 28, il 
répand l'offrande du sacrifice et sa prière est accueillie 
du dieu. » Cuneiforni Inscriptions of Western Asia, 
t. iv, pi. 32, 33. Le texte ajoute les prescriptions sui- 
vantes pour ces jours-là : « Le pasteur des peuples 
nombreux ne doit pas manger de viande cuite sur des 
charbons ni du pain cuit sous la cendre ; il ne doit 
pas changer de vêtements, ni prendre de tunique écla- 
tante, ni répandre le don des sacrifices. Le roi ne doit 
pas monter sur son char, ni parler en maître. Le mage 
ne doit proférer aucun oracle dans sa demeure mysté- 
rieuse; le médecin ne doit pas étendre sa main vers 
les malades, et il n'est pas possible de porter un ana- 
théme. » Le Sabattu babylonien apparaît donc comme 
un septième jour consacré exclusivement à certaines 
divinités : il n'est pas permis de répandre devant 
d'autres le don des sacrifices. Le rite religieux accom- 
pli ce jour-là rend le dieu propice; mais il entraîne un 
certain nombre d'abstentions singulières, qui sont 
regardées comme incompatibles avec le service de 
la divinité et qui font que le sabattu est un jour né- 
faste pour différentes catégories d'actions. On remar- 
quera que les 7, 14, 21 et 28 représentent des sep- 
tièmes jours, et que le 19 n'est que 7 x 7 = 49 depuis 
le commencement du mois précédent. Voir Semaine. 
Cf. J. Hehn, Siebenzahl und Sabbat bei den Babylo- 
niern und im A. T., Leipzig, 1907, p. 106-132. 

2° Dès le début du séjour -au désert, les Hébreux 
sont en possession d'une tradition qui consacre le sep- 
tième jour par la cessation de certaines occupations. 
Quand la manne commence à apparaître, Moïse leur 
commande d'en recueillir double portion le sixième 
jour; car « demain, dit-il, est un sabbat, un jour de 
repos consacré à Jéhovah. » Exod., xvi, 23. Moïse ne 
donne pas d'autres explications; c'est donc qu'il fait 
allusion à une coutume déjà en vigueur, que Jéhovah 
se propose lui-même de respecter en n'envoyant pas 
la manne ce jour-là et en lui permettant de se con- 
server 48 heures. L'histoire des patriarches ne fournit 
aucune indication sur l'observation du sabbat. La cou- 
tume n'en vient certainement pas d'Egypte, malgré 
l'affirmation de Dion Cassius,xxxvii, 18. Les Égyptiens 
divisaient le mois en trois décades, présidées chacune 
par un génie. Des fêtes signalaient le début du mois 
et de la décade. Cinq jours complémentaires termi- 
naient l'année. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, 
1895, p. 208. Il n'y a là rien qui ressemble au sabbat 
hébraïque. Pendant la période d'oppression surtout, 
les Hébreux ont dû se plier à cette manière de compter 
le temps; il ne feur fut pas possible alors de se livrer au 
repos septennaire. C'est donc probablement de Chaldée 
qu'ils avaient rapporté la coutume originaire du sabbat. 
Mais on voit immédiatement que leur sabbat différait 
beaucoup du sabattu babylonien. Il n'était pas consacré 
à une divinité spéciale, mais toujours à Jéhovah; il 
comportait l'abstention de certaines œuvres, comme 
travailler et faire travailler les animaux, ramasser la 
manne ou du bois, porter des fardeaux, allumer du 



•1293 



SABBAT 



1294 



feu, etc. ;. mais ces abstentions s'imposaient à tous et 
non pas seulement à certaines catégories de personnes. 
Le sabbat n'était pas considéré comme un jour néfaste, 
où l'on se fût attiré le malheur en entreprenant cer- 
tains actes. Enfin, tandis que les sabaftu se comptaient 
à partir du premier jour du mois, les sabbats se sui- 
vaient de sept en sept jours, sans tenir compte du mois 
lunaire dont les 29 jours 1/2 ne se prêtent pas à une 
division septennaire exacte. 

3° Le récit de la création est écrit par Moïse de ma- 
nière à servir de base à l'institution sabbatique. Il ter- 
mine ainsi ce récit : « Disu acheva le septième jour 
l'œuvre qu'il avait faite, et il se reposa le septième jour 
de toute l'œuvre qu'il avait faite. Dieu bénit le septième 
jour et le sanctifia, parce qu'en ce jour-là il s'était re- 
posé de toute l'œuvre qu'il avait créée pour la faire. » 
Gen., H, 2, 3. Le septième jour devient donc à la fois un 
jour sacré et un jour de cessation des œuvres précédentes. 
Rien de pareil ne s'observe dans le poème babylonien 
de la création. Moïse a-t-il trouvé cette finale si remar- 
quable dans l'antique document qu'il a pu mettre en 
œuvre, ou bien l'a-t-il ajoutée lui-même? Il n'importe. 
Toujours est-il qu'il fait du sabbat une conséquence et 
une imitation du septième jour de la création. On ne 
pouvait trouvera cette institution une origine plus haute 
et plus directement divine. L'institution du sabbat, tout 
en rappelant la fin de la création, se rapporte aussi à la 
délivrance de l'Egypte. Deut., v. 15. En réalité, le sabbat 
hébraïque différait tellement, par tous ses caractères, 
du sabatlu babylonien, que Dieu put en faire une des 
caractéristiques de son peuple : « Ce sera, entre moi et 
les enfants d'Israël, un signe à perpétuité. » Exod., 
xxxi, 17; cf. Ezech., xx, 12. 

4° Au Sinaï, le précepte concernant le sabbat est for- 
mulé en ces termes : « Souviens-loi du jour du sabbat 
pour le sanctifier. » Exod., xx, 8. La mention « sou- 
viens-toi » ne se rapporte pas à l'avenir; autrement elle 
devrait précéder chaque précepte. Elle suppose une 
prescription antérieure, plus ou moins bien observée 
dans le passé, prescription qui n'est pas écrite comme 
les autres, dans la conscience, mais qui a été l'objet 
d'un ordre positif de Dieu et dont il est nécessaire de 
se souvenir. Par lui-même, en effet, ce précepte est en 
partie naturel et en partie positif. La loi naturelle 
demande que l'homme consacre à son Créateur une 
partie des biens qu'il a reçus de lui, afin de reconnaître 
par là son souverain domaine. A ce titre, il doit à Dieu 
une partie de son temps, au moins pour penser à lui 
et se mettre en rapport avec lui par la prière et certains 
hommages déterminés. Cf. S. Thomas, Suni. theol., 
II" II*, q. cxxn, a. 4 ad l" m . Mais le temps qui doit être 
réservé à Dieu n'est pas indiqué par la loi naturelle; 
il faut donc que Dieu fasse connaître sa volonté à ce 
sujet, et il le fait par un précepte positif. Le précepte 
n'impose rien de particulier au point de vue du culte. Il 
marque seulement que le sabbat est consacré àJéhovah 
et que ce jour-là l'homme doit se reposer. Exod., xx, 
9, 11. Travailler serait, en effet, consacrer à soi-même 
le temps que Dieu s'est réservé. 

5° La loi du sabbat est fréquemment rappelée. Il faut 
que ce jour-là tout travail cesse, pour que le bœuf et 
l'âne, le fils de la servante et l'étranger aient du repos. 
Exod., xxm, 12. Le sabbat est institué comme un signe 
rappelant au peuple que c'est Jéhovah qui le sanctifie, 
c'est-à-dire qui le met à part de tous les autres peuples 
et le réserve à son service. Le profanateur du sabbat 
est puni de mort, et celui qui fait quelque ouvrage en 
ce jour est passible du retranchement. Exod., xxxi, 12- 
17; Deut., v, 12-15. Le sabbat mosaïque apparaît ainsi 
comme rappelant à l'homme la personnalité du Dieu 
qui veut sa sanctification, personnalité concrète, sans 
rien de métaphysique ni d'abstrait, et cette sanctifica- 
tion lai est présentée sous la forme d'un renouvel- 



lement périodique d'ordre moral, et non d'ordre phy- 
sique ou cosmique. L'idée du repos s'y allie à celle de 
la période septennaire, et l'une et l'autre sont dominées 
par celle de l'alliance avec Jéhovah, qui se révèle pour 
le salut de son peuple. Cf. .Bàhr, Symbolik des nwsai- 
schen Cultus, Heidelberg, 1839, t. Il, p. 539. 

II. LE SABBAT DANS L'ANCIEN TESTAMENT. — 1» Le 

repos prescrit le jour du sabbat excluait les travaux 
ordinaires et différentes œuvres incompatibles avec le 
caractère sacré attaché à ce jour. La Sainte Écriture 
note un certain nombre de travaux et d'actes prohibés: 
faire cuire des aliments, Exod., xvi, 23, les recueillir, 
Exod-, xvi, 26-30, labourer et moissonner, Exod., xxxiv, 
21, allumer du feu, Exod., xxxv, 3, ramasser du bois, 
Num.,xv, 32-36, transporter des fardeaux, ,1er., xvn, 
21, fouler au pressoir, rentrer des gerbes, charger des 
fardeaux, II Esd., xm, 15, faire du commerce. II Esd., 
xiii, 16-18; Am., vm, 5. Ce ne sont là évidemment que 
des exemples signalés à l'occasion de transgressions ou 
de circonstances particulières. Du texte de l'Exode, 
xvi, 29, résultait aussi que, le jour du sabbat, chacun 
devait rester à sa place, ce qui n'excluait pas tout dé- 
placement, puisque ce jour-là il y avait une sainte 
assemblée, Lev., xxm, 3, mais ce qui interdisait au 
moins toute marche un peu prolongée. 

2° Dieu attachait une grande importance à la sancti- 
fication du sabbat, puisque les infractions étaient punies 
delà peine de mort ou du retranchement. Exod.,xxxi, 
14. La loi fut appliquée au désert même, quand, sur 
l'ordre de Jéhovah, le peuple dut lapider hors du camp 
un homme qui avait été pris à ramasser du bois le jour 
du sabbat. Num., xv, 32-36. 

3° Le repos ne constituait pas à lui seul tout le 
sabbat. Ce jour-là, un holocauste spécial de deux 
agneaux d'un an était offert au Seigneur. Num., xxvm, 
9-10. Cf. Ezech., xi/vi, 4. Puis, pour tout le peuple, il 
y avait assemblée sainte, Lev., xxm, 3. Voir Assemblée, 
t. I, col. 1130. Le texte sacré ne dit pas en quoi con- 
sistait cette assemblée sabbatique, surtout dans les 
anciens temps. Elle comportait sans doute des prières 
communes, des lectures de la loi et de pieux entretiens 
sous la présidence de quelque personnage autorisé. 
Quand la Sunamite veut aller trouver Elisée, son mari 
lui fait observer qu'on n'est ni à la néoménie, ni au 
sabbat. IV Reg., rv, 23. Il aurait donc regardé comme 
naturel que sa femme se rendît près du prophète pour 
le sabbat. Isaïe, i, 13, dit que le Seigneur ne peut sup- 
porter que le crime se présente aux assemblées des 
néoménies et des sabbals. A l'époque des Machabées, 
des Juifs se rassemblent dans des cavernes pour célé- 
brer en secret le jour du sabbat. II Mach., vi, 11. Cette 
célébration n'allait donc pas sans quelques exercices 
religieux; il eût été inutile de se cacher uniquement 
pour se tenir en repos. 11 est vrai qu'à cette époque le 
service religieux existait dans les synagogues le jour 
du sabbat; mais ce service sabbatique n'avait fait sans 
doute que continuer une tradition antérieure. On ne 
jeûnait pas le jour du sabbat. Judith, vin, 6. 

4° Le respect du sabbat varie avec les époques chez 
les Israélites. Ézéchiel, xx, 13, 21, accuse ceux du dé- 
sert de l'avoir profané, et les termes dont il se sert 
paraissent bien supposer d'autres profanations que 
celle qui entraîna la lapidation d'un coupable. Num., 
xv, 32-36. Isaïe, lvi, 2, 4, 6, proclame heureux ceux 
qui observent le sabbat et respectent ainsi l'alliance 
contractée avec Jéhovah. Il ajoute que ceux qui ne 
s'occupent pas de leurs affaires en ce saint jour et 
l'appellent « le sabbat des délices », trouveront vrai- 
ment leurs délices en Jéhovah. Is., Lvin, 13-14. Ces 
paroles supposent que le sabbat n'avait pas encore subi 
les surcharges si onéreuses par lesquelles les docteurs 
postérieurs à la captivité le rendirent intolérable. Au 
temps d'Amos, vm, 5, les hommes les plus cupides 



1295 



SABBAT 



1296 



n'osent pas exercer leur trafic le jour du sabbat. Jérémie 
signale différentes infractions à la loi. On fait passer 
des fardeaux par les portes de Jérusalem en ce jour-là 
et l'on se permet certains ouvrages. Jer., xvn, 21-27. 
Aussi Dieu fera cesser les sabbats en Israël, Ose., n, 11, 
et à Sion, Lam., n, 6. Après le retour de la captivité, 
la loi fut encore très mal observée; le travail et le 
commerce allaient grand train à Jérusalem. Néhémie 
se montra très énergique dans la répression de ces 
abus. 11 fit fermer les portes de Jérusalem pendant 
plusieurs sabbats et interdit ainsi l'accès de la ville 
aux marchands tyriens qui y apportaient leurs denrées 
en ce saint jour. II Esd., xm, 15-22. — A l'époque ma- 
chabéenne, la célébration du sabbat fut interdite par 
Antiochus Épiphane, I Mach., I, 48; II Mach., vi, 6, et 
beaucoup d'Israélites devinrent profanateurs du sabbat. 
I Mach., i, 45. Par réaction contre l'impiété et zèle de 
la loi, le parti national, à l'exemple des Machabées, se 
montra fidèle observateur du précepte divin. Il poussa 
même l'obéissance jusqu'à un héroïsme exagéré. Les 
Juifs palriotes, réfugiés au désert, furent attaqués un 
jour de sabbat par les soldats syriens; ils crurent que 
ce serait violer la loi du repos que de se défendre et 
ils se laissèrent massacrer au nombre de mille. Matha- 
tbias comprit qu'un pareil exemple, s'il était suivi, en- 
traînerait à bref délai la ruine de la nation et il décida 
:jue désormais la loi du sabbat n'arrêterait pas la ré- 
sistance. I Mach., n, 32-41. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XII, vi, 2; XIV, iv, 2; XVIII, ix, 2. D'autres Juifs, 
réfugiés dans des cavernes pour célébrer le sabbat, se 
laissèrent néanmoins brûler sans se défendre, pour ne 
pas enfreindre la loi. II Mach., vi, 11. Les ennemis 
s'efforçaient d'ailleurs d'attaquer les Juifs le jour du 
sabbat, comptant qu'ils n'oseraient pas combattre. 
I Mach., ix, 43; II Mach., v, 25; XV, 1. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, xn, 4; XIV, iv, 2. Quand la nécessité 
ne les y obligeait pas, les Juifs cessaient de combattre 
à l'approche du sabbat. II Mach., vin, 26-27. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., II, xxi, 8; Vita, 32. Pour gagner les Juifs à 
sa cause, le roi Démétrius I ar leur promit de leur 
assurer l'immunité le jour du sabbat. I Mach., x, 34. 
III. Le sabbat et la pratique juive. — 1° Les 
prohibitions. — A partir de l'époque où le formalisme 
pharisien exerça son influence sur l'interprétation de 
la loi, le précepte sabbatique fut l'objet d'une multitude 
d'explications de la part des docteurs. Leurs décisions 
se trouvent dans les traités de la Mischna Schabbalh, 
Erubin et Beza ou Yotn tob. Voir Mischna, t. iv, 
col. 1128. — a) Énuméralion. —Ils comptaient 39 « pères 
des œuvres » ou travaux principaux qui entraînaient 
des actes incompatibles avec le repos sabbatique. Ces 
travaux étaient les suivants : 1. semer, 2. labourer, 
3. moissonner, 4. mettre en gerbes, 5. battre le blé, 
6. vanner, 7. nettoyer le grain, 8. moudre, 9. tamiser, 
10. pétrir, 11. cuire, 12. tondre la laine, 13. la blanchir, 
14. la carder, 15. la teindre, 16. filer, 17. tramer, 
18. faire deux points, 19. tisser deux fils, 20. détacher 
deux fils, 21 . nouer, 22. dénouer,23. nouerdeux points, 
24. déchirer pour coudre, 25. chasser une bête, 26. la 
tuer, 27. l'écorcher, 28. la saler, 29. préparer la peau, 
30. la racler, 31. la dépecer, 32. écrire deux lettres, 
33. effacer pour écrire deux lettres, 34. bâtir, 35. dé- 
molir, 36. éteindre, 37. allumer, 38. se servir du mar- 
teau, 39. transporter d'un lieu à un autre. Schabbath, 
vu, 2. — 6) Commentaires : défense de moissonner, 
de nouer. — Chacun de cesarticles fournissait matière 
à nombreux commentaires. Ainsi la défense de mois- 
sonner était enfreinte si l'on cueillait deux épis. « Il 
n'est permis de couper ni une branche, ni un rameau, 
ni une fleur, ni même de cueillir un fruit. » Philon, 
Vit. Mosis, il, 4, édit. Mangey, t. il, p. 137. La défense 
de nouer s'interprétait ainsi. Sont prohibés les nœuds 
des chameliers et des bateliers; il y a égale faute à les 



faire et à les défaire. Il n'y a point faute à dénouer 
d'une seule main; une femme peut nouer l'ouverture 
de sa robe, les rubans de sa coiffure, les bandes de sa 
ceinture; on peut nouer les cordons de ses souliers et 
de ses sandales, les outres de vin et d'huile et le 
couvercle d'un pot de viande. Schabbath, xv, 1, 2. 
Quand la ceinture a été nouée, on ne peut la dénouer, 
même pour descendre un sceau à la fontaine; il faut 
alors prendre une corde. Schabbath, xv, 2. — c) Dé- 
fense d'écrire. — La défense d'écrire donne lieu à des 
explications des plus méticuleuses. Il y a faute à écrire 
deux lettres, soit de la main droite, soit de la main 
gauche, que ce soit deux fois la même ou deux lettres 
différentes, même avec deux encres distinctes ou en 
deux langues. On est coupable en écrivant deux lettres 
même par distraction, qu'on ait écrit avec de l'encre, 
de la couleur, de la craie, de la gomme, de l'acide, ou 
quoi que ce soit qui trace des caractères persistants. 
On l'est encore en écrivant sur deux parois ou sur 
deux tableaux dont le rapprochement permet de 
lire ensemble les deux lettres, ou en écrivant sur 
son propre corps. 11 est permis d'écrire sur un 
liquide opaque, sur du jus de fruits, sur la pous- 
sière du chemin, sur le sable, en un mot sur toute 
matière qui ne garde pas l'écriture. Si quelqu'un 
écrit à l'envers ou avec le pied, la bouche, le coude, et 
qu'ensuite on ajoute des lettres ou qu'on superpose une 
autre écriture; si quelqu'un a l'intention d'écrire un n 
et écrit deux tt, si on écrit une lettre sur la terre et 
l'autre sur le mur, ou sur deux murs de la maison, ou 
sur deux feuilles d'un livre, de manière qu'on ne puisse 
les lire ensemble, il n'y a pas de faute. Celui qui, par 
inadvertance, écrit deux lettres en deux fois, par 
exemple une le matin et l'autre le soir, est coupable 
d'après Gamaliel, mais sans faute d'après les docteurs. 
Schabbath, xn, 3-6. — d) Le chemin du sabbat. — 
Le chemin que l'on pouvait faire le jour du sabbat 
était rigoureusement déterminé. On l'appelait fehûni 
has-sabbâ(, « limites du sabbat », et aaêêizov 656;, 
sabbali iter, « chemin du sabbat ». Act., i, 12. Ce che- 
min comprenait deux mille coudées, ou environ un 
kilomètre hors de toute ville, petite ou grande, le che- 
min parcouru dans la ville même ne comptant pas. La 
longueur en avait été fixée parles docteurs Barachibas, 
Siméon etHillel. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxi, 10, t. xxn, 
col. 103i; Josèphe, Ant. jud., XIII, vm, 4. On basait 
cette fixation sur la distance qui avait dû séparer le 
Tabernacle de l'extrémité du camp des Hébreux. 
Cf. Jos., m, 4. La distance de Jérusalem au mont des 
Oliviers, appelée dans les Actes, i, 12, « chemin du 
sabbat », était d'après Josèphe, Bell, jud., V, h, 3, de 
six stades, soit de 1064 mètres. Ailleurs, Ant. jud., 
XX, vin, 6, il estime cette distance à cinq stades, soit 
887 mètres. On trouva moyen d'allonger ce chemin. Si, 
la veille du sabbat, on portait ses deux repas hors delà 
ville, mais dans les limites du chemin sabbatique, il 
était permis de compter les deux mille pas à partir de 
cet endroit. De plus si les habitants de maisons diffé- 
rentes convenaient de prendre leur repas en commun, 
ces maisons n'étaient censées former qu'un seul lieu, 
ce qui permettait de transporter les objets de l'une 
dans l'autre. Cf. Gem. Sabbath,xi\, 2. 

2° Les choses permises. — a) Loi liturgique. — Le 
service du Temple n'était pas interrompu le jour du 
sabbat. Les prêtres y remplissaient leurs divers offices 
comme à l'ordinaire, immolaient les victimes, portaient 
les fardeaux, allumaient le feu et les lampes, etc. 
Matth., XII, 5. D'ailleurs des sacrifices particuliers 
devaient être offerts le jour du sabbat. Num., xxvm, 9, 
10. Si la Pâque tombait ce jour-là, on la célébrait con- 
formément aux prescriptions légales, sans tenir compte 
des défenses contraires résultant du sabbat. Pesachim 
vi, 1, 2. On imposait également la circoncision, après 



1297 



SABBAT 



1298 



avoir eu soin cependant de préparer la veille tout ce 
qui pouvait l'être. Joa., vu, 22,23; Sehabbath, xix,l-5; 
Erubin, x, 1 1-15. La Pàque et la circoncision devant 
se célébrer à jour fixe, le sabbat cédait devant elles. — 
b) Loi naturelle. — Tout péril de mort permettait de 
transgresser la loi sabbatique. Yoma, vm, 6. Ainsi on 
prêtait secours à une femme qui accouchait. Sehabbath, 
xvni, 3. Si un mur s'abat sans qu'on sache s'il y a 
quelqu'un dessous ou non, s'il est vivant ou mort, s'il 
est Israélite ou non, on doit enlever de sur lui les dé- 
combres même le jour du sabbat; s'il est vivant, on le 
tire de là, s'il est mort, on le laisse provisoirement. 
Yoma, vm, 7. Un médecin peut soigner ce jour-là un 
homme en danger de mort, Yoma, vm, 6, car tout est 
permis pour sauver la vie, sauf l'idolâtrie, l'inceste et 
l'homicide. Gem. Yoma, f. 82, 25. Un jour de sabbat 
qu'on trouva Hillel couvert de neige, on le nettoya, on 
l'oignit et on le porta dans une chambre chaude; des 
docteurs dirent qu'il méritait bien qu'on profanât le 
sabbat pour lui. Gem. Yoma, 15, 2. Le jour de sabbat, 
on ne doit pas réduire une fracture; même si quel- 
qu'un s'est donné une entorse à la main ou au pied, il 
ne doit pas l'arroser avec de l'eau froide. Sehabbath, 
xxn, 6. Un prêtre qui est de service pour les sacrifices 
peut, pendant ses fonctions le jour du sabbat, leverun 
emplâtre d'une blessure; autrement il ne le peut pas. 
Si un prêtre se blesse un doigt dans le sanctuaire pen- 
dant son service sabbatique, il peut le lier avec un 
jonc; autrement il ne le peut pas; il est d'ailleurs gé- 
néralement défendu de presser un membre pour en 
faire sortir le sang. Erubin, x, 13, 14. Si un animal 
tombe dans une citerne ou un puits le jour du sabbat, 
on peut faire passer des cordes au-dessous de lui et le 
remonter; si toutefois il n'est pas en danger de périr, 
on doit se contenter de lui donnera manger. De même, 
on peut mener une bête à l'abreuvoir et puiser de 
l'eau pour elle, mais sans la porter et en se contentant 
de la placer devant elle. Sehabbath, v, 1. Gem. ScJiab- 
balli, 128, 1. Cf. Schûrer, Geschichte des jiidischen 
Volkes, Leipzig, t. n, 1898, p. 470-478, 491-493. 

3° La célébration. — a) La préparation. — La veille 
du sabbat est appelée mtpa<r/.ev>ï), parasceve, « prépara- 
tion ». Marc, xv, 42; Luc, xxiii, 54; Joa., xix, 31. Ce 
jour-là, en effet, on préparait tout ce qui était néces- 
saire pour le lendemain. On prenait les soins de toi- 
lette nécessaires, on disposait les vêtements, on faisait 
cuire les aliments, on mettait la table, on allumait les 
lampes, etc. Si la veille du sabbat tombait un jour de 
fête ne permettant pas la préparation des aliments, 
on avisait à ce soin dès le jeudi; néanmoins les repas 
du sabbat pouvaient être cuits le jour de la fête. Le 
père de famille devait veiller à ce que tous ces prépa- 
ratifs fussent achevés à temps. Le sabbat commençait 
avec la nuit du vendredi soir pour se terminer le len- 
demain à la même heure, puisque les Hébreux comp- 
taient les jours d'un coucher du soleil à l'autre. Les 
docteurs s'étaient demandé quand commence la nuit, 
et ils avaient posé la règle suivante : quand paraît une 
première étoile, on est encore au vendredi ; à la seconde, 
on est entre le vendredi et le sabbat; à la troisième, on 
est au sabbat. Berachoth, f. 2, 2. Le commencement 
et la fin du sabbat étaient annoncés par des sonneries 
de trompettes. Cf. Jer. Sehabbath, rvil, f. 16 a; Bab. 
Sehabbath, 35 b. Ces sonneries se faisaient entendre 
dans le Temple du haut du portique du sabbat. IV Reg., 
xvi, 18. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 12; Sukka, v, 
5. A la première sonnerie, on cessait les travaux des 
champs; à la seconde, on fermait les ateliers et les 
boutiques ; à la troisième, on retirait du feu tous les 
vases et on allumait les lampes. Trois autres sonneries 
se succédaient pour marquer la distinction entre le 
temps profane et le temps sacré. Les lampes allumées 
caractérisaient, pour les étrangers, le sabbat juif. C'est 



pourquoi saint Luc, xxm, 54, parlant de la fin du 
vendredi, dit que tsiêSazm iziftaaytzv, sabbatum illu- 
eescebat, « le sabbat brillait ». Les femmes étaient 
chargées d'allumer les lampes; elles devaient le faire 
avec joie et à cet acte s'attachait pour elles la faveur 
d'une sainte postérité et de longues années pour leur 
mari. Cf. Zohar, i, 486, édit. Lafuma, Paris, 1906, 
p. 281;. Sénèque, Epist., xcv, 47; Perse, Sot., v, 
179-184; Josèphe, Cont. Apion., n, 39; Tertullien, Ad 
nat., i, 13, t. i, col. 579. — 6) Le service religieux. — 
Conformément à la loi, le matin du sabbat, on oflrait 
au Temple, en holocauste, deux agneaux d'un an, et, 
en oblation, deux dixièmes de Heur de farine pétrie à 
l'huile avec une libation. Num., xxvm, 9, 10. Cf. Jo- 
sèphe, Ant. jud., III, x, 1. Dans les synagogues, il y 
avait deux réunions, une dans la matinée et l'autre 
l'après-midi. Celle du matin comprenait la récitation 
du Schéma (Deut., vi, 4-9; xi, 13-21; Num., xv, 37- 
41), la prière, la lecture de la Loi, la lecture des pro- 
phètes, la traduction et l'explication de ces passages 
et la bénédiction du prêtre. A la réunion du soir, on 
ne lisait qu'un passage de la Loi. — c) Caractère 
joyeux du sabbat. — Les Juifs avaient à cœur de jus- 
tifier le mot d'Isaïe, lvhi, 13, qui donne au sabbat le 
nom de « délices ». Us revêtaient leurs plus beaux ha- 
bits, se livraient à la joie, bannissaient tout sujet de 
tristesse et faisaient au moins trois repas aussi soignés 
que possible. Au premier repas, au début du sabbat, le 
père de famille consacrait le saint jour par une coupé 
de vin et des prières; puis on se couchait pour dormir 
la lampe allumée. Le second repas avait lieu à midi, 
après le service à la synagogue. Au troisième repas, 
qui se faisait l'après-midi avant la fin du sabbat, le 
père de famille marquait, par une coupe de sépara- 
tion, le passage du temps sacré au temps profane et 
récitait quelques prières. On pouvait alors vaquer aux 
travaux ordinaires. Saint Augustin, Enar. in Ps. xci, 
2, t. xxxvii, col. 1172, accuse les Juifs de son temps de 
faire dégénérer la joie du sabbat en paresse et en dé- 
bauches. Pea, vm, 7; Gem. Ketuboth, 64, 2. Cf. Re- 
land, Antiquitates sacrée/ Utrecht, 1741, p. 259-263; 
Iken, Antiquitates hebraiese, Brème, 1741, p. 292-303. 
4° Le sabbat hors de Palestine. — Partout où ils 
résidaient, les Juifs se montraient scrupuleux observa- 
teurs du sabbat. Les Romains furent obligés de les 
exempter du service militaire, incompatible avec le 
repos sabbatique. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 11- 
14, 16-19. L'empereur Auguste les dispensa de paraître 
en justice le jour du sabbat, cf. Josèphe, Ant. jud., 
XVI, vi, 2, 4, et les autorisa à ne prendre part que le 
jour suivant aux distributions publiques d'argent ou 
de blé, quand elles se faisaient un jour de sabbat. 
Cf. Philon, Légat, ad Caj.. 23, édit. Mangey, t. n, 
p. 569. — Suétone, liber., 32, raconte qu'à Rhodes un 
grammairien du nom de Diogène disputait les jours de 
sabbat, sans doute pour avoir les Juifs parmi ses audi- 
teurs, et que Tibère ayant voulu l'entendre un autre 
jour, le rhéteur le renvoya au septième. On a signalé, 
à l'ouest de la Cilicie, une communauté de aaèêauaxai, 
qui honorait ledieuSabbatisle. Cf. Journal of H ellenic 
étudies, t. XII, 1891, p. 233. Comme le verbe angêa-a- 
Çeiv veut dire « célébrer le sabbat », Exod., XVI, 30; 
Lev., xxm, 32; xxvi, 35; II Par., xxxvi, 21; II Mach., 
vi, 6, il est probable que cette association avait pour 
but la célébration du sabbat et que son dieu Sabbatiste 
se rattachait au culte judaïque plus ou moins directe- 
ment. Cf. Schûrer, Geschichte, t. m, 1898, p. 117. — 
Tacite, Hist., v, 4, dit que les Juifs aiment à se re- 
poser le septième jour, parce que ce jour a vu la fin 
de leurs peines. Juvénal, Sat., xiv, 105, 106, les accuse 
de consacrer le septième jour à la paresse. Aristobule 
et Philon, De septenario, 6, 7, édit. Mangey, 1. n, 
p. 281-284,- expliquent au contraire la signification dû 



1299 



SABBAT 



1300 



sabbat. Cf. Schiirer, Geschichte, t. m, p. 387, 420. 
D'après le Zohar, i, 14 b, édit. La fuma, Paris, 1906, 
p. 83, les démons étaient obligés de se cacher la nuit 
et la journée du sabbat et, pendant toute la durée du 
sabbat, les damnés de l'enfer sont à l'abri du feu. Sur 
un prétendu fleuve Sabbathion, qui ne coulait pas le 
septième jour comme les autres jours de la semaine, 
et donnait ainsi, d'après certains docteurs, l'exemple 
de l'observation du sabbat, voir Josèphe, Bell, jud., 
VII, v, 1; Pline, H. N., xxxi, 18; Reland, Palseslina 
illustrata, Utrecht, 1714, p. 291-293. 

IV. Le sabbat dans le Nouveau Testament. — 
1» Discussions. — Notre-Seigneur, au cours de sa vie 
publique, se heurta fréquemment à des interprétations 
étroites et ridicules de la loi du sabbat. Il s'appliqua à 
les corriger, en faisant appel au bon sens du peuple 
contre le formalisme outré des docteurs. Souvent, il 
entre dans les synagogues le jour du sabbat, afin d'y pou- 
voir prendre la parole. Marc, i, 21 ; vi, 2; Luc, îv, 16, 
31; xm, 10. Mais, quand l'occasion s'en présente, il ne 
manque pas d'accomplir ou de laisser accomplir des 
actes qui attirent la censure des docteurs et lui per- 
mettent de remettre les choses au point. Un jour de 
sabbat, il passe à travers les blés avec ses Apôtres, et 
ceux-ci, qui ont faim et s'inquiètent peu du rigorisme 
des pharisiens, cueillent des épis, les froissent et 
mangent le grain. La loi autorisait tout passant à cueil- 
lir des épis dans un champ, mais seulement avec la 
main. Deut., xxm, 25. Les Apôtres étaient donc dans 
leur droit. Pourtant, aux yeux des pharisiens, ils trans- 
gressaient la loi du sabbat, cir ce jour-là il était dé- 
fendu de moissonner, de vanner, de nettoyer le grain, 
et ce qu'ils se permettaient re\enait à faire ces actes. 
Le Sauveur aurait pu justifier ses Apôtres en montrant 
que l'acte accompli par eux n'avait rien d'une moisson. 
Il préfère en appeler à la loi naturelle qui permet, 
quand on a faim, de se nourrir comme on peut, et à la 
loi liturgique, qui autorise certains actes incompatibles 
avec le repos du sabbat r David et ses hommes, pressés 
par la faim, ont mangé les j-ains de proposition ré- 
servés aux seuls prêtres, et cas derniers remplissent 
leurs offices dans le Temple, même le jour du sabbat. 
Il conclut en disant que 1e sabbat existe à cause de 
l'homme, et non l'homme à cause du sabbat et que 
d'ailleurs le Fils de l'homme est le maître du sabbat. 
C'est donner à entendre f;ue le Sauveur, Fils de Dieu, 
a tout pouvoir pour intf ipréter ou même modifier la 
loi du sabbat, et qu'il nt. permettra pas qu'on en fasse 
une institution tyrannique. En ajoutant qu'il préfère la 
miséricorde au sacrifice, il place formellement la loi 
naturelle au-dessus de la loi rituelle. Matth., xm, 1-8; 
Marc, n, 23-28; Luc, vi, 1-5. — Un autre jour de sab- 
bat, il se trouve dans une synagogue en même temps 
qu'un homme ayant la main desséchée. On l'observe 
pour voir s'il guérir:' cet infirme. D'après l'interpréta- 
tion des docteurs, c-a ne peut soigner un malade le 
jour du sabbat que s':! est en danger de mort; d'autre 
part, tous admettent qu'il est permis, ce jour-là, de 
tirer d'une citerne un animal qui vient d'y tomber. 
Notre-Seign'. ir s'autorisj de cette concession pour dé- 
clarer qu" .j homme vaut une brebis et qu'il est légi- 
time d'accorder au premier ce qu'on ne refuse pas à la 
seconde. Il guérit donc l'infirme d'un seul mot. Matth., 
xii, 9-14; Marc, m, 1-6; lue, vi, 6-11. Saint Luc, en 
terminant son rr'cit, remarque que les adversaires du 
Sauveur furent remplis da démence. On se demande, 
en effet, comment ces hommes pouvaient tenir pour une 
violation du sabbat une simple parole et une guérison 
dont le caractère miraculeux ne pouvait se contester. 
— A Jérusalem, Notre-Seigneur guérit un malade le 
jour du sabbat et lui ordonne d'emporter son grabat, 
ce qui scandalise les Juifs. Joa., v, 8-10, 16. Maître du 
sabbat, il veut montrer que la loi d'ailleurs respectable 



qui défend d'exécuter des transports le jour du sabbat, 
Jer., xvii, 21, 22, doit céder à une autre loi supérieure, 
celle de manifester la gloire de Dieu et d'accréditer la 
mission divine du Messie, en fournissant la preuve 
d'une guérison radicale et miraculeuse. Il ajoute du 
reste cette réllexion, qui donne la clef du mystère : 
« Mon père agit jusqu'à présent et moi aussi j'agis. » 
Joa., v, 17. L'action de Dieu ne saurait, en effet, être 
soumise à aucune loi positive, ni humaine ni même 
divine. En prescrivant au malade d'emporter son gra- 
bat, le Sauveur voulut aussi attirer l'attention des Juifs 
sur ce qu'il venait d'opérer, et il y réussit. A un voyage 
subséquent, il explique ainsi sa conduite en cette oc- 
casion : « J'ai fait une seule œuvre, et vous êtes tous 
hors de vous-mêmes. Moïse vous a donné la circoncision 
et vous la pratiquez le jour du sabbat. Si, pour ne pas 
violer la loi de Moïse, on circoncit le jour du sabbat, 
comment vous indignez-vous contre moi, parce que, le 
jour du sabbat, j'ai guéri un homme dans tout son 
corps? Ne jugez pas sur l'apparence, mais jugez selon 
la justice. » Joa., vu, 21-24. Ces paroles montrent que 
le grief des pharisiens portait beaucoup plus sur la gué- 
rison elle-même que sur l'ordre donné d'emporter le 
grabat. Le Sauveur fait valoir un argument a fortiori, 
tiré de la pratique de la circoncision, et il reproche 
justement à ses contradicteurs déjuger selon l'apparence, 
parce qu'ils ne voient qu'une transgression de leurs 
prescriptions humaines là où il y a un grand bienfait 
divin. — Notre-Seigneur choisit encore un jour de sab- 
bat pour guérir l'aveugle-né. Il ne se contente pas 
d'une parole, mais fait de la boue avec sa salive et en 
frotte les yeux du malheureux. Les docteurs ne pou- 
vaient que blâmer le secours ainsi apporté à un in- 
firme qui n'était pas en danger de mort, ainsi que la 
confection de la boue et la friction des yeux, chossa 
qu'ils jugeaient incompatibles avec le repos sabbatique. 
Ils en conclurent que « cet homme n'est pas de Dieu, 
parce qu'il n'observe pas le sabbat ». L'aveugle juge, 
avec beaucoup plus de bon sens, que « s'il n'était pas 
de Dieu, il n'aurait rien pu faire ». Joa., ix, 6, 16, 23. 
— Une autre fois, dans une synagogue de Galilée, le 
Sauveur impose les mains, le jour du sabbat, à une 
pauvre femme toute recourbée et il la guérit. Le chef 
de la synagogue, indigné de ce qu'il regarde comme 
une transgression, dit alors à la foule : « Il y a six 
jours où l'on peut travailler; venez ces jours-là pour 
vous faire guérir, et non le jour du sabbat. » Notre- 
Seigneur réplique alors : « Hypocrites, chacun de vous 
ne détar.he-t-il pas son bofuf ou son âne de l'étable, le 
jour du sabbat, pour les mener boire? Or, cette fille 
d'Abraham, que Satan a tenue enchaînée dix-huit ans, 
n'a-t-il pas fallu la débarrasser de cette chaîne même le 
jour du sabbat? » Cette réponse fit rougir les contra- 
dicteurs et réjouit le peuple. Les premiers sont traités 
d'hypocrites, parce qu'ils veulent paraître zélés pour la 
loi et oublient les devoirs de l'humanité, comme celui 
qui ordonne de porter secours à celui qui souffre. 
Luc, xm, 10-17. — A peu de temps de là, le Sauveur 
est chez un chef des pharisiens, un jour de sabbat, et 
un hydropique se présente devant lui. « Est-il permis 
de guérir le jour du sabbat? » dit le Sauveur à l'assis- 
tance. Personne ne lui répondant, il touche I'hydro- 
pique et le guérit. Puis il ajoute cette réflexion, à 
laquelle personne ne peut répliquer : « Qui de vous, 
si son âne ou son hœuf tombe dans une citerne, ne 
l'en retire aussitôt, même le jour du sabbat? » Luc, 
xiv, 1-6. Cf. C. Wakins, Christi curatio sabbathica, 
dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 
p. 196-211. — Il est manifeste que le Sauveur a eu l'in- 
tention de substituer une interprétation plus large de 
la loi du sabbat à celle qu'avaient fait prévaloir les pha- 
risiens. Dans ce but, il saisit toutes les occasions de 
guérir ce jour-là et s'autorise da cet argument esseu-i 



1301 



SABBAT — SABBATIQUE (ANNÉE) 



1302 



tiellement populaire qu'il est bien permis d'avoir pour 
les hommes les attenlions qu'on a pour les animaux. A 
propos du sabbat, il pouvait faire aux pharisiens le 
reproche qu'il leur adressait au sujet de leurs mul- 
tiples purifications : « Vous abandonnez le comman- 
dement de Dieu pour vous attacher à la tradition des 
hommes... Vous annihilez le préceple divin pour ob- 
server votre tradition. » Marc, vu, 8, 9. 

2° Autres inentions du sabbat. — S. Luc, vi, 1, 
parle d'un sabbat qu'il appelle Siuiepouptôrov, « second- 
premier ». Il s'agit d'un sabbat postérieur à la Vaque, 
puisque les Apôtres peuvent manger ce jour-là des épis 
mûrs. Cette appellation ne se lit pas ailleurs et quel- 
ques manuscrits l'omettent. Interrogé par saint Jérôme, 
Epist. LU, 8, t. xxn, col. 534, sur sa signification, 
saint Grégoire de Nazianze lui répondit plaisamment 
en éludant la question. Les explications des Pères et 
des commentateurs sont très divergentes. D'après la 
Chronique pascale, t. xcu, col. 517, le sabbat ainsi 
nommé serait le second après le sabbat de la Pâque, à 
partir duquel on comptait les sept semaines aboutissant 
à la Pentecôte. Il y aurait eu ensuite un sabbat second- 
second, un sabbat second-troisième, etc. Cette inter- 
prétation ne s'impose pas, mais c'est celle qui réunit 
le plus grand nombre de suffrages. Cf. Knabenbauer, 
Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 220-222. On a aussi 
supposé que les Juifs- avaient deux premiers sabbats, 
l'un au commencement de l'année civile, au mois de 
lischri, et l'autre au mois de nisan, pendant les fêtes 
de la Pâque. Ce dernier eût été ainsi le second-pre- 
mier. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 258. Clément 
d'Alexandrie, Strom., vl, t. ix, col. 270, dit que, 
si la lune ne paraît pas, les Juifs ne célèbrent pas le 
sabbat qu'on appelle xpcirov, « premier ». Il y en aurait 
donc eu un autre appelé « second » et «second-premier» 
à cause de son rôle par rapport aux suivante. En somme, 
sur cette question, on ne peut faire que des conjectures. 
Du reste, elle n'a pas grande importance. — Noire- 
Seigneur recommande à ses disciples qui auront à fuir 
de Jérusalem à l'arrivée des armées romaines de prier 
pour que leur fuite n'ait pas lieu le jour du sabbat. 
Matth., xxiv, 20. Sans doute, ce jour-là, on ne pouvait 
s'éloigner de plus de deux mille pas ; mais il était 
admis que, pour échapper à la mort, on faisait le 
nécessaire. Toutefois on a droit de supposer que les 
disciples, se croyant encore astreints à l'observance 
des prescriptions judaïques, pourraient hésiter sur la 
gravité du péril, se demander s'il autorisait vraiment 
la transgression et retarder d'autant leur départ. — 
Saint Jean, xix, 31, note que, pour ne pas laisser sur 
la croix le corps du Sauveur, parce que c'était le jour 
de la préparation et qu'il fallait qu'il fût enlevé avant 
le sabbat, les Juifs demandèrent à Pilate l'autorisation 
de le faire. La loi portait qu'un cadavre de supplicié 
ne devait pas passer la nuit sur le bois, mais qu'il 
fallait l'inhumer le jour même. Deut., xxr, 23. Cf. 
Josèphe, Bell.jud., IV, v, 2. En temps ordinaire, il n'y 
avait pas d'inconvénient à n'achever une inhumation 
qu'après le soleil couché. Le jour de la préparation, il 
était rigoureusement indispensable que tout fût terminé 
à l'heure où commençait le sabbat. L'urgence s'impo- 
sait encore davantage dans la circonstance, par le fait 
que le sabbat suivant coïncidait avec la Pâque des Juifs. 
— A l'exemple du Sauveur, on voit les Apôtres se 
rendre souvent dans les synagogues de la dispersion 
les jours de sabbat, afin d'y prêcher l'Évangile. Act. 
xm, 14, 27, 42, 44; xvi, 13;xvn,2; xvm,4. Là, en effet, 
ils trouvaient les Juifs rassemblés et pouvaient plus 
aisément traiter devant eux la question religieuse. 
Saint Jacques témoigne que, dans les synagogues de 
chaque ville, les jours de sabbat, on lisait et on expli- 
quait la loi de Moïse. Act., xv, 21. — Dans l'Épître aux 
Hébreux, IV, 9, il est question de ffaë6avi<ï|iôc, sabba- 



tismus. L'auteur désigne par ce motle«jour de repos » 
que Dieu ménage à ses fidèles serviteurs et qui est une 
participation au «, repos de Dieu », c'est-à-dire à sa 
vie, à sa grâce et plus tard à sa gloire. — Saint Paul 
ne veut pas qu'on critique les chrétiens au sujet du 
manger et du boire, des fêtes, des néoménies, des 
sabbats. Col.,n.l6. Ces institutions mosaïques n'étaient 
que « l'ombre des choses à venir. » La réalité est dans 
le Christ, dont la loi évangélique se substitue aux 
anciennes observances. Dès l'origine de l'Église, le 
dimanche commença à devenir le jour du Seigneur à 
la place du sabbat. Voir Dimanche, t. il, col. 1430. 
Personne n'avait donc le droit d'assujettir les chré- 
tiens à l'observation du sabbat, comme prétendaient 
le faire les judaïsants. Au iv« siècle, il y avait encore 
des chrétiens qui restaient attachés à la pratiques du 
sabbat judaïque. Le synode de Lacdicée, vers 360, 
formula à ce sujet son 29 e canon ainsi conçu : « Les 
chrétiens ne doivent pas judaïser et se tenir oisifs le 
jour du sabbat, mais ils doivent travailler ce jour-là; 
qu'ils honorent le jour du Seigneur et s'abstiennent, 
autant que possible, en leur qualité de chrétiens, de 
travailler en ce jour. S'ils persistent à judaïser, qu'ils 
soient analhèmes au nom du Christ. » Cf. Hefele, 
Histoire des Conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, 
p. 1015. — L'observation du sabbat est restée la prin- 
cipale des pratiques extérieures des Juifs. Le Zohar, 
H, 47 a, dit à ce sujet : « La sanctification du sabbat 
vaut autant que l'exécution de toutes les autres lois 
ensemble. » Cf. Sépher ha-zohar, édit. Lafuma, t. m, 
1908, p. 216, et 88*-89i>, p. 359-364. 

H. Lesêtre. 

SABBATIQUE (ANNÉE) (hébreu : sénat sabbdtôn, 
Lev., xxv, 4; Septante : èvioutôç àvanaiio-eu;; Vulgate: 
annus requietionis), chaque septième année. — I. La 
loi. — 1 D Elle est formulée pour la première fois dans 
l'Exode, xxm, 10, 11 : « Pendant six années tu ensemen- 
ceras la terre et tu en récolteras les produits. Mais, la 
seplième, tu les laisseras et les abandonneras; et les 
indigents de ton peuple les mangeront, et les bêtes des 
champs mangeront ce qui restera. Tu feras de même pour 
tes vignes et tes oliviers. » La même loi est répétée avec 
un peu plus de détail dans le Lévitique, xxv, 1-7. La 
septième année, il est défendu d'ensemencer, de tailler 
la vigne et de recueillir les fruits spontanés qui poussent 
dans le champ ou sur la vigne. Ils peuvent cependant 
servir à la nourriture de l'Israélite, de son serviteur, 
de sa servante, du mercenaire, de l'étranger fixé dans 
le pays et du bétail. — 2° La septième année est en- 
core une année de rémission, semillâh, «ipsutç. En 
cette année-là, l'Israélite peut exiger le paiementd'une 
dette par l'étranger, mais il ne peut presser son pro- 
chain ou son frère de lui rendre ce qu'il doit, de peur 
de le réduire à la pauvreté. Deut., xv, 1-6. — 3° Comme 
on pouvait redouter que l'absence de culture ne cau- 
sât grand tort à la population chaque année sabbatique, 
surtout quand celle-ci était suivie de l'année jubilaire 
qui prohibe également les travaux agricoles, le Sei- 
gneur s'engage à y pourvoir : « Si vous dites : que 
mangerons-nous la septième année, puisque nous ne 
sèmerons point et ne recueillerons point nos pro- 
duits? Je vous enverrai ma bénédiction la sixième 
année et elle produira des fruits pour trois ans. Vous 
sèmerez la huitième année, et vous mangerez de l'an- 
cienne récolte; jusqu'à la récolte de la neuvième année, 
vous mangerez l'ancienne. » Lev., xxv, 20-22. — 4° A 
la fin de l'année sabbatique, à l'occasion de la fête des 
Tabernacles, on devait faire la lecture publique de la 
Loi, c'est-à-dire du Deutéronome. Deut., xxxi, 10, 11. 
Cf. Sota, vu, 8. 

II. L'interprétation. — 1° La loi interdit tout tra- 
vail agricole la septième année. L'homme se repose le 
septième jour, la terre se reposera la septième année; 



1303 



SABBATIQUE (ANNÉE) 



1304 



ce qui sera également un hommage rendu au maître 
de toutes choses et une reconnaissance de son souve- 
rain domaine sur le sol attribué anx Israélites. Moïse 
ne parle que du travail agricole, labourage, moisson, 
culture de la vigne, vendange, cueillette des olives. Le 
texte sacré ne mentionne que les oliviers parmi les 
arbres dont la culture et la cueillette sont prohibées 
l'année sabbatique, parce que ces arbres étaient ordi- 
nairement plantés en grand nombre et que la récolte 
des olives ressemblait assez à la vendange. Les autres 
arbres fruitiers étaient plus isolés et les fruits en 
étaient cueillis un peu au jour le jour, suivant leur 
maturité et sans grand mouvement dans l'ensemble 
de la population. Néanmoins il est à croire que ces 
fruits étaient à la disposition de tous pendant l'année 
sabbatique. Les autres travaux ne sont nullement 
prohibés; l'Israélite les continue comme les années 
ordinaires. Cette année-là, il cessait donc d'être un 
peuple agricole pour redevenir un peuple pasteur, tel 
qu'il avait été à ses origines et au désert. Il ne pouvait 
faire ni moisson, ni vendange, ni cueillette régulières; 
il vivait sur le produit de l'année précédente. Mais les 
fruits spontanés du sol appartenaient à tous, sans dis- 
tinction, à condition sans doute de les prendre au jour 
le jour et sans rien du grand mouvement des récoltes 
annuelles. Il va de soi que l'année sabbatique était la 
même pour tous et qu'à certains égards elle avait des 
analogies aveo le jour du sabbat, qui était le même 
pour tous et imposait à tous les mêmes obligations. 
L'année sabbatique assurait le repos à tous ceux qui 
d'ordinaire se livraient aux travaux des champs ; ce 
repos leur permettait d'ailleurs de se livrer à d'autres 
occupations utiles, construction et réparation de mai- 
sons, réfection des murs de clôture, forage de puits 
et de citernes, fabrication d'instruments agricoles, etc. 
De plus, les troupeaux n'avaient pas besoin d'être 
emmenés dans de lointains pâturages; ils passaient sur 
les terres mêmes de Palestine et les fécondaient de 
leurs engrais. Les bêles sauvages elles-mêmes pou- 
vaient être plus aisément chassées à travers les champs 
incultes et les vignes à l'abandon. — 2° La loi sur la 
libération de l'esclave hébreu n'a rien de commun avec 
la loi de l'année sabbatique. Exod., xxi, 2; Deut., xv, 
12-18. Quelques auteurs pensent que la libération était 
prescrite en ce sens qu'un esclave hébreu ne pouvait 
servir plus de six ans, mais que si l'année sabbatique 
intervenait avant la fin de cette période, il recouvrait 
sa liberté. Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., 
Paris, 1897, p. 214. Mais Moïse parle toujours de sep- 
tième année pour la libération de l'esclave hébreu et 
il n'établit jamais de relation entre cette septième 
année et l'année sabbatique. Josèphe, Ant. jud., III, 
xii, 3, ne parle pas non plus de cette libération à 
propos de l'année sabbatique. Il faut donc s'en tenir à 
l'opinion la plus commune parmi les commentateurs, 
qui voient dans les six ans de service de l'esclave une 
période absolument indépendante. Voir Esclave, t. n, 
col. 1922. — 3° La mesure prise en faveur des débiteurs 
pendant l'année sabbatique s'explique d'elle-même. Ne 
recueillant rien de ses champs ni de ses vignes, l'Israé- 
lite peu aisé n'était pas capable de payer les dettes 
qu'il avait contractées. Il était juste de régler ses obli- 
gations en tenant compte de la loi du repos. Le légis- 
lateur veut donc que l'année sabbatique soit pour le 
débiteur une année de èemiltûh. Deut., xv, 9; xxxi, 10. 
Ce mot vient du verbe Sâmat qui signifie « repousser, 
renvoyer ». Le verbe Sdmat est employé dans l'Exode, 
xxiii, 11, pour dire qu'il faut « abandonner > la terre 
sans la cultiver la septième année. Pour rendre le sub- 
stantif hébreu, les Septante se servent du mot âfeatç, 
« renvoi, décharge, remise ». Un certain nombre d'au- 
tpnrs ont pensé que cette rémission impliquait, de la 
part du créancier, l'abandon total et définitif de ses droits. 



Ainsi l'ont compris les talmudistes, Sahebiit, x, 1 ; Phi- 
Ion, De seplenario, édit. Mangey, t. n, p. 277, 284, etc. 
Fr. Buhl, La société israélite d'après l'A . T., trad. de 
Cintré, Paris, 1904, p. 171, 172, soutient encore celte 
interprétation, en faisant valoir que l'avertissement 
donné par Moïse, Deut., xv, 9, n'aurait aucun sens s'il 
ne s'agissait pas d'une remise absolue des dettes. Les 
commentateurs modernes admettent généralement que 
Moïse n'a en vue qu'une prorogation des obligations 
du débiteur. L'année sabbatique, le créancier « relâ- 
chait sa main, » il ne pressait pas son débiteur, il 
abandonnait sa créance comme le cultivateur abandon- 
nait sa terre, c'est-à-dire avi c l'intention et le droit de 
la reprendre l'année suivante. Moïse ne veut pas que 
l'approche de l'année sabbatique empêche l'Israélite de 
prêter à son frère pauvre. La crainte de l'Israélite ne 
portait pas nécessairement sur l'obligation de renoncer 
totalement à sa créance; elle pouvait être également 
motivée par la nécessité d'attendre une année de plus 
avant de recouvrer son bien. Qui ne voit d'ailleurs à 
quel inconvénient aurait prêté une loi prescrivant tous 
les sept ans la remise des dettes? Personne n'aurait 
plus prêté et les malheureux que la nécessité obligeait 
à emprunter n'auraient plus jamais trouvé de prêteur; 
en définitive, un prêt eût presque toujours dégénéré 
en don, par le fait du débiteur intéressé. Cf. Rosen- 
mûller, InDeuteron., Leipzig, 1798, p. 427, 428; Bàhr, 
Symbolik des tnosaischen Quitus, Heidelberg, 1839, 
t. il, p. 570; De Hummelauer, In Deuteron., Paris, 
1901, p. 338, 339. Voir Dette, t.n, col. 1394. — Le code 
d'Hammourabi ne mentionne aucune institution ana- 
logue à celle de l'année sabbatique. Il prescrit cepen- 
dant que, les années où l'orage inonde un champ et 
emporte la moisson et où la sécheresse empêche le blé 
de pousser, le fermier n'a pas d'intérêt à payer au 
créancier. Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, 
Paris, 1902, p. 41, art. 48. De même, chez les Hébreux, 
les champs ne produisant rien pendant l'année sabba- 
tique, le débiteur était dispensé, non de payer l'intérêt 
que prohibait la loi mosaïque, mais de rendre cette 
année- là le montant de sa dette. On a constaté, chez les 
Nabuthéens de la presqu'île Sanaïtique, le droit pour les 
pauvres de faire la cueillette des dattes certaines années. 
Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1753. 

III. La pratique. — 1» En menaçant les Israélites 
de la déportation qui châtiera leurs infidélités, Moïse 
dit qu'alors « la terre se reposera et jouira de ses 
sabbats. » Lev., xxvi, 34, 43. Il prévoit donc que la loi 
sur l'année sabbatique ne sera pas toujours observée. 
C'est ce qui arriva en effet. Pendant la captivité de 
Babylone, le pays put « jouir de ses sabbats. » II Par., 
xxxvi, 21. — Après la captivité, les Israélites s'enga- 
gèrent à « laisser la terre la septième année et à n'exi- 
ger le paiement d'aucune dette. » II Esd., x, 31. La loi 
était observée fidèlement à l'époque des Machabées. 
I Mach., vi, 49, 53. — Le peu de place que la loi sur 
l'année sabbatique semble tenir dans la vie des anciens 
Israélites a suggéré plusieurs objections. N'aurait-elle 
pas été introduite seulement après l'exil? Au lieu 
d'être générale pour tout le pays, n'aurait-elle pas été 
applicable pour chacun après six ans de culture, de 
même que les esclaves hébreux étaient libérés après 
six ans de servage, sans qu'il y eût coïncidence géné- 
rale entre toutes les années de repos ? Ne pourrait-on 
pas interpréter les textes en ce sens seulement que les 
terres étaient cultivées comme d'habitude, mais que, 
la septième année, le produit en était abandonné aux 
pauvres pour leur subsistance du présent et de l'avenir? 
Enfin, aucune pratique religieuse spéciale n'est attachée 
à l'année sabbatique, contrairement à toutes les analo- 
gies. — Sur ce dernier point, la lecture publique de 
la loi peut suffisamment caractériser l'année sabbatique 
au point de vue religieux. Quant anx aulies supposi- 



1309 



SAG — SACREMENT 



1310 



XLiv, 1-12. — On mettait les provisions dans un sac, 
comme ce paysan égyptien qui se rend au marché 
(fig. 272). Quand les Gabaonites viennent pour traiter 
avec Josué, ils portent leurs provisions dans de vieux 
sacs, pour faire croire qu'ils arrivent de très loin. 
Jos., ix, 4. On apporte à Elisée vingt pains d'orge et 
des épis dans un sac. IV Reg., iv, 42. Notre-Seigneur 
ne veut pas que ses disciples aient des sacs à provisions 
quand ils vont en mission. Luc, x, 4; xxii, 35, 36. — 
Les sacs servent aussi à mettre de l'argent. Prov., vu, 
20. Giézi ramasse dans deux sacs les deux talents 
d'argent qu'il a reçus de Naaman. IV Reg., v, 23. Le 
Sauveur veut qu'on se fasse des sacs à argent qui ne 
s'usent pas, Luc, xn, 33, en distribuant ce qu'on a en 
aumônes. Voir Bourse, t. i, col. 1899, et les fîg. 595- 
599. — David, avant d'aller à Goliath, met dans son 
sac de berger cinq pierres destinées à sa fronde. I Reg., 
xvn, 40. On mettait également dans un sac les pierres 
qui servaient de poids pour les transactions courantes. 
Deut., xxv, 13, Prov., xvi, 11; Mich., vi, 11. — Ju- 
dith emporte dans un sac la tête d'Holoferne. Judith, 
xin, 11. - Quand un sac avait été touché par une 
bête impure, on le lavait et il restait impur jusqu'au 
soir. Lev., xi, 32. — Les versions rendent souvent 
par (Tanxo;, saccus, le mot saq, même dans des pas- 
sages où il désigne, non plus le sac d'étoffe grossière, 
mais le vêtement de poil de chameau ou de chèvre qui 
servait dans les jours de deuil ou de pénitence. Voir 
Cilice, t. h, col. 759, et t. iv, col. 23, fig. 11, à gauche, 
les Juifs revêtus du sac ou cilice, qui sont conduits 
devant Sennacherib. H. Lesètre. 

SACERDOCE (hébreu : kekunnâh; Septante : Upa- 
xei'a; iepaTeu[»a, Vulgate : sacerdotium). Voir Grand- 
Prètre, t, m, col. 295; Prêtre, 1. v, col. 640. 

SACHACHA (hébreu : Sekàkdh, « clôture, haie »; 
Septante : Ato^coÇâ; Alexandrinus : Soj(oxâ)i une des 
six villes de la tribu de Juda qui étaient situées dans 
le désert (midbâr) de Juda, c'est à-dire à l'ouest de la 
mer Morte. Jos., xv, 61. Elle est nommée entre Meddin 
et Nebsasa, mais le site n'en est pas connu. Elle se 
trouvait probablement entre le Cédron et Engaddi. 

SACHAR (hébreu : Sàkàr, « salaire »), nom de deux 
Israélites. 

1. SACHAR (Septante : 'A-^ip ; Alexandrinus : Eocxâp 1 , 
père d'Ahiam,un des gibbôrim de David (t. i, col. 292). 
I Par., xi, 35. Il est appelé Sarar, II Reg., xxm, 33. 

2. SACHAR (Septante : Ea^*?)» lévite, quatrième (ils 
d'Obédédom, un des portiers de la maison du Seigneur. 
I Par., xxvi, 4. 

SACRE des rois. Voir Roi, col. 1117. —Consécration 
du grand-prêtre, voir t. m, col. 297; des prêtres, voir 
t. v, col. 646. 

SACREMENT (Vulgate : saeramenlum). Le mot 
latin vient de sacrare, « consacrer, dédier », et a 
des significations tTès diverses. — 1° Le sacramentum 
comme terme technique légal, désignait une somme 
d'argent que deux parties en procès déposaient in 
sacro; celui qui gagnait sa cause recouvrait ce qu'il 
avait versé; celui qui la perdait perdait en même 
temps son dépôt qui revenait au trésor public; il 
signifiait de plus, par suite, la cause en discussion 
elle-même. Comme terme militaire, sacramentum 
signifiait l'engagement préliminaire pris par ceux qui 
s'enrôlaient et le serment d'obéissance au commande- 
ment. Sous l'empire, ce serment fut souvent aussi 
prêté par les sujets. A partir d'Horace, Od., II, xvn, 



10, sacramentum devint synonyme de serment en gé- 
néral. Il n'est pas employé dans l'Écriture dans tes 
diverses acceptions. 

2" Dans la Vulgate, le mot sacramentum n'apparaît 
dans l'Ancien Testament que Tob., xn, 7; Dan., n. 18, 
30, 47; iv, 6; Sap., n, 22; vi, 24; xn, 5. Dans le chal- 
déen de Daniel, le mot original est razâ'; la traduction 
grecque l'a rendu par p.xKxzr,f iow ; c'est ce même mot 
grec qui est employé dans les passages de Tobie et de 
la Sagesse où no're Vulgate s'est servie du mot sacra- 
mentum (excepté Sap.,xn,5, où le grec porte |jiuerTa8éia, 
mot diversement interprété et probablement altéré; 
une leçon porte èx [autoO ^.ûo-ta; 9cii70u, « initiés à 
d'horribles mystères »). C'est également le même mot 
(jiusrôptov 1 u i se lit dans les endroits du Nouveau Tes- 
tament où notre version latine a sacramentum. Ce der- 
nier mot a donc dans le latin scripturaire la même 
signification que fnxxTriptov dans la Bible grecque. Voir 
Mystère, t. iv, col. 1368. — Il signifie 1° un secret, 
Tob., XII, 7 (secret royal); Sap., n, 22 (secrets divins); 

— 2° une chose cachée et mystérieuse, Dan., Il, 18,19, 
30, 47 (songe mystérieux de Nabuchodonosor); IV, 6; 

— 3° les mystères de la religion chrétienne, le mystère 
de l'Incarnation, magnum pietatis sacramentum, 
I Tim., m, 16; la vocation des Gentils, Eph., i, 9; ni, 
3, 9; Col.,1, 27; — 4» un sens caché, une signification 
symbolique. Apoc, i, 20; xvn, 7. Dans Eph., v, 32, 
saint Paul, après avoir parlé de l'union mystique qui 
existe entre Jésus-Christ et son Église, et rappelé les 
paroles de la Genèse, u, 24 (d'après les Septante), rela- 
tives à l'institution du mariage, ajoute : Sacramentum 
hoc magnum est; ego autem dico in Christo et in 
Ecclesia. Le sens est : l'union de Jésus-Christ avec son 
Église est la plus intime et la plus sainte des unions; 
le mariage en est l'image sensible, un mystère (\i.uazr t - 
ptov) qui a une signification supérieure. Le mot sacra- 
mentum n'est donc pas ici une preuve proprement 
dite delà sacramentalité du mariage humain, mais c'est 
néanmoins probablement de là qu'est venue la signifi- 
cation chrétienne attachée au mot « sacrement ». Le 
concile de Trente, sess.xxiv, de Malrimonio , remarque 
que le langage de saint Paul « insinue », innuit, le 
caractère sacramentel du mariage. — Pour les sacre- 
ments proprement dits, voir Baptême, t. i, col. 1433; 
Confirmation, t. n, col. 919; Pénitence, t. v, col. 42; Cène 
(pour l'Eucharistie), t. n, col. 416; Extrême-Onction, 
t. i, col. 2140; Ordre, t. iv, col. 1854; Mariage, t. iv, 
col. 770. L'emploi du mot sacramentum avec sa signi- 
fication chrétienne restreinte se trouve déjà dans Ter- 
tullien. Il commence son traité De baptismo, 1, t. i, 
col. 1197, par ces mots : Félix sacramentum aqux no- 
slrse, quia ablutis delictis prislinse csecitatis in vitam 
ssternam liberamur. Il appelle aussi l'Eucharistie sa- 
cramentum. Adv. Marc., iv, 34; v, 8, t. n, col. 442, 
489. Saint Cyprien et saint Augustin font un fréquent 
usage du même mot dans le même sens. 

3» Sacrements dans l'Ancien Testament. — La place 
importante que tiennent les sacrements dans l'économie 
de l'Église chrétienne a porté les théologiens à recher- 
cher s'ils avaient existé dans la synagogue. Celle-ci n'a 
pas possédé des sacrements produisant la grâce par 
eux-mêmes, mais les sacrifices, les cérémonies, les 
onctions, les bénédictions qui se pratiquaient dans la 
religion mosaïque étaient figuratifs des sacrements de 
la loi nouvelle : la circoncision figurait le baptême; 
l'agneau pascal, la mort de Jésus-Christ; les pains de 
proposition, la sainte Eucharistie; l'onction des prêtres, 
le sacrement de l'ordre, mais c'étaient infirma et egena 
elementa, dit saint Paul, Gai., iv, 9. Comme l'explique 
saint Augustin, Enarr. in Ps. lxxiii,1, t.xxxvi,coI.931: 
Sacramenta Novi Teslamenti dant salutem; sacra- 
menta Veteris Testamenti promiserunt Salvalorem. 
Et Epist. uv, 1,1. xxxiii, col. 200, il montre la supé- 



4311 



SAÔRÉMENÏ — SACRIFICE 



Ï3l2 



rioriti des sacrements chrétiens : Sacramentis numéro 
paucissimis, observatione facillimis, significations 
prœstanlissimis [Christus] societatem novi populi 
colligavit, ou, comme il le dit en d'autres termes, Lib. 
cont. Faust., xil, t. xvin, p. 320a: Virtute majora, uli- 
litale meliora, actu faciliora, numéro pauciora quam 
antiqua. 

SACRIFICE (hébreu l'iësék, de 'êS, « feu »; minfiâh, 
zébah, qorbàn; chaldéen : minhah, debah; Sep- 
tante : 8-jiTia, 5<ipov, nfoasopi; Vulgate : sacrifi- 
cium, oblatio), oflrande à la divinité d'un être animé 
où inanimé, mis ensuite hors de tout usage profane 
par l'immolation ou la destruction. 

I. Les sacrifices en générai,. — 1» Universalité. — 
Dans toutes les religions anciennes, si haut qu'on 
puisse remonter vers leurs origines, on constate l'exis- 
tence des sacrifices. Les hommes offrent à la divinité 
leurs animaux domestiques et les aliments qui les 
nourrissent eux-mêmes. Ils immolent ces animaux et 
ainsi renoncent à l'utilité qu'ils en tiraient; ils dé- 
truisent les aliments et les autres objets qu'ils ont 
offerts et cessent eux-mêmes d'en profiter. Tous ces 
êtres ont été consacrés à la divinité, ils lui appartiennent 




27J. — Lbevreau offert en sacrifice à la déesse Istar. 

Bien, Narrative of a journey to the site ofBabylon in 18U, 
pi. x, 10. 

exclusivement et l'homme n'a plus aucun droit à en 
Taire usage. Seulement, quand il s'agit d'animaux im- 
molés, l'homme croit bien agir en mangeant quelque 
chose de ce que la divinité a agréé pour elle-même. 
D'après S. Thomas, Sum. theol., II" II», q. i.xxxv, a. 1, 
l'offrande des sacrifices est de droit naturel, parce que 
la raison commande à l'homme d'offrir à Dieu, en 
signe de soumission et d'hommage, quelques-unes des 
choses sensibles qui sont à son usage, comme on fait 
vis-à-vis des maîtres dont on veut reconnaître la 
domination. 

2° Variété de formes. — Les anciens, en offrant des 
sacrifices, ne se sont pas toujours rendu compte de la 
vraie portée de ces actes religieux. En Orient, ils trai- 
taient volontiers leurs dieux comme des maitres qui 
recevaient des tributs et des présents, se nourris- 
saient plus ou moins subtilement des victimes qu'on 
leur immolait et des mets qu'on leur consacrait, 
Dan., xiv, 5, se rendaient favorables à ceux qui 
leur faisaient des offrandes et, possesseurs incon- 
testables de tous les biens de la terre, en laissaient la 
jouissance aux hommes, à condition d'en recevoir eux- 
mêmes les prémices. Ils croyaient aussi qu'en man- 
geant une partie des victimes immolées, ils prenaient 
place à la même table que le dieu, ce qui scellait l'ami- 
tié entre eux et lui. — Les Arabes sacrifiaient le cha- 
meau, le bœuf et la brebis. Par l'effusion du sang d'une 
victime domestique, ils entendaient établir le lien du 
sang entre eux et leur dieu, autant qu'il était possible 
de le faire. Cf. Hérodote, m, 8. Ils versaient ce sang 
sur l'autel de la divinité ou en oignaient les pierres qui 
lui étaieut consacrées, afin de l'atteindre d'aussi près 
qu'il se pouvait. La manducation de la victime, toujours 
dans le même but, constituait une partie essentielle de 
leurs sacrifices. — Les Chananéens offraient des vic- 



times plus variées, le bœuf, le veau, le cerf, le bélier, 
le bouc, l'agneau, le chevreau, le faon et deux espèces 
d'oiseaux, avec des oblalions de céréales, d'huile, de 
lait, de graisse et probablement de vin. Ils avaient un 
sacrifice dans lequel tout était consommé, un sacrifice 
dans lequel le prêtre seul prélevait une partie de la 
chair, et une autre dans lequel le prêtre et l'offrant se 
partageaient ce qui n'allait pas à l'autel. Les Chana- 
néens ont surtout multiplié odieusement les sacrifices 
humains, sacrifices de nouveau-nés et spécialement de 
premiers-nés, dont on a retrouvé les restes dans leurs 
anciennes villes, parfois consumés par le feu, et dont 
les restes étaient enfermés dans des jarres. A Gazer et 
à Mageddo, on a retrouvé de ces cadavres d'enfants 
dans les fondalions, comme pour dédommager la divi- 
nité de l'occupation d'un sol qui lui appartenait. L'im- 
molation des premiers-nés par les Chananéens est men- 
tionnée dans la Bible. Jos., vi, 26; III Reg., xvi, 34; 
IV Reg., jh, 27. Des victimes plus âgées étaient ainsi 
offertes et enfouies avec de grandes jarres contenant 
les provisions et l'eau nécessaires aux morts. Cf.H.Vin- 




274. — Sacrifice d'un chevreau. Derrière l'autel, la statue du 
dieu Dionysos. Sur l'autel allumé, la prêtresse va égorger un 
chevreau, considéré comme victime agréable à Dionysos. Près 
de l'autel est une table sur laquelle une femme vient déposer 
des offrandes. D'après un vase peint. 

cent, Canaan, Paris, 1907, p. 188-198. On a ainsi re- 
trouvé à Gazer une tombe avec un agneau placé sous 
les genoux du mort. Il y avait probablement là une 
offrande destinée à ménager au mort la faveur de la 
divinité. Cf. H. Vincent, ibid., p. 253. — Les Chal- 
déens offraient en sacrifice le taureau, la brebis, la 
chèvre, l'agneau, le chevreau (Dg. 273), la gazelle, le 
porc lui-même, et des oiseaux de différentes sortes. 
Ils y ajoutaient des oblations de dattes, de légumes, 
de blé, d'ail, d'épices, d'encens, de vin de dattes, de 
lait, de beurre, de crème, de miel et de sel. C'est chez 
eux qu'était le plus accentuée l'idée que le sacrifice 
servait à alimenter les dieux. Voir Odeur, t. iv, fig. 455, 
col. 1739. — En Egypte, le sacrifice avait aussi ce dernier 
caractère; c'était un vrai banquet que l'on offrait au 
dieu. On lui immolait le taureau dont une partie était 
brûlée pour son usage, tandis que le reste était partagé 
entre les assistants. A la victime, on ajoutait des obla- 
tions de gâteaux, de fruits, de légumes et de vin. Pen- 
dant que le dieu se nourrissait, on pouvait lui adresser 
toutes les demandes, à condition que l'officiant procé- 
dât scrupuleusement en tout suivant les rites convenus 
et proférât exactement les formules indispensables. La 
divinité était alors liée par une sorte de contrat envers 
le solliciteur. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu- 
ples de l'Orient classique, Paris, 1895, t. I, p. 122-124, 
680-681. D'après Hérodote, n, 39, 40, on chargeait 
d'imprécations la tête de la victime, afin de détourner 
sur elle tous les malheurs qui menaçaient le pays on 
les particuliers; ensuite on vendait cette tête à des 
Grecs ou on la jetait à la rivière. La partie de la vie- 




s 

te 



1313 



SACRIFICE 



1314 



lime que l'on brûlait était remplie de pains de pure 
farine, de miel, de raisins secs, de figues, d'encens, de 
myrrhe et d'autres substances aromatiques; on répan- 
dait de l'huile sur le feu pour activer la combustion. — 
Les Perses ne brûlaient pas les victimes de leurs sa- 
crifices, pour ne pas souiller le feu. La divinité se con- 
tentait de l'offrande de la vie. Celui qui offrait la vic- 
time la coupait en morceaux, qu'il faisait bouillir et 
étendait sur l'herbe; puis, après une invocation chan- 
tée par un mage, il l'emportait pour en disposer à son 
gré. Cf. Hérodote, i, 132. Cette herbe était comme le 
siège de la divinité, invitée à prendre sa part du festin. 
Cf. Oldenberg, La religion du Véda, trad. Henry, Paris, 

1903, p. 26; Lagrange, La religion des Perses, Paris, 

1904, p. 17-18. — Les Grecs sacrifiaient à leurs dieux 
de jeunes bœufs, des moutons, des chèvres (fig. 274), des 
porcs, parfois des chiens et du gibier. D'après eux, « le 
produit de la nature croissant par lui-même ne devait 
pas servir de victime, mais bien ce que l'homme s'était 



hommage à la souveraineté divine, la remercier de ses 
dons, implorer sa protection, avec l'idée d'une certaine 
jalousie chez les dieux et de la nécessité de la calmer 
par la cession volontaire d'une partie de ce que l'on 
possédait. — Les Romains suivaient à peu prés les 
mêmes rites que les Grecs; mais chez eux les sacri- 
fices expiatoires étaient bien plus nombreux (fig. 275). 
Les victimes choisies avaient certains rapports avec les 
divinités auxquelles on les offrait. Une loi des xh Tables 
ordonnait de présenter à chacune d'elles des victimes 
qui lui fussent agréables. Un soin méticuleux présidait 
à leur choix et surtout à leur immolation, la moindre 
négligence et le moindre accident ayant pour effet de 
rendre le sacrifice inutile. Le sang de la victime était 
toujours répandu. Les holocaustes ne s'offraient guère 
qu'aux divinités infernales. Dans les autres sacrifices, 
la chair de l'animal était vendue au compte de l'état 
ou partagée, suivant les cas, entre les prêtres, les victi- 
maires et les particuliers. Cf. Bouché-Leclercq, Les pon- 




275. — Suovetaurilia . SacriBce de purification, dont les trois victimes sont le porc, le bélier et le taureau. Bas-relief romain. 
D'après Baumeister, Denkm&ler des klassischen AUertums, t. ut, fig. 1799. 



approprié à force de peine et de soins et ce qu'il avait 
fait entrer dans la sphère humaine. D'après l'opinion 
généralement répandue dans la haute antiquité, le 
sang est le siège de l'âme et de la vie, et, par cette rai- 
son, agréable à la divinité, puisqu'il constitue l'essence 
de tout le monde animal et qu'il forme ce qu'il y a de 
sublime et de meilleur dans la nature; le sang est donc 
particulièrement propre à être offert à la divinité 
comme un don et un témoignage de reconnaissance 
pour des bienfaits obtenus. Par contre, le sang, par 
ses rapports étroits avec les passions humaines, passe 
pour la racine et le siège du péché, dont l'expiation 
doit en conséquence se faire par le sang, et dont la faute 
et la tache doivent être lavées par le sang. La divinité 
permettait quelquefois de substituer un sang étranger 
à son propre sang, ce qu'on regardait comme une 
grâce particulière. Voilà la signification des sacrifices 
d'animaux qu'on tuait avec les couteaux, même quand 
on les consacrait à la divinité en holocauste et sans en 
manger; ou bien, quand on les assommait avec la 
massue, on leur coupait pourtant la gorge afin de re- 
cueillir le sang et de pouvoir le consacrer à la divinité, 
en aspergeant l'autel ou en le répandant autour de 
celui-ci. » Dollinger, Paganisme et Judaïsme, trad. 
J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 312. Outre le sacrifice 
expiatoire, les Grecs en avaient d'autres pour rendre 

mer. de la bible. 



tifes de l'ancienne Rome, Paris, 1871, p. 61-68, 93-110. 
' Les lectistemia accusaient encore davantage l'idée du 
commerce de l'homme avec lesdieux. C'étaient des repas 
solennels qu'on offrait aux images des dieux (fig. 276), 
et dans lesquels les epulones exerçaient la double fonc- 
tion d'organisateurs et de consommateurs. Cf. Valère 
Maxime, n, 1; Arnobe, vu, 32; Tite Live, v, 13; vu, 2; 
vin, 25; xlii, 30; etc. — Chez les Gaulois et les Ger- 
mains, on immolait surtout des hommes. 
•3° Éléments communs. — Tons ces rites anciens, mal- 
gré la diversité de leurs formes, ont des points com- 
muns dont la réunion constitue l'essence même du 
sacrifice. Partout il y a d'abord une offrande à la divi- 
nité. Cette offrande n'est pas quelconque; elle consiste 
en victimes utiles à l'homme, en rapport plus ou 
moins direct avec lui, et dignes d'être «gréées par la di- 
vinité, sous peine de l'irriter au lieu de la fléchir. Puis, 
la victime est invariablement immolée et son sang ré- 
pandu. Le sang, c'est la vie, et nulle offrande plus 
précieuse que celle-là ne peut être présentée à la divi- 
nité, de laquelle seule vient toute vie. Enfin l'homme, 
qui fait un tel présent à la divinité pour l'apaiser ou 
se la rendre favorable, tient à recevoir un témoignage 
sensible de l'efficacité de son sacrifice. Il estime que le 
dieu auquel il l'a offert lui permet de s'asseoir à sa 
table et de partager avec lui le festin sacré (lig. 277). 

V. — 42 



1315 



SACRIFICE 



1316 



En se nourrissant de la chair de la victime, il devientle 
commensal de la divinité, ce qui est pour lui le gage 
suprême du pardon ou de la bienveillance. Cf. Lagrange, 
Études sur les relig. sémitiques, Paris, 1905, p. 246-274. 
4» Idée de la substitution. — Un autre élément ca- 
pital est à constater dans ces sacrifices anciens, sur- 
tout quand ils ont un caractère expiatoire. L'homme 
se sent coupable; aussi, bien souvent, c'est l'homme 
qui est immolé. Mais la victime n'est pas identique au 
coupable; ce dernier se substitue le prisonnier de 
guerre ou un homme plus faible que lui. Puis, avec le 
temps, à une vie humaine on substitue une vie ani- 
male et les dieux sont censés agréer cette substitution, 
que l'on croit légitime et efficace. C'est ainsi qu'en 
Egypte on détourne sur la tête de la victime-animale, 
par des imprécations, les maux qui pourraient atteindre 
les hommes eux-mêmes. Le bœuf choisi pour l'immo- 
lation était marqué d'un sceau, cf. Hérodote, n, 38, et 
ce sceau représentait un homme agenouillé, attaché à 




276. — Lectisternium, banquet offert à Sérapis, à Isis, au Soleil 
et àlaLune, caractérisés par leurs attributs. Relief sur lapoignée 
d'une lampe d'argile. Bartoli, Lucernse vet. sepulcr., u, pi. 34. 

un pieu, les mains liées sur le dos et la gorge percée 
d'un couteau, image sensible du rôle que la victime 
allait remplir par substitution. Cf. Dôllinger, Paga- 
nisme et Judaïsme, t. n, p. 307. Cette idée de substi- 
tution d'une victime animale à une victime humaine 
est clairement exprimée dans des vers d'Ovide. 
Fast., vi, 158-161. Le poète fait parler la nymphe Grana 
qui, pour obtenir la délivrance du jeune enfant Proca, 
menacé par les oiseaux de la nuit, offre à ces derniers 
les entrailles d'une truie de deux mois avec cette ad- 
juration : « Oiseaux de la nuit, dit-elle, ne touchez pas 
aux entrailles de l'enfant : au lieu de ce petit, une pe- 
tite victime est immolée. Recevez, je vous prie, cœur 
pour cœur, fibres pour fibres : nous vous offrons cette 
vie à la place d'une meilleure. » Toutes ces idées con- 
stitutives du sacrifice chez les anciens peuples se retrou- 
vent plus nettes et plus épurées chez les Hébreux. 
Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Quitus, Heidel- 
berg, 1839, t. H, p. 189-294 ; J. de Maistre, Éclaircisse- 
ment sur les sacrifices, dans Œuvres choisies, édit. 
Pages, Paris, s. d., t. i, p. 203-208. 

11. Sacrifices des patriarches. — 1° Caîn etAbel. — 
La Sainte Écriture fait remonter aux fils mêmes d'Adam 
la pratique des sacrifices. Caîn, qui était agriculteur, 
offrait an Seigneur des produits de la terre en oblation, 
minhdh; Abel, qui était pasteur, offrait des premiers-nés 
de son troupeau et de leur graisse. Gen., iv, 3, 4. De 
part et d'autre, le verbe employé pour caractériser l'acte 
des deux frères est l'hiphil de bô', « faire entrer, intro- 
duire, présenter ». Dieu traita différemment l'oblation 
de l'un et de l'autre; il regarda Abel et sa minhdh, il 



ne regarda pas Caîn et sa minhâh. Ce. regard était un 
regard de complaisance. Il fut accordé à l'un et refusé 
à l'autre, non pas à raison de leurs dons, puisque cha- 
cun offrait ce qui était en son pouvoir, mais à cause de 
leurs dispositions intérieures. Cf. I Joa., m, 12; 
S. Ambroise, De incarn. sacrant., i, t. xvi, col. 819; 
S. Grégoire, Epist. cxxii, t. lxxvii, col. 1053. L'Épitre 




)l eiAUTAlKAieiA: ITI i E z 
l TE<i>AINj.n£ANE TPA TOniKHNM ENEK*. 

' Ê 

oy |EP/irEYIA£ANEN JJ\ IHKAIOK/» I P|» 
TEIMNTPIKYBEAHK AI A P Of\h A M 1 1 T E f aJ§ 
ITPAn TAIENETHAAHKAIKHPYKTVXI I YNTA 
MKAlAAA^ItTE^AN/lKKPYKT-riirYNTÀI 
| ENTHTOYAloriYN APaf H$ A A f tS^^S, 



277. — Sacrifice et banquet sacré. Bas-relief votif. - En haut, la 
prêtresse d'une association religieuse (thiase), les mains jointes, 
fait amener la victime près de l'autel, devant lequel se tiennent 
Apollon citharède et Cybèle. En bas, les membres de l'associa- 
tion prennent part au repas sacré. A gauche, au-dessous, des 
musiciens ; adroite, des esclaves remplissentde vin des cratères. 

aux Hébreux, xi, 4, l'indique particulièrement : « C'est 
par la foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excel- 
lent que celui de Caîn. » D'après les versions, « regarder » 
équivaut ici à «se complaire»; seul, Théodotion traduit 
le mot par èveuyptuev, « il consuma ». Cf. Lev., ix, 24; 
S. Jérôme, Hebr. qusest. in Gen., t. xxm, col. 944. Le 
texte ne dit rien sur la cause qui détermina Caîn et Abel 
à faire leurs oblations. Peut-être Dieu intervint-il pour 
formuler un ordre ou un désir; on s'expliquerait ainsi 
l'obéissance extérieure de Caîn et son mauvais vouloir 
intérieur. Toutefois, conformément au génie de la lan- 
gue hébraïque, s ne pas regarder », opposé à « regarder » 



1317 



SACRIFICE 



1318 



pourrait très bien signifier «regarder moins favora- 
blement », comme d'ailleurs l'insinue le texte de l'Épilre 
aux Hébreux. Dès lors, il serait permis de supposer que 
les deux frères ont obéi à une inspiration de conscience, 
ouquel'unaagià l'imitation de l'autre, maisavec dessen- 
timents devaleur inégale. En somme, ce passage biblique 
note l'apparition des premiers sacrifices, mais ne per- 
met pas de discerner la vraie cause de cette institution. 
2° Noé. — Au sortir de l'arche, Noé construit un 
autel, prend des animaux et des oiseaux purs et les offre 
en holocauste sur l'autel. Dieu agrée ce sacrifice. 
Gen., vin, 20, 21. Pendant les longs siècles qui se sont 
écoulés entre Adam et Noé, l'institution des sacrifices 
s'est développée. L'autel est apparu. Les animaux ont 
été distingués en purs et impurs, les purs étant ceux 
que l'homme a pris à son service ou dont il tire utilité. 
Ces victimes vivantes ne sont plus seulement l'objet 
d'une oblation, comme au temps d'Abel; elles sont 
immolées et entièrement consumées sur l'autel. Les 
circonstances autorisent à penser que, par ce sacrifice, 
Noé entend reconnaître la souveraineté de Dieu et le 
remercier de sa propre préservation. Dieu répond à 
cette double pensée du patriarche en lui assurant que 
désormais la préservation sera générale et en lui délé- 
guant quelque chose de sa souveraineté sur tous les 
animaux. — Rien n'est encore dit sur l'origine des 
sacrifices. Ont-ils été, dans l'idée de ceux qui les ont 
offerts les premiers, des dons intéressés où désin- 
téressés, une sorte de rançon payée à Dieu pour avoir 
droit ensuite de se servir des êtres qui font partie de 
son souverain domaine, un expédient pour justifier 
l'immolation des animaux dont on sentait le besoin de 
se nourrir, et ensuite un acte d'hommage à la divinité, 
pour lui témoigner reconnaissance ou repentir et s'unir 
à elle par la communion à la même victime? Aucune 
réponse n'est suggérée par le texte sacré. Cf. Revue 
biblique, 1906, p. 472. Saint Thomas, Sum. theol., I a 
II*, q. cm, a.l, pense que les anciens hommes offraient 
leurs sacrifices en vertu d'une certaine dévotion qui 
portait leur volonté à faire ce qui paraissait convenable, 
et qu'on peut croire que plusieurs d'entre eux, doués 
d'un esprit prophétique, ont été poussés par un instinct 
divin à instituer une manière particulière d'honorer 
Dieu. Il n'y aurait donc pas eu révélation directe de 
Dieu pour l'institution des sacrifices, mais seulement 
inspiration à certains personnages dont ensuite 
l'exemple aurait fait loi. 

3° Abraham. — Quelques siècles s'écoulent entre Noé 
et Abraham. La notion du sacrifice s'est précisée chez 
les descendants de Sein. « Le sacrifice des Sémites n'est 
ni un vulgaire contact intéressé, ni la becquée tendue 
aux dieux, ni le renouvellement des liens du sang avec 
le dieu au moyen d'une victime de nature divine. C'est 
l'expression, par un acte solennel, de cette idée que 
tout appartient au dieu, et la reconnaissance de ce 
droit, en même temps que l'expression du désir de sp 
rapprocher de lui. Ce désir étant la base même du sen- 
timent religieux, le sacrifice est l'acte religieux par 
excellence. » Lagrange, Éludes sur les religions sémi- 
tiques, p. 274. Abraham élève des autels et invoque le 
nom de Jéhovah, sans nul doute en lui offrant des sa- 
crifices. Gen., xn, 7, 8; xm, 18. Devant lui, Melchisédech 
donne un caractère religieux à son offrande du pain et 
du vin. Gen., xiv, 18. Voir Melchisédech, t. iv, col. 939. 
Puis, pour sceller son alliance avec Jéhovah, Abraham 
reçoit l'ordre d'apporter une génisse de trois ans, une 
chèvre et un bélier de même âge, une tourterelle et 
un jeune pigeon. Il les partage par le milieu, sauf les 
oiseaux, et il met chaque moitié vis-à-vis de l'autre. 
A la nuit tombée, un feu passe qntre les animaux ainsi 
partagés. Gen., xv, 9, 10, 17. Ce rite paraît avoir été 
spécialement pratiqué par les Chaldéens pour conclure 
des alliances. On divisait ainsi le corps des victimes et 



chaque parlie contractante passait entre elles. Jéhovah 
passa, sous forme de feu, entre les animaux partagés 
par Abraham, et celui-ci passa de même, bien que le 
texte sacré ne juge pas nécessaire de le mentionner. 
Ce rite se maintint parmi les Israélites. Dans Jérémie, 
xxxiv, 18, 19, Jéhovah se plaint des chefs de Juda qui', 
après avoir « passé entre les moitiés du jeune taureau », 
ont été infidèles à l'alliance ainsi contractée avec lui. 
On dit, en hébreu, kârat berîf, « couper une alliance », 
c'est-à-dire la contracter. Gen., xv, 18; Exod., xxiv, 8; 
Deut., iv, 23, etc. De même, en grec, l'expression 
opxia ts[ivsiv, « couper des serments », Iliad., H, 124; 
ni, 94, 105, etc., se réfère au même usage et signifie 
« conclure un traité ». En passant l'un après l'autre 
entre les deux parties des victimes, les contractants 
voulaient marquer que désormais ils ne faisaient qu'un, 
comme les deux moitiés opposées. En même temps, le 
sort infligé aux victimes les menaçait eux-mêmes s'ils 
se montraient infidèles à l'alliance. C'est ce que le 
passage de Jérémie, xxxiv, 18, donne à entendre. Un 
usage analogue se retrouve encore chez les Arabes. 
Quand ils sont sous le coup d'une calamité, « chaque 
famille prend une brebis qui servira de victime de ré- 
demption, l'immole, la divise en deux parties égales 
qu'elle suspend, l'une vis-à-vis de l'autre, sous la tente 
ou en dehors, à deux piquets de bois. Tous les membres 
de la famille doivent passer entre les deux morceaux 
de cette victime. Les enfants incapables de marcher 
sont portés par la mère. » A. Jaussen, Coutumes arabes, 
dans la Revue biblique, 1903, p. 248. Cf. Hérodote, vu, 
39. Le texte sacré n'indique pas si les victimes immolées 
par Abraham furent ensuite brûlées, ou mangées parlùi 
et les siens, ou abandonnées aux oiseaux de proie qui 
s'étaient d'abord abattus sur elles. Gen., xv, 11. Il n'y 
en avait pas moins là un sacrifice destiné à consacrer 
une alliance. — Une autre fois, Abraham, pour obéir 
à un ordre de Dieu, se dispose à offrir son fils Isaac en 
holocauste. Il donne ainsi la preuve d'une obéissance 
prête à tout pour rendre honneur à Dieu. Arrêté dans 
l'exécution de cet ordre, le patriarche substitue un 
bélier à son fils et l'offre en holocauste. Gen., xxii, 2-13. 
Ici, l'idée de la substitution est nettement accusée. 
Toute vie humaine appartient à Dieu, qui peut en dis- 
poser à son gré; la vie de l'animal n'est sacrifiée qu'à 
la place de la première. — D'autres autels sont élevés par 
Isaac, Gen., xxvi, 25, etJacob,xxvni,18;xxxiii, 20;xxxv, 
14, qui y font des onctions, des libations, et probablement 
aussi les destinent à des sacrifices. Cf. Gen.,xxxi, 54. 

4° Job. — Ce saint homme suit encore les coutumes 
patriarcales. Périodiquement, il offre le matin un holo- 
causte pour chacun de ses fils, en se disant : « Peut-être 
mes fils ont-ils péché et offensé Dieu dans leur cœur. » 
Job, i, 5. Ce sont là des sacrifices expiatoires. Il n'en a 
pas encore été rencontré de pareils dans l'histoire des 
anciens patriarches. A la suite de la discussion, Dieu 
enjoint aux amis de Job d'offrir en holocauste sept 
jeunes taureaux et sept béliers, en expiation de la folie 
de leurs discours. Job, xlii, 8. 

5° Moïse. — Au pied du Sinaï, après la promulgation 
du décalogue, Moïse charge des jeunes gens d'offrir 
des holocaustes et d'immoler des taureaux en sacrifices 
d'actions de grâces. Puis il verse la moitié du sang 
sur l'autel et, avec l'autre moitié, asperge le peuple en 
disant : t C'est le sang de l'alliance que Jéhovah a conclue 
avec vous.» Exod., xxrv, 5-8. Cf. Heb., ix, 19-22. Il y a là 
un sacrifice destiné à confirmer un contrat d'alliance. 
Les contractants se partagent le sang des mêmes vic- 
times; Dieu en reçoit la moitié sur son autel, le peuple 
reçoit le reste par l'aspersion, et dès lors Israël acquiert 
de nouveaux droits et se soumet à de nouveaux devoirs. 

III. Sacrifices mosaïques. — Les sacrifices tiennent 
une très grande place dans le culte institué par Moïse 
sur l'ordre de Dieu. Les sacrifices existaient chez tous 



1319 



SACRIFICE 



1320 



'es autres peuples; les Israélites, avec leurs instincts 
idolàtriques, ne devaient être que trop portés à imi- 
ter leurs voisins qui sacrifiaient aux idoles. Un culte 
purement spirituel n'aurait pas suffi à les maintenir 
dans la fidélité à Jéhovah. Il leur fut dit plus tard : « Je 
n'ai pas parlé à vos pères et je ne leur ai pas donné 
de commandements en matière d'holocaustes et de sa- 
rifices, le jour où je les ai fait sortir du pays d'Egypte. 
Mais voici le commandement que je leur ai donné : 
Ecoutez ma voix, et je serai votre Dieu et vous serez 
mon peuple. » Jer., vu, 22, 23. L'érection du veau d'or 
et les sacrifices qui lui furent offerts, Exod., xxxn, 6, 
ne tardèrent pas à montrer que le peuple avait besoin 
de rites extérieurs qui le rattachassent puissament au 
culte de Jéhovah. Aussi « Moïse, par ordre de Dieu, 
prescrivit ces observances aux Hébreux à cause de 
leur faiblesse et de l'endurcissement de leurs cœurs, 
de peur qu'il ne méprisassent une religion nue et ne 
s'attachassent aux faux dieux, dont ils voyaient le culte 
embelli par de pompeuses cérémonies. » S. Éphrem, 
Op. syriac., t. H, p. 114. Cf. S. Jérôme, In ls., I, 12, 
t. xxiv, col. 31; S. Thomas, Sum. theol., V II», q. en, 
a. 2 et 3, ad l» m . 
Les sacrifices institués par Moïse sont les suivants : 
1° Sacrifices sanglants. — 1. Holocauste, 'ôldh, dans 
lequel la victime est tout entière brûlée sur l'autel. 
Voir Holocauste, t. ni, col 729-734. 

2. Sacrifice pacifique, ïélêm, ëeldmîm, Ouerîa Gtû-cr,- 
oso-j, hostia pacificorum. — La victime pouvait être mâle 
ou femelle, de gros ou de menu bétail. Après l'avoir 
immolée, on lui enlevait la graisse qui entoure les en- 
trailles, les deux rognons avec leur graisse, la taie du 
foie,- et en plus, dans la race ovine, la queue tout 
entière, à cause de son volume de graisse. Voir Brebis, 
t. I, col. 1912. Toutes ces parties étaient brûlées sur 
l'autel et le sang de l'animal était répandu tout autour. 
Lev., m, 1-17. Des oblations accompagnaient ce sacrifice. 
La chair de la victime pouvait être mangée par les 
prêtres et par tout Israélite, à condition qu'il fût en 
état de pureté. On devait la manger le jour même, à moins 
que le sacrifice ne fût offert par suite d'un vœu ou 
comme offrande volontaire, auquel cas l'on pouvait 
encore en manger le lendemain. Ce qui en restait ensuite 
devait être brûlé. Lev., vu, 11-21. 

3. Sacrifice pour le péché, hatâ'dh, àfispii'a, pro pec- 
cato. — Ce sacrifice variait suivant la qualité du cou- 
pable. Pour le prêtre ayant reçu l'onction, c'est-à-dire 
pour le grand-prêtre, on immolait un taureau. Le grand- 
prêtre faisait diverses aspersions avec son sang et ré- 
pandait le reste au pied de l'autel; il enlevait les mêmes 
parties de l'animal que dans le sacrifice pacifique et les 
brûlait sur l'autel. Tout le reste de la victime était em- 
porté hors du camp et consumé par le feu à l'endroit 
où l'on jetait les cendres. — Pour l'assemblée d'Israël, 
on prenait un jeune taureau, les anciens du peuple 
venaient poser les mains sur sa tête, puis on procédait 
comme dans le cas précédent. — Pour un chef, on 
prenait un bouc mâle, le chef lui imposait les mains et 
on brûlait les graisses sur l'autel. — Pour un. homme 
du peuple, la victime était une chèvre ou un agneau. — 
A la suite des trois fautes suivantes, réticence coupable 
devant le juge, contact d'une chose impure, serment à 
la légère, on immolait une brebis ou une chèvre, à 
leur défaut deux tourterelles ou deux pigeons, que les 
plus pauvres pouvaient remplacer par un dixième d'éphi 
de fleur de farine qu'on faisait brûler sur l'autel sans 
huile ni encens. Lev., iv, 1-v, 13. Le prêtre qui offrait 
la victime avait le droit de la manger dans le lieu saint, 
ce qui d'ailleurs n'avait pas lieu pour les victimes du 
grand-prêtre et de l'assemblée d'Israël qui, toutes deux, 
devaient être brûlées hors du camp. Lev., vi, 21-30. 

4 Sacrifice pour le délit, 'àsâm, Tikr^yjùiia, pro de- 
liclo. — La victime à offrir était toujours un bélier. Le 



délit consistait, dans les choses saintes, à retenir par 
erreur quelque chose des offrandes dues à Jéhovah ou 
à faire inconsciemment un acte qu'il défend, et, dans 
les choses profanes, à dénier au prochain, avec faux ser- 
ment, un dépôt, un gage, un objet volé ou perdu. Lev., 
v, 14-vi, 7. On versait autour de l'autel le sang de la 
victime, on enlevait les parties ordinaires et la queue 
pour les brûler sur l'autel, et. le prêtre mangeait le 
reste en lieu saint. Lev., vu, 1-7. 

5. Sacrifices spéciaux. — Le sacrifice de consécra- 
tion, millu'im, tsXsiwoiç, pro consecratione, Lev., vu, 
37, est celui qui servit à consacrer Aaron et ses fils. 
Exod., xxix, 4-28. Il comprenait un taureau pour le 
péché, un bélier en holocauste et un bélier de consé- 
cration, dont le sang servit à oindre Aaron et ses fils à 
l'oreille droite, à la main droite et au pied droit, et qui 
fut ensuite en partie brûlé en holocauste et en partie 
mangé par les nouveaux consacrés. Lev. , vin, 14-36. — Le 
sacrifice pour le lépreux. Lev., xiv, 1-32. Voir Lèpre, 
t. IV, col, 183, 184. — Le sacrifice de la vache rousse. 
Num., xix, 2-10. Voir Vache rousse. 

2» Sacrifices non sanglants. — Ils consistaient à offrir 
et à faire consumer par le feu de l'autel différentes 
substances, comestibles ou non. Ils accompagnaient, 
toujours les holocaustes et les sacrifices pacifiques, mais 
n'étaient pas joints aux sacrifices pour le péché. Ils 
se faisaient aussi. indépendemment des sacrifices san- 
glants. Voir Oblation, t. iv, col. 1725-1731; Libation, 
t. iv, col. 234-237. 

3° Sacrifices publics. — La loi prescrivait onze sacri- 
fices d'un caractère public intéressant toute la nation. 
— 1. Le sacrifice perpétuel ou quotidien. Chaque jour, 
on offrait en holocauste deux agneaux d'un an, un le 
matin et un autre l'après-midi, avec une oblation de 
farine pétrie à l'huile et une libation de vin. Exod., xxix, 
38-42; Num., xxvm, 3-8; I Esd., m, 4; IIEsd., x, 33. 
. — 2. Le sacrifice du sabbat, qui ajoutait au sacrifice 
quotidien deux agneaux d'un an en holocauste, avec 
l'oblalion et la libation. Num., xxvm, 9, 10. — 3. Le 
sacrifice de la néoménie, comprenant deux jeunes tau- 
reaux, un bélier et sept agneaux d'un an en holocauste, 
avec des oblations et des libations, et de plus un bouc 
en sacrifice pour le péché. Num., xxvm, 11-15. — 4. Le 
sacrifice de la Pàque, qui répétait chacun des sept 
jours de la fête le même sacrifice qu'à la néoménie, 
Num., xxvm, 16-25; Deut., xvi, 2. — 5. L'holocauste 
d'un agneau d'un an, avec oblation et libation, le jour 
où l'on présentait la première gerbe de la moisson. 
Lev., xxm, 10-13. — 6. Le sacrifice de la Pentecôte, 
identique à celui de la néoménie. Lev., xxm, 17; Num., 
xxvm, 27-31. — 7. Le sacrifice qui accompagnait les 
pains de la Pentecôte et comprenait, avec le bouc en 
sacrifice pour le péché, deux agneaux d'un an en sacri- 
fice pacifique. Lev., xxm, 19, 20. — 8. Le sacrifice de 
la nouvelle année qui, outre le sacrifice quotidien et 
celui de la néoménie, se composait d'un jeune taureau, 
d'un bélier, de sept agneaux d'un an, avec leurs obla- 
tions et leurs libations, et d'un bouc pour le péché. 
Num., xxix, 2-6. — 9. Au jour de l'Expiation, on offrait 
en holocauste un jeune taureau, un bélier et sept agneaux 
d'un an, avec les oblations et les libations; des deux 
boucs présentés, l'un était offert en sacrifice pour le 
péché etl'autre chassé au désert. Lev., xvi, 5-16; Num., 
xxix, 7-11. — 10. A la fête des Tabernacles, on sacri- 
fiait en holocauste treize jeunes taureaux, deux béliers, 
quatorze agneaux d'un an, le tout accompagné d'obla- 
tions et de libations, et un bouepour le péché. Les mêmes 
sacrifices se répétaient les six jours suivants, à cela près 
que chaque jour on diminuait d'une unité le nom bre des 
taureaux. Num., xxix, 13-34. — 11. Le huitième jour 
de la fête des Tabernacles, on sacrifiait un taureau, un 
bélier et sept agneaux d'un an, avec les oblations et 
les libations, et un bouc pour le péché. Num., xxix, 36- 



1321 



SACRIFICE 



1322 



38. — Ces divers sacrifices ne dispensaient jamais du 
sacrifice quotidien ni des sacrifices du sabbat. On ne 
pouvait rien y ajouter ni rien en retrancher. On ne 
pouvait non plus changer la nature des victimes pres- 
crites, Lev., xxvil, 10, ni présenter des animaux femelles 
ou des oiseaux. Le sabbat ne les empêchait jamais. 
. 4° Sacrifice quotidien. — Parmi tous ces sacrifices, 
une place à part était occupée par le sacrifice quotidien, 
appelé 'olaf haf-tâmîd, « holocauste perpétuel », Num., 
xxviii, "10; I Esd., ni, 5; II Esd., x, 3Ï, etc., ou sim- 
plement ha(-(ârnîd, « le perpétuel ». Dan., vin, 11-13; 
xi, 31; Pesackim, v, 1 ; Yoma, vin, 3, etc. Ce sacrifice 
fait l'objet du traité Tamid delà Mischna. Matin et soir, 
on offrait chaque jour en holocauste un agneau d'un 
an, avec un dixième d'éphi de fleur de farine pétrie dans 
un quart de hin d'huile d'olive, et une libation d'un 
quart de hin de vin. Exod., xxix, 38-42; Num., xxvm, 
3-8. Le sacrifice du malin était offert au lever du jour, 
et le second « entre les deux soirs », voir Som, ce que 
l'on entendait pratiquement de la neuvième heure ou 
trois heures de l'après-midi. La fixation des heures du 
matin et du soir, pour le sacrifice perpétuel, parait 
d'ailleurs avoir varié avec les époques. Cf. Philon, De 
victimis, 3, édit. Mangey, t. h, p. 240; Jo3èphe, Ant. jud., 
III, x, 1; XIV, iv, 3; Cont. Apion., h, 8. Au temps 
d'Achaz, il n'est question que de l'holocauste du matin 
et de l'oblation du soir. IV Reg., xvi, 15. L'heure de 
l'oblation, III Reg., xvm, 29, 36, serait ainsi dans l'après- 
midi. Mais comme d'après Ézéchiel, xlv, 17, le roi faisait 
les frais de l'holocauste, on pourrait considérer « l'holo- 
causte du roi et son oblalion », IV Reg., xvi, 15, comme 
représentant la matière du second sacrifice quotidien. 
Le double sacrifice quotidien est mentionné par I Par., 
xvi, 40; II Par., xm, 11; xxxi, 3. — Le sacrifice du 
soir est rappelé par I Esd., ix, 4, 5; Dan., ix, 21. Dans 
un passage d'Ézéchiel, xlvi, 13-15, il est dit que chaque 
matin on doit offrir à Jéhovah l'agneau d'un an en 
holocauste et l'oblation. Les versions supposent que la 
charge de ce sacrifice revient au prince. En tout cas, 
il n'est parlé que d'un seul sacrifice quotidien. Mais le 
prophète ne fait ici ni de la législation ni de l'histoire ; 
il décrit un culte idéal. Son apparente restriction ne 
peut donc prévaloir contre d'autres textes très positifs. 
La cessation du sacrifice perpétuel était considérée 
comme la pire des calamités. Dan., vm, 11-43; xi, 31; 
XII, 11. Le sacrifice perpétuel cessa d'être offert, pendant 
la guerre de Judée, le 17 thammouz (10 juin 70) et les 
Juifs ont consacré la mémoire de ce jour par un jeûne. 
Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, n, 1 ; Taanith, iv, 6. 

5° Sacrifices privés. — C'étaient les sacrifices offerts 
par un particulier, quelle que fût sa qualité. On en 
distinguait cinq sortes : — 1. Ceux qui étaient offerts 
pour le péché ou pour le délit. — 2. Ceux qui concer- 
naient la personne : pour le flux du sang, deux tourte- 
relles ou deux pigeons, un en holocauste, l'autre pour 
le péché, Lev., xv, 14,15, 29, 30; pour le lépreux, deux 
agneaux et une brebis d'un an, ou, si le lépreux est 
pauvre, un agneau et deux tourterelles ou deux pigeons, 
Lev., xiv, 10, 21, 22; pour la femme qui vient d'enfanter, 
un agneau en holocauste, un pigeon ou une tourterelle 
pour le péché, et, si elle est pauvre, deux pigeons seu- 
lement ou deux tourterelles, Lev., xn, 6, 8; pour celui 
qui a touché un mort, Num., xix, 2, 3; pour le prosé- 
lyte, etc. — 3. Ceux qui concernaient les biens, premiers- 
nés, prémices, dimes, etc. — 4. Ceux qu'on offrait à 
certaines occasions, particulièrement quand on allait à 
Jérusalem pour les trois grandes fêtes. Exod.,xxm,15; 
Deut., xvi, 16, 17. — 5. Ceux qu'on offrait par suite de 
vœux ou de promesses, comme celui du nazaréat, Num., 
VI, 13-21. — A ces sacrifices privés, on assimilait le sa- 
crifice pour l'erreur de tout le peuple, Lev., iv, 13; 
Num., xv, 24-26, et d'autres sacrifices qui avaient un 
caractère officiel et ne pouvaient être empêchés par le 



sabbat : l'immolation de l'agneau pascal, le taureau et 
le bélier immolés par le grand-prêtre au jour de 
l'Expiation. 

IV. Rituel des sacrifices. — Des règles précises, 
indiquées par la loi mosaïque et développées par la 
tradition, présidaient à la célébration des sacrifices et ne 
laissaient rien à l'arbitraire des ministres sacrés. Le 
traité Sebachim de la Mischna s'occupe de ces règles. 
En voici le résumé : 

l°Les piclimes. —Elles étaient choisies exclusivement 
dans les races bovine, ovine et caprine, pour les quadru- 
pèdes, et dans les tourterelles et les pigeons parmi les 
oiseaux. Le taureau ne devait pas dépasser la troisième 
année, bien qu'on pût en admettre de quatre ou cinq 
ans. Siphra, f. 94, 1. Le veau ne pouvait avoir plus 
d'un an. L'agneau devait avoir de huit jours à un an, et 
l'on ne pouvait sacrifier le même jour le petit et sa mère. 
Lev., xxn, 27-28. Le bélier et le bouc ne devaient avoir 
ni moins d'un an ni plus de deux. Para, i, 3; Siphra, 
f. 94, 1,-2; Gem. Rosçh haschanah, 10, 1. Il fallait que 
tous ces aninaux fussent sans défaut. Lev. , xxn, 20. Les 
tourterelles devaient être adultes et avoir leurs plumes; 
parmi les pigeons, au contraire, on ne prenait que des 
petits. Siphra, f. 64, 2; Chullin, I, 5. Le sexe des 
oiseaux n'importait pas. Parmi les quadrupèdes, on ac- 
ceptait les mâles et les femelles dans les sacrifices paci- 
fiques et pour le péché, les mâles seulement dans les 
sacrifices pour le délit. Siphra, f. 48, 1. L'agneau 
pascal devait être mâle, Exod., xn, 5; l'animal offert 
comme premier-né ou pour la dime pouvait être mâle 
ou femelle. Siphra, f. 86, 1. Des inspecteurs, que 
saint Clément de Rome, Ad Cor., I, 41, t. i, col. 289, 
appelle |i«>|jt.oax(5itoi, et que mentionnent aussi Philon, 
Clémentd'Alexandrie et saint Jean Chrysostome, cf. ibid. 
note, veillaient à ne laisser passer aucune victime qui 
ne fût dans les règles. Les docteurs comptaient vingt- 
trois défauts qui pouvaient les rendre impropres aux 
sacrifices. Quand un animal devait être remplacé par 
un autre, tous les deux étaient consacrés au Seigneur. 
Le traité Temura de la Mischna s'occupe de ces 
remplacements. 

2° L'adduction . — Dans les sacrifices publics, on ache- 
tait les victimes aux frais du trésor public. Quant aux 
particuliers, ils pouvaient soit amener leurs victimes 
eux-mêmes, soit les acheter à Jérusalem, où il s'en 
trouvait toujours en grand nombre. On alla même 
jusqu'à en faire le trafic dans le Temple. Joa., n, 14; 
Matth., xxi, 12; Marc, xi, 15; Luc, xix, 45. Celui qui 
voulait faire offrir le sacrifice conduisait la victime, ou, 
si elle était petite, il la portait les pattes liées. S'il s'agis- 
sait de sacrifices très saints, nom sous lequel on com- 
prenait tous les holocaustes, tous les sacrifices pour le pé- 
ché et le délit, et les sacrifices pacifiques publics, la vic- 
time pénétrait dans le sanctuaire par la porte du nord, 
appelée porte de l'oblation; pour les autres sacrifices, 
elle pénétrait par la porte du sud. On la tournait alors 
du côté de l'occident, « devant la face de Jéhovah. »Lev., 
xvi, 7, 10; cf. Rom., xn, 1. 

3° L'agitation. — C.était un mouvement particulier 
qu'on imprimait à certaines victimes en les offrant. Voir 
Oblation, t. iv, col. 1728. Pour cet acte, l'offrant 
prenait la victime dans ses mains et le prêtre, se tenant 
à l'entrée du parvis de l'autel, mettait ses mains sous 
celles de l'offrant; puis tous deux ensemble portaient 
la victime d'arrière en avant, d'avant en arrière, de bas 
en haut, et de haut en bas. Les deux premiers mouve- 
ments constituaient la lenûfdh et les deux autres la 
terûmâh. Lev., x, 15. Le concours du prêtre était requi? 
pour l'agitation. Elle n'avait lieu, pour des victimes vi- 
vantes, que dans les sacrifices publics et dans le sacri- 
fice pour le délit du lépreux. On l'omettait toujours 
quand le sacrifice était présenté par une femme ou par 
un gentil. Menachoth, v, 6, 7; Siphra, f. 38, 1; 40, 1. 



1323 



SACRIFICE 



1324 



4° L'imposition des mains. — L'offrant, tourné vers 
l'occident, imposait de toutes ses forces les deux mains 
à la victime entre les deux cornes, en manifestant son 
repentir ou sa reconnaissance, suivant la nature du 
sacrifice. 11 ne pouvait se faire remplacer par un autre, 
sauf quand un héritier acquittait le vœu d'un défunt. 
Si plusieurs offraient un même sacrifice, chacun devait 
imposer les mains successivement. Cette obligation ne 
visait pas les femmes, les gentils, les insensés, les mi- 
neurs, les esclaves, les sourds et les aveugles. Siphra, 
38, 1; 42, 2; 43, 1; 50, 2. Voir Impositions des mains, 
t. m, col. 848. L'imposition des mains n'avait lieu 
que dans les sacrifices privés et dans deux sacrifices 
publics : le grand-prêtre imposait les mains sur le bouc 
émissaire, Lev., xvi, 21, et les anciens les imposaient 
sur le taureau offert pour le péché de toute l'assemblée. 
Lev., iv, 15. Trois membres du sanhédrin faisaient cette 
dernière imposition. Siphra, 50, 1. On lit cependant que 
dans une cérémonie extraordinaire de purification du 
Temple, le roi Ézéchias et l'assemblée imposèrent les 
mains sur sept boucs expiatoires. II Par., xxix, 23. Les 
règles n'étaient pas les mêmes pour l'imposition des 
mains et l'agitation : chacun de ceux qui offraient une 
victime lui imposait les mains, un seul l'agitait; on im- 
posait les mains dans les sacrifices publics et privés, on 
n'agitait que dans ces derniers; on n'imposait les 
mains qu'aux animaux, mais on agitait même les obla- 
tions inanimées. Siphra, 38, 1. 

5° L'immolation. — La victime était immédiatement 
égorgée. Pour les sacrifices très saints, elle était liée 
et attachée à des anneaux au nord de l'autel ; pour les 
autres, l'opération se faisait dans le parvis, ordinaire- 
ment à l'orient. On saisissait l'animal par la bouche, 
et on lui faisait tendre la gorge qu'on tranchait avec le 
couteau sacré, de manière que le sang coulât dans un 
vase. Tout Israélite pouvait égorger, Lev., i, 5, même 
une femme, un esclave ou un impur, auquel cas il 
suffisait que celui qui ne pouvait entrer dans le parvis 
tint le couteau à l'intérieur du parvis. Sebachim, m, 
1 ; Gem. 1er. Yoma, 39, 2. Les sourds, les insensés 
et les mineurs étaient récusés comme incapables. 
Chullin, i, 1. En fait, les prêtres ou, à leur défaut, les 
lévites, II Par., xxix, 24, 34, se chargeaient de l'opéra- 
tion. Elle demandait une certaine habileté, acquise par 
des exercices répétés, car il y avait cinq manières 
défectueuses de manier le couteau, par suite desquelles 
l'immolation devenait illégitime. On ne pouvait égorger 
deux victimes du même coup. Siphra, 201, 2. Pour 
assurer l'observation de la loi qui défendait l'immola- 
tion simultanée de la mère et du petit, Lev., xxil, 27, 
on obligeait les marchands à déclarer quatre fois l'an 
s'ils avaient vendu pour être égorgés la mère ou le 
petit d'un animal. Ces déclarations se faisaient à 
l'octave des Tabernacles, à la veille de la Pàque, à la 
Pentecôte et à la nouvelle année. Siphra, 244, 2. 
L'égorgement des oiseaux se faisait avec l'ongle. Voir 
Oiseau, t. iv, col. 1768. 

6° Le lieu et le temps. — Les immolations pour les 
sacrifices ne pouvaient avoir lieu que dans le Temple. 
Deut., xii, 14. Dans les sacrifices très saints, on opérait 
au nord de l'autel, Lev., i, 11; VI, 25; vu, 2, c'est-à- 
dire dans l'espace compris entre l'autel et le mur sep- 
tentrional, Siphra, f. 63, 2; dans les autres, l'immo- 
lation se faisait en tout endroit du parvis, sauf au nord 
et à l'ouest de l'autel. La victime égorgée dans un 
endroit autre que l'endroit marqué était brûlée; quant 
à l'auteur de l'infraction, il méritait la mort ou le 
retranchement, s'il avait agi avec intention, et devait 
offrir un sacrifice expiatoire, s'il avait agi par inad- 
vertance. La peine n'était pas encourue si la victime 
ne convenait pas pour un sacrifice. L'immolation et 
l'effusion du sang devaient se foire pendant le jour. On 
pouvait cependant brûler la nuit les déchets des vic- 



times et les membres des holocaustes, jusqu'à l'aurore 
du jour suivant, Megilla, H, 6, bien qu'en général on 
s'appliquât à tout terminer de jour, ou au moins avant 
minuit. 

7» L'emploi du sang. — Les prêtres commençaient 
par le recueillir, sur le lieu même de l'immolation, 
dans un ou plusieurs vases d'argent, en prenant soin 
que rien n'en restât dans la victime ou ne tombât à 
terre. On ne recueillait d'ailleurs que celui des qua- 
drupèdes. On se servait cependant de la main pour 
recevoir une partie de celui qui devait être employé à 
faire les onctions aux lépreux. — Le sang, recueilli 
dans le vase d'argent ou versé dans un vase d'or, était 
agité avec un bâton, pour qu'il ne se coagulât pas. 
Dans les holocaustes, les sacrifices pacifiques et pour le 
péché, le prêtre montait à l'autel et y versait le sang 
d'abord au coin nord-est, puis au coin sud-ouest, de 
manière qu'il coulât de part et d'autre. Dans les sacri- 
fices pour le délit, le prêtre trempait son index droit 
dans le sang et en teignait successivement les quatre 
coins de l'autel en commençant par le sud-est et en 
finissant par le sud-ouest. Le sang qui restait dans le 
vase se versait dans une cavité ménagée au sud de 
l'autel, d'où un conduit le faisait arriver au Cédron. 
Meïla, m, 2. Quand il s'agissait d'oiseaux, on tirait le 
sang directement du corps de la victime pour teindre 
les coins de l'autel ou le verser à sa base. Si le sacri- 
fice était offert pour un délit douteux et qu'après 
l'immolation de la victime on s'aperçût qu'il n'y avait 
pas eu de délit, le sang était versé au conduit du Cédron. 
— L'effusion du sang sur l'autel constituait la partie 
principale du sacrifice; tant qu'elle n'avait pas été faite, 
personne ne pouvait profiter des effets du sacrifice. 
Les docteurs disaient que « quand le sang touche 
l'autel, les péchés de ceux qui offrent le sacrifice sont 
expiés. » Gem. Sebachim, 26, 2. De là cette parole 
de l'Épitre aux Hébreux, vu, 22 : « D'après la loi, 
presque tout se purifie avec du sang et, sans effusion 
de sang, j(<»pl; a'nj.azz*.xv<;laç, il n'y a pas de rémission. i> 

8» L'écorchement. *— Aussitôt après l'effusion du 
sang, la victime était écorchée. Voir Peau, t. îv, col. 3. 

9° Le dépècement. — La victime était mise en mor- 
ceaux. Lev., i, 6. On lui coupait successivement la tête, 
les cuisses, les épaules, et le reste. Saint Paul fait 
peut-être allusion à cette division systématique quand 
il recommande à son disciple de « couper en ligne 
droite, 6p8oTO[i.eïv, la parole de vérité, » c'est-à-dire de 
l'exposer méthodiquement par parties. II Tim., n, 15. 
On emportait dans la chambre du lavage les jambes et 
les entrailles, Lev., i, 9, pour les laver, ces dernières 
jusqu'à trois fois, puis on les rapportait sur les tables 
de marbre, au nord de l'autel, où on les lavait de 
nouveau. Quand la victime devait revenir toute entière 
aux prêtres ou à ceux qui l'offraient, cette dissection 
n'avait pas lieu; on se contentait de retirer la graisse 
et les entrailles. Lev., ni, 9, 10. Dans les sacrifices 
pacifiques privés, on enlevait seulement la cuisse droite 
et la poitrine, qui revenaient aux prêtres; car, dans 
ces sacrifices, on devait poser ces morceaux sur un 
plateau, avec la graisse et les entrailles au-dessous, et 
les agiter de nouveau. Lev., vu, 30; Num., vi, 19, 20> 
Dans les sacrifices pacifiques publics, l'agitation se 
recommençait également après l'immolation. 

10° Le transport à l'autel. — Les prêtres portaient 
à l'autel les parties des victimes qui devaient être brû- 
lées. Dans l'holocauste, six prêtres portaient les petites 
victimes, brebis ou chèvres, et deux autres portaient 
l'un l'oblation, l'autre la libation. Il fallait onze prêtres 
pour porter le bélier, et vingt-quatre pour le taureau, 
dont deux pour l'oblation et deux pour la libation. A 
la montée de l'autel, on salait les victimes, puis on les 
déposait à des endroits déterminés de l'autel, et enfin 
on les livrait au feu. Schekalim, vm,8. L'autel sancti- 



1325 



SACRIFICE 



1326 



liait tout ce qui le touchait, de sorte qu'il n'y avait plus 
à descendre une victime qu'une souillure aurait 
atteinte. Siphra, f. 1, 2; Matth., xxill, 19. 

11° La manducation. — Dans les sacrifices pacifiques 
publics et dans les sacrifices pour le péché et pour le 
délit, les prêtres de la famille de l'officiant pouvaient 
seuls manger la victime. Num., xvm, 10. Dans les 
sacrifices pacifiques privés, une cuisse et la poitrine 
de la victime revenaient au prêtre et à sa famille et 
pouvaient être mangés dans la ville par tous ceux de 
celte famille qui étaient purs. Num., xvih, 11, 18;Lev., 
x, 14. Les premiers-nés ne pouvaient èlre mangés que 
par les prêtres. Num., xvm, 18. A ceux qui avaient 
offert le sacrifice appartenaient, à part les entrailles 
brûlées sur l'autel, le reste des victimes pacifiques 
privées, la dîme des animaux et les victimes pascales. 
Tous ceux qui étaient purs pouvaient en manger, mais 
seulement à Jérusalem. Ces victimes étaient rôties, 
bouillies ou cuites au gré de chacun. Sebachim, x, 7. 
On devait manger ces victimes le jour même ou la 
nuit suivante, sauf celles des sacrifices pacifiques 
privés, pour lesquelles on avait deux jours. Lev., vu, 
15-17. Les particuliers qui mangeaient leurs victimes 
dans le Temple pouvaient y ajouter nn peu de vin, 
mais non les prêtres. 

12° La combustion. — Elle se faisait sur l'autel des 
holocaustes. Cependant on brûlait hors de la ville, à 
l'endroit où se portaient les cendres de l'autel, certaines 
victimes qui ne pouvaient l'être sur l'autel, comme, 
par exemple, l'agneau du sacrifice quotidien immolé 
par erreur avant le lever du soleil. Meïla, h, 4; Yoma, 
m, 2; vi, 7. Sur la montagne même du Temple, on 
brûlait les victimes dans lesquelles on avait reconnu 
un défaut après leur présentation. On brûlait dans 
le parvis celles qui y avaient contracté quelque souil- 
lure. Schekalim, vm, 7, Siphra, f. 18, 1. On brû- 
lait dans les maisons de la ville, mais seulement de 
jour, les restes des victimes pacifiques privées. Siphra, 
f. 28, 1. Toutes ces combustions, à part celle qui 
avait lieu sur l'autel des holocaustes, pouvaient être 
exécutées par tout Israélite en état de le faire. 

13° Les sacrifices des Gentils. — Les Gentils étaient 
admis à offrir des sacrifices dans le Temple. Ils ne 
pouvaient offrir que des holocaustes, à titre votif ou 
volontaire. S'ils présentaient des victimes pacifiques, 
on en faisait des holocaustes, et l'on ajoutait, aux frais 
du trésor, les libations qu'ils ne fournissaient pas. On 
n'acceptait naturellement que des victimes conformes 
aux règles et l'on omettait l'imposition des mains et 
l'agitation. Schekalim, vm, 6; Sebachim, iv, 5; Mena- 
cholh, v, 3, 5, 6; vi, 1; ix, 8. 

14° Les holocaustes. — Sur les règles particulières 
à ces sacrifices, voir t. m, col. 729-731. 

15° Les sacrifices pacifiques. — Les sacrifices privés 
étaient de trois sortes : 1. Le zébah tôdâh, Buaîa 
-/xpHoa'jYijî, hoslia pro graliarum actione, le sacrifice 
d'actions de grâces, Lev., xxir, 29, qui pouvait être 
nédér ou neddbah, s\r£r\ ou fccoiffiov, voto ou sponte, 
offert par vœu ou spontanément. Lev., vu, 16. — 2. Le 
sacrifice que chacun offrait à l'occasion des trois 
grandes solennités. — 3. Le sacrifice qu'offraient les 
nazaréens à la fin de la période de leur vœu. — Parmi 
les sacrifices publics, il y en avait un qui était imposé, 
celui des deux agneaux à la Pentecôte, Lev., xxm, 19; 
d'autres étaient volontaires, comme ceux dont il est 
question II Reg., vi, 17; III Reg., vm, 63; II Par.,xxx, 
22, etc. 

16» Les sacrifices pour le péché. — 1. Dans les sacri- 
fices publics, on ne brûlait que le bouc du jour de 
l'Expiation, les boucs pour le péché d'idolâtrie et le 
taureau pour le péché du peuple. Lev., iv, 13. Les 
autres victimes revenaient aux prêtres. Dans les sacri- 
fices privés, on ne brûlait que le taureau pour le péché 



du grand-prêtre, Lev., IV, 3, et celui du jour de l'Expia- 
tion. — 2. Les victimes des sacrifices pour le péché 
étaient fixes ou variables. Les fixes étaient les mêmes 
pour les riches et pour les pauvres, à la suite des 
péchés par erreur, des fautes contre l'un des 365 pré- 
ceptes négatifs du Pentateuque, des péchés d'action, et 
de ceux qui, commis de propos délibéré, eussent 
entraîné la peine du retranchement. Les victimes varia- 
bles étaient plus ou moins considérables, seloQ les 
moyens de ceux qui les offraient. On laissait le choix 
à six sortes de personnes : au lépreux, Lev., xiv, 21, 
à la femme qui venait d'enfanter, Lev., iv, 6, 8, à celui 
qui n'avait pas déclaré la vérité en justice, Lev., v, 1, à 
celui qui avait fait un faux serment sans le savoir, à 
celui qui, en état d'impureté, avait mangé d'une 
victime sans le savoir,* enfin à celui qui était entré 
dans le Temple en état d'impureté. — 3. Le contact des 
victimes pour le péché entraînait de rigoureuses con- 
séquences. Tout ce qui touchait la chair de la victime 
était sacré. Ce qui était taché de son sang, avant qu'il 
fût répandu à l'autel, devenait impur. Le vêtement 
souillé devait être lavé dans le lieu saint; là aussi on 
brisait le vase d'argile, on purifiait et on lavait le vase 
de métal dans lequel la victime avait cuit. Lev., vu, 
27, 28; Sebachim, xi, 4; Siphra, f. 186, 2. 

17° Les sacrifices pour le délit. — 1. Le sacrifice 
pour le délit est assimilé absolument au sacrifice pour 
le péché. Lev., vu, 7. Aussi les docteurs juifs ont-ils 
été assez embarrassés pour établir la distinction entre 
le péché et le délit. Josèphe, Ant.jud., III, ix, 3, dit 
que celui qui est tombé dans le péché par ignorance 
immole un agneau ou une chèvre, ce qui constitue le 
sacrifice pour le péché, tandis que « celui qui pèche et 
en a conscience, mais n'a pas de témoin qui puisse 
l'accuser, » offre un bélier, ce qui constitue le sacrifice 
pour le délit. Celui, en effet qui commettait un délit 
devant témoin était tenu à restitution du double. 
Exod., xxii, 9. La différence viendrait donc de ce que, 
dans le premier cas, on avait agi inconsciemment, 
mais devant témoins, tandis que, dans le second, on 
avait agi consciemment, mais sans témoins. — 2. Ou 
distinguait deux sortes de délit : le délit douteux et le 
délit certain. Il y avait délit douteux quand on ne pou- 
vait dire si ce qu'on avait mangé était permis on non, 
quand on avait travaillé le vendredi soir après l'appa- 
rition de trois étoiles médiocres, ou bien après celle 
de deux grandes, etc. Siphra, f. 133, 2; Keritoth, 
v, 5. Quand le doute était levé à tel ou tel moment du 
sacrifice, il y avait encore des règles à suivre. — 3. Le 
délit certain résultait de cinq cas : la rapine, Lev., vi, 
2, l'usage profane de choses sacrées, par erreur, Lev., 
v, 15, le commerce avec l'esclave d'un autre, Lev., xix, 
20, l'impureté contractée par un nazaréen quand quel- 
qu'un mourait près de lui, Num., vi, 9, 10, la purifi- 
cation de la lèpre. Lev.,xiv, 12. — Cf. Reland, Antiqui- 
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 146-185; Iken, Anti- 
quitates hebraicse, Brème, 1741, p. 152-191; Bâhr, 
Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, 
p. 187-522. 

V. Sacrifices historiques. — La Sainte Écriture 
mentionne un certain nombre de sacrifices offerts 
dans des circonstances remarquables. — 1° Sacrifices 
des Israélites. — Quand Aaron et ses fils remplirent 
pour la première fois leurs fonctions sacerdotales et 
offrirent le sacrifice pour le péché, l'holocauste et le 
sacrifice pacifique, « le feu, sortant de devant Jéhovab, 
dévora sur l'autel l'holocauste et les graisses. »Lev.,ix, 
22, 24. Le feu sortant de Jéhovah, c'est-à-dire de l'en- 
droit où reposait l'Arche, vint se joindre à celui qui 
consumait déjà les victimes et témoigna que le Seigneur 
approuvait ce qui avait été réglé en son nom et com- 
mençait à s'exécuter. D'après la tradition ancienne, 
I « Moïse pria le Seigneur, et un feu tomba du ciel et con- 



1327 



SACRIFICE 



1328 



suma le sacrifice. » II Mach., il, 10. « Sortir de Jého- 
vah » ou « tomber du ciel » sont deux expressions 
équivalentes pour indiquer le caractère surnaturel de 
ce feu. — A l'époque du grand-prêtre Héli, on offrait 
les sacrifices à Silo. I Reg., i, 3. Mais les fils d'Héli 
contrevenaient de la manière la plus grave aux pres- 
criptions mosaïques sur le rituel des sacrifices. I Reg., H, 
12-17. — Quand l'Arche revint de chez les Philistins, 
les Bethsamites prirent le chariot qui la portait, en 
fendirent le bois et s'en servirent pour offrir en holo- 
causte à Jéhovah les deux vaches qui avaient amené 
l'Arche. I Reg., vi, 14. — A Galgala, où Samuel devait 
venir pour offrir des sacrifices, Saûl se permit d'offrir 
lui-même l'holocauste avant l'arrivée du prophète. 

I Reg., xm, 9-13. La faute était grave, et elle fut cause 
que Dieu le rejeta. Saûl ne fut pascorrigéparl'annonce 
du châtiment. A rencontre de l'ordre reçu, il garda ce 
qu'il y avait de meilleur dans le bétail pris aux Ama- 
lécites, sous prétexte de s'en servir pour offrir des 
sacrifices'à Jéhovah. Samuel le réprimanda à nouveau 
•et lui dit : « Jéhovah trouve-t-il du plaisir aux holo- 
caustes et aux sacrifices, comme à l'obéissance à sa 
voix? L'obéissance vaut mieux que le sacrifice et la 
■docilité l'emporte sur la graisse des béliers. » I Reg., 
xv, 9-22. Cette observation, sur laquelle reviendront 
souvent les prophètes, montrait que, malgré leur im- 
portance, les sacrifices étaient loin d'avoir aux yeux de 
Dieu la valeur morale de la vertu. — A celte époque, 
on ne s'astreignait pas à n'offrir de sacrifices que 
devant l'Arche. David suppose, comme une chose 
parfaitement normale, qu'on offrait à Bethléhem un 
sacrifice annuel pour toute sa famille. I Reg., xx, 6. 
•Ce sac-rifice était suivi de festins et de réjouissances. 
— A l'occasion du transfert de l'Arche à Jérusalem, 
David offrit des holocaustes et des sacrifices d'actions 
de grâces et ensuite 11 bénit le peuple au nom de 
Jéhovah. II Reg., vi, 17, 18. Comme le texte sacré ne 
suppose dans ce fait aucune usurpation, il faut en con- 
clure que David laissa les prêtres exercer le ministère 
qui leur était réservé. Après la cessation de la peste, il 
acheta Taire d'Areuna, y bâtit un autel et y offrit des holo- 
caustes et des sacrifices pacifiques. II Reg., xxiv, 24, 25. 
Sur la fin de son régne, après avoir tout préparé pour la 
•construction du Temple, il réunit l'assemblée d'Israël, 
offrit en holocauste 1000 taureaux, 1000 béliers et 
1 000 agneaux et fit reconnaître pour roi son fils Salo- 
mon. I Par., xxix, 21, 22. — On continuait alors à 
sacrifier sur les hauts-lieux, parce qu'il n'existait pas 
de Temple consacré à Jéhovah. III Reg., m, 2. Le prin- 
cipal de ces hauts-lieux était à Gabaon. Salomon y alla 
offrir 1000 holocaustes et le Seigneur lui accorda la 
sagesse et tous les autres biens. III Reg., m, 4-6. Là se 
trouvait l'autel d'airain fait autrefois par Béséléel. 

II Par., i, 3-6. La dédicace du Temple fut l'occasion de 
■nombreux sacrifices.Salomon immola alors 22 000 bœufs 
■et 120000 brebis pour le sacrifice pacifique, et il fut 
obligé, pour la circonstance, d'offrir les holocaustes 
dans le parvis, parce que l'autel d'airain était trop 
petit pour les recevoir. III Reg., Vin, 63, 64. Au début 
des solennités, « le feu descendit du ciel et consuma 
l'holocauste et les victimes, » Dieu approuvant ainsi, 
comme au temps de Moïse, ce qui avait été exécuté à 
sa gloire. II Par., vu, 1-7; II Mach., Il, 10. Les sacri- 
fices se continuèrent ensuite dans le Temple, malgré Je 
schisme des dix tribus. II Par., xm, 11. — Pour con- 
fondre les prêtres de Baal, le prophète Élie leur pro- 
posa l'offrande d'un sacrifice sur le Carmel, pour voir 
qui, de Baal ou de Jéhovah, serait capable de consumer 
directement la victime. Les prêtres de Baal invoquèrent 
leur dieu une partie de la journée sans aucun résultat. 
Élie, de son côté, coupa en morceaux un taureau et le 
plaça sur l'autel; par trois fois, il fît arroser copieuse- 
ment la victime, le bois et l'autel; puis, à l'heure du 



sacrifice du soir, il invoqua Jéhovah et aussitôt le feu 
du ciel tomba et consuma la victime et l'autel même. 
III Reg., xix, 30-39. — Achaz, après avoir vu l'autel qui 
était à Damas, en fit faire un sur le même modèle à 
Jérusalem, y offrit son holocauste etordonna au grand- 
prêtre Urias de s'en servir désormais pour les sacri- 
fices. IV Reg., xvi, 12-15. Il n'y avait pas là d'infraction 
à la loi mosaïque, du moment que la forme générale 
de l'autel était respectée. — Quand Ézéchias eut res- 
tauré le culte dans le Temple, on y offrit en holocauste 
70 bœufs, 100 béliers et 200 agneaux. II Par., xxix, 31-35. 
PourlaPàque, le roi fournit 1000 taureaux et 7000 bre- 
bis, et les chefs donnèrent 1 000 taureaux et 10000 brebis. 
II Par., xxx, 24. — A la Pâque célébrée sous son règne, 
aprèsla restauration du culte, Josias donna 30 OOOagneaux 
"ï>u chevreaux et 3000 bœufs, les chers 2600 agneaux et 
300 bœufs, les princes des lévites 5000 agneaux et 
500 bœufs. II Par., xxxv, 7-9. — Après la victoire rem- 
portée à Béthulie, les Israélites offrirent des holocaustes 
au sanctuaire. Judith., xvi, 22. — Au retour de la cap- 
tivité, Zorobabel et ses compagnons s'empressèrent de 
rétablir les holocaustes et les sacrifices prescrits par la 
Loi. I Esd., m, 4-6. A la dédicace du second Temple, 
on offrit 100 taureaux, 200 béliers, 400 agneaux, et, 
comme victimes pour le péché des tribus d'Israël, douze 
boucs. I Esd., vi, 17. — A son arrivée en Judée, Néhé- 
mie fit rechercher le feu sacré caché au moment de la 
captivité. On ne trouva à la place qu'une eau épaisse. 
Néanmoins Néhémie fit préparer un sacrifice et, quand 
on eut répandu de cette eau sur de grandes pierres, 
un grand brasier s'alluma, le sacrifice fut consumé, et 
les pierres mêmes furent dévorées par les rayons lu- 
mineux qui partaient de l'autel. II Mach., i, 20-32. 
— De nombreux sacrifices fêtèrent l'achèvement des 
murs de Jérusalem. II Esd., xn, 42. — Sous les 
Machabées, la restauration du culte à Jérusalem fut 
aussi l'occasion de nombreux sacrifices. I Mach., iv, 
56; II Mach., x, 3. A la suite d'une bataille, Judas fit 
une collecte qui rapporta 2000 drachmes (à peu près 
1940 francs), et en envoya le montant à Jérusalem afin 
qu'on y offrît un sacrifice expiatoire pour les morts. 
II Mach., xii, 43. C'est le seul exemple d'un sacrifice 
offert pour les morts dans l'Ancien Testament. 

2° Sacrifices des Gentils. — Les Gentils pouvaient 
offrir des sacrifices dans le Temple de Jérusalem, aux 
conditions indiquées plus haut, col. 1325. Cf. Josèphe, 
Bell.jud., II, xvn,3, 4. La loi en donnait l'autorisation 
aux étrangers qui vivaient parmi les Israélites. Num., 
xv, 14, 16. Salomon prévit le cas où, même des pajs 
lointains, on viendrait prier au Temple. III Reg., vm, 
41-43. Cf. Is., LVI, 6, 7. D'après Josèphe, Ant. jud., X], 
vin, 5, Alexandre le Grand y fit offrir des sacrifices en 
sa présence. Ptolémée III Ëvergète, après la conquête 
de la Syrie, vint en offrir de nombreux à Jérusalem. 
Cf. Josèphe, Cont. Apion., n, 5. Antiochus VII Sidétés, 
pendant qu'il assiégeait Jérusalem, suspendit les opé- 
rations militaires durant les fêtes des Tabernacles, 
et envoya lui-même des taureaux à cornes dorées des- 
tinés à être offerts en sacrifice. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XIII, vm, 2. Marcus Agrippa, venu à Jérusalem l'an 
15 avant J.-C, y fit immoler cent bœufs en sacrifice. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, II, 1. Vitellius passa trois 
jours à Jérusalem et y sacrifia. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XVIII, v, 3. Par contre, Auguste louait César de n'avoir 
pas été prier à Jérusalem, à son passage d'Egypte en 
Syrie. Cf. Suétone, Aug., 43. Tertullien, Apologet-, 
26, 1. 1, col. 432, n'en rappelle pas moins aux Romains 
qu'ils ont honoré de leurs victimes et de leurs dons le 
Temple du Dieu d'Israël. 

3° Sacrifices pour les princes. — Darius I er fit four- 
nir aux Juifs de jeunes taureaux, des béliers et des 
agneaux en vue des sacrifices à offrir à Jérusalem, afin 
qu'on y priât pour la vie du roi et de ses fils. I Esd., 



1329 



SACRIFICE 



1330 



vi, 9, 10. Antiochus le Grand fit donner au Temple les 
animaux et ce qui était nécessaire pour qu'on offrit 
des sacrifices, cf. Josèphe, Ant.jud., XII, ni, 3, et l'on 
voit qu'à l'époque des Machabées un sacrifice avait en- 
core lieu pour le roi de Syrie, bien qu'on fût en guerre 
avec lui. I Mach., vu, 33. L'empereur Auguste voulut 
qu'à perpétuité on offrît, aux frais du trésor impérial, 
un sacrifice quotidien de deux agneaux et d'un tau- 
reau. Cf. Philon, Légal, ad Caj., 23, 40, édit. Mangey, 
t. n, p. 569, 592. Au temps de Caligula, les Juifs se 
vantaient d'immoler des victimes deux fois par jour 
pour l'empereur et pour le peuple romain. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., II, x, 4; Cont. Apion., n, 6. A trois reprises, 
Caligula fit immoler en son nom une hécatombe. Cf. 
Philon, Légat, ad Caj., 45, t. u, p. 598. En 66 après 
J.-C, le premier acte d'hostilité contre les Romains 
fut la suppression de tous les sacrifices offerts pour des 
étrangers ou en leur nom. Les pontifes et les princi- 
paux du peuple protestèrent en vain contre cette me- 
sure. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvii, 2, 3. 

VI. Sacrifices interdits. — 1° Sacrifices idolâ- 
triques. — Les sacrifices aux idoles, si fréquents chez 
tous les peuples qui entouraient les Hébreux, furent 
très sévèrement interdits à ces derniers. Ils n'en suc- 
combèrent pas moins à la tentation d'en offrir dans 
tout le cours de leur histoire, jusqu'à l'époque de la 
captivité. Ils sacrifièrent au veau d'or, Exod., xxxn, 6, 
qui, tout en représentant pour eux Jéhovah, consti- 
tuait pourtant un objet de culte formellement réprouvé. 
Exod., xx, 4. Pour les empêcher de sacrifier aux divi- 
nités agrestes, Moïse les obligea à amener toutes leurs 
victimes devant le sanctuaire. Lev., xvn, 5-7. Mais, 
dans le désert même, entraînés par les filles de Moab, 
ils sacrifièrent au dieu Béelphégor. Num., xxv, 2, 3; 
Deut., xxxn, 17. Le châtiment qui suivit cette infrac- 
tion indiqua quelle était sa gravité. Num., xxv, 8, 9. 
En Chanaan, les Hébreux eurent . sous les yeux le 
spectacle des sacrifices offerts par Jes habitants à leurs 
faux dieux. Exod., xxxiv. 15. Cet exemple les entraîna 
à plusieurs reprises durant la période des Juges et 
attira sur eux de grandes calamités. Plus tard, les 
sacrifices idolâtriqiies, tolérés par Salomon, III Reg., 
xi, 8, se multiplièrent par la faute de certains rois, 
surtout de Jéroboam, III Reg., xn, 32; xm, 1, et de 
Manassé. II Par., xxxiv, 4. Voir Idolâtrie, t. m, 
col. 809-813. Lès prophètes constatent et réprouvent 
énergiquement ces sacrifices criminels. Is., lvii, 5, 7; 
lxv, 3; Jer., xliv, 3-25; Ezech., xvi, 20, 21; xx, 28; 
xxm, 39; Ose., xi, 2, etc. Au temps des Machabées, les 
rois de Syrie multiplièrent les efforts pour introduire 
les Sacrifices idolâtriques dans le Temple même de 
Jérusalem. 1 Mach., i, 50; II Mach., iv, 19; vi, 4. 

2° Sacrifices humains. — Dieu a tenu à faire com- 
prendre, dans une circonstance mémorable, ce qu'il 
pensait des sacrifices humains. Lui-même commande 
à Abraham de lui immoler son fils Isaac. Ce sacrifice 
se présente donc non seulement comme capable de 
rendre hommage à la divinité, mais comme réclamé 
par la divinité elle-même. Au moment de frapper la 
victime, Abraham est arrêté par l'ange deJéhovahet il 
substitue un bélier à Isaac. Gen., xxn, 2-13. Il ressort 
de là que Dieu se contente de l'obéissance héroïque 
de son serviteur, mais qu'il réprouve le sacrifice de 
l'homme, même dans les circonstances où ce sacrifice 
semblerait le plus impérieusement exigé. Cette leçon 
était nécessaire dans le pays de Chanaan, où le culte 
de Moloch réclamait le sacrifice de victimes humaines. 
Malheureusement les Israélites, de leur entrée en ce 
pays jusqu'à la captivité, se laissèrent entraîner trop 
souvent aux pratiques de ce culte homicide. Voir 
Moloch, iv, col. 1226-1229; Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 101rl09, 445. La 
loi interdisait, sous peine de mort, d'offrir de pareils 



sacrifices. Lev., xvm, 21; xx,^2. — Jephté s'engagea 
témérairement à offrir à Jéhovah, en holocauste, celui 
qui le premier sortirait des portes de sa maison à sa 
rencontre, quand il reviendrait vainqueur des Ammo- 
nites. Ce fut sa fille qui se présenta, et, deux mois après, 
« il accomplit à son égard le vœu qu'il -avait fait. » 
Jud., xi, 31-39. L'Écriture se contente de raconter le 
fait sans commentaire, comme beaucoup d'autres de 
cette époque, alors même qu'ils sont très évidemment 
répréhensibles. Il n'est pas douteux que le sacrifice 
offert par Jephté dans ces conditions n'ait été formelle- 
ment opposé à la lettre et à l'esprit de la Loi. — Mésa, 
roi de Moab, assiégé dans sa ville par les Israélites et 
ne pouvant s'échapper, prit son fils aîné et l'immola en 
holocauste sur la muraille. IV Reg., m, 27. Il entendait 
par là s'attirer la protection de son dieu Chamos. Voir 
MÉSA, t. iv, col. 1020. Dans la pensée des Chananéens, 
le sang humain assurait aux remparts d'une ville la 
protection du dieu de la cité. A Gézer et à Ta'annek, 
en Chanaan, on a rétrouvé dans les murs, sous la 
place des portes, des jarres contenant des ossements 
d'enfanls avec des traces de feu. Cf. Palestine Explo- 
ration Fund. Quart. Slal., 1903, p. 17, 33, 223, 224. Il 
est raconté que quand Hiel de Bethel rebâtit Jéricho, 
« il en jeta les fondements au prix d'Abiram, son pre- 
mier-né, et il en posa les portes au prix de Ségub, son 
dernier fils. » III Reg., xvi, 34. Ce fait est présenté 
comme une conséquence de la malédiction de Josué, 
formulée en termes identiques. Jos., vi, 26. Il ne serait 
pas impossible pourtant qu'Hiel, agissant volontaire- 
ment, ait lui-même immolé ses deux fils, selon le rite 
chananéen, pour concilier la faveur des dieux à la nou- 
velle cité. — On ne saurait prendre pour un sacrifice 
humain l'immolation que Samuel fit d'Agag, roi d'Ama- 
lec, en le coupant en morceaux « devant Jéhovah ». 

I Reg., xv, 33. On n'offrait à Jéhovah que des victimes 
pures et nettement déterminées, jamais des hommes, 
pas même des idolâtres. D'ailleurs le texte parle d'une 
immolation « devant Jéhovah», c'est-à-dire en présence 
de l'Arche, et non d'un sacrifice « à Jéhovah ». Agag, 
voué à l'extermination, avait été épargné par Saûl. 
Samuel n'intervint qu'à défaut du roi. Cf. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6« édit., t. rv, 
p. 497-505. — La Sagesse, xu, 4-6, rappelant les abo- 
minables sacrifices des Chananéens, y voit la cause de 
leur réprobation. 

VII. Conditions morales des sacrifices. —1° Obéis- 
sance à la loi. — La loi déterminait les conditions ri- 
tuelles des sacrifices. La morale obligeait l'Israélite à 
s'en tenir à ces prescriptions. On offrait ainsi des 
« sacrifices de justice », c'est-à-dire des sacrifices 
conformes à la loi. Ps. iv, 6. Les hommes pieux n'y 
manquaient pas. Ps. lxvi (lxv), 13-15. Les autres con- 
trevenaient souvent aux prescriptions mosaïques. Ils 
se permettaient d'offrir des bêtes aveugles, boiteuses 
ou malades, et déshonoraient ainsi l'autel du Seigneur. 
Mal., i,6-9; n, 13. Quand, au contraire, on présente à 
Jéhovah des offrandes selon la justice, elles lui sont 
agréables. Mal., ni, 3, 4. Ézéchiel, xl.vi, 12-15, prévoit 
l'offrande de pareils sacrifices dans le nouveau Temple, 
et Jérémie, xxxm, 18, annonce que les ministres pour 
les offrir ne manqueront jamais. Il faut, à cet égard, 
s'en tenir aux règles anciennes. Eccli., vu, 35; xiv, 11. 

Ne te présente pas devant le Seigneur les mains vides, 

Car toutes ces offrandes doivent être faites à cause du 

L'offrande du juste engraisse l'autel, [précepte. 

Et sa suave odeur s'élève devant le Seigneur. 

Le sacrifice de l'homme juste est agréable, 

El Dieu en conservera le souvenir. Eccli-, xxxv, 4-6. 

II est à remarquer que Notre-Seigneur, après avoir 
guéri un lépreux, lui recommande expressément d'aller 
offrir le sacrifice prescrit par Moïse. Marc, i, 44; 
Luc, v, 14. 



1331 



SACRIFICE 



1332 



2° Dispositions morales. — Le culte de Dieu ne pou- 
vait se borner à un simple formalisme. Mais la tendance ■ 
des Israélites à exagérer l'importance des rites exté- 
rieurs était telle, que les écrivains sacrés se croient 
obligés d'insister très fréquemment sur la nécessité 
des dispositions morales. Plus les sacrifices tenaient de 
place dans le culte, plus les sentiments religieux 
devaient en tenir dans le cœur. Aussi, 1, les sacrifices 
des impies sont abominables aux yeux du Seigneur. 
Prov., xv, 8; xxi, 27; Is., lxvi, 2, 3; Jer., xiv, 12; 
Ose., ix, 4; Eccli., xxxiv, 19-21. Dans Isaïe, xliii, 22- 
24, Dieu se plaint de son peuple qui, malgré tous ses 
sacrifices, lui a été à charge par ses péchés et l'a fatigué 
par ses iniquités. Amos, iv, 4, 5, reproche à ses com- 
patriotes d'amener chaque matin leurs sacrifices et en 
même temps de pécher de plus en plus. — 2. Dieu ne 
désire pas les sacrifices, c'est-à-dire qu'il n'en retire 
aucun avantage et n'y attache pas une importance 
essentielle. Ps. xl (xxxix), 7; li (l), 18; Is., i, 11; 
Jer., vi, 20; Ose., vin, 13. Amos, v, 22, va même jus- 
qu'à dire qu'il les hait, ce qui s'applique d'une ma- 
nière absolue aux sacrifices des impies, et seulement 
d'une manière relative aux autres sacrifices. Dieu, 
maître de toutes les créatures, n'a nul besoin des vic- 
times que lui présentent les hommes. Ps. L (xlix), 8- 
15. — 3. L'idée exprimée pour la première fois par 
Samuel, que l'obéissance vaut mieux que les sacrifices, 
I Reg., xv, 22, revient fréquemment sous différentes 
formes dans la Sainte Écriture : aux sacrifices, Dieu 
préfère la justice, Prov., xxi, 3, la docilité à sa voix, 
Eccle., iv, 17; Jer., vu, 21, 22, la piété, Ose., vi, 6, la 
miséricorde. Mich., vi, 6-8; Matth., ix, 13; xn, 7. 
Quand les sacrifices ne sont plus possibles, la prière 
d'un cœur contrit et humilié vaut les plus riches holo- 
caustes. Dan., m, 38-40. En somme, 
Observer la loi, c'est faire dd nombreuses offrandes, 
S'attacher aux commandements vaut un sacrifice pacifique, 
Rendre grâces, c'est une offrande de fleur de farine, 
Pratiquer la miséricorde, c'est offrir un sacrifice de louange. 
Gb qui plaît au Seigneur, c'est qu'on s'éloigne du mal, 
Ce qui obtient son pardon, c'est la fuite de l'injustice. 

Eccli., xxxv, 1-3. 

Aussi Notre-Seigneur fait-il cette recommandation à 
celui qui, en apportant son offrande à l'autel, se sou- 
vient d'un dissentiment avec son frère : « Laisse là ton 
offrande devant l'autel et va d'abord le réconcilier avec 
ton frère. » Matth., v, 23, 24. Un jour,, il complimenta 
de sa sagesse un scribe qui lui disait que l'amour de 
Dieu et du prochain, « c'est plus que tous les holo- 
caustes et tous les sacrifices. » Marc, xm, 33. Il n'y 
avait donc pas à se tromper sur l'esprit de la loi mo- 
saïque au sujet des sacrifices : ils devaient être offerts 
conformément aux prescriptions légales, mais ilsétaient 
nuls et même odieux aux yeux de Dieu, si de dignes 
sentiments de justice, de piété, d'obéissance, de misé- 
ricorde et d'amour ne les accompagnaient. 

VIII. Efficacité des sacrifices mosaïques. — Les 
sacrifices de l'ancienne loi avaient une triple valeur 
légale, symbolique et typique. 

1» Valeur légale. — Les sacrifices conféraient 
aux Israélites la justice légale, c'est-à-dire les puri- 
fiaient des souillures qui empêchaient de participer 
au culte divin, tel qu'il était institué sous l'ancienne 
loi. Mais ils ne pouvaient pas par eux-mêmes effacer 
le péché. Ceci ressort des textes qui viennent d'être ci- 
tés et dans lesquels on voit que Dieu n'attache qu'une 
valeur secondaire à ces rites extérieurs, dont la célé- 
bration n'était que trop souvent accompagnée de dis- 
positions intérieures fort répréhensibles. Mais « il est 
impossible que le sang des taureaux et des boucs en- 
lève les péchés. » Heb., x, 4. « Les oblations et les sa- 
crifices offerts ne peuvent amener à la perfection, au 
point de vue de la conscience, celui qui rend ce culte. » 



Heb., ix, 9. Malgré les sacrifices pour le péché et pour 
le délit, la conscience demeurait donc dans un état im- 
parfait, c'est-à-dire n'était pas purifiée de tout ce qui 
la souillait. Ainsi les sacrifices n'avaient pas de valeur 
sacramentelle qui leur fût propre ; le péché de ceux qui 
les offraient n'était remis que s'ils avaient au cœur des 
sentiments capables d'en obtenir le pardon. L'Église 
enseigne que ni les gentils par la puissance de la na- 
ture, ni les Juifs par la lettre des lois de Moïse, n'ont 
été délivrés du péché et n'ont pu s'en relever. Conc. 
Trid., sess. VI, De justificat., cap. I. 

2 e Valeur symbolique. — Les sacrifices exprimaient 
symboliquement ce que devaient être les dispositions 
du cœur pour louer Dieu dignement, pour le remercier, 
solliciter ses bienfails et implorer son pardon. Ils 
pouvaient par conséquent exciter dans les âmes des 
sentiments d'adoration, de reconnaissance, de regret 
et de religion. A ce but tendaient toutes les prescriptions 
de la loi. — 1. On immolait des animaux utiles à 
l'homme et se nourrissant d'aliments purs, ce qui ex- 
cluait les porcs et les poules : de là une double leçon 
de générosité et de pureté. — 2. Ces animaux étaient 
mis à mort, pour signifier que l'homme est digne de 
mort à cause de ses péchés et que les péchés ne sont 
expiés que par la mort. Les sacrifices lévitiques n'étaient 
donc étrangers ni au sentiment moral du péché et de 
l'expiation, ni à l'idée de substitution et de satisfaction 
pénale, ainsi que le reconnaissent §mm&, Alites lament- 
liche Religionsgeschichte, Fribourg, 1899, p. 326-332, 
et Holtzmann, Lehrbuch derN. T. Theologie,Fribourg, 
1897, t. i, p. 68. — 3. Dans les holocaustes, la victime 
était consumée toute entière, pour rappeler que Dieu 
est le souverain Maître et que l'homme lui appartient 
tout entier avec tout ce qui est à lui. — Dans les sacri- 
fices pour le péché, la victime était en partie consumée, 
en partie mangée par les prêtres, pour indiquer que 
l'expiation du péché dépend de Dieu, mais par le minis- 
tère des prêlres. Pourtant si ceux-ci offraient la victime 
pour eux-mêmes, ils n'en pouvaient pas manger, parce 
que rien ne devait leur rester du péché et qu'il ne 
convenait pas que ce qui venait de leur péché tournât à 
leur avantage. — 5. Dans les sacrifices pacifiques, il y 
avait trois parts, une que consumait le feu, une autre 
que mangeaient les prêtres et une troisième que man- 
geaient ceux qui offraient le sacrifice, afin de montrer 
que Dieu, les prêtres et les hommes en général con- 
courent ensemble au salut de chacun. — 6. Le sang 
était toujours versé à l'autel et la graisse consumée, 
parce que la vie, représentée par le sang, et l'abon- 
dance de la vie, représentée par la graisse, viennent 
toutes deux de Dieu et doivent contribuer à^son 
honneur. — 7. Le prêtre recevait pour sa part, dans 
les sacrifices pacifiques, la poitrine et l'épaule droite, 
parceque la sagesse du cœur, qui est dans la poitrine, et 
la force, représentée par l'épaule droite, lui sont néces- 
saires pour l'exercice de son ministère. Cf. S. Thomas, 
Summ. theol., I a D>, q. en, a. 3, ad 2 et 8. — Ainsi 
compris, les différents actes dont se composaient les 
sacrifices devaient constituer pour les Israélites un 
haut enseignement de religion. Car « le sacrifice qui 
est extérieurement offert est le signe du sacrifice spi- 
rituel intérieur par lequel l'âme s'offre elle-même à 
Dieu comme au principe de sa création et à la fin de 
sa béatitude... Aussi, ce qui compte, dans le sacrifice, 
ce n'est pas le prix de la victime immolée, mais sa 
signification d'honneur rendu au souverain Maître de 
tout l'univers. » S. Thomas, Summ. Iheol., II a II*, 
q. lxxxv, a. 2. Sans doute, l'appareil sanguinaire et 
grossier que nécessitait l'exécution des sacrifices mo- 
saïques, surtout quand les victimes étaient nombreuses, 
choquerait ceux qui ne conçoivent qu'un culte spiri- 
tuel de la divinité. Il faut reconnailre cependant qu'il 
n'en était pas de même pour les anciens, habitués aux 



1333 



SACRIFICE 



1334 



démonstrations sensibles du sentiment religieux. Chez 
les Israélites en particulier, ces immolations solennelles, 
exécutées dans un unique et splendide Temple, sui- 
vant des règles scrupuleusement observées, à grands 
frais, par un personnel nombreux et choisi, avec un 
cérémonial majestueux, ne pouvaient qu'inspirer une 
haute idée de" la grandeur, de la puissance et de la 
sainteté de Dieu. 

3° Valeur typique. — Les sacrifices de l'ancienne loi 
figuraient à l'avance le seul sacrifice agréable à Dieu, 
celui du Verbe incarné. « Le sacrifice par excellence 
est celui du Christ s'offrant à Dieu en agréable odeur, 
Eph., v, 2; aussi tous les autres sacrifices n'étaient 
offerts dans l'ancienne loi que pour figurer ce sacrifice 
principal, comme l'imparfait figure le parfait... Et 
comme la raison de la figure vient de l'objet figuré, 
ainsi les raisons des sacrifices figuratifs de l'ancienne 
loi doivent être demandées au vrai sacrifice du Christ. » 
S. Thomas, Summ. theol., I» II*, q. en, a. 3. C'est 
uniquement à cause de ce sacrifice, dont ils étaient la 
figure, que les sacrifices mosaïques avaient quelque 
efficacité pour remettre le péché. « Envisagés en eux- 
mêmes, ils ne pouvaient guérir aucun péché; mais 
si l'on regarde du côté des choses dont ils étaient 
les types, on y trouvait la purification du péché. » 
S. Augustin, Quasst. xxv in Num„ t. xxxiv, col. 728. 
«Ils ne causaient pas la grâce, dit Eugène IV dans le 
Décret aux Arméniens, mais ils figuraient seulement 
celle qui devait être donnée par la passion du Christ. » 
La grâce ne pouvait donc procéder, pour les anciens, 
que du sacrifice de Jésus-Christ. « Comme le mystère 
de l'incarnation et de la passion du Christ n'était pas 
encore opéré, les rites de l'ancienne loi ne pouvaient 
renfermer en réalité la vertu qui découlait du Christ 
incarné et souffrant, commela renferment les sacrements 
de la loi nouvelle, et par conséquent ne pouvaient 
purifier du péché... Mais, au temps de la loi, l'âme des 
fidèles pouvait s'unir par la foi au Christ incarné et 
souffrant, et ainsi être justifiée par la foi du Christ. 
L'observation de ces rites était une sorte de profes- 
sion de celte foi, en tant qu'ils figuraient le Christ. C'est 
pourquoi, dans la loi ancienne, on offrait des sacri- 
fices pour le péché, non que ces sacrifices purifias- 
sent du péché, mais parce qu'ils étaient comme une 
profession de la foi qui purifiait du péché... Celui-ci 
était remis, non par la vertu des sacrifices, mais grâce 
à la foi et à la dévotion de ceux qui les offraient. Lev., 
iv, 26, 31; v, 10. » S. Thomas, Summ. theol., I» II*, 
q. cm, a. 2. — La valeur réelle des sacrifices dépen- 
dait donc de leur valeur typique, moyennant les dispo- 
sitions inspirées par leur valeur symbolique. 

IX. Abolition des sacrifices mosaïques. — Comme 
toutes les autres institutions particulières à l'ancienne 
loi, les sacrifices sanglants devaient prendre fin avec 
la mission du peuple auxquels ils avaient été prescrits. 
Le prophète Daniel fut chargé de l'annoncer. Parlant 
de l'Oint qui viendrait un jour et serait retranché, il 
ajoute : « Il concluera une alliance ferme avec un grand 
nombre pendant une semaine, et au milieu de la 
semaine il fera cesser le sacrifice et l'oblation, et sur 
l'aile des abominations viendra un dévastateur, et cela 
jusqu'à ce que la destruction qui a été décrétée se 
répande sur le dévasté. » Dan., ix, 27. Il ne s'agit plus 
ici d'une interruption du sacrifice perpétuel, comme 
pendant la persécution d'Antiochus, Dan., xi, 31; xn, 
11, mais d'une cessation définitive résultant de la des- 
truction de la nation. Malachie, 1, 11, prédit également 
qu'une oblation pure sera substituée aux sacrifices. La 
prophétie de Jérémie, xxxm, 1 8, annonçant qu'il ne man- 
quera jamais d'homme « pour offrir l'holocauste, pour 
allumer l'oblation et faire le sacrifice tous les jours, » 
ne concerne donc pas exclusivement le sacerdoce lévi- 
lique; elle a son accomplissement parfait grâce au 



sacerdoce et au sacrifice de la loi nouvelle. — Notre- 
Seigneur ne réprouva pas les sacrifices mosaïques. 
Matth., v, 23; Marc, i, 44; Luc, v, 14. Mais il 
annonça à la Samaritaine que bientôt l'on n'adorerait 
plus ni au mont Garizim ni à Jérusalem, et qu'au culte 
ancien serait substitué le culte « en esprit et en vérité ». 
Joa., iv, 20-23. Les Évangélistes ne mentionnent aucun 
sacrifice offert par lui dans le Temple, ce qui toutefois 
ne prouve pas qu'il se soit abstenu systématiquement. 
Sur la lin de sa vie, il prédit la ruine dû Temple, Matth., 
xxiv, 1, 2; Marc, xm, 1, 2; Luc, xxi, 5, 6, et par 
conséquent la cessation des sacrifices, qui ne pouvaient 
être offerts qu'en ce lieu.aÂ. sa mort, le voile du Temple 
se déchira en deux, Matth., xxvn, 51, marquant ainsi la 
fin d'un culte qui n'avait plus de raison d'être, — Pen- 
dant le siège de Jérusalem par Titus, le 17 du mois de 
Panémus (17thammouz, 10 juin 70), « le sacrifice per- 
pétuel cessa d'être offert à Dieu, faute d'hommes, et le 
peuple en fut profondément affligé, » Josèphe, Bell, 
jud., VI, il, 1, comme il a été dit plus haut. C'était la 
fin des sacrifices mosaïques. Depuis lors, les Juifs n'en 
offrirent plus. 

X. Le sacrifice de la croix. — La mort de Jésus- 
Christ sur la croix est le sacrifice de la nouvelle alliance 
destiné à remplacer tous les autres. — 1" Ce sacrifice 
est annoncé dans l'Ancien Testament. Il en est dit au 
Psaume xxxix (xl), 7, 8 : 

Tu ne désires ni sacrifice ni oblation, 

Tu m'as percé des oreilles; 

Tu ne demandes ni holocauste ni victime expiatoire, 

Alors j'ai dit : Voici que je viens. 

Ces paroles sont appliquées au Christ entrant dans 
le monde par l'Épitre aux Hébreux, x, 5-7. Isaïe parle 
de la mort du Messie dans des termes qui supposent 
une immolation sanglante, volontaire et expiatoire : 

Il a été transpercé à cause de nos péchés, 

Brisé à cause de nos iniquités... 

Semblable à l'agneau qu'on mène à la tuerie... 

Il a plu à Jéhovah de le briser par la souffrance. 

Mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, 

Il verra une postérité, il vivra de longs jours. 

Is., Lin, 5, 7, 10. 

— 2° Notre-Seigneur dit formellement que son sang, qui 
va être répandu, est le « sang de la nouvelle alliance. » 
Matth., xxvi, 28; Marc., xiv, 24; Luc, xxii, 20; I Cor., 
xi, 25. Il établit donc une relation de similitude entre 
son sang et le sang des taureaux immolés au Sinaï, et 
dont Moïse a dit : « C'est le sang de l'alliance que 
Jéhovah a conclue avec vous. » Exod., xxiv, 8. De part 
et d'autre, il y a victime, immolation, sang versé, 
alliance scellée et, par conséquent, sacrifice. — 3» Les 
Apôtres parlent de la mort de Notre-Seigneur comme 
d'un sacrifice. Le Christ « nous a aimés et s'est livré 
lui-même à Dieu pour nous comme une oblation et un 
sacrifice d'agréable odeur. » Eph., v, 2. « C'est lui que 
Dieu a montré comme victime propitiatoire par son 
sang. » Rom., m, 25. Nous avons été affranchis « par 
un sang précieux, celui de l'Agneau sans défaut et sans 
tache, le sang du Christ. » I Pet., i, 19. « Il est lui* 
même une victime de propitiation pour nos péchés, non 
seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde 
entier. » 1 Joa., n, 2. Il estl' Agneau de Dieu, Joa., i, 29, 
c'est-à-dire celui qui a été choisi pour être victime, 
l'Agneau quia été immolé, Apoc, v, 6, 9, et qui l'a été 
dès la fondation du monde, Apoc, xm, 8, dans la pen- 
sée divine, en vue et en figure duquel tous les autres 
sacrifices ont été institués. — 4° L'Épitre aux Hébreux 
fait plus particulièrement ressortir le caractère du 
sacrifice de Jésus-Christ, en le comparant aux sacrifices 
anciens. La première alliance avait son culte et ses 
sacrifices; le Christ a aussi son sacrifice et son alliance 
nouvelle, non dans le sang des animaux, mais dans 



1335 



SACRIFICE 



1336 



son propre sang, non par des sacrifices réilérés, mais 
par nn seul, puisque, « par une oblation unique, il a 
procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont 
sanctifiés, » Heb., x, 14, et qu'il ne se borne pas à 
assurer la pureté de la chair, comme les anciennes 
victimes, mais celle de la conscience. Heb., ix, 13-14. 
— 5° Le sacrifice de la croix renferme éminemment 
les conditions de tous les autres sacrifices : 1. La vic- 
time sensible; le Fils de Dieu devient cette victimepar 
son incarnation. Heb., x, 5-9. — 2. La victime agréée 
de Dieu; c'est le Père lui-même qui, par amour, l'a 
donnée au monde. Joa., m, 16. — 3. La victime offerte; 
elle s'offre elle-même dès s* venue en ce monde, elle 
est offerte extérieurement au Seigneur, par les mains 
de la sainte Vierge, au jour de la présentation au Tem- 
ple, Luc, h, 22, et elle s'offre elle-même de nouveau 
pendant son agonie. Matth., xxvi, 39. — 4° La victime 
immolée ; les bourreaux du Calvaire ne sont que des 
instruments, inconscients de l'importance de l'acte 
qu'ils accomplissent; le vrai sacrificateur, ayant la 
qualité de souverain Prêtre, c'est Jésus-Christ lui- 
même, qui dépose sa vie par sa propre et unique vo- 
lonté. Joa., x, 18. — 5. Le sang de la victime; il 
devait être complètement répandu, sans que rien n'en 
restât dans le corps ; c'est ce qui eut lieu pour Notre- 
Seigneur. Joa., xix, 31. — 6. L'holocauste; le sacrifice 
de Jésus-Christ a excellemment, ce caractère; le Sau- 
veur se donne tout entier, afin que le monde sache 
qu'il aime son Père, Joa., xiv, 31, qu'il a glorifié sur la 
terre, Joa., xvn, 4, et auquel il va rendre, par sa mort 
sanglante et volontaire, le plus complet de tous les 
hommages. — 7. Le sacrifice pour le péché; c'est pour 
l'expiation du péché que meurt le Sauveur, et, en 
souffrant la mort, il se met à la place des pécheurs, 
qui seuls l'avaient méritée. Matth., xxvi, 28; Marc, X, 
45; xiv, 24; Rom., m, 24; v, 9; II Cor., v, 21; Gai., iv, 
4; Col., i, 14; Heb., v, 8; 1 Joa., i, 7; Apoc, i, 5; v, 
9, etc. — 8. Le sacrifice pacifique; en mourant à notre 
place, Jésus-Christ remercie son Père et intercède 
pour nous. Voir Médiateur, t. iv, col. 915. — 9. Enfin, 
la participation à la victime. Elle n'avait lieu que dans 
les sacrifices qui n'étaient pas des holocaustes. Le sacri- 
fice de Jésus-Christ participant aux caractères des sacri- 
fices pour le péché et des sacrifices pacifiques, il était 
nécessaire, pour que la réalité répondit à la figure, 
que la victime de la croixpût devenir un aliment. C'est 
à quoi le Sauveur a pourvu par l'institution de la 
sainte Eucharistie. — Le sacrifice de la croix a donc 
tous les caractères d'un véritable sacrifice. Il est supé- 
rieur à tous ceux de l'ancienne loi par la qualité de la 
victime, par sa nature définitive et pleinement efficace 
et par la manière dont il a été accueilli de Dieu, puis- 
que, des tourments de son immolation, Jésus- 
Christ est passé dans sa gloire. Luc, xxiv, 26. Cf. De 
Condren, Idée du sacerdoce et du sacrifice de J.-C, 
II» part., ch. i-vi, édit. 1858, p. 46-105; Thalhofer, 
Bas Opfer des A. und N. Bandes, Ratisbonne, 1870. 
XI. Le sacrifice eucharistique. — 1° La prophétie de 
Malachie, 1, 11, annonçait la substitution d'un nouveau 
sacrifice aux anciens : a Mon nom est grand parmi les 
nations, et en tout lieu on offre à mon nom de l'encens 
et des sacrifices, une oblation pure, car mon nom est 
grand parmi les nations. » Le sacrifice nouveau doit 
être universel et pur, digne d'être offert à Dieu. Pour 
les Pérès, ce sacrifice est celui de l'Eucharistie, et le 
concile de Trente, sess. xxil, c. 1, déclare que ce qui 
est prédit par Malachie, c'est le sacrifice eucharistique. 
D'autre part, Jésus-Christ est prêtre « selon l'ordre de 
Melchisédech », par conséquent indépendant du sacer- 
doce d'Aaron, Heb., vu, 1-27, mais ressemblant au 
prêtre-roi de Salem par la nature de son sacrifice. Or, 
Melchisédech a offert le pain et le vin (voir Melchisé- 
dech, t. iv, col. 939), et le concile de Trente déclare en- 



core que Jésus-Christ a réalisé- l'antique figure en 
offrant lui-même son corps et son sang sous les espèces 
du pain et du vin. — 2° Or, le jeudi-saint, Notre-Sei- 
gneur présente l'espèce du pain en disant : « Ceci est 
mon corps. » Saint Paul, I Cor., xi, 24, ajoute : to 
Cwàp ijjiwv xX<o[ievov ; Vulgate: quod pro vobis tradelur. 
En présentant le calice, il dit : « Ceci est mon sang, » 
Matth., xxvi, 28; Marc, xiv, 24, ou : « Ceci est le 
calice de mon sang, » Luc, xxn, 20; I Cor., xi, 25; 
Vulgate : Hic est sanguis meus qui. pro multis 
effundetur, fundelur, ce qui se réfère à la passion. Le 
grec emploie le présent et montre l'Eucharistie comme 
un véritable sacrifice; la Vulgate constate l'union qui 
existe entre la Cène et le sacrifice de la croix. Dans le 
Nouveau Testament, effusion du sang et sacrifice sont 
la même chose. Act., xx, 28; Rom., ni, 24; v, 9; 
Epb., i, 7; n,13; Col., i, 14, 20; I Pet., i, 2, 19; I Joa.,i, 
7, etc. En cet instant, Notre-Seigneur verse donc son 
sang, en. d'autres termes, il se sacrifie, et, bien que 
cette effusion soit aussi invisible que sa présence 
même dans le sacrement, elle est réelle, puisque sa 
parole l'affirme. — 3» Le divin Maître ajoute que son 
sang est actuellement versé « pour beaucoup, pour la 
rémission des péchés. » Matth., xxvi, 27. Ce sacrifice 
est donc propitiatoire; il a, comme celui de la croix, la 
vertu d'expier les péchés. — 4° Il dit ensuite : « Faites 
ceci en mémoire de moi. » Luc.,xn, 19; I Cor., xi, 25. 
Ces paroles sont adressées aux Apôtres, seuls présents. 
Ce qu'ils ont à faire, c'est ce que le Sauveur a fait, verser 
son sang, c'est-à-dire le sacrifier pour la rémission des 
péchés. — 5» La relation entre le sacrifice eucharistique 
et celui de la croix, supposée par la traduction de la 
Vulgate dans les textes précédents, est formellement 
enseignée par saint Paul : « Toutes les fois que vous 
mangez ce pain et que vous buvez ce calice, » par con- 
séquent, que vous prenez partau sacrificeeucharistique, 
« vous annoncez la mort du Sauveur jusqu'à ce qu'il 
vienne. » I Cor., xi, 26. De fait, puisque la victime et 
le sacrificateur sont les mêmes de part et d'autre, il y 
a des rapports nécessaires entre les deux sacrifices. — 
6° Saint Paul n'en traite pas moins le sacrifice eucha- 
ristique comme un sacrifice véritabie et complet en lui- 
même. Parlant des viandes immolées aux idoles, il dit 
que, « ce que les païens offrent en sacrifice, ils l'immo- 
lent à des démons, et non à Dieu. » Comparant ensuite 
le sacrifice des chrétiens à celui des païens, il ajoute : 
« Vous ne pouvez boire à la fois au calice du Seigneur 
et au calice des démons; vous ne pouvez prendre part 
à la table du Seigneur et à la table des démons. » I Cor., x, 
20-21. Des deux côtés donc, les aliments tirent leur 
qualité du sacrifice qui a précédé, et si le rite qui a 
souillé les aliments offerts aux démons était un sacri- 
fice proprement dit, le rite qui sanctifie le calice et la 
table du Seigneur l'est également. — 7° Le fond essen- 
tiel du sacrifice eucharistique est constitué par la pré- 
sence réelle de Jésus-Christ, qui donne leur vraie 
valeur aux actes du sacrifice. Jésus-Christ ressuscité ne 
peut plus mourir, Rom., vi,-9; son immolation effec- 
tive ne peut donc plus avoir lieu, et pourtant cette 
immolation est essentielle au sacrifice. Mais il n'est pas 
nécessaire qu'elle soit récente; il suffit qu'elle ait été 
réelle et que quelque chose de sensible la représente. 
Or, c'est précisément ce qui se produit : Jésus-Christ, 
autrefois immolé visiblement, est présent in visiblement, 
mais dans un état qui le rend propre à servir de nour- 
riture et qui, quant à l'apparence sensible, est incon- 
ciliable avec la vie. C'est pourquoi le concile de Trente, 
sess. xxil, c. 1, dit que Jésus-Christ a laissé à son 
Église «. un sacrifice visible, comme le requiert la na- 
ture des hommes, par lequel serait représenté le sacri- 
fice sanglant qui allait être consommé sur la croix. » 
— 8° Enfin, le sacrifice eucharistique se complète par 
la manducation de la victime qui n'avait pas été pos- 



1337 



SACRIFICE — SADDUCÉENS 



1338 



sible dans le sacrifice de la croix. La victime divine, 
« rendue présente » par les paroles sacramentelles, et 
< représentée » par les espèces sensibles, devient la 
nourriture de ceux qui offrent le sacrilice ou y parti- 
cipent, conformément aux paroles du Sauveur : « Pre- 
nez, mangez, buvez. » Ainsi se complète l'harmonie 
entre les anciens sacrifices et le sacrifice de la loi nou- 
velle. La victime sert d'aliment; mais elle aussi ne 
peut être mangée que par ceux qui sont purs. I Cor., xi, 
27-29. 

Il est à remarquer que, non seulement en droit, mais 
même en fait, les anciens sacrifices ont disparu partout 
où le sacrifice eucharistique a été introduit. Ce dernier, 
du reste, devra s'établir «,en tout lieu », Mal., I, 11, 
et il se perpétuera jusqu'à la fin des temps, jusqu'à 
ce que le Sauveur vienne, I Cor., xi, 26, puisqu'aucune 
limite n'a été assignée à sa durée et que sa célébration 
est liée à la vie de l'Église, qui a les promesses de 
perpétuité. — Cf. Franzelin, De SS. Eucharistie 
sacram. et sacrif., Rome, 1873, p. 335-420 ; N. Gihr, 
Le saint Sacrifice de la messe, trad. Moccand, Paris, 
1894, t. I, p. 30-248. H. Lesètee. 

SACRILÈGE (grec : i&posvXr^x, îepocruXîa; Vulgate : 
saerilegium) , crime contre les choses saintes. Celui qui 
commet ce crime est appelé îepô<juXo;, sacrilegus. — 
L'idée de sacrilège n'est pas exprimée dans la Bible 
hébraïque. Là où la Vulgate parle du sacrilège de 
Phogor, il y a seulement dans le texte hébreu et dans 
les Septante : « à cause de Phogor. » Num., xxv, 18. 
La Vulgate ajoute encore l'épithète de « sacrilège » à 
l'autel bâti par les tribus trausjordaniques. Jos., xxn, 16. 
— Les termes grecs s'appliquent aux pilleurs de temples. 
Ils sont employés à propos de Ménélas et de ses com- 
plices, qui avaient enlevé les vases d'or du Temple pour 
les vendre. II Mach., iv, 38, 39, 42; xin, 6. — Pour 
dégager saint Paul et ses compagnons, le grammate 
d'Éphèse ditau peuple qu'ils ne sont ni des sacrilèges, ni 
des blasphémateurs de Diane. Act., xix, 37. Saint Paul 
reproche aux Juifs leur inconséquence, quand ils ont 
les idoles en horreur et se permettent en même temps 
de UpomiXeCv, c'est-à-dire de profaner le Temple et de 
commettre ainsi un sacrilège. Rom., il, 22. 

H. Lesêtre. 

SACY (Louis Isaac Le Maislre de). Voir Le Maistrjï, 
t. iv, col. 163. 

SADDUCÉENS (grec : 2a83ouxatot; Vulgate : Sad- 
ducsei), membres d'une secte Juive à l'époque évan- 
gélique. Comme les Pharisiens, leurs antagonistes, 
les Sadducéens ne sont connus que par le Nouveau 
Testament, l'historien Josèphe et le Talmud. 

I. Leur nom. — 1» Les Sadducéens, appelés SaSSo-j- 
xaïot, par les écrivains du Nouveau Testament et par 
Josèphe, portent le nom de sadduqîni dans la Mischna. 
Yadayïm, iv, 6, l;Erubin, vi, 2; Makkoth,l, 6; Para, 
m, 7; A'idda, iv, 2. — 2" Saint Épiphane, Hxres., xiv, 
t. xli, col. 240, et saint Jérôme, In Matth., m, 23, t. xxvi, 
col. 163, font venir ce nom de l'hébreu saddiq, « juste », 
comme si les Sadducéens faisaient profession spéciale 
de justice, c'est-à-dire de fidélité à la loi. Ce nom 
pourrait à la rigueur se comprendre historiquement, 
parcequ'en effet les Sadducéens entendaient d'une ma- 
nière très littérale la loi mosaïque et s'en tenaient à 
cette loi, à l'exclusion des traditions postérieures. Mais 
grammaticalement saddiq donnerait saddîqîm et non 
saddûqîm, <raS8i)tz?ot, saddicsei, et non a«8So-ov.aïai, 
sadducsei, de même que hàsidim, donne àcriôaîot, assi- 
dxi. Voir Assidéens, t. i, col. 1131. Il n'est donc pas 
probable que la vraie étymologie du nom soit à cher- 
cher de ce côté. — 3° Le nom des Sadducéens vient 
plutôt du nom propre Sadôq, Sadoc, qui se lit une 
cinquantaine de fois dans l'Ancien Testament, et que 



les Septante transcrivent ordinairement par SaStix, 
mais dix fois par 2aSào-jx. Ezech., xl, 46; xliii, 19; 
xliv, 15; XLvm, 11 ; I Esd., vu, 2 ; II Esd., m, 4, 29; x, 
21; xi, 11; xhi, 13. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 1, cite 
un pharisien du nom de SâSSoyxoç, correspondant cer- 
tainement an sâdôq hébreu. Il parle également d'un 
Ananias SaSSouxî, Bell, jud., II, xvil, 10; xxi, 7, qui 
était pharisien. Vit., 39. Dans la Mischna, le rabbi 
Zadok est appelé Saddûq. Pea, n, 4; Terumoth, x, 9; 
Schabbath, xxiv, 5; Pesachim, m, 6; vu, 2; x, 3. De 
la forme grecque SaôSoûx est venu régulièrement le 
dérivé EaSSouxaîot, ceux qui, à un titre ou à un autre, 
se rattachent à Sadoc. — 4° La difficulté est de savoir 
à quel Sadoc le nom des Sadducéens fait allusion. 
D'anciens rabbins ont songé à un Sadoc, disciple 
d'Antigone de Socho," disciple lui-même de Siméon 
le Juste. Il reste une sentence d'Antigone de Socho 
dans la Mischna, Aboth, I, 3 : « N'imitez pas le ser- 
viteur qui veut servir son maître en vue de la récom- 
pense, mais soyez comme celui qui fait son service sans 
penser à la récompense. » C'est dans un commentaire 
du rabbi Nathan sur le traité Aboth que sont nommés 
deux disciples d'Antigone, Sadoc, qui aurait donné son 
nom aux Sadducéens, et Boéthos, qui aurait donné le 
sien aux Boéthosiens. La négation sadducéenne de la 
vie future apparaîtrait ainsi comme une conséquence 
outrée, mais spécieuse, de la sentence d'Antigone de 
Socho. Mais le commentaire de Nathan, postérieur au 
V e siècle dans sa forme actuelle, ne mérite pas grande 
confiance. S'il se trompe sur les Boéthosiens, qui 
tirent leur nom de Boéthos, grand-prêtre contempo- 
rain d'Hérode, rien ne prouve qu'il soit mieux informé 
sur les Sadducéens. Son affirmation n'a donc d'autre 
valeur que celle d'une supposition personnelle, ratta- 
chée artificiellement à la sentence d'Antigone. — 5° Le 
plus illustre des Sadoc fut incontestablement le grand- 
prêtre contemporain de Salomon, dont les descendants 
exercèrent à sa suite le souverain pontificat. Dans sa 
description du Temple idéal, Ézéchiel, xl, 46; xliii, 
19; xliv, 15; xlviii, 11, suppose que les fonctions sacrées 
sont remplies par des fils de Sadoc. I Par., VI, 8-15. 
Après le retour de la captivité, le sacerdoce suprême 
resta longtemps encore dans la famille de Sadoc. Voir 
Grand-Prêtre, t. m, col. 305-306. Comme le parti des 
Sadducéens se composait de riches personnages et prin- 
cipalement des grands dignitaires du sacerdoce, on 
comprend que ces derniers se soient donnés comme 
les héritiers de Sadoc, sinon par le sang, du moins 
parles fonctions, et qu'ils se soient appelés Sadducéens. 
Cette appellation leur permettait d'accaparer l'illus- 
tration qui s'attachait à l'un des noms les plus glorieux 
du passé, et en même temps de faire remonter très 
haut l'origine de leurs prétentions ou de leurs droits. 
Cette explication du nom des Sadducéens n'est pas 
absolument certaine; mais, à défaut de renseignements 
historiques, elle est la plus probable. — 6° Hôlscher, 
Der Sadducâismus, 1906, prétend que les descendants 
de Sadoc furent chassés de Jérusalem par le soulè- 
vement des Machabées, et que leurs tendances n'étaient 
plus représentées dans le haut sacerdoce, à la seule 
exception de la famille de Boéthos sous Hérode. C'est 
alors seulement que le nom de « Sadducéens » aurait 
pris naissance en souvenir de la tendance similaire, au 
temps des Machabées. Schûrer rejette résolument ce 
système dans Theol. Literaturzeitung, 1907, p. 200-203. 
II. Leur histoire. — 1» Les Sadducéens ne prennent 
place dans l'histoire qu'assez tardivement. Ils ne for- 
ment pas un parti compact et nombreux comme les 
Pharisiens. Ils ne se composent que de gens riches et 
tiennent le peuple à l'écart; ils sont peu nombreux, 
mais comptent parmi eux les dignitaires et les chefs. 
Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6 ; XVIII, I, 4. C'est 
donc une aristocratie, surtout sacerdotale; car les 



1339 



SADDUGEENS 



1340 



prêtres, qui occupaient le premier rang dans la nation, 
y avaient exercé l'autorité principale sous la domi- 
nation des Grecs et même des Perses. A l'époque ro- 
maine, les grandes familles sacerdotales étaient saddu- 
céennes. Act., v, 17; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1. 
Cependant, il n'y a nullement identité entre le sacer- 
doce juif et le sadducéisme. Un très grand nombre de 
prêtres n'étaient pas sadducéens et n'avaient aucune an- 
tipathie contre le pharisaïsme, auquel même beaucoup 
d'entre eux finirent par adhérer à l'époque qui précéda 
immédiatement la ruine de Jérusalem. D'autre part, 
les Pharisiens ne nourrissaient aucune animosité contre 
les prêtres; ils recommandaient l'obéissance aux obli- 
gations que la loi prescrivait à leur égard et se mon- 
traient eux-mêmes fidèles à les observer. Mais l'anta- 
gonisme n'existait qu'entre le pharisaïsme et le haut 
sacerdoce, non pas à raison de ses fonctions, mais à 
cause de ses idées et de ses tendances. — 2° L'origine 
de cet antagonisme doit tenir à une cause d'ordre poli- 
tique. L'aristocratie sacerdotale, qui exerçait l'autorité 
sur la nation à l'époque des dominations étrangères et 
jouissait des honneurs et des profits attachés à ses 
fonctions, avait naturellement intérêt à maintenir cet 
état de choses. L'intérêt national réclamait également 
que satisfaction fût donnée, autant que possible, aux 
maîtres étrangers de qui dépendaient les destinées du 
pays. Ainsi s'explique la tendance des prêtres fonction- 
naires à se rapprocher de plus en plus de l'hellénisme, 
et leurs efforts pour diminuer la distance qui séparait 
le judaïsme d'avec le monde païen. Il leur semblait qu'ils 
travaillaient ainsi au bien de la nation, non moins qu'à 
leur avantage particulier. Ces tendances, déjà très 
accentuées sous la domination grecque, survécurent à 
la période de réaction machabéenne. Pendant que, 
profondément antipathiques au joug et aux idées étran- 
gères, les Pharisiens s'attachaient plus étroitement à 
la loi et ne craignaient pas d'en tirer les extrêmes 
conséquences, l'aristocratie sacerdotale s'efforçait de 
diminuer plutôt que d'augmenter les causes de diver- 
gence avec la gentilité, en acceptant du monde païen 
tout ce qui n'était pas foncièrement inconciliable avec 
le fond essentiel de la loi mosaïque. On vit alors les 
grands-prêtres Jason, Ménélas et Alçime verser à l'excès 
dans l'hellénisme. — 3° Les grands-prêtres maccha- 
béens, Jonathas et ses successeurs, à raison même de 
leurs antécédents, se rangèrent au parti pharisien, qui 
était le parti du patriotisme et de l'observance étroile 
de la loi. Les Sadducéens furent alors tenus à l'écart, 
mais ils ne disparurent pas et conservèrent toujours 
quelques-uns des leurs dans les hautes fonctions. Ils 
apparaissent tout d'un coup sous Jean Hyrcan pour jouer 
un rôle qui prouve leur réelle importance. Plusieurs 
des Pharisiens voyaient d'un mauvais oeil la puissance 
civile et le souverain pontificat réunis dans les mains 
du même prince. Ils manifestèrent publiquement leur 
mécontentement, et l'un d'eux, Éléazar, alla même jus- 
qu'à élever des doutes sur la légitimité de la naissance 
de Jean Hyrcan. Jonathas, ami intime du prince et 
sadducéen, lui persuada que tous les Pharisiens étaient 
dans les mêmes idées et lui inspira la résolution de 
faire juger par eux le calomniateur. Ceux-ci ne con- 
damnèrent Éléazar qu'au fouet et à la prison. Hyrcan, 
outré de cette indulgence, passa au parti des Saddu- 
céens, embrassa leur doctrine et prit des mesures ri- 
goureuses contre ceux qui observaient les pratiques du 
pharisaïsme. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5, 6; 
Babyl. Berachoth, fol. 29 a. Aristobule I er , et surtout 
Alexandre Jannée, persévérèrent dans ce parti. Ce der- 
nier, violemment attaqué par le peuple à l'instigation 
des Pharisiens, fit massacrer six mille hommes par 
sa garde, et soutint ensuite pendant six ans une guerre 
civile durant laquelle périrent cinquante mille Juifs. 
Ant. jud., XIII, xiii, 5. Cependant, avant de mourir, 



il recommanda à la reine Alexandra de se concilier les 
Pharisiens en leur donnant part au pouvoir. Josèphe, 
Ant. jud., XIII,- xv, 5. Ceyux-ci, redevenus puissants 
sous Alexandra, exercèrent des représailles contre 
les Sadducéens et en firent mourir un bon nombre, 
entre autres Diogène, ancien ami d'Alexandre Jannée. 
Aristobule, fils cadet d'Alexandra, intervint alors en 
faveur des Sadducéens. La reine, pour les soustraire à 
la vengeance de leurs ennemis, les envoya dans des 
forteresses dont elle leur confia la garde. Josèphe, 
Ant. jud., XIII, xvi, 2-3. C'était une force toute pré- 
parée dont Aristobule se servit, à la mort de sa mère, 
pour s'emparer de la royauté, au détriment de son 
aîné Hyrcan. — 4° Sous Hirode et sous les procura- 
teurs romains, si impatiemment supportés par les 
Pharisiens, les Sadducéens s'accommodèrent aisé- 
ment du régime imposé à la nation. Ils remplissaient 
alors les principales charges religieuses. Josèphe, 
Ant. jud., XVIII, i, 4, remarque même que « quand 
ils exerçaient quelque magistrature, ils se rangeaient 
à l'opinion des Pharisiens, bien qu'à contre coeur et 
sous le coup de la nécessité, parce qu'autrement le 
peuple ne les eût pas supportés. » Ils savaient donc 
faire fléchir leurs principes dans l'intérêt de leur 
pouvoir. On les voit intervenir de temps en temps à 
travers l'histoire évangélique, faisant souvent cause 
commune avec les Pharisiens contre Jésus, mais pour 
des motifs tout différents. Ce qu'ils voient en lui, c'est 
le novateur qui cherche à troubler l'ordre établi et qui 
peut attirer contre la nation la colère de (a puissance 
romaine. Joa., xi, 48. Ils cherchent cependant à dé- 
fendre leurs doctrines particulières, Matth,, xxn, 23-34 ; 
Act., iv, 1, 2, pour ne pas avoir l'air de se désintéresser 
des choses d'ordre intellectuel. Mais la politique est 
leur principale raison d'être. Ils n'existent que pour 
tirer des circonstances le meilleur parti possible, en se 
pliant à toutes les dominations qui pèsent sur leur 
nation, pourvu que leurs intérêts soient saufs. Aussi 
disparaissent-ils sans laisser presque aucune trace, 
quand la ruine de la nationalité juive ne permet plus 
à leur habileté de s'exercer avec profit. Leur influence 
ayant été beaucoup plus pratique que doctrinale, c'est 
à peine si les docteurs juifs feront encore mention des 
Sadducéens dans leurs longs commentaires. Ils en 
viendront même à ne plus trop savoir ce que ces sec- 
taires ont pensé et ce qu'ils ont été. 

III. Leur doctrine. — Chez un peuple qui attachait 
une si grande importance à sa foi religieuse et qui y 
cherchait la règle de sa conduite, le fondement de ses 
espérances et le motif de ses revendications, un parti 
comme celui des Sadducéens ne pouvait se désintéresser 
totalement de la question doctrinale, bien que ses vi- 
sées fussent principalement politiques et utilitaires. 
Voilà pourquoi ces sectaires admettaient un certain 
nombre de principes dont ils tiraient les conséquences 
pratiques. — 1° Sur l'Écriture et les traditions. — 
D'après les Sadducéens « il ne faut accepter pour ré- 
gler sa conduite, que ce qui est écrit, sans s'astreindre 
aux traditions des anciens... Ils prétendent qu'il n'y a 
à observer que la loi et qu'il est honorable de contre- 
dire les maîtres de la sagesse. » Josèphe, Ant. jud., XIII, 
x, 6; XVIII, i, 4. C'était le principe opposé à celui des 
Pharisiens, qui trop souvent faisaient passer avant la 
loi les traditions purement humaines. Matth., xv, 3-6. 
Un certain nombre de Pères ont pensé que les Saddu- 
céens ne recevaient parmi les livres sacrés que le 
Pentateuque. Cf. Origène, Cont. Cels., i, 49, t. xi, col. 
767; Philosophum., ix, 29, édit. Cruice, p. 469; Ter- 
tullien, De prsescript., 45, t. h, col. 61; S. Jérôme, 
Cont. Luciferian., 23, t. xxm, col. 178; In "Matth., ni, 
31, t. xxvi, col. 165, etc. On a cherché à corroborer 
cette assertion en observant que, pour réfuter les 
Sadducéens, Jésus-Christ se contente d'alléguer un 



1341 



SADDUGÉENS 



J342 



texte du Pentateuque, Matth., xxn, 32, alors que tant 
d'autres plus décisifs auraient pu être empruntés aux 
prophètes. Mais on convient généralement aujourd'hui 
que les Pères, en s'exprimant ainsi, ont donné plus de 
portée qu'il ne fallait à l'observation de Joséphe. Il est 
certain que si les Sadducéens avaient partagé, au sujet 
des écrits bibliques, l'opinion des Samaritains abhorrés, 
qui ne recevaient que le Pentateuque, leur position eût 
été intenable au sanhédrin et surtout au souverain pon- 
tificat. Or, comme l'a observé Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
i, 4, la crainte du peuple les obligeait parfois à se ran- 
ger à la manière de voir des Pharisiens; ils n'eussent 
pas manqué de le faire, pour conserver leurs charges, 
si leurs opinions sur la Bible eussent été inacceptables. 
L'argument tiré du Pentateuque par Notre-Seigneur ne 
prouve nullement que les Sadducéens n'admettaient 
que les livres de Moïse. On conçoit très bien que, pour 
donner plus de force à sa réponse, le Sauveur ait em- 
prunté à un texte de Moïse le moyen de réfuter une 
objection appuyée sur un autre texte du même auteur. 
Dans le Talmud, on voit les Pharisiens alléguer des 
textes prophétiques contre les Sadducéens, sans que 
ceux-ci réclament. Gem. Sanhédrin, 11. 2. C'est donc 
que ces derniers avaient la même Bible que tous leurs 
compatriotes. Ils ne rejetaient en définitive que les 
traditions non écrites, c'est-à-dire ces règles et ces 
interprétations qui se transmettaient oralement et se 
multipliaient à l'excès. Il y avait cependant des tradi- 
tions qu'ils admettaient. Sanhédrin, 33 b; Horayoth,ka. 
Ils tenaient sans doute à rester libres d'accepter celles 
qui leur convenaient. 

2° Sur l'existence des esprits. — « Les Sadducéens 
disent qu'il n'y a point de résurrection, ni d'ange et 
d'esprit. » Act., xxm, 8. Ils n'admettaient point d'autre 
esprit pur que Dieu. Par conséquent point d'anges, 
point d'âmes séparées du corps et, comme corollaire, 
pas de résurrection du corps pour rejoindre une âme 
qui n'existe plus. Les Sadducéens « nient la survivance 
des âmes, les supplices et les récompenses de l'autre 
vie... La doctrine des Sadducéens est que les âmes péris- 
sent avec les corps. » Josèphe, Bell, jud., II, vm, 14; 
Ant. jud., XVIII, i, 4. « Les Sadducéens formulent ainsi 
leur négation : la nuée se dissout et s'en va, ainsi ce- 
lui qui descend au tombeau ne revient pas. » Tanchuma, 
3, 1. Peut-être les Sadducéens prétendaient-ils s'en 
tenir sur ces différents points aux anciens textes bi- 
bliques, qui n'étaient pas très explicites. Si l'existence 
des anges et des démons apparaît assez claire dans le 
Pentateuque et dans Job, ce qui rend la négation des 
Sadducéens inexcusable, la survivance des âmes restait 
une question obscure au moins quant au mode de cette 
survivance. Le Se'ôl semblait un état indécis, sans ré- 
compense ni châtiment. Quant à la résurrection des 
corps, elle n'avait été enseignée d'une manière positive 
que par Daniel. Toutes ces notions sur l'autre vie étaient 
encore imprécises pour les Juifs. Il y avait là des ques- 
tions qui fournissaient matière à discussion entre Pha- 
risiens et Sadducéens. Mais les raisons apportées par les 
premiers étaient souvent sans valeur. Cf. Midrasch 
Kohelelh, fol. 114, 3. Les seconds y trouvaient facilement 
des motifs de ne pas croire. En tous cas, dans l'opinion 
générale, la négation des Sadducéens avait assez- peu de 
conséquence pour que ceux-ci pussent exercer les pre- 
mières charges dans le Temple, sans révolter ni même 
trop étonner personne. 

3° Sur l'action de la Providence. — c Les Sadducéens 
suppriment totalement le destin et nient que Dieu soit 
pour quelque chose quand on fait le mal ou qu'on s'en 
abstient. Ils disent qu'il dépend de l'homme de choi- 
sir le bien ou le mal et que chacun va à l'un ou à Tau- 
Ire à son gré. » Josèphe, Bel l. jud., III, vin, 14. Au point 
de vue individuel, la théorie sadducéenne pouvait 
passer pour une revendication de la liberté humaine, 



et la négation légitime de cette force nécessitante que 
les païens appelaient le destin etquiimposaità l'homme 
certains actes bons ou mauvais. Elle rejetait cependant 
toute influence de Dieu sur la conduite de l'homme. 
C'était la négation anticipée de la grâce et l'affirmation 
de l'indifférence divine vis-à-vis des actes de l'homme, 
qu'aucune sanction ne devait d'ailleurs atteindre dans 
l'autre vie. La inorale se résumait ainsi pour chacun à 
se tirer d'affaire le plus habilement possible, de manière 
à s'assurer les avantages de la vie présente. Toute la 
conduite des Sadducéens, qui n'admettaient dans leur 
secte que des riches, cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6, 
s'inspirait de ces principes. Au point de vue national, 
leur théorie avait une portée plus grave. Elle rejetait 
l'action providentielle de Dieu sur la nation, au moins 
pour le présent et pour l'avenir. Dieu semblait se dé- 
sintéresser de son peuple, qu'il abandonnait à la domi- 
nation des étrangers. Il n'y avait donc plus rien à 
attendre de lui, pas même ce Messie libérateur sur 
lequel comptaient les Pharisiens et en général tous les 
enfants d'Israël. Dieu ne se mêlant de rien et les Juifs 
n'étant pas assez puissants pour se libérer eux-mêmes, 
le plus sage était donc de s'accommoder de la situation 
présente en faisant bonne figure aux Romains, pour 
jouir sous leur protection des biens de la vie. Le riche 
que Notre-Seigneur met en scène dans une de ses 
paraboles en face du pauvre Lazare, Luc, xvi, 19-81, 
parait bien avoir été l'un de ces Sadducéens jouisseurs, 
qui se réveille tout d'un coup dans une autre vie à 
laquelle il ne croyait pas et dont ses cinq frères n'ad- 
mettaient pas la réalité. 

- 4° Sur le droit criminel. — «Dans les jugements, 
les Sadducéens étaient plus durs que tous les autres 
Juifs. » Joséphe, Anl. jud., XX, ix, 1. Ils tranchaient 
ainsi avec les Pharisiens, qui étaient « naturellement 
disposés à se montrer cléments dans l'application des 
peines. » Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6. Cette différence 
provenait de ce que les Sadducéens s'en tenaient rigou- 
reusement à la loi écrite, tandis que les Pharisiens admet- 
taient les adoucissements consacrés par la tradition. 
Les premiers réclamaient l'application stricte de la loi 
du talion, alors que les seconds se contentaient de 
compensations pécuniaires. Cf. Yadayim, IV, 76. 
Pourtant, dans le cas du faux témoin, Deut., xix, 19-21, 
ils n'admettaient le châtiment du coupable que quand 
son témoignage avait produit son effet, tandis que les 
Pharisiens exigeaient le châtiment pour le seul fait du 
faux témoignage en lui-même. Cf. Makkoth, I, 6. On 
voit que les Sadducéens n'avaient pas toujours la sévé- 
rité dont Josèphe les accuse. Ils gardaient cependant 
une certaine raideur même entre eux, toujours avec 
l'idée de se montrer inflexibles et impartiaux sur l'ap- 
plication de la loi. « Les Pharisiens s'aiment les uns 
les autres et s'accordent ensemble pour leur commune 
utilité. Les Sadducéens n'ont pas cette bienveillance les 
uns pour les autres, et ils se comportent entre eux 
comme avec des étrangers. » Josèphe, Bell, jud., II, 
vm, 14. 

5° Sur les questions rituelles. — C'était là une 
source d'interminables discussions entre les Pharisiens 
et les Sadducéens, parce que ces derniers se refusaient 
à tenir pour obligatoires les règles de pureté légale que 
les premiers avaient multipliées à plaisir. Ils se mo- 
quaient même des minuties et des inconséquences 
dans lesquelles tombaient les interprètes de la léga- 
lité. Ainsi les Pharisiens ayant jugé à propos de puri- 
fier le candélabre du Temple, les Sadducéens dirent 
qu'ils en viendraient à purifier le globe du soleil. 
Cf. Yadayim, iv, 6, 7 ; Chagigah, m, 8. Les Phari- 
siens déclaraient impures les Sadducéennes, « si elles 
suivaient le chemin de leurs pères. t> Nidda, iv, 2. 
Cependant, dans certains cas, les Sadducéens se mon- 
traient plus stricts que les autres dans leurs exigences. 



1343 



SADDUCÉENS 



1344 



Ils prescrivaient de multiples purifications au prêtre 
qui préparait les cendres de la vache rousse, alors que 
les Pharisiens en réclamaient beaucoup moins. Cf. Para, 
m, 7. Quand on transvasait un liquide d'un vase pur 
dans un vase impur, le liquide devenait impur au 
sortir du vase pur, d'après les Sadducéens, et seule- 
ment au contact du vase impur, d'après les Phari- 
risiens. Cf. Yadayim, iv, 7. Les Sadducéens différaient 
encore des Pharisiens sur la manière d'entendre cer- 
taines prescriptions liturgiques. Ils voulaient que 
l'offrande de la gerbe pascale, Lev., xxm, H, se fit 

. non pas le second jour de la fête, mais le jour d'après 
le sabbat de l'octave. Cf. Menachoth, x, 3; Chagigah, 
il, 4. Ils prétendaient que le sacrifice quotidien devait 
êlre offert, non aux frais du trésor, mais à ceux des 
particuliers; que l'offrande de farine appartenait aux 
prêtres et n'avait pas à êlre brûlée sur l'autel; qu'au 
jour de l'Expiation, le grand-prêtre devait brûler l'en- 
cens avant d'entrer dans le Saint des saints, et non 
après, etc. Ils avaient aussi leur manière particulière 

• d'accomplir certaines cérémonies. Cf. Gem. 1er. Yoma, 
39, 1; Sukka, iv, 9. Voir Libation, t. iv, col. 236. 
Il y avait encore grand dissentiment entre fes Saddu- 
céens et les Pharisiens sur l'étendue à donner au pré- 
cepte du sabbat et sur les conditions des festins sacrés. 
Cf. Erubin, vi, 1, 2. En somme, les Sadducéens fai- 
saient bon marché des traditions pharisaïques ; ils se 
refusaient à leur reconnaître un caractère obligatoire 
et parfois, comme à propos du sacrifice quotidien et de 
l'offrande de farine, prenaient le parti le plus avanta- 
geux à leur intérêt. Étant donné l'état de leurs croyances 
religieuses, il esta croire qu'ils ne voyaient dans l'exer- 
cice du culte qu'une série de formalités, auxquelles ils 
se pliaientpour conserver des situations lucratives, mais 
qu'ils se gardaient bien de compliquer au gré des doc- 
teurs pharisiens. Ils n'entraient dans les vues de ces 
derniers qu'autant qu'il le fallait pour ne pas trop 
mécontenter le peuple. 

IV. Leur rôle en face de l'Évangile. — A l'époque 
évangélique, les Sadducéens occupaient une place im- 
portante dans la nation juive. Ils comptaient un certain 
nombre de membres dans le sanhédrin, voir Sanhé- 
drin, et il est à peu près certain que tous ceux qui 
sont désignés sous le nom de pontifes, de grands- 
prêtres et de princes des prêtres appartenaient au 
parti sadducéen. Au point de vue politique, les Saddu- 
céens admettaient le pouvoir établi. Ils étaient donc 
disposés à faire opposition à quiconque menacerait 
l'ordre de choses en vigueur. — Quand Jean-Baptiste 
commence à prêcher, il y a des Pharisiens et des 
Sadducéens parmi ceux qui l'écoutent. Le précurseur 
les interpelle durement les uns et les autres en les 
appelant « race de vipères ». Matth., m, 7. Il ne parait 
pas qu'ils soient venus là avec l'intention de se con- 
vertir. — La prédication du Sauveur excite également 
la curiosité des Sadducéens. Un jour, ils s'unissent à 
des Pharisiens pour lui demander de faire un prodige 
dans le ciel. Matth., xvi, 1. Le Sauveur les enveloppe 
les uns et les autres dans la même réprobation, en 
secommandant à ses disciples de se tenir en garde 
contre le levain des Pharisiens et des Sadducéens, 
c'est-à-dire contre leur doctrine. Matth., xvi, 6-12. Saint 
Marc, vin, 15, parle du levain des Pharisiens et du 
« levain d'Hérode », ce qui donne à penser que les 
partisans du prince se recrutaient surtout parmi les 
' Sadducéens. Voir Hérodiens, t. ni, col. 653. — La 
principale intervention des Sadducéens est celle qui a 
lieu dans le Temple, pendant les derniers jours de la 
vie du Sauveur. Les Pharisiens ont harcelé Notre-Sei- 
gneur de questions captieuses. Les Sadducéens veulent 
entrer en ligne à leur tour. Ils s'imaginent qu'ils seront 
plus heureux, en proposant une de ces difficultés à 
laquelle il leur semblait qu'il n'y avait pas de réponse 



possible. Pour eux, pas de résurrection ; car, s'il y en 
avait une, à qui serait unie dans l'autre vie la femme 
qui a successivement épousé sept frères ici-bas? Ce 
cas suppose la loi du lévirat formulée par Moïse. Deut., 
xxv, 5, 6. Le Sauveur réplique aux Sadducéens qu' «ils 
ignorent les Écritures », eux qui se piquent de n'ad- 
mettre que ce qui est écrit; il leur parle des anges, à 
eux qui nient leur existence; enfin il leur prouve, par 
un autre texte emprunté à Moïse, qu'Abraham, Isaac 
et Jacob sont encore vivants, que, par conséquent, les 
âmes survivent et que, semblables aux anges de Dieu 
elles n'ont plus à contracter d'unions comme sur la 
terre. Matth., xxn, 23-33; Marc, XH, 18-27; Luc, xx, 
27-40. Pour une fois qu'ils ont pris la parole afin de 
défendre leurs idées, les Sadducéens sont réduits au 
silence. Le peuple admire et les Pharisiens ne sont pas 
fâchés de l'humiliation infligée à leurs antagonistes. 
Matth., xxn, 33, 34; Marc, xn, 28. Pendant le minis- 
tère public du Sauveur, les Sadducéens sont donc in- 
tervenus beaucoup moins souvent que les Pharisiens. 
Cela tient à ce qu'ils étaient en bien plus petit nombre 
et que de riches personnages comme eux évitaient de 
se commettre avec les foules à travers les campagnes 
qu'évangélisait Jésus. Leur amour de la vie confortable 
les retenaft d'ailleurs à Jérusalem, et c'est là, dans le 
Temp*le même, qu'ils abordèrent Notre-Seigneur. 
D'autre part, ils savaient que les Pharisiens faisaient 
bonne garde autour de lui et que l'écho de leurs griefs 
ne manquerait pas de retentir au sanhédrin, où serait 
prise la résolution que réclamait la haine commune. 
La condamnation et la mort du Sauveur furent l'œuvre 
des Sadducéens,. au moins autant que celle des Phari- 
siens; car ces princes des prêtres qui s'agitèrent avec 
tant de frénésie pendant la passion étaient pour la plu- 
. part des membres de la secte, ainsi que beaucoup des 
anciens, et il est à croire que leurs accusations et leurs 
menaces eurent d'autant plus de poids sur la décision 
de Pilate qu'eux-mêmes se posaient en amis de l'auto- 
rité romaine et, à ce titre, avaient plus de droits que 
d'autres à être écoutés. — Après la Pentecôte, les Sad- 
ducéens, maîtres du Temple, s'indignent de ce que 
Pierre et Jean annoncent la résurrection des morts en 
la personne de Jésus, et ils les font jeter en' prison. Le 
lendemain, Pierre affirme hardiment la résurrection 
de Jésus-Christ en plein sanhédrin, et les Sadducéens 
ne réussissent pas à le faire condamner. Act., iv, 2, 
10-23. — Quelque temps après, « le grand-prêtre et 
tous ses adhérents, savoir le parti des Sadducéens, » 
font encore arrêter les Apôtres. Ils les auraient mis 
à mort sans le conseil sensé que leur donna Gamaliel. 
Ils se contentent alors de les faire flageller. Act., v, 17, 
34-40. — Une dernière fois, les Sadducéens sont men- 
tionnés à l'occasion de la comparution de saint Paul 
devant le sanhédrin. Cette assemblée est encore com- 
posée d'éléments empruntés aux deux sectes rivales. 
L'Apôtre exploite habilement la situation pour soulever 
ses juges les uns contre les autres. Se présentant 
comme Pharisien, il déclare qu'il est mis en jugement 
à cause de son espérance en la résurrection des morts. 
Aussitôt, les deux partis entrent en lutte; les Phari- 
siens soutiennent qu'après tout il est possible qu'un 
esprit ou un ange ait parlé à Paul. Le tribun est alors 
obligé de dissoudre l'assemblée pour soustraire l'Apôtre 
à la fureur des Sadducéens. Act., xxn| 6-10. — A la 
suite de cet incident, il n'est plus question des Saddu- 
céens dans le Nouveau Testament. Du rôle qui leur 
est attribué dans l'Évangile, il faut conclure que ces 
sectaires ne connaissaient de la religion que le côté 
cultnel et extérieur, qu'ils gardaient en vue de l'hon- 
neur et du profit qui en résultaient pour eux. Ils 
n'hésitaient pas à faire mourir quiconque portait at- 
teinte à leur situation, comme ils firent pour Notre- 
Seigneur et tentèrent de le faire pour les Apôtres. 



1345 



SADDUCEENS — SADOG 



1346 



Partisans servîtes d'un pouvoir détesté par la nation, 
sans idéal religieux, égoïstes, jouisseurs et cruels, ils 
s'étaient attiré le mépris et la haine du peuple. Ils le 
méritaient bien. 

Voir la bibliographie du mot Pharisiens, col. 217; 
S. Barthel, De Sadducseis, dans le Thésaurus d'Ugo- 
lini, xxii; Grossmann, De philosophia Sadducseorum, 
Leipzig, 1836-1838; Baneth, Ueber den Ursprung der 
Sadokâer und Boethosâer, dans le Magazin fur die 
Wissensch. des Judenlh., Leipzig, 1882, p. 1-37, 61-95; 
Davaine, Le Saducéisme, étude historique et dogma- 
tique, Montauban, 1888; Stapfer, La Palestine au 
temps de J.-C, 2« édit., Paris, 1902, p. 259-276, 309- 
321 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im 
Zeit. J. C, Leipzig, t. h, 4« édit., 1907, p. 475-489; 
Lafay, Les Sadducéens, Lyon, 1904; Hôlscher, Der 
Saddueâismus, Leipzig, 1906. H. Lesètre. 

SADOG (piis, « juste »; Septante : EaSiix; 
ZaSiix, etc.), nom de plusieurs Israélites dont le nom- 
bre est difficile à déterminer. 

1. SADOC, fils (petit-fils) d'Achitob (voir Achitob 2, 
t. i, col. 145), descendant d'Éléazar, fils d'Aaron, 
I Par., vi, 4, 11; 50-53; xxiv, 3, grand-prêtre du temps 
de David. II Reg., vin, 17; xv, 35 36; xix, 11; xx, 25; 
I Par., xvin, 16. 

1° Abiathar avait en même temps la même dignité, 
mais Sadoc est toujours nommé avant lui, ibid., et il 
est nommé comme le chef des descendants d'Aaron. 

I Par., xxvii, 17. Une partie de son histoire est obscure. 

II apparaît pour la première fois après la mort de Saûl, 
lorsqu'il était encore jeune (na'ar) : il alla à Hébron 
avec vingt-deux chefs de la maison de son père et 
beaucoup d'autres pour proclamer David roi d'Israël. 
Le texte sacré le qualifie de « vaillant », gibbôr hdil 
{Vulgate : egregim indolis). I Par., xn, 28. Son nom ne 
reparaît qu'à l'époque de la translation de l'arche par 
David de la maison d'Obédédom à Jérusalem : il est 
alors pontife avec Abiathar et en cette qualité il est 
chargé avec son collègue et les principaux Lévites 
d'organiser la cérémonie. I Par., xv, 11. C'est la pre- 
mière circonstance dans laquelle Sadoc et Abiathar 
figurent tous les deux comme grands-prêtres. Nous 
ignorons comment le pontificat était alors représenté 
par deux personnages. Abiathar avait succédé à son 
père Achimélech dans cette fonction, lorsque ce der- 
nier eut été immolé par Saûl pour avoir fait bon accueil 
à David fugitif, Abiathar avait seul échappé au massa- 
cre de sa famille et il s'était réfugié, afin de sauver sa 
vie, auprès de David, qui le traita- comme successeur de 
son père dans la dignité pontificale. I Reg., xxii, 20- 
24; xxiii, 6. Voir Abiathar, t. i, col. 45. D'après 
I Par., xn, 28, Sadoc paraît avoir été le chef de la 
famille aaronique d'Éléazar, à l'époque de la mort de 
Saûl. Ce prince, après la fuite d' Abiathar, avait-il appelé 
au souverain sacerdoce l'aîné des descendants d'Éléa- 
zar? C'est possible, mais nous n'en avons pas Iapreuve. 
Quoi qu'il en soit, Sadoc a le rang de grand-prêtre 
pendant le règne de David. Sa famille, après avoir été 
attachée à Saûl pendant le règne de ce roi, devint in- 
variablement fidèle à David avec Sadoc. Il semble y 
avoir eu un partage d'attributions entre les deux grands- 
prêtres : Sadoc et sa famille font le service du Taber- 
nacle et offrent les sacrifices à Gabaon, I Par., xvi, 
39-40; Abiathar eut à s'occuper de l'arche d'alliance, 
mais non exclusivement et conjointement avec Sadoc. 
I Par., xv, 11; II Reg., xv, 24-29. 

2» Sadoc et Abiathar jouèrent un rôle important à 
l'époque de la révolte d'Absalom contre son père et 
contribuèrent efficacement à conserver le trône à David. 
Ils voulurent d'abord accompagner le roi dans sa fuite 
et emporter avec eux l'arche d'alliance de Jérusalem, 

DICT. DE LA BIBLE. 



mais David les fit rester dans la capitale, afin d'y 
suivre la marche des événements et de le renseigner 
par l'intermédiaire de leurs fils, Achimaas et Jonathas, 
sur tout ce qui se passerait. II Reg., xv, 24-29. Les deux 
grands-prêtres et leurs fils accomplirent fidèlement la 
mission qui leur était confiée. II Reg., xvh, 15-22. Après 
la mort d'Absalom, à la demande de David, Sadoc et 
Abiathar persuadèrent aux anciens de Juda de rappeler 
le roi dans sa capitale. II Reg., xix, 11. 

3» Les deux pontifes qui avaient jusque-là marché 
d'accord prirent chacun un parti différent à l'époque 
de l'avènement de Salomon à la royauté. Sadoc se 
rangea du côté du fils de Bethsabée; Abiathar fit cause 
commune avec Adonias. III Reg., i, 7-8. Sadoc sacra 
Salomon roi d'Israël, f. 32-40, et lorsque ce prince fut 
solidement assis sur son trône, il déposa Abiathar et 
Sadoc resta seul grand-prêtre. III Reg., n, 27-36. 
Ainsi s'accomplit le châtiment par lequel Dieu punit la 
maison d'Héli des crimes de ses fils Ophni et Phinées. 

I Reg., n, 27-36; m, 11-13. Voir HéliI, t. m, col. 569. 
Le souverain pontificat passa ainsi définitivement de la 
famille d'ithamar dans celle d'Éléazar en la personne 
de Sadoc. 

4» C'est le dernier événement qui nous soit connu 
de la vie de Sadoc; il n'est pas même nommé dans le 
récit de la construction et de la dédicace du Temple, 
quoique, d'après Josèphe, Ant. jud., X, vin, 6, il soit 
le premier grand-prêtre quiyaitpontifié. — Dans II Reg., 
xv, 27, David l'appelle rô'éh, « voyant », d'après le 
texte massorétique et d'après la Vulgate; les Septante 
ont lu autrement l'hébreu : ÏSets, « voyez ». La leçon 
rô'éh est sujette à caution; si elle est exacte, il est 
difficile d'expliquer pourquoi ce titre est donné à Sadoc. 
— Sur l' Achimélech qui est nommé comme grand- 
prêtre avec Sadoc II Reg.,vm, 17, voir Achimélech 3, 
t. i, col. 142. 

5° Le souverain pontificat se transmit dans la des- 
cendance de Sadoc. Il eut sans doute pour successeur . 
son fils Achimaas, qui fut remplacé lui-même par son 
fils Azarias. —III Reg., iv, 2; IPar.,vi, 9-15, donnent la 
succession des grands-prêtres de la maison de Sadoc 
jusqu'à Josédec, à l'époque de la captivité de Babylone, 
et la suite de cette succession est marquée dans Esdras 
et dans Néhémie. Voir Grand-prêtre, 1. 1, col. 305-306. 
Pendant la captivité, Ézéchiel, dans la seconde partie 
de ses prophéties, fait à plusieurs reprises l'éloge des 
descendants de Sadoc. Ezech., XL, 46; xlhi, 19; xliv, 
15; XL vin, 11. F. Vigouroux. 

2. SADOC, père de Jérusa, femme du roi Ozias et 
mère du roi Joatham. IV Reg.,xv, 33; II Par., xxvii, 1. 
Comme le père de la reine-mère n'est pas ordinaire- 
ment nommé, on peut induire de l'exception qui est 
faite ici que Sadoc était un personnage important. 

3. SADOC, grand-prêtre, second du nom, fils d'Achitob 
et père de Sellum. I Par., vi, 12; I Esd., vu, 2. Voir 
Achitob 3, t. i, col. 146. Ce nom ne figure pas dans la 
liste des grands-prêtres donnée par Josèphe et par le 
Séder Olam (voir t. m, col. 305), mais l'Odéas, 'Uôéaç 
de Josèphe, Ant. jud., X, vin, 6, et le Hosaïah ou Osaïas, 
du Séder Olam, placé immédiatement avant Sellum, 
doit être le même que ce Sadoc. On ne sait rien de 
son histoire. 

4. SADOC, fils de Baana, qui travailla du temps de 
Néhémie à la restauration des murs de Jérusalem. 

II Esd., m, 4. Voir Sadoc 7. 

5. SADOC, fils d'Emmer, qui répara devant sa propre 
maison les murs de Jérusalem du temps de Néhémie, 
II Esd., m, 29, du côté oriental de la ville, près de la 
porte des Chevaux. Voir t. n, col. 682. Voir aussi 

V. — 43 



1347 



SADOG — SAGAN 



1348 



Emmer 1, t. h, col. 1763. 11 est peut-être identique à 
Sadoc 7. 

6. SADOC, « un des chefs du peuple » qui signèrent 
l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 21 . 
Quelques exégètes le confondent avec Sadoc 4, parce 
qu'il est nommé dans ce dernier passage après Mésiza- 
bel, comme l'est également le Sadoc de II Esd., m, 4. 

7. SADOC, scribe, à qui Néhémie confia, ainsi qu'à 
Sélémias le prêtre et à quelques Lévites, la garde des 
magasins où l'on recueillait les dîmes des Israélites. 
II Esd., xm, 13. Certains commentateurs identifient ce 
Sadoc avec Sadoc 5, d'autres avec Sadoc 4, d'autres 
avec Sadoc 6, mais on ne peut donner pour ou contre 
ces identifications de raison décisive. 

8. SADOC, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans 
la généalogie de saint Matthieu, i, 14. 11 descendait de 
Zorobabel et était fils d'Azor et père d'Achim. 

SAFRAN (hébreu : karkôm; Septante : xpôxo;; 
Vulgate : crocus), plante odorante. 

I. Description. — Cette substance à la fois aroma- 
tique et tinctoriale est fournie par les stigmates du 
Crocus sativus L. de la famille des Iridées. L'Orient 
est la patrie des Crocus, dont on a décrit près de 
50 espèces. Toutes sont des herbes à tige courte et 
bulbeuse, protégée par la base dilatée et persistante 
des anciennes feuilles, sous forme de tuniques mem- 
braneuses. Les fleurs paraissent soit au printemps, 
soit à l'automne, entourées par une touffe de feuilles 
linéaires. Le tube allongé du périanthe, qui part du 
bulbe, simule un pédoncule, et se dilate en une coupe 
infundibuliforme composée de six pièces dont les 
externes sont plus larges et opposées aux étamines. 
L'ovaire est profondément enfoui, mais surmonté au 
centre de la fleur par un style filiforme, divisé lui- 
même en 3 branches stigmatiques enroulées en cornet 
et progressivement évasées jusqu'à leur extrémité. Ce 
sont les parties que l'on récolte comme étant le siège 
principal de la matière colorante rouge-orange, unie 
à une huile essentielle, et dont le pouvoir colorant est 
si considérable qu'il communique une teinte encore 
appréciable à 200000 parties d'eau. Le Crocus sali- 
vus (fig. 278), spontané dans les montagnes de la Grèce 
et de l'Asie Mineure, est l'objet d'une culture étendue. 
Il se reconnaît à ses fleurs violettes, automnales, en- 
tourées d'une spathe à leur base, et naissant d'un bulbe 
à tuniques réticulées. F. Hï. 

II. Exégèse. — Le karkôm ne se présente qu'une 
seule fois dans l'Ancien Testament. Il est mentionné 
dans la description d'un jardin, où croissent avec les 
fruits les plus exquis, les plantes les plus odoriférantes, 
comme le cypre, le nard, le cinnamome... et le kar- 
kôm. Cant., iv, 14. Les anciennes traductions et le nom 
lui-même rendent l'identification facile. Car le karkôm, 
c'est le kurkam ou kurkama araméen, le kurkum 
arabe qui rappelle le karkum persan et même le sans- 
crit kunkuma. Le grec xsôxo; parait bien avoir la 
même origine. C'est bien le Crocus salivus que les Ira- 
ducteurs grecs, chaldéens, arabes, et la Vulgate ont en 
vue dans ce passage du Cantique des Cantiques. Cette 
plante est souvent mentionnée dans le Talmud, Schebiit, 
110 a; Baba Metsia,Wl, 6, etc. Les Arabes lui donnent 
plus volontiers le nom de za'feran, d'où est venu notre 
mot safran : ce terme désigne vulgairement la plante 
avec sa fleur, mais plus précisément les stigmates de 

. cette fleur ou la poudre odorante qu'on en tire. 

Le Crocus sativus et les autres espèces qui donnent 
le safran étaient très répandus dans le Liban et en 
Syrie. On les cultivait pour en recueillir le parfum et 
la couleur. Le Crocus revient souvent dans les auteurs 



classiques. O. Celsius, Hierobolanicon, in-8°, Amster- 
dam, 1748, 1. 1, p. 11-17. La préparation n'est pas compli- 
quée. Les femmes et les enfants coupent les stigmates 
de celte fleur. On les sèche au soleil et on les réduit en 
poudre. Ou bien avant de les sécher on les presse de 
façon à former de petites tablettes, et on les vend dans 
les bazars d'Orient. On se sert de cette poudre pour 
parfumer les habitations et les étoffes ; on en assaisonne 
les mets, les sauces; le parfumeur la mêle aux huiles 
et aux onguents. On estime sa couleur jaune-orange. 
Alph.de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, 
Paris, 1886, p. 132, pense que le karkôm désignerait 
plutôt le Carthamus tinctorius, dont les fleurs servent 
pour colorer en jaune ou en rouge. Les bandes qui en- 




touraient les momies des anciens égyptiens sont, en 
effet, teintes de carthame. Les raisons qu'il invoque 
sont le nom arabe du carthame, et l'absence de culture 
du safran en Egypte et en Arabie. Mais le qurfum 
arabe, f^y* (carthame), n'a rien de commun avec le 

karkôm hébreu, apparenté au contraire au kurkum 
arabe, £$, le Crocus sativus. De plus le Cantique ne 

fait pas allusion à l'Egypte. Le Crocus cultivé au Liban, 
en Cilicie, en Asie Mineure, était assez connu de l'au- 
teur du Cantique pour le faire entrer dans sa descrip- 
tion. — Il n'y a pas plus de raison d'identifier le 
karkôm hébreu avec un nom trouvé dans les inscrip- 
tions sabéennes kamkam. Mordtmann et Mùller, Sab. 
Denkm., 1883, 82 f. Le docleur H. Mùller rapproche ce 
mot du Cancamum de Pline, H. N., xii, 44. Cancame 
est le nom ancien de la gomme-résine, fournie en Arabie 
par les Amyris Kalaf et Kafal de Forskal. La ressem- 
blance de noms a fait aussi rapprocher le karkôm hé- 
breu de la plante indienne, aromatique et tinctoriale, 
appelée Curcuma, de la famille des Zingibéracées. — 
DansLam., iv,5, la Vulgate traduit à tort par croceis, le 
mot hébreu tôld', « la pourpre ». E. Levesque. 

SAGAN (hébreu : sâgân; assyrien : saknu; Sep- 
tante : orpatïiYo;, à'p-/.u>v, yuXiaaav ; Vulgate: magistra- 



1349 



SAGAN — SAGESSE INGRÉEE 



1350 



tus), dignitaire investi d'un commandement. —1° C'est 
le nom donné à des chefs ou gouverneurs de l'empire 
babylonien. Is., xli, 25; Jer., li, 23,28, 57; Ezech.,xxm, 
6, 12, 23. — 2° Le même nom fut ensuite attribué aux 
chefs du peuple à Jérusalem, après le retour de la 
.captivité. I Esd., ix, 2; IIEsd., n, 16;rv, 8, 13 (14, 19); 
v, 7, 17; vu, 5; xii, 40; xm, 11. — 3° Le nom desdgân 
ou ségén, en araméen segan, fut encore porté par un 
grand fonctionnaire du Temple, qui se tenait à droite 
du grand-prêtre dans certaines circonstances solen- 
nelles. Yoma, m, 9; iv, 1; vu, 1; Sota, vu, 7, 8; 
Tamid, vu, 3. Il n'était pas néanmoins le vicaire ou 
suppléant du grand-prêtre, puisque quelques jours 
avant la fête de l'Expiation, on désignait un autre 
prêtre pour remplacer ce dernier, au cas où il ne pour- 
rait officier. Yoma, i, 1. De ce que les Septante rendent 
presque toujours ce mot par <rtpaTY]Y<5ç> il est à croire 
que le segan n'était autre que le fonctionnaire souvent 
appelé (TTpocTïiYÔ; toû UpoO, magistratus tenipli, le 
« capitaine du Temple ». Act., iv, 1; v, 24,26; Josèphe, 
Anl. jud., XX, vi, 2; ix, 3; Bell, jud., II, xvn, 2; VI, 
v, 3. Il avait la haute main sur la police du Temple. 
On comprend dès lors que sa place était aux côtés du 
grand-prêtre quand celui-ci exerçait quelque fonction 
solennelle. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 
1741, p. 89; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes 
im Zeit. J. C, Leipzig, t. H, 1898, p. 264-265. 

H. Lesêtre. 
SAGE (hébreu: Sdgé', « errant »; Septante : Ea>Xi; 
Alexandrinus : Eotyr), père de Jonathan, un des gibbô- 
rûm de David. Sage est qualifié d'Ararite. Voir Arari, 
Ararite, t. i, col. 1S82. I Par., xi, 33 (hébreu, 34). La 
liste parallèle II Reg., xxm, 33, donne pour père à Jo- 
nathan dans la Vulgate Jassen. Sur la manière de 
comprendre ce double passage, voir Jonathan 3, t. m, 
col. 1614. 

, SAGE-FEMME (meyalléde't ; Septante : uaîa ; 
Vulgate : obstetrix), celle qui aide une mère à accou- 
cher. — Les anciens Hébreux employaient des sages- 
femmes. L'une d'elles assista Rachel dans son enfante- 
ment. Gen.j xxxv, 17. Une autre était auprès de Tha- 
mar, quand celle-ci mit au monde ses deux jumeaux. 
Gen., xxxviii, 27. En Egypte, les Hébreux avaient à 
leur service deux sages-femmes, Séphora et Phua. Voir 
Phua, col. 336. Le pharaon leur ordonna de faire périr 
tous les enfants mâles qui viendraient au mondé. Elles 
s'en gardèrent bien, parce qu'elles. craignaient Dieu. 
Pour s'excuser auprès du pharaon, elles déclarèrent 
que les femmes des Hébreux ne ressemblaient pas aux 
Égyptiennes et qu'elles étaient assez vigoureuses pour 
accoucher elles-mêmes avant l'arrivée de la sage-femme. 
Exod., i; 15-21. II fallait bien qu'il en fut ainsi, car 
deux sages-femmes n'auraient pas suffi, si toutes les 
femmes, des Hébreux avaient eu besoin de leur assis- 
tance. Il n'est plus question de sages-femmes dans la 
Sainte Écriture. On en peut conclure que la fonction- 
n'était pas exercée habituellement par des personnes 
s'y consacrant par état, mais que souvent, comme en- 
core dans nos campagnes, les femmes accouchaient 
seules ou avec l'aide des femmes de leur entourage. 

W T FSRTRï'" 

SAGES D'EGYPTE ET DE CHALDÉE (Vuigate : 
sapientes). Notre version latine donne ce nom à ceux 
quele texte hébreu appelle hâkâmim, en Egypte, Exod., 
vu, ll;enBabylonie, Dan.,n,12, etc. Voir Divination, 
i, 3», t. n, col. 1444. 

SAGESSE (hébreu : hokmâh; Septante : ctoç ia. ; 
Vulgate : sapientia). Ce mot a dans l'Écriture un sens 
plus étendu que les mots correspondants en grec et en 
latin, de même que l'adjectif hàkâni, composé avec 
oo?ô; et sapiens, « sage ». — 1° La hokmâh est l'habi 



leté et l'adresse dans un art. Dieu remplit de hokmâh 
Béséléelet Ooliab pour inventer et exécuter les trasaux 
divers du Tabernacle. Exod., xxvm, 3; xxxi, 6, etc. — 
2° La hokmâh est l'intelligence des choses humaines, 
Gen., xliii, 33, 39; Prov., i, 6; Deut., iv, 6; xxxii, 
6, etc., et surtout des choses divines, Job, xxviu, 28; 
Prov., I, 7, etc. C'est cette sagesse que Salomon de- 
manda à Dieu, IDT Reg., m, 11-12, 28; c'est de cette 
connaissance des choses religieuses et divines, et de 
cette sagesse pratique, réglant la conduite de la vie, 
qu'il est si souvent question dans les Psaumes et dans les 
livres sapientiaux. Ps. CXI (ex), 10,etc; Prov. , n, 6, etc. ; 
Eccli., il, 26, etc. — 3° Hokmâh signifie aussi la ruse, 
prise en bonne ou mauvaise part. Exod., i, 10; H Reg-, 
xm, 3; Job, v, 13; Prov., vin, 12; xiv, 8. — 4» Ifàkd- 
mîm, « les sages », se dit en parlant des étrangers, des 
magiciens et des devins. Gen., xli, 8; Exod., vu, 11; 
Eccl., ix, xii, 11; Jer., l, 35; li, 37; Ezech., xxxvu, 
8, 9; Esth., i, 13, etc. Voir Sages. — 5° Le mot hok- 
mâh exprime dans plusieurs endroits des livres sapien- 
tiaux la doctrine, l'expérience, la science, Job, xii,2, 
12 (sagesse des vieillards); xv, 2 ; xxxviii, 35-37 (science 
des choses naturelles). — 6° Dans le Nouveau Testa- 
ment, « la philosophie » qui, d'après son nom même, 
est « l'amour de la sagesse », apparaît une fois sons la 
plume de saint Paul, Col., n, 8 (« les philosophes 
stoïciens » sont nommés aussi une fois, Act., xvn, 18), 
mais cette sagesse humaine et naturelle, qui formait le 
fond de la philosophie courante en Grèce et à Rome, du 
temps des Apôtres, et était mêlée à beaucoup d'erreurs 
qui détournaient les hommes de la vérité de l'Évan- 
gile et de la vraie sagesse est appelée par l'Apôtre 
•f) (Tocpioc toû xôo-uo'j to-jtou, sapientia kujvs mundi, 

I Cor.,l, 20; m, 19; ïi o-opî* àv8pa>7ro)v, sapientia ho- 
minum, II, 5; ooyîa aapxtxïj, sapientia cornalis, 

II Cor., I, 12; il oppose à la aoyia grecque la ©eoû 
8ûva|ju; et la 0eoO troepîa. I Cor., I, 22, 24. — 7° Il ex- 
plique aux Corinthiens ce qu'est la véritable sagesse, 
c'est celle qui vient de Dieu et de son Esprit-Saint, 
c'est celle de l'Évangile. I Cor., i, 19, 20, 21; II, 1-7; 
xii, 8. Voir aussi Eph., i, 17; Col., i, 9; cf. Act., vi, 10; 
Jac, I, 5; m, 13-17. — 8° La sagesse est donc, comme 
l'intelligence, un don de Dieu, un des sept dons du 
Saint-Esprit. Is., xi, 2. Cf. Eccli., i, 1; Job, xxxvm, 
36; Dan., n, 21; I Cor., xii, 8. — 9» Enfin Dieu 
est la personnification de la Sagesse. Voir Sagesse 
incréée. 

SAGESSE INCRÉÉE. La Hokmâh, ou Sagesse 
dans les livres sapientiaux, n'est pas seulement une 
science qui consiste à connaître Dieu et à lui plaire, 
en évitant le péché et en pratiquant la vertu, Prov., m, 
4, 7, elle est de plus une personne divine, « établie 
depuis l'éternité, dès !e commencement, avant l'origine 
de la terre, » Prov., vm, 23; Eccli., xxiv, 9, elle est 
revêtue des attributs qu'Isaïe, xi, 2, attribue au Messie, 
Prov., vm, 14; toute puissance vient d'elle sur la terre, 
15-16; elle est la source de tous les biens, 17-21, 5-9, 
Elle est sortie de la bouche du Très-Haut, Eccli., xxry, 
3; cf. Col., I, 15; c'est par elle que Jéhovah a fondé la 
terre et affermi les cieux. Prov., m, 19; cf. Eccli., xxiv, 
3-6; Prov., vm, 27-31; cf. Joa., i, 3; Apoc, m, 14. 
Saint Luc, xi, 49, appelle Notre-Seigneur t| <ro?itx toû 
06oû, sapientia Dei. Cf. Malth., xxm, 34. Voir Theolo- 
gische Studien und Kritiken, 1853, p. 332. Cf. encore 
sur la personnification et les attributs de la Sagesse, 
Sap., vu, 22, 25-26; vm, 3-4; ix. L'auteur de la Sagesse, 
ix, 1-2; xvi, 12; xvm, 15, identifie expressément la 
Sagesse avec le « Verbe » en employant le mot Aôyoç 
pour Eoçi* et réciproquement. Cf. Eccli., xxiv, 3, où 
la Sagesse sort de la bouche de Dieu. Sur l'identifica- 
tion de la Sagesse et du Verbe, voir Franzelin, De 
Deo trino, sect. v, th. vu, p. 106-108. 



1351 



SAGESSE (LIVRE DE LA) 



1352 



SAGESSE (LIVRE DE LA), livre deutérocanonique 
de l'Ancien Testament. 

— I. Titre. — Ce livre porte dans la Bible grecque le 
nom de Soçia Soàomwv (ou SaXuigjLûvTQ;, SoXo[a(Svtoç)i 
et dans la version syriaque celui de la « Grande Sa- 
gesse de. Salomon », parce qu'on l'attribuait au roi 
Salomon qui semble adresser un discours aux juges et 
aux grands de la terre, oi xpîvovre; tt|V 1^, qui judi- 
catis terram, Sap., i, 1, et aux rois, ta.au.zli, vi, 1 (2); 
TÙpavvoi, vi, 9 (10), et qui, vu, 1-7; ix, 7-8, par une 
figure de rhétorique parle comme s'il était Salomon 
lui-même. Le titre de «t Livre de la Sagesse », Liber 
Sapientise, vient de la Vulgate, qui a supprimé le 
nom de Salomon, parce que saint Jérôme reconnaissait 
que le fils de David n'en était pas l'auteur. Clément 
d'Alexandrie, Strom., iv, 16, t. vm, col. 1309, Origène, 
Ad Rom., vu, 14, t. xiv, col. 1141, l'appellent ^ 6da Soçiot; 
Sapientia Dei; Pseudo-Athanase, Synopsis S. S., 45, 
t. xxviii, col. 376, et saint Épiphane, De pond., 4, 
t. xliii, col. 214; navipetoç Eoçta, « la Sagesse renfer- 
mant toutes les vertus ». Cette dernière qualification 
a été aussi donnée par les Pères grecs aux Proverbes 
et à l'Ecclésiastique. C'est parce qu'on attribuait la Sa- 
gesse à Salomon qu'elle a été placée dans les Écritures 
après les autres livres salomoniens, les Proverbes, 
l'Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, et avant 
l'Ecclésiastique qui lui est antérieur comme date. 

II. Auteur. — L'auteur du livre de la Sagesse est 
inconnu, 1» Le titre qu'il porte dans la Bible grecque 
l'a fait attribuer à Salomon par un certain nombre de 
Pères et d'auteurs ecclésiastiques. Clément d'Alexandrie, 
Strom., vi, 6, t. ix, col. 274; Origène, Comm.in 
Joa., xx, 21, t. xiy, col. 636; S. Hippolyte, Adv. Jud., 
„ 9, t. x, col. 793; S. Épiphane, Hser., lxiv, 54, t. xli, 
col. 1161; Tertullien, De prsescript. hser.,1; Adv. Va- 
lent. ,%, t. 11, col. 20, 514; S. Cyprien, De mortal., 23; De 
exhort. martyr., xn, t. iv. col. 599, 673; S. Ambroise, 
De farad., xn, 54, t. xiv, col. 301. Clément d'Alexan- 
drie cite néanmoins quelquefois des passages de la 
Sagesse sous le nom de 2o<pi«, sans les attribuer à 
Salomon, comme il le fait dans l'endroit cité plus 
haut; Origène semble douter de l'origine salomonienne 
du livre quand il écrit, Cont. Cels., v, 29, t. xi, col. 1225, 
■l] âxiYpa(i.iiévr| SoXojiàSviro; Soipia. Le Canon de Mura- 
tori porte : Sapientia ab amicis Salomonis in honore 
• ipsius scripla. Voir Canon, 1. 11, col. 170. Saint Jérôme 
n'admet pas que Salomon ait écrit la Sagesse, Prsef.. 
in libros Salom., t. xxix, col. 404, il dit : Liber qui 
a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur ; saint Au- 
gustin non plus, qui dit, De Civ. Dei, xvn, 20, t. xli, 
col. 554: Sapientia ut Salomonis dicatur obtînuit 
consuetudo, non autem esse ipsius non dubitant do- 
ctiores. Salomon ne peut être l'auteur de la Sagesse, 
parce qu'elle a été écrite en grec par un auteur qui 
vivai plusieurs siècles après le fils de David, comme il 
sera dit plus loin. Voir IV (Langue), col. 1355. 

Divers écrivains juifs et chrétiens ont cependant admis 
encore que Salomon était l'auteur du livre, tels que le 
rabbin Azaria de' Rossi, Me'ôr 'Ênayîm, édit. de Vienne, 
1829, p. 281 6, d'après lequel le livre de la Sagesse au- 
rait été écrit en araméen par Salomon pour un prince 
de l'Orient; le rabbin Gedalia, Salsélet hak-kabalâ, 
p. 104; le jésuite Tirin, qui admet que la Sagesse a été 
"composée en hébreu et conclut, Jn univ. S. Seript. 
Comm., Turin, 1883, t. m, p. 5 : Longe probabilius 
videturipsummet Salomonem auctorem et scriptorem 
esse; le commentateur catholique Schmid, Das Buch der 
Weisheit, 2 e édit., Vienne, 1865, p. 41 sq. 

2° Certains auteurs reconnaissent qu'il est impossible 
• d'attribuer à Salomon lui-même la composition du 
livre de la Sagesse, mais frappés cependant de l'attribu- 
tion qui lui en avait été faite par les Septante, ilsadoptent 
une opinion moyenne et pensent qu'il a été écrit par 



un Juif alexandrin qui s'est servi d'écrits de Salomon 
aujourd'hui perdus. Auctor Sapientise imitatus [est] 
■ Salomonem ejusque sensa, forte etiam sententias et 
verba in libris hebraicis illius sévi sparsim reperlas 
collegit, ordinavit grsecaque phrasi et stylo expressif, 
dit Cornélius a Lapide, In lib. Sap. Argum., Com- 
ment., édit. Vives, t. vm, p. 263 6. C'est l'opinion de 
Bonfrère, Prssloquia in S. S., vu, 3, dans Cursus S. S. 
de Migne, t. 1, col. 64; de Bellarmin, De verbo Dei, 1, 
1&; de Welte, Einleitung, 1. 11, 3, p. 187; de Vincenzi, 
Sessioir conc. Trid., t. ni, p. 69; de Haneberg, Geseh. 
der bibl. Offenbarung, 4 e édit., 1876, p. 491 ; de Cor- 
nely, Introd. in libros sacros, t. Il, 2, 1887, p. 225. 
« Cette assertion, dit M. Lesêtre, Le livre de la Sagesse, 
1880, p. 7, est aussi difficile à combattre qu'à prouver. 
Il est de toute évidence qu'un écrivain sacré, écrivant 
sur la sagesse, ne pouvait avoir une autre doctrine 
théologique que celle de ses prédécesseurs ; il y a donc 
nécessairement des points doctrinaux communs à la 
Sagesse et aux écrits de Salomon, mais c'est tout ce 
qu'on peut affirmer. Peut-être même serait-on en droit 
d'affirmer que s'il était resté du sage roi quelque écrit 
ou quelque fragment important, Esdras ne l'eût point 
laissé dans l'ombre. » 

3° J. M. Faber, Prolusiones de libro Sapientise, Ans- 
pach, 1776-1777, part., v, p. i-vi, a attribué la Sagesse à 
Zorobabel, parce que, en sa qualité de reconstructeur 
du temple de Jérusalem, il méritait d'être appelé un 
autre Salomon. On l'a attribué avec aussi peu de fon- 
dement à un essénien, à un thérapeute ou à d'autres 
auteurs imaginaires. Gfrœrer, Philo und die alexandri- 
nische Theosophie, Stuttgart, 1831, t. 11, p. 265; Welte, 
Einleitung, 11, 3, p. 193; Schmidt, Das Buch der 
Weisheit, 1865, p. 24. 

4° Saint Augustin avait cru d'abord, Dedoct. Christ., 
11, 8, 13, t. xxxiv, col. 41, que la Sagesse pouvait bien 
être l'œuvre de Jésus fils de Sirach, mais il reconnut 
dans ses Retractationes, 11, 4, t. xxxu, col. 631, que 
c'était une erreur : Jn secundo libro de auctore libri, 
quem plures vocant Salomonis, quod etiam ipsum 
sicut Ecclesiasticuni Jésus Sirach scripserit, non 
ita constare sicut a me dictum est, postea didici, et 
omnino probabilius comperi, non esse hune ejus libri 
auctorem. L'auteur ne peut être, en effet, un juif de 
Palestine comme l'était ben Sirach. 

5» Parmi les savants, un certain nombre se sont pro- 
noncés en faveur de Philon, soit Philon d'Alexandrie, 
soit Philon l'Ancien. — a) Nonnulli scriptorum vete- 
rum, dit saint Jérôme, Prsef. in lib. Salomonis, t. xxviii, 
col. 1242, hune [librum] esse Judsei Philonis affirmant. 
Quels sont ces anciens écrivains, nous l'ignorons : on 
ne trouve aucune trace de cette opinion chez les autres 
Pères. Mais elle a été soutenue par un certain nombre 
d'auteurs du moyeti âge et d'autres plus récents. Jean 
Beleth, Rationale divinorum officiorum, lix, t..ccit, 
col. 66, énumère parmi les livres de l'Ancien Testa- 
•ment : [Liber] Philonis, cujus principium est : Dili- 
gite justitiam: Sap., 1, 1. Jean de Salisbury écrit, 
Epist. cxliii, t. cxcix, col. 129 : Librum Sapientise 
composuit Philo, diciturque Pseudographus, non quia 
maie scripserit,sedquia maie inscripsit. Inscriptus est 
enim Sapientia Salomonis, cum a Salomone non sit 
editus, sed propter stylum quem induérit, et elègan- 
tiam morum, quam ei similiter informat, dicitur 
Salomonis. Luther a partagé le même sentiment. De 
même Bellarmin, De verbo Dei, 1, 13; Huet, Démonstr. 
évang., Du liv. de la Sag., 11, dans Migne, Démonst. 
évang., t. v, 1843, col. 371. 

Philon ne peut être l'auteur de la Sagesse, par la 
raison que le livre inspiré enseigne une doctrine qui 
est tout à fait en opposition avec celle du philosophe 
alexandrin, comme c'est aujourd'hui universellement 
reconnu. Philon n'admet pas l'existence d'un prin- 



1353 



SAGESSE (LIVRE DE LA) 



1354 



cipe mauvais dans le monde; la Sagesse dit au con- 
traire, h, 24 : Invidia autem diaboli mors inlroivit in 
orbeni terrarum ;V\à\on voit dans le serpent tentateur 
un symbole du plaisir. De mundi opificio, Opéra, édit. 
Mangey, t. i, p. 37-38. — La Sagesse, vin, 19 20, enseigne 
que, dans ce monde, l'âme des bons est unie à leur corps 
comme celle des méchanls; d'après Philon, Demcnar- 
chia, t. il, p. 213-216, seules les âmes disposées au 
péché habitent des corps; celles qui sont bonnes sont 
les aides de Dieu dans le gouvernement des choses 
humaines. — La Sagesse, vm-xiv, et Philon, De mundo, 
t. H, p. 604, donnent de l'origine de l'idolâtrie une 
explication toute différente. — Le Logos de Philon, 
qu'on a voulu retrouver dans la Sagesse, xvi, 12; xvm, 
15, est un être intermédiaire entre Dieu et le monde, 
voir Philon, col. 305; Logos, t. iv, col. 326, tandis 
que celui de la Sagesse ne se distingue pas de Dieu. 
Voir Sagesse incréée, col. 1350. Cf. Fr. Klasen, Die 



pour établir que l'auteur était Juif, ses croyances et sa 
doctrine l'attestent. Mais il n'était pas un Juif de Pales- 
tine, car il avait reçu une éducation gréco-alexandrine: 
Un de ses plus beaux passages, le discours qu'il met dans 
la bouche des Épicuriens, XI, 1-9, reproduit en partie 
pour le fond un chant de fête égyptien qui nous a été 
conservé dans un papyrus du Musée britannique ,de la 
collection Harris. Fr. Lenormant, Histoire ancienne 
de l'Orient, t. m, 1881, p. 67. 

C'est un décret du bon chef, un destin parfait 

Que, tandis qu'un corps se détruit à passer, 

D'autres restent à sa place depuis le temps des ancêtres. 

Les dieux qui ont été autrefois et qui reposent dans leurs tombes. 

Les momies et les mânes sont aussi ensevelis dans leurs tombes. 

Quand on construit des maisons, ils n'y ont plus leurs places. 

Qu'a-t-on fait d'eux?... 

Tu es en bonne santé, ton cœur se révolte contre les honneurs 

Suis ton cœur tant que tu es vivant. [funèbres ; 




279. — Fête égyptienne. Tombeau du scribe Horemheb à Thèbes. XVIII- dynastie. 



alltestamentliche Weisheit und der Logos der jûdisch- 
alexandrinischen Philosophie, Fribourg-en-Br., 1878, 
p. 60 sq. — b) Reconnaissant l'impossibilité de faire 
de Philon d'Alexandrie l'auteur de la Sagesse, quelques 
critiques ont songé à Philon l'ancien, par exemple 
Huet, Bellarmin, etc., mais l'idée est malheureuse, car 
cet écrivain qui ne nous est connu que par Josèphe, 
Cont. Apion., i, 23, est cité par lui comme un auteur 
païen ; l'auteur de la Sagesse n'était certainement pas 
polythéiste. — Pour conserver ce nom de Philon à celui 
qui a écrit le livre inspiré, on a supposé aussi que 
c'était un des soixante-dix traducteurs de la Bible 
grecque, lequel portait ce nom, mais cette hypothèse 
ne repose sur rien, non plus que celle qui attribue la 
Sagesse à Aristobule, Lutterbeck, Die neutestament- 
liche Lehrbegriffe, Mayence, 1852, t. I, p. 407 sq. 
(voir Aristobule 1, t. i, col. 965), ou à Apollos, Noack, 
Der Ursprung des Chris tenthums, Leipzig, 1857, t. i, 
p. 25; cf. Deane, The Book of Wisdom, p. 34 (voir 
Apollos, t. i, col. 774), ou à un thérapeute. Dâhne, 
Geschichtliche Varstellung der jûdisch-alexandrini- 
schen Religions philosophie, Halle, 1834-1835, t. n, 
p. 170. 

6" Il faut donc conclure que l'auteur de la Sagesse 
est inconnu. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est qu'il 
était Juif et probablement originaire d'Alexandrie, où 
il avait été élevé, comme on peut le démontrer par 
l'étude intrinsèque du livre, de la langue et de la doc- 
trine, ainsi qu'il va être dit. La lecture du livre suffit 



Mes des parfums sur ta tête, pare-toi de lin fin, 
Oins-toi de ce qu'il y a de plus merveilleux dans les essences 
Fais plus encore que tu n'as fait jusqu'à présent ! [des dieux, 
Ne laisse pas aller ton cœur! 

Suis ton désir et ton bonheur aussi longtemps que tu seras sur 
N'use pas ton cœur en chagrins [terre, 

Jusqu'à ce que vienne pour loi ce jour où l'on supplie 
Sans que le dieu dont le cœur ne bat plus écoute ceux qui sup- 
plient. 
Les lamentations du survivant ne réjouissent pas le cœur de 

[l'homme dans le tombeau, 
Fais un jour de plaisir et n'y reste pas inactif! 
Aucun homme ne peut emporter ses biens avec lui. 

Les peintures égyptiennes (fig. 279) attestent que la 
description du banquet dans la Sagesse est la descrip- 
tion d'un banquet égyptien où les convives buvaient, 
Sap., Il, 6, se parfumaient, j>. 7, prodiguaient les 
fleurs, $. 7, jouissaient des biens présents et des créa- 
tures avec l'ardeur de la jeunesse, f. 5-6. 

L'auteur de la Sagesse connaissait aussi la philoso- 
phie grecque et il en emploie les expressions. Un Juif 
palestinien aurait pu connaître comme lui sa religion 
et l'histoire de son peuple, mais il n'aurait pas été 
initié comme lui aux mœurs et aux habitudes hellé- 
niques, à cette science grecque qui était si méprisée à 
Jérusalem, Josèphe, And. jud., XX, XI, 2, et il n'aurait 
pas écrit en grec. C'est ce qui est le plus propre à 
intéresser les habitants de l'Egypte qu'il relève; il 
décrit l'idolâtrie telle qu'elle se pratiquait dans la 
vallée du Nil où l'on adorait des animaux, xi, 15; xu, 



1355 



SAGESSE (LIVRE DE LA) 



1356 



24; xv, 18, et y revient avec insistance; il se complaît 
dans les détails des plaies d'Egypte, xi, 5-15; xv, 18- 
xrx, 5. Quelques savants ont voulu attribuer à la Sa- 
gesse une origine chrétienne : Kirschbaum, Der jû- 
diache Alexandrinismus, Leipzig, 18il, p. 52; Weisse 
Veber die Zukunft der evangelischen Kirche, Leipzig, 
1849, p. 233; Noak, Der XJrspi-ung des Christenthums, 
Leipzig, 1837, t. I, p. 122, mais tout le livre manifeste 
la main d'un Juif, écrivant pour des Juifs et parlant 
en Juif de la loi de Moïse, ir, 12, du peuple d'Israël, 
m, 8, et de la Terre Sainte, xn, 7. 

III. Date. — La date assignée par les critiques à la 
Sagesse est très différente selon qu'ils l'attribuent à 
tel ou tel auteur. D'après ce qui vient d'être dit, on 
doit regarder comme certain qu'il a été écrit à l'époque 
ptolémaïque et probablement à Alexandrie. L'opinion 
la plus vraisemblable est celle qui place la date de sa 
composition entre 150 et 130 avant J.-C. — 1° Il est 
postérieur aux Septante, car il cite le Pentaleuque et 
Jsaïe d'après leur traduction : Sap., xi, 4 = Num., xx, 
ll;Sap., xn,8=Deut., vu, 20; Exod., xxxm, 28; Sap., 
xvi, 22= Exod., ix, 24; Sap., xix, 20 = Exod.,xvi, 22; 
Sap., H, 12 : 'Eve8p - j<7w[/.sv [Ar|0-w[i£v] tôv St'xaiov ots 
Sjo-xp^uto; ^ifiîv iavt, est la reproduction littérale (le 
premier mot excepté), de la traduction donnée par les 
Septante d'Isaïe, m, 10, laquelle leur est propre et 
diffère du texte hébreu où on lit : « Dites au juste 
qu'il est heureux, » au lieu de : « assaillons le juste, 
parce qu'il nous est inutile; » Sap., xv, 10; SnôSo; ô 
xocpSt'a aikoO, reproduit Isaïe, xliv, 20, « son [leur] 
cœur est de la cendre » d'après la version grecque; 
l'hébreu porte : « Il se nourrit de cendre; son cœur 
[abnsé l'égaré], » — 2° Le livre de la Sagesse ne peut 
donc pas avoir été écrit avant le règne de Plolémée 
Philadelphe (285-243), sous lequel on place la traduc- 
tion des Septante. L'examen du contenu de l'ouvrage 
permet d'arriver à une détermination moins vague et 
plus précise de sa date. L'auteur se plaint de la déca- 
dence de la foi chez un certain nombre de ses core- 
ligionnaires pour qui le milieu païen de l'Egypte est 
corrupteur : ils s'éloignent de Dieu, to-j Kupc'ou àœo- 
ctâvTSî, m, 10; ils recherchent avant tout le plaisir, 
il, 1-9 ; ils tombent dans l'incrédulité, ils ne peuvent 
plus supporter le joug de la loi, n, 14, et se laissent 
aller à des discours impies, i, 6; n, 1-9, s'ils ne tombent 
même pas dans l'idolâtrie. La vigueur avec laquelle 
l'auteur combat l'idolâtrie égyptienne montre bien 
qu'il y avait des Juifs infidèles qui devenaient apostats. 
L'écrivain inspiré s'élève avec force contre eux, et, en 
même temps, il encourage de, toutes ses forces ceux 
de ses frères qui sont persécutés pour leur religion, à 
rester fermes et inébranlables. Son langage nous révèle 
qu'il écrit à un moment où le judaïsme n'est pas en 
faveur, mais, au contraire, a beaucoup à souffrir des 
maîtres de l'Egypte, xi, 5; xn, 2, 20; xv, 14 {sunt ini- 
mici populi tui); cf. xvi-xix. C'est cette circonstance 
qui peut servir à fixer la date approximative de la Sa- 
gesse. Les premiers Ptolémées furent bienveillants 
pour les Juifs établis en Egypte, mais Ptolémée IV Phi- 
lopator (222-224) les traita avec cruauté (voir col. 851), 
et de même Ptolémée VII Physcon (170-117). Cest 
donc selon toute vraisemblance sous l'un de ces deux 
rois que fut composée la Sagesse, et plus probable- 
ment sous le second, qui demeura particulièrement 
un objet d'aversion pour les Juifs. Josèphe, Cont. 
Apion., n, 5; Graetz, Histoire des Juifs, trad. Wogue, 
t. n, 1884, p. 143-144. 

IV. Langue. — La langue originale de la Sagesse est 
le grec, mêlé d'un certain nombre d'hébraïsmes, ce 
qui fait conclure avec quelques autres traits à son 
origine alexandrine. Secundus [le livre de la Sagesse], 
apud Hebrseos nusquam est, guin et ipse stylus grse- 
cam eloquentiam redolet, dit avec raison saint Jérôme, 



Prstf. in lib. Salomonis, t. xxvm, col. 1212. S. Mar-. 
goliouth a voulu prouver, Journal of the royal Asiatic 
Society, 1890, p. 263-297, qu'il avait été composé en 
hébreu, mais il a été réfuté par J. Freudenthal, dans 
la Jewish Quarterly Review, juillet 1891, p. 722-753. 
L'auteur fait un usage fréquent des mots composés et 
des adjectifs, qui sont si rares, même dans les œuvres 
des autres Juifs hellénistes : àSsX<poxT<5vo«, x, 3; xaxd- 
ts^voç, I, 4; xv, 4; -pTf SVÏ lî> VI1 ' ^» tp<oTo'7rXao"roe, VI l> "1 ! 
x, 1; o;ioio7tx8^;, vu, 3; itïv£W(Vjco7coç, vu, 23; itavro- 
8-jvoc[j.9{, vu, 23; i7uépjxaxoç, X, 20; XVI, 17; o-nXaYX''o- 
<piyoç, xn, 5; texvôçovo;, xiv, 23, etc. — Il se sert 
d'expressions grecques qui n'ont point de termes 
correspondants en hébreu : upuTocveiç, xm, 2; Ar,6ï], le 
fleuve de l'oubli, xvi, 11; xvll, 3; SSou, pao-ÎX£iov, 
I'Hadès, l, 14; cf. xvi, 13; àp-ëpoo-c'a Tpoq»;, la manne, 
xix, 20, àY<ôva6pa§eyeiv, x, 12; cf. iv, 12, etc.; ainsi 
que les âitalj Xïfôtteva, tels que XuOpwSi];, xi, 7; 
fEveoi'apx^C, xm, 3; •](ev£<jioupY<5ç, xm, 5; èitc[iiE, xiv, 
25; xaxôiiox^oÇi xv > 8, etc. Il emprunte des termes 
techniques et des locutions à la philosophie platoni- 
cienne et stoïcienne; itvc-jjjia voepriv, vu, 22; 8c7Jxetv 
xal x<Dpeîv 8ià TtâvTtov, vu, 24; 0X7) ajioppo;, xi, 17; 
irpovoia, xiv, 3, xvn, 2. — De nombreuses allitérations 
et paronomases grecques confirment l'origine hellé- 
nique du livre : àY«7cr,<jaTe — ippovriaocTs — Sit^o-xis; — 
èv aYa8<fcïiTt — à7cX'jTr|Ti, 1,1; — o5ç — dpoCj, i, 10; — 
irapoSeOo-w — a-uvofis-jau, VI, 22; — «PY» — êpyj!, XIV, 
5; — aêtxa — Six*], I, 8; — Suvatoi 8è êcvarâç, VI, 6; 
£-J<i8<oo-£ — 8u<58eu<t£v, XI, 1; xn, 12, 15, 25; xm, 11, 
19, etc. — D'un autre côté, les hébraïsmes dont le livre 
est parsemé attestent que l'auteur est de race juive, 
par exemple: emXÔTïjî xocpSt'aç, i, 1; [A£pf;, xXvjpoî; n,9; 
XoYfÇ£<r9ac £i{ ti, II, 16; àp£<rrov i-i oySaXnoït tivoc, IX, 
9; itXï|po0v ypôvov, iv, 13; uc'oi àv6ptiitwv, ix, 6; 
o^ioi toO 0£oô, iv, 15, etc. L'auteur ne sait se servir 
que d'un petit nombre de particules grecques, xai', SI, 
Yâp, àXXi, quoiqu'il puisse construire des périodes 
grecques, xn, 27; xm, 11-15. Il applique enfin régu- 
lièrement les régies du parallélisme hébreu à sa com- 
position. Grimm, Dos Buch der Weisheit erklârt, 
1860, p. 7; Deane, The Book of Wisdom, 1881, p. 28- 
30. 

V. Style. — Il est remarquable dans plusieurs cha- 
pitres, mais il n'est pas toujours égal : très élevé dans 
le portrait de l'épicurien incrédule, n; dans le tableau 
du jugement dernier, v, 15-24; dans la description de 
la sagesse, vu, 26-vni, 1; incisif et mordant dans la 
peinture de l'idolâtrie, xm, 11-19, il est diffus et re- 
dondant dans d'autres endroits, surchargés d'épi- 
thètes, vu, 22-23, etc. Lowth, De sacra poesi Hebrseo- 
rum, Praelect., xxiv, 1763, p. 321-322. La fin du livre 
renferme des répétitions, xi, xvi-xix. 

VI. Contenu et division. — On peut diviser le livre 
de la Sagesse de plusieurs manières : en trois parties : 
i, 1-vi, 21, la sagesse source du bonheur; — vi, 22-ix, 
18, nature de la sagesse; — x, 1-xix, 22, bienfaits et 
avantages de la sagesse prouvés par l'histoire du 
peuple de Dieu. — La division la plus simple est celle 
qui partage le livre en deux parties, l'une théorique, 
i-ix, et l'autre historique, x-xix. L'auteur se propose 
de comhattre l'incrédulité et l'idolâtrie, en montrant 
l'excellence de la sagesse. Pour donner du poids à sa 
parole, il parle au nom deSalomon, si renommé pour 
sa sagesse, et s'adresse à ceux qui jugent la terre, I, 
1. La marche générale de la pensée est facile à suivre, 
mais les subdivisions ne sont pas toujours nettement 
marquées. Voici comment on peut les distinguer. 

l n partie, i-ix. — La sagesse au point de vue spi- 
rituel et moral. — Première section : la sagesse source 
du bonheur et de l'immortalité, i-v. — 1» Ce qu'est la 
sagesse : elle consiste dans la rectitude du cœur, i, 1-5, 
et dans la rectitude du langage, 6-11. — 2» Origine de 



1357 



SAGESSE (LIVRE DE LA) 



1358 



la mort, i, 12-n, 25; elle est le châtiment du mauvais 
usage que l'homme a fait de sa liberté, l, 12-16, Adam 
ne cherchant que la jouissance de la vie présente; n, 
1-9, et Caïn tuant son frère, le juste Abel, 10-20. La 
première cause de la mort est néanmoins la jalousie 
du démon, 21-25. — 3° Les bons et les méchants dans 
la vie présente, m-iv. Bonheur réel du juste, m, 1-9; 
malheur du méchant, 10-12, finalement tout tourne à 
bien pour le juste et à mal pour l'impie, m, 13-iv. — 
4° C'est surtout après la mort que le juste est récom- 
pensé, v, 1-17, et le méchant puni, 18-24. Le passage 
n, 12-20, dépeint en traits saisissants les souffrauces du 
juste, images de la passion du vrai juste, que les Pères 
ont appliqué à Jésus-Christ souffrant pour la rédemp- 
tion du genre humain. S. Cyprien, Teslim., il, 11, t. iv, 
col. 708, etc. 

Seconde section : la sagesse guide de la vie, vi-ix. — 
La conclusion de cette peinture du sort réservé au 
juste et à l'impie est que nous devons faire de la sa- 
gesse le guide de notre vie. Elle doit diriger spéciale- 
ment la conduite des rois, vi, 1-23; — 2° mais elle est 
accessible à tous, VI, 2i-vn, 2, et tous doivent la pra- 
tiquer, parce qu'elle est la source de tous les biens, 
VI, 7-viii, 1, et que, par conséquent, elle doit dominer 
et régler toute notre vie, vin, 2-16. — 3° Mais comme 
elle est un don de Dieu, vm, 17-21, c'est par la prière 
qu'il faut l'obtenir de lui, ix. 

IP partie, x-xix. — La sagesse au point de vue 
historique. — L'auteur, après avoir montré théori- 
quement l'excellence de la sagesse et comment elle doit 
être la règle de notre vie, confirme sa thèse histori- 
quement par l'exemple de ce qui est arrivé au peuple 
de Dieu. — 1° x-xn. La sagesse, c'est-à-dire Dieu lui- 
même, sauve et punit. Nous en avons la preuve dans 
l'histoire des patriarches d'Adam à Moïse, x-xi, 4, dans 
les châtiments infligés aux Égyptiens, xi, 5-27, et aux 
Cbananéens, xii, 1-18. — 2» Comme le crime princi- 
pal des ennemis du peuple de Dieu était l'idolâtrie et 
que les Juifs infidèles se laissaient aller à imiter les 
Égyptiens dans leur culte impie, l'auteur décrit l'ori- 
gine et les progrès de l'idolâtrie qui est ce qu'on peut 
imaginer de plus opposé à la sagesse, et il en expose les 
principales espèces : l'adoration des forces de la nature 
{culte du dieu soleil en Egypte), xm, 1-9; des idoles, 
oeuvres de la main des hommes (si multipliées dans la 
vallée du Nil), xm, 10-xiv, 13, et enfin des hommes 
divinisés (dont les Juifs avaient l'exemple sous les yeux 
à Alexandrie, où les monnaies des Ptolémées leur 
conféraient le titre de 0eôç, voir fig. 194, col. 853, âSeX- 
çot Weo!; fig. 188, col. 849; cf. t. i, fig. 174, col. 693; 
xiv, 22-31;. il achève ce tableau par la description des 
effets funestes du polythéisme, 22-31. — 3» XV-XIX. Il 
revient alors de nouveau aux plaies d'Egypte pour faire 
ressortir le contraste qui existe entre les adorateurs du 
vrai Dieu et les païens, il montre comment le créateur 
s'est servi des créatures dont les Égyptiens font aveu- 
glément leurs dieux pour châtier leur idolâtrie et c'est 
par là qu'il rattache cette dernière subdivision à ce qui 
précède. — 1. Contraste général, xv, 1-17, entre les ado- 
rateurs des idoles et les serviteurs fidèles de Dieu. — 
2. Dieu punit par les animaux les adorateurs des ani- 
maux et de la nature, xv, 11-xvi, 13, ainsi que par les 
forces mêmes de la nature, l'eau, le feu, les ténèbres, 
xvi, 14-xvin, 4, enfin, par la mort, xvm, 5-xix, 5. — 
4» Conclusion. Dieu sauve les Hébreux fidèles ; il punit 
ceux qui lui désobéissent. Les enfants d'Israël doivent 
donc observer la loi de Dieu et s'éloigner avec horreur 
des abominations des Égyptiens. — L'auteur prémunit 
ses frères contre les erreurs prédominantes dans leur 
patrie d'adoption, contre le polythéisme et le pan- 
théisme, contre le scepticisme et contre l'incrédulité, 
contre le matérialisme et ses conséquences immorales. 
— Sur la personnification de la Sagesse, voir Sagesse 



incréée, col. 1350. — Sur les points particuliers de la 
doctrine du livre de la Sagesse, voir H. Lesêtre, Étude 
doctrinale du livre de la Sagesse, dans son commen- 
taire sur ce livre, La Sagesse, 1880, p. 13-24. 

VII. Objections contre la doctrine du livre de la 
Sagesse. — Le,s critiques reconnaissent généralement 
aujourd'hui l'excellence du livre de la Sagesse. Grimm 
lui assigne le premier rang parmi les livres deutéro- 
canoniques, Dos Buch der Weisheit, p. 41. Plusieurs 
prétendent cependant y découvrir des erreurs. — 1° On 
lui reproche d'avoir admis l'éternité de la matière et 
d'avoir nié, par conséquent, la création, parce que 
nous lisons, xi, 18 : xTfaaoa tôv v.6g\).o-/ \\ àiiôpçov 
O'Xïiç; Vulgate : creavit orbem terrarum ex materia 
invisa. Il s'agit de l'organisation du monde et non de 
la création des éléments primitifs, comme l'a expliqué 
saint Augustin, De Gen. conl. Manich., i, 9-10, t. xxxiv, 
col. 178 : Primo ergo materia facta est confusa et 
informis, unde oninia fièrent quse distincta atque 
formata sunt, qtwd credo a Grsecis chaos appellari. 
Et ideo Deus rectissime credilur omnia de nihilo 
fecisse, quia etiamsi omnia formata de ista materia 
facta sunt, haecipsa materia tamen de omnino nihilo 
facta est. Et après avoir répété les mêmes choses, De 
fi.de et symb., 2, t. xl, col. 183, il ajoute : Hoc autenv 
diximus, ne quis existimet contrarias sibi esse divina- 
rum Scripturarum sententias, quoniam et omnia 
Deum fecisse de nihilo scriptum est, et mundum 
factum esse de informi materia. Cf. Sap., L, 14 : Crea- 
vit ut essent oninia. 

2° On a prétendu que l'auteur de la Sagesse admet- 
tait la préexistence des âmes, comme Platon, avant la 
formation du corps, parce qu'il dit, vm, 19-20 : Puer 
eram ingeniosus et sortibus animant bonam. Et cum 
essem ntagis bonus, veni ad corpus incoinquinatum, 
c'est-à-dire, d'après l'original grec : « J'étais un enfant 
d'un bon naturel (eùqnjVj;) et j'avais reçu en partage une 
âme bonne, ou plutôt (ixïUov 8é) étant bon, je vins à un 
corps sans souillure. » Le sens est : J'ai reçu de Dieu 
une âme douée de bonnes dispositions naturelles et le 
corps auquel elle a été unie était sans défauts ni vices 
héréditaires. L'homme vient au monde souillé de la 
tache originelle, mais il y a des créatures prédestinées 
qui naissent avec des dons supérieurs. Animam bo- 
nam hoc loco intelligi non bonitate morali aut gratise 
justificantis, sed bonitate naturali, quse est qusedani 
ad multas virtutes morales in quibusdam hominibus 
dispositio, ex qua dicuntur esse bona indole, explique 
Estius, Annotationes in prxcipua loca difficiliora 
S. Script., Anvers, 1621; Migne, Cursus Script. Sac, 
t. xvii, col. 485. L'auteur n'enseigne pas la préexistence 
des âmes, condamnée par le second concile de Constan- 
tinople, « ' il ' distingue seulement, comme l'observe 
Calmet, in loc, les instants divers de la production 3e 
ces deux substances, du corps et de l'âme, et il discerne 
les qualités et les propriétés différentes de l'un et de 
l'autre. » 

3° D'après certains critiques l'auteur de la Sagesse 
aurait été cmanatiste. « [La sagesse], dit-il, est le 
souffle (à-riAÏ;) de la puissance de Dieu, le pur écoule- 
ment (à7côppoia; Vulgate : emanatio) de la gloire du 
Tout-Puissant, ...le resplendissement de la lumière 
éternelle. t> Mais il ne parle plus ici d'une créature; il 
parle de la Sagesse incrée qui ne fait qu'un avec le 
Créateur, du Verbe auquel saint Paul, Heb., I, 3, 
applique expressément les paroles de la Sagesse, vu, 
26, àjiâu-yaiTua, splendor, rayonnement de la lumière 
éternelle ou de la gloire de Dieu et qui est consubstan- 
tiel à son Père, dont il est le Verbe, & Xôfoç, ix, 1; 
6 iravtoSûvaixoc ).ôfoç, xvm, 15, comme la aofia. 

VIII. Unité et intégrité. — L'unité du livre de la 
Sagesse a trouvé des contradicteurs. Le P. Houbigant, 
Biblia hebraica cum notis criticis, t. m, 1773, Ad libros 



1359 



SAGESSE (LIVRE DE LA) — SAINT 



1360 



Sapientix et Eccles:, p. i, a supposé que les neuf pre- 
miers chapitres étaient l'œuvre de Salomon et que celui 
qui les avait traduits de l'hébreu y avait probablement 
ajouté les derniers chapitres. La première assertion est 
insoutenable, d'après ce qui a été dit plus haut, et la 
seconde ne repose sur rien. Certains critiques alle- 
mands, Eichhorn, Einleilung in die arokryphischen 
Bûcher des A. T., Leipzig, 1795, p. 142 ; Bertholdt, Hist.- 
kritische Einleitung insâmmtl. Schriften des A. und 
N. T., Erlangen, -1812-1819, t. v, p. 2276; Breitschneider, 
De libri Sapienliee parle priore cap. I-Xl e duobus 
libellis diversis conflata, Wiltenberg, 1804, t. i, p. 9; 
Nachtigal, Das Buch der Weisheit, Halle, 1799, p. 1; 
ont imaginé contre l'unité et contre l'intégrité du livre, 
des hypothèses non moins arbitraires qu'il est inutile 
d'exposer. Voir R. Cornely, lntroduciio, t. Il, 2, p. 217- 
221. On n'apporte ni contre l'unité ni contre l'intégrité 
aucun argument sérieux. La liaison qui existe entre les 
diverses parties du livre, leur harmonie substantielle, 
l'uniformité générale du ton et de la façon de penser, 
l'identité du langage, malgré quelques différences de 
style qu'explique le changement de sujet, tout cela 
prouve que la Sagesse est l'œuvre complète d'un 
auteur unique. 

IX. Canonicité. — Le livre de la Sagesse ayant été 
écrit en grec ne figure pas dans le canon hébreu du 
Nouveau Testament et est par conséquent deutéro-ca- 
nonique, mais son inspiration et son autorité ont été 
reconnues par les Pères et les conciles. — Il n'est pas 
cité en termes exprès dans le Nouveau Testament, mais 
on peut y relever un certain nombre d'allusions. 
Matlh., xiii, 42, et Sap., m, 7;Matth., xxvii, 42, et Sap., 
il, 13, 18; Rom., xi, 34, et Sap., ix, 13; Eph., vi, 13, 
17, et Sap., v, 18, 19, etc. Son autorité est prouvée par 
les plus anciens Pères: S. Clément romain, I Cor., 27, 
t. I, col. 267; Clément d'Alexandrie, Slrom., iv, 16; 
vi, 11, 14, 15; t. vm, col. 1509; t. ix, col. 313, 3X3, 
344;Origène, Cont. Cels., m, 72; t. xi, col. 1013; S.Iré- 
née, Cont. hier., iv, 38; v, 2; t. vu, col. 1108, 1127; 
cf. Eusébe, H. E., v, 26, t. xx, col. 509; S. Hippolyte, 
Cont. Jud., t. x, col. 792; Tertullien, Cont. Marc, m, 
32, etc., t. Il, col. 352; S. Cyprien, De hab. virg., x, 
etc., t. iv, col. 448; S. Hilaire, De Trin., i, 7, etc., 
t. ix, col. 30; S. Augustin, De prœd. sanct., i, 14, 
t. xliv, col. 980; De doclr. christ., n, 8, t. xxxiv, 
col. 41, etc. Voir Canon, t. n, col. 161-168. 

X. Texte original et versions. — 1° Texte grec. 
— Les principaux manuscrits anciens sont le Valica- 
nus, VAlexandrinus, le Sinailicus et le Codex Ephrem 
rescriptus, ce dernier incomplet. Les variantes de 
ces manuscrits sont de peu d'importance et ne pro- 
viennent point de recensions différentes. Le meilleur 
texte est celui du Vaticanus, le moins bon celui de 
VAlexandrinus. 

2° Texte de la Vulgate. — La traduction de ce livre 
dans notre Vulgate est celle de l'ancienne Italique, 
comme nous l'apprend saint Jérôme, Prœf. in lib. 
Salomonis juxla LXX, t. xxix, col. 404 : In eo libro 
qui a plerisque Sapientia Salomonis inscribitur,... ca- 
lamo temperavi; tantumniodo [proto]canonicas scrip- 
turas vobis emendare desiderans. Les mots de la 
langue populaire abondent dans cette version : exter- 
minium. refrigerium, nimietas, subitatio, assistrix, 
doctrix, immemoratio, ineffugibilis, insimulatus, 
mansuetare, improperare, partibus pour partim, 
providenlise au pluriel, etc. En général la traduction 
rend exactement le grec, mais on y remarque un cer- 
tain nombre d'additions : i, 15, Injustitia autem mor- 
tis est acquisitio; il, 8, Nullum pratum sit quod 
non pertranseat luxuria noslra; le parallélisme 
semble justifier ces deux additions, mais il n'en est pas 
de même de plusieurs autres, vi, 1 ; 23; vm, 11 ; ix, 19 ; 
xi, 5. etc. — Sabatier (voir col. 1291), pour publier le 



texte de la version italique, s'est servi de quatre ma- 
nuscrits latins de premier ordre, Corbeienses (2), San- 
germanensis et Codex S. Theodorici ad Remos, qui 
n'offrent pas de variantes importantes. P. de Lagarde 
a publié le texte du Codex Amiatinus dans sesMittheil- 
ungen, t. I, p. 243 sq. 

3° Autres versions. — On possède la traduction syria- 
que arabe et arménienne de la Sagesse; cette dernière 
a plus de valeur que les deux premières qui sont para- 
phrasées. La version arménienne est imprimée dans 
la Bible des Méchitaristes, Venise, 1805; la syriaque 
dans P. de Lagarde, Libri apocryphi Vetèris Testa- 
menli syriace, Leipzig, 1861 ; une autre recension se 
trouve dans Ceriani, Codex syro-hexaplaris Ambro- 
sianus, 1877. Voir t. m, col. 701. 

XI. Commentaires. — Raban Maur, le plus ancien 
commentateur de la Sagesse, plus mystique que litté- 
ral : Commentariorum in librum Sapientix libri très, 
t. cix, col. 671-762; Jansénius de Gand, Annolationes 
in librum Sapienlise Salomonis, dans Migne, Cursus 
Script. Sacrée, t. xvil, col. 381-588; les anciens com- 
mentateurs énumérés par Cornélius a Lapide, Argum. 
in Sap., dans ses Comment., t. vm, 1860, p. 268 b; 
Justification du sentiment de doni Calmet contre la 
critique du P. Houbigant et du P. Griffet sur l'auteur 
du livre de la Sagesse, dans Migne, Cursus Scripturse 
Sacrée, t. xvn, 1839, col. 351-380; H. Reusch, Obser- 
vationes criticee in librum Sapienlise, in-4°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1857; * J. C. Nachtigal, Das Buch der 
Weisheit, Halle, 1799;*J. Ch. Bauermeister, Comment, 
in Sap. Salom., 1828; * C. L. W. Grimm, Commentai' 
lifter das Buch der Weisheit, Leipzig, 1837, 1860; 
Gutberlet, Das Buch des Weisheit, ùbersetzt und 
erklàrt, Munster, 1874; "Zôckler, Die Apokryphen des 
Alten Testaments, Munich, 1891; les commentaires 
cités dans le cours de l'article. 

F. Vigouroux. 

SAGUM, mot celtique, adopté par les Romains, d'où 
vient le français « saie » et « sayon ». Il désigne un 
manteau fait de laine grossière ou de poil de chèvre et 
consistant en un carré d'étotfe. La Vulgate l'a employé 
d'une manière assez impropre dans l'Exode, xxvi, 7-13; 
xxxvi, 14-18, pour désigner les tentures ou rideaux de 
poils de chèvre du Tabernacle, et dans les Juges, m, 16, 
pour désigner le vêtement sous lequel Aod avait caché 
son glaive à deux tranchants (hébreu, Exod. : yeri'ôf 
'izzîm; Septante : SÉppeiç," Jud. : maddv; fj.av8ùocv). 

SAHARAIM (hébreu: Sahâraïm; Septante :ïaapîv), 
benjamite dont le père n'est pas nommé. Il répudia ses 
deux femmes Husim et Bara et il eut, dans le pays de 
Moab, sept fils d'une troisième femme appelée Hodès. 
I Par., vin, 8-11. Ce passage est obscur et la Vulgate a 
mal traduit le texte hébreu, jt. 11. Voir HusiM 2, t. m, 
col. 784. 

SAINT (hébreu : qàdôs; Septante : âyioç, «yvôç; 
Vulgate : sancius) a des significations diverses selon 
les personnes ou les choses auxquelles il est appli- 
qué. Qâdos a le sens fondamental de séparé et par suite 
de pur, exempt de fautes, de péchés et de vices, par 
toutes ses autres acceptions. — 1° Le mot «c saint ». 
appliqué aux personnes. — 1. Dieu est le saint par oppo- 
sition à hànèf, « impur, profane », et de là dérive son. 
excellence, I Reg., m, 2 (voir Jéhovah, t. m, col. 1239), 
et l'homme, sa créature, doit s'efforcer d'imiter mora- 
lement sa pureté = sainteté. Lev., xi, 43-44; xix, 2;. 
xx, 26; Deut., xxm, 15; etc. — 2. Le titre de « saint » 
s'applique donc avant tout à Dieu, Is., vi, 3, qui est la 
pureté même. Jos., xxiv, 19; Ps. xcix (xcvm), 3, 9; 
exi (ex), 9. C'est pourqupi il est appelé « le Saint » 
tout court, Prov., îx, 10; xxx, 3; Job, vi, 10; Is., xl,. 
25; Ose., xn, 1; Hab., m, 3, ou « le Saint d'Israël »,. 



1361 



SAINT — SAINTETE 



1362 



Ps. lxxviii (lxxvii), 41; lxxix (lxxviii), 19; Eccli., iv, 
15; Bar., IV, 22, etc., et surtout dans Isaïe, i, 4; xli, 14, 
et souvent. De même Jésus-Christ, Marc, i, 24; Act., 
m, 14; iv, 27, 30; l'Esprit de Dieu est appelé l'Esprit- 
Saint ou le Saint-Esprit. Voir Esprit-Saint, t. n, 
col. 1967. IJoa., n, 20. — 2. Les anges sont aussi appelés 
saints. Dan., vin, 13; Matth., xxv, 31; I Thess., m, 13; 
Judœ, 14; Apoc, xiv, 20. — 3. De même les prêtres 
consacrés au service de Dieu, Lev., xxi, 6-8; Ps. cvi 
(cv), 16; le Nazaréen, Num., vi, 5; les prophètes, Luc, 
i, 70; Act., m, 21; Rom., i, 2. De même aussi les 
hommes pieux, Is., iv, 3; le peuple d'Israël doit être 
saint, parce qu'il est consacrée Dieu, Lev., xi, 43-45; 
xix, 2;Deut., vi, 6, etc.; les chrétiens, qui sont appelés 
à la sainteté, Act., ix, 13, 32, 41; xxvi, 10; Rom., i, 7, 
etc. ; les justes qui sont morts dans la sainteté. Ps. cxlix, 
5, 9 (hébreu : hâsidîm); Sap., v, 5; Matth., xxvn, 52; 
Apoc, v, 8; xix, 8. 

2° Le mot a saint s appliqué aux choses. — 1. Ce 
qui est consacré à Dieu est saint. La partie du Tabernacle 
et du Temple où étaient l'autel des parfums et le candé- 
labre à sept branches s'appelait « le Saint », Exod.,xxvi, 
33; xxvm,29; xliii, 29, etc.; Heb., ix, 2; et la partie où 
était l'arche d'alliance « le Saint des Saints ». Exod., 
xxvi, 34; III Reg., vi, 16; Heb., ix,3, etc. Voir Taber- 
nacle et Temple. — Jérusalem estàyia niXtç, Matth., 
xxiv, 15; Marc, xm, 14; Luc, xxi, 20, parce qu'elle 
possède le temple de Dieu; la terre où est le buisson 
d'Horeb est sainte parce que Dieu y a apparu, Exod., 
m, 5; la montagne de la transfiguration est appelée t'i 
opo; t'o âyiov, II Pet., i, 18, à cause du miracle qui s'y est 
accompli, etc. — 2. Les Livres inspirés sont appelés 
àyi*i rpa9«(, Rom., i, 9; cf. II Mach., xn, 9, parce 
qu'ils renferment la parole de Dieu; les comman- 
dements de Dieu sont saints, parce qu'ils nous sancti- 
fient, âyja ïvîoXt,. II Pet., ir, 21, etc. — 3. Le Saint 
des Saints désigne le ciel. Heb., ix, 12, 24; x, 19. — 
Voir Sainteté. 

SAINT DES SAINTS. Voir Tabernacle et Temple. 

SAINTETE (hébreu : qôdéî; Septante : â-yiM<rJvï], 
inconnu des auteurs profanes; Vulgate : sanctitas). 
Le sens primitif du mot est inconnu et la signification 
précise, difficile à déterminer, quoique l'expression soit 
une des plus fréquemment employées dans l'Ancien 
Testament. Ce qui est certain, c'est que c'est une expres- 
sion religieuse, restreinte aux choses religieuses, quoi- 
qu'elle ait pu avoir originairement un sens physique 
et matériel, et non moral. — 1° On peut accepter avec 
Frz. Delitzsch, dans la Real-Encyklopâdie fur proles- 
tantische Théologie, 2« édit., t. v, 1879, p. 715, cette 
définition de la sainteté de Dieu : Summa omnisque 
labis expers in Deo puritas. Les personnes ou les 
choses qui appartiennent spécialement à Dieu ou qui 
lui sont consacrées participent à cette sainteté. 

N'es-tu pas dès l'éternité, 

Jéhovah, mon Dieu, mon Saint (qedosi)'!... 

Tes yeux sont trop purs (lehôr) pour voir le mal 

Et tu ne peux contempler L'iniquité. Hab., i, 12-13. 

Sur la sainteté de Dieu, voir Jéhovah, t. m, col. 1239. 

— 2° Les personnes participent à la sainteté de Dieu, 
soit d'une manière en quelque sorte extérieure, parce 
qu'elles sont consacrées à son culte, Exod., xxix, 1; 
Lev., vin, 12, 20, etc., etque Jéhovah en est « le sancti- 
ficateur », meqaddêS, Exod., xxxi, 13, etc., soit d'une 
manière intérieure, en s'efforçant de devenir saintes, 
comme Dieu est saint. Lev., xix, 2; Num., xv, 40, etc. 

— 3° Les choses participent à la sainteté de Dieu en 
tant qu'elles servent à l'honorer et sont consacrées à 
son culte : le sanctuaire, l'autel, les lieux sacrés, les 
vêtements sacerdotaux, les victimes des sacrifices, etc. 



Exod., xxx, 25, 31-37; xxvm, 28; IReg.,xxi, 5;Ezeeh., 
xlii, 14, etc. — 4» Dans le Nouveau Testament, la 
sainteté marque plus explicitement encore que dans 
l'Ancien la séparation d'i péché, la perfection morale. 
Dieu est saint, Joa., xvn, 11, il est l'être parfait, infini- 
ment bon, cf. Heb., vu, 26, et le saint est celui qui lui 
est consacré et s'unit à lui par la pureté de sa vie, la 
pratique de la vertu et la fuite de tout mal. Eph., i, 4 
(âyiov; xat àyuijuiu;), sancli et immaculatiin conspeclu 
ejus); cf. v, 3, 18, 27; Phil., îv, 8; Col., I, 22; Tit., i, 
7-8; I Pet., i, 15-16; it, 9; II Pet., m, 11; I Joa., in, 
3. — Le mot grec qui dans le Nouveau Testament 
signifie saint est âyio;; d'autres adjectifs ont un sens 
qui s'en rapproche : àyvô;, îspôj, ô'o-ioç, <7S[ivôç. Le terme 
ôcyioç est le plus fréquent et répond à qàdôi. Les quali- 
ficatifs apparentés sont beaucoup plus rares : àyvd; 
« pur », dans les Septante, désigne ce qui est rituelle- 
ment pur; dans le Nouveau Testament, il est appliqué 
une fois à Dieu, I Joa., m, 3; dans les autres passages, 
il s'entend d'une pureté plutôt négative que positive, 
de l'absence d'impureté, II Cor., vu, 11; I Tim., v, 
22; Tit., il, 5; I Pet., m, 2; Jac, m, 17. 'IsptSç veut 
dire « sacré, consacré à Dieu », comme îspejç, sacerdos, 
« prêtre », iepov, « temple »; iepà ypâujiaTa, sacrse lit- 
terse, II Tim., m, 15; xà lepi, sacrarium, I Cor., m, 
•13 — "Oo-ioç, dans l'Ancien Testament traduit généra- 
lement le mot hébreu hâsid, « pieux » envers Dieu; 
dans le Nouveau, il est appliqué à Dieu, Apoc, xv, 4; 
xvi, 5; à Jésus-Christ, Act., H, 27; xm, 35; Heb., vu, 
26; aux hommes, Tit., i, 8 (I Tim., n, 8, « mains 
pures ») ; aux choses (promesses faites à David). Act., xm, 
34; cf. Luc, i, 75; Eph.,iv, 24. — Ss^vô;, « vénérable, res- 
pectable, digne, honnête de mœurs», se dit des hommes, 

I Tim., lil,8, 11; Tit., n, 2 (Vulgate : judici), et dss 
choses, Phil., iv, 8 (Vulgate : pudica). — De tout ce 
qui vient d'être dit, il est manifeste que c'est âyto; qui 
exprime le mieux l'idée de saint. 

De tous ces adjectifs dérivent des substantifs qui ont 
un sens analogue. D'âytoç viennent les trois substantifs 
âyia<x|j.ô{, àyiÔTï]{, àyi&xjjv'/], mais ils sont d'un usage 
peu fréquent. — 1. Le plus souvent employé est 
àyioc<7|io; (dix fois). Formé immédiatement de àyiiÇeiv, 
il marque l'action de sanctifier, la sanctification opérée 
par l'Esprit-Saint. II Thess., n, 13 (Vulgate, 12, sancti- 
ficatio); 1 Pet., i, 2, ou par Jésus-Christ. ICor., 1, 30; 
cf. I Thess., iv, 3. Dans les autres passages, àyiasp-é; 
exprime les résultats de la sanctification. Rom., VI, 19, 
22; I Thess., iv, 4, 7; I Tim., n, 15; Heb., XII, 14 
(Vulgate : sanclimonia dans ce dernier passage). 
'Ayiaatiô'; est aussi usité dans les Septante où il signifie 
ordinairement consécration dans un sens rituel, Jud., 
xvn, 3; sacrifice offert à Dieu. Eccli., vu, 33; II Mach., 
n, 17, etc. — 2. 'Ayiôrrij ne se lit que deux fois, 

II Cor., i, 12; Heb., xn, 10 (plus une fois dans l'Ancien 
Testament, II Mach., xv, 2, où le jour du sabbat est 
appelé àyirfTïiTo; riuipa). La Vulgate traduit sanctificatio 
dans les deux derniers passages. Dans II Cor., i, 12, il 
s'agit de la manière dont saint Paul vivait à Corinthe, 
c'est-à-dire d'une manière chrétienne, conforme à la 
grâce de Dieu, èv x^P"' Qeoû. Le texlus receptus porte 
èv ônionriTi, et c'est la leçon de la Vulgate : ire simplici- 
tate, ce qui s'accorde bien avec le mot suivant : .eîli- 
xpi'veiu, sinceritas. — Heb., xn, 10, àytôr/i; est appli- 
qué à la sainteté de Dieu, à laquelle il fait participer 
les hommes. — 3. 'Aytoxr'jvï) est employé trois fois par 
saint Paul, une fois Eom., I, 4, en parlant de la vie 
essentielle du Christ, de sa divinité, par opposition à sa 
vie humaine; les expressions xatà iwz\>y.x â-yicoo-ûvr);, 
tecundum spiritum sanctificationis (dans le sens de 
sanctitatis) font contraste k-nazk ffâpxa, secundum car- 
nertx du j>.-3. Les deux autres fois, âyiio<j Jvtq, II Cor., vu, 
1 (sanctificatio) ; I Thess., m, 13 (sanctilas), a un sens 
moral et s'entend de la sainteté de vie. — Voir W. Bau- 



1363: 



SAINTETÉ _ SAISONS 



1364 



dissin, ~Studien zur seniitiscken Religionsgeschichte, 
t. il, 1878, p. 3-142; Issel, Der Begrift der Heiligkeit 
im Neuen Testament, 1887. 

SAISONS, périodes qui se succèdent régulièrement 
dans le cours de chaque année, mais sont différemment 
caractérisées, suivant le pays, par la longueur des 
jours et des nuits, l'accroissement ou la diminution de 
la chaleur, les phénomènes météorologiques, etc. — 
En Egypte, où tout se règle d'après l'inondation du Nil 
on ne connaissait que trois saisons de quatre mois, 
celle des eaux, Sait, celle de la végétation, pirouit, 
et celle de la moisson, sômou. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient classique, Paris, 




280. — Calendrier agricole Israélite. 
D'après la Revue biblique, 1809, p. 2i3. 

1895, t. i, p. 207. Elles recommençaient leur cours aux 
premiers jours d'août. En Chaldée, l'hiver se fait à peine 
sentir; il pleut beaucoup en novembre et en décembre, 
les pluies diminuent ensuite jusqu'en mai et l'été se 
poursuit jusqu'en novembre, avec une chaleur lourde, 
humide et accablante. Cf. Olivier, Voyage dans l'em- 
pire othoman, Paris, 1802-1807, t. h, p. 381, 382, 392, 
393. Il n'y a donc, à proprement parler, que deux sai- 
sons. 11 en est à peu près de même enPalestine; on 
n'y connaît que deux saisons, l'été, qui commence 
avec la récolte d'avril et dure jusqu'à la première pluie, 
en novembre, et l'hiver ou saison pluvieuse, qui oc- 
cupe le reste de l'année. Les quatre saisons des Grecs 
et des Latins ne figurent donc pas toutes au même 
titre dans la Bible. L'automne n'est mentionné que par 
saint Jude, 12. Voir Automne, t. i, col. 1278. Sur les 
autres saisons, voir Été, t. n, col. 1996; Hiver, t. m, 
col. 724; Printemps, t. v, col. 677. — En 1908, M. Ma- 
calister a trouvé à Gézer une plaque calcaire de m 108, 
m 070, sur laquelle était gravé un calendrier agricole 
israélite, datant probablement du vi« siècle (fig. 280). 
Voici comment le P. H. Vincent, dans la Revue bibli- 
que, 1909, p, 243-269, propose de lire et d'interpréter 



le texte : 1. yerahin, pour yerahayîn 'ose/ (avec forme 
plurielle archaïque en m) : deux mois, récolle (d'ar- 
riére-saison, 15 sept.-15 nov.); — 2. yerahin zéra' : 
deux mois, semailles (15 nov.-15 janv.) : — 3. yerahin 
léqéS : deux mois, végétation printanière (15 janv.- 
15 mars); — i.yérah éséd péëéf (un mois, coupe du lin 
(15 mars-15 avril); —5. yérah qâsir ie'orim : un mois, 
moisson de l'orge (15 avril-15 mai); — 6. yérah qesirîn 
kullam : un mois, les moissons, elles toutes (15 mai- 
15 juin); — 7. yeral.ùn mmir; un mois, cueillette (ou 
fruits spéciaux, vendange, 15 juin-15août); — 8. yérah 
gais : un mois, récolte des fruits (figues, etc., 15 août- 
15 sept.). Cette division correspond très exactement aux 
opérations agricoles telles qu'elles se succèdent dans 
les plaines du littoral méditerranéen. Aux environs de 
Jérusalem, elles retardent d'une quinzaine de jours. La 
tablette de Gézer nous renseigne ainsi sur la manière 
dont les Israélites répartissaient leurs travaux agricoles 
à travers les saisons. Les trappistes d'Amwâs suivent 
exactement, aujourd'hui encore, le même calendrier 
pour l'ordre et l'époque de leurs cultures. Cf. Revue 
biblique, 1909, p. 269. Il est à croire que la tablette dé- 
terminait quasi-officiellement l'époque des différentes 
opérations agricoles, comme il se fait dans les pays où 
l'intérêt commun demande que tous les cultivateurs 
agissent de concert. — Après le déluge, Dieu promet 
que désormais les saisons se suivront avec régularité, 
« semailles et moisson, froid et chaud, été et hiver ». 
Gen., -vin, 22. Job, xxxvi, 27-xxxvn, 21, décrit les diffé- 
rents phénomènes atmosphériques qui caractérisent les 
saisons. C'est Dieu qui « change les moments et les 
temps », Dan., H, 21; aussi invite-ton à bénir le Sei- 
gneur les divers météores qui se succèdent à travers les 
saisons, « pluie et rosée, vents, feux et chaleurs, froid 
et chaud, rosée et givre, gelées et frimas, glaces et 
neiges, éclairs et nuages. » Dan., m, 64-73. — La suc- 
cession des saisons est réglée par le cours apparent du 
soleil. L'auteur de la Sagesse, vu, 18, 19, prête à Salo- 
mon la connaissance de tout ce qui concerne les mou- 
vements des astres, 

Le commencement, la fin et le milieu des temps, 
Les retours périodiqnes, les vicissitudes des temps, 
Les cycles des années 

Le commencement, la fin et le milieu des temps se 
rapportent sans doute, d'une manière générale, aux 
différents phénomènes astronomiques d'après lesquels 
on divise le temps, la révolution annuelle du soleil et 
la révolution mensuelle de la lune. Les « retours pério- 
diques » semblent être ceux des solstices et ceux des 
équinoxes. Deux fois l'an, le soleil traverse l'équateur 
pour passer de l'hémisphère austral à l'hémisphère 
boréal, le 20 ou 21 mars, et de l'hémisphère boréal 
dans l'hémisphère austral, le 22 ou 23 septembre. La 
saison plus chaude est, pour chaque hémisphère, celle 
où le soleil est de son côté. Trois mois après l'équi- 
noxe, le soleil arrive à son éloignement maximum de 
l'équateur, le 20 ou 21 juin dans l'hémisphère boréal, 
qui a alors les plus longs jours, le 20 ou 21 décembre 
dans l'hémisphère austral, ce qui donne les jours les 
plus courts dans l'hémisphère boréal. Le soleil parait 
rester quelque temps stationnaire à ces points extrêmes, 
ce qui leur a fait donner le nom de solstices. Les sols- 
tices et les équinoxes étaient bien connus des anciens 
et leur servaient à diviser Tannée. — Les cycles des 
années, àvia-JTwv xijx).cii, peuvent s'entendre de diffé- 
rentes périodes astronomiques. Le,s Égyptiens avaient 
le cycle sothiaque de 1460 années. Voir Année, t. I, 
col. 640. Chez les Chaldéens, on connaissait le cycle 
de 223 lunaisons, au bout desquelles les éclipses de 
lune se reproduisaient régulièrement. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. i, p. 776. En 433 avant Jésus- 
Christ, le grec Méton découvrit le cycle lunaire, com- 



1365 



SAISONS — SALAMIEL 



1366 



prenant 235 lunaisons ou 19 années solaires, après les- 
quelles les nouvelles et les pleines lunes arrivent aux 
mêmes jours. Il est possible que l'auteur de la Sagesse 
ait eu aussi ce cycle en vue. H. Lesètre. 

SALABONITE (hébreu : hâ-Sa'albônî; Septante: 
6 SaXaëwvsfcr,?, dans les Rois; 6 SaXaëwvf, dans les 
Paralipomènes), originaire de Salabon, qui est pro- 
bablement la même ville que Salébim ou Sélébin. Sala- 
bon était la patrie d'Éliaba (t. it, col. 1666), un des 
trente braves de David. II Reg., xxm, 32 (Vulgate : de 
Salaboni); I Par., xi, 33 (Vulgate : Salaboniles). Sala- 
bon n'est pas nommée sous cette forme dans l'Écriture. 
Voir Salébim. 

SALAÏ (hébreu : Silhî; Septante : 2a).ai', Sa).!, 
SaXaiâ), père d'Azuba, femme du roi de Juda, Asa, et 
mère du roi Josaphat. IV Reg.,xxii, 42; II Par., xx, 31. 
Le père de la reine-mère n'est pas nommé ordinaire- 
ment dans l'Écriture : il n'y a d'exception que pour Sa- 
lai, Abessalom (Absalom),III Reg., xv, 2, à cause de sa 
célébrité, et Achab avec Amri, père et ancêtre 
d'Athalie, IV Reg., vm, 18, 26, pour expliquer la 
méchanceté de celte reine. 11 y a donc lieu de penser 
que Salaï avait été un homme d'importance. 

SALAIRE (hébreu : 'é{ndh, mehîr, maàkoréf, 
po'al, pe'ullâh, sâkàr; Septante : [iisÈô.;, nc'o6u(ji.a; 
Vulgate : merces), ce qu'on donne à un ouvrier pour 
prix de son travail. — 1° Jacob servit Laban pendant 
sept ans, en stipulant que, pour salaire, il recevrait 
Rachel. Gen., xxix, 15-18. Trompé par Laban, il servit 
sept autres années pour obtenir le salaire convenu. 
Gen., xxix, 27, 28; xxxi, 7, 41. A ces quatorze années, 
il en ajouta six autres pendant lesquelles il s'assura, 
pour son salaire, un nombreux troupeau. Gen., xxx, 
28-34; xxxi, 41. — 2° La loi mosaïque prescrivait de 
payer le salaire du mercenaire le soir même. Lev.,xix, 
13; Deut.,xxiv, 15. D'ordinaire, en effet, le mercenaire 
n'avait pas d'avances et il attendait son salaire pour 
vivre. Job, xiv, 6. Un esclave, pour le même salaire, 
fournissait deux fois le travail d'un mercenaire. Deut., 
xv, 18. Cela ne devait pas tenir à ce que, de l'esclave, 
on exigeât deux fois plus de travail; l'esclave en effet 
ne devait pas être traité durement, mais comme un 
mercenaire à l'année. Lev., xxv, 53. Peut-être l'esclave, 
pour le même travail, recevait-il moitié moins, parce 
qu'en même temps il était vêtu et nourri. Son salaire, 
représenté par ce que le maître lui accordait au mo- 
ment de sa libération, Deut., xv, 13, 14, pouvait très 
bien n'équivaloir qu'à la moitié du salaire d'un mer- 
cenaire pour le même laps de temps. — Il était abso- 
lument interdit d'offrir au Temple le salaire de la 
prostitution. Deut., xxm, 18. Cf. Ezech., xvi, 33; Ose., 
il, 12; ix, 1; Mich., i, 7. La plupart des temples ido- 
Iâtriques tiraient au contraire de la prostitution une 
partie de leurs ressources. Voir Prostitution, col. 765. 
— 3° La loi sur les salaires est rappelée de temps en 
temps dans la Sainte Écriture. L'ouvrier attend son 
alaire, Job, vu, 2, il y a droit. Luc.,.x, 7; I Tim., v, 
18. Il faut le payer sans tarder. Tob., iv, 15. Malheur à 
qui ne le paie pas comme il le doit. Jer., xxn, 13. Dieu 
punira ceux qui extorquent à l'ouvrier son salaire. 
Mal., m, 5. Saint Jacques, v, 4, dit à ce sujet aux riches 
injustes : « Voici que crie le salaire dont vous avez 
frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, et les 
cris des moissonneurs sont parvenus aux oreilles du 
Seigneur des armées. » — 4° Plusieurs salaires sont 
mentionnés : celui que la fille du pharaon promet à la 
nourrice du jeune Moïse, Exod., u, 9, celui du prêtre 
de Michas, Jud., xvm,4, celui des charpentiers envoyés 
à Salomon par Hiram, III Reg., v, 6, celui que les 
prêtres réclament injustement pour enseigner, Mich., 



m, 11, celui que Tobie offre au guidede son fils, Tob., 
v, 4, 14, celui des vignerons, Matth., xx, 8, et des 
moissonneurs. Joa., iv, 36. Les salaires faisaient défaut 
au retour de la captivité. Zach., vm,10. Pendant qu'on 
tardait à reconstruire le Temple, rien ne profitait aux 
Juifs et « le mercenaire mettait son gain dans une 
bourse trouée. » Agg., i, 6. Nabuchodonosor n'a re- 
cueilli aucun salaire de sa campagne contre Tjr, 
Ezech., xxix, 18, mais le salaire acquis par cette ville 
passera aux serviteurs de Jéhovah. Is., xxm, 17, 18. 
Les trente pièces reçues par Judas et employées à l'ac- 
quisition du champ d'Haceldama sont appelées un 
« salaire d'iniquité ». Act., i, 18. — 5° On n'a que fort 
peu de renseignements sur le taux du salaire chez les 
Hébreux. Le salaire du mercenaire ne devait guère 
dépasser le prix de ce qui était nécessaire à la vie 
pendant une journée, puisque la loi jugeait qu'il lui 
était nécessaire chaque soir. Lev., xix, 13; Deut., xxiv, 
15. Le pasteur du troupeau reçoit pour son salaire 
trente sicles d'argent, environ 85 francs, sans doute 
pour toute une saison; mais il trouve ce prix dérisoire 
et le jette au potier dont le service est moins dur et 
qui n'a pas à passer les nuits. Zach., xi, 12, 13. Cf. Van 
Roonacker, Les chapitres ix-xiv du livre de Zacharie, 
dans la Revue biblique, 1902, p. 179-181; Les douze 
petits prophètes, Paris, 1908, p. 676.. Le code d'Ham- 
mourabi, art. 273. 274, fournit quelques indications, 
malheureusement incomplètes, sur le salaire des ou- 
vriers. Le journalier à l'année reçoit 6 Se d'argent 
par jour les cinq premiers mois, et seulement 5 les 
sept autres mois. Le briquetier et le tailleur d'habits 
ont 5 se d'argent par jour, le charpentier 4, d'autres 
seulement 3, et, parmi ces derniers, probablement le 
maçon. A l'époque évangélique, le salaire d'unejournce 
de vigneron était d'un denier, soit 87 centimes de notre 
monnaie. Matth., xx, 2, 9, 10, 13. A Athènes, à l'époque 
de Périclès, un artisan ne gagnait guère qu'une drachme, 
soit 97 centimes par jour. Des scieurs de pierre et 
d'autres ouvriers employés à la construction recevaient 
la même somme; un aide-maçon n'avait que trois oboles 
ou 48 centimes et un portefaix quatre oboles ou 
64 centimes. Cf. P. Guiraud, La vie privée et la vie 
publique des Grecs, Paris, 1894, p. 198; Gow-Reinach, ■ 
Minerva, Paris, 1890, p. 89. La moyenne des salaires 
en Palestine ne semble donc pas avoir été très diffé- 
rente de ce qu'elle était dans le monde gréco-romain. 
— 6° Le nom de salaire est quelquefois donné à un 
châtiment. David paie le salaire à ceux qui lui annoncent 
la mort de Saûl en les taisant mourir. II Reg., iv, 10. 
Jéhovah paie le salaire aux ennemis du juste en les 
enveloppant de sa malédiction. Ps. cv (civ), 20. Callis- 
thène et ceux qui avec lui avaient brûlé les portes du 
Temple furent brûlés dans une maison où ils s'étaient 
réfugiés et reçurent ainsi leur juste salaire. II Mach., 
vin, 33. D'autres fois, ce mot désigne la récompense que 
Dieu réserve à ceux qui le servent. Is., xl, 10. — « Il 
n'y a plus de salaire pour les morts, puisque leur mé- 
moire est oubliée. » Eccle., ix, 5. Cela signifie qu'ils 
ne peuvent plus compter jouir de quoi que soit sur la 
terre, et « ils n'auront plus jamais aucune part à ce 
qui se fait sous le soleil. » Eccle., ix, 6. 

H. Lesêtre. 
SALAMIEL (hébreu : Selumi'êl; Septante : Sa).a- 
(xtr,).), fils de Surisaddaï, Num., i, 6; n, 12; chef de la 
tribu de Siméon, à l'époque de l'Exode, n, 12; vu, 36, 
41; x, 19; qui présida au dénombrement de sa tribu, 
i, 6 et fit des olfrandes pour la construction du Ta- 
bernacle comme les autres chefs de tribu, vil, 36, 41. 
Il*fut un des ancêtres de Judith., vm, 1 (texte grec; la 
Vulgate porte Salathiel, mais c'est la leçon du grec qui 
parait être la véritable), car la Vulgate elle-même porte 
que Salathiel descendait de Siméon et, quoiqu'elle 
ajoute que ce Siméon était fils de Ruben [tandis que 



1367 



SALAMIEL — SALATHIEL 



1368 



le texte grec dit qu'il était fils deSapatraSai] elle porte, 
IX, 2, que Judith était de la tribu de Siméon. 

SALAMINE (Sextile), ville maritime (fig. 281) sur 
la côte orientale de l'Ile de Chypre, à l'extrémité d'une 
plaine fertile qui s'étend de l'est à l'ouest, entre deux 
chaînes de montagnes; auprès d'elle coulait le Pédiseos, 
la seule rivière digne de ce nom qui arrose l'île. Voir 
la carte de Chypre, t. n, col. 1167-1168; Ptolémée, "V, 
xiv, 3; Strabon, XIV, vr, 3; Pline, H. N., v, 35; Diodore 
de Sicile, xx, 48. 

1° Histoire de la ville. — D'après la légende, Salamine 
aurait été fondée par Teucer, fils de Télamon, roi de 
l'île du même nom qui est située en face de l'Attique. 
Ce qui est certain, c'est que, dans les anciens auteurs, 
elle apparaît toujours comme une colonie ou une ville 
attique, qui remontait au moins au VI e siècle avant 
J.-C. Divers géographes lui attribuent toutefois une 
origine phénicienne, et expliquent ainsi son nom, qu'ils 
rattachent au mot sémitique salôm, « paix ». Il est 
possible que l'élément grec et l'élément phénicien aient 
été à la base de sa population primitive. Munie d'un 
excellent port, parfaitement abrité, qui pouvait conte- 
nir une flotte entière, Diodore de Sicile, xx, 21, et 
rapprochée soit de la côte syrienne, soit du rivage cili- 




28t. — Monnaie de Salamine de Chypre. 
{IMP. TI.] CLAUDIUS CAESAR AUG [P. M. TR. PJ. Tète laurée 
de Claude, à gauche. — 1$. KOIXON KrnPIQN. Dans une 
couronne de laurier. Grenetis. 

cien, elle ne pouvait manquer de devenir un centre 
commercial très prospère. Aussi fut-elle longtemps la 
cité la plus importante de toute la Chypre. Diodore de 
Sicile, xiv, 98; xvi, 42; Ammien Marcellin, vu, 8. 
Elle était fortifiée, et on la regardait comme la clef de 
l'île, Diodore de Sicile, xn, 3. Au V e siècle elle devint 
le siège de rois puissants, dont le plus célèbre fut 
Évagoras (410-372 avant J.-C). C'est en face d'elle qu'eut 
lieu, en 306, la plus grande bataille navale des temps 
anciens, dans laquelle Démétrius I er Poliorcète, filsd'An- 
tigone, battit la flotte gréco-égyptienne de Ptolémée I er . 
Quelques années après, en 295, Salamine passait au 
pouvoir des rois d'Egypte. A l'époque des Romains, 
qui en devinrent maîtres en 58 avant notre ère, tout le 
district oriental de la Chypre faisait partie du terri- 
toire de Salamine. Ptolémée, V, xiv, 5. Au temps de 
Notre-Seigneur, on lui donne souvent le titre de mé- 
tropole de l'île. Elle eut beaucoup à souffrir, lorsque 
les Juifs se révoltèrent sous Trajan, 116-117 après 
Jésus-Christ. Voir Orose, Hist. adversus paganos, vu, 12, 
t.xxxi,col.l092;Milman 1 iïisto) , (/o/'«AeJeî«s,t. in.p.lll- 
112. Au îv* siècle de notre ère.ony découvrit lesreliques 
de saint Barnabe, avec une copie de l'évangile selon 
saint Matthieu. Saint Épiphane fut un de ses plus glo- 
rieux évêques (467-403). Les Arabes la détruisirent 
totalement en 647 ou 648. Pococke a retrouvé les ruines 
de Salamine, un peu au nord de Fâmagouste, qui a 
remplacé la ville antique. Elles sont peu considérables, 
et ne consistent guère qu'en quelques colonnes-brisées 
et en fragments de maçonnerie. Le port, autrefois si 



actif, a été envahi par le sable et les plantes épineuses. 
Non loin de là, on voit un monastère grec qui porte 
le nom de saint Barnabe, et un village appelé « Saint- 
Serge », évidemment en souvenir du proconsul Sergius 
Paulus, converti par saint Paul à Paphos, à l'autre 
extrémité de l'île. 

2° Mention dans la Bible. — II est question de Sala- 
mine au livre des Actes, xm, 5, à l'occasion du premier 
voyage apostolique de saint Paul. Il y aborda avec Bar- 
nabe et Jean-Marc, ses deux compagnons, en venant de 
Séleucie, port d'Antioche de Syrie. C'est cette ville qu'if 
évangélisa tout d'abord dans l'Ile de Chypre. Elle conte- 
nait plusieurs synagogues, Act., xm, 5;d'où il suit que 
les Juifs y étaient nombreux, et ce motif contribua 
sans doute à attirer l'Apôtre. — Voir J. Meursius, 
De Cypro, Leyde, 1724, p. 56-57; W. H. Engel, Kypros, 
exne Monographie, 2 in-8», Berlin, 1841, t. i, p. 89-90; 
Ross, Reisen nach Kos, Halikarnassos, Rhodes und 
Cypern, in-8», Halle, 1852, p. 118-125; di Cesnola, 
Cypern, ils ancient ciliés, tombs and temples; in-8°, 
Londres, 1877; Id., Salaminia, History, treasury and 
antiquities of Salamina, in-8°, Londres, 2 e édit., 1884; 
von Lbher, Cypern, Reiseberiche nach Natur und 
Landschaft, Volkund Geschichte, in-8°, Stuttgart, 1878. 

L. Fillion. 

SALATHI (hébreu : Çiltâï; Septante : SejAiaOi; 
Lucien :SiXa8â), delà tribu de Manassé. Il était à la tête 
de mille hommes et alla avec eux et d'autres chiliarques 
de sa tribu rejoindre David à Siceleg quand celui-ci y 
revint renvoyé par les Philistins en guerre contre Saûl. 
I Par., xn, 20. — Un Benjamite, appelé aussi $iltâï 
dans le texte hébreu, est nommé Séléthaï dans la Vul- 
gate. I Par., vin, 20. Voir Séléthaï. 

SALATHIEL, nom de deux Israélites dans la 
Vulgate. 

1. SALATHIEL (hébreu: Sealfi'êl [dans Aggée,Saiiî'ê(], 
« demandé à Dieu »; Septante : 2aXa6iY|),), père de Zoro- 
babel et l'un des ancêtres de Noire-Seigneur. I Esd. 
m, 2; v, 2; II Esd., xn, 1; Agg., i, 1, 12, 14; n, 2, 23; 
I Par., m, 17; Matth., i, 12. D'après I Par., m, 19, Zoro- 
babel aurait eu pour père Phadaïa, frère de Salathiel, 
mais plusieurs manuscrits des Septante lisent Sala- 
thiel au lieu de Phadaïa. Voir Phadaïa 2, col. 180. 
D'après Luc, m, 27, Salathiel était fils de Néri. Il 
était au contraire fils de Jéchonias, roi de' Juda, d'après 
I Par., m, 27, et même son fils aîné, si l'on admet que, 
dans ce verset, Asir n'est pas un nom propre désignant 
un fils de Jéchonias, comme l'ont compris les Septante 
et la Vulgate, mais un adjectif, 'assit; signifiant « cap- 
tif », qui se rapporte à Jéchonias et indique que ce 
roi aurait engendré Zorobabel pendant sa captivité à 
Babylone. Voir Asm 1, t. i, col. 1102. En prenant Asir 
pour un nom propre, l'hébreu doit se traduire : « Fils 
de Jéchonias : Asir; Salathiel, son fils, » ces derniers- 
mots « son fils » semblent devoir se rapporter alors à 
Asir, qui aurait été le père de Zorobabel, mais les dif- 
férents passages où Zorobabel est appelé expressément 
« fils de Salathiel », montrent que cette interpréta- 
tion n'est pasexacte. — Ce qui est dit, Luc, ni, 27, que 
Salathiel était fils de Néri crée une difficulté généalo- 
gique nouvelle que les commentateurs n'ont pas réussi 
à expliquer d'une façon certaine. D'après Cornélius a 
Lapide et d'autres interprètes, le Zorobabel et le Sala- 
thiel nommés dans saint Matthieu, I, 12-13, sont de» 
personnages différents du Zorobabel et du Salathiel 
nommés dans saint Luc, quoique descendant les uns 
et les autres de David. Corn, a Lapide, Comm. in 
Evangelia, édit. Padovani, t. m, Turin, 1897, p. 222. 
Cette opinion n'est pas probable. Un croit plus com- 
munément que c'est la loi du lévirat qui est cause de 
la divergence entre les deux généalogies. Salathiel, dit 



1369 



SALATHIEL — SALÉCHA 



1370 



Calmet, Dict. de la Bible, édit. Migne, t. IV, col. 231, 
« descendait de Salomon par Roboam, selon saint 
Matthieu, et du même Salomon par Nathan, selon saint 
Luc. En Salathiel se réunirent les deux branches de 
cette illustre généalogie, en sorte que Salathiel était 
fils [descendant] de Jéchonias selon la chair, comme il 
parait par les Paralipomènes, m, 17, 19... et il pouvai 
être fils de Néri par adoption, ou comme ayant épousé 
l'héritière de Néri, ou même comme étant sorti de la 
veuve de Néri, mort sans enfants, car en tous ces cas, 
il passait pour fils de Néri selon la Loi. » — Des com- 
mentateurs prétendent identifier le Néri de Luc, m, 27, 
avec le Nérias père du prophète Baruch, Jer., xxxn, 12, 
mais rien ne justifie cette identification. Voir Nérias, 
t. rv, col. 1604. 

2. SALATHIEL, un des ancêtres de Judith dans la 
Vulgate, Judith, vin, 1, mais ce nom est probablement 
une altération du nom de Salamiel. Voir Salamiel, 
col. 1366. 

SALÉ (hébreu : Sélali, « javelot » ou « rejeton»; 
Septante : Ea>ô), fils d'Arphaxad, d'après l'hébreu et la 
Vulgate; fils de Caïnan et petit-fils d'Arphaxad, d'après 
les Septante. Voir Caïnan 2, t. n, col. 41. Il descendait 
de Sem et fut père d'Héber, ancêtre d'Abraham. Gen.,x, 
24; xi, 12-15; I Par., i, 18, 24; Luc, m, 35. 

SALÉBIM (hébreu : Sa'albîm, « [lieu des] chacals »; 
Septante : ©aXaéi'v, Jud., i, 35, et SaXocéiv, III Reg., iv, 
9), ville de Dan. C'est très probablement la même loca- 
lité qui est appelée Sélébin (hébreu : Sa'âlabin ; Sep- 
tante : SaXotutv), dans Josué, xix, 42, et qui est énu- 
mérée parmi les villes attribuées à la tribu de Dan. 
Josué la mentionne entre Hirsémès ou Bethsamès et 
Aïalon. Le livre des Juges, i, 35, qui la place également 
auprès d' Aïalon et du mont Harès, nous apprend que 
les Amorrhéens empêchèrent les Danites de s'établir à 
Salébim d'une manière stable. Sous le règne de Salo- 
mon, un des douze nissabîm ou chefs qui étaient char- 
gés de fournir des vivres au roi, Bendécar, comptait 
Salébim parmi les villes où il faisait les perceptions 
en nature pour la subsistance royale, III Reg., iv, 
9. — VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, 
p. 322, 323, identifie Salébim avec Salaba dans le terri- 
toire de Sébaste (Samarie) mais ce site est trop septen- 
trional et trop éloigné d'Aïalon. Saint Jérôme lui 
donne sa véritable situation, In Ezech., xlviii, 21-22, 
t. xxv, col. 488, en nommant les tours de Salebi 
(Salébim) entre celles d'Ailon (Aïalon) et d'Emaùs 
(Emmaûs) ou Nicopolis. Le nom de Sa'albîm s'explique 
facilement dans ces parages où les chacals abondent 
encore de nos jours. Les explorateurs anglais, Palestine 
Exploration Fund, Memoirs, t. m, p. 52, identifient 
Salébim avec Salbit, à trois kilomètres environ au 
nord d'Emmaus, à quatre kilomètres et demi au nord- 
ouest d'Aïalon et à treize kilomètres au nord de Bethsa- 
mès. Voir la carte de Juda, t. m, col. 1756; Dan, 
t. il, col. 1233. 

SALÉCHA (nébreu : Salkâh; Septante :...« 'EX-/5, 
Deut., m, 10, et Codex Alexandrinus, Jos., xm, 11; 
lUx/a:, Valicanus, Jos., xii, 4; 'Axà, ibid., Jos., xm, 
11; Scia, ibid., I Par., v, 11 ; 'AoeXy.i, Alex., Jos.,xn, 
4; Ee>-/i, ibid., I Par., v, 11; Vulgate, Deut., m, 10 et 
I Par., v, 11 ; Selcha), ville de la frontière orientale de 
Rasan, puis du pays d'Israël, aujourd'hui i$elkhad. 
Ce nom est aussi prononcé Çalkhat. Il est écrit 
Çalhad, dans l'inscription nabuthéenne d'une stèle 
érigée dans l'endroit même et datée de la 17 e année du 
roi « Malichus fils d'Arétas, ami du peuple », c'est-à-dire 
de l'an 50 après J.-C. Corpus inscriptionum semiti- 
carum, n° 182, t. i, part. 2, p. 207. Salécha est situé à 



24 kilomètres à l'est de Bosrâ et à 62 à l'est-sud-est 
d'ed-Der'ah, sur la frontière sud-est du Hauran. Bâti 
en gradins sur les flancs d'une colline volcanique et cou- 
ronné de son gigantesque château, flanqué de grandes 
tours, qui s'élèvent àl510mètres au-dessus du niveau de 
la Méditerranée, Salkhad présente l'aspect le plus im- 
posant. De là, le regard s'étend vers l'ouest par-dessus 
les plaines de la Nouqrâ.les vallées du Djôlanetde la 
Galilée inférieure jusqu'à la chaine du Carmel; au 
sud-ouest la voie embrasse l'ancien pays de Galaad 
tout entier, au sud le Hamâd «t au nord-est l'immense 
région parcourue par les Arabes nomades. L'ancienne 
voie romaine venant d'Edrei et de Bosra qui reliait la 
Syrie, en traversant ce vaste désert, à la Babylonie, 
passe au pied de la colline. Par cette situation com- 
mandant toute la contrée du sud-est, Salkhad devait 
être le plus puissant rempart protégeant les Israélites 
contre les incursions des « fils de l'Orient ». Les habi- 
tations sont presque toutes anciennes, construites en 
pierres de basalte et dans le genre du Hauran. Un large 
fossé, aujourd'hui presque comblé par les décombres, 
séparait la ville de la citadelle. En son état actuel, 
celle-ci est l'œuvre, d'après les inscriptions qui s'y 
lisent, des princes musulmans du moyen âge. Les 
deux lions sculptés qui se voient du côté du midi, dont 
Bibars avait fait son emblème, permettent de croire 
que ce sultan a pris une part importante à cette res- 
tauration; mais les aigles qui sont au-dessus des 
portes montrent que les Romains s'y étaient fortifiés 
auparavant. Avant ceux-ci la position était occupée déjà 
par les Nabuthéens, les inscriptions tracées dans les 
caractères usités par ce peuple l'attestent, et sans 
doute dès le vu» siècle avant J.-C, époque où les ins- 
criptions assyriennes nous les montrent occupant déjà 
le Hauran. Cf. F. Vigouroux, Mélanges bibliques, 1889, 
p. 311 ; Corpus inscript, semit., n. 182-185, 1. 1, part, il, 
p. 206-209. Toutefois diverses parties des murailles et 
des soubassements semblent indiquer que cette forte- 
resse a des origines plus anciennes encore. — A l'arrivée 
des Israélites, Salécha était une des villes principales 
du royaume d'Og ou du pays de Basan et elle parait 
une des soixante « fortifiées de remparts élevés et fer- 
mées de portes munies de serrures » dont Moïse s'em- 
para alors. Cf. Deut., m, 3-10. Dans le partage de la 
contrée transjordanienne, elle fut donnée à la demi-tribu 
orientale de Manassé. Deut., 13. Les Gadites s'y éta- 
blirent, après la défaite infligée par eux aux Agaréens, 
au temps du roi Saûl. I Par., v, 11. Elle dut tomber 
au pouvoir des rois syriens de Damas sous le règne 
d'Achab, quand ils s'emparèrent de Ramoth et d'une 
partie du pays de Galaad. Ce fut sans doute à la suite 
de la prise de Damas par Théglathphalasar III et de la 
transportation en Assyrie des populations syriennes 
(734), que les Nabuthéens occupèrent le Hauran et Sa- 
lécha. — On ignore jusqu'ici quel est le nom dont 
firent usage les Romains pour désigner cette ville. — 
Les Arabes ont rattaché à Salkhad plusieurs légendes 
sur Moïse et Aaron, suggérées sans doute par le sou- 
venir de la prise de la ville par le grand prophète 
d'Israël. Cf. Guy le Strange, loc. cit. Leurs écrivains 
ont vanté beaucoup cette ville où souvent se sont ré- 
fugiés leurs princes, à cause de sa situation extraor- 
dinaire et de la force de sa citadelle; leurs anciens 
poètes ont célébré encore ses vignes et son vin, 
Cf. Vaqùt, Diciionn. géograph. (en arabe), édit. Wûs- 
tenfeld, Leipzig, 1866, t. m, p. 380; Abul-Féda, Géogr. 
(en arabe), édit. Reinaud et de Slane, Paris, 1840, 
p. 259; Mudjir ed-Din, Hist. de 1er. et d'Hébron (en 
arabe), Le Caire, 1283 (1866), p. 351, 437. Au moyen âge 
elle fournissait de riz les marchés de Damas et de la 
Syrie. Ed-Dhaheri, Syria descripla, édit. Rosenmûller, 
Leipzig, 1828, p. 21-22. Aujourd'hui le château est aban- 
donné et de ses habitations la moitié sont vides. La 



1371 



SALÉCHA — SALEM 



1372 



population, formée de Druzes et de chrétiens syriens 
suivant le rite grec, n'atteint pas le nombre de mille 
habitants. Ils se livrent presque exclusivement à la 
culture du blé, favorisée du reste par la grande fertilité 
du territoire environnant. — Voir J.-J. Burckhardt, 
Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres, 
1822, p. 100-103; M. de Vogue, La Syrie centrale, Ins- 
cription sémit., Paris, 1869, p. 107-119; P. Séjourné, 
A travers le Bauran, dans la Revue biblique, 1898, 
p. 608-609. L. Heidet. 

SALED (hébreu : Séléd; Septante . 2*Xs6), fils de 
Nadab et frère d'Apphaïm. Il descendait de Juda par 
Hesron et Jéraméel; il mourut sans enfants. I Par., 
ii,30. 

SALEM (hébreu : Sàlêm, « pacifique »), nom de lieu. 

1. SALEM (Septante : Sa),-^), ville dont Melchisé- 
dech, contemporain d'Abraham, était roi. Gen., xiv, 
18; Heb., vu, 1, 2. On l'identifie généralement avec 
Jérusalem, 1° comme le fait le texte hébreu du 
Ps. lxxvi (lxxv), 3, qui par Sàlêm désigne Jérusalem. 
Les Septante ont traduit èv eîpT|VY), et la Vulgate in 
pace, mais le parallélisme de Sàlêm avec Sion prouve 
que nous avons là le nom propre du lieu où Dieu habite 
dans son temple et où on lui rend un culte, et il faut 
traduire : 

Dieu est connu en Juda, 

Son nom est grand en Israël; 

Son tabernacle est à Salem 

Et sa demeure à Sien. 

L'abréviation de Jérusalem en Salem semble pouvoir 
s'expliquer par l'orthographe de ce nom dans les lettres 
assyriennes trouvées à Tell el-Amarna. Ce nom, tel 
qu'elles nous le font connaître à l'époque antérieure à la 
conquête de la Terre Promise par les Israélites, se com- 
posait de deux éléments, Uru et Salim (voir Jérusalem, 
t. iv, col. 1319); Uru signifie « ville >>; on comprend 
qu'on a pu le sous-entendre. — 2° Abraham passa à 
Salem en revenant de poursuivre Chodorlamor et ses 
alliés. La route pour se rendre du nord au sud de la 
terre de Chanaan pouvait le faire passer tout naturelle- 
ment près de Jérusalem, et le texte sacré dit formelle- 
ment, Gen., xiv, 17, qu'il rencontra le roi de Sodome 
venu au-devant de lui, dans la vallée de Savé, laquelle 
est probablement la vallée de Géennom (l. iv, col. 155), 
qui contourne Jérusalem à l'ouest-sud; c'est là aussi 
que Melchisédech, le roi de Salem, bénit Abraham. 
Gen., xiv, 18. Salem et Jérusalem sont donc la même 
ville. Voir Savé. — 3° Le second élément du nom de 
Melchi-sédech se retrouve dans le nom du roi de Jéru- 
salem qui régnait dans cette ville à l'époque de Josué, 
Adoni-sédech, Jos., x, 1, ce qui semble indiquer que le 
mot sédech caractérisait les noms royaux de Jérusalem. 
Il faut noter cependant que les Septante ont lu Adoni- 
bézech au lieu d'Adonisédech, ce qui rend cette der- 
nière leçon un peu suspecte. — 4° Josèphe, Ant. jud., 
I, x, 2; Bell, jud., VI, x; Onkelos et tous les Targums 
identifient Salem avec Jérusalem. D'après un fragment 
conservé par Eusèbe, Prsep. Evang., ix, 17, t. xxi, 
col. 708, la rencontre d'Abraham et de Melchisédech 
aurait eu lieu au Mont Garizim (Ar-Garizim), proba- 
blement parce que certains confondaient le Salem de 
Gen., xxxiii, 18, avec Sichem. Voir Salem 2. Saint Jé- 
rôme, par suite de cette même confusion entre le 
Salem de Gen., xiv, 18, avec celui de Gen., xxxm, 18, 
affirme, Epist. lxxui ad Evang., 7, t. xxii, col. 680, 
que la Salem de Melchisédech est un oppidum juscla 
Scythopolim, quod usque hodie uppellatur Salem 
[Salumias, dans VOnomasticon, 1862, p. 323; cf. p. 297), 
et ostenditur ibi palalium Melchisédech, et nwgnilu- 
dine ruinarum, veleris operis -oslendem magnitu- 



dinem; il l'identifie expressément avec là Salem de 
Jacob. Mais le saint docteur reconnaît lui-même au 
commencement de la même lettre, n. 2, col. 677, que 
les anciens auteurs ecclésiastiques, saint Hippolyte, 
saint Irénée, Eusèbe de Césarée, Onomast., p. 233, 
Eusèbe d'Ëmèse, Apollinaire, Eustathe font tous de 
Melchisédech un roi de la ville de Jérusalem, appelée 
d'abord Salem. Bien plus, Qusest. in Gen., xiv, 18, 
t. xxiii, col. 961, il écrit, sans y contredire : [Melchi- ' 
sedech] rex Jérusalem dicilur, quœ prius Salem 
appellabatur. Cf. Onomasticon, au mot Jérusalem, 
p. 237. Voir Jérusalem, t. iv, col. 1377. L'opinion de 
saint Jérôme, plaçant la résidence de Melchisédech 
près de Bethsan (Scythopolis) se concilie difficilement 
avec ce qui est raconté Gen., xiv, 17, que le roi de 
Sodome alla à la rencontre d'Abraham. Il dut y aller 
quand le vainqueur de Chodorlahomor passa dans son 
voisinage à Jérusalem, et non remonter jusqu'à 
Bethsan qui est trop éloignée. Saint Jérôme a placé la 
capitale de Melchisédech au nord de la Palestine, 
parce qu'il l'a confondue avec Salim, près d'Ennom,où 
baptisait saint Jean-Baptiste. Joa.,m, 23. Voir Salim 2. 

2. SALEM (Septante : 2aXr,|ji), nom propre de lieu 
d'après les versions anciennes (Septante, Vulgate, 
Peschitto). Jacob, à son retour de Mésopotamie, alla 
de Socoth « à Salem, ville des Sichémites », traduit la 
Vulgate, Gen., xxxm, 18. — 1° De nombreux inter- 
prètes modernes à la suite du Targum d'Onkelos et de 
Jonathan, du Samaritain, de l'Arabe, etc., croient que 
Sàlêm du texte hébreu n'est pas un nom propre dans 
ce passage, mais un substantif commun, signifiant 
« paix, sécurité » et traduisent : « Jacob arriva en paix 
à Sichem », c'est-à-dire sans accident, cf. Gen., 
xxvm, 21. — 2° D'autres interprètes maintiennent 
l'exactitude de la traduction ancienne et allèguent en 
sa faveur qu'aujourd'hui .encore il existe à quatre kilo- 
mètres et demi environ à l'est de Naplouse (l'ancienne 
Sichem), et par conséquent sur la route que devait 
suivre Jacob en venant d'au delà du Jourdain, une loca- 
lité du nom de Salem, « petit village de deux cents 
habitants au plus, dit V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 456. 
Une douzaine de citernes antiques creusées dans les 
lianes de la colline sont actuellemeut à sec. Les femmes 
du village vont chercher de l'eau à un kilomètre de là 
vers le nord-nord-ouest, à une source appelée 'Aïn- 
Salem. Elle s'écoule de dessous un rocher par un petit 
canal d'apparence antique et est recueillie dans une 
longue auge monolithe, qui est probablement un ancien 
tombeau. Le village de Salem répond par son nom et 
par sa position à l'antique Salem que traversa Jacob 
arrivant de Mésopotamie, avant de dresser sa tente près 
de la ville de Sichem. » — 3° Une troisième opinion, 
soutenue par Eusèbe et non combattue par saint Jé- 
rôme dans VOnomasticon, 1862, p. 322-323, 346-347, 
identifie Salem avec Sichem : 2a).rj,u, wdXiç Erai'uwv, 
■rjTic ioù Sujrél 1- — Ss^lu,, x<*i *l Emiui, xïi t) EaXrin, 
itéXi? IïxtoS. Cette identification ne peut se justifier. 

3. SALEM (VALLÉE DE). Les Septante, Judith, iv, 4, 
mentionnent une vallée de Salem, tov aûXûva SaÀrju,, 
où les Juifs envoyèrent des messagers pour mettre ce 
pays en défense à l'approche de l'armée d'Holoferne. 
C'est peut-être la Salamiasque mentionne saint Jérôme, 
Onomast., 1862, p. 323, à huit milles romains (environ 
douze kilomètres) de Scythopolis ou Bethsan. Cette 
vallée n'est pas nommée dans la Vulgate. 

4. SALEM. Les Septante, Jer., xlvih, 5, nomment 
Salem, au lieu de Silo, qu'on lit dans l'hébreu et la 
Vulgate, Jer., xli, 5, parmi les villes dont quelques 
habitants furent tués par Godolias en se rendant à 
Jérusalem. On peut faire valoir en laveur de la leçon 



1373 



SALEM — SALIVE 



1374 



des Septante, que la ville qu'ils appellent Salem est 
placée entre Sichem et Samarie; cela semble indiquer 
qu'elle est entre ces deux villes et dans leur voisinage, 
situation qui ne convient par à Silo, laquelle est plus 
bas et au sud. Dans ce cas, Salem serait le village de 
Salim à l'est de Sichem. Voir Salem 2. 

SALEMOTH (hébreu : Selômôf, Septante : SaXw- 
[xtib), lévite, père de Jahath et fils d'Isaari ou 
plutôt descendant d'Isaar, petit-fils de Lévi. Il était 
chef d'une famille de Lévites, du temps de David. Voir 
Isaari, t. m, col. 936. I Par., xxm, 18; xxiv, 22, 23. 
Dans le premier passage, le nom est écrit Salomith. 

SALEPH (hébreu : Sâléf; Septante : S 2 )s<f), le 
second des fils de Jeclan, fils d'Héber, descendant de 
Sem. Gen., x, 26; I Par., I 20. Les Saléphites habi- 
tèrent dans l'Arabie le district appelé encore aujour- 
d'hui Salfiéh. Voir Jectan, t. m, col. 1214, 2. 

SALICORNE, une des plantes d'où les Hébreux 
tiraient la soude. Les espèces Salicorna fructuosa et 
Salicorna herbacea croissent sur les bords de la mer 
Morte. Voir Soude. E. Levesqle. 

SALIM, nom de deux localités dans la Vulgate. 

1. SALIM (hébreu : Sa'âlim; Septante : Se-faXîfi), 
territoire qui tirait sans doute son nom des chacals qui 
abondaient dans cette région. I Reg., (I Sam.), ix, 4. 
Saùl alla chercher an cet endroit et dans les lieux 
voisins les ànesses perdues de son père. L'identification 
en est incertaine, comme celle des autres lieux men- 
tionnés dans le même passage. D'après quelques com- 
mentateurs, Salim n'est pas différent de Salébim (Sélé- 
bin), dans la tribu de Dan. Voir Salébim. Eusèbe et 
saint Jérôme, Onomasi.,édit. Larsow et Parthey, p. 318, 
319, placent Salim (Saalim) à sept milles à l'ouest 
d'Éleuthéropolis, mais on pense généralement que cet 
emplacement est trop éloigné. 

2. SALIM (grec : SstXsfpi). localité près de laquelle se 
trouvait Ennon où saint Jean-Baptiste baptisait. Le site 
en est incertain. Voir Ennon, t. n, col. 1809. 

SALINES (grec : toû àXôç XiVvai, « marais de sel »; 
Vulgate : salinse), marais dans lesquels le sel se dépose, 
par évaporation de l'eau qui le contient en dissolution. 
11 y avait des marais de ce genre dans la vallée qui est au 
sud de la mer Morte, le lïhor. II Reg., vin, 13. Dans sa 
description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel, xlvii, 
11, dit que les parties de la mer Morte qui ne seront 
pas assainies seront abandonnées au sel et deviendront 
des salines. Les princes prélevaient un impôt sur le 
produit des salines. Démétrius remit à Jonathas celui 
qui frappait les marais salants de Palestine. I Mach., 
xi, 35. H. Lesètre, 

•** 

SALINES [VALLÉE DES] (hébreu : Gê' Mélah; 
Septante : reoEXItt, reu.$XlB. xoiXôcc ™v &X<T>v, çàpa-jÇ tc5v 
â>à>v ;Vulgate : Vallis Salinarum), vallée ou ravin tirant 
son nom des monceaux de sel qui y étaient accumulés. 
L'Écriture parle d'une seule vallée des Salines, selon 
les uns, de deux vallées, selon les autres. 

1" David, d'après le récit de II Sam. (Reg.), vin, 13, 
remporta une grande victoire sur Âram; d'après I Par., 
xvin, 42; cf. Lix (lx), 2, sur ±.dom dans la vallée des 
Salines. La confusion si facile entre les deux lettres 
hébraïques i, d, et 1, r, explique celte variante impor- 
tante. D'après un grand nombre d'interprètes, c'est la 
leçon Édom, ait>, qu'il faut lire dans les Rois, et non 
mx, Aram, et dans cette hypothèse, la vallée des Salines 
où se livra la bataille n'est pas différente de celle où le roi 



Amasias battit plus tard les Édomiles. D'après d'autres, 
on doit conserver la leçon Aram, qui s'accorde mieux 
avec l'ensemble du récit et la vallée des Salines où 
l'armée de David triompha peut être es-Sabk, au sud- 
estd'Alep. R. von Riess, Bibel. Atlas, l'édit., 1887, p.26. 
2» Nous lisons dans IV Reg., xiv, 7, qu'Amasias, roi 
de Juda, battit les Édomites dans la vallée des Salines, 
et les Paralipomènes, II,xxv, 11-12, racontant le même 
événement avec plus de détails! disent : « Amasias... 
alla dans la vallée des Salines et il battit dix mille 
hommes des fils de Séir. Et les fils de Juda en saisirent 
dix mille vivants, et ils les menèrent au sommet d'un 
rocher, d'où ils les précipitèrent et tous périrent. » Le 
IV e livre des Rois dit qu'Amasias donna à ce rocher le 
nom de Jectéhel. On croit assez communément que «le 
rocher », has-Séla', désigne la ville de ce nom, Pétra. 
L'emplacement de la vallée des Salines est généralement 
cherché aux environs de la mer Morte, en particulier 
au sud, à Djebel es-Sebcha. R. von Riess, Bibel.-Atlas, 
p. 26. Il est difficile de concilier les deux opinions : 
si la bataille fut livrée près de la mer Morte, comment 
supposer que c'est du haut des rochers de Pétra que 
les Édomites furent précipités par les soldats d'Ama- 
sias, car la distance est trop considérable pour que 
ces derniers les aient poursuivis si loin. Il semble donc 
nécessaire d'admettre ou que la bataille n'eut point 
lieu près de la mer Morte ou que Séla' ne désigne pas 
Pétra. Les données scripturaires sont trop indétermi- 
nées pour l'identification certaine de la vallée des 
Salines. 

SALIS A (hébreu : Salisâh; Septante : SaXissâ), 
pays que traversa Saùl lorsqu'il cherchait les ânesses 
perdues de son père Cis. I Reg. (Sam.), ix, 4. L'iden- 
tification en est incertaine, Saùl alla d'abord de Gabaa 
de Benjamin au nord ou au nord-ouest à la montagne 
d'Ephraïm, puis à la terre de Salisa et ensuite â la terre 
de Salim et à la terre de Jémini ou de Benjamin au 
sud, mais ces déterminations générales, quoique cir- 
conscrivant dans des limites assez restreintes les re- 
cherches de Saûl, sont insuffisantes jusqu'ici pour re- 
trouver avec certitude les localités désignées. On a 
proposé de reconnaître dans Salisa le territoire de 
Baalsalisa (t. i, col. 1341), malheureusement la situation 
de Baalsalisa est elle-même incertaine, quoiqu'il y ait 
des probabilités en faveur de Khirbel Sirisia. Voir 1. 1, 
col. 1342. 

SALIVE (hébreu : rîr; Septante : TrrûeXov; Vulgale : 
saliva, spulum), liquide sécrété dans la bouche par 
des glandes spéciales appelées salivaires. Elle est for- 
mée d'eau en majeure partie et contient différents sels, 
entre autres du chlorure de sodium , et en outre des 
matières organiques, spécialement une substance 
azotée, appelée.ptyaline, qui favorise fa conversion des 
matières féculentes ou amylacées en glucose. La salive 
a un double rôle : chimiquement, elle aide à la trans- 
formation des substances nutritives; physiquement, 
elle facilite la gustation, la mastication et la déglutition 
des aliments, elle maintient la souplesse des organes 
intérieurs de la bouche, surtout de la langue et des 
cordes vocales. Les glandes salivaires fonctionnent 
sous l'influence de nerfs qui exagèrent ou modèrent fa 
production de la salive. Les émotions qui ébranlent le 
système nerveux exercent donc une influence sur 
cette production de la salive. Sous le coup de certaines 
émotions, les glandes cessent de fonctionner et la 
bouche devient sèche; dans d'aulres conditions, il y a 
surproduction de salive, « l'eau vient à la bouche » de 
quelqu'un qui pense à un aliment agréable, comme s'il 
s'apprêtait déjà à le manger. — La langue se colle au 
palais dans les grandes douleurs, Ps. xxii (xxi), 16; 
cxxxvii (cxxxvi), 6, parce que l'activité des glandes sa- 



1375 



SALIVE — SALMANASAR 



1376 



livaires est arrêtée. La soif attache la langue du nour- 
risson à son palais, Lam., iv, 4, parce que le sang n'est 
plus assez riche en liquide pour fournir aux glandes 
la matière salivaire. Job, vu, '19, en butte aux épreuves, 
demande le temps d'avaler sa salive, c'est-à-dire équi- 
valemmentde respirer, de reprendre haleine, d'accom- 
plir un de ces actes physiologiques qui ne demandent 
pas beaucoup d'instants et sont nécessaires à la vie. 
« Avaler sa salive » est une expression proverbiale qui 
a ce sens chez les Arabes. Cf. Fr. Delitzsch, Bas Buch 
lob, Leipzig, 1876, p. 110. Quand David simula la folie 
chez Achis, roi de Geth, il laissa couler sa salive sur 
sa barbe, comme les insensés qui n'ont plus conscience 
de leurs actes. I Reg., xxi, 13. Jésus-Christ, pour rendre 
la vue à l'aveugle-né, fit de la boue avec de la terre 
et sa salive et lui en frotta les yeux. Joa., ix, 6. — Sur 
différents actes dans lesquels intervient la salive, voir 
Crachat, t. n, col. 1099. H. Lesêtre. 

SALLEM (hébreu : Sillêm, « rétribution »; Sep- 
tante : SoaatJu.), quatrième et dernier fils de Nephthali, 
fils de Jacob. Gen., xlvi, 24. Son nom est écrit dans la 
Vulgate, Sellem, Num., xxvi, 49, et Sellum, I Par., 
vu, 13. 

SALMA (hébreu : Soîmâ'),nom de deux Israélites . 

1. SALMA (Septante : 2a>u.<iv), descendant de Juda, 
ancêtre de David et de Notre-Seigneur, I Par., n, 11, 
dont le nom est écrit ailleurs Salmon. Voir Salmon. 

2. SALMA (Septante : SaXtou-wv), le second des trois 
fils de Caleb, fils d'Hur. Il fut le « père », c'est-à-dire 
qu'il peupla par ses descendants Bethléhem et d'autres 
localités. I Par., n, 51, 54. — Certains interprètes ne 
voient qu'un seul personnage dans Salma 1 et 2. Voir 
Frd. Keil, Chronik,iS10, p. 51. Le texte, I Par., n, 51, 
54, est obscur et se prête à des interprétations diverses. 

SALMANA, nom, dans la i'ulgale, de deux rois 
dont le nom est écrit différemment en hébreu. 

1. SALMANA (hébreu : Salmunnà; Septante : 2a).- 
p.avà), le second des deux rois madianites qui enva 
hirent la Palestine du temps des Juges et qui furent 
battus et mis à mort par Gédéon. Jud.,vin, 5-21. Voir 
Gédéon, t. m, col. 148; Madianites, t. iv, col. 535. Le 
Ps. lxxxii, 11, rappelle cet événement. 

2. SALMANA (hébreu : &alman; Septante :2aXa(idiv), 
nom propre qui se lit une fois dans Osée, x, 14: 
« Toutes tes forteresses, [Israël], seront dévastées, 
comme Salmana dévasta Beth-Arbel. x> Osée faisait 
allusion à un événement connu de ses contemporains, 
mais oublié depuis. Salmana est, d'après les uns, Sal- 
manasar III, roi d'Assyrie; d'après les autres, un roi 
de Moab, appelé Salamanu qui figure sur la liste des 
tributaires du roi d'Assyrie Théglathphalasar. Voir 
Beth-Arbel, t. n, col. 1665. — Quelques commentateurs 
prennent Salmana comme un nom de lieu, et tradui- 
sent « comme fut dévastée Salman-Beth-Arbel, » mais 

. cette opinion n'est pas généralement suivie. 

SALMANASAR II, roi d'Assyrie, dont (le nom ne 
se trouve pas dans la Bible, mais en rapport fréquent 
avec plusieurs rois mentionnés dans l'histoire sacrée ; 
peut-être cependant est-ce le Salman du prophète 
Osée, x, 14. Roi d'Assyrie, fils et successeur d'Assur- 
nabir-apal, il régna de 858-823 (fig. 282) dans la ville 
d'kss\iT(Kaléh-Serghat), première capitale de l'Assyrie, 
puis à Chalé (Calach-Nimroud) où il se fit construire 
un palais dont les inscriptions nous ont conservé le 
récit de ses conquêtes. La liste des Limu ou Êponymes 



lui attribue 34 années de règne, marquées chacune par 
une guerre extérieure dont nous trouvons le détail 
dans ses annales, dont le théâtre fut la Babylonie 
[Akkad), l'Arménie (Urarthu), la Syrie (Khatti), et 
l'Asie occidentale jusqu'à Hamath et Damas. C'est dans 
ces circonstances qu'il entra en contact avec les loca- 
lités ou les personnages bibliques; Achab d'Israël et 
Bénadad de. Damas, d'ennemis qu'ils étaient primiti- 
vement, se sentant menacés tous deux par les conquêtes 




282. — Qtjj^isque de Salmanasar n à Nimroud. British Muséum. 

de l'Assyrie, s'unirent dans un commun effort pour 
résister à Salmanasar, avec dix autres rois syriens à la 
tête desquels était le roi d'Hamath, Irkulini. En 85i, 
dans sa 4 e année de règne, Salmanasar défit les coalisés à 
Karkar, mettant en fuite entre autres 1 200 chars montés, 
et 20000 hommes d'infanterie de Bénadad de Damas, 
2000 chars et 10000 hommes d'Achab, 700 chars et 
10000 hommes d'Hamath. — Cette défaite ne découragea 
pas la coalition, car nous voyons l'an 11 et 14 de Salma- 
nasar deux nouvelles campagnes contre Bénadad de 
Damas et ses confédérés, qui furent encore mis en fuite, 
mais sans que les annales donnent plus de détails. 

Quatre ans plus tard, la 18» et la 21 e années, la guerre 
recommença entre Salmanasar et les fils ou successeurs 



1377 



SALMANASAR — SALMERON 



1378 



de ces mêmes confédérés en particulier contre Hazael qui 
régnaità Damas; mais le roi d'Israël d'alors, soit Joram, 
soit Jéhu, n'est plus mentionné : celui-ci, au contraire, 
paie fîdèiement le tribut à Salmanasar comme on le 
voit dans l'inscription de l'obélisque avec bas-reliefs et 
l'inscription dite des Taureaux du palais de Calach. 
Voir Jéhu, t. m, col. 1246, et t. i, fig. 37, col. 235; t. h, 
fig. 177, col. 521 ; fig. 224, col. 631 ; fig. 547, col. 1661; 
t. m, fig. 105, col. 431; t. iv, fig. 84, col. 269. 

A cette époque Israël était donc vassal de l'Assyrie. 
Le traité d'alliance et de vassalité devait finir par 
donner lieu à une conquête et à une destruction finale 
sous Salmanasar IV. Salmanasar II mourut en 823, 
laissant le trône à Samsi-Ramman, non sans contesta- 
tion de la part d'Assur-danin-habal qui avait essayé de 
se révolter, du vivant même de son père. Plus tard, 
nous trouvons sur le trône, de 781 à 772, Salmanasar 1 1 1 
dont la Bible ne dit rien, et auquel la liste des Épo- 
nymes et des campagnes attribue en 773 une expé- 
dition contre Damas. — G. Rawlinson, Thefive great 
Monarchies, 1879, t. n, p. 99-109; G. Maspero, Histoire 
ancienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 52-95 
(où il désigne ce prince sous le nom de Salmana- 
sar III); J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, 
p. 96-116; Eb. Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek, 
t. i, p. 128-175; t. h, p. 200-201; Scheil, Inscriptions 
of Shalmanaser 11, dans Records of the Past, 2 e sér., 
t. iv, p. 36-79; Schrader- Wbitehouse, The Cuneiform 
Inscriptions and the old Testament, 1. 1, 1885, p. 182- 
201 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., t. ni, p. 483, 485. E. Pannier. 

SALMANASAR IV(hébreu : noNJDbtf, Salman'ésér; 

Septante : 2aXa[n.ava<7<rctp [dans Tobie, 'EvT)[jie(7<r«poç]; 

assyrien : | -*-J 4]ïj"-c[ T*~ HF~ i Salman-aSaridu; « que 

[le dieu] Salman fasse prospérer » ou « Salman est 
le plus puissant »), roi d'Assyrie, le IV» de ce nom, 
qui régna de 727 à 722, entre Théglathphalasar et Sar- 
gon; il régna également sur la Babylonie, sous le nom 
i'TJlulaa, TXoûXaio; dans le Canon de Ptolémée. La 
brièveté de son règne, et peut-être aussi l'accès au 
trône d'une nouvelle dynastie avec Sargon, expliquent 
pourquoi nous ne possédons pas de textes historiques 
émanant de ce prince; un contrat d'intérêt privé et 
un poids de bronze seuls portent son nom. Par contre 
la liste des Limu ou Éponymes lui attribue cinq 
années de règne; la liste annuelle des campagnes nous 
apprend qu'il vécut en paix en 726, mais que durant 
les années 725, 724, 723 il fit la guerre à des peuples 
dont le nom a disparu : la chronique babylonienne lui 
attribue également cinq années de règne sur Akkad 
(Babylonie) et sur l'Assyrie, pendant lesquelles fut dé- 
truite la ville de Sabazaïn (Samarie? — Sepharvaïm?). 
La Bible et l'historien Josèphe comblent ces lacunes : 
nous lisons II (IV) Reg., xvn, 1-6 : « Osée, fils d'Éla, 
commença à régner à Samarie... Salmanasar, roi d'As- 
sur, monta contre lui, et Osée fut son vassal et lui paya 
tribut. Puis le roi d'Assur découvrit une conspiration 
d'Osée qui avait envoyé des messagers à Sua (hébreu : nid, 
Sô', à lire évidemment Sévéh, Sabie dans les textes de 
Sargon, Sabaka, Sabacon), roi d'Egypte, et cessa depayer 
le tribut annuel au roi d'Assur; et celui-ci l'enferma et le 
lia en prison. Et le roi d'Assur monta dans tout le pays ; 
et il monta à Samarie et il l'assiégea pendant trois ans. 
La neuvième année d'Osée, le roi d'Assur prit Samarie 
et emmena Israël captif en Assyrie. » D'autre part, 
Ménandre, cité par Josèphe, Ant. jud., IX, xm-xiv, nous 
apprend que Salmanasar envahit une première fois toute 
la Phénicie et la remit sous le joug; mais Tyr s'étant ré- 
voltée de nouveau, Salmanasar revint pour s'en rendre 
maître; cette ville étant séparée du continent, le roi 
d'Assyrie se composa une flottille de soixante vaisseaux 

DICT. DE LA BIBLE. 



pris aux ports phéniciens de la côte : mais douze navires 
tyriens suffirent à les détruire. Salmanasar essaya alors 
de réduire la ville en la bloquant et en lui coupant ses 
conduites d'eau potable ; mais les Tjriens soutinrent le 
siège cinq années durant, ayant recueilli l'eau de pluie 
dans des citernes. Nous ignorons l'issue de cette cam- 
pagne en ce qui concerne Salmanasar, car la citation 
de Ménandre dans Josèphe ne va pas plus loin. 

Les renseignements donnés par la Bible et l'historio- 
graphe sent absolument parallèles : il y eut deux cam- 
pagnes de Salmanasar en Palestine et en Phénicie, la 
première lors du refus du tribut annuel par Osée et les 
Phéniciens, déjà asservis par Théglathphalasar; les 
révoltés furent promptement contraints de rentrer dans 
le devoir, apparemment dès la deuxième année du mo- 
narque assyrien. Mais bientôt, à Tyr et à Samarie, on se 
souleva de nouveau ; la Bible nous apprend à quelle oc- 
casion : Sévéh d'Ethiopie s'était emparé de l'Egypte 
jusqu'au Delta; témoins de ces succès, les princes asia- 
tiques s'imaginèrent trouver dans ce conquérant un sur 
appui ontre l'Assyrie. Salmanasar ne laissa pas à la coa- 
lition le temps d'exécuter ses projets : Osée tomba aux 
mains de son suzerain, et disparut en prison. Toutefois 
Samarie n'en continua pas moins de résister à l'assié- 
geant; mais elle finit par succomber en 722, et fut 
détruite par l'ennemi. La Bible est d'accord sur la date 
de l'événement, avec les textes cunéiformes du roi Sar- 
gon, mais elle ne nomme pas le vainqueur. Les inscrip- 
tions de Salmanasar lui-même nous faisant défaut, il 
faut expliquer, pour établir l'harmonie complète, le 
texte hébreu et le récit assyrien. En différents passages, 
Sargon revendique le siège et la prise de la ville, sa 
destruction, la déportation des habitants, leur installa- 
tion en des pays lointains, les tributs prélevés sur eux : 
tout cela durant les quelques mois, ina ris sarrutiya, 
qui précédèrent sa première année officielle et com- 
plète. Il est très admissible qu'une partie de ces faits 
aient eu leur exécution sous le règne et pour le compte 
de son prédécesseur, quoique peut-être avec le concours 
de Sargon comme général ; monté sur le trône, Sargon 
aura revendiqué pour lui toute la campagne. Oppert a 
essayé de documenter ce partage entre les deux rois, 
assyriens, en faisant remarquer que la destruction de 
la ville de Sabaraïn, placée par la Chronique baby- 
lonienne dans le règne de Salmanasar, pouvait précisé- 
ment confirmer cette hypothèse à cause de la ressem- 
blance des caractères ba et ma, et de la divergence 
des transcriptions entre la Chronique et les textes 
assyriens. — On peut aussi trouver la conciliation du 
côté du texte hébreu ; l'annaliste du règne d'Osée ne 
donne le nom de Salmanasar qu'au début du récit; 
dans le reste de la narration il mentionne cinq fois en 
termes généraux le roi d'Assur; le même récit est 
donné au chapitre suivant, IV Reg., xvm, 9-10; mais le 
verbe qui indique la prise de la ville, au lieu du singu- 
lier, est au pluriel, ilkidu, comme s'il ne se rattachait 
plus au sujet des verbes précédents, Salmanasar. On 
peut donc admettre que le roi d'Assur, non nommé, 
jt. 11, est un autre personnage. — La solution définitive 
ne pourra être donnée que si l'on découvre un jour les 
annales de ce prince. G. Rawlinson, The five great Mo- 
narchies, 1879, t. il, p. 135-139; Maspero, Histoire an- 
cienne des peuples de l'Orient, les Empires, p. 209-216, 
où il désigne ce prince sous le nom de Salmanasar V, 
comme J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, p. 149- 
150; Schrader, Keilinschriftlîche Bibliotek, t. n, p. 32- 
33; p. 276-277; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform 
Inscriptions and the old Testament, t. i, 1885, p. 258 
267 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6« édit., t. m, p. 543-595. E. Panxier. 

SALMERON Alfonso, le quatrième et le plus jeune 
des premiers compagnons de saint Ignace de Loyola , 

V. — 44 



1379 



SALMERON 



SALOMÉ 



1380 



né à Tolède en 1514 ou 1515, mort à Naples le 13 fé- 
vrier 1585. Ce fut à Paris qu'il s'attacha à saint Ignace 
en 1534. Il fit la première fondation de l'ordre des Jé- 
suites à Naples en 1551. Les papes lui confièrent des 
missions importantes. Il prit une grande part aux tra- 
vaux du concile de Trente, où il fut théologien des papes 
Paul III, Jules III, Pie IV. Il a laissé des Commenia- 
rii in Evangelicam hisloriam, etc., 16 in-f°, Madrid, 
1598-1602; Cologne, 1602, 1612. Ce sont moins des 
commentaires que des dissertatfons théologiques, 
mais ils ont une vraie valeur exégétique. Voir Ignacio 
Torrès, Vida del siervo de Dios P. Alonso Salmeron, 
escrita en lengua italiana por el P. José Boero, Bar- 
celone, 1887. 

SALMiAS (hébreu : Séléniydh; Septante ? SsXEjju'a 
[Voir Sélémias]), un des fils des descendants de Bani 
qui furent obligés, du temps d'Esdras, d'abandonner 
leurs femmes étrangères. I Esd., x, 39. 

SALMON (hébreu : Salmôn; Septante : SaXjio'iv), 
fils de Naasson, de la tribu de Juda, ancêtre de Booz 
et de David. Ruth, iv, 20, 21 ; I Par., n, 11; Matth., i, 
4, 5; Luc, m, 32. Son nom est diversement écrit en 
hébreu, Salmâ', I Par., n, 11; Salmâh, Rulh, iv, 20. 

SALMONA (hébreu : Sàlmônâh; Septante : EsX- 
jAw-vâ), campement des Israélites dans le désert, à 
l'époque de l'exode, entre la montagne de Hor et Phu- 
non. Num., xxxm, 41-42. Le site en est inconnu. Celte 
station, dit le P. Lagrange, dans la Revue biblique, 
1900, p. 284, « doit être placée normalement entre la 
mer et Fenân (voir Phukon, col. 337), à peu près à la 
ligne de partage des eaux, mais aucun voyageur ne 
signale ce nom. » 

SALMONE (SaX[uovï|), promontoire de l'île de Crète, 
situé tout à fait à l'extrémité nord-est, en face de Cnide 
et de Rhodes. Strabon, X, m, 20. Voir la carte de l'île 
de Crête, t. n, col. 1113-1114. — Nous lisons, Act., xxvn, 
7, que le navire alexandrin qui conduisait saint Paul à 
Rome passa devant Salmoné. Le récit fournit quelques 
détails intéressants, surtout dans le texte grec. Après 
avoir quitté le port de Myre, Act., xxvn, 5 (Vulgate : 
Lystres), on était arrivé avec peine en face de la pointe 
de Cnide, à l'extrémité occidentale de l'Asie Mineure; 
là on reçut de bout le vent du nord-ouest, de sorte 
qu'il devint impossible de continuer le voyage en sui- 
vant la ligne directe, qui passait au nord de la Crète et 
au-dessous de la Morée. Le capitaine changea donc sa 
direction, et résolut, après avoir franchi le promontoire 
de Salmone, de s'abriter sous l'île de Crète. — La plu- 
part des géographes contemporains identifient Salmone 
avec le cap Sidéro, qui occupe la pointe nord-est de 
l'île. D'autres, moins bien, le placent plus au sud, et 
le confondent avec le promontoire nommé Plaka. — 
Voir K. Hôck, Kreta, ein Versuch zur Aufliellung der 
Mythologie und Geschichte, 3 in-8°, Gcettingue, 1823- 
1828, t. i, p. 427-428; James Smith, Voyage and Ship- 
wreck of St. Paul, in-8», Londres, 1848, p. 35-37 ; 2 e édit., 
p. 74-75; C. Bursian, Géographie von G-riechenland, in-8», 
t. n, Leipzig, 1862, p. 575-576; T. Spratt," Travels and 
Researches in Crète, 2 in-8", t. i, Londres, 1865, p. 189- 
190 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les décou- 
vertes archéologiques modernes, 2 e édit., p. 328-329. 

L. Fillion. 
SALO (hébreu : Sallù'; Septante : EaXtàn), fils de 
Mosollam, de la tribu de Benjamin, qui habita Jérusa- 
lem après le retour de la captivité de Babylone.I Par., 
ix, 7. Il est appelé Sellum dans II Esd., xi, 7. 

SALOM (Septante :2oi).(Ôja), père d'Helcias le grand- 
prêtre, fils et successeur de Sadoc II dans le souverain 



pontificat. Baruch,i, 7. Il est appelé Sellum dans IPar.. 
vi, 12-13. Voir Sellum 8. 

SALOMÉ (^aXû>)Ai), de l'hébreu salôm, « paix », 
et signifiant : « pacifique »), nom de la femme de 
Zébédée et de la fille d'Hérodiade. 

1. SALOMÉ, femme du pêcheur galiléen Zébédée, mère 
des apôtres Jacques et Jean. Elle est mentionnée dans 
les Évangiles, tantôt directement sous son nom, Marc, 
xv, 40, et xvi, 1, tantôt par la périphrase «mère des fils 
de Zébédée », Matth., xx, 20, et xxvii, 58. Cf. Matth., 
xxvn, 56; Marc, xv, 40. 

1° Salomé dans les Évangiles. — Les biographes de 
Notre-Seigneur parlent d'elle en quatre circonstances 
différentes. — a) Ils nous apprennent d'abord qu'elle 
était du nombre des saintes femmes qui accompagnèrent 
Jésus durant quelque temps dans ses voyages de prédi- 
cation, et qui subvenaient généreusement à son entre- 
tien et à celui de ses disciples. Cf. Marc, xv, 40-41; 
Luc, "vm, 2-3. Il suit de là qu'elle et son mari jouis- 
saient d'une certaine aisance. — b) Il est aussi question 
d'elle à l'occasion de la demande ambitieuse qu'elle 
adressa au Sauveur pour ses fils. Matth., xx, 20-21. 
Requête imparfaite, qui valut à Salomé le juste blâme de 
Jésus. — e) Avec les autres saintes femmes, elle suivit 
Notre-Seigneur de la Galilée à Jérusalem, lorsqu'il s'y 
rendit pour la dernière pâque de sa vie, et elle fut le 
témoin courageux de son crucifiement et de sa mort. 
Cf. Matth., xxvn, 55-56; Marc, xv, 40-41. — d) De grand 
matin, le jour de la résurrection du Sauveur, elle alla 
au sépulcre avec ses amies; elle fut ainsi une des pre- 
mières à constater qu'il était vide, et à apprendre de la 
bouche de l'ange que Jésus était vraiment ressuscité. 
Cf. Matth., xxvn, 56; Marc, xvi, 1. 

2» Salomé et la tradition. — Les anciens auteurs 
ecclésiastiques ont émis plusieurs opinions au sujet de 
la mère des fils de Zébédée. Ils la regardent : — a) comme 
la fille de saint Joseph par un premier mariage. C'est 
en particulier le sentiment de saint Épiphane, Adv. 
hxr., lxxviii, 9, t. xlii, col. 712. Voir aussi Cotelier, 
Ad Constitut. apost., lib. m, c. 66, édit. Clerici, n, 
p. 280. — b) Comme la fille de Cléophas, lequel aurait 
été frère de saint Joseph. Hégésippe,dansEusèbe,/f. E., 
m, 11; iv, 22, t. xx, col. 248, 380. Cette interprétation 
s'appuie en partie sur les mots « Marie de Cléophas », 
Joa.,xix, 25; mais ils désignent, d'après l'explication la 
plus naturelle et la plus commune, la femme et non 
pas la fille de Cléophas. — c) Comme la fille du prêtre 
Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, qui aurait été 
aussi le frère de saint Joseph. L'historien Nicéphore 
cite en ce sens Hippolyte de Porto, H. E., n, 3, 
t. cxlv, col. 760. Voir aussi J. K. Thilo, Codex apocry- 
phus Novi Testant., in-12, Leipzig, 1832, p. 362-364, 
note. Il est impossible de se prononcer sur ces divers 
sentiments. 

3° Salomé et la sainte Vierge. — D'après d'assez 
nombreux exégètes contemporains, presque tous pro- 
testants, la mère des apôtres Jacques et Jean aurait 
été la sœur de .Marie, mère de Jésus. Ils allèguent 
comme preuve principale le passage Joa., xix, 25, où 
nous lisons : « Auprès de la croix de Jésus se tenaient 
sa mère, et la sœur de sa mère, Marie (femme) de 
Cléophas, et Marie Madeleine. » Suivant eux, ce texte 
désignerait quatre saintes femmes, groupées deux à 
deux : dans le premier groupe, nous aurions la sainte 
Vierge et sa sœur, dont le nom ne serait pas men- 
tionné; dans un second groupe, Marie, femme de 
Cléophas, et Marie Madeleine. Comme, d'autre part, les 
synoptiques signalent la présence de Salomé au Cal- 
vaire, cf. Matth., xxvn, 56, et Marc, xv, 40, on a conclu 
qu'elle ne diffère pas de la sœur de la sainte Vierge. 
La Peschito et la traduction persane, ajoute-t-on, favol- 



1381 



SALOME 



SALOMON 



1382 



risent cette interprétation, car elles ont inséré la con- 
jonction et avant les mots « Marie de Cléophas ». Voir, 
en faveur de ce sentiment, Wieseler, Die Sôhne Zebedâi 
Veltern des Herrn, dans les Studien und Kriliken, 
1840, p. 648-694, et les commentaires d'Ewald, Lûcke, 
Luthardt (2 S édit.), Meyer, Westcott, etc., sur Joa.,xix, 
25. Ces auteurs disent encore que, dans l'hypothèse où 
Salomé aurait été si étroitement unie à la mère de 
Jésus, on s'expliquerait mieux, d'un côté, l'affection 
spéciale dont le Sauveur entoura les fils de Zébédée, 
qui auraient été ses cousins germains, et, d'un autre 
côté, la hardiesse de la requête de Salomé, Matth., xx, 
20-21. On comprendrait mieux aussi pourquoi le divin 
Maître, sur le point d'expirer, confia de préférence sa 
mère à saint Jean. — Mais il faut avouer que les 
preuves formelles et décisives de cette parenté font 
entièrement défaut, car celles qui viennent d'être rap- 
portées sont loin de constituer un argument solide. 
Aucun manuscrit grec ne contient la conjonction et au 
passage indiqué; dans les versions où on la trouve, 
elle a été inlroduite arbitrairement. La tradition, nous 
l'avons vu, est tout aussi muette que les Évangiles sur 
la parenté en question, et pourtant il semble que, si elle 
eût existé, les écrits apostoliques auraient difficile- 
ment omis de la signaler. Ne disent-ils pas clairement 
que saint Jacques le Mineur et saint Jude étaient les 
« frères s, c'est-à-dire, les cousins de Jésus ? Cf. Gai., I, 
18; Jud., i, 1, etc. Aussi, à la suite de saint Jean Chrysos- 
tome, de saint Jérôme, de saint Thomas d'Aquin, etc., 
les commentateurs catholiques ont-ils toujours admis, 
presque à l'unanimité, que le texte Joa., xix, 25, ne 
désigne pas quatre personnes, mais trois seulement : 
la mère de Jésus; sa sœur, qui aurait porté comme 
elle le nom de Marie — sans doute avec un second 
nom permettant de les distinguer facilement — et qui 
serait devenue la femme de Cléophas ou Alphée; enfin 
Marie Madeleine. Dans Routh, Reliquiœ sacrée, I, 6, on 
lit ce fragment, qui remonte peut-être à Papias : Istœ 
quatuor in evangelio reperiuntur :... Maria Jacobi 
minoris et Joseph mater, uxor Alphsei, soror fuit 
Mariœ matris Domini quam Cleophse Joannes nomi- 
nal. — Voir. C. Fouard, La vie de N.-S. JésUs-Christ, 
2« édit., Paris, 1892, t. H, p. 420; Le Camus, La vie de 
N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1887, t. m, p. 343; P. Schanz, 
Commentai' iiber das Evangel. des heil. Johannes, 
in-8°, t. Il, Tubingue, 1885, p. 557; Knabenbauer, Evan- 
gelium sec. Joannem, in-8°, Paris, 1898, p. 543; F. X. 
Pôlzl, Kurzgefasster Commentar zu den vier Evan- 
gelien, t. iv, Graz, 1892, p. 319; L.-Cl. Fillion, Saint 
Jean l'évangéliste, sa vie et ses écrits, in-12, Paris, 1907, 
p. 5-8. L. Fillion. 

2. SALOMÉ, fille d'Hérodiade et d'Hérode-Philippe, 
lequel était fils d'Hérode le Grand par la seconde 
Mariamne (t. m, col. 639-640), et qui vécut en simple 
particulier à Jérusalem. Voir Hérode-Philippe I eP , 
t. m, col. 649. Elle est mentionnée, mais sans être 
nommée, dans les Évangiles. Pendant un repas qu'An- 
tipas donnait pour fêter l'anniversaire de sa naissance, 
«lie dansa devant lui et devant ses convives. Le roi 
charmé lui promit de lui accorder tout ce qu'elle lui 
-demanderait; elle demanda, à l'instigation de sa mère, 
la tête de Jean-Baptiste. Ce qui lui fut accordé. Marc, 
•vi, 22-28; Matth., xiv, 6-11. — Salomé épousa un peu 
plus tard son oncle, le tétrarque de l'Iturée et de la 
Xrachonitide, nommé aussi Hérode-Philippe (voir t. m, 
•col. 649-650). Cf. Luc, m, 2. Lorsqu'il fut mort, elle 
épousa en secondes noces Aristobule, roi de Chalcis, 
qui appartenait aussi à la famille d'Hérode (t. m, 
■col. 639-640). De ce second mariage elle eut trois fils, 
Hérode, Agrippa et Aristobule. Cf. Josèphe, An t. jud., 
XVIII, v, 4; XX, vm, 4; E. Schûrer, Geschichte des 
jûdischen Volkes îm Zeitalter Jesu Christi, 3" édit., 



1. 1, Leipzig, 1901, p. 441-442. D'après Nicéphore, II. E., 
I, 20, t. cxlv, col. 692, elle serait morte d'une manière 
tragique, du vivant de sa mère : tandis qu'elle traver- 
sait une rivière dont la surface était gelée, elle serait 
tombée dans l'eau jusqu'au cou, et la glace, se resser- 
rant, lui aurait tranché la tête. Mais ce n'est là qu'une 
légende sans consistance. L. Fillion. 

SALOMI, nom de deux Israélites. 

1. SALOMI (hébreu : Selômî, « pacifique »; Sep- 
tante : E£).eiju), père d'Ahiud, de la tribu d'Aser. Son 
fils fut chargé de représenter sa tribu dans le partage 
de la Terre Promise. Num., xxxiv,27.VoirAmuDl,t.i, 
col. 295. 

2. SALOMI (grec : SaXtipi), nom, dans I Mach., h, 
26, du père de Zamhri. Il est appelé Salu, Num., 
xxv, 14. 

SALOMITH (hébreu : Selômît, « pacifique »), nom 
de sept Israélites, cinq hommes et deux femmes, dans 
le texte hébreu. Une de ces femmes est appelée dans la 
Vulgate Salumith, Lev., xxiv, 11; un homme, Selo- 
mith, I Esd., vm, 10; et un autre homme Sélémith, 
I Par., xxvi, 25-26. Voir ces noms. 

1. SALOMITH (Septante : EaXwiJiseQ, fille de Zoro- 
babel, fils de Phadaïa, prince de Juda, sœur de Mosol- 
lam et d'Hananias. I Par., m, 19. 

2. SALOMITH (Septante : SaXwtiiô), fils de Séméi, 
descendant de Gerson, de la tribu de Lévi, chef des 
Gersonites sous le règne de David. I Par., xxm, 9. Il 
est possible qu'au f. 10, il faille lire Salomith au lieu 
de Séméi. Voir Séméi, père de Léheth. 

3. SALOMITH (Septante] : SaXw^tiS), lévite, chef de 
la famille d'Isaar du temps de David. I Par., xxm, 18. 
Son nom est écrit Salémoth. I Par., xxiv, 22. Voir Sa- 
lémoth, col. 1373; Isaar 1, t. m, col. 936. 

4. SALOMITH (Septante : 2*Xï;[i<o6), fils, ou, d'après 
quelques commentateurs, fille de Roboam,roi de Juda, 
et de Maacha. II Par., xi, 20. 

SALOMON (hébreu :Sdïomô/»;Septante: T,us'i.u>p.tî>v ; 
Nouveau-Testament : SoXo|ji.<iv), fils et successeur de 
David. Il régna de 1015 à 975, d'après l'ancienne chro- 
nologie, mais d'après le synchronisme des documents 
assyriens, à une époque postérieure. Ces dates doivent 
être abaissées probablement d'une quarantaine d'années. 

I. Ses premières années. — 1° Sa naissance. — Sa- 
lomon naquit de David et de Bethsabée. Onze fils sont 
attribués à David pendant sa royauté à Jérusalem; ils 
sont nommés dans l'ordre suivant : Samua, Sobab, Na- 
than, Salomon, etc. II Reg., v, 14. D'autre part, ces 
quatre premiers fils ont Bethsabée pour mère. I Par., 
m,5; xiv, 4. Il faudrait donc conclure de ces trois 
textes que Salomon a été le quatrième fruit de cette 
union et non le second, comme le donnerait à supposer 
un autre passage. II Reg., xn, 24. Samua serait alors 
le fils de l'adultère, mort peu après sa naissance; Sobab 
serait le second fils, dont il n'est plus question par la 
suite et qui mourut peut-être en bas-âge; le troisième, 
Nathan, devint la souche d'une descendance qui 
aboutit à Joseph, (ils de Marie, Luc, m, 31; cf. J. Ges- 
lin, Nouvel essai d'interprétation des deux généalogies 
de Jésus, dans la Revue pratique d'Apologétique, 
1 er déc. 1908, p. 362; Salomon viendrait au quatrième 
rang. On ne peut pas dire que Salomon occupe cette 
place parce qu'aussitôt après l'historien veut faire sa 
généalogie. I Par., m, 5, 10. L'observation ne s'ap- 



1383 



SALOMON 



1384 



plique pas aux deux autres passages. Il Reg., v, 14; 
I Par., xiv, 4. Il est donc probable qu'après avoir parlé 
de la mort du premier fils, l'historien des Rois passe 
sous silence les deux suivants, pour en venir immédia- 
tement à celui qui fut le plus célèbre et dont il a à 
raconter l'histoire. — D'après Josèphe, Ant. jud., VII, 
xiv, 2; VIII, i, 1, Salomon était vsiAtoitoç naï; et véoç 
tV »j).ixf«v ïzi wv, encore très jeune, quand il eut à 
succéder à son père. Il serait monté sur le trône à 
quatorze ans et l'aurait occupé quatre-vingts. Ant . jud., 
VIII, vu, 8. Le second chiffre double celui de la Bible; 
le premier ne peut donc inspirer confiance, ni suppléer 
au silence des auteurs sacrés sur la date de la nais- 
sance de Salomon. On ne peut davantage accepter 
l'assertion de S. Jérôme, faisant arriver Salomon sur 
le trône à douze ans. In Is., n, 3, t. xxiv, col. 63. On 
suppose plus vraisemblablement que le prince avait 
une vingtaine d'années quand il devint roi. III Reg., 
m, 7. Cf. Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 20. Il na- 
quit donc vers la vingtième année du règne de David 
qui dura quarante ans. A cette date, David régnait de- 
puis treize .ans à Jérusalem. III Reg., Il, 11. Il est à 
croire que son union avec Bethsabée n'avait pas tardé 
longtemps après son installation dans la nouvelle ca- 
pitale. Entre la huitième et la vingtième année de son 
règne, David avait eu le temps, par conséquent, d'avoir 
plusieurs fils de Bethsabée, et Salomon serait en réa- 
lité le plus jeune d'entre eux. 

2» Son nom. — Le nom de Salomon vient de sâlôm, 
qui signifie « paix » et « santé ». Comme les Hébreux 
s'inspiraient souvent des circonstances pour choisir un 
nom à leurs enfants, il y a lieu de penser que le nom 
de Salomon reflète une époque de prospérité et de paix 
dans le règne de David, telle que celle qui s'écoula 
entre la guerre contre les Ammonites et la révolte 
d'Absalom. Il signifie « pacifique », comme le grec 
E!pï]vatoç, Irénée, et l'allemand Friedrich, Frédéric. Il 
avait été choisi par David; il prévalut sur celui de 
Yedîdydh, « aimé de Jéhovah », que lui attribua le pro- 
phète Nathan. II Reg., xn, 25. 

3° Son éducation. — Plusieurs influences heureuses 
s'exercèrent sur la jeunesse du prince. David, dont les 
premières années avaient été si dures, si mouvementées, 
si périlleuses, fit élever son fils dans le calme de sa 
nouvelle cour. Il veilla à ce qu'une éducation en rap- 
port avec sa condition lui fût donnée. On instruisit 
donc le jeune prince aussi bien qu'on pouvait le faire 
à cette époque. Les indications de la Sainte-Écriture 
sur la suite de son règne montrent qu'on lui apprit la 
science des lois, la poésie, la science naturelle de 
l'époque et cette philosophie à la fois théorique et pra- 
tique qui se formulait en sentences brèves, mais de 
forme originale et vive. Cette culture ne pouvait pro- 
duire que d'excellents effets sur une intelligence 
éveillée et heureusement douée, comme était celle du 
jeune prince. Sa mère, Bethsabée, paraît avoir été, à la 
suite de sa faute et de son repentir, une femme de 
sens et de bon conseil. Elle exerça sur son jeune fils 
une influence profitable, que ne gênaient en rien les 
habitudes de la cour de David. Car les rois israélites 
n'imposaient nullement aux femmes cet esclavage et 
cet abaissement qui étaient de règle dans les harems 
orientaux. Bethsabée put donc se consacrer en toute 
liberté au soin physique et moral de son fils. Elle y fut 
puissamment aidée par le prophète Nathan, qui avait 
salué dans l'enfant naissant le » bien-aimé de Jéhovah », 
et qui aidera un jour le jeune homme à recueillir la 
couronne paternelle. Le prophète s'appliqua sans nul 
doute, de concert avec David sincèrement revenu à la 
fidélité envers Dieu, à développer la piété dans le cœur 
du prince. Ses efforts furent couronnés de succès, au 
moins pendant la jeunesse et la première partie du 
règne de Salomon. — A cet enseignement théorique 



s'ajoutèrent les leçons de l'expérience. Les guerres de 
David étaient terminées quand Salomon vint au monde. 
Celui-ci n'acquit donc de connaissances militaires 
qu'au contact des vaillants hommes qui avaient guerroyé 
avec son père. Si jeune pourtant qu'il fût alors, il dut 
être témoin attentif et douloureusement impressionné 
de la révolte d'Absalom, de la fuite et des épreuves de- 
son père et des calamités qui furent la conséquence de 
l'ingratitude de son frère aine. — Des chiffres trans- 
crits par les auteurs sacrés, résulte un fait qui ne- 
laisse pas que d'étonner. Salomon régna quarante ans. 
III Reg., xi, 42. Son fils Roboam avait quarante et un 
ans quand il lui succéda. III Reg., xiv, 21; II Par., xn, 
13. Il était donc né un an avant que Salomon ne devint 
roi, ce qui suppose une chose très naturelle en soi, le- 
mariage du jeune prince vers l'âge de dix-huit ans. 
Mais Roboam avait pour mère Naama, l'Ammonite. 
III Reg., xiv, 21; II Par., xn, 13. Les Ammonites- 
étaient exclus à jamais de l'assemblée d'Israël. Deut., 
xxill, 3. Bien que les mariages avec des Chananéennes 
fussent seuls formellement défendus, Deut., vu, 3, 
ceux que l'on contractait avec d'autres étrangères 
n'étaient pas vus de bon œil, au moins après la capti- 
vité. I Esd., ix, 1, 2; x, 1-17. Néhémie dit même à 
ceux qui avaient épousé des Azotiennes, des Ammo- 
nites et des Moabites : « N'est-ce pas un péché de ce 
genre qu'a commis Salomon, roi d'Israël? » II Esd., 
xiii, 26. Comment David, Bethsabée et Nathan ont-ils. 
laissé le jeune Salomon prendre une étrangère plutôt 
qu'une fille d'Israël? On l'ignore. Toujours est-il que 
la chose ne dut pas paraître alors aussi anormale que 
dans la suite, car les historiens sacrés ne font aucune- 
remarque à ce sujet. 

II. Inauguration du règne. — 1° Désignation de 
Salomon. — Dieu avait promis à David que sa posté- 
rité régnerait après lui et qu'un fils, qui lui succéde- 
rait, bâtirait une maison à son nom. II Reg., vu, 12,13. 
Mais ce successeur n'avait pas été désigné tout d'abord. 
Aussi l'un des fils que David avait eus à Hébron, Absa- 
lom, le troisième d'entre eux, né de Maaca, fille du roi 
de Gessur, intrigua-t-il pour s'assurer la succession 
de son père. II Reg., xv, 1-6. Il finit même par se ré- 
volter ouvertement, obligea .David à s'enfuir au delà 
du Jourdain, s'installa à Jérusalem, mais ensuite fut 
défait dans la forêt d'Éphraïm et périt de la main de- 
Joab. II Reg., xvm, 6-15. Cette révolte décida proba- 
blement David à prendre des mesures pour désigner 
son successeur. Il promi^ à Bethsabée que son fils Sa- 
lomon serait roi après lui. III Reg., i, 13. Lui-même 
attribua ensuite ce choix à Jéhovah, sans doute parce que- 
Nathan avait contribué à le lui inspirer. I Par., xxvm, 
5, 6. Mais ce choix ne parait pas avoir été divulgué au 
moment où il fut arrêté. Les intrigues du frère aîné de- 
Salomon, Àdonias, hâtèrent l'avènement du fils de 
Bethsabée au trône. Voir Adonias, t. i, col. 224. 

2° Sacre de Salomon. — David ayant été prévenu. 
qu'Adonias se faisait proclamer roi, le prêtre Sadoc et 
le prophète Nathan, sur son ordre, firent monter Sa- 
lomon sur la mule du roi, et, accompagnés de la garde- 
royale, commandée par Banaïas, et d'une foule de 
peuple, ils le conduisirent à la fontaine de Gihon,. 
située dans la vallée du Cédron, à quatre cents mètres 
au-dessus d'En-Rogel. Voir la carte, t. m, fig. 249, 
col. 1355. Là, le prêtre Sadoc oignit Salomon, on sonna 
de la trompette, tout le peuple cria : Vive le roi Salo- 
mon ! et on reconduisit le prince avec de grandes 
acclamations pour le faire asseoir sur le trône. — Le 
bruit des trompettes et, aussitôt après, la nouvelle de 
ce qui venait d'être accompli terrifièrent Adonias, qui 
courut saisir les cornes de l'autel, pour se garantir 
contre une exécution possible. Exod., xxi,14. Salomon 
l'épargna, à condition qn'il se montrât loyal et se tint 
tranquille. III Reg., I, 38-53. 



1385 



SALOMON 



1386 



3» Les instructions de David. — Instruit par cette 
•seconde tentative d'usurpation, David, avant de mourir, 
tint à signaler à son jeune successeur les mesures qu'il 
aurait à prendre pour affermir sa royauté. Il lui fallait 
en premier lieu être fidèle au service de Jéhovah. Puis, 
il aurait à traiter sévèrement Joab,le meurtrier d'Abner 
■et d'Amasa et le fauteur des prétentions d'Adonias; il 
en serait de même pour Séméï, qui avait montré tant 
de violence contre lui. De tels personnages ne pou- 
vaient être que des causes de trouble pour le nouveau 
règne. II Reg., n, 1-9. David ajouta d'autres recom- 
mandations relatives à la construction du Temple futur. 
Il provoqua les offrandes de son peuple, en vue de 
l'œuvre à entreprendre, et demanda qu'on secondât son 
fils, encore jeune. I Par., xxix, 1. Il fit offrir devant 
(tout le peuple de grands sacrifices à Jéhovah, suivis 
de festins pendant lesquels Salomon fut de nouveau 
proclamé roi. On l'oignit encore et l'on fit de même 
pour Sadoc, qui devint grand -prêtre à la place 
•d'Abiathar, compromis dans le complot d'Adonias. 
1 Par., xxix, 20-25. David pouvait maintenant mou- 
rir : il laissait un successeur incontesté sur un 
trône affermi.' En faisant renouveler solennellement 
la cérémonie du sacre, hâtivement accomplie une 
première fois à la fontaine de Gihon, il avait assuré 
au nouveau roi la consécration définitive de sa 
royauté. 

III. Les premiers actes du règne. — 1» Les mesures 
■de rigueur. — Pour obéir aux instructions de son 
père, Salomon surveilla de très près ceux dont la con- 
duite passée pouvait constituer une menace pour son 
•autorité. Adonias, par de nouvelles intrigues, courut 
lui-même au-devant du châtiment. Il chercha à avoir 
pour femme Abisag, la Sunamite, la dernière qui avait 
•appartenu à David. III Reg., i, 3, 4. C'était vouloir se 
■créer un titre à la royauté. Salomon le fit mettre à 
•mort, parce qu'il ne voulait pas que son règne fût 
troublé comme celui de son père l'avait été par la ré- 
volte d'Absalom. David avait eu des fils nombreux, dont 
beaucoup étaient les aînés de Salomon. Il y avait là un 
danger à écarter, car chacun d'eux pouvait se croire des 
droits à régner. En faisant périr résolument le plus 
audacieux, le roi donna à tous les autres un avertisse- 
ment nécessaire et efficace. — Le grand-prêtre Abia- 
thar avait trempé dans le complot d'Adonias et il avait 
été remplacé par Sadoc, du temps même de David. 
ï Par., xxix, 22. Salomon respecta sa vie, mais il le 
■chassa, afin qu'il ne remplit plus ses fonctions. Ainsi se 
réalisait une prophétie de Samuel à Héli sur le sort ré- 
servé aux descendants de ce dernier. I Reg., u, 30-36. 
— Vint ensuite le tour de Joab, l'autre complice d'Ado- 
oias. 11 eut beau chercher un refuge auprès de l'autel, 
comme avait fait jadis Adonias; Salomon l'y fit frapper 
par Banaïas. — Restait Séméi, l'ancien adversaire de 
David. II Reg., xvi, 5-13. Il était de Bahurim, où il 
possédait de grandes propriétés, et commandait à 
mille hommes de Benjamin. Pour l'isoler de ceux qu'il 
•aurait pu soulever, Salomon lui prescrivit de se fixer 
■à Jérusalem et de ne jamais passer le Cédron, sous 
peine de mort. Séméi accepta la condition. Mais, trois 
ans après, il s'échappa pour aller chercher à Geth 
deux de ses esclaves qui s'y étaient enfuis. A son re- 
tour, il fut mis à mort par ordre du roi, conformément 
à la convention qu'il avait acceptée lui-même. — Ces 
■exécutions peuvent sembler sévères ; mais il faut recon- 
naître qu'elles étaient justifiées et qu'elles assurèrent 
à Salomon et à la nation quarante années de tranquil- 
lité intérieure, malgré les causes de mécontentement 
•qui se produisirent dans la suite du règne. Elles étaient 
d'ailleurs conformes aux mœurs orientales, dans un 
pays où l'autorité ne s'imposait efficacement que par 
la force. Par contre, Salomon n'eut garde d'oublier la 
recommandation que son père lui avait faite en faveur 



de la famille de Berzellaï. II Reg., u, 7. Voir Chamaam, 
t. il, col. 516. 

2° Le mariage avec la fille du pharaon. — L'histo- 
rien des Rois place ce mariage au début du règne. 
III Reg., m, 1. Salomon crut qu'il était de bonne poli- 
tique de s'allier avec le pharaon d'Egypte. David avait 
jadis assujetti le pays d'Édom. Il Reg., vin, 13, 14. 
Mais un prince delà famille royale iduméenne, Adad, 
avait réussi à . fuir en Egypte, où le pharaon l'avait 
accueilli avec bienveillance et lui avait même accordé 
pour épouse une sœur de sa femme, la reine Taphnès. 
Quand Adad apprit la mort de David et l'exécution de 
Joab, il revint dans son pays, malgré les observations 
du roi d'Egypte, et « fit du mal » au royaume israélite, 
en même temps que Razon de Damas, « qui fut un 
ennemi d'Israël pendant toute la vie de Salomon. » 
III Reg., xi, 14-25. Pour empêcher Adad d'abuser 
contre lui de l'alliance égyptienne, Salomon songea 
naturellement à s'assurer un appui en Egypte même, 
où la puissance royale semble avoir été morcelée à cette 
époque. Salomon demanda sa fille à l'un des pharaons 
qui régnaient alors sur les bords du Nil et il l'obtint. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, t. n, p. 738, Il amena la princesse dans la 
cité de David, en attendant qu'il eût élevé le palais 
destiné à son habitation. Ce mariage n'était pas plus 
contraire à la loi mosaïque que la précédente union 
du prince avec Naama, l'Ammonite. Il eut des effets 
avantageux. Salomon dut à cette union la sécurité de 
ses frontières méridionales, de grandes facilités pour 
son commerce, la soumission efficace de la population 
philistine de la côte et la possession de places fortes, 
parmi lesquelles Gazer était la plus importante, et que 
le pharaon donna comme dot à sa fille. III Reg., ix, 16. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. u, p. 738; Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. m, p. 268 ; H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 464. 

3° Le sacrifice de Gabaon. — Aussitôt après son ma- 
riage, Salomon organisa une grande démonstration 
religieuse à Gabaon. L'Arche avait été transportée par 
David dans la capitale. Mais comme le Temple n'était 
pas encore construit, on offrait des sacrifices à Jéhovah 
sur les hauts-lieux. Gabaon en était un, et c'est là que 
se trouvait alors le Tabernacle. Salomon offrit mille 
holocaustes sur l'autel de Gabaon; car « il aimait Jé- 
hovah, marchant selon les ordonnances de David, son 
père. » III Reg., m, 3. Le fait d'offrir des sacrifices sur 
les hauts-lieux ne constituait pas une infraction à la 
loi mosaïque, bien que la Vulgate semble l'insinuer 
dans ce dernier texte. C'était une nécessité que le 
texte hébreu se contente de constater. A la suite de 
cette solennité religieuse, Salomon eut un songe dans 
lequel Jéhovah lui apparut et lui dit de demander ce 
qu'il voudrait. Le roi demanda la sagesse pour 
juger le peuple et discerner le bien et le mal. Jéhovah, 
satisfait de cette prière, l'exauça et promit par surcroît 
à Salomon toutes les prospérités. A la suite de ce songe, 
Salomon retourna à Jérusalem, se présenta devant 
l'Arche, offrit de nouveaux holocaustes et des sacrifices 
d'actions de grâces et donna un grand festin à toute sa 
cour. III Reg., m, 4-15; II Par., ï, 7-13. 

4» Le jugement de Salomon. — Le roi eut bientôt 
l'occasion d'utiliser sa sagesse, quand deux femmes se 
présentèrent à son tribunal en se disputant la posses- 
sion d'un enfant. Avec un merveilleux à-propos, il mit en 
jeu le sentiment maternel pour discerner immédiate- 
ment celle des deux femmes à laquelle appartenait 
l'enfant. Cet épisode est devenu si populaire qu'on en 
a retrouvé à Pompéi (en 1883) une représentation cari- 
caturale (fig. 283). 

IV. Le gouvernement de Salomon. — 1» L'adminis- 
ration. — David avait déjà constitué autour de lui 
tout un corps de fonctionnaires chargés d'administrer 



1387 



SALOMON 



1388 



le royaume. Salomon renouvela en partie ce personnel 
et créa des fonctions nouvelles. Il eut auprès de sa 
personne un premier ministre, qui était le fils du 
grand-prêtre Sadoc, deux secrétaires, un archiviste, 
un chef d'armée, Banaïas, le grand-prêtre, Sadoc, un 
conseiller intime, le prêtre Zabub, fils de Nathan, un 
préfet du palais et un surintendant des impôts. III Reg., 
iv, 1-6. Sous David, douze intendants surveillaient les 
biens du roi et pourvoyaient à la subsistance de la 
cour; mais chacun d'eux était chargé de tous les biens 
d'une même nature, souvent répandus dans tout le 
pays. I Par., xxvn, 25-31. Salomon modifia cette insti- 
tution, dont l'usage avait sans doute montré les incon- 
vénients. Il eut aussi douze intendants, mais il attribua 
à chacun d'eux une portion du territoire, distincte de 
la division en douze tribus, sur les ressources de la- 
quelle chacun d'eux, à tour de rôle, devait faire vivre 
la cour pendant un mois. III Reg., iv, 7-19. Cette orga- 



troupes de pied n'étaient levées qu'en cas de guerre; 
il n'y avait donc pas lieu de s'en préoccuper en temps 
de paix. Il en était autrement de la charrerie. Absalom 
et Adonias avaient été les premiers à posséder des 
chars, comme insignes de leurs prétentions royales. 
Voir Char, t. n, col. 567. Salomon eut 1400 chars et 
12000 hommes chargés des chevaux. III Reg., x, 26; 
II Par., i, 14. D'après des chiffres qui semblent attirés 
et décuplés par les copistes, III Reg., IV, 26 (hébreu, v T 
6) et II Par., ix, 25, il aurait eu 40 000 crèches ou stalles 
à chevaux. Cf. Armée, t. i, col. 976. Des dépôts spéciaux 
étaient ménagés pour les chars, d'autres pour les che- 
vaux, dans certaines villes et à Jérusalem. III Reg., IX, 
19; x, 26; II Par., i, 14; vm, 6; ix, 25. La cavalerie de 
Salomon devait se composr d'hommes combattant sur 
des chars, comme en Egypte. Voir Armée, t. ), col. 993. 
A chaque char étaient attelés deux chevaux. 
Salomon se servit de cette force armée pour assurer 




283. — Caricature païenne du jugement de Salomon. Peinture de Pompéi. Musée de Naples. 



nisation rendait la surveillance plus facile et les trans- 
ports moins dispendieux. Les intendants étaient éga- 
lement chargés de faire venir l'orge et la paille pour la 
cavalerie, dans les différents postes où elle se trouvait. 
III Reg., iv, 28. 

2° La cour. — Un roi donnait une haute idée de sa 
puissance en s'entourant d'un grand nombre de per- 
sonnages et de serviteurs. Salomon n'y manqua pas. 
Il construisit dans son palais des appartements et des 
chambrés pour ses serviteurs de tout ordre. III Reg., x, 
5. Ceux-ci avaient le droit de manger à la table du roi, 
c'est-à-dire d'être nourris aux frais de son trésor, eux 
et toute leur famille. La dépense de la cour était ainsi 
pour chaque jour de 30 cors (10 148 litres 70) de fleur 
de farine, 60 cors (20 297 litres 40) defarine commune, 
10 bœufs gras, 20 bœufs de pâturage, 100 moutons, 
puis des cerfs, des chevreuils, des daims et des volailles 
engraissées. III Reg., iv, 22, 23. Ces quantités de vivres 
supposent près de 14 000 personnes nourries, ce qui ne 
paraîtra pas extraordinaire, si l'on fait entrer en ligne 
de compte les fonctionnaires et serviteurs de tout rang, 
tout le personnel du harem royal, la garde du corps et 
la famille de tous ces ayant-droit, sans parler des autres 
fonctionnaires et pourvoyeurs de province que le trésor 
royal devait entretenir aussi. 

3" L'armée. — Elle avait pour chef Banaïas. Elle se 
composait de troupes à pied et de charrerie. Les 



la paix à l'intérieur et aux environs de son royaume. 

II tint en respect Adad, l'Édomite, et Razon de Syrie. 

III Reg., XI, 23-25. Il occupa le pays de Gazer, que le 
pharaon lui avait remis. III Reg., IX, 16,17. Au nord, il 
s'empara d'Émath, qui commandait la vallée de 
l'Oronte. II Par., vm, 3. Il réduisit en servage tout ce 
qui, à l'intérieur du royaume, restaitencore des anciens 
Chananéens, Amorrhéens, Héthéens, Phérézéens, Hé- 
véens et Jébuséens, qui ne faisaient pas partie des en- 
fants d'Israël. III Reg., ix, 20, 21 ; Il Par., vm, 7, 8. Il 
arriva ainsi à dominer sur tout le pays qui s'étendait 
« depuis le fleuve de l'Euphrate jusqu'à la terre des 
Philistins et jusqu'à la frontière d'Egypte. » (C'est ainsi 
que doit se traduire l'hébreu.) III Reg., IV, 21. Cf. Josè- 
phe, Ant. jud., VIII, n, 4. En somme, Salomon n'eut 
pas à faire grand usage de ses forces militaires. Grâce 
à l'organisation de son royaume et à ses richesses, il 
put conserver la paix pendant tout son règne. 

4° Les finances. — Il fallait à Salomon des ressources 
considérables pour faire face aux dépenses de son ad- 
ministration et de ses constructions. 11 les emprunta à 
des sources diverses. — 1. Les impôts. Samuel avait 
annoncé que le roi prélèverait sur son peuple la dîme 
des moissons, des vignes et des troupeaux. I Reg., vm, 
15, 17. Il est assez probable que cette prévision était 
devenue une réalité à l'époque de Salomon et que les 
douze intendants établis par lui avaient pour mission 



1389 



SALOMON 



1390 



première la perception de cette dîme. Ajoutée à la dime 
lévitique, elle faisait peser un impôt d'un cinquième 
sur les biens de la terre. Il est bien possible aussi que 
la première fenaison, appelée « coupe du roi »,Am.,vn, 
1, ait déjà été prélevée au temps de Salomon. Cf. 
III Reg., IV, 28. — 2. Les droits d'importation. Ils 
étaient exigés des marchands nomades et des négociants. 
Les rois d'Arabie y ajoutaient leurs tributs en or et en 
argent. III Reg., x, 15; II Par., ix, 14. — 3. Les droits 
de transit. Les marchandises venues de l'est à destina- 
tion des Phéniciens ou des Philistins devaient néces- 
sairement emprunter le territoire de la Palestine, 
depuis que Salomon était maître de tout le pays jus- 
qu'à Émath. Celles qui venaient d'Egypte passaient par 
la Palestine pour arriver en Syrie et chez les Héthéens. 
III Reg., x, 28, 29. On en exigeait des droits de pas- 
sage. — 4. Les présents. Les sujets de Salomon lui 
apportaient des objets d'argent et d'or, des vêtements, 
des armes, des aromates, des chevaux et des mulets, 
présents volontaires dont l'usage ne permettait pas de 
se dispenser et qui se renouvelaient chaque année. En 
retour, les contribuables pouvaient voir Salomon el 
entendre sa sagesse. III Reg., x, 24-25. — 5. Le com- 
merce. Voisin des Phéniciens, le roi d'Israël consta- 
tait les immenses richesses que le commerce leur pro- 
curait. Il résolut de les imiter. Il se réserva le monopole 
de certains trafics, celui de l'or, III Reg.,ix, 28, et celui 
des chevaux. II Par., x, 28. Il établit, dans les endroits 
les plus favorables, des entrepôts et des relais pour les 
caravanes marchandes. Sa puissance s'étendaitjusqu'au- 
près de Thapsaque, où l'on pouvait traverser l'Euphrate. 
III Reg., iv, 24. Pour faciliter l'accès de ce débouché, 
il bâtit ou restaura Thadmor, la ville des Palmes ou 
Palmyre, au milieu du désert, sur la route de Damas à 
Thapsaque, III Reg., ix, 19, et mit en état les villes du 
pays d'Émath qui pouvaient servir de magasins. 

II Par., vin, 4. A l'intérieur du pays, pour faciliter les 
transports et les transactions, il fit paver de pierres 
noires, probablement de basalte, les voies qui menaient 
à Jérusalem, cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, VII, 4, et 
ménagea des magasins dans les villes. II Par., vm, 5. 
Lçs chevaux et les chars qu'il tirait de l'Egypte, et 
peut-être de Coa, étaient achetés, les premiers 150 sicles 
d'argent (424 fr. 50) et les seconds 600 sicles (1698 fr.). 

III Reg., x, 29. Il y avait là, sans nul doute, une source 
de grand profit pour Salomon. Les Phéniciens étaient 
marins; le roi d'Israël voulut lui aussi posséder une 
marine. Il fit d'Asiongaber, à la pointe du golfe Élani- 
tique, une ville maritime. Une flotte y fut construite, 
voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1496, 1506, et, de 
concert avec des matelots de Tyr, ceux de Salomon en- 
treprirent par mer le voyage d'Ophir. Voir Ophir, t. iv, 
col. 1829. Le voyage durait trois ans, et l'on en rappor- 
tait de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des singes et des 
paons, III Reg., ix, 26-28; x, 22; II Par., \m, 17, 18, 
du bois de santal et des pierres précieuses. IIÏ Reg.,x, 
11-12. Pour acquérir ces objets, il fallait en donner 
d'autres en échange. La Palestine ne fournissait guère 
de produits pouvant se vendre sur le marché indien. 

II est donc à croire que les marins de Salomon se pour- 
voyaient d'objets ' manufacturés en Phénicie et les 
échangeaient contre les matières précieuses d'Ophir. 
La Hotte rapporta à Salomon 420 talents d'or, soit près 
de 17000 kilogrammes ou plus de 55 millions. III Reg., 
ix, 28. Chaque année, le roi revevait de toute prove- 
nance 666 talents d'or, soit une valeur de 87 812 100 francs. 

III Reg., x, 14; II Par., IX, 13. Cf. Eccle., Il, 8. Salo- 
mon employa cet or à la fabrication de toutes sortes 
d'ustensiles pour le Temple et pour ses palais. 
III Reg., x, 25. 11 se fit, entre autres objets, 200 grands 
boucliers d'or battu, à chacun desquels il employa 
600 sicles d'or (26100 fr.), et 300 petits, représentant 
chacun 3 mines d'or (6 600 fr.). Ces seuls boucliers va- 



laient donc une somme de 19800000 francs. On conçoit 
que, dans ces conditions, l'argent eût peu de valeur à 
Jérusalem. III Reg., x, 21. Cf. Eccli.,xi/vn,20. — On ne 
peut assurer que toutes ces richesses aient été gérées 
très sagement. Un fait significatif permet d'en douter. 
Vingt ans après la construction du Temple et des palais, 
Salomon n'avait pas encore restitué à Hiram 120 talents 
d'or (16822000 fr.) que ce dernier lui avait avancés, et 
il lui céda en paiement vingt villes de Galilée, dont 
Hiram se montra d'ailleurs peu satisfait. III Reg., ix, 10- 
14. Comment un roi qui recevait annuellement 666 ta- 
lents d'or a-t-il pu rester vingt ans sans pouvoir payer 
120 talents? Les chiffres bibliques sur les richesses de 
Salomon auraient-ils été exagérés par les transcrip- 
teurs?Ou enfin, la prodigalité excessive du roi d'Israël 
est-elle seule en cause? Cette dernière raison parait la 
plus probable. 

V. Les grandes constructions. — 1» Les prépara- 
tifs. — David avait laissé à son fils le soin de construire 
un Temple à Jéhovah. III Reg., v, 3; I Par., xxvm, 
2-21. Il avait même fait préparer à l'avance le plan des 
constructions et le modèle des ustensiles du culte, et 
avait mis en réserve 3000 talents d'or (395550000 fr.) 
et 7 000 talents d'argent (59500000 fr.) pour être em- 
ployés à l'ornementation et au mobilier. I Par., xxvm, 
11-xxix, 5. A son exemple, les grands et les riches de 
la nation avaient fait leurs offrandes comprenant 
5000 talents d'or (659 250000 fr.), 10000 dariques 
(366666 fr.), 10000 talents d'argent (85000000 fr.), 
18000 talents d'airain (765594 kil.) et 100 000 talents de 
fer (4253300 kil.). — Il n'y avait personne en Israël 
qui fût capable d'exécuter des œuvres aussi impor- 
tantes que celles que David avait prévues. Salomon 
s'adressa donc aux Phéniciens, habiles constructeurs 
et experts dans toutes les œuvres d'art. Il fit alliance 
avec Hiram, roi de Tyr, et lui demanda de lui envoyer 
un architecte capable de prendre la direction des 
ouvriers préparés par David. Le roi de Tyr lui envoya 
maître Hiram, fils d'un Tyrien et d'une femme de 
Nephthali. III Reg., vu, 13, 14. Voir Hiram, t. m, 
col. 718. Il s'engagea aussi à faire couper dans le 
Liban, par des Phéniciens associés à des Israélites, les 
bois nécessaires aux constructions, moyennant un sa- 
laire convenu, 20000 cors de froment (67658 hectol.), 
20000 cors d'orge, 20000 baths de vin (7 776 hectol.) 
et 20000 balhs d'huile. III Reg., v, 1-12; II Par., I, 3- 
16. Les pierres et les autres matériaux devaient se 
trouver en Palestine. Voir Carrière, t. n, col. 319. — 
Enfin, Salomon eut recours à la corvée pour se procu- 
rer les ouvriers nécessaires. Voir Corvée, t. n, col. 1032. 
Il leva 30 000 Israélites pour aller alternativement pen- 
dant un mois travailler par 10000 dans le Liban. Ado- 
niram fut mis à la tête de ce service. David avait fait 
le dénombrement des étrangers, la plupart anciens 
Chananéens, qui séjonrnaient dans le pays. Il s'en 
trouva 153600. Salomon en prit70 0CO pour porter les 
fardeaux, 80,000 pour tailler les pierres dans la mon- 
tagne et 3 600 pour servir de surveillants. Les maçons 
de Salomon et ceux de Hiram, les Gibliens, travail- 
lèrent en commun. III Reg., v, 13-18; II Par., H, 17, 
18. Il arriva ainsi qu'une bonne partie des construc- 
teurs du Temple de Jéhovah furent des idolâtres, sous 
la direction générale de Hiram, qui devait l'être aussi. 

2° Les constructions. — Sur le Temple, voir Temple. 
Sur les autres édifices, voir Maison du Bois-Liban, 
t. iv, col. 594 ; Palais, col. 1967. Le Temple fut cons- 
truit en sept ans, de la quatrième à la onzième année 
du règne. III Reg., vi, 37, 38. Salomon éleva ensuite 
en treize ans ses trois palais : la Maison du Bois-Liban, 
pour les réunions officielles, sa maison d'habitation, 
dans une seconde cour et une autre habitation sem- 
blable pour la fille du pharaon. III Reg., vu, 2-12. Sur 
l'emplacement de ces palais, voir Jérusalem, t. m, 



1391 



SALOMON 



1392 



col. 1354. Par un sentiment de haute convenance, Sa- 
lomon ne voulut pas que le palais de la reine fût dans 
la cité de David, à cause de la sainteté du lieu où rési- 
dait l'Arche de Jéhovah. II Par., vin, 11. II entoura ces 
palais de plantations et y amena les eaux de très loin. 
Cf. Eccle., il, 4-6; Josèphe, Ant. jud., VIII, v,l-2. Voir 
Aqueduc, 1. 1, col. 798; Jardin, t.. m, col. 1131. 

3° La dédicace du Temple. — Quand le Temple fut 
terminé, Salomon en fit la dédicace solennelle et y 
transporta l'Arche. Une nuée remplit l'édifice sacré, 
au point d'empêcher les prêtres d'y exercer leur office. 
C'était le signe de Ja présence de Jéhovah. Cf. Exod., 
XL, 34, 35. Le roi adressa alors, en face de tout le 
peuple, une longue prière au Seigneur, pour le remer- 
cier de daigner habiter ainsi au milieu des hommes et 
le conjurer d'exaucer tous ceux qui viendraient le prier 
dans son Temple, Israélites et étrangers. Ensuite, il 
bénit le peuple et offrit en sacrifice 22000 bœufs et 
120 000 brebis, sans compter ceux que d'autres offrirent. 
Le peuple était accouru de tout le pays pour assister à 
cette fête, qui dura quatorze jours, à cause de la fête 
des Tabernacles qui fut célébrée à la suite de la dédi- 
cace. III Reg., vm, 1-66; Il Par., v, 1-vii, 10. Après ces 
solennités, Jéhovah apparut de nouveau à Salomon, 
comme il l'avait fait à Gabaon, et il lui renouvela ses 
promesses, en ajoutant que, si Israël se détournait de 
lui, il serait chassé du pays et deviendrait la raillerie 
des étrangers, avec son Temple abandonné de Dieu. 
III Reg., ix, 2-9; II Par., vu, 11-22. En tous ces récits, 
l'on n'entrevoit aucun reproche adressé à Salomon au 
sujet du luxe de ses constructions. C'est donc que cette 
splendeur répondait à l'idée qu'on se faisait de la gloire 
de Jéhovah et de la magnificence qui convenait au 
prince. La nation ne voyait pas sans fierté les splen- 
dides édifices élevés dans sa capitale. 

4° Les autres travaux. — Quand ses grandes cons- 
tructions furent achevées, Salomon utilisa à d'autres 
travaux l'ancienne population chananéenne qu'il avait 
réduite en esclavage. Il mit à la tête de ces ouvriers 
. 550 inspecteurs chargés de les faire travailler. Il cons- 
truisit ainsi Mello et le mur de Jérusalem. Voir Mello, 
t. ni, col. 947; Mur, col. 1340. Pendant la construction 
de Mello, un Éphratéen de Saréda, Jéroboam, jeune 
homme fort et vaillant, surveillait les gens de corvée 
de la maison de Joseph, c'est-à-dire les esclaves en 
résidence dans les tribus d'Éphraïm et de Manassé. 
III Reg., xi, 26-28. Salomon fortifia ensuite différentes 
villes d'une importance stratégique considérable, Héser 
ou Asor, qui commandait au sud du Liban la route 
d'Egypte en Assyrie, Mageddo, sur la même route, au 
pied du Carmel, Gazer, que lui avait remise le pharaon 
d'Egypte, Bethoron qui, comme Gazer, couvrait Jéru- 
salem au nord-ouest, Baalath, un peu au nord de Be- 
thoron, et enfin Thadmor ou Palmyre, dans le désert 
de Syrie. Dans ces villes et dans beaucoup d'autres 
furent bâtis des magasins et des dépôts pour les mar- 
chandises, les chars ou la cavalerie. III Reg., ix, 15-19. 

VI. La Sagesse de Salomon. — 1» Le don divin. — 
« Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande 
intelligence et un esprit étendu comme le sable qui est 
au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait 
la sagesse de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse 
de l'Egypte. Il était plus sage qu'aucun homme, plus 
qu'Éthan l'Ezrahite, plus qu'Héman, Chalcol et Dorda, 
les fils de Mahol, et sa renommée était répandue parmi 
toutes les nations d'alentour. » III Reg., iv, 29-31. 
L'écrivain sacré accumule les exemples pour donner 
une idée de la supériorité de Salomon. Entrant en- 
suite dans le détail, il ajoute que le roi prononça 
3 000 maximes, composa 1005 cantiques et disserta sur 
les végétaux et les animaux. III Reg., ix, 32, 33. 
Quelques siècles plus tard, on avait encore le souvenir 
vivant de Salomon, « fils plein de sagesse ». Eccli., 



xlvii, 12-17. Cette sagesse se composait de différents 
éléments. Le principal était sûrement la crainte de 
Dieu. Supérieurement doué par nature, le prince avait 
aussi cultivé son esprit par l'étude et l'observation. Il 
connaissait des sciences naturelles ce qu'on en pouvait 
savoir à cette époque, et sa connaissance de la nature 
n'était pas viciée, comme celle des Égyptiens, par la 
croyance à l'intervention d'une multitude de divinités 
imaginaires. Attentif à ce qui se passait en lui et autour 
de lui, il en tirait des réflexions utiles, auxquelles il 
savait prêter ce tour subtil, pittoresque et piquant 
qu'estiment tant les Orientaux. Penseur, savant et 
poète, il étonnait ses contemporains par l'à-propos de 
ses réponses et le charme de ses discours. C'est ce 
qui ressort de l'examen des ouvrages qui portent son 
nom ou qui semblent bien chercher à imiter sa ma- 
nière, là même où il n'est plus l'auteur. « Salomon eut 
tant de sagesse, qu'on aurait cru que la promesse de 
Dieu sur la descendance de David s'accomplissait en 
lui, s'il n'était tombé et n'avait ainsi donné Heu à 
espérer le Christ. » S. Augustin, In Ps. lxxxviii, 6, 
t. xxxvn, col. 1135. En réalité, la sagesse de Salomon 
devait être dépassée par d'autres, si grande qu'elle 
apparût aux hommes de son temps. Plus que personne, 
le Sauveur put dire un jour de lui-même, en se com- 
parant au plus sage des rois d'Israël : « Il y à ici plus 
que Salomon. » Matth., xii, 42; Luc, xi, 31. 

2° La reine de Saba. — Le texte sacré revient à 
trois reprises sur cette idée que la sagesse de Salomon 
faisait l'admiration même des étrangers. III Reg., IV, 
31, 34; Eccli., xlvii, 17. La visite de la reine de Saba 
en est une preuve éclatante. Voir Saba 6, col. 1287. Cette 
princesse vint à Jérusalem pour mettre à l'épreuve la 
sagesse de Salomon. Le roi eut réponse à toutes les 
difficultés qu'elle lui proposa. La reine ne se lassa pas 
d'admirer le bel ordre que Salomon faisait régner en 
toutes choses autour de lui et elle déclara que la réalité 
qu'elle constatait dépassait de beaucoup ce que la re- 
nommée lui avait raconté. En témoignage de son admi- 
ration, elle offrit au roi 120 talents d'or (15822 000 fr.) 
et une quantité d'aromates et de pierres précieuses. 
Salomon ne voulut pas demeurer en reste avec elle. 11 
lui donna tout ce qu'elle désira et lui fit des présents 
dignesde sa magnificence. III Reg,, x, 1-10, 13; II Par., 
ix, 1-9, 12. Voir sur cet épisode Coran, xxvn, 22-45. 
Cette visite ne fut pas la seule. Non seulement ses 
sujets, mais d'autres rois vinrent admirer sa sagesse 
et lui offrir des présents. III Reg., x, 23-25: II Par., 
ix, 22-24. Josèphe, Ant. jud., VIII, v, 3, raconte, d'après 
Ménandre et Dios, que Salomon et Hiram s'envoyaient 
mutuellement des énigmes à résoudre. Cf. Histori- 
corum Grsecorum Fragm., t. m, p. 225-228; t. iv, 
p. 398, 446. C'était là une des formes familières aux 
Orientaux pour faire briller leur esprit. Voir Énigme, 
t. il, col. 1808. Cf. F. Nau, Histoire et sagesse d'Afyi- 
kar t Assyrien, Paris, 1909, p. 203. Un certain Théo- 
phile, mentionné par Alexandre Polyhistor, a également 
écrit sur les rapports entre Hiram et Salomon. Cf. Eu- 
sèbe, Prcep.evang., ix, 34 fin, t. xxi, col. 753; S. Jérôme, 
Epist., lxx, 2, t. xxii, col. 665. La Bible ne fait mé- 
moire que de leurs relations d'affaires. 

3° Les écrits de Salomon. — La tradition a attribué 
à Salomon le Cantique des cantiques, voir Cantique 
des cantiques, t. il, col. 186, l'Eccîésiaste, voir Ecclé- 
siaste, col. 1539, une partie des Proverbes, voir Pro- 
verbes, t. v, col. 781, et le Psaume lxxii (lxxi). Le 
livre de la Sagesse est appelé dans les Bibles grecques 
S09Î1 Salwpv, « Sagesse de Salomon ». L'auteur y 
parle comme s'il était Salomon lui-même. Sap., vii-ix. 
Mais il y a là un simple artifice littéraire. Voir Sagesse, 
col. 1351. La mention de maximes et de cantiques, 
composés par Salomon, comme celle de ses disserta- 
tions sur l'histoire naturelle, n'implique pas la mise 



1393 



SALOMON 



1394 



par écrit de toutes ces compositions. III Reg., rv, 32- 
33. — Eu dehors des livres canoniques, des livres apo- 
cryphes ont été mis sous le nom de Salomon. Sur les 
Psaumes dits de Salonwn, voir Viteau, Les Psaumes de 
Salomon, in-8», Paris, 1910. Cf. col. 840; E.-E. Geiger, 
Der Psalter Salomo's, Augsbourg, 1871; Ryle and 
James, TFaXpiotSoXojjnovToc, Cambridge, 1891 ; Gebhardt, 
TaXiJ.01 Eoàoh,mvtoç, Leipzig, 1895; Schûrer, Geschichle 
des jûdîschen Volkes, t. m, p. 150-156. — Les wîou'de 
Salomon, qui font suite au livre gnostique intitulé 
IliffTi; Soçi'a, se présentent comme la continuation des 
psaumes précédents, mais sont l'œuvre d'un chrétien 
gnostique. Cf. Mùnter, Odse gnosticse Salotnoni tri- 
butse, Copenhague, 1812; Ryle and James, op. cit., 
p. xxiii-xxvh. — La réputation de science et d'habi- 
leté laissée par Salomon fit encore mettre sous son 
nom toutes sortes de livres de magie. Josèphe, Ant. 
jud., VII, h, 5, dit à ce sujet : « Dieu lui accorda la 
connaissance de l'art contre les mauvais démons, pour 
l'utilité et la guérison des hommes. Il composa des 
incantations pour l'adoucissement des maladies, et il 
laissa des formules d'adjuralions au moyen desquelles 
on chasse si bien les démons qu'ils ne reviennent plus 
jamais; ce mode de guérison produit encore ses effets 
parmi nous. » Josèphe en cite des exemples. Origène, 
ïn Matth., xxvi, 63, t. xm, col. 1757, dit que, chez les 
Juifs, « les démons sont ordinairement adjurés au 
moyen des adjurations écrites par Salomon. Mais il 
arrive que ceux qui emploient ces adjurations ne se 
servent pas toujours des livres composés pour cela. » 
Parmi les chrétiens, la croyance au pouvoir des for- 
mules salomoniennes contre les démons persista très 
longtemps. Au iv e siècle, on montrait au pèlerin de 
Bordeaux, à Jérusalem, une crypte dans laquelle Salo- 
mon torturait les démons. Cf. Tobler, Palestine des- 
criptiones, Saint-Gall, 1869, p. 3. En 494, le pape Gélase 
condamna, parmi les livres apocryphes, une Contra- 
diclio, ou Interdictio Salomonis. Il existe encore un 
livre d'origine chrétienne intitulé Testamentum Salo- 
monis, roulant sur les mêmes sujets. Cf. Fabricius, 
Codex., 1. 1, p. 1036. En conséquence de cette croyance 
sur le pouvoir de Salomon contre les démons, son 
nom revient fréquemmentdans les anciennes formules 
magiques : SoLou-ûv os 8i&>x£t, Solomon teprosequitur, 
« Salomon te chasse ». Cf. Schûrer, Geschichte, t. m, 
p. 299-304. Bien entendu, l'attribution de ce pouvoir ma- 
gique à Salomon n'a aucune base sérieuse dans la Bible. 
VII. Les égarements de Salomon. — 1» Leur cause. 
— Le règne de Salomon, si glorieusement commencé, 
finit dans des conditions lamentables. L'historien des 
Rois raconte seul les égarements du prince; l'auteur 
des Paralipomènes les passe sous silence. Le fils de 
Sirach, après avoir résumé les titres de gloire de 
Salomon, ajoute tristement, Eccli., xlvii, 19-21 : 

Tu t'es livré aux femmes... 

Tu as imprimé une tache à ta gloire 

Et tu as profané ta race, 

Attirant ainsi la colère sur tes enfants. 

Je sens une cruelle douleur pour ta folie; 

Elle a été cause que l'empire fut partagé 

Et que d'Éphraïm se leva le chef d'un royaume rebelle. 

La Sainte Écriture n'incrimine pas les richesses, les 
dépenses somptuaires et le luxe de Salomon, bien que 
ces causes aient contribué à amollir son cœur et aient 
singulièrement favorisé son malheureux penchant pour 
les femmes. Par sa faute, sans nul doute, toute sa 
sagesse échoua devant ce dernier genre de séduction. 
La loi permettait la polygamie, mais elle mettait le roi 
en garde contre ses excès : « Qu'il n'ait pas nn grand 
nombre de femmes, de peur que son cœur ne se dé- 
tourne; qu'il ne fasse pas non plus de grands amas 
d'argent et d'or. » Deut., xvn, 17. Salomon parait avoir 
pris le contrepied de cette recommandation. Il eut 



700 femmes de premier ordre et 300 concubines. III Reg., 
xi, 3. Dans le Cantique, VI, 8, il n'est encore question 
que de 60 reines, 80 concubines et de jeunes filles sans 
nombre. Il est difficile de se faire une idée de ce qu'un 
pareil troupeau entraînait de dépenses, d'intrigues, de 
préoccupations, de difficultés, de tentations pour le 
présent et de menaces pour l'avenir. Le pire est que le 
monarque n'écoutait que sa passion, et ne tenait pas 
compte de la loi qui interdisait certaines unions. « Ne 
traite pas avec les habitants du pays de Chanaan, de 
peur que tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et 
que leurs filles, se prostituant à leurs dieux, n'entraî- 
nent tes fils à se prostituer aussi à leurs dieux. »Exod., 
xxxiv, 15, 16. Salomon courut au-devant du péril et y 
succomba. Parmi les étrangères qu'il admit auprès de 
lui, outre la fille du pharaon, il y avait des Moabites et 
des Ammonites, dont les compatriotes étaient exclus 
pour toujours de la société israélite, Deut., xxm, 3; des 
Édomites, d'une race exclue seulement jusqu'à la troi- 
sième génération, Deut., xxm, 7, 8; des Sidoniennes 
et des Héthéennes, que frappait l'exclusion portée 
contre toutes les filles de Chanaan. Ces femmes dé- 
tournèrent le cœur de Salomon déjà vieux, c'est-à-dire 
âgé de cinquante à soixante ans, pendant les dix der- 
nières années de sa vie. Aucune influence mauvaise 
n'est attribuée à l'épouse égyptienne, d'ailleurs éloignée 
de ses dieux. Mais les autres étrangères prétendirent 
rendre un culte à leurs dieux nationaux, les Sido- 
niennes à Astarté, les Ammonites à Melchom, les 
Moabites à Chamos, les Ammonites à Moloch. Par com- 
plaisance pour elles, Salomon laissa faire. Il bâtit même, 
à l'est de Jérusalem, sur le mont du Scandale ou de la 
Perdition, des hauts-lieux à Astarté, à Chamos et à 
Melchom, que Josias détruisit plus tard. IV Reg., xxm, 
13. Là, les étrangères brûlaient des parfums et offraient 
des sacrifices. Dès lors, « le cœur de Salomon ne fut 
pas tout entier à Jéhovah, » il alla « après d'autres 
dieux », se partageant ainsi entre Jéhovah et les idoles. 
III Reg., xi, 1-10. Sans doute, ces expressions n'im- 
pliquent pas une participation personnelle et directe au 
culte de grossières idoles, et quand le prophète Ahias 
dit plus tard : « Ils m'ont abandonné et se sont pros- 
ternés devant Astarté, Chamos et Melchom,» III Reg., 
xi, 33, ses paroles peuvent viser le personnel de la 
cour et les Israélites qui partageaient le culte rendu aux 
idoles par des épouses aimées etpuissantes. S. Augustin, 
De Gen. ad lit., xi, 59; In Ps., cxxri, 2, t. xxxvn, 
col. 453, 1667; Cont. Faust., xxn, 81, t. xlii, col. 453, 
croit que Salomon immola réellement aux idoles. S'il 
n'en vint pas lui-même à cet excès, il n'en fut pas 
moins gravement coupable de tolérer et de favoriser des 
pratiques si scandaleuses et si attentatoires aux droits 
sacrés de Jéhovah, qui l'avait comblé de tant de dons et, 
par deux fois, s'était manifesté à lui. III Reg., xi, 9. 
Bien qu'il gardât la foi en Jéhovah, c'était vraiment se 
détourner de lui que d'agir de la sorte. 

2» Leur châtiment. — Dieu fit signifier à Salomon, 
probablement par le prophète Ahias, la punition réser- 
vée à son crime persévérant. Il serait épargné de son 
vivant, à cause de David ; mais le royaume passerait à 
un autre que son fils après sa mort; celui-ci n'en gar- 
derait qu'une tribu, et encore en considération de 
David et de Jérusalem que Jéhovah avait choisie. Dès 
lors Adad l'Édomite et Razon de Damas devinrent 
plus menaçants. Le prophète Ahias avertit Jéroboam de 
la part que Dieu lui réservait, en lui promettant une 
maison stable s'il restait fidèle au Seigneur. Informé 
de ce qui lui était destiné, Jéroboam commença un 
mouvement de révolte contre Salomon. Celui-ci chercha 
à le faire mourir. Mais le révolté s'enfuit en Egypte, 
pourn'en revenir qu'à l'avènement deRoboam. IIIReg., 
xi, 11-40. Voir Jéroboam, t. ni, col. 1301 ; Roboam, t. v, 
col. 1103. Comme l'indique le fils de Sirach, Salomon 



1395 



SALOMON — SALPHAAD 



1396 



avait profané sa race, en épousant des étrangères, dont 
Naama l'Ammonite, mère de Roboam, et par sa folie, 
que l'auteur sacré ne fait pas aller cependant jusqu'à 
l'idolâtrie, il fut la cause du partage du royaume. Eccli., 
xlvii, 20, 21. 

3° La mort de Sàlomon. — L'historien des Rois men- 
tionne un livre des Actes de Salomon où il était parlé 
de ses actions et de sa sagesse. Il relate ensuite en un 
mot la mort de Salomon, après un règne de quarante 
ans à Jérusalem, et son inhumation dans la cité de 
David. III Reg., xi, 41-43; II Par., 29-31. D'après ce 
second livre, les Actes de Salomon avaient été écrits 
par Nathan le prophète, Ahias de Silo et Addo le voyant. 
— Aucune mention n'est faite d'un retour de Salomon à 
de meilleurs sentiments. S. Jérôme, InEzech., xm, 43, 
t. xxv, col. 419, affirme sa pénitence, en s'appuyant sur 
Prov., xxiv, 32 : « A la finj'ai fait pénitence et ai regardé 
à choisir la discipline. » Rien ne prouve que ce texte 
soit de Salomon. D'ailleurs, il ne reproduit que les 
Septante. La Vulgate traduit : «Quand j'eus vu cela, je 
le plaçai dans mon cœur et par cet exemple j'appris la 
discipline. » Dans le texte hébreu, il n'est pas question non 
plus de pénitence. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., 
H, 13, t. xxxiii, col. 400, avait déjà pris le texte des 
Proverbes dans le sens adopté par saint Jérôme. Ailleurs 
Epist. lxxxix, 7, t. xxii, col. 729, ce dernier semble 
assimiler David et Salomon au point de vue de la chute et 
de la pénitence. Saint Hilaire, In Ps., lu, 12, t. ix, col. 330, 
croitau pardon d'Aaron, de David et de Salomon. On ne 
peut cependant rien conclure en ce sens de II Reg., 
vu, 14, 15; car la faveur que Dieu promet de ne pas 
retirer au fils de David, c'est le royaume paternel, et 
nullement son amitié personnelle. Saint Irénée, Cont. 
liserés., iv, 27, 1, t. vu, col. 1057, s'en tient au texte 
biblique sans prendre parti. Tertullien, Adv. Marcion., 
n,23, t. H, col. 311, et saint Cyprien, De unit. Eccles.,ï0, 
t. iv, col. 515, ne sont pas favorables au repentir de 
Salomon. Saint Ambroise, Apol. 1 David, m, 13, t. xiv, 
col. 857, dit que Dieu a permis le péché du roi afin 
qu'on ne le prit pas pour le Christ, mais il ne suppose 
pas la pénitence de Salomon. Saint Augustin, Cont. 
Faust., xxii. 88, t. xlii, col. 459, se contente de poser cetle 
question : « Que dire de Salomon, que la Sainte Écri- 
ture reprend et condamne sévèrement, en gardant un 
silence complet sur sa pénitence et sur l'indulgence de 
Dieu à son égard ? » Il dit ailleurs, De Civ. Dei., xvii, 
20, t. xli, col. 554 : « Les prospérités, qui fatiguent les 
esprits des sages, lui furent plus nuisibles que ne lui 
profita sa sagesse. » L'impression dernière resle donc 
défavorable et la conversion douteuse ; les dons divins 
avaient été si magnifiques et la chute si profonde! — 
Le règne de Salomon marqua à la fois l'apogée et le 
déclin de la puissance israélite. Les causes de sa pros- 
périté devinrent celles de sa faiblesse. Une monarchie 
si subitement élevée ne pouvait se maintenir qu'en 
s'appuyant sur ce qui constituait sa seule base solide, 
le respect du statut théocratique et la fidélité à Jéhovah. 
Cette condition essentielle une fois disparue, la monar- 
chie israélite devenait un grand corps sans âme, parce 
que Dieu n'était plus là pour la maintenir. L'étendue 
territoriale du royaume n'eût pu être sauvegardée que 
par un pouvoir militaire très fort, en face de puissantes 
nations; les contrées occupées tout autour de la Pales- 
tine proprement dite échappèrent vite aux faibles suc- 
cesseurs de Salomon. L'unité nationale, récente encore 
à l'avènement de Salomon, n'eût pu-être consolidée que 
par un gouvernement juste, ferme et paternel; celui 
du fils de David pesa lourdement sur le peuple auquel 
ne profita que médiocrement le prestige acquis par le 
prince. Il avait reçu de David un royaume puissamment 
constitué dont il fallait entretenir la vivante unité; il 
laissa à son successeur un royaume irrémédiablement 
divisé par le schisme, affaibli pour toute la suite de 



sa durée et incapable de résister aux invasions des 
empires voisins. Salomon fut à peu près seul à jouir 
de sa richesse, avec un entourage de courtisans et de 
femmes. Le pays n'en profita guère et ce qui en resta 
après la mort du prince devint la proie des enva- 
hisseurs étrangers. Enfin, les exemples laissés par 
Salomon furent souverainement pernicieux pour ses 
successeurs. Ils lirent dévier beaucoup d'entre eux, et, 
à part quelques rois de Juda, comme Josaphat,Ézéchias, 
Josias, les autres et tous les rois d'Israël s'adonnèrent 
plus ou moins complètement à l'idolâtrie. — Voir J. de 
Pineda, De rébus Salom., Cologne, 1686; H. G. Reime, 
Harnwnia vitse Salom., Iéna, 1711 ; Hess, Geschichte 
Salomons, Zurich, 1785; Miller, Lectures on Solomon, 
Londres, 1838; Meignan, Salomon, Paris, 1890; Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., 
t. m, p. 253-405. H. Lesêtre. 

2. SALOMON (PORTIQUE DE) (grec : ffiià [;où] 
So).wu.ovtoç), galerie couverte, à l'est du Temple, dont 
elle formait le côté oriental de l'enceinte. Elle s'éten- 
dait parallèlement à la vallée de Josaphat. Voir 
Temple. Notre-Seigneur, Joa., x, 23, et les Apôtres, 
Act., m, 11 ; v, 12, s'y tenaient volontiers, parce qu'on y 
était à l'abri du soleil et des mauvais temps et que 
l'accès en était ouvert à tout le monde, Juifs et Gentils. 

3. SALOMON (PSAUMES ET CANTIQUES DE). Voir 

Psaumes, t. v, col. 840. 

SALOMON IBN-MÉLECH, rabbin juif, né à Fez 
en Afrique, mais établi à Constantinople, où il publia en 
1554 un commentaire hébreu, grammatical et littéral de 
tout l'Ancien Testament juif, intitulé Miklal yôfî, Per- 
fection de beauté, et tiré des anciens commentateurs de 
sa nation, en particulier de David Kimchi. Il a étç 
réimprimé avec les notes de Jacob Abendana à Ams- 
terdam, in-f°, 1661, 1685. II a été aussi très estimé parmi 
les chrétiens et en partie traduit en latin : Josué et Ma- 
lachie, par Nie. Kôppen,Greifswald, 1708, 1709; Ruth, par 
J.-B. Carpzov, réimprimé dans son Collegium Rabbi- 
nico Biblicum, Leipzig, 1705; le Cantique des Cantiques, 
par C. Molitor, Altdorf, 1659; Abdias, par Brodberg, 
Upsal, 1711; Jonas, par G. Chr. Burcklin, Francfort- 
sur-le-Main, 1697; Jean Leusden, Francfort-sur-le-Main, 
1692; E. Chr. Fabricius, Gœltingue, 1792, etc. Voir De 
Rossi, Dizionario storico degli autori Ebrei, 2 in-8°, 
Parme, 1802, t. n, p. 48; Fûrst, Bibliotheca judaica, 
in-8», Leipzig, 1863, t. n, p. 350. 

SALON1US (Saint), écrivain ecclésiastique, né vers 
l'an 400. La date de sa mort est inconnue. Il était -Gis 
de saint Eucher qui devint évêque de Lyon, et il fut élevé 
à l'abbaye de Lérins. Il devint évêque de Genève. 
L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, 
i, Paris, 1894, p. 222. On a de lui Expositio mystica 
in Parabolas Salomonis,... in Ecclesiasten, P. L., 
t. Lin, col. 967-1012. C'est un dialogue dans lequel Sa- 
lonius répond aux questions de son frère Veranus. 
Voir Rivet, Histoire littéraire de la France, t. n, Paris, 
1735, p. 433-437. 

SALPHAAD (hébreu : Selofhad; Septante : S«).- 
naaS), fils d'Hépher de la tribu de Manassé. Il n'eut 
que des filles : Maala, Noa, Hègla, Melcha et Thersa. 
Num., xxvi, 33; Jos., xvn, 3; I Par., vu, 15. Après la 
mort de leur père, ses filles réclamèrent leur part 
d'héritage dans la Terre Promise, puisqu'elles n'avaient 
point de frèrej. Moïse ayant consulté Dieu, il fut établi 
en loi que les Israélites qui mourraient sans enfants 
mâles auraient leurs filles pour héritières. Num.,xxvn, 
1-11. Une disposition complémentaire, Num., xxxvn, 
1-12, régla que, dans ce cas, les héritières seraient obli- 



*397 



SALPHAAD — SALUTATION 



1398 



gées de se marier dans leur propre tribu, ce que firent 
les filles de Salphaad. 

SALSOLA KALI, plante dont les anciens ex- 
trayaient la soude. Voir Soude. 

SALTUS (hébreu : Ya'ir; Septante : 'Ioci'p), père 
d'Elhanan. La Vulgate a traduit le nom hébreu de 
Ya'ir par Saltus (voir Jaïr 4, t. m, col. 1110), et 
Elhanan par Adeodatus. Voir t. i, col. 215. 

SALU (hébreu : Sdlu ; Septante : SaXpKov), père de 
Zambri, de la tribu de Siméôn, Num., xxm, 14. Il est 
appelé Salomi dans I Mach., h, 26. Voir Salohi 2; 
Zambri 1. 

SALUMITH (hébreu : Selômîf; Septante :SaXwu.ei'6), 
fille de Dabri, de la tribu de Dan, qui avait épousé un 
Égyptien, et dont le fils fut lapidé comme blasphéma- 
teur dans le désert par ordre de Moïse. Lev., xxiv, 
10-23. 

SALUSA (hébreu : SilMh; Septante : EocXio-â), le 
neuvième fils de Supha, de la tribu d'Aser. I Par., vu, 37. 

SALUT, SALUTATION (grec : àir7rao-u.ôç; Vulgate : 
salutatio), témoignage de respect ou d'amitié donné à 




28 ï. ■ 



Orientaux baisant la main à un souverain 
et se prosternant devant lui. 



l'arrivée, à la rencontre ou au départ d'une personne. 
— L'hébreu n'a pas de substantif pour nommer la sa- 
lutation. On se sert habituellement du verbe bardk, 
« bénir », et quelquefois du verbe sâ'al, « demander 
des nouvelles », Gen., xliii, 27; Exod., xvm, 7; Jud., 
xvm, 15; I Reg., x, 4; xvn, 22; xxx, 21; Jer., xv, 5, 
pour indiquer la salutation. On emploie aussi le mot 
Mlôm, « paix », qu'on adresse en signe de salut. Voir 
Paix, t. îv, col. 1960 ; Politesse, t. v, col. 505. 
. 1» La Sainte Écriture note les salutations des parents 
de Rébecca à leur fille qui les quitte, Gen., xxiv, 60; 
de Joseph à ses frères, Gen., xxxvii, 14; xliii, 27; de 
Jacob au pharaon à son arrivée et au départ. Gen., 
XLVH, 7,10; de Moïse à son Jjeau-père, Exod., xvm, 7, 
de Josué aux tribus transjordaniques à leur départ, 
Jos., xxii, 6, 7; de Saûl à Samuel, 1 Reg., xm, 10; xv, 
13; de David à différentes personnes, I Reg., xvn, 22; 
xxv, 5; xxx, 21; II Reg., vi, 20; du roi d'Émath à 
David, II Reg., vm, 10; d'Absalom aux Israélites dont 
il brigue la faveur en leur tendant la main et en les 
baisant, II Reg., xv, 5; du peuple qui prend congé de 
Salomon après la dédicace duTemple, III Reg., vin, 66; 



des frères d'Ochozias qui viennent saluer les fils 
d'Achab, IV Reg., x, 13; de Tobie à l'ange et de l'ange 
à Tobie, Tob., v, 6, 11; des Syriens à Judas Machabée, 
I Mach., vu, 29; des prêtres de Jérusalem à Nicanor-, 
I Mach., vu, 33; de Jonathas au roi de Syrie, I Mach., 
xi, 6, et aux Spartiates, I Mach., xii, 17, etc. Il était 
honteux de ne pas répondre au salut de quelqu'un. 
Eccli., xli, 25. 

Bénir son prochain à haute voix et de grand matin 
Est réputé comme une malédiction. Prov., xxvn, 14. 

Cette salutation exagérée et intempestive cause en effet 
plus d'ennui que d'agrément à celui qui en est l'objet. 
2° A l'époque évangélique, les salutations étaient 
fort cérémonieuses, comme elles le sont encore aujour- 
d'hui en Orient (fig. 284 et 285). Elles comportaient des 
formules assez longues, des baisers, des prosternements, 
des embrassements des mains, des genoux et des 
pieds, etc. Cf. Jer. Kidduschin, f. ^\,^\Bab.Kethuboth, 
f. 63, 1. Il ne fallait pas être très pressé pour subir 
toutes ces formalités. En envoyant son serviteur Giézi 
pour remplir une mission urgente, Elisée lui avait dit : 
« Si tu rencontres quelqu'un, ne le salue pas; et si 
quelqu'un te salue, ne lui réponds pas. » IV Reg., iv, 
29. Notre-Seigneur recommande de même aux prédi- 
cateurs de l'Evangile de ne saluer personne en route, 
Luc, x, 4, c'est-à-dire de ne se laisser arrêter par 




285. 



Orientaux s'embrassant comme amis ; un intérieur 
s'inclinant devant son supérieur. 



aucune formalité inutile. Par contre, il veut qu'ils 
saluent la maison dans laquelle ils entrent. Matth., x, 
12. A tous ces disciples, il enseigne qu'ils ne doivent 
pas se contenter de saluer leurs frères, ce que les païens 
font eux-mêmes. Matth., v, 47. Il suit de là qu'ils doi- 
vent aussi saluer tous les hommes, bien qu'ils soient 
séparés d'eux par la nationalité, la religion, les inté- 
rêts, etc. Cependant saint Jean défend dédire ^àfpstv, 
ave, « salut », aux docteurs hérétiques, parce que ce 
serait participer à leurs œuvres mauvaises, II Joa., 10, 
11. Cette recommandation part du même principe que 
celle de saint Paul, qui ordonne de cesser toutes relations 
avec les impudiques, non ceux du monde, « autrement 
il faudrait sortir du monde », mais ceux qui sont chré- 
tiens. I Cor, v, 10, 11. Notre-Seigneur remarque aussi 
que les pharisiens sont très avides de salutations sur 
la place publique, et il ne veut pas que ses disciples 
imitent cette vanité. Matth., xxm, 7; Marc, xn, 38; 
Luc, xi, 43 ; xx, 46. 

3" Plusieurs salutations remarquables sont rappor- 
tées dans le Nouveau Testament. L'ange Gabriel salue 
Marie : xa'.pe, ave; « salut, pleine de grâce, le Seigneur 
est avec toi, tu es bénie » ou « sois bénie entre les 
femmes », et Marie se demande ce que signifie celte 



4399 



SALUTATION — SAMARAÏM 



1400 



salutation. Luc.,l, 28, 29. —En entrant chez Zacharie, 
Marie salue Elisabeth, et à sa voix Jean-Baptiste tres- 
saille dans le sein de sa mère. Luc, i, 40, 41, 44. — 
Les foules accourent pour saluer' Jésus, Marc, ix, 14, 
et un jour une femme du peuple s'écrie :'« Heureux le 
sein qui vous a porté et les mamelles auxquelles vous 
vous êtes allaité ! » Luc, xi, 27. C'était là une formule 
très usitée pour saluer quelqu'un. On lui disait : « Bénie 
soit ta mère ! » quand c'était un ami, et « Maudite soit 
ta mère! » quand c'était un ennemi. — Au jardin des 
Olives, Judas salue Jésus en disant : x a 'P s > P«66f, a ve, 
ràbbi, « salut, maître !» et il le baise, comme pour 
rendre sa salutation plus affectueuse. Matth., xxvi, 49. 
— Pendant la passion, les soldats de Pilate fléchissent 
ironiquement le genou devant Jésus en disant : « Salut, 
roidesjuifs!» Matth., xxvii, 29; Marc, xv, 18; Joa., xix, 
3. — Jésus ressuscité salue les saintes femmes et leur 
dit : -/afpcTe, avete, « salut! » Matth., xxvm, 9. Pour 
répondre à ce salut, elles embrassent ses pieds et 
l'adorent. — Saint Paul salue l'église de Césarée, 
Act., xviii, 22, les chrétiens d'Éphèse, pour prendre 
congé d'eux, Act., xx, 1; cf. Act., xvnl, 18, 21; XXI, 6, 
les chrétiens de Ptolémaïde, Act., xxi, 7, saint Jacques 
et les anciens de Jérusalem qu'il embrasse. Act., xxi, 
19. — Agrippa et Bérénice viennent saluer le procura- 
teur Festus. Act., xxy, 13. 

4° Dans les lettres, on emploie certaines formules de 
salutation : ëpptouÔE, ûyiaîvexe, bene valete, valete, 
« portez-vous bien », II Mach., xi, 21, 33, 38; Act., xv, 
29, l'ppWo, vale. « porte-toi bien ». Act., xxm, 30. 
Saint Paul termine trois de ses Épîtres par la formule: 
6 dixxxapKÎ; x5j êpïj y.stp\ Ilaiilou, salutatio mea manu 
Pauli, « saliit de ma main à moi Paul ». I Cor., xvr, 
21 ; Col., iv, 18; II Thess., m, 17. Les autres Épltres se 
terminent ordinairement par des salutations adressées à 
certains destinataires, ou de la part de chrétiens vivant 
auprès de l'Apôtre qui écrit. Rom., xvi, 3-23; I Cor., 
xvi, 19-20; II Cor., xm, 12; Phil., iv, 21, 22; Col., iv, 
10-15; I Thés., v, 26; II Tim., iv, 19, 21; Tit., m, 15; 
Philem., 23; Heb., xm, 24; I Pet., v, 13, 14; II Joa., 
13; III Joa., 14. H. Lesétre. 

SAMA, nom de deux Israélites et d'une ville dans 
la Vulgate. 

1. SAMA (hébreu : HôSâniâ', « Jéhovah a exaucé »; 
Septante : 'Q<ra|ià6), un des fils du roi de Juda, Jécho- 
nias, né pendant la captivité de son père. I Par., m, 18. 

2. SAMA (hébreu : Sema'; Septante : Sapa), fils 
d'Elphaal, de la tribu de Benjamin, chef de famille à 
Aïalon, qui, avec son frère Baria, chassa les habitants 
de Geth. Les uns identifient Sama avec Samad du j). 12; 
les autres avec Séméi du f. 21,. 

3. SAMA (hébreu : Sema' ; Septante : 2a).|i.ai; 
Alexandrinus : Sapai), ville de la tribu de Juda, 
nommée entre Amam et Molada. C'est peut-être la même 
ville que celle dont le nom est écrit Sabée (hébreu : 
Séba'), Jos., xix, 2; et qui fut attribuée à la tribu de 
Siméon. Voir Sabée, col. 1306. 

SAMAA, nom de quatre Israélites dans la Vulgate. 
L'orthographe de ces noms n'est pas la même en 
hébreu. 

1. SAMAA (hébreu : Sim'â'), troisième fils d'Isaï, 
frère de David et père de Jonathan qui tua le frère de 
Goliath. Voir Jonathan 2, t. m, col. 1614. Samaa, 
ainsi appelé dans la Vulgate, U Reg., xxi, 21 (Sep- 
tante : 2s(is0i 1 Par., xx, 7 (Sapai), est appelé Semmaa, 
II Reg., xm, 3, 32; Samma, I Reg., xvi, 9; xvu, 13; 
Simmaa, I Par., n, 13. 



2. SAMAA (hébreu: Sim'â'; Septante, Sapai), lévite 
de la famille de Gerson, père de Barachias, ancêtre 
d'Asaph. I Par., vi, 39 (hébreu, 24). 

3. SAMAA (hébreu : Sim'âh; Septante : Sapai), fils 
de Macelloth, de la tribu de Benjamin. Voir Macel- 
loth 1, t, m, col. 478. I Par., vin, 32; ix, 38. Dans ce 
dernier passage, il est appelé Sim'âm, Samaan. 

4. SAMAA (hébreu :has-Semâdh; Septante: 'A^pi), 
benjamite de Gabaa de Benjamin. Ses fils Ahiézer et 
Joas, allèrent rejoindre David à Siceleg pendant la 
persécution de Saùl. I Par., xn, 3 

SAMAAN, orthographe du nom de Samaa 3,1 Par., 
rx, 38. 

SAMACHIAS (hébreu : Sernakydhû; Septante : 
Haêayjx; Alexandrinus : 2apa-/fa?), petit-fils d'Obé- 
dédom et sixième et dernier fils de Séméi, de la tribu 
de Lévi. I Par., xxvi, 7. 

SAMAD (hébreu : Sâtnér [pour Sémér], dans 
quelques manuscrits, Sàméd; Septante : Seppiîip), 
troisième fils d'Elphaal, de la tribu de Benjamin. Sa- 
mad fut le fondateur ou le restaurateur des villes 
d'Ono et de Lod. I Par., vin, 12. 

SAMAIA, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites, 
dont le nom est fecrit en hébreu, bema'eyâh, « exaucé 
par Yah ». 

1. SAMAIA (Septante : Sapaîou), père de Semri, 
ancêtre de Ziza. Ziza était un des chefs de la tribu de 
Siméon. I Par., iv, 37. Certains commentateurs croient 
que Samaïa est le même que Séméi, fils de Zachur. 
I Par., iv, 26-27. 

2. SAMAIA (Septante : Sepei); ^ s de Joël et père 
de Gog, de la tribu de Ruben. 1 Par., v, 4. Il est peut- 
être le même que Samma du f. 8. 

SAMAIAS, nom de deux Israélites dans la Vulgate. 
Voir Séméj. 

1 . SAMAIAS (hébreu : ISma'eyâh, « Yah a exaucé » ; 
Septante : Sapaîaç), Gabaonite, qui abandonna, quoique 
benjamite, la cause de Saûl et alla rejoindre David à 
Siceleg. II fut le chef des trente gibbôrîm qui for- 
maient la garde de David. I Par., xn, 1. Son nom ne 
se trouve pas dans les listes II Reg., (Sam.), xxm, ni 
I Par., xi, peut-être parce qu'il était mort avant que 
David eut pris possession du royaume. 

2. samaias (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a- 
(iata), descendant d'Adonicam qui retourna de Baby- 
lone à Jérusalem sous Esdras avec Éliphileth et Jehiel 
à la tête de soixante hommes. I Esd., vin, 13. 

SAM AOTH (hébreu : Samhùt; Septante : 2apat'o6), 
le Jézérite (hay-Izrâl.i, i 'Isapaé), général de David 
que ce roi avait placé à la tête de vingt-quatre mille 
hommes, chargés du service royal pendant le cin- 
quième mois de l'année. Voir Jézérite 2, t. m, 
col. 1537. Il est probablement le même que Sammoth, 
col. 1431. 

SAMARAlM (hébreu : Semâraïm; Septante : 
Sapi); ville de Benjamin. Jos., xvm, 22. Elle est nom- 
mée entre Belh Araba et Béthel et se trouvait par con- 
séquent dans le territoire oriental de la tribu. Le site 
précis n'en est pas déterminé avec une entière certi- 
tude. Les uns la placent dans l'Arabah, c'est-à-dire 



1401 



SAMARAÏM — SAMARIE 



1402 



dans la vallée même du Jourdain; les autres la placent 
plus à l'ouest et près du mont Séméron, qui, dans le 
texte hébreu, porte le même nom. II Par., xm, 4. On 
l'identifie assez communément avec Ves-Sumrah actuel, 
au nord de Jéricho. Voir la carte de Benjamin, t. i, 
col. 1585. Cf. Palestine Exploration Fund, Memoirs, 
t. m, p. 174, 212. 

SAMARATH (hébreu : Simrdt; Septante : 2au.apâ8), 
le neuvième et dernier fils de Séméi, de la tribu de 
Benjamin. I Par., vm, 21. Il habitait Jérusalem. 

SAMARÉEN (hébreu : has-Çemârî ; Septante; 
6 Sx|j.apaîac), nom ethnique d'une tribu chananéenne. 
Gen., X, 18; I Par., I, 16. Les Samaréens sont placés 
entre les Aradiens et les Amathéens. Voir Aradien, 1. 1, 
col. 873, et Amathéen, t. I, col. 447. Les anciens inter- 
prètes juifs plaçaient les Samaréens à Émèse (Homs). 
Les géographes modernes placent, la plupart, les Sa- 
maréens au sud de Tripoli et au nord d'Arad (Arvad), 
à l'endroit où leur nom s'est conservé dans les ruines 
de Sumra, l'ancienne Simyra, près du fleuve Éleuthère, 
au pied occidental du Liban. Strabon, XVI, h, 12; 
Ptolémée, v, 15, 4; Pline, H. N., v, 16; Pomponius 
Mêla, De situ orbis, i, 12, 3. Cf. Eb. Schrader, Die 
Keilinschriften und das alte Testament, 1872, p. 29, 
144. 

SAMARIA (hébreu : Semaryâhû, « Jéhovah 
garde »; Septante : Sanapata), guerrier de la tribu de 
Benjamin qui alla rejoindre David àSiceleg. IPar.,xn, 
5. — Trois autres Israélites qui porteut le même nom en 
hébreu sont, dans la Vulgate, appelés Somorias, II Par., 
xi, 19, Samarias, I Esd., x, 32, et Séméria. IEsd.,x,41. 

SAMARIAS (hébreu : Semarydh; Septante : 2a 
u-apt'a), un des fils de Hérem qui avait épousé une 
femme étrangère du temps d'Esdras, et qui fut obligé 
de l'abandonner. I Esd., x, 32. 

SAMARIE (hébreu : Sômrôn; araméen, IEsd., iv, 10 
et 17 : Sâmrâîn; Septante, III Reg., xvi, 24 : 2ê|i.epwv et 
Sc[A»)p<iv; Alexandrinus : 2o[up'iv; Is., vu, 9; I Esd., 
IV, 10 : Soiiopwv; généralement 2a[n.apeta ou Sa^apia), 
nom donné à une montagne, et à la ville qui y fut bâtie. 

1. SAMARIE (MONT de) (hébreu : hâ-hâr Sômrôn; 
Septante : to opoçTÔ Seujowv), dans la tribu d'Éphraïm. 

II était la propriété de Sémér ou èomér, dont on lui 
donnait le nom, avec l'adjonction de la finale on qui 
termine souvent les noms de lieux. Le roi Amri l'acheta 
pour deux talents d'argent (environ 17000 francs de 
notre monnaie), pour y bâtir la capitale de son royaume. 

III Reg., xvi, 24. Il s'élève de 443 mètres au-dessus 
de la mer Méditerranée et de plus de cent mètres 
au-dessus des vallées qui l'entourent de tous les côtés 
et le laissent complètement isolé. Oblong de forme, 
il se développe d'est à ouest, sur une étendue de 
plus d'un kilomètre. De son sommet le regard embrasse 
une grande partie du versant occidental des monts 
d'Ephraïm et par delà la plaine côtière une vaste 
étendue de la mer. Le territoire qui l'entoure est des 
plus fertiles et des plus riants, arrosé par de nombreuses 
fontaines et couvert de plantations d'oliviers, de vignes 
et de jardins. — La montagne deSamarie, har Sômrôn, 
d'Àmos, iv, 1; vi, 1, est sans doute le collectif pour 
* les montagnes de Samarie », hârê Sômrôn, comme 
ibid., m, 9, et Jer., xxxi, 5, où il désigne tout le pays 
montagneux du royaume de Samarie ou Israël. 

3. SAMARIE, capitale du royaume d'Israël, puis de la 

province du même nom,aujourd'huiSe&asli/éA (fig.286). 

I. Nom et identité. — Amri « ayant bâti [sur] la 



montagne [qu'il avait achetée à ce dessein], appela la 
ville qu'il venait de construire d'après le nom de Semer 
propriétaire de la montagne, Sômrôn ». I (III) Reg., 
XVI, 24. Le nom de Segao-rij c'est-à-dire Augusta, fut 
substitué à celui de Samarie par Hérode pour flatter 
l'empereur Auguste de qui il l'avait reçue en cadeau. Cf. 
Ant. jud., XIII, x, 2; XV, vin, 5; Bell, jud., I, xxi, 2; 
S. Jérôme, In Abd., t. xvv, col. 1099, et quelques autres. 




286. — Monnaie de Sébaste. 
Tête laurée de Néron. — i?- E. SEDASTHNQ... Astarté tourelée, 
debout, en tunique courte, portant sur la main droite une 
tète humaine, et tenant la haste de la main gauche; dans le 
champ, L I (an 14). 

Cf. Strabon, Géogr., xvi, Pline, H. N., v, 13 ; Mischna, 
II, 8; Chron. Samarit., xxiv; Jules Africain, Chronique, 
t. x, col. 83; Origène, In l. M, Reg., t. xvii, col. 56; 
Eusèbe et S.Jérôme, Onomasticon, aux mots Samaria 
et Semeron, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 324, 
325; 342, 345, etc. Il n'existe aucun doute sur l'identité 
du lieu. 

II. Description. — Au milieu de son territoire riant 
et fertile, entouré lui-même de la vaste ceinture des 
monts d'Éphraïm alors couverts de vignes et d'arbres 
fruitiers de toute espèce, s'ouvrant à l'occident sur la 
plaine et la mer, avec ses larges murailles sur lesquelles 
circulait le roi, IV Reg., vi, 26, Samarie apparaissait 
aux Israélites du royaume septentrional semblable à 
un glorieux diadème dont ils s'enorgueillissaient. 
Is., xxviii, 1. Cf. Ant. jud., VIII, xiv, 1; IX, iv, 4. 
Ils la tenaient pour une ville imprenable. Amos, VI, 1 
(fig. 287). La réponse aux menaces des prophètes mise 
dans la bouche des habitants de la ville par Isaïe,ix, 9 : 
n Les briques sont tombées, mais nous rebâtirons avec 
des pierres de taille, » semble la supposer primitivement 
construite avec les mêmes matériaux que la plupart 
des anciennes villes de Chanaan. L'expression, il est 
vrai, peut être figurée ou faire allusion aux habitations 
du peuple. Les maisons des grands et des riches y 
étaient en pierre de taille et l'ivoire abondait dans 
leur décoration. III Reg., xxii, 39; Amos, v, 11 et m, 
15. Il y en avait servant de résidences d'été, d'autres 
d'hiver. Am., m, 15. Le palais royal avait un étage supé- 
rieur ou cénacle avec fenêtres. IV Reg., I, 2. Il aurait 
été muni de tours d'après la Vulgate, IV Reg., xv, 25. 
— La nouvelle Samarie relevée par Hérode sous le 
nom de Sébaste était une ville dans le goût des 
Grecs. Un très beau mur de vingt stades, ou 3700 
mètres de développement l'environnait, c'est-à-dire 
qu'elle occupait tout le plateau supérieur de la mon- 
tagne. Au centre s'élevait le temple de César. Bell, jud., 
I, xxi, 2. Une large avenue bordée de colonnes, dont 
une trentaine sont encore debout en leur place, les 
autres renversées, tracée au sud de l'acropole ou du 
temple, traversait la cité tout entière, d'est en ouest 
(fig. 288). Elle aboutissait de ce côté à une porte flanquée 
de deux grandes tours circulaires bâties avec un appareil 
d'énorme dimension. Un vaste édifice à hautes colonnes 
dont une quinzaine se dressent au nord-est sur leurs 
bases cubiques d'un mètre de hauteur ou sont à moitié 
enfouies en terre, paraît avoir été un autre temple 
construit au n« siècle de l'ère chrétienne ou au m e par les 
colons romains. Une abside ajoutée au temple et les 
monnaies de Constantin qu'on y a trouvées indiquent 



4403 



SAMARIE 



1404 



qu'il fut, au iv« siècle, converti en basiliquechrétienne. 
Au nord, mais en dehors de l'enceinte et au pied de la 
colline, une vaste entaille pratiquée en hémicycle où 
se voient plusieurs colonnes s'élevant au-dessus du sol, 
semble désigner la place du théâtre. Des aqueducs, 
réparés à diverses époques, prenaient l'eau aux sources 
des monts circonvoisins pour les amener au pied de 
la colline de Samarie. Une partie aboutissait sans doute 
à la piscine où les serviteurs d'Achab lavèrent le 
char ensanglanté sur lequel était mort leur maître. 
III Reg., xxu, 38. A l'extrémité orientale de la ville et 
non loin du chemin qui monte de ce côté on montrait 
encore, au iv e siècle, le sépulcre d'Abdias et du prophète 
Elisée où les disciples de saint Jean-Baptiste avaient 



devait se dresser une statue équestre. Dans le voisinage 
de l'autel, mais au-dessous, un fragment de mur ren- 
ferme des pierres à refend de travail identique à celle 
de la grande construction du tell el-Mutesallem, où 
M. Schumacher découvrit le sceau de 'Ebéd Yeroboam. 
D'autres pierres à bossage proviennent d'un grand mur 
d'enceinte qui paraît avoir entouré toute la terrasse 
supérieure de la montagne. D'innombrables débris de 
poteries, de toutes les époques, étaient mêlés aux 
pierres et à la terre qui recouvraient les ruines du 
temple. 

III. Histoire. — 1° Sous la dynastie d'Amri. — C'est 
la sixième année de son règne, ou l'an 925 avant J.-C, 
que le roi Amri jeta les fondements de la ville de 




287. — Sébastyéh et la colline de Samarie. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



transféré de Machéronte son corps décapité. — La 
partie supérieure de la colline de Sébastyéh a été en 
partie mise à découvert en 1908, par les fouilles entre- 
prises aux frais de l'université américaine de Harvard, 
sous la direction de M. G. Schumacher. Le roc y est per- 
foré d'une multitude de citernes antiques et sa surface 
sillonnée de canaux et de rigoles, avec des cavités en 
forme de coupe semblant indiquer un lieu de sacrifices 
et de culte. C'est vraisemblablement l'aire sur laquelle 
s'élevait, dans le voisinage du palais royal, le temple de 
Baal. De vastes constructions, bâties de pierres à bossage 
et à refend, les remplacèrent postérieurement. Sur 
leurs restes servant de substructions, Hérode construisit 
le temple d'Auguste (fig. 289). Un grand escalier de 
seize degrés donnait accès à la plate-forme sur laquelle 
il se dressait. Quatre bases de colonnes colossales de 
plus d'un mètre vingt-cinq centimètres de diamètre 
gisent renversées en avant du pavement ; un de leurs 
chapiteaux, d'ordre dorique, a été jeté plus loin. Au 
côté occidental était un autel près duquel se trouvaient 
deux inscriptions latines dont l'une commençant par 
les lettres 1. 0. M. indique qu'il était consacré à Jupiter. 
Une statue mutilée, présumée d'Auguste, gisait non 
loin. Au bas de l'escalier, sur un large piédestal, 



Samarie et y transféra de Thersa le trône des rois 
d'Israël. III Reg., xvi, 24. Le culte de Baal, avec un 
temple, un aulel et une 'aëéràh, y fut introduit par 
Achab (918-897), aussitôt après son mariage avec la Phé- 
nicienne Jézabel, y. 31-33. Le prophète Élie y vint peu 
après inaugurer son ministère prophétique, en se pré- 
sentant au roi pour lui annoncer la terrible sécheresse 
dont Samarie allait tant souffrir, xvii, 1; xvm, 2. Sous 
le règne de ce roi, Samarie eut à subir son premier 
siège de la part du roi de Syrie Bénadad, xx, 1-21. 
L'année suivante, Achab rentrait dans sa capitale 
triomphant des Syriens, après la victoire d'Aphec, quand 
se présenta à lui un fils du prophète qui s'était fait 
meurtrir pour venir reprocher au roi d'avoir laissé 
aller Bénadad, en traitant avec lui. Achab se retira tout 
troublé et mécontent, en son palais, y. 3543. Par les 
conditions du traité passé avec le roi de Damas, on voit 
que sous le père de celui-ci les Syriens avaient des 
« places » ou bazars à Samarie, f. 34. — Trois ans après, 
le roi Josaphat vint à Samarie où on lui fit grande fête. 
Achab, qui voulait aller reprendre aux Syriens Ramoth- 
Galaad, l'invita à l'accompagner dans cette expédition, 
Josaphat n'y consentit pas sans peine. Sur ses instances, 
le prophèteMichée, fils de Jamla, fut consulté et annonça 



1405 



SAMARIE 



1406 



à Achab qu'il y périrait. Quelque temps après, le cadavre 
de ce roi était ramené sanglant sur son char à Samarie 
pour y être enseveli. Le char et les armes de ce prince 
lurent lavés à la piscine et les chiens léchèrent son 
sang, comme le Seigneur l'avait annoncé, xxii, 1-38; 
cf. xxi, 19; II Par., xvm. Voir Achab, t. i. col. 421-424. 
— Deux ans plus tard, Élie se laissait amener à Samarie 
par le troisième groupe de cinquante hommes en- 
voyés par Ochozias pour le prendre. Le fils et succes- 
seur d' Achab (897-896) était tombé de la fenêtre de sa 
chambre haute et était malade. Le prophète venait lui 
déclarer qu'il ne quitterait plus son lit, mais y mourrait. 
IVReg., i. — Un des premiers actes du règne de Joram 
(896-874), frère et successeur du précédent, fut d'enlever 



Baal : il brûla ses simulacres, et rasa son temple, x, 
1-27. Jéhu régna vingt-huit ans (884-856) à Samarie et 
y fut enseveli, f. 35-36. — Pendant le règne de son fils 
Joachaz (856-840), le culte d'Astarté persista à Sa- 
marie, xiii, 6. Sous Joas, fils et successeur de Joachaz 
(840-824), le prophète Elisée tomba malade, à Samarie, 
de la maladie dont il mourut. Le roi Joas étant venu 
le visiter, le prophète lui promit qu'il serait trois fois 
victorieux de la Syrie. Ayant vaincu Amasias, roi 
de Juda, le roi Joas fit transporter à Samarie tout l'or, 
l'argent et les vases du temple de Jérusalem qu'il avait 
pillé, avec les trésors royaux et les otages qu'il avait 
pris, xiv, 14; II Par., xxv, 24. Joas fut enseveli à Sa- 
marie, dans le tombeau des rois d'Israël. IV Reg., xïv, 




288. — Colonnade de Sébastiyéh (d'est en ouest). D'après une photographie de M. L. Heidet. 



la statue de Baal élevée à Samarie par son père, m, 
2. Sous ce prince et après l'enlèvement d'Élie, le pro- 
phète Elisée vint se fixer à Samarie, II, 25; c'est là que 
Naaman, général de l'armée de Syrie, vint le trouver. 
Voir Naaman, 3, t. i, col. 427. — Pris par les hommes 
•d'armes du roi de Syriç à Dothaïn, le prophète les frappa 
•d'aveuglement et les amena de là à Samarie où il dissipa 
leur illusion. Après leur avoir fait servir à boire et à 
manger, il les renvoya à leur maître, vi, 8-23. — Décou- 
ragé pour un temps, le roi de Syrie, Benadad, ne tarda 
pas à réunir une nouvelle armée pour venir assiéger une 
seconde fois Samarie. Le siège dura longtemps et la 
famine devint affreuse. Une panique mit les Syriens en 
fuite, comme l'avait prédit Elisée, VI, 24-33; vu. Voir 
Elisée, t. u, col. 1694. 

2° Sous la dynastie de Jéhu. — Soixante-dix des 
descendants d'Achab vivaient à Samarie. Jéhu, après 
avoir tué Joram, de sa main, à Jezrahel, écrivit à leurs 
gouverneurs et aux anciens de la capitale de lui appor- 
ter leurs têtes. Les ayant reçues, il se dirigea vers 
Samarie, où il fit son entrée sur son char. Il extermina 
tous ceux qui avaient quelque affinité avec la maison 
d'Achab : les prophètes, les prêtres et les sectateurs de 



16. — Son fils Jéroboam II y régna glorieusement en . 
viron un demi-siècle (824-772) et y fut aussi enseveli, 
f. 16, 24-29. 

3° Sous les derniers rois d'Israël. — Après la mort 
de Jéroboam, Samarie ne fut plus guère qu'un champ 
de compétitions pour le trône et de régicides. Zacharie, 
fils du précédent, y périt après six mois de règne, vic- 
time d'une conjuration formée par Sellum qui le tua. 
xv, 10. Sellum porta la couronne un mois et fut assas. 
sine à Samarie par Manahem de Thersa qui prit sa 
place et régna dix ans (671-761), f. 14-17. Phacéia, son 
fils, occupa le trône deux ans (761-759) et fut assassiné 
au palais par Phacée, fils de Romélie, chef de l'armée, 
qui avait comploté contre lui pour prendre sa place. 
En même temps périrent Argob et Aria avec cinquante 
Galaadites, f. 25. Phacée, ayant battu Achaz, roi de 
Juda, lui fit un grand nombre de prisonniers qu'il 
voulut emmener à Samarie, mais il leur rendit la li- 
berté sur l'intervention du prophète Obed. II Par., 
xxviii, 8-15. Phacée régnait depuis vingt ans à Samarie, 
quand Osée, fils d'Éla, conspira contre lui et le fit 
périr (729). IV Reg., xv, 30. — Jusqu'à ce jour, Sa- 
marie n'avait pas vu encore les Assyriens, bien qu'ils 



1407 



SAMARIE 



1408 



fussent plus d'une fois arrivés presque jusqu'à ses 
portes. Cf. La Bible et les découvertes modernes, 
1896, t. m, p. 253. Théglathphalasar III y serait venu 
installer lui-même Osée sur le trône d'Israël et y 
recevoir son tribut, s'il faut prendre à la lettre le récit 
de son inscription. Ibid., p. 524-525. Salmanasar IV, 
successeur du précédent, instruit qu'Osée avait noué 
des relations avec Sua, roi d'Egypte, afin de se déli- 
vrer du joug de l'Assyrie, s'empara de sa personne et 
monta, avec son armée, pour mettre le siège devant 
Samarie. IV Reg., xvn, 4, 9. 

4° Les menaces des prophètes. — Depuis longtemps 
les comptes de la justice divine s'accumulaient contre 



Ses palais allaient être renversés ; son peuple semblable 
à un débris arraché de la gueule d'une bête féroce, ou 
tiré d'une chaudière bouillante, ou encore à un tison 
arraché à l'incendie, sera emmené en captivité. Am., 
m, 11-15; iv, 2-3, 11; vu, 11,17. Elle deviendra comme 
un monceau de cailloux ramassés dans un champ. 
Les pierres de ses édifices seront roulées dans la 
vallée et leurs fondements mis à découvert; ses sta- 
tues seront brisées, et ses richesses livrées aux flam- 
mes. Mich., I, 6-7. Ses dépouilles enrichiront les As- 
syriens, Ps. vin, 4. Celait le traitement que les rois de 
Ninive faisaient subir aux villes prises par eux et que 
Salmanasar réservait à Samarie. 




289. — Ruines du temple d'Auguste à Sébastyéh. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



cette ville et les prophètes n'avaient cessé de l'en aver- 
tir. Avec Amri, elle avait embrassé, dès son origine, 
le péché de Jéroboam I er , le schisme et le culte du 
veau d'or de Béthel. A la suite de Jézabel et d'Achab, 
ses habitants, à part quelques exceptions comme celle 
d'Abdias (voir Abdias, 2, t. i, col. 23), avaient adopté 
les cultes de Baal et d'Astarté. En enlevant les stèles 
de Baal, Joram n'en avait pas supprimé le culte. Jéhu 
l'extirpa et extermina la maison d'Amri, mais il resta, 
avec le peuple, attaché au schisme et au culte de 
Béthel et des idoles; tous ses successeurs continuè- 
rent à marcher dans cette voie. III Reg., xvi, 25-26; 
30-33; xxii, 53-54; IV Reg., x, 29, 31; xih, 2, 6, 11; 
xiv, 24; xv, 9, 18, 24, 28; xvn, 7-23. A ces fautes s'ajou- 
taient un immense orgueil, l'ivrognerie, l'injustice et 
une grande dureté à l'égard des faibles et des pauvres. 
Is., ix, 9-11; xxyiii, 1-8; Ez., xxiii, 4-9; Ose., vn, vm, 
x; Amos, in, 9,14; iv, 1 ; vi, 1; -vm, 14; Mich., i, 5-7; 
il, m; vi, 16. A cause de ces iniquités, la condamna- 
tion de Samarie était prononcée. Que Samarie périsse! 
Qu'elle périsse par le glaive! Que ses enfants soient 
écrasés et ses femmes enceintes éventrées ! Ose., xrv, 1. 



5° La prise de Samarie et ses nouveaux habitants. 
— Deux années entières, Samarie, bien que privée de 
son roi, soutint l'attaque de l'ennemi; mais la troi- 
sième année du siège, la neuvième d'Osée (721), elle 
finit par tomber aux mains des Assyriens. IV Reg., 
xvn, 4-6 ; xviii, 9-10. Sargon s'attribue, dans ses Fastes, 
la prise de Samarie et la compte comme la première 
victoire de son règne. Oppert, Fastes de Sargon, 1. 23- 
25. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, 1896, t. m, p. 554-560. Ce prince, qui allait 
succéder à Salmanasar, avait sans doute été chargé 
par celui-ci de pousser les travaux du siège et en avait 
personnellement procuré le succès. Peut-être ce fait 
eut-il aussi quelque influence sur son élévation au 
trône. Les habitants de la ville furent déportés en 
Assyrie. IV Reg., xvn, 6. Le nombre de ces exilés fut 
de 27290, d'après les Fastes. Ibid.; F. Vigouroux, 
loc. cit., p. 554. Le vainqueur prit pour sa part de butin 
50 chars. Il confia à un lieutenant le gouvernement de 
la ville où il avait laissé quelques habitants. Ibid. Ce 
sont vraisemblablement des descendants de ces der- 
niers qui montaient à Jérusalem pour offrir de l'encens 



1409 



SAMARIE 



1410 



et des dons, après l'assassinat de Godolias à Maspha, 
quand ils y furent eux-mêmes égorgés avec leurs com- 
pagnons, par Ismahel (586). Jer., xli, 5. A la place 
des Israélites déportés, le roi d'Assyrie envoya une 
colonie . formée de prisonniers de guerre chaldéens, 
cuthéens, syriens et autres. IV Reg., xvn, 24. En 715, 
Samarie reçut un nouveau groupe composé d'Arabes de 
diverses tribus. Inscription de Khorsabad, Salle 2, H, 
1. 3-8; cf. F. Vigouroux, loc. cit., p. 569. 

6° Depuis le retour des Juifs de Babylone jusqu'à 
Constantin. — Aux lieutenants des rois d'Assyrie et de 
Chaldée commandant à Samarie avaient succédé, après 
la prise de Babylone par Cyrus (538), les satrapes per- 
sans. Ceux-ci, avec leur entourage, s'ils ne furent pas 
les instigateurs de l'hostilité acharnée et constante des 
Samaritains contre les Juifs, paraissent du moins l'avoir 
ordinairement favorisée. I Esd. iv; u, 19; iv, vl; cf. 
Samaritains, col. 1424; Sanaballat, col. 1443; Réum 
Béeltéem, col. 1078 ; cf. 1. 1, col. 1546. Alexandre le Grand, 
maître de la contrée, et avant de descendre en Egypte 
(333), avait laissé le gouvernement de la ville à un de 
ses officiers nommé Andromaque, selon Quinte-Curce, 
iv, 21. S'il faut croire cet auteur, seul à faire ce récit, 
les habitants de Samarie l'au raient brûlé vif et Alexan dre, 
pour venger cet outrage, les aurait exterminés en 
partie et dispersés, puis remplacés par une colonie 
gréco-syrienne. Quoi qu'il en soit, peadant toute la 
lutte des Machabées pour l'indépendance, le peuple de 
Samarie et ses chefs furent constamment avec les na- 
tions ennemies des Juifs. Cf. Ant.jud., XI, vm, 6; XII, 
iv, 1. Comme la population de Marissa, soumise par Jean 
Hyrcan, avait accepté la religion des Juifs, les Sama^ 
réens, à l'instigation du roi de Syrie Antiochus Cyzique, 
étaient venus ravager leur territoire. Prenant occasion 
de cette injure pour venger toutes les autres faites à 
son peuple, Hyrcan vint, avec des forces considérables, 
attaquer Samarie. Il l'environna d'un fossé profond et 
d'un double mur de 80 stades (près de 15 kilomètres) 
d'étendue et laissa ses deux fils Antigone el Aristobule 
poursuivre le siège. Pressés par la famine, les assiégés 
implorèrent le secours d'Antiochus qui s'empressa 
d'accourir avec une armée. Les deux frères le défirent 
•complètement et refoulèrent les Samaréens dans leurs 
murs. Pensant amener les Juifs à lever le siège, Antio- 
•chus, assisté de troupes égyptiennes, alla ravager la 
Judée; ce fut sans succès. Après une année entière de 
•siège, Hyrcan emporta la ville d'assaut et la détruisit de 
.fond en comble (109). Ant. jud., XIII, x, 2-3. Les habi- 
tants furent emmenés en captivité par les Juifs. Bell. 
jud.,I,u,l. Pompée, maître de la Judée (63), rendit le 
-site de la ville aux Samaritains. Ant. jud., XIV, IV, 4; 
Bell, jud., I, vu, 7. Elle fut relevée elle-même par Gabi- 
•nius, proconsul de Syrie, qui y établit de nouveaux 
habitants. Ant. jud., XIV, v, 3; Bell, jud., I, vm, 4. 
Hérode la reçut d'Octave, après la bataille d'Actium et à 
.la mort de Cléopâtre (31) qui l'avait possédée jusque-là. 
Ant. jud., XV, vu, 3; Bell, jud., I, xx, 3. La ville 
-agrandie, embellie, fortifiée et appelée du nouveau nom 
•de Sébaste, fut peuplée par une colonie composée de 
six mille vétérans des armées hérodiennes et de gens 
•des pays circonvoisins, païens pour la plupart, semble- 
•t-il (24). Grâce au riche territoire des alentours partagé 
aux colons, la ville se trouva de suite en pleine pros- 
périté. La pensée du despote iduméen était surtout de 
se préparer un refuge en cas de révolte des Juifs contre 
.lui et il voulait en même temps s'assurer la domina- 
tion de la province. Ant. jud., XV, vm, 5; Bell, jud., 
I, xxi, 2. C'est à Samarie qu'Hérode avait épousé Ma- 
rianne, la descendante des Asmonéens. Bell, jud., I, 
xvn, 8; cf. xn, 3, et Ant. jud., XIV, XII, 1, et xv, 14. 
C'est à Sébaste que le tyran, jaloux et soupçonneux, 
•devait envoyer les fils qu'il avait eus d'elle, pour y être 
•étranglés par la main du bourreau. Ant. jud.,XYI, n, 7; 

DICT. DE Là BIBLE. 



Bell, jud., I, xxvi, 6. — Samarie n'avait jamais eu, si ce 
n'est avec son temple de Baal, au temps d'Achab.la su- 
prématie religieuse qui, après avoir appartenue Béthel, 
était passée à Sichem; Sébaste devait perdre bientôt sa 
prépondérance politique et administrative qu'elle parait 
avoir conservée jusque-là : elle allait passer à sa voi- 
sine Césarée qu'Hérode, tandis qu'il agrandissait Sé- 
baste, construisait et dont les princes hérodiens devaient 
faire leur séjour préféré avant que les procurateurs ro- 
mains y fixassent leur résidence. — A la mort d'Hérode 
(4 avant J.-C), Auguste confirma à son fils Archélaûs la 
possession de Sébaste (4 avant J.-C). Ant.jud., XVII, 
xi, 4; Bell, jud., II, vi, 3. A la déposition de ce prince 
(6 après J.-C.), elle fut annexée à la province romaine 
de Syrie, puis rendue par Claude, à son avènement à 
l'empire (41), à Hérode Agrippa I er . Ant. jud., XIX, 
v, 1. Quand ce roi mourut (44), les Sébastais célébrèrent 
des réjouissances publiques, insultèrent à sa mémoire 
et, avec ceux de Césarée, outragèrent honteusement les 
statues de ses filles encore vivantes. L'empereur vou- 
lut les châtier en envoyant en garnison dans le Pont 
tous ceux qui se trouvaient dans l'armée; mais il se 
laissa toucher par la légation qu'ils lui envoyèrent et 
ils demeurèrent en Judée. Ant. jud., XIX, ix, 1-2. Un 
escadron de la cavalerie de Césarée portait le nom de 
Sébaste, ïXv) Ee6a<mr)i/<âv; cinq cohortes paraissent en 
outre avoir été principalement composées de Sébastais. 
Pendant les troubles qui se produisirent en Judée sous 
les procurateurs, surtout sous Cumanus (48-52) et Florus 
(64), ces troupes, toujours hostiles aux Juifs, les mal- 
traitèrent beaucoup. Bell, jud., II, xh, 5; cf. Ant. 
jud., loc. cit. Les Juifs se vengèrent, lors des massacres 
de Césarée, en se jetant sur Sébaste et en la livrant 
aux flammes (65). Bell, jud., II, xvm, 1. — La guerre 
de Judée terminée (70), Vespasien éloigna du district 
les troupes sébastaises. Ant. jud., loc. cit. La garnison 
de VAla milliaria Sebastena est indiquée à Asuada, 
probablement Ves-Sûêdah actuelle dans le Hauran,par 
la Notifia dignitatum imperii romani. Dans Reland, 
Palsestina, p. 230. Attaquée par Septime Sévère pour 
avoir suivi son compétiteur Pescennius Niger, Sébaste 
vit encore une fois sa population renouvelée par l'envoi 
d'une colonie étrangère (184). Dion Cassius, Sept. 
Severus, ix; Ulpien, 'De censibus, i, 15. 

7° Le christianisme à Samarie. — Les prophètes, en 
prédisante cette ville les malheurs dont elle devait être . 
frappée à cause de ses iniquités, avaient annoncé aussi 
qu'elle se convertirait au Seigneur, refleurirait et de- 
viendrait la fille de Jérusalem. Ose., xiv; Ezech., xvi, 
53, 55, 61. Ces prophéties paraissent faire allusion à la 
conversion de Samarie à l'époque chrétienne. Le nom 
de Jésus ne pouvait y être inconnu, surtout depuis sa 
conversation avec la Samaritaine au puits de Jacob, 
Joa., IV, quand Philippe, l'un des sept diacres, obligé 
de quitter Jérusalem, à la persécution qui suivit la mort 
d'Etienne (33), descendit « à la ville de Samarie », Act., 
vm, 5, d'après la leçon des plus anciens manuscrits, 
Vaticanus, Alexandrinus, Sinaïticus. — Si un certain 
nombre de manuscrits plus récents lisent z'.t; nàïn, 
sans l'article, les interprètes et les commentateurs 
ont généralement entendu cette expression comme les 
premiers, de « la capitale de la Samarie ». — Philippe 
se mit à prêcher Jésus-Christ, appuyant sa prédication 
de nombreux miracles. Toute la foule « unanimement» 
vint l'écouter et se convertit en masse. Dans la ville se 
trouvait alors le magicien Simon qui, depuis longtemps, 
la tenait tout entière asservie par les prestiges de ses 
enchantements. Lui-même demanda le baptême avec 
.la foule des hommes et des femmes qui le reçurent 
alors, f. 6-13. Les Apôtres restés à Jérusalem, en ap- 
prenant la conversion de Samarie, envoyèrent Pierre 
et Jean pour confirmer dans le Saint-Esprit les nou- 
veaux disciples, f. 14-24. — Les troubles et les per- 

V. - 45 



1411 



SAMA.RIE 



1412 



séculions qui, pendant près dé trois siècles, se succé- 
dèrent dans tout le pays, ne purent étouffer les germes 
de la foi implantée par les apôtres à Sébaste. Le nom 
de cette ville se trouve sur toutes les listes des anciens 
sièges épiscopaux de la Palestine. Cf. Reland, Palsestina, 
p. 210, 214, 215, 220, 222, 228, 983; Le Quien, Oriens 
christianus, Paris, 1740, t. ni, col. 649-654. — L'Église 
de Sébaste se faisait honneur de garder les tombes 
d'Abdias, d'Elisée et de saint Jean-Baptiste. S. Jérôme, 
In Abd:,t. xxiv, col. 1099;I« Os.,i, ibid., col. 933; Jn 
Mich., i, ibid., col. 1156. Julien l'Apostat ne le' put souf- 
frir ; il fît ouvrir les sépulcres, brûler les ossements et dis- 



la Palestine, El-Muqaddasi, en 985, ne la mentionne plus ; 
elle était devenue, comme elle est encore, une simple 
localité du district de Nàblus. Cf. Géographie, édit. de 
Goeje, Leyde, 1877, p. 165; Yaqùt, Dict. géogr., édit. 
Wûstenfeld, Leipzig, t. m (1868), p. 33. Dès les pre- 
mières années du ix 8 siècle, la basilique dans laquelle 
on vénérait le sépulcre du saint Précurseur était en 
ruine; seul le mausolée restait debout et continuait à 
être visité par les chrétiens auxquels se joignaient les 
musulmans, pour qui saint Jean est un grand prophète. 
Sébastyéh avait toutefois conservé son évêque. Com- 
memoratorium de Casis Dei (c. 800), dans ltinera., 




290. — Ancienne basilique chrétienne. Tombeau de saint Jean-Baptiste, d'Elisée et d'Abdias. 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 



perser les cendres (361). Une partie cependant des saintes 
reliques put être dérobée au vandalisme des païens. 
Rufin, H. E., h, 281, t. xxi, col. 536; Théodoret, H. E., 
m, 3, t. lxxxii, col. 1092; Chronic. Pasch., an. 361, 
t. xcn,col. 739. Les pèlerins, parmi lesquels nous voyons, 
en 386, saint Jérôme avec sainte Paule romaine, ne ces- 
sèrent point, en effet, de «venir à Samarie vénérer les 
cendres de Jean-Baptiste, d'Elisée et d'Abdias » et le 
Ciel continua d'y opérer ses prodiges. Cf. S. Jérôme., 
Epist. xlvi, 12; cf. Epist. crin, 13; t. xxh, col. 491, 
889; Antonin de Plaisance, Itiner., t. lxxii, col. 902. 
Ces tombeaux étaient renfermés dans une basilique. 

IV. État actuel. — Jusqu'à la conquête du pays par 
lès Arabes mahométans (636), Sébaste avait conservé, 
aves sa splendeur, une certaine prépondérance, du moins 
sur la région immédiatement voisine; sous ces nou- 
veaux maîtres devenue Sébastyéh, elle devait la voir 
passera Nàblus (Néapolis, l'ancienne Sichem), sa voi- 
sine, et elle n'allait plus cesser de déchoir. Si Ibn Khor- 
dadbéh, vers 864, la cite encore, Géographie, édit. de 
Goeje, Leyde, 1889, p. 79, parmi les principales villes de 



Genève, 1877-1880, p. 304. Avec son église du sépulcre 
de saint Jean, rebâtie au xn e siècle par les Francs, de- 
venue la cathédrale d'un évêque latin, Sébastyéh, ap- 
pelée alors Sainl-Jean par les Occidentaux, avait semblé 
un instant refleurir. Cf. Daniel hég. (1106), Pèlerinage, 
édit. Khitrowo, Genève, 1889, p. 57-58; Jean de Wurzbourg 
(1137), Descriptio T. S.; t. clv, col. 1058; Theodorici 
Libellus de L. S. (1172), édit. de Tobler, S. Gall, 1865, 
p.95-96,etc. Occupées par les mahométans aussitôt après 
la fatale journée de Hattin (4 juillet 1187), Sébastyéh et 
sa cathédrale ne devaient pas tarder à retomber dans la 
désolation. En 1283, il n'y avait plus une seule maison 
habitée ou debout, si ce n'esl l'église des Croisés trans- 
formée en mosquée et le petit monastère des moines, 
grecs, avec son église où ceux-ci croyaient avoir la pri- 
son de saint Jean, située au milieu des ruines de l'an- 
cienne Sébaste, à la partie la plus élevée de la mon- 
tagne. Cf. Phocas, De Loch Sanctis, xiv, t. cxxxiii, 
col. 940, Burchard (1283), Descriptio T. S., 2« édit. 
Laurent, Leipzig, 1873, p. 53; Mugir ed-Din, Jérusa- 
lem et Hébron, édit. du Caire, 1283 (1866), P- 218, 



1413 



SAMARIE 



1414 



287. Ishak Chelo, en 1334, ne trouvait plus à Sébaste 
que des ruines, parmi lesquelles s'élaient établis 
quelques pauvres pasteurs. Dans Carmoly, Itinéraires 
de la T. S., Bruxelles, 1847, p. 252. — Le village ainsi 
formé n'occupe pas la quinzième partie de l'emplace- 
ment de l'antique Sébaste, vers son extrémité orientale, 
dans le voisinage de l'église des Croisés. Il se compose 
d'une trentaine de maisons à toits plats, grossièrement 
construites avec des débris de ruines. La population n'y 
est guère que de deux cents habitants, tous cultivateurs 
et mahométans, à l'exception d'une famille de chrétiens 
arabes, schismatiques, qui s'y est établie depuis peu. De 
l'église du XII e siècle (fig. 290), il reste les murs exté- 
rieurs avec leurs trois absides à l'orient et deux ou 
trois arcades en ogive. Elle mesure 50 mètres en 
longueur et 23 en largeur et était à trois nefs. Elle 
parait avoir été, après le Saint-Sépulcre, la plus impor- 
tante des basiliques chrétiennes relevées par les Francs 
en Terre-Sainte. L'écusson des chevaliers hospitaliers 
de Saint-Jean qui se voit sur les murs et dont la croix 
a été martelée, semble indiquer qu'elle était leur 
œuvre. Dans le transept, les musulmans se sont fait 
une mosquée. Au milieu de la grande nef s'élève un 
petit édifice carré surmonté d'une petite coupole arabe 
blanchie à la chaux : c'est le monument sépulcral de 
saint Jean-Baptiste. Vingt et un degrés conduisent à 
une chambre inférieure ou crypte taillée dans le roc. 
Dans la paroi méridionale, trois ouvertures ovales 
laissent voir trois loges funéraires cinlrées, juxtapo- 
sées et construites avec de belles pierres de taille. 
Dans leur état actuel, elles paraissent remonter aux 
premiers siècles de l'ère chrétienne. C'est dans ces 
sépulcres qu'étaient déposés, au témoignage de tous 
les pèlerins, les restes vénérés du saint Précurseur, 
du prophète Elisée et d'Abdias. Les fragments de l'an- 
cienne porte, en basalte, dont les caractères annoncent 
une haute antiquité, gisent sur le sol de la chambre. 
Près dé l'église, au nord, sont les restes d'assez vastes 
bâtiments avec de grandes tours croisées. C'était 
peut-être la résidence des chevaliers de Saint-Jean et 
celle de l'évêque latin du XII e siècle. A l'exception de 
l'espace occupé par ces ruines, par le village et l'aire 
voisine où les paysans battent leur blé, tout le reste 
de la colline de Samarie est couvert de belles planta- 
tions d'oliviers, entre lesquels se trouvent quelques 
figuiers. C'est parmi ces arbres ou sous la terre qui 
les recouvre qu'il faut chercher les débris de l'antique 
Samarie et de Sébaste. 

Bibliographie. — F. de Saulcy, Voyage en Terre- 
Sainte, in-8", Paris, 1863, t. n, p. 390-398; V. Guérin, 
Samarie, t. n, p. 188-209; E. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, in-8», Boston, 1841, t. m, p. 138- 
149; The Survey of Western Palestine, Memoirs, 
in-4», Londres 188-2, t. il, p. 160-161, 211-214; Fr. Liévin 
de Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, Jé- 
rusalem, 1887, t. m, p. 54 65. L. Heidet. 

3. SAMARIE, une des trois provinces de la Palestine 
occidentale au temps du Sauveur. — I. Nom. — Avant 
la chute du royaume des dix tribus séparées de Juda, 
le nom de Samarie avait souvent servi à- le désigner, 
en même temps que ceux d'Israël et d'Ephraïm. 
Cf. III Reg., xiii, 32; Ose., vin, x, xiv; Amos, m, iv, 
vi, vin. Après sa destruction, il devint l'appellation 
exclusive de la province, puis du simple district dont 
la ville resta la capitale ou le chef-lieu. Dans le texte 
hébreu (et dans la Vulgate par suite du défaut d'article 
dans le latin), le nom du pays ne se distingue point de 
celui de la ville d'où il le prend et parfois il est diffi- 
cile de discerner s'il s'agit de l'un ou de l'autre. Ordi- 
nairement on le comprend par le contexte. Dans la 
version grecque, l'article, fi Sapapi'a, détermine la 
contrée. Am., IV, 1; I Esd n IY, 10, 1 Mach., v, 66. Celte 



forme est fréquemment employée dans le Nouveau 
Testament. Joa., iv, 4, 5, 7; Act., vin, 5, 9, 14. I* 
formé de nom local « la Samaritide », fi SajAapsîttfe 
se trouve I Mach., x, 30; xi, 28, 34; Matth., x, 5; Luc, 
IX, 52; Act., vm, 25. 

II. Géographie. — 1° Limites et étendue. — A 1» 
chute du royaume d'Israël, son territoire ne compre- 
nait plus guère que celui des deux tribus d'Ephraïm 
et de Manassé occidental, probablement réduit à 1* 
partie montagneuse. La province formée de ce terri- 
toire conquis par les Assyriens s'étendait primitivement 
de Béthel, la dernière ville marquant la frontière mé- 
ridionale d'Israël, à la plaine d'Ësdrelon au nord, qui 
commence au pied des monts de la tribu de Manassé, 
et semble dès lors avoir appartenu tout entière à la 
Galilée. Ce sont les frontières que paraît lui tracer le 
livre de Judith, parlant de la Samarie antérieurement 
à la captivité de Babylone. Béthoron et Jéricho sont 
comprises dans son territoire, v, 4 (grec), et la plaine 
d'Ësdrelon y est attribuée à la Galilée ou du moins 
distinguée de la Samarie, i, 8, qui est restreinte, de ce 
côté, aux montagnes, IV, 4. Le Jourdain et la Péréo 
bornaient la province à l'est, cf. i, 9, et elle s'éten- 
dait sans doute encore jusqu'à la mer à l'ouest. Voir 
Éphraïm 2, t. n, col. 1874; Manassé 7, t. lv, col. 674. 
La Samarie primitive se développait ainsi, tant en lon- 
gueur qu'en largeur, sur une étendue d'environ 60 ki- 
lomètres. Ce territoire devait, dans la suite, s'amoin- 
drir, surtout du côté du sud, au profit de la Judée. La 
chute de l'empire ninivite en aura vraisemblablement 
été la première occasion. Les Juifs reprenant, en vertu 
de l'édit de Cyrus, leur territoire d'avant la captivité, 
occupèrent en effet Béthel, toutes les localités en dé- 
pendant et plusieurs autres qu'avaient possédées les 
rois de Samarie. IIEsd., xi, 31, 34; cf. vu, 32, 36, 37; 
I Esd., n, 28, 33-34. Les succès des Asmonéens lui 
coûtèrent d'autres portions plus considérables encore. 
Cf. I Mach., x, 30, 39; xi, 28, 31. « Le territoire de la 
Samarie », que ceux-ci avaient laissé tel qu'il était 
au temps du Sauveur, d'après la description de Josèphe, 
« compris entre la Judée et la Galilée, commençait au 
bourg de Ginœa, situé dans la Grande Plaine et se ter- 
minait à la toparchie d'Acrabathène... Près de la fron- 
tière commune [de la Judée et de la Samarie] était le 
village, le dernier de la Judée, appelé Anuath-Borcéos, » 
ou Borcéos-d'Anuath, fi 'Avouàôou Bôpxoio;, d'après 
les éditions de Niese. Bell, jud., III, m, 4-5. En 
venant de Scythopolis, ville de la Décapole, au nord- 
est on trouvait la frontière près de « Corœa qui com- 
mençait la Judée. » Ant. jud., XIV, m, 4; Bell. jud., 
I, VI, 5. Du côté de l'occident, le territoire de la Sama- 
rie s'arrêtait à la plaine ; car « tout le littoral jusqu'à 
Ptolémaïde était à la Judée, » Bell, jud., IJJ, m, 5. 
C'est ce que confirme Strabon donnant aux Juifs tout 
le pays appelé par lui, Géogr., xvi, 2, Apy(j.ô;, c'est-à- 
dire vraisemblablement la plaine de Saron.Cf. Reland, 
Palmstina, Utrecht, 1714, p. 188 et 190. La Mischna, 
Gitlin., vu, 8, indique pour frontière de la Judée et de 
la Samarie « le village de 'Utânê ». Cf. Ad. Neubauer, 
Géographie du Talmud, Paris, 1862, p. 56-57. Tout le 
pays entre cette localité et Antipatride était à la Judée. 
Talmud Bab., Gittin, 76 a; cf. ibid. Archélaïde est 
encore classée par P tolémée, Geogr., V, xvr, parmi 
les villes de la Judée. Cet auteur l'indique plus 
au nord que Phasaëlide. La carte de Peutinger ht 
marque à XXIV milles au nord de Jéricho. — De ces 
indications il apparaît que la frontière septentrionale 
de la Samarie était l'extrémité du Merdj ibn-'Amer 
actuel, la Grande Plaine de l'historien juif et l'Esdrelon 
du livre de Judith, sur la lisière duquel se trouve la 
petite ville de Djenin, dans laquelle on reconnaît la 
Ginéa de Josèphe et l'Engannim biblique. Elle fran- 
chissait ensuite la petite chaîne de collines au sud du 



1415 



SAMARIE 



1416 



Garmel, alors aux Tyriens, Bell, jud., III, m, 1, et qui 
aboutissent aux hauteurs de Vmni el-Fahem, pour 
rejoindre la plaine côtière. L'extrémité orientale de 
celle-ci formait la limite jusqu'au-dessus de Medjdel 
Yâbâ, à l'entrée des montagnes judéennes, en face, à 
l'orient de Rds el-'Aïn; les ruines qui se voient en cet 
endroit situé sur le territoire de Kefr-Sâba, sont géné- 
ralement considérées comme celles d'Antipatride. De ce 
point, la frontière tournant à l'est, passait près de Deir- 
Ballût, au nord de Lubban, probablement la Beth-Lu- 
ban des Talmuds, indiquée avec Belh-Rimah parmi les 
villes juives, Menahoth, IX, 7; cf. Neubauer, loc. cit., 
p. 82. Elle passait ensuite aunord de Bérûkin, identifiée 
par Guthe et d'autres, sur leurs cartes, avec la Borceos 
de Josèphe. Bérûkin d'ailleurs, voisin de Kefr 'Ain dans 
lequel on peut voir Anuath, est situé à moins de deux 
kilomètres et demi au nord de Deir Ghussânéh, très 
probablement le 'Utanê, >:hiï des Talmuds. On sait 

que le '(?) hébreu représente aussi bien le gh ( •) arabe 

que le '( J et que le t (n) est souvent prononcé s ou ss. 

Ghussânéh est lui même à 1 200 mètres seulement au 
nord de Beit Bimah, au sud duquel se trouve, à deux 
kilomètres, Tibnalt, l'ancienne Thamna, chef-lieu de la 
Thamnitique. Bérûkin, à peine distant de 6 kilomètres 
de cette dernière localité, appartient, selon toute 
vraisemblance, à cette toparchie dont la limite, depuis 
sa séparation de la Samarie, dut former la frontière 
intermédiaire de cette province et de la Judée. 
Cf. I Mach., xi, 28, 3i; Bell, jud., III, m, 5. D'autres 
voient Borcéos et Anuath au Khirbet Berqît et à 'Ain 
'Aïnah, au nord du Khân Lubbân. Cf. Buhl, Geogr. 
des alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 175. Quelle que 
soit la valeur de ces identifications, la frontière venant 
de Berùkîn devait passer au nord de ces localités, 
remontant vers le nord-est, pour contourner le terri- 
toire de 'Aqràbéh, l'ancienne Acrabathène, et Qerâoua, 
la Coréa de Josèphe et la Qérùhim de la Mischna, 
Menahoth, ix, 7. Cf. Neubauer, loc. cit., p. 82, 83. 
De cet endroit, en continuant à suivre la direction 
nord-est, elle franchissait Vouâdi Fâr'a pour passer au 
nord du Bas Umm el-Kharrûbéh, non loin duquel se 
doit chercher le site d'Archélaïde. Cf. Ant. jud., XVII, 
xiii, 1; XVIII, h, 2. D'Archélaïde, la frontière devait 
se diriger vers l'est pour aboutir au Jourdain à peu 
près en face du Tell Deir 'Allah, l'ancienne Phanuel. 
— Après la guerre de Judée, Pline, //. N., v, 12, 
rattache « la région du littoral [à] la Samarie ». Plus 
tard les conquérants mahométans firent reculer la 
frontière méridionale du « district de Nâblus » qui 
remplaça l'ancienne Samarie, jusqu'au sud de Lubbân 
(Lebonâ) et de Seilûti (Silo), où nous le trouvons au- 
jourd'hui. Ce district s'élargit également de divers autres 
côtés, mais d'une manière variable. 

2° Division. — La Samarie, de même que la Judée, 
était partagée par nomes (vonof, I Mach., x, 30, 38; 
xi, 34), ou toparchies (towap/t'at, ibid., 28). Cinq seu- 
lement de ces toparchies sont désignées; ce sont 
celles qui furent détachées de la Samarie primitive 
pour être annexées à la Judée : les toparchies d'Aphé- 
réma ou Ephrem, de Lydda et Ramathem, d'après 
I Mach., XI, 3i (grec), et celles d'Acrabahou Acrabbim 
et de Nabartha, d'après Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 
10; xxn, 2; III, m, 4-5; IV, ix, 9. Dans la nomencla- 
ture des toparchies judéennes, la première est ap- 
pelée de Gofna ou « la Gophnitique » et la seconde de 
Thamna ou « la Thamnitique ». Bell, jud., II, xx, 4; 
III, m, 5 ; Pline, H. N., v, 14. 

3» Description. — Le territoire de la province de Sa- 
marie, « par la nature de son sol et ses caractères 
généraux, ne diffère pas de celui de la Judée. Comme 
celle-ci, elle est formée de montagnes et de plaines se 



prêtant admirablement aux travaux de l'agriculture, 
1res fertiles et en partie couvertes d'arbres. Si la terre 
n'y est pas arrosée d'innombrables courants d'eau, les 
pluies y sont abondantes et les eaux douces et agréa- 
bles. L'herbe qui y abonde permet d'y élever d'innom- 
brables troupeaux et d'y avoir du lait en abondance. 
La preuve de cette fécondité, c'est l'exubérance de la 
population. » Bell, jud., III, ut, 4. Si quelques-uns des 
traits de cette peinture de l'historien juif se sont effacés 
ou atténués, sous l'influence désastreuse du régime 
qui, depuis plusieurs siècles, pèse sur la contrée, la 
plupart y sont cependant encore vrais ou reconnais- 
sablés. — Les montagnes de la Samarie, dans son 
étendue primitive, comprenaient tout le massif connu 
anciennement sous le nom de « Montagne d'Éphraîm » 
auquel se joignait au nord le territoire montagneux de 
Manassé. Voir t. n, col. 1879, et t. rv, col. 646. Dans 
l'état réduit de la Samarie du temps du Sauveur, elle 
n'en possédait plus que la partie septentrionale, un 
peu plus de la moitié qui formait tout son territoire. 
Les sommets les plus remarquables de cette partie et 
en même temps les plus célèbres étaient l'Ébal et le 
Garizim. Voir t. n, col. 1524, et t. m, col. 106. La mon- 
tagne d'Amalec, t. i, col. 427, les monts de Gelboé, 
t. m, col. 155 et « la montagne de Bethulie », Judith 
(grec), xiii, 11, étaient dans ses limites. — Les larges 
vallées ou les plaines y sont plus nombreuses et plus 
spacieuses que dans la partie méridionale ou que dans 
les montagnes de la Judée. Les plus remarquables sont 
la belle vallée de Fâr'a, la Béq'ah au sud-est de Tùbâs 
et de Tamrnûn, l'ouâd' es-Selhab sous Zabâbdéh, le 
Uerdj-Sanûrprès de la localitédu même nom, le Sahel- 
'Arrâbéh, l'antique « plaine près de Dothain », Judith 
(grec) iv, 7, et, près deNaplouse, le Sahel-'Askar dont le 
Sahel-Ràgib et le Sahel-Mahnéh sont la continuation. 
Ils formaient probablement ensemble « la vallée de Sa- 
lem », ibid., 4, où se trouvait « la propriété de Joseph t> 
et le chêne de Moréh. Voir t. iv, col. 1269. Le torrent 
de Mochmur, Judith (grec), vu, 18, dont le nom peut 
être une altération de celui de Machméthath, semble 
devoir se chercher dans le voisinage de Mahnéh, qui 
rappelle le précédent. — Deux sources de la Samarie 
sont célèbres : la fontaine de Bethulie, Judith, xn, 7, et 
le puits de Jacob, près deSichem. Joa.,rv, 6. La source 
de 'Ainôn, à trois kilomètres au sud-est de Tûbâs, 
belle et abondante, ne peut avoir d'autre rapport avec 
l'« Aennon, près de Salem, où Jean baptisait, » Joa., m, 
23, que la similitude du nom. Les eaux de Aïn-Mâléh, 
minérales et thermales, près de la petite ruine d'el- 
Hammdm, « les Bains », à 9 kilomètres à l'est de 
Téiyâslr, sont très recherchées des populations des 
alentours. Les eaux de Betoaenea,à 15 milles (22 kil.) 
à l'est de Césarée, aujourd'hui 'Anim, étaient de même 
réputées médicinales, au iv« siècle. Eusèbe, Onomas- 
ticon, au mot 'Ave-p, Aniel, Berlin, 1862, p. 42, 43. 
— Des grandes forêts où abondaient surtout le chêne, 
le pin, le thérébinthe et le qéqad et qui, il y a moins 
de cinquante ans, ornaient les monts et les collines 
au-dessous de la frontière septentrionale, il ne reste 
guère que quelques arbres épars; elles sont remplacées 
par des broussailles. La vigne a disparu à peu près 
complètement. Par contre, les vallées et les plaines du 
Bjebél-Nâblûs se couvrent toujours de superbes et 
riches moissons dont les blés vont approvisionner les 
marchés de Jérusalem et de Jaffa où ils sont spéciale- 
ment estimés.. — - Les troupeaux de moutons et de 
chèvres" errent enfcore nombreux sur les collines; sou- 
vent aussi les vaches se rencontrent en troupes au bord 
des ruisseaux' de Ypuâdi-Far'a, près des fontaines du 
Sahel-'Arrdbéh'et dans. quelques antres régions arro- 
sées par des sources nombreuses et où l'herbe se per- 
pétue une grande partie de l'année. 
4° Villes et population. — Un tout petit nombre 



1417 



SAMARIE 



1418 



d'habitants israélites avaient été laissés dans le pays par 
Sargon après la prise de Samarie. Fastes de Sargon, 
t. xxvi, cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, Paris, 1896, t. in, p. 559. Pour combler les 
vides faits par l'extermination et la déportation, « le 
roi d'Assyrie envoya [d'autres prisonniers de guerre], 
de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Émath de Séphar- 
naim et les établit dans les villes de Samarie, à la 
place des enfants d'Israël; ils possédèrent Samarie et 
ses villes. » IV Reg., xvii, 24. Outre ces colons, Sargon 
transporta, en 715, un groupe de captifs arabes des 
tribus de Taroud, des Ibadidi, des Marsimani et des 
Hayapa. Inscript, de Khorsabad, Salle 2, n, lig. 3-6; 
cf. F. Vigouroux, loc. cit. p. 569-575. D'autres troupes 
de captifs de la Babylonie, de l'Elam ou de la Perse,, 
vinrent rejoindre les premiers, au temps d'Asarhaddon, 
fils et successeur de Sennachérib (681-668). I Esd., iv, 
2, 9. Cf. Vigouroux, loc. cit., t. iv, p. 73-75. Un assez 
grand nombre de captifs ou de fugitifs israélites, un 
peu avant l'invasion d'Holoferne, étaient, semble-t-il, 
venus rejoindre le petit groupe de leurs frères laissés 
par Sargon, Judith, iv, 2 (grec), et v, 23 (grec, 19). 
Les 80 hommes de Sichem, Silo et Samarie qui se ren- 
daient au Temple quand ils furent tués par ïsmahel à 
Maspha, Jer., xli, 5, démontrent qu'il restait en Sa- 
marie, au temps de la captivité de Babylone, un nom- 
bre assez considérable d'Israélites attachés au culte 
mosaïque légitime. Ils semblent tous, au retour des 
Juifs de Babylone, les avoir rejoints en Judée, tant 
pour pouvoir observer plus facilement la loi que pour 
fuir les vexations de leurs voisins aux cultes hybrides. 
Dans tous les cas, il ne paraît pas qu'il y ait eu encore 
un seul Israélite fidèle en Samarie, à l'époque des 
Machabées. Par contre, les prêtres, les lévites et les 
autres, unis à des femmes étrangères, qu'Esdras et 
Néhémie expulsèrent pour ce fait, se réfugièrent en 
Samarie. Cf. I Esd., x; II Esd., xm, 28; Ant. jud., 
XI, vu, 2-VÏII, 4. Du mélange de ces Juifs prévarica- 
teurs et des Israélites que les observances de la loi 
inquiétaient peu avec la masse des déportés chaldéens, 
araméens, arabes, persans et autres se forma le peuple 
des Samaritains dont Ben Sira disait : Ce n'est pas 
un peuple... la nation insensée qui habite Sichem. 
Eccli., L, 27, 28. — A ces éléments s'adjoignit dans la 
suite la population des colonies grecques, romaines ou 
syriennes qu'établirent Alexandre, les rois grecs de 
Syrie et d'Egypte, Hérode et les Césars. 

Dans le Nouveau Testament il est fait allusion aux 
villes et aux villages de la Samarie, Matth., x, 5; Luc, 
IX, 52, 56; Act., vin, 25; mais deux seulement y sont 
nommés : Sicliar, Joa., iv, 5, et Samarie, Act., vm, 5. 
Dans les limites de la Samarie du 1 er siècle, à coté 
d'un nombre au moins double de localités ruinées 
(Khirbel), on compte aujourd'hui environ 175 localités 
habitées.. Parmi les unes et les autres un assez grand 
nombre portent des noms bibliques ou historiques 
plus ou moins parfaitement conservés. Déjà nous en 
avons rencontré quelques-unes dans ce cas ; on peut 
leur en adjoindre plusieurs autres. Parmi les noms 
les plus illustres on remarque : Ta'anak = Thanach, 
ancienne ville chananéenne; Djelbôn qui a donné son 
nom au mont de Gelboé; Tûbâs = Thébès, ou Abimé- 
lech fut tué de la main d'une femme ; fallûza = Thersa, 
la première capitale du royaume septentrional d'Israël; 
Fâr'a = Ephra, patrie de Gédéon; Ta'ana= Thanath- 
selo appelée Théna parPtolémée, Géogr., 1. V, c. xvi; 
Fa'rata = Pharathon, résidence du juge Abdon, 'Askar, 
la Sichar de l'Évangile, suivant plusieurs. D'autres, 
comme Djeba', Tammûn, Djett, Rdméh, 'Attdrah, 
Sànûr, Sàeikéh, etc., retiennent sans doute des noms 
anciens, mais qui n'ont pas été inscrits dans les fastes 
de l'histoire. — Un grand nombre des localités habi- 
tées ont une population inférieure à 200 âmes; une 



dizaine atteignent le chiffre de 2000 et trois ou quatre 
peuvent arriver à 3000. Naplouse (Sichem), capitale ac- 
tuelle de la province, renferme environ 25 000 habitants ; 
Sébastiyéh (Samarie), n'en a pas même 300. La popu- 
lation totale de la région ne dépasse pas 100000 âmes; 
elle devait être plus que quadruple au temps du Christ 
et de ses apôtres. — Alors comme aujourd'hui, elle 
était formée des débris de toutes les races qui ont passé 
sur le sol de la Samarie. La masse en est maintenant 
mahométane. Des Samaritains il n'y en a plus nulle 
part, en dehors du petit groupe de Nâblus. 

III. Histoire. — 1° Sous les Assyriens et les Chai-, 
déens (721-537). — La Samarie devenue presque dé- 
serte par suite de la guerre dans laquelle succomba 
la capitale d'Israël et de la transmigration de son 
peuple, fut envahie par une multitude de lions qui 
tirent de nombreuses victimes parmi les colons trans- 
plantés par les Assyriens. Ce fléau fut regardé comme 
une vengeance du Dieu du pays méconnu par les nou- 
veaux habitants. Pour s'instruire dans le culte de ce 
Dieu, ils réclamèrent un des anciens prêtres israélites, 
transportés en Assyrie. Celui-ci vint s'établir à Bélhel,. 
auparavant déjà le centre religieux de la contrée. Tout 
en adoptant le culte de Jéhovah, chacun des groupes 
ethniques continua à servir les dieux de son pays 
d'origine; il y eut ainsi en Samarie une multitude de 
cultes, puisque chaque hauteur eut son dieu et chaque 
ville sa religion propre. IV Reg., xvii, 21-44. Cf. 
F. Vigouroux, loc. cit., p. 575-586. — Les Israélites 
restés ou retournés s'étaient ralliés à Jérusalem et 
acceptaient la direction de ses chefs. Ceux-ci, lors de 
l'invasion d'Holoferne, envoyèrent en Samarie, des 
hommes chargés de tout organiser pour arrêter la 
marche de l'envahisseuret fortifier les villes. Judith, iv. 
L'héroïsme de Judithsauva le pays. Judith, v-xvi. — Les 
rois de Ninive ne paraissent pas avoir tenté de rétablir 
sur la contrée leur autorité ébranlée par cet échec. 
Quelques années après, le roi Josias pouvait sans ren- 
contrer d'obstacle la parcourir tout entière pour y 
exercer son zèle en y abattant les hauts-lieux, en y 
brisant les emblèmes idolâtriques et en y renversant 
les autels, après avoir égorgé leurs prêtres dessus. 
IV Reg., xxill, 15-20. Il contraignit en outre tous les 
Israélites à observer la loi de Moïse. II Par., xxxiv, 33. 
— Avec toute l'Asie occidentale, la Samarie dut se 
soumettre à la puissance de Nabuchodonosor, à son 
passage, lors de sa campagne contre l'Egypte (C04). 
Un des gouverneurs de Samarie pendant cette période, 
Nabu-Achisu, est connu par les inscriptions cunéi- 
formes. Cf. H. Rawlinson, Cuneiform Inscriptions? 
t. m, pi. 34, col. n, p. 94. 

2° Sous les Perses et les Grecs (536-63). — Les pre- 
mières manifestations de l'hostilité du peuple de la 
Samarie à l'égard des Juifs retournés de la captivité 
apparaissent à l'occasion du refus de ceux-ci d'admet- 
tre leurs voisins à relever le Temple du Seigneur avec 
eux. Tous les chefs s'unirent pour empêcher l'œuvre 
de Zorobabel, par la ruse, par les dénonciations et 
même par la force. I Esd., iv. Sanaballat, gouverneur 
de la Samarie, emploie les mêmes moyens pour empê- 
cher Néhémie de rebâtir les murs de Jérusalem. 
II Esd., n,9; iv, VI. Un des petits-fils du grand-prêtre 
Éliasib avait épousé une des filles de ce satrape et fut 
chassé par Néhémie. II Esd., un, 28. C'est vraisem- 
blablement à cette époque qu'il faut faire remonter le 
culte du Garizim rival de Jérusalem, et au gendre de 
Sanaballat qu'il faut l'attribuer. Cf. Garizim, t. m, 
col. 111. — Un siècle plus tard Alexandre, après avoir 
vaincu Darius III, à Issus, s'avançait à la conquête de 
la Syrie et de la Palestine et avait mis le siège devant 
Tyr (332). Le satrape de la Samarie, appelé par Joséphe 
Sanaballète, oublieux des serments de fidélité prêtés 
au roi de Perse par qui il avait été nommé, vint trou- 



1419 



SA MARIE 



1420 



ver le prince macédonien pour lui offrir tout le pays 
dont il avait la garde; il lui amenait en même temps 
un corps de troupes de huit mille hommes levés en 
Samarie. Ces soldats, après avoir assisté Alexandre au 
siège de Tyr, le suivirent à Gaza, puis en Egypte où il 
leur confia la Thébaïde à garder. Ant. jud., XI, vm, 
4, 6. Après la révolte de la Samarie et le massacre du 
gouverneur Andromach, Alexandre y envoya des colons 
macédoniens. Deux localités du pays portant des noms 
grecs, Fundiik (n.xvboA.dov) et Fendakûmîéh ([lvnâ/.u>- 
(iiaç), leur doivent peut-être leur origine. A la mort 
d'Alexandre (323), la Samarie devint le partage du roi 
de Syrie. Ptolémée, fils de Lagus, roi d'Egypte, la con- 
quit sur eux, en 320. Un grand nombre des habitants 
du pays furent alors transportés en Egypte. Ant. jud., 
XII, I. Les chefs de ces deux royaumes ne cessèrent de 
se la disputer, de même que le reste de la Palestine. 
Elle fit partie de la dot que Cléopâtre, fille d'Antio- 
chus III, apporta à Ptolémée Épiphane (198). Ibid., XII, 
rv, 1. En ce temps, les Samaritains se jetèrent sur la 
Judée, dévastèrent ses campagnes et massacrèrent une 
multitude de Juifs. Ibid. Pour échapper à la persécu- 
tion d'Antiochus Épiphane, ils adoptèrent spontané- 
ment les superstitions helléniques. Ibid., v, 5. C'est 
avec les troupes levées en Samarie qu'Appollonius, qui 
en était préfet, tenta de s'opposer aux succès de Judas 
Machabée. Son armée fut complètement défaite, lui- 
même tué dans le combat et son épée tomba entre les 
mains de Judas, qui s'en servit depuis contre les 
adversaires les Juifs. I Mach., m, 10-12. Le héros ma- 
cbabéen était en Samarie quand Nicanor vint lui 
offrir le combat prés de Capharsalama. Le général 
syrien perdit cinq mille hommes et se retira à Jéru- 
salem. II Mach., xv, 1; cf. I Mach., vil, 31. D'après la 
Vulgate et les Septante, I Mach., v, 66, Juda aurait 
fait auparavant déjà une autre expédition en Samarie, 
après celle en Idumée et à Hébron; mais Josèphe, 
Ant. jud., XII, vm, 6, a lu Marissa au lieu de Sama- 
rie et de même l'ancienne italique. Le contexte indique 
d'ailleurs j l'expédition » dans «la terre des étrangers». 
e!ç yf,v à)XofJXuv, expression par laquelle la version 
grecque désigne constamment le paysdesPhilistins. — 
Jonathas s'empara des trois toparchiesdeLydda, Rama- 
thaïin etÉphrem, c'est-à-dire de toute la partie méridio- 
nale de la Samarie, et les rois syriens durent reconnaître 
leur annexion à la Judée. I Mach., x, 30,38; xi, 34. 
C( r Ant. jud., XIII, n,3; iv, 9. Profitant de la défaite 
par les Parthes d'Antiochus III et de sa mort (129), 
Jean Hyrcan pénétra en Samarie et s'empara de Si- 
chem et du Garizim dont il renversa le temple. Ant. 
jud., XIII, IX, 1 . Par la prise de la ville de Samarie 
(109), il soumit toute la province à la Judée. 

3° Sous les Romains et la dynastie hérodienne (63 
av.-70ap.J.-C). — Pompée enleva la Samarie aux Juifs 
pour la rattacher à la province romaine de Syrie (63). 
Ant. jud., XIV, iv, 4. Octave, vainqueur à Actium (31), 
la remît à Hérode avec la capitale du pays. Ibid., XV, 
vil, 3. Dans le partage du royaume d'Hérode à ses fils, 
Auguste la laissa à l'ethnarchie d'Archelaùs, tout en 
remettant aux habitants un quart de l'impôt parce 
qu'ils ne s'étaient pas révoltés avec les autres. Ibid., 
XVII, si, 4. A la déposition de ce prince, elle retourna 
à la Syrie (6 ap. J.-C). Ibid., xm, 5. — Tandis que 
Ponce-Pilate exerçait la charge de procurateur, un 
grand nombre de Samaritains s'étaient réunis en armes 
à Tirathava (probablement Deir-Atab), sur la parole 
d'un imposteur qui promettait de les conduire au 
Garizlm où il leur découvrirait les vases sacrés qu'y 
avait cachés Moïse. Pilate leur tomba dessus avec sa 
cavalerie, en tua un grand nombre et mit les autres en 
fuite. Sur la plainte portée par les principaux du pays 
à Vitellius, légat de Syrie, celui-ci obligea Pilate à se 
rendre à Rome pour répondre devant l'empereur des I 



accusations faites contre lui (37). Ibid., XVIII, iv, 1-2. 
— La Samarie fut rendue par Claude à Agrippa I er , 
mais pour revenir, à sa mort, définitivement à la pro- 
vince de Syrie. Ibid., XIX, v, 1 ; vm, 2. — Les Juifs 
de la Galilée avaient coutume de passer par la Samarie 
pour se rendre à Jérusalem. Un groupe d'entre eux 
ayant été tué par les Samaritains de Ginéa, et le pro- 
curateur Cumanus, gagné par l'argent des Samaritains, 
n'ayant pas puni les coupables, il en résulta des 
désordres et des massacres qui ne finirent que par le 
bannissement de Cumanus. Ant. jud., XX, vi; Bell, jud., 
II, xii, 2-7. — La Samarie paraît avoir été fatiguée, non 
moins que là Judée et la Galilée, des exactions des der- 
niers procurateurs romains, en particulier de Florus, 
et avoir voulu se soulever avec les Juifs. Quoique les 
Romains eussent des postes militaires dans toute la 
Samarie, la population en armes se porta en masse 
au Garizim. Vespasien était alors occupé au siège de 
Jotapata(67); il envoya le chef delà V e légion, Céréalis, 
avec un corps de 3000 fantassins et 600 cavaliers, pour 
étouffer le mouvement. Les troupes cernèrent la mon- 
tagne. Comme les Samaritains n'avaient point d'eau, 
une partie se rendit aux Romains sans combat; l'autre 
fut passée au fil de l'épée. Dix mille six cents périrent 
ainsi. Bell, jud., III, vu, 32. 

4° Évangélisation de la Samarie. — Le Sauveur, de 
même que ses compatriotes juifs de la Galilée, dût sou- 
vent traverser la Samarie pour se rendre au Temple et 
à ses fêtes. Les Évangiles font allusion à deux passages 
de Jésus par ce pays pendant sa vie publique : au re- 
tour de la Judée, quatre mois avant la moisson, quand 
il s'arrêta au puits de Jacob, Joa., iv; à son dernier pas- 
sage avant sa passion, quand les Samaritains du village 
où il envoya ses disciples refusèrent de le recevoir. Luc, 
ix, 51-56. Quant aux dix lépreux qu'il guérit et dont l'un 
était Samaritain, il les rencontra probablement en Pé- 
rée, xvii, 11-19. Si dans ces voyages il instruit le peuple, 
comme à Sichar, Joa., iv, 40-42, c'est par occasion; il 
s'était réservé aux brebis perdues de la maison d'Israël, 
Matth., xv. 24, et il avait interdit d'abord à ses Apôtres, 
en les envoyant évangéliser, d'entrer dans les villes de 
la Samarie. Matth., x, 5. L'évangélisation de cette pro- 
vince ne devaitcommencer qu'après l'Ascension. D'après 
l'ordre du Maître montant au ciel, elle devait venir 
en second lieu, après Jérusalem et la Judée, mais avant 
tous les pays de la gentilité. Act., i, 8. La persécu- 
tion qui sévit à la mort d'Etienne, en obligeant les 
disciples à chercher un refuge en Samarie, donna au 
diacre Philippe l'occasion d'y annoncer le Christ et d'y 
répandre la parole de Dieu. Act., vm, 4-5. Les apôtres 
restés à Jérusalem, en apprenant la conversion de la 
Samarie, envoyèrent Pierre et Jean pour imposer les 
mains aux nouveaux fidèles. En retournant à Jérusalem, 
ils évangélisèrent personnellement une multitude de 
localités de la Samarie, f. 14, 25. L'église, revenue à la 
paix, en Samarie comme en Judée et en Galilée, te 
développa dans la crainte de Dieu et l'abondance des 
consolations de l'Esprit-Saint. Act., îx, 31. Saint Paul 
et saint Barnabe, en se rendant à Jérusalem pour y 
assister au concile, « passèrent par la Samarie, racon- 
tant la conversion des Gentils et remplirent de joie 
tous les frères. » Act., xv, 3. — La Samarie eut plusieurs 
sièges épiscopaux dont les deux principaux furent ceux 
de Sébaste et de Néapolis. Le célèbre apologiste du 
deuxième siècle, saint Justin, était originaire de celte 
dernière ville. Quoique les partisans de la secte sama- 
ritaine restassent nombreux, la population devenue 
chrétienne paraît avoir été la majorité à l'époque du 
triomphe du christianisme et quand les conquérants 
mahométans s'emparèrent du pays (636). — Toutefois 
c'est de la Samarie aussi que sortirent les premiers 
germes de l'hérésie et du schisme. Simon le magicien, 
rejeté de l'Église par saint Pierre, à Samarie, était de 



1421 



SAMARIE — SAMARITAIN (PENTATEUQUE) 



1422 



Gilles, àizo Tt'-Ttov, aujourd'hui Qariet-Djelt, à 8 kilo- 
mètres au sud de Séhastyéh; et Ménandre du village 
de Kapparetaia, probablement Kefr-'Atâya, à moins 
de 3 kilomètres au sud-ouest de Aqràbêh. S. Justin, 
Apol., il, t. vr, col. 368; Eusèbe, H. E., H, 1, 3, 
col. 138 et 167; S. Épiphane, Adv. hser., xxx, t. xli, 
col, 286 et 296. 

IV. Bibliographie. — V. Guérin, Description de,la 
Palestine, Samarie, 2 in-8», Paris, 1874-1875; Survey 
of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, t. n, 
1883; Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, 1. I, 
c. m, La Samarie, in-8», Paris, 1868, p. 165-175; 
Cl.Gralz, Schauplatz der heiligen Schrift, nouv. édit., 
in-8», Ratisbonne (1858), p. 371-392; K. Ritter, Erde- 
kunde, in-18, Berlin, 1862, t. i,p. 620-674; C. R. Conder, 
Tent Work in Palestine, in-8», Londres, 1878, t. i, 
p. 80-109. L. Heidet. 

SAMARITAIN. — 1» Dans l'Ancien Testament 
(hébreu : haS-Somrônim; Septante : oi Sapiapeîrat; 
Vulgate : Samarilse), nom donné aux déportés que les 
rois d'Assyrie établirent dans le royaume d'Israël après 
la prise de Samarie. IV Reg., xvn, 29. Dans II Esd.,iv, 
2, où l'hébreu, m, 34, porte Somrôn, la Vulgate a tra- 
duit Samaritani. — 2" Dans le Nouveau Testament, les 
descendants des étrangers établis en Samarie et prati- 
quant un judaïsme altéré sont appelés SaiiocpesTrç, 
Samaritanus, Matlh., x, 5; Luc, IX, 52; x, 33; xvii, 
16; Joa., iv, 9, 39, etc. ; vin, 48; Act., vm, 25. Voir 
Samarie, Samaritains. Notre-Seigneur, dans une de ses 
paraboles, Luc, x, 25, 37, représente le Bon Samaritain 
comme un modèle de charité. Voir Adommim, 1. 1, col. 222. 

SAMARITAIN (PENTATEUQUE), texte hébreu 
du Pentateuque, en usage dans la secte des Samari- 
tains. Il est écrit en anciens caractères hébreux et se 
distingue par diverses particularités du texte ordinaire 
des Bibles hébraïques. Origène, sur Num., xm, 1, 
Bexapl., t. xv, col, 739, note (tô t<3v Ea[AapEtTwy 
'E6paï7.<5v); saint Jérôme, Prsef. in lib. Samuel., 
t. xxviii, col. 549, et plusieurs autres auteurs ecclésias- 
tiques, de même que le Talmud, Jer. Solah, 21 6, cf. 
17; Babli, 38 6 ; Jer. Meg., 6, 2 ; Jer. Yebam., 3, 2, etc., 
l'ont cité ou y ont fait allusion. 

I. Manuscrits du Pentateuque samaritain. — 
Cependant, comme le texte du Pentateuque samari- 
tain était resté inconnu, en dehors de ces antiques 
citations, les critiques en étaient venus à nier l'exis- 
tence d'une édition samaritaine du Pentateuque, lors- 
que le célèbre voyageur Pietro délia Valle en trouva 
et en acheta un exemplaire complet à Damas en 1616. 
Achille Harlay de Sancy, ambassadeur de France à 
Constantinople, l'envoya en 1623 à l'Oratoire de Paris. 
J. Morin en fit la description, dans la préface de son 
édition des Septante, 1628, voir Morin, t. iv, col. 1283, 
et il le publia avec une Iraduction dans la Polyglotte 
de Le Jay, en 16i5, t. vi ; Walton le reproduisit à son 
tour, 1657, avec quelques améliorations, dans le t. I 
•de la Polyglotte de Londres. Entre 1623 et 1630, Ussher 
s'en procura six autres exemplaires, les uns complets, 
les autres incomplets, dont cinq furent déposés dans 
des bibliothèques d'Angleterre. Le sixième, envoyé à 
Louis de Dieu, est perdu. La Bibliothèque ambrosienne 
de Milan possède un exemplaire qui fut apporté en 
Italie en 1621. Peiresc acquit, de son côté, deux exem- 
plaires, dont l'un entra à la Bibliothèque royale de 
Paris, l'autre à la bibliothèque Barberini à Rome (au- 
jourd'hui au Vatican). Ces deux derniers contiennent 
le texte hébreu et samaritain avec une version arabe 
en caractères samaritains. Quelques autres exemplaires, 
les uns complets, les autres fragmentaires, sont par- 
venus depuis en Europe. L'âge de ces divers manuscrits 
«st difficile à déterminer, quoique plusieurs soient 



datés. Ces dates ne sont pas toujours sûres, et l'écri- 
ture samaritaine est telle qu'elle ne permet pas de 
préciser d'époque. On admet qu'aucun des manus- 
crits parvenus en Europe n'est antérieur au X e siècle 
de notre ère. Les uns sont en parchemin, les autres en 
papier de lin ou de coton, et de formats divers. % 

Le Pentateuque conservé par les Samaritains de 
Naplouse est plus ancien. Beaucoup de pèlerins de 
Terre-Sainte ont pu le voir, mais non l'étudier. Le 
grand-prêtre des Samaritains vous en montre une 
page ouverte sans difficulté, mais pas davantage. Le ma- 
nuscrit est en forme de rouleau et composé de 21 peaux 
parcheminées, de grandeur inégale, la plupart divisées 
en six colonnes, quelques-unes seulement en cinq. 
Chaque colonne contient de 70 à 72 lignes ; le rouleau 
entier renferme 110 colonnes; il n'y a plus que la moi- 
tié environ du manuscrit qui soit encore lisible. Les 
Samaritains prétendent qu'il renferme cette inscrip- 
tion : « Moi, Abisâh, fils de Phinées, fils d'Éléazar, fils 
d'Aaron, le prêtre, — sur eux soit la miséricorde de 
Jéhovah. — En son honneur, j'ai écrit cette loi sainte 
à la porte du Tabernacle du témoignage, sur le mont 
Garizim, Beth El, la treizième année de la prise de 
possession de la terre de Chanaan et de toutes les fron- 
tières environnantes par les enfants d'Israël. Louange 
à Jéhovah. » Le texte de cette inscription est reproduit 
par Rosen, Aile Handschriften des samarit. Penta- 
teuch, dans la Zeitschrifl der deutschen morgenlan- 
dischen Gesellschaft, r. xvm, 1864, p. 584. — Quoique 
cette date soit fabuleuse, il est certain que le manus- 
crit est très ancien. Il est écrit en lettres d'or. Les 
autres manuscrits connus sont écrits à l'encre noire. 
Les manuscrits samaritains n'ont ni points- voyelles 
ni accents, mais chaque mot est séparé par un point 
et les membres de phrase sont distingués les uns des 
autres par deux points. Le Pentateuque est divisé en 
966 qasin ou sections. Voir Hupfeld, dans la Zeit- 
schrifl der deutschen morgenlândischen Gesellschaft, 
t. xxi, 1867, p. 20. 

II. Importance du Pentateuque samaritain. — La 
valeur, et l'autorité du texte samaritain du Pentateuque 
comparé au texte massorétique furent exagérées par 
J. Morin et il en résulta une controverse fort vive entre 
les savants contemporains. Morin, Exercitaliones eccle- 
siasticee inutruntque Samaritanorum Pentateuchum, 
in-4», Paris, 1631 (cf. A.lngold, Essai de bibliographie 
oratorienne, in-8°, Paris, 1880-1882, p. 113), soutint 
que le texte samaritain était très supérieur au texte 
des Massorètes et que le premier devait servir à cor- 
riger le second, parce que le Samaritain était d'accord 
en beaucoup de cas avec les Septante et qu'il l'empor- 
tait par la clarté et l'harmonie dans divers passages 
sur l'hébreu juif. 11 se fit une arme de ce texte contre les 
protestants et, s'il fut soutenu dans cette campagne cri- 
tique par quelques savants, il fut vivement attaqué par 
d'autres, de Muys, Holtinger, Buxtorf, Leusden, etc. 
Moriniens et antimoriniens discutèrent d'abord sans 
grand profit, en faisant d'une question critique une 
question personnelle. En 1755, Ravius dans ses Exer- 
citaliones philologicx in C. F. Hubiganlii Prolego- 
mena in S. S., Leyde, 1761, réussit à établir et à faire 
admettre généralement que le texte massorétique mé- . 
ritait la préférence, quoique le samaritain pût fournir 
un certain nombre de bonnes leçons. On s'en tint à cette 
conclusion jusqu'à l'époque où Gesenius publia sa cé- 
lèbre dissertation, De Pentateuchi Samaritani origine, 
indole et auclorilate commentalio philologica critica, 
in-4», Halle, 1815, Bibliothèque nationale, A. 3999, 
qui diminua encore le crédit du texte samaritain, 
C'était la première étude véritablement scientifique 
publiée sur ce sujet, quoique un travail complet reste 
encore à faire sur la critique de ce texte. Sur tous 
les travaux antérieurs, voir Gesenius, ibid., p. 22-24. 



1423 



SAMARITAIN (PENTATEUQUE) — SAMARITAINS 



1424 



III. Comparaison du texte samaritain avec le 
texte massorétique. — Gesenius, p. 26-61, rapporte à 
huit classes les variantes du Pentateuque samaritain. 

— I. Variantes grammaticales. Elles consistent. — 
i» En additions de lettres quiescentes : arv^N pour 
uuha. — 2° Changement de formes rares ou poétiques 

en formes communes : nb«n pour btin. — 3° Suppres- 

" T 

sion fréquente des lettres paragogiques i et > à la fin 
des mots : ri m pour in>n, etc. — II. Addition de gloses 
etd'interprétalionsdans le texte, lesquelles se trouvent 
fréquemment dans les Septante et doivent provenir en 
plusieurs cas de quelque ancien Targum : nap:i i;t, 
« mâle et femelle », Gen., vu, 2 (dit des animaux), 
pour nuïNi ut>n. — III. Corrections souvent peu heu- 
reuses du texte : Gen., xli, 32; « parce que le songe a 
été redoublé » devient : surrexit iterum somnium. 

— IV. Corrections ou additions tirées de passages paral- 
lèles : lorsque l'hébreu nomme seulement quelques- 
uns des peuples chananéens, le samaritain en com- 
plète la liste, Gen., xv, 21; Exod., m, 8; xm, 5; xxm, 
28, etc. — V. Additions plus considérables. J. Morin 
avait reconnu lui-même que le Samaritain avait ajouté 
au texte primitif des textes parallèles. Ainsi Exode, v, 
6, 9; cf. xiv, 12; Exod., xx, 17; cf. Deut., xxvii, 2. — 
VI. Corrections de passages chronologiques et autres, 
en particulier dans l'âge des patriarches antédiluviens 
et postdiluviens. — VII. Corrections verbales et gram- 
maticales, substituant des idiotismes samaritains aux 
formes hébraïques, en particulier substituant des gut- 
turales les unes aux autres; de même pour les quies- 
centes. — VIII. Passages modifiés pour les rendre 
conformes aux croyances et au culte des Samaritains. 
Ainsi les anthropomorphismes et les anthropopathismes 
sont éliminés; le mont Garizim est substitué au mont 
Hébal, Deut., xxvn, 4. Voir aussi l'addilion à Exod., 
xx, 17, et Deut., v, 21. — Zach. Frankel, Veber den 
Einjluss der palàslinischen Exégèse auf die alexan- 
drinische Rermeneutik, in-8», Leipzig, 1851, et quel- 
ques autres ont ajouté de nouvelles remarques à celles 
de Gesenius. On compte plus de 6000 variantes entre 
le texte massorétique et le texte samaritain. L'opinion 
qui prévaut aujourd'hui, comme résultat des travaux 
publiés, c'est que le texte samaritain est inférieur au 
texte massorétique et que les changements qu'on cons- 
tate dans le premier sont souvent systématiques et 
sans autorité réelle. 

IV. De la date du Pentateuque samaritain. — Une 
partie des variantes qui viennent d'être signalées ne 
semble pas indiquer une époque très ancienne. La 
date du Pentateuque samaritain est obscure et l'étude 
du texte ne permet pas de la déterminer aisément. 
Jean Morin, Wallon, Kennicott, Jahn, admettent que 
le Pentateuque existait parmi les dix tribus d'Israël, 
de même qu'en Juda, à l'époque du schisme sous 
Roboam. Les Samaritains l'auraient donc trouvé dans 
le pays lorsqu'ils y furent déportés et ils en auraient 
fait une édition à leur usage. Naturellement les cri- 
tiques qui nient l'origine mosaïque du Pentateuque 
rejettent cette opinion. Il faut reconnaître, qu'on ne 
peut alléguer aucun témoignage décisif en sa faveur et 
qu'on ne peut l'appuyer que sur des probabilités, les 
documents faisant défaut. — D'autres supposent que 
le Pentateuque fut apporté aux Samaritains vers 409 
avant J.-C, par le prêtre juif, Manassé, gendre de Sana- 
ballat, gouverneur de Samarie. Voir Garizim, m, 20, 
t. m, col. 111-112. On objecte contre cette hypothèse 
la parenté qui existe entre le Pentateuque samaritain 
et la version des Septante, laquelle n'existait pas en- 
core du temps de Sanaballat, mais s'il y a des points 
communs entre les Septante et le Samaritain, il y a 
aussi beaucoup de différences et l'on peut soutenir 
que pour les deux textes les ressemblances provien- 



nent d'une source antérieure. — Il existe un Targum 
samaritain du Pentateuque qui a éié imprimé, mais 
d'une manière défectueuse, dans la Polyglotte de 
Paris et dans celle de Londres. 

Voir H. Petermann-C. Vollers, renlateuchus sama- 
ritanus, in-8», Berlin, 1872-1891 (cf. S. Kohn, Die sa- 
marilanische Pentateuch-V ebersetzung, dmg, t. xlvii, 
1893, p. 626-697); Ad. Brûll, Das samaritanische Tar- 
gum (en caractères hébreux carrés), in-8», Francfort- 
sur-le-Main, 1873-1876. La tradition l'attribue au prêtre 
Nathanael, au i or siècle de notre ère. D'autres, au 
ii« siècle. — Cf. sur la littérature samaritaine, J. Rosen- 
berg, Argarizim, Lehrbuch der samaritanischen 
Sprache und Lileratur (dans Die Kunst der Poly- 
gïottie, Th., lxxi), in-16, Vienne, Pest, Leipzig, 1901, 
p. 77-89; E. Kautsch, Samaritaner, dans J. Hertzog, 
Realencyklopâdie, 3 e édit., par A. Hauck, t. xvii, 
1906, p. 440-445; P. Kahle, Texlkrilische und lexika- 
lische Bemerkungen zum samaritan. Pentateuchtar- 
gum, in-8», Leipzig, 1898. 

SAMARITAINE (grec : Satiapar-riç; Vulgate : Sa- 
maritana), femme de Sichar convertie par Notre-Sei- 
gneur sur les bords du puits de Jacob. Voir t. m,, 
col. 1075. Joa., iv. Les Grecs viennent de rebâtir- 
l'ancienne église qui s'élevait autrefois en cet endroit 
(fig. 291). Ils l'appellent Pholine, col. 331, à cause de 
la lumière céleste dont Notre-Seigneur l'éclaira si ad- 
mirablement, el ils lui ont dédié sous ce nom nombre 
d'églises. — Saint Jean, îv, 5-42, raconte dans un récit 
admirable de naturel et de simplicité, comment le Sau- 
veur, assis auprès du puits, voyant celte pauvre femme 
du peuple, chargée de péchés, qui venait là chercher 
l'eau nécessaire à ses besoins domestiques, l'amena peu 
à peu à désirer une eau surnaturelle, autrement néces- 
saire à son âme, éleva cette intelligence simple jusqu'aux 
plus hautes vérités et lit ainsi d'elle la première con- 
vertie parmi les Samaritains, en même temps qu'un- 
apôtre parmi les siens. Voir Acla sanctorum, martii 
t. m (20 mars), p. 80. 

SAMARITAINS (hébreu : Sômronîm, II (IV) Reg., 
xvn, 29; Septante : Sa(iapîïrai; Vulgate: Samaritani), 
habitants de la Samarie. Leur origine et leur histoire 
ont été traitées dans l'article Samarie, col. 1418. Il s'agit 
maintenant de les considérer au point de vue de» 
croyances et des pratiques religieuses. 

1° Leurs croyances. — Quand Sargon eut transporté 
en Samarie des populations tirées de Babylonie, il 
leur envoya un des prêtres exilés pour leur apprendre 
le culte de Jéhovah. IV Reg., xvn, 28. Ce prêtre, 
appartenant a l'ancien royaume de Samarie. Ti'élait 
probablement ni d'une origine sacerdotale ni d'une 
orthodoxie très régulière. On comprend néanmoins, 
que les malheurs qui avaient accablé la nation, aient 
fait réfléchir, et qu'une réaction sensible en faveur du 
vrai culte de Jéhovah en ait été la conséquence. D'autre- 
part, un bon nombre des anciens habitants du pays 
étaient restés au moment de la déportation; les vieilles 
croyances survivaient chez eux, et elles n'eurent pas 
de peine à dominer peu à peu les idées idolâtriques- 
des nouveaux colons. Après le retour des captifs de- 
Juda, les Samaritains prétendirent faire partie in- 
tégrante de la nationalité israélite et de la commu- 
nauté religieuse, et ils demandèrent à être admis à 
partager les travaux de la reconstruction du Temple- 
I Esd., IV, 2. Us appuyèrent leur prétention sur le 
culte qu'ils rendaient au vrai Dieu et sur les sacrifices, 
qu'ils lui offraient. Éconduits par les Juifs, ils se cons- 
truisirent un temple sur le mont Garizim, consacré- 
jadis par les bénédictions mosaïques. Deut., xxvn, 12. 
Voir Garizim, t. m, col. 106. Cette construction se fit, 
non pas du temps d'Alexandre le Grand, mais dès 



1425 



SAMARITAINS 



1426 



l'époque de Néhémia, selon les références fournies 
par Josèphe, Ant. jud., XI, vu, 2; vm, 2. Cf. II Esd., 
xiii, 28. — II est à remarquer que, laissés sans réponse 
par le grand-prêtre de Jérusalem, dont ils avaient 
réclamé l'intervention pour la reconstruction de leur 
temple détruit par les prêtres égyptiens, les Juifs 
d'Éléphantine s'adressèrent ensuite aux autorités de 
Samarie. Cf. Les nouveaux papyrus d'Éléphantine, 
dans la Revue biblique, 1908, p. 327, 346, 347. Ils 
n'ignoraient pas alors le schisme samaritain, mais ils 
escomptaient la rivalité qui divisait les fidèles des 
deux temples et, en tous cas, considéraient leur appel 
comme légitime. — Les conditions dans lesquelles 
s'établit la religion samaritaine expliquent naturelle- 



des âmes et à la résurrection des corps. Ils attendaient 
le Messie, Joa., iv, 25, qu'ils nommaient Tahêq, 
« celui qui instruit ». Ils le considéraient en même 
temps comme roi et prêtre. Ils célébraient fidèlement 
le sabbat, cf. Nedarim, m, 10, et les fêtes prescrites 
par la Loi. Lev., xxm, 4-43. Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XI, vm, 6. Ils pratiquaient la circoncision au huitième 
jour, admettaient les secondes noces quand le premier 
mariage n'avait pas eu d'enfant, mais jamais les troi- 
sièmes, et ne recouraient que rarement au divorce. En 
somme, tout en admettant ce qu'il y avait d'essentiel 
dans les croyances et les pratiques du judaïsme, ils mé- 
connaissaient tout le développement apporté à la Loi 
religieuse par les prophètes, occupant ainsi vis-à-vis 




291. - Plan de l'église du Puits de Jacob. D'après Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1900, vis-à-vis 
Le puits est situé dans l'abside du milieu. On avait placé au-dessus le maitre-autel. 



delaP' 62 ' 



ment son caractère. Il est évident que le prêtre 
envoyé par le roi d'Assyrie ne put enseigner que ce 
qu'il savait. Or, dans l'ancien royaume de Samarie, le 
Pentateuque était resté le code religieux par excellence, 
malgré les innombrables infractions auxquelles les 
Israélites s'étaient livrés. Par suite de l'antagonisme 
qui divisait les deux royaumes depuis Jéroboam, 
les livres sacrés postérieurs au schisme avaient été 
non avenus en Israël. Aussi les Samaritains n'admet-- 
taient-ils que le Penlaleuque, à l'exclusion de toutes 
les autres Écritures. A plus forte raison ne tenaient-ils 
aucun compte de tous les développements doctrinaux 
ou législatifs ajoutés à la Loi par les docteurs phari- 
siens. Ils croyaient au Dieu unique, dont ils n'admet- 
taient aucune représentation sensible, rompant ainsi 
avec la tradition des veaux d'or -de Jéroboam. Ils 
excluaient même soigneusement tout anthropomor- 
phisme dans leur manière de parler de Dieu. Ils 
tenaient Moïse pour le prophète de Dieu et révéraient 
la sainteté de la Loi, qu'ils se piquaient de mieux 
observer que les Juifs. Ils croyaient aux bons et 
aux mauvais anges, au ciel et à l'enfer, au jugement 



de la religion juive une position analogue à celle de 
l'Église grecque vis-à-vis du catholicisme. Par-dessus 
tout, ils se séparaient des Juifs pour la pratique du culte 
liturgique, qu'ils célébraient dans leur temple de Gari- 
zim. Apres la destruction de cet édifice, ils continuèrent à 
regarder la montagne comme leur lieu saint. Joa., IV, 19. 
Cf. J. C. Friedrich, Discussionum de christologia 
Samaritanorum liber, Leipzig, 1821; Gesenius, De 
Samaritanorum theologia ex fontibus ineditis coni- 
mentalio, Halle, 1822, p. 41-46; Schùrer, Geschichte 
des jûdischen Volkes, Leipzig, t. il, 1898, p. 16-18. 

2° Leur état religieux aux yeux des Juifs. — L'Ecclé- 
siastique, l, 27, 28, traite sévèrement les Samaritains : 

Il y a deux peuples que condamne mcn âme, 
Et un troisième qui n'est même pas un peuple : 
Les habitants de Séir, les Philistins 
Et le peuple insensé de la montagne de Sichem. 

Les Septante remplacent même Séir par Samarie. 
Les Samaritains sont ainsi mis au même rang que les 
Iduméens et les Philistins idolâtres. Les contempo- 
rains de Notre-Seigneur croyaient lui adresser une 



4427 



SAMARITAINS — ■ SAMBUQUE 



1428 



suprême injure en l'appelant « samaritain ». Joa., vm, 
48. Par mépris, on appelait les Samaritains, du nom 
d'undes peuples idolâtres qui avaient colonisé Samarie, 
Cu'théens, IV Reg., xvn, 24, Kûlîm, Berachoth, vil, 1 ; 
vm, 8; Pea, il, 7; Rosch haschana, II, 2; Nidda, 
IV, 1, 2; vu, 3,4,5; etc., Xo-jôaïoi, Josèphe, Ant. jud., 
IX, xiv, 3; XI, iv, 4; vu, 2; XIII, IX, 1. A certains 
moments d'exaspération, les Samaritains se vengeaient 
en jouant des mauvais tours aux Juifs. Comme ceux-ci 
allumaient des feux sur les montagnes pour annoncer 
la néoménie, les Samaritains en allumaient avant la 
date officielle pour tromper leurs adversaires. Cf. 
Rosch haschana, n, 2, 4; Gem. Betza, 4, 2. Un jour, 
ils jetèrent des ossemenls humains dans le Temple, 
pour interrompre les solennités de la Pâque. Cf. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, n, 2. La traversée de leur 
pays par les Israélites qui se rendaient à Jérusalem 
exposait ces derniers à toutes sortes d'avanies. Luc, ix, 
52, 53. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vi, 1 ; Bull, jud., II, 
LU, 3. Aussiles Galiléens préféraient-ils faire le tour par 
la Pérée. En général, les Juifs s'abstenaient de tout 
rapport avec les Samaritains. Joa., îv, 9. On en vint 
même à dire que manger une bouchée reçue des 
Samaritains équivalait à manger de la chair de porc. 
Cf. Schebiith, vm, 10; Tanchuma, fol. 43, 1. — 
Néanmoins, les docteurs juifs apportaient plus de 
modération dans leurs jugements sur les Samaritains. 
La. Samarie était regardée comme faisant partie de la 
Terre-Sainte. Cf. Mikvaolh, vm, 1. Josèphe, Bell, jud., 
111, m, 1, le suppose sans hésitation. Tout était pur en 
Samarie, la terre, l'eau, les maisons, les chemins. 
Cf. Jer. Aboda sara, fol. 44, 4. On pouvait faire la 
Pâque avec les azymes des Samaritains. Bab. Kiddu- 
schin, fol. 76, 1. La nourriture des Cuthéens était per- 
mise aux Juifs, pourvu qn'elle ne contint ni vin, ni 
vinaigre. Jer. Aboda sara, fol. 44,4. Trois Samaritains 
devaient faire la prière avant le repas, aussi bien que 
trois Israélites. BeracJioth, vu, 1 ; vm, 8. L'indemnité 
de séjour était de droit pour la jeune fille samaritaine 
aussi bien que pour l'israélite. Kelhubolh, m,l. Cepen- 
dant on ne recevait de sacrifices liturgiques ni des 
Gentils, ni des Samaritains. Schekalim , i, 5. On dou- 
tait que ces derniers appartinssent réellement à la 
communauté d'Israël. Kidduschin, îv, 3. Mais on les 
distinguait très formellement des idolâtres. Berachoth, 
vu, 1; Déniai, m, 4; v, 9; vi, 1; Tcmmoth, m, 9. 
On les assimilait plus volontiers aux Sadduçéens : 
il Les Sadducéennes qui suivent les senlimenls de 
leurs pères sont semblables à des Samaritaines. » 
Nidda, iv, 2. En somme, les Samaritains étaient 
moins regardés comme des étrangers, que comme un 
peuple de race mélangée et de religion incomplète. 
3« Leur rôle dans l'Evangile. — Au début de son 
ministère évangélique, Notre-Seigneur se rendit en 
Samarie, au puits de Jacob. Le récit sacré .met en 
lumière, à cette occasion, les principaux traits qui 
caractérisent les Samaritains, l'antagonisme qui existé 
entre eux et les Juifs, leur persuasion qu'ils 
descendent de Jacob, leur culte pour le Garizini en 
opposition avec la préférence que les Juifs donnent à 
Jérusalem, leur attente du Messie qui doit instruire de 
toutes choses. Joa., iv, 9-25. Les disciples ne font 
aucune difficulté d'aller acheter des vivres dans une 
ville samaritaine et ils en rapportent. Joa., îv, 8, 31. 
Enfin, non seulement la Samaritaine croit en Jésus, 
mais les habitants de Sichar l'accueillent, beaucoup 
croient eux aussi et, sur leur demande, le Sauveur 
demeure deux jours avec eux. Joa., iv, 28-42. Plus 
tard, dans une ville du nord de la Samarie, Notre- 
Seigneur ne fut pas reçu par les habitants. Loin de 
les en châtier, il réprimanda sévèrement Jacques 
et Jean qui voulaient appeler le feu du ciel sur le 
bourg inhospitalier. Luc, îx, 51-56. Traité de Sama- 



ritain et de possédé du démon, il ne releva pas 
le premier qualificatif et se contenta de repousser 
le second. Joa., vm, 48, 49. Il fit plus. Dans une de 
ses plus touchantes paraboles, il mit en 'scène un 
pauvre Juif blessé, auquel un prêtre et un lévite qui 
passaient ne portèrent pas secours, tandis qu'un 
Samaritain en voyage s'arrêta, le soigna et le conduisit 
dans une hôtellerie. Quand le Sauveur demanda 
ensuite au docteur de la loi lequel des trois était le 
prochain du blessé, celui-ci, au lieu de répondre: « le 
Samaritain », s'abstint de prononcer ce nom abhorré 
et dit seulement : « Celui qui a pratiqué la miséri- 
corde. » Luc, x, 30-37. Une autre fois, quand Notre- 
Seigneur eut guéri dix lépreux, un seul revint pour 
lui rendre grâces, tandis que les autres allaient se 
montrer aux prêtres. Ce lépreux reconnaissant était un 
Samaritain qui, sans doute, n'avait pas à se montrer 
aux prêtres juifs, mais seulement à ceux de son pays. 
Notre-Seigneur lit remarquer la démarche de ce 
lépreux, qu'ilappelaàXXoYEvik, alienigena, un étranger, 
c'est-à-dire un homme que les Juifs ne regardaient 
pas comme de la même race qu'eux et qui pourtant 
rendait mieux gloire à Dieu. Luc, xvn, 11-19. La 
manière dont Notre-Seigneur traite les Samaritains 
contraste donc, par sa sympathie, avec la rigueur 
habituelle des Juifs. — En envoyant ses Apôtres à leur 
mission d'essai, le Sauveur leur interdit le territoire 
des Gentils et les villes des Samaritains. Les difficultés 
qu'ils y auraient rencontrées eussent été trop considé- 
rables pour eux. Matth., x, 5. Mais ensuite ils reçurent 
l'ordre d'aller prêcher, après la réception du Saint- 
Esprit, dans la Judée, la Samarie et jusqu'aux extré- 
mités de la terre. Act., i, 8. La Samarie est mentionnée 
expressément, aussitôt après la Judée, pour montrer 
que la grâce appelle les Samarilains aussi bien que 
les Juifs. Simon le magicien s'était attaché les gens 
de ce pays par ses prestiges. Mais la prédication et 
les miracles de Philippe convertirent un bon nombre 
de Samarilains et, entre autres, le magicien lui-même, 
si bien que Pierre et Jean vinrent de Jérusalem pour 
leur donner le Saint-Esprit. Act., vm, 4-17, 25. 
L'Église ne fit ensuite que se développer dans ce pays, 
tout comme en Judée et en Galilée. Act., ix, 31. Plus 
tard, Paul et Barnabe traversèrent la Samarie et y 
encouragèrent les chrétiens. Act., xv, 3. 

H. Lesètre. 

SAMBUQUE (chaldéen : sabëkâ et sabëkâ; Sep- 
tante : aa|j.?jx/i), instrument à cordes de la famille des 
harpes. Le nom grec de la sambuque, (japLëj-zr, dans 
les Septante, Çajji.ë-Jxr, dans Théodotion, n'est que le nom 
sémitique transformé. Le pi est une lettre de liaison qui 
remplace le renforcement ou redoublement de la labiale. 
La racine est : rpo, « entremêler, entrelacer, disposer 
obliquement (les cordes) ». A la première forme sabëkâ, 
Dan., m, 5, les copistes ont substitué trois fois 
èabëkà,f.l, i0,\ô. Sous ces deux orthographes, la sam- 
buque fait partie de la nomenclature des instruments 
babyloniens mentionnée dans le récit de l'inaugu- 
ration de la statue d'or de Nabuchodonosor. Voir Sym- 
phonie, Syringe. 

Cet instrument affectait la même forme triangulaire 
que les petites harpes primitives. Voir Harpe, t. m, 
col. 431. Comme le trigone, ibid., il comptait quatre ou 
cinq cordes, courtes, donnant par conséquent des sons 
aigus (voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1352), c'est- 
à-dire l'octave supérieure des instruments à ton normal, 
propres àaecompagner les voixde femme s. C'estd'ailleurs 
aux mains des femmes que les représentations anciennes 
mettent ces petites harpes. G. Weiss, Die musikalischen 
Instrumente in den heiligen Schriften des A. T., Graz, 
1895, p. 67. Les auteurs anciens indiquent des joueuse» 
de sambuque, sambucistrix, parmi les musiciennes 
employées à Rome dans les festins. Weiss, p. 65, noie 4. 



1429 



SAMBUQUE — SAMMAÏ 



1430' 



La sambuque était donc une importation asiatique due 
aux Grecs. Strabon, x, 17. Suivant Gevaërt, Histoire et 
théorie de la musique dans l'antiquité, Gand, 1881, 
t. ir, p. 245, la sambuque serait identique à la lyre 
phénicienne, ).upoçoïvi?. Mais le texte d'Athénée : 
xal tô ■zplyoowi... Sjpeov eO'pe!J.i çr,(riv eïvat, a>; xai 
xov xaXoûp-evov ).upo?o:vtxa [xaï zrf/ (?)] c«pl6Cxï]v, IV, 
p. 175, est peut-être incomplet, et semble en désaccord 
avec un autre passage du même, xiv, p. 636. De plus, 
il est incontestable que la sambuque appartenait à la 
famille des harpes et non à celle des lyres ou cithares. 
Les divers instruments de petite taille, soit à cordes, 
comme la sambrique, le phénicion, la magadis et peut- 
être la peclis, soit même les instruments à vent, élaient 
appelés magadisants, c'est-à-dire oclaviants, les anciens 
se servant d'un chevalet, tiayâç, pour diminuer de la 
moitié de leur longueur les cordes tendues de ces ins- 
truments et leur faire produire les sons à l'octave supé- 
rieure. Il est vraisemblable, quoique les monuments ne 
l'indiquent pas d'une façon absolue, que le plectre fut 
substitué, dans le jeu de ces instruments à cordes 
hautes, à la percussion manuelle, pour diminuer la 
fatigue du joueur en même temps que pour augmenter 
la force de vibration de ces petites cordes. Voir 
Plectre, t. iv, col. 363. J. Parisot. 

SAMGAR (hébreu : Samgar; Seplanle: E^sy^f )t 
fils d'Anath, le troisième juge d'Israël. Jud., m, 31. Il 
tua 640 Philistins avec un aiguillon, qui est une arme 
redoutable en Palestine. Voir Aiguillon, 1. 1, col. 309, et 
tig. 62, col. 308. On a fait sur l'étymologie de son nom 
et sur la tribu à laquelle il appartenait des hypothèses 
nombreuses, mais toutes fort incertaines. Jud., iv, 6. 
.Débora rappelle l'exploit deSaingar dans son cantique. 
Jud., iv, 6. 

SAMIR (hébreu : Sâmîr; Septante : Eaiiip; Alexan- 
drinus, Jos., xv, 48 : Sassîp, et Jud., xi, 2 : Sajjiafet'a), 
^. nom d'un lévite et de deux villes d'Israël. 

1. SAMIR (hébreu: Sentir; Septante : £a;j.YJp), lévite, 
fils de Micha, de la famille de Caalh. I Par., xxiv, 24. 

2. SAMIR, ville attribuée à la tribu de Juda.Jos.,xv, 
48. Elle est la première et avant Jether, Socoth, Danna, 
Dabir, Anab, Istemo, Anim,des villes indiquées « dans 
la montagne », c'est-à-dire à l'est de la plaine des Phi- 
listins. La plupart de ces dernières ont été retrouvées, 
du moins avec une très grande probabilité, sur les 
■collines qui s'étendent au sud-ouest d'Hébron, dans le 
territoire qui fut détaché de celui attribué d'abord à 
Juda pour être donné à la tribu de Siméon; c'est dans 
la même région que se doit chercher Samir. Les explo- 
rateurs l'ont généralement reconnue dans le Khirbet 
Sômara. Cette « localité ruinée », dont le nom est 
étymologiquement le même, est située à 11 kilomètres 
•au nord-ouest de 'Allir, à 8 à l'ouest-nord-ouest de 
Schûeikéh, à 4 au nord-ouest d'ed-Dâhariéh, à 3 au 
nord de 'Anâb et à 13 à l'ouest-nord-ouest d'es-Semû'a, 
localités communément identifiées avec Jéther, Socoth, 
JJabir, Anab et Istemo. On trouve en ce lieu de nom- 
breuses citernes anciennes qui occupent un assez vaste 
espace, et aux alentours un grand nombre de grottes. 
La colline sur laquelle se trouvent ces restes s'élève de 
•637 mètres au-dessus de la mer. Voir V. Guérin, 
Judée, t. m, p. 364; Palestine Exploration Fund, The 
Survey of Western Palestine, Menwirs, t. m, p. 262. 

L. Heidet. 

3. SAMIR, ville de la montagne d'Éphraïm, résidence 
■du juge Thola, où il fut enseveli. Jud., xi, 2. — Le 
copiste alexandrin en transcrivant son nom Eajiapst'a, 
semble la croire identique à Samarie; mais le nom 

•de Samarie dérivé du nom de son propriétaire Somer 



III Reg., xvi, 24, est de beaucoup postérieur. — Biêss 
identifie Samir avec le « Kh. Samir, à 7 kilomètres 
vers l'est d'Akrabéh ». Bïbel'Allas, Frihourg-en-Bris- 
gau, 1887, p. 26. Les explorateurs anglais ont reconnu 
un ouâdî-Zdmir, à l'est d'Aqrdbéh, mais n'ont point 
trouvé de ruine du même nom. Cf. Map of Western 
Palestine, Londres, 1880, f» xv. La vallée peut cepen- 
dant avoir été ainsi appelée d'une localité voisine du 
même nom disparue. On ne voit pas toutefois le molif 
qui aurait pu déterminer Thola, de la tribu d'Issachar, 
à chercher une région si écartée pour juger Israël. — 
Le rabbin J. Schwarz croit reconnaître Samir dans 
Çânûr dont la radicale m serait devenue, fait fréquent, 
n. Tebuath ha-Aréz, éd. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187. 
Il existe quelque ressemblance entre les noms, et Sâ- 
nùr répond à la situation générale attribuée à Samir, 
mais on n'a pas d'autres raisons pour appuyer cette 
identification et la plupart des géographes ne croient 
pas pouvoir se prononcer. Cf. Armstrong, Wilson et 
Conder, Names and places in the Otd Testament, Lon- 
dres, 1887, p. 156. L. Heidet. 

SAMMA, nom dans la Vulgate de six personnages 
dont l'orthographe diffère en hébreu. 

1. SAMMA (hébreu : Sammâh; Septante : 2-jjr), 
fils de Raguël, chef de famille dans la descendance 
d'Ésaû, Gen. , xxxvi, 13, 17 ; I Par., i, 37. 

2. SAMMA (hébreu Sammdh; Septante : Soifo; 
2aij.[Ac<), le troisième fils de Jessé, un des frères de 
David. I Reg. (Sam.), xvi, 9; xvii, 13. Il est appelé 
Simmaa, I Par., n, 13; Semmaa, II Reg. (Sam.), xm, 
3, 32; et Samaa, I Par., xx, 7. Samuel, à qui il 
fut présenté à Bethléhem, déclara que ce n'était pas 
lui que Dieu avait choisi pour roi. I Reg., XVI, 9. Sam- 
ma était avec ses deux aînés dans l'armée de Saiil, 
attaqué par les Philistins et par Goliath. I Reg., xvn, 
13. Jonathan, qui tua un géant de Geth, élait son lils, 
I Par., xx, 7 (voir Jonathan 2, t. m, col. 1614), de même 
que Jonadab, l'ami d'Ammon, fils de David. II Reg. 
(Sam.), xm, 3, 32. Voir Jonadab 1, t. m, col. 1603. — 
Voir aussi Samaa 1, col. 1397; Semmaa; Simma 1. 

3. samma (hébreu : Sema', à la pause, Sama' ; 
Septante : Si[iai), quatrième fils d'Hébron, de la tribu 
de Juda, descendant de Caleb, père de Raham. I Par., 
n,43,44. 

4. SAMMA (hébreu : Sema' ; Septante : Satfii), fils de 
Joël et père d'Azaz, de la tribu de Ruben. I Par., v, 8. . 

5. SAMMA (hébreu : Samma'; Septante : Sojj.i), 
le huitième des onze fils de Supha, de la tribu d'Aser. 
IPar., vu, 37. 

6. SAMMA (hébreu : Sâmd'; Septante : S*;j.a()i; 
A lexandrinus : Salifia), fils d'Holham. Il était avec son 
frère Jéhiel un des chefs des gardes de David. I Par., 
xi, 4i. Voir Hotham 2, t. m, col. 765. 

SAMMAA (hébreu : Sime'a' ; Septante : Eau.17); 
lévile, fils d'Oza et père d'IIaggia. I Par., vi, 30 
(hébreu, 15). Il était de la branche de Mérari. Trois 
autres Israélites qui portent le même nom dans le texte 
hébreu, sont appelés dans la Vulgate: 1. Samaa, I Par., 
vi, 39 (hébreu, 24); 2. Samaa (voir Samaa 2, col. 1398, 
et Samaa 3, col. 1398); et 3. Simmaa, I Par., m, 5. Voir 
Simmaa. 

SAMMÀi (hébreu : Sammaï), nom de trois Israé- 
lites dans le texte hébreu. La Vulgate appelle l'un des 
trois, Séméi. I Par., H, 28, 32. 



1431 



SAMMAÏ — SAMOTHRACE 



1432 



1. SAMMAI (Septante : 2xu.sii;), fils de Récem et père, 
c'est-à-dire fondateur de la ville de Maon. Il était de la 
tribu de Juda. I Par., u, 44-45. 

2. SAMMAI (Septante : Sepit'i), le sixième filsd'Ezra, 
de la tribu de Juda. I Par., IV, 17. Certains interprètes 
pensent que le Simon nommé f. 20 n'est que le nom 
altéré de Sammaï. 

SAMMOTH (hébreu : Sammôp; Septante : Sa|ia<i8), 
nom d'un garde du corps de David, qui était « Arorite ». 
Voir Arorite 2, t. j, col.U027. I Par., xi, 27. Il doit 
être le même que celui qui est appelé Semma de 
Harodi, II Reg. (Sam.), xxm, 15, et que Samaoth le 
Jézérite qui commandait vingt-quatre mille hommes 
de l'armée de David le cinquième mois de l'année. 
I Par., xxvii, 5. Voir Samaoth, col. 1400. 

SAMMUA [hébreu: Sammû'a, « renommé »), nom de 
deux Israélites dans la Vulgate.Le texte hébreu appelle 
du même nom deux autres personnages dont le nom 
est écrit de plusieurs manières différentes en hébreu et 
dans la Vulgate. Voir Samua 1 et 2, col. 1435. 

1. SAMMUA (Septante : Sa^our,)., fils de Zéchur,.qui 
représenta la tribu de Ruben parmi les douze espions 
que Moïse envoya dans la terre de Chanaan pour l'ex- 
plorer. Num., xiii, 5. 

2. SAMMUA (Septante : Sajio-ji), chef de la famille 
sacerdotale de Belgaï (voir t. I, col. 1561), du temps du 
grand-prêtre Joacim. Voir Joacim 1, t. m, col. 1550. 

SAMOS (Sipioc), lie située dans la partie orientale 
de la mer Egée) (15g. 292), non loin de la côte de Ljdie, 




292. — Monnaie de Samos. 
[CJAMIQN. Personnage nu, debout, de face, étendant la main 
droite, avec une chlamyde sur les épaules, et s'appuyant de la 
main gauche sur un sceptre. — ^. HPHC, c de Héra » (Junon). 
Paon. 

en face de Milet et du promontoire de Mycale. Elle 
n'est séparée de ce dernier que par un canal large de 
moins de 2 kil., ou de 7 stades. Strabon, XIV, i, 12. 
Cf. Ptolémée, V, u, 30. Elle était à 40 stades (7 kil. 400) 
de la pointe de Trogyle, Strabon, XIV, i, 13, qui baigne 
l'autre entrée de ce même canal, et à 70kil.auS.-S.-O. 
de Smyrne. 

1» Géographie. — D'après Strabon, VIII, m, 19, son 
nom signifiait « hauteur »; on le lui avait donné parce 
qu'elle est toute en montagnes. Elle forme à elle 
seule, en effet, une masse énorme, mais qui n'est pas 
dénuée de beauté, soit pour la coupe, soit pour les 
contours de ses montagnes. Celles-ci se divisent en 
deux chaînes, qui traversent toute l'Ile et qui sont cou- 
pées par de nombreuses vallées; l'une d'elles, l'Am- 
pélos,estla plus étendue; l'autre, le Kerki, contient le 
sommet le plus élevé de l'île, qui atteint 1570 mètres. 
Sa longueur est d'environ 44 kil. ; sa largeur varie de 
6 à 19 kil. Elle a environ 140 kil. de pourtour, sans 
tenir compte des méandres de ses baies; sa superficie 
est de 468 kil. carrés. Voir Strabon, XVI, i, 15; Pline, 
H. N., v, 37; V. Guérin, Vile de Patmos et de Samos, 
p. 140-146. Elle possédait plusieurs ports bien abrités et 
une population considérable; mais une seule ville d'une 
certaine importance, nommée également Samos. Son 
climat a toujours été sec et bienfaisant. Arrosée par de 



nombreux cours d'eau, elle est encore d'une grande 
fertilité, à tel point, dit Diodore de Sicile, v, 81, qu'on 
l'appelait « l'île des Bienheureux ». Ses récoltes abon- 
dantes, ses fruits succulents et ses roses jouissaient 
d'une grande renommée; mais son vin, qui est aujour- 
d'hui réputé dans le monde entier, passait, aux temps 
anciens, pour être inférieur à celui des îles voisines. 
Cf. Strabon, XIV, I, 15. 

2° Histoire de Samos. — Ses premiers habitants 
furent des colons Lélèges, puis des Ioniens. Pausanias, 
VII, iv, 1-7. Ils formaient une petite population très 
active, que la nature même du pays obligeait de se 
consacrer pour la plupart à la navigation. Ils surent 
fort bien garantir leur indépendance durant le cours 
des siècles. Voir Hérodote, ni, 39-60, 139-149; vj, 22-25; 
ix, 90-106; Strabon, XIV, i, 16-18. De 536 à 522 avant 
J.-C, ils furent gouvernés par le prince Polycrate, à 
la cour duquel vivait le poète Anacréon. C'est sous son 
administration que l'Ile atteignit le faite de sa splen- 
deur. Après sa mort, les Samiens passèrent sous la 
domination persane. A la suite de la bataille de Mycale 
(479 avant J.-C), où les Perses furent battus par les 
Grecs, ils s'associèrent pendant longtemps à la poli- 
tique d'Athènes; mais Périclès les soumit de force à la 
puissante cité (365-322 avant J.-C). Après des destinées 
diverses sous les successeurs d'Alexandre le Grand, l'île 
de Samos tomba, en 134, au pouvoir des Romains, en 
même temps que le royaume de Pergame, dont elle 
faisait alors partie. Ses nouveaux maîtres lui laissèrent 
une liberté apparente. Auguste la déclara même complè- 
tement autonome (19 avant J. C); mais Vespasien lui 
enleva ce privilège et la rattacha de nouveau à la pro- 
vince romaine d'Asie. Josèphe, Bell, jud., I, xxi, 11, 
et Ânt. jud., XVI, H, 2 et 4, mentionne la générosité 
d'Hérode le Grand envers les habitants de Samos, à 
l'occasion d'une visite qu'il leur fit en compagnie de 
Marcus Agrippa. — Pythagore était originaire de l'île. 
On vantait ses poteries rouges, qui étaient exportées 
au loin. Plaute, Caplivi, II, u, 41. Cf. Pline, H. iV.,xxxv, 
46, où il est parlé en ce sens de la Samia terra; c'est ""* 
pourquoi nous lisons dans Is., xlv, 9, d'après la Vul- 
gate : lesta de Samlis terrse. — Les habitants de Samos 
honoraient d'un culte spécial la déesse Junon (Héra), 
à laquelle ils avaient bâti un temple considérable. 
Hérodote, m, 60; Virgile, JEn., i, 15-16; Pausanias, V, 
xtii, 8; Strabon, XIV, i, 14. 

3° Samos dans l'Écriture. — Elle est mentionnée 
une fois dans l'Ancien Testament et une fois dans le 
Nouveau. I Mach., xv, 23, nous lisons son nom dans 
la liste des contrées auxquelles fut communiqué par les 
Romains un décret de leur sénat, favorable aux Juifs. 
Ce fait prouve qu'elle comptait un assez grand nombre 
de ceux-ci parmi ses habitants. Act., xx, 15, nous 
apprenons que saint Paul y fit escale à la fin de son 
troisième voyage apostolique, entre la station de Chio 
et celle de Milet. D'après une leçon adoptée par 
quelques critiques, c'est à la pointe de Trogyle qu'il 
se serait arrêté. Josèphe, Ant. jud., Il, n, 4, raconte 
que les navires qui allaient de l'Hellespont en Syrie 
avaient coutume de mouiller devant Samos. — Voir 
Tournefort, Voyage du Levant, 1702, t. I, p. 156-157; 
Ross, Reisen auf den griechischen Insein, Stuttgart, 
1843, p. 139-150; Lacroix, Les îles de la Grèce, in-8», 
Paris, 1853, p. 323-350; V. Guérin, Description de Vile 
de Patmos et de Samos, in-8°, Paris, 1856, p. 123-321. 

L. FlLLION. 

SAMOTHRACE (Saaoepinrj), lie du nord de la 
mer Egée, située, Pline, H. N., rv, 23, à 38 milles 
romains de la côte thrace — la Turquie d'Europe 
actuelle — au sud-est de l'embouchure de la rivière 
Hébros et au nord de Lemnos (iig. 293). — Son nom 
signifie : la Samos thrace. En effet, comme l'île de 
Samos (col. 1431), elle forme en quelque sorte une 



1433 



SAMOTHRACE — SAMSON 



1434 



montagne énorme, dénudée, d'aspect grandiose; son 
sommet principal atteint près de 1 700 mètres d'éléva- 
tion. Aussi l'aperçoit-on de très loin : quand on la 
contemple de Troade, elle ferme l'horizon et domine 
l'Ile d'Imbros, placée entre elle et cette ville antique. 
11., xm, 1289. A l'exception du mont Athos, Samo- 
thrace est la contrée la plus élevée de tout l'Archipel. 
Ptolémée, III, il, 14, signale, sur la côte septentrionale, 
une ville également nommée Samothrace. Mais, selon 
la remarque de Pline, loc. cit., l'île n'a jamais eu de 
port proprement dit, car elle manque totalement de 
golfes et de baies. Sa superiicie est de 180 kil. carrés. 
— Ses premiers habitants furent des Phéniciens; elle 
fut ensuite occupée par des Grecs appartenant à diffé- 
rentes provinces. N'ayant jamais eu qu'un petit nombre 
d'habitants, à cause de son sol ingrat, elle n'a joué 
qu'un rôle très secondaire dans l'histoire grecque ; son 
commerce aussi a toujours été insignifiant. Elle passa 
en même temps que la Macédoine sous la domination 
romaine, en 168 avant J.-C. L'année 46 de notre ère, 




293. — Monnaie de Samothrace. 
Buste de Pallas. — i3|. cAMOSPAKnN. Cybèle assise. 

elle fut rattachée à la province de Thrace. — Dans 
l'antiquité, l'île devait presque toute sa réputation au 
culte des Cabires ou grands dieux, en l'honneur des T 
quels elle célébrait sous ses chênes gigantesques des 
«"mystères » qui étaient à peine moins en vogue que 
ceux d'Eleusis, et qui ne prirent fin qu'après le n e siècle 
chrétien. L'initiation à ce culte passait pour préserver 
de tout danger. Voir Diodore de Sicile, m, 25; v, 
45; Ptolémée, V, xi; Pline, H. N., iv, 23; Mannert, 
Géographie der Griechen und Rômer, Nuremberg, 
1792-1825, t. vu, p. 247-248. — D'après Art., xvi, 11, 
saint Paul mouilla pendant une nuit à Samothrace, 
lorsqu'il se rendait en Europe pour la première fois, 
durant son second voyage apostolique. Parti de. Troade, 
il arriva le même soir auprès de l'Ile; ce qui suppose 
un vent très favorable, car souvent l'on met le double 
de temps pour franchir cette distance. — YoirConybeare 
et Howson, The Life and Letters of St. Paul, 2 e édit., 
Londres, 1875, p. 217-220; Conze, Reise auf den Insein 
des thrazischen Meeres, Hannover, 1860; id., Archâolo- 
gische Untersuchungen auf Samothraki, in-8°, Vienne, 
1875-1880. L. Fillion. 

SAMRI (hébreu : Simrî; « mon gardien »), nom en 
hébreu de quatre personnages, de deux dans la Vulgate, 
qui a écrit les noms des deux autres Semri, I Par., îv, 
37, et xxvi, 10. 

1. SAMRI (Septante : Eaiispi), père de Jédihel, et de 
Joha, deux des vaillants hommes de l'armée de David. 
I Par., xi, 45. Voir Jédihel 1 et Joha. 2, t. m, col. 1218 
et 1590. 

2. SAMRI (Septante : Zauëpi), lévite, le premier 
nommé des fils d'Élisaphan, qui avec d'autres lévites 
et des prêtres purifièrent le Temple de Jérusalem sous 
le règne d'Ézéchias. II Par., xxix, 13. 

SAMS Al (hébreu : Sinisai'; Septanle; Sa(i<{/ci), scribe 
ou secrétaire de Réum, fonctionnaire perse en Sa marie 
pour le roi Artaxerxès I e '. 1 Esd., iv, 8, 9, 17, 23. 
Samarie était sans doute Araméen d'origine et ce fut 
lui probablement qui écrivit en araméen au roi de 



Perse, f. 7, pour qu'il empêchât la restauration de 
Jérusalem. Voir Réum Béeltéem, col. 1078. 

SAMSARI (SamSerai, Septante: Y,xy.<japi), le pre- 
mier nommé des six fils de Jéroham, de la tribu de 
Benjamin, qui habitèrent à Jérusalem. I Par., vin, 26. 
Voir Jéroham 2, t. m, col. 1304. 

SAMSON (hébreu : Simsôn; Septante : 2au.iuv), 
juge d'Israël, fils de Manué, de la tribu de Dan. — 1° Sa 
mère n'est pas nommée. Elle était stérile et désirait 
vivement un fils. Un ange lui apparut, à Saraa, et lui 
annonça qu'elle concevrait et donnerait le jour à un 
enfant qui serait le défenseur de son peuple contre les 
Philistins. Il devrait vivre en nazaréen et ne point 
couper ses cheveux. A la demande de Manué, l'ange se 
montra une seconde fois. Il répéta ce qu'il avait déjà 
dit à la mère, puis il disparut dans la flamme d'un 
sacrifice offert à Jéhovah. L'enfant en venant au monde, 
reçut le nom de Samson. On a voulu* voir dans ce nom 
une preuve que Samson n'était qu'un mythe solaire, 
en le faisant dériver de Semés, « soleil », et l'on a 
voulu expliquer sa vie tout entière comme étant une 
description mythologique des bienfaits et plus encore 
des méfaits du soleil. Mais ce n'est là qu'un jeu d'es- 
prit. Dieu suscita Samson pour résister aux Philistins 
dont le pouvoir s'étendait alors jusqu'au voisinage de 
Saraa. Le fils de Manué ne brisa pas leur force, parce 
qu'il n'eut jamais d'armée, mais seulement sa personne, 
pour les combattre. Il leur fit néanmoins beaucoup de 
mal, grâce à sa vigueur extraordinaire et à l'énergie dont 
Dieu l'avait doué, en lui conférant en même temps une 
force merveilleuse. Ses passions, auxquelles il ne sut 
pas résister, devinrent la cause des malheurs de la fin 
de sa vie; il accomplit néanmoins la mission que Ja 
providence lui avait confiée. Jud., xm. 

2° Dès qu'il eut atteint l'âge d'homme, il voulut épou- 
ser malgré l'opposition de ses parents une Philistine de 
Tbamnatha, ville voisine de Saraa. En se rendant à 
Thamnatha, il tua un jeune lion et, quelques jours 
après, il trouva dans le squelette de l'animal un essaim 
d'abeilles et du miel. Lorsqu'il célébra son festin de 
noces, où prenaient part trente convives, il leur pro- 
posa, selon une coutume toujours vivante en Orient, 
une énigme. II leur dit : 

De celui qui mange est sorti ce qu'on mange, 
Du fort est sorti le doux. Jud., xiv, 14. 

On convint que les trente Philistins recevraient cha- 
cun une robe et un vêtement de rechange, s'ils devi- 
naient l'énigme ; s'ils ne devinaient point, ils devraient 
au contraire les donnera Samson. Ils gagnèrent le pari, 
grâce à la complicité de la femme de Samson qui 
avait arraché l'explication à son mari et la leur livra. 
Irrité, le jeune époux partit pour Ascalon, y tua trente 
hommes et paya avec leurs dépouilles sa gageure. Ce 
fut là le commencement de la guerre qu'il fit aux Phi- 
listins. 

3° Quelque temps après, il revint à Thamnatha pour 
voir sa femme, mais il la trouva mariée à un autre. 
Indigné de cette trahison, il résolut de se venger. La 
moisson était sur le point d'être coupée dans la fertile 
plaine de la Séphéla. Les chacals foisonnent en Pales- 
tine. Samson en rassembla trois cents, les lia deux à 
deux parla queue, attacha des torches enflammées entre 
eux et les lança ainsi dans les champs de blé qui furent 
promptement consumés. Voir Chacal, t. n, col. 477. 
Celte destruction des récoltes par l'incendie est un acte 
de guerre qui a de tout temps été en usage en Orient. 
L'irritation des Philistins fui extrême. Ils exigèrent des 
hommes de Juda que Samson leur fût livré. Il s'était 
réfugié dans une caverne du rocher d'Étham. Il con- 
sentit à se laisser lier avec deux cordes neuves par ses 



1435 



SAMSON — SAMUEL 



1436 



compatriotes et à être ainsi remis aux Philistins. Arrivé 
à Léchi (voir Léchi, t. iv, col. 145), il brisa ses liens, 
s'empara d'une mâchoire d'âne qu'il rencontra en cet 
endroit et avec cette arme improvisée, il battit mille Phi- 
listins. Voir Mâchoire, t. iv, fig. 102, col. 512. Jud., xv. 
4° Plus tard, Samson s'étant rendu à Gaza, les Phi- 
listins, sachant qu'il était chez une femme de mauvaise 
vie, fermèrent la nuit les portes de la ville, afin 
de le mettre à mort le lendemain. Il se leva au milieu 
de la nuit, enleva les portes de la ville et les emporta. 
Mais son incontinence devait lui être fatale. Une femme 
de la vallée de Sorec au pied de Saraa, Dalila, pour 
laquelle il éprouvait une passion coupable, lui arracha 
le secret de sa force, lui fît couper les cheveux et le 
livra aux mains des Philistins qui lui crevèrent les 
yeux. Voir Dalila, t. n, col. 1208. Ils le conduisirent à 
Gaza, le lièrent avec deux chaînes d'airain et l'obligèrent 
à tourner la meule pour moudre le grain, comme une 
femme. Cependant ses forces lui revinrent avec ses 
cheveux et, un jour de fête, les Philistins, offrant un 
sacrifice à Dagon, le firent venir pour le tourner en 
dérision. Le temple était soutenu par deux colonnes, 
qui portaient la toiture en terrasse, couverte de Philis- 
tins. Samson les renversa, le temple s'écroula ; le héros 
aveugle fut enseveli sous ses ruines, mais il fit périr 
plus de Philistins par sa mort que pendant sa vie 
entière. Ses parents recueillirent son corps et l'ense- 
velirent dans le tombeau de Manué son père. Jud., 
XVI. On n'a voulu voir de nos jours que des mythes 
dans l'histoire de ce héros extraordinaire et l'imagina- 
tion s'est donné à son sujet libre carrière, mais le 
livre des Juges ne raconte point sa vie comme une vie 
ordinaire, la force dont il est doué est une force mira- 
culeuse et surnaturelle, fruit de sa foi, comme le dit 
saint Paul. Heb., XI, 32. Voir I''. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 172-220. 

SAMUA {Sammû'a), nom de deux Israélites dans la 
Vulgate. Voir Sammua, col. 1431. 

1. SAMUA (Septante : E>t|jiai), le premier nommé 
parmi les fils du roi David qui lui naquirent à Jéru- 
salem. II Reg. (Sam.), v, 14; I Par., xiv, 4. Il est aussi 
nommé le premier, IPar., m, 5, sous la forme Simmaa, 
parmi les quatre fils de David et de Bethsabée. Dans 
ces trois passages, Salomon est nommé le quatrième 
parmi les fils de Bethsabée. Voir Salomon, i, col. 1382. 

2. SAMUA (Septante : 2a(j.o\u), lévite, père d'Âbda. 
II Esd., xi, 17. Son nom est écrit Séméias et celui de 
son fils, Obdia, dans I Par., ix, 16. Voir Abda 2, t. i, 
col. 19. 

SAMUEL (hébreu : Semû'êl, « exaucé par Dieu »), 
nom de trois Israélites. 

1. SAMUEL (Septante : EaXaiioyr,}.), fils d'Ammiud, 
de la tribu de Siméon, chef de cette tribu, qui fut chargé 
par Moïse avec les autres chefs des tribus du partage 
de la Terre Promise. Num., xxxiv, 20. Il faudrait peut- 
être lire Salamiel, comme Num., I, 6; n, 12; vii, 36, 
41; x, 19. 

2. SAMUEL (hébreu : Semû'êl; Septante : Siiao-jt)/), 
prophète et dernier juge d'Israël. — 1. Son enfance. — 
l°3o» nom. — La signification de ce nom est indiquée 
par le texte sacré. La mère de Samuel l'appela ainsi 
parce que, dit-elle, mêyehôvdh se'ilfîv, «je l'ai demandé 
à Jéhovah ». I Reg., i, 20. Samuel veut donc dire « ob- 
tenu de Dieu », du verbe sdmâ,, « écouter, exaucer, ac- 
corder ». Josèphe, Ant. jud., V, X, 3, suppose que 
Samuel équivaut à Oeaituyro;, « demandé à Dieu ». 
L'étymologie qui le fait venir de semû'el, « nom de 



Dieu », doit être écartée comme ne répondant pas à 
l'idée formulée par la mère du prophète. 

2° Sa naissance. — L'enfant fut, pendant de longues 
années, demandé à Dieu par Anne, sa mère. Voir Anne, 
t. i, col. 627. Celle-ci eut enfin le bonheur de lui donner 
naissance. I Reg.,i, 10-20. D'après I Par.,vi, 22,Elcana, 
père de Samuel, était un Lévite de la famille de Caath; 
Il n'était point prêtre, ne descendant pas de la famille 
d'Aaron. D'autre part, I Reg., 1,1, il est appelé Éphratéen! 
Ce terme est parfois synonyme d'Éphraïmite ; mais il 
peut aussi désigner celui qui est d'Éphrata, dans la 
tribu de Benjamin, ou celui qui réside dans la tribu 
d'Éphraïm. Voir Elcana, t. n, col. 1646; Éphratéen, 
col. 1882. Ce dernier sens convient ici, puisqu'il est à 
la fois certain qu'Elcana était Lévite et qu'il habitait 
dans la montagne d'Éphraïm. 

3° Sa consécration. — Anne, avait prorais de consa- 
crer à Jéhovah le fils qu'il lui accorderait. I Reg., i, 
11. Quand l'enfant fut venu au monde, elle le garda 
jusqu'à son sevrage, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de trois 
ans environ, voir Sevrage, et elle le mena à Silo, au 
grand-prêtre Héli. Puis, ayant offert son sacrifice avec 
Elcana, elle donna le jeune Samuel à Jéhovah pour 
tous les jours de sa vie. C'était le vouer à la vie de 
nazaréen. Voir Nazaréat, t. iv, col. 1515. L'enfant fut 
alors laissé par ses parents, malgré son jeune âge, au 
service de Jéhovah devant le grand-prêtre Héli. I Reg., 
ii,ll. 

4° Sa vocation. — Le grand-prêtre Héli était vieux, 
et ses fils pervers rendaient odieux le culte de Jéhovah 
par leur cupidité, sans que leur père songeât à les 
corriger. Voir Héli, t. ni, col. 567. De son côté, Samuel 
grandissant faisait le service devant Jéhovah, revêtu 
d'un éphod de lin. Voir Éphod, t. n, col. 1868. Tous 
les ans, Anne venait à Silo avec Elcana pour offrir 
son sacrilice; elle apportait à l'enfant une robe neuve 
qu'elle avait faite, et elle s'en retournait en emportant 
les bénédictions d'Héli. Celui-ci s'émut enfin des dé- 
bauches de ses fils; mais comme il ne réussit pas à 
les amender, un homme de Dieu vint lui annoncer le 
sort terrible qui l'attendait. Il est à croire que cet 
avertissement ne produisit pas sur le vieillard tout 
l'effet voulu, car Dieu le lui fit renouveler par le jeune 
Samuel. Une nuit, l'enfant reposait auprès de l'Arche, 
quand il s'entendit appeler. Aussitôt debout, il courut 
vers Héli qui le renvoya en lui disant qu'il ne l'avait 
pas appelé. Le même phénomène s'étant produit une 
seconde fois, le grand-prêlre commanda à Samuel, si 
la même voix se faisait entendre encore, de répondre : 
« Parlez, Jéhovah, car votre serviteur vous écoute. » 
Au troisième appel, l'enfant fit la réponse indiquée, et 
aussitôt Jéhovah lui annnonça que le châtiment naguère 
prédit par son envoyé contre Héli et sa maison allait 
s'exécuter, sans expiation possible. La prophétie pré- 
cédente était ainsi authentiquée d'une manière indiscu- 
table, car il n'était plus possible au grand-prêtre de 
douter que Jéhovah lui-même eût parlé. Le lendemain 
matin, Héli obligea Samuel à lui raconter tout ce qui 
s'était passé. I Reg., n, 12-iu, 18. L'événement ne tarda 
pas à justifier la redoutable annonce. Les Philistins 
battirent Israël près d'Ében-Ézer, l'Arche fut prise par 
eux et les deux fils d'Héli périrent avec 30000 hommes 
de pied. A cette nouvelle, le grand-prêtre tomba à la 
renverse et se tua dans sa chute. I Reg., iv, 1-18. 

II. Sa judicature. — 1° Le juge d'Israël. — Samuel 
était devenu grand. A Silo, Jéhovah continuait à lui 
parler, et ce que le prophète déclarait en son nom 
s'accomplissait. Aussi, dans tout le pays, reconnaissait- 
on en Samuel le « prophète de Jéhovah », c'est-à-dire- 
l'homme choisi pour parler et commander au nom de 
Dieu. Cette réputation, commencée au moment où 
Samuel fit connaître à Héli sa première révélation, ne 
fit que s'accentuer et se fortifier par la suite. I Reg.,. 



1437 



SAMUEL 



1438 



m, 19-21. — Après s'être emparés de l'Arche, les Phi- 
listins furent bientôt obligés de la renvoyer en Israël. 
Elle demeura à Carialhiarim, chez Abinadab, pendant 
vingt ans. Durant ce temps, Samuel attendait l'ordre 
de Dieu pour agir. Les Israélites, toujours sous le joug 
des Philistins, se tournèrent enfin vers Jéhovah pour 
implorer leur délivrance. Samuel leur déclara que le 
salut ne leur viendrait que quand ils rejetteraient les 
dieux étrangers et les Astartés, pour ne plus servir que 
Jéhovah. Ils s'y décidèrent. Le prophète les fit alors 
assembler à Masphath, dans la tribu de Benjamin, 
voir Maspha 4, t. IV, col. 838, un peu au nord de Jéru- 
salem. Voir la carte, t. i, col. 1588. Là, le peuple fit 
pénitence, en répandant des libations d'eau, en jeûnant 
tout un jour et en avouant ses péchés, et Samuel 
jugea les enfants d'Israël, c'est-à-dire leur signifia les 
volontés divines. En apprenant ce rassemblement, les 
Philistins montèrent contre les Israélites, qui, pris de 
peur, conjurèrent Samuel de crier vers Jéhovah en 
leur faveur. Celui-ci accéda à leur désir. 11 offrait un 
agneau en holocauste et implorait Jéhovah, quand les 
Philistins commencèrent leur attaque. Dieu déchaîna 
contre eux le tonnerre et les mit en déroute. Josèphe, 
Ant. jud., VI, il, 2, suppose aussi un tremblement de 
terre. Les Israélites n'eurent plus qu'à les poursuivre, 
et ils les talonnèrent jusqu'à un endroit situé au-des- 
sous de Bethchar, où Samuel plaça une pierre com- 
mémorative qu'il appela Ében-Ézer, « Pierre du se- 
cours », à cause de l'aide prêtée par Dieu à son peuple. 
Voir Ében-Ézer, t. Il, col. 1526. Ainsi châtiés, les Phi- 
listins s'abstinrent de renouveler leurs attaques. Les 
villes qu'ils avaient prises, d'Accaron à Geth, retour- 
nèrent à Israël avec tout leur territoire. Les Amor- 
rhéens eux-mêmes, c'est-à-dire les Chananéens demeu- 
rés dans le pays, se tinrent tranquilles. —Samuel jugea 
Israël tout le temps de sa vie. Cette judicature ne com- 
portait évidemment pas l'exercice d'un pouvoir très 
compliqué, à une époque où « il n'y avait pas de roi 
en Israël et où chacun faisait ce qui lui semblait bon. » 
Jud., xxi, 2i. Elle devait, du reste, se continuer même 
sous la royauté. Le prophète résidait dans le pays de ses 
parents, RamathaïmSophim, où il bâtit un autel à 
Jéhovah. I Reg., vu, 17. Chaque année, il faisait sa 
tournée par Bethel, Galgala et Masphath, et là il ju- 
geait Israël, c'est-à-dire rendait la justice, réglait les 
différends et prenait les mesures commandées par 
l'intérêt local ou la lai religieuse, appuyant ainsi l'au- 
torité des anciens. IReg., vu, 1-7. Il le faisait avec un 
désintéressement et une équité que ses compatriotes 
furent unanimes à reconnaître. I Reg., xii, 4. 

2° L'institution de la royauté. — Treize ans après la 
défaite des Philistins à Masphath, Samuel devenu 
vieux établit ses fils juges sur Israël. Mais ceux-ci 
n'avaient pas le désintéressement de leur père; âpres 
au gain, ils sacrifiaient fa justice à leur cupidité. Une 
pareille situation rappelait d'assez près celle qui s'était 
produite pendant les dernières années d'Héli. Les an- 
ciens d'Israël redoutèrent les conséquences qu'elle 
pouvait entraîner. Ils s'entendirent alors pour adresser 
au prophète la requête suivante : « Établis sur nous 
un roi pour nous juger, comme en ont toutes les na- 
tions. » Tous les peuples qui entouraient Israël avaient, 
en effet, des rois à leur tête, et il semblait aux anciens 
que le régime royal leur donnerait plus de garanties 
pour la défense du pays contre ses ennemis et pour 
l'administration de la justice. Peut-être se souvenaient- 
ils aussi que l'établissement de la royauté avait jadis 
étéprévu par Moïse. Deut., xvii, 14-20. Toutefois, ils ne 
font aucune allusion à cette ancienne disposition de la 
loi. Leur demande déplut à Samuel, qui paraît l'avoir 
considérée comme un acte de défiance à son égard. Le 
Seigneur consola Samuel en lui disant : « Ce n'est pas 
toi qu'ils rejettent, c'est moi, pour que je ne règne plus 



sur eux. » I Reg., vin, 7. Ces paroles ne supposent 
pas que les anciens aient réclamé la suppression de la 
théocratie. Il est probable qu'ils ne se rendaient 
qu'assez superficiellement compte de la place que 
tenaient les interventions divines dans la conduite de 
leur nation. Néanmoins, ils rejetaient Dieu en ce sens 
qu'au lieu de lui abandonner totalement le soin de leur 
défense, ils désiraient avoir à leur tête un roi qui 
veillât sur eux, comme les autres rois le faisaient pour 
leurs peuples. Le Seigneur commanda à Samuel 
d'exaucer le vœu des anciens. Par le fait de l'institu- 
tion de la royauté, la théocratie fut amoindrie de tout 
le pouvoir extérieur qu'il fallut abandonner au roi, 
mais elle ne perdit rien de sa puissance effective, qui 
continua à s'exercer comme par le passé, ni de son 
influence directrice, dont les prophètes devinrent les 
organes auprès des rois et du peuple. — Sur l'ordre 
de Jéhovah, et pour faire sentir aux Israéiites les 
graves conséquences de leur requête, Samuel commença 
par énumérer les charges de toutes sortes qu'un roi 
ferait peser sur ses sujets. Le peuple persista dans son 
désir: il voulait être comme les autres nations, et 
avoir un roi pour le juger et le mener à la guerre. 
« Écoute leur voix et établis un roi sur eux, » dit 
Jéhovah. Samuel n'eut pius qu'à obéir. Il renvoya les 
hommes d'Israël dans leurs villes et attendit que Dieu 
lui indiquât l'homme de son choix. I Reg., vm, 1-22. 

3° L'onction et l'élection de Saûl. — Cis, de la tribu 
de Benjamin, envoya un jour son fils, Saùl, chercher 
ses ânesses perdues. On conseilla à celui-ci d'aller 
consulter Samuel, le voyant, pour apprendre de lui où 
se trouvaient les animaux. On croyait donc que les 
prophètes pouvaient connaître et révéler les choses 
cachées, Jéhovah avait fait savoir à Samuel que le 
jeune homme qui viendrait le consulter était celui 
qu'il destinait à être roi. Quand Saùl parut, il lui indi- 
qua encore qu'il était son élu. Samuel fit monter Saûl 
au haut-lieu où il allait offrir un sacrifice. Puis, il ie 
garda avec lui dans la salle du festin, où il lui donna 
la première place et une portion d'honneur. Ils redes- 
cendirent ensuite dans la ville, et Samuel s'entretint 
avec Saûl sur le toit de sa maison. Le iendemain, ils 
sortirent ensemble de la ville, et Samuel, ayant pris 
une fiole d'huile, la versa sur la tête de Saùl et le baisa 
en disant : s Jéhovah t'oint pour chef sur son héritage. » 
Il lui indiqua où il trouverait ses ânesses, lui marqua 
plusieurs signes qui devaient s'accomplir à son égard 
et lui donna rendez-vous à Galgala pour la célébration 
de grands sacrifices. Peu après, Samuel convoqua le 
peuple à Masphath. Là, tous étant rangés par tribus, 
il procéda à l'élection du roi ; car ni lui ni Saùl 
n'avaient révélé ce qui s'était passé à Ramalhaïm. Le 
sort désigna successivement la tribu de Benjamin, la 
famille de Métri et Saûl, fils de Cis. Samuel ie présenta 
au peuple, qui s'écria : <i Vive le roi ! » Ensuite il 
exposa devant tous le droit de fa royauté, qui réglait 
les devoirs et les droits du roi, et if l'écrivit dans un 
livre, qu'il déposa devant Jéhovah, c'est-à-dire auprès 
de l'Arche. Enfin, il congédia tout le peuple. I Reg., îx, 
1-x, 24. 

III. Sous le RÉGNE de Saûl. — 1° L'abdication. — 
Saùl inaugura ses fonctions royales par une victoire 
remportée sur les Ammonites. Le peuple se réunit 
ensuite à Galgala, y acclama de nouveau Saûl, offrit 
des sacrifices d'actions de grâces et se livra à de 
grandes réjouissances. Samuel profita de cette assem- 
btée pour abdiquer la judicature. Il fit d'abord consta- 
ter le désintéressement et l'équité avec lesquels il 
s'était efforcé d'agir, retraça à grands traits l'histoire 
des bienfaits de Dieu à l'égard d'Israël, et assura que 
le peuple, ayant désormais un roi à sa tête, continue- 
rait à être traité par Jéhovah comme précédemment, 
suivant sa fidélité aux préceptes divins. Il ajouta que, 



4439 



SAMUEL 



1440 



"malgré la saison, il allait invoquer Jéhovah pour qu'il 
fît tonner et pleuvoir. « Vous saurez alors, dit-il, et 
vous verrez combien grand est aux yeux de Jéhovah le 
mal que vous avez fait en demandant un roi. » I Reg v 
XII, 17. A l'invocation de Samuel, il y eut en effet des 
tonnerres et de la pluie, ce dont le peuple fut effrayé. 
Le prophète le rassura, en lui répétant que Dieu vou- 
lait le bénir, s'il demeurait fidèle. Quant à lui, il s'en- 
gagea à prier pour ses compatriotes et à leur enseigner 
le bon et droit chemin. 1 Reg., x, 1-25. Samuel abdi- 
quait donc ses fonctions civiles, pour les transmettre 
au nouveau roi; il gardait les fonctions prophétiques, 
qui concernaient le gouvernement moral de la nation. 
2» L'incident de Galgala. — Le jour où il avait oint 
Saûl, Samuel lui avait dit de l'attendre sept jours à 
Galgala, et que lui-même y viendrait alors pour offrir 
des holocaustes et des sacrifices d'actions de grâces. 

I Reg., x, 8. Or il y eut une première réunion à Gal- 
gala, pour renouveler la proclamation de Saûl et offrir 
des sacrifices. I Reg., xi, 15. L'ordre donné par Samuel 
ne s'appliquait pas à cette réunion, à laquelle il était 
présent, mais à une seconde, dont il fut d'abord absent. 

II faut supposer par conséquent que le prophète avait 
fait sa recommandation au roi avec des précisions que 
le texte n'a pas reproduites. I Reg., x, 8. Après la pre- 
mière assemblée de Galgala, Samuel était parti. Peut- 
être fût-ce seulement avant ce départ que le prophète 
dit au roi de l'attendre sept jours. Il faudrait admettre 
alors une transposition dans les textes, ce qui est fort 
possible. Après la première réunion de Galgala, Saûl 
organisa son armée, et son fils, Jonathas, battit un poste 
de Philistins, à Gabaa. Ce fut le signal d'une levée 
d'armes delà part de ces derniers. Les Israélites furent 
de nouveau convoqués à Galgala; mais, à l'approche 
des ennemis, beaucoup se cachèrent, d'autres même 
passèrent le Jourdain. Saûl, resté à Galgala avec une 
partie du peuple, attendit sept jours l'arrivée de Sa- 
muel. Pendant ce temps, le peuple se dispersait. Le 
septième jour, Saûl prit sur lui d'offrir les sacrifices, 
pour implorer le secours de Jéhovah en vue de la 
guerre. Il achevait à peine que Samuel survint. En 
imposant un délai de sept jours en face du danger 
imminent, Samuel voulait apprendre au nouveau roi 
que, pour son salut et celui du peuple, tout dépendait 
de Jéhovah et que, par conséquent, il importait avant 
tout de lui obéir quand il commandait par son pro- 
phète. De fait, pendant les sept jours de l'attente, les 
Philistins n'avaient pas quitté Machinas, où ils s'étaient 
établis dès le début de la campagne. Saûl chercha à 
s'excuser auprès de Samuel. Le prophète lui reprocha 
d'avoir agi en insensé et il lui signifia que Dieu le 
rejetait pour prendre un autre homme selon son cœur. 
Puis il partit pour Gabaa de Benjamin. I Reg., xm, 
5-15. L'arrêt porté par Samuel contre Saûl peut paraître 
dur. Mais, dès le début de la royauté, il importait d'in- 
culquer au prince une double idée : d'abord qu'Israël 
ne cessait pas d'être une théocratie dans laquelle 
Jéhovah entendait être obéi par le roi aussi bien que 
par les sujets, ensuite qu'un roi d'Israël n'avait pas à 
s'ingérer dans les choses religieuses, comme le fai- 
saient généralement les rois des autres nations. 

3° L'anathème des Amalécites. — Saûl, aidé de son 
fils Jonathas, fit la guerre contre tous les ennemis 
d'Israël et les battit. Quand il fut sur le point de partir 
contre les Amalécites, Samuel lui commanda, de la 
part de Jéhovah, de dévouer à l'anathème et de faire 
mourir tout ce qui tomberait sous sa main, roi, 
hommes, femmes, enfants et troupeaux, à cause des 
maux qu'Amalec avait causés aux Hébreux à leur sortie 
d'Egypte, Exod., xvn, 8-13, et du danger qu'il pouvait 
encore lui faire courir. Saûl vainquit les ennemis, 
mais il épargna le roi, Agag, et ce qu'il y avait de 
meilleur dans les troupeaux. Samuel surgit aussitôt en 



face du vainqueur pour lui demander compte de sa 
transgression. Comme Saûl prétendait avoir réservé les 
troupeaux pour en offrir des sacrifices à Jéhovah, 
Samuel lui répliqua : « L'obéissance vaut mieux que 
le sacrifice, » et il déclara de nouveau à Saûl que 
Dieu le rejetait. Puis il allait se retirer, quand le roi 
le conjura de demeurer avec lui afin de l'honorer de sa 
présence en face des anciens et du peuple. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., VI, vu, 5. Samuel y consentit, et le roi fit 
acte de repentir et d'adoration devant Jéhovah. Mais 
le prophète exigea que le roi Agag fût amené à Galgala 
et coupé en morceaux, en punition du mal qu'il avait 
fait à Israël. Il s'en retourna ensuite à Rama et ne 
revit plus Saûl, bien qu'il ne cessât de pleurer sur lui. 
I Reg., xx, 1-35. 

IV. Les dernières années. — 1° L'onction de 
David. — Samuel, qui avait oint le premier roi d'Israël, 
fut chargé de remplir le même office vis-à-vis du se- 
cond. Jéhovah lui commanda d'aller verser l'huile sur 
la tête d'un des fils d'Isaï, à Bethléhem. Le prophète 
craignait que Saûl ne le mît à mort, s'il venait à ap- 
prendre la chose; mais le Seigneur lui dit de se mettre 
à couvert en allant offrir un sacrifice à Bethléhem. 
Samuel obéit et invita Isa! et ses fils au sacrifice et au 
repas qui suivit. Il passa ensuite en revue les sept 
fils présents, et Jéhovah lui fit savoir qu'aucun d'eux 
n'était son élu. On fit venir le plus jeune, David, qui 
gardait les brebis. Jéhovah dit à Samuel : « C'est lui. » 
Le prophète oignit le jeune homme au milieu de ses 
frères, puis il s'en retourna à Ramathaïm. I Reg., 
xvi, 1-13. 

2° L'école des prophètes. — Samuel avait réuni au- 
tour de lui des prophètes, c'est-à-dire des hommes qui 
menaient sous sa direction un certain genre de vie 
ascétique, et qui parfois étaient saisis par l'Esprit de 
Dieu. Voir Écoles de prophètes, t. n, col. 1567. Entre 
autres signes donnés à Saûl après son onction, celui-ci 
devait rencontrer à Gabaa une troupe de prophètes, en 
compagnie desquels l'Esprit de Dieu le ferait prophé- 
tiser. I Reg., x, 5, 6. C'est ce qui arriva en effet. — 
Plus tard, quand Saûl poursuivait David avec le dessein 
de le mettre à mort, celui-ci se réfugia à Rama, près 
de Samuel, auquel il raconta les persécutions dont il 
était victime. Le prophète l'emmena avec lui à Naioth, 
voir t. iv, col. 1471, où il avait autour de lui de ces 
hommes qui s'étaient mis à son école. Informé de la 
retraite de David, Saûl envoya successivement pour le 
prendre trois troupes qui, à la rencontre de Samuel et 
de ses prophètes, furent eux aussi saisis de l'Esprit de 
Dieu et se mirent à prophétiser. Saûl vint à son tour 
et fut l'objet du même phénomène. Tout un jour et toute 
une nuit, il resta devant Samuel sous l'empire de l'Es- 
prit prophétique. Pendant ce temps, David put s'enfuir. 
I Reg., xix, 18-xx, 1. 

3° Mort de Samuel. — Quelque temps après, Samuel 
mourut. C'était vers la fin du règne de Saûl, qui régna 
quarante ans. Le prophète devait avoir au moins cin- 
quante ans quand il abdiqua, car, à cette époque, ses 
fils avaient déjà exercé les fonctions publiques et donné 
leur mesure. I Reg., vin, 3." Sa vie aurait donc duré 
quatre-vingt et quelques années. Tout Israël se ras- 
sembla pour ses funérailles, et on l'enterra dans sa 
demeure à Rama. Saûl et David étaient momentané- 
ment réconciliés. Ce dernier assista aux funérailles du 
prophète. Il est probable que le roi en fit autant. 
I Reg., xxv, 1. On prétend conserver le tombeau du 
prophète à Néby-Samuil. Voir Maspha, t. iv, col. 843. 
Les restes de Samuel auraient été enlevés par l'empe- 
reur Ârcadius, le 19 mai 406, pour être déposés dans 
une basilique de la banlieue de Constantinople, ren- 
versée 150 ans plus tard par les tremblements de terre. 
Les martyrologes placent la fête du prophète le 20 août. 

4° L'évocation. — La fortune de Saûl continua à dé- 



1441 



SAMUEL 



1442 



cliner de plus en plus après la mort du prophète. Me- 
nacé par les Philistins et effrayé à la vue de leur camp, 
Saûl consulta Jéhovah, pour savoir quel parti prendre. 
Il n'en obtint aucune réponse. Il eut alors l'idée d'aller 
interroger une nécromancienne, à Endor, et lui de- 
manda d'évoquer Samuel. Par une permission de Dieu, 
le prophète parut et annonça à Saûl sa défaite et sa 
mort. I Reg., xxviii, 3-25. Voir Évocation des morts, 
t. h, col. 2129. 

V. La mission de Samuel. — 1» Mission politique. — 
A l'époque où naquit Samuel, la situation des Israélites 
«tait devenue des plus précaires. Sans chef qui com- 
mandât à toute la nation, ils vivaient à l'état anar- 
chique et dans l'isolement de leurs villes et de leurs 
bourgs sans défense, au milieu de nations plus centra- 
lisées, mieux entraînées à la guerre et commandées par 
un chef ou un roi. Le grand-prêtre n'avait pas qualité 
pour exercer autre chose qu'une influence officieuse, 
et, quand il était faible et âgé, comme Héli, cette in- 
fluence devenait nulle, et elle laissait libre carrière aux 
pires abus. Samuel eut mission de restaurer une situa- 
tion qui se faisait de plus en plus compromettante 
pour l'avenir de la nation. Il obligea les anciens et le 
peuple à se réunir pour un effort commun. Pendant le 
temps de sa judicature, il veilla à l'intérêt général et 
fit régner la justice. Cependant le pouvoir qu'il exerçait 
■n'avait pas le caractère d'une institution régulière et 
■durable. Les Israélites le sentirent eux-mêmes. La con- 
duite des fils de Samuel fut pour eux une occasion fa- 
vorable à la manifestation de leurs désirs. Le plan de 
la Providence était d'ailleurs que la royauté se fit en 
Israël, puisqu'elle avait été l'objet de dispositions spé- 
ciales dans la législation mosaïque et que Jéhovah lui- 
même ordonna au prophète d'accéder aux vœux du 
peuple. Samuel fut donc chargé de présider à la trans- 
formation de la nationalité israélite en royaume, et, 
s'il ne le fit pas de son plein gré, l'intervention de la 
■volonté divine n'en fut que plus manifeste. Dieu choisit 
les deux premiers rois et Samuel les oignit. Ainsi s'ac- 
cusait la persistance de la théocratie en Israël. Samuel 
fut ensuite comme le tuteur de la royauté naissante : 
il eut mission de dicter à Saûl la conduite qu'il devait 
tenir, de lui reprocher ses écarts, de lui signifier sa 
réprobation et de lui préparer un successeur. Il fut 
■donc, pour la constitution du royaume, ce que Moïse 
avait été, quelques siècles auparavant, pour la constitu- 
tion de la nationalité. 

2» Mission prophétique. — Samuel a été « aimé du 
Seigneur son Dieu et prophète du Seigneur... Par sa 
véracité il se montra prophète ; à la sûreté de ses oracles, 
on reconnut un voyant digne de foi. » Eccli., xlvi, 13, 
15. Tout ce qu'il annonça s'accomplit, la prise de 
l'Arche, la mort d'Héli, la victoire sur les Philistins, la 
réprobation et la mort de Saûl, et plusieurs autres faits 
racontés dans son histoire. Il fut prophète dans l'ac- 
ception la plus large de ce mot, c'est-à-dire qu'il parla 
«t agit au nom de Dieu, pendant sa judicature, pour 
veiller sur son peuple, et sous le règne de Saûl, pour 
être auprès de la royauté le représentant et l'organe 
de l'autorité supérieure de Dieu. Après la période de 
■théocratie directe qui avait commencé avec Moïse, il 
inaugura la théocratie exercée par un double pouvoir, 
celui du roi et celui du prophète travaillant à maintenir 
le roi et le peuple dans la soumission aux volontés di- 
vines. Pour établir cetordre de choses et faire comprendre 
-à tous que l'institution d'un roi ne diminuait en rien 
les droits du gouvernement divin, il fallait à Samuel 
■une haute autorité. Aussi les interventions surnatu- 
relles sont-elles fréquentes dans sa vie, sous forme de 
communications directes avec Dieu, de prophéties ou de 
miracles. Samuel occupe ainsi une place importante 
au début d'une nouvelle étape de l'histoire d'Israël. 
Aussi Dieu l'accrédite-t-il comme il accrédita Moïse, et 

DICT. DZ LA BIBLE. 



comme il accréditera plus tard, à des moments décisifs 
pour l'avenir d'Israël et pour la préparation de la ré- 
demption, d'autres prophètes, tels qu'Élie et Elisée, 
Isaïe, Jérémie, Daniel, etc. Act., m, 24; xm, 20; Heb., 
xi, 32. — D'après I Par., xxix, 29, Samuel aurait été 
l'historien de la transformation dans laquelle il a joué 
un rôle si important. Il est question, en effet, d'un 
livre sur David écrit par Samuel, Nathan et Gad. Dès 
lors qu'il a écrit le début de l'histoire de David, nul 
doute que Samuel ait été aussi l'historiographe de sa 
propre administration et du règne de Saûl. 

3° Mission liturgique. — Il est certain que Samuel 
était de la descendance de Caath par Coré, I Par., VI, 
22, 28, voir Caath, t. n, col. 1, mais non de celle des 
quatre fils d'Aaron. Exod., xxvm, 1. Il n'était donc pas 
de race sacerdotale. Cependant on le voit conférer des 
onctions, I Reg., x, 1; xvi, 13, ce qui, il est vrai, ne 
suppose nullement la dignité sacerdotale, III Reg., ix, 
6, et surtout offrir des sacrifices. I Reg., vu, 9; ix, 13; 
x, 8, etc. Or l'offrande des. sacrifices était considérée 
comme une fonction réservée aux prêtres. Exod., xxix, 
38-46. Saint Cyprien, Epist., lxv, 1, t. iv, col.395, et 
saint Ambroise, In Ps. cxviu, xvm, 24, t. xv, col. 1460, 
résolvent la difficulté en supposant que Samuel était 
prêlre. Saint Augustin, Relract., il, 43, 55, t. xxxii, 
col. 648, 652, dit que Samuel était fils d'Aaron de 
même façon que lous les Israélites sont fils d'Israël, et 
qu'il succéda au grand-prètre Héli, bien qu'il ne fût 
pas fils d'un prêtre, mais seulement des fils, c'est-à- , 
dire des descendants d'Aaron. Cette allégation n'est pas 
exacte, parce que, de tous les Caathites, les descen- 
dants d'Aaron possédaient seuls le sacerdoce, tandis 
que les membres des autres branches, de celle de Coré 
en particulier, n'étaient que de simples lévites. Pour 
expliquer les sacrifices de Samuel, il faut donc recourir 
à l'une de ces deux hypothèses, la Bible ne fournissant 
aucune explication à ce sujet. Ou bien Samuel n'offrait 
de sacrifices que par l'intermédiaire des prêtres, comme 
dut le faire Saûl, bien que le texte sacré s'exprime 
comme s'il avait agi directement, I Reg., xm, 9; ou 
bien Samuel avait reçu de Dieu un pouvoir spécial 
pour sacrifier légitimement, comme l'avait jadis fait 
Moïse. Exod., xxix, 1-37; Lev., vm, 1-30. La Sainte 
Écriture, il est vrai, ne mentionne pas cette délégation 
particulière; mais on peut la supposer d'autant plus 
probablement que les textes s'expriment comme si 
Samuel offrait lui-même les sacrifices et qu'aucune 
remarque n'est faite à cet égard. L'auteur du Psaume 
xcix (xcviii), 6, dit : 

Moïse et Aaron, parmi ses prêtres, 

Et Samuel, parmi ceux qui invoquent son nom, 

Invoquaient Jéhovah, et il les exauçait. 

Les trois personnages sont mis en parallèle et traités 
comme prêtres, alors que, seul, Aaron était revêtu du 
sacerdoce. D'autres passages attribuent à Samuel une 
initiative importante au point de vue de la détermina- 
tion des fonctions liturgiques. I Par., ix, 22; xxvi, 28. 
Les fêtes de la Pâque auxquelles il présidait n'auraient 
pas eu de semblables jusqu'à l'époque de Josias. 
II Par., xxxv, 18. Cf. J. C. Ortlob, Samuel judex et 
propheta, non pontifex aut sacerdos, sacrificans, dans 
le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, 1. 1, p. 587-594. 

H. Lesétre. 

3. SAMUEL (Septante : SafiouYJX), fils de Thola, de 
la tribu d'Issachar et chef de famille dans cette tribu 
du temps de David. I Par., vu, 2. 

4. SAMUEL BEN MEIR, appelé aussi RASCHBAM 
(lettres initiales de Rabbi Samuel ben Meir), célèbre 
rabbin juif, né vers 1065, mort en 1154. Il eut pour 
mère une fille de Raschi (voir col. 988), Il compléta 
quelques-uns des commentaires sur le Talmud que son 

V. - 46 



1443 



SAMUEL — SANCTIFICATION 



1444 



grand-père avait laissés inachevés et son commentaire 
sur Job, On a de lui un commentaire littéral sur le 
Pentateuque, publié pour la première fois dans une 
édition du Pentateuque hébreu, Berlin, 1705, etc. 

SANABALLAT (hébreu : Sanballat; Septante : 
SavëaXXâ-r; Josèphe : EavaêalîiTYiç), personnage im- 
portant en Samarie , du temps de Néhémie. Il est sur- 
nommé le Horonite, ce qui semble indiquer qu'il était 
originaire d'Oronaïm, dans le pays de Moab. Voir 
Horonite, t. m, col. 757. Les assyriologues considèrent 
son nom comme assyrien et l'expliquent : « (le dieu) Sin 
(Lune) a donné la vie » Sin-ballidh. Quand Néhémie 
arriva en Palestine pour relever les murs de Jérusalem, 
il s'efforça de l'empêcher de réaliser son projet, d'accord 
sivec Tobie l'ammonite et Gosem l'arabe, mais sans y 
réussir. II Esd., h, 10, 19; iv, 1, 7; vi, 1-17. Sanaballat 
avait donné une de ses filles pour femme à un des fils 
de Joïada, le grand-prêtre, successeur d'Éliasib. Voir 
JOÏA.DA 6, t. m, col. 1596. Néhémie, xm, 28, chassa le 
violateur de la loi, ce qui dut aggraver encore l'ini- 
mitié de Sanaballat. 

Le livre de Néhémie se termine sur ce renseigne- 
ment particulier. D'après Josèphe, Ant. jud., XI, vu, 
2; vin, 2, 4, 9, le gendre de Sanaballat s'appelait Ma- 
nassé. Il ne voulut point renvoyer sa femme, nommée 
Nicaso, et se réfugia auprès de son beau-père qui lit 
bâtir pour lui sur le mont Garizim, avec l'autorisa- 
tion d'Alexandre le Grand, un temple semblable à 
celui de Jérusalem. Le récit de Josèphe est plein 
d'anachronismes et ne saurait être accepté : il fait 
vivre Sanaballat sous le règne de Darius Codoman 
(336-331), le dernier roi des Perses. Comme Sanaballat 
était en Samarie sous le règne d'Artaxerxès Longue- 
main (464-424 avant J.-C), il ne pouvait pas être en- 
core gouverneur de la Samarie plus d'un siècle plus 
tard. Certains historiens ont admis deux Sanaballat, 
mais sans en donner de preuve, Josèphe doit avoir 
tiré son récit de quelque livre apocryphe depuis long- 
temps perdu. — Un papyrus araméen trouvé à Éléphan- 
tine dans la Haute Egypte nous apprend que les Juifs 
d'Egypte écrivirent aux fils de Sanaballat la 18» année 
du règnedeDarius Nolhus (408-407 avant,!. -C). On peut 
conclure de là que leur père vivait sous Arlaxercès I er 
Longuemain et non sous Artaxercès II. Ses fils sont ap- 
pelés Délaya et Sélémya et Sanaballat a le titre de 
« gouverneur de Samarie ». Palestine Exploration 
Fund. Quarterly Slatemenl, octobre 1909, p. 275. 

SANAN (hébreu : §enân; Septante : Sewâ; Alexan- 
drinus : Sî^otji), ville de Juda, dans la Séphéla, men- 
tionnée avant Hadassa et Magdalgad dans le groupe occi- 
dental du territoire de cette tribu. Jos., xv, 37. Michée, 
l, 10-12, énumérant plusieurs villes de la Séphéla, en 
faisant des jeux de mots sur leur nom, dit, v, 11 : 
« L'habitante de ipa'ânân n'ose pas sortir. » 11 dérive 
le nom du verbe ydfd, « sortir ». Non est egressa quss 
habitat in exitu, dit laVulgate, qui a traduit les noms 
propres selon leur signification dans tout ce passage. 
Malgré la différence d'orthographe, on admet générale- 
ment que la ]3S de Josué et la pNï de Michée sont 
une seule et même ville. Le site de cette localité n'a 
pas été retrouvé. 

SANCTIFICATION (grec : à^a?^;; Vulgate : 
sanctificatio), production ou possession de la sain- 
eté. « Rendre saint s se dit qiddas, ôyiâÇEiv, sancli- 
ficare. 

1° Dans l'Ancien Testament, la notion de sanctifica- 
tion comporte surtout l'idée de pureté légale. Se sanc- 
tifier, c'est se mettre en règle avec les diverses pres- 
criptions de pureté mosaïque. Is., lxvi, 17; Job, i, 5; 



I Reg., xvi, 5; Joa., xi, 55; Act., xxi, 24. Néanmoins 
cette sanctification légale n'exclut pas celle de l'âme; 
elle la suppose au contraire, parce qu'il s'agit d'une 
sanctification qui soit réelle au regard de Dieu. Le Sei- 
gneur a dit, en effet : « Soyez saints, parce que je suis 
saint ». Lev., xi, 44, 45. C'est même lui qui seul pro- 
duit la sanctification : « Vous vous sanctifierez et vous 
serez saints, car je suis Jéhovah qui vous sanctifie. » 
Lev., xx, 7, 8; xxi, 8; xxn, 16, 32; Ezech., xx, 12; 
xxxvu, 28. Or il va de soi que l'action sanctificatrice 
de Dieu n'entend pas s'arrêter à l'extérieur, mais 
qu'elle veut atteindre l'àme elle-même. C'est donc une 
sanctification à la fois corporelle et spirituelle qu'on 
réclamait des Hébreux quand on leur disait : « Saneti- 
fiez-vous. » Num., xi, 18; Jos., m, 5; etc. La sanctifi- 
cation légale était justiciable de la loi, comme tous les 
devoirs extérieurs; Dieu seul était juge de la sanctifi- 
cation intérieure. — Comme la sanctification est l'acte 
par lequel on se replace complètement sous la domi- 
nation de Dieu. «. sanctifier » voulait dire aussi « con- 
sacrer à Dieu ». Il est ainsi question de la sanctification 
du septième jour, Gen., n, 3; Exod., xx, 8, etc., des 
premiers-nés, Exod.,xm, 2, des enfants d'Israël, Exod., 
xix, 10, des ministres sacrés, Exod.,xvm, 3; xxx, 30, 
I Reg., vu, 1, des victimes du sacrifice, Exod., xxix, 34, 
du lieu où Dieu réside, Exod., xix, 23, du Tabernacle, 
Exod., xxix, 44, duTemple, III Reg., ix, 3, 7, de l'autel, 
Exod., xxix, 43, des pains de proposition, I Reg., xxi, 6, 
en un mot de toutes les personnes, Jer., i, 5, et de tous 
les objets qui servent directement au culte de Dieu. Mal., 
il, 11. — Sanctifier Dieu ou son nom, c'est le traiter 
avec le respect, l'obéissance, la reconnaissance, l'amour 
et tous les sentiments qui conviennent à sa majesté. Is., 
v, 16; Ezech., xxxvi, 23; cf. Matlh., vi, 9; Luc, xi, 2. 
— LaVulgate appelle souvent « sanctification » le sanc- 
tuaire, miqdôs, àyiâay.ct. Ps. xcvl (xcv), 6; cxiv (cxill), 
2;Eccli., xxxvi, 15; Is., vin, 14; lx, 13; lxiii, 18; 
Jer., xvii, 12; li, 51; Lam., n, 7; Ezech., xi, 16; 
xxvm, 18; xxxvu, 26; Am., vu, 9, 13; I Mach., i, 23, 
41 ; îv, 38, etc. 

2° Dans le Nouveau Testament, la sanctification 
est exclusivement intérieure. C'est une participation, 
par le moyen de la grâce, à la sainteté même de Dieu. 
Jésus-Christ est le Fils de Dieu qui a été sanctifié et 
envoyé par le Père, -Joa., x, 36, qui a prié le Père et 
s'est sacrifié lui-même afin que nous soyons sanctifiés 
dans la vérité. Joa., xvn, 17, 19. Voir Justification, 
t. m, col. 1877. Il prépare et produit en nous la sanc- 
tification, I Cor., i, 2, 30; Heî>., x, 10; xn, 10, 14, par 
le Saint-Esprit. I Cor., vi, 11; I Pet., i, 2; Rom., i, 4; 
xv, 16. Dieu veut la sanctification de ses enfants. 
I Thés., iv, 3, 7. Mais il faut qu'eux-mêmes y travail- 
lent intérieurement, I Pet., m, 15, et extérieurement, 
Rom., vi, 19; I Thés., îv, 4; II Tim., n, 21, suivant 
les conditions de vie où ils sont placés, I Tim., n, 15; 
I Cor., vu, 14, et sans jamais s'arrêter. Apoc, xxn, 11. 
Dans ces conditions, Jésus-Christ qui a sanctifié son 
Église, Eph., v, 26, sanctifiera aussi ses enfants fidèles. 
Rom., vi, 22; II Cor., vu, 1; I Thés., v, 23; Heb., ix, 
13. — Saint Paul semble indiquer la place de la sanc- 
tification dans l'œuvre du salut de l'âme, quand il dit : 
« Vous avez été purifiés, vous avez été sanctifiés, vous 
avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et 
par l'Esprit de notre Dieu. » II Cor., vi, 11. Il faut 
commencer par la purification, qui débarrasse le cœur 
du péché et de ses suites. Vient ensuite la sanctifica- 
tion, qui est l'infusion des dons de la grâce divine. 
Alors l'âme, n'ayant plus rien en elle qui déplaise 
au regard de Dieu, et, au contraire, parée de tout 
ce qui lui plaît, est justifiée, devient agréable à Dieu 
et participe à la filiation divine. Cf. E. Tobac, Le 
problème de la justification dans S. Paul, Louvain, 
1908. H. Lesêtre. 



1445 



SANCTUAIRE 



1446 



SANCTUAIRE (hébreu : qôdèS; Seplante : s'a àyiov; 
Vulgate : sanctuarium), lieu où l'on célébrait le culte 
de Jéhovah. 

I. La législation. — D'après une loi consignée dans 
l'Exode, xx, 2i-25, à la suite du Décalogue, il est ex- 
pressément défendu de fabriquer des idoles pour en 
joindre le culte à celui de Jéhovah, mais on élèvera 
un autel de terre ou de pierres non taillées pour y offrir 
des sacrifices. Dieu promet sa bénédiction à ceux qui 
lui rendront aiusi un culte. L'autel peut être érigé en 
tout lieu où, dit le Seigneur, 'azkîr Vf Semî, ÈTrovofiâiro) 
t'o ovojià (iou, « je rappellerai mon nom » par une ma- 
nifestation particulière. L'érection d'un autel n'était 
donc possible qu'en certains lieux désignés par le 
Seigneur lui-même. Toutefois, plusieurs versions, le 
Syriaque, le Targum, ont lu (azkîr, « tu rappelleras », 
au lieu de 'azkîr, ce qui suppose le choix du lieu sacré 
fait par l'homme lui-même. La Vulgate traduit : « En 
tout lieu où il sera fait mémoire de mon nom. » En 
quelque sens qu'on l'entende, le texte n'exclut donc 
pas la pluralité d'autels et de lieux sacrés. — Dans le 
Lévitique, xvn, 3-9, la loi devient plus exclusive. 11 
n'est plus permis d'immoler des animaux en tout lieu. 
Même ceux que l'on tue en vue de l'alimentation ne 
peuvent plus être égorgés qu'à l'entrée du Tabernacle, 
pour que le sang soit répandu sur l'autel et la graisse 
brûlée devant Jéhovah. Tout holocauste ou sacrifice 
offert ailleurs entraînera pour ses auteurs la peine du 
retranchement. Cette loi, portée peu de temps après la 
précédente, semble en contradiction avec elle. Au lieu 
de pouvoir élever des autels en différents endroits, on est 
obligé d'apporter toutes les victimes au seul autel du 
Tabernacle. Mais il faut observer qu'entre les deux lois 
intervient la prévarication du veau d'or. Ce crime a 
mis en lumière la facilité avec laquelle les Israélites 
se laisseront entraîner à des rites idolàtriques. Il 
devient donc nécessaire de surveiller de près tous 
les sacrifices, et la surveillance ne sera efficace que si 
elle s'exerce dans un même lieu par des hommes 
ayant autorité. « Ils n'offriront plus leurs sacrifices 
aux velus, » c'est-à-dire aux boucs (Vulgate : aux 
démons), avec lesquels ils se prostituent. Ce sera pour 
eux une loi perpétuelle de génération en génération. » 
Les Israélites avaient contracté en Egypte l'habitude 
de sacrifier à des sortes de divinités agrestes; peut-être 
même quelques-uns avaient-ils tenté de le faire au 
désert. En tout cas, le culte rendu au veau d'or com- 
mandait toutes les précautions. La gêne qui en résulta 
ne fut pas considérable; car, au désert, l'accès du 
Tabernacle était aisé et les Israélites ne devaient pas 
faire entrer fréquemment dans l'alimentation la chair 
de leurs animaux. Il faut d'ailleurs observer que « la 
loi perpétuelle » peut viser beaucoup moins la présenta- 
tion des animaux devant le Tabernacle que l'abstention 
totale des sacrifices idolàtriques. — Une autre loi, consi- 
gnée dans le Deutéronome, xn, 4-11, régla ce qui devait 
être observé dans le pays de Chanaan, où il n'était plus 
possible d'amener devant le Tabernacle tous les animaux 
qu'on immolait. Après avoir détruit tous les sanc- 
tuaires idolàtriques, les Israélites offriront leurs sacri- 
fices au lieu que Jéhovah choisira parmi toutes les 
tribus. Là auront lieu toutes les manifestations du 
culte. « Vous ne ferez pas, comme nous le faisons 
maintenant ici, chacun ce que bon lui semble... Dans 
le lieu que Jéhovah, votre Dieu, choisira pour y faire 
habiter son nom, là vous présenterez tout ce que je 
vous commande, vos holocaustes et vos sacrifices. » 
Deut., xii, 8, 11. En même temps est abrogée la pres- 
cription concernant l'immolation des animaux devant 
le Tabernacle. « Tu pourras, tant que tu le désireras, 
tuer et manger de la viande dans toutes tes portes, » 
c'est-à-dire dans toutes les villes et villages, « mais 
vous ne mangerez pas le sang, tu le répandras à terre, 



comme de l'eau. » Deut., xir, 15-16. Le législateur 
suppose une situation anarchique, au point de vue du 
culte divin, ce qui donne à penser que, même au désert, 
la loi du Lévitique n'a pas été observée à la rigueur. 
Beaucoup ont offert des sacrifices ou immolé des ani- 
maux sans se présenter devant le Tabernacle. En 
Chanaan, il n'en sera plus de même. Sans doute, il ne 
sera plus requis de se rendre en un même lieu pour 
tuer le bétail destiné à être mangé, ce qui serait impra- 
ticable dans un pays étendu; mais les sacrifices ne 
pourront être offerts que dans le lieu choisi par Dieu, 
c'est-à-dire là où l'Arche résidera. Comme la résidence 
de l'Arche changera suivant les circonstances, il y aura 
des sanctuaires multiples, dans lesquels on offrira 
successivement les sacrifices prescrits. La formule du 
Deutéronome exclut absolument tous les sacrifices 
idolàtriques et prescrit l'offrande de sacrifices rituels 
dans le sanctuaire de l'Arche. Prohibe-t-elle d'autres 
sacrifices offerts à Jéhovah ailleurs que dans le sanc- 
tuaire officiel? On ne saurait le conclure formellement 
du texte sacré et Ton croit communément qu'il demeu- 
rait légitime de sacrifier sur d'autres autels, surtout 
avant la construction du Temple. Voir Pentateuque, 
col. 101 ; cf. de Hummelauer, InDeuteron., Paris, 1901, 
p. 302. La pratique des Israélites est là pour nous ren- 
seigner sur la manière dont ils interprétaient la loi. 

II. La pratique des Israélites. — 1» Avant l'érec- 
tion du Temple. — Sous Josué, un premier autel fut 
installé à Galgala et l'on y célébra la Pâque. Jos., iv, 
10, 11. Puis le Tabernacle fut transporté à Silo. Jos., 
xviii, 1. Mais ensuite, les tribus de Ruben et de Gad et 
la demi-tribu de Manassé bâtirent un autel sur les 
bords du Jourdain. Cet acte fut considéré par les autres 
Israélites comme une infidélité à l'égard de Jéhovah. 
Il paraissait, en effet, contraire à la loi du Lévitique. 
Les tribus transjordaniques se disculpèrent en décla- 
rantqu'elles n'avaient nullement l'intention d'offrir des 
sacrifices sur cet autel, mais qu'elles entendaient seu- 
lement ériger un monument commémoratif de leur 
communauté d'origine avec les autres tribus. Cette 
explication satisfit les chefs du peuple. Jos., xxn, 9-29. 
— Pendant la période des Juges, des sacrifices sont 
offerts à Bokim, où l'ange de Jéhovah était apparu, 
Jud., H, 5, à Éphra, sur un autel bâti par Gédéon, 
Jud., vi, 24, 28, à Saraa, par Manué, père de Samson, 
sur l'invitation d'un ange. Jud., xm, 16-23. L'Arche ne 
résidait certainement pas dans ces endroits, mais 
cependant chacun d'eux était consacré par la visite 
d'un ange. Pendant la guerre contre les Benjamites, 
on offrit des sacrifices à Béthel, mais l'Arche s'y trou- 
vait. Jud., xx, 26-28. Quant à la « maison de Dieu » que 
l'Éphraïmite Michas fit desservir d'abord par son fils, 
puis par un lévite, et au sanctuaire de Laïs-Dan dont le 
même lévite devint le prêtre, on ne saurait les regarder 
comme légitimes, car ils étaient établis contrairement 
aux prescriptions de la loi et renfermaient une image 
taillée. L'historien cite cet exemple, qui n'aurait rien 
en soi de remarquable s'il était en conformité avec la 
loi, pour montrer comment, à cette époque, « chacun 
faisait ce qui lui semblait bon. » Jud., xvn, 3-31. — 
Le culte de Jéhovah avait alors son centre à Silo. 
Jud., xvn, 31. Le grand-prêtre Héli y présidait, mais 
ses fils se livraient aux pires désordres à l'entrée même 
du Tabernacle. I Reg., Il, 13-22. Quand l'Arche eut été 
prise par les Philistins, le sanctuaire de Silo perdit 
beaucoup de son importance. Il n'est pas question de 
sacrifices offerts à Cariathiarim pendant le temps que 
l'Arche y passa à son refour. I Reg., vu, 1-4. Mais 
Samuel offrit successivement des sacrifices à Maspha, 
I Reg., vu, 9, 10, sur le haut-lieu de Ramatha, I Reg., 
ix, 12, 13, 19, à Galgala, I Reg., xi, 15; xih, 8, 9, à 
Bethléhem, I Reg., xvi, 2-5, pour un sacrifice de 
famille. Plus tard, David se rendit dans la même ville 



1447 



SANCTUAIRE 



1448 



pour un sacrifice analogue. I Reg., xx, 29. Le Taber- 
nacle se trouvait alors àNobé.I Reg., xx, 1, 6; xxn,10, 
13. L'Arche, restée à Cariathiarim ou Baala, fut d'abord 
transportée à Geth, puis dans la cité de David, II Reg., 
vi, 11, 16, où le roi offrit devant elle des sacrifices. 

II Reg., vi, 17, 18. Enfin, il en offrit d'autres sur l'aire 
d'Areuna, consacrée par l'apparition d'un ange. II Reg., 
xxiv, 22-25. Durant cette période, l'Arche était donc 
séparée du Tabernacle et, par conséquent, la pratique 
du culte officiel n'était plus conforme au rituel mo- 
saïque. Non seulement Samuel toléra cet état de choses, 
mais encore il donna lui même l'exemple de sacrifices 
offerts sur les hauts-lieux et sur des autels multiples. 
De ces pratiques, on n'a pas le droit de conclure à la 
non-existence de la loi mosaïque. Cette loi avait été 
interprétée très largement pendant la période des Juges, 
ainsi d'ailleurs que beaucoup d'autres. Samuel ne ju- 
gea pas à propos, dans l'état d'indépendance politique 
où vivaient encore les tribus, de les obliger à adopter 
un centre unique de culte, qu'il était d'ailleurs assez 
difficile de fixer définitivement. Il préféra combattre 
l'idolâtrie, en opposant à ses multiples manifestations 
cultuelles les sacrifices offerts à Jéhovah dans des 
sanctuaires variés et dans les hauts-lieux. Prophète du 
Seigneur, il agit pour le mieux et certainement avec 
l'approbation divine. Du reste, il semblait conforme au 
plan providentiel de ne pas fixer encore le centre reli- 
gieux dans un sanctuaire immuable. Jérusalem devait 
être un jour la capitale politique et religieuse de la 
nation, et l'on sait qu'il y eut quelque peine à faire 
prévaloir le sanctuaire de Sion sur celui de Silo, 
à l'ombre duquel Éphraïm abritait ses prétentions. 
Cf. Ps. lxxviii (lxxv il), 59-69. L'opposition eût été bien 
plus dangereuse si le sanctuaire de Silo ou quelque 
autre avait été en possession d'un long et unique pri- 
vilège. En transportant l'Arche à Sion et en prenant 
des dispositions pour l'organisation du culte, David ne 
fit que préparer la fondation du sanctuaire unique, 
conforme de tous points à la législation mosaïque. En 
attendant que le projet fût réalisé, le culte se continua, 
d'une part devant l'Arche, à Sion, et d'autre part, à 
Gabaon, où le Tabernacle était resté. I Par., xvi, 39, 
40; xxi, 29. C'est en ce dernier lieu que Salomon offrit 
de solennels sacrifices au début de son règne. III Reg., 
m, 4; II Par., i, 3-6. 

2» Après l'érection du Temple. — La construction 
du Temple," l'installation dans le nouvel édifice de 
tout le matériel du culte, la consécration à son 
service d'un très nombreux personnel de prêtres et la 
splendeur des cérémonies qui s'y accomplirent réali- 
sèrent aussi parfaitement que possible l'idéal mosaïque. 
En accordant sa bénédiction au Temple et . en le 
remplissant de sa gloire, III Reg., vm, 10, 11, Jéhovah 
signifia qu'il l'adoptait comme lé Jieu' dé son culte par 
excellence. Les sanctuaires secondaires et lès hauts- 
lieux ne pouvaient en rien rivaliser avec' le splendide 
monument de Jérusalem. Ils subsistèrent néanmoins. 
Les hauts-lieux gardèrent une grande partie de leur 
vogue; ils la devaient à la facilité de leur accès, aux 
traditions locales et antiques qui s'y rattachaient et à 
cette sorte de légitimité dont ils avaient joui pendant 
plusieurs siècles. Les meilleurs d'entre les rois ne 
purent ou ne voulurent pas les supprimer, tant ces 
sanctuaires locaux tenaient de place dans les habitudes 
et dans l'affection du peuple. Ainsi s'abstinrent Asa, 

III Reg., XV, 14, Josaphat, III Reg., xxn, 44, Joas, 

IV Reg., xn, 3, Amasias, IV Reg., xiv, 4, Ozias, 
IV Reg., xv, 4, Joalham. IV Reg., xv, 35. Voir Hauts- 
Lieux, t. ni, col. 449. — Pour détourner de Jérusalem 
les habitants de son royaume, Jéroboam établit deux 
sanctuaires schismatiques et illégitimes à Béthel et à 
Dan. III Reg., xn, 29. En même temps se multipliè- 
rent en Israël les hauts-lieux, non pas consacrés à 



Jéhovah, comme ceux que les rois de Juda laissaient 
subsister dans leur royaume, mais destinés au culte 
des idoles. L'émigration des prêtres de race lévitique 
dans le royaume de Juda fut cependant caractéristique, 
II Par., xi, 13-17; elle proclamait qu'un seul culte était 
légitime, celui de Jéhovah, tel qu'il se pratiquait au 
Temple. — Les prophètes maudissent les hauts-lieux 
idolâtriques. Ose., x, 8, 9; Am., vu, 9. Michée, I, 5, 
constate que les hauts-lieux de Juda et Jérusalem même, 
sont lamentablement adonnés à l'idolâtrie et aux crimes. 
Cf. Jer., xvn, 3; Ezech., vi, 3-6. Les hauts-lieux consa- 
crés à Jéhovah se défendaient eux-mêmes sans succès 
contre l'invasion des pratiques idolâtriques. Les prêtres 
qui les desservaient ne pouvaient être efficacement 
surveillés par les autorités religieuses, et ils se lais- 
saient entraîner à satisfaire les caprices populaires, de 
sorte que des sanctuaires tolérés pour maintenir le 
culte de Jéhovah dans les différentes localités et l'op- 
poser à celui des idoles, finirent par procurer un ré- 
sultat tout contraire. Il en fut ainsi en Israël depuis 
le schisme, et la même tendance s'accentua de plus en 
plus en Juda. C'est ce qui décida Ézéchias, probable- 
ment sous l'influence de Michée et d'Isaïe, à faire dis- 
paraître complètement les hauts-lieux. IV Reg., xvm, 4. 
k N'est-ce pas lui (Jéhovah) dont Ézéchias a fait dispa- 
raître les hauts-lieux et les autels, en disant à Juda et 
à Jérusalem : « Vous vous prosternerez devant cet autel 
« à Jérusalem? » IV Reg., iv, 22. Rabsacès, qui parle 
ainsi, exploitait le mécontentement que la réforme 
avait pu exciter chez certains Israélites. L'unité absolue 
du sanctuaire, prévue par la Loi comme la forme nor- 
male du culte de Jéhovah, était rigoureusement im- 
posée. — La réaction idolàtrique, qui triompha sous 
Manassé et Amon, détruisit l'effet de la réforme d'Ézé- 
chias. Mais l'œuvre de ce dernier fut reprise énergi- 
quement par Josias, surtout après la découverte et la 
lecture du Deutéronome. Ce roi procéda à la destruc- 
tion de tous les hauts-lieux qui avaient été rétablis, de 
Gabaa jusqu'à Bersabée. Les prêtres lévitiques qui les 
avaient desservis, quelques-uns peut-être en l'honneur 
de Jéhovah, mais la plupart en l'honneur des idoles, 
furent appelés à Jérusalem et admis à vivre des offrandes, 
mais sans monter à l'autel de Jéhovah. IV Reg., xxni, 
5-9; II Par., xxxiv, 3-7, 32-33. Privés de leurs prêtres, 
les Israélites de Juda étaient bien obligés de renon- 
cer aux cérémonies des hauts-lieux, même en l'hon- 
neur de Jéhovah. On ne saurait prétendre que la 
réforme opérée par Josias supposait une loi nouvelle 
sur l'unité du sanctuaire, loi dontla formule aurait été 
trouvée ou insérée dans le Deutéronome récemment 
découvert. Josias avait pris ses mesures réformatrices 
dès lahuitième année de sonrègne, tandis que le livre 
ne fut découvert que dix ans après. IV Reg., xxxiv, 3, 8. 
Cette découverte activa sans nul doute le zèle du roi, 
mais elle ne lui révéla pas une loi qu'il appliquait déjà 
précédemment, qu'Ézéchias avait appliquée avant lui, 
et au triomphe de laquelle David et Salomon avaient 
travaillé par l'érection du Temple. 

3° Après la captivité. — Au retour de la captivité, 
Zorobabel bâtit le second Temple, sanctuaire unique 
de Jéhovah, qui ne connut plus en Palestine la concur- 
rence des hauts-lieux. Mais deux faitsimportants viennent 
à l'encontre d'une théorie trop absolue. Les Juifs 
d'Egypte ne purent se résigner à se passer de temple. 
— Les fouilles récemment pratiquées à Éléphantine 
d'Egypte ont révélé l'existence dans cette ville d'une 
communauté juive pourvue d'un lieu de culte. Cette 
communauté remontait à une époque antérieure à la 
domination des Perses en Egypte (525 avant J.-C). Les 
Juifs se plaignirent à Bagohi, gouverneur de Judée 
et probablement juif lui-même, de la destruction de 
leur temple par les prêtres de Knoum. L'attentat avait 
été commis en l'absence d'Arsam, gouverneur perse 



1449 



SANCTUAIRE 



SANG 



1450 



de l'Egypte, l'an 14 du roi Darius II (424-405). « Ils 
sont arrivés à ce sanctuaire, écrivent-ils, et l'ont 
détruit jusqu'au sol. Ils ont brisé les colonnes de 
pierre qu'il y avait là. Même il arriva encore que des 
portes de pierre, au nombre de cinq, construites en 
pierres de taille, qui étaient dans ce sanctuaire, ils les 
ont détruites... Or, dès le temps du roi d'Egypte, nos 
pères ont bâti ce sanctuaire dans la cité de Iêb, et 
lorsque Cambyse est arrivé en Egypte, il a trouvé ce 
sanctuaire bâti, et ils ont renversé tous les sanctuaires 
des dieux de l'Egypte, et personne n'a rien abîmé à ce 
sanctuaire. » Papyrus Sachau, i, 9-14, Berlin, 1908. 
Le sanctuaire avait donc une certaine importance. Le 
grand-prêtre de Jérusalem, auquel les Juifs d'Élé- 
phantine avaient déjà écrit une première fois, ainsi 
qu'à Bagohi lui-même, n'avait pas répondu. Sollicité 
à nouveau par la lettre précédente, Bagohi répondit : 
« Au sujet de la maison d'autel du Dieu du ciel, qui 
a été bâtie dans la cité de Iêb auparavant, avant Cam- 
byse... : qu'elle soit rebâtie à sa place comme aupara- 
vant, et qu'on offre des sacriBces non sanglants et de 
l'encens sur cet autel, comme auparavant il était prati- 
qué. » Papyrus Sachau, m, 3-11. Bagohi parle seule- 
ment de sacrifices non sanglants, sans doute pour ne 
pas surexciter l'animosité des habitants d'Éléphantine, 
dont le territoire était le fief religieux du dieu bélier. 
Mais, dans leur requête, 21, 25, 28, les Juifs men- 
tionnent ouvertement les holocaustes qu'ils offraient 
dans leur temple. En s'adressant au gouverneur perse 
de Judée, et non plus au grand-prêtre Jochanan, ils 
agissent avec bonne foi. « Ignoraient-ils absolument 
la loi sur l'unité du culte? Il est difficile de le croire, 
mais ils ont pu estimer qu'elle n'obligeait que pour la 
Palestine. Ils se trouvaient vraiment dans des 
conditions tout autres que celles qui avaient été 
prévues par la loi. A leur point de vue, mieux valait 
rendre à Iahô le culte traditionnel que d'avouer le 
triomphe du dieu Knoub et de ses prêtres. A Jérusalem, 
on ne pouvait raisonner de la sorte. Le point cardinal 
de la réforme de Néhémie et d'Esdras était préci- 
sément de constituer à Jérusalem, autour du Temple 
rebâti, une communauté sainte, soigneusement séparée 
du contact avec les peuples voisins, fussent-ils en 
majorité d'origine Israélite. Le principal obstacle 
venait de ces Samaritains qui avaient voulu s'associer 
à la reconstruction du Temple, et qui, repoussés, 
s'étaient résolus à pratiquer chez eux le culte de Iahvé. » 
Lagrange, Les nouveaux papyrus d'Éléphantine, dans 
la Revue biblique, 1908, p. 346. Bagohi n'avait pas 
qualité pour commander à Éléphantine. La réponse 
favorable qu'il rédigea était adressée au gouverneur 
égyptien, Arsam. Devenu l'ennemi du grand-prêtre 
Jochanan et ami des fils de Sanaballat, qui voyaient 
d'un bon œil l'érection du temple de Garizim, il fut 
sans doute bien aise de déplaire au premier, en 
donnant un avis que celui-ci n'eût probablement pas 
ratifié. Cf. Lagrange, Revue biblique, 1908, p. 325-349. 
Le temple juif d'Éléphantine ne fut pas relevé ou fut 
de nouveau détruit après sa restauration, car ni 
Josèphe ni les auteurs de la Mischna n'y font la 
moindre allusion. — Le temple samaritain de Garizim 
fut toujours considéré comme absolument contraire 
à la loi. Cf. Joa., iv, 20. Voir Garizim, t. m, col. 111. 
D n'en fut pas de même de celui que les Juifs d'Egypte 
construisirent à Léontopolis, en 160 avant J.-C. Voir 
Oxias IV, t. îv, col. 1818. Cf. Flinders Pétrie, Byksos 
and israelite Cities, Londres, 1906, p. 19-27. D'après 
les docteurs palestiniens, il est vrai, les sacrifices 
complets et le nazaréat n'étaient point valides dans le 
temple d'Onias; tout était à recommencer dans celui 
de Jérusalem. Les prêtres qui avaient offert dans le 
temple égyptien n'étaient pas admis à remplir le même 
office dans le temple palestinien; ils étaient considérés 



comme frappés d'irrégularité. Cf. Menacholh, xm, 10. 
Les prêtres de Léontopolis se tenaient d'ailleurs en 
rapport assidu avec Jérusalem, sentant bien que leur 
culte ne suffisait pas à se légitimer par lui-même. 
On ne voit pas cependant que le temple d'Onias ait été 
tenu formellement pour schismatique et qu'il ait 
encouru de positives condamnations. Il passait plutôt 
pour insuffisant, aux yeux des plus rigides. Bien que 
ce temple ait subsisté jusqu'en l'année 73 après J.-C. 
et qu'il ait été fréquenté par un grand nombre de Juifs, 
il n'en est jamais fait mention dans le Nouveau Tes- 
tament. Cette tentative de décentralisation du culte 
resta sans imitateurs. On voit les Juifs de la dispersion 
élever partout des synagogues; nulle part ils n'essaient 
d'y annexer le culte sacrificiel, et, de fait, le Temple 
une fois ruiné, ils renoncent à tout jamais à offrir des 
sacrifices. Leur persuasion était donc établie que les 
sacrifices ne pouvaient s'offrir que dans un temple 
unique, que ce temple ne pouvait être- qu'à Jérusalem, 
et que mieux valait renoncer totalement à la célébration 
des sacrifices qu'essayer d'immoler ailleurs. 

III. Caractère sacré du sanctuaire. — Le sanctu- 
aire, demeure de Jéhovah, avait un caractère sacré 
qu'il communiquait à tous les objets qu'on y renfer- 
mait. On appelait « poids du sanctuaire » le poids offi- 
ciel qui y était déposé et qui servait d'étalon. Exod., 
xxx, 24; xxxvm, 24; Lev., v, 15; xxvii,; 3, 25; Num., 
m, 47, 50; vu, 13-86; xvm, 16. Dieu ordonnait de 
respecter son sanctuaire. Lev., six 30; xxvi, 2. En 
conséquence, le sanctuaire était souillé si l'idolâtre y 
pénétrait, Lev., xx, 3, voir Péribole, t. v, col. 142, si 
le grand-prêtre y officiait après avoir touché un mort, 
Lev., XXI, 12, si un prêtre ayant une infirmité y ser- 
vait, Lev., XII, 23, si un Israélite y venait en état 
d'impureté légale. Num., xix, 20. Ézéchias fit enlever 
du sanctuaire tout ce qui le souillait, II Par., xxrx, 5, 
et il invita ceux qui restaient en Israël à s'y rendre. 
II Par., xxx, 8. Sur les derniers temps de Juda, le sanc- 
tuaire fut souillé de toutes sortes de manières. Ezech., 
vin, 6; xxn, 8, 26. Dieu avait menacé de ravager les 
sanctuaires des Israélites infidèles. Lev., xxvi, 31; 
Ezech., ix, 6; xxiv, 21. La menace fut une première fois 
exécutée par les Chaldéens. Elle devait l'être définiti- 
vement après la mise à mort du Messie. Dan., vin, 13; 
IX, 26; x, 31. — Sur les différents sanctuaires des Israé- 
lites, voir Hauts-Lieux, t. m, col. 449; Tabernacle, 
Temple. H. Lesêtre. 

SANDALES. Judith, x, 3; xvi, 11; Marc, vi, 9. 
Voir Chaussure, t. h, col. 631. 

SANG (hébreu : dâm; Septante : a"|ia ; Vulgate : 
sanguis). liquide mis en mouvement par le cœur et 
circulant dans les artères et les veines des animaux. Le 
sang de l'homme est rouge, d'où son nom hébreu ve- 
nant de 'ddam, « être rouge ». Il est le véhicule de 
tous les éléments nécessaires à l'entretien des tissus. 11 
est composé de 785 parties d'eau sur 1 000, et, chez 
l'homme, représente le 12 e du poids du corps. Sa pré- 
sence en quantité suffisante et sa circulation sont 
essentielles à la vie. La Sainte Écriture parle souvent du 
sang à divers points de vue. 

I. Le sang et la vie naturelle. — 1» Le sang est 
appelé « l'âme de la chair », ce qui la fait vivre. 
Gen., IX, 4-6. « L'âme de la chair est dans le sang, » et 
« c'est par l'âme que le sang fait expiation, »Lev.,xvli, 
10-14,« par l'âme J>, banane féè, c'est-à-dire en tant qu'âme, 
en tant que vie. « Le sang, c'est l'âme, v néfés, la vie. 
Deut., xii, 23. Cette identification du sang avec la vie a 
sa raison d'être dans la fonction même du sang, à dé- 
faut duquel la vie devient physiologiquement impossible. 
Du reste, dans l'idée des anciens, la vie résidait dans 
le sang. Dans le Poème assyrien de la création, vi, 5, 



1451 



SANG 



1452 



6, Mardouk pétrit les hommes de son propre sang et 
ainsi leur communique la vie. Cf. Dhorme, Choix de 
textes religieux, Paris, 1907, p. 65. Pour Empédocle, 
l'âme était le sang répandu autour du cœur, cf. Cicéron, 
J'use, i, 9, et Virgile, JEneid., IX, 349, dit d'un blessé 
qu' « il vomit son âme empourprée. » Les Hébreux 
néanmoins, s'ils confondent la vie, néféè, avec le sang, 
en distinguent très bien l'esprit, rûah. Cf. Frz. Delitzsch, 
System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, 
p. 238-2V7. — 2° En plusieurs passages, le sang est 
nommé au lieu de la vie. II est défendu d'être témoin 
contre le sang, c'est-à-dire en vue de faire perdre la 
vie du prochain. Deut., xix, 16. David, refusant de boire 
l'eau qu'on est allé chercher pour lui à. Bethléhem, 
s'excuse en disant : « N'est-ce pas le sang de ces hom- 
mes qui sont allés au péril de leur vie? » II Reg., xxm, 
17; I Par., xt, 19. Dieu redemandera au prophète le 
sang du pécheur qu'il n'aura pas travaillé à convertir. 
Ezech., in, 18,20. On acquiert un esclave avec du sang, 
c'est-à-dire en dépensant de sa vie, de sa peine. Eccli., 
xxxnr, 31. — 3» L'homme est fait de chair et de sang. 
Eccli., xiv, 19. La pression du nez fait sortir le sang. 
Prov., xxx, 33. Le Sauveur eut une sueur de sang pen- 
dant son agonie. Luc, xxn, 44. Après sa mort, il sortit 
de sa blessure à lapoitrinedusangetdel'eau.Joa.,xix, 
34. Presque aussitôt après la mort, la fibrine du sang 
se coagule et le sang lui-même 'perd sa fluidité. Le 
sang ne coule pas d'une blessure faite à un cadavre. 
Saint Jean le savait et il avait conscience de raconter 
un fait extraordinaire; c'est pourquoi il l'atteste avec 
une particulière insistance. Joa., xix, 35. 

II. Défense de manger le sang. — 1° Aussitôt après 
le déluge, Dieu défend de manger la chair avec son 
sang. Gen.,ix, 4. En permettant à l'homme de se nour- 
rir de chair, Dieu ne veut pas qu'il le fasse à la manière 
des animaux, qui dévorent tout.D'ailleurs,le sang,e'est 
la vie»; la vie vient de Dieu, il se réserve à lui seul ce 
qui la représente et défend à l'homme soit de verser le 
sang de son semblable, soit même de prendre pour 
nourriture le sang des animaux. La défense est répétée 
aux enfants d'Israël, avec peine du retranchement pour 
les transgresseurs; elle est étendue aux étrangers qui 
séjournent au milieu d'eux. Si on prenait à la chasse 
un animal ou un oiseau qui se mange, il fallait en ver- 
ser le sang et le couvrir de terre. Lev., xvii, 10-14; 
xix, 26; Deut., xii, 16, 23; xv, 23. — 2» Pour que 
l'accomplissement de celte loi entrât dans les habitudes 
du peuple, quiconque, au désert, égorgeait un bœuf, 
une brebis ou une chèvre, devait procéder à cette opé- 
ration à la porte du Tabernacle, Lev., xvii, 3, 4, afin 
•qu'on fût bien sûr que le sang était répandu et qu'en 
même temps il constituât une offrande au Seigneur. 
La défense ne fut pas toujours observée. A la suite d'une 
victoire sur les Philistins, les Israélites se mirent à 
manger des brebis, des bœufsetdes veaux avec le sang. 
Saùl les rappela au devoir et les obligea à venir égor- 
ger leurs animaux sur une grande pierre. I Reg., xiv, 
32-34. Judith compte parmi les fautes du peuple qui 
ont attiré la colère de Dieu la résolution qu'on a prise 
de boire du sang des animaux. Judith, xi, 11. — 3° La 
loi était encore en vigueur à l'époque évangélique; 
bien qu'elle n'eût pas le caraclère d'une loi naturelle et 
perpétuelle, les apôtres jugèrent à propos d'en mainte- 
nir l'obligation pour tous les chrétiens, qu'ils vinssent 
du judaïsme ou de la genlilité. Il fut donc décidé que 
tous s'abstiendraient « du sang et de la chair étouffée », 
c'est-à-dire de celle dont le sang n'avait pas été répandu. 
Act., xv, 20, 29; xxi, 25. Le texte porte : àrcé/eirOai 
aî\j.otx<x; xa\ jcvixtûv, « s'abstenir du sang et des viandes 
étouffées ». Le second terme manque dans quelques 
manuscrits, mais il est équivalemment compris dans le 
premier, car le sang est défendu soit isolé, soit dans 
la chair de l'animal. Cependant, cette omission a sug- 



géré à Tertullien, De pudicit., 12, t. il, col. 1002, et à 
quelques autres en Occident, l'idée que la défense du 
sang n'est autre chose que la défense de l'homicide, 
péché qui, par sa gravité, est mis sur le même rang 
que l'idolâtrie et l'impureté. Mais saint Augustin, 
Cont. Faust., xxxn, 13, t. xlii, col. 504, saint Jérôme, 
In Ep. ad. Gai., v, 2, t. xxyi, col. 395, et d'autres, tout 
en ne lisant que trois prohibitions, entendaient la 
prohibition du sang dans le sens de manger du sang. 
Les Pères grecs, qui lisaient généralement dans le 
texte quatre prohibitions, ont reconnu dans deux 
d'entre elles l'ancienne défense mosaïque de faire en- 
trer le sang dans l'alimentation. Celte interprétation 
est rendue indubitable par la remarque de saint Jac- 
ques, que « Moïse a dans chaque ville des hommes qui 
le prêchent, » Act., xv, 21, et qu'il importe par consé- 
quent de ne pas heurter de front des coutumes si véné- 
rables et si répandues. Or, cette remarque vise surtout 
la défense purement mosaïque du sang et des viandes 
étouffées, puisque les deux autres concernent l'impu- 
reté, défendue de droit naturel et divin, et une certaine 
participation à l'idolâtrie qui, sous sa forme positive, 
est défendue par le même droit. Il est vrai que saint 
Paul affirme l'indifférence absolue des aliments, Rom., 
xiv, 14, 17, 20; I Cor., vm,8; x, 23, 25-27; Heb., xin, 9, 
et même déclare nuisibles toutes les prescriptions ali- 
mentaires. Col., il, 21; I Tim., iv, 3; Heb., ix, 10. 
Mais on sait qu'il subordonne l'usage des aliments à la 
question du scandale, ce qui, en somme, rentre dans la 
pensée de saint Jacques. Comme il ne s'agissait là que 
de préceptes mosaïques, l'obligation n'en persista pas 
longtemps, même dans les chrétientés les plus mélangées 
d'anciens Juifs, et la défense du sang cessa d'être en 
vigueur en même temps que les observances analogues. 
Cf. H. Coppieters, Le décret des Apôlres, dans la Re- 
vue biblique, 1907, p. 3i-58, 218-239. 

IH. Le sang dans les sacrifices. — 1° L'effusion du 
sang des victimes constituait la partie essentielle des 
sacrifices. Ce sang, représentant la vie, témoignait que 
la vie même était offerte et consacrée à Dieu. Après que 
la vietimeavait été égorgée, on portait son sang à l'au- 
tel et on le versait, de différentes manières, aux coins 
ou au pied de l'autel, d'où il s'écoulait par un conduit 
jusque dans le torrent du Cédron. Voir Sacrifice, 
col. 1324. Il servait encore à faire des aspersions, voir 
Aspersion, t. i, col. 1120, et des onctions. Voir Onc- 
tion, t. IV, col. 1806. Dans les cultes idolàtriques, on 
faisait aussi des libations de sang. Voir Libation, t. îv, 
col. 237. — 2° Il était interdit d'associer le sang d'une 
victime à du pain levé, parce que le levain ne pouvait 
jamais être offert à l'autel. Exod., xxm, 18; xxxiv, 25. 
Voir Levain, t. iv, col. 198. — 3° Quand le Seigneur 
veut rappeler que le sacrifice doit être avant tout accom- 
pagné de sentiments intérieurs, il fait dire :« Est-ee 
que je bois le sang des boucs? » Ps.l(xlix), 13. «Je ne 
prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et 
des boucs. i> Is., I, 11. Lorsque ces sentiments font 
défaut, une oblation équivaut à une offrande de sang de 
porc, c'est-à-dire de l'animal impur par excellence. 
Is., lxvi, 3. 

IV. Effusion du sang humain. — Dieu défend abso- 
lument de répandre le sang humain pour donner la 
mort à quelqu'un. Celui qui commet ce crime sera lui- 
même puni de mort. Dieu se charge même de deman- 
der compte à l'animal du sang de l'homme qu'il aura 
versé. Gen., IX, 5, 6; Exod., XX, 13. Voir HOMICIDE, 
t. m, col. 740. La transgression de ce précepte entraine 
différentes conséquences. 

1° La voix du sang. — Dieu dit à Caïn fratricide : 
« La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à 
moi. » Gen., iv, 10. Le sang humain répandu sur le 
sol atteste qu'une vie a été sacrifiée : Dieu le voit et sa 
justice doit intervenir, comme si le sang était un être 



1453 



SANG 



1454 



vivant qui s'adresse à lui pour réclamer vengeance. 
Quand les frères de Jo?eph sont traités d'espions en 
ÉgJ'Pte, Ruben leur dit, Gen.,xui,22, que c'est le sang 
de leur frère qui est réclamé. Job, xvi, 19, s'écrie : 
« terre, ne couvre point mon sang ! » Il signifie par 
là qu'il veut que Dieu puisse voir son sang, c'est-à-dire 
ses souffrances imméritées, et agir en conséquence. 
Pour marquer l'intervention de Dieu qui va châtier les 
ennemis de son peuple, Isaïe, xxvi, 21, dit que « la 
terre découvrira le sang qu'elle a bu et ne cachera 
plus ses tués. » Judas Machabée conjurait le Seigneur 
« d'écouter la voix du sang qui criait vers lui et de se 
souvenir du meurtre criminel des petits enfanls inno- 
cents. » II Mach., vin, 3. 

2° Les hommes de sang. — Moïse, après la cir- 
concision de son fils, est appelé par Séphora « époux 
de sang », bien qu'il ne fût nullement coupable et 
n'eût fait qu'obéir au Seigneur. Exod., iv, 25, 26. — 
Les véritables hommes de sang sont les méchants qui 
ne reculent pas devant l'homicide. Prov., i, 11, 16; 
xvi, 6; Ose., iv, 2; Sap., xn, 5; xiv, 25; etc. L'homme 
irascible n'hésite pas à verser le sang. Eccli., vin, 19; 
xxu, 30; xxvn, 16; xxvm, 13. Les nations versaient le 
sang comme l'eau. Ps. lxxix (lxxviii), 3. On a pu 
donner le nom de « ville de sang » à Ninive, Nah., 
m, 1, et même à Jérusalem, Ezech., xxu, 2-27; xxiv, 
6-9. Bâtir une ville dans le sang, c'est y faire régner la 
violence. Hab., il, 12. Galaad est une ville de mal- 
faiteurs remplie de traces de sang. Ose., vi, 8. La 
grande Babylone était ivre du sang des saints et des 
martyrs. Apoc., xvn, 6. Parfois les meurtres sont si 
nombreux que « les montagnes se fondent dans le 
sang, » Is., xxxiv, 3, « la terre s'enivre de sang, » Is., 
xxxiv, 7. Dieu menace d'arroser l'Egypte de son sang 
jusqu'aux montagnes. Ezech., xxxn, 6. Le sang des 
méchants sera répandu comme la poussière. Soph., 
i, 17. Les auteurs sacrés se plaignent souvent de l'effu- 
sion du sang innocent. I Reg., xix,5; xxv, 31; IV Reg., 
xxi, 16; xxiv, 4; Ps. xciv (xcm), 21; cvi (cv), 38; Is., 
lix, 7; Jer., vu, 6; xix, 4; xxm, 3, 17; xxvi, 15; Lam., 
iv, 13, Jo., m, 19; Jon., 1,14; I Mach., i, 39. — David 
est appelé « homme de sang » par Séméi, II Reg., xvi, 
7, 8, à cause du meurtre d'Urie. Comme il avait ré- 
pandu beaucoup de sang au cours de ses guerres, le 
Seigneur ne voulut pas qu'il entreprît la construction 
du Temple. I Par., xxu, 8; xxvm, 3. 

3° Le sang sur quelqu'un. — Si quelqu'un commet 
une imprudence grave qui expose sa vie, son sang est 
sur sa tête, c'est-à-dire qu'il est responsable de sa 
propre mort. Jos., it, 19. Il en est de même de celui 
qui se rend coupable d'une faute entraînant la mort, 
Ezech., xxxm, 4, et spécialement du meurtrier. Jud., 
ix, 24; II Reg., i, 16; III Reg., n, 32-37. - Le sang 
est dans les mains de celles qui commettent l'homicide 
en offrant leurs enfants à Moloch. Ezech., xxm, 37, 
45. — Le sang est sur une maison dont le propriétaire, 
pour n'avoir pas mis de balustrade à son toit, a été 
cause qu'un autre est tombé et s'est tué.Deut., xxu, 8. 
— Le sang est sur la maison de Saûl, à cause des vies 
que ce roi a sacrifiées. II Reg., xxi, 1. Il est sur ceux 
qui ont commis certains crimes et doivent les payer 
<îe leur vie. Lev., XX, 9-27; Prov., i, 18; Jer., li, 35; 
Ezech., xviii, 13; Ose., xn, 14. Si celui qui vole la nuit 
avec effraction est frappé à mort, il est coupable de son 
propre sang ; s'il est frappé de jour, celui qui le frappe 
est responsable. Exod., xxu, 2. — Le sang innocent 
versé depuis Abel jusqu'à Zacharie doit retomber sur les 
Juifs rebelles. Matth., xxm, 35. Eux-mêmes demandent 
que le sang du Sauveur retombe sur eux et sur leurs 
enfants, Matth., xxvn, 27, c'est-à-dire qu'ils prennent 
la responsabilité de la condamnation à mort qu'ils ré- 
clament. Le sanhédrin se plaint ensuite qu'on veuille 
Jàire retomber ce sang sur lui. Act., v, 28. A Corinlhe, 



saint Paul dit aux Juifs qui lui font opposition et vont 
ainsi au-devant du châtiment divin : « Que votre sang 
soit sur votre tête! » Act., xviii, 6. — On est innocent 
du sang de quelqu'un quand on se refuse à ratifier sa 
condamnation injuste. Daniel a raison de le faire au 
sujet de Susanne, Dan., xm, 46, mais Pilale n'a pas le 
droit de prétendre à cette innocence, puisque la con- 
damnation de Jésus ne dépend que de lui. Matth., 
xxvn, 24. Saint Paul est « pur du sang de tous », 
parce qu'il leur a prêché la vérité sans rien dissimuler. 
Act., xx, 26. 

4° Le vengeur du sang. — 1. Celui qui avait ré- 
pandu le sang devait s'attendre à voir répandre le sien 
et cette vengeance était exercée par le goël. Voir Goël, 
t. m, col. 262. Quand le meurtre était involontaire, le 
meurtrier se relirait dans une des villes de refuge, 
pour y échapper à la vengeance possible du goêl. 
Num., xxxv, 6-33; Deut., xix, 6-13; Jos., xx, 3-9. Si le 
meurtrier demeurait inconnu, les anciens de la ville 
la plus rapprochée du lieu du crime avaient à déclarer 
solennellement qu'ils n'avaient ni répandu ni vu ré- 
pandre le sang. Deut., xx, 3-9. Cf. II Reg., m, 27; iv, 
11; I Mach., ix, 38-41. — 2. Mais le plus souvent Dieu 
lui-même est le vengeur du sang auquel on fait appel 
et qui exerce lui-même la vengeance. Deut., xxxm, 43; 

I Reg., xxvi, 20; Judith, vm, 20; Job, xvi, 19; Ps. ix, 
13; lxxix (lxxviii), 10; Is., xlix, 26; Ezech., xiv, 19; 
xxxm, 6-8; xxxv, 6; Ose., i, 4; Luc, xi, 50, 51; Apoc, 
vi, 10; xvi, 3-6; xix, 2. 11 déteste l'homme de sang, 
Ps. v, 7, et ne le laisse pas vivre longtemps. Ps. lv 
(liv), 24; Prov., xxvm, 17, etc. — Dieu permet que 
les chiens lèchent le sang des meurtriers, II Reg., xxi, 
19; xxu, 38, et que les bêtes de toutes sortes boivent 
le sang de ses ennemis. Ezech., xxxix, 17-19. 

V. Locutions diverses. — 1» La chair et le sang. — 
Ce sont les deux parties principales qui composent le 
corps. Eccli., xiv, 19. La chair et le sang désignent 
donc la vie elle-même, avec ses instincts et ses pas- 
sions. Le méchant obéit à la chair et au sang. Eccli., 
xvii, 30. Cette locution désigne également la vie natu- 
relle, par opposition à ce qui vient de Dieu. La chair 
et le sang n'ont point révélé à Pierre la connaissance 
de la divinité du Sauveur. Matth., xvi, 17. Les vrais 
enfants de Dieu ne sont pas ceux qui sont nés du sang 
et de la volonté de la chair. Joa., i, 13. Saint Paul 
converti ne consulte ni la chair ni le sang pour annon- 
cer Jésus-Christ. Gai., 1, 16. Ni la chair ni le sang ne 
peuvent hériter du royaume de Dieu. I Cor., xv, 50. 
Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, 
c'est-à-dire contre des puissances purement naturelles,' 
mais contre les puissances infernales. Eph., vi, 12. 
Jésus-Christ a voulu avoir en partage le sang et la 
chair, c'est-à-dire la nature humaine. Heb., n, 14. 

2° La parenté. — Il est défendu de contracter union 
avec son sang, c'est-à-dire avec quelqu'un dont on est 
parent. Lev., xvm, 6. 

3° Le carnage. — Boire le sang de ses victimes, 
c'est exterminer ses ennemis. Num., xxm, 24. La 
signification est la même pour l'expression « laver ses 
pieds dans le sang » de ses adversaires. Ps. lviii (lvii), 

II ; lxviii. (lxvii), 24. David recommande à Salomon 
de faire descendre dans le sang au séjour des morts les 
cheveux blancs de Séméi, c'est-à-dire de le faire périr 
malgré son grand âge. III Reg., n, 9. — Les flèches, 
les épées abreuvées de sang indiquent le carnage qui 
a été exécuté ou le sera. Deut., xxxn, 14; IV Reg., m, 
23; Is., xxxiv, 6; Jer., xlvi, 10; xlviii, 10. — Les 
trente pièces d'argent de Judas étaient le « prix du 
sang », Matth., xxvn, 4-8, et le champ qu'elles ser- 
virent à acheter devint le « champ du sang ». Act., i, 
19. — Résister jusqu'au sang, c'est rester fidèle 
malgré les supplices et la menacé de la mort. Heb., 
xn, 4. 



4455 



SANG — SANGLIER 



1456 



4° Le sang dans les prodiges. — Sur l'eau du Nil 
changée en sang, Exod., îv, 9; vu, 17-21; Ps. lxxviii 
(lxxvii), 44; cv (civ), 29; Sap., xi, 7, voir Eau, t. n, 
col. 1520. Parmi les signes précurseurs de la grande 
manifestation divine, Joël, n, 80, 31, voit du sang et 
spécialement la lune changée en sang, c'est-à-dire pre- 
nant une couleur rougeâlre et lugubre. Saint Pierre 
applique cette prophétie à la manifestation divine de 
la Pentecôte. Act., Il, 19, 20. Saint Jean voit aussi la 
lune comme du sang, Apoc, vi,12, le tiers de la mer 
changée en sang, Apoc, vm, 8, et les deux envoyés de 
Dieu qui ont pouvoir sur les eaux pour les changer en 
sang. Apoc, xi, 6. 

5° Le sang de la vigne. — Le jus du raisin rouge 
prend métaphoriquement le nom de sang. Juda lave 
son vêtement dans le sang de la grappe, c'est-à-dire 
possède de beaux vignobles sur son territoire. Gen., 
xlix, 11. Du reste, tout Israël peut boire le sang de la 
grappe. Deut.,xxxii, 14. Dans les. libations liturgiques, 
le grand-prêtre répandait le sang de la grappe. Eccli., 
l, 16. — Potr exciter les éléphants au combat, on leur 
montrait du sang de raisin et de mûres, c'est-à-dire du 
jus rouge de ces deux fruits. I Mach., VI, 34. 

VI. Le sang de Jésus-Christ. — 1° Le Sauveur pro- 
met de donner son sang comme breuvage pour commu- 
niquer la vie. Joa., vi, 54-57. La veille de sa mort, il 
change en effet le vin en son sang. Matth., xxvi, 28; 
Marc, xiv, 24; Luc.,xxn, 20; I Cor., xi, 25. Ainsi le 
chrétien communie au vrai sang de Jésus-Christ. I Cor., 
x, 16; xi, 27. — 2° Ce sang, versé sur la croix, opère 
la rédemption et la purification des hommes. Par son 
sang, Jésus-Christ s'est acquis son Église. Act., xx, 28. 
Il s'est fait victime propitiatoire par son sang. Rom., 
m, 25. Par ce sang divin, nous sommes rachetés, Eph., 
1,7; Col., i, 14; Apoc, v, 9, purifiés, Heb., ix, 14; 
I Joa., i, 7; Apoc, i, 5; vu, 14; xxii, 14, justifiés, Rom., 
v, 9, sanctifiés, Heb., xm, 12, affranchis, I Pet., i, 19, 
rapprochés de Dieu, Eph., n, 13, victorieux de Satan, 
Apoc, xn, 11, et en possession de la paix. Col., i, 20. 

H. Lesêtre. 

SANGALLENSIS (CODEX), manuscrit de la 
bible préhiéronymienne, dont il reste dix-sept feuillets 
ou fragments de feuillets, recueillis dans un porte-, 
feuille (cod. 1394), à la suite des restes célèbres du 
Virgile, à la bibliothèque de l'ancienne abbaye de Saint- 
Gall. Le manuscrit auquel ces feuillets ont appartenu 
a été écrit au V e siècle. Ils contiennent des fragments 
de Matthieu, de Marc et de Jean. Le texte est un « texte 
européen ». Ces feuillets sont désignés dans l'appareil 
critique du Nouveau Testament par le sigle n. Là biblio- 
thèque urbaine, de Saint-Gall ou Bibliotheca Vadiana 
possède un feuillet provenant de ce même manuscrit 
du V e siècle et contenant Joa., xix, 28-42. On l'unit à n. 
Enfin le musée de l'évêque, à Coire, possède deux 
feuillets qui proviennent du même manuscrit et conte- 
nant Luc, xi, 11-29, et xm, 16-34. Ces feuillets sont 
désignés dans l'appareil critique par le sigle o 2 . Voir 
sur ces fragments Gregory, Prolegomena, p. 953, 961- 
962.Wordsworth, Old latin biblical Texts, n. n, Oxford, 
1886. J'ai signalé le premier que a 2 et n faisaient partie 
du même manuscrit, Noie sur un évangile de Saint- 
Gall, Paris, 1884, et publié le premier a-, dans la Revue 
archéologique, 1885, p. 305-321. 

P. Batiffol. 

SANGERMANENSIS (CODEX). - I. Ce manus- 
crit, l'un des manuscrits importants de la Bible préhié- 
ronymienne, appartient à la Bibliothèque nationale, à 
Paris, où il est coté ms. latin H553. Il provient de 
l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, où il portait 
(depuis 1744) le numéro 86, et antérieurement, lors 
des travaux des bénédictins qui le firent connaître, le 
numéro i5. De là vient qu'il est souvent dénommé 
Sangermanensis 15. Il mesure 390""" x 320 et compte 



189 feuillets, à deux colonnes. Il fut collationné pour la 
première fois par Robert Estienne, pour son édition 
de 1540. L'écriture du manuscrit paraît être de la pre- 
mière moitié du ix a siècle. Le manuscrit est d'origine 
française, peut-être de la région de Lyon. 

Le Sangermanensis n'est que le second tome d'une 
Bible Jatine complète. Robert Estienne, au xvi e siècle, 
avait entre les mains le tome i er , qu'il a collationné, 
et qui a été perdu depuis. — Le manuscrit s'ouvre par 
les «xantiques », celui de Moïse (Exod., xv, 7-19), celui 
d'Habacuc (Hab., m), celui d'Anne (I Reg., n, 1-10), 
celui d'Isaïe (Is., xxvi, 9-19), celui des trois enfants 
dans la fournaise (Dan., m, 26-90), ces cantiques repro- 
duits d'après le texte du psautier dit « romain ». Puis 
vient le livre des Proverbes, interrompu par la perte 
d'un cahier du manuscrit, qui reprend au chapitre x 
de la Sagesse. A la suite l'Ecclésiastique, les Chroniques, 
Esdras et Néhémie, Esther, Judith, ïobie, ce dernier 
incomplet de la fin, puis les Machabées, dont le premier 
livre est mutilé de ses treize premiers chapitres. Là 
finit l'Ancien Testament. M. Berger écrit de ces textes : 
« Tout ce que nous en avons vu est absolument espagnol, 
et dans le courant des textes qui viennent de Tolède 
et qui ont pénétré en France par la marche d'Espagne, 
la Septimanie et la vallée du Rhône. » Histoire de la 
Vulgate, Paris, 1893, p. 68. 

Le Nouveau Teslament comprend les quatre Évan- 
giles, les Actes, les épîtres catholiques, l'Apocalypse, les 
quatorze épîtres paulines, enfin le Pasteur d'Hermas 
(jusqu'à Vis., m, 8). On ne sait à quel moment le ma- 
nuscrit a perdu ses dernières pages. Le. texte des évan- 
giles est un texte mélangé sous l'influence d'un texte 
ancien en partie « européen », en partie « italien » : 
mais certaines leçons rappellent les textes « irlandais». 
Berger, op. cit., p. 69. Au contraire, le texte des épîtres 
catholiques est un texte de caractère espagnol ou langue- 
docien. lbid.,p.'10. — Sur le Codex Sangermanensis 15, 
ou gr 1 , on consultera J. Wordsworth, Old latinbiblicat 
Texts, n. j, Oxford, 1883; S. Berger, op. cit., p. 65-72, 
408; Gregory, Prolegomena, p. 958-959. 

IL Un autre manuscrit de Saint-Germain, g 2 , est le ma- 
nuscrit latin i3169 de la Bibliothèque nationale. Il por- 
tait à Saint-Germain le numéro 2. Il ne contient que 
les quatre Évangiles. Il mesure 215 mm X 140 et compte 
166 feuillets. Il est écrit en minuscule du ix e siècle. 
Le texte est un texte « irlandais ». S. Berger a établi que 
ce manuscrit était au Mans dès le milieu du XI e siècle. 
Berger, op. cit., p. 48, 408; Gregory, op. cit., p. 959. 

P. Batiffol. 

SANGLIER (hébreu : liâzir; Septante : jjiovipç; 
Vulgate : singularis), mammifère de l'ordre des bi- 
sulques ou fourchus et du sous-ordre des porcins. Le 
sanglier (fig. 294) diffère du porc, dont il partage le- 
nom en hébreu, par une tête plus allongée, des oreilles 
plus courtes, des défenses plus développées, des soies 
plus grosses, raides et d'un brun noirâtre. A l'âge de 
trois ou quatre ans, le sanglier va ordinairement seul, 
d'où son nom de solitaire en grec, en latin et en fran- 
çais. Il choisit pour bauges des endroits boisés et 
numides. Il s'y confine le jour et n'en sort que la nuit 
pour chercher sa nourriture. Celle-ci consiste en fruits, 
en graines, enracines, et au besoin, en petits animaux, 
jeunes lapins, levrauts, perdrix, etc. Le sanglier fouille 
le sol, comme le porc, mais en droite ligne et profon- 
dément. II est très farouche et très hardi dans le danger; 
aussi la chasse en est-elle particulièrement périlleuse. 
— Le sanglier n'est mentionné qu'une seule fois dans la 
Sainte Écriture. Israël, châtié par le Seigneur, est com- 
paré à une vigne que dévastent les passants, et « le san- 
glier de la forêt la dévore. » Ps. lxxx (lxxix), 14. Le 
sanglier se rencontre bien plus fréquemment en Pales- 
tine que cette unique allusion ne le donnerait à pen- 
ser. Il gite à proximité des rivières et des lacs, dans 



1457 



SANGLIER — SANGSUE 



1458 



des fourrés épais, où il ne pénètre qu'avec un fracas 
qui dénonce sa présence. De là, il sort la nuit, ravage 
les champs et les vignes et ruine souvent, pour toute 
une année, les espérances du cultivateur. Les sangliers 
se rencontrent nombreux sur les bords du Jourdain, de 
Jéricho au lac de Tibériade, près du lac Mérom, au 
Thabor, au Carmel, sur les rives du Cison, dans la 
plaine de Saron, dans le désert de Bersabée et dans 
les vallées de Moab et de Galaad. Près de Jéricho, ils 
pullulent dans les ravins humides et fournissent une 
abondante nourriture aux panthères. Cf. de Saulcy, 
Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. h, 
•p. 148. Voir t. iv, fig. 270, col. 1024, un bas-relief 
trouvé à Koyoundjik et représentant un sanglier avec 
ses petits au milieu des roseaux. « On rencontre fré- 
quemment ces animaux dans cette partie du Ghor où ils 
trouvent une nourriture abondante et des lagunes rem- 
plies de roseaux au milieu desquels ils peuvent se cacher 
facilement. Les Arabes regardent le sanglier comme 
impur, et à aucun prix ne voudraient le toucher de la 




294 



■ Le sanglier. 



main; cependant ils le chassent volontiers par simple 
amusement, pour faire courir, sauter leurs chevaux et 
pour s'exercer au maniement de leurs armes. Ils le 
tuent à coups de lance, et abandonnent ensuite sa 
carcasse aux hyènes, aux chacals et aux vautours. Au 
delà du lac de Tibériade, les Arabes des villages chré- 
tiens mangent sa chair sans répugnance. Ce cochon 
sauvage, sus scrofa, est de la même espèce que celui 
d'Europe, quoique sa taille soit peu considérable et la 
couleur de son poil beaucoup plus foncée. Il est aussi 
moins féroce, ne se retourne pas pour tenir tête à 
l'agresseur ou aux chiens, mais cherche surtout à fuir 
au plus vite. Ce fauve est très redouté des cultivateurs 
de Jéricho, car il fait de grands dégâts dans les champs 
et les vergers. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 466. Quand la crue du Jourdain chasse les san- 
gliers de leurs retraites, ils montent dans le haut pays 
et se cachent le jour dans les fourrés et dans les creux 
des rochers. Dans la région de l'Hermon, des sangliers 
énormes dévastent les champs des montagnards. 
Cf. Lortet, lbid., p. 649. Dans les districts vignobles, 
ils dévorent les raisins et ravagent complètement les 
vignes, quand on ne réussit pas à les surveiller et à les 
écarter. La chair du sanglier ressemble assez à celle 
du porc. Ces deux animaux étaient impurs pour les 
Hébreux. Ceux-ci ne les chassaient donc que pour la 
protection de leurs récoltes. Cf. Tristram, The natural 
History of Ihe Bible, Londres, 1889, p. 5i-56. 

L'extension exagérée qu'on a attribuée au totémisme 
a porté certains auteurs à voir dans le sanglier, type 
sauvage du porc domestique, le totem des anciens clans 
hébreux, c'est-à-dire l'animal avec lequel les premiers 
ancêtres de la race auraient contracté une sorte de pa- 
renté et qui, pour cette raison, serait devenu tabou ou 
prohibé pour les descendants. Cf. Comptes rendus de 



l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1900, 
1" juin-10 août; Revue biblique, 1901, p. 140-141 ; S. Rei- 
nach, Cultes, Mythes, Religions, Paris, 1906. L'influence 
du totémisme est loin d'avoir été aussi générale qu'on 
l'a prétendu et l'introduction d'une pareille observance 
chez les Hébreux est encore à prouver. Cf. Lagrange, 
Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p.110- 
HSjZapleta^-DerTotemismuswnd die Religionlsraels, 
Fribourg (Suisse), 1901; Ma r Le Roy, La religion des 
primitifs, Paris, 1909, p. 109-134. L'interdiction du 
porc peut tenir à plusieurs sortes de causes, en particu 
lier à l'hygiène. D'autre part, il est certain quele porc 
était une des victimes préférées en Babylonie et dans 
la Grèce antique. Les débris retrouvés dans le grand 
sanctuaire néolithique de Gazer étaient surtout des os de 
porc. Cf. Macalister, dans le Pales t. Explor. Fund, 
Quart, stalement, 1903, p. 321; 190i, p. 113; H. Vin- 
cent, Canaan, Paris, 1907, p. 188. C'est donc en Cha- 
naan même que le porc- était réservé aux sacrifices. 
N'était-ce pas une raison de plus pour que la loi mo- 
saïque proscrivît ce qui servait plus spécialement aux 
sacrifices idolâtriques des Chananéens ? L'hypothèse 
du totémisme est donc ici sans fondement. 

H. Lesêtre. 
SANGSUE (hébreu : 'âlùqâh; Septante : ëoé).).a; 
Vulgate : sanguisuga), annélide suceur, de l'ordre des 
abranches ou sans branchies, et de la famille des hiru- 
dinées ou bdellaires. — La sangsue commune a le 
corps plissé transversalement et formé de 94 anneaux 
marqués de taches noires et pourvus de pores qu'on 
regarde comme des organes respiratoires. Aux deux 
extrémités du corps, deux cavités contractiles permettent 
à l'animal d'adhérer fortement aux objets. Cette faculté 
d'adhérence a valu à la sangsue son nom hébreu, qui 
vient de 'âlaq, « adhérer ». Dans la cavité antérieure 
se trouve la bouche, armée de trois petites lancettes 
dentées comme des scies, à l'aide desquelles la sangsue 
pique la peau des animaux pour pouvoir ensuite sucer ■ 
leur sang. De ce sang, elle remplit successivement les 
diverses cavités d'un estomac qui occupe presque les 
deux tiers de la longueur de son corps (fig. 295). La 
sangsue est extrêmement vorace ; on connaît des espèces 
qui se gorgent d'une quantité de sang égale au poids 
de leur corps. Quant elle est gorgée, elle se laisse choir 
d'elle-même et met des semaines ou des mois à digérer 
son repas. Le contact d'un peu de sel lui fait lâcher sa 
proie. Autrement, le mot d'Horace, De art. poet., 476, 
se vérifie : • 

Non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo. 

Il existe un grand nombre d'espèces de sangsues, 
vivant aux dépens des poissons, des crustacés, des 
mollusques. Les plus connues s'attaquent à l'homme et 
aux mammifères. Elles ne sont pas toutes aquatiques. 
Dans les régions chaudes vivent, au milieu des brous- 
sailles, des sangsues qui s'en prennent au voyageur et 
au cheval qui le porte, et les sucent l'un et l'autre, sou- 
vent sans qu'ils s'en aperçoivent. Les sangsues aqua- 
tiques sont cependant plus communes. A part quelques 
exceptions, les accidents qu'elles causent sont peu à 
redouter. Cf. Van Beneden, Les commensaux et les 
parasites dans le règne animal,Yar\s, 1883, p. 1C2-105. 
Toutefois, ces accidents peuvent devenir graves quand 
l'animal s'introduit dans un organe. Lortet, La Syrie 
d'aujourd'hui, Paris 1884, p. 470, dit à propos de la 
source Aîn-el-Haoud, située entre Jéricho et Jérusalem : 
« L'eau, assez fraîche et bonne,... tombe dans uneauge 
oblongue, où il ne faut boire qu'avec beaucoup de pré- 
cautions, car elle est pleine de sangsues fines comme 
des cheveux, presque incolores et que l'on est exposé à 
avaler avec la plus grande facilité. Ces annélides 
(hsemopis sanguisuga) se fixent alors dans l'arrière- 
gorge, où elles amènent, en se gonflant, et par la perte 



1459 



SANGSUE 



SANHÉDRIN 



1460 



de sang qu'elles occasionnent, les accidents les plus 
sérieux. Les malades périssent quelquefois suffoqués 
brusquement lorsque ces animaux se lisent sur les 
cordes vocales, ou bien la mort arrive lentement, accom- 
pagnée de symptômes d'une anémie grave. «Maimonide, 
Hilcoth Schabbath, II, 6, rapporte que si quelqu'un 
avait avalé unç sangsue, on faisait chauffer de l'eau, 
même le jour du sabbat, et on lui donnait les soins 
nécessaires, parce que sa vie était en danger. Il y a des 
sangsues dans la fontaine de Cana en Galilée et l'on 
entretient une grosse anguille pour s'en débarrasser. 
L'hœmopis sanguisuga est très abondante dans les eaux 
stagnantes de Palestine. Elle se fixe dans les narines 
ou dans la bouche avec une ténacité telle que souvent 
elle se laisse déchirer en deux plutôt que de se déta- 
cher. Elle cause assez grande douleur et fait perdre 
beaucoup de sang, h'hirudo medicinalis se rencontre 
encore plus fréquemment. Il est difficile de ramasser 
une pierre dans les petits cours d'eau sans trouver deux 
ou trois sangsues adhérentes au-dessous. D'autres 
sangsues appartiennent aux genres bdella et trochetia. 
Cf. TYistram, The natural History of the Bible, 
Londres, 1889, p. 289, 3C0. — 11 n'est question de la 




295. — La sangsue. 

sangsue que dans les Proverbes, xxx, 15 : « La sangsue 
a deux filles, hab ! hab ! donne, donne. » Elle est le 
type des choses insatiables qui ne disent jamais : assez ! 
comme le séjour des morts, le sein stérile, la terre 
desséchée et le feu. Les filles de la sangsue, hab! hab! 
sont ainsi appelées par métaphore; elles représentent 
les instincts insatiables de l'animal. — Plusieurs 
commentateurs ont pensé que le mot 'âlûqàh pouvait 
désigner, d'après l'arabe, le destin ou la Parque, ou 
encore une sorte de vampire suceur de sang, comme 
le ghul des Arabes, la Lilith des Juifs (t. iv, col. 254), 
les démons suceurs de sang du Zohar, H, 248, 264, etc. 
Ces identifications ne sont pas justifiées. Les versions 
ont presque toutes reconnu dans 'âlûqâh le nom de la 
sangsue et il n'est pas admissible que l'auteur sacré ait 
associé un être purement chimérique aux quatre êtres 
réels qu'il énumère ensuite. Cf. Rosenmiiller, Prover- 
bia, Leipzig, 1829, p. 701-703. H. Lesêtre. 

SANHÉDRIN (grec : auvlêpiov ; "Vulgate : roncilium), 
grand conseil des Juifs. — 1° Son origine. — Les doc- 
teurs juifs ont prétendu faire remonter l'origine du san- 
hédrin à Moïse lui-même, lorsqu'il institua un conseil 
de soixante-dix anciens. Num., xi, 16. L'histoire ne 
fournit pas le moindre document qui puisse justifier 
cette prétention. L'institution des anciens n'a nullement 
le caractère et les attributions qui appartiennent au 
sanhédrin. Le tribunal établi plus tard à Jérusalem 
par Josaphat, II Par., xix, 8, n'a que des pouvoirs judi- 
ciaires, comme d'ailleurs les anciens tribunaux men- 
tionnés dans le Deutéronome, xvn, 8-10; xix, 16-18. 
C'est après l'exil, à l'époque de la domination perse, 
que le sanhédrin fut institué. Régis par un pouvoir qui 
leur était étranger, les Juifs cherchèrent naturellement 
à posséder chez eux une autorité capable de les gou- 
verner de plus près, avec le plus de pouvoir possible, 
sans pourtant porter trop gravement ombrage à la 
puissance souveraine. Sous Esdras, cette. autorité fut 
exercée par des anciens, I Esd., v, 5, 9; vi, 7, 14; x, 8, 



et, sous Néhémie, par des hôrim ou « nobles » et des 
segânîm ou « chefs ». II Esd., u, 16; iv, 8, 13; v, 7; 
vu, 5. Comme ceux qui ramenèrent les captifs étaient 
au nombre de douze, I Esd., n, 2; II Esd., vu, 7, il est 
possible que ce nombre ait été celui des membres du 
premier grand conseil. Il est évident que, dans ces 
premiers temps, le conseil de la nation, encore en 
formation, ne possédait pas l'organisation qu'il eut 
dans la suite. Néanmoins il se composait déjà des prin- 
cipaux chefs de famille, tant prêtres que laïques, qui 
tiraient leur autorité de leur situation même ; il consti- 
tuait ainsi une sorte de sénat aristocratique. A l'époque 
grecque, Josèphe, Ant. jûd., XII, m, 3, donne en effet 
à ce corps le nom de ■j-epovai'oe, « assemblée de vieil- 
lards », sénat. Comme, à cette époque, le grand conseil 
juif fonctionne normalement, on est en droit de con- 
clure que son institution remontait en réalité au temps 
de la domination perse, et que cette institution avait 
eu pour cause, non un acte de l'autorité- supérieure, 
mais la nécessité créée par les circonstances. 

2» Son histoire. — 1. Josèphe mentionne pour la pre- 
mière fois la Ytpovaia. à l'époque d'Antiochus le Grand. 
Les rois grecs laissaient, aux peuples sur lesquels s'exer- 
çait leur suzeraineté, une assez grande liberté de gou- 
vernement. Us n'exigeaient guère que le paiement des 
impôts et la reconnaissance de leur autorité souve- 
raine. A la faveur de cette situation, le grand-prêtre, 
d'une part, et le sanhédrin, de l'autre, tirent rentrer 
dans leurs attributions toutes les questions d'ordre 
civil et religieux dont se désintéressait le souverain. 
Quand les princes Asmonéens eurent reconstitué l'au- 
tonomie de la nation, et que le pouvoir royal et le 
pouvoir sacerdotal se confondirent dans la même per- 
sonne, l'action du sanhédrin se trouva naturellement 
amoindrie. Cependant, on voit mentionnés sous Judas 
Machabée le « sénat », Y£pou<rîa, senatus, II Mach., I, 
10; xi, 27, les « anciens », II Mach., iv, 44, et « les 
anciens du peuple », I Mach., vu, 33, appellations qui 
ont la même signification; sous Jonathas « les anciens 
d'Israël », I Mach., XI, 23, « le sénat de la nation », 
I Mach., xu, 6, « les anciens du peuple », I Mach., xn, 
35; sous Simon « les anciens », I Mach., xni, 36; xiv, 
20, « les princes de la nation et les anciens du pays », 

I Mach., xiv, 28, Même sous le régime autocratique 
d'Alexandre Jannée et d'Alexandra, il est encore ques- 
tion des « anciens des Juifs». Josèphe, Ant. jud., XIII, 
xvi, 5. 

2. Après la conquête dé Pompée, le grand-prêtre 
redevient le chef de la nation, Josèphe, Ant. jud., 
XX, x, et le conseil des anciens reprend son rôle. Le 
proconsul Gabinius divise le pays en cinq districts, 
avec des ouvéopia à Jérusalem, à Gadara, à Jéricho, à 
Amathonte et à Sapphora. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 
4. Ces conseils n'ont que des pouvoirs juridiques. Cette 
organisation ne dura qu'une dizaine d'années, de 57 à 
47 av. J.-C. En 47, César nomme Hyrcan II ethnarque 
des Juifs, et le conseil de Jérusalem, qui apparaît alors 
avec son nom définitif de o-uvéSpiov, exerce sa juridic- 
tion sur tout le pays. Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5. 

II devient dès ce moment le tribunal par excellence, la 
bêt din, « maison de jugement ». 

3. Hérode le Grand commence par mettre à mort, 
sinon tous les membres du sanhédrin, Josèphe, Ant. 
jud., XIV, ix, 4, du moins quarante-cinq partisans 
d'Antigone. Josèphe, Ant. jud., XV, i, 2. Il veut ainsi 
se débarasser de ceux des nobles qui pourraient lui 
faire opposition. Il laisse néanmoins subsister l'institu- 
tion, en y installant ses créatures; c'est au sanhédrin 
qu'il défère des lettres compromettantes pour le vieil 
Hyrcan, qu'il fait ensuite massacrer. Josèphe, Ant. jud., 
XV, vi, 2. Sous Archélaûs, le pouvoir du sanhédrin ne 
s'étend qu'aux provinces laissées sous la juridiction 
du prince, la Judée et la Samarie. 



1461 



SANHÉDRIN 



1462 



4. Sous le régime des procurateurs, le sanhédrin 
élargit sa sphère d'action et augmente ses pouvoirs. 
Josèphe, Ant. jud., XX, x, dit qu'alors « l'aristocratie 
administre et le gouvernement de la nation est confié 
aux pontifes. » Au temps de Notre-Seigneur, le sanhé- 
drin de Jérusalem est fréquemment mentionné comme 
la haute cour de justice de la nation et la plus puissante 
autorité du pays. Matth., v, 22; xxvi, 59; Marc, xiv, 
55; xv, 1; Luc, xxn, 66; Joa., xi, 47; Act., iv, 15; v, 
21 ; VI, 12; xxir, 30; xxm, 1 ; xxiv, 20. Il est quelquefois 
appelé irpe<7?uT£piov, « assemblée des anciens », Luc, 
xxn, 66; Act., xxn, 5, et -it^oxxjla, « sénat >>. Act., v, 21. 
Un des membres du sanhédrin, Joseph d'Arimathie, 
est désigné sous le nom de fJouXEurr,!:, Marc, xv, 43; 
Luc, xxm, 50, c'est-à-dire membre de la JJouXtj ou 
« conseil », nom qui est donné par Josèphe au sanhé- 
drin, conjointement avec ceux de u-jviSptov et de tô 
xoivrfv, « l'assemblée ». Cf. Bell, jud., II, xv, 6; Ant. 
jud., XX, ix, 1; Vit., 12, 13, 38, etc. Dans la Mischna, 
le sanhédrin est appelé bët dîn hag-gâdôl, « grand 
tribunal », Sota, i, 4; ix, 1; Sanhédrin, xi, 2, 4, 
sanhédrin gedôlâh, « grand sanhédrin », Sanhédrin, 
i, 6; Middoth, v, 4, sanhédrin Sél sib'im ve'éhàd, 
« sanhédrin des soixante et onze », Schebuolh, n, 2, ou 
simplement sanhédrin. Sota, ix, 11; Kidduschin, iv,5; 
Sanhédrin, iv, 3. 

5. Après la ruine de Jérusalem, le sanhédrin sombre 
dans le désastre de la nation. Il se reconstitue bien 
une bel din à Jabné, mais ce tribunal ne rend plus 
que des décisions théoriques et l'autorité qu'il s'arroge 
ne fait pas qu'il soit la continuation effective du sanhé- 
drin disparu. 

3° Sa composition. — Primitivement recruté dans 
l'aristocratie sacerdotale et laïque, le sanhédrin dut 
peu à peu ouvrir ses rangs aux pharisiens, surtout 
quand les derniers princes Asmonéens et Hérode cher- 
chèrent du côté de ces derniers un contre-poids à 
l'influence des nobles. C'est ainsi qu'à l'époque romaine 
le sanhédrin se composait de deux éléments, la noblesse 
sacerdotale qui était sadducéenne et les docteurs de 
la loi pharisiens. Le sanhédrin comptait soixante et 
onze membres. Sanhédrin, 1, 6; Schebuolh, H, 2. Le 
nombre de 70, consacré par Moïse, Num., xi, 16, parais- 
sait communément admis pour la composition d'un tri- 
bunal important. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvm, 6; xx, 
5; IV, v, 4; Vit., 11. Le grand-prêtre était le soixante et 
onzième membre du sanhédrin. — On n'a pas de ren- 
seignements sur la manière dont se recrutait le sanhé- 
drin. Son caractère aristocratique donne à penser qu'on 
n'y entrait pas par élection populaire. Les membres 
devaient être nommés soit directement par l'autorité 
politique, soit par les autres membres déjà en fonction. 
On était vraisemblablement nommé à vie. Le nouvel 
élu recevait le droit de siéger par le rite de la semîkâh, 
ou imposition des mains. Sanhédrin, iv, 4. — On voit 
par le Nouveau Testament et les écrits de Josèphe que 
le sanhédrin comprenait trois ordres : les grands- 
prêtres, les scribes et les anciens. Matth., xxvn, 41; 
Marc, xi, 27 ; xiv, 44, 53; xv, 1, etc. Les grands-prêtres, 
àp^tepetç, appelés aussi ap^ov-rsç, Act., iv, 5, 8, tiennent 
ordinairement le premier rang. Sous ce nom sont com- 
pris les grands-prêtres en fonction, les anciens grands- 
prêtres, leurs parents et les princes ou chefs des prin- 
cipales familles sacerdotales. Viennent ensuite les 
scribes, YP a ft J - a "S'Ç> <ï u i, à raison de leur science, 
exerçaient une grande influence dans le sanhédrin. Le 
troisième ordre se composait des anciens, lupsaS-yrepoi, 
tant prêtres que laïques, que leur situation de famille 
on leurs aptitudes ne rangeaient pas dans les deux 
premiers ordres. Les princes des prêtres appartenaient 
surtout à la secte des sadducéens, les scribes à celle 
des pharisiens. Les deux partis opposés siégeaient donc 
ensemble au sanhédrin, Act., iv, 1; v, 17, 34; xxm, 



6; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1; Bell, jud., II, xvn, 3; 
Vit., 38, 39, mais les pharisiens y exerçaient une in- 
fluencé prépondérante et le peuple n'eût pas permis 
aux sadducéeens de s'écarter de l'avis des premiers. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4. 

4° Son organisation. — Josèphe, Ant. jud., XX, vm, 
11, parle d'une ambassade juive envoyée à Néron, sous 
le procurateur Festus, et composée des dix principaux, 
du grand-prêtre Ismaël et du trésorier Helcias. Or, les 
« dix principaux » sont assez souvent mentionnés dans 
les assemblées helléniques. Cf. Diodore de Sicile, 
XXXIII, v, 2; Justin, XVIII, vi, 1. La Mischna, Yoma, 
I, 1, parle aussi de itpôeSpot, « présidents » de la 
chambre de justice, comme on en trouvait dans cer- 
taines villes grecques. Ceci montre que l'organisation 
du sanhédrin avait été en partie inspirée par celle des 
assemblées helléniques. — Une tradition juive tardive, 
qui ne veut voir dans le sanhédrin qu'une assemblée 
de docteurs de la loi, suppose que la présidence était 
régulièrement attribuée aux principaux docteurs phari- 
siens. Chagiga, n, 2. Mais on est obligé de conclure, 
d'après le Nouveau Testament et Josèphe, que le 
grand-prêtre présidait ordinairement le sanhédrin. Au 
temps de Notre-Seigneur, le grand-prêtre Caïphe pré- 
side, Matth., xxvi, 3, 57; au temps de saint Paul, c'est 
le grand-prêtre Ananie, Act., xxm, 2 ; xxiv, 1 ; toujours 
le grand-prêtre a le premier rang. Act., v, 17; vil, 1 ; 
ix, 1 ; xxn, 5; xxm, 2, 4; xxiv, 1. On constate la même 
chose dans Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 14; XX, x; 
Cont. Apion., n, 23, etc. Trois passages semblent 
cependant faire difficulté. Anne est nommé avant Caïphe, 
comme s'il était le président, Luc, m, 2; Act., lv, 6, 
et c'est devant lui tout d'abord que comparait Jésus. 
Joa., xvm, 13-24. Mais il n'y a là qu'une sorte de pré- 
séance d'honneur, qui s'explique par la grande situa- 
tion qu'Anne possédait encore après avoir quitté le 
pontificat et l'avoir vu passer aux mains de ses tils et 
de son gendre. En fait, Caïphe exerce le premier rôle 
dans les circonstances officielles. Joa., xvm, 24, 28; 
Matth., xxvi, 57-66. Quant aux docteurs dont la tradi- 
tion rabbinique voudrait faire des présidents du san- 
hédrin, ils n'apparaissent que comme de simples mem- 
bres de celte assemblée. Ainsi en est-il de Schemaia, 
Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5, de Gamaliel, Act., v, 
34, et de Simon, fils de Gamaliel. Josèphe, Vit., 38- 
39. — Les autorités qui sont à la tête du sanhédrin 
portent dans la Mischna les noms de nasT, « prince », 
Taanilh, u, 1; Nedarim, v, 5; Horayolh, n, 5-7; etc., 
et de y ab bê( dîn, « père de la maison du jugement >>, 
Taanith, II, 1; Eduyoth, v, 6, ou rô'S bê( din, « chef 
de la maison du jugement ». Rosch haschana, n, 7; iv, 
4. Le premier titre désignait en réalité le chef du peu- 
ple, le roi, Horayolh, m, 3, elles deux autres le pré- 
sident du sanhédrin. Ce fut seulement à la fin du se- 
cond siècle après J.-C. qu'on attribua le premier titre 
au président du sanhédrin, en réservant les deux 
autres au vice-président. Le titre de mûflâh, Horayolh, 
I, 4, ne désignait pas un dignitaire, mais seulement le 
« plus éminent » dans la science de la loi. 

5» Ses attributions. — La compétence du sanhédrin, 
au temps de Notre-Seigneur, ne s'étendait qu'aux onze 
toparchies dont se composait la Judée proprement dite. 
La Galilée n'en faisant point partie, le Sauveur échap- 
pait à la juridiction du sanhédrin tant qu'il demeurait 
dans cette province. En fait, le sanhédrin exerçait une 
autorité, volontairement reconnue, sur toutes les com- 
munautés juives de l'univers. Ainsi il pouvait faire 
appréhender des chrétiens même à Damas. Act., ix, 2; 
xxii, 5; xxvi, 12. Cependant son pouvoir direct ne 
s'étendait pas au delà de la Judée. — Ce pouvoir 
s'exerçait sur les choses d'ordre spirituel et religieux 
et sur toutes celles qui intéressaient le judaïsme et 
dont l'autorité romaine abandonnait le souci. Le san- 



1463 



SANHEDRIN 



1464 



hédrin rendait des décisions juridiques et prenait des 
mesures administratives, quand les tribunaux locaux 
d'ordre inférieur n'intervenaient pas ou quand le pro- 
curateur romain n'évoquait pas l'affaire à son prétoire. 
Il n'était pas un tribunal d'appel, revisant les arrêts 
des tribunaux inférieurs; mais il décidait dans les cas 
qui lui étaient spécialement réservés et se rapportaient 
à la loi juive. Josèphe, Anl. jud., IV, vin, 14; San- 
hédrin, xi, 2. Les juges des tribunaux inférieurs étaient 
obligés, sous peine de mort, de s'en tenir à ses déci- 
sions. Au sanhédrin ressortissaient tout ce qui concer- 
nait la pratique de l'idolâtrie dans une tribu, la cause 



sanhédrin connaissait donc des causes civiles en se 
conformant au droit juif, et des causes criminelles dans 
une certaine mesure. Il avait sa police, voir Police, 
t. v, col. 503, et ses agents d'exécution. Matth., XXVI, 
47; Marc, xiv, 43; Act., iv, 3; v, 17, 18. Il décidait 
sans appel quand l'arrêt ne comportait pas la peine 
capitale. Act., iv, 5-23; v, 21-40. Il ne pouvait con- 
damner à mort sans l'approbation du procurateur. 
Joa., xvm, 31. Le procès de Notre-Seigneur en est une 
preuve éclatante. CX.Jer. Sanhédrin, i, 1, fol. 18 a; vu, 
2, 24 b. La lapidation de saint Etienne fut le résultat 
d'un abus de juridiction ou d'un emportement popu- 



* * "»■ *" " b j. — ^ _ _ — — <■ 



> t 



^ . * 



*■• * ■•*■. 



11 




\ 






s 


\ 1 




1 


J 


\ 


1 


L 




,1 








l 
* 
* 




\ 


h 


1 





296. — Le gland sanhédrin. D'après Lamy. 



du faux prophète, celle du grand-prêtre, l'entreprise 
d'une guerre offensive, l'agrandissement de la ville ou 
des parvis du Temple, l'établissement de tribunaux 
pour les tribus, le jugement d'une ville tombée dans 
l'idolâtrie. Sanhédrin, 1, 5; u, 4. Le grand-prêtre pouvait 
être jugé par le sanhédrin, mais non le roi. Sanhédrin, 
II, 1, 2. Du reste, la plupart des causes indiquées n'ap- 
partenaient au sanhédrin que théoriquement. En bien 
des cas, il n'était pas en son pouvoir d'exercer la juri- 
diction qu'il s'attribuait. On le voit cependant pour- 
suivre Jésus-Christ comme blasphémateur, Matth., xxvi, 
65; Joa., xix, 7, saint Pierre et saint Jean comme faux 
prophètes et séducteurs, Act., iv, 2-21; v, 17, 18, saint 
Etienne comme blasphémateur, Act., vi, 13, saint 
Paul comme transgresseur de la loi. Act., xxm, 6. — 
Malgré les limites qu'imposait à la juridiction du san- 
hédrin le régime des procurateurs romains, le tribunal 
juif jouissait encore d'une autonomie assez grande, 
d'autant que les Juifs patriotes faisaient profession de 
préférer sa juridiction à celle du pouvoir étranger. Le 



laire. Act., vu, 58. Le procurateur pouvait à son gré 
suivre le droit romain ou le droit juif. En condamnant 
Notre-Seigneur, Pilate céda officiellement au droit juif. 
Joa., xix, 7. C'est encore en vertu du droit juif que la 
peine de mort était portée contre tout gentil qui fran- 
chissait l'enceinte intérieure du Temple. VoirPÉRiBOLE, 
t. v, col. 142. Mais, même en ce cas, la peine n'était 
infligée qu'avec le consentement du procurateur. L'agré- 
ment de ce dernier n'était pas nécessaire pour que le 
sanhédrin se réunit, ni pour qu'il exécutât les autres 
sentences qui rentraient dans les limites de sa com- 
pétence. Néanmoins le procurateur et même le tribun 
de Jérusalem s'interposaient pour faire échec au droit 
juif, quand ils le jugeaient nécessaire. Act., xxn, 30; 
xxm, 15, 20, 28. 

6° Ses réunions. — On sait que les tribunaux locaux 
tenaient leurs séances le second et le cinquième jour 
de la semaine, soit le lundi et le jeudi, Kethuboth, i, 1, 
mais on ignore si le sanhédrin suivait la même règle. 
On ne pouvait juger ni les jours de fête, ni le jour du 



1465 



SANHEDRIN — SANTAL 



1466 



sabbat. Beza, v, 2. Gomme un jugement capital ne 
pouvait êlre prononcé qu'un jour après les débats, on 
ne devait pas entamer de pareilles causes la veille du 
sabbat ou d'un jour de fête. Sanhédrin, IV, 1. — Sur 
le lieu des réunions, voir Jugement, t. m, col. 1843. 

7° Sa procédure. — Les membres du sanhédrin sié- 
geaient en demi-cercle et pouvaient se voir les uns les 
autres (fig. 296). Deux greffiers se tenaient devant eux, 
l'un à droite, l'autre à gauche, afin de noter ce qui 
était dit pour ou contre. Sanhédrin, iv, 3. Les disciples 
des docteurs s'asseyaient en avant sur trois rangs, 
chacun à une place déterminée. Sanhédrin, îv, 4. 
L'accusé devait comparaître avec une humble conte- 
nance et des vêtements de deuil. Josèphe, Ant. jud., 
XIV, IX, 4. Cf. Zach., in, 3. Dans les causes capitales, 
certaines formalités étaient de rigueur. On présentait 
d'abord les charges contre l'accusé. Celui qui commen- 
çait à parler en sa faveur ne pouvait plus ensuite parler 
contre. Les disciples présents ne pouvaient donner 
leur avis que s'il était favorable. L'acquittement se pro- 
nonçait le jour même, la condamnation le lendemain 
seulement. On se levait pour exprimer son suffrage, en 
commençant par les plus jeunes membres du sanhé- 
drin, tandis que d'ordinaire les plus dignes parlaient 
les premiers. Pour acquitter, une simple majorité suf- 
fisait; pour condamner, il fallait une pluralité de deux 
voix. Ainsi, sur 23 juges, 12 voix suffisaient pour acquit- 
ter. Si elles condamnaient, on ajoutait deux juges et 
on recommençait les suffrages jusqu'à acquittement 
ou condamation avec les deux voix de pluralité néces- 
saires. On pouvait aller ainsi jusqu'à faire intervenir 
les 71 membres du sanhédrin. Voir Jugement, t. m, 
col. 1845. Cf. Sanhédrin, IV, 1, 2; v, 4, 5. Dans la 
Mischna, le traité Sanhédrin s'occupe de ce qui con- 
cerne cette assemblée et la justice criminelle. 

8° Le sanhédrin qui a jugé Jésus-Christ. — On 
ne connaît pas les 71 membres du sanhédrin devant 
lequel comparut le Sauveur. Cependant l'histoire a 
gardé le nom d'une quarantaine d'entre eux. Ce sont 
les suivants : 1. Ordre des grands-prêtres : Caïphe, 
gendre d'Anne et grand-prêtre en exercice. Voir Caïphe. 
t. il, col. 44. — Anne, ex-grand-prêtre (7-11). Voir Anne, 
t. i, col. 630. — Éléazar, tils aîné d'Anne et ex-grand- 
prêtre (23-24). — Jonathas, fils d'Anne, futur grand- 
prêtre après Caïphe (37). — Théophile, fils d'Anne, futur 
grand-prêtre après Jonathas (38-42). — Mathias, fils 
d'Anne,futur grand-prêtre (42-44). — Ananie, fils d'Anne, 
futurgrand-prêtre (63).— Joazar, ex-grand-prêtre (4 avant 
J.-C. - 2 après J.-C), fils de Simon Boëthus. —Éléazar, 
ex-grand-prêtre (2), second fils de Simon Boëthus. — 
Simon Canthère, troisième fils de Simon Boëthus, 
futur grand-prêtre (42). — Josué, fils de Séé, ex-grand- 
prétre (2-4). — Ismaël, fils de Phabi, ex-grand-prêtre 
(15-16). — Simon, fils deKamith, ex-grand-prêtre (17-18), 

— Jean, simple prêtre. Act., iv, 6. — Alexandre, 
simple prêtre. Act., iv, 6. — Ananie, fils de Nébédée, 
futur grand-prêtre (47-52). — Helcias, simple prêtre, 
trésorier. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, vin, 11. — Scéva, 
simple prêtre. Act., xix, 13, 14. On voit que, dans cet 
ordre, les fils et parents des grands-prêtres occupaient 
une grande place. 

2. Ordre des scribes : Gamaliel, Act., v, 34-39. Voir 
Gamaliel, t. m, col. 102. — Siméon, fils de Gamaliel. 
Cf. Jer. Berachoth, fol. 66. — Onkélos, disciple de 
Gamaliel. Cf. Baba balhra, t. 1346; Sukka, fol. 286. 

— Jonathas, fils d'Uziel. Cf. Sukka, f. 28 b. — Samuel 
le Petit. Cf. Berachoth, f. 28 6. — Chanania, fils de 
Chiskia. Cf. Chagigah, n, 13. — Ismaël, fils d'Éliza. 
Ct.AbodaZara, 1. — R. Zadok. Cf. Schabbath,xxiV, 5. — 
Jochanan, fils de Zachaî. Cf. Rosch haschana, f. 20 o; 
31a; Sota, ix,9; Sukka, 286. — Abba Saul. Cf. Kidda, 
m, 24a. — R. Chanania. Cf. Abolh, m, 2. — R. Éléazar, 
fils de Parla. Cf. Gitlin, ni, 4. — R. Nachum Halbalar, 



Cf. Peah, ii, 6. — R. Siméon Hammispa. Cf. Peah, n, 6. 

3. Ordre des anciens : Joseph D'Arimathie, Luc, 
xxii, 50. Voir Joseph d'ARiMATHiE, t. m, col. 1674. — 
Nicodème, Joa., m, 1-10; vu, 50-52. Voir Nicodème, 
t. iv, col. 1614. — Ben Calba Scheboua. Cf. Gitlin, v, 
f. 56 6. — Ben Tsitsit Haccassat. Cf. Gitlin, v, 56 6. 
Ces trois derniers personnages étaient les plus riches 
de Jérusalem. — Simon (?). Cf. Josèphe, Ant. jud., 
XIX, vu, 4. — Doras (?). Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, 
vm, 5. — Jean, fils de Jean, Dorothée, fils de Nathanaël, 
Tryphon, fils de Theudion, Cornélius, fils de Céron, 
tous quatre envoyés en ambassade à l'empereur Claude, 
en 44, et, à raison de cette mission, probablement 
membres du sanhédrin. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, I, 
1,2. 

Ces personnages formaient plus de la moitié du san- 
hédrin. Sauf Joseph d'Arimathie, Nicodème et peut- 
être Gamaliel, ils étaient sceptiques, orgueilleux et 
cupides, comme les grands-prêtres, ou fanatiques de 
leur loi et infatués de leur science, comme les scribes. 
Notre-Seigneur ne pouvait donc trouver parmi eux que 
des ennemis qui le condamnaient d'avance. Cf. Lémann, 
Valeur de l'assemblée qui prononça la peine de mort 
contre J.-C, Paris, 1876, p. 20-44. — Sur les tribunaux 
locaux, appelés quelquefois sanhédrins, voir Juge, t. m, 
col. 1835-1836. — Sur le sanhédrin, voir Maimonide. 
De sanhedriis et pœnis, édit. Houting, en hébreu et en 
latin, Amsterdam, 1695; Selden, De synedriis et prse- 
fecturis juridicis veterum Ebrœorum , Londres, 1650; 
Ugolini, Thésaurus antiquitatum , t. xxv, Paris, 1762, 
p. H, cccxxxix; Dupin, Jésus devant Caïphe et Pilate, 
Bruxelles, 1829; J. M. Rabbinowicz, Législation crimi- 
nelle du Talmud, Paris, 1826; Id., Législation civile 
du Talmud, Paris, 1877-1880; Langen, Das jûdische 
Synedrium und die rômische Procuratur in Judâa, 
dans la Tûbinger theologische Quartalschrift, 1862, 
p. 411-463; Blum, Le Synhédrin ou Grand conseil de 
Jérusalem, son origine et son histoire, Strasbourg, 
1889; Jelski, Die innere Einrichtung des grossen Syne- 
drion zu Jérusalem und ihre Forsetzung im spâteren 
palâstinensischen Lehrhause bis zur Zeit des R. Je- 
huda ha-Nasi, Breslau, 1894; Ad. Bùchler, Das Syne- 
drion in Jérusalem, in-8°, Vienne, 1902; E. Schùrer, 
Gesch. des jud. Volkes, 3« édit., 1898, t. h, p. 188-214. 

H. Lesêtre. 

SANIR (hébreu : Senîr; Septante: Eavewp; Alexan- 
drinus : SavEi'p), nom amorrhéen du mont Hermon. 
Deut., m, 9. Voir Hermon, t. m, col. 633.11 s'applique 
en particulier à une partie distincte de l'Hermon. 
Cant., iv, 8; I Par., v, 23. Les géographes arabes 
antérieurs au xiv e siècle donnent le nom de Djebel 
Sanir à l'anti-Liban, spécialement à la partie de la 
chaîne située entre Baalbek et Homs et près de Damas. 
Les Phéniciens tiraient du mont Sanir du bois de cy- 
près pour la construction de leurs vaisseaux. Ezech., 
xxvii, 5. Voir Cyprès, t. n, col. 1174. 

SANS-MISÉRICORDE (Vulgate : Absque miseri- 
cordia), fille du prophète Osée, i, 6, etc. Voir Lo- 
Ruchamah, t. iv, col. 363. 

SANTAL (Hébreu : 'almuggini, III Reg.,x, 11, 12; 
'algûmîm, II Par., Il, 7; ix, 10, 11 ; Septante : ■ki1z*.t\t(x, 
III Reg., x, 11, 12, tts'jxivoc, II Par., n, 8, îx, 10, 11; 
Vulgate : thyina, III Reg., x, 11, 12; II Par., ix, 10, 
11 : pinea, II Par., n, 8), bois précieux. 

I. Description. — On désigne sous ce nom, bien 
qu'ils appartiennent à des familles très différentes, plu- 
sieurs arbres à bois aromatique, originaires des Indes. 
— 1° Le Santal rouge officinal est une papilionacée, le 
Pterocarpus santalinus L. (fig. 297) à feuilles impari- 
pennées, avec un petit nombre de folioles, pourvues 
de stipules, et alternes le long des rameaux. Les fleurs 



1467 



SANTAL — SANTÉ 



J468 



jaunes, réunies en grappes axillaires et terminales, 
produisent une gousse indéhiscente, orbiculaire-com- 
primée, oblique et renfermant 1 ou 2 graines. Le bois 
présente sur une coupe transversale de larges vaisseaux 
sous forme de pores tout remplis d'une résine rougeâtre, 
la sanlaline, qui lui donne ses propriétés. Plusieurs 
autres arbres du même genre fournissent des bois 
employés autrefois pour la teinture et fort estimés en- 
core en ébénisterie. — 2° Le santal blanc, Sanlalum 
album L., forme le type de la famille des santalacées. 
C'est un grand arbre de la côte de Malabar à feuilles op- 
posées, lancéolées et entières. Les fleurs apétales et her- 
maphrodites ont un'calice à 4 sépales valvaires, 4 éta- 
mines insérées à leur base et alternant avec autant 
d'écaillés. L'ovaire à placenta central porte 2 ou 3 ovu- 
les et devient à maturité une drupe noirâtre, globu- 
leuse, marquée au sommet d'un œil par la cicatrice du 
périanthe. Son bois, faiblement coloré, acquiert par la 




297. — Pierocarpus santalinus. 

dessiccation une odeur forte et agréable, en même temps 
qu'une saveur amère et piquante, due à une huile vola- 
tile jaune, usitée en thérapeutique. F.- Hy. 

II. Exégèse. — Le bois de 'algûm (pluriel : 'algûmim) 
se présente dans deux endroits parallèles des Livres 
Saints. D'après III Eeg., x, 11, 12, les vaisseaux d'IIiram 
qui apportaient de l'or d'Ophir ,en amenaient aussi des 
bois de 'almuggim et des pierres précieuses. Le passage 
parallèle II Par., IX, 10, 11, répète la même chose, 
mais le nom hébreu du bois se présente sous la forme 
'algûmîm. De ce bois on dit dans les deux endroits 
que Salomon fit faire des balustrades pour le temple 
et son palais et aussi des harpes et des lyres. Et on 
remarque en terminant qu'on ne vit plus jamais ce 
bois en Palestine. Il est évident qu'il s'agit ici d'un 
bois étranger, rare, précieux, que l'on trouvait dans le 
pays d'Ophir, c'est-à-dire dans l'Inde. Or, dans cette 
contrée, sur la côte de Malabar, un des noms du bois 
de santal est valgu (valgum, valguka). Le vav étant 
peu usité au commencement de leurs noms, les Hébreux 
l'ont négligé en empruntant ce mot étranger, qu'ils 
ont gardé sous la forme 'algum. C'est sans doute par 
une faute de copiste, ou par une métathèse assez fré- 
quente dans les emprunts de noms étrangers, qu'on 
trouve aussi la forme 'almug. A ce nom les Hébreux 
ont ajouté leur pluriel enini. Lassen, Indische Alter- 
thumskunde, édit. 1866-74, t. I, p. 651-652 ; Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, t. m, p. 535. Le 
rapprochement d'un des noms indiens du santal rouge 



avec Valgum du texte sacré rend très probable l'iden- 
tification. De plus c'est ce même bois qu'on emploie 
très fréquemment dans l'Inde pour les usages auxquels 
Salomon le fit servir : on fabrique avec le santal rouge 
des harpes, des lyres et d'autres instruments de mu- 
sique. Il n'y a donc pas à s'arrêter aux traductions va- 
riées et erronées des Septante et de la Vulgate : le 'algum 
n'est ni un pin, ni un thuia. Ce n'est pas non plus le 
santal blanc employé surtout comme parfum. Les rab- 
bins' Salomon Ben Melek et David Kimchi interprétant 
les passages des Rois et des Parai ipomènes voyaient 
déjà dans le 'algum, un bois de couleur rouge. Quant au 
nom actuel, santal vient d'une autre appellation de cet 
arbre en sanscrit, tchandana, d'où les Grecs auraient 
fait crivSaXov, a-ivraXov. 

Il reste un passage, II Par., Il, 7 qui offre difficulté. 
« Envoie-moi, dit Salomon au roi de Phénicie, Hiram, 
envoie-moi du Liban des bois de cèdre, de cyprès et 
de 'algumim. Le santal ne vient pas des forêts du Liban 
comme le cèdre et le cyprès. On a essayé de tourner la 
difficulté en disant que, pour la troisième espèce d'arbre 
nommé, il ne s'agirait pas d'un bois coupé dans le Liban, 
mais apporté de l'Inde dans la Phénicie par les vais- 
seaux d' Hiram et envoyé par celui-ci à Salomon avec les 
arbres du Liban. Celte explication n'est guère naturelle : 
le sens de la phrase invile à voir dans le troisième 
arbre nommé un bois coupé dans les forêts du Liban 
comme les deux autres espèces. E. Fr. K.Rosenmùller, 
Handbuch der Jiiblischen Alterthumskunde, p. 1. Das 
Biblische Pflanzenreich, in-8°, Leipzig, 1830, p. 237, 
pense que dans cet endroit, II Par., Il, 7, le mot 'algû- 
mîm est une interpolation d'un copiste : car dans le 
passage parallèle III Reg., v, 8, il ne s'agit que de 
cèdres et de cyprès. Cependant si l'on veut maintenir 
dans cette énuméralion une troisième espèce d'arbres, 
on pourrait vraisemblablement supposer le mot d>j-|N, 
'oranim, « pins », qu'un copiste distrait ou préoccupé 
aurait transformé en D'Dibtf, 'algumim. Ou bien un des 
noms populaires du cèdre. riK, 'aréz, sous la forme 
WDbi, golmiS ou galmis mis en marge de ce passage 
biblique pour l'expliquer, aura plus tard passé dans le 
texte en se transformant en 'algum, 'algumim. — 
0. Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 1748, 1. 1, 
p. 171-185; Ro'enmûller, op. cit., p. 234-238; Gesenius, 
Thésaurus, p. 93. E. Levesque. 

SANTÉ (hébreu : sdlôm, marpê', rifôf, ces deux 
derniers mots se rapportant plutôt à la guérison ; 
Septante : ûyse:», tocit;, « guérison » : Vulgate : sani- 
tas), état de celui qui ne souffre d'aucune maladie. 
Voir Maladie, t. iv, col. 611. — 1» La santé est un 
bienfait de Dieu, Eccli., xxxiv, 20, dont on le loue. 
Eccli., xvn, 27. Les idoles ne peuvent la donner. Sap., 
xm,.18. Elle vaut mieux, même avec la pauvreté, que 
la maladie jointe à la richesse. Eccli., xxx, 14. A qui 
se porte bien, le médecin est inutile. Matth., ix, 12; 
Marc, h, 17; Luc, v, 31. La crainte de Dieu, la doci- 
lité aux bons conseils, la paix du cœur contribuent 
à la santé du corps. Prov., m, 8; iv, 22; xiv, 30. La 
tempérance est une condition essentielle de la santé. 
Eccli., xxxi, 22-40. — 2° L'affection ou la politesse 
obligent à se préoccuper des autres, à demander de 
leurs nouvelles. Jacob demande aux bergers de Haran 
si Laban se porte bien, et ils lui répondent : « Il est en 
bonne santé. » Gen., xxix, 6. Jacob envoie Joseph 
savoir si ses frères se portent bien. Gen., xxxvn, 14. 
Joseph demande à ses frères si leur père est en bonne 
santé. Gen., xliii, 27. Isaïe envoie David voir si ses 
frères qui sont au camp se portent bien. I Reg., xvn, 
18. David demande si son fils Absalom va bien. II Reg., 
xviii, 29. « Te portes-tu bien, mon frère ? » dit Joab 
à Amasa qu'il va tuer sournoisement. II Reg., xx, 9. 
Elisée envoie Giézi dire à la Sunamite : « Te portes-tu 



1469 



SANTÉ — SAPHIR 



1470 



bien? Ton mari et ton enfant se portent-ils bien? » 
IV Reg., iv, 26. Mardochée venait chaque jour devant le 
palais d'Esther pour savoir de ses nouvelles. Esth., 
ii, 11. — 3° On fait des vœux pour la santé de ceux 
qu'on aime. Comme le mot sâlôni veut dire à la fois 
« paix » et « santé », la formule de salutation sâlôm 
lekâ signifie « paix à toi » et « santé à toi », compre- 
nant ainsi tous les souhaits qui intéressent le bon état 
de la personne. Voir Paix, t. iv, col. 1960. La formule 
lêk lesdlôm, « va en paix » ou « en santé » a le même 
sens. I Reg., i, 17; xx, 42; II Reg., xv, 9; Marc., v, 34; 
Luc, vu, 50. Saint Jean souhaite à Gaius que l'état de 
ses affaires et de sa santé soit aussi prospère que celui 
de son âme. IHJoa., 2. Notre-Seigneur a souvent exaucé 
les vœux de cette nature en rendant la santé aux ma- 
lades et aux infirmes. Voir Guérison, t. ni, col. 360. 

H. Lesètre. 
SAPH (hébreu : Saf; Septante, Eésp), fils ou des- 
cendant d'Arapha ou Raphahj de la race des géants, qui 
fut tué, à Gob ou à Gaza, dans une guerre contre les 
Philistins, par Sobochaï de Husati. II Sam. (Reg.), 
xxi, 18. Voir Arapha, t. i, col. 878. Sur le lieu du 
combat, voir Gob, t. m, col. 258. Saph est appelé Sa- 
phaï (hébreu : Sippaï), I Par., xx, 4. 

SAPHAJ (hébreu : Sippaï; Septante : Ea?ôu-u), 
orthographe du nom de Saph dans I Par., xx, 4. Voir 

Saph. 

SAPH AN, nom, dans la Vulgate, de trois personnages 
appelés de manière différente en hébreu. 

1. SAPHAN (hébreu : Sâfân; Septanle : Eairçiv, 
ïa?iv), secrétaire du roi Josias. Il était fils d'AsIia, 
IV Reg., xxn, 3; II Par., xxxiv, 8, et fut le père d'Ahi- 
eam, IV Reg., xxn, 12; II Par., xxxiv, 20; Jer., xxvi, 
24; xxxix, 14; xl, 5, 9; d'Élasa, Jer., xxix, 3, et de 
Gamarias, Jer., xxxvi, 10, 11, 12; le grand-père de 
Godolias, IV Reg., xxv, 22; Jer., xxxix, 14; XL, 5, 9, 
11; xli, 2; xliii, 6; de Michée, Jer., xxxvi, 11. Cer- 
tains interprètes le regardent aussi comme le grand- 
père de Jézonias 3, t. m, col. 1538, 1 Esd., vin, 11, mais 
le fait n'est pas certain. En tout cas, l'identification du 
père d'Ahicam et de Saphan le scribe paraît à peu près 
établie. Saphan semble avoir été trésorier du roi Jo- 
sias. IV Reg., xxn, 4; II Par., xxiv, 8-9; cf. IVReg.,xn, 
10. Ce fut en cette qualité qu'il eut à intervenir dans 
l'œuvre des réparations du Temple sous le pontificat 
d'IIelcias. A cette occasion, le grand-prêtre lui apprit 
qu'il avait découvert dans le Temple le livre de la Loi, 
voir Pentateuque, col. 67, cf. IV Reg., xxn, 8, et il lui 
remit le livre sacré que Saphan lut lui-même d'abord 
et lut ensuite au roi, Josias, j. 8-10. A la suite de cette 
lecture, le roi l'envoya avec Helcias et quelques autres 
consulter la prophétesse Holda (t. m, col. 727), puis 
fit rassembler le peuple dans le Temple, lut en public le 
livre de l'alliance et lit jurer au peuple fidélité au 
Seigneur. Voir Josias, t. m, col. 1681. Saphan n'est 
plus nommé dans l'Écriture qu'à l'occasion de ses 
descendants. 

2. SAPHAN (hébreu : Sâfâm; Septante : Saçaji), 
Gadite, qui habita dans le pays de Basan, et était le 
second personnage de sa tribu. I Par., v, 12. 

3. SAPHAN (hébreu: Suppim ; Septante : Sançi'n), 
« Machir, lisons-nous I Par., vu, 15, dans la Vulgate, 
prit des femmes pour ses fils Happhim et Saphan. » 
Le texte hébreu porte au contraire « Machir prit (pour 
lui) une femme de Huppîm et de Suppîm. » Sur ce 
passage très obscur, voir Machir 1, t. iv, col. 507. 

SAPHAT (hébreu : Sâfât), nom de cinq Israélites. 



1. SAPHAT (Septante : Eaçâ-r), fils d'Huri, de la 
tribu de Siméon. Il fut choisi pour représenter sa tribu 
dans l'exploration de la Terre Promise au temps de 
Moïse. Num., xui, 6. 

2. SAPHAT (Septante : Sxçôt), père du prophète 
Elisée. III Reg., xix, 16, 19; IV Reg., m, 11; vi, 31. 

3. SAPHAT (Septante : Ea?à6), le sixième et der- 
nier des fils de Séméia, de la tribu de Juda. I Par., m, 
22. 

4. SAPHAT (Septante : 6 YpiftiiareO;, qualificatif de 
Janaï, t. ni, col. 1116), un des chefs de la tribu deGad 
qui s'établirent dans le pays de Basan. I Par., v, 11. 

5. SAPHAT (Septante : Swçir), fils d'Adli. Il fut chargé 
des troupeaux de bœufs du roi David qui paissaient 
dans les vallées. I Par., xxvn, 29. 

SAPHATHIA, SAPHATIAS (hébreu : Sefatyâh), 
nom de huit Israélites et d'un chef des serviteurs de 
Salomon. 

1. SAPHATHIA, SAPHATIAS (Septante: Salaria), le 

cinquième fils de David, né à Hébron. Sa mère s'appe- 
lait Abital. II Reg. (II Sam.), m, 4; I Par., m, 3. 

2. SAPHATIAS (Septante : Saça-rsa), fils de Rahuël 
et père de Mosollam, de la tribu de Benjamin, qui 
s'établit à Jérusalem après la captivité. 1 Par., ix, 8. 
Voir Mosollam 5, t. iv, col. 1321. 

3. SAPHATIA (hébreu : Sefatyâhà; Septante : Eoespa- 
Ti'a;), surnommé l'Haruphite en descendant de #arif 
(voir t. m, col. 443), de la tribu de Benjamin, un des 
trente braves de David, I Par., xn, 5, qui allèrent le 
rejoindre à Siceleg. 

4. SAPHATIAS (Sefatyâhû; Septante Sxf att'ctç), fils 
de Maacha, de la tribu de Siméon, chef de cette tribu 
sous le règne de David. I Par., xxvn, 16. 

5. saphatias (hébreu : ëefatydhû; Septante : 
laçarfaç), le dernier nommé des fils de Josaphat, roi 
de Juda. II Par., xxi, 2. 

6. SAPHATIAS (Septante : Sxça-cîa), chef de famille 
dont les descendants, au nombre de 372, revinrent de 
captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., il, 4; 
II Esd., vu, 9. Du temps d'Esdras, 80 autres membres 
de cette famille retournèrent avec lui en Palestine avec 
Zébédias, fils de Michaël, à leur tête. I Esd., vm, 8. 

7. SAPHATIA (Septante : Salaria), un des « serviteurs 
de Salomon », dont les descendants retournèrent de 
captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 57; 
II Esd., vu, 59. 

8. SAPHATIAS (Septante : Salaria), descendant de 
Phares, de la tribu de Juda, un des ancêtres d'Athaïas 
qui habita Jérusalem au retour de la captivité de Baby- 
lone. II Esd., xi, 4. 

9. SAPHATIAS (Septante : Saçavt*;), fils de Mathan, 
un des principaux de Juda qui, ayant entendu les pro- 
phéties que Jérémie faisait au peuple, conseilla au roi 
Sédécias avec quelques autres de mettre en prison le 
prophète qui fut délivré par l'intervention de l'Éthio- 
pien Abdémélech. Jer., xxxvm, 1-13. 

SAPHIR (hébreu : Safîr; Septante : xiXrâç; Vul- 
gate : pulchra), une des villes sur le nom desquelles 



1471 



SAPHIR 



1472 



joue Michée, I, 11 : « Passe, habitante de Sàfir; dans 
la nudité et la honte. » Vulgate : Transite vobis, habi- 
tatio Pulchra, confusa ignominia. Saint Jérôme, dans 
son commentaire, In Mich., i, 11, t. xxv, col. 1159, et 
dans Liber, de situ et nom., t. xxm, col. 921, l'appelle 
Saphir. Cette ville n'est nommée nulle autre part dan s 
l'Écriture. Eusèbe et saint Jérôme la placent dans les 
montagnes entre Éleuthéropolis et Ascalon, dans la tribu 
de Juda. Le site est incertain. D'après les uns, c'est 
Es-Sawafir ou Es-Sûd/ir au nord-est d'Ascalon (Gese- 
nius, Thésaurus, p. 1460), mais ce village est dans la 
plaine, et non dans la montagne, et cette identification 
ne s'accorde pas avec celle de YOnomasticon d'Eusèbe. 
D'autres, comme Tobler, Dritte Wanderung , 47, croient 
que Saber est l'ancien Saphir, mais comme ce village est 
près de Es-Sawa/ir, cette opinion est sujette aux mêmes 
difficultés que la précédente. Toutes les autres hypo- 
thèses qui ont été faites sont également sujettes à objec- 
tion. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. n, 
p. 413 

SAPHIR (hébreu : sappîr ; Septante : erârccpEipoç; 
Vulgate : sapphirus), pierre précieuse de couleur 
bleue. 

Le saphir proprement dit est un corindon hyalin 
d'un beau bleu dont les nuances vont du très foncé 
jusqu'au clair : c'est le bleu d'azur, limpide, velouté 
qui est le plus recherché. Le saphir est une alumine 
cristallisée presque pure dont la coloration est due à 
l'oxyde de fer. Il tient le milieu entre le translucide 
et le transparent. Le vrai saphir ou saphir oriental 
est d'une très grande dureté, égale et souvent supé- 
rieure à celle du rubis. Sa pesanteur spécifique est 4, 1. 
Extrêmement difficile à graver, il ne se laisse en- 
tamer que par la pointe de diamant. Sa cristalli- 
sation est celle des corindons. Voir Rubis, col. 1262, 
fig. 267. Pour sa couleur voir la planche en face de la 
col. 424. 

Les anciens ont donné le nom de saphir à des pierres 
ou des substances bien différentes, en particulier au 
lapis-lazuli. Cette substance minérale d'un bleu foncé 
ou d'azur est souvent parsemée de pyrites brillants qui 
ont l'air de poussière d'or. C'est un silicosulfate d'alu- 
mine et de soude avec un peu de sexquioxyde de fer. 
Sa pesanteur varie de 2,767 à 2,945. Cette pierre est 
opaque, mais translucide sur les bords quand elle est 
amincie. On la rencontre parfois en très gros morceaux, 
et elle se laisse graver sans trop de difficulté. Le lapis- 
lazuli est rare en cristaux : ceux-ci sont des dodécaètres 
rhomboïdaux simples ou modifiés sur les arêtes ou les 
angles. Pour la couleur, voir dans l'article Pierreries la 
planche placée en face de la col. 424. 

Devons-nous voir dans le saphir des textes bibliques 
le vrai saphir ou le lapis-lazuli ? Le mot sappir, tou- 
jours traduit uâicçeipo; par les Septante et sapphirus 
par la Vulgate, se rencontre 13 fois dans la Bible avec 
des qualités plus ou moins caractéristiques. C'est une 
pierre précieuse d'un grand prix, mais qui ne peut 
valoir la Sagesse. Job, xxviii, 16. A un saphir taillé et 
poli, Jérémie, Lam., iv, 7, compare les princes d'Israël 
bien pris dans leur taille et revêtus de splendides vête- 
ments. Le sein de l'époux des Cantiques, v, 14, est 
comparé à un chef-d'œuvre d'ivoire couvert de saphirs. 
La cinquième pierre du rational, la deuxième du second 
rang, était un saphir. Exod.,xxvni, 17; xxxix, 13. Le nom 
gravé sur cette pierre serait Dan (cf. col. 424). Le saphir 
figure parmi les pierreries qui enrichissaient les vête- 
ments du roi de Tyr. Ezech., xxvm, 13. Les portes de 
la Jérusalem céleste seront de saphirs et d'émeraudes, 
d'après le texte de la Vulgate, Tobie xm, 21. Le 
texte grec de ce passage diffère et porte : « Jérusalem 
sera bâtie de saphir et d'émeraude; ses places seront 
pavées de béryl, d'escarboucle et de pierres de souphir 



(saphir). » La même idée se trouve développée dansls., 
Liv, 11 : « La nouvelle Sion a ses fondements de saphir, 
ses créneaux de rubis et ses portes de cristal, s Dans 
la cité céleste décrite dans l'Apocalypse, xxi, 19, la 
deuxième pierre fondamentale est un saphir. Dans la 
vision d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, au-dessus des chérubins 
s'étendait un firmament et sur le firmament on voyait 
« comme une pierre de saphir en forme de trône. » 
De même lorsque Moïse et les anciens contemplent le 
Dieu d'Israël, Exod., xxiv, 10, ils voient sous ses pieds 
« comme un ouvrage de saphir, pur comme le ciel même ». 
D'après ces textes nous pouvons conclure que le saphir 
hébreu est une pierre très précieuse, d'une belle cou- 
leur bleue, qui se laisse assez aisément graver et peut 
parfois se trouver en très gros morceaux. Le livre de 
Job, xxvm, 6, nous offre une description très caracté- 
ristique du saphir. En montrant l'homme pénétrant 
jusque dans les entrailles de la terre pour en extraire 
les pierres précieuses il écrit : 

Les roches sont la demeure du saphir, 
Qui renferme de la poudre d'or. 

on ne peut mieux indiquer le lapis-lazuli. Seul parmi 
les pierres bleues, le lapis-lazuli est semé de petites 
paillettes de soufre, qui au regard simulent parfaitement 
l'or. Ni la turquoise ni le vrai saphir ou saphir orien- 
tal n'ont ce caractère. De plus les Hébreux ne connais- 
sant pas le vrai diamant, n'auraient pu graver le 
saphir, au lieu qu'ils pouvaient très bien, à l'exemple 
des Égyptiens, tailler et graver le lapis-lazuli. Les 

Égyptiens nommaient cette pierre 



J~ 



hesbed- 



Ils s'en servaient pour fabriquer quantité d'amulettes 
et de parures; ils en employaient les morceaux broyés 
et réduits en poudre pour faire la couleur bleue. Ils 
allaient le chercher dans la terre de Pouantt, c'est-à- 
dire en Afrique sur la côte des Somalis. 

Le lapis-lazuli était aussi importé de l'extrême 
Orient par la Médie, en Assyrie ou à Babylone. Dans 
ces pays, le bleu dont on se servait pour former le 
fond des émaux, était du lapis-lazuli pulvérisé. Victor 
Place, Ninive et l'Assyrie, t. h, p. 253; Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. iv, . 
p. 239. La description d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, a ainsi 
parfaitement la couleur locale. 

Le saphir des anciens est donc d'ordinaire le lapis- 
lazuli. Lorsqu'il parle des pierres qu'on taillait pour en 
faire des sceaux, Théophraste, De lapid., 23, cite le 
o-omopeipo; et le décrit comme une pierre bleue foncée, 
qui est comme semée d'or. Pline, H. N., XXxvn, 39, 
dit de même que le saphir est bleu et brille de points 
d'or. Cependant comme pour le hesbed égyptien et le 
o-âitçsipo; grec, il est impossible que le mot hébreu 
sappir soit compris parfois avec le lapis-lazuli, d'autres 
substances bleues. Plusieurs auteurs croient que ce 
mot désigne dans les textes bibliques le vrai saphir : 
cela ne peut guère se justifier dans des textes où l'on 
suppose que cette pierre était gravée, comme dans la 
description du rational. Le vrai saphir est certainement 
exclu aussi dans la description d'Ézéchiel et surtout 
dans le texte de Job qui suppose la pierre parsemée de 
paillettes d'or. Mais dans des textes comme l'Apocalypse, 
xxi, 19, il n'y a rien qui permette d'écarter le saphir 
oriental, bien que le lapis-lazuli puisse parfaitement 
convenir. Voir J. Braun, Vestitus sacerdotum hebrse- 
orum, in-8», Leyde, 1680, p. 670-683; C. R. Lepsius, 
Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, trad. 
Berend, in-4», Paris, 1877, p. 29-39; Clément-Mallet, 
Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, 
p. 163-173; Ch. Barbot, Guide pratique du joaillier, 
Ed. Baye, in-12, Paris, s. d.; F. Leteur, Traité élé- 
mentaire de minéralogie pratique, in-4°, Paris, p. 97- 
130. E. Levesque. 



1473 



SAPHIRE — SARA 



1474 



SAPHIRE (grec : Saïuçsfpti, derâiripecpoî, «saphir» 
d'après les uns, ou « belle », d'après la signification 
syriaque du mot), femme d'Ananie, qui ayant vendu 
un champ avec son mari, se concerta avec lui pour 
tromper les Apôtres et la communauté chrétienne sur 
le prix, de la vente; elle fut punie comme lui par une 
mort soudaine, afin de servir d'exemple aux premiers 
chrétiens. Act., v, 1-10. Voir Ananie 6, t. I, col. 540. 

SAPHON (hébreu : Sâfôn, « nord »; Septante : 
Saçâv), ville de la tribu de Gad, à l'est du Jourdain. 
Jos., xm, 27. Elle est aussi probablement nommée 
Jud., xii, 1, où nous lisons Sefônâh avec le hé local et 
où il faut traduire « à Saphon » et non « au nord », 
ù; poppdtv, comme on lit dans le Valicanus. VAlexan- 
drinus a Ksçspà et Lucien, Ssïiïivix, parce qu'ils n'ont 
pas séparé le hé local du nom propre. Vulgate : contra 
aquilonem. — Saphon avait fait partie du royaume de 
Séhon, roi d'Hésébon. Le site de cette ville n'a pas été 
retrouvé. 

SAPIENTIAUX (LIVRES), nom donné aux livres 
de l'Ancien Testament qui s'occupent spécialement de 
la sagesse dans le sens religieux que lui donne 
l'Écriture, c'est-à-dire de la connaissance des choses 
divines et morales : ce sont les Proverbes, l'Ecclésiaste, 
l'Ecclésiastique, la Sagesse. Un docteur de Sorbonne, 
Jérôme Besoigne (1686-1763), a publié une Concorde 
des livres de la Sagesse ou la Morale du Saint- 
Esprit, in-12, Paris, 1737. Voir Besoigne, t. i, 
col. 1641. 

SAPIN (Vulgate : abies), traduction du beroS hébreu 
dans une dizaine de passages de l'Écriture. 

I. Description. — On a souvent confondu sous ce 
nom des arbres appartenant à des groupes variés de 
Conifères, mais il doit s'appliquer spécialement aux 
genres Abies et Picea, distingués par Link et qui ont 
en commun une cime élancée, pyramidale, à branches 
étalées, couvertes de nombreuses petites feuilles soli- 
taires et persistantes en aiguille courte et rigide. La 
floraison a lieu au printemps, et les cônes mûrissent 
la même année. Ceux des Abies sont dressés au som- 
met de rameaux latéraux, tandis qu'ils sont pendants 
chez les Picea. Les feuilles des premiers sont plus ou 
moins comprimées et paraissent distiques par suite 
d'une torsion horizontale le long des rameaux; celles 
des Picea, au contraire, sont cylindracées ou tétragones 
disposées suivant une spirale plus régulière, et articu- 
lées sur un cousinet proéminent qui persiste après leur 
chute. 

Les sapins d'Asie Mineure se rapportent à 2 espèces 
répandues surtout dans les régions montagneuses de 
l'Anti-Taurus et du Liban. Le Picea orientalis 
(fig. 298) diffère de l'Épicéa d'Europe par ses feuilles 
plus courtes, d'un vert sombre, et ses cônes plus grêles 
atteignant à peine 1 décimètre de longueur. De même 
V Abies cilicica (fig. 299) ressemble à notre sapin 
argenté des Vosges avec un port plus effilé et des bran- 
ches relativement courtes. Les cônes, au contraire, sont 
plus longs et plus gros, tandis que leurs bractées sont 
courtes et demeurent cachées sous les écailles. F. Hy. 

II. Exégèse. — On ne trouve pas dans la Bible hé- 
braïque de nom distinct pour le sapin; il existait ce- 
pendant des sapins, particulièrement dans la région du 
Liban, et il en existe encore. Comme chez nous on a 
sons le nom de sapins confondu souvent plusieurs es- 
pèces de conifères. Par contre dans la région orientale 
le vrai sapin pouvait être compris sous certaines déno- 
minations qui avec un sens précis, ont aussi un sens po- 
pulaire, plus vague et plus général. C'estce qui explique 
comment les versions ont pu comprendre dans le beros 
hébreu, « le cyprès ï par exemple, plusieurs autres 

DICT. DE LA BIBLE. 



conifères, comme le genévrier, le pin et le sapin. La 
Vulgate en particulier a dix fois rendu berôs par 
abies, « sapin ». IV Reg., six, 23; Is., xiv, 8; xxxvii, 




-.*» 



298. — Picea orientalis. 

24; xli, 19; lv, 13; lx, 13; Ezech., xvvii, 5; xxxi, 8; 
Ose,, xiv, 9; Zach., xi, 2. Voir Cyprès, t. n, col. 1173. 
Dans la Genèse, xxi, 15, le mot êiah, « buissons », rendu 
arbor par la Vulgate, est traduit llâvr\, « sapin », par 
les Septante. Il est à remarquer que Josèphe, Ant.jud., 




299. — Abies cilicica. 

I, xm, 3, se sert également du mot grec êXocty;. Faut-il 
voir ici l'influence du mot arabe -^w, Suh, qui désigne 

VA bies cilicica ? On sait que les Arabes ont emprunté 
aussi du grec le nom du sapin qu'ils appellent élati. 

E. Levesque. 
SARA, nom de quatre femmes dans la Vulgate. Deux 
d'entre elles s'appellent en hébreu Sérah et Sê'herâ. 

' 1. SARA (hébreu : Sdrdh, « princesse » ; Septante : 
Eotp^a), femme d'Abraham. Elle s'appelait d'abord 

V. —47 



1475 



SARA 



SARAÏ 



1476 



Saraï. Elle est nommée pour la première fois lorsque 
Abraham l'épousa. Gen., xi, 29. Il nous apprend lui- 
même, XX, 12, qu'elle était sa sœur par son père, mais 
fille d'une autre mère. D'après la tradition juive, attestée 
parjosèphe, Ant. jud., I, vi, 9, et saint Jérôme, Quœst. 
heb. ad Gen., t. xxm, col. 956, Saraï étail fille de 
Haran et sœur de Lot, et appelée aussi « Jesca, 6uwvj- 
|M>v ». Abraham l'emmena avec lui dans la terre de 
Chanaan, XII, 5, et ensuite en Egypte, quand la famine 
l'obligea de s'y réfugier. Il ne la présenta dans ce 
pays que comme sa sœur, craignant que s'il la recon- 
naissait en même temps comme sa femme, il n'eût à 
souffrir à cause d'elle. Il en résulta qu'elle lui fut en- 
levée et conduite au pharaon, mais il la lui rendit, 
après lui avoir reproché sa conduite, quand Dieu lui 
eut révélé la vérité. Gen., xn, 10-20. Voir Abraham, t. i, 
col. 76. Vingt ans plus tard, Sara courut le même dan- 
ger à Gérare, et lorsque le roi Abimélech eut connu 
surnaturellement qu'elle était la femme d'Abraham, il 
la lui rendit en lui reprochant de ne lui avoir pas fait 
connaître la vérité, Gen., xx. 

Sara étant stérile avait demandé elle-même à Abra- 
ham de prendre Agar sa servante pour femme, mais 
Dieu lui ayant accordé ensuite à elle-même un filslsaac, 
elle fit chasser Agar et son fils Ismaël, xvi. — Son his- 
toire se confond avec celle d'Abraham. Elle mourut à 
l'âge de cent vingt ans à Hébron et fut ensevelie dans 
la caverne de Macpélah qui fut achetée pour lui servir 
de tombeau. Voir Abraham. — Isaïe, n, 2, fait allusion 
à Sara comme mère du peuple élu. Sara est mentionnée 
aussi par saint Paul, Rom.,iv, 19; ix, 9; cf. Gen., xvm, 
14; il la présente, Gai., iv, 21-31, comme figurant par 
son fils Isaac la liberté des chrétiens. Saint Pierre loue 
sa soumission à son mari. I Petr., m, 6. 

2. SARA (hébreu : Serai}; Septante : Sapa, 
Sopé, etc.), fille d v Aser, petite-fille de Jacob. Gen., 
xlvi, 17; Num., xxvi, 46; I Par., vu, 30. 

3. SARA (hébreu : Sé'érâh; Alexandnnus : Eaotpâ; 
Vaticanus : xai Iv êxet'voiç toï{ xara/ofaoïc), fille 
d'Éphraïm, qui bâtit ou plutôt rebâtit Béthoron-le- 
Haut et Béthoron-le-Bas et Ozensara. Voir ces mots. 
I Par., vu, 24. 

4. SARA (Septanle : Eappâ), fille de Raguel et femme 
de Tobie le jeune. Quand l'ange Raphaël délivra Tobie, 
auquel il servait de guide, du poisson qui avait failli 
le dévorer sur les bords du Tigre, il lui recommanda 
d'en conserver le cœur, le foie et le fiel, Tob., vi, et 
quand ils furent arrivés à Ecbatane, il lui fit épouser 
sa cousine Sara, après lui avoir indiqué le moyeu 
d'exorciser le démon qui avait déjà fait mourir, la 
nuit même des noces, les sept époux qui avaient été 
donnés à Sara. Tob., VU. Selon le conseil de Raphaël, 
Tobie brûla le cœur et le foie du poisson qu'il avait 
conservés; le démon Asmodée, 1. 1, col. 1103, chassé par 
ce moyen providentiel, fut saisi et enchaîné par l'ange 
Raphaël dans la Haute-Egypte et les deux nouveaux 
époux passèrent la nuit en prières. Tob., vm, 1-10. Ra- 
guel, qui croyait que Tobie serait frappé de mort, 
heureux de trouver son gendre sain et sauf, lui fit de 
grandes fêtes pendant quinze jours. Au bout de ce 
temps, les nouveaux mariés partirent pour Ninive. 
Tobie le père, guéri de sa cécité par le fiel du poisson 
conservé par son fils, accueillit sa belle-fille, avec 
Anne sa femme, en la comblant de bénédictions. Tob., 
xi. Les deux jeunes époux demeurèrent à Ninive 
jusqu'à la mort de Tobie et de sa femme Anne et, sur 
le conseil qu'il leur avait donné avant d'expirer, ils 
retournèrent auprès de Raguël et de son épouse. Ils les 
assistèrent à leurs derniers moments et moururent enfin 
eux-mêmes comblés de jours. Tob., xm. 



SARAA (hébreu : Sor'âh ; Septante : Eapà8, Eapaa), 
ville de la tribu de Dan, patrie de Samson. Voir t. H, 
col. 1233, 1. Elle est mentionnée dans le voyage du 
Mohar égyptien, sous le nom de Zaran, d'après 
M. Sayce, Higher Critlcium and the Monuments, 
p. 344, et dans les lettres de Tell-el-Armana, H. Win- 
ckler, dans la Keilinschriflliche Bibliotek, t. v, 1896, 
n. 173; Flinders Pelrie, History of Egypt, t. m, 
n. cxlix, p. 307, sous le nom de Zarkha. Il y est dit 
qu'elle est attaquée par les Khabiri. 

Elle avait été comptée d'abord parmi les villes de la 
SéphélaattribuéesàJuda,Jos., xv, 33 (Vulgate : Sarea); 
elle fut ensuite attribuée à Dan. Jos., xix, 41. « Ce 
village compte trois cents habitants, dit V. Guérin, 
Judée, t. n, p. 15. Il couronne une colline dont les 
flancs rocheux sont percés de plusieurs,grottes sépul- 
crales. Une source y porte la désignation de 'Ain 
Merdhoum... Bien que située sur une colline assez 
élevée, le village actuel de Sara'a est effectivement en 
dehors du massif proprement dit des monts de Judée. 
Elle fut la patrie de Manué, père de Samson. Jud., 
xm, 2. Ce fut là qu'il naquit lui-même, annoncé 
d'avance à ses parents par l'apparition d'un ange, qui 
leur avait prédit sa grandeur future, s'il observait les 
prescriptions qui lui étaient faites. Après sa mort, 
Samson fut rapporté de Gaza par ses frères et ses 
proches et enseveli par eux entre Sara'a et Esthaol, 
dans le sépulcre de son père Manué. » Jud., xvi, 31. 
« Entre Achoua' (Esthaol) et... Saraa, les musulmans 
vénèrent depuis des siècles un oualy qui porte, il est 
vrai, vulgairement le nom d'oualy Cheikh Gherib, mais 
qui m'a été désigné pareillement, dit V. Guérin, ibid., 
p. 14, sous celui de... tombeau de Samson. » Manué, 
comme beaucoup de Juifs, devait avoir son tombeau, 
dans son héritage. — Parmi les Danites qui s'empa- 
rèrent de l'idole de Micha et s'emparèrent de Laïs, il 
y en avait qui étaient originaires de Saraa. Jud., 
xvm, 2, 8, 11. — Roboam fortifia Saraa à cause de sa 
situation. II Par., xi, 10-11. — II Esd., xi, 29, nous ap- 
prend que des Israélites de la tribu de Juda s'établirent 
à Saraa au retour de la captivité. 

SARABIA (hébreu :Sérébxjâh; Septante: Eapaëîa), 
un des lévites qui se joignirent à Esdras sur les bords 
du fleuve Ahava pour retourner en Palestine, avec ses 
fils et ses frères. I Esd., vm, 18. Il fut chargé avec 
onze autres lévites de la garde des trésors, or, argent 
et vases sacrés offerts au Seigneur, jL 24. Quand Esdras 
exposa la Loi au peuple, il fut un de ses assistants, 
II Esd., vm, 7 (Vulgate : Serebia); il prit part aux 
prières qui eurent lieu ensuite, IX, 4, et il scella 
l'alliance avec Dieu, x, 12. Son nom figure encore, xn, 
8, 24, dans la liste des chefs des Lévites qui chantaient 
les louanges du Seigneur. La Vulgate, xn, 8, écrit son 
nom Sarebia, et f. 14, Sérébia. 

SARAI, nom de deux personnes et nom des habitants 
d'une ville dans la Vulgate. 

1. SARAI (hébreu : Saraï; Septante : Sapa), premier 
nom de la femme d'Abraham, ainsi appelée de Gen., xl, 
29 à Gen.,xvn,15. Dieu l'appela Sara, quand il changea 
le nom de son mari. Voir Sara 1. Gen., rvn, 5, 15: 

2. SARAI (hébreu : Saraï; Septante : EapioC), un 
des fils de Bani qui renvoya du temps d'Esdras la 
femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd., ix, 34. 

3. SARAÏ' (hébreu : has-Sore'i: Septante : 'H<r»p:'), 
probablement habitant de Saraa. I Par., H, 54. Voir 
Saraa, ci-dessus. Le passage où est nommé le Sore'i est 
obscur et paraît altéré dans le texte original. D'après 
les Septante, c'est un nom d'homme. 



1477 



SARAÏA — SARASAR 



1478 



SARAÏA, SARAÏAS, nom de douze Israélites. Ce 
nom est écrit en hébreu èerdyâh; une fois Serdyâhû. 
Jer., xxxvi, 26. 

1. SARAIAS (Vatieanus : Hueâ; Alexandrinus : 2a- 
pxîa;), secrétaire du roi David. II Reg., vin, 17. 

2. SARAIAS (Septante : Sotpaéac), grand-prêtre sous 
le règne de Sédécias. I Par., vi, 14, Il fut emmené pri- 
sonnier de Jérusalem par Nabuzardan, chef des gardes 
de Nabuchodonosor après la prise de la ville et conduit 
à Rebla (Reblatha), col. 999, avec plusieurs autres pri- 
sonniers que le roi de Babylone lit mettre à mort. 
IV Reg., xxv, 18; I Par., vi, 14; Jer., lu, 24. 

3. SARAÏA (Septante : Sape'oeç), fils de Thanehumeth, 
le Nétophatite, IV Reg., xxv, 23, un des principaux 
Juifs qui alla trouver à Maspha, avec plusieurs autres, 
Godolias, gouverneur du pays pour Nabuchodonosor, 
et, sur son conseil, resta dans le pays. Dans Jérémie, 
qui raconte le même fait, XL, 8, la Vulgate écrit Saréas. 

4. SARAÏA (Septante : 2apa';a), flls de Cénez, de la 
tribu de Juda, et père de Joab, qualifié de « père de la 
vallée des artisans ». I Par., IV, 13-14. Voir JOAB 2, 
t. m, col. 1549. 

5. SARAÏA (Septante : EocpaG ; Alexandrinus: Sapai'a), 
chef d'une famille de la tribu de Siméon, un des an- 
cêtres de Jéhu.Voir Jéhu4, t. m, col. 1247. IPar.,iv, 35. 

6. SARAlA (Septante : Expouaç), un des Juifs captifs 
à Babylone qui retourna en Palestine avec Zorobabel. 
I Esd., Il, 2. Dans II Esd., vu, 7, il est appelé Azarias. 
Voir Azarias 25, t. i, col. 1301. 

7. SARAIAS (Septante : Sapaio-j), père ou ancêtre 
d'Esdras, le scribe. Voir Esdras 1, t. n, col. 1929. 

I Esd., vil, 1. 

8. SARAIAS (Septante : uiôç 'Apai'a; Alexandrinus : 
uiô; Sapaia), un des prêtres qui signèrent l'alliance 
avec Dieu du temps de Néhémie, II Esd., x, 2. 

9. SARAlA (Septante : Eapaîa), flls d'Helcias, prêtre. 

II habita Jérusalem après le retour de la captivité de 
Babylone. II Esd., xi, 11. Dans I Par., ix, 11, il est 
appelé Azarias. Voir Azarias 10, 1. 1, col. 1299. 

10. SARAlA (Septante : Sapata), chef d'une famille 
sacerdotale qui revint de la captivité de Babylone en 
Palestine avec Zorobabel. II Esd., XII, 1. Sous le pon- 
tificat de Joacim, Maraïa (t. iv, col. 712), était à la tête 
de cette famille, f. 12. 

11. SARAlA (hébreu : Èerdyâhû; Septante : Sapaïa), 
fils d'Ezriel. C'était un officier du roi de Juda, Joakim, 
qui reçut de ce prince avec Jérémiel et Sélémias l'ordre 
d'arrêter Jérémie et Baruch, mais les deux prophètes se 
cachèrent. Jer., xxxvi, 26.. 

12. SARAÏA (Septante : Sapas*;), fils de Nérias et 
frère de Baruch. Il est qualifié du titre de sar menû- 
hâh, que la Vulgate traduit par princeps prophétise 
(Septante : ap^wv ôtôpwv, « chef des dons »), et que les 
commentateurs expliquent très diversement. L'expli- 
cation la plus vraisemblable est celle d'après laquelle 
tar menûbdh, « chef du repos », est celui qui est 
chargé de régler les étapes d'une caravane en marche. 
Il accompagna le roi Sédécias à Babylone, lorsque ce 
prince se rendit à Babylone, pour rendre hommage à 
Nabuchodonosor. Saraïas eut sans doute la fonction de 
régler ce qui concernait les campements et les étapes 



pendant le voyage. Jérémie lui confia un rouleau dans 
lequel il avait écrit la prophétie de la ruine de Baby- 
lone et il le chargea, après avoir lu son oracle, de 
l'attacher à une pierre et de le jeter au milieu de 
l'Euphrate, en signe du sort qui était réservé à cette 
ville. Jer., li, 59-64. 

SARAIM (hébreu : Sa'âraîm; Sepfante : Saxocpîp., 
Jos., xv, 36; t<5v icuXwv, I Reg., xvn, 52), ville de Juda 
dans la Séphéla. Elle est confondue avec Saarim par 
beaucoup d'interprètes, mais il convient de les distin- 
guer. Voir Saarim, col. 1285. Saraïm est mentionné 
entre Azéca et Adithaïm. Jos., xv, 35-36. Lorsque les 
Philistins s'enfuirent après la victoire de David sur 
Goliath, les Israélites les poursuivirent et en frap- 
pèrent un grand nombre sur la route de Saraïm à 
Geth et à Accaron. I Reg. (Sam.), xvn, 52. 

SARAITES (hébreu : Sai'e'àtî; Septante : 2«pa8aîot), 
habilants de Saraa. I Par., n, 53. Voir Saraa, col. 1476. 

SARAMEL, nom dans les Septante qui est diver- 
sement interprété. La Vulgate porle Asaramel. Voir ce 
mot, 1. 1, col. 1057. 

SARAPH, nom d'homme que la Vuîjate a traduit 
par Incendens. I Par., iv, 22. Voir Incendiaire, t. m, 
col. 864. 

SARAR (hébreu : Sdrâr; Septante : 'Apotf), Arorite, 
père d'un des vaillants guerriers de David appelé Aïam 
dans II Reg. (Sam.), xxm, 33. Le nom de Sarar est écrit 
Sachar dansl Par., xi, 35. Voir Sachar 1, col. 1309. 

SARASAR, nom d'un Assyrien et d'un Juif. 

1. SARASAR (hébreu : Sar'ésér; Septante : Sapâcrap), 
fils de Sennachérib, roi d'Assyrie. Avec son frère Adram- 
mélech, il tua son père dans le temple de Nesroch (t. iv, 
col. 1608) et s'enfuit ensuite en Arménie. IV Reg., xix, 
37; Is., xxxvi, 38. Cf. II Par., xxxn, 21; xxxm, 24. Le 
P. Scheil, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xi, 1896, 
p. 427, rapproche son nom de celui d'un fils de Sen- 
nachérib, appelé AsSur-Sum-usabSî, mentionné sur une 
brique. Son petit-fils Assurbanipal fait allusion dans 
ses inscriptions à l'assassinat de Sennachérib à Baby- 
lone. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Aile 
Testament, 3 e édit. par H. Zimmern et H. Winckler, 
Berlin, 1905, p. 85. D'après la Chronique babylonienne,, 
i, 34, Sennachérib fut tué par son fils dans une 
insurrection le 28 tébeth (vers 681). Cf. t. i, col. 240. 
Voir H. Winckler, KeUinschriflliches Textbuch zuni 
Alten Testanient, in-8", 2« édit., Leipzig, 1903, p. 64- 
65. Polyhistor (Bérose) et Abydène mentionnent aussi 
l'assassinat du roi d'Assyrie, mais ils ne nomment 
aussi qu'un de ses fils, dont le nom rappelle celui 
d'Adramélech. Voir Adramélech i, 1. 1, col. 239. Bérose, 
fragm.12; Abydène, fragm. 7, dans Didot, Hist. grsec. 
fragmenta, t. n, col. 401; t. iv, col. 282. 

2. SARASAR (hébreu : Sar'ésér; Septante : Sapàoap), 
personnage nommé avec Rogommélech dans le pro- 
phète Zacharie, vu, 2. Ce passage est obscur et diver- 
sement interprété par les anciens traducteurs. Hébreu : 
« On avait envoyé à la maison de Dieu Sar'ésér et Ré- 
gém Mélék avec ses gens. » Septante : « Et envoya à 
Béthel Sarasar et Arbéséer le roi ('Apëso-eèp ô flacreXe-jç) 
et ses hommes... » Vulgate : « Sarasar et Rogom- 
mélech et les hommes qui étaient avec lui envoyèrent à 
la maison de Dieu... » Dans la version latine, Sarasar 
et Rogommélech sont donc ceux qui envoient; dans le 
texte hébreu ce sont ceux qui sont envoyés. Dans les 
Septante, Bêf 'El est traduit comme nom de lieu ; 



1479 



SA.RA.SAR — SARCOPTE 



1480 



Rogommélech disparaît, la première partie du nom est 
transformée en Arbéséer et la seconde est considérée 
comme un titre, mélék, signifiant « roi ». La version 
syriaque transforme Rogommélech en Rabmag. Ce 
dernier mot est un titre babylonien (voir Rebmag, 
col. 999) et il est possible que Rogommélech cache en 
effet sous sa forme défigurée par les copistes qui n'en 
comprenaient pas la signification', le titre de Sarasar : 
le pronom qui suit, cum eo, « avec lui », est au sin- 
gulier et l'on peut induire de là qu'un seul personnage 
est nommé, et non deux. 

SARATHASAR (hébreu : Séréf ha$-Sahar ;Vatica- 
nus : SapaSà xal Sirâv; Alexandrinus :Eàp8 xat Eifip), 
ville de la tribu de Ruben. Jos., xm, 19. — Cette loca- 
lité était située « à la montagne de la vallée », be-har 
hâ-'Êmèq, in monte convallis, c'est-à-dire à la mon- 
tagne qui borde la dépression du Ghôr, appelée, en 




300. — Bains de CalUrhoé. 
D'après la carte mosaïque de Mâdaba. 

effet, « la Vallée », 'Êmég, au même endroit, xm, 27. — 
Les anciens Arabes ont connu, près de la mer Morte, 
un lieu du nom de Sàrah ou Sârat, où était un ham- 
fhéh, des « sources chaudes et des bains ». Cf. El- 
Muqaddasi, Géogr., édit. de Goeje, Leyde, 1877, p. 185- 
186. Au XII e siècle, Edrisi mentionne ez-Zdrat qui riva- 
lisait avec Sughar (Ségor) pour le commerce des dattes, 
dont venaient s'emplir les barques qui circulaient sur 
la mer Morte. Géogr., édit. Gildemeister, Bonn, 1885, 
p. 3. Sârah, souvent prononcé aussi Zârah, est encore 
célèbre chez les Bédouins à l'est du Jourdain et « les 
bains de Sârah », hammam es-Sârah, sont particu- 
lièrement renommés chez eux. Ce lieu forme, entre 
l'ouadi Zerqâ-Mâ'în au nord et l'ouadi Môdjeb, l'ancien 
Arnon, au sud, comme la base, à l'occident et sur le 
bord de la mer Morte, des montagnes escarpées au 
sommet desquelles s'élevait Mâchéronte. Les palesti- 
nologues s'accordent assez généralement aujourd'hui 

• pour reconnaître dans Sârah, l'antique Sarathasar. 

■ On l'identifiait généralement autrefois avec Hammam 
ez-Zerqâ, voir Callirhoé, t. h, col. 69; mais cf. Procu- 
rrteurs romains, col. 702. Sârah est représentée sur la 
carte-mosaïque de Mâdaba (fig. 300 ; cf. fig.180, col. 696), 
comme une région plantée de palmiers, où se voient 
des courants d'eau et des monuments représentant des 
bains; elle y est inscrite sous le nom de t bains de 
Callirhoé », 6EPMA KAAAJPOHS. Ce nom, em- 
prunté à Josèphe, Ant. jud., XVII, yi, 5, et Bell, jud., I, 



xxxui, 5, et aux hellénisants du i« siècle, est en 
effet la traduction, non d'après la vocalisation des 
massorétes, mais d'après celle des Septante, de Sarat 
has-Sihôr. Sara{ ou Séréf est une abréviation pour 
Saharat, splendor, de la racine sahar, splenduit, et 
Sîhôr désigne incontestablement des « cours d'eau ». 
Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1189, 1393. Voir Moab, h, 
t. iv, col. 1149, 1152. — Il faut lire, semble-t-il, ce 
nom : Sarat du Sihor, le Sihor désignant la région et 
Sarat la ville ou la bourgade qui fut attribuée à Ruben. 
— Vers le milieu du plateau incliné, arrosé par les 
sources thermales et minérales, se voit un emplacement 
entouré d'épines de séder. C'est l'endroit où les Bé- 
douins de Mekdûer dressent leurs tentes, quand ils 
viennent pendant l'hiver habiter Sârah avec leurs 
familles et leurs troupeaux. On y remarque des pierres 
alignées qui pourraient être les derniers arasements 
des maisons de l'antique Sarathasar. Sur une terrasse 
supérieure du pied de laquelle, à 2 kilomètres du ri- 
vage, sort une source thermale, à 43° de température, 
on trouve les restes d'une construction rectangulaire 
de 31 mètres de longueur et de 20 mètres de largeur, 
appelée encore du nom A'Es-Sdrâh. A 2 kilomètres 
plus au nord, un tell semble indiquer une autre for- 
teresse. Plus près du rivage, on remarque les restes 
d'une construction carrée dont il subsiste une ou deux 
assises, formées de pierres d'assez grand appareil et 
très régulièrement taillées. Les Bédouins la désignent 
par le nom de Kheréïbet es-Sârah, « la petite ruine de 
Sârah ». Sont-ce des débris de la Callirhoé du l" siècle? 
C'est possible. — En ce lieu aurait été, selon le Talmud de 
Jérusalem, Megillah,!, et le targum de Jonathan, Gen.,x, 
19, l'ancienne Lésa, l'œuvre d'Hérode, d'après la conjec- 
ture, appuyée sur le récit de Josèphe, du rabbin Schwarz, 
Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 266; 
cf. Lésa, t. iv, col. 187. Rien, en effet, n'empêche que 
Lésa n'ait été au ëifyôr du rivage oriental de la mer 
Morte, simultanément avec Sârah; mais il semble bien 
que c'est à cette dernière que l'on doit rapporter le nom 
de Callirhoé. 11 n'est pas douteux non plus qu'il n'y ait 
eu là, quand Hérode y vint aux eaux, des constructions 
dans son goût et celui de l'époque. On n'en voit toute- 
fois point d'autre trace, ni des monuments figurés sur la 
carte de Mâdaba, que les ruines dont il a été question. 
Il est à croire que, se trouvant dans le Ghôr, ou la 
partie de la vallée bordant la mer Morte, ils auront été 
submergés par les eaux de ce lac, dont le niveau ne 
cesse de s'élever. — Voir Aloïs Musil, Arabia Petrœa, 
Moab, Vienne, 1907, p. 239-241 et 252-253; F. Buhl, 
Géographie des alten Palastina, Fribourg-en-Brisgau, 
1896, p. 123-124, 268. L. Heidet. 

SARATHI (hébreu: has-$or'âtî; Septante : 'ApaSi), 
habitant de Saraa. I Par.,iv, 2. Les Saraïtes sont appe- 
lés has-Sor'atî; o>. Sapocôatai; Saraitse, IPar.. H, 53, et 
probablement aussi has-Sôr'î; 'Hoapf; Saraï, jt. 54. 
Voir Saraï, col. 1476; Saraïtes, col. 1478. 

SARCOPHAGE, tombeau en pierre dans lequel on 
ensevelissait les cadavres en Egypte, en Phénicie, etc. 
Voir fig. 301. Le « lit de fer » d'Og, roi de Basan, 
Deut., m, 10, est, d'après l'explication la plus vrai- 
semblable, le sarcophage en basalte où était couché 
son cadavre. Voir Og, t. iv, col. 1759. Cf. Tombeau. 

SARCOPTE, insecte du genre arachnide et de 
l'ordre des acarides. Cet insecte est l'agent producteur 
de la gale. Voir Gale, t. m, col. 82 et la figure 12. Il 
est d'un blanc laiteux et mesure un tiers de millimètre 
de long sur un quart de large. Il a quatre paires de 
pattes garnies de soies rigides, ainsi que tout le corps, 
ce qui rend très douloureuse la présence de l'insecte 
sous la peau. Il s'insinue entre le derme et l'épiderme, 



1481 



SARCOPTE — SARDES 



1482 



dans les endroits où la peau est le plus mince, et il y 
trace des sillons au fond desquels il se blottit pour 
n'en sortir que la nuit, sous l'effet de la chaleur. Son 
nom, qui vient de o-âp?, « chair », et de xotitw, « couper », 
est donc bien mérité. Beaucoup de mammifères et 
d'oiseaux ont aussi leur sarcoptidés; le cheval en 
possède même deux espèces différentes. Les espèces 
diverses des sarcoptidés peuvent passer des animaux 
à l'homme et réciproquement, ce qui rend la contagion 
plus dangereuse. En 1834 seulement, le sarcopte fut 
signalé par Renucci comme la cause de la gale. Cette 
dernière n'est donc pas une simple maladie de la peau, 
comme on l'a cru longtemps. Pour guérir la gale, il 
faut débarrasser la peau et les vêtements des insectes 
et de leurs œufs. La loi mosaïque avait donc raison de 
prendre des mesures pour écarter ceux qui avaient la 
gale, hommes ou animaux. Lev., xxi, 20; xxn, 22. 



provenait soit de sa puissance stratégique, dont elle 
donna des preuves très grandes, soit de ce qu'elle était 
bâtie sur une voie de communication de premier ordre, 
qui conduisait de l'intérieur de l'Asie Mineure aux côtes 
de la Méditerranée, soit enfin de son commerce consi- 
dérable. L'ancien royaume de Lydie était très avancé 
sous le rapport des arts industriels, et Sardes était le t 
centre de manufactures nombreuses. Son industrie 
principale consistait dans la fabrication et la teinture 
des étoffes de laine, surtout des tapis. Les Grecs du 
vi B siècle avant notre ère allaient aussi lui demander 
une partie de l'or que lui fournissait le Pactole. 

2» Histoire de Sardes. — Cette ville remontait à une 
haute antiquité. Tout porte à croire, en effet, qu'elle 
ne diffère pas de l'ancienne cité de Hyda, que mention- 
nait déjà Homère, H., H, 864, et xx, 385, et qu'il place 
précisément au pied du mont Tmolos. Voir Strabon, 




— Sarcophage phénicien. Musée du Louvre. 



Cf. Van Beneden, Commensaux et parasites, Paris, 
1883, p. 121, 122. H. Lesètre. 

SARDE ou pierre de Sardes. Voir Cornaline, t. n, 
col. 1007; Sardoine, col. 1484. 

SARDES (grec : SàpSeiç, au pluriel), une des villes 
les plus importantes de l'Asie Mineure avant l'ère chré- 
tienne, capitale du royaume de Lydie, titre qu'elle con- 
serva lorsque fut constituée la province romaine du 
même nom (fig. 302). Voir Lydie, t. îv, col. 449. 

1° Situation et importance. — Elle était située dans 




302. — Monnaie de Sardes. 

KAISAP.EEBAS»® . Buste deTibère.à droite.— «. LAP4IANQN 

OniNAE. AKIAMOE dans une couronne. 

la fertile vallée qu'arrose l'Hermos, à environ vingt 
stades et demi de ce fleuve, Arrien, Anab., i, 17 ; au pied 
du mont Tmolos, qui forme la chaîne principale de la 
Lydie. Strabon, XIII, iv, 15. C'est sur un éperon de 
cette montagne que se dressait l'acropole, sa citadelle, 
■d'un accès très difficile, entourée d'un triple rempart 
■et presque imprenable aux temps reculés. Le fameux 
Pactole, simple petit ruisseau qui se jette dans l'Hermos 
à environ 10 kil. de là, traversait son agora. Hérodote, 
v, 101. — L'importance dont elle jouit d'assez bonne 
henre et qu'elle conserva durant plusieurs siècles, 



XIII, iv, 5; Pline, H. N., v, 29; Etienne de Byzance, 
édit. Dindorf, 2 in-12, Leipzig, 1825, t. I, p. 440, et 
t. il, p. 395. Les rois de Lydie y établirent leur rési- 
dence ; c'est sous le plus illustre et le dernier d'entre 
eux, Crésus, qu'elle atteignit le comble de la prospérité. 
Cf. Hérodote, v, 25; Pausanias, III, IX, 3. Lorsque ce 
prince eut été battu par Cyrus à Thymbrée (548 avant 
J.-C), elle servit de séjour aux satrapes persans pla- 
cés à la tête du royaume conquis. Elle fut prise et dé- 
truite à deux reprises : d'abord par les Cimmériens, 
dans la première moitié du vu» siècle avant notre ère 
(vers 635); puis, en 498 avant J.-C, par les Ioniens assis- 
tés des Athéniens. Strabon, loc. cit. Xerxès passa dans 
les murs de Sardes l'hiver qui précéda sa campagne 
contre la Grèce (en 480). Lorsque Alexandre le Grand 
envahit l'Asie, la ville se rendit à lui sans résistance, 
après la bataille du Granique (334); il récompensa les 
habitants, en leur rendant leur autonomie et leurs 
anciennes institutions. Après la mort du conquérant, 
Sardes passa sous la domination d'Antigone jusqu'en 301, 
époque à laquelle elle tomba au pouvoir de Séleucus. 
Antiochus le Grand s'en empara en 218; mais il dut 
l'abandonner aux Romains, après avoir été défait par 
eux à Magnésie (190 avant J.-C). Cf. Polybe, iv, 48; v, 
57. Elle fut alors incorporée au royaume de Pergame. 
Un terrible tremblement de terre la ravagea sous le 
règne de Tibère (17 avant J.-C); mais ce prince la fit 
immédiatement reconstruire. Cf. Tacite, Ann., Il, 47. 
Sa résurrection fut si prompte, que, d'après Strabon, 
XIII, iv, 8, elle ne le céda bientôt à aucune des cités 
d'alentour sous le rapport de la splendeur. Mais, avec 
les empereurs byzantins, elle perdit peu à peu de son 
importance, tout en demeurant encore prospère pen- 
dant une certaine période. Les Turcs parvinrent à s'en 



1483 



SARDES — SARDOINE 



1484 



emparer dès le xi= siècle. Tamerlan la prit à son tour 
en 1402, et la détruisit de fond en comble. Elle ne s'est 
jamais relevée de cette catastrophe (fig. 303). Le vaste 
emplacement de l'ancienne capitale lydienne n'a au- 
jourd'hui de vie que grâce au misérable village de 
Sart, composé seulement de quelques huttes bâties au 
, milieu des ruines. Et celles-ci sont peu considérables, 
car « les terres éboulées des collines ou portées par 
les eaux courantes ont recouvert une grande partie de 
ÎSl ville antique. » E. Reclus, L'Asie antérieure, in-4°, 
Paris, 1884, p. 606-607. Celles des ruines qui sont res- 
tées visibles n'offrent qu'un intérêt très restreint. Elles 
datent surtout de la période romaine. Sur les bords 
du Pactole, se dressent deux colonnes solitaires, qui 



« Affermis ce qui reste et qui est près de mourir. » 
L'évêque et l'Église sont menacés d'un châtiment sou- 
dain, s'ils ne reprennent bientôt leur ferveur première. 
Il y avait néanmoins à Sardes quelques chrétiens dignes 
de ce nom, auxquels une belle récompense est pro- 
mise. — Dans la suite, l'Église de Sardes eut à sa tête 
plusieurs évêques illustres, entre autres saint Méliton, 
qui fut au II e siècle l'une des plus grandes lumières 
de l'Asie, et qui est spécialement célèbre par le canon 
des saintes Écritures qui porte son nom. Eusèbe, H. E., 
iv, 13, 26, t. xx, col. 337, 392-397. Voir F. Vigouroux, 
Manuel biblique, 12 e édit., t. i, p. 89, n. 3; R. Cor- 
nely, lntrod. in libros.sacros, Paris, 1885, t. I, p. 76. 
Plus tard encore, les habitants de Sardes résistèrent 




303. — Ruines de l'acropole de Sardes. D'après une photographie de M. Henri Cambournac. 



appartenaient vraisemblablement au temple de Cybèle 
(fig. 304), On voit aussi les restes d'un théâtre. — A une 
certaine distance de Sart, au nord de l'Hermos, près 
du lac Gygée, on voit de nombreux monticules coni- 
ques, dont quelques-uns ont des proportions gigantes- 
ques; ils représentent l'ancienne nécropole de Sardes. 
Hérodote la mentionne déjà, i, 93. Cf. Strabon, XIII, 
iv, 4. 

3° Sardes et le Nouveau Testament. — A l'époque 
du paganisme, la religion particulière de la capitale 
de la Lydie roulait autour du culte de Cybèle, dont le 
caractère présentait beaucoup de ressemblance avec 
celui de la Diane d'Éphèse. Voir Diane, t. n, col. 1405- 
1406. Mais le christianisme pénétra de bonne heure 
dans Sardes, où nous trouvons, dés la fin du I er siècle, 
une Église importante, l'une des sept de la province 
d'Asie auxquelles saint Jean écrivit une lettre spéciale 
au début de l'Apocalypse, m, 1-6. Nous ignorons dans 
quelles circonstances cette Église avait été fondée. La 
lettre de l'apôtre nous apprend que son ange, c'est-à- 
dire son évêque, cachait un triste état moral sous de 
belles apparences : « Tu passes pour vivant et tu es 
mort, s Cet état était malheureusement aussi celui de 
la chrétienté qu'il dirigeait, comme l'indiquent les mots 



énergiquement aux tentatives faites par Julien 
l'Apostat pour rétablir parmi eux le culte des idoles. 

4» Bibliographie. — Arundell, Discoveries in Asia 
Minor, 2 in-8», Londres, 1834, t. i, p. 26-28; P. de 
Tchihatchef, Asie Mineure, Paris, 1852-1869, 8 in-8», 
t. i, p. 232-242; G. H. von Schubert, Reise in das 
Morgenland, 3 vol. in-8", t. i, Erlangen, 1840, p. 347- 
350; Fellow, Journal written during an excursion in 
Asia Minor, Londres, 1839, p. 289-295; Ch. Texier, 
Asie Mineure, description géographique, historique 
et archéologique, in-8°, Paris, 1862, p. 252-259; 
Ms r Le Camus, Les sept Églises de (Apocalypse, in-4°, 
Paris, 1896, p. 218-230; B. V. Head, Catalogue of the 
Greek Coins of Lydia, in-8», Londres, 1901, p. 236-277; . 
W. M. Ramsay, The Letters to the seven Churches of 
Asia, in-8», Londres, 1904, p. 354-368. 

L. Fillion. 

SARDOINE. Ce mot est souvent pris dans le sens- 
de pierre de Sardes, qui n'est autre que la cornaline- 
rouge. Voir Cornaline, t. n, col. 1007. Le mot sardoine, 
qui parait emprunté du latin sardonyx, désigne aussi 
une variété d'onyx, veinée de deux couleurs. La pierre 
sardonyx choisie pour la 11 e pierre du rational était 
rouge et blanche. Elle portait probablement le nom de- 



1485 



SARDOINE — SARGON 



1486 



Joseph dont la descendance forma les deux tribus 
d'Éphraïm et de Manassé. Voir Onyx, t. iv, col. 1823. 

SARÉA (hébreu : Çor'dh; Septante : 'Pioc), nom 
de Saraa dans la Vulgate, Jos., xv, 33. Voir Saraa, 
col. 1476. 

SARÉAS (hébreu : Çeràydh; Septante : Swpac'aç), 
fils de Thanehumeth, ainsi appelé par la Vulgate, Jer., 
xl, 8. Voir Saraïas 7, col. 1477. 

SARÉBIA, SARÉB1AS, orthographe du nom de 




304. — Les deux colonnes du temple de Cybèle. 
D'après une photographie de M. Henri Camboumac. 

Sarabia, lévite, dans II Esd., ix, 14; xn, 8. Voir Sara- 
bia, col. 1476. 

'SARED, nom d'un Israélite et d'une ville dans la 
Vulgate. 

1. SARED (hébreu : Séréd; Septante : SépeS), fils 
aîné de Zabulon, petit-fils de .lacob. Gen., xlvi, 14; 
Num., xxvi, 26. Dans le premier passage, la Vulgate 
écrit son nom Séred, comme les Septante, et à leur 
exemple, elle écrit Sared dans le second. 

2. SARED, orthographe du nom de Sarid, dans la Vul- 
gate. Jos., xix, 12. Voir Sarid. 

SAREDA (hébreu : Hasrêddh, avec l'article; Sep- 
tante : ri Sapei'pa; Alexandrinus : i\ Saot'Sa), patrie du 
premier roi d'Israël Jéroboam. III Reg., zi, 26. Elle 
n'est nommée que dans ce seul passage. Les Septante, 
à la suite du f 20 de III Reg., xn, ont de plus que le 
texte hébreu, tel que nous le possédons, et que la Vul- 



gate, un long passage où il est dit que Saréda avait été 
bâtie pour Salomon par Jéroboam et que ce dernier 
y revint après son retour d'Egypte. La version grecque 
substitue aussi le nom de Sapi'pa à celui de Thersa. 
III Reg., xiv, 17. On ignore sur quoi peut être fondée 
cette variante. Le texte sacré, outre Saréda, nomme 
aussi Sarédatha, II Par., iv, 17, et Sarthan, et divers 
interprètes croient que ces deux localités sont iden- 
tiques à Saréda. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1185. 
Cette identification est impossible, si l'on admet le 
témoignage des Septante qui, dans leurs additions, 
placent Saréda dans la montagne d'Éphraïm, tandis 
que Sarédatha et Sarthan étaient dans la vallée du 
Jourdain, mais l'autorité des additions grecques est 
sujette à contestation. 

SARÉDATHA (hébreu : Serêdâtâh; Septante : 
Sapï)Sa6â), localité de la vallée du Jourdain, près de 
laquelle Salomon fit fondre les colonnes et les objets 
en métal destinés au Temple. II Par., iv, 17. Dans 
le passage parallèle, III Reg., vu, 45, nous lisons Sar- 
than au lieu de Sarédatha : comme dans les deux livres, 
le texte du verset est semblable, à l'exception de cette 
variante, il parait assez probable que l'une des deux 
formes est altérée. Voir Sarthan. Plusieurs commen- 
tateurs admettent que Sarédatha et Saréda sont une 
seule et même ville. Voir Saréda. 

SARÉDITES (hébreu : has-Sardî; Septante : 
i SapsSi), descendants de Sared ou Séred, de la tribu 
de Zabulon. Num., xxvi, 26. 

SAREPHTA, SAREPTA (hébreu : Çarfaf; Sep- 
tante : SâpETt-ra), ville de Phénicie, aujourd'hui Sara- 
fend, sur un promontoire au bord de laMéditerranée, 
au sud de Sidon. On y voit encore des ruines qui 
semblent indiquer que la ville antique fut importante. 

— D'après quelques-uns, Sarepta est le Misrefd{ Maïm 
de Josué, xi, 8; xm, 6 (Vulgate : Aqum Maserephot) 
mais cela est très douteux (voir Maséréphoth, t. iv, 
col. 831), quoique la racine du nom soit la même. 

— Sarepta était soumise à Sidon au temps d'Achab. 
III Reg., xvn, 9. Pendant la grande famine qui fut le 
châtiment d'Israël ^idolâtre, le prophète Élie demeura 
dans cette ville; il multiplia miraculeusement la pro- 
vision de farine et d'huile de la veuve qui lui donnait 
l'hospitalité, III Reg., xvn, 8-24, et lui ressuscita son 
fils, mort pendant son séjour dans sa maison. Notre- 
Seigneur, dans la synagogue de Nazareth, rappela la 
charité de cette veuve. Luc.,iv,26. — Sarepta est nommée 
parmi les villes qui furent prises par Sennachérib 
lorsqu'il attaqua la Phénicie en 701 avant J.-C, dans 
sa troisième campagne. Eb. Schrader, Die Keilin- 
sckriften und das Aile Testament, 2 e édit., 1883, p. 200, 
288; Id., Keilinsckriftliche Eibliothek, Die Prisma 
Jnschrift, col. 11, lig. 39; t. n, col. 90. On lit aussi le 
nom de Sarepta, après celui de Béryte et de Sidon, 
dans le voyage d'un Égyptien au xiv e siècle avant J.-C, 
p. 20, lig. 8, dans Chabas, Voyage d'un Égyptien, in-4", 
Chalon, 1866, p. 161, 163. — Abdias, dans sa prophétie, 
y. 29, mentionne Sarepta comme la frontière septen- 
trionale du pays de Chanaan. 

SARÈS (hébreu : Sàrés, à la pause; Septante : 
EoCpoç; Alexandrinus: Eôpoç), fils de Machir et de 
Maacha, de la tribu de Manassé, père d'Ulam et de 
Récem. I Par., vu, 16. 



SARGON (hébreu : pjno , ëargôn; Septante : 
'Apva; Canon de Prolémée : 'Apxéavoi;; assyrien : 
r^ttl »— U -4 Ji , idéographiquement Sak-Gisa, 
phonétiquement ëar-ukin, c'est-à-dire « (que le dieu...) 



1487 



SARGON 



1488 



affermisse le roi » ou « roi affermi », et selon A. H. 
Sayce, dans Hastings, Dictionary of ihe Bible, t. iv, 
p. 406, « le puissant » ; nommé aussi dans les textes Sar- 
ukin-arku, Sargon le récent, par opposition à Sargon 
l'ancien, roi d'Assyrie (fig. 305), qui succéda à Salma- 
nasar IV et régna de 722 à 705. Il ne se rattache à ce 
dernier monarque ni dans ses inscriptions, ni dans 



et à la prise de possession du trône babylonien par Sar- 
gon lui-même; enfin plusieurs contrats servent encore à 
documenter ce règne. Malgré ces textes multiples, et mal- 
gré ses hauts faits, Sargon demeura totalement inconnu 
des historiens classiques ; comme souverain de Babylone 
son nom parait dans le Canon de Ptolémée, mais défi- 
guré sous la forme Arkéanos ; seule la Bible nous a 




_^4~tix±£^ 



305. — Le roi Sargon enU'e deux de ses grands officiers Bas-relief. Musée du Louvre. 



les généalogies de ses successeurs : il inaugura donc 
une dynastie nouvelle qui porta à son apogée la puis- 
sance assyrienne et ouvrit l'ère des lointaines con- 
quêtes, mettant ainsi Israël et Juda aux prises avec 
l'Assyrie. Son règne nous est connu par un grand 
nombre d'inscriptions généralement assez développées, 
et reproduites avec variantes dans la décoration des 
salles du palais de Khorsabad, Dur-Sar-ukin, puis sur 
des cylindres d'argile et sur une stèle élevée dans l'Ile 
de Chypre à Larnaka. Les listes des limu ou Éponymes 
assyriens nous ont conservé la chronologie exacte de 
son règne ; le texte dit Chronique babylonienne nous 
donne le résumé de ses relations avec Babylone, les- 
quelles aboutirent à l'expulsion du souverain national 



conservé le souvenir de son règne et, dans le texte hé- 
breu et la Vulgate, la forme véritable de son nom. Is., xx, 
1. — Quand ce prince monta sur le trône, l'armée assy- 
rienne était occupée à la conquête du royaume d'Israël 
et depuis deux ans déjà tenait Samarie assiégée : les 
textes de ses Annales (A) et de son Inscription triom- 
phale (B) qui se complètent ou se superposent par 
endroits, nous apprennent comment cette campagne 
fut terminée en quelques mois. « (A) Au commence- 
ment de mon règne... j'assiégeai et je pris Samarie : 
27 290 de ses habitants j'ai pris comme butin, 50 chars 
d'au milieu d'eux j'emportai; aux autres je maintins 
leurs biens (?); mon lieutenant sur eux j'établis, le 
tribut du roi précédent je leur imposai ; (B) à la place 



1489 



SARGON 



1490 



de ceux qui y étaient auparavant je fis habiter les 
hommes des pays que ma main avait conquis; à ceux- 
là je (n')imposai de tribut (que) comme aux Assyriens. » 

Un peu plus loin dans les Annales, après le récit 
des campagnes de Babylonie et d'Arabie, nous lisons 
encore : « (DeMérodach-baladanquitint)contre la volonté 
des dieux la royauté de Babylone, sept (? mille) hommes 
avec leurs biens, je transportai et les fis habiter (dans 
le pays des) Hatti (c'est-à-dire la Syrie). — Ceux de 
Tamud, d'Ibadid, de Marsimani, de Hayapa, ces 
Arabes éloignés, habitants du désert, que ni savant ni 
envoyé ne connaissait, qui n'avaient jamais payé 
tribut aux rois mes pères, sous la protection du dieu 
Asur mon maître je subjuguai, leurs restes je transportai 
et fis habiter dans la ville de Samarie. » 

Ces textes ont leur contre-partie dans l'histoire des 
Rois : « Et le roi d'Assur monta contre Samarie qu'il 
assiégea pendant trois ans. La neuvième année d'Osée 
le roi d'Assur prit Samarie (au chapitre xvm, 10 : Et 
ils la prirent ou on la prit) et il emmena Israël captif 
en Assur. Il les fit habiter à Chalach et sur le Chabor, 
fleuve de Gozan et dans les villes des Mèdes... Le roi 
d'Assur fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d'Avva. 
de Hamath et de Sépharvaïm (cités babyloniennes, 
sauf Hamath, qui était au pays des Hatti, c'est-à-dire 
en Syrie) et les fit habiter dans les villes de Samarie 
à la place des enfants d'Israël. » II (IV) Reg. , xvn, 5, 6, 24. 

Il faut remarquer le parallélisme exact de ces récits 
quant aux faits : en ce qui concerne leur attribution, 
la variante du chapitre xvm du récit des Rois semble 
indiquer que le prince qui commença le siège de Sa- 
marie ne le termina pas, mais que même en son absence 
ou après sa disparition, la ville fut prise cependant par 
les Assyriens. Nous savons qu'en effet l'assiégeant fut 
Salmanasar IV et que le destructeur fut son succes- 
seur Sargon, opérant soit pour le compte de Salmanasar, 
soit pour son compte personnel, dans les quelques 
mois qui précèdent la première année officielle de son 
règne, ina ris" Sarrutiya, suivant le comput habituel 
des annalistes assyriens. Voir Salmanasar IV. 

La conquête du royaume d'Israël était une menace 
nouvelle pour les royaumes environnants : sur les 
conseils d'Isaïe qui avait prédit à Achaz le sort de Sa- 
marie, Juda semblait vouloir se tenir à l'écart et 
rester vassal fidèle de l'empire assyrien; mais au sud- 
ouest l'Égj'pte, au nord l'Urarthu (Arménie), au sud-est 
le pays d'Elam, avaient tout à craindre de leur puis- 
sant voisin, et tout intérêt à lui susciter des difficultés 
sans cesse renaissantes; au midi Babylone, récemment 
conquise, supportait impatiemment la domination ni- 
nivite. C'est elle qui entra la première en lutte : à 
. l'instigation et avec l'appui des rois d'Élam, Humba- 
nigas et plus tard Sutruk-nahunta, elle secoua le joug 
et mit sur le trône un prince chaldéen, Mérodach-Bal- 
adan (721). La lutte fut longue et incertaine : les succès 
que Sargon s'attribue dans ses inscriptions ne furent 
pas, d'après la Chronique babylonienne, sans mélange 
de revers : en tout cas Mérodach-Baladan se maintint 
douze ans sur le trône, malgré le pillage de quelques 
villes et la transplantation de leurs habitants au pays 
des Hatti ; ces détails des Annales sont en parfait 
accord du reste avec le récit de II (IV) Reg., xvn, 24 : 
« Le roi d'Assur fit venir des gens de Babylone, de 
Cutha, d'Avva, de Sépharvaïm et les établit dans Samarie 
à la place des enfants d'Israël. » Il fit de même pour 
quelques tribus arabes qu'il eut l'occasion de sou- 
mettre entre la frontière babylonienne et la Palestine. 
Pour en finir avec Babylone, Sargon en 710 et 709 en- 
treprit une nouvelle campagne où il réussit à isoler 
Mérodach-Baladan de l'Élam, le chassa de sa capitale, 
le poursuivit jusqu'à Dur-Yakin dans la Basse-Chaldée, 
l'y assiégea et le laissa échapper, tandis qu'il allait se 
faire couronner lui-même roi de Babylone. Le fugitif 



devait reparaître plus tard, sous^Sennachérib, ressaisir 
sa couronne, et exciter en Syrie de nouvelles révoltes 
contre l'empire assyrien : c'est dans ce but qu'il en- 
voya une ambassade à Ezéchias. Voir Mérodach- 
Baladan, t. iv, col. 1001. — A l'autre extémité du 
royaume, sous Bocchoris le Saïte, d'après M. Maspero, 
ou sous èabaq l'Ethiopien, d'après la plupart des his- 
toriens, l'Egypte, selon sa politique traditionnelle et 
pour se mettre elle-même à l'abri contre toute agres- 
sion assyrienne, soudoyait une coalition des rois de 
Syrie, dont le chef avoué était Yaubid, roi d'Hamath, 
avec les princes de Damas et d'Arpad, les Tyriens, les 
Phéniciens, les Philistins et Hanon de Gaza comme 
auxiliaires principaux : Juda, toujours porté à se lais- 
ser entraîner par la politique égyptienne, fut cepen- 
dant maintenu dans la soumission par Ezéchias et 
Isaïe. Sargon accourut aussitôt, et par deux victoires 
consécutives à Harhar et à Raphia (720) anéantit les 
forces des conjurés : Yaubid d'Hamath fut écorché vif, 
Hanon de Gaza fait prisonnier, 20 000 captifs furent 
transplantés en masse, et cantonnés au moins partiel- 
lement en Samarie, comme nous l'apprenons par le 
II e (IV e ) livre des Rois. Quant à l'Égyptien Sab'i-i ou 
Sib-'i qui porte dans les textes assyriens le titre de 
turtannu, « général », ou Siltannu, « prince », et non 
celui de pir-'u, pharaon, roi d'Egypte, il réussit à 
prendre la fuite sans être autrement inquiété : mais 
Sargon se vante d'avoir alors reçu madattu êa pir'u 
$ar Mutsuvi, « le tribut de pharaon, roi d'Egypte ». 
L'énergie déployée par Sargon dans cette campagne 
assura la pacification de la Syrie durant sept années 
consécutives : mais en 711 la conquête inopinée de 
l'Egypte par l'Éthiopien Sabacon fit espérer de trou- 
ver dans ce prince égyptien un libérateur : et de 
nouveau Édom, Moab, la Phénicie et la Philistie 
s'agitèrent. Sargon ne leur laissa guère le temps de 
s'organiser : son turtannu ou général en chef (voir 
Is., xx, 1), se précipita sur les conjurés, Azot et les 
villes révoltées furent prises et saccagées, la population 
déportée en masse et remplacée par les « habitants 
des pays du soleil levant. » — Le nord de l'empire 
n'était guère plus tranquille : l'Arménie (Urarthu) y 
formait le centre de la résistance : les rois Ursa et 
Argistis II d'Urarlhu, l'Ararat biblique, Ulussun de 
de Van (Minni) et quelques princes voisins, de 719 à 
713, obligèrent Sargon à entreprendre dans ces' régions 
d'accès difficile plusieurs campagnes où il déploya 
toute son énergie et toute sa rigueur sans résultats 
bien appréciables : elles lui permirent du moins de 
soumettre au passage quelques États environnants qui 
n'avaient pas eu la prudence de se tenir à l'écart de 
ces querelles, comme la Comagène (708) et le territoire 
de Gargamis (717); la Médie fut également parcourue 
et munie de garnisons assyriennes (715-712) ; les habi- 
tants furent aussi déportés en masse, et installés à 
Hamath à la place de ceux qu'on avait déportés en Sa- 
marie : les Mèdes furent remplacés par des Israélites de, 
Samarie, comme nous l'apprenons par le livre des Rois. 

Entre temps, Sargon fut grand constructeur, sans 
doute pour utiliser ses prisonniers de guerre. Il fit 
élever à 10 kilomètres au nord de Ninive une ville nou- 
velle du nom de Dur-Sar-ukin, au village moderne de 
Khorsabad, Sargoun des géographes arabes : Botta et 
V. Place ont exploré les ruines du palais qu'il s'y 
bâtit, en ont reproduit les plans et les bas-reliefs, et 
copié les nombreuses inscriptions. Une partie des bas- 
reliefs du palais de Khorsabad sont conservés aujour- 
d'hui au Musée du Louvre. 

Malgré ses conquêtes, Sargon fit une triste fin : 
Sutruk-nahunta, roi d'Élam, reprit en 706 les provinces 
qu'on lui avait enlevées quatre ans plus tôt, et s'empara 
même de quelques villes assyriennes de la frontière ; 
l'année suivante (705), Sargon mourait, peut-être assas- 



1491 



SARGON — SARON 



1Ï92 



sine, dans son palais de Dur-Sar-ukin, laissant la cou- 
ronne à son fils Sennachérib. 

Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, 6 e édit., t. m, p. 513-595; Schrader-Whitehouse, 
The cuneifomi Inscriptions and the Old Testament, 
1885-1888, t. I, p. 263-277 ; t. H, p. 82-99 ; G. Maspero, 
Histoire ancienne de l'Orient, t. m, Les Empires, 
p. 221-273; J. Menant, Annales des rois d'Assyrie, 
1874, p. 155-209; F. Peiser, dans Eb. Scbrader, Keil- 
inschriftliche Bibliothek, t. h, p. 34-80; 276-279; J. Op- 
pert, dans Records of the past, t. vu, I rc série, p. 21- 
56, Retranslation of the Annals of Sargon; t. ix, p. 1- 
20, Great Inscription in the Palace of Khorsabad; 
H. Winckler, Die Keilinschrifitexte Sargon's, 1889, 
p. 100; H. Rawlinson, The cuneiform Inscriptions of 
Western Asia, t. i, pi. 36; pi. 6; t. n, pi. 69; t. ni, 
pi. 11; pi. 3; Botia, Le monument de Ninive, t. m, 
Inscriptions, pi. 70, 154. E. Paumer. 

SARIA (hébreu : Se'aryâh; Septante : Sapocia), le 
quatrième des six fils d'Asel, descendant du roi Saiil, 
de la tribu de Benjamin. I Par., vin, 38; ix, 44. 

SARID (hébreu : Sârîd; Septante : 'EusSex^uXâ, 
Jos., xix, 10; Se85o-jx, f. 12; Vulgate : Sared, f. 10; 
Sarid, J. 12), ville frontière de Zabulon, située à l'ouest 
de Céséleth-Thabor. Conder, s'appuyant sur la leçon 
grecque EaSSôux, l'identifie avec les ruines de Tell 
èadûd, dans ' la partie septentrionale de la plaine 
d'Esdrelon, à l'ouest d'Iksdl, identifié avec Céséleth- 
Thabor. On y trouve au sud de beaux puits. Voir 
Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. u,p. 49, 70. 

SARION (hébreu : Siryôn; Septante : Saviûp), 
nom donné par les Sidoniens au mont Hermon. Deut., 
m, 9. Au Ps. xxix (Vulgate, xxvm), 6, au lieu de la 
traduction de la Vulgate : « Le bien-aimé sera comme 
un petit de licorne, » le texte hébreu porte : « (La voix 
de Jéhovah, c'est-à-dire le tonnerre fera bondir) le 
- Liban et le Sirion comme les petits des buffles. » Dans 
ce passage, l'hébreu porte Siryôn, au lieu de Siryôn, 
et les Septante avec la Vulgate l'ont traduit comme un 
nom commun « bien-aimé ». Voir Hermon, t. ni, 
col. 633. 

SARKIS SCHENORHALI (Serge le Gracieux), 
docteur de l'Église arménienne au XII e siècle, né vers 
1090-1095 et mort en 1166 environ. Il a laissé un double 
Commentaire des sept Epîtres catholiques dont le 
premier,rédigé en 1156, est fort étendu et porte pour 

titre . ( ^fai $ Xy-blfbrti-phujlj to/ofti Pqjjn- 
yh l^tup nu^qj>l£fcij; dix ans plus tard il en ache- 
vait l'abrégé, intitulé : ^^bjîhnL-Pfiifh bap-uhitj 

pnOng IfiuPn^i^lfhuijg- — Ces commen- 
taires comprennent en tout 43 homélies, suivies chacune 
d'une exhortation : les onze premières sont consa- 
crées à l'interprétation de l'Épttre de saint Jacques, les 
dix-huit suivantes à celle de saint Pierre, les onze 
autres aux trois Épitres de saint Jean et enfin les trois 
dernières à celle de saint Jude. A la fin, il y a un dis- 
cours sur les « Motifs des sept Épitres catholiques par 
les quatre saints Apôtres «.L'auteur suit en général dans 
son travail les explications de saint Grégoire le théo- 
logien, de Cyrille d'Alexandrie, de Basile de Césarée, 
d'Ephrem et surtout de Jean Chrysostome, auquel il 
emprunte parfois des exhortations entières presque 
mot à mot. Le premier de ces commentaires a été 
publié à Constantinopleen 1744 et le second en 1826-1828. 

J. Miskgian. 
SARMENT. Voir Vigne. 



SAROHEN (hébreu : Sarûl.ién), ville de la tribu de 
Siméon. Jos., xix, 6. Elle est appelée ailleurs Saarim. 
I Par., iv, 31. Voir Saarim, col. 1285. 

SARON (hébreu : Sârôn; Septante : Eapwv), nom 
d'une ville et d'une plaine de la Palestine occidentale 
et d'une ville ou d'une contrée à l'est du Jourdain. 

1. SARON (hébreu : Lassârôn; Seplante: Vaticanus : 
'Ap<ix; Aleœandrinus : omis), cité chananéenne, dont 
le roi fut vaincu par Josué. Jos., XII, 18. Son existence 
est mise en doute pour des raisons de critique tex- 
tuelle. Le Codex Vaticanus des Septante porte, au ji. 18 : 
paccXsa '0:pèx tïj{ 'Apiix; le mot 'Aprâx semble bien 
une corruption de Saptôv. La version grecque suppose 
donc en hébreu la lecture : [in^] Tnwb ps« tj'îd, mé- 

lêk 'Afëq las-Sârôn ['éhâd], « le roi d' Aphec en Saron, 
[un]. «Elle supprime ainsi 'él}dd après 'Afêq et niélék 
avant las-Sârôn, ne voyant ici qu'une seule ville qui 
aurait appartenu « à [la plaine ou au district de] Saron. » 
Le Codex Alexandrinus omet même xfj; 'Apwx. Il est 
donc possible que le texte massoré tique actuel soit fautif. 
Ce qui rend cette opinion plus probable encore, c'est 
l'expression singulière mélék las-Sârôn, « le roi à 
Saron », à moins qu'on ne doive prendre LaUârôn 
pour le nom propre de la ville, hypothèse tout à fait 
douteuse. Si l'on accepte la leçon des Septante, l'Aphec 
dont il est questiou ici aurait donc été dans la plaine 
de Saron. Voir Saron 2. Quelques-uns veulent le placer 
dans la région située entre le mont Thabor et le lac de 
Tibériade appelée Saronas, d'après Eusèbe et saint 
Jérôme, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 154. 
296. Mais il est plus probable que la vieille cité chana- 
néenne appartenait au midi, et non au nord du pays, 
bien que son emplacement soit tout à fait incertain. 
Voir Aphec 1, t. i, col. 726. Si l'on prend Saron pour 
une ville spéciale, on pourra penser à Sarona, qui so 
trouve près de Jaffa, ou à Sarona, située à l'ouest et 
vers la pointe méridionale du lac de Tibériade, qui 
rappelle la région mentionnée par Eusèbe et S. Jérôme. 
Cette dernière se retrouve sous le même nom dans la 
liste de Thothmès III, d'après G. Maspero, Sur les noms 
géographiques de la Liste de Thoutmos III, qu'on 
peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions 
of the Victoria Institute, or philosophical Society of 
Great Britain, 1886, p. 5. Mais Saron, comme Aphec, 
devait plutôt faire partie du midi de Chanaan. Dans 
l'embarras du texte et faute de renseignements, de points 
de comparaison, nous sommes ici dans la plus com- 
plète incertitude. A. Legendre. 

2. SARON (hébreu : has-Sârôn, avec l'article; Sep- 
tante : Vaticanus : 'Aceioûv; Alexandrinus : Éaptiv, 
I Par., xxvii, 29; tô m-8i6v, Cant., u, 1; à Saptiv, Is., 
xxxm, 9; Vat. : omis; Alex. : à ïapûv, Is., xxxv, 2; 6 
3pU(io;, Is., lxv, 10; à Eapciv, Act., ix, 35), plaine de la 
Palestine, s'étendant de Jaffa au Carmel. I Par., xxvn, 
29; Cant., n, 1; Is., xxxm, 9; xxxv, 2; lxv, 10; Act., 
ix, 35. 

Le mot Sârôn vient probablement de ydsar, « être 
droit », comme mîsôr, qui a la même signification de 
« plaine, plateau ». Il est toujours accompagné de l'ar- 
ticle; d'où il suit qu'il désigne une région déterminée, 
bien connue des Israélites, comme « l'Arabah », hâ-'Arâ- 
bâh, Deut., Il, 8; m, 17, etc., « la Séphélah », has- 
Sefêlâh, Deut., I, 7 ; Jos., XI, 2, etc., bien que les docu- 
ments topographiques ne la présentent pas avec celles-ci 
parmi les divisions du pays. Les Septante traduisent ce . 
mot tantôt par un nom propre, 6 Sapmv, I Par., xxvn, 
29; Is., xxxm, 9, xxxv, 2; tantôt par un nom commun : 
tô toSio'v, « la plaine », Cant., II, 1 ; ô 8puu.ôç, « la forêt ». 
Is., lxv, 10. Cette dernière expression est singulière. 



1493 



SARON — SARUG 



1494 



On la rapproche du même terme employé par Josèphe, 
Ant. jud., XIV, xm, 3 (oi Sp-jpioî); Bell, jud., I, xm, 2, 
pour désigner un territoire voisin du Carmel. Strabon, 
xvi, p. 758, signale aussi « un grand bois », 8pu(ioç 
asyacTic, entre le Carmel et Jaffa. Il est certain d'ailleurs 
que la plaine de Saron possédait autrefois des forêts. 
On en trouve encore une vers Qaisariyéh, composée de 
chênes clairsemés, Quercus cerris et Quercus crinita; 
c'est le reste de celle qui, à l'époque des croisades, est 
appelée foret d'Arsouf, parce qu'elle se prolongeait, vers 
le sud, jusque dans les environs de cette ville. Cf. V. 
Guérin, La Samarie, t. n, p. 388. 

La plaine de Saron est surtout connue dans l'Écriture 
pour sa beauté et sa fertilité. Isaïe, xxxv, 2, associe « la 
magnificence du Carmel et de Saron » à « la gloire du 
Liban. » Pour représenter, au contraire, le pays dans 
le deuil et la tristesse, il dit que « le Liban est confus, 
languissant; Saron est semblable au désert, Basan et le 
Carmel perdent leur feuillage. »Is.,xxxm, 9. Pour mon- 
trer comment le pays redeviendra un jour agricole, 
c'est-à-dire pacifique et heureux, il annonce que « Sa- 
ron deviendra une prairie pour les moutons. » Is. lxv, 
10. L'Épouse du Cantique des Cantiques, il, 1, se com- 
pare au narcisse (fyâbassélef) de Saron. Sous David, les 
troupeaux que l'on faisait paître en Saron étaient con- 
fiés à l'administration de Sétraï le Saronite. I Par., 
xxvn, 29. — Les Talmuds célèbrent aussi la richesse de 
Saron. Ils prétendent que les veaux destinés aux sacri- 
fices provenaient, pour la plupart, de cette plaine. On 
y cultivait la vigne, et l'on en prenait le vin mêlé d'un 
tiers d'eau. Mais le pays fournissant peu de pierres de 
construction, on se servait, pour bâtir les maisons, de 
briques peu solides, qui ne résistaient pas suffisam- 
ment aux intempéries des saisons, aux vents de la mer, 
ni aux longues pluies de l'hiver. Les reconstructions 
étaient donc un fait général et très connu. Le jour de 
Kippour, dans sa prière pour le peuple, le grand-prêtre 
ajoutait un paragraphe spécial pour les habitants de 
Saron, et disait : « Dieu veuille que les habitants de 
Saron ne soient pas ensevelis dans leurs maisons. » Cf. 
A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, 
p. 48-49. — Le miracle opéré par saint Pierre à Lydda 
fut bientôt connu dans la plaine de Saron, et y produi- 
sit d'heureux résultats. Act., IX, 35. 

La plaine de Saron, large de 13 kilomètres à Qaisa- 
riyéh, en a une vingtaine autour de Jaffa. Parsemée de 
mamelons, elle remonte doucement vers la montagne 
jusqu'à une altitude de 60 mètres. Marécageuse par 
endroits, elle est en général bien cultivée. Elle est cou- 
pée par différents fleuves qui déversent dans la Médi- 
terranée les eaux descendues des montagnes samari- 
taines : le nahr ez-Zerqa, le nahr el Akhdar ou elMef- 
djir, le nahr Iskanderûnéh, le nahr el Fdléq et le nahr 
el Audjéh. Voir Palestine, aux sections : plaines et 
vallées, fleuves et rivières, fertilité, flore, etc., col. 1987, 
1991, 2031, 2036. Elle avait une grande importance 
au point de vue des routes militaires et commerciales. 
Voir Routes, col. 1230. A. Legendre. 

3. SARON (hébreu : Sârôn; Septante : Vaticanus : 
Tipiâu.; Alexandrinus : Sapiiv), ville ou contrée située 
à l'est du Jourdain. I Par., v, 16. Il s'agit dans ce pas- 
sage des Parab'pomènes de familles de la tribu de Gad 
qui « habitèrent en Galaad, en Basan et dans ses bourgs 
et dans tous les faubourgs, ou les pâturages (hébreu : 
migresê) de Saron. » Il est à remarquer que Sdrôn n'a 
pas ici l'article, comme il l'a régulièrement lorsqu'il 
désigne la plaine de Saron. En dehors de cette raison, 
il est facile de comprendre qu'il est question d'une con- 
trée voisine de Galaad et de Basan, et non de la plaine 
maritime. Mais le mot désigne-t-il une ville avec ses 
faubourgs, ou une contrée avec ses pâturages ? On ne 
sait. En tout cas, la ville est inconnne. On pense plutôt 



que Sârôn serait l'équivalent de Misôr, qui indique le 
haut plateau moabite, et a la même racine. Voir Misor 
1, t. iv, col. 1132. La stèle de Mésa parle, ligne 13, « des 
gens de Saron », mais cet endroit appartenait sans 
doute au cœur même du pays de Moab. Voir Mésa 3, 
t. iv, col. 1014. A. Legendre. 

4. SARON, SARONA (grec : tôv Hapwvàv). « Tous 
ceux qui habitaient Lyddee et Saronas, lisons-nous 
dans la Vulgate, ayant vu la guérison miraculeuse 
du paralytique Éuée par saint Pierre, se convertirent. » 
Act., x, 35. Lydda étant une ville, plusieurs interprètes 
en ont conclu que Saron ou Sarona l'était aussi, mais 
il n'y a guère lieu de douter que le nom propre, tôv 
Sapiovâv, qui est précédé de l'article, ne désigne la 
plaine de ce nom. Voir Saron 2. 

SARONiTE (hébreu : Jias'-Sârônî; Septante : ô Eoe- 
pwvitr]ç), habitant de la plaine de Saron. Sétraï, qui 
fut chargé par David de- faire paître ses troupeaux 
dans la plaine de Saron, en était originaire. I Par., 
xxvn, 29. 

SARSACHIM (hébreu : Sarsekim; Septante : 
NaSoutrixap), un des généraux de Nabuchodonosor qui 
s'emparèrent de Jérusalem. Jer., xxxix, 3. Il parait 
avoir porté le titre de Rabsaris. L'orthographe de son 
nom est altérée et l'on n'a pu jusqu'à présent en 
rétablir la forme primitive. Cf. Eb. Schrader, Die 
Keilinschriften und das Aile Testament, 2 e édit., 
p. 416. 

SARTHAN (hébreu : Çârtân; omis dans les Sep- 
tante), localité mentionnée dans Jos., m, 16, pour dé- 
terminer la position de la ville d'Adom où commen- 
cèrent à s'arrêter les eaux du Jourdain, lors du 
passage de ce fleuve par les Israélites. Le site est 
incertain. Voir Adom, t. i, col. 221. — Dans III Reg., 
IV, 12, nous lisons que « Bethsan est près de Sar- 
thana, au-dessous de Jezraël. » Un certain nombre de 
commentateurs croient que Sarthana n'est pas diffé- 
rent de Sarthan. Salomon fit fondre les objets en 
métal destinés au Temple entre Sochoth et Sarthan. 
III Reg., vu, 46. Ce Sarthan est le même que celui de 
Jos., m, 16, d'après un grand nombre de commen- 
tateurs, quoique d'autres le contestent. Le second 
livre des Paralipomènes, IV, 17, appelle le Sarthan 
de III Reg., vu, 46, Sarédatha. Voir Sarédatha, 
col. 1486. 

SARTHAN A(hébreu: ÇartanàAySeptante-.EecraÛixv), 
localité nommée III Reg., iv, 12, pour marquer le site 
de Bethsan. Sa situation précise est inconnue. Comme 
son nom ne diffère de celui de Sarthan que par la 
terminaison, beaucoup de commentateurs croient que 
ce ne sont que deux formes diverses désignant le même 
lieu. Voir Sarthan, col. 1494. 

SARUG (hébreu : Serûg; Septante : Eepoû^; dans 
Luc, in, 35, Sapoûx), un des patriarches postdiluviens, 
fils de Reu, père de Nachor et grand-père d'Abraham. 
A l'âge de 30 ans (130 dans les Septante), il engendra 
Nachor et vécut 230 ans (330 dans les Septante, qui 
augmentent de cent ans l'âge des patriarches postdilu- 
viens depuis Sem jusqu'à Tharé). Gen. , xi, 20-23. On 
peut conclure de Josué,xxrv, 2, 14, que Sarug fut ido- 
lâtre. S. Épiphane, De hœr., i, 6, t. xli, col. 188. 
Voir Calmet, Dissertation sur l'origine de l'idolâtrie, 
en tête du livre de la Sagesse, p. 304. Plusieurs com- 
mentateurs allemands veulent que Sarug ait été primi- 
tivement le nom géographique d'un district situé dans 
le voisinage de Haran. H. Guthe, Kurzes Bibelwôrter- 
buch, 1903, p. 612. 



1495 



SARVA — SATISFACTION 



1496 



SARVA (hébreu : Serû'dh; Septante ! III Reg., xi, 
26. Alexandrinus : Eocpoyâ; omis dans Vatïcanus, xn 
24. Vaticanus et Alexandrinus : Eapeira), mère de Jé- 
roboam, premier roi d'Israël. Les Septante, dans leur 
addition à xn, 24, qualifient Sarva de «Spvr], « courti- 
sane »;mais xi, 26, dans tous les textes elle est appelée 
< veuve ». 

SARVIA (hébreu : Serûyâh; dans II Sam.,xrv, 1 : 
Seruyyâh; Septante : Eapomà), sœur de David et mère 
des trois généraux de leur oncle, Abisaï, Joab et Asaël. 
Elle est souvent nommée à ce titre, I Reg. (Sam.), 
xxvi, 6; II Reg. (Sam.), h, 13, 18; m, 39; vm, 16; 
xvi, 9, 10; xvin, 2; xix, 21, 22; xxi, 17; xxm, 18, 37; 
III Reg., i, 7; h, 5, 22; I Par., n, 16; xi, 6, 39; xvin, 
12, 15; xxvt, 28; xxvn, 24. Une autre de ses sœurs, 
Abigaïl, est nommée comme elle dans la généalogie de 
la famille de David, I Par., n, 16, et aussi II Reg. 
(Sam.), xvii, 25. Dans ce dernier passage, Abigaïl 
est appelée « fille de Naas », en même temps que 
« sœur d'Abigaïl ». Quelle que soit l'explication que 
l'on donne de cette difficulté, voir Abigaïl 2, t. i, 
col. 49, sur laquelle on a fait toute sorte d'hypothèses, 
il n'est dit nulle part que Sarvia fût aussi fille de 
Naas. On note aussi comme une singularité que le 
nom de son mari ne se lit nulle part dans l'Écriture, 
contrairement à l'usage de joindre au nom des fils celui 
du père. La proche parenté de Sarvia avec David peut 
expliquer pourquoi le nom de la mère est jointe celui 
des fils, afin de rappeler ainsi leurs liens de famille et 
de rendre compte de la condescendance et de la patience 
que leur oncle témoigna à Abisaï et à Joab, quoiqu'il eût 
souvent lieu de se plaindre de leur conduite. Josèphe, 
Ant.jud., VII, i, 53, appelle le mari de Sarvia 2oupf. 

SASSABASAR (hébreu : Sêsbassar; Septante : 
Xa<j<7af3acr(ip), nom chaldéen de Zorobabel. I Esd., i, 
8, 11; v, 14, 16. On a donné diverses explications de ce 
nom, dont les manuscrits grecs offrent des leçons très 
différentes. On a proposé, entre autres, deux lectures 
principales : ëamasbil (ou bal)-usur, « Samas (le 
dieu Soleil), protège le maître ou le fils », et Sin-bal- 
usur, « Sin (le Dieu Lune), protège le fils ». La plupart 
des commentateurs ont jusqu'à nos jours identifié Sassa- 
bassar avec Zorobabel, comme semble l'avoir fait 
Josèphe, Ant. jud., XI, i, 3. Les doubles noms des 
principaux Hébreux captifs à Babylone sont un fait 
constaté par le livre de Daniel, i, 7; cf. Daniel, t. il, 
col. 1248; par le quatrième livre des Rois, xxm, 34; 
xxiv, 17, et par les monuments assyriens, qui nous 
montrent les étrangers recevant un nom assyrien sur 
les bords de l'Euphrate, sans qu'ils perdissent leur 
nom national auprès de leurs compatriotes. Voir F. Vi- 
gouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. iv, p. 277. L'identification de Sassabasar avec 
Zorobabel résulte d'ailleurs du livre d'Esdras lui-même. 
La reconstruction du temple de Jérusalem est attribuée 
I Esd., in, 8, à Zorobabel et v, 16, à Sassabasar. On ob- 
jecte aujourd'hui, il est vrai, que les noms de Daniel 
et de ses compagnons sont des noms hébreux indigènes 
qui sont changés en noms babyloniens, tandis que Zo- 
robabel doit être un nom étranger comme Sassabasar, 
mais cela n'est pas prouvé. On s'appuie surtout sur le 
fait qu'il ,n'est jamais dit expressément que Sassabasar 
et Zorobabel sont une seule et même personne; cet 
argument n'est pas convaincant, puisqu'on attribue les 
mêmes actes à Zorobabel et à Sassabasar. Cf. I Esd., v, 
2; v, 14-16. Quelques-uns sont allés jusqu'à soutenir 
que Sassabasar n'était point juif, ce qui est en contra- 
diction avec la politique de Cyrus qui, rendant la liberté 
aux captifs, voulut mettre à leur tête un de leurs an- 
ciens chefs, « un prince de Juda. » I Esd., i,8. Voir Zo- 
robabel. 



SATAN (hébreu : édtân; Septante : StdcëoXoç, (kxtixv, 
<raravîç; Vulgate : adversarius, Satan, Satanas), l'ad- 
versaire de l'homme. — 1" Nom. commun. — Le mot 
hébreu vient du verbe sâtan, « être ennemi ». Il s'em- 
ploie parfois dans le simple sens d'adversaire. L'ange 
du Seigneur apparaît à Balaam sur le chemin leSâtân 
lô, a. en adversaire devant lui », BtaëaXsïv aù-r<Sv, contra 
Balaam. Num., xxn, 22. Les Philistins craignent que 
David, réfugié auprès d'Achis, ne devienne pour eux 
un èâlân, ËmêouXo?, adversarius. I Reg., xxix, 4. A ceux 
qui lui conseillent de mettre à mort Séméï, David re- 
proche d'être pour lui leSâtân, eîç èjui'ëouXov, in Satan, 
«. en ennemis ». II Reg., xix, 22. Salomon constate 
qu'il n'existe plus autour de lui d'adversaire, Sâtân, 
i%iêa\ilo(, satan. lit Reg., v, 4. Cependant, à la fin 
de son règne, il voit s'élever contre lui plus d'un Sâtân, 
o-a-câv, adversarius. III Reg., xi, 14, 23, 25. Le Psalmiste 
souhaite que l'ennemi, sâtân, BiiêoXaç, diabolus, se 
tienne à la droite du méchant pour l'accuser. Ps. cix 
(cvm), 6. A Pierre, qui veut le détourner de penser à 
sa passion, le Sauveur dit dans le même sens : « Retire- 
toi de moi, satan, » c'est-à-dire adversaire, mauvais 
conseiller. Matth., xvi, 23; Marc, vin, 23. 

2» Nom propre. — Le mot sâtân désigne particuliè- 
rement le diable, l'adversaire par excellence du genre 
humain. — 1. Dans l'Ancien Testament, on attribue 
à Satan, SiccëoXoç, Satan, l'inspiration qu'eut David 
de faire le dénombrement d'Israël. I Par., XXI, 1. Dans 
Job, I, 6-n, 6, il apparaît comme l'instigateur de tous 
les maux qui, avec la permission de Dieu, fondent sur 
le juste. Zacharie, m, 1, 2, le représente devant l'ange 
de Jéhovah, à la droite du grand-prêtre Jésus, en qualité 
d'accusateur. — 2. Dans le Nouveau Testament, il est 
toujours appelé Saxavâç, Satanas. Saint Jean l'iden- 
tifie avec le diable et l'antique serpent. Apoc, XII, 9; 
xx, 2. Voir Démon, t. n, col. 1366; Diable, col. 1400. 
Satan est le tentateur. Matth., iv, 10; Marc, i, 13; 
Act., v, 3; I Cor., vu, 5. Il enlève le bon grain, c'est- 
à-dire la vérité semée dans les âmes. Marc, iv, 15. Il 
est l'auteur de certains maux physiques. Luc, xm, 16. 
Il circonvient les âmes pour les faire tomber dans le 
mal, II Cor., n, 11; se transfigure en auge de lumière 
pour les tromper, II Cor., xi, 14; excite les passions 
mauvaises, II Cor., xn, 7; cherche à persécuter les pré- 
dicateurs de l'Évangile, Luc, xxn, 31; les empêche 
de remplir leur mission, I Thés., n, 18, et exerce par- 
tout une action néfaste. II Thés., n, 9. Jésus-Christ l'a 
vu tombant du ciel. Luc, x, 18. Il exerce sa puissance 
sur la terre, Act., xxvi, 18, et se garde bien d'agir 
contre ses propres intérêts en chassant les démons. 
Matth., xn, 26; Marc, m, 23, 26; Luc, xi, 18. Il s'est 
emparé de Judas pour lui faire commettre son forfait. 
Luc, xxm, 3; Joa., xm, 27. Il a ses adeptes, qui forment 
la synagogue de Satan et propagent sa domination en 
certains lieux. Apoc, n, 9, 13; m, 9. Il a ses doctrines 
mensongères qu'il fait appeler les « profondeurs de 
Satan ». Apoc, n, 24. On livre à son pouvoir les pécheurs 
scandaleux. I Cor., v, 5; I Tim., i, 20. Certaines âmes 
se convertissent d'elles-mêmes à lui. I Tim., v, 15. Mais 
Dieu l'écrasera sous les pieds des fidèles chrétiens. 
Rom., xvi, 20. A la fin des temps, Satan sera momenta- 
nément relâché de sa prison pour séduire les nations. 
Apoc, xx, 7. H. Lesêtre. 

SATISFACTION, compensation ordinairement exi- 
gée de Dieu, à la suite du péché, même après qu'il a 
élé pardonné. — Quand le péché a lésé le prochain en 
quelque manière, il est naturel et nécessaire que le 
dommage soit compensé. Voir Restitution, col. 1062. 
Mais il y a aussi lieu à satisfaction envers Dieu. 

1» Dans l'Ancien Testament, Dieu exige plusieurs 
fois cette satisfaction. II l'impose à Adam et Eve et à 
tous leurs descendants, même après leur repentir et 



1497 



SATISFACTION — SATRAPE 



leur pardon. Gen., m, 14-19. Àaron et Moïse sont privés 
d'entrer dans la Terre Promise, à cause de leur manque 
de foi à Meriba. Num., xx, 12, 24; Deul., xxxii, 50, 51. 
Job, xlii, 6, se condamne et fait pénitence, à cause 
des paroles inconsidérées qu'il a prononcées. Les sacri- 
fices pour le péché et pour le délit sont de véritables 
satisfactions offertes à Dieu, l'homme s'imposant ou 
subissant une peine et une privation pour compenser 
le plaisir illicite qu'il s'est permis en désobéissant à 
Dieu. Voir Sacrifice, col. 1319. David, pardonné de son 
péché, verra cependant mourir son fils, parce qu'il a 
fait mépriser Jéhovah par ses ennemis. II Reg., xn, 
13, 14. A la suite du dénombrement, David se repent 
encore, mais il lui faut subir un fléau qui l'atteindra 
ainsi que son peuple. II Reg., xxiv, 10-14. Les iléaux 
particuliers ou généraux que Dieu envoie frappent à 
la fois ceux qui se repentent et ceux qui s'obstinent 
dans le mal. Pour les premiers, ils ont le caractère de 
satisfactions. II en a été ainsi de la captivité, à laquelle 
ont été soumis même des Israélites pieux ou repentants. 
La pénitence volontaire constitue une satisfaction dont 
Dieu se contente souvent. Joël., h, 12-17. Voir Pénitence, 
col. 39. Enfin, les sacrifices pour les morts supposent 
que ceux-ci doivent encore des satisfactions à Dieu 
dans l'autre vie. II Mach., xn, 43-46. Voir Purgatoire, 
col. 874. 

2° Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur dit 
que le coupable ne sortira pas de prison avant d'avoir 
payé jusqu'à la dernière obole, c'est-à-dire avant d'avoir 
donné toute satisfaction à son débiteur. Matth., v, 26; 
xvin, 30, 34. Lui-même a souffert et est mort afin de 
nous racheter, c'est-à-dire afin de fournir à Dieu, en 
notre nom, les satisfactions que nous étions incapables 
de lui offrir. Voir Rédemption, col. 1007. Néanmoins 
les salisfactions surabondantes du Christ ne dispensent 
pas le chrétien d'apporter les siennes. « Ce qui manque 
aux souffrancesdu Christen ma propre chair, je l'achève 
pourson corps, qui est l'Église », dit saint Paul. Col-, i, 
24. Le chrétien unit ainsi ses satisfactions personnelles 
à celles du Christ, non que ces dernières soient insuf- 
fisantes, mais parce que le chrétien se les applique 
surtout en y prenant part, pour que le corps mystique 
du Christ, qui est l'Église, soit associé en tout au corps 
naturel que le Christ a pris dans l'incarnation. Or le 
corps mystique de l'Église ne se compose que de l'en- 
semble des chrétiens, dont chacun, par conséquent, 
comme membre de ce corps, doit partager le sort du 
corps tout entier. I Cor., xn, 30. Voir Mortification, 
t. iv, col. 1313. H. Lesêtre. 

SATRAPE (hébreu, aupluriel : 'âJfaSdarpenîm,;chn]- 
déen dans Daniel : 'âfiâsdarpenîn; grec classique, t&zç. i- 




306. — Satrape perse Tissapherae. 

Tète du satrape Tissapheroe, coiffé de la tiare perse. — fi). BAEI- 
AEQS. Le roi Artaxercès II Mnémon, en archer mélophore, à 
demi agenouillé, à droite; derrière, mie galère avec un rang de 
rameurs. Le tout dans un carré creux. 

îtTjc et o-oreporar,?), gouverneur d'une province dans l'an- 
cienne Perse (fig. 306). — 1° Étymologie. L'hébreu est la 
reproduction, avec Valeph prosthétique, du perse khSa- 
trapâvan, par abrévation khsafrdpa, formé des deux 
mots khsatra, «c royaume, empire », et pâ, « proté- 
ger ». Satrape est donc l'équivalent de « protecteur de 



l'empire ». Les dérivations qu'on donnait autrefois et 
qui rattachaient, par exemple, le mot satrape au sans- 
crit asatrapé, « guerrier de l'armée», etc., sont fausses. 
Voir Gesenius, Thésaurus, t. i, p. 73-74; A. F. Pott, 
Etymologische Forschungen, in-8°, Lemgo, 1859, p. 68; 
F. von Lagarde, Armenische Studien, in-4°, Gœttingue, 
1877, n. 1667, 1856; F. Spiegel, Die altpersische Keil- 
inschriften, in-8», Leipzig, 2 e édit., 1881, xxn, 26, p. 215; 
K. Marti, Grammatik der bibl. aram. Sprache, in-8°, 
Berlin, 1896, note de Andréas dans le glossaire, au mot 
' Ahasdarpan ; G. Rawlinson, The History of Hero- 
dotus, 4 in-8°, 2= édit., Londres, 1862, t. n, p. 481. On 
trouve ce nom sur plusieurs anciennes inscriptions 
en langue perse ou mède, notamment dans celle de 
Béhistoun. Cf. J. Oppert, Le peuple et la langue des 
Mèdes, in-8», Paris, 1879, p. 136, 178. — 2° Les satrapes 
et la Bible. Il est question des satrapes dans plusieurs 
passages de l'Ancien Testament: Esd., vin, 36; Esth., 
ni, 12; vin, 9; ix, 3; Dan., m, 2, 3, 27 (Vulgate, 94); 
vi, 1, 2, 3, 4, 7. Mais le mot hébreu 'ahaÇdarpan n'est 
pas toujours traduit de la même manière dans nos 
anciennes versions officielles. Les Septante le tradui- 
sent par 5ioixr]Tai dans Esdras;par o-tp<itïjyoî etap^ovreç 
téôv <Txcpa7rà>v dans Esther; par ooecpâTC*:, ûua-roi et to- 
nâp/ac dans Daniel. La Vulgate a le plus souvent sa- 
trapes ; principes pour Esth., vm, 9; duces pour Esth., 
IX, 3. — 3° Institution et nombre. Les satrapes furent 
institués par Darius I", fils d'Hystaspe (521-486 av. 
J:-C), lorsque, après son installation sur le trône de 
Perse, il divisa son vaste empire en provinces ou 
satrapies, qui correspondaient à un ou à plusieurs des 
royaumes conquis. A la tête de chacune de ces provinces 
il établit un satrape comme gouverneur. Hérodote, m, 
89. Sous les Achéménides, à l'époque la plus florissante 
de la Perse, il y avait vingt satrapies seulement, et il ne 
paraît pas que ce chiffre ait jamais été beaucoup dépassé. 
Hérodote, m, 89; J. Oppert, loc. cit. , p. 112-114. Si donc il 
est parlé de 120 satrapes au livre de Daniel, ce ne peut 
être que dans un sens large. « Dans ce chapitre (vi) les 
120 satrapes ne sont évidemment pas des satrapes dans 
le sens strict de l'expression... C'est ainsi que le titre 
marzban, qui, sous la dynastie sassanienne, correspon- 
dait à l'ancien mot satrape, est parfois employé par 
les écrivains arabes postérieurs, pour désigner les offi- 
ciers persans en général. » A. Bevan, A short Commen- 
tary on the Book of Daniel, in-8°, Cambridge, 1892, 
p. 109. Il faut expliquer de même II Esd., i, 1 ; vm, 
9 et îx, 30, où il est question des 127 provinces de l'em- 
pire perse; il s'agit là de districts d'un ordre infé- 
rieur. Voir aussi Esth., vm, 9. — 4» Les pouvoirs dont 
les satrapes étaient investis furent considérables dès 
l'origine. En réalité, ils exerçaient les fonctions de vice- 
rois, au nom du monarque, qui s'était réservé la juridic- 
tion suprême. Cependant, tout en jouissant d'une large 
autonomie, ils n'étaient chargés que de l'administration 
civile et politique; ils ne possédèrent pas d'abord l'au- 
torité militaire, qui était confiée à un fonctionnaire 
spécial, lequel dépendait aussi directement du « grand 
roi ». Hérodote, m, 89. Les satrapes étaient chargés de 
l'exécution des ordres royaux, du recouvrement des im- 
pôts, de l'entretien des routes, de divers travaux agri- 
coles, etc. A côté d'eux, il y avait un scribe ou chancelier, 
également indépendant. Des inspecteurs officiels, qui 
se rendaient chaque année dans les provinces, et qu'on 
appelait « les yeux et les oreilles du roi », leur faisaient 
rendre compte de leur administration. Les moindres 
négligences étaient sévèrement punies. Hérodote, i, 114; 
Xénophon, Cyrop., VIII, yi, 17. Pour leurs communi- 
cations directes avec le roi, ils employaient des messa- 
gers spéciaux, nommés a-j-fapoi, qui portaient les dé- 
pèches de station en station, montés sur des coursiers ra- 
pides. Hérodote, vm, 98; Xénophon, Cyrop., VIII, VI, 17. 
Ils étaient choisis parmi les descendants des anciennes 



1499 



SATRAPE 



SAUL 



1500 



familles nobles de la Perse, et tenaient une cour prin- 
cière, à la façon du roi. Hérodote, i, 192. A l'époque de 
la décadence de l'empire, leurs pouvoirs s'accrurent, 
et ils possédèrent souvent, d'une manière simultanée, 
l'autorité civile et militaire; ils abusèrent alors fré- 
quemment de leur puissance presque royale, pour 
opprimer leurs administrés. En fait, ils étaient devenus 
semblables à des princes indépendants ou à des rois 
vassaux. Alexandre le Grand, après sa conquête de la 
Perse, maintint le système des satrapies, avec quelques 
modifications. Au-dessous des satrapes, il y avait le 
pétjLâh, placé à la tête d'un district moins considérable. 
C'est ainsi que Zorobabel et Néhémie furent pahôt (gou- 
verneurs )de la Judée sous les satrapes persans de Syrie. 
Cf. I Esd., IV, 3, 6; II Esd., H, 9. Après la conquête 
de Babylone par Cyrus, la jalousie des satrapes fit jeter 
Daniel dans la fosse aux lions, mais ceux qui l'avaient 
dénoncé y furent jetés à leur tour, le prophète ayant 
été miraculeusement sauvé. Dan., vi, 1-24. — Sous 
Xerxès, Aman fit envoyer aux satrapes des lettres pour 
la proscription des Juifs. Esth., ni, 12. Ils en reçurent 
ensuite en sens contraire. Esth., vm, 9; ix, 3. Quand 
Esdras retourna en Judée, il remit aux satrapes et aux 
pafyôt qui gouvernaient à l'ouest de l'Euphrate des 
édits royaux favorables aux Juifs. I Esd., vin, 36. 
— Les Septante et la Vulgate ont employé plusieurs 
fois improprement o-arpocjcai, salrapse, pour traduire 
seranîm, le nom des chefs philistins. Voir Philistins, 
col. 290. — Satrapa, dans IV Reg., xvm, 24, traduit 
l'hébreu pafyat (Septante : Tonipxiç), de même que 
II Par., ix, 14 (Septante : axzpiizai). — VoirL. Dubeux, 
La Perse, in-8», Paris, 1841, p. 97-98; E. Schrader, 
Die Keilinschriften und das Aile Test,, 3» édit., revue 








307. — Cynocéphale. Figurine de terre verte émaillée provenant 
de Goptos. D'après Maspero, Hist. ancl des peuples de 
VOrient, t. I, p. 145. 

par Zimmern et Winckler, in-8», Berlin, 1903, p. 116- 
117, 188; A. Buchholz, Qusestiones de Persarum sa- 
trapis satrapiisque, in-8°, Leipzig, 1894. 

L. Fillion. 
SATUM, mot par lequel la Vulgate traduit ordi- 
nairement le nom de mesure hébreu se"dh. Voir 
Mesure, iv, 30, t. iv, col. 1043; Sê'Ah. 

SATYRE, mot par lequel certains traducteurs 
rendent le mot hébreu se'îrîm, qui signifie « velus ». 



Saint Jérôme, Comm. in Is., xm, 21, t. xxiv, col. 159, 
l'explique ainsi : (Seirim) vel incubones vel salyros 
vel sylvestres quosdam komines, quos nonnulli fatuos 
ficarios vocant, aut dsemonum gênera intelligunt. — 
1° Les se'irim désignent dans le Lévitique, XVII, 7, 
de fausses divinités ou des animaux divinisés (Sep- 
tante : ot |i<x7a!o! ; Vulgate : dsemonia) auxquels les ' 
Israélites avaient rendu un culte en Egypte. Plusieurs 
croient qu'il s'agit de boucs; d'autres, de cynocéphales 
(fig. 307), qu'on voit souvent représentés sur les mo- 
numents égyptiens. Voir Singe. Il est aussi question de 
ces mêmes se'îrîm (Septante : oi pazaioi; Vulgate : 
dsemonia) dans II Par., XI, 15. Jéroboam I er , roi 
d'Israël, qui s'était réfugié en Egypte pendant les 
dernières années du règne de Salomon, établit dans 
son nouveau royaume des prêtres des hauts-lieux, des 
se'irim et des veaux (bœuf Apis). — Isaïe parle des 
se'îrîm dans deux passages, xm, 21 ; xxxiv, 14 (Sep- 
tante : Saejiôvia; Vulgate : pilosi, pilosus) ; il peut dé- 
signer par ce mot « les boucs ». Voir Bodc, t. I, 
col. 1871. 

SAUL, nom d'un Iduméen, de trois Israélites et 
premier nom de saint Paul. 

1. SAUL (hébreu : Sâ'ûl ; Septante : 2ao-jX), roi 
d'Édom. Gen., xxxvi, 37; I Par., xlvii, 49. Il avait 
succédé à Semla et résidait à Rohoboth. Voir Roiio- 
both, col. 1113. 

3. SAUL (hébreu : Ëâ'ûl; Septante : Eao-j).), le pre- 
mier roi d'Israël (1095-1055). 

I. Son élection. — 1° Sa jeunesse. — Saûl était fils 
de Cis, de la tribu de Benjamin. Voir Cis, t. h, col. 680. 
La Sainte Écriture signale sa beauté singulière et sa 
taille, par laquelle il dépassait de la tête les autres 
Israélites. 1 Reg., ix, 2; x, 24. Un seul incident de sa 
jeunesse est raconté. Les ânesses de son père s'étaient 
égarées; Cis envoya Saûl pour les chercher en compa- 
gnie d'un serviteur. Le jeune homme les chercha en 
vain dans la montage d'Éphraïm et dans les régions 
de Salisa et de Salim. Il ne les trouva pas non plus 
en Benjamin, au pays de Suph. Il eut alors l'idée de 
retourner vers son père, qui pouvait être en peine de 
lui, lorsque, sur le conseil de son serviteur, il se décida 
à aller consulter, dans le voisinage, un homme de Dieu 
très considéré. Tout l'avoir des deux chercheurs consis- 
tait en un quart de sicle d'argent, qu'ils résolurent 
d'offrir au voyant. A la montée de la ville, des jeunes 
filles les informèrent que le voyant était là, mais se 
disposait à se rendre au haut-lieu pour bénir un sacri- 
fice qui devait être suivi d'un festin. Or Jéhovah avait 
fait connaître au voyant, Samuel, la visite qu'il rece- 
vrait et le choix qu'il avait fait du jeune homme qui se 
présenterait : il devait être ce roi que le peuple avait 
récemment réclamé. Ayant reconnu Saûl, Samuel le 
convia à manger avec lui ce jour-là, pour le laisser 
partirlelendemain.il ajouta d'ailleurs que les ânesses 
qu'il cherchait depuis trois jours étaient retrouvées. 

2° Sort, onction. — Chemin faisant, Samuel dit à Saûl 
que tout ce qu'il y avait de plus précieux en Israël 
était pour lui et pour la maison de son père, ce à quoi 
le jeune homme répondit en faisant remarquer la peti- 
tesse de sa famille et de sa tribu. Au festin, auquel 
trente hommes prenaient part, Samuel fit donner les 
premières places à Saûl et à son serviteur, et ordonna 
de servir au jeune homme une part de choix qu'il avait 
réservée. De retour dans la ville, Samuel s'entretint 
avec Saûl sur le toit de la maison, et, le lendemain 
matin, il le reconduisit hors de la ville. Le priant alors 
de faire aller le serviteur en avant, Samuel prit une 
fiole d'huile et la versa sur la tête de Saûl en lui 
disant : « Jéhovah t'oint pour chef sur son héritage. » 



1501 



SAtlL 



1502 



Cet acte pouvait à bon droit étonner Saûl. Pour lui 
montrer qu'il agissait en connaissance de cause, Samuel 
lui révéla certains incidents qui allaient lui arriver : 
deux hommes le rencontreraient près du Tombeau de 
Rachel (voir col. 925) et lui annonceraient que ses ânesses 
étaient retrouvées; près du chêne de Thabor, trois 
hommes munis de provisions lui offriraient deux pains; 
à Gabaa, il verrait une troupe de prophètes et, saisi de 
l'esprit de Dieu, il se mettrait à prophétiser avec eux. 
Enfin, il aurait ensuite à se rendre à Galgala et à y 
attendre Samuel durant sept jours avant d'offrir les 
sacrifices. Les signes indiqués par Samuel se réalisèrent 
exactement. Quand Saul fut de retour chez lui, son 
oncle lui demanda ce qui lui était arrivé avec le pro- 
phète. Saùl répondit simplement qu'il lui avait donné 
des nouvelles de ses ânesses, mais il ne dit rien de 
l'onction reçue. I Reg., ix, 20-x, 16. 

3° Son élection. — Il fallait que le choix du nouveau 
roi, arrêté par Dieu, fût notifié au peuple. Samuel 
convoqua les tribus à Masphath et tira au sort pour le 
désigner. Voir Sort. La désignation porta successi- 
vement sur la Iribu de Benjamin, la famillede Métri 
et Saûl, fils de Cis. Saûl s'était dissimulé parmi les 
bagages du campement. Sur l'indication de Jéhovah, 
on l'en tira. Samuel lit remarquer au peuple les avan- 
tages de sa personne et tous s'écrièrent : « Vive le 
roi ! » Quand le droit de la royauté eut été lu par Samuel, 
Saùl s'en retourna dans sa maison, à Gabaa, accom- 
pagné d'une troupe d'hommes marquants dont Dieu 
avait incliné le cœur vers le nouveau roi. Il y eut 
cependant des opposants qui dirent : « Est-ce celui-là 
qui nous sauvera ? » Pour témoigner de leur mépris, 
ils s'abstinrent d'offrir des présents à Saûl. Celui-ci 
eut la sagesse de fermer les yeux sur cet incident. 
' I Reg., x, 18-27. 

IL La première faute. — 1° La victoire sur les 
Ammonites. — L'historien sacré se préoccupe sur- 
tout de mettre en relief les causes qui ont motivé la 
réprobation de Saùl. Il ne donne que des détails 
assez brefs sur ses guerres. Il indiquait l'âge du roi 
et la durée de son règne; mais les chiffres ont péri. 

I Reg., xiii, 1. On sait par saint Paul que Saùl régna 
quarante ans. Act., xiii, 21. Josèphe, Ant. jud., VI, 
XIV, 8, divise ce total en deux parties, dix-huit ans du 
vivant de Samuel, et vingt-deux après la mort du pro- 
phète. Comme, dès le début du règne, le fils de Saûl, 
Jonathas, est déjà à la têle de mille hommes, ce qui 
suppose un âge de dix-huit à vingt ans, on conjecture 
que Saùl avait de trente-cinq à quarante ans quand il 
fut élu roi, ce qui le ferait vivre jusqu'à près de quatre- 
vingts ans. — Il semble que, dans les premiers temps 
qui suivirent son élection, Saùl traita la royauté plutôt 
comme une fonction que comme une dignité. Il était 
retourné à ses champs et labourait, quand on apporta 
à Gabaa la nouvelle des insolentes provocations de 
Naas l'Ammonite, campé devant Jabès en Galaad. Les 
habitants de Jabès avaient demandé à Naas sept jours de 
répit, promettant de se rendre s'ils n'étaient secourus. 
Informé de la situation, Saùl prit aussitôt deux de ses 
bœufs, les mit en pièces et en envoya les morceaux 
dans tout Israël, en disant : « Ainsi seront traités les 
bœufs de quiconque ne marchera pas à la suite de Saùl 
et de Samuel. » Les hommes vinrent en foule à Rézec, 
sur la rive droite du Jourdain. Voir Bézec, 1. 1, col. 1774. 

II y aurait eu 300000 hommes d'Israël et 30000 de Juda. 
Josèphe, Ant. jud., VI, v, 3, en compte 700000 et 70000. 
Les chiffres bibliques paraissent déjà fort élevés, étant 
donné surtout le peu de temps dont on disposait pour 
la convocation et le rassemblement. On sait d'ailleurs 
avec quelle facilité les nombres pouvaient être altérés 
par les copistes. Les messagers de Jabès furent chargés 
d'annoncer le secours pour le lendemain. Saûl passa 
le Jourdain avec ses troupes, et les disposant en trois 



corps, il pénétra dans le camp des Ammonites dès la 
veille du matin, continua la lutte jusqu'à la chaleur du 
jour, et dispersa tous ceux des ennemis qui échap- 
pèrent à la mort. Voir Naas, t. iv, col. 1429. — Cette 
victoire, qui justifiait si brillamment le choix du nou- 
veau roi, fut le signal d'une réaction violente contre 
ceux qui lui avaient manqué de respect au jour de 
son élection. Saùl voulut qu'aucune rigueur ne fût 
exercée contre eux, et, sous la conduite de Samuel, 
tous se rendirent à Galgala pour acclamer à nouveau 
la royauté de Saùl, désormais acceptée de tous, y offrir 
des sacrifices d'actions de grâces et se livrer à de 
grandes réjouissances. I Reg., xi, 1-15. 

2° Le sacrifice de Galgala. — Assuré que Saûl rem- 
plirait dignement sa charge de défenseur du pays, 
Samuel abdiqua publiquement sa judicature. I Reg., 
XII, 1-25. Dès lors, Saûl s'occupa d'organiser les forces 
militaires qui lui étaient nécessaires. Il choisit 30000 
hommes d'Israël, parmi lesquels 2000 demeurèrent 
avec lui à Machmas et sur la montagne de Bethel, et 
1000 furent sous les ordres de son fils Jonathas à 
Gabaa. Il renvoya les autres chez eux. Il est probable 
que les 30000 hommes devaient fournir, par dixièmes 
successifs, l'effectif de 3000 combattants toujours prêts 
à marcher. — Jonathas ne tarda pas à se signaler en 
battant un poste de Philistins en résidence à Gabée. 
Comprenant que les Philistins ne demanderaient qu'à 
se venger, Saùl signala le fait à son peuple. Bientôt 
après, les ennemis étaient sur pied avec 1000 chars 
(et non 30000), 6000 cavaliers et d'innombrables soldats, 
et ils vinrent camper à Machmas. Parmi les Hébreux, 
beaucoup se cachèrent, d'autres passèrent le Jourdain, 
le reste tremblait derrière Saùl à Galgala, sur le bord 
du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de Machmas- 
Conformément à l'ordre précédemment reçu, Saùl 
attendit Samuel pendant sept jours pour l'offrande des 
sacrifices qui devaient appeler le secours de Jéhovah. 
Le septième jour, voyant que Samuel n'arrivait pas et 
que le peuple se dispersait de plus en plus, Saùl fit 
procéder à l'offrande des sacrifices. A peine avait-on 
terminé que Samuel parut. Le roi chercha à s'excuser 
sur la nécessité imposée par les circonstances; mais le 
prophète lui fit savoir que, pour avoir transgressé 
l'ordre de Jéhovah, son règne serait éphémère et ne 
serait pas affermi pour toujours, c'est-à-dire pour sa 
descendance. I Reg., xiii, 2-14. La faute commise par 
Saùl était évidemment grave pour mériter une telle 
sanction. Consista-t-elle en ce qu'il prit sur lui d'offrir 
les sacrifices comme s'il était prêtre? Josèphe, Ant. 
jud., VI, VI, 2, semble le penser. Mais le texte sacré 
peut s'entendre en ce sens que le roi commanda d'offrir 
les sacrifices, et d'ailleurs Samuel ne lui reproche pas 
une ingérence dans les fonctions sacerdotales, mais 
seulement une décision prématurément prise avant son 
arrivée. Saùl s'est rendu coupable en oubliant que son 
pouvoir royal restait subordonné au pouvoir théocra- 
tique représenté par le prophète de Jéhovah, et en 
manquant de la confiance nécessaire en Dieu qui con- 
naissait mieux que lui l'urgence du péril et se réservait 
de l'écarter à son heure. De plus, même en s'abstenant 
d'offrir en personne les sacrifices, le roi s'était permis 
une intervention abusive dans les choses religieuses, 
et la volonté manifeste de Dieu était qu'en Israël, à 
rencontre de ce qui se passait chez les autres peuples, 
le pouvoir sacerdotal demeurât absolument distinct du 
pouvoir royal. Ces vérités devaient être fortement in- 
culquées dès l'origine de la royauté en Israël. 

3" La guerre contre les Philistins. — Saùl, abandonné 
par Samuel qui s'était retiré à Gabaa, ne trouva plus 
avec lui que 600 hommes. Il se posta avec eux à Gabée, 
à quatre kilomètres au sud-ouest de Machmas. De leur 
côté, les Philistins envoyèrent trois troupes en diffé- 
rentes directions pour ravager le pays. La situation 



1503 



SAUL 



1504 



des Israélites paraissait d'autant plus lamentable que 
les Philistins étaient leurs fournisseurs d'armes. Il 
fallait descendre chez eux, même pour faire aiguiser 
les instruments de culture. Les Philistins avaient acca- 
paré le monopole de l'industrie métallurgique; ils 
tenaient ainsi à leur discrétion leurs imprévoyants 
voisins qui, en cas d'hostilités, en étaient réduits à 
se passer d'armes et d'outils. Les hommes de Saùl 
n'avaient donc ni lances ni épées; seuls, le roi et Jona- 
thas en possédaient. En voyant les Israélites postés à 
Gabée, les Philistins occupèrent une position en avant 
de Machmas, en haut de la vallée qui séparait les deux 
armées. Jonathas mit à profit cette circonstance pour 
tenter un coup d'audace, avec la confiance que Jéhovah 
saurait bien lui venir en aide. Seul avec son écuyer, il 
gravit les rochers, arriva au premier poste des Philis- 
tins et leur tua une vingtaine d'hommes. La panique se 
mit aussitôt dans le camp ennemi et tut encore aug- 
mentée par un tremblement de terre. Témoins du 
mouvement qui agitait le camp philistin, les Israélites 
s'approchèrent et reconnurent que, dans la confusion 
provoquée par la panique, les ennemis s'entretuaient. 
Aussitôt, des Israélites précédemment cachés ou en 
fuite surgirent de toutes parts et poursuivirent les 
Philistins jusqu'à Béthaven, à trois ou quatre kilo- 
mètres au nord de Machmas. Saûl fit alors jurer à tout 
le peuple que personne ne prendrait rien avant que la 
déroute des ennemis fût achevée. Jonathas, qui n'avait 
pas eu connaissance du serment prescrit par son père, 
mangea un peu de miel en passant par la forêt. La 
poursuite se continua jusqu'à Aïalon, à vingt-cinq kilo- 
mètres à l'ouest de Machmas. Le soir, le peuple se jeta 
sur le butin et, exténué par la faim, mangea des ani- 
maux avec le sang. C'était une faute contre la Loi. 
Lev., m, 17. Par son serment inconsidéré, Saùl avait 
donné occasion à cette transgression. Pour l'expier, il 
fit dresser une pierre, sur laquelle il donna l'ordre 
d'égorger les animaux avant de s'en nourrir, et il 
éleva un autel à Jéhovah. Vers le milieu de la nuit, le 
roi voulait reprendre la poursuite, quand le grand-prêtre 
l'avertit d'avoir d'abord à consulter Dieu. Comme 
aucune réponse ne fut obtenue, on crut qu'une faute 
cachée motivait le silence de Jéhovah et l'on jeta le sort 
pour savoir quel était le coupable. Jonathas fut désigné. 
Il avoua qu'il avait mangé un peu de miel le jour pré- 
cédent, et Saûl voulut le faire mourir. Le peuple s'y 
opposa énergiquement et Jonathas eut la vie sauve. La 
poursuite s'arrêta là. Les Philistins survivants rega- 
gnèrent leur pays et Saûl s'en retourna à Gabaa. Jého- 
vah avait visiblement secouru les Israélites dans leur 
situation désespérée; à combien plus forte raison 
l'eût-il fait si le roi s'en était tenu fidèlement aux 
prescriptions de Samuel! Saûl fit encore d'autres 
guerres contre les ennemis d'alentour, Moab, Ammon, 
Édom, les rois de Soba et, de nouveau, les Philis- 
tins. Mais l'historien sacré se contente de les mention- 
ner. I Reg., xiii, 15-xiv, 47. Voir Jonathas, t. m, 
col. 1616. 

III. La deuxième faute. — 1° La guerre contre les 
Amalécites. — Sur l'ordre de Samuel, Saûl partit en 
guerre contre les Amalécites, qui jadis avaient montré 
tant d'hostilité contre les Hébreux après leur sortie 
d'Egypte. Exod., xvn, 8-16. Il lui était enjoint de tout 
exterminer, parce que tout ce peuple avait été voué à 
l'anathème par Jéhovah. Exod., xvn, 14. Le roi partit 
avec 200000 hommes de pied et 10 000 de Juda. Il 
avertit d'abord les Cinéens d'avoir à se retirer du mi- 
lieu des Amalécites, et il battit ces derniers depuis 
Hévila jusqu'au désert de Sur, près de la frontière 
égyptienne. Voir Hévila, t. m, col. 688, et la carte, 
t. I, col. 429. Seulement il épargna le roi, Agag, et ce 
qu'il y avait de meilleur dans les troupeaux. Après la 
victoire, il se rendit à Carmel de Juda, voir Carmel 1, 



t. H, col. 290, où il s'éleva un monument, une «main » 
voir Main, t. iv, col. 585, et descendit à Galgala. Sa- 
muel parut alors de nouveau et reprocha à Saùl sa 
transgression. Le roi prétendit qu'il avait gardé les 
troupeaux pour offrir des sacrifices à Jéhovah; mais il 
s'attira cette réponse : « Jéhovah prend-il autant de 
plaisir aux holocaustes et aux sacrifices qu'à l'obéis- 
sance à sa voix? Mieux vaut l'obéissance que le sacri- 
fice et la soumission que la graisse des béliers. Car la 
rébellion est aussi coupable que la divination, et la 
résistance autant que l'idolâtrie et les théraphim. 
Puisque tu as rejeté la parole de Jéhovah, il te rejette 
aussi pour que tu ne sois plus roi. » I Reg., XV, 22, 23. 
Ainsi, après avoir mérité la réprobation pour sa des- 
cendance, Saûl la faisait remonter jusqu'à lui-même. 
Il reconnut sa faute et voulut implorer son pardon, 
mais ce fut en vain. Tout ce qu'il obtint, c'est que le 
prophète, pour lui faire honneur devant les Israélites, 
consentît à demeurer quelque temps avec lui, pour 
qu'ensemble ils adorassent Jéhovah. Quant à Agag, 
Samuel le fit comparaître et tailler en morceaux. Puis 
il partit pour Rama, pendant que Saùl s'en retournait 
à Gabaa. 1 Reg., xv, 1-35. 

2° Les conséquences. — « Jusqu'à quand pleureras- 
tu sur Saù], que j'ai rejeté, afin qu'il ne règne plus 
sur Israël? » dit le Seigneur à Samuel, affligé de la 
réprobation de celui sur lequel il avait compté. Pour 
obéir à Dieu, Samuel oignit le jeune David comme roi 
d'Israël. I Reg., xvi, 1-13. Si l'on s'en rapporte à l'in- 
dication de Joséphe, Ant. jud., VI, xiv, 8, Saûl n'avait 
pas encore atteint la moitié de son règne à cette époque. 
Pendant plus de vingt ans, il était donc destiné à 
traîner une vie maudite et misérable. « L'Esprit de 
Jéhovah se retira de lui et un mauvais esprit, venu 
de Jéhovah, le troublait. » Une noire mélancolie, mê- 
lée d'accès de fureur, s'empara de lui. Cf. W. Ebstein, 
Die Medizin im A. T., Stuttgart, 1901, p. 115. Pour 
calmer la surexcitation nerveuse du roi, on chercha 
quelqu'un qui pût lui jouer de la harpe. Le jeune Da- 
vid fut choisi. Quand les accès du roi commençaient, 
celui-ci jouait de son instrument, Saûl s'en trouvait 
bien et se calmait. I Reg., xvi, 14-23. 

IV. La poursuite de David. — 1» Le combat contre 
Goliath. — Une nouvelle attaque des Philistins obligea 
Saûl à rentrer en lutte avec eux. Le géant Goliath vint 
alors défier insolemment les Israélites, et personne 
n'osait se mesurer avec lui. Voir Goliath, t. m, 
col. 268. Saûl promit sa fille à celui qui combattrait le 
philistin, avec exemption de toute charge pour sa 
famille. David s'offrit à affronter la lutte et il vint à 
bout du terrible ennemi, ce qui détermina la fuite des 
Philistins, le massacre d'un grand nombre d'entre eux 
et la poursuite des autres jusqu'à Accaron. I Reg., xvn, 
1-54. Au retour, on fit une ovation à David. Les femmes 
chantaient en dansant : 

Saiil a tué ses mille, 
Et David ses dix mille. 

Le roi se montra fort irrité de la préférence ainsi 
marquée au jeune héros. « Il ne lui manque plus que 
la royauté! » disait-il avec amertume, sans se douter 
que David avait déjà reçu l'onction royale; et, à partir 
de ce jour, il le vit de mauvais œil. I Reg., xviii, 6-9. 
— Entre les deux passages I Reg., xvn, 54, et xviii, 6, 
ont été intercalés deux courts morceaux. Dans le pre- 
mier, Saûl et Abner, son cousin et le chef de son 
armée, ne connaissent pas David et demandent qui 
il est. I Reg., xvn, 55-58. Ce fragment a sa place dans 
le récit de la présentation de David, quand il vint pour 
la première fois jouer de la harpe devant Saûl. Le 
second épisode raconte la liaison de Jonathas et de 
David, qui n'eut lieu qu'après la victoire remportée sur 
Goliath. I Reg., xviii, 1-5. Ces deux morceaux manquent 



1505 



SAÛL 



1506 



dans le Codex Vaticanus. Ils ont été sans doute insé- 
rés à une place gui ne convenait pas. 

2» Les attentats. — Le lendemain de la victoire sur 
les Philistins, Saûl fut saisi d'un accès, et, pendant que 
David lui jouait de la harpe, il chercha à le percer de 
sa lance. David esquiva le coup par deux fois. Alors 
Saûl prit peur; il l'éloigna de lui, le mit à la tête de 
mille hommes et l'envoya guerroyer contre divers 
ennemis. David réussissait partout, le peuple l'aimait, 
et Jonathas en vint à le chérir « comme son âme » et à 
lui en donner la preuve. N'ayant pu réussir à le faire 
périr, Saûl l'engagea contre les Philistins, dans l'espoir 
qu'il y trouverait la mort. Au lieu de lui donner pour 
épouse sa fille ainée, Mérob, il avait accordé celle-ci à 
un autre. David était aimé de Michol, autre fille du roi. 
Saûl la lui promit, s'il lui rapportait en dot les dé- 
pouilles de mille Philistins. David le fit heureusement 
et Saûl fut obligé. d'exécuter sa promesse. Mais ceci ne 
l'empêcha pas de renouveler ses attentats. Il chercha 
encore à percer David de sa lance. Puis il envoya des 
gens dans sa maison pour le tuer. Grâce à une ruse 
de Michol, David échappa et se réfugia auprès de Sa- 
muel. Saûl se rendit en personne à Rama, et là, l'Esprit 
de Dieu le saisit, de sorte que, pendant un jour et une 
nuit, il fut incapable d'agir par lui-même, ce qui per- 
mit à David de se mettre à l'abri. I Reg., xvm, 10-xix, 
24. De retour chez lui, Saûl s'irrita de l'absence de 
David et voulut percer de sa lance Jonathas lui-même, 
à cause de son amitié pour le persécuté et des excuses 
qu'il faisait valoir en sa faveur. I Reg., xx, 24-34. Peu 
après, ayant appris que David se trouvait dans le pays 
de Juda, Saûl reprocha à ses compatriotes de Benjamin 
de laisser son fils soulever son serviteur contre lui. 
David chercha un refuge auprès du grand-prêtre 
Achimélech, à Nobé. Doëg l'Iduméen le dit au roi qui, 
faisant venir Achimélech et les prêtres de Nobé, mit à 
mort le grand-prêtre et quatre-vingt-cinq prêtres. Doëg 
fut l'exécuteur, car les officiers royaux se refusèrent à 
porter la main sur les ministres du Seigneur. De plus, 
tout ce qui se trouvait dans Nobé, hommes et animaux, 
fut passé au fil de l'épée. I Reg:, xx, 2i-xxir, 23. La 
folie de Saûl devenait de plus en plus furieuse. 

3° La campagne contre David. — David ayant pris 
la ville de Ceïla aux Philistins, Saûl partit en guerre 
pour l'y assiéger. David quitta la ville, afin de ne pas 
l'exposer à la vengeance du roi, et se retira au désert de 
Ziph. Les Ziphiens le dénoncèrent à son persécuteur 
qui chercha à s'emparer de lui; mais le fugitif passa 
dans le désert de Maon, où Saûl le serrait de près, 
quand une incursion des Philistins l'obligea à se tour- 
ner ailleurs. Au retour de l'expédition, Saûl se remit à 
sa poursuite à travers les rochers d'Engaddi, à la têle 
de trois mille hommes. Obligé d'entrer dans une ca- 
verne, il fut magnanimement épargné par David, qui se 
trouvait au fond avec ses hommes. Il rentra alors en 
lui-même, reconnut l'innocence de celui auquel il en 
voulait tant, et, se rendant compte qu'un jour David 
serait roi, il le conjura d'épargner sa postérité. La 
promesse en fut faite, Saûl retourna chez lui et David 
alla en lieu sûr. I Reg., xxm, 1-xxiv, 23. Samuel mou- 
rut sur ces entrefaites. — La paix ne pouvait être défi- 
nitive de la part de Saûl. Contre tout droit, il donna sa 
fille Michol, déjà femme de David, à Phalti. I Reg., 
xxvii, 43, 44. Sur une nouvelle dénonciation des 
Ziphiens, Saûl revint avec trois mille hommes pour 
s'emparer de sa victime. David s'approcha de son 
camp, y pénétra la nuit avec un seul compagnon, trouva 
Saûl endormi dans le parc des chars au milieu des 
siens, et se contenta d'emporter la lance et la cruche 
d'eau qui étaient à son chevet. Saûl fut encore obligé 
de rendre justice à la générosité et à l'innocence de 
David, et il retourna dans sa maison. I Reg., xxvi, 1-25. 
Il est évident que tous ces événements ont dû s'espa- 

DICT. DE LA BIBLE. 



cer notablement dans le cours du règne de Saûl, dont 
ils occupent une grande partie. Saûl devait avoir d'assez 
longues périodes de lucidité, durant lesquelles il s'oc- 
cupait de guerres ou d'administration, dans des condi- 
tions passées sous silence par l'écrivain sacré. Voir 
David, t. n, col. 1311-1314. Cf. Meignan, David, Paris, 
1889, p. 6-27. 

V. La fin de Saûl. — 1° L'évocation d'Endor. — 
Pour tenter un effort plus décisif contre Israël, les 
Philistins réunirent toutes leurs forces en une seule 
armée. Saûl vint camper à Gelboé avec l'armée israé- 
lite. Mais, à la vue du camp des Philistins, le cœur lui 
manqua. Il consulta en vain Jéhovah : ni songes, ni 
Urim, ni prophètes ne lui donnèrent de réponse. Il se 
déguisa alors pour aller trouver à Endor une évocatrice 
des morts et la pria de lui faire apparaître Samuel. 
L'apparition se produisit. Voir Évocation des morts, 
t. Il, col. 2129. Condamné par le prophète, Saûl partit 
la nuit même pour retournera son camp. Il n'ignorait 
pas combien sa démarche était criminelle, puisque lui- 
même il avait sévi contre les devins et les nécroman- 
ciens. I Reg., xxviii, 9. 

2° La dernière bataille. —Les Philistins attaquèrent 
les Israélites et en tuèrent un grand nombre à Gelboé. 
Ils s'acharnèrent spécialement à la poursuite de Saûl 
et de ses fils. Jonathas et ses deux frères périrent. Le 
roi, serré de près par les archers, commanda à son 
écuyer de prendre son épée et de l'en percer. Celui-ci 
n'osa; Saûl se saisit alors de l'épée et se jeta dessus. 
D'après un récit inséré plus loin, un Amalécite prétendit 
avoir donné la mort à Saûl sur sa demande. II Reg., 
i, 2-10. Il se vantait de ce qu'il n'avait pas fait, dans l'es- 
poir, qui fut trompé, de gagner la faveur de David. 
Josèphe, Ant. jud., VI, xiv, 7, combine ensemble les 
deux récits. Tous les Israélites s'enfuirent, ce qui per- 
mit aux Philistins d'occuper le territoire et les villes 
qu'ils abandonnaient. Le lendemain de la bataille, les 
Philistins trouvèrent le roi et ses trois fils parmi les 
morts. Ils coupèrentla tête de Saûl, prirent ses armes 
pour les déposer dans le temple d'Astarté et suspen- 
dirent son cadavre aux murs de Bethsan. Les habitants 
de Jabès en Galaad, reconnaissants de ce que Saûl avait 
fait jadis pour leur délivrance, vinrent prendre son 
corps et celui de ses fils, les rapportèrent dans leur 
ville, les y brûlèrent, enterrèrent les restes et jeû- 
nèrent pendant sept jours. I Reg., xxxi, 1-13; I Par., 
x, 1-14. 

8° Après la mort de Saûl. — David avait toujours eu 
de grands égards pour son persécuteur, parce qu'il 
était « l'oint du Seigneur ». Trois jours après le dé- 
sastre, il mit à mort l'Amalécite qui venait se vanter 
d'avoir donné à Saûl, sur sa demande, le coup fatal. 
Puis il célébra un grand deuil et composa le « chant 
de l'Arc », élégie funèbre sur la mort de Saûl et de Jo- 
nathas, son ami si cher et si dévoué. II Reg., i, 1-27. 
Il envoya ensuite féliciter les habitants de Jabès de leur 
acte d'humanité. II Reg., n, 5-7. La maison de Saûl, 
soutenue par Abner, ne laissa pas que de lui causer 
encore de graves difficultés. Pendant qu'il régnait sur 
Juda, Isboseth, autre fils de Saûl, régna sur le reste 
d'Israël durant deux ans. C'était comme un essai du 
schisme définitif qui divisa le pays en deux après la 
mort de Salomon. Abner, mécontenté par Isboseth, 
travailla ensuite à ramener tous les Israélites à la cause 
de David. Isboseth tomba bientôt après sous le fer de 
deux assassins, et tous se rallièrent au roi de Juda. 
II Reg., il, 8-iv, 12. David se montra plein de bienveil- 
lance pour le fils de Jonathas, Miphiboseth. II Reg., 
ix, 1-12. Mais, par la suite, il fut obligé de céder aux 
instances des Gabaonites, qui se plaignaient du grand 
mal que leur avait fait Saûl, au mépris de la foi jurée. 
Jos., ix, 15. Sauvegardant Miphiboseth, il leur livra, 
comme ils le réclamaient, deux fils que Saûl avait eus 

V. - 48 



1507 



SAÙL — SAULE 



1508 



de Respha, et cinq fils que Mérob, fille de Saûl, avait 
eus d'Hadriel. Les Gabaonites les pendirent sur la 
montagne. David fit recueillir leurs restes, et, y joi- 
gnant ceux de Saûl et de Jonathas qu'il prit à Jabès, 
il les inhuma à Séla de Benjamin, dans la sépulture de 
Cis. II Reg., xxi, 1-14. 

4° Le caractère de Saûl. — Si rien n'avait naturel- 
lement préparé Saûl à l'exercice du pouvoir royal, il 
faut convenir que le choix dont il fut l'objet de la part 
de Dieu supposait en lui les qualités nécessaires à sa 
fonction. En fait, il se montra, dès le début, intelligent, 
énergique, homme de décision et maître de lui-même. 
Il aurait pu continuer à l'être, s'il avait su comprendre 
les conditions spéciales dans lesquelles il avait à 
régner. 

Au lieu de prendre exemple sur les rois voisins 
qui ne connaissaient d'autre loi que celle de leur 
caprice et de leurs passions, et qui, en conséquence, 
prétendaient tout régir, dans le domaine religieux 
comme dans les affaires profanes, il aurait dû se rap- 
peler que Dieu commandait toujours en Israël et que 
le pouvoir royal était nécessairement subordonné, au 
moins en certains cas, au pouvoir théocratique repré- 
senté par les prophètes autorisés. Pour expliquer les 
excès du premier roi d'Israël, saint Jérôme, In Ose., h, 
8, t. xxv, col. 883, dit que « Saûl ne fut pas fait roi par 
la volonté de Dieu, mais par l'erreur du peuple, et 
comme il n'avait pas de fond de piété, dès le début de 
son règne, il fut dévoré par l'impiété. » Saûl a été 
désigné directement par Dieu, et cette désignation ne 
pouvait certainement tomber que sur un homme ca- 
pable de bien régner. Saûl est donc seul responsable 
de ses égarements, de ses cruautés et de sa ruine. 
Après avoir manqué gravement vis-à-vis de Dieu, il se 
fit sans raison le persécuteur de David. Cf. S. Augus- 
tin, . Epist. xliii, 8, 23, t. xxxiii, col. 171; 
Serm. cclxxix, 5, t. xxxvui, col. 1278. Sa maladie 
pourrait l'excuser, si elle n'avait été la conséquence 
ou le châtiment de ses fautes, comme l'insinue le texte 
sacré. Elle rendit malheureuse la seconde partie de 
son règne et le conduisit à un véritable désespoir, qui 
lui fit abandonner les principes les plus sacrés pour 
aller consulter une nécromancienne. S'il avait écouté 
Samuel, il eût pu être un prince digne de sa mission, 
comme son fils Jonathas, plein de cœur et de droi- 
ture, promettait de l'être, si sa famille n'avait été re- 
prouvée de Dieu. L'auteur de l'Ecclésiastique, xlvi, 13- 
20, ne mentionne pas nommément Saûl. Il ne fait 
allusion à ce roi qu'en parlant de Samuel. 

H. Les être. 

4. SAUL (hébreu : Sd'ûl; Septante : Saoû),), ancêtre 
de Samuel, de la tribu de Lévi et de la famille de Caath. 
1 Par., vi, 24 (hébreu, 9). Il est appelé probablement 
Johelaujfr. 36 (hébreu, 21). Voir Johel 2, t. m, col. 1593. 

5. SAUL (grec : SaO.o?), premier nom de l'apôtre 
saint Paul. Act., vu, 57,59; vin, 3; ix, 1, 4, 8, 11, 17, 
22, 24; xi, 25, 30; xn, 25; xm, 1, 2, 7, 9; xxn, 7, 13; 
xxvi, 14. Son changement de nom apparaît pour la 
première fois Act., xiu, 9. Étymologiquement c'est le 
même nom que celui du roi Saûl. Voir PA.UL, t. iv, 
col. 2189. 

SAULE (hébreu : safsafâh; Septante : lntô\ïnô\>.i~ 
vov; Vulgate : in superficie; Hébreu : 'ârabim; Sep- 
tante : kÉa, Lev., xxm, 10; Ps. cxxxvi, 2; Is., xxuv, 3, 
4; xXffivEç, Job, XL, 17 (hébreu, 22); "Apaêa;, Is., XV, 7; 
Vulgate : salices), arbre croissant d'ordinaire au bord 
des eaux. 

I. Description. — Ainsi qu'il a été dit en parlant 
des peupliers, avec lesquels ils forment nne famille très 
naturelle, les saules s'en distinguent surtout par le 
moindre nombre de leurs étamines, et par la forme 



rétrécie du limbe des feuilles. Ce sont des arbrisseaux, 
parfois même de vrais arbres, qui abondent principa- 
lement au bord des eaux. On peut les ranger en deux 




308. — Salix Babylonica. 

séries, les saules précoces dont les chatons floraux, 
presque sessiles, croissent avant les feuilles, et les 
saules tardifs où le développement est simultané sur 




— Salix Safsaf. 



de courts ramuscules. Parmi ces derniers le plus re- 
marquable est le Salix Babylonica (fig. 308), à longs 
rameaux pendants, appelé pour cela vulgairement le 
saule-pleureur, et qui, malgré son nom, n'est vraisem- 
blablement que naturalisé dans l'Asie occidentale, sa 
patrie étant, il semble, le Japon. L'espèce spontanée 
en Mésopotamie et nommée parBoissier S. acmophylla, 



1509 



SAULE — SAUTERELLE 



1510 



a des étamines plus nombreuses, 4 ou 5 dans chaque 
fleur, au lieu de 2. On en compte jusqu'à 8 dans le 
S. safsaf (fig. 309) des bords du Nil. Le S. alba est 
aussi un bel arbre de la même série, à feuillage ar- 
genté. Le S. fragilis lui ressemble beaucoup, mais ses 
feuilles sont plus franchement vertes, glabrescentes à 
l'état adulte, avec une pointe oblique et allongée. — 
Les saules précoces comprennent, oulre la série des 
marsaules à rameaux tortueux et feuillages ternes, les 
S. viminalis à longs rejets flexibles, qui sont coupés 
tous les ans sous le nom d'osiers pour l'usage de la 
vannerie. Il faut y joindre le S. purpurea qui semble 
n'avoir qu'une étamine par fleur, les filets étant soudés 
au-dessous des antères, et qui se distingue en outre à 
des feuilles dont plusieurs sont opposées. F. Hy. 

II. Exégèse. — 1° Safsafâh, ne se rencontre qu'une 
fois dans la Bible. Ézéchiel, xvn, 5. Dans cette pro- 
phétie symbolique, le prophète, sous l'image d'un 
aigle qui s'abat sur le Liban et enlève la cime d'un 
cèdre, représente le roi de Babylone, Nabuchodonosor, 
fondant sur la maison de David et enlevant Joachin 
pour l'emmener captif. « Puis il prit du plant du pays 
et le plaça dans un sol fertile; il le mit près d'une eau 
abondante et le planta safsafâh. Ce rejeton ayant 
poussé devint un cep de vigne..., etc. » Les Septante et 
la Vulgate n'ont pas vu dans safsafâh un nom de 
plante :1a version grecque traduit È7riêXe7tô(ji.evov, c'est- 
à-dire, « il le (ce plant) plaça de manière à être vu »; 
la version latine rend le mot hébreu par in superficie, 
« il le mit sur la surface ». Éclairés surtout par le rap- 
prochement du mot arabe ^LojLo, safsaf, « saule », 
les rabbins ont été unanimes à traduire *le mot hébreu 
en ce sens. 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Ams- 
terdam, 1748, t. H, p. 107. Le Talmud, Tr. Succah, m, 
3, indique même la différence du saule appelé safsaf et 
du saule appelé 'ârabdh. Aussi paraît-il plus probable 
de traduire ainsi : « et il le planta comme un saule, » 
ou « il le planta dans une saulaie. » J. D. Michaëlis, Sup- 
plementa ad lexica hebraïca, in-8°, Gcettingue, 1792, 
t. il, p. 213, accepte ce sens et cherche à expliquer la 
pensée du prophète en disant : le plant est placé près 
des eaux abondantes dans une saulaie, ou bien le plant 
de vigne est mis au pied d'un saule pour lui servir 
d'appui et pour que ses branches se marient aux 
siennes; ou bien encore le plant désigné est appuyé 
le long d'une perche ou échalas en bois de saule. 
Et il regarde l'espèce safsafâh comme un saule plus 
grand et plus beau que le saule ordinaire désigné par 
'ârabim. 

2» 'Arabim, qui ne se présente qu'au pluriel, se ren- 
contre cinq fois dans la Bible. Dans le Lévitique, 
Xxiii, 40, pour la fête des tabernacles, on prescrit aux 
Israélites le premier jour de la solennité de prendre 
f du fruit de beaux arbres, des branches de palmier, 
des rameaux d'arbres touffus et des 'arebê de torrent. » 
Job, XL, 22, dans sa description de Behêmoth ou l'hip- 
popotame dit que : « Les lotus le couvrent de leur 
ombre, les 'arebê du torrent l'environnent. » Aux 
'ârabim de Babylone les Juifs captifs suspendent leurs 
harpes. Ps. cxxxvn, 2. « La prospérité d'Israël, dit 
Isaïe, xliv, 3, 4, croîtra comme les 'ârabim le long 
des eaux courantes. » Dans le pays de Moab est men- 
tionné « le torrent des 'ârabim ». Is., xv, 7. On voit par 
ces textes que les 'ârabim sont des arbres croissant 
au bord des eaux. Ces arbres ont été identifiés sur le 
saule par les Septante, la Vulgate, les targums, les ver- 
sions syriaques et arabes, la Mischna et les anciens 
rabbins. 'Arabàh ou 'ârabim rappelle un des noms 
arabes du saule, (_>»», gharab. O. Celsius. Hierobota- 
nicon, t. I, p. 304-308. Ce n'est pas le Populus alba, 
peuplier blanc, ou le Populus euphratica, comme 
quelques exégétes l'ont pensé ; le peuplier se dit haur 
en arabe et non g/tarab ; et les versions ont nettement 



désigné le saule. I. Low, Aramâische Pflanzennamen, 
in-8», Leipzig, 1881, p. 300. 
Le saule était connu dans la vallée du Nil. Job, xl, 

22. L'arbre J I, ter ou tori, fréquemment men- 

tionné sur les bords du Nil, est le saule. Les feuilles du 
Sàlix safsaf, « pliées en deux, cousues ensemble et 
ornées de pétales de fleurs, servaient à faire des guir- 
landes dont on décorait les momies, » on en a trouvé 
dans plusieurs tombes. V. Loret, Flore pharaonique 
2" édit., in-8», Paris, 1892, p. 43; Fr. Woenig, Die 
Pflanzen im Alten Aegypten, in-12, Leipzig, 1886, 
p. 340. — On rencontre en Palestine plusieurs espèces 
de saules, le Salix safsaf et le Salix fragilis, le 
Salix alba, que les Arabes désignent par le même 
nom, Safsaf. Le Salix babylonica, saule-pleureur, se 
trouve fréquemment près des fontaines ou des piscines, 
H. B. Tristram, The natural History of tke Bible, in-12, 
Londres, 1889, 8 e édit., p. 415. E. Levesque. 

SAULES [TORRENT DES] (hébreu : Nahal hâ- 
'Arâblm; Septante : V) çâpafÇ "A pagaç; Vulgate: torrens 
salicum), torrent du pays de Moab, mentionné par Isaïe, 
xv, 7. L'identification en est incertaine. D'après plu- 
sieurs commentateurs, c'est Youadi Safsaf, dont le 
nom a la même signification, « saule ». Vouadi Safsaf 
est le nom d'une des parties principales du ravin 
qui descend de Kérak au nord A'eULisan. — On croit 
assez généralement que le nahal hâ-'Arâbàh, ouadi 
de l'Arabah ou « du saule » mentionné par Amos, 
vi, 14, et qui paraît indiquer la frontière méridio- 
nale du royaume d'Israël quelques années avant ce 
prophète, est le même que celui dont parle Isaïe. 
Son nom devait lui venir des saules qui croissaient 
sur ses rives (Septante : à "/et'jiappoç ™v Sujjiwv; 
Vulgate : torrens deserti). — A l'ouadi Safsaf, plu- 
sieurs préfèrent l'ouadi el-Hasa, qui débouche dans 
le Ghôr es-Safiéh au sud-est de la mer Morte. Voir 
t. iv, col. 1151, et la carte de Moab, fig. 300, t. iv, 
col. 1145. 

SAUL1TES (haS-Sd'ûli; Septante : 5 Saou).!), des- 
cendants de Saûl, fils de Siméon et petit-fils de Jacob. 
Num., xxvi, 13. 

SAURA (grec : Soeuapâv), père de l'Éléazar qui tua 
un éléphant et mourut écrasé par la chute de sa vic- 
time. I Mach., vi, 43. Voir Éléazar 8, t.n, col. 1651. 

SAUTERELLE, nom par lequel on désigne, dans 
le langage populaire, toute une classe d'insectes orthop- 
tères. Voir Insectes, t. m, col. 885. 

I. Histoire naturelle. —1° Conformation. — L'ordre 
des orthoptères se divise en coureurs et en sauteurs ; 




310. — Locusta viridissima. 

les sauteurs comprennent trois familles : les locustiens, 
dont le type est la sauterelle, les acridiens, dont le type 
est le criquet, et les grylliens, dont le type est le grillon. 
La sauterelle proprement dite, locusta viridissima 
(fig. 310), plus commune dans nos contrées, a de 



1511 



SAUTERELLE 



1512 



longues antennes ; une gaine, appelle oviscapte et 
prolongeant l'abdomen, sert à la femelle à déposer ses 
œufs dans une sorte de tube foré dans la terre; le 
mâle fait entendre un chant composé d'une série de 
sons aigus et criards que l'insecte produit en frottant 
l'une contre l'autre ses deux entres, munies chacune 
d'un appareil spécial. Les sauterelles ravageuses appar- 
tiennent à la famille des acridiens. Le type des acri- 
diens, le criquet pèlerin, acridiumperegrinum (fi g. 311), 




311. — Acridium peregrinum. 

a les antennes courtes et rigides. La gaine abdominale 
est remplacée par quelques pièces rudimentaires, 
cornées et crochues. Au moment de la ponte, la 
femelle appuie sur le sol l'extrémité de cet abdomen, 
y creuse une cavité en quelques instants, si la terre 
est ameublie, et y dépose ses œufs; les Arabes disent 
qu'elle les « plante ». Les œufs de l'acridium peregri- 
num sont au nombre de 80 à 90; chez d'autres espèces, 
ils sont moins nombreux. Pondus un à un, ils sont 
réunis en paquet et agglutinés par un liquide spécial 
qui, avec le temps, devient comme de l'écume sèche et 
forme autour des œufs un revêtement protecteur. Ainsi 
déposés en avril, ou mai, les œufs subissent une incu- 
bation plus ou moins longue, de 20 à 25 jours pour 
l'acridium peregrinum,de'àO à 40 pour d'autres espèces 
et même de neuf mois pour certaines. A partir de son 
éclosion, l'acridien passe par plusieurs stades (fig. 312), 





312. — Stades de croissance de la sauterelle. 

séparés par cinq mues, avant d'atteindre son dévelop- 
pement parfait et de pouvoir se servir utilement de 
ses ailes. L'appareil sonore de l'acridien ne réside pas 
exclusivement à la base des élytres, comme chez le 
locustien. Les cuisses des pattes postérieures de l'acri- 
dien ont une petite côte saillante garnie d'aspérités que. 
l'insecte, en se tenant sur les quatre pattes antérieures, 
frotte rapidement le long d'une forte nervure longitu- 
dinale des élytres. Ce frottement produit une stridula- 
tion qui a fait donner à l'animal, par onomatopée, le 
nomd'àxpîç, « criquet ». 
2° Alimentation. — « Comme tous les vertébrés 



herbivores, lesaerîdiens sontadmirablement organisés 
pour transformer les tissus végétaux en tissus animaux; 
malheureusement, pour approprier les substances 
nécessaires à leur accroissement et à leur entretien, ils 
s'attaquent aux plantes les plus utiles à l'homme. Les 
graminées constituent la nourriture de prédilection 
des acridiens; dans les conditions naturelles, celles qui 
vivent à l'état sauvage auraient seules à souffrir de leur 
voracité; mais l'homme leur offrant d'immenses espaces 
couverts de plantes savoureuses, blé, seigle, orge, 
avoine, ils sont trop heureux de faire la moisson pour 
leur propre compte et ils ne se font pas faute de man- 
ger leur blé en vert. La faim toutefois est un grand 
maître, et lorsqu'ils sont privés de leurs aliments 
favoris, ils attaquent tous les végétaux cultivés, quels 
qu'ils soient : bourgeons, feuilles, grappes de la vigne, 
pousses, feuilles, tiges des arbres, tombent sous leurs 
mandibules. Pressés par la famine, ils ne dédaignent 
même pas les plantes qu'ils respectent ordinairement; 
lauriers roses, lentisques, palmiers-nains, sont rongés 
faute de mieux. Mourant de faim, ils s'attaquent aux 
écorces et l'on en a vu, captifs, dévorer des voiles de 
bateaux, abrilés sous des hangars, déchiqueter des 
rideaux, du linge, des habits, et ronger du papier. 
Malheur à celui qui périt, son cadavre est immédiate- 
ment dévoré par ses compagnons. » Kunckel d'Herculaïs, 
Les sauterelles, les acridiens et leurs invasions, au 
Congrès d'Oran, 1888, Paris, p. 15. 

3° Translation. — Les acridiens sont surtout des 
sauteurs, qui se servent de leurs ailes pour accroître 
la longueur de leur saut. En général, ils « sont attachés 
au sol dont ils ne s'éloignent que pour y revenir un 
instant après; mais, sous des influences qui nous 
échappent, certains d'entre eux deviennent tout à coup 
des insectes bons voiliers et sont susceptibles de s'élever 
dans les airs et de parcourir des espaces considérables. 
Tout concourt chez ces êtres à favoriser le vol : ils ont 
des muscles puissants qui mettent en jeu des élytres 
et des ailes qui ont une grande surface et sont admi- 
rablement adaptés pour la locomotion aérienne. L'élytre 
a la consistance du parchemin desséché; la portion 
antérieure de l'aile est épaisse et rigide : élytre et aile 
réunissent ainsi les conditions essentielles pour fendre 
l'air. Les muscles sont baignés de sang en mouvement 
perpétuel, qui trouve à sa portée de l'air constamment 
renouvelé; de nombreuses ampoules tiennent de l'air 
en réserve pour assurer un approvisionnement cons- 
tant. » Kunckel d'Herculaïs, Les sauterelles, p. 13. 
Les acridiens émigrent quand ils cessent de trouver à 
leur lieu d'origine la subsistance nécessaire. On a 
observé que ces insectes ont un habitat fixe et perma- 
nent, où se rencontrent les conditions les plus favorables 
à leur pullulation. De là s'élancent périodiquement des 
essaims d'invasion, là reviennent les essaims composés 
des survivants. Cf. A. Dastre, Les sauterelles, dans la 
Revue des Deux Mondes, l« r août 1901, p. 696-707. Les 
acridiens sont à la merci du vent qui les transporte 
d'un endroit à l'autre, souvent à des distances consi- 
dérables. Quand des vols successifs s'abattent sur une 
même contrée, ils couvrent des espaces immenses, de 
40 à 50 hectares jusqu'à 1000, 2000 et plus, ce qui, 
dans le dernier cas, représente de 2 à 6 milliards d'êtres 
affamés. 

4° Ravages. — De tous temps et dans presque toutes 
les contrées, les criquets ont exercé d'énormes ravages. 
Les monuments anciens, les écrivains de l'antiquité et 
d'autres de toutes les époques en font mention. Leurs 
méfaits ne se bornent pas toujours à détruire toute 
végétation. En 1749, l'armée de Charles XII, vaincue à 
Pultawa, battait en retraite en Bessarabie, lorsque tout 
d'un coup, au milieu d'un défilé, une grêle vivante 
de criquets fondit sur elle, jeta le désarroi parmi les 
hommes et les chevaux et changea la retraite en déroute. 



1513 



SAUTERELLE 



1514 



En 1901, à Lézignan (Aude), les sauterelles ont immo- 
bilisé un train dont les roues, empâtées dans une bouillie 
vivante, patinaient sur place. Il ne se passe guère d'an- 
nées sans que l'on ait à enregistrer quelque invasion 
désastreuse, dans un pays ou dans un autre. Voici la 
description d'une invasion de criquets dans une ferme 
du Sahel, en Algérie : « Tout à coup, à la porte-fenêlre 
fermée pour nous garantir de la chaleur du jardin en 
fournaise, de grands cris retentirent : Les criquets ! 
les criquets ! Mon hôte devint tout pâle comme un 
homme à qui on annonce un désastre, et nous sortîmes 
précipitamment. Pendant dix minutes, ce fut dans 
l'habitation, si calme tout à l'heure, un bruit de pas 
précipités, de voix indistinctes, perdues dans l'agitation 
d'un réveil. De l'ombre des vestibules où ils s'étaient 
endormis, les serviteurs s'élancèrent dehors en faisant 
résonner avec des bâtons, des fourches, des fléaux, tous 
les ustensiles de métal qui leur tombaient sous la main, 
des chaudrons de cuivre, des bassines, des casseroles. 
Les bergers soufflaient dans leurs trompes de pâtu- 
rage. D'autres avaient des conques marines, des cors 
de chasse. Cela faisait un vacarme effrayant, discordant, 
que dominaient d'une note suraiguë les you ! you ! you ! 
des femmes arabes accourues d'un douar voisin. Sou- 
vent, paraît-il, il suffit d'un grand bruit, d'un frémis- 
sement sonore de l'air, pour éloigner les sauterelles, . 
les empêcher de descendre. Mais où étaient-elles donc,' 
ces terribles bêtes ? Dans le ciel vibrant de chaleur, je 
ne voyais rien qu'un nuage venant à l'horizon, cuivré, 
compact, comme un nuajfe de grêle, avec le bruit d'un 
vent d'orage dans les mille rameaux d'une forêt. 
C'étaient les sauterelles. Soutenues entre elles par leurs 
ailes sèches étendues, elles volaient en masse, et 
malgré nos cris, nos efforts, le nuage s'avançait tou- 
jours, projetant dans la plaine une ombre immense. 
Bientôt il arriva au-dessus de nos têtes : sur les bords 
on vit pendant une seconde un effrangeaient, une 
déchirure. Comme les premiers grains d'une giboulée, 
quelques-unes se détachèrent, distinctes, roussâtres; 
ensuite toute la nuée creva, et cette grêle d'insectes 
tomba drue et bruyante. A perte de vue, les champs 
étaient couverts de criquets, de criquets énormes, gros 
comme le doigt. Alors le massacre commença. Hideux 
murmure d'écrasement, de paille broyée. Avec les 
herses, les pioches, les charrues, on remuait ce sol 
mouvant, et plus on tuait, plus il y en avait. Elles 
grouillaient par couches, leurs hautes pattes enchevê- 
trées; celles du dessus faisaient des bonds de détresse, 
sautant au nez des chevaux attelés pour cet étrange 
labour. 

« Les chiens de la ferme, ceux du douar, lancés à tra- 
vers champs, se ruaient sur elles, les broyaient avec fu- 
reur. A ce moment, deux compagnies de turcos, clai- 
rons en tête, arrivèrent au secours des malheureux 
colons, et la tuerie changea d'aspect. Au lieu d'écraser 
les sauterelles, les soldats les flambaient en répandant 
de longues tracées de poudre. Fatigué de tuer, écœuré 
par l'odeur infecte, je rentrai. A l'intérieur de la ferme, 
il y en avait presque autant que dehors. Elles étaient 
entrées par les ouvertures des portes, des fenêtres, la 
baie des cheminées. Au bord des boiseries, dans les 
rideaux déjà tout mangés, elles se traînaient, tombaient, 
volaient, grimpaient aux murs blancs avec une ombre 
gigantesque qui doublait leur laideur. Et toujours 
cette odeur épouvantable. A dîner il fallut se passer 
d'eau. Les citernes, les bassins, les puits, les viviers, 
tout était infecté... Le lendemain, quand j'ouvris ma 
fenêtre comme la veille, les sauterelles étaient parties; 
mais quelle ruine elles avaient laissée derrière elles ! 
Plus une fleur, plus un brin d'herbe : tout était noir, 
rougi, calciné. Les bananiers, les abricotiers, les pê- 
chers, les mandariniers, se reconnaissaient seulement 
à l'allure de leurs branches dépouillées, sans le charme, 



le flottant de la feuille qui est la vie de l'arbre. On net- 
toyait les pièces d'eau, les citernes. Partout des labou- 
reurs creusaient la terre pour tuer les œufs laissés par 
les insectes. Chaque motte était retournée, brisée soi- 
gneusement. Et le cœur se serrait de voir les mille ra- 
cines blanches, pleines de sève, qui apparaissaient 
dans ces écroulements de terre fertile. » A. Daudet, 
Lettres denion moulin, xxi, Paris, 1884, p. 333-335. 
Si l'on ne réussit pas à éloigner les sauterelles, quand 
elles sont repues, elles souillent tout ce qui reste d'une 
bave qui corrode et brûle la végétation. Elles causent 
encore plus de mal après leur mort; leurs cadavres en- 
tassés répandent l'infection et engendrent des maladies 
contagieuses qui font périr les hommes après les ré- 
coltes. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t. n, p. 338. 

5° Ennemis. — Les criquets ont desennemisqui mettent 
obstacle à leur multiplica tion excessive . Une chasse active 
leur est faite par des oiseaux de la famille des étourneaux, 
le martin rose, pastorroseus, qui a la faculté d'absorber 
les sauterelles presque sans limites, à cause de la 
rapidité extraordinaire de sa digestion, et vit en troupes 
nombreuses, cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
Paris, 1884, p. 215, le martin triste, acridotheres tristis, 
l'oiseau des sauterelles, glareola melanoptera, etc. 




313. — Œdipoda migrator ia. 

Certaines mouches, Yanthomyaangustifrons, l'épicaute 
rayée, epicauta vittata, détruisent une grande quan- 
tité d'oeufs d'acridiens. Enfin, des champignons para- 
sites, spécialement l'entomophtora Grilli, envahissent 
l'organisme des criquets, s'y développent, paralysent 
les organes et amènent la mort de l'insecte. Tous ces 
ennemis n'arrivent pas à arrêter la multiplication des 
acridiens. Aujourd'hui, l'on a recours à divers moyens 
mécaniques pour détruire sur place les œufs ou les 
insectes encore incapables de voler. Mais, pas plus 
qu'autrefois, l'on ne peut empêcher les criquets nés dans 
les déserts, de fondre tout d'un coup sur les régions 
cultivées par les hommes. 

II. Les sauterelles dans la Bible. — 1° Leurs noms 
divers. — Les Hébreux connaissaient diverses variétés de 
sauterelles; ils ont plusieurs mots pour désigner soit 
les espèces différentes, soit la même espèce à ses dif- 
férentes périodes de développement. 1. 'Arbéh, de 
rdbdh, « être nombreux », ixp£c noX^, locusta, la 
sauterelle considérée au point de vue de la multitude 
des individus, telle qu'on la constata à la huitième 
plaie d'Egypte. Exod., x, 4. Il s'agit ici d'acridiens 
migrateurs tels queYacridium peregrinumet Vœdipoda 
migratoria (6g. 313). On a constaté que ces insectes 
viennent en Egypte de l'est, et en Syrie du sud et du 
sud-est; par conséquent ils se multiplient dans les 
déserts de l'Arabie. — 2. Gêb, gôb ou gôbay, âxp'ç, 
bruchus, locusta, sans rien qui indique une espèce 
particulière. Is., xxxm, 4; Am., vu, 1; Nah., m, 17. 
— 3. Gdzâm, de gdzam, « couper », x<z|im), eruca, 
« chenille », probablement la sauterelle encore à l'état 
de larve, comme l'indique la place qu'elle occupe dans 
l'énumération de Joël, 1, 4; h, 25; Am., iv, 9. — 
4. I).âgàb, àzptc, locusta, sauterelle comestible et 
sauteuse. Lev., xi, 22; Num., xm, 33; Is., XL, 22; 
Eccle., xii, 5. — 5. Jfasîl, « dévorante », (JpoOxoc, bru- 
chus, Deut., xxviii, 38; III Reg., vin, 37; Ps. lxxviii, 
46; Is,, txxra, 4; Jo., i, 4. — 6. Ifargôl, £f iGu.dr/11, 



1515 



SAUTERELLE 



1516 



ophiomachus, sauterelle comestible, Lev., xi, 22, 
peut-être le truœalis (fig. 314). Les versions en font un 
insecte qui « combat les serpents ». Le truxalis est 
herbivore, comme les autres sauterelles. — 7. Yélêq, 
PpoOxo?» bruchus, la sauterelle qui peut s'envoler. 
Nah., m, 16; Jer., u, 27; Ps. cv, 34; Jo., i, 4; n, 25. 
— 8. Sâl'dm, àrréxTK, attacus, sauterelle comestible, 
Lev., xi, 22, probablement du genre truxalis, très 
commun en Palestine. — 9. i$elâsal, « bourdonnant », 
le même que l'assyrien sarsaru, sauterelle ravageuse. 
Deut., xxvm, 42. Les versions l'identifient avec la 
nielle ou rouille du blé, èpiaûëiri, rubigo. 
2° La huitième plaie d'Egypte. — Moïse annonça 




314. — Truxalis. 

la plaie des sauterelles (fig. 315) au pharaon en ces 
termes : « Elles couvriront la face de la terre et l'on 
ne pourra plus voir la terre; elles dévoreront le reste 
qui a échappé, ce que vous a laissé la grêle, et tous 
les arbres qui croissent dans vos champs; elles rem- 
pliront tes maisons, les maisons de tous tes serviteurs 
et celles de tous les égyptiens. » Exod., x, 5, 6. Ces 
sauterelles vinrent en effet, amenées par le vent d'est, 
et bientôt il ne resta plus trace de verdure ni dans les 
champs ni sur les arbres. Ps. lxxvm (lxxvii), 46; cv 
(civ), 34; Sap., xvi, 9. Ensuite un violent vent d'ouest 
les rejeta dans la mer Rouge. Les invasions de saute- 
relles ne sont ni très fréquentes ni très désastreuses 
en Egypte. Cependant elles n'y sont pas étrangères. 




315. — La sauterelle sur les monuments égyptiens. 

D'après Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient 

Egyptians, t. n, p. 113, fig. 369, n. 21. 

Les anciens monuments prévoient que «les sauterelles 
aient organisé le pillage, » et les voyageurs ont sou- 
vent signalé leur apparition dans la vallée du Nil. 
Cf. Vigouroux, La Bible, t. n, p. 339, 340. Les insectes, 
portés par les vents, passent aisément les mers. 
Cf. Tite Live, xlii, 10. « Vingt-quatre heures d'un vent 
violent venant d'est sont plus que suffisantes pour 
faire lever les sauterelles des déserts qui s'étendent 
derrière les montagnes de Djedda et les pousser par- 
dessus l'étroite mer Rouge. Ce vent les jette dans les 
plaines de l'Egypte, et surtout dans celles de la Basse 
Egypte et dans les environs de Memphis. » L. de La- 
borde, Comment, géogr. de l'Exode, Paris, 1841, 
p. 44. Le caractère surnaturel de l'invasion ressort de 
ce fait qu'elle se produisit et disparut sur l'ordre de 
Moïse, parlant au nom de Jéhovah; il faut ajouter que 
le désastre dépassa de beaucoup les limites ordinaires. 
Exod.,x, 12-19. Le pharaon demanda à être débarrassé 



de « cette mort », ham-mâvëf hazzéh, c'est-à-dire de 
cette infection pestilentielle qu'apportent avec elles les 
sauterelles, surtout quand elles meurent sur place. 
Exod., x, 17. On peut juger de l'effet produit au de- 
hors et dans les maisons mêmes par la description ci- 
tée plus haut d'une invasion dans le Sahel, et par ces 
remarques de Pline, H. N.,xi, 35 : « Devenues grandes, 
elles volent avec un tel bruit d'ailes qu'on les prendrait 
pour des oiseaux; elles voilent le soleil, pendant que 
les populations regardent avec inquiétude, craignant 




316. — Sauterelles et grenades 

offertes en tribut au roi d'Assyrie. Bas-relief de Koyoundjik. 

D'après Layard, Discoveries in the Ruins 

of Nineveh and Babylon, 1853, p. 339. 

qu'elles ne recouvrent leurs terres. Elles le peuvent en 
effet, et comme si c'était peu pour elles de franchir 
les mers, elles traversent d'immenses espaces, les cou- 
vrant d'une nuée fatale aux moissons, brûlant tout ce 
qu'elles touchent et rongeant de leur morsure tout ce 
qu'elles rencontrent, même les portes des maisons. » 
Les Arabes appellent les sauterelles danahsah, « qui 
cachent le soleil ». 

3° Les sauterelles comestibles. — La Loi permet de 
mangerquatre espèces de sauterelles, 'arbéh, hdgâb, har 
gôl et sdl'dm.Lev.,xi,22. On ne peut dire si cette énumé- 
ralion est exclusive ou si elle comprend les autres saute- 
relles désignées par des noms différents. Il est probable 
qu'on ne les mangeait que quand elles avaient atteint 
leur plein développement. La nourriture de saint Jean- 
Baptiste au désert se composait de sauterelles et de 
miel sauvage. Matth., m, 4; Marc, i, 6. Plusieurs 



1517 



SAUTERELLE 



1518 



peuples anciens faisaient entrer les sauterelles dans 
leur alimentation. Cf. Hérodote, iv, 172; Diodore de 
Sicile, m, 29; Strabon, xvi, 772; Pline, H. N., vi, 35. 
Saint Jérôme, Adv. Jovin., n, 7, t. xxm, col. 295, 
l'atteste pour les Orientaux et les Lybiens. Il est à 
croire qu'on mangeait aussi des sauterelles chez les 
Assyriens. Sur une des parois du palais de Sennachérib, 
à Koyoundjik, on voit représentés des porteurs de diffé- 
rents mets, sans doute destinés à la table royale, et 
entre autres des serviteurs qui tiennent en mains des 
brochettes de sauterelles (fig. 316). Sur les invasions 
de sauterelles en Chaldée, voir Olivier, Voyage dans 
l'Empire othoman, Paris, 1802-1807, t. n, p. 424-425; 
t. m, p. 441. En Grèce, on vendait des sauterelles au 
marché, cf. Aristophane, Acharn., 1116, et on les 
employait en médecine. Cf. Dioscoride, h, 57. En 
Orient, on les trouve encore sur les marchés et on les 
mange de différentes manières. On les sèche au soleil, 
on les réduit en poudre qu'on mélange avec du lait, 
qu'on pétrit avec de la farine et dont on fait une pâte 
avec addition de beurre et de sel. D'autres fois, après 
leur avoir enlevé les pattes, les ailes et la tête, on les 
fait bouillir ou rôtir ; leur goût rappelle alors celui de 
l'écrevisse. Cf. Pierotti, La Palestine actuelle et la 
Palestine ancienne, Paris, 1865, p. 75. En tous cas, 
c'est un aliment simple, sain, facile à recueillir et à 
préparer, à la portée des pauvres et de ceux qui, comme 
le précurseur, vivent au désert, et d'ailleurs agréable 
aux Orientaux. Lady Blunt, Pèlerinage au Nedjed, 
berceau de larace arabe, dans le Tour du monde, 1882, 
1 er sem., p. 62-63, raconte à ce sujet ce qui suit : « Les 
sauterelles sont devenues une partie de notre ordinaire 
de tous les jours... Après en avoir goûté sous plusieurs 
formes, nous en vînmes à conclure qu'elles étaient 
meilleures bouillies. On rejette leurs longues jambes, 
on les tient par les ailes et on les trempe dans du sel 
avant de les manger. Quant à la saveur de l'insecte, 
c'est une saveur végétale plutôt que celle de la viande 
ou du poisson ; elle ne diffère pas trop de celle du blé 
vert qu'on mange en Angleterre. Pour nous, elle rem- 
placerait les végétaux qui nous font défaut... Le matin 
est le moment favorable pour faire la chasse aux saute- 
relles; elles sont alors engourdies par le froid et leurs 
ailes mouillées par la rosée, ce qui les empêche de fuir. 
On les rencontre à cette heure-là groupées par centaines 
dans les buissons du désert. Il n'y a que la peine de 
les. ramasser et de les mettre dans un sac ou dans une 
corbeille. Plus tard, le soleil sèche leurs ailes; elles 
sont plus difficiles à prendre, car elles ont assez d'intel- 
ligence pour se dérober aux poursuites. Leur vol est 
assez semblable à celui des mouches de mai; elles 
prennent le vent et savent se diriger comme le poisson... 
Elles dévorent tous les végétaux, et tous les animaux 
les dévorent à leur tour, alouettes du désert, outardes, 
corbeaux, faucons, buses... Les chameaux les mangent 
avec leur nourriture ordinaire, les lévriers les happent 
au passage tout le long de la journée et en mangent 
autant qu'ils peuvent en attraper. Les nomades aussi 
en donnent souvent à leurs chevaux... Cette année un 
grand nombre de tribus n'ont eu à manger que des 
sauterelles et du lait de chameau, de sorte que si les 
sauterelles sont la perte du désert, elles compensent 
cet inconvénient en servant de nourriture à tous ses 
Habitants. » 

4° Les sauterelles en Palestine. — Les sauterelles 
sont indiquées à l'avance comme l'un des fléaux qui 
doit ravager les récoltes des Israélites infidèles. Deut., 
Xxvin, 38, 42. On priait au Temple pour que ce fléau 
fût écarté du pays. III Reg., vin, 37; II Par., VI, 28; 
vil, 13. L'auteur des Proverbes, xxx, 27, observe que les 
sauterelles n'ont pas de roi et sortent par bandes. 
Amos, iv, 9, signale une invasion de sauterelles en 
Israël : jardins, vignes, figuiers, oliviers, tout a été 



dévoré et cependant les coupables ne se sont pas 
repentis. Le même prophète annonce une autre inva- 
sion pour le temps où le regain commence à pousser 
après la coupe du roi; les sauterelles achèveront de 
dévorer l'herbe de la terre. Am., vu, 1. Mais c'est le 
prophète Joël qui décrit avec le plus de détails les 
ravages des sauterelles : 

Ce qu'a laissé le gâzâm a été dévoré par Y'arbéh, 
Ce qu'a laissé Y'arbéh a été dévoré par le yéléq, 
Ce qu'a laissé le yéléq a été dévoré par le hasîl. 

« Car un peuple est venu fondre sur mon pays, peuple 
puissant et innombrable; ses dents sont des dents de 
lion et il a des mâchoires de lionne. Il a dévasté ma 
vigne et il a mis en morceaux mon figuier; il les a 
dépouillés de leur écorce et les a abattus ; les rameaux 
sont devenus tout blancs... Les champs sont ravagés, 
le sol est dans le deuil, car le blé est détruit, le vin 
nouveau est à sec, l'huile languit. Les laboureurs sont 
confus, les vignerons se lamentent, à cause du froment 
et de l'orge ; car la moisson des champs est anéantie. 
La vigne est desséchée et les figuiers languissent; 
grenadier, palmier, tous les arbres des champs sont 
desséchés. » Joël., i, 4-12. Le Seigneur cependant doit 
écarter le fléau. 

Celui qui vient du septentrion, je l'éloignerai de vous 

Et je le chasserai vers une terre aride et déserte, 

L'avant-garde vers la mer orientale, 

L'arrière-garde vers la mer occidentale ; 

Il s'en élèvera une infection... 

Je vous compenserai les années dévorées par Y'arbéh, 

Le yéléq, le hasîl, et le gâzâm. 

Ma grande armée que j'avais envoyée sur vous. 

Jo., H, 20-25. 

Cf. Van Hoonacker, Caractère littéraire des deux pre- 
miers chapitres de Joël, dans la Revue biblique, 1904, 
p. 358-364. On remarquera que, sur les quatre espèces 
de sauterelles nommées par Joël, il n'y en a qu'une, 
Y'arbéh, qui figure dans l'énumération du Lévitique, 
xi, 22. Le prophète suppose l'invasion des sauterelles 
venue par le nord du pays; elles vont être chassées au 
désert, vers le sud; mais l'invasion était si étendue 
que ses deux extrémités atteindront la mer Morte, à 
l'Orient, et la Méditerranée, à l'Occident, et que les 
sauterelles y périront. « Même de nos temps, dit saint 
Jérôme, In Joël., n, t. xxv, col. 970, nous avons vu 
des troupes de sauterelles couvrir la terre de Judée... 
Puis, comme les rivages des deux mers étaient remplis 
de monceaux de sauterelles mortes, que les eaux avaient 
rejetées, leur pourriture et leur puanteur devinrent 
nuisibles au point d'infecter l'air et d'engendrer la peste 
pour les animaux et pour les hommes. » Le même 
Père, col. 955, constate que toute l'industrie humaine 
était incapable de résister au nombre et à la force des 
sauterelles. Cf. Tristram, The natural Uistory of the 
Bible, Londres, 1889, p. 306-318. 

5° Les sauterelles dans les comparaisons. — Les 
sauterelles sont de petite taille. Les explorateurs envoyés 
par Moïse en Chanaan reviennent en disant qu'auprès 
des habitants du pays, de la race des géants, eux-mêmes 
n'étaient que des sauterelles. Num.,xin, 33. Isaîe, XL, 
22, dit que devant Dieu les habitants de la terre sont 
comme des sauterelles. — Les sauterelles forment des 
multitudes innombrables. On leur compare les nom- 
breux guerriers des Madianites, Jud., vi, 5; vu, 12, des 
Assyriens, Judith, n, 11, et des Chaldéens. Jer., xlvi, 
23; Nah., m, 15. — A un moment donné, les sauterelles 
s'envolent; ainsi disparaîtront les défenseurs de Ninive : 

La sauterelle ouvre ses ailes et s'envole : 

Tes gardes sont comme la sauterelle 

Et tes chefs comme un amas de jeunes sauterelles; 

Elles se posent sur les haies en un jour froid ; 

Dès que le soleil parait, elles fuient, 

Et l'on ne connaît plusleur séjour : oùsont-ellesîNah.,111,16-17. 



1519 



SAUTERELLE — SCANDALE 



1520 



Le froid de la nuit engourdit les sauterelles; elles 
cherchent un abri dans les buissons, puis, réchauffées 
par les rayons du soleil, prennent leur vol et dispa- 
raissent. Cf. S. Jérôme, In Naum, m, t. xxv, col. 1268, 
1269. « Les bandes d'acridiens voyagent ainsi, tout le 
jour, à la surface du sol, dévorant la végétation qu'ils 
rencontrent. Ils s'arrêtent le soir, pour reprendre leur 
course au matin, dès que les rayons du soleil ont 
recommencé à réchauffer la terre. » Dastre, Les sau- 
terelles, p. 705. Le malheureux est « emporté comme 
la sauterelle » que le vent pourchasse d'un lieu à un 
autre. Ps. ctx (cvin), 23. — La sauterelle ravage tout; 
ainsi sera ravagé tout ce que possède Assur : 

Votre butin sera ramassé comme ramasse la sauterelle, 
On se précipitera dessus comme un essaim de sauterelles. 

Is., xxxm, 4. 

— Dans l'Écclésiaste, xii, 5, la sauterelle qui devient 
pesante, qui s'engraisse et ne peut plus beaucoup se 
mouvoir, figure le vieillard qui s'alourdit avec le 
temps. — Le cheval bondit comme la sauterelle. Job, 
xxxix, 20. Jéhovah doit remplir Babylone d'ennemis 
comme de sauterelles et lancer contre elle les chevaux 
comme des sauterelles hérissées. Jer., li, 14, 27. Saint 
Jean voit sortir du puits de l'abîme des sauterelles qui 
ressemblent à des chevaux. Apoc, ix,3, 7. Le prophète 
Joël, décrivant les ennemis sous la figure de sauterelles 
envahissantes, en fait cette autre peinture qui résume 
tous les traits précédents : 

Le pays est comme un jardin d'Éden devant lui, 

Et derrière lui c'est un désert affreux. 

Rien ne lui échappe; on les prendrait pour des chevaux 

Et ils courent comme des cavaliers. 

On entend comme un bruit de chars 

Quand ils bondissent sur le sommet des montagnes, 

C'est comme le bruit de la flamme qui dévore le chaume; 

C'est comme un peuple robuste rangé en bataille... 

Ils escaladent la muraille comme des hommes de guerre, 

Ils marchent chacun devant soi, sans s'écarter de la route. 

Ils ne se poussent point les uns les autres, 

Chacun suit son chemin, 

Ils se précipitent au travers des traits 

Et ne rompent point leurs rangs. 

Ils se répandent dans la ville, 

S'élancent sur les murs, entrent dans les maisons, 

Pénètrent par les fenêtres, comme le voleur. Jo., u, 3-9. 

La comparaison de la sauterelle avec le cheval est 
doublement justifiée, par la vive allure des deux ani- 
maux et par la similitude que présentent leurs tètes. 
Saint Jérôme, In Joël., Il, t. xxx, col. 964, dit à propos 
de cette description : « Nous avons vu cela récemment 
dans cette province. Quand arrivent les bataillons de 
sauterelles, occupant l'atmosphère entre le ciel et la 
terre, elles volent dans un tel ordre, par la volonté de 
Dieu qui leur commande, que, pareilles à ces petites 
pierres dont les artisans font des pavages, elles se 
tiennent à leur place sans s'écarter de l'épaisseur d'un 
ongle, pour ainsi dire... Rien n'est impraticable aux 
sauterelles : champs, guérets, arbres, villes, maisons, 
chambres retirées, elles pénètrent partout. » 

6° Béhémoth et les sauterelles. — On sait que les 
anciens commentateurs n'ont pas pu identifier lebehê- 
mô{ de Job, XL, 10-19. Voir Béhémoth, t. I, col. 1551. 
Bochart, Hierozoicon, Leipzig, 1793, t. ir, p. 754, fut 
le premier, au XVII e siècle, à y reconnaître l'hippopo- 
tame et son identification a été adoptée depuis lors 
par les interprètes de Job. Les commentateurs égyptiens, 
qui connaissaient les hippopotames, n'avaient pas eu 
l'idée de ce rapprochement. Cf. Origéne, Cont. Cels., 
t. xu, col. 1048; S. Athanase, Fragm. in Job, t. xxvn, 
col. 1348; Olympiodore, t. xcm, col. 42L Les commen- 
tateurs syriens, Jacques d'Édesse, au vir siècle, Jacques 
Bar Salibi, au XI e , et Bar-Hébraeus, au xn e ,ont identifié 
à tort béhémôt et la sauterelle. Voir E. Nau, t Béhé- 



moth » ou « la sauterelle » dans la tradition syriaque 
dans la Revue sémitique, Paris, 1903, p. 73-74. 

H. Lesètre. 

1. SAUVEUR (grec: Eoir/iç.), celui qui sauve. Le 
nom de Jésus signifie « sauveur ». Voir Jésus, t. m, 
col. 1424. Le Nouveau Testament l'appelle souvent o-wTïjp. 
Le latin classique n'avait pas de terme correspondant. 
Hoc quantum est? dit Cicéron, In Verr., il, 63. lia 
magnum ut latino uno verbo exprimi non possit. Is 
est nimirum o-u>tï)P, qui salutem dédit. Les pre- 
miers chrétiens traduisirent le mot par Salvator. Les 
Grecs l'appliquaient aux dieux, aux rois, aux grands 
hommes qui avaient été les bienfaiteurs, de leur patrie. 
Les Apôtres l'appliquèrent à Dieu, Luc, i, 47, etc., et 
spécialement à Notre-Seigneur, l'auteur de notre salut 
par la rédemption. Luc, H, 11; Joa., iv, 42; Act., v, 31; 
xin, 23; II Tim., i, 10; Tit., i, 4; n, 13; m, 6; I Joa., 
iv, 14; II Pet., i, 11; H, 20; m, 2; iv; Phil., m, 20; 
Eph., m, 23. Voir Rédemption, col. 1007. 

2. SAUVEUR DU MONDE, titre donné par le pharaon 
â Joseph, fils de Jacob, en Egypte, Safenat pa'enêah. 
Gen.,xu, 45. Voir Joseph 1, t. m, col. 1868. La Vul- 
gate a traduit Salvator mundi. Le titre égyptien si- 
gnifie littéralement « celui qui approvisionne (soutient) 
la vie ». 

SAVÉ [VALLÉE DE] (hébreu : 'éméq Sâvêh; Sep- 
tante : -cr,v xoiXâStx toû Saêû), partie supérieure de la 
vallée orientale de Salem ou Jérusalem, appelée aussi 
« vallée du roi s.Gen., xiv, 17. Voir Salem 1, col. 1371. 
On retrouve ce dernier nom de « vallée du roi » dans 
II Sam. (Reg.), xvin, 18, où il est raconté qu'Absa- 
lom s'y fit élever un yad (Vulgate : titulus). D'après 
Josèphe, Ant. jud., VII, X, 3, ce yad était à deux 
stades de Jérusalem. Le tombeau connu aujourd'hui 
sous le nom de tombeau d'Absalom, voir t. i, col. 98, 
n'est pas authentique. Voir Main d'Absalom, t. iv, 
col. 585. 

SAVÉ CARIATHAÏM (hébreu : Èavêh KiryâÇaïm ; 
Septante : èv Socuyi t7\ rcoXei), localité où Chodorlahomor 
battit les Émim. Gen., xiv, 5. D'après plusieurs, ces 
mots désignent une plaine qui tirait son nom de la 
ville de Cariathaïm, dans le pays de Moab. Jer., xlviii, 
1, 2, 3; Ezech., xxv, 9. On l'identifie avec el-Kareiyat, 
entre Dibon et Madaba. Voir Cariathaïm 1, t. n, 
col. 270, 271. 

SAVEUR (hébreu : ta'am; Septante : y^^a; Vul- 
gate : sapor), impression produite sur le palais par les 
substances que l'on mange ou que lion boit. — Le jus 
d'une herbe insipide n'a pas de saveur. Job, vi, 6. — 
La manne avait la saveur d'un gâteau à l'huile. Num., 
XI, 8. Elle était appropriée à tous les goûts, feOuiç, soit 
qu'elle eût des saveurs différentes selon les goûts de 
chacun, soit plutôt parce que sa saveur tenait lieu 
de toutes celles qu'on aurait pu souhaiter. Sap., xvi, 
20. — Moab a gardé sa saveur, comme un vin resté sur 
sa lie, c'est-à-dire il n'a pas émigré de son pays primi- 
tif et a toujours conservé son caractère originel. Jer., 
xLvm, 11. H. Lesètre. 

1. SCANDALE (hébreu imiksôl, négéf; Seplante : 
oxâvSaÀov, Vulgate : offendiculum, scandalum), obs- 
tacle pouvant causer la chute de quelqu'un. 

I. Dans l'Ancien Testament. — 1» Au sens physique, 
la loi défend de mettre devant l'aveugle le scandale, 
la petite pierre qui le ferait tomber. Lev., xix, 14. De 
là vient qu'au sens moral on appelle « pierre de 
scandale » tout acte propre à faire tomber le prochain 
dans le mal. Voir Pierre, col. 418. — Les fils de Béan 
plaçaient sur le chemin de# obstacles et des embûches 



1521 



SCANDALE 



SCEAU 



1522 



pour faire tomber les Juifs. I Mach., v, 4. — 2» Au 
sens moral, Jéhovah est pour les deux maisons d'Israël 
unepierre d'achoppement, ■zpâa-x.oy.y.a, lapis offensionis, 
et un rocher de scandale, n-noiioc, scandalum, Is., vin, 
14, c'est-à-dire que les événements qu'il permet 
deviennent pour les Israélites, par leur faute, une 
occasion de chute. Il veut que, pour le retour, on 
enlève les obstacles, oxwXoc, offendicula, du chemin de 
son peuple. Is., lvii, 14. Jérémie, vi, 21, dit aussi que 
Dieu met devant son peuple une pierre d'achoppement, 
«(jOsvsia, ruina. Dieu, pour éprouver le juste, met 
devant lui le scandale, pâo-jtvoç, offendiculum. Ezech., 
in, 20. Les idoles sont un scandale, x<5Xa<ri;, scandalum. 
Ezech., xiv, 3, 7. Il en est de même de l'iniquité, 
x6Àa<riç, ruina, Ezech., xvnt, 30, et des lévites infi- 
dèles à leur devoir. Ezech., xuv, 12. Les prêtres pré- 
varicateurs ont fait trébucher les Israélites contre la 
Loi. Mal., Il, 8. Mais il n'y a point de scandale pour 
ceux qui aiment la Loi. Ps. cxix (cxvm), 165. — 
3° Les versions appellent encore « scandale » la 
parole calomniatrice, dâfî, Ps. l (xlix) , 20, et surtout 
le môqês, ou piège qui fait tomber dans le mal. Voir 
Piège, col. 356. Les Égyptiens donnaient ce nom à 
Moïse, à cause des plaies qu'il déchaînait contre eux. 
Exod., x, 7. Les Chananéens devaient être une occasion 
de chute pour les Israélites. Exod., xxm, 33. Saûl 
donna Michol à David, afin qu'elle devint l'occasion de 
sa ruine par les Philistins. I Reg., xvm, 21. Les idoles 
sont un piège scandaleux pour les Israélites. Ps. cvi 
(cv), 36. On souhaite que les persécuteurs trouvent 
une cause de ruine à leur table même. Ps. lxix 
(lxviii), 23. 

II. Dans le Nouveau Testament. — Il y a différentes 
sortes de scandales, selon la cause qui les produit. 
1° Certains scandales sont inspirés par la malice de 
leurs auteurs. Notre-Seigneur maudit ceux qui scan- 
dalisent les petits, en les éloignant de Dieu et en les 
portant au mal. Matth., xvm, 6; Marc, ix, 41; 
Luc, xvn, 2. Les scandales du monde sont néces- 
saires, en ce sens qu'il est impossible qu'ils n'arrivent 
pas. Notre-Seigneur maudit le monde à ce sujet. 
Matth., xvm, 7; Luc, xvn, 1. A la fin du monde, les 
anges feront disparaître ces scandales et leurs auteurs. 
Matth., xin, 41. Saint Jean signale à Pergame des 
corrupteurs qui renouvellent les scandales de Balaam 
et de Balac. Apoc, h, 14. — 2» Il y a des scandales 
qui peuvent être donnés sans mauvaise intention. Le 
Sauveur veut que si le pied, la main ou l'œil scanda- 
lisent, on les sacrifie sans hésiter. Matth., v, 29, 30; 
xvm, 8, 9; Marc ix, 4246. C'est dire qu'il faut 
renoncer aux choses et aux personnes auxquelles on 
est le plus attaché, si l'on y trouve une excitation au 
péché. Pour ne pas causer de scandale, Notre-Sei- 
gueur fait un miracle permettant à Pierre de payer en 
son nom le tribut du Temple. Matth., xvn, 26. Il 
prédit à >=es Apôtres les persécutions, afin qu'ils ne 
soient pas scandalisés quand elles se déchaîneront. 
Joa., xvi, 1. Saint Paul recommande de se priver de 
certains aliments dont les frères pourraient se scan- 
daliser, Rom., xiv, 21; I Cor., vin, 13, car lui-même 
est tourmenté quand quelqu'un se scandalise. II Cor., 
XI, 29. Aussi défend-il au chrétien de rien faire qui 
scandalise son frère. Rom., xiv, 13. D'ailleurs celui 
qui aime son frère demeure dans la lumière et il n'y 
a pas de scandale en lui, I Joa., n, 10, il ne donne 
ni ne subit le scandale. A Pierre, qui le dissuadait de 
songer à sa passion, Jésus dit sévèrement : « Tu m'es 
on scandale. » Matth., xvi, 23. Pierre ne croyait pas 
mal parler et, d'autre part, le Sauveur ne pouvait 
pas se scandaliser; mais, en cette circonstance, il 
importait de redresser vivement une idée fausse. — 
3° Les scandales proviennent parfois de la faiblesse 
des témoins. Notre-Seigneur était venu au monde 



pour la chute et la résurrection d'un grand nombre 
et pour devenir un signe en butte à la contradiction. 
Luc, II, 34. Aussi il déclare heureux ceux qui ne se- 
ront pas scandalisés à son sujet, Matth., xi, 6; Luc, 
vu, 23, c'est-à-dire ceux qui ne trouveront pas dans 
sa conduite et dans ses humiliations des prétextes 
pour ne point croire en lui. Quand vient la persécu- 
tion, ceux-là se scandalisent et s'éloignent, en qui la 
parole de Dieu n'a pas pris racine. Matth., xm, 21; 
Marc, iv, 17. Cf. Matth., xxiv, 10. Le Sauveur prédit 
à ses Apôtres qu'ils seraient scandalisés à cause de sa 
passion. Matth., xxvi, 31; Marc, xiv, 17. Pierre se fit 
fort d'échapper au scandale, Matth., xxvi, 33; Marc, 
xiv, 29; mais il fut aussi faible que les autres. — 
4° Enfin, il y a d'autres scandales qui n'existent que 
par la malice de ceux qui se scandalisent. Les gens de 
Nazareth se firent de Jésus une pierre de scandale. 
Matth., xin, 57; Marc, VI, 3. Les pharisiens et les Juifs 
se scandalisaient des paroles du Sauveur. Matth., 
xv, 12; Joa., VI, 62. La croix devint un scandale pour 
les Juifs. I Cor., i, 23; Gai., v, 11. Jésus-Christ, 
pierre fondamentale de l'édifice du salut, est pour les 
incrédules une pierre de scandale. IPet., n, 8. 

H. Lesêtre. 
2. SCANDALE (MONT du). IV Reg., xxm, 13. Voir 
Offense (Mont de l'), t. iv, col. 1758. 

SCARABÉE, coléoptère de la famille des lamelli- 
cornes, ayant un corps ovoïde et convexe, de courtes 
antennes, de grandes élytres recouvrant les ailes, et 
pouvant marcher sur la terre ou voler d'un endroit à 
un autre. — Le scarabée était célèbre chez les Égyp- 
tiens, pour une raison tout accidentelle. On adorait 
le soleil sous différents noms, entre autres sous celui 
de Khopri, « celui qui est ». Or le nom du scarabée, 
était khopirrou. La similitude du nom amena les Égyp- 
tiens à représenter le soleil avec la figure d'un scarabée. 
Tantôt l'insecte figure dans le disque même du soleil, 
tantôt il sert de tête au dieu Khopri monté sur sa barque. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 103, 139. — Les 
conditions climatériques de la Palestine sont très favo- 
rables aux scarabées. On en a décrit plus de quatre 
cents espèces, dont quelques-unes, comme les bupre- 
stidœ, sont remarquables par leur brillant éclat métalli- 
que. Quelques-uns ont pensé que le scarabée était dési- 
gné en hébreu par le mot hargôl. Lev., xi, 21. Mais ce 
nom est celui delà sauterelle qu'il est permis de man- 
ger, ce qui ne saurait s'appliquer au scarabée. En réalité, 
le scarabée n'est pas nommé dans la Bible. 

H. Lesêtre. 

SCEAU (hébreu : hôfdm, !,iôtémé(, tabbu'at ; Sep- 
tante : <T<ppaYfç, àîroiKppiY[CF|ii, SaxTjXioç; Vulgate : 
annulas, signaculum; et 
dans l'Apocalypse sigil- 
lum), objet en forme d'an- 
neau ou de plaque, de 
cylindre, de rouleau, por- 
tant ou non une pierre 
précieuse avec ou sans 
inscription. A cause de la 
pierre gravée en creux on 
l'appelle encore intaille. 
Voir Anneau, t. i, fig. 152, 
154,155, 156, col. 634-635. 

I. Matière, forme, em- 
ploi.— Lessceaux despays 
bibliques étaient en or, 
en argent, en bronze, en 

marbre, en cornaline (fig. 317), calcédoine, cristal de 
roche, etc., et même en bois. Ils avaient plusieurs formes, 
ronde, ellipsoïde bombée, scarabéoïde (fig. 318) percée 
ou non, ou très peu allongée, cylindrique, conoïde, octo- 
gonale, etc. L'anneau se portait à l'index de la main 




317. — Sceau en cornaline 
saphirine de Hananyahû, fils 
de 'Azaryahû. Dans une cou- 
ronne ovale de grenades. 
Ellipsoïde bombé. Trouvé à 
Jérusalem par M. Clermont- 
Ganneau, Juurnala&iatique, 
1883, 1. 1, p. 129. 



1523 



SCEAU 



1524 



droite. Jer., xxn, 24. Le pharaon le retire du sien pour 
le mettre à celui de Joseph. Jer., xli, 42. Assuérus en 
fait autant pour Aman et 
pour Mardochée. Esth.,m, 
10, 12; vm, 2, 10. 11 se por- 
tait aussi au cou suspendu 
à un cordon ou à une 
chaîne et reposait sur le 
cœur ou sur le bras. Cant., 
vin, 6. C'est l'objet que 
Thamar réclame à Juda 
comme gage de sa propre 
donation, Gen. , xxxvm, 18, 
25, et elle le veut attaché 
à Yarmilla, c'est-à-dire au 
encore les Arabes. Voir 




318. — Sceau de Karouzi. 
Hématite en forme de scara- 
bée. D'après M. de Vogué, 
Mélanges cCarchêologie 
orientale, 1868, p. 125. 



cordon comme le portent 
Bijou, t. i, col. 1907. 

II. Légende. — Chaque sceau portait une légende. 
Elle était gravée en une ligne ou plusieurs lignes sé- 
parées par un double trait et après chaque mot on 
mettait un point. L'alphabet employé pour les intailles 
hébraïques est l'alphabet archaïque dérivé du phéni- 
cien ou l'alphabet carré dérivé de l'araméen. Le cachet 
à double légende sur deux faces servait peut-être aux 
usages civils et religieux, suivant le besoin et comme 
le semble indiquer la nature du sujet figuré. Le fait 
d'avoir un sceau prouve qu'on avait peu l'habitude 
d'écrire. Les Orientaux illettrés sont de nos jours dans 
le même cas. Il y a plusieurs sortes de légendes, avec ou 
sans le lamed : 1° Celle avec le nom pur et simple, 
t. i, flg. 387, col. 1315. 2» Avec le nom accompagné du 
patronymique (voir t. m, fig. 68, col. 310) ou du nom 
du mari. 3° Avec le nom pur et simple ou le nom avec 
le patronymique (voir t. m, fig. 68, col. 310) précédé du 
lamed d'appartenance(voirt.m,fig.69,col.310). 4° Avec 
le nom suivi du mot hébreu 'ébéd, serviteur (voir t. m, 
fig. 66, col. 310). Cette formule vise moins un individu 
de condition servile qu'un personnage parfois fort im- 
portant. 5° Avec le nom précédé du mot « sceau », for- 
mule spécialement araméo-perse. 6° Avec le nom pré- 
cédé de « à la mémoire de » suivi du nom propre : 
formule vraisemblablement israélile. Quelquefois elle 
peut être mise pour « au nom de » et c'est alors une 
formule de délégation. 7° Avec l'indication de la fonc- 
tion par exemple, scribe (voir t. I, fig. 125, col. 518), 
juge. 8° Avec une formule de prière, une devise, une 
exclamation. 

III. Gravures. — Elles représentent des caractères, 
des symboles, des mythes, des astres, des animaux de 
toutes sortes et en toutes 

positions, en général avec 
beaucoup de symétrie. Il 
y avait des types consacrés, 
adoptés dans certaines con- 
trées et à certaines épo- 
ques qui se reproduisaient 
continuellement. Une di- 
vinité ou une cérémonie 

sert de thème ordinaire en dehors d'Israël. Les Hé- 
théens introduisent quelques éléments nouveaux; 
les Kassites réduisent la gravure à un seul person- 
nage et y joignent une longue dédicace à la divi- 
nité; les Sémites développent l'art de la glyptique, 
chacun suivant son genre particulier. Par exemple 
le sceau d'Hananyahu représente la palmette phéni- 
cienne (t. m, fig. 67, col. 310), celui de Raphati (fig. 319) 
un lion. Le sens de ces symboles est inconnu et on 
ne peut assurer la vérité des explications avancées par 
les rabbins. Les Arabes, les Persans et les Hébreux 
ont imprimé leurs sceaux avec une espèce de couleur 
blanche, avec de la peinture ou de l'encre. Ezech., 
IX, 4. — Pour corroborer l'empreinte du sceau le pos- 




319. — Sceau de Raphati. 



sesseur ajoutait parfois la marque de son ongle sur les 
contrats assyro-baby Ioniens, écrits sur des briquesnon 
cuites. Voir Contrat, t. n, col. 930. — Pour divers 
sceaux orientaux, voir aussi t. n, fig. 182, col. 528 (Cha- 
mosihi); t. v, fig. 35, col. 180 (Phadata); fig. 152, 
col. 577 (empreintes d'estampilles royales). 

IV. Usage. — Le sceau était très fréquemment 
employé en Orient. On en a retrouvé par centaines en 
Babylonie, en Assyrie, en Egypte, en Perse. — En 
Palestine, le sceau est le gage de la fidélité du peuple 
à l'alliance divine, alors il est apposé par les prêtres. 
II Esd., ix, 38. Beaucoup avaient le leur. Cf. Exod., 
xxxv, 22. On les gravait avec beaucoup de soin. Eccli., 
xxxvm, 28. Hérodote, i, 195, nous dit que chaque Baby- 
lonien devait avoir son bâton et son sceau. Reste à 
savoir si ce sceau n'était pas un talisman dans certains 
cas, comme chez les Arabes et les Persans d'aujour- 
d'hui. On voit, Exod., xxxv, 22, les hommes et peut- 
être les femmes offrir leurs anneaux pour exécuter 
l'œuvre du tabernacle. Cependant il ne parait pas que 
la généralité des femmes en aient usé en Palestine 
avant la captivité de Babylone. Mais c'est un des orne- 
ments que Dieu enlève aux filles de Sion dans leur 
luxe. Is-, ni, 21. Comme exemple de sceau appartenant 
à des femmes on peut citer celui d'Abigaïl, femme de 
'Asyahou (t. m, fig. 69, col. 310). 

Nous en avons de presque toutes les époques. 
L'époque des rois d'Ur est celle qui nous fournit le 
plus de cachets datés. Les cylindres datés deviennent 
rares après la première dynastie babylonienne. Quel- 
ques cylindres ou intailles portent en eux-mêmes la 
précieuse indication de l'époque à laquelle ils furent 
gravés. Tels contiennent le nom d'un prince, roi ou 
patesi et doivent être des cylindres royaux. Leur ori- 
gine peut nous être connue par les emblèmes ou les 
personnages dont ils sont ornés. — C'est un signe de 
royauté, Esth., m, 10, 12, d'investiture; Joseph, Gen., 
xli, 42, Aman, Mardochée le reçoivent. Esth., vin, 2, 
8, 10. Cf. Cant., vm, 6; I Math., vi, 15; xv, 22. — 
C'est une preuve de possession, Jer., xxn, 24; dans les 
contrats civils on faisait ordinairement deux originaux; 
l'un demeurait ouvert et conservé par celui au profit 
duquel était le contrat; l'autre était scellé et mis en 
dépôt dans un lieu public comme le temple. Jérémie le 
remet à un de ses disciples. Jer., xxxn, 10, 14. — Si 
une contestation s'élevait, on l'ouvrait et la teneur de 
l'acte tranchait le différend. Certains contrats sont si- 
gnés par un grand nombre de témoins et des plus hauts 
rangs. L'un d'entre eux est signé par seize personnes 
dont la plus importante est le roi. D'après le Talmud, 
Le Talmud de Jérusalem, traduct. Schwab, t. v, p. 295- 
296; t. xi, p. 197, les cachets servaient à distinguer des 
offrandes faites au temple et garantissaient leur iden- 
tité. Le sceau, en effet, servait à sceller les documents 
officiels pour en confirmer l'authenticité. Esth., m, 12 ; 
Dan., vi, 17. Jézabel écrit et scelle au nom du roi. 
IIIReg., xxi, 8. Isaïe, vin, 17, sur l'ordre de Dieu en- 
veloppe, attache et scelle le livre des prédictions. Da- 
niel, Xli, 4, reçoit le même ordre afin que personne 
ne puisse ni lire ni falsifier le contenu de la pré- 
diction jusqu'à son accomplissement ou au temps 
marqué. 

On ne pouvait s'opposer, en Perse, à l'exécution d'un 
document scellé. Les ordres de Mardochée scellés du 
sceau royal détruisent ceux d'Aman, venus aussi un 
peu avant au nom du roi. Esth., vin, 10. Les prêtres de 
Bel prièrent le roi de sceller de son anneau la porte du 
temple de leur dieu. Dan., xiv, 10. Tout objet scellé 
devient inviolable : telle est la fontaine scellée, Cant., 
iv, 12; la fosse aux lions où est enfermé Daniel, vi, 17. 
Le tombeau du Christ, Math., xvii, 66, est scellé par le 
sanhédrin pour empêcher l'enlèvement du corps. Des 



1525 



SCEAU — SCEPTRE 



1526 




320. — Sceau de Hadraqia. 
D'après M. de Vogué, Mé- 
langes d'archéologie orien- 
tale, in-8% Paris, 1868, 
p. 120. 



empreintes de sceaux ont été aussi relevées sur des 
objets de différente nature, par exemple, sur des anses 
d'amphore, sur des coupes de bronze, sur un gouvernail 
de bronze, sur une rame autour de laquelle s'enroule 
un dauphin. 

L'importance attachée au sceau nous est prouvée 
par Aggée, îi, 24. Dieu, dit le prophète, gardera Zoro- 
babel comme un sceau (hôlém). Dans le Cantique, vm, 
6, l'époux demandant à son épouse un attachement 
inébranlable lui dit : « Mets-moi comme un sceau sur 
ton cœur, comme un sceau sur ton bras. » Dans Jéré- 
mie, xxii, 24, le Seigneur dit qu'il rejettera Joachim, 
même s'il s'attachait à lui comme un anneau s'attache 
au doigt. 

V. Science des sceaux. — Multiples sont les rensei- 
gnements fournis par les sceaux. La paléographie, l'ono- 
mastique, la mythologie,la 
philologie, l'art de la gra- 
vure, le symbolisme, l'his- 
toire et la géographie sont 
éclairés par les légendes 
ou leur représentation. La 
forme et la matière des 
sceaux doivent être étu- 
diées attentivement, parce 
qu'elles nous donnent un 
critérium pour préciser 
leur âge ou leur origine. 
C'est ainsi que, d'après les 
sceaux assyriens, M. Me- 
nant partage l'histoire 

antique de l'Asie occidentale en trois périodes : 
la première commence 2 200 ans avant notre ère, 
la seconde 1100 ans avant J.-C; la troisième l'an 600. 
La plupart des noms sémitiques étant formés de 
noms divins nous avons par là le moyen de retrouver 
l'origine du possesseur, exception faite pour ceux on 
entrent les divinités d'une nature générale. L'analogie 
de détails extérieurs comme le style de la gravure ser- 
vent alors de guide. Les sceaux araméens découverts 
dans les fondements du palais de Khorsabad ont fait 
retrouver les origines de l'écriture carrée; Ces sceaux 
remontent au VIII e siècle avant J.-C. A celte époque les 
sceaux araméens ou hébraïques sont encore presque 
identiques aux phéniciens. Le sceau araméen ayant pour 
légende « A Hadraqia', fils de Horbad » est un des 
plus anciens monuments de l'écriture araméenne 
remontant au VII e ou vm e siècle avant notre ère. Il est 
en calcédoine et appartient au British Muséum (fig. 320). 
Un personnage debout en costume assyrien y est repré- 
senté. L'inscription prouve qu'à cette époque l'écriture 
phénicienne et l'écriture araméenne étaient identiques. 
Sur l'emplacement de l'ancienne Mageddo, le Palâs- 
tina-Verein a trouvé un sceau datant probablement 
de Jéroboam II, roi d'Israël, c'est-à-dire du vin» siècle 
avant J.-C. Il a pour légende : « A Schéma, serviteur de 
Jéroboam. » 

VI. Comparaisons ET symboles. — Au sens symbo- 
lique le mot sceau revient fréquemment sous la forme 
de nom, d'adjectif ou de verbe. Job montre à Baldad 
les étoiles enfermées par Dieu comme sous un sceau. 
Job, IX, 7. Ailleurs il nous dit que Dieu a scellé ses 
offenses. Job, xiv, 17. Il compare, xxxvm, 14, la formation 
de la terre sous lamaindivineà del'argile qui reçoit l'em- 
preinte du sceau. Au Cantique, iv, 22, l'épouse est compa- 
réeà une fontaine scellée. Un enchâssement d'or embellit 
un sceau comme un concert embellit un festin où l'on 
boit du vin. Eccli.,xxxii, 7-8. Les sceaux sont un butin 
offert au Seigneur. Num., xxxi, 50. Dans Ézéchiel, ix, 
4, 6, Dieu fait marquer du Thau comme d'un signe 
ceux qui lui sont restés fidèles. Pour le Psalmiste, îv, 7, 
la lumière du visage divin s'impriraant sur nous est 
comparée à un sceau. Il est employé pour symboliser 



l'incompréhensibilité des visions. Ts., xxix, 11; Deut., 
xxxii, 34; Dan., ix, 4, 9; Apoc, v, 1, 5, 9; vi, 1. Dans 
saint Paul la circoncision est le sceau de l'alliance, 
Rom., iv, 11; la fondation de l'Église sur la doctrine 
apostolique est sûre puisqu'elle est munie du sceau de 
Dieu. II Tim., 11, 19. Dieu nous marque- par sa grâce 
comme d'un sceau. II Cor., 1, 22; Eph., 1, 13; iv, 30; 

1 Cor., ix, 2. 

VII. Bibliographie. — A.-J. Corbierre, Catalogue 
des sceaux orientaux, dans la Revue de sigillogra- 
phie, 1910; Babelon, Manuel d'archéologie orientale, 
in-12, Paris, 1886; Clermont-Ganneau, Le Journal 
asiatique, an 1883 et 1885; M.-L. Delaporte, Catalogue 
des cylindres orientaux du musée Guimet, Paris, 
1909; Id., La glyptique de Sumer et d'Akhad, Paris, 
1909; de Clercq, Catalogue de la collection de Clercq, 

2 in-f», 1886-1890; M. de Vogué, Mélanges d'archéologie 
orientale, in-8°, Paris, 1868; de Sarzec et Heuzey, Dé- 
couvertes en Chaldée, 1885 ; J. Menant, Recherches 
sur la glyptique orientale, 2 in-8", Paris, 1883-1886, 
3 e série; S. Reinach, Chroniques d'Orient, 2 in-8°,1896; 
Ward, Cylinders and other oriental seals in the li- 
brary of P. Morgan, New-York, 1909; Levy, Siegel 
und Gemmen mit aramâischen, phônizischen, allhe- 
brâischen Inschriften, in-8°, Breslau, 1867; Low, Gra- 
phische Requisiten und Erzengnisse bei den Juden, 
Leipzig, 1870; G. A. Seyler, Geschichte der Siegel, 
in-8°, Leipzig, 1894. Corbierre. 

SCEPTRE (hébreu: Ubét; Septante : <rxf,itTpov, 
fâ68oç;Vulgate : sceptrum, virga), l'un des insignes 




321. — Sceptre égyptien. Bibliothèque nationale. 

du pouvoir royal. Le sceptre était originairement un 
bâton de commandement, que l'on décora de diffé- 
rentes manières à l'usage des rois. Voir Bâton, t. I, 
col. 1509. 

1° Au sens propre. — Le roi Assuérus sur son 
trône tient en main un sceptre d'or, qu'il incline et 
fait toucher à ceux qui sont l'objet de sa faveur. 
Esth., vm, 4; xv, 14. Les rois aiment les trônes et les 
sceptres. Sap., vi, 22. — Baruch, vi, 13, parle de divi- 
nités babyloniennes tenant un sceptre en main, bien 
que totalement impuissantes. 

2° Au sens figuré. — Le sceptre est pris pour la 
puissance même dont il est le symbole. Un sceptre est 



1527 



SCEPTRE 



SCHEGG 



1528 



attribué à Dieu. Ps. xlv (xliv), 7; Esth., xiv, 11 ; Ezech., 
XX, 37. — Le sceptre symbolise la primauté de la 
tribu de Juda, Gen., xlix, 10 (voir Juda 6, t. m, 
col. 1770); Num., xxrv, 17; l'autorité de Joseph sur 
toute l'Egypte, Sap., x, 14, et les différents pouvoirs 
que Dieu abaissera, parce qu'ils sont ennemis de 
son peuple. Is., ix, 4; Ezech., xix, 11, 14; xxx, 18; 
Hab., m. 14; Zach., x, 11; Eccli., xxxv, 23. Les rois 
d'Egypte, dont le sceptre est ainsi menacé par Dieu, 
aimaient à porter cet insigne de la puissance souve- 
raine. La Bibliothèque nationale conserve un sceptre 
égyptien (fig. 321) en terre vernissée et très soi- 
gneusement travaillé. — Le sceptre de fer, Ps. il, 9, 
est le symbole d'un pouvoir exercé durement. 

H. Lesétre. 
SCEVA (Nouveau Testament : Exï'jà;), grand-prêtre 
(àpx'fpî'Jî) juif, dont les sept fils essayèrent d'exorciser 
les démons à Éphèse au nom de Jésus. Àct., xix, 14. 
Ce fut sans succès. Un des possédés leur répondit : 
« Je connais Jésus et je connais Paul, mais vous, qui 
êtes-vous? » et il chassa deux d'entre eux nus et blessés 
de la maison. Cet événement produisit une grande 
impression. On apporta à l'Apôtre des livres magiques, 
d'une valeur de 50000 drachmes (environ 45 000 francs), 
et on les livra aux flammes. Act., xix, 14-19. Voir 
Magie, t. îv, col. 567. 

SCHAF1R, ville. Mich., i, 11. Voir Saphir 2. 

SCHALLÉKETH (hébreu : Sallékêt; Septante : 
r| 3iu).i) Traarotpopîa-j; Vulgate : porta quœ ducit [adviam 
ascensionis], une des portes du Temple de Jérusalem. 
I Par.-, xxvi, 16. Elle était placée à l'ouest de la cour 
extérieure, derrière l'édifice du temple proprement 
dit, là où est aujourd'hui Bâb es-Silsiléh. Voir Jéru- 
salem, t. m, col. 1355. 

SCHANZ Paul, théologien catholique allemand, né 
le 4 mars 1841 à Horb dans le Wurtemberg, mort à 
TubiDgue le 1 er juin 1905. Après avoir commencé ses 
études classiques dans sa ville natale, il les acheva 
à Rottweil; puis il suivit les cours de philosophie et de 
théologie à l'université de Tubingue, où il conquit le 
grade de docteur avec un grand succès. Le 10 août 
1866, il fut ordonné prêtre à Rollenbourg. Après 
quelques mois de vicariat à Schramberg, il fut appelé, 
en 1867, à l'internat théologique de Tubingue, comme 
répétiteur de mathématiques. En octobre 1870, il passa 
au gymnase supérieur de Rottweil, avec le titre de pro- 
fesseur de mathématiques et de sciences naturelles. 
Le 21 janvier 1876, il fut chargé d'enseigner l'exégèse 
du Nouveau Testament à la Faculté catholique de l'uni- 
versité de Tubingue, en remplacement de son maître 
Aberle; enfin, au printemps de 1883, il échangea sa 
chaire d'Écriture sainte contre celle de dogme, où il 
succéda à Kulin. Durant l'année scolaire 1899-1900, il 
remplit les fonctions de recteur de l'université de Tu- 
bingue. — Il a composé, sur les questions bibliques et 
en particulier sur les évangiles, plusieurs ouvrages 
remarquables, dans lesquels, tout en se conformant 
d'une manière très fidèle à la tradition, il adopte une 
méthode franchement scientifique. Nous citerons de 
lui: Die Komposilion des Matthâusevangeliums, in-4», 
Tubingue, 1877; Das Aller des menschlichen Geschlechts, 
in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1895; Commentar ùber das 
Evangelium des heiligen Matthâus, in-8°, Fribourg- 
en-Br., 1879; Commenlar ùber das Evangelium des 
heil. Markus, in-8°, Fribourg-en-Br., 1881 ; Commenlar 
ûberdas Evangelium des heil. Lukas, in-8°, Tubingue, 
1883; Commentar ùber das Evangelium des heil. 
Johannes, in-8», Tubingue, 1884-1885. Le D' Schanz a 
aussi publié de nombreux articles scripturaires dans le 
Literarischer Handweiser de Munster-en-Westphalie, 



dans la Literarische Rundschau de Fribourg-en- 
Brisgau, dans la revue Natur und Offenbarung , et sur- 
tout dans la Theologische Quarlalschrift de Tubingue. 
— Voir A. Koch, Zur Erinnerung an Paul von Schanz, 
dans la Theol. Quarlalschrift, 1906, p. 102-123; Bei- 
lage zur (Mûnchener) allgemeinen Zeilung ,15juin 1905, 
et aussi Redengehaltenam 3 Juli 1905 anlâsslich der 
Beiselzung der sterblichen Huile des hochw . H. D' Paul 
von Schanz, Stuttgart, in-8°, 1905. 

L. Filliok. 
SCHEAR JASUB (hébreu : Se'dr Yâsûb; Sep- 
tante : é xaTaXEiç9e"iç 'Iauo'JS; Vulgate : qui dereliclus 
estJasub), fils du prophète Isaïe, qui accompagna son 
père quand il alla à la rencontre du roi Achaz au champ 
du Foulon. Is., vu, 3. Voir Champ 3, t. n, col. 529. Ce 
nom était prophétique, comme devait l'être celui de 
son frère, Maher-schalal-khasch-baz (t. iv, col. 577); 
il annonçait par sa signification : « le reste reviendra 
ou se convertira », que Juda, après avoir été frappé et 
captif pour ses péchés, aurait un reste qui reviendrait 
à la terre de ses pères. Is., x, 20-22. 

SCHEGG Pierre Jean, théologien catholique alle- 
mand, né le 6 juin 1815, dans la petite ville de Kauf- 
beuren en Bavière, mort à Munich, le 9 juillet 1885. 
Il fit ses études classiques à Kempten, puis il suivit les 
cours de philosophie et de théologie à Dillingen et à 
l'université de Munich, de 1832 à 1837. Il fut ordonné 
prêtre en 1838. Après avoir fait du ministère pastoral 
pendant quelques années, 1838-1842, il se lança dans 
l'enseignement exégétique et philologique, sous l'im- 
pulsion du D r Haneberg (t. m, col. 416). En 1843, il fut 
nommé répétiteur pour l'exégèse biblique au lycée de 
Freising; il devint professeur titulaire en 1847. Il 
fut appelé à l'université de Wurtzbourg, en 1868, 
comme professeur d'exégèse pour leNouveau Testament 
et de langues orientales. Quatre ans après, en 1872, on 
lui offrait, à la Faculté de théologie à Munich, la chaire 
d'Écriture sainte, devenue vacante par la mortde Reith- 
mayr(t. v, col. 1031), et il occupa ce poste jusqu'à sa 
mort. Durant l'année scolaire 1881-1882, il remplit les 
hautes fonctions de Reclor magnificus à l'université de 
Munich. — Le D r Schegg a publié un assez grand nom- 
bre d'ouvrages sur les matières qui furent l'objet de 
son cours pendant ses quarante-deux ans d'enseigne- 
ment. On a de lui : 1° sur l'Ancien Testament, Die 
Psalmen ûbersetzt und erklàrt fur Verstàndniss und 
Betrachlung, 3 in-8», Munich, 1845-1847;2«édit.,1857; 
Der Prophet lsaias ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°, 
Munich, 1850; Die Geschichte der lelzten Prophelen, 
ein Beitrag zur Geschichte der biblischen Offenbarung, 
2 in-8», Ralisbonne, 1853-1854; Die kleinen Propheten 
ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°, Ratisbonne, 1854; Das 
holie Lied Salomons von der heiligen Liebe, in-8°, 
Munich, 1885; — 2» sur le Nouveau Testament, Evan- 
gelium nach Matthâus ûbersetzt und erklàrt, 3 in-8°, 
Munich, 1856-1858; Evangelium nach Lukas ûbersetzt 
und erklàrt, 3 in-8°, Munich, 1861-1865; Evangelium 
nach Markus ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8°, Munich, 
1870; Sechs Bûcher des Lebens Jesu, 2 in-12, Fribourg- 
en-Brisgau, 1874-1875; Evangelium nach Johannes 
ûbersetzt und erklàrt, 2 in-8", Munich, 1878-1880, 
ouvrage publié d'après les notes' de Haneberg; Das 
Todesjahr des Kônigs Herodes und des Todes Jesu 
Christi, in-8°, Munich, 1882; Jacobus der Bruder 
des Herrn und sein Brief, in-8°, Munich, 1883; — 3° sur 
d'autres sujets bibliques, Gedenkbuch einer Pilger- 
reise nach dem heiligen Land ûber Aegypten und dem 
Libanon,% in-12,Munich, 1867; Biblische Archâologie, 
ouvrage publié après sa mort par J. B. Wirthmûller, 
2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1887. Malgré certaines 
longueurs et quelques opinions originales, l'auteur in- 
terprète les saintsLivres d'une manière remarquable. — 



1529 



SCHEGG — SCHISME 



1530 



Voir la notice bibliographique placée en tête de la Bi- 
blische Archéologie, 1. 1, p. v-xvii; Allgâuer Geschichts- 
freund, t. vm, 1895, p. 3842; Wetzer et Welte, 
Kirchenlexicon, 2° édit., t. x, col. 1768-1770; H. Hurter, 
Nomenclator literarius recenlioris theologise catho- 
licee, t.m,2«édit.,Inspruck,1895,p. 1282-1283; Schanz, 
dans les Hislor.-politische Slàtter, t. XC, p. 794-798; 
Schœfer, dans le Literarischer Handweiser, i8S5, 
col.. 629. L. Fillion. 

SCHEMINITH (hébreu: Semînït). Ps. vi, 1;xii(xi), 
l; I Par., xv, 21. Voir Octave, t. iv, col. 1785. 

SCHEOL (hébreu : Êe'ôl), nom donné au séjour des 
morts dans l'Ancien Testament. Voir Enfer, t. h, 
col. 1702; Hadès, t. m, col. 394. 

SCH1BBOLETH (hébreu : sibbôléf). Voir Sibboleth. 

SCHIGGAYON (hébreu : Siggayôn; Septante : 
4/a),|ji(>ç... [jieTa (j)Svi;; Vulgate : Psalmus), terme obscur 
dans le titre du Ps. vu. On le trouve aussi au pluriel 
dans Habacuc, m, 1. Comme ce mot dérive de Sâgâh, 
« errer », beaucoup de modernes entendent par ce 
terme un poème ou chant dithyrambique, caractérisé 
par la variété du rythme, mais la vraie signification est 
douteuse. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1362; J. Fùrst, 
Bobrâisches Wôrterbuch, t. h, 1876, p. 410. 

SCHILÔH (hébreu : Silôh). Dans sa bénédiction 
prophétique, Jacob dit de son fils Juda : 

Le sceptre ne sera point ôté à Juda, 

Le législateur à sa race 

Jusqu'à ce que vienne Schilôh. Gen., xlix, 10. 

Tous les anciens exégètes, juifs et chrétiens, ont 
entendu le troisième vers du Messie, quoiqu'ils aient 
traduit le mot Silôh de façons diverses. Septante : 
ïtoç èàv ëX6ï) xà àicoxec'nsva aoTw, donec reniant quœ- 
reposita sunt ei; Vulgate : donec veniat qui mittendus 
est. Saint Jérôme a lu mbiir, avec un (telli, au lieu de 
mVii;, avec un hé. Mais, quoique les traductions soient 
différentes, tous les anciens ont entendu le mot Éîlôh 
du Messie. Les Septante, comme le Targum, Aquila, 
Symmaque, les versions syriaque et arabe ont divisé 
le mot ribnu en deux et l'ont lu se, « qui, que », et lôh 
ou lô, «à lui », entendant ainsi le troisième vers : «jus- 
qu'à ce que vienne celui que à lui (le sceptre). » Cette 
explication est confirmée, d'après beaucoup de com- 
mentateurs, par Ézéchiel, xxi, 27, qui paraphrase ainsi 
ce passage du Pentateuque : 'ad b'ô 'âsér lô ham-mis- 
pât, « jusqu'à ce que vienne celui à qui appartient le 
jugement. » Les exégètes modernes, qui croient à 
l'existence des prophéties dans l'Ancien Testament, 
expliquent en général le mot Schilôh par« Pacifique», 
titre qui désigne le Messie, appelé par Isaïe, IX, 6, 
« prince de la paix ». Voir F. Vigouroux, Manuel bi- 
blique, 12 e édit., 1906, 1. 1, p. 733-738. Les rationalistes 
soutiennent à tort qu'il faut entendre par Schilôh la 
ville de Silo où fut dressé le Tabernacle du temps de 
Josué, xvni, 1. 

SCHISME (grec * ayl^x; Vulgate : schisma, scis- 
sura), division qui sépare les membres d'une même 
société. 

1" Dans l'Ancien Testament. — 1. La première 
division de ce genre fut celle qui mit en lutte tout 
Israël contre la tribu de Benjamin et faillit amener la 
destruction de cette dernière. Jud., xx-xxi. — 2. Durant 
sept ans, David, sacré roi par Samuel, rie fut reconnu 
que par Juda et eut Israël contre lui. II Reg., il, 1-v, 
1. — 3. Après la révolte d'Absalom, qui avait causé un 
schisme momentané dans le royaume, Séba en tenta 



un autre en disant : « Nous n'avons point de part avec 
David... Chacun à sa tente, Israël ! » II Reg., xx, 1, 2. 
Cette tentative fut bientôt réprimée par Joab. II Reg., 
xx, 14-22. — 4. Le schisme le plus grave et le plus 
durable fut celui qui suivit la mort de Salomon. Il 
avait pour cause lointaine les antiques prétentions 
d'Éphraïm à l'hégémonie de la nation. Les services 
éminents rendus par Joseph, père de cette tribu, le 
rôle joué par Josué, qui était Ëphraïmite, l'arrogance 
de cette tribu, fière de sa puissance. et de son magni- 
fique territoire, Jud., vm, 1-3; x, 9; xii, 1-6, la longue 
présence sur son sol de l'Arche et du Tabernacle, à 
Silo, l'influence prépondérante exercée par elle sur 
les autres tribus du nord, lui firent supporter avec 
impatience les règnes de Saûl, de la tribu de Benjamin, 
de David et de Sâlomon, de la tribu de Juda. Les 
Éphraïmites n'attendaient donc que l'occasion favorable 
pour se séparer d'une monarchie dont ils étaient ja- 
loux. — La cause prochaine est indiquée par le texte 
sacré : ce furent les infidélités de Salomon. III Reg., 
xi, 11-13. Sur l'ordre du Seigneur, le prophète Ahias 
fit savoir à Jéroboam, un Éphraïmite, que Dieu lui 
destinait dix tribus, pour n'en laisser qu'une au suc- 
cesseur de Salomon. III Reg., xi, 26-32. Dans le plan 
divin, la rupture de l'unité nationale ne devait aucu- 
nement entraîner l'abandon de la loi religieuse formulée 
par Moïse. Car il était promis à Jéroboam que, s'il 
était fidèle à cette loi, Dieu lui bâtirait une maison 
stable, comme il avait fait pour David. III Reg., xi, 38, 
39. La fréquentation du Temple eût parfaitement pu 
être rendue possible par une entente entre les deux 
rois d'Israël et de Juda. — Quand Roboam eut mani- 
festé sa volonté d'aggraver encore le régime paternel, 
l'ancien cri de révolte retentit à nouveau : « Quelle 
part avons-nous avec David? Nous n'avons point d'hé- 
ritage avec le fils d'Isaï! A tes tentes, Israël! Quanta 
toi, pourvois à ta maison, David! » III Reg., xn, 16. 
Le schisme fut alors consommé : d'un côté le royaume 
de Juda, comprenant la tribu de Juda et ce qui, de la 
tribu de Benjamin, n'en pouvait être séparé, avec 
Jérusalem pour capitale; de l'autre, tout le reste des 
tribus, avec un roi siégeant à Samarie à partir du 
règne d'Amri. — Au point de vue politique, le schisme 
affaiblit les deux royaumes, en les mettant souvent en 
lutte l'un contre l'autre, parfois avec appel au concours 
des étrangers, et en les rendant incapables de résister 
efficacement aux invasions de ces derniers. Au point 
de vue religieux, les conséquences furent plus graves 
encore. Jéroboam prit tous les moyens pour empêcher 
ses sujets de se rendre à Jérusalem. Le culte qu'il ins- 
talla en Israël, en opposition avec la loi mosaïque, 
céda bientôt presque complètement la place aux cultes 
idolâtriques. Voir Jéroboam, t. m, col. 1301. Le royaume 
schismatique d'Israël compta dix-neuf roi3, appartenant 
à neuf dynasties différentes, et tous infidèles à Jéhovali ; 
après 254 ans d'existence, il tomba sous les coups des 
Assyriens. Les rois de Juda, tous de la dynastie de 
David, ne furent pas non plus toujours fidèles, et leur 
royaume tomba sous les coups des Chaldéens, 134 ans 
après le premier. — 5. Après le retour de la captivité, 
les traces du schisme disparurent; tous les descen- 
dants des anciennes tribus ne firent plus qu'un seul 
peuple. Toutefois, à raison de leur origine, les Sa- 
maritains formèrent une sorte de schisme irréduc- 
tible à côté des Juifs. Voir Samaritains, col. 421. Les 
Juifs eux-mêmes se divisèrent entre eux et donnèrent 
naissance à deux partis opposés, qui tenaient plus ou 
moins du schisme par rapport au judaïsme pur, les 
Pharisiens et les Sadducéens. Voir Pharisiens, t. v, 
col. 205; Sadducéens, col. 1337. 

2» Dans le Nouveau Testament. — 1. Saint Jean, ix, 
16, appelle « schisme » la division qui régnait au san- 
hédrin, composé d'ailleurs de Pharisiens et de Saddu- 



4531 



SCHISME 



SCIE 



1532 



céens. — 2. Saint Paul recommande aux Corinthiens d'évi- 
ter les schismes. I Cor., I, 10; XII, 25. Il a appris qu'il 
en existe parmi eux. I Cor., XI, 18. Ceux dont il parle 
à l'occasion des repas eucharistiques sont des divisions 
plus pratiques que doctrinales. Elles consistent dans 
des inégalités choquantes à l'occasion de ces repas pris 
en commun, mais où l'on ne partage que la table et 
non les aliments. Saint Paul avait eu à blâmer des di- 
visions beaucoup plus graves dans l'Église de Corinthe. 
L'esprit de parti s'y exerçait à un tel point que, parmi 
les fidèles, les uns tenaient pour Paul, ceux-ci pour 
Apollos, ceux-là pour Céphas. C'était un commencement 
de schisme, prenant pour prétexte la diversité des 
prédicateurs de la foi, et menant à croire à une diver- 
sité des doctrines. « Le Christ est-il divisé? «leur écrit 
l'Apôtre, I Cor., i, 13, et il coupe court à toute division 
en rappelant que, quel que soit le prédicateur, c'est tou- 
jours le Christ seul dont il annonce le mystère. En 
conséquence, « que personne ne mette sa gloire dans 
des hommes; car tout est à vous, et Paul, et Apollos, 
et Céphas, . . . mais vous, vous êtes au Christ et le Christ 
est à Dieu. » I Cor., iv, 21-23. — 3. Saint Paul eut à 
combattre beaucoup plus longtemps et plus sévère- 
ment les prédicateurs judaïsants qui, à l'Évangile du 
Christ, ajoutaient l'obligation des pratiques de la loi 
mosaïque. Gai., i, 11-iv, 31. Voir Judaïsants, t. m, 
col. 1778. — 4. Diotréphès est signalé par saint Jean 
comme un agent de schisme. III Joa., 9. 

H. Lesëtre. 
SCH1TTIM (hébreu : nahal haS-Sittim; Septante : 
6 x^'M-âppo; twv «t/oi'vwv; Vulgate : torrens spinarum), 
nom dans Joël, iv(iii), 18, d'une vallée située probable- 
ment dans le voisinage de Jérusalem et qui devait tirer 
son nom des acacias (Httîm) qu'on y trouvait. La der- 
nière station des Israélites avant de traverser le Jour- 
dain sous Josué porte le nom de haS-Sittîm dans 
le texte hébreu. La Vulgate l'appelle Selim. Voir 
Sétim. 

SCHLEUSNER Johannes Friedrich, lexicographe 
allemand, né à Leipzig, le 16 janvier 1756, mort à 
Wittenberg le 21 février 1831. Il devint professeur de 
théologie à Gœttingue en 1784 et à Wittenberg en 1795. 
Il s'occupa surtout du grec de l'Ancien et du Nouveau 
Testament. Ses principaux ouvrages sont : Lexicon 
grssco-latinum in Novum Testamentum, 2 in-8», 
Leipzig, 1792; 1819; Novus Thésaurus phllologico- 
criticus sive Lexicon in LXX et reliquos interprètes 
grsecos ac scriptores apocryphos Veteris Testamenti, 
5 in-8», Leipzig, 1820-1821. Ce dernier ouvrage, qui est 
encore utile, a été réimprimé à Glasgow et à Londres. 

SCHOFAR. Voir Trompette. 

SCHÔSCHAN (hébreu : jtfw, Jtfitf, ]wvû, «t Us » ). Ce 
mot se trouve aux titres de quatre Psaumes : 'al-sôsan- 
nim, Ps. xlv (xliv), 1;lxix(lxvhi), 1; 'al-Sôëan, 'édû{, 
Ps. lx (us), 1; 'al-sôsannim, 'édût, Ps. lxxx (lxxix)> 
1. Les Septante traduisent, d'après la racine waf, « chan- 
ger » : ÛTOp TÛV àWatMÔTidOftÉVMV, Ps. XLIX, LXVIII, 

lxxtx, et àXXatw6/]uo|jivo[i;, Ps. Lix; la Vulgate : pro Us 
qui commutabuntur et immuiabuntur. Ce mot 'édût 
n'est pas en dépendance du mot sôSannim qui le 
précède au Psaume lxxx (lxxix) ; il doit pareillement 
être disjoint de Sôsan au psaume lx (lix). On l'a d'ail- 
leurs interprété isolément. Voir t. n, col. 1598. Quant 
à Sâsan et son pluriel Sôsannîm, qui se présentent 
construits par 'al comme les autres noms d'instruments 
et termes musicaux, il est difficile d'en préciser le 
sens. Quelques-uns se sont représenté un instrument de 
musique en forme de lis, d'après la signification usuelle 
du nom hébreu, qui désigne le lis, la tulipe, l'anémone 
et généralement les fleurs à calice évasé; telles seraient 



des sonnettes ou clochettes, ou des cymbales hémi- 
sphériques, ou d'après un plus grand nombre, des 
trompettes, dont le pavillon évasé rappelle le calice de 
cette fleur : Quod etiam lilia referantur ad formant 
instrumentorum musicorum, quss essent formata 
in forniam lilii repandi, quod Kimhi et post illum 
Cajetanus volunt, nihil obstat, potius juvat. G. de 
Pineda, De rébus Salomonis, V, m, 5, Mayence 1616, 
p. 351 x. Ce mot grec r.a>8wv désigne pareillement 
l'ouverture de la trompette ou du cor, Suidas h. v., 
et la trompette elle-même; Sophocle, Ajax, v, 17. Cf. 
x<o6hiv, « pot», xtiSsca, « tête du pavot ». 

Ce mot pourrait aussi se rapprocher de ses, « six », 
et en dériver à l'aide de an, suffixe instrumental. Il 
correspondrait alors à âSâr et à Semînît. Mais la forma- 
tion est douteuse. 

La lexicographie syro arabefourniraitd'autres rappro- 
chements, dont on peut retenir fjôLm, nom d'un bois 
précieux, de couleur noire, peut-être l'ébène, et qui 
servait, selon le Kamus, à la fabrication de meubles et 
d'objets divers. Le ûûêan serait ainsi un instrument non 
déterminé, construit en bois. — D'un autre côté, si 
l'introduction en Syrie de la musique persane était 
démontrée, on dériverait de Suse, jsriw, l'instrument, 

le rythme ou le mode musical indiqué dans ces quatre 
Psaumes. — On peut retenir encore la racine toi*, d'où 
Saêôn, « joie ». — Le plus grand nombre des inter- 
prètes voient dans l'expression 'al-sôSannim ou 'al- 
sûSôn, les premiers mots d'une formule rappelant un 
rythme et une mélodie. On applique volontiers cette 
explication aux titres qu'on ne peut éclaircir autrement. 
Jusqu'ici on n'a démontré dans ce sens que la formule 
'al-tashét. — Ces données ne constituent que des 
conjectures, et le terme de Sôsan demeure énigma- 
tique dans sa signification musicale. 

G. Parisot. 
SCIE (hébreu : megêrâh, de gârar, « scier », mas- 
iôr, de êûr, « scier»; Septante : irpi'wv; Vulgate : serra), 
outil de métal, formé d'une lame rectiligne pourvue 
de dents aiguës et qui, par un mouvement de va-et- 
vient, coupe le bois, la pierre et les substances ana- 
logues. — L'usage de la scie remonte aux plus anciens 
temps. A l'âge préhistorique, les hommes fabriquaient 
des scies avec des silex. Cf. N. Joly, L'homme avant 
les métaux, Paris, 1888, p. 104. On en a trouvé assez 




322. — Scie assyrienne. 
D'après Layard, Discoveries, p. 195. 

fréquemment en Palestine. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 
1907, p. 388. Quand ils surent travailler le métal, 
ils firent des scies en cuivre, en bronze et en fer 
(fig. 322) comme on en voit chez les Égyptiens (fig. 322) 
et chez les Assyriens. Cf. A. Layard, Discoveries in the 
ruins of Nineveh, Londres, 1853, p. 108, 134. Dans la 
Bible, la première mention des scies remonte à l'époque 
de David. Après la prise de Rabbath, le roi réduisit en 
servage les Ammonites, et il mit un certain nombre 
d'entre eux « sur les scies », c'est-à-dire les préposa 
aux scies, en fit des scieurs de bois ou de pierre. En 
traduisant par serravit, « il les scia »,la Vulgate prête 
à David une cruauté dont il n'est question ni dans 
l'hébreu ni dans les Septante. II Reg., xn, 31; I Par., 
xx, 3. Les pierres du Temple furent soigneusement 
sciées à la scie. III Reg., vil, 9. — La scie ne peut rien 



1533 



SCIE — SCORPION 



1534 



par elle-même ; elle n'a pas à s'élever contre celui qui 
la meut. Is., x, 15. — Isaïe, xxviii, 27, dit qu'on ne 
foule pas la nigelle avec le traîneau, harûs. Les versions 
traduisent ce mot par ux>.7ipôTri?, « dureté », et serra, 
« scie ». Ailleurs, il parle d'un chariot à deux tran- 
chants, ba'al pîfiyôt; les versions en font un chariot 
7rpi<ro)poe:?T|;, « semblable à une scie », habens rostra 
serrantia, « ayant des éperons en forme de scies ». 




323. Soie égyptienne. 
D'après Wilkinson, Manners, t. m, pi. lxii. 

Is., xli, 15. -t. L'Épitre aux Hébreux, xi, 37, mentionne 
des serviteurs de Dieu qui ont été sciés, èirp!(i8r|(Tav, 
secti sunt. La tradition range le prophète Isaïe parmi 
les victimes de ce supplice. Voir Isaïe, t. m, col. 944. 

H. Lesêtre. 
SCIENCE (hébreu : da'af; Septante : -fvw<Ti<;), un 
des dons du Saint-Esprit, qui éclaire l'homme par la 
grâce sur la nature de Dieu et sur nos devoirs envers 
lui. Is., xi, 2. — Dans son acception générale, le mot 
scientia dans la Vulgate a les différentes acceptions de 
ce mot, connaissance des choses par la raison, l'obser- 
vation, l'expérience, etc., et il s'applique aussi à Dieu. 
I Sam. (I Reg.), h, 3; Jac, I, 5. Sur l'omniscience de 
Dieu, voir Jéhovah, vin, t. m, col. 1240. — L'Écriture 
recommande particulièrement la science des choses 
saintes et de la religion. Prov., ix, 10 (cf. xxx, 3); 
Sap., x, 10; Ps.'cxviii (cxix), 66; Mal., n, 7; Ose., iv, 
6, etc. — Sur l'arbre de la science du bien et du mal 
dans le paradis terrestre, voir t. i, col. 896. 

SCIO DE SAN MIGUEL Philippe, traducteur 
de la Bible en espagnol. Voir Espagnoles (Versions) de 
la Bible, t. n, col. 1962-1963. 

SCORIE (hébreu : sîg [chethîb], sûgr/pluriel, siggîm, 
sigîm, siggîm), matière qui se sépare pendant la fusion 
des métaux que l'on purifie. Ce mot est employé mé- 
taphoriquement dans l'Écriture pour exprimer ce qui 
est sans valeur. Il est appliqué Ps. cxix (cxvm), 119, 
aux méchants; à Israël infidèle, Is., i, 2-2, 25; Ezech., 
xxn, 18, 19. L'argent qui n'est pas encore purifié est 
appelé késéf sigîm, « l'argent des scories ». Prov., 
xxvi, 25. Le Sage recommande de séparer les scories 
de l'argent. Prov., xxv, 4. 

1. SCORPION (MONTÉE DU), montée qui 
marquait la frontière méridionale de la Palestine. 
Num., xxxiv, 4; Jos., xv, 3; Jud., I, 36. Voir Acrabim, 
t. i, col. 151. 

2. SCORPION (hébreu: 'aqràb, correspondante l'as- 
syrien akrabu; Septante: <yxopiuioç; Vulgate : scorpio), 
nom d'un animal, d'un fouet et d'une machine. 

I. Scorpion, animal. — 1° Histoire naturelle. — Le 
scorpion (fig. 324) appartient à la classe des arachnides, 



bien qu'il ait les apparences d'un crustacé. En avant 
de la bouche, il dispose de deux palpes. munies de 
pinces analogues à celles des homards. Le corps, com- 
posé de segments distincts, comprend un tronc pourvu 
de huit pattes, un abdomen uni au tronc dans toute 
sa largeur, une queue longue et grêle, formée de six 
articles dont le dernier s'effile en pointe aiguë. Cette 
pointe, appelée dard, a vers sa base deux orifices d'où 
sort un liquide venimeux sécrété par un appareil spé- 
cial. Le scorpion est vivipare et Carnivore; il se nourrit 
de vers, d'insectes, de sauterelles et, au besoin, de ses 
semblables. Il vit sous les pierres, dans les troncs 
d'arbres et même dans l'intérieur des maisons. Le 
scorpion d'Europe, scorpio flavicaudus, est brun et 
n'a guère plus de 3 centimètres de long; sa piqûre est 
rarement dangereuse. Le scorpion d'Afrique, scorpio 
occitanus, est d'un gris roussâtre et atteint jusqu'à 
15 centimètres. Sa piqûre peut causer de désagréables 
accidents, si on ne la combat par la succion, la cauté- 
risation ou par une application d'ammoniaque. Cf. Ter- 
tullien, Scorpiace, l,t. n, col. 121, 122. — Dans l'énu- 




324. — Scorpion. 

mération des mésaventures qui menaçaient le soldat 
égyptien, on notait celle-ci : « Un scorpion le blesse 
au pied et son talon est percé par la piqûre. » Papyrus 
Anastasi III, pi. vi. Le scorpion pullule dans la pres- 
qu'île Sinaïtique. Il abonde en certains endroits de la 
Palestine. Avant de dresser une tente, il faut avoir 
soin de retourner toutes les pierres si l'on ne veut 
s'exposer à leurs attaques. On en compte au moins huit 
espèces, dont la couleur et la dimension varient. La 
plus dangereuse est noire et a 15 centimètres de long. 
Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 
1889, p. 303. Les Arabes distinguent surtout deux es- 
pèces, le noir et le chaqrâ, dont la piqûre est rarement 
mortelle. Cf. Revue biblique, 1903, p. 246. Il y avait, 
à la frontière méridionale de la Palestine, une montée 
d'Acrabim, qui devait son nom à la quantité de scor- 
pions qu'on y rencontrait. Voir Acrabim, 1. 1, col. 151. 
De Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 
1853, t. n, p. 77, dit, en parlant de l'Ouad-ez-Zouera, 
au sud-ouest de la mer Morte : « Je défie que l'on 
retourne un caillou du Nedjd, je dis un seul caillou, 
sans trouver dessous un de ces désobligeants animaux. 
Dans notre tente même, ces vilaines bêtes que nous 
dérangeons se promènent de ci, de là. Au reste, l'ha- 
bitude est une seconde nature. ..Il y a un mois, la vue 
d'un scorpion m'agaçait cruellement les nerfs; aujour- 
d'hui son apparition, même inopinée, ne me cause 
plus la moindre émotion, et je marche dessus fort 
tranquillement. Ceci revient à dire que, sans aimer 
plus tendrement les scorpions, je ne m'en effraie plus. » 
C'est donc que, pour l'ordinaire, le danger couru n'est 
ni extrêmement grave, ni sans remède. Quand ils ne 
trouvent pas de pierres pour s'abriter, les scorpions 
se creusent dans le sol des galeries en zigzag, commu- 
niquant avec l'extérieur par de petites ouvertures d'en- 



1535 



SCORPION — SCRIBE 



1536 



viron 12 millimètres de diamètre. Par ces ouvertures, 
ils tiennent leurs pinces ouvertes, prêtes à saisir la proie 
qui se présente. La multitude de ces ouvertures indique 
la présence des scorpions de plaine. Ils ne sortent pas 
en plein jour, restent blottis dans leurs galeries et 
chassent la nuit de préférence. Le jour, ils ne prennent 
guère que les insectes qui s'aventurent à l'entrée de 
leur retraite. Cf. R. P. Féderlin, dans La Terre sainte, 
15 novembre 1903, p. 343, 344. — Dans le poème de 
GiJgamès, il est question d'hommes-scorpions, aqrab- 
amêlu (fig. 325), qui gardent, au mont Mâschou, l'entrée 
du passage ténébreux qui conduit au séjour des dieux 
infernaux. Cf. Haupt, Dus babylonische Nimrodepos, 
p.59-61; Sauveplane, Une épopée babylonienne, tabl. ix, 
col. H, p. 34, 35; Dhorme, Choix de textes religieux, 
Paris. 1907, p. 16, 23, 35, 39, 271, 273. 

2» Dans la Bible. — Le désert du Sinaï était un pays 
de serpents brûlants et de scorpions. Deut., vin, 15. 
Les Israélites méchants et impies sont comparés à des 
scorpions; Dieu dit à son prophète de ne pas les re- 
douter. Ezech., il, 6. Qui possède une méchante épouse, 
a mis la main sur un scorpion, F.ccli., xxvi, 10. Les 
bêtes féroces, le scorpion et la vipère ont été créés 




■^-S^^^^^^MÊéBk'^M^ïf-t^^'.T^^^^ ~f* ^ 



325. — Les hommes-scorpions. 
D'après Lajard, Culte de Mithra, pi. xxvm, n. il. 

pour le châtiment des hommes. Eccli., xxxix, 36. — 
Noire-Seigneur donne à ses disciples le pouvoir de 
fouler aux pieds les serpents et les scorpions, figures 
de Satan et des ennemis de l'Évangile. Luc, X,19. 11 
demande si un père serait assez dénaturé pour donner 
un scorpion à son iils qui lui demande un œuf. Luc, 
xi, 12. Quand un scorpion de couleur claire se replie 
sur lui-même, il peut avoir quelque ressemblance avec 
un œuf. Cf. Bochart, Hierozoicàn, Francfort-s.-M., 1675, 
II, iv, 29, p. 636, 641. Dans une de ses visions, saint Jean 
voit des saulerelles ressemblant à des scorpions, qui, 
sans causer la mort, tourmentent par les piqûres faites 
avec l'aiguillon' de leur queue. Apoc, ix, 3, 5, 10. 

II. Scorpion, espèce de fouet. — A l'instigation de ses 
jeunes conseillers, Roboam dit aux Israélites que, si 
son père les a châtiés avec des fouets, lui les châtiera 
avec des scorpions. III Reg., xii, 11, 14; II Par., x, 11, 
14. Il s'agit ici de fouets ou de verges armés de piquants 
ou de pointes de fer, pour rendre les coups plus dou- 
loureux. Ces scorpions pourraient être aussi des bran- 
ches épineuses. 

III. Scorpion, <rxop7ti'o'iov, machine à lancer des traits. 
— Le roi Antiochus V, assiégeant le Temple de Jérusa- 
lem, avait dans son attirail de guerre « des scorpions 
pour lancer des flèches. » I Mach., vi,5l. Le scorpion 
servait à lancer des pierres, des balles de plomb et des 
flèches. C'était une espèce d'arbalète maniée par un seul 
homme et dont la forme rappelait celle de l'animal. 
Cf. Végèce, Mil., rv, 22; Ammien, xxm, 4; Vitruve, x, 1 , 
3 ; César, Bell, gall., VII, xxv, 2, 3. H. Lesêtre. 



SCRIBE, Juif qui se consacrait spécialement à 
l'étude de la Loi. 

I. Le nom. — 1° Celui qui était versé dans la connais- 
sance de la loi mosaïque s'appelait primitivement 
sôfêr, de sâfar, « écrire ». Le sôfêr fut tout d'abord 
un secrétaire, II Reg., vm, 17; xx, 25; IV Reg., xii, 
11; xrx, 2; xxii, 3, etc., ou même un chef militaire 
« inscrivant » et enrôlant des soldats. Jud., v, 14; 
IV Reg., xxv, 19; Jer., xxxvn, 15; lh, 25, etc. Ce fut 
ensuite un légiste. Le nom de sôfêr, ctwetô;, liltera- 
tus, est attribué à Jonathan, oncle de David. I Par., 
xxvn, 32. Esdras surtout est désigné sous le nom de 
sôfêr, Ypaji[Ji.oT£j{, scriba, 1 Esd., v», 6, 11 : « scribe 
instruit dans les paroles et les préceptes du Seigneur 
et dans ses cérémonies en Israël, » vu, 12,21; II Esd., 
vin, 1 ; xn, 26, 36. Esdras était à la fois prêtre et 
scribe. Mais, avec le temps, des Juifs qui n'étaient pas 
prêtres s'appliquèrent de plus en plus nombreux à 
l'étude de la Loi et devinrent ainsi capables d'ensei- 
gner le peuple. — 2° A l'époque évangélique, le scribe 
porte habituellement le nom de ypa[i[jiaTEj;, scriba, 
qui correspond à l'hébreu sôfêr. A côté de ce nom, 
plus communément usité, se rencontrent ceux de 
vou.tx6ç, legis doctor, Matth., xxn, 35, legisperitus, 
Luc, vu, 30; x, 25; xi, 45; xiv, 3, et de vo[io5i8à(rz.a),oç, 
legis doctor. Luc, v, 17; Act., v, 34. Josèphe appelle 
les scribes iracp!o)v élt\-(r\Tci:\ vôfiwv, « ceux qui expliquent 
les lois des pères », Ant. jud., XVII, vi, 2, a-oiptoraL, 
« les sages », Bell, jud., I, xxxn, 2; II, xvn, 8, 9, et 
UpoypaiJiiJ.aTefç, « ceux qui s'occupent des Saintes Let- 
tres ». Bell, jud., VI, v, 3. La Mischna réserve 
le nom de sôfrim aux anciens scribes qui faisaient 
encore autorité de son temps et appelle hakâmim, 
i sages », les contemporains. Vebamoth, n, 4; IX, 3; 
Sanhédrin, xi, 3; Kelim, xxn, 7, etc. — 3° On donnait 
aux scribes, au moins à l'époque de Jésus-Christ, le 
nom de rabbbi, « mon maitre ». Matth., xxm, 7. Le 
Sauveur fut souventappelé de ce nom par ses disciples, 
Matth., xxvi, 25, 49; Marc, ix, 4; xi, 21; xiv, 45; 
Joa., IV, 31; IX, 2; xi, 8, et même par d'autres. Joa., 
i, 38, 49; m, 2; vi, 25. Saint Jean-Baptiste était aussi 
appelé rabbi par ses disciples. Joa., m, 26. Rabbi 
devenait quelquefois poc6ëouvi, rabboni, de rabbôn 
ou rabbûn, forme araméenne renforçant rabbi. Marc, 
x, 51; Joa., xx, 16. Ce dernier mot, avec son suffixe 
personnel, ne s'emploie dans le Nouveau Testament 
que quand on s'adresse à une personne. Plus tard, il 
devint un titre dont on faisait précéder le nom d'un 
docteur, Rabbi Éliézer, Rabbi Akiba, etc., de la même 
manière que nous mettons les mots « monsieur, 
monseigneur », devant le nom d'une personne, même 
sans s'adresser directement à elle. Dansle NouveauTes- 
tament, le mot rabbi est souvent remplacé par d'autres : 
Kûpie, Domine, « Seigneur », Matth., vm, 2, etc.; 
SiSiirxaXe, magisler, « maître », Matth., vm, 19, etc.; 
ë7titrnïTa, prseceptor, « maître », Luc, v, 5, etc.; 
y.a9r,-f»)Tiriç, magister, « maître », correspondant à 
l'hébreu môréh, « docteur », Matth., xxm, 10, et 
itoct^p, pater, « père », Matth., xxm, 9, correspondant 
à l'araméen 'abbd', « père », dont la Mischna fait 
souvent précéder le nom des docteurs, Abba Saul, Pea, 
vm, 5; Abba José, Middoth, n, 6, etc. 

II. Rôle des scribes. — 1» Constitution du droit. — 
Les scribes travaillaient tout d'abord au développement 
théorique du droit. La loi mosaïque formulait les 
préceptes, mais elle n'entrait pas dans le détail. Les 
scribes examinaient les différents cas qui pouvaient se 
présenter dans son application et ils les résolvaient en 
conformité avec l'esprit de la loi. Leur science devenait 
donc de plus en plus compliquée, à mesure que les 
solutions s'ajoutaient aux solutions et que les circons- 
tances provoquaient de nouvelles difficultés. Ils trans- 
mettaient ces solutions oralement, et non encore par 



1537 



SCRIBE 



1538 



écrit, comme le firent plus tard les rédacteurs de la 
Mischna. D'autre part, elles résultaient de l'accord des 
docteurs, ce qui nécessitait de perpétuelles discussions 
des uns avec les autres. L'écho de ces discussions se 
retrouve dans la Mischna, Pea, vi, 6; Terumoth, v, 4; 
Schabbath, vin, 7; Pesachim,\i, 2, 5, etc. C'est ce qui 
obligeait les docteurs les plus autorisés à adopter le 
même séjour, Jérusalem, jusqu'à la ruine de la ville, 
et plus tard Jabné et Tibériade. Bien que certaines 
parties du droit ainsi fixé n'eussent qu'une valeur 
théorique, l'ensemble n'en constituait pas moins un 
code de vie pratique. Les pharisiens firent prévaloir 
leurs doctrines dans cette œuvre; ils étaient en réalité 
comme des législateurs devant lesquels les sadducéens 
et le sanhédrin lui-même étaient obligés de s'incliner. 

2° Enseignement du droit. — Les scribes avaient 
ensuite à enseigner le droit. Chaque Israélite, pour se 
conduire suivant la loi, devait la connaître. Les doc- 
teurs les plus célèbres l'enseignaient après la capti- 
vité, et avaient pour auditeurs une nombreuse jeunesse. 
Josèphe, Bell, jud., I, xxxm, 2, parle de deux docteurs 
qui enseignaient ainsi à la fin du règne d'Hérode. 
Les disciples portaient le nom de talmîdîm, I Par., 
xxv, 8, de lâmad, « enseigner ». Ils avaient surtout à 
apprendre de mémoire les nombreuses décisions des 
docteurs, dont l'enseignement consistait principalement 
à répéter, sândh, d'où le nom de Mischna donné à cet 
enseignement. Voir Mischna, t. iv, col. 1127. Puis le 
docteur posait des cas à résoudre, ou les disciples en 
apportaient eux-mêmes à leur maître. Tout l'ensei- 
gnement était strictement traditionnel; le disciple 
devait retenir ce qu'il avait appris et à son tour l'ensei- 
gner aux autres dans les mêmes termes, bilesôn rabbô, 
« avec la langue de son maître », c'est-à-dire avec ses 
expressions mêmes. Eduyoth, i, 3. Un bon disciple 
était comparé à « une citerne enduite déciment, qui ne 
laisse pas perdre une goutte d'eau. » Aboth, II, 8. Les 
scribes enseignaient dans des écoles. Voir École, t. H, 
col. 1565. A Jérusalem, ils enseignaient dans le 
Temple. Luc, h, 46; Matth., xxi 23; xxvi, 55; Marc, 
xiv, 49; Luc, xx, 1; xxi, 37; Joa., xvm,20. Saint Paul 
apprit la loi « aux pieds de Gamaliel ». Act., xxii, 3. 

3° Intervention dans les tribunaux. — Les scribes 
remplissaient aussi les fonctions de juges, auxquelles 
leurs connaissances juridiques les rendaient plus aptes 
que les autres. Les petits tribunaux n'avaient souvent 
que des juges laïques; les scribes assistaient ces juges 
ou jugeaient eux-mêmes, comme ils le faisaient au 
sanhédrin. On les agréait, pour juges au même titre 
que pour législateurs et l'on avait confiance dans leurs 
jugements, à cause de leur compétence reconnue, qu'ils 
fussent seuls, Baba kamma, vm, 6, ou plusieurs opé- 
rant ensemble. 

4» Travail sur les Saintes Ecritures. — Bien que 
spécialement voués à l'étude et à l'interprétation de la 
• loi, les scribes ne ' pouvaient se désintéresser des 
autres parties de la Sainte Écriture. A la Halacha, qui 
s'appliquait aux textes législatifs, ils ajoutèrent donc 
la Hagada, qui développait et complétait l'histoire. Leurs 
travaux furent parla suite consignés dans le Midrasch. 
Voir Midrasch, t. iv, col. 1078. A raison de leur éru- 
dition, les scribes prenaient la parole dans les syna- 
gogues. Enfin, ils veillaient sur le texte sacré, afin d'en 
assurer la conservation et l'intégrité. Ils préparèrent 
ainsi les matériaux qui, à un âge postérieur, furent 
mis en œuvre par la massore. Voir Massore, t. IV, 
col. 854. 

III. Situation sociale des scribes. — 1° Leur influ- 
ence. — La science des scribes et leur autorité de légis- 
lateurs et d'interprètes de la loi assuraient aux scribes 
une grande place dans la société juive. Il devait natu- 
rellement en être ainsi chez un peuple dont toute la 
vie religieuse et sociale dépendait du livre sacré, et qui 

DICT. DE LA BIBLE. 



avait d'autant plus besoin d'être authentiquement 
informé qu'une plus grande importance tendait à 
s'attacher aux prescriptions extérieures. Les scribes, 
parles maximes qu'ils mettaienten cours, ne se faisaient 
pas faute d'attirer à eux les honneurs. Ils disaient : 
« Les paroles des scribes sont plus aimables que les 
paroles de la Loi ; car, parmi les paroles de la Loi, les unes 
sont importantes et les autres légères : celles des 
scribes sont toutes importantes. » 1er., Berachoth, 
f. 3, 2. Par des maximes de ce genre, souvent repro- 
duites dans le Talmud, les scribes se plaçaient au-dessus 
de Moïse et des prophètes, et à plus forte raison de 
leurs contemporains. Ils en tiraient les conséquences 
pratiques : « Le respect pour ton ami va jusqu'à l'hon- 
neur dû à ton maître, et l'honneur dû à ton maître 
touche à l'hommage dû à Dieu. » A both, iv, 12. En bien 
des cas, le maître devait être préféré par le disciple à 
son propre père, à moins que ce dernier ne fût scribe 
lui-même; car, si le père donnait la vie qui fait entrer 
dans le monde présent, le maître donnait la sagesse 
qui fait entrer dans le monde futur. Baba mezia, n, 11. 
« Ils aiment la première place dans les festins, les 
premiers sièges dans les synagogues, les salutations 
dans les places publiques, et à s'entendre appeler par 
les hommes rabbi. » Matth., xxm, 6, 7; Luc, xi, 43. 
« Ils aimaient àse promener en longues robes. » Marc, 
xi], 38; Luc, xx, 46. Cf. Matth., xxm, 5. On leur rendait 
donc honneur, mais il est douteux que l'amour accom- 
pagnât le respect. Nulle part on ne trouve employée à 
leur adresse la formule « bon maître », dont on se 
sert pour Notre-Seigneur. Matth., xix, 16; Marc, x, 17, 

2" Leurs vues intéressées. — Les scribes faisaient pro- 
fession de désintéressement. On ne devait pas se servir 
de l'enseignement de la Loi comme d'un outil avec 
lequel on gagne de l'argent. Aboth, i, 13; IV, 5. Quand 
on rendait la justice pour de l'argent, le jugement était 
sans valeur. Berachoth, iv, 6. Pour vivre, les docteurs 
exerçaient un métier, r donnant peu à ce métier, et 
s'occupant beaucoup de la Loi. » Aboth, iv, 10. Saint 
Paul suivit cette tradition. Act., xvm, 3; xx, 34, etc. 
Néanmoins ce désintéressement n'était souvent que de 
surface. Notre-Seigneur dit des scribes : « Ces gens 
qui dévorent les maisons des veuves et font pour l'appa- 
rence de longues prières, subiront une plus forte con- 
damnation. » Marc, xn, 40; Luc, xvi, 14; xx, 47. On 
retrouve dans le Zohar, i, 91 b, édit. Lafuma, Paris, 
1906, p. 521, un écho des prétentions intéressées des 
scribes : « Nous savons par une tradition, Pesachim; 
49 a , dit Rabbi Abba, que l'homme est tenu de sacrifier 
toute sa fortune pour obtenir en mariage la fille d'un 
docteur de la loi ; car c'est aux docteurs de la loi que 
Dieu confie le dépôt des bonnes âmes. » Cf. Schûrer 
Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 
t. n, 1898, p. 312-328. 

IV. Les scribes célèbres. — 1° Les plus anciens. — 
La Mischna, Aboth, I, enregistre le nom d'un certain 
nombre de docteurs dont l'enseignement a fait auto- 
rité: Simonie Juste et AntigonedeSocho, José ben Joéser 
et José ben Jochanan, Josué ben Pérachya et Nittaï 
d'Arbèle, Juda ben Tabbaïet Simon ben Schetach, Sche- 
maya et Abtalyon, Hillel et Schammaï, Gamaliel et 
son fils Simon. Simon le Juste n'est autre probablement 
que le grand-prêtre du même nom. Josèphe, Ant. jud., 
XII, n, 4. Sur la plupart des autres, on n'a que de 
vagues renseignements. Gamaliel est mentionné dans 
les Actes, v, 34; xxn, 3. Voir Gamaliel, t. m, col. 102. 

2» Hillel et Schammaï. — Les plus intéressants sont 
Hillel et Schammaï, dont les doctrines avaient eu un 
grand . retentissement et dont l'influence s'exerçait 
encore puissamment au temps de Notre-Seigneur. Les 
deux docteurs vivaient à l'époque d'Hérode le Grand. 
Cf. S. Jérôme, In 1$., m, 8, t. xxiv, col. 119; Schab- 
bath, 15 a. Hillel l'Ancien, de la race de David, 1er. Taa- 

V. - 49 



1539 



SCRIBE 



1540 



nith, iv, 2, fol. 68a, était venu de Babyloneen Palestine. 
Pauvre, il se louait à la journée pour son entretien et 
celui de sa famille, ainsi que pour payer ses frais d'ins- 
truction. Un jour, n'ayant pu payer son entrée dans 
l'école, il se hissa à la fenêtre pour entendre la leçon. 
Comme c'était en hiver, on l'y trouva bientôt tout 
engourdi. Il acquit des connaissances incroyables sur 
tous les sujets et devint l'un des docteurs les plus en 
renom. La douceur et la bonté formaient le fond de 
son caractère. Schammaï, au contraire, était la rigi- 
dité même. Son zèle intransigeant l'entraînait toujours 
à l'application la plus stricte de la loi. Il ne frayait pas, 
. comme Hillel, avec les Hérodes, et son patriotisme 
farouche le rendait plus populaire auprès de ceux qui 
abhorraient la domination étrangère. Il obligeait son 
fils en bas âge à jeûner le jour de la fête des Expiations. 
Un petit-fils lui étant né pendant la fête des Taber- 
nacles, il fit enlever le plafond de la maison et le rem- 
plaça par des feuillages, afin que l'enfant observât la 
loi dès son entrée en ce monde. Sukka, n, 8. Dès le 
troisième jour avant le sabbat, il évitait d'envoyer des 
lettres, afin qu'elles ne voyageassent pas le jour du 
repos. A un païen qui lui promettait de se convertir 
s'il pouvait lui enseigner la loi pendant qu'il se tien- 
drait sur un pied, il répondit par un coup de bâton. 
Hillel, au contraire, satisfit à la même demande en 
disant : « Ne fais pas à ton prochain ce que tu ne 
voudrais pas qu'on te fit; c'est toute la loi, le reste en 
découle. » Bab. Schabbath, 31 a. Les deux docteurs 
exigeaient l'accomplissement intégral de la loi, mais 
l'un en restreignait autant que possible l'obligation, 
tandis que l'autre retendait au maximum. Dans bien 
des cas Cependant, Schammaï se montrait plus large 
qu'Hillel. Au fond, les deux docteurs tenaient surtout 
à ne pas donner les mêmes décisions; quand l'un 
avait pris parti dans un sens, l'autre décidait dans un 
sens opposé ou différent. Ainsi, sur la question du 
divorce, Schammaï se montrait fort rigoureux, tandis 
qu'Hillel le permettait pour la cause la plus futile. Ce 
fut aussi Hillel qui inventa la wpouêoXvi, formalité qui 
permettait d'éluder la libération des dettes à l'année 
sabbatique. Voir Sabbatique (Année), col. 1302. Le 
même docteur se préoccupa de mettre par écrit la loi 
orale, c'est-à-dire l'interprétation de la loi mosaïque 
par les docteurs, ses devanciers. Il classa leurs sen- 
tences sous six titres différents et posa ainsi les bases 
de la Mischna. Au temps de Notre-Seigneur, le recueil 
rédigé par écrit sous sa direction existait probablement 
déjà. Hillel formula aussi sept règles d'interprétation 
qui furent développées par la suite. Ces règles, consi- 
gnées dans le traité Sanhédrin, vu, étaient les sui- 
vantes : 1. Conclusion d'un sujet à un autre par a for- 
tiori. — 2. Conclusion d'après l'analogie.. — 3. Examen 
d'un principe contenu dans un seul texte. —4. Compa- 
raison des textes contenant des principes semblables. — 
5. Solution d'un cas particulier d'après des cas géné- 
raux. — 6. Citation d'exemples. — 7. Sens général 
résultant de l'ensemble d'un passage. Ces règles étaient 
sages, mais leur application poussée jusqu'à l'outrance 
amena souvent des conclusions inacceptables. Hillel 
n'en exerça pas moins une très grande influence et 
ses disciples finirent par l'emporter sur ceux de son 
rival. Ils firent preuve d'une certaine tolérance à l'égard 
des chrétiens. Héritiers de la rigueur de leur maître, 
les disciples de Schammaï comptèrent sans nul doute au 
nombre de ceux qui poursuivirent le Sauveur avec le 
plus d'acharnement, en lui reprochant son relâchement. 
Les discussions entre Hillélistes et Schammaïstes furent 
des plus violentes. Elles frappèrent d'autant plus qu'à 
l'époque évangélique les scribes ne s'enfermaient plus 
dans leurs écoles, mais enseignaient dans les rues et 
les places publiques. Cf. Pesachim, f. 26, 1 ; Erubin, 
f. 29, 1; Moed Katon,t. 16, 1. 



3° Les scribes postérieurs. — Après Hillel et Scham- 
maï, parurent Simon, fils d'Hillel, sur lequel on n'a que 
des données problématiques, Gamaliel I er , contemporain 
de Notre-Seigneur, puis son fils Simon, dont la renom- 
mée fut extraordinaire. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, m, 
9; Vit., 38, 39, 44, 60. II vivait à l'époque de la guerre. 
Après la ruine de Jérusalem, les scribes se réunirent 
à Jabné et à Tibériade. Ils cessèrent dès lors d'être en 
contact direct avec les chrétiens. Cf. Schiirer, Ge- 
schichte, t. n, p. 351-366; Stapfer, La Palestine au 
temps de J.-C, Paris, 1885, p. 273-296. — Parmi les 
anciens scribes, plusieurs furent sans nul doute des 
hommes de haute vertu, comme, par exemple, Esdras, 
Simon le Juste, etc. L'Église le suppose quand, dans 
l'antienne de Magnificat aux premières vêpres de la 
Toussaint, elle invoque, après les anges, « les patriar- 
ches, les prophètes, les saints docteurs de la loi, tous 
les apôtres, etc. » 

4» Notre-Seigneur indépendant des scribes. — L'en- 
seignement de Notre-Seigneur, malgré quelques maxi- 
mes communes dans la forme, ne s'inspire en aucune 
manière de celui des scribes. On a tenté parfois de rap- 
procher Hillel de Jésus. Delitzsch conclut son écrit 
Jésus und Hillel, Erlangen, 1879, en disant : « Les ten- 
dances de l'un sont aussi loin des tendances de l'autre 
que le ciell'estde la terre. Hillel fait de la cas uistiquepour 
son peuple, Jésus fait de la religion pour l'humanité. » 
V. Les scribes dans le Nouveau Testament, — 
1» Pendant l'enfance de Notre-Seigneur. — A l'arrivée 
des Mages à Jérusalem, Hérode consulta les princes des 
prêtres et les scribes pour savoir d'eux où le Christ de- 
vait naître. Matth., n, 4. Les princes des prêtres et les 
scribes désignent ici le sanhédrin. Cette assemblée com- 
prenait en effet des princes des prêtres, des scribes et des 
anciens. Voir Sanhédrin, col. 1459. A titre de membres 
du sanhédrin, les scribes sont souvent mentionnés dans 
l'Évangile, conjointement avec les deux autres ordres. 
Matth., xvi, 21; xx, 18; xxvi, 57; xxvn, 41; Marc, vin, 
31; x, 33; xi,18; Luc, ix, 28; xxra, 10; etc. — A l'âge 
de douze ans, Jésus resta à Jérusalem après les fêtes de 
la Pâque, au lieu de retourner à Nazareth avec ses 
parents. Au bout de trois jours, ceux-ci « le trouvèrent 
dans le Temple, assis au milieu des docteurs et les 
interrogeant. Et tous ceux qui l'entendaient étaient 
ravis de son intelligence et de ses réponses. » Luc.,n, 
46-47. Les docteurs sont seuls nommés ici, à l'exclu- 
sion des prêtres et des anciens, parce que ces derniers 
ne s'occupaientpas d'enseignementet d'ailleurs n'avaient 
pas la compétence pour le faire. Jésus était assis au 
milieu des docteurs, non pas sur un de leurs sièges, 
mais à leurs pieds, comme Saùl aux pieds de Gamaliel, 
Act., xxii, 3, dans l'attitude qui convenait au disciple. 
Il interrogeait et il répondait, comme le faisaient habi- 
tuellement les auditeurs des scribes. L'auteur de l'Évan- 
gile arabe de l'enfance, 50-52, prétend savoir que la 
discussion porta d'abord sur la question du Messie, 
puis sur la Loi et ses préceptes, les prophéties et leurs 
mystères, l'astronomie, etc. Il est possible que les 
interrogations et les réponses aient concerné principa- 
lement le Messie attendu; c'est même assez probable. 
Toutefois l'Évangile n'en dit rien ; il se contente de 
noter l'effet produit par l'intelligence du divin Enfant. 
Il est certain d'ailleurs que, dans la circonstance, 
Jésus n'agissait ni par ostentation ni par vaine curiosité, 
mais pour « être aux affaires de son Père ». Luc, n, 49. 
2» Pendant la prédication de Notre-Seigneur. — 
Le Sauveur prêchait son Évangile sans avoir fréquenté 
les écoles des docteurs, Joa., vu, 15, sans avoir sollicité 
leur approbation et sans se rattacher à aucune de leurs 
traditions. Il était inévitable que, dans ces conditions, 
la susceptibilité des scribes fût froissée, que leur atten- 
tion fût éveillée et que leur orgueil blessé suscitât à 
Notre-Seigneur des difficultés et des persécutions. C'est 



1541 



SCRIBE — SCULPTURE 



1542 



ce qui arriva. Le Sauveur commença par signifier que, 
pour faire partie du nouveau royaume qu'il venait fon- 
der, il fallait une justice supérieure à celle des scribes 
et des pharisiens. Matth,, v, 20. Les deux sont men- 
tionnés ensemble parce que, si les pharisiens ne pou- 
vaient tous être des scribes, ces derniers du moins 
étaient pharisiens, et que la justice des uns et des autres 
consistait surtout dans l'observance de leurs traditions 
humaines, au détriment de la loi divine et morale. 
Matth., xv,- 3. L'enseignement du Sauveur, parlant de 
sa propre autorité et toujours d'accord avec le bon sens 
et les sentiments de la conscience, contrastait avec celui 
des scribes, qui se référaient constamment à l'opinion 
de leurs devanciers et qui en tiraient des conséquences 
parfois révoltantes. Le peuple ne tarda pas à en faire 
la remarque. Matth., vu, 29; Marc.,i, 22. Les scribes 
se pressèrent dès lors sur les pas du Sauveur. Il en 
venait de Jérusalem, delà Judée et de toutes les parties 
de la Galilée. Marc, ni, 22; vu, 1; Luc, x, 17. Bien 
que la juridiction du sanhédrin ne s'étendît pas en 
Galilée, les scribes de cette assemblée croyaient utile 
de surveiller le nouveau docteur et au besoin de com- 
battre son influence. Ils témoignaient d'ailleurs des 
sentiments les plus divers. Quelques-uns venaient avec 
un sincère désir de s'instruire et se laissaient gagner. 
Un jour l'un d'eux demanda à suivre Notre-Seigneur. 
Matth., vm, 19. En lui opposant son propre dénûment, 
le divin Maître sembla dresser devant le scribe un obs- 
tacle que celui-ci n'eut pas le courage de franchir. Plus 
tard, saint Paul recommandera à Tite un docteur de la 
loi, Zénas, devenu chrétien. Tit.,m, 13. D'autres scribes 
interrogeaient Notre-Seigneur. Ils lui demandaient ce 
qu'il faut faire pour posséder la vie éternelle, Luc, x, 
25, quel est le premier commandement de la loi. Matth., 
xxn, 35; Marc, XII, 28. Ils l'approuvaient d'avoir bien 
réfuté les sadducéens. Luc, xx, 39. Mais, la plupart du 
temps, ils cherchaient à le prendre en défaut, en lui 
posant hypocritement des questions captieuses, comme 
celle delà femme adultère, Joa., vm, 3, du tribut à 
César. Luc, xx, 20-26. Ils réclamaient un signe dans 
le ciel. Matth., xn, 38. Ils jetaient les hauts cris quand 
il remettait les péchés, Matth., ix, 3; Marc,, il, 6; Luc, 
v, 21, quand il allait avec ceux qu'ils appelaient les 
pécheurs, Marc, h, 16; Luc, v, 30; xv, 2, quand il 
guérissait le jour du sabbat, Luc, vi, 7; xiv, 3, quand 
il laissait ses disciples transgresser leurs traditions, 
Matth., xv, 1; Marc, vu, 1, 5, quand on l'acclamait à 
son entrée à Jérusalem sans qu'il l'empêchât. Matth., 
xxi, 15. Ils attribuaient ses miracles à la puissance du 
démon. Marc, m, 22. Quand ils trouvaient les apôtres 
seuls, ils discutaient avec eux pour les mettre dans 
l'embarras aux yeux de la foule. Marc, ix, 13. 

3° Condamnation des scribes. — Les scribes s'étaient 
abstenus du baptême de Jean. Luc, vu, 30. Ils se 
montrèrent finalement encore plus hostiles à Notre- 
Seigneur. Après l'avoir interpellé violemment dans le 
Temple, Marc, xi, 27, ils poussèrent énergiquement à 
sa condamnation et vinrent se moquer de lui au pied 
même de sa croix. Marc, xv, 31. Il était donc néces- 
saire qu'avant de quitter ce monde Notre-Seigneur pré- 
munit ses disciples contre l'influence néfaste des scri- 
bes. Il les traite d'hypocrites, Marc, vu, 5, et un 
jour adresse au peuple de sévères conseils à leur sujet. 
Il reconnaît qu'ils sont assis dans la chaire de Moïse 
et qu'il faut leur obéir, en tant qu'ils interprètent véri- 
tablement Moïse. Mais, en même temps, il leur repro- 
che de ne pas faire eux-mêmes ce qu'ils commandent 
aux autres, d'accabler ceux-ci de fardeaux qu'ils dédai- 
gnent de toucher du doigt, de tout faire par ostentation, 
de rechercher pour eux tous les honneurs, de ne pas 
vouloir entrer dans le royaume des cieux et d'en inter- 
dire l'accès aux autres, de dévorer les maisons des veu- 
ves sous prétexte de piété, de se donner mille peines 



pour faire un prosélyte qu'ils mènent à la damnation, 
d'être pour le peuple des guides aveugles, de s'attacher 
à des minuties tout en négligeant les préceptes les plus 
graves de la loi divine, de n'avoir au fond du cœur 
que rapine et intempérance, de ressembler ainsi à des 
sépulcres blanchis pleins de pourriture, enfin de con- 
tinuer l'œuvre homicide de leurs pères qui ont mis à 
mort les prophètes. « Serpents, race de vipères, con- 
clut-il, comment éviterez-vous d'être condamnés à la gé- 
henne? » Matth., xxiii, 2-36; Luc, xi, 45-53. « Gardez- 
vous des scribes ! » dit-il encore. Marc, xn, 38; Luc, 
xx, 46. Cf. Rom., Il, 19-24; I Cor., i, 19-20. Ce réqui- 
sitoire vise à la fois les scribes et les pharisiens, mais 
surtout les premiers, parce qu'ils ont la direction morale 
de la nation et égarent les pauvres âmes dont ils sont 
les guides. Le Sauveur n'a pas pu exagérer. Il en faut 
conclure qu'on est obligé de porter au compte des scri- 
bes l'hypocrisie, l'orgueil, la dureté, la cupidité, la Vio- 
lence. Notre-Seigneur leur oppose « le scribe versé dans 
ce qui regarde le royaume des cieux, » c'est-à-dire celui 
qui possède la science et l'esprit de l'Évangile. Celui-là 
« ressemble au père de famille qui tire de son trésor 
des choses nouvelles et des choses anciennes. » Matth., 
xin, 52. Il tient compte des traditions dans la mesure 
nécessaire, puisque la loi nouvelle ne fait qu'accomplir 
et perfectionner l'ancienne ; mais il ne se fait pas l'es- 
clave de ces traditions, surtout dans ce qu'elles ont de 
provisoire et de purement humain, et il ne craint pas 
d'y adjoindre ce que l'Évangile apporte aux hommes de 
vérités et de grâces. 

VI. Les docteursde la loi nouvelle. — Les chrétiens 
n'ont qu'un docteur, le Christ, leur seul maître, SiSi- 
<7xa>.o;, xoe9ïiyï)Tvi;. Matth., XXHI, 8, 10. Sous son inspi- 
ration et en conformité parfaite avec sa doctrine, 
d'autres sont docteurs dans l'Église. Il y en avait dans 
l'église d'Antioche. Act., xm, 1. Saint Paul fut particu- * 
lièrement établi prédicateur, apôtre et docteur des 
gentils. II Tim., i, 11. Après les apôtres et les pro- 
phètes, Dieu a institué des docteurs, et c'est là un don 
particulier que tous ne peuvent avoir. I Cor., xu, 
28, 29; Eph., iv, 11. L'évêque doit posséder ce don. 

I Tim., in, 2; Tit., I, 9. Quelques nouveaux chrétiens, 
venus du judaïsme, avaient la prétention d'être des 
docteurs de la loi, sans rien comprendre de ce qu'ils 
affirmaient. I Tim., i, 7. Il y eut même beaucoup de 
faux docteurs dans la primitive Église. II Tim., iv, 3, 4 

II Pet., h, 1-3. Les Apôtres mettent les vrais disciples 
en garde contre leurs enseignements et leurs exemples. 
Voir Judaïsants, t. m, col. 1778. H. Lesètbe. 

SCULPTURE, art de tailler des objets en relief 
dans une matière dure, pierre, bois, etc. La sculpture 
est appelée par saint Paul xâpocyna tt-/iyi\t, sculptura 
artis. Act., XVII, 29. Les objets sculptés prennent les 
noms de miqla'at, de gala' « tailler », et pi((ûal.i, de 
pdfal}, « ouvrir », au pihel « sculpter ». Les versions 
rendent ces mots par xoXaTmî, éyxaXaTtxâ, cœlatura, 
qui conviennent surtout à la gravure. Voir Gravure, 
t. m, col. 308. Le mot sculptile, employé souvent par 
la Yulgate, désigne ordinairement l'idole, qui est un 
ouvrage de sculpture exécuté plus ou moins artisti- 
quement. — 1« La Loi défendait de faire des images 
taillées représentant des êtres vivants pour leur rendre 
un culte. Exod., xx,4; Lev., xxvi, 1; Deut., iv, 16,23; 
v, 8; xxvn, 15. Elle ne prohibait donc la sculpture que 
quand celle-ci avait un but idolâtrique. Le Seigneur lui- 
même commanda de sculpter les chérubins de l'Arche. 
Exod., xxv, 18. Voir Chérubin, t. m, col. 660. Plus 
tard, Salomon introduisit dans son Temple différentes 
représentations sculpturales. Bien que la sculpture en 
elle-même ne fut pas prohibée, les Hébreux, soit au 
désert, soit dans les premiers temps de leur établisse- 
ment en Chanaan, n'eurent pas à s'y exercer. La ciselure 



1543 



SCULPTURE 



1544 



et la gravure leur servirent à préparer différents objets 
destinés au culte. Exod., xxvm, 11, 21, 36; xxxix, 6. 
La sculpture n'intervient fort sommairement que dans 
la fabrication hâtive du veau d'or, Exod., xxxii, 4, et 
dans celle du serpent d'airain. Num., xxi, 9. — 2» Pour 
l'ornementation sculpturale du Temple, comme pour 
sa construction, Salomon fît appel aux Phéniciens. 
Hiram était habile en sculpture, comme en toutes sortes 
de travaux d'art. II Par., H, 14. Tout l'intérieur de l'é- 
difice reçut des parois de cèdre, qui furent décorées de 
miqla'at, « sculpture », mot qui ne dit pas par lui-même 
s'il s'agissait de taille du bois en relief ou en creux. 
Les motifs de sculpture étaient des coloquintes et des 
guirlandes, soit en très-bas relief, soit en relief plus 
accentué sur un fond creusé à l'entour. Les versions 
diffèrent ici dans leur manière d'entendre les mots 
techniques. III Reg.. vi, 18. Salomon lit aussi sculpter 




327. — Sculpteur égyptien. 

D'après Champollion, Monuments de l'Egypte et île la Nubie, 

1845, t. il. pi. 180. ' 

pour le Saint des saints deux chérubins en bois d'oli- 
vier, de dix coudées ou environ cinq mètres de haut. 
Ils avaient des ailes de cinq coudées chacune qui, dé- 
ployées, allaient d'une muraille à l'autre. Le Saint des 
saints ayant vingt coudées de large, les deux chérubins 
occupaient toute cette largeur par leurs ailes déployées. 
Ils étaient debout sur leurs pieds, la face tournée vers 
le Temple. II Par., m, 13. Des feuilles d'or recouvraient 
complètement le bois dont étaient fabriquées ces hautes 
statues. III Reg., vi, 28. Le texte ajoute ici que sur les 
murailles, tout autour, on sculpta une ornementation 
en creux, figurant des chérubins, des palmiers et des 
guirlandes de Heurs, à l'intérieur et à l'extérieur. 
III Reg., vi, 29. Cette ornementation ne fut vraisem- 
blablement appliquée qu'au Saint des saints, puisque 
le reste du Temple en avait une autre un peu différente. 
III Reg., vi, 18. La mention « à l'intérieur et à l'exté- 
rieur » indique que cette partie de l'édifice comportait 
une décoration plus complète que le reste. La porte du 
Saint des saints reçut des vantaux en bois d'olivier, 
avec des sculptures représentant encore des chérubins, 
des palmiers et des guirlandes de fleurs, le tout rehaussé' 
d'or. III Reg., vi, 32. Des vantaux à deux valves en bois 
de cyprès, destinés à la porte du Temple, eurent une 
décoration sculpturale reproduisant les mêmes motifs. 
III Reg., vi, 34, 35. Cf. II. Vincent, La description du 



Temple de Salomon, dans la Revue biblique, 1907, 
p. 515-542. Les sculpteurs phéniciens travaillèrent 
encore aux différents objets que contenait le Temple. 
Ils firent les deux colonnes d'airain, voir Colonnes du 
Temple, t. n, col. 856, la mer d'airain, soutenue par 
douze taureaux et ornée de bas-reliefs sur ses panneaux, 
ainsi que les dix bassins d'airain. Voir Mer d'airain, 
t. iv, col. 982-986. Salomon voulut aussi avoir un trône 
avec deux lions sur les bras et douze autres sur les six 
degrés. III Reg., x, 19, 20; II Par., ix, 18. Voir Lion, 
t. IV, col. 279. Lorsque les Chaldéensse furent emparés 
de Jérusalem et du Temple, ils brisèrent à coups de 
hache « ses sculptures », pitfvhêyâh. Ps. lxxiv(lxxih) 




328. — Porte dorée du Temple de Jérusalem. 
D'après de Saulcy, Derniers jours de Jérusalem, p. 240. 

6. Les versions ont traduit « ses portes », comme s'il y 
avait en hébreu pifljéyâh. Dans sa description du Tem- 
ple, Ézéchiel, xli, 18-20, 25, suppose aussi des chérubins 
à deux visages d'homme et de lion avec des palmiers 
sur les murailles de l'édifice et sur les battants des 
portes du Temple lui-même et du Saint des saints. — 
Isaïe, xlix, 13-15, et la Sagesse, xm, 13, montrent à 
l'œuvre le sculpteur qui fabrique des idoles (fig. 327). 
Zacharie, m, 9, parle d'une pierre dont Jéhovah doit 
sculpter la gravure, probablement la pierre qui doit 
couronner le fronton du Temple et qui, comme une stèle, 
sera décorée de bas-reliefs. 

3° On ne sait rien de la place, probablement fort 
minime, que la sculpture occupait dans le second Tem- 
ple. Mais, après le retour de la captivité, l'opinion juive 
devint très intransigeante à l'égard des représentations 
sculpturales. On regarda comme contraires à la Loi 
les taureaux de la mer d'airain et les lions du trône 
de Salomon. Josèphe, Ant. jud., VIII, vu, 5. On en vint 
à tenir pour prohibée toute figure divine ou humaine, 
non seulement dans le Temple, mais encore dans tout 




329. — Tombeau des rois. D'après de Saulcy, Derniers jours de Jérusalem, p. 214. 




330. — Tombeau de Josué. D'après la Revue biblique, 1893, p. 613. 
Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6- édit., t. m, flg. 3, p. 17-29. 



1547 



SCULPTURE 



1548 



endroit profane de la contrée. Josèphe, Bell, jud., II, 
x, 4. De là l'antipathie absolue des Juifs pour les tro- 
phéeset lea enseignes militaires dans lesquels entraient 
des figures sculptées. Josèphe, Ant. jud., XV, vin, I ; 
XVIII, m, 1; v, 3; Bell, jud., II, rx, 2. Sur l'ordre du 
sanhédrin, on détruisit par le feu le palais que le 
tétrarque Hérode avait bâti à Tibériade, parce qu'il était 



0.70 




> -inl - ».. «il. *>- Wy.?I 
i, *. 



f'iii 



i'u.. VV" ■^'•w ! ¥\\Yj 
! ; w\,,^ : •,,./.. ./-/•..., p -" ..■ 

\ 4|*,*. '.^ 

!>-^»A^ ■•■• «fil 

331. — Chapiteau d'un hypogée juif. 
D'après la Bévue biblique, 1899, p. 300. 



décoré de figures d'animaux. Josèphe, Vit., 12.- On 
supposait d'ailleurs que la Loi n'interdisait que les 
représentations d'hommes ou celles d'animaux réels. 
Josèphe, Ant. jud., III, vi, 2. Par égard pour le préjugé 
des Juifs, Hérode s'abstint de faire représenter des 
figures humaines ou animales sur ses monnaies. Le té- 
trarque Hérode Philippe II, puis Agrippa I er et Agrippa II 
se le permirent. Les procurateurs eux-mêmes ne mirent 
que des emblèmes végétaux sur les monnaies de cuivre 






332. — ' Ornement d'un soffite d'un hypogée juif 
D'après la Revue biblique, 1899, p. 300. 

qu'ils frappèrent pour l'usage du pays. Voir Monnaie, 
t. iv, col. 1246-1250. Mais les monnaies d'or et d'argent 
frappées en dehors de la Palestine y circulaient libre-- 
ment, bien qu'elles portassent l'image de l'empereur. 
Matth., xxn, 20; Marc, xn, 16; Luc, xx,24. Seule, une 
petite monnaie de cuivre, datant probablement des 
dernières années d'Hérode I er , porte un aigle. On sait 
que sur la fin de son régne, le prince tenait beaucoup 
moins compte des idées de ses sujets. Cf. Th. Reinach, 
Les monnaies juives, Paris, 1887, p. 32. Il avait aussi 
fait placer sur la porte du Temple un grand aigle d'or 
que des zélateurs de la Loi abattirent un jour. Josèphe, 
Ant. jud., XVII, vi, 2; Bell, jud., I, xxxn, 2. .On cons- 
tate néanmoins que la Loi n'était pas toujours com- 
prise d'une manière aussi étroite. Sur le château fort, 
tout entier de marbre blanc, dont les restes subsistent 
encore au delà du Jourdain, à Araq-el-tmir, l'ornemen- 
tation comportait d'énormes animaux sculptés. Josèphe, 
Ant. jud., XII, iv, 11, en attribue la construction à 



Jean Hyrcan. Il esta croire que l'édifice est antérieur 
à ce prince, qui n'aurait fait que le réparer et l'occuper. 
Cf. Revue biblique, Paris, 1893, p. 140; Schùrer, Ge- 
schichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, t. n, p. 49. 
Hérode-A grippal" fit reproduire en sculpture l'image 
de ses filles. Josèphe, Ant. jud., XIX, ix, 1. Les Juifs 
de la dispersion admettaient volontiers les images 




333. — Ossuaire en pierre blanche. 
D'après la Revue biblique, 1904, p. 262. 

d'animaux dans l'ornementation de leurs monuments. 
Cf. Schûrer, Ibid. 

4° Dans sa restauration du Temple, Hérode dut natu- 
rellement s'abstenir de froisser les idées reçues parmi 
les Juifs de son temps. La sculpture, réduite au mini- 
mum, ne comporta probablement que les ornements 
essentiels à l'aspect archictectural du monument. 
Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, dit que les colonnes de 
marbre blanc qui constituaient les portiques étaient 
polies avec soin mais n'avaient reçu aucune décoration 
de peinture ou de sculpture. Les portes étaient ornées 




334. — Couvercle d'un sarcophage juif. 
D'après V. Ancessi, Atlas, pi. xix. 

de plaques d'or et d'argent; mais seule la porte princi- 
pale du Temple proprement dit avait pour décorer son 
sommet une gigantesque vigne d'or, dont les grappes 
avaient la hauteur d'un homme. Josèphe, Bell, jud., 
V, v, 4; Ant. jud., XV, xi, 3. Ailleurs cependant, Josè- 
phe, Ant. jud., XV, XI, 5, dit que les colonnes des por- 
tiques du Temple, que trois hommes pouvaient embras- 
ser de leurs bras, avaient des chapiteaux corinthiens 
sculptés d'une manière admirable, et que les boiseries de 
la toiture étaient ornées de sculptures en haut relief 
de différentes formes. Cette décoration sculpturale ne 



1549 



SCULPTURE — SEAU 



1550 



pouvait procéder que de l'art grec, alors prédominant 
en Palestine. Les pilastres de l'ancienne Porte dorée 
(fig.328)sontencore surmontés dechapiteaux corinthiens 
de l'époque hérodienne. 

5° Les sépultures juives ont gardé quelques morceaux 
de sculpture caractéristiques de l'art palestinien. Les 
rosaces forment toujours le principal motif de leur déco- 
ration. Voir t. il, lig. 146, col. 437. On les retrouve, 
avec des guirlandes au Tombeau des rois (fig. 329) et 
beaucoup plus sobrement au Tombeau de Josué (fig. 330). 
VoirToMBEAU. Dans un hypogée juif, découvert en 1897 1 
les pilastres ont des chapiteaux à triple rangée de ro- 
saces, de palmettes et d'oves (fig. 331), et un soffite est 
orné de quatre rosaces différentes (fig. 332). Dans d'autres 
ossuaires, les rosaces habituelles sont plus simples 
(fig. 333). Voir Revue biblique, 1899, p. 299-301 ; 1901 , 
p. 449-451 ; 1902, p. 103; 1904, p. 262, 263; 1907, p. 410, 
' 411. La décoration végétale est la seule qui ait été 
employée par les sculpteurs juifs; le couvercle d'un 
sarcophage du Tombeau des rois en offre un riche 
spécimen (fig. 334). Au tombeau d'Absalom, 1. 1, fig. 10, 
col. 98, la frise qui surmonte les chapiteaux ioniques 
très simples présente une alternance de triglyphes et 
de métopes ornées de rosaces sculptées, comme dans 
les monuments grecs. Souvent, d'ailleurs, les ouvriers 
phéniciens ont dû exécuter, pour le compte des Juifs, 
des sculptures dans le style composite qui leur était 
habituel, tout en l'accommodant au goût de leurs clients. 

H. Lesêtre. 

SCYTHES (grec : Sxjâv);), mot employé par saint 
Paul, Col., m, 11, non comme terme ethnique, mais 




335. — Scythe. Statuette en terre cuite de Kertch. 

D'après N. Kondakof, Antiquités de la Russie méridionale, 

in-8>, Paris, 1891, p. 204. 

comme synonyme de grossier, d'ignorant. Dans II Mach., 
IV, 47, il désigne le peuple connu sous ce nom (fig. 335), 
mais il est pris seulement comme terme de comparai- 
son dans le sens de « barbares ». L'auteur du même 
livre appelle Bethsan « ville des Scythes », XII, 29, Scy- 
thopolis. Voir Scïthopolis. 

SCYTHOPOLIS (grec : Sxueûv itoXîc; Vulgate : 
civitas Scytharuni), nom de Bethsan dans II Mach., 



xii, 29. Elle porte aussi ce nom dans le texte grec de 
Judith, iii,10. Sur l'origine de cette dénomination, voir 
Bethsan, 1. 1, col. 1738-1739. 

SCYTHOPOLITES(grec : 2xu6oTtoXÎT:ai; Vulgate: 
Scythopolitœ), habitants de Scythopolis.il Mach.,xn,30. 

SÉAH (hébreu : se'âh), mesure hébraïque. C'était le 
tiers de l'éphi. La Vulgate a traduit ordinairement 
se'âh parsatum. Voir Mesures, iv, 5», t. iv, col. 1043. 

SEAU (hébreu : delî eldôlî; Septante :xâSo;; Vul- 
gate : situla), récipient servant à puiser de l'eau. Le 
mot hébreu vient de dâlâh, « être suspendu »; il 
indique donc un récipient suspendu (fig. 336). Voir 




336. — Seau assyrien attaché à une corde, qu'on tait manœuvrer 
avec une poulie, d'une forteresse assiégée. Un soldat assié- 
geant coupe la corde avec son arme. D'après Layard, Mne- 
veh and its remains, 1849, 1. 1, p. 32. 

aussi t. m, fig. 181, 182, 184, col. 927, 928. Cf. Eccle., 
xn, 6; Cruche, t. n, col. 1136. La forme et la matière 
en sont naturellement variables. — Dans un de ses 
oracles sur Israël, Balaam s'exprime ainsi : 

L'eau déborde de ses deux seaux, 

Sa race croît sur des eaux abondantes. Num., xxiv, 7. 

L'eau qui déborde des deux seaux figure la fécondité 
d'Israël, dont ensuite les fils croissent sur le bord des 
eaux abondantes, par conséquent dans les meilleures 
conditions de prospérité. La Vulgate traduit : « L'eau 
coulera de son seau. » Mais les Septante rendent diffé- 
remment le passage : « Un homme sortira de sa race 
et il sera maître de beaucoup de nations. » Plusieurs 
cependant trouvent qu'il y a quelque incohérence à 
voir l'eau désigner, dans ces deux vers, tantôt la race 
elle-même et tantôt la bénédiction qui fait prospérer 
la race. Ils rattachent donc delî à ddlîf, « rameaux », 
Jer., xi, 16; Ezech., xvii, 6; etc., et traduisent : c L'eau 
déborde de ses rameaux, » c'est-à-dire Israël est comme 
un arbre recevant à la fois les eaux du ciel, qui découlent 
de ses rameaux et les eaux de la terre, qui arrosent 
ses racines. Cf. Rosenraûller, In Num., Leipzig, 1798, 
p. 300; Fr. de Hummelauer, In Num., Paris, 1899, 
p. 290 La plupart néanmoins s'en tiennent au premier 
sens. — Isaïe, XL, 15, dit qu'aux yeux de Dieu « les 



1551 



SEAU — SÉGHÉTEMI 



1552 



nations sont comme la goutte suspendue à un seau, » 
quand il remonte de la fontaine; la moindre secousse 
la fait tomber. —La Samaritaine dit à Notre-Seigneur, 
Joa., IV, 11, qu'il n'a pas de seau, avrXïuxa, pour puiser 
l'eau dans le puits de Jacob qui est profond. 

H. Lesètre. 
SÉBA (hébreu : Séba'; Septante : Saëeé), benjamite, 
fils de Bochri, qui se mit à la tête de la révolte contre 
David, après la mort d'Absalom. II Sam. (Reg.), xx, 
1-22. Il habitait la montagne d'Éphraïm, f. 21. Il réus- 
sit à soulever toutes les tribus d'Israël, excepté celle 
de Juda qui resta fidèle. C'était comme le prélude de 
la révolte de Jéroboam. David donna l'ordre à Amasa 
de réunir aussitôt les hommes de la tribu de Juda, 
mais comme ce dernier n'exécuta pas ses ordres tout 
de suite, le roi, qui sentait qu'il n'y avait pas de temps 
à perdre, fit poursuivre aussitôt le rebelle par Abisaï, 
qui fut accompagné par Joab et ses hommes. Joab 
devait être irrité de voir le commandement des troupes 
confié à Amasa; l'ayant rencontré près de Gabaon, il 
le tua et, avec son frère Abisaï (voir 1. 1, col. 60), il pour- 
suivit sans perdre de temps Séba jusqu'à Abel-Beth 
Maacha. Là, une femme de la ville fit jeter à Joab la 
tète du rebelle, sur la promesse que la place serait épar- 
gnée. Ainsi finit la révolte. 

SÉBÉ (hébreu : Sêba' ; Septante : Esële), troisième 
fils d'Abihaïl et petit-fils d'Hnri, un des chefs de la 
tribu de Gad, dans le pays de Basan. I Par., v, 13. 

SÉBÉNIA (hébreu : Sebanyâhû , Septante : Vali- 
canus : Eaêavii; Alex., Sin. : Seêavidt), lévite qui 
signa l'alliance avec Dieu du temps d'Esdras. IIEsd., 
x, 10. Voir Sabania 1, col. 1288. 

SÉBÉNIAS, nom de deux Israélites, dont le nom 
n'est pas toujours écrit de la même manière. 

1. SÉBÉNIAS (hébreu : Sebanyâhû; Septante : Va- 
licanus : 2o,uvtà; Alexandrinus : Swëeviâ; Sinai- 
ticus : So6vsiœ), prêtre qui vivait du temps de David 
et jouait de la trompette devant l'arche. I Par., 

xv, 24- 

2. SÉBÉNIAS (hébreu : Sebanyâhû ; Septante : 
Valicanus : 'Eëavei'; Alexandrinus : Ssëavi, II Esd., 
x, 4; omis dans Valicanus, xn, 14), prêtre ou lévite 
qui signa l'alliance avec Dieu du temps d'Esdras. Il 
s'était établi à Jérusalem au retour de la captivité de 
Babylone. II Esd., xn, 3 (hébreu : Sekanyâh [chetib] et 
[fterï] Sebanydh). 

SÉBÉON (hébreu : Sibe'ôn; Septante : SeëEYwv), 
troisième fils de Séir l'Horréen, un des 'alloufde l'Idu- 
mée, père d'Aïa et d'Ana (voir Aïa 1, Ana 2, t. i, col. 295, 
532), de Dison 2 (t. n, col. 1441) et grand-père d'Ooli- 
bama 1, femme d'Ésaù (t. iv, col. 1826). Gen., xxxvi, 2, 
14, 20, 24, 29; I Par., i, 38, 40. Il est qualifié, jr. 2, 
d'Hévéen, hd-lfivvi, nnn, mais il y a tout lieu de croire 

que c'est une fausse lecture pour nnn, ha-Hôri, 

« l'Horréen ». Cf. jf. 20, 21, 29, 30. Voir Horréen, 
t. ni, col. 758. Ana est appelé f. 2 « sa fille » et f. 24, 
« son fils ». Le texte samaritain porte p, « fils », au 
lieu de m, « fille ». Si l'on conserve la leçon « fille», 
il faut la rapporter, non au nom d'Ana qui précède 
immédiatement, mais à celui d'Oolibama placé avant 
Ana. Voir Ana 2, t. i, 532. 

SÉBÉTHAÏ (hébreu : Sabtaï; Septante : Eas-o-aOn'), 
lévite qui vivait du temps d'Esdras. I Esd., x, 15. Son 
nom est écrit Sabathaï, I Esd., x, 15; Septhaï, II Esd., 
vu, 8. Voir Sabathaï, col. 1290. 



SÉBIA, nom d'un homme et d'une femme israélilès 
dans la Vulgate. 

1. SÉBIA (hébreu: Sibyâ' ; Septante : Esëià), benja- 
mite, le second fils qu'eut Saharaïm d'une de ses femmes 
appelée Hodès, dans le pays deMoab. I Par., vin, 9. 

2. SÉBIA (hébreu : Sîbyâh, « gazelle »; Septante : 
Eaéiâ), mère du roi de Juda, Joas. Elle était originaire 
de Bersabée. IV Reg., xn, 1; II Par., xxiv, 1. 

SEBNIA (hébreu : Sebanyâh; omis dans les Sep- 
tante), lévite, II Esd., ix, 5. Il est appelé ailleurs Saba- 
nia. Voir Sabania 2, col. 1288. 

SEBQIM, nom d'une plaine et d'une vallée de 
Palestine. 

1. SEBoilM (hébreu : Seboïm, Sebffim; Septante : 
Eeëwîfi), une des cinq cités de la Pentapole voisine 
de la mer Morte, dont Sodome était la principale, 
avant la catastrophe qui les engloutit. Gen., x, 19; xiv, 
2, 8; Deut, xxix, 23; Ose., xi, 8. Elle est nommée à 
côté d'Adama. Elle formait une des limites du pays de 
Chanaan. Gen., x, 19. Lors de l'invasion de Chodor- 
lahomor et de ses confédérés, Séméber, roi de Seboïm, 
s'unit aux autres rois de la Pentapole pour tenter de 
les arrêter, mais il fut battu avec ses alliés dans la val- 
lée de Siddim (Vulgate, Vallis Silvestris). Gen., xiv, 2,8; 
Voir Adama, t. I, col. 207. Le Deutéronome, xxix, 23, 
mentionne Seboïm parmi les villes qui furent ruinées 
avec Sodome. Osée, xi, 9, menace Éphraïm du sort 
d'Adama et de Seboïm. F. de Saulcy, Voyage autour de 
la mer Morte, 2 in-8», Paris, 1853, t. n, p. 19, croit 
avoir retrouvé l'emplacement de Seboïm à Talda et 
Kharbet Sebdan, entre la mer Morte et Kérak, mais 
ce site ne répond point aux données bibliques. 

2. SEBOÏM (hébreu : Gê has-Sebô'im, « Vallée des 
Hyènes »; Septante : Tai tï|v EaSiV-), gorge des envi- 
vons de Machmas et probablementà l'est de cette ville, 
dans la tribu de Benjamin, I Reg. (Sam.), xm, 18. 
Une bande de Philistins, du temps de Saùl, partit de 
Machmas, pour ravager le pays « qui regarde la vallée 
de Seboïm du côté du désert. » Ce désert est sans doute 
la partie inculte située entre les hauteurs de Benjamin 
et la vallée du Jourdain. On trouve dans cette région 
une gorge sauvage qui porte le nom de Suq ed-Dubba, ce 
qui signifie comme gê has-Seboïm, « vallée de l'hyène ». 
G. Grave, dans Smith's Dictionary of tlie Bible, t. m, 
1863, p. 1819. — Le livre de Néhémie nous apprend 
qu'il y avait dans cette vallée un village porlant aussi 
le nom de Seboïm qui fut habité par des Benjamites 
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., XI, 34. 

SÉCHEM, nom de deux Israélites dans la Vulgate. 
Le texte hébreu appelle aussi Sechém le fils d'Hamor 
dont la Vulgate écrit le nom Sichem. 

1. SÉCHEM (hébreu : Sékém; Septante : Euyê», des- 
cendant de Manassé, par Galaad. De lui vint la famille 
des Séchémites, Num., xxvi, 31, qui, sous Josué, 
reçut sa part de la Terre Promise dans l'est du Jour- 
dain. Jos., xvii, 2. 

2. SÉCHEM (hébreu : Sékém; Septante : 2ux^C-)i de 
la tribu de Manassé, second fils de Sémida, qui était 
le frère cadet de Séchem 1. I Par., vu, 19. 

SÉCHÉMITE (hébreu : haS-sikmî; Septante : 6 
Suy_e|ju)i nom de la famille qui eut pour ancêtre Séchem 2. 
Mura., xxvi, 31. 



1553 



SÉCHÉNIA — SECRET 



1554 



SÉCHÉNIA, SÉCHÉNIAS (hébreu : Sekanyâh), 
nom de huit Israélites dans la Vulgate. En hébreu deux 
d'entre eux sont appelés Sekanyâhû. Un neuvième, 
II Esd., xil, 3, est nommé en latin Sébénias. Voir Sé- 
bénias 2, col. 1551. . 

1. SÉCHÉNIAS (Septante : 2e-/eW<xç), fils d'Obdia et 
père de Sémaïa, descendant de Zorobabel et de David. 
IPar., ni, 21-22. 

2. SÉCHÉNIA (hébreu : Sekanyâhû; Septante : 
EE-/svtaç), chef de la dixième classe des vingt-quatre 
familles sacerdotales du temps de David. I Par., xxiv, 
11. 

3. SÉCHÉNIAS (hébreu : Sekanyâhû ; Septante : 
Ee^ovi'ac), prêtre qui vivait sous le règne d'Ezéchias, 
un de ceux qui furent chargés de distribuer à leurs 
frères dans les villes sacerdotales la part qui leur reve- 
nait des offrandes faites au Temple. II Par., xxxi, 15. 

4. SÉCHÉNIAS (Septante : Sayavîac), ancêtre d'une 
famille dont cent cinquante membres retournèrent de 
la captivité de Babylone en Palestine avec Esdras. 

I Esd., vin, 3. 

5. SÉCHÉNIAS (Septante 2e-/sv!ac), chef d'une fa- 
mille dont trois cents descendants, sous la conduite 
d'Ezéchiel, retournèrent de captivité en Palestine avec 
Esdras. I Esd., vin, 5. 

6. SÉCHÉNIAS (Septante : Seyevc'n;), fils de Jéhiel, 
des fils d'Élam, qui vivait du temps d'Esdras et lui 
proposa de couper court à l'abus des mariages étran- 
gers contractés après le retour de la captivité de Baby- 
lone. IEsd., x, 2. 

7. SÉCHÉNIAS (Septante : Sey.evfa;), père de Sé- 
maïa. Sémaïa était gardien de la porte orientale du 
Temple et travailla à la reconstruction des murs de 
Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone. 

II Esd., m, 29. 

8. SÉCHÉNIAS (Septante : Se/eviac), fils d'Aréa et 
beau-père de Tobie l'Ammonite, du temps de Néhémie. 
II Esd., vi, 18. 

SÉCHERESSE (hébreu : bassoréf, héreb, horéb, 
yabbâS ; Septante : àëpoxt'a, $ipôv, Çrpac-i'a; Vulgate : 
siccitas, arida), absence d'humidité. La sécheresse est 
mentionnée dans la Sainte Écriture comme état normal, 
comme état transitoire ou comme fléau. 

1° Par comparaison avec la mer, la terre est appelée 
yabbâs, (|ï)pi, arida), ce qui est sec. Gen., i, 9, 10; 
Matth., xxm, 15. Cf. Jon., i, 9, 13; n, 11. Le rivage est 
un endroit sec par rapport au fleuve. Exod., îv, 9; 
Tob., vi, 4. Certaines parties du continent sont parti- 
culièrement désolées par la sécheresse et forment des 
déserts arides. De là des noms comme ceux de Arabah, 
« terre stérile », voir Arabah, t. i, col, 820, Horeb, 
« terre sèche », voir Horeb, t. ni, eol. 753; Désert, t. n, 
col. 1387. Les terres desséchées sont appelées hnrbdh, 
Èori'jo:, desertum. Is., xlviii, 21. 

2» Il y a sécheresse relative et momentanée quand 
les eaux se retirent du lit de la mer ou d'un fleuve 
pour donner passage à des hommes, comme il arriva à 
la mer Rouge, Exod., xiv, 16, 21, et au Jourdain pour 
les Hébreux, Jos., m, 17, puis pour Élie et Elisée. 
IV Reg., n, 8, 14. A la demande de Gédéon, la rosée 
laissa à sec tantôt la toison et tantôt l'aire qui était 
dessous. Jud., vi, 37, 39. 

3° La sécheresse est parfois une calamité par laquelle 
Dieu châtie les hommes. Les Hébreux infidèles auront 



à souffrir h-éréb, èps6t(7ij.d?, sestus, la sécheresse, Siddd- 
fôn, àveixoç6op;a, aer corruptus, le charbon qui ronge 
les grains, etyerdqôn, wy.pa, rubigo, la nielle qui fait 
périr les végétaux. Deut., xxvin, 22. En Palestine, la 
pluie est de nécessité absolue à certaines époques. Voir 
Pluie, col. 470. Sans elle, il.n'y a pas de récolte et la 
famine en est la conséquence. Voir Famine, t. m, 
col. 2173. Au temps d'Achab, Élie annonça une terrible 
sécheresse sans pluie ni rosée. III Reg.,xvn, 1. Le fléau 
dura trois ans et demi. Jacob., v, 17, 18; III Reg., xvm, 
41-46. Isaïe, l, 2, dit que Dieu enverra une sécheresse 
telle que la mer et les fleuves n'auront plus d'eau et 
que les poissons périront. Jérémie, xiv, 3-6, décrit en 
ces termes les effets d'une sécheresse : 

Les grands envoient les petits chercher de l'eau ; 

Ceux-ci vont aux citernes, ne trouvent pas d'eau, 

Reviennent avec des vases vides, 

Confus et honteux, et se couvrent la tête. 

A cause du sol crevassé, faute de pluie sur la terre, 

Les laboureurs confondus se couvrent la tête. 

La biche dans la campagne met bas 

Et abandonne ses petits, parce qu'il n'y a pas d'herbe ; 

Les onagres, sur les hauteurs, aspirent l'air comme des chacals, 

Leurs yeux s'éteignent, parce qu'il n'y a pas de verdure. 

Cf. Joël, i, 18; Am., IV, 7; Agg., I, 11. 

L'homme qui se confie en lui-même sera comme 
celui qui habite les lieux déserts et desséchés. Par 
contre, celui qui a confiance en Jéhovah sera comme 
l'arbre planté au bord des eaux : son feuillage reste 
vert, il ne s'inquiète pas de l'année de sécheresse et il 
ne cesse de porter du fruit. Jer., xvn, 5-8. 

H. Lesêtre. 

SÉCHIA (hébreu : ëobyâh'; plusieurs manuscrits : 
Sokyâh, Sokyâ' ; Septante : Xoc6ti), fils du benjamite 
Saharaïm, né dans le pays de Moab; sa mère s'appelait 
Hodès. Voir Saharaïm, col. 1360. 

SÉCHRONA (hébreu : Sikrônâh) à la pause; Sep- 
tante : Soxx&'û) Àlexandrinus : 'Axxaptovâ), ville de 
la frontière septentrionale de la tribu de Juda. Jos., 
xv, 11. Elle était située entre Accaron et le mont Baa- 
lah, à l'est de Jabnéel. Le site est inconnu. 

SECRET (hébreu :sâd, sêtér, ta'âlumâh; chaldéen : 
'"i'àz; Septante : pj(rrrçpiov,xpu7rTov,xpuçLov, xexpyp.uivov; 
Vulgate : arcanum, secretum,absconditum, absconsum, 
sacramentum), ce qui est caché et ne peut ou ne doit 
pas être connu. Ce mot désigne trois sortes de choses 
cachées. 

1° Les choses inconnaissables par elles-mêmes. — Il 
y a les secrets de la sagesse de Dieu, c'est-à-dire les 
choses que Dieu seul connaît, Job, xi, 6, les secrets de 
l'avenir, Dan., xm, 42, les secrets du gouvernement 
divin, Eccli., xi, 4; Luc, xix, 42, les secrets de la vie 
divine, Eccli., xlhi, 36; II Cor., xn, 4, les secrets de 
la nature, Job, xxvni, 11; Is., xlv, 3, les secrets des 
cœurs que Dieu connaît, Ps. XLiv (xlhi), 22, et qu'il 
manifestera un jour. I Cor., rv, 5. Le Seigneur révèle 
ses secrets à ses prophètes, Am., m, 7, et à ceux qui 
en sont dignes. Eccli., iv, 21. Il a révélé à Daniel les 
secrets des songes. Dan., n, 18, 19, 29, 30, 47; iv, 6; 
v, 12; Ezech., xxvm, 3. Notre-Seigneur a révélé tous 
les secrets utiles au salut de l'homme. Matth., xm, 35; 
Marc, iv, 22; Luc, vin, 17; xn, 2; Joa., xv, 15; Eph., 
i, 9; m, 3, 9. 

2° Les choses confidentielles. — Le mot sôd signifie 
originairement « divan », puis « conseil », ou réunion 
de ceux qui prennent place sur le divan, enfin, par 
extension, « secret », c'est-à-dire ce qui se traite au 
conseil et ne doit pas être divulgué. Grand fut l'émoi 
du roi de Syrie quand il apprit que tout ce qu'il déci- 
dait dans son conseil était connu d'Elisée, qui en infor- 
mait le roi d'Israël. IV Reg., vi, 8-12. Aod prétexte un 



1555 



SECRET — SÉDÉCIAS 



1556 



secret à communiquer pour arriver jusqu'à Églon. Jud., 
ni, 19. Il ne faut pas révéler le secret du roi, Tob., h, 
17, ni celui de ses amis. Prov., xxv, 9; Eccli., xxvn, 17 
(19). C'est pourtant ce que font le médisant, Prov., xi, 
13, et le bavard. Prov., xx, 19. D'après la Vulgate, 
« point de secret là où règne l'ébriété. » Prov., xxxi, 4. 
Au lieu de le-rôznim 'ê sêkdr, « aux princes, où est la 
liqueur? » elle a lu probablement, en empruntant un 
mot chaldéen lo' rdzîn 'ê sêkar, « point de secrets où 
est la liqueur. » — On envoie des espions en secret. 
Jer., h, 1. 11 y en a qui, en secret, font acception des 
personnes. Job, xm, 10. Jésus-Christ n'a jamais parlé 
dans le secret. Joa., xvm, 20. 

3° Le lieu secret. — Dieu cache dans le secret de sa 
tente ceux qu'il veut protéger. Ps. xxvn (xxvi), 5; 
xxxi (xxx), 21. Il voit l'homme qui agit dans le secret. 
Jer., xxni, 24. Isaïe, xlv, 19; xlviii, 16, n'a point parlé 
en secret, dans un lieu obscur. Jérémie, xm,17, pleure 
en secret. Celui qui fait le mal, hait la lumière. Joa., 
m, 20. Malgré les malédictions de la loi, Deut., xxvn, 
15, des Israélites se livraient à l'idolâtrie dans le secret. 
Job, xxxi, 27; Ezech., VIII, 12. Le méchant se tient aux 
aguets dans le secret, Ps. x fxi),9, comme le lion dans 
son embuscade. Lam., m, 10. — Notre-Seigneur veut 
que, pour éviter la vaine gloire, son disciple fasse l'au- 
mône, prie et jeûne dans le secret, là où le Père des 
cieux sera seul à le voir. Matth., vi, 4, 6, 18. 

H. Lesètre. 

SECRÉTAIRE (hébreu : sôfèr; Septante : tpxy.\j.a- 
xe-j«; Vulgate : scriba), écrivain attaché à la personne 
d'un ,roi ou d'un grand personnage pour rédiger ses 
lettres,transmettre ses ordres, etc. Voir Scribe, col. 1536. 
— Plusieurs secrétaires sont nommés dans la Sainte Écri- 
ture : Saraïas, secrétaire de David, II Reg.,vm, 17,dont 
le nom est reproduit sous les formes Siva, II Reg., xx, 
25, Susa, I Par., xvm, 16, et Sisa. III Reg., iv, 3; Éli- 
horeph et Abia, fils de Saraïas, secrétaires de Salomon, 
III Reg., iv, 3; le secrétaire de Joas, qui, de concert 
avec le grand-prêtre, comptait l'argent qui était offert 
au Temple, IV Reg., xn, 10; II Par., xxiv, 11; Sobna, 
secrétaire d'Ézéchias, que le roi envoya successivement 
auprès de l'assyrian Rabsacès et du prophète Isaïe, IV 
Reg.,xvin,18;xix, 2; Is.,xxxvi,3,22;xxxvn,2;Saphan, 
secrétaire de Josias, qui alla trouver le grand-prêtre 
Helcias de la part du roi, rapporta le livre de la loi 
nouvellement découvert et le lut devant Josias, IV Reg., 
xxni, 3-12; II Par., xxxrv, 15, 20 ; Gamarias, fils de 
Saphan, secrétaire sous Joakim, ainsi qu'Élisama; 
tous deux entendent lire les prophéties de Jérémie et 
le second en donne lecture au roi, Jer., xxxvi, 10, 12, 
20-23; Jonathan, secrétaire sous Sédécias; on fait de sa 
maison une prison pour Jérémie. Jer., xxxvn, 14, 19. 
Xerxès a des secrétaires pour expédier ses ordres. 
Esth., in, 12; vm, 9. Samsaï, secrétaire de la province 
de Syrie pour le compte du roi de Perse, écrit au roi 
Artaxerxès au sujet de la reconstruction de Jérusalem. 
I Esd., lv, 8, 9, 17, 23. — Le prophète Jérémie avait 
pour secrétaire Baruch, qui transcrivait ses oracles. 
Jer., xxxvi, 26, 32. — Il y avait aussi des secrétaires 
attachés au service des prêtres et du Temple, Séméias, 
au temps de David, I Par., xxiv, 6, et des secrétaires 
surveillant les travaux du Temple sous Josias. II Par., 
xxxiv, 13. — Les secrétaires écrivaient avec agilité à 
l'aide du calame. Ps . xlv (xliv), 2. Jérémie, vm, 8, accuse 
certains secrétaires d'écrire des mensonges. — Sur le 
magistrat d'Éphèse portant le titre de i-pa^naTe-Jç, voir 
GRAMMATE,t. ni, col. 294. — Il est possible que plusieurs 
écrivains sacrés aient eu, comme Jérémie, des secré- 
taires. Moïse a pu se servir de secrétaires pour rédiger 
par écrit le Pentateuque. Saint Paul en a eu. Ainsi 
Tertius a écrit l'Épître aux Romains. Rom., xvi, 22. La 
première Épltre aux Corinthiens a été écrite par nn 
secrétaire, puisque l'Apôtre note que la salutation est de 



sa propre main. I Cor., xvi, 21. Il en est de même de 
l'Épître aux Colossiens, iv, 18, et de la seconde aux 
Thessaloniciens, m, 17. Silvain a écrit la première 
Épître de saint Pierre, v, 12. 

H. Lesètre. 
SECUNDUS (grec : SexoûvSoç), Thessalonicien qui 
accompagna saint Paul lorsqu'il partit de Philippes. 
Act., xx, 4. Il fut probablement un de ceux qui por- 
tèrent les aumônes des fidèles de Macédoine à Jérusa- 
lem. On trouve le nom de Secundus, avec le nom de 
Sosipater, voir Sopater, sur une liste de politarques 
de Thessalonique. Voir Corpus inscriptionum grœca- 
rum, t. il, n. 1697; F. Vigouroux, Le Nouveau Testa- 
ment et les découvertes modernes, 2 e édit., p. 241. 

SEDADAH (hébreu : $edâddh, avec hé local; Sep- 
tante : SapâSax; Alexandrinus : SaôiBax), localité 
mentionnée Num., xxxiv, 8, et Ezech., xlvii, 15, pour 
marquer la limite septentrionale de la Palestine. Quel- 
ques critiques, acceptant la leçon Sedâd, ont essayé 
d'identifier cette localité avec Sadad, sur la route de 
Riblah à Qaryaten, mais Sadad est trop septentrional 
et trop à l'est. Le P. Van Kasteren, dans la Revue 
biblique, 1895, p. 30, a proposé de l'identifier, en 
acceptant la lecture Sarad, avec Khirbet Serâdâ, au 
nord i'Abil et à l'est du Merdj Ayûn. 

SÉDÉCIAS (hébreu : Çidqîyâhû, Çidqiyâh; Sep- 
tante : Ss6ex(a, 2s8£xi'aç),nom de six Israélites dans le 
texte hébreu, de sept dans la Vulgate. Voir Sédécias 6. 

1. SÉDÉCIAS, fils de Chanaana, un des principaux 
parmi les quatre cents prophètes du roi Achab. 
III Reg., xxii, 11, 24-25; II Par., xvm, 10, 23-24. 
Quand Achab voulut entreprendre sa campagne contre 
Ramoth Galaad, ses faux prophèles lui prédirent la 
victoire. Mais son allié, Josaphat, roi de Juda, demanda 
au roi d'Israël de consulter un prophète de Jéhovah 
sur l'issue de la guerre. Michée, fils de Jemla, fut ap- 
pelé. Pendant ce temps, Sédécias, qui s'était fait des 
cornes de fer, disait à Achab : « Avec ces cornes, tu 
frapperas les Syriens » qui se sont emparés de Ramoth. 
A son arrivée, Michée annonça d'abord ironiquement 
la victoire à Achab, mais il ajouta aussitôt qu'il voyait 
Israël errer comme un troupeau sans pasteur et il dé- 
nonça les mensonges de ses faux prophètes. Sédécias 
irrité frappa alors Michée sur la joue; celui-ci lui ré- 
pondit en lui annonçant qu'il serait réduit à se cacher. 
Nous ne savons plus rien sur Sédécias. Voir Michée 1, 
t. iv, col. 1062. 

2. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqîydhû ; Septante : SeSs 
xîccç), dernier roi de Juda (598-587). — Sédécias était 
fils de Josias, roi de Juda, Jer., xxxvn, 1, frère de 
Joachaz, qui eut comme lui pour mère Amital, fille de 
Jérémie de Lobna, IV Reg., xxlll, 31; xxiv, 18, et 
oncle de Joachin. Ce dernier venait d'être emmené 
captif à Babylone avec un grand nombre de ses sujets. 
Voir Jéchonias, t. m, col. 1210. Nabuchodonosor, qui 
tenait alors Juda dans une étroite vassalité, donna 
lui-même pour successeur à Joachin un prince de la 
famille royale, un fils de Josias appelé Mathanias, 
Malnydhû, « don de Jéhovah », dont il changea le nom 
en celui de Çidqiyâhû, « justice de Jéhovah », pour 
bien marquer que le nouveau roi était sa créature. 
Le pharaon Néchao avait naguère procédé de même 
lorsque, substituant à Joachaz son frère Éliacim, il 
avait changé son nom en celui de Joakim. IV Reg., xxm, 
34. Le petit royaume de Juda se trouvait alors en 
effet comme écrasé entre les deux grandes monarchies 
d'Egypte et de Chaldée. Pour le moment, la lutte entre 
ces deux empires avait assuré l'avantage aux Chaldéens. 
Le salut de Juda n'eût pu être procuré que par Tinter- 



1557 



SEDÉCIAS 



1558 



vention divine. Malheureusement Sédécias ne travailla 
guère à l'obtenir. « Il fit ce qui est mal aux yeux de 
Jéhovah, son Dieu, et il ne s'humilia point devant 
Jérémie le prophète, qui lui parlait de la part de 
Jéhovah. » IV Reg., xxiv, 19 ; II Par., xxxvi, 12. Josèphe, 
Ant. jud., X, vu, 2, 5, dit que Sédécias devint roi à 
yjhgt et un ans, et qu'il méprisait ce qui est juste et 
honnête, parce qu'il était entouré d'impies, ce qui ne 
l'empêche pas d'ajouter qu'il avait une bonne nature 
et l'amour de la justice; Jérémie, xxxvil, 2, résume 
tout le règne en disant que Sédécias « n'obéit point, ni 
lui, ni ses serviteurs, ni le peuple du pays, aux paroles 
que Jéhovah avait prononcées par Jérémie, le pro- 
phète, » alors l'organe autorisé de la pensée théocra- 
tique. 

Habitués de longue date à la suzeraineté égyptienne, 
et voyant avec terreur l'empire du nord étendre de 
plus en plus sa domination de leur côté, les hommes 
de Juda comptaient que l'Egypte serait pour eux une 
protection efficace. Néchao intervint en effet un moment 
et réussit à exercer sur Juda un pouvoir plus exigeant 
que bienveillant. Mais Nabuchodonosor reprit bientôt 
le dessus, et le « roi d'Egypte ne sortit plus de son pays ; 
car le roi de Babylone avait pris tout ce qui était au 
roi d'Egypte, depuis le torrent d'Egypte jusqu'au ileuve 
de l'Euphrate. » IV Reg., xxiv, 7. Joachin, qui avait 
tenté de s'émanciper du joug chaldéen, avait été déporté 
après trois mois de règne. Sédécias reçut le pouvoir 
dans ces circonstances. Tout un parti, composé de faux 
prophètes et de devins, s'en allait répétant : « Vous ne 
serez pas assujettis au roi de Babylone. » Jer., xxvn, 
9. Jérémie proclamait au contraire que le salut était 
dans la soumission aux Chaldéens. Il le répéta à Sédé- 
cias. Il insista auprès des prêtres et du peuple, aux- 
quels les faux prophètes annonçaient que les vases 
sacrés déjà emportés à Babylone avec Joachin en revien- 
draient bientôt. « Soumettez-vous au roi de Babylone 
et vous vivrez, » Jer., xxvn, 17, leur redisait-il. Il 
n'était pas écouté. La quatrième année de Sédécias, 
le faux prophète Hananias annonça que, dans deux ans, 
Jéhovah ferait revenir les vases sacrés et les captifs. 
Jérémie réitéra l'assurance du contraire, et, en preuve 
de ce qu'il avançait, il prédit qu'Hananias mourrait 
dans l'année. Deux mois après, le faux prophète mou- 
rait. Jer., xxvm, 1-17. Cette année-là même, Sédécias 
s'était rendu à Babylone pour renouveler ses hommages 
au puissant suzerain. Jer., lu, 59. L'accueil qu'il reçut 
fit peut-être concevoir à Hananias de trop belles espé- 
rances, qu'il eut la témérité de présenter comme des 
certitudes. 

Le pharaon Ouahibri, Apriès ou Éphrée, venait de 
monter sur le trône égyptien. Voir Éphrée, t. u, col .1882. 
Jeune et ambitieux, il ne demandait qu'à se mesurer 
avec l'adversaire chaldéen, dont le domaine arrivait 
maintenant jusqu'à ses propres frontières. Les espé- 
rances que faisait concevoir l'avènement du nouveau 
pliaraon, peut-être même des propositions directes, 
Ezech., xvu, 15, surexcitèrent les esprits en Juda, à 
Tyr et chez les Ammonites, Jer., xxvn, 2, 3, tandis 
qu'Édom, Moab et les Philistins se tenaient sur la 
réserve. Sédécias, poussé par l'enthousiasme inconsi- 
déré de son entourage, « se révolta contre le roi Nabu- 
chodonosor, qui l'avait fait jurer par le nom de Dieu. » 
II Par., xxxvi, 13. Le roi chaldéen partit aussitôt en 
campagne. Êzechiel, xxi, 25-27, le montre au carrefour 
des chemins qui mènent d'un côté à Rabbathd'Ammon, 
de l'autre en Juda, et demandant au sort l'indication 
du parti qu'il doit prendre. Puis il vint camper à 
Ribla,surl'Oronte,et envoya de ce point central deux 
armées, l'une contre Tyr et l'autre contre Juda. Celle-ci, 
après avoir tout ravagé, se présenta devant Jérusalem, la 
neuvième année de Sédécias, le dixième mois. Jer., 
xxxix, 1. 



Sédécias envoya demander à Jérémie de consulter 
Jéhovah, dans l'espérance de son intervention comme 
au temps d'Ezéchias. Le prophète ne put qu'annoncer 
la catastrophe imminente. Jer., xxi, 1-14. Menacé et 
persécuté par le parti des optimistes, il n'en conti- 
nuait pas moins à dire la vérité : la ville sera prise, le 
roi déporté et la résistance inutile. Jer., XXXII, 2-5. Ses 
menaces étaient cependant accompagnées de la pro- 
messe d'une restauration dans l'avenir. Jer., XXXIII, 
2-26. Renouvelant ses prophéties, alors qu'en dehors de 
Jérusalem les .Chaldéens n'avaient plus à réduire que 
Lachis et Azéca, il assurait à Sédécias qu'il tomberait 
aux mains du roi de Babylone, mais que cependant il 
ne mourrait pas par l'épée. Jer., xxxiv, 2-7. Au cours 
du siège, Sédécias provoqua une mesure équitable, 
l'affranchissement de tous les esclaves de condition 
hébraïque; mais bientôt après, on revint sur la déci- 
sion prise, ce qui était contraire à la Loi, ainsi que le 
rappela Jérémie, en prédisant aux transgresseurs l'escla- 
vage dont ils auraient bientôt à souffrir eux-mêmes. 
Jer., xxxiv, 8-22. Le prophète suppose l'éloignement 
de l'armée assiégeante et son retour prochain. Il est à 
croire que, se croyant délivrés, les habitants se repen- 
tirent de la généreuse décision que leur avaient inspirée 
le malheur du siège. 

Éphrée s'était mis en route avec une armée pour 
refouler les Chaldéens. En l'apprenant, ceux-ci aban- 
donnèrent le siège de Jérusalem pour se porter au- 
devant des Égyptiens. A Jérusalem, on se crut sauvé. 
Jérémie cherche à dissiper les illusions : « L'armée du 
pharaon, qui est sortie pour vous secourir, va retourner 
au pays d'Egypte; les Chaldéens reviendront combattre 
contre cette ville, ils la prendront et la brûleront. » 
Jer., xxxvn, 7. Les deux adversaires n'en vinrent pas 
aux mains. Éphrée hésita à risquer sa belle armée et 
se retira, tandis que Nabuchodonosor ne se souciait pas 
davantage d'affronter un ennemi redoutable. Josèphe, 
Ant. jud., X, vu, 3, dit que Nabuchodonosor mit les 
Égyptiens en déroute. Le texte de Jérémie semble plutôt 
supposer une simple démonstration militaire, suivie 
d'un retour en arrière sans coup férir. 

Le siège de Jérusalem reprit donc. On avait abattu des 
maisons de la ville et même des constructions royales 
pour se mettre en état de mieux résister aux machines 
de guerre et aux assauts de l'ennemi. Jer., xxxm, 4. 
Jérémie qui, pendant l'absence de l'armée ennemie, 
avait voulu sortir pour aller au pays de Benjamin 
recueillir des biens, avait été accusé de trahison et jeté 
en prison. Sédécias, voyant la tournure que prenaient 
les événements, commençait à croire au prophète. Il 
lui avait naguère envoyé dire : « Intercède pour nous, 
je te prie, auprès de Jéhovah, notreDieu. » Jer., xxxvn, 
3. Il ordonna de le traiter avec humanité. Il le fit 
même venir pour l'interroger secrètement. Jérémie lui 
répéta ses précédentes prédictions et ajouta : « Où sont 
les prophètes qui annonçaient : Le roi de Babylone ne 
reviendra pas contre vous, ni contre ce pays? » Jer., 
xxxvn, 16-18. Au peuple, il faisait dire que l'épée, la 
famine ou la peste feraient périr ceux qui resteraient 
dans la ville, tandis que ceux qui passeraient aux Chal- 
déens auraient la vie sauve. On se récria contre lui, 
et Sédécias, l'ayant abandonné à la discrétion de ses 
ennemis, ceux-ci le jetèrent dans une citerne à moitié 
pleine de boue. Le roi l'en fit tirer et le remit dans la 
cour des gardes; il lui promit ensuite de ne pas le 
livrer à ses ennemis. Le prophète lui dit alors que, s'il 
sortait pour se rendre au roi de Babylone, il aurait la 
vie sauve avec sa famille et la ville ne serait pas brûlée; 
dans le cas contraire, la ville serait prise et brûlée et 
lui-même captif. Sédécias craignait que, sorti de la 
ville, il fût livré comme un jouet aux Juifs qui avaient 
passé aux Chaldéens, et peut-être accusé par eux auprès 
de Nabuchodonosor, qui le mettrait à mort. Josèphe, 



1559 



SÉDÉCIAS - SÉDUCTION 



Ant. jud., X, vu, 6. Malgré les assurances de Jérémie, 
il ne sut pas prendre son parti. Jer., xxxvm, 1-29. 
Cependant la famine se faisait de plus en plus sentir 
dans la ville. Jer., xxxvm, 2, 9; IV Reg., xxv, 3. La 
résistance ne pouvait se prolonger. Le quatrième mois 
de la onzième année de Sédécias, dix-huit mois après 
le commencement du siège, Jérusalem fut forcée. Les 
chefs chaldéens se postèrent à la porte du milieu. Mais 
pendant la nuit, Sédécias et les hommes de guerre 
s'enfuirent par une autre porte. Cf. Ezech., xn, 2-16. 
Les Chaldéens les poursuivirent et saisirent Sédécias 
dans la plaine de Jéricho. Ils le conduisirent à Nabu- 
chodonosor, toujours en résidence à Ribla. Celui-ci, 
irrité de la longue résistance qui avait arrêté son armée, 
fit égorger les fils de Sédécias sous les yeux' de leur 
père, ainsi que tous les grands de Juda. Ce fut le der- 
nier spectacle que vit Sédécias, car on lui creva les 
yeux aussitôt après et on le lia dédoubles chaînes d'ai- 
rain pour l'emmener à Babylone. Il Reg., xxv, 3-7; 
II Par., xxxvi, 11-16; Jer., xxxix, 2-7; ni, 1-11. Ainsi 
s'accomplit une double prophétie, celle de Jérémie, xxxn, 
5; xxxiv, 3, annonçant que Sédécias serait déporté à 
Babylone, et celle d'Ézéchiel, xn, 13, disant qu'il ne 
verrait point la ville, mais qu'il y mourrait. Il y fut 
tenu en prison jusqu'à sa mort. Jer., lu, 11. Il mourut 
en paix, on brûla pour lui des parfums comme pour 
ses pères et on le pleura avec des lamentations. Jer., 
xxxiv, 5. Cf. Maspero, histoire ancienne, t. m, p. 538- 
546. — Sédécias aurait pu se sauver lui-même et pro- 
longer les jours de son royaume. Mais il eût fallu pour 
cela suivre les conseils de Jérémie, accepter franche- 
ment la suzeraineté chaldéenne et en acquitter les 
charges. Le parti dominant à Jérusalem se crut plus 
sage en provoquant une rupture et Sédécias n'eut pas 
assez d'énergie pour lui résister. Il se souvint de Jého- 
vah dans les circonstances critiques, mais les historiens 
sacrés donnent clairement à entendre qu'il laissa le 
champ libre à tous les excès de l'idolâtrie et de l'immo- 
ralité. Êzéchiel, xxi, 30-32, lance l'imprécation contre 
le « profane, le méchant prince d'Israël », auquel la 
couronne est ôtée et qui ne laisse après lui que boule- 
versement et ruine complète. Zacharie, xi, 17, résume 
en ces quelques mots la fin misérable de Sédécias : 
« Malheur à mon pasteur vil, qui abandonne le trou- 
peau ! Que le glaive frappe son bras et son œil droit! 
Son bras se desséchera, et son œil droit sera frappé de 
cécité. » Cf. Van Hoonacker, Les douze petits prophè- 
tes, Paris, 1908, p. 678. H. Lesêtre. 

3. SÉDÉCIAS (hébreu : Çidqiyâhû; Septante : 2e- 
Ssxt'aç), fils de Joakim et petit-fils de Josias, d'après 
I Par. , m, 16. Voir Clair, Les Pàralipomènes , 1880, p. 87. 

4. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqiydhû; Septante : 
Se8exf«;)i ^ s de Maasias et faux prophète de Babylone, 
où il avait été emmené captif avec le roi Jéchonias. 
Jérémie, xxix, 21-23, prédit que Sédécias, ainsi qu'un 
autre faux prophète, Achab, fils de Colias, parce qu'ils 
ont prophétisé des mensonges et commis des adultères, 
seront condamnés à être brûlés par Nabuchodonosor, 
roi de Babylone. 

5. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqhjâhû ; Septante : 
SsâexÊa;), fils d'Ânanias, un des principaux de Juda, 
conseillers du roi Joakim, auxquels Michée, fils de 
Gamarias, rapporta les paroles de la prophétie de 
Jérémie que Baruch avait lues devant le peuple et 

qu'ils se firent lire ensuite par Baruch lui-même. 
Jer., xxxvi, 12. Voir Baruch 1, t. i, col. 1475; Joakim, 

t. ni, col. 1553-1554. 

6. SÉDÉCIAS (Septante : — eôezii;), bisaïeul du pro- 
phète Baruch. Bar., i, 1. 



1580 

7. SÉDÉCIAS (hébreu : Sidqîyâh; Septante : 2e- 
Sexiaç), prêtre qui signa l'alliance avec Dieu du temps 
de Néhémie. II Esd., x, 1. 

SEDÉ1 (grec : 'AïoeBio;), fils d'Helcias, ancêtre du 
prophète Baruch. Bar., 1, 1. 

SÉDÉUR (hébreu : ëedê'ûr; Septante : ÏESioûp), 
père d'Élisur. Ce dernier était le chef de la tribu de 
Ruben au temps de l'Exode. Num., I, 5; n, 10; vu, 
30, 35; x, 18. Le premier élément de ce nom est 
peut-être Saddaï, « le Tout-Puissant ». 

SÉDITION (hébreu : mérêd; chaldéen : merad; 
Septante : CTautç, àmxrnicri;, àxaTacTottri'a; Vulgate : 
seditio), mouvement populaire dans lequel le mécon- 
tentement tend à se manifester par la violence. — La 
Sainte Écriture mentionne un bon nombre de séditions. 
Au désert, ce sont les séditions des Hébreux pour 
obtenir de l'eau potable, Exod., xv, 24; xvii, 2, 4; Num., 
xx, 2, oudes viandes, Exod., xvi, 2 ; Num., xi, 4-10; celle 
qui aboutit à la fabrication du veau d'or, Exod., xxxn, 
1,25, celle qui suivit le retour des explorateurs envoyés 
en Chanaan, Num., xiv, 1-4, la révolte de Coré et de 
ses partisans, Num., xvi, 1-15, la sédition sur la route 
d'Édom. Num., xxi, 4, 5. Cf. Deut., ix, 1-24. Sous les 
Juges, la tribu d'Éphraïm se soulève contre le reste 
d'Israël, Jud., xn, 1-6, et les tribus s'unissent pour 
combattre Benjamin. Jud., xx, 1-48. Une sédition, sus- 
citée par Absalom, oblige David à prendre la fuite, 
II Reg., xv, 7-37, et un soulèvement de dix tribus, sous 
Roboam, cause le schisme d'Israël. III Reg., XII, 12-24. 
Artaxerxès fait allusion aux séditions dont Jérusalem a 
été le théâtre. I Esd., iv, 19. D'autres séditions sont 
mentionnéesà l'époque desMachabées.IIMach., iv,30; 
xiv, 6. — Barabbas avait pris part à une sédition avec 
des complices. Marc, xv, 7; Luc, xxm, 19, 25. Le Sau- 
veur prédit que la ruine de Jérusalem serait précédée 
de guerres et de séditions. Luc, xxi, 9. Sur l'accom- 
plissement de cette prédiction, voir Jérusalem, t. in, 
col. 1393-1395. Des séditions se produisent, à l'occasion 
de saint Paul, à Thessalonique; Act., xvii, 5, 9, à 
Corinthe, Act., xvm, 12, à Éphèse, Act., xix, 23-40, à 
Jérusalem. Act., xxi, 27-36. L'Apôtre rappelle les émeu- 
tes au milieu desquelles il s'est trouvé. II Cor., VI, 5. 
Il ne veut pas que de pareils mouvements existent 
parmi les chrétiens. II Cor., xn, 20. 

H. Lesètre. 

SÉDUCTION (hébreu : maddûhîm, Lam., H, 14; 
Grec : àitâr/i ; Vulgate : seductio), action exercée sur 
quelqu'un pour lui persuader le mal ou l'erreur. En 
hébreu, les verbes hâbal, zânâh, hâta', tâ'âh, nddafy, 
niâssà', êûgâh, qui marquent des actes repréhensibles, 
ont à l'hiphil le sens de séduire, c'est-à-dire de faire 
accomplir le mal. 11 en est de même de pâtdh au 
niphal. La séduction peut entraîner à des maux de 
différentes sortes, qui sont : 

1° Le péché. — Eve, la première, se laissa séduire 
par Satan, caché sous la forme du serpent, et désobéit 
à Dieu. Gen., m, 13; II Cor., xi, 13; I Tim., n, 14, 
Beaucoup d'autres, à sa suite, ont été séduits et portés 
au mal. Js., ix, 16; II Esd., I, 7; Eccli., xm, 10, 11. 
Jacob fut préservé de la séduction par la sagesse. 
Sap., x, 12. Dieu connaît les séducteurs et les séduits. 
Job, xn, 16. Satan et ses adeptes chercheront, surtout 
à la fin des temps, à séduire les hommes. II Thess., n, 
10; II Joa., 7; Apoc, n, 20; xn, 9; xm, 14; xix, 20; 
xx, 3, 7, 9. 

2» L'impureté. — La courtisane séduit les hommes. 
Prov., vu, 21. Il faut se défendre contre celte séduc- 
tion. Prov., v, 20. Job, xxxi, 9, l'a fait avec succès. 
L'Israélite qui avait séduit une jeune fille était tenu 
ensuite à l'épouser. Exod., xxn, 16. 



1561 



SÉDUCTION 



SEGOR 



1562 



3° L'idolâtrie. — La Loi défendait formellement les 
unions avec des étrangères, qui auraient pu séduire 
les Israélites et les entraînera l'idolâtrie. Exod., xxm, 
33; xxxiv, 16; Deut., vu, 4. Il y avait des faux prophè- 
tes séducteurs qui entraînaient à l'dolâtrie. Deut.,xm, 
13; Jer., xxm, 16; Lam., n, 14. Plusieurs rois sont 
accusés d'avoir exercé ce genre de séduction, Jéroboam, 
IV Reg., m, 3; Nadab, III Reg., xv,26; Amri, IIIReg., 
xvi, 26; Manassé. IY Reg., xxi, 9; II Par., xxxiii, 9. 

4» L'erreur. — Les faux prophètes séduisaient le 
peuple pour lui persuader le contraire de ce que Dieu 
faisait annoncer. Jer., xiv, 14; xxm, 26, 32; xxix, 8; 
L, 6; Ezech., xm, 10. Les ennemis de Jésus-Christ le 
traitèrent de séducteur. Matth., xxvn, 63; Joa., vu, 12, 
47. Les Apôtres furent traités de même. Il Cor., vi, 8. 
Simon le magicien fut un vrai séducteur des foules. 
Act., vin, 9. Les faux docteurs s'appliquèrent à séduire 
les premiers chrétiens. II Tim., m, 13; Tit,, i, 10; 
I Joa., n, 26. Les Apôtres recommandent de ne pas se 
laisser séduire par les discours de ces docteurs. Eph., 
v, 6; Col., n, 18; II Thés., n, 3; I Joa., m, 7. Les sé- 
ducteurs seront particulièrement nombreux et dange- 
reux aux derniers temps du monde. Matth., xxiv, 4, 5, 
11; Marc, xm, 5, 6, 22; Luc, xxi, 8. 

5" L'illusion. — Le rabsacès assyrien dit à Ézéchias 
de ne pas se séduire lui-même, en comptant sur son 
Dieu pour le protéger. IV Reg., xvm, 29; xix, 10; Is., 
xxxvi, 14. L'Idumée a été séduite par son propre 
orgueil. Jer., xlix, 16. Les chrétiens ne doivent pas se 
séduire eux-mêmes, en se faisant des illusions trom- 
peuses. I Cor., m, 18; xv, 33; Gai., vi, 3; Jacob., i, 
26; I Joa., i, 8. H. Lesètre. 

SEGOND Jean-Iacques-Louis, théologien protestant, 
Suisse, né, de parents français, à Plainpalais, banlieue 
de Genève, le 3 mai 1810, mort à Genève, le 18 
juin 1885. Après avoir terminé ses études littéraires 
et théologiques dans cette ville, Segond suivit les cours 
de la faculté de théologie à l'université de Strasbourg 
où il prit les grades de bachelier, licencié et docteur 
(1834-1836). Aussitôt après, il professa un cours libre 
d'exégèse de l'Ancien Testament à la faculté de théolo- 
gie de Genève (1836-1340). Nommé pasteur de Chênes- 
Bourgeries en 1840, il dirigea cette paroisse jus- 
qu'en 1864. A cette date il fut rappelé à Genève pour 
y travailler à la version de l'Ancien Testament, à la- 
quelle Segond doit sa notoriété. Pendant ce temps il 
devint professeur titulaire d'exégèse de l'Ancien Testa- 
ment à la faculté de théologie de Genève. On a de lui : 
Rut h, étude critique, 1834; L'Ecclésiaste, élude cri- 
tique et exégétique, 1835; De voce Scheol et notione 
Orci apud Èebrseos, 1835; De la nature de l'inspira- 
tion, 1836; Traité élémentaire des accents hébreux, 
2° édit., 1874; Chrestomathie biblique, 1864; Le pro- 
phète Isaîe, 1866; L'Ancien Testament, traduction 
nouvelle d'après le texte hébreu, 2 in-8°, 1874, plusieurs 
éditions; Le Nouveau Testament, traduction nouvelle 
d'après le texte grec, 1880, plusieurs éditions. — 
Cf. Lichtenberger, Encyclopédie des sciences reli- 
gieuses, t. xm, 1882, p. 196. O. Rey. 

SEGOR (hébreu : Sô'ar, « petitesse »; Septante : 
2»lY(ip, Sdyopa, Soyôp), ville de la Pentapole. 

I. Identifications. — Les opinions sont diverses. — 
1° Cl. R. Conder croit avoir retrouvé le nom de Ségor 
au tell es-Saghûr, à 12 kilomètres au nord-est de la 
mer Morte et à 2 à l'est de 'er-Râméh. Handbook to the 
Bible, Londres, 1873, p. 38; Id., Heth and Moab, Lon- 
dres, 1880, p. 154-155. Les explorateurs anglais ont 
généralement accepté cette identification. Cf. G. Arms- 
trong, Names and Places in the Old Testament, 1887, 
p. 185; Pal. Expl. Fund, Quarterly Slatement, 1879, 
p. 15. — 2° La plupart des auteurs modernes s'accor- 



dent à chercher Ségor vers le sud de la mer Morte. 
Outre les arguments généraux déterminant à placer la 
Pentapole et par conséquent Ségor dans la partie la 
plus méridionale du Ghôr, il en est plusieurs de spé- 
ciaux pour cette ville. — 1» Elle était « voisine » de 
Sodome, Gen., xix, 20, que l'on doit chercher à proxi- 
mité du djebel 'Esdoum. Et, en effet, parti de Sodome 
vers l'aurore, Lot arriva à Ségor au soleil levant, f. 15, 
23. Rien que l'expression haS-sahar 'aldh puisse s'en- 
tendre: «l'aurore approchait,» et avec assez d'ampleur, 
comme les crépuscules du pays atteignent à peine 
1 heure, on ne peut guère attribuer plus de deux heures 
à la fuite de Lot. — 2° Ségor sert à marquer la limite 
méridionale extrême de « la région du Jourdain » ou 
du Ghôr. Gen., xm, 10; Deut., xxxiv, 3. Cf. Reland, 
Palaestina, Utrecht, 1714, p. 360. — 3° Dans Josèphe, 
Bell, jud., IV, vin, 4, Zoara d'Arabie (Ségor) marque 
l'extrémité méridionale du lac Asphaltite. Cf. Eusèbe, 
Onom., au mot 0a).a<T<rx t, à).uxr, édit. Larsow, p. 212. 
Les modernes qui placent Ségor au sud, le cherchent 
les uns du côté occidental, les autres du côté oriental 
du Ghôr. — A). Les premiers le placent à éz-Zûeirat 
et-Tahtà ou à ez-Zûeirat el-Fôqd, le dernier à deux kilo- 
mètres environ au nord-ouestdud/e'6eJ'£'sdottm /l'autre 
à 6 ou 7 plus haut au nord-est, sur les hauteurs qui do- 
minent à l'ouest, la partie inférieure de la mer Morte. 
Ed. Robinson, Bibl. Researches, Boston, 1841, t. n,p. 480- 
481, fait remarquer que Zûeirah, manquant du 'aïn('), 
n'est pas identique avec $ô"ar, qui d'ailleurs est in- 
diqué au pays de Moab ou à l'Orient, Gen., xix, 30, 37; 
Is., xv, 5; Jér., xlvih, 34. — B) La plupart des savants 
modernes conviennent qu'il faut placer Ségor dans la 
partie méridionale de Moab et vers le sud de la mer 
Morte. Les uns la cherchent au Ghôr es-Sâfiéh. Burek- 
hardt, Travelsin Syria and Roly Land, Londres, 1822. 
p. 391, semble l'avoir reconnu dans la localité d'es-Sâ/iéh. 
D'après Kitchener, P. E. F. Quarterly Statemenls, 
1884, p. 126, on ne trouve point là des ruines anciennes; 
le seul lieu de la région où se voient des restes im- 
portants est le Khirbet-Labrush , au pied de la mon- 
tagne du même nom. Riehm propose Qal'at es-Çdftéh, 
Handiobrterbuch des bibl. Altertums, art. Zoar, 1844, 
p. 1874.M.Clermont-Ganneau aime mieux les Ta'ouahîn 
es-Sukkar, dont le nom peut s'interpréter « les mou- 
lins de Sughar » ou de Ségor. P. E. F., Quart. Stat., 
1886, p. 19-22. Al. Musil s'arrête à el-Qarêiyé, ruine 
située non loin delà précédente, à l'issue du seil el- 
Qérdhi, qui termine \e'ouâd'el-]}ésâ. Les Bédouins de 
l'endroit s'appellent, dans leur cri de guerre, « enfants 
de Zughar ». Arabia Petrsea, Moab, t. I, in-8», Vienne, 
1907, p. 70, 74, note 4. — D'autres cependant, parmi 
lesquels Raumer, Ritter, E. Robinson, Neubauer, croient 
que Ségor doit être cherché vers l'embouchure de 
l'ouadi Kérak-Derâ'a, ou au Lisdn actuel. La mer 
Morte des textes indiquant Ségor à son extrémité ne 
s'étendait pas au delà. Elle ne pouvait, au temps que 
subsistait au nord « la langue (lasôn) delà mer », Jos., 
xv, 5; xvm, 19, figurée encore sur la carte de Mâda- 
ba et dont l'îlot aujourd'hui disparu était le reste, avoir 
franchi le seuil la séparant du territoire de la Penta- 
pole décrit par ces textes. Le Ghôr e$-Sâfiéh est dis- 
tant d'au moins 20 kilomètres de ce seuil. Dans l'éten- 
due de 580 stades (= 108 kilomètres) attribuée par 
Josèphe, loc. cit., au lac Asphaltite, ses eaux se seraient 
avancées, il est vrai, au sud surtout, bien au delà des 
limites actuelles et elles auraient même submergé le 
Ghôr es-$àfiéh tout entier; mais les chiffres de l'histo- 
rien juif sont sujets à caution et souvent exagérés. Ils 
sont ici rectifiés par la description de la Sodomitide, 
ibid., identique au fond à celle de ces textes et ne pou- 
vant s'appliquer qu'au territoire aujourd'hui inondé 
s'étendant au sud du Lisdn. Une carte du siv» siècle, 
conservée à Florence,' représente Ségor à l'extrémité 



1563 



SEGOR 



1564 



méridionale de cette presqu'île et vers l'est de Petra de- 
serti, c'est-à-dire du Kérak. Dans Zeitschrift des deut- . 
schen Palâlina-Vereins,t. xiv, pi. I. 

Les explorateurs qui cherchent au Lisan le site de 
Ségor, le voient les uns, avec Irby et Mangle, Travels, 
p. 448, à Çera'a, les autres, avec Robinson, toc. cit., au 
Mezra'a où 1 on trouve aussi des ruines appelées tdoua/iïn 
es-Sukkar, « moulins à sucre », comme on en rencontre 
d'ailleurs sur divers points du Ghôr. — Le nom de 

Sughar, ji;; presque toujours employé par les anciens 

écrivains arabes pour désigner la ville de Lot, paraît 
bien avoir été le nom usité dans le pays, comme le 
montre le cri de guerre traditionnel des gens d'ei- 
Qereiyé. Le fait que ces habitants du Ghôr n'appliquent 
point ce nom à cet endroit ni à aucun autre du Ghôr 
es-Sâfîeh n'est-il pas l'indice qu'ils l'ont apporté d'une 
émigration et comme on ne le retrouve nulle part 
ailleurs, ne doit-on pas induire de là qu'ils ont dû émi- 
grer devant les eaux envahissantes de la mer Morte qui, 
après avoir franchi le seuil séparant le bassin du lac 
des terres de l'ancienne Pentapole, ont fini par gagner 
le territoire de Ségor et la ville elle-même? Compren- 
drait-on autrement comment une ville toujours en vue 
dans l'histoire et jusqu'après les croisades, et dont 
le nom s'est perpétué dans le souvenir des Ghoârnéh, 
a pu tout d'un coup disparaître, au point que l'on 
ne sache même plus où retrouver son site? Il nous 
semble donc inutile de la rechercher au Ghôr es-ipâfîeh 
pas plus qu'au Lisân : elle devait plus probablement, 
semble-t-il, se trouver au sud de ce dernier territoire. 
II. Description et histoire. — «Bala qui est Ségor », 
nommée la dernière parmi les villes de la Pentapole 
et dont le nom du roi n'est pas prononcé, Gen., xiv, 2, 
était sans doute la moindre, « la petite », Gen., xix, 20, 
tô àll-fo-/, Josèphe, Ant. jud., I, xi, 4, selon l'expression 
par laquelle Lot la désigna et qui resta son nom. C'est à 
la prière de Lot demandant aux anges de lui permettre 
de s'y réfugier, qu'elle dut d'échapper au cataclysme 
qui frappa ses voisines. Gen., xix, 19-23,29. Il craignit 
cependant de s'y arrêter et se retira dans la montagne 
voisine où il donna naissance à Moab à qui Ségor resta 
en partage, 30, 37. Son territoire avait paru à Lot, 
l'observant des montagnes, pareil à celui de l'Egypte. 
Gen., xin, "10. N'ayant point été bouleversé avec les 
régions voisines et étant arrosé par les courants des- 
cendant des montagnes de l'Est, le pays de Ségor con- 
serva ses avantages. C'est sans doute à cet état de pros- 
périté et à la vie commode que menaient les habi- 
tants de Ségor que font allusion les prophètes, Is., XV, 
5; Jer., xlviii, 34, quand ils l'appellent « une génisse 
de trois ans » ; mais c'est aussi aux vices qui en sont 
souvent la conséquence et qui étaient déjà ceux des 
anciens habitants de la Pentapole, l'orgueil, la paresse, 
les excès de table et la débauche. Ils lui annoncent, 
comme aux autres villes de Moab, la douleur et la déso- 
lation qui en seront le châtiment. — Ségor fut enlevée 
aux Arabes et soumise aux Juifs par Alexandre Jannée. 
Ant. jud., XIII, xv, 4. Elle est une des douzes villes 
qu'Hyrcan II promit au roi de Pétra, Arétas, de lui 
rendre, s'il l'assistait contre son frère Aristobule. Ibid., 
XIV, 1,4. — Elle dut être évangélisée dès les premiers 
temps et devint un siège épiscopal dépendant de Pétra, 
qui paraît s'être maintenu jusque vers l'époque des croi- 
sades. Cf. Lequien, Oriens chritianus, Paris, 1740, t. m, 
Ségor, p. 738-746. — Les Romains avaient placé à Ségor 
une garnison. Onomasticon, au mot Bala, p. 94, 95. 
Ségor est figurée sur la carte de Madaba (fig. 337), comme 
une forteresse à tours nombreuses et élevées, au bord 
de la mer, dans une plaine plantée d'arbres, parmi les- 
quels domine le palmier. A l'entrée de la montagne voi- 
sine, à l'est, une église près de laquelle un grand bâti- 
ment représente sans doute un monastère, était dédiée 



à un saint dont il reste seulement l'initiale L (A.). On a 
supposé qu'elle consacrait la mémoire de Lot. Cf. E. Ste- 
venson, Di un insigne pavimento in musaico, dans 
Kuovo Bulletino di Arch. Crist., 3 e année, n. 1 et 2, 
tirage à part, Rome, 1897, p. 56. Le monument ren- 
fermait vraisemblablement la grotte où Lot s'était re- 
tiré, Gen., six, 30, et que sainte Paule parait avoir 
visitée, en 383. S. Jérôme, Ep. cvm, t. xxil, col. 887. 
Le culte de Lot, dans les églises orientales, est attesté 
par les anciens ménologes.Cf. Actasanct.,t. ivoctobris, 
p. 565. Le baume était cultivé à Ségor, Onomasticon, 
loc. cit. Mais son principal produit était la datte, poma 
palmarum. Ibid., p. 97. Elle est appelée « la ville des 
Palmiers », dans la Mischna, Yebamoth, xvi, 10, et les 




337. — Ségor. D'après la carte mosaïque de Madaba. 
Au-dessus le monastère en l'bonneur de L[ot]. 

Talmuds, Schebiith, vu. Il était permis, lîinnée sabba- 
tique, de manger des dattes jusqu'à ce qu'il n'en restât 
plus à $ô'ar. Talmud Bab., Pesahim, 53 a. — Le nom 
de « mer de Zughar » était un de ceux usités chez les 
Arabes pour désigner la mer Morte. Elle ne cessait 
d'être sillonnée par les barques qui transportaient les 
dattes de Sughar. Edrisi, Geogr., édit. Gildemeister, 
Bonn, 1855, p. 3. Le commerce de la substance su- 
crée de ce fruit appelée par les Arabes suqan ou sugar, et 
particulier à Ségor, avait depuis longtemps répandu 
au loin son nom, qui devait demeurer aux produits 
similaires. Cf. Moab, t. îv, col. 1155. — Au xir» et au 
xm e siècle, les Croisés admiraient encore les planta- 
tions de palmiers de Ségor et l'appelaient aussi « la 
ville, le pays des Palmiers », Palmer, Paumier. 
Cf. Foulques de Chartres, Guillaume de Tyr, Jacques de 
Vitry, dans Bongars, Gesta Dei per Francns, Hanau, 
1611, p. 306, 307, 405, 1041, 1076. Le roi Baudouin I», 
en 1100, parcourant les régions au sud de son royaume, 
parait avoir trouvé encore Ségor à l'extrémité de la mer. 
C'est au xiv e siècle ou au XV e qu'il semble avoir disparu. 
Voir Ed. Robinson, Zoar, dans Biblical Researches in 



1565 



SÉGOR — SEINS 



1566 



Palestine, in-8», Boston, 1841, t. u, p. 648-651 ; Ad. Neu- 
bauer, Çoar, dans Géographie du Talmud, Paris, 1868, 
p. 256-257; de Luynes, Ségor et la Pentapole, dans 
Voyage d'exploration à la mer Morte, t. 1, Appendice îv, 
p. 358-375; Clermont-Ganneau, Gomorrhe, Ségor et les 
filles de Lot, dans la Revue archéologique, 1877, p. 193- 
199; Birch, Zoar, dans Palestine Exploration Fund, 
Quarterly Statement, 1879, p. 15-18, 99-101, 144-154; 
Guy le Strange, Zughar and ihe Cities of Lot, dans 
Palestine under the Moslems; Londres, 1890, p. 286-292 
Max Blankenhorn, Zoar, dans Zeitschrift des deutschen 
Palestina-Vereins, Leipzig, t. xix (1896), p. 54-55. 

L. Heidet. 
SEGUB (hébreu : Segûb), nom de deux Israélites. 

. 1. SEGUB (hébreu : èegûb [keri\, Segîb [chethib]; 
Septante : He-joiê), le plus jeune fils d'Hiel, qui rebâtit 
la ville de Jéricho .Il v mourut lorsque son père éleva les 
portes de la ville, III Reg., xvi, 34, en exécution de la 
malédiction qui avait été portée contre celui qui entre- 
prendrait de relever Jéricho de ses ruines. Jos., vi, 26. 

2. SEGUB (Septante : Eepoy-/ ; A lexandrinus : Eeyo-jë), 
fils d'Hesron et père de Jaïr, de la tribu de Juda. 

I Par., ii, 21, 22. 

SÉHÉSIMA (hébreu : Sahâsûmàh [kefîb] ; Saha- 
sinidh [keri], avec hé local; Septante : SocXeip. xoctà 
6aXa<7<rav, la finale a été prise pour riD', yammdh, 

T 

« près de la mer s), localité de la tribu d'Issachar 
entre le mont Thabor et le Jourdain, à la frontière 
orientale de cette tribu. Jos., xrx, 22. Le site précis 
est inconnu. 

SÉHON (hébreu : Sihôn; Septante : Syiwv), roi des 
Amorrhéens, du temps de Moïse. Son royaume était 
situé à l'est du Jourdain et avait Hésébon pour capi- 
tale. Num.,xxi, 21. C'était un ennemi redoutable pour 
les Israélites, à qui il barrait l'entrée de la Terre Pro- 
mise à leur sortie de la péninsule du Sinaï et du pays 
de Moab. Peu de temps auparavant, il avait conquis 
sur les Moabites une partie de leur territoire et les 
avait refoulés au sud de l'Arnon. Les Israélites lui de- 
mandèrent le droit de passage, en s'engageant à res- 
pecter ses champs et ses vignes et à ne pas boire l'eau 
de ses puits. Il refusa et marcha contre eux à Jasa. Il 
fut battu et son royaume, depuis l'Arnon jusqu'au 
Jaboc et à la frontière des Ammonites, tomba entre les 
mains de ses vainqueurs, qui célébrèrent cet événe- 
ment par un chant de triomphe conservé dans le livre 
des Nombre», xxi, 21-30. C'était, en effet, un grand 
succès dont nous retrouvons l'écho dans le Deutéro- 
nome, i, 4; n, 24-32; xxix,, 27; xxxi, 4, dans Josué, n, 
10; ix, 10; xii, 2; xm, 10, 21, 27; dans les Juges, xi, 
19; dans III Reg., iv, 19; dans Jérémie, xlviii, 45; 
•dans II Esd., ix, 22, et dans les Psaumes cxxxiv (cxxxv), 

II ; cxxxv (cxxxvi), 19. Son nom est écrit Séon dans 
Jérémie, xlviii, 45. 

SEIGNEUR, traduction dans les Septante, Kipioc, 
et dans la Vulgate, Dominus, du nom propre de Dieu 
Jéhovah. Voir Jéhovah, t. ut, col. 1220. — Le mot 
Dominus traduit aussi dans notre version latine l'hé- 
breu 'Adonaï, qui se dit de Dieu, voir A don aï, t. i, 
■col. 223, et'âdôn qui est employé par respect en s'adres- 
sant à un personnage respectable ou en parlant de lui. 
Cf. MaItre 1, 1», t iv, col. 597. La femme appelle son 
mari 'âdôn, Gen.,xvm, 12, etc.; les enfants, leur père, 
Gen., xxxi, 35, etc. 

SEIN (hébreu : hob, hôq, héq, hêsén, hosén; Sep- 
tante : xoXicoç; Vulgate : sinus), la partie extérieure du 



corps qui est formée par la poitrine et peut être entourée 
par les deux bras. 

1° Au sens propre. le sein de la mère est la place 
ordinaire des petits enfants. Ruth, rv, 16; III Reg., m, 
20; xvii, 19; Lam., n, 12. Le nourricier porte aussi l'en- 
fant sur son sein. Num., xi, 12. Cf. Is., lxvi, 12. Une 
brebis ou des agneaux peuvent être portés sur le sein 
de celui qui les aime. II Reg., xii, 3; Is., XL, 11. C'est 
de celte manière que les nations ramèneront un jour 
les exilés d'Israël, Is., xlix, 22. — Reposer sur le sein 
de quelqu'un, c'est lui être lié par une union légitime, 
Gen., xvi, 5; Deut., xm, 6; xxvm, 54, 56; II Reg., xii, 
8; III Reg., i, 2; Cant., i, 12; Mich., vu, 5; Eccli., ix. 1, 
ou même illégitime. Prov., v, 20. — A la dernière Cène, 
saint Jean reposa sur le sein de Jésus, en signe de 
tendre affection. Joa., xm, 23. 

2" Par extension, on appelle sein la cavité plus ou 
moins ample formée par la partie antérieure du vête- 
ment. Les Orientaux portent de larges vêtements ordi- 
nairement relevés et serrés au moyen d'une ceinture. 
Ces vêtements ont leur ouverture par devant, de sorte 
que, entre la poitrine et la robe, sont ainsi ménagées 
comme des poches dans lesquelles on place les objets 
les plus divers. Moïse reçut ordre de mettre la main 
dans son sein et il la retira toute blanche de lèpre, puis 
guérie. Exod., iv, 6. Celui qui tient la main dans son 
sein ne peut agir; il faut qu'il la retire pour faire acte 
d'énergie. Ps. lxxiv (i.xxiii), 11. On cache dans son sein 
les objets que l'on veut donner en présents. Prov., XVII, 
23; xxi, 14. « De là ce geste, si commun chez les Orien- 
taux, de saisir leur vêtement sur la poitrine entre le 
pouce et l'index de chaque main, et de le secouer pour 
dire : Je n'ai rien, tu le vois; — ou bien : Je ne suis 
pour rien dans .l'affaire dont tu parles; elle ne me con- 
cerne pas. Néhémie fit le même geste dans une circons- 
tance solennelle. Au temps de la famine, il avait promis, 
lui et les siens, de ne rien réclamer de leurs débiteurs ; 
les principaux du peuple, assemblés, avaient fait la 
même promesse, les prêtres l'avaient juré. « Après cela, 
dit Néhémie, je secouai le vêtement de mon sein et je 
dis : Que Dieu secoue de la sorte tout homme qui 
n'accomplira pas cette parole, le rejetant loin de sa 
maison et le privant du fruit de ses travaux; qu'ainsi 
secoué, il reste vide de tous biens. » II Esd., v, 13; 
Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 253. On mettait dans 
son sein des provisions, des épis, Ps. cxxix (cxxvm), 
7, ou du grain, Luc, vi, 38, comme font encore les 
Bédouines d'aujourd'hui. On n'y aurait pu mettre du 
feu sans brûler ses vêtements. Prov., vi, 27. C'est dans le 
sein, ou dans un pan de la robe formant poche, qu'on 
plaçait les cailloux pour tirer au sort. Prov., xvi, 33. 

3° A u sens figuré, le sein désigne la conscience, Job, 
xxxi, 33,1'âme elle-même, Job,xix,27;Ps.xxxv(xxxiv), 
13; Eccle., vil, 10. Verser le châtiment dans le sein de 
quelqu'un, c'est lui faire porter la peine de fautes 
commises par lui ou par d'autres. Ps. lxxix (lxxviii), 
12; lxxxix (lxxxvhi), 51; Is., lxv, 6, 7; Jer., xxxii, 
18. — Le fils de Dieu est dans le sein du Père, Joa., i, 
18, c'est-à-dire ne faisant qu'un avec lui. — Sur le sein 
d'Abraham, Luc, xvi, 22, voir t. i, col. 83. — On 
appelle encore « sein » la cavité d'un char, III Reg., 
xxii, 35, celle de l'autel, Ezech., xliii, 13, et même une 
baie maritime. Act., xxvn, 39. H. Lesètre. 

SEINE (Vulgate : sagena). Voir Filet, t. u, col. 2248. 

SEINS (hébreu : daddîm, Saddîm; Septante : naa- 
to£; Vulgate : ubera, mammse), organes de l'allaite- 
ment. Ces organes s'appellent aussi mamelles. Ils se 
forment au temps voulu, Cant., vm, 8; Ezech., xvi, 7, 
pour préparer la nourriture du petit enfant. L'enfant 
à la mamelle, Ps. vm, 3; Jo., u, 16, est celui qui n'a 
pas encore été sevré. Is., xxvm, 9. Voir Sevrage. Job, 



1567 



SEINS — SEL 



1568 



m, 12, se plaint d'avoir trouvé des mamelles à sucer, 
c'est-à-dire d'avoir été nourri et d'avoir été ainsi main- 
tenu dans la vie. Un sein stérile et des mamelles dessé- 
chées sont une malédiction. Ose., IX, 14. Des femmes 
se frappent ou se déchirent les seins sous l'empire du 
chagrin. Is., xxxii, 12; Ezech., xxm, 34. Pendant la 
persécution d'Antiochus Épiphane, deux enfants ayant 
été circoncis malgré la défense du tyran, on les attacha 
aux seins de leurs mères, et celles-ci furent traînées par 
la ville et précipitées du haut des murs. II Mach., vi, 
10. — Les mamelles de l'Épouse sont célébrées dans le 
Cantique, i, 1, 3; iv, 5, 10; vu, 3, 7, 8; vm, 10. Il est 
parlé des seins à propos de l'amour légitime, Prov., v, 
19, ou illégitime. Ezech., xxm, 3, 8, 21; Ose., h, 2. — Su- 
cer le sein de la mère de quelqu'un, c'est être son frère. 
Cant., vm, 1. Recevoir une grâce dès les mamelles de 
sa mère, c'est la recevoir dans le plus bas âge. Ps. 
xxn (xxi), 10. Une femme proclame heureuses les ma- 
melles qui ont allaité Notre-Seigneur, Luc.,xi, 27, féli- 
citant ainsi celle qui a été sa mère. Le Sauveur déclare 
au' contraire heureuses les mamelles qui n'auront pas 
allaité, c'est-à-dire les femmes qui n'auront pas eu 
d'enfants au moment du siège de Jérusalem. Luc, xxm, 
29. — Isaïe, lxvi, 11, promet aux amis de Jérusalem 
qu'ils seront « allaités et rassasiés à la mamelle de ses 
consolations, » c'est-à-dire qu'ils auront part aux faveurs 
dont elle sera l'objet. — A Joseph sont promises « les 
bénédictions des mamelles et du sein. » Gen., xlix, 25. 
Les monstres marins présentent leurs mamelles à leurs 
petits et les allaitent, ce que n'ont pu faire les mères 
pour leurs enfants pendant le siège de Jérusalem. La m., 
iv, 3. Voir Cachalot, t. n, col. 6. — D'après le code 
d'Hammourabi, art. 194, on conpait les seins â la nour- 
rice qui, après la mort d'un enfant qu'on lui avait con- 
fié, en acceptait un autre sans que les père et mère 
fussent instruits du premier accident. 

H. Lesêtre. 

1. SÉIR (hébreu : Sê'îr, « velu »; Septante : 2ï]st'p), 
Horréen, chef du pays qui s'appela de son nom et qui 
prit ensuite le nom d'Édom ou d'Idumée. Gen., xxxvi, 
20-21. 

2. SÉIR (hébreu : Sé'îr; Septante : ~2,-t\tip), appelé 
souvent mont Séir, parce qu'il désigne la partie mon- 
tagneuse qui s'étend de la mer Morte au golfe Élani- 
tique, le long du côté oriental de la vallée del'Arabah. 
Son nom vient-il du chef horréen, Séir, ou bien celui 
du chef, du pays qu'il possédait? Il est difficile de le 
décider. Le pays peut avoir tiré son nom de son aspect 
rude et sauvage. Josèphe, Ant.jud., II, i, 2; Eusèbe et 
saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et Parthey, 1864, 
p. 230, 231, 210, 211, 336, 337, l'appellent Gabalène ou 
Gébalène, « le montagneux ». Il était borné à l'ouest 
par l'Arabah, Deut., il, 1,8; et s'étendait au su! jus- 
qu'au golfe d'Akabah, y. 8. La frontière septentrionale 
n'est pas déterminée d'une façon précise dans l'Écri- 
ture. Cf. Jos., xi, 17. Avant qu'Ésaû s'établit dans cette 
région, elle était habitée par les Horréens. Voir Hor- 
réen, t. m, col. 757. Quand le frère de Jacob se fut 
emparé du pays, l'histoire de Séir se confondit avec 
celle des Iduméens. Voir Iduméens, t. m, col. 834. 
Ceux-ci occupèrent la place des Horréens. Deut., n, 12. 
Les livres historiques rappellent le nom du pays, Jos., 
xi, 17; xii, 7; xv, 10; xxiv, 4; Jud., v, 4; I Par., iv, 
42; II Par., xx, 10. Du temps de Josaphat, les habitants 
de Séir s'unirent aux Moabites et aux Ammonites 
contre Juda. Ils furent battus et Moab et Ammon se 
tournèrent alors contre les Séirites. y. 22-23. Nous 
lisons dans Isaïe, xxi, 11-12, une prophétie obscure 
dans laquelle une voix de Séir annonce des malheurs 
à Duma. Ezéchiel, xxv, 8-14, prophétise contre Séir et 
l'Idumée, et surtout, xxxv, 1-15, où il prédit la désola- 
tion et la ruine de ce pays, dont son état actuel atteste 



l'accomplissement. L'auteur de l'Ecclésiastique, L, 27- 
28, nous fait connaître l'aversion que les habitants de 
Séir avaient inspirée aux Juifs : 

Mon âme hait deux peuples... 

Ceux qui demeurent sur le mont Séir, 

Et les Philistins... 

SÉIRA (hébreu : Çd'îrdh, avec hé local; Septante: 
Siiip), ville inconnue de l'Idumée, s'il n'y a pas de 
faute de lecture dans le seul endroit où ce nom se ren- 
contre, IV fieg., vm, 21. Dans le passage parallèle, 
II Par., xxi, 9, au lieu de ce nom propre, on lit : « avec 
ses princes », et de même dans Josèphe, Ant.jud., IX, 
v, 1. Quelques critiques pensent que cette diversité 
provient de ce que si les uns ont lu §â'irâh comme le 
porte le texte massorétique des Rois ; d'autres ont lu : 
'îm-Sârâv, « avec les princes », comme le portent les 
Paralipomènes. Une autre hypothèse, en laveur de 
laquelle on peut s'appuyer sur la Vulgate, Séira, et sur 
la version arabe, Sait; c'est que Sd'irdh est une alté- 
ration de Sê'ir et désigne le pays appelé Séir et non 
une ville. Quoi qu'il en soit, sous le règne de Joram, 
fils de Josaphat, Édom se révolta contre l'autorité de 
Juda et se donna un roi. Joram marcha contre les 
Iduméens avec ses chars, mais il paraît avoir été enve- 
loppé par eux et ne s'être sauvé que grâce à ses chars 
pendant la nuit.' C'est ainsi qu'Édom s'affranchit de la 
domination des rois de Juda. IV Reg., vm, 20-22; 
II Par., xxi, 8-10. 

SÉIRATH (hébreu : ha?-§e'irah, avec l'article; 
Septante : SeTstpâôa; Alexandrinus : SeEtpwOa), loca- 
lité où se réfugia Aod, juge d'Israël, après avoir tué 
Églon, roi de Moab. Jud., m, 26. Le site n'en a pas été 
retrouvé. Nous savons seulement que Seirath se trou- 
vait dans la partie montagneuse de la tribu d'Éphraïm 
et il est à croire qu'elle n'était pas loin de Galgala où 
Aod avait frappé l'oppresseur de son peuple. Voir Aod, 
t. i, col. 714. 

SEL (hébreu : mélah; Septante : âX;, âXa;; Vulgate: 
sal), substance composée de chlore et de sodium, chi- 
miquement appelée chlorure de sodium. Elle se trouve 
en dissolution dans l'eau de mer, qui en renferme 
3 pour 100, dans l'eau de certains lacs et de quelques 
sources, et à l'état solide, dans les mines de sel gemme, 
résultant d'anciens dépôts marins. Le sel sert à bon 
nombre d'usages, particulièrement à assaisonner les 
aliments, à conserver les substances organiques, etc. 
Par contre, sa présence dans une terre peut constituer 
un obstacle à la végétation. La Sainte Écriture parle du 
sel à différents points de vue. 

i" Dans l'alimentation. — L'Ecclésiastique, xxxix, 1, 
range le sel parmi les objets de première nécessité, 
et Job, vi, 6, demande comment on peut se nourrir de 
mets fades et sans sel. Le sel est, en effet, nécessaire à 
l'homme, mais le besoin n'en est pas aussi général 
qu'on pourrait le croire. On a remarqué que les peuples 
qui mènent la vie pastorale et se nourrissent du lait et 
de la chair de leurs troupeaux se passent volontiers de 
sel ; les peuples agricoles, qui vivent surtout de végé- 
taux, en ont au contraire un pressant besoin. La même 
constatation peut s'étendre aux animaux; les carni- 
vores dédaignent le sel, les herbivores l'aiment et le 
recherchent. La nourriture naturelle est par elle-même 
faiblement salée, et le sel est nécessaire à l'organisme 
humain, dans lequel il existe partout; ainsi le sang a 
un goût de sel, toutes les sécrétions sont salées, la 
salive, qui tire son nom du sel, les larmes, etc. Au 
point de vue physiologique, le sel ne rend pas seule- 
ment plus facile et plus agréable l'absorption des ali- 
ments; il active la sécrétion du suc gastrique dans 
l'estomac et fournit les éléments chlorés qui entrent 



1569 



SEL 



1570 



dans la composition de ce suc. Il est donc nécessaire 
qu'un minimum de sel entre dans l'alimentation, et 
l'expérience montre que le régime végétal en fait sentir 
le besoin beaucoup plus impérieusement que le régime 
animal. Cf. A. Dastre, Le sel, dans la Revue des Deux 
Mondes, 1 er janvier 1901, p. 197-211. Les Hébreux, dont 
la vie en Palestine était surtout agricole, avaient donc 
besoin de sel. Ils l'empruntaient à la mer Morte. Dans 
sa description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel, 
xlvii, 11, prévoit que les eaux de cette mer seront 
assainies et nourriront des poissons, mais que les 
lagunes et les mares seront abandonnées au sel. De 
décembre à avril, le niveau monte dans la mer Morte, 
à cause de l'apport plus considérable des torrents et 
du Jourdain. Quand il baisse ensuite, l'eau demeure 
dans certaines dépressions environnantes et s'y évapore 
peu à peu à la grande chaleur du soleil. Comme la 
proportion du sel y atteint plus de 6 pour 100, celui-ci 
se dépose en grande quantité. Voir Morte (Mer), t. iv, 
col. 1294, 1300; F. -M. Abel, dans la Revue biblique, avril 
1910, p. 217-222. « Manger le sel du palais, » I Esd., 
iv, 14, c'était être nourri aux frais du prince. Il en 
était ainsi particulièrement des soldats auxquels on 
donnait de l'argent pour s'acheter du sel; cet argent 
s'appelait solarium, « salaire », nom qui, à partir 
d'Auguste, servit à désigner toute espèce de soldes et 
d'appointements. Cf. Dion Cassius, lu, 23; lxxviii,22; 
Pline, H. N., xxxi, 7, 41 ; xxxiv, 3, 6. Les rois ne man- 
quèrent pas de tirer profit du besoin que les populations 
avaient du sel. Le roi de Syrie, Démétrius II, touchait 
des droits sur le sel et sur les marais salants; il voulut 
bien en exempter les Juifs. I Mach., x, 29; xi, 35. 

2» Dans les sacrifices. — Il était prescrit de mettre 
du sel sur toute oblation présentée au Seigneur. 
Lev., n,13. Ezech., xliii, 24; Marc, ix, 48. Le parfum 
destiné à être brûlé devant l'Arche devait également 
être salé, memulld/f. Exod., xxx, 35. Les versions tra- 
duisent par |ie[UY[iivov, mixtum, « mélangé », ce qui 
donne à penser qu'elles ont Ju mimsâk. Les prescrip- 
tions de la loi mosaïque sur l'emploi du sel étaient si 
connues, que les rois de Perse, Darius et Artaxerxès, 
ordonnèrent de fournir à Esdras tout le sel nécessaire 
pour le service du Temple. I Esd., VI, 9; vu, 22. Le 
sel ne paraît pas avoir été employé dans le culte des 
Égyptiens et des Assyriens; il le fut plus tard dans celui 
des Grecs et des Romains. Comme il préserve de la 
corruption, il était un symbole de pureté et de vie 
incorruptible. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen 
Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 326, 336. On mettait 
du sel sur tout ce qui s'offrait à l'autel, cf. Josèphe, 
Ant.jud., III, ix, 1, excepté le vin des libations, le sang 
et le bois. Cf. Siphra, f. 78, 2; 79, 2. Les victimes le 
recevaient sur la rampe même qui conduisait à l'autel, 
cf. Gem. Mcnachoth, 21, 2; au sommet de cette rampe 
et auprès de l'autel même, on salait la farine, l'encens, 
les gâteaux offerts par les prêtres, ceux qui accompa- 
gnaient les libations et les holocaustes d'oiseaux. On 
se servait de préférence de sel de Sodome, c'est-à-dire 
de celui qui provenait de la mer Morte et dont les qua- 
lités étaient plus appréciées. A défaut de ce sel, on en 
faisait venir d'Ostracine et du lac Sirbon, sur la côte 
d'Egypte, entre Péluse et Rhinocolure. Voir la carte, 
t. n, col. 1606. Cf. Reland, Palxslina illustrata, 
Utrecht, 1714, p. 60. Dans le second Temple, il y avait 
au nord une chambre du sel, pour l'usage de l'autel. 
Dans une chambre voisine, appelée Parva, on salait les 
peaux des victimes qui revenaient aux prêtres. Cf Gem. 
Pesachim, 57, 1. Comme la rampe qui menait à l'autel 
était fort lisse et devenait glissante par le fait de la 
pluie ou des matières adipeuses qui tombaient des 
victimes, on y jetait du sel afin que les prêtres pussent 
s'y tenir sans danger. Cf. Erubin, x, 14; Reland, Anti- 
quitates sacrx, Utrecht, 1741, p. 52, 54, 165. 

DICT. DE LA. BIBLE. 



3° Dans les alliances. — Le sel qui doit être mêlé 
aux offrandes est appelé mélah berît, «Xac S(a6rjr.r,c, 
sal feederis, « sel de l'alliance ». Lev., n, 13. Cette 
expression se retrouve ailleurs sous une autre forme. 
Le don que Dieu fait à Aaron et à ses fils de certains 
prélèvements sur les choses saintes est appelé berît 
mélah, « alliance de sel », dans le sens de convention 
perpétuelle et irrévocable. Num., xvm, 19. Il est dit 
également que Dieu a attribué la royauté à David et à 
ses fils par une « alliance de sel ». II Par., xm, 5. Le 
sel est un principe conservateur contre la corruption; 
à ce titre, il peut donc symboliser la durée et la fidélité 
d'une alliance que rien ne pourra et ne devra corrompre 
ni altérer.. Cf. Bàhr, Symbolik, t. n, p. 324. Mais le 
sens de cette expression est plus clairement expliqué 
par les coutumes arabes. Chez les Arabes, « ceux qui 
mangent la même nourriture sont censés avoir le 
même rang. La nourriture prise en commun oonfirme 
la parenté et la fait naître, quoique à un degré moindre. 
C'est l'alliance du sel, qui unit ceux qui ont pris part 
au même repas. » Lagrange, Études sur les religions 
sémitiques, Paris, 1905, p. 252. « Ils ont une grande 
vénération pour le pain et pour le sel, en sorte que 
lorsqu'ils veulent faire une instante prière à quelqu'un 
avec qui ils ont mangé, ils lui disent : Par le pain et par 
le sel qui est entre nous, faites cela. Ils se servent 
encore de ces termes pour jurer en niant ou en affir- 
mant une chose. » De la Roque, Voyage dans la 
Palestine, Amsterdam, 1718, p. 137. Cet usage est 
encore en vigueur. « Deux Arabes qui veulent prendre 
un engagement réciproque, conclure un traité, cimenter 
leur amitié, trempent deux bouchées de pain dans le 
sel et les mangent ensemble. L'alliance ainsi conclue 
est indissoluble. A celui qui tenterait de la rompre, 
ils répondraient infailliblement : C'est impossible, il y 
a entre nous le pain et le sel. Dans leur langage, 
manger ensemble le pain et le sel signifie faire un 
traité ou se jurer amitié. Les Persans parlent de même ; 
pour flétrir le traître, ils l'appellent traître jusqu'au 
sel. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, p. 273. Il est fort 
présumable que cette coutume était en vigueur chez les 
anciens Hébreux, comme chez leurs voisins du désert, . 
et que l'expression biblique doit s'expliquer dans ce 
sens. Le sel avait la même signification symbolique 
chez les Grecs. « Avoir mangé ensemble un boisseau 
de sel «voulait dire : « être de vieux amis ». Plutarque, 
Moral., édit., Dûbner, 94 a . Cf. Bahrdt, De fœdere salis, 
Leipzig, 1761; Rosenmûller, Das alte und neue Mor- 
genland, Leipzig, 1818, t. h, p. 150. 

4° Pour la conservation. — On frottait de sel le corps 
des enfants à leur naissance. Ezech., xvi, 4. Saint 
Jérôme, In Ezech., iv, 16, t. xxv, col. 127, dit que les 
nourrices agissent ainsi pour sécher et raffermir le 
corps. Galien,.De sanit., 1, 7, observe que celte pratique 
rendait plus épaisse et plus solide la peau de l'enfant. 
Aujourd'hui encore, « dans le but de fortifier les 
membres de l'enfant nouveau-né, les Arabes font dis- 
soudre du sel dans de l'huile (ou, à son défaut, dans 
de l'eau) et avec cette solution oignent le corps de 
l'enfant, jusqu'à l'âge d'un an. » A. Jaussen, Coutumes 
arabes, dans la Revue biblique, 1903, p. 245. — On 
salait les poissons. Les Hébreux mangeaient beaucoup 
de poissons séchés ou salés. Tels étaient ceux qui ser- 
virent à la multiplication des pains. Matth., xiv, 17; xv, 
34. Il n'est pourtant question qu'une seule fois de 
saler nn poisson, celui que le jeune Tobie a pris dans 
le Tigre. Tob., VI, 6. — Le prophète Elisée assainit la 
fontaine de Jéricho en y jetant du sel. IV Reg., Il, 20, 
21. Voir Elisée (Fontaine d'), t. n, col. 1696; Jéricho, 
t. m, col. 1285. Josèphe, Bell, jud., IV, vm, 3, dit 
qu'auparavant l'eau de cette fontaine produisait toutes 
sortes d'effets pernicieux. Le sel employé par le pro- 
phète ne put être la cause de l'assainissement; il n'en 

V. - 50 



1571 



SEL 



SÉLA 



1572 



fut que le symbole et le prophète dut faire appel à son 
pouvoir miraculeux. 

5° Pour, la destruction. — Le sel marin, en petite 
quantité, est un amendement employé en agriculture 
comme stimulant de la végétation. En grande quantité, 
il devient une cause de stérilité pour une terre. Dans 
le poème babylonien Éa et Atarhasis, n, 33; m, 48, la 
plaine se couvre de sel, pour empêcher la plante de 
sortir et de germer. Cf. Dhorme, Choix de textes reli- 
gieux, Paris, 1907, p. 131, 137. Ainsi quand fut creusé- 
le canal de Suez, on crut que le canal d'eau douce pra- 
tiqué latéralement permettrait le développement d'une 
végétation luxuriante. Tout commença bien, en effet. 
Mais quand les racines atteignirent le sous-sol, saturé 
de sel marin, la végétation languit, se dessécha et finit 
par disparaître. L'eau douce s'infiltrait d'ailleurs dans 
le sable et, sous l'influence du soleil d'Egypte, venait 
s'évaporer à la surface en entraînant avec elle le sel 
dont elle s'était chargée. Cf. Jullien, L'Egypte, p. 110- 
112. Les anciens s'étaient facilement rendu compte que 
« tout sol où l'on trouve du sel est stérile et ne produit 
rien. » Pline, N. H., xxxi, 7. Cf. Virgile, Georg., n, 
238. Les régions qui avoisinent la mer Morte ont tou- 
jours été pour les Hébreux le type de ces terres sté- 
riles, à cause de la forte proportion de sel qu'elles 
contenaient. Ils donnaient à ces terres le nom de melè- 
hah, iX(*upc'ç, salsugo. Job, xxxix, 6; Ps. cvii (cvi), 34; 
Jer., xvii, 6. Le sol renferme, surtout au sud-ouest, de 
considérables dépôts de sel gemme, dont se saturent 
les torrents qui descendent à la mer, ce qui explique la 
forte salure de cette dernière. Voir Morte (Mer), t. iv, 
col. 1305, 1306. Les terrains imprégnés de sel à dose 
considérable sont nécessairement impropres à toute j 
végétation. Seuls, les roseaux apparaissent au bord de 
la mer, et, à travers les rochers arides, quelques bou- 
quets de verdure signalent la présence des fontaines 
ou les bas-fonds bien arrosés. A cause de la méchan- 
ceté de ses habitants, Dieu a changé ce pays fertile en 
plaine de sel. Ps. cvn (cvi), 34; Eccli., xxxix, 23. Il 
menace les Israélites infidèles de faire de leur pays une 
terre de soufre et de sei, comme l'emplacement de 
Sodome. Deut., xxix, 22. Moab deviendra, comme So- 
dome, une carrière de sel. Soph., n, 9. Au Djebel 
Usdum, au sud-ouest de la mer Morte, des masses 
énormes de sel gemme alternent avec des brèches de 
marbre et des blocs de jaspe vert foncé; c'est une vraie 
carrière de sel. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 
Paris, 1881, p. 433. Là se trouve la colonne de sel que 
les Arabes appellent « la femme de Lot ». Gen., xix, 
26. Voir Lot (La. femme de), t. iv, col. 365. Les déserts 
arides et salés servaient de demeure aux onagres. Job, 
xxxix, 6. L'homme qui se confie en l'homme plutôt 
qu'en Dieu mérite d'y habiter. Jer., xvii, 6. Quand 
Abimélech eut pris Sichem, « il rasa la ville et y sema 
du sel ». Jud., IX, 45. Les rois assyriens avaient aussi 
coutume de semer du sel sur l'emplacement des villes 
qu'ils avaient rasées. Cf. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. n, 1897, 
p. 638, 655. Cet acte n'avait évidemment pas pour but 
d'empêcher une ville de se relever de ses ruines, ni de 
rendre son sol impropre à la culture. Il marquait seu- 
lement que, dans la pensée et les désirs du vainqueur, 
l'emplacement de cette ville devait rester à l'état de 
champ stérile et de lieu inhabité. 

6° Dans les comparaisons. — Le sel est assez lourd; 
il pèse un dixième de plus que le volume d'eau équi- 
valent. Le sable, le sel, le fer sont moins lourds à 
porter que le sot. Eccli., XXH, 18. — Le givre répandu 
sdf la terre ressemble à du sel. Eccli., xliii, 21. — 
Notre-Seigneur dit à ses disciples : « Vous êtes le sel 
de la terre. Si le sel perd sa vertu (u.<i)pav8r„ « devient 
fou », evamterit), avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus 
bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds. » 



Matth., v, 13; Luc, xiv, 34. Le sel peut devenir ava- 
Xov, insulsum, « non salé ».Marc, IX, 49. Pline, H. N., 
xxxi, 39, 44, parle de sal iners, « sel inactif », et dit que 
sal tabescit, « le sel se dissout », devient impropre à 
saler. Cet effet pouvait se produire quand le sel res- 
tait longtemps exposé à la chaleur du soleil, ou que, 
plus ou moins mélangé à des matières terreuses, il fon- 
dait en ne laissant subsister que ces dernières. Le sel 
représente ici la sagesse chrétienne personnifiée dans 
les disciples et les apôtres. Si, en ceux qui sont chargés 
de conserver et de propager cette sagesse, elle devient 
folie, |iMpav6»), comment les rendra-t-on sages eux-mê- 
mes? Si la grâce perd en eux son efficacité, comment 
la communiqueront-ils aux autres? Aussi le Sauveur 
dit-il : se Ayez en vous le sel, » Marc, IX, 49, c'est-à- 
dire ce qui doit préserver de la corruption et de la 
folie, vous et les autres. « Que votre parole soit toujours 
assaisonnée de sel, » c'est-à-dire de sagesse, « en sorte 
que vous sachiez comment il faut répondre, » dit aussi 
saint Paul. Col., iv, 6. Dans sa liturgie, l'Église emploie 
le sel à la bénédiction de l'eau, pour le « salut des 
croyants » et la « santé de l'âme et du corps ». Au 
baptême, elle l'appelle « sel de la sagesse » devant 
acheminer à la vie éternelle. L'imposition du sel était 
particulière au rit romain. Cf. Duchesne, Origines du 
culte chrétien, Paris, 1903, p. 297. H. Lesêtre. 

2. SEL (MER DE) OU TRÈS SALÉE. Voir MORTE 

(Mer), t. iv, col. 1289. 

3. SEL (ville DE) (hébreu : 'Ir ham-mélah; Sep- 
tante : al îto),et; Sa8ûv; Vulgate : civitas Salis), ville 
de Juda, située dans le désert appelé du nom de cette 
tribu. Jos., xv, 62. Elle pouvait être dans le voisinage 
de la mer Morte non loin d'Engaddi qui la suit dans 
l'énumération des six villes du désert de Juda. Le site 
précis en est incertain. Des savants la placent dans la 
vallée des Salines où Amasias, roi de Juda, battit les 
Édomites, IV Reg., xiv, 7 ; II Par., xxv, 1 1 , ou bien près de 
cette vallée. Voir col. 1373. On connaît maintenant à 
l'est de Bersabée une vallée du sel, ouadi Milh, ou Melh 
qui passe au pied du Tell Melh, « la colline du sel » 
(voir Juda 6, carte, t. m, col. 1156), et divers savants 
localisent en cet endroit la défaite des Édomites. Voir 
F.-M. Abel, dans la Revue biblique, avril 1910, p. 229. 
Ce site parait trop éloigné d'Engaddi pour y placer la 
ville de Sel. 

SÉLA, nom d'homme et nom de ville, dans la Vul- 
gate. — Pour la capitale de l'Idumée, qui est appelée 
has-Séla', dans le texte hébreu, voir Pétra, col. 166. 

1. SÉLA (hébreu : Sêldh; Septante : Sr,Xii;j.), le plus 
jeune fils de Juda et d'une Chananéenne, dont le père 
se nommait Sué; petit-fils de Jacob. Gen., xxxvm, 5; 
xi.vi, 12; Num., xxvi, 20; I Par., n, 3; iv, 21. Ses des- 
cendants furent appelés Sélaïtes. Num., xxvi, 20. Une 
partie d'entre eux esténumérée, I Par., iv, 21-23. Juda 
avait promis à Thamar, sa belle-fille, qui était veuve, 
de lui donner Séla comme époux, quand il aurait grandi, 
mais il ne tint pas sa promesse Gen., xxxvm, 10-11, 
14, 26. 

2. SÉLA (hébreu : Séla'; omis dans l'édition sixtine 
des Septante, Jos., xvni, 28; dans II Reg. (Sam.), xxi, 
14, Septante : it).eypi; Vulgate : latus), ville de la tribu 
de Benjamin, nommée entre Tharéla et Éleph (t. n, 
col. 1657) et située dans la partie sud-ouest de cette 
tribu. C'est là qu'était le tombeau de la famille de Cis, 
père du roi Saûl. David, après l'exécution des fils 
de Respha, fit transporter dans ce tombeau familiatles 
restes de Saûl et de Jonathas et les y fit ensevelir avec 
les fils de Respha. II Reg. (Sam.), xxi, 12-14. Les Sep- 



1573 



SELA — SÉLAH 



1574 



tante et la Vulgate ont pris Sêla' pour un nom commun 
dans ce passage, dont le sens véritable parait avoir 
•été oublié de bonne heure. L'identification de la loca- 
lité est d'ailleurs très problématique. Plusieurs ont 
proposé d'identifier Séla avec le village actuel de Beit 
Djala, à l'ouest de Bethléhem, mais il est plus probable 
que le tombeau de la famille de Saûl était plus au nord 
dans le voisinage de Rama de Benjamin. Voir Rama. 1, 
col. 941. 

SÉLAH (hébreu : nbD; Septante : 8»â'iaXu.a) terme 
indiquant une pause du chant. 

I. Passages ou est employé sélah. — Cette indica- 
tion se lit soixante-quatorze fois dans le texte hébreu 
de la Bible, soit soixante-et-onze fois dans trente-neuf 
Psaumes et trois fois au cantique d'Habacuc. Ps. Ht, 

3, 5, 9; iv, 3, 5; vu, 6; iv, 17, 21; xx, 4; xxi, 3; xxiv, 
•6, 10; xxxn, 4, 5, 7; xxxix, 6, 12; xliv, 9; xlvi, 4, 8, 
12; xlvii, 5; xlviii, 9; xlix, 14, 16; l, 6; m, 5, 7; liv, 
5; lv, 8, 20; lyii, 4, 7; lix, 6, 14; lx, 6; lxi, 5; lxii, 
5, 9; lxvi, 4, 7, 15; lxvii, 2, 5; lxviii, 8; 20,33; lxxv, 

4, lxxvi, 4, 10; lxxvii, 4, 10, 16; lxxxi, 8; lxxxii, 
■2; lxxxiii, 9; lxxxiv, 5, 9; lxxxv, 3; lxxxvii, 3, 6; 
•lxxxviii, 8, 11; lxxxix, 5, 38, 46, 49; cxl, 4, 6, 9; cxliii, 
•6. Hab. m, 3, 9, 13. Les Septante donnent soixante-sept 
fois 8iài}i3(Xu.a comme équivalent de l'hébreu sélah, 
mais ce mot a été omis par les traducteurs, ou plutôt 
-a disparu par la faute des copistes au dernier verset des 
Ps. ni, xxiii (xxiv), xlv (xlvi) et au f. 11 du Ps. lxxxvii 
4 lxxxviii). On le trouve par contre aux Psaumes n, 4; 
xxiii (xxiv), 11, et xcm (xciv), 15, où il manque dans le 
■texte massorétique. Enfin au Psaume ix, 37, le traduc- 
teur grec s'est servi de la tournure tîiôï] Sia|àX[i.aToç pour 
rendre higgdyôn, sélah. Voir Musique des Hébreux, i, 
2, t. IV, col. 1348. Parmi les autres interprètes grecs, 
quelques-uns font du terme SiàipaXna le même usage que 
les Septante. La version des Hexaples d'Origène (lxx), 
t. xvi, col. 578, l'indique au Ps. il, 4. La cinquième ver- 
sion donne 6i»]vsxûç, Ps. xx, 3, col. 669. La sixième 
version a eîç teXoj, Ps. m, 3, 9; eiç tô téXoç, col. 582. 
'Les autres versions grecques ont 8tâ<j/aXfi«, es; «ei, 
980-,'Yo; àsi, Théodotion, Ps. ix, 17, [i.ï]Xi6ôr,jj.ot àsi, 
•col. 614. On rencontre enfin le Siâ^aXtuc dans le texte, 
.grec du Psautier de Salomon (xvn, 31;xvm, 10). Fabri- 
-cius, Codex pseudepigraphus V. T., t. 1, p. 966, 971. 

Le diapsalma était aussi exprimé dans les an- 
ciennes versions latines. On peut voir, pour l'ancien 
Psautier romain, Tommasi, Opéra omnia, édit. Vezzosi, 
'Rome, 1749, 1. 11, p. 4 sq., et pour le Psautier gallican, 
Tommasi, ibid., et t. m, p. 4 sq. ; Bible de Vence, Dis- 
sertation sur Lamenazeah et Sela, 1829, t. ix, p. 452, 
note. Ces versions suivent généralement la disposition 
des Septante. Au Psautier gallican, diapsalma se lit 
■soixante-seize fois, spécialement, en plus des endroits 
où il répond au sélah original, Ps. 11, 4; m, 9; xxxn, 
•10; xlv, 12; lxxvii, 4, 14, 26; lxxxviii, 11. L'ancien 
romain l'ajoute Ps. xxxn, 10, lxvii, 1, 4, 26; lxxxvii, 
11, 15. Il l'omet Ps. m, 2; xxiii, 10; xlv, 12. Le dia- 
psalma s'est conservé dans le Psautier mozarabe ; on l'y 
retrouve trente-sept fois, notamment aux psaumes 11, 
•4; lxxviii, 8; LXXix,9, où les Septante, non plus que 
les autres versions grecques, ne le contiennent pas. 
Voir Lorenzana, Breviarium golhicum secundum ré- 
gulant S. Isidori, Madrid, 1775, p. I et suiv. Ximénès 
avait laissé de côté le diapsalma, dans son édition du 
Psautier mosarabe. Patr. lai., t. lxxxvi, col. 21. On le 
rétablit parce qu'il servait de point de repère dans les 
divisions de la psalmodie. Son usage est attesté en 
outre par Optât, Contra Parmen., iv, 3, t. xi, col. 1030- 
1031; Haimon, In Ps. xxxiu, t. cxvi, col. 330, et Cas- 
-siodore, dont le texte est décisif pour l'usage du diap- 
salma dans la psalmodie en dehors du cursus romain.. 
■« Ce mot s'intercale bien là où l'on reconnaît un chan- 



gement de sens ou de personne; c'est pourquoi nous 
faisons régulièrement les divisions partout où le dia- 
psalma peut se trouver dans les Psaumes. Pour les 
autres divisions, nous cherchons à les faire de la meil- 
leure manière possible, au moins dans les endroits où 
nous nous croyons autorisés à placer ce mot. » In 
PsalteriumPrsefatio, xi, t. lxx, col. 17. D'autre part, le 
diapsalma n'existe ni dans le Psautier romain ni dans 
l'ambrosien. Les Psaumes se disent sans divisions 
dans l'office romain; de là, inutilité du signe de cou- 
pure. A Milan, au contraire, les divisions des Psaumes 
multipliées, pour ainsi dire, à l'infini, rendirent le 
diapsalma insuffisant; de là, sans doute, son absence 
dans le Psautier milanais. 

D'après la Synopsis Scripturss, l'indication S'.âiaXjjia 
se lisait aussi, comme dans les Hexaples, au Psaume 11, 
3, où nous avons vu que les Psautiers gothiqne et gal- 
lican l'ont conservée; quatre fois, au lieu de trois, au 
Ps. lxvii et cinq au Ps. lxxxviii. Elle manquait au 
contraire dans les passages suivants : Ps. m, 9; ix, 21; 
xix, 4; xx, 3; xxm,10;xxxi, 7; xlv, 12; xlix, 6; lxxxiii, 
9; lxxxvii, 8 et 11. Patr. gr., t. xxiii, col. 337 sq., ce 
qui donne seulement soixante-cinq S'.a<J/âX[iara au lieu 
du nombre indiqué plus haut. Voir toutefois saint 
Jérôme, Epist. xxvni, ad Marcell., De diapsalmate, 
t. xxii, col. 433-435. L'omission de ce mot à la fin des 
Ps. m, xxiii et xlv dans ces versions grecques est 
peut-être volontaire : elle s'explique si ce mot est pris 
pour une pause au milieu du Psaume. 

II. Opinions sur la signification de sélah et de ses 
traductions. — On relève trop de diversités entre les 
explications que les auteurs donnent du terme sélah, 
pour que l'on puisse penser à tirer parti de chacune 
d'elles. On éliminera par conséquent celles qui man- 
quent de fondement, pour retenir les plus probables 
et voir jusqu'à quel point elles peuvent être rapprochées 
et concilées. Une première série d'interprètes rattachent 
sélah et diapsalma au texte lui-même ; les autres tien- 
nent ces termes pour une indication, ou, si l'on veut, 
une rubrique, indépendante du texte. 

1° Sélah et diapsalma rattachés au contexte. — 1. La 
tradition juive, représentée par les targums et un grand 
nombre de rabbins, explique communément sélahm : 

— a) par le'ôlâm, le'ôlâmîm, « à jamais », « dans les 
siècles ». Voir Buxtorf, Lexicon hebraicum, au mot nbD. 
La Peschito a suivi la tradition juive en rendant sélah 
par le'ôlâm et le'ôlâmîn. On trouvera ci-dessous l'expli- 
cation du diafsalma de la version hexaplaire syrienne. 

— b) par des expressions synonymes telles que lenêsal)., 
infinem (Aben Esra, Commentaire sur le Psaume ni), 
dont il faut rapprocher les traductions citées ci-dessus 
de la sixième version : eî; téXoç, et; t'o téXoç, SianavToç; 
de la cinquième version, Siaracv-rd;, SirivExû;, àeî ; Aquila 
suit la même tradition et donne «ei, tandis que la qua- 
trième version transcrit sans traduire : <teXcx. Cf. <xÉX. 
Origenis Hexapl., t. xvi, col. 579, 583, 595; Selecta in 
Psalmos, t. XII, col. 1059. Saint Athanase adopte la tra- 
duction àsc, De titulis Ps., t. xxvn, col. 657. Saint Jérôme, 
après avoir exposé les autres opinions, retient l'inter- 
prétation d'Aquila et traduit semper. Divina Biblio- 
theca, t. xxvm, col. 1190 sq.; Comment, in Habacuc, 
m, 3, t. xxv, col. 1311. Voir aussi S. Isidore de Séville, 
Etymol., vi, 19, t. lxxxii, col. 253. Les Juifs continuent 
de nos jours à employer sélah comme synonyme de 
le'ôlâm, dans leurs formules de prières et dans leurs 
inscriptions tumulaires. Si en certains cas la significa- 
tion de semper ou in seternum a paru convenir assez 
bien au sens général pour qu'on ait pu joindre au texte 
cette expression comme si elle en faisait partie, et la 
transporter même dans les versions, Ps. LXI, 9, dans la 
Vulgate, Ps. li, 7, dans Symmaque, t. xvi, col. 845, il ne 
manque pas de passages où ce sens devient difficile à 
détendre. Voir par exemple Ps. xxxn, 4; lxxxj (lxxx), 8. 



1575 



SÉLAH 



1576 



2. D'autres exégètes juifs prennent sélah pour une 
interjection ou une exclamation analogue aux mots 
'amén, « fiât », ou 'érnéf, « veritas ». Voir Aben Esra, 
In Ps. III; David Kimchi, In Ps. in; Vatable, Biblio- 
theca sacra, au mot sélah. Peut-être cette explication 
s'accorderait-elle plus facilement que la précédente 
avec le contexte. Voir cependant Ps. iv, 3, 5; lxxxix 
(lxxxviii), 49, où l'on attend une négation. Puis on se 
demande pourquoi le mot sélah ne se rencontre que 
dans certaines pièces lyriques. Enfin, ici encore, la 
preuve grammaticale fait défaut. 

2» Ceux qui considèrent sélah comme un mot en 
dehors du texte en font soit un signe grammatical ou 
prosodique, soit une abréviation, soit une indication 
musicale. — 1. A l'exception des lettres 's et 'd, qui, 
soigneusement distinguées du texte, servent dans le 
Pentateuque à établir les divisions pour la lecture 
publique, pefû/Fiof et sefûmô{, la Bible hébraïque ne 
contient d'autres signes de lecture, de ponctuation 
grammaticale ou de notation que les accents massoré- 
tiques, placés en dehors du texte. Si le mot sélah 
n'est qu'une indication de cette sorte, ou s'il n'équivaut 
qu'à un signe prosodique, à une formule ou à une 
exclamation pour réclamer l'attention, on se demande 
pourquoi il se rencontre uniquement dans des pièces 
lyriques déterminées et pourquoi il y est reproduit un 
si grand nombre de fois, tandis qu'on ne le lit nulle 
part ailleurs dans l'Écriture. Au reste, nulle preuve 
n'est apportée à l'appui de cette assertion, et l'excla- 
mation hâzaq, dans les formules finales des copistes 
hébreux,, n'a pas d'analogie avec sélah. 

2. La clé de l'abréviation de sélah, supposé être un 
signe acrologique, est proposée de façons multiples. 
En voici quelques-unes : Sélah Lânû (ou Lî) RaSSém 
« Le Nom (divin), aide-nous (ou aide-moi) ! » H. Gott- 
lieb Reine. De voce Selah, dans Ugolini, Thésaurus, 
t. xxii, p. accxxvij. Plusieurs auteurs se sont ingéniés 
à découvrir dans l'énigmatique sélah les initiales de 
mots représentant un verset de l'Écriture, entre autres 
celui-ci des Nombres : Selah-nâ La'âvôn Ha'âm hazzéh 
« Remets le péché de ce peuple. » Num., xiv, 19. On 
peut voir d'autres solutions du problème acrologique 
dans Noldius, Concordantia particularum hebraica- 
rum, au mot rfiD. Il est difficile d'accepter ces suppo- 
sitions, dont les unes n'ont aucun rapport avec le 
texte ou l'exécution des pièces où elles se trouvent, et 
les autres sont affirmées gratuitement ou manquent de 
vraisemblance. De plus, les signes et abréviations, fré- 
quents à l'époque talmudique, ne se rencontrent pas 
• dans la Bible elle-même. Nous signalerons toutefois 
les deux explications suivantes, à cause de leur rapport 
•avec les significations musicales qui seront proposées 
-ci-après : Sîmdn Luènôt Haqqôl, « signe pour chan- 
ger de voix » ou de « ton »; ou bien : Sôb Lëma'âldh, 
Haisar, « Chantre, élève le ton ». 

3° Il nous reste à examiner les arguments de ceux 
qui considèrent sélah comme une indication musicale. 
<2'est l'interprétation commune des interprètes grecs et 
latins, mais ces auteurs sont loin d'être d'accord sur 
la définition qu'il convient de retenir, et le désaccord 
entre eux est d'autant plus sensible qu'ils s'efforcent de 
préciser davantage. Ainsi : — a) parmi les Juifs, quelques 
rabbins ont accepté, ou du moins mentionné cette 
première définition musicale : « élévation de la voix », 
David Kimchi, cit. Mais cet auteur allègue comm&racine 
Yid, qui grammaticalement aurait donné un dérivé à 
consonne redoublée. Il conviendrait de se rapporter à 
tv:d, « élever t. Cf. mâsâh, Rac. ntn, I Par., xv, 27; 
Zach., xn, 1. — 6) D'autre part, n^D, « étendre, pros- 
terner », donnerait t abaissement (de la voix) », d'où, 
selon Buxtorf, « repos, silence ». Lexic. hebraic., au 
motnSo. On doit, en effet, comparer nVrf, ~hs, « reposer » 
^Lu) et «.1 «c, < être en suspens, attentif, silencieux », et 



cette comparaison confirme le sens attribué à sélah ou 
à sa traduction 8iâ<!/oeX(j.a par les interprètes que l'on va 
citer. Pour saint Grégoire de Nysse, Sii^aly-a est une 
pause, £irï)pé(iE(j:<. Tract. Il in Ps. x, t. lxix, col. 703, 
et pour saint Augustin : interpositum in canendo 
silentium, Enarrat. in Ps. IV, t. xxxvi, col. 80, en 
opposition avec <TÛ(j.^a).[ia, l'accord des voix et des. 
instruments. On trouve de même : intervalla psal- 
morum. J. Meursy, Glossarium grœco-barbarum, au 
mot Diapsalma. Voir Eusèbe, De diapsalmale, dans 
Tommasi, cit., t. Il, p. viij; « division ou coupure >S 
de la psalmodie, Siaxoitïj Tfj; i«>.(i<o8i«i;, Scarlatus de- 
Byzance, Lêxicon, Athènes, 1852, au mot 8iâi)/aX[i.a; 
« pause de pseaume, » Glossarium latino-gallicutn^ 
dans Ducange, Glossarium novum, supplem., t. n,. 
Paris, 1766, p. 92; ou encore « signe je séparation 
entre deux versets, servant à faire observer une pause 
dans la psalmodie et à régler le chant en écoutant 
les notes musicales. » Voir Lorenzana, Breviarium 
gothicum, dans Préface. Patr. lat., t. lxxxvi, col. 22 
xxi. Ceci semble se rappporter à l'usage moderne; 
toutefois H. Estienne avait déjà fourni l'explication de 
« mélodie musicale », jjiouffixôv (léXoç, d'après Origène, 
Selecta in Ps., t. xn, col. 1060, qu'il faut rapprocher 
de l'une des explications données par Euthyme : àva- 
6oXvjv riva xpc'J|xotTO«, « prélude des instruments » . Dans 
Schleussner, Novus thésaurus sive Lexicon in LXX, 
Londres, 1822, t. I, p. 597. L'intervalle des repos stro- 
phiques pouvait, en effet, être rempli par le jeu des 
instruments. Voir encore R. Cornely, Introd. spec, t.n, 
Paris, 1887, p. 95; Munk, Palestine, Paris, 1845, p. 457; 
Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, t. I, p. 890. 

3° D'autres auteurs ajoutent à ces données. Scarlatus 
de Byzance représente 8tâ<j/a),|ia comme une « excla- 
mation » intercalée dans le psaume : êTnq><iv7)j/.a, za 
onoiov tyiWtto év rû> (isxaiiù tb xaS'aûrè iWXp.oû. Lexi- 
con. cit. D'après la préface sur les Psaumes, que l'on 
trouve à la suite des œuvres de saint Jean Chrysostome, 
c'est un « changement de chœur », t. lx, col. 533; ou 
encore un « changement de mélodie ou de rythme », 
Origène, dans Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1882, 
t. n, p. 435; voir aussi Théodoret, Prxf. in Ps., 
t. lxxx, col. 864, 865; un « changement de sens et de 
mélodie», Euthyme, dans Schleussner, loc. cit. /Maxime, 
Quae.it., xvin, t. xx, col. 800; |jiXouç ivaXXocyvi, Suidas, 
du mot êiâ+aXjjia; demutationem aut personse aut 
sensus, sub conversione metri musici. S. Hilaire, Pro- 
logus in Ps. xxni, t. lx, col. 246. Cf. Tractât, in Ps., 

col. 319, 366, 419, 431. Le dîafsalma, )<*\.£» <*} -T 

9 = 9 ■ * -a= 

| Sft\ m\ Qt .« ou diafsalmôn .* <*^ <*» °> -;, de la 

version syra-hexaplaire du Psautier, transcription du 
mot grec en lettres syriaques, est aussi interprété 
comme un changement de sens et de mélodie par le- 
lexicographe Barali. Payne Smith, Thésaurus syriacus, 
col. 871, 882, 889. D'après Bar Bahlul, c'est « le chan- 
gement d'une voix (ou d'un ton) à un autre, » ou un 
intermède, une sorte de refrain, ûnità. Voir Refrain, 
col. 1016; R. Duval, Lexicon syriacum, auctore H. Bar- 
Bahlule, Paris, 1890, p. 557. 

III. Signification de sélah. — Ces dernières cita- 
tions nous amènent à établir d'une manière très vrai- 
semblable la signification de sélah et diapsalma 
comme une indication musicale destinée à marquer les 
repos et à diviser les strophes : è7TY)pl|iÈ<xe{, intervalla, 
êiocxoroj. Dans la musique arabe, les strophes ou les- 
incises du chant sont coupées par de longues pauses, 
que remplissent au besoin un intermède instrumental ou 
une sorte de vocalise fredonnée, ou bien des exclama- 
tions ou des soupirs. La tradition juive elle-même 
prouve que les chanteurs du Temple séparaient par 



1577 



SÉLAH — SÉLÉMIA 



1578 



■des intervalles les divisions des psaumes. Thamid, 7. 
« Les trois psaumes intermédiaires du chant [du sacri- 
fice] étaient remplis chacun par trois sonneries de 
trompettes, en tout neuf sonneries. » J. Weiss, Die 
musikalischen Instrumente in den heiligen Schriften 
des A. T., Graz, 1895, p. 98. Cette signification ressort 
des racines^Lm, ^L*o, nbD, aho, nbur, « repos, silence, 
abaissement de la voix », indiquées ci-dessus, et la 
traduction des Septante, 8tài|/aX(jia répond à ce sens 
d'une manière très suffisante, sans qu'il soit nécessaire 
de recourir aux corrections Si , i(o<>{'oiX|j.a, « à chanter deux 
fois », àvâil/a>(/.a, « à chanter à nouveau », proposées à 
titre de conjecture par Meibomius (Schleussner, The- 
saurus,loc. cit.), et qui équivaudraient à notre signe « bis»; 
et l'on peut considérer 8iâi|/aXu.a comme synonyme de 
(ôia)J/»)Xd(9vi|xa («pi!), « tact »). Voir Vincent, Notices et 
Extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi,... 
publiés par l'Institut de France, t. xvi, I' e partie : 
Notice sur divers manuscrits grecs relatifs à la 
■musique, note 0, p. 218. Il désigne ainsi l'interlude, 
ixouaixbv jiiXoci xpoOfia, la vocalise, l'exclamation ou 
îe refrain, èraçiAvima, 'ûnî(â, exécuté pendant l'inter- 
ruption momentanée du chant entre les strophes, 
après quoi la strophe suivante était reprise, soit par 
les mêmes chanteurs, soit par un chœur alternant. 
Ainsi s'expliquent d'autre part les traductions aXXw, 
XÔpw,... Stafiox*! T °û i>oi\\).o\), demutatio personse, et 
aussi, jusqu'à un certain point, piéXouî ou puOjjtoû 
H£-agoX/|, conversione modi musici, y.e.zâêa.o(i. L'unité 
•de composition du psaume ou de l'ode n'exige pas 
nécessairement que le mètre, le rythme et la mélodie 
soient les mêmes pour toute une pièce; ces éléments 
peuvent varier, à titre exceptionnel. En fait les chants 
■orientaux sont construits parfois sur différents rythmes, 
■et assez souvent, malgré un même rythme, sur des 
mélodies différentes. Voir J. Parisot, Rapport sur une 
mission scientifique en Turquie d'Asie, dans les Nou- 
velles archives des Missions scientifiques et littéraires, 
4. ix, Paris, 1899, n. 238, 257, 284, 289; t. x, p. 209- 
■222. Voir aussi Id., Note sur un très ancien document 
liturgique, dans la Science catholique, 1890, p. 250. 
Cette ritournelle instrumentale pouvait être remplacée 
par un trait mélodique exécuté avec la voix, faisant 
suite à la mélodie de la strophe chantée. L'usage des 
instruments de musique était exclu de la synagogue et 
ne passa pas dans le service ancien de l'Église. C'est 
pourquoi le diapsalma, s'il était autre chose qu'une 
pause, ne pouvait représenter ici qu'une mélodie vocale. 
Mais la substitution à cette modulation sans paroles 
•de la reprise par l'assistance d'un mot ou d'un texte, 
faisait de cet intermède un refrain, lequel est devenu 
l'antienne de la psalmodie ecclésiastique. 

Par analogie avec les autres termes musicaux 
employés dans la Bible, sélah ne se lit que dans le 
Psautier et au cantique d'Habacuc. Il manque totale- 
ment au quatrième livre des Psaumes dans le texte 
hébreu et ne se présente que quatre fois dans le cin- 
quième. Cette anomalie s'explique de la même manière 
•que l'absence aux mêmes livres du Psautier d'une autre 
•indication musicale lamnaséah, qui par contre se 
trouve fréquemment dans les autres livres, voir Chef 
des chanteurs, t. il, col. 646; par le fait que la collec- 
tion des cinq livres des Psaumes n'a pas été faite dans 
les mêmes circonstances de temps et de lieu. Quant à 
l'usage de cette indication dans la Bible, il faut re- 
connaître que, laissée de côté ou employée arbitraire- 
ment par les copistes ou les traducteurs, à mesure que 
les traditions musicales et la signification des termes 
■spéciaux tombaient dans l'oubli, non seulement elle ne 
marque plus exactement les divisions strophiques, 
mais encore elle se lit parfois à contre-sens. Voir Ps. lv 
(liv), 20; lvii (lvi), 4; lxvii (lxvi), 2; lxxxvh (lxxxvi), 
•6; Hab, m, 3,9. 



Conclusion. — Sélah doit être considéré comme 
une sorte de rubrique musicale, destinée à marquer 
les divisions des strophes et les pauses du chant psal- 
mique, pauses remplies, dans la liturgie du Temple, 
par le jeu des instruments, et au défaut de ceux-ci 
par une modulation vocale ou un refrain. Dans la 
liturgie chrétienne, le diapsalma servit à la division 
des psaumes en sections. Il n'en est pas fait usage 
dans la psalmodie romaine. J. Parisot. 

SÉLA' HAM-MAHLEKÔT.nom hébreu du rocher 
appelé par les Septante raTpà ^|j.Epitj6eïi7» et par la 
Vulgate : Petra dividens. I Sam. (Reg.), xxm, 28. Voir 
Pierre 5, 3», col. 415. 

SELAHI (hébreu : Seilkî; Septante : SaXî), père de 
la reine Azuba, qui fut la mère de Josaphat, roi de Juda. 
II Par., xx, 31. Voir Azuba 1, t. I, col. 1311. 

SÉLAi'TES (hébreu : haS-Ëêldnî; Septante : ô Sr;- 
Xwvi), descendants de Séla, fils de Juda et petit-fils de 
Jacob. Num., xxvi, 20. Voir SélaI. 

SELCHA (hébreu : Salkâh; Septante : 'EXxâ- 
SeXà), ville de la tribu de Gad. Deut., m, 10; I Par., 
v, 11. Ce nom est écrit ailleurs Salécha. Voir Salécha, 
col. 1369. 

SELDEN John, jurisconsulte et érudit protestant 
anglais, né à Salvington, dans le comté de Sussex, le 
16 décembre 1584, mort le 30 novembre 1654. Il fut un 
des hommes les plus instruits de son temps dans les 
antiquités sacrées et profanes. Il publia de nombreux 
ouvrages écrits eri-latin et en anglais. Après sa mort, 
Wilkins recueillit ses Opéra omnia, 3 in-f», Londres, 
1726, parmi lesquelles on remarque : De diis Syris 
syntagmata duo (1617), sur les fausses divinités adorées 
en Syrie et mentionnées dans l'Écriture ; De successione 
in bona defuncti ad leges Ebrseorum, publié en 1631 ; 
une nouvelle édition de cette œuvre imprimée en 1636 
contenait en plus De successione in pontificatum Ebrseo- 
rum, et le tout fut retouché dans une autre édition 
en 1638 ; De jure naturali et gentium juxta disciplinant 
Ebrssorum libri septem, 1640; Vxor hebraica; seude 
nuptiis et divortiis ex jure civili,id est, divino et tal- 
mudico, veterum Ebrœorum 1res libri, 1646; De sy- 
nedriis et prsefecturis juridicis veterum Ebrseorum, 
1650. Il y a accepté avec trop de crédulité les dires des 
rabbins. La plupart de ces ouvrages sont à V Index. On 
trouve sa biographie dans l'édition de ses Œuvres par 
Wilkins. 

SÉLÉB1N (hébreu : Sa'âlbîn; Septante : SaXaiuV), 
ville de la tribu de Dan. Jos., xix, 42. Son nom est 
écrit ailleurs Salébim. Jud., i, 35; III Reg., iv, 9. Voir 
col. 1369. 

SÉLEC (hébreu : Séléq; Septante : EeXt), I Par., Xi, 
39), Ammonite (Vulgate : de Ammoni, dans II Reg. 
(Sam.), xxm, 27), un des vaillants soldats de David, 
II Reg. (Sam.), xxm, 27; I Par., xi, 39. 

SÉLÉMIA, SÉLÉMIAS (hébreu': Sélémydhû; dans 
Jer., xxxvii, 4, 13; I Esd., x, 39; II Esd., m, 30; sin, 
13, Sélémyâh, « récompensé par Yah »; Septante : 
SeXejiïai;, 2eXe|xi'a), nom, dans le texte hébreu, de neuf 
Israélites. Dans la Vulgate, le nom de deux d'entre eux 
est écrit Salmias, I Esd., x, 39 (voir col. 1379), et 
Sélémiaû, I Esd., x, 41. 

1. SÉLÉMIA, portier du Temple de Jérusalem. 
I Par., xxvi ; 14. Il est appelé ilésélémia I Par., xxvi, 
1, 2, t. îv, col. 1021; Mosollamia, I Par., ix, 21, t. iv, 



4579 



SÉLÉMIA — SELEUCUS I er NIGATOR 



1580 



col. 1323; et aussi, d'après plusieurs, Sellura, I Par., 
IX, 17, 31; I Esd., H, 42; x, 24; II Esd., vu, 45. Voir 
Sellum 9, col. 1585. Cf. Mésélémias, t. rv,-col. 1021. 

2. SÉLÉMIAS, père d'Hananias, qui rebâtit une partie 
des murs de Jérusalem du temps de Néhémie. II Esd., 
m, 30. Voir Hananias 6, t. m, col. 415. 

3. SÉLÉMIAS, prêtre qui fut chargé avec quelques 
autres par Néhémie de la garde des greniers ou maga- 
sins qui contenaient les dîmes de froment, de vin et 
d'huile offertes par les Israélites. II Esd., xm, 13. 

4. SÉLÉMIAS, fils de Chusi et père de Nathanias. 
Jer., xxxvi, 14. Voir Nathanias 3, t. iv, col. 1484. 

5. SÉLÉMIAS, fils d'Abdéel, un des personnages qui 
furent chargés par le roi Joakim d'arrêter Baruch et le 
prophète Jécémie qu'ils ne trouvèrent point. Jer., 
xxxvi, 26. 

6. SÉLÉMIAS, père de Juchai, qui vivait du temps 
du prophète Jérémie, xxxvu, 3; xxxvm,l. Voir Juchal, 
t. m, col. 1755. 

7. SÉLÉMIAS, fils d'Hananias et père de Jérias. Ce 
dernierjarrêta Jérémie sortant de Jérusalem. Jer., xxxvu 
12. Voir Jérias, t. m, col. 1281. 

SÉLÉMIAU (hébreu : Sélémyâhû; Septante : 2e).e- 
[ifa), descendant de Bani. Il avait épousé une femme 
étrangère. Esdras le força à la répudier. I Esd., x, 41. 

SELÉMITH (hébreu : Selômôf fkerî : Selômif]; 
Septante : SaXo>|xto6), lévite, descendant d'Éliézer et 
de Moïse. Sous le règne de David, il fut chargé avec ses 
frères de la garde des trésors des choses saintes. Son 
père s'appelait Zéchri. I Par., xxvi, 25, 26, 28. 

SÉLEPH (hébreu : Sâlâf; Septante : 2e)io), père de 
Hanun. Ce dernier vivait du temps d'Esdras et fut un 
de ceux qui travaillèrent au relèvement des murs de 
Jérusalem. II Esd., m, 30. 

SÉLÉTHAI (hébreu : SUfaï; Septante : S«>a6î),le cin- 
quième fils de Séméi, de la tribu de Benjamin, un des 
chefs de famille qui habitèrent Jérusalem. lPar., vm, 20. 
-'-Un autre Israélite qui porte en hébreu le même nom 
est appelé parla Vulgate Salathi. Voir Salathi, coi. 1368. 

SÉLEUCIDES. On donne ce nom à la dynastie 
royale fondée par Séleucus, un des généraux d'Alexan- 
dre le Grand. Elle régna depuis l'an 312 jusqu'à l'an 65 
avant J.-C. Antioche fut la capitale du royaume des 
séleucides. L'étendue de ce royaume varia aux diverses 
époques de son histoire. La Palestine en fit partie pen- 
dant un certain temps, et les Juifs adoptèrent l'ère dite 
des Séleucides qui est usitée dans les livres des Macha- 
bées. Voir Ère des Séleucides, avec la chronologie 
des rois de cette dynastie, t. Il, col. 1906-1908. Les rois 
séleucides nommés par leur nom ou désignés sans 
être nommés expressément dans l'Ecriture sont: Séleu- 
cus I er Nicator, Antiochus II Théos, Séleucus II Calli- 
nicus, Séleucus III Céraunus, Antiochus 111 le Grand, 
Séleucus IV Philopator, Antiochus IV Épiphane, Antio- 
chus V Eupator, Démétrius I er Soter, Alexandre I er 
Bala, Démétrius II Nicator, Antiochus VI Dionysios» 
Tryphon et Antiochus VII Sidétes. Voir ces noms. — 
Voir Reineccius, Familiœ Seleucidarum, in-8°, Wit- 
temberg, 1571 ; Fay- Vaillant, Seleucidarum Imperium, 
2 e édit., La Haye, 1732; Frœlich, S. J., Annales com- 
pendiarii regum et rerum Syrise nummis veteribus 
illttslrati, Vienne, 1744; Id., De fontibus historiés Sy- 



rise in libros Machabœorum Prolusio in examen vo- 
cata, Vienne, 1746 (contre E. F. Wernsdorff, Prolusio 
de fontibus historiée Syrise in libris Machabseorum, 
Leipzig, 1746); P. Gardner, Catalogue of Greek Coins. 
The Seleucid Kings of Syria, in-8°, Londres, 1878; 
E. Babelon, Les rois de Syrie, in-4°, Paris, 1890; 
J. N. Strassmaier, Einige chronologischen Daten aus 
astronomischen Bechnungen, dans la Zeitschrift fur 
Assyriologie, t. vu, Berlin, 1892, p. 201-202; E. R. Be- 
van, The House of Séleucus, 2 in-8», Londres, 1902; 
B. Niese, Geschichte der griechischen und makedonis- 
chen Staaten aus der Schlacht bei Cheronsea, 3 in-8°, 
Gotha, 1893-1903 ;Kaerst, Geschichte des hellenistischen 
Zeitalters, in-8», Leipzig, 1901. 

F. Vigotjroux. 
SÉLEUCIE (grec : 2e>eûxeia), ville de Syrie 
(iig. 338). Elle reçut son nom de son fondateur, Séleu- 




338. — Monnaie de Séleucie Piéria. 
Tète laurée d'Auguste à droite. — fi). ZEAETKEQN THS IEPAS 
KAI ArTOKOMOr. Foudre posé sur un coussinet muni de 
bandelettes que supporte un trône. 

eus I er Nicator, qui la construisit presque en même 
temps qu'Antioche, sa capitale, afin qu'elle lui servît 
de port de mer, en 300 avant J.-C, non loin et au 
nord de l'embouchure de l'Oronte. Pour la distinguer- 
de plusieurs autres villes qui portèrent également le 
nom de Séleucie, on l'appela aussi Seleucia ad Mare, 
■î] 7tapa8a).auo-ca, I Mach., xi, 8, à cause de sa situation 
sur la Méditerranée, et Seleucia Pieria, à cause du 
voisinage du mont Piérius. C'était une place très forte- 
qui n'était facilement accessible que par la mer, et sa 
position entre Cypre, la Cilicie et la Phénicie, aux 
portes d'Antioche, en avait fait un centre de commerce- 
très important sous la domination des Séleucides et 
puis des Romains. C'était pour elle la source de- 
grandes richesses et elle fut remarquable parla beauté- 
de ses monuments. Elle comprenait la ville commer- 
çante, la ville royale, la forteresse et une nécropole 
taillée dans le roc avec de nombreux tombeaux. Sous la- 
domination romaine, elle devint ville libre, urbs libéra. 
Pline, H. N., v, 18. Elle fut prise par le roi d'Egypte 
Ptolémée Évergète, I Mach., xi, 8, mais reconquise par- 
Antiochus Épiphane. Elle tomba au pouvoir des Ro- 
mains en 64 avant J.-C. et continua à être très floris- 
sante sous leur administration. Saint Paul s'y embarqua 
avec Barnabe à son premier voyage de mission pour 
l'île de Cypre. Act., xm, 4. Elle conserva de l'impor- 
tance jusqu'au vi e siècle de notre ère. On n'en voit plus 
que les ruines au nord-ouest du port de Soueidiéh, près 
du village de Kepse. F. Vigodroux. 

SÉLEUCUS (grec : Eêàe-j^oc), nom de plusieurs 
rois de Syrie. Voir Séleucides. Un seul, Séleucus IV 
Philopator, est désigné nommément dans l'Écriture,, 
mais trois autres, Séleucus I", II et III, sont prophé- 
tisés par Daniel. 

1. SÉLEUCUS I er NICATOR, fondateur de la dynastie 
des Séleucides (fig. 339). Il était né en 354 avant J.-C. 
et fut d'abord un des lieutenants d'Alexandre le Grand. 
A la mort du conquérant, il reçut seulement, en 323, 
le commandement de la cavalerie alliée, mais s'étant 



1581 



SÉLEUCUS 1" NICA.TOR — SELEUCUS IV PHILOPATOR 



1582 



uni avec Antigone, surnommé le Cyclope, qui avait 
obtenu le gouvernement de la Lydie, de la Phrygie et 
de la Pamphylie, et qui disputait à Perdiccas la puis- 
sance suprême, il réussit à obtenir la province de Ba- 
bylonie (320), après la défaite d'Eumène, qui combat- 
tait pour la cause de Perdiccas. Il la perdit cependant 
en 315, mais il la recouvra après avoir remporté une 
victoire à Gaza (312) et obtint en plus en 311 l'Assyrie 
et la Médie, et ensuite la Perse et la Bactriane jusqu'à 
l'Indus à l'est. Il prit le titre de roi en 306. Le gain 
de la bataille d'Ipsus en 301 lui valut la confirmation 
de ce titre et la possession de la Syrie, de la Phrygie, 
de l'Arménie et de la Mésopotamie. La défaite de Lysi- 
maque en 282 à Cyropédion lui permit d'ajouter à son 
empire la Macédoine, la Thrace et ce qu'il n'avait pas 




S39. — Tétradrachme de Séleucus I e ' Nicator. 
Tête de Zeus laurée, â droite. — ù) daeiaeqs | ERAErKOr. 
Athénê brandissant un foudre, debout, sur un cbar traîné, à 
droite, par quatre éléphants cornus. Dans le champ , une ancre, 
le monogramme A et la lettre O. 

encore de l'Asie Mineure. Sept mois après, il fut assas- 
siné par Ptolémée Céraunus, fils de Ptolémée I er , qu'il 
avait reçu à sa cour. — Daniel, xi, 5, avait prédit la grande 
puissance que devait acquérir Séleucus I er : « Le roi 
du midi (d'Egypte), avait-il dit, deviendra fort, mais 
un de ses princes (Séleucus I er ) sera plus fort que lui 
et dominera ; sa domination sera puissante. » Le royaume 
de Syrie fut en effet le plus fort de ceux qui furent 
fondés par les successeurs d'Alexandre. Il faut observer 
du reste que tous les interprètes n'appliquent pas à 
Séleucus I er les paroles de Daniel, mais à quelqu'un 
de ses successeurs. Voir Trochon, Daniel, 1882, 
p. 231. — Séleucus avait été un grand roi. Il avait 
donné à son royaume Antioche pour capitale, fondé ou 
agrandi beaucoup de villes, Séleucie, Apamée sur 
l'Oronte, Laodicée, Édesse, Bérëe. Il établit des Juifs 
à Antioche et dans plusieurs des autres villes qu'il avait 
élevées et leur conféra le droit de cité. Josèphe, Anl. 
jud., XII, m, 1; Cont. Apion., u, 4. 

2. SÉLEUCUS II CALLINICUS (le Victorieux), troi- 
sième roi de Syrie, 246-226 avant J.-C. (flg. 340), fils 




340. — Tétradrachme de Séleucus II Callinicus. 
Tète de Séleucus, à droite, diadémée. — r$. BASlAEQE||£E.\Er- 
KOr. Apollon, nu, debout, à gauche, tenant une flèche et s'ac- 
coudant sur un trépied surmonté de la cortine. Dans le champ, 
deux monogrammes. 

d'Antiochus II Théos et deLaodice. Celle-ci était sœur 
d'Antiochus II. Son frère la répudia en 250 pour 
épouser Bérénice, fille de Ptolémée II, roi d'Egypte. 



Après la mort de Ptolémée, Antiochus II rappela Lao- 
dice, mais irritée contre son mari et voulant protéger 
ses deux fils Séleucus II et Antiochus Hiérax contre 
un nouveau caprice possible de leur père, elle l'em- 
poisonna. Séleucus II monta sur le trône de son père 
et fit assassiner Bérénice et son fils. Le roi d'Egypte, 
Ptolémée III Evergète, voulut venger sa sœur : il enva- 
hit la Syrie et fit périr Laodice en 240. Daniel, xi, 7-9 ; 
avait prophétisé les victoires de Ptolémée III. Voir 
Ptolémée 3, col. 849. Ce roi avait pris Séleucie qui 
resta assez longtemps au pouvoir des Égyptiens. Séleu- 
cus II chercha plus tard à prendre sa revanche et 
entreprit une expédition contre l'Egypte, mais sa ten- 
tative échoua. L'empire séleucide se démembra sous 
son règne : Antiochus Hiérax, son frère, se créa un 
royaume en Asie Mineure; la Perse reprit son indé- 
pendance sous Arsace : la Bactriane sous Théodote. Il 
fut enfin vaincu par les Parthes et mourut, dil-on, 
prisonnier, mais la fin de son règne est mal connue. 

3. SÉLEUCUS lil CÉRAUNUS (le Foudre), quatrième 
roi de Syrie, 226-222 avant J.-C. (flg. 341), fils de Sé- 




341. — Monnaie de Séleucus III Céraunus. 
Tête diadémée de Séleucus III Céraunus, avec des favoris. — 
ft). BASIAEQS lEAErKOr. Apollon, nu, la tête laurée, assis 
à gauche sur l'omphalos, sa chlamyde sous lui et ramenée sur 
la jambe droite. Ses cheveux, relevés en chignon, retombent 
en tresse sur ses épaules. Dans la main droite étendue il tient 
une flèche et de l'autre il s'appuie sur son arc posé à terre. 
Dans le champ, deux monogrammes. 

leucus II et frère d'Antiochus III le Grand. Daniel, xi, 
10, dit en parlant des deux frères': « Ses fils (de Sé- 
leucus II) se mettront en campagne contre l'Egypte. » 
Séleucus III, d'après ce que l'on sait de son court règne, 
ne combattit pas directement contre l'Egypte, mais 
il fit contre l'Asie Mineure une expédition qui peut 
être considérée comme le commencement de la guerre 
égyptienne. Il périt empoisonné par deux de ses offi- 
ciers au cours même de son expédition asiatique. Voir 
Trochon, Daniel, in-8°, Paris, 1882, p. 233. 

. 4. SÉLEUCUS IV PHILOPATOR, roi de Syrie, 187- 
175 avant J.-C, fils d'Antiochus III (fig. 342). Il est le 
seul des Séleucus désigné par son nom dans l'Écriture. 
I Mach., vu, 1; II Mach., m, 3; iv, 7; v, 18; xiv, 1. 
Daniel, xi, 20 (d'après le texte hébreu), résume ainsi 
son règne sans le nommer : « Celui qui le remplacera 
(Antiochus III) fera venir un exacteur (Héliodore) dans 
la gloire du royaume (la Palestine), et en quelques 
jours il sera brisé et ce ne sera ni par la colère ni par 
la guerre. » La traduction de la Vulgate ne rend pas 
exactement la première partie du texte original : « Un 
homme très vil et indigne de la majesté royale s'élè- 
vera à sa place et en peu de jours il sera brisé, non par 
la colère ni dans le combat. » Le qualificatif « très 
vil » n'est ni dans l'hébreu ni dans les Septante. Le peu de 
jours qui suffirent pour le briser ne doit pas s'entendre 
de la durée totale de son règne, qui fut de douze ans, 
mais du temps qui s'écoula entre le pillage du Temple 
de Jérusalem, lequel devait le rendre particulièrement 
odieux aux Juifs, et son assassinat. Le premier livre des 



1583 



SÉLEUCUS IV PHILOPATOR — SELLUM 



1584 



Machabées, vh,1; et II Mach., xiv, 1,1e nomment seule- 
ment comme père de Démétrius I er Soter; mais II Mach., 
raconte en détail l'acle de cupidité qui avait si profon- 
dément blessé tout Israël. Séleucus IV, accablé sous le 
poids du tribut que les Romains avaient imposé à son 
père, I Mach., vin, 7, cherchait partout avec rapacité 
à ramasser de l'argent. Il avait d'abord, sous le pontificat 
d'OniasIII, contribué aux dépenses des sacrifices offerts 
dans le Temple. II Mach., m, 3. Plus tard, à l'instigation 




342. — Tétradrachme de Séleucus IV Philopator. 
Tète de Séleucus à droite diadémée. — r). BAEIAEQS EEAEr- 
Kor.- Apollon, nu, assis à gauche, les cheveux relevés en 
chignon, la main droite tenant une flèche, la gauche appuyée 
sur un arc. Dans le champ à gauche, une palme et une cou- 
ronne. 

d'Apollonius, gouverneur de la Cœlésyrie, voir Apol- 
lonius 4, 1. 1, col. 777, il envoya Héliodore à Jérusalem 
pour en piller le trésor sacré, mais une intervention 
miraculeuse empêcha son envoyé d'accomplir sa mis- 
sion. II Mach., m, 4-40; v, 18. Plus tard, Séleucus IV 
périt assassiné par cet Héliodore. Appien, Syriac. 45. 
Voir Héliodore, t. m, col. 570-571. A part cette tenta- 
tive de rapine, il s'était montré bienveillant pour les 
Juifs, dans l'espoir sans doute de s'en faire des auxi- 
liaires contre les Ptolémées d'Egypte. 

F. Vigouroux. 
SÉLIM (hébreu : Silhîm; Septante : Sa).vi), ville de 
la tribu de Juda. Jos.,xv, 32. Elle apparaît sous le nom 
de Sarohen dans Jos., xix, 6, et de Saarim dans I Par., 
iv, 31. Voir Sarohen, col. 1492; Saarim, col. 1284. 

1. SELLA (hébreu :Silldh; Septante: EeXXâ), seconde 
femme de Lamech. Gen., IV, 19. Elle fut la mère de 
Tubalcaïn et de Noéma, j>. 22. La Genèse, i. 23-24, a 
conservé un chant adressé par Lamech à ses deux 
femmes. Voir Lamech, 1, t. iv, col. 41. 

2. SELLA (hébreu : Silld';- Septante : SeXâ). Le roi 
de Juda, Joas, fut assassiné par Josachar et Jozabad, 
ses serviteurs, « dans la maison de Mello, qui est à la 
descente de Sella. » IV Reg., xii, 20. Le site est incer- 
tain. Voir Mello 2, t. iv, col. 948. 

SELLAI (hébreu : Sallaï), nom de deux Israélites. 

1. SELLAI (Septante : E»|AÉ), un des chefs benjamites 
qui s'établit à Jérusalem après le retour de la captivité 
de Babylone avec 928 Israélites de sa tribu. II Esd., 
xi, 8. 

2. SELLAÏ (Septante : EaXa'i), un des chefs des 
prêtres qui retournèrent en Palestine avec Zorobabel. 
II Esd., xu, 20. Au j>. 6 (hébreu, 7), il est appelé 
Sellum. 

SELLE DE CHAMEAU (hébreu : kar hag-gâmâl; 
Septante : aâ-(\La-ca. tï,ç xaiiïjXov; Vulgate : stramenta 
cameli), appareil à l'usage des femmes qui voyagent à 
dos de chameau. Voir t. u, fig. 179, col. 523. Cette selle 



ne se compose pas seulement de tapis, comme le dit la 
Vulgate; ce sont des <sâyy.aT a, tout un attirail permettant 
d'être assis commodément et peut-être aussi à l'abri du 
soleil. En Perse, en Egypte, on se sert de selles de ce 
genre. A des espèces d'anneaux fixés de chaque côté, 
sont attachés des rideaux qui dérobent la voyageuse 
aux regards et la préservent de la chaleur. Cf. Kœmpfer, 
Amœnitat. exolic, Lemgow, 1712, p. 724; Rosenmûller, 
In Gènes., Leipzig, 1795, p. 275. — Quand Laban pour- 
suivit Jacob et ses filles, il réclama ses téraphim qu'on 
lui avait dérobés. Rachel les avait emportés, en effet, et 
les avait cachés dans son kar. Cette selle ne comportait 
vraisemblablement pas de pavillon, car on l'avait mise 
dans la tente de Rachel qui s'était assise dessus. Mais 
le siège avait assez d'ampleur pour qu'à l'intérieur on 
pût cacher certains objets. En tous cas, ce n'était pas 
une selle plate ou pleine, comme celle qui servait pour 
les chevaux. Gen., xxxi, 34, 35. On mettait aussi des 
selles aux chameaux pour leur faire porter des fardeaux, 
mais il n'en est pas question dans la Bible. 

H. Lesêtre. 
SELLEM (hébreu : Sillêm; Septante : SeXXyJu.), 
quatrième et dernier fils nommé de Nepthali, chef de 
la famille des Sellémites, petit-fils de Jacob. Num., 
xxvi, 49. Son nom est écrit Sallem (col. 1374), Gen., 
xlvi, 24, et Sellum, I Par., vu, 13. 

SELLÉMITES (hébreu : has-Sillêmî ; Septante : h 
SeXXr]u,i), descendants de Sellem. Num., xxvi, 49. 

SELLÉS (hébreu : Sêlés; Septante : EeXXr,;), le 
troisième (d'où peut-être son nom) des quatre fils d'Hé- 
lem, delà tribu d'Aser. I Par., vu, 35. 

SELLUM, nom dans la Vulgate de quinze Israélites. 
Le nom de Sellum 13, 14, 15 est écrit différemment en 
hébreu. 

1. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : Ee).).o-V),roi 
d'Israël (772). Zacharie, fils de Jéroboam II, régnait 
depuis six mois à Samarie, lorsque Sellum, fils de 
Jabès, le frappa à mort devant le peuple, à la suite d'une 
conspiration, et occupa le trône à sa place, la trente- 
neuvième année d'Ozias, roi de Juda. Il ne régna qu'un 
mois et subit lui-même le sort qu'il avait infligé à son 
prédécesseur. Il fut assassinée Samarie par Manahem, 
fils de Gadi, qui prit sa place. IV Reg., xv, 10-15. C'est 
tout ce que l'on sait de Sellum. Osée, vil, 3-7, fait 
allusion au règne sanglant et rapide de Sellum. Cf. Van 
Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, 
p. 72. H. Lesêtre. 

2. sellum (hébreu : Sallûm; Septante : SeaXoûuJ, 
le plus jeune fils de Nephthali. I Par., vu, 13. Il est 
appelé Sallem, Gen., xlvi, 24, et Sellem, Num., xxvi, 
49. Voir Sellem. 

3. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : 2eXX>î[i), 
fils de Thécua, mari de la prophétesse Holdah, du 
temps du roi Josias. Il était gardien des vêtements sa- 
cerdotaux. IV Reg., xxii, 14; II Par., xxxiv, 22. Plu- 
sieurs croient qu'il est le même que l'oncle de Jérémie 
de ce nom. Jer., xxxn, 7. 

4. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : EaXoûp), 
fils de Sisamoï et père d'Icamia, de la tribu de Juda, 
descendant de Sésan. I Par., Il, 40-41. 

5. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SaXotifi), 
fils de Joas, roi de Juda. I Par., m, 15; Jer., xxil, 11. 
Il fut roi de Juda, sous le nom de Joachaz. Voir Joa- 
chaz2, t. m, col. 1549. 



1585 



SELLUM _ SEM 



1586 



6. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SœXén), fils 
<ie Saiil et père de Mapsam, de la tribu de Siméon. 
I Par., iv, 25. 

7. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SaXcôp.), 
fils de Sadocet père d'Helcias, de la descendance d'Aa- 
ron, et grand-prêtre. I Par., vi, 12-13. Il est appelé 
Mosollam, I Par., ix, 11; II Esd., xi, 11. Voir Mosol- 
lam 6, t. iv, col. 1321. Cf. Grand-prêtre, t. m, col. 305, 
n° 26. Il fut un des ancêtres d'Esdras le scribe. I Esd., 
vu, 27. 

8. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SocV^p.), 
lévite, fils de Coré, chef des portiers chargés de la 
garde du sanctuaire du temps de David. I Par., ix, 17, 
19, 31. C'est vraisemblablement le même dont les des- 
cendants retournèrent de la captivité de Babylone à 
Jérusalem avec Zorobabel. I Esd., Il, 42; II Esd., vu, 
46. 

9. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SeXXrm), 
père d'Ezéchias l'éphraïmite. Il Par., xxvm, 12. Voir 
ëzéchias 3, t. il, col. 2148. 

10. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : So).^), 
lévite, un des portiers du temple de Jérusalem qui fut 
obligé du temps d'Esdras de renvoyer la femme étran- 
gère qu'il avait épousée. I Esd., x, 24. 

11. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : SeXXouja), 
prêtre de la descendance de Bani qui avait épousé une- 
femme étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer. 
I Esd., x, 42. 

12. SELLUM (hébreu : Sallûm; Septante : EaXXoûy.), 
fils d'Alohès. Du temps de Néhémie, il rebâtit avec ses 
filles une partie des murs de Jérusalem. 11 est appelé 
«hef de la moitié du district (hébreu : pélek) de Jéru- 
salem. II Esd., m, 12. 

13. SELLUM (hébreu : Sallûm ;Se])lante : EaXa>|i<iv), 
fils de Choloza, chef d'un district (hébreu : pélek) de 
Maspha, travailla du temps de Néhémie à la recons- 
truction de Jérusalem. Il répara la porte de la Fontaine 
(voir Jérusalem, plan, au sud-est, flg. 249, t. m, col. 1355- 
4356) et fit le mur de l'étang de Siloé. II Esd., m, 15. 

14. SELLUM (hébreu : Sallu' ; Septante : Sr^ti), ben- 
jamite, fils de Mosollam, qui s'établit à Jérusalem au 
retour de la captivité de Babylone. II Esd., XI, 7. La 
Vulgate écrit son nom Salo. I Par., IX, 7. Voir Salo, 
•col. 1379. 

15. SELLUM (hébreu : Sallû; Septante : SaXo-j), 
prêtre qui retourna de captivité en Palestine. II Esd., 
-xii, 6 (hébreu, 7). Au y. 20, il est appelé Sellai. Voir 
"Sellai 2, col. 1583. 

SELMAI (hébreu : Salmâï; Septante : SsXtisi), un 
des chefs des Nathinéens dont les descendants retour- 
nèrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. II Esd., 
•vu, 48. Dans I Esd., n, 46, la Vulgate écrit son nom 
"Semlaï. 

1. SELMON (hébreu : Salmôn; Septante : 'EXXwv), 
Ahonite (voir t. i, col. 296), un des vaillants guerriers 
de David. II Sam. (Reg.), xxm, 28. Dans I Par., xi, 29, 
il est appelé Haï. Voir Ilaï, t. m, col. 841. 

2. SELMON (hébreu : Salmôn; Septante : EsXpLciv; 
Alexandrinus et manuscrit du Vaticanus : 'Epu.wv), 
montagne boisée des environs de Sichem où Àbimélech 
coupa les branches d'arbre qui lui servirent à mettre le 



feu à la tour de Sichem, faisant ainsi périr mille per- 
sonnes qui s'y étaient réfugiées. Jud., ix, 48. Voir Abi- 
mélech 3, 1. 1, col. 57. On donne aujourd'hui le nom de 
Suleimiyéh à la partie sud-est du mont Ilébal. Voir 
Rosen, Zeitschrift der deutschen morgenlàndischen 
Gesellchaft, t. xiv, p. 634. — Le nom de Selmon se 
retrouve dans un passage difficile du Ps. Lxvn (hébreu 
lxviii), 14, qu'on interprète diversement. On peut tra- 
duire le texte hébreu : « Quand le Tout-Puissant dis- 
persa les rois, la terre devint blanche comme la neige 
du Selmon. » L'événement auquel le Psalmite fait allu- 
sion est incertain; une des explications qui paraissent 
les plus vraisemblables de la métaphore de la neige est 
que les osssements desséchés des ennemis vaincus blan- 
chirent le sol comme la neige sur le Selmon. Cf. JEn., 
XII, 36 : campi ossibus albent; Ovide, Fast., i, 558; 
humants ossibus albet humus. Certains interprètes 
placent le Selmon du Psalmiste dans le pays de Basan, 
où Ptolémée, v, 15, mentionne le mont Asalmanos et 
voient dans ce paysage une allusion à une victoire 
remportée sur Og, roi de Basan, à l'entrée des Hébreux 
dans la Terre Promise. Voir H. Guthe, Kurzes Bibel- 
wôrlerbuch, 1903, $.738. 

SELOMITH (hébreu : Selômît; Septante : 2eÀiu.oû8), 
chef de famille dont les descendants, au nombre de 
cent soixante hommes, retournèrent en Palestine avec 
Esdras sous là conduite de Josphia. I Esd., vm, 10. La 
leçon des Septante est différente. Voir Josphia, t. m, 
col. 1684. — D'autres personnes portent en hébreu le 
même nom. Voir Salomith, col. 1382. 

SELSAH, localité de la frontière méridionale de la 
tribu de Benjamin. Samuel dit à Saùl cherchant les 
ânesses de son père : « Quand tu m'auras quitté, tu 
trouveras deux hommes près du tombeau de Rachel à 
Selsa/f. » Les Septante ont traduit Selsah par àXXo(j.évooç 
HeydXa, «courant vite»; Vulgate : inmeridie, «aumidi». 

I (Reg.) Sam., x,8. Le tombeau de Rachel se trouve sur 
la route de Jérusalem à Belhléhem, non loin de cette 
dernière ville. Voir B. Meistermann, Nouveau Guide 
de Terre Sainte, 1907, p. 209. Certains commentateurs 
placent Selsah au village actuel de Beit Djala, mais les 
opinions sont très partagées sur ce point; l'exacte 
correction du texte actuel est révoquée en doute et la 
diversité des traductions anciennes rend bien difficile 
de trancher le problème. "VoivZeitschrift des deutschen 
Palâstina-Vereins, t. IV, p. 249. 

SEM (hébreu : Sêm, « nom »; Septante. 2ïj|i), fils 
de Noé. Gen., v, 32. Il se maria à l'âge de 98 ans et, 
au moment du déluge, il n'avait pas encore d'enfant. 

II entra dans l'arche avec sa femme, son père, ses 
frères et ses belles-sœurs et quand la terre fut dessé- 
chée et qu'il fut sorti de l'arche, il reçut la bénédiction 
de Dieu en même temps que son père et ses frères. 
Gen., ix, 1. A l'âge de cent ans, il eut un fils appelé 
Arphaxad et plus tard d'autres enfants. Gen., xi, 10. 
Le respect qu'il témoigna pour son père que l'ivresse 
avait fait tomber dans un état de sommeil indécent, 
lui valut la bénédiction du patriarche, qui bénit aussi 
son autre fils Japhet, mais maudit Cham avec Chanaan, 
fils de ce dernier, parce qu'ils l'avaient tourné en déri- 
sion. Gen., ix, 20-28. Sem mourut à l'âge de 600 ans, 
xi, 10-11. Parmi ses nombreux descendants, x, 21-31; 
xi, 10-26, se trouve Héber, père des Hébreux, ancêtre 
d'Abraham et de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La plu- 
part des commentateurs ont cru que Sem était le fils 
aine de Noé, parce qu'il est nommé le premier, avant 
Cham et Japhet, ses frères, Gen., v, 31; vi, 10; vu, 13j 
îx, 18, 23; xx, 1; quelques-uns cependant soutiennent 
que c'est seulement par honneur qu'il est nommé le 
premier, quoique Gen., x, 1, comme v, 33; vi, 2, 



1587 



SEM — SEMAINE 



1588 



s'entende naturellement de l'ordre chronologique. 
La prophétie de Noé relative à Sem annonce que 
Chanaan, fils de Chain, sera le serviteur ou l'esclave de 
ses frères. Gen., ix, 26. Elle se réalisa d'abord en 
faveur de Sem, quand les Hébreux, ses descendants, 
conquirent la Palestine sous la conduite de Josué. 
Cf. II Par., vm, 8-9. Noé ajoute, f. 27, d'après l'inter- 
prétation commune : « Que Dieu étende (les posses- 
sions de) Japhet et qu'il habite dans les tentes de 
Sem, » ce qui s'explique par la conquête de la Pales- 
tine par les Romains et par la conversion des Gentils. 
Eph., m, 6. Certains interprètes veulent cependant que 
les mots JiabiCet in tabernaculis Sem aient Dieu pour 
sujet et signifient que Dieu habita d'une manière spé- 
ciale au milieu des Juifs, de la race desquels est issu 
Notre-Seigneur. — Sur les pays habités par les descen- 
dants de Sem énumérés dans Genèse, x, 21-31, voir les 
articles qui leur sont consacrés. — Le nom de Sem, en 
dehors de la Genèse, ne se lit plus que dans I Par., i, 
4, 17, 24; Eccli., xlix, 12, et dans la généalogie de 
Jésus-Christ, Luc, m, 36. 

SEMAATH (hébreu : Sime'df ; Septante : 'IsyLovâO), 
femme ammonite, mère de Josachar, un des deux 



moisson suivraient désormais leur cours régulier. Gen.» 
vm, 22. Il faut semer le matin et encore le soir, car on 
ne sait pas ce qui viendra. Eccle., xi, 6. C'est ce que 
fait le semeur diligent. Matth., xm, 3; Marc, iv, 3; 
Luc, vin, 5 (fig. 343). Voir t. h, fig. 214, col. 603. Mais 
celui qui s'amuse à observer le vent ne sème pas. Eccle., 
XI, 4. Le désert est une région qu'on n'ensemence 
pas, Jer., il, 2, mais on est heureux quand on peut 
semer près des eaux. Is., xxxii, 20. Quand les récolte» 
sont abondantes, les vendanges rejoignent les semail- 
les. Lev., xxvi, 5. Mais il n'en est pas toujours ainsi. 
Si l'Israélite est infidèle à Dieu, il sème en vain, Lev., 
xxvi, 16; il sème du froment et récolte des épines, 
Jer., xii, 13; il sème et ne récolte pas, Mich., vi, 15; il 
sème beaucoup et récolte peu. Agg., I, 6. En général, 
on moissonne ce qu'on a semé, Gai., VI, 8; Il Cor., rx, 
6. Le semeur n'est pas toujours celui qui moissonne, 
mais tous deux ont droit au salaire, Joa., IV, 36, 37, 
d'autant plus que le semeur n'a que de la peine, et 
que l'on sème dans les larmes tandis que l'on mois- 
sonne dans l'allégresse. Ps. cxxvi (cxxv), 5. Joseph 
donna aux Egyptiens du grain pour faire leurs semail- 
les. Gen., xlvii, 23. En Egypte, on faisait piétiner par 
des troupeaux le champ ensemencé. Voir t. n, fig. 263, 




# 




343. — Les semailles en Egypte. A gauche : 1. Un Égyptien met la semence dans une corbeille ; 2. Un autre ensemence le champ r 
3. Un troisième laboure le champ avec une paire de bœufs, précédé d'un chien. — D'après Wilkinson, A popular Account 
ofthe ancient Egyptians, 1854, t. n, p. 40, fig. 366. 



meurtriers de Joas, roi de Juda. IV Reg., xn, 21; 
II Par., xxiv, 26. Dans ce dernier passage, Josachar 
est appelé Zabad. Voir Josachar, t. m, col. 1647. 

SÉMAIA, nom de deux Israélites, que la Vulgate a 
écrit exceptionnellement ainsi, au lieu de Séméia. Voir 
Séméias. 

1. SÉMAIA (hébreu: Sema 'eyâh; Septante : Ei^ai'a),- 
fils de Séchénias, gardien de la porte orientale de Jé- 
rusalem, au retour de la captivité. Il travailla à la 
réparation des murs de la ville sous Néhémie. II Esd., 
m, 29. 

2- SÉMAIA (hébreu : §emi'eyâh ; Septante : Esus'i), 
fils de Dalaïa, faux prophète, soudoyé par Tobie et 
Sanaballat afin d'empêcher Néhémie de restaurer les 
murs de Jérusalem après le retour de la captivité de 
Babylone. Il conseilla à Néhémie de s'enfermer dans 
le Temple pour échapper à une conjuration imaginaire, 
mais il ne réussit pas à le tromper et son piège fut 
déjoué. II Esd., vi, 10-13. 

SEMAILLES (hébreu : zéra' ; Septante : c-ip|iï, 
oitôpo;; Vulgale : semenlis), opération agricole consis- 
tant à jeter la semence dans le sol. — En Palestine, les 
semailles suivaient la première pluie, qui commence 
en octobre et devient plus fréquente en novembre. 
Cette pluie ameublissait le sol et permettait le labour 
préparatoire aux semailles. En mars et en avril, la 
seconde pluie arrosait le grain déjà en herbe, Is., xxx, 
23; d'elle dépendait la moisson. Voir Pluie, col. 472. — 
1» Après le déluge, Dieu promit que les semailles et la 



col. 694. Job, xxxi, 8, demande que, s'il est coupable, 
un autre récolte ce qu'il a semé. — 2° La Loi ne permettait 
de faire les semailles que pendant six ans consécutifs; 
la septième année ou année sabbatique, la terre se 
reposait. Exod., xxm, 10; Lev., xxv, 3. On ne devait 
pas semer dans le même champ deux espèces de grains- 
mélangés les uns aux autres, Lev., xix, 19, ni semer 
du grain dans une vigne. Deut., xxn, 9. Cette prohi- 
bition était sans doute édiclée pour faire entendre aux 
Israélites qu'ils ne devaient pas eux-mêmes mêler leur- 
race avec celle des étrangers. Le contact du cadavre- 
d'un animal impur ne rendait pas le grain impropre- 
aux semailles, autrement il y aurait eu de trop grande 
dommages causés aux cultivateurs. Mais la souillure 
atteignait le grain sur lequel on mettait de l'eau, c'est- 
à-dire sur celui dont on se servait pour les usages culi- 
naires. Lev., xi, 37, 38. — 3° Au figuré, on sème la dis- 
corde, Prov., vi, 19, la justice, Prov., xi, 18, l'injustice, 
Prov., xxn, 8, ou dans les sillons de l'injustice, Eccli., 
vu, 3, et l'on en récolte les fruits. Job, rv, 8. Le fruit de- 
justice se sème dans la paix. Jacob., m, 18. Qui sème le 
vent récolte la tempête, Ose., vm, 7, c'est-à-dire qui 
pose une cause mauvaise doit s'attendre à des effets de- 
même nature. Les Juifs ont été semés parmi les autres 
peuples. Zach., x, 9. Saint Paul a semé les biens spi- 
rituels. I Cor., IX, 11. Un maître qui entend récolter cfr 
qu'il n'a pas semé est un maître exigeant. Matth., xx\v 
24; Luc, xix, 21, H. Lesètre. 

SEMAINE (hébreu : sabû'â, sabbâf; Septante : 
ééSofii;; Vulgate : hebdomas, hebdomada) , division 
septennaire du temps. 

1» Chez les Égyptiens. — Les Égyptiens partageaient- 



1589 



SEMAINE 



4590- 



leurs mois en trois décades, avec cinq jours complé- 
mentaires â la fin de l'année. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne, t. i, p. 208. Ce n'est donc pas chez eux qu'il 
faut chercher l'origine de la semaine, malgré l'affir- 
mation de Dion Cassius, xxxvh, 18. 

2° Chez les Babyloniens. — Le nombre sept jouait- 
un rôle considérable chez ces derniers. Il figure cons 
tamment dans les monuments, non comme simple abs- 
traction, mais comme la forme consacrée d'importantes 
réalités concrètes. Dans les poèmes chaldéens, les 
périodes septennaires sont beaucoup plus fréquentes 
que les autres. On compte sept planètes et sept grands 
dieux. Cependant, l'association des planètes et des 
dieux ne fut plus tard que le résultat des spéculations 
alexandrines; à Babylone, on n'y songea jamais. Les 
dieux y deviennent les patrons des jours, mais sans 
aucune trace de spécification septennaire. Ainsi, sur 
un calendrier du mois intercalaire Élul, le 12 du mois 
est consacré à Bel et à Beltis, le 13 à la Lune, le 14 à 
Beltis et à Nergal, le 15 à Samas, le 16 à Mardouk et à 
Zirbanit, le 17 à Nébo et à Taâmit, le 18 à Sin et à 
Samaâ, le 19 à Goula. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. West. 
As., t. îv. pi. 32, 33; Schrader, Uer babyl. Vrsprung 
der siebentâgigen Woche, dans Theol. Stud. und Kri- 
tik., 1874, p. 343-353; Die Keilinschriften und das 
A. T., 1883, p. 18-22. Il n'apparaît nullement ici que 
les jours soient divisés par périodes septennaires avec 
des noms distinctifs. On sait aussi que certains sacri- 
fices étaient prescrits et des abstentions commandées 
les 7, 14, 21, 28 du mois, et en plus le 19, c'est-à-dire le 
49 e (7x7) jour après le commencement du mois pré- 
cédent. Voir Sabbat, col. 1292. La division septen- 
naire est ici manifeste; mais elle ne constitue pas 
encore la semaine proprement dite, puisqu'elle reprend 
un nouveau point de départ au début de chaque lunai- 
son. Il n'est point prouvé d'ailleurs que la signitication 
de ces dates ait eu quelque valeur en dehors du domaine 
liturgique. Un manuscrit grec, publié par M. de Mély 
pour l'Académie des sciences, contient la description, 
par le grammairien alexandrin Harpocration, de ce 
qui restait à son époque du Birs Nimroud, restauré par 
Nabuchodonosor. Voir Babel (Tour de), 1. 1, col. 1347. 
La tour se composait de six étages surmontés d'un 
petit sanctuaire, soit en tout sept étages. On accédait au 
sanctuaire par 365 marches, dont 305 en argent et 60 
en or. Les 365 jours de l'année sont donc représentés; 
mais les sept étages figurent les sept dieux ou les sept 
planètes, nullement les sept jours de la semaine. Pour 
que cette dernière fût rappelée clairement, il eut fallu à 
la tour non pas 7, mais 52 étages. En somme, les 
anciens Hébreux purent emporter de Chaldée une 
inclination très accentuée pour les divisions septen- 
naires; rien ne permet d'affirmer qu'ils y aient pris 
la semaine proprement dite, sinon peut-être comme 
coutume particulière à une tribu, mais dont rien 
n'indique l'origine. 

3° Chez les Hébreux. — La semaine est en usage 
chez les Hébreux antérieurement à la législation mo- 
saïque. Exod., XVI, 26. Ceux-ci ne l'ont certainement 
pas empruntée aux Égyptiens. Il la connaissaient donc 
avant d'occuper la terre de Gessen et ont dû régler 
leur vie d'après cette division septennaire, au moins 
tant qu'ils ont joui de la liberté. Il est difficile 
d'admettre que la semaine ait été, à leurs yeux, une 
conséquence de la lunaison. Sans doute, les grands 
luminaires du ciel étaient destinés à marquer te les 
époques, les jours et les années. » Gen.,- i, 14. Dieu 
« a fait la lune pour marquer les temps. » Ps. civ 
(cm), 19. Mais le rôle de cet astre se borne à « indi- 
quer les temps de l'année » et à « donner le signal des 
fêtes. » Eccli., xliii, 6, 7. D'elle dépendent les néomé- 
nies et la date des solennités. Mais les unes et les 
autres demeurent toujours indépendantes de la division 



septennaire, et cette dernière a pour caractéristique de- 
se poursuivre sans discontinuité et d'enjamber sur les 
mois. En cela, elle diffère radicalement de toutes les- 
périodes septennaires des Babyloniens. La semaine 
divise le mois en quatre parties d'une manière trop- 
imparfaite pour en être dérivée directement. Les- 
Hébreux tenaient le nombre sept en aussi grande estime- 
que leurs ancêtres. Voir Nombre, t. iv, col. 1689,1694.. 
Il est donc probable que, l'ayant adopté pour la divi- 
sion du temps, ils appliquèrent le système septennaire- 
beaucoup plus exclusivement que ne l'avaient fait 
leurs devanciers. Moïse consacra cette antique division 
par l'application qu'il en fit au récit de la création. 
Dans le poème chaldéen de la création, v, 17, 18, il 
est question d'un septième et d'un quatorzième jour de 
la lune. Mais la division en sept jours est tout à fait 
inconnue. Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris,. 
1907, p. 61. Moïse est le premier à diviser l'œuvre créa- 
trice en six jours, suivis d'un jour de repos. L'intention 
de donner ainsi une base religieuse à l'institution de 
la semaine est d'autant plus accusée que l'écrivain 
sacré énumère huit œuvres distinctes. Il en réunit deux 
ensemble au troisième et au sixième jour. Il aurait pu 
noter huit jours de création au lieu de six s'il l'avait 
voulu. C'est donc qu'il tenait à faire de la semaine 
divine le type de la semaine hébraïque. Cf. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. ], 
p. 218-235; Durand, La semaine chez les peuples- 
bibliques, dans les Etudes religieuses, 15 juin 1895, 
p. 214-222; Lagrange, Etudes sur les religions sémi- 
tiques, Paris, 1905, p. 292-294; J. Hehn, Siebenzahl 
und Sabbat, Leipzig, 1907. — La division septennaire 
se reproduit sous différentes formes dans le calendrier 
hébraïque. La semaine a sept jours. Les fêles de la 
Pâque et des Tabernacles durent sept jours. Lev., xxm, 
8, 34. Celle de la Pentecôte a lieu sept semaines après- 
le sabbat de la Pâque. Lev., xxm, 15. Pour cette raison, 
on l'appelle la Fête des semaines. Exod., xxxiv, 22; 
Deut., xvi, 10, etc. Les fêtes des Expiations et des- 
Tabernacles sont fixées au septième mois. Lev., XXIII,.. 
27, 34. Dans le Temple, les prêtres et les lévites exer- 
çaient leurs fonctions à tour de rôle par semaines, 
I Par., xxiv, xxv; Luc, 1, 8. La septième année est. 
l'année sabbatique. Voir Sabbatique (Année), col. 1302. 
Sept semaines d'années aboutissent à l'année jubilaire. 
Voir Jubilaire (Année), t. m, col. 1750. Dans sa pro- 
phétie sur le Messie, Daniel, IX, 24-27, compte par- 
semaines d'années. Voir Daniel, t. n, col. 1277. 

4° Chez les Grecs et les Romains. — Les Grecs divi- 
saient leurs mois, alternativement de 30 et de 29jours, 
en trois périodes de dix jours, la troisième n'en ayant 
que neuf dans les mois de 29 jours. Ce système, ana- 
logue à celui des Égyptiens, n'avait rien de commun ■ 
avec la semaine. Chez les Romains, le premier du 
mois portait le nom de calendes; les ides tombaient le 
13 ou le 15, et les nones, huit jours avant les ides. Cette 
division s'inspire approximativement des phases de la 
lune, mais demeure tout à fait étrangère à l'idée de 
semaine. L'usage de la semaine hébraïque ne prévalut 
d'ailleurs que tardivement en Orient; les Arabes eux- 
mêmes l'empruntèrent aux Hébreux. Cf. Schrader, dans 
les Stud. und Kritik., 1874, p. 344. La diffusion du 
christianisme entraîna peu à peu l'adoption de la 
semaine dans le monde gréco-romain. Les chrétiens, 
obligés de férier le dimanche, qui succédait pour eux 
au sabbat hébraïque, ne pouvaient se dispenser de 
diviser les jours en semaines. On garda aux sept jours 
les noms des planètes, à la manière babylonienne. Mais 
le langage chrétien substitua toujours le nom de « jour 
du Seigneur » ou dimanche à celui de « jour du soleil ». 
Voir Dimanche, t. n, col. 1430. Cf. Martigny, Dict. des 
antiq. chrél., Paris, 1877, p. 729. En grec, le mot 
è6Soji.â; désigne soit le nombre sept, soit un groupe- 



1591 



SEMAINE — SÉMÉI 



1592 



quelconque de sept, soit une période de sept jours. Il 
ne prend le sens de semaine que dans les Septante. Il 
■en est de même du latin hebdomas, qui désigne une 
simple période de sept jours quelconques dans le latin 
classique. Le mot septimana, d'où vient « semaine », 
appartient à la basse latinité. H. Lesêtre. 

SEMAINES (FÊTE DES), un des noms de la fête 
de la Pentecôte. Exod., xxxiv, 22; Deut., xxi, 10. Voir 
Pentecôte, col. 119. Elle était ainsi appelée, parce 
qu'elle se célébrait sept semaines après la Pâque. 

SÉMARITH (hébreu : Simrit; Septante :2afiapr|8), 
femme moabite, mère de Jozabad, un des deux meur- 
triers de Joas, roi de Juda. II Par., xxiv, 26. Dans 
IV Reg., xn, 21, elle est appelée Somer, qui est le 
même nom dont la terminaison a disparu. 

SÉMATHÉENS (hébreu : ha'ê-Sumâtî; Septante : 
'H(7a[ia6[V)i nom d'une des quatre familles originaires 
de Cariathiarim. I Par., u, 53. On ne peut dire si les 
membres de cette famille tiraient leur nom de leur 
ancêtre ou du lieu où elles s'établirent. 

SÉMÉBER (hébreu : Sém'éber; Septante :2u|io66p), 
roi de Séboïm, le quatrième des rois des environs de 
la mer Morte qui furent vaincus du temps d'Abraham 
par Chodorlahomor, roi d'Ëlam, et ses alliés. Gen., 
xiv, 2. 

SÉMÉGARNABU (hébreu : Samgar-nebû ; Sep- 
tante : SapiaYii6), un des chefs de l'armée de Nabu- 
chodonosor qui assiégèrent et prirent Jérusalem sous 
le roi Sédécias. Jer., xxxix, 3. Son nom peut signifier 
« Nébo, sois bienveillant », mais il n'est pas sûr que 
la véritable orthographe en ait été conservée,les manus- 
crits grecs ne reproduisant ce nom qu'avec des variantes 
très différentes. 

SÉMÉI, nom de plusieurs Israélites, au nombre 
d'environ 17 dans la Vulgate. Leur nom n'est pas tou- 




344. — Sceau de Semâyâhû. 

Taureau passant, entre deux lignes d'écriture. 

Cône de calcédoine. 

jours écrit de la même manière en hébreu. — Un sceau, 
publié par M. de Vogué, Mélanges d'archéologie orien- 
tale, p. 131, porte le nom de Semâyâhû, fils d'Azriâhû 

<flg. 344). 

1. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Ssjjieeî), se- 
cond fils de Gerson et petit-fils de Lévi. Exod., vi, 17; 
Num., m, 18; I Par., vi, 17; xxm, 7, 10, 11. Son nom 
se lit aussi I Par., xxm, 9, mais ou bien ce nom est 
altéré dans ce verset où il désigne un autre Séméi, 
descendant de Léédam (Lebni), comme le porte la fin 
du verset. Cf. Zach., xn, 13, et Séméi 17. 

2. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Eeu.et'), fils de 
Géra, de la tribu de Benjamin, qui habitait Bahurim 
sous le règne de David. Quand ce prince s'enfuit de 
Jérusalem au moment de la révolte d'Absalom, Séméi, 
qui était très irrité contre lui, parce qu'il avait sup- 
planté sur le trône la famille benjamite de Saûl, lui 
lança des pierres et l'accabla d'insultes. Abisaï voulut le 
mettre à mort, mais David s'y opposa. II Sam. (Reg.), 
xvi, 5-13. Effrayé des conséquences que devait avoir 
son insolence, lorsque David revint après la défaite et 



la mort d'Absalom, Séméi fut le premier à aller au- 
devant de lui près du Jourdain pour solliciter sa grâce. 
Le roi empêcha une seconde fois Abisaï de lui ôter la 
vie et usa de clémence à son égard, xix, 16-23. Ce- 
pendant les outrages qu'il en avait reçus au moment de 
sa fuite lui avaient été sensibles, et sur son lit de mort, ' 
il les rappela à Salomon son fils, et le chargea de les 
punir. II! Reg., 8-9. Salomon interna Séméi à Jérusa- 
lem et lui défendit de retourner à Bahurim. Il se sou- 
mit, f. 36-38. Cependant trois ans après, des esclaves 
de Séméi, au nombre de deux porte le texte hébreu, 
j. 39, s'étant enfuis et réfugiés auprès d'Achis, roi de 
Geth, leur maître partit à leur poursuite et les ramena. 
Salomon le fit mettre à mort par Banaïas, pour avoir 
violé son serment, ,*. 3946. 

3. SÉMÉI (hébreu : Sommai; Septante : Sau-ai), fils 
d'Onam, descendant de Jéraméel, de la tribu de Juda. 
Il eut pour fils Nadab et Abisur. I Par.,n, 28. L'hébreu 
et la Vulgate le nomment une seconde fois au j). 32, 
comme frère de Jada, mais dans ce second passage, 
les Septante, au lieu de 'âld Sammaî, « frère de 
Sammaï», font un seul nom propre de ces deux mots: 
'A/iirajActç. 

4. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se(jie'[ ! )i fils de 
Phadaïa, frère cadet de Zorobabel, et petit-fils de Jécho- 
nias, roi de Juda, descendant de David. I Par., m, 19. 

5. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Esixsf), fils de 
Zachur, qui eut seize fils et six filles. 11 était de la tribu 
de Siméon. I Par., iv, 26-27. 

6. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : 2su.£i), fils de 
Gog, et père de Micha, de la tribu de Ruben. I Par., 

v, 4. 

7. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Hejisf), lévite, 
descendant de Mérari, fils de Lobni et père d'Oza 

I Par., vi, 29 (hébreu, 14). 

8. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante: Ssjjisi), lévite, 
fils de Jeth et père de Zamma, un des ancêtres d'Asaph 
qui fut chez des chantres et des musiciens du temps 
de David. I Par., vi, 42-43. Voir Asapii 1, 1. 1, col. 1056. 

9. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Sà[i«i8; 
A lexandrinus : 2au.ou), chef d'une famille benjamite 
établie à Jérusalem. I Par., vm, 21. Cette famille avait 
d'abord habité Aïalon, et Séméi doit être le même que 
le chef de famille d'Aïalon appelé Sama f. 12. Voir 
Sama 2, col. 1399. 

10. SÉMÉI (hébreu :Sema'eyâh; Septante :2a[m!ac), 
lévite, fils aîné d'Obédédom. I Par., xxvi, 4, 6, 7, aux 
f. 4 et 7, la Vulgate l'appelle Séméias. Lui et ses fils 
furent portiers de la maison du Seigneur. Voir Sé- 
méias 8. 

11. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se^Ei), 
lévite, descendant d'Héman. Il vivait du temps du roi 
Ézéchias et prit part à la purification du Temple. II 
est peut-être le même que Séméi 12. II Par., xxix, 14. 

12. SÉMÉI (hébreu : Sime'î; Septante : Se|xsc), 
lévite, qui sous le règne d'Ezéchias, fut chargé commet 
second de son frère Chonénias de la garde des 
offrandes et des dîmes qui étaient apportées au Temple. 

II Par., xxxi, 12-43. Il n'est peut-être pas différent de 
Séméi 11. 

13. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : ïajioû), 
lévite qui, au retour de la captivité, du temps d'Esdras, 



1593 



SÉMÉI — SÉMÉIAS 



1594 



renvoya la femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd., 
x, 23. 

14. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : 2su.si), un 
des descendants d'Hasom qui renvoya du temps 
d'Esdras la femme étrangère qu'il avait épousée. I Esd., 



15. SÉMÉI (hébreu : Sime'i; Septante : Se^ei'ou), 
benjamite, fils de Cis et père de Jaïr, un des ancêtres 
de Mardochée. Esth., h, 5; xi, 2. 

16. SÉMÉI (hébreu : Sema'eyahû; Septante : 
SaiAoaoy), père du prophète Urie, de Cariathiarim. 
.1er., xxvi, .20. 

17. SÉMÉI (hébreu: has-Sime'â; Septante :2u[i.£<Jv), 
famille lévitique descendant de Gersom, mentionnée 
dans Zacharie, xii, 13. Voir Séméi 1 . 

18. Séméi (grec : Se^si). fils de Joseph et père de 
Matbathias, dans la généalogie de Notre-Seigneur. 
Luc, m, 26. Divers commentateurs l'identifient avec 
Séméia, I Par., ni, 22. 

SÉMÉIAS, nom, dans la Vulgate, de vingt-quatre 
Israélites, dont le nom n'est pas toujours écrit de la 
même manière en hébreu. La version latine n'a pas, 
déplus, une orthographe régulière dans la transcription 
des noms hébreux Sema'eyâh (fig. 344), &im'£; Sema'. 
Voir Samaïas, Samaa, Sémaïa, Séméias, Séméi. 

1. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a- 
Hat'ac), prophète qui vivait sous le règne de Roboam. 
Lorsque ce roi eut assemblé une armée nombreuse 
pour soumettre les dix tribus qui s'étaient révoltées et 
avaient mis à leur tête Jéroboam, Séméias, au nom de 
Dieu, empêcha cette guerre fratricide. III Reg., xii, 21- 
24; II Par., xi, 1-4. — La cinquième année du règne de 
Roboam, Sésac, pharaon d'Egypte, prit plusieurs villes 
de Juda et alla mettre le siège devant Jérusalem. Sé- 
méias annonça au roi et aux princes réunis dans la 
ville que Dieu les avait abandonnés aux mains du roi 
d'Egypte. Ils s'humilièrent alors devant le Seigneur 
qui leur promit par son prophète de ne pas tarder à 
les secourir. Sésac, se contenta, en effet, de piller les 
trésors du temple et du palais royal. II Par., XII, 2-9. — 
Séméias écrivit une chronique du règne de Roboam. 
II Par., xn, 15. —Une addition qu'on lit dans les Sep- 
tante, III Reg., x, il, à la suite du f. 24, fait donner à 
Jéroboam par Séméias dix parts sur douze de son man- 
teau. Dans III Reg., xi, 28-31, cette action symbolique 
est attribuée à Ahias le Silonite. 

2. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a- 
liata), fils de Séchénias, père de Hattus, de Jégaal, de 
Baria, de Naaria et de Saphat. Le texte ajoute a au 
nombre de six », quoique cinq seulement soient énu- 
mérës. Les uns appliquent à Séchénias le nombre 
de six ; d'autres l'expliquent d'autres manières. Le 
syriaque et l'arabe nomment Hazarias pour sixième fils. 

I Par., m, 22. 11 était de la tribu de Juda et descen- 
dait de Zorobabel. 

3. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 2a- 
jiocia), lévite, fils d'Hasub, descendant de Mérari, qui 
habitait Jérusalem après la captivité. Il Par., IX, 14. 11 
fut chargé avec quelques autres lévites de la direction 
des travaux qui furent faits à l'extérieur du Temple. 

II Esd., xi, 15. 

4. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a- 
paix), fils de Galal et père d'Obdia, lévite. Son fils 



Obdia habita « dans les villages de Nétophati », après 
le retour de la captivité de Babylone. I Par., ix, 16. 
Son nom est écrit Samua, II Esd., xi, 17, et celui de 
son fils, Àbda (t. i, col. 19). 

5. SÉMÉIAS (hébreu : Sem'eyàh; Septante : Ssjjlsi), 
lévite, descendant d'Élisaphan et chef, sous le règne de 
David, de la famille lévitique de ce nom, comprenant 
deux cents hommes, qui prirent part au transport de 
l'arche, de la maison d'Obédédom à Jérusalem. I Par., 
xv, 8, 11. 

6. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 2a- 
ixataç), lévite, fils de Nathanael, scribe de la tribu de 
Lévi, qui enregistra officiellement les divisions des 
vingt-quatre familles sacerdotales, selon l'ordre fixé par 
le tirage au sort, du temps de David. I Par., xxiv, 6. 

7. Séméias (hébreu : Sima'i; Septante : Ssuuvfa), 
lévite, chef de la dixième division des musiciens, com- 
prenant douze de ses fils et de ses frères, au temps de 
David. I Par., xxv, 17. Il était un des fils d'Idithun, 
dont cinq seulement sont nommés au f. 3, quoique le 
total soit donné au nombre de six. Le Codex Alexan- 
drinus et quelques manuscrits grecs le nomment le 
cinquième au jt. 3. 

8. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : Sa- 
jiaiaç), l'aîné des huit fils d'Obédédom, de la tribu de 
Lévi. Il eut plusieurs fils remarquables par leur force, 
Othni, Raphaël, Obed, Elzabad et aussi Éliu et Sama- 
chias, qui remplirent les fonctions de portiers ou 
gardes de la maison du Seigneur. I Par., xxvi, 4, 6-7. 
Voir Séméi 10. 

9. SÉMÉIAS (hébreu : Sime'î; Septante : Esu.£ï)» 
intendant ou chef des vignerons de David. Il était 
originaire de Rama de Benjamin. Voir Romathite, 
col. 1177. I Par., xxvil, 27. 

10. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante : 
2«[i.aiaç), un des lévites qui, sous le règne de Josaphat, 
accompagnèrent les princes et les deux prêtres que ce 
roi avait chargés d'instruire le peuple de la loi du 
Seigneur. II Par., xvn, 8. Séméias est nommé le pre- 
mier parmi ces lévites. 

11. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 
2«[jia[a;), lévite descendant d'Idithun, qui vivait sous 
le règne d'Ézéchias et prit part aux cérémonies de la 
purification du Temple. II Par., xxix, 14. 

12. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante :2e[i£i), 
un des lévites qui, sous le règne d'Ézéchias, fut chargé 
de distribuer les dîmes à leurs frères dans les villes 
sacerdotales. II Par., xxi, 15. Il n'est peut-être pas 
différent de Séméias 11. 

13. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante : 
2a(JLata;), un des principaux lévites qui, sous le règne 
de Josias, fournirent aux autres lévites cinq mille tètes 
de bétail et cinq cents bœufs pour la célébration solen- 
nelle de la Pâque. II Par., xxxv, 9. 

14. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh; Septante : 
Sepic'ca), un des principaux Juifs captifs à Babylone 
qu'Esdras réunit près du fleuve qui coule vers Ahava, 
afin qu'ils amenassent de Casphia des lévites et des 
Nathinéens pour le service du temple de Jérusalem. 
I Esd., vin, 16. 

15. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyâh ; Septante : 
Sajjiafa), un des prêtres « des fils de Harim », qui avait 



1595 



SÉMÉIAS — SEMER 



1596 



épousé une femme étrangère et qui la répudia au retour 
de la captivité de Babylone. I Esd., x, 21. 

16. SÉMÉIAS (hébreu : Séma'eyâh ; Septante : 
2a[ia;aç), Israélite « des fils de Hérem », qui, après le 
retour de la captivité, répudia une femme étrangère 
qu'il avait épousée. I Esd., x, 31. 

17. SÉMÉIAS (hébreu: Sema'; Septante : Safiixia;), 
un des principaux Juifs qui se tinrent à la droite d'Esdras 
quand il fit au peuple la lecture solennelle de la Loi. 
II Esd., vin, 4. 

18. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Septante: Sepisia;), 
un des chefs des prêtres qui retournèrent de la capti- 
vité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. II Esd., 
XII, 6, 16. Il signa le renouvellement de l'alliance avec 
Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 8. 

19. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Sapixiaç), un des 
■chefs de Juda qui prit part à la procession organisée 
par Néhémie sur les murs de Jérusalem quand on en 
lit la dédicace après leur réédification. II Esd., xn, 33 
■(hébreu, 34). 

20. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Seplante : Eaijuua), 
père ou ancêtre de Zacharie, le premier nommé des 
prêtres qui jouèrent de la trompette à la solennité de 
îa dédicace des murs de Jérusalem par Néhémie. 
II Esd., xn, 34 (hébreu, 35). Voir Jonathan 13, t. m, 
col. 1616. 

21. SÉMÉIA (hébreu : Séma'eyâh; Septante : 
2a[tai;a), prêtre musicien qui prit part à la dédicace 
des murs de Jérusalem quand ils eurent été rétablis 
au retour de la captivité. II Esd., xn, 35 (hébreu, 36). 

22. SÉMÉIA (hébreu: Séma'eyâh; Septante : Sensi'aç), 
un des prêtres qui assistèrent à la fête de la dédicace 
des murs de Jérusalem et s'arrêtèrent avec Néhémie 
dans la maison de Dieu. II Esd., xn, 41 (hébreu, 42). 

23. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante : 
Sapiaîa;), faux prophète qui, de Babylone, écrivit au 
prêlre Sophonie et aux habitants de Jérusalem contre 
Jérémie, afin de le faire mettre en prison. Jérémie lui 
prédit les châtiments de Dieu et l'anéantissement de sa 
postérité. Jer., xxix, 24-32. 

24. SÉMÉIAS (hébreu : Sema'eyahû; Septante : 
2e).Enîou), père de Dalaïas. Dalaïas était un des grands 
•ile la cour de Joakim devant qui Baruch lut les pro- 
phéties de Jérémie. Jer., xxxvi, 12. Voir Dalaïas, t. n, 
col. 1208. 

SÉMÉITIQUE (FAMILLE) (hébreu : has-Sim'eî; 
Septante : S<i|ia; toO Ssjjls'i; Vulgate : familia Semei- 
tica), une des deux familles issues de Gerson, de la 
tribu de Lévi, par Séméi, fils cadet de Gerson. Voir 
Séméi 1, col. 1591. 

SEMENCE (hébreu : zéra'; chaldéen : zera' ; Sep- 
tante : uitépfta; Vulgate : semen, semenlis), graine du 
végétal jeté en terre en vue de la reproduction. 

I. Sens propre. — 1° La semence proprement dite. — 
Dieu a créé les végétaux, herbes, plantes, arbres, etc., 
ayant en eux la semence destinée à les reproduire, 
Gen., I, 11, 12, 29. On se sert de cette semence pour 
faire les semailles. Gen., xlvii, 19; Lev., xi, 37; Eccli., 
xi, 6, etc. Chaque semence a son caractère propre, 
selon la plante d'où elle provient et qu'elle doit repro- 
duire; jetée en terre, elle s'y transforme, se décompose 
et donne naissance au germe par lequel commence le 



végétal, <t Ce que tu sèmes ne reprend pas vie, à moins 
de mourir auparavant. Ce que tu sèmes, ce n'est pas le 
corps qui sera un jour, c'est un simple grain, soit de 
blé, soit de quelque autre semence; mais Dieu lui 
donne un corps comme il l'a voulu, et à chaque semence 
il donne le corps qui lui est propre. » I Cor., xv, 36- 
38. Cf. Matth., xm, 4-8, 24, 25, 31 ; etc. — 2° Le produit 
de la semence. — La dîme est prélevée sur les semen- 
ces, Lev., xxvn, 30, c'est-à-dire sur ce qu'elles ont pro- 
duit. Cf. I Reg., vin, 15; Is., xxm, 3; Job, xxxix, 12; 
Zach., vin, 12. — 3° Le rejeton végétal. — Dieu a planté 
une vigne dont le plant était franc. Jer., n, 21. Il a pris 
du plant du pays, et il l'a planté comme un saule et il 
est devenu un cep de vigne. Ezech., xvn, 5. 

IL Sens figuré. — Le mot zéra' a un sens physiolo- 
gique, Gen., xxxviii, 9; Lev., xv, 16; xvm, 21; xix, 20; 
xxii, 4; Sap., vu, 2, etc., duquel dérivent divers autres 
sens. — 1° La descendance, les enfants, la postérité 
issue d'un même homme; la race de la femme, Gen., 
ni, 15, c'est-à-dire toute l'humanité; Seth, semence 
donnée à Eve à la place d'Abel, Gen., iv, 25; cf. I Reg., 
I, 11; la semence ou postérité d'Abraham, Gen., XII, 7 ; 
xm, 15; xv, 5; xvi, 10, celle d'Isaac, Gen.,xxi,12; xxvi, 
3, 4, 24, celle de Jacob, Gen., xxvm, 4, 14; xxxii, 12; 
XL viii, 4, celle de Joseph, Gen., xlviii, 11, celle d'Onan, 
Gen., xxxviii, 8, 9, celle de Job, v, 25, etc. Les descen- 
dants d'un personnage sont appelés sa semence : la 
semence d'Abraham, Ps. cv (civ), 6; Is., xli, 8; Jer., 
xxxni, 25; Joa., vin, 33; etc., la semence d'Aaron, Lev., 
xxi, 21; xxn, 4, la semence d'Israël, IV Reg., xvn, 20; 
Is., xlv, 25; Jer., xxxi, 36, 37; II Esd., ix, 2, la semence 
d'Éphraïm, Jer., vu, 15, la semence de David, III Reg., 
xi, 39; Jer., xxxm, 22; Rom., i, 3; II Tim., n, 8. La 
loi du lévirat oblige un parent à susciter au défunt une 
semence, c'est-à-dire une postérité. Gen., xxxviii, 8; 
Ruth, iv, 12; Matth., xxii, 24; etc. Voir une semence, 
c'est avoir une postérité. Is., lui, 10. La semence de 
la semence, ce sont les petits-enfants. Is.,lix, 21. Il y a 
également la semence de l'adultère, c'est-à-dire les fils 
nés hors du mariage. Is., lvh, 3. — 2° La similitude 
de race. — Être de semence royale, c'est avoir eu des 
rois pour ancêtres. IV Reg., xi, 1; xxv, 25; Jer., xli, 
1; Dan., i, 3. La semence mèae désigne la nation des 
Mèdes. Dan., ix, 1. — 3° La similitude morale. — La 
semence sainte désigne Israël. Is., vi, 13; I Esd., vi, 
13. Les hommes fidèles à Dieu sont appelés semence 
des justes, Prov., xi, 21, semence des serviteurs de 
Jéhovah, Ps. lxix (lxviii), 37, semence des bénis de 
Jéhovah, Is., lxv, 23. La même expression se prend 
souvent en mauvaise part. La semence du serpent, ce 
sont ceux qui agissent sous l'inspiration de Satan. 
Gen., m, 15. Ils sont encore appelés semence de 
méchants, Is., i, 4; Ps. xxxvn (xxxvi), 28, semence de 
menteurs. Is., lvii, 4. 

III. Comparaisons. — Dans ses paraboles, Notre- 
Seigneur compare à la semence la parole de Dieu, qui 
produit plus ou moins de fruits suivant les disposi- 
tions de l'âme dans laquelle elle tombe, Matth., xm, 
18-23; Marc, iv, 13-20; Luc, vm, 11-15; le développe- 
ment de l'Évangile qui se produit par une force indé- 
pendante de l'homme, Marc, iv, 26-29; la prédication 
de l'erreur, qui est comme l'ivraie semée au milieu du 
bon grain, Matth., xm, 24-30, 36-43; le progrès de 
l'Église, qui ressemble à celui du grain de sénevé. 
Matth., xm, 31-33; Marc, iv, 30-32; Luc, xm, 18, 19. 
Saint Jean dit que « la semence de Dieu », c'est-à-dire 
la vie divine produite par la grâce, demeure en celui 
qui est né de Dieu et ne commet point le péché. I Joa., 
m, 9. H. Lesètre. 

SEMER, orthographe du nom de Somer dans cer- 
taines éditions de la Vulgate. III Reg., xvi, 24. Voir 
Somer. 



1597 



SEMERIA — SEMMA 



1598 



SÉMÉRIA (hébreu : Scmarydh, « gardé par Yâh »; 
Septante : Sapapt'a), un « des fils de Bani » qui répudia, 
■après le retour de la captivité, la femme étrangère qu'il 
avait épousée. I Esd.,x, 41. —Trois autres personnages 
qui portent le même nom dans le texte hébreu sont 
appelés dans la Vulgate Samaria, I Par., xn, 5; Somo- 
rias, II Par., xi, 19; et Samarias, I Esd., x, 32. 

SÉMERON, nom d'une ville et d'une montagne, 
dont le nom est différent en hébreu. 

1. SÉMERON (hébreu : Simrôn, «[lieu de] garde ou 
d'observations ; Septante : Xunoûv; Al.: Ssppuàv), ville de 
Palestine qui fut attribuée à la tribu de Zabulon après 
la conquête du pays. Jos., xix, 15. Elle est nommée 
entre Naalol et Jédala. C'est la même ville, d'après 
l'opinion générale, qui est appelée Simrôn Mer'ôn, 
dans Josué, xu, 20. Septante : 'A|jiapa>v; Vulgate : 
Semeron. Le site en est incertain. Baedeker, Palestine 
et Syrie, 1882, p. 446, la place au nord de Ptolémaïde, 
sur la route de cette dernière ville à Tyr, et l'identifie 
avec le Casale Sonielaria Templi des Croisés, Ves- 
Sémiriyéli actuel, au nord du Nakr Sémiriyéh, mais 
ce territoire appartenait à la tribu d'Aser et non à celle 
•de Zabulon. Voir la carte d'AsER, t. i, vis-à-vis col. 1083- 
1084. D'autres ont tenté de le reconnaître dans le Simo- 
nias de Josèphe, Vita, 24, édit. Didot, t. i, col. 804, le 
Sémuniyéh d'aujourd'hui à deux heures à l'ouest de 
Nazareth; d'autres à Marôn, à l'ouest du lac de Houléh, 
ou à Mérôn, à l'ouest de Safed (Séphet), mais toutes ces 
opinions sont fort contestables. Voir Palestine Explora- 
tion Fund, Memoirs,i. i, p. 339. — Le roi de Sémeron 
entra dans la confédération des rois de Palestine qui, 
sous la conduite de Jabin, roi d'Asor, essaya d'arrêter la 
marche conquérante de Josué et il fut défait avec ses 
ralliés. Jos., xi, 1; xu, 20. 

2. SÉMERON (hébreu : Semdraîm; Septante : 2o- 
[j.6pwv), montagne en Éphraim qui tirait vraisembla- 
blement son nom de la ville de Samaraïm dont le nom 
•est identique en hébreu. II Par., xm, 4. Le roi de 
Juda, Abia, harangua du haut de cette montagne Jéro- 
boam 1er, ro i d'Israël. Voir Abia 5, t. i, col. 43; Sama- 
kaïm, col. 1400. 

SÉMIDA (hébreu : Semîda' ; Septante : 2y;j.alp, 
"2-JlJ.apt'jj., Sc(upi), le cinquième et avant-dernier fils de 
Galaad, de la tribu de Manassé, de qui vint la famille 
des Sémidaïtes. Num., xxvi, 32; Jos., xvii, 2. Il eut 
.pour fils Ahin, Séchem, Lccie etAniam. I Par., vu, 19. 

SÉMIDAÏTES (hébreu : has-Semidâ'i; Septante : 
•é Supiaept), descendants de Sémida, de la tribu de 
-Maaassé. Num., xxvi, 32. Cf. Jos., xvn, 2. 

SÉMIRAMOTH (hébreu : Semîrâmôf, Septante : 
2s;i.ipa(io6), nom de deux lévites. 

1 . SÉMIRAMOTH, lévite, un des musiciens du second 
•ordre, qui jouait du nébel au temps de David dans les 
cérémonies religieuses. I Par., xv, 18, 20; xvi, 5. 

2. SÉMIRAMOTH, un des lévites que Josaphat, roi 
•de Juda, chargea, la troisième année de son règne, 
•d'aller enseigner dans les villes de son royaume la loi 
•de Moïse. II Par., xvn, 8.' 

SÉMITIQUES(LANGUES),nomdonnéaux langues 
parlées par les Hébreux et autres descendants de Sem. 
Cette dénomination n'est pas tout à fait exacte, comme 
l'était moins encore celle de langues orientales qu'on 
leur donnait autrefois, car tous ceux qui les ont parlées 
ne sont pas des Sémites, les Phéniciens, par exemple, 
unais l'usage s'en est encore conservé pour la commo- 



dité du langage. Ce nom fut proposé par Schlôzer, en 
1781, et recommandé par ^ichhorn, Allgemeine Bi- 
bliothek der Biblischen Literatur, t. vi, 50, p. 772 sq. 
Cf. E.Renan, Histoii'e générale des langues sémitiques, 
Paris, 1855, p. 1-2. Sur la subdivision des langues 
sémitiques, voir Arabe (Langue), t. i, col. 835, et sur 
chacune des langues sémitiques en particulier, voir 
Hébraïque (Langue), t. m, col. 465-512; Arabe 
(Langue), t. i, col. 835-845; Assyrienne (Langue), t. i, 
col. 1169-1174; Éthiopienne (Langue), t. n, col. 2014- 
2020; Syriaque (Langue). Voir Frd. Delitzsch, Studien 
ûber indo-germanisch-semitische Wûrzelverwandt- 
schaft, in-12, Leipzig, 1873. 

SEMLA (hébreu : Samlâh; Septante : 2«[j.aSâ, Gen., 
xxxvi, 36; Siffla, I Par., i, 47, 48), roi d'Édom, succes- 
seur d'Adad et prédécesseur de Saùl l'Iduméen. Il était 
de Masréca et régna avant que les Israélites eussent des 
rois. Voir Masréca, t. iv, col. 852. 

SEMLAI (hébreu : [chetîb] Samlaï; [kerî] Salmaï, 
I Esd., il, 46; Septante : EcXocui), chef d'une famille de 
Nathinéeng dont les descendants retournèrent en- 
Palestine avec Zorobabel. Dans II Esd., vu, 48, son nom 
est écrit Selmaï. Voir Selmaï, col. 1585. 

SEMMA (hébreu: Sammâh), nom de trois vaillants 
soldats de David dans la Vulgate. L'hébreu nomme 
deux autres ëammdh dont la Vulgate a écrit le nom 
plus exactement Samma. Gen., xxxvi, 13, et I Sam. 
(Reg.), xvi, 9. 

1. SEMMA (Septante : Eafjwaa), fils d'Agé, d'Arari, 
un des plus braves soldats de David. Le peuple s'étant 
enfui devant les Philistins, Semma leur tint tête dans 
un champ de lentilles et leur résista avec succès. 
II Reg. (Sam.), xxm, 11-12; I Par.,xi, 13-14, qui contient 
le récit du même fait. Dans ce second passage, le champ 
où a lieu le combat est planté d'orge, au lieu de len- 
tilles, soit qu'il y eût les deux à côté, soit qu'il se soit 
glissé dans le texte original une faute de copiste ou une 
erreur de lecture, parce que la confusion entre l'orge, 
DHlrt, se'ôrim, et les lentilles, a'tfiy, 'âdasîm, est 
très facile. Cet exploit eut pour théâtre Phesdommim. 
I Par., xi, 13. Voir Phesdommim, col. 252. — Dans les 
Paralipomènes, par suite d'une lacune dans le texte, le 
fait d'armes de Semma se trouve attribué à Éléazar 
fils de Dodo. Voir Éléazar 3, t. n, col. 1650-1651. 

2. SEMMA (Septante : Saint»), surnommé le Haro- 
dite, un des vaillants soldats de David. II Sam. (Reg.), 
xxm, 25. Voir Harodi, t. ni, col. 433. Dans I Par., 
xi, 27, il est appelé Sammoth l'Arorite. Voir Sammoth, 
col. 1431. Des commentateurs l'identifient aussi avec 
Samaoth le Jézérite,un des généraux de David. I Par., 
xxvn, 8. Voir Samaoth, col. 1400. 

3. SEMMA (Septante : Saiivâv), un des braves de 
David. Dans la liste de II Sam. (Reg.), xxm, 33, il 
semble y avoir une lacune entre les versets 33 et 34, 
où nous lisons : « Les fils de Jassen, Jonathan, Semma 
d'Orori, » car dans le texte parallèle, I Par., xi, 33, 
nous lisons dans la Vulgate : « Les fils d'Assem le Gè- 
zonite, Jonathan, fils de Sage l'Ararite, etc. » Les 
hébraïsants, dans les deux passages, au lieu de traduire 
« les fils de Jassen » ou « les fils d'Assem », ce qui ne 
convient guère au contexte, considèrent Benê-Assem et 
Benê-Jassen comme un nom propre d'homme dans les 
deux passages, benê formant le premier élément du 
nom de ce soldat de David, tandis que la Vulgate (et 
les Septante dans les Rois), l'ont pris pour un nom 
commun, « fils ». — PourOrori et Ararite, voir ces mots, 
t. m, col. 1897; t. i, col. 882. 



1599 



SEMMAA — SÉNEVÉ 



1600 



SEMMAA (hébreu: Sim'âh; Septante: Socjjuxà), frère 
de David, père de Jonathan et de Jonadab. II Sam. 
(Reg.), xxn, 3, 32. Il est appelé Samma, I Sam. (Reg.), 
xi, 9; Simma, I Par., n, 13, et Samaa, II Reg., xxi, 21 ; 
I Par., xx, 7. Voir Samaa 1, col. 1399. 

SEMMAATH (hébreu : Sim'àt; Septante : Sa(j.adc6), 
femme ammonite, mère de Zabad, un des deux assas- 
sins de Joas, roi de Juda. II Par., xxiv, 26; IV Reg., 
xn, 21. Dans ce dernier passage, son fils est appelé 
Josachar. 

SEMRAMITES (hébreu : ItaS-Simrôni ; Septante : 
. ô 2oc|ipa|xî), famille issue de Semran, fils d'Issachar, 
Num., xxvi, 24. 

SEMRAN (hébreu : Simrôn; Septante : Ea^pip.), 
quatrième et dernier fils d'Issachar et petit-fils de 
Jacob, chef de la famille des Semranites. Num., xxvi, 
24. Son nom est écrit Semron, Gen., xlvi, 13. 

SEMRI (hébreu : Simri), nom de deux Israélites 
dans la Vulgate. Dans l'hébreu, deux autres Israélites 
portent aussi le nom de Simri. La Vulgate les appelle 
Samri, IPar., xi, 45, et II Par., xxix, 13. Voir Samri 1 
et 2, col. 1431. 

1. SEMRI (Septante : ïe;ipt),un des principaux chefs 
de la tribu de Siméon, fils de Samaïa et père d'Idaïa. 
I Par., iv, 37. 

2. SEMRI (Septante : çîAâtfsovTEç, l'hébreu Simri 
ayant été lu somrê), lévite, fils de Hosa, descendant de 
Mérari, établi par son père chef de ses frères, quoiqu'il 
ne fût pas l'aîné, un des portiers de l'arche, du temps 
de David, gardant le côté de l'occident. I Par., xxvi, 
10, 16. 

SEMRON, fils d'Issachar. Gen., xlvi, 13. Son nom 
est écrit Semram dans Num., xxxi, 24. Voir Semran. 

SEN (hébreu : has-Sèn, « la dent » ; Septante : 
■fl ratXocïa), localité ou rocher mentionné seulement. 

I Sam. (Reg.), vu, 12. Samuel éleva entre Masphalth 
et Sen une pierre commémorative de la victoire rem- 
portée en ce lieu sur les Philistins. Cette pierre fut 
appelée 'Ében hd-'Ézér, Vulgate : Lapis adjutorii. Voir 
Ében-Ézer, t. il, col. 1526. 

SENAA (hébreu : Senâ'âh; Septante : Sevai), peut- 
être nom d'homme, mais plus probablement nom d'une 
ville, d'ailleurs inconnue, dé Palestine, dont les an- 
ciens habitants ou plutôt leurs descendants retour- 
nèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec 
Zorobabel. I Esd., il, 35; II Esd., vu, 38. Ils étaient 
au nombre de 3630 d'après le premier passage et de 
3930 d'après le second; le chiffre peut avoir été exagéré 
par les copistes dans les deux endroits. Ils rebâtirent à 
Jérusalem la Porte des Poissons. Voir Jérusalem, t. iv, 
col. 1364 [2»]. II Esd., m, 3. Dans ce passage, le nom 
de Senaa est précédéen hébreu de l'article has-Senâ'dh, 
ce qui est cause que la Vulgate a transcrit le nom en 
cet endroit Âsnaa. Voir Asnaa, t. I, col. 1104. 

SENAT (grec : ^Epoust'a), mot qui traduit dans la 
Bible grecque l'expression ziqnê Isrâ'êl, « les anciens 
d'Israël ». Exod., m, 16, 18; iv, 29; xii, 21, etc. Les 
auteurs classiques employaient cette expression spécia- 
lement pour désigner un corps délibérant ou légifé- 
rant. repo'Jcn'a, irpenâyrepiôv, iz}.rfio; TfÉpovTwv, dit Hé- 
sychius. Dans les livres deutérocanoniques, 7£po-j<n'a, 
se dit du sanhédrin. Judith., rv, 8 (7); xv, 9 (8); 

II Mach., i, 10; rv, 44. La Vulgate a traduit le mot grec 



par Sénat dans II Mach., 1, 10, et rv, 44. Le Nouveau 
Testament grec, Act., v, 21, emploie le mot ^epouat'a pour 
désigner le sanhédrin. La Vulgate a traduit par conci- 
lium. Le sénat romain s'appelait aussi en grec yzpovaîa, 
mais il n'est pas nommé dans l'Écriture. Voir Sanhé- 
drin, col. 1459. 

SÉNÉ (hébreu : Senéh, « buisson» ; Septante : Eewâ), 
un des deux rochers entre lesquels passa Jonathas, fils 
de Saûl avec son écuyer pour aller attaquer les Philis- 
tins. L'autre rocher s'appelait Bosès. Voir Bosès, t. i ? 
col. 1856. I Sam. (Reg.), xiv, 4. Le ravin qu'escalade 
Jonathas est l'ouadi Soueinet, qui sépare Gabaa de 
Machmas. Il est très escarpé. « De l'un et de l'autre 
côté se dressent deux collines rocheuses qui se ré- 
pondent l'une au nord, l'autre au sud, » dit V. Guérin, 
Judée, t. m, 1869, p. 64. Voir Ed. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, 2« édit. , 1856, t. i, p. 441 ; 
R. Conder, Tentwork in Palestine, Londres, 1879, 
t. il, p. 112-114. 

SÉNEVÉ (grec : aham; Vulgate : sinapis), plante 
dont la graine sert à faire la moutarde. 

I. Description. — C'est le nom vulgaire de la plante 
dont les graines fournissent la moutarde. Le Sinapis 




345. — Sinapis nigra. 

nigra (fig. 345) est une grande herbe annuelle de la 
famille des Crucifères, croissant dans les lieux vagues, 
surtout au bord des eaux, dans la plupart des régions 
tempérées de l'ancien monde, et qui abonde notam- 
ment en Palestine. Ses caractères morphologiques la 
rapprochent du genre des choux, dont elle diffère par 
son feuillage hérissé, sans teinte glauque, et surtout 
par la saveur brûlante développée dans la graine quand 
on la broie avec de l'eau. Il se produit alors une huile 
essentielle très acre et rubéfiante par la réaction réci- 
proque de deux substances localisées dans des cellules 
différentes des tissus de l'embryon, la myrosine et le 



1601 



SÉNEVÉ — SENNAAR 



1602 



myronate de potassium que l'écrasement suffit pour 
mettre en présence. La tige, qui dans les endroits favo- 
rables peut dépasser deux mètres, se termine par des 
rameaux étalés, à feuilles toutes pétiolées, les inférieu- 
res découpées-lyrées, celles du sommet presque entiè- 
res. Les fleurs jaunes, en grappes plusieurs fois rami- 
fiées, ont 4 sépales étalés en croix, autant de pétales 
à long onglet, et 6 étamines dont 2 plus courtes. A la 
maturité le fruit forme une silique appliquée contre 
l'axe, conique, un peu bosselée' et glabre, surmontée 
d'un bec grêle 4 fois plus court que les valves, qui sont 
marquées d'une forte nervure sur le dos. Les graines 
sont noires et globuleuses, nettement ponctuées à la 
surface, et sur un rang dans chaque loge. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le sénevé n'est point mentionné dans 
l'Ancien Testament; il se rencontre seulement dans 
une comparaison et dans une parabole des Évangiles 
synoptiques. « Si vous aviez de la foi comme un grain 
de sénevé, est-il dit dans Matth., xvn, 20, vous diriez 
à cette montagne : Passe d'ici là et elle y passerait. » La 
comparaison est analogue dans Luc.,xvn, 5. « Si vous 
aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez 
à ce mûrier : Déracine-toi et plante-toi dans la mer, et il 
vous obéirait. » C'est l'exiguité du grain de sénevé qui 
sert ici comme terme de comparaison : un peu de foi 
ferait faire à l'homme des choses humainement impos- 
sibles. — Dans la parabole des synoptiques, Matth., 
xiii, 31-32; Marc, iv, 31-32; Luc, xm, 18-19, le royaume 
de- Dieu est comparé à un grain de sénevé, semé dans 
un jardin, qui croît et devient un arbre où les oiseaux 
du ciel viennent se reposer. Avec la petitesse de la 
graine, ce qui est souligné ici c'est de plus sa force 
d'expansion. Les textes précédents mettent en relief 
les caractères suivants du sénevé : C'est une graine 
extrêmement petite, non pas absolument la plus petite 
de toutes les semences, mais la plus petite de celles 
qu'on a l'habitude de semer; et cette petitesse est mise 
en opposition avec la grandeur des résultats, c'est-à-dire 
l'expansion relativement considérable de cette plante. 
Elle devient un arbre. Il y a lieu de remarquer que les 
plus anciens et les meilleurs manuscrits, nBDL etc., dans 
saint Luc n'ont pas l'adjectif [ilya, « grand », joint à 8év- 
Soov, « arbre ». Ce que le texte veut faire ressortir, c'est 
qu'une graine si petite, presque microscopique donne 
naissance à un arbre : on oppose un arbre à des plan- 
tes qui ne sont que des légumes et non pas un grand 
arbre à de petits. La moutarde atteint en Orient, et 
même parfois dans le midi de la France, la grandeur de 
nos arbres fruitiers : elle s'élève à la hauteur déplus de 
deux mètres : avec sa tige semi-ligneuse, ses branches 
bien étalées, c'est vraiment l'aspect d'un arbre. W. M. 
Thomson, TheLandand the Book,in-S", Londres, 1885, 
p. 414. Cette disproportion entre cette quasi invisible se- 
mence et la grandeur de son développement, peintadmi- 
rablement le royaume de Dieu si faible et exigu à son 
origine etdont l'épanouissement final couvrira le monde. 
La graine de sénevé, {lardai, était employée proverbia- 
lement chez les anciens rabbins pour désigner une 
chose très petite, et on parle dans le Talmud de Jéru- 
salem, Pea, 7, d'un plant de sénevé ayant les propor- 
tions d'un figuier, où le Rabbi Siméon ben Colaphta 
avait l'habitude de monter, et dans le Talmud de 
Babylone, Ketub., ni 1 ", d'un sénevé qui avait produit 
neuf cabs de graines et était capable de couvrir de son bois 
la maison d'un potier. Quelles que soient les exagéra- 
tions du Talmud, il est bien certain qu'on donnait le 
nom d'arbre à des plants de sénevés largement déve- 
loppés. Tout s'explique donc naturellement dans la 
comparaison et la parabole de l'Évangile. 

Certains auteurs cependant, croyant que le sénevé 
ne répondait pas suffisamment à la qualification d'arbre 
et surtout de « grand arbre », et aux exagérations des 
rabbins, ont voulu voir dans le aivaxi de l'Évangile le 

DICT. DE LA BIBLE. 



Sàlvadora persica. C'est le D r Royle , dans un article 
paru dans le Journal of theR. asiatic Society, en 1844, 
qui lança cette idée, en prétendant que cet arbre était 
appelé arbre à moutarde par les Arabes, et qu'il croissait 
sur les bords du Jourdain et du lac de Tibériade. Mais 
qui jamais a rangé cet arbuste parmi les plantes pota- 
gères, Aajrâvtov, comme il est dit dueri'vairi dans Matth., 
xm, 32 ? Cela suffit à écarter le Sàlvadora persica. De 
plus, comme le remarque très justement G. E. Post, 
dans Hastings' Dictionary of the Bible, t. m, p. 463, 
cetteplante ne se trouve pas, comme le prétendait le D r 
Royle, sur les bords du lac de Génésareth, mais seule- 
ment autour de la Mer Morte; elle ne pouvait donc être 
bien connue des auditeurs du divin Maître et être prise 
par lui comme terme de comparaison dans ses paraboles. 
On ne la sème pas non plus dans les jardins; ce n'est 
pas une plante annuelle dont on puisse remarquer la 
rapide croissance et il ne semble pas exact que les 
Arabes lui aient appliqué le nom de Khardal, « mou- 
tarde ». Le Sàlvadora persica est appelé Arac par les 
Arabes et son fruit Kebath. H. B. Tristram, The natural 
History of the Bible, in-12, Londres, 1889, 8 e édit., 
p. 473. 0. Celsius, Hierobotanicon,\xi-\% Amsterdam, 
1748, t. n, p. 253-259. E. Levesque. 

SENNA (hébreu : Sinnâh, avec hé local; Septante : 
'Evvâ/.; Alexandrinus : SEcvvdtx), orthographe du nom 
du désert de Sin dans la Vulgate. Num., xxxiv, 4. Voir 
SiN. 

SENNAAB (hébreu : Sin'àb; Septante : Sewoâp), 
roi d'Adama, à l'époque de l'invasion de la Palestine 
par Chodorlahomor. Gen., xiv, 2. Voir t. il, col. 711. 

SENNAAR (hébreu : Sin'âr; Septante : Sevvoâp), 
Sevaâp), nom donné à la Babylonie dans la Genèse et 
dans quelques prophètes. Avant le déchiffrement des 
inscriptions cunéiformes, on avait fait toute sorte d'hy- 
pothèses sur l'origine de ce mot. Les documents assy- 
riens ont mis les assyriologues à même de constater 
que Sennaar n'est que l'ancienne forme du mot Sumer 
qu'on lit si fréquemment sur les monuments antiques 
du pays, mât Sumeri u Akkadi, « terre de Sumer et 
d'Accad ». Dans les lettres de Tell el-Amarna, H. Win- 
ckler, Altorientalische Forschungen, t. n, 1898, p. 107, 
Keilinschriftenunddas Aile Testament, p. 238, le nom 
est écrit Sanhar, d'après une explication assez vrai- 
semblable. La langue sumérienne parait avoir été parlée 
en Babylonie avant qu'un idiome sémitique, celui que 
nous désignons sous le nom d'assyrien, y fût en 
usage. 

Le royaume primitif de Nemrod comprenait Baby- 
lone, Arach, Achad et Chalanné, dans la terre de Sen- 
naar. Gen., x, 10. Avant de se disperser, les hommes 
rassemblés dans la plaine de Sennaar, lorsqu'ils se furent 
multipliés après le déluge, y élevèrent la tour de Babel. 
Gen,, xi, 9. Voir Babylone, 1. 1, col. 1351. — Amraphel, 
c'est-à-dire Hammurabi, un des rois confédérés qui 
firent la guerre en Palestine, ayant à leur tête Chodor- 
lahomor, était roi de Sennaar. Gen., xiv, 119. Voir le 
portrait d'Hammurabi, t. iv, fig. 108, col. 336. Cf F. Vi- 
gouroux, Manuel biblique, 12 e édit., 1906, t. i. fig. 51, 
p. 475. — On ne retrouve plus le nom de Sennaar dans 
l'Écriture qu'à l'époque des prophètes. Isaïe, xi, 11, 
appelle la Babylonie Sennaar. Daniel, i, 2, et Zacha- 
rie, v, 11, font de même. — Voir Eb. Schrader, Keilin- 
schriftenund Geschichtsforschung, 1878, p. 533-534; 
Weissbach, Zur Lôsung der Sumerischen Frage, Leip- 
zig, 1897; G. Pinches, Languages of the early Inha- 
bitants of Mesopotamia, dans le Journal of the Royal 
Asiatic Society, 1884, p. 301 sq.; Id., Sumerian or 
Cryptography, dans la même revue, 1900, p. 25 sq., 
343, 351. 

V. - 51 



1603 



SENNACHÉRIB 



1604 



SENNACHÉRIB (hébreu : anrac, Sanhêrîb; Sep- 
tante : 'Sivtàxnçsty. ; assyrien : ] ►*— J ^ >^- J-«-m ^|]T 
Sin-ahi-erib , c'est-à-dire «(le dieu lunaire) Sin a multiplié 
les frères »), roi d'Assyrie, fils et successeur de Sargon, 
et qui régna de 705 à 681 (fig. 3i6). Son règne nous est 
connu par les textes bibliques, les extraits des histo- 
riographes grecs, et surtout de nombreuses inscriptions 
cunéiformes dont un bon nombre rédigées par Senna- 
chérib même, et dont les renseignements peuvent être 
contrôlés, complétés et même corrigés par l'important 
document dit Chronique babylonienne : malheureu- 
sement ces inscriptions sont presque toutes antérieures 
aux dernières années de son règne, sur lesquelles 
nous sommes par conséquent moins bien renseignés. 
Le principal de ces documents est l'inscription du 
prisme hexagonal, dit de Taylor, du nom de son pre- 
mier propriétaire, actuellement au Musée britannique 




346. — Cylindre de Sennachérib. 

D'après Layard, Discoveries in the ruins of Nineveh, 

in-8°, Londres, 1853, p. 160. 

et publié dans Rawlinson, The cuneiform Inscriptions 
of the Western A sia, t. i, pi. 37-42; rédigé en forme 
d'annales, il nous conduit jusqu'à la fin de la neuvième 
campagne de Sennachérib; les lacunes peuvent être 
partiellement comblées par les autres inscriptions, 
spécialement par le cylindre du Musée britannique 
n. 103000 publié par King dans le t. xxvi des Cunei- 
form Texts du Britisk Muséum. 

Sennachérib s'attacha à continuer la politique de Sar- 
gon vis-à-vis de Babylone qu'il finit par soumettre, et du 
côté de l'Occident vis-à-vis de l'Egypte, qui essayait sans 
cesse d'ébranler la domination assyrienne en Phénicie, 
en Palestine et en Philistie; de ce côté Sennachérib 
fut moins heureux. Comme' d'ordinaire, la mort du 
conquérant Sargon et l'avènement du nouveau mo- 
narque excitèrent parmi tous les peuples conquis ou me- 
nacés des mouvements hostiles contre l'Assyrie ou des 
velléités de révolte. Mérodach-Baladan, précédemment 
détrôné, avait ressaisi la royauté en Babylonie et s'était 
hâté d'envoyer une ambassade à Ézéchias de Jérusalem, 
moins apparemment pour le féliciter de sa guérison, 
que pour ébranler sa fidélité au suzerain de Ninive et 
constater quelles étaient les ressources et les forces 
du royaume de Juda : on sait quel accueil on lui fit à 
Jérusalem, et le mécontentement et les oracles d'Isaïe 
qui en furent la suite. Là aussi un parti national 
voulait faire rejeter le joug assyrien, en recourant à 
l'appui de l'Egypte malgré les avertissements du pro- 
phète : Ézéchias se laissa entraîner, et cessa d'envoyer 
le tribut annuel, payé à l'Assyrie depuis Achaz. 

Dès sa première campagne, c'est-à-dire vraisembla- 
blement vers l'année 70i ou 703, Sennachérib entre- 
prit de réduire la Babylonie : après une période de 
luttes mentionnée dans le Canon de Ptolémée comme 
un interrègne de deux ans, aidé par les Élamiles, 



Mérodach-Baladan de (Bet)-Yakin était remonté sur le 
trône : l'Élam jouait à Babylone le même rôle que 
l'Egypte en Palestine, excitant la révolte et fournissant 
des troupes pour garantir sa propre indépendance; 
mais Sennachérib survenant à l'improviste écrasa les 
coalisés à KiS, au sud de Babylone; Mérodach-baladan 
se réfugia une fois encore dans les marais inaccessibles 
de la Basse-Chaldée, puis en Élam, tandis que son 
vainqueur pillait ses palais et ses trésors, or, argent, 
pierres précieuses, objets de prix, femmes et officiers, 
esclaves des deux sexes; il s'emparait de 89 villes 
fortes outre des localités moins importantes sans 
nombre; il plaçait sur le trône Bel-ibni, le Belibus 
des historiographes, et rentrait en Assyrie traînant à 
sa suite 208000 captifs, 7200 chevaux et mulets, 
11113 ânes, 5230 chameaux, 80100 bœufs, 800500 bre- 
bis, etc. 

L'année suivante, une deuxième campagne mit sous 
le joug ou fit rentrer dans l'obéissance les tribus de 
Bisi et de Yasubigalli, puis le pays d'Ellipi, et même 
les contrées éloignées qu'habitaient les Mèdes, c'est-à- 
dire l'Aram du moyen Euphrate, puis les régions mon- 
tagneuses du Nord et de l'Est de la Mésopotamie : il y 
fit beaucoup de butin et y construisit quelques forte- 
resses où il laissa des gouverneurs assyriens, mais vrai- 
semblablement sans grand profit réel, au moins pour ce 
qui concerne les régions les plus éloignées et les plus 
inaccessibles. 

La troisième campagne fut d'une bien autre impor- 
tance, et d'un plus grand intérêt; elle eut pour théâtre 
le pays des Hatti, c'est-à-dire la Syrie, la Palestine, la 
Phénicie et les royaumes voisins. Arvad, Gebal, Azot, 
Accaron étaient demeurées fidèles à l'Assyrie, mais 
Sidon, Ascalon et Juda avaient cessé de payer le tribut 
imposé par Sargon : Ce que voyant, les gens d'Accaron 
se révoltèrent également, se saisirent de leur prince 
Padi qui voulait rester fidèle à Sennachérib, l'enchaî- 
nèrent et le livrèrent à Ézéchias, pour qui un pareil 
hôte ne pouvait qu'être fort compromettant. Au fond 
ces quatre petits royaumes ne pouvaient espérer de 
lutter avantageusement contre l'Assyrie sans l'appui de 
l'Egypte, l'inspiratrice habituelle de toutes ces coali- 
tions. Selon Maspero, le pharaon était alors Sabitkou, 
fils de Sabacon, nommé Séthos par Hérodote; selon 
M. de Rougé, Oppert, Sayce et Rawlinson, d'accord avec 
le texte biblique, Tharaqa ou Tirhakah, également de la 
dynastie éthiopienne, l'avait déjà remplacé; les textes 
assyriens mentionnent simplement le roi d'Ethiopie et 
les princes d'Egypte sans donner aucun nom. Suivant 
son habitude le roi d'Assyrie déjoua la coalition par 
son apparition subite en Palestine, à la tête d'une 
puissante armée. Les pays demeurés fidèles, et ceux 
qui étaient restés hésitants comme Moab, Amon et 
Édom, se hâtèrent de faire leur soumission et d'en- 
voyer à l'envahisseur des tributs, et sans doute aussi 
des troupes de renfort. Quant à Luli-Elulseus, roi de 
Sidon, il se réfugia par delà la mer, tandis que 
Sennachérib dévastait à loisir ses possessions conti- 
nentales et lui donnait pour successeur Tubal (Ethbaal 
ou Ithobal). La Philistie subit un sort analogue : le 
territoire d' Ascalon fut ravagé, Zidqa son roi fait pri- 
sonnier et Sar-lu-dari mis à sa place; Beth-Dagon, 
Joppé, Benê-Baraqet Hazor, qui dépendaient d'Ascalon, 
furent prises et dévastées au passage. Il arrivait à 
Accaron quand survint l'armée égyptienne, les princes 
d'Egypte avec la cavalerie, les chars et les archers de 
Méroé. On choisit pour livrer la bataille Altaqu, 
TElteqê de Joseph, Ant. jud., XIX, 44, dans la tribu 
de Dan, aux environs de Thamnath et d'Accaron : 
« Mettant ma confiance dans le dieu Assur mon maître, 
écrit Sennachérib dans ses Annales, je les attaquai et 
les défis ; les chefs des chars et les princes d'Egypte, 
les chefs des chars du roi deMeroé (Mutsru, Miluljhu 



r 



1605 



SENNACHÉRIB 



1606 



ma main les prit au milieu de la bataille. » Altaqu et 
Thamnath furent emportées d'assaut, et tout aussitôt 
après Accaron, où les chefs et les grands, auteurs de la 
révolte et coupables d'avoir livré Padi à Ezéchias, 
furent mis à mort et empalés autour de la ville, les 
habitants qui avaient participé à la rébellion, emme- 
nés en captivité, et Padi remis en liberté par Ezéchias 
sans qu'on nous dise en quelles circonstances, replacé 
sur le trône moyennant un nouveau tribut. De toute la 
coalition, il ne restait plus que le roi de Juda. Senna- 
chérib (701) commença par dévaster systématiquement 
son royaume : 46 grandes villes, des places fortes sans 
nombre furent attaquées par le fer et la flamme; 
200150 hommes réduits en esclavage, rien ne fut épar- 
gné : c'est de ces dévastations que nous trouvons soit 
l'annonce, soit la peinture dans Isaïe, i-x et xxxm. 
Cf. II Reg., xviii, 20. Le roi de Ninive, sans doute 
pour menacer à la fois Tirhakah et Ezéchias, descendit 
jusqu'à Lachis (Tellel-Hésy près de Umm-Lachis) sur 
le chemin de Gaza à Jérusalem, à la jonction des 
routes d'Egypte, de Palestine et de la Philistie septen- 
trionale : un bas-relief conservé au Musée britannique 
de Londres nous représente le monarque recevant les 
envoyés et les dépouilles de Lachis (voir Lachis, t. iv, 
fig. 11 et 12, col. 23-24); c'est là également qu'Ézéchias 
effrayé lui envoya ses ambassadeurs pour solliciter la 
paix. Déjà les territoires ravagés avaient été attribués 
par le conquérant aux princes philistins restés fidèles, 
à Mitinti d'Azot, à Padi roi rétabli d'Accaron, à Ismi- 
Bel roi de Gaza. Ezéchias offrait en outre 38 talents 
d'or, 800 talents d'argent (ou 300 selon le texte hébreu, 
divergence résultant soit d'un changement de chiffre, 
soit même de la différence du talent hébreu et du ba- 
bylonien), quantité d'objets précieux, de pierreries, et 
quantité d'esclaves. D'après le texte assyrien, tout cela 
fut envoyé à Ninive par Ezéchias, détail qui cadre 
assez mal avec les lignes précédentes où Sennachérib 
est précisément représenté assiégeant Jérusalem et y 
tenant Ezéchias « enfermé comme un oiseau dans sa 
cage, après le blocus de la cité, et toute sortie par la 
grande porte coupée aux habitants de la ville. » On se 
demande ensuite pourquoi l'ennemi aurait abandonné 
le siège au lieu de prendre la ville d'assaut, de la livrer 
au pillage, d'en emmener la population en captivité, 
d'en détrôner le roi, comme il le fit dans toutes les 
autres capitales révoltées, à Sidon, à Ascalon et à 
Accaron : cette clémence du vainqueur serait d'autant 
plus inexplicable qu'Ézéchias était le plus compromis, 
et le plus persévérant dans sa révolte. On est de la 
sorte amené à reconnaître ici l'un de ces insuccès 
sur lesquels les annales officielles sont obstinément 
muettes, et qu'il faut apprendre par la relation des 
adversaires : un peu plus tard Sennachérib nous en 
fournira un exemple analogue, en s'attribuant dans ses 
annales le gain de la bataille de Halulê, alors que la 
victoire est au contraire attribuée aux Ëlamites dans la 
Chronique babylonienne. La Bible nous donne une 
explication de ces réticences assyriennes, et présente 
les faits dans un ordre tout différent : tandis que 
Sennachérib est à Lachis, Ezéchias sollicite la paix et 
envoie son tribut; le tribut est accepté, mais la paix 
est refusée : au même instant on signale l'approche de 
Tirhakah et de l'armée égyptienne; Sennachérib re- 
monte jusqu'à Lobna et Altaqu; mais il envoie d'abord 
ses officiers exiger la reddition de Jérusalem : Ezéchias 
refuse et le rabsacès va rapporter ce refus au roi 
d'Assyrie à Lobna ; nouvelles menaces de destruction 
de la ville et de déportation pour le peuple : oracle 
d'Isaïe assurant à Ezéchias que Sennachérib ne tirera 
même pas une flèche contre Jérusalem; désastre final 
de l'armée assyrienne : « Et il arriva la nuit même que 
l'ange de Jahvéh sortit et tua 185000 hommes du camp 
assyrien; et quand on se leva le matin ce n'étaient que 



des cadavres. Et Sennachérib leva son camp, s'en alla 
et se tint à Ninive. » L'Écriture ne précise pas davan- 
tage le lieu ni le mode de cette intervention surnatu- 
relle. Du même coup l'Egypte, menacée depuis la 
défaite de son armée à Altaqu, se voyait délivrée de 
toute crainte d'invasion assyrienne; elle attribua cet 
anéantissement des forces ennemies à l'intervention 
du dieu Ptah, Vulcain dans le récit d'Hérodote, lequel 
sollicité par le pharaon Séthos de lui venir en aide au 
moment où la caste militaire l'abandonnait sans res- 
sources devant l'invasion de Sennachérib, roi des Arabes 
et des Assyriens, « envoya une multitude prodigieuse 
de rats de campagne qui rongèrent les carquois, les 
arcs et les courroies des boucliers dans le camp 
ennemi... On voit encore aujourd'hui dans le temple 
de Vulcain une statue qui représente ce roi ayant un 
rat sur la main, avec l'inscription : Qui que tu sois, 
apprends en me voyant à respecter les dieux. y> On 
sait le rôle attribué aux rats dans la transmission de 
la peste : peut-être est-ce la statue qui a donné nais- 
sance à la légende rapportée par Hérodote, H, 141. 
Josèphe explique également par une peste surnaturelle 
la destruction de l'armée assyrienne. Ant. jud., X, 
il, 5. Voir Ezéchias. Quant à Tharaca, l'adversaire de 
Sennachérib, suivant de Rougé, Sayce, et Oppert, il 
mentionne parmi les peuples qu'il a vaincus Assur et 
Naharain, les Assyriens et les troupes de Mésopotamie. 
E. de Rougé, Étude sur les monuments de Tahraka, 
p. 13. Rawlinson place de même ces événements sous 
Tharaca, mais il dédouble en deux campagnes (701 et 
699) l'invasion palestinienne, le siège de Jérusalem et 
la lutte contre l'Egypte; et il fait de Shabatok et de 
Séthos deux vice-rois de la Basse-Egypte sous la dé- 
pendance de Tharaca. History of ancient Egypt, 1881, 
t. n, p. 450. Mais les annales assyriennes, dans le 
prisme de Taylor et dans l'inscription des Taureaux de 
Koyoundjik, renferment toujours tous ces événements 
dans la troisième campagne exclusivement. 

Le texte hébreu termine son récit en ces termes : 
« Sennachérib retourna à Ninive... et y demeura. — Et 
pendant qu'il adorait Nesroch son dieu dans son 
temple, Adrammélech et Sarasar ses fils le tuèrent à 
coupsd'épée. » Le texte juxtapose les deux événements 
parce que seuls ils intéressent désormais l'histoire 
juive; il est certain que Sennachérib retourna à Ninive 
aussitôt après le désastre survenu à son armée; mais 
sa mort n'eut lieu qu'en 685; dans l'intervalle il con- 
duisit encore plusieurs expéditions contre différents 
adversaires, mais aucune contre la Palestine ni l'Egypte. 

Les menées de Mérodach-Baladan de (Bit)-Yakin, 
tant de fois détrôné déjà, rappelèrent les Assyriens en 
Babylonie : avec le secours des Élamites, ce prince 
avait chassé de Babylone Bel-ibni et s'était de nouveau 
emparé du pouvoir. Dans une quatrième campagne 
Sennachérib reparut en Chaldée et mit en fuite Moro- 
dach-baladan, le poursuivit sans l'atteindre jusque 
dans le Bet-Yakin qu'il ravagea : les villes furent 
rasées, les habitants réduits en esclavage, le pays 
changé en désert; finalement il mit sur le trône son 
propre fils Assur-nadin- (sum), qui ne fut pas plus 
heureux que ses prédécesseurs. Aussi une sixième, 
une septième et une huitième campagnes (la cinquième 
fut dirigée par Sennachérib dans les régions monta- 
gneuses et peu accessibles du nord de la Mésopotamie, 
sans résultats bien intéressants) furent encore néces- 
saires contre les mêmes ennemis toujours vaincus, s'il 
faut croire le témoignage des annales ninivites, mais 
jamais découragés, Nergal-uâezib et Musezib-Marduk 
(le Suzub des Annales), remontés sur le trône de Baby- 
lone, et leurs auxiliaires Kudur-Nahunti et Umman- 
minanu, rois d'Élam. Sous ce dernier les Élamites 
aidés des tribus de Parsua, d'Anzan, d'Ellipi et du bas 
Euphrate organisèrent avec les Babyloniens une vaste 



1607 



SENNACHÉRIB 



1608 



coalition : Sennachérib rencontra leurs troupes à 
Halulé sur le Tigre (690) et prétend, par la protection 
d'Assur et des autres grands dieux, les avoir battues, 
avoir fait un grand carnage et un butin plus grand 
encore : mais la Chronique babylonienne attribue au 
contraire la victoire aux Élaraites : ce fut évidemment 
une lutte terrible,et sans résultat décisif, après laquelle 
chacun des adversaires épuisé se hâta de retourner 
dans ses terres. — L'année suivante, Umman-minanu 
ayant été réduit à l'extrémité par la maladie, Senna- 
chérib en proQta pour tomber à l'improviste sur Baby- 
lone : cette fois MuSezib-Marduk, incapable de résister 
seul, se rendit, et Sennachérib saccagea et rasa la ville 
« renversant tout, des fondations au faite, sapant, 



terre depuis la mer supérieure du soleil couchant 
jusqu'à la mer inférieure du soleil levant, » Senna- 
chérib joignit le faste des grandes constructions pour 
lesquelles il utilisa les immenses richesses et les 
esclaves sans nombre, ramenés de ses lointaines et 
multiples expéditions. Ninive surtout, délaissée par 
Sargon, son père, fut son séjour favori : il en répara 
les murailles, les quais, les édifices publics et surtout 
le palais des rois ses prédécesseurs qu'il décora de 
cèdre et de reliefs d'albâtre, où il fit représenter avec 
un réalisme puissant et une infinie variété ses con- 
quêtes, les pays lointains qu'il avait traversés, les 
constructions monumentales qu'il avait fait ériger, et 
jusqu'aux détails de sa vie quotidienne : des légendes 




347. — Le roi Sennachérib sur son trône devant Lachis. 
D'après Layard, Diacoveries in the ruins of Nineveh, 1860, p. 150. Pour les eunuques qui entourent le roi 
et les autres détails de la scène, voir Lachis, t. iv, fig. 11, col. 23. 



brûlant, abattant les remparts, les temples des dieux, 
les ziggurat ou pyramides, et comblant le grand canal 
de l'Euphrate de tous ces débris. » Les détails de ce 
dernier siège sont contenus non plus dans le prisme 
de Taylor qui fut rédigé sous l'éponymat du limu Bel- 
imur-ani, c'est-à-dire en 691-690, la quinzième année 
du règne, mais dans l'inscription de Bavian de date 
postérieure. Le conquérant laissa pour régner sur ces 
ruines un autre de ses fils, Assur-ah-iddin, Asarhad- 
don, qui devait neuf ans plus tard lui succéder à 
Ninive. 

Vers la fin de son règne Sennachérib mena encore 
une expédition contre les Arabes, s'empara d'une ville 
du nom d'Adumu, s'y assujettit un roi appelé Hazailu 
et une reine dont le nom et le pays, sont illisibles : au 
nord, il paraît même avoir fait envahir la Cilicie par 
ses troupes et avoir pris contact avec les Grecs d'Asie. 
Cuneiform texts du British Muséum, t. xxvi, pi. 15, 
col. IV ; P. Dhorme, Les sources de la Chronique 
d'Eusèbe, dans la Revue biblique, avril "1910, p. 235. 

Au prestige de la victoire qui lui faisait commencer 
ses inscriptions en ces termes : « Assur, le maître sou- 
verain, m'a confié la royauté de tous les peuples, il a 
étendu ma domination sur tous les habitants de la 



cunéiformes expliquent le contenu des bas-reliefs; les 
grands vides entre les ailes et les jambes des Kirubi 
et des nirgalli, les taureaux et les lions protecteurs, 
sont couverts de longues inscriptions; les plus consi- 
dérables recouvraient des prismes d'argile enfouis dans 
les fondations de ses palais. Des bas-reliefs, il faut 
citer principalement celui qui représente la reddition 
de Lachis en Palestine. Voir Lachis, t. iv, fig. 11, 
col. 23. La Bible parlait de cet événement que les 
annales assyriennes n'avaient pas mentionné, II Reg., 
xvni, 14 : le roi, de très haute stature, siège sur un 
trône élevé, ayant sur la tête une couronne en forme 
de tiare d'où pendent deux fanons, vêtu d'une tunique 
frangée recouverte d'une sorte de chasuble richement 
brodée, portant de splendides bijoux, bracelets et 
boucles d'oreilles, élevant d'une main une flèche, et 
s'appuyant de l'autre sur l'arc royal (fig. 347) : derrière 
lui, les eunuques agitent les flabellum; par devant, plu- 
sieurs Juifs sont agenouillés, d'autres élèvent les mains 
d'une façon suppliante : le croisillé du fond indique 
une région montagneuse ; les arbres qu'on y a repré- 
sentés semblent être principalement des vignes et des 
figuiers. — La Bible, IV Reg., xix, 37; Is., xxxvn, 38; 
les historiographes et les textes cunéiformes sont una- 



1609 



SENNAGHÉRIB — SENS DE L'ÉCRITURE 



1610 



nimes sur la tragédie qui mit fin à ce règne glorieux. 
Les Livres Saints, comme nous l'avons vu col. 1606, ra- 
contentcommentAdrammélechetSaréser ses fils tuèrent 
Sennachérib à coups d'épée. Asarhaddon son fils régna à 
sa place. Voir ces noms. — La Chronique babylonienne lit 
de même : « Le 20 (du mois) de Tebet, Sennachérib fut tué 
dans une révolte par son fils. Durant (24) années Sen- 
nachérib avait gouverné le royaume d'Assur : depuis le 
20 Tebet jusqu'au 2 Adar la révolte continua en Assur. Le 
18 Adar, Asarhaddon son fils s'assit sur le trône d'Assur. » 
Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes mo- 
dernes, 6 e éd., t. iv, p. 7-65; Schrader-Whitehouse, The 
cuneiform iriscnptions and ihe Old Testament, 1885- 
1888, t. I, p. 278-310 ; t. n, p. 1-17 ; G. Maspéro, Histoire 
ancienne de l'Orient, t. m, p. 272-345; J. Menant, 
Annales des rois d'Assyrie, 1874, p. 225-230; Bezold, 
dans Eb. Schrader, Keilinschiflliche Bibliothek, t. n, 
p. 80-113; Records of the Past, I™ série, t. I, p. 23-32; 
2 e série, t. IV, p. 21-28; H. Rawlinson, The cuneiform 
Inscriptions of the Western Asia, t. I, pi. 16-43; t. m, 
«p. 13 sq. ; Pinches, The Babylonian Chronicle, p. 2, 
3,21-24; G. Rawlinson. The five great monarchies, 1879, 
t. h, p. 155-185; G. Smith, History of Sennachérib, 1878; 
Sayce, dans Hasting's Dictionary of the Bible, t. IV, 
p. 436; Pognon, L'inscription de Bavian, fasc. 39 et 
42 de la Bibliothèque des Hautes Études. 

E. Pannier. 
SENNÉSER (hébreu -.Sén'assar; Septante :Exve<rip), 
fils du roi de Juda, Jéchonias. I Par., m, 18. 

SENNIM (hébreu : Sa'ànanîm; Septante : ttXeovex- 
touvtwv), orthographe dans la Vulgate, Jud., iv, 11, de 
la localité dont elle écrit ailleursle nom Saananim. Voir 
Saananim, col. 1283. 

SENS, organes au moyen desquels l'homme entre 
en rapport avec les êtres matériels qui l'entourent. — 
La Bible parle, à l'occasion, soit des sens, soit de leurs 
opérations. Voir Main, t. iv, col. 580; Œil, col. 1748; 
Oreille, col. 1857. A propos d'un enfant sans vie, il 
est dit qu'il n'a plus de qéSéb, « attention », àxpôaceç, 
sensus. IVReg.,lv,31. La Vulgate mentionne une fois le 
« sens des oreilles », c'est-à-dire l'impression faite sur 
les oreilles, là où le grec parle seulement d'audition. 
Judith, xiv, 14. Les idoles n'ont pas l'usage des sens, 
le sentiment, aïddïiot;, sensus. Bar., vi, 41. Cette pen- 
sée est reproduite avec le dénombrement des sens qui 
manquent aux idoles, malgré l'apparence d'organes. 
Ps. cxv (cxm), 5-7; Sap., xv, 15. Les sens, au moyen 
desquels on peut distinguer ce qui est bon et ce qui 
est mauvais, sont une fois appelés aï<r6r,Tr,pta, sensus. 
Ileb., v, 14. Le même mot se trouve déjà dans les 
Septante, Jer., iv, 19, pour désigner l'intérieur de 
l'homme qui sent la douleur. Cf. Frz. Delitzsch, System 
der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 233. — 
Dans d'autres passages, la Vulgate emploie le mot 
sensus pour rendre des termes qui se rapportent à 
l'intelligence et à la pensée, comme lêb, voûc, vo^u.«, 
etc. — Sur les différents sens de la Sainte Écriture, 
voir Allégorie, t. i, col. 368; Littéral (Sens), t. îv, 
col. 294; Mystique (Sens), col. 1369; Mythique (Sens), 
col. 1376. H. Lesêtre. 

SENS DE L'ÉCRITURE. - I. Notion. - Le mot 
« sens », qui dérive du latin sensus, a les mêmes 
acceptions que le terme latin qu'il traduit. L'une 
d'elles est l'idée, la pensée, et elle comprend non 
seulement l'idée conçue dans l'esprit, mais aussi et 
surtout l'idée exprimée et manifestée au dehors par 
des signes, le geste, la parole, l'écriture. La manifes- 
tation de la pensée par le geste, quoique parfois très 
expressive, est la plus imparfaite. Sauf dans le lan- 
gage non articulé des sourds-muets et dans la mimique 



elle n'est employée qu'accessoirement et d'ordinaire 
les gestes accompagnent seulement la parole ou la 
lecture pour en fortifier et augmenter l'expression. 
Régulièrement, la manifestation de la pensée intérieure 
se fait donc par la parole ou l'écriture; l'orateur et 
l'écrivain communiquent leurs idées, leurs sentiments 
leurs volontés au moyen des mots d'une langue com- 
prise de leurs auditeurs et de leurs lecteurs. Ces mots 
expriment les concepts, les idées, que l'orateur et l'écri- 
vain qui les emploient, veulent manifester et ils pré- 
sentent par suite le sens déterminé qu'on a l'intention de 
leur donner en les proférant par la parole ou en les écri- 
vant sur le papier. Ce sens, fixé par le contexte et par 
l'ensemble de la phrase, est l'une des significations 
diverses que les mots employés ont d'après leur étymo- 
logie ou l'usage et qui sont indiquées par les lexiques ou 
dictionnaires. De soi, un mot peut avoir et prend sou- 
vent des acceptions diverses ; mais, dans une phrase pro- 
noncée ou écrite, il n'a normalement, sauf le cas 
d'amphibologie voulue, qu'un sens, celui que l'orateur 
ou l'écrivain a voulu lui donner et manifester par lui 
dans l'emploi particulier qu'il en fait. Ce sens unique, 
qu'il soit propre ou figuré, selon que le mot est pris 
dans une acception primitive ou détournée, représente 
la pensée de l'orateur ou de l'écrivain, le concept ou 
l'idée qu'il a voulu communiquer à ses auditeurs ou 
à ses lecteurs. C'est cette idée que ceux-ci doivent sai- 
sir et comprendre, à moins d'entendre à contresen 
la phrase parlée ou écrite. 

L'Écriture Sainte étant, par définition, la parole de 
Dieu écrite par l'intermédiaire des écrivains inspirés, 
le sens qu'elle présente et qu'elle exprime, est l'idée, 
la pensée, que l'Esprit inspirateur a voulu ou a laissé, 
sous sa garantie, manifester aux hommes par les auteurs 
sacrés des livres bibliques. Le sens de l'Écriture est 
donc la vérité religieuse, morale, historique, etc., 
que le Saint-Esprit, auteur principal des Livres Saints, a 
eu l'intention de faire communiquer en langage humain 
aux hommes, auxquels s'adressaient ces livres, par 
l'organe des écrivains qu'il inspirait. 

II. Espèces. — 1° Sens véritables et authentiques. — 
1. Sens littéral. — Comme tout livre, les Livres Saints 
présentent un sens direct, qui est exprimé immédiate- 
ment par le texte sacré, par sa lettre. Aussi est-il dit le 
sens littéral. Il est conforme aux règles de la langue 
employée, et il est propre ou métaphorique, selon que 
les mots sont usités dans leur signification première 
ou dans une des significations détournées que l'usage 
leur a données. Ce sens est unique et se distingue des 
conclusions qu'on en tire logiquement, conclusions 
qui expriment ce que l'on appelle parfois le sens con- 
séquent du texte. Voir t. iv, col. 294-300. C'est à ce 
sens conséquent qu'il faut rapporter, si l'on veut 
l'entendre exactement, le sens théologique de la Bible, 
que quelques critiques récents ont distingué du sens 
biblique. Correctement interprétée, cette dénomination 
ne peut désignerque les conclusions que les théologiens 
tirent légitimement du sens réellement exprimé dans 
les Livres Saints. 

2. Sens spirituel. — Une particularité des Livres 
Saints est que, indépendamment de la lettre et par le 
moyen des choses exprimées par la lettre, l'Esprit 
inspirateur a voulu parfois faire énoncer une autre 
idée, cachée sous la lettre signifiée médiatement par 
elle et saisie par l'esprit du lecteur dans les vérités qui 
résultent du sens littéral. C'est le sens spirituel, mys- 
tique ou typique de l'Écriture. Ce sens ne se trouve 
pas dans tous les passages de l'Écriture inspirée, mais 
seulement dans quelques-uns, et par la volonté for- 
melle de l'Esprit inspirateur. Son existence ne se pré- 
suppose pas; elle a besoin d'être démontrée, et les 
sens spirituels certains de l'Écriture doivent être soi- 
gneusement distingués des interprétations mystiques. 



1611 



SENS DE L'ÉCRITURE — SENTINELLE 



4612 



proposées par les Pères et les exégèles. Voir t. rv, 
col. 1369-1376. 

2" Sens conventionnels ou faux. — A ces deux sens 
véritables on a joint un sens d'application dit sens 
accommodatice, qui n'est pas exprimé par la lettre, 
ni par conséquent voulu par le Saint-Esprit, mais 
qu'on tire de la lettre elle-même par extension ou par 
simple allusion, et parfois à contresens. Voir t. i, 
col. 112-115, et J.-V. Bainvel, Les contresens bibliques 
des prédicateurs, 2 e édit., Paris, 1906; et une inter- 
prétation fausse de certains passages de l'Écriture que 
l'on considère, comme des mythes et auxquels on 
attribue un sens mythique, qu'ils n'ont pas. Voir t. iv, 
col. 1376-1424. 

IIL La théorie des sens scripturaires exposée 

DANS LES TRAITÉS D'INTRODUCTION GÉNÉRALE OU DANS CEUX 

d'herméneutique. — Bien que l'herméneutique, prise 
en rigueur, soit réservée à l'exposé des règles de 
l'interprétation biblique, voir t. m, col. 612-613, on y 
introduit généralement la théorie des sens scripturaires 
en vertu de cette liaison logique que ces règles ont 
pour but d'aider à faire découvrir le véritable sens de 
l'Écriture, Mais les lois de la logique amènent quel- 
ques théoriciens à la distinguer de cette partie de 
l'herméneutique, qu'ils désignent sous le nom de 
heuristique (art de trouver le vrai sens), et à lui don- 
ner le titre spécial de propédeulique, V. Zapletal, 
Hermeneutica biblica, Fribourg (Suisse), 1897, p. 11- 
57, ou de normatique, S. Székely, Hermeneutica gene- 
ralis secundum principia catholica, Fribourg-en- 
Brisgau, 1902, p. 28-50. Plus généralement les auteurs 
des traités d'herméneutique négligent ces dénomina- 
tions techniqnes et se bornent à placer la théorie des 
sens bibliques avant l'exposé des règles d'interpréta- 
tion. Les auteurs d'Introductions générales à l'Écri- 
ture Sainte font de même et traitent seulement des 
sens bibliques dans un chapitre spécial de leurs 
ouvrages. Pour la bibliographie du sujet, voir les trai- 
tés d'herméneutique cités, t. m, col. 628-633, et les 
Introductions générales mentionnées ibid., col. 915-919. 

E. Mangenot. 
SENSENNA (hébreu : Sansennâh; Septante : Ssôsv- 
vix; Alexandrinus : Eav<xavvà), ville de la tribu de Juda. 
Jos., xv, 31. V. Guérin, Judée, t. ni, p. 172-173, l'iden- 
tifie, mais avec hésitation, à Hasersusa. Voir t. m, 
col. 447. « Parmi, les villes antiques du district monta- 
gneux de Juda, dit-il, il n'en est aucune dont le nom 
se rapproche de celui de Sousiéh, mais, au nombre 
de celles qui étaient assignées à la tribu de Siméon, il 
en est une appelée... en latin Hasersusa, Jos., xix, 5; 
Hasarsusim, I Par., iv, 31... Le nom de Sousa, au pluriel 
Sousim, a un rapport frappant avec celui de Sousiéh; 
d'un autre côté, le Khirbet Sousiéh semble plutôt avoir 
appartenu à la tribu de Juda qu'à celle de Siméon. Cette 
identification est donc douteuse. » Sousiéh est situé à 
l'est T nord-est d'es-Semu'à (Isthemo). Cf. Hasersusa, 
t. m, col. 447. 

SENSIBILITÉ, faculté qu'a l'âme d'être impres- 
sionnée par les objets extérieurs, grâce à l'intermédiaire 
des sens! — Les Hébreux ne distinguaient pas avec 
beaucoup de précision les facultés et les opérations 
diverses de l'âme. Ils appelaient bétén le sens intérieur 
en tant que siège de la sensibilité, sans exclusion de 
l'intelligence et de la volonté. Job, xv, 35. On souhaite 
que les douleurs fondent sur l'impie et que son ventre, 
bitnô, yaffrïip, venter, en soit rempli. Job, xx, 23. Haba- 
cuc, ut, 16, dit : « Mon ventre a tressailli, » bitnî, xoiXt'a, 
venter, c'est-à-dire : ma sensibilité a été ébranlée. Les 
choses qui émeuvent fortement vont jusqu'aux hadrê 
bétén, aux « chambres du ventre », au plus intime de 
la sensibilité. Prov., xvm, 8; xxvi, 22. Le ventre, xot).îa, 
venter, s'émeut à la recherche de la sagesse. Eccli., 



li, 21 (29). Voir Entrailles, t. n, col. 1818. Cf. Frz. 
Delitzsch, System der bibl. Psychologie, Leipzig, 1861, 
p. 265. Sur les causes qui émeuvent la sensibilité, voir 
Plaisir, col. 456; Souffrance; Deuil, t. n, col. 1396. 
Cf. Eccli., xxxvm, 17-20. H. Lesètre. 

SENSUALITÉ, inclination qui porte à rechercher 
et à se procurer avec excès les plaisirs des sens. Voir 
Plaisir, col. 456. Au point de vue de ses appétits sen- 
suels, l'homme est désigné dans la Sainte Écriture par 
le mot «chair », qui marque la prédominance déréglée 
de la partie matérielle sur l'esprit. Voir Chair, t.'ii, col. 
487. L'homme qui suit les instincts de la sensualité est' 
appelé * vieil homme », par opposition avec l'homme 
nouveau qui obéit à la grâce, Rom., VI, 6; Col., HT, 9, 
«homme animal», par opposition avec l'homme spiri- 
tuel, I Cor., n, 14, et «. homme terrestre », par opposi- 
tion avec l'homme qui vient du ciel. I Cor., xv, 47. Les 
désirs grossiers de la concupiscence sont sa loi. Rom., 
vi, 12; Gai., v, 24; Jacob., iv, 1, 3; II Pet., m, 3; I Joa., 
H, 16. Saint Paul appelle « corps du péché» cette inclina- 
tion de la nature déchue qui fait des hommes les « escla- 
ves du péché », et que Jésus-Christ est venu détruire. 
Rom., -vi, 6. H. Lesêtre. 

SENTINELLE (hébreu : sôfêh, somêr; Septante : 
oxoitô;, ipyXaJ; Vulgate : custos, speculator), celui qui 
est chargé de veiller pour avertir du danger. — A la 
guerre, des sentinelles sont chargées de veiller sur un 
camp ou sur un poste, afin d'avertir les soldats de 
l'approche des ennemis. Quand Gédéon et ses hommes 
arrivèrent au camp des Madianites au milieu de la nuit, 
on venait de relever les sentinelles, c'est-à-dire que 
les sentinelles qui avaient monté la garde pendant 
une veille étaient allées réveiller celles qui devaient 
prendre la garde pendant la veille suivante. Le moment 
était donc favorable pour faire invasion dans le camp. 
Jud., vu, 19. — Pendant que les Philistins et les Israé- 
lites campaient en face les uns des autres, les premiers 
à Machmas, les seconds à Gabaa, Jes sentinelles de 
Saùl remarquèrent le tumulte occasionné dans le camp 
ennemi par l'exploit de Jonathas et elles en donnèrent 
avis. I Reg., xiv, 16. Après le meurtre d'Amnon par 
Absalom, une sentinelle vit venir de loin la troupe des 
autres fils du roi. II Reg., xm, 34. A la suite de la 
défaite d' Absalom dans la forêt d'Éphraïm, une senti- 
nelle placée à la muraille vit accourir un homme et 
cria pour avertir David; elle en vit ensuite un autre 
et reconnut en lui Achimaas, fils de Sadoc, qui appor- 
tait la nouvelle de la victoire. Il Reg., xvm, 24-27. Pen- 
dant que les deux rois Joram et Ochozias étaient à 
Jezraël, la sentinelle placée sur la tour signala l'arrivée 
d'une troupe, puis l'attitude imposée aux deux cavaliers 
envoyés successivement vers elle, enfin l'approche de 
Jéhu qu'elle reconnut au train désordonné de son char. 
IV Reg., IX, 17-20. Dans le Cantique, v, 7, il est question 
de gardes qui font la ronde dans la ville et veillent sur 
les murailles. Les Assyriens mirent des sentinelle's 
auprès des sources de Béthulie, afin d'empêcher les 
Hébreux d'y venir puiser. Judith, vu, 9. Après son 
exploit, Judith, xm, 13, cria aux sentinelles de la ville 
de lui ouvrir les portes. Averti que les Syriens devaient 
le suspendre pendant la nuit, Jonathas commanda aux 
siens de se tenir sur pied et détacha des sentinelles 
avancées tout autour de son camp. IMach.,xn, 27. — Dans 
sa prophétie contre Babylone, Isaïe, XXI, 5-9, met en 
scène une sentinelle qui fait le guet, crie aux armes 
et, debout tout le jour et toute la nuit sur la tour, décrit 
l'arrivée des envahisseurs. Dans la prophétie contre 
Édom, on demande à la sentinelle : « Où en est la nuit? » 
Elle répond que le matin vient, mais refuse d'en dire 
plus long. Is., XXI, 11, 12. Les sentinelles de Sion élè- 
vent leur voix joyeuse, car elles voient revenir Jéhovah 



4613 



SENTINELLE — SÉPHARAD 



1614 



dans sa ville. Is., lu, 8. Sur les murs da Jérusalem, 
Dieu placera des sentinelles qui ne se tairont ni jour 
ni nuit et imploreront le secours de Jéhovah pour la 
restauration de la ville. Is., lxii, 6. Jéhovah a mis des 
sentinelles sur son peuple pour qu'il soit attentif aux 
sons de la trompette, et le peuple a répondu : « Nous 
n'y ferons pas attention ! » Jer., vr, 17. Ces sentinelles 
sont les prophètes qui ont mission d'annoncer les châti- 
ments divins. Un jour viendra, après la restauration, 
où les sentinelles postées sur les montagnes d'Éphraïm 
crieront : «Allons à Sion! » Jer., xxxi, 6. Le prophète 
invite les ennemis de Babylone à élever leurs étendards, 
' à renforcer le blocus, à poser des sentinelles et à dres- 
ser des embuscades pour forcer la ville. Jer., li, 12. 
Ezéchiel, m. 17, a été donné pour sentinelle à la mai- 
son d'Israël, afin de l'avertir d'avoir à se convertir. Quand 
la sentinelle sonne delà trompette pour signaler l'appro- 
che des ennemis, ceux qui ne tiennent pas compte de son 
avertissement sont responsables de leur sort. Mais si la 
sentinelle ne sonne pas de la trompette quand elle voit 
venir les ennemis, c'est elle qui est responsable. Ezech., 
xxxni, 2-6. Osée, ix, 8, est aussi établi pour être la sen- 
tinelle d'Israël. — Les gardes postés au sépulcre du 
Sauveur ont mal fait leur devoir de sentinelles, si, 
comme on leur fit dire, les disciples ont pu enlever le 
corps. Matth., xxvn, 66; xxvm, 4, 11. — Des gardiens 
étaient chargés de faire fonction de sentinelles pour 
protéger les cultures dans les champs et les vignes. 
Voir Tour, Vigne. — Sur les sentinelles placées à la 
porte des prisons, voir Geôlier, t. m, col. 193. 

H. Lesêtre. 
SENUA (hébreu : Hassenû'dh; Septante : 'Auavâ), 
père de Judas, contemporain de Néhémie. II Esd., xi, 
9. Voir Judas 1, t. m, col. 1790. 

SÉON (hébreu : Si'ân; Septante : Stwvà), ville d'Is- 
sachar. Jos., xix, 19. Elle est nommée seulement dans 
ce passage, où elle est placée entre Apharaïm et Anaha- 
rath. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow et 
Parthey, 1862, p. 341, disent, qu'on la montrait de leur 
temps près du mont Thabor. Divers géographes la pla- 
cent aujourd'hui à Ayûn esch-Schaïn, à 5 kilomètres 
environ à l'est de Nazareth, à 4 kilomètres au nord-ouest 
du Thabor. Le Talmud mentionne une ville de Siftin . 
près de Sepphoris: Ad. Neubauer, La Géographie du 
Talmud, 1868. p. 202. — Jérémie, xlviii, 45, dans la 
Vulgate, parle de « la ville de Séon » (hébreu : Sihon). 
Il s'agit, non de la ville d'Issachar, mais de la ville 
d'Hésébon, capitale du royaume de Séhon, comme le 
montre le parallélisme. Cf. Hésébon, t. m, col. 662. 

SÉOR (hébreu : Sôhar; « lumière, splendeur »; 
Septante : 2aip), père d'Éphron. Éphron habitait Hébron 
et vendit à Abraham la caverne de Macpélah qui lui 
servit à ensevelir Sara. Gen., xxm, 8; xxv, 9. Voir Mac- 
pélah, t. iv, col. 520. — Deux Israélites portent le même 
nom en hébreu. Ils sont appelés dans la Vulgate : 
Sohar, Gen., xlvi, 10, etc., et Isaar (kerî), I Par.,^ 7. 
Voir Isaar 2, t. m, col. 936, 

SEOR1M (hébreu : Se'ôrîm, « orge » ; Septante : 
Esropi'n), chef de la quatrième des vingt-quatre divisions 
établies par David parmi les enfants d'Aaron pour l'ac- 
complissement des fonctions sacerdotales dans le sanc- 
tuaire. I Par., xxiv, 8. 

SÉPHAATH (hébreu : Sefat; Septante : Se^sS), nom 
chananéen de la ville que les Hébreux, à l'époque de 
l'Exode, appelèrent Horma. Jud., i, 17. Voir Horma 1, 
t. m, col. 754. 

SEPHAM (hébreu : Suppim; Septante : Eairçsv), 
nom d'un descendant de Benjamin, frère de Hapham 



et fils de Hir. I Par., vu, 12. Ce nom est diversement 
écrit dans l'Écriture. Voir Hapham, t. m, col. 420. 

SÉPHAMA (hébreu : Sefâmâh, avec le hé locatif; 
• Septante : Sempasiâç), localité indiquée dans les Nom- 
bres, xxxiv, 10, 11, comme une des frontières orien- 
tales de la Palestine. Le site est inconnu. Lé Targum du 
Pseudo-Jonathan l'identifie avec Apamée, mais cette 
ville est trop au nord. — L'intendant des celliers de 
David, Zabdias, était de Séphamfa], d'après le texte 
hébreu, I Par., xxvn, 27 (Vulgate : Aphonites), selon 
quelques interprètes, mais, selon d'autres, il faut en- 
tendre has-Sifnû de Séphamoth, ville du sud. de la 
Palestine, et non de Séphama. Voir Aphonite, 1. 1, col. 735. 

SEPHAMOTH (hébreu : Sifmôt; Septante : 2« ? f, 
SaiiapLwc), ville du sud de Juda, aux habitants de laquelle 
David, après avoir défait les Amalécites, à la fin de la 
persécution de Saùl, envoya une partie du butin qu'il 
avait pris à ses ennemis. I Reg. (Sam)., xxx, 28. Elle 
est nommée entre Aroër et Esthamo. Le site en est 
inconnu et elle ne figure pas dans l'Onomasticon d'Eu- 
sèbe et de saint Jérôme. — Sur la patrie de Zabdias, 
voir SÉPHAMA. 

SEPHAR (hébreu : Sefârâh, avec hé locatif; Sep- 
tante : Sa?r,p«; Alexandrinus : Sw?-/-pa), montagne 
qui marque une des limites des Jectanides qui s'éten- 
dirent en Arabie « depuis Messa jusqu'à Séphar. » Gen., 
x, 30. Ptolémée, VI, vu, 25,41, mentionne Sômpapct; cf. 
Pline, H. N., vi, 26, en Arabie, et les voyageurs modernes 
signalent deux Zafâr, dans l'Arabie du sud. L'une est 
la capitale des Himyarites « près de Sanaa dans l'Yémen, » 
l'autre est une ville de la côte sud-est qu'Ibn Batuta 
appelle « la ville la plus lointaine de l'Yémen. t> R. 
von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 83. Voir Ed. 
Glaser, STdïze der Geschichte und Géographie des Ara- 
biens, t. n, 1890, p. 437. 

SÉPHARAD (hébreu : Sefârâd; Septante : 'Eçpaxœ; 
Vulgate : Bosphorus), nom de lieu dans la prophétie 
d'Abdias, f. 20. Des Juifs étaient captifs dans ce pays. 
Les plus anciens traducteurs de la Bible ignoraient ce 
qu'était Sépharad. Vbi nos posuimus Bospeorum, dit 
saint Jérôme, in Ilebraico "habet Sapharad : quod nes- 
cio cur Septuaginta Ephratha transferre voluerint, 
cum et Aquila et Symmachus et Theodotion cum 
hebraica veritate concordent. Nos autem ab Hebrxo, 
qui nos in Scripturis sanctis erudivit, didicimus Bos- 
phorum sic vocari : et quasi Judxus. Ista inquit, est 
regio, ad quant Hadrianus captivos transtulit. In 
A bd., f. 20, t. xxv, col. 1115. Pour trouver le Bosphore, 
dans Abdias, les Juifs devaient considérer la préposi- 
tion b, placée devant Sefàràd comme partie intégrante 
du nom propre et supprimer le d final Ils entendiréntaussi 
par ce nom l'Espagne et imaginèrent à ce sujet beaucoup 
de fables. Voir Calmet, Dictionnaire de la Èible,Sepha- 
rad, édit. Migne, t. iv, col. 451. Le Targum de Jona- 
than et la Peschito voient l'Espagne dans Sépharad et 
c'est par suite de cette interprétation que les Juifs 
d'Espagne portent le nom de Sepharadim, pour se dis- 
tinguer des Juifs d'Allemagne appelés Aschkenazim. — 
Les inscriptions assyriennes fournissent la clef du pas- 
sage d'Abdias. Il s'agit d'un pays habité par un peuple 
dont le nom Saparda apparaît pour la première fois, 
d'après ce qui en est connu jusqu'ici, du temps d'Asar- 
haddon, roi d'Assyrie, et qu'on trouve établi en Asie 
Mineure, dans les inscriptions de Darius, fils d'Hys- 
taspe, à Béhistoun el à Naksch-i-Reustam. Le pays de 
Saparda parait avoir été situé dans la partie septen- 
trionale de l'Asie Mineure. Voir A. Sayce, The Land of 
Sépharad, dans Expository Times, mars 1902. 



1615 



SEPHARVAÏM 



1616 



SÉPHARVAIM (hébreu : Sefarvaïm; Seplante : 
2eirçafoyai[i), ville d'où Sargon II, roi d'Assyrie, après 
la conquête de la Samarie et la déportation de ses 
habitants, fit venir des colons pour la repeupler. On 
l'identifie avec la ville babylonienne de Sippar. IV Reg., 
xvii, 24-31. 

Sippar (Sippara) est le nom sémitisé de l'antique 
cité sumérienne de Zimbir. F. Hommel, Grundriss der 
Géographie und Gesckichte des Allen Orients, Erste 
Hàlfte, Munich, 1904, p. 341; Frd. Delitzsch, Wo lag 
das Paradies? Leipzig, -1881, p. 210. Eb. Schrader, 
Die Keilinschriften und das Aile Testament, 3 e édit., 
Berlin, 1902, p. 532; Encyclopsedia biblica, Londres, 
1903, t. IV, col. 4371. C'était une ville très importante 
dont le site a été reconnu, en 1880-1881, par Hor- 
muzd Rassam, à Abou-flabba, au nord de Babylone et 
à environ 30 milles anglais dans le sud-ouest de Bagdad, 
à peu près à mi-chemin entre ces deux localités. Ses 
ruines occupent, sur la rive gauche de l'Euphrate, une 
étendue considérable, de plus de 3 kilomètres de cir- 
conférence, et elles sont limitées, au sud-ouest, par le 
canal desséché de Ruthwanieh. F. Vigouroux, La Bible 
et les découvertes modernes, 6 e édit., 1896, p. 572; 
Frd. Delitzsch, dans Calwer, Bibellexikon, 1885, p. 865; 
Eb. Schrader, loc. cit., p. 367. L'opinion la plus géné- 
ralement admise voit dans Sippar une double ville, 
F. Vigouroux, loc. cit., p. 572; Frd. Delitzsch, Calwer, 
Bibellexikon et Wo lag das Paradies ? ibid., partagée 
par l'Euphrate qui passait, à cette époque lointaine, 
12 kilomètres plus à l'est que son cours actuel, et 
que les inscriptions appellent : «le fleuve de Sippar x . 
F. Hommel, loc. cit., p. 341. L'une de ces villes avait 
nom : Siip-par sa Sa-mas : la Sippar de Samas (le 
dieu Soleil), et l'autre : Si-ip-par sa A-nunit: la Sippar 
d'Anounit (la déesse Istar, étoile du matin). F. Delitzsch, 
Wo lag das Parodies? p. 209. Les tells d'Abou-Habba, 
où Hormuzd Rassam a découvert d'importants docu- 
ments se rapportant au culte du soleil, occuperaient 
spécialement l'emplacement de la ville de Sippar pro- 
prement dite, la Sippar de Samas. La Sippar d'Anounit 
est identifiée par les assyriologues avec une autre an- 
tique cité, celle d'Aganè ou Agadê, dont le nom en se 
sémitisant est devenu Akkad. Le D r Ward veut placer 
cette seconde ville à peu de distance de Sufeira, dans 
I'ouest-nord-ouest de Bagdad, aux ruines d'el-'Anbar, 
qui représenteraient à la fois la Sippar d'Anounit et 
Agadê. Les tells de celte région témoigneraient en la- 
veur d'une cité encore plus importante que ceux d'Abou- 
Habba, rattachée à l'Euphrate par un canal. J.P.Peters, 
Kippur or Explorations and Advenlures on the Eu- 
phrates, New-York et Londres, 1897, t. i, p. 176,. 335. 
Mais cette opinion n'est pas admise sans réserves. 
A. Jeremias, Das Alte Testament ini Lichle des Allen 
Orients, 2 e édit., Leipzig, 1906, p. 545, On veut même 
ne reconnaître dans Sippar qu'une seule ville, désignée 
sous deux vocables différents. Encyclopsedia biblica, 
t. iv, col. 4371. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas 
qu'on puisse, avec autorité, l'appuyer sur la leçon mas- 
sorétique du texte hébreu : a'Tiro; si même on doit 

considérer cette lecture comme une forme duelle au- 
thentique. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies? 
p. 211; Encyclopsedia biblica, t. IV, col. 4371. A ce 
sujet, il y a lieu de rappeler que le D r P. Haupt a 
proposé la correction de enro en en isd (ou tsd) : 

la Sippar des eaux (du fleuve). Cf. IV Reg., xvm, 34, 
Seirqjapo-Jiiaiv (dans B 1 ), que l'on peut rapprocher de la 
dénomination de l'Euphrate : « le fleuve de Sippar ». 
L'histoire de Sippar, d'après les vieux récits transmis 
par Bérose, remonte au delà du déluge. C'est en cette 
ville que Xisuthrus, sur le conseil de Kronos, s'en fut 
cacher les écrits mystérieux antérieurs à ce grand évé- 
nement. La première mention de cette ville, dans les 



textes historiques originaux, est de Lugalzaggisi, roi 
d'Érech, et on en retrouve d'autres dans les inscriptions 
archaïques de Gudéa, patési de Lagas, de Manistusu, 
roi de Kis, ainsi que de Sargon l'Ancien, roi d'Agadê. 
Les premiers chefs de la dynastie d'Hammourabi firent 
leur capitale de cette antique Sippar, qui, après avoir 
perdu son autonomie, garda néanmoins un rang impor- 
tant parmi les villes babyloniennes. F. Hommel, loc. 
cit., p. 341. Elle fut du nombre de celles dont la ré- 
volte mit à l'épreuve la valeur du monarque assyrien 
Assurbanipal. Keilinschriftliche Bibliolhek, t. n, 1890, 
p. 192. Nabonide, vers la fin du second empire chal- 
déen, y releva son célèbre temple, et ses inscriptions 
nous ont gardé le souvenir des travaux que Naramsin, 
le fils de Sargon l'Ancien, y avait fait antérieurement 
exécuter, car sa fondation doit être de beaucoup plus 
ancienne. F. Hommel, loc. cit., p. 342. 

Ce temple, qui était le centre du culte du Soleil pour 
le nord de la Babylonie, s'appelait VE-Babbara, « la 
maison blanche », désignation que portait également 
celui de Larsa, centre du même culte pour les villes, 
du sud. F. Hommel, loc. cit., p. 342; Eb. Schrader, 
loc. cit., p. 367; A. Jeremias, loc. cit., p. 106. Les pre- 
miers habitants sumériens de l'endroit y adoraient le 
soleil, sous le nom d'Utu, que les Sémites conquérants 
changèrent en celui de Samas, nom qui se retrouve 
dans les autres langues sémitiques. Eb. Schrader, loc. 
cit., p. 367. Avec Samas, l'Illuminateur et le Juge 
suprême, son épouse Axa, et ses enfants, Kettu, « le 
Droit », et Mcsaru, « la Justice », voire même le conduc- 
teur de son char Bunênê, recevaient dans Sippar les 
hommages des pieux fidèles. Eb. Schrader, loc. cit., 
p. 367; A. Jeremias, loc. cit., p. 106. Quant au temple 
d'Anounit, dans la Sippar de ce nom, il s'appelait 
\'E-ul-mas. F. Hommel, loc. cit., p. 343, 400. — Il y 
avait encore d'autres villes de Sippar, mais elles ne nous 
sont, pour ainsi dire, connues que par leurs noms : 
la Sippar du dieu Amnanu et la Sippar de la déesse- 
mère Aruru. F. Hommel, loc. cit., p. 344; Eb. Schrader, 
loc. cit., p. 430. 

Au point de vue assyriologique, quelques difficultés 
s'élèvent, tant au sujet de l'identification de la Séphar- 
vaïm de IV Reg., xvii, 24, avec la cité babylonienne de 
Sippar, que de la colonisation de la Samarie par ses- 
habitants, sur l'initiative de Sargon II. Aussitôt après la> 
prise de Samarie (722), le roi d'Assyrie eut à lutter contre 
Mérodach-Baladan, roi du Bît-Vakin, qui, soutenu par 
le roi d'Élam Ummanigas, avait envahi la Babylonie- 
Cette première campagne de 721 fut plutôt malheureuse, 
Keilinschriftliche Bibliolhek, t. il, p. 276, et il ne 
semble pas que Sargon ait pu, à la suite de cette opéra- 
tion militaire, organiser l'émigration officielle des gens 
de Sippar, en Samarie. Lorsque ce roi effectua le re- 
peuplement de la terre d'Omri, dont il avait exilé les 
habitants, il le fit, nous dit-il lui-même, au moyen de- 
tribus arabes conquises, Keilinschriftliche Bibliothek y 
t. n, p.42. Il ne put prendre sa revanche sur Mérodach- 
Baladan qu'en 709, et, alors, on trouve bien, dans les 
textes originaux, la mention expresse des habitants de 
Sippar et d'autres villes babyloniennes, mais Sargon 
se donne, en quelque sorte, comme leur libérateur, et 
il déclare qu'il les rélablit en possession de leurs terres- 
et de leurs biens. Keilinschriftliche Bibliothek, t. il,, 
p. 72, 276. Ailleurs, il se flatte d'avoir richement doté- 
la ville de Sippar, et quelques autres. Keilinschriflliche 
Bibliolhek, t. H, p. 40, 52. 

Si le texte de IV Reg., xvii, 24-31, où des villes baby- 
loniennes bien authentiques se rencontrent avec des- 
villes syriennes, autorise, jusqu'à un certain point,, 
l'ancienne interprétation, il n'en est pas de même des 
autres textes où Sépharvaïm est citée, et qui n'offrent 
guère qu'une énumération de villes syriennes : IV Reg. r 
xvm, 34, et xix, 13, rapprochés de leurs parallèles r 



1617 



SÉPHARVAÏM - SÉPHÉLAH 



1618 



Is., xxxvi, 19, et xxxvn, 13. Aussi le problème ne paraît 
pas résolu pour tous les exégètes. Enr.yclopxdia 
bMica, IV, col. 4372; A. Jeremias, loc. cit., p. 545. A 
propos d'Àdramélech et d'Anamélech, divinités aux- 
quelles les gens de Sépharvaïm immolaient leurs 
enfants par le feu, nous avons vu, plus haut, que la 
grande divinité de la Sippar babylonienne était Samas, 
«le Soleil». Ajoutons que le premier élément du second 
de ces deux noms a été seul lu, avec certitude, dans les 
textes cunéiformes : Anu, le dieu du Ciel et le père des 
dieux. Il se manifeste actuellement une tendance à voir 
dans Adramélech et Anamélech des divinités syriennes, 
A. Jeremias, loc. cit., p. 546, et à reporter dans la même 
région la Sépharvaïm de IV (II) Reg., xvil, 24-31, elle- 
même, en ne séparant pas cette citation des autres pas- 
sages de la Bible, où Sépharvaïm est mentionnée. 

Y. Le Gac. 
SEPHATA (hébreu : Sefâtâh), vallée située dans 
le territoire de la tribu de Juda, d'après l'hébreu et la 
Vulgate. Les Septante, au lieu de Sefâtâh ont lu Sefô- 
ndh, îcaxà ëoppâv Mapïjirâ, « au nord de Marésa ». Ce 
mot ne se retrouve pas ailleurs comme nom propre et 
les Septante l'ont pris pour un nom commun, II Par., 
xiv, 10, ce qui porte plusieurs critiques à douter que 
Sephata soit une expression géographique. On l'accepte 
cependant communément comme telle. Ed. Robinson, 
Biblical Researches, t. H, 1856, p. 31, rapproche hypo- 
thétiquement Sephata du Tell es-Safiéh actuel. On 
objecte contre cette identification la trop grande dis- 
tance de Tell es-Safiéh à Marésa. Voir Marésa 3, t. iv, 
col. 757; Maspha 3, col. 837-838. C'est dans la vallée de 
Sephata que le roi de Juda, Asa, remporta une grande 
victoire contre Zara l'Éthiopien. II Par., xiv, 10. 

SÉPHATIA (hébreu : Sefalyâh ; Septante :Sa?aTi'a). 
Les « fils de Séphatia » revinrent au nombre de 372 de 
la captivité de Babylone en Palestine. I Esd., H, 4. La 
Vulgate écrit ce nom propre Saphatia dans II Esd., vu, 
59. Voir Saphatia 8. 

SÉPHÉI (hébreu : Sife'i; Septante : Eaqm), fils 
d'Allon et père de Ziza.de la tribu de Siméon, l'un des 
chefs de famille de cette tribu. II Par., Iv, 37. Du temps 
du roi Ézéchias, Ziza avec d'autres membres de sa tribu 
alla attaquer les descendants de Cham qui habitaient à 
Gador et qui, s'étant emparés de leurs pâturages, s'y 
établirent, f. 39-41. 

SÉPHÉLAH (hébreu : has-sefêldh, avec l'article, 
« la plaine » ou mieux : « le pays bas »; grec : -cô 
• îisêt'ov, Deut., i, 7; Jos., xi, 2; xn, 8; I Mach., m, 24; 
xiii, 13; ï| iteSivï) (y9i), Jos., ix, 1; x, 40; xi, 16; xv, 
33; Jud., i, 9; I (III) Reg., x, 27; I Par., xxvn, 28; 
II Par., i, 15; xxvm, 18; Jer., xvil, 26; Zach., vu, 7; 
I Mach., m, 40; Se?r,).â, II Par., xxvi, 10; Jer., 
xxxii, 44; xxxin, 13; Abd., 19; I Mach., xn, 38; Vul- 
gate : humiliora loca, Deut., i, 7; canipestria, Jos., 
ix, 1; xi, 2; xv, 33; Jud., 1,9; III Reg., x, 27; I Par., 
xxvn, 28; II Par., i, 15; xxvi, 10; Abd., 19; Zach., 
yn, 7; campestris (terra), Jos., x, 40; I Mach., m, 40; 
campestres (urbes, civitates), II Par., xxvm, 18; Jer., 
xvil, 26; xxxn, 44; xx.xin, 13; campus, I Mach., ni, 24; 
xiii, 13; planities, Jos., xi, 16; plana, Jos., xii, 8; 
Sephela, I Mach., xn, 38), plaine du sud-ouest de la 
Palestine, dont le nom se trouve une seule fois dans la 
Vulgate, I Mach., xn, 38; mais qui est mentionnée, 
sous forme de nom commun, en plusieurs endroits de 
la Bible. Le même mot, Se fêlait, de la racine sdfêl, 
« être bas », se rencontre partout en hébreu; mais, les 
versions, on le voit, l'ont rendu par différents syno- 
nymes. 

I. Situation, étendue. — Le mot sefêldh est employé 
dans l'Écriture conjointement avec ceux de har, 



« montagne »; négéb, « midi »; 'âràbâh, « vallée » (du 
Jourdain), pour indiquer les différents caractères 
topographiques de la Palestine. Cf. Deut., i, 7; Jos., 
IX, 1 ; x, 40. Il ne désigne donc pas une plaine en 
général, et c'est ainsi qu'il n'est jamais appliqué, par 
exemple, à la plaine d'Esdrelon. Voir Esdrelon, t. n, 
col. 1945. Mais il détermine une région spéciale du 
territoire. D'après l'étymologie, il signifie « pays bas », 
et se distingue de biq'dh, de mîsôr, etc. Voir Plaine, 
col. 454. Il désigne la plaine qui s'étend de Jaffa à 
Gaza et est le prolongement méridional de celle de 
Saron. Mais il ne serait pas exact de restreindre la 
Séphélah à cette bande de terrain. Elle comprend 
aussi l'ensemble des basses collines qui forment 
comme les premiers contreforts de la montagne 
judéenne. La preuve est facile à tirer de Jos., xv, 
33-47, où l'auteur sacré, énumérant les villes de la 
tribu de Juda, et distinguant celles qui appartenaient 
au négéb ou « midi », à « la montagne », au « désert », 
de celles qui faisaient partie de la « séphélah », place 
dans cette dernière des cités qui dominaient la mer de 
trois à quatre cents mètres et occupaient un niveau 
moyen entre la plaine maritime et l'arête montagneuse,, 
dont l'altitude va de sept à huit cents mètres. Telles 
sont Saréa, Azéca, Céila, etc. Voir Juda 6, Villes de la 
plaine, t. ni, col. 1759. Il ne faudrait pas cependant, 
d'un autre côté, restreindre la dénomination de Sefê-- 
lâh à ces collines basses situées entre la montagne et 
la plaine maritime. C'est ce que fait à tort G. A. Smith , 
Historical Geography of the Holy Land, Londres, 
1894, p. 201 sq. Il prétend d'abord que les villes 
assignées à la Séphélah par l'Ancien Testament, Jos., 
xv, 33-47; II Par., xxvm, 18, étaient toutes situées sur 
les basses collines et non dans la plaine. Cette asser- 
tion est fausse en ce qui concerne le dernier groupe, 
f. 45-47, c'est-à-dire Accaron ÇAqîr), Azot (Esdùd) et 
Gaza. Notre auteur s'en tire, il est vrai, en attribuant 
ce groupe à une addition postérieure. Il faudrait 
premièrement prouver cette interpolation. En second 
lieu, fût-elle démontrée, il n'en résulterait pas moins 
que, au temps de l'interpolateur, l'usage donnait au 
mot sefêldh l'extension qu'on lui reconnaît générale- 
ment. On peut ajouter que, I Mach., xn, 38, la ville 
d'Adiada est représentée comme bâtie par Simon èv -uT t 
2£Ç7)Xa, « dans la Séphélah »; or, elle est bien iden- 
tifiée aujourd'hui avec le village de Hadithéh, qui 
se trouve dans la plaine, près de Ludd-Lydda. 
Voir Adiada, t. i, col. 216. — Smith s'appuie ensuite 
sur deux autres passages de l'Écriture : II Par., xxvm, 
18, il est dit que les Philistins firent une incursion 
dans les villes de la Séphélah, qui devait donc être 
distincte de leur propre pays, la plaine maritime; 
Zach., vu, 7, il est question du temps où les Juifs 
habitaient la Séphélah ; or, ils n'habitèrent jamais la 
plaine côtière. Les passages cités prouvent bien que la 
Séphélah s'étendait jusqu'à la région moyenne où se 
trouvaient Bethsamès, Socho, Thamna etc., mais ils ne 
prouvent pas qu'elle y était exclusivement restreinte. — 
Smith rapporte enfin cette division de la Judée d'après 
la Mischna, Schebiith, IX, 2, en « montagne [har), 
plaine (sefêldh) et vallée ('éméq) ». Mais le Talmud 
de Jérusalem porte ici négéb, « midi », au lieu de 
'éméq. L'auteur ajoute ces paroles de R'. Yohanan : 
« Depuis Béthoron jusqu'à Emrnaùs, c'est la montagne; 
d'Emmaûs à Lod, la plaine (sefêldh); de Lod jusqu'à 
la mer, la vallée. » Ces distinctions géographiques du 
Talmud ne sont pas si claires qu'elles en ont l'air. C'est 
ainsi qu'on lit dans un autre endroit : « Les montagnes 
de la Judée sont le mont Royal; sa plaine est la plaine 
de Darom; le pays entre Jéricho et En-Gédi, c'est la 
vallée de la Judée. » Or, le Darom talmucHque est la 
plaine de la Judée en général; il s'éleDd de Lod jus- 
qu'au sud. Ce dernier passage do nne donc la triple divi- 



1619 



SEPHELAH 



SEPHET 



4620 



sion de la Judée : plaine ou sefêldh à l'ouest; vallée à 
l'est; montagne entre les deux. On peut alors conclure 
avec A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 
1868, p. 61 ; « La contrée depuis Belh-Horon jusqu'à la 
mer a en effet ses trois subdivisions si on la considère 
isolément; dans l'ensemble, elle est prise comme pays 
de plaine de la Judée. » 

Smith a en outre contre lui : 1° les Septante, qui 
traduisent toujours sefêldh par tteoi'ov, ïi tieôivyi (y?,), 
« la plaine », mots dont ils se servent aussi pour 
rendre biq'dh, 'êméq, « vallée ; » miSôr, « plateau », et 
qu'ils n'auraient pu employer s'il s'était agi uniquement 
d'une région accidentée comme celle des basses collines 
de Juda; — 2°Eusébe et saint Jérôme, qui, dans l'Ono- 
masticon, Gœttingue, 1870, p. 154, 296, nous apprennent 
que, jusqu'à leur époque, on appelait Séféla toute la 
plaine qui s'étend aux environs d'Éleuthéropolis et se 
dirige vers le nord et l'occident. On pourrait croire 
que l'expression hôf hay-yâm, « le rivage de la mer », 
qui, Deut., I, 7; Jos., ix, 1, rentre dans les traits carac- 
téristiques du pays, indique la plaine côtière, par oppo- 
sition à la Sefêldh ; mais elle désigne plutôt la plaine 
maritime qui, au sud de cette contrée, se dirige vers 
Vouadi el-Arisch, frontière de la Palestine, ou celle 
qui va vers le nord, du côté du Liban. Le mot sefêldh 
s'applique même en deux endroits, Jos., xi, 2, 16, à la 
plaine côtière qui s'étend au-dessous ou au-dessus du 
Carmel; il est question, au j. 16, de « la montagne d'Israël 
et de sa sefêldh, » c'est-à-dire de la partie basse qui 
la séparait de la mer comme la montagne de Juda. — 
Jusqu'où s'étendait la Séphélah du côté du nord? Il est 
impossible de déterminer la limite d'une façon exacte. 
On peut la chercher cependant du côté de Adiada et 
dans les environs de Jafla. 

II. Description. — La Séphélah est donc le lowland, 
« le pays bas », de la Palestine. Elle peut se partager 
en trois zones parallèles. C'est d'abord une plage sa- 
blonneuse qui court le long de la mer, mais cette région 
des dunes est susceptible de culture, et les villes qu'elle 
renferme, Gaza, Azot(Êsdûd), Jamnia(yeina), etc., sont 
entourées de jardins et de bosquets d'arbres fruitiers, 
bien que l'envahissement des sables et les ruines 
-donnent souvent à cette partie un aspect désolé. Vient 
ensuite une large étendue de plaines boisées par endroits 
et arrosées par des rivières encombrées de roseaux. 
C'est, sur une longueur d'environ 75 kilomètres, une 
vaste plage légèrement ondulée, qui, aux dernières 
époques géologiques, émergea du sein des eaux, quand 
la mer cessa de battre le pied des montagnes de Juda. 
Parsemée de hauteurs qui vont de 50 à 60, 80 mètres 
et plus au-dessus du niveau de la Méditerranée, elle 
est composée d'une arène fine et rougeâtre que la pluie 
ou de fréquentes irrigations transforment en un véri- 
table terreau extrêmement fertile. L'eau s'y trouve à 
quelques mètres seulement de profondeur. Aussi, malgré 
la déchéance du pays, la richesse de ses produits 
rappelle-t-elle l'Egypte. A certains moments de l'année, 
les moissons y forment une immense nappe verte ou 
jaune suivant leur degré plus ou moins avancé. D'en- 
droits en endroits, l'uniformité de la plaine est coupée 
par des bouquets de verdure qui marquent les villages. 
Ceux-ci sont placés sur de petits monticules, collines 
souvent artificielles composées par les restes des an- 
ciennes habitations écroulées. Ils sont entourés de 
palmiers élancés, de figuiers, de sycomores et d'impé- 
nétrables haies de cactus. Les maisons sont bâties en 
pisé ou terre mélangée de paille hachée. Cette contrée 
■est, en somme, comme le prolongement du delta égyp- 
tien. Après elle, vient enfin la région de la basse mon- 
tagne, qui est en quelque sorte le premier étage du 
massif judéen. Elle s'étend comme en amphithéâtre 
au-dessus de la plaine. Les collines qui la composent 
ne se rattachent pas aussi étroitement à l'arête monta- 



gneuse que celles qui bordentla plaine de Saron. Elles 
en sont séparées par une série de vallées, tantôt larges, 
tantôt étroites, qui courent vers le sud, et laissent au 
massif moyen son groupement à part. Aussi, quiconque 
les possédait n'était pas pour cela maître du territoire 
de Juda. Elles en formaient comme les avant-postes; 
c'était comme un rempart de bastions qui le défendait 
de ce côté; mais, pour arriver au cœur du pays, il fallait 
s'engager dans d'étroits défilés et escalader la mon- 
tagne. Elles sont également coupées de l'est à l'ouest par 
de nombreux torrents qui descendent dans la plaine. 
Voir Juda 6, Description, t. ni, col. 1767. 

III. Histoire. — On voit dès lors quelle fut l'impor- 
tance historique de la Séphélah. Sa situation et sa ferti- 
lité devaient attirer des étrangers comme les Philistins, 
dont elle lit plus tard tout à la fois la richesse et l'or- 
gueil. L'Écriture parle des sycomores, des oliviers et des 
figuiers qui y croissaient, des troupeaux qu'on y élevait. 
Cf. I Reg., x, 27; I Par., xxvii, 28; Il Par., I, 15; 
xxvi, 10. Mais en même temps, elle devait être un perpé- 
tuel champ de bataille entre Philistins et Hébreux, 
j C'est dans les immenses moissons de blé de la plaine, 
i alors que le soleil desséchait la paille et les épis mûrs, 
que Samson lança ses chacals. Jud., xv, 1-5. Toute 
l'histoire de ce héros, du reste, se rattache à cette 
contrée. Voir Samson, col. 1434. Il en est de même 
pour certains épisodes de la vie de David. Voir David, 
t. ïi, col. 1311; Philistins, col. 286. Les grandes vallées 
qui coupent les collines de la Séphélah étaient des voies 
naturelles conduisant au cœur du pays, et c'est par là 
que les armées ennemies cherchaient à y pénétrer. 
Mais la plaine elle-même a une importance assez consi- 
dérable dans l'histoire, parce qu'elle fut un tronçon de 
la grande route qui allait d'Egypte en Syrie et en 
Assyrie. Voir Routes, col. 1229. — Cf. Stanley, Sinai 
and Palestine, Londres, 1866, p. 255-260; G. A. Smith, 
HistoricalGeography of the Holy Land, Londres, 1894, 
p. 201-244; C. R. Conder, Tent Work in Palestine, 
Londres, 1889, p. 273-288. A. Legendre. 

SÉPHER (hébreu : Sd/e>, à la pause; Septante : 
Saçàp), montagne auprès de laquelle campèrent les 
Israélites pendant leur séjour dans le désert. Elle «st 
nommée entre Céélatha et Arada. Num., xxxm, 23, 24. 
L'identification en est incertaine. Le P. Lagrange, Itiné- 
raire des Israélites du pays de Gessin aux bords du 
Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 278, propose 
le Djebel 'Araïf, montagne isolée et abrupte, à six 
heures au nord de Vouadi Qoureyé. « De loin, dit-il, 
il ressemble à une pyramide; de près on peut penser 
avec les Arabes qu'il a la forme d'un gigot. Aucun rapport 
ni de sens ni de consonnance avec [Sâfêr], mais il faut 
avouer que cette montagne intéressante se rencontre 
ici à point nommé. » 

SÉPHET, ville de la tribu de Nephthali, nommée 
seulement dans la Vulgate. « Tobie, de la tribu et de la 
ville de Nephthali, qui est dans la Haute-Galilée, au-des- 
sous de Naasson, derrière le chemin qui conduit à l'occi- 
dent, ayant à gauche la ville de Séphet. » Tob., i, 1. On 
ne connaît pas de ville ayant porté le nom de Neph- 
thali. Il faut donc entendre que Tobie était originaire 
d'une localité peu connue de la tribu de Nephthali dont 
la situationest indiquée par rapport à Naasson (inconnue, 
voir Naasson 2, t. îv, col. 1430) et à Séphet, ville encore 
importante pour les Juifs de nos jours. Ni Naasson ni 
Séphet ne sont nommés dans le texte grec qui porte : 
« Tobie,.., de Thisbé, qui est à droite de Cydios (à lire : 
Cédés) de Nephthali en Galilée... » Les. divers manus- 
crits grecs diffèrent d'ailleurs entre eux dans les noms 
et l'énumération de ces noms propres. 

Séphet ne peut être que la ville appelée aujourd'hui 
Safed (fig. 348), où habite, à côté des musulmans et de 



4621 



SÉPHET 



SEPHORA 



1622 



quelques chrétiens, une colonie juive importante. Le 
climat en est très sain, à cause de sa situation élevée, à 
845 mètres d'altitude. Une inscri ption placée sur l'entrée 
de l'église catholique, assimile Safed à la ville « située 
sur la montagne » dont parle Notre-Seigneur dans le 
discours qu'il prononça sur le mont des Béatitudes, 
Matth., v, 14, parce que de cette monlagne on peut voir 
la ville de Safed et que les habitants supposent que 
Jésus montrait leur cité en s'exprimantde la sorte. Voir 
E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, 3 in-12, 
1890, t. il, p. 258-265. 

SÉPHI, nom de deux Iduméens dans la Vulgate- 
Ils ne s'appellent pas de la même manière en hébreu. 



des Séplionites. Gen., xlvi, 16; Num., xxvi, 15. Dans 
ce dernier passage, son nom est écrit Séphon. 

SÉPHO (hébreu : Sefô; Septante : Smifip), chef 
iduméen. Gen., xxxvi, 23. Son nom est écrit Séphi, 
IPar., 1,40. Voir Séphi 2. 

SÉPHON (hébreu : Sefôn; Septante : Saotiv), fils 
aîné de Gad. Num., xxvi, 15. Il est appelé Séphion, 
Gen., xlvi, 16. Voir Séphion. 

SÉPHONÏTES (hébreu : has-Sefônî; Septante : 
6 Saowvt), famille gadite, descendant de Séphion ou 
Séphon. Num., xxvi, 15. 







» • r 






■."-''- ?,**' 



» ■■■' « ** ■ '" ■■« 







348. — Safed (Séphet). D'après une photographie de M. L. Heidet. 



1. SÉPHI (hébreu : Sefi; Septante : Sœjpip), le troi- 
sième des sept fils d'Éliphaz, un des fils d'Ésaû.I Par., 
i, 36. La Genèse, xxxvi, 11, ne nomme que cinq fils 
d'Éliphaz. Elle écrit le nom de Séphi, Sépho et, 
x, 15, elle le nomme parmi les chefs ('allufim) idu- 
méens. 

2. SÉPHI (hébreu : Sefi; Septante : Sioçi'), le qua-- 
trième nommé des cinq fils de Sobal, descendant de 
Séïr l'Iduméen. I Par., i, 40. Dans la Genèse, xxxvi, 
23, il est appelé Sépho. 

SÉPHIM (hébreu : Suppim; Septante : omis), 
lévite qui fut chargé avec Hosa de la garde de la porte 
sallékét, du coté de l'occident, lorsque l'arche eut été 
transportée à Jérusalem du temps de David. I Par., 
xxxvi, 16. Voir Hosa2, t. ni, col. 759. 

SÉPHION (hébreu : Sifyôn; Septante : 2a?râv), 
fils aîné de Gad et petit-fils de Jacob, chef de la famille 



SÉPHOR (hébreu : Çippôr, a passereau »; Sep- 
tante : S£7c(fwp), père de Balac, roi de Moab. Num., 
xxn, 2,10, 16 j xxni,.18; Jos., xxiv, 9; Jud., xi, 25. 
Voir Bxlac, t. i, col. 1399. 

SÉPHOR A, nom, dans la Vulgate, de deux femmes 
qui portent un nom différent en hébreu. 

1. SÉPHORA (hébreu : Sifrâh; Septante : Esxswpâ), 
une des deux sages-femmes égyptiennes, chargées par 
le pharaon de faire périr les enfants mâles des Hébreux 
au moment de leur naissance. Exod., i, 15. VoirPHUA. 2, 
col. 336. 

2. SÉPHORA (hébreu : Sippôrâh, forme féminine 
de sippôr, « passereau s; Septante : Se7ttpwpà), une 
des filles de Jéthro ou Éaguël, prêtre de Madian, 
femme de Moïse et mère de Gersom et d'Éliézer. Exod., 
il, 21-22. Moïse, s'étant enfui d'Egypte dans le désert 
du Sinaï, y protégea les sept filles de Jéthro contre les 
bergers des pays et fit boire leurs troupeaux. C'est à la 



1623 



SÉPHORA — SEPTANTE (VERSION DES) 



1624 



Suite de ce service qu'il épousa Séphora. Lorsqu'elle 
accompagna son mari en Egypte, elle circoncit en 
chemin son fils Gersam. Exod., IV, 24-26. Sur ce fait, 
dont les circonstances sont obscures, voir Moïse, t. iv, 
col. 1194-1195. A l'époque de la sortie d'Egypte, Moïse 
avait renvoyé sa femme et ses enfants à son beau-père. 
Celui-ci les lui ramena dans le désert. Exod., xvm, 
2-3, 6. Voir t. iv, col. 1200. 

SEPHTAN (hébreu : Siftân; Septante : SaêsBâ), 
un des chefs de la tribu d'Éphraïm du temps de Moïse. 
Num., xxxiv, 24. Il était père de Camuel. 

SEPHUPHAN (hébreu : Sefûfdn; Septante : 2 e ?ov- 
çâji; Alexandrinus : Soipav), fils de Balé et petit-fils 
de Benjamin, chef d'une famille benjamite. 1 Par., 
vin, 5. Ce nom est écrit Mophim, Gen., xlvi, 21; 
Sepham, I Par., vu, 12; Supham, Num., xxvi, 39, 
d'après l'explication commune. Voir ces noms, t. iv, 
col. 1258;t. v, col. 1613. 

SEPT, nombre. Voir Nombre, t. iv, col. 1089, 1091- 
1095. 

SEPTANTE (VERSION DES), la première de 
toutes les traductions de l'Ancien Testament hébreu, 
faite en grec vulgaire avant l'ère chrétienne. 

I. Importance. — Son importance provient de l'anti- 
quité même de cette version, qui est la première 
en date. Aristohule, dans un fragment conservé de son 
I er livre à Ptolémée VI Philométor, écrit vers 170-150, 
a bien prétendu qu'avant Démétrius de Phalère, avant 
Alexandre, avant même la dominaliou des Perses, ce 
qui concernait les événements postérieurs à la sortie 
d'Egypte, la conquête de la Palestine et la législation 
hébraïque, avait été traduit en grec. Clément d'Alexan- 
drie, Strom., i, 22, t. vm, col. 839; Eusèbe, Prmp. 
evang., xm, 12, t. xxi, col. 1097. Mais le but qu'il se 
proposait, à savoir montrer que Platon avait tiré une 
partie de sa sagesse des livres de Moïse, rend son témoi- 
gnage douteux. D'ailleurs, il ne parlait peut-être pas 
d'une traduclion grecque du Pentateuque, mais seule- 
ment d'un abrégé grec des origines et de la loi du peu- 
ple juif. Voir t. I, col. 965. Quoi qu'il en soit, la ver- 
sion des Septante, comprenant toute la littérature 
hébraïque, a pour nous plus de valeur que cette soi- 
disant traduction antérieure du Pentateuque, que nous 
ne connaissons pas autrement. 

Multiples sont les avantages à retirer de l'étude de 
cette version. >— 1» Comme elle représente le texte 
hébreu de l'Ancien Testament à un stade bien antérieur 
à la fixation du texte massorétique, la traduction des 
Septante a une importance considérable pour la recons- 
titution du texte original de la plupart des livres de 
l'ancienne alliance. — 2» Comme elle a été employée et 
citée par les apôtres et les écrivains du Nouveau Testa- 
ment, nascentis Ecclesise roboraverat fidem, dit saint 
Jérôme, Prsef. in l. Paralip., t. xxvm, col. 1323, son 
texte doit servir à confirmer une partie des témoigna- 
ges apostoliques et des fondements de la foi chrétienne. 
— 3° Comme elle a été faite dans la même langue, le 
grec vulgaire, que les livres du Nouveau Testament, son 
texte aide à comprendre, non seulement le style, mais 
encore le sens de beaucoup de passages de ces écrits. 
Voir Swete, An introduction to the Old Testament in 
Greek, Cambridge, 1900, p. 433-461. — 4» Comme elle 
a été citée et commentée par les Pères grecs, qui pour 
la plupart n'ont connu l'Écriture Sainte des Juifs que 
par son intermédiaire, ce même texte avec ses parti- 
cularités et ses leçons propres peut seul rendre compte 
du sens que les écrivains ecclésiastiques de langue 
grecque ont reconnu à la Bible juive. Swete, op. cit., 
p. 462-477. — 5» Comme les "plus anciennes versionse 



latines de l'Ancien Testament ont été faites directement 
sur la Bible des Septante, les plus anciens Pères latins 
ont connu, cité et commenté indirectement le texte 
biblique de cette version grecque, voir t. iv, col. 99-102, et 
la connaissance de la Bible grecque est ainsi fort utile 
pour l'intelligence de la littérature patristique latine. — 
6» Comme cette version a servi aussi de prototype à 
plusieurs traductions syriaques, éthiopiennes, coptes, 
arabe, arménienne, géorgienne, gothique et slavonne, 
l'étude de son texte sert donc aussi à l'intelligence des 
citations bibliques dans toutes les littératures ecclésias- 
tiques de ces diverses langues. 7" Enfin, le rôle que 
ces versions dérivées jouent dans la critique biblique 
pour la reconstitution du texte original de l'Ancien Tes- 
tament montre indirectement l'influence exercée durant 
des siècles par la traduction des Septante, et par 
suite l'importance de son étude. 

II. Nom. — Gette première traduction grecque de la 
Bible hébraïque a été désignée dans l'Église catholique 
sous le nom de version ou de traduction des Septante, 
en sous-entendant vieillards, ou interprètes, ou tra- 
ducteurs. La traduction latine de saint Irénée, Cont. 
hser., m, 21, n. 4, t. vu, col. 950, 951, la désigne par 
les mots : in senioribus, ou seniores. Tertullien, Apo- 
loget., 18, t. I, col. 380, dit : In septuaginla et duo- 
bus interpretibus. Origène l'appelle tïiv épu.r,vsfav t<5v 
O', Ad Africanum, 5, t. xi, col. 60, ou en parle en 
disant deux fois, Ttapà toïç éeôonifaovra. In Mallh., 
tom. xv, 14, t. xm, col. 1293. Eusèbe de Césarée 
emploie aussi cette dernière indication. In Psalmos, 
Ps. n, t. xxin, col. 81. Saint Jérôme dit couramment 
Septuaginta interprètes ou translatores, Prsefat. in 
Isaiam,in Job, in l. Par., in Ezram, t. xxvm, col. 772, 
1079, 1323, 1403; Commentarioli in Ps., iv, ix, xxi, 
cxv, cxxxiii, dans Morin, Anecdola Maredsolana, 
Maredsous, 1895, t. m a, p. 11, 21, 33, 83, 91; Tra- 
ctatus de Ps., ix, ibid., 1897, t. m 6, p. 26, ou Septua- 
ginta tout court. Commentarioli in Ps., xv, cxxxi, 
cxi.iv, ibid., t. in a, p. 26, 90, 98. En parlant des 
72 docteurs envoyés à Alexandrie par le grand-prêtre 
Éléazar, saint Augustin dit d'eux : Quorum interpre- 
tatio ut Septuaginta vocetur jani obtinuit consuelu- 
do. De civilate Dei, xvm, 42, t. xli, col. 603. La ver- 
sion porte aussi ce nom dans les anciens manuscrits 
grecs. Ainsi la suscription de la Genèse dans le Vali- 
canus B est : ««a touc e68opu)y.ovira; en tête et à la 
fin des Proverbes dans YEphrsemiticus E, on lit : iiapa 
£ôSo(iï]xovTa. Une note du Marchalianus Q sur Isaïe 
l'appelle : tj t<5v lô8ofi.vîy.ovTa e-/.8o<r;;. Le nom courant 
de cette version dans les manuscrits est : tj tô>v o' (ou 
oS') ép[/.7)veïa (ou ËxSotrt;), et on la désigne ordinaire- 
ment par les signes : oi o' ou oê'. Ce nom a passé dans 
toutes les langues, et en français on dit : la version 
des Septante, ou les Septante. Par ellipse, les protes- 
tants français disent souvent : la Septante, désigna- 
tion qui n'a pas encore été admise dans le Diction- 
naire de l'Académie française. Ce nom d'un emploi 
universelprovient évidemment de la légende des 72 tra- 
ducteurs du Pentateuque. La conjecture de Richard 
Simon, que ce nom lui vient, non pas des septante 
interprètes qui en furent les auteurs, mais des sep- 
tante juges du Sanhédrin qui l'approuvèrent pour 
l'usage des Juifs hellénistes dans leurs synagogues oa 
au moins dans leurs écoles, Histoire critique du Vieux 
Testament, 1. II, c. n, Rotterdam, 1685, p. 191, est 
sans aucun fondement et contraire à toute vraisem- 
blance. M. Trochon, Introduction générale, Paris, 1886, 
t. i, n. 365, note 5, l'a acceptée trop facilement. Si le 
fait avait eu lieu, le pseudo-Aristée l'eût relaté pour 
faire valoir la version grecque du Pentateuque. 

Les critiques modernes, qui ne peuvent tenir compte 
de la légende des 72 traducteurs, proposent de nom- 
mer la version dite des Septante «version alexandrine», 



1625 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1626 



parce qu'elle a été faite à Alexandrie, ou au moins pour 
les Juifs d'Alexandrie. Cette dénomination est juste, 
mais elle n'a pas prévalu contre l'usage reçu, et ces 
critiques suivent eux-mêmes le courant et parlent 
avec tout le monde de la version des Septante. 

III. Origine d'après la légende. — La première 
mention de cette légende se rencontre dans la Lettre 
du pseudo-Aristée à son frère Philocrate. Voir t. i, 
col. 963-964. Deux éditions critiques de cette Lettre 
ont paru récemment : Thackeray, The Letter of Aris- 
teas, en appendice à An Introduction to the Old Tes- 
tament, Cambridge, 1900, p. 501-574; Wendland, 
Aristese adPhilocrateni epislola cuni ces teris de origine 
versionis LXX interpretum testimoniis, Leipzig, 1900. 
Ce dernier en avait publié une traduction allemande, 
dans Kautzsch, Die Apokryphenund Pseudepigraphen 
des Allen Testaments, Tubingue, 1900, t. h, p. 4-31. 
M. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volhes im Zeit- 
alter Jesu Chrisli, 3* édit., Leipzig, 1898, t. ni, p. 468- 
470, place la composition de cette Lettre aux alentours 
de l'an 200 avant Jésus-Christ. Aristobule la connaissait 
déjà de 170 à 150. L'auteur ne sait rien de la domination 
des Séleucides sur la Palestine, domination qui com- 
mença en 187; il ne parle que du grand-prêtre juif 
et ne connaît pas les princes Machabéens à Jérusalem, 
il semble ignorer la persécution d'Antiochus et il pré- 
sente la Judée tranquille et heureuse sous le gouverne- 
ment des Ptolémées. Cf. Ed. Herriot,P/iiiora le Juif, Paris, 
1898, p. 58. Wendland, dans Kautzsch, op. cit., t. n, 
p. 3-4, la reporte à la seconde moitié du I er siècle, de 
96 à 63, plus près de 96 que de 63. Gràtz la rabaissait 
même au début de notre ère, aux années 15-20, Monat- 
schrift fur Geschichte und Wissenschaft des Juden- 
thums, 1876, p. 289, et Willrich, Judaica, Gœttingue, 
1900, p. 111-130, après l'an 33. Ces dates semblent trop 
basses, car la Lettre d'Aristée manifeste une connais- 
sance très exacte de l'époque des Ptolémées, telle que 
nous Font révélée les inscriptions et les papyrus du 
temps. « Chose frappante : il n'est pas un titre de 
cour, une institution, une loi, une magistrature, une 
charge, un terme technique, une formule, un tour de 
langue remarquable dans cette lettre, il n'est pas un 
témoignage d'Aristée concernant l'histoire civile de 
l'époque, qui ne se trouve enregistré dans les papyrus 
ou les inscriptions et confirmé par eux. » Lombroso, 
Recherches sur l'économie politique de l'Egypte sous 
les Lagides, Turin, 1870, p. xm. Les découvertes plus 
récentes n'ont pas infirmé celte conclusion et ont 
montré que la lettre était écrite dans le grec vulgaire 
alexandrin, qui est la langue des inscriptions et des 
papyrus. Les arguments des critiques, qui rabaissent la 
date d'apparition de cette Lettre, sont peu solides et 
n'infirment pas les précédents. 

Or, cette Lettre, qui est un panégyrique de la loi 
juive, de la sagesse juive, du nom juif, est l'œuvre d'un 
Juif alexandrin, sous le couvert d'un écrivain païen, 
qui rend hommage au judaïsme. Officier des gardes 
de Ptolémée Philadelphe, très estimé du roi, Aristée 
est un des envoyés du prince qui, sur le conseil de 
Démétrius de Phalère, voulait enrichir sa bibliothèque, 
déjà très riche en volumes, de la traduction grecque 
de la législation hébraïque. Après avoir rendu à la 
liberté les 100000 Juifs que son père avait ramenés 
captifs en Egypte, Philadelphe écrivit au grand-prêtre 
Éléazar pour lui faire part de son désir et lui deman- 
der des traducteurs instruits. Aristée décrit longue- 
ment la ville de Jérusalem et les cérémonies du tem- 
ple. Il réussit dans son ambassade. Le grand-prêtre 
choisit 72 Israélites, six de chaque tribu, dont les noms 
sont donnés,, et les envoya en Egypte avec un exem- 
plaire de la loi juive, transcrit en lettres d'or, et des 
présents. Philadelphe reçut avec honneur les députés 
juifs. Pendant sept jours, il leur offrit de grands repas, 



et leur posa toute sorte de questions difficiles, aux- 
quelles ils répondirent avec sagesse, à la grande admi- 
ration du roi. Ces fêtes terminées, les 72 envoyés 
furent conduits dans l'île de Pharos et placés dans un 
palais royal pour y accomplir dans le silence leur tra- 
vail de traduction. Chaque jour, ils en faisaient une partie, 
qu'ils comparaient entre eux pour se mettre d'accord 
sur le sens à donner au texte. Au bout de 72 jours 
leur tâche fut terminée. La traduction tout entière fut 
lue aux Juifs assemblés, qui louèrent son exactitude et 
sa fidélité. On la lut au roi, qui admira la législation 
hébraïque et fit mettre la version dans sa bibliothèque. 
Il chargea enfin les traducteurs de présents pour eux- 
mêmes et pour le grand-prêtre, avant de les congédier. 

Dans un fragment, conservé par Eusèbe, Prsep. evang., 
xm, 12, t. xxi, col. 1097, de son Explication de la loi 
mosaïque, Aristobule rappelait à Ptolémée Philométor 
que, sous son aïeul Philadelphe, une traduction entière 
de la législation juive avait été faite par les soins de 
Démétrius de Phalère. Ce dernier renseignement prouve 
qu' Aristobule connaissait la Lettre d'Aristée, et il est 
peu vraisemblable qu'il parlait ainsi d'après une tradi- 
tion indépendante du pseudo-Aristée. Philon, De vita 
Mosis, II, 5-7, édit. Mangey, t. H, p, 138-141, a connu 
le fond de cette légende, sans nommer pourtant Aris- 
tée. Il l'a toutefois modifiée en un point important. Il a 
prétendu que tous les traducteurs, travaillant chacun 
séparément, se trouvèrent d'accord non seulement pour 
le sens, mais encore par l'emploi d'expressions abso- 
lument identiques, comme s'ils avaient été inspirés par 
Dieu lui-même. Il ajoute encore qu'on célébrait chaque 
année, en souvenir de cet événement mémorable, une 
fête dans l'île de Pharos, où beaucoup de Grecs se ren- 
daient avec les Juifs. L'historien Josèphe reproduisit 
presque mot pour mol une bonne partie de la Lettre 
d'Aristée, en résumant le tout. Ant. jud., XII, 2, édit. 
Dindorf, t. I, p. 435. Voir aussi Ant. jud., proœm., 
3, p. 2; Cont. Apion., n, 4, t. il, p. 371. 

Le récit d'Aristée, connu directement ou par l'inter- 
médiaire de Philon et de Josèphe, trouva créance 
parmi les chrétiens. Saint Justin en rapporte le fond, 
mais avec des erreurs, en faisant, par exemple, envoyer 
des ambassadeurs à Hérode par Ptolémée Philadelphe. 
Apol., I, 31; Dial. cum Tryphone, 71, t. vi, col. 376, 
641-644. L'auteur de la Cohortatio ad Grsecos (ouvrage 
qu'on a attribué à saint Justin, mais qui plus proba- 
blement n'est pas de lui), 13, ibid., col. 265, 268, 
apporte aux récits de Philon et de Josèphe cette 
variante, qui aura du succès : il dit que les 72 inter- 
prètes furent enfermés isolément dans des cellules 
distinctes, dont il a vu les vestiges dans l'île de Pharos, 
et que, par une influence spéciale du Saint-Esprit, 
leurs traductions se trouvèrent parfaitement identiques. 
Saint Irénée admet la même légende des cellules, 
Cont. hssr., m, 21, n. 3, 4, t. vu, col. 949-950, ainsi 
que Clément d'Alexandrie, qui parle de Ptolémée Lagus. 
Stroni.,i, 22, t. vm, col. 889-893. Terlullien, Apologet., 
18, t. i, col. 378-381, reconnaît l'inspiration des Sep- 
tante. Anatolius de Laodicée, dans Eusèbe, H. E., vu, 
32, t. xx, col. 728, met Aristobule au nombre des Sep- 
tante. Eusèbe lui-même cite textuellement une bonne 
partie de la Lettre d'Aristée. Prsep. evangel., vm, 1-5, 
8, 9; ix, 34, t. xxi, col. 588-597, 624-636, 757. Cf. Chronic, 
an. 1736, Pat. Lat.,ï. xxvn, col. 485. Saint Cyrille de 
Jérusalem, Cal., iv, 34, t. xxxm, col. 497, admet le 
fond de la légende d'Aristée, ainsi que saint Hilaire de 
Poitiers, In Psalmos, prol., 8; Ps. Il, 2, 3; cxvm, litt. 
iv, 6, t. ix, col. 238, 262-264, 529, en considérant les 
Septante comme des interprètes très sérieux, mais 
laissés à leurs propres lumières. Saint Épiphane 
rapporte des détails nouveaux; il dit notamment que 
les Septante, enfermés deux à deux en 36 cellules, 
s'étaient partagé les 22 ou 27 livres de la Bible hébraïque, 



1627 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1628 



puis, leur besogne terminée, avaient contrôlé avec ' 
l'original leur propre traduction, qui s'était trouvée 
absolument exacte, ce qui supposait qu'ils avaient 
reçu l'inspiration divine. De mensuris et ponderibus, 
3, 6, 9-11, 17, t. XLiir, col. 241, 246, 249-256, 265; De 
LXX interpretibus, col. 373-376. Le Dialogue de 
Timothée et d'Aquila, qu'on rapporte au v siècle, se 
rapproche beaucoup de saint Épiphane, quoiqu'il soit 
plus précis que lui sur les détails; comme lui, il dit 
que les Septante furent enfermés deux à deux en 
36 cellules et il fonde leur inspiration divine sur 
l'accord de leur traduction. F. Conybeare, The Dialo- 
gues of Athanasius and Zachseus and of Timothy and 
Aquila, dans Anecdota Oxoniensia, classical séries vm, 
Oxford, 1898, p. 90-91. Saint Jérôme a repoussé vivement 
la légende des cellules séparées, n'y voyant qu'une inven- 
tion mensongère : Nescio quis primus auctor Septua- 
ginta cellulas Alexandriss mendacio suo extruxerit qui- 
busdivisieademscriptitarent,quumArislœas,ejusdem 
Plolemasi ûnspa<T7Ei<jrïj;, et multopost tempore Josephus 
nihil taie retulerint : sed in una basilica congregatos 
conlulisse scribant, non prophetasse. Aliud est enim 
vatem, aliud esse interprètent. Ibi Spirilus ventura 
prsedicit, hic eruditio et verborum copia ea qux intel- 
ligit transfert. Prmfatio in Pentateuchum, t. xxvm, 
col. 150-151. Plus tard, il reproduisit ce texte pour ré- 
pondre au bruit calomnieusement répandu qu'il avait ré- 
prouvé ce sentiment. Apologia adversus lib. Ruftni, 24, 
25, t. xxiii, col. 448, 449.11 n'admettait donc pas l'inspira- 
tion des Septante, car dans sa préface au Pentateuque il 
ajoute : llli interpretati sunt ante adventum Christi, et 
guod nesciebant dubiis protulere sententiis. Aussi 
Érasme a-t-il conjecturé avec quelque vraisemblance 
que, lorsque dans sa lettre à Domnatianus et à Rogalianus , 
il écrit qu'il n'attribue pas d'erreur aux Septante, qui, 
Spiritu Sancto pleni, ea quse vera fuerunt translule- 
runt, mais aux copistes, il parlait selon la pensée de ses 
correspondants plutôt que selon son sentiment person- 
nel. Prxfatio in lib. Parai., t. xxix, col. 402. Il aimait à 
faire ressortir les différences du texte hébreu et de la 
version grecque. Cf. Epist. LVir, adPammach., 7-11, 
t. xxii, col. 572-578; Comment, in 1er., 1. V, c. xxrx, 
10, 11, t. xxiv, col. 855, 856, etc. Bien qu'il sût que, 
suivant Aristée, Josèphe et tous les Juifs, les Septante 
n'avaient traduit que les cinq livres de Moïse, dont le 
texte (il l'avait constaté) se rapprochait le plus de 
l'hébreu, Liber hebraic. qusest. in Gen., praef., 
t. xxiii, col. 936-937,' il pensait cependant que leur 
version comprenait toute la Bible hébraïque, Comment, 
in Ezech., 1. II, VI, 12, 13, t. xxv, col.' 55, et il décla- 
rait qu'ils ont modifié la traduction du titre du Ps. IX, 1, 
quoniam Ptolomeo gentili régi ïnterpretabantur. Tra- 
ctatus de Ps. IX, dans Anecdota Maredsolana, Mared- 
sous, 1897, t. m b,' p. 26. Une fois néanmoins, il 
doute que la version grecque de Michée soit des Sep- 
tante ; Si tamen Septuaginta est. Comment, in Mich., 
I, c, h, 9, 10, t. xxv, col. 1171. Saint Augustin 
admettait l'inspiration des Septante, malgré le désac- 
cord de leur texte d'avec l'hébreu. De Civitate Dei, 
xvin, 42, 43, t. xli, col. 602-604. Cette inspiration résul- 
tait de la tradition des cellules, ut fertur; tradition 
qui n'était pas indigne de foi; elle n'était pourtant 
pas certaine, puisque Aristée disait que les traducteurs 
s'étaient concertés. De doctrina christiana, 1. II, c. xv, 
t. xxxiv, col. 46. Ailleurs, il fonde cette inspiration sur 
leur admirable fidélité de traduction. Enar. in Ps. 
Lxxxvn, 10, t. xxxvil, col. 1115-1116. Ébranlé par les 
raisons de saint Jérôme, il se borne à reconnaître aux 
Septante la plus grande autorité. Epist., xxvm, ad 
Hieronymum, II, 2, t. xxxiii, col. 112. Saint Chrysos- 
tome savait que Ptolémée Philadelphe a fait traduire 
en grec toute la Bible hébraïque, et qu'il a déposé 
cette version dans le temple de Sérapis. Adversus 



Judseos, i, 6, t. xlviii, col. 851 ; In Gen., c. i, homil. rv, 
4, t. un, col. 42; De prophetiarum obscuritate, n, 
2, t. lvi, col. 178. Il n'a jamais dit un mot de 
l'inspiration des Septante, et il reconnaissait seulement 
à leur œuvre l'autorité de traducteurs dignes de foi. 
In Matth., homil. v, 2, t. lvii, col. 57. Théodore de 
Mopsueste, In Soph., i, 4-6, t. lxvi, col. 452-453, et 
saint Cyrille d'Alexandrie, Adversus Julianum, 1. I, 
t. lxxvi, col. 521, 524, résument les données de la 
Lettre d'Aristée, et par conséquent ne parlent pas de 
l'inspiration des Septante. Théodoret croyait à cette 
inspiration, InPsalmos, praef., t. lxxx, col. 864, comme 
saint Philastre deBrescia, sur la foi de la légende des 
cellules. Eser., 142, t. XII, col. 1277-1278. Saint Isidore 
de Séville est du même sentiment. Etym., VI, m, 
5; iv, 1, 2, t. lxxxii, col. 236; De ecclesiasticis offr- 
ais, I, xn, 4, 5, t. lxxxiii, col. 747-748. Le pseudo- 
Athanase, Synopsis Scripturœ Sacrée, 77, t. xxvm, 
col. 433, admet seulement le fond de la Lettre d'Aristée, 
aussi bien que Cosmas Indicopleuste, Topographia 
christiana, xn, t. lxxxviii, col. 460. Nicétas d Héraclée, 
Catena, t. lxix, col. 700, est renseigné par Philon et 
le pseudo-Justin, il connaît les deux traditions de la 
réunion des Septante dans un palais et de leur isole- 
ment dans des cellules séparées. Saint Julien de Tolède, 
De comprobatione setatis sexti, m, 16, t. xcvi, 
col. 576-578, suit le sentiment de saint Épiphane et de 
saint Augustin. Raban-Maur, De universo, v, 4, 
t. cxi, col. 121-122, ne parle des cellules distinctes que 
sur l'affirmation de quelques-uns (ut quidem asserunt). 
Rémi de Saint-Germain, Enarratio in Psalmos, 
t. cxxxi, col. 143, et Bernon de Reichenau, De varia 
psalmorum atque canticorum modulatione, 2, 
t. CXLil, col. 1131-1133, rapportent les opinions diver- 
gentes de saint Augustin et de saint Jérôme. Jean 
Malalas, Chronographia, vin, t. xcvii, col. 309, fait 
remonter cette version au règne de Ptolémée Lagus et 
dit qu'elle a été faite en 72 jours. Le Chronicon pas- 
cale, t. xcii, col. 425, admet les cellules séparées. 
Georges le Syncelle joint aux détails de' la Lettre 
d'Aristée la mention des 36 cellules et reconnaît l'ins- 
piration des traducteurs. Chronographia, édit. Dindorf, 
Bonn, 1829, t. i, p. 516-518. George Cedrenus, Hist. 
compendium, t. cxxi, col. 325, rapporte que cette ver- 
sion a été laite à l'instigation de Démétrius de Phalère 
et en 72 jours. Jean Zonaras, Annal., iv, 16, t. cxxxiv, 
col. 360-364, a pris ses renseignements dans Josèphe. 
Hugues de Saint- Victor, De Scripturis et scriptoribus 
sacris, c. ix, t. clxxv, col. 17; Adnotat. elucidatorise 
in Pentateuchon, c. I, ibid., col. 31-32; Erudit. didas- 
calise, 1. IV, c. v, t. clxxvi, col. 781, se range résolu- 
ment du côté de saint Jérôme et répète sa parole que 
les Septante n'ont pas été plus inspirés du Saint- 
Esprit que Cicéron, lorsqu'il traduisait en latin des 
ouvrages grecs. Hugues de Saint-Cher est du même 
avis. Opéra omnia in universum V. et N. T., t. i, 
p. 308, 309; t. v, p! 2. Au contraire, Vincent de Beau- 
vais, Spéculum doctrinale, 1. XVII, c. xl, t. n, col. 1576, 
admet l'inspiration des Septante. Galland, Bibliotheca 
veterum Patrum, Venise, 1788, t. il, p. 805-824, a 
réuni la plupart des témoignages des anciens Pères 
sur la version des Septante. Tous croyaient que les 
Septante avaient traduit la Bible hébraïque en entier, 
et ceux qui admettaient qu'ils avaient travaillé dans 
des cellules séparées, attribuaient leur accord merveil- 
leux à l'action évidente du Saint-Esprit; aussi plaçaient- 
ils les interprètes alexandrins à côté des prophètes et 
des apôtres. Au xv" siècle, Denys le Chartreùj réfute 
les arguments de saint Jérôme, que Henri de Hesse 
avait adoptés, et pense que l'autorité de saint Augustin 
est sur ce point supérieure à celle de son contradic- 
teur. In Genesim enarratio, 1-3, dans Opéra omnia, 
Montreuil, 1896, t. i, p. 5-12. Mais son contemporain, 



1629 



SEPTANTE (VERSION DES) 



4630 



Alphonse Tostat, niait l'inspiration des Septante. Au 
xvi e siècle, Sixte de Sienne l'admettait, Bibliolheca 
sancla, 1. VIII, haer. xm, ainsi que Ange Rocca. Opéra, 
t. i, p. 276; t. il, p. 8. Le futur cardinal Sirlet, en 1546, 
s'appuyait sur l'autorité de Philon; mais, en 1575, 
Bellarmin lui exposait dans une lettre le sentiment 
opposé, fondé sur la comparaison critique du texte des 
différents livres. H. Hôpfl, Kardinal Wilhelm Sirlets 
Annotationen zum Neuen Testament, dans les 
Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1908, t. xm, 
fasc. 2, p. 6, note. Bellarmin avait donc changé d'avis. 
Cf. J. delà Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 
1908, p. 16. Dans la préface à l'édition romaine de 1587, 
Pierre Morin écrivait encore des Septante : Constat 
enim eos Interprètes, natione quidem Judseos, doctos 
vero grsece, trecentis uno plus annis ante Christi 
adventum, cum in Egyplo regnaret Ptolemxus Phi- 
ladelphus, Spiritu Sancto plenos sacra Biblia interpré- 
tais esse, et de leur version : nimirum quse instinclu 
quodanx divinitalis elaborata bono generis humani 
prodierit in luceni. D'autres écrivains du même siècle 
et du siècle suivant ont maintenu ce sentiment, qui 
n'est plus reçu aujourd'hui par personne et qui n'a 
jamais été dans l'Église qu'une opinion particulière. 

Le Talmud de Babylone, traité Meghilla, i, fol. 9 a, 
admet la légende des 72 cellules. Les Samaritains 
l'admettent aussi. Voir un extrait de la Chronique 
samaritaine, dans Silvestre de Sacy, Chrestomathie 
arabe, t. i, p. 347, 348. 

Jusqu'au xvi e siècle, la Lettre d'Aristée fut tenue 
pour authentique. Louis Vives émit le premier des 
doutes dans une note sur le De civitate Dei, xvm, 42, 
de saint Augustin, Bâle, 1522. Son sentiment finit par 
prédominer. Voir t. i, col. 963-964. Il n'est plus néces- 
saire aujourd'hui de prouver l'inauthenticité de cette 
Lettre. On sait depuis longtemps que Démétrius n'était 
plus en charge sous le règne de Ptolémée Philadelphie; 
il avait été banni d'Alexandrie immédiatement après la 
mort de Ptolémée Lagus. Voir Hemippus, cité par 
Diogène Laerce, v, 78, dans Millier, Fragmenta hist. 
grsec., t. m, p. 47. La victoire navale, remportée par 
Philadelphe sur Antigone, n'a probablement pas eu 
lieu. L'intervention officielle du roi et celle du grand- 
prêtre paraissent invraisemblables. La distinction des 
tribus n'existait plus depuis la captivité des Juifs à 
Babylone. On se demande seulement si la Lettre pseu- 
donyme est purement fictive et constitue un roman 
historique, ou bien si la fiction ne contient pas quelques 
faits réels. Nous nous efforcerons plus loin d'en déga- 
ger le fond historique. Il n'est plus nécessaire non 
plus de prouver la non-inspiration des Septante. Il 
suffit de noter que cette inspiration n'a jamais été 
enseignée par l'Église. Elle a été admise par quelques 
Pères seulement sur la foi de la légende des cellules 
séparées et dans le dessein de justifier contre les Juifs 
qui s'appuyaient exclusivement sur la « vérité hé- 
braïque », les passages et les leçons, propres à la tra- 
duction grecque. Saint Jérôme l'a vivement combattue 
et saint Chrysostome n'en a pas parlé. Les modernes la 
rejettent avec raison et se rangent au sentiment de 
saint Jérôme, suivant lequel les traducteurs grecs ont 
été des interprètes et non des prophètes. F. Vigouroux, 
Manuel biblique, 12» édit., Paris, 1906, t. i, p. 81-84. 

IV. Origine d'après les vraisemblances histo- 
riques. — 1° La traduction grecque de la Bible hé- 
braïque ne s'est pas faite d'un seul coup, et les divers 
livres ont été traduits par divers auteurs et à des 
époques différentes. Les interprètes n'ont pas suivi les 
mêmes principes de traduction ni employé les mêmes 
mots grecs pour rendre les mêmes termes hébraïques. 
Le Ps. xvn (héb. xvm) n'est pas traduit dans le psautier 
de la même manière qu'au II e livre de SamueL, xxn. 
Les passages parallèles qu'on lit dans les Rois ou les 



Paralipomènes, dans les Rois ou Jsaïe et Jérémie, 
dans les Psaumes et les Paralipomènes, appartiennent 
à des versions différentes. Le même terme a été diffé- 
remment compris. Les noms divins n'ont pas été ren- 
dus de la même façon. Voir Loisy, Histoire critique 
du texte et des versions de la Bible, dans L'enseigne- 
ment biblique, 1893, p. 21, 143-145. Ainsi encore 
d'Pw^b est toujours traduit ^uXtorieiij. dans le Penta- 
teuque et le livre de Josué, et àXXô?yXo! dans les autres 
livres. nDs est rendu par -Kaaxa dans tous les livres, 
sauf les Paralipomènes et Jérémie où il est rendu par 
çadlz. >DiN est traduit par êyco s?|it dans les Juges, 
Ruth et les Rois et par èyw seul partout ailleurs. T3D 

est rendu dix-sept fois par xtv-'px, qui n'est que la 
forme grécisée du nom hébreu, et vingt fois par 
xi9âpa, une fois par ô'pyava et une autre fois par 
6aXTr,pcov. Voir F. Vigouroux, La Sainte Bible poly- 
glotte, Paris, 1903, t. iv, p. 644, note 9. Sa: est rendu 

ordinairement par vâSXa, dix fois par ^aXtiîptov, deux 
fois par ôpyâvov et une fois par ij/aXpid;. lbid., p. 645, 
note 5. dh=in est traduit SïjXaxnç ou 8-rp.oi dans le Pen- 

tateuque, mais ç&m'ÇovTe;, <pwiri<7wv dans les livres 
d'Esdras. n»sn devient àlffiua dans l'Exode et téXsiov 

dans le I er livre d'Esdras. bnp est rendu trj'jxyu>ir, 

T T 

dans les quatre premiers livres de Moïse et dans les 
prophètes, mais êxxXï)<jt'a dans le Deutéronome (sauf 
une exception) et dans les derniers livres historiques. 
Beaucoup d'autres exemples ont été recueillis par 
Hody, De Bibliorum lextibus originalibus, versioni- 
bus grsecis et latina vulgata, Oxford, 1705, p. 204-217. 
Le caractère de la traduction, dans les différents 
livres, est très variable, tantôt libre, tantôt littéral à 
l'excès et très lourd. Saint Jérôme avait déjà remarqué 
que celle du Pentateuque était la plus fidèle. Liber 
hebraic. qusest. in Gen., prœf., t. xxm, col. 937. Celle 
des autres livres historiques, quoique moins soignée 
que la précédente, l'emporte cependant en exactitude 
sur celle des livres poétiques. Pour ceux-ci, la traduc- 
tion des Proverbes est la meilleure; celle des Psaumes 
est trop littérale et peu poétique, quoique suffisante ; celle 
de l'Ecclésiaste est parfois inintelligible. On y trouve 
ait pour traduire nx. Celle de Job est très médiocre 

dans les parties poétiques. Les livres des prophètes 
n'ont pas toujours été compris, et la version est obscure. 
Origène et saint Jérôme avaient constaté que celle de 
Jérémie est fort défectueuse. Celle d'Isaïe présente les 
mêmes défauts. Ézéchiel et les petits prophètes sont 
mieux interprétés. Daniel était si mal rendu que l'Église 
grecque adopta la version de Théodotion pour ce livre. 
Voir Trochon, Introduction générale, t. i, p. 372- 
375. On n'a pas encore étudié le texte de tous les 
livres. Nous indiquerons plus loin les ouvrages pu- 
bliés sur chacun d'eux au point de vue de la valeur 
critique. 

2° La version du Pentateuque. — C'est la plus 
ancienne et la seule qu'Aristée, Philon, Josèphe et 
tous les Juifs aient attribuée aux Septante. Les cri- 
tiques qui tiennent la Lettre d'Aristée pour purement 
fictive, n'admettent même pas qu'elle ait été faite sous 
le règne de Ptolémée Philadelphe. Gràlz retient seule- 
ment des sources helléniques et talmudiques qu'elle a 
eu un Ptolémée pour promoteur, et il ne voit que 
Ptolémée VI Philométor (180-145 avant Jésus-Christ), 
qui ait témoigné un véritable intérêt aux Juifs hellé- 
nistes et au judaïsme. Aussi place-t-il la version 
grecque du Pentateuque sous ce roi, ami des Juifs. 
Histoire des Juifs, trad. Wogu'e, Paris, 1884, t. n, 
p. 406-407. Selon lui, Philométor en aurait chargé le 
Juif Aristobule. Sinaî et Golgotha, trad. Hess, Paris, 
I 1867, p. 81-84. Cf. Jeivish Quarterly Bevieiv, t. ni, 



1631 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1632 



p. 150-156, où Grâtz prétend que la traduction du 
Lev., xxiii, 16, indique une différence d'opinion entre 
les Sadducéens et les Pharisiens sur la date de la 
Pàque. Voir t. iv, col. 2101. Plus généralement cepen- 
dant, on la rapporte au règne de Ptolémée Philadelphe. 
Quelques-uns pensent qu'elle avait déjà été commencée 
sous Ptolémée Soter, fils de Lagus, parce que quelques 
Pères nomment ces rois en parlant des Septante. 

Il paraît plus vraisemblable qu'elle a vu le jour sous 
Ptolémée Philadelphe. La Lettre d'Aristée la rattache 
à ce prince. Or, quels qu'aient été les embellissements- 
de la légende, on peut reconnaître au récit d'Aristée 
un fond de vérité. En effet, si cette Lettre a été rédigée 
vers 200, cinquante ans environ après la mort de Phi- 
ladelphe, elle n'aurait guère pu être reçue et se répandre 
si tout le contenu en était fictif et si l'époque indi- 
quée ne répondait même pas à la réalité. La fiction 
sans aucun fondement historique n'aurait eu aucun 
succès; il fallait qu'elle gardât au moins quelque vrai- 
semblance. Ptolémée Philadelphe aurait été mentionné 
dans la Lettre, parce que la version avait été réelle- 
ment faite sous son règne. Le Talmud de Jérusalem, 
traité Meghilla, I, 9, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, 
p. 213, qui reconnaît que la seule langue étrangère 
permise pour la transcription de la Loi est le grec, 
parce que, après examen, on a observé que le texte peut 
le mieux être traduit en cette langue, ajoute, p. 217- 
218, que les sages ont modifié pour le roi Ptolémée 
13 passages bibliques : Gen., I, 1, 25, 27; n, 2; xi, 7; 
xvin, 12; xlix, 6; Exod., iv, 20; xii, 40; Lev., xi, 6; 
Num., xvi, 15; Deut., iv, 9; xvn, 3. La raison de ces 
' modifications n'est indiquée que pour le 10« : « Au 
lieu du mot lièvre (Lev., xi, 6), dans l'énumération des 
animaux impurs, on dit « la bête aux courtes pattes »; 
car la mère du roi Ptolémée portait le nom d'Arna- 
tha. » On pense que ce nom ressemblait assez à celui 
A'amebeth, « lièvre », pour que le roi ait pu s'offenser 
de la traduction littérale. M. Wogue y a vu sans raison 
suffisante une allusion à Ptolémée Soter, dont la mère 
était femme de Lagus (),avùç, lièvre). Histoire de la 
Bible et de l'exégèse biblique, Paris, 1881, p. 138-139. 
Les traducteurs y ont pu préférer le nom 8a<rjitou; 
à XaY<iç par respect pour n'importe quel prince 
Lagide. 

Il est moins sûr que le désir de Ptolémée Phila- 
delphe d'enrichir sa bibliothèque de la traduction de 
la législation hébraïque ait été l'occasion de la version 
du Pentateuque. Ce désir lui aurait été attribué à 
cause de sa magnificence à accroître les collections de 
la bibliothèque du Musée, qu'avait fondée Ptolémée 
Soter. Tout en admettant la possibilité de ce désir du 
roi, Munk ajoutait : « Mais l'origine immédiate de la 
version est suffisamment motivée par les besoins reli- 
gieux des Juifs d'Egypte. Quoique nous ne sachions 
dire de qui elle est émanée, il est certain qu'elle est 
l'œuvre d'un ou de plusieurs Juifs d'Egypte, d'éduca- 
tion grecque. » Palestine, Paris, 1881, p. 487. Les Juifs, 
en effet, étaient fort nombreux alors en Egypte, et 
notamment à Alexandrie. Voir t. I, col. 353-354, 355- 
356. Ils avaient un temple à Léontopolis, et il leur 
importait de posséder dans la seule langue que la plu- 
part connaissaient, leur loi qu'ils ne comprenaient 
plus en hébreu. La traduction grecque du Pentateuque 
a donc été faite par des Juifs alexandrins et pour les 
Juifs alexandrins. On eût peut-être difficilement trouvé 
à Jérusalem des hommes sachant assez de grec pour 
traduire le Pentateuque en cette langue. La version 
porte la marque d'une connaissance peu parfaite de 
l'hébreu; elle est faite dans l'idiome vulgaire, parlé à 
Alexandrie. On y a même relevé des mots d'origine 
égyptienne, tels que âyju, Gen., xli, 2, 3; Jer., six, 7; 
xôv5-j, Gen., xliv, 2; ïëi«, Lev., xi, 17; Deut., xiv, 16; 
p'Wo;, Exod., xxv, 4; xxvi, 1 ; eî6e;, Exod., n, 3, etc. 



Mais l'emploi de ces mots ne prouve rien, puisqu'ils 
appartenaient à la langue vulgaire, parlée même en 
dehors de l'Egypte. Cependant, les traducteurs de la 
lettre des Purim dans Esther et du livre de l'Ecclé- 
siastique étaient des Juifs palestiniens; mais le der- 
nier vivait en Egypte depuis longtemps. Certaines par- 
ticularités de la traduction du Pentateuque répondent 
aux idées répandues dans le monde hellénique à 
l'époque des premiers Ptolémées. Ainsi, les traducteurs 
ont atténué les anthropomorphismes. Au lieu de se 
repentir d'avoir fait l'homme, Gen., vi, 6, Dieu pense 
et réfléchit qu'il l'a créé. Tandis que, dans le texte 
hébreu, Moïse prie Dieu de se repentir du mal qu'il 
voulait infliger à son peuple et que Dieu s'en repentit 
réellement, Exod., xxxii, 12, 14, dans la version 
grecque, Moïse lui demande seulement d'avoir pitié 
du malheur de ce peuple, et Dieu en a pitié. Au lieu 
de voir « la face » de Dieu, Num., xii, 8, on ne voit 
que sa « gloire ». On a cru remarquer que les deux 
récits de la création avaient été traduits en conformité 
avec des idées platoniciennes qu'on retrouve dans Phi- 
Ion. La terre était « invisible », Gen., i, 2; Dieu se 
reposa de toutes les œuvres qu'il avait commencé à 
faire, Gen., n, 3, etc. Trochon, Introduction générale, 
t. i, p. 372. Mais cette observation est contestable, et 
il est plus probable que la philosophie grecque n'a 
pas eu d'influence directe sur les traducteurs de la 
Bible. A. Loisy, op. cit., p. 146-149. Cf. Freudenthal, 
Are there traces of greek philosophy in the Seplua- 
gint? dans Jewish Quarterly Review, 1890, t. n, 
p. 205-222. Plusieurs critiques modernes pensent que 
les auteurs de cette version n'avaient aucune mission 
officielle. D'abord œuvre simplement individuelle, la 
traduction grecque du Pentateuque a été bientôt adop- 
tée par la communauté juive. M. Nôldeke cependant la 
regarde comme l'œuvre de la communauté et comme 
le modèle de la traduction des autres livres de l'Ancien 
Testament. Histoire littéraire de l'Ancien Testament, 
trad. franc., Paris, 1873, p. 359-360. 

Le traité Sopherim, c. i, du Talmud de Babylone dit 
que chacun des cinq livres de Moïse aurait été traduit 
par un traducteur spécial, et on a remarqué que le 
même mot hébreu est rendu par des mots grecs diffé- 
rents dans plusieurs de ces livres et dans le même livre. 
Ainsi il, « étranger », est traduit tantôt par -reiwpa;, 

Exod., xii, 19, tantôt par Tipo^/uToc, Exod., xii, 48, 
49; Lev., xix, 34. ]>n est simplement transcrit îv, Lev., 

xxiii, 13, mais traduit par jroOç, Lev., xix, 36. rotf est 

traduit àvâira-jcrt;, Exod., xxiii, 12, et dàgëa-ca, Exod., 
xxxi, 13, et les deux traductions sont réunies, Exod., 
xvi, 23; xxxi, 15; xxxv, 2; Lev., xvi, 31; xxm, 3; 
xxv, 4. Cf. Gràtz, Geschichte der Juden, t. m, p. 620. 
Cela prouve seulement que le traducteur, s'il n'y en a 
qu'un, n'avait pas de principes arrêtés d'interprétation. 

Quoi qu'il en soit et à supposer que la traduction 
grecque du Pentateuque n'ait pas été faite sous le 
règne de Ptolémée Philadelphe et pour la bibliothèque 
de ce roi, elle remonte néanmoins au 111 e siècle. Des 
écrivains juifs du II e et du I er siècle s'en sont servis. On 
cite l'historien juif Démétrius, qui écrivait sous Pto- 
lomée IV (222-204); cf. Schûrer, t. m, p. 350; le 
philosophe Aristobule dans son explication de la loi 
mosaïque, qui n'était qu'une libre reproduction du 
texte du Pentateuque, et le poète juif Ézéchiel qui, à 
l'imitation d'Euripide, a composé en vers grecs un 
drame sur la sortie d'Egypte, intitulé : 'EÇa-foi-pi- 

3° Les autres livres. — Nous manquons de ren- 
seignements précis sur la date de la traduction des 
autres livres de la Bible hébraïque. Le plus sûr nous 
est fourni par le prologue de la version de l'Ecclésias- 
tique. En l'an 38 de Ptolémée Évergète, le petit-fils de 
Jésus,' étant en Egypte, constata, après un assez long 



1633 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1634 



séjour, que tous les Livres Saints de la Bible hébraïque 
n'étaient pas encore traduits en grec. Il laisse entendre 
•que la loi, les prophètes et une partie au moins des 
autres livres, c'est-à-dire des hagiographes ou ketûbîm, 
avaient déjà passé en cette langue, puisque les étran- 
gers mêmes peuvent devenir par leur moyen très 
habiles à parler et à écrire, puisque ces livres aussi 
présentent une très grande différence, lorsqu'on les 
lit dans leur propre langue. Cependant, quelques 
livres hébreux, qui contiennent une grande et esti- 
mable doctrine, ont été laissés sans traduction. De ce 
nombre était l'ouvrage de son aïeul Jésus, qu'il a 
pris soin de publier en grec en faveur de ceux qui 
veulent s'instruire et apprendre de quelle manière ils 
doivent régler leurs mœurs, quand ils ont résolu de 
mener une vie conforme à la loi du Seigneur. Ces 
•dernières paroles nous apprennent quel mobile pous- 
sait les traducteurs israélites à donner leurs Livres 
Saints dans une langue étrangère. L'auteur nous 
apprend aussi quelles difficultés il a dû vaincre pour 
mener son œuvre à bonne fin, surtout relativement au 
choix des termes, car les mots hébreux perdent de 
leur force, lorsqu'ils sont traduits dans une autre 
langue. Il a constaté celte particularité dans la traduc- 
tion de la loi, des prophètes et des autres livres, anté- 
rieure à celle qu'il a faite du livre de son grand-père. 
Puisque ce traducteur écrivait la 38 e année, non de son 
âge, mais du règne d'un Ptolémée Évergète, il ne 
peut être question que de Ptolémée Évergète II ou 
Physcon (170-117) qui seul a régné plus de 38 ans, et 
non de Ptolémée III (247-222). Voir t. h, col. 1445; 
t.v,col.85^ cf. col. 856. Loin d'être superflue, comme on 
le prétendait, la préposition éro après etel est cou- 
ramment employée dans les inscriptions de l'époque. 
Voir Deissmann, Bibelstudien, Marbourg, 1895, p. 255- 
■257. La traduction grecque de l'Ecclésiastique a donc 
■été faite en 132. Il en résulte que la version grecque 
<le la majeure partie de la Bible hébraïque existait en 
132. Les livres qui n'étaient pas encore traduits appar- 
tenaient à la série des kefiibim. Or, nous possédons 
des renseignements sur la version de quelques-uns 
4'entre eux. 

Eupolème, qui vivait sous Démétrius Soter (162-150) 
et qui écrivait en 158-157, s'est servi de la version 
grecque des Paralipomènes, puisqu'il a tiré de II Par., 
ii, 2-15, la correspondance de Salomon avec Hiram, 
ainsi que l'a démontré Freudenthal, Alexander Poly- 
histor, 1875, p. 119. Cf. Schùrer, t. m, p. 311, 353. 
Les deux livres d'Esdras et de Néhémie, qui ont été 
longtemps réunis aux Paralipomènes, ont peut-être 
été traduits en même temps qu'eux. L'historien Aristée, 
qui est antérieur à Polyhistor et qui vivait au plus 
tard dans la première moitié du I er siècle, s'est servi 
•de la version grecque du livre de Job, dont il connaît 
la finale inauthentique. Freudenthal, p. 139; Schûrer, 
t. m, p. 311, 357. Selon une note du Codex Alexan- 
drinus, le livre de Job aurait été traduit sur la Bible 
syriaque. Dans la suscription du texte grec d'Esther, 
si, 1 (Vulgate), Lysimaque de Jérusalem est désigné 
comme le traducteur de la lettre concernant la fête de 
Purim, et la version aurait été apportée à Alexandrie 
par le prêtre Dosithée, la 4 e année du règne de Pto- 
lémée et de Cléopâtre. On pense généralement que ce 
roi est Ptolémée Philométor (181-175), sans que ce soit 
absolument certain, voir col. 855, parce que quatre 
Ptolémées (V, VI, VII et VIII) ont eu chacun une 
femme du nom de Cléopâtre. Quelques critiques 
pensent à Ptolémée VIII et placent la traduction 
•d'Esther à l'année 114. Willrich, Judaica, Gœttingue, 
1900, p. 2, a même voulu y voir, quoique sans 
grand fondement, Ptolémée XIV (48-47). Le Psaume 
lxxviii (lxxix), 2, est cité en grec. I Mach., vm, 17. Or, 
la version grecque du I er livre des Machabées aproba- 

DICT. DE LA BIBLE. 



blement été faite au I er siècle avant notre ère. On 
attribue la traduction du Psautier en grec à la première 
moitié du II e siècle. 

Il faut noter que la version grecque, dite des Septante, 
a compris, dès l'origine, les livres et les parties deutéro- 
canoniques, dont le texte primitif était hébreu. Ainsi la 
version d'Esther avait les additions de cette nature, 
quelle qu'en soit d'ailleurs la provenance. Les fragments 
de Daniel sont écrits en grec dans la même langue que 
la version du livre protocanonique. C'est donc vrai- 
semblablement le même interprète qui a traduit le 
tout vers le milieu du n« siècle avant notre ère. 
A. Bludau, De alexandrinse interpretationis libri 
Daniel indole critica et hemieneutica, Munster, 1891, 
p. 5; Die alexandrinische Ubersetzung des Bûches 
Daniel, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 8. La version de 
Jérémie était complétée par celle du livre de Baruch 
et de la Lettre' de Jérémie. Il y a une allusion à cette 
Lettre, Baruch, vi, dans II Mach., n, 2, 3. Notre III e 
livre d'Esdras, qui est apocryphe, est le [ ,r de ce nom 
dans la Bible grecque. 

Cette Bible existait dans son entier au v siècle avant 
notre ère. Elle a été utilisée dans la partie juive des Ora- 
cles sybillins. Philon, qui vivait à cette époque, se servait 
de la version grecque des Livres Saints, quoique 
L. Cohn en ait douté, Neue Jahrbùcher fur dos klass. 
Alterthum, 1898, t. i, p. 521 sq., et il en a cité de nom- 
breux passages. On n'a relevé dans ses œuvres aucune 
citation de Ruth, de l'Ecclésiaste, du Cantique, d'Esther, 
des Lamentations, d'Ézéchiel et de Daniel. C. F. Hor- 
nemann, Spécimen exercitationum criticarum in 
versionem LXX interpretum ex Philone, Gœttingue, 
1773; C. Siegfried, Philo und der ûberlieferte Text 
der LXX, dans Zeitschrift fur wissenchaftliche Théo- 
logie, 1873, p. 217 sq.,411 sq., 522 sq.; Ryle, Philo and 
Holy Scripture, Londres, 1895, p. xxxi-xxxii. Mais ces 
livres existaient alors en grec : Ruth était joint aux 
Juges, et les Lamentations à Jérémie. De ce que Philon 
ne les a pas cités, on ne peut pas conclure qu'ils 
n'étaient pas encore traduits en grec, pas plus qu'il 
n'en résulte qu'ils n'étaient pas alors reconnus comme 
sacrés et canoniques. Les écrivains du Nouveau Tes- 
tament citent souvent les livres de la Bible hébraïque 
d'après la version grecque, sauf Esdras, Néhémie, 
Esther, l'Ecclésiaste, le Cantique et quelques petits 
prophètes, qu'ils n'ont pas eu l'occasion de citer. Il 
faut en conclure que la version grecque circulait 
parmi les Juifs de Palestine. Voir plus loin. Josèphe a 
connu cette version et s'en est servi; il ne nous a 
malheureusement rien transmis sur son contenu ni 
sur son origine, en dehors de la Lettre d'Aristée. 
Spittler, De usu versionis alexandrinse apud Jose- 
phum, Gœttingue, 1779; Scharsenberg, De Josephi et 
versionis alexandrinse consensu, Leipzig, 1780; A. Mez, 
Die Bibel des Josephus untersucht fur Buch V-VIII 
der Archàologia, Bâle, 1895. Cf. Swete, op. cit., 
p. 369-380. 

V. Langue. — Tout le monde admet que la traduc- 
tion grecque de la Bible hébraïque a été faite dans le 
grec vulgaire ou la xoivri SiàXExto;, et elle apparaît à 
l'époque où cette langue domine dans le bassin de la 
Méditerranée. Nous n'aurions pas à revenir sur l'ori- 
gine et les caractères de cette langue, qui ont été 
exposés à l'article Grec biblique, t. m, col. 315-319, 
si depuis la publication de cet article on n'avait 
émis sur sa nature, à la suite de la découverte de 
nombreux papyrus grecs, des considérations nouvelles, 
qu'il est nécessaire d'indiquer au moins sommairement 
ici. 

On a voulu souvent faire du grec dans lequel l'Ancien 
Testament a été écrit un idiome particulier, qu'on 
qualifiait ou bien d'idiome hellénistique (grec de 
synagogue, disait Richard Simon; grec judaïque, a-t- 

V. - 52 



1635 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1636 



on dit depuis), ou bien de grec biblique, différencié 
par quelques-uns en grec des Septante et en grec du 
Nouveau Testament, et étendu par d'autres jusqu'au 
grec chrétien ou même ecclésiastique. Le grec des 
Septante est pour M. Viteau, t. m, col. 316, « le grec 
hébraïsant tel qu'on le parlait à Alexandrie au sein 
de la communauté juive; » c'est le grec vulgaire d'Alex- 
andrie avec « un énorme mélange d'hébraïsmes. » Pour 
M. Swete, An Introduction lo the Old Testament in 
greek, p. 9, c'est le patois des rues et des marchés 
d'Alexandrie, coloré de sémitismes et d'hébraïsmes sur 
les lèvres de la colonie juive. M. Deissmann rejette à 
bon droit toutes ces qualifications et il ne retient que 
celle de grec hellénistique. Realencyclopâdie fûrpro- 
testantische Théologie und Kirche, 3« édit., t. vu, 
p. 627-639. Le grec des Septante n'est, à ses yeux, que 
le grec vulgaire avec ses particularités propres, à peu 
près sans hébraïsmes. Son argument est la ressem- 
blance parfaite de la langue de cette version avec celle 
des papyrus et des inscriptions de la même époque au 
double point de vue phonétique et morphologique. 
C'est la xoivï| toute pure du temps. Des mots, qui pas- 
saient pour uniquement bibliques, ont été retrouvés 
dans les papyrus ou les ostraka. Cf. Deissmann, Bibel- 
studien, p. 76-168; Neue Bibelstudien, Marbourg, 1897, 
p. 22-95; Licht vont Osten, Tubingue, 1908, p. 45-95. 
Voir t. iv, col. 2092-2093. La syntaxe des Septante, qui 
n'a pas son équivalent dans les papyrus, semblerait 
justifier, de prime abord, l'existence d'une langue 
spéciale, du grec hébraïsant. Deissmann remarque 
que cette particularité de syntaxe provient de ce que 
les Septante sont une version et que leur langue est 
un grec de traduction de livres hébraïques. Le 
IV e livre des Machabées, les Épîtres de saint Paul, la 
Lettre d'Aristée, les écrits de Philon, toutes œuvres 
d'écrivains juifs, sont écrits dans le grec vulgaire, et 
non dans le prétendu grec hébraïsant. Le prologue de 
l'Ecclésiastique et celui du troisième Évangile sont en 
grec vulgaire sans sémitismes. Si les livres, dont ils 
sont la préface, ont des hébraïsmes, c'est que l'un est 
une traduction d'un ouvrage hébreu et que l'autre 
repose sur des sources hébraïques ou araméennes. Les 
hébraïsmes de la version des Septante ne sont pas des 
hébraïsmes usités dans la langue, mais des hébraïsmes 
exceptionnels provenant de la traduction plus ou moins 
littérale d'un texte hébraïque. On a donc écarté un 
grand nombre de sémitismes qu'on croyait retrouver 
dans les Septante, ce ne sont que des vulgarismes, et 
on conclut que cette version est un excellent monu- 
ment littéraire de la xoivï] SiâXsxToç. Deissmann et 
Moulton sont portés à réduire au minimum le nombre 
des hébraïsmes; ils ne veulent voir partout que des 
vulgarismes. Deissmann, Bibelstudien, p. 61-76. Cette 
tendance, peut-être trop rigoureuse, a été combattue 
de divers côtés etpour des raisons différentes. Les uns 
pensent que les Juifs fort nombreux en Egypte ont 
exercé une forte inlluence sur le grec parlé et y ont 
introduit de véritables hébraïsmes, qui sont entrés 
dans la langue vivante et littéraire. Les autres croient 
que, dans l'œuvre même de traduction, il s'est intro- 
duit des hébraïsmes, provenant non pas de la traduc- 
tion d'un original hébraïque, mais faisant réellement 
partie de la langue des traducteurs. Il faudrait donc 
reconnaître de réels hébraïsmes dans la version des 
Septante, qui ne serait pas un monument de la xocvtj 
£[â).ey.toc aussi pur que le grec des papyrus. Cf. Jac- 
quier, Histoire des livres du Nouveau Testament, 
Paris, 1908, p. 321-334; J. Psichari, Essai sur le grec 
de la Septante, dans la Bévue des études juives, avril 
1908, p. 161-208. Cependant, G. Schmidt, De Flavii 
Josephi elocutione observationes criticse, dans Fleck, 
Jahrbùcher Suppl., t. xx (1894), p. 514 sq., n'a trouvé 
en Josèphe, qui a traduit ses œuvres de l'hébreu en grec, 



qu'un unique hébraïsme, l'emploi de nposTÉOerfai pour 
rendre )d>. Quoi qu'il en soit, le nombre de ce qu'on 
croyait être des hébraïsmes dans la Bible grecque, doit 
être beaucoup réduit. 

VI. Histoire du texte. — 1» Diffusion chez les Juifs- 
et les chrétiens. — Bien que la traduction grecque de 
chacun des livres de la Bible hébraïque, sauf peut-être 
celle du Pentateuque, ait été une entreprise privée, 
comme cela est évident pour l'Ecclésiastique, cependant 
les différents livres, traduits en grec, ne tardèrent pas 
à être groupés et à prendre un caractère officiel parmi 
les Juifs de langue grecque. Il y eut donc bientôt une- 
Bible grecque à l'usage des Juifs hellénistes. Philon, 
rapportant l'origine légendaire de la version du Penta- 
teuque, insiste beaucoup sur sa conformité avec le texte 
hébreu. « Lorsque des Hébreux qui ont appris le grée 
ou des Grecs qui ont appris l'hébreu lisent les deux 
textes, dit-il, De vita Mosis, II, Paris, 1640, p. 658 sq., 
ilsadmirentces deux éditions et les vénèrent comme deux 
sœurs, ou plutôt comme une seule personne. » Il ajoute 
que, chaque année, les Juifs faisaient une fête joyeuse- 
dans l'île de Pharos en commémoration de la traduc- 
tion du Pentateuque par les Septante. Il s'est servi 
lui-même, nous l'avons déjà dit, non seulement de la 
version grecque des cinq livres de Moïse, mais aussi 
de celle de la plupart des autres livres de l'Ancien Tes- 
tarnent.Tous les Juifs hellénistes s'en servaient pareille- 
ment, et nous avons cité les écrivains qui ont utilisé 
le texte grec de différents livres. 

Cette version a été aussi connue et employée par des 
Juifs palestiniens. Les écrivains inspirés du Nouveau 
Testament, qui étaient des Juifs de Palestine, l'ont citée, 
en écrivant dans le monde gréco-romain. Plus tard, Jo- 
sèphe, qui est un palestinien, croit au récit d'Aristée, sur 
l'origine du Pentateuque grec, et se sert de toute la Bible 
grecque. Mais Josèphe a hellénisé, et l'usage qu'il fait 
de la version grecque ne prouve pas absolument un 
usage semblable de la part des Juifs de Palestine. On 
a prétendu que le texte grec avait été lu officiellement 
dans les synagogues de ce pays: On s'est appuyé sur 
un passage du Talmud de Jérusalem, traité Sola, vu, 

I, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vu, p. 297, mais il ne 
s'agil que de la récitation du Schéma, faite en grec, 
àX>i)vi(rc\, à la synagogue de Césarée. D'ailleurs, on y 
rappelle qu'à la fête de Purim il est permis aux seuls 
particuliers qui ne savent pas l'hébreu, de lire le livre 
d'Esther en toute langue étrangère. Cf. traité Meghilla, 

II, 1, t. vi, p. 228. L'Épitre aux Hébreux, qui est 
adressée à l'Église de Jérusalem et qui cite l'Ancien 
Testament grec, montre que la version des Septante 
était reconnue en Palestine, au moins parmi les Juifs 
palestiniens qui parlaient grec. La légende d'Aristée 
a été reçue en Palestine, et les rabbins ont reconnu plus- 
tard que les Livres Saints pouvaient être traduits en 
grec. Les Juifs palestiniens n'avaient pas de motif de 
rejeter la version des Septante, tant qu'elle ne fut pas- 
employée par l'Église chrétienne. Ils la tenaient donc- 
en estime, bien qu'elle n'eût chez eux aucun caractère 
officiel. 

En tous cas, il est certain que les Juifs hellénistes 
lisaient partout la traduction grecque des Livres 
Saints. L'exemple de saint Paul suffirait à le montrer. 
Kautzsch, De V. T. locis a Paulo apostolo allegatis r 
Leipzig, 1869; Monnet, Les cilations de l'A. T. dan» 
les Épîtres de S. Paul, Lausanne, 1874; Vollmer, Die 
altlest. Cilate bei Paulus, Fribourg-en-Brisgau, 1895; 
F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, 
p. 35-44. Saint Justin affirme cet emploi même dans 
les synagogues, Apol., i, 31 ; Dial. cum Tryphone, 72, 
t. vi, col. 376,645, aussi bien que l'auteur de la Cohor- 
talio ad Grsecos, 13, ibid., col. 268, et que Tertullien, 
Apologet., 18, t. i, col. 381 : Judsei, dit ce dernier, 
palam lectilant. Des mains des Juifs hellénistes, la 



1637 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1638 



Bible des Septante passa tout naturellement à celles 
des apôtres et des premiers missionnaires de l'Évan- 
. gile. C'est à elle que sont empruntées la plupart des 
citations de l'Ancien Testament qui sont faites dans le 
Nouveau. L. Cappel, Quiestio de locis parallelis V. 
et N. T., appendice de la Critica sacra, 1650; Suren- 
husius, Loca ex V. in N. T. allegata, Amsterdam, 
1713; Rcepe, De V. T. locorumin apost. libris allega- 
lione, 1827; Tholuck, Dos Alte Testament im N. T., 
1836; 3 e édit., Hambourg, 1849; Bôhl, Die alltesta- 
mentlichen Citate im N. T., Vienne, 1876; Toy, Quo- 
, talions in theNew Testament, New- York, 1884; Clemen, 
Der Gebrauch des A. T. in den neutest. Schriften, 
Gûtersloh, 1895; Swete, An Introduction to the Old 
Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 381-405; Hiihn, 
Die alttestamentl. Citate und Reminiscenzen im 
N. T., Tubingue, 1900; Dittmar, Vêtus Testamentum 
m Novo, Gœttingue, 1903. Elle fut lue dans les commu- 
nautés chrétiennes de langue grecque et elle devint 
l'Ancien Testament de l'Église. Sur les citations des 
Septante chez les premiers Pères de l'Église, voir 
Swete, op. cit., p. 406-432. Plusieurs Pères crurent à 
son inspiration, et ils faisaient valoir cette croyance, 
commune aux Juifs et à eux, dans la polémique avec 
les Juifs qui repoussaient les interprétations chré- 
tiennes des prophéties en s'appuyant sur le texte 
hébreu. Voir S. Justin, Dial. cwn Tryphone, 68, 71, 
84, t. vi, col. 632, 644, 674; S. Irénée, Cont. hœr.,m, 
21, n. 1, t. vin, col. 946. Parce qu'elle était en crédit 
parmi les chrétiens, la Bible des Septante tomba en 
défaveur chez ie3 Juifs. La controverse entre les Juifs 
et les chrétiens attira l'attention des premiers sur un 
texte que leurs adversaires leur opposaient victorieuse- 
ment. Ils remarquèrent ses imperfections et les diffé- 
rences qu'il présentait comparativement au texte hé- 
breu. Quelques-uns entreprirent des traductions plus 
littérales, nommément Aquila et Théodotion, les Juifs 
citèrent leur texte aux chrétiens, qui interprétaient 
les Septante au sens messianique. Saint Justin, Dial. 
cum Tryphone, 71, t. vi, col. 614, et saint Irénée, 
Cont. hier., m, 21, t. vu, col. 946, le constatent. Voir 
t. i, col. 811, 812. Certains rabbins en vinrent même 
à dire que les ténèbres couvrirent le monde pendant 
trois jours lorsque les Septante firent leur version 
sous le roi Ptolémée, Megilla Taanith, Bâle, 1518, f. 50, 
et que le jour où les cinq traducteurs écrivirent la Loi 
en grec pour ce prince fut pour Israël un jour aussi 
néfaste que le jour où fut fabriqué le veau d'or. Tal- 
mud de Babylone, traité Sopherim, c. i. 

La diffusion de la version grecque chez les juifs 
hellénistes et chez les chrétiens ne fut pas favorable 
à la pureté du texte. Les citations, faites par Philon et 
par Josèphe, présentent déjà des variantes. Comme il 
arrive pour tous les textes fréquemment copiés, la trans- 
mission de l'Ancien Testament grec introduisit dans 
les copies des altérations involontaires, et probable- 
ment même des corrections, faites à dessein par des 
lecteurs qui comparaient le grec à l'hébreu, soit en 
recourant directement à l'original, soit par l'intermé- 
diaire des versions plus littérales d'Aquila, de Théodo- 
tion et de Symmaque. On cherchait à rapprocher le 
plus possible le grec de l'hébreu ou à rendre clairs les 
passages obscurs. C'est à ces causes qu'il faut sans 
doute rapporter l'existence de doubles leçons de cer- 
tains passages des Septante avant Origène. Les chré- 
tiens, d'autre part, pour des raisons analogues, on fait 
subir au texte des modifications. Ils ont abandonné, au 
moins à partir de saint Irénée, la version de Daniel 
pour celle qui est attribuée à Théodotion. Bien plus, 
des citations antérieures du texte de Daniel, qui se rap- 
prochent plus de Théodotion que des Septante, si elles 
n'ont pas été corrigées plus tard par les copistes, ce qui 
parait impossible en nombre de cas, proviennent plutôt 



d'une version antérieure de Daniel, que Théodotion 
n'aurait que retouchée. Cf. A. Bludau, Die alexandri- 
nische Ùbersetzung des Bûches Daniel, Fribourg-en- 
Brisgau, 1897, p. 8-19; Swete, An Introduction to the 
Old Testament in Greek, p. 47-49. On a donc pu parler 
avec beaucoup de vraisemblance d'une Bible grecque 
de Théodotion, antérieure à Théodotion. Voir Théodo- 
tion. Les exemplaires dont se servaient les anciens 
Pères, étaient déjà défectueux, et l'usage augmenta les 
fautes. Montfaucon, Hexaplorum quse supersunt, 
Pat. gr., t. XV, col. 65-68; Grabe, De vitiis LXX 
interpretibusante Origenis sevum illatis, Oxford, 1710. 
Aussi on sentit à la longue la nécessité de corriger un 
texte si altéré et de le ramener le plus possible à sa 
pureté première. C'est pourquoi divers essais de cor- 
rection furent tentés. 

2° Corrections critiques d'Origène, de Lucien et 
d'Hésychius. — 1. Recension d'Origène. — C'est pour 
corriger le texte des Septante altéré dans les manus- 
crits, et le rapprocher le plus possible du texte hébreu, 
comme il l'a déclaré lui-même, Episl. ad Africanum, 
5, t. xi, col. 60; In Matth., tom. xv, 14, t.xm, col. 1293, 
qu'Origène entreprit l'œuvre gigantesque, des Hexaples. 
Voir t. m, col. 689-701. Dans la cinquième colonne, 
réservée à la version des Septante, il ne s'est pas 
borné à reproduire le texte purement et simplement 
d'après les meilleurs manuscrits du temps, il y a mar- 
qué d'obèles ce que ce texte avait en plus que l'hébreu, 
et il y a ajouté les leçons qu'avait en plus le texte 
original lui-même, en empruntant la traduction grecque 
à la version de Théodotion, qui était la meilleure. 
Mais pour qu'on distinguât ces additions, il les avait 
fait précéder d'un astérisque et suivre d'un métobèle, 
o de façon qu'on puisse les négliger, si l'on veut, et 
que, si l'on s'en trouve choqué, on soit libre de les 
accepter ou non. » Il adopta, parmi les variantes des 
manuscrits grecs, celles qui se rapprochaient le plus 
de l'hébreu. Il avait fait aussi des transpositions de 
texte, lorsque l'ordre des Septante n'était pas le même 
que celui de l'hébreu. Il avait adopté l'ordre du texte 
original, suivi par les versions d'Aquila, de Symmaque 
et de Théodotion. Il avait donc voulu donner une édi- 
tion des Septante aussi conforme que possible au 
texte hébreu, dont il disposait, tout en gardant le 
texte entier de la version grecque. Des signes critiques, 
empruntés aux grammairiens d'Alexandrie, indi- 
quaient les différences de l'hébreu et du grec. Au 
fond, selon le mot de saint Jérôme, Prsefatio in Par., 
t. xxvin, col. 1325, Origène a eu l'audace de mêler les 
leçons de Théodotion, représentant le texte hébreu, 
aux leçons des Septante. Son travail altérait le texte 
grec, et préparait pour l'avenir, en raison des modifi- 
cations des signes critiques, des altérations plus grandes 
encore. 

La recension hexaplaire des Septante ne se répandit 
qu'à la fin du m e siècle. Le martyr Pamphile et Eusèbe, 
évèque de Césarée, firent copier la cinquième colonne 
des Hexaples qui contenait le texte des Septante avec 
les signes critiques. Ils y joignirent des notes ou scolies, 
qu'ils empruntaient aux Hexaples et dont quelques- 
unes ont été reproduites dans des manuscrits posté- 
rieurs. Ces copies furent reçues dans les églbes de 
Palestine, au témoignage de saint Jérôme, lbid. Elles 
y étaient lues à la fin du IV e siècle. Elles constituèrent 
une recension des Septante, qu'on appelle hexaplaire, 
pour la distinguer du texte antérieurement reçu, dit 
la xotvr„ l'édition vulgate ou anté-hexaplaire. Les 
témoins de celte recension se trouvent dans les citations 
bibliques faites par les écrivains ecclésiastiques de 
Palestine, notamment Eusèbe de Césarée et Procope de 
Gaza, cf. E. Lindl, Die Oktateuchcatene des Prokop 
von Gaza und die Septuagintaforschung, Munich, 1903, 
dans les manuscrits grecs où sont reproduits les asté- 



1639 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1640 



ristiques et les obèles (onciaux : le Sarravianus G, pour 
l'O ctateuque, et le Marchalianus Q, pour les prophètes; 
cursifs: le Barberinus, pour les prophètes (Holmes 86), 
et le Chisianus (Holmes 88), pour les grands prophètes, 
dans la version syro-hexaplaire, de Paul de Telia, cal- 
quée sur le texte d'Origène, enfin dans les citations la- 
tines des Septante que saint Jérôme a faites dans ses 
commentaires et dans ses travaux sur Job et le Psau- 
tier de l'ancienne Italique. Voir Vêtus Testamentum 
grsece codicis Sarraviani Colbertini quse supersunt in 
bibliothecis Leidensi Parisiensi Petropolitana, repro- 
duits par la phototypie avec une préface de H. Omont, 
in-f», Leyde, 1897; Prophetarum codex grsecus Vatica- 
nus 2125, reproduit par héliotypie sous la direction du 
P. J. Cozza-Luzi, et avec une introduction de McCeriani, 
De codice Macchaliano (publiée séparément), Rome, 
1890. Cf. 0. Frocksch, Studien zur Geschichte der Sep- 
tuaginta, 1. Die Propheten, Leipzig, 1910. 

2. Recension de Lucien. — Du temps de saint 
Jérôme, elle était usitée à Constantinople et à Antioche. 
Voir t. iv, col. 403407. Voir aussi E. Hautsch, Der 
Luciantext des Ockateuch, Berlin, 1910. 

3. Recension d'Hésychius.— A la même époque, elle 
était reçueà Alexandrie et en Egypte. Voir t.m,col.665-667. 

3° Manuscrits. — Des notions générales sur les ma- 
nuscrits des Septante ont été données, t. iv, col. 679- 
682. Les principaux ont été déjà ou seront décrits 
dans des articles spéciaux. Pour les papyrus, voir t. iv, 
col. 2087-2088. Cf. G. Brady, Les papyrus des Septante, 
dans la Revue de philologie, oct. 1909, p. 255-264. Sur 
l' Alexandrinus, voir t. i, col. 363-364 ; VEphrsetniticus, 
t. Il, col. 1872; le Coislianus, col. 829-830; le Cottonia- 
nus, col. 1058; le Marchalianus, t. iv, col. 745-746; le 
Pelropolitanus, t. v, col . 174. Voir Sinaiticus, Vaticanus. 

^Éditions. — 1. Éditions complètes. — a) L'édition 
princeps est celle de la Polyglotte de Complule ou 
d'Alcala. Voir t. v, col. 516-517. 

6) L'édition aldine, bien qu'imprimée après la précé- 
dente, parut avant elle. Commencée par Aide Manuce, 
elle fut achevée, après la mort de ce dernier (1515), 
par son beau-père André Asolanus et parut à Venise au 
mois de février 1518 (nouveau style, 1519), en 3 in-f°. 
L'éditeur, dans la dédicace au cardinal JEgidius, dit 
avoir collectionné beaucoup de manuscrits très anciens, 
avec le concours d'hommes très instruits. On ne sait 
pas au juste quels sont ces manuscrits. Il est vraisem- 
blable qu'on a consulté le manuscrit de Bessarion 
conservé à la bibliothèque Saint-Marc de Venise 
(Holmes 68), et deux autres manuscrits (II et III) de 
la même bibliothèque (Holmes 29 et 121). Le texte se 
rapproche de l'édition de Rome plus que celle de Com- 
plute. L'édition aldine a été plusieurs fois réimprimée : 
par Jean Lonicer, Strasbourg, 1526-1528; avec une pré- 
face de Mélanchthon, Bâle, 1545; par H. Guntius, Bâle, 
1550, 1582; par DraconiteS, Biblia Pentapla, Witten- 
berg, 1562-1565; par F. du Jon (.lunius) ou F. Sylburg, 
Francfort, 1597 ; par N. Glycas, Venise, 1687. 

c) L'édition la plus importante est celle qui fut pré- 
parée à Rome et publiée par l'autorité du pape Sixte V, 
en 1587. Le 17 mars 1546, on avait proposé au concile 
de Trente, en congrégation générale, les remèdes à 
apporter aux abus signalés relativement à l'Écriture 
sainte. Ofc, au second abus, qui était la corruption des 
manuscrits, on devait obvier, en dehors de la correc- 
tion de la Vulgate latine, curando etiani ut unum co- 
dicem grœcurn, unumgue hebrœum, quod fieri potest, 
correctum habeat Ecclesia sancta Dei. A la congréga- 
tion générale du 1 er avril, le cardinal Polus demanda 
que le concile approuvât un texte hébreu et un texte 
grec, ut omnibus Ecclesiis consulatur. Quand on 
passa aux votes, la plupart des Pères exclurent la cor- 
rection des textes hébreu et grec et ne votèrent qu'une 
édition corrigée de la Vulgate. A. Theiner, Acta au- 



thentica SS. œcumenici concilii Tridentini, Agram 
(1874), t. i, p. 65, 83. L'idée du cardinal Polus devait 
cependant être réalisée au moins pour le texte grec de 
l'Ancien Testament. On ne s'occupa que de la Vulgate 
jusqu'au pontificat de Grégoire XIII. En 1578, le car- 
dinal de Montalte, qui devait être bientôt après le pape 
Sixte V, suggéra à son prédécesseur le projet d'éditer 
la Bible des Septante. Une commission comptant Pierre 
Morin, Antoine Agellius, Emmanuel Sa, Flaminius No- 
bilius, fut nommée sur les conseils du cardinal Sirlet, 
et eut pour président le cardinal Carafa, préfet de la 
bibliothèque Vaticane. Celui-ci fit rechercher les manus- 
crits des plus célèbres bibliothèques de l'Italie et en 
relever les variantes. Ces variantes, comparées avec le 
Vaticanus B, permirent de constater que son texte, 
d'accord d'ailleurs avec les citations bibliques des 
anciens écrivains ecclésiastiques (voir les manuscrits 
1232, 1244 du fonds grec à la Vaticane), était le meilleur 
texte des Septante. On résolut donc de l'éditer, sinon 
mot à mot, du moins après l'avoir complété et corrigé, 
en l'accompagnant de notes. Deux autres manuscrits, 
au témoignage de Pierre Morin, furent utilisés : un 
oncial, provenant de Venise et ayant appartenu à la 
bibliothèque du cardinal Bessarion; un autre, venu 
de la Grande-Grèce et appartenant alors au cardinal 
Carafa. Ce dernier a passé à la bibliothèque Vaticane 
avec tous les manuscrits de Carafa; il est conservé sous 
le n» 1238. Cf. Bulletin critique, 1889, t. x, p. 113-114. 
On disposa encore des collations tirées de deux ma- 
nuscrits de la bibliothèque des Médicis à Florence 
(Mediceus, X, 8, sur les prophètes; V, 38, sur le Pen- 
tateuque). Elles sont conservées au Vatican, fonds grec, 
1242, 1244, 1241, t. II. Les premiers manuscrits ser- 
virent à combler les lacunes du Vaticanus B et à corri- 
ger les fautes du copiste et les passages suspects d'er- 
reur; on ne tint pas compte des corrections manuscrites 
faites par d'autres mains que la première. Selon Nestlé, 
Septuagintastudien, I, p. 9; n, p. 12, les 46 premiers 
chapitres de la Genèse auraient été suppléés d'après le 
Chisianus R, vi, 38 (Holmes 19). Des notes tirées des 
manuscrits et de leurs scholies, indiquaient les princi- 
pales variantes anciennes, ou justifiaient les leçons 
adoptées, ou expliquaient les passages obscurs. Les 
livres étaient disposés dans l'ordre même du Vatica- 
nus B; on y avait introduit cependant la division 
moderne des chapitres, mais non celle des versets. 

Le cardinal de Montalte put sanctionner de l'autorité 
pontificale, dont il était revêtu sous le nom de Sixte V, 
l'édition des Septante dont il avait suggéré le dessein, 
huit ans plus tôt à Grégoire XIII. Le 8 octobre 1586, 
en la seconde année de son pontificat, il publiait ce 
décret : Cupientes, quantum in nobis est, commissi 
nobis gregis saluti quacumque ratione ac via pros- 
picere, ad pastoralem nostram curam pertinere vehe- 
menter arbitramur Sacrée Scripturse libros, quibus 
salutaris doctrina continelur, ab omnibus maculis 
enipurgatos integros purosque pervulgari. Après avoir 
résumé les phases principales de l'exécution de cette 
édition, il concluait : Volumus et sancimus ad Dei 
gloriam et Ecclesise utililatem, ut Vêtus Grœcurn Te- 
stamentum juxta Septuaginta ita recognitum et expo- 
litum ab omnibus recipiatur ac retineatur, quo potis- 
simumad Latinsevulgatse edilionis et veterum sancto- 
rum Patrum intelligentiam utantur. Prohibentes ne 
quis de hac nova Grseca editione audeat in posterum 
vel addendo vel demendo quicquam immutare. Si quis 
autem aliter fecerit quam hac nostra sanctione com- 
prehensum est, noverit se in Dei omnipotentis beato- 
rumque aposlolorum Pétri et Pauli indignationem 
incursuruni. L'édition romaine des Septante, sans avoir 
l'authenticité doctrinale que le concile de Trente a re- 
connue à la Vulgate latine, est donc officielle et elle a 
été officiellement présentée au monde catholique par 



1641 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1642 



Sixte V. Pie IX et Léon XIII ont approuvé de nouvelles 
éditions du Vaticanus B; ils ne les ont pas présentées 
comme devant servir à l'usage des catholiques comme 
Sixte V l'a fait pour Pédilion de 1586. 

L'impression fut achevée en 1586, et cette date est 
inscrite au frontispice de l'édition. Celle-ci ne fut mise 
en circulation que l'année suivante. Le bref du pape, 
accordant privilège pour dix ans au libraire Georges 
Ferrario, est daté du 9 mai 1587. A la suite des docu- 
ments que nous avons analysés, vient le texte grec, qui 
remplit 783 pages in-folio, à deux colonnes, avec deux 
pages d'additions et de corrections. Le texte du Vati- 
canus n'est pas reproduit aussi fidèlement que le dit 
Pierre Morin dans la préface; il a été corrigé en un 
assez grand nombre de passages. Les éditeurs romains 
ne se proposaient pas de faire une édition critique, 
comme on l'entend aujourd'hui. Comme ils avaient à 
la base de leur travail un excellent manuscrit, ils ont 
donné des Septante l'édition qui, sans comparaison, est 
la meilleure de toutes celles qui l'ont précédée et suivie 
jusqu'au milieu du xix» siècle. Elle est devenue le 
textus receptvs de l'Ancien Testament grec. 

Elle a été souvent rééditée, par le P. Jean Morin, 
Paris, 1628, 1641 ; par R. Daniel, in-4° et in-8°, Londres, 
1653; Cambridge, 1653; par B. Walton, dans la Poly- 
glotte dejLondres, 1657, voir t. v, col. 522-523; dans une 
édition faite à Cambridge, 1665; par J. Leusden, Ams- 
terdam, 1683; à Leipzig, 1697 (avec des prolégomènes 
de Frick); par L. Bos, Francfort, 1709; par J. Mill, 
Amsterdam, 1725; par C. Reineccius, Leipzig, 1730; 
à Halle, 1759-1762 (avec une préface de J. G. Kirchner); 
par Holmes et Pearsons, Oxford, 1798-1827; à Oxford, 
1817 (avec une introduction de J. G. Carpzow); par 
F. Valpy, Londres, 1819; dans la Polyglotte de Bagster, 
Londres, 1821, 1826, 1831, 1851, 1869, 1878; à Venise, 
1822; à Glasgow et à Londres, 1827, 1831; par L. Van 
Ess, Leipzig, 1824, 1835, 1855, 1868, 1879, 1887; à 
Londres, 1837; par l'abbé Jager, Paris, 1839, 1840, 
1848, 1855, 1878, 1882; à Oxford. 1848, 1875; par 
Tischendorf, Leipzig, 1850, 1856, 1860, 1869, 1875, 1880. 
Beaucoup des premières éditions sont plus défectueuses 
que l'édition romaine, parce qu'on n'a pas tenu compté 
des errata. Celles de Tischendorf, au contraire, ont été 
revues sur le Vaticanus B, dont elles sont des éditions 
critiques plutôt que des rééditions de la Bible grecque 
de Sixte V. Cf. E. Nestlé, Septuagintastudien, I, 1886; 
il, 1896; P. Batiffol, La Vaticane dePaulIll à Paul V, 
d'après des documents nouveaux, Paris, 1890, p. 82-94. 

d) Édition de Grabe. — Jean- Ernest Grabe prépara 
une édition des Septante d'après le codex Alexandri- 
nus, qui se trouvait déjà à Londres, maintenant a.u 
British Muséum. Elle forma 4 volumes in-fol., dont 
Grabe publia lui-même à Oxford le I er , qui contient 
l'Octateuque (1707), et le iv e , comprenant les livres 
poétiques (1709). Après sa mort (1712), deux de ses 
amis, F. Loe et W. Wigah, publièrent les deux autres : 
le II e , contenant les livres historiques (1719), et le 
III e , les prophètes (1720). L'éditeur reproduit assez 
exactement le texte du manuscrit, sauf pour l'ortho- 
graphe qui est partout corrigée ainsi que les fautes 
de copiste. Il adopte les corrections exécutées sur le 
manuscrit, quand elles lui paraissent fondées, sans in- 
diquer les leçons primitives. Il s'est, en outre, assez 
souvent écarté de son texte, sans aucune explication. 
Les lacunes du manuscrit étaient comblées par des 
emprunts, faits aux éditions précédentes de Rome ou 
de Complute; un caractère particulier signalait les com- 
pléments. Afin de reproduire aussi fidèlement que 
possible le texte hexaplaire, Grabe, pour imiter Origène, 
marquait d'un astérisque les passages qu'il supposait 
avoir été ajoutés d'après Théodotion, et d'un obèle 
ceux qui manquaient dans l'hébreu. L'édition donne 
donc finalement un texte éclectique et mélangé plutôt 



qu'ellp n'est la reproduction soignée àe VAlexandrinus. 
D'importants prolégomènes, en tête de chaque volume, 
indiquent la méthode suivie et les principes critiques 
de l'éditeur. L'édition a été reproduite par Breitinger, 
4 in-4°, Zurich, 1730-1732, par Reineccius, dans Biblia 
sacra quatlrilinguia, Leipzig, 1750-1751 et dans la 
Bible grecque, imprimée à Moscou en 1821, par ordre 
du Saint-Synode. Enfin, Field l'a prise pour base de 
son Vêtus Testamentum grsece juxta LXX interprètes, 
Oxford, 1859. Il en a revu le texte non seulement sur 
VAlexandrinus, mais aussi d'après d'autres manuscrits, 
en sorte que l'édition contient un texte mélangé arbi- 
trairement de leçons d'origine différente. 

e) Édition de Holmes et de Pearsons. — Elle repro- 
duit l'édition sixtine, mais on y a joint en notes les va- 
riantes de 207 manuscrits, des éditions antérieures, des 
citations dés Pères et des versions anciennes, qui 
dérivent des Septante. La préparation de cette œuvre 
immense fut commencée en 1788 par Robert Holmes, 
professeur à Oxford. Ses notes recueillies de 1789 à 
1805, forment 164 volumes, mss. 16455-16617 de la 
bibliothèque Bodléenne. La Genèse parut à part en 
1798, et la même année, le tome I er , contenant le Pen- 
tateuque entier sous le titre général : Vêtus Testa- 
mentum grascum cum variis leclionibus. Après la 
mort de Holmes (12 novembre 1805), J. Pearsons édita 
la suite : t. H, Josué-11 Par., 1810; t. m, II Esd.-Can- 
tique, 1823; t. IV, les prophètes, 1827; t. v, I Esd., 
III Mach., 1827, avec la liste des manuscrits collationnés. 
Tous ces matériaux ne sont guère utilisables, parce 
que les collations ont été faites avec peu de soin et que 
leur classement est fort défectueux. 

f) Édition de Tischendorf . — Tischendorf se propo- 
sait de publier une édition manuelle des Septante, sur 
un plan aussi simple que judicieux. Il a pris le texte de 
l'édition romaine, mais en le revisant et en corrigeant 
les fautes nombreuses, laissées ou introduites dans les 
rééditions successives. Il y a joint les variantes de 
VAlexandrinus, de V Ephrsemiticus et du Friderico- 
Augustanus (partie du Sinaiticus, éditée en 1846). 
L'ouvrage parut à Leipzig en 1850, sous le titre: Vêtus 
Testamentum grsece juxta LXX interprètes, en 2 in-8°. 
Une seconde édition, munie d'une longue introduction 
et augmentée du Daniel des Septante d'après l'édition 
de 1772, parut en 1856. Deux rééditions suivirent en 
1860 et 1869, contenant les variantes du Sinaiticus 
entier et des modifications d'après l'édition du Vatica- 
nus par le cardinal Mai. La 5 e édition fut publiée en 
1875 après la mort de l'auteur. M. Nestlé a revisé la 6 e , 
en 1880, et la 7 e , en 1887, en y ajoutant un Supple- 
mentum, édité aussi à part, comparant les divers ma- 
nuscrits entre eux. 

g) Édition du Swete. — En 1883, M. Swete fut chargé, 
sous la direction d'un comité de savants anglais, de pré- 
parer une nouvelle édition des Septante d'après un 
plan esquissé en 1875 par Scrivener. Elle devait être 
fondée sur le texte du Vaticanus complété, et repro- 
duire les variantes des principaux manuscrits onciaux. 
Elle parut en 4 in-12 à Cambridge, de 1887 à 1894 : The 
Old Testament in Greek according to the Sepiuagint. 
Une seconde édition revisée a été commencée en 1895 et 
terminée en 1900. L'apparatus crilicus est plus déve- 
loppé que celui de la première; il contient les variantes 
de tous les manuscrits onciaux, d'un nombre considé- 
rable de cursifs, choisis parmi différents types de texte, 
de l'ancienne Italique, des versions copte, syro-hexa- 
plaire et arménienne, des citations de Josèphe, de Phi- 
Ion et de beaucoup de Pères. Cf. E. Nestlé, Septuagin- 
tastudien, v, Stuttgart, 1907. 

MM.Brookeet MacLean ont commencé la publication 
d'une grande édition des Septante, dont le titre est : 
The Old Testament in Greek according to the Text of 
Codex Vaticanus (complété par les autres manuscrits 



1643 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1644 



onciaux et accompagné de nombreuses variantes). Du 
tome i : The Octateuch, il n'a encore paru que Genesis, 
in-4», Cambridge, 1906. 

2. Éditions partielles. — Nous suivrons l'ordre des 
livres de la Bible plutôt que l'ordre des temps. — Genèse. 

— G. A. Schumann, Pentateuchus hebraice et grsece, 
1829, t. i (comprenant la Genèse seule); P. de Lagarde, 
Genesis grsece e fide edilionis Sixtinse addita Scriptu- 
ral discrepantia e libris manu scriptis a se collatis et 
editionibus Complutensi ac Aldina adcuratissime eno- 
tate, Leipzig, 1868 (les manuscrits collationnés sont les 
onciaux ADEFGSet les cursifs29, 31, 44, 122, 130, 135). 

— Deutéronome. — C. L. F. Hamann, Canticum Moysi 
ex Psalterio quadriplici... manu scripto quod Bani- 
bergse asservatur, Iéna, 1874. — . Josué. — A. Masius 
(Maes), Josuse imperaloris historiie, Anvers, 1574 (avec 
les leçons du manuscrit syro-hexaplaire de la biblio- 
thèque Ambrosienne de Milan). — Juges. — J. Ussé- 
rius (Ussher), Syntagma, 1655, dans Works, t. vu (sur 
deux colonnes parallèles, les textes du Yaticanus et de 
l'A lexandrinus) ; 0- F. Fritzsche, Liber Judicum se- 
cundum LXX interprètes, Zurich, 1867; P. de Lagarde, 
Septuaginta-Studien, 1891, t. I (texte desc. i-v, d'après 
le Vaticanus et V Alexandrinus) ; A. E. Brooke et N. Mac 
Lean, The Book of Judges in Greek, according to the 
text of Codex Alexandrinus, Cambridge, 1891. —Rulh. 

— Drusius, 1586, 1632; L. Bos, Rulh ex versioneLXX 
interpretum secundum exemplar Vaticanum, Iéna, 
1788; 0. F. Fritzsche, 'Poi6 r.*zà toÙ; O', Zurich, 1867. 

— Psaumes.— Éditions du Psautier grec, Milan, 1481; 
Venise, 1486; Venise, avant 1498 (Aide Manuce); Pel- 
licanus, Hieronymi opéra, Bâle, 1516, t. viJi; Justi- 
nianus, Octaplum Psalterium, Gènes, 1516; J.Potken, 
Psalterium in ivlinguis, Cologne, 1518; autres éditions, 
1524, 1530 {Psalterium sextuplex), 1533, 1541,1543, 1549, 
1557, 1559, 1571, 1584, 1602, 1618, 1627, 1632, 1643, 1678 
(de V Alexandrinus), 1737, 1740 (par Bianchini, texte 
du Veronensis), 1757, 1825, 1852, 1857, 1879 (en quatre 
langues, par E. Nestlé), 1880; Lagarde, Novae psalterii 
grseci editionis spécimen, 1887 ; Swete, The Psalms in 
Greek according to the LXX with the Canticles, 1889, 
1896; Lagarde, Psalterii grseci quinquagena prima, 
1892. —Job. — Patrick Young, Catenaof Nicetas, 1657; 
Franeker, 1663. — Esther. — J .Ussher, Syntagma, 1655, 
dans Works, t. vu (deux textes, dont l'un est le texte 
hexaplaire d'après le manuscrit d'Arundel, Holmes93); 
2» édit. , Leipzig, 1695; 0. F. Fritzsche, 'E<r8r,p, Zurich, 
1848 (deux textes); les parties deutérocanoniques ont 
été publiées par lui dans Libri apocryphi V. T. grseci, 
Leipzig,1871. — Osée. — J. Philippeaux, Paris, 1636 (les 
c. i-iv du Marchalianus) ; D. Parens, Hoseas commen- 
tariis illustratus, Heidelberg, 1605. — Amos. — Vater, 
Halle, 1810. — Jonas. — S. Munster, 1524, 1543. — Isaïe. 

— S. Munster, 1540 (hébreu, grec et latin); J. Curter, 
Procopii commenlarii in lesaiam, Paris, 1580 (texte 
du Marchalianus). — Jérémie. — S. Munster, 1540; 
G. L. Spohn, Jeremias vales e versione Judseàrum 
alexandrinorum ac reliquorum interpretum grseco- 
rum, Leipzig, 1794; 2« édit., 1824; Kyper, Libri très de 
re grammatica hebraicse linguat, Bâle, 1552 (contient 
les Lamentations en hébreu, en grec et en latin). — 
Ezéchiel. — Vincent de Regibus, ME^exirjX xatà toùç 
ÊôSojjt^xovTK ht tûv IVrpauÀtùv 'Qptyévovç, in-f°, Rome, 
1840 (œuvre posthume reproduisant le texte grec du 
Chisianus avec le texte latin et des notes). — Daniel. — 
Le texte de Théodotion a été édité à part par Mélanch- 
thon, en 1546, et par Wells, en 1716. Celui des Septante, 
d'après le Chisianus, a été préparé par Vincent de Re- 
gibus et édité par Simon de Magistris, Daniel secun- 
dum LXX ex tetraplis Origenis nunc primum ediius 
e singulari Chisiano codice, Rome, 1772. Il a été réé- 
dité par Michaelis, Gcettingue, 1773,1774; par Segaar, 
V trecht, 1775 ; par Bugati, Milan , 1788 ; par Hahn, Leipzig, 



1845, et par Drach, Pat. gr., t. xvi, col. 2767-2928 (où on a 
reproduit même [les fautes de l'édition romaine). Cozza 
a reproduit plus exactement le Chisianus dans Sacro- 
rum Bibliorum vetustissima fragmenta, Rome, 1877, 
t. nr. — Deutérocanoniques. — J. A. Fabricius, Liber 
Tobias, Judith, Oratio Manasse, Sapientia et Ecclesia- 
sticus (grec et latin), Francfort et Leipzig, 1691 ; Franc- 
fort, 1694; Leipzig, 1804, 1837; O. F. Fritzsche, Libri 
apocryphi V. T. grseci, Leipzig, 1871 ; Reusch, Libel- 
lus Tobit e codice Sinaitico, Bonn, 1870; Baruch a été 
édité par Kneucker, Leipzig, 1879; D. Hœschel, Sapien- 
tia Sirachi seu Ecclesiasticus, Augsbourg, 1604;Linde, 
Sententise Jesu Siracidsn ad (idem codicum et versio- 
num, Dantzig, 1795; Bretschneider, Liber Jesu Sira- 
cidse, Ratisbonne, 1806. Cf. Lelong, Bibliotheca sacra, 
édit. Masch, t. H, p. 262; Fabricius, Bibliotheca grseca,' 
édit. Harless, t. m, p. 673; Rosenmûller, Handbuch, t. i, 
p. 47; Frankel, Vorstudien zu Septuaginta, p. 242; 
Swete, An Introduction to the Old Testament in Greek, 
p. 171-194. 

VIL Valeur critique du texte. — Malgré les nom- 
breux travaux de détail dont elle a été déjà l'objet, 
la version des Septante n'a pas encore été étudiée en 
détail sous le rapport de sa fidélité à rendre le texte 
original. Du reste, le travail de comparaison est très 
difficile et très délicat. Nous ne pouvons comparer le 
texte grec des Septante qu'avec le texte hébreu masso- 
rétique. Or, nous ignorons au juste dans quelle mesure 
ce texte hébreu reproduit l'original. D'autre part, le texte 
grec lui-même a souffert, dans sa transmission, bien 
des altérations involontaires et volontaires ; les manus- 
crits diffèrent entre eux et ils représentent des éditions 
dont le classement et l'étude ne sont pas encore défini- 
tifs. Les critiques ne sont pas même complètement 
d'accord sur les principes à suivre dans la reconstitu- 
tion du texte grec primitif. Il y a donc beaucoup à faire 
dans ce travail critique et il est impossible de donner 
des conclusions absolument certaines. 

Néanmoins, le travail déjà accompli est loin d'avoir 
été stérile, et on a multiplié les constatations de diffé- 
rences de textes. La comparaison du texte grec avec le 
texte hébreu a fait voir de nombreuses divergences tant 
dans l'ordre des récits que dans leur sujet lui-même. 
Les divergences ne sont pas de même nature dans 
tous les livres et elles diffèrent en chacun d'eux. Elles 
proviennent ou de l'état des anciens manuscrits hébreux, 
qui ne reproduisaient pas le même texte, disposé dans 
le même ordre que celui qu'ont fixé les massorètes, ou 
des fautes et des erreurs des copistes et même des tra- 
ducteurs. Quand on a fait la part des divergences qui 
ont cette dernière cause, et cette part est considérable 
en quelques livres, il y a encore une somme très 
notable de variantes plus ou moins graves : additions, 
omissions, transpositions, qui ne sont pas imputables 
aux traducteurs, mais qui existaient déjà dans le texte 
hébreu qu'ils ont traduit. On ne peut pas dire que, dans 
l'ensemble, les manuscrits que ces traducteurs avaient 
à leur disposition aient été moins bons que ceux des 
massorètes. Pour certains livres et sur des points par- 
ticuliers, ils étaient meilleurs. Aussi la version des 
Septante, nous l'avons déjà dit, est d'une grande impor- 
tance pour l'étude du texte primitif. 

1° Différences dans la disposition et l'ordre des 
textes. — Swete, op. cit., p. 231-242, les a toutes notéesr 
Les plus importantes se trouvent Exod., xxxv-xl; 
III Reg., iv-xi, 8; Prov., xxiv-xxxi; Jer., xxv-xli. Pour^ 
Jérémie, voir t. m, col. 1277-1278, et pour les Proverbes, 
t. v, col. 792-793. Elles sont telles qu'il faut en con- 
clure que, pour ces passages, les traducteurs grecs 
avaient une recension de l'hébreu, différente de celle 
qu'ont connue et fixée les massorètes. 

2° Différences dans les récils eux-mêmes. — Swete, 
op. cit., p. 242-262. Les plus notables se rencontrent 



1645 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1646 



•dans les livres de Samuel et des Rois et dans celui de 
Jérémie. La recension grecque de Samuel et des Rois 
offre tantôt un texte plus court, tantôt un texte plus 
•développé. Ce texte est plus court dans les récits des 
premières relations de Saùl et de David. I Sam., xvm, 
>6-xix, 1. L'abbé Paulin Martin a constaté que la recen- 
sion grecque présente les faits avec plus de cohérence 
■et de vraisemblance que le texte hébreu. De l'origine 
du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, 1. 1, p. 67. 
Le I er (III e ) livre des Rois contient, au contraire, dans la 
version grecque de nombreuses additions, dont il est 
•très difficile d'expliquer l'origine. Indépendamment de 
la différence de plan, il y a aussi, dans le livre de Jéré- 
mie, de nombreuses différences de détails entre le grec 
•et l'hébreu, et certaines additions de l'hébreu ressem- 
«blent à des interpolations postérieures. Voir t. v, col. 116. 
Cf. A. Loisy, Histoire critique du texte et des versions 
de la Bible, dans L'enseignement biblique, 1892, p. 110- 
126. Le texte grec de Job, tel qu'il était reçu couram- 
ment au temps d'Origène, était beaucoup plus court que 
ie texte massorétique. Les omissions se remarquent 
■surtout dans la seconde partie du livre, dans les passages 
les plus difficiles. Tantôt un seul vers a été laissé de 
côté, tantôt plusieurs. Origène, Epist. ad Africanum, 
4, t. xi, col. 55; S. Jérôme, Prsefatio in Job, t. xxvm, 
col. 1080. On admet généralement que le plus grand 
nombre des lacunes est imputable au traducteur, qui 
abrégeait l'original, soit parce qu'il ne le comprenait 
pas, soit pour une autre cause. Cependant, le texte 
hébreu a bien pu subir un remaniement postérieure- 
ment à la version grecque. Deux additions, le discours 
de la femme de Job, après h, 9, et la généalogie du 
patriarche, à la fin du livre, après xlii, 17, semblent 
être des interpolations faites après coup dans la version 
grecque. Voir t. m, col. 1564. Cf. A. Loisy, Le livre de 
Job, p. 17-19. Il suffit de rappeler aussi les parties 
deutérocanoniques de Daniel et d'Esther. Voir t. n, 
col. 1271, 1977, 
3° Diversités qui proviennent du fait des traducteurs. 

— Elles sont de deux sortes : les unes résultent de la 
lecture du texte hébreu qu'ils avaient sous les yeux, les 
■autres de leurs principes et de leur méthode d'inter- 
prétation. 

1. Différences de lecture du texte hébreu. — La 
version des Septante représente lé texte hébreu tel qu'il 
existait au ni' et au H e siècle avant notre ère. Or, à cette 
époque, ce texte était transcrit, non plus en caractères 
phéniciens, mais déjà en caractères carrés, d'une façon 
continue et sans voyelles. Ces trois circonstances ont 
produit.des lectures du texte différentes des leçons mas- 
sorétiques. — a) Dans la nouvelle écriture, il était 
très facile de confondre certaines consonnes, dont la 
forme extérieure était peu distincte. Ainsi 1 aurait 
•été lu > : I Reg., H, 29, osôuXjiM (j'y pour py); xn, 
■3, âjtoxpiO/]TS xaT'è[io-j (o >;y pour 13 l;>y); Is., xxix, 
43, pâmv Se créëovTat (ie (>ns Dnsn» inm pour >nN 
Dn*n> >nm); 3 aurait été lu pour 3 et > pour i; I Reg., 
•vi, 20, 8is),6eîv (l3ïb pouriDyb; Jer., xxvi (xlvi), 25, 
tôv viiôv aÛTÎjc (H33 pour Wd); I Reg., IV, 10, Tay- 
[kxtwv ('bnpour >bn; xxi, 7, Aw^x 6 S-jpoç (>Dixn jnt 
pour 'm»n 3NT). L'écriture défective, lorsque i et > 
représentaient des voyelles longues, a produit de 
semblables erreurs de lecture. Ainsi, I Reg., xn, 8, 
■xoà xa-rwxKTEv a-jtoiis (oaiwi pour Di3>c>i); Ps. v, 1, 
vmàp if É ; x).7|povof«.o'j<Tïi; (nbnan bs pour nVjjnan ba); 
Job, xix, 18, eîc tôv aiûva (a'iy pour ciS'iy); Jer., VI, 
23, ut nOp (ws pour wind). Des erreurs de nombres ont 
probablement pour cause aussi la confusion de con- 
sonnes employées comme chiffres. Ainsi, II(Sam.) Reg.. 
xxiv, 13, Tpfa ëtti, vient de ce que 5 a été lu pour t. 

— 6) L'écriture continue, sans séparation ni intervalle 
•entre les mots, a amené une coupe différente des mots 
juxtaposés. Ainsi, Gen., xlix, 19, 20, ci-jt<5v xatà uoSaç. 



'Ao^ p suppose la lecture : iw*t:n3py au lieu de -wxo:3py ; 
Deut., xxvi, 5, Evpiav âuÉ6a).£v dérive de ias> dtn, 
alors que le texte massorétique a 13N >din; I Reg., i, 
1, iv Nadefg, traduisant 2'ssa, alors qu'on lit dans 
l'hébreu dis p; Ps. xlhi (xliv), 5, ô 6îôç uou 6 ivie).- 
Xôjjievo;, traduction de msD >nhx, au lieu de ms n>nba; 
Jer., xxvi (xlvi), 15, êià ts syjyev âitô <roû 6 r A7ttç, 
qui rend Dn d: yvta, tandis que les massorètes ont lu 
»]nw tipd; Zach., XI, 7, si; ttiv Xavaav!t»)v, traduc- 
tion de U72d\ lu au lieu de ttay \zh. — c) L'absence de 
ponctuation a produit des vocalisations différentes des 
mêmes consonnes. Ainsi, Gen., xv, II, 101 (ruvexôdioev 
aÛToï; suppose nnx 3tfn au lieu de ont* atf»i; Num., 
xvi, 5, èiuaxsitTai rendant if s en la place de -|p3; 
I Reg., xn, 2, xa9r l <TO|icu, répondant à >mitf», alors 

qu'on lit en hébreu inannj Nahum, m, 8, [lepîSa 'Au[/.(ôv, 
• : "t 

traduction de ]iDa usa, tandis que la leçon actuelle est 
]idn n:d; Is., ix, 8, Oavavov, traduisant 131, au lieu de 

T • 

131. La différence de vocalisation est encore plus fré- 

T T 

quente et plus apparente dans les noms propres. Ainsi 
MaSian reproduit |hd; BaXaân, nybs; Pojioppa, rn^ay; 

XoSoUoyôixop, "ioïVvts; ^auyà, naos; Sâu-irav, llufotf. 

••• t : t : t : • : • 

Cependant les monuments assyriens établissent que 
l'orthographe des noms propres étrangers est en géné- 
ral plus exacte dans les Septante que dans le texte 
hébreu actuel. La prononciation s'en était sans doute 
conservée assez fidèlement dans la tradition, tandis 
qu'elle s'était de plus en plus altérée à l'époque des . 
massorètes. 

2. Différences dérivant du mode et de la méthode 
d'interprétation. — Les premiers traducteurs grecs de 
la Bible hébraïque étaient en face de graves difficultés 
à vaincre. Ils avaient à rendre un original sémitique en 
grec, dont le génie était très différent de celui de l'hé- 
breu; ils n'avaient pas de précédent ni de tradition in- 
terprétative ou exégétique; ils ne savaient peut-être pas 
tous l'hébreu d'une façon fort approfondie. D'ailleurs, 
ils ne voulaient pas faire une œuvre scientifique; leur 
but était d'ordre pratique : ils voulaient faire servir 
leur traduction des Livres Saints à l'instruction reli- 
gieuse de leurs contemporains. Il en résulte qu'ils n'ont 
pas appliqué la même méthode, non seulement dans 
des livres différents, mais encore dans le même livre, 
traduisant tantôt de la manière la plus servile, tantôt 
avec la plus grande liberté. Cependant dans l'ensemble, 
la version des Septante est plutôt littérale, quoique 
dans une mesure inégale. Leur fidélité au texte, lors- 
qu'elle est servile, les a portés à ne pas tenir compte 
des règles propres delà langue grecque, et elle explique 
ce que Deissmann appelle leurs hébraïstnes de traduc- 
tion. Le chapitre I er de la Genèse, par exemple, est tra- 
duit très littéralement. >a est rendu ëv tp.oi. I Reg., I, 
26. Par excès de littéralité, des sentences entières sont 
inintelligibles dans certains livres, tels que le Psautier 
et Isaïe. Certains mots hébreux ont été simplement 
transcrits, par exemple â).),7)Xov>ià, à(iïiv. D'autres ont 
été tantôt transcrits tantôt traduits, parfois dans le 
même livre. Ainsi rmya est transcrit 'Apa6â, Deut., I, 
7; 11, 8; m, 17; iv, 49; Jos., m, 16; xn, 8, tantôt tra- 
duit par èTci 8v<ry.ûv, tpô; Supporte. Deut., 1,1; XI, 30; 
Jos., xi, 16. Quelques-unes des transcriptions prouvent 
que les traducteurs ignoraient le sens de l'original. 
Ainsi Iv xaîç àSapxr)vcîv, Jud-, VIII, 7; àq>:pa>, IV Reg., 
n,14; iràvre; àaapYigiùS éidç ver/aX KeSptôv, Jer., xxxvm 
(xxxi), 40. 

La littéralité des Septante n'est pas à comparer à celle 
d'Aquila. Comme les targumistes, ils ont fait des addi- 
tions au texte et quelques omissions; ils ont expliqué 
l'original d'après le contexte; ils ont modifié la construc- 
tion grammaticale des phrases et parfois le sens de 



1647 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1648 



certaines métaphores. Leur traduction est donc sou- 
vent paraphrastique et quelquefois plus concise que 
l'original. Ils ne se sont pas fait scrupule d'introduire 
quelques changements dans la personne et le nombre 
des pronoms ou des verbes, de substituer l'actif au 
passif et réciproquement, lorsqu'ils croyaient mieux 
rendre le sens. On leur attribue l'insertion de Ji-fiov 
avant les citations. Ils ont suppléé le sujet ou le com- 
plément, sous-entendus dans l'hébreu. Gen., xxrx, 9; 
xxxiv, 14. Comme exemples de métaphores dont le 
sens seul a été retenu, nous pouvons citer aXoYÔç sî[i-., 
traduisant « incirconcis de lèvres », Exod., vi, 12 j 
tô xiSuip toû â)iy|j.ou, pour « les eaux d'amertume », 
Num., v, 18; sùyjr) pour exprimer la consécration du 
nazaréen, Num., vi, 1 sq. ; àtocrçopoî àv«TÉ),Xiov, pour 
« les paupières de l'aurore », Job, m, 9. On a signalé 
des euphémismes. Gen., xv, 4; xlix, 10; Deut., xxm, 
14, grec, 13; xxvm, 30. Nous avons déjà indiqué la 
suppression ou l'atténuation des anthropopathismes 
dans le Penlateuque. Il y en a aussi dans Job, l, 9; 
n, 2, 3. 

L'exégèse de l'époque a influencé la traduction de 
quelques passages. Ainsi, Jos., xm, 22, la leçon èv tïj 
poicîj s'expliquerait par l'hagadah juive, selon laquelle 
Balaam, s'étant élevé dans les airs par un procédé 
magique, serait tombé par l'effet des prières de Phineas. 
Le titre de roi, attribué aux amis de Job, est emprunté 
à la tradition. L'influence de la philosophie grecque 
sur les traducteurs est moindre qu'on ne l'a prétendu 
quelquefois. La version des Septante est une œuvre 
purement juive, et ses auteurs n'auraient été atteints 
que très superficiellement par les idées grecques. Les 
mots <tu-/*i, vo3;, 9pôv<;<ji<; et autres semblables qu'ils 
emploient n'ont pas sous leur plume la même signifi- 
cation que dans les écrits des philosophes grecs et 
même de Philon. Ils étaient d'ailleurs dans l'usage 
courant de l'idiome helléniste dans lequel les traduc- 
teurs écrivaient. Ces mots grecs rendent indifférem- 
ment le mot ab. La traduction des Septante n'a pas été 
dominée par un principe philosophique étranger à la 
Bible. 

Bien qu'elle soit de valeur inégale, elle est substan- 
tiellement fidèle à l'original, même dans ses parties les 
plus faibles. Le sens général est toujours conservé, et 
les défauts ne portent que sur les détails de l'interpré- 
tation. Ce qu'on appelle couramment les contre-sens 
des Septante ne sont guère que des imperfections pro- 
venant des circonstances historiques dans lesquelles 
cette version a été faite. On en a exagéré le nombre et 
il en existe de pareilles dans toutes les anciennes tra- 
ductions de la Bible, même dans celle de saint Jérôme. 
Elles n'empêchent pas que les Septante aient fidèlement 
rendu en grec le texte hébraïque de leur époque et 
qu'on ne puisse se fier à eux pour la représentation de 
ce texte. Cf. Swete, op. cit., p. 315-341. 

4» Différences qui sont l'œuvre des copistes. — Les 
divergences qui existent entre la version des Septante 
et le texte hébreu massorétique ne sont pas toutes im- 
putables aux traducteurs ; beaucoup sont le fait des 
copistes. Nous avons déjà dit que le texte grec avait été 
altéré, dans sa transmission, durant les premiers 
siècles de son existence. Les corrections d'Origène, de 
Lucien et d'Hésychius, loin d'être utiles à sa pureté, 
lui ont plutôt été nuisibles. Les copistes, en effet, ne 
se sont pas bornés à reproduire avec plus on moins de 
fidélité le texte de chacune de ces recensions; ils ont 
mêlé leur texte dans une proportion plus ou moins 
grande, en sorte qu'aux corruptions accidentelles sont 
venues se joindre des corrections volontaires. Par l'in- 
termédiaire des Hexaples ou de la recension hexa- 
plaire, des leçons des versions d'Aquila, de Sym- 
maque et de Théodotion ont pénétré dans le texte des 
Septante. Aucun des manuscrits qui nous sont parvenus 



ne reproduit fidèlement le texte dont il est le témoin ; 
les altérations de détails y sont nombreuses et c'est le 
travail des critiques modernes de les constater et de 
les relever. Ces critiques en sont réduits à distinguer 
les meilleures copies, à les classer en raison de leur 
conformité présumée avec le texte primitif et à exposer 
les règles de leur emploi pour reconstituer le mieux 
possible l'original. Cf. Swete, op. cit., p. 478497. 

En dehors donc des distractions des scribes, des. 
fautes de lecture et de transcription, dues à la négli- 
gence, à l'étourderie, à la maladresse, il y a, dans les 
manuscrits, des additions, des omissions, des transpo- 
sitions, qui sont dues à des corrections voulues du. 
texte transcrit. Parmi les additions assez étendues, il 
faut signaler celles qui ont été empruntées à des pas- 
sages parallèles, complétés l'un par l'autre, et celles qui 
ont le caractère de gloses explicatives ou de doubles- 
traductions. Elles proviennent pour la plupart des 
recenseurs et des copistes. Les mots xa-rà févoç r 
répétés Gen., i, 11, 12, peuvent bien n'être qu'une 
double traduction de Ij'd't. Ta SixoTojMip.aTa aùtûv, 
Gen., xv, 11, sont probablement une glose explicative 
du mot (TtôjjiaTa. Deux leçons sont réunies, Gen., xxn,13: 
Iv çutw aaëk-A. Le traducteur avait simplement trans- 
crit l'hébreu : èv o-aëèvc; un correcteur a inséré en 
marge ou dans le texte la traduction : èv çutô; un 
copiste enfin a réuni les deux. On trouve I Reg., n, 
10, une longue addition, qui est une citation libre de 
Jérémie. L'interpolation, introduite Ps. xm (xrv), 3, 
est formée de différents textes et est due sans doute au 
même procédé. Au début du Ps. xxvm (xxix), il y a 
une double traduction du même vers hébreu. Chaque 
cas particulier doit être spécialement examiné, et la 
solution de l'origine de la variante dépend de la com- 
paraison des textes. 

Aussi, il faut faire suivre ces indications générales 
de la liste, rangée par ordre des livres bibliques, des 
monographies nombreuses ou des travaux qui ont été 
consacrés à l'étude critique et comparative des rapports 
du texte des Septante avec l'hébreu massorétique. Les 
lecteurs pourront y recourir pour leurs études spé- 
ciales. — Pentateuque. — Amersfoordt, Dissertatio- 
philologica de variis lectionibus Holmes. Pentateuchi, 
1815; L. Hug, De Pentateuchi versione alexandrina 
commentatio, Fribourg, 1818; Tôpler, De Pentateuchi 
interprétations alexandrinx indole crilica et herme- 
neutica, Halle, 1830; J. Thiersch, De Pentateuchi ver- 
sione alexandrina libri très, Erlangen, 1841; Frankel, 
l, ber den Einfluss der palàstinischen Exégèse auf die- 
alexandrinische Hemieneutik, Leipzig, 1851 ; Howorth, 
The LXX and Samaritan vers, the Hebrew text of the 
Pentateuch, dans Academy, 1894. — Genèse. — 
P. de Lagarde, Genesis grsece, 1868; Deutsch, Exe- 
getische Analecten :ur Genesisùbersetzung der LXX r 
dans Jûd. Litt. Blatt, 1879; Spurrell, Genesis, 2 e édit., 
1898. — Exode. — Selwyn, Notée criticse in versio- 
nem Septuagintaviralem, Exod., i-sxrv, 1856. — 
Nombres. — Selwyn, Notai criticse... Liber Nume- 
rorum, 1857; Howard, Numbers and Deuleronomy 
according to the LXX translated into English, 1887 '. — 
Deutéronome. — Selwyn, Notse criticse... Liber Deute- 
ronomii, 1858; Howard, op. cit.; Driver, Critical and 
exegetical Commentary on Deuteronomy, Edimbourg, 
1895. — Josué. — J. Hollenberg, Der Charakter der 
alex. Ûbersetzung des Bûches Josua und ihr texthriti- 
scher Wert, Mors, 1876. — Juges. — Fritzsche, Liber 
Judicum secundum LXX interprètes, Zurich, 1867; 
Schulte, De restitutione atque indole genuinse ver- 
sionis grsece Judicum, 1889; P. de Lagarde, Septuagin- 
lastudien, i, Gœttingue, 1891 (Jud., i-v, d'après VAlex- 
andrinusel le Vaticanus); Moore, Critical and exege- 
tical Commentary on Judges, Edimbourg, 1895. — 
Ruth. — Fritzsche, 'Poùe xavà toj; O ', Zurich, 1867. — 



1649 



SEPTANTE (VERSION DES) 



1650 



I<* et 11" livres de Samuel ou des Rois. — J.Wellhausen, 
Der Text der Bûcher Samuelis untersucht, Gœttingue, 
1871; F. H. Woods, The light thrown by the LXX on 
the Books of Samuel, dans Sludia biblica, Oxford, 
1885, t. i, p. 21-38; Driver, Notes on the hebrew textof 
the Books of Samuel, 1890; Steinthal, Zur Geschichle 
Sauls und Davids, 1891; Kerber, Syrohexaplarische 
Fragmente zu den beiden Samuelisbûcher, dans 
Zeiischrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1898 
.1. Méritai), La version grecque des livres de Samuel, 
Paris, 1898; H. P. Smilh, Critical and exegetical com- 
mentary on the Books of Samuel, Edimbourg, 1889. 
Voir t. v, col. 1143-1144. — 111' et IV' livres des Rois. 
— S. Silberstein, Uber den. Ursprung der im Codex 
Alexandrinus und Vaticanus des dritten Kônigsbu- 
ches der alexandrinische Ubersetzung ûberlieferlen 
Textgeslalt, dans Zeiischrift fur alttestamentliche 
Wissenschaft, 1893, p. 1-75; A. Eahlfs, Septuaginta- 
Studien. I. Studien zu den Konigsbùchern, Gœttin- 
gue, 1904. Voir t. v, col. 1161. — l' T et II» livres des 
Paralipomènes, Esdras et Néhémie. — Howorth, The 
true LXX version of Chronicles-Ezra-Nehemiah, dans 
Academy, 1893; E. Nestlé, Marginalien, 1893, p. 29 
sq. — Psaumes. — Sinker, Some remarks on the LXX 
version of the Psalms, 1879; Baethgen, Der lext-kri- 
tischer Werth deralten Ubersetzung zu den Psalmen, 
1882; P. de Lagarde, Psalterii grxci spécimen, 1887; 
Psalmorum quinquagena prima, 1892; Jacob, Beitrâge 
zu einer Einleitung in die Psalmen, 1896; A. Rahlfs, 
Septuaginta-Sludien. II. Der Text des Septuaginta- 
Psalters, Gœttingue, 1907. Voir t. v, col. 828. — Pro- 
verbes. — P. de Lagarde, Anmerkungen zur griech. 
Uebersetzung der Proverbien, Leipzig, 1863; Pinkuss, 
Die syrische Ubersetzung der Proverbien... in ihrem 
Verhâltniss zu dem Mass. Text, den LXX und dem 
Targ. untersucht, dans Zeitschrift fur alttestament- 
liche Wissenschaft, 1894. — Cantique. — W. Riedel, 
Die Auslegung des Hohenliedes, Leipzig, 1898, p. 105- 
109. — Ecclésiaste. — Wright, The book of Koheleth, 
1883; Gràtz, Koheleth, 1884; E. Klostermann, De libri 
Coheleth versione Alexandrina, Kiel, 1892; Dôllmann, 
Ueber die Gr. Ubersetzung des Koheleth, 1892; H. M. 
Neile, Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904, 
appendix I. — Job. — Kohi, Observationes ad interpret. 
gr. et lat. vet. libri Job, 1834; G. Bickell, De indole ac 
ralione versionis Alexandrinx in interpretando libro 
Jobi, Marbourg, 1862; Der ursprùngliche LXX Text 
des Bûches Hio6,dans Zeitschrift fi'tr katholische Théo- 
logie, 1886, p. 557-563; Hacht, On Origenis revision 
of the Book of Job, dans Essays in biblical greek, 
Oxford, 1889; A. Dilltnann, Textkritisches zum Bûche 
Ijob, dans Sitzungsberichte der Bei'liner Akademie, 
1890, p. 1345-1373; Maude, Die Peschittha zu Hiub 
nebsl eineni Anhatig uber ihr Verhâltniss zu LXX 
und Targum., 1892; G. Béer, Der Text des Bûches 
Riob, 1895; Texlkritische Studien :«m Bûche Job, 
dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 
1896, p. 297-314; 1897, p. 97-122; 1898, p. 257-286. - 
Esther. — B. Jacob, Esther bei den LXX, i&id., 1890, 
p. 241-298; G. Jahn, Dos Buch Esther nach den LXX, 
Leyde, 1901; J. Scheftelowitz, Zur Kritik des grie- 
chischen und massoretischen Bûches Esther, dans 
Monatschrifl fur Geschichte und Wissenschaft des 
Judenthums, t. xlvii (1903), p. 24-37; Willrich, 
Esther und Judith, dans Judaica, Gœttingue, 1900, 
p. 1-39. — Les douze petits prophètes. — K. A. Vollers, 
Das Dodekapropheton der Alexandriner, Berlin, 1880 
(Nahum-Malachie), continué dans Zeitschrift fur 
alttestamentliche Wissenschaft, 1883, p. 219-272 (intro- 
duction, Osée, Amos); 1884, p. 1-20 (Michée, Joël, 
Abdias, Jonas); Stekhoven, De alex. Vertaling van 
het Dodecapropheton, 1887; L. Treitel, Die alexan- 
drinische Ubersetzung des Bûches Hosea, Karlsruhe, 



1887; continué dans Monatschrift fur Geschichte und 
Wissenschaft des Judenthums, Breslau, 1897, p. 433- 
454; Ryssel, Untersuchungen uber den Textgeslalt des 
Bûches Micha, 1887; Taylor, The Mass. text and the 
ancient versions ofMicah, Londres, 1891; Seydel, Vati- 
cinium Obadise ratione habita translationis Alexan- 
drinx, 1869; L. Reinke, Zur Kritik der âlteren Ver- 
sionen des Proph. Nahums, Munster, 1867; Sinter, 
Psalm of Habakkuk, 1890; Lowe, Commentary on 
Zechariah, 1882. — Isaïe. — A. Scholz, Die Alexandri- 
nische Ubersetzung des Bûches Jesaias, Wurzbourg, 
1880; Weiss, Peschittazu Deuterojesaia und ihr Ver- 
hâltniss zu Mass. Text, LXX und Targum., 1893; 
A. Zillessen, Zur alex. Ubersetzung des Jes. c. 40-66, 
dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 

1902, p. 238-263; Die crux temporum in den griech. 
Ubersetzungen des Jes. c. 40-66 und ihren Zeugen, 

1903, p. 49-86; R. Ottley, The book of Isaiah according 
to the Septuagint. II. Text and notes, Cambridge,. 
1906. — Jérêmie. — F. C. Movers, De ulriusque recen- 
sions vaticiniorumJeremix.... indole et origine, Ham- 
bourg, 1837; J. Wichelhaus, De Jeremise versionis Alex, 
indole et auctoritale, Halle, 1847; Schulz,Zte Jeremise 
textus hebraici et grseci discrepantia, 1861; A. Scholz, 
Der massoret. Text und die LXX Ubersetzung des 
Bûches Jeremias, Ratisbonne, 1875; E. Kûhl, Das Ver- 
hâltniss der Massora zur Septuaginta im Jeremia, 
Halle, 1882; G. C. Workman, The text of Jeremiah or 
a critical investigation of the Greek and Hebrew with 
the variations in the LXX, Edimbourg, 1889; Coste, Die 
Weissagungen in den Propheten Jeremias, 1895; A. W. 
Streane, The double textof Jeremiah, Cambridge, 1896; 
J. Thackeray, The Greek translation of Jeremiah, dans 
Journal oftheologicalstudies, 1903, p. 245-266, 398-411 ; 
The greek translation of the Prophetical books, ibid. r 
p. 578-585; Goldwitzer, Ubersetzung mit Vergleichung 
der LXX (Lamentations), 1828. — Ezéchiel. — A. Merx, 
Der Werth der LXX fur die Textkritik des A. T. am 
Ezéchiel aufgezeigt, dans Jahrbûcher fur protestantis- 
che Tlieologie, 1883, p. 65-77; Cornill, Das Buch des 
Propheten Ezéchiel, Leipzig, 1886; G. Jahn, Das Buch 
EzechielaufGrundderLXX,Leipzig,A$Ç&.— Daniel. — 
Hahn, Daniel secundumLXX interprètes, Leipzig, 1845 ; 
A. Bludau, De alexandrinx interpretationis Danielis 
indole, I, Munster, 1891 ; Die Alexandrinische Uberset- 
zung des Bûches Daniel, dans Biblische Studien, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1897, t. n, fasc. 2 et 3; Bevan, The 
Book of Daniel, Cambridge, 1892; M. Lôhr, Texlkri- 
tische Vorarbeiten zu einer Erklârung des Bûches 
Daniel, dans Zeitschrift fur alttestamentliche Wis- 
senschaft, 1895, p. 75-103, 193-225; 1896, p. 17-39; 
Riessler, Das Buch Daniel, Stuttgart, 1899, p. 52-59; 
G. Jahn, Das Buch Daniel, Leipzig, 1904. —E. Nestlé, 
Septuagintastudien, III, Stuttgart, 1899 (prière de- 
Manassé et Tobie); IV, 1903 (prière de Manassé, Tobie, 
Baruch, lettre de Jérémie, IIMach.);M. Lôhr, Alexan- 
drinus und Sinaiticus zum Bûche Tobit, dans Zeit- 
schrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1900, t. xx, 
p. 243-263; A. Schulte, In ivelchem Verhâltnis stehl 
der Cod. Alex, zum Cod. Vat. im Bûche Tobias, dans 
Biblische Zeitschrift, 1908, t. vi, p. 262-265; B. Niese, 
Kritik der beider Makkabâerbûcher, Berlin, 1900. — 
Sur les deutérocanoniques, voir Fritzsche, Old Testa- 
ment in Greek, t. n et m. 

VIII. Bibliographie. — La bibliographie sur les 
Septante, si elle était complète, serait immense. Elle 
serait, d'ailleurs, peu utile, car beaucoup d'études 
anciennes n'ont plus aucune valeur. Nous nous borne- 
rons donc à indiquer ici les principaux travaux 
d'ensemble, en dehors de ceux qui ont été cités déjà 
au cours de l'article. — L. Cappel, Critica sacra, in- 
fo, 1651; J. Pearson, Prsefatio parxnetica, 1655; 
Ussher, Syntagma, 1655; B. Wallon, Prolegomena, 



1651 



SEPTANTE (VERSION DES) — SÉPULCRE (SAINT) 



1652 



Londres, 1657; Hotfinger, Disserlalionum fasciculus, 
1660; Isaac Vossius, De LXX interpretibus, La Haye, 
1661-1663; J. Morin, Exercitationum biblicarum de 
hebrssi grsecique textus sinceritate libri duo, Paris, 
1669; B. Simon, Histoire critique du Vieux Testa- 
ment, t. h, c. ii-vm, Rotterdam, 1685, p. 186-232; H. Hody, 
De Bibliorum textibus originalibus, versionibus 
grœcis et latina vulgata, Oxford, 1705; J. G. Carpzov, 
Critica sacra V. T., Leipzig, 1728, p. 481-551 ; H. Owen, 
Enquiry into the text of the LXX, Londres, 1769 ; Brief 
account of the LXX, 1787; J. "White, Letler to the Bis- 
hop of London, Oxford, 1779; Fabricius, Bibliotheca 
grxca, édit. Harless, 1793, t. m, p. 658; R. Holmes, 
Episcopo Dunelmensi epistola, 1795; Prsefatio adPen- 
tateuchum, 1798; Schleusner, Opuscula critica, Leip- 
zig, 1812; Th. Studer, De versionis Alexandrinse ori- 
gine, historia, usu et abusu critico, Berne, 1823; 
Grinfield, Apology for the LXX, Londres, 1850;Z.Fran- 
kel, Vorstudien zur der LXX, Leipzig, 1841; ÏJber den 
Einfluss der palâslinische Exégèse auf die alexandri- 
nische Hermeneutik, Leipzig, 1851 ; Uber palâstinische 
und alexandrinische Schiftforschung, Breslau, 1854; 
Const. Oikonomos,nepiT<T>v 0' Ép(iï|ViuT<5v,4 vol., Athè- 
nes, 1844-1849; Churton, On the Influence of the LXX 
upon the progress of christianity, 1861 ; C. Tischen- 
dorf, Prelegomena, dans Vêtus Teslamentum grsece, 
6 e édit., Leipzig, 1880, t. i, p. xiii-lxxviii; Buhl, Kanon 
und Text des A. T., Leipzig, 1891, p. 109-150; A. Loisy, 
Histoire critique du texte et des versions de la Bible, 
dans L'enseignement biblique, Paris, 1893, p. 3-163; 
Robertson Smith, Old Testament in theJetvish Church, 
2 e édit., 1892; E. Klostermann, Analecta zur Septua- 
ginla, Leipzig, 1895; E. Schiirer, Geschichte des jûdi- 
schenVolkes imZeitalter Jesu Chrisli, 3 e édit., Leipzig, 
1898, t, ni, p. 308-317; B. Swete, An Introduction to 
the Old Testament in greek, Cambridge, 1900; 2 e édit., 
1903. — On peut consulter aussi les Introductions 
.générales à l'Ancien Testament, qui s'occupent toutes 
plus ou moins longuement de la version des Septante. 
Nommons seulement parmi les catholiques, Danko, 
De sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 157-168; F. Vigou- 
roux, Manuel biblique, 12 e édit., Paris, 1906, t. i, 
p. 183-199; Ubaldi, Introduclio inSacraniScripturam, 
2« édit., Rome, 1882, t. i, p. 535-554; R. Cornely, Intro- 
ductio generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 337-375; 
C. Trochon, Introduction générale, Paris, 1886, p. 363- 
377; C. Chauvin, Leç ons d'introduction générale, Paris, 
s. d. (1898), p. 285-313. — On trouvera aussi d'utiles 
indications dans les encyclopédies Ihéologiques ou 
Dictionnaires de la Bible : Kirchenlexikon, t. xi, p. 147- 
159; Realencyclopâdie fur protestantische Théologie 
und Kirche, t. m, p. 2-21; Encyclopsedia biblica de 
■Cheyne, t. iv, col. 5016-5022; Dictionary of the Bible 
de Hastings, t. iv, p. 437-454. E. Mangenot. 

SEPTHAI (hébreu : Sabtaï; omis dans les Sep- 
tante), lévite contemporain d'Esdras.II Esd., vm, 7. 
•Il est appelé Sébéthaï, I Esd., x, 15; Sabathaï, II Esd., 
xi, 16. Voir Sabathaï, col. 1290. 

SÉPULCRE (SAINT), tombeau où fut déposé le 
corps de Xotre-Seigneur quand il fut descendu de la 
croix. Les mots employés par les Évangélistes pour le 
désigner sont : u.vr)[iEÏov, Matth., xxvii, 60; xxvm, 8; 
Marc, xv, 46; xvi, 2, 3, 5, 8; Luc, xxm, 55; xxiv, 2, 
9, 12, 22, 24; Joa., xix, 41, 42; xx, 1, 2, 3, 4, 6, 8, 11; 
|ivf,[ia, Luc, xxm, 53; xxiv, 1; t«?o;, Matth., xxvii, 61, 
64, 66; xxvm, 1. Son emplacement a été l'objet de 
longues discussions, mais on peut dire que jusqu'ici 
elles n'ont rien enlevé à l'autorité de l'opinion tradi- 
tionnelle. Les découvertes archéologiques sont plutôt 
venues donner un appui à celle-ci. Nous ne pouvons 
présenter ici qu'un aperçu de la question. 



I. Données scripturaires. — Nous savons par saint 
Paul, Heb., xiii, 12, que Notre-Seigneur « a souffert hors 
de la porte » de la ville, et par saint Jean, xix, 20, que « le 
lieu où futcruciGé Jésus était près de la ville. »Or, « au 
lieu oùil fut crucifié, il y avaitun jardin, xTj-no;, et dans le 
jardin un sépulcre neuf, où personne n'avait encore été 
mis. »Joa.,xix, 41. C'est « parce que ce sépulcre étaittout 
prés » du Calvaire, « qu'on y déposa le corps du Sauveur, 
à cause de la Préparation des Juifs. » Joa., xix, 42. Le 
tombeau appartenait à Joseph d'Arimathie. Matth., xxvn, 
57; Marc, xv, 42; Luc, xxm, 50-51; Joa., xix, 38. Il 
était taillé dans le roc, Matth., xxvn, 60; Marc, xv, 46; 
Luc, xxm, 53. Une grosse pierre en ferma l'entrée, 
lorsque la dépouille mortelle de Jésus y eut été déposée. 
Matth., xxvn, 60; Marc., xv, 46. Elle fut scellée, à la 
demande des Juifs. Matth., xxvn, 66. Mais, au jour de 




347. — L'édicule du Saint-Sépulcre. 

la résurrection, « un ange du Seigneur, étant descendu 
du ciel, vint la rouler, àitexj).i<r5v tôv >t'6ov, et s'assit 
dessus. » Matth., xxvm, 2; Luc, xxiv, 2; Joa., xx, 1. 
Les saintes femmes et les disciples « entrèrent dans le 
sépulcre, » qui était ainsi précédé d'une chambre 
ouverte. Marc, xvi, 5; Luc, xxiv, 3; Joa., xx, 6. Mais, 
pour voir l'endroit où avait été mis le corps du Sauveur, 
il fallait se baisser, Joa., xx, 5, 11, ce qui suppose une 
porte basse donnant accès au tombeau proprement dit. 
Ajoutons que le Calvaire était situé près d'une voie fré- 
quentée, d'où l'on apercevait les corps des suppliciés, 
et « les passants, branlant la tête, blasphémaient le 
Christ. » Matth., xxvn, 39; Marc, xv, 29. Ces détails 
précis nous transportent donc en dehors, mais près 
d'une des portes de Jérusalem, dans un jardin ou ver- 
ger, situé près du Calvaire, et bordé par une colline 
rocheuse dans laquelle avait été creusé un sépulcre. Les 
dispositions de ce sépulcre répondent bien à celles des 
tombes juives en général. 

II. Données traditionnelles. — La tradition n'a pu 
oublier l'emplacement du saint Tombeau. La foi et 
l'amour qui, au lendemain de la Passion, poussaient vers 
ce lieu désormais sacré Marie-Madeleine et saint Jean, 



1653 



SÉPULCRE (SAINT) 



1654 



ne furent-ils pas aussi forts chez les autres disciples 
•du Sauveur, alors même qu'ils n'espéraient plus y 
rencontrer le glorieux ressuscité? Le nier serait mécon- 
naître une des lois les plus intimes et les plus puis- 
santes du cœur humain, le culte du souvenir. Pendant 
trois siècles, les chrétiens, tranquilles ou persécutés, 
vivant à Jérusalem ou dispersés, ne purent perdre un 



un monument qui, depuis Constantin jusqu'à nos jours, 
a été l'objet d'une vénération universelle, et que des 
théories récentes, plus ou moins spécieuses, n'ont pu 
dépouiller de sa gloire. 

III. Emplacement. — Le Tombeau de Notre-Seigneur 
est enfermé aujourd'hui, comme le Calvaire, dans la 
basilique du Saint-Sépulcre. Voir la carte de Jérusalem 







348, 349. — Le Calvaire et le Saint-Sépulcre en dehors de la seconde enceinte. 
D'après M. Schick, dans Zeitschrift des Deutschen Pal&stina-Vereins, Leipzig, t. vm, 1885, pi. ix. 



souvenir qui leur était cher et que transmirent, du 
reste, des témoignages non interrompus. La haine même 
servit la cause des Lieux Saints, comme le prouve le 
monument païen élevé par Hadrien sur le Golgotha et 
le Saint-Sépulcre. Pour l'ensemble de ces données 
traditionnelles, voir Calvaire, t. h, col. 79. La ruine de 
Jérusalem par Titus, la dispersion des juifs et des chré- 
tiens, et d'autres objections semblables n'ont pu infirmer 
l'autorité de la tradition. Cf. Mac Coll, The site of Gol- 
gotha and the Boly Sepulchre, dans Palestine Explo- 
ration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1901, 
p. 273-299. Le témoignage des siècles a pris corps dans 



moderne, t. m, col. 1344. Après avoir décrit son état 
actuel, nous verrons s'il répond aux données de l'his- 
toire et de l'archéologie. 

1° État actuel. — L'édicule qui recouvre aujourd'hui 
le saint Tombeau se trouve au centre de la rotonde par 
laquelle se termine à l'ouest la basilique du Saint- 
Sépulcre; il est à 25 mètres au nord-ouest du Calvaire. 
Bâti par les Grecs en 1810, et d'un goût médiocre, il 
est de forme rectangulaire à Test, de forme pentago- 
nale à l'ouest. Voir fîg. 3i7. Il mesure 8 mètres 25 de 
long, sur 5 m ^ de large et 5 m 50 de haut. Revêtu de 
marbre blanc et jaune, il est orné à l'extérieur de pilas- 



1655 



SÉPULCRE (SAINT) 



1656 



très en pierre calcaire rougeâtre du pays; il est cou- 
ronné d'une balustrade en colonnettes massives et 
surmonté d'un dôme sphéroïdal supporté par des piliers 
carrés. La façade, qui regarde l'orient, est décorée de 
quatre colonnes torses. L'intérieur est divisé en deux 
parties. La première est la Chapelle de l'Ange, ainsi 
appelée parce que ce fut là que l'ange du Seigneur 
annonça aux saintes femmes la résurrection du Sauveur. 
Matth., xxviii, 2-7; Marc, xvi, 5-7; Luc, xxiv, 4-7; Joa., 
xx, 12-13. Les parois sont ornées de panneaux sculptés 
en marbre blanc, de pilastres et de colonnettes. Le 
centre est occupé par la Pierre de l'Ange, fragment 
de celle qui fermait l'entrée du Saint-Sépulcre, enchâssé 
dans un piédestal de marbre. A l'extrémité de cette 
première chapelle, une petite porte cintrée, haute de 
l m 33 sur m 66 de large, conduit dans la chambre du 
saint Tombeau, simple réduit, long de 2° 1 07 sur l m 95 
de large, avec des pilastres peu saillants aux quatre 
angles. Les parois intérieures sont revêtues de plaques 
de marbre blanc qui cachent le rocher. Au-dessus du 
pavement, à droite et à la hauteur de m 65, se trouve 
la couche funèbre où fut déposé le corps du divin Cru- 
cifié. Elle est inhérente à la masse rocheuse, mais le 
dessus et le devant sont également masqués par des 
dalles de marbre blanc. La voûte a malheureusement 
disparu par suite des bouleversements qu'a subis ce 
lieu saint; mais le rocher est demeuré sous le revête- 
ment de marbre à une hauteur d'environ l m 50 tout 
autour de la chambre sépulcrale. Il est sans doute 
regrettable que le pèlerin ne puisse contempler de ses 
yeux et baiser de ses lèvres le rocher lui-même; mais 
la piété, en l'enchâssant ainsi, n'a fait que suivre un 
des penchants les plus irrésistibles du cœur pour les 
souvenirs qui lui sont chers. Il nous est, du reste, facile 
de suivre les transformations que les siècles ont appor- 
tées ici et de retrouver dans le monument actuel les 
vestiges exacts du passé. 

2 e État primitif. — Le Saint-Sépulcre est aujour- 
d'hui englobé dans l'intérieur de Jérusalem, mais, à 
l'époque de Notre-Seigneur, l'emplacement qu'il occupe 
était en dehors des murailles de la ville. La seconde 
enceinte, en effet, ne s'étendait pas aussi loin vers le 
nord et l'ouest que l'enceinte actuelle, et l'angle qu'elle 
faisait laissait sans défense de petites collines entourées 
de jardins, de villas et de tombeaux, que de nouveaux 
murs enfermèrent quelques années plus tard. Voir 
Jérusalem, deuxième enceinte, t. m, col. 1351, et carte 
de Jérusalem ancienne, col. 1355. Tout près du rem- 
part et de la porte d'Éphraïm, un pli de terrain se 
déroulait du nord au sud entre deux petites collines 
rocheuses, dans le flanc desquelles s'ouvraient deux 
excavations (fig.348 et 349). D'un côté s'élevait le Golgo- 
tha, percé d'une grotte, appelée aujourd'hui Chapelle 
d'Adam; de l'autre, le rocher dans lequel Joseph d'Ari- 
mathie avait fait creuser son tombeau. Le petit vallon- 
nement situé entre les deux était le jardin dont parle 
saint Jean, xix, 41. A l'extrémité occidentale, le tom- 
beau comprenait un vestibule ou salle creusée dans le 
rocetjaissée ouverte sur le devant (fig. 350). Au fond de 
cet atrium, une entrée très basse donnait accès dans la 
chambre sépulcrale, dont la moitié, en largeur, était 
occupée par le banc rocheux destiné à recevoir le corps 
du défunt. A quelques pas de ce tombeau, s'en trouvait 
un autre dont nous parlerons tout à l'heure. De ce point, 
le rocher montait assez rapidement vers l'ouest. Signa- 
lons enfin tout près du Calvaire, à l'est, une des nom- 
breuses citernes qui percent le sol de Jérusalem. C'est 
dans celle-ci que furent jetés les instruments de la 
Passion, le soir du Vendredi-Saint. 

3° Sous Constantin. — Lorsque sainte Hélène vint à 
Jérusalem pour découvrir, purifier et restaurer les Lieux 
Saints, que l'empereur Hadrien avait cru détruire à 
jamais, elle trouva l'emplacement nettement indiqué. 



Elle n'eut qu'à déblayer le sol factice qui les recouvrait 
pour voir aussitôt apparaître la roche du Golgotha et 
celle du Saint-Sépulcre. Cf. Eusèbe, H. E., m, 28; 
t. xx, col. 1087. Constantin voulut les enfermer dans 
une magnifique basilique. Mais pour cela, il fallait dis- 
poser le terrain. Les premiers travaux furent consacrés 
au Saint-Sépulcre. Il était difficile de l'enchâsser dans 
le marbre sans porter atteinte au rocher dans lequel 
il était taillé. Pour l'isoler et en faire un oratoire dis- 
tinct, on découpa le flanc de fa colline et on nivela le 
sol alentour. Le pic, il faut le dire avec regret, alla trop 
loin. Pour donner au monument, avec une certaine 
régularité, une forme circulaire ou polygonale, on crut 
devoir raser la première grotte, qui servait de vesti- 
bule au tombeau. Nous en avons un témoignage impor- 
tant dans ces paroles de saint Cyrille, évêque de Jéru- 
salem, Catech. xiv, 9, t. xxxm,col. 833 : « L'entrée du 
Saint-Sépulcre, dit-il, était taillée dans le rocher 



■&*>,..,'. 



-*-« l 




350. — Coupe du Saint-Sépulcre dans son état primitif. 
D'après M. de Vogué, Les Eglises de Terre Sainte, p. 125. ! 

A, vestibule, restitué d'après les sépulcres de la vallée de Hin- 
nom; S, chambre sépulcrale, avec, au fond, l'auge funéraire 
ou la banquette et l'arcade supérieure qui est détruite ; a, feuil- 
lure où venait se loger la pierre destinée à fermer l'entrée du 
tombeau. 

comme celle des tombeaux du pays; elle n'est plus 
visible depuis que la première grotte a été détruite pour- 
les besoins de l'ornementation actuelle. Mais avant que 
le sépulcre eût été embelli par une magnificence royale, 
il y avait un vestibule devant la porte de pierre. » Il ne 
resta plus ainsi que la chambre sépulcrale, c'est-à-dire 
la partie du rocher dont la forme générale est indi- 
quée, fig. 350, par la ligne ponctuée XY. Ce fut assuré- 
ment une modification regrettable. Mais l'étude atten- 
tive des lieux actuels et les témoignages anciens nous 
montrent parfaitement que nous sommes bien en pos- 
session du tombeau de Notre-Seigneur, tombeau ne 
renfermant qu'une ouverture funéraire, puisqu'il n'avait 
encore servi à personne, Matth., xxvn, 60; Joa.,xix, 41, 
et situé près du Golgotha. L'existence du noyau ro- 
cheux, aujourd'hui caché à nos yeux par les placages 
de marbre, a été constatée dans la suite des âges par 
de nombreux et irrécusables témoins. Vers 670, Arculfe 
remarquait à l'intérieur du monument les traces des 
outils qui avaient creusé le Saint- Sépulcre; il nous dit 
que le rocher était blanc, veiné de rouge, sorte de pierre 
appelée aujourd'hui dans le pays melki, « pierre royale ». 
Arculfe, Relatio de Locis Sanctis, lib. I, cap. IV ; 
cf. T. Tobler, ltinei-a Terrse Sonctas, Genève, 1877, t. i, 
p. 150. D'autres pèlerins attestent l'avoir vu, aux vin 8 ,. 
xn e , xill» et xvi e siècles. Le sol extérieur qui, vers 
l'ouest, s'élève de huit ou neuf mètres au-dessus du 
sol intérieur de la basilique, indique à peu près le 
niveau de la colline primitive, qui fut évidée tout autour 
du noyau qu'on voulait garder. 



1657 



SÉPULCRE (SAINT) 



1658 



Les préparatifs une fois terminés, on se mit à la 
construction de l'édifice, qui comprit trois parties dis- 
tinctes, VAnastasis, le Golgotha et le Martyrium, re- 
liées entre elles par une série de galeries et d'atriums. 
La figure 351 est un essai de reconstitution qui répond 
assez bien aux données de l'histoire et permet de 
comprendre ce que nous dirons dans la suite. Le saint 
Tombeau occupa le centre de VAnastasis. D'après 
Eusèbe, De vila Constantini, m, 34, t. xx, col. 1095, 
la munificence impériale le décora, comme étant le 
point principal, avec des colonnes de prix et des orne- 
ments de toute nature. La chambre sépulcrale, dégagée 
comme nous l'avons montré, forma un petit édifice 





jniCh.ipelle des 

^franciscains 


PLACE PAVÉeK 


Jâs2*''* 


■7» •?«» 






Echelte 



351. — Le Saint-Sépulcre à l'époque byzantine. 
D'après La Palestine par des professeurs de N.-D. de France, 
in-16, Paris (1904), p. 81. — Noms anciens en majuscules : 
ANASTASIS, etc. — Noms modernes en minuscules : chapelle 

des Franciscains. — Restes encore visibles — ■ . — Lignes 

reconstituées vma El. — Rues actuelles . — A, Ruines 
situées dans l'établissement russe. — b, Édicule du Saint- 
Sépulcre. — 759, 761. Chiffres indiquant l'altitude en mètres. 

séparé, qui fut bien, suivant l'expression de l'évêque 
de Césarée, wo-avei toû itavrôç xeoocXtjv, « comme la tête 
du tout ». La surface extérieure du rocher reçut à l'oc- 
cident la forme polygonale et à l'orient la forme concave 
qu'elle conserva jusqu'à l'incendie de 1808. Les parois 
furent couvertes de plaques de marbre, et les angles 
garnis de colonnes. Voir, pour d'autres détails, Antonin 
de Plaisance, De Lotis Sanctis, xvm; cf. T. Tobler, 
Itinera Terrée Sanctse, t. i, p. 101 ; S. Silviae Peregri- 
natïo, édit. Gamurrini, Rome, 1888, p. 46. Devant l'en- 
trée se trouvait la pierre qui servit de porte au Tom- 
beau. Cf. S. Cyrille de Jérusalem, Catech. xm, 29,t. xxxm, 
col. 820; Antonin, De Lotis Sanctis, xvm, dans 
T. Tobler, Itinera, t. i, p. 101. L'Anastasis se terminait 
à l'ouest par un hémicycle à trois absidioles, et l'on re- 
connaît généralement que cette forme et les dimen- 



sions n'ont pas changé dans les diverses restaurations, 
et que les vieilles murailles de l'œuvre constantinienne 
servent encore de soubassement à la rotonde actuelle. 

4° Après l'invasion des Perses (614). — Toutes les 
merveilles de la basilique de Constantin disparurent, 
l'an 614, sous les coups d'une formidable invasion de 
Perses, conduits par Chosroès II. Cependant un moine, 
nommé Modeste, abbé du couvent de Saint-Théodore, 
entreprit la restauration de l'insigne église. Mais, ne 
pouvant couvrir l'ensemble des Lieux Saints d'un mo- 
nument semblable au premier, il dut se borner à cons- 
truire sur chaque emplacement vénéré un sanctuaire 
aux proportions réduites, sauf pour la rotonde, qui 
fut refaite sur les mêmes bases. Trois pèlerins des vil", 
vm e et IX e siècles, Arculfe (vers 670), saint Willibald 
(723-726) et Bernard le Sage (vers 870), nous montrent 




352. — Fac-similé du plan d' Arculfe. 

A. Église de la Résurrection. — B. Édicule du Saint-Sépulcre. 
— G. Église du Golgotha. — K. Église de Sainte-Marie. — 
P. Église de l'Invention-de-la-Croix. — a, b, c, autels. — 
d, d', autels portant les fragments de la pierre du Sépulcre. — 
/, baies. 

ce que fut cette reconstruction. Le premier surtout, qui 
visita les Lieux Saints quarante ou cinquante ans après 
leur restauration, nous en a laissé une description 
détaillée, avec un plan assez grossièrement exécuté, 
mais néanmoins très important (fig. 352). Quatre églises 
distinctes remplacèrent l'édifice de Constantin : celle 
de VAnastasis, avec le Saint-Sépulcre; celle du Gol- 
gotha; celle de l'Invention-de-la-Croix; celle qui fut 
dédiée à la Vierge, au sud, et qui recouvrait probable- 
ment la Pierre de l'Onction. 

5° Sous Constantin Monomaque. — Les églises 
relevées avec tant de peine par Modeste, restées pen- 
dant quatre siècles sans grande modification, tombèrent 
sous le marteau et la torche du khalife Hakem (1010). 
Bientôt cependant on put réparer les ruines. Le plan de 
Modeste servit de base pour la restauration; les sanc- 
tuaires furent rebâtis séparément; mais, après l'achè- 
vement de la grande rotonde, l'argent ayant probable- 
ment manqué, les trois autres édifices furent réduits 



1659 



SÉPULCRE (SAINT) 



1660 



à la dimension de simples oratoires. C'est ce que cons- 
tatèrent les croisés. D'après Guillaume de Tyr, Hïst. 
rerum transmarin,., 1. VIII, c. m, t. CCI, col. 408, 
l'église de la Résurrection était de forme ronde, et 
située sur le versant d'une colline, de telle sorte que la 
déclivité du terrain, égalant presque la hauteur des 
murs, rendait l'intérieur très sombre. Le toit était fait 
de longues poutres élevées dans les airs, assemblées 
avec art comme une sorte de couronne dont l'intérieur, 
ouvert à l'air libre, laissait entrer dans l'église la 




353. — Plan de l'Église du Saint-Sépulcre àl'époque des croisades. 

D'après M. de Vogué, avec quelques additions 

du P. Germer-Durand, Revue biblique, 1896, p. 327. 

A. Anastasis. - B. Édicule du Saint-Sépulcre. — C. Chœur. 

— D. Cloches. — E. Baptistère. — F. Parvis. — (j. Golgotha. 

— H, M, N, R. Chapelles. — P. Coupole. — Q. Lieu de l'In- 
vention de la Sainte-Croix. — n. Escalier de la chapelle de 
Sainte-Hélène. 

lumière nécessaire; sous cette ouverture était le Tom- 
beau du Sauveur. Sur l'état des Lieux Saints avant les 
travaux des croisés, cf. Relatio de peregrinatione 
Ssewulfi ad Hierosolymam et Terram Sanciam, 
Manusc. Corpus Christi coll. Cambridge, n° m, 8; 
Michel et Wright, Relations des voyages de Guillaume 
de Rubruk, Bernard le Sage et Ssewulf, 237-74; frag- 
ment dans le Survey of Western Palestine, Jérusalem, 
Londres, 1884, p. 34-38. 

6° Sous les croisés. — Le mérite des nouveaux restau- 
rateurs fut de mettre de l'unité dans cet ensemble de 
constructions relevées avec grande peine de leurs ruines 
et simplement reliées entre elles par quelques pans de 
murailles. Leur but fut d'enfermer comme dans une 
châsse unique les reliquaires que les siècles précédents 
avaient si constamment vénérés. Guillaume de Tyr, 
Hist. rerum transmar., 1. VIII, c. m, t. CCI, col. 408. 
Faisant disparaître, avec l'église de Sainte-Marie ou 
l'oratoire de la Pierre de l'Onction, l'abside qui termi- 
nait à l'orient la rotonde de la Résurrection, ils cons- 



truisirent, dans l'emplacement occupé par la cour, le 
transept et le chevet d'une église française duxn e siècle. 
Nous ne pouvons en donner la description complète. 
Voir fig. 353. Le Saint-Sépulcre subit d'importantes 
modifications. La forme ronde, ou plutôt polygonale, 
de l'édicule fut conservée; mais le revêtement extérieur 
du rocher, composé de beau marbre, fut orné d'une 
élégante arcature ogivale, en harmonie avec le chœur, 
et entouré de douze colonnettes. Devant la petite porte,, 
on construisit un portique carré avec deux entrées : 
par l'une on faisait passer ceux qui arrivaient au Tom- 
beau, et par l'autre ceux qui en sortaient; en face du 
chœur s'ouvrait une troisième porte. Cf. Jean de Wurtz- 
bourg, Descriptio Terne Sanctse, c. ix, t. clv, 
col. 1080; Ernoul, La citez de Jherusalem, dans les 
Itinéraires à Jérusalem, publiés par la Société de 




854. — L'édicule du Saint-Sépulcre de 1555 a 1808. 
D'après M. de Vogué, Les Églises de Terre Sainte, p. 185. 

l'Orient latin, Genève, ISSî, p. 36. La forme du monu- 
ment différait peu de la lurine actuelle. 

7° Des croisés à nos jours. — Parmi les restaurations 
que le Saint-Sépulcre eut à subir après les croisés, la 
plus importante est celle de Boniface de Raguse qui, 
en 1555, sur l'ordre de Jules III, renouvela presque 
entièrement l'édicule. Pour rebâtir plus solidement, il 
dut jeter à terre le revêtement extérieur qui tombait 
déjà. Alors apparut à ses yeux le Tombeau du Sauveur 
taillé dans le rocher. Quand il eut enlevé l'une des 
plaques d'albâtre que sainte Hélène avait placées dessus 
pour qu'on pût y célébrer le saint sacrifice de la messe, 
il contempla « le lieu ineffable dans lequel reposa 
pendant trois jours le Fils de l'homme. » Cf. Quares- 
mius, Terras Sanctas elucidatio, Venise, 1881, t. Il, 
p. 387-388. Il la recouvrit d'une nouvelle table de 
marbre, qui subsiste encore aujourd'hui. La forme 
qu'il donna au saint monument différa peu de celle 
qu'avaient adoptée les croisés. Voir fig. 354. Cette nou- 
velle construction dura jusqu'à l'incendie de 1808. C'est 
à la suite de ce triste événement que les Grecs crurent ' 
devoir restaurer le saint édicule, que les flammes 
avaient pourtant respecté. Telle est l'origine du monu- 
ment dans sa forme actuelle (fig. 355). 

IV. Authenticité. — La description que nous venons 
de faire est à elle seule une démonstration. Elle prouve 
que le Tombeau du Sauveur, malgré les modifications 
qu'il a subies avec le temps, est resté le même et qu'il 
correspond exactement aux données de l'Écriture et de 
l'histoire. Aucun des autres sites où l'on a prétendu 



1661 



SÉPULCRE (SAINT) 



1662 



le retrouver ne peut présenter de pareils témoignages. 
Nous n'avons pas seulement ici une tradition écrite 
ininterrompue; c'est un monument de pierre qui se 
dresse comme témoin pendant bientôt seize siècles.L'ar- 
chéologie vient ajouter ici le poids de son autorité. Les 
découvertes récentes, en effet, nous permettent de relier 
le présent au passé et de résoudre certaines difficultés. 
Une des grandes objections soulevées contre l'authen- 
ticité du Saint Sépulcre est tirée de la direction de la 
seconde enceinte, qui, d'après les adversaires, devait 
englober le terrain sur lequel s'élève la basilique actuelle. 
Le tracé qui a été établi à l'article Jérusalem, t. in, 
col. 1359-1363, non sur des raisonnements a priori ou 
de simples conjectures, mais sur un examen attentif 



La découverte d'anciens murs dans l'établissement 
russe (voir Jérusalem, t. m, col. 1361-1363, fig. 252) 
s'est complétée depuis 1907 par celle qu'ont amenée 
les travaux effectués dans les dépendances du patriar- 
cat copte. Ces travaux ont mis à jour le prolongement 
de la muraille antique qui est regardée à bon droit 
comme la façade de l'atrium constantinien. La nouvelle 
section présente les restes d'un grand mur dont la paroi 
orientale est en magnifique appareil à refends, très soi- 
gné, mais percé de petits trous quadrangulaires, vesti- 
ges d'un placage ancien. Une large baie, qui devait être 
jadis munie d'une porte à double battant, coupe la mu- 
raille; mais certaines particularités anormales font 
penser qu'elle y a été pratiquée après coup. Pour en 




355.. — L'église actuelle du Saint-Sépulcre. D'après une photographie. 



du sol, donne à cette objection une réponse qui, sans 
être absolue et définitive, n'en satisfait pas moins les 
exigences d'une méthode scientifique. Il laisse parfaite- 
ment en dehors de la deuxième muraille le Golgotha et 
le Tombeau du Sauveur; il les laisse juste à la proxi- 
mité voulue par les données scripturaires. A ceux qui 
regarderaient comme un tracé fautif cette ligne brisée 
de la seconde enceinte, nous opposerons le témoignage 
d'un homme qui joignait à la connaissance du terrain 
la science et l'expérience d'un stratégiste : le général 
C. W. Wilson remarque contre cette théorie qu' « il y a 
en Asie Mineure quelques villes grecques dont les rem- 
parts ou sections de murailles sont tout aussi mal tra- 
cés d'après nos idées modernes. » Cf. C. W. Wilson, 
Golgotha ' and the holy Sepulchre, dans Palestine 
Exploration Fund, Quatterly Statenient, 1903, 
p. 247, n. 1. Il aurait pu citer aussi, beaucoup mieux 
encore, les vieilles cités chananéennes et juives. Il a 
tort cependant d'attribuer la même incertitude au sys- 
tème topographique qui met les Lieux Saints en dehors 
du second mur et à celui qui les enferme dans l'en- 
ceinte. Ibid., p. 246. Nous croyons que, présentement, 
le premier est de beaucoup le mieux appuyé. 



créer, les montants, on avait régularisé les deux bords, 
de la brèche en changeant la position de quelques blocs, 
en entamant quelques autres plus ou moins profondé- 
ment. A quelques mètres plus loin, ver;3 le nord, on a 
commencé à déblayer une autre porte moins grande,, 
mais qui correspond exactement, comme distance et 
dimensions, à celle qu'on avait déjà découverte, au sud, 
sur le terrain russe. Nous avons donc là le groupe des 
trois baies symétriques qui décoraient la façade de 
l'église constantinienne, comme le montre la mosaï- 
que de Màdaba (fig. 356). Ainsi aux vestiges des pro- 
pylées que nous connaissions déjà viennent s'ajouter 
d'autres détails archéologiques qui permettent de recon- 
stituer la partie orientale de la basilique de Constantin. 
Mais ne peut-on pas aller plus loin et rattacher le 
mur dont nous parlons à la seconde enceinte de Jéru- 
salem ? Quelques savants le pensent, en particulier le 
P. H. Vincent : « On peut, dit-il, faire la démonstra- 
tion que le refend du vieux mur qui nous occupe n'est 
pas médiéval, pas byzantin à coup sûr, probablement 
même pas romain. De ce chef on acquiert le droit de 
le raccorder à une construction d'époque juive comme 
est le second mur de Jérusalem. » Cf. H. Vincent, r Vn 



1663 



SÉPULCRE (SAINT) 



1664 



vestige des édifices de Constantin au Saint-Sépulcre, 
dans la Revue biblique, 1907, p. 603; A travers Jérusa- 
lem, notes archéologiques, dans la Revue biblique, 1908, 
p. 276. Les architectes de Constantin auraient donc 








356. — L'église du Saint-Sépulcre sur la mosaïque de Mâdaba. 

Ce dessin est détaché du plan de Jérusalem représenté sur la 
carte géographique de Mâdaba. Voir Procurateurs romains, 
fig. 180. Pris sur l'original en novembre 1897 par C. Mommert 
{Die heilige Grabeskirche zu Jérusalem, Leipzig, 1898, fron- 
tispice), il reproduit la basilique de Constantin vue de face et 
non par derrière comme on la voit sur la mosaïque. L'auteur 
de la carte ne pouvait donner qu'une perspective générale du 
monument ; elle suffit pour en reconstituer les principales par- 
ties. La façade, sans les propylées, présente les trois portes dont 
parle Eusèbe, Vita Constantini, ni, 37, t. xx, col. 1097 : riUi 

OE Tp£ï? 1ÎÇÔÇ etiïbv ÂytoygVTCC T,XtoV SU OIKVïÉ{L£V0!C, T& lîAl^flï) TÛiv SlffdJ 

se?o;i£vii>v u-eSé/ovto, « trois portes équidistantes tournées vers le 
soleil levant recevaient la foule de ceux qui entraient ». Le fron- 
ton est triangulaire, et le toit, sur la mosaïque, est marqué en 
rouge comme celui des autres monuments de la Ville sainte. 
Cette première partie figure le Martyrium et le Golgotha (voir 
fig. 351). LSAnastasis est parfaitement marquée par la rotonde 
qui termine la basilique. 

utilisé les restes de la vieille muraille. « Aussi bien, 
dit encore le P. H. Vincent, s'ils bâtirent eux-mêmes 
cet angle de murailles, pourquoi auraient-ils adopté un 
autre mode de construction que dans les parties supé- 
rieures? pourquoi l'avoir érigé à grands frais en maté- 



riaux magnifiques et d'un travail très fini pour le dis- 
simuler ensuite sous un revêtement de métal ou de 
marbre ? pourquoi surtout ne l'avoir pas mis dans le 
même axe que leur monument? On a dit, il est vrai, 
sur ce dernier point, qu'ils avaient voulu mettre 
cette façade à l'alignement de la grande colonnade 
d'/Elia; mais cela parait vain, car il suffisait alors 
de déplacer d'une quantité peu notable l'axe général de 
leur édifice. L'orientation en était à peine modifiée et 
l'on sait quelle latitude on se donnait en ce temps-là 
avec une loi que l'usage a rendue beaucoup plus stricte. » 
H. Vincent, La deuxième enceinte de Jérusalem, dans 
la Revue biblique, 1902, p. 48. 

M. Schick a essayé, dans un double dessin, plan et 
élévation, de représenter l'aspect de ce coin de Jéru- 
salem au temps de Notre-Seigneur. Cf. Zeitschrift der 
Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. vin, 1885, 
pi. IX et x. Mais le tracé minutieux du fort qu'il place 
en cet endroit relève trop de la conjecture, au moins 
dans ses détails. De même il n'est pas sûr que le fossé 
eut la régularité et l'étendue qu'il lui donne. Ce qu'il 
est permis de retenir de cette restitution et des données 
archéologiques, c'est que les fortifications de la ville 
appuyaient cet angle nord-ouest, protégées par certaines 
coupures du terrain, qui servaient de défense. Une des 
portes de la cité, dont quelques vestiges subsistent 
peut-être à l'angle sud-est du vieux mur, s'ouvrait sur 
les jardins qui avoisinaient le Golgotha et le Saint 
Sépulcre (fig. 348, 349). Les ressauts du terrain peuvent 
encore être assez facilement vérifiés aujourd'hui, et les 
différences de niveau qui marquaient le sol primitif se 
retrouvent en plus d'un endroit sous les débris du 
passé. C'est ainsi qu'on peut suivre le relief depuis les 
anciens propylées jusqu'au delà de la basilique du 
Saint-Sépulcre, en passant par la chapelle de Sainte- 
Hélène, le Calvaire, le Saint Tombeau, pour remonter 
aux quartiers plus élevés. Pour les cotes, cf. A. Kuem- 
mel, Materialien zur Topographie des Alten Jéru- 
salem, Halle, 1906, p. 27-29, et la grande carte jointe 
à cet ouvrage. Mais plusieurs de ces cotes doivent être 
complétées ou modifiées par suite des fouilles. Cf. H. Vin- 
cent, Un vestige dés édifices de Constantin au Saint- 
Sépulcre, Revue biblique, 1907, p. 587, coupe transver- 
sale sur les propylées et l'atrium oriental, et p. 592, n. 2. 

L'existence d'hypogées juifs aux abords du Saint- 
Sépulcre est une autre preuve d'authenticité. A l'ex- 
trémité occidentale de la rotonde, se trouve une petite 
chapelle syrienne, d'où l'on pénètre obliquement par 
une entrée peu spacieuse dans une salle de dimensions 
restreintes, qui a été gravement modifiée par le gros 
mur de la basilique. Cette salle est une chambre funé- 
raire taillée dans le roc, et autour de laquelle sont des 
ossuaires et des tombeaux juifs réellement anciens. 
La tradition chrétienne y a vu le tombeau de Joseph 
d'Arimathie. Cf. Clermont-Ganneau, L'authenticité du 
Saint-Sépulcre et le tombeau de Joseph d'Arimathie, 
Paris, 1878; Survey of ~Western Palestine, Jérusalem, 
Londres, 1884, p. 319-331. Il y a là une réponse péremp- 
toire à une autre objection formulée contre l'authenti- 
cité du Saint-Sépulcre, à savoir qu'il ne pouvait y avoir 
de tombe en cet endroit, enfermé dans la ville. — Une 
autre chambre sépulcrale, plus importante encore, a 
été découverte en 1885 au nord de l'endroit de la basi- 
lique qu'on a appelé la Prison du Christ. Elle est tout 
entière creusée dans le roc. Une porte donne entrée dans 
un caveau de deux mètres en longueur, largeur et hau- 
teur, renfermant à droite et à gauche deux bancs funé- 
raires taillés dans la paroi. Une seconde ouverture, fai- 
sant face à la première, conduit dans une chambre plus 
petite, dont les trois côtés sont également occupés par des 
banquettes. Cf. C. Schick, Neu aufgedeckte Felsengrâber 
bei der Grabeskirche in Jérusalem, dans Zeitschrift 
des Deutschen Palàstina-Vereins, t. vm, 1885, p. 171- 



1665 



SÉPULCRE (SAINT-) — SÉPULTURE 



1666 



173; pi. v. Il esl donc désormais bien établi que plu- 
sieurs familles juives avaient leurs tombeaux dans ce 
voisinage de la ville sainte. 

V. Bibliographie. — Nous en avons dit assez pour 
montrer que la piété chrétienne ne s'est pas trompée 
au cours des siècles et ne se trompe pas plus aujour- 
d'hui en allant vénérer le tombeau du Sauveur à 
l'endroit marqué par une tradition ininterrompue. L'au- 
thenticité de ce lieu, le plus saint du monde, acceptée 
sans contestation jusqu'au XVII e siècle, attaquée depuis 
par quelques protestants, est admise actuellement par 
la majorité des savants, non seulement catholiques, 
mais hétérodoxes et rationalistes. Des découvertes ulté- 
rieures pourront éclairer d'un nouveau jour l'état de 
la question ; nous ne croyons pas qu'elles le changent 
jamais. Une bibliographie complète est impossible ici. 
En dehors des travaux indiqués au cours de cet article, 
et sans remonter jusqu'à T. Tobler et E. Robinson, 
nous ne mentionnerons que les suivants : Melchior de 
Vogué, Les Eglises de la Terre Sainte, Paris, 1860; 
Ch. Warren, The Temple or the Tomb, Londres, 1880; 
H. Guthe, Die zweïte Mauer Jerusalems und die Bau- 
ten Constantins am heiligen Grabe, dans la Zeit- 
schrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. vin, 
1885, p. 245-287, pi. vi-xiii; Zur Topographie der Gra- 
beskirche in Jérusalem, dans la même revue, t. xiv, 
1891, p. 35-40; B. Manssurov, Die Kirclie des Heiligen 
Grabes zu Jérusalem in ihrer âllesten Gestalt, trad. 
A. Bœhlendorff, Heidelberg, 1888; Russische Ausgra- 
bungen in Jérusalem, Heidelberg, 1888 ; V. Guérin,/c- 
rusalem, Paris, 1889, p. 305-340; A. Legendre, Le Saint- 
Sépulcre depuis l'origine jusqu'à nos jours, Le Mans, 
1898; Germer-Durand, La basilique du Saint-Sépulcre, 
dans la Revue biblique, 1896, p. 321-334; La basilique de 
Constantin au Saint- Sépulcre, dans les Échos d'Orient, 
Paris, 1898, p. 204 sq. ; C. Mommert, Die heilige 
Grabeskirche zu Jérusalem in ihrem ursprûnglichen 
Zustande, Leipzig, 1898; Golgotha und das heil. Grab 
zu Jérusalem, Leipzig, 1900; G. W. Wilson, Golgotha 
and the Holy Sépulcre, dans Palestine Exploration 
Fund, Quarlerly Statement, 1902, p. 66-77, 142-155, 
282-297, 376-384; 1903, p. 51-65, 140-153, 242-249; 1904,' 
p. 26-41; G. Quénard, Le Saint- Sépulcre, dans les 
Échos d'Orient, nov.-déc. 1903. A. Legendre. 

SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE (hébreu : 
Qibrôt-hatfa'âvâh ; Septante : Mv^jjia tt); !ici<)u[ua;; 
Vulgate : Sepulcra concupiscentise), station des Israé- 
lites dans le désert. Num., xi, 34; Deut., ix, 22. Elle 
fut ainsi appelée, parce que les Israélites, dégoûtés de 
la manne, désirèrent manger de la viande. Dieu leur 
envoya des cailles (voir Caille, t. n, col. 33), mais 
pour les punir de leurs murmures, il frappa « d'une 
grande plaie » les murmurateurs sur le lieu même, 
d'où le nom qu'on lui donna de Tombeaux ou Sépulcres 
de concupiscence. Num., xi. Sur l'identification de 
cette station, le P. Lagrange, L'Itinéraire des Israé- 
lites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, 
dans la Revue biblique, 1900, p. 275, dit : « Une seule 
conjecture paraît avoir de la valeur, c'est celle de 
Palmer... En quittant la Sinaï, on suit pendant envi- 
ron dix heures le monotone ouadi Saal. Déjà les der- 
nières heures offrent un spectacle pittoresque : on 
aperçoit de très vieux seyals devant le Djebel Tih dont 
un sommet de forme conique attire les regards : au 
moment où l'on arrive à l'ouadi Khebebé, c'est comme 
un chaos de petites collines, en partie du moins arti- 
ficielles, de débris et de groupes de pierres... Palmer 
a relevé partout des traces de feu et de charbons en- 
fouis dans le sol. Les Bédouins lui ont affirmé que 
c'était là le campement d'une caravane de pèlerins (le 
pèlerinage de la Mecque ne saurait suivre cet itiné- 
raire), qui ensuite s'étaient égarés dans le désert. II 

DICT. DE LA BIBLE. 



considère cette légende comme une tradition authen- 
tique. Sans aller aussi loin, on peut reconnaître ici 
vraiment tout ce qui pouvait faire nommer ce lieu soit 
Tabe'éra, soit Qibrolh Hattaava. » Cf. F. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 6" édit., t. n, 
p. 563-564. 

SÉPULTURE (hébreu : q'ebûrâh; Septante : za^; 
Yulgate : sepultura), mise au tombeau du corps d'un 
défunt. 

_ I. Son importance chez les anciens. — 1° Chez les 
Égyptiens. — On sait de quels soins compliqués les 
Égyptiens entouraient la dépouille de leurs morts. Dans 
leur idée, l'âme continuait à vivre au tombeau, avec les 
mêmes habitudes, les mêmes occupations et les mêmes 
besoins que pendant la vie terrestre. Il était donc 
nécessaire que le corps demeurât habitable pour elle; 
de là, les précautions prises pour assurer la conserva- 
tion de ce corps et procurer au mort ce dont il avait 
besoin pour se nourrir,, s'occuper et se distraire 
comme pendant la vie. Autrement l'âme quittait le tom- 
beau pendant la nuit sous forme de fantôme et venait 
chercher sur terre, au grand effroi des vivants, ce qui 
lui était indispensable pour subsister. Pour répondre à 
ce besoin des morts, on leur portait des offrandes de 
toutes sortes, ou l'on se contentait de représenter ces 
objets en peinture dans leurs tombeaux, ce qui équi- 
valait à la réalité. Les combinaisons les plus ingénieuses 
étaient prises pour empêcher que le mort ne fût 
dérangé dans sa tombe. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. h, p. 113-115; t. h, p. 508-524. Les petites gens, 
enterrés à la fosse commune, n'étaient point dépourvus 
cependant des objets indispensables. On suppléait au 
reste par un procédé dont l'efficacité paraissait suffi- 
sante aux Égyptiens : « Ils faisaient de petites poupées 
en bois, qui de loin ressemblaient à des momies; sur 
ces poupées, ils faisaient écrire leur nom, et, après les 
avoir enroulées dans un chiffon de toile, ils les dépo- 
saient dans un petit cercueil. Ce petit cercueil était 
ensuite légèrement enfoui devant l'entrée d'un grand 
tombeau; on espérait qu'ainsi le mort, représenté par 
sa figurine en bois, bénéficierait du bonheur qui atten- 
dait l'inhumé du grand tombeau. » A. Erman, La reli- 
gion égyptienne, trad. Ch. Vidal, Paris, 1907, p. 197, 
198. Pendant leur vie, les riches se préoccupaient de 
se ménager une sépulture conforme à leur rang. Cf. 
Maspero, Les contes populaires de l'Egypte ancienne, 
Paris, 3 e édit., p. 109. 

2° Chez les Chaldéens. — Les Chaldéens ne tenaient 
pas à conserver dans son intégrité le corps des défunts. 
Après l'avoir fait passer par le feu, ils plaçaient dans 
des urnes les os et les cendres, et dans des fosses le 
corps insuffisamment consumé, avec les débris d'armes 
et d'ustensiles dont le mort avait besoin dans l'autre 
vie. Des tuyaux de poterie, s'élevant de la tombe 
jusqu'à fleur de terre, permettaient à l'eau de parvenir 
jusqu'au mort pour le désaltérer. Si l'on négligeait de 
le pourvoir de nourriture et des objets nécessaires, 
l'esprit du défunt, au lieu de protéger les vivants, atti- 
rait sur eux toutes sortes de maux. Cf. Maspero, His- 
toire ancienne, t. i, p. 687-689. La sépulture du mort 
était donc une garantie de sécurité pour les vivants, 
mais, en même temps, elle assurait le sort du défunt. 
« Le monde était, aussi loin que nous conduisent les 
textes, divisé en trois royaumes : celui des dieux, celui 
des vivants et celui des morts. Celui des morts était 
sous terre. L'esprit du défunt lui appartenait naturelle- 
ment. D'autre part, tout lien n'était pas rompu entre le 
corps et l'âme. Le corps demeurant exposé à l'air, 
l'âme était empêchée de descendre aux enfers, et se 
trouvait condamnée à errer sur la terre, dans un 
domaine qui n'était plus le sien. Le corps enseveli, 
l'âme pouvait à son gré lui tenir compagnie ou rejoindre 

V. - 53 



1667 



SÉPULTURE 



1668 



les autres âmes. » Lagrange, Études sur les religions 
sémitiques, Paris, 1905, p. 331. Le sort de celui qui 
gisait sans être enseveli était déplorable. Le poème de Gil- 
gamès se termine par celte remarque : « Celui dont le 
cadavre gitdans la campagne, l'as-tu vu? — Je l'ai vu : 
son ombre ne repose pas dans la terre ! — Celui dont 
l'ombre n'a pas quelqu'un qui s'en occupe, l'as-tu 
vu? — Je l'ai vu : les rogatons du pot, les restes de la 
nourriture qui gisent dans la rue, il mange! » Cf. 
P. Dhorme, Choix de textes religieux assyriens-baby- 
loniens, Paris, 1907, p. 325. La dépouille du mort ne 
devait pas être changée de place. Il fallait empêcher 
que la lumière du soleil pénétrât jusqu'à elle. On 
tenait enfin à ce que le mort fût enseveli auprès de ses 
ancêtres. Assurbanipal dit des rois d'Élam, contre les- 
quels il exerçait sa vengeance : « J'ai emporté leurs 
ossements en Assyrie; j'ai privé leurs esprits de repos, 
je les ai privés d'aliments et de libations. » Cf. Keilin- 
schriflliche Bibliothek, t. n, p. 206. Les Égyptiens 
étaient également convaincus de la nécessité d'inhumer 
ensemble et dans leur pays ceux d'une même famille. 
Dans le conte de Satni-Khamoîs, l'aventure se termine 
par l'ordre donné au violateur d'une tombe de ramener 
à Memphis les momies d'Ahouri et de Maihêt en exil à 
Coptos, et de réunir ceux que la colère de Tliot avait 
tenus séparés. Cf. Maspero, Les contes populaires de 
l'Egypte ancienne, p. lxi, 129. 

3° Chez les Grecs et les Romains. — Les idées du 
monde oriental sur la nécessité de la sépulture ont été 
complètement partagées par le monde gréco-romain. 
« L'âme qui n'avait pas son tombeau n'avait pas de 
demeure; elle était errante. En vain aspirait-elle au 
repos, qu'elle devait aimer après les agitations et le 
travail de cette vie; il lui fallait errer toujours, sous 
forme de larve ou de fantôme, sans jamais s'arrêter, 
sans jamais recevoir les offrandes et les aliments dont 
elle avait besoin. Malheureuse, elle devenait malfai- 
sante... On craignait moins la mort que la privation 
de sépulture. C'est qu'il y allait du repos et du bonheur 
éternel. Nous ne devons pas être trop surpris de voir 
les Athéniens faire périr des généraux qui, après une 
victoire sur mer, avaient négligé d'enterrer les morts... 
Dans les cités anciennes, la loi frappait les grands 
coupables d'un châtiment terrible, la privation de 
sépulture. On punissait l'âme elle-même, en lui infli- 
geant un supplice presque éternel. » Fustel de Cou- 
langes, La cité antique, Paris, 1890, p. 10-12. Les 
chrétiens épurèrent ces idées à la lumière de la foi. 
Cf. H. Leclercq, Amendes dans le droit funéraire, 
dans le Dict. d'archéologie chrétienne et de liturgie, 
1. 1, col. 1575-1598. — Ces idées sur la nécessité de la 
sépulture n'étaient pas spéciales aux anciens peuples 
dont les mœurs nous sont connues. Elles régnent 
encore chez la plupart des non-civilisés. A leurs yeux, 
la sépulture procure un double avantage : elle procure 
la paix aux morts et elle garantit les vivants contre les 
incursions malfaisantes des esprits mécontents de voir 
leurs corps privés de la sépulture convenable. Cf. 
A. Bros, Le problème de la mort chez les non-civilisés, 
dans la Revue du clergé français, l Br octobre 1908, 
p. 46-56. 

II. La sépulture chez les Hébreux. — 1° Ceux qui 
en ont le moyen s'assurent la possession d'une sépul- 
ture de famille. Ainsi fait Abraham. Gen., xxm, 4-20. 
Dans la caverne de Macpelah, à Hébron, viennent 
successivement reposer Sara, Abraham, et Isaac, ainsi 
<t réuni à son peuple ». Gen., xxxv, 29. Jacob, qui 
passe les dernières années de sa vie en Egypte, tient 
aussi à être réuni à son peuple et est inhumé dans la 
caverne de ses pères. Gen., xlvii, 29; xlix, 29; L, 5,13. 
Joseph veut qu'un jour les Hébreux emportent ses 
ossements pour les faire reposer dans le pays que Dieu 
leur donnera. Gen.,L, 25; Exod., xih, 19; Jos.,xxiv, 32. 



On tenait beaucoup à être « réuni à son peuple », 
c'est-à-dire à reposer avec les siens, dans le lombeau 
de famille. Gen., xxv, 17; xxxv, 29; xlix, 32; I Mach., 
ir, 69; xiv, 30. Il est fréquemment rapporté que des 
personnages importants, surtout des rois, se sont cou- 
chés avec leurs pères, ou ont été ensevelis dans le 
sépulcre de leur père. II Reg., n, 32; vu, 12; xvn, 23; 
xix, 37; III Reg., i, 21; n, 10; xi, 21, 43; xiv, 20; xv, 
8, 24; xvi, 6, 28; xxn,40, 51; IV Reg., vm, 24; ix, 28; 
x, 35; xii, 21; xm, 9, 13; xiv, 16, 20, 22; xv, 7, 22, 38; 
xvi, 20;- xx, 21; xxi, 18; xxiv, 5. — 2° C'était un châ- 
timent que de ne pas entrer dans le sépulcre de ses 
pères; on cherchait du moins à être enseveli en sainte 
compagnie. III Reg., xm, 22, 31. — 3° On devait tou- 
jours donner la sépulture aux morts. Comme l'âme est 
dans le sang, voir Sang, col. 1451, le sang répandu, 
même celui d'un animal, devait être recouvert de terre. 
Lev., xvn, 13; Ezech., xxiv, 7; cf. Gen., iv, 10. Le 
supplicié devait être enterré le soir même. Deut., xxi, 
23. On ne refusait pas la sépulture à des étrangers, 
II Mach., iv, 49; Matth., xxvn, 7, ni même à des enne- 
mis. IV Reg., ix, 34. A plus forte raison la procurait-on 
aux autres. Les gens de Jabès, en Galaad, inhumèrent 
Saùl et ses fils, tués à la bataille par les Philistins, et 
David leur en sut grand gré. I Reg., xxxi, 11-13; 
II Reg., H, 5-7. A la suite des combats, on donnait la 
sépulture aux morts. III Reg., xi, 15; II Mach., xn, 
39-43. Tobie exerçait la charité envers les morts, 
en leur procurant la sépulture, et il en fut récompensé. 
Tob., i, 21; n, 4-9. Il était recommandé expressément 
de donner les soins nécessaires au corps des morts et 
de ne pas négliger leur sépulture. Eccli-, xxxvm, 16. 
Notre-Seigneur ne contrevient pas à cette loi quand il 
recommande de laisser les morts ensevelir leurs morts. 
Matth., vm, 22; Luc, IX, 60. Il veut seulement que 
celui qui aspire à le suivre pour mener une vie par- 
faite ne s'attarde pas aux longues cérémonies des funé- 
railles et ne s'expose pas au contact des morts, qui 
entraînait une impureté légale et séparait momentané- 
ment de la société. Ces choses n'avaient pas d'incon- 
vénients pour les morts, c'est-à-dire pour ceux qui ne 
vivaient pas de la vraie vie spirituelle. — 4° La privation 
dé sépulture constituait une peine très grave. Elle fut 
infligée à Jézabel. IVReg.,ix, 10. L'impie lamenterait; 
ainsi l'Ecclésiaste, vm, 10, s'étonne-t-il que les impies 
soient ensevelis et entrent dans le repos. Isaïe, xiv, 
19, 20, annonce au roi de Babylone un sort semblable 
à celui qu' Assurbanipal devait infliger au roi d'Élam : 

Roi, on t'a jeté loin de ton sépulcre, 
Gomme un rameau qu'on méprise... 
Comme un cadavre qu'on foule aux pieds... 
Tu ne seras pas avec eux dans la tombe. 

Amos, n, 1, reproche à Moab, comme une chose abo- 
minable, d'avoir brûlé les ossements du roi d'Édom 
pour en faire de la chaux, au lieu de les ensevelir. 
Jérémie menace fréquemment les Israélites infidèles 
de la privation de sépulture. Les os des rois, des prêtres 
et des prophètes seront tirés de leurs tombeaux, exposés 
devant le soleil et la lune qu'ils ont adorés et réduits 
à l'état d'engrais. Jer., vm, 1, 2. Par la famine et l'épée 
mourront ceux qui écoutent les faux prophètes, et per- 
sonne ne leur donnera la sépulture. Jer., xiv, 16. Les 
coupables mourront, ils n'auront ni larmes ni sépul- 
ture, ils seront comme du fumier sur le sol et les bêtes 
de proie les dévoreront. Jer., xvi, 4, 6; xxv, 33. Le roi 
Joakim sera enterré comme on enterre un âne, qu'on 
traîne et qu'on jette hors des portes de la ville, et 
dont les chacals, les hyènes et les autres animaux de 
proie font leur pâture. Jer., xxn, 19. Un pareil sort 
semblait si déplorable qu*au jugement de l'Ecclésiaste, 
vi, 3, un avorton est plus heureux que celui qui, après 
une vie sans joie, est privé de sépulture. Les perse- 



1669 



SÉPULTURE 



SERGIUS PAULUS 



1670 



cutés qui subissent ce sort s'en plaignent au Seigneur. 
Ps. lxxix (lxxviii), 3; I Mach., vu, 17. Sous Antiochus 
Epiphane, les Juifs fidèles furent privés de sépulture, 
mais le persécuteur ne fut pas enseveli dans le tom- 
beau de ses pères. II Mach., v, 10; ix, 15. Sans doute, 
les Hébreux ne partageaient pas les idées de leurs 
voisins sur la fréquentation du cadavre par l'âme que 
la mort en avait séparé. Rien, dans les textes bibliques, 
n'appuierait cette croyance un peu enfantine. Néan- 
moins, ils regardaient la sépulture comme un bien 
nécessaire dont le défunt ne pouvait être privé sans 
détriment pour lui. L'obligation d'inhumer les restes 
des morts était d'ailleurs la conséquence de la loi 
qui attachait une impureté légale au contact de ces 
restes. Voir Morts, t. m, col. 1316. — 5° Les Juifs 
avaient un certain nombre d'usages concernant la 
sépulture. On ne pouvait inhumer à Jérusalem que 
les rois de la race de David et les prophètes. Cf. Sche- 
buoth, H, 2; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, 
p. 133. On inhumait volontiers dans un jardin, même 
contigu à la maison. IV Reg., xxi, 18, 26; Joa., xix, 
41. Les sépultures étaient inviolables. Les musulmans 
de Palestine ont rigoureusement conservé cette tradi- 
tion, d'où l'impossibilité de faire des fouilles partout 
où se trouvent des tombeaux. Hors de Palestine, les 
Juifs, à l'imitation des autres peuples, portaient des 
amendes contre ceux qui violaient leurs sépultures ou 
y introduisaient des étrangers. Cf. Schûrer, Geschichle, 
t. m, p. 16, 54. Le sanhédrin avait deux sépultures 
pour les condamnés à mort, l'une pour ceux qui avaient 
été lapidés ou brûlés, l'autre pour ceux qui avaient 
subi la décollation ou la strangulation. Quand les chairs 
étaient consumées, on transférait les ossements dans 
une sépulture de famille privée. On enterrait avec les 
condamnés tous les objets qui avaient servi à leur 
supplice. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 425. La sépulture du Sauveur ne fut pas astreinte à 
ces règles, parce que le supplice avait été infligé par 
l'autorité romaine et que le sort du cadavre dépendait 
de Pilate. Joa., xix, 38. Mais les instruments du'sup- 
plice durent être enfouis en terre avec ceux qui avaient 
servi aux deux larrons. — 6» Outre les cadavres humains, 
il fallait encore enterrer : les victimes vouées au sacri- 
fice qui mouraient avant d'arriver à l'autel; celles qui 
avortaient, à moins qu'elles ne donnassent un second 
produit qui était brûlé à leur place; le bœuf lapidé, 
Exod., xxr, 28, ainsi que tous les animaux nuisibles 
parmi les animaux domestiques ou sauvages et les 
oiseaux; la génisse mise à mort à l'occasion d'un meurtre, 
Deut., xxi, 4; l'oiseau du lépreux, Lev., xiv, 6; les che- 
veux du Nazaréen impur; le premier-né de l'âne; la 
viande cuite dans le lait, Exod., xxm, 19; xxxiv, 26; 
Deut., xiv, 21 ; les animaux profanes ou sauvages immolés 
dans le parvis. Temura, vu, 4. Il était d'ailleurs interdit, 
en général, d'enterrer ce qui devait être brûlé ou de 
brûler ce qui devait être enterré. Cf. Reland, Antiqui- 
tates sacrse, p. 168, 169. Tous ces règlements relatifs 
à l'inhumation avaient pour but de faire disparaître 
aux regards ce qui pouvait souiller les vivants d'une 
manière quelconque. Ils pourvoyaient en même temps 
aux exigences de l'hygiène, dans un pays où les conta- 
gions étaient si redoutables. H. Lesêtre. 

SER (hébreu : Sêr; Septante : Tupoç), ville fortifiée 
4e la tribu de Nephthali, nommée seulement Jos., 
xix, 35. On peut induire de la liste des villes avec les- 
quelles elle est énumérée qu'elle était située au sud- 
ouest du lac de Génésareth, mais son site n'a pas été 
retrouvé. 

SERANIM, titre donné dans le texte hébreu aux 
chefs des cinq principales villes des Philistins. Voir 
Philistins, col. 289-290. 



SÉRAPHINS (hébreu : èerafim; Septante : Eepociptfji.; 
Vulgate : Seraphim), êtres célestes décrits par Isaïe, vi, 
2-6, dans une de ses visions. — Le mot èerafim vient de 
èâraf, « brûler ». Il désigne donc des êtres brûlants, 
enflammés. Le même mot sert à nommer une espèce de 
serpents brûlants, voir SERPENT,et Isaïe,xiv,29; xxx, 6, 
parle aussi d'un Sârdf me'ôfêf, « serpent ailé » ou 
dragon. Les séraphins ne sont pas des serpents, mais 
des êtres intelligents et merveilleux. Ils se tiennent 
au-dessus du trône de Dieu. Ils ont chacun six ailes, 
deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les 
pieds et deux pour voler. Ils chantent la sainteté de 
Jéhovah. Comme le prophète se reconnaît pécheur, 
un des séraphins prend un charbon ardent avec des 
pincettes sur l'autel, lui touche la bouche et ainsi le 
purifie du péché. Les séraphins apparaissent dans ce 
passage, le seul où il soit question d'eux, comme des 
êtres chargés de proclamer la sainteté de Dieu et de 
détruire dans l'homme le péché qui outrage cette sain- 
teté. Isaïe emprunte des éléments divers aux êtres visi- 
bles pour représenter les séraphins, comme le fait 
Ézéchiel pour représenter les chérubins. Voir Chéru- 
bin, t. il, col. 662. On connaît les taureaux ailés qui 
ont servi de base à la description symbolique de ce 
dernier. Isaïe a pu emprunter la sienne à d'autres élé- 
ments ayant cours à son époque. On sait que certains 
génies chaldéens étaient représentés avec quatre ailes. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 633, 635; La- 
grange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 
1905, p. 430. — Dans la hiérarchie angélique, le nom 
de séraphins est devenu celui des anges du second 
chœur. H. Lesëtre. 

SÉRAR1US Nicolas, théologien et exégète jésuite, 
né le 5 décembre 1555, à Rambervillers (Vosges), mort à 
Mayence le 29 ou le 30 mai 1609. Il entra dans la com- 
pagnie de Jésus en 1573, s'appliqua à l'étude des lan- 
gues et à l'enseignement. Pendant 20 ans, il professa 
la théologie et l'Écriture Sainte à Wûrzbourg et à 
Mayence. On a de lui, entre autres publications, In 
sacros divinorum Bibliorum libros, Tobiam, Judith, 
Esther, Machabseos commenlarius, in-4", Mayence, 
1609; in-f», 1610, 1611 (des parties de ce commentaire 
ont été réimprimées par Migne [Tobie, etc.], dans son 
Cursus Scripturss Sacrse, t. xn, xm) ; Josue ab utero 
ad ipsum usque tumulum, in-f", Mayence, 1609, 1610; 
Judices et Ruth explanati, in-f», Mayence, 1609; in-f", 
Paris, 1611; Prolegomena biblica et commentaria in 
omnes Epistolas canonicas, in-f», Mayence, 1612; Lyon, 
1689; In libros Regum et Paralipomenon. Commen- 
taria posthuma, in-f°, Mayence, 1617; Lyon, 1618. — 
Voir C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie 
de Jésus, t. vu, 1896, col. 1134-1145. 

SÉRÉBIA (hébreu : Sérébyâh), lévite qui vivait du 
temps d'Esdras et prit part à ses réformes. II Esd., 
vin, 7; ix, 5; x, 12; xn, 24. Son nom est écrit aussi 
dans la Vulgate Sarabia et Sarebia. Voir Sarabia, 
col. 1476. 

SÉRÉSER (hébreu : Sar'ésér), personnage babylo- 
nien. Voir Nérégel-Séréser, t. iv, col. 1602. 

SÉRETH (hébreu : Séréf; Septante : 2epÉ6), fils 
d'Assur, fondateur de Thécué, et de la première 
de ses femmes nommée Halaa. I Par., iv, 5, 7. 

SERGIUS PAULUS (grec : 2%ioç ria0).o;), pro- 
consul de l'île de Cypre lorsque saint Paul y fit son 
premier voyage pour y prêcher l'Évangile. Act., xm, 
7-11. H résidait à Paphos. II avait auprès de lui un 
devin ou magicien juif appelé Élymas (Barjésu). Voir 
Barjésu, t. i, col. 1461. Lorsque saint Paul fit connaître 



1671 



SERGIUS PAULUS — SERPENT 



1672 



au proconsul la religion nouvelle, Élymas s'efforça 
d'empêcher le magistrat romain de se convertir, mais 
l'Apôtre le frappa de cécité et Sergius Paulus embrassa 
le christianisme. C'est à l'occasion de ce récit que Saûl 
est nommé pour la première fois Paul dans les Actes, 
ce qui a fait croire à beaucoup d'exégètes que c'était en 
souvenir de la conversion du proconsul que l'Apôtre 
avait changé son nom. Voir Paul, t. rv, col. 2189. 
Cf. Proconsul, col. 686; Cypre, t. n, col 1170. Saint 
Luc qualifie Sergius Paulus de ax>vsiàç,prudens, «intel- 
ligent ». Act., xnr, 7. On a trouvé à Soles en Cypre 
une inscription datée de son proconsulat. Voir di Ces- 
nola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877, p. 425. D'après une 
ancienne tradition, Sergius Paulus s'attacha dans la 
suite à saint Paul, il l'accompagna en Espagne, et il fut 
établi enfin par l'Apôtre évêque de Narbonne, où il 
mourut. Sergius Paulus appartenait à une grande 
famille patricienne de Rome. Virgile, Eneid., v, 121. 
Voir F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les décou- 
vertes modernes, 2 e édit., 1896, p. 201-209. Sur saint 
Paul, évêque de Narbonne, voir Acta Sanctorum, 
22 mars, t. m martii, p. 371-376. 

SERMENT. Voir Jurement 2, t. m, col. 1868. 

SÉRON (grec : Sr,p«v), général d'Antiochus Ép.i- 
phane qui commanda les troupes de ce roi contre les 
Machabées. Il fut battu par Judas Machabée à Bétho- 
ron. I Mach., in, 13-23. Cf. II Mach., vm, 5-7. Voir 
Ed. R. Bevan, The House of Seleucus, 2 in-8°, Londres, 
1902, t. h, p. 176, 298. 

SÉROR (hébreu : Çerôr; Septante: 'IapIS), benja- 
mite, ancêtre de Cis, le père de Saûl. I Reg. (Sam.), 
ix, 1. 

SERPENT (hébreu : nâhâS, Sdrâf, tannin, 'aksûb, 
séfa', sif'onl, 'êféh; Septante : ô'<pi;; Vulgate : serpens, 
coluber), reptile dont le corps allongé, cylindrique et 
sans pieds, se meut au moyen de replis sur le sol. C'est 
un animal très souple et très agile. Ses yeux sans pau- 
pières ont une grande fixité, sa langue est fendue en 
deux. Plusieurs espèces sont ovipares et les autres 
ovovivipares, c'est-à-dire faisant éclore leurs œufs dans 
le sein même de la mère. Les serpents vivent surtout 
dans les pays chauds; la plupart passent l'hiver cachés 
dans quelque trou et saisis par un engourdissement 
léthargique. Beaucoup de serpents sont pourvus d'une 
glande qui produit du venin. Ce venin est conduit à 
deux dents, appelées crochets, courbes, très pointues, 
munies d'un canal étroit et placées à la mâchoire supé- 
rieure. Les crochets, habituellement repliés et entourés 
par la gencive, se redressent quand l'animal veut 
mordre. 

I. Les serpents de Palestine. — Les serpents sont 
très nombreux en Palestine; les conditions climatéri- 
ques et la nature du sol leur sont en effet des plus 
favorables. Une vingtaine d'espèces ont été reconnues, 
mais il y en a beaucoup d'autres qui n'ont pas été 
décrites. Treize d'entre elles sont inoffensives. Voir 
Couleuvre, t. n, col. 1071. Cependant il y a de grosses 
couleuvres noires, coluber atro-virens, qui, à raison 
de leur taille et des dimensions de leur gueule, peuvent 
faire des blessures très profondes. Mais comme elles 
sont très craintives et fuient l'approche de l'homme, 
elles ne cherchent à mordre que quand on veut les 
prendre. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 314. Les serpents venimeux appartiennent aux 
genres suivants : le cobra ou aspic, voir Aspic, t. i, 
col. 1124; cinq espèces de vipéridés : deux vipères pro- 
prement dites, vipera euphratica et vipera ammodytes; 
la daboia xanthina, qui est appelée basilic par les 
versions, voir Basilic, t. i, col. 1495, le céraste, voir 



Céraste, t. n, col. 432, et le scytale ou echis areni- 
cola. Voir Vipère. A part la daboia, tous ces serpents 
ne se trouvent guère que dans la faune méditerrané- 
enne etnord-africaine.Cf.Tristram, ThenaturalEistory 
of the Bible, Londres, 1889, p. 269-280. 

II. Les serpents de la Bible. — 1« Le serpent du 
paradis. — Ce serpent est appelé du nom général de 
ndhâS, qui ne désigne aucune espèce particulière. Il 
était « le plus rusé des animaux des champ: » Gen., 
m, 1. Il parle à la femme pour la disposer à manger 
le fruit défendu et, avec habileté, il lui inspire le doute 
au sujet du commandement et de la menace de Dieu 
et finit parla persuader. Comme il n'est dans la nature 
du serpent ni de raisonner ni de parler, il ne faut 
voir ici dans cet animal que l'instrument ou la repré- 
sentation d'un être supérieur capable d'entrer en com- 
munication avec la femme pour lui parler et la tenter 
de défiance et d'insoumission envers le Créateur. Cet 
être est clairement désigné dans d'autres passages 
bibliques. « C'est par l'envie du diable que la mort est 
venue dans le monde. » Sap., n, 24. Satan « a été 
homicide dès le commencement. » Joa., vm, 44. « Le 
serpent ancien », c'est « celui qui est appelé le diable 
et Satan. » Apoc, XII, 9; XX, 2. Sur un cylindre baby- 
lonien, t. iv,fig. 564, col. 2124, deuxpersonnages sont assis 
de chaque'côté d'un arbre qui paraît être un palmier et 
qui porte deux fruits au-dessous du feuillage. Les per- 
sonnages sont vêtus. Derrière le second personnage se 
dresse un serpent. Il est difficile de ne pas voir là une 
allusion à la tentation du paradis. Dans le poème de 
Gilgamès, quand le héros a trouvé la plante de vie, 
« un serpent sortit et lui ravit la plante. » Cf. Sauve- 
plane, Une épopée babylonienne, tabl.n, v. 305, p. 62; 
Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit,, t. i, p. 276-282. La sentence portée par Dieu 
contre le serpent le condamne à être maudit entre 
tous les animaux, à marcher sur son ventre et à man- 
ger la poussière tous les jours de sa vie. Gen., m, 14. 
Josèphe, Ant. jud., I, I, 4, conclut du récit biblique 
que, pour punir le serpent, Dieu lui a ôté la voix dont 
il avait si mal usé et l'a privé des pieds sur lesquels 
il marchait auparavant. Cette interprétalion est trop 
servile. Dieu n'a pas changé la nature du serpent, il 
s'est contenté d'attacher une idée défavorable à sa 
démarche rampante. De même, « manger la poussière » 
veut seulement dire avoir la tête au niveau du sol, 
comme si l'animal mangeait de la poussière. L'inimitié 
établie entre la postérité de la femme et celle du ser- 
pent ne concerne pas ce dernier, mais seulement celui 
qui s'en est servi pour tenter. 

2° Les verges changées en serpents. — Pour donner 
à Moïse une preuve de la mission qu'il lui confère, 
Dieu lui ordonne de jeter son bâton à terre; ce bâton 
devient serpent, ndhds; il lui commande de saisir ce 
serpent par la queue, et celui-ci redevient bâton. Exod., 
iv, 3, 4. Devant le pharaon, Moïse et Aaron exécutent 
le même prodige ; mais les magiciens égyptiens changent 
aussi leurs bâtons en serpents ; seulement celui d'Aaron 
dévore ceux des magiciens. Exod., vu, 9-12. Il y a un 
miracle divin du côté de Moïse et un prestige diabo- 
lique du côté des magiciens. Ceux-ci sont fort experts 
en prestiges. Il importe que les envoyés de Dieu 
triomphent d'eux sur leur propre terrain. Ceux qui les 
imitent aujourd'hui sont plus habiles à tromper les 
spectateurs qu'à exécuter des choses réellement mer- 
veilleuses. Voir Charmeur de serpents, t. h, col. 595. 
« Dans un de nos voyages au Caire, en 1894, nous 
n'avions pu découvrir les procédés réels employés par 
les charmeurs de serpents de nos jours. Dans un nou- 
veau voyage en 1899, nous avons eu la preuve qu'ils ne 
prenaient pas d'autres serpents que ceux qu'ils avaient 
habilement cachés ou dissimulés. Le P. E. Chautard, 
qui prit part avec nous à l'expérience, l'a racontée dans 



1673 



SERPENT — SERPENT D'AIRAIN 



1674 



son livre Au f,ays des pyramides, in-4°, Tours, 1896, 
p. 112-116 » (F. Vigouroux). 

3° Les serpents brûlants. — Au désert, les Hébreux 
murmurent à cause de la longueur du chemin et de la 
monotonie de la nourriture. Alors Dieu envoie des ser- 
pents brûlants qui les mordent et en font périr un 
grand nombre. Num., xxi, 6, 8; Deut., vm, 15. Ces 
serpents sont appelés serdfîm, ô'çsiç oî SavatoOvTsç, 
« des serpents mortels », igniti serpentes. Ce nom de 
ierdfîm vient de êâraf, « brûler ». On ne peut dire 
à quelle espèce appartenaient ces serpents. Mais la 
presqu'île sinaïtique abonde en serpents très dangereux. 
Les Hébreux furent effrayés des blessures cuisantes et 
mortelles qu'ils en reçurent. Pour arrêter le fléau, 
Moïse dressa le serpent d'airain. Voir Serpent d'airain, 
col. 1674. Cf. Judith, vm, 25; I Cor., x, 9. 

4» Les serpents volants. — Isaïe, xiv, 29, dans son 
oracle sur les Philistins, dit que, si la verge qui les 
frappait a été brisée, de la race du serpent sortira un 
basilic, dont le fruit sera un sdrdf me'ôfêf, « un ser- 
pent volant ». Ce serpent représente les fléaux qui 
châtieront les Philistins. Les Septante traduisent par 
ôfsiî 7reTâ|ievoi, « serpents ailés », et la Vulgate par 
absorbens volucrem, « dévorant l'oiseau ». Ailleurs, le 
prophète énumère, parmi les animaux qui infestent le 
désert entre la Palestine et l'Egypte, \e sdrâf me'ôfêf, 
ê/iyova àuni'SMv Tusïopivcov, regulus volans, « le serpent 
volant ». Is., xxx, 6. Hérodote, n, 75; m, 107, 109, 
parle aussi de serpents ailés qui, au commencement 
du printemps, volent d'Arabie en Egypte, mais sont 
arrêtés et tués par les ibis. Il ajoute que ces serpents 
gardent les arbres à encens en Arabie, et qu'on les en 
écarte en brûlant du styrax. On ne connaît pas de 
serpents ailés. Il existe seulement un petit saurien, 
appelé dragon, draco ou dracunculus, pourvu de deux 
membranes latérales formées par un repli de la peau. 
Le dragon ne peut pas se servir de ces appendices 
pour voler; il les utilise seulement pour se maintenir 
en l'air quand il saute de branche en branche. Ce 
dragon n'habite pas les déserts, mais les forêts, comme 
le suppose Hérodote qui en fait le gardien des arbres. 
Il suit de là que les serpents auxquels Isaïe fait allu- 
sion sont simplement des serpents de sable, qui se 
meuvent avec une grande rapidité, à moins que le 
prophète ne prête des ailes à certains serpents pour 
marquer qu'ils sont plus agiles et plus dangereux que 
toutes les autres espèces connues. Cf. Tristram, The 
natural History of the Bible, p. 278. 

5» Traits bibliques sur les serpents. — 1. Il est sou- 
vent question du venin des serpents. Deut., xxxii, 33, 
Ps. Lvm (lvii), 5, etc. Voir Venin. C'est en mordant 
que le serpent inocule le venin contenu dans ses 
crochets; du reste, pour y réussir, le serpent frappe 
plutôt avec ses crochets qu'il ne mord. Am., ix, 3; 
Sap., xvi, 5. — 2. Les serpents ont la langue très 
effilée et très mobile. Les méchants aiguisent leur 
langue comme le serpent; mais le venin est sous leurs 
lèvres et non au bout de leur langue. Ps. cxl 
(cxxxix), 4. — 3. Le serpent fait entendre un sifflement 
qui effraie, surtout dans les ténèbres. Sap., xvn, 9. — 
4. Les serpents rampent dans la poussière. Deut., 
xxxii, 24. Pour caractériser cette attitude, les auteurs 
sacrés disent qu'ils mangent ou lèchent la poussière, 
Is., lxv, 25; Mich., vu, 17, comme nous disons de 
quelqu'un qui est tombé dans le combat, qu'il mord 
la poussière. — 5. Le serpent fréquente les rochers; 
mais il est impossible de reconnaître sa trace sur le 
roc. Prov., xxx, 19. On s'expose à la morsure du ser- 
pent quand on met la main sur le mur de pierres 
sèches où il se cache, Am., v, 19, ou qu'on renverse ce 
mur. Eccle.,x, 8. Du reste, le serpent est extrêmement 
rusé pour fuir le danger. Gen., m, 1. Notre-Seigneur 
recommande à ses disciples d'être prudents comme le 



serpent, Matth., x, 16, car le serpent ne s'expose 
jamais au péril et il se dérobe à la moindre menace. — 
6. Le serpent venimeux est toujours à craindre et à 
fuir. Il faut fuir le péché comme le serpent, Eccli., 
xxi, 2, et se défier du vin, qui finit par mordre 
comme le serpent. Prov., xxm, 32. Un père se garde 
bien de donner un serpent à son fils qui lui demande 
un poisson. Matth., vu, 10; Luc, xi, 11. Notre-Sei- 
gneur traite les scribes et les pharisiens de serpents 
et de race de vipères, à cause de leur influence 
néfaste sur le peuple. Matth., xxm, 33. Il faut une pro- 
tection particulière de Dieu pour fouler aux pieds ou 
saisir impunément les serpents. Ps. xci (xc), 13. Le 
Sauveur donne ce pouvoir à ses disciples, Marc, xi, 18; 
Luc, x, 19, indiquant par là qu'il les prémunit contre 
la malice de tous les ennemis. — 7. Saint Jean voit 
des chevaux qui ont des queues semblables à des ser- 
pents, par conséquent très dangereuses. Apoc, ix, 19. 
Il voit aussi Satan sous la forme d'un grand serpent. 
Apoc, xii, 9, 14, 15; xx, 2. — Sur le serpent tortueux 
de Job, xxvi, 13, voir Dragon, t. n, col. 1504, et sur 
celui d'Isaïe, xxvn, 1, voir Léviathan, t. iv, col. 213. 
Sur le qippôz, dans lequel les versions voient 
un hérisson, Is., xxxiv, 15, et beaucoup d'auteurs 
un serpent, le serpens jacuhis, voir Duc, 3°, t. n, 
col. 1509. H. Lesêtre. 

SERPENT D'AIRAIN, serpent fabriqué au désert 
sur l'ordre de Dieu. — Quand les serpents brûlants 
firent périr en grand nom- 
bre les Israélites révoltés, 
Moïse reçut l'ordre de fa- 
briquer un sdrâf sembla- 
ble à ceux qui attaquaient 
les coupables et de l'élever 
sur un poleau; ceux qui 
étaient mordus et le re- 
gardaient devaient con- 
server ■ la vie. Moïse fit 
donc un serpent d'airain, 
l'exposa comme le Sei- 
gneur l'avait ordonné et 
arrêta ainsi le fléau. Num., 
xxi, 7-9. Les Égyptiens, 
chez lesquels le culte du 
serpent était en honneur, 
cf. Maspero, Histoire an- 
cienne, t. i, p. 120, 121, 
représentaient le serpent 
dressé sur une tige de lotus 
(fig. 357). Cf. Lepsius, 
Denkm., Abth, m, t. vi, 
pi. 120. Cette représenta- 
tion apparaît dès la fin de 
la XVIII» dynastie, comme 
symbole de la royauté sur 
l'Egypte du nord (urseus) 
et du sud (lotus), dans une 
scène de Silsilis, où le roi 
Horemheb est allaité par la 
déesse Hathor. Chez les 
Assyriens, on trouve aussi 
Nergal désigné sous le nom 
de sarrapu, le même mot 
que sdrâf. Cf. Buhl, Ge- 
senius' Handtvôrt.,p.8l0. 
Les deux Gémeaux, désignés sous les noms de birdu 
et Sarrapu, étaient considérés comme deux manifesta- 
tions de Nergal, et figurés par deux serpents enroulés 
autour d'une perche que surmonte une boule, aux 
côtés de laquelle leur tète se dégage (flg. 358). Cf. Thu- 
reau-Dangin, Le serpent d'airain, dans la Revue d'his- 
toire et de littérature religieuses, Paris, t. i, 1896- 




357. — Le serpent urseus, en- 
roulé sur le lotus. L'urœus et 
le lotus sont les symboles 
de l'Egypte du nord et de 
l'Egypte du sud. 

D'après Anœss\,Atlas, pi. VII 



1675 



SERPENT D'AIRAIN 



SERVITEUR 



1676 




p. 151-158. Étant donné que Dieu voulait que les 
blessés fussent guéris miraculeusement par la seule 
vue de l'image d'un serpent, il était 
naturel que ce serpent fût élevé sur 
nn poteau assez haut pour pouvoir 
être aperçu de tout le camp. — Ezé- 
chias « mit en pièces le serpent 
d'airain que Moise avait fait, car 
lesenfants d'Israël avaient jusqu'a- 
lors brûlé des parfums devant lui. » 
IV Reg., xviii, 4. Voir Nohestan, 
t. iv, col. 1668. 

Noire- Seigneur a indiqué lui- 
même le caractère figuratif du ser- 
pent d'airain : « Comme Moïse a 
élevé le serpent dans le désert, il 
faut de même que le Fils de l'homme 
soit élevé, afin que tout homme qui 
croit en lui ne périsse point, mais 
qu'il ait la vie éternelle. » Joa., m, 
14, 15. Notre-Seigneur sera donc 
dressé sur sa croix comme le ser- 
pent sur son poteau. Mais, tandis 
que le serpent n'était pour les Is- 
raélites qu'un «c signe de salut », Sap.,xvi, 6, Jésus- 
Christ sera la cause même du salut, non plus pour 
les corps, mais pour les âmes. H. Lesêtre. 

SERRURE (grec : xXeïepov; Vulgate : clausura), 
appareil servant à tenir une porte fermée. — Les 
anciens fermaient ordinairement les portes des habita- 
tions au moyen de barres et de verrous. Voir Barre. 
t. i, flg. 453, col, 1468; Verrou. Ce genre de fermeture 
suffisait pour clore une porte de l'intérieur. Quand il 
était placé à l'extérieur, tout le monde pouvait ouvrir. 
La serrure permettait de clore une porte du dehors, 



358.— Les Gémeaux 
en Assyrie. 

D'après la Revue 
d'histoire et de 
littérature, t. i, 
p. 152. 




359. — Ciel et serrure moderne de Palestine. 
D'après Lortet, La Syrie, p. 252. 

tout en réservant au propriétaire de la maison d'ouvrir 
seul au moyen d'une clef. On trouve aujourd'hui en 
Palestine des serrures s'ouvrant avec une clef d'après 
un système ingénieux (fig. 359). Voir Clef, t. H.fig. 290, 
col. 800. « Ces machines primitives, qui datent évi- 
demment d'une haute antiquité, peuvent être brisées, 
mais sont difficiles à crocheter. Elles sont, en général, 
construites en bois de noyer ou de mûrier. » Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 352. Des serrures 
analogues étaient en usage en Egypte. — Baruch, vi, 
17, dit que les temples des idoles étaient munis de 
serrures et de verrous, par crainte des voleurs. — Dans 
les autres passages bibliques, la fermeture au moyen 
de barres et de verrous est seule mentionnée. Les 
serrures sont cependant supposées chaque fois qu'il 
est question de clef. H. Lesêtre. 



SERUG (hébreu : Serûg; Septante: Sepoûx), ortho- 
graphe du nom de l'ancêtre d'Abraham, dans I Par., i, 
26. Il est appelé ailleurs Sarug. Voir Sarug, col. 1495. 

SERVITEUR (hébreu : 'ébéd, na'ar, mesârêt; Sep- 
tante : SoOXoî, rcaïç, TtaiSâpiov, 9spôitwv, XetToupYoç ; 
Vulgate : servus, puer, minister), celui qui est au service 
d'un autre. 

1° Serviteur d'un homme. — Les fonctions remplies 
par ceux que nous appelons aujourd'hui serviteurs ou 
domestiques étaient autrefois confiées aux esclaves. Les 
Hébreux avaient des esclaves, soit de leur nation, soit 
étrangers. Ceux d'entre eux qui étaient assez riches 
pour en posséder les employaient à différents travaux 
dans la maison ou dans la propriété familiale. Voir 
Esclave, t. h, col. 1921. Ceux qui n'avaient pas d'esclaves 
se servaient eux-mêmes ou utilisaient leurs enfants. 
Matth., xxi, 28. Pour les travaux nécessaires qu'on ne 
pouvait exécuter dans la famille, on recourait aux ou- 
vriers. Voir artisans, 1. 1, col. 1044; Mercenaire, t. iv, 
col. 990. En réalité, ceux auxquels les textes donnent 
le nom de 'ébéd, SoCXoç, servus, sont presque exclusi- 
vement des esclaves et non des serviteurs libres. Même 
dans le Nouveau Testament, il en est ainsi ; le serviteur 
proprement dit n'y a pour ainsi dire pas de place. 
Cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif à l'époque 
de J.-C, Paris, 1910, p. 206-261, 433-484. — Parfois 
cependant, le nom de serviteur est attribué à des hommes 
qui ne sont pas des esclaves. Josué est le serviteur de 
Moïse, son na'ar, vlo«, puer, et son mesârêf, ôspâirwv, 
minister. Exod., xxxm, 11. Le nom de na'ar, irai8âpcov, 
puer, est encore donné à Giézi, serviteur d'Elisée, 
IV Reg., iv, 12; v, 20; vi, 16; vin, 4; aux serviteurs des 
prêtres, I Reg., h, 13; aux serviteurs des chefs de 
provinces, III Reg., xx, 15, et aux serviteurs du roi 
d'Assyrie. IV Reg.,xix, 6. Le nom demeêârêt, «servant», 
désigne Josué, 7cape7Tï)x<iî ( minister, Exod., xxiv, 13, 
le serviteur d'Amnon, itaiôâpiov, puer, II Reg., xm, 17, 
18, le serviteur d'Elisée, Xsitoupy<5ç, minister, IV Reg., 
iv, 43; VI, 15, et les prêtres en général, XeiToupYoïvTeç, 
ministri. Is., lxi, 6; Jer., xxxm, 21; Jo., i, 9, 13; il, 
17. Voir Ministre, t. iv, col. 1105. — L'office de servi- 
teur ou de servante est rempli par les anges vis-à-vis 
du Sauveur après la tentation, Matth., IV, 11; Marc, I, 
13; par la belle-mère de Pierre après sa guérison, 
Matth., vm, 15; Marc, 1,31; Luc, iv, 39; par les saintes 
femmes qui prenaient soin de Notre-Seigneur et des 
Apôtres, Luc, vm, 3; Matth., xxvn, 55; Marc, xv, 41 ; 
par Marthe à l'égard de Jésus et de ses disciples, Luc, 
x, 40; Joa., xii, 2; par le Sauveur à l'égard de ses 
Apôtres, Luc, xxn, 27, et par les disciples de saint Paul 
vis-à-vis de leur maître. Act., xxiv, 23. Notre-Seigneur 
témoigne qu'il est venu lui-même pour servir et non 
pour être servi. Matth., xx, 28; Marc, x, 45. 

2° Serviteur de Dieu. — Le nom de « serviteur de 
Jéhovah », 'ébéd yehovàh, désigne trois sortes de per- 
sonnes : 1. Celui qui honore Dieu et le sert en lui obéis- 
sant. Tels ont été Abraham, Ps. cv (civ), 6, 42; Josué, 
Jos., xxiv, 29; Jud., H, 8; Job, i, 8;n,3; xlh, 8; David, 
Ps. xvm (xvii), 1; xxxvi (xxxv), 1; lxxxix (lxxxvih), 4, 
21; Daniel, Dan., VI, 20; etc. Ce nom convient aussi aux 
Israélites, en tant que peuple de Dieu, I Esd., v, 11 ; 
II Esd., I, 10, et à tous les hommes pieux, en général. 
Ps. xxxiv (xxxm), 23; lxix (lxviu), 37; cxm (cxn), 1 ; 
cxxxiv (cxxxm), 1; Is., uni, 17; lxv, 8, 9; etc. — 
2. Celui qui exécute une mission de la part de Dieu. 
A ce titre sont appelés serviteurs de Dieu les anges, 
Job, iv, 18; Moïse, Deut., xxxiv, 5; Jos., i, 1; Isaïe, Is., 
xx, 3; les prophètes, Jer., vu, 25; xxv, 4; xxvi, 5; xxix, 
19; xxxv,15;Amos, ih,7; Zach., m, 8, et même le roi de 
Babylone, en tant qu'exécuteur des arrêts de la justice 
divine. Jer., xxv, 9; xxvn, 6; xliii, 10. — 3. Le Messie 
lui-même qui, par excellence, honore Jéhovah et remplit 



1677 



SERVITEUR — SÉSAG 



1678 



en son nom sa mission rédemptrice. Voir Serviteur 

DE JÉHOVAH. H. LESÊTRE. 

SERVITEUR DE JÉHOVAH, nom attribué au 
Messie dans quatre passages d'Isaïe, xlii, 1-9; xlix, 
1-6; l, 4-9; lu, 13-liii, 12. — Dans ces passages, il est 
question d'un serviteur innocent et juste, qui délivre 
les captifs, meurt pour son peuple, est la lumière des 
nations et annonce la loi divine aux peuples lointains. 
Toute l'ancienne exégèse, juive ou chrétienne, a 
reconnu le Messie dans ce serviteur. 

Pour éluder la portée messianique de ces textes, les 
rabbins du moyen âge ont enseigné que ce serviteur 
n'était autre que le peuple d'Israël, cf. Driver and 
Neubauer, The fifty-third Chapter of Isaiah accor- 
ding to the jewish interprétera, Oxford, Londres, 
1877, et beaucoup de critiques rationalistes ont adopté 
leur interprétation, quittée modifier les textes pour la 
rendre plausible. Cf. Reuss, Les prophètes, Paris, 1876, 
t. h, p. 280; Giesebrecht, Der Èneeht Jahves des 
Deuterojesaia, Konigsberg, 1902; G. Workman, The 
Servant of Jehovah, Londres, 1907. Comme il est 
impossible de justifier l'application des textes à une 
collectivité, d'autres ont préféré les entendre d'une 
individualité, Zorobabel ou le roi Joachin, cf. E. Sel- 
lin, Serubbabel, Leipzig, 1898, Der Knecht Gottes bei 
Deuterojesaia, Leipzig, 1901 ; Dos Râlsel des Deulero- 
jesajanischen Bûches, Leipzig, 1908, ou encore un 
prophète. Cf. W. Staerk, Bemerkungen zu den Ebed 
Jahwe-Liedem, dans la Zeitschrift fur wissench. Théo- 
logie, 1908, p. 28. Mais aucun de ces personnages ne 
réalise ce qui est dit de la mission d'enseignement du 
serviteur, Is., xlix, 1, 2; l, 4, ni surtout de ses souf- 
frances rédemptrices. Is., lii-13-liii, 12. — A les 
prendre dans leur sens naturel, les termes employés 
par le prophète ne conviennent exactement qu'à Jésus- 
Christ. Cf. H. Monnier, La mission historique de Jésus, 
Paris, 1906, p. 278-283. L'application formelle lui en 
est faite par les auteurs du Nouveau Testament : Js., 
xlii, 1-4; Matth., xii, 18-21; m, 17; xvn, 5; Marc, i, 11; 
Luc, m, 22; — Is., xlix, 6; Act., xm, 47; — Is., L, 6; 
Matth., xxvi, 67; — Is., lui, 1-12; Matth., vm, 17; 
xxvi, 63 ; Marc. , ix, 1 1 ; xv, 28 ; Luc. , xxn, 37 ; xxm, 34 , 
Joa., xii, 38; Act., vm, 32; Rom., x, 16; I Cor., xv; 3; 
I Pet., il, 22; I Joa., m, 5. Les Pères n'interprètent 
pas ces passages autrement. Un rabbin du xiv» siècle, 
Mosé Kohen ibn Crispin, déclare que l'interprétation 
collective détourne les passages d'Isaïe de leur sens 
naturel, et que lui-même les entend du Roi-Messie, 
conformément à la doctrine des anciens maîtres. Cf. 
Driver and Neubauer, The fifty-third Chapter of Is., 
xxiv, p. 99. — Voir Isaïe (Le livre d'), t. m, col 981 ; 
Knabenbauer, In Is. proph., Paris, 1887, t. n, p. 331- 
338; Peldmann, Der Knecht Gottes in Isaias Kap. 
40-55, Fribourg-en-Br.; Condamin, Le livre d'haie, 
Paris, 1905, p. 334-341; Le serviteur de Iahvé, dans la 
Revue biblique, 1908, p. 162-181; Van Hoonacker, 
L'Ébed lahvé, dans la Revue biblique, 1909, p. 497-528. 

H. Lesètre. 

SÉSAC, nom dans la Vulgate d'un roi d'Egypte et 
d'un Israélite dont le nom est écrit différemment en 
hébreu. 

1. SÉSAC (hébreu : Sisaq; Septante : So«(raxi|j.)> r °i 
d'Egypte. — I. Son origine. — Dès l'Ancien Empire, 
les Libyens sont en contact avec la vallée du Nil, 
comme tribus pillardes, soumises ou mercenaires. 
Principalement sous le nom de Timihou, et de Tinihou, 
plus tard, de Libou etde Masaousa, ils errent dans les 
vastes solitudes du Sahara. A la XIX e dynastie et à la 
XX e , ils se multiplient aux portes de l'Egypte, s'unissent 
aux peuples de la mer et s'abattent sur le Delta occi- 
dental. Ménephtah, puis Ramsès III arrêtent leurs flots 



envahisseurs. Les Libyens, dès lors plus connus sous 
le nom de MaSaousa, l'une de leurs principales tribus, 
deviennent les soldats privilégiés de l'Egypte, et ce 
qu'ils n'avaient pu obtenir par la force, ils l'obtiennent 
par une lente et pacifique pénétration. Leurs chefs, 
généraux de l'armée égyptienne et vrais barons féo- 
daux, ne cessent de grandir à mesure que s'accentue 
la décadence delà famille royale. Cf. Maspero, Aratoire 
ancienne des peupleslde'J'Orient classique, t. h, 1897, 
p. 766-768. Or, vers la fin de la XX e dynastie ou au 
début de la XXI», parmi les'[Libyens fixés sur le sol 
d'Egypte, se trouvait un,certain Bouiouaoua, dont nous 
pouvons suivre la longue filiation. Stèle d'Horpasen, 
dans Mariette, Le Serapéum de Memphis, 1857, 
pi. xxxi. Ses descendants furent d'abord généraux des 
MaSaousa et prêtres d'Arsaphès dans Héracléopolis-la- 
Grande. Scheschanq, le quatrième d'entre eux, épousa 
une femme de sang royal, Mehetnouskhit. Son petit- 




Fig. 360. — Portrait de Sésae. 
D'après Lepsius, Denkmàler, Alth.IIJ, pi. 300, n. 76. 

fils, s'appelant aussi Scheschanq, effaça tous ses pré- 
décesseurs. Il fut le premier roi de la dynastie bubas- 

tite. C'est notre ( TiTiT TiTiT I, ëaSanq, Scheschanq 

ou Scheschonq I er , le EecrâYX'; de Manéthon, le ëisaq 
de l'hébreu par assimilation de Vn, le Sésac de la Vul- 
gate, le fondateur de la XXII» dynastie (fig. 360). C'est 
en vain que Birch d'abord, Observations on two 
egyptian cartouches found at Kimroud, dans Tran- 
sactions of the Society of littérature, II e série, t. m, 
1850, p. 165, puis Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, 
p. 644, 651-659, et quelques autres, rapprochant les 
noms d'Osorkon, Takelot et Nimerat, de Sargon, Tiglat 
etNimrod,ont voulu donner à cette dynastie une ori- 
gine babylonienne. Pétrie, A History ofEgypt, 1. 111,1905, 
p.232,forçant encore ces rapprochements, demeure par- 
tisan de cette origine envers et contre tous. Il suffira de 
rappeler qu'à l'avèDement de la XXII dynastie, l'Assy- 
rie sortait à peine d'une crise d'impuissance et qu'elle 
n'avait aucun moyen de s'imposer à l'Egypte. Cf. Good- 
speed,A History of Babylonians and Assyrians, l'édit., 
1906, p. 185-187. D'ailleurs entre les deux pays, s'inter- 
dosait le royaume prospère de David et de Salomon. 



1679 



SESAC 



1680 



A peine monté sur le trône, Sésac se hâta de légiti- 
mer sa succession en faisant épouser à son fils Osorkon 
Kamara, la.fille du dernier roi tanite de la XXI e dynastie, 
Pasebkhanou ou Psousennés II. Cf. G. Legrain, Le 
dossier de la famille Nibnoutirou, dans Recueil des 
travaux relatifs à laphilologie et à l'archéologie égyp- 
tiennes et assyriennes, t. xxx, 1908, p. 160 et tableau. 
De ce fait, il devenait le suzerain incontestable du 
Delta, et, comme il possédait déjà le fief d'Héracléo- 
polis, comprenant la Moyenne Egypte, de Memphis 
jusque vers Siout, il ne restait plus en dehors de son 
influence que le domaine ou la portion d'Amon, c'est- 
à-dire Thèbes et la Haute Egypte. Pas plus tard que 
l'an V, cette principauté lui échut en partage, et il 
établit Aoupout, son second fils, grand-prêtre d'Amon, 
Cf. Maspero, Momies royales de Deir el-Bahari, dans 
Mémoires de la mission française au Caire, t. I, 
1884, p. 573. 

II. Campagne en Palestine. — Le fait saillant du 
règne est l'invasion du royaume de Juda. Par malheur 
la date nous en est inconnue. W. M. Mûller, Eine neue 
lnschrift zu den asiatischen Zûgen des Pharao 
Schischaq, dans Orientalische Litteratur-Zeitung ,\. iv, 
1901, p. 280-282, et art. Shishak, dans Cheyne-Black, 
Encyclopedia biblica, t. iv, col. 4485-4487, pense qu'il 
est plus naturel de supposer que Scheschanq entreprit 
son expédition peu après son intronisation, suivant 
l'usage de plusieurs pharaons. Maspero, Histoire 
ancienne, t. ir, p. 773, note 1, la place vers l'an XVIII, 
et Breasted, Ancient Records of Egypl, t, iv, 1906, 
p. 348, vers 926, dans la dernière moitié du règne. 
D'après Breasted, A History of Egypt, 1905, p. 529, 
Sésac aurait été le beau-père de Salomon, tandis 
que d'après d'autres, c'était Psousennés II. Voir Jéro- 
boam I er , t. m, col. 1301. C'est aussi prés de Sésac 
que se réfugia Jéroboam. III Reg., xi, 40. De son 
invasion en Palestine la Bible nous donne la raison 
supérieure : l'abandon du Seigneur par fioboam. 
III Reg., xiv, 24-25; II Par., xn, 1-2, 5. Les querelles 
intestines de Juda et d'Israël étaient d'ailleurs pour 
Sésac une occasion propice de consolider son trône en 
jouant aux grands pharaons de naguère et en affirmant 
à nouveau les prétentions de l'Egypte sur la Pales- 
tine. Donc, « la cinquième année du règne de Roboam, 
Sésac, roi d'Egypte, monta à Jérusalem,» IIIReg.,xiv, 
25, « avec douze cents chars de guerre et soixante 
mille cavaliers, et la multitude qui était venue 
d'Egypte avec lui ne pouvait se compter; c'étaient des 
Libyens, des Suhkim (Vulgate, Troglodytes) et des 
Éthiopiens. Et il prit les places fortes de Juda et 
s'avança jusqu'à Jérusalem. » II Par., xn, 3, 4. « Et il 
enleva les trésors de la maison .du Seigneur, et les tré- 
sors du roi, et pilla tout. Il prit aussi les boucliers d'or 
que Salomon avait faits. » III Reg., xiv, 26 ; cf. II Par., 
xn, 9. Pour les troupes auxiliaires du pharaon, 
voir Ethiopie, t. il, col. 2007-2013; Libye, t. iv, col. 238- 
241 ; Troglodytes. Sur le fait qu'à rencontre des livres 
de Moïse le roi d'Egypte est désigné ici par son nom, 
voir Pharaon, col. 192. 

III. Ses constructions. — Ses coffres remplis par 
le pillage, Sésac pouvait reprendre les grandes cons- 
tructions interrompues au grand temple de Karnak 
depuis deux siècles. En l'an XXI, son fils Aoupout, le 
grand-prêtre d'Amon, dépêcha des ouvriers pour ouvrir 
une nouvelle carrière à Silsiléh. Le plan royal était de 
contribuer à l'embellissement de Karnak par l'érection 
d' « un très grand pylône » dont « les doubles portes 
monteraient à des myriades de coudées. » Derrière le 
pylône et * pour la demeure de son père Amon-râ, le 
roi des dieux, » s'étendrait « une cour entourée d'une 
colonnade et destinée à la célébration des fêtes jubi- 
laires. » Stèle de Silsiléh, dans Lepsius, Denkmâler, 
Abth. m,'Bl. 254 c, lig. 1-11. La cour existe encore en 



avant de la grande salle hypostyle et du second pylône 
actuel. Elle a cent trois mètres de largeur sur quatre- 
vingt-quatre de profondeur. A l'ouest, la colonnade a 
été remplacée par le premier pylône dû aux Ptolémées. 
Mais elle subsiste aux côtés nord et sud. De ce dernier 
côté elle franchit le temple de Ramsès III. Entre ce 
temple et le second pylône, à l'angle sud-est de la cour, 
s'ouvre la porte de Scheschanq I er , plus connue sous le 
nom de « Portique des Bubastites » et où les rois et les 
grands-prêtres delà XXII e dynastie ont gravé leurs an- 
nales. A l'extérieur et à droite du portique, sur la face 
sud du second pylône, dans le voisinage des exploits 
syriens de Ramsès II, Sésac consigna (fig. 361) le sou- 
venir de sa campagne en Palestine, donnant ainsi au 
récit biblique une confirmation éclatante. VoirNo-AMON, 
t. iv, col. 1645-1646, le plan de Karnak. A droite de la 
scène, Sésac saisit par les cheveux un groupe de 
Sémites aux mains levées en signe de merci, et brandit 
sa massue au-dessus de leurs têtes. A gauche arrive 
Amon présentant de la main droite la harpe au pharaon 
et, de la gauche, tenant en laisse cinq rangées de 
soixante-cinq captifs. Au-dessous, la déesse protectrice 
de Thèbes en autant de rangées amène quatre-vingt-onze 
autres prisonniers. L'on a donc cent cinquante-six 
captifs. Chacun d'eux symbolise une ville fortifiée de 
la Palestine dont le nom est enclos dans un ovale cré- 
nelé. Du captif on ne voit, au-dessus de l'ovale, que 
les épaules et le profil hardiment sémite. Les deux bras 
liés pendent en arrière. Malheureusement beaucoup de 
noms ont disparu sous l'action du temps et des van- 
dales. Il n'en reste que soixante-quinze environ. Faute 
de ressources ou de temps, les autres constructions de 
Sésac ne furent pas considérables. C'est à peine si 
elles se révèlent par de rares fragments à Memphis, à 
Bubaste, à Phithom, et à Tanis. Près d'El-Hibbéh, dans 
la Moyenne Egypte, il éleva cependant un temple aujour- 
d'hui à peu près disparu où se voyait une deuxième 
édition de son triomphe. Annales du service des anti- 
quités, t. h, 1901, p. 84, 154. 

IV. LA liste des villes. — La Bible nous dit seu- 
lement que le pharaon « prit les places fortes de Juda 
et s'avança jusqu'à Jérusalem. » II Par.,xn, 4. Mais les 
villes de Juda ne sont pas les seules dans la liste. 
Celles d'Israël en occupent la première partie surtout. 
En parcourant cette liste mutilée et en nous en tenant 
aux noms géographiquement déterminables, on recon- 
naît, en effet, Rabbolh, Thanach, iSuneni, Rohob, Ha- 
pharaïm, Mahanaïm, Béthoron, Mageddo, toutes villes 
du royaume d'Israël et qui, dans Lepsius, Denkmâler, 
252, 255a, figurent respectivement sous les n. 13-18, 22, 
24 et 27. Il faut y ajouter le n. 32, Arouna, qui nous 
est connue par les Annales de Thotmès III, Lepsius, 
loc. cit., 31 b, lig. 57, 69, 70, et qui se trouvait sur la 
pente méridionale du Carmel; et le n. 56, Adima, qui 
pourrait bien être l'Édema de la tribu de Nephthali. 
Jos., xix, 36. Au royaume de Juda reviennent les n. 19, 
23, 26, 38, Aduram, Gabaon, Aïalon et Socho. Gabaon 
appartenait à la tribu de Benjamin, les trois autres sont 
de celles que Roboam avait fortifiées. II Par., XI, 7-10. 
Mais il y avait deux Socho, l'une dans la Séphélah, vers 
les monts de Juda, l'autre au sud-ouest d'Hébron, sans 
parler d'une troisième située près de Ramatha, la patrie 
de Samuel. Cf. W. M. Mûller, Asien und Europa nach 
altâgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 161. Il y avait éga- 
lement une seconde Aïalon, dans la tribu de Dan. Le 
n. 59, Yrouzaa, n'est autre que la Yeraza des Annales 
de Thothmès III, lig. 12, à chercher dans le nord-ouest de 
la Judée. La liste nous fournit ensuite un certain nombre 
de noms composés divisés en deux cartouches, une fois 
même en trois (n. 107, 108, 109), dont le plus intéres- 
sant est, s'il était certain, n. 71-72, Pa-houkroua- 
abaram, « le champ d'Abraham », Breasted, The Ame- 
rican Journal of semitic Languages and Littératures, 




L'as 



-S O 
" ' e *> 

S 1 t 

sis 

s*. 



.. o 



.£- ^2 & 



-S — 



'O -Ci 



-ô 



• "g S ù 
' Ça -< -Q 

. ^ <^ B 



. CO 



a> 



ta 



; 3 « O 



m ~ 






s S 
Q s 



' 


■ S ' 5 ■>' 




1 


: S" S S m 




^i. 


• - "3 a 1 




c 


o ^ œ S - 




'S 
«1 


<N .. 3 * C- 
B -O :S -C « 




U 


fe « < * 3 




g 


1 3 S •: ?. 

^ i. 9) fî 

I . ï 8 u 




'03 


■;B-1I 






s il^ 






f H *j 'cy -— 

a a £ « m 
? » * ■• d 




a 

es 


S- 


m 


iU»; 


ê 


T* 


œ -S g s : 

"-- J5 d '5 iri 
g "g -o « m 


g 


1 


W 






S 
o 


« « ,4 m g 


1^ 


-0 


d 3 w 1 S, 


jS- 




^ ■§ 1 ' « 


3 


S 


1 3^ : o 


a. 


s 

s: 
S 




fi 








u 

B 

" ri 

s 


» s -s fa 

3 h $ s <*• 
*- M •■ * t. 

S "2 * S -s 


ù 

3 

3 




o -CJ -2 -H 

" • ï ,» ; 

a o o .. -9- 


m 

ci 


1 


««aï" 


1 
Je 




s, « in S 1 


» 


s 
s 


t§- -S 1 | . 




o 














.o 




2 ** £ ® « 




ê5 


B-b ^^^ 

m 1) <a „ ; •• 


! 


'S 
"8 


g- 1 : i « 

ffi S .S !» ~ 


û 

ai 


h 


■X 


B 


s fi S?. 

• *■ * S A 


co 








s 

■a 


fl U (M *L. *5 


B 


es 
H 


o a s -^ •- 
■o g o .. m 


o 




«fi 










Si ri fï ï-j CO 


00 

CO 



1683 



SESAG 



SESAGH 



1684 



oct. 1904, p. 22-36; Ed.Meyer, Die Israeliten und ihre 
Nachbarstâmme, 1907, p. 266; cf. Revue biblique, 1908, 
p. 457, tous noms d'obscures bourgades de Juda 
destinés, semble-t-il, à allonger la liste et qu'on ne peut 
identifier. Il demeure à glaner le n. 100, Adraa, sans 
doute Adar ou Addar en Juda; les n. 108 et 110, deux 
Aarouda, dont l'une doit être VArad du désert méridio- 
nal de Juda; le n. 124, la Beth-Analh de Nephtali, Jos., 
xix, 33, ou mieux la Beth-Anoth de Juda, Jos., xv, 59 ; et 
le n. 125, la S'aro/iendeJuda, mais appartenant à la tribu 
de Siméon, Jos., xix ; 6, la Saruhen égyptienne de 17ns- 
criplion d'El-Kab, lig. 15, dans Champollion, Monu- 
ments de l'Egypte et de la Nubie, t. i, p. 656, et des 
Annales de Thothmès III, lig. 12. Récemment deux 
nouveaux registres ont été mis au jour et on y a lu les 
noms du Jourdain; de Raphia; de Leban, la Lebna 
(aussi Lobna et Labana), une des stations de l'Exode, 
Num., xxxih, 20-21, ou plutôt une place de la Séphc- 
lah, Jos., xv, 42, de Ram ou Yehem, Annales de 
Thothmès III, lig. 12, entre Gaza et Arouna, car il ne 
peutguère être question de la Ham transjordanienne, 
Gen. (texte hébreu), xiv, 5. Jérusalem devait se trouver 
dans l'un des cartouches mutilés ou disparus, peut- 
être le n. 133. 

Reste le n. 29 que nous avons réservé à cause des 
discussions dont il a été l'objet : You-d-h-melek. Voir 
Roboam, fig. 237, col. 1103. Par une erreur bien explica- 
ble à son époque, Champollion, Lettres écrites d'Egypte, 
2 e édit., 1833, p. 99-100, le traduisit par « royaume de 
Juda ». Il fut suivi par Rosellini, Monumenli storici, 
t. n, p. 79-80; t. iv, p. 158-159, qui lut « roi de Juda », 
et par E. de Rougé, Mémoire sur l'origine égyptienne 
de l'alphabet phénicien, datant de 1859, mais publié 
seulement en 1874, p. 53, et l'on voulut voir dans la 
tête qui surmontait l'ovale le portrait de Roboam. 
Cependant, depuis Rrugsch, Geographische. Inschrif- 
ten, t. n, 1858, p. 62-63, les égyptologues sont una- 
nimes à ne reconnaître là qu'un nom de ville, tout 
comme dans les noms qui précèdent et dans ceux qui 
suivent, portant comme eux le déterminatif d'une 
contrée, non d'une personne, dans l'ovale crénelé qui 
caractérise les places fortifiées. « Les deux interpré- 
tations — roi ou royaume de Juda — sont impossibles, 
dit Sayce, The Egypl of the Hebrews, 3 e édit., 1902, 
p. 109. Mélék, il est vrai, signifie « roi » en hébreu, 
mais pour « roi de Juda » nou3 devrions avoir mélék- 
Yehoudah, et pour « royaume de Juda », malkout- 
Yehouda, dans les langues sémitiques le génitif sui- 
vant nécessairement le nom qui le gouverne. » Où il 
y a divergence entre les égyptologues, c'est dans la 
manière d'expliquer ce nom. Brugsch, loc. cit., avait 
déjà cru trouver dans le |~l], h égyptien, la transcription 
de l'article hébreu . W. M. Mûller, The supposed name 
of Judah in the list of Sheshonq, dans Proceedings of 
the Society of Biblical Archxology, t. x, 1887-1888, 
p. 81, et Asien und Europa, p. 163, admet aussi 
que [l] est l'article hébreu, et, de plus, il lit la pre- 
mière partie du' nom v, yad, ce qui donnerait l;bErn>, 
yad-ham-mélék, « la main ou le fort du roi ». Mais 
une pareille lecture pour la première partie ne répond 

pas à l'égyptien 1 1 \ _» . , youd, et, de plus, comme 

chez Brugsch, elle implique la transcription de l'article 
sémitique par le scribe égyptien, tandis que dans les 
listes de ce genre, et dans celle de Sésac en par- 
ticulier, il y a toujours traduction de l'article : n, ha, 

devient "V[, pa. Cf. n. 71, 77, 87, 90, 92, 94, etc. 

Breasted, Ancient Records of Egypt, t. IV, p. 351, 
note d. Il est donc préférable, et le nom égyptien nous 
y invite, de rattacher |"[] au premier composant et de 
lire in>, yehoud {-mélék), que, après Blau, Brugsch, 



loc. cit., et Maspero, Histoire ancienne, loc. cit., 
p. 773, note 3, rapprochent de la Yehoud, Jud de la 
tribu de Dan, Jos., xix, 45, aujourd'hui el-Yehoudîeh 
au sud-est de Jaffa. Le titre qui lui est adjoint, Yehoud 
du roi, la désignerait comme étant un apanage de la 
couronne. Sayce, loc. cit. On pourrait encore songer à 
la ville de Jota, Yuttâh, Jos., xv, 55, de la tribu de 
Juda, à dix kilomètres au sud d'Hébron. Mais l'on ne 
voit pas très bien d'après quel principe philologique le 
scribe égyptien de Yuttâh aurait fait Yud-h, à moins 
qu'on admette que le td, t, = -tm.. 

Au sujet des villes d'Israël mêlées à celles de Juda 
dans la liste de Sésac, un point d'histoire a été 
soulevé : Quelle fut la part de Jéroboam dans l'inva- 
sion? Ou il ne lit aucun appel au pharaon, Stade, 
Geschichte des Volkes Israël, t. i, 1881, p. 354; ou, 
s'il fit appel, le pharaon conquit les villes d'Israël 
pour son allié. C. Niebuhr, Chronologie der Geschichte 
Israels 1896, p. vin- IX ; Winckler, Geschichte Tsraels, 
t. i, 1895, p. 160. On ne peut guère douter que Jéro- 
boam ne fût l'allié de Sésac qui avait reçu le fugitif à sa 
cour, III Reg., xi, 40, et dont il était même le beau-père, 
s'il faut en croire les Septante. III Reg., xn, 24. Au 
milieu des embarras que lui suscitait son rival, Jéro- 
boam implora tout naturellement le secours de 
l'Egypte. La présence des villes d'Israël dans la liste 
ne nous oblige nullement à supposer que ces villes 
aient été attaquées ou prises par Sésac, même pour le 
compte de son allié, ni que la campagne ait dépassé 
les limites indiquées par le récit biblique. « En fait, 
dit Maspero, loc. cit., Sheshonq se borne à suivre 
l'usage égyptien, d'après lequel toutes les contrées et 
toutes les villes qui paient le tribut à un pharaon, ou 
qui reconnaissent sa suzeraineté, figurent ou peuvent 
figurer sur les listes triomphales, qu'elles aient été 
prises ou non : la présence de Mageddo, deMakhanaim 
et des autres prouve, non pas qu'elles aient été con- 
quises par Sheshonq, mais que le prince auquel 
elles appartenaient était l'allié ou le tributaire du roi 
d'Egypte. » Cf. W*. M. Millier, Asien und Europa, 
p. 166, et art. Shishak, loc. cit., §2. 

Voir, pour le texte de la liste de Scheschanq, outre Lep- 
sius déjà cité, Champollion, Monuments, pi. ccxxxiv- 
cclxxxv; Rosellini, Monumenli storici, pi. cxlviii; 
Mariette, Voyage dans la Haute Egypte, t. n, pi. 42, 
Pour l'étude du texte, Blau, Sisaq's Zug gegenJudaaus 
den Denkmâler, dans Zeitschrift der deutschen morgen- 
làndischen Gesellschaft, t. xv, 1875, p. 233-250; Brugsch, 
Geographische lnschriften,t. n, p. 56-57, et Geschichte 
Aegyptens, p. 661-663; Maspero, Notes sur différents 
points de grammaire et d'histoire, dans Zeitschrift 
fur âgyptische Sprache, t. xvm, 1880, p. 44-49; Id., 
Etude sur la liste de Sheshonq à Karnak, dans Trans- 
actions of Victoria lnstitute, t. xxvn, 1893-1894, 
p. 63-122; W. M. Miiller, Asien und Europa, p. 166- 
172; Breasted, Ancient Records of Egypt, t. iv, 
p. 348-354. C. Lagier. 

2. SÉSAC (hébreu : Sâsdq; Septante : 2W»;x), un 
des fils de Baria, de la tribu de Benjamin. Ses descen- 
dants habitèrent Jérusalem. I Par., vm, 14, 25. 

SÉSACH (hébreu : SéSak; omis dans Vaticanus; 
Alexandrinus : Unaây), désignation cryptographique- 
de Babylone, selon l'explication la plus commune. 
D'après le procédé désigné sous le nom d'athbasch, 
consistant à mettre la dernière lettre de l'alphabet à 
la place de la première, et ainsi de suite, le if = b et le 
c = 1, c'est-à-dire Babel. Jer., xxv, 26; li, 41. Dans ce 
dernier passage, Sésach est mis, en effet, en parallélisme 
avec Babylone. Saint Jérôme, In Jer., xxv, 26, explique- 
en détail comment Sésach = Babel, Babylone, t. xxiv, 
col. 838-839. Cf. A. Berliner, Beitrâge zur hebrâischen 



1685 



SÉSACH 



SEUIL 



1686 



Grammatik im Talmud, in-8», Berlin, 1879, p. 42-14. 
"Voir Athbasch, t. i, col. 1210. 

SÉSAI (hébreu: SêSai; Septante : 'Zzaae.i, So-jaaei', 
Eecraei), un des Énacites qui habitaient à Hébron à 
l'époque de la conquête de la Palestine et qui en fut 
chassé par Caleb. Num., xm, 23 (Vulgate : Sisai) ; Jos., 
xv, 14; Jud., i, 10. Quelques commentateurs croient que 
le nom de Sésaï, comme celui des autres fils d'Énac 
qui lui sont associes, Ahiman et Tholmaï, désigne 
une tribu ou un clan. Voir Ahiman 1, t. i, col. 293; 
Énacites, t. il, col. 1766. 

SÉSAN (hébreu : Sêëdn; Septante : Edxrâv), descen- 
dant de Jéraméel, le fils d'Hesron, de la tribu de Juda. 
Sésan était fils de Jési. Il eut une fille appelée Oholaï, 
qu'il maria à un de ses esclaves d'origine égyptienne, 
Jéraa. I Par., n, 31, 34. Voir Oholaï, t. m, col. 1760; 
Jéraa, t. m, col. 1256. 

SETH (hébreu : Sêt; Septanle : S^8), troisième fils 
d'Adam, Eve l'appela de ce nom disant : « Dieu m"a 
donné, êât, un autre fils à la place d'Abel que Caïn a 
tué. » Gen., iv, 25. Il fut le père d'Énos, jt. 26 (voir 
Énos, t. n, col. 1812) qu'il engendra à l'âge de 105 ans. 
Il mourut à l'âge de neuf cent douze ans. Gen., v, 38; 
I Par., i, 1; Luc, m, 38. L'Ecclésiastique, xlix, 16, 
rappelle comme glorieux son nom avec celui de Sem 
(le texte hébreu a de plus le nom d'Énos). — Dans les 
Nombres, xxiv, 17, la Vulgate traduit un vers de la pro- 
phétie de Balaam de la manière suivante : « (Une verge 
d'Israël) ruinera tous les enfants de Seth. » Beaucoup 
de commentateurs modernes entendent par benê-Sêf, 
« les enfants de tumulte », c'est-à-dire les belliqueux 
enfants de Moab, nommés expressément dans le mem- 
bre parallélique du verset. Jérémie, xlviii, 45, appelle 
d'une façon analogue les Moabites benê Sâ'ôn, Vulgate : 
filii tumullus. 

SÉTHAR {Sèfâr; grec Hapaaeaîoç), un des sept 
grands de Perse qui avaient 
le privilège d'approcher de 
la personne du roi (fig. 
362). Esth., i, 14. Le roi As- 
suérus les consulta pour 
avoir leur avis sur le traite- 
ment qu'il devait infliger à 
la reine Vasthi, rebelle à ses 
ordres. Cf. 1 Esd., vu, 14; 
Ctésias, Persica, 14, édit. 
Didot, p. 48-49; Hérodote, 
ni, 84, édit. Didot, p. 165. 
D'après J. Oppert, Conim. 
du livre d'Eslher, dans les 
Annales de philosophie chré- 
tienne, janvier 1864, 1. lxviii, 
p. 25, Séthar serait le perse 
Saïlar, « dominateur ». 




362. — Un grand de Perse. 
D'après une pierre pré- 
cieuse. G. Kossowiez, 
Inscriptiones palaso- 
persiese, in-8", Saint- 
Pétersbourg, 1872, In- 
scriptionum transcri- 
ptio, p. 39. 



SÉTHRI (hébreu : Sitri; 
Septante : Seypei), lévite, 

troisième fils d'Oziel, de la descendance de Caath. 
Exod., vi, 22. Voir Oziel 1, t. iv, col. 1947. 

1. SÉTIM, SETTIM, localité dont le nom complet 
est Abelsatim. La Vulgate écrit Settim, Num., xxv, 1, 
et Sétim, Jos., n, 1; m, 1; Mich., vi, 5. Voir Abelsa- 
tim, t. i, col. 33. 

2. SÉTIM (BOIS DE), Exod., xxv, 5, etc. Voir 
Acacia, t. i, col. 101. 



SÉTRAI (hébreu : Sitraï (chetib), Sirtaï (qeri); 
Septante : Sarpai), Saronite, chargé de faire paître les 
troupeaux du roi David dans la plaine de Saron. 
I Par., xxvii, 29. 

SEUIL (hébreu : saf, miftân; Septante : çXii, upô9u- 
pûv, Ttp^nuXov; Vulgate : limen), pièce de bois ou de 
pierre placée sur le sol, en travers de l'ouverture d'une 
porte (fig. 363). — Le lévite d'Éphraïm trouva sa femme 
morte, étendue à l'entrée de la maison, les mains sur le 
seuil. Jud., xix, 27. Après l'introduction de l'Arche dans 
le temple de Dagon, la tête et les mains de l'idole furent 
trouvées sur le seuil. I Reg., v, 4. Le seuil était consi- 
déré comme l'habitation des esprits. Dans le poème de la 
Descente d'Istar aux enfers, XIV, verso, 26, la déesse 
infernale prononce cette malédiction : « Les seuils des 
portes, qu'ils soient ton habitation ! » Cf. Dhorme, Les 
livres de Samuel, Paris, 1910,p.56. La femmede Jéro- 
boam franchissait le seuil de sa maison, à Thersa, quand 
son enfant mourut. III Reg.,xiv,17. — Dans une vision, 
Isaïe, vi, 4, constate que, dans la demeure de Dieu, la 
voix des séraphins ébranle «les fondements des seuils », 
'ammô( has-siffîm, xh OitépSypov, « le linteau », super- 
lirninaria cardinum, « les linteaux des gonds ». Amos, 
ix, 1, entend le Seigneur ordonner que les seuils d'un 
temple soient ébranlés. Mais comme ils doivent tomber 
sur la tête des impies, il est possible qu'au lieu de 
siffîm, « seuils », il y ait à lire siffûn, « plafonds ». 
Cf. V. Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 
1908, p. 278. Dans Zacharie, xn, 2, les versions tradui- 
sent : «Je ferai de Jérusalem un seuil d'ébranlement. » 
Mais saf veut dire à la fois « seuil » et « coupe », et le 
second sens convient ici, saf-ra'al, « coupe de vertige. » 
Sophonie, I, 9, annonce le châtiment de ceux qui 
« sautent par-dessus le seuil » de la maison de leurs 
maîtres. Plusieurs pensent qu'il s'agit là d'une super- 
stition empruntée aux Philistins : après la mésaventure 
arrivée à leur idole, ceux-ci évitaient de poser le pied 
sur le seuil de son temple. I Reg., v, 5. Saint Jérôme, 
In Soph., t. xxv, col. 1346, mentionne celte interpré- 
tation, et le Targum parle ici de « ceux qui vivent d'après 
les institutions des Philistins. » Mais la persistance 
d'un pareil usage parmi les Israélites au temps de 
Josias est fort problématique. Comme le verbe dâlag 
signifie non pas « sauter par-dessus», mais simplement 
a sauter », le prophète a vraisemblablement en vue 
ceux qui sautent sur le seuil des princes, c'est-à-dire 
les serviteurs qui se montrent empressés et joyeux 
pour satisfaire leurs caprices impies. Cf. V. Hoonacker, 
lbid., p. 512, 513. Sophonie, H, 14, dit encore que la 
dévastation, horéb, sera sur le seuil du palais d'Assur. 
Les versions ont lu 'orêb, xôpaxeç, corvus, le « corbeau ». 
— Ezéchiel parle plusieurs fois de seuils dans ses vi- 
sions et sa description du Temple. Il voit la gloire de 
Dieu venir sur le seuil du Temple et s'en retirer. Ezech . , 
ix, 3; x, 4, 18. Les Septante traduisent ici, comme plus 
loin, xlvii, 1, par aî'Opiov, qui est une appropriation 
grecque du latin atrium, Le seuil du portique du Temple 
a une canne (3™217) de largeur. Ezech., xl, 6, 7. Les 
Septante emploient ici et xlvi, 2, le mot atXau, transcrip- 
tion de l'hébreu 'êldm, terme d'architecture qui revient 
plusieurs fois dans ce chapitre XL, mais dont le sens 
précis n'est pas connu. Les seuils du Temple sont re- 
couverts de bois. Ezech., xli, 16. Le jour du sabbat et de 
la néoménie, le prince se prosternera sur le seuil du por- 
tique. Ezech., xlvi, 2. Le prophète voit des eaux jaillir de 
dessous le seuil du Temple. Ezech., xlvii, 1. Le Seigneur 
se plaint de ce que, du temps du premier Temple, les 
rois avaient mis leur seuil auprès de son seuil, leurs 
poteaux auprès de ses poteaux, souillant ainsi sa demeure 
sainte par leurs prostitutions, leurs cadavres et leurs 
hauts lieux. Ezech., xliii, 7, 8. Le palais royal était en 
eiïet contigu à l'enceinte du Temple. Voir le plan, t. m, 



1687 



SEUIL — SEVRAGE 



1688 



col. 1356. — Au miffân, seuil inférieur, correspond le 
masqôf, seuil supérieur ou linteau. La Vulgate l'appelle 
superliminare, mais emploie aussi ce mot pour dé- 
signer le seuil proprement dit. Is., vi, 4; Am., rx, 1; 
Zach., xn, 2. Les Septante devraient le nommer -JTrép- 
Oupov, mais ils ne se servent de ce mot que dans Isaïe, 
vi, 4. Il est question du linteau au moment de la pre- 
mière Pàque : les Hébreux doivent le marquer avec 
le sang de l'agneau pascal. Exod., xn, 7,22,23. VoirLus- 
TRATiON,t. îv, col.425. — Au substantif saf se rattache le 
verbe sdfaf, se se tenir sur le seuil ». Le Psalmiste 
préfère se tenir sur le seuil de la maison de Jéhovah 
plutôt que d'habiter sous les tentes des pécheurs. 
Ps. lxxxiv (lxxxiii\ 11. Les versions ont traduit par 
itapapiTtTSÏffUa'., abjectus esse,n être méprisé », en pre- 
nant le verbe hébreu dans un sens moral. — Le nom 



l'exercice de la sévérité dans les exhortations et les 
reproches, mais avec patience et de manière à ins- 
truire. II Tim., iv, 2. Cette sévérité sera rigoureuse 
à l'égard des Cretois, Tit., i, 13, mais elle doit être 
absente des avertissements donnés aux vieillards. I Tim., 
v, 1. H. Lesêtre. 

SEVRAGE,suppression du lait maternel à un enfant. 
Cette suppression est indiquée par le verbe gdmal, 
âitoyaiaxTfïsiv, ablactare, « sevrer ». — Le sevrage 
des enfants est assez tardif en Orient. « II n'est pas 
rare en Palestine et en Syrie de voir des enfants jouer 
en mangeant une galette de pain, et quitter leur jeu 
pour aller boire au sein de leur mère. Les femmes 
bédouines donnent le sein à leurs enfants jusqu'à l'âge 
de cinq et même de sept ans. Cet allaitement mixte 




■ Seuil assyrien. Musée du Louvre. 



de Somê has-saf, « gardiens du seuil », o! cp\ùâ<j<iovTsç 
xbv 5ta6 u,<jv, gui cuslodiunt oslia, est donné aux portiers 
du Temple, IV Reg., xn, 9; xxn, 4; xxm, 4; xxv, 18; 

I Par., ix, 19; II Par., xxxiv, 9; ,1er., xxxv, 4; lu, 
24, et à ceux du palais de Suse. Esth., h, 21; vi, 2. 

H. Lesêtre. 
SÉVÉRITÉ (grec : à7roro|iîa; Vulgate : severitas), 
rigueur dans les procédés dont on use envers quelqu'un. 
— Ézéchiel, xxxiv, 2-4, reproche aux pasteurs d'Israël 
la sévérité égoïste qu'ils ont exercée à l'égard de leur 
peuple. Daniel, n, 15, trouve sévère, niehafaefdh, 
àvai6iT|Ç, crudelis, la sentence royale qui condamne à 
mort tous les sages de Babylone. Une sentence sem- 
blable envoya à la fournaise les trois jeunes hommes. 
Dan., m, 22. Dieu a châtié les Égyptiens en roi sévère, 
Sap., XI, 11, et il réserve aux puissants un jugement 
sévère. Sap., VI, 6. Les pharisiens étaient sévères pour 
les autres, mais indulgents pour eux-mêmes. Malth., 
xxm, 3, 4. Dieu se présente comme un maître sévère, 
qui demande un compte rigoureux des biens qu'il a 
confiés à l'homme. Matth., xxv, 24; Luc, xix, 21, 22. 

II est sévère contre ceux qui font le mal. Rom., xi, 
22. Son jugement sera sans miséricorde pour ceux qui 
auront été sans miséricorde. Jacob., h, 13. Voir Juge- 
ment de Dieu, t. m, col. 1837. Saint Paul recommande 



et prolongé a sa raison hygiénique dans un pays où les 
affections intestinales font périr un grand nombre 
d'enfants; aucune nourriture sans doute n'est aussi 
salutaire que le lait maternel. » Jullien, L'Egypte, 
Lille, 1891, p. 263. Voir Enfant, t. n, col. 1787. — 
Quand Isaac eut grandi, on le sevra et, à cette occasion, 
Abraham fit un grand festin. Gen., xxi, 8, 9. Quand 
Moïse eut été sevré par sa mère, on le conduisit à la 
fille du pharaon qui l'adopta et le fit élever. Exod., 
n, 9. Anne sevra son fils Samuel et ensuite le mena 
dans la maison du Seigneur, à Silo, pour l'y consacrer. 
I Reg., i, 22-24. Adad, de la race royale d'Édom, reçut 
pour épouse en Egypte Taphnès, belle-sœur du pharaon. 
Le fils qu'il en eut, Génubath, une fois sevré, fut 
élevé à la cour égyptienne. III Reg., XI, 19, 20. Cf. Ose., 
I, 8. Moïse, Samuel et Génubath furent nécessairement 
sevrés à un âge assez tardif, alors qu'ils pouvaient se 
passer des soins immédiats de leur mère. Sous Ézé- 
chias,on exemptait des distributions lévitiques ceux qui 
servaient dans le Temple et y recevaient le nécessaire 
pour eux et leurs enfants de trois ans et au-dessus. II 
Par., xxxi, 16. Les enfants au-dessous de trois ans 
n'avaient rien à recevoir, parce qu'ils n'étaient pas 
encore sevrés. La mère des sept frères martyrisés par 
Antiochus Épiphane rappelle à son plus jeune fils 



1689 



SEVRAGE — SIBYLLINS (ORACLES) 



1690 



qu'elle l'a allaité durant trois ans. II Mach., vu, 27. Les 
Hébreux ne sevraient donc leurs enfants que vers l'âge 
de trois ans. Les Égyptiens faisaient de même. Voir 
t. il, col. 1787. Mahomet, Koran, n, 233, veut que les 
mères allaitent leurs enfants deux ans complets, si le 
père veut que le temps soit complet. — Dans sa des- 
cription de l'âge messianique, Isaïe, xi, 8, dit que 
l'enfant à peine sevré mettra sa main, sans dommage, 
sur la prunelle du basilic. Les Israélites de son temps 
accusent le prophète de répéter toujours les mêmes 
choses, comme s'il voulait enseigner la sagesse à des 
enfants à peine sevrés et détachés de la mamelle. Is., 
xxxvm, 9. Pour exprimer son humilité et sa confiance 
en Dieu, l'auteur du Psaume cxxxi (cxxx), 2, s'exprime , 
ainsi : 

l 
Je tiens mon âme dans le calme et le silence, 
Comme un enfant sevré sur le sein de sa mère, , 

Comme l'enfant sevré, mon âme est en moi. 

Le petit enfant qui vient d'être sevré se tient tout hum- i 
ble sur le sein de sa mère; il attend avec confiance 
qu'elle remplace par une autre nourriture celle dont 
elle vient de le priver. H. Lesëtre. 

SIAA (hébreu : Sï'âhâ; Septante :Siaà), chef d'une 
famille de Nathinéens revenue de la captivité avec 
Zorobabel en Palestine. I Esd., n, 44; II Esd., vu, 48 
(hébreu : Si'à", II Esd., vu, 47). Voir Siaha. 

SIAHA (hébreu : $îha; manque dans les Septante), 
chef ou ancêtre éponyme d'une famille de Nathinéens 
qui habitèrent à Ophel au retour de la captivité de 
Babylone. II Esd., xi, 21. Ce nom peut être identique 
à Siaa. 

SIBA (hébreu : $ibâ', Septante : 2i6i SigSâ), ser- 
viteur de la maison de Saùl. Il avait lui-même quinze 
fils et vingt serviteurs ou esclaves. David, à cause des 
promesses qu'il avait faites à son ami Jonathas, fils 
aîné de Saùl, s'informa auprès de lui du sort des 
enfants de Jonathas et il apprit qu'un de ses fils, 
infirme et boiteux, nommé Miphiboseth, vivait à l'est 
du Jourdain dans le pays de Galaad. Le roi fit venir ce 
dernier à Jérusalem, lui rendit les biens de Saûl, lui fit 
partager sa table etchargea Siba d'administrer ses biens. 
1,1 Sam. (Reg., ix). Siba fut infidèle à son maître au 
moment de la révolte d'Absalom. Il amena au roi fugitif 
les ânes et les provisions de Miphiboseth et lui dit que 
le petit-fils de Saûl était resté à J érusalem pour remonter 
sur le trône de son grand-père. David le crut et donna 
à Siba tous les biens du malheureux fils de Jonathas. 
Il Sam., xvl, 1-4. Celui-ci n'eut pas de peine à se jus- 
tifier au retour de David à Jérusalem, mais le roi ne 
lui rendit cependant que la moitié de ses biens et 
laissa l'autre à l'intendant infidèle, II Sam., xix, 24-30, 
voulant sans doute réparer l'injustice qu'il avait com- 
mise envers lui, mais récompenser aussi en même 
temps le service que lui avait rendu Siba en l'appro- 
visionnant dans sa détresse. 

SIBAN, orthographe dans la Vulgate, Es th., vin, 
9, du nom du troisième mois hébreu appelé Sivan. Voir 
Sivan. 

SIBBOLETH (hébreu : Sibbôlél), prononciation 
défectueuse du mot Sibbôlêt, « épi », qui fit recon- 
naître les Ephraïmites par les Galaadites au gué du 
Jourdain. Jud., xii, 6. Voir Jephté, t. m, col. 1256. 

SIBYLLINS (ORACLES). Sous le titre de 
« Oracles des sibylles » (ot ÊiêuXXiaxoî xp»W>0> il 
exista un recueil de vers en quatorze livres, qui par 
ses morceaux les plus anciens appartient à la littéra- 



ture hellénistique juive, et qui a été longtemps tenu 
pour un authentique recueil d'oracles des sibylles 
païennes. Michel-Ange a peint cinq de ces sibylles à 
côté de sept prophètes de l'Ancien Testament, à la voûte 
de la chapelle Sixtine. 

On avait dès longtemps, en effet, cru à l'existence de. 
recueils d'oracles des sibylles. Varron, dans un pas- 
sage de ses Libri divinarum rerum cité par Lactance, 
raconte que les livres sibyllins ne sont pas d'une seule 
sibylle, mais qu'on les appelle sibyllins parce que chez 
les anciens (les anciens de Varron) toutes les femmes 
qui vaticinaient portaient le nom de sibylles. Ce nom 
leur venait de la sibylle de Delphes, suppose Varron. 
Une étymologie est risquée par Varron : en dialecte 
éolien, dit-il, on disait oioit pour Oeoùï et ëoOXXav pour 
ëo-jXriv : sibylle était donc synonyme de 8so3o-jXyi, volonté 
ou décret des dieux. Celte étymologie est controuvée, 
mais on n'en a pas proposé de plus sortable depuis 
Varron, et le mot sibylle reste d'origine inconnue. 

Varron énumère, dans.ce même passage cité par Lac- 
tance, les sibylles qu'il connaît, au nombre de dix : — 
la sibylle de Perse, la sibylle de Libye, la sibylle de 
Delphes, la sibylle Cimmérienne (en Italie), la sibylle 
d'Erythrée (en Ionie), la sibylle de Samos, la sibylle de 
Cumes, la sibylle d'Hellespont, la sibylle de Phrygie, 
enfin la sibylle de Tibur. Varron rapporte encore que 
la sibylle de Cumes vint trouver Tarquin l'Ancien et lui 
offrit neuf livres de prophéties pour trois cents pièces 
d'or. Le roi ayant refusé de les payer si cher et ayant 
traité la sibylle de folle, celle-ci jeta trois de ses livres 
au feu, et offrit les six restants au roi pour le même 
prix que d'abord. Le roi refusa déplus belle. La sibylle 
jeta trois autres livres au feu, et offrit les derniers res- 
tants toujours pour le même prix. Du coup, le roi se 
décida à les payer. Tel est le récit de Varron. Lac- 
tance, Divin. Institut., i, 6, édit. Brandt, t. i, p. 20-23. 

Un auteur du temps d'Auguste, cité là même par 
Lactance, Fenestella, rapporte que le temple de Jupi- 
ter Capitolin, qui avait été incendié en 83 avant notre 
ère, ayant été relevé, le sénat fit quérir les vaticinia 
de la sibylle d'Erythrée et recueillit ainsi environ mille 
vers qui furent apportés à Rome. Lactance ajoute, et 
ce témoignage vaut pour son temps, c'est-à-dire le 
commencement du iv e siècle : Harum omnium Si- 
byllarum carmina et feruntur et habentur, prsster- 
quam Cymaise, cujus libri a Romanis occultantur, 
nec eos ab ullo nisi a quindecimviris inspici fas ha- 
bent, et sunt singularum singuli libri. Lactance, 
ibidem. Quoi qu'il en soit des oracles de la sibylle de 
Cumes soi-disant réservés aux seuls Quindecim vin 
sacris faciundis, Lactance connaissait des carmina des 
sibylles qui étaient dans le domaine public. Il en cite 
de ceux que nous possédons. 

Nos Oracula sibyllina ont été édités pour la première 
fois par Xystus Betulejus à Bâle en 1545; réédités 
en 1555, en 1599, en 1689; insérés par Gallandi au 
tome I er de sa Bibliotheca veterum Patrum, Venise, 
1788. Remarquable édition par Alexandre, Oracula si- 
byllina, Paris, 1841-1856, et editio minor, 1869. Une 
édition critique récente a été donnée par J. Geffken, 
Die Oracula sibyllina, Leipzig, 1902, dans Die grie- 
chischen christlichen Schriftsteller de l'Académie de 
Berlin. On doit à M. Geffken un mémoire qui a pour 
titre Komposition und Entstehungszeit der Oracula 
sibyllina, Leipzig, 1902. Consulter aussi l'article de 
Bousset, Sibyllen und sibyllinische Bûcher, dans la 
Bealencyklopâdie de Hauck, t. xvm (1906); O. Bar- 
denhewer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, 
Fribourg, 1903, t. n, p. 651-625; E. Schûrer, Geschichte 
des jûdischen Volkesim ZeitalterJesu,3 c édit., Leipzig, 
1898, t. ni, p. 421-450. 

Les Oracula sibyllina nous sont parvenus dans un 
grand désordre et avec bien des lacunes. On n'a long- 



1691 



SIBYLLINS (ORACLES) 



1692 



temps connu que les huit premiers livres. Le cardinal 
Mai a le premier publié les livres XI-XIV, les livres 
IX-X manquent. Les manuscrits qu'on possède des 
Oracula sibyllina se partagent en trois familles, 
dont les deux premières ne donnent que les livres I- 
VIII; la troisième famille est celle qui a fourni à 
Mai les livres XI-XIV. Un livre XV est mentionné, 
dont on n'a rien. Voir F. Blass, dans Kautzsch, Die 
Apokryphen und Pseudepigraphen des Allen Tes- 
taments, Tubingue,1900, t. n, p. 181. 

Le recueil des Oracula sybillina s'ouvre par un 
prologue en prose, introduction qui d'ailleurs n'est 
donnée que par une famille de manuscrits sur trois. 
L'auteur de cette introduction expose l'intérêt qu'ont 
pour un chrétien ces oracles païens où le Christ est 
annoncé. Il énumère dix sibylles, empruntant ses 
informations à Lactance, qu'il prend pour un philo- 
sophe païen, prêtre du Capitule. Ce prologue a dû être 
écrit après la fin du v e siècle, avant la fin du vi e . 
L'auteur est sûrement un Byzantin, car il appelle Rome 
. P(i[iY] irpeog'jTspa, expression qui l'oppose à la nouvelle 
Rome, Conslantinople. 

Les oracles eux-mêmes sont en vers hexamètres et 
écrits dans le dialecte qu'on est convenu d'appeler 
homérique, eu égard à ce que de vieilles sibylles 
païennes ne devaient pas s'exprimer autrement qu'Ho- 
mère : nous avons affaire à un pastiche, qui n'est pas 
pourtant une œuvre sans beauté, car çà et là on y 
rencontre des développements animés d'un véritable 
souffle poétique. Si l'on veut comprendre l'origine 
première de ces faux oracles, il faut penser à ce qu'était 
le judaïsme alexandrin, à la prétention qu'il eut d'hellé- 
niser la religion juive, de lui donner une sorte de 
droit decité grecque, en propageant l'idée que les maîtres 
de la pensée grecque, Heraclite, Pythagore, Platon, et 
lesautres, n'étaient que des disciples de Moïse. Ce fut 
là, a pu dire M. Bousset, Die Religion des Tudentums 
imneutestamentlichenZeitalter, Berlin, 1903, p. 74, le 
dogme fondamental du judaïsme hellénisé. Pour le 
mieux établir, on attribua à Orphée, à Homère, à Hé- 
siode, à Pindare, à Eschyle, à Sophocle, à Euripide, 
etc., des textes apocryphes ou frelatés qui les accor- 
daient avec Moïse pour la plus grande gloire du 
judaïsme. Il y eut plus encore : à la littérature apoca- 
lyptique palestinienne dont le Livre d'Henoch est le 
spécimen le plus remarquable, littérature violemment 
nationaliste, s'oppose une littérature alexandrine, d'ins- 
piration universaliste, elle aussi tournée vers l'avenir 
pour le prophétiser, et de cette littérature les Oracles 
sibyllins sont le monument. Renan a dit : « La forme 
de l'apocalypse alexandrine fut ainsi le sibyllisme. » 
Les Évangiles, p. 162. Et il ajoute : « Quand un juif 
ami du bien et du vrai, dans cette école tolérante et 
sympathique, voulait adresser aux païens des avertisse- 
ments, des conseils, il faisait parler une des prophé- 
tesses du monde païen, pour donner à ses prédications 
une force qu'elles n'auraient pas eue sans cela... A côté 
de la fabrique juive de faux classiques, dont l'artifice 
consistait à mettre dans la bouche des philosophes et 
des moralistes grecs les maximes qu'on désirait incul- 
quer, il s'était établi, dès le II e siècle avant Jésus-Christ, 
un pseudo-sibyllisme dans l'intérêt des mêmes idées. » 
Cf. Schûrer, t. ni, p. 420. Ce sibyllisme juif n'eut que 
trop de succès, car il fut accepté sans défiance par des 
écrivains chrétiens, et il se trouva même parmi eux des 
lettrés assez entreprenants pour continuer le sibyllisme 
dans l'intérêt des idées chrétiennes. Ainsi se forma 
anonymement et collectivement cette collection de 
poèmes, qui, telle qu'elle est, a dit Schûrer, est un chaos 
désordonné que la critique la plus sagace n'arrivera 
jamais à passer au crible et à mettre en ordre. Il n'est 
même pas possible de séparer sûrement les éléments 
chrétiens des éléments purement juifs. Les plus 



anciens morceaux sont en tout cas juifs, mais peut- 
être contiennent-ils quelques oracles préexistants d'ori- 
gine païenne. Schûrer, p. 433. 

o) On est d'accord pour considérer le livre III des 
Oracula sibyllina comme la portion la plus ancienne 
du recueil. Ce livre III n'est d'ailleurs qu'un reste; en 
tête on lit-Êx toy SevTÉpou XfSyou et on y compte 829 vers, 
alors que la suscription de certains manuscrits en 
annonce 1034. Théophile d'Antioche [Ad Antolyc, h, 
36, t. vi, col. 1109) cite des vers de la sibylle (84 au 
total) sur la foi monothéiste, vers que l'on ne retrouve 
pas dans les manuscrits et que l'on pense avoir figurés 
primitivement en tête du poëme que constitue notre 
livre III. Par contre, ce livre III a aujourd'hui en têle 
des vers qui ne lui appartenaient primitivement pas : 
le morceau 63-96 est d'une main chrétienne; le mor- 
ceau 1-62 est à retrancher aussi du reste du livre. 
L'origine de ce morceau 1-62 semble juive: les vers46- 
62 peuvent dater de l'an 70 de notre ère. 

Mais le livre III (97-829), pour le reste, est juif et il 
constitue ce que Bousset appelle la plus ancienne, 
la plus importante et la plus riche des sibylles. 
Sous forme de prophétie de l'avenir, car la sibylle se 
donne elle-même pour la belle-fille de Noé (v. 827), 
toute l'histoire juive est décrite à grands traits, en com- 
mençant au récit de la tour de Babel et de la confu- 
sion des langues, et en menant de front l'histoire du 
peuple de Dieu et l'histoire de l'humanité telle que 
les Grecs la racontaient, le règne de Cronos, la révolte 
des Titans, puis les grands royaumes, Egypte, Perse, 
Médie, Ethiopie, Assyrie, Macédoine, Egypte à nouveau, 
Rome enfin. Il y a des redites et des retours, car 
l'unité de composition est ce qui manque le plus à ce 
poème : mais il y a insistance sur la gloire d'Israël, sur 
sa vocation providentielle qui est d'être la lumière des 
nations pour la connaissance du vrai Dieu. Les épreuves 
ne manqueront pas à Israël, mais un roi se lèvera un 
jour, envoyé de Dieu pour détruire les ennemis de son 
peuple, et la lin des choses viendra après sa victoire. 
Nous avons là les thèmes bien connus de l'apocalyp- 
tique juive. La venue du roi sauveur estannoncée comme 
devant se produire sous un roi grec d'Egypte, qui est 
le septième de sa race (v. 608-614), et que les critiques 
identifient avec Ptolémée VII Physcon (145-117 avant 
J.-C). On en conclut que le sibylliste du livre III a dû 
écrire son poème, vers 140, en Egypte. 

Cette datation, qui est celle qu'adopte Schûrer, 
parait probable. Néanmoins, on a voulu reconnaître 
parmi les événements prédits parle sibylliste du livre III 
quelques événements plus récents que Ptolémée VII, 
et faire de l'auteur un contemporain des derniers temps 
des Machabées, eu égard notamment à ce qu'il viserait 
la guerre des Romains contre Mithridate, en 88. Schûrer, 
p. 434-439; P. Lagrange, Le messianisme chez les 
Juifs, Paris, 1909, p. 81-83; Geffken, Komposition,p. 88. 

Dans le livre III, les vers 63-96 sont un morceau 
chrétien, décrivant, sous forme apocalyptique, la mission 
d'un faux Messie, Béliar, sorti de Samarie. Ce Béliar 
serait, pour M. Geffken, p. 15, Simon le magicien; la 
date de cette petite apocalypse serait indéterminable. 

6) Le livre IV (192 vers) est un poème court, mais 
complet. Il contient un éloge de la justice : Dieu ven- 
gera un jour les justes des persécutions qu'ils ont à 
supporter. Toutes les péripéties de l'histoire se déroulent 
avant ce jour de Dieu. Suit une description de la fin. 
Saint Justin (Apolog., xx, 1, t. vi, col. 357) fait allusion 
à cette description de la fin dumonde parlefeu. L'auteur 
de cette petite apocalypse, qui est sûrement un juif, con- 
naît la légende de la survivance supposée de Néron, la 
ruine de Jérusalem par Titus, l'éruption du Vésuve en 
79. On suppose qu'il a écrit en 80. Schûrer, p. 441-442; 
Lagrange, p. 64-65; Geffken, p. 20. 

c) Le livre V (531 vers) est un conglomérat de divers 



1693 



SIBYLLINS (ORACLES) — SICELEG 



1694 



oracles ou fragments d'oracles, dans lequel on dis- 
tingue cependant un auteur principal, qui est, semble* 
t-il, un juif d'Egypte : il parle de la ruine de Jérusa- 
lem en 70 comme d'un événement qui est arrivé sous 
ses yeux : il peut avoir écrit sous Domitien ou Nerva, 
dans les deux derniers decennia du premier siècle. 
D'autres morceaux sont plus récents : en tête (1-51) 
figure une revue des empereurs romains qui va jusqu'à 
Hadrien, l'auteur est un juif du temps de Marc Aurèle. 
En guise de conclusion (512-531), peut-être a-t-on 
affaire à un morceau d'une apocalypse gnostique. Ça 
et là, quelques interpolations chrétiennes. Schûrer. 
p. 442-443 ; Geffken, p. 22-29. 

d) Le livre VII (162 vers) est une pièce très curieuse, 
chrétienne d'origine, pas catholique, venue proba- 
blement de quelque milieu judéo-chrétien, vers le mi- 
lieu du second siècle, si nous en croyons M. Geffken, 
p. 33-37. 

e) Le livre VI (28 vers) est une prophétie de la mis- 
sion du Christ, de ses miracles, de sa mort sur la croix. 
M. Geffken l'appelle un hymne, l'attribue au second 
siècle, et y voit l'œuvre d'un hérétique, sans qu'il puisse 
déterminer à quelle hérésie il appartient. Geffken, 
p. 31-32. Ce morceau était célèbre : il a élé cité par 
Lactance, Divin. Institut., iv, 13, 21, édit. Brandt, 
p. 322. 

f) Le livre VIII (500 vers) est, au jugement de Geffken, 
un vrai modèle du genre. L'auteur est un chrétien. 
Son poème a été connu par Lactance; mieux encore, 
par Théophile d'Antioche, ce qui nous reporte à la 
fin du second siècle; ce serait donc au plus tard peu 
avant 180 que le poème aurait été mis en circulation. 
Il est pour une part fait de pièces plus anciennes, que 
Geffken analyse comme suit : 1° une pièce païenne, 
fragmentaire (131-138, 151-159, 160-168); 2» une pièce 
chrétienne, moitié historique, moitié eschatologique 
(50-72, 139-150, 169-216, 337-358); 3» une pièce chré- 
tienne violemment anti-romaine, en partie eschato- 
logique (1-49, 73-130); 4° la fameuse pièce, eschato- 
logique, formant acrostiche sur les mots : 'Iï]<7o-j; 
Xpetoroç ôeoîj utbç <tù)tï]? (rraupot; (217-250); 5° un long 
morceau résumant l'histoire évangélique (251-323), un 
autre moral (324-336, 480-500), un autre eschatologique 
(359-428), un autre sur l'incarnation du Verbe (429-479). 
Si cette répartition des sources du livre Vlllestacceptée. 
ce livre apparaît comme un agrégat de morceaux très di- 
vers et cependant bien fondus dans l'unité de style que 
lui a donnée le rédacteur final. Ce rédacteur semble 
devoir être cherché au second siècle, à l'époque des 
apologistes, vers 150-160; c'est un contemporain de 
saint Justin, au jugement de Geffken, p. 46. M. Bousset, 
cependant, croit que le compilateur du livre VIII est 
plus récent; il le date du 111 e siècle, et en fait un con- 
temporain de la reine Zénobie, vers 270. Bousset, art. 
cit., p. 275. 

La pièce acrostiche est peut-être le morceau le plus 
célèbredes Oracula sibyllina. Au dire de Cicéron les 
anciennes sibylles usaient d'acrostiches comme d'une 
forme ënigmalique à donner à leurs oracles [De divi- 
nalione, n, 54) : en conséquence, on voyait dans l'acros- 
tiche sur le Sauveur un bon signe de l'authenticité de 
la prophétie attribuée à la sibylle Erythrée. Saint 
Augustin raconte, DeCiv. Dei,xvm, 23, t. xli, col. 579, 
que son ami Flaccianus, qui avait été proconsul et qui 
était un homme fort instruit, lui montra un jour un 
manuscrit grec qui se donnait pour des carmina Si- 
byllse Erythree.se, et où se lisait notre acrostiche. Augus- 
tin rapporte là mêmequ'il connaissait une version latine 
versibus maie latinis et non stantibus, faite par un 
inconnu, de cet acrostiche fameux. Et il en cite une 
version latine meilleure et en vers corrects. Eusèbe 
dans le discours Ad sanctorum cœtum qu'il prête à 
l'empereur Constantin, cite tout au long l'acrostiche, 



comme une prophétie faite du Christ par la sibylle 
Erythrée, prêtresse d'Apollon, dans la sixième généra- 
tion après le déluge. Eusèbe, Ad sanctorum cœtum, 18, 
édit. Heikel, p. 179-181. Eusèbe sait que beaucoup de 
bons esprits ne croient pas à l'authenticité du prétendu 
oracle de cette sibylle, mais, pour lui, il n'estime pas 
ces doutes justifiés, car il sait que, avant la naissance 
du Christ, Cicéron a connu cette pièce acrostiche et 
qu'il l'a traduite et insérée dans ses propres écrits. 
lbid., 19. Cette assertion d'Eusèbe est sans fondement. 
L'acrostiche de notre sibylliste a été très populaire au 
moyen âge. C'est à lui que fait allusion le Dies iree 
(Thomas de Celano, XIII e siècle) : ...solvet sœclum in 
favilla, teste David cum Sibylla. 

g) Les livres I er (400 vers) et II (347 vers) forment un 
tout, qui serait une réfection chrétienne exécutée dans 
la seconde moitié du m e siècle, d'un écrit sibylliste 
juif de date indéterminée. Bardenhewer,p.653. Geffken, 
p. 52. Au livre I er , les vers 319-400 présentent une prophé- 
tie de la venue du fils de Dieu parmi les hommes, de 
sa prédication, de ses miracles, de sa résurrection. Le 
rédacteur de ce morceau emprunte au livre VIII». Ce 
même rédacteur a interpolé la première partie du livre I er 
d'emprunts aux livres VII et VIII. Dans le livre II, les 
vers 34-153 sont une suite de maximes de morale, d'une 
inspiration qui peut être juive ou stoïcienne. Le mor- 
ceau II, 238-347, est une description du jugement pré- 
sidé par le Christ. Parmi les pécheurs punis le sibylliste 
signale des prêtres et des diacres prévaricateurs. Le châ- 
timent des pécheurs ne durera qu'un temps, et ils seront 
à la fin pardonnes et réunis aux élus dans la vie éternelle 
des champs Elysées. Sur quoi un lecteur orthodoxe a 
interpolé sept vers de protestation contre cette erreur 
et contre Origène qui en est l'auteur. 

M. Bousset identifie l'auteur de III, 63-96, avec l'auteur 
du remaniement dulivrell.et retrouve dans 111,77 sq., 
des allusions à Zénobie survivant (267-273) au meurtre 
de son mari Odenath. Bousset, p. 275. 

h) Les livres XI, XII, XIII (324, 299 et 173 vers) sem- 
blent à M. Bardenhewer former une suite et avoir été 
écrits par la même plume : le sibylliste déroule l'his- 
toire universelle depuis l'ancienne Egypte jusqu'au 
règne de Gallien. Il était chrétien et appartient à la se- 
conde moitié du III e siècle. Le livre XIV (361 vers) est 
peut-être du même écrivain que les livres XII et XIII. 
Geffken, p. 61-62, rattache XII et XIII au christianisme 
du temps et de l'entourage de Zénobie; mais XI serait 
d'une plume juive du m« siècle, XIV également et du 
IV e siècle au plus tôt. Bardenhewer, op. cit., p. 655. 

L'histoire littéraire témoigne du crédit dont ont joui 
jadis les Oracula sibyllina. Ils sont connus et cités par 
Alexandre Polyhistor, vers 80-40, avant notre ère. 
Schûrer, p. 444. Il est douteux que Virgile, dans sa 
fameuse quatrième églogue doive rien aux sibyllistes 
juifs. Ibid.,j>. 445. Sur l'usage que les Pères de l'Église 
ont fait d'eux, voyez Vervorst, De carminibus sibylli- 
nis apud sanctos Patres disceptatio, Paris, 1844; 
Besançon, De l'emploi que les Pères ont fait des oracles 
sibyllins, Montauban, 1851; et Schûrer, p. 446-447. 
Pour la bibliographie détaillée du sujet, Schûrer, 
p. 448-450. P. Batiffol. 

SICELEG (hébreu : Siqlag; Septante : SsxeXctx, 
SixeXix), ville de la tribu de Juda, Jos., xv, 21, qui fut 
donnée à la tribu de Siméon. Jos., xix, 5; I Par., iv, 
30. — 1° Le site n'en a pas été reconnu d'une manière 
certaine. Les explorateurs anglais ont proposé de 
l'identifier avec les ruines de Zouheilikéh, à l'est-sud- 
est de Gaza. Ces ruines couvrent trois collines basses, 
à six kilomètres environ au nord de l'ouadi es Seri'a, 
qu'on croit être le Besor de I Sam. (Reg.), xxx, 9, 
10, 21. Voir la carte de la tribu de Juda, t. m, vis- 
à-vis col. 1759. Cf. Besor, t. i, col. 1641. — 2» Siceleg 



1695 



SIGELEG 



SIGHEM 



1696 



était an pouvoir des Philistins du temps de Saûl. 
Achis, roi de Geth, en donna la possession à David qui 
s'était réfugié auprès de lui pour échapper à la per- 
sécution de Saûl et c'est ainsi que cette ville entra 
dans le domaine des rois de Juda. I Sam. (Reg.), xxvu, 
6-7. David y résida jusqu'à la mort de Saûl. Quand les 
Philistins rassemblèrent leurs forces dans la plaine de 
Jezraël pour combattre le roi d'Israël, Achis emmena 
avec lui David et ses compagnons. Les autres chefs 
philistins ne voulurent point les avoir au milieu d'eux. 
David revint donc à Siceleg, mais, à son arrivée, il 
trouva la ville dévastée et pillée par les Amalécites. Il 
se mit aussitôt à leur poursuite avec ses hommes, dont 
le nombre s'était augmenté à Siceleg même depuis 
qu'il s'y était établi, I Par., xn, 1, 20, et il enleva aux 
pillards tout ce qu'ils lui avaient pris. I Sam. (Reg.), xxx. 
C'est là, au retour de celte expédition contre les Ama- 
lécites, qu'il apprit la mort de Saûl. II Sam. (Reg.), 
I, 1; IV, 10. — Siceleg n'est plus nommée qu'une fois 
dans l'Écriture : des descendants de Juda s'y établirent 
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 28. 

SICHAR (Nouveau Testament : Eujrâp), localité de 
Samarie, où habitait la Samaritaine qui allait puiser 
de l'eau au puits de Jacob. Joa., rv, 5. Voir Samari- 
taine, col. 1424. Sichar n'est nommée que dans ce 
seul passage. Saint Jérôme, dans sa version de VOno- 
masticon d'Eusèbe, t. xxm, col. 923, s'exprime ainsi 
sur sa situation : Sichar, ante Neapolim, juxta agrum 
quem dédit Jacob filio suo Joseph, in quo Dominus... 
Samaritanx mulieri ad puteum loquitur, ubi nunc 
Ecclesia fabricata est. Les ruines de cette église ont 
été retrouvées; elle vient d'être relevée par les Grecs, 
et les pèlerins peuvent boire maintenant de l'eau du 
puits qui a été très longtemps obstrué. Voir fig. 291, 
col. 1425; cf. Jacob (Puits de), t. m, col. 1075. L'opi- 
nion qui a soutenu pendant longtemps que Sichar 
était un nom donné par dérision à Siçhem n'est plus 
soutenable. L'eau abonde à Sichem et la Samaritaine 
ne serait pas allée la chercher au puits de Jacob, si 
elle l'avait eue sous la main près de sa demeure. Joa., 
iv, 15. Le pèlerin de Bordeaux, en 333, distingue 
nettement Sichar de Sichem, Jtiner., t. vm, col, 790. 
On peut affirmer aujourd'hui avec la plus grande 
vraisemblance que Sichar est el-Askar, village situé 
sur les dernières pentes du mont Hébal. Voir A. Neu- 
bauer, Géographie du Tahnud, in-8", Paris, 1868, 
p. 169-171 ; Lightfoot, dans la Contemporary Revieiv, 
mai 1875, p. 860-863. 

1. SICHEM (hébreu : Sekém; Septante : Si>xÉpO,fils 
d'Hémor l'Hévéen, du temps de Jacob. Il enleva Dina, 
fllle de Jacob, et ses frères, pour la venger, persuadèrent 
au ravisseur de se circoncire avec tous les habitants 
de la ville de Sichem, puis les massacrèrent lors- 
qu'ils ne pouvaient se défendre. Gen.,xxxm, 19; xxxiv, 
2-26. Voir Dîna, t. n, col. 1436. — Sichem est encore 
nommé comme fils d'Hémor dans Jos., xxiv, 32;Jud., 
ix, 28; Act., vu, 16. 

2. SICHEM (hébreu : Se kém; Septante : ~S,J- / s V .;[xi] 
Sixtjia; S^xiVa, Gen., xxxv, 4 et 5; Valicanus : r, 
Sixtpa, III Reg., xn, 25), ville de la tribu d'Éphraïm, 
remplacée par Néapolis. 

I. Identification et situation. — L'identité de 
Sichem avecNaplouseest communément admise. Cf. Mi- 
drasch Rabboth, Bamidbar, c. xxm, Neubauer, Géogra- 
phie du Talmud, Paris, 1868, p. 169; S. Épiphane, 
Contra hasr., lxxviii, 24; lxxx, 1, t. xlii, col. 735, 
758. On soulève quelques difficultés sur le site précis 
de l'antique Sichem, mais on admet que Naplouse, 
établie sur le territoire de la ville biblique, lui a 
succédé et se trouve l'héritière de ses souvenirs 



comme de ses possessions. Cf. F. de Saulcy, Diction- 
naire topographique, Paris, 1877, p. 287. 

II. Description. — A distance égale entre les ancien- 
nes frontières de Dan et de Bersabée et sur la ligne de 
faite divisant le versant oriental du Jourdain du ver- 
sant méditerranéen, c'est-à-dire au milieu de l'antique 
pays de Chanaan, s'élèvent par-dessus toutes les hau- 
teurs de la Samarie, remarquables par les dimensions 
de leur masse, les deux célèbres sommets d'Ébal au 
nord et de Garizim au sud. Une vallée les divise, s'ou- 
vrant à l'est au sahel Maklmék dont le nom fait son- 
ger à la Machméthath de Josué, xvi, 6. Elle court vers 
l'ouest inclinant un peu au^ nord sur une largeur de 
cinq à six cents mètres, s'étendant parfois, comme à 
son origine entre le puits de Jacob et 'Askar, jusqu'à 
mille mètres : c'est le territoire de la ville de Nablus. 
Le terrain est de la plus grande fertilité et très apte à 
former de gras pâturages. Cf. Ant. jud., II, II, 4; Théo- 
dote, dans Eusèbe, Prsep. Ev., ix, 22, t. xxi, col. 721. 
Le nombre des sources et des courants d'eau qui arro- 
sent toute la région lui donnent un caractère spécial 
qui a toujours fait l'admiration de ceux qui la décri- 
vent. Cf. Théoderich, édit. Tobler, Saint-Gall, 1865, 
xlii, p. 93-94, etc. Toutes les espèces de légumes et 
tous les arbres fruitiers prospèrent dans ses jardins et 
ses vergers et les bosquets d'oliviers toujours verts 
couvrent le reste de la campagne. Au-dessus de cette 
verdure compacte s'élève Nablus s'étendant dans le 
sens de la vallée, à la base du Garizim et dominé par 
ses rochers, sur une étendue de plus d'un kilomètre. 
C'est la ville arabe avec ses édifices massifs à voûtes et 
à toit plat ou en dôme, parmi lesquels commencent à 
se montrer quelques constructions de forme exotique 
et à toit de tuiles rouges. On ne voit plus que des frag- 
ments de l'ancienne enceinte, débordée d'ailleurs de 
toute part par des bâtisses nouvelles. La grande rue 
traverse la ville, en ligne presque droite, de la porte 
orientale à la porte occidentale. Vers l'extrémité du 
sud-ouest, on atteint le quartier des Samaritains, aux 
rues voûtées et sombres, étroites et malpropres. Près 
de leur petite, synagogue est la résidence de leur grand- 
prêtre. Suivant eux, la mosquée voisine, djdmé' el- 
Khadrâ, dont le style est celui des églises du xn e siè- 
cle et dont le minaret carré où se voit une inscription 
en caractères samaritains, rappelle la tour de Ram- 
léh, serait leur ancienne synagogue. Dans le quartier 
occidental, sur la grande artère et près d'une cour 
entourée d'un portique dont les colonnes sont antiques, 
est « la grande mosquée », djâmé' el-Kebir. Son por- 
tail attire l'attention par sa ressemblance avec celui 
du Saint-Sépulcre. C'est une église des Croisés, bâtie à 
la place d'une basilique byzantine. Plusieurs autres 
mosquées sont bâties avec les débris de monuments du 
XII e siècle, ou des V e et vi" et avec des pierres de bel 
appareil rappelant l'époque romaine. Le canal amenant 
les eaux à ras el-'Ai'n, d'où elles sont distribuées 
ensuite par la ville, parait de la même époque. 

Le mosaïste de Madaba a représenté Keapolis au 
nord de Jérusalem, et au pied du Garizim comme une 
grande ville, avec des édifices considérables (fig. 364). 
A l'est de la montagne, dans la plaine, un monument 
figure l'église <s où [est] la fontaine de Jacob. » À côté 
et au nord, une petite localité, figurée par une porte 
flanquée de deux tourelles et d'un bâtiment, est inti- 
tulée : STXEM H K[AI] STK1MA K[AI] EAAEM, 
« Sichem qui [est] Sicima et Salem », et à côté, à 
gauche: TO TOT IQZH*, « le [sanctuaire] de Joseph. 
Au-dessus de cette inscription et an nord de la localité- 
précédente, une seconde porte flanquée de deux tours 
est marquée de l'inscription mutilée [2Ï"]XAP H NTN 
[ST]XXUPA, « Sychar qui est maintenant Sychchora ». 
C'est l'illustration, par un artiste connaissant le pays, 
du texte de l'Onomasticon et de la tradition locale, au- 



1697 



SICHEM 



1698 



rv« et au vi« siècles. La figure 365 représentant Sichem 
se rapporte, selon toute apparence, à ce site où se 
voit aujourd'hui le village de Balâtah et le tombeau de 
Joseph, et où l'on trouve des restes qui semblent 
appartenir aux temps voisins du premier siècle de l'ère 
chrétienne. Cf. Môréh(Chène de), i,t. iv, col. 1269. Immé- 
diatement au nord de cette localité, au milieu de la 
vallée, se remarque un tell circulaire, à la partie su- 
périeure aplatie et semblable à la plupart des tells 
où l'on a découvert d'anciennes villes chananéennes. 
Sur le pourtour ouest, on voit un fragment de mur 
formé de grosses pierres pareilles à celles dont sont 
bâties ces villes ou leurs principales constructions. Les 



et aux alentours on a trouvé des pierres taillées, quelques 
tronçons de colonnes et des fragments de mosaïques. 
Ces débris isolés et épars de villas ou de constructions 
particulières de la période romaine montrent que la 
ville n'a jamais occupé cette situation. 

III. Histoire. — /. jusqu'à la ruise du royaume 
de jcda. — 1» A l'arrivée d'&braham dans la terre de 
Chanaan, Sichem n'existaitpas encore. Cf. Gen., xii, 6. 
Elle est nommée par anticipation pour déterminer 
l'emplacement d'Elôn et Môrèh, où s'établit d'abord 
le patriarche hébreu. Elle parait avoir été fondée 
quelques années avant le retour de Jacob de la Méso- 
potamie par Hémor l'hévcen qui lui donna le nom de 




364. — Vue de Sichem, d'après une photographie. 



terres du tell sont mêlées de nombreux fragments de 
poteries et de pierres, qui ont appartenu à des cons- 
tructions. Les ingénieurs anglais Conder et Kitchener 
la désignent comme « ruines », sur leur grande carte, 
Map of Western Palestine, Londres, 1880, t° xi. 
Est-ce ce lieu qu'avait en vue le mosaïste en figurant 
Sychar sur sa carte, ou Sichem? Il nous semble plutôt 
que c'est « la ville déserte » de Jacob, Sichem, à 
laquelle font allusion Eusèbe et saint Jérôme, Onomas- 
ticon, p. 346. Les nombreuses cavernes sépulcrales, du 
caractère le plus ancien, dont est percée la base de 
l'Hébal au-dessus du tell, formaient sans doute la nécro- 
pole de cette ville. Quoi qu'il en soit, il n'est pas 
douteux que nous ne soyons en présence des restes 
d'une cité antique qui peut être la Sichem primitive. 
Des fouilles pourraient fournir des renseignements plus 
positifs et plus certains. Balâtah, « la ville du chêne », 
■qui en était d'abord le faubourg, comme peut-être 
-aussi le petit village d'El-'Askar, lui aura ensuite suc- 
cédé, puis plus tard Néapolis. — Entre Naplouse et 
Balâtah, dans le voisinage de 'aïn Dafné, on rencontre 
tin groupe d'établissements militaires turcs. A leur place 

DICT. DE LA BIBLE 



son fils Sichem. Gen., xxxm, 18. La passion que ce 
dernier conçut pou ruina, tille de Jacob et de Lia, amena 
la dévastation de la ville. Voir Dîna, t. H, col. 1430. 
Ce qui obligea Jacob de s'éloigner de la terre de 
Môréh qu'il avait achetée. Gen., xxxiv, xux, 5, 6. Voir 
Moréh, i, t. iv, col. 1269. W. Max Miiller croit avoir re- 
connu le nom de Sichem sur l'itinéraire de l'officier 
égyptien de Ramsès II, où il le transcrit, Sa-Ka-mà, 

\. 7 iK. 1 . • Asien und Europa, Leipzig, 1893, 

p. 39i. Cf. F. Chabas, Voyage d'un Egyptien au XIV siècle 
avant notre ère, Chalon-sur-Saône et Paris, 1866, p. 182. 
— 2° Dans le partage de la terre de Chanaan, Sichem 
fut comprise dans le lot des fils d'jiphraïm. Désignée 
pour ville de refuge, elle fut attribuée aux lévites de la 
famille de Caath. Jos., xx, 7; I Par., vi, 67. Il semble- 
rait que ceux-ci n'en prirent pas possession, Car on la 
trouve occupée par les Éphraïmites. IPar., vu, 28. Au 
temps d'Abimélech, fils de Gédéon, ses habitants pra- 
tiquaient le culte chananéen de Baal et se nommaient 
« hommes d'Hémor, père de Sichem. » Jud., ix, 28; 
cf. 4, 27, 46. — 3» Né d'une femme de Sichem, Ali- 

V. - 54 



1699 



SICHEM 



170O 



mélech complota avec les parents de sa mère et les 
autres habitants de Sichem la ruine de la maison de 
son père et l'établissement de la royauté en sa faveur. 
Jud., ix, 1-6. La discorde ne tarda pas d'éclater entre 
les Sichémites et leur roi, d'où une guerre civile qui 
ne se termina que par la mortd'Abimélech. Jud., ix. Voir 
Abimélech'3, 1. 1, col. 54; Joatham 1, t. m, col. 1558; 
Baal-Berith, col. 1236; Mello, t. iv, col. 947. —4» Après 
la mort de Salomon, Sichem avait été désignée pour la 
tenue de l'assemblée où Roboarn devait être reconnu roi 
par tout Israël. L'ineptie du prince, favorisant les intri- 
gues de Jéroboam, y fit éclater le schisme. III Reg., 
xn, 1. Accepté pour roi par les tribus du nord, Jéroboam 
restaura Sichem dont il fit d'abord sa résidence, mais 
il ne devait pas tarder à l'abandonner. III Reg., xn, 
25; xiv, 17; cf. II Far., x, 1; Ant jud., VIII, vm, 4. - 



soit le même que Josèphe appelle Manassé, à qui il 
attribue l'établissement du temple de Garizim et auquel il 
fait remonter l'origine de la secte samaritaine proprement 
dite. Cf. Ant. jud., ibid., 2et4; Garizim, t. m, col. 111. 
La Chronique samaritaine est d'accord avec la Bible 
pour faire remontera Sanaballat et aux premiers temps 
après le retour de Babylone la restauration (c'est-à-dire- 
l'origine) du culte samaritain. Edit. luynboll, ch. xlv, 
p. 46-47. — Le fils de Joïada conçut le projet d'opposer 
Sichem à Jérusalem. Sichem avait pour la recommander 
des titres divers. C'est « au lieu de Sichem » qu'Abraham 
avait élevé dans la Terre Promise le premier autel à 
Jéhovah. Gen., xn, 7. Jacob avait acheté l'endroit et 
relevé l'autel. Gen., xxxm, 19-20. Moïse avait désigné 
positivement ce lieu pour y établir l'autel des sacrifices 
et y proclamer la loi. Deut, xi, 29-30; xxvii. Josué 




365 — Sichem et ses environs. Carte mosaïque de Madaba. D'après une photographie. 



5° Au temps de Nabuchodonosor et au moment de la 
ruine du temple de Jérusalem et de la captivité des 
Juifs, Sichem avait une population sinon tout entière 
israélite, du moins en partie et ralliée au culte légitime. 
Sur les 80 pèlerins se rendant de la Samarie à Jéru- 
salem, en habit de deuil, pour offrir au temple des 
présents et de l'encens et qui furent presque tous 
égorgés à Maspha le surlendemain de l'assassinat de 
Godolias par Ismahel, un grand nombre étaient de 
Sichem. Jer., xli, 5. 

//. swhbmet les samaritains. — Dépossédée depuis 
longtemps de l'hégémonie politique transférée à Thersa 
par Jéroboam, puis à Samarie par Amri, Sichem devait 
acquérir la suprématie religieuse sur toute la Samarie 
et devenir la rivale de Jérusalem. Quand Esdras et 
Néhémie, après le retour de Babylone, expulsèrent les 
prêfcres et les autres Juifs compromis par des mariages 
mixtes, II Esd., xm, 23-30, ceux-ci se retirèrent « à 
Sichem au pied du Garizim ». Ant. jud., XI, vm, 6, 7. 
A leur tête se trouvait le fils même du grand-prêtre 
Jojïada qui avait épousé la fille de Sanaballat le Horonite, 
satrape de la Samarie pour le roi de Perse. H Esd., 
x\n, 28. — On ne peut guère douter, le fait et toutes 
1 es circonstances essentielles étant identiques, qu'il ne 



n'avait pas manqué d'établir à Sichem « le sanctuaire- 
de Jéhovah » et d'en faire le lieu des réunions. Jos., vm, 
30-35; xxiii, xxiv, 1-27. 

D'ailleurs, par sa situation et sa disposition, Sichem 
paraissait créée tout exprès pour cette destination. Ces 
arguments dont jusqu'aujourd'hui se prévalent les Sama- 
ritains en faveur de la prééminence de Sichem, devaient 
frapper les Israélites. Cf. Chronique samaritaine, 
loc. cit. L'appui du gouverneur et probablement en 
même temps, comme le disent les Samaritains, ibid., 
l'approbation des rois des Perses, avec des concessions- 
aux superstitions des diverses populations implantées 
en Samarie, ne pouvaient manquer de les rallier 
bientôt toutes à Sichem. La première concession de 
ce genre et la plus marquante fut la translation du 
sanctuaire de Moréh au sommet du Garizim, où sans- 
doute l'élément non israélite de Sichem avait établi- 
son haut-lieu, peut-être là même où antérieurement se 
trouvait le temple de Baal-Bérith. Ainsi le Garizim devait 
devenir « la montagne bénie », et Sichem « la ville 
sainte », comme s'expriment les Samaritains. Moins 
d'un siècle après Esdras, le groupement de tous les 
cultes si disparates des colonies de la Samarie s'était 
fait autour de Sichem, et, dès avant l'arrivée des- 



1701 



SICHEM 



1702 



Grecs (330 avant J.-C), tous « les habitants de la 
Sa marie reconnaissaient Sichem pour métropole. » 
Ant.. jud., XI, vm, 6. Cette unification dont la ville 
de Sichem était le centre, et la haine de Jérusalem et 
du juif Adèle, l'âme, n'en restait pas moins une agglo- 
mération incohérente pour laquelle l'auteur de l'Ecclé- 
siastique dit, l, 28 : « Deux nations me répugnent, 
et une troisième qui n'est pas un peuple : les habitants 
de Seïr et ceux de la terre des Philistins et la nation 
insensée réunie autour de Sichem. » — En apprenant 
qu'Alexandre était en Judée, les Sichitnites, espérant 
obtenir pour leur ville les prérogatives accordées par 
lui à Jérusalem, allèrent à sa rencontre l'inviter à 
venir visiter Sichem. Le prince macédonien les ren- 
voya poliment, en remettant à plus tard cette visite. 
Ant. jud., loc. cit. La Chronique sam., c. xlvi, 
p. 46-47, rapporte à Sichem tout ce que l'histoire 
raconte du passage du conquérant à Jérusalem. Cf. 
J. Derenbourg, Histoire de la Palestine, c. m, Paris, 
1867, p. 41. — Menacés non moins que les Juifs par 
le dessein d'Antiochus IV d'abolir le culte de Jéhovah, 
II Mach., v, 23; vi, 1-2, les Sichimites s'empressèrent 
d'écrire « au roi Antiochus, au dieu Épiphane ». Ils 
le priaient d'avertir le gouverneur Apollonius de ne 
pas les confondre avec les Juifs, avec lesquels ils 
n'avaient rien de commun, pas plus de mœurs que 
d'origine. Ils offraient de consacrer leur temple à 
Jupiter hellénique et de se conformer aux usages des 
Grecs. Ils se nommaient eux-mêmes <c Sidoniens de 
Sichem », en invoquant comme preuve de cette origine 
les actes publics. Par ces bassesses Sichem et la Samarie 
échappèrent à la persécution. Ant. jud., XII, v, 5. — 
Le trait caractéristique de là Sichem samaritaine, 
c'est qu'elle fut toujours le refuge assuré de tous les 
Juifs violateurs de la loi qui voulaient échapper au 
châtiment. Ant. jud., XI, vin, 7. Jean Hyrcan, laissé 
libre par la mort d'Antiochus VII (128 avant J.-C), 
mit fin à cet état de choses en s'emparant de Sichem. 
Il en emmena les Cuthéens qui s'y trouvaient et l'assu- 
jettit aux Juifs. Ibid., XIII, ix, 1. Elle fut, avec toute 
la Samarie, annexée à la province romaine de Syrie, 
lors de la déposition d'Archélaus (6 après J. C). 

III. SICHEM DU TEMPS DE NOTRE-SEIGNEUR ET 

depuis. — La première année de sa vie évangélique, 
le Sauveur retournant de Jérusalem en Galilée avec 
ses disciples s'arrêta sur le territoire de Sichem, au 
puits de Jacob, près de Sichar. Joa., iv, 3-23. Cf. 
Jacob (Puits de), t. m, col. 1075, et Sichar. Quel que 
soit le site de Sichar, les habitants de Sichem ne 
purent ignorer, pendant les deux jours que Jésus 
s'arrêta en ce lieu, la présence du prophète de Galilée 
qui se disait le Messie, et il est impossible qu'ils ne 
soient pas de ceux qui vinrent pour l'entendre. Ainsi, 
il y a tout lieu de croire qu'au moins un certain 
nombre d'entre eux sont désignés par les mots « un 
beaucoup plus grand nombre crurent en lui. » 41. — 
Ils étaient les premiers que les apôtres et les prédica- 
teurs de l'Évangile, après la Pentecôte, devaient visiter, 
afin de développer en eux le germe de la foi que le 
Maître avait lui-même jeté dans leur âme. Cf. Act., 
vin, 1-25. — Le christianisme fit dès lors de nombreux 
disciples à Sichem et dans son territoire, mais une 
partie des habitants resta attachée à la secte des 
Samaritains qui n'avait cessé de s'y perpétuer. — 
Ceux-ci, poussés à bout par les exactions des gouver- 
neurs romains et par leur intolérable orgueil, et mal- 
gré leur tendance à faire toujours le contraire des 
Juifs, semblaient vouloir suivre le mouvement insur- 
rectionnel commencé en Judée. Une multitude d'entre 
«uxse réunirent en armes au Garizim. Vespasien, alors 
occupé au siège de Jotapata (67), envoya Céréalis, 
chef de la v e légion, pour comprimer ce mouvement. 
Bell, jud., III, vu, 32. Les troupes romaines occu- 



pèrent tout le pied du Garizim et par conséquent 
Sichem, afin d'empêcher toute communication avec 
la montagne. C'est en cette occasion, selon toute appa- 
rence, que l'antique Sichem finit par disparaître avec 
son nom. — La Galilée était écrasée, la plaine du 
littoral de la Judée dévastée et le chemin de Jérusalem 
du côté de l'occident gardé par la V e légion établie à 
Emmaûs, à l'entrée des montagnes; Vespasien songeait 
à établir une garde analogue à Jéricho, sur le chemin 
montant de l'Orient à Jérusalem. « Quittant Emmaûs 
où il était revenu avec le reste de son armée, il tra- 
versa la Samarie et vint près de la localité appelée 
Néapolis, et Mabortha par les indigènes ». Ibid., IV, 
vin, 1. Est-ce en cette occasion que le général romain 
fonda, à côté de Sichem déserte, la « Ville neuve »? 
Plusieurs le pensent. Il n'était pas moins nécessaire, en 
effet, que la route du nord et le & défilé » de Sichem 
fussent gardés que les passages commandés par 
Emmaûs et Jéricho, et qu'on y laissât un corps de 
troupes permanent, si toutefois cette mesure n'avait 
pas été prise déjà. Le récit de l'historien juif suppose 
la préexistence de Néapolis à l'arrivée de Vespasien. Il 
est bien probable qu'aussitôt après le massacre du 
Garizim, Céréalis avait laissé là une garnison pour sur- 
veiller les Samaritains et les empêcher de se réunir 
de nouveau et que ce fut l'origine de la « nouvelle 
ville ». La colonie romaine qui s'y établit, ajouta au 
nom de Néapolis celui de la famille Flavia de laquelle 
sortait Vespasien, sans doute après la promotion 
de celui-ci à l'empire. Voir S. Justin, Apolog., i, 1, 
col. 329; les médailles frappées par la ville, t. m, 
lig. 17, col. 110; Mionnet, op. cit., t. v, p. 499; 
Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, p. 1005-1006. — On 
voit, par l'exemple de saint Justin, que le christia- 
nisme avait pénétré de bonne heure à Néapolis, même 
parmi les. païens. On trouve le nom de « Germain de 
Néapolis de Palestine » apposé aux actes du concile 
d'Ancyre tenu en 314, de celui de Néocésarée de la 
même année et de Nicée en 325. Labbe, Concilia, t. I, 
col. 1475, 1488; t. n, col. 325. Les chrétiens de Néa- 
polis eurent plus d'une fois à subir de cruelles vexa- 
tions de la part des Samaritains. Le christianisme y 
demeura néanmoins florissant jusqu'à l'occupation de 
la ville par les Arabes mahométans (636). Il y reprit 
quelque éclat avec les Croisés. Néapolis recouvra alors 
son titre épiscopal, mais uni à celui de Sébaste, et un 
grand synode s'y tint en 1120. Guillaume de Tyr, Hi- 
storia transmarina, 1. XII, c. xm ; cf. IX, xi ; XIV, xxvn ; 
XVII, xiv ; XIX, xii ; XXI, iv; XXII, vn;XXIII,xviii. Voir 
Lequien, Oriens christianns, Paris, 1740, t. m, p. 645- 
680, 1289-1290. 

IV. État actuel. — Depuis la conquête arabe, 
Ndblus n'a point cessé d'être à la tête du territoire qui 
fut l'ancienne province de Samarie et elle est aujour- 
d'hui le chef-lieu du mutsarrifiéh (préfecture) de son 
nom, dépendant du gouvernement général de Bey- 
routh. Grâce à la richesse de son sol, elle a toujours 
joui d'une grande aisance et exercé un commerce 
assez actif. Les fruits, l'huile d'olive, le coton, la laine, 
les cuirs font l'objet de ce commerce, mais parti- 
culièrement le savon d'huile d'olive. Plus de vingt fa- 
briques sont constamment occupées à le préparer. 

La population y est d'environ 25000 habitants, presque 
tous mahométans. On n'y trouve plus que 150 sama- 
ritains et 700 chrétiens, dont 500 attachés au schisme 
de Photius avec un évêque de leur rite, une centaine 
de catholiques latins et autant de protestants anglais, 
américains et autres. Jusqu'à ces dernières années, 
les juifs avaient toujours redouté de s'approcher de 
Naplouse. <t II n'y a point de juifs là, » disait rabbi 
Benjarnin, de Tudèle, en 1173. Itinéraire, édit. Lem- 
pereur, Leyde, 1633, p. 38. Quelques familles y sont 
maintenant établies. Êald*ah et el-Askar sont réputés 



1703 



SICHEM — SIDON 



1704 



faubourgs de Naplouse et leur population, d'environ 
200 âmes, est toujours recensée avec celle de la ville. 
— Les musulmans de Naplouse semblent avoir hérité 
du vieil esprit d'hostilité des samaritains à l'égard des 
juifs et des chrétiens. 

V. Bibliographie. — V. Guérin, Samarie, t. i, p. 370- 
423; F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, 
Paris, 1883, t. n, p. 411-426; Voyage en Terre Sainte, 
Paris, 1865, t. il, p. 254-253; Liévin de Hamme, Guide- 
indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. m, 
p. 45-52; Tristram, The Land of Israël, c. vu, Londres, 
1865, p. 159-162; Cl. R. Conder, Tent-Work in Pales- 
tine, c. il, Londres, 1885, p. 14-42; The Survey of 
Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, t. n, 
p. 160-168, 203-210; E. Robinson, Biblical Researches 
in Palestine, Roston, 1841, t. m, 93-96,113-136; Guy de 
Strange, Palestine under the Moslems, in-8°, Londres, 
1890, p. 511-514. L. Heidet. 

SICHIMITES (hébreu : 'anse Sèkenx; Septante : 
5v8peç Eu^ést), habitants de Sichem. Jud., IX, 57. 

SICLE (hébreu : séqèl; Septante : o-ix).o;), poids et 
monnaie chez les Hébreux. — 1° Poids. — Le sicle était 
l'unité de poids des Hébreux. Gen., xxiv, 22; Exod., 
xxx, 23; Num., vu, 13, etc. Il valait environ 14 gr. 20. 
Voir Poids, col. 485. — 2° Valeur monétaire. — Le 
sicle était aussi l'unité monétaire. Avant l'invention de 
la monnaie frappée, le sicle s'entend simplement d'un 
poids déterminé d'argent. Voir Monnaie, t. m, col. 1236- 
1240. Simon Machabée fut le premier qui frappa mon- 
naie en Palestine. Le poids du sicle monétaire hébreu 
est d'un peu plus de 14 grammes. Voir Monnaie, t. m, 
col. 1243-1252. 

SICYONE (grec : Sixumv), ville du Péloponèse, 
située sur un plateau peu élevé, à 2 milles environ du 
golfe de Corinthe. Elle avait un port bien fortifié 
(fig. 366). Elle paraît avoir tiré son nom de ses 




366. — Monnaie de Sicyone. 

Couronne de laurier. Dana le champ, El. — fy Colombe volant, 

& droite. 

« concombres ». Celait une ville très ancienne; elle 
occupa une place importante dans les arts ainsi que 
dans l'histoire politique de la Grèce. Elle est seule- 
ment nommée dans l'Écriture. I Mach., xv, 23. A 
l'époque des Machabées, les Romains, pour lesquels 
elle avait pris parti, lui avaient confié la direction des 
jeux isfhmiques et elle parait avoir été le centre du 
pouvoir romain à cette époque pour celte partie du 
monde. Le consul Lucius écrivit aux Sicyonites (139 
avant J.-C), en faveur des Juifs de Palestine et pour 
leur demander de livrer au grand-prêtre Simon les 
Juifs fugitifs qui s'étaient réfugiés chez eux afin d'échap- 
per au châtiment de leurs crimes. Cette lettre écrite en 
même temps à plusieurs autres villes et contrées est 
rapportée I Mach., xv, 16-21. 

SIDDIM^bébrcu-,: Jias-Siddim ; Septante : t] papaye 
»l àXuxTJ; 7i xoiXdtç r) âXuxTfj Vulgate : vallis Silvestris), 
vallée Çéméq) des bords de la mer Morte où Chodorla- 
homor et ses alliés battirent le roi de Sodome et ses 
confédérés. Gen., xiv, 3-10. Elle était située au sud-est 
de la mer Morte. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1306-1309 
«t fig. 356, col. 1296. Voir aussi Silvestre (Vallée, 1 . 



SIDÉ (Septante: EîS/)), ville de Pamphylie (flg. 367). 
Le Sénat romain lui envoya des lettres en faveur de 
Simon Machabée et des juifs. I Mach., xv, 23. Elle 
avait été colonisée par les Cyméens d'Éolide. Plus 
tard, elle se soumit à Alexandre le Grand et reçut une 
garnison macédonienne. Ce fut dans ses eaux que la 
flotte d'Antiochus le Grand, roi de Syrie, fut défaite 
par les Rhodiens. Tite Live, xxxv, 13, 18; xxxvn, 




367. — Monnaie de Sidé. 

Tète de Néron laurée, à droite, kaicap NEPtoN. — R). Minerve 
debout, appuyée sur sa lance et tenant une Victoire; à ses pieds 
un serpent; dans le champ, ClAH | To>[N]. 

23, 24. A l'époque où les pirates étaient les maîtres de 
la Méditerranée, c'était Sidé qui était leur port princi- 
pal et qui leur servait de marché pour vendre leurs 
prises. Strabon, XIV, m, 3. Du temps de l'empire ro- 
main, elle continua à être une ville très importante. 
Sur le site de Sidé, appelée aujourd'hui Esky Adalia, 
« Vieille Adalia », on trouve de nombreuses ruines. 
Voir Ch. Texier, Asie Mineure, in-8», Paris, 1862, 
p. 721-723; Elisée Reclus, Nouvelle géographie univer- 
selle, t. ix, 1884, p. 650. 

SIDON (hébreu : Sidôn; Septante : SrSrâv), au- 
jourd'hui Saïda, ville de Phénicie, située à 30 kilo- 
mètres environ au nord de Tyr et à peu près à la même 
distance au sud de Béryte (Beyrouth) (flg. 368), port 




368. — Monnaie de Si don. 
Tète de Néron laurée, à gauche ; dans le champ, le litu-us. — 
A). Europe enlevée par le taureau. AEOP [179] (an 64 de J.-C). 
SIAQNOS. 

sur la côte orientale de la Méditerranée. Elle s'étend 
entre la mer et le Liban, dans une plaine étroite 
d'environ deux milles de large, extrêmement fertile 
(fig. 369). Son éclat s'est affaibli, son antique gloire 
n'est plus qu'un souvenir, mais « si l'ancienne métro- 
pole du vaste empire colonial des Phéniciens n'a plus 
de monuments, du moins est-elle, comme aux temps 
d'autrefois, Sidon la Fleurie; aucune autre ville sy- 
rienne, si ce n'est peut-être Damas, n'est entourée de 
plus beaux jardins, nulle n'a de plus belles fleurs et 
de meilleurs fruits; depuis quelques années Sidon fait 
concurrence à Jaffa pour la production des oranges... 
C'est en dehors de la ville, dans la nécropole qui 
s'étend au sud-est, à la base des coteaux calcaires que 
se trouvent les restes les plus curieux de l'antique Si- 
don, puits, caveaux et sarcophages... Dans le voisinage 
immédiat, sur les plages qui se prolongent au nord et 
au sud, s'élèvent, en amas énormes, des couches de 
coquillages laissées par les fabricants de pourpre, jadis 
les plus fameux et les plus riches représentants de 
l'industrie sidonienne. Un tas composé uniquement de 



1705 



SIDON — SIDONIE 



1706 



coquilles de murex trunculus, qui servait à teindre 
les étoffes grossières, n'a pas moins de 120 mètres de 
longueur sur une hauteur de 7 à 8 mètres; d'autres 
amoncellements, fort nombreux, consistent en débris de 
murex brandaris et purpura hemastoma, qu'on em- 
ployait pour la teinture des tissus somptueux. Une 
ville située au nord de Sidon, sur une plage de sable 
lin, avait pris le nom de Porphyrion ou Cité de la 
Pourpre, à cause de ses teintureries : c'est la côte sur 
laquelle, d'après juifs et musulmans de la Syrie méri- 
dionale, le prophète Jonas aurait été vomi par [le pois- 
son] : de là le nom de Khan-Nebi-Jounas donné au 



Échelle 




369. — Sidon et ses environs. 
D'après Pietschmann, Geschichte der Phônizier, p. 55. 

village voisin... Les Sidoniens étaient aussi fort adroits 
dans l'art de fabriquer le verre,... leurs usines se trou- 
vaient dans la ville de Sarepta ou de la Fusion, située à 
trois heures de marche vers le sud. Le village moderne 
de Sarfend est voisin des ruines. «Elisée Reclus, Nou- 
velle Géographie universelle, t. ix, 1884, p. 781-782. 

Histoire. — Sidon est une ville très ancienne. Elle 
est déjà mentionnée dans la table ethnographique de 
la Genèse, x, 19. Elle reçut son nom du fils aîné de 
Chanaan, dit Josèphe, Ant. jud., I, vi, 12. D'autres 
veulent trouver l'étymologie de Sidon dans l'abondance 
du poisson qu'on péchait dans ses eaux. Gesenius, 
Thésaurus, col. 1153. Le papyrus' Anastasi I dit que le 
poisson est aussi nombreux à Sidon que les grains de 
sable. — Dans Josué, elle est appelée, xi, 8; xix, 28, « Si- 
don la Grande »; sur ses monnaies, elle prend le titre 
de « métropole ». — Homère a parlé de Sidon, 11., xxm, 
743; Odys., xv, 425; xm, 285, et ne nomme pas Tyr. 
Elle a été en effet la plus ancienne cité phénicienne. 
Cf. Strabon, XVI, n, 22. — La Genèse, x, 19, place à Si- 
don la frontière septentrionale du pays de Chanaan. — 



Jacob, en bénissant ses douze fils, attribue à Zabulon, 
dans le partage de la Terre Promise, un territoire qui 
s'étendra jusqu'à Sidon. Gen., xux, 13. Les Hébreux 
ne furent jamais maîtres de la grande ville. Cf. Jos., 
xm, 3, 6; xix, 28; Jud., I, 31; m, 3; x, 12,xvm, 7. 

1" La suprématie de Sidon subsista jusqu'à l'époque 
où les Philistins brisèrent sa puissance en s'emparant 
de Dor (1252 avant J.-C). Depuis lors elle fut éclipsée 
par Tyr, mais conserva néanmoins son indépendance. — 
Elle est encore nommée quelquefois dans l'Écriture, 
mais l'éclat de sa puissance s'est évanoui. L'auteur de 
III Reg., xvi, 31, reproche à Achab, roi d'Israël, son 
mariage avec la Sidonienne Jézabel comme un plus 
grand crime que celui de Jéroboam, l'auteur du schisme. 
— Joël, m, 5, s'élève avec force contre Sidon qui veut 
vendre les Israélites comme esclaves et profane les 
vases sacrés. — Jérémie, xxv, 22, lui prédit qu'elle boira 
la coupe de la colère du Seigneur. — Ézéchiel, xxxn,30, 
la montre abattue et rejetée avec l'Assyrie, l'Élam et 
l'Egypte. — Une seule fois, les Sidoniens apparaissent à 
l'époque des rois comme rendant service au peuple de 
Dieu, et c'est dans l'intérêt de leur commerce lorsqu'ils 
transportent avec les Tyriens au roi David les bois 
nécessaires pour la construction du Temple de Jéru- 
salem. I Par., xxn, 4. 

2» Sidon eut à souffrir des armes de l'Assyrie comme 
toute l'Asie antérieure. Elle fut obligée de payer tribut 
à Salmanasar II et à Salmanasar IV (727 avant J.-C). 
Sennachérib la soumit en 701. Asaraddon s'empara de 
Sidon vers 676, changea son nom en celui de 'Ir-Asar- 
addon ou ville d'Asaraddon, mit à mort son roi 'Abd- 
Melqarth, fit périr un grand nombre d'habitants et 
transporta en Assyrie le reste de la population. 

3° Lorsque Babylone eut supplanté l'Assyrie (606), Si- 
don eutun moment de répit et elles'alliaavecTyr. Ezech., 
xxvii, 8. Nabuchodonosor fit porter à Tyr la peine de la 
rébellion et Sidon recouvra une partie ds son ancienne 
puissance jusqu'à la chute de Babylone. Cyrus laissa la 
Phénicie en paix; ses successeurs lui permirent de 
s'administrer à son gré et se contentèrent de lui im- 
poser un léger tribut et de lui demander quelques vais- 
seaux pour leur service. En 351, quand la puissance 
de la Perse commençait à décliner, Sidon se mit à la 
tête de la révolte du pays contre Artaxercès Ochus. 
Elle paya cher son audace : elle fut assiégée, prise et 
réduite en cendres; 40000 de ses habitants périrent 
dans les flammes, après les avoir allumées eux-mêmes 
pour ravir sa proie au vainqueur. Diodore de Sicile, 
XVI, xli-xlvi. — Sidon passa ensuite sous la domi- 
nation d'Alexandre le Grand, après la bataille d'Issus 
(333). Sous ses successeurs, elle fut soumise tantôt aux 
Lagides, tantôt aux Séleucides, et ses murs virent 
fleurir une école de philosophie. Elle passa plus tard 
sous la domination romaine, et elle lui était soumise 
du temps de Notre-Seigneur. — Le bruit des miracles 
du Sauveur attira des Sidoniens auprès de lui en Ga- 
lilée, Marc, m, 8, et, en comparant leur foi à l'incré- 
dulité des habitants des bords du lac de Génésarelh, il 
déclara ces derniers plus coupables, Matth., XI, 21-22; 
Luc, x, 13-14. Il visita lui-même le pays de Tyr et de 
Sidon, Mat th., xv, 21; Marc, vii, 24, et c'est dansce voyage 
qu'il guérit la fille de la Syro-phénicienne. Matth., xv, 
22-28; Marc, vu, 25-30. Saint Marc nous apprend, 
vu, 31, qu'il passa par Sidon après ce miracle. — Les 
Actes, xii, 20, nous apprennent que les Sidoniens 
envoyèrent des députés à Hérode Agrippa I er à Césarée 
pour calmer sa colère contre eux. Voir Hérode 6, 
t. m, col. 650. — Saint Paul passa à Sidon quand il fut 
amené prisonnier à Rome. A et., xxvii, 3. C'est dans 
ce passage que Sidon est nommée pour la dernière fois. 

SIDONIE (2iSwv:a), pays et territoire de Sidon. Dans 
le Nouveau Testament grec, Sarepta, Luc, IV, 26, est 



1707 



SIDONIE 



SIÈGE 



1708 



appelée « Sarepta de Sidonie ». Le nom de Sidonie se 
trouve aussi dans Homère, Odys., xm, 285. 

SIDONIENS(hébreu :Sîdomm; Septante :2i8wviot), 
habitants de Sidon et, par extension, Phéniciens en 
général. — Les Sidoniens appellent l'Hermon Sirion. 
Deut., m, 9. — Maara, Jos., xix, 4, et Sarepta, III Reg., 
xvn, 9, sont des villes sidoniennes. — Les Sidoniens 
savaient travailler le bois, III Reg., v, 6; ils adoraient 
Astarthé et Astaroth. III Reg., xi, 5, 33; IV Reg., xxm, 
13.— Salomon épousa des Sidoniennes. III Reg.,xi, 1. 
Ethbaal, père de Jézabel, était roi des Sidoniens. 
III Reg., xvi, 31.— Voir aussi Jos.,xm,4, 6; Jud., m,3; 
x, 12; xviii, 7; IPar., xxn, 4; [ Esd., m, 7; Act., xn, 20. 

SIDRACH (hébreu : Sadrak ; Septante : ïkSpax), 
nom chaldéo-assyrien donné à Ananie, un des trois 
compagnons de Daniel. Voir Ananie 5, t. i, col. 540. 
Ce nom peut être le babylonien Sudur-Aku, « comman- 
dement du (dieu) Lune ». Voir Eb. Schrader, Die Keil- 
inschriften und das aile Testament, 2 e édit., p. 429. 

SIÈCLE (hébreu : '■ôlâm; Septante : a'ciôv; Vulgate : 
sssculum), long espace de temps, passé ou futur. L'idée 
de siècle équivalant à une durée de cent ans est étran- 
gère à la Sainte Écriture. 

1° Le passé. — Le mot 'ôldni s'applique à une durée 
indéfinie dans le passé. On a ainsi les jours du passé, 
Deut., xxxii, 7; Micb., v, 1; Is., lxih, 9; les années du 
passé, Ps. lxxvii (lxxvi); 6; les morts du passé, qui le 
sont depuis longtemps, Ps. cxliii (cxlii)', 3; le peuple 
du passé, maintenant dans le schèôl, Ezech., xxvi, 20; 
les montagnes du passé, les antiques montagnes, Gen, 
xlix, 26; Deut., xxxiii, 15; Hab., ni, 6; les portes du 
passé, les anciennes portes, Ps. xxiv (xxm), 7, 9; etc. 

2° L'avenir. — Le même mot désigne aussi un ave- 
nir plus ou moins long, mais indéterminé. L'esclave 
'ôlâm l'est à perpétuité. Exod., xxi, 6; Deut., XV, 17. 
La durée supposée par ce mot est naturellement plus 
longue quand il s'agit d'un peuple. Deut., xxm, 4; 
II Esd., xm, 1. On souhaite que le roi vive 'ôlâm, 
c'est-à-dire le plus longtemps possible. III Reg., i, 31; 
Dan., il, 4; m, 9; II Esd., n, 3. Samuel est consacré 
à Dieu,' 'ad 'ôlâm, pour toujours, pour toute sa vie. 
I Reg. (Sam.), i, 22. La durée est beaucoup plus consi- 
dérable et peut même égaler celle de l'humanité sur 
la terre, quand il est question des promesses ou des 
institutions divines. Exod., xv, 18; I Reg., n, 30; xm, 
13; II Reg., vu, 16; Ps. xvm (xvn), 51; Is., xxxv, 10; 
li, 11; lxi, 7; Jer., vu, 7; etc. 

3° L'éternité. — Quand il s'agit de Dieu lui-même, 
'ôlâm désigne la durée sans limites. Gen., m, 22; xxi, 
33; Job, vu, 16; Is., ix, 6; xl, 28; Dan., xn, 7; Eccli., 
xxxvr, 19; etc. Voir Éternité, t, n, col. 2001. — L'éter- 
nité est encore indiquée par les expressions suivantes : 
le'ôlâm vâ'èd, eïç tôv aîûva toû aiwvoç, in sxculum 
sssculi, n pour le siècle du siècle », Ps. ix, 6; ên'atwva 
xa\ ËTt, in œtemum et ultra, « éternellement et au delà », 
Exod., xv, 18; Mich., IV, 5; in perpétuas asternitates, 
« pour des éternités sans fin », Dan., xu, 3; — 'âdê- 
'ad, et; tov atâva toû attôvoç, in saeculum sseculi, «jus- 
qu'à toujours », Ps. lxxxiii(lxxxii),18; — ledôrvddôr, 
ira» -jevewv eî; ycvsâç, « pour la génération et la géné- 
ration », Ps. xxxiii (xxxn), 11; — 'ad 'âlmâ' ve'ad 
'àlam 'âlmayyd', ïu>z ottovo; tûv aéwvojv, « pour le 
siècle et le siècle du siècle », Dan., vu, 18; — eîç tou; 
aiœvaç -rajv aîûvuiv, e. dans les siècles des siècles », 
Gai., i, 5; Phil., iv, 20; I Tim., i, 17; II Tim., iv, 18; 
Heb., xm, 21; I Pet., IV, 11; v, 11; Apoc, i, 6, etc. — 
Saint Jude, 25, donne cette formule de l'éternité : irpô 
icivtôç toû alûvo;, xaî vûv, xai eîc TtâvTaç toùç aîûva;, 
« avant tout siècle, maintenant et dans tous les siècles 
(des siècles) ». Ces expressions évoquent l'idée d'une 



durée sans commencement ni fin, telle qu'elle con- 
vient à l'éternité de Dieu. 

4° Le présent. — Le mot 'oldm n'a jamais le sens de 
« temps présent » dans l'Ancien Testament; il ne le 
prend que dans l'hébreu post-biblique. Par contre, les 
mots a'twv, sxculum, sont employés avec la significa- 
tion de « temps présent » et, par extension, de « monde », 
le monde n'étant que la génération qui vit dans le temps 
présent. Dans le livre de la Sagesse, xm, 9; xiv, 6; 
xviii, 4, le « siècle » désigne déjà le monde physique 
et l'humanité. Dans le Nouveau Testament, le terme se 
rapporte à l'humanité présente, avec ses idées, ses 
mœurs et ses vices. Les sollicitudes du siècle sont les 
mille liens qui attachent les hommes aux choses de la 
vie présente. Matth., xm, 22; Marc, iv, 19. Les fils de 
ce siècle, Luc, xvi, 8, les princes de ce siècle, I Cor., 
n, 8, les riches de ce siècle, I Tim., vi, 17, sont ceux 
qui vivent selon les maximes en cours dans le monde 
présent et ne visent que les intérêts de la terre. Les 
amis de ce siècle sont donc ennemis de Dieu. Jacob., 
iv, 4. La justice de ce siècle, II Cor., vn, 10,1a règle du 
siècle de ce monde, Eph., Il, 2, sont choses mauvaises, 
car le siècle présent est mauvais. Gai., I, 4. Le chré- 
tien ne doit donc pas se conformer à ce siècle, Rom., 
xn, 2; il doit se conserver pur de ce siècle, Jacob., i, 
27, et vivre pieusement dans ce siècle au milieu duquel 
il est placé. Tit., il, 12. Voir Monde, t. iv, col. 1234. 

H. Lesètre. 

SIÈGE (hébreu : kissê, môSâb; Septante : Sicpooç, 
xoc9É8pa, 8pôvoç; Vulgate: cathedra, sella, sedes, sedile), 
meuble dont on se sert pour s'asseoir. — Le siège des 
rois et celui de Dieu prennent le nom de trône. Voir 
Trône. — Les anciens Égyptiens avaient des sièges 
ressemblant à nos chaises et à nos tabourets (fig. 370). 
Les gens du peuple se passaient de ce genre de meubles; 
ils se contentaient de s'accroupir à terre. Cf. t. iv, 
fig. 104, col. 303. Les sages-femmes égyptiennes, en 
attendant le moment de l'accouchement, se tenaient 
assises sur un siège bas appelé 'ébén, « pierre » ou 
double pierre, semblable à la roue des potiers et 
encore en usage aujourd'hui. Exod., I, 16. Cf. Gese- 
nius, Thésaurus, Addenda, p. 63. Les versions ne 
rendent pas ce mot et certains commentateurs pensent 
qu'il se rapporte plutôt au sexe des nouveau-nés. 
Cf. de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, 
p. 35.— Chez les Hébreux, les sièges ordinaires étaient 
au moins aussi simples qu'en Egypte et en Chaldée. 
Voir t. iv, fig. 123, col. 422. D'après les Septante et la 
Vulgate, les Philistins accablés de fléaux à cause de la 
présence de l'Arche se firent des sièges, é'Bpocç, sedes, 
de peaux. I Reg., v, 9. Il n'est pas fait mention de ces 
sièges dans le texte hébreu. Le grand-prêtre Héli 
avait son siège à la porte du sanctuaire. I Reg., i, 9; 
IV, 13. Il en tomba à la renverse quand on lui apprit 
la prise de l'Arche. I Reg., iv, 18. Saûl avait le sien, 
placé près du mur, dans sa salle de festin. I Reg., 
xx, 25. Quand la femme de Sunam voulutmeubler une 
chambre pour recevoir Elisée, elle y mit un lit, une 
table, un siège et un chandelier. IV Reg., IV, 10. On 
prépara deux sièges d'honneur pour l'entrevue de 
Nicanor et de Judas Machabée. II Mach., XIV, 21. 
Notre-Seigneur renversa dans le Temple les sièges des 
vendeurs. Matth., xxt, 12; Marc, XI, 15. Il reprocha 
auxscribes et aux pharisiens de s'attribuer les premiers 
sièges dans les synagogues. Matth., xxm, 6; Marc, 
xn, 39; Luc, xi, 43; xx, 46. — La sagesse est assise 
sur un siège élevé, du haut duquel elle invite les 
hommes à venir à elle. Prov., ix, 14. Il est recom- 
mandé de ne pas solliciter du roi un siège d'honneur, 
Eccli., vil, 4, et de ne pas placer un ennemi à sa 
droite, de peur qu'il ne s'empare du siège de son hôte. 
Eccli., xn, 12. — Les scribes sont assis sur les sièges 
de Moïse, c'est-à-dire enseignent à sa place. Matth., 



1709 



SIÈGE - SIÈGE D'UNE VILLE 



1710 



xxni, 2. — Le siège est aussi la place occupée par le 
juge. Eccli., xxxviii, 38 (33). Job, xxix, 7, avait son 
siège sur la place publique. A Jérusalem étaient établis 
les sièges de la justice. Ps. cxxn (cxxi), 5. Les apôtres 
prendront place un jour sur douze sièges, comme 
assesseurs du souverain Juge. Matth., xix, 28. — 
Vingt-quatre sièges sont réservés dans le ciel pour 
les vieillards qui entourent le trône de Dieu. Apoc, 
iv, 4. H. Lesêtre. 

SIÈGE D'UNE VILLE (hébreu : mdsôr, de sûr, et 
sârar, « assiéger »; Septante : 7rspiox*i> vjytXzia\f4i; 
Vulgate : obsidio), attaque d'une place protégée par 
des murs et des fortifications. Voir flg. 371. Voir aussi 
le siège de Lachis, t. iv, fig. 4, col. 15-16; d'Ascalon, 1. 1, 
fig. 286, col. 1061-1062. 

I. Prescriptions légales. — 11 fut ordonné aux 
Hébreux d'assiéger les villes de Chanaan, mais seule- 
ment après leur avoir offert la paix. Deut., xx, 10, 12. 
Quand on entreprenait un siège, il était défendu de 
détruire les arbres fruitiers; on ne pouvait se servir 
contre la ville que de bois provenant des autres arbres. 



ce ne fut pas leur attaque, mais un miracle qui en vint 
à bout. 

1° Les assiégés. — Ils se mettaient à l'abri de leurs 
murs, flanqués de tours. II Par., xxvi, 15; xxxn, 5; 
Soph., i, 16. Les murailles étaient percées çà et là de 
portes voûtées, garnies de barres solides. Deut., m, 5. 
Sur les tours et aux angles, quand on le pouvait, on 
plaçait des machines pour lancer des flèches et de 
grosses pierres et empêcher l'ennemi d'approcher du 
pied de la fortification. II Par., xxvi, 15. Voir Machine 
de guerre, t. iv, col. 505. En avant de la muraille était 
ménagé un fossé, protégé lui-même par un petit mur, 
!}êl, itpoT£t';(i<T[Ji.a, xspiretxoç, antemurale. II Reg., 
xx, 15; Is., xxvi, 1; Lam., il, 8; Nah., ni, 8. Cf. 
III Reg., xxi, 23; Ps. xlviii (xlvii), 14. Quelques villes 
avaient des forteresses détachées. Jud., ix, 46, 51 ; 
II Reg., v, 7; II Par., xxvli, 4. On veillait à pourvoir 
la place de vivres et de munitions. Judith, IV, 4; 
I Mach., xiii, 33. La famine était le plus grand danger 
couru par une place assiégée; si forte fût-elle, elle 
succombait fatalement à la faim quand le siège se pro- 
longeait. Voir Famine, t. n, col. 2175. La question de 




^*rs- 



370. — Sièges égyptiens. 



Deut., xx, 19, 20. — Si les Israélites sont infidèles, 
Dieu enverra contre eux une nation impitoyable qui 
dévorera tous leurs biens, assiégera toutes leurs villes et 
les réduira eux-mêmes à se nourrir du fruit de leurs 
entrailles. Deut., xxvm, 49-53. — Salomon demanda 
que le peuple assiégé, venant prier dans le Temple, 
fût exaucé par le Seigneur. III Reg., vm, 37. 

II. Les opérations d'un siège. — Beaucoup de villes 
de Palestine étaient fortifiées. Voir Fortifications, 
t. Il, col. 2318. Dans un temps où les invasions se 
produisaient avec tant de fréquence et d'imprévu, il 
■était important de mettre à l'abri d'un coup de main 
les personnes et les biens. Faute de cette précaution, 
•des bandes de Philistins et d'Arabes purent impuné- 
ment enlever les richesses, les fils et les femmes de 
Joram, roi de Ju'a. II Par., xxi, 17. Les anciennes 
villes chananéennes, que Josué et les Hébreux eurent 
à assiéger et à prendre, étaient pourvues de fortifica- 
tions bien conçues, caractérisées par les trois éléments 
suivants : murs assez épais pour résister à la sape et 
permettre d'utiliser la crête pour la défense, socle de 
pierre et glacis à la base du rempart, et enfin tracé à 
saillies suffisantes pour protéger la base de la muraille 
dans toute son étendue. Ce système défensif se dis- 
tinguait nettement de la fortification égyptienne, à 
hautes et longues murailles nues pourvues d'un faible 
parapet, et se rapprochait beaucoup, au contraire, de 
la fortification chaldéenne à-laquelle elle avait emprunté 
•ses inspirations. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, 
p. 83, 84 (fig. 372). Les Hébreux se heurtèrent pour la 
première fois à des murailles de ce genre à Jéricho, et 



l'eau avait aussi une importance capitale. Nah., III, 14. 
Pour assurer l'eau à Jérusalem en cas de siège, Ezé- 
chias fit creuser le tunnel de Siloé. IV Reg., xx, 20; 
II Par., xxxn, 30; Eccli., xlviii, 17. Voir Aqueduc, 
t. i, col. 804. Pour réparer les brèches, on disposait 
des fours à briques et l'on se munissait de provisions 
d'argile. Enfin, les armes nécessaires étaient distribuées 
aux hommes capables de s'en servir utilement. Nah., 
m, 14. Au besoin, on abattait des maisons pour faciliter 
la défense. Is., xxn, 10. On faisait des sorties pour 
tâcher de détruire parle feu les machines de l'ennemi. 
II Reg., xi, 17; I Mach., vi, 31. Du haut des murs, on 
lançait sur lui des pierres, des flèches, et toutes sortes 
de projectiles. Jud., ix, 53; II Reg., xi, 21, 24. 

2° Les assiégeants. —Ils commençaient par entourer 
la ville de travaux de circonvallation, palissades, murs 
ou fossés, pour empêcher le ravitaillement de la ville. 
Deut., xx, 20; IV Reg., xxv, 1; Jer., lu, 4; Ezech., 
xvn, 17; Luc, xix, 43. Ils coupaient les aqueducs et 
s'emparaient des fontaines pour en interdire l'usage 
aux assiégés. Judith, vu, 6, 7. Ensuite, ils abattaient 
des arbres pour construire des terrasses et des tours 
d'attaque que l'on approchait des murs, pour être 
à la hauteur des assiégés ou les dominer. II Reg., 
xx, 15; IV Reg., xix, 32; Eccle., ix, 14; Is., xxxvn, 
33; Jer., vi, 6; Ezech., iv, 2; xxi, 27; xxvi, 8. Au 
moyen de béliers (fig. 373) et de machines diverses, 
Ezech., iv, 2; xxi, 27; I Mach., xi, 20; xiii, 43, on 
s'efforçait d'enfoncer les portes ou de pratiquer des 
brèches dans la muraille. Voir Bélier, t. I, col. 1562. 
A l'aide d'échelles, on tentait l'escalade. Voir Échelle, 




371. — Siège d*une ville par les Assyriens. 
D'après A. Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 68. 



1713 



SIÈGE D'UNE VILLE 



1714 



t. h, col. 1559; Ascalon, t. i, fig. 286, col. 1061. Pour 
hâter la reddition de la place, on renforçait le blocus 
et on dressait des embuscades. Jer., Ll, 12. Quand la 
place était prise, les vainqueurs détruisaient les murs 
et les maisons, et massacraient les habitants, Jud. 
i, 25; ix, 45; Jer., li, 58; I Mach., v, 51, 52; II Mach., 
v, 13; x, 17, 23, ou les emmenaient en esclavage. Voir 
Esclavage, t. h, col. 1918. Les rois hébreux n'appli- 
quaient pas ces mesures à la rigueur; ils passaient 
pour être cléments. III Reg., xx, 31. Ils se contentaient 
parfois d'otages, IV Reg., xiv, 14, ou de tributs. II Reg., 
vin, 6, 14. 

III. Sièges mentionnés dans la Bible. — 1° Sous 
Josué et les Juges — Jéricho, qui fut emportée par 
miracle au bout de sept jours. Jos., v, 12-24. — Haï, 
prise à la suite d'une embuscade. Jos., vin, 10-24. — 
Sichem, prise d'assaut par Abimélech, qui brûla ensuite 
la tour de Sichem avec ceux qu'elle contenait. Jud., ix, 
42-49. — Thèbes, dans laquelle Abimélech entra de 
vive force, mais périt le crâne brisé par une pierre 
jetée du haut do la tour. Jud., ix, 50-54. — Gabaa, prise 
par les tribus soulevées contre Benjamin. Jud., xx, 36, 37. 




372. — Plan d'une place chaldéenne, sur la tablette de Goudéa. 
D'après de Sarzec-Heuzey, Découvertes en Châtiée, pi. 15, 1. 

2" Sous les rois avant le schisme. — Jabès, assiégé 
par les Ammonites et délivré par Saûl. I Reg.,xi, 1-11. 
— Jérusalem, prise par David aux Jébuséens, qui le 
défiaient d'y entrer. II Reg., v, 6-9. — Rabbath, long- 
temps assiégée par Joab et défendue par les Ammonites; 
David vint lui donner le dernier assaut, y fit un grand 
butin et réduisit les habitants en esclavage. II Reg., 
xi, 1-17; xn, 26-31. — Abel-Belh-Maacha, assiégé par 
Joab et où la tête du révolté Séba fut jetée à l'assiégeant 
du haut de la muraille. II Reg., xx, 14-22. — Gazer, 
que le roi d'Egypte prit et donna à Salomon comme 
dot de sa fille. III Reg., ix, 16. 

3°<S)OMs les rois après le schisme. — Jérusalem, prise 
par le pharaon Sésac et dépouillée de ses trésors. III Reg., 
xiv, 25, 26. — Gebbéthon, qu'assiégeaitNadab, roi d'Is- 
raël, quand il fut tué par Baasa. III Reg., xv, 27; xvi, 
15. — Sajnariâ,assiégée par Bénadad, roi de Syrie, sous 
Achab, et délivrée par une sortie des Israélites. III Reg., 
xx, 1-21. — Ramoth Galaad, assiégé sans succès par 
Achab et Josaphat. III Reg., xxii, 3-36. — Samarie, assié- 
gée longtemps par Bénadad, roi de Syrie, pour la seconde 
fois. La famine s'y fit si cruellement sentir qu'une 
femme mangea son enfant. Les Syriens, pris de panique, 
prirent subitement la fuite un matin, en laissant leur 
camp plein de provisions. III Reg., vi, 24-vu, 20. — 
Jérusalem, prise par Joas, roi d'Israël, sous Amasias, 
roi de Juda. Joas fit une brèche de quatre cents coudées 
dans la muraille et emporta les trésors du Temple et 
du roi ainsi que des otages. IV Reg., xiv, 13, 14. — 
Jérusalem, assiégée en vain, sous Achaz, par Rasin, 



de Syrie, et Phacée, d'Israël. IV Reg., xvi, 5. — 
Samarie, assiégée pendant trois ans par Salmanasar, 
roi d'Assyrie. La prise de la ville entraîna la ruine du 
royaume d'Israël et la déportation de ses habitants. 
IV Reg., xvii, 5, 6. — Béthulie, assiégée par Holopherne, 
chef d'armée du roi d'Assyrie, épuisée par le manque 
d'eau et sauvée par Judith. Judith, vu, 1-25; xm, 1-11. 

— Jérusalem, menacée de près par Sennachérib, sous 
Ézéchias, et délivrée par une intervention divine, qui 
extermina l'armée assyrienne. IV Reg., xvin, 17-37; 
xix, 35-36. — Jérusalem, assiégée une première fois, 
sous Joachin, par Nabuchodonosor, qui emporta les 
vases sacrés du Temple et emmena en captivité Joachin 
et plusieurs milliers d'Israélites. IV Reg., xxiv, 10-16. 

— Jérusalem, assiégée une seconde fois par Nabuchodo- 
nosor, sous Sédécias. Le siège dura dix-huit mois, inter- 
rompu seulement pendant quelque temps par une di- 
version du pharaon d'Egypte. Voir Sédécias 2, col. 1558. 
La ville eut à souffrir de la famine. Les Chaldéens y 
entrèrent par une brèche faite dans la muraille, brû- 
lèrent le Temple et les grandes maisons et emmenèrent 
en captivité la plus grande partie de la population. 
IV Reg., xxv, 1-21; Jer., xxxix, 1-10; lu, 1-34. 

4° Sièges annoncés et décrits par les prophètes. — 
Les prophètes s'étendent assez longuement sur les 
sièges auxquels succomberont les villes suivantes : 
Samarie, Is., xxvm, 1-4; Ezech., xxm,5-10; Ose.,xiv, 
1 ; Mich., i, 6, 7. — Jérusalem, Is., xxn, 1-11 ; xxix, 
1-8: Jer., vi, 1-9, 22-30; xxi, 5-10; xxxiv, 1-7; Ezech., 
iv, 1-3; x, 1-8; xxi, 23-32; xxm, 22-25. — Rabbath 
Ammon, Jer., xlix, 2-5; Ezech., xxv, 3-7; Am.,i, 13-15. 

— Damas, Is., xvn, 1, 2; Jer., xxm, 24-27. — Ninive, 
Nah., il, 1-13. — Tyr, Is., xxm, 1-14; Ezech., xxvi, 2-21. 

— Sidon, Ezech., xxvm, 22-24. — Babylone, Is., xm, 
1-2; xxi, 1-9; xlvi, 1, 2; xlvh, 1-15; Jer., xxv, 12-14; l, 
2-46; li, 1-58; cf. Dan., v, 28-31. 

5° Sous les Machabées. — Jérusalem est prise par 
Judas Machabée, sauf la citadelle qui avait une garnison 
syrienne. I Mach.,i, 36-60. — JudasMachabée assiégea et 
prit successivement les tours des Iduméens,! Mach., v, 
5, Gazer, I Mach., v, 8, Bosor, I Mach., v, 28, Maspha, 
I Mach.,v, 35, Camaïm, dont il brûla le temple, I Mach., 
v, 43-45, Éphron, prise après un jour et une nuit d'assaut, 
I Mach., v, 46-51, tlébron, dont il détruisit les fortifi- 
cations, I Mach., v, 65, et Azot, où il démolit les autels 
idolâtriques. I Mach., v, 68. Il assiégea ensuite la cita- 
delle de Jérusalem, mais sans résultat. I Mach., vi, 
18-22. — Belhsur, assiégé par les Syriens, dut se rendre, 
malgré une sortie heureuse des Juifs, à cause du manque 
de vivres. I Mach., vi, 26-50. — Lysias assiégea longtemps 
le Temple, dans lequel les vivres finirent aussi par 
manquer, et, y étant entré en vertu d'un traité, il viola 
son serment en faisant abattre la muraille protectrice. 
I Mach., vi, 48-62. — Bethbessen, fortifiée par Jonathas 
et Simon, fut assiégée par Bacchide et délivrée grâce 
à une sortie de Simon concordant avec une attaque 
extérieure de Jonathas. I Mach., ix, 62-69. — Joppé fut 
prise par Jonathas. I Mach., x, 75, 76. — Jonathas assié- 
gea de nouveau la citadelle de Jérusalem, occupée par 
les Syriens, mais ne put en obtenir la reddition. 1 Mach., 
xi, 20-23, 41-43, 53. — Gaza et Belhsur, assiégées se ren- 
dirent. 1 Mach., xi, 62, 65. — Gaza, assiégée de nouveau 
par Simon, fut prise d'assaut. I Mach., xm, 43-48. — 
Simon s'empara enfin de la citadelle de Jérusalem, dont 
la garnison souffrait de la famine. IMach.,xm, 49-51. — 
Dora, assiégée par Antiochus VII. I Mach., xv, 13, 14, 25. 

6° Les derniers sièges de Jérusalem. — Sous Jean 
Hyrcan, Antiochus Sidétès mit le siège devant Jérusa- 
lem et investit la ville de sept camps. Pour épar- 
gner les vivres, les assiégés firent sortir les bouches 
inutiles, que les Syriens empêchèrent de passer, et 
qu'il fallut reprendre dans la ville. Antiochus ayant 
accordé un armistice à l'occasion de la fête des Taber- 



1715 



SIÈGE D'UNE VILLE — SIFFLEMENT 



1716 



nacles, les affaires s'arrangèrent et la cité se rendit à 
■certaines conditions peu onéreuses. Josèphe, Ant. jud., 
XIII, vin, 2. — En 65, Aristobule, en discorde avec son 
frère Hyrcan, se réfugia dansle Temple de Jérusalem. Les 
Arabes d'Arétas, alliés d'Hyrcan, vinrent l'y assiéger, 
avec le concours de tout le peuple, car Aristobule 
n'avait que les prêtres avec lui. Le siège se prolongea, 
sans qu'on pût célébrer la Pâque, et il ne fut levé que 
sur l'ordre du légat de Syrie, Scaurus. Josèphe, Ant. 
jud., XIV, II, 1-3. — Deux ans après, la compétition 
persistant entre les deux frères, Pompée vint à Jéru- 
salem, dont les partisans d'Hyrcan lui ouvrirent les 
portes, tandis que ceux d'Aristobule se retranchaient 
dans le Temple. Pompée fit venir des machines de Tyr, 
assiégea la place pendant trois mois, parvint à renverser 
une tour et pénétra dans l'enceinte sacrée. De grands 
massacres y. furent exécutés. Pompée pénétra dans le 



de sa mort, le Sauveur est entré dans plus de détails. 
Tout d'abord, on verra l'abomination de la désolation 
dans le lieu saint : ce sera pour ses disciples qui seront 
en Judée le moment de fuir dans les montagnes, sans 
plus tarder. Il y aura ensuite une grande tribulation, 
telle qu'on n'en a pas vu précédemment. Jérusalem 
sera investie par une armée; une terrible fureur se 
déchaînera contre le peuple; les uns seront frappés du 
glaive, les autres traînés en captivité parmi toutes les 
nations. La ville sera foulée aux pieds par les gentils et, 
du Temple, il ne restera pas pierre sur pierre. Matth., 
xxiv, 2-22; Marc, xm, 2-19; Luc, xxi, 6-24. Enfin, 
pendant qu'on le menait au Calvaire, Jésus dit aux 
femmes de Jérusalem de pleurer sur elles-mêmes et 
sur leurs enfants, à raison des jours qui allaient venir. 
Luc, xxii, 28, 29. La génération contemporaine du 
Sauveur était donc destinée à voir l'accomplissement 




373. — Assyriens attaquant une ville assiégée, les uns à pied, les autres montés sur un bélier en forme de tour roulante. 
D'après A. Layard, Nineveh and its Remains, t. n, p. 368. 



Saint des saints, et ensuite ordonna de purifier le sanc- 
tuaire afin d'y recommencer l'offrande des victimes. La 
Judée devint dès lors province romaine. Josèphe, Ant. 
jud., XIV, iv, 1-4. — En 40, An.tigone, fils d'Aristobule, 
désireux de succéder à son père, surprit la capitale et 
s'établit dans le Temple, pendant qu'Hérode occupait 
la forteresse de Baris. Les deux partis engagèrent une 
lutte sanglante et les Parthes, appelés par Antigone, 
pillèrent la ville et ses environs. Josèphe, Ant. jud., 
XIV, xm, 3-10. — Couronné roi de Judée à Rome, 
en 39, Hérode vint assiéger Jérusalem au printemps de 
l'année 37, pour la reprendre à Antigoae. Onze légions 
romaines et six mille hommes de cavalerie poursui- 
virent le siège avec vigueur. Il leur fallut néanmoins 
cinq mois d'efforts pour prendre la ville et ils durent 
.«nsuite donner l'assaut au Temple. Un grand carnage 
s'ensuivit. Josèphe, Ant. jud., XIV, xvi, 1, 2.^1 

7° Le siège final. — Notre-Seigneur a prédit les prin- 
cipaux événements du siège de Jérusalem par les Ro- 
mains. Il dit à la cité rebelle aux appels de la grâce : «Des 
jours viendront sur toi où tes ennemis t'entoureront 
d'un retranchement, t'environneront et te presseront de 
toutes parts ; ils t'abattront jusqu'à terre ainsi que tes 
fils qui habitent en toi, et ils ne laisseront pas en toi 
pierre sur pierre. s Luc, xix, 43,44. Deux ou trois jours 
après cette première prédiction et presque à la veille 



de la prophétie. Les événements se déroulèrent confor- 
mément à la prédiction du Sauveur. Voir Jérusalem, 
t. m, col. 1393. H. Lesètre. 

SIFFLEMENT (hébreu : serêqâh, de Sàracj, « sif- 
fler »; Septante : <rjpi<sy.6<;, o-yptyM-oç, <7i5pty|jia; Vulgate : 
sibilus), son particulier produit par l'expulsion de 
l'air à travers les lèvres disposées d'une certaine façon. 
Par extension, on dit que le vent siffle, Sap., xvn, 17, 
à cause du bruit aigu que détermine son passage à 
travers différents obstacles. — 1° Le sifflement sert 
pour appeler certains animaux que ce son attire, soit 
instinctivement soit par suite d'une habitude. Il est 
dit métaphoriquement que Dieu sifflera les nations 
étrangères, Is., v, 26, les mouches d'Egypte et les 
abeilles d'Assyrie, c'est-à-dire les guerriers de ces 
deux pays, contre son peuple devenu infidèle. Is., vil, 
18. De même, plus tard, pour rassembler les restes 
d'Éphraïm, il les sifflera comme des êtres familiarisés 
avec cet appel. Zach., x, 8. — 2° En hébreu, comme 
en grec, en latin et en beaucoup d'autres langues, le 
sifflement est aussi un signe de moquerie, probable- 
ment parce que siffler quelqu'un, c'est lui adresser le 
seul langage que comprennent habituellement les ani- 
maux. On siffle sur le méchant après sa mort. Job, 
xxvn, 23. Chacun siffle l'infamie du paresseux. Eccli., 



1717 



SIFFLEMENT — SIGNE 



1718 



xxii, 1 (grec). On sifflera sur la nation israélite, sur 
son Temple, et sur Juda devenu infidèle. III Reg., ix, 
8; II Par., xxix, 8. Jérémie annonce les sifflets de 
moquerie qui poursuivront Juda et Jérusalem, xvm, 
16; xix, 8; xxv, 9, 18; xxix, 18; Édom, xlix, 17, et Ba- 
bel, L, 13; li, 37. La prophétie s'accomplit pour Jéru- 
salem prise par les Chaldéens. Lam., H, 15, 16. Les 
sifflets moqueurs sont encore prédits à Israël, Mich., 
vi, 16, à Tyr, Ezech., xxvil, 36, et à Ninive. Soph., n, 
15. H. Lesêtre. 

SIGGÂYÔN (Septante : i|/a).(i.ôç, ùSr,; Vulgate : 
psalmus. pro ignorantiis), est un terme musical dési- 
gnant vraisemblablement un hymne strophique. Il se 
lit au titre du Psaume vu et au cantique d'Habacuc, 
m, 1, sous la forme plurielle sigyànôt. La traduction 
des Septante : p.età œ3? É ;, Hab., m, 1, répond à celle 
du targum chaldéen NrPTiN, « louange ». Ps. vu, 1. 

La racine est ni* II. Cf. nsto et **ito, « se multiplier, 
grandir», Syr. j ■)» /w , « être grand, nombreux»; causa- 
tif : «grandir, magnifier ». Le terme siggâyôn,de même 
forme que higgâyôn (voir Musique des Hébreux, t. iv, 
col. 1348), semble correspondre au terme liturgique 
syiaque J A. ^-i»* *y désignation d'hymnes composées 
de plusieurs strophes. Il est vrai que les psaumes sont 
généralement des pièces strophiques; mais siggdyôn 
pourrait s'appliquer à des morceaux d'un rythme 
déterminé. Or le psaume vu et le Cantique d'Habacuc, 
qui portent cette indication, étant écrits suivant la- 
mesure heptasyllabique à trois parallèles distincts, 
E. Bouvy, Le rythme syllabique, dans Lettres chré- 
tiennes, l. n, p. 280; siggdyôn désignerait ce mètre 
ou la mélodie applicable à ce mètre. Il est vrai que ce 
même rythme est suivi par d'autres psaumes et can- 
tiques, auxquels notre indication n'est pas attribuée; 
mais on sait que les indications rythmiques ou musi- 
cales, ajoutées au texte sans doute par les copistes, 
ayant perdu dans la suite leur signification, ne se 
trouvent ni constamment ni exactement portées dans 
le psautier. — La traduction pro ignorantiis, à cause 
du pluriel sigyànôt, Hab.,^jn, 1, de la Vulgate provient 
de la racine nsfcr I, « errer, s'égarer, changer, pécher 
par ignorance ». C'est sans doute aussi le sens de 
« changer, varier », qui a fait donner à sûgîfâ et à 
iigyônôt le sens de « tons variables ». La sanla Biblia 
traducida de las lenguas originales. Version moderna, 
New-York, 1899, p. 830. — Gesenius, Thésaurus (con- 
tinué par Roediger), p. 1362, donne à Siggdyôn le sens 
de poème analogue au dithyrambe, ode irrégulière 
{voir Psaumes, col. 808), et cette explication est acceptée 
par un grand nombre d'hébraïsants. J. Parisot. 

SIGNATURE (grec : arifizXov, Vulgate : signum), 
marque personnelle servant à authentiquer un écrit. — 
Souvent on se servait du sceau comme de marque per- 
sonnelle. Voir Gravure, t. m, col. 308; Sceau, t v, 
col. 1522. D'autres fois, on traçait un signe à la main 
à la fin de l'écrit. Job, xxxi, 35, parlant de sa défense, 
dit en l'achevant : « Voici mon tdv. » Les versions 
ne rendent pas ce mol. Le (dv est la dernière lettre des 
alphabets sémitiques; il avait fréqu3mment la forme 
d'une croix ou d'un X. Voir Alphabet, 1. 1, col. 406-414. 
On s'en servait comme de signe pour marquer des per- 
sonnes, ou des choses. Ezech., IX, 4. Il est possible que 
Job, arrivé à la fin de son plaidoyer, veuille dire sim- 
plement : « Voici ma dernière lettre », mon dernier 
mot. Cf. Frz. Delilzsch, Dos Buch Job, Leipzig, 1876, 
p. 421. On croit cependant que le (dv pourrait être 
aussi la signature de Job, de même qu'une croix a été 
longtemps et est encore la signature de ceux qui ne 
savent pas écrire. Cf. A. Le Hir, Le livre de Job, Paris, 
1873, p. 364; S. Cox, BookofJob, Londres, 1880, p. 400; 



Enabenbauer, In Job, Paris, 1885, p. 366. — Les Chal- 
déens signaient les contrats en mettant l'empreinte de 
leur ongle sur l'argile encore fraîche qui avait reçu le 
texte (fi g. 374). Voir Ongle, t. IV, col. 1814. — Saint 
Paul a signé plusieurs de ses Épîtres avec la formule : 
« Salutation, de ma main à moi, Paul ». I Cor., xvi, 
21; Col., iv, 8; Philem., 19. Aux Galates, vi, 11, il 
écrit : « Voyez quelles lettres j'ai tracées pour vous de 






// ^T^iir^ 



O- 



G O 



^] & M f 



374. — Signatures d'ongles. 

D'après Scheil, Textes èlamitiques-sémi tiques, 

Paris, 1902, p. 173, 175, 179, 181. 

ma propre main, » faisant allusion sans doute aux 
grosses lettres que son mal d'yeux l'obligeait à former. 
A la fin de sa seconde Jipilre aux Thessaloniciens, m, 
17, il écrit : « La salutation est de ma propre main, à 
moi Paul; c'est là ma signature dans toutes mes let- 
tres : c'est ainsi que j'écris. » Le nom de l'auteur d'une 
lettre se mettait ordinairement au début. L'Apôtre 
ajoutait une signature de sa propre main, à la fin de 
l'Épître qu'il avait dictée, afin de mettre ses correspon- 
dants en garde contre les entreprises des faussaires. 

H. Lesêtre. 

SIGNE (hébreu : 'ôt, et beaucoup plus rarement 
mô'êd, môfê' , mihydh, mas'êt, nés; Septante: <n)(;.eîov, 
ujffdïiixov; Vulgate : signum), attestation visible d'une 
chose qui ne se voit pas. 

1° Signes dans le ciel. — Les grands astres, le soleil 
et la lune, sont les signes du temps, ils en marquent 
la division en jours et en années. Gen., I, 14. Il se pro- 
duit dans le ciel différents phénomènes astronomiques 
ou météorologiques dont les gentils tirent des consé- 
quences fâcheuses. Voir Astrologues, t. i, col. 1191. 
Jérémie, x, 2, dit qu'il ne faut pas se laisser effrayer 
par ces signes du ciel. Les idoles sont incapables de 
faire apparaître de pareils signes. Bar., vi, 66. On 
tirait de l'aspect du ciel des pronostics sur le temps. 
Matth., xvi, 2-4; Luc, xn, 54-56. Les pharisiens et les 
sadducéens demandèrent à Notre-Seigneur un signe 
dans le ciel, en preuve de sa mission. Il leur refusa ce 
miracle de pure curiosité. Matth., xvi, 1-4; Marc, vm, 
11, 12. Luc, xi, 16. Il y aura dans le ciel des signes 
précurseurs de la lin du monde. Matth., xxiv, 3; Luc, 
xxi, 7, 25; Marc, xm, 4. 

2" Signes naturels. — De ce nombre sont les signes 
de la lèpre, Lev., xm, 10, 24, et ceux de la virginité. 
Deut., xxii, 15, 17. Les anges disent aux bergers qu'ils 
reconnaîtront le Sauveur dont ils annoncent la nais- 
sance à ce signe : un enfant enveloppé de langes et 
couché dans la crèche. Luc, n, 12. 

3° Signes conventionnels. — Le sang de l'agneau 
pascal, sur les montants et le linteau de la porte des 
Hébreux en Egypte, sera le signe que leurs maisons 
doivent être épargnées. Exod., xn, 13. Rahab devra 
mettre sur sa maison le signe qu'on lui indique, pour 



1719 



SIGNE — SIHA 



1720 



échapper à l'extermination. Jos., H, 12, 18. La fumée 
s' élevant de Gabaa sera pour les Hébreux le signe que 
le moment est venu de sortir de leur embuscade. Jud., 
XX, 38. Jonathas convient avec son étuyer que, si les 
Philistins les appellent, ce sera le signe qu'ils peuvent 
monter les attaquer. I Reg., xiv, 10. Toutefois ce signe 
implique une convention tacite avec Dieu, qui seul peut 
faire réussir l'entreprise. On élevait des signaux sur 
la montagne, probablement en allumant un feu, pour 
annoncer l'approche des ennemis. Jer., vi, 1. On em- 
ployait le même procédé pour faire connaître à tout le 
pays le jour de la néoménie. Voir Néoménie, t. iv, 
col. 1590. Tobie donna à son fils l'écrit de son parent 
concernant sa dette, afin que celui-ci le reconnût. Tob., 
v, 2. Judas fit d'un baiser donné à Jésus le signe auquel 
la cohorte reconnaîtrait celui qu'elle devait arrêter. 
Matth., xxvi, 48; Marc, xiv, 44. — Il y avait des signes 
adoptés pour distinguer dans les campements les 
familles des diverses tribus, Num., ir, 2, les combattants 
des différentes nations. Ps. lxxiv (lxxiii), 4, etc. Voir 

ÉTENDARD, t. II, Col. 1998. 

4° Signes commémoratifs. — Par la volonté de Dieu 
l'arc-en-ciel devient le signe de son alliance avec 
l'humanité. Gen., ix, 12, 13, 17. L'alliance de Dieu avec 
la race d'Abraham a pour signes la circoncision, Gen., 
xvii, 11; Rom., iv, 11, et le sabbat. Exod., xxxi, 13; 
Ezech., XX, 12, 20. Les phylactères sont les signes des 
commandements divins, spécialement de ceux qui 
concernent les azymes et les premiers-nés, et rappellent 
ainsi la délivrance de l'Egypte. Exod., xm, 9, 16; Deut., 
vi, 8; xi, 18. Voir Phylactères, col. 349. Les encen- 
soirs de Coré et de ses compagnons de révolte furent 
réduits en lames et appliqués à l'autel, comme signes de 
la faute et de son châtiment. Num., xvi, 38. La verge 
fleurie d'Aaron fut placée devant l'Arche, comme signe 
de la répression exercée sur ceux qui s'étaient révoltés 
contre le grand-prêtre. Num.,xvn, 10. Josué fit dresser 
douze pierres prises dans le lit du Jourdain, comme 
signes, pour la postérité, du passage miraculeux des 
Hébreux. Jos., iv, 6. Judas Machabée fit attacher à la 
citadelle la tête de Nicanor, en signe de la protection 
accordée par Dieu à ses serviteurs. II Mach., xv, 35. 

5° Signes indicatifs. — Dieu mit un signe sur Caïn 
afin qu'on le reconnût. Gen., iv, 15. Coré et ses com- 
plices furent engloutis, pour servir de signes de la 
colère de Dieu. Num., xxvi, 10. Cf. Deut., xxvm, 46; 
Job, xxi, 29; Ezech., xiv, 8. Gédéon demanda un signe 
de la volonté de Dieu qui l'envoyait combattre les Madia- 
nistes. Jud., vi, 17, 39. Le persécuté est pour la foule 
un signe de la protection de Dieu, parce que ses ennemis 
ne peuvent venir à bout de lui. Ps. lxxi (lxx), 7. Saint 
Paul donne comme signes de la légitimité de son 
apostolat ses vertus et ses miracles. II Cor., xn, 12. — 
Le Sauveur doit « être un signe en butte à la contra- 
diction, et ainsi seront révélées les pensées cachées 
dans le cœur d'un grand nombre, n Luc, n, 34, 35. 
L'attitude que l'on prendra vis-à-vis de lui indiquera 
ce que l'on pense et ce que l'on veut au fond de l'âme. 

6° Signes prophétiques. — Le signe que Dieu sera 
avec Moïse, c'est qu'il sera servi sur la montagne où il 
lui parle. Exod., m, 12. Ici les deux faits sont futurs 
et le second confirmera le premier. Mais la parole de 
Dieu doit donner toute certitude à Moïse. La mort des 
deux fils d'Héli le même jour prouvera la réalité des 
événements annoncés comme devant suivre. I Reg., 
Il, 34. Samuel indique à Saûl différents signes qui vont 
se produire et confirmeront la légitimité de son titre 
de roi. I Reg.,x, 1, 7-9. L'autel de Béthel se fend sous 
les yeux de Jéroboam en signe de sa destruction future. 
III Reg., xm, 3, 5. Isaîe, vu, 11-14, donne à Achaz 
le signe de l'Emmanuel, pour annoncer le prochain 
châtiment de la Syrie et d'Israël. La récolte de la troi- 
sième année sera le signe de la restauration de Sion. 



IV Reg., xix, 29; Is., xxxvii, 30. La rétrogradation de 
l'ombre du cadran solaire est le signe de la prochaine 
guérison d'Ézéchias et de la délivrance du pays. 
IV Reg., xx, 8, 9; II Par., xxxii, 24, 31; Is., xxxvm, 

7, 22. Les Israélites fidèles sont le signe et le présage 
que Dieu n'abandonnera pas son peuple. Is., vin, 18. 
Le prophète nu et déchaussé est le signe du sort pré- 
paré à l'Egypte et à l'Ethiopie. Is., xx, 3. Le pharaon 
Éphrée livré à ses ennemis est le signe du châtiment 
qui frappera les Juifs idolâtres. Jer., xliv, 29, 30. 
Ézéchiel, iv, 3, met une poêle de fer entre lui et Jéru- 
salem, en signe du siège imminent de la ville. Il 
reçoit l'ordre de fuir par un trou de la muraille, pour 
signifier la fuite de Sédécias. Ezech., xn, 6, 11. Le 
silence imposé au prophète est le signe de la prise de 
Jérusalem, bientôt réduite, elle aussi, au silence. Ezech., 
xxiv, 24, 27. Le grand-prêtre et ses collègues sont les 
signes du Messie futur. Zach., m, 8. Beaucoup d'autres 
actions symboliques, accomplies par les prophètes, 
sont les signes des événements qu'ils ont à prédire. 
La sagesse prédit et interprète ces signes. Sap., vin, 

8. — Saint Jean décrit plusieurs signes prophétiques 
des destinées de l'Église. Apoc, XII, 1, 3; xv, 1. 

7° Signes miraculeux. — Les miracles sont appelés 
des « signes », parce qu'ils sont la démonstration 
visible de la puissance de Dieu, au service de sa bonté 
ou de sa justice. Des signes nombreux ont accompagné 
la délivrance du peuple hébreu de l'Egypte. Exod., 
iv, 8, 9; vu, 3, 9; x, 1, 2; Deut., iv, 34; vi, 22; vu, 19; 
xi, 3; xxvi, 8; xxix, 3; xxxiv, 11; Ps. lxxvih (lxxvii), 
43; Jer., xxxii, 20; Bar., n, 11; II Esd., ix, 10, etc. 
Les Israélites comptaient si bien sur ces interventions 
divines qu'à certaines époques ils se plaignaient en 
disant : « Nous ne voyons plus nos signes. » Ps. lxxiv 
(lxxiii), 9. Cependant ceux-ci n'ont jamais fait défaut. 
II Mach., xiv, 15; Dan., m, 99, 100; vi, 27; xiv, 42. 
Comme de faux prophètes pouvaient opérer certains 
signes, il était défendu de les croire, malgré toutes les 
apparences de puissance qu'ils présentaient. Deut., 
xm, 2. — Dans le Nouveau Testament, les mincies 
sont habituellement appelés des « signes», parce qu'ils 
sont la manifestation visible de la mission et de la 
divinité de Jésus-Christ. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1504; Miracle, t. IV, col. 1111. Les Juifs veulent 
voir des signes. Matth., xn, 38, 39; I Cor., i, 22. Ils 
demandent à Notre-Seigneur quel signe il fait pour jus- 
tifier ses paroles et sa conduite. Joa., n, 18; vi, 30. 
Ces signes sont opérés par le Sauveur, Luc, xxiii, 8, 
etc., et par ses Apôtres, Act., u, 19, 22, 43, etc.; ils le 
seront par tous les croyants. Marc, xvi, 17, 20. — 
Le don des langues est un signe, mais seulement pour 
les infidèles. I Cor., xiv, 22. Voir Langues (Don des), 
t. iv, col. 79. — A la fin du monde apparaîtra le signe 
du Fils de l'homme. Matth., xxiv, 30. D'après S. Cyrille 
de Jérusalem, Catech., xv, 22, t. xxxin, col. 899, 
S. Jean Damascène, De ftd. orthod., iv, 11, t. xciv, 
col. 1132, et beaucoup d'auteurs, ce signe n'est autre 
que la croix. C'est ce que suppose également la litur- 
gie des fêtes de l'Invention et de l'Exaltation de la 
Croix, ad resp. Saint Jérôme, In Matth., IV, 24, t. xxvi, 
col. 180, dit que ce peut être la croix ou un étendard 
de victoire. Quelques-uns ont pensé que ce serait le 
Christ lui-même, mais à tort, car le Christ ne peut être 
son propre signe. Comme rien n'indique que le Sau- 
veur ait eu l'intention, dans ce passage, de faire men- 
tion de sa croix, il est possible que le signe du Fils de 
l'homme soit la gloire particulière qui appartient au 
Verbe incarné et qu'il revendique pour lui-même la 
veille de sa mort. Joa., xvii, 5. Cf. Knabenbauer. Evang. 
sec. M al th., Paris, 1893, t. n, p. 339. H. Lesêtre. 

SIHA (hébreu : §i/ia'; Septante : Sov6îa), chef d'une 
famille de Nathinéens. I Esd., n, 43; II Esd., vu, 47, 



1721 



SIHA — SILENCE 



1722 



(hébreu, 46). Ils retournèrent en Palestine avec Zoro- 
babel. Dans les Septante et la Vulgate, le nom est 
écrit 2*]â et Soha. Voir Soha. 

SIHOR D'EGYPTE (hébreu : ëîhôr Misraïm ; Sep- 
tante : àn6 êpiwv AiyûnTou; Vulgate : Sihor jEgypti), 
ruisseau d'Egypte qui formait la frontière de l'Egypte 
et la séparait de l'Asie. David, pour le transport de 
l'arche de Cariathiarim à Jérusalem, rassembla tout 
Israël depuis Sihor au sud jusqu'à l'entrée d'Émath 
au nord. I Par., xm, 5. — Ce ruisseau est appelé aussi 
Sihor dans Josué, xm, 3, texte hébreu, où la Vulgate 
traduit : a fluvîo turbido qui irrigat Mgyplunx; elle 
l'a pris pour le Nil, qui est en effet désigné par ce nom 
dans Isaïe, xxm, 3, et dans Jérémie, il, 18, où elle 
a mal traduit « qui arrose l'Egypte »; l'hébreu porte : 
« qui est en face de l'Egypte » et le distingue ainsi du 
fleuve qui coule au milieu de l'Egypte dans sa longueur. 
Voir Egypte 3, t. n, col. 1621. — Pour sihôr désignant le 
Nil dans le texte hébreu, Is., xxm, 3; Jer., n, 18, voir 
Chihôr, t. il, col. 1702; Nil, t. iv, col. 1622. 

S1HOR-LABANATH (hébreu : Sihôr LibnàÇ; 
Septante, Codex Vaticanus : Sstràv stai AaëavàO; Codex 
Alexandrinus : Seiwp xat Aaêavâû; Vulgate : Sihor 
et Labanath), nom qui sert à déterminer la limite 
méridionale de la tribu d'Aser. Jos., xix, 26. Les 
Septante et la Vulgate voient ici deux noms distincts, 
unis par la conjonction « et », ce qui suppose la 
lecture du vav hébreu. On peut joindre à leur témoi- 
gnage celui de la Peschito. Eusèbe et saint Jérôme, 
Qnomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 136, 152, 275, 
294, distinguent également Sior et Labanath dans la 
tribu d'Aser. A quel texte donner la préférence ? Il est 
difficile de le savoir. II peut aussi y avoir eu dans ce 
passage un déplacement de noms. Cependant, comme 
le mot sihôr est pris ailleurs, Jos., xm, 3, pour dési- 
gner un fleuve ou une rivière (voir Sihor d'Egypte), on 
accepte plus généralement le texte massorétique. Mais 
où trouver ce « fleuve de Labanath » ? On le cherche 
au-dessus ou au-dessous du Carmel, auquel il est associé 
dans le tracé de la frontière. Quelques-uns, s'appuyant 
sur le mot Libnaf, qui veut dire « blancheur », veulent 
identifier la rivière en question avec l'ancien Bélus, 
aujourd'hui Nahr Na'mdn ou Na'min, dont le sable 
servait à la fabrication du verre, cf. Pline, H. N., xxxvl, 
26, et qui se jette dans la Méditerranée au sud et 
près de Saint-Jean d'Acre. Cf. G.Armstrong, W. Wilson 
et Conder, Nantes and places in the Old and New 
Testament, Londres, 1889, p. 164. Mais, d'après le 
texte de Josué, le fleuve qui servait de limite à Aser 
devait se trouver au sud plutôt qu'au nord du Carmel. 
D'ailleurs, si l'on avait voulu indiquer près de la 
montagne un cours d'eau important, pouvant avec 
elle marquer la frontière, on eût plus naturellement 
choisi le Cison. Aussi beaucoup d'auteurs assimilent 
plutôt le sihôr Libnat au Nahr ez-Zerqâ, qui se jette 
dans la mer au sud de Tantàrah, l'ancienne Dor. C'est 
leflumen Crocodilon de Pline,//. N., v, 17, dans lequel 
on signalait encore en 1870 la présence de petits cro- 
codiles. Cf. V. Guérin, Samarie, t. n, p. 317. Y aurait-il 
eu dans le texte une leçon primitive, jnnb Timw, Sihôr 
livyâfdn, « le fleuve du crocodile », qui se serait chan- 
gée en rjnb nnnr, Sihôr libnat ? Il est permis de faire 
ici toutes les conjectures. Cf. F. de Hummelauer, 
Comment, in Josue, Paris, 1903, p. 429. On peut 
objecter à cette hypothèse que c'est transporter bien 
loin la frontière méridionale d'Aser. Mais nous savons 
par Josué, xvn, 11, qu'elle s'étendait primitivement 
jusqu'à Dor et ses dépendances, et qu'elle fut englobée 
plus tard dans la tribu de Manassé. Il n'est donc pas 
impossible de l'arrêter au Nahr ez-Zerqâ. Cf. A. Dill- 
mann, Josua, Leipzig, 1886, p. 560. A. Legendre. 



SILAS (grec . SiXa;), un des chrétiens importants 
de l'Église primitive de Jérusalem. On admet commu- 
nément que le Silas des Actes est le même que le Sil- 
vain ou Silvanus des Épitres. Silvas peut être une 
contraction de Silvanus, comme Apollos d'Apollonius ; 
ou bien Silvanus est une forme latinisée du nom sémi- 
tique Silas. Cf. I Par., vu, 35; Josèphe, Ant. jud., XIV, 
m, 2; XVIII, vi, 8; Vita, 17. Il parait avoir eu comme 
saint Paul le titre de citoyen romain. Act., xvi, 37. — 
— C'était un des principaux chrétiens de Jérusalem 
et il fut envoyé par les Apôtres et l'Église de cette ville 
à Antioche, en même temps que Judas Barsabas, avec 
Paul et Barnabe, afin d'y porter la lettre qui contenait 
les décisions du concile de Jérusalem. Act., xv, 22-29. 
Il demeura quelque temps en Syrie et y consola et ins- 
truisit les nouveaux chrétiens, j. 32, 34. Saint Paul se 
l'adjoignit comme auxiliaire, après s'être séparé de 
Barnabe et de Jean-Marc, f. 40. Il l'emmena avec lui 
en Syrie, en Cilicie, en Lycaonie, en Phrygie, en 
Galatie, à Troade, en Macédoine, à Philippes où 
ils furent battus et emprisonnés ensemble, à Thessa- 
lonique et à Bérée, et il le laissa dans cette dernière 
ville, lors de son départ pour Athènes. Act., xvi, 1-xvn, 
14. Silas devait aller l'y rejoindre avec Timothée, 
xvu, 15, mais on n'a pas la preuve que le voyage ait eu 
lieu. Nous retrouvons Silas avec saint Paul à Corinthe, 
où il était venu le rejoindre de Macédoine, xvm, 5. 
Les Actes ne nous apprennent plus rien de son minis- 
tère apostolique. Saint Paul, II Cor., I, 19, lui rend le 
témoignage qu'il a prêché Jésus-Christ dans cette ville 
avec lui et Timothée. Saint Jérôme, In Gai., i, 19, 
t. xxvi, col. 330-331, dit qu'il a été apôtre avec Judas : 
Ab apostolis apostoli nominantur. Saint Paul, dans 
ses deux Épitres adressées de Corinthe aux Thessa- 
loniciens, i, 1, leur écrit au nom de « Paul, Silvain et 
Timothée ». Silvain est certainement Silas. On admet 
aussi généralement que le Silvanus ou Silvain, men- 
tionné I Pet., v, 12, comme porteur de cette Épltre aux 
chrétiens du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de 
l'Asie et de la Bythinie, n'est pas différent de Silas. 
Saint Jérôme, Epist. xvm, ad Damasum, t. xxu, 
col. 376, dit même : Titiose Silvanus legitur pro Sila. 
Le pseudo-Dorothée, De LXX discipulis, 15, 17, t. xcn, 
col. 1061, et Hippolyte, De lxx Apost., 16, 17, t. x, 
col. 956, distinguent, comme les Grecs, Silas et Silvain 
et font le premier évêque de Corinthe et le second de 
Thessalonique. 

SILENCE (hébreu : dûmâm; grec : <nfî\> Vulgate : 
silentium), cessation de tout bruit, particulièrement 
de la parole. 

1° On commande le silence quand on veut se faire 
entendre. Jud., m, 19; Is., xli, 1; Judith, xm, 16; 
Act., xii, 17; xm, 16; xix, 33; xxi, 40. Quand on veut 
entendre, on fait silence et, au besoin, on se met la 
main sur la bouche, Jud., xvm, 19; Job, vi, 24; xxix, 
21; Sap., vin, 12; Act., xv, 12; xxu, 2, et l'on fait taire 
les autres. Matth., xx, 31; Marc, x, 48; Luc, xvm, 
39. — 2° On garde le silence quand on ne veut pas 
répondre, Gen., xxxiv, 5; Is., xxxvi, 21; IV Reg., 
xvm, 36; Luc, ix, 36; Matth., xxvi, 63; Marc, xiv,61, 
ou quand on ne sait pas que répondre. II Esd., v, 8; 
Eccli., xx, 6; Matth., xxu, 34; Marc, m, 4; IX, 33; 
Luc, xiv, 4; xx, 26. — 3° Dansles tempsde calamités, 
on ensevelit les morts en silence. Am., vi, 11; vin, 3. — 
4° Il y a temps de se taire et temps de parler. Eccle., 
m, 7. Le silence peut parfois devenir coupable. 
IV Reg., vu, 9. Il est souvent une preuve d'intelligence 
et de prudence, Prov., xi, 12; Eccli., XIX, 28; xx, 7; 
xxxii, 9, au point que le sot qui se tait peut passer pour 
sage. Job, xm, 5; Prov., xvn, 28. Dans l'assemblée 
chrétienne, il est prescrit aux femmes. I Cor., xiv, 34; 
I Tim., ii,11, 12. Celui qui possédait le don des langues 



1723 



SILENCE — SILO 



1724 



devait aussi garder le silence, si un interprète n'était 
pas présent. 1 Cor., xiv, 28. — 5° Le silence est chez 
les idoles une marque d'impuissance. Ps. cxv (cxiv), 
5; Hab., ir, 19. Chez les hommes, il peut signifier ou 
accompagner l'acquiescement, Num., xxx, 4, 12, 15; 
l'adulation, Eccli., xm, 28; la soumission, I Mach., i, 
3; la résignation, Am., v, 13; Lam., m, 28; l'espérance, 
Lam., m, 26; l'anéantissement. Is., xlvii, 5; Jer., 
xlviii, 2. — 6° À la créature convient le silence en 
face de Dieu. Hab., n, 20; Soph., i, 7; Zach., il, 13. Ce 
silence s'unit quelquefois à la prière. Judith, xm, 6. — 
7° Dieu lui-même garde le silence, quand il n'intervient 
pas malgré les épreuves de ses serviteurs, Ps. xxvm 
(xxvn),l; xxxv (xxxiv), 22; Is., xlii, 14, ou les péchés 
des hommes. Ps. l (xlix), 21; Is., lvii, 11. Mais ce 
silence ne dure pas toujours. Ps. l (xlix), 3; Is., xlii, 
14. — 8° Saint Jean note un silence, c'est-à-dire une 
interruption de révélation d'une demi-heure dans le 
ciel, au milieu des manifestations de la justice divine. 
Apoc.,vni, 1. H. Lesêtre. 

SILLON (hébreu : gedûr, via'dnâh, télém; Sep- 
tante : a-jÀa?; Vulgate : sulcus), tranchée ouverte dans 
la terre par le soc de la charrue. — Dieu féconde les 
sillons en les arrosant par la pluie. Ps. lxv fLXiv), 11. 
Le laboureur met tout son cœur à tracer les sillons, 
Eccli., xxxvm, 27, et il se garde de les quitter des yeux, 
afin de les tracer bien droits. Luc, ix, 62. Voir Charrue, 
t. n, col. 605. Il n'attelle pas l'aurochs à la charrue qui 
les creuse. Job,xxxix, 10. Voir Aurochs, t. i, col. 1260. 
Le pavot croit dans les sillons des champs. Ose., x, 4. 
On fait des monceaux avec les pierres qui s'y trouvent 
et dont la présence gênerait la culture. Ose., xn, 11. — 
Au figuré, le sillon pleure, quand le champ dont il fait 
partie a été mal acquis. Job, xxxj, 38. Il ne faut pas 
semer dans les sillons de l'injustice. Eccli., vu, 3. Les 
méchants tracent des sillons sur le dos de leur victime, 
par les coups qu'ils lui infligent. Ps. cxxix (cxxvm), 
3. — Il est raconté que Jonathas et son écuyer tuèrent 
environ vingt hommes « sur la moitié de l'espace qu'une 
paire de bœufs avait labouré en un jour i> (hébreu : 
çéméd. I Reg., xiv, 14. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1172. 
Septante : Ils les tuèrent « avec des javelots, des pierres 
et des cailloux du champ. » II. Lesêtre. 

SILO (hébreu : Silôh, Silôh, Silo, Sîlô; Septante : 
2ï|Xo>, 2ï|1w(ji., ville dans la tribu d'Éphraïm, aujour- 
d'hui Seiloun (fig. 375). 

1° Description. — Silo était « dans la terre de Cha- 
naan. » Jos., xxi, 2; xxn, 12; Jud.,xxi, 12. Elle se trou- 
vait « au nord de Béthel, [à droite ou] à l'est du che- 
min allant de Béthel à Sichem, au midi de Lebona, » 
Jud., xxi, 19, et par conséquent aussi au midi de 
Sichem. Seiloûn n'est maintenant qu'un « amas de 
ruines », couvrant le sommet et les pentes méridiona- 
les d'un mamelon, dominé au nord par la montagne de 
Qariôt, ou épandues à sa base surtout au sud-ouest. Le 
groupe des habitations renversées, qui occupaient la 
colline, présente généralement les caractères d'un vil- 
lage arabe assez important; mais les citernes, de nom- 
breux caveaux pratiqués dans le roc ou construits avec 
des soubassements ou des parties formées de grosses 
pierres à peine équarries, semblent remonter aux 
temps les plus antiques. Au pied de la colline, au sud, 
à l'ombre d'un immense chêne vert qui tombe de 
vétusté, se voit un édifice carré d'environ dix mètres 
de côté, construit avec des pierres anciennes très régu- 
lièrement travaillées. La voûte en est soutenue par 
deux colonnes. Un mifirab revêtu de belles plaques de 
marbre indique que ce bâtiment a servi de mosquée. On 
le nomme Djamé' el-Yâteim. La « fontaine de Silo », 
'Ain Seilûn, coule au nord*. Des deux côtés du che- 
min qui conduit à la fontaine on voit de nombreuses 



grotttes sépulcrales antiques. La source, de débit 
médiocre, sort du rocher et l'eau se dirige par un 
canal, vers un bassin carré, de trois mètres environ de 
côté, en partie taillé dans le roc et en partie bâti et 
situé à quinze pas. Non loin on remarque un grand 
quartier de rocher isolé, avec deux cavités en forme 
à'arcosolia ou de niches, à la base desquels est une 
auge de près de cinquante centimètres de profondeur. 
On croit généralement voir là d'anciens tombeaux déta- 
chés par accident de la montagne voisine. Des degrés 
pratiqués à l'arrière et des ouvertures circulaires au 
sommet des arcs permettent de supposer que ces cavi- 
tés ont été utilisées pour les purifications. — Un vaste 
espace, où pourraient tenir plusieurs milliers de per- 
sonnes, se développe en amphithéâtre à l'avant de l'an- 
cienne plate-forme, et s'ouvre au sud sur une belle 
plaine large de près de trois kilomètres du nord au sud 
et de plus de quatre d'est à ouest. Les montagnes, dont 
la plaine est entourée au midi et au couchant, forment 
comme une immense enceinte au site de Seiloûn et lui 
impriment un caractère plein de grandeur et de ma- 
jesté.— Selon toute apparence, le Djdmé 'el-'Ar-ba'in, 
situé à 400 mètres au sud-est du Djdmé el-Yateim, 
n'est pas différent de la mosquée ou dôme de la 
Sekinah des écrivains du moyen âge, et l'édifice était 
évidemment destiné à honorer le souvenir du séjour 
de l'arche et du tabernacle en cet endroit. Quant à « la 
Table » dont parlent ces auteurs, faut-il y voir la men- 
tion des Tables de la Loi ou celle de l'autel montré au 
IV e siècle et où faut-il la chercher? Peut-on la voir, 
comme l'ont cru plusieurs des explorateurs modernes, 
auDjamé'ei-Ya£eim?oubien,comme semble l'indiquer 
Estori,àla mosquée annexe à'el-'Arba'in ? ou bien en- 
core en avant de cet édifice, à l'ouest où devait se trou- 
ver l'autel des holocaustes ? C'est plutôt à ce dernier, 
semble-t-il, que conviendrait l'expression arabe el- 
Mâi'déh, à moins qu'on ne l'entende du rocher aplani 
sur lequel pouvait reposer l'arche. Si l'expression 
sdmûh, « attenant», du rabbin du XIII e siècle semble 
désigner la petite mosquée, il peut cependant l'avoir 
prise dans la signification plus large de « près », et 
avoir eu en vue l'emplacement voisin de l'autel. Dans- 
tous les cas, il paraît difficile de pouvoir l'étendre 
jusqu'au Djdmé 'el-Yateim. Peut-être faut-il voir ici 
l'endroit où l'on vénérait les restes du prophète Ahias 
qui, selon l'auteur de la Vie des prophètes, 2, t. xliii, 
col. 393, fut enseveli sous le chêne de Silo. Cf. S. Jé- 
rôme, Epist. cvui, t. xxn, col. 888; In Soph., i, 15, 
t. xxv, col. 1353. 

2° Histoire. — La conquête du pays de Chanaan était 
achevée. Silo se trouvait à distance égale entre les fron- 
tières du nord et du midi; sa plaine offrait l'emplace- 
ment le plus favorable pour camper et était facilement 
abordable du côté de l'est : Josué et les anciens d'Israël 
choisirent cette ville pour y établir le tabernacle, et tout 
le peuple s'y rendit pour cette inauguration. Jos., xvm, 
1. Silo devint dès lors le lieu ordinaire des assemblées 
de la nation. A la première, on fit choix desliommes 
qui devaient procéder à la délimitation des territoires 
pour les sept tribus qui n'en avaient pas reçu de défini- 
tif. Ibid., 2-8. Dans la seconde, tenue à leur retour et 
présidée par le grand-prêtre Éléazar et par Josué, on 
tira au sort la part de chacune d'elles. Ibid., 9-10; xix, 
51. C'est à l'assemblée de Silo' que les lévites vinrent 
réclamer la portion que leurattribuaientles institutions 
de Moïse. Ibid., xxi, 1-2. Les guerriers des tribus orien- 
tales avaient reçu de Josué leur congé à Silo. Avant de 
repasser le Jourdain, ils avaient élevé un autel gigan- 
tesque sur la rive du fleuve. Instruits de ce fait, les 
anciens se réunirent de nouveau à Silo, dans l'inten- 
tion de prendre les armes contre eux; mais ils furent 
apaisés par les explications rapportées par Planées et. 
les autres envoyés. Ibid., xxn. — Selon les Septante,. 



1725 



SILO 



1726 



ibid., xxiv, 1, 25, la grande assemblée convoquée par 
Josué, vers la fin de sa vie, se serait tenue également à 
Silo. Le texte hébreu et la Vulgate nomment Sichém, 
et cette leçon parait la meilleure. Outre les souvenirs 
se rattachant à cette ville avec lesquels Josué voulait 
mettre le peuple en contact, à cause de l'abondance de 
ses eaux, elle convenait mieux pour une assemblée plé- 
nière que Silo. Ce motif fut vraisemblablement un de 
ceux qui à celle-ci firent encore préférer Maspha et 
Béthel, quand il s'agit de l'affaire du lévite de Belh- 
léhem, Jud., xx, xxi. Et c'est à tort que le traducteur de 
la Vulgate prend, ibid., xx, 18, et xxi, 2, la localité de 
Béthel, pour bel 'élôhîni, « la maison de Dieu », c'est-à- 
dire le lieu du tabernacle, et qu'à cette traduction erro- 



son épouse, priant devant le tabernacle et bénie par le 
grand-prêtre Héli, obtint de devenir la mère du pro- 
phète. I Sam., 1,4-23. Quand l'enfant fut sevré,elle vint à 
Silo avec son mari, pour le consacrer au service du 
Seigneur, f. 24-28; n, 1-10. Samuel y grandit et y 
entendit pour la première fois l'appel de Dieu au minis- 
tère prophétique. Il l'inaugura en venant répéter à Héli 
les menaces du Seigneur, que déjà lui avait annoncées 
un homme de Dieu, contre sa maison, à cause des 
scandales donnés par ses fils Ophniet Phinées.I Sam., 
ir, 11-36; m,l-18. — Le Seigneur continua à se manifes- 
ter à Samuel à Silo et on s'y rendait de tout Israël pour 
le consulter, f. 19-21. La ruine prédite de la maison 
d'Héli ne tarda pas d'arriver et d'entraîner avec elle la 








375. — Ruines de Silo. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



née il ajoute la glose hoc est in Silo; et ce n'est pas 
moins arbitrairement qu'il remplace, ibid., xxt, 9, l'ad- 
verbe Sâm, èxel, « là », c'est-à-dire à Maspha, par cum 
essent in Silo. Josèphe, égaré de même, par l'expression 
« ils se réunirent devant le Seigneur, » de xx, 1, l'in- 
terprète aussi sîç tr|v St'Xouv, « à Silo ». Ant. jud., V, H, 
9. Le peuple y revint en effet, la guerre contre la tribu 
de Benjamin terminée, pour y rapporter l'arche sainte, 
et c'est là qu'on amena au camp les 400 jeunes filles 
de Jabès de Galaad épargnées au sac de cette ville. Jud., 
XXI, 12. Les 600 Benjamites survivants furent invités à 
y venir pour les prendre. Les 200 qui restaient sans 
épouse, suivant l'avis des anciens, se cachèrent dans 
les vignes, et quand les filles de Silo, au jour de la 
fête, sortirent de la ville pour exécuter leurs danses 
usitées, ils se jetèrent sur elles, pour s'emparer chacun 
d'une compagne. Jud.,xxi, 13-23. Pouraccomplir la loi, 
Deut., xvi, 16, tous les Israélites devaient monter plu- 
sieurs fois l'an à Silo où était le Sanctuaire. Elcana, 
père de Samuel, s'y rendait régulièrement, avec sa 
famille. I Sam., i, 3. C'est dans une de ses visites qu'Anne, 



ruine du Sanctuaire de Silo. L'armée des Philistins 
avait fait invasion sur le territoire de leurs voisins; 
les Israélites en voulant les repousser avaient été 
battus à Aphec et avaient envoyé chercher l'arche à 
Silo. Défaits une seconde fois, les deux fils d'Héli avaient 
péri dans la bataille et l'arche sainte était tombée aux 
mains de l'ennemi. La triste nouvelle était arrivée à 
Silo le même jour, apportée par un Benjamite aux 
habits lacérés, à la tête couverte de terre, échappé du 
combat. Toute la ville s'était aussitôt remplie de tumulte 
et de cris. Héli, qui était assis sur son siège à l'entrée du 
tabernacle, « en apprenant le sort de l'arche, tomba à la 
renverse et mourutsur le coup. » I Sam., IV. — L'arche 
ne devait plus revenir à Silo ; le tabernacle devait être 
transporté ailleurs, suivi par les restes de la famille 
d'Héli. Samuel quitta Silo pour retourner à Ramatha 
sa patrie. A cause des profanations commises, « le Sei- 
gneur avait répudié le tabernacle de Silo, la tente où il 
avait habité parmi les hommes.» Ps. txxvii, 60. Silo dé- 
laissée restera l'exemple des sévérités divines. Jer., vu, 12- 
13; cf. xxvi, 6, 9. Vers la fin du règne de Salomon, le 



1727 



SILO 



SILOE 



1728 



prophète Ahias, habitant de Silo, reçut la mission d'an- 
noncer, en punition des fautes du roi, la division du 
royaume après sa mort. III Reg., xi, 29; xn, 15; II Par., 
ix, 29; x, 15. A la femme du roi Jéroboam qui venait 
déguisée le consulter à Silo au sujet de son fils malade 
à Thersa, le même prophète lui annonçait qu'à cause 
de l'infidélité de son mari à répondre au choix que 
Dieu avait fait de lui, leur fils mourrait. III Reg., xiv, 
1-18; XV, 29. — Cent trente ans après la prise de Sama- 
rie et après la destruction de Jérusalem par les Chal- 
déens, Silo avait des habitants fidèles au culte légitime : 
une partie des pèlerins montant à Jérusalem pour y 
offrir leurs présents et qui furent massacrés par Isma- 
hel àMaspha, étaient de Silo. Jer., xli, 5. — Cette ville 
resta cependant attachée à la province de Samarie jus- 
qu'à l'époque des Machabées. Elle dut être annexée à 
la province de Judée, en même temps que la toparchie 
d'Acrahathène dont elle faisait partie, après la prise de 
Sichem et du Garizim par Jean Hyrcan (128 av. J.-C). 
Au IV e siècle Silo était déserte. Cf. S. Jérôme, InSoph., 
loc. cit. Seiloûn est complètement abandonné aujour- 
d'hui. V. Guérin, Samarie, 1875, c. xxm, t. H, p. 21-27; 
The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 
1882, t. h, p. 367-370. L. Heidet. 

SILOE (hébreu : haS-Sîloah et Silôah; Septante et 
Nouveau Testament : 6 SiXtoifi), nom d'une source, 
d'un canal par où coulent ses eaux, de la piscine où 
elles aboutissent et de' la région au midi de Jérusalem 
où ils se trouvent. — L'hébreu nlur, slh, II Esd., m, 
15, a été vocalisé Sélah, par les massorètes; les Sep- 
tante l'ont traduit par xwSiov, « peau », lui attribuant 

la signification de l'arabe Juo,de iL*o, «écorcher»; la 

Vulgate l'a transcrit Siloë comme ailleurs. Rien n'indi- 
que que le nom écrit ici comme il devait l'être partout 
avant la massore soit en effet différent. La glose : ô 
lp|i.r]VEÛ£Tai à;ce7Ta).|jivo;, quod interpretatur Alissus, 
ajoutée au nom par l'évangéliste, Joa., ix, 7, prouve 
bien que l'appellation historique et traditionnelle se 
prononçait avec h et dérivait de la racine lâlah, « il a 
envoyé »; la finale y. de la transcription grecque aura 
été prise par motif d'euphonie et la forme Silôân 
constamment employée par les Arabes leur sera venue 
par l'intermédiaire des Byzantins. Un grand nombre 
d'exégètes croient voir dans cette glose l'intention de 
l'évangéliste de rattacher ce nom, par un sens prophé- 
tique ou mystique, au fait raconté par lui. Signifiant 
littéralement emissio [aquarum], il est l'équivalent de 
« canal » et de « tunnel », et le nom lui aura été donné 
quand ceux-ci auront été faits pour envoyer les eaux 
de la fontaine aux jardins du roi ou à la piscine. Du 
canal le nom passa à la source, au réservoir et à la 
région. Quelques auteurs cependant y voient une allu- 
sion au « jet » précipité des eaux intermittentes de la 
fontaine. Cf. I. Knabenbauer, In Jsaiam, Paris, 1887, 
t. i, p. 202-204; P. Schanz, Commentarium ûber das 
Evangelium des h. Johannes, Tubingue, 1885, p. 367; 
Gesenius, Thésaurus, p. 1416. 

I. Siloé (La fontaine de). — Elle est comprise dans 
la locution générale : t»ê haS-Siloah, tô Oôtap toy Ei- 
Xb>x[i, aquse Siloë, Is., vin, 6, désignant en même temps 
le cours de ses eaux. Le prophète met en opposition 
« les eaux de Siloé qui coulent en silence,'» image de 
la maison de David, et « les eaux tumultueuses et 
abondantes du fleuve, » c'est-à-dire de l'Euphrate qui 
représentent * le roi d'Assyrie et toute sa puissance. » 
La fontaine de Siloé est appelée simplement « la fon- 
taine », hd-'Aîn, II Esd., ni, 15, parce qu'elle est la 
fontaine unique de Jérusalem; les autres sont « les 
fontaines du dehors de la ville. » Il Par., xxxiii, 4. 
Les Juifs du premier siècle s'expriment de même par 
la bouche de Josèphe : c Siloé, c'est le nom que nous 



donnons à la fontaine. i> Bell, jud., V, îv, 1 ; cf. vi, 1 ; 
xu, 2; Tacite, Hist., v, 12. L'historien juif distingue de 
même entre « Siloé et les sources du dehors de la ville. » 
Ibid., ix, 4. Il indique Siloé ou « la fontaine », vers 
l'extrémité méridionale de la ville et de la vallée du 
Tyropéon qui court entre la montagne du Temple et 
la ville haute. Ibid., H, xvi, 2; "V, iv, 1, 2. Il désigne 
ainsi la bouche du canal par où sortent les eaux. En 
donnant, IIEsd.,m,15,le nom de «porte de la fontaine» 
à la porte la plus voisine de la piscine où aboutissaient 




376. — Piscine et église de Siloé. 
D'après M. L. Heidet. 

ces eaux et qui est sans doute la porte découverte en 
1897, par M. Bliss, à la pointe sud-est de la montagne 
supérieure, à 280 mètres à l'ouest du birket el-Hamrâ, 
Néhémie, sous le nom de « fontaine », désigne évidem- 
ment la même issue. Les indigènes arabes n'ont point 
cessé de l'appeler 'aïn Silôân, tout en donnant parfois 
le même nom à la source d'où viennent les eaux. Cf. 
Guy le Strange, Palestine under the Muslems, Londres, 
1890, p. 74, 162, 179, 212, 220. Celle-ci est plus com- 
munément appelée par eux aujourd'hui « la fontaine des 
Degrés », 'Ain Umm ed-Deradj, ou « la fontaine de la 
"Vierge», 'Ain Sitti-Mariam. En décrivant cette source, 
« dont les eaux ne sont pas continues, mais sortent seu- 
lement à des heures irrégulières du jour, en bouillon- 
nant et à grand bruit, des cavités de la terre dans 
une grotte de rocher très dur, » saint Jérôme la nomme 
positivement s la fontaine de Siloé ». In Is., vm, 6, 



1729 



SILOE 



1730 



t. xxiv, col. 116. Il l'indique, ibid., « au pied du 
mont Sion », c'est-à-dire « au pied du mont Moria », 
comme il s'exprime, In Matth.,x, 28, t. xxvi, col. 66. — 
Les auteurs du Targum, de la version syriaque et de 
la version arabe remplacent, III (I) Reg., i, 33, 38, 45, 
le nom de Gihon, par 'en êilôhà', 'aïn Silôhd, donnant 
ainsi à entendre que ce dernier nom est le plus récent. 
Les commentateurs juifs suivent généralement le même 
sentiment. Cf. Estôri ha Parchi, Caflor va-Phérach, 
édit. de Jérusalem, 1897, p. 204; Ishaq Chelo, dansCar- 
moly, Itinér. de la T. S., 1847, p. 236. Voir Gihon, t. ni, 



xvin, 17, et le nafral haS-Sôtêf be-(ôk hà-âréç, rivus gui 
fluebat in medio terrœ. II Par., xxxu, 4. Il est fait 
allusion au second dans le travail d'Ezéchias pour 
dérober ce « courant », nafyal, à l'ennemi. C'est le te- 
'àlâh établi pour conduire les eaux de Gihon, par-des- 
sous, à la ville, IV Reg., xx, 20; II Par.,xxxn, 30; c'est 
le percement du rocher avec le fer pour détourner les 
eaux de Gog (Septante, pour Gihon) au milieu de la 
ville. Eccli., xi.viii, 19. Voir Aqueduc, t. i, col. 803-808. 
III. Siloé (Piscine de) (hébreu, II Esd., m, 15 : berê- 
kat has-Sélah; Septante : xo).vi|i.6if|8pa tû>v xeoSiwv -uf. 




377. — Birket Siloân. Restes de l'ancienne piscine et de l'église. Issue du canal. 
D'après une photographie de M. L. Heidet. 



col. 1503. La « piscine supérieure », IV Reg., xvin, 
17; 1s., xxxvi, 2, est parfois aussi identifiée avec la 
fontaine supérieure de Siloé. Cf. Piscine supérieure, 
col. 441. Quelques-uns y voient encore la « fontaine de 
Rogel ». Cf. col. 1108. 

II. Siloé (L'aqueduc de). — La Bible, suivant un grand 
nombre d'interprètes et d'archéologues, mentionne 
deux cours des eaux de Siloé : 1" un cours à ciel 
ouvert qui passait par la vallée de Cédron en contour- 
nant la colline orientale deJérusalemoul'Ophel;2<> leur 
passage par un conduit pratiqué dans le roc de la même 
colline pour se rendre au sud-ouest. — Le premier, 
antérieur au percement du tunnel, est le cours modeste 
des eaux de Siloé, positivement nommé par Isaîe, vm, 
6. Il passait, croit-on, par un canal en partie taillé 
dans le rocher au bas de la colline, et dont divers 
savants auraient reconnu le tracé. Il aurait été désigné 
d'abord sous le nom de sinnôr. II (Sam.) Reg.. v, 8. Il 
serait le « canal t,(e'âldh, d'Is., vli,3;xxxvi, 2; IV Reg., 

DICT. DE LA BIBLE. 



xo'jpï toû pstTi'Xec*;; Joa., IX, 7 : xoXu[A6r|8pa toO 2iX>>>â[x, 
réservoir ou étang destiné à recueillir les eaux de la 
fontaine de Siloé au débouché du canal (fig. 377). — 
1» L'étang de Siloé est une seule fois cité dans l'ancien 
Testament, II Esd., m, 15, par son nom propre. Sellun, 
fils de Cholhoza, chef du district de Maspha, releva 
du temps de Néhémie la porte de la fontaine et le mur 
de la piscine de Siloé près du jardin du roi et jusqu'aux 
degrés descendant de la Cité de David. — A 60 mètres 
au nord-est de la porte découverte en 1896 et qui a 
l'apparence d'être la porte de la fontaine de Néhémie, 
nous avons rencontré déjà le birket el-Ifamrd. Ses 
caractères témoignent d'une assez haute antiquité. Il 
est formé au midi par un mur de barrage s'étendant 
de l'extrémité méridionale de la colline dite d'Ophel 
à la montagne occidentale de Sion, sur près de 
90 mètres. Ce mur, épais de deux mètres et demi, 
repose sur un fondement de six mètres de largeur. 
Aujourd'hui haut de sept mètres, il paraît avoir été jadis 

V. — 55 



1731 



SILOE — SIMEON 



1732 



plus élevé pour servir de rempart. De puissants contre- 
forts en blocs à bossage, au nombre de sept, soutiennent 
le mur, et semblent avoir été construits pour l'empê- 
cher de céder sous la poussée de l'eau. Divers autres 
ouvrages en maçonnerie assez grossière sont venus 
dans la suite renforcer celte digue. Le bassin resserré 
entre les montagnes était de forme irrégulière et pouvait 
se développer du midi au nord sur une étendue de plus 
de cent mètres. La muraille, dont M. Bliss a retrouvé les 
restes en même temps que la porte, arrivée de celle-ci àla 
pointe sud-est du Sion et au barrage, remontait vers le 
nord en suivant le bord de la piscine. Au delà un esca- 
lier large de 7 à 9 mètres et dont on a découvert 
34 degrés, descendait sur le flanc de la montagne occi- 
dentale le long de l'escarpe et aboutissait à la piscine à 
son angle nord-ouest. Il y a tout lieu de croire que c'est 
bien l'escalier descendant de la Cité de David et par 
conséquent que le birket el-J}.am.ra n'est pas différent 
de la « piscine de Siloé » de II Esd.,in, 15. — Dans son 
excursion nocturne pour reconnaître l'état des murs de 
Jérusalem, Néhémie, venant par « la vallée », gê'[Hin 
nom], était « passé à la porte de la Fontaine et à la 
piscine du Roi », avant de remonter par ce le torrent», 
nahal [de Cédron]. Les exégètes admettent cependant 
communément que cette piscine n'est pas autre que 
la piscine de Siloé. 

2° La piscine de Siloé où l'aveugle-né fut envoyé 
par le Sauveur est, d'après une tradition séculaire, au 
débouché du tunnel. On voit là un bassin formé de 
mauvais murs dont celui de l'est est éboulé depuis 
quelques années. La longueur est de 15 mètres sur 5 de 
largeur et autant de profondeur. Quelques tronçons de 
colonnes gisent au fond et les eaux du canal le traver- 
sent. Les indigènes le nomment birkét Silôân. Dans 
les fouilles pratiquées aux alentours en 1896, M. Bliss 
a découvert les restes d'une piscine beaucoup plus 
importante dont ce bassin n'occupe qu'une partie. 
Fresque carrée, elle mesure 22 mètres du nord au sud, 
23 d'est à ouest et 5 et demi de hauteur. Sur le bord 
de la piscine, au nord, était une église à une nef. — Voir 
Revue biblique, 1897, p. 299-306; F. I. Bliss, Excava- 
tions of Jérusalem (1894-1897), Londres, 1898, p. 132- 
210. 

IV. Siloé (La. tour et le quartier de). — Jésus fait 
allusion, Luc, xur, 4, à une tour qui, s'étant écroulée, 
écrasa dix-huit Galiléens, Turris in Siloë. La tour ici 
mentionnée est-elle la tour découverte par M. Bliss 
près de la porte de la fontaine ou quelque autre, rien 
n'autorise à formuler une identification précise. Il 
ressort toutefois de l'expression que le vocable de Siloé 
se donnait encore à la région en général. Plusieurs 
fois Josèphe, dans les passages cités, l'emploie avec 
cette signification. Les saints Pères en usent fréquem- 
ment de même, particulièrement saint Jérôme. Cf. In 
Jer., vu, 31, t. xxiv, col. 735; In Soph., i, 11, t. xxv, 
col. 1349; In Matth., x,28,t.xxvi, col. 66. Cf.Épiphane, 
Vitse prophet., vu, t. xliii, col. 397. Voir Ch. Warren 
et Conder, Survey of Western Palestine, Londres, 1884, 
part. 2, p. 345-371; Cari Mommert, Siloah, Brunnen, 
Teich, Kanal zu Jérusalem, in-8°, Leipzig, 1908. 

L. Heidet. 

SILONI (hébreu : èilônî; Septante : Etjïwv!), des- 
cendants de Séla, de la tribu de Juda, qui habitèrent 
à Jérusalem à une époque difficile à préciser. I Par., 
ix, 5. Dans les Nombres, xxvi, 20, les descendants de 
Séla sont appelés Sélaïles. Dans Néhémie, Siloni ou 
Silonite,IIEsd., xi, 5, désigne un descendant de Phares. 
*. 4, 6. L'article qui précède ce dernier nom dans le 
texte hébreu, has-Sïlônt, indique que c'est unappellatif, . 
ce qui peut signifier qu'il était de Silo. Voir Silonite. 

SILONITE (hébreu : haS-Silônî; Septante : 6 ^.t,Xu>- 
v:'ttiç), originaire de Silo ou habitant de celte ville. Le 



p rophèteÀhias ou Ahiaesl surnommé le Silonite.IIIReg., 
xi, 29; xii, 15; xv, 29; II Par., ix,29; x, 15. Voir Ahia 3, 
1. 1, col. 291.— Sur le Silonide II Esd.,xi,5, voir Siloni. 

SI L VAIN (SiXouocvd;), nom par lequel Silas est 
désigné dans les Épîtres. II Cor., l, 19; I Thess., i, 1 ; 
I Pet., v, 12. Voir Silas, col. 1722. Dans la Vulgate le 
nom est écrit (dans plusieurs éditions) Sylvanus. 

SILVESTRE(VALLÉE),nomdelavalléedeSiddim 
dans la Vulgate, Gen., xiv, 3, 8, 10 : Vallis Sylvestris. 
Voir Siddim, col. 1702. 

SIMÉON (hébreu : Sim'ôn; grec : Eu|j.£cJv), nom 
d'un patriarche, d'une tribu et de plusieurs personnages 
d'Israël. 

1. SIMÉON, le second fils que Jacob eut de Lia. Gen., 
xxix, 33; xxxv, 23. Sa mère, en le mettant au monde, 
s'écria : « Jéhovah a entendu (hébreu : iâma') que 
j'étais haïe, il m'a encore donné celui-là. Et elle le 
nomma Siméon (Sim'ôn). » Gen., xxix, 33. L'origine 
de son nom repose donc sur ce jeu de mots. Quant à 
son histoire, elle n'est marquée que par deux épisodes. 
Le premier fut sanglant et imprima sur son front une 
tache que son père lui-même sut lui rappeler. Gen., 
xlix, 5, 7. Pour venger l'honneur de sa sœur Dina, il 
s'unit à Lévi, et tous deux, au mépris de la parole 
donnée et de l'alliance contractée, traitèrent avee 
cruauté les Chananéens au milieu desquels ils se trou- 
vaient. Gen., xxxiv, 25-30. Voir LÉvi i, t. iv, col. 199. 
Le second se passa en Egypte, où Siméon fut retenu 
comme otage par Joseph et jeté en prison jusqu'à ce 
que ses frères eussent amené Benjamin. Gen., xlh, 
25, 36; xliii, 23. Expiait-il ainsi la dureté particulière 
que son caractère violent lui aurait fait exercer 
envers Joseph, comme il s'était manifesté contre les 
Chananéens? Peut-être. On peut croire aussi qu'il 
payait la dette de ses frères en sa qualité de second fils 
de Jacob, Joseph n'ayant pas voulu retenir l'aîné, 
Buben, dont il venait de découvrir le rôle bienveillant 
à son égard, lors du crime commis par les autres. Les 
fils de Siméon furent : Jamuel, Jamin, Ahod, Jachin, 
Soar, et Saul fils d'une Chananêenne. Gen., xlvi, 10; 
Exod., vi, 15. La liste de I Par., iv, 24-43, diffère un peu 
et donne plus de détails sur les descendants du pa- 
triarche. Voir ce qui concerne la tribu dont il fut le père . 

A. Legendre. 

2. SIMÉON, une des douze tribus d'Israël. 

1. Géographie. — La tribu de Siméon occupait 
l'extrême sud de la Palestine ou le Négéb. Son terri- 
toire avait été détaché de celui de Juda. Jos., xix, 2. 
L'Écriture ne décrit pas ses limites; elle donne seule- 
ment la liste de ses villes principales. 

/. villes principales. — Elles sont énumérées dans 
Josué, XIX, 1-9, et dans I Par., iv, 28-33. Ces deux 
listes présentent les mêmes noms, suivent le même 
ordre, tout en offrant des variantes que nous allons 
signaler. Les noms se retrouvent pour la plupart dans 
le catalogue des cités de la tribu de Juda, Jos., xv, 
26-32, mais dans un ordre un "peu différent. Nous 
renvoyons, pour les détails, à ce dernier catalogue, 
t. III, col. 1758-1759, en dehors des articles consacrés 
à chaque nom dans le Dictionnaire. Les listes de Josué 
et du premier livre des Paralipomènes partagent les 
villes de Siméon en deux groupes. Voir la carte, fig. 378. 

i" groupe. — 1. Bersabée, aujourd'hui Bir es-Séba', 
40 à 45 kil. au sud-ouest d'Hébron. Voir Bersabée, t. i, 
cot. 1629. 

2. Sabée (hébreu : Séba' ; Septante, Codex Vati- 
canus : Sijiaa ; Codex A lexandrinus : Sâëse), peut-être 
la même que Sama. Jos., xv, 26. Mais elle manque 
dans le texte hébreu de I Par., IV, 28, ce qui ferait 



Dictionnaire delaBihle 



LetomeyetAné-Pgris. 



32° 



£n,jr^Oi. /£*%& 






"JSlJCua 



0a 



«A Beit 



Jtûti 



li'h . d Hàriwu 'un 



o-t: 



-ma 



m» 

faut 






aJÛi^lfâ/w 



*J[hJ)jerhrnâ/néh' ■+ 

<..-Eofifchak 



t-j8e/«A 



„£k 



gnieidat ' 






,JO.0u 



°M el-Md/mj 



£7l. ei ^/owtfdiano 






oitmjnarc 



Zoiarvfôrah °W ï f i [hl ^\j- 



q es-Saghirih 
^-Kêbirïh, 






Xdrç 



' Xh~Abou ç 



KhtZoxibai 
%fajlboiLj>jerrfJi.m y Ba7ratii /faJjkM 

A-<Schért'a/l o' 



-Telle. 



Rouyetifia ■ 



M^âo'it 



jPoùra. 






^VM 



k ■ r~y >aVL V< 



t iVa &w^ 



Jthuqeïcçts 



^gh.Oib/7j° ,CaQ6A ^ 



7 :-t r 



1 TV/ « 

/ vrjOTA.JXTAÎ* : 

ni. 



, / 



N ~$t' 



ji "" 1 W, DeirebvVous 

fih.er- \Kfrouja)t>UJ'!^ > 

tyéfe i«AAN?> Joiu^âM y.'J^Hsbùm, 

N«? .SOCOTHfv. an-m-tti^ <t* & , ( -T*|»J 



y 






bta 









j5?e. e£ -_i*b uteïtfy 






■ j^^. j%.< 



-Tîiôi Jtomxtsi 



2i(li 



TarriàrHiÂ^ '" 



°Bh.el-TA 



■** 



£l-Mhoudra.- 



■v< 






U 









Bur., 

Vr "«tRSAj 



■Jh'otiibéih 



' a»- .Seiâ 



/ 



» 



ffin«'4,« 



jSqtfPÏ 






*.<*■ . 



1 



^.: 



1 



[V 

ï ■'* i 



t 



y 



'',;• 






vu ^^ EJuBSt-a. 



■eitfni 
CAtyd'rt-HESRON Jïjg?^ 

\ DhaÂretU- 



rlu-t u ^ 



£)outcFâi .- 1 



e> 



|<g[r^%!*^™ 



^aif/t M01ADA MALATHA 

1 T[ v. (rababcsch- 



Ù 



t 



c > 



£1 -Adadah. ADADA 



H\ 






ROtR < 









>S 



LOSA 



sah. 






Ma.rAbmi «. 
r"»t"> ■ -. 



^ 






^*^I 



-Bélà-mi ^^.' 



.( ftot 'JStinea 



■9V 



J 



^ 



RtMOB 

rohobouI 






T 



TRIBU DE SIMEON 



-Zévv nornf d'aprik? laVÙlgate jonit écrite 

en- caractères droits ronges . Les noms 

bibliques çvzs se- trouvent* sur les monu/- 
ments égyptiens et> assyriens sont- en* 
caraeâêres penchés bleus y cezcœ/ qujùneysont 
pas bibliques en caractères droits bleus. 



Jdfeikhel-Jimirih « 
El-Meichri/ih J, 

' il 
S." Il 



^*, 



Echelle 



15 Kilom. 






- 



Q S'l>enècL B 
SlPHAATH,' 

HARMAvt yfew-* 



5 



et-Tom- <y> 












K\ 






7^ — wt-7 ■•Sgtc 

. Mouienjah ^* 



AfontteS- -'*' t 



"Merhtfl EmhfnmaJi 



F* 



f e r> 



*>> 






"■ÎKp-i 






- 



Dj.Haldiréh 






Ruines/ 



1 



Ehovrâr^ 






-V 



^Jluiiiès 



Imp. Jhtfi'énqifjhris. 



1733 



SIMÉON (TRIBU DE) 



1734 



■croire que §éba', Jos,, XIX, 2, n'est qu'une répétition 
fautive de la dernière partie du nom précédent, Be'êr 
Séba'. D'autre part, en la comptant,, la somme des 
villes de ce premier groupe n'est plus de treize, comme 
l'indique Jos., xix, 6, mais de quatorze. Cependant les 
Septante ta maintiennent, I Par., iv, 28; Cod. Vat. : 
Sifia; Cod. Alex. : SijAaa, et elle correspond à Tell 
es-Séba', qui se trouve à une lieue environ à l'est de 
Bersabée. Voir Sabée, col. -1306. 

3. Molada (hébreu : Môlâdâh; Seplante, Cod. Vat. : 
KiaXaBiji; Cod. Alex. : MwlaSi, Jos., xix, 2; Cod. 
Vat. : MwacXSi; Cod. Alex. : M:uXaêâ, I Par., iv, 28), 
généralement placée à Khirbet el-Milh, à l'est de Ber- 
sabée. Voir Molada, t. iv, col. 1222. 

4. Hasersual (hébreu : flàjar Sû'âl; Septante, Cod. 
Vat. : l Apm>Xœ; Cod. Alex. : SepsouXà), Jos., six, 3; 
Hasarsuhal (Septante, Cod. Vat.: 'EartpioxiXiê ; Cod. 
Alex. ; Eosp'so'jct).), I Par., iv, 28. Inconnue. Voir 
Hasersdal, t. m, col. 446. 

5. Bala (hébreu : Bdlàh; Septante, Cod. Vat. : BioXi; 
Cod. Alex. : BeXêwXa, Jos., xix, 3; Cod. Vat. : 'Aêz'û.ct; 
Cod. Aléa-. : BaXai, I Par., w, 29); Baala, Jos., xv, 29. 
Inconnue. Voir Baala 3, t. l, col. 1322. 

6. Asem (hébreu : 'A féru), Jos., xix, 3; Asom,IPar., 
iv, 29; Ésem, Jos., xv, 29. Inconnue. Voir Asem, t. i, 
col. 1078. 

7. Éltholad (hébreu : 'Él(ôlad), Jos., xv, 30; xix, 4; 
Tholad, I Par., iv, 29. Inconnue. Voir Eltholad, t. n, 
col. 1707. 

8. Béthul (hébreu : Be(ûl; Septante, Cod. Vat. : 
Bo-jXâ; Cod. Alex. : BaBoûX), Jos., xix, 4; Bathuel 
(hébreu : Befû'êl ; Cod. Vat. : Ba6oûv; Cod Alex. : 
Baôo-jX), I Par., îv, 30; appelée Césil, Jos., xv, 30; 
mais la forme Béthul, Bathuel, est probablement la 
vraie. Inconnue. Voir Béthul, t. i, col. 1750. 

9. Harma (hébreu : fformâh; Septante : 'Eppà), 
Jos., xv. 30; xix, 4; Horma, Septante : 'Epui, I Par., 
iv, 30, identifiée avec Sebaita. Voir Horma 1, t. m, 
<o\. 751. 

10. Siceleg (hébreu : $iqlag) t généralement identi- 
fiée avec Khirbet Zuhéilïqêh, à l 'est-sud-est de Gaza. 
Voir Siceleg. 

11. Bethmarchaboth (hébreu : Bêf-kam-markâbot ; 
Septante, Cod. Vat. .•Bai8;i.ax e P i &; c od. Alex. .-Baieaii.- 
p.apxa<r6ût, Jps., xix, 5; Cod. Vat. : Btxi6jucpst|ji(â6 ; 
Cod. Alex. : Bae6tiapxa&48, I Par., IV, 31). On a cher- 
ché à l'identifier avec Merqeb, à l'ouest de la pointe 
méridionale de la mer Morte; ce qui est douteux. La 
liste parallèle de Josué, xv, 31, donne Médémena. Est- 
ce la même ville? On ne sait. Voir Bethmarchaboth, 
t. i, col. 1696. 

12. Hasersusa (hébreu : Qâçar Sûsâh;Septanle,Cod, 
Vat. : Sapaotxreîv; Cod. Alex. : 'Asepaouiffi), Jos., 
xix, 5 ; Hasarsusim (hébreu : tfâ}ar Sûsîm; Cod. Vat. : 
*H[ic<ru o-iffo pou; Cod. Alex. .''HiiHnjEuxjiu), I Par., iv, 
31. On a proposé Susin ou Bei( Sûtîn, sur la route 
des caravanes de Gaza en Egypte. Possible. La liste pa- 
rallèle de Josué, xv, 31, porte Semenna; on se demande 
si c'est la même ville. Voir HaSEHSUSA, t. m, col. 447. 

13. Bethlebaoth (hébreu : Béf lebâ'ôf; Septante, Cod. 
Val. : B«6ap<i6; Cod. Alex. : BstibaXëdtô), Jos., XIX, 6; 
Bet obérai (hébreu Bê( bir'i; Septante, Cod. Vat. : 
olxo; Bpao^Kwpeiij; Cod. Alex. : Bxpou|iaei>>peî{ji, union 
fautive de BirH et du mot suivant, Sa'ârdim), I Par., 
iv, 31; Lebaoth, Jos., xv, 32. Inconnue. Voir Bethle- 
baoth, t. i, col. 1688. 

14. Sarohen (hébreu : Sàrûhén; Septante : omis), 
Jos., xix, 6; Saarim (hébreu : Sa'ârdim; Septante : 
compris dans la dernière partie du mot Bapou!«iE<i>pEtu), 
I Par., iv, 31. Elle est appelée Sélim Jos., xv, 32, et 
mentionnée dans les inscriptions hiéroglyphiques sous 
la forme Sarahan. N'a pas été identifiée. Voir Saarim, 
■col. 1284. 



2» groupe. — t. Ain (hébreu : 'Ain; Septante : Cod. 
I at. : Ep£[i(iiiv, par union avec le mot suivant, ce qui 
suppose la lecture ' Ên-Rimmôn ; Cod. Alex. : 'Aiv) t 
Jos., xix, 7; Aen (hébreu : 'Ain; Septante : v Hv), I Par., 
iv, 32. Il est probable qu'il faut l'unir au nom suivant. 
Voir A» 2, t. i, col. 315. 

2. Remmon (hébreu : Rimmôn ; Septante, Cod. Vat. : 
'Epîiijujv; Cod. Alex. : Pe|ifieû6, Jos.,xiX, 7; *Pe|iv<âv, 
'PeiiftiAv, I Par., IV, 32), identifiée avec Khirbet Umm 
er-Bummâmin, au nord de Bersabée. Voir Remmon 3, 
col. 1838. 

3. Àthar (hébreu : 'Éfér; Septante, Cad. Vat.: 'IMp; 
Cod. Alex. : BsGsp), Jos., xix, 7; Thachen (hébreu : 
fôkén; Cod. Vat. : ©ixxa; Cod. Alex. : &o-/yà-i), 
I Par., iv, 32. Il est probable que ce n'est pas la même 
ville qu'Ether de Juda, Jos., xv. 42. It faudrait la 
chercher dans les environs de la précédente. Voir Éther, 
t. n, col. 2006. 

4. Asan (hébreu : 'AMn; Septante, Cod. Vat. : 'AtoIv ; 
Cod. Alex. : 'Atriu., Jos., xix, 7: Cod. Vat. : A!<rip; 
Cod. Alex. : Aliiv, I Par., iv, 32), Inconnue. Voir 
Asan, t. i, col. 1055. 

5. Étam (hébreu : 'Êtâm; Septante : Alriv), mise 
en tête de ce dernier groupe dans la liste de I Par., 
iv, 32. Inconnue. Voir Étam 2, t. u, col. 1995. 

On remarquera que le premier groupe renferme 
quntorze villes, Jos., xix, 1-6, bien que la sommeindi- 
quée, f. 6, n'en porte que treize, chiffre de I Par., iv, 
28-31. Il faudrait donc retrancher Sabée, qui ne se 
trouve pas dans la seconde liste, et qui pourrait être 
une répétition fautive de la dernière partie du mot Ber- 
sabée. D'autre part, les Septante gardent ce nom et 
omettent Sarohen, qui se trouve 1 Par., iv, 31, sous la 
forme Saarim. Il est donc difficile de savoir s'il faut 
retrancher d'un côté ou ajouter de l'autre. Il peut 
aussi y avoir erreur de chiffre, comme dans plusieurs 
endroits de l'Écriture. La même difficulté se présente 
pour le second groupe. Josué, XIX, 7, ne cite que 
quatre villes, alors que le premier livre des Paralipo- 
mènes, rv, 32, en mentionne cinq. Si même Ain et 
Remmon ne forment qu'une seule cité, nous en 
aurons trois d'un côté et quatre de l'autre. Il est pro- 
bable dans ce cas que le chiffre doit se ramener à 
quatre. Les Septante, du. reste, portent, Jos., XIX, 7 : 
'Epsjiiifiv xïI ©aXxSt xal 'II8ip xal 'Am£v, qui corres- 
pondraient, I Par., iv, 32, à 'Pinuiiv ("Hv 'Ptpnuâ») «od 
9oxxa «ai Aiviv v.a\ Alrip. 

il, limites et DBSCMPTIOX. — La Bible ne trace 
pas les limites de la tribu de Siméon comme elle l'a 
fait pour Juda, Benjamin et plusieurs aulres. C'est 
probablement parce que le territoire de cette tribu fut 
découpé dans celui de Juda, dont les frontières sont 
décrites avec une rigoureuse exactitude. Jos., xv, 1-12. 
Voir Juda 6, col. 1766. La partie détachée fut celle du 
midi ou du Négéb. Les villes mentionnées Jos., xrx, 
1-9, et I Par., iv, 28-33, appartiennent principalement 
au troisième et au quatrième groupe de cette contrée. 
La limite méridionale était sans doute celle de Juda. Le 
texte sacré, après avoir énuméré tes cités du second 
groupe, ajoute bien : « ainsi que tous les villages aux 
environs de ces villes, jusqu'à Baalal.lt- Béer, qui est 
la Ramath du midi, » Jos., xix, 8; « jusqu'à Baal ». 
I Par., iv, 33. Mais il ne s'agit peut-être que d'une 
limite particulière, et puis Baalath-Béer nous est 
inconnue. Voir Baalath-Béer-Ramath, t. i, col. 1324. 
Quelle était la frontière nord)' Il est impossible de la 
bien établir. Bans la liste des villes, dont la plupart 
ne sont pas identifiées, nous n'avons comme points de 
repère que Bersabée, Molada, et. plus haut, Siceleg et 
Remmon. La ligne, de ce côté, devait être assez mal 
délimitée : les Siméonites pouvaient posséder sur le 
territoire de Juda des villes éparses qui, suivant les 
circonstances, revinrent à Juda. Tel fut le cas de 



1735 



SIMÉON (TRIBU DE) 



1736 



Siceleg, dont la situation était importante, et qui des 
mains d'Achis, roi de Geth, passa à celles de David. 
I Reg., xxvii, 6. 

Le territoire de Sitnéon, moins connu que celui des 
autres tribus, comprenait l'extrême sud de la Palestine, 
le Négéb ou « pays desséché». C'est le prolongement de 
l'arête montagneuse qui traverse la Palestine, mais la 
ligne de faîte est brisée; il n'y a plus que des sommets 
épars, beaucoup moins élevés que ceux de Juda, des 
plateaux séparés par des vallées parfois assez larges. 
Tels sont le djebel Urnm Rudjiim, le djebel Scheqâ'ib, 
le djebel et-Tûr, le dj. Zibliyéh, le dj. Hadiréh, le 
dj. Muzeiqah, le dj. Maderah. Cet enchevêtrement de 
hauteurs forme deux versants, l'un de la Méditerranée, 
l'autre de la mer Morte. Le premier est caractérisé par 
un réseau très long et très compliqué de torrents, qui 
coupent le terrain dans tous les sens. Les uns descendent 
des dernières pentes des montagnes de Juda, comme 
les ouadis esch-Schéri'ah, el-Khâlil, el Butni, Sau'eh, 
el-Milh. Les autres partent des sommets ou plateaux 
que nous venons de signaler, les contournent et se 
ramifient pour former des rivières qui s'unissent à 
leur tour. Citons les ouadis Ar'ârah, es-Séba', es-Sani, 
Ruheibéh, el-Abiad etc. Tous se déversent dans la mer 
par deux canaux principaux, Vouadi Ghazzéh, et Vouadi 
el-Arisch ou « Torrent d'Egypte». Le second versant 
envoie ses eaux à la mer Morte, principalement par 
Vouadi Muhauwat et Vouadi Fiqriih. La fertilité du 
pays ne gagne rien à cette multitude de torrents, qui 
sont à sec la plus grande partie de l'année. S'il y a des 
coins verdoyants, quelques cultures, l'ensemble de la 
contrée a l'aspect désertique. C'est la région des no- 
mades, et il en fut ainsi dès les temps anciens, à en 
juger d'après les noms de plusieurs localités, dans 
lesquels le mot Hdsdr, Hdsèr, rappelle le campement 
des tribus pastorales. Voir Haséroth, t. m, col. 445. 
D'autres noms rappellent le désert, comme Hasersual, 
« le douar du chacal » ; Bethlebaoth, « la maison des 
lionnes ». Le pays était traversé par quelques routes, 
que suivaient les caravanes pour venir du golfe d'Akaba, 
du Sinaï, à Hébron et à Gaza. La route de l'Egypte le 
longeait dans sa partie occidentale. Des noms comme 
Bethmarchaboth, « la maison des chars ii;Hasersusa, 
Hasersusini, « le village des chevaux », semblent in- 
diquer certains relais ou certains entrepôts de matériel 
de guerre. Voir NÉGÉB, t. IV, col. 1557. 

IL Histoire. — Placé à l'extrémité de la Palestine, 
Siméon n'a dans l'histoire qu'un rôle très effacé. Au 
premier recensement, la tribu comptait 59300 hommes 
en état de porter les armes. Num., i, 22-23. Elle occu- 
pait ainsi le troisième rang, .venant après Juda et Dan. 
Elle se trouvait, dans les campements et la marche au 
désert, au midi du tabernacle, avec Ruben et Gad. 
Num., il, 12. Elle avait pour chef Salamiel, fils de 
Surisaddaï, Num., i, 6; II, 12, et ce fut par ses mains 
qu'elle fit l'offrande de ses dons, à la dédicace du taber- 
nacle et de l'autel. Num., vu, 36. Parmi les explorateurs 
du pays de Chanaan, elle eut pour représentant Saphat, 
fils d'Huri. Num., xm, 6. Ce fut le chef d'une de ses 
familles, Zambri, qui fut tué par Phinées avec la 
femme Madianite. Num., xxv, 14. Au second dénom- 
brement, dans les plaines de Moab, elle ne comptait 
plus que 22200 hommes, avec l'énorme décroissance 
<le 37100, due sans doute à ce que beaucoup de Siméo- 
nites avaient péri pour avoir pris part, comme Zambri, 
au culte de Béelphégor. Nurn., xxvi, 14. Celui de ses 
princes qui devait travailler au partage de la Terre 
Promise fut Samuel, fils d'Ammiud. Num., xxxiv, 20. 
Elle fut désignée, avec Lévi, Juda, Issachar, Joseph et 
Benjamin, « pour bénir le peuple, sur le montGarizim, 
après le passage du Jourdain. » Deut., xxvn, 12. Elle 
prêta son secours à Juda pour attaquer les Chananéens. 
Jud., i, 3, 17. Lorsque David se rendit à Hébron pour 



recevoir la royauté, Siméon lui donna 7100 hommes. 
I Par., xn, 25. — L'Écriture mentionne une double mi- 
gration de la tribu. Plusieurs chefs, dont les noms sont 
signalés I Par., iv, 34-37, jouèrent un rôle important 
dans la première, qui eut lieu sous le règne d'Ézéchias, . 
roi de Juda. L'expédition fut dirigée du côté de Gador 
(plusieurs lisent Gerâr, Gérare, avec les Septante), où 
se trouvaient de beaux pâturages. Voir Gador, t. m, 
col. 34. Elle s'empara aussi du territoire des Me'ùnîm, 
dans les montagnes de l'Idumée. Voir Maonites, t. iv, 
col. 704. La seconde migration transporta les Siméonites 
dans la montagne de Séir. 1 Par., iv, 39-43. La tribu, 
comme les autres séparées de Juda, était tombée dans 
l'idolâtrie, mais plusieurs de ses membres s'enfuirent 
pour rester fidèles au vrai Dieu, et nous les voyons 
s'unir à Asa pour immoler des victimes au Seigneur 
à Jérusalem. II Par., xv, 8-11. Josias vint y poursuivre 
le culte des faux dieux. II Par., xxxiv, 6. — Dans le 
nouveau partage de la Terre Sainte, d'après Ézéchiel, 
Siméon occupa le territoire du midi entre Benjamin et 
Issachar. Ezech., XLvm, 24, 25. Dans sa reconstitution 
idéale de la cité sainte, le même prophète, xlviii, 33, 
met au sud « la porte de Siméon », avec celles d'Issachar 
et de Zabulon. — Judith était de la tribu de Siméon. 
Judith, viii, 1; ix, 2. Pour sa généalogie, voir Judith, 
t. m, col. 1823. 

III. Caractère. — Le rôle effacé de Siméon dans 
l'histoire ne permet guère de découvrir et de tracer 
son caractère. De plus, la Bénédiction de Jacob, Gen., 
xlix, qui, pour les autres tribus, nous donne des notes 
si caractéristiques, ne comprend pour celle-ci que des 
reproches amers et un châtiment. Elle confond dans 
une même réprobation et une même peine Siméon et 
Lévi, à cause de leur fourberie et de leur cruauté à 
l'égard des Sichémites. Gen., xlix, 5-7; cf. Gen., xxxiv, 
25-31. Pour la traduction du passage d'après l'hébreu, 
voir Lévi (Tribu de), t. rv, col. 201. La punition est 
celle-ci : 

Je les diviserai dans Jacob, 

Et je les disperserai dans Israël. 

Siméon ne fut pas, comme Lévi, absolument privé de 
territoire et dispersé en Israël, mais il n'eut qu'une 
part dans l'héritage de Juda, et cette part fut la moins 
bonne de toute la terre de Chanaan. Relégué à la 
limite du désert, il ne trouvait point ce sol fertile où 
coulaient le lait et le miel, que s'étaient partagé ses 
frères. Dans cette situation, il n'eut point non plus à 
se mêler aux combats et aux événements qui illustrèrent 
d'autres tribus. Il est passé sous silence dans les Béné- 
dictions de Moïse. Deut., xxxm. Pour quelles raisons? 
On ne sait. Voir différentes conjectures dans F. de Hum- 
melauer, Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 535. Le 
manuscrit alexandrin et quelques autres portent bien, 
Deut., xxxm, 6 b : KalEvjietiv sut<o tcoXùç sv àpiOpim, « et 
que Siméon soit grand par le nombre ». Mais ces paroles 
se rapportent à Ruben dans le texte original; il y a là 
une correction que rien ne justifie. On a cherché une 
solution en modifiant et transposant certains versets du 
chapitre; mais ces sortes d'hypothèses n'ont d'autre 
résultat que défaire violence au texte. Si nous pouvions- 
juger le caractère de la tribu d'après celui du patriarche, 
son père, et d'après les quelques points de l'histoire, 
nous dirions qu'il fut violent, qu'il se distingua par 
une énergie plutôt brutale. Siméon veut venger l'honneur 
de sa sœur, mais il prend pour armes la ruse et la 
cruauté. Les incidents du désert montrent ses fils entraî- 
nés par des penchants grossiers. Cependant cette énergie- 
s'unit à la force de Juda pour la conquête de Cha. 
naan; elle cherche une expansion dans les expéditions 
armées qui procureront aux émigrants de nouveaux 
territoires. Enfin ' elle s'ennoblit dans le courage de- 
Judith. A. Legendre. 



1737 



SIMÉON — SIMON MAGHABÉE 



1738 



3. SlMÉON, Israélite, « des fils de Hérem, » qui avait 
épousé une femme étrangère et qui la répudia, du 
temps d'Esdras. I Esd., x, 31. 

4. SIMÉON, un des ancêtres de Mathathias et des Ma- 
chabées, de la famille sacerdotale de Joarib. I Mach., 
H,l. 

5. SIMÉON, fils de Juda et père de Lévi, un des an- 
cêtres de Notre-Seigneur, dans la généalogie de saint 
Luc, m, 30. 

6. SIMÉON, vieillard plein de piété à qui le Saint- 
Esprit avait révélé qu'il ne mourrait point avant d'avoir 
vu le Messie promis à Israël. Il reçut Jésus dans ses 
bras, quand Marie le présenta au Temple de Jérusalem 
et il prononça alors le cantique prophétique que nous a 
conservé saint Luc, n, 25-35. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1443, 2°. L'Évangile apocryphe deNicodèmelequalifie 
■de grand-prêtre. L'histoire de la descente de Jésus- 
Christ aux enfers après son crucifiement est mise dans 
la bouche de Charinus et de Lenthius, fils de Siméon, 
qui la racontent à Anne, à Caïphe, à Nicodème, à 
Joseph d'Arimathie et à Gamaliel. Gamaliel était fils 
de Rabban Siméon, dont la grand'mère était de la 
famille de David. Siméon succéda à Hillel comme 
président du Sanhédrin, vers l'an 13 de notre ère. On 
veut expliquer ainsi la bienveillance de Gamaliel pour 
les Apôtres, Act., v, 38, mais ce ne sont que de pures 
conjectures. 

S1MÉONITES (hébreu : ha$-Simëôni; Septante : 
•cû Sujjiewv; Vulgate : Simeonitae), descendants de Si- 
méon, fils de Jacob. I Par., xxvn, 16. 

SIMERON (hébreu : Simrôn; Septante : Sepisptov), 
fils d'Issachar. I Par., vu, 1. Il est appelé par la Vul- 
gate Semron dans Gen., xlvi, 13, et Semran dans 
Num., xxvi, 24. Voir Semran, col. 1599. 

SIMMAA, nom de deux Israélites dans la Vulgate. 

1. SIMMAA (hébreu : Sammdh; Septante : Ha^aâ), 
orthographe dans la Vulgate, I Par., H, 13, du nom 
d'un frère de David, dont le nom est écrit ailleurs Sa- 
maa, Samma, Semmaa. Voir Samma.2. col. 1430. 

2. SIMMAA (hébreu : Sime'a' ; Septante : Eoc|iai), 
nom d'un fils de David et de Bethsabée. I Par., m, 5. 
Il est appelé ailleurs dans la Vulgate Samua. Voir 
Samua 1, col. 1435. 

SIMON (grec : Scrxwv), nom de quatorze Israélites 
postérieurs à la captivité de Babylone, excepté le pre- 
mier. Simon peut être une contraction de l'hébreu 
Siméon ou bien un emprunt fait aux Grecs chez qui 
il était usité. 

1. SIMON (hébreu Simon; Septante : 2?)[i.wv), de la 
tribu de Juda, père d'Amnon, de Rinna, de Bén-liânân 
(voir Hanan 1, t. m, col. 412) et de Thilon. I Par., 
iv, 20. 

2. SIMON (hébreu : Sim'ôn), fils d'Onias (hébreu : 
Yôhânan), grand-prêtre. Eccli., L, 1. Il y a eu deux 
grands-prêtres appelés Simon et qui ont eu tous les 

. deux pour père un Onias. Voir Grand-prêtre, t. m, 
col. 306. On n'est pas d'accord sur le point de savoir 
si c'est du premier ou du second que parle Ben Sirach. 
L'éloge de ce pontife termine, L, 1-23, dans un long 
développement, les louanges données aux grands 
tommes de l'Ancien Testament, xliv-l; il a été le con- 
temporain de l'auteur et cette circonstance sert à déter- 



miner l'époque de la composition de l'Ecclésiastique. 
Josèphe, Ant. jud., XII, II, 24, voit dans ce grand- 
prêtre Simon I« r qu'il identifie avec Simon le Juste. 
Cette opinion rencontre de nombreuses oppositions. 
Voir Ecclésiastique, t. h, col. 1546. Cf. H. Lesêtre, 
L'Ecclésiastique, 1880, p. 3-10. Quoi qu'il en soit 
Ben Sirach écrivit peu après la mort du Simon 
qu'il loue. Ce grand-prêtre fit des réparations considé- 
rables au Temple et embellit Jérusalem. Eccli., L, 1-5. 
Il rendit de grands services au peuple, f. 4. Josèphe. 
Ant. jud., XII, i, 1. Ceux qui entendent'ce passage de 
Simon II, au lieu de Simon I er , y voient une allusion à 
ce qui est raconté dans le troisième livre apocryphe 
desMachabées, il, 2-20, où il est raconté que Ptolémée IV 
Philopator, ayant vaincu, en 217 avant J.-C, Antiochus 
le Grand à Raphia, envahit la Palestine, fit offrir un 
sacrifice dans le temple de Jérusalem et voulut péné- 
trer dans le Saint des saints. Simon fit une prière 
solennelle pour que ce sacrilège ne fût point commis. 
Le roi tenta néanmoins d'exécuter son projet, mais à 
peine entré dans l'enceinte sacrée, il fallut l'emporter 
à demi mort. Irrité de son échec, Ptolémée résolut de 
s'en venger à Alexandrie contre les Juifs qui habitaient 
cette ville, III Mach., vi, 18, mais ils furent miracu- 
leusement sauvés. Voir t. ni, col. 498-499. Le fond du 
récit parait vrai; Josèphe en fait aussi mention, seule- 
ment il le place sous Ptolémée VII Physcon, au lieu de 
Ptolémée IV Philopator. Ce serait à l'occasion de ces 
événements que le grand-prêtre Simon aurait offert le 
sacrifice solennel dont Ben Sirach avait été témoin et 
qu'il décrit Eccli., L, 6-23. 

3. SIMON MACHABÉE, surnommé Tbasi, I Mach., h, 
2, le second des cinq fils de Mathathias, se montra 
digne de ses frères par sa vaillance et se distingua par 
la sagesse de ses conseils, qui avait déjà frappé son 
père. I Mach., n, 65. Judas lui confia une campagne 
contre la Galilée où il triompha avec trois mille hommes 
des ennemis des Juifs qu'il poursuivit jusqu'aux portes 
de Ptolémaïde, après leur avoir livré avec succès divers 
combats, où il tua environ trois mille d'entre eux et fit 
un butin considérable, ramenant avec lui en Judée les 
Juifs qui étaient en Galilée et à Arbates. Voir Arbates, 
t. i, col. 883. I Mach., v, 17, 20-23, 55. Quand son 
frère Judas eut succombé sur le champ de bataille, en 
combattant contre Bacchide, Simon emporta le corps 
du héros avec son frère Jonathas et l'ensevelit à Modin, 
ix, 19. Jonathas ayant succédé à Judas, Simon s'enfuit 
avec lui au désert de Thécué pour échapper à Bacchide, 
f. 33. Les fils de Jambri ayant massacré leur frère Jean, 
Jonathas et Simon, pour le venger, allèrent les atta- 
quer pendant des fêtes nuptiales, mais quand ils reve- 
naient, après les avoir battus, Bacchide les attendait à 
l'est du Jourdain, et ils eurent grand'peine à lui échap- 
per en traversant le fleuve à la nage, f. 34-48. Plus 
tard, Simon suivit son frère à Bethbessen et défendit 
vaillamment cette place contre Bacchide, f. 62-68, qui, 
impuissant à vaincre les Juifs, fit la paix avec Jona- 
thas, f. 70-73. Pendant les années qui suivirent, deux 
rois rivaux, Démétrius I er et Alexandre Balas, se dispu- 
tèrent le royaume de Syrie et cherchèrent l'un et l'autre 
à gagner Jonathas à leur parti. Celui-ci se prononça 
pour Alexandre qui lui avait fait des offres plus avan- 
tageuses. Le fils et successeur de Démétrius I et , Démé- 
trius II Nicator, étant monté sur le trône, envoya son 
général Apollonius contre les Juifs. Jonathas le battit 
avec l'aide de Simon son frère, x, 74, 82. Antiochus VI 
Dionysos, ayant été opposé, encore enfant, à Démétrius 
par Tryphon, en 145 avant J.-C, donna à Simon le 
gouvernement du pays qui s'étend de Tyr jusqu'aux 
frontières d'Egypte, xi, 59. Quelque temps après, Si- 
mon assiégea et prit Bethsur, f. 64-66. Voir Bethsur, 
t. i, col. 1748. Plus tard, il se porta jusqu'à Asca- 



1739 



SIMON 



1740 



Ion et occupa .Joppé, xn, 33. Il bâtit aussi Adiacla et 
la fortifia, dans la Séphéla, jr. 38. Voir Adiada, t. I, 
col. 216. 

Sur ces entrefaites, Jonathas devint prisonnier par 
trahison de Tryphon. Voir Jonathas, t. m, col. 1623. 
Cet événement remplit les Juifs de terreur. Simon 
releva leur courage. Ils le proclamèrent leur chef. Aus- 
sitôt, il acheva de relever les murs de Jérusalem et de 
la fortifier. Tryphon partit de Ptolémaïde avec son 
armée pour l'attaquer. Il avait emmené Jonathas pri- 
sonnier à sa suite, et prétendant qu'il s'était emparé de 
sa personne à cause de l'argent dont il lui était rede- 
vable, il demanda à Simon pour le délivrer de payer 
cette dette et de lui envoyer les deux fils de son pri- 
sonnier comme otages. Simon ne crut pas à sa bonne 
foi, mais il fit ce qu'il lui demandait, afin qu'on ne pût 
point l'accuser de la mort de son frère. Tryphon ne tint 
pas parole. Ayant conduit son armée sur la route d'Ador 
ou Adaram (voir ADARAM,,t. i, col. 245), les Syriens, qui 
tenaient garnison dans la citadelle de Jérusalem, lui 
envoyèrenl demander de leur porter secours et de les 
ravitailler en passant par le désert (de Thécué). Il partit, 
mais la neige arrêta sa marche et il alla en Galaad, 
d'après le texte grec, en contournant la mer Morte par 
l'est. A Bascama, il mit à mort Jonathas et ses fils 
(voir Bascama, t. i, col. 1490), et il retourna en Syrie, 
xin, 1-24. Simon fit recueillir les ossements de Jona- 
thas et il éleva à Modin un magnifique tombeau à toute 
la famille des Machabées, xm, 25-30. Tryphon ayant fait 
périr le jeune roi Antiochus pour s'emparer de sa cou- 
ronne, Simon, après avoir remis toutes les places de 
la Judée en état de défense, envoya des ambassadeurs 
à Démétrius II pour lui faire acte de soumission. Dé- 
métrius II reconnut l'indépendance des Juifs. Simon 
porta le titre de grand-prêtre et d'ethnarque (142 avant 
J.-C), jf. 31-32. Bientôt après, il s'empara de Gazara ou 
Gazer (voir Gazer, t. ni, col. 131), f. 43-48, où il faut 
lire Gazara au lieu de Gaza; cf. xiv, 7, 34; xv, 28, 35. 
Il força ensuite la garnison syrienne de la citadelle de 
Jérusalem à se rendre en la tenant étroitement assiégée, 
}. 49-52. Il s'établit sur la montagne du temple qu'il 
fortifia et il nomma son fils Jean (Hyrcan) général de ses 
troupes avec résidence à Gazer, f. 53-54. Désormais la 
Judée fut en paix pendant quelque temps et elle jouit 
sous le gouvernement de Simon d'une grande pros- 
périté, xiv, 4-15. Il renouvela alors l'alliance avec les 
Romains et les Spartiates, ji. 16-24 a . 

Le peuple juif (le latin porte à tort 4 romain », qui 
n'est point dans le texte grec ni dans la version sy- 
riaque) exprima alors sa gratitude à Simon en érigeant 
en son honneur une inscription gravée sur une tablette 
de bronze, qui rappelait ce qu'il avait fait avec ses 
rères pour l'indépendance de la nation et qu i fu 
placée sur une stèle dans le péribole du Temple, avec 
une copie dans le trésor, xiv, 24M9. 

Antiochus VII Sidètes (voir t. i, col. 704); lorsque 
son frère Démétrius II Nicator eut été fait prisonnier 
par les Parthes, I Mach., xiv, 3, pour s'assurer des 
alliés afin de monter sur le trône écrivit à Simon une 
lettre dans laquelle il confirmait les privilèges qui lui 
avaient été déjà accordés et lui concédait le droit de 
battre monnaie, xv, 1-9. Simon lui envoya à Dor deux 
mille hommes et des présents. Antiochus qui triom- 
phait de Démétrius II refusa de les recevoir et lui expé- 
dia Athénobius (voir t. i, col. 1220) pour lui réclamer 
Joppé, Gazara et la citadelle de Jérusalem ou bien 
mille talents d'argent. Simon offrit cent talents d'argent. 
Athénobius ne lui répondit même pas, f. 25-36. Après 
qu'il eut raconté l'échec de sa mission à Antiochus, 
celui-ci envoya contre Jnda son général Cendébée. Voir 
t. h, col. 406. Simon, trop vieux pour se mettre à la 
tête de l'armée israélite, en confia le commandement 
à ses deux fils aînés, Judas et Jean, qui remportèrent 



sur les Syriens une éclatante victoire, xv, 38-xvi, 10- 
(138 avant J.-C.). En 135, au mois de sabath (janvier- 
' février), le dernier des frères de Judas Machabée suc- 
comba assassiné avec deux de ses fils, à Jéricho, par 
son gendre Ptolémée, fils d'Abobus, dans la forteresse 
de Doch, xvi, 21-17. Tous les glorieux fils de Matha- 
thias moururent ainsi de mort violente, payant de leur 
sang l'indépendance de leur patrie. 

4. SIMON, intendant du Temple, sous le grand-prêtre 
Onias III (t. iv, col. 1816). Il était, d'après II Mach., m, 
4, de la tribu de Benjamin, et, si la leçon n'est pas 
fautive, il ne pouvait être chargé que des affaires du 
dehors relatives au Temple, puisqu'il n'appartenait pas 
à la tribu de Lévi. Son frère Ménélas (t. iv, col. 964} 
parvint plus tard à acheter le souverain pontificat. C'est 
ce qui a fait supposer à divers critiques que c'était 
par erreur que Simon était appelé benjamite, Ménélas- 
devant être de la tribu de Lévi pour aspirer au suprême 
sacerdoce. On a proposé de lire Mïnydmîn (Vulgate : 
Miamin), nom d'un chef de famille sacerdotale, II Esd., 
xil, 17, au lieu de Benjamin, par le changement de 
6 en m, mais il est difficile dans ce cas d'expliquer le 
mot <puXr| qu'emploie II Mach., m, 4. Si Simon était 
de la tribu de Lévi, on comprendrait plus facilement qu'il 
exerçât une fonction dans le Temple. Quoi qu'il en soil, 
cette fonction consistait sans doute à fournir des vic- 
times pour les sacrifices au nom du roi Séleucus IV 
Philopator .qui avait pris cette dépense à sa charge. 
II Mach., m, 3. La Vulgate traduit f, 4, que Simon « en- 
treprenait quelque chose d'inique dans la cité, » et c'est 
ce <jue porte le grec du manuscrit Vaticanus. Mais 
V Alexandrinus porte une leçon qui parait bien préfé- 
rable : « Simon était en désaccord avec le grand-prêtre- 
relativement au règlement du marché; » au lieu de 
7tapovo|i!aç, « chose inique, désordre », il lit àyopavofAt'aç, 
o règlement du marché », différend qui se comprend 
sans peine, dès lors que Simon était chargé de procu- 
rer les victimes qui devaient être offertes en sacrifice. 

Ce qui est certain, c'est qu'une querelle surgit entre 
Onias et Simon, probablement à cause de ces achats, 
et qu'elle s'envenima de telle sorte que Simon cédant 
à un mouvement de vengeance, dénonça à Appollonius, 
gouverneur de Ccelésyrie et de Phénicie, et, par lui,, 
au roi de Syrie, les trésors qui étaient accumulés, 
disait-il, dans le Temple de Jérusalem. Séleucus envoya 
Héliodore pour s'en emparer, mais il fut miraculeuse- 
ment empêché d'exécuter sa mission. Voir Héliodore,. 
t. m, col. 570. II Mach., m, 5-40. — Cet événement 
n'était pas propre à ramener la bonne entente entre 
Onias et Simon. Celui-ci disait du mal du grand- prêtre, 
qui, pour arrêter ses calomnies, alla s'en plaindre auprès 
du roi Séleucus IV. Le texte sacré ne nous fait pas 
connaître le résultat de sa démarche et ne nous apprend 
plus rien sur Simon, iv, 1-6, mais il ne dut pas être- 
difficile à Onias de démasquer son ennemi. 

5. SIMON, nom du prince des Apôtres, auquel Notre- 
Seigneur donna le surnom de Céphas ou Pierre, ce qui- 
fait qu'il est appelé aussi, en réunissant les deux noms, 
Simon Pierre. Matlh., iv, 18; x, 2; xvi, 16, etc.; Marc, 
m, 13; Luc, VI, 14; Joa., i, 42, etc.; Act., x, 5, 18. 32;. 
xi, 13; Il Petr., i, 1. Voir Pierre, col. 366; Céphas,. 
t. m, col. 429. 

6. SIMON LE CHANANÉEN ou CANANÉEN (6 Ka- 

vavÎTT];), ainsi appelé, Matth., x, 4, et Marc, m, 18, 
pour le distinguer des autres Simon ses contemporains,, 
un des douze Apôlres. Saint Luc, vi, 15; Act., i, 13, lui 
donne le surnom de Z/iÀtotjJç, qui est la traduction 
grecque de l'araméen p*:?, et a le même sens; il doit 
indiquer que Simon faisait partie de ces Juifs à qui le 
zèle pour la Loi et toutes les pratiques du culte mosaïque 



1741 



SIMON 



1742 



avaient fait donner ce titre. Voir Chananéen, t. 2, H, 
col. 540. C'est de tous les Apôtres celui dont l'histoire 
est la moins connue. Le Nouveau Testament se borne à 
le nommer. Pusieurs le confondent avec le cousin de 
Notre-Seigneur de ce nom. Voir Simon 7. Les traditions 
conservées par le Bréviaire romain (au 28 octobre) lui 
font prêcher la foi en Egypte, puis, avec l'apôtre saint 
Jude, en Mésopotamie où ils souffrirent tous deux le 
martyre. Les Bollandistes, Acta sanctorum, 29 octobre, 
t. xn, 1867, p. 424, admettent la prédication de saint 
Simon enPerse, et aussi enÉgypte; ils regardent comme 
fabuleuse la prédication de cet Apôtre dans d'autres 
parties de l'Afrique et dans la Grande-Bretagne. 

7. SIMON, frère (dans le sens sémitique de cousin) 
de Notre-Seigneur. Il est compté parmi les frères de 
Jésus Matlh., xm, 55; Marc, vi, 3. Rien de certain 
sur son histoire : les uns l'identifient avec Simon le 
Cananéen, un des douze Apôtres; les autres avec le 
Siméon qui devint évêque de Jérusalem après le mar- 
tyre de l'apôtre Jacques le Mineur, l'an 02 (t. m, 
col. 1084), Eusèbe, H. E., ni, 11, t, xx, col. 245, et qui 
souffrit le martyre sous Trajan, en l'an 107 environ. 
Eusèbe, H. E., m; 32, t. xx, col. 281. Contre cette 
seconde identification, on objecte que, d'après Eusèbe, 
le Simon qui fut évêque de Jérusalem était fils de 
Cléophas et non le frère de Jacques et de Jude. 

8. SIMON le lépreux, qui avait peut-être été guéri de 
sa lèpre par Notre-Seigneur. Il était de Béthanie et 
peut-être parent ou ami de Lazare. Quelques-uns ont 
supposé qu'il était son frère, d'autres qu'il était le mari 
de Marie, sœur de Lazare, ce qui ne s'accorde point 
avec ce que l'on sait d'elle. D'après une tradition apo- 
cryphe rapportée par Nicéphore, H. E., i, 27, t. cxlv, 
col. 712, Simon aurait été le père de Lazare. En 
l'absence de renseignements authentiques, l'imagina- 
tion s'est donné à son sujet libre carrière. Ce qui est 
certain, c'est qu'il donna un festin en l'honneur de 
Notre-Seigneur, après la résurrection de Lazare, six 
jours avant la Pâque, que Lazare y assistait et que 
Marthe dirigeait le service. Marie y oignit les pieds de 
Notre-Seigneur avec un parfum de nard. Matth., xxvi, 
67; Marc, xiv, 3; Joa., xii, 1-3. Voir Marie-Madeleine, 
t. iv, col. 812. 

9. SIMON le Cyrénéen, ainsi surnommé parce qu'il 
était probablement originaire de Cyrène. Voir Cyrénéen, 
t. H, col. 1184. Il se trouvait à Jérusalem à l'époque de 
la Passion, et ayant rencontré Notre-Seigneur, quand 
on le conduisaitauCalvaire,les soldats le contraignirent 
à aider le Sauveur à porter sa croix. Matth., xxvii, 32; 
Marc, xv, 21; Luc, xxiii, 26. Cet acte de charité, 
quoique d'abord involontaire, fut récompensé par la 
conversion de ses fils Alexandre et Rufus, que saint 
Marc, xv, 21, nomme comme des disciples bien connus 
des chrétiens. Voir Alexandre, 3, 1. 1, col. 350; Rufus, 
t. v, col. 1267. 

10. SIMON le pharisien. Pendant un repas auquel 
il avait invité Notre-Seigneur, une pécheresse entrant 
dans la salle du festin arrosa de ses larmes les pieds du 
Sauveur, les baisa et les parfuma. Simon, à ce spectacle, 
se dit en lui-même : S'il était prophète, il saurait que 
cette femme est une pécheresse. Jésus, répondant à sa 
pensée, lui dit que, parce qu'elle aimait beaucoup, il 
lui était beaucoup pardonné. Luc, vu, 36-50. C'est pro- 
bablement à Capharnaûm, sur les bords du lac de Gali- 
lée, que ce fait se passa. Sur l'identité de cette péche- 
resse avec Marie-Madeleine, voir t. iv, col. 814-817. 

11. SIMON, père de Judas Iscariote. On ne connaît 
que son nom. Joa., vi, 71; xin, 2, 26. 



12. SIMON LE MAGICIEN, Samaritain, contemporain 
des Apôtres. Il était né à Gitton, village voisin de Sichem 
(S. Justin, Apol., i, 26, t. VI, col. 368), et non point à 
Citium, dans l'île de Chypre, comme plusieurs l'ont cru, 
en le confondant avec un magicien cypriote portant le 
même nom, dont parle Josèphe, Ant. jud., XX, vu, 2. 
Si l'on s'en rapporte aux Homélies clémentines, n, 22, 
t. n, col. 89, il fut élevé à Alexandrie, en Egypte, et c'est 
là qu'il se familiarisa avec les erreurs gnostiques dont 
il devint plus tard le propagateur. Il habitait la Sama- 
rie et y avait acquis comme magicien une réputation 
extraordinaire quand le diacre Philippe arriva dans le 
pays pour y prêcher l'Évangile. Voir Philippe 7, col. 270. 
On y regardait Simon « comme la vertu de Dieu », le 
pouvoir divin « qui est appelé grand ». Act., vin, 10. Il 
se donnait lui-même comme « quelqu'un de grand », 
^. 9, et saint Jérôme lui attribue ces paroles : Ego suni 
sermo Dei, ego sum Speciosus, ego Paracletus, ego 
Omnipotens, ego omnia Dei. In Matth., xxiv, 5, t. xxvi, 
col. 176. 

Le diacre Philippe opéra des miracles sous ses yeux 
dans la ville de Samarie, guérisons de possédés, de 
paralytiques et de boiteux qui le remplirent d'étonne- 
ment et d'admiration, si bien qu'imitant les Samaritains 
qui se convertirent, il demanda et reçut lui aussi le bap- 
tême. Sur ces entrefaites, les Apôtres apprirent les 
conversions opérées par Philippe, et Pierre et Jean 
allèrent à Samarie et y conférèrent aux nouveaux chré- 
tiens le sacrement de confirmation. Simon fut frappé du 
pouvoir qu'ils avaient de conférer le Saint-Esprit par 
l'imposition des mains; il s'imagina que c'était un don 
vénal et il offrit de l'argent aux Apôtres pour l'obtenir, 
ce qui a fait donner le nom de simoniaques à ceux qui 
ont voulu depuis acheter les dignités ecclésiastiques. 
Pierre lui répondit avec indignation : Pecunia tecum 
sit in perditionem, quoniam donum Dei existimasti 
pecunia possideri. Simon lui demanda de prier pour 
lui afin que les maux dont il l'avait menacé ne tombas- 
sent point sur lai. Act., vin, 5-24. L'Écriture ne nous 
apprend plus rien sur Simon. 

En revanche, la littérature ecclésiastique des premiers 
siècles et surtout la littérature apocryphe s'est occupée 
très longuement de Simon. Son compatriote saint Jus- 
tin martyr, vers 150, nous a laissé quelques renseigne- 
ments sur son compte. Apol., 1,26, 56; Dial.cum Tryph., 
120, t. vi, col. 368, 413, 755. Cf. Apol., n, 15, col. 468. 
Simon était à Rome, nous dit il, sous le règne de l'em- 
pereur Claude, et il y opéra par l'art des démons des 
« miracles magiques » qui le firent considérer comme 
un dieu, de sorte que les Romains lui érigèrent dans 
l'Ile du Tibre, entre les deux ponts, une statue portant 
cette inscription romaine : Simoni deo sancto. Col. 367. 
Saint Justin racontait ces faits dans son apologie, adres- 
sée à l'empereur Antonin le Pieux, au sénat et à tout 
le peuple romain. On admet généralement aujourd'hui 
qu'il s'est trompé au sujet de l'érection de la statue à 
Simon le Magicien. On a trouvé en 1574 dans l'Ile du 
Tibre, c'est-à-dire à l'endroit dont parle Justin, un 
fragment de marbre, appartenant probablement au 
socle d'une statue, où on lit cette inscription: Semoni 
Sanco Deo Fidio. Saint Justin a confondu Simon le 
Magicien avec un dieu Sanco, adoré par les Sabins. 

Sur les anciens auteurs ecclésiastiques et en parti- 
culier sur la littérature apocryphe primitive concer- 
nant Simon le Magicien, voir A. C. Headlam, Simon 
Magus, dans J. Hastings, A Diclionary of the Bible, 
l. iv, 1902, p. 520-527. Les Homélies Clémentines et 
les Récognitions ont en particulier parlé de lui. Voir 
Migne, Patr. gr., t. i et n. Comme ces écrits sont ébio- 
nites, Baur y a cherché des passages où il s'est imaginé 
que Simon représentait saint Paul et il en conclut que 
Simon le Samaritain n'était pas un personnage histori- 
que, mais le représentant de la lutte du paulinisme 



1743 



SIMON 



1744 



contre le pétrinisme. Voir Baur, t. I, col. 1522. La théo- 
rie de Baur qui a rencontré tant de partisans, surtout 
en Allemagne, est aujourd'hui morte et à peu près aban- 
donnée. — Voir Simon Magus, dans Smith, A Dictio- 
nary of Christian Biography, t. iv, 1887, p. 681-688; 
Volkmar, Ueber den Simon Magus der Apostelge- 
schichte, dans Theologische Jahrbûcher, 1856, p. 279; 
Lipsius, Die Quellen der rômischen Petrus-Sage 
kritisch untersucht, Kiel, 1872; Id., Die apokryphen 
Apostelgeschichten und Apostellegenden, Brunswick, 
t. n, 1,1887. 



entra à l'Oratoire de Paris en octobre 1659. 11 en sortit 
bientôt pour y rentrer en 1662. A deux reprises pro- 
fesseur à Juilly, il revint bientôt à la maison mère de 
Saint-Honoré qu'il habita jusqu'à son exclusion de 
l'Oratoire le 21 mai 1678. Il se retira à ce moment 
dans son prieuré-cure de Bolleville en Normandie 
mais s'en démit au bout de deux ans pour revenir 
reprendre à Paris le cours de ses travaux littéraires. 
Il y resta jusqu'en 1681, puis se retira à Dieppe où il 
mourut chrétiennement. 
Avant de mentionner ses principaux ouvrages, une 




379. — Maison dite de Simon le corroyeur à Jalîa. D'après une photographie. 



13. SIMON LE CORROYEUR, chrétien de Joppé qui 
donna l'hospitalité à saint Pierre. L'Apôtre eut dans sa 
maison la vision qui lui apprit que les païens étaient 
appelés au don de la foi. Cette maison était située sur le 
bord de la mer, l'eau étant nécessaire à Simon pour 
exercer son métier. On montre encore aujourd'hui aux 
pèlerins à Jaffa l'emplacement traditionnel de la mai- 
son du corroyeur (fig. 379). 

14. SIMON NIGER ou le Noir, chrétien d'Antioche 
(en grec : Eu[ie<jSv), mentionné seulement, Act., xiii, 1, 
comme un des docteurs et des prophètes de l'Église 
d'Antioche. Ob ne connaît sur lui rien de certain. Son 
nom de Simon doit indiquer son origine juive. Le sur- 
nom de Noir lui fut donné sans doute à cause de sa 
eomplexion pour le distinguer de ses homonymes, sans 
qu'on puisse conclure de là qu'il était nègre et Afri- 
cain, comme quelques-uns l'ont supposé. 

SIMON Richard, exégète français, né à Dieppe le 
*3 mai 1638, mort dans cette ville le 11 avril 1712. Il 



remarque s'impose : R. Simon a été attaqué, non seule- 
ment par les savants et critiques de son temps, aussi 
bien jésuites que jansénistes, aussi bien par Bossuet, 
Huet, Mabillon que par les prolestants orthodoxes, mais 
« par presque tous les auteurs qui ont écrit sur 
l'Ancien Testament à la lin du xvn» siècle et dans la 
1™ moitié du xvnr» siècle, » dit le pasteur Bernus, 
Richard Simon, 1869, p. 132. Or, quelle raison donner 
de ce fait, si R. Simon avait été dans le vrai? Mettre 
la chose sur le compte de son mauvais caractère, de la 
méchanceté de ses satires, de ses mensonges continuels, 
de sa vanité, n'explique pas suffisamment que tous 
les ailleurs se soient ainsi unis contre lui. Si l'on peut 
le regarder comme un précurseur du modernisme 
« par sa manière habile de déguiser les témérités de 
sa critique, ses ruses et sa mauvaise foi, ses diatribes 
contre les Saints Pères si révoltantes » (expressions 
de la Biographie Michaud), il l'est bien davantage 
encore par toute sa tendance rationaliste, ce dont 
Renan s'est bien rendu compte, par son manque de 
sens catholique, et peut-on même dire par son esprit anti- 



1745 



SIMON — SIMPLICITE 



1746 



chrétien. Bossuet a bien montré tout le danger des I 
idées de R. Simon. Il est de mode aujourd'hui de le 
trouver injuste et sévère; mais quand il était question 
de l'intégrité de la foi, le grand évêque ne transigeait 
point. La condamnation par Rome de la plupart des 
écrits de R. Simon justifie amplement le zèle de Bossuet 
sans qu'il soit besoin d'insister. Reconnaissons cepen- 
dant en R. Simon une science incontestable, une éru- 
dition étonnante, une grande sagacité de critique 
notamment pour le discernement des bons manuscrits. 
Avec encore la réserve que personne ne sut faire 
parade comme lui de choses qu'il ne savait pas, et que 
ses ouvrages sont pleins plutôt de choses rares et cu- 
rieuses que de faits exacts et contrôlés par un mûr 
examen. Voici les principaux de ces ouvrages: nous ren- 
voyons pour les autres aux sources indiquées plus loin. 

Histoire critique du Vieux Testament, s. 1. et a. 
(Paris), in-4», Billaine, 1678 (nous n'indiquerons que 
les éditions princeps). Cette édition fut supprimée, 
mais il s'en fit coup sur coup sept autres, sans parler 
des traductions latines et anglaises. Dans cet ouvrage 
R. Simon attaque l'authenticité mosaïque du Penta- 
teuque (ch. v) puisqu'il n'en attribue à Moïse que la 
partie législative. Voir Pentateuque, t. iv, col. 84. — 
Histoire critique du texte du Nouveau Testament, 
in-8», Rotterdam, R. Leers, 1689. Deux éditions et 
deux traductions, en anglais et en allemand. — R. Simon, 
comme a dit Bossuet, « y attaque directement l'inspi- 
ration, » cherchant à prouver qu'il suffit que l'Écriture 
soit inspirée quant à la substance et qu'on ne doit en- 
tendre par l'inspiration qu'une assistance négative du 
Saint-Esprit qui n'a pas permis que les écrivains sa- 
crés soient tombés dans l'erreur. — Histoire critique 
des Versions du Nouveau Testament, in-4°, Rotterdam, 
R. Leers, 1690. Traduite en allemand et en anglais. 
R. Simon y loue beaucoup trop certaines versions an- 
ciennes, notamment la version arménienne d'Uscan. — 
Histoire critique des principaux commentateurs du 
Nouveau Testament, in-4», Rotterdam, R. Leers, 1693. 
C'est contre cet ouvrage, où l'auteur attaque si imper- 
tinemment les Pères, que Bossuet écrivit sa Défense 
de la Tradition et des saints Pères, mais qui ne devait 
paraître qu'en 1763. — Nouvelles Observations sur le 
texte et les versions du Nouveau Testament, in-4», 
Paris, Boudot, 1635. — Le Nouveau Testament... tra- 
duit sur l'ancienne Édition latine, 4 in-8», Trévoux, 
Etienne Ganeau, 1702. On y a relevé non seulement des 
nouveautés d'expressions toujours regrettables, mais 
des tournures de phrases qui n'expriment pas la foi 
catholique comme celles que l'auteur veut remplacer. — 
Il y aurait aussi à mentionner les divers travaux de 
R. Simon relatifs aux Églises orientales, aux juifs, ses 
Lettres choisies, sa Bibliothèque critique, sa Nouvelle 
bibliothèque choisie. 

Par sa faute, dirons-nous en empruntant les expres- 
sions de P. de Valroger, « R. Simon devait perdre le 
fruit de ses facultés et de son immense érudition... 
L'attention resta concentrée sur les parties dangereuses 
■de ses ouvrages, dont les erreurs ont compromis la 
partie saine et féconde, » Et pour terminer par le juge- 
ment de Bossuet : « Richard Simon ne s'excusera 
jamais... d'avoir renversé les fondements de la foi, et 
avec le caractère de prêtre d'avoir fait le personnage 
d'un ennemi de l'Église. » 

Voir Batterel, Mémoires domestiques, Paris, 1907, 
t. iv, p. 233, 295; Cochet, Galerie dieppoise, 1862, 
p. 327-381; Graf, R. Simon, Iéna, 1847 (le meilleur tra- 
vail d'ensemble, d'après Bernus) ; A. Bernus, R. Simon 
et son Histoire critique du V. Testament (thèse), Lau- 
sanne, 1869; Denis, Critique et controverse ou R. Simon 
et Bossuet, Caen, 1870; A. Ingold, Essai de bibliogra- 
phie oratorienne, article de M. Bernus, p. 121-163; 
îi. Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, 1885, 



ii, p. 422; R. de la Broise, Bossuet et laBible, Paris, 1891 
(le ch. xii, p. 335-355); Margival, Richard Simon, 
dans la Revue d'histoire et de littérature religieuses, 
t. ii. (Sur cette dernière étude, tout à fait suspecte, 
cf. le Bulletin de littérature ecclésiastique de Tou- 
louse, nov. 1900; Revue thomiste, janvier 1901; Revue 
d'histoire ecclésiastique de Louvain, t. i, p. 127.) 

A. Ingold. 
SIMONIS Johannes, né le 10 février 1698 à Drusen 
près de Schraalkaden, mort le 2 janvier 1768, hébraï- 
sant distingué. Il professa l'histoire ecclésiastique et 
l'archéologie chrétienne à l'université de Halle. On a 
de lui : Vorlesungen ûber die jûdischen Alterthûmer 
nach Adrian Reland, ouvrage publié après la mort de 
l'auteur par S. Mursinna, in-8», Halle, 1769; Onoma- 
sticum Veteris Testamenti, 1741 ; Analysis et explicalio 
lectionum masorethicarum Ketiban et Krijan vulgo 
dictarum, ea forma quse illse in textu sacro exstant, 
in-8», Halle, 1752; 2« édit., 1782; 3 e édit., publiée 
par E. F. K. Rosenrnûller, 1824; Dictionarium Vete- 
ris Testamenti hebrseo-ehaldaicum, ut cum Bibliis 
hebraicis manualibus conjungi queat, in-8°, Halle, 
1752; Introductio grammatico-critica in linguam 
hebraicam, in-8°, Halle, 1753; Lexicon manuale 
hebraicum et chaldaicum, in-8», Halle, 1756; edilio 
altéra, priori longe auctior, cui accessit vita auctoris, 
a Sam. Mursinna, curante Jh. Ludw. Schulzio, 1771 ; 
3 e édit., auxit J. G. Eichhorn, 1793; 4» édit., auxit 
F. G. Winer, in-8°, Leipzig, 1828; Onomasticum Novi 
Testamenti et librorum Veteris Testamenti apocry- 
phorum, in-4», Halle, 1762; Observationes Lexicse in 
suppl. Lexici hebraici manualis, in-8», Halle, 1763; 
Lexicon manuale grsecum, in-8», Halle, 1766. On lui 
doit aussi une édition de la Bible hébraïque, Halle, 1752, 
avec des corrections importantes, 1767, au texte de 
Van der Hooght. 

SIMPLICITÉ (hébreu : tôm; Septante : «tcXotyiç, 
àqsEXÔTï];; Vulgate : simplicitas), vertu de celui qui 
agit sans arrière-pensée, avec loyauté et sincérité, sans 
chercher à tromper autrui et sans afficher lui-même 
aucune prétention. Cette vertu est opposée à l'hypo- 
crisie ou duplicité. Voir Hypocrisie, t. m, col. 795. Le 
simple, âicXôoç, simplex, est ainsi l'antithèse du dou- 
ble, SiTciôoç, duplex. — Les versions appellent souvent 
« simplicité » des vertus désignées dans l'hébreu sous 
les noms de « droiture, intégrité, innocence ». — Jacob, 
Gen., xxv, 27, et Job, I, 1, 8; n, 3, sont appelés des 
hommes « simples », c'est-à-dire francs et droits. Abi- 
mélech s'empara de Sara d'un cœur simple, c'est-à-dire 
sans arrière-pensée d'adultère. Gen., xx, 5. Deux cents 
hommes partirent de Jérusalem à la suite d'Absalom 
avec simplicité, sans se douter de ses projets de révolte. 
II Reg., XV, 11. Salomon se propose d'agir d'un cœur 
simple et droit. III Reg., ix, 4; IPar., xxix, 17. Achab 
fut atteint par une flèche tirée simplement, par quel- 
qu'un qui ne le visait pas. III Reg., xxn, 34. Les Juifs, 
compagnons de Mathathias, veulent mourir dans la sim- 
plicité de leur cœur, sans autre pensée que celle de la 
fidélité à leur loi. IMach.,11,37. Les premiers chrétiens 
prenaient ensemble leurs repas avec joie et simplicité. 
Act., H, 46. Bien souvent, la simplicité est trompée 
par le mensonge, Esth., xvi, 6, parce que, comme la 
charité, « elle ne tient pas compte du mal, elle ne prend 
pas plaisir à l'injustice, elle se réjouit de la vérité, elle 
excuse tout. » I Cor., xm, 5-7. — La simplicité est 
fréquemment recommandée dans la Sainte Écriture. 
Elle est opposée aux détours des perfides. Prov., xi, 
3, 20. La récompense lui est promise. Prov., n, 21. Il 
faut chercher le Seigneur d'un cœur sincère. Sap., I, 
1. Le Sauveur prescrit à ses disciples d'être « sans 
mélange », àxépaioi, simplices, simples comme des 
colombes. Matth., x, 16. Il remarque que, quand l'œil 



1747 



SIMPLICITÉ — SIN (DÉSERT DE) 



1748 



est simple, tout le corps est dans la lumière, Malth.,vi, 
22, c'est-à-dire quand l'œil est sain, sans rien qui le 
ternisse, il est capable de diriger tous les mouvements 
et tous les actes du corps; de même, quand l'œil de 
l'âme est simple,quand l'intention est pure et droite, 
toute la conduite en ressent l'heureuse influence. Celui 
qui fait les distributions aux autres doit s'acquitter de 
sa tâche avec simplicité, sans préférences injustifiées, 
parce que la charité doit agir à découvert, àvunJxpiTaç, 
sine simulatione. Rom., xn, 8-9. Il faut être sage vis- 
à-vis du bien, et simple vis-à-vis du mal. Rom., xvi, 

19. Saint Paul se fait gloire de s'être toujours conduit 
avec simplicité et sincérité. II Cor., I, "12. Il redoute que 
l'astuce du démon fasse déchoir ses fidèles de la simplicité 
qui vient du Christ. II Cor., xi, 3. Il félicite les églises de 
Macédoine de s'être montrées très généreuses avec simpli- 
cité et il demande aux Corinthiens de donner eux aussi 
d'un cœur simple. II Cor., vm, 2; IX, 11. Les serviteurs 
doiventobéirà leursmaîlres en toute simplicité de cœur. 
Eph., vi, 5; Col., m, 22. La simplicité convient aux 
enfants de Dieu, Phil., Il, 15, selon le précepte du Sei- 
gneur. Saint Pierre veut aussi que les fidèles s'aiment 
les uns les autres d'un cœur simple. I Pet., i, 22. 

H. Lesètre. 
SIMULATION (grec : ûicôxpimc ; Vulgate : sinm- 
latio), acte par lequel on semble faire ce que l'on ne 
veut pas faire, ou paraître ce que l'on n'est pas. — Pour 
prendre la ville de Haï, Josué et ses guerriers simulent 
une fuite qui attire les habitants dehors. Jos., vm, 15- 

20. Les Gabaonites feignent de venir de très loin, afin 
que Josué les épargne. Jos., ix, 3-15. Ce sont là des 
ruses de guerre, 'ormâh, itavoupYta. Jos., ix, 4. De 
même, les Israélites fuient devant les guerriers de Ben- 
jamin, afin d'attirer ceux-ci dans l'embuscade. Jud., xx, 
29-45. — Des personnes se font passer pour ce qu'elles 
ne sont pas. Avec l'aide de sa mère Rébecca, Jacob se 
présente à Isaac comme étant Ésaù. Gen., xxvu, 6-29. 
Lia se fait passer pourRachel. Gen., xxix, 21-25. Rachel 
feint la fatigue pour ne pas se lever devant Laban. Gen., 
xxxi, 35. Thamar prend les dehors d'une femme de 
mauvaise vie. Gen., xxxvm, 14-19. Chez le roi de Geth, 
David simule la folie. I Reg., xxi, 12-15. Amnon fait le 
malade pour attirer Thamar auprès de lui. II Reg., xm, 
5. Une femme de Thécué feint de demander justice à 
David, aGn de ménager le retour en grâce d'Absalom. 

, II Reg., xiv, 2--0. La femme de Jéroboam se déguise 
pour aller consulter le prophète Ahias sans être recon- 
nue de lui. III Reg., xiv, 2-6. Apollonius feint des 
intentions pacifiques, pour tromper les Juifs qu'il 
s'apprête à massacrer. II Mach., v, 25, 26. On veut déci- 
der Éléazarà feindre de manger des viandes défendues, 
afin d'épargner sa vie. Mais le vieillard se refuse à cette 
simulation. II Mach., VI, 18-28. Les Juifs envoyaient 
auprès de Notre-Seigneur des gens qui feignaient d'être 
justes, afin de le prendre en défaut. Luc, xx, 20. Notre- 
Seigneur feint lui-même de ne pas vouloir exaucer la 
Chananéenne, Matth., xv, 23-27, et de s'abstenir d'aller 
à la fête des Tabernacles. Joa., vu, 6-10. Après sa résur- 
rection, arrivé à Emmaûs avec les deux disciples, il fait 
semblant de vouloir aller plus loin. Luc, xxiv, 28. 
Saint Paul qualifie de dissimulation la conduite de saint 
Pierre, s'abstenant à Antioche de manger avec les chré- 
tiens venus du paganisme, à l'arrivée des chrétiens de 
Jérusalem. Gai., n, 12-14. Il y a donc des simulations 
qui sont légitimes, d'autres qui sont repréhensibles. 
Voir Hypocrisie, t. m, col. 795. — La simulation doit 
être bannie des sentiments. I Pet., n, 11. On est porté 
à flatter ceux qu'on redoute. Ps. xvm (xvn), 45; lxvi 
(lxv), 3; lxxxi (lxxx), 16. Les Apôtres veulent que tout 
soit sincère dans les rapports avec Dieu et avec le pro- 
chain et que la simulation ne vicie ni la sagesse, ni la 
charité. Rom., xn, 9; II Cor., vi, 6; I Tim., i, 5; 
II Tim. ; n, 5; Jacob. ,m,17; II Pet., n, 3. H. Lesêthe. 



SIN, nom dans le texte hébreu de la ville d'Egypte 
que la Vulgate a rendu par Péluse. Ezech., XXX, 15. 
Voir Péluse, col. 28. 

SIN (DÉSERT DE), deux déserts qui portent le 
même nom dans la Vulgate, mais dont l'orthographe 
est différente en hébreu. 

1. SIN (hébreu : midbâr-Sîn ; Septante : spui^oç Eîv), 
nom du désert qui, d'après les Nombres, xxxm, 11, fut 
la huitième station des Israéliles d'Egypte à la terre 
de Chanaan. 

I. Identification. — D'après l'Exode, xvi, 1, le désert 
de Sin était « entre Élim et le Sinaï s, dans la presqu'île 
sinaïtique. Dans le même livre, xvn, I, la station de 
Raphidim est mentionnée entre le désert de Sin et le 
désert de Sinaï. Enfin, dans le catalogue des stations des 
enfants d'Israël, rapporté par les Nombres, xxxm, 3-49, 
entre Élim'et le désert de Sin on fait mention d'un nou- 
veau campement, celui de la mer Rouge, xxxm, 10-11 ; et 
de deux autres entre le désert de Sin et le désertée Sinaï, 
c'est-à-dire de ceux de Daphca et d'Alus, xxxm, 12-14, 
avant d'arriver à Raphidim. De ces indications il ressort 
qu'on doit chercher le désert de Sin dans la partie de 
l'itinéraire des enfants d'Israël qui précéda la station 
du Sinaï, et plus précisément entre la station des « bords 
de la mer Rouge », Num., xxxm, 10, et la station de 
Daphca, jf. 12. L'étude des lieux permet de fixer la station 
des bords de la mer Rouge, avec assez de certitude, à 
l'extrémité inférieure de l'ouadi Taiyibéh, ou à un 
point quelconque du littoral, dans la plaine A'elMour- 
kheiyéh. Presque tous ceux qui ont visité ce pays 
s'accordent sur ce point, avec les savants de l'expédi- 
tion scientifique anglaise. Cf. H. S. Palmer, Sinai, 
Londres, 1878, p. 192-193; E. H. Palmer, The Désert 
of the Exodus, Londres, 1871, t. i, p.238-239;Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. n, 
p. 457-458; Lagrange, L'itinéraire des Israélites, dans 
la Revue biblique, janvier 1900, p. 83. Pour ce qui regarde 
la station de Daphca, son identification avec les mines 
de Magharah, vers le point de jonction des ouadis 
Sidréh, Gné ou Igné et Mokatteb, a en sa faveur un 
ensemble considérable de probabilités. Voir Daphca, 
t. il, col. 1291-1292. En acceptant ces deux points de l'iti- 
néraire comme acquis, la station du désert de Sin doit 
nécessairement être placée dans quelque endroit de la 
plaine d'el-Markha, qui commence à une distance de 
seize kilomètres, au sud de l'ouadi Taiyibéh, sur la 
plage de la mer Rouge. Cette identification s'impose 
même lorsqu'on veut faire suivre par le gros des Israé- 
lites, avec les troupeaux, la voie de la côte, et le faire 
remonter au Sinaï par l'ouadi Feiran, tandis que des 
détachements isolés, pour éviter un détourne dix-sept 
kilomètres de chemin, auraient quitté assez vite la plaine 
d'el-Markha, pour aller rejoindre le ouàdi Feiran, re- 
montant par le ouâdi Sidréh et le ouàdi Mokatteb. Voir 
Raphidim, t. v, col. 981-982. Nous écartons, sans y in- 
sister, l'hypothèse de l'identification du désert de Sin 
avec le grand désert i'el-Qdah, qui s'étend près de la 
mer Rouge, au sud de la péninsule, au pied du massif 
granitique du Sinaï. Il est très éloigné d'Élim, qu'on ne 
peut faire descendre au sud plus bas que la station au 
bord de la mer, voir Llim, t. n, col. 1680-1683; aucun 
nom moderne ne rappelle d'une façon plausible ni 
Daphca, ni Alus, ni Raphidim, dans cette immense plaine 
aride; aucune tradition ancienne n'a eu en vue ce che- 
min.Cf. Lagrange, dans la Revue biblique,l900, p. 84. Mais 
de l'ouadi Taiyibéh, sans parler de la route qui suit la 
mer, et traversant la plaine d'el-Markha, monte ensuite 
dans les montagnes, on peut se rendre au montSinaï par 
la route dite du Nord. Celle-ci remonte l'ouadi Taiyi- 
béh jusqu'à la naissance de la vallée, se continue dans 
l'intérieur des terres, tourne ensuite au sud-est jusqu'à 



1749 



SIN (DÉSERT DE) 



1750 



l'extrémité occidentale de Debbet er-Ramléh, et après 
avoir coupé plusieurs vallées latérales, rejoint la route 
de la côte à trente-huit kilomètres du Sinaï. Dans cette 
hypothèse le désert de Sin serait le Debbet er-Ramléh, 
grande plaine de sable qui s'étend au pied du Djebel 
et-Tih. On peut dire, il est vrai, qu'il est justement 
au milieu entre l'ouadi Gharandel (Élim) et le massif 
granitique du Djebel Mouça (Sinaï), en conformité 
avec l'Exode, xvi, 1; mais cet itinéraire est dépourvu 
de tout souvenir local; il va contre toutes les données 
traditionnelles, et il est beaucoup moins praticable pour 
une grande multitude. Au contraire, la route qui suit 
la mer Rouge, et traverse la plaine d'el-Markha, est 
plus praticable pour une multitude aussi considérable 
que celle des enfants d'Israël; elle est mieux approvi- 
sionnée d'eau; elle est, de plus, la seule qui passe par 
l'ouâdi Feiran, avec lequel, dès une haute antiquité, 
on a identifié Raphidim. Voir Raphidim, t. v, col. 982. 
En outre, l'identification du désert de Sin avec la plaine 
<ïel-Markha, qu'on trouve sur cette route, jouit de la 
faveur de la tradition chrétienne et des préférences de 
presque tous les savants d'aujourd'hui. La Peregrinatio 
Sylviee (vers l'an 385), édit. Gamurrini, p. 140, qui en 
est le premier écho, identifie le désert de Sin avec une 
vallée large de six mille pas romains ou neuf kilo- 
mètres et d'une longueur beaucoup plus grande. La 
description de la pèlerine est un peu confuse, parce 
que les montagnes, dont elle parle, ne cadrent guère 
avec ce désert. Mais on doit avouer que l'unique plaine 
de cette dimension, qu'elle a pu, rencontrer sur son 
chemin entre Pharan et Élim, est la plaine d'el-Mar- 
kha. Saint Jérôme, vers la même époque, indique le 
désert de Sin entre la mer Rouge et le désert du Sinaï, 
et plus précisément entre la mer Rouge et Raphidim, 
De situ et nomin. hebr., t. xxm, col. 920; ce qui nous 
amène à la plaine d'el-Markha. Ailleurs, cependant, en 
parlant de toutes les quarante-deux stations des Israé- 
lites dans le désert, il dit que la région entière jusqu'au 
Sinaï s'appelait « désert de Sin ». Cf. Epist. lxxii, 
ad Fabiolam, t. xxii, col. 705. On trouve cette dernière 
opinion répétée parmi les auteurs jusqu'à Adrichomius, 
Pharan, n. 90. Parmi les voyageurs et les savants mo- 
dernes, l'identification du désert de Sin avec la plaine 
d'el-Markha est adoptée par Lengerke, Robinson, Ritter, 
Kurtz, Stanley, Strauss, Bartlett, Ebers, Vigouroux, et 
beaucoup d'autres. Cf. Bartlett, From Egypt to Pales- 
tine, p. 213. Palmer, Ebers, après Robinson, ont appuyé 
cette identification sur divers arguments. Cf. Lagrange, 
dans la Revue biblique, 1900, p. 84. Notons, en passant, 
que l'étymologie même semble favoriser une opinion 
traditionnelle aussi généralement répandue. Sin, en 
hébreu, veut dire « boue ». Cf. Gesenius, Thésaurus, 
p. 947. Même aujourd'hui, l'aspect topographique de la 
plaine d'el-Markha, peut justifier jusqu'à un certain 
point l'appellation de « désert boueux » qu'on lui aurait 
donné à l'époque de l'Exode. 

II. Description. — La plaine d'el-Markha commence 
à une distance de seize kilomètres au sud de l'ouadi 
Taiyibéh. Au nord, elle est limitée par les masses 
sombres du Djebel el-Markha aux flancs bigarrés; au 
midi, elle se rattache au désert d'el-Qaah; à l'est, elle 
a pour limite le massif granitique entrecoupé par divers 
ouadis; à l'ouest enfin elle aboutit à la mer Rouge. La 
plaine mesure environ vingt-deux kilomètres de lon- 
gueur du nord au sud, et a une étendue de huit kilo- 
mètres de lest à l'ouest. L'aspect de la plaine est tout 
à fait stérile pendant la plus grande partie de l'année; 
cependant les pluies d'hiver y font germer une végéta- 
tion relativement abondante, qui consiste en herbes 
et en broussailles, parmi lesquelles se trouvent les 
premiers acacias seyals. Le sol, noir et caillouteux, 
contient beaucoup d'oxyde magnétique de fer et des 
grenats. Il est jonché de blocs de granit rouge, de 



feldspath rose et de basalte, charriés, aux temps pré- 
historiques, de l'intérieur du pays. A ce propos, 
notons qu'au sud de l'embouchure de l'ouadi Babah, 
plusieurs éperons de la montagne portent des las 
de scories de minerais de cuivre et des vestiges de 
hauts-fourneaux. M. Pétrie suppose que les mineurs 
égyptiens avaient transporté là les, minerais de l'ouadi 
Babah et de l'ouadi Nasb où les broussailles sont rares, 
pour les fondre au bord de la plaine d'el-Markha 
abondante en combustible. Cf. Flinders Pétrie, Re- 
searches in Sinai, Londres, 1906, p. 18. à l'extrémité 
septentrionale de la plaine coulent deux sources, celle 
de l'Ain-Dhafary dont l'eau est douce, et celle de 
l'Aïn-Markha, dont l'eau est aujourd'hui très saumâtre. 
Autour de cette dernière, marquée par un palmier, 
existe une dépression du sol, qui, dans les temps plus 
reculés, devait constituer un marais. Cf. "Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. n, 
p. 460; Meistermann, Guide du Nil au Jourdain par 
leSinaïet Pétra, Paris, 1909, p. 65. 

III. Histoire. — Le désert de Sin est devenu parti- 
culièrement célèbre dans l'histoire sacrée par la 
manne qui y tomba pour la première fois. Les enfants 
d'Israël y campèrent le quinzième jour du second mois 
après la sortie d'Egypte, Exod., xvi, 1; et ils avaient 
probablement dressé leurs tentes près de YAïn-Dha- 
fary, qui est à vingt-deux kilomètres environ de 
l'ouadi Taiyibéh. On trouvait en cet endroit l'eau 
nécessaire au camp; on y trouvait aussi les maigres 
pâturages du désert pour les troupeaux, mais rien pour 
les hommes. Alors toute la foule des enfants d'Israël 
murmura contre Moïse et Aaron, Exod., xvi, 2-3, man- 
quant ainsi de confiance en Dieu. Le Seigneur leur 
envoya, pour les nourrir, la manne, qui, pendant qua- 
rante ans, à partir de ce jour, ne leur fit jamais défaut 
jusqu'à l'entrée dans la Terre Promise. Exod., xvi, 
4,13-15,31, 35; cf. Num.,xi,7-9; voir Manne, t. iv, col.656- 
663; Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., t. i, n. 374, 
p. 759. La veille du jour où Dieu avait fait pleuvoir 
la manne, il avait aussi envoyé à son peuple, dans le 
désert de Sin, des volées de cailles. Exod., xvi, 12-13. Voir 
Caille, t.. h, col. 33-37. Dans la suite., il n'est plus 
question de ce désert de Sin dans la Bible. 

A. Molini. 

2. SIN (hébreu : midbàr-$in ; Septante : spr)|j.oç S(v, 
Num., xin, 22; xx, 1; xxvn, 14; xxxm, 36; xxxiv, 3; 
Deut., xxxii, 51; Jos., xv, 18), nom du désert qui, 
d'après les Nombres, xxxm, 36, fut la trente-troisième 
station des enfants d'Israël, pendant leur voyage du 
pays d'Egypte à la terre de Chanaan. L'opinion géné- 
rale est aujourd'hui que le désert de Sin dont il est 
question dans l'Exode, xvi, 1; xvii, 1, et dans' les 
Nombres, xxxm, 11, est différent du désert de Sin 
mentionné dans les passages des Nombres, du Deuté- 
ronome, et de Josué, cités plus haut. C'est ce que 
prouve l'orthographe même des deux noms en hébreu, 
où le premier s'écrit avec un samech, et le second avec 
un tsadé. S. Jérôme, Epist. lxxii, ad Fabiolam, t. xxn, 
col. 716; Gesenius, Thésaurus, p. 977, 1165. D'après 
les renseignements explicites du texte sacré, Exod., 
xvi, 1, le premier désert de Sin était « entre Élim et le 
Sinaï s; l'autre, au contraire, est indiqué dans la 
partie septentrionale du désert de Pharan, Num., xm, 
1, 22: où était Cadès, xx, 1; xxvn, 14; xxxm, 36; à la 
limite occidentale du territoire d'Édom, xx, 16; et à 
la limite méridionale du pays de Chanaan, xxxiv, 3. 
Voir Cadès, t. h, col. 21 ; Pharan, t. v, col. 189. Cf. 
Quaresmius, Elucidatio Terrse Sanclse, Venise, 1881, 
t. n, p. 741. 

Le désert de Sin, dont il est question ici, occupait 
donc la partie septentrionale du désert de Pharan, 
c'est-à-dire la région montagneuse qui formait en 
grande partie le pays des Amorrhéens, et en même 



1751 



SIN (DÉSERT DE) — SINAÏ 



1752 



temps la frontière méridionale du pays de Chanaan. 
Voir Pharan, t. v, col. 187. Ce désert est décrit dans 
la Bible comme un lieu affreux, où l'on ne peut semer; 
qui ne produit ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, et où 
l'on ne trouve pas même d'eau pour boire. Num.,xx, 5. 

Les enfants d'Israël campèrent une première fois 
dans cette partie du désert de Pharan appelée désert 
•de Sin, lorsqu'ils venaient de Haséroth, Num., xm, 
1, 22; et dressèrent leurs tentes à Cadès, xm, 27. Voir 
Cadès, t. il, col. 13-22. Après la révolte du peuple, 
occasionnée par le rapport décourageant des espions 
«nvoyés parMoïse pour explorer le pays de Chanaan, il fut 
le point de départ de leur égarement à travers le désert. 
A la fin des trente-huit années de punition, il fut encore 
leur centre de ralliement, xx, 1. Les enfants d'Israël 
arrivèrent au désert de Sin dans le premier mois, 
€t séjournèrent encore à Cadès, pas précisément, peut- 
être, dans la même localité que la première fois, parce 
que le nom de Cadès indique ici plutôt un grand dis- 
trict du désert de Sin qu'une localité déterminée. Cf. 
Cal met, Commentaire littéral sur les Nombres, Paris, 
1709, p. 130. C'est là que mourut Marie, sœur de Moïse, 
«t qu'elle fui enterrée selon Josèphe, Ant. jud., IV, IV, 
•6, sur une montagne, appelée Sin, du même nom que 
le désert où probablement elle se dressait. Pour ce qui 
regarde les autres événements qui eurent lieu dans le 
désert de Sin, voir Cadès, t. n, col. 21-22; Pharan, 
t, v, col. 189. A. Molini. 

SIN A, orthographe delaVulgate,l°dunom du désert 
de Sin (Sin), Jos., xv, 3, voir Sin 1, et 2° du nom du 
désert et de la montagne de Sinaï, Judith, v. 14; 
Ps. lxvii, 18; Act., vu, 30, 38; Gai., rv, 24, 25. 

SINAI (hébreu : Sînaî; Septante : Siva; Vulgate : 
Sinaï, partout, excepté Judith, v, 14; Ps. lxvii [hébreu, 
lxviii], 17; Eccli., xlviii, 7; Act., vu, 30, 38; Gai., iv, 
24, 25, où l'on trouve Sina), montagne de la péninsule 
sinaïtique sur laquelleDieu donna sa Loi à Moïse, Exod., 
xix, 11, 18,20, 23, etc., et désert qui l'environne. Exod., 
xix, 1, 2;Lev., vu, 38, etc. Ce lieu, un des plus célèbres 
de l'histoire biblique, a donné son nom à la pointe de 
terre qui sépare l'Asie de l'Afrique. Les faits qui s'y 
rattachent rappellent la formation même du peuple de 
Dieu. Nous avons à en défendre le caractère historique, 
à en décrire la situation, à en résumer l'histoire. 

I. Nom. — Il n'est pas facile de connaître l'origine 
du mot »3'D, Sinaï. Quelques-uns, le rapprochant de 

la racine inusitée îid, sûn, lui donnent le sens de 
« dentelé, crevassé, hérissé de rochers ». Cf. J. Fûrst, 
Hebràisches und chaldàisches Handwôrterbuch, Leip- 
zig, 1876, t. n, p. 74, 79. C'est une étymologie plus que 
douteuse. Elle devrait s'appliquer également, sans lui 
convenir mieux, au désert de j>d, Sîn, situé entre Élim 
et le Sinaï. Exod., xvi,l. Il y a, en effet, entre les deux 
noms une étroite relation, qui a poussé certains auteurs 
à voir dans >j>d, Sînaî, un adjectif se rapportant à 

Sîn et désignant le Sinaï comme « la montagne du 
désert de Sîn », en raison de leur voisinage. Cf. H. Ewald, 
Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1865, t. Il, 
p. 143; G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig, 
1881, p. 392. D'autres rejettent cette explication et pré- 
fèrent celle qui fait dériver Sînaî du dieu Sin, ou dieu 
Lune, dont le culte aurait été attaché à la montagne. 
On trouve du moins ce culte établi dans la contrée vers 
la fin du vi« siècle de l'ère chrétienne, au temps 
d'Antonin le Martyr. Cf. T. Tobler, Itinera Terrœ 
Sanctm, Genève, 1877, t. i, p. 113. Les Arabes l'avaient 
emprunté aux Babyloniens. Cf. F. Hommel, Die altisra- 
elitische Uberlieferung, Munich, 1897, p. 275. Cette 
opinion aurait besoin d'être appuyée par quelques do- 
cuments prouvant que le dieu Sin était, dès les temps 



les plus anciens, honoré dans le pays. — Le nom de 
Sinaï a comme équivalent dans la Bible celui i'Horeb; 
tous deux désignent la montagne de Dieu ou de la ré- 
vélation. La loi est promulguée sur le Sinaï, d'après 
Exod., xix, 18, 20, 23; Ps. lxvii (hébreu lxviii), 9,18; 
II Esd., IX, 13; sur I'Horeb, d'après Mal., IV, 4 (hébreu 
m, 22). La scène du veau d'or se passe au Sinaï, selon 
Exod., xxxii, 4, à I'Horeb, selon Ps. cv (cvi), 19. Le 
parallélisme identifie les deux mots Eccli., xlviii, 7. 
Le Deutéronome dit toujours Horeb, sauf dans le can- 
tique xxxiii, 2. Le mot Hôrêb signifie « sec, désolé », 
et répond bien à l'aspect des monts granitiques de la 
péninsule. A-t-il été dès l'origine synonyme de Sinaï? 
Il est possible qu'il ait indiqué quelque différence 
locale, qui aurait disparu plus tard. Cependant si l'on 
fait de Sînaî un adjectif, on pourrait expliquer comment 
le mont ou massif d'Horeb aurait reçu cette épithète 
en raison de son voisinage du désert de Sîn ou, suivant 
plusieurs auteurs, à cause du dieu Sin. Nous croyons, 
en tout cas, qu'il ne faut pas attribuer à chacun de ces 
noms une localisation trop précise. A plus forte raison 
n'a-t-on pas le droit d'y chercher deux lieux absolument 
distincts, qui seraient séparés par une grande distance. 
Quant à ramener le double nom de Sinaï et d'Horeb à 
une idée cosmique, celle de la lune et du soleil, c'est 
une opinion que nous laissons à la critique, ou plutôt 
à l'hypercritique rationaliste. Cf. A. Jeremias, Das Aile 
Testament im Lichle des Allen Orients, Leipzig, 1906, 
p. 416. Le Sinaï est, aussi bien que I'Horeb, appelé « la 
montagne de Dieu », en raison des manifestations di- 
vines dont il fut le théâtre. Cf. Exod., m, 1; iv, 27; 
xvin, 5; xxiv, 13; Num., x, 33; III Reg., xix, 8. Était- 
il regardé comme un lieu sacré, même avant Moïse? 
Quelques-uns le pensent. Cf. A. Dillmann, Exodus, 
Leipzig, 1897, p. 31; F. de Hummelauer, Comment, in 
Exod., Paris, 1897, p. 44. — Enfin le nom du Sinaï 
s'applique tantôt à la montagne, Exod., xix, 11, 18, 20, 
23, etc., tantôt au désert qui l'avoisine. Exod., xix, 2; 
Lev., vu, 38; Num., i, 1, 19, etc. — Josèphe appelle le 
Sinaï tô Sivetïov (opo;), Ant. jud., III, v, 1, et les Arabes 
djebel et-Tûr ou Tûr Sînâ. Cf. Guy Le Strange, Pa- 
lestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 73. 

II. Site d'après la Bible et la critique. — Avant de 
chercher dans la description du Sinaï les lumières né- 
cessaires pour en bien comprendre l'histoire, nous 
avons à résoudre une question des plus importantes, 
soulevée par la critique contemporaine. Jusqu'ici la 
tradition juive et chrétienne avait sans hésitation placé 
le Sinaï dans le massif montagneux de la péninsule à 
laquelle il a donné son nom. On discutait seulement 
sur son site exact; on se demandait quel sommet pré- 
cis pouvait le représenter, le djebel Serbal, par exemple, 
ou le djebel Mûsa. La critique documentaire a com- 
plètement changé l'aspect de la controverse. En dissé- 
quant la Bible comme l'on sait, elle en est venue à 
nier sur ce point la tradition biblique elle-même, ou 
tout au moins à y trouver des variations qui lui en- 
lèvent toute valeur. D'après elle, les auteurs des diffé- 
rents documents apportent des témoignages qui ne 
concordent pas ; il reste même à savoir si le Sinaï avait 
un rôle quelconque dans la tradition primitive. Il nous 
est impossible d'entrer ici dans toutes les subtilités des 
exégètes rationalistes; nous ne pouvons présenter qu'un 
aperçu de la question. On trouvera dans R. Weill, Le 
séjour des Israélites au désert et le Sinaï, Paris, 1909, 
p. 15-36, l'origine et l'histoire de cette controverse, ou 
« le travail critique de la tin du xix e siècle et du début 
du xx». » 

Une première opinion place le Sinaï au sud d"Aqabah, 
sur la côte orientale du golfe Élanitique, dans le pays 
de Madian. C'est celle qui serait le mieux appuyée selon 
J. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte IsraeU, 
6= édit., Berlin, 1905, p. 343, n. 1. Elle a été surtout 



Dictionnaire delaBMe. 



letouzey el Anè,EditeuiS- 




CARTE 
, DE LA 

PENINSULE 
SINAÏTIQUE. 



EchaHe. 



GOLFJE ARABIQUE MER ROUGE 



28" 



Jrnp.J?ufrên0if-'Jtor'-t: 



1753 



SINAÏ 



1754 



développée par A. von Gall, Altisraehtische Kultstâtten, 
Giessen, 1898, p. 1-22. Une seconde le cherche non 
loin des limites méridionales de la Palestine, dans la 
région &"Aïn Qedeis, l'ancienne Cadès, dans le pays 
d'Édom. Cf. H. Winckler, Geschichte Israels, Leipzig, 
1895, t. i, p. 29; R. Smend, Lehrbuch der Alttesta- 
mentlichen Religionsgeschichte , Fribourg-en-Bris- 
gau, 1899, p. 35, n. 2; R.Weill,£e séjour des Israélites 
au désert, qui traite longuement la question. Toutes 
les deux s'appuient naturellement sur la diversité des 
sources que la critique contemporaine distingue dans le 
Pentateuque, et cherchent à opposer un document à 
un autre. Nous les suivons sur ce terrain pour les 
combattre d'après leurs propres principes. 

Le plus jeune des documents relatifs au voyage des 
Hébreux à travers le désert est, nous dit-on, le cata- 
logue des stations donné dans le livre des Nombres, 
xxxiii. Il fait partie du Code sacerdotal (P) et est l'écho 
de la tradition juive postérieure à l'exil. M. von Gall, 
Altisr. Kult., p. 1, reconnaît que, pour l'auteur de ce 
morceau, le Sinaï est certainement dans la péninsule 
qui en tire son nom; il en est de même pour le rédac- 
teur final du Pentateuque.il est incontestable, en effet, 
que l'ensemble des stations, malgré les difficultés qu'il 
y a souvent à les identifier, trace la route des Israélites, 
d'abord sur la côte orientale du golfe de Suez, puis à 
travers le dédale montagneux de la presqu'île sinaïtique, 
enfin dans la direction du nord-est. C'est ce que nous 
montrerons. Nous avons donc là un premier point 
parfaitement acquis, à savoir, comme conclut lui-même 
M. von Gall, op. cit., p. 2, que « la tradition qui cherche 
le Sinaï dans la péninsule à laquelle il a donné son 
nom s'affirme déjà vers 400 avant J.-C. » Nous pouvons, 
avec le même auteur, remonter deux ou trois siècles 
plus haut, et nous trouverons un témoignage analogue 
dans la source éphraïmite ou élohiste (E), au moins 
sous sa forme dernière. D'après ce document, les 
Hébreux, ayant traversé la mer Rouge, se dirigent par 
Mara, Exod., xv, 23; Élim, Exod., xv, 27; Raphidim, 
Exod., xvn, 8, vers le Sinaï. Exod., xix, 2. C'est, en 
résumé, la même marche que dans le catalogue, 
Num., xxxiii, 8, 9, 14, 15. M. von Gall, op. cit., p. 4, 
mentionne encore Exod., IV, 27, où il est dit que Dieu 
envoya Aaron au-devant de Moïse, « dans le désert », et 
que la rencontre des deux frères eut lieu auprès de « la 
montagne de Dieu », Horeb ou Sinaï. Pour Aaron, qui 
part de l'Egypte, le désert ne peut être que celui de 
l'Arabie Pétrée, le chemin qu'avait pris Moïse dans sa 
fuite. Donc l'élohiste plaçait encore l'Horeb dans la 
péninsule. Mais ce dernier passage va contre la thèse 
que M. von Gall prétend appuyer sur d'autres textes, 
et qui place le Sinaï en Madian, à l'est du golfe Éla- 
nitique. Si, en effet, la montagne sainte se trouve 
dans ce pays, on ne peut plus dire qu'Aaron y a ren- 
contré son frère; il est venu l'y chercher. Quoi qu'il 
en soit, nous conclurons encore avec notre auteur, 
op.cit.,p.4, que 700 ans avant l'ère chrétienne,la tradi- 
tion juive, représentée par E, nous montre l'Horeb- 
Sinaï dans la péninsule. 

Mais tout autre, affirme-t-on, est la tradition du 
Jahviste (J). Plus ancien que E, celui-ci plaçait le Sinaï 
à l'orient du golfe d"Aqabah. On lit, en effet, Exod., n, 
15, que Moïse, fuyant la colère du pharaon, chercha 
un refuge dans « le pays de Madian », et s'établit près 
« du prêtre de Madian », en épousant une de ses filles. 
Exod., il, 16, 21. C'est en faisant paître les brebis de 
son beau-père qu'il arriva un jour dans le désert, à la 
montagne de Dieu, l'Horeb. Exod., m, 1. Plus tard, 
Jéthro, apprenant l'heureuse délivrance du peuple 
d'Israël, vint trouver Moïse « dans le désert, où il était 
campé près de la montagne de Dieu. » Exod., XVIII, 1, 
5. « Moïse habitait donc après sa fuite dans le pays de 
Madian. Or, Madian était certainement situé à l'orient 



de la mer Rouge, sur la côte occidentale de la pénin- 
sule arabique, près de Maknâ actuel et pas plus bas 
que Ainûna. » A. von Gall, op. cit., p. 8. — Nous ne 
nions pas que telle ait été la situation de Madian. Mais 
la conclusion qu'on en tire est fausse. Nous ferons 
remarquer d'abord qu'il est difficile de donner des 
limites fixes à un pays habité par un peuple, sinon 
tout à fait nomade, au moins voyageur et changeant, 
et dont les rameaux se sont dispersés en différents 
endroits, peuple qu'on retrouve dans la région de 
Moab, Gen., xxxvi, 35; à l'orient de la Palestine, 
associé aux Amalécites et aux benê Qédém, Jud., vi, 3, 
33; entre Edom et Pharan, sur la route de l'Egypte. 

I (III) Reg., xi, 18. Voir Madian, Madianites, t. iv, 
col. 532, 534. Est-il donc impossible que les limites de 
ce pays se soient étendues de l'autre côté du golfe 
d"Aqabah, sur sa côte occidentale? Rien ne le prouve. 
En second lieu, la Bible, loin de confondre le Sinaï et 
Madian, distingue les deux, en nous montrant que 
Jéthro n'est pas chez lui au Sinaï, mais que, après son 
entrevue avec Moïse, « il s'en retourne dans son pays. » 
Exod., xvni, 27. Il en est de même de Hobab le Madia- 
nite. Num., x, 29-30. On comprend enfin que Moïse, 
comme tous les pasteurs de ces régions, se soit éloigné 
de son beau-père pour aller chercher des pâturages 
dans l'intérieur du désert. Exod., m, 1. Tout s'explique 
en ne confinant pas exclusivement le pays de Madian 
à l'orient du golfe Élanitique. Ajoutons que la tradition 
concernant l'origine du beau-père de Moïse n'est pas 
uniforme. A côté de celle du Madianite, il y a celle du 
Cinëen (hébreu : Qênî). Jud., i, 16; iv, 11. Or, les 
Cinéens habitaient certainement la péninsule sinaïtique. 
Voir Cinéens, t. n, col. 768. Nous dirons en dernier 
lieu que tous les auteurs n'admettent pas l'antériorité 
de J par rapport à E. 

L'argument qui suit montre avec quelle étonnante 
facilité la critique bouleverse le texte biblique, quels 
procédés elle emploie pour arriver à ses conclusions. 
D'après Exod., m, 18, le peuple d'Israël devait faire un 
voyage de trois jours dans le désert, pour sacrifier à 
son Dieu. Cette fête du désert revient souvent dans 
l'Exode et toujours dans le récit de J. Cf. Exod., v, 3; 
vu, 16, 26 (hébreu; Vulgale, vm, 1), etc. Nous lisons, 
Exod., xv, 22, que le peuple, après le passage de la 
mer Rouge, marcha trois jours dans le désert de Sur, 
sans trouver d'eau. Mais la suite de ce verset n'est pas 
au jl. 23, puisqu'on rencontre à Mara de l'eau, quoique 
amère. 11 faut aller la chercher au chapitre xvn, 1 sq., 
où il est dit que « le peuple n'avait pas d'eau à boire. » 
Or l'endroit mentionné dans ce dernier passage est 
Cadès, puisqu'il est appelé, f. 7, Massàh et Merîbdh, 
et que Merîbâh équivaut à Cadès. Les Hébreux étaient 
donc, au bout de trois jours, à Cadès, et c'est de là 
qu'ilspartirent pour le Sinaï, c'est-à-dire au sud-est, dans 
le pays de Madian. Cf. A. von Gall, op. cit., p. 9-10. — 

II est facile de réfuter de pareils arguments. — 1° Les 
trois jours de marche dont il est question, fussent-ils 
à prendre dans un sens précis, et non comme chiffre 
rond, n'indiquent pas nécessairement une marche à 
partir du désert, mais plutôt à partir des établissements 
israélites vers la limite du désert. — 2» Cette manière 
de traiter le texte biblique est vraiment trop commode; 
elle peut aboutir aux opinions les plus singulières. En 
fait, y a-t-il raison suffisante de distinguer deux auteurs 
dans les deux versets qui se suivent? Nous ne le 
croyons pas. Les Israélites, ne trouvant pas d'eau dans 
une station, vont une station plus loin. Là, l'eau est . 
amère, mais un miracle la rend douce. Dans une des 
haltes suivantes, à Raphidim, le manque d'eau se fait 
encore sentir; un second et plus grand miracle la fait 
sortir du rocher. Est-il nécessaire de bouleverser tout 
un récit pour mettre un prétendu accord entre les 
faits, lorsque cet accord est tout naturel en suivant 



1755 



SINAI 



1756 



l'historien sacré? — 3° En supposant même que les 
trois jours partent de la limite du désert, Cadès est 
certainement plus éloigné, et cette donnée à elle seule 
fait tomber les conjectures critiques. — 4° Massa et 
Mériba sont deux noms distincts qui se trouvent asso- 
ciés, Exod., xvn, 7, par une sorte de liaison prover- 
biale. L'histoire complète de Mériba est Num., XX, 1-13. 
Là, Mériba est appelée mê Meribah (Vulgate : Eau de 
contradiction, cf. t. Il, col. 1523); plus loin, Num., 
xxvii, 14, mè-Merîbat Qâdês, « les eaux de contradic- 
tion de Cadès », de l'endroit où se passa la scène, 
semblable à celle de Raphidim. Ce nom est donc venu 
se joindre à celui de Massa dans le récit de l'Exode, 
xvu, 7, à cause de la similitude des événements. C'est 
peut-être le fait d'un glossateur; la Vulgate n'a pas ce 
mot, soit que saint Jérôme ne l'ait pas trouvé dans son 
texte, soit qu'il l'ait reconnu comme n'étant pas à sa 
place. Si Mériba équivaut à Cadès, il n'est donc pas 
juste de voir Méribat-Cadès dans le passage en question. 

On ajoute d'autres arguments tirés du Deutéronome. 
Il est dit, Deut., i, 2, qu'il y a « onze jours de l'Horeb 
dans la direction du mont Séir jusqu'à Cadès Barné. » 
M. von Gall voit là une glose, dont il cherche l'expli- 
cation; puis il se demande, op. cit., p. M, « depuis 
quand l'on va de l'Horeb à Cadès par le mont Séir. » 
La marche indiquée ici ne se comprend que si l'on 
place la sainte montagne sur la côte occidentale de 
l'Arabie. — Notre auteur raisonne d'après l'hypothèse 
qui identifie le mont Séir avec le djebel Scherra, la 
chaîne de montagne qui s'étend à l'est de Y'Arabah, 
entre la mer Morte et le golfe d"Aqabah. Dans ce cas, 
on pourrait encore, à la rigueur, comprendre la route 
qui va de l'Horeb dans la direction- de Séir, non pas 
en le traversant, jusqu'à Cadès. En partant du Sinaï, 
l'on se dirige vers le nord-est, c'est-à-dire vers le 
mont Séir. Mais une nouvelle hypothèse, qui parait 
bien appuyée, coupe court à toute difficulté en plaçant 
cette montagne, non pas à l'est, mais à l'ouest de 
Y'Arabah, dans le massif qui avoisine 'Ain Qedeis. Les 
onze jours, qui semblent à M. von Gall trop longs de 
l'Horeb traditionnel à Cadès, sont, au rapport des voya- 
geurs, la distance exacte du djebel Mûsa à Mm Qedeis. 

Enfin le même système s'appuie sur Deut., xxxm, 2, 
dont le texte porte, d'après les justes corrections de la 
critique : 

Jéhovah est venu du Sinaï, 

Il a brillé pour son peuple de Séir, 

Il a resplendi du mont de Pharan, 

Il est venu à (mieux de) Méribat Qadès. 

On tire de ce passage les mêmes conclusions que de 
Deut., î, 2 : la route de Cadès par Séir a comme point 
de départie Sinaï de la côte occidentale de l'Arabie; 
aucun autre chemin ne conduit en Palestine. Cf. A. von 
Gall, op. cit., p. 11. Nous répondons que les étapes 
divines sont beaucoup plus naturelles en plaçant le 
Sinaï dans la péninsule et le mont Séir au sud de la 
Palestine; elles vont directement du sud au nord. Si 
on lit : « de Meribat Qadès », Dieu se rendant en Pales- 
tine, la route : Madian, Séir, Pharan, Cadès, est im- 
possible. 

D'après Beke, Gunkel, Gressmann, la théophanie 
sinaïtique d'Exod., xix, ne serait que la peinture d'une 
éruption volcanique, tellement fidèle qu'il faut cher- 
cher à cet épisode un fondement historique véritable. 
Aussi E. Meyer, Die Israelilen und ihre Kachbar- 
slàmme, Halle, 1906, p. 69, est-il heureux de constater 
que les volcans sont nombreux dans l'Arabie occiden- 
tale, notamment au sud-est de Madian, sur la route de 
Tebûk à la Mecque par Médine. Répondons en deux 
mots qu'on fausse le récit biblique en y voyant la 
description d'un phénomène naturel; ensuite ^que, 
même dans cette hypothèse, il ne serait pas nécessaire 



d'aller si loin chercher des volcans, puisqu'il y en a 
dans le voisinage de la Palestine. 

Contre les partisans de la seconde opinion, qui place 
le Sinaï aux environs de Cadès, nous invoquerons 
d'abord l'autorité du catalogue de Num., xxxm, dont 
les données s'appliquent incontestablement à la pénin- 
sule sinaïtique. De plus, certains textes s'opposent 
formellement à la proximité des deux endroits : les 
« onze jours de l'Horeb à Cadès Barné dans la direction 
du mont Séir, » Deut., I, 2; « le grand et terrible dé- 
sert » par lequel les Hébreux ont passé pour se rendre 
à Cadès. Deut., i, 19. R. Weill, Le séjour des Israélites 
au désert, p. 69, admet également le voyage direct des 
Israélites de la mer Rouge à Cadès, sans passer par le 
Sinaï. Nous avons déjà réfuté cette assertion. Pour 
prouver sa thèse, ii ramène autour de Cadès toute 
l'histoire primitive du peuple juif, en même temps que 
les différentes tribus avec lesquelles celui-ci fut en 
contact, Madianites, Amalécites, Cinéens; il va jusqu'à 
douter du séjour d'Israël en Egypte, tel que le 
rapporte le récit mosaïque. Nous ne nions pas l'impor- 
tance de Cadès dans cette histoire des origines, et nous 
avons reconnu qu'il ne faut pas limiter trop étroite- 
ment le territoire des tribus en question. Mais donner 
toute l'importance à Cadès, pour refuser au Sinaï une 
localisation précise, pour en faire « un lieu redoutable, 
une montagne de flamme où réside le dieu, que nul 
homme vivant n'a jamais visitée..., » pour voir, en un 
mot dans Sinaï-Horeb « un concept mythologique » 
(R. Weill, op. cit., p. 54-55), c'est là une exégèse avec 
laquelle nous ne pouvons même pas discuter. Nous ne 
trouvons aucun appui solide sur le terrain qu'elle nous 
offre, avec un remaniement et un agencement du texte 
biblique au sujet desquels nos adversaires ne savent 
pas toujours s'entendre, avec le bouleversement radical 
de l'histoire et le pur subjectivisme des hypothèses. 11 
est facile, avec une pareille méthode, d'accuser d'igno- 
rance géographique les auteurs des documents qui, 
d'après la critique, nous racontent le voyage des 
Hébreux à travers le désert. Nous avons vu cependant 
que, dans ses grandes lignes au moins, la tradition 
qu'ils nous ont conservée, peut se suivre jusqu'à une 
période assez lointaine de l'histoire, et qu'elle main- 
tient l'emplacement du Sinaï dans la péninsule qui 
porte son nom. Il est étrange, en vérité, d'entendre 
nos contemporains affirmer que les Hébreux n'ont pas 
connu ce pays, ouvert depuis longtemps aux Égyptiens, 
sillonné par les tribus nomades, ou qu'ils ont oublié, 
au cours des siècles, le lieu qui tient une des plus 
grandes places dans leur histoire. — On peut voir sur 
celte controverse M..-J. Lagrange, Le Sireat biblique, 
dans la Revue biblique, 1899, p. 369-389. 

Nous aurions à chercher maintenant quel est, parmi 
les sommets de la péninsule, celui qui représente, 
d'une façon plus ou moins probable, le Sinaï. Notre 
recherche sera plus facile lorsque nous aurons décrit 
cette pointe de terre, d'ailleurs si remarquable. 

III. Géographie de la péninsule. — 1° Configura- 
tion physique (voir fig. 380). — La péninsule du Sinaï 
forme un triangle dont les sommets sont marqués : au 
sud par le Râs Mohammed, au nord-est par le fond 
du golfe à"Aqabah, au nord-ouest par l'extrémité sep- 
tentrionale du golfe de Suez. La ligne directe qui relie 
la pointe sud à la pointe nord-est mesure 198 kilo- 
mètres; celle qui la relie à la pointe nord-ouest a 
320 kilom. ; celle qui relie les extrémités nord-ouest et 
nord-est en a 250. Les limites sont nettement fixées à 
l'est et à l'ouest par les deux golfes; mais elles sont 
indécises au nord, et, suivant qu'on y comprend une 
partie plus ou moins grande du plateau désert de Tih, 
la superficie varie entre 25 000 et 35000 kilomètres 
carrés. La presqu'île a exactement la forme d'une 
pointe de flèche qui s'avance dans la mer, et elle pré-' 



'-i-OUZ-.: et fi. 




■ I 



LE MONT S! N A I 



: S M. GÉROME 




hrtfi Jtu/frniy, />#n | 



1757 



SINAÏ 



1758 



sente quelques traits orographiques bien saillants. Une 
chaîne dé montagnes, qui prend naissance à l'est des 
lacs Amers et du canal de Suez sous le nom de djebel 
er-Ràhah, se prolonge au sud-est, puis au nord-est 
jusqu'au golfe (V'Aqabah, sous le nom de djébél et-Tîh. 
C'est une vaste muraille, dont les deux parties se ren- 
contrent à angle droit vers le centre de la péninsule et 
forment comme le saillant d'une immense forteresse. 
Ses plus grandes hauteurs vont de 1 000 à 1 200 mètres. 
Elle divise la presqu'île en deux zones bien distinctes. 
Au nord s'étend le Bâdiet et-Tîh ou « désert de 
l'Égarement ». Ce plateau calcaire, hérissé de collines 
et semé de galets, s'incline légèrement vers la Médi- 
terranée. Il n'est guère coupé que par quelques oua- 
dis, qui, sauf l'ouadi Djéraféh, tributaire de l'Arabah, 
constituent les ramifications de Vouadi el-'Arisch, ou 
« Torrent d'Egypte », dont l'embouchure est près du 
village du même nom, à mi-chemin entre l'ancienne 
Péluse et Gaza. Cette large vallée, sans eaux courantes, 
est cependant arrosée par l'eau des pluies en quantité 
suffisante pour que des bouquets de tamaris en atté- 
nuent çà et là la désolation. Le plateau de Tih n'en 
est pas moins une vaste solitude aride et nue. Il forme 
le prolongement méridional des terrasses de la Judée ; 
mais, en avançant vers le nord, les sources, les terres 
productives, les oasis deviennent plus nombreuses. Au 
sud-ouest et au pied du djebel et-Tîh s'étend une large 
zone plate et sablonneuse, appelée Debbet er-Ramléh, 
qui le longe comme le fossé d'une fortification. Surgit 
ensuite le massif triangulaire des montagnes sinaï- 
tiques, qui avance sa pointe jusqu'à l'extrémité méri- 
dionale de la péninsule. C'est là que se trouvent le 
djebel Mûsa ou « montagne de Moïse » (2244 mètres 
d'altitude), flanqué au sud du djebel Katherin 
(2 602 m.), le sommet le plus élevé de toute la pénin- 
sule. Plus au sud, se dressent d'autres cimes, parmi 
lesquelles on distingue le dj. L'mm Schomer (2 575 m.), 
et le dj. Thebt (2403 m.). A droite et à gauche de cette 
ligne d'axe s'étendent les deux zones littorales, diffé- 
rentes d'aspect. Celle qui longe le golfe d"Aqabah se 
rapproche beaucoup du rivage, ne laissant entre la 
montagne et la mer qu'une étroite ceinture de terres 
basses. Cette chaîne côtière comprend en particulier le 
dj. Sôra et le dj. Samkhi, qui se dirigent parallèle- 
ment au littoral. Dans celle qui longe le golfe de Suez, 
les montagnes sont en général assez éloignées de la 
mer. On rencontre cependant sur le bord de celle-ci 
des hauteurs peu importantes comme le dj. Gabeliyéh 
et, plus au nord, le dj. Hammam Fir'ûn. A l'ouest 
du dj. Mûsa, s'élève le dj. Serbal (2052 m.), dont nous 
aurons à reparler. Ces montagnes du Sinaï, immense 
amas de granit, de gneiss et de porphyres, ont un 
relief extraordinaire et un aspect des plus grandioses, 
que E. Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 712, 
décrit' ainsi, et dont la peinture de Gérôme, fig. 381, 
donne bien l'idée ; « Uniformes par la composition de 
leurs roches, les monts du Sinaï ne le sont pas moins 
par l'aridité de leur surface; ils sont d'une nudité for- 
midable; leur profil à vives arêtes se dessine sur le 
bleu du ciel avec la précision d'un trait buriné sur le 
cuivre. Ainsi la beauté du Sinaï, dépourvue de tout 
ornement extérieur, est-elle la beauté de la roche elle- 
même : le rouge brique du porphyre, le rose tendre 
du feldspath, les gris blancs ou sombres du gneiss et 
du syénite, le blanc du quartz, le vert de différents 
cristaux donnent aux montagnes une certaine variété, 
encore accrue par le bleu des lointains, les ombres 
noires et le jeu de la lumière brillant sur les facettes 
cristallines. La faible végétation qui se montre çà et là 
dans les ravins et sur le gneiss décomposé des pentes 
ajoute par le contraste à la majesté des formes et à la 
splendeur de coloris que présentent les escarpements 
nus; sur les bords des eaux temporaires dans les oua- 



dis, quelques genêts, des acacias, des tamaris des 
petits groupes de palmiers ne peuvent en rien voiler 
la fière simplicité du roc. Cette forte nature, si diffé- 
rente de celle qu'on admire dans les contrées humides 
de l'Europe occidentale, agit puissamment sur les es- 
prits. Tous les voyageurs en sont saisis ; les Bédouins nés 
au pied des moutagnesdu Sinaï les aiment avec passion 
et dépérissent de nostalgie loin de leurs rochers. » 

A travers la région montagneuse, les ouadis et les 
vallées forment un réseau inextricable, qui la divise en 
massifs irréguliers. Citons à l'ouest, descendant vers le 
golfe de Suez : Vouadi Gharandel, Vouadi Feirân, qui 
contourne au nord le massif dominé par le mont Serbal 
et débouche sur la côte vers l'extrémité septentrionale 
du djebel Gabeliyéh,Vouadi Hebrân et Vouadi Isléh ; à 
l'est, vers le golfe d"Aqabah : Vouadi Kidd, Vouadi Nasb 
et Vouadi el-'Aïn. Les plaines sont rares et n'existent 
guère que le long de la côte occidentale. La première 
commence en face de Suez et s'étend dans la direction du 
sud-est sur une longueur de 90 kilomètres entre la mer 
et le pied delà montagne. Sablonneuse et nue, presque 
sans eau et sans végétation, elle mérite bien le nom 
de désert. Plus bas est la plaine à'el-Markha, séparée 
de la précédente par une chaîne de hauteurs qui ne 
laisse parfois qu'un étroit passage entre ses parois et 
la mer. Elle mesure environ 20 kilomètres de. longueur 
du nord au sud, et 8 kilomètres de largeur de l'est à 
l'ouest. Le sol noir et caillouteux, jonché de blocs de 
granit, de feldspath et de basalte, est en apparence 
stérile; cependant les pluies d'hiver y font germer une 
végétation relativement abondante d'herbes et de brous- 
sailles. Enfin, un peu plus au sud, s'étend la vaste 
plaine d'el Qà'âh, séparée d'abord de la mer par le 
djebel Gabeliyéh, se prolongeant ensuite sans inter- 
ruption jusqu'à la pointe méridionale de la péninsule. 
C'est une plage soulevée, haute de 800 mètres environ 
à la base des montagnes et inclinée régulièrement vers 
le rivage. Dans l'intérieur du massif, signalons la 
plaine A'er-Râliah, au pied du djebel Mûsa. — Le ré- 
gime hydrographique n'est représenté dans la pres- 
qu'île sinaïtique que par des sources et les lits sinueux 
des ouadis, qui ne laissent couler que les pluies d'hiver 
et les torrents déversés par les orages. Les plus 
fameuses sources sont celles A"Ayûn Mûsa ou « Fon- 
taines de Moïse », situées à environ 20 kilomètres au 
sud-est de Suez, sur le littoral ouest de la péninsule. 
Légèrement thermales, elles entretiennent une riche 
végétation dans les jardins qui les entourent. Plus au 
sud, sur la même côte, se trouvent les sources ther- 
males sulfureuses du Hammam Fir'ûn ou « Bains de 
Pharaon », et, près de Tôr, celles du Hammam Mûsa 
ou « Bains de Moïse ». Sur d'autres points de la pénin- 
sule, des sources créent de véritables oasis, notamment 
à Vouadi Gharandel, à Vouadi Feirân, dans les vallées 
du djebel Mûsa. — Sur cet aspect général de la pénin- 
sule sinaïtique, on peut voir : A. P. Stanley, Sinai and 
Palestine, Londres, 1866, p. 3-19; Vivien de Saint- 
Martin, Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 
1879-1895, t. v, p. 943-944; P. Loti, Le désert, Paris, 
1895; A. Sargenton-Galichon, Sinaï, Ma'dn, Pétra, 
Paris, 1904, p. 1-145, etc. 

2° Formation géologique. — Les deux zones nord et 
sud de la presqu'île diffèrent géologiquement comme 
elles diffèrent topographiquement. (Voir fig. 382. D'après 
Hull, Geology of Arabia Petrsea. Frontispice.) Le pla- 
teau de Tih est une table calcaire qui a très peu souf- 
fert de l'érosion, tandis que le massif montagneux du 
sud constitue un formidable amas de roches cristallines, 
granits et porphyres, dont les parties élevées sont dé- 
nuées de tout revêtement sédimentaire, mais sur les 
marges duquel apparaissent, en bandes irrégulières, 
des roches métamorphiques, des schistes variés et d'im- 
portantes formations de grès. La table calcaire du Tih 



4759 



SINAI 



1760 



appartient au plateau égypto-syrien, dont dépend la 
Palestine cisjordane et transjordane. Le massif cristal- 
lin, qui la domine de 1500 mètres, à une faible distance, 
se rattache à ceux qui bordent les deux golfes de 
Suez et d"Aqabah, du côté de l'Egypte et de l'Arabie. 
Il suppose donc une grande rupture géologique. Il 
forme, en effet, une sorte d'îlot arrêté de toutes parts 
à des lignes de rupture, resserré à l'est et à l'ouest par 
les deux effondrements rectilignes qui se rencontrent 
à angle aigu dans le grand fossé syrien (voir Palestine, 
Géologie, t. iv, col. 218), et se heurtant au nord au bu- 
toir égypto-syrien. Il est beaucoup plus rapproché de 
la falaise granitique de la côte arabique que de celle de 
la côte égyptienne. Lorsque ce massif polygonal eut 
surgi comme un coin, les assises sédimentaires quj le 
recouvraient se trouvèrent tellement fracturées et défor- 
mées par les dislocations que les agents atmosphériques 
finirent par les balayer entièrement. Alors la niasse 
cristalline des roches primitives apparut à nu sur le 
sommet et sur le flanc des montagnes qu'on appelle 
maintenant le dj. Serbal, le dj. Mûsa, le dj. Umm 
Somer, etc. (flg. 383). Cette dénudation s'accomplit avec 
uneinlensité décroissante en s'éloignant du noyau cen- 
tral, de telle sorte qu'en descendant vers le nord, on 
voit paraître d'abord les grès primaires reposant sur les 
granits, et, plus loin, les calcaires reposant sur les 
grès. Il en résulte une zone d'affleurement périphérique 
pour chaque étage de roches. 

Depuis les environs de Suez jusqu'à 80 ou 90 kilo- 
mètres dans la direction du sud, la crête de la falaise 
de Tlh se tient régulièrement à une trentaine de kilo- 
mètres de la côte. La zone littorale est une plage sou- 
levée, dont I'émersion est antérieure aux dépôts d'alluvion 
qui forment sa surface et reposent sur le gypse, constaté 
à 'Ayûn Mûsa, puis affleurant plus loin, L'ouadi Gha- 
randel (fig. 383), orienté vers le nord-est, présente la 
première ligne de rupture en relation avec le phénomène 
sinaïtique; elle est transversale par rapport aux grandes 
lignes du versant, qui sont parallèles à la côte. C'est 
dans cette faille, au fond de la vallée, non loin de la 
mer, que jaillissent les eaux chaudes du Hammam 
Fir'ùn. La montagne qui porte le même nom est 
formée de calcaires jaune clair, revêtus, au nord et à l'est, 
d'une croûte peu épaisse de gypse argileux, dont le voi- 
sinage des sources sulfureuses explique la formation. 
A l'embouchure de Vouadi Tayibéh, on remarque, sur 
la rive gauche, un ample dyke de basalte, dont la cou- 
leur sombre contraste avec la blancheur des roches 
crayeuses environnantes; c'est la première manifesta- 
tion que nous rencontrons du vaste épanchement vol- 
canique qui précéda, au Sinaï, les phénomènes de dé- 
placements verticaux de l'écorce. Par l'ouadi Hamr, 
nous entrons dans la zone des grès. Il longe la base 
méridionale d'une hauteur, le Sarbut el-Djémel 
(fig. 383) dont le flanc oriental nous permet d'étudier 
la succession des terrains. On voit ainsi apparaître 
successivement sous les couches de calcaire les diffé- 
rents étages de grès secondaire et primaire, et, tout au 
fond, un affleurement de schiste; au-delà, sur l'anti- 
clinal, le terrain se relève et les grès réapparaissent 
dans le même ordre, puis, après une grande faille, 
orientée nord-nord-ouest, les assises reprennent leur 
horizontalité. Cette masse de grès comprend deux 
étages d'aspect différent : l'un, inférieur, est constitué 
par un grès tabulaire rouge foncé, assez tendre, auquel 
on a donné les noms de grès sinaïtique et grès du dé- 
sert; l'autre, supérieur, comprend un grès plus com- 
pact et plus dur, d'une teinte plus claire et identique 
au grès de Nubie. Entre les deux se trouvent de minces 
couches de grès métallifères renfermant des turquoises, 
comme on le voit à Sardbit el Kkâdim et à Maghdrah. 
Ces deux régions, intéressantes au point de vue histo- 
rique, ne le sont pas moins au point de vue géologique. 



Elles laissent voir, avec les différents terrains qui com- 
posent le sol sinaïtique, les failles qui en marquent la 
rupture. On remarque, en effet, dans celte partie occi- 
dentale de la péninsule, un système de failles princi- 
pales et secondaires, parallèles à la côte. Les plus im- 
portantes.se suivent facilement dans les ouadis Schellal 
Buderah, Moltatteb, Feirân, Nasb, Sûwig, Khamî- 
léh, etc., et ont ainsi, avec les progrés de l'érosion, 
donné naissance aux principales voies de la contrée. 
Il* nous suffira, pour présenter une idée de la structure 
et des accidents du terrain, de tirer une ligne partant 
du golfe de Suez et traversant la presqu'île jusqu'au 
plateau de Tih, en passant par les districts que nous 
venons de mentionner. Voir fig. 382. On y verra la 
succession et la superposition des différentes couches 
depuis le granit jusqu'aux épanchements basaltiques, 
les failles successives qui ont plissé le sol. Les mêmes 
phénomènes de rupture reparaissent, du côté de l'est, 
vers le fond du golfe d"Aqabah. La pointe méridionale 
de la péninsule est constituée par les roches de granit, 
porphyre, diorite, gneiss et différentes espèces de 
schistes. 

Mais il nous importe maintenant de connaître les 
phénomènes principaux qui ont donné à la presqu'île 
sinaïtique sa forme actuelle. Trois grands agents, pro- 
venant de forces indépendantes, mais dont les effets se 
subordonnent les uns aux autres, ont exercé et exer- 
cent encore leur puissance pour modeler le massif 
géologique dont nous avons examiné la composition; 
ce sont la chaleur, le vent et l'eau. Dans ce pays, la 
désagrégation superficielle des roches ne vient pas 
principalement, comme dans nos contrées, de l'humi- 
dité, que l'absence de végétation empêche d'agir pro- 
fondément, et dont les effets sont simplement locaux, 
très lents et secondaires. Elle tient aux variations de 
température qui s'attaquent aux couches extérieures 
des minéraux, tandis que la température intérieure 
reste constante. Cette influence finit par ébranler, puis 
séparer par écaillement les matériaux. Les parties 
désagrégées tombent alors en morceaux au bas des 
pentes, pour former des éboulis, et c'est le cas le plus 
ordinaire dans les roches stratifiées, ou bien les par- 
celles détachées de la surface sont emportées par le 
vent, dont la puissance au désert est considérable. Cette 
seconde action mécanique, appelée ablation éolienne 
ou déflation, a une intensité considérable par sa con- 
tinuité, s'exerçant en tout temps, et par sa généralité 
portant sur tous les matériaux. Enfin les pluies, irré- 
gulières, toujours très courtes, mais très abondantes 
et souvent d'une extrême violence, continuent, par 
l'érosion, le travail des deux agents précédents. Les 
trombes d'eau balaient la surface des roches et les 
ravins avec d'autant plus de facilité qu'elles ne ren- 
contrent la plupart du temps'aucun manteau de végé- 
tation, mais des éboulis mobiles. Ces différents phéno- 
mènes expliquent comment, à l'embouchure des vallées 
dans la plaine, le plus souvent au bord de la mer, 
s'étend un large éventail de débris de toute grosseur 
et de tout âge. Cette vaste zone de débris forme ainsi 
lisière tout autour du massif granitique dénudé, prin- 
cipalement au sud-ouest, où la grande plaine d'£ï- 
Qd'ah a été en partie conquise sur la mer par les. 
décombres issus des ravins. De même, en remontant 
vers le nord-ouest, le littoral est presque partout séparé 
du pied des montagnes par un glacis de déjections 
analogues : telles sont la plaine d'El-Markha et la. 
plaine côtière qui se rattache, à sa partie supérieure, 
aux soubassements calcaires du djebel et-lîh. L'abla- 
tion sèche d'une montagne stratifiée donne naissance 
au désert de pierres, débris de couches résistantes, 
fossiles, corps durs rebelles à la déflation, amoncelés 
en quantité croissante et provenant de tous les étages 
du massif détruit. De son côté, la montagne cristalline: 



Dictionnaire delaBible. 



Lettrazeyet Ane, Editeurs. 



Échelle 



zo 



.m 



Aïrv ffaxuxrah/ 



-à 







liet 






^ DjStma v ^ 

■ A 

Dj.Shubshèh% *'■ ,&"'£ 

<S -5 DetP ■ 



■ * $^§ ÏÙ ^""'«eS'Xntherme 



-21 IV «i 



yhâsSufsaféh C *■ I 

éfeç^a^y** Oj.Mûsa 
Oj.el-Harro- ^>'«t ZZ ^ 

Oj.AbuAldi 

\ Oj.Katherîn % \ 



JT-J' 



i %< 



>\u 



ft*^ V- y». S v ' 

Serbal ° 






}Aûbm>lfu£ib<$a 



AwHudherahr 




/t^j /ht/rtviiiy. /hrr.v 




•a 



D1CT. DE Là BIBLE. 



V. — 56 



1763 



SINAÏ 



1764 



fournit, par sa démolition, les matériaux du désert de 
sable : tels le Debbet er-Ramléh et quelques petites 
plaines ondulées, dans certains coins du granit et du 
grès. 

Malgré leur rareté et la rapidité de leur écoulement, 
les pluies ne passent pas sur le désert sans alimenter 
une certaine circulation souterraine. Le sable, qui s'en 
imprègne, absorbe une partie de l'eau, qu'il rend plus 
ou moins vite. D'autre part, l'averse ne coule pas sur 
la surface des plateaux, le flanc des montagnes et des 
vallées, sans qu'il pénètre un peu de cette eau dans les 
couches profondes par les fissures superficielles. Cir- 
culant alors le long des pentes naturelles de drainage, 
elle se rassemble à la limite des couches imperméables 
et finit par sourdre à l'extérieur. Ce principe méca- 
nique de la formation des sources s'applique, quoique 
dans une moindre proportion, à la péninsule sinaïtique ; 
mais l'application varie suivant la nature géologique 
du sol. Aussi distingue-t-on trois régions différentes au 
point de vue hydrologique. Au nord, le plateau calcaire 
du Tîh, peu élevé, ne reçoit qu'une petite quantité 
d'eau; de plus, celle qui ne s'en va pas directement 
dans les ouadis du désert, et de là à la mer, se perd 
dans la profondeur des couches poreuses. La végéta- 
tion y est donc très rare, et nous verrons que cette con- 
trée a été plutôt faite pour la route des caravanes que 
pour l'habitation des hommes. De l'est à l'ouest, la 
région du grès a un relief très accidenté et une poro- 
sité beaucoup moins grande; l'eau y estplus abondante, 
les sources y rendent le voyage assez facile, et, en 
d'autres endroits, l'humidité est suffisante pour que le 
sable des vallées produise de beaux arbres ou des 
broussailles qui servent de nourriture aux animaux. 
La vie nomade y est déjà possible. C'est également une 
région minière, que les égyptiens connurent de très 
bonne heure. Au sud enfin, dans la montagne grani- 
tique, se trouvent seulement réalisées les conditions 
les plus indispensables de la vie sédentaire. La neige 
qui, en hiver, tombe sur les hauts sommets, ruisselle 
lentement, d'un bout de l'année à l'autre, et l'eau se 
trouve retenue au fond des innombrables vallées et 
ravins; partout où elle sort du sable, s'épanouit une 
belle végétation de caractère tropical. Ainsi sont for- 
mées les oasis, dont la plus étendue est celle de Féirân. 
Cet aperçu géologique nous montre déjà ce que sera 
dans l'histoire chacune des zones de la péninsule : le 
plateau de Tih, désert sans eau et sans végétation, 
simple voie de communication qu'on franchit rapide- 
ment; la région du grès et des mines, station tempo- 
raire des travailleurs étrangers, des bergers et des 
nomades; le massif granitique, district, à certaines 
époques, de la vie sédentaire. — Cf. E. Weill, La pres- 
qu'île du Sinaï, p. 1-74. On peut voir aussi, sur la géo- 
logie du Sinaï : F. W. Holland, Notes on the Geology 
of Sinai, dans Quart. Journ. of the Geolog. Soc, 
Londres, t. xxn (1866), p. 491-493; 0. Fraas, Ans dem 
Orient, Stuttgart, 1867, p. 5-32; H. Bauerman, Note on 
a Geological Reconnaissance made in Arabia Petrsea 
in the Spring of i868, dans Quart. Journ. of the 
Geolog. Soc, t. xxv (1869), p. 17-38 et pi. i; Raboisson, 
Contribution à l'histoire stratigraphique du relief du 
Sinai, et spécialement de l'âge des porphyres de 
cette contrée, dans les Comptes rendus de l'Académie 
des sciences, Paris, t. xcvi (1883), p. 282-285; Explo- 
ration géologique de la péninsule sinaïtique, dans le 
Bulletin de l'Institut égyptien, 1900, p. 25-31, 33-75; 
E. Hull, Memoir on the Geology and Geography of 
Arabia Petrxa, Palestine and adjoining districts, 
Londres, 1889, avec carte; Mount Seir, Sinai and 
Western Palestine, Londres, 1889; J. Walther, Die 
Korallenriffe der Sinaihalbinsel, dans Abhandl. der 
kôn. sâchs. Ges. der Wissenschaft., t. xxiv (1888) 
p. 439-500, carte et planches; W. F. Hume, The topo- 



graphy and geology of the Peninsula of Sinai (South- 
Eastern Portion), Le Caire, 1906; T. Barron, The topo- 
graphy and geology of the Peninsula of Sinai (Wes- 
tern Portion), Le Caire, 1907, etc. 

3° Climat, flore, faune. — Ce qui caractérise le dé- 
sert, c'est l'irrégularité des pluies, toujours très courtes, 
abondantes et réparties dans d'étroites limites. En 
général, elles ne tombent guère qu'une vingtaine de 
jours par an, du mois de décembre au mois de mars. 
Lorsqu'un orage éclate, les eaux descendent des cimes 
et des versants dénudés de la montagne, se précipitent 
avec fracas au fond des gorges et des vallées, où elles 
forment promptement des torrents impétueux. La tour- 
mente passée, le fleuve temporaire baisse rapidement, 
et, le lendemain, n'est plus qu'un filet d'eau que le 
sable finit par absorber. Les pluies d'hiver raniment 
ainsi, d'année en année, la maigre végétation de la pé- 
ninsule. Alors la verdure reparait dans certains fonds, 
dans les plaines, parfois sur les flancs de quelques col- 
lines. Mais à partir de mars, le soleil donne une chaleur 
ardente, parfois le khamsin déchaîne des tempêtes de 
sable, l'humidité s'évapore et l'aridité dessèche les 
plantes, qui, quoique brûlées, servent cependant de pâture 
aux animaux. Nous avons vu néanmoins que le désert 
renferme de charmantes oasis. Voir Élim 1, t. H, col. 1680; 
Raphidim, col. 980. Le ciel est presque toujours sans 
nuages, l'air est sec et pur, l'atmosphère d'une mer- 
veilleuse transparence, la lumière resplendissante. La 
température varie naturellement selon l'altitude et la 
saison, et surtout du jour à la nuit, entre lesquels le 
thermomètre marque quelquefois une trentaine de 
degrés de différence. Pendant la journée, la chaleur 
est tolérable sur les hauteurs, mais excessive dans les 
plaines et les vallées. Pendant la nuit, la rosée est 
parfois très abondante. 

Les arbres paraissent partout où affleure l'eau. Les 
espèces principales sont : le palmier sauvage et le pal- 
mier dattier; l'acacia seyal, le ëittîm des Hébreux, au 
tronc robuste, au bois très dur, quoique fort léger 
(voir Auacia, t. i, col. 101); le tamaris, lamanix rnan- 
nifera, le farfah des Arabes. Voir Manne, t. iv, 
col. 656. Dans les vallées de la région granitique 
méridionale, on rencontre la flore vigoureuse et variée 
de Youadi Feirdn, avec les tamaris, les -figuiers nabk, 
les palmeraies cultivées, dont les dattes sont recherchées 
à l'égal de celles de Tôr, de nombreuses espèces d'ar- 
i bustes et de buissons, au milieu des prairies baignées 
par le ruisseau. Dans les jardins du couvent de Sainte 
Catherine, on remarque des cyprès noirs de grande 
taille. Parmi les espèces de buissons domine, surtout 
dans le nord, le genêt blanc, Rétama Rœtam des bo- 
tanistes, le rôpém des Hébreux, le rétém des Arabes. 
Voir Genêt, t. m, col. 183. A la base des rochers, on 
trouve le câprier, capparis spinosa, le lasafdes Arabes. 
Parmi les plantes aromatiques, nous citerons : Yarle- 
misia judaica, arabe : 'abeithirân; la myrrhe, pyre- 
thrum santolinoides ; le fenouil, ferula sinaica, arabe : 
schômer. Pour compléter ces indications sommaires 
sur la flore sinaïtique, on peut voir : YOrdnance Sur- 
vey of the Peninsula of Sinai, Southampton, 1869, 1. 1, 
p. 247-249; H. Chichester Hart, A Naturalist's journey 
to Sinai, Petra and South Palestine, dans Palestine 
Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 
1885, p. 231-255; G. E. Post, Flora of Syria, Palestine 
and Sinai, Beirouth, s. d. (cf. H. Christ, Zur Flora der 
biblischen Lânder, dans Zeitschrift des Deutschen 
Palâstina-Vereins, t. xxm, 1900, p. 79-82). 

Dans une contrée où l'eau est rare et la végétation 
maigre, on ne peut, s'attendre à voir la vie animale 
aussi développée que dans les régions plus favorisées 
par la nature. Elle existe cependant à un plus haut 
degré qu'on pourrait le croire au premier abord. Signa- 
lons seulement : le léopard, Felis leopardus, arabe : 



1765 



SINAÏ 



1766 



nimr, qui habite dans les parties les plus élevées et 
les plus inaccessibles de la péninsule; le loup, arabe : 
dîb; le chacal, canis aureus; le renard appelé par les 
Arabes abu'lhosein, canis famelicus; le bouquetin, 
beden, cap ra s inai tica; la gazelle, dorcas gazella; le 
lièvre, lepus sinaiticus, arabe : arneb, etc. Les trou- 
peaux des bédouins, chameaux, chèvres et moutons, 
trouvent une nourriture suffisante en différents en- 
droits. — Parmi les oiseaux, nous citerons : le vautour 
égyptien, Neophron percnopterus, Linn.; l'aigle; le 
milan, Milvus segyptius, milvus migrant; le faucon, 
Falco lanarius; le coucou, Cuculus canorus; le bul- 
bul, Ixus xanthopygius; le traquet, Saxicola œnan- 
the, sax, deserti; la fauvette, la bergeronnette, 
l'alouette, le corbeau; la perdrix, Caccabis saxatilis, 
caccabis heyii; la caille commune, Colurnix comniu- 
nis, etc. Nous ne disons rien des insectes, mollusques, 
reptiles. Cf. Ordnance Survey of the Peninsula of 
Sinai, t. i, p. 251-272; H.Chichester Hart, op. cit., re- 
produit dans Survey of Palestine. 

4° Population. — D'après ce que nous venons de dire, 
il est facile de voir que la péninsule sinaitique n'est 
pas le désert complet, sans eau, sans végétation, inha- 
bitable pour l'homme. C'est le demi-désert, et le ca- 
ractère de l'homme qui est venu y fixer sa tente corres- 
pond à celui de la nature. Simple dans ses goûts, il 
arrive à les satisfaire sans peine et sans grand travail, 
tirant des ressources naturelles du pays tout ce que 
réclament ses besoins. Amant passionné de la liberté, 
il erre, heureux et tranquille, à travers tous les che- 
mins de la solitude, sans subir les contraintes de la vie 
sédentaire. Il préfère la pauvreté à la moindre sujétion. 
Peu vêtu, mal nourri, dormant sous le ciel, autour d'un 
feu de branchages, sans souci des variations de tem- 
pérature, il a une santé d'une extrême résistance. Dans 
ce corps maigre et bien portant, l'esprit, dégagé de 
toute préoccupation scientifique comme de tout souci 
matériel, garde une fraîcheur et une vivacité qui rap- 
pellent l'enfant. Mais l'enfant se retrouve aussi dans 
l'impuissance à prévoir, l'incapacité d'agir avec ordre, 
sans cris et disputes. Tel est, en deux mots, le Bédouin 
du Sinaï. La population de la péninsule s'élève, d'après 
les évaluations les plus probables, à environ cinq mille 
personnes. Elle se divise en plusieurs tribus, réparties 
dans les différentes régions de la presqu'île. La fortune 
des Bédouins consiste dans les productions du sol et 
dans les animaux, chèvres, moutons, ânes et chameaux, 
qu'elles leur permettent d'élever. Leur principale res- 
source vient de la location de leurs chameaux aux 
voyageurs qui traversent le pays. Leur vie habituelle 
est celle des pasteurs nomades. Ils se déplacent par 
groupes dans les limites de leur territoire, et ont vite 
fait de planter leurs tentes noires en poil de chèvre et 
de chameau. Dans quelques endroits, notamment au 
voisinage des principales sources et des cours d'eau 
qui alimentent des plantations, la vie devient séden - 
taire ou demi-sédentaire. C'est ce qu'on voit dans 
Youadi Nasb et surtout dans Vouadi Feirân, où les Bé- 
douins habitent des huttes en pierre, non loin des ruines 
de la ville antique. — Sur les mœurs et coutumes des 
Bédouins du Sinaï, on peut voirW. E. Jennings-Bram- 
ley, The Bédouin of the Sinaitic Peninsula, dans le 
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement , 
1905, p. 126-137, 211-219; 1906, p. 23-33, 103-109, 197- 
205, 250-258; 1907, p. 22-33, 131-137, 279-284; 1908, 
p. 30-36, 112-116; 1909, p. 253-258; 1910, p. 140-149. 

5" Voies de communication. — On sait que les deux 
golfes qui enserrent la péninsule sinaitique et s'avan- 
cent profondément dans les terres ont toujours été 
d'importantes voies de communication du monde 
oriental. De l'océan Indien et de la mer Rouge, on 
accédait, d'un côté, à la Basse-Egypte, de l'autre à la 
Syrie par la vallée d'Arabah, la mer Morte et la vallée du 



Jourdain, ou, en coupant au nord-ouest, aux ports de 
la Méditerranée. Les extrémités septentrionales des 
deux golfes étaient reliées par une route qui traversait 
en droite ligne le désert de Tîh, et était une section de 
l'antique chemin de terre d'Egypte en Arabie. La Table 
de Peutinger compte de Clysma à Haila (Elath) une 
distance totale de 170 milles (255 kilomètres), et marque 
deux stations intermédiaires, Medeia (ouadi Mediléh) 
et Phara. Au milieu, au point appelé aujourd'hui 
Qala'at en-Nakhl, « le Fort du Palmier », se trouve 
une bifurcation, conduisant au nord vers la Palestine, 
au sud vers le djebel et-Tih, que l'on passe par des 
gorges difficiles et abruptes, le naqb er-Rakinéh, le 
naqb el-Varsah, le naqb el Mrêschi. C'est ainsi que 
d'anciens pèlerins arrivaient au couvent du Sinaï par 
Vouadi 'Arabah; d'autres, partant de Jérusalem, ga- 
gnaient la région d'Hébron et de Gaza, puis se diri- 
geaient, par le désert de Tih, vers la sainte montagne, 
pour s'en aller ensuite en Egypte par la route ordinaire 
de la côte. La voie de Suez à 'Aqabah est caractérisée 
par l'extrême rareté de l'eau; en dehors de Qala'at en- 
Nakhl, Bîr Kôresch, Bir eth-Themed, la végétation 
est nulle, et, par suite, le séjour même des nomades 
est impossible. 

De Suez au Sinaï, les chemins sont naturellement 
tracés par les plaines et les vallées dont nous avons 
indiqué la formation géologique. Une fois sur la côte 
orientale du golfe, on s'avance le long d'une vaste 
plaine d'alluvion, dont le sol est composé de cailloux 
et de gravier. On arrive ainsi à 'Ayûn Mûsa, d'où le 
chemin se poursuit avec une extrême monotonie dans 
la direction du sud-est, coupant, à longs intervalles, 
des ravins peu profonds. Peu avant V ouadi el-Atha, la 
route se divise en deux branches, dont l'une se rap- 
proche de la côte et la suit de plus en plus près jusqu'au 
djebel Hammam Fir'ûn et le Bas Abu Zeniméh; 
l'autre se tient plus haut, mais parallèle à la première 
jusqu'à l'oasis de Gharandel, d'où elle continue par 
Y ouadi Guéséh. Au confluent de Youadi Schebeikéh et 
de Youadi Tayibéh, se trouve une bifurcation impor- 
tante. Une route s'en va vers l'est, par Youadi Hamr, 
laissant à gauche le Sarbut el-Djemel, puis prend au 
sud-est, contourne, par Youadi Suwig, Sarâbît el- 
Khâdim, se dirige enfin vers le couvent de sainte 
Catherine par les ouadis Khamiléh, Barak, Lebwéh, 
Berrah, etc. Une autre descend vers le sud, rejoint 
près de la côte le sentier littoral et suit le rivage jus- 
qu'à la plaine à'el-Markha. De là, elle s'avance, paral- 
lèlement à la précédente, vers le même point, par les 
ouadis Schellal, Mokatteb, Feirân, Solaf. D'autres 
chemins s'y rattachent pour rejoindre Tôr, au sud. 
Enfin, du couvent de Sainte-Catherine, un sentier 
descend vers le même village de Tôr, par les ouadis 
Sebayéh, Tarfah, lsléh, et la plaine d'el-Qâ'ah. 

Du Sinaï vers le nord-est, la route suit les ouadis 
Sa'al, el-Il udherah, et va rejoindre celle du plateau de 
Tih; un embranchement, partant d'Aîn Hudherah, et 
touchant la côte à Aïn en-Nueibéh, remonte par le 
littoral jusqu'à 'Aqabah. Une autre se dirige vers le 
nord pour franchir le djebel et-Tih par l'une ou l'autre 
de ses passes. Une branche s'en détache pour retrou- 
ver la route du nord-est par les ouadis ez-Zelegah et 
el-'Aîn. Ces détails nous permettront de mieux com- 
prendre l'itinéraire des Israélites à travers la pénin- 
sule. 

IV. Histoire. — L'histoire de la péninsule sinaitique 
est en rapport avec sa situation, sa configuration physique 
et ses conditions de vie. Placée comme une sorte d'îlot 
entre l'Asie et l'Afrique, défendue d'un côté par le dé- 
sert, des deux autres par la mer, elle se trouvait en 
dehors de la voie des nations de l'ancien inonde. La 
pauvreté du sol et des habitants ne pouvait tenter au- 
cun conquérant. L'absence de villes, de monuments, 



1767 



SINAÏ 



1768 



de toute civilisation ne pouvait lui donner un nom 
dans les annales des peuples. Seule, la richesse de ses 
mines devait attirer ses voisins d'Egypte, et c'est grâce 
à eux que nous pouvons remonter très loin dans 
l'histoire de ce petit coin de terre. Leurs inscriptions, 
en effet, depuis qu'elles sont déchiffrées, nous ont 
révélé un passé depuis longtemps inconnu. Il faut 
ajouter cependant que la Bible a entouré le nom de 
Sinaï d'une gloire qui a traversé les siècles jusqu'à 
nous. Mais la péninsule n'a été pour les Hébreux qu'un 
lieu de passage, qu'il ne nous ont pas suffisamment 
fait connaître. Il nous a fallu les voyages, surtout les 
explorations scientifiques de nos temps, pour pénétrer 
la nature et l'histoire de cette contrée. Ce que nous 
savons aujourd'hui nous permet de mieux comprendre 
le récit biblique. Nous rattachons cette histoire aux 
principaux peuples qui ont eu des rapports avec le Sinaï. 
1° Les tribus primitives et les Égyptiens. — Les 
Égyptiens avaient appliqué à la contrée que nous avons 
décrite l'épithète caractéristique de Ta-Su, « le pays 
sec, le désert ». Ils donnaient à ses habitants le nom 
générique de Monitu. Cf. W. Max Mùller, Asien und 
Èuropa nach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig, 
1893, p. 17-24. Ils les nommaient encore Hiru-Sditu, 
« les Seigneurs des Sables », Nomiu-Sdilu, «les Cou- 
reurs des Sables », et ils les rattachaient aux Amu, 
c'est-à-dire à la race sémitique. On retrouve, en effet, 
dans le type de ces barbares, celui des Sémites, tête 
forte, nez aquilin, front fuyant, barbe longue, cheve- 
lure épaisse et souvent frisée. Voir fig. 385. Leur vie 
était, à peu de chose près, celle des Bédouins actuels 
du Sinaï. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 350. On com- 
prend que les richesses accumulées dans le Delta 
égyptien aient souvent excité leurs convoitises et leurs 
instincts pillards. Les annales de l'Egypte mentionnent, 
dés les commencements de l'histoire, leurs incursions 
et les précautions prises par les pharaons pour leur 
opposer une barrière. De bonne heure aussi, ils décou- 
vrirent, au flanc de leurs montagnes, des veines abon- 
dantes de minerais métalliques et des gisements de 
turquoises. Ces richesses excitèrent, à leur tour, la 
convoitise des pharaons, qui établirent de vive force 
dans les cantons miniers des escouades de travailleurs. 
L'ensemble de ces cantons, situés au nord-ouest, s'appe- 
lait Mafkaît, le pays des turquoises. Le district le plus 
anciennement exploré n'était pas très loin du rivage, 
ce qui rendait l'exploitation plus facile. On en parlait 
comme de la « contrée des Grottes », à cause des 
nombreuses galeries qui y avaient été creusées ; le nom 
actuel i'ouadi Uaghârah, « vallée de la Caverne », 
traduit donc simplement en arabe le vieux terme 
égyptien. Les Monitu défendirent leurs droits, mais 
ils succombèrent sous les coups des troupes égyp- 
tiennes, d'abord sous Smerkhet, roi de la première 
dynastie, puis sous Snefru, de la troisième. Les mines 
furent abandonnées de la VI e à la XII e dynastie; il faut 
ensuite venir jusqu'à la XVIII e pour trouver un der- 
nier monument de l'occupation. Les Égyptiens, en 
effet, ont laissé en cet endroit des bas-reliefs et inscrip- 
tions qui ont permis d'en refaire l'histoire. Les monu- 
ments se rapportent aux dynasties suivantes, avec les 
noms des rois qui y sont mentionnés; I re dyn., 
Smerkhet; III e , Sa-nekht, Zeser, Snefru; IV e , Khufu 
(Khéops); V e Sahu-Ra, Ra-n-User,Men-Kau-Hor,Assa; 
VI e , Pepi I er , Pepi II; XII e , 'Amenemhat III, Amen- 
emhat IV; XVIII e , Thothmès III. Aujourd'hui le site 
archéologique de Maghârah n'est plus qu'un souvenir ; 
les inscriptions, détachées des roches, ont été trans- 
portées dans les musées, les mines antiques sont 
détruites, un seul bas-relief est resté à sa place, celui 
de Smerkhet, qui fut, au début, sur ces murailles, la 
première empreinte d'un ait remarquable. 



Les monuments que nous venons de signaler ne 
représentent qu'une partie de l'histoire égyptienne au 
Sinaï. Elle se déroule en même temps dans un autre 
centre minier, Sardbît el-Khâdim,qai devint important 
surtout sous la XII e dynastie. C'est alors qu'on entre- 
prit la construction du temple qui couronne le sommet 
du plateau, et qui, dans la suite, a été agrandi, res- 
tauré et orné par un grand nombre de souverains. Les 
ruines de cet édifice représentent, sur une longueur 
de 200 mètres, une suite de salles, de cours, de por- 
tiques, qui aboutissent au sanctuaire de Hathor, la 
déesse de ces lieux, entièrement taillé dans le roc. Ce 
qui frappe en cet endroit, c'est l'extraordinaire abon- 
dance des stèles de pierre, rassemblées dans les petites 
cours intérieures et annexes du temple, et qui donnent 
à Sardbît l'aspect d'un cimetière. Les représentations 
et inscriptions rappellent principalement les rois Amen- 
emhat I, III, IV, de la XII e dynastie, Thothès III, IV, 
Amenhotep III de la XVIII e , Ramsès IV, VI, de la XX e . 
On trouve d'autres inscriptions sur paroi rocheuse, à 
l'entrée ou aux abords des mines. Une remarque im- 
portante a été fuite en explorant les ruines du temple. 
On a reconnu que, déjà avant l'arrivée des mineurs égyp- 
tiens, un culte purement sémitique se pratiquait sur 
la montagne, auquel les pharaons se conformèrent 
dans la suite. Les monceaux de cendres, les petits 
autels destinés» recevoir l'encens, les pierres coniques 
et les bassins à ablutions appartiennent, en effet, au 
culte en usage chez les Sémites, et non à celui des 
Égyptiens. Voir Archéologie, col. 1779. La Dame de la 
Turquoise était donc probablement la déesse Istar, qui 
devint pour les Égyptiens Hathor aux cornes de 
vache. 

Nous n'ajouterons qu'un mot à ce rapide résumé. 
On a objecté contre le passage des Hébreux à travers 
la péninsule sinaïtique la crainte qu'ils devaient avoir 
de rencontrer à Maghârah ou à Sardbît el-Khddim les 
troupes égyptiennes. Il est facile de répondre qu'il n'y 
eut jamais au Sinaï de garnison permanente ni d'éta- 
blissement de mineurs à longue durée. Les expéditions 
partaient d'Egypte ordinairement au mois de janvier et 
s'en retournaient à la fin de mars ou au mois d'avril, 
au commencement des grandes chaleurs. Les Israé- 
lites, en tout cas, n'avaient pas à redouter une poignée 
de soldats, venus pour escorter les ouvriers, encore 
moins quelques centaines de travailleurs, pour la plu- 
part des prisonniers ou des esclaves, plutôt prêts à 
s'unir à ceux qui savaient secouer le joug. — Voir, sur 
cette partie de l'histoire : Ordnance Survey ofthe Pe- 
ninsula of Sinaï, t. I, p. 168-193; G. Ebers, Durch 
Gosen zum Sinaï, Leipzig, 1881, p. 144-173, 459-467; 
Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906, 
p. 34-121; R. Weill, Recueil des Inscriptions égyp- 
tiennes du Sinaï, Paris, 1904; La presqu'île du Sinaï, 
p. 141-183. 

2° Les Israélites. — A) L'itinéraire : de la mer 
Rouge au Sinaï. — Nous indiquons seulement ici les 
différentes stations des Israélites à travers la péninsule, 
renvoyant pour les détails aux articles qui concernent 
chacune d'elles. 

Au sortir de la mer Rouge, les Hébreux entrèrent 
dans « le désert de Sur », hébreu : midbar Sûr, Exod., 
xv, 22, ou » d'Étham », hébreu : 'Éfâm, Num:, xxxm, 8. 
Le mot Sur veut dire « mur »; c'est bien ainsi que 
durent leur apparaître les monts er-Râhah et et-Tîh 
qui bordent la plaine par laquelle s'ouvre au nord- 
ouest la presqu'île sinaïtique. Voir Sur ; Etham 2, t, n, 
col. 2003. 

« Après avoir marché pendant trois jours, sans trou- 
ver d'eau, ils vinrent à Mara (hébreu : Mdrâh), dont ils ne 
purent boire les eaux, parce qu'elles étaient amères ; 
d'où le nom de Mdrâh qui fut donné à cet endroit. » 
Exod., xv, 22-23; Num., xxxiii, 8. Moïse adoucit mira- 



1769 



SINAÏ 



1770 



culeusement la source. Exod., xv, 24-25. Il s'agit ici, 
selon l'opinion la plus commune, d"Aïn Hauarah. Le 
nom de Mara semble conservé tout près, aux ouadis 
Mereira et Amara. Voir Mara 2, t. iv, col. 707. 

« Les enfants d'Israël vinrent ensuite àÉlim (héb. : 
'Élîm), où il y avait douze sources et soixante-dix pal- 
miers, et ils campèrent.près des eaux. » Exod., xv, 27; 
Num., xxxih, 9. C'était donc une oasis qui offrait aux 
Hébreux un lieu tout naturel de repos. Une des plus 
belles de la péninsule, et qui se trouve à deux heures 
et demie A'Hauarah, est Youadi Gharandel, où un 
ruisseau perpétuel entretient des palmiers sauvages, 
des tamaris et d'autres plantes du désert. Voir Élim 1, 
t. il, col. 1680. 

« En partant d'Élim, le peuple alla camper sur le bord 
de la mer Rouge. » Num., xxxih, 10. Nous avons là 
une précieuse indication concernant l'itinéraire, et 
l'étude des lieux nous permet de la suivre avec préci- 
sion. De Gharandel, on peut descendre directement à 
la côte, pour la longer ensuite, mais le chemin devient 
presque impraticable, à cause du promontoire avancé, 
appelé Hammam Fir'îin. Les Israélites durent donc 
prendre le chemin direct qui passe au pied opposé de 
cette hauteur, par les ouadis Useit, Schebeikéh. Arri- 
vés à Vouadi Tayibéh, ils rencontraient la bifurcation 
dont nous avons parlé, et dont la route supérieure les 
eût conduits du côté de Sarâbît el-Khâdim, et de là, 
par les hautes vallées, au Sinaï. L'Écriture nous montre 
qu'ils prirent le chemin qui descend vers la mer. Au 
débouché de Vouadi Tayibéh, la plage s'étend auprès 
du Râs Abu Zeniméh. C'est donc là ou dans les envi- 
rons qu'il faut placer ce campement. Cf. E. H. Palmer, 
The désert of the Exodus, Cambridge, 1871, t. i, p. 238- 
239. 

« Ils partirent d'Élim, et toute l'assemblée des enfants 
d'Israël arriva au désert de Sin fhebreu : midbar Sin), 
qui est entre Élim et le Sinaï. » Exod., xvi, 1. Les 
Nombres, xxxm, 10, qui ont marqué la station au 
bord de la mer, disent avec plus de précision : « Partis 
de la mer Rouge, ils campèrent dans le désert de Sin. » 
Il devient très difficile ici de suivre l'itinéraire des 
Hébreux. Trois routes principales s'ouvraient devant 
eux pour aller au Sinaï. L'une, suivant toujours la 
mer, les eût conduits dans la grande plaine A'el-Qâ'dh, 
d'où ils seraient remontés au Sinaï, soit par Vouadi 
Feirdn, soit par Vouadi Hebràn, soit, plus au sud, par 
Vouadi lsléh. La seconde, pénétrant dans la montagne 
par Vouadi Baba, franchit un col escarpé, gagne Vouadi 
Maghâràh, et retombe dans Vouadi Feirdn, pour con- 
tinuer par Vouadi Soldf. La troisième,' entrant aussi 
dans la montagne par Vouadi Baba, tourne au nord, 
arrive au Debbet er-Bamléh, puis, par les ouadis 
Khamiléh, Barak, etc., mène au Sinaï. Chacune de ces 
directions a ses partisans parmi les auteurs qui ont 
étudié l'itinéraire des Israélites. Le plus grand nombre 
cependant place le désert de Sin dans la plaine A'el- 
Markha. Pour quelques-uns, ce serait le Debbet er- 
Ramléh. Voir Sin 1, col. 1748. C'est là que la manne 
tomba pour la première fois. Voir Manne, t. îv, col. 656. 

« Sortis de Sin, ils vinrent à Daphca (hébreu : Dofqâh) . » 
Num., xxxm, 12. On a rapproché Daphca du nom 
égyptien Mafka, donné à la région des mines du Sinaï. 
Cette station serait donc vers Maghâràh. Pour ceux 
qui font suivre aux Hébreux la route du nord, ce se- 
rait plutôt Saràbit el-Khddim. Voir Daphca, t. h, 
col. 1291. 

« Partis de Daphca, ils campèrent à Alus (hébreu : 
'Ah'ts). ■» Num., xxxm, 13. Ce point est inconnu. Voir 
Alus, t. i, col. 424. Pour les partisans de l'itinéraire 
du nord, Alus serait Vouadi el-'Esch, près du grand 
ouadi Scheikh. Cf. M.-J. Lagrange, L'itinéraire des 
Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, 
dans la Revue biblique, 1900, p. 86. 



« Sortis d'Alus, ils fixèrent leuçs tentes à Raphidim 
(hébreu : Refîdîm), où le peuple ne trouva pas d'eau 
à boire. » Num., xxxm, 14. Moïse en fit sortir miracu- 
leusement du rocher. Cf. Exod., xvn, 1-7. C'est là 
qu'eut lieu le combat contre Amalec. Exod., xvn, 8-16. 
Raphidim est généralement identifié avec Vouadi 
Feirdn. Ceux qui préfèrent la route du nord le 
cherchent un peu partout; quelques-uns signalent 
Vouadi Erfayid, qui en rappellerait le nom, et qui 
débouche dans Vouadi Emleisah, affluent de Vouadi 
Solâf. Voir Raphidim, col. 980. 

« Partis de Raphidim, ils campèrent au désert du 
Sinaï, » Num., xxxm, 15; « Israël campa là, vis-à-vis 
de la montagne. Exod., XIX, 2. On a calculé que, depuis 



>îJFT,-»i 




385. — Un barbare moniti du Sinaï. Karnak. 
D'après Maspero, Hist. ancienne, 1. 1, p. 351. 

Ayûn Mûsa jusqu'au Sinaï, en suivant la route la plus 
longue, mais la plus praticable, les Hébreux avaient 
parcouru près de 285 kilomètres, en onze marches. Ils 
sont arrivés maintenant au lieu où doit s'accomplir un 
des événements les plus importants de l'histoire. Il 
nous faut donc en rechercher le site exact. 

B) Le Sinaï. — Parmi les sommets du massif grani- 
tique qui constitue le sud de la péninsule, peut-on dé- 
signer avec certitude le vrai Sinaï? D'après les discus- 
sions qui ont eu lieu jusqu'ici, le choix est entre le 
mont Serbal et le djebel Mûsa. Le djebel Serbal ou 
« montagne de la Cotte de mailles » est ainsi appelé, 
parce que l'eau qui tombe sur les rochers de granit 
qui en forment la cime donne à leurs parois brillantes 
l'aspect de cette armure. Son altitude est de 2052 mètres. 
Ce n'est donc pas la montagne la plus élevée de la pé- 
ninsule, mais c'est peut-être la plus imposante par sa 
masse et la majestueuse beauté de ses grandes lignes. 
Au midi, c'est un vrai chaos d'éminences et de gorges 
presque inaccessibles; mais, des autres côtés, trois val- 
lées étroites l'entourent, les ouadis er-Rimm, 'Aleydt 
et 'Adjéléh, qui descendent rapidement vers Vouadi 
Feirdn. L'intervalle qui sépare ces ouadis est très acci- 
denté; des collines escarpées émergent partout, de 



1771 



SINAÏ 



1772 



sorte qu'on n'y trouve aucun emplacement propice pour 
l'établissement d'un camp. Les vallées elles-mêmes 
sont encombrées de rochers énormes, détachés de la 
montagne, dans les environs de laquelle on ne trouve 
aucune plaine. 

Le djebel Mûsa « est un massif élevé, de forme . 
oblongue, d'environ 3200 mètres de long sur 1600 
mètres de large, dirigé, dans sa plus large dimension, 
du nord-ouest au sud-est. Voir fig. 363. Son altitude 
est d'une hauteur moyenne de 2000 mètres au-dessus 
du niveau de la mer; 450 mètres au-dessus des ouadis 
environnants. Sa crête est terminée aux deux extré- 
mités par des pics plus élevés : au sud, par un pic 
unique, de 2244 mètres, appelé, comme la montagne, 
djebel Mûsa; au nord-ouest, par trois ou quatre escar- 
pements, nommés collectivement Râs Sufsafêh du 
nom du plus haut d'entre eux, qui a 2 114 mètres au- 
dessus du niveau de la mer. De tous les côtés, à l'ex- 
ception du sud-est, la pente est très abrupte et très 
rapide. Le pic méridional du djebel Mûsa s'appelait 
autrefois djebel Mone'idjéh ou « mont de la Confé- 
rence ». Le Sinaï est entouré de toutes parts par des 
vallées; au nord-est, par Youadi ed-Deir, appelé aussi 
ouadi Schoeib, c'est-à-dire Hobab, nom du beau-frère 
de Moïse; au sud-ouest par Youadi el-Ledja. Ces deux 
ouadis se dirigent vers le nord... Au nord-ouest du Râs 
Sufsafêh se déploie la large plaine à'er-Rdhah, formée 
par l'ouadi de ce nom; .elle commence à deux kilo- 
mètres et demi du pied de la montagne, et vient, par 
une pente douce, se confondre avec Youadi el-Ledja 
et Youadi ed-Deii: Elle est partout couverte d'herbages; 
detous ses points, on voit distinctement le pic du Râs. » 
F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6» édit., Paris, 1896, t. n, p. 499-500. 

Pour fixer notre choix entre les deux montagnes, il 
nous faut interroger la Bible et la tradition. La Bible 
ne nous offre directement aucune lumière. Elle nous 
dit bien que les Israélites allèrent de Raphidim au 
Sinaï. A supposer que Raphidim soit l'ouadi Feirân, 
le Serbal est plus rapproché que le djebel Mûsa. Mais 
ne Pest-il pas trop? quelle est, au juste, la valeur de 
cette station? Nous ne savons. On croit aussi que les 
onze jours de l'Horeb à Cadès, Deut., i, 2, conduisent 
plutôt au djebel Mûsa qu'au Serbal. Ce n'est qu'une 
faible donnée. Quant à la tradition, on comprend qu'elle 
n'ait pas gardé un souvenir bien durable du passage 
d'étrangers dans un pays presque inhabité, où ils n'ont 
laissé aucun monument, au milieu de nomades peu 
intéressés à cet événement. S'il est certain pour nous 
que la tradition juive n'a jamais placé le Sinaï ailleurs 
que dans la péninsule qui porte son nom, nous sommes 
obligés de reconnaître qu'elle n'a conservé aucun ren- 
seignement précis sur le site qu'il faut attribuer à la 
sainte montagne. Pour Josèphe, Ant. jud., II, xu, 1; 
III, v, 1, ce serait la plus haute du pays. La question 
entre le Serbal et le dj. Mûsa ne peut se trancher par 
une différence de quelque deux cents mètres. La tra- 
dition chrétienne elle-même ne repose parfois que sur 
une simple combinaison de vagues données bibliques. 
Telle est celle de YOnomasticon d'Eusèbe et de saint Jé- 
rôme, Gœttingue, 1870, p. 112, 122, 150, 291, 298, 301. 
Cependant la découverte du pèlerinage attribué à sainte 
Sylvie, Peregrinatio ad Loca Sancta, édit. Gamurrini, 
Rome, 1888, apporte des témoignages très précis, con- 
formes à la topographie sinaïtique, et montre que la 
tradition chrétienne, à la fin du IV e siècle, était abso- 
lument fixée au djebel Mûsa. Malgré certains détails 
un peu suspects, «■ est-il possible qu'on ait choisi sans 
hésiter le dj. Mûsa, que de nombreux ermites s'y 
soient fixés, loin de la petite ville de Pharan, exposés 
aux incursions des Sarrasins qui les ont plus d'une 
fois massacrés, sans aucun nom propre pour fixer ce 
choix? Pourquoi ne pas situer sur le dj. Katherin,ip\us 



élevé de plus de trois cents mètres, les entretiens de 
Moïse avec Dieu? Une pareille tradition possède et 
serait inébranlable si l'on pouvait prouver que le nom 
de Sina s'était conservé. 11 est vrai que sainte Sylvie 
prononce ce nom : « irions... qui specialis Syna dici- 
tur » (p. 37), mais elle connaît malheureusement aussi 
l'Horeb, « qui locus appellaturin Choreb » (p. 40), et 
cela devient suspect, d'autant que dans Antonin 
(Tobler, p. 112), l'Horeb parait très bien être ailleurs. » 
M. J. Lagrange, Le Sinai biblique, dans la Revue 
biblique, 1899, p. 391. On ajoute le témoignage d'« écri- 
vains anciens qui vivaient dans le voisinage ou ont 
visité la péninsule, et sont, par conséquent, les mieux 
renseignés et les plus compétents : Ammonius, de 
Canope, saint Nil, moine du Sinaï, Procope, Antonin 
le Martyr, Eulychius, désignent clairement, non le 
Serbal, mais le djebel Mûsa comme le Sinaï. Seul, 
Cosmas Indicopleuste décrit le « mont Choreb, c'est-à- 
« dire le Sinaï, » dit-il, comme étant à six milles de 
Pharan, ce qui convient assez bien à la distance qui 
sépare cette ville du Serbal. Mais le témoignage de ce 
marchand devenu moine est sans autorité et sa descrip- 
tion n'est nullement claire et précise. » F. Vigouroux, 
La Bible et les découvertes modernes, t. n, p. 493. La 
tradition la plus commune a. donc depuis longtemps 
placé le mont Sinaï au djebel Mûsa actuel. Cependant 
le Serbal a aussi ses partisans, dont les principaux sont 
Burckhardt, Lepsius, Hogg, Bartlett, Forster, Stewart 
et surtout G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, p. 392- 
438, 599-600. Mais les raisons de convenance topogra- 
phi que ne leur sont pas plus favorables que la tra- 
dition. 

Si, en effet, la Bible ne nous apporte aucune lumière 
directe, elle fournit certains arguments indirects qui 
permettent d'éliminer le Serbal pour choisir le djebel 
Mûsa. D'après le récit sacré, le sommet de la montagne 
sainte dominait le lieu où étaient rassemblés les Israé- 
lites, non pas le lieu du campement, mais celui où 
Moïse les réunit pour assister aux manifestations divines. 
Il devait donc y avoir « au pied de la montagne » une 
plaine assez grande pour contenir le peuple. Exod., 
xix, 17, 18. — La montagne devait être assez isolée 
pour qu'on pût établir des limites qui empêchaient les 
hommes et les animaux d'en toucher les bords. Exod., 
xix, 12, 13. — Le sommet devait être un pic bien 
déterminé, visible de la plaine. Exod., xix, 11 ; xx, 18. 
— Enfin la Bible suppose les environs du Sinaï assez 
bien arrosés, puisque Moïse jeta le veau d'or, réduit en 
poudre, « dans le torrent qui descend de la mon- 
tagne. » Deut., ix, 21. D'aiileurs, comme les Hébreux 
restèrent dans ces parages pendant un an, ils durent 
y trouver des pâturages suffisants pour leurs troupeaux. 

Ces différents traits ne peuvent s'appliquer au Serbal. 
Il n'y a pas dans le voisinage de plaine suffisante pour 
recevoir une grande foule. Les vallées qui l'entourent, 
ouadi 'Aleyât et ouadi er-Rimm, sont aujourd'hui 
obstruées par des masses d'éboulis qu'ont amenées les 
pluies d'hiver; leur aspect ne devait pas différer au 
temps de Moïse. D'autre part, les Israélites, en les 
occupant, auraient été divisés en deux sections par les 
hauteurs granitiques qui les séparent. Le pic le plus 
élevé n'est visible d'aucun point de Youadi 'Adjeléh, 
et l'est seulement d'un ou deux endroits dans Youadi 
Feirân. Il y a bien une certaine quantité d'eau dans le 
voisinage, mais aucun ruisseau ne descend de la mon- 
tagne de manière à répondre au récit biblique. On a 
voulu attribuer au Serbal un caractère religieux, en 
raison de son nom, qui signifierait «c le Seigneur 
Baal », Ser Ba'al, ou « le bosquet de palmiers de Baal », 
Serb Ba'al; mais ces étymologies sont fausses. Les 
ruines qu'on trouve sur son sommet et qu'on rattache 
au culte du même dieu sont relativement récentes. 
Enfin les inscriptions sinaïtiques, dont on a cherché à 



1773 



SINAÏ 



1774 



tirer un argument, ne sont pas en plus grand nombre 
près du Serbal que dans beaucoup d'autres parties de 
la péninsule ; bien plus, la montagne même est un des 
endroits qui en offrent le moins. 

Le djebel Mûsa, au contraire, remplit les conditions 
voulues. Cependant il faut distinguer ici entre le pic 
de ce nom et un autre qui fait partie du même massif. 
Bien que les moines du couvent de Sainte-Catherine, 
suivant une tradition fort ancienne, regardent le djébél 
Mûsa proprement dit comme la véritable montagne de 
la Loi, l'examen topographique oblige plutôt à placer 
la promulgation des commandements divins sur le Râs 
Sufsaféh. Le seul endroit capable de contenir une 



principales vallées qui y débouchent. Elle était donc 
plus que suffisante pour contenir la multitude des 
Israélites, quelque considérable qu'on la suppose. De 
tous les points de ce vaste amphithéâtre, celle-ci pou- 
vait suivre du regard ce qui se passait au sommet du 
Râs Sufsaféh, qui, au fond de la plaine, s'élève brus- 
quement à 600 mètres environ, comme une gigantesque 
tribune. Voir fig. 386. L'isolement complet de la mon- 
tagne sur trois de ses côtés, ses parois presque perpen- 
diculaires expliquent ce qui est dit des barrières dont 
on devait l'entourer. D'autre part, l'eau et les pâturages 
qu'on trouve aux alentours du djebel Mûsa permirent 
aux Hébreux un assez long séjour au Sinaï. Le ruisseau 







386. — La plaine d'Er-Rahah et le Ras Sufsaféh. D'après Meistermann, Sindi et Pétra, p. 112. 



grande foule est la plaine d'er-Rdhah; or, de là, le pic 
du djebel Mûsa est complètement invisible, masqué 
qu'il est par les hauteurs intermédiaires du Râs Suf- 
saféh. Celui-ci est donc aujourd'hui généralement 
considéré comme ayant été le théâtre' des événements 
racontés dans l'Exode, xix, xx, xxxii. Cette hypothèse 
n'atteint pas, du reste, le caractère sacré du djebel 
Mûs.a, qui peut avoir été associé à bon droit, par la 
tradition, avec la manifestation de Dieu à Moïse dans le 
buisson ardent et dans les événements postérieurs de 
la communication de la loi et des ordres pour la cons- 
truction du tabernacle, comme le supposent son ancien 
nom de Moneidjéh ou de « la Conférence », et les 
autres légendes indigènes. Cf. H. S. Palmer, Sinai 
from the fourth Egyptian dynasty to the présent day, 
Londres, 1878, p. 174-176. 

Il est impossible alors de trouver un lieu mieux 
adapté à la scène mémorable de la promulgation de la 
Loi. Exod., xix, xx. La plaine à'er-Râhah a une super- 
ficie de plus de 300 hectares, si l'on y ajoute les pentes 
basses des collines qui la bordent et l'entrée des trois 



qui coule dans l'ouadi Schreich peut très bien être 
celui dans lequel Moïse jeta le veau d'or réduit en 
poudre. — Sur cette question topographique, on peut 
voir Ordnance Survey, p. 139-149. 

Sans chercher, ce qui est impossible, à localiser avec 
certitude les incidents divers que l'Écriture place au 
Sinaï, il est permis de signaler plusieurs points de la 
région qui cadrent parfaitement avec les détails du 
récit biblique. Ainsi, le djebel Moneidjéh, peu élevé et 
visible de toute la plaine à'er-Rdhah, a pu servir d'em- 
placement pour l'érection du tabernacle. Le djebel Mûsa 
proprement dit est vraisemblablement le mont Horeb, 
sur lequel Moïse eut la vision du buisson ardent et la 
révélation du nom de Jéhovah. Exod., m, 1-14. Le nom 
de cette montagne a peut-être survécu dans celui de 
djebel Aribéh, pic voisin du couvent de Sainte-Cathe- 
rine. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, t. H, p. 505-508. 

C'est donc là, au sein de ces montagnes de granit, 
qu'eut lieu l'alliance solennelle de Dieu avec son 
peuple, que fut proclamée la Loi religieuse, morale et 



1775 



SINAÏ 



1776 



politique, qui devait faire des enfants d'Israël une 
nation à part au milieu du monde, que furent déter- 
minés tous les détails du culte divin, exécutés les 
objets sacrés qui devaient en être les instruments. 
Cf. Exod., xix-xl. C'est là que la race d'Abraham ajouta 
aux liens du sang ceux d'une législation qui en fît un 
peuple admirablement organisé, appelé à un rôle pro- 
videntiel. On comprend dès lors l'impression profonde 
que ressent l'âme du voyageur en face de ces souvenirs, 
devant le spectacle grandiose des lieux qui les rappel- 
lent. « Je constate, dit le P. Lagrange, dans la Revue 
biblique, 1896, p. 641 , qu'à ce moment les doutes s'éva- 
nouissent, une terreur religieuse s'abat sur les sens à 
l'aspect de cette montagne triple et une. Cette plaine, 
isolée dans le chaos des montagnes, parait disposée 
comme un rendez-vous avec Dieu sur les hauteurs. Et 
cette impression n'est pas nouvelle, car du temps de 
sainte Sylvie, on tombait à genoux pour prier en 
apercevant la montagne de Dieu. Oui, il faut remercier 
Dieu d'avoir mis tant d'harmonie dans ses œuvres, 
d'avoir promulgué sa loi éternelle du haut de cet esca- 
beau de granit, d'avoir répandu dans les esprits sa 
vérité pendant que sa lumière baignait les pics éblouis- 
sants, d'avoir parlé où il semble qu'on ne peut 
entendre que lui. Vraiment Dieu se révèle ici. La 
nature et l'histoire crient à l'envi et on est tenté de 
crier avec elles le nom du Seigneur Dieu. » 

C) Du Sinaï à Cadès. — Les Israélites restèrent près 
d'un an au pied du Sinaï. De là ils se dirigèrent vers 
Cadès par une suite de stations qu'il nous reste à exa- 
miner. Pour atteindre ce point, ils pouvaient aller au 
nord-ouest franchir un des cols du djebel et-Tîh et 
gagner Qala'at en-Nakhl, ou prendre la route du nord- 
est vers 'Aqabah. Il y a tout lieu de croire qu'ils sui- 
virent cette dernière direction. « La seconde année 
après la sortie d'Egypte, le second mois, le vingt du 
mois, la nuée se leva de dessus le tabernacle, et les 
enfants d'Israël partirent, division par division, du 
désert du Sinaï, et la nuée s'arrêta dans le désert de 
Pharan, midbar Pâ'rân. » Num., x, 11-12. Ce désert, 
dans un sens large, devait s'étendre jusque vers le 
massif du Sinaï, voir Pharan 1, col. 187, où le texte 
cité indique plutôt une direction générale. 

La première station mentionnée Num., xxxm, 16, est 
celle de Qibrôt hat-ta'âvâh, « les Sépulcres de concu- 
piscence », ainsi nommée à cause du châtiment infligé 
aux Israélites à la suite de leurs murmures contre la 
manne, lors du second envoi des cailles. Num., xi, 4-6, 
31-34. Beaucoup d'auteurs supposent que cette station 
est identique à celle de Tab'êrâh, ou « l'Embrasement », 
nom qui fut donné en raison de l'incendie d'une partie 
du camp, punition provoquée par les murmures du 
peuple contre Dieu et contre Moïse. Num., xi, 1-3. 
D'après les explorateurs anglais, le site le plus vrai- 
semblable de Qibrôt hat-la'âvâh est celui d'Erweis el- 
Ebeirig à un peu plus de dix heures de marche lente 
du couvent de Sainte-Catherine. Pour y arriver, les 
Hébreux n'eurent qu'à suivre Vouadi Sa'al. Voir 

SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE, Col. 1665. 

La seconde station est celle d'Haseroth, hébreu : 
ffâsêrôf. Num.. xi, 34; xxxm, 17. Elle est depuis long- 
temps identifiée avec 'Ain H.adrah ou Ifudrah, à huit 
heures de la précédente. Voir Haséroth, t. m, col. 415. 
A partir de là, il devient difficile de suivre l'itinéraire 
des Israélites. A Vouadi el 'Ain, la route d"Aqabah 
tourne dans la direction du sud pour descendre vers 
la côte. Si les Hébreux avaient pris ce chemin, le texte 
aurait sans doute mentionné la mer. Ils durent gagner 
directement le plateau de Tih. Les stations indiquées 
sont les suivantes : 

Rethma (hébreu : Rifmdh). Num., xxxm, 18-19. 
Inconnue. Voir Rethma, col. 1076. 

Remmonpharès (hébreu : Rimmôn Parés). Num., 



xxxm, 19-20. On cherche cet endroit au sud-est du 
djebel et-Tamad, à l'ouest de l'extrémité septentrionale 
du golfe d"Aqabah. Voir Remmonpharès, col. 1040. 

Lebna (hébreu : Libnâh). Num., xxxm, 20-21. Ce 
nom signifiant « blancheur » pourrait correspondre à 
celui A'el-Reida, « la Blanche », que porte une région 
située sur le bord de Vouadi Djérâféh. Voir Lebna 1, 
t. iv, col. 143, et Remmonpharès, col. 1040. 

Ressa (hébreu : Rissdh). Num., xxxm, 21-22. On 
croit généralement que c'est la Rasa de la carte de 
Peutinger; elle serait à Vouadi Suega, au point où la 
route d"Aqabah à Gaza coupe en écharpe un chemin 
qui mènerait directement de Vouadi el-'Aïn à Lussân 
(Lysa) et à Gaza. Voir Ressa, col. 1061; cf. M. J. La- 
grange, L'itinéraire des Israélites, dans la Revue 
biblique, 1900, p. 277-278. 

Céélatha (hébreu : Qehêlâfdh). Num., xxxm, 22. 
Cette station doit correspondre à la Gypsaria de la 
carte de Peutinger et à l'actuel Contellet Quréiyéh. Cf. 
M. J. Lagrange, op. cit., p. 277. 

Mont Sépher (hébreu : har-Sâfér). Num., xxxm, 
23-24. Peut-être le djebel 'Araïf, à six heures de 
Vouadi Quréiyéh. Voir Sépher (Mont), col. 1620. 

Arada (hébreu : Eiâràdâh). Num., xxxm, 24. Incon- 
nue. Voir Arada, t. i, col. 873. 

Macéloth (hébreu : Maqhêlôf). Num., xxxm, 25-26. 
Inconnue. Voir Macéloth, t. iv, col. 479. Il y a proba- 
blement ici, de même que pour les deux noms suivants, 
un embarras textuel. Cf. M. J. Lagrange, op. cit., p. 278. 

Thahath (hébreu : fâhat). Num., xxxm, 26-27. In- 
connue. Voir Thahath. 

Tharé (hébreu : fârah). Num., xxxm, 27. Inconnue. 
Voir Tharé. 

Methca (hébreu : Mifqdh). Num., xxxm, 28-29. In- 
connue. 

Hesmona (hébreu : #a3mô»iâh).Num., xxxm, 29-30. 
Inconnue. Cependant on pourrait peut-être rapprocher 
cette station d'une ville frontière de Juda, Asémona 
(hébreu : ' Asemônâh), Num., xxxiv,4, située à l'extré- 
mité méridionale de la Terre Sainte. Il est vrai que 
l'orthographe des deux noms est différente, avec heth,, 
schin d'un côté, 'Ain et tsadé de l'autre. Mais les 
Septante pendent le texte massorétique très douteux 
et la situation des deux endroits nous conduit à peu 
près au même point. Or, Asémona a été identifiée avec 
les ruines qui sont proches de l'Ain Qaséiméh, à l'est 
du djebel iluweiléh. Voir Asémona, 1. 1, col. 1079. Nous 
sommes ainsi dans les deux cas tout près de Cadès. 
C'est une raison qui s'ajoute à celle du contexte pour 
admettre ici, Num., xxxm, 30, une transposition, 
c'est-à-dire pour transporter les versets 36 b -41» après 
le f. 30». Voir Moséroth, t. iv, col. 1318. 

De cette façon, l'on arrive à Cadès, hébreu : Qàdès, 
Num., xxxm, 36, bien identifié avec 'Ain Qedeis. Voir 
Cadès 1, t. n, col. 13. De Cadès, les Israélites redescen- 
dirent vers Asiongaber, Num., xxxm, 36 b -41% 30 b -35, 
pour remonter du côté de Moab. 

D) Remarque sur l'Itinéraire. — Nous terminerons 
ce tracé de l'itinéraire des Israélites par une simple 
remarque. Nous avons suivi pas à pas les Hébreux 
depuis la sortie de la mer Rouge jusqu'à la frontière 
de Palestine, à travers le dédale des chemins de la pé- 
ninsule sinaïtique. Sans doute, bien des points restent 
obscurs; toutes les stations ne peuvent être identifiées 
comme il serait possible de le faire dans un pays 
habité. Nous avons cependant des points de repère 
suffisants pour fixer avec une très grande probabilité 
la voie des enfants d'Israël. Il y a un tel accord entre 
la topographie de ce pays compliqué et les données 
bibliques qu'il est impossible d'y voir un pur effet du 
hasard. Si, comme le prétendent les rationalistes, le 
récit sacré n'était qu'oeuvre d'imagination, ou si la tra- 
dition hébraïque avait perdu tout souvenir du Sinaï 



1777 



SINAÏ 



1778 



comment arriverait-on à concilier d'une manière aussi 
satisfaisante une géographie et une histoire aussi diffi- 
ciles? Il est aisé de dire que l'adaptation des noms et 
des faits aux lieux s'est opérée après coup, par des 
moines chrétiens en quête de souvenirs bibliques. 
Cette adaptation serait impossible si elle n'avait pour 
base une conformité réelle entre les faits et les lieux. 
Qu'on essaie donc de la transporter ailleurs, puisqu'on 
transporte ailleurs le Sinaï. Dans leur impuissance 
à le faire, les rationalistes sont obligés de bouleverser 
le texte sacré, d'en effacer une partie. Nous pouvons 
donc conclure d'après cela à la véracité et à l'authen- 
ticité du récit mosaïque. Si l'auteur, écrivant plusieurs 
siècles après les événements, n'avait eu aucune connais- 
sance des lieux, comment aurait-il pu arriver à une 
telle exactitude? 

3° Les Nabatéens. Inscriptions sinaïliques. — La 
péninsule sinaïtique est un pays singulier, non seule- 
ment par sa configuration physique, mais encore par 
le grand nombre et le caractère des inscriptions qu'on 
y rencontre. On dirait que ses immenses murailles de 
rochers étaient destinées à être des pages d'écriture. 
Ces pages sont demeurées longtemps un mystère et 
ont exercé la sagacité des savants. Il était tout naturel 
qu'on y vit dans les commencements des vestiges du 
passage des Hébreux. Nous ne parlons pas ici des ins- 
criptions hiéroglyphiques que nous avons déjà signalées 
à Maghdrah et à Sardbît el Khâdim, mais d'autres 
monumentsépigraphiquesrépandusà travers unebonne 
partie de la presqu'île. A part le grec et le latin qui y 
sont parfois représentés, ils se composent surtout de 
caractères dont la nature et le sens furent longtemps 
ignorés. Il a fallu les découvertes modernes pour nous 
donner la clef d'uneénigme qui avait intrigué les anciens. 
Nous laissons de côté l'histoire des recherches et du dé- 
chiffrement. Cf. Yigouroux, Mélanges bibliques, Paris, 
1882, p. 233-313. Nous n'avons à étudier rapidement que la 
nature, la localisation et l'origine de ces inscriptions. 

Ce sont de simples graffiti, qui se composent presque 
exclusivement de noms propres et de certaines exclama- 
tions; par exemple : « Paix! Yati'u, fils de Waddu. 
Qu'il soit béni à jamais! » Ils sont gravés sur les 
rochers, ou sur ceux qui forment les parois des val- 
lées, ou sur ceux qui sont tombés des sommets de la 
montagne. Ils ont été tracés sur le grès au moyen d'un 
silex pointu, et les lettres ainsi formées semblent 
faites de petits trous juxtaposés. Mais sur le granit, 
plus dur, on remarque les traces d'un instrument de 
fer. La grandeur de l'écriture varie : dans la plupart 
des inscriptions, les lettres sont hautes d'environ 
quatre ou cinq centimètres; les petites n'en ont qu'un. 
L'absence de polissage sur la surface du rocher, de 
rectitude dans les lignes, d'ordre dans les sentences, tout 
indique la précipitation et la négligence. Voirfig. 387. 

Ces inscriptions sont surtout nombreuses aux envi- 
rons du Serbal, du djebel el-Bendt, du djebel Mûsa, 
le long des grandes vallées qui servaient de voies de 
communication, les ouadis Schelldl, Mokatteb , Feirân, 
Suwig, Khamiléh, Bark, Lebwéh, Berrâk. L'ouadi 
Mokatteb tire même de là son nom de « vallée 
écrite ». On en trouve quelques-unes vers le nord-est, 
sur le chemin du Sinaï à 'Aqabah, jusqu'à Vouadi 
Sa'al; mais on n'en rencontre aueune au nord-ouest, à 
partir de Vouadi Hamr, sur la route de l'Egypte. On 
n'en signale pas non plus sur la route qui traverse le 
désert de Tih. D'où l'on conclut qu'il ne faut pas les 
attribuer aux caravanes marchandes qui allaient d'Ara- 
bie en Egypte et vice versa. 

La langue est l'araméen, avec quelques mots em- 
pruntés à l'arabe. Outre les noms propres, dont se 
composent principalement les inscriptions, on trouve 
un petit nombre de mots araméens, comme '2, ma, 
c fils, fille »; 137, « faire »; mp jd, « devant » ■ NriN, 



« terre », etc., et des exclamations, comme tfjw, «paix », 
-i>3T, « que se souvienne », -|na, « béni ». Cependant 
les noms propres sont en grande partie arabes ; on y a 
souvent ajouté la terminaison nabatéenne i; npaDbH, 
Almobaqqeru; ils sont pour la plupart théophores : 
inStnay, Abdallahi; tnhNiyxi?, èa'dallahi. Les noms des 
divinités qui entrent dans la composition de ces mots 
sont : «n^N, Allah, ibyabx, Elba'al, *nwn, DûSarâ, le 
dieu des Nabatéens. On ne peut donc attribuer ces 
inscriptions à des chrétiens. Les croix et les mono- 
grammes du Christ qui sont mêlés aux inscriptions 
sont distincts des graffiti nabatéens et ont été ajoutés 
plus tard par des pèlerins. 
Beaucoup d'inscriptions sont répétées en différents 







387. — Inscription sinaïtique (Ouadi Mokatteb). 

...SnSïN "13 [| >nVl7WT3yn «que fit Sa'dallahi|| fils d'A'là'... 

D'après le Corpus inscriptionum semiticarum, 

part. II, t. i, n. 914 b, pi. lxxvi. 

endroits, gravées par la même main et dans le même 
ordre. On pense donc que, malgré leur grand nombre, 
ces monuments épigraphiques n'ont pour auteurs que 
quelques groupes d'hommes, parcourant ensemble les 
mêmes chemins, probablement unis en société; l'un 
d'eux est appelé éparque, quatre ont le titre de prêtres. 
Les inscriptions sont accompagnées de dessins gros- 
sièrement tracés, représentant des hommes, des cha- 
meaux, des chiens, des bouquetins, etc. Quelques-unes 
sont bilingues; les mots grecs, en particulier les noms 
propres, correspondent parfaitement aux mots sémi- 
tiques. La manière dont elles sont gravées montre bien 
qu'elles ont été écrites, dans les deux langues, par la 
même main. Il est donc permis de supposer que ceux 
à qui elles sont dues n'étaient pas desimpies nomades, 
sans aucun rapport avec le monde romain. 

En résumé, les inscriptions sémitiques du Sinaï sont 
l'œuvre de Nabatéens (Vnlgate : Nabuthseï) qui, au second 
et au troisième siècle de notre ère, occupèrent les val- 
lées de la péninsule ou la visitèrent à différents inter- 
valles. Voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444. Elles n'émanent 
point de rois ou de peuples comme celles des temples de 
l'Egypte ou des palais de Ninive et de Babylone. Elles ont 
donc peu de valeur historique ; leur importance est plus 
grande au point de vue épigraphique, l'écriture appar- 



1779 



SINAÏ 



1780 



tenant aune phase de l'alphabet sémitique. Voir Alpha- 
bet hébreu, t. i, col. 402. — Cf. Corpus inscriptio- 
num semiticarum, p. il, t. i, fasc. 3, p. 349-486, avec 
cartes, Paris, 1902. On trouvera, en particulier, p. 356 
357, la liste des ouvrages les plus importants parus 
sur la question. 

4° Les anachorètes et les moines. — Vers le milieu 
du m e siècle, la violence de la persécution contre les 
chrétiens peupla d'anachorètes le désert du Sinaï. Le 
pays prit alors un nouvel aspect. Les grottes servirent 
d'abri aux ermites; dans les vallées, près des sources, 
s'élevèrent de petits monastères. L'industrie et le tra- 
vail des solitaires créèrent des champs fertiles, des 
vergers riches en oliviers, dattiers et figuiers. Pèlerins 
et marchands accoururent des divers ports de la pénin- 
sule. Le mont Sinaï fut habité par de nombreux 
anachorètes, qui y bâtirent des églises. Mais, vers les 
années 305, 370, 400, des bandes pillardes, Sarrasins 






extrémités septentrionales des deux golfes, les seuls 
points où la vie sédentaire fut plus ou moins longtemps 
concentrée. Les vieilles cités ont disparu, sans laisser 
un monument digne d'attention. Mais la presqu'île, qui 
physiquement et historiquement est un pays à part, 
a aussi ses richesses spéciales. Elles consistent dans 
les mines, dans les inscriptions égyptiennes et naba- 
téennes dont nous avons parlé. Les deux centres miniers 
de l'ouadi el-Magkârah et de Sarâbît el-Khddirn ont 
une importance que nous avons déjà relevée pour 
l'histoire du Sinaï et celle de l'Egypte. Les recherches 
qu'on y a entreprises ont, de plus, révélé la manière dont 
les mines étaient exploitées, les instruments dont se 
servaient les ouvriers, ciseaux, marteaux, mortiers, 



WJT& 







î«; - 

ï ■■■■ ■ . 
i:'i ■-. ■'■' . >. '-■■ 

f ."-■■.'■■: ■('■ - -^ 

3S8. — Petits autels trouvés dans le temple lie Sarâbît el-Khadim 
D'après Flinders Pétrie, 
Researches in Sinai, pi. 143, n. 12, 15. 

et Blemmyes, amenés par la cupidité, passèrent 
comme un ouragan, dévastèrent les ermitages et les 
églises et tuèrent un grand nombre de moines. Pour 
donner à ceux-ci un rempart contre ces invasions, 
Justinien fit construire en 527 le couvent actuel du 
mont Sinaï, qui reçut plus tard le nom de Sainte- 
Catherine. Une belle basilique fut érigée et tous les 
bâtiments furent entourés de hautes et solides mu- 
railles, qui donnent au monastère l'air d'une forte- 
resse. La bibliothèque renferme de précieux trésors 
dans ses manuscrits grecs, arabes, syriaques, etc. C'est 
là, en particulier, que Tischendorf découvrit le ma- 
nuscrit grec de la Bible qui porte le nom de Codex 
Sinaiticus et que M mes Lewis et Gibson ont trouvé un 
manuscrit syriaque des Évangiles. Pour la description 
du couvent et de ses environ?, en peut voir M. J. La- 
grange, Le Sinaï, dans la Revue biblique, 1897, p. 107- 
130. Les guides et relations de voyage en donnent 
également une description. 

V. Archéologie et Religion. — La pénisule sinaï- 
tique n'a jamais compté qu'une seule ville au sein de 
ses montages; cefutPharan, dans l'ouadi Feirân, qui 
devint, vers le V e siècle, le siège d'un évêché. Le village 
actuel de Tûr représente le port de la côte occidentale. 
Qala'at en-Nakhl, sur le plateau de Tih, doit marquer 
l'emplacement de l'ancienne ville de Phoenicon, «la 
Palmeraie ». Tels sont, avec les deux ports situés aux 





? V«j 



L\ 



>r » *., 



*i* '% 



v~\ 











389. — Buste en grès U-ouvé dans le temple de 

Sarâbît el-Khadim. Inscriptions en caractères inconnus. 

D'après FI. Pétrie, Researches in Sinai, n. 138. 

etc. Mais la dernière exploration de M. Flinders Pétrie, 
décembre 1905 à mars 1906, a jeté un jour tout nouveau 
sur certaines questions archéologiques et religieuses 
que nous devons résumer en quelques mots. 

Le temple de Sarâbît el-Khâdim, dégagé de toutes 
les superfétations égyptiennes, apparaît avec son carac- 
tère primitif de haut-lieu, sémitique, bâmah. La déesse 
qu'on y adorait à l'origine, et qui régnait sur ce sommet 
avant les premières expéditions pharaoniques, n'avait 
pour sanctuaire qu'une grotte creusée dans le rocher. 
Le culte que lui rendaient les populations indigènes se 
rapproche de celui qu'on retrouve en Chanaan. Le long 
du sentier qui conduit à l'antre sacré, on a reconnu 
une série de cercles en pierres brûles, généralement 
assez grands pour abriter une, deux, parfois même 
trois ou quatre personnes. Dans un grand nombre de 
ces cercles, une stèle, couverte d'hiéroglyphes, expose 
les titres d'un officier égyptien ou son offrande à la 
« Dame des Turquoises » pour s'assurer la proteclion 
de la déesse ou lui exprimer sa reconnaissance. Une 
petite table d'offrandes, au pied de la stèle, montre 
l'accomplissement de l'acte religieux. Aux cercles 



4781 



SINAÏ 



1782 



de pierres succédèrent les édicules qui précèdent le 
portique du temple, et qui ne sont ni des chapelles ni 
des magasins sacrés, mais des abris permanents, rem- 
plaçant les premiers refuges rudimentaires. Participant 
à la sainteté du lieu, ils étaient destinés aux chercheurs 
de turquoises, qui y venaient attendre le songe révéla- 
teur dans lequel la déesse leur indiquerait quelque 
bon gisement. On trouve aux abords de la grotte sacrée 
un épais lit de cendres qui atteste le rôle important du 
feu dans ce haut-lieu. Comme il y a peu de buissons 
sur le sommet de la colline, il semble que le combus- 
tible dût être apporté de la plaine ou des vallées envi- 
ronnantes. Mais, pour l'apporter en telle quantité et 
loin des habitations, il fallait qu'il y eût une autre raison 
que les usages de la vie courante. Nous sommes ici en 
présence de sacrifices religieux, dans lesquels le sang, 
la graisse et d'autres parties facilement combustibles 
des animaux immolés étaient la part de la divinité, la 







■tW . . 



390. — Nauâmis, construction en pierres sèches, 

près de l'ouadi-Solaf. 
D'après FI. Pétrie, Researches in Sinai, n. 178. 

chair des victimes servant d'aliments à ceux qui les 
offraient ou qui prenaient part à la fête. La nature des 
cendres et l'endroit où elles se trouvent confirment cette 
hypothèse. On a découvert aussi de petits autels, qui, 
d'après leur forme même, étaient faits pour recevoir, 
non un liquide ou autre offrande, mais de l'encens. 
Voir fig. 388. Parmi les objets votifs, on remarque des 
pierres taillées en forme de cônes, autre caractère du 
culte sémitique. Enfin des réservoirs et des bassins à 
ablutions rappellent certaines pratiques du culle juif. 
Nous avons donc bien là un rituel sémitique, que les 
Égyptiens s'approprièrent pour se concilier la faveur 
de la divinité qui régnait primitivement en ces lieux. 
En effet, les détails que nous venons de rappeler, rela- 
tifs au temple, aux sacrifices, aux autels ou brûle-par- 
fums, aux pierres coniques, sont tout à faitdistincts de 
ce que l'on rencontre dans la religion égyptienne. 
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 186-193. 

Dans les ruines du temple, on a également découvert 
plusieurs statues, un sphinx, un buste (fig. 389) et 
d'autres objets sculptés par des mains étrangères à l'art 
égyptien. C'était sans doute l'œuvre des 'Amu îu des 
Rotennu, qui, dans les inscriptions, figurent parmi les 
ouvriers employés aux mines du Sinaî. Un de ces 'Amu 



ou Syriens est appelé Lua ou Luy, ce qui n'est autre 
chose que l'hébreu Lêvî; et « il est intéressant, dit 
Flinders Pétrie, op. cil., p. 124, ;de trouver ici ce nom 
3000 ans avant Jésus-Christ.» Plusieurs de ces sculptures 
un peu grossières portent des inscriptions en lettres 
alphabétiques, qui ont une analogie frappante avec 
certains caractères phéniciens archaïques. Voir fig. 389. 
Nous aurions là, d'après le savant explorateur, le spéci- 
men d'une écriture antérieure de cinq siècles peut- 
être aux plus anciens textes phéniciens qui nous sont 
connus. Quoi qu'il en soit de cette appréciation, il y 
a dans ce fait une importante question d'épigraphie. 
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 122-132. 

On rencontre enfin dans la plupart des grandes vallées 
du centre de la péninsule, sur le flanc des montagnes 
et généralement au confluent de plusieurs ouadis, de 
singulières constructions, que les Bédouins appellent 
nauâmis. Ce sont des édifices en pierre sèche, les uns 
ronds ou elliptiques, les autres carrés à toit plat. Les 
premiers sont formés de murs droits jusqu'à 50 ou 
70 centimètres au-dessus du sol, mais rapprochant en- 
suite, à l'intérieur, les assises de leurs pierres plates, 
de manière à constituer une coupole conique de 2 à 
3 mètres d'élévation. Voir fig. 390-391. Tous les explo- 




391. — Coupe d'un des Nauâmis. 
D'après FI. Pétrie, ibid., n. 174. 

rateurs font remonter ces monuments à une haute anti- 
quité. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient classique, t. I, p. 352, y voit des abris où les 
nomades pillards se réfugiaient, pour se défendre contre 
les représailles des tribus voisines et surtout des troupes 
égyptiennes. On croit plus généralement aujourd'hui 
que ce sont des tombeaux dont on rapproche certaines 
chambres funéraires de la Palestine et les dolmens cou- 
verts d'autres régions. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 
1907, p. 412. Ces sortes de ruches n'ont pu. servir 
d'habitation ou de refuge. M. Currelly, qui en a fouillé 
quelques-unes dans l'ouadi Nasb, y a trouvé des bra- 
celets en coquillages, des pointes de flèche en silex, 
des instruments en cuivre pur, etc., autant d'objets déjà 
en usage sur les bords du Nil, aux temps préhistoriques. 
Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, p. 243; 
E. H. Palmer, The désert of the Exodus, t. u, p. 312, 
316-319. 

De l'ensemble des découvertes archéologiques et de 
l'histoire, il résulte donc que, longtemps avant l'Exode, 
une population sémitique habitait la péninsule du 
Sinaï, avec une religion analogue à celle de Chanaan, 
un système d'écriture déjà perfectionné, ce qui achève 
de détruire la vieille thèse rationaliste prétendant que 
Moïse n'avait pu écrire le Pentateuque. D'autre part, les 
Égyptiens ont, de bonne heure, porté dans un petit 
coin du pays un rayon de leur civilisation, trouvant 
dans les mines un moyen d'exercer leur industrie, 
d'augmenter leurs richesses, de perfectionner leur art. 
Les Hébreux, en arrivant dans ces solitudes, n'étaient 
pas dénués de ressources; ils avaient beaucoup appris 



1783 



SINAÏ — SINAITICUS (CODEX) 



1784 



à l'école de leurs maîtres de la vallée du Nil. Ils purent 
donc sans difficulté construire au sein du désert les 
instruments d'un culte qui, malgré son caractère spé- 
cial et divin, se rattachait par certaines prescriptions 
au rituel égyptien. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, t. n, p. 510-560. Nul pays ne 
convenait mieux que le Sinaï à la formation d'un peuple 
qui devait avoir une si grande influence sur la vie reli- 
gieuse et morale du monde : spectacles sublimes de 
la nature, silence où l'on n'entend que la voix de Dieu, 
solitude qui brise tout contact avec les nations païennes. 
Cette voix de Dieu a retenti à travers tous les pays et 
tous les siècles. Selon la parole du Deutéronome, xxxm, 
2, c'est bien « du Sinaï que le Seigneur est venu, » qu'il 
est parti à la conquête de l'humanité déchue. Ce pre- 
mier pas devait le conduire à la crèche et finalement 
au calvaire. Telle est, d'un seul mot, la synthèse de 
l'histoire dont la première page est écrite aux lieux 
sacrés que nous venons de parcourir. 

VI. Bibliographie. — Aux ouvrages déjà nombreux 
que nous avons indiqués dans le corps de cet article, 
nous ajouterons les suivants : J. L. Burckhardt, Travels 
in Syria and the Holy Land, Londres, 1882, p. 457- 
630; J. Rappel, Reisen in Nubien, Kordofan und dern 
Petrâischen Arabien, Francfort-sur-le-Main, 1829; 
Léon de Laborde, Voyage dans l'Arabie Pétrée et au 
mont Sinaï, Paris, 1830; Commentaire géographique 
sur l'Exode et les Nombres, Paris et Leipzig, 1841; 
Wellsted, Travels in Arabia; Sinai, Survey of the Gulf 
ofAkabah, Londres, 1838, t. il, p. 1-168; Lepsius, Reise 
von Theben nach der Halbinsel des Sinaï, Berlin, 
1845; Lottin de Laval, Voyage dans la péninsule ara- 
bique du Sinaï, Paris, 1857, 2 vol. in-4»; H. Brugsch, 
Wanderung nach den Tùrkis-Minen und der Sinai- 
Halbinsel, Leipzig, 1866; F. W. Holland, On the Pe- 
ninsula of Sinai, dans Journal of Royal Geogr. Soc, 
1868, p. 237-257; Récent explorations in the Peninsula 
of Sinaï, dans Proceedings of Royal Geogr. Society, 
1868, n. 3, p. 204-219; E. H. Palmer, The Désert of the 
Exodus, Cambridge, 1871, 2 vol. in-8°; A. P. Stanley, 
Sinai and Palestine, Londres, 1866 avec cartes en 
couleurs ; W. H. Adams, Mounl Sinai, Petra and the 
Désert, Londres, 1879 ; Isambert, Itinéraire de l'Orient, 
Paris, 1881, t. n, p. 718-756; Raboisson, En Orient, 
Paris, 1889, t. i ; E. Hull, Mounl Seir, Sinai and Wes- 
tern Palestine, Londres, 1889, avec carte géologique ; 
G. Bénédite, La péninsule Sinaïtique, Paris, 1891 ; 
M. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893; P. Barnabe 
Meistermann, Guide du Kil au Jourdain par le Sinaï 
et Pétra, Paris, 1909; J. de Kergorlay, Sites délaissés 
d'Orient, Paris, 1911. A. Legendre. 

SINAITICUS (CODEX). Ce manuscrit est parmi 
les plus célèbres et les plus importants de la Bible 
grecque (fig. 392). Au printemps de 1844, Tischendorf 
visitant le monastère de Sainte-Catherine, au mont 
Sinaï, en découvrit des feuillets détachés qu'on avait 
jetés au rebut; il put les acquérir, quarante-trois au 
total, et les rapporter à Leipzig, où ils appartiennent 
aujourd'hui à la bibliothèque de l'Université, et il les 
édita dans une publication intitulée Codex Friderico- 
Augvstanus, Leipzig, 1846, du nom du roi de Saxe 
Frédéric-Auguste qui avait fait les frais de sa mission 
au Sinaï. En 1845, deux fragments du même manus- 
crit furent trouvés dans des reliures de manuscrits 
plus récents, et communiqués à Tischendorf, qui les 
publia dans son Appendix Codicum celeberrimorum, 
Leipzig, 1867. En 1853, Tischendorf revint au Sinaï, et 
il mit la main sur un fragment de la Genèse du même 
manuscrit, et un feuillet contenant la fin d'Isaïe et le 
commencement de Jérémie : il publia ces morceaux, 
partie dans ses Monumenta sacra inedita, t. i, Leipzig, 
1855, partie, ibid., t. n, Leipzig, 1857. En 1859 enfin, le 



4 février, il eut la bonne fortune de découvrir le 
manuscrit dont il n'avait encore eu que des morceaux; 
il en exécuta aussitôt une copie. Les moines du Sinaï 
l'autorisèrent, 28 septembre 1859, à transporter le 
précieux manuscrit en Europe pour l'éditer; l'édition 
fut entreprise aussitôt, et achevée en 1862. Mais le 
manuscrit ne revint pas au Sinaï. Le 10 novembre 1862 
Tischendorf le remit à Zarskoie Selo entre les mains 
du tsar Alexandre II de Russie. Sept ans plus tard, en 
1869, le manuscrit passa des archives du ministère russe 
des affaires étrangères dans la bibliothèque impériale 
de Saint-Pétersbourg. Tout n'est pas très clair dans 
cette histoire : il est vraisemblable que les moines du 
Sinaï se sont dessaisis un peu naïvement de leur 
trésor. Les Russes font valoir que plus tard, en 1869, les 
supérieurs de ces moines firent donation au tsar du 
manuscrit, et qu'en retour le tsar donna 7000 roubles 
(le rouble vaut quatre francs), à la bibliothèque du 
mont Sinaï, 2000 au couvent du mont Thabor, et des 
décorations russes à quelques-uns des moines susdits : 
il resterait à établir que le manuscrit est venu en Europe 
du plein consentement des moines, et que la dona- 
tion que les moines en ont faite au tsar a été spontanée. 
Le moins qu'on puisse dire est, avec M. Nestlé, que 
toute cette histoire de la découverte et de la réception 
du Codex Sinaiticus est presque romanesque. E. Nestlé, 
Einfûhrung in das griechisches Neues Testament, 
Gœttingue, 1897, p. 28. C. R. Gregory, Prolegomena, 
p. 350-353, présente la défense de Tischendorf. 

Le Codex Sinaiticus est un manuscrit de parchemin 
in-folio (43x37 cent.), comptant 346 feuillets 1/2. 
Chaque feuillet compte quatre colonnes, chaque colonne 
quarante huit lignes. Le parchemin est d'une extrême 
finesse, et fait de peaux d'ânes ou d'antilopes, croit-on. 
L'écriture est onciale, d'une admirable pureté, sans 
esprits, ni accents, ni majuscules, les initiales débor- 
dant seulement sur la marge. Les sectionnements du 
texte sont marqués par une ligne laissée en blanc. Tis- 
chendorf distingue quatre scribes différents qui auraient 
travaillé au Sinaiticus ; en d'autres termes, la copie 
du. manuscrit total aurait été partagée entre quatre 
copistes. Voir Gregory, p. 345; H. B. Swete, The old 
Testament in Greek, Cambridge, 1887, t. I, p. xxi. Le 
copiste qui a écrit à peu près tout le Nouveau Testa- 
ment Ferait le même qui aurait copié ce que nous avons 
de la Genèse, et quelques autres portions de l'Ancien 
Testament; les prophètes seraient l'œuvre d'un second 
copiste ; les livres poétiques reviendraient au troisième ; 
Tobie et Judith au quatrième. Puis, des mains de cor- 
recteurs seraient intervenues, cinq dans l'Ancien Tes- 
tament, sept dans le Nouveau : la plus ancienne serait 
contemporaine de la confection du manuscrit, la plupart 
des autres seraient du vi e -vn e siècle, la plus récente du xn e . 

Pour déterminer l'âge du Sinaiticus, on se fonde sur 
l'aspect de son écriture, qui est d'une onciale répon- 
dant à la plus ancienne qu'on connaisse. Le texte lui- 
même représente un état ancien : ainsi les douze ver- 
sets de la finale de saint Marc (xvi, 9-20) manquent. Au 
Nouveau Testament sont joints l'épltre de Barnabe et 
le Pasteur d'Hermas, comme s'ils appartenaient au 
canon. Tischendorf a posé en thèse que le Sinaiticus 
avait été copié au milieu du iv e siècle; et il a énoncé 
l'hypothèse qu'il devait être un des cinquante exem- 
plaires de la Bible que, au témoignage d'Eusèbe, Vita 
Constantini, iv, 36-37, t. xx, col. 1184-1185, l'empereur 
Constantin fit faire en 331, « par des copistes habiles 
dans l'art d'écrire »; mais c'est aller trop loin, et il 
reste simplement que le Sinaiticus peut être du 
IV e siècle. Voir la discussion de V. Gardthausen, Grie- 
chische Palaeographie, Leipzig, 1879, p. 133-148. On ne 
peut f ien conclure de la souscription qui, dans le Sinai- 
ticus, se lit à la fin du livre d'Esther, et qui énonce que 
le texte en a été collationné sur i un très vieux exem- 



Dict. de la Bible 



Letouzey et Ane, éditeurs. 







oTexeofccoyoy 

TDCOKXTA^rtDN 
coy TON K I ON M C JA 
riOPNCDNMAoeN 
GOyOsCAyTCOTOH 
cri r e YTO N M O CX-" 

oAee i n en xyruj 

T6KNON CYriAM|- 

T6 M ereM oyei k aihâ: 
TATAeM acacctin 

KAfXA f H N AI 6A« I 
. OTl O A ACA<^>0 CCOÏ 
OY-rpCNeKfOCHN 

KAiezHceKJMio 
Acoacoch NKAiey 
feu h 

e>en-NAc"KAir ipo^ 
TOyCMAOH 1AC 
AN©fCX>riOCriCHN 

n ao -y ci o<fê ixcn 

OIKONOMONKAI 
OyTOOAl 6KAH OH 
Ay7U->u>CA»ACKOf 

n / "^o > n 7 Ay n apx~ 
TAAYTOYKA/J>u) 

NHCXCAyiOHe/ 

n eN t iix>yto AK-T 
eu n e f i coyAn qa** v 

TONAOrONTHCOJ 

Konom lAccoyoy 
TApeTlAyNHOlKO 

NOMINeineN^ 

eNeAYTUJ>ooiKo 

nomoctifioihcu) 
ot»okcmoya4>xi 

plAITHNOIKON» 
M l AN AJieHOycKK 
TT7INOyKÏCXytD 

en ai / 1 n a i cxy N . llM 

t'fNCUN | / | JO|H*~ 
INÀANMt-'l ACTA°- 
fc'KflICOIKONOMlK: 
ACKDN7A/M(£ei' 

Toycoi ko yccAyr-^ 

KKlripOCK AAecA 

^NoceNAb-KXP 

RONXj'eo^iAei-'* 




xoY K ^YTOYeAe 
re ntco 1 1 peu tcu n- 

coNo<piAcicrjxL> 
l<co M oy o Aee i n^ 

KfTCOe K A I ONU 

AoyceAAi oyo^f.) 
neNAYTu>AejA|~r 
TA r f AM M AT AK AI K* 

e i cACTAxecocrjx 

foNneNTHKON 

TXenfcTTAerefuj.1 
neNCYAfc-| iocon 

oo>iAfc"i cOAeei n«^ 
e kato m Ko poyci 
royAt-re: ■ A.e A-y-jxo 

AeiA/COy-fAipAU 
MATAKAI Pp AToN 

orAOHKONTAKAJ 

enHNece N OKcT-~ 

OIKONOMONTH' 
AAIKJACO ||d>po 

NIMCDCCiJlHcr 

o~n<f>f>ON I MtUTe- 
r o ' cy 'YïoiToyAi- 
NocToyToyynep 
To YC-y Voy o royd>- 
ToceicniNneNG 
antay m NexrruT 
eiciNï<Aieru>yMiN 
Aercu catto i ci t-i 
HcATexj>iAoycek 

TOYM AM U ) N KTH r 
AAl K/ACÎ WAOTAN 

fc'KAiriHXe2.u)N i 

TAI YMACei CTACAI 
Cl) N I OYCC Kl I N A' ' 
C*>ï 1 1 CTOCCMCAA 

x i crtxD k ai e n r i oa 
Acui 1 1 CTOcecriN 

K A I O C N CA AX I CT*- 
AAIKOCKAI^NH-X 
AU>AA I KOCPCTIN' 
C| oyN CNTCOAAi 
l<U)M AMCONAMI 
CTO I O Y'<C PCM e«-«JM 
'l'OAAHOI KIONyï' 

YMinm icreycei' 
KAiei cN rcoxAAo 



TP|cun«croioyK6 
rcN cceAiToyM e 
Te p o n ti cacu ce i 

YMlN 

OyACICOI K€ THCAT 
N ATA I AyC I Kyp » OH 

AoyAeyei Ne i iap 
TON6NAMICHCI 
K A » TO fsl 6TT3PO N A 
TAT7 H CGTH e N OC 
ANeeXCTAl KAlT-y 

eTepoyKATAvhpo 
NHcero yay n xcexi 
ecJDAoyAe ye in ka/ 

MAMU7NA 
H KOYOrvTAgrxYlA 

F F AN TA<f> I A Af PYf-j 
tn AfXO KJ TCC K Al 
eXCMyKTMpiyoN 
Ay TO N 

KAI fcl TTCN AYTO/cy 
M c i cec reo » a i kai 
o yn rece aytoy" 

NCUrilONTCDNAN 

e p cuiifi) n 6 ac o c 

riNCDCKCITACKAf 

AiacYmcdnjotit- 
cn an opo>noicyj« 
Xo n k AexyrM Acn~ 
nioNTOYo*y 

ON OMÔCKAlOl 1 I f « 
YH TAI M CXP | i tuAts 
N oyat I oToyen K A-i 
Ae i AToyfc>Y6 YArrc 
AizeTAl€-YKoritL> 
TCpoN AeeCTiNT-" 
OypANONKAI ITIN 
THNnAffcA0INH 
TOYNOMOYMIAN 
KAIpeANMCClN 

n A co Ar i o Ayo: > n t n~ 
ryNXi KAAyToyKAi 

TAM CUN eTej'ANM-l 

Xeyei kai i i acoah- 

ACAYMeN HNWlo 
A NJ A pO crAM tL> N M-» 

xeyei 

ANefcDnocAeTi*H' 

I ^S I AC 7»J A,f n A "4.0 y ' IN A.y ITDt 




fi»* 



H \oyci OCKAI c>4- . 

^' ^ycKeTorîop<H 

FAN kxi RyccoN'Y 

T^'NoMeNOCKK 

KAHTOripoe, ONnY 

MfcMOCKAiei n© Y 
MiUNXOfjACoiiNN 
X r i oycp nti I T I To M 
TU> N A I ï O TH CTT A 
rie^HCToyTTAoyo ' 
°YAAaakaioi i<yfîi— 
cpxo m e n o i e n e 
AeixoNTAeXKHxr 
Toye rçNeroAèA^- 

©ANI1M TONIITU», 
XONKAIAMCNGX»H 

NA'AYToNyno iuT 
ArrcACDN eicjxjN 

KOAriONARpXAM. 

at i ce an e n Ae kai*- 

nAÇTycioCKAIeTA 

^HCNTCOAAHeriA 

p ACT oycod>oAXH-r 
AyToyyn Apxci>N . 

eN K ACAM Ol COpA 
AR PA A M A M OM AKï" 
OfN KAJ AAZApON' 
€ NTOI CKO An OpAT 

Toy/< xj xy ro cdxu 

NHcAceineNriA 

T^pAR pXXM eACH' ft ~ 

MeKxirieMyoNA^ 

ZAPO N / N AK A f-HT*- 
AK p O N TO YAAKTY 
AOyA YTO YYA ATI 
KAI K ATAyy X H TH N 
TACD CCANI M O YOl I 
OAyKJU)MAieNTH 

^ao n TAyTH- e i n «"* 

AeABfAAMH NHC-m 
TI TC KNO Kl OTl An* 
A AR e c F A APAe Ac»T 

6NTI IZCDHÇOYKAJ 
A A2Af O CO M O I CU-TA 



t 



i 



JS^. <g3U&v- 



CODEX SINAITICUS 

Luc, xv, 30 — xvi, 25 
(Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg). 



4785 



SINAITICUS (CODEX) — SINGE 



1786 



plaire corrigé de la main du saint martyr Pamphile, » 
et que cet exemplaire de Pamphile avait été collationné 
par lui sur les Hexaples d'Origéne : Tischendorf a 
donné de bonnes raisons de penser que cette souscrip- 
tion n'est pas du copiste original, mais d'une seconde 
main, du vu» siècle sans doute. Gardthausen, p. 145- 
146. 

En ce qui concerne les cinquante manuscrits que 
l'empereur Constantin demanda en 331 à Eusèbe de 
ïaire exécuter, il paraît certain que ce devaient être des 
bibles entières, o-wpieÎTta, faciles à lire, eûavâ-pjftxjTa, 
écrites sur du parchemin de première qualité, écrites 
par des calligraphes très habiles dans leur art, et ces 
traits conviennent assez au Sinaiticus. Mais l'empereur 
ajoute : xotl ïtpoç tyjv xpr^mv eù|iSTaxô'u.i<JTa, c'est-à-dire 
faciles à transporter pour s'en servir, et vraiment ceci 
ne s'applique guère à un manuscrit aussi volumineux. 
Le mot xp^tiî désigne l'usage ecclésiastique, l'usage 
dans les lectures publiques que comporte la liturgie : 
or, il est clair que le Sinaiticus ne s'est conservé que 
parce qu'il n'a pas servi, et qu'il n'était pas portatif. 
Eusèbe fit exécuter les exemplaires commandés par 



mier livre des Macchabées, quatrième des Macchabées, 
Isaïe, Jérémie ; i, 1-n, 20 des Lamentations; Joël, Abdias, 
Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie; 
les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique 
des Cantiques, la Sagesse, l'Ecclésiastique, Job. A la fin 
du Nouveau Testament, prend place l'épltre de Barnabe, 
et^avec une lacune de cinq feuillets, un fragment du 
Pasteur d'Hermas. Les livres du Nouveau Testament 
sont rangés dans l'ordre : Évangiles-Epitres paulines- 
Actes-Épltres catholiques-Apocalypse. L'Epitre aux Hé* 
breux est placée après II Thess. P. Batiffol. 

SINDON (hébreu : sddin). Voir Linceul, t. iv, 
col. 265. 

SINÉENS (hébreu : kas-Sini; Septante : i 'Aaev- 
vaïoç; Vulgate : Sinœi), nom d'une peuplade chana- 
néenne, Gen., x, 17; I Par., i, 15, de la descendance 
de Chanaan. Saint Jérôme, Quœst. in Gen., x, 15, 
t. xxui, col. 954, mentionne non loin d'Arca en Phé- 
nicie une ville appelée Sini, détruite par la guerre, 
mais dont l'emplacement conserva son nom au pied du 




393. — Singes et autres animaux ramenés comme butin d'Ethiopie en Egypte par Ramsès II. 
D'après un bas-relief du temple de Beit-OuaJly, dans Champoliini, Monuments de l'Egypte, 1. 1, pi. 70. 



l'empereuretilleslui envoya : lv 7to>.UTe\a»{ r)<jxn)|Uvotç 
TE'i^eatv Tpcaaà xat TExpaacrà Siarceu.'J/ivTMV rj^wv. Vita 
Cont., iv, 37, édit. Heikel, p. 132. Je traduis : Trans- 
misimus triplicia et quadruplicia in libris arte fabri- 
catis magnifiée. Les mots Tpi<r<rà et znpaoohne peuvent 
se rapporter qu'à <7co|a<£ti<x, et donc désigner des exem- 
plaires de la Bible complète, les uns en trois tomes, les 
autres en quatre. On ne saurait voir là une allusion à 
la répartition du texte sur trois ou sur quatre colonnes. 
Nestlé, p. 29. 

L'hypothèse de Tischendorf qu'un des copistes qui 
ont copié le Sinaiticus serait le copiste qui a copié le 
Vaticanus, n'a pas de fondement. Mais Tischendorf ne 
s'est pas trompé en plaçant le Sinaiticus entête de tous 
les manuscrits existants de la Bible, et en lui donnant 
pour mieux signifier sa primauté le sigle n qui le 
désigne désormais. Le Sinaiticus est véritablement le 
plus ancien manuscrit de la Bible. L'hypothèse de 
quelques érudits qui ont pensé que le Sinaiticus avait 
été écrit en Occident, peut-être à Rome, parait dénuée 
de preuves. — Le Sinaiticus porte dans la classification 
•des manuscrits du Nouveau Testament de M. von Soden 
le sigle 82. Voyez H. von Soden, Die Schriften des 
Neuen Testaments, t. i, 1, Berlin, 1902, et Revue bi- 
blique, 1904, p. 592-598. 

Le Sinaiticus contient le nouveau Testament dans son 
intégralité. L'Ancien Testament au contraire a beaucoup 
souffert : il ne reste que des fragments des chapitres xxm- 
xxiv de la Genèse; v-vi-vii des Nombres; ix, 27-xix, 17 
du premier livre des Chroniques; ix, 9 à la fin du second 
Jivre d'Esdras; puis Néhémie, Esther, Tobie, Judith, pre- 



Liban. Strabon, XVI, n, 18, nomme aussi dans le Liban 
la montagne de Etwôv. On trouve aussi dans les 
inscriptions assyriennes le nom de la ville de Siftnn 
entre Semar et Arqa. Frd. Delitzseh, Wo lag das Paro- 
dies? p. 282; W. M. Mûller, Asien und Europa, 
p. 289. 

SINGE (hébreu : qôf; Septante : irCOrptoç ; Vulgate : 
simia), mammifère de l'ordre des quadrumanes. Le 
nom du singe est en sanscrit kapi, en égyptien gôf, gôfu ; 
il se retrouve dans le grec xf|ëo; et xt)jto«. Pendant leur 
séjour en Egypte, les Hébreux avaient pu voir cet animal 
qu'on y emmenait des pays situés au sud et qu'on trouvait 
partout représenté (fig. 393). Le singe n'est mentionné 
dans la Bible que parmi les curiosités rapportées de 
Tharsis par les vaisseaux de Salomon. III Reg., x, 22; 
II Par., ix, 21. Il devait en effet beaucoup intriguer les 
Israélites par sa grossière ressemblance avec l'homme, 
ses quatre mains, son agilité, ses ruses et ses moeurs 
qui le placent à la tête du règne animal et dans le 
voisinage même de l'homme. Il existe un très grand 
nombre d'espèces de singes, qui diffèrent par la taille, 
la force et les habitudes. Les espèces particulières à 
l'ancien monde se trouvent presque toutes à Ceylan et 
dans l'Inde, où la flotte de Salomon alla chercher les 
spécimens qu'elle rapporte. On en amenait aussi en 
Assyrie et en Egypte, pour l'amusement des princes. 
Voir t. H, fig. 547, 654, col. 1662, 2238. Ces animaux 
ne s'acclimataient pas; il fallait les remplacer ou bien 
ils disparaissaient complètement, comme cela eut lieu 
pour ceux de Salomon. Il n'est pas possible de dire à 



1787 



SINGE 



SION 



1788 



quelle espèce appartenaient ces derniers. On n'en trouve 
ni en Palestine ni dans les pays voisins, bien que le 
singe de Barbarie, inuus sylvanus, soit commun dans 
la région de l'Atlas. Cf.Tristram, The natural History 
of the Bible, Londres, 1889, p. 37. H. Lesêtre. 

SÎNIM ('érés), contrée ainsi appelée dans Isaïe, 
xlix, 10. Les Septante ont traduit Tlspaiî; la Vulgate, 
de terra australi. Arias Montanus y a vu les 
Chinois. Gesenius, Thésaurus, p. 948, a fortement dé- 
fendu cette opinion; il fait remarquer que les Chinois 
n'étaient pas inconnus en Egypte où l'on a trouvé des 
vases à myrrhe avec inscriptions chinoises (fig. 394), 




394. — Vases chinois trouvés en Egypte. 
D'après Wilkinson, Manners, 2- édit., t. n, fig. 384, p. 153. 

Rosellini, Monumenti delV Egitto, part, n, t. Il, 
p, 337; Wilkinson, Manners and Customs of ancient 
Egyptians, t. m, p. 108. Cette opinion trouve néan- 
moins des contradicteurs. La raison principale qui 
fait rejeter l'identification de érés Sinîm avec la Chine, 
c'est que le nom de Tsin, d'où vient le nom de Chine, 
est dérivé d'une dynastie qui n'a commencé à régner 
qu'en 247 avant J.-C. et qui est par conséquent posté- 
rieure de plusieurs siècles à Isaïe. Quelques exégètes 
voudraient y voir Sin (Péluse) ou Syène, mais le texte 
d'Isaïe parle d'une contrée et non d'une ville, et il 
s'agit d'un pays plus éloigné que l'Egypte. Voir A. Kno- 
bel, Jesaia, 1854, p. 364; J. Knabenbauer, Comment, 
in Isaiam, t. n, 1887, p. 242. 

1. SION (hébreu : $î'ôn; Septante : 2i)wv), un des 
noms du mont Hermon ou d'un de ses pics. Deut., iv, 
48. Voir Hermon, t. m, col. 634. 

2. SION (hébreu : $iyôn; Septante : Eei'tov, Eeuôv et 
St'uv, 2ct4v; on trouve dans l'Alexandrinus : Situ, 
Is., xxxt, 9, et ,1er. , vin, 19; Nouveau Testament : 
Stciv), nom primitif de la citadelle des Jébuséens, prise 
par David. II Reg., v, 7; I Par/, xi, 5. Où faut-il, dans 
l'ancienne Jérusalem, placer cette citadelle? C'est une 
question qui a été vivement débattue, mais sur laquelle 
aujourd'hui l'accord semble se faire de plus en plus. 
Avant de l'exposer et de la discuter, nous avons à 
rechercher d'abord le sens, l'emploi et les différentes 
applications du nom. 

I. Nom. — Le sens étymologique de l'hébreu, fisx, 

Siyôn, n'est pas facile à déterminer. On en a donné 
des explications plus ou moins compliquées. En somme, 
« il y a deux façons d'envisager la forme jï»s : ou bien 

comme une forme à terminaison on, ou bien comme 
une forme qittdl d'une racine |>s. Dans cette dernière 
hypothèse on pourrait recourir, étant donnée lacompé- 
nétration des "iy et ">7,à la racine fis (sûn) qui existe 
en arabe (^jya, sûn) avec le sens de « protéger ». Si 
l'on recourt a une forme en on, il faut alors voir dans 
p>ï un dérivé de la racine rvs, « être sec ». P. Dhorme, 
Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 309. Il est pos- 
sible encore que nous ayons là, comme pour millô", 
II Reg., v, 9, un vieux mot chananéen dont la significa- 



tion nous échappe. Quelle que soit l'étymologie de ce 
nom, il est caractérisé dans la Bible par les deux mots 
misa, mesûdâh, « citadelle », II Reg., v, 7; I Par., 

xi, 5, et in, har, « montagne », IV Reg., xix, 31; 

Ps. xlvii (hébreu, xlviii), 3, etc. Mais il est impor- 
tant de remarquer qu'il est employé tantôt dans un 
sens topographique, tantôt dans un sens poétique, 
religieux ou politique. C'est sous le premier rapport 
surtout qu'on le trouve dans les livres historiques, 
et il y est assez rarement mentionné, II Reg., v, 
7; III Reg., vin, 1; I Par., xi, 5; II Par., v, 2; 
I Mach., iv, 37, 60; v, 54; vi, 48, 62; vil, 33; x, 11; 
xiv, 26. Il est, au contraire, fréquemment cité dans 
les livres poétiques et prophétiques, avec le second 
sens, à part certaines exceptions que nous aurons à 
signaler, On le rencontre dans les Psaumes 39 fois, 
dans Isaïe, 48, dans Jérémie, 32, etc. Il n'existe 
cependant pas dans Ézéchiel, Daniel, Jonas, Nahum, 
Habacuc, Aggée et Malachie. Au point de vue topogra- 
phique, il désigne une colline de Jérusalem, dont nous 
avons à chercher le site exact. Au point de vue reli- 
gieux, il s'applique à la colline du Temple, « la mon- 
tagne sainte », Ps., h, 6, sur laquelle Dieu est honoré 
et prié, Ps. lxiv (heb. lxv), 2; Joël, n, 1, 15, sur 
laquelle il réside, Ps, ix, 12; lxxih (heb. lxxiv), 2, il 
se manifeste par la délivrance de son peuple, Ps. xm 
(heb. xrv), 7, ou par le châtiment, Am., i, 2. Le nom 
de Sion s'étend même à Jérusalem tout entière, où Dieu 
habite en souverain, Is., x, 24; xxxm, 14, 20 etc., et 
c'est ainsi que souvent les deux noms forment les 
membres du parallélisme synonymique. De là les 
expressions : « enfants de Sion », Ps. cxlix, 2; Joël, n, 
23, « habitants de Sion », Is., xn, 6; Jer., li, 35, pour 
« habitants de Jérusalem »; « filles de Sion », Is., in 
16, pour « femmes de Jérusalem »; « montagnes de 
Sicfi », Ps. cxxxn (héb. cxxxm), 3, pour l'ensemble 
des collines sur lesquelles est bâtie la ville sainte. 
Enfin Sion, représentant dans l'Ancien Testament 
Jérusalem et le peuple de Dieu, figure dans le Nouveau 
le royaume du Messie, l'Église chrétienne, qui combat 
sur la terre et triomphe dans le ciel. Heb., xn, 22; 
Apoc, xiv, 1. On voit comment ce nom, après avoir 
primitivement désigné la forteresse des Jébuséens, a 
pris peu à peu une signification très étendue. Il est 
donc nécessaire de le dégager des sens dérivés, pour 
rechercher l'emplacement exact de la citadelle. 

II. Situation. — 1° État de la question. — Jusque 
vers la dernière moitié du siècle dernier, conformément 
à une tradition qu'on peut suivre à partir du IV e siècle 
de l'ère chrétienne, on plaçait la citadelle et le mont 
Sion sur la colline sud-ouest de Jérusalem, c'est-à-dire 
celle qui est comprise entre Vouadi er-Rebabi à l'ouest 
et au sud, et la vallée de Tyropœon à l'est. Voir Jéru- 
salem, configuration et nature du terrain, t. m, 
col. 1322, et le plan de Jérusalem ancienne, col. 1355. 
Des palestinologues comme E. Robinson, Biblical 
Researches in Palestine, 2 e édit., Londres, 1856, t. i, 
p. 228;sq. ; A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 
1866, p. 171, 177; V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, 
p. 193, et beaucoup d'autres ont admis cette opinion 
que, pendant longtemps, on ne pensa même pas à con- 
tester. Cependant, dès 1847, J. Fergusson cherchait le 
mont Sion sur la colline du Temple, et T. Tobler, 
Topographie von Jérusalem, Berlin, 1853, t. i, p. 44, 
n. 1, traitait cette idée d'extravagante. En réalité, c'est 
E. Caspari qui, le premier, en 1864, dans les Theol. 
Sludien und Kritiken, p. 309-328, combattit systémati- 
quement la croyance traditionnelle, pour lui substituai* 
la théorie de Sion oriental. Cette dernière fut adoptée 
ensuite par Riess, Biblische Géographie, p. 93, et Atlas, 
pi. yi, Fribourg-en-Brisgau, 1872; le baron von Alten, 
Zion, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina- 



1789 



SION 



1790 



Vereins, Leipzig, t. il, 1879, p. 18-47; Die Davidstadt, 
der Salomoteich und die Grâber der Kônige in Jéru- 
salem, dans la même revue, t. m, 1880, p. 116-176, etc. 
On en est venu ainsi à placer Sion sur la colline d'Ophel, 
le prolongement méridional du mont Moriah. Cette opi- 
nion se répand de plus en plus en Allemagne, en 
Angleterre et en France. Ses principaux défenseurs 
sont : Klaiber, Zion, Davidstadt und die Akra inner- 
halb des alten Jérusalem, dans Zeitschrift des Deut- 
Pal.-Vereins, t. m, 1880, p. 189-213; t. iv, 1881, p. 18- 
56; t. xi, 1888, p. 1-37; H. Guthe, Ausgrabungen bei 
Jérusalem, dans la même revue, t. v, 1882, p. 271-377; 

C. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, 
même revue, t. XVI, 1893, p. 237-246; Mùhlau, dans 
Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 
Leipzig, 1884, t. n, art. Zion, p. 1839; F. Buhl, Geo- 
graphie des allen Palâstina, Fribourg-en-Brisgau, 
1896, p. 133; W. F. Birch, The City of David, dans 
Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 
Londres, 1885, p. 100-108, 208-212; 1888, p. 44-46; 
A. H. Sayce, The Siloam inscription; the Topography 
of prœ-exilic Jérusalem, dans Pal. Expl. Fund, 
1883, p. 210-223; G. Perrot, Histoire de l'artdans Van- 
tiquité, Paris, 1887, t. iv, p. 165; M.-J. Lagrange, 
Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 
1892, p. 17-38; P.-M. Séjourné, Revue biblique, 1896, 
p. 657; 1897, p. 299-306; 1898, p. 125-126; Clermont- 
Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, t. n, 
1896-1897, p. 254-294; les Professeurs de Notre-Dame 
de France dans leur guide La Palestine, p. 56-58; 

D. Zanecchia, La Palestine d'aujourd'hui, trad. H. Do- 
rangeon, Paris, t. I, p. 235-244. Cependant la thèse 
traditionnelle a encore des partisans très convaincus, 
qui lui ont consacré une ample défense : Soullier, Le 
mont Sion et la cité de David, Tulle, 1895; K. Rùckert, 
Die Lage des Berges Sion, avec plan, Fribourg-en- 
Brisgau, 1898; G. Gatt, Sion in Jérusalem, avec deux 
plans, Brixen, 1900; Barnabe Meistermann, La ville 
de David, avec photographies et plans, Paris, 1905. — 
Toute la question ici est de savoir quelle est l'opinion 
la plus conforme aux données scripturaires et aux exi- 
gences de la topographie. Nous croyons que c'est la 
théorie de Sion-Ophel, pour les raisons qui suivent. 

2» Sion = Cité de David. — C'est dans le II» livre 
des Rois, V, 7, qu'il est pour la première fois question 
de Sion. David, dès le - début de son règne, veut avoir 
une capitale. Laissant Hébron, dont la situation ne 
convient pas à cet effet, il entreprend la conquête de 
Jérusalem. L'antique Urusalim, que les lettres d'El- 
Amarna nous représentent, vers 1400 avant J.-C, 
comme le centre d'un petit district, était restée, après 
la prise de possession du pays par les Israélites, au 
pouvoir des Chananéens. Sa position désavantageuse 
au point de vue de la richesse du sol et du commerce 
fait supposer qu'elle n'avait pas dû prendre de grands 
accroissements. On peut se la figurer comme l'une des 
cités fortifiées, Lachis, Mageddo, Ta'annak, dont les 
découvertes modernes nous permettent d'apprécier la 
superficie. Voir plus loin. Or donc, nous dit le texte 
sacré, « David prit la citadelle de Sion (c'est la cité de 
David), » H Reg., v, 7, et, plus loin, f 9, « puis David 
habita dans la citadelle et on l'appela ville de David. » 
Le même fait est raconté dans les mêmes termes 
I Par., XI, 5, 7. L'expression « c'est la cité de David » 
est évidemment une glose, destinée à montrer que 
l'antique nom de la citadelle avaitété effacé par l'autre, 
plus glorieux. On trouve l'inverse III Reg., vin, 1, où 
Salomon veut a faire monter l'arche d'alliance de Jah- 
véh de la cité de David (c'est Sion) ; » de même II Par., 
v, 2. Ici, l'auteur sacré a simplement pour but de rap- 
peler l'origine de la cité davidique et du nom de Sion 
qni avait, de son côté, illustré la colline du Temple et 
la ville entière. Quoi qu'il en soit, l'identité de Sion et 



de la cité de David ressort clairement de ces textes. 
Or, la ville de David est fréquemment mentionnée 
dans les livres historiques avec un sens précis; les 
faits qui s'y rattachent, en nous révélant ce qu'elle fut, 
peuvent nous guider dans nos recherches topographi- 
ques. David, après s'y être bâti un palais, y fit trans- 
porter l'arche d'alliance, et la plaça dans une tente 
dressée pour la recevoir. II Reg., vi, 12, 17; I Par., 
xv, 1, 29; xvi, 1. C'est là qu'il eut son tombeau. 
III Reg., n, 10. Salomon y amena la fille du pharaon, 
qu'il avait épousée, jusqu'à ce qu'il eût achevé de bâtir 
sa maison et le Temple, ainsi que le mur d'enceinte de 
Jérusalem. III Reg., m, 1. Il la fortifia au prix de 
grandes dépenses, et y fut enterré comme son père. 
III Reg., xi, 27, 43. Ézéchias et Manassé y exécutèrent 
également d'importants travaux de défense. II Par., 
xxxn, 30; xxxin, 14. Enfin, c'est cet endroit qui servit 
de sépulcre aux rois de Juda. III Reg., xiv, 31; xv, 8, 
24; xxn, 51, etc. — Dans ces passages et plusieurs 
autres, l'Écriture distingue la cité de David de Jéru- 
salem même. Ainsi, II Reg., v, 6-7, David, avec ses 
hommes, marche sur « Jérusalem » contre le Jébuséen 
qui habitait le pays, et il prend la citadelle de Sion, 
qui est « la cité de David ». Il demeure dans la cita- 
delle, appelée « ville de David », et il prend des 
femmes à « Jérusalem ». II Reg., v, 9, 13. La fille du 
pharaon est amenée dans « la cité de David » parce 
que Salomon n'a pas achevé de bâtir son palais et le 
mur d'enceinte de « Jérusalem ». III Reg., ni, 1. Salo- 
mon rassemble près de lui à « Jérusalem » les anciens 
d'Israël et tous les chefs des tribus, pour transporter 
de « la cité de David », c'est-à-dire de Sion, l'arche 
d'alliance du Seigneur. III Reg., vnr, 1. Nous avons 
donc dans Sion = cité de David un quartier spécial 
de la ville sainte. Où se trouvait-il ? Sur la colline sud- 
est, et non sur celle du sud-ouest. 

3° Arguments scripturaires. — A) Sion était plus 
bas que la colline du Temple. David « monte », hé- 
breu : vayya'al, pour aller sur l'aire d'Oman le 
Jébuséen, emplacement fulur du Temple. II Reg., xxiv, 
18-19. Salomon rassemble les chefs d'Israël pour « faire 
monter », héb. leha'âlôt, l'arche d'alliance de la cité de 
David sur la colline de Moriah ; le même verbe 'âlâh est 
employé deux fois encore pour indiquer que les 
prêtres « firent monter » l'arche. III Reg., vm, 1, 4. 
Si le verbe hébreu n'indiquait ici qu'un « transport » 
ordinaire, pourquoi n'aurait-on pas employé simple- 
ment le mot vayydbi'û, comme au jf. 6, lorsqu'il ne 
s'agit plus que de transporter l'arche à sa place? Nous 
trouvons exactement les mêmes expressions II Par., v, 
2, 5, 7. De même, Jer., xzvi, 10, les princes de Juda 
« montent » de la maison du roi à la maison de 
Jéhovah. Mais quand Joas est couronné roi, on le « fait 
descendre », hébreu yôridû, forme hiphil de yârad, 
« descendre », du Temple au palais. IV Reg., xi, 19. 
Or, il est certain que la colline occidentale est plus 
élevée que le mont Moriah, tandis que la colline 
d'Ophel est plus basse. 

B) La situation de Gihon ramène celle de Sion sur 
la colline sud-est. C'est ce qui ressort de deux passages 
historiques. Nous lisons II Par., xxxu, 30 : « Ézéchias 
boucha la sortie des eaux de Gihon supérieur et les 
dirigea par-dessous, à l'occident de la cité de David. » 
On identifie aujourd'hui Gihon avec la Fontaine de la 
Vierge, 'Ain Umm ed-Déredj, située sur le flanc orien- 
tal d'Ophel. Voir Gihon, t. m, col. 239. Il s'agit donc 
ici du canal souterrain de la piscine de Siloé. Voir 
Siloé, col. 1729. Le II e livre des Paralipomènes, xxxilt, 
14, nous dit également que Manassé « bâtit le mur 
extérieur de la cité de David à l'occident de Gihon, dans 
le torrent, et dans la direction de la porte des Poissons, 
et autour d'Ophel, et il l'éleva beaucoup. » Malgré son 
obscurité, ce texte nous montre encore Gihon en rap- 



1791 



SION 



1792 



port avec la cité de David. Voir Jérusalem, t. m 
col. 1363. 

C) La réparation des murs sous Néhémie, n, 11-m, 
nous conduit à la colline d'Ophel. Voir, pour l'explica- 
tion de ce passage, le plan de Jérusalem ancienne, 
t. m, col. 1355. Les travaux commencent au nord-est 
par la porte du Troupeau, et se continuent en allant 
vers l'ouest à la porte des Poissons, puis la porte An- 
cienne. On arrive ensuite, à l'ouest, à la tour des 
Fourneaux, à la porte de la Vallée, et, au sud-ouest, à la 




395. — L'Ophel. D'après Vincent, Canaan, pi. i-ii. 

porte Sterquiline. On répare, au sud-est, la' porte de la 
Fontaine, et le texte sacré ajoute, II Esdr., m, 15 : 
« On fit en outre les murs de la piscine de Siloé, près 
du jardin du roi, jusqu'aux degrés qui descendent de 
la cité de David. » Après cela, on « travailla aux répa- 
rations jusqu'en face des sépulcres de David et jusque 
devant la piscine construite et jusqu'à la maison des 
forts (hébreu : hag-gibbôrim). » II Esd., m, 16. « Aser, 
fils de Josué, prince de Maspha, répara une autre sec- 
tion, de devant la salle d'armes, vers l'angle. » f. 19. 
Un autre travailla « vis-à-vis de l'angle et de la tour 
qui est en saillie sur le palais royal d'en haut, et qui 
est dans le parvis de la prison. » f. 25. Les réparations 
se poursuivent «jusqu'à la porte des Eaux à l'orient et 
à la tour en saillie,... depuis la grande tour en saillie 
jusqu'au mur d'Ophel. » f. 26, 27. Enfin, de la porte 
des Chevaux, on rejoignit la porte du Troupeau. Pour 



les difficultés exégétiques de ces chapitres, on peut 
voir H. Vincenl, Les murs de Jérusalem d'après 
Néhémie, dans la Revue biblique, 1904, p. 56-70. Il est 
impossible, en lisant cette description, de n'être pas 
frappé de l'exactitude avec laquelle elle s'applique à la 
colline sud-est depuis la porte de la Fontaine jusqu'à 
la porte des Chevaux en y plaçant la cité de David. 
Pour la partie méridionale de la colline, murs, piscine 
de Siloé, escaliers, voir les fouilles de M. Bliss dans 
Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1896, p. 298- 
305; 1897, p. 11-26, 91-102, 173-181,' 260-268, avec 
plans; cf. résumé et conclusions de P.-M. Séjourné dans 
la Revue biblique, 1897, p. 299-306; 1898, p. 125. Pour 
les tombeaux de David et des rois de Juda et pour le 
tunnel-aqueduc de Siloé, voir le très curieux mémoire de 
M. Clermont-Ganneau, dans son Recueil d'archéologie 
orientale, t. h, p. 254-294. La piscine construite, hé- 
breu : hâ'âsûyâh, doit être « la piscine de Salomon » 
que Josèpbe, Rell.jud., V, IV, 2, mentionne auprès du 
mur oriental et d'Ophel. Creusée au fond du Cédron, 
elle était destinée à arrêter les eaux de la vallée, rece- 
voir celles de Gihon et les déverser dans les jardins du 
roi. La salle d'armes est l'arsenal indiqué par Isaïe, 
xxn, 8; cf. IIIReg.,x, 17, où Salomon fait déposer dans 
ft la maison de bois du Liban » les boucliers d'or et 
d'argent portés par la garde royale. Enfin le parvis de 
la prison est localisé par Jérémie dans la maison du 
roi de Juda. Jer., xxxn, 2-12; xxxm, 1; xxxvn, 21; 
xxxviii, 6-13; xxxix, 14. 

Nous arrivons à la même conclusion en suivant les 
deux chœurs qui font le tour des murailles, au jour 
de la dédicace. II Esdr., xil, 31-40. Le point de départ 
paraît avoir été la porte de la Vallée. « Le premier se 
mit en marche du côté droit sur la muraille, vers la 
porte Sterquiline;... et, à la porte de la Fontaine, ils gra- 
virent droit devant eux les degrés de la cité de David, 
par la montée de la muraille, vers le palais de David 
et jusqu'à la porte des Eaux, à l'orient. » Le second, 
marchant en sens opposé, à gauche, c'est-à-dire vers 
le nord, rencontre l'autre du côté de l'est, et les deux 
s'arrêtent dans la maison du Seigneur. — Ce double 
récit de Néhémie est absolument incompréhensible si 
l'on cherche Sion sur la colline occidentale. 

D) Les Psaumes et les prophètes donnent au mot 
Sion un sens un peu plus étendu, en l'appliquant à la 
montagne du Temple, mais Sion reste encore sur la 
colline orientale. Asaph, dans le Ps. lxxvii (hébreu, 
lxxviii), 68-69, racontant les bienfaits de Dieu, s'écrie : 

Il choisit la tribu de Juda, 

La montagne de Sion qu'il aimait ; 

H éleva comme les hauteurs son sanctuaire. 

On cite surtout ce début du Ps.xlvii (hébreu, xlviii), 1-3: 

II est grand, Jêhovah, et très digne d'être loué, 

Dans la cité de notre Dieu, 
Sa montagne sainte, belle dans son élévation, 

Déh'ces de toute la terre ; 
C'est le mont Sion, l'angle du nord, 

La ville du grand roi. 

L'expression yarkfê sâfôn, « les extrémités du nord », 
est une apposition à har Çiyôn, « la montagne de 
Sion ». On peut discuter sur son sens exact; il est diffi- 
cile cependant de l'appliquer à Jérusalem prise dans 
son ensemble. Il s'agit ici d'une colline regardée comme 
un lieu saint, qui frappe agréablement la vue par sa 
hauteur, situé au nord. Il est naturel de penser à la 
colline du Temple, revêtue d'une sainteté spéciale depuis 
que l'arche d'alliance avait été transportée dans la mai- 
son de Dieu. La colline occidentale n'est belle à voir 
que du côté du sud, où elle s'élève d'une manière 
abrupte du fond de la vallée. La colline orientale, au 
contraire, couronnée au nord par le Temple, faisait 
l'admiration du Psalmiste. 



1793 



SION 



1794 



Isaïe, vm, parle aussi de Jéhovah des armées « qui 
habite sur la montagne de Sion. » Il montre, xviii, 7, 
nn peuple mystérieux apportant des présents à Jéhovah 
des armées, « au lieu où le nom de Jéhovah des armées 
est invoqué, à la montagne de Sion. » Il distingue Sion 
de Jérusalem, en disant, xxiv, 23, que « Jéhovah des 
armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusa- 
lem. » De même Joël, n, 32 (heb. ni, 5), annonce le sa- 
lut « pour la montagne de Sion et pour Jérusalem. » 
Cf.. Joël, il, 1; m, 17 (heb., iv, 17). — Conclusion : S'il 
est vrai, comme nous l'avons dit, que, dans les livres 
poétiques et prophétiques, le mot Sion a un sens étendu 
qui s'applique à Jérusalem et à la communauté juive, 
il est incontestable aussi que l'expression « mont Sion » 
a un sens bien déterminé, et désigne la montagne où 
Dieu habitait, la colline du Temple. 

E) Du reste, s'il peut y avoir difficulté pour ces 
livres, il faut s'incliner devant la clarté du I er livre des 
Machabées, où le mont Sion est cité huit fois. Après 
avoir battu Lysias à Béthoron, Judas s'empresse de pu- 
rifier le Temple : « Alors Judas et ses frères dirent : 
Voilà nos ennemis brisés; montons purifier les Lieux 
saints (ta âvta) et en faire la dédicace. Tout le camp se 
rassembla et ils montèrent au mont Sion (eîç ô'poçSitiv). 
Et ils virent le sanctuaire (xb à-;ia<7^.a} désert, l'autel 
profané, etc. » I Mach., iv, S6, 37. Pour ajouter eDCore 
à la précision de ce texte, il est bon de remarquer ici 
que les Machabées n'avaient pas reconquis la ville tout 
entière ; les Syriens occupaient encore la citadelle ou 
Acra, d'où ils menaçaient le Temple. C'est pour cela 
que Judas et les siens, voulant se prémunir, « construi- 
sirent autour du mont Sion de hautes murailles et de 
fortes tours, afin que les gentils ne vinssent pas fouler 
aux pieds les saints lieux, comme ils l'avaient fait au- 
paravant. » I Mach., iv, 60. Après une campagne en 
Ualaad, « ils montèrent sur le mont Sion avec joie et 
allégresse, et ils offrirent des holocaustes, parce qu'ils 
étaient heureusement revenus, sans perdre aucun des 
leurs. » I Mach., v, 54. Les sacrifices nous ramènent 
bien au Temple. Victorieux à leur tour, « ceux de l'armée 
du roi montèrent vers Jérusalem à rencontre des Juifs, 
et le roi établit son camp contre la Judée et contre le 
mont Sion. » I Mach., vi, 48. Ce verset est expliqué 
plus loin, jr. 51 : « Le roi établit son camp devant le 
lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des 
tours à balistes, des machines de guerre, etc. » C'est 
donc le Temple qu'il assiégea, et où il entra : « Mais 
le roi entra sur le mont Sion, et il vit la force du 
lieu, et il viola le serment qu'il avait juré et donna 
l'ordre de détruire les murailles toutautour. » I Mach., 
vi, 62. Les Syriens étaient ainsi maîtres du Temple et 
de l'Acra. Aussi, vaincus par Judas à Capharsalama, les 
soldats de Nicanor « se réfugièrent dans la cité de 
David. Et, après ces événements, Nicanor monta au 
mont Sion, et quelques-uns des prêtres sortirent du lieu 
saint, accompagnés de plusieurs anciens du peuple, 
pour le saluer amicalement et lui montrer les holo- 
caustes qui étaient offerts pour le roi. » I Mach., 
vu, 32-33. A son tour, Jonathas « commanda aux ou- 
vriers de reconstruire les murailles et d'entourer le 
mont Sion de pierres carrées pour le fortifier. »I Mach., 
x, 11. Enfin, Simon, ayant définitivement conquis 
Jérusalem, « fortifia la montagne du Temple, située 
près de la citadelle. » I Mach., xm, 53. En reconnais- 
sance de ses services et de ceux de ses frères, on grava 
des tables d'airain « qu'on suspendit à des colonnes sur 
le mont Sion. » I Mach., xiv, 27. Après en avoir donné 
là copie, le texte sacré ajoute, f. 48 : « On décida de 
graver ce document sur des tables d'airain, et de les 
placer dans le péribole des Lieux saints. » Il est im- 
possible de ne pas reconnaître dans ces récits des 
Machabées la distinction entre la ville de Jérusalem 
théâtre de la lutte, la cité de David ou Acra, occupée 

D1CT. DE LA BIBLE. 



jusqu'à Simon par les Syriens, et le mont Sion, empla- 
cement du Temple. 

4» Arguments topographiques. — Il ne faut pas 
oublier ici qu'il s'agit d'une acropole chananéenne, qui 
fut le noyau primitif de Jérusalem. Or, la colline sud- 
est offre des avantages topographiques que n'a pas 
celle du sud-ouest. 

i° Beaucoup plus facile à défendre, elle possédait en 
outre la seule source de Jérusalem; elle se rattache 
nécessairement à l'ensemble des constructions élevées 
par David et Salomon. Voir Jérusalem, Sous David et 
Salomon, t. m, col. 135L-1357, où ces raisons sont 
assez longuement développées. 

2» Elle répond bien à l'idée que les découvertes ré- 
centes nous donnent des anciennes acropoles et cités 
"chananéennes. La grande objection qu'on fait généra- 
lement contre l'emplacement de Sion sur Ophel porte 
sur l'exiguité de la colline. C'est précisément là un des 
caractères des anciennes villes, même dans leur déve- 
loppement le plus considérable. « Et cette exiguité 
impressionne bien autrement encore lorsqu'en remon- 
tant les périodes historiques indiquées par les fouilles, 
on se trouve en présence de l'aire tout à fait primi- 
tive de la cité. L'observation a déjà été faite par 
MM. Perrot et Chipiez, à propos des villes grecques 
archaïques. La plus célèbre de toutes, grâce à la muse 
d'Homère, Troie, dont les ruines ont été mises à jour 
sur le coteau à'Hissarlih, eût tenu très à l'aise dans 
certaine cour du Louvre. Il en va de même pour les 
cités chananéennes, réduites, en somme, au rôle de 
simples acropoles, avec néanmoins en chacune un 
château plus fortifié qui constituait selon l'occurrence le 
palais, le sanctuaire, et la citadelle. » H. Vincent, 
Canaan, Paris, 1907, p. 27. Nous empruntons au même 
auteur, ibid., n. 3, quelques chiffres qui permettent de 
comparer Ophel aux antiques villes de Chanaan. La 
superficie totale de Tell-el-Hésy (Lachis), évaluée 
d'après le plan de FI. Pétrie, atteindrait à peu près 
12 hectares; maisBliss montre que la ville proprement 
dite, à l'angle nord-est, était moitié moins grande et 
l'acropole n'excédait pas 65 mètres de côté. A TellZaka- 
riyâ, la plus grande longueur du plateau est de 305 mè- 
tres, sa largeur maxima de 152 m 50; mais la forme 
triangulaire du plateau en réduit la superficie à 3 hec- 
tares et demi tout au plus; dans cet espace, l'acropole 
ne couvre qu'une aire de 60 mètres sur 37 en chiffres 
ronds. Le plateau central de Ta'annak mesure 140 mè- 
tres sur 110, et le plus grand développement de la ville, 
mesuré sur le plan général, n'excède pas 300 mètres 
sur 160, soit 4 hectares 80. La colline d'Ophel (voir 
fig. 395) offre une superficie de 4 hectares et demi, en 
calculant seulement l'esplanade supérieure déterminée 
par le mur méridional du Haram, la ligne du mur 
oriental retrouvée par MM. Warren et Guthe et les 
premiers escarpements du rocher à l'ouest sur la val- 
lée du Tyropœon. La Jérusalem primitive n'était donc 
guère moins grande que Mageddo [Tell el-Mutesellim, 
5 hectares 02) et on peut l'estimer plus grande que 
Ta'annak,au moment le plus prospère de leur histoire. 

L'argument principal des partisans de la colline sud- 
ouest est la tradition. Depuis le IV e siècle, c'est là 
qu'on place le mont Sion. Nous le reconnaissons. Mais 
ce qu'ils appellent « la parole vivante » ne peut réduire 
au silence « la parole écrite ». Il n'y a pas de tradition 
qui tienne devant des textes bibliques aussi formels 
que ceux dont nous avons donné l'interprétation. 
Aucun d'eux ne peut s'appliquer à la colline en question, 
qui d'ailleurs n'avait nul droit au titre de « montagne 
sainte ». En supposant même, en effet, que David y 
ait eu son palais, et que l'arche d'alliance y soit restée 
temporairement, est-ce que ce séjour transitoire eût 
suffi pour que les prophètes célébrassent la sainteté 
spéciale du mont, en face de la colline du Temple, qui 

V. - 57 



1795 



SION — SIS 



1796 



était devenue la demeure permanente de Dieu, un 
foyer de sainteté pour tout le peuple? 11 est difficile 
d'ailleurs de rattacher cette tradition à l'Ancien Testa- 
ment, alors que, depuis les Machabées, le nom de 
Sion est resté dans l'oubli ; on ne le trouve pas dans 
Josèphe;leNouveau Testament ne l'a que dans les cita- 
tions de l'Ancien. Enfin il est aisé de comprendre que 
la tradition chrétienne l'ait appliqué à la colline du 
Cénacle, berceau de l'Église, théâtre des manifestations 
divines, comme la colline orientale avait été le centre 
de l'Église juive. Il y a donc ici déviation plutôt que 
falsification, en ce sens qu'on a transporté le nom 
ancien sur un lieu nouveau en l'appliquant à une 
situation nouvelle. A. Legendre. 

SIOR (hébreu Si'ôr; Septante : Erâp6; Alexandri- 
nus : Siiip), ville de la partie montagneuse de la tribu 
de Juda. Jos., XV, 54. C'est probablement le Sa'ir 
actuel. V. Guérin, Judée, t. m, p. 150-151, dit que ce 
village, de quatre cents habitants, « s'étend dans une 
vallée et sur les flancs d'une colline... [Il] porte des 
traces évidentes d'antiquité. Dans les flancs d'une 
montagne voisine, je remarque plusieurs beaux tom- 
beaux creusés dans le roc; ils sont précédés d'un petit 
vestibule dont la porte est cintrée... Ils servent encore 
aux habitants de Sa'ir à y enterrer leurs morts. » 
Une mosquée du village renferme un tombeau vénéré 
sous le nom de tombeau d'Ésaù, sans doute parce 
qu'on a confondu faussement Sa'ir avec le mont Séir 
où s'établit Ésaû. Sa'ïr est à deux heures au nord-est 
d'Hébron sur la route de cette dernière ville à Thécué. 
Voir Van de Velde, Memoir to accompany the map of 
the Holy Land, Gotha, 1858, p. 355; Ed. Robinson, Bi- 
blical Besearches in Palestine, 2 e édit., 1. 1,1856, p. 488. 

SIRA (hébreu : has-Sirâh; Septante : ô Eeeipctu.), 
puits près duquel se trouvait Abner partant d'Hébron, 
lorsque Joab le fit rappeler traîtreusement pour le 
tuer. II Reg (Sam.), m, 26. D'après Josèphe, Ant. jud., 
VII, i, 5, il était à vingt stades ou une heure de 
marche au nord d'Hébron. Plusieurs voyageurs mo- 
dernes l'identifient avec 'Aïn Sarah, à deux kilomètres 
au nord d'Hébron, un peu à l'ouest de la route de Jé- 
rusalem. Son nom arabe moderne « signifie, comme le 
nom hébreu, retiré, parce que le puits, dit Conder, 
Tentivork in Palestine, t. I, p. 86, est au-dessous d'un 
arceau en pierre à l'extrémité d'une petite allée en 
murs de pierre et est ainsi à l'écart de la grande 
route. » Cette identification est cependant contestée 
et n'est pas universellement admise. Voir Palestine 
Exploration Fund, Memoirs, t. m, p. 314. 

SIRACH (hébreu : N-i>D,'Sïrà'; grec : Seipix), père 
eu grand-père de Jésus ou Josué, surnommé Ben 
Sirach, auteur de l'Ecclésiastique. Eccli., l, 29 (hébreu, 
27); li, 1. On n'a aucun détail sur son histoire. Voir 
Ecclésiastique, t. n, col, 1543, 1544. 

SIRÈNES (Septante : Ssiprjveç; Vulgate : Sirènes). Ce 
mot a été employé par une fausse identification dans 
la version des Septante et dans celle de saint Jérôme, 
mais non pour traduire le même mot hébreu. En grec 
il répond, Is., xm, 21, à l'hébreu benôf ya'ânâh, l'au- 
truche, voir t. i, col. 1279-1280; dans la Vulgate, j. 22, 
à tannim un des noms du chacal. Voir t. n, col. 474. 
Les Grecs et les Latins plaçaient les Sirènes qu'on 
trouve pour la première fois décrites dans l'Odyssée 
d'Homère, entre Caprée et la côte d'Italie. Ces êtres 
fabuleux étaient censés avoir un corps de femme jus- 
qu'à la ceinture et au-dessous la forme d'un oiseau 
(fig. 396), ou bien une tête de femme sur un corps 
d'oiseau. Elles avaient été transformées par Cérès en 
monstres marins et elles attiraient par la douceur de 



leur chant les voyageurs imprudents, qui se noyaient à 
leur poursuite dans les flots. Cette fable, très populaire 
en Grèce et dans l'Italie méridionale, avait porté les 




396. — Une Sirène. D'après une figure antique. 

anciens traducteurs à voir des êtres analogues dans les 
animaux sauvages énumérés, Is., xm, 21-22, dont ils 
ignoraient la véritable identification. 

SIRIUS, étoile fixe, la plus brillante du ciel, faisant 
partie de la constellation du Grand Chien. — Les 
Égyptiens la nommaient Sopdit (Sothis),etla représen- 
taient, en compagnie d'Orion, sous la figure d'une déesse 
debout, le sceptre en main et le diadème sur la tête, 
ou sous celle d'une vache portant entre ses cornes une 
étoile brillante. Voir t. iv, fig. 494, col. 1891. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. i, p. 96, 97. Dans le Poème de la 
création, v, 82, le nom de kakkabu qaêtu, « étoile de 
l'arc », désigne Sirius, comme l'ont démontré les calculs 
astronomiques d'Epping, dans Die Keilinschriften und 
das A. T., 3 e édit., p. 426. Df. Dhorme, Choix de textes 
religieux, Paris, 1907, p. 63. — Sirius n'est pas nommé 
dans la Sainte Écriture, ce qui a lieu d'étonner, étant 
donnée la splendeur sans égale de cette étoile. Mais 
Stern, dans Je Geigers Jûd. Zeitschrift, 1865, p. 258, 
et Hoffmann, dans le Zeitschrift fur die altestestam. 
Wissenschaft, t. m, p. 107, pensent que le mot kîmdh, 
qui désigne les pléiades pour les anciens et la plupart 
des modernes, voir Pléiades, col. 464, pourrait être le 
nom de Sirius. Ce nom ne peut se rapporter à Ja fois 
aux Pléiades et à Sirius, car la constellation du Grand 
Chien, dont fait partie Sirius, et celle du Taureau, à 
laquelle appartiennent les Pléiades, sont séparées par 
la constellation d'Orion. Ce qui détermine à garder le 
sens des anciens, c'est que, d'une part, kimâh est joint 
à deux autres noms de constellations, Job, IX, 9, et que, 
d'autre part, il est supposé que klmâh est serré par 
des liens, Job, Xxxvm, 31, ce qui convient beaucoup 
mieux à une constellation qu'à une étoile. L'étymologie 
de kîmdh, qu'on fait venir d'un radical kûm, « rassem- 
bler », conduit à la même conclusion. Cf. Frz. Delitzsch, 
Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 127, 500. 

H. Lesêtre. 

SIS (hébreu : ma'âléh has-Sis; Septante : àvi6a<rtç 
'Adffeiç), montée qui s'élève de la plaine de la mer 
Morte près d'Engaddi jusqu'au plateau qui forme le 
désert de Juda. Voir Juda, carte, t. m, vis-à-vis 
col. 1755. Les Moabites, les Ammonites et les Maonites, 
s'étant réunis, pour piller Juda, à Engaddi, en contour- 
nant la mer Morte, se préparaient à envahir le terri- 
toire du roi Josaphat par la montée de Sis. II Par., xx, 
16. C'est encore par ce passage que les Arabes marau - 



1797 



SIS 



SISTRE 



1798 



•deurs envahissent aujourd'hui la Palestine du côté de 
Thécué. Ils contournent la mer Morte par le Sud, re- 
montent jusqu'à Aïn Djidi (Engaddi) et de là gravissent 
la montée pour aller à Thécué. Robinson, Biblical Re- 
searches in Palestine, 1856, t. i, p. 508. Le passage de 
Sis, quoique très raide est toujours fréquenté. Tristram, 
Land of Moab, p. 41. Le plateau, au-dessus de la 
montée, appelé aujourd'hui el-Husdsah, conserve, pro- 
bablement, un souvenir du nom antique. Du temps de 
Josaphat, le roi et ses troupes n'eurent qu'à constater le 
désastre des alliés qui s'étaient battus les uns contre 
les autres. II Par., xx, 1-30. 

SISA (hébreu : Sîsd; Septante : SyjSâ), père d'Éli- 
horeph et d'Ahia, scribes ou secrétaires du roi Salo- 
mon. III Reg., lv, 3. Son nom est écrit Susa I Par., 
xvni, 16, d'après certains commentateurs qui pensent 
que le Susa, scribe de David d'après IPar., xvm, 16, 
est le même que le père d'Élihoreph et d'Ahia. Voir 
aussi Siva. 

SISAI, nom d'un Énacite et d'un Israélite, dans la 
Vulgate. Leur nom a une orthographe un peu différente 
en hébreu. 

1. SISAI (hébreu : Sêêaï; Septante : Sêdcrf), géant, 
le second des trois fils d'Énac qui habitaient Hébron et 
qui furent tués par Caleb, fils de Jéphoné. Num.,xin, 
23. Son nom est écrit Sésaï, Jos., xv, 14; Jud., i, 10. 
Voir Sésaï, col. 1684. 

2. SISAI (hébreu : &<Maï; Septante : Seuei), Israé- 
lite, « fils de Bani », qui avait épousé une femme étran- 
gère et qui la renvoya du temps d'Esdras. I Esd., x, 40. 

SISAMOI (hébreu : Sismâï ; Septante : 2o<rou.oci), 
fils d'Élasa et père de Sellum, de la tribu de Juda et de 
la descendance de Jéraméel par Sésan. I Par., h, 40. 

1. SISARA (hébreu : Sîsrd' /Septante : Si<râpa),chef 
■de l'armée de Jabin, roi de Chanaan. Voir Jabin, t. m, 
col. 1055. — Jabin opprimait Israël depuis vingt ans. 
Ses neuf cents chars de fer étaient commandés par 
Sisara, qui résidait à Haroseth des nations. Voir Haro- 
seth, t. m, col. 433. Lorsque Barac, accompagné de 
Débora, se mit en marche avec 10000 hommes {pour 
délivrer son peuple, Sisara, informé de ce mouvement, 
rassembla ses chars dans la vallée du Cison. Mais il 
fut mis en déroute par les guerriers de Barac et dut 
quitter son char pour s'enfuir à pied, pendant que 
toute son armée était exterminée. Il se réfugia dans la 
tente de Jahel, femme de Héber le Ginéen, qui sembla 
l'accueillir avec bienveillance, le couvrit d'un manteau 
et lui donna du lait à boire. Mais pendant qu'il dormait 
profondément, accablé de fatigue, Jahel prit un pieu de 
la tente et, à l'aide d'un marteau, le lui enfonça dans 
la tempe. Barac survint alors et elle lui montra le ca- 
davre de son ennemi. Jud., iv, 2-22. Dans son cantique, 
Débora dit que les étoiles ont combattu contre Sisara, 
•c'est-à-dire que le ciel a pris parti contre lui. Elle 
décrit ensuite l'exploit de Jahel, et montre ironiquement 
la mère de Sisara attendant son fils et s'imaginant qu'il 
préside au partage des dépouilles. Jud., v, 20, 24-30. Au 
Psaume lxxxiii (lxxxii), 10, la fin de Sisara est rappelée. 

H. Lesètre. 

2. SISARA (hébreu : Sîsrd; Septante : Sicrâpa), chef 
-d'une famille de Nathiaéens. Cette famille retourna de 
la captivité de Babylone en Pal estine avec Zorobabel. 
I Esd., h, 53; II Esd., vu, 55. 

SISTRE (hébreu : mena'an'im ; Septante : <reï(rcpov), 
instrument de percussion consistant en un cerceau de 
métal (on de bois), allongé en fer à cheval, fixé à un 



manche et traversé horizontalement de verges mobiles 
en métal retenues dans leurs trous par les extrémités 
recourbées. Ces baguettes, souvent au nombre de trois, 
pouvaient être aussi de grosseurs diverses, afin de 
produire ensemble un plus grand nombre de vibra- 
tions différentes ou de multiplier les timbres, lorsqu'on 
les secouait ou qu'on les frappait d'un bâtonnet d'airain. 
On les garnissait quelquefois d'anneaux ou de sonnailles 
en métal. 1° le mot mena 'an'ïm se lit une seule fois 
dans la Bible, II Sam. (Reg.) vi, 5 : [En avant de l'Arche,] 
David ettoule la maison d'Israël se réjouissaient avec... 
des harpes, et des nables, et des tambourins, et des 
mena'ane'îm et des cymbales. Vulgate : in sistris. 
Les Septante omettent la traduction de ce mot, mais 
ajoutent xa\ èv aùXoï;. Théodotion et Symnaque tra- 
duisent (jstarpo'.ç. Le mot hébreu a pour racine »>i 
« secouer, agiter », comme ceîiiTpov provient de asiu>, 
« agiter, secouer ». Le sistre était l'instrument favori 




397. — Sistres égyptiens. 
Musée du Louvre et British Muséum. 

des Égyptiennes. Tambourins ou sistres accompa- 
gnaient, comme les autres instruments de percussion, 
la danse et les chants. Wilkinson, Manners and cus- 
toms, t. h, p. 323, 325. D'Egypte il passa en Italie avec 
les mystères d'Isis. Les représentations du sistre sont 
nombreuses sur les monuments de l'Egypte, non tou- 
tefois sur les plus anciens. Voir fig. 397-401. 

2° La Vulgate a rendu aussi par sistre l'instrument 
de percussion appelé dans l'hébreu : SdlU, I Sam. 
(Reg.), xvm, 6 : « Comme David revenait de la déroute 
des Philistins, les femmes de toutes les villes d'Iraël 
sortaient en chantant et en dansant, pour recevoir le 
roi Saûl, avec des tambourins, des cris de joie et des 
sâlisim (triangles [?]). Vulgate : in tympanis Isetitise et 
in sistris. Septante : lv t-jUTiavocç, xai èv y<ip\j.o<rivy, 
xai èv xv>|i6<xXot«. La racine liStf, t trois *, montrerait 
que le nom de l'instrument était tiré soit de sa forme 
(c'est ainsi que les Syriens appellent rëbi'â le tambou- 
rin t carré »), soit du nombre des pièces dont cet 
instrument était composé. Le triangle oriental, dont 
provient le nôtre, était fait de fer ou de cuivre, et par- 
fois chargé d'anneaux ou de pièces de métal sonore. 
On le frappait d'une baguette métallique ou on Ië 
secouait comme le sistre. Il convient de noter que le 
triangle, comme instrument de musique, n'a pas été 



1799 



SISTRE — SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1800 



trouvé encore sur les monuments, quoique toutes les 
espèces d'instruments bruyants de percussion tiennent 
une grande place dans les manifestations musicales de 
l'Orient antique et moderne. J. Parisot. 

SITNAH, nom donné par Isaac à un puits creusé par 
ses bergers dans la vallée de Géram. Voir Inimitiés (nom 
par lequel la Vulgate traduit l'hébreu), t. m, col. 877. 

SI VA (hébreu .: Seyâ'; kerî : Sevd'; Septante : 
Souo-dc), scribe ou secrétaire du roi David. II Sam. (Reg.), 
xx, 25. Ailleurs, il est appelé Saraïas. II Sam., vin, 17. 
On l'identifie aussi avec Sisa, III Reg., rv, 3; et Susa, 
I Par., rvm, 16. Voir ces noms. 



notes de P. Milante, dominicain, 2 in-f°, Naples, 
1742. Cette Bibliothèque est divisée en huit livres : 
1° division et autorité des Écritures ; 2° index historique 
et alphabétique; 3» interprétation des Livres Saints; 
4° liste alphabétique des interprètes catholiques; 
5° herméneutique (publiée aussi séparément sous ce 
titre : Ars interpretandi Sacras Scripturas absolutis- 
sima, Cologne, 1577) ; 6» et 7° dissertations exégétiques; 
8° apologie des Écritures. 

SIZA (hébreu : Sizâ' ; Septante : SacÇà), de la tribu 
de Ruben, père d'Àdina. I Par., xi, 42. Adina fut un 
des plus vaillants chefs des soldats de David. Voir 
Adina, t. i, col. 218. 




398. — Champollion, 
Monuments, t. ni, pi. 215. 



398-401. — Personnages égyptiens avec sistres. 

399. — Champollion, 400. — Lepsius, Denkmaler, 

Monuments, t. n, pi. 197. t. iv, pi. 64. 



401. 



Lepsius, Denkmàler, 
t. m, pi. 245. 



SIVAN (hébreu : Sivàn; Septante : Seiouo).), troi- 
• sïème mois de l'année hébraïque, comprenant trente 
jours. Il commençait à la nouvelle lune de juin et finis- 
sait à la nouvelle lune de juillet. Il est nommé deux 
fois dans l'Écriture. Esth., 7111, 9 (Vulgate : Siban); 
Baruch,i,8.Les Septante, dans Esther, au lieu «du troi- 
sième mois qui est appelé Sivan, » portent oc du pre- 
mier mois,du mois de Nisan. » Voir Calendrier, t. 11, 
col. 66. 

SIXTE DE SIENNE, juif italien converti au catho- 
licisme, né à Sienne en 1520, mort à Gênes en 1569. Il 
embrassa le christianisme et entra chez les cordeliers, 
mais il les quitta et apostasia, ce qui le fit enfermer à 
Rome dans les prisons du Saint-Office. Il fut condamné 
à être brûlé, mais le commissaire général du Saint- 
Office qui devint depuis le pape saint Pie V le conver- 
tit, obtint sa grâce et le fit recevoir dans l'ordre de 
saint Dominique. Ses prédications eurent beaucoup de 
succès en Italie. On a de lui un ouvrage qui jouit long- 
temps d'une grande réputation : Bibliotheca sanota ex 
praecipuis catholicss Ecclesise auctoribus collecta, Ve- 
nise, 1566, souvent réimprimé, entre autres, avec les 



SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Sous la 
dénomination de « Slaves » on comprend les peuples, 
dont la langue appartient à la même famille des langues 
'< slaves ». Le siège des Slaves primitifs était au sud de 
la Russie. La langue commune des Slaves primitifs 
n'est pas connue. Les Slaves n'ont pas une langue litté- 
raire commune, mais on doit distinguer chez eux des 
dialectes plus ou moins différents. — La langue, dite la 
vieille slave (palaioslavica), n'est pas la mère des 
langues slaves, mais leur sœur. Au temps des saints 
Cyrille et Méthode, cette langue était la langue vivante 
des Slaves aux environs de Salonique et de Byzance. 
Elle était la langue littéraire de plusieurs peuples 
slaves, mais elle est devenue une langue morte, conser- 
vée dans la liturgie et dans les livres liturgiques. La litté- 
rature biblique commence chez la plupart des peuples 
slavesavecl'évangélisation des saints Cyrille et Méthode. 

I. Saints Cyrille et Méthode. — Ces deux saints 
furent les apôtres des Slaves et les fondateurs de leur 
littérature ecclésiastique et nationale. Constantin, qui 
reçut le prénom de Cyrille, était le plus jeune de sept 
enfants d'un sous-chef militaire grec (droungarios), 
Léon, né à Salonique en 826 ou 827. Méthode était 



1801 



SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1802 



son aine. Salonique (Thessalonique) était alors habitée 
par des Grecs, mais ses environs étaient remplis de 
Slaves, et les deux frères purent apprendre la langue 
slave dans le pays. Constantin fut élevé à Constanti- 
nople, où il fut disciple de Photius et où il enseigna 
plus tard la philosophie. Méthodius, son frère, avait été 
probablement tout d'abord occupé dans l'administra- 
tion d'une province habitée par les Slaves (du pays 
Strymon, à ce qu'on croit, en Macédoine). Plus tard il 
se retira dans un couvent sur le mont Olympe en Bi- 
thynie, où son frère Constantin le suivit. En 860 environ 
l'empereur grec envoya Constantin en mission extraor- 
dinaire aux Khazares de la Crimée et du Nord de la 
mer Noire. Il eut son frère pour compagnon. Là ils 
travaillèrent à la conversion de Khazares juifs au 
christianisme. Constantin trouva à Cherson, dit-on, 
un Psautier et les Évangiles, écrits en lettres russes 
(peut-être en langue des Varingues-Varyagues?). A 
son retour, Cyrille (c'était le nom qui fut donné à 
Constantin) demeura à Constantinople ; Méthode devint 
higoumène (supérieur) du couvent de Polychrom sur la 
côte d'Asie. En ce même temps l'empereur Michel 
reçu ta Constantinople une légation du prince Rostislave, 
venant de la Moravie pour lui demander des maîtres, 
qui pussent enseigner la foi aux Moraves (qui étaient 
déjà chrétiens) en langue du peuple. L'empereur 
Michel y envoya Cyrille et Méthode, qui savaient le 
Slovène. Cyrille donna aux Moraves l'écriture nom- 
mée glagolitique, d'après l'écriture cursive grecque 
de cette époque. Jusqu'alors les Slaves n'avaient pas 
d'écriture propre. Saint Cyrille traduisit aussi les 
leçons évangéliques, dont on fait usage dans la liturgie. 
On peut présumer qu'ils ont apporté à la Moravie l'évan- 
géliaire (leçons des dimanches, à partir de Pâques) en 
langue slave ou Slovène de Salonique. Les documents 
palseoslovènes nous présentent la langue dans un état 
développé. Mais le dialecte de la Moravie ou de la 
Pannonie, pays où les deux saintsont travaillé, n'avait pas 
encore d'expressions pour les idées religieuses chré- 
tiennes ; Cyrille et Méthode les exprimèrent très bien 
selon -le grec; on n'y trouve aucune influence de la 
Vulgate. 11 y a là quelques mots d'origine occidentale, 
par exemple oltar, post, komokati (communicare, com- 
munier), mais vraisemblablement on les y a ajoutés 
plus tard. 

Les Moraves avaient certainement leur dialecte 
propre, mais ils pouvaient cependant comprendre la 
langue des saints apôtres, parce qu'on peut bien sup- 
poser que les dialectes slaves de ce temps-là n'étaient 
pas encore très différents. 

On ne connait pas sûrement quels furent les livres 
de l'Écriture traduits par saint Cyrille et saint Méthode. 
Ils traduisirent peut-être Yhorologion (c'est-à-dire le 
Psautier avec la leçon journalière et les oraisons), 
•et Yeuchologion (leçons du Nouveau Testament) en 
langue palseo-slovène et ils disposèrent les quatre Évan- 
giles selon l'évangéliaire. 

En 867, les saints frères firent un voyage à Rome. Le 
pape Hadrien les reçut avec une grande solennité. 
Méthode et ses disciples y furent ordonnés prêtres. 
Cyrille y mourut en 869 (14 février). 

Méthode, étant revenu une deuxième fois à Rome, y 
fut consacré évéque de Pannonie et de Moravie. De 
retour en Moravie, il y mourut en 885, (le 6 avril). 
D'après une tradition, saint Méthode traduisit toute la 
Rible du grec en langue palaeo-slovène, excepté les livres 
des Machabées. On ne peut l'établir par des arguments 
décisifs. Le Nouveau Testament : les Évangiles, l'Apôtre 
(c'est-à-dire Actes et Epitres) étaient pour la liturgie 
plus importants que l'Ancien Testament; on peut 
supposer que les livres du Nouveau Testament ont été 
traduits avant l'Ancien. De ce dernier on traduisit 
d'abord les leçons des heures et des épitres du missel. 



Les Psautiers conservés en langue vieille-slovène, 
présentent un texte très ancien, pareillement aussi les 
parties du Pentateuque et des prophètes, contenues 
dans le parimeynik, un livre composé des leçons 
bibliques. Le livre de Job, les Proverbes, l'Ecclésiasle 
sont aussi anciens. Le livre de Josué, les Juges, Ruth, 
le Cantique et les Rois sontplus récents. Quand Gennade 
au xv« siècle chercha à faire la collection de tous les 
livres en une Bible vieille-slovène, il ne trouva pas 
d'autres livres que ceux qui viennent d'être nommés. 

II. Les documents pal^eo-slovènes de la. Bible de 
la récession la plus ancienne. — Voici les documents 
palaeo-slovènes bibliques conservés, écrits en glago- 
litique : 

1. Tetraevangelium de Zographe. — Écrit en 304 
feuilles, dont les feuilles 41-57 sont d'une origine plus 
récente. Ce document peut être de la fin du X e ou du 
commencement du XI e siècle. Ce manuscrit était à Zo- 
graphe, au couvent du mont Athos ; en 1860, il est donné 
au tzar et on le conserve à la bibliothèque impériale 
de Saint-Pétersbourg. — I. I. Sreznevski en a édité quel- 
ques parties en un livre dans lequel il a assemblé les 
plus anciens documents glagolitiques : Drevnie gla- 
goliceskie pamatniki, Saint-Pétersbourg, 1866 (p. 115- 
157). Jagié a édité tout le manuscrit en lettres cyril- 
liques : Quattuor evangel. Codex glagoliticus olim 
Zographensis notis criticis, prolegomenis, appendi-* 
cibus auctum, Berlin, 1879, 176 p. 

2. Codex Marianus. — Écrit en 471 feuilles. Ainsi 
dénommé, parce qu'il se trouvait au couvent de Marie 
à Athos. Grigorovic le transporta à Odessa; à présent 
il est au musée de Rumiantzov à Moscou. Il contient 
les quatre Évangiles copiés d'un original du meilleur 
temps de la littérature bulgare palœo-slovène du 
X e siècle. Janië a édité ce Tetraevangelium en lettres 
cyrilliques : Quatuor Evang. conversiones palseoslo- 
venicx, Berlin, 1883, 607 p. 

3. Psautier du mont Sinaï. — En 117 feuilles, sur la 
dernière on trouve le Psaume cxxxvu e ; le reste est 
perdu. L'archimandrite Porphyre l'a trouvé au couvent 
du Sinaï en 1850. Geitler l'a édité à Zagreb en 1882 en 
lettres cyrilliques. 

4. L'Évangéliaire d'Assémani. —En 159 feuilles. Ce 
manuscrit contient les évangiles des dimanches et peut 
être considéré comme le plus ancien. Assemani l'a 
trouvé à Jérusalem en 1736; à présent il est conservé 
au Vatican. Racki l'a publié à Zagreb, en 1865, en gla- 
golitique; Crncic l'a publié en lettres latines en 1878, 
à Rome. 

5. Les Fragments glagolitiques de Kiev du xi« siècle 
(publiés par Jagië dans Glagolitica, Vienne, 1890) et 
le fragment de Vienne. Ils contiennent quelques orai- 
sons liturgiques, formulaires de messes (de saint 
Clément, des Apôtres) du rite latin. Les textes de la 
Bible (par exemple, Rom., xm, 11-14 ; xiv, 1-4, etc.) 
sont empruntés aux versions Slovènes faites du grec. 
— Les fragments de Prague contiennent l'office du 
vendredi-saint; ils sont de la recension tchèque-slo- 
vène (pannono-slovène). 

III. Documents pal^o-slovènes bibliques en lettres 
cyrilliques. — 1. évangile de Sabbas (Sava). C'est 
l'Évangéliaire du prêtre Sabba, écrit en 129 feuilles. 
Il est gardé à la bibliothèque synodale à Pétersbourg. 
Publié par Sreznevski dans le Drevnie slav. pamat- 
niki, Pétersbourg, 1868 (1-154); JagiË a recensé cette 
publication, Archiv fur slavische Philologie, t. v, 
p. 580-612. — 2. Évangile de V. M. Vndolski; il n'y a 
que deux feuilles, fragments d'un Évangéliaire, 
comme le sont aussi l'Évangile de Novgorod, I'jiv. de 
Tyrnovo, lePsautier de Sluk. Publiés par SreznevskL — 
3. Évangile de Reims du xi-xii e siècle; publié par 
Silvester à Paris 1843 et de nouveau en 1899. C'est un 
évangéliaire. — 4. Parimeynik du Grégorovic du 



1803 



SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1804 



xn e siècle, publié et comparé avec d'autres parimeyniks 
par Brandt 1894 dans un journal russe (Ctenie v obsc. 
istorii). — 5. Codex de Cristinopole (couvent de 
basiliens en Galicie) ou de Galicie, du xn« siècle (à 
présenta Léopol); il contient les Actes et les Épltres. 
Publié par Kaluzniacki. 

IV. RECENSION RUSSE DES LIVRES BIBLIQUES EN PAL.EO- 

slovéne. — Les documents palseo-slovènes de la recen- 
sion russe sont écrits en caractères cyrilliques. Les 
copies des livres particuliers ou de la collection de 
livres bibliques ont été faites d'après le texte des 
parimeyniks ou d'après la version commune palaeo- 
slovène de la Bible. On trouve des corrections et des 
changements de mots, qui sont ou le travail d'un ré- 
dacteur, ou celui d'un nouvel interprète. 

Lebëdëv a comparé le texte Slovène du livre de Josué 
selon les versions des xiv-xvn e siècles et il y a trouvé 
quatre rédactions d'après lesquelles on a copié ce livre. 
Voir V. Lebëdëv, Slavjansky perëvod knigi Jisusa 
Navina, Saint-Pétersbourg, 1890. Jevsëjev a trouvé dans 
Isaïe un texte, qui correspond au texte du parimeynik 
et un texte tout à fait différent de la version vulgaire 
de ce livre. Voir J. Jevsëjev, Kniga proroka Isaia v 
dre vnëslavjanskom perêvodé,i897 . Voskresenskij a étu- 
dié en manuscrits de l'Évangile de saint Marc (et Épi très) 
des xi e -xvi e siècles quatre rédactions du texte palaeo- 
slovène. Voir G. A. Voskresenskij, Evangelia ot 
Marka, 1894, Charakt. Zerty cetyrech redakcij slavj. 
perevoda evang. ot Marka. — Le texte le plus ancien 
des Évangiles se trouve dans le Tetraevangelium 
d'Ostromir (1056; publié par Vostokov 1843, phototyp. 
1883), de la Galicie (1144; publié par Amphilochij, Mos- 
cou, 1882-1883, en 3 vol.). Le texte le plus ancien de 
l'Apôtre (Hpîtres et Actes) représente un manuscrit de 
l'année 1220. La dernièïe rédaction pourrait être vue 
dans les manuscrits de la bible synodale de Moscou 
(n. 1-3), quoique un autre les place au temps le plus 
ancien. 

Tous les livres bibliques de l'Ancien et du Nouveau 
Testament (avec les deutérocanoniques et II. Esd. apo- 
cryphe) sont réunis en langue palseo-slovène à la fin 
du XV e siècle dans la Bible, nommée de Gennadios 
{1499). Antérieurement on ne trouve pas une Bible 
slave complète. L'archevêque de Novgorod, Gennadie, 
ne trouva pas dans les anciens manuscrits tous les 
livres bibliques en palseo-slovène et il eut soin de faire 
traduire les livres, ceux qui manquaient, et de com- 
pléter ainsi toute la Bible Slovène. L'ordre des livres 
dans la Bible de Gennade est celui de la Vulgate. Le 
texte des livres de Moïse et des prophètes s'accorde 
avec le texte des parimeyniks; il est ancien et assez 
bien conservé, Les livres de Josué, Juges, Ruth pré- 
sentent un texte plus récent, un peu différent des 
livres des Rois. Job est assez ancien, autant que les 
Proverbes, l'Ecclésiaste et le Cantique. Les livres 
des Paralipomènes, les quatre livres d'Esdras, Tobie 
et Judith ont été traduits pour la Bible de Gen- 
nade en langue palseo-slovène de la Vulgate. Dans 
Esther les premiers 9 chapitres sont traduits du texte 
grec, les autres de la Vulgate. Le livre de la Sagesse 
est de la Vulgate, l'Ecclésiastique en partie du grec 
en partie du latin; les livres des Machabées sont de la 
Vulgate. Voir : Gorskij et Novostrujev, Opisanie slavj 
rukopisej Moskov. synod. bibliolheki, 1885. Aussi : 
S. Solskij, Obozrënije trudov po izuëenije Eiblii v 
Hossii (en Pravosl. obozrënije, 1869). 

Peut-être tous les livres de la Bible sont traduits en 
palaeo-slovène avant le xv« siècle, mais quelques-uns 
furent perdus dans la dévastation tartare, qui n'a rien 
épargné. On envoya aux xiv e et xv" siècles quelques 
hommes à Constantinople pour qu'ils y traduisissent 
la sainte Bible. Du temps du métropolite Philippe 
(+1474), un Hébreu baptisé, dont le nom était Théodore, 



traduisit le Psautier et Esther de l'hébreu; on dit qu'il 
traduisit aussi le Pentateuque et les Prophètes. 

Le métropolite Alexis de Moscou a corrigé à Cons- 
tantinople le Nouveau Testament en palaeo-slovène en 
1355. Son manuscrit est gardé au couvent de Saint-Ar- 
change à Moscou. (Publié par l'archim.Amphilochie et 
Lëontëv, 1892.) Amphilochie a écrit une étude sur les 
Psautiers : Drevnë-slavjanskaja Psaltir xm-xiv. 
vëku (2 e édit.). Voir aussi Brandt, étude sur le pari- 
meynik (Ctenije v obSc. istorii i drevn. Ross. 1894). 
Après la découverte de l'imprimerie, on imprima le 
Psautier en lettres cyrilliques à Cracovie en 1481. 
Cette version était influencée par la version tchèque. 
Les Évangiles ont été imprimés en Ugrovalachie 1512 
par mandat de Jean Basaraba, ensuite à Zabludov 1569, 
1570 le Psautier, 1576 à Vilna (1575 les Évangiles); 
l'Apôtre 1574 à Léopol, 1580 le Nouveau Testament à . 
Oslrog. 

Le prince de Ostrog, gouverneur deVolyiî,Constantin r 
a publié, à Ostrog toute la Bible slovène en 1581; on la 
nomme ostroiskâ Bible. Dans cette édition on a. 
traduit les Paralipomènes, Esdras et Néhémie du grec, 
Tobie et Judith, le 1 er et 2 e Machab. et le 3 e Esd. (aussi 
quelques parties de Jérémie et des Proverbes) étaient 
de la Vulgate. Esther, Cantique et la Sagesse étaient 
des Septante. Le texte grec était celui de la polyglotte 
de Complute et de Londres. La Bible tchèque de 
1488 était peu estimée. De même l'édition de la Bible 
en litéen-russe du Fr. Skorina à Prague (1517-1519; 
publiée à Vilna 1525-1528). 

Les éditeurs voulaient rendre les expressions de la 
Bible slovène plus compréhensibles au peuple, et à 
cause de cela ils ont remplacé quelques mots vieillis- 
par les expressions nouvelles, usitées en langage litur- 
gique. La bibliothèque synodale de Moscou garde encore- 
trois Bibles manuscrites du texte de Novgorod : de- 
l'année 1499 (1002 feuilles), de l'année 1558 (1011 feuil- 
les) et la troisième aussi du xvi e siècle (1013 feuilles);, 
ces Bibles mêmes pouvaient être conseillées par les- 
éditeurs de la bible d'Ostrott. 

Le texte de cette bible d'Ostrog n'était pas uniforme, 
quand on a complété les parties d'anciennes versions- 
par des versions nouvellement faites. La langue de 
divers livres présentait des fautes grammaticales et des 
lacunes. La même bible a été réimprimée en 1583 à 
Ostrog. En 1614 on en a publié les Évangiles à Moscou,, 
en 1623 le Nouveau Testament à Vilna avec plus de 
soin, et en 1644 à Léopol. 

En 1663 a été faite l'édition de la Bible dite de- 
Moscou; elle présente le texte de la Bible d'Ostrog, 
corrigé quant à l'orthographe. Le patriarche Nicon ne 
put pas la corriger entièrement. Les « Razkolniki » 
(schismatiques de l'orthodoxie) ont conservé le texte- 
palseo-slovène des Bibles plus anciennes et n'acceptent 
pas les éditions revisées après l'an 1663. 

En 1674, on voulut avoir une nouvelle version slovène- 
selon le texte grec des Septante. Déjà antérieurement 
Épiphane Slavineckij avait fait une version nouvelle - 
des livres de Moïse selon le texte des Septante- et les 
manuscrits palseo-slovènes, ainsi que le manuscrit 
d'Alexejev. On a aussi traduit et publié les Actes et les- 
Épltres en 1671. En ce même temps, antérieurement à. 
Pierre le. Grand, on a publié plusieurs fois les livres- 
de la Sainte Écriture avec ou sans explications; par- 
exemple, les Évangiles avec l'explication du Théophy- 
lacte (Moscou, 1698), le Psautier avec les additions - 
accoutumées (symbole d'Athanase, a., Moscou, 1698), le 
Nouveau Testament à Kiev, 1703, le Psautier in-24 et- 
l'autre 1704, les Evangiles à Moscou 1711, les mêmes 
avec le texte hollandais et palseo-slovène à Saint-Péters- 
bourg, 1716-1719. L'archevêque Stachovski a publié 
à Cernigov,. 1717, le Nouveau Testament expliqué. En. 



1805. 



SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



1806 



1721 on a publié encore le Psautier en palaeo-slovène. 

Pierre le Grand a publié en 1712 (14 nov.) un édit 
dans lequel il chargeait l'archimandrite Lopatinski 
et le Grec Likhud, de corriger la Bible de 1663 selon le 
texte grec. Ils travaillèrent pendant dix années et pré- 
parèrent en 1724 l'impression de la revision nouvelle. 
Lorsque le tsar mourut en 1725, l'impression n'était pas 
faite. Le manuscrit a été déposé â la bibliothèque 
synodale de Moscou. 

En 1744, l'impératrice Elisabeth ordonna de publier 
une nouvelle édition de la Bible. Le synode en 
confia la rédaction aux moines H. Grigorovic, J. Blon- 
nicki et B. Ljasëevskij de Kiev. En 1748, Ljasëevskij 
prit le travail en mains, aidé par le philosophe Slo- 
nimskij. La Bible d'Elisabeth parut en 1750-51. C'est 
la Bible de 1663, rédigée dans toutes ses parties selon 
le grec d'après le texte des polyglottes, les éditions de 
Lambert Voss (1709), de Breitinger (1730-32), la version 
de Flaminius Nobili (Rome 1588), la Synopsis criti- 
corum, de Matthias Polus, et quelques manuscrits 
grecs, surtout le codex Alexandrinns. Nouvelles édi- 
tions en 1757, 1759,... 1872 etc. Cette bible avait été 
publiée avec des explications de Bajbakov (1785-87), 
Petrov, Smirnov,Fialkovskij, Bratanovskij.etc. (surtout 
quant au Nouveau Testament). Le texte pala?o-slovène 
avec la version tchèque de la Bible des Frères bohèmes 
a été publié par le synode de Saint-Pétersbourg en 
1892. Le texte tchèque de cette édition est conforme 
au grec et au Slovène. 

Les versions russes en langue de la Russie blanche 
commencent par celle de l'archimandrite Grégoire et 
de Fr. Skorina (1517-1519). L'édition synodale de la 
Bible (avec les deutérocanoniques) est de l'an 1876, etc. 

Les Ruthènes ont la Bible palseo-slovène dans la re- 
cension russe. Leur Ancien Testament a été imprimé à 
Pïem-ysl, 1863. En recension bulgare on a du palaeo-slo- 
vène quelques Tétraévangiles; .chez les Serbes il y a 
des : manuscrits palaeo-slovèaes du xm 8 -xv e siècle. En 
recension. glagolitique chez les Croates on trouve des 
bréviaires et des fragments de la Bible (édités par 
BerfcicV ,1864-71). 

V.. Versions polonaises de la. bible. — A partir du 
X e siècle b,n a donné la dénomination « de Polonais » 
(antérieurement ; Lechové), « de Polaques » aux tribus 
slaves en petite Pologne, dans la Russie bleue, sur le 
Visla et à Polock'(Mazures). Leur nombre total pourrait 
être évalué à 23000000. Le christianisme fut apporté aux 
Polonais de la Moravie. Mëôislav I er (Mësko) épousa en 
965 la Doubravka, une fille de Boleslav I er , prince de 
Moravie, et fut baptisé en 966. En 968, un évêché fut 
érigé à Poznan avec l'évêque Jordan. L'archevêché 
de Hnëzdno fut fondé par Boleslav Chrabry (Fier). 
La liturgie était toujours en latin; seulement au 
xiv siècle on trouve par exception la liturgie en palseo- 
slovène à Cracovie. 

Les Psaumes furent le premier livre biblique traduit 
en polonais. Il y a une remarque ou notice indiquant 
que le Psautier a été traduit au XIII e siècle. On ne 
trouve que des fragments des versions du Psautier. 

Tout le texte polonais du Psautier est dans le Psautier 
dit de Saint-Florien, du XIV e siècle, gardé au couvent 
de Saint-Florien près de Linz en Autriche supérieure. 
Il contient les textes latins, polonais et allemand des 
Psaumes. On l'a nommé aussi « le Psautier de la reine 
Marguerite », fille de Charles IV, épouse du roi hon- 
grois et polonais, Louis. Quelques-.uns l'ont attribué 
à Marie, fille du même Louis. Dunin Borkowsky en 
a publié le texte à Vienne, 1834, Nehring, à Poznan, 
en 1883. La langue de cette version était peut-être 
influencée par la version tchèque. Hanka a cher- 
ché cette version tchèque dans la Bible de Dresde, 
Kucharski dans le texte du Psautier de Wittemberg, qui 
est de la première recension des Psautiers tchèques. 



J. Jirecek le conteste. La version cherche à répondre 
à la Vulgate. 

Le Psautier de la reine Hedwige (Jadwiga) ou le 
Psautier de Poltawa, ne pouvait pas être des mains de 
Hedwige, car il est de la fin du xv e siècle. Kucharski pen- 
sait que la version qu'il contient est prise de la Bible de 
la reine Sophie (de l'an 1455). lia été gardé à Poltawa, à 
présent on le conserve à la bibliothèque des Czartoryskis^ 
à Cracovie. Il est en accord avec le psautier de Saint- 
Florien, mais tous les deux sont d'un exemplaire plus 
ancien. 11 a été publié par les soins de Jean, comte 
Dzalynski de Kornik, en 1880. 

La Bible de la reine Sophie (quatrième femme de 
Ladislas Jagellon, et fille d'un prince de Kiev, André 
Ivanovic). Cette Bible est le second manuscrit le plus 
ancien de la version polonaise biblique. Du temps de 
Rakoczy on l'a transportée à Saros-patak en Hongrie, 
d'où on la nomme aussi la Bible de Saros-patak. D'après 
une notice de l'an 1562, cette bible a été écrite en 1455 
à Nové mësto (Villeneuve) près de Cracovie. Elle repré- 
sente peut-être la copie d'une bible polonaise, plus 
ancienne, qui aurait été écrite selon un original 
tchèque et selon la Vulgate. On y observe cinq copistes. 
Elle contient : Genèse, Josué, Ruth, I, III, IV Rois, 
I, II Parai., I Esdras, Nehémie, III Esdras, Tobie et 
Judith. Malecki l'a publié à Léopol, 1871. 

Au temps de l'imprimerie, on a publié, 1522, la version 
polonaise de l'Écclésiaste à Cracovie. 

Valentin Wrôbl a traduit en une version libre le 
Psautier de David, quia été publié à Cracovie 1539 
(nombreuses éditions). Poznanczyk a publié l'Ecclésias- 
tique en 1536, Tobie, Sirach en 1541. Kramsztyk en 1878, 
Nirstein en 1895 les Proverbes. Corne! Ujejski le Can- 
tique en vers en 1846 (Poznan). Jean Kochanowski a 
publié son Psautier à Cracovie, 1578; on l'a souvent 
réimprimé, de même que le Psautier de Lêopolite, 1579, 
de Wujek, 1594, de Karpinski, 1783, 1829, de Bujnicki 
à Torùn, 1875. Toute la Bible a été traduite de la Vul- 
gate par Jean Lêopolite (de Léopol) et par Léonard, 
Ces traducteurs ont respecté la Bible tchèque et on 
peut expliquer la ressemblance avec le texte de la 
Bible de Sophie. On l'a publiée à Cracovie, 1561, cor- 
rigée, 1574 et 1577. Le Nouveau Testament a été publié 
à part, 1556, 1564, 1658. 

Jacques Wujek, S. J., a publié une version du Nou- 
veau Testament avec l'approbation ecclésiastique à 
Cracovie, 1593; la Bible de Wujek fut imprimée en 1599. 
Le prêtre Just. Rabe a fait la revision du texte de 
cette Bible en se servant de Wujek. La version est faite 
d'après la Vulgate, en s'aidant du texte original et des 
versions polonaises plus anciennes. 

En 1890-1898, le prêtre Kozlowski a publié une nou- 
velle version avec un commentaire en 4 volumes. 

Les prolestants publièrent le Psautier de Nie. Rej en 
1555, le Psautier de Maciej Rybinski à Cracovie et à 
Gdânsko en 1605, etc. Albert le Prussien chercha à faire 
publier toute la Bible protestante en polonais. Leprince 
Nicol. Radziwill fit préparer une version calviniste, dite 
la Bible de Brest ou de Radziwill, 1563, faite sur les 
textes originaux et les versions récentes. Le pasteur Sim. 
Budny, un socinien, lui reprocha de n'être pas con- 
forme aux originaux, et il prépara la Bible de Nieswies, 
1572, dont le Nouveau Testamment fut publié en 1574 sé- 
parément. Czechowicz a traduit et publïé à Rakov,1577, 
le Nouveau Testamment(il écrit : immersion pour bap- 
tême), une autre version duNouveauTestamenta été faite 
par Smalcius, 1606. Le synode évangélique d'Ozarowiece 
1600, désira une version nouvelle. Ianicki, MikotajewskL 
Turnowski ont publié une version du Nouveau Testa- 
mentà Gdânsko, 1632 (rééditée à Amsterdam 1660, Halle, 
1726, etc.). Stojanowski a traduit les Psaumes de l'hé- 
breu, 1861; Cylkôw, un juif, les a publiés en une ver- 
sion nouvelle à Varsovie, 1S83. 



1807 



SLAVES (VERSIONS) DE LA BIBLE — SMITH 



1808 



VI. Tchèques. Versions bohèmes de la bible. — Les 
Slaves de Bohême, de Moravie et de Silésie emploient 
la langue tchèque. Le christianisme fut apporté en 
Bohême d'Allemagne. Le besoin d'une traduction de 
livres liturgiques et bibliques en langue vulgaire 
tchèque fut bientôt senti. Le Psautier glossé du musée 
tchèque de Prague offre le document le plus ancien. Il 
est écrit en latin et n'a que peu de notes tchèques 
interlinéaires. (Publié par Patera dans la revue Casopis 
ôeského Musea (6&M.1879, p. 398). Il date de- la fin du 
xiii" siècle. Un autre Psautier «du musée» dit du com- 
mencement du XIV e siècle offre déjà quelques spéci- 
mens d'une traduction tchèque (GCM. 1886, 129-139). 
Le Psautier de la bibliothèque de Wittenberg, daté de 
la seconde moitié du XIV e siècle, a une version tchèque 
interlinéaire de tous les Psaumes. La version n'est pas 
parfaite; quelquefois on n'a pas compris les mots 
latins. Publié par Gebauer en « Ëaltâf Wittenbersky » 
à Prague, 1880. 

Un autre Psautier de Podëbrady (1395) offre toute la 
version de l'original comme le Psautier précédent. 
Les Bibles ont le texte de ces Psautiers. 

Les Nouveaux Testaments tchèques sont à Mikulov 
(en Moravie) de l'année 1406, de 1422(aumusée tchèque 
à Prague) et de 1425. 

Parmi les Bibles tchèques anciennes on peut nom- 
mer : La Bible de Dresde (nommée aussi Leskoveckâ); 
sans date, peut être de 1390-1410. La bible de Litomë- 
rice, écrite entre 1411-1414 par Mathié de Prague. La 
Bible d'Emm'aus ou glagolitique (tchèque) en écriture 
glagolitiqué de 1416 (à la bibliothèque universitaire de 
Prague). La Bible de Olomûc (en Moravie) écrite en 1417. 
La Bible de la reine Christine de Suède (la bible du 
Vatican) n'est pas complète ; le texte est semblable au 
texte des Bibles nommées. 

. Les Bibles postérieures offrent la nouvelle orthographe 
de Hus et un texte, qui est plus différent et corrigé. 
Hus lui-même a fait une revision du texte biblique 
tchèque selon une Vulgate plus ancienne et il l'a 
corrigé, comme on peut l'observer dans la Bible de 
Schaffhouse, 1450. Dans cette Bible on trouve le texte 
du Nouveau Testament arrangé par un prêtre en 1406 
et les corrections de Hus. La revision du Nouveau 
Testament faite par Martin Lupéô (f 1468), hussite, est 
conservée en manuscrit à la bibliothèque de la cour 
impériale à Vienne et dans le texte de la Bible de 
Lobkovic (à Stockholm) 1476-1480. Les Bibles d'autres 
recensions sont: La Bible de Tâbor (1420-1430), Moscou, 
Litomërice 2., Mikulov 3., Padarov (1433-1435), Prague 
(.1435-1450), Musée (1462), etc. Toutes ces Bibles sont fon- 
dées sur la Vulgate, Jean Warlowsky de Warta a fait 
une. version de l'hébreu et du grec, mais selon la para- 
phrase d'Érasme de Rotterdam. ■ . . . 
• Lès Tchèques ont fait usage de l'imprimerie très 
tôt. En 1475 on a imprimé le Nouveau Testament à 
à Plzen (Pilsen), une nouvelle édition en 1480. L'édi- 
tion de Plzen est catholique; celle de Prague (1488) et 
de Kutnâllora (1489) était dans les mains desUtraquistes. 
L'édileur de Mladâ Boleslav (1500), Litomysl (1507), Bëlâ 
(1519) sont des Frères bohèmes. 

La première Bible de Prague (1488) a le texte de 
Martin Lupâë, revisé. Les lettres sont dites des moines 
ou des Schwabes. Les Psaumes sont traduits de l'hé- 
breu selon la version de saint Jérôme. Cette Bible a 
tous les livres deutérocanoniques. Le même texte bi- 
blique se trouve dans la Bible imprimée à Kutné Hory, 
1489. La Bible de Venise, 1506, est des utraquistes 
et son texte est la base de beaucoup d'éditions posté- 
rieures. Un texte amélioré et plus moderne se trouve 
dans la Bible de Prague, 1529, 1537. 

La version du Nouveau Testament d'Érasme de 
Rotterdam, faite en tchèque par Optât et Gzell en 1533, 
a été très estimée. 



La fameuse Bible des «Frères bohèmes», imprimée en 
1579-1593 en 6 vol. à Krâlice en Moravie, « Bible kràli- 
cczâ », a été souvent réimprimée; le même texte est 
dans les Bibles tchèques de la société anglaise de la 
Bible (protestante). 

Pendant les temps de guerre en Bohême on n'a pas 
pu publier une Bible catholique. L'archevêque Mat. 
Ferd. de Bietenberg a confié l'édition d'une Bible catho- 
lique aux jésuites. Les prêtres Styr, Konstanc et 
Barner ont travaillé à la traduction de la Vulgate. On 
a respecté la Bible de Venise (1506) et les Bibles qui ont 
été faites avant Luther. Le Nouveau Testament catho- 
lique a été publié, en 1677, aux frais d'une société, dite 
de Saint-Wenceslas, ce qui a fait appeler ce Nouveau 
Testament l'édition de saint Wenceslas. Prochâzka a 
publié encore une autre revision du Nouveau Testament 
à Prague 1786, et toute la Bible en 1804. — Les autres 
éditions du xix e siècle ou sont fondées sur la Bible du 
Prochâzka ou elles peuvent être considérées comme les 
améliorations du texte de la Bible des Frères. On peut 
nommer la Bible de Haase, 1851, de l'hérédité de saint 
Jean, 1857 et 1883-89, la Bible de Bezdeka, 1860. 

Les Bulgares se servaient, dans leurs lectures, de la 
Bible palœo-slovène. Les versions en langue bulgare 
vulgaire commencent par l'Évangile de saint Matthieu, 
1823. Sapunov et Serafim ont traduit le Nouveau Tes- 
tament (Bucarest, 1828); le moine' Néophyte de Rho- 
dope aussi (1840). D'autres versions sont faites par 
les sociétés protestantes. 

Les Serbes ont le Nouveau Testament traduit par Vuk 
Karadzic (1847), l'Ancien Testament par Danicic (1868). 
Katancic a traduit la Bible pour les catholiques. ■ 

Les Sloventsi (Vendes) de la Syrie, Carinlhie et 
Graine ont la traduction du Nouveau Testament par 
Primus Trubar à Tubingue (1554); l'Ancien par-Jurit 
Dalmatin (1584, à Wittenberg). L'autre version est de 
Japelj, 17911-1802. 

Les Slovaques ont les Bihles tchèques, et une ver- 
sion en leur dialecte par Palkovic (1829-1831). 

Les Luzitsi (Vendes de la Saxe et de la Prusse) ont 
une version catholique faite par Svetlik (1650), dont le 
Nouveau Testament a été ' imprimé en 1707. L'autre 
version est faite par Lnscansky et Hornik (Nouveau 
Testament, 1896). 

Sur toutes les versions slaves, voir Sedlacek, Vvod 
do knili Starého Zâkona (Introduction en tchèque, 
p. 89-139). .1. Sedlacek. 

SMITH (William), né à Londres le 20 mai 1813, 
mort dans cette ville le 20 octobre 1893. En religion il 
était non-conformiste. Après avoir essayé de diverses 
carrières, il finit par adopter celle qui convenait le 
mieux à ses aptitudes intellectuelles et à ses goûts : il 
fut lexicographe, sinon exclusivement, au moins prin- 
cipalement. Ceux qui l'ont connu semblent s'accorder 
pour lui attribuer plus de mémoire que de science di- 
recte, de savoir-faire que de puissance et d'originalité. 
Suivant l'un d'eux, dans l'Athenœum, 14 octobre 1893, il 
emprunta de John Kitto la conception et la disposition de 
son Dictionnaire de la Bible et probablement de George 
Long l'idée de grouper, au service de ce beau travail, un 
grand nombre de collaborateurs. Un autre affirme, dans 
le Times,i0 octobre 1893, que la part de sir William, dans 
ses multiples et savantes publications, fut« souvent plus 
nominale que réelle ». C'est ainsi, continue-t-il, que 
sir George Grove est le véritable auteur du Dictionnaire 
de la Bible et le Dr. Henry Wace l'auteur du Dic- 
tionnaire de biographie chrétienne. — Quoi qu'il en 
soit, on ne peut nier que son nom .reste attaché à 
nombre de travaux importants. Ses publications plus 
directement bibliques comprennent : 1. A Dictionary 
of ihe Bible, 3 in-8», 1860-1863 — 2. A Dictionary of 
Christian Antiquities, 2 in-8», 1875-1880, en collabora- 



1809 



SMITH — SMYRNE 



1810 



tion avec l'Archdeacon Cheetham. — 'S. A Diclionary of 
Christian Biography, Literalure, Secls and Doctrines 
during the first eight Centuries, 4 in-8°, 1877-1887. — 
4. An Atlas of biblical and classical Geography, 1875. 

J. Montagne. 
SMYRNE (Sfiupvâ), ville d'Asie Mineure (fig. 402). 
— 1° Description. — La ville de Smyrne était bâtie en 




402. — NEPÛN SEBAETQN. Tête de Néron, à droite. — $. EIII 

. EPMOrENOrs KAAPOrs SMrP(v«i«iv).Fleuvecouché,àgauche, 

tenant un roseau, appuyé sur une urne d'où l'eau s'épanche. 

amphithéâtre et dans une situation admirable, au fond 
du vaste golfe de la mer Egée qui porte son nom. Elle 



Elle était située à l'endroit appelé aujourd'hui Bourna- 
bat, au nord-est et à environ 20 stades, c'est-à-dire à une 
heure de marche, de la Smyrna nova, dont l'emplace- 
ment, décrit plus haut, se confond avec celui de la Smyrne 
actuelle. Antérieurement à l'année 688 avant J.-C, elle 
tomba au pouvoir des Ioniens, et ne tarda pas à acqué- 
rir une splendeur et une richesse extraordinaires, qui 
lui permettaient de lutter avantageusement même avec 
les Sardes. Hérodote, i, 150. Vers l'an 580 avant J.-C, 
elle fut détruite par le roi lydien Alyattes, et demeura 
en ruines pendant plus de trois cents ans. Ses habi- 
tants furent dispersés dans de simples villages, et, 
durant cette longue période, elle n'a laissé aucune trace 
dans l'histoire. Strabon, XIV, i, 37; Pausanias, vu, 5; 
Pline, H. N., v, 29. Alexandre le Grand conçut le pro- 
jet de la relever et de lui rendre son ancienne prospé- 
rité; mais il n'en n'eut pas le temps. C'est un de ses 
successeurs, Antigone (323-301 av. J.-C), qui commença 
à la rebâtir, sur l'emplacement que nous avons indiqué. 
Lysimaque (301-281) l'agrandit encore et la fortifia. 
Strabon, XIV, i, 37. Aussi ses monnaies les plus an- 








« . ■ "■ - --■ «, iZJL— v*J* , kl , ■ . I . ■» - ilF<3 






403. — Smyrne. Vue du Pagus. 



recouvrait en partie les flancs et s'étalait au pied du 
mont Pagus, dont l'altitude est d'environ 250 mètres. 
La rivière Mélès, célèbre dans la littérature ancienne, 
parce qu'on rattachait à ses rives la naissance d'Homère, 
-avait là son embouchure. Strabon, XIV, i, 37. Un pro- 
verbe disait : « Trois et quatre fois heureux ceux qui 
habitent le Pagus et au delà du Mélès sacré ! » Voir 
E. Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 610 (fig. 403). 
2» Histoire de Smyrne. — Elle se divise en deux 
périodes très distinctes. Il y eut d'abord, en effet, la 
« vieille Smyrne », comme on l'appelait, Strabon, XIV, 
*, 37, qui avait été fondée plus de mille ans avant J.-C, 
par des colons de Lesbos, et qu'on désigna longtemps, 
pour ce motif, par le surnom de « Smyrne l'éolienne ». 



ciennes consistent-elles en tétradrachmes de ce prince. 
Depuis lors, elle n'a pas cessé d'être l'une des villes les 
plus considérables de la province d'Asie. Possédant un 
excellent port et une route qui la mettaient en commu- 
nication avec le cœur de l'Asie Mineure, jouissant en 
outre d'un territoire très fertile, la nouvelle cité devint 
rapidement un des centres commerciaux les plus riches 
des temps anciens. C'est surtout par elle qu'avait lieu 
le trafic de la vallée de l'Hermus. Les Séleucides lui 
continuèrent jusqu'au bout leurs faveurs- Elle, passa 
sous la domination romaine en 133 avant J.-C, avec 
le royaume de Pergame, dont elle faisait alors partie. 
Ses nouveaux maîtres la comblèrent à leur tour d'hon- 
neurs et de privilèges; ils firent d'elle le siège d'un 



1811 



SMYRNE 



1812 



conventus .judiciaire et d'une fabrique de monnaie. I v, 29. Ses destinées furent très variées- sous les empe-[ 

Elle posséda aussi, sous l'empire, une école de rhéteurs. reurs byzantins. A partir de 1344, Smyrne appartint 

Elle pouvait se dire alors, comme on le voit encore pendant une assez longue période aux chevaliers de 

par ses monnaies, « la première en grandeur et en I Malte. En 1402, elle fut prise par Tamerlan et ses Mon- 



Si 



\f i suit * Jr _ P 1 '"*^ 











404. — Une rue de Smyme. D'après Fisher, Constantinople and the Scenery of the Seven Churches of Asia Minor, 

Londres, s. d., 2 in-4'. Dernière planche du t. i. 



beauté », ou « la première d'Asie ». En 178 et en 180 
après J.-C., elle fut en grande partie renversée par un 
tremblement de terre; mais Marc-Aurèle mit sa gloire 
à la rebâtir. Strabon, XIV, i, 37; Dion Cassius, uxj, 
33; Philostrate, Vitse Sophist., I, xxv, 2; Pline,fi. N., 



gols;puis, en 1424, parles Turcs, qui s'en étaient déjà, 
rendus maîtres plusieurs fois d'une manière temporaire,, 
et qui n'ont pas cessé de la posséder depuis cette époque. 
On est surpris de ne trouver à Smyrne que fort peu de 
restes des temps anciens; peu de villes de l'Orient sonfr 



1813 



SMYRNE — SOBAGH 



1814 



aussi dépourvues d'antiquités. La plupart des ruines 
sont enfouies sous le sol ; de nombreux monuments 
grecs et romains ont été démolis, et leurs matériaux 
ont servi à construire la ville actuelle (fig. 404). On 
voit cependant quelques restes intéressants du stade 
et du théâtre, et aussi, au sommet du Pagus, les 
ruines de l'acropole, en partie grecques, en partie by- 
zantines. 

3° Smyme dans l'Écriture. — Elle est mentionnée 
dans l'Apocalypse, i, 11, au second rang parmi les sept 
Églises de la province d'Asie, auxquelles Notre-Seigneur 
voulut que saint Jean adressât un message spécial ; puis 
ce message est cité intégralement, Apoc, il, 8-11. Ce 
fait suppose qu'à la fin du I er siècle de notre ère, 
Smyme possédait une chrétienté très riche en vertus, 
car la lettre est exempte de tout reproche et contient 
même de grands éloges. Les chrétiens qui compo- 
saient cetle communauté avaient alors beaucoup à 
souffrir de la part des Juifs, que l'apôtre nomme « sy- 
nagogue de Satan ». La Smyrne païenne était entiè- 
rement livrée au culte des faux dieux; Cybèle était sa 
divinité tutélaire, et on la voit souvent représentée, 
elle aussi, sur les anciennes monnaies de la ville. Des 
rues nombreuses portaient les noms des temples qui y 
étaient bâtis. Sous les empereurs romains, la cité avait 
obtenu le privilège, fort envié, d'en construire un en 
l'honneur de Tibère. Tacite, Ann., m, 68; iv, 56. — Il 
est peu probable que saint Paul ait abordé à Smyrne 
durant ses voyages apostoliques. Néanmoins, son in- 
fluence dut s'y faire sentir pendant son long séjour à 
Éphèse, alors que « tous ceux qui habitaient l'Asie en- 
tendirent la parole du Seigneur. » Act., xix, 10. Celle 
de saint Jean s'y exerça certainement ensuite, car la 
lettre signalée plus haut montre qu'il connaissait à 
fond la situation des chrétiens de Smyrne. Ceux-ci, 
à l'occasion du martyre de leur illustre évêque, saint 
Polycarpe, sous Marc-Aurèle (en 169), écrivirent 
une lettre aux églises du Pont, pour leur raconter 
sa vaillante mort. — Placés d'abord sous la domi- 
nation des métropolitains d'Éphèse, les évêques de 
Smyrne devinrent plus tard métropolitains à leur 
tour. 

4° Bibliographie. — Lequien, Orieris christiamts t.i, 
p. 737-740; t. m, p. 1075; von Prokesch-Osten, Denkwûr- 
digkeiten und Erinnerungen aus dem Orient, Stutt- 
gart, 1836-1837, t. il, p. 157-165; von Schubert, Reise in 
das Morgenland, in-8°, Erlangen, 1838, t. I, p. 272-283; 
Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres, 
1842, t. I, p. 44-95; Texier, Asie Mineure, description 
géographique, historique et archéologique des pro- 
vinces et des villes de la Chersonèse d'Asie, in-8°, Paris, 
1862, p. 302-308; Curtius, Beitrâge zur Geschichte und 
Topographie Kleinasiens, in-8°, Berlin, 1872 ; von Scher- 
zer, Smyrna, mit besonderer Rùcksicht auf die geo- 
graph., wirlhschaftlich. und intellektuellen Verhâlt- 
nisse von Vorder-Asia, in-8°, Vienne, 1873; 1" édit. 
en français, Leipzig, 1880; W. M. Ramsay, Historical 
geography of Asia Minor, in-8», Londres, 1882, p. 107- 
109, 115-116; Id., The Letters to the seven Churches 
of Asia, in-8°, Londres, 1904, p. 251-267; Georgadès, 
Smyrne et l'Asie Mineure au point de vue économique, 
in-8°, Paris, 1885; Rougon, Smyrne, situation com- 
merciale et économique, in-8°, Paris, 1892 ; Le Camus, 
Les sept Églises de l'Apocalypse, in-4», Paris, 1896, 
p. 100-118; J. E. Ritchie, The Ciliés of the Daim, 
in-12, Londres, 1897, p. 71-76. L. Fillion. 

SOAM (hébreu : Sôham; Septante : 'Itjoôjn.), lévite 
de la descendance de Mérari. Il vivait du temps de 
David. I Par., xxiv, 27. Les familles mérarites men- 
tionnées dans ce chapitre, 26-27, ne figurent pas dans 
la liste du ch. xxm, 21-23, et elles paraissent incom- 
plètes. 



SOAR (hébreu : Sôl.iar; Sepiante : 2aàp), cinquième 
fils de Siméon. Exod., VI, 15. Son nom est écrit, par la 
Vulgate, Sohar dans Genèse, xlvi, 10, et Zara, I Par., 
iv, 24." — Un Héthéen, qui porte le même nom en 
hébreu, est appelé dans la Vulgate Séor. Gen., xxm, 
8; xxv, 9. Voir Séor, col. 1613.] 

SOBA (hébreu : Sôba', I Sam., xiv, 47; II Sam., 
x, 6, 8; Sôbdh, II Sam., vm, 3, 5; xxm, 36, etc.; 
Septante : Eouëa), territoire de Syrie qui formait un 
royaume particulier dans les premiers temps de l'éta- 
blissement de la monarchie en Israël. La position 
exacte et les limites en sont difficiles à déterminer. Son 
nom complet est Aram Soba.II Reg. (Sam.),x, 6, 8 (Vul- 
gate : Syrùm Soba); Ps. lx (lix), 2 [1] (Vulgate : et 
Sobal). Le nom du royaume de Soba lui venait proba- 
blement de sa capitale. De l'ensemble des textes bi- 
bliques, comparés avec les documents cunéiformes, on 
peut conclure que le royaume de Soba était au nord 
de la Palestine, entre l'Euphrate à l'est et l'Oronte à 
l'ouest. Voir Eb. Schrader, Keilinschriften und Ge- 
schichtsforschung, p. 122; Id., Die Keilinschriften und 
das alte Testament,^ édit., p. 172, 182, 580. Cf. I Par., 
xviii, 3. — Soba est nommée pour la première fois 
dans l'Écriture au temps de Saiil. Ce prince combattit 
avec succès contre les rois de Soba, mais nous n'avons 
aucun détail sur la guerre qu'il leur fit. 1 Sam. (Reg.), 
xiv, 47. David fit aussi une première campagne contre 
Adarézer, roi de Soba, le battit vers Émath et emporta 
un butin considérable. II Sam., vm, 4, 12; I Par., xvm, 
3-4. Une seconde campagne, qu'on ne peut guère con- 
fondre avec la précédente, voir Adarézer, t. i, col. 212, 
quoique quelques interprètes l'aient supposé, amena de 
nouveau la défaite du roi de Soba, qui avait reconstituéson 
armée et avait porté secours aux Ammonites. Joab rem- 
porta sur les Syriens de Soba une première victoire. 
II Sam., x; 6-14; I Par., xix, 6-15. Le roi de Soba fit 
alors appel aux Syriens qui étaient à l'est de l'Euphrate 
et rassembla une armée puissante, placée sous le com-. 
mandement de Sobach ou Sophach. Pour en triompher, 
David rassembla « tout Israël », passa le Jourdain et 
les atteignit à Hélam (voir-HÉLAM, t. ni, col. 564), où. 
il défit complètement tous les Syriens. II Sam., IX, 15- 
19; I Par., xix, 16-19; Ps. lx, 1. — Le nom de Soba 
n'apparaît plus qu'une fois dans l'Écriture. Razon, fils 
d'Éliada, qui s'était emparé de Damas à la tête d'une 
bande, avait appartenu à l'armée d'Adarézer, roi de 
Soba. Voir Razon, t. v, col. 995. «Il fut ennemi d'Israël 
pendant toute la vie de Salomon. » III Reg., xi, 23-25. 
— Un des braves qui avaient rejoint David, pendant 
qu'il fuyait la persécution de Saûl, Igaal, était fils de 
Nathan de Soba. II Sam. (Reg.), xxm, 36. Voir Igaal, , 
t. m, col. 833. Voir aussi Sobal 3. 

_ SOBAB (hébreu : Sôbdb), nom de deux Israélites. 
Sôbab signifie « réfractaire, rebelle ». Is., lvii, 7; 
Jer., m, 14, 22. 

1. SOBAB (Septante : EûSâê), un des fils du roi 
David, le second nommé de ceux qui lui naquirent à 
Jérusalem. II Sam. (Reg.), v, 14; I Par., m, 5; xiv, 4. 

2. SOBAB (Septante : 2ouêi6; Alexandrinus ; 
2wt5àS), le second nommé des trois fils que Caleb, fils 
d'Hesron,eut de sapremière femme Azuba. IPar.,n,18. 

SOBACH (hébreu : Sôbak; Septante : Ztùêix), gé- 
néral qui commandait les troupes d'Adarézer, roi de 
Soba, à la bataille d'IIélam, où il fut battu par David. 
Voir Soba, col. 1814. Il succomba sur le champ de ba- 
taille. II Sam. (Reg.), xix, 16, 18. Dans le passage pa- 
rallèle, I Par., xix, 16,18, son nom est écrit : Sophach. 
Voir Sophach, col. 1835. 



1815 



SOBAÏ 



SOGHO 



1816 



SOBAÏ (hébreu : Sôbaï; Septante : Swêai), chef 
d'une famille de lévites, portiers du Temple, dont les 
descendants revinrent de la captivité de Babylone en 
Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 42; H Esd. , vu, 46 
(hébreu, 45). 

SOBAL (hébreu : Sôbdl; Septante : SwëâX), nom 
d'un Horréen et d'un Israélite. Sobal est aussi écrit une 
fois pour Soba, Ps. lx (lix), 1 (2) et dans la version 
latine du livre de Judith, m, 1, 14. 

1. SOBAL, le second des sept fils de Séir l'Horréen. 
Gen., xxxvi, 20; 1 Par., i, 38. Il eut lui-même cinq fils, 
Gen.,xxxyi, 23; I Par., i, 40, et il fut un des chefs 
Çallûf) d'Édom. Gen., xxxvi, 29. 

2. SOBAL, fils aîné de Caleb, fils d'Hur, de la tribu 
de Juda; « père » c'est-à-dire fondateur ou restaura- 
teur de Cariathiarim. I Par., n, 50, 52. Il eut pour fils 
Raïa, iv, 1-2. 

3. sobal, mentionné dans la traduction latine de 
Judith, m, 1, 14, est le royaume de Soba en Syrie. 
Voir Soba, col. 1814. Son nom ne se lit pas dans le 
texte grec. — Sobal est aussi pour Soba dans le titre 
du Ps. lx (lix), 1 (2). Voir col. 1814. 

SOBBOCH Ai' (hébreu : Sibkaï; Septante :.2o6ox«î; 
Alexandrinus : Eo6ëoxa')i un des vaillants guerriers 
de David, I Par., xi, 29. Son nom est écrit ailleurs 
Sobochaï. Voir ce nom. 

SOBEC (hébreu: Sôbêk; Septante : SwSéx), un des 
chefs du peuple qui signèrent l'alliance avec Dieu du 
temps de Néhémie. II Esd.,x, 24. 

SOBI (hébreu : Sôbî; Septante : OCs<j6i)> fll s de 
Naas, de Rabbath Ammon. Lorsque David s'enfuit de 
Jérusalem, au moment de la révolte d'Absalom, Sobi 
fut le premier, avec quelques autres, à lui apporter à 
Mahanaïm (Vulgate : castra) des objets de campe- 
ment et des vivres. II Sam. (Reg.),xvn, 27-29. 

SOBNA (hébreu : Sebnâ"; dans IV Reg., xvm, 18, 
26; xix, 2, Sebnâh; Septante : Soavâ?), personnage de 
la cour du roi Ézéchias. Son père n'est pas nommé, 
contrairement à l'usage, ce qui a fait supposer qu'il 
était d'origine étrangère. Il fut d'abord intendant du 
palais royal, 'al-hab-bâî(. (La Vulgate traduit inexacte- 
ment prœpositum templi.) Is., xxii, 15. Plus tard, 
Is., xxxvi, 3; IV Reg., xix, 2, un Sobna apparaît en- 
core, mais comme secrétaire royal, ce qui a fait sup- 
poser à divers commentateurs qu'il y avait eu deux 
Sobna différents. D'après les uns, il n'y a pas lieu de 
les distinguer. La prophétie d'Isaïe, xxii, 15-25, contre 
l'intendant du palais, explique, disent-ils, comment 
de cette haute fonction il était descendu à la position 
inférieure de secrétaire royal. Il faisait sans doute, 
disent-ils, opposition à Isaïe et s'efforçait de détour- 
ner le roi de suivre les conseils du prophète, en s'ap- 
puyant sur l'Egypte pour résister à l'Assyrie. Isaïe lui 
reproche son luxe et ses chars magnifiques, ainsi que 
le fastueux tombeau, qu'il se faisait creuser dans le roc, 
et il lui annonce que l'intendance du palais lui sera 
enlevée et conférée à Éliacim, fils d'Helcias. Or, dans 
tous les passages postérieurs où l'Écriture parle de 
Sobna le secrétaire, Helcias, est mentionné avant lui. 
IV Reg., xvni,18, 26, 37; xix, 2; Is., xxxvi, 3, 11, 22; 
xxxvn, 2. C'est là, assurent-ils, l'accomplissement de la 
prophétie : Sobna est descendu à un rang inférieur. — 
D'autres interprètes croient que la prophétie d'Isaïe, 
xxii, 15-25', prédit un châtiment plus grave que celui 
d'un simple abaissement de rang et entendent d'un 



autre Sobna tous les passages des Rois et d'Isaïe où il 
est question du secrétaire. Voir Éliacim 1, t. n, 
col. 1666. 

SOBOBA (hébreu : Sôbêbâh; Septante : SaêaOi; 
Alexandrinus : 2a>gir|6dt), second fils (ou peut-être fille) 
de Cos de la tribu de Juda. I Par., iv, 8. 

SOBOCHAÏ (hébreu : Sibkaï; Septante : 2Ego-/â; 
Sooay.ai), un des vaillants soldats de David, nommé le 
huitième parmi les trente. I Par., xi, 29. II est appelé 
Husathite, parce qu'il était originaire de Husat ou Hu- 
sati. Voir Husathite, HusATi,t. in, col. 784. Il descen- 
dait de Zara, fils de Juda et de Thamar. I Par., xxvn, 
11. David en fitle chef du huitième corps de son armée, 
composé de 24000 hommes et chargé du service pen- 
dant le huitième mois de l'année. I Par., xxvn, 11. Il 
s'était particulièrement distingué dans une guerre 
contre les Philistins, dans laquelle il avait tué Saphaï 
de la race des Raphaïm. I Par., xx, 4. On admet assez 
généralement que Mobonnaï, voir t. iv, col. 1478, 
malgré la différence orthographique, II Sam. (Reg.), 
xxm, 2, est le même que Sobochaï. 

SOBRIÉTÉ. Voir Tempérance. 

SOCCOTH,orthographede Socoth dansNum.,xxxm, 
5 (voir Socoth 1), et dans Jud., vm (voir Socoth 2). 

SOCHO (hébreu : Sôkô, Sôkôh), nom de deux villes 
delà tribu de Juda. Une troisième localité de ce nom 
dans la Vulgate, I Reg., xix, 22, s'appelle en hébreu 
has-Seku. 

1. SOCHO (Septante : Saw/^) 2ox-/ai6, So^wû), ville 
de la tribu de Juda, dans la Séphélah. Elle est mentionnée 
entre Adullamet Azéca.Jos., xv,35. — 1° D'après YOno- 
masticon, édit. Larsow et Parthey, p. 343, Socho était 
à neuf milles romains ou à un peu plus de 13 kilomètres 
d'Éleuthéropolis sur la route de Jérusalem. On identifie 
Socho avec le Khirbet Schoueikêh, au sud d'Azéca. 
« Sur un plateau oblong, dit V. Guérin, Judée, t. m, 
p. 332, s'élevait jadis une petite ville, dont il ne reste 
aujourd'hui que des ruines. J'aperçois partout des 
caveaux creusés dans le roc, qui formaient autrefois le 
sous-sol d'autant de maisons. Beaucoup de citernes, 
pratiquées également dans le roc, sont, les unes à sec, 
les autres encore pleines d'eau. A l'époque d'Eusèbe et 
de saint Jérôme, comme cela résulte de l'Onomasticon, 
elle s'appelait Socchoth et était formée de la réunion de 
deux villages, l'un supérieur, et l'autre inférieur. J'ai 
signalé les débris du premier sur le plateau de la col- 
line de Choueikéh, le second, qui s'étendait probable- 
ment sur les flancs ou au pied de cette même colline, 
a été complètement rasé ; on n'y voit plus que quelques 
cavernes pratiquées dans le roc. s — 11 y avait une autre 
ville du même nom dans le district montagneux de la 
tribu de Juda. Voir Socho 2. 

2° C'est entre Socho et Azéca que campaient les Phi- 
listins quand David combattit Goliath, du temps de 
Saûl. Les Israélites se trouvaient dans la vallée du 
Térébinthe. I Reg., xvii, 1-3. Voir Goliath 1, t. m, 
col. 268. — Socho fut une des villes que fortifia Roboam 
après le schisme des dix tribus, pour se mettre en 
état de résister à l'invasion égyptienne. II Par., xi, 7. 
— Sous le règne du roi Achaz, cette place tomba au 
pouvoir des Philistins qui s'y établirent. II Par., xxvm, 
18. Après cette époque, son nom n'apparaît plus dans 
l'Écriture. 

2. SOCHO (Septante : Sco/â), ville située dans la 
partie montagneuse de la tribu de Juda, aujourd'hui 
Khirbet Schoueikêh. Jos., xv, 48. Elle est nommée 



1817 



SOCHO — SOGOTH 



1818 



après SamiretJéther. On en retrouve les ruines à seize 
kilomètres au sud-ouest d'Hébron. « Ces ruines consi- 
dérables couvrent les flancs de deux collines que sépare 
un ravin. Le nombre et la direction des rues de cette 
ancienne cité sont faciles à reconnaître. Beaucoup de 
maisons sont encore debout. Elles affectent toutes la 
même forme,... celle d'un carré ou d'un rectangle cou- 
ronné extérieurement par une terrasse plane et voûté 
à l'intérieur, la voûte étant soit cintrée, soit légèrement 
ogivale. Les portes d'entrée sont ordinairement rectan- 
gulaires et consistent en deux pieds droits supportant 
un linteau monolithe; plusieurs aussi sont cintrées.' 
Des citernes et des magasins souterrains pratiqués 
dans le roc abondent de tous côtés et sont pour la plu- 
part assez bien conservés. Les débris de deux mosquées 
bâties en belles pierres de taille et qui ont remplacé 
deux églises chrétiennes attestent que cette localité a 
joui encore d'une certaine importance depuis l'invasion 
musulmane. Au nord s'étendait une espèce de faubourg 
dont il ne reste plus qu'une trentaine d'habitations 
renversées, plusieurs citernes et un bîrket. » V. Guérin, 
Judée, t. m, p. 201. Socoth de la montagne de Juda 
n'a joué aucun rôle dans ce que nous connaissons de 
l'histoire sainte. 

3. SOCHO (hébreu : has-Sekû; Septante : 2e?i)> 
localité où se trouvait une grande citerne et où Saûl, à 
la poursuite de David et de Samuel, demanda de leurs 
nouvelles aux gens du pays qui lui répondirent qu'ils 
étaient à Naïoth. I Sam. (Reg.), xix, 22. D'après le con- 
texte, cette citerne était dans les environs de Rama; 
elle pouvait être dans la ville même de Socho ou dans 
le voisinage. On a proposé diverses identifications, près 
de Gabaon, près d'el Biréh, etc., mais aucune n'est 
satisfaisante et le site de Sekû est inconnu. 

SOCHOTH, orthographe de Socoth dans la Vulgate, 
III Reg., vu, 46, et II Par., iv, 17. Voir Socoth 2. 

SOCHOTH-BENOTH (hébreu : Sukkôp Benôf, 
Septante : Smh^ùjô Bevi'O), idole que les Babyloniens 
transportés en Samarie par les Assyriens continuèrent 
à adorer dans le lieu de leur exil. IV Reg., xvii, 30. 
Avant les découvertes assyriologiques, les commenta- 
teurs traduisaient ces deux mots comme s'ils étaient 
hébreux : « les tentes des filles », et y voyaient une 
allusion à la coutume infâme dont parle Hérodote, i, 
199, et d'après laquelle à Babylone les jeunes filles 
devaient se prostituer une fois en leur vie en l'honneur 
de la déesse Milytta, à la fête des Sacées. Cf. Strabon, 
XI, vm, 5. Voir Calmet, Dictionnaire de la Bible, 
Socoth Benoth, édit. Migne, t. iv, col. 593; Fr. Lenor- 
mant, Manuel d'histoire ancienne de l'Orient, t. il, 
p. 249; Id., Commentaire de Bérose,p. 167-174. L'ana- 
logie porte à croire que Sukhôf benôp cache un nom 
de divinité comme tous les autres noms propres énu- 
mérés IVReg.,xvn, 30-31. H. Rawlinson suppose (dans 
G. Rawlinson, Herodotos, 3 e édit., note, t. i, p. 654), 
qu'il faut reconnaître dans les mots hébreux, auxquels 
on a donné un sens dans cette langue, selon une ten- 
dance linguistique bien connue, la déesse Zarbanit 
(cf. la transcription des Septante), épouse du dieu 
Mardouk, laquelle était en effet spécialement adorée à 
Babylone. Cf. Jensen, Literarisches Centralblatt, 1896, 
n. 50, col. 1803; E. Schrader, Succoth -Benoth, dans 
E. A. Riehm, Bandwôrterbuck biblischen Altertums, 
2' édit., t. il, p. 1600. 

1. SOCOTH (hébreu : Sukkôf; Septante: Soxxtie), 
premier campement des Israélites en Egypte, lorsqu'ils 
partirent pour aller à la conquête de la Terre Promise. 
Exod., xii, 37; xin, 20; Num., xxxm, 5-6 (Vulgate : 
Soccoth). Le district de Phithom et Phithom lui-même 



portent sur les monuments égyptiens le nom de Teku, 
c'est-à-dire Sukkôt. Voir F. Vigouroux, La Bible et les 
découvertes modernes, 6 e édit., t. u, p. 222, 405. Moïse 
mit à profit la halte de Socoth pour fixer les détails 
de la marche et attendre ceux des Israélites qui y 
venaient rejoindre leurs frères avant de se mettre en 
marche vers Étham à la frontière du désert. Voir 
Phithom, col. 321. 

2. SOCOTH, soccoth (hébreu : Sukkô}, « tentes » ; 
Septante : SxYjvat, Gen., xxxni,17; Eox/wÔâ, Jos.,xni, 
27; 2oy.y_<i9, Jud., vm, 5, 6, 7, 8, 14, 15), localité à l'est 
du Jourdain. La Genèse, xxxm, 17, raconte que Jacob, 
à son retour de Mésopotamie, s'arrêta en ce lieu, y 
bâtit pour lui une maison et y dressa des tentes ou 
plus exactement des cabanes de feuillages (sukkôt) pour 
abriter ses troupeaux, d'où le nom de Sukkôt, Socoth, 
qui lui fut donné. — Les divers passages de la Bible 
qui mentionnent Socoth la placent toujours à l'est du 
Jourdain. Jos.,xm, 27, nous apprend qu'elle avait fait 
partie du royaume de Séhon et qu'elle fut donnée en 




405. — Plan de Deir'AUa (Socoth) et de Talûl edh-Dhahab. 
D'après S. Merrill, East of the Jordan, 1881, p. 390. 

partage à la tribu de Gad. — Lorsque Gédéon, après 
avoir vaincu les Madianites, poursuit les fugitifs, il 
passe à Socoth après avoir traversé le Jourdain. Jud., 
vin. Voir Gédéon, t. m, col. 148. (La Vulgate écrit le 
nom Soccoth dans Jud., vm.) La vengeance qu'il tira 
des habitants de la ville, qui lui avaient refusé des 
vivres est, avec le passage de Jacob, le seul fait connu 
de son histoire. Socoth est encore nommée III Reg., 
vu, 46 (Vulgate : Sochoth), et II Par., iv, 17 (Vulgate : 
Sochot), pour déterminer l'emplacement de la vallée 
(kikkar) du Jourdain où l'on trouvait le terrain argi- 
leux qui fut choisi pour faire fondre les vases d'ai- 
rain du temple de Salomon. Voir Sarthan, col. 1494. 
Les Psaumes lx, 8, et cviii, 8 (Vulgate : lix, 8; cvn,8, 
convallis tabernaculorum), mentionnent la vallée de 
Socoth. Josué, Mil, 27, nous apprend que Socoth, avec 
Bétharan, Béthnemra et Saphon, était en effet, dans 
une vallée ou plaine (hébreu : 'émég), qui devait être 
d'une certaine étendue, puisqu'elle contenait plusieurs 
villes, dans le voisinage du Jourdain. — Parmi les di- 
verses identifications qu'on a proposées de l'ancienne 
Socoth, l'une des plus récentes est celle de Tell Deir- 
'ala, à un kilomètre environ au nord du Jaboc. Ce nom 
rappelle celui de nbrn, ou nSj-in, donné à Socoth par 
le Talmud de Jérusalem, Schebiith, vi, 2, qui dit : « Le 
nom moderne de Succoth est Taréla. » Le Talmud de 
Jérusalem, trad. M. Schwab, t. n, 1878, p. 415. Le Tell 
Deir'ala est une colline artificielle d'environ 20 mètres 
de hauteur (fig. 405). Voir Selah Merrill, East of the 
Jordan, 1881, p. 387; Conder, Heth and Moab, 1889, 
p. 183; Id., Palestine, 1889, p. 261; G. A. Smith, Bis- 



1819 



SOGOTH — SŒUR 



1820 



torical Geography of the Holy Land, 1894, p. 585. 
L'identification est contestable, mais on peut admettre 
que Socoth était dans ces parages. Voir Phanuel, 
col. 185. 

1. SODI (hébreu : Sôdî; Septante : Eou3î)> de la 
tribu de Zabulon, père de Geddiel. Ce dernier fut un 
des douze espions que Moïse envoya dans la Terre 
Promise pour l'explorer. Num., xm, 10. 

2. SODI (grec : Soj5), « rivière », c'est-à-dire canal 
de Babylonie sur les bords duquel habitaient une partie 
des Juifs qui avaient été emmenés en captivité à Baby- 
lone. Baruch, i, 4. Nous savons que la Babylonie était 
arrosée par un réseau de canaux dérivés de l'Euphrate 
qui portaient des noms particuliers, dont quelques-uns 
ont été retrouvés dans les documents cunéiformes. 
Nous ignorons quelle était l'orthographe sémitique 
de Sodi, le sigma étant en grec le transcription de 
plusieurs sifflantes assyriennes et hébraïques. 

SODOMIE (hébreu: Sedôm; Septante : S68o[ia), la 
principale des cinq villes de la vallée fertile de Siddim, 
qui fut engloutie dans la catastrophe de la mer Morte 
du temps d'Abraham. Voir Pentapole, col. 46-50. Elle 
était située dans une vallée à laquelle sa température 
tropicale assurait la plus grande fertilité, et ses habi- 
tants, vivant dans l'abondance, s'étaient laissé aller à 
tous les excès de la corruption : ils s'abandonnaient 
aux crimes contre nature les plus honteux, et ils atti- 
rèrent sur eux la vengeance du ciel. Gen., xni, 13; 
xviii, 20; xxi, 4-5; cf. Is., m, 9; Ezech., xvi, 49. Ils 
ne sont' pas comptés parmi les habitants de la terre 
de Chanaan, Gen., x, 19; xin, 12, mais leurs mœurs 
étaient encore plus corrompues que celles des Ghana- 
néens. Dieu les châtia d'abord par l'invasion deChodor- 
lahomor, roi d'Élam, et de ses alliés. Voir Chodorla- 
homor, t. il, col. 711. Le roi de Sodome et les quatre 
autres rois de la Pentapole furent battus dans la vallée 
de Siddim; celui de Sodome et celui de Gomorrhe 
périrent dans la bataille et Lot, neveu d'Abraham, que 
la fertilité de Sodome avait attiré dans le pays, lorsque 
Je nombre de ses troupeaux l'avait fait se séparer de 
son oncle, fut fait prisonnier et emmené par les vain- 
queurs. Il dut sa délivrance à son oncle qui poursuivit 
et battit les confédérés près de Laïs (Dan) au nord de 
la Palestine. Gen., xiv. Voir Abraham, t. i, col. 77; 
Lot, t. iv, col. 364. — Ce châtiment fut insuffisant pour 
convertir les habitants de Sodome. Lot y était revenu; 
la corruption y augmentait de jour en jour. Dieu révéla 
à Abraham par ses anges, qu'il reçut avec honneur, 
que Sodome allait être détruite. Le saint patriarche 
obtint d'eux la promesse que la ville serait épargnée, 
s'il s'y trouvait dix justes, mais ils ne s'y trouvèrent 
point. Lot donna l'hospitalité aux anges, et s'efforça de 
les défendre contre la brutalité des passions des habi- 
tants; ceux-ci n'exécutèrent point leurs criminels des- 
seins, parce que les envoyés divins les frappèrent de 
cécité. Lot échappa à la ruine de la ville en fuyant 
avec sa femme et ses filles à Ségor, pressés par les 
anges de se mettre en sûreté. Du lieu de leur retraite, 
ils virent Sodome périr par le soufre et le feu. 
Gen., xvm-xix. Nous retrouvons l'écho de cette ter- 
rible catastrophe dans un grand nombre de livres de 
l'Ancien et du Nouveau Testament. Deut., xxix, 33; 
xxxii, 32; Is., i, 9, 10; m, 9; xm, 19; Jer., xxm, 14; 
xlix, 18; l, 40; I,am., rv, 66; Ezech., xvi, 46-56; Amos, 
iv, 11; Soph., il, 9; Matth., x, 15; xi, 23, 24; Luc, x, 
12; xvii, 20; Rom., ix, 29; Il Petr., n, 6; Judœ, 7; 
cf^ Apoc, xi, 8. La main de Dieu se manifesta ainsi 
d'une manière visible dans le châtiment des villes cou- 
pables. Il se servit d'éléments naturels pour les frapper 
miraculeusement en faisant tomber sur elles une pluie 



de soufre et de feu et en enflammant sans doute les 
puits de bitume dont était remplie la vallée de Siddim, 
Gen., xix, 24; cf. xiv, 10, de sorte que le ciel et la terre 
tout à la fois servirent à leur punition et à leur ruine, 
« leçon terrible donnée aux impies. » I Petr., il, 6; 
cf. Judœ, 7. Cf. aussi Josèphe, De bell. jud., IV, vin, 
4; Strabon,XVI, h; Tacite, Hisl., v, 5. 

La mer Morte ne dut pas son apparition au désastre 
des cités criminelles, comme on l'a cru longtemps. 
D'après les travaux et les recherches modernes, elle 
existait déjà avant l'époque d'Abraham, mais à ce mo- 
ment, elle engloutit la région où avaient fleuri Sodome 
et Gomorrhe et s'agrandit ainsi dans sa partie méridio- 
nale. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1306-1309. — Les opi- 
nions sur le site des villes de la Pentapole sont très 
diverses; il paraît cependant tout à fait vraisemblable 
qu'elles étaient vers l'extrémité sud-est du lac, préci- 
sément dans cette partie dont l'origine paraît plus 
récente. C'est là qu'était située la ville voisine de 
Ségor où se réfugia Lot. Gen., xix, 20. C'est aussi dans 
ces parages que la tradition plaçait la statue de sel de 
la femme de Lot. La ville de Sodome devait avoir son 
emplacement dans une partie de la plaine qui fut sub- 
mergée par l'envahissement des eaux et qu'il est im- 
possible de déterminer aujourd'hui d'une manière 
précise. — Sur la pomme dite pomme de Sodome, 
voir Jéricho, t. m, col. 1291. 

SODOM1TES (hébreu : 'Anëê Sedôm; Septante : 
oî èv 2o8<$[j.oiç), habitants de Sodome. Gen., xm, 13. 

SŒUR (hébreu : 'âhôt, féminin de 'âh, « frère i>; 
Septante : àSeXçrj; Vulgate : soror), celle avec laquelle 
on a le même père ou la même mère, ou les deux 
ensemble. 

1» Sœurs proprement dites. — Un bon nombre d'en- 
fants étaient frères et sœurs comme étant nés du même 
père et de la même mère. Mais très souvent, à raison 
de la polygamie, des frères et des sœurs pouvaient 
venir du même père par des mères différentes. Gen., 
xx, 12; IIReg., xm, 2, 5; etc. D'autres fois, on pouvait 
avoir une sœur de la même mère, mais non du même 
père, en cas de second mariage de la mère et spécia- 
lement par suite du lévirat. Lev., xvm, 9, 11; xx, 17. 
La Loi proscrivait sévèrement l'inceste avec la sœur. 
Lev., xviii, 9, 11; Deut., xxvn, 22; II Reg., xm, 1-32. 
— Abraham fit deux fois passer Sara pour sa sœur, 
afin de sauvegarder sa propre vie. Gen., xn, 13, 19; 
xx, 2, 5, 12. — Le Sauveur veut qu'on le préfère aux 
sœurs et aux autres parents que l'on peut avoir. 
Matth., xix, 20; Marc, x, 29, 30; Luc, xiv, 26. 

2° Sœurs célèbres. — Parmi les sœurs que mentionne 
la Sainte Écriture, on peut citer spécialement Lia et 
Rachel, Gen., xxix, 20-30; Dina, sœur des douze fils 
de Jacob, Gen., xxxiv, 1; Marie, sœur de Moïse, Exod., 
H, 4; Num., xxvi, 59; les trois filles de Job, i, 4; xlii, 
13,14;Thamar, sœurd'Absalom,IIReg., xm,l; Marthe 
et Marie, Luc, x, 39; Joa., xi, 1, et la sœur de Marie, 
mère de Jésus. Joa., xix, 25. 

3" Sœurs au sens large. — Le nom de sœur, comme 
celui de frère, s'applique parfois à une parenté quel- 
conque. Gen., xxiv, 60; Job, xlii, 11; Tob.,vin, 9. C'est 
ainsi que les « sœurs de Jésus » ne sont que des cou- 
sines, qui n'ont nullement Marie pour mère. Matth., 
xm, 56; Marc, vi, 3. Voir Frère, t. h, col. 2403. — 
Le nom de sœur est quelquefois donné à l'épouse. 
Cant.,iv, 9, 10, 12; v, 1, 2; vm, 8. — On appelle sœurs 
les femmes d'une même tribu. Num., xxv, 18. Les 
enfants d'Israël et de Juda sont frères et sœurs. Ose., 
n, 1. Les deux populations de Juda et d'Israël sont 
sœurs. Jer., m, 8, 10. Par extension, on donne le nom 
de sœurs à deux villes dont les dispositions morales 
sont analogues, Samarie et Jérusalem, Ezech., xvi, 46, 



Î821 



SŒUR — SOIF 



1822 



sous les noms d'Oolla et d'Ooliba, Ezech., xxm, 31, et 
même Sodome et Jérusalem, Ezech., xvi, 48, etc. — 
Le mot sœur peut aussi caractériser des relations de 
diverse nature. On dit à la sagesse : « Tu es ma sœur. » 
Prov., vu, 4, Job, xvii, 14, dit aux vers : « Vous êtes 
ma mère et ma sœur, » pour signifier qu'il est tout 
voisin du tombeau. — Enfin l'expression singulière 
^issâh 'êl 'ôhôtâh, « femme à sa sœur », veut dire sim- 
plement « l'une et l'autre, » même en parlant d'objets 
■du genre féminin, comme des tentures, des agrafes, 
Exod., xxvi, 3, 5, 6,17, des ailes, Ezech. ,i, 9; m, 13, etc., 
<le même que l'expression 'i$ 'él 'âhiiv, « homme à son 
frère », signifie « l'un et l'autre », Gen., Xm, 11; xxvi, 
31,- même en parlant d'objets. Ezech., xxv, 20; xxxvn, 9. 

4° Sœurs spirituelles. — Le Sauveur appelle son frère 
■et sa sœur ceux qui font la volonté de son Père. Matth., 
xii, 50; Marc, m, 35. Les chrétiens sont donc ensemble 
frères et sœurs. Rom., xvi, 1; I Cor., vu, 15; Jacob., 
h, 15. Saint Paul revendique le droit de se faire accom- 
pagner par une sœur, comme les autres apôtres. I Cor., 
ix, 5. Il recommande à son disciple de traiter les jeunes 
filles comme des sœurs, I Tim., v, 2, lui prescrivant 
ainsi la réserve absolue au point de vue naturel et le 
■dévouement au point de vue spirituel. 

H. Lesëtre. 

SOHA (hébreu : Siha, Septante : S-rçâ), chef d'une 
famille de Nathinéens. II Esd., vu, 47 (hébreu, 46). 
Dans I Esd., n, 43, son nom est écrit Siha. Voir 
•col. 1719. 

SOHAR (hébreu : $ôhar; Septante : Saip ), fils de 
Siméon et petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 10. Son nom 
■est écrit Soar, dans l'Exode, vi, 15 (col. 1814), et, par 
interversion des deux dernières consonnes, Zaré (Sep- 
tante : Zapâ), Num., xxvi, 13, et Zara (Zapéç), I Par., 
iv, 24. Il fut le chef de la famille des Zaréites. 
Num., xxvi, 13. 

SOHORIA (hébreu : Seharyâh; Septante : Saapîaç), 
le second nommé des six fils de Jéroham, de la tribu 
■de Benjamin, qui habitèrent à Jérusalem. I Par., 
vin, 26. 

SOIE (grec : <n)pixôv; Vulgale : sericum), étoffe 
fabriquée avec les cocons du ver à soie. Certains 
insectes lépidoptères du genre bombyx (fig. 406), par- 
ticulièrement le bombyx du mûrier, bombyx mori ou 
sericaria, produisent des larves qui, après différentes 
mues, filent un cocon dans lequel elles restent enfer- 
mées de 15 à 18 jours à l'état de chrysalides, pour 
en sortir sous forme de papillons. Le cocon est fait 
d'une matière filamenteuse qu'on peut dérouler et au 
moyen de laquelle, après différentes préparations, on 
fabrique les fils de soie. Dès la plus haute antiquité, les 
Chinois ont su préparer la soie. L'industrie se pro- 
pagea ensuite dans l'Inde, en Perse, en Phénicie et en 
•Grèce. A l'époque des Ptolémées, elle constituait un des 
principaux articles du commerce d'Alexandrie. Les 
étoffes de soie étaient d'un très grand prix. Cf. Aristote, 
Hist. anim., v, 19; Pline, H. N., vi, 20, 21; Josèphe, 
Bell, jud., VII, v, 4; Mischna, Kilaïm, 9, 2; Suétone, 
Calig., 52; Martial, xi, 9; Vopiscus, Aurel., 45; Hélio- 
•dore, JElhiop., x, 25. — Saint Jean nomme la soie parmi 
les matières précieuses qui affluaient sur les marchés 
•de la grande Babylone. Apoc, xvm, 12. — Ezéchiel, 
xvi, 10, 13, représente le Seigneur prenant soin de 
Jérusalem et la revêtant de niésî. D'après les auteurs 
juifs, ce mot désignerait la soie, et quelques commen- 
tateurs ont admis cette interprétation. Le mot méSî, 
venant probablement de riidsàh, « tirer, extraire », ne 
fournit par lui-même aucune indication. Les Septante 
ont traduit par Tpr/omTov, « tissé avec des cheveux » 
ou « tissu très fin «.Saint Jérôme adopte ce dernier 



sens, subtilibus, et explique qu'il s'agit ici d'un tissu 
de fils ayant la finesse de cheveux. Lés autres versions 
ne rendent mésî que par à peu près. Il ne serait pas 
impossible qu'à l'époque de Salomon on eût rapporté 
de l'Inde quelques tissus de soie. Mais les textes n'en 
parlentpas et, en tous cas, l'industrie de la soie n'a pas 
été importée à cette époque en Palestine ou en Phéni- 
cie, de manière que les étoffes de soie pussent servir à 
l'habillement au temps d'Ézéchiel. Il est donc beaucoup 
plus probable que le prophète ne veut parler ici que 
d'étoffes fines et précieuses dont la nature ne nous est 
pas connue ni le nom expliqué. — Amos, m, 12, dit que 
les grands et les riches d'Israël sont assis sur des 
coussins deméséq, ou, selon beaucoup de manus- 
crits, deméséq. Les Septante et la Vulgate ont reconnu 
dans ce mot le nom de la ville de Damas, qui s'écrit 
Daméèéq. Il serait donc ici question de coussins ou de 




Fig. 406. — Larve. Ver à soie. Cocon. Papillon. 

tapis provenant de Damas, quelle qu'en ait d'ailleurs 
été la nature. Comme Damas est devenu célèbre par ses 
soieries, quelques auteurs ont pensé que deméséq dési- 
gnerait l'étoffe de soie fabriquée à Damas, et qui, du 
nom même de la ville, s'appelle encore dans nos langues 
« damas, damask, damast, damasco ». C'est là une con- 
jecture très peu probable. Au temps d'Amos, on fabri- 
quait certainement des étoffes et des tapis de prix à 
Damas; mais rien ne permet d'affirmer que ces étoffes 
fussent de soie. — Isaïe, xix, 9, décrit la consternation 
de ceux qui, en Egypte, travaillent le lin peigné, èerî- 
qô(, xô Xi'vov t6 ff^terrév, linuni pectentes . Le mot hébreu 
vient de èâraq, « peigner ». Cf. Lin, t. iv, col. 260. 
D. Calmet conjecture que ierîqôt désigne la soie. La 
seule ressemblance de ce mot avec <jr)ptx6v ne suffit pas 
à le démontrer. H. Lesêtre. 

SOIF (hébreu : sdtnd, sim'dh; Septante: èityx; Vul- 
gate : sitis), besoin de boire. 

1" Au sens propre. — Les Hébreux souffrirent de la 
soif au désert, à Baphidim et à Meriba, et Dieu fit 
sortir l'eau du rocher. Exod., xvn, 3; Num., xx, 5; 
Is., xlviii, 21; II Esd., ix, 15, 20; Sap., xi, 4. La soif 
est un des maux dont seront frappés les Israélites inû- 



1823 



SOIF — SOIR 



1824 



déles. Deut., xxvm, 48; Is., v, 13; Lam., iv, 4; Ose., 
n,3; Am., vm, "13; Jer., h, 25. — En Orient, la soif 
est un des besoins les plus fréquents et les plus pres- 
sants pour ceux qui se donnent du mouvement. Sisara 
a soif et demande un peu d'eau à boire. Jud., iv, 19. 
Les soldats de Gédéon ont soif. Jud., vu, 5-7. Samson 
est dévoré par la soif et Dieu fait sortir l'eau du rocher 
de Léchi. Jud., xv, 18. Les moissonneurs avaient avec 
eux des cruches d'eau pour se désaltérer. Booz dit à Ruth 
d'aller boire aux cruches quand elle aura soif. Ruth, 
h, 9. David fugitif et les siens eurent à souffrir de la 
soif. II Reg., xvn, 29. A Béthulie, la soif se fit dure- 
ment sentir pendant le siège. Judith, vu, 14, 17; xvi, 
13. Les envoyés de Sennachérib disaient aux habitants 
de Jérusalem que, s'ils en croyaient Ezéchias, ils péri-, 
raient par la famine et par la soif. Il Par., xxxil, 11. 
Mais on avait pris soin de creuser un aqueduc pour 
assurer l'eau à la ville, IV Reg., xx, 20; II Par., xxxn, 
30, voir Aqueduc, t. i, col. 804, et l'on avait couvert 
toutes les sources pour priver d'eau les assiégeants. 
II Par., xxxil, 3, 4. — « Venez avec de l'eau au-devant 
de celui qui a soif! » dit Isaïe, xxi, 14, en parlant de 
l'Arabie châtiée par le Seigneur. En proie à la soif, les 
malheureux défaillent, Ps. cvii (cvi), 5, et c'est pitié 
que parfois le pauvre artisan souffre de la soif en fou- 
lant la vendange. Job, xxiv, 11. L'insensé agit de 
manière à priver de breuvage celui qui a soif, Is., 
xxxu, 6, mais le Seigneur exauce le pauvre dont la 
langue est desséchée par la soif. Is., xli, 17. Le besoin 
d'étancher la soif est si impérieux qu'il est recom- 
mandé de donner à boire même à un ennemi. Prov., 
xxv, 21; Rom., xn, 20. Celui qui a soif a beau rêver 
qu'il boit, il reste altéré. Is., xxix, 8. Une bonne nou- 
velle venue de loin est comparée à l'eau fraîche pour 
celui qui a soif. Prov., xxv, 25. — Les animaux aussi 
sentent la soif; les sources étanchent celle des onagres, 
Ps. civ (cm), 11, et, faute d'eau, les poissons meurent 
de soif. Is., l, 2. — Notre-Seigneur promet la récom- 
pense à celui qui donne une. simple tasse d'eau fraîche 
à celui qui a soif, Matth., x, 42, tant ce bienfait est 
appréciable en Orient, et il déclare qu'il traitera ceux 
qui ont donné ou ceux qui ont refusé à boire au pro- 
chain comme s'ils l'avaient fait à lui-même. Matth., 
xxv, 35, 37, 42, 44. Lui-même eut soif au puits de 
Jacob, après une marche par la grande chaleur, Joa., 
IV, 6-8, et surtout sur la croix, à la suite de l'effusion de 
son sang et des supplices de sa passion. Joa., xix, 28. 
Il était prophétisé que, dans sa soif, on l'abreuverait 
de vinaigre. Ps. lxx (lxix), 22. La prophétie fut réali- 
sée. Joa., xix, 29. — Saint Paul souffrit aussi de la 
soif dans ses courses apostoliques. I Cor., iv, 11; 
II Cor., xi, 27. 

2» Au sens figuré. — La soif figure le besoin ou le 
grand désir que l'on a d'un bien quelconque. Celui 
qui compte être heureux, tout en transgressant la loi 
de Dieu, pourrait entraîner les autres au mal par son 
exemple, et ainsi celui qui est assouvi., grâce aux biens 
qu'il possède, détournerait du devoir celui qui a soif 
de ces biens. Le Seigneur mettra ordre à cette préten- 
tion. Deut., xxix, 19. Après la restauration messianique, 
Israël n'aura ni faim ni soif, c'est-à-dire ne manquera 
d'aucun bien spirituel, Is., xlix, 19, tandis que les 
ennemis de Dieu auront soif de ces biens. Is., lxv, 
13. — Le Seigneur enverra une faim sur la terre, 
« non une faim de pain, ni une soif d'eau, mais 
d'entendre les paroles de Jéhovah. v Am., vin, 11. Dieu 
fait cette invitation à ses serviteurs : 

O vous tous qui avez soif, venez aux eaux ; 

Venez, achetez sans argent, 

Sans rien donner, du vin et du lait. Is.. lv, 1. 

Ces eaux, ce vin et ce lait promis à ceux qui ont soif 
désignent les gTâces spirituelles qui seront accordées 



gratuitement à ceux qui les désireront. Déjà les justes de 
l'Ancien Testament ont soif de Dieu . Ps. xlii (xli) , 3 ; lxiii 
(lxii), 2. — Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux 
qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassa- 
siés. Matth., v, 6. A la Samaritaine, il promet une eau 
grâce à laquelle on n'aura plu s jamais soif. Joa. , iv, 13, 15 . 
Cette eau est celle de la vérité et de la vie divines, 
communiquées aux âmes par le Rédempteur. Lui-même 
en est la source inépuisable. Aussi dit-il : « Celui qui 
croit en moi n'aura jamais soif, » Joa., vi, 35, et « Si 
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. » 
Joa., vu, 37. — Au ciel, les bienheureux n'auront plus 
soif, Apoc, vu, 16, parce que possédant la félicité par- 
faite ils n'auront plus rien à désirer. « A celui quia soif, 
je donnerai gratuitement de la source de l'eau de la 
vie, » Apoc, xxi, 6, source qui n'est autre que Dieu 
même, se communiquant aux âmes bienheureuses pour 
les faire participer à sa vie divine, glorieuse et éter- 
nelle. Saint Jean termine son Apocalypse, xxn, 17, par 
cette invitation : « Que celui qui a soif, vienne! Que 
celui qui le désire prenne de l'eau de la vie gratuite- 
ment! » L'eau de la vie est ici la grâce. qui procure 
la vie surnaturelle en ce monde, pour aboutir à la 
gloire ou vie éternelle en l'autre. H. Lesètre. 

SOIR (hébreu :'éréb; Septante : é.<ntépa, ô'J/1; Vul- 
gate : vesper, sero), partie du jour qui précède et suit 
immédiatement le coucher du soleil. — 1° Les Baby- 
loniens et les Égyptiens comptaient le jour d'un matin 
au matin suivant. Les Hébreux le comptaient au con- 
traire d'un soir à l'autre. Cet usage provenait probable- 
ment de ce que, leurs mois étant lunaires, ces derniers 
tinrent à faire commencer le jour à l'heure où commen- 
çait le mois, c'est-à-dire le soir. Voir Néoménie, t. iv, 
col. 1588. Néanmoins, il ne serait pas exact de rattacher 
à cette manière de compter ce qui est dit dans le récit 
de la création : « Il y eut un soir et il y eut un matin; 
ce fut le premier jour. » Gen., i, 5, 8, 13, 19, 23, 31. 
Après la création de la lumière et sa séparation d'avec 
les ténèbres, le jour se trouva naturellement divisé par 
deux phénomènes successifs : d'abord, il y eut un soir, 
quand la nuit approcha, ensuite il y eut un matin, 
quand la lumière réapparut. Cf. de Hummelauer, In 
Gen., 1895, p. 95. — 2° A cause de l'approche de la 
nuit, le soir marquait la fin du travail, Gen., xxx, 16; 
Jud., xix, 16; Ps. civ (cm), 23, etc.; le moment où l'on 
payait le salaire du journalier, Lev., xtx, 13; Deut., 
xxiv, 15; Matth., xx, 8; l'heure où les voyageurs s'arrê- 
taient, Luc, xxiv, 29, où ceux qui avaient de mauvais 
desseins se mettaient en campagne, Prov., vu, 9; etc. — 
3° Le soir marquant aussi la fin du jour légal, les 
impuretés même rachetées duraient jusqu'au soir, 
Lev., xi, 24-40; xiv, 46; xv, 5-27; Num., xix, 7-22; 
Deut., xxiii, 11; las suppliciés étaient alors retirés de 
l'instrument de supplice, Deut., xxi, 23; Jos., 
vin, 29; x, 26; le jeûne cessait, Lev., xxm, 32; 
II Reg., i, 12; le sabbat était fini, Matth., xxvm, 
1; le second sacrifice quotidien était offert, Exod., 
xxix, 39. Ce sacrifice se célébrait « entre les deux 
soirs » et l'immolation de l'agneau pascal avait 
lieu dans les mêmes limites. Exod., xu, 6; xvi, 12; 
xxx, 8; Lev., xxiii, 5. L'expression « entre les deux 
soirs » ne vise pas deux soirs consécutifs, de manière 
à comprendre vingt-quatre heures. Elle s'applique à 
la même soirée. D'après les Caraïtes et les Samaritains, 
elle comprenait le temps qui s'écoule entre le coucher 
du soleil et le crépuscule. Pour les pharisiens, obligés 
de compter avec les nécessités liturgiques pour l'immo- 
lation de milliers d'agneaux à la veille de la Pàque, le 
temps ainsi désigné s'étendait du déclin du soleil à son 
coucher. — 4" Quand <t le jour baisse, les ombres du 
soir s'allongent. » Jer., vi, 4. Le soir, en Palestine, on 
peut pronostiquer le temps du lendemain. Matth., 



1825 



SOIR 



SOLEIL 



1826 



xvi, 2. Parfois « du matin au soir le temps change. j> 
Eccli., xvili, 26. — 5° « Du matin au soir » désigne le 
temps d'une journée et ce temps est court. Job, iv, 20; 
Is., xxxviii, 12, 13. « Le soir, le matin, le milieu du 
jour » comprennent la journée entière. Ps. lv (liv),18. 
On prédit en ces termes, à l'Israélite infidèle, ses per- 
pétuelles angoisses : « Le matin tu diras : Que ne suis- 
je au soir? et le soir tu diras : Que ne suis-je au 
matin? » Deut., xxvm, 67. Pour le juste éprouvé, au 
contraire, « le soir viennent les pleurs et le matin 
l'allégresse. » Ps. xxx (xxix), 6. H. Lesêtre. 

SOIXANTE-DIX. Voir Nombre, vu, 13°, t. iv, 
col. 1690. 

SOLDAT (hébreu : 'îs milhâmâh; grec : arpï- 
tkJtïjc), homme de guerre. Voir Armée, 1. 1, col. 971 sq. 
— Saint Jean-Baptiste recommande aux soldats qui 
l'interrogent de se contenter de leur solde et de ne faire 
violence à personne. Luc, m, 14. — Saint Paul, IITim., 
il, 3, recommande à son disciple de travailler comme un 
bon soldat du Christ. 

SOLDE (grec : ô^wviov; Vulgate -.stipendium), paye 
donnée au soldat. — La solde paraît avoir été inconnue 
aux anciens peuples. Dans les armées égyptiennes, les 
troupes qui partaient en campagne recevaient les armes 
et les vivres, mais, en fait de solde, ne touchaient 
qu'une part du butin, proportionnelle au grade et aux 
exploits de chacun. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. il, 1897, p. 220, 228. Abimélech, après avoir reçu 
soixante-dix sicles d'argent, s'en sert pour prendre 
à sa solde des gens de rien et des aventuriers. Jud., 
xi, 4. Les Ammonites prennent à leur solde des Syriens 
et des gens de Maacha etdeTob pour tenir tête à David. 
II Reg., x, 6; I Par., xix, 6, 7. Sous Joratn, roi d'Israël, 
les Syriens s'imaginent que desHéthéens et des Égyp- 
tiens ont été pris à solde contre eux. IV Reg., vu, 6. 
Chez les Assyriens, il y avait un noyau permanent de 
troupes qui résidaient dans la capitale et dans les 
villes principales, et qui devaient naturellement être 
entretenues; mais on ignore si les contingents qui 
venaient s'y adjoindre en cas de guerre recevaient une 
paye journalière pendant la campagne. Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. h, p. 626, 627. Comme Nabucho- 
donosor n'a rien tiré de sa campagne contre Tyr, le 
Seigneur lui donne à piller l'Egypte, pour la solde de 
son armée. Ezech., xxix, 18-20. Les soldats israélites 
servaient à leur compte, sans autre avantage que 
«elui de défendre leur pays et d'avoir part au butin 
pris sur l'ennemi. Mais quand les rois, à partir de 
•David et de Salomon, eurent des troupes en perma- 
nence, il leur fallut bien les entretenir et proba- 
blement leur assurer une solde. Celle-ci s'imposait 
quand on faisait appel à des troupes étrangères. Ainsi 
Amasias, roi de Juda, fit affaire, en vue d'une campagne, 
avec 100000 mercenaires israélites au prix de cent 
talents d'argent, soit 85X1000 francs, ce qui ramène la 
part de chacun à 8 fr. 50, à supposer que le chiffre 
de 100000 n'ait pas été majoré par les copistes. II Par., 
xxv, 6. Il faut se rappeler d'ailleurs qu'à cette époque 
l'argent avait une tout autre valeur qu'aujourd'hui. En 
Grèce, le soldat en campagne avait droit à une solde 
journalière, augmentée d'une certaine somme pour son 
entretien. Il pouvait recevoir ainsi de quatre oboles 
(0 fr. 64) à une drachme (0 fr. 97). Le marin touchait de 
trois oboles (0 fr. 48) à une drachme. Cf. Gow-Reinach, 
Minerva, Paris, 1890, p. 120, 121. Les monarchies d'ori- 
gine grecque payaient une solde à leurs troupes. Au 
temps des Machabées, Antiochus Ëpiphane donne une 
année de solde à son armée pour qu'elle se tienne prête 
à marcher. I Mach., m, 28. Timothée, général syrien, 
■enrôle des Arabes dans son armée. I Mach., v, 39. 

DICT. DE LA BIBLE. 



Antiochus Eupator a aussi à sa solde des mercenaires 
de tous pays. I Mach., vi, 29; IMach., m, 28. Les princes 
machabéens durent se conformer à cet usage. Simon 
soldait les troupes qu'il employait, bien qu'elles fussent 
composées de ses compatriotes. I Mach., xiv, 32. Jean 
Hyrcan, pour payer les siennes, prit dans le tombeau 
de David trois mille talents d'argent (25 500 000 fr.), du 
moins au rapport de Josèphe, .4nt. jud., XIII, vin, 4. En 
406 avant J.-C, les Romains instituèrent le stipendium 
dans leurs armées. Le fantassin recevait deux oboles 
(0 fr. 25) par jour, le centurion le double, et le cavalier 
le triple, avec déduction des frais de nourriture et 
d'équipement. La solde annuelle du fantassin, qui était 
à l'origine de 120 deniers (128 fr. 40), fut portée par 
César à 225 deniers (240 fr. 75), et par Domitien à 300 
(321 fr.). Cf. Gow-Reinach, Minerva, p. 234, 259. Les 
auxiliaires qui servaient en Palestine sous les ordres 
du procurateur recevaient la solde fixée parCésar.Ils la 
trouvaient probablement un peu maigre et ne se fai- 
saient pas faute de l'arrondir au moyen de déprédations 
de toutes sortes. Voilà pourquoi saint Jean-Baptiste 
disait aux soldats qui se rendaient auprès de lui sur 
les bords du Jourdain : « Contentez-vous dé votre solde. » 
Luc, m, 14. D'ailleurs ces soldats n'étaient ni des lé- 
gionnaires, ni des Juifs, exemptés du service militaire, 
mais des auxiliaires recrutés en Syrie et dans les pays 
voisins. Cette solde est appelée oij/tiviov, « approvi- 
sionnement», parce qu'elle consistait en majeure partie 
dans les vivres assurés au soldat. — Saint Paul, reven- 
diquant pour lui-même et pour ses collaborateurs le 
droit de vivre aux dépens de ceux qu'il évangélise, s'ap- 
puie sur cette analogie tirée du service militaire : « Qui 
donc fait métier de soldat à sa propre solde, » c'est-à- 
dire à ses frais! I Cor., ix, 7. Il ajoute d'ailleurs que, 
pour éviter d'être à charge aux Corinthiens, il a exercé 
son ministère auprès d'eux à la solde d'autres églises, 
recevant de chrétientés étrangères ce qui lui permet- 
tait de vivre à Corinthe. II Cor., xi, 8. — Comparant 
ailleurs le service de Dieu à celui du péché, il dit que 
la récompense du premier est la sanctification et la vie 
éternelle, tandis que « la solde du péché, c'est la mort. » • 
Rom., vi, 23. H. Lesêtre. 

SOLEIL (hébreu :SéméS, et poétiquement : hdmmâh, 
« chaleur », et hérés; Septante : tJXioç ; Vulgate : sol), 
astre qui produit le jour sur la terre et autour duquel 
gravitent les planètes. 

I. Le soleil dans la. Sainte Écriture. — 1» Nature 
et rôle du soleil. — Le soleil n'estqu'une créature de 
Dieu. Au quatrième jour de la création, Dieu fit deux 
grands luminaires dont le principal fut destiné à prési- 
der au jour. Gen., i, 16. L'apparition de la lumière au 
premier jour de la création et du soleil seulement au 
quatrième ne présente pas de difficulté sérieuse. Ceux 
qui veulent expliquer scientifiquement cette double 
apparition successive distinguent le lluide lumineux 
d'avec l'astre qui peut servir à le mettre en mouve- 
ment sur un point donné de l'univers, ou bien ils 
rapportent au premier jour la création du soleil et au 
quatrième son apparition sur la terre, quand la nébu- 
leuse solaire fut assez condensée pour émettre un 
rayonnement capable de percer les épaisses vapeurs 
qui entouraient le globe terrestre. Voir Cosmogonie, 
t. Il, col. 1049. Si l'on ne reconnaît qu'un caractère 
purement idéaliste au récit de Moïse, la place assignée 
à la création du soleil importe peu en elle-même. Il 
faut remarquer néanmoins que cette place est secon- 
daire. L'auteur sacré a voulu sans doute enseigner par 
là que le soleil n'est nullement le principe des choses, 
comme le pensaient la plupart des hommes qui ado- 
raient en lui le dieu générateur de l'univers, mais 
une simple créature qui a reçu' du Dieu Créateur sa 
mission spéciale et vient à son rang, au même titre que 

V. - 58 



1827 



SOLEIL 



1828 



les autres êtres. C'est Dieu qui a fait le soleil. 
Ps. lxxiv (lxxiii), 16. Dieu lui commande, Job, ix, 7, 
et il obéit, Bar., vi, 59, il connaît l'heure de son cou- 
cher, c'est-à-dire se couche à l'heure que Dien lui 
marque. Ps. crv (cm), 19. La Sainte Écriture parle du 
cours du soleil d'après les apparences, selon le langage 
habituel aux hommes. Elle ne préjuge en rien la ques- 
tion scientifique du rapport réel qu'ont entre eux le 
soleil et la terre au point de vue du mouvement. Elle 
parle donc du lever du soleil, Gen., six, 23; xxxn, 31; 
Exod., xxiii, 3; Ps. civ (cm), 22; Eccli., xxvi, 21; etc., 
et de son coucher. Gen., xv, 12; Exod., xxii, 26; etc. 

Le soleil se lève, le soleil se couche, 
Et il se hâte de retourner à sa demeure, 
D'où il se lève de nouveau. Eccle., i, 5. 

On avait remarqué les « retours périodiques » du 
soleil, c'est-à-dire probablement les solstices, qui ser- 
vaient à régler les « vicissitudes des temps » et le cours 
des années. Sap., vu, 18. Le soleil a un splendide 
aspect. Eccli., xlii, 16. Sa clarté n'est pas la même que 
celle de la lune. I Cor., xv, 41. Il préside au jour, qu'il 
constitue par sa présence au-dessus de l'horizon. Ps. 
cxxxvi (cxxxv), 8; Eccli., xxxm, 7; Jer., xxxi, 35. En 
Orient, l'action du soleil se manifeste plus sensiblement 
encore par sa chaleur que par sa lumière. Celte chaleur 
se fait sentir dès son lever, Jud., v, 31; I Reg., xi, 9; 
II Reg., xxiii, 4; II Esd., vu, 3; Sap., xvi, 27, et s'ac- 
croît à mesure que le soleil monte dans le ciel, Exod., 
xvi, 21, dissipant les nuées, Sap., n, 3; mûrissant les 
fruits, Deut., xxxm, 14; brunissant les visages, Cant., 
i, 5, et faisant parfois souffrir gravement les hommes 
et les plantes. Eccli., xlhi, 4; Is., xlix, 10; Bar.,n,25; 
Jon., iv, 8; Matth., xm, 6; Marc, iv, 6; Jacob., i, 11; 
Apoc.,vn, 16. Il s'obscurcit miraculeusement à la mort 
du Sauveur. Luc, xxm,45. Voir Éclipse, t. h, col. 1562. 
Pendant les tempêtes, les nuages le dérobent complè- 
tement à la vue durant un temps variable. Act., 
xxvn, 20. En remplissant ainsi son rôle, le soleil loue 
le Seigneur à sa manière. Ps. cxlviii, 3; Eccli., xlhi, 
2; Dan., m, 62. 

2° Locutions diverses. — Le lever et le coucher du 
soleil désignent les points de l'horizon où le soleil 
paraît et disparaît, le levant, orient ou est, Jos., i, 15; 
xn, 1; 1s., xli, 25; xlv, 6; Ezech., xi, 1; etc., le cou- 
chant, occident ou ouest. Deut., xi, 30; Jos., i, 4; etc. 
« Du levant au couchant » indique toute la surface de 
la terre. Ps. l (xlix), 1; cvn (cvi), 3; cxin (cxn), 3; 
Mal., 1, 11; etc. — « Sous le soleil » est une expres- 
sion fréquemment employée par l'Ecclésiaste, i, 3, 10, 
13, 14, etc., pour désigner le séjour des hommes, la 
terre. — Ceux qui voient le soleil sont les vivants. 
Eccle., vu, 12.11 est doux de voir le soleil, c'est-à-dire 
de vivre. Eccle., xi, 7. Ne pas voir le soleil, c'est ne 
pas naître, Ps. lviii (lvii), 9; Eccle., vi, 5, ou seule- 
ment être aveugle. Act., xm, 11. Le soleil s'obscurcit 
pour le vieillard dont la vue s'affaiblit. Eccle., xn, 1. 
Il se couche pour celui qui meurt, Jer., xv, 9, ou qui 
n'a plus l'assistance de Dieu.'Mich., m, 6. — « A la 
face du soleil », en plein soleil, marque qu'une action 
s'accomplit à la vue de tous. Num., xxv, 4; — « Tant 
que subsistera le soleil » signifie toujours, Ps. lxxii 
(lxxi), 5, 17; lxxxix (lxxxviii), 38; Eccli., xxvn, 12, 
bien que le soleil lui-même doive cesser d'exister. 
Eccli., xvn, 30. — Dieu « fait lever son soleil sur les 
méchants et sur les bons, » c'est-à-dire accorde à tous 
les hommes sans exception les dons de la nature. 
Matth., v, 45. — Il ne faut pas que le soleil se couche 
sur la colère, c'est-à-dire la colère doit être apaisée 
avan t la fin du jour. Eph., iv, 26. 



3° Comparaisons. — Dans un songe, Joseph. voit le 
soleil, la lune et onze étoiles se prosterner devant lui, 
et Jacob reconnaît qu'il est lui-même ici représenté 



par le soleil. Gen., xxxvii, 9, 10. — Dieu a sa tente 
dans le soleil, par conséquent au sein de la gloire, 
Ps. xix (xvm), 6. Ses yeux sont plus brillants que le- 
soîeil. Eccli., xxiii, 28. Lui-même est le soleil des- 
justes, Is., lx, 19, 20; le soleil de justice-, Mich., iv, 2,. 
Jésus-Christ transfiguré, Matth., xvu, 2, et glorieux, 
Apoc, i, 16, brille comme le soleil. Dans le ciel, il 1 
sert de soleil aux bienheureux. Apoc, xxi, 23;. 
xxn, 5. — L'épouse du Cantique, vi, 9, est belle comme- 
le soleil; la sagesse est plus belle que lui. Sap., vu, 29.. 
Au soleil sont encore comparés le grand-prêtre Simon,. 
Eccli., l, 7; les justes, Matth., xm, 43; les bonnes 
œuvres. Eccli., xvn, 16. Les idoles n'ont rien de com- 
mun avec cette ressemblance. Bar., vi, 66. — Le soleil 
de l'intelligence est la lumière de la sagesse. Sap., vi, 
6. Dans le songe de Mardochée, le soleil représente la- 
sécurité et la prospérité rendues aux Juifs. Esth., 
x, 6; xi, 11. Saint Paul voit sur le chemin de Damas 
une lumière plus éclatante que le soleil. Act., xxvi, 13- 
Dans ses visions, saint Jean voitun ange dont le visage 
brille comme le soleil, Apoc, x, 1; un autre ange- 
debout dans le soleil, Apoc, xix, 17, et une femme 
revêtue du soleil. Apoc, xn, 1. Ces images donnent 
l'idée de la gloire divine dont ces personnages sont 
environnés. — Dans les grandes manifestations de la- 
justice divine, le soleil, figure de la bonté et de la 
grâce du Seigneur, est obscurci et voilé. Is., xm, 10; 
xxiv, 23; Ezech., xxxn, 7; Jo., n, 10, 31; m, 15; 
Am., vin, 9; Hab., ni, 11; Matth., xxiv, 29; Marc, 
xm, 24; Luc, xxi, 25; Act., n, 20; Apoc, vi, 12, 
vin, 12; ix, 2; xvi, 8. Pour annoncer le salut, au 
contraire, le soleil devient plus éclatant que jamais. Is., 
xxx, 26. 

II. Culte du soleil. — 1° La défense. — Dieu inter- 
dit à son peuple de se tailler des images, afin de n'être- 
pas entraîné à rendre un culte au soleil et aux astres 
du ciel. Deut., IV, 16-19. Il ordonne de lapider ceux 
qui se livreront aux pratiques d'un pareil culte. Deut.,. 
xvn, 3-5. Cette prohibition et cette menace étaient 
gravement motivées. De Chaldée, les ancêtres des- 
Hébreux avaient rapporté le souvenir du dieu Scha- 
masch (fig. 38, t. i, col. 238), le soleil, qui verse sur- 
la terre non seulement la lumière, mais aussi la vérité- 
et la justice. Il est appelé 6e! di-nim, « seigneur dui 
jugement », on le consulte et on lui offre des sacri- 
fices. Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babylo- 
niens, Paris, 1903, p. 20, 300. En Egypte, les Hébreux 
avaient vu aussi adorer sous le nom de Râ le soleil,, 
représenté sous douze formes différentes d'épervier, de- 
veau, d'homme, etc., suivant les heures de la journée, 
et dentifié soit avec Horus, le ciel lui-même, soit avec- 
l'œil d'Horus. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. I,. 
p. 136-138. Dans le pays de Chanaan, où le culte du< 
soleil était en vigueur, voir Baal, t. i, col. 1317, le dan- 
ger de séduction menaçait les Israélites. Il y avait donc 
à les prémunir. La peine de mort portée contre la pra- 
tique de ce culte idolâtrique indiquait la gravité de la 
transgression. — Job, xxxi, 26-28, dans sa confession, 
se défend d'avoir commis cette faute : 

Si, en voyant le soleil jeter ses feux, 
Et la lune s'avancer dans sa splendeur, 
Mon cœur s'est laissé séduire en secret, 
Si ma main s'est portée à ma bouche : 
C'est là encore un crime que punit le juge, 
J'aurais renié le Dieu très-haut. 

D'après Baudissin, dans la Reatencyclopxdie, 3 e édit., 
t. xvm, Sonne bei den Hebrâern,\>. 514, le culte du soleil 
n'aurait pas existé chez les anciens Hébreux; son intrc- 
duction chez eux serait due à des influences étrangères. 
Les grands propagateurs de ce culte sont les Araméens, 
qui l'ont eux-mêmes probablementemprunté aux Baby- 
loniens. Le Schamasch de Sippar serait le type de tous- 



1829 



SOLEIL — SOMMEIL 



1830 



les dieux solaires sémitiques. Cf. Revue biblique, 1907, 
p. 620. 

2» La transgression. — Sous certains rois de Juda, 
particulièrement Manassé et Amon, le culte du soleil 
fut établi à Jérusalem même et aux environs. On offrait 
des parfums à Baal et au soleil. A l'entrée du Temple, 
des chevaux étaient dédiés au soleil et il y avait des 
chars du soleil. Josias chassa les prêtres qui prati- 
quaient ce culte, fit disparaître les chevaux et brûla les 
chars. IV Reg., xxm, 5, 11. On sait que les Perses 
offraient des sacrifices au soleil, Hérodote, i, 131, que 
les mages lui immolaient parfois des chevaux blancs, 
Hérodote, vu, 113, et que ces mêmes Perses consacraient 
au soleil un char et des chevaux. Xénophon, Cyrop., 
vin, 3, 12. Les chars de Jérusalem étaient sans doute 
destinés à promener l'idole solaire, et les chevaux 
étaient gardés vivants pour traîner ces chars et ensuite 
servir de victimes en l'honneur du dieu. Mais il n'est 
guère probable que !e culte pratiqué à Jérusalem à 
l'époque de Manassé ait pu dériver de celui des Perses. 
Il n'y a entre les deux formes de culte qu'une simple 
analogie. Les honneurs divins rendus au soleil étaient 
d'ailleurs si répandus dans l'ancien monde qu'on ne 
peut s'étonner d'en constater l'usage en Palestine. La 
forme qu'ils y prennent s'inspirait vraisemblablement 
d'exemples plus voisins que ceux des Perses. — L'au- 
teur de la Sagesse, xm, 2, se moque de ceux qui, pre- 
nant les créatures pour des dieux, ont honoré en 
conséquence les « flambeaux du ciel ». D'après Josèphe, 
Bell, jud., II, vm, 5, 9, les Esséniens, sans adorer le 
soleil, lui rendaient cependant une sorte de culte; ils 
« lui adressaient des vceux traditionnels, comme pour 
le prier de se lever, ? et ils dérobaient à sa lumière 
tout ce qui aurait pu offenser les rayons du dieu, Ta; 
a-liyai toû 6ea0. — Au commencement de l'ère chré- 
tienne, le culte du soleil se perpétuait encore à Asca- 
lon, à Gaza, à Damas et dans le Hauran. Cf. Schùrer, 
Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, 3 e édit., 
t. H, p. 22, 25, 30, 35. 

Sur l'arrêt du soleil à la bataille de Bethoron, Jos., 
x, 9-14; Eccli., xliv, 4-6, voir Bethoron 1, t. i, 
col. 1703. — Sur le cadran solaire d'Ézéchias où l'ombre 
rétrograde, voir Cadran solaire, t. h, col. 27. — Sur 
la fontaine du soleil, Jos., xv, 7; xvm, 7, voir Ensé- 
mès, t. il, col. 1815. — Sur la cité du soleil, Jos., xix, 
41, voir Hirsémès, t. m, col. 722, et Bethsamès, t. i, 
col. 1732. — Sur la cité du soleil, Is., xix, 18, voir 
Héliopous, t. m, col. 572. — Sur la maison du soleil, 
Jer., xliii, 13, voir Héliopolis, t. m, col. 572, et 
Bethsamès, t. i, col. 1737. H. Lesêtre. 

SOLEIL (FONTAINE DU) (hébreu : 'Ên-èéméS; 
Septante : -S) ■K-t\fr\ toô ^a(ou), aujourd'hui « Fontaine 
des Apôtres», à l'est de Jérusalem et du Mont des Oli- 
viers, Jos., xv, 7; xvm, 17. Voir Ensémês, fig. 575, t.ii, 
col. 1815-1816. 

SOM ER, nom, dans la Vulgate, de quatre personnages 
qui ont une orthographe différente en hébreu. 

1. SOMER (hébreu: Sémér; Septante : 2eji7ip), pro- 
priétaire de la montagne sur laquelle Amri, roi d'Israël, 
bâtit la capitale du royaume d'Israël et qu'il appela 
Samarie, du nom de celui à qui il en avait acheté 
l'emplacement. III Reg., xvi, 24. Voir Samarie 1 et 2, 
col. 1401. 

2. SOMER (hébreu : Sômêr; Septante : Supi^p), 
nom, dans IV Reg., xli, 21, du père de Jozabad, l'un 
des deux serviteurs du roi Joas qui le mirent à 
mort. Dans le passage parallèle, II Par., xxiv, 26, au 
lien de Somer, nous lisons « Sémarith, la Moabite », 
qui apparaît ainsi comme la mère de Jozabad. On peut 



supposer que la terminaison t est tombée dansIV Reg., 
xii, 21, ou qu'elle a été ajoutée en trop II Par., xxrv, 
26. On a imaginé diverses hypothèses pour expliquer la 
divergence entre les Rois et les Paralipomènes. Peut- 
être le texte a-t-il été corrompu dans un des deux pas- 
sages. Voir Sémarith, col. 1591. 

3. SOMER (hébreu : Sâmér, à la pause; Septante : 
Ssjjnrjp), fils de Moholi et père de Boni, de la tribu de 
Lévi et delà descendance deMérari.I Par.,vi, 47 (hé- 
breu, 32). 

4. SOMER (hébreu : Sômér, nnW; Septante : 
2aMp, I Par., vu, 32, et f. 34, Sàmér, ££ft|ir,p), de la 
tribu d'Aser, le second nommé des quatre fils d'Héber. 
Il eut quatre fils : Ahi, Roaga, Haba et Aram. I Par., 
vu, 32, 34. 

SOMMEIL (hébreu : Sênà', sênâh, Senât, nûmdh, 
tenûtnâh, miskàb; chaldéen: sendh; Septante: îmvoç; 
Vulgate : somnu$,dormitio, dormitatio), état de repos 
durant lequel la vie active, intellectuelle et consciente 
est comme suspendue. Se livrer au sommeil ou dor- 
mir se dit yâsan, râdam, nûm, ûîrvdw, vv<TTà?M, xot- 
Oe-JSw, dormire, dormilare, obdortnire. 

1° Ses conditions. — Le sommeil est une nécessité de 
nature et le besoin s'en fait sentir régulièrement 
chaque jour. Voilà pourquoi l'expression « se coucher 
et se lever » est mise pour l'ensemble des différentes 
actions de la journée. Deut., vi, 5; Marc, IV, 27. Le 
sommeil est un besoin si impérieux qu'on ne peutfacile- 
ment y résister. Lorsque saint Paul discourut à Troade 
jusqu'à minuit, le jeune Eutyquene put s'empêcher de 
dormir et tomba par la fenêtre. Act., xx, 9. Celui qui 
dort n'entend pas, Eccli., xxn, 8, et n,'a pas conscience 
de ce qui se passe autour de lui. Pour se livrer au 
sommeil, on se couche en s'étendant horizontalement 
de manière à assurer au corps un équilibre stable. En 
Palestine, on dormait habituellement sur un lit, Lev., 
xv, 4, voir Lit, t. iv, col. 285, et dans une chambre 
haute. I Reg., ix, 25. Voir Maison, t. iv, col. [590. Mais 
souvent on dormait dans des conditions moins confor- 
tables, sur une simple natte, II Reg., xi, 13, sur le toit, 
Jos., il, 8, sur le sol même, Gen., xxvm, 11, auprès 
des gerbes, pendant la moisson, Ruth, m, 7, sous un 
arbre, III Reg., xix, 5, sous le rebord d'un toit, 
Tob., h, 11, dans un cilice, en temps de deuil. III Reg., 
xxi, 27. On dormait en barque quand on naviguait. 
Prov., xxm, 34; Jon., i, 5; Matth., vm, 24; Marc, îv, 
38. En temps de guerre, on couchait dans le camp, au 
milieu des chars. I Reg., xxvi, 5. — Différentes pré- 
cautions étaient prises en vue du sommeil. On avait au 
moins une pierre pour servir d'oreiller. Voir Pierre, 
col. 417. On s'enveloppait d'une couverture ou d'un 
manteau, contre le froid de la nuit. Exod., xxn, 27. 
Ceux qui couchaient ensemble se réchauffaient mutuel- 
lement. III Reg., i, 2-4; Eccle., iv, 11. Le guerrier 
gardait sa lance auprès de lui. I Reg., xxvi, 12. Pen- 
dant la nuit, le dormeur ne manquait pas de conser- 
ver à ses côtés sa cruche d'eau et sa lampe allumée. 
Voir Cruche, t. n, col. 1136; Lampe, t. iv, col. 59. On 
était heureux alors de pouvoir dormir en paix. Ps. vi, 
9; Prov., ni, 24; Ose., h, 18. Mais une femme se ren- 
dait gravement imprudente en faisant coucher son 
petit enfant avec elle. 111 Reg. , m, 19. — Au sommeil 
de la nuit, on ajoutait la méridienne. II Reg., iv, 5. Le 
paresseux abusait du sommeil et subissait les consé- 
quences de son inaction. Prov., vi, 9, 10; xx, 13; xxm, 
21 ; xxiv, 33. — La Sainte Écriture signale spécialement 
le sommeil d'Adam, Gen., n, 21, celui de Jacob, Gen., 
xxvii, 11, celui d'Élie, III Reg., xix, 5, celui de Notre- 
Seigneur, Matth., vm, 24, celui des Apôtres, Matth., 
xxvi, 40, etc. 



1831 



SOMMEIL 



SONGE 



1832 



2° Ses obstacles. — Le sommeil est contrarié par 
différentes causes dont les unes empêchent le corps de 
prendre son repos et dont les autres tiennent l'esprit 
en éveil malgré lui. La tempérance favorise le sommeil, 
l'intempérance entraine les insomnies. Eccli., xxxi, 
24. Les passions violentes agitent le dormeur sur sa 
couche et lui causent des rêves effrayants. Eccli., xl, 
5-7. Le sommeil est encore chassé ou troublé par les 
grandes préoccupations, Dan., VI, 18, par les réflexions 
trop intenses, Eccle., vm, 16, par le souci d'un père 
pour sa fille, Eccli., xlii, 9, par l'envie de devenir 
riche, Eccli., xxxi, 1, par le chagrin, I Mach., vi, 10, 
par les desseins criminels, Prov., iv, 16, etc. 

3» Métaphores empruntées au sommeil. — 1. Dor- 
mir, c'est ne pas se soucier de ce qui se passe. De là 
cette adjuration adressée à Dieu par les persécutés : 
« Réveille-toi. Pourquoi dors-tu, Seigneur? » Ps. 
xuv (xlhi), 24. Par contre, ne pas dormir, c'est faire 
attention, s'employer activement à procurer un résul- 
tat. Celui qui veille sur Israël ne dort pas. Ps. cxxi 
(cxx), 4. David ne dormira pas tant qu'il, n'aura pas 
trouvé un emplacemeut pour le Temple. Ps. cxxxil 
(cxxxi), 4. Saint Paul exhorte les Romains à sortir de 
leur sommeil pour se convertir. Rom., xm, 11. Il ne 
faut pas dormir pour exécuter les ordres reçus, Is., v, 
27, pour se dégager du péril. Prov., vi, 4. Le mal qui 
ronge Job ne dort pas. Job, xxx, 17. La ruine des 
méchants ne s'endort pas, c'est-à-dire les menace sans 
cesse. II Pet., h, 3. — 2. Le verbe Sâkab, yoi^âu, « se 
coucher », que la Vulgate traduit habituellement par 
dormire, est très fréquemment employé pour désigner 
les rapports sexuels entre l'homme et la femme, cf. 
Sap., iv, 6; vu, 2, mais presque toujours dans des con- 
ditions criminelles. Gen., xix, 32, 33; xxx, 15, 16; 
xxxix, 7; Exod.,,xxn, 16; etc. Il sert aussi à désigner 
des rapports contre nature. Lev., xvm, 22; xx, 13; 
Exod., xxii, 18; Deut., xxvii, 21. Deux fois seulement 
il suppose des unions licites. II Reg., xi, 11; Mich., 
vu, 5. Ces dernières sont habituellement indiquées par 
les verbes ydda', « connaître », Gen., iv, 17, 25; 

II Reg., I, 19; Malth., i 25; etc., nàgas, « s'approcher », 
Exod., xix, 15, et qdrab, «s'approcher », Gen., xx, 4; 
Is., vm, 3; etc. — 3. Le même verbe Sâkab, traduit 
semblablement par les versions, sert encore à indiquer 
le repos du tombeau. « Dormir avec ses pères » ou « se 
coucher avec ses pères », c'est aller au tombeau. 
Gen., xlvii, 30; Deut., xxxi, 16; II Reg., vu, 12; 

III Reg., xi, 43; II Mach., xii, 45; II Pet., m, 4; etc. 
Être mort, c'est « dormir son sommeil », Ps. lxxvi, 
(lxxv), 6, « dormir son sommeil éternel », Jer., j,i, 39, 
57, « dormir dans la poussière ». Job, vu,. 21; xx, 11; 
xxi, 26; Dan., xn, 2. Comme le sommeil paraît être une 
mort transitoire, la mort est très souvent appelée un 
sommeil, par ceux des auteurs sacrés qui ont une idée 
plus nette de la résurrection, Job, m, 13; vu, 21; 
xiv, 12; I Cor., vu, 39; xi, 30; I Thés., iv, 12, et sur- 
tout par Jésus-Christ. Matth., ix, 24; xxvii, 52; Marc, 
v, 39; Luc, vm, 52; Joa., xi, 11. H. Lesètre. 

SOMORIA (hébreu : Semarydh; Septante : Safiopîa), 
le second des trois fils qu'eut Roboam, roi de Juda, de 
sa seconde femme Abihaïl. II Par., xi, 19.J 

SON (hébreu : qôl, « voix », gâv, « son d'une 
corde », Semés, « son fugitif »; Septante : ^x o? > çWï" 
■yo;, çwv^ ; Vulgate : sonus, sonitus), effet produit sur 
l'ouïe par certains mouvements de l'air. — La 
Sainte Écriture a l'occasion de mentionner toutes 
espèces de sons : le son des cieux, c'est-à-dire la grande 
voix de la nature, Ps. xix (xvni), 5, image de la voix 
des Apôtres évangélisant le monde, Rom., x, 18; le 
grondement du tonnerre, Job, xxxvii, 2 ; le bruit de 
la mer, Jer., vi, 23; l, 42; Luc, xxi, 25, et des grandes 



eaux, Is., xvii, 13; Jer., li, 55; le bruit du vent, Act., 
H, 2; celui de la pluie qui tombe, III Reg., xvm, 41; 
celui de la feuille agitée, Lev., xxvi, 36; le pétillement 
des épines ou du chaume qui brûlent, Eccle., vu, 7; 
Jo., il, 5; le bruit des ailes qui volent, Ezech., i, 24; 
x, 5; Sap., v, 11; celui du serpent qui s'en va, Jer., 
xlvi, 22; le son des divers instruments, de la trom- 
pette, Exod., xix, 19; Job, xxxix, 24; Ezech., xxxiii, 

4, des cymbales, Ps. cl, 5; I Cor., xm, 1, du tambou- 
rin, Job, xxi, 12, de la harpe, Is., xxiv, 8, des instru- 
ments divers, Dan., m, 5; le murmure de la parole, 
Job, xxvi, 14, et le son plus léger encore d'une appa- 
rition, Job, iv, 16; le son du carquois, Job, xxxix, 23, 
le bruit d'une foule, Is., xm, 4, d'une armée, Ezech., 
xxvi, 10, d'un camp, Ezech., i, 24, des chars, Jo., il, 

5, des clameurs, I Reg., iv, 14; le bruit des pas, II Reg., 
v, 24; III Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32; celui de la chute 
d'une ville, Ezech., xxxi, 16, et les vains bruits que 
croit entendre le méchant. Job, xv, 21. La Sagesse, 
xvn, 17, 18, mentionne dans une même énumération le 
sifflement du vent, le chant des oiseaux, le bruit des 
eaux, le fracas des pierres qui roulent, le bruit des 
animaux qui bondissent, les hurlements des bêtes et 
enfin l'écho répercuté sur les lianes des montagnes. 
L'homme émet des sons au moyen de sa voix, et les 
animaux font entendre des cris particuliers, indiqués 
pour chacun d'entre eux. Tous les sons n'ont pas le 
même caractère. Dans le psaltérion, les sons changent 
de rythme, c'est-à-dire de ton en gardant ce qui est 
propre à l'instrument. Sap., xix, 18. Les instruments 
ont chacun un timbre différent, au moyen duquel on les 
reconnaît. I Cor., xiv, 7, 8. H. Lesètre. 

SONGE (hébreu : hâlôm; Septante : £vÛ7tviov, xaO' 
OVvov, xocx'ôvap; Vulgate : somnium, in soninis), scène 
représentée à l'imagination pendant le sommeil. 

I.Les songes naturels.— 1° Les songes ou rêves sont 
des phénomènes qui se produisent pendant le sommeil 
sous l'influence de certaines conditions physiologiques. 
Le cerveau travaille alors et l'âme a conscience de 
certains actes auxquels il lui semble que la personne 
entière prend part et dont elle garde ou perd le sou- 
venir à l'état de veille. Mais comme l'âme, à raison du 
sommeil, n'a pas l'entière disposition de son instru- 
ment corporel, l'imagination est le principal agent dans 
le songe. Cette faculté assemble des souvenirs et des 
images sans que l'attention et la raison interviennent 
pour en régler les combinaisons. De là, très souvent, 
l'incohérence ou la singularité des songes. Les occu- 
pations et surtout les préoccupations donnent lieu aux 
songes et les caractérisent. « De la multitude des occu- 
pations naissent les songes. » Eccle-, v, 2. Cf. Is., xxix, 
8. Ainsi la femme de Pilate, vivement préoccupée de 
l'arrestation de Jésus, qu'elle considérait comme un 
juste, eut à son sujet des songes qui la tourmentèrent 
toute la nuit. Matth., xxvii, 19, — 2» Les anciens atta- 
chaient une grande importance aux songes, surtout 
quand ils se produisaient pendant le dernier tiers de 
la nuit. Odyss., iv, 837. Ils les regardaient comme des 
indications fournies aux hommes par la divinité. Iliad., 
î, 63; Macrobe, Somn. Scip., i, 3; Quinte Curce, m, 3; 
Artémidore, Oneirocrit., H, 70; IV, 2; Cicéron, Dedivi- 
nat., Il, 72. Les songes jouaient un grand rôle dans les 
cultes idolâtriques. Dans les sanctuaires d'Esculape, en 
particulier, à Ëpidaure, à Cos, à Tricca et à Pergame, 
les malades recevaient en songe l'indication des remè- 
des qu'ils avaient à employer pour leur guérison. 
Cf. Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, trad. J. de P., 
Rruxelles, 1858, t. i, p. 141, 297; t. m, p. 285. Comme 
il s'en fallait que les songes fussent toujours clairs, il 
y avait des interprètes chargés d'en indiquer le sens. 
Les oniromanciens de Chaldée étaient renommés. 
Dan., il, 2; iv, 3. Artémidore a écrit cinq livres d'ôvti- 



4833 



SONGE 



1834 



poxpttixj, et Phiion cinq livres, dont trois de perdus, 
irè&t toû BsttitsaTctou; Etvac toi; ovst'pou?, « de l'origine 
divine des songes ». Edit. Mangey, t. i, p. 620-658. 
Josèphe, Ant. jud., XVII, xm, 3, mentionne l'Essénien 
Simon, qui expliqua un songe à Archélaûs, et il 
raconte que le grand-prêtre Matthias ne put officier à 
la fête de l'Expiation, à cause d'un songe malencontreux 
qu'il avait eu la nuit précédente. Ant. jud., XVII, vi, 
4. La Sainte Écriture défend d'attacher aucune impor- 
tance aux songes ordinaires. Ils sont l'image des choses 
éphémères qui passent sans laisser de trace. Job, xx, 
8; Ps. lxxxiu (lxxii), 11 ; Is., xxix, 7. 

Les songes excitent l'attente des sots. 

C'est vouloir saisir une ombre et prendre le vent 

Que de s'arrêter à des songes. 

Une chose d'après une autre, c'est ce que l'on voit en songe, 

C'est comme l'image d'un homme en face de son visage... 

Divination, augures et songes sont choses vaines ; 

Le cœur, comme chez une femme enceinte, y cède à l'imagi- 

S'ils ne sont envoyés par une visite du Très Haut, [nation. 

N'y prête aucune attention. 

Car nombreux sont ceux que les songes ont égarés ; 

A s'appuyer sur eux, l'espérance est déçue. Eccli., xxxiv, 1-7. 

Ce texte met en lumière le rôle des souvenirs et de 
l'imagination dans les songes. Il indique en même 
temps que parfois les songes peuvent être le résultat 
d'une action divine. Cf. Fr. Delitzsch, System der 
biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 277-286. 

II. Les songes d'origine divine. — 1» L'action de 
Dieu peut s'exercer au moyen des songes, mais à des 
degrés différents. Dieu effraie par des songes. Job, iv, 
12-21; vu, 14; Sap., xvm, 17. Il parle aussi par les 
songes. Job, xxxm, 15-18. C'était même un des moyens 
officiellement prévus pour faire connaître à l'homme 
les volontés divines. Num., xn,6. Au temps de Saùl,les 
songes étaient mis au même rang que l'Urim et que 
les prophètes. I Reg., xxvm, 6, 15. Il est prédit qu'au 
temps du Messie les enfants d'Israël auront des songes, 
c'est-à-dire, d'une manière générale, recevront d'abon- 
dantes communications divines. Jo., H, 28; Act., n, 
17. — 2° Comme le songe n'a pour garantie immédiate 
que la parole de celui qui en a été favorisé, il fallait 
s'attendre à ce que des imposteurs se vantassent d'avoir 
entendu, sous cette forme, la voix de Dieu. Certains 
devaient même autoriser leur parole par des signes ou 
des prodiges diaboliques, afin de détourner le peuple 
du vrai Dieu. Le Seigneur avertit les Israélites qu'il y 
a là une épreuve vis-à-vis de laquelle ils doivent se 
tenir en garde. Deut., xm, 1-5. A l'époque de Jérémie, 
il y eut de nombreux faux prophètes, « se racontant des 
rêves les uns aux autres » et voulant faire croire que 
Dieu leur avait parlé. Jer. , xxm, 25. Mais il y a songe 
et songe. 

Que le prophète qui a eu un songe raconte ce songe, 
Que celui qui a ma parole rapporte fidèlement ma parole. 
Qu'a de commun la paille et le froment? dit Jéhovah. 

Jer., xxm, 27-28. 

« Ne vous laissez pas séduire par vos prophètes qui 
sont au milieu de vous, ni par vos devins, et n'écoutez 
pas les songes que vous vous donnez. C'est faussement 
qu'ils vous prophétisent en mon nom ; je ne les ai pas 
envoyés, dit Jéhovah. n Jer., xxix, 8, 9. On devait donc 
pouvoir discerner d'avec les autres les songes envoyés 
par Dieu. Ces derniers avaient pour garanties le carac- 
tère du personnage qui en était favorisé, leur confor- 
mité avec les enseignements divins et leur réalisation. 
Les faux prophètes qu'interpelle Jérémie tendaient aux 
pratiques idolâtriques; cela suffisait à montrer qu'ils ne 
venaient pas de Dieu, sans parler du démenti que les 
événements donnaient aux prédictions déduites de leurs 
songes. — Cette affinité des songes supposés avec les 
pratiques idolâtriques fait que parfois les versions 
mentionnent des songes là où il n'est question que de 



divination ou de magie. Lev., xix, 26; Deut., xvm, 10 ; 
II Par., xxxm,6. 

III. Les songes historiques. — 1° Dieu révèle en 
songe à Abimélech, roi de Gérare, le sort qui le menace 
pour avoir pris Sara. Gen., xx, 3. Laban est également 
averti en songe de n'avoir rien à dire à Jacob. 
Gen., xxxi, 24. — 2° Les songes de Joseph sont remar- 
quables par leur simplicité et leur conformité parfaite 
avec l'événement. Le récit qu'il en fit excita l'étonne- 
ment de son père et la jalousie de ses frères. Ceux-ci 
l'appelaient ba'al haftâlomôf, « l'homme aux songes », 
âvuTcviaffTrjc, sonmialor. Gen., xxxvii, 19. Leur jalousie 
fut précisément le moyen dont la Providence se servit 
pour procurer l'accomplissement de ce que les songes 
avaient annoncé. Car si Joseph n'avait pas raconté ce 
qu'il avait vu, ses frères n'auraient pas pensé à se débar- 
rasser de lui et à le vendre aux marchands qui devaient 
le conduire en Egypte. Gen., xxxvn, 5-28. — 3» Joseph 
avait reçu de Dieu le don d'interpréter les songes. Dans 
la prison, il expliqua les songes de l'échanson et du 
panetier du roi. Trois jours après, l'événement justifia 
sa double interprétation. Gen., XL, 5-22. — 4° Le pha- 
raon eut à son tour les deux songes des vaches grasses 
ou maigres, et des épis maigres ou pleins. Les sages 
d'Egypte furent incapables de les expliquer. On fit alors 
venir Joseph. 11 en donna l'interprétation et ce fut le 
commencement de sa haute fortune. Les faits répon- 
dirent exactement à ce qu'il avait annoncé. Gen., xli, 
1-57. Les songes qu'a Joseph et ceux qu'il explique ont 
ensemble un air de parenté indéniable. Leur harmo- 
nieuse et vivante disposition, en accord si complet avec 
les événements prédits, est la marque de leur caractère 
providentiel. — 5° De même nature est le songe du 
Madianite dont Gédéon entendit le récit et qui lui annon- 
çait sa victoire. Jud., vu, 13-14. — 6° Dans un songe, 
Salomon demanda à Dieu la sagesse, et ce don lui fut 
accordé, avec toutes les prospérités terrestres par sur- 
croit. III Reg., ni,5-15. — 7» Daniel, i, 17; v, 12, qui 
possédait le don d'interpréter les songes, expliqua ceux 
de Nabuchodonosor. Le premier songe, sur la statue 
composée de différentes pièces, est assez compliqué. Le 
roi ne put se le rappeler et ses sages furent encore 
moins capables de fournir aucune interprétation. Le roi 
les fit mourir. Dans une vision de nuit, Daniel reçut 
communication du songe et de l'interprétation qui lui 
convenait. Celle-ci portait sur l'avenir; mais, pour lui 
servir de garantie, il y avait la révélation que le pro- 
phète avait faite au roi du songe oublié par lui. Dan., u, 
1-47. Le second songe, dans lequel Nabuchodonosor vit 
un grand arbre qu'on ordonnait d'abattre, était d'une 
interprétation d'autant plus difficile à formuler qu'il 
s'agissait d'un châtiment à annoncer au roi en personne. 
Daniel cependant fut cru et les choses arrivèrent comme 
il l'avait dit. Dan., iv, 1-34. — 8» Le prophète eut lui- 
même un songe, durant lequel lui furent montrées en 
visions les destinées des royaumes de la terre et du 
royaume de Dieu. Dan., vu, 1, 2. — 9» Mardochée vit 
dans un songe une petite source d'où sortait un grand 
fleuve, symbole de ce qu'Esther devait devenir pour 
son peuple. Esth., x, 5, 6; xi, 5-12. — 10» Judas Macha- 
bée eut un songe dans lequel lui furent montrés le 
grand-prêtre Onias et Jérémie priant pour le peuple. 
II Mach., xv, 12-16. — 11» Saint Joseph reçoit en songe 
toutes les communications divines qui lui sont néces- 
saires pour régler sa conduite dans des circonstances 
où sa seule sagesse ne suffirait pas. C'est ainsi qu'il 
est successivement averti d'avoir à garder Marie, 
Matth., i, 20-24, à fuir en Egypte avec l'Enfant et sa 
mère, Matth., n, 13, à revenir en Palestine, Matth., n, 
19, et à se retirer en Galilée. Matth., Il, 22. — 12» Les 
Mages apprennent en songe qu'ils doivent retourner 
dans leur pays par un autre chemin. Matth., n, 12. 

H. Lesêtre. 



1833 



SONNETTE 



SOPHONIE 



1836 



SONNETTE. Voir Clochette, t. h, col. 807. 

SOPATER (grec : Ewiraxpo;), fils de Pyrrhus, de 
Bérée, Act., xx, 4, d'après la Vulgate. Les mots « fils de 
Pyrrhus » ne se lisent pas dans le texte grec ordinaire, 
mai» ils sont dans plusieurs manuscrits grecs. Tischen- 
dorf, Novum Testamentum grœcc, édit. 8 a minor, 
p. 578. Il accompagna saint Paul de Grèce en Asie à 
son retour de son troisième voyage de missions. 
Act., xx, 4. D'après les uns, Sopater est le même que 
Sosipater mentionné comme un des parents de saint 
Paul dans l'Épitre aux Romains, xvi, 21 ; d'après 
d'autres, il en est différent. Voir Sosipater 2. 

SOPHACH (hébreu : Sôfak; Septante : Ewçie), gé- 
néral de l'armée d'Adarézer. I Par., xix, 16. Son nom est 
écrit Sobach, II Sam. (Reg.), x, 16. Voir Sobach, col. 1814. 

SOPHAÏ (hébreu : $ôfaï; Septante : Sou?t')> lévite, 
de la famille de Caath, fils d'Elcana et père de Nahath. 
I Par., vi, 26 (hébreu, 11). On l'identifie avec Suph, 
I Sam. (Reg.), i, 1; I Par., vi, 35, un des ancêtres de 
Samuel. Voir SupiT. 

SOPHAN (hébreu : Sôfàn; Septante : 2o?ip), ville 
de Gaddans la Vulgate. Num.,xxxn, 35. Le texte hébreu 
porte 'Atarôt Sôfân, comme nom composé d'une seule 
ville, qui est ainsi distinguée de l'autre 'A tarai, nom- 
mée dans le verset précédent. La Vulgate transcrit 
Étroth dans le f. 35 et Ataroth dans le j. 3i. Site 
incertain. Voir Étroth, t. n, col. 2041. 

SOPHAR (hébreu : Çôfar; Septante: Ewçâp), le troi- 
sième des amis de 16b qui allèrent le visiter dans son 
épreuve. Il est qualifiédeNaamathite. Voir ce mot, t. iv, 
eol. 1427. Dans la discussion qui s'engagea entre Job 
et ses trois amis sur la cause de ses malheurs, Sophar 
se montra le plus sévère. Dans son premier discours, 
Job, xi, il exagère ce qu'a dit Baldad dans ses accusa- 
tions contre Job. Il lui reproche de parler avec pré- 
somption contre la sagesse divine, qui est insondable. 
Dans le second discours, Sophar est plus violent encore 
et il déclare que le coupable ne peut échapper au' 
châtiment. Job, xx. Il se tut ensuite et ne fit pas un 
troisième discours comme ses deux amis, qui méritèrent 
d'ailleurs comme lui la désapprobation de Dieu. Job, 
xlii, 7-9. 

SOPHER (hébreu : has-sôfér), nom commun dé- 
signant un scribe, sans doute le principal, de Jérusalem, 
quand cette ville fut prise par les troupes de Nabucho- 
donosor. Fait prisonnier avec d'autres personnages, il 
fut amené avec eux à Réblatha, à Nabuchodonosor qui 
les fit mettre à mort. Les Septante ont exactement tra- 
duit -ypotîi[i.aTÉa. IV Reg., xxv, 19. 

SOPHÉRET, SOPHÉRETH (hébreu: has-Sôféréf; 
Septante : Esqjrpi, Saçapà-r), chef d'une famille dont 
les descendants revinrent de la captivité de Babylone 
en Palestine parmi ceux qui sont appelés « serviteurs 
de Salomon ». I Esd., il, 55; II Esd., vu, 57. 

SOPHONIE (hébreu : Çefaniydh, celui que « Jého- 
rah cache », c'est-à-dire, protège; Septante : Eoçovfaç), 
nom dans l'Ancien Testament de quatre personnages. 

1. SOPHONIE, fils deMaasias (Jer., xxi, 1; xxix,2-5; 
xxxvil, 3); prêtre qui vivait du temps du roi Sédécias, 
lors de fc» prise de Jérusalem par les Chaldéens. Il est 
appelé hôhén miSnéh, « second prêtre », celui qui 
occupe le second rang après le grand-prêtre. IV Reg., 
xxv, 18; Jer., m, 24. Il succéda à Joïadé (t. iv, col. 1596) 
et fut chargé spécialement comme lui du soin du 



Temple, ainsi que de la surveillance des faux pro- 
phètes. C'est à ce dernier titre que lui écrivit Séméias 
le Néhélamite pour lui reprocher de n'avoir pas puni 
Jérémie qu'il accusait d'envoyer de fausses prophéties 
à Babylone. Jer., xxix, 25-30. Le roi Sédécias chargea 
une première fois Sophonie de consulter en son nom 
Jérémie sur l'issue du siège de Jérusalem par les Chal- 
déens, xxt, I, et une seconde fois de le prier d'obtenir 
la délivrance des assiégés par ses prières, xxxvn, 3. 
Quand la ville eut été prise, Sophonie fut lui-même 
une des victimes de la guerre. Il fut conduit auprès de 
Nabuchodonosor à Réblatha et le roi le fit mettre à 
mort. IV Reg., xxv, 18, 21; Jer. lu, 24, 27. 

2. SOPHONIE, lévite, de la famille de Caath, fils de 
Thahath et père d'Azarias. 1 Par., VI, 36 (21). H parait 
être le même que le lévite nommé Uriel, y. 24 
(hébreu, 9). 

3. SOPHONIE. Le neuvième des petits prophètes. — 
Ceux des prophètes qui nous ont laissé quelque écrit ne 
mentionnent d'ordinaire, à côté de leur propre nom, 
que celui de leur père. Sophonie, I, 1, remonte jusqu'à 
la quatrième génération : « fils de Chusi, fils de Godolias, 
fils d'Amarias, fils d'Ézéchias. » Ce fait exceptionnel 
rend assez vraisemblable la conjecture, admise par de 
nombreux interprètes, d'après laquelle Ézéchias, le tri- 
saïeul de Sophonie, ne différerait pas du roi de Juda. Cf. 
IV Reg., xvm, 1-xx, 21; II Par., xxix, 1-xxxn, 33. La 
Vulgate le nomme ici Ezecias; mais le texte hébreu em- 
ploie la forme accoutumée, Ifizqiyâh. Les raisons allé- 
guées contre cette hypothèse se réfutent facilement. 1° Il 
n'est pas surprenant que le titre de roi ait été omis à la 
suite du nom d'Ézéchias, car ce titre est cité dans la 
même phrase, pour caractériser Josias, le roi alors ré- 
gnant. Du reste, les contemporains savaient fort bien de 
qui il s'agissait. 2° Ézéchias n'aurait eu qu'un seul fils, 
Manassès, d'après IV Reg., xx, 21; xxi, 1, et II Par., 
xxxii, 33; xxxiii, 1. Cette assertion est exagérée, car le 
passage IV Reg., xx, 18, donne à supposer qu'il en eut 
plusieurs. En outre, les textes indiqués nomment seu- 
lement le successeur d'Ézéchias. 3° On compte trois 
générations entre Sophonie et son aïeul Ézéchias; deux 
seulement, représentées par Manassès et Amon, entre 
les rois Josias et Ézéchias. Mais le fait n'a rien de sur- 
prenant, et la plupart des familles en pourraient pré- 
senter de semblables. Dans le cas actuel, il s'explique 
par la paternité relativement tardive de Manassès, qui 
était âgé de quarante-cinq ans lorsque naquit son fils 
Amon. Amarias,son frère dans l'hypothèse où Ézéchias 
aurait été l'ancêtre de Sophonie, pouvait très bien avoir 
alors un petit-fils (Chusi). — Cette opinion est confirmée 
par l'étude même, du livre de Sophonie, car nous y 
voyons le prophète parfaitement au courant des mœurs 
de la cour et des classes élevées. Il paraît tout au moins 
certain que Sophonie était né à Jérusalem, dont il 
connaît et nomme les divers quartiers, i, 10-11, dont 
il spécifie en détail les pratiques idolàtriques et les 
mœurs dissolues, I, 4-8, 12, etc. — C'est tout ce que 
nous pouvons affirmer avec vraisemblance au sujet de 
son histoire personnelle. Il vivait sous le règne de Josias 
(640-609 avant J.-C), comme il nous l'apprend en tête 
de sa prophétie. Il fut par là-même contemporain de 
Nahum et de Jérémie. — Clément d'Alexandrie, Strom., 
v, 11, t. IX, col. 116, cite une prophétie qu'on attribuait 
de son temps à Sophonie : « Et l'esprit me saisit et 
m'enleva au cinquième ciel, et je contemplai des anges 
appelés Seigneurs, et leurs diadèmes avaient été placés 
(sur leurs têtes) dans l'Esprit -Saint, et le trône de 
chacun d'eux était sept fois plus brillant que la lumière 
du soleil à son lever; ils habitaient dans des temples 
de salut, et ils louaient le Dieu ineffable, le Très-Haut. » 
On a publié de cette œuvre apocryphe d'autres frag- 



1837 



SOPHONIE (LE LIVRE DE) 



1838 



ments qui ont été retrouvés naguère dans une traduc- 
tion copte. Voir Cheyne, Encyclopœdia biblica, 1. 1, au 
mot Apocrypha, § 21; Schùrer, Theologische Litera- 
turzeitung, 1899, col. 8, et Geschichte des jûdischen 
Volkes, 3 e édit. , t. m, p. 271-272. L. Fillion. 

4. SOPHON1E (LE LIVRE DE). — I. Le SUJET DU LIVRE. 
— Ce livre est remarquable par son unité. On voit 
qu'il a dû être composé d'un seul jet, comme un résumé 
fidèle de la prédication du prophète. Son thème prin- 
cipal, c'est le « jour du Seigneur », jour terrible où la 
justice triomphera de l'iniquité des hommes, et où le 
vrai Dieu réglera ses comptes avec ses ennemis, à 
quelque race qu'ils appartiennent, surtout avec les élé- 
ments impies de Juda et de Jérusalem, et ne laissera 
subsister que les bons, après les avoir purifiés par la 
•souflrance. En ce grand jour, !a vengeance du Seigneur 
se manifestera sous la forme d'une catastrophe univer- 
selle, que l'écrivain sacré décrit tantôt comme un épou- 
vantable carnage, i, 7, tantôt comme une guerre désas- 
treuse. C'est cette seconde image qui est la plus déve- 
loppée : nous entendons les trompettes de guerre et 
les cris des combattants, i, 10-11, 16; nous voyons le 
sang couler sur le champ de bataille ei les cadavres 
joncher le sol, i, 17 b ; nous assistons au pillage et au 
■sac des villes, I, 16, à la dévastation complète des ré- 
gions parcourues par l'ennemi victorieux, i, 13 et il, 
4; etc. 

Le prophète ne détermine pas quel sera l'instrument 
•des vengeances du Seigneur, quel conquérant étranger 
viendra châtier Juda et Jérusalem, Moab et Ammon, 
les Philistins, Assur et l'Ethiopie. Il ne peut pas être 
question des Assyriens, encore très puissants, il est 
vrai, mais qui sont eux-mêmes menacés, H, 13-15, et 
qui devaient bientôt sombrer. F. Schwally, Ssefanja, 
1890, a pensé aux Égyptiens; mais la suggestion n'est 
pas heureuse, puisque, d'après n, 12, l'Egypte, repré- 
sentée par sa partie la plus méridionale, l'Ethiopie (hé- 
breu, Kué), devait subir aussi le jugement divin. Au 
■dire des anciens historiens, et spécialement d'Hérodote, 
i, 103-105, les Scythes envahirent l'Asie antérieure entre 
les années 627-607, et y causèrent de grands ravages. De 
nombreux exégètes contemporains, à la suite de Hitzig 
•et d'Ewald, ont conjecturé que Sophonie aurait em- 
prunté quelques traits de sa description du « jour du 
Seigneur s à l'impression produite par l'arrivée de ces 
hordes sauvages. Mais les allusions sont trop générales, 
par conséquent trop vagues, pour donner du poids à 
cette hypothèse. Et surtout, l'ennemi que le prophète 
contemplait en esprit devait être encore plus redoutable 
et plus universel que les Scythes, puisqu'il menaçait 
non seulement la Palestine et ses alentours, mais aussi 
les lointains et puissants pays d'Assur et d'Ethiopie. En 
fait, ce furent les Chaldéens, dont la puissance gran- 
dissait alors rapidement, qui devaient servir d'instru- 
ments à la colère du Seigneur; mais notre prophète 
■est muet à leur sujet. 

II. Division et analyse. — Le thème, tel que nous 
venons de l'indiquer brièvement, se dédouble sous la 
plume de Sophonie, car, à la manière des prophètes 
antérieurs, il ne manque pas de faire succéder à la 
menace la douce et brillante promesse pour un avenir 
plus ou moins lointain. Entre les deux, il place un 
grave avertissement, destiné à mieux attirer l'attention 
■et les réflexions des coupables sur la proximité de la 
vengeance céleste. — Le livre se divise donc en trois 
petites sections, qui sont très ostensiblement marquées, 
non seulement par la variété des pensées dominantes, 
mais aussi par une sorte de refrain, qui termine la 
première et la seconde partie : « Toute la terre sera 
•dévorée par le feu de son (ou de mon) indignation. » 
>Cf. î, 18; m, 8. 

1° Première section : la menace, i, 2-18. — Après le 



titre, $ . 1 , qui détermine le caractère général et l'auteur du 
livre, la famille et l'époque de ce dernier, Sophonie prend 
la parole au nom du Seigneur, contre tous les hommes 
sans exception, les menaçant de son jugement inexo- 
rable. C'est vraiment le Dies irse de l'Ancien Testament 
qui retentit dans ce passage. Cf. 14-18. Le prophète déve- 
loppe avec éloquence les pensées suivantes : — a) Tout 
ce qui a vie sur la terre subira le jugement du Seigneur, 
I, 2-3; — b) ce jugement atteindra surtout le royaume 
de Juda el Jérusalem, sa capitale, à cause des excès 
idolàtriques des habitants, i,4-7; — c) un jugement plus 
spécial encore est réservé à chacune des différentes 
classes de citoyens, surtout aux princes et aux grands, 
comme aussi aux esprits forts qui, parmi leurs dé- 
bauches, tournaient en dérision les menaces divines, 
i, 8-13. — d). Ce jour du Seigneur arrivera bientôt, et 
il n'est pas possible d'en décrire les terreurs, i, 14-18. 

2° Seconde section : l'avertissement motivé,u, 1-m, 
8. — De la menace, le prophète passe tout à coup à 
l'exhortation pressante, et, pour donner à celle-ci plus 
de poids, il revient, sous une autre forme, à l'annonce 
réitérée des vengeances de Jéhovah, soit contre plu- 
sieurs peuples païens des environs et des régions loin- 
taines, qui avaient maltraité les Israélites, soit contre 
ces derniers eux-mêmes. L'exhortation proprement dite 
n'occupe que quelques lignes,- H, 1-3 ; la plus grande 
partie de cette section, n, 4-in, 8, est consacrée à pro- 
mulguer de nouvelles sentences de ruine contre les 
Philistins, II, 4-7, contre les Moabites et les Ammonites, 
n, 8-11, contre les Éthiopiens, il, 12, contre les Assy- 
riens, il, 13-15, enfin contre Jérusalem et ses habitants, 
m, 1-8. 

3° Troisième section : promesses de salut, ni, 9-20. 

— Sophonie proclame. maintenant avec joie le salut 
futur. Sa belle description nous montre les Gentils qui 
se soumettent au Seigneur et l'adorent, Juda qui se 
convertit et sert fidèlement son Dieu. Pour tous les 
hommes s'ouvre une ère de profonde paix et de bonheur 
parfait (l'âge d'or messianique). Trois promesses reten- 
tissent l'une après l'autre. La première, m, 9-10, regarde 
les païens, dont elle prédit la conversion à venir. La 
seconde, m, 11-13, est relative aux Israélites : ils seront 
à jamais rétablis comme peuple théocratique, et Dieu 
éloignera d'eux toute iniquité. La troisième promesse, 
m, 14-20, s'adresse spécialement à Jérusalem, dont elle 
décrit la gloire et le bonheur, après qu'elle aura été 
comme transfigurée. 

4» Accomplissement de l'oracle. — Comme on l'a 
fort bien dit, « la prophétie de Sophonie commença à 
se réaliser par les désastres qui atteignirent les nations 
voisines (d'Israël). Elle s'accomplit davantage encore 
par les grandes convulsions qui secouèrent les peuples 
de l'est, peu de temps après. Elle s'accomplit pour Juda 
par la captivité (de Babylone) et la destruction de la 
nation coupable. Ce furent là, en effet, autant de pas 
vers le terme grandiose, des éléments qui contribuèrent 
à amener la plénitude des temps, des périodes de l'éta- 
blissement du royaume universel de Dieu. » Kirkpa- 
trick, Doctrine of the Prophets, p. 262. 

III. Authenticité. — 1» La tradition. — a) Le livre 
de Sophonie, des mains de la Synagogue a passé dans 
celles de l'Église, comme l'œuvre de l'écrivain auquel 
il a toujours été attribué. Toutes les anciennes listes 
du canon biblique le mentionnent en ce double sens. 

— 6) Les preuves intrinsèques s'ajoutent aux anciens' 
témoignages. En examinant le livre à fond, l'on se rend 
compte qu'un témoin oculaire pouvait seul parler de 
l'époque de Josias comme le fait Sophonie. C'est pour 
cela en particulier que l'auteur, du livre signale, sans 
les expliquer ni les développer, un certain nombre de 
traits qui sont plus ou moins obscurs pour nous, mais 
dont ses contemporains avaient la clef. Par exemple, 
i, 3 : (Je détruirai) les objets de scandale et aussi les 



1839 



SOPHONIE (LE LIVRE DE) 



18*0 



méchants (Vulgate, ruinx impiorum erunl); i, 4, les 
restes de Baal; i, 5, ceux qui adorent sur les toits l'ar- 
mée des cieux; i, 9, tous ceux qui sautent par-dessus 
le seuil; i, 10, des hurlements depuis la porte des pois- 
sons et des cris jusqu'à la ville basse; i, 11, les ha- 
bitants de MaktèS, etc. Il n'est pas un trait concernant 
soit Juda, soit les peuples voisins, qui ne convienne à 
un prophète écrivant sous le règne de Josias. 

2° Les néo-critiques. — a) Leurs assertions. — 
Durant ces dernières années, ils n'ont pas manqué 
d'appliquer leurs principes destructeurs à cet écrit, 
qui était demeuré tellement indemne, que, naguère 
encore, Robertson Smith pouvait dire dans l'Encyclo- 
psedia biblica de Cheyne, t. iv, col. 5402 : « L'authen- 
ticité et l'intégrité de la petite prophétie attribuée à 
Sophonie ne semblent pas pouvoir donner lieu à un 
seul doute raisonnable. » Voici le résumé de leurs 
négations et de leurs attaques ; elles ne portent actuel- 
lement que sur les chapitres II et m, en attendant 
qu'elles atteignent aussi le chap. 1 er . Le rationaliste 
hollandais Oort fut le premier, croyons-nous, qui 
tenta d'entamer le livre de Sophonie : il contesta 
vivement l'authenticité de n, 7-11 et de m, 14-20. Voir 
les Goddelijke Bijdragen, 1865, p. 812-825. Le D'. 
B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1887, 
t. i, p. 644, rejette n, 1-3, 11, et le chapitre m tout 
entier, lequel, d'après lui, serait certainement posté- 
rieur à l'exil. Le D r Schwally, Zeitschrift far die 
alttestamentliclte Wissenschaft, t. x, p. 665-680, 
n'attribue à Sophonie, indépendamment du chap. I er , 
que II, 13-15. A l'en croire, le passage n. 5-12, daterait 
de l'exil, et le chap. m serait d'une époque postérieure 
à l'exil. M. Schwally ne se prononce pas avec certi- 
tude sur n, 1-4, qui pourrait bien, pense-t-il, appar- 
tenir à Sophonie. Wellhausen, Skizzen und Vorar- 
beilen, t. v, 3 e édit., Berlin, 1898, p. 153-154, enlève au 
prophète le chap. ni en entier; au chap. H, il ne lui 
conteste que les f. 7 el 8-11, peut-être aussi les f. 2- 
3. Budde, Die Bûcher Habakkuk und Sophonia, dans 
les Studien und Kritiken, 1883, p. 393-399, affirme 
que le chap. n, à part les f. 1-3, est d'une époque plus 
récente que Sophonie; mais il accepte l'authenticité 
d'une grande partie du chap. m, n'exceptant que les f. 
9-10 et 14-20. Nowack, op. cit., p. 275, se range à peu 
près au même sentiment; il essaie néanmoins de 
sauver du naufrage, au chap. h, les vers. 3, 7 partielle- 
ment, 8-11, 12-15, où il voit cependant quelques rema- 
niements tardifs. A. Kuenen, Hist.-kritische Einleitung 
in die Bûcher des Alten Testaments, trad. allemande, 
2 e partie, Die prophetischen Bûcher, Leipzig, 1892, 
p. 370-380, se montre relativement libéral, car il 
consent à regarder la presque totalité du livre comme 
l'œuvre de Sophonie; il n'excepte guère que m, 14-20. 
M. Cornill, Einleitung in das Alte Test., 3 e éd., 1896, 
§ xxxv, 3, accepte en gros les conclusions de Budde; 
il croit à un remaniement tardif, « insignifiant » au 
chap. il, plus considérable au chap. m. Le professeur 
Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, p. 100- 
103, malgré quelques hésitations au sujet de il, 14-15, 
maintient l'authenticité du chap. n tout entier; il 
sacrifie m, 14-20, avec la plupart des exégètes protes- 
tants. MM. G. A. Smith, The twelve Propliets, t. n, 
p. 42-45, et J. Selbie, article Zephaniah, dans Hastings, 
Dictionary of the Bible, t. iv, p. 976, rejettent, ce der- 
nier « avec confiance », m, 14-20, et aussi il, 8-11, ni, 
9-10. Wildeboer, Die Litteratur des Alten Testant., 
trad. allem., 1895, p. 190, 192-193, ne permet le doute 
que pour m, 14-20. A ce'texte, M. Baudissin, Einleitung 
in das A. T., in-8°, 1901, p. 553-555, ajoute n, 7 (en 
partie du moins) et 8-11. M. Marti, Das Dodekapro- 
pheton erklârt, 1904, p. 360, distingue les étapes sui- 
vantes pour la composition du livre : 1° La part authen- 
tique du prophète, datant de 627 ou 628 avant J.-C, 



serait formée, d'après l'ordre nouveau que M. Marti 
établit entre les versets, de i, l a , 7, 2, 3", 4, 5, 8, 9, 10 r 
11, 12, 13, 14-17 (ou plutôt, 17»); h, 1, 2s 4, 5, 6, 7s 
12-14. Encore eut-elle à subir plus d'un remaniement. 
2» Le passage m, 1-7, a été ajouté au v» siècle avant 
notre ère, peut-être même seulement au n> siècle, à 
l'époque des Machabées. 3° Le livre n'a été rédigé sous 
sa forme actuelle qu'à la fin du H" siècle. C'est alors 
qu'on a ajouté m, 8, 10-13, 14-15, 17-19, et fait les 
petites insertions secondaires i, 3 b , 6, 8 a , 10% 12 a , 17 b r 
18; n, 2 b , 3, 7 1 ', 8-10, 15. 4° Enfin, plus tard encore, on 
a introduit n, 1, et m, 9-10, sans parler de petites 
gloses et d'autres corruptions du texte. 

b) Leurs misons sont encore plus faciles à résumer,, 
car elles sont uniquement de nature subjective, par 
conséquent très arbitraires. Il suffira d'en mentionner 
ici quelques-unes. Stade supprime tels passages, parce 
qu'ils lui «semblent » désigner une époque plus récente 
que celle de Sophonie. Kuenen rejette m, 14-20, sous 
prétexte que l'auteur « ne pouvait pas parler ainsi » 
à ses contemporains. Budde exclut le même passage,, 
parce que, dans le reste du livre, Sophonie s'adresse à 
une Jérusalem rebelle et souillée de crimes, à laquelle 
il prédit les châtiments divins, tandis qu'à partir de 
ni, 14, il s'adresse à une Jérusalem transformée, pour 
l'engager à se livrer à l'allégresse, Dieu devant bientôt 
la rétablir et la délivrer de ses ennemis. Davidson 
trouve pareillement que « le ton jubilant » de ces ver- 
sels contraste trop avec la sombre peinture de m, 1-7, 
et aussi avec m, 11-13. Pour Nowack, les passages m, 
9-10, 14-20, « supposent des situations... manifestement 
étangères à l'époque où Sophonie a exercé son minis- 
tère. » On a signalé aussi, dans le style, quelques ara- 
maïsmes et l'emploi de plusieurs expressions qui n'au- 
raient pas eu droit de cité dans la langue hébraïque au 
temps de Sophonie. 

3° L'appréciation de ces raisons est faite de main de 
maître, non seulement par les commentateurs croyants,, 
mais aussi par les néo-critiques eux-mêmes. En effet, 
parmi ces derniers, les uns regardent comme authen- 
tique tel verset où telle série de versets que les autres 
condamnent, et il se trouve finalement que leurs thé- 
ories se détruisent l'une l'autre, de sorte que notre 
petit livre demeure debout tout entier. — Mais il est 
aisé de répondre plus directement aux objections pro- 
posées. Elles se ramènent à deux principales, tirées 
d'abord du fond, puis de la forme de l'écrit de Sopho- 
nie. — A) En ce qui concerne le fond, on prétend 
découvrir dans l'oracle de Sophonie un certain nombre 
d'idées qui, par elles-mêmes, dénoteraient l'époque de 
la captivité de Babylone, et même une période posté- 
rieure à l'exil. Mais un exemple suffira pour montrer 
combien cette spécification, moralement impossible en 
principe, est arbitraire en fait. A la suite de Schwally, 
M. Selbie affirme, loc. cit., que l'emploi du mot 'anav 
(Vulgate, mansuetus), Soph., n, 3, exprime, « une 
notion qui n'avait pas encore reçu la signification 
morale et religieuse que lui donne notre livre. » 
L'assertion est inexacte, car des écrivains antérieurs 
se sont servis de cette expression dans un sens ana- 
logue. Cf. Num., xn, 3; Is., xi, 4; Am., vm, 4, etc. 
Aussi M. Davidson, loc. cit., p. 101, trouve-t-il à bon 
droit que l'argument est « spécieux », c'est-à-dire 
sans valeur. M. Selbie riposte qu' « un sentiment ins- 
tinctif peut être plus fort que la logique. » L'exégèse 
deviendrait-elle donc une affaire d'instinct? — Les néo- 
critiques prétendent encore qu'en plusieurs passages 
du livre de Sophonie la liaison est interrompue; ce 
qui serait un signe infaillible d'interpolation, de rema- 
niements malhabiles. Mais ils oublient que, dans les 
écrits des prophètes comme dans ceux des poètes, la. 
pensée prend souvent un nouvel essor, et que ce n'est 
point là un motif suffisant pour croire à un change- 



1841 



SOPHONIE (LE LIVRE DE) 



1842 



ment d'auteur. — Parcourons rapidement les chap. n 
et m de Sophonie, pour montrer que tout s'y tient 
étroitement. De l'aveu de Kuenen, depuis le commen- 
cement du livre jusqu'à il, 15, le discours prophétique 
« suit une marche régulière », de sorte qu'il n'y a 
aucune raison de mettre en cause l'authenticité de h, 
1-14. Les versets 1-3, souvent rejetés, se rattachent de 
très près au chap. I er , dont ils sont « la contre-partie 
presque nécessaire ». Driver, dans Cheyne, Encyclo- 
pxdia biblîca, t. iv, col. 5406. Les Israélites coupables 
sont invités, dans ce passage, à implorer la divine 
miséricorde, s'ils veulent échapper au châtiment. Il 
est rare, en effet, que les prophètes d'Israël se bornent 
à menacer, surtout lorsqu'il s'agit de leur peuple. Ils 
savent fort bien, comme le dit nettement Sophonie un 
peu plus loin, m, 11-20, que le but des châtiments de 
Dieu n'est pas d'anéantir, mais de corriger, de puri- 
fier; d'où il suit qu'on peut toujours essayer d'y échap- 
per par le repentir. Cf. Is., iv, 4; Jer., vu, 5-7; xvni, 
7; Joël, il, 12; etc. — Le passage II, 4-17, où les nations 
étrangères sont menacées à leur tour du jugement 
divin, ne serait pas en harmonie, nous assure-t-on, 
avec le sentiment profond que Sophonie a manifesté 
plus haut (chap. I) de la culpabilité de ses compa- 
triotes. Cette allégation est d'une faiblesse extrême. 
Les crimes de son propre peuple n'empêchent pas le 
prophète de constater aussi que les nations voisines 
sont gravement coupables; en outre, nous l'avons vu, 
son but est précisément d'annoncer l'universalité du 
« jour du Seigneur ». Ajoutons que ceux qui sup- 
priment les versets 8-10, relatifs aux Moabites et aux 
Ammonites, détruisent la symétrie de l'oracle lancé 
contre les païens : Moab et Ammon, situés à l'est de la 
Palestine, correspondent aux Philistins, qui habitaient 
à l'ouest, de même qu'Assur, au nord-est, correspond 
à l'Ethiopie du sud. Les versets 13-15 prédisent la 
ruine de Ninive, qui eut lieu vers 607 avant J.-C; ils 
sont donc antérieurs à cette date et conviennent fort 
bien à l'époque de Sophonie. — Passons au chap. m. 
Kuenen se fait de nouveau l'avocat de notre prophète, 
et revendique pour lui la composition des y. 1-13. Ce 
passage, dit-il, forme la continuation naturelle du 
discours; la pensée et le style démontrent qu'il appar- 
tient au même auteur que ce qui précède. « On ne 
peut, écrit de son côté Davidson, loc. cit., p. 102, pro- 
poser aucune objection raisonnable contre l'authenti- 
cité de m, 1-7. » Il en est de même des f. 11-13, car 
« nous sommes ici dans la Jérusalem d'avant l'exil, 
sans aucune trace de la captivité et de ses expé- 
riences. » Driver, dans Cheyne, loc. cil. Ce passage 
présente donc « toutes les marques d'authenticité. » Les 
versets 11-13 décrivent la Jérusalem de l'avenir, puri- 
fiée par le châtiment; il n'est pas étonnant que le ton 
n'y soit pas le même qu'aux versets qui précèdent. Le 
tableau qu'ils tracent est « en contraste, trait pour 
trait, avec la Jérusalem des jours du prophète, m, 1-7. » 
Quant aux versets 8-10, «ils établissent la liaison entre 
1-7 et 11-13. » Davidson loc. cit., p. 103. Restent les 
versets 14-20, rejetés d'une manière générale par les 
néo-critiques. Que leur reproche-t-on ? Simplement de 
présenter Jérusalem sous un nouvel aspect. Mais, dit 
M. Driver, An Introduction to the Literature of the 
O. T., 5 e édit., p. 342-343, ils contiennent « un tableau 
d'imagination »; or, « il reste à savoir s'il est suffi- 
samment démontré que l'imagination de Sophonie était 
impuissante à le créer. » A coup sûr elle ne l'était 
pas, même indépendamment de l'inspiration, puisque 
des prophètes plus anciens avaient esquissé des 
peintures idéales du même genre, pour décrire l'avenir 
de gloire et de bonheur que Dieu réservait à la Jérusa- 
lem messianique, après qu'elle aurait été sanctifiée 
par l'épreuve. Cf. Is., iv, 2-6; ix, 1-7; xi, 1-16, etc. La 
répétition des mots « au milieu de toi », à travers les 



différentes parties du chap. m — cf. 3, 5, 11, 12, 
15, 17 — semble hien insinuer, pour sa part, l'unité 
de style et d'auteur. — B) Par rapport au style, un 
exemple a déjà montré plus haut (col. 1840) à- quel 
point il faut se défier des affirmations émises à ce 
sujet par les néo-critiques. Il en est de même des. 
autres expressions qu'ils prennent, assez timidement, 
pour des aramaïsmes plus récents que Sophonie. Voir 
van Hoonacker, op. cit., p. 504. Le D r Kbnig, l'un des 
hébraïsants contemporains les plus en renom, assure, 
Einleilung in das A. T., p. 353-354, que rien, dans la 
style du livre, n'exige pour la composition une époque 
postérieure à l'exil. Au chap. il, on s'appuie aussi, 
pour éliminer l'oracle contre Moab et Ammon, y. 8-11, 
sur ce fait qu'on ne retrouve point, dans ce passage, le 
rythme élégiaque qui est employé aux versets 4-7, 
12-15. L'objection est bien superficielle, comme le dit 
M. Driver, dans Cheyne, loc. cit. De quel droit impose- 
rait-on à l'auteur l'obligation de recourir à un rythme 
absolument uniforme? — Aucune des difficultés sou- 
levées de nos jours contre l'authenticité et l'intégrité du 
livre de Sophonie ne résiste donc à un examen sérieux. 
IV. L'époque de la composition. — Elle a été fixée 
plus haut (col. 1837) d'une manière générale. Nous avons 
à déterminer ici, dans la mesure du possible, la période 
du règne de Josias qui semble le mieux coïncider avec 
les données historiques du livre. Les interprètes ne , 
sont pas d'accord sur ce point. — Le gouvernement de 
Josias est divisé en deux phases très distinctes par un 
fait très important, sa grande réforme religieuse, qu'il 
entreprit en 621, la dix-huitiéme année de son règne, 
et qui mit fin à l'idolâtrie dans Israël. Cf. IVReg., xxn, 
3-xxm, 27; II Par., xxxiv, 3-xxxv, 19. D'après l'opinion 
la plus commune — parmi ses partisans les plus récents, 
citons Kaulen, Keil, Kuenen, von Orelli, Wildeboer, 
Driver, Wellhausen, Cornill, Nowack, Davidson, Rudde 
— c'est avant cette date que Sophonie aurait mis sa 
prophétie par écrit. Divers traits insérés dans ses des- 
criptions, tout particulièrement au chap. 1 er , semblent, 
en effet, désigner clairement celte première phase. 
Nous pouvons même préciser davantage encore, et as- 
signer la composition du livre à la période comprise 
entre la douzième et la dix-huitième année de Josias, 
car ce prince, monté sur le trône à l'âge de huit ans, 
IV Reg., xxii, 1; II Par., xxxiv, 1, fut d'abord impuis- 
sant pour lutter contre le mal, et c'est seulement à 
vingt ans qu'il put attaquer l'idolâtrie avec quelque 
succès. II Par., xxxv, 3. Or Sophonie, tout en suppo- 
sant que le culte des faux dieux est encore en vigueur- 
dans Juda et à Jérusalem, montre que des efforts ont 
déjà été tentés pour l'extirper. Voici quelques détails- 
dans ce double sens : i, 4, « les restes de Baal »; i, 5, 
l'adoration des astres; i, 6, l'apostasie des habitants de 
Jérusalem; i, 8, des mœurs païennes jusque dans la 
famille royale; i, 9, des pratiques superstitieuses; i, 4, 
et m, 1-7, la corruption des prêtres, des prophètes et 
de toutes les classes de la société. — Plusieurs critiques, 
entre autres, Schwally, Kleinert, Schulz, etc., pensent, 
au contraire, que le livre de Sophonie appartient à la 
seconde phase du gouvernement de Josias. Ils s'appuient 
en particuler sur le fait suivant : n, 8, le prophète 
signale les « fils du roi » comme se livrant à l'idolâtrie;, 
or, lorsque. Josias atteignit la dix-huitième année de 
son règne, ses fils aînés, Joakim et Joachaz, n'étaient 
âgés que de douze et dix ans. Cf. IV ;Reg., xxm, 26, 
31. C'est donc difficilement sur eux que retombe la 
menace divine. On répond à l'objection en disant que 
les mots « fils du roi » sont employés ici dans un sens 
large, et qu'ils désignent en général les princes de la 
famille royale. Cf. IV Reg., xi, 2. — Kônig, Einleitung 
in das Aile Testament, p. 352-353, retarde davantage 
encore la composition du livre, qu'il place durant les 
dix années qui suivirent la mort de Josias. Mais, si sa 



1843 



SOPHONIE (LE LIVRE DE) 



1844 



■conjecture était exacte, comment Sophonie n'aurait-il 
tpas blâmé nommément le roi d'alors, qui aurait été le 
fameux Manassès? — Concluons donc avec von Orelli, 
■op. cit., p. 336 : « Le jugement porté par le prophète 
sur Jérusalem, avec ses divers partis d'adorateurs de 
Jéhovah, de Baal, de Moloch et des astres, avec ses pro- 
phètes sans conscience et ses prêtres arrogants, ses 
-chefs livrés au brigandage, et tous ses habitants qui 
■refusent d'écouter la voix de la vérité et n'acceptent 
aucune discipline, tout cela... suppose trop de paga- 
nisme positif » pour que la réforme du roi Josias ait 
été alors complète. — Les néo-critiques attribuent très 
-arbitrairement à l'exil ou à la période subséquente, sans 
pouvoir s'accorder entre eux, les passages de Sophonie 
•dont ils rejettent l'authenticité. 

Y. Caractère et enseignement religieux du livre 
.de Sophonie. — Sans offrir rien de bien neuf et de 
bien saillant, ce petit oracle a cependant ses particu- 
larités intéressantes. Nous avons vu que « le jour 
•du Seigneur » y tient une place considérable. Isaïe, h, 
12-21; xiii, 6, et tout d'abord Joël, h, 1-2, etc., avaient 
fait valoir cette idée avant notre prophète ; mais il l'ex- 
pose avec plus d'ampleur et plus de force, et c'est à 
lui que la belle prose Dies irrn dies Ma a emprunté 
plusieurs de ses images si expressives. Comme Isaïe, i, 
3; vi, 13, etc., et comme Michée, iv, 7, il attire l'atten- 
• tion, m, 12-13, sur l'humble « reste » qui, dans la 
cation théocratique, survivra au châtiment divin, et 
qui formera pour ainsi dire la base d'un nouveau peuple, 
celui du Messie. Il est toutefois entièrement muet sur 
•la personne même du futur rédempteur d'Israël et du 
monde, quoiqu'il décrive admirablement, dans sa der- 
nière page, le salut dont le Messie sera l'intermédiaire. 
D'après Sophonie comme d'après les autres prophètes, 
•ce salut sera universel. Une extension extraordinaire du 
royaume de Dieu sur la terre sera le résultat final des 
jugements par lesquels tous les coupables sans excep- 
tion auront été châtiés : les païens reconnaîtront et ado- 
reront le vrai Dieu; Jérusalem sera honorée de tous 
les hommes, comme la source de la vraie connaissance 
■religieuse. Sophonie insiste avec une éloquence très 
pathétique sur les devoirs d'Israël envers son Dieu. On 
admirera toujours le ton simple, grave et austère de 
«a prédiction. Il semble avoir composé son livre sous 
l'impression très vive que Juda était mûr pour le châ- 
timent, et que, si l'exécution de la sentence pouvait 
•être retardée, il était moralement impossible qu'elle 
fût révoquée :1a mesure de la culpabilité était comble; 
déjà le bras du Seigneur s'étendait pour frapper un 
■coup terrible sur les pécheurs, en quelque endroit qu'ils 
fussent. Sophonie insiste cependant d'une manière 
touchante sur la valeur purifiante et moralisatrice du 
châtiment. Cf. m, 7-13. Il ne le cède point à Amos, non 
plus qu'à Isaïe, pour le courage avec lequel il dénonce 
les péchés de son peuple, et spécialement les scandales 
■des grands : grâce à lui, nous apprenons à connaître le 
syncrétisme religieux, extrêmement blâmable, que les 
rois impies-Manassès et A mon avaient favorisé et encou- 
ragé, les emprunts idolâtriques et autres que le peuple 
de Dieu, pour son grand malheur, avait faits au peuple 
voisin. Tout cela est fort instructif et présente un excel- 
lent résumé de tous les oracles antérieurs. On conçoit 
qu'une telle prédication ait dû être un puissant auxi- 
liaire pour la réforme religieuse de Josias. Voir B. Duhm, 
Die Théologie der Propheten, in-8», Bonn, 1875, p. 222- 
225; E. von Orelli, Die alttestamenlliche Weissagung 
von der Vollendung des Gotlesreiches, Vienne (Autriche) , 
1882, p. 357-362; Kirkpatrick, Doctrine of the Pro- 
phets, Londres, 1905, p. 255-268; P. Kleinert, Die Pro- 
pheten Israels in sozialer Beziehung, in-8°, Leipzig, 
1905, p. 69-71. — Nous devons signaler aussi, comme 
un caractère propre à Sophonie, les échos, relativement 
fréquents, des livres plus anciens qui retentissent dans 



son écrit. Cf. i, 13, et Deut., xxvm, 39; n, 7, et Deut., 
xxx, 3; m, 5,etDeut.,xxxii, 4; m, 7,etDeut.,xxviii,13; 
i, 7, et Hab., n, 20, cf. Joël, i, 15, et Is., xm,3; i, 13, et 
Àm., v,ll;i, 14-15, et Joël, n, 1-2; i, 16, eiAm., H, 2;i, 
18, etls., x,23; H, 8, 10, etls., xv, 8, cf. Am., i, 13; etc. 

VI. Style. — Sophonie est assez ordinaire sous le 
rapport de la diction. On ne trouve dans ses pages ni 
la grâce ni la beauté de la plupart des prophètes qui 
avaient écrit avant lui. Son langage est correct; c'est, 
quoi qu'on ait prétendu en sens contraire, pour nier 
l'authenticité de plusieurs passages, un hébreu pur et 
correct, sans aramaïsmes marqués. Le style est géné- 
ralement clair; mais, simple d'ordinaire et peu orné, il 
ne s'élève pas beaucoup au-dessus de la prose. 11 est 
plus pathétique que poétique. Cependant, il ne manque 
ni de vigueur, ni de fraîcheur, ni de vie. Généralement 
peu riche en images et dénué d'originalité, il présente 
çà et là des figures remarquables ; entre autres les sui- 
vantes : i, 12, « Je fouillerai Jérusalem avec des lampes ; » 
« Les hommes qui reposent sur leur lie; » i, 17, « Ils 
marcheront comme des aveugles. » Voir aussi u, 1-2, 
11, 13-15, etc. Les passages m, 11-13 et 14-20, sont d'une 
grande beauté, En somme, si Sophonie n'est pas à la 
hauteur des prophètes du vm e siècle sous le rapport du 
style, il possède néanmoins des qualités solides comme 
écrivain. 

VII. Texte. — Le texte primitif du prophète a été en 
général bien conservé. On le voit par l'accord qui règne 
presque partout à son sujet entre les anciennes ver- 
sions. Cet accord prouve qu'elles ont eu pour base un 
texte original à peu près identique, lequel différait à 
peine de celui de la Massore. Les divergences peuvent 
s'expliquer d'ordinaire par des erreurs de traduction. 
Voir L. Reinke, Der Prophel Zephanja, p. 15-40, et 
Bachmann, Zar Textkritik des Propheten Zephanja 
dans les Studien und Kritiken, 1894, p. 641. Les obscu- 
rités que l'on rencontre çà et là proviennent sans doute 
des copistes, qui auront maltraité le texte en ces en- 
droits. Les corrections proposées par les néo-critiques, 
en particulier par Wellhausen, Schwally, Nowack, 
Marti, G. A. Smith, ne sont pas toujours heureuses. 

VIII. Bibliographie. — 1° Commentateurs catho- 
liques.— Voir S. Jérôme, Comment. inSoph.prophetam 
liber I, t. xxv, col. 1337-1388; Théodore de Mopsueste, 
Comment, in Sophon. prophel., t. lxvi, col. 444-473 ; 
Théodoretde Cyr, Interpret. Sophon. prophetx, I.lxxxi, 
col. 1837-1860; P. Ackermann, Prcphetx minores, 
Vienne, in-8", 1830, p. 553-589; P. Schegg, Die kleinen 
Propheten ùbersetzt und erklârt, in-8», Ratisbonne, 
185i; 2« édition en 1862,3* partie, p. 157-226 ; L. Reinke, 
Die messianische Weissagung des Zephanja, dans les 
Messianische Weissagungen, t. m, Munster en West- 
phalie, 1861; Id., Der Prophet Zephanja, Einleitugn 
und Ûbersetzung nebst einem vollstândigen philol. 
krit. und historischen Kommentar, in-8°, Munster, 
1868; A. van Hoonacker, Les douze petits prophètes 
traduits et commentés, in-8°, Paris, 1908, p. 498-537. 
— 2° Commentateurs hétérodoxes. — J. A. Nolten, De 
prophetia Zephanjœ, in-8», Francfort-sur-1'Oder, 1719 ; 
F. Adolphe Strauss, Vaticinia Zephanjse commentario 
illustrata, in-8», Berlin, 1843; Kleinert, Obadjas, Jonas, 
Micha, Nahum, Habakuk, Zephanja, in-8», Bielefeld, 
1868, p. 159-184; Fergusson, The... Teslimony of tlie 
Prophet Zephaniah, dans le Journal of the Society 
of biblical Literature and Exegesis, 1883, p. 42-53; 
F. Buhl, Einige textkrit. Bemerkungen zu den kleinen 
Propheten, spec. zu Zephaniah, il, 11, 14; m, 17-20, 
dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, 1885, 
p. 182-184; C. von Orelli, Dos Bue h Ezechiel und die 
zwôlf kleinen Propheten ausgelegt, in-8°, Nordlingue, 
1888, p. 336-347, 3« édit. 1898; F. Schwally, Dos Buch 
Ssefanja, dans la Zeitschrift fur die alttestam. Wis- 
senschaft, 1890, p. 165-240; W. Schulz, Kommentar 



1845 



SOPHONIE (LE LIVRE DE) — SORGHO 



1846 



ûber den Propheten Zephanja, in-8°, Leipzig, 1892; 
A. Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, in-18, 
1896, p. 95-136. L. Fillion. 

5. SOPHONIE, père de Josias, Zach., vi, 10 (et de 
Hem, x-14, d'après la Vulgate. Voir Hem, t. in, col. 586). 
■Sur Josias, voir Josias 2, t. m, col. 1683. 

SORCELLERIE, art prétendu de capter les forces 
■de la nature ou les influences du monde invisible, au 
moyen de pratiques mystérieuses sans rapport avec 
l'effet à produire. La sorcellerie n'est qu'une forme 
plus populaire et plus grossière de la magie. Voir 
Magie, t. iv, col. 562. Le sorcier et surtout la sorcière 
abusent du pouvoir occulte qu'ils s'attribuent pour 
■servir leurs intérêts personnels, nuire à qui leur 
déplaît et ainsi porter un grave préjudice à la société. 
•Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 
Paris, 1905, p. 11-15, 224. La sorcellerie est sévèrement 
prohibée par différents textes de la loi mosaïque. 
Lev., xx, 27; xxii, 18; Deut., xvm, 9-12. Cf. Sap., xn, 
4. Elle persista néanmoins, en se dissimulant plus ou 
moins suivant les circonstances. Malachie, m, 5, est 
■encore obligé d'appeler le jugement de Dieu contre les 
sorciers, mekaès'efîm, çapuaxoJç, maleficis. 

H. Lesêtre. 

SORCIER, celui qui pratique la sorcellerie. Voir 
Magicien, t. îv, col. 562; Magie, col. 566. D'après le 
■code d'Hammourabi, art. 1, celui qui ensorcelait un 
homme sans raison était digne de mort. S'il lui jetait 
un maléfice, le maléficié se plongeait dans le fleuve, et, 
•s'ily restait, il était censé avoir mérité son sort; si, au 
•contraire, le fleuve le laissait sain et sauf, son ennemi 
était digne de mort. Art. 2. H. Lesêtre. 

SOREC (VALLÉE DE) (hébreu : nalyal Sôrêq; 
Septante : 'AXniop/,-/, k\ est probablement la finale de 
nafyal; Alexandrinus : Xei|iâppouç Supin/), vallée dans 
laquelle demeurait Dalila, Jud., xvi, 4. Voir Dalila, 
t. il, col. 1208. La vallée de Sorec, célèbre dans l'his- 
toire de Samson, est longée aujourd'hui par la ligne du 
chemin de fer de Jaffa à Jérusalem, qui la suit en re- 
montant jusqu'à Vouadi Sikkéh. « La vallée de Sorec 
prend naissance au nord de Jérusalem, près d'el-Biréh 
descend entre Nébi-Samouil et la Ville Sainte et ser- 
pente ensuite entre Qoloniyéh et Aïn Kareni, devenant 
de plus en plus étroite et profonde. Au sortir des col- 
lines de Juda, son torrent traverse la plaine ondulée 
de Séphéla et, sous le nom de Nahr Roubin, se jette 
dans la mer entre Yebnah et JafTa. » B. Meistermann, 
Nouveau guide de Terre Sainte, 1907, p. 39. L'ouadi 
Surâr, comme on l'appelle aujourd'hui, est un des oua- 
dis principaux de la Palestine méridionale. Une partie 
des scènes de la vie de Samson se sont passées dans 
cette vallée; Saraa, où il est né, se voit longtemps de 
l'ouadi sur le sommet de la montagne où il se dresse, 
au nord, de même qu'Esthaol. Entre Saraa et Esthaol 
«st Mahanéh-Dan (castra Dan, Jud., xm, 25), où 
commença à se révéler la force de Samson. Sur les 
pentes méridionales de la vallée est Bethsamès ('Ain 
Schems) — La vallée de Sorec est la voie naturelle qui 
permet de monter de la Séphélah aux montagnes 
■de Juda et à Jérusalem et les Philistins la suivirent 
plusieurs fois au temps des Juges et de David pour aller 
attaquer les Israélites. Elle n'apparait cependant qu'une 
fois sous son nom dans l'Écriture,. Jud., xvi, 4, pour 
désigner l'endroit où demeurait Dalila. — Le mot de 
iôrêq se lit trois autres fois dans l'Écriture, mais 
comme nom d'une espèce de plant de vigne. Gen., xlix, 
11 (hébreu : Serêqâh ; Vulgate : vitis); Is., v, 2 (sôrêq; 
fvineam] electam) ; cf. xvi, 8 (hébreu : serûqim; pro- 
pagines); Jer., il, 21 (sôrêq; vinea electa). Gesenius, 
Thésaurus, p. 1343, croit que Sorec tirait son nom de 



ses vignes qui produisaient l'espèce de raisin rouge 
bleuâtre, ainsi appelé de la racine sâraq, « être brun ». 

SORGHO (Hébreu : dohan; Septante : xêy/po«; Vul- 
gate tmilium, Ezech., iv, 9), une des céréales les plus 
répandues en Orient. 

I. Description. — Souvent rapproché du Millet pour 
ses graines alimentaires, ce genre de Graminées en 
diffère notablement par ses caractères botaniques. La 
tige robuste et très élancée, presque simple, estpubes- 
cente sur les nœuds. Les feuilles glabres sur la gaine 
ont un limbe largement linéaire à bords scabres, et une 
ligule courte, lancinée, poilue. L'inflorescence termi- 
nale est une grande panicule à rameaux denses, chargée 
d'épillets biflores de deux sortes, les uns aristés et her- 



Ni» 



407. — Sorgho vulgare. 

maphrodites, les autres stériles et mutiques. Les glu- 
mes pubescentes, sans arête, deviennent coriaces à ma- 
turité, et protègent le caryopse arrondi. Le Sorghum 
Ralepense de Persoon, à rhizome vivace, est surtout 
employé comme fourrage, mais les espèces annuelles, 
et spécialement le S. vulgare (fig. 407), originaire de 
l'Inde, sont aussi cultivées pour leurs graines fari- 
neuses. Le S. saccharatum, qui n'en est peut-être 
qu'une variété à glumes pubescentes, a le chaume sucré 
dont la sève fournit après fermentation une liqueur 
spiritueuse. F. Hy. 

II. Exégèse. — l&dohan, qui servait à faire du pain, 
Ezech., IV, 9, est traduit plus communément par mil- 
let. Voir t. iv, col. 1198. Ce nom pouvait également 
comprendre quelque céréale voisine du millet, telle 
que le sorgho commun. Pline, H. N., xvm, 55. Le 
texte d'Ézéchiel suppose qu'on mélange avec le fro- 
ment certains grains d'espèce inférieure. Ce qui con- 
vient bien au sorgho,<juiest en Orient la nourriture des 
pauvres. C'est une des céréales les plus habituellement 
cultivées par les Égyptiens modernes, et aussi dans 
l'Afrique équatoriale, l'Inde et la Chine. Les Arabes. du 
commun, dit Niebuhr, Description de l'Arabie, Paris, 
1779, in-8°, t. i, p. 215, n'ont presque d'autre pain que 



1847 



SORGHO — SORT 



1848 



celui de dourah, en Egypte, en Babylonie, en Syrie, en 
Palestine. 

Mais il y a controverse pour savoir si les anciens 
Égyptiens et les habitants de la Palestine connaissaient 
et cultivaient le sorgho. Bon nombre d'auteurs croient 
voir dans certaines scènes de récoltes des pein- 
tures égyptiennes la moisson du doura (fig. 408). Wil- 
kinson, The manners and customs, t. n, p. 427, 428; 
Lspsius, Denkmâler, t. m, pi. 78; Erman, Life in 
ancient Egypt, trad. Tirard, Londres, 1894, in-8°, 
p. 435; Fr. VVoenig, Die Pflanzen im alten Aegypten, 
Leipzig, 1886, in-8°, p. 172, etc. D'autres savants croient 
que la plante récoltée, ainsi représentée dans ces 
scènes de Thèbes et de El-Kab, n'est autre que le lin : 
ils invoquent en faveur de leur opinion le peu d'é- 
lévation des tiges, la forme des épis, etc. Schweinfurth, 
Zeiischrift fur Ethnologie, 1891, p. 654; Ch. Joret, 
Les plantes dans l'antiquité, t. i, p. 32. Sans doute 
dans ces scènes la récolte se fait en arrachant la plante 
avec ses racines, comme on procédait pour le lin; 
mais le sorgho s'arrachait de même; et on suit une 




408. — Récolte du dourah ou du lin. 

semblable pratique en certaines parties de l'Egypte; en 
d'autres endroits on le coupe comme le blé. 

Il est vrai que les plantes représentées ne vont qu'à 
la ceinture des moissonneurs, ce qui n'est pas ordinaire 
pour le sorgho. Mais le blé qu'on récolte à côté n'est 
pas plus élevé. 

Dans les peintures des monuments, à la suite de la 
moisson du blé est représentée celle de cette plante. 
Si l'o n a voulu donner les récoltes qui se font à la même 
époque, ce ne pourrait être que celle du lin, qui a lieu 
en avril comme celle du blé; la moisson du dourah au 
contraire n'a lieu qu'en juillet, et encore pour les pays 
qui ont une seconde récolte en novembre. Maison a pu 
vouloir aussi bien représenter la récolte des céréales 
sans tenir compte des temps, et alors la moisson du 
dourah viendrait très bien à la suite de celle du blé. 
Quant à la Babylonie où nous transporte le passage 
d'Ézéchiel, iv, 9, le dourah était certainement connu et 
cultivé. 

Le mot Dâgan, qui désigne en hébreu les céréales 
en général, sans spécifier l'espèce, peut servir, en cer- 
tains textes, à désigner le sorgho ou dourah aussi bien 
que le blé ou l'orge. A. de Candolle, Origine des plan- 
tes cultivées, in-8», Paris, 1886, p. 305; H. B. Tristram, 
Thenatural Hislory of lheBible,in-i%, Londres, 1889, 
p. 469. E. Levesque. 

1. SORI (hébreu : Sert; Septante : 2oup0> Lévite, 
fils d'Idithun. I Par., xxv, 3. Au f. 11, il est appelé 
Isari. Voir Isari, t. m, col. 986. 

2. SORI, nom hébreu d'un parfum. Voir Balanite, 
t. i, co'l. 1408. 



SORT (hébreu : gôrdl, pur; Septante :»lf,po;; Vul- 
gate : sors), procédé employé pour obtenir une déci- 
sion qu'on ne veut pas laisser au libre choix. — Les 
mots gôrdl et x^o; désignent originairement la petite 
pierre ou le caillou dont on se servait pour tirer au 
sort. Le mot latin sors a la même signification ; c'est le 
nom de la boule de bois ou du jeton au moyen duquel 
on tirait au sort. Les cailloux ou les boules, distincts 
parla couleur ou quelques autres signes, étaient mis 
dans un récipient quelconque, sac, pan de manteau, 
coupe, urne, etc., et, sans faire intervenir la vue, on 
tirait l'un deux, qui indiquait le parti à prendre ou le 
choix à adopter. Le tirage au sort a été un usage chez, 
tous les peuples. Le sort a été plusieurs fois employé 
chez les Hébreux dans des circonstances importantes. 
Sur un dieu du Sort, mentionné par Isaïe, lxv, 12, 
voir Meni, t. iv, col. 968. 

1» Dans les partages. — Le sol de la Palestine a été 
partagé entre les tribus par voie de tirage au sort. 
Num., xxvi, 55; xxxm, 54; Deut., i, 38; Jos., i, 6; 
xvui, 6; Act., xm, 19. Les villes lévitiques furent dési- 
gnées par le sort dans toutes les tribus. Jos., xxi, 4; 
I Par., vi, 65. Au retour de la captivité, on tira au sort 
ceux qui devaient habiter à Jérusalem, à raison d'un 
I sur dix parmi tout le peuple. II Esd., xi, 1. On ne 
tirait pas au sort quand tous devaient être pris. 
Ezech.,xxiv, 6. Les ennemis se partageaient au sort les 
dépouilles, Abd., 11, les terres conquises, I Mach., m, 
36, et les prisonniers. Jo., m, 3; Nah., m, 10. Confor- 
mément à la prophétie, Ps. xxn (xxi), 19, les dépouilles 
du Sauveur furent partagées entre les soldats et sa 
robe tirée au sort. Matth., xxvii, 35; Marc, xv, 24; 
Luc, xxiii, 34; Joa., xix, 24. Les parts d'héritage 
étaient tirées au sort. Eccli., xiv, 15. Le tirage au sort, 
dans les partages, avait pour effet de couper court aux 
contestations. Prov., xvm, 18. C'était donc un moyen 
de conserver la paix parmi les ayants-droit. Voici com- 
ment, aujourd'hui encore, on tire au sort en Palestine, 
quand le gouvernement turc a attribué à une commune 
quelque morceau de terre arable : « Après qu'il a été 
préalablement et dûment établi à quelle étendue de 
terre chaque membre de la commune peut prétendre, 
d'après l'importance de sa maison, le territoire est di- 
visé en lots d'égale grandeur, et, autant que possible, 
d'égal rapport, dont les noms sont écrits sur de petits 
cailloux renfermés dans une sacoche. Les habitants du 
village se réunissent et se placent en demi-cercle au- 
tour de l'iman. Celui-ci fait tirer de la sacoche, par un 
enfant qui n'a pas encore cinq ans, un des petits cail- 
loux, garai, tandis qu'en même temps un autre enfant 
proclame le nom d'un des habitants du village, à qui 
est alors adjugé le lot qu'on vient d'annoncer. On ne 
peut en appeler de ce partage. » F. Buhl, La société 
israélite d'après l'A.T., trad. de Cintré, Paris, 1904,p.93. 
2° Dans la désignation des fondions. — A l'époque 
des Juges, on désigna par le sort, à raison d'un sur 
dix par tribu, les guerriers qui devaient prendre part 
à la lutte contre Benjamin. Jud., xx, 10. Quand les Israé- 
lites voulurent un roi, Samuel le fit désigner par le sort; 
le sort tomba sur la tribu de Benjamin, sur la famille de 
Mélri et enfin surSaûl. I Beg., x, 21. Beaucoup de fonc- 
tions sacrées furent attribuées aux lévites et aux prêtres 
par la voie du sort. I Par., xxiv, 5, 31; xxv, 8; xxvi, 
13. Un nouveau tirage au sort se fil dans ce but après 
le retour de la captivité. Il Esd., x, 34; Luc, i, 9. Voir 
Prêtre, col. 649, 650. Pour désigner le successeur de- 
Judas, les Apôtres recoururent au sort, après avoir 
prié Dieu de faire connaître son choix. Le sort tomba 
sur saint Matthias. Act, I, 26. A ce cas, comme à celui 
de l'élection de Saiil, déjà sacré par Samuel, s'applique- 
visiblement la remarque des Proverbes, xvi, 33 
On jette les sorts dans le pan de la robe, 
Mais c'est Jébovah qui décide. 



1849 



SORT — SOT 



1850 



3° Dans les cas douteuse. — Achan ayant attiré la 
colère de Dieu par une contravention grave à la loi de 
f anathème, Josué demande au sort la désignation du 
coupable inconnu. Le sort indiqua successivement la 
tribu de Juda, la famille de Zaré, la maison de Zabdi et 
enfin Achan. Jos., vu, 16-18. Saûl fit décider par le 
sort qui était responsable, de lui ou de son fils Jona- 
thas. I Reg., xiv, 38. Les marins de Joppé procédèrent 
de même pour savoir qui d'entre les passagers attirait 
sur eux la tempête, et le sort désigna Jonas. Jon., 
i, 7. Dans ces cas, le sort était manifestement dirigé 
par Dieu; il ne s'en suit nullement qu'il le soit toujours 
dans les cas analogues. Habituellement, Dieu laisse 
agir les causes naturelles et il ne s'engage nullement 
à faire connaître la vérité ou sa volonté par la voie du 
sort. A la fête de l'Expiation, le sort réglait celui des 
deux boucs qui devait être immolé et celui qui devait 
être chassé au désert. Lev., xvi, 9, 10. On recourait au 
sort pour savoir, en certains cas, le parti à prendre. 
Jos., xvm, 6, 8. Voir Urim et Thummim. A l'instigation 
d'Aman, les Perses décidèrent par le sort le jour où 
les Juifs seraient massacrés dans tout l'empire. Voir 
Phurim (Fête des), col. 338. Le roi de Babylone 
demandait au sort la désignation du pays qu'il devait 
attaquer. Ezech., xxi, 26, 27. Voir Rabdomancie, 
col. 920. Cf. Ose., iv, 12. — Josèphe, Bell, jud., III, 
vin, 7, raconte un curieux exemple de désignation par 
le sort. — Dans beaucoup d'autres endroits, la Vulgate 
appelle « sort » le résultat du partage, la destinée de 
chacun, les conditions de la vie humaine. Voir Coupe, 
t. il, col. 1075; Héritage, t. m, col. 611; Part, t. iv, 
col. 2171. H. Lesêtre. 

SORTS (FÊTE DES). Esther, ix, 26. Voir Phurim, 
col. 338. 

SOSIPATER (grec : 2Wîi««Tpo;, « sauveur de son 
père »), nom de deux Israélites. 

1. SOSIPATER, un des généraux de Judas Machabée. 
Avec Dosithée (voir Dosithée 2, t. h, col. 1494), il 
s'empara d'une forteresse qui n'est pas nommée et où 
les Juifs massacrèrent dix mille de leurs ennemis. 
II Mach., XII, 19. Timothée,le chef de l'armée syrienne 
battu par Judas Machabée, tomba entre les mains de 
Dosithée et de Sosipater qui lui rendirent la liberté 
sur son engagement de renvoyer libres les nombreux 
prisonniers juifs qu'il avait entre les mains, f. 23-25. 

2. SOSIPATER, parent de saint Paul qui était avec 
lui lorsque l'Apôtre écrivit aux Romains. Il est énu- 
méré parmi ceux qui envoient leur salutation aux 
destinataires de PÉpltre. Rom., xvi, 21. Beaucoup 
admettent qu'il est le même que celui qui est appelé 
Sopater (de Bérée), Act., xx, 1. D'autres le nient 
et la question est douteuse. Voir Acta Sanctoruni, 
t. v, junii 25, p. 4. Le nom de Sosipater se lit 
sur une liste de politarques de Thessalonique. Voir 
Secundus, col. 1556. 

SOSTHÉNE (grec : S<o<jôivr,c). 1» Chef de la syna- 
gogue de Corinthe du temps de saint Paul, après la 
conversion de Crispus. Voir t. il, col. 1119. Les con- 
versions opérées par saint Paul dans cette ville ayant 
irrité les Juifs, ils l'amenèrent de force au tribunal du 
proconsul Gallion, t. Tir, col. 98, .qui leur répondit 
dédaigneusement qu'ils démêlassent eux-mêmes les 
affaires concernant leur loi, et il les éconduisit de la 
sorte. La foule battit alors Sosthène devant le tribunal 
et le proconsul romain laissa faire. Act., xvm, 12-17. 
Les plus anciens manuscrits grecs et le texte latin ne 
précisent point si ce sont les Juifs ou les païens qui 
maltraitèrent Sosthène, le textus receptus grec dit que 



ce furent oi "EàXyjveç, et il semble plus vraisemblable 
que ce soient les païens, peu favorables aux Juifs, qui 
voyant le mépris que faisait d'eux Gallion, en profi- 
tèrent pour satisfaire leurs mauvaises dispositions à 
leur égard en s'en prenant à leur chef. D'autres pen- 
sent cependant, et saint Jean Chrysostome est du 
nombre, In Act. hom. xxx, 2, t. lx, col. 278, que 
Sosthène était disciple et ami de saint Paul et que ce 
sont les Juifs qui en cette circonstance le traitèrent 
comme un ennemi dont ils voulurent se venger. 

2° Saint Paul, dans sa première Épitre aux Corin- 
thiens, i, 1, leur écrit non seulement en son nom, 
mais aussi au nom de son « frère » Sosthène. Plusieurs 
en ont conclu que ce Sosthène était celui dont parlent 
les Actes, lequel était bien connu à Corinthe et qui, 
s'il était devenu chrétien, devait s'intéresser particu- 
lièrement à cette Église et y jouir d'une certaine auto- 
rité. Eusèbe, H. E., i, 12, t. xx, col. 117, le mentionne 
comme un des soixante-dix disciples du Sauveur, 
d'après quelques-uns, qui par conséquent ne l'identi- 
fiaient point avec le chef de la synagogue corinthienne. 
En réalité la tradition est flottante et indécise à son 
sujet. Voir Calmet, Dictionnaire de la Bible, édit. 
Migne, t. iv, col. 610-611. 

SOSTRATE (grec : 2w<jrpdcTo;), commandant de' la 
citadelle de Jérusalem au nom du roi de Syrie Antio- 
chus IV Epiphane. Il pressa le grand-prêtre Ménélas, 
mais inutilement, de payer au roi de Syrie les sommes 
qu'il lui avait promises pour obtenir le souverain pon- 
tificat. II Mach., iv, 27-29. D'après le texte latin, Sos- 
trate et Ménélas furent appelés pour cette affaire à 
Antioche, et Ménélas fut privé du sacerdoce et remplacé 
par son frère Lysimaque, tandis que Sostrate reçut le 
gouvernement de Cypre. D'après le texte grec, Ménélas 
laissa son frère Lysimaque pour tenir sa place et Sos- 
trate (laissa) Cratès qui était gouverneur des Cypriotes, 
de sorte que c'est Cratès qui aurait eu le commande- 
ment de la citadelle de Jérusalem. Le Vaticanus lit 
■/.pat^aa; au lieu de KpdrniTa, de sorte 'que le sens est le 
même que dans la Vulgatelatine: Sostrate reçut le gou- 
vernement de Cypre. — Le résultat du voyage de Mé- 
nélas et de Sostrate à Antioche est passé sous silence, 
sans doute parce que lorsqu'ils arrivèrent dans cette 
ville, le roi en était déjà parti, f. 30, pour aller répri- 
mer une sédition qui avait éclaté subitement en Cilicie. 

SOT (hébreu : 'ëvil, kesil, nâbûb, nâbdl,sâbâl, yâ'al; 
Septante: àçpwv, àa-sôr,;, èrciXïiTrro; ; Vulgate : stultus, 
insipiens, insanus), celui qui n'a pas la dose commune 
de bon sens ou d'intelligence. 

1» Le sot ne sait pas se tirer d'affaire dans les diffi- 
cultés de la vie, ni même dans la prospérité. Son inter- 
vention entraine toutes sortes d'inconvénients, pour lui 
et pour les autres, d'autant plus qu'il se croit sage, alors 
qu'il marche dans les ténèbres. Eccle., n, 16; Prov., 
xix, 15. C'est donc un homme à éviter. Ces idées 
reviennent fréquemment, sous différentes formes, dans 
Job, les Proverbes, l'Ecclésiaste et l'Ecclésiastique. 
D'après les versions, « le nombre des sots est infini. » 
Eccle., I, 15. Le texte hébreu dit seulement que « ce 
qui manque ne peut être compté. » Le Sauveur quali- 
fie de sot celui qui bâtit sa maison sur le sable, Matth., 
vu, 26, et celui qui pense à élever des greniers pour 
sa récolte, quand la nuit même il va mourir. Luc, xii, 
20. 

2" Parmi ceux qui s'accusent ou sont accusés d'avoir 
agi en sots, il faut ciler Aaron, Num., xii, 11, les Isra- 
élites, Deut., xxxii, 6, la femme de Job, n, 10, Saûl, 
I Reg., xiii, 13; xxvi, 21, David, I Reg., xxiv, 10, Nabal, 
I Reg., xxv, 25, Asa, II Par., xvr, 9, les sages d'Egypte, 
Is., xix, 11, et de Babylone, Jer., l, 36, les faux pro- 
phètes d'Israël, Ose., iv, 7; Jer., xxiii, 13, le peuple de 



1851 



SOT — SOUDE 



1852 



Jiida, Jer., v, 21, les scribes et les pharisiens, Matth., 
xxiii, 17; Luc, xi, 40, les. disciples d'Emmaûs, Luc, 
xxiv, 25, les sages de la gentilité, Rom., i, 22, etc. 

3° L'impiété qui se refuse à reconnaître Dieu, 
Ps. xiv (xm), 1; Jer., iv, 22; v, 4; Eccîe., vu, 26, est 
considérée comme le fait d'un sot. Le sot ne comprend 
rien aux œuvres de Dieu. Ps. xcn (xci), 7. Aussi la fin 
de l'injuste est-elle celle du sot. Jer., xvn, 11. Le servi- 
teur de Dieu est traité de sot par le monde ; mais ce sot 
est sage «ux yeux de Dieu, tandis que le sage selon le 
monde est sot en realité, s'il ne connaît pas Dieu et ne 
le sert pas. I Cor., i, 20, 25, 27; iv, 10. Il faut donc 
devenir sot selon le monde pour être sage selon Dieu, 
I Cor., m, 18, et se conduire ainsi en sage, non en sot. 
Eph., v, 15. Le ministre de Dieu doit également rejeter 
les questions sottes et inutiles, II Tim., n, 23; Tit., 
m, 9, c'est-à-dire celles qui sont plus capables de 
nuire à la religion que de lui être utiles. 

H. Lesètre. 

SOTAÏ, SOTHAÏ (hébreu: Sôtaï; Septante : Swtcu, 
Ho-jtel). Ses descendants, formaient une famille des 
a serviteurs de Salomon » qui retournèrent de la cap- 
tivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., 
h, 55; II Esd., vu, 77. 

SOTTISE (hébreu: 'ivvélét, hôlêlah, hôtêlût, kesîlût, 
késél, kislàh, sékél, siklût, Hklût,(ahpûkâh, piflâh; Sep- 
tante l'àtppoavvr!, fitopîa, àyXripia, 7tapacpopâ; Vulgate : 
stultitia, insipientia), défaut d'intelligence et de sens 
pratique. Six des mots hébreux qui désignent la sottise 
ne se lisent que dans l'Ecclésiaste. 

1° La sottise est comme une femme bruyante, stupide 
et ignorante. Prov., ix, 13. Elle déborde de la bouche 
de l'insensé, Prov., xv, 2, 14, et vient à la suite de la 
colère. Prov., xiv, 17, 29. Le sot met sa joie dans sa 
sottise, Prov., xv, 21, et a plaisir à la manifester. 
Prov., xii, 23; xm, 16. En face du malheur, Job, i, 22, 
n'a proféré aucune parole de sottise. L'Ecclésiaste a 
cherché à connaître la sottise aussi bien que la sagesse, 
Eccle., i, 17, afin de les comparer. Eccle., il, 12. Il a 
reconnu que la sagesse l'emporte de beaucoup sur la 
sottise. Eccle., h, 3, 12, 13. Néanmoins, il a constaté 
que la sottise est au cœur des hommes, Eccle., ix, 3, 
que l'insensé ne dit que sottises, Eccle., x, 13, que la 
sottise occupe parfois des postes élevés, Eccle., x, 1, 6, 
et qu'il est fou de se laisser conduire "par elle. Eccle., 
vu, 25. Mieux vaut donc cacher sa sottise que cacher sa 
sagesse. Eccli., ai, 18 (15). 

2° La pire sottise est celle qui se détourne de Dieu. 
Le pécheur est victime de sa sottise. Ps. xxxvm 
(xxxvn), 6. Dieu connaît sa sottise, Ps. lxix (lxvhi), 6, 
et il pardonne, pourvu qu'on ne retourne pas lekislâh, 
« à la sottise ». Ps. lxxxv (lxxxiv), 9. Les versions ont 
traduit que Dieu pardonne « à ceux qui reviennent à 
leur cœur », ce qui suppose que le mot hébreu a été 
décomposé en lêb, « cœur », séldh, « pause », avec 
substitution d'un a à un 3. Les anciens Israélites ont 
été une race de sottise impie. Deut., xxxn, 20. C'est du 
cœur que viennent l'orgueil et la sottise. Marc, vu, 22. 
La prédication de la croix est une sottise aux yeux des 
impies et des gentils. I Cor., i, 18, 21, 23; n, 14. Mais 
la vraie sottise, aux yeux de Dieu, c'est la sagesse de ce 
monde. I Cor., i;i, 19. H. Lesêtke. 

SOUDE (hébreu : bôrît; Septante : rcoc'a; Vulgate : 
herba bovith, herba fullonum), désigne certaines 
plantes herbacées, dont les cendres fournissen t le carbo- 
nate de soude, et aussi l'extrait même de ces plantes ou 
carbonate de soude employé dans les lessives et dans 
la fabrication du savon. 

I. Description. — Les plantes riches en sels de 
sodium appartiennent à la famille des Salsolacées qui 
en lire son nom. Elles se tiennent sur le littoral mari- 



time, ou vivent à l'intérieur dans les sols imprégnés de- 
sel. Nombreuses sont les espèces croissant en Pales- 
tine, spécialement dans les régions désertiques. Parmi 




409. — Salsola kali. 

les principales citons VAtriplex Halimus de Linné, 
arbrisseau à feuilles blanchâtres qui abonde sur les 
rives de la mer Morte. Les vrais Salsola ont les feuilles- 




410. — Salicornia. 

charnues et subulées, piquantes dans le 5. Kali (Sg. 408),. 
terminées par une soie molle dans le S. Soda. Quant 
aux Salicornia (%. 409), ils se reconnaissent aisément 
à ieurs rameaux articulés et sans feuilles. F. Hy. 
II. Exégèse. — On a vu, t. i, col. 1853, que le mot 



1853 



SOUDE 



SOUFFLET 



1854! 



bôrît dans Jer., n, 22, et Mal., in, 2, désigne une plante 
qui fournit une espèce de savon végétal. Les Septante, 
la Vulgate, et les traductions rabbiniques l'ont ainsi 
entendu. Dans Jer., n, 22, nétér, « natron », soude ou 
alcali minéral, est mis en parallèle avec bôrîf, soude 
ou alcali végétal. Plusieurs exégètes ont pensé que dans 
Job, ix, 30, et Is., i, 25, le mot bôr avait la même signi- 
fication. Dans Job, ix, 30, en effet, bôr est mis en paral- 
lèle comme moyen de purification avec l'eau pure pro- 
venant de la neige : il semblerait que la mention d'une 
sorte de savon serait assez naturelle dans ce passage. 
Cependant l'expression bebôr kappékâ se retrouve plus 
loin, Job, xxii, 30 et signifie certainement c< par la 
pureté de tes mains ». Il paraît bien avoir le même sens, 
dans le premier cas. Quant à Is., i, 25, il semble y avoir 
une transposition de lettres, et au lieu de 133, kebôr, 
comme [avec] la soude, il faut lire 133, bahkur, « dans 
la fournaise, le creuset»; sens plus naturel dans le 
contexte. 

Les Arabes désignent les plantes maritimes, 
employées à la fabrication de la soude sous le nom de 
Kali (avec l'article al-kali, d'où vient notre mot alcali). 
Ils appellent de même les substances extraites de ces 
plantes, comme la soude, et ils comprennent égale- 
ment sous ce nom général les carbonates de potasse. 

Parmi ces plantes les plus habituellement employées 
sont les Salsola Kali, Salsola Soda etc., les Salicornes 
Salicornia fruticosa, S. herbacea. Les tribus arabes 
des bords de la mer Morte en récoltent d'abondantes 
quantités, qu'elles brûlent pour extraire de leurs cen- 
dres des alcalis, soude ou potasse destinés à leur usage 
ou à l'exportation. On les utilise en Palestine pour la 
Tabrication du savon, qui est spécialement développée 
à Jaffa, à Naplouse, à Jérusalem. W. M. Thomson, The 
Land and the Book, in-8, Londres, 1885, p. 532; H. B. 
Tristram, The naluralHistory ofthe Bible, in-8°, Lon- 
dres, 1889, p. 481-482; 0. Celsius, Hierobotanicon, in- 
8°, Amsterdam, 1748, p. 449. E. Levesque. 

SOUFFLE (hébreu hébél, néfés, nUmâh; 

Septante : ôrtiiCc, 7tvEÛ[<.a, xw&ïi, ^V"/ 1 !» Vulgate : aura, 
halitus, fiatus, spiritus, spiracu lum) , air mis en mou- 
vement par le mécanisme de la respiration. 

1° Au sens propre. — Dieu a mis en l'homme niS- 
ma( hayyîm, 7tvo-<î Çwïi;, spiraculum vitse, le souffle 
de vie, de manière à faire de lui néfês Ijtayyïm, i/vy^ 
Çùffa, anima vivens, un être animé et vivant. Gen., n, 
7. Ce n'est pas le souffle qui constitue la vie, mais il 
en est le signe le plus évident. Aussi. « tout ce qui a 
souffle de vie », Gen., vu, 22, équivaut-il à « tout être 
vivant ». Cf. Gen., i, 20, 30; Sap.. xv, 11; Is., xlii, 5. 
Le souffle dans les narines, c'est donc la vie. Job,xxvn, 
3. Les idoles n'ont pas ce souffle et, par conséquent, ne 
sont pas vivantes. Ps. cxxxv (cxxxiv), 17; Jer., x, 14; 
Bar., vi, 24; Hab., n, 19. Quand la vie diminue, pour 
une cause ou pour une autre, le souffle s'épuise, 
Job, xvn, 1; Dan., x, 17, on n'a plus qu'un souffle, 

II Mach., m, 31, on rend le dernier soupir, II Mach., 
vu, 9, ou l'esprit, Matth., xxvn, 50; Joa., xix, 30, on 
expire. Marc, xv, 37; Luc, xxm, 46; Act., v, 5, 10. 
Alors il n'y a plus de souffle dans le corps, il est mort. 

III Reg., xvn, 17. Dieu tient en ses mains le souffle 
des rois, c'est-à-dire leur vie. Dan., v, 23. Comme ce 
souffle est très léger, les impies le comparent à une 
fumée, Sap., n, 2, assimilant ainsi la vie et l'âme qui 
en est la cause à quelque chose qui périt totalement 
sans laisser de traces. — Le souffle du crocodile 
allume des charbons, c'est-à-dire que la vapeur que 
rejette l'animal paraît toute enflammée aux rayons du 
soleil. Job, xl, 12. 

2° Comparaisons. — Le souffle est une chose légère 
et faible. Un souffle emportera les idoles, Is., lvii, 13, 
elles disparaîtront au moindre effort dirigé contre elles. 



L'homme est semblable à un souffle, tant sa vie est 
faible et éphémère, Ps. xxxix (xxxvm), 6 ; cxliv (cxliii), 
4; ses jours ne sont qu'un souffle. Job, vu, 16. Les- 
trésors mal acquis sont comme le souffle d'un homme- 
qui va mourir, Prov., xxi, 6, ils n'ont rien de stable. 
Les coutumes des nations idolâtres ne valent pas 
mieux. Jer., x, 3. Le souffle donne son nom à la vanité 
elle-même, c'est-à-dire à tout ce qui n'a ni valeur, ni 
durée. C'est pourquoi l'Ecclésiaste appelle les choses de 
ce monde habêl hâbdlim, n vanité des vanités », c'est- 
à-dire choses vaines, inconsistantes, éphémères, qui> 
ne méritent pas d'occuper sérieusement l'esprit de- 
l'homme. Eccle., i, 2, 14; n, 17, 23; iv, 4, 8; v, 9; vi, 
9. — Comme la respiration normale est signe de vie et 
de santé, « commencer à respirer » c'est obtenir la- 
paix, II Mach., xm, 11, et « respirer à l'aise », c'est se 
donner satisfaction. 

3° Au sens figuré. — Le souffle de Dieu désigne sa- 
puissance. La sagesse est le souffle de la puissance de 
Dieu. Sap., vu, 25. Si Dieu retirait son souffle, toutes- 
choses périraient à l'instant. Job, xxxiv, 14. Ce souffle 
fait mourir les méchants, Is.,xi, 4, dessèche l'herbe et 
les fleurs, Is., xl, 7, et précipite la course du fleuve- 
encaissé dans ses rives. Is., lix, 19. Voir Vent. 

H. Lesêtre. 

1. SOUFFLET (grec : pântana ; Vulgate : alapa, cola- ' 
phus), coup frappé avec la main sur le visage de quel- 
qu'un. En hébreu, il n'y a pas de mot pour désigner- 
ce coup; on se sert de l'expression « frapper sur la 
joue ». Le grec du Nouveau Testament emploie presque 
toujours le verbe xoXaçiÇsiv, qui n'est pas classique et 
a été formé du substantif xôXaifoi;, « soufflet ». — Aux 
yeux des Orientaux, un soufflet est une des plus graves- 
injures que l'on puisse subir. Les coups de bâton se 
supportent patiemment, mais le soufflet déshonore efr 
appelle la vengeance. Cf. Landrieux, Aux pays du 
Christ, Paris, 1897, p. 414. Aussi de fortes amendes, 
étaient-elles la conséquence de cet affront : pour un 
soufflet sur l'oreille, une mine, soit 141 francs; pour- 
un soufflet sur la mâchoire, 200 zouz, soit 176 francs- 
Baba kamma, vm, 6. — Quand le prophète Michée, 
fils de Jemla, annonça à Achab et à Josaphat que leur 
expédition en commun serait sans succès, Sédécias, fils- 
de Chanaana, le frappa sur la joue. III Reg., xxh, 24;. 
II Par., xvm, 23. C'est le seul exemple d'un pareil 
affront infligé à quelqu'un dans l'Ancien Testament- 
Job, xvi, 11, parle au figuré quand il accuse ses enne- 
mis de lui frapper la joue avec outrage. Il est bon que 
celui qui est soumis à l'épreuve « tende la joue à celui- 
qui le frappe », car le Seigneur viendra à son aide. 
Lam., m, 30. L'ennemi de Jérusalem frappe de la 
verge sur la joue le juge d'Israël, Mich., v, 1 (iv, 14),. 
c'est-à-dire outrage les princes de la nation. — Notre- 
Seigneur dit que, si on est frappé sur la joue droite,, 
il faut présenter la joue gauche. Matth., v, 39; Luc, vi, 
29. C'est un conseil signifiant que son disciple doit 
supporter patiemment les plus graves injures et se- 
tenir disposé à en subir de plus graves encore. Pendant 
sa passion, le Sauveur montre lui-même en quel sens 
il faut entendre ce conseil. Quand il décline l'interro- 
gatoire qu'entreprend sans droit le grand-prêtre Anne,. 
un valet lui donne un soufflet. Joa.,<xvm, 22. Notre- 
Seigneur se contente alors de faire remarquer l'injus- 
tice de ce traitement, qui n'est pas seulement une 
odieuse brutalité, mais encore un humiliant outrage. 
Durant la nuit, entre les deux séances du sanhédrin, 
d'autres valets, lui ayant bandé les yeux, le frappent au 
visage et le soufflettent en lui disant : « Devine qui t'a 
frappé. » Matth., xxvi, 67; Marc, xiv, 65; Luc, xxh, 
64. A leur tour, les soldats de Pilate le tournent en 
dérision et lui donnent des soufflets, Matth., xxvn, 30;. 
Joa.. xix, 3, de telle sorte que Juifs et gentils s'accor- 
dent pour le maltraiter ainsi. — Par ordre du grand- 



1855 



SOUFFLET — SOUFRE 



1856 



prêtre Ananie, saint Paul est frappé sur la bouche. 
Act., xxiii, 3. L'Apôtre rappelle que, dans la prédication 
de l'Évangile, il est accablé de soufflets. I Cor., iv, 11. 
Les J uifs en effet se permettaient d'autant plus volontiers 
cette violence envers lui qu'ils y attachaient plus de 
mépris. Saint Paul parle aussi de l'ange de Satan qui 
le soufflette, II Cor., xii, 7, c'est-à-dire de l'infirmité 
de sa chair qui le tente et l'humilie. — Saint Pierre 
dit qu'il n'y a pas de gloire à être souffleté pour une 
faute commise, mais que la patience a du mérite devant 
Dieu quand le traitement injuste est supporté avec 
patience. I Pet., n, 20. H. Lesêtre. 

2. SOUFFLET (hébreu : mappuâh; Septante : ipuar,- 
tïjp; Vulgate : sufflatorium), instrument qui sert à 
projeter l'air dans un foyer afin d'activer la combus- 
tion. — L'idée du soufflet a été naturellement suggérée 
par l'expérience très simple des joues qui se gonflent 
pour lancer un jet d'air sur le feu que l'on désire faire 
prendre. Cf. Eccli., xxvm, 14. Le procédé ne suffisait 
plus quand il s'agissait d'activer un foyer pour le ren- 
'dre capable de fondre les métaux. Les Egyptiens se 
servaient dans ce but de soufflets ingénieusement dis- 
posés. Voir t. il, fig. 677, col. 2312. Sur un socle posé 
à terre se fixait un récipient de peau alternativement 
comprimé par le pied et soulevé par la main à l'aide 
d'une corde. Le même homme pouvait ainsi manœuvrer 
deux pédales, et un autre homme en pouvait faire 
autant de l'autre côté du foyer. On obtenait ainsi un jet 
d'air presque continu. Pour mettre la peau des 
soufflets hors des atteintes de la trop grande chaleur, 
des tuyaux de métal ou d'argile conduisaient l'air de la 
pédale au foyer. Jérémie, vi, 29, fait allusion à un 
soufflet de ce genre, mapùah, de nâfal.i, « souffler ». 
Il suppose qu'on a produit un feu si ardent pour 
réduire un métal rebelle à l'épuration, que le soufflet 
lui-même a été atteint et consumé, ce qui rend impos- 
sible la continuation du travail. Les tuyaux conducteurs 
d'air n'étaient donc pas assez longs. Des soufflets plus 
importants fonctionnaient dans les grandes forges. C'est 
un soufflet de cette sorte que paraît mettre en mouve- 
ment l'ouvrier placé à gauche dans la figure 679, t. n, 
col. 2313. On ne voit pas que le soufflet à main, com- 
posé de deux planches réunies par une peau, et 
connu à l'époque classique, cf. Rich, Dict. des antiq. 
rom. et grecq., p. 277, sous les noms de <pj(ja, follis, 
ait été en usage chez les Hébreux. — Une autre allu- 
sion est faite au soufflet dans l'Ecclésiastique, xliii, 4, 
qui compare le soleil ardent à une « fournaise soufflée », 
kûr nàfûali, une fournaise dont le soufflet active la 
chaleur; Septante : xâu.ivov ç-jo-ûv, « un four souf- 
flant »; Vulgate, en lisant <pvMc<T<jtov au lieu de <puirwv, 
fornacem custodiens, « gardant la fournaise ». — Isaïe, 
liv, 16, montre le forgeron soufflant sur les charbons 
ardents et en retirant l'arme qu'il doit travailler. Il se 
servait pour cela du soufflet. H. Lesêtre. 

SOUFFRANCE (hébreu : 'dvén, hariob, ke'ib, 
mak'ôb, ma'âsêbàh, 'êséb, 'oséb, hébél, hll, halhâlâh, 
iîrîm; Septante : ôSuvï], jiaOijtia, Xùit/|; Vulgate : dolor, 
passio), effet produit sur l'homme par tout ce qui 
l'atteint dans son bien-être. La souffrance peut être 
morale, voir Deuil, t. u, col. 1396; Pénitence, t. v, 
col. 40; Tristesse, ou physique. Voir Mal, t. iv, 
col. 600; Maladie, col. 611; Supplices; Tourments; 
Tribulation. 

1° Cause initiale. — A la suite du péché d'origine, 
Dieu condamna la femme à des souffrances multipliées, 
surtout à l'occasion de l'enfantement, et il ajouta la 
peine et la fatigue au travail de l'homme. Gen., m, 16, 
17. Il ne suit pas de là pourtant que, sans le péché ori- 
ginel, la souffrance eût été absolument épargnée à 
l'homme; car toute nature créée est nécessairement 



imparfaite, exposée, par conséquent, à souffrir par le 
fait même de son imperfection. Mais, sans le péché, 
l'homme eût été mieux armé pour éviter ou combattre 
la souffrance, et, en tous cas, la principale souffrance, 
la mort avec tout ce qui la précède et la cause, eût été 
supprimée. Voir Mort, t. iv, col. 1286. 

2° Causes secondaires. — 1. La condition humaine. 
Job,xiv,22;Ps.xc(Lxxxix),10; Jer.,xx,18. — 2. L'enfan- 
tement. La souffrance qui accompagne l'enfantement 
est la conséquence du péché d'origine. Gen., m, 16; 
xxxv, 17. Cette souffrance paraissait si dure aux Hébreux 
que les auteurs sacrés la prennent très fréquemment 
comme le type des plus grandes douleurs humaines. 

I Reg., iv, 19; I Par., iv, 9; Ps. xlviii (xlvii), 7 ; Eccli., 
xxxiv, 6; xlviii, 21; Is., xm, 8; xxi, 3; xxvi, 17; lxvi, 
7; Jer., yt, 24; xm, 21; xxn, 23; l, 43; Ose., xm, 13; 
Mich., iv, 9; Joa., xvi, 21; I Thés., v, 3. — 3. La cir- 
concision, Gen., xxxiv, 25, et les autres blessures. — 
4. Les accidents. Luc, xm, 2; etc. — 5. Le travail. 
Gen., m, 17; Ps. cxxvn (cxxvi), 2. — 6. Les privations. 
Phil., iv, 12, la faim, la soif, etc. — 7. Le péché, avec 
les conséquences diverses qu'il entraîne. Job, n, 13; v, 
6; xv, 35; Prov., xxn, 8; Ps. xxxn (xxxi), 10; Sap., xi, 
21; xix, 12; Is., xiv, 3; l, 11; II Mach., vu, 32; etc. 
Aussi s'étonne-t-on que souvent il n'y ait pas de souf- 
frances pour l'impie. Ps. lxxiii (lxxii), 4. Voir Impie, 
t. m, col. 846. — 8. La persécution. Exod., m, 7, 8; 
Ps. lv (liv), 4; lxix (lxviii), 30 ; etc. — 9. L'épreuve. 
Job, n, 13; xxxiii, 19; Ps. x (xi), 14; xxxi (xxx) 11; 

II Thés., i, 5; etc. — 10. Le deuil. Gen., xxiv, 67; 
xxxvn, 35; II Reg., i, 26; xix, 2; Zach., xn, 10; 
Sap., xiv, 15; etc. 

3° Souffrances du Christ. — Elles ont été prédites 
par Isaïe, lui, 2-12, et par le Sauveur lui-même. 
Matth., xvi, 21; xvn, 12;Marc, vin, 31 ; ix.ll ; Luc, ix, 
22; xvii, 25; Act., m, 18. Elles ont été endurées par 
lui, surtout pendant sa passion. Voir Jésus-Christ, t. m, 
col. 1438, 1473-1476. Le Sauveur en a ensuite affirmé la 
nécessité. Luc, xxiv, 26, 46; Act., xvn, 3. 

4» Souffrances du chrétien. — Saint Paul eut à 
souffrir pour le Christ. Act., ix, 16. Tous les chrétiens 
sont associés aux souffrances du Christ, II Cor., 1,5, 7; 
Phil., m, 10; I Pet., rv, 13, complètent dans leur corps 
ce qui manque à la passion du Christ, Col., i, 24, et en 
même temps souffrent les uns pour les autres. I Cor., 
xn, 26. Toutes ces souffrances du temps se changeront 
en gloire dans l'éternité. Rom., vin, 18. 

H. Lesêtre. 

SOUFRE (hébreu : gofrîf; Septante : ôeîov; Vul- 
gate : sulphur). métalloïde de couleur jaune s'en- 
flammant à une température d'environ 150». Le 
soufre se trouve abondamment auprès des volcans, soit 
en activité, soit éteints. Les anciens désignaient sous le 
nom de soufre toutes les matières inflammables, parce 
qu'ils croyaient que le soufre entrait dans leur compo- 
sition. — La destruction de Sodome et des villes cou- 
pables est attribuée à une pluie de soufre et de feu. 
Gen., xix, 24; Deut., xxix,23; Luc, xvn, 29. Ces villes 
étaient situées dans une région volcanique; elles ont 
été victimes d'éruptions de matières incandescentes 
dans lesquelles le soufre et le feu exerçaient nécessaire- 
ment leur action. — Ces mêmes agents sont considé- 
rés comme intervenant dans le châtiment des impies. 
Job, xvm, 15; Ps. xi, 6; Ezech., xxxvm, 22. Le souffle 
de Jéhovah embrasera Assur comme un torrent de soufre. 
Is., xxx, 33. La terre d'Édom sera changée en pous- 
sière de soufre, c'est-à-dire deviendra calcinée et sté- 
rile comme les régions qui sont le siège de phénomènes 
volcaniques. — Saint Jean voit des chevaux couleur de 
soufre dont la bouche jette le feu, la fumée et le soufre. 
Apoc, ix, 17, 18. Leurs cavaliers sont les exécuteurs 
des vengeances divines. Le séjour des châtiments de 
l'autre vie est représenté comme un étang de feu et de 



1857 



SOUFRE — STACTE 



1858 



coufre, dans lequel sont plongés Satan, les démons et 
les impies. Apoc, xrv, 10; xix, 20; xx, 9; xxi, 8. ^Cette 
image est empruntée à la catastrophe de Sodome et des 
villes coupables. H. Lesètre. 

SOUILLURE (hébreu : m'ûm, mûm; Septante : 
àxaôapo-ia, àxpowia, gjiO.o;; Vulgate : macula, immundi- 
tia, sordes), difformité morale provenant du vice on du 
péché. Sur la souillure physique, voir Impureté légale, 
t. m, col. 857. — La souillure de l'âme vient de l'infi- 
délité à Dieu, Deut., xxxn, 5; Eccli., xlvii, 22; de 
l'iniquité, Jer., il, 22; Ezech., xxiv, 13; de l'idolâtrie, 
Rom., i, 24; vi,19; II Cor., xn, 21; de la fréquentation 
des méchants, Eccli., i, 33; de la mauvaise langue, 
Jacob., III, 6; de l'hypocrisie, Matth., xxm, 25; des 
doctrines perverses, II Petr., n, 10, 13; Jud., 8, 12; des 
œuvres de la chair. Gai., v, 19; Eph., iv, 19; v, 3; 
Col., m, 5; Jud., 23. Les démons, instigateurs de toute 
souillure, sont ordinairement appelés « esprits impurs». 
Matth., x, 1; xn, 43; Marc, i, 23, 27; m, 11; Luc, iv, 
33; vi, 18; Act., v, 16; vin, 7; Apoc, xvi, 13; xvm, 2; 
etc. Les méchants appellent « souillure » la conduite 
des bons. Sap., Il, 16. La souillure est une cause de 
ruine. Mich., n, 10. — Ce n'est pas à la souillure- que 
Dieu appelle ses serviteurs. I Thés., iv, 7. Job, fidèle à 
Dieu, s'est abstenu de toute souillure. Job, xi, 15;xxxi, 
7. Le chrélien doit rejeter toute souillure, Jacob., i, 21, 
et garder les commandements sans souillure. I Tim., 
vi, 14. L'Église est l'épouse sans souillure du Christ. 
Eph., v, 27. Les âmes sans souillure seront près du 
trône de Dieu. Apoc, xiv, 5. Voir Mal, t. iv, col. 598; 
Péché, t. v, col. 11. H. Lesètre. 

SOULIER. Voir Chaussure, t. n, col. 631. 

SOUPER (Vulgate: cœna). Voir Repas, col. 1046; 
Cène, t. n, col. 408. 

SOURCE. Voir Fontaine, t. n, col. 2302. 

SOURD (hébreu : héréS ; Septante : xwpô;; Vulgate : 
survins), celui qui est privé du sens de l'ouïe. — Jého- 
vah a faille sourd et le muel, c'est-à-dire a permis leurs 
infirmités. Exod., iv, 11. La loi défend de proférer des 
malédictions contre le sourd, bien qu'il ne les entende 
pas. Lev., xix, 14. Le persécuté est délaissé par ses 
amis, comme un sourd duquel on ne peut se faire 
entendre. Ps. xxxvm (xxxvii), 14. Le juge inique res- 
semble à la vipère qui fait la sourde oreille. Ps. lviii 
(lvii), 5. Voir Charmeur de serpents, t. n, col. 598. 
Les idoles sont sourdes. Ps. cxv (cxm),5. Il y a une surdité 
volontaire qui empêche d'entendre la parole du Sei- 
gneur. Is., xlii, 18,19; xliii, 8. — A la venue du Messie, 
les sourds entendront. Is.,xxix, 18;xxxv,5. La prophétie 
s'est accomplie au moral et au physique. Matth., xi, 5; 
Luc, vu, 22. Saint Marc, vu, 32, 37; ix, 24, raconte la 
guérison d'un sourd et celle d'un possédé que le dé- 
mon rendait sourd et muet. Voir Muet, t. iv, col. 1331. 
— Les nations devaient être assourdies à la nouvelle 
du salut d'Israël. Mich., vu, 16. Voir Oreille, t. iv, 
col. 1857. H. Lesètre. 

SOURIS (hébreu : 'akbâr; Septante : pù>s; Vulgate : 
mus), petit quadrupède, du genre rat, au pelage gris- 
roussâtre, plus clair en dessous, â l'allure très vive et 
se multipliant prodigieusement. La souris est origi- 
naire d'Europe. Elle est actuellement répandue partout 
et depuis longtemps. Le mot hébreu 'akbâr désigne en 
général tous les animaux du genre rat. Il peut donc 
s'appliquer aux souris, surtout dans deux passages ds 
la Sainte Écriture. Lev., xi, 29, et Is., lxvi, 17. Voir 
Rat, col. 990. 

H. Lesètre. 

DICT. DE LA BIBLE. 



SPARTIATES (grec . EmxpTuiTai). I Mach., xn, 
xiv, xv. Voir Lacédémoniens, t. iv, col. 7. 

SPIRITUEL (SENS). C'est le nom principal, donné 
par les Pères et les exégètes catholiques au sens mys- 
tique ou typique de l'Écriture Sainte. Voir t. IV, col. 1370. 
Il a été emprunté à saint Paul. L'Apôtre a nommé 
pptojia 7iveu(j.aTiy.ôv, nô|xa itvEu(iatixôv èx irvsopiaTtXïjç 
TUTpaeç, la nourriture des Hébreux au désert (manne), 
l'eau qui sortait du rocher, nourriture et breuvage, 
qui étaient des tûxoi. I Cor., x, 3-6. Il déclarait donc 
que ces événements historiques du séjour des Hébreux 
au désert avaient une signification spirituelle, dési- 
gnant des faits analogues qui se produisent dans 
l'Église. La Loi tout entière était même à ses yeux wveu- 
îiaTixoç, Rom., vu, 14, c'est-à-dire par la volonté du 
Saint-Esprit et par l'esprit du chrétien figurative de 
l'économie nouvelle du christianisme. Il opposait la 
lettre à l'esprit, Rom., n, 29; vu, 6, et il reconnaissait 
que la lettre tue et l'esprit vivifie. II Cor., m, 6. Par 
suite, on a donné le nom de spirituel à un sens, que 
la lettre ne signifie pas immédiatement, mais qui appar- 
tient à l'esprit animant ce corps, qui est perçu sous 
cette lettre par les yeux de l'esprit, et qui désigne des 
choses spirituelles et supérieures au sens littéral. Cette 
dénomination, dont la dérivation biblique n'est peut- 
être pas très heureuse, a été et est encore d'un emploi 
général dans l'Église. Les théoriciens de nos jours lui 
préfèrent la désignation, également paulinienne, de 
sens typique; mais l'usage a fixé la signification pré- 
cise du sens spirituel, qui est identique aux termes de 
sens mystique et de sens typique. Il est nécessaire 
toutefois de distinguer soigneusement les sens spiri- 
tuels certains, voulus par le Saint-Esprit, auteur prin- 
cipal de l'Écriture, et exprimés médiatement sous le 
sens littéral, des interprétations spirituelles, proposées 
avec plus ou moins de fondement par les Pères et les 
exégètes catholiques. Chacun sait que l'exégèse allégo- 
rique a multiplié au delà de toute limite les explications 
spirituelles de l'Écriture. L'abus de cette interprétation 
a nui, dans les temps modernes, à la reconnaissance 
des véritables sens spirituels. Voir t. iv, col. 1369-1376. 
Sur les recueils d'interprétations spirituelles de l'Ecri- 
ture, voir l'article Allégories bibliques, dans Je Dic- 
tionnaire de théologie catholique, t. i, col. 835-836. 

E. Mangenut. 

STACHYS (grec : Sts/o;, « épi de blé »), chrétien 
de Rome, salué par saint Paul, Rom., xvl, 9, qui 
l'appelle dilectum meum. Quoique le nom soit rare, 
on le trouve néanmoins parmi les membres de la 
maison impériale. Corpus inscript, lat., t. VI, n. 8607. 
D'après Nicéphore Calliste, H. E., vnr, 6, t. cxlvi, 
col. 28, il fut établi, par l'apôtre saint André, évêque de 
Byzance, dont il occupa le siège pendant seize ans et 
où il eut pour successeur Onésime. D'après Hippolyte, 
De LXX Apostoiis, 23, t. x, col. 955, et Dorothée de Tyr, 
Chron. pasc., t. xcxn, col. 521, n. 11, il fut un des 
soixante-douze disciples. 

STACTE. Traduction latine du grec <rrax-cf|, 
« goutte », ce mot désigne ordinairement une sorte de 
gomme de myrrhe. Mais dans la Vulgate il s'applique à 
divers produits. Ainsi il sert deux fois à traduire le 
mot hébreu lot, le ladanum, Gen., xxxvil, 25; xliii, 
11; une fois pour rendre qiddâh, la casse, Ezech., 
xxvn, 19, enfin une fois plus exactement pour expri- 
mer le sens du mot nataf, qui a proprement le sens 
de « goutte», Exod. xxx, 34, et désigne le styrax. Sauf 
dans Ezech., xxvn, 19, où ils semblent avoir lu une 
leçon différente, les Septante ont mis également araxTrj 
dans les passages ci-dessus mentionnés. Ils l'ont aussi 
employé pour 'âhâlôp, l'aloès, Ps. xlv (Vulgate, xliv), 9 ; 
pour môr, la myrrhe, Cant., i, 13 (Vulgate, 12) ; pour beià 

V. - 59 



1859 



STACTE - STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE D'EGYPTE 



1860 



mini les parfums en général. Is., xxxix, 2. Il est mis 
même pour rendre néiéq, qui signifie, armes, armure, 
III Reg., x, 25; II Par., rx, 24. Ainsi <xt5<xtt„ stacte, n'est 
mis exactement que dans Exod., xxx, 34, où il traduit 
nâtâf, goutte de styrax. Voir Styrax. 

E. Levesque. 
STADE (grec : ariStov). — 1» Mesure grecque de 
longueur, dans le second livre des Machabées et dans 
le Nouveau Testament, équivalant à 600 pieds grecs et 
625 pieds romains ou 125 pas romains. Pline, H. N., 
II, xxiii, 85. Le stade vaut donc 185 mètres. II Mach., 
xi, 5; xn, 9, 10, 17,29; Luc, xxiv, 13; Joa., vi, 19; xi, 
18; Apoc, xiv, 20; xxi, 16. — 2° Dans saint Paul, 
I Cor., ix, 24, le stade désigne l'arène pour la course 
à pied. On l'appelait ainsi parce que l'arène d'Olympie 
avait exactement la longueur d'un stade. 



STHARBUZANAI (hébreu : Selar Bôznaî; Sep- 
tante : SaOapéouÇava'i), officier perse, sous-gouverneur 
ou bien secrétaire du satrape Thatanaï qui commandait 
pour le roi de Perse à l'ouest du fleuve (de l'Euphrate), 
sous le règne de Darius, fils d'Hystaspe. I Esd., v, 3, 
6; vi, 6, 13. Ces deux personnages écrivirent à Darius 
pour savoir de lui s'ils ne devaient pas empêcher les 
Juifs de rebâtir le temple de Jérusalem, mais la réponse 
du roi autorisa la réédification de la maison de Dieu. 
Voir Thatanaï. 

STATÈRE (grec : (TTarrjp), pièce de monnaie men- 
tionnée une fois dans le Nouveau Testament. Matth., 
xvn, 26. Les familles juives payaient annuellement un 
impôt d'un didrachme pour l'entretien du Temple. 
Voir Capitation, t. n, col. 214-215. Le didrachme ou 
double drachme valait un demi-sicle ou un demi- 
statère. Le statère valait donc quatre drachmes ou un 
sicle. Si le statère de saint Matthieu correspond exac- 
tement au sicle hébreu, il devait valoir seulement 
2 fr. 83 environ; si c'était le statère ordinaire des 
Grecs, qui pesait à peu près 15e312, il valait en 
moyenne 3 fr. 83. Quand les collecteurs de l'impôt le 
réclamèrent à saint Pierre, l'apôtre, sur l'ordre de 
Notre-Seigneur, prit dans le lac de Génésareth un 
poisson dans lequel il trouva un statère qui lui servit à 
payer l'impôt pour son maître et pour lui. Matth., xvn, 
23-26. Il y avait à celte époque en circulation en Pales- 
tine des tétradrachmes d'Athènes et des tétradrachmes 
d'Antioche. Ceux d'Antioche étaient frappés à l'effigie 
d'Auguste (fig. 410). C'est probablement dans la gueule 



« drachme ». Saint Jérôme a plusieurs fois rendu par 
« statère » dans sa version des livres hébreux le mot 
« sicle », êéqél. I Sam. (Reg.), ix, 8; II (IV) Reg., vu, 
1, 16, 18 ; Jer., xxxm, 9; Ezech., iv, 10. Voir Sicle. 




410. — Tétradracbme d'Auguste frappé à Autiocbe. Argent. 
Tête d'Auguste laurée, à droite. KAIEAPOE EEBAETOr. — 
^. ET01"2 ^$f KIKHE. Tyché tourelée, avec un voile tom- 
bant sur la nuque et les épaules, vêtue du chiton talaire, 
assise sur un rocher, tenant une palme. A ses pieds, l'Oronte 
nageant à droite. Dans le chrmp, le monogramme jKà suivi de 
IB?et le monogramme TA; grênetis sur le pourtour. 

d'un chromis que fut trouvé le statère. Voir Poisson, 
Chromis Simonis, t. v, col. 496, fig. 113. 

Le mot « statère », de même que le mot « didrachme », 
ne se lit qu'une seule fois dans le Nouveau Testament. 
Dans l'Ancien, le didrachme est aussi nommé II Mach., 
iv, 19; x, 20, par la Vulgate, mais le texte grec porte 



STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE 
D'EGYPTE. Chaque station des Israélites à l'époque 
de l'Exode est traitée à sa place alphabétique dans un 
article spécial. Voici la" liste complète des stations, 
d'après les renseignements fournis par l'Exode, les 
Nombres et le Deutéronome (fig. 411) : 

/. DE L'EGYPTE AU SINAI. 

1» Rassemblement des Hébreux à Ramessés. Exod., 
xn, 37; Num., xxxill, 3. 
2» Socoth. Exod., xn, 37; Num., xxxm, 5. 
3° Étham. Exod., XIII, 20; Num., xxxm, 6. 
4» Phihahiroth. Exod., XIV, 2; Num., xxxm, 7. 
5» Traversée de la mer Rouge et campement à l'en- 
trée du désert de Sur. Exod., xv, 22; Num., xxxm, 8. 
6° JMara, Exod., xv, 23; Num., xxxm, 8, après trois 
jours de marche dans le désert de Sur. 
7» Élim. Exod., xv, 27; Num., xxxm, 9. 
8° Campement près de la mer Rouge. Num., xxxm, 
10. 

9» Désert de Sin. Exod., XVI, 1; Num., xxxm, 11. 

10» Daphca. Num., xxxm, 12. 

11° Alus.Num., xxxm, 13. 

12° Raphidim. Exod., xvn, 1; Num., xxxm, 14. 

13° Désert du Sinaï. Exod., xix, 1, 2; Num., xxxm, 15. 

//. du sinÀ'i a cadès. — Num., x-xx. 
14° Pharan (Désert de), Num., x, 12; Thab'êrâh 
(Vulgate : Incensio). Num., xi, 3; Deut., ix, 22. Omise 
'dans la liste Num., xxxm. 

15° Qibrot Hafta'âvdh (Vulgate : Sepulcra Concu- 
piscentise). Num., xxxm, 16; Deut., IX, 22. 
16° Haseroth. Num., xi, 34; xxxm, 17. 
17° Rethma. Num., xxxm, 18. 
18° Remmon-pharès. Num., xxxm, 19. 
19» Lebna. Num., xxxm, 20. 
20» Ressa. Num., xxxm, 21. 
21» Céélatha. Num., xxxm, 22. 
22° Mont Sépher. Num., xxxm, 23. 
23" Arada. Num., xxxm, 24. 
24» Macéloth. Num., xxxm, 25. 
25° Thahalh. Num., xxxm, 26. 
26° Tharé. Num., xxxm, 27. 
27» Methca. Num., xxxm, 28. 
28° Hesmona. Num., xxxm, 29. 
29» Cadès. Num., xxxm, 36. Envoi des espions dans 
la terre de Chanaan. Num., xn, 16; xm, 26 (Vulgate, 
xill, 1, 26); Deut., 1, 19-20. De là, les Israélites revien- 
nent sur leurs pas et errent pendant trente-huit ans. 
Num., xiv, 25-30; Deut., n, 1. 
30» Mont Hor. Num., xxxm, 37. 

III. DE CADÈS A ASIONGADER. 

31° Moséroth. Num., xxxm, 30. 
32° Benéjaacan. Num., xxxm, 31. 
33° Mont Gadgad. Num., xxxm, 32. 
34» Jétébatha. Num., xxxm, 33. 
35° Hébrona. Num., xxxm, 34. 

36» Asiongaber, sur la mer Rouge. Num., xxxm, 35. 
Cf. Deut., m, 1. 

IV. D' ASIONGABER AU JOURDAIS. 

37» Salmona. Num., xxxm, 41; cf. xxi, 4. 

38» Phunon. Num., xxxm, 42; cf. xxi, 6. 

39» Oboth. Num.. xxxm, 43; cf. xxi, 10. 

40» Jéabarim. Num., xxxm, 44; cf. xxi, 11. 

41» Torrent de Zared. Num.,xxi, 12; Deut., n, 13-14. 

42» L'Arnon. Num., xxi, 13. Cf. Deut., n, 24. 

43» Dibongad. Num., xxxul, 45. 

44» Helmondéblathaïm. Num., xxxill 46. ' 

45» Béer (le puits). Num., xxi, |6 |g_ 

46° Matthana. Num., xxi, 18. 



Dictionnaire delà Bible. 



LetouzeyetAné , Editeurs. 



32? 





MER MÊ B V T E R R AN Ë E, 



Napkmse 

SICHEM 




^,KNeba 

\NetK> 

i y 

■ 




©Gazzeh EFKhaffi. (£*w„/ 

v i»- i',*t e p K 5?: vST" 



Pi 




TER 

. : 






(i.Tijnsoh \,<v 




ÇaîiyeA/ 



<7V 




M 

m-, f %vl a s* 



_ Oh.- At^euifzy&ù-i -. 
.; ^ ,; TAerned , ' (^ 

: (Désert de i'E rarement AS^ly 






. Twuiiéfv. 



■nu 

,0'll ».CA 




^ et 

'X-d.-JDuidim, 



9,-Â 



éraù-j 









55» J 



_ JS Dj. Kathérik'? , «Oc" A^^roA 



STATIONS 

des Israélites à leur sortie d'Egypte 

Echelle 



Stations douteuses 

. absolument incertaines 



V 




ife* 



4 



A 



i 



PQ 



rf 



^v 






S 



G-OtifE ARABIQUE 
!1£R BOUGE 



33» 



Jmp. /fu/renrry-fhrhr. 



1861 



STATIONS DES ISRAÉLITES A LEUR SORTIE D'EGYPTE — STÈLE 



1862 



47° Nahaliel. Num., xxi, 19. 

48» Bamoth, Num., xxi, 19, 20. 

49° Mont Abarim, devant le mont Nébo ou Phasga. 
Num., xxi, 20; xxxm, 47. Cf. Deut., m, 27. 

50° Plaines de Moab. Num., xxxm, 48. 

51» Bords du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho. Num., 
xxxm, 49. 

STATUE (hébreu : nesîb, sémél, sémêl, félém ; Sep- 
tante : eixtôv, [iopipTi; Vulgate : statua), représentation, 
en plein relief, d'un être animé ou supposé tel, à l'aide 
d'une matière dure, pierre, bois, bronze, argile, etc. — 
Les statues étaient nombreuses chez les anciens peuples. 
Les Hébreux en virent de grandioses et magnifiques 
en Egypte et plus tard en Assyrie. Mais la statuaire 
antique était largement au service de l'idolâtrie. L'au- 
teur de la Sagesse, XIV, 15-21, montre comment on fut 
amené à faire des statues des hommes regrettés ou 
vénérés, et ensuite à leur rendre un culte et à les ado- 
rer. On en vint même à se prendre de passion pour 
elles. Sap., xv, 5. Des statues de toute taille et de toute 
nature représentèrent les faux dieux; on les désigne 
sous le nom d'idoles. Voir Idole, t. m, col. 817-822. Il 
fut expressément défendu aux Israélites de représenter 
aucun être vivant et de se prosterner devant de pareilles 
représentations. Exod., xx, 4, 5; Deut., iv, 15-19. Par 
contre, il leur fut ordonné de détruire toutes celles 
qu'ils trouveraient dans le pays de Chanaan. Exod., 
xxni, 24; xxxiv, 13; Num., xxxm, 52; Deut., vu, 5; 
xn, 3. — La décoration du Temple ne comporta aucune 
statue. La loi ne tolérait en ce genre que les deux ché- 
rubins de l'Arche, dont l'attitude était celle de servi- 
teurs de la divinité, et non de personnages divins. 
Voir Arche d'alliance, t. î, col. 917, 918. 11 y eut tou- 
jours grand scandale quand des rois impies osèrent 
introduire des statues idolâtriques jusque dans le 
Temple. II Par., xxxm, 7; II Mach., vi, 2. Des statues 
des faux dieux furent néanmoins fabriquées à presque 
toutes les époques. Aaron avait commencé au désert, 
en faisant le veau d'or, Exod., xxxn, 4, 8; Jéroboam 
l'imita, III Reg., xn, 28, et les instincts idolâtriques du 
peuple trouvèrent toujours des fabricants disposés à les 
satisfaire. Isaïe, xliv, 12-17, montre ceux-ci à l'œuvre; 
le forgeron façonne la statue à la lime et au marteau, 
après l'avoir passée au feu. « Le sculpteur étend le cor- 
deau, il trace la forme au crayon, la façonne avec le 
ciseau, et en fait une figure d'homme, la belle figure 
humaine. » Voir Maçon, t. iv, fig. 163, col. 514. Un 
autre fabrique l'idole avec un tronc d'arbre, dont une 
partie lui a servi à se réchauffer. — Dans un songe, 
Nabuchodonosor vit une grande statue, immense et 
d'une grandeur extraordinaire; son aspect était terrible ; 
elle avait la tête d'or, la poitrine et les bras d'argent, 
le ventre et les cuisses d'airain, les jambes de fer, les 
pieds en partie de fer et en partie d'argile; une petite 
pierre vint la frapper, tout se brisa et fut emporté par 
le vent. Daniel expliqua au roi que cette statue symbo- 
lisait les différents empires qui devaient se succéder : 
celui des Babyloniens, des Mèdes, des Grecs et des 
Romains; la petile pierre qui la ruinerait serait le 
royaume du Messie. Dan., il, 31-45. Plus tard, Nabu- 
chodonosor lui-même érigea, dans la plaine de Dura, 
une immense statue d'or, haute de soixante coudées 
et large de six, et il commanda de se prosterner devant 
elle et de l'adorer. Voir Or, t. IV, col. 1845. 

H. Lesêtre. 

STÈLE (hébreu : massëbah, massêbéf, siyyûn; Sep- 
tante : (tttiXïi, <r/;(uTov, ).î8oç; Vulgate : titulus), pierre 
dressée, avec ou sans inscription, pour consacrer un 
souvenir. 

1» Chez les anciens peuples. — Rien n'est plus natu- 
rel que de dresser des pierres pour perpétuer, d'une 
manière durable, le souvenir d'un événement impor- 



tant, une victoire, une alliance, la mort d'un person- 
nage puissant, etc. Aussi constate-t-on cet usage chez 
tous les anciens peuples. Les Égyptiens gravaient sur 
des stèles l'image et le récit des hauts faits de leurs 
rois. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 237, 251, 
253, 291, 485; t. n, p. 102, 295; t. m, p. 45, 109. La plus 
curieuse, au point de vue biblique, est la stèle de 
Ménephtah I«>\ Voir Ménephtah, t. îv, fig. 253, vis-à-vis 
col. 967. Les Assyriens dressaient aussi des stèles par- 
tout où ils passaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne, 
t. h, p. 657, 659; t. m, p. 17, 208, 213, 260, 374, 375, 543. 
Certaines stèles servaient au bornage des propriétés 




412. — Stèle-limile égyptienne (Thothmoès IV). 
D'après Mariette, Monuments divers, pi. 47. 

(fig. 412). En Chaldée, elles étaient consacrées à la divi- 
nité afin que celle-ci prît les champs sous sa protection, 
comme en témoignent les inscriptions : « Nabù, garde la 
borne des champs, » ou « Ne franchis pas la limite, n'en- 
lève pas la borne, hais le mal, aime la justice. » Cf. Scheil, 
Textes élamitiques-sémitiques, t. i, p. 91. Voir Bornes, 
1. 1. col. 1854. D'autres stèles avaient une destination re- 
ligieuse. Quand Théglathphalasar I er découvrit les stèles 
votives de son père Chamchi-Ramman, il les oignit 
d'huile, épanditdes libations, les remit en place et de- 
manda qu'on en fit autant pour les siennes. Cf. Schra- 
der, Keilinschriftliche Bibliotheh, t. i, p. 44. Mésa, roi 
de Moab, prit soin de graver sur une stèle le récit des 
principaux événements de son règne. Voir Mésa, t. îv, 
col. 1015-1016. On a retrouvé trois stèles dans les 
ruines du vieux sanctuaire chananéen de Tell es-!$âfy ; 
il y avait à leur base des quantités d'ossements d'ani- 
maux, indiquant qu'on avait offert des sacrifices en cet 
endroit. Ces stèles sont en effet dressées à l'intérieur 



1863 



STELE 



1864 



du sanctuaire dont on a pu reconstituer le plan (413). 
A Gazer, huit stèles ont été retrouvées, alignées dans 
le haut-lieu chananéen (flg. 414). Entre ces stèles et le 
rocher, une multitude d'enfants en très bas âge ont été 
ensevelis dans des jarres. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 
1907, p. 102-126. On connaît un bon nombre de stèles 
phéniciennes et puniques. Voir t. i, flg. 238-240, 
col. 909, 910; t. n, fig. 599, 675, col. 1903, 2295; t. ni, 
flg. 75, col. 342; t. rv, fig. 178, 308, 309, col. 586, 1225, 
1226, etc. Ce ne sont point des pierres sacrées conte- 
nant ou figurant le dieu, comme les bétyles, voir 
Bétyle, t. i, col. 1765, mais de simpies monuments 
commémoratifs, comme les stèles des autres peuples. 
11 ne s'ensuit pas cependant que, dans le cours des 
âges, la stèle n'ait pas été confondue parfois avec le 
bélyle et ne soit pas devenue l'objet d'un culte idolà- 
trique. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémiti- 
ques, Paris, 1905, p. 197-204. 

2° Chez les Hébreux. — 1 . Pendant qu'il se rendait 
en Mésopotamie, Jacob s'endormit un soir près d'un 




413. — Sanctuaire chananéen de Tell es-Çàfy. 

D'après Bliss-Macalister, Excavations in Palestine, 

Londres, 1902, fig. 9. 

endroit appelé Luz, et Dieu lui apparut en songe pen- 
dant la nuit. A son réveil, reconnaissant que Dieu était 
en ce lieu, il prit la pierre sur laquelle avait reposé sa 
tête durant son sommeil, la dressa en massêbah et 
versa de l'huile sur elle. Il nomma ce lieu Béthel, 
«maison de Dieu », et fit vœu que, si son voyage était 
favorable, à son retour, il ferait de la massêbah une 
« maison d'Élohim ». Gen., xxvm, 18-22; cf. xxxi, 13. 
En effet, quand il fut revenu de Mésopotamie, Jacob se 
rendit à Bethel, sur l'invitatiou même de Dieu et il y 
éleva un autel qu'il appela El-Bethel. Gen., xxxv, 1-7. 
A la suite d'une nouvelle apparition divine, Jacob 
dressa une massêbah, fit sur elle une onction d'huile 
et une libation et appela le lieu Bethel. Gen., xxxv, 
9-15. Voir Béthel, t. i, col. 1673, 1674; Bétyle, 
col. 1766. — 2. Après la promulgation de la loi au 
Sinaï, Moïse éleva un autel au pied de la montagne et 
dressa douze massêbôt, selon le nombre des douze tri- 
bus. Exod., xxrv, 4. Ces douze stèles sont purement 
commémoratives. A la suite du passage du Jourdain, 
Josué dressa de même douze pierres prises dans le lit 
du fleuve, en souvenir du grand événement qui venait 
d'avoir lieu. Jos., iv, 20-24. Ces pierres ne sont pas 
appelées massêbôt, mais simplement 'âbanîm, « pier- 
res ». Elles n'en sont pas moins de véritables stèles 
que Josué « éleva », hêqîm. — 3. Le pays dans lequel 
les Hébreux allaient s'installer était rempli de stèles 
de caractère idolâtrique, soit par leur présence dans 
les hauts-lieux, soit par le caractère divin que leur 
attribuaient les Chananéens. La Loi défendit donc de 
dresser aucune stèle sacrée pour se prosterner auprès 



d'elle, Lev., xxvi, 1 , parce que la massêbah est en aversion 
à Jéhovah. Deut., xvi, 22. Il fut même enjoint de 
détruire toutes les stèles de cette nature que l'on trou- 
verait dans le pays de Chanaan. Deut., vu, 5; xu, 3. 
La prescription ne fut sans doute pas exécutée en 
toute rigueur, ou plusieurs stèles, comme celles de 
Tell es-Sàfy et de Gézer, durent probablement à leur 
enfouissement partiel leur persistance jusqu'à nos 
jours. — 4. Il y avait des stèles funéraires, comme 
celle du tombeau de Rachel, Gen., xxxv, 20, et celle 
qu'Absalom s'érigea de son vivant pour perpétuer son 
souvenir. II Reg., xvm, 18. Voir Main d'Absalom, t. rv, 
col. 585. C'est une stèle de cette espèce que Job désirait 
élever sur sa tombe, pour y graver l'expression de sa 




414. — Les stèles de Gazer. 
D'après Vincent, Canaan, p. 112. 

foi et de son espérance dans la résurrection. Job, xix, 
24-27. Sous Josias, le sépulcre du prophète qui avait 
annoncée Jéroboam la destruction de l'autel de Bethel, 
était désigné par un siyyûn, un cippe, cr>tQ7ce).ov, « un 
rocher élevé », titulus. IV Reg., xxm, 17. Ézéchiel, 
xxxix, 15, parle aussi d'ossements humains auprès 
desquels on dresse un siyyûn, <rr|[jiEÏav, titulus. — 5. La 
stèle sert à limiter les champs. Jacob dresse une pierre 
en massêbah, pour témoigner des conventions fami- 
liales et territoriales faites entre lui et Laban. Gen., 
XXXI, 45, 51. Il offre ensuite un sacrilice sur la monta- 
gne, mais la stèle qu'il a élevée n'est ni un autel, ni 
une représentation divine; c'est un simple témoin des 
conventions intervenues. Isaïe, xix, 19, annonce qu'un 
jour il y aura une massêbah consacrée à Jéhovah sur la 
frontière d'Egypte, pour marquer que ce pays se sera 
converti à Jéhovah. — 6. Jérémie, xxxi, 21, dit à son 
peuple exilé auquel il promet le retour : « Dresse- 
toi des sîyyunîm, pose-toi des jalons, fais attention à 
la route. » Ces cippes sont destinés à indiquer le che- 
min. Les Septante ne comprennent pas le mot hébreu 
et le rendent par Siûv, la Vulgate par spécula, « obser- 
vatoire ». — 7. Le mot massébèl est employé par Isaïe, 
vi, 13, pour désigner la souche qui reste quand un 
arbre a été abattu, et la souche d'Israël; par Jérémie, 



1865 



STELE 



STIGMATES 



1866 



xliii, 13, en parlant des obélisques d'Héliopolis, ce qui 
indique que les massebôt pouvaient atteindre de gran- 
des dimensions; et parÉzéchiel, xxvi, H, à propos des 
colonnes de Tyr. Septanle : arvioi, inzôuzairii;; Viil- 
gate : statuas. H. Lesêtre. 

STELLfON. Voir Lézard, 5», t. iv, col. 226. 

STÉPHANAS (grec: ÏTeqjavâi;), chrétien de Co- 
rinthe. Il fut un des premiers convertis de saint Paul 
dans cette ville et l'apôtre lui conféra lui-même le 
baptême, ainsi qu'à « sa maison », c'est-à-dire à toute 
sa famille, y compris ses serviteurs. I Cor., T, 16. Il 
appelle, xvi, 15, « la maison de Stéphanas » àira?x''i> 
« les prémices (de son apostolat) en Achaïe ». La Vul- 
gate ajoute à son nom celui des familles de Fortunat et 
d'Achaïque, mais le texte grec nomme Stéphanas seule- 
ment dans le versetl5,et beaucoup de critiques pensent 
que Fortunat et Achaïque ne doivent se lire qu'au f. 17. 
Saint Paul loue donc Stéphanas comme son premier 
converti à Corinthe et, de plus, à cause des œuvres de 
bienfaisance spirituelle et corporelle qu'il a faites 
in ministerium sanctorum, f. 15. Il était auprès de 
l'Apôtre, f. 17, et, d'après la conclusion du texte grec 
de l'Epitre, il fut chargé par saint Paul de porter sa 
lettre à Corinthe, avec Fortunat et Achaïque, ce qui est 
cependant contesté. Voir t. n, col. 986. 

STÉRILITÉ (Vulgate : sterilitas), impossibilité de 
produire des fruits, des rejetons, des enfants. Ce qui 
est stérile est appelé galmûd, 'âqâr, 'âqârâh, ayovoç, 
areïpa, sterilis. Le verbe Sâkôl, « priver de rejetons », 
s'applique à la stérilité par avortement. 

1» Les choses. — Le sol du désert est stérile. 
Job, xxx, 3. Le juste, sous la pression de l'épreuve, 
souhaite que la nuit qui l'a vu naître soit comme un 
désert stérile. Job, m, 7. Si le peuple est fidèle 
à Jéhovah, la vigne ne sera plus stérile. Mal., m, 
11. — 2° Les animaux. — Dieu promet que, si son 
peuple lui obéit, il n'y aura pas de bêtes stériles dans 
les troupeaux. Deut., vu, 14. Il n'y en eut point dans 
les troupeaux que gardait Jacob, Gen., xxxi, 38, ni 
dans ceux de l'Épouse. Cant., iv, 2; vi, 5. — 3° Les 
hommes. — Si le peuple est fidèle, il n'y aura point 
d'homme stérile, c'est-à-dire impuissant à remplir les 
devoirs du mariage. Deut., vu, 14. La maison de 
l'impie est stérile, l'homme n'y a pas d'enfants. Job, xv, 
34. Jérémie, xxn, 30, parlant du roi de Juda, Jéchonias, 
dit qu'on l'inscrira comme un « homme stérile », qui 
ne réussit pas dans ses jours et dont les descendants 
ne régneront pas. C'est en effet ce qui arriva. D'après 
le Zohar, il, 109", « si un homme prend femme, mais 
n'a point d'enfants, son existence ici-bas est considérée 
comme nulle et non avenue. » Cf. Sépher ha-Zohar, 
édit. Lafuma, t. m, 1908, p. 429. — 4» Les femmes. — 
La même promesse divine est répétée au sujet des 
femmes; si l'on obéit à Dieu, il n'y aura en Israël ni 
femme stérile ni femme qui avorte. Exod., xxiii, 26; 
Deut., vu, 14. La stérilité est considérée comme un 
châtiment. Ose., ix, 14. Plusieurs femmes célèbres sont 
stériles, c'est-à-dire n'enfantent pas dans les premières 
années de leur union et s'en désolent. Telles sont Sara, 
Gen., xi, 30; Heb., xi, 11; Rébecca, Gen., xxv, 21; 
Rachel, Gen., xxix, 31; la femme de Manué, Jud., xin, 
2, 3; Anne, I Reg., i, 2; n, 5; Elisabeth, Luc, i, 7, 36. 
Elles regardent ensuite leur fécondité comme une 
faveur de Dieu, qui fait de la stérile une mère joyeuse 
au milieu de ses enfants. Ps. cxm (exil), 9. L'impie 
dévore la femme stérile, qui n'a pas d'enfants pour la 
défendre. Job, xxrv-, 21. Les gens de Jéricho se plaigni- 
rent à Elisée que les eaux de la ville étaient mauvaises 
et causaient l'avortement. Le prophète assainit ces eaux, 
au nom de Jéhovah, en y versant du sel, et dans la 



suite il n'y eut plus ni mort, ni avortement, mesahka- 
lét, ârsKvoy(isvï], sterilitas. IV Reg., n, 19-21. Voir 
Elisée (Fontaine d'), t. n, col. 1696. La stérilité accom- 
pagnée de la vertu est préférable à une postérité nom- 
breuse avec le vice. Sap., m, 13. Notre-Seigneur pro- 
clame bienheureuses les femmes qui seront stériles au 
moment de la catastrophe nationale, car il leur sera 
plus facile de se dérober au danger. Luc, xxra,29. Le 
père de famille se demande avec anxiété si sa fille, une 
fois mariée, ne sera pas stérile. Eccli., xlii, 10. — Au 
figuré, Sion rendue stérile doit se réjouir, car désor- 
mais ses fils seront nombreux. Is., xlix, 20, 21 ; uv, 1 ; 
Gai., rv, 27. Voir Famille, t. n, col. 2172. 

H.Lesêtre. 
STHUR (hébreu : Setûr, « caché »; Septante: 
Sado-jp), fils de Michaël, de la tribu d'Aser, un des 
douze espions qui furent envoyés par Moïse dans la 
terre de Chanaan pour l'explorer. Num., xm, 14 
(hébreu, 13). 

STIER Ewald Rudolf, théologien protestant, né le 
17 mars 1800 à Fraustadt in Posen, mort le 16 dé- 
cembre 1862 à Eisleben. Après de nomBreuses varia- 
tions et occupations, il devint pasteur en 1829 à Frank- 
leben, près de Merseburg, et ensuite (1838-1846), à 
Wichlinghausen in Wupperthal. Plus tard, en 1849, il 
fut Superintendent et Oberpfarrer à Schlenditz et en 
1857 à Eisleben où il finit sa vie. Il publia à Bâle en 
1833, Lehrgebâude der hebrâisclier Sprache; Der 
Brief an die Hebrâer, in-8», Halle, 1842; Berlin, 1849; 
lier Brief Jacobi, in-8», Barmen, 1845; Die Reden des 
Herrn Jesu, 1844-1846, 1847; 1851-1853; Polyglotten- 
Bibel fur praklisches Handgebrauch (avec R. Theile. 
Voir Polyglotte, col. 528) ; Der Brief Judà, in-8°, Berlin, 
1850; Jesaias, nicht Pseudo-Jesaias. Auslegung seiner 
Weissagung Kap. 40-66. Nebst Einleitung wider die 
Pseudo-Kritik, in-8°, Barmen, 1851 ; Die Apokryphen. 
Vertheidigung ihres althergebrachten Anschlusses an 
die Bibel, in-8°, Brunswick, 1853; etc. — Voir G. et 
F. Stier, E. R. Stier, 2 parties, Wittenberg, 1867-1871 ; 
K. J. Nitzsch,iî. Stier als Theologe, Barmen et Elber- 
feld, 1865. 

STIGMATES (hébreu : kî, qa'âqa' ; grec : cttc'y- 
uatoc; Vulgate : sligmata), marques imprimées sur 
la chair. — Il était défendu aux Hébreux de se faire ni 
incisions ni qa'âqa', Ypâ(A.naTa «tiixtô, stigmata, des 
figures incrustées dans la peau, comme une sorte de 
tatouage. Lev., xix, 28. Cette pratique avait un carac- 
tère idolâtrique ou superstitieux. — Isaïe, m, 24, dit 
aux élégantes de Jérusalem qu'un jour il y aura pour 
elles kî {ah.af yofî, « stigmate au lieu de beauté ». Le 
mot kî, pour kevî, vient de kavah, « brûler », et dési- 
gne des marques faites sur le corps par le feu, des 
brûlures. Les versions n'ont pas rendu ces trois mots. 
— Saint Paul demande qu'on ne lui suscite plus d'em- 
barras, parce qu'il porle sur son corps les « stigmates 
de Jésus ». Gai., vi, 17. Les stigmates étaient des mar- 
ques au fer rouge que l'on imprimait sur le corps des 
prisonniers de guerre réduits en esclavage. Cf. Héro- 
dote, vu, 133; Pétrone, Sat., cm, 2; Senèque.De benef., 
iv, 37; Quintilien, Instil., VIII, iv, 14; Suétone, Calig., 
xxvii, 2; Pline, H. N., XXX, rv, 10; etc. L'Apôtre veut 
donc dire qu'il porte sur lui, comme de glorieuses 
marques, les cicatrices des coups qu'il a reçus pour le 
nom de Jésus-Christ, et les traces de toutes les souf- 
frances qu'il a endurées dans son ministère apostoli- 
que. Ces stigmates sont les « stigmates de Jésus », cf. 
II Cor., iv, 10, parce qu'ils ont été reçus à cause de lui 
et à l'imitation des blessures que le Sauveur a reçues 
lui-même pour le salut des hommes. D'autres stigmates 
étaient tracés à la pointe sur le bras des conscrits en- 
gagés pour le service militaire, de manière à les recon- 



1867 



STIGMATES — STYLE A ÉCRIRE 



1868 



naître ensuite. Vegèce, De re mil., 1, 8; n, 5. Il se 
pourrait encore, d'après quelques commentateurs, que 
l'Apôtre fit allusion à ces stigmates militaires, figurant 
l'engagement qui le liait au Christ. Il n'y a donc pas 
lieu d'inquiéter l'Apôtre au sujet de sa mission, puis- 
qu'il porte, douloureusement écrit sur son corps, le 
témoignage qu'il appartient à Jésus-Christ, dont il est 
l'esclave, le serviteur et l'envoyé. Ses stigmates sont ses 
lettres de créance. Il ne faut pas songer à identifier ces 
stigmates avec les phénomènes mystiques qui se sont 
produits dans le cours des siècles sur le corps de plu- 
sieurs saints personnages. Voir Ribet, La mystique 
divine, Paris, 1879, t. n, p. 454-467; Fillion,£a Sainte 
Bible, 1904, t. vm, p. 321. H. Lesëtre. 

STORAX, dans la Vulgate, Gen., xliii, 25, est la 
traduction de l'hébreu neko't, qui, Gen., xxxvn, 25, est 
rendu par « aromates ». C'est probablement la gomme 
qui découle de l'astragale, t. I, col. 1188. Dans l'Ecclé- 
siastique, xxiv, 21, le mot slorax de la Vulgate n'a pas 
de correspondant en grec. Voir Styrax. 

STRANGULATION, asphyxie qui se produit quand 
on serre la gorge de manière à empêcher la respiration. 
— Achitophel se donna la mort en s'étranglant lui- 
même. II Reg., xvil, 23. Après la défaite de Benadad, 
ses serviteurs se présentèrent devant Achab pour 
implorer sa clémence. Ils s'étaient mis des sacs sur 
les reins et des cordes sur la tête. III Reg., xx, 32. Ils 
voulaient sans doute signifier par là qu'eux et leur 
maître méritaient d'être étranglés ou pendus. — Le 
lion étrangle sa proie pour nourrir sa lionne et ses 
petits. Nah., Il, 13. — La strangulation ne figurait pas 
parmi les supplices mentionnés par la loi mosaïque. 
Mais d'après Sanhédrin, vu, 3, elle aurait été en usage 
après l'exil. Pour l'infliger, on fixait le coupable dans 
le fumier jusqu'auxgenoux, pour l'empêcherde remuer, 
puis on lui passait autour du cou une bande de linge 
que deux hommes tiraient de chaque côté jusqu'à ce 
qu'il expirât. Ce genre de supplice passait pour le plus 
doux de tous : on l'appliquait dans les cas où l'Écri- 
ture ne spécifiait pas de quelle manière devait mourir 
le condamné. On étranglait six sortes de coupables : 
1° celui qui avait frappé son père ou sa mère; 2° celui 
qui avait injustement réduit en esclavage un Israélite; 
3° le vieillard rebelle aux décisions du sanhédrin; 4° le 
faux prophète ou celui qui prophétisait au nom d'une 
idole; 5° l'adultère masculin; 6» celui qui avait désho- 
noré ou faussement accusé de déshonneur la fille d'un 
prêtre. Cf. Iken, Anliquitates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 420. H. Lesétre. 

STRAUSS David Friedrich, théologien rationaliste 
allemand, né à Ludwigsburg en Wurtemberg, le 27 jan- 
vier 1808, mort dans son pays natal, d'un cancer, le 
6 février 1874. Il devint de bonne heure un adepte de 
la philosophie hégélienne et résolut de l'appliquer aux 
Evangiles et à la vie dejésusqui,àsesyeux, n'est qu'une 
collection de mythes. Le surnaturel pour lui ne peut 
exister. Jésus était un Juif pieux qui fut touché par la 
prédication de Jean-Baptiste et en reçut le baptême. 
Après cela, il se persuada qu'il était le Messie promis 
et, par l'élévation de ses principes de morale et par 
toute sa conduite, il se rendit très populaire et réunit 
un certain nombre de disciples enthousiastes, mais il 
s'attira la haine des pharisiens qui le firent crucifier. 
Ses disciples lui restèrent fidèles et leur imagination 
remplit sa vie de miracles qui ne sont que des mythes. 
Bas Leben Jesu kritisch bearbeitet, 2 in-8°, Tubingue, 
1836 (en réalité 1835); 2= édit., 1837; 3« édit., 1838- 
1839; 4» édit., 1840 Voir Mythique (Sens), t. iv, col. 1386; 
Il fut réfuté avec tant de force, qu'il modifia ses con- 
clusions; mais, comme on lui fit remarquer qu'il tom- 



bait en contradiction avec lui-même, il revint tout 
simplement, dans sa 4 e édition, à ce qu'il avait d'abord 
affirmé, quoiqu'il en eût reconnu lui-même l'inexac- 
titude. En 1864, réveillé par le fracas que fit la Vie de 
Jésus de .Renan, parue en 1863, il publia Leben Jesu 
fur das deutsche Volk bearbeitet, Leipzig. Sur beau- 
coup de points, elle est la conlradiction de son précé- 
dent ouvrage. Il conserve pour la forme le nom de 
mythes, mais le mythe n'est plus une création incon- 
sciente, c'est une invention plus ou moins réfléchie. Le 
Christ qu'on admire, c'est le Christ idéal, et le Christ idéal 
c'est l'Humanité. Strauss devait varier encore dans Der 
alte und der neue Glaube, Leipzig, 1872. Il est devenu 
athée et darwiniste. Il confesse que la critique n'avait 
pu réussir à détruire le miracle, mais Pévolutionisme 
explique sans Dieu et sans miracle l'origine et le 
développement de l'univers. Il avait ainsi épuisé 
toutes les négations et sombré dans le nihilisme. Voir 
Strauss, C/esanvmelte Schriften herausgpgeben von 
Zeller, 12 in-8», Bonn, 1876-1878; Ausgewâhlte Briefe 
von D. Fr. Strauss, herausgegeben von Zeller, Bonn, 
1895; Zeller, D. Fr. Strauss in seinem Leben und 
seinen Schriften, in-8°, Bonn, 1874; Hettinger, D. Fr. 
Strauss, Ein Lebens- und Literaturbild, Fribourg, 1875 ; 
Hausrath, D. Fr. Strauss und die Théologie seiner 
Zeit, 2 in-8», Heidelberg, 1876-1878; F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 36- 
96; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 
6' édit., t. h, p. 513-549. 

STROPHES dans la poésie hébraïque. Voir 
Hébraïque (Langue), t. m, col. 491. 

STYLE (hébreu : 'et; Septante : •ypaqjEÏov), instru- 
ment pour écrire. Les meilleures autorités latines 




415. — Style à écrire. 

D'après A. Rich, Dictionnaire des antiquités romaines 

et grecques, 1873, p. 602. 

écrivent stilus et non stylus. Dans la Vulgate, stylus 
traduit 1° le mot hébreu : 'et, Job., xix, 24; Jer., vm, 
8; xvn, 1, et dans le premier et le troisième passage, il 
est. suivi du. mot barzél, « fer »; il désigne par consé- 
quent une sorte de ciseau en fer dont on se servait 
pour graver des caractères sur la pierre, Job., xix, 24, 
comme on avait coutume de le faire en Egypte, comme 
l'avait fait Mésa pour son inscription, t. iv, Gg. 268, 
p. 1019. — 2» Stylus traduit dans Isaïe, vm, 1, hérêt, 
qui désigne également une espèce de ciseau avec lequel 
on peut graver des caractères sur un fi'ba, table ou 

tablette de bois, de pierre ou de métal, comme le fait 
le prophète. — 3° Saint Jérôme, IV Reg., xxi, 13, a 
traduit la phrase hébraïque : « Je nettoierai Jérusalem 
comme un plat (has-sallahat) qu'on nettoie et qu'on 
retourne sur sa face » de la manière suivante : 
« J'effacerai Jérusalem comme on a coutume d'effacer 
les tablettes et en l'effaçant je tournerai et je repasse- 
rai le style sur sa face. x> Le saint docteur a vu dans 
ce passage une comparaison tirée des tablettes couvertes 
d'une légère couche de cire sur lesquelles on écrivait 
de son temps avec un style. Cet instrument, en fer ou 
en os, était pointu à l'un de ses bouts et portait à 
l'autre extrémité une large lame plate (fig. 415). La 
pointe servait à tracer les caractères et la lame plate 
servait à les effacer, en la passant sur la cire, pour faire 
des corrections ou pour permettre d'y écrire de nou- 
veau. Les Romains faisaient grand usage des tablettes 
couvertes de cire. Elles étaient très minces et revêtues 



1869 



STYLE A ÉCRIRE 



SUA 



1870 



d'un rebord pour garantir le contenu du frottement. Il 
y en avait à deux et plusieurs feuillets. Nous ne voyons 
pas dans l'Écriture que les Hébreux aient connu cet 
emploi de la cire. Voir Cire, t. h, col. 780. 

STYRAX (hébreu : nâtdf; Septante : oraxr/i ; Vul- 
gate : stricte), arbuste et son exsudation odorante, 
laquelle s'appelle aussi storax. 

I. Description. — Le Styrax officinale (fig. 416) est 
un arbuste de la région Méditerranéenne, surtout orien- 
tale, d'où il s'élève des forêts de la plaine sur les 
premières pentes des montagnes. Son écorce jaune est 
entièrement recouverte de poils étoiles. Ses fleurs sont 
blanches, odorantes comme celles de l'oranger, mais 
légèrement duvetées et groupées en petites cyme ren 
dantes à l'extrémité des rameaux. C'est le type dune 
petite famille longtemps rattachée aux Ébénacées, 
parmi les gamopétales à étamines plus nombreuses 




416. — Styrax officinale. 

que les lobes de la corolle, mais qui en diffère surtout 
par ses fleurs hermaphrodites. Le fruit ovoïde, coriace, 
enchâssé à sa base dans le calice persistant, s'ouvre au 
sommet en 3 valves, et renferme une seule graine arron- 
die. Les feuilles ovales et entières sont alternes le long 
des rameaux d'où s'écoule par incision le Storax ou 
Stacté, baume de couleur brune à saveur piquante et 
odeur de vanille. F. Hy. 

II. Exégèse. —Le nâtâf est un des trois ingrédients 
qui devaient s'ajouter à l'encens pour composer le par- 
fum sacré destiné aux encensements. Exod., xxx, 34. 
Avec l'encens on mélangeait en proportions égales le 
galbanum, l'onyx et le nataf, que les Septante rendent 
par atax-ri) et la Vulgate par stade. Le nom hébreu, 
comme le grec et le latin, a la signification de « goutte ». 
Dans Job, xxxvi, 27, il a gardé son sens premier et ori- 
ginal, nitefê mayim, « gouttes d'eau », tandis que 
dans l'Exode, xxx, 34, il a pris l'acception spéciale de 
« gouttes du styrax ». Le même mot devait se trouver 
dans l'original hébreu de l'Ecclésiastique, xxiv, 21, qui 
s'inspire du passage de l'Exode dans cette comparaison : 

Comme le galbanum, l'onyx et le stacte, 

Et comme une exhalation d'encens dans une demeure, 

Celsius, Hierobotanicon, in-8, Amsterdam, 1748, t. i, 
p. 529, pense avec Théophraste, iv, 29, et Pliae, H. N., 
xn, 40, que le nâtâf ou stacte n'est que la plus 
pure espèce de myrrhe. Mais la myrrhe supérieure 
et liquide a un nom en hébreu, mor deror. Exod., xxx, 
23. Il ne s'agit pas non plus du Baume Liquidambar, 



fourni par le Liquidambar (Liquidambar styraci- 
flua), qui croit dans les parties méridionales des États- 
Unis, la Louisiane, la Floride, etc. : il n'était pas connu 
des anciens Hébreux. Le nâtâf est l'exsudation rési- 
neuse du Styrax officinale, la seconde espèce de 
stade, décrite par Dioscoride, i, 73, commune en 
Cilicie, au Liban, et dans les régions subalpines de 
Palestine. Il ne fallait pas que les produits entrant 
dans la composition de l'encens sacré fussent trop 
rares et trop difficiles à se procurer, lbn El. Beithar, 
Traité des simples, t. m, n. 2096, dans Notices et 
extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, 
in-8», Paris, 1883, t. xxvi, p.350. Les Arabes l'appellent 
a'bher ou lobna. L'arbre se nomme aussi hauz. Le nom 
deLobna par lequel les Arabes désignentle Styraxoffici- 
nale, l'aliboufieret sonproduit,aportéquelquesauteurs 
à identifier cet arbre avec le libnéh hébreu, Gen., xxx, 
37, et Ose., iv, 13. Mais il nous semble préférable d'y 
voir le peuplier. Voir t. v, col. 176. Le Styrax offici- 
nale commun en Syrie, était aussi connu en Egypte. 
Les Scalse coptes ont un mot aminakou traduit par 
styrax, qui rappelle un arbre de l'ancienne Egypte 

nommé 555. I, minaqu,et son produit parfumé 5555 , 

minaqi. V. Loret, La flore pharaonique, 2 e édit., in-8", 
Paris, 1892, p. 63. Peut-être cet aromate était-il déjà 
mélangea l'encens dans les encensements de l'ancienne 
Egypte? H. B. Tristram, The natural history of the 
Bible, 8= édit., in-12, Londres, 1889, p. 395. — La Vul- 
gate rend par storax le mot nétiot de Gen., xliii, 11, 
qui est l'astragale, t. i, col. 1190. Dans Eccli., xxiv, 
21, elle ajoute au texte grec le mot storax, qui paraît 
être une explication marginale de stacte, le styrax, 
introduite ensuite dans la version latine. 

E. Levesque. 
SUA (hébreu : So'; Septante : Sr^wp ; Sibu, dans les 
inscriptions assyriennes. Annales de Sargon, lig. 27, 
29; Inscription des Plaques, lig. 26, 27, dans Winckler, 
Die Keilschrifttexte Sargons, 1889, 1. 1, p. 7, 101), roi 
d'Egypte. La forme massorétique So' est incorrecte et 
la forme assyrienne montre qu'il faut la vocaliser Sève. 
Le v est une corruption du b, ce qui donne pour la 
lecture originale Sib'e. W. M. Mùller, art. So, dans 
Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, t. rv, col. 4665. 
On cite onze manuscrits grecs, dont trois semblent 
remonter à une source égyptienne, qui portent Soba, 
Zoba, Somba. Olmstead, Western Asia in the Days of 
Sargon of Assyria, 1908, p. 55, note 29. 

I. Histoire. — Vers 725, Sua intrigua contre l'Assyrie 
auprès d'Osée, roi d'Israël. Ce dernier lui envoya des 
ambassadeurs, « pour n'être plus obligé de payer le 
tribut aux Assyriens, comme il faisait tous les ans. » 
IV Reg.,xvn, 4. En conséquence, Salmanasar accourut, 
bloqua Samarie et la prit après un siège ds trois ans, 
IV Reg., xvii, 4-6; xvm, 9-10, vérifiant ainsi la pro- 
phétie d'Isaïe, vin, 4; xvm. Olmstead, loc. cit., p. 45, 
note 9, montre que la Samara'in de la Chronique 
babylonienne, i, 28, est bien Samarie et que sa prise 
eut lieu en 723. Voir la thèse contraire du P. Dhorme, 
Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la Revue biblique, 
juillet 1910, p. 370. En 722. Sargon succéda à Salmanasar. 
Profitant du changement de règne, la Syrie tenta de 
secouer le joug. Hannon, dépossédé naguère de la 
ville de Gaza, reprit possession de son trône avec l'appui 
de Sua. Annales de Sargon, et Fastes, loc. cit. Mais 
en 720, Sargon, victorieux des Élamites, se retourne 
contre la Syrie, la soumet et reprend Gaza pendant 
qu'Hannon gagne la frontière d'Egypte, suivi de près 
par son vainqueur. A Raphia les troupes égyptiennes 
unies à celles de Gaza font face aux Assyriens. Sargon 
les défait en ce même endroit où les Lagides et les 
Séleucides devaient plus tard se disputer la possession 
de la Syrie méridionale et où se trouve aujourd'hui 



1871 



SUA 



1872 



encore la limile entre l'Egypte et la Syrie. « Sibu 
s'enfuit comme un berger à qui on a dérobé son trou- 
peau. » Annales, lig. 27-31; Fastes, lig. 25-26, dans 
Winckler, loc. cit., p. 6-7, 100-101. Sargon ne profita 
pas de l'avantage et s'arrêla au seuil de l'Egypte. Plus 
tard, il se vantera d'avoir étendu ses limites jusqu'au 
nahal Musri ou « Torrent d'Egypte ». Inscription des 
Barils, lig. 13, dans Place, Ninive et l'Assyrie, 1870, 
t. h, p. 292. 

Désormais il n'est plus question de Sibu dans les 
textes de Sargon, mais seulement de Piru de Musri 
ou Pharaon d'Egypte. En 715, parallèlement à Itmara 
de Saba et à Samsi, reine d'Arabie, Piru envoie un 
tribut à Sargon. Annales, lig. 97-99, dans Winckler> 
loc. cit. p. 20-21. Pour la fixation de cette date, cf. 
Olmstead, loc. cit. p. 10, note 40. Après six années de 
tranquillité, la Syrie s'agita de nouveau, en 713. Pour 
la date de 713 donnée par l'Inscription du Prisme, 
contre celle de 711 donnée par les Annales, cf. Olms- 
tead, loc. cit., p. 11, note 42, et p. 78, note 6i. La ville 
philistine d'Azot était le centre du mouvement. Poussée 
par Piru, elle agissait sur Juda, Moabet Édom. Sargon 
envoya contre elle un tartan ou général. Is., xx, 1; 
Canon des Limmu, 998, dans Johns, Assyrian Deeds 
and Documents, 1898, t. n, p. 69. La répression fut 
prompte. Iamani, le chef d'Azot, se réfugia en 
Miloukka (Ethiopie), c'est-à-dire dans l'Egypte, gou- 
vernée alors par les Éthiopiens. Olmstead, loc- cit., 
p. 79, note 68. Il fut extradé et envoyé à Sargon. Azot 
pillée, ses habitants emmenés en captivité, on la repeu- 
pla avec des colons étrangers. Pour toute cette cam- 
pagne : Annales, lig. 215-228; Fastes, lig. 90-109; 
Fragment de la campagne contre Ashdod, dans 
Winckler, loc. cit. p. 36-39, 114-117, 186-189. C'est en 
vertu de l'usage assyrien que Sargon, Annales, lig. 222, 
et Fastes, lig. 97, se vante d'avoir mené la campagne 
en personne. Jusqu'à la mort de Sargon, 705, la Syrie 
vécut en paix. 

II. Identification de Sua. — 1° Le côté certain de 
l'idenlilication, c'est que Sua est un personnage de la 
vallée du Nil. A plusieurs reprises, mais surtout par 
son article Musri, Meluhha, Ma'in, I, dans Mitthei- 
lungen der vorderasialischen Gesellschaft, t. m, 1898, 
p. 1-56, Winckler a tenté de prouver que Sibu n'aurait 
été que le tartan d'un certain Piru, roi, non d'Egypte, 
mais d'un grand royaume de Musri, royaume indépen- 
dant, situé dans un canton de l'Arabie Pétrée, quelque 
chose comme le Négeb ou la contrée des Nabatéens. 
Mais d'abord la Bible nomme Sibu « roi de Misraim », 
IV Reg., xvii, 4, tout comme Sésac, III Reg., xi, 40; 
xiv, 25, et l'on accordera bien que ce dernier était un 
roi égyptien. Bien mieux, Sibu, s'il était à Gaza en 720, 
avec une partie de ses. troupes, lultant aux côtés 
d'Hannon, ainsi que semblent le supposer les Annales, 
loc. cit., pourquoi, après la défaite, prend il avec son 
allié la route du sud-ouest, la route du Torrent 
d'Egypte et d'El-Arisch, au lieu de la route du sud-est 
vers Khalassa (Élusa), qui aurait été le vrai chemin 
dans l'hypothèse d'un Sibu tartan d'un roi du Négeb? 
Si, comme le laisseraient croire les fastes, loc. cit., il 
n'avait pas encore rejoint Hannon, pourquoi les deux 
alliés se rencontrent-ils à Raphia, sinon parce que 
l'un venait du sud-ouest et que l'autre y courait, sur 
la grande route suivie de tous temps par les armées 
entre l'Egypte et la Syrie? Les événements nes'expliquent 
donc que si Sibu est un Égyptien. Il faut en dire autant 
de Piru qui, à partir de 715, remplace Sibu dans les 
documents de Sargon. Piru est la transcription cunéi- 
forme deper-aa, pharaon, et désigne le roi d'Egypte. A 
l'époque qui nous occupe, ce mot apparaît tantôt seul, 
tantôt avec le nom du roi, aussi bien dans les textes 
égyptiens que dans la Bible. De part et d'autre il est cou- 
ramment employé comme nom propre. Voir Pharaon, 



col. 191-192. Les Assyriens ne pouvaient l'ignorer. 
Eux-mêmes traitaient pareillement le mot ianzu qui 
en cassite signifie « roi ». C'est donc tout naturelle- 
ment que Sargon désigne le roi d'Egypte par l'expres- 
sion per-âa assyrianisée en Piru. D'autant mieux qu'au 
moment de la campagne d'Azot, l'action de l'Egypte 
en Syrie est très naturelle. Depuis 715, la 25 e dynastie 
était montée sur Je trône avec l'Éthiopien âabaka. 
C'était un prince énergique, maître absolu de l'Egypte 
et dont le souci dut être de s'immiscer dans les affaires 
syriennes comme avaient fait ses devanciers, comme 
feront bientôt ses successeurs. L'Egypte fut toujours 
dans la situation d'un camp retranché ouvert aux 
attaques, principalement sur sa frontière nord-est. Par 
suite, à toutes les époques, elle s'efforça de maintenir 
ses lignes avancées aussi loin que possible sur le sol 
syrien. Le jour où ce rôle ne lui fut plus permis, 
l'étranger devint son maître, et ce maître à son tour, 
pour garder sa conquête, dut suivre la même politique. 
On ne voit donc pas pourquoi, à l'encontre des faits, 
on voudrait substituer à l'Egypte, pour l'espace com- 
pris entre 948 et 674, dans une région où les ruines 




417. — Bulle d'argile de Sabacon (Sua) avec son sceau. 
D'après Layard, Nineveh and Babylon, p. 156. 

les plus anciennes sont romaines et chrétiennes, un 
empire arabe, surgi à l'improviste, portant le même 
nom qu'elle, la supplantant dans ses intrigues contre 
l'Assyrie, puis s'en allant comme il était venu, pen- 
dant que l'Egypte reprenait sa course historique. Pour 
toute cette question, voir Olmstead, loc. cit., p. 56-71, 
note 34, qui démonte pièce à pièce la théorie de 
Winckler et écarte sans réplique les conséquences 
qu'on a voulu en tirer contre les récits bibliques. 
2" On a rapproché Sua, Sève, Sibu de Sabaka^ 

( Mil ^fe If Sa-ba-ka, le Sabacon des Grecs, pre- 
mier roi de la 25 e dynastie (fig. 417). Oppert, Inscrip- 
tions assyriennes des Sargonides, 1862, p. 22 ; Grande 
inscription dupalais de Khorsabad, 1863-1865, p. 74-75; 
Mémoire sur les rapports de l'Egypte et de l'Assyrie, 
1869, p. 12-14, reconnaissait dans le ka final de ce 
nom un article éthiopien, par conséquent un suffixe. 
Il a été suivi en cela par Brugsch, Ëgypt under the 
Pharaons, 1879, t. H, p. 273, et par Pétrie, A History 
of Egypt, t. ni, 1905, p. 284. Ces auteurs n'ont donc 
pas de peine à retrouver Sua-Sibu dans ëabaka. A 
noter cependant que Steindorff, Beitrâge zur Assyrio- 
logie, i, p. 342, ne veut voir dans ka que la terminai- 
son du datif-accusatif. D'autre part, W. M. Mûller, 
loc. cit., col. 4664, déclare impossible le passage du 
s égyptien à Vs sémitique. C'est là nn obstacle que, 
après l'avoir envisagé, ni Brugsch ni Pétrie n'ont pris 
au sérieux et Olmstead, loc. cit., p. 55, note 29, est de 
leur sentiment. Une difficulté plus grave est la chrono- 
logie. Sua apparaît déjà vers 725. Or, selon toute pro- 
babilité, c'est Bocchoris qui règne alors en Egypte et 
qui y régnera jusqu'en 715. On échappe à cette diffi- 
culté en faisant de Sua-Sibu un simple tartan, avec les 



1873 



SUA 



SUAIRE 



1874 



Annales de Sargon, lig. 27-29, soit de Bocchoris, soit 
du roi de Napata. Dans le premier cas, il aurait été un 
chef mercenaire au service de Bocchoris; dans le 
second, il aurait agi en qualité de vice-roi de l'Éthio- 
pien Piankhi ou de son successeur Kasta et maintenu 
leurs droits à l'orient du Delta. Cf. Pétrie, loc. cit., 
p. 283. En 715, ce même Sibu est régulièrement 
appelé Piru par Sargon, puisqu'il est monté sur le 
trône, et le tribut dont il est question pourrait bien 
n'être « qu'un présent envoyé par ëabakon à son 
frère d'Assyrie afin de lui notifier son avènement. » 
Maspero, dans Sphinx, t. xn, 1908, p. 126. C'est tou- 
jours le même Piru, c'est-à-dire Sabaka, qui soutient 
lamani d'Azot et le conduit à sa perte. Les cartouches 




SUAA (hébreu : Sû'oV; Septante : SwXà), fille 
d'Héber, de la tribu d'Aser, dont les trois fils sont éga- 
lement nommés. I Par., vu, 32. La raison de la nomi- 
nation exceptionnelle d'une fille dans la descendance 
d'Héber n'est pas donnée. 

SUAIRE (grec : couoiotov; Vulgate : sudarium), 
linge dont on se servait J tuessuyerla sueur du visage. 

1° Les suaires ordinaires. — Le mot grec n'est que 
la reproduction du mot lalin sudarium. Il désigne donc 
un objet dont l'usage avait passé de Rome en Orient. 
Plusieurs écrivains latins le mentionnent. Catulle, xn, 
14; xxv, 7; Martial, xi, 39, 3; Quintilien, lnstit., VI, 
m, 60; XI, m, 148; Suétone, Ner., 25, 48, 51; etc. Une 
statue de femme, de la collection Farnèse, tient un 
sudarium de la main gauche (fig. 419). Pendant que 
saint Paul était à Ephèse, on se servait de suaires et de 
ceintures qui l'avaient touché, pour guérir des malades. 












418. — Sua. D'après Lepsius, Denkmâler, Abth. ni, Blatt 301. 

de Sabaka ont été retrouvés à Koyoundjik qui fut 
la résidence de Sargon bien plus que celle de Senna- 
chérib. Layard, Nineveh and Babylon, 1853, p. 156. 
Aussi Budge, History of Egypt, 1902, p. 127, n'hésite 
pas à attribuer ces cartouches à l'époque de Sargon. Ils 
forment cachet sur une bulle d'argile qui devait sceller 
un traité. Cf. Olmstead, loc. cit., p. 68-69 (fig. 418). 

En résumé, tout concorde à nous montrer que, de 
725 à 713, le Musri qui intrigue en Syrie contre Salma- 
nasar et Sargon ne peut être que l'Egypte. L'agent 
égyptien, l'âme de l'intrigue, semble bien être ëabaka, 
d'abord comme simple chef d'armée, autant que nous 
permettent de le conjecturer la chronologie et le titra 
que lui donne Sargon; puis, à partir de 715, comme 
pharaon (piru) régnant sur l'Egypte entière après y 
avoir rétabli partout l'autorité éthiopienne partielle- 
ment mise en échec un instant par Bocchoris. Ses 
menées n'empêchèrent pas Salmanasar de prendre 
Samarie, ni Sargon de dominer en Syrie et de pousser 
ses limites jusqu'au Torrent d'Egypte. Il demeure le 
commentaire vivant de la parole d'Isaïe, xxx, 7, savoir 
que, pour Israël et Juda, « le secours de l'Egypte n'était 
que néant et vanité. » C. Lagier. 




419. — Sudarium. 
D'après Rica, Dict. des antiq. gr. et rom., 1859, p. 612. 

Act., xix, 12. Un suaire était un linge de dimension 
restreinte, à peu près comme nos mouchoirs. Il suffi- 
sait pour envelopper une somme d'argent que l'on 
voulait conserver. Luc, xix, 20. On donnait aussi le nom 
de suaire à la pièce d'étoffe dont on entourait la tête 
d'un défunt, Joa., xi, 44. 

2» Le suaire de Jésus. — Pour ensevelir le corps du 
Sauveur, Joseph d'&rimalhie l'enveloppa <nvl6vi,insin- 
done. Matth., xxvil, 59; Marc, xv, 46; Luc, xxm, 53. 
C'était le linceul. Voir Linceul, t. iv, col. 266. 
Saint Jean, xix, 40, dit que le corps fut lié « dans des 
linges », à la manière dont les Juifs ont coutume d'en- 
sevelir. Parmi ces linges étaient donc compris le suaire 
et les bandelettes, comme pour Lazare. Joa., xi, 44. 
Après la résurrection, Pierre vit les linges posés, « et 
le suaire qui couvrait la tête de Jésus, non pas posé 
avec les linges, mais roulé dans un autre endroit. » 
Joa., xx, 7. Le mot iOoviot, diminutif de iQôvvi, « linge 
fin », ne peut guère désigner que de menus linges, 
comme des bandelettes. Pour Jésus, comme pour 
Lazare, il n'est ensuite question que de suaire envelop- 
pant la tête, sans mention de linceul. C'est donc que 
saint Jean n'a pas jugé à propos de parler du linceul 
qui enveloppait tout le corps. Saint Luc, de son côté, 
distingue très bien le ffivSwv, qu'il mentionne seul à 
propos de la sépulture du Sauveur, d'avec le cjovSâpiov. 
Toujours est-il que, par la suite, on donna le nom de 
Saint-Suaire au linceul dans lequel le Sauveur avait été 
enseveli. Hugues de Saint-Cher (1263) dit, à propos de 
S. Jean, xx, 7, qu'à son époque on appelait sudarium 



1875 



SUAIRE — SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINAVES 



1876 



« la pièce d'étoffe qui est placée sur un mort des pieds 
à la tête. » — Des Saints-Suaires sont conservés à 
Besançon, Cadouin, Cahors, Carcassonne, Compiègne et 
Turin. Cf. Rohault de Fleury, Mémoire sur les instru- 
ments de la passion de N.-S. J.-C, Paris, 1870, p. 22i- 
243. Des fragments de suaires se conservaient au 
moyen âge à Clermont, Corbeil, Halberstadt, Vézelay, 
Reims, Troyes et Zante. On en garde encore un à Rome. 
Beaucoup de ces objets étaient des suaires bénits que des 
pèlerins avaient rapportés d'Orient après les avoir fait 
toucher au Saint-Sépulcre. Les autres ne seraient que 
des nappes sur lesquelles on peignait autrefois le corps 
du Christ au tombeau et que l'on étendait ensuite sur 
l'autel pour célébrer la messe de Pâques. De vives dis- 
cussions se sont élevées naguère au sujet de l'authen- 
ticité du Saint-Suaire de Turin, le plus célèbre de tous. 
L'authenticité, combattue par U. Chevalier, Le Saint- 
Suaire de Turin est-il l'original ou une copie"? Ctiam - 
béry, 1899, a été soutenue par Ml'Emm. Colomiatti, De 
l'authenticité du Saint-Suaire de Turin, Lille, 1899, et 
appuyée d'arguments scientifiques, basés sur l'étude 
d'une photographie de la relique, par A. Loth, Le por- 
trait de N.-S. J.-C. d'après le Saint-Suaire de Turin, 
Paris, s. d., et P. Vignon, Le linceul du Christ, Paris, 
1902. Cf. en outre U. Chevalier, Étude critique sur 
l'origine du Saint-Suaire de Lirey-Chambéry-Turin, 
Paris, 1900; H. Thurston, Apropos du Saint-Suaire de 
Turin, dans la Revue du clergé français, 15 nov. 1902 , 
p. 564-578; 15 déc. 1902, p. 155-178; U. Chevalier, 
Le Saint-Suaire de Turin et le N. T., dans la Revue 
biblique, 1902, p. 564-573. H. Lesètke. 

SUAL, nom d'un Israélite et d'une région. 

1. SUAL (hébreu : Sû'âl, « chacal »; Septante : 
SouSâ), le troisième des onze fils de Supha, de la tribu 
d'Aser. I Par., vu, 36. 

2. SUAL (hébreu : ëâ'âl; Septante : Swyi),), région 
où abondaient probablement les chacals, dans les en- 
virons de Machmas.Elle n'est nommée qu'une fois dans 
l'Écriture. I Sam. (Reg.), xm, 17. Une des trois bandes 
de Philistins qui sortirent pour piller du temps de 
Saùl, pendant que leurs compatriotes campaient à 
Machinas, « prit le chemin d'Éphra vers la terre de 
Suai. » La seconde bande de maraudeurs se dirigea 
vers l'ouest du côté de Béthoron et la troisième sans 
doute du côté de l'est vers le désert. La terre de Suai, 
où l'on se dirigeait parle chemin d'Éphra, devait être 
au nord de Machmas et les maraudeurs qui en prirent 
la direction durent prendre leur route par conséquent 
vers le nord, où se trouvait Éphra, qui est générale- 
ment identifiée avec Thayebéh. Voir Éphrem 1, t. u, 
col. 1885. Cf. Palestine Exploration Fùnd, Memoirs, 
t. il, p. 293. 

SUAR (hébreu : Sû'âr; Septante : S^ip), père de 
Nathanaël, de la tribu d'Issachar. Son fils Nathanaël 
était chef de la tribu à l'époque de l'exode. Num., i, 
8; u, 5; vu, 18, 23 ; x, 15. 

SUBA (hébreu: Sôbâh; Septante : [R*i]iu>èi), 
orthographe de Soba dans la Vulgate. II Par., vin, 3. 
Suba est ajouté au nom d'Émath, et Émath Suba ou 
Soba désigne une ville conquise par Salomon. Voir 
Emath Suba, t. vi, col. 1723. 

SUBAËL (hébreu : Sùbaêl), nom de deux Lévites. 

1. SUBAEL (Septante : SwgariX), Lévite, chantre du 
temps du roi David. I Par., xxiv, 20; xxvi, 24. Il "est 
appelé, xxm, 16, Subuël. C'était un descendant de 



Gersom, xxm, 16. Il fut préposé à la garde des trésors 
de la maison de Dieu, xxv, 24. Voir Subuël 1. 

2. SUBAEL (Septante : Eouêaïi>.;, Lévite, le troi- 
sième nommé des quatorze fils d'Héman, chef de la 
treizième classe des musiciens de la maison de Dieu, 
composée de douze de ses fils et de ses frères. I Par., 
xxv, 4, 20. Au f. 4, la Vulgate écrit son nom Subuël. 
Voir Subuël 2. 

SUBMERSION, mort de ceux qui, plongés dans 
l'eau, n'y peuvent plus respirer et périssent par asphy- 
xie. — Ainsi périrent les contemporains de Noé, dans 
les eaux du déluge, Gen., vu, 23, et les Égyptiens, qui 
poursuivaient les Hébreux, dans les eaux de la mer 
Rouge. Exod., xv, 4, 10; Sap., x, 19. Au milieu de la 
tempête, Jonas fut jeté à la mer, où il aurait péri sub- 
mergé sans un miracle. Jon., i, 15. Les habitants de 
Joppé invitèrent sournoisement les Juifs et leurs 
familles à monter dans des barques et les coulèrent au 
large au nombre de plus de deux cents. II Mach., xn, 
4. Le Sauveur dit qu'il serait préférable pour le scan- 
daleux d'être jeté à la mer avec une meule au cou. 

j Matth., xviii, 6. Sur les causes accidentelles de submer- 
sion, voir Inondation, t. m, col. 881 ; Naufrage, t. iv, 

| col. 1491. — Au figuré, Babylone sera submergée comme 
une pierre qu'on jette au fond de l'Euphrate. Jer., li, 
64. Les malheurs et les épreuves sont comparés à ' des 
eaux qui submergent. Job, xxvn, 20; Ps. lxix (lxviii), 
3, 16; cxxiv (cxxiii), 4. — Quand on se plonge volon- 
tairement dans l'eau pour s'y baigner, il y a immersion 
et non submersion. Ce fut le cas de Naaman. IV Reg., 
v, 14. — D'après le code de Hammourabi, on plongeait 
dans le fleuve soit pour mettre à l'épreuve ceux qui 
étaient soupçonnés, art. 23, 132, soit pour faire périr 
certains coupables. Art. 108, 129, 133, 155. Les Hébreux 
ne connaissaient pas ce supplice, parce que les bords 
de leur fleuve n'étaient pas habitables comme ceux de 
l'Euphrate. Néanmoins, ils avaient retenu l'usage de 
l'eau pour l'épreuve de la femme soupçonnée d'adultère. 
Seulement, au lieu de la plonger dans l'eau, comme à 
Babylone, art. 132, ils la lui faisaient avaler. Voir Eau 
de jalousie, t. n, col. 1522. H. Lesêtre. 

SUBUËL 1 et 2. Voir Subaël 1 et 2. 

SUÉ, nom de trois Israélites et d'un Chananéen 
dans la Vulgate. Le nom en est écrit différemment en 
hébreu. 

1. SUÉ (hébreu : Sââh; Septante : Sood, Smî), le 
sixième et dernier des fils qu'Abraham eut de Cétura. 
Gen., xxv, 2; I Par., i, 32. 

2. SUÉ (hébreu : Sà'a; Septante : Exuï), Chananéen 
dontJuda, fils de Jacob, épousa la fille et dont elle eut 
trois fils : Her, Onan et Séla. Le nom de la fille de Sué 
n'est pas connu. Sué était d'Odollam. Gen., xxxvm, 
2-5, 12; I Par., n, 3. 

3. SUÉ (hébreu : Sevd'; Septante : Sioî), le qua-. 
trième et dernier des fils que Caleb, fils d'Hesron, de 
la tribu de Juda, eut de Maacha, une de ses femmes de 
second rang. Sué fut le père, c'est-à-dire le fondateur 
ou le restaurateur de Machbéna et de Gabaa. I Par., 
n, 49. 

4. SUÉ (hébreu :Sûâh; Septante : Sous), l'aîné des 
onze enfants de Supha, de la tribu d'Aser. I Par., vu, 36. • 

SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINA- 
VES. — I. Versions danoises. — Hans Mikkelsen 
publia, 1524, une première version danoise. Elle fut 



1877 SUÉDOISES (VERSIONS) ET SCANDINAVES — SUEUR DE SANG 1878 



suivie en 1529 d'une autre version par Kvisten Peder- 
sen, lequel fit aussi une traduction de toute la Bible, 
publiée en 1550. Elle avait été préalablement examinée 
par quelques théologiens. Cette version est connue sous 
le nom de Bible de Chrétien III. Toutes ces versions sont 
principalement basées sur celle de Luther. 

H. P. Resen fit le premier une version danoise du 
texte original, laquelle filt publiée en 1607. — Les deux 
versions de la Bible (de Pedersen et de Resen) ont eu 
plusieurs éditions. — La version officielle acluelle du 
Nouveau Testament est de 1819. Celle de l'Ancien Tes- 
tament de 1871. — A. S. Poulsen et J. L. Ussing out 
publié en 1895, par ordre du ministère des Cultes, une 
nouvelle traduction du Nouveau Testament, qui a été 
depuis soumise à l'examen d'une commission biblique, 
laquelle est encore occupée à la perfectionner. — En 
dehors de ces travaux, des traductions indépendantes de 
la Bible ont été publiées par J. K. Lindberg, 1835-1859, 
et par K. et K. Kalkar, 1845-1847. Cette dernière est 
munie de notes. — Une « nouvelle traduction par Kalkar, 
Martensen et autres » a été achevée en 1872,A.Sôrensen 
a publié en 1881 : « Les livres historiques du Nouveau 
Testament, » et en 1892 : « Les Épitres du Nouveau Tes- 
tament. » 

II. Versions suédoises. — Une première version 
suédoise, due principalement à Olaus Pétri et Lauren- 
lius Andrece, fut publiée en 1541. Pendant les règnes 
de Charles IX, de Gustave II Adolphe et de Charles XI, 
des travaux préparatoires furent faits pour obtenir une 
meilleure version, mais ces travaux n'eurent que des 
résultats insignifiants. — Une nouvelle édition de la 
Bible fut cependant publiée en 1703 par ordre de 
Charles XII, mais les améliorations du texte de la version 
ne sont pas considérables. C'est cette édition qui est, 
encore aujourd'hui la Bible officielle de l'Eglise sué- 
doise. — Gustave III forma en 1773 une « Commission 
biblique », laquelle a, depuis cette époque, publié 
plusieurs traductions des Saintes Écritures qui n'ont pas 
été approuvées. — La dernière traduction du Nouveau 
Testament, publiée « à titre d'essai » en 1882 par la 
Commission biblique, fut en 1883 soumise à l'Assemblée 
de l'Eglise (Kyrkomôte) qui l'approuva, sauf quelques 
modifications, et en recommanda l'adoption; après 
quoi le roi la déclara, la même année, « adoptée pour 
l'enseignement dans les églises et les écoles. » — Mais 
il fut en même temps prescrit de continuer à faire usage 
du texte de la Bible de 1703 dans tous les actes litur- 
giques, jusqu'à ce que la revision de la version de 
l'Ancien Testament fût terminée et adoptée. — Une 
« édition normale » de la nouvelle version du Nouveau 
Testament fut en conséquence publiée en 1884, mais 
déjà en 1889 l'Assemblée de l'Église réclama et obtint 
une nouvelle revision de la version. Cette revision n'est 
pas encore terminée. — En 1903 la traduction de l'An- 
cien Testament, enfin terminée par la Commission 
biblique, fut recommandée par l'Assemblée de l'Église 
afin qu'elle fût adoptée pour l'enseignement dans les 
églises et les écoles, et une « édition normale » en fut 
publiée en 1904. L'adoption officielle de cette version a 
cependant été différée jusqu'à ce que la question de la 
version du Nouveau Testament soit définitivement 
réglée. — Une version suédoise de la Versio vulgatada 
Nouveau Testament a été publiée en 1895 par le 
Père J. P. E. Benelius. 

III. Versions norvégiennes. — Une version norvé- 
gienne de l'Ancien Testament, due à la coopération 
de plusieurs personnes, a été publiée pendant les années 
1842-1873. La version correspondante du Nouveau Tes- 
tament fut publiée en 1873. — La Société biblique 
norvégienne commença plus tard, en 1876, la publica- 
tion d'une nouvelle version norvégienne; celle de l'An- 
cien Testament en 1887 et celle du Nouveau Testament 
en 1904. — E. Blix a publié en 1890 une version en 



dialecte populaire norvégien (Landsmol). Voir Nordisk 
Familjebok, 1905, t. m, p. 250. Article de J. Per- 
sonne. 

IV. Versions islandaises. — Le Nouveau Testament 
a été publié en 1540 en islandais, par Odd Gottskalkssôn 
d'après la version allemande de Luther, et la Bible 
entière en 1584 par Gudbrand Fhorlakson. Voir 
Nordisk Familjebok (Encyclopédie générale suédoise) , 
édition de 1905, t. m, Articles intitulés : Bibelofver 
Latiningar, Bibelkommission. 

J. Personne. 

SUEUR (hébreu : zê'dh, yéza' ; Septante : i8pwç; 
Vulgate : sudor), liquide qui passe à travers la peau et 
apparaît sous forme de gouttelettes, par l'effet de la 
chaleur, d'un effort violent, de certaines émotions très 
vives et de divers états maladifs. — A la suite de son 
péché, l'homme a été condamné à manger son pain « à 
la sueur de son visage », Gen., m, 19, c'est-à-dire au 
prix d'efforts pénibles pour cultiver la terre et récolter 
le grain nourricier. —Dans le Temple idéal d'Ezéchiel, 
xliv, 18, les prêtres porteront des mitres et des cale- 
çons de lin, mais rien qui puisse exciter la sueur. — 
Au figuré, « suer » signifie se donner beaucoup de 
peine pour aboutir à un résultat. L'auteur des livres 
des Machabées dit qu'il s'est imposé beaucoup de sueurs 
et de veilles pour abréger Jason de Cyrène. II Mach. 
n, 27. Les versions introduisent l'idée de sueur dans 
des passages où il n'est question que de labeur. Eccle., 
il, 11; Ezech., xxiv, 12. La Vulgate parle aussi de pain 
in sudore, gagné à la sueur, là où le texte grec ne 
mentionne que la subsistance. Eccli., xxxiv, 26. 

H. Lesêtre. 

SUEUR DE SANG ou hématidrose, hémorragie 
dans laquelle le sang s'échappe comme de la sueur à 
travers les pores de la peau intacte. — Cette hémor- 
ragie paraît avoir pour siège les glandes sudoripares. 
Le sang s'échappe en gouttelettes d'un rouge plus ou 
moins vif, et peut former une véritable pluie, comme 
si le liquide s'écoulait d'une plaie. Ce liquide est du 
sang normal. Le phénomène se produit de préférence 
aux endroits où la peau, plus mince, donne plus facile- 
ment passage à la sueur. Sa durée peut varier de 
quelques minutes à plusieurs heures. L'hématidroseest 
un accident rare, qui affecte presque exclusivement la 
jeunesse et l'âge moyen. Il a pour causes ordinaires les 
perturbations nerveuses, les douleurs aiguës et les vio- 
lentes émotions, telles que la frayeur, la colère, le 
chagrin, etc. La réalité de l'hématidrose, mise en doute 
par certains savants, ne peut être contestée à la suite 
des faits observés par les modernes comme par les 
anciens. Pour l'ordinaire, la sueur de sang n'entraîne 
pas de graves conséquences d'anémie. Cf. Maur. Ray- 
naud, dans le Nouv. Dict. de méd. et de chir. prati- 
ques, Paris, 1873, t. xvn, p. 265 268. — Pendant son 
agonie à Gethsémani, le Sauveur fut violemment saisi 
de tristesse, d'ennui et de frayeur. Matth., xxvi, 37; 
Marc, Xiv, 33. Dans ces conditions, l'hématidrose pou- 
vait naturellement se produire. Saint Luc, xxn, 44, la 
décrit en médecin. Il y eut une sueur, &aû 8pô(i6ot 
otfpiaroç, :< comme des caillots de sang », découlant 
jusqu'à terre. Le mot grec dit plus que le mot gutlse, 
«gouttes», de la Vulgate. L'hémorragie était abondante; 
le sang commençait à se coaguler en tombant jusqu'à 
terre. L'évangéliste ne dit pas quelles parties du corps 
affectait le phénomène; l'hématidrose dut se produire 
au moins sur le visage et probablement aussi aux 
endroits où coule or Jinairement ia sueur. Ici le mot 
<i(TEc n'est pas comparatif, mais indicatif, comme Joa., 
i, 14. Aussi les Pères entendent-ils le texte d'une vraie 
sueur de sang. Cf. S. Irénée, Hser., III, xxn, 2, t. vu, 
col. 957; S. Augustin, InPs.,CXL,4, t. xxxvii, col. 1817, 
etc.; Lœnartz, De sudore sanguinis, Bonn, 1850. 

H. Lesêtre. 



1879 



SUFFIXES — SUNAM 



1880 



SUFFIXES, terme grammatical par lequel on dési- 
gne les particules qui sont placées en hébreu à la fin 
de certains mots. Voir Hébraïque (Langue), t. m, 
col. 473. 

SUFFOCATION (hébreu : mahânag, de Ifânaq, 
« étrangler »), pression qui empêche de respirer et 
amène la mort. — Job, vu, 15, préférerait la suffoca- 
tion à son malheureux état; Septante : « Retire de ma 
vie le souffle; » Vulgate : « Je préfère la pendaison, 
suspendium. » Achitophel s'étrangla lui-même. IIReg., 
xvn, 23. Voir Pendaison, col. 34. Le mauvais serviteur 
étranglait son compagnon pour lui faire rendre ce 
qu'il devait. Matth., xvm, 28. — Le lion étrangle ses 
victimes pour nourrir sa lionne et ses petits. Nah., n, 

12. D'après la Vulgate, David étranglait des lions. I Reg., 
xvn, 35. D'après l'hébreu, il les tuait. Cf. Ezech., xxxvi, 

13. Les pourceaux qui se précipitèrent dans le lac y 
furent étouffés par asphyxie. Marc, v, 13; Luc, vm, 
33. — Par analogie , les plantes sont étouffées quand 
elles manquent d'air. Matth., xm, 7; Marc.,iv, 7; Luc, 
vin, 7. La parole de Dieu est de même étouffée par les 
richesses et les soucis de ce monde. Matth., xm, 22; 
Marc, îv, 19; Luc, vm, 14. — Il était rigoureusement 
défendu aux Israélites de manger du sang. Lev., ni, 
17. Aussi saignaient-ils avec grand soin les animaux 
dont ils devaient manger la chair. L'animal étranglé 
garde tout son sang; sa chair était donc prohibée. Cette 
prohibition fut maintenue par les apôtres, même pour 
les chrétiens qui venaient de la gentilité. Act., xv, 20, 
29; xxi, 25. Elle manque dans plusieurs anciens textes, 
probablement parce qu'elle était équivalemment com- 
prise dans la simple défense du sang. Cf. H. Coppie- 
ters, Le décret des Apôtres, dans la Revue biblique, 
1907, p. 37-40. H. Lesètre. 

SUHAM (hébreu : ëûham; Septante : Eajié), fils de 
Dan, chef de la famille des Suhamites. Nura., xxvi, 42. 

SUHAMITES (hébreu : haS-Sûhamû; Septante : 
à S»[i£t), unique famille danile, descendant de Suham, 
qui se composait de soixante mille quatre cents mem- 
bres, lors du recensement fait par Moïse dans les 
plaines de Moab.Num., xxvi, 42, 43. 

SUHITE (hébreu :has-Siihî; Septante : 4 Sauxîrr,ç), 
qualification ethnique de Baldad, un des trois amis de 
Job, il, 11; vm, 1; xvn, 1; xxv, 1; xlii, 9. Le livre de 
Job, d'après ses indications, fait penser que Baldad 
habitait une région située à l'ouest de l'Euphrate, sur 
les frontières de l'Arabie septentrionale. Les documents 
cunéiformes mentionnent sur la rive droite de l'Eu- 
phrate, au sud de Carchamis., la tribu des Suchi, dont le 
nom est le même que celui de Sûfyi. 

SUICIDE, acte par lequel on se donne la mort à soi- 
même. Quelques cas de suicide sont mentionnés dans 
la Sainte Écriture. Abimélech, atteint à la tête par une 
pierre qu'une femme avait lancée du haut d'une tour, 
ne voulut pas qu'on pût dire : « C'est une femme qui 
l'a tué! » et il se fit transpercer par son écuyer. 
Jud., IX, 53, 54. Saûl, pressé parles Philistins, ordonna 
aussi à son écuyer de le transpercer. Sur le refus de 
celui-ci, Saûl se jeta sur son épée et mourut; l'écuyer 
se donna aussi la mort de la même manière. I Reg., 
xxxi, 3 5. Le traître Achitophel, mécontent qu'Absalom 
ne lui confiât pas le soin de poursuivre David, se retira 
chez lui, donna des ordres à sa maison, puis s'étrangla. 

II Reg., xvn, 23. Zambri, qui fut roi d'Israël à Theras 
pendant sept jours, se voyant assiégé par Amri, mit le 
feu à la maison du roi et s'y fit périr dans les flammes. 

III Reg., xvi, 18. A la suite de sa trahison, Judas, pris 
de désespoir, alla se pendre. Matth., xxvil, 5. « Étant 



tombé en avant, il se rompit par le milieu et toutes ses 
entrailles se répandirent. » Act., i, 18. Ces suicides ont 
pour cause la honte ou le désespoir. Le cas de Samson 
est différent. Il commence par invoquer Jéhovah, puis 
fait écrouler le palais dans lequel il se trouve. Il périt, 
mais trois mille Philistins périssent avec lui. Jud., xvi, 
27-30. Il est clair que Samson a la conscience d'accom- 
plir un acte de légitime vengeance, pour lequel Jého- 
vah ne peut manquer de lui venir en aide. Il n'y a pas 
de suicide dans le fait de courir au-devant de la mort, 
dans une bataille, pour accomplir une action utile, 
comme le fit Éléazar Abaron. I Mach., vi, 43-46. Mais 
voici un vrai suicide, accompli dans des conditions 
atroces et avec un sang-froid extraordinaire, sous 
l'empire de sentiments très honorables. A l'époque des 
Machabées, Razias, appelé le « père des Juifs », pour 
échapper à Nicanor qui a envoyé cinq cents soldats 
pour le prendre, se perce de son épée, ensuite se pré- 
cipite du haut d'une tour, se relève tout ruisselant de 
sang, arrache ses entrailles, les jette à la foule et expire. 
II Mach., xiv, 37-46. Voir Razias, col. 994. L'historien 
sacré raconte ce fait sans l'approuver, mais néanmoins 
avec une sympathique admiration, à cause des senti- 
ments qui animaient Razias. Il est encore raconté que 
Ptolémée Macron s'empoisonna lui-même. II Mach. ,x, 
13. — La loi mosaïque ne prévoit pas le suicide, dont 
la prohibition est certainement comprise dans celle qui 
vise l'homicide. Josèphe, Bell, jud., III, vm, 5, fait à 
ses compatriotes révoltés un long discours contre le 
suicide. H. Lesètre. 

SULAMITE (hébreu : has-Sûlammi{ ; Septante : 
r| SouvajitTiç), nom donné à l'épouse du Cantique des 
Cantiques, d'après l'interprétation la plus générale. 
Cant., vi, 12; vu, 1. Il paraît être la forme féminine 
du nom de Selômôh (Salomon), de même que Salomé 
et Salomith. Quelques interprètes l'ont confondue, mais 
sans raison, avecAbisag (t. i, col. 58), en prenant Sula- 
mite pour Sunamite, parce que Abisag était deSunam. 
Voir Cantique des Cantiques, t. n, col. 185. 

SUNAM (hébreu : Sûnêm ; Septante : Touvân, Swvân, 
Swixiv), ville de la tribu d'Issachar. Jos., xix,18 (Vulgate : 
Sunem). — 1° La forme actuelle de son nom, Soulem, 
remonte à une haute antiquité. Elle est située sur la 
pente sud-ouest du Petit Hermon ou Djebel- ed-Dahy, 
qui déjà du temps de saint Jérôme était connu sous le 
nom d'Hermoniim, par opposition au grand Hermon. 
Soulam ne renferme que quelques centaines d'habi- 
tants, mais le site en est très gracieux. Au milieu du 
village est une fontaine (fig. 420) qui, au moyen d'un 
conduit, arrose des jardins plantés d'orangers, de 
citronniers, de grenadiers et de figuiers. La plupart 
des maisons sont bâties avec de petits matériaux. On 
n'y trouve point d'antiquités. On y montre seulement 
dans une maison une chambre voûtée en plein cintre 
qui, sans remonter très haut, passe pour fort ancienne. 
On donne à cette maison le nom de Beit Soulamiéh 
et l'on y rattache le souvenir d'Elisée et de son hôtesse. 

2° Sous le règne de Saûl, les Philistins, avant de 
livrer la bataille du mont Gelboé, qui devait être fatale au 
roi d'Israël, campèrent à Sunam. I Sam. (Reg.),xxvin, 4. 
— Abisag, que sa beauté fit choisir pour servir David 
devenu vieux, était originaire de Sunam, III Reg., i, 
1-4, et plusieurs commentateurs croient que c'est elle 
qui est nommée dans le Cantique des Cantiques. Voir 
Sulamite. — Elisée, dans ses courses, passa souvent 
par Sunam. Une femme pieuse et riche lui donnait 
l'hospitalité et le logeait dans une chambre haute qu'elle 
avait meublée pour lui d'accord avec son mari : c'est 
celle dont on a conservé le souvenir dans le Beit Sou- 
lamiéh. Le prophète pour récompenser son hospitalité 
obtint de Dieu pour elle un fils, quoiqu'elle fût avancée 



4881 



SUNAM — SUPERSTITION 



1882 



en âge et stérile. Quand ce fils eut grandi, il était allé 
un jour aux champs trouver son père au milieu des 
moissonneurs. 11 y fut frappé d'une insolation et mou- 
rut. Sa mère, pleine de foi, alla aussitôt au mont Car- 
mel, et par ses instances où éclate un admirable 
amour maternel, elle obtint qu'Elisée vint en personne 
à Sunam, où il lui ressuscita son fils, ce que n'avait pu 
faire son serviteur Giézi. IV Reg., IV, 8-37. Des com- 
mentateurs modernes se refusent à placer Sunam au 
Soulam actuel, parce que, disent-ils, Elisée ne devait 
point passer par cet endroit pour aller de Galgala au 
Carmel. Voir Galoala 2, t. m, col. 87. Mais rien ne 
prouve qu'il allât au Carmel par le chemin le plus court, 



naire ou habitant de Sunam. Abisag, III Reg., r, 3, 15; 
II, 17, 21, 22, et l'hôtesse d'Elisée, dont le nom est 
inconnu, sont appelées Sunamites. Voir Abisas, t. n 
col. 58; Sunam, col. 1880. La Sulamite du Cantique 
des Cantiques est ainsi appelée, d'après plusieurs inter- 
prètes, parce qu'elle était de Sunam (Sulam) ou qu'elle 
est la même qu'Abisag. Voir Sulamite, col. 1880. 

SUNEM, orthographe du nom de Sunam dans la 
Vulgate. Jos., xix, 18. Voir Sunam. 

SUNI (hébreu : Sûnî; Septante: 2 o-jvQ, le troisième 
des sept fils de Gad, et petit-fils de Jacob. Il fut père 










- u 



i5*-'^* 







420. — Soulem. Sa fontaine. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



et il pouvait avoir des raisons particulières de passer 
par Sunam, même quand il se rendait au mont Car- 
mel.— Quelque temps après la résurrection du fils delà 
Sunamite, une famine désola le pays. Elle devait alors 
avoir perdu son mari, car il n'en est plus question. 
Sur le conseil d'Elisée, elle partit avec les siens pour 
aller dans le fertile pays des Philistins et pour y atten- 
dre la fin de la disette qui dura sept ans. Quand elle 
revint à Sunam, elle dut recourir au roi d'Israël pour 
rentrer en possession de sa maison et de ses champs. 
Au moment où elle se présenlait à lui, le serviteur 
d'Elisée, Giézi, lui racontait comment son maître avait 
rendu la vie au fils de la Sunamite, et le roi donna aus- 
sitôt l'ordre de 1 ui faire restituer tout ce qui lui apparte- 
nait avec les revenus de ses champs depuis son départ. 
IV Reg., vin, 1-6. Voir V. Guérin, Galilée, 1. 1, p.112-114. 

SUNAMITE (hébreu : has-Sûnnamit [haS-§unna- 
minif, III Reg., il, 22]; Septante : Swiiivitiç), origi- 



de la famille appelée de son nom famille des Sunites. 
Num., xxvi, 15. 

SUNITES (hébreu : haS-Sûnî; Septante : 6 Souvî), 
famille gadite descendant de Suni. Num., xxvi, 15. 

SUPERBI Augustin, de Ferrare, mineur conventuel, 
mort à Ferrare le 9 juillet 1634. On a de lui le Deca- 
chordon scripturale super Canticum Virginia Magni- 
ficat, in-4°, Ferrare, 1620, et des ouvrages historiques, 
entre autres, Apparato degli nomini illustri di Fer- 
rara, Ferrare, 1620, etc. Voir G. Moroni, Dizionario 
di erudizione storico-ecclesiastica, t. xxiv, Venise, 
1844, p. 64, 112. 

SUPERSTITION (grec: 8s«riSaesj.ovta; Vulgate : s.u- 
perstitio), pratique religieuse de légitimité contestable. 
— Saint Paul, après avoir constaté les nombreux 
sanctuaires élevés par les Athéniens dans leur cité, les 



1883 



SUPERSTITION 



SUPPLICE 



1884 



complimente d'être 8eKri8avi|ji.oe<jr&poi, superstitiosio- 
res. Act.,xvn, 22. Il n'entend pas approuver toutes leurs 
manifestations religieuses; mais il se sert d'un terme 
qui marque habituellement le respect pour les dieux, 
bien qu'il comporte parfois un sens défavorable. — Le 
procurateur Festus appelle 8et<rc6ai(iOvîa, superstitio, 
la religion au sujet de laquelle saint Paul a été en dis- 
cussion avec les Juifs. Act., xxv, 19. Un païen ne pou- 
vait pas se servir d'un autre mot. — S'adressant aux 
Colossiens, n, 23, saint Paul fait allusion à certaines 
coutumes humaines qui se recommandent par leur 
ê6e).o6pir]<îxeïa, superstitio. Le terme grec suppose une 
religion qu'on se fait à soi-même, par conséquent une 
vraie superstition. — La superstition proprement dite 
apparaît dans la Sainte Écriture sous différentes formes. 
Voir Amulette, 1. 1, col. 527; Divination, t. n, col. 1443; 
Magie, t. iv, col. 562. H. Lesètre. 

SUPH, nom d'un Lévite et d'un pays. 

1. SUPH (hébreu : Sûf; Septante, Alexandrinus : 
EoiSit), Lévite de la descendance de Caath, ancêtre 
d'Élcana,père de Samuel. ISam. (Reg.), i,l; IPar., vl, 
35 (hébreu, 20). Au f. 26 (hébreu, 11) de I Par., vi, il 
est appelé Sophaï. Voir Sophaï,co1. 1835. 

2. SUPH (hébreu: Sûf; Septante : Sicp), région d'une 
étendue plus ou moins considérable dans laquelle se 
trouvait probablement Ramathaïm-Sophim. Voir 
col. 944. Saûl passa dans cette région, quand il recher- 
chait les ânesses perdues de son père et arrivé là et ne 
les ayant pas trouvées, il se proposait de revenir sur 
ses pas auprès de son père, avant qu'il eût résolu d'aller 
consulter Samuel. I Reg. (Sam.), IX, 5. 11 a été jusqu'à 
présent impossible de déterminer avec quelque préci- 
sion ce qu'était la terre de Suph. 

SUPHA (hébreu : Çôfah; Septante : Swçi), fils 
aîné d'Hélam, I Par., vu, 35 (ou Hotham, jr. 32), de la 
tribu d'Aser. Il eut pour fils Sué, Harnapher, Suai, 
Beri, Jamra, Bosor, Hod, Summa, Salus, Jéthram et 
Bara (J. 37). 

SUPHAM (hébreu : Sefûfâm ; Septante : Swçiv), 
fils de Benjamin et chef de la famille des Suphamites. 
Num.,xxvi, 39. Son véritable nom est incertain. Il est 
appelé Mophim, Gen., xlvi, 21; il semble n'être que 
le petit-fils de Benjamin et donné comme fils de Balé, 
I Par., -vin, 5, sous le nom de Sephuphan, col. 1623. 
Le texte semble avoir souffert. Voir aussi Sépham, 
col. 1613; Mophim, t. îv, col. 1258. Il fut le père de la 
famille des Suphamites. 

SUPHAMITES (hébreu : has-Sûfâmt; Septante : 
ol Ecoqxxvî), famille descendant de Supham. Num., 
xxvi, 39. 

SUPPLICE (Septante : pâdavoç, pa<ravt(7|J.ôç, izaapô:, 
xôXaatç, tmwpt'a, t0|ntavov; Vulgate : supplicium, tor- 
menlum, tortura), châtiment corporel infligé pour une 
faute grave et entraînant souvent la mort. Le bourreau 
qui inflige le supplice s'appelle $aaa.vi<rrr,i, tortor. 
Malth., Ï.VIH, 34. Voir Bourreau, t. i, col. 1895. 

I. Supplices Israélites. — 1» Flagellation. La flagel- 
lation Israélite ne devait jamais être un supplice mor- 
tel; elle l'était souvent chez les Romains. Voir Flagel- 
lation, t. n,col.2281.— 2» Lapidation. C'était chez les 
Israélites le supplice le plus ordinairement infligé pour 
déterminer la mort d'un coupable. Voir Lapidation, 
t. îv, col. 89. — 3° Combustion. On faisait périr par le 
feu la prostituée, du moins avant la loi mosaïque. 
Gen., xxxviii, 24. La Loi condamnait au supplice du 
feu la fille de prêtre qui se prostituait, Lev., xxi, 9, et 



les coupables de l'inceste commis par un homme avec 
la mère et la fille. Lev., xx, 14. On consumait par le 
feu ceux qui avaient été lapidés. Jos., vu, 25. Voir Feu, 
t. il, col. 2225. Les Juifs infligeaient ce supplice de 
deux manières différentes : on enflammait des fagots 
autour du condamné, c'était la « combustion du corps » ; 
ou bien on lui versait du plomb fondu dans la bouche, 
c'était la « combustion de l'âme ». Ce second mode 
était le plus souvent employé. Cf. Iken, Antiquitates 
hebraicse, Brème, 1741, p. 423. — 4" Mort par le glaive 
ou une arme perforante. Exod., xix, 13; xxxii, 27; 
Num., xxv, 7, 8; I Reg., xv, 33; xxn, 18; II Reg., i, 
15; iv, 12; III Reg., n, 25; xix, 1; Jer., xxvi, 23; etc. 
Quelquefois on procédait par le glaive à la décapitation. 
II Reg., xx, 22; Matth., xiv, 8, 10; Act., xn, 2. La 
mort par le glaive était réservée à l'homicide et aux 
habilants d'une ville tombée dans l'idolâtrie. — 
5° Pendaison. Infligée quelquefois comme supplice 
indépendant, elle n'était d'ordinaire que la suite d'un 
autre supplice ayant causé la mort. Voir Pendaison, 
' col. 34. — 6° Strangulation. La Sainte Écriture ne dit 
rien de ce supplice. Mais les docteurs juifs en parlent 
comme du genre de mort le moins pénible. On faisait 
entrer le coupable dans la boue jusqu'aux genoux, et 
deux hommes tiraient de chaque côté les extrémités 
d'un linge passé autour de son cou, jusqu'à ce qu'il 
expirât. La strangulation faisait périr celui qui avait 
frappé son père ou sa mère, celui qui avait mis un 
Israélite en esclavage, le vieillard rebelle aux décisions 
du sanhédrin, le faux prophète, l'adultère, celui qui 
avait commis le mal avec la fille d'un prêtre ou avait 
accusé faussement celle-ci de l'avoir fait. Cf. Sanhé- 
drin, vu, 3; Iken, Ant. hebr., p. 420. — Sur les cas 
qui entraînaient la peine de mort, voir Pénalités, 
col. 131. 

II. Supplices non Israélites. — 1° Crucifixion. 
C'était le supplice infligé par les Romains aux esclaves 
et à ceux qui n'avaient pas le droit de cité. Voir Croix, 
t. n, col. 1127. — 2" Submersion. Exod., I, 22; Matth., 
xviii, 6; Marc, ix, 42. Voir Meule, t. iv, col. 1054. 
Saint Jérôme, In Matth., m, 18, t. xxvi, col. 129, dit 
que ce supplice était en usage chez les anciens Juifs de 
la province. Il n'en est pas fait mention ailleurs que 
dans les deux passages des évangélistes. Le xaraitov- 
ti<t|X(5;, précipitation dans la mer ou les fleuves, était en 
usage chez les Phéniciens, les Syriens, les Grecs et les 
Romains. Chez ces derniers, la submersion était le 
châtiment du parricide. Cf. Cicéron, Pro Rose. ,25; Ad 
Herenn., i, 13.; Juvénal, vm, 204. Plus tard, on reten- 
dit à tous les crimes graves. Cf. Suétone, Octav., 67; 
Quinte-Curce, x, 4; Josèphe, Bell, jud., I, xxh, 2; 
Ant. jud., XIV, xv, 10. — 3° Précipitation du haut 
d'un rocher. II Par., xxv, 12; Ps. cxli(cxl), 6; II Mach., 
vi, 10; Luc, iv, 29. Cf. Suétone, Calig., 27. — 4° Di- 
c/jotomie,supplice qui consistait à couper quelqu'un en 
morceaux. I Reg., xv, 33. Il était en grand usage chez 
les Égyptiens, cf. Hérodote, il, 139; xm, 3, chez les 
Perses, cf. Hérodote, vu, 39; Diodore de Sicile, xvii, 
83, et surtout chez les Babyloniens. Dan., n, 5; m, 96. 
Le prophète Isaïe aurait subi ce supplice sous le roi 
Manassé. Heb., xi, 37. Voir Isaïe, t. m, col. 940. Ptolé- 
mée VIII Lathurus, pendant son expédition en Judée, 
faisait égorger et déchiqueter en morceaux des femmes 
et des enfants, dont ensuite on cuisait les membres 
dans des marmites, afin de faire croire que les soldats 
égyptiens étaient cannibales et d'effrayer par là les popu- 
lations. Josèphe, Ant. jud., XIII, xn, 6.-5° Mutila- 
tion, supplice consistant à couper un ou plusieurs 
membres, à crever les yeux, à déchirer de coups, 
Matth., xxiv, 51; Luc, xn, 46, sans que toujours la 
mort suivit. Voir Mutilation, t. iv, col. 1360. — 6° Bas- 
tonnade. Dans le monde grec, on l'administrait au 
moyen d'un instrument appelé -rûixiravov, «c tambour ». - 



1885 



SUPPLICE 



SUR 



1886 



II Mach., "VI, 19, 28. Ce tambour était vraisemblable- 
ment une sorte de roue qui servait à distendre le corps 
du condamné que l'on voulait bastonner. Voir Baston- 
NAUE, t. i, col. 1501. L'auteur du De Machab., vm, 
faussement attribué à Josèphe, énumère les instruments 
de supplices employés par Antiochus Épiphane : les 
roues, les instruments pour comprimerles articulations, 
les instruments de torsion, les roues d'une autre 
espèce, les entraves, les chaudières, les poêles, les ins- 
truments pour les doigts, les mains de fer, les coins, 
les soufflets à feu. Il est probable que les roues repré- 
sentent ici ce que le texte sacré appelle des tambours, 
Heb., xi, 35 : fTupmavioOriCTiiv, distend sunt, « ils ont 
été distendus ». Cf. Prov., xx, 26. — 7° Fournaise. Le 
supplice de la fournaise ardente, dans lequel on préci- 
pitait le condamné, était commun chez les Babyloniens, 
jer., xxix, 22; Dan., m, 15-23, 46-48. Antiochus Épi- 
phane fit brûler dans une poêle une de ses jeunes vic- 
times. II Mach., vu, 5-6. On peut voir II Mach., vu, 3- 
41, la variété des supplices employés par le persécu- 
teur. Le traitement infligé par David aux Ammonites ne 
comporlait ni une mise au four, ni le supplice des 
scies et des instruments de fer, comme traduisent les 
versions, II Beg., xn, 31, mais une simple réduction 
en esclavage. Voir Four, t. m, col. 2338; Moule a 
briques, t. iv, col. 1328. Le roi Hérode lit périr par le 
feu les principaux de ceux qui avaient abattu l'aigle 
d'or fixé au-dessus de la porte du Temple. Josèphe, 
Bell, jwd., I, xxxiii, 4. — 8° Bêtes. Les Perses livraient 
les condamnes aux bêtes. Dan., VI, 10, 23, 24. 
Saint Paul dit qu'à Éphèse il a eu à combattre les bêtes. 

I Cor., xv, 32. On croit généralement que l'Apôtre 
parle ici au figuré, parce que les citoyens romains 
n'étaient pas livres aux bêtes, et qu'il n'est pas fait 
mention de ce combat dans les Actes, ni dans II Cor., 
xi, 23-28, où saint Paul énumère toutes ses tribulations. 

II emploie d'ailleurs la même figure. II Tim., iv, 17. 
Hérode avait inslitué à Jérusalem même des jeux où 
des hommes combattaient contre les bêtes féroces. 
Josèphe, Ant. jud., XV, vm, 1. Cf. Ad bestias, dans le 
Dict. d'archéol. chrét., t. i, col. 449. — 9° Tour de 
cendres. Il y avait à Bérée une tour de 50 coudées 
remplie de cendres, couronnée d'une machine tour- 
nante au moyen de laquelle on précipitait le condamné 
qui périssait ainsi étouffé dans la cendre sans pouvoir 
s'échapper. Ménélas subit ce supplice. II Mach., xm, 
5-8. Valère Maxime, ix, 2, 6, décrit un édifice à hautes 
murailles rempli de cendres et recouvert d'un plancher; 
on y accueillait aimablement ceux qujon voulait faire 
périr, et, pendant qu'ils dormaient après avoir bu et 
mangé, le plancher s'entr'ouvrait et ils étaient engloutis. 
Les Perses connaissaient aussi_ le supplice de la cendre. 
Ctésias, Persic, 51. — 10° Écrasement. Ce supplice 
était ordinairement infligé aux petits enfants après la 
prise des villes. IV Reg., vm, 12; Is., xm, 16, 18; 
Ose., x, 14; xiv, 1; Nah., m, 10; Ps. cxxxvii (cxxxvi), 
9. — 11° Êventrement. Dans les mêmes circonstances, 
on ouvrait le ventre des femmes enceintes. IV Reg., 
vm, 12; xv, 16; Ose., xiv, 1; Am., i, 13. Ces deux 
derniers supplices sont moins des châtiments, que de 
barbares représailles exercées contre des vaincus. 

H. Lesètre. 
SDR, nom de deux personnages, et aussi, de plus, 
dans la Vulgate, d'un désert et d'une porte du Temple 
de Jérusalem dont le nom en hébreu est différent, 
ainsi que d'une ville dans le texte grec de Judith. 

1. SUR (hébreu :Sûr; Septante : Sovp), chef ma- 
dianite. Il est nommé le troisième des cinq princes 
madianites qui tachèrent d'arrêter la marche des 
Israélites, lorsque ces derniers allaient prendre posses- 
sion de la Terre Promise, et qui appelèrent Balaam à 
leur aide pour les maudire. 11 périt avec le faux pro- 



phète et les autres chefs madianites dans la bataille 
que leur livrèrent les Israélites, après que, sur le con- 
seil perfide de Balaam, les filles des Madianites eurent 
fait pécher les enfants d'Israël. Num., xxxi, 8. Parmi 
les filles madia'nites qui pervertirent les Israélites, le 
texte sacré nomme expressément Cozbi qui séduisit 
Zambri, le chef de la tribu de Siméon : c'était la fille 
de Sur, et elle fut tuée par Phinées, en même temps 
que Zambri. Num., xxv, 15. Le livre de Josué, xm, 21, 
nous apprend que Sur, comme les quatre autres chefs 
de Madian, était soumis à la suprématie de Séhon, roi 
des Amorrhéens. 

2. SUR (hébreu : Sûr; Septante : SoCp), le second 
des fils de Jéhiel ou Abi-Gabaon (voir Abigabaon, t. i, 
col. 47j et de Maacha, de la tribu de Benjamin. I Par., 
vm, 29-30; ix, 35-36. 

3. SUR (hébreu : Sûr; Septante: Soûp), désert à 
l'est de l'Egypte. Les Israélites y entrèrent au sortir du 
passage de la mer Rouge et y marchèrent trois jours 
sans trouver de l'eau jusqu'à Mara. Exod., xv, 22. Les 
Nombres, xxxm, 8, appellent' Étham le désert de Sur. 
Voir Étham 2, t. n, col. 2003. Le mot Sûr signifie en 
araméen « muraille » et beaucoup de commentateurs 
croient que ce nom vient de ce que le Djebel er-Rahah, 
longue chaîne de montagnes qui en forme la frontière 
orientale, a l'aspect d'une muraille. F. W. Holland, The 
Recovery of Jérusalem, p. 527; E. H. Palmer, The 
désert of the Exodus, p. 38. D'après d'autres, le nom 
de Sûr tire son origine des murs ou de la ligne de 
forteresses que les Égyptiens avaient établies à l'est de 
leur pays pour arrêter les invasions des Sémites. Cf. 
H. Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 119, 195. 

Le trait le plus caractéristique du désert de Sur, 
c'est qu'il est « sans eau ». Exod., xv, 22. « La plaine 
nue et stérile, où l'on aperçoit seulement quelques 
herbes et quelques arbrisseaux misérables, des cail- 
loux noircis et du sable, un soleil brûlant, une mono- 
tonie affreuse, l'absence totale d'eau, excepté l'eau 
saumâtre qu'on rencontre dans une demi-douzaine de 
creux sur une superficie de mille milles carrés, tout 
cela ne produit que trop vivement sur le voyageur l'im- 
pression d'un désert sans eau. » H. Sp. Palmer, Sinai, 
p. 189-190. Sa largeur est de quinze à vingt kilomètres. 

Plusieurs savants ont admis l'existence d'une ville 
de Sur, en s'appuyant sur des textes bibliques qui 
manquent de précision et que d'autres commenta- 
teurs expliquent, non sans vraisemblance, du désert de 
Sur. Lorsque Agar, maltraitée par Sara, s'enfuit vers 
l'Egypte, « elle s'arrêta près d'une source d'eau dans le 
désert, qui est sur le chemin de Sur. » Gen., xvi, 7. 
Voir Béer-Lahaï-Roï, t. i, col. 1549. — Abraham 
habita entre Cadès et Sur. Gen., xx, 1. — Les fils 
d'Ismaël « habitèrent depuis Hévila jusqu'à Sur, qui 
est en face de l'Egypte ». Gen., xxv, 18. — « Saûl battit 
Amalec depuis Hévila jusqu'à Sur qui est en face de 
l'Egypte. » I Sam. (Reg.), xv, 7. — « David et ses 
hommes montaient et faisaient des incursions (de 
Siceleg) chez les Gessuriens, les Gerziens et les Ama- 
lëcites, et ces peuples habitaient dès les temps anciens 
la contrée du côté de Sur et jusqu'au pays d'Egypte. » 
I Sam. (Reg.), xxvii, 8. Dans tous ces passages, Sur 
s'entend sans difficulté du désert de Sur, qui s'appelle 
aujourd'hui en arabe el-Djifar. Il résulte clairement 
des indications que nous fournissent les textes bibli- 
ques qui viennent d'être rapportés, que la principale 
route des caravanes qui se rendaient d'Hébron et de 
Bersabée ou du sud de la Palestine en Egypte, passait 
par le désert de Sur. 

4. SUR (hébreu : Sûr; Septante : tû>v o3<Jv), porte 
du temple de Jérusalem, IV Reg., xxm, 6, appelée 



1887 



SUR — SUSANNE 



1888 



Yesôd (Vulgate : Fundamentum). II Par., xxm, 5. On 
a proposé de l'entendre de la porte des chevaux (voir 
Jérusalem, t. in, col. 1365, n. 12), qui est mentionnée 
quelques versets plus loin dans II Par., xxm, 15, en 
lisant Susîm, «. chevaux», au lieu de Sûr ou de Yesôd. 

5. SUR (Septante : Eoûp), ville dont le nom se lit 
seulement dans les Septante, Judith, il, 28. Elle est 
énumérée parmi les villes maritimes de la Palestine 
qui furent saisies d'effroi à l'approche de l'armée 
d'Holoferne. On a proposé de l'identifier avec Dor, voir 
Dor, t. il, col. 1487; avec Sora nommée par Etienne de 
Byzance parmi les villes de Phénicie; avec Sarepta, 
parce qu'elle est nommée entre Tyr et Okina qu'on 
suppose être Accho, mais ce ne sont que des hypothèses 
plus ou moins vraisemblables. 

SURENHUSIUS (SURENHUYS) Willem, hébraï- 
sant hollandais, qui ilorissait à la fin du xvn e siècle et 
au commencement du xviii». Il professa le grec et 
l'hébreu à Amsterdam. On lui doit une œuvre estimée, 
Mischna sive totius Hebrœorum Juris, Rituum, Anti- 
quitatum et Legum Oralium Systema, cum clarissi- 
morum Rabbinorum Maimonidis et Bartenorœ Com- 
mentants integris, 6 parties en 3 volumes in-f°, Ams- 
terdam, 1698-1703. Cet ouvrage est divisé en six parties 
suivant le nombre des sedarim ou sections de la Mi- 
schna. Des 61 traités que renferme la Mischna, 21 avaient 
déjà été traduits. Surenhusius traduisit les 40 autres 
et publia du tout une traduction latine qui accompagne 
le texte hébreu avec des notes. Le P. Souciet fit la 
critique de cette publication. Voir Michaud, Biographie 
universelle, t. XL, p. 451. — On a du même savant mm 
mSD sive B:6).o; KotraXXay^ç in quo secundumVeterum 
Theologorum Hebrseorum formulas allegandi et modos 
interpretandi conciliantur loca ex Velere in Testa- 
mento Novo allegata, in-4°, Amsterdam, 1713, ouvrage 
estimé. 

SURIEL (hébreu : fyûrVêl, « £11 est mon rocher »; 
Septante : Soupir,).), fils d'Abihaiel, chef de la famille 
lévitique de Mérari au temps de l'Exode, Num., m, 35, 
laquelle se partageait en deux branches, les Moholites 
et les Musites, f. 33. Voir t. iv, col. 1188, 1360. 

SURISSADAI (hébreu : $ûrî8addaï, « Saddaï (le 
Tout-Puissant) estmon rocher»; Septante : SoupiuaSac), 
père de Salamiel, de la tribu de Siméon. Num., i, 6. 
Son fils Salamiel était le chef de sa tribu à l'époque de 
l'exode. Num., i, 6; n, 12; vu, 36, 40; x, 19. 

SURPRISE, attaque inattendue. — La surprise est 
souvent employée à la guerre. Ainsi Gédéon surprend 
les Madianitesau milieu de la nuit et les met en déroute. 
Jud., vu, 19-22. Saùl fond sur le camp des Ammonites 
aux dernières heures delanuit. IReg., xi, ll.Jonathas, 
par son initiative hardie, jette la panique dans le camp 
des Philistins. I Reg., xiv, 13-15. David surprend de 
nuit le camp de Saûl. I Reg., xxvi, 7-12. Il tombe sur 
les Amalécites au milieu de leurs réjouissances. I Reg., 
xxx, 16, 17. Achab sort de Saraarie et surprend au 
milieu de leurs festins Bénadad et les Syriens. III Reg., 
xx, 16-20. Plus tard, les Syriens qui assiègent Samarie 
sont pris de panique en s'imaginant que des alliés 
viennent au secours du roi d'Israël. III Reg., vu, 6, 7. 
Les Bédouins du désert surprennent ceux qu'ils veu- 
lent dépouiller. Job, i, 15, 17; II Par., xxi, 16, 17. 
Judas Machabée tombe à l'improviste sur les villes et 
les villages et choisit la nuit pour ses expéditions, afin 
de mieux surprendre les ennemis. II Mach., vm, 6, 7. 
Il prend Bosor par surprise et, à la suite d'une marche 
de nuit, fond sur l'armée de Timothée, qui assiège Da- 
théman, et la met en déroute. I Mach., v, 28-34. Jona- 



thas, avec ses hommes, surprend un cortège de noce et 
massacre tous ceux qui le composent, pour venger son 
frère Jean. IMach., ix, 37-42; etc. — Le voleur, comme 
l'ennemi, procède par surprise. Le Sauveur veut que 
ses disciples se tiennent toujours prêts, car il viendra 
à eux comme un voleur. Matth., xxiv, 42-44; Luc, xn, 
39, 40; I Thés., v, 2, 4. « Si tu ne veilles pas, je vien- 
drai à toi comme un voleur. » Apoc, m, 3; xvi, 15. 

H. Lesêtre. 
SUSA (hébreu : SavSa'; Septante Eoujdc), scribe ou 
secrétaire du roi David. I Par., xvni, 16. Certains com- 
mentateurs croient qu'il est le même que Saraïas, 
II Sam. (Reg.), vm, 17; que Siva, II Sam. (Reg.), xx, 
25, et que Sisa, III Reg., IV, 3. Voir col. 1797. 

SUSAGAZI (hébreu : Sa'asgaz; Septante : Taf), 
eunuque du roi Assuérus, chargé de la garde de ses 
femmes. Esth., n, 14. Cf. Egée, t. n, col. 1599. 

SUSANÉCHÉENS (hébreu : èûSankdyê' ; Septante: 
Soutravocxa'oi), habitants de la ville de Suse et de la 
Susiane qui avaient été transportés en Samarie avec 
d'autres peuplades par Asénaphar (Asaraddon ou Assur- 
banipal), roi d'Assyrie. Ils tentèrent avec d'autres 
déportés d'empêcher les Juits de reconstruire le temple 
de Jérusalem et ils sont nommés dans la lettre que 
Réum-Béeltéem et Samsaï écrivirent à cette occasion 
au roi Artaxercès, I Esd., îv, 9. Voir Suse. 

1. SUSANNE (grec : Souo-àwâ), femme de Joakim, 
qui vivait à Babylone au moment de la captivité des 
Juifs dans cette ville. Son nom vient de l'hébreu Susân, 
« lis ». Diodore de Sicile, n, 6, dit queNinus avait une 
fille appelée Susanne. 

I. Texte. — Son histoire ne se lit point dans la Bible 
hébraïque; elle se trouve dans les Septante et dans la 
version de Théodotion, dans la Vulgate latine, etc. 
Voir Daniel, t. n, col. 1266. Elle a été écrite en hébreu 
ou en araméen, mais le texte original est perdu. Saint 
Jérôme l'a traduite d'après Théodotion, dont le texte 
diffère notablement de celui des Septante. La traduc- 
tion des Septante a même été longtemps perdue et on 
ne la connaît encore aujourd'hui que par un seul ma-- 
nuscrit, le Chisianus, cursif du IX e siècle, coté 87. — 
Dans les éditions grecques, l'histoire de Susanne est 
placée en tête du livre de Daniel; dans notre Vulgate, 
elle y forme le chapitre xm. Dans la version latine pri- 
mitive et dans la version arabe, elle estaussi au com- 
mencement du livre. — Il existe plusieurs versions 
syriaques de l'histoire de Susanne. La version syro- 
hexaplaire est une traduction du texte des Septante. 
On trouve une recension différente, désignée par le 
sigle Wi , dans la Polyglotte de Walton, dans le Codex 
Ambrosianus de Ceriani et dans les Libri Veteris 
Testamenti apocryphi syriace de Paul de Lagarde. 
Dans cette dernière collection, Lagarde reproduit du 
verset 42 et suivants, deux autres recensions différentes, 
Ll, et L2, qui se distinguent entre elles de la précé- 
dente par plusieurs particularités. Une autre version, 
appelée harkléenne, a été aussi publiée par Walton, 
d'où sa désignation par le sigle W2. Voir les versions 
syriaques publiées par Walton, ainsi que la version 
arabe, dans sa Polyglotte, t. iv, Daniel, p. 2-13. 

II. Canonicité. — Elle est admise par l'Église catho- 
lique. Voir Canon, t. n, col. 156. On trouve l'histoire 
de Susanne dans la Bible grecque, et dans la Bible 
syriaque, comme dans la Vulgate. Saint Irénée, Cont. 
hser., IV, xxvi, 3, t. vu, col. 1054, la cite comme Écri- 
ture canonique. De même Tertullien, De corona, iv, 
t. iy,co1. 81. Voir aussi Origène, Epist. ad Africanum, 
9, t. xi, col. 65; cf. les citations de Susanne faites par 
cet auteur, dans Schûrer, Geschichte des jûdischen. 
Volkes, 1886, t. n, p. 717. 



1889 



SUSANNE — SUSE 



1890 



IV. Histoire. — Susanne, fille Ou Juif Helcias, avait 
épousé Joakim, uu des Juifs qui avaient été déportés 
à Babylone au commencement de la captivité. 11 était 
riche et possédait un parc (itapàSsiaoç), dont il laissait 
l'accès libre à ses coreligionnaires. Deux vieillards 
juifs qui rendaient la justice à leurs concitoyens, 
furent séduits, à l'insu l'un de l'autre, par la beauté de 
Susanne, égale à sa piété. S'étant avoué leur coupable 
passion, pendant qu'ils cherchaient à la satisfaire, ils 
surprirent leur victime, au moment où elle était seule 
pour prendre un bain et la menacèrent de l'accuser de 
l'avoir trouvée avec un jeune homme, si elle leur ré- 
sistait. Elle leur résista pour ne pas offenser Dieu, et 
les deux vieillards la calomnièrent devant le peuple 
assemblé, qui, croyant à leur témoignage, se préparait 
à la lapider, lorsque survint le jeune Daniel. 11 proposa 
d'interroger les vieillards, séparément. Sous quel arbre 
as-tu surpris Susanne? demanda-t-il au premier. 'Tub 



croit qu'elle est mentionnée dans des documents 
babyloniens de l'époque de la seconde dynastie de 
la ville d'Ur (2400 ans environ avant J.-C). En 2285 
avant notre ère, Koudour Nankoundi, roi d'Élam, 
emporta la statue de la déesse Nana d'Êrech à Suse, 
comme le raconte Assurbanipal, roi de Ninive, dans 
une de ses inscriptions. Cylindre A, col. vu, lig. 9, 
dans G. Smith, History of Assurbanipal, 1871, p. 234. 
Assurbanipal s'empara à son tour de Suse vers 647 
avant J.-C, il y brisa la puissance élamite qui y domi- 
nait alors et rasa la ville jusqu'à ses fondements. Ses 
bas-reliefs nous ont conservé une représentation de 
Suse (fig. 421). On ne sait à quelle époque fut restaurée 
la ville détruite. Xénophon, Cyr., VIN, vi, 22, et Stra- 
bon, XV, m, 2, nous apprennent que Cyrus en fit sa 
capitale. Cf. Hérodote, m, 30, 65, 70. C'est ce qui nous 
explique comment Daniel, vm, 2, eut une de ses visions, 
'hâzôn, à Suse, in Susis Castro, hébreu : SflSan hab 




421. — Ville de Suse. Bas-relief d' Assurbanipal. D'après Layard, Monuments of Nineveh, t. Il, pi. 49. 



ayl'io-j, « sous un lentisque », répondit-il. Voir Len- 
tisque, t. iv, col. 167. — Ayant fait ensuite la même de- 
mande au second, celui-ci répondit : 'IVo itpîvoj, « sous 
une yeuse ». Leur mensonge devint ainsi manifeste, 
par leurs réponses contradictoires, aux yeux de tout le 
peuple, qui lapida sur-le-champ les deux criminels. 
Ainsi fut vengée l'innocence de Susanne. — Jules 
l'Africain tirait du nom des deux arbres et du jeu de 
mots que fit Daniel à leur sujet un argument contre 
l'authenticité d'un original hébreu. Origène répondit 
à ses objections, Epist. ad Africanum, t. xi, col. 61. 
Voir Lentisque, t. iv, col. 167-168. — Cf. les deux textes 
grecs comparés des Septante et de Théodotion dans 
H. B. Swete, The Old Testament in Greek,t.m, 1884, 
p. 576-585. 

2. susanne (grec : Eou<7awi),une des femmes qui 
suivaient Xotre-Seigneur pour le servir dans son mi- 
nistère. Luc, vm, 3. On ne connaît d'elle que son nom. 

SUSE (hébreu : Sûsan; Septante : SoCcra, Sojadtv), 
ville de l'Élam, qui devint, sous la domination perse, 
une des trois capitales des rois Achéménides; ils y 
faisaient leur résidence en hiver. Esther, i, 1. Athé- 
née, xn, 513, dit qu'elle tirait son nom des lis (hébreu : 
Sùsan) qui croissaient en abondance dans son voisinage ; 
mais cette étymologie ne parait pas fondée. 

La ville de Suse est d'une très haute antiquité. On 

DICT. DE LA BIBLE. 



birdh, uù il avait été transporté sans doute en esprit, 
d'une manière extatique, d'après l'explication d'un 
grand nombre d'interprètes, sur le bord du fleuve 
Ulaï. Voir Ulaï. Daniel détermine la partie de la ville 
de Suse où il eut sa vision prophétique, c'est SûSan 
hab-bîrâh, c'est-à-dire l'Acropole de Suse, la demeure 
des rois, que le livre d'Esther désigne de la même 
manière, i, 2, 5; n, 3, 5, 8; m, 15; vm, 14; ix, 6, M, 
12, ainsi que le livre de Néhémie. H Esd., i; 1. la 
Vulgate a traduit dans ce dernier passage, in Susis 
Castro, comme dans Daniel. Cf. I Esd., VI, 2. Dan* 
Esther, elle ne marque pas nettement la distinction de 
la ville et de ¥ Acropole : le texte original qui parle de 
l'Acropole dans les passages cités ci-dessus, parle de la 
ville simplement dite, en tant que distincte de l'Acro- 
pole, Esth., ix, 13,14, 15, 18, et raconte que le massacre 
fait par les Juifs de leurs ennemis la veille dans l'Acro- 
pole, fut continué le lendemain dans la ville même, 
en dehors delà bîrâh. Le traducteur ne s'est pas rendu 
exactement compte, ne connaissant pas les lieux, de la 
distinction qu'il y avait entre la bîrâh, l'Acropole, et la 
ville habitée par le peuple, quoique le texte hébreu 
marque cette distinction avec soin. De la la confusion 
qui existe dans la version grecque et latine et la plupart 
des traductions. Les fouilles de Suse montrent l'exacti- 
tude du langage du texte hébreu d'Esther, ix, 6, 11. 
12-15, qu'il faut traduire ainsi : « Dans l'Acropole de 
Suse, les Juifs tuèrent et firent périr cinq cents hommes 

V. - 60 



1891 



SUSE — SYCOMORE 



1892 



et ils égorgèrent... les dix fils d'Aman... Le jour même, 
le nombre de ceux qui avaient été tués dans l'Acropole 
de Suse fut rapporté au roi. Et le roi dit à la reine 
Esther : Les Juifs ont tué et fait périr cinq cents hom- 
mes et les dix fils d'Aman dans l'Acropole de Suse; 
qu'auront-ils fait dans le reste des provinces du roi? Que 
demandes-tu (encore) et cela te sera accordé? que veux- 
tu encore et ce sera fait? — Et Esther lui dit : Si le roi 
le trouve bon, qu'il soit permis aux Juifs qui sontà Suse 
(dans la ville proprement dite, en dehors de l'Acropole) 
de faire demain (dans la ville) comme aujourd'hui (dans 
l'Acropole) et que les dix fils (déjà morts) d'Aman 
soient pendus à la potence. — Et le roi dit de faire 
ainsi. Et l'édit fut publié (dans la ville de) Suse. On 
pendit les dix fils d'Aman. Et les Juifs qui se trou- 
vaient dans (la ville de) Suse se rassemblèrent le qua- 
torzième jour du mois d'Adar et ils tuèrent dans (la 
ville de) Suse trois cents hommes, mais ils ne mirent 
pas la main au pillage. » 

Suse comprenait donc l'Acropole, où était la résidence 
royale, et la ville proprement dite qui était habitée par 
le peuple. De la ville, il ne reste que des ondulations 
de terrain à peine sensibles. Les édifices qui cou- 
vraient l'Acropole sont ensevelis sous trois monticules 
de terre qui viennent d'êlre explorés en partie par 
M. Dieulafoy et par M. de Morgan. La superficie de 
l'Acropole était considérable: elle mesurait 123 hectares, 
à partir des parements extérieurs des murailles. Les 
ouvrages défensifs couvraient un dixième de son éten- 
due. Elle était complètement séparée de la ville et 
n'avait de communication avec elle qu'au moyen d'un 
pont, situé au sud, à l'entrée du donjon qui défendait, 
à l'angle sud-est, l'habitation royale. Voir le plan de 
l'Acropole de Suse, t. n, fig. 607, col. 1974. A l'angle 
occidental, du côté sud, était la citadelle. Le côté 
oriental était occcupé par les palais où le roi de 
Perse et sa cour résidaient pendant l'hiver. Ces 
palais se composaient de deux groupes principaux 
d'appartements, enfermés chacun dans une enceinte 
spéciale, mais tous compris dans la large ceinture de 
murailles qui enveloppait l'Acropole entière. C'était 
d'abord le palais du roi et ensuite les appartements des 
femmes. Au nord-ouest s'élevait Vapadàna ou salle du 
trône, immense salle hypostyle entourée de jardins, 
appelée bilan dans Esther, i, 5; vie, 7, 8. Tels étaient 
les lieux où se passèrent du temps du roi Assuérus ou 
Xerxèsl 1 "' (435-466 avant J.-C.) les événements racontés 
dans le livre d'Esther. Voir Assuérus 1, t. i, col. 1141. 
Les palais dont les explorateurs français ont exhumé 
les restes et reconstitué le plan ne sont pas les mêmes 
complètement que ceux qui avaient été habités par 
Assuérus et Eslher. Ils avaient été construits par 
Darius et turent brûlés, vers 440 avant J.-C, sous le 
règne d'Artaxerxès I er , tandis que ceux dont on a 
retrouvé les ruines avaient été rebâtis par Artaxerxès II 
Mnémon (405-359); mais il est à croire qu'il avaitrétabli 
les édifices tels à peu prèsqu'ils étaient du temps de ses 
prédécesseurs. — Néhémie, II Esd., I, 1, fut à Suse 
éebanson du roi Artaxerxès I er , ou selon quelques-uns, 
d'Artaxerxès II. Voir Néhémie, t. IV, col. 1565. 

Lorsque Alexandre le Grand, vainqueur du dernier 
roi des Perses, entra dans Suse, il y trouva d'immenses 
richesses dans le trésor royal. Arrien, Exp. Alex., m, 
15. Après sa mort, sous la domination des Séleucides, 
Suse fut remplacée par Babylone et par Séleucie. Elle 
déchut peu à peu et quand le royaume des Sassanides 
eut été conquis par les Arabes, elle fut abandonnée. 
Voir W. K. Loftus, TraveU nnd Researches in Chaldsea 
and Susiana in 1849-1852, in-8°, Londres, 1857; 
Jane Dieulafoy, A Suse. Journal des fouilles, 1884- 
1886, in-4», Paris, 1888; M. Dieulafoy, La Perse, la 
Chaldée, et la Susiane, 1887; Id., L'Acropele de Suse 
d'après les fouilles exécutées en 1884, 1885, 1886, 



in-4«, Paris, 1893; A. Billerbeck, Susa, in-8», Leipzig, 
1893; J. de Morgan, Mission scientifique en Perse, 
4 in-4», Paris, 1894-1896; G. Perrot, Histoire de l'art 
dans l'antiquité, t. v, 1890, p. 756-769. 

SUSI (hébreu : Sûsî; Septante : Soucti'), de la tribu 
de Manassé, père de Gaddi. Celui-ci fut un des douze 
explorateurs envoyés par Moïse en Palestine. Num., xiii, 
•12. Voir Gaddi, t. m, col. 32. 

SUTHALA (hébreu : Sûtélah; Septanle : Sou6a).i, 
-w8a)iâ8, A lexandrinus : ©oytraXi), fils d'Éphraïm et 
petit-fils de Joseph, Num., xxvi, 35, ancêtre de Josué, 
fils de Nun. I Par., vu, 20-27. Il eut pour fils Héran, 
d'après Num., xxvi, 36, et Bared, d'après I Par., vu, 
20. La généalogie de ses descendants est très obscure 
et difficile à expliquer dans I Par., vu, 20-21. Le texte 
paraît tronqué, f. 21. La Vulgate traduit ce verset 
comme si Suthala, fils de Zabad, avait eu pour fils Ézer 
et Élad.Ces deux derniers furent tués par les habitants 
de Geth (les Hévéens, d'après Deut., Il, 23). Éphraïm, 
leur père, les pleura, f. 22. Si la traduction de la 
Vulgate était exacte, Ephraïm aurait vécu encore à la 
huitième génération de ses descendants et serait alors 
devenu père de Beria, f. 23. Mais la paternité de ce 
second Suthala ne repose que sur une traduction 
inexacte. Le texte hébreu contient un membre de 
phrase tronqué : « Ézer et Élad... » La version latine le 
complète en disant, hujus (Suthala) filins Ezer et Elad. 
Elle aurait dû dire filii, au pluriel, puisqu'ils sont 
deux, mais elle a employé le singulier qui se lit pour 
tous les noms précédents des f. 20 et 21. Quoi qu'il 
en soit de ce point, il est certain que le texte actuel 
hébreu ne dit point qu'Ézer et Élad étaient fils de Su- 
thala, et le f. 22 dit au contraire que leur père était 
Éphraïm. Il y a donc quelque altération dans le f. 21. 
Ézer et Élad devaient être frères de Suthala et fils 
d'Éphraïm. Voir Élad et Ézer, t. n, col. 1629, 2163. 
Les Nombres, xxvi, 35, mentionnent expressément 
trois fils d'Éphraïm, mais le second et le troisième 
sont appelés Bêcher et Théhén, et non Élad et Ézer. 
Parmi les commentateurs, les uns admettent deux 
Suthala, croyant que celui du f. 21 de I Par., vu, est 
différent de celui du jr. 20; les autres n'en comptent 
qu'un seul, parce qu'ils pensent que l'expression du 
f. 21, « Suthala, son fils »,' c'est-à-dire fils de Zabad, 
est une altération du texte. D'autres interprètes sup- 
posent que l'Éphraïm du JF. 22 est, non pas le fils de 
Joseph, mais un de ses descendants éloigné. Aucune 
de ces hypothèses n'est complètement satisfaisante ni 
assez bien établie; on n'a pu réussir jusqu'à présent à 
rétablir le texte dans sa pureté primitive, à cause des 
lacunes qui s'y trouvent. 

SUTHALAÏTES (hébreu : has-Sutalhî ; Septante : 
ô SouOaXâv), famille descendant de Suthala, le fils 
aîné d'Éphraïm. Num., xxvi, 35. 

SYCOMORE (hébreu : siqmim, siqmot ; Septante : 
duxdtjiivoi;, et Nouveau Testament : cruxo[iopéa; Vulgate : 
Sycomorus), arbre d'Orient. 

I. Description. — Cet arbre de la Haute-Egypte, cul- 
tivé dans les régions les plus septentrionales, appartient 
au vaste genre des Figuiers. Il en a le fruit, ou mieux 
le réceptacle fructifère en forme de toupie, brièvement 
stipité, légèrement velu, naissant sur de petits rameaux 
tortueux et sans feuilles, insérés eux-mêmes sur le tronc 
ou sur les vieilles branches. Les feuilles sont persis- 
tantes, petiolées, à limbe ovale-cordiforme, obtus et 
entier, glabres, sauf le long des nervures qui sont sail- 
lantes et un peu hérissées. Le Ficus Sycomorus (fig. 422) 
est un bel arbre d'avenue par sa cime formée de branches 
horizontales supportant un épais feuillage. F. Hy. 



1893 



SYCOMORE 



1894 



II. Exégèse. — Le sens du mot hébreu Hqmim est 
parfaitement déterminé : il désigne le sycomore, non 
pas l'espèce d'érable (Acer pseudo-platanus) qu'on 
appelle vulgairement de ce nom, mais le Ficus Sycomo- 
rus. Le nom ne se présente qu'au pluriel dans l'Ancien 
Testament: mais dans la Mischna on le rencontre 
plusieurs fois au singulier, siqnidh; en araméen il se 
di siqmâ' et en syriaque seqmo'. Aquila et Symmaque 



ressemble à la figue; c'est-à-dire le mûrier et le 
sycomore. En effet le sycomore ressemble au figuier par 
le fruit, et il se rapproche du mûrier par la feuille : 
c'est ce qu'exprime la composition de son nom formé 
de o-uxïj, « figue », et de jjiôpoç, « mûrier». 

Cet arbre que les textes bibliques nous montrent dans 
les plaines, sur le bord des chemins, étalant ses larges 
branches au feuillage épais en masses globuleuses 




422. — Le sycomore, en Palestine. D'après une photographie. 



traduisent par <jux6y.opoç. Il est curieux de constater 
que les Septante ne se servent jamais du mot propre 
ouxôiiopor, mais traduisent partout par le mot <7uxâu.t- 
voç, lequel est proprement le nom du Mûrier noir. 




423. — Branche fruitière du sycomore. 

Cependant sous cette dénomination, les traducteurs grecs 
entendaient bien le Sycomore proprement dit. Plusieurs 
auteurs anciens faisaient de même : Strabon, xvii, 3; 
Théophraste, Hist. plant., iv, 11; Diodore de Sicile, i, 
34. Ce dernier distingue deux espèces de (ruxâu.ivoç : 
celle qui produit des mûres, et celle dont le fruit 



incapable de supporter le grand froid, donnant en abon- 
dance un fruit médiocre et un bois de qualité inférieure, 
cet arbre est bien le sycomore. Il était en effet abon- 
damment répandu dans les plaines de la Palestine. Da- , 
vid établit Balanan de Géder comme intendant chargé 
des oliviers et des sycomores de la Séphélah. I Par., 
xxvn, 28. Au temps de Salomon, pour évaluer la quan- 
tité des cèdres importés, on dit qu'ils « sont aussi 
nombreux que les sycomores qui croissent dans la 
Séphélah. » III Reg., x, 27; II Par., i, 15. Le bois de 
sycomore, léger, facile à travailler, servait dans les 
constructions : il passait pour un bois commun en 
regard du cèdre plus beau et incorruptible. <c Les syco- 
mores sont coupés, disait Samarie dans son orgueil, 
Is., ix, 9, nous les remplacerons par des cèdres. » 
Théodoret, dans son commentaire sur Isaïe, ix, 9 
(P. L., t. lxxxi, col. 299), constatait que de son temps 
le sycomore très abondant en Palestine servait à la 
charpente des maisons. Sur le bord des routes, le syco- 
more étale à peu de distance du sol ses longues 
branches touffues : il pouvait fournir à Zachée, 
Luc, xix, 4, une place commode pour contempler 
facilement Jésus à son passage. Assis sur les rameaux 
les plus bas, il pouvait aisément entendre l'invitation 
que lui fit le Sauveur de descendre dans sa maison. La 
figue du sycomore est douce, mais assez fade, aussi est- 
elle peu estimée. Cependant les pauvres s'en nourris- 
saient volontiers; et la récolte est abondante et peut se 
faire 4 ou 5 fois par an. Il devait en être dans la 
Palestine comme pour les fellahs d'Egypte ou de Nubie. 
« Le peuple pour la plus grande partie mange de ces 
fruits et croit se bien régaler quand il a un morceau de 
pain, des figues de sycomore et une cruche d'eau du 
Nil. » Norden, Voyage d'Egypte et de Nubie, in-8» 



1895 



SYCOMORE 



1896 



Paris, 1795, t. i, p. 86. Pour que le fruit mûrisse ou 
soit de meilleure qualité, il faut le piquer ou y faire une 
incision, par laquelle s'écoule un suc laiteux. Cinq ou 
six jours après, la figue est bonne à manger. C'est l'in- 
dustrie qu'aurait exercée Amos selon pi usieurs exégètes : 
« Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète, je suis 
berger et je cultive les sycomores. » Amos, vu, ib.Bôlês 
iiqmim est traduit par les Septante et par certains 
commentateurs dans le sens de piquer les figues. Mais 
d 1 », bâlas, rappelle étroitement le mol arabe balesu, 
éthiopien, balas, qui désigne. la figue de sycomore. 
Bâlas serait un verbe dénominatif, comme le grec 
«ruxâÇeiv (d'Aristophane, De avibus), cueillir des figues. 
Rosenmûller, Prophètes minores, t. n, p. 211; J. Tou- 
zard, Le livre d' Amos, Paris, 1909, in-12, p. 78. Cepen- 
dant la charge de les cueillir devait impliquer les soins 
à donner aux fruits pour en assurer la maturation, et 



G. Maspero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, 
in-8», p. 15, fig. 11, plan d'une maison thébaine avec 
jardin. Voir t. m, col. 1129, fig. 204. « Tu as planté 
autour de ta demeure des sycomores en allées, » dit le 
vieux scribe Khonsouhotpou à son fils Ani, en le félici- 
tant des améliorations faites à son domaine. Papyrus 
■moral de Boulaq. Dans le tombeau du graveur Apouï qui 
vivait du temps de Ramsès II, au cinquième registre on 
voit deux larges sycomores à l'ombre desquels on a 
installé deux chadoufs pour l'arrosage du jardin. 
V. Scheil, Le tombeau d'Apouï, dans Mémoires de la 
Mission du Caire, in-8°, t. v, 1894, p. 607. L'ombrage 
épais des sycomores les faisait estimer dans un pays 
brûlé par les ardeurs du soleil. « Son ombre est fraîche 
et éventée de brise, » est-il dit dans le chant du Syco- 
more. G. Maspero, Études égyptiennes, t. i, fasc. 3, 
p. 226. Respirer le frais à l'ombre de ses sycomores 




42i. — Cueillette des figues de sycomore. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. Il, pi. 53. 



par conséquent le piquage des figues. Cette condition 
est notée par Théophraste, H. N., iv, 2. « Les fruits ne 
peuvent arriver à maturité que quand on y pratique une 
incision; mais cette incision une fois faite ils mûrissent 
en quatre jours. Quand ils ont été enlevés, d'autres 
repoussent à la même place, et cela peut se répéter 
jusqu'à trois fois et davantage même, dit-on, chaque 
année. Cet arbre distille un suc laiteux. » Pline, H. N., 
xni, 14, fait les mêmes observations. 

Si le sycomore était très commun dans la Palestine 
il était plus répandu encore dans la vallée du Nil, 
tellement qu'au temps de l'Ancien Empire, l'Egypte est 
appelée « la terre des sycomores ». Le nom de cet 

arbre revient fréquemment dans les textes : _ 4, 

neh, en copte itoirgi, nouhi, nom dérivé de l'ombre 
fournie par son épais feuillage (neh, « protéger »). 
Il était si commun qu'il devint presque synonyme 
d'arbre en général : ainsi pour désigner des espèces 
exotiques encore peu connues, on se contenlait d'ajouter 
au mot neh une épithète spéciale, par exemple « syco- 
more à encens » pour le Boswellia ou arbre à encens; 
sycomore à résine pour le térébinthe. On ne rencontre 
guère de représentations de jardins dans les tombeaux 
sans y voir figurer des sycomores, parfois très sommai- 
rement dessinés ou sous leur forme schématique. 



passait pour une suprême jouissance. Aussi dans les 
inscriptions funéraires trouve-ton souvent pour le 
mort des souhaits comme celui-ci : « Que je me promène 
au bord de mes étangs, que je me rafraîchisse sous 
mes sycomores. » K. Piehl, Petites notes de critique et 
de philologie, dans Recueil de travaux relatifs à 
l'archéologie égyptienne, t. i, Paris, 1870, p. 197. On 
trouve dans les tombeaux quantité de fragments de cet 
arbre, branches ou feuilles placées près des momies, des 
corbeilles entièrement remplies de ses figues. 

Dès la IV e ou V« dynastie, sur une pierre tombale de 
Gizéh, était représentée la cueillette des fruits du syco- 
more. Lepsius, Denkmàler, Abth. n, pi. 53. Des Égyp- 
tiens, montés sur les branches de l'arbre, en Gueillent 
les figues et les jettent dans des corbeilles sur le sol 
(fig. 424). Dans un tombeau de la VI e dynastie de Sauiet- 
el-Meitin (fig. 425), on voit des manœuvres en train 
d'abattre des sycomores et d'autres débitent le bois qui 
servira sans doute à fabriquer un sarcophage. Lepsius, 
Denkmàler, Abth. il, pi. 111. C'est en effet de préférence 
avec ce bois qu'on fabriquait les cercueils pour les mo- 
mies. Ce bois se prêtait au travail du ciseau : aussi 
trouve-t-on dans les musées bon nombre de statues, de 
meubles, d'objets divers en bois de sycomore. 

On voit par tout ce que nous venons de rapporter 
quelle était en Egypte la place du sycomore. Combien 



1897 



SYCOMORE — SYMMA.QUE 



1898 



la perte de ces arbres, frappés par la gelée, dut être 
sensible, pendant les plaies d'Egypte, aux habitants de 
la vallée du Nil. 

D (Dieu) détruisit leurs vignes par la grêle 
Et leurs sycomores par la gelée. 

Ps. lxxviii, 47 (Vulg. 77). 

Im. Low, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 
1881, p. 386; Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten 
Aegypten, in-8», Leipzig, 1886, p. 288-291; V. Loret, La 
flore pharaonique, in-8», Paris, 1892, p. 46; O.Celsius, 
Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 1748, t. i, p. 310- 
321; H. B. Tristram, Thenatural History oftheBible, 



peu abondante sur les deux rives : on n'y voit que quel- 
ques palmiers et quelques petits jardins. Au contraire, 
vis-à-vis d'Assouan, la petite lie d'Éléphantine, au 
milieu du fleuve, présente une végétation luxuriante. 
Syène formait une frontière très forte pour l'Egypte. 
Le Nil était en cet endroitdifficilem,entnavigable. Aucun 
sentier sur la rive occidentale; sur la rive orientale 
seulement un long et étroit défilé parallèle au fleuve. 
Voir la carte d'Egypte, t. n, fig. 530, col. 1606. 

SYMBOLE, dans les Proverbes, xxm, 21, dantes 
symbola, fait allusion à un usage qui existait chez les 
anciens et qui consistait à apporter chacun, dans les 




425. — Abatage de sycomores. D'après Lepsius, Denkmàler, Abth. n, pi. Ml. 



in-8», Londres, 1889, p. 397-400; Ch. Joret, Les plantes 
dans l'antiquité, in-8», Paris, 1897, p. 81,112; Ch. E. 
Moldenke, Ûeber die in altàgyptischen Texlen erwâhn- 
ten Baume, in-8», Leipzig, 1887, p. 82-86. 

E. Levesque. 

SYÈNE (hébreu : Sevenêh; Septante : Evrivr)), ville 
d'Egypte, située à l'extrémité méridionale du pays. 
Ézéchiella mentionne deux fois, xxix,10; xxx, 6. Dans 
ces deux passages, Syène marque la frontière méridio- 
nale de l'Egypte : « Je ferai de la terre d'Egypte un 
désert et une solitude depuis Migdol jusqu'à Syène et 
aux frontières de l'Ethiopie » (texte hébreu xxix, 10). 
Les Égyptiens « de Migdol à Syène tomberont par l'épée » 
{texte hébreu). Migdol a été pris par la Vulgate comme 
un nom commun et le membre de phrase a été mal 
rendu : « Depuis la tour de Syène [jusqu'aux frontières 
de l'Ethiopie] » Migdol désigne en réalité une place, ainsi 
nommée à cause de la tour ou forteresse qui la défendait 
et qui était située à la frontière septentrionale de l'Egypte, 
•du côté de l'est, par laquelle les envahisseurs pouvaient 
pénétrer dans le pays. Voir JIagdal 2, t. iv, col. 538. 

Syène était située sur la rive orientale du Nil, au- 
dessus de la première cataracte, la frontière méridio- 
nale de l'Egypte, comme l'indique l'expression d'Ezé- 
chiel. Elle survit encore dansl'Assouan actuel. Là, au 
oord, les collines entre lesquelles coule le Nil se rétré- 
cissent des deux côtés et la ville est bâtie contre des 
rochers de calcaire qui s'élèvent au-dessus du granit. 
Au sud d'Assouan les roches de granit forment une 
carrière que le Nil franchit en se précipitant. C'est là 
que se trouve la première cataracte. La végétation est 



repas qui se faisaient en commun, une portion de vin 
ou de viande. Les Septante, J. 20, (ujBI èxTeivou <ru|x6o- 
),aï;, s'expriment d'une façon analogue. Ce mot vient 
de <rj(iëâM.etv et a le sens de collatio, « contribution de 
ce que plusieurs mettent ensemble », et le proverbe 
signifie dans ces versions, que ceux qui passent le temps 
à boire et à manger dans des réunions où l'on met les 
mets en commun se ruineront. Le texte hébreu re- 
commande simplement la tempérance : 

Ne sois pas parmi les buveurs de vin (les ivrognes), 

Parmi ceux qui font des excès de viandes. 

Car le buveur et le gourmand s'appauvrissent. 20-21. 

SYMMAQUE, traducteur de l'Ancien Testament 
en grec, il était Samaritain et florissait, selon l'opinion 
commune, du temps de l'empereur Sévère (193-211). 
Ms r Mercati, L'età di Simmaco interprète e S. Epi- 
phanio, Modène, 1892, le fait vivre sous l'empereur 
Marc-Aurèle (161-180). Mécontent de ses compatriotes, 
il se fit juif et composa en grec une version nouvelle 
de la Bible. Eusèbe, saint Jérôme et la tradition ara- 
méenne font de lui un ébionite. Eusèbe, H. E., vi, 17, 
t. xx, col. 560; Dem. Ev., vm, 1, t. xxn, coi. 582; 
S. Jérôme, Comm. in Hab., m, t. xxv, col. 1326; De 
vir. ill., uv, t. xxm, col. 655; Assemani, Biblioth. 
oriental., t. m, 1, p. 17. La traduction de Symmaque 
se distingue par l'élégance et par la clarté. Il n'en reste 
que fort peu de fragments. — Voir Hody, De Bibliorum 
textibus originalibus, p. 584-589; Symmachus der 
Uebersetzer der Bibel, dans la Jùdische Zeitsehrift,. 
Breslau, 1862, t. i, p. 39-64. F. Vigouroux. 



1899 



SYMPHONIE — SYNAGOGUE 



1900 



SYMPHONIE (chaldéen : sumpônyâ; Septante : 
<7U[i(p<,>v(<x; Vulgate : symphonia), instrument de mu- 
sique. Daniel, m, 5, 15. Au y. 10, nous lisons sifônyâ, 
pour simfônyâ vraisemblablement. Les Sémites ren- 
daient l'u grec par û plus souvent que par î. Le même 
nom est transcrit encore sëfûnyâ dans la Peschitto. 
L'étymologie du nom grec indique.qu'il s'agit de l'accord 
ou de la réunion de plusieurs sons, et l'on peut sans 
difficulté assimiler l'instrument babylonien à celui que 
les Syriens modernes appellent encore sambônià et 
sambônyâ. Voir Musique des Hébreux, t. iv, col. 1353. 
C'est la musette ou cornemuse des Arabes, suqqara et 
ar'ûl (arghoul). Les Italiens la dénomment de même 
zampogna. C'était au moyen âge la cyfoine, cifoine, 
passée sous ce nom d'Orient en Occident, à la suite des 
croisades. Nous l'appelons aujourd'hui musette, corne- 
muse, chevrette, biniou. D'après les auteurs juifs eux- 
mêmes, la sumpônyâ babylonienne n'est autre que la 
tibia utricularis des Romains. Voir Ugolini, Thésaurus, 
t. xxxn, p. 39-42; et, suivant le Talmud, c'est expres- 
sément une « outre à flûtes », D'b>Sn non. Kelim, 20, 2. 

— La tibia utricularis était, comme les modernes cor- 
nemuses et musettes, une outre de peau, àcrxdç, d'où 
àaxaûXriç, « joueur de cornemuse » ; formant un réser- 
voir d'air, propre à alimenter deux ou plusieurs tuyaux 
ie clarinette, hautbois ou flûte proprement dite. Le 
musicien ayant rempli suffisamment son outre d'air, 
est dispensé de l'effort d'un souffle continu, parti- 
culièrement pénible dans le jeu prolongé de la flûte 
double (voir Flûte, t. h, col. 2294), et l'on s'expliquera 
aisément que ces sortes de musettes aient supplanté la 
flûte à plusieurs tuyaux. Dans ces instruments un des 
tuyaux, celui de la main droite, fait le chant mélodique; 
un autre, ou deux autres, guidés par la main gauche, 
bourdons ou cornets, produisent une teneur d'accom- 
pagnement rudimentaire. — La coïncidence des noms 
et la similitude des types d'instruments ne permettent 
pas de nous arrêter aux explications des interprêtes 
qui présentent la symphonie comme un instrument à 
cordes ou à percussion. Un autre instrument à tuyaux 
multiples, la syringe, ou flûte de Pan, répond au nom de 
maêrôgitd plus vraisemblablement qu'à celui de sum- 
pânyâ. Voir Syringe. Enfin, dans saint Luc, XV, 25, 
ff-j|Aipw via n'est plus un instrument de musique, mais 
désigne la réunion des instrumentistes et des chan- 
teurs, dont le a concert » récréait le festin. Ainsi l'ont 
entendu, parmi les anciens, les auteurs de la version 
syriaque : « la voix du chant (ou de la musique) de 
beaucoup », et de la version arabe : « les voix concer- 
tantes et le bruit ». J. Parisot. 

SYNAGOGUE (grec " ouvafwyii; Vulgate : syna- 
goga), lieu de réunion religieuse pour les Juifs. 

1. L'édifice matériel. — 1" Ses noms. — La synago- 
gue est appelée dans la Mischna bêt hak-knêsét, 
« maison d'assemblée ». Berachoth, vu, 3; Terumolh, 
xi, 10; Pesachim, iv, 4; etc. Son nom araméen est bêt 
knUfa' ou simplement knUfa'. Le nom grec a\jvafu>n, 
fréquent dans le Nouveau Testament, se trouve aussi 
dans Josèphe, Ant. jud., XIX, vi, 3; Bell, jud., II, xiv, 
4, 5; VII, m, 3; dans Philon, Quod omn. prob. liber, 
12, édit. Mangey, t. n, p. 458, et fréquemment dans 
les écrits postérieurs et dans les inscriptions. Sur le 
nom de nptxreuxïi, désignant parfois la synagogue, 
Josèphe, Vit., 54, voir Oratoire, t. iv, col. 1850. On 
trouve encore les noms de 3cpo<rsvxTr,ptov, auvafiiyiov, 
diminutifs des précédents, Philon, Vit. Mos., m, 27; 
Leg. ad Caj-, 40, t. n, p. 168, 591, et de daéëateïov, 
« maison du sabbat ». Josèphe, Ant. jud., XVI, vi, 2. 

2» Sa destination. —La synagogue n'était pas, comme 
le Temple, la « maison de la prière s. Matth., xxi, 13; 
Marc, xi, 17; Luc, xrx, 46. Sans doute, la prière n'en 



était pas bannie; mais la synagogue était avant tout 
consacrée à l'enseignement de la Loi. Le législateur, 
écrit Josèphe, Cont. Apion., n, 17, voulant que la Loi 
fût notre règle de vie, « n'a pas cru suffisant pour 
nous de l'entendre une fois, deux fois et plus souvent; 
mais il a ordonné à tous de se réunir chaque sabbat, à 
l'exclusion de toute autre occupation, pour en entendre 
la lecture et nous en pénétrer l'esprit profondément. » 
Nicolas de Damas dit aussi : « Nous consacrons le sep- 
tième jour à l'étude de nos coutumes et de nos lois, 
voulant que, par notre application à les méditer, ainsi 
que toutes les autres, nous arrivions à les suivre pour 
éviter le péché. » Cf. Josèphe, Ant. jud., XVI, il, 4. 
Philon, Vit. Mos., m, 27, Leg. ad Caj., 23, t. n, p. 168, 
568, appelait les synagogues des 8i8a<ixaXEïa, des 
écoles où l'on enseignait la philosophie des ancêtres et 
la manière de pratiquer la vertu. C'est sous cet aspect 
que les synagogues apparaissent dans le Nouveau Tes- 
tament; on y enseigne et on s'y instruit. Matth., iv, 23; 
Marc, î, 21; vi, 2; Luc, iv, 15, 31; vi, 6; xm, 10; 
Joa., vi, 59; xvin, 20. 

3» Son origine. — Les Juifs voisins de l'époque 
évangélique, dans le désir de se rattacher à Moïse lui- 
même, faisaient remonter jusqu'au grand législateur 
l'origine des synagogues. C'est ce que professent Josè- 
phe, dans le passage cité plus haut, et Philon, Vit. 
Mos., ni, 27; De septenai:, 6, t. n, p. 168, 282. Mais 
on ne trouve aucune mention de synagogues avant 
l'exil. Tout au plus cette institution remonte-t-elle à 
cette époque ou à celle d'Esdras. Saint Jacques, à 
l'assemblée de Jérusalem, témoigna que, depuis les 
anciennes générations, on lisait Moïse dans les syna- 
gogues le jour du sabbat. Act., xv, 21. Cette attesta- 
tion suppose une institution déjà ancienne de quelques 
siècles, mais elle n'oblige pas à remonter au delà de 
l'exil. Toujours est-il qu'à l'époque de la prédication 
évangélique, les Apôtres trouvèrent partout des syna- 
gogues établies. Act., xm, 14, 27, 42, 44; xv, 21; xvi, 
13; xvn, 2; xvin, 4. 

4° Son établissement. — Il fallait une synagogue 
dans toute localité ayant une communauté ou assemblée 
de dix Israélites libres et majeurs. Quand les Juifs 
étaient les maîtres dans une localité, le devoir de cons- 
tituer une ou plusieurs synagogues incombait aux 
autorités locales. Dans le cas contraire, les Juifs for- 
maient eux-mêmes une communauté religieuse et 
organisaient leur synagogue. Cf. Nedarim, v, 5; Me- 
gilla,ui, 1. Il est à supposer qu'alors la synagogue avait 
une existence indépendante de l'administration civile, 
tandis que dans les localités où dominaient les Juifs, 
les anciens de la cité devaient être en même temps les 
anciens de la synagogue, au moins quand celle-ci était 
unique. Mais, dans les grandes villes, il pouvait exis- 
ter plusieurs synagogues, quand on disposait des élé- 
ments nécessaires pour constituer plusieurs assemblées 
avec leurs dignitaires. La fondation de synagogues 
distinctes s'imposait quand des Juifs d'origine étran- 
gère se trouvaient en nombre dans une même ville. 
C'est ainsi qu'à Jérusalem, les Affranchis, les Cyrénéens, 
les Alexandrins, les Ciliciens, et les Asiates formaient 
des communautés distinctes ayant chacune leur syna- 
gogue. Act., vi, 9. Des synagogues sont signalées non 
seulement en Palestine, à Nazareth, Matth., xm, 54, 
à Capharnaûm, Matth., xn, 9, mais aussi à l'étranger, 
à Damas, Act., ix, 2, à Salamine, Act., xm, 5, à Anlio- 
che, Act., xm, 14, à Icône, Act., xiv, 1, à Éphèse, 
Act., xvin, 19; xix, 8, à Thessalonique, Act., xvn, 1, à 
Béroé, Act., xvn, 10, à Corinthe, Act, xvm, 4, à 
Alexandrie, à chaque entrée de la ville, Philon, Leg. 
ad Caj., 20, t. n, p. 565, à Rome, où il y en avait plu- 
sieurs, Philon, ibid., 23, t. n, p. 568, et dans beaucoup 
d'autres villes où leur existence est indiquée par des 
inscriptions ou par des ruines. Le nombre de 480 syna- 



1901 



SYNAGOGUE 



1902 



gogues mentionnées à Jérusalem par le Talmud, 1er. 
Megilla, m, 1, f° 73 ci, doit être tenu pour légendaire. 
Le Pèlerin de Bordeaux n'en suppose que sept sur le 
mont Sion. Cf. Tobler, Palsest. descript., 1869, p. 5. 

5° Sa construction. — On trouve encore en Terre 
Sainte des ruines de synagogues pouvant remonter au 
premier ou au second siècle de notre ère (fig. 426). 
Leurs dimensions et leur plan sont naturellement assez 
différents. La grande synagogue d'Alexandrie affectait 
la forme basilicale. Les ruines montrent que presque 
toutes les synagogues étaient orientées du sud au nord, 



de préséance. Cf. Bull, de corresp. hellen., t. x, 1886, 
p. 327-335. Dans les villes qui possédaient plusieurs 
synagogues, chacune d'elles se distinguait par un nom 
emprunté à ceux-qui la fréquentaient, comme à Jéru- 
salem. A Rome, il y avait les synagogues des Auguste- 
siens et des Agrippésiens, esclaves ou affranchis d'Au- 
guste et d'Agrippa, des Campésiens ou voisins du Champ 
de Mars, des Sibourésiens ou habitants du quartier de 
la Subura, desHébreux ou Juifs parlant encore l'hébreu. 
Une synagogue s'appelait « synagogue de l'olivier », 
sans doute à cause d'un emblème. De même, à Sep- 




426. — Restes antiques de la synagogue de Kefr Bir'im. 



l'entrée étant du côté du sud. Leur forme habituelle 
était rectangulaire et souvent deux rangées de colonnes 
divisaient l'édifice en trois nefs. La synagogue de Tell 
Hum, l'ancienne Capharnaùm, avait cinq nefs. La 
façade était percée de trois portes, une grande au milieu 
et deux plus petites latéralement. Quelquefois un por- 
tique ornait cette façade. Le style a son cachet parti- 
culier, bien qu'influencé par l'art gréco-romain; il 
comportait une riche ornementation. Quelquefois des 
particuliers faisaient acte de munificence en cons- 
truisant une synagogue à leurs frais. Tel ce centurion 
qui bâtit la synagogue de Capharnaùm. Luc, vu, 5. 
A Rome, une inscription appelle Vétuna Paula « mère 
des synagogues du Champ de Mars et de Volumnus », 
c'est-à-dire constructrice ou au moins bienfaitrice. Cf. 
Corp. Ins. lai., t. vi, n. 29756. A Phocée, Tation, fille 
de Straton, avait construit à ses frais l'édifice et le 
péribole du parvis, en reconnaissance de quoi la syna- 
gogue lui avait décerné une couronne d'or et un droit 



phoris, il y avait une « synagogue de la vigne ». Jer- 
Nasir, vu, 1, f° 56 a. A Porto, une synagogue des 
Carcarésiens tirait sans doute son nom des calcarien- 
ses, ou fabricants de chaux. Cf. Schûrer, Geschichte des 
jûd. Volkes, t. ni, p. 4446. 

6" Son ameublement. — Le meuble principal d'une 
synagogue était la fêbdh ou coffre qui renfermait les 
rouleaux de la Loi et les autres livres sacrés (fig. 427). 
Megilla, m, 1; Nedarim, v, 5; Taanilh, II, 1, 2; Josè- 
phe, Ant. jud., XVI, vi. 2. Ces rouleaux étaient enve- 
loppés dans des toiles de lin, niitpafrôf, et placés dans 
un étui, fiq. Kilayim, ix, 3; Schabbath, ix, 6; xvi, 1; 
Megilla, m, 1; Kelim, xxvm, 4; Negaim, xi, 11. Un 
voile cachait aux regards le contenu de la têbâh. Au 
milieu de la synagogue, du moins à l'époque du Tal- 
mud, se dressait une estrade sur laquelle on plaçait le 
pupitre ou à'iaXoY»îov pour recevoir les rouleaux et le 
siège destiné à l'orateur. Jer. Megilla, m, 1, f» 73 a. 
La synagogue possédait aussi des lampes, dont l'une 



1903 



SYNAGOGUE 



1904 



était suspendue au plafond et brûlait nuit et jour," 
Terumoth, xi, 10; Pesachim, iv, 4, des ëôfârôt ou 
trompettes pour le jour de la nouvelle année, et des 
fyâsôsrôt ou instruments analogues pour le jour de 
l'Expiation. Bosch haschana, m, rv; Taanith, h, m. 
Lesassistantsprenaient place surdes sièges déterminés. 
Les principaux personnages occupaient ceux qui se 
trouvaient entre la tâbâh et l'estrade, tournant le dos 
à la première et faisant face au peuple. C'étaient là les 
places d'honneur, 7tpMToxaflE3pîa, primas calhedrss, que 
les scribes et les pharisiens aimaient à s'attribuer dans 
les synagogues. Matth., xxm, 6; Marc, xii, 39; Luc, 
xi, 43; xx, 46. Saint Jacques, h, 3, protestait contre ces 
distinctions. Les autres assistants étaient assis entre 
la porte d'entrée et l'estrade, les hommes et les femmes 
séparés les uns des autres. Le placement variait d'ail- 
leurs suivant la disposition des locaux. Dans les gran- 
des synagogues d'Alexandrie, les hommes étaient même 
séparés par professions. Jer. Sukka, v, 1, f° 55 ab. 




427. — Coffre renfermant les rouleaux sacrés. 

Une place à part était parfois ménagée pour un lépreux. 
Negaim, XIII, 12. 

7» Sa dignité. — La synagogue ne servait qu'après 
avoir été consacrée par des prières, que le bâtiment fût 
neuf ou seulement approprié à cet usage. Sa dignité 
était cependant considérée comme inférieure à celle 
de l'école. Aussi pouvait-on convertir une synagogue en 
école, mais non une école en synagogue. Toutefois, 
dans les localités trop pauvres, on pouvait utiliser 
la synagogue pour faire l'école en semaine. Il n'était 
permis de démolir une synagogue que pour des rai- 
sons très graves, et l'emplacement, du moins en Pales- 
tine, demeurait saint. Cet emplacement et les maté- 
riaux provenant de l'édifice ne pouvaient être donnés 
ou vendus qu'avee des clauses restrictives. Megilla, 
m, 3. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 101, 105. 

II. Fonctionnement le la synagogue. — 1» Le per- 
sonnel. — 1. Chaque synagogue avait un chef, le rôS 
hak-kenését, « chef de l'assemblée », Sota, vu, 7, 8, 
appelé en grec kpy >.<rnif u>ia^, archisynagogus. Marc, 
v, 35; Luc, xm, 14; Act., xvm, 8. Ce dignitaire se 
retrouve avec le même nom dans toute la Palestine et, 
en général, dans tout l'empire romain. Les inscriptions 
montrent qu'un même personnage pouvait être à la 
fois chef de la synagogue et ap/uv, ou chef de la com- 
munauté juive; mais souvent l'un était distinct de l'au- 
tre. Le chef de la synagogue, ordinairement choisi parmi 
les anciens de la communauté, avait la haute surveil- 
lance de tout ce qui se rapportait au service religieux. 
Comme il n'existait aucun fonctionnaire spécial pour 
faire les prières, les lectures ou les prédications, c'est 
lui qui désignait dans l'assistance ceux qui devaient 



remplir ces offices. Il veillait au maintien de l'ordre 
dans l'assemblée, Luc, xm, 14, et à l'entretien de l'é- 
difice. Certaines synagogues semblent avoir eu plusieurs 
chefs. Act., xm, 15. — 2. Le collecteur des aumônes, 
gabbd'ê sedâqâh, n'avait point de fonction spécialement 
religieuse à exercer. Mais comme la population se ras- 
semblait à la synagogue, il était naturel qu'on y fit la 
collecte. Déniai, m, 1; Kidduschin, iv, 5. Il fallait être 
à deux pour recueillir les aumônes et à trois pour les 
distribuer. On les acceptait soit en argent, soit en 
nature. Pea, vm, 7; Pesachim, x, 1. — 3. La synago- 
gue avait un serviteur, hazzân hak-kenêsêt, intipizr,/;, 
minister, Luc, rv, 20, qui était chargé de prendre 
soin des livres sacrés, de les présenter au lecteur, Sota, 
vu, 7, 8; Yoma, vu, 1, d'infliger les châtiments aux 
coupables, Makkoth, m, 12, et d'apprendre à lire aux 
enfants. Schabbath, i, 3. — 4. Le seliafr sibbûr ou 
« héraut de l'assemblée » récitait certaines prières au 
nom de la communauté. Berachoth, v, 5; Rosch hatch- 
chana, iv, 9. On a rapproché de ce fonctionnaire 
I' « ange de l'église », Apoc, i, 20; n, 1; etc., qui serait 
plutôt figuré par le chef de la synagogue. — 5. Les 
« dix oisifs », 'âsârâh batlânîn, étaient des hommes 
qui, dans les grandes villes, recevaient un salaire pour 
assister à toutes les réunions de la synagogue, afin 
qu'on y fût toujours en .nombre suffisant. Megilla, i, 
3; Jer. Megilla, i, 6, 70 b; Bab. Megilla, 5 a; Sanhé- 
drin, 17 b; etc. 

2° Ordre des réunions. — Les réunions de la syna- 
gogue se composaient régulièrement des exercices sui- 
vants : 1. La récitation du Schéma et du Schmoné-Esré. 
^ir Prière, col. 671. Le chef annonçait la prière 
par la formule bârkû 'et (Yehôvâh), «bénissez (Jého- 
vah) », dont le nom était prononcé autrement (Élohim). ■ 
Berachoth, vu, 3. Voir Jéhovah, t. m, cot. 1223. Pen- 
dant la récitation de ces formules, on se tenait debout 
et le visage tourné du côté de Jérusalem. Matth., VI, 5; 
Marc, xi, 25; Luc, xvm, 11 ; Berachoth, v, 1 ; Taanith, 
n, 2; Ezech., vm, 16; III Reg., vin, 48; Dan., vi, 11; 
Berachoth, rv, 5, 6. La prière était récitée par celui des 
assistants qu'avait désigné le chef de la synagogue, et 
l'assemblée répondait 'dmên. Berachoth, v, 4; vm, 8; 
Taanith, II, 5; 1 Cor., XIV, 16. — 2. La lecture du 
texte sacré. Voir Lecteur, t. iv, col. 146. Le hazzdn 
remettait le rouleau sacré à celui qu'avait désigné le 
chef de la synagogue. On lisait debout, Luc, iv, 16; 
Yoma, vu, 1; Sota, vu, 7, sauf pour la lecture d'Esther, 
à la fête des Phurim, où il était permis de s'asseoir. 
Megilla, iv, 1. On lisait d'abord un morceau de la Loi. 
Sept lecteurs au moins devaientse succéder, le premier 
commençant par une formule de bénédiction et le der- 
nier terminant par une formule semblable. Chacun 
devait lire trois versets ou plus. Megilla, iv, 2, 4. Chez 
les Juifs de la dispersion, le même lecteur lisait le 
morceau tout entier. Jer. Megilla, iv, 3, f" 75 a. On 
lisait ensuite un passage des prophètes, Luc, iv, 17; 
Act., xm, 15; Megilla, iv, 1-5, sans qu'il fût nécessaire 
de suivre ce qui avait été lu précédemment, le lecteur 
pouvant faire son choix. Megilla, iv, 4. Dans les pays 
où l'hébreu n'était plus compris du peuple, un traduc- 
teur, melûrgemdn, mettait le texte en langue vulgaire 
à la suite de chaque verset pour la Loi, et tous les 
trois versets pour les prophètes. Megilla, iv, 4, 6, 
10. — 3. La prédication. Le chef de la synagogue appe- 
lait à cetie fonction celui qu'il savait capable de la 
remplir. Celui-ci s'asseyait, Luc.iv, 20, et développait, 
en vue de l'utilité pratique, le passage qui venait 
d'être In. C'est ainsi que le Sauveur put prendre la 
parole dans les synagogues. Matth., iv, 23; Marc, i, 
21 ; vi, 2; Luc, iv, 15; vi, 6; xm, 10; Joa., vi, 59; xvm, 
20. — 4. La bénédiction. Elle était donnée par un 
prêtre faisant partie de la réunion, ou à son défaut par 
le Seliah sibbûr, et tous répondaient 'dmên. Berachoth, 



1905 



SYNAGOGUE — SYRACUSE 



1906 



v, 4; Megilla, iv, 3, 5-7; Sota, vu, 6. — Sur les réu- 
nions de la synagogue, on peut voir les descriptions de 
Philon, De septenar., 6; Hypoth., I, t. n, p. 282, 630. 

3» Époque des réunions. — Une première réunion 
avait lieu le matin du sabbat dans l'ordre précédemment 
décrit. Une seconde réunion se tenait l'après-midi du 
même jour, mais on n'y lisait que la Loi et trois lecteurs 
seulement se succédaient. Megilla, m, 6; iv, 1. On se 
réunissait encore en semaine, le lundi et le jeudi, et à 
la néoménie; ce dernier jour, on se contentait de 
quatre lecteurs. Megilla, iv, 2. Tous les jours de fête 
avaient aussi leurs réunions, avec des lectures assignées 
d'avance. Megilla, m, 5, 6. On pouvait même venir à 
la synagogue tous les jours pour prier en commun. Il 
ne parait pas que l'assistance aux séances ait été obli- 
gatoire, surtout les jours de la semaine ; sinon, il n'eût 
pas été nécessaire de recourir à l'institution des « dix 
oisifs ». — On se rendait aussi à la synagogue pour 
circoncire les enfants. Voir Circoncision, t. n, col. 776. 

4° Juridiction de la synagogue. — On voit qu'après 
le retour de la captivité, on retranchait de l'assemblée 
ceux qui n'obéissaient pas aux ordres émanés de l'auto- 
rité. I Esd., x, 8. A l'époque évangélique, ce pouvoir 
d'exclusion était exercé dans chaque synagogue, non par 
le chef seul, mais par le conseil des anciens, et spé- 
cialement par ceux qui prenaient de plus en plus d'in- 
fluence sur la direction morale du peuple, ies scribes. 
Moed katan, m, 1, 2. On prononçait contre certains 
membres de la communauté, soit le niddây, ou exclu- 
sion temporaire, soit le hêrém, anathème ou retran- 
chement définitif de la communauté. Voir Anathème, 
t. i, col. 5i8. Les évangélistes font plusieurs fois allu- 
sion à ces sortes de sentences. La synagogue pouvait 
àcpopïÇeiv, separare, mettre de côté. Luc, vi, 22. On 
était alors àTtoo'jvâfwTo;, extra synagogam , hors de la 
synagogue. Joa., ix, 22; xn, 42; xvi, 2. La Mischna ne 
fait ordinairement allusion qu'à l'exclusion temporaire. 
Taanith, ni, 8; Eduyoth, v, 6: Middotli, n, 2. Quand 
l'Evangile fut prêché, les Juifs, dans leurs synagogues, 
prononcèrent l'anathème contre les chrétiens en géné- 
ral, mais sans pouvoir donner aucune suite à leur sen- 
tence. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryph., 16, t. VI, 
col. 512. 

5° Les synagogue^ et la prédication évangélique. — 
On voit que les synagogues exerçaient sur la vie reli- 
gieuse d'Israël une influence beaucoup plus pratique 
et efficace que le Temple. Le Temple était le centre 
unique du ritualisme mosaïque. Mais l'enseignement, 
c'est-à-dire la formation de la conscience religieuse, se 
donnait dans les synagogues. Cet enseignement attei- 
gnait tous les Juifs, jusque dans les moindres centres, 
en Palestine et à l'étranger; il créait et entretenait 
entre tous les Israélites du monde une communauté de 
foi, d'espérances et de vie qui constitua le vrai lien de 
la nationalité juive et survécut à la destruction du 
Temple. Comme la parole était accordée, dans les 
synagogues, à quiconque pouvait la prendre honora- 
blement, les Apôtres et les autres prédicateurs évan- 
géliques d'origine juive, trouvèrent dans chacune d'entre 
elles une chaire et un auditoire tout préparés. Il y eut 
là un moyen disposé par la Providence pour frayer la 
voie à lévangélisation. Sans doute, les synagogues 
devinrent souvent des foyers d'opposition très vive con- 
tre le christianisme. Saint Jean donne à plusieurs 
d'entre elles le nom de « synagogue de Satan ». Apoc, 
n, 9; m, 9. Mais il y avait toujours un certain nombre 
de leurs membres qui se convertissaient à la foi nou- 
velle et qui, par leurs relations, contribuaient à la 
répandre parmi les gentils. C'est aussi aux synagogues 
que l'Eglise emprunta la forme de ses communautés. 
Les « presbytres » ou prêtres correspondaient aux 
« anciens » de la synagogue. Excommuniés par les chefs 



groupe nouveau, schismatique par rapport à l'ancien, 
avec ses réunions à part, son esprit, sa doctrine, ses 
directeurs spéciaux. Ainsi se fonda la chréti enté locale, 
la corporation des fidèles de Jésus-Christ, l'église. » 
Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, 
p. 6. Les emprunts faits à la liturgie de la synagogue 
furent encore plus marquants. L'église adopta les 
lectures, les chants, les homélies et les prières de la 
synagogue, n'y ajoutant que les textes du Nouveau 
Testament et spécialement de l'jivangile. Les syna- 
gogues avaient dû réserver au Temple l'offrande du 
sacrifice. L'Église, qui ne pouvait se passer de cet élé- 
ment essentiel, se contenta de le faire succéder, dans 
ses réunions, au service emprunté à la synagogue. Cf. 
Duchesne, ibid., p. 46-49. — Voir Jlaimonide, Hilchoth 
Te/ihilla, 1™ part., p. 257-341, Saint-Pétersbourg, 1850- 
1852; Vitringa, De synagoga vetere, Franecker, 1696; 
Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 64-71; 
S. J. Cohen, Hist.-kritische Darslellung des jûdisch. 
Gottesdienles, Leipzig, 1819; Fretté, Les synagogues, 
dans la Revue biblique, 1892, p. 137-147; Schûrer, 
Gesch. des judisch. Volkes, Leipzig, 1898, t. n, p. 427- 
459. H. Lesêtre. 

SYNTIQUE (grec : Suvrûxi). femme de l'Église de 
Philippes. Phil., îv, 2-3. Elle avait aidé saint Paul avec 
Évodie (voir Évowe, t. h, col. 2131) dans son œuvre 
d'évangclisation à Philippes, mais un désaccord était 
survenu entre elles. L'Apôtre leur recommande la 
concorde et prie un chr'étien de Philippes (qu'il appelle 
Synzigue, germane compar, voir SynziGUE) de tra- 
vailler à leur réconciliation. On ignore en quoi con- 
sistaient leurs divisions. 

SYNZIGUE, SYZIGUE (grec : S^u-fo:, Svî;-jy°«), 
nom propre d'homme, Phil., îv, 3, d'après certains 
commentateurs. Pour la plupart, c'est un nom com- 
mun, qui signifie littéralement « compagnon de joug » 
et, dans un sens général « compagnon, camarade ». 
D'après quelques-uns, il signifie « époux », et dé- 
signe le mari d'Évodie ou de Syntique. D'autres, qui 
prennent le mot grec dans le sens de collaborateur, 
l'entendent du chef actuel de l'Église de Philippes. Il y 
en a qui ont imaginé que Syzigue était un nom de 
femme et celui de la femme de saint Paul. Clément 
d'Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., m, 30, t. xx, col. 277. 
Mais la tradition chrétienne, s'appuyant sur les paroles 
mêmes de saint Paul, admet généralement qu'il ne fut 
jamais marié. I Cor., vu, 7-8. De plus, l'épilhète fVT,(jie 
qui accompagne le nom de Syzigue est masculin. 

SYRACUSE (grec : SupaxoOaai), ville de Sicile, 
Act., xxvin, 12 (fig. 428). — 1» Description. — Syracuse 
était bâtie vers le milieu de la côte orientale de la 
Sicile, au sud de Catane et au nord du cap Pachinum. 
A l'époque de sa plus grande prospérité, elle atteignait, 
comme on le voit par les ruines de ses murs d'enceinte, • 
non seulement 180 stades de circonférence, c'est-à-dire 
environ 25 kilomètres, comme le dit Strabon, VI, n, 4, 
mais jusqu'à33 kilomètres, de sorte queson étendue éga- 
lait presque celle du Paris actuel. Fondée d'abord dans 
l'îlot d'Ortygie, à l'est, elle ne tarda pas à déborder sur 
la grande île sicilienne, dont cet îlot, appelé aussi Nêsos, 
ou Xasos en dorien, 1' « lie » par antonomase, n'était sé- 
paré que par un canal étroit. Cf. Tite-Live, XXV, xxiv, 30. 
Peu à peu, quatre quartiers considérables se formèrent 
à l'ouest et au nord-ouest d'Ortygie : 1' « Achradine », 
au centre, sur le bord de la mer, avec l'agora, le temple 
de Zeus et d'autres édifices aussi riches que nombreux ; 
« Tyché » au nord, quartier ainsi nommé en l'honneur 
de la déesse de la Fortune ; « Néapolis » au sud, avec un 
théâtre gigantesque et le temple de Cérès; « Epipolœ » 
au nord-est de Néapolis, à l'est de Tyché. Dans la ban- 



1907 



SYRACUSE — SYRIAQUE (LANGUE) 



1908 



lieue méridionale coulait, parmi des terrains très maré- 
cageux, l'Anapos, qui recevait les eaux de la célèbre 
fontaine de Cyane ou d'Arélhuse. Strabon, VI, il, 4; 
Pausanias, V,vn, 2-4. Au nord d'Ortygie était le « petit 
port», nommé Lakkios, assez profond pour recevoir les 
navires de guerre. Entre la pointe sud-estd'Ortygie et le 
cap Plammyrion, se trouvait le «grand port », appelé 
encore aujourd'hui Porto Maggiore. Il avait une super- 
ficie de 232 hectares el pouvait contenir toutes les flottes 
de l'ancien monde; en temps de guerre, on en fermait 
l'accès avec d'énormes chaînes de fer. Strabon, loc. cit. 
Ortygie fut mise en communication avec les quartiers 
de l'ouest par une digue de pierre, puis par un pont. 
On a évalué la population de l'ancienne Syracuse à 
500000 habitants; quelques auteurs ne reculent même 
pas devant le chiffre d'un million, 

2° Histoire de Syracuse. — Cette grande cité avait 
eu des commencements très modestes. Elle ne fut 
d'abord qu'une petite colonie phénicienne ; en 734 avant 
J.-C, d'autres colons, venus de Corinthe, expulsèrent 
les premiers fondateurs. Strabon, VI, 1, 12, et il, 4. En 




- Monnaie de Syracuse. 
LÏPAKOEIQN. Tête de Proserpine à gauche, couronnée d'épis. 
— R). Torche dans une couronne de lauriers. 

grandissant, elle changea son premier nom d'Ortygie 
en celui de Syracuse, qui provenait de la vallée maré- 
cageuse, nommée Syrako, dont il a été question plus 
haut. Elle fut pendant assez longtemps le théâtre de 
luttes intestines, qui renaissaient constamment entre 
une démocratie turbulente et le parti aristocratique. 
Les aristocrates possédèrent d'abord le pouvoir; mais, 
renversés par la faction ennemie, ils appelèrent à leur 
secours Gélon, « tyran », c'est-à-dire prince de Gela, 
qui, après les avoir rétablis, travailla pour son propre 
compte et s'empara de l'autorité (485 avant J.-C). Son 
administration fut avantageuse pour la cité, qu'il sut 
rendre très florissante, à tel point, que la plupart des 
villes siciliennes durent bientôt subir son influence. 
En 480, Gélon remporta une brillante victoire navale 
sur les Carthaginois, qui avaient déjà des visées sur la 
Sicile. A Gélon succédèrent ses frères Hiéron I« (476- 
467) el Thrasybule; mais celui-ci fut renversé l'année 
même où il entra au pouvoir, et la constitution rede- 
vint démocratique. En 415, plusieurs villes de Sicile qui 
dépendaient de Syracuse voulurent secouer son joug, 
et elles implorèrent le concours des Athéniens. Athènes 
envoya une flotte considérable, qui, après s'être emparée 
d'ÉpipoIse (414), fut ensuite totalement battue (413) : 
7000 Athéniens furent faits prisonniers, et périrent 
presque tous misérablement dans les « latomies » (car- 
rières) où on lesavait jetés. A la suite d'autres querelles 
intestines, les Syracusains confièrent le pouvoir au chef 
de l'armée, Denys I er ; celui-ci se proclama « tyran » 
(405), et combattit avantageusement contre les Cartha- 
ginois, qui voulaient s'emparer de la partie occidentale 
de la Sicile (397). C'est à lui qu'est due la construction 
du mur d'enceinte. En 277, menacés de nouveau par 
Carthage, les Syracusains firent venir Pyrrhus, qui 
guerroyait alors en Italie ; il repartit en 276. L'année 
suivante, ils élurent comme général, et plus tard comme 
roi (369), Hiéron II, qui, durant les deux premières 
guerres puniques, se fit l'allié fidèle des Romains. 



Son fils et successeur Hiéronymos (216) prit au contraire 
le parti des Carthaginois (214) : décision funeste, qui 
amena la perte de Syracuse. En effet, attaquée, cernée et 
affamée par le général romain Marcellus, elle fut prise 
en 212, malgré la défense vigoureuse et habile que diri- 
geait l'illustre Archimède. Dès lors elle appartint à la 
province romaine de Sicile et déclina rapidement. Sous 
la domination romaine, elle fut la résidence du préteur, 
et, à ce titre, le siège de l'administration de la province 
entière. Elle était aussi le centre d'un conventus judi- 
ciaire. Elle conserva pendant assez longtemps de l'im- 
portance sous le rapport de la navigation. Les vaisseaux 
qui allaient d'Egypte à Rome, chargés de blé, y faisaient 
escale et renouvelaient leur provision d'eau à la fon- 
taine d'Arétuse. Cicéron, In Verr., iv, 52-53, mentionne 
Syracuse comme une ville belle encore de son temps. 
Cf. Tusc,, v, 10; De Republ., i, 21. Auguste y envoya 
une colonie militaire. Strabon, VI, H, 4; Pline, H. N., 
m, 14; Ptolémèe, III, iv, 9. Caligula releva en partie 
ses murs et ses monuments. Suétone, Caius, xxi. Depuis 
cette époque, Syracuse partagea d'une manière géné- 
rale les destinées de la Sicile. 

3° Syracuse dans la Bible. — Il n'est question de 
Syracuse qu'au livre des Actes, xxvui, 12, à l'occasion 
du premier voyage de saint Paul à Rome. Le navire qui 
transportait l'apôtre de l'île de Malte à Pouzzoles, y 
toucha et y demeura trois jours à l'ancre, attendant 
sans doute un vent favorable pour se diriger versRhé- 
gium. Une église qui est dédiée à saint Paul conserve 
le souvenir de son passage. — Voir Bonanni,Ze antiche 
Siracuse, 2 in-f°, Palerme, 1717; J. G. Seume, Spa- 
ziergang nach Syrakus, in-8°, Brunswick, 1802; 2 e éd. 
en 1805; Goller,DesitM et origine Syracusarum , in-8», 
Leipzig, 1818; Privitella, Storia di Siracusa antica e 
moderna, 2 in-8°, Naples, 1870; la Rèmische Quartal 
schrift fur christliches Allertum,Rome, 1896, p. 1-59 
V. Strazzulla, Muséum epigraphicum, seu inscriptio- 
num chris tianarum quse in Syracusanis catacumbis 
repertœ suni corpusculum, in-4», Palerme, 1897 

L. Filuon. 

SYRIAQUE (LANGUE). Les Septante et la Vul- 
gate identifient avec raison les langues araméenne et 
syriaque : ils traduisent « Parle en araméen »,IVReg., 
xviii, 26; Is., xxxvi, 11, par : «. Parle en syriaque ». Il 
en est de même dans I Esdras, iv, 7, et Daniel, H, 4. La 
« langue de Syrie » mentionnée II Mach., xv, 37, dans 
laquelle Adar est le douzième mois (voir le grec), est 
encore la langue araméenne, car les Syriens comptaient 
déjà l'année à partir d'octobre, et Adar était pour eux 
le sixième mois. L'arainéen semble en effet avoir sup- 
planté tous les autres idiomes en Syrie et en Mésopo- 
tamie, longtemps avant la captivité. Après la captivité, 
il envahit même la Palestine. Le Christ et les Apôtres 
en ont parlé un dialecte, le latin n'a eu aucune influence 
sur lui, le grec l'a influencé, mais l'arabe seul l'a sup- 
planté. Excepté dans quelques cantons de la Perse et 
de l'est de la Turquie et dans quelques villages du 
Liban ou du Malabar (néo-syriaque) et de la Palestine 
(samaritain), l'araméen n'estplus qu'une langue morte. 
Au sens large, le mot syriaque peut donc être pris 
comme synonyme d'araméen, au sens strict, il désigne 
les dialectes araméens, parlés par les chrétiens orien- 
taux. Nous allons donc dire quelques mots seulement 
de l'araméen judaïque et de l'araméen païen pour nous 
arrêter à l'araméen chrétien ou syriaque. 

I. Araméen judaïque. — Il nous est connu d'abord 
par des fragments de Daniel et d'Esdras (chaldéen bi- 
blique) et par quelques inscriptions et papyrus; il évo- 
lue ensuite dans les Targums et dans le Samaritain. 

La Palestine était enserrée au milieu de peuplades 
qui parlaient araméen, car l'inscription syrienne de 
Bar-Hadad (vin" siècle avant notre ère) est écrite en 
cette langue, que parlait aussi la majorité de la popu- 



1909 



SYRIAQUE (LANGUE) - SYRIAQUE (MASSORE) 



1910 



lation de l'Assyrie, H. Pognon, Inscriptions sémitiques, 
Paris, 1908, p. 156-178, il n'est donc pas étonnant 
qu'elle ait été adoptée peu à peu par les Juifs à la place 
de l'hébreu. Le livre d'Esdras, IV, 8-vi, 18, et vu, 12- 
26, cite, sans doute sous leur forme originale, des do- 
cuments chaldêens du V e au vi« siècle avant notre ère. 
Daniel aussi, après avoir rapporté un document ara- 
méen, continue à écrire en cette langue, n, 4-vn ; vm- 
xii. A la même époque appartiennent les papyrus ara- 
méens d'Éléphantine : papiers de famille, lettres des 
Juifs au gouverneur de Judée, histoire et sagesse 
d'Ahikar. Cf. A. H. Sayce et A. E. Cowley, Aramaie 
papyri discovered at Assuan, Londres, 1906; W. Staerk. 
Die jùdisch-aramâischen Papyri von Assuan, in-8», 
Bonn, 1907; E. Sachau, Drei Papyrusurkunden aus 
Elephantine, in-4°, Berlin, 1908 (extrait des Abhandl. 
der kôn. Ak. der Wiss., 1907); F. Nau, Histoire et sa- 
gesse d'Ahikar l'Assyrien, in-8°, Paris, 1909, p. 288- 
291. Quelques mots araméens se lisent aussi dans les 
plus anciens livres de la Bible, par exemple, Gen., 
xxxi, 47, où îgar sahdoutâ est donné comme l'équiva- 
lent (araméen) de l'hébreu Gal'ed. De plus, Jer., x, 11, 
est un verset araméen; et c'est encore par un jeu de 
mots basé sur l'araméen, que M. Nestlé explique xx , 
3, du même prophète. Zeitschrift der deutschen morg. 
Ges., t. lxi (1907), p. 196-197. Le nom donné par Isaïe 
à son fils, vin, 3, serait aussi un nom double hébreu 
et araméen. En dehors des papyrus, inscriptions et 
tablettes à annotations araméenne, les Targums et Tal- 
muds du commencement de notre ère sont les pre- 
miers documents étendus qui nous restent en araméen 
à partir du V e siècle. Voir ces mots. On trouve ensuite 
des midraschim, quelques traductions ou paraphrases 
d'ouvrages deutérocanoniques (Ecclésiastique, Tobie, 
Machabées), des livres liturgiques et les fantaisies de 
la cabbale pour aboutir au Zohar, vers le xiii e siècle. 
Les Talmuds sont moins importants que les Targums 
pour l'étude de l'évolution des dialectes araméens, car 
ils ont été écrits par des savants qui possédaient très 
bien la langue hébraïque, et qui ont d'ailleurs fondu 
ensemble des matériaux de toute provenance. C'est 
surtout cette langue du Talmud qui est désignée sous 
le nom de néo-hébreu. De même le Samaritain, que 
l'on fait figurer parmi les dialectes araméens, est plutôt 
l'hébreu moins pur des tribus du nord de la Palestine, 
altéré encore par l'influence de plus en plus croissante 
des langues araméennes et par le mélange de mots 
non sémitiques apportés par les colons étrangers. Voir 
ce mot. 

II. Araméen païen. — C'est le Nabatéenou Nabuthéen. 
voir ce mot, t. IV, 1444, et le mandéen. Ce dernier est 
un araméen très corrompu qui se rapproche plus du 
syriaque que du chaldéen biblique. Ses caractères 
essentiels sont l'emploi constant des trois lettres quies- 
centes comme voyelles, même comme voyelles brèves, 
la confusion et l'élision fréquente des gutturales, les 
agglutinations des mots, une tendance à n'écrire que 
ce qui est prononcé. Parmi les dialeetes sémitiques 
écrits, le mandéen ou rnandaïte est le plus dégradé. 

III. Araméen chrétien ou syriaque. — Nous nous 
bornerons à quelques indications relatives au dialecte 
édessénien, dont relèvent à peu près tous les ouvrages 
syriaques, jacobites et nestoriens conservés . 

L'araméen était écrit d'abord en caractères phéni- 
ciens, comme l'inscription de Bar-Hadad, ou bien en 
caractères qui se rapprochaient plutôt du nabatéen, 
comme les papyrus d'Éléphantine. Voir Alphabet, t. i, 
col. 407 à 410. L'écriture dérive toujours d'un même 
type, mais diffère donc suivant l'époque et le pays, 
A Édesse même, dès le premiersiècle de notre ère, « l'al- 
phabet ressemble énormément à l'alphabet estranghélo 
de l'époque chrétienne, s H. Pognon, Inscriptions sé- 
mitiques, Paris, 1907, p. 19; quelques lettres sont déjà 



liées, Ibid., pi. xiv. Quelques améliorations condui- 
sirent à l'écriture cursive appelée « écriture de l'Évan- 
gile » ou estranghélo. De celle-ci dérivèrent, dès le 
VI e siècle, un cursif jacobite ou occidental et beaucoup 
plus tard, à partir du XIV e siècle, un cursif nestorien 
ou oriental, qui remplacèrent peu à peu presque com- 
plètement l'estranghélo. Le syro palestinien ressemble 
beaucoup à l'édessénien et a toute chance d'en prove- 
nir, avec quelques modifications, ou locales ou dues à 
l'influence du grec. La plupart des lettres ont quatre 
formes suivant qu'elles sont isolées, finales, initiales 
ou placées entre deux lettres. Nous reproduisons les 
quatre formes du caractère jacobite (appelé aussi le 
trait simple ou simplement le trait, sertà) et la forme 
isolée de l'estranghélo, du nestorien et du syro-palesti- 
nien : 
Les voyelles ne s'écrivaient pas. On y suppléa plus 

tard par un usage plus large des trois consonnes | , -», O, 
par des points placés au-dessus ou au-dessous du mot, 
selon qu'il devait avoir la prononciation forte ou faible, 
et enfin par des signes (voyelles jacobites et voyelles 
nestoriennes), que l'on plaçait au-dessus ou au-dessous 
des consonnes. 

Les pronoms, isolés ou affixes, la formation des 
noms et la conjugaison des verbes offrent de grandes 
analogies avec ce qu'on a vu pour l'hébreu; l'état 
emphatique des noms, qui est propre au syriaque, a 
déjà été signalé, voir Hébreu (Langue), le pluriel se 

u 
forme parfois avec les finales «.J — pour le masculin et 

9 
• — pour le féminin. Le plus souvent le pluriel s'écrit 

comme le singulier, dans ce cas on surmonte le mot 
de deux points appelés riboui. La prononciation diffère 

| ^\ ^' le roi; j a,\ y^ les rois. Pour les autres par- 
ticularités, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 465. 

Bibliographie. — Rubens Duval, Traité de gram- 
maire syriaque, Paris, 1881; Th. Noeldeke, Kurzge- 
fasste syrische Grammatik, 2 e éd., in-8°, Leipzig, 1898, 
avec une table des divers alphabets, par J. Euting; 
E. Nestlé, Brevis linguse syriacse grammatica, littera- 
tura, chrestomathia cum glossario, in-12, Carlsruhe, 
1881, et Syrische Grammatik mit Litleratur, Chresto- 
mathie und Glossar, in-12, 2 e édit., Berlin, 1888; 
C. Brockelmann, Syrische Grammatik mit Paradig- 
men, Literatur, Chrestomathie und Glossar, in-8», 
Berlin, 1905; A. Merx, Grammatica syriaca quam post 
opus Hoffmanni refecil, in-8°, Halle, 1867 ; H. Gismondi, 
Linguse syriacse granim. et chrest. cum glossario, 
2 e édit., Beyrouth, 1900. —Dictionnaires : Payne Smith, 
Thésaurus syriacus, in-f», Oxford, 1868-1901; C. Bro- 
ckelmann, Lexicon syriacum, in-8°, Berlin, 1895; 
P.-J. Brun, Dictionarium syriaco-latinum, in-8°, Bey- 
routh, 1895; R. Duval,i Lexicon syriacum auctore 
Hassano Bar Eahlule, in-4°, Paris, 1901. 

F. Nau. 

SYRIAQUE (MASSORE). L'écriture syriaque 
ne comportait à l'origine que les consonnes sans 
voyelles ni points diacritiques, il devint donc indis- 
pensable, comme chez les Hébreux, d'inventer ces 
voyelles et ces points pour fixer la prononciation et la 
lecture des textes sacrés. Ce travail est désigné chez 

les Jacobites par ] ^ - Q Af. A |/nl<ft\ aV>, » la 
tradition Karkaphienne», que l'on a traduit longtemps 
à tort par « la version Karkaphienne ». 

I. Les auteurs de la massore syrienne. — 1° Leur 
époque. — C'est à l'école d'Édesse, au commencement 
du V e siècle, pour apprendre à leurs disciples à pro- 
noncer exactement les mots, que « les maîtres de lec- 



1 

j Hébreu 

1 


Cursif Jacobite 


Transcriptions 


Estranghelo 


Cursif 
Nestorien 


Syro- 
Palestiiùen 


lettres 
isolées 


finales 


cawMeacm 


1 ofr N 
milieu 


K 


\ 


\ 






<M n'en 


K 


71 


/î 


n 


^D 


v-2 


-2 


-2. 


b.Hi 


^> 


i=L 


J^L 


j 


^ 


^ 


^ 


~\ 


9>9 K 


^ 


\ 


t-s 


i 


• 


r 

• 






d,dh 


^i 


w3 

• 


a 


n 


cri 


CT- 






h 


cra 


OlOl 


JTl 


) 


© 


CL 






W (ou) 


n 


o ! jQ 


t 


i 


> 






z 


t 


\ i 3. 


n 


<AA. 


t AA 


-AA 


■AA. 


h 


JU 


Ju jj Inhuu 


tt 


-i 


»*- 


■i 


•^ 


* 


4 


Ao 


4X 


> 


\Jk. 


U. 


.▲ 


_*. 


y 


j» 


-A. J 


A 


D 


^£> 


-*- 


-O 


-Û. 


kjkh 


n * 


V» 


£l 


h 


\ 


\. 


^ 


X 


1 


i 


^ 


^ 2s, 


û 


5o 


5c 


Se 


Sa 


m 


> 7* 


b 


.1X1 


2 


^ 


^r 


J 


JL 


n 


V^ J 


\ J 


v> 





^r> 


J22 


JZ> 


.22. 


s 


rv-\ 


5b 


sa 


y 


^ 


V 


2» 


i_ 


e 


,^ 


J^ 


^ 


El 


%-9 


w2 


-9 


^. 


PJ* 


^ 


:\ 


S £ 


m 


3 


5 






S 


-^ 


y 


^ 


P 


^-û 


v-Q 


J? 


n 


q 


-O 


_□ 


J=L 


1 


h 


r 






r 


* 

1 


• 


• 


P 


a. 


w4. 


-*. 


-4. 


s,ch 


JC* 


jl 


Y 


in 


d. 


A 






t,th 


o\ 


/v 


2a. 



1913 



SYRIAQUE (MASS.ORE) — SYRIAQUES (VERSIONS] 



1914 



ture » marquèrent soit sur la ligne, soit au-dessus ou 
au-dessous des mots, des points ou groupes de points 
que l'on appelle « des accents » et que l'on divise en 
accents logiques et en accents rhétoriques. Ce travail 
semble avoir été terminé au vm e siècle. 

2» Leurs écoles. — De l'école d'Édesse la massore fut 
transportée à Nisibe à la fin du v e siècle lorsque les 
nestoriens chassés d'Édesse fondèrent une école dans 
cette ville. Au VI e siècle, Joseph d'Ahwaz, professeur à 
l'école de Nisibe, changea la lecture édessénienne, con- 
servée jusque-là, en la lecture orientale que les nesto- 
riens suivirent désormais. Cette modification porta non 
sur les voyelles, mais sur les points qui marquaient 
les différents membres de la phrase. Le système nes- 
torien des points, des voyelles et de l'accentuation, 
fut répandu au VII e siècle chez les monophysites par 
Sabrowai, le fondateur d'une école à Bsit-Schehak près 
•de Nisibe, et par ses fils Ramjésus et Gabriel, moines 
du couvent de Mar Mattai. Jacques d'Edesse (f 708) 
écrivit des traités sur la grammaire et l'orthographe, 
imagina des voyelles qui ne furent d'ailleurs pas adop- 
tées, et, dans sa revision de la Bible, divisa les livres 
bibliques en chapitres et mit en tête de chaque cha- 
pitre un sommaire du contenu; une partie des gloses 
marginales avait pour but d'indiquer la prononcia- 
tion exacte des mois. Tous les travaux précédents 
furent synthétisés par les moines du couvent de Kar- 
kaphta (le crâne), situé près de la ville de Sergiopolis 
ou Reschaina. Aussi les massorètes jacobites sont dési- 
gnés sous le nom de Karkaphiens et leur œuvre porte 
le nom de « Tradition karkaphienne » dans les ma- 
nuscrits de la massore et dans les ouvrages de Bar- 
Hébrseus. 

II. Les manuscrits. — Les principaux manuscrits 
massorétiques sont : le manuscrit 152 du Vatican, ré- 
digé au couvent de Mar Aaron de Chigar l'an 980, ana- 
lysé par Wiseman, Horse Syriacae, Rome, 4828, p. 151 
à 193, le ms. 101 Barberini, daté d'après Wiseman de 
l'an 1093 de notre ère, ibid., 193 à 202; les manuscrits 
de Londres add. 12178 du IX e ou du x e siècle et 
add. 7183, probablement du xn» siècle ; le ms. syriaque 64 
de Paris, du xi e siècle; le ms. 117 du musée Borgia 
conservé maintenant au Vatican, copié sans doute sur 
un ms. de Mossoul daté de l'an 1015; ces manuscrits 
d'ailleurs ne sont pas identiques; ils développent plus 
ou moins et ne commentent pas toujours les mêmes 
passages. Ils se complètent donc mutuellement. La 
massore nestorienne est conservée dans un seul ma- 
nuscrit de Londres, add. 12138, écrit en 899, au cou- 
vent de Mar Gabriel ou des Confesseurs, près deHarran. 

La massore syrienne est tout à fait analogue à la 
massore hébraïque, elle s'est préoccupée de fixer l'or- 
thographe et la prononciation et par suite le sens de 
tous les passages et de tous les mots qui pouvaient être 
ambigus dans la Bible syriaque. Elle est à peu près 
contemporaine de la massore hébraïque qui ne paraît 
cependant pas avoir influé sur elle, car les Syriens 
semblent s'être préoccupés surtout du grec et peu de 
l'hébreu. Il parait cependant peu vraisemblable que 
deux procédés littéraires analogues aient pu coexister 
dans les mêmes régions sans influer l'un sur l'autre. 
Le syriaque a l'avantage d'avoir conservé des textes 
antérieurs à la massore, qui permettent de la complé- 
ter ou même de la rectifier, comme Bar-Hébrasus l'a 
fait souvent. 

Bibliographie. — R. Duval, La littérature sy- 
riaque, Paris, 1907, p. 55-61 ; Nie. Wiseman, Horse 
Syriacse, Rome, 1828; P. Martin, La Massore chez les 
Syriens,dans \eJournal asiatique, VI e série, t. xiv(1869), 
p. 245-378. Lasser Weingarten, Die syrische Massora 
nach Bar Hébrxus, Der Pentateuch, Halle, 1887. 
M. Gustave Dietrich a publié la Massore pour Isaïe, Die 
Massorah der ôstlichen und westlichen Syrer, 



Londres, 1899, et pour le Cantiqne des Cantiques dans 
Zeitschrift fur die altlesl. Wissenschaft, 1902. p. 193. 
Voir encore un spécimen de massore nestorienne et 
jacobite dans Studia biblica, Oxford, 1891, p. 93-100. 

SYRIAQUES (VERSIONS). Nous traiterons des 
diverses versions de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment : La Peschitto, l'hexaplaire, la revision de 
Jacques d'Édesse, Je Diatessaron, l'Évangéliaire de 
Cureton et du Sinaï, la Philoxénienne, l'Héracléenne 
et la version syro-palestinienne. 

I. Versions de l'Ancien Testament. — /. la pes- 
ChlTTO. — Son importance tient aux anciens manuscrits 
qui nous la conservent, pour ainsi dire sans aucune va- 
riante importante, et à son antiquité. — 1" Manuscrits 
principaux. — Le ms. de Londres, add. 14425 , conte- 
nant le Pentateuque, est daté de l'an 464 de notre ère. 
Il est à remarquer que les anciens mss. grecs ne sont 
pas datés et présentent d'ailleurs entre eux de notables 
divergences. On rapporte au vi e siècle les manuscrits 
de Londres add. 14427 (Pentateuque); 17102 (Josué); 
14438 (Juges); 14431 (Samuel); 17104 (Paralipo- 
mènes); 14443 (Job, Proverbes, Ecclésiaste, Sagesse, 
douze petils prophètes); 17108 (Proverbes); 14432 
(Isaïe); 17105 (Jérémie, les deux lettres de Baruch) ; 
47*07 (Ezéchiel); 14445 (Daniel). Quatre autres 
manuscrits sont du VII e au vm e siècle. Voir le mémoire 
de Cériani : Le edizioni e i manoscritti délie vers, 
siriache del Vecchio Testamento, dans les Mémoires 
de l'Institut lombard des sciences et lettres, t. xi (t. H, 
de la III e série). 

2° Livres contenus dans la Peschitto. — Au V e siècle, 
elle comprenait tous les livres proto et deutérocano- 
niques, car on les trouve dans le canon nestorien aussi 
bien que dans le canon jacobite; leur traduction est 
donc antérieure à la séparatiou des deux Églises; il 
semble même que tous les deutéro-canoniques étaient 
traduits dès le commencement du iv e siècle, car 
Aphraate, vers 340, cite la Sagesse, l'Ecclésiastique, le 
second livre des Machabées; il est possible cependant 
qu'il n'ait pas connu les épisodes de Susanne et du 
dragon. Cf. Palrologia Syriaca, t. i, p. xlii. Tous les 
deutérocanoniques sont traduits du grec, hors l'Ecclé- 
siastique qui a été traduit sur l'hébreu. 

3° Éditions. — On trouve le texte de la Peschitto 
dans la Polyglotte de Lejay, Paris, 1629-1645, dans la 
polyglotte de Wallon, Londres, 1654-1657; et dans les 
éditions : de Samuel Lee, Londres, 1823, publiée par 
la société biblique; d'Ourmiah, publiée en 1852 par 
des missionnaires protestants américains; de Mossoul, 
publiée, en 1888, par des dominicains. Les éditions de 
Lee et d'Ourmiah ne renferment pas les livres deutéro- 
canoniques; Paul de'Lagarde a édité ces livres (Ecclé- 
siastique, Sagesse, Tobie, Lettres de Baruch et de Jéré- 
mie, Judith, prière d'Ananias, Bel, le dragon, Susanne, 
I Esdras, trois livres des Machabées), d'après la Poly- 
glotte de Walton et six mss. de Londres, Libri Vete- 
ris Test, apocryphi syriace, Leipzig, 1861. Enfin Céri- 
ani a reproduit un manuscrit jacobite du VI e siècle 
qui contient tout l'Ancien Testament y compris les 
deutérocanoniques : Translatio Syra-Pescitto Veteris 
Test, e codice Ambrosiano sseculi fere VI, photolitho- 
graphice édita, 2 in-f°, Milan, 1876-1883. Parmi les 
éditions partielles, nous allons faire connaître seule- 
ment trois éditions critiques récentes qui nous rensei- 
gnent sur la valeur comparée des éditions et le remar- 
quable état de conservation de la Peschitto dans les 
manuscrits. Dans Ein apparat us criticus zur Pesilto 
zum propheten lesaia (Beihefte zur Zeitschrift fur 
Alttest.. Wiss.), Giessen, 1905, M. G. Dietrich constate 
que la Polyglotte de Lejay reproduit le manuscrit 
sjriaque n° 6 de Paris et ne s'en écarte qu'en sept 
endroits; Walton se borne à reproduire la Polyglotte 



4915 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1916 



de Lejay, il s'en écarte en 28 endroits, mais il y a là 
22 fautes d'impression, cinq modifications purement 
orthographiques, il ne reste donc qu'une amélioration; 
Lee utilise deux manuscrits d'Oxford et deux de Cam- 
bridge et s'écarte en 55 endroits des précédents, mais 
il y a là-dedans huit fautes d'impression, il lui reste 
donc 47 améliorations; les éditions d'Ourmiah et de 
Mossoul utilisent des manuscrits nestoriens et diffèrent 
toutes deux de Lee en 94 endroits (dont sept fautes), 
Ourmiah seul s'écarte de Lee en 25 endroits (dont 
quatre fautes) et Mossoul seul en 31 endroits (dont six 
fautes). Pour le court chapitre xx, M. Dietrich com- 
pare entre eux 5 éditions, 25 manuscrits du VI e au 
xix" siècle et deux commentateurs, et relève seulement 
treize variantes, encore faut-il noter que deux sont des 
modifications d'orthographe, trois sont des interver- 
sions de deux mots successifs, une est une omission 
d'un membre de phrase pour homoiotéleutie, six 
autres sont des fautes propres chacune à un manuscrit : 
omission d'un ou de plusieurs mots, addition d'une 
particule, modification d'une lettre finale, singulier 
pour pluriel. Il reste en somme une seule variante 
intéressante fournie aussi par un seul manuscrit, mais 
qui est ancien. Pour les Paralipomènes, M. W. E. Bar- 
nes a constaté que Walton et Lee ont reproduit la Poly- 
glotte de Paris: ce dernier a introduit six améliora- 
tions et autant de fautes d'impression; enfin Ourmiah 
s'est borné à reproduire Lee en caractères nestoriens. 
Cf. An apparalus criticus to Chronicles in the Pe- 
shitta version, Cambridge, 1897. Le même auteur a 
donné une édition critique du Psautier basée sur onze 
éditions et vingt-huit manuscrits qui sont presque tous 
des manuscrits à usage liturgique ne renfermant que 
les Psaumes et les cantiques liturgiques; ces mss. 
s'échelonnent d'ailleurs du VI e au XVI e siècle et sont de 
provenance jacobite, nestorienne el melkite. Même 
dans des conditions si désavantageuses à la conserva- 
tion du texte, M. Darnes n'a relevé que 29 variantes 
pour les neuf premiers psaumes; encore se trouve-t-il 
sur ce nombre six modifications purement orthogra- 
phiques et cinq fautes évidentes de copiste, ce qui 
réduit le nombre des variantes à moins de vingt pour 
les neuf premiers Psaumes. Cf. The Peshitta Psaller, 
according to the Wesl Syrian text, edited with an appa- 
ratus criticus, by W. E. Barnes, Cambridge, 1904. Ces 
trois éditions critiques — les seules jusqu'ici consacrées 
à l'Ancien Testament — mettent bien en évidence le re- 
marquable état de conservation de la version syriaque : 
les variantes sont peu nombreuses et la plupart sont 
des particularités orthographiques et des fautes de 
scribe. On peut donc utiliser l'une quelconque des 
éditions qui diffèrent si peu, mais de préférence, si 
elle est accessible, la reproduction du Codex Ambro- 
sianus B. M, du vi e siècle, mentionné plus haut. Les 
livres sont disposés dans l'ordre suivant :Pentateuque, 
Job, Josué, Juges, Samuel, Psaumes, Rois, Proverbes, 
Sagesse, Ecclésiaste, Cantique, Isaïe, Jérémie, Lamen- 
tations, Lettre de Jérémie, deux lettres de Baruch, Ézé- 
chiel, les douze petits prophètes, Daniel avec Bel et le 
dragon, Ruth, Susanne, Esther, Judith, Ecclésiastique, 
Paralipomènes, Apocalypse de Baruch, I Esdras (IV des 
Latins), Esdras et Néhémie, cinq livres des Machabées, 
dont le dernier est le livre VI du De Bello judaîco de 
Flavius Josèphe. M. Barnes a montré que ce manuscrit 
est d'accord avec les plus anciens : ceux-ci concordent 
avec l'hébreu plus souvent que les manuscrits mo- 
dernes, car ces derniers ont subi quelques retouches 
d'après le grec. Cf. An Apparatus criticus to Chronicles 
in the Peshitta Version with a discussion of the value 
of the codex Ambrosianus, Cambridge, 1897. 

4" Origine de la Peschitto. — D'après une légende 
syrienne, consignée par Jésudad dans le livre composé 
par lui sur les passages difficiles et sur les mots 



obscurs que l'on rencontre dans la Sainte Ecriture, 
« le Pentateuque, Josué, les Juges, Ruth, Samuel, 
David, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique et Job 
ont été traduits au temps de Salomon à la demande de 
Hiram, roi de Tyr. Le reste de l'Ancien Testament a 
été traduit, avec le Nouveau, à l'époque d'Abgar, roi 
d'Édesse, par les soins d'Addaï et des autres Apôtres. » 
D'autres ont imaginé que l'auteur delà Peschitto est le 
prêtre Asa (ou 'Asiâ) qui avait été envoyé pour cet 
objet à Samarie par le roi d'Assyrie. Cf. P. Martin, 
Introduction à la critique textuelle du Nouveau Tes- 
tament, p. 99; G. Dietrich, lsô'dàdh's Stellung in der 
Auslegungsgeschichle des Alten Testamentes an sei- 
nen Commentaren.., Giessen, 1902. Plus digne d'atten- 
tion est l'opinion de Jacques d'Édesse, d'après qui la 
Peschitto de l'Ancien Testament a été traduite sur 
l'hébreu au temps d'Abgar, P. Martin, loc. cit., p. 101, 
car cette version, écrite dans le dialecte de la Mésopo- 
tamie, doit avoir été faite dans ce pays, tandis que les 
chrétiens de la Syrie proprement dite faisaient usage 
des Septante. L'attribution de cette traduction au temps 
d'Abgar est basée sur la légende d'Addaï, nous retien- 
drons du moins qu'elle a été faite sur l'hébreu, à 
l'usage des chrétiens, probablement vers le commence- 
ment du second siècle. Méliton, évêque de Sardes vers 
170, et plus tard Origène dans les Hexaples, la citent 
sous le nom de à Eûpoç. Quelques-unes de ces particu- 
larités du « syriaque » ne se trouvent plus dans nos 
manuscrits, ce qui est une nouvelle preuve que la tra- 
duction primitive a subi une ou plusieurs revisions. Un 
autre argument en faveur de l'ancienneté, de la Pe- 
schitto de l'Ancien Testament se tire des citations bibli- 
ques de la Peschitto du Nouveau Testament, car un 
nombre important de ces citations concorde avec le 
texte de la Peschitto de l'Ancien Testament et s'écarte 
à la fois de l'hébreu et du grec. Cf. F. Berg, The influ- 
ence of the Septuagint upon the Peschitta Psalter, 
New- York, 1895, p. 137-150. « En raison du grand nom- 
bre de ces cas, il est difficile d'expliquer cette concor- 
dance par une révision harmonistique postérieure; il 
est plus admissible que la Peschitto de l'Ancien Testa- 
ment a précédé la Peschitto du Nouveau Testament. R. 
Duval, La littérature syriaque, 3 e édit., Paris, 1907, 
p. 28. Or, Eusèbe, analysant un ouvrage d'Hégésippe, 
nous apprend que cet auteur du milieu du second 
siècle se dénote comme un Juif converti à cause des 
emprunts qu'il fait c< à l'évangile selon les Hébreux et 
au syriaque. » T. xx, col. 384. Même si ce syriaque est 
celui du Nouveau Testament, il s'ensuit, d'après la 
remarque précédente, que la Peschitto de l'Ancien Tes- 
tament est antérieure. Cette version est donc portée 
par les manuscrits, au V e siècle, par les témoignages, à 
la fin du premier siècle et, par les légendes, au temps 
de Salomon. 

5» Auteurè et nature de la traduction. — On 
s'accorde à reconnaître que plusieurs traducteurs ont 
traduit, à différentes époques, les livres protocano- 
niques sur l'hébreu et les livres deutérocanoniques sur 
le grec, hors l'Ecclésiastique qui a aussi été traduit sur 
l'hébreu. Il est probable que les premiers traducteurs 
n'étaient ni des juifs ni des chrétiens grecs mais des 
judéo-chrétiens; car cette version n'a jamais été adop- 
tée par les juifs qui repoussaient même en général les 
Septante, parce qu'ils regardaient toute traduction de 
l'hébreu comme une profanation; les chrétiens grecs 
par contre utilisaient les Septanle, c'est donc vers la 
Mésopotamie que l'on dut éprouver le besoin d'une 
traduction araméenne; or d'après les traditions 
syriennes, c'est parmi les communautés juives que le 
christianisme commença à se répandre en Mésopo- 
tamie. 

Addaï, l'apôtre de l'Osroène, descend à Édesse chez 
le Juif Tobie et convertit les Juifs comme les païens, 



1917 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1918 



c'est évidemment dans ce milieu que nous devons 
chercher les premiers traducteurs. De plus on a rele- 
vé, surtout pour Job, des ressemblances entre la Pe- 
schitto et lesTargums, ce qui se comprend très bien si 
le traducteur est un Juif converti, car il est naturel 
qu'il ait eu recours aux targums pour interpréter les 
passages difficiles. Lorsque les Targums que nous pos- 
sédons sont plus récents que la Peschitto, ils peuvent 
s'être inspirés tous deux de targums araméens plus 
anciens, cependant la dépendance inverse n'est pas 
impossible, c'est ainsi que l'on s'accorde maintenant à 
reconnaître que le Targum des Proverbes dépend de la 
Peschitto. 

L'influence des Septante se fait aussi sentir déjà dans 
le PentateuqueetJosué,mais surtout dans les Psaumes 
et les prophètes. Il est peu probable que les premiers 
traducteurs aient fait une sorte de traduction critique 
en utilisant les targums et les Septante en même temps 
que l'hébreu, il est plus probable que la traduction 
primitive a été revisée une ou plusieurs fois. C'est 
vers l'an 200 que Palout a été créé évêque d'Édesse par 
Sérapion, évêque d'Antioche, et a ainsi inféodé Édesse 
à la métropole des chrétiens hellénisants de Syrie, il 
est donc naturel que l'on ait cherché alors à mettre 
l'ancienne version syriaque en harmonie avec les 
Septante seuls utilisés à Anlioche. Cette revision doit 
être postérieure à Origène qui cite des leçons du 
syriaque absentes de notre texte actuel, mais elle était 
achevée au commencement du IV siècle, car Aphraate, 
vers 340, et saint Éphrem, mort en 373, utilisent une 
version très proche de celle qui nous a été transmise. 
Cf. R. Duval, La littérature syriaque, p. 32-33. Par 
contre M. Driver et M. Stockmayer ont relevé un cer- 
tain nombre de passages de la recension grecque de 
Lucien (Paul de Lagarde, Librorum Veteris Testa- 
ments canonicorum paru prior grssce, Gœttingue, 1883), 
qui concordent avec la Peschitto contre l'hébreu et les 
Septante, et se demandent donc avec raison si l'hébreu 
dont, au lémoignage de Suidas, Lucien se serait servi 
pour constituer sa recension, ne serait pas la Peschitto. 
Cf. Driver, Notes on the Hebrew Text of the Books of 
Samuel, Oxford, "1890; Th. Stockmayer, Zeitsckrift 
fur alltest. Wiss., t. xii, 1892, p. 218. 

L'Ecclésiastique mérite une mention spéciale : En de 
nombreux endroits, il est conforme à l'hébreu retrouvé 
et tous deux s'écartent du grec. Cf. La Sainte Bible 
Polyglotte, t. v, p. 889-970, Eccli., m, 7,' 29, etc. Aussi 
on admet que le syriaque de l'Ecclésiastique, à la dif- 
férence des autres livres deutérocanoniques, a été tra- 
duit directement sur l'hébreu. Il semble cependant que 
le syriaque a influé sur les manuscrits hébreux con- 
servés. Cf. ibid., Eccli., m, 27, 34, etc. En quelques 
rares endroits aussi, le syriaque se rapproche plutôt 
du grec, par exemple, xliii, 1-10, ce qu'on peut expli- 
quer par la volonté du traducteur qui aurait, eu cet 
endroit, préféré le grec à l'hébreu, ou par une revision 
postérieure. 

La version syriaque deTobie est formée de deux mor- 
ceaux de provenance différente : i-vu, 11, provient de 
l'HexapIaire, la suite vu, 12-xiv, 15, provient d'une 
autre source, qui est peut-être ce le chaldéen » utilisé 
par saint Jérôme pour faire sa traduction latine, car le 
syriaque, comme le latin, porte Achior au lieu d'Ahi- 
kar, xi, 18. 

6° Origine du mot Peschitto. — Ce mot employé pour 
désigner la principale des versions syriaques ne se 
trouve pas dans les manuscrits antérieurs au ix« ou 
au X e siècle. Il semble que la première mention expli- 
cite en soit faite par Moyse bar-Képha (-J- 913) qui écrit : 
« Il faut savoir qu'il y a en syriaque deux traductions 
de l'Ancien Testament, l'une, celte Peschitto que nous 
lisons a été traduite de l'hébreu en syriaque, mais 
l'autre, celle des Septante, a été traduite du grec en 



syriaque. » Cf. P. Martin, Introduction à la critique 
textuelle du Nouveau Testament, Paris, 1883, p. 101. 
Saint Éphrem écrit s notre version ». Opéra syriaca, 
t. i, p. 380. Thomas d'Héraclée et le pseudo-Zacharie le 
rhéteur au vi e siècle, et Jacques d'Édesse au vir 3 , écrivent 
simplement « l'ancienne version syriaque » ou « l'exem- 
plaire syrien » ou,, plus brièvement « le syriaque ». 
Dans les manuscrits massorétiqnes du IX e au X" siècle, 
le mot Peschitto désigne le Nouveau Testament syriaque, 
par opposition à la revision de Thomas d'Héraclée qui 
est appplée s le grec ». D'après le sens littéral du mot 

If A - ■*■ ft . c'est la (version) simple, c'est-à-dire celle 

qui est entre les mains du peuple, tandis que « le 
grec » ou Hexaplaire était plutôt une curiosité à 
l'usage des savants. Ce mot correspondrait donc assez 
bien à notre mot Vulgate, On a voulu aussi lui donner 
une origine plus savante : Ce serait la traduction de xi 
ànXi qui désigne les manuscrits renfermant le seul 
texte des Septante, par opposition à zh iia-Kki qui 
renfermaient à côté de la transcription de l'hébreu, 
les diverses versions grecques. 11 est clair que l'ana- 
logie est assez faible ; et que Peschitto semble plutôt 
correspondre au mot Vulgate. 

//. version PHILOXÉNlENNE.—Les controverses chris- 
tologiques, commencées au v e siècle, firent éprouver le 
besoin d'une version syriaque calquée sur le grec, parce 
que c'était le grec qui faisait autorité, non seulement 
dans l'Église grecque mais encore dans la Syrie hellé- 
nisée et en Egypte. D'ailleurs les protagonistes du 
schisme jacobite étaient souvent des hommes, comme 
Sévère d'Antioche, qui sortaient des écoles grecques. 
Philoxène, évêque jacobite de Mabboug, chargea donc 
un chorévêque nommé Polycarpe, de faire sur le grec 
une version littérale de l'Ancien et du Nouveau Testa- 
ment. Cette traduction se place vers l'an 508. Elle dut 
jouir d'un certain crédit durant le VI e siècle, car Moïse 
d'Aghel (vers 570) mentionne les Psaumes et le Nouveau 
Testament, mais elle a été supplantée un siècle plus 
tard par l'HexapIaire syriaque de l'Ancien Testament et 
l'Héracléenne du Nouveau. On n'est même pas sûr d'en 
posséder encore des fragments. Le manuscrit de 
Londres add. 17106, fol. 74-87, du VII e siècle, contient 
trois fragments d'Isaïe qui ne s'accordent avec aucune 
autre version et que l'on est convenu d'attribuer à 
Polycarpe. Ces fragments ont été édités par Cériani 
avec la partie correspondante de la revision de Jacques 
d'Édesse dont nous allons parler. Ces fragments d'Isaïe 
contiennent très peu des signes critiques usités dans les 
Hexaples, sans notes marginales ni annotations. Ceriani 
a encore édité, Monumenta, v, 1, p. 5, un fragmentd'une 
ancienne traduction des psaumes qu'il croit être celle 
de Polycarpe. 

///. version hexaplaire. — 1° Origine. — Cette 
version a été composée de 615 à 617 par Paul, évêque 
de Telia de Mauzelat (Constantine de Syrie), à la de- 
mande du patriarche d'Antioche, Mar Athanase I". 
On lit, par exemple à la fin du manuscrit syriaque de 
Paris n" 27, f» 90 (renfermant le IV e livre des Rois dans 
cette version) : « Ce livre a été traduit du grec en 
syriaque d'après la version des Septante, dans la grande 
cité d'Alexandrie, par le religieux Abbas Mar Paul, 
évêque des fidèles, sur l'ordre et par le soin de Sa Béa- 
titude Mar Athanase, patriarche des fidèles, du couvent 
de Mar Zachaï, près de Callinice, lorsque tous deux 
étaient à Alexandrie, l'an 928 (617 de notre ère) indic- 
tion cinquième. » 

2° Manuscrits. — L'HexapIaire ne nous est pas par- 
venue intégralement; le plus célèbre de ses manuscrits 
est YAmbrosianus C. 313, conservé à Milan, provenant 
du monastère Notre-Dame des Syriens de Scété. C'est 
le second volume d'un exemplaire complet. Le premier 
tome qui renfermait le Pentateuque, Josué, les Juges, 



1919 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1920 



les Rois, Esdras avec Néhémie, Judith et Tobie, a été en 
la possession d'Andréas Masius (André du Maes) et n'a 
pu être retrouvé après la mort de ce savant en dépit de 
nombreuses recherches. A Londres, on trouve les 
manuscrits suivants : add. 14442 du VII e siècle; qui 
contient la Genèse avec des lacunes. Le texte renferme 
les marques critiques des Hexaples d'Origène et l'on 
trouve en marge les leçons différentes d'Aquila, Sym- 
maque et Théodotion ; add. 13 134, daté de 697, contient 
l'Exode; en sus des marques et leçons comme le pré- 
cédent il renferme des variantes « du Samaritain » ; 
add. 14437, du vm e siècle, qui contient le livre des 
Nombres et III Rois avec des lacunes. 11 est dit à la lin 
de III Rois : « Le livre sur lequel fut traduit le pré- 
sent ouvrage du grec en syriaque provenait des hexa- 
ples, c'est-à-dire à six colonnes, de la collection des 
Hexaples de la bibliothèque de Césarée en Palestine, 
et il avait été collationné avec l'exemplaire à la fin du- 
quel il élait écrit : Eusèbe a corrigé soigneusement du 
mieux qu'il a pu. La traduction du grec en syriaque a 
été faite au mois de Schebat (février) l'an 827 du com- 
put d'Alexandre (616 de notre ère), la quatrième indic- 
tion, à Enaton (à neuf milles) d'Alexandrie au monas- 
tère d'Ennaton; i> add. 12133, du VIII e siècle, contient 
le livre de Josué et nous apprend qu'il était écrit, sur 
l'exemplaire qui servit à la traduction : « transcrit sur 
les Hexaples et collationné avec les Tétraples; » add. 
11 103, du vm« siècle, contient les Juges et Ruth. 
Enfin add. 14434, et 14 668, du VIII e siècle, contien- 
nent des fragments des Psaumes, la fin du livre d'Ezé- 
chiel et les douze petits prophètes. A Paris le manus- 
crit syriaque n° 37, écrit en l'an 720, renferme le IV e 
livre des Rois. Une note finale porte : « Ce IV e livre des 
Rois, dont la traduction a été faite du grec en syriaque, 
et celui (l'exemplaire) que nous avons entre les mains 
a été tiré des Heptaples, c'est-à-dire des sept colonnes, 
de la bibliothèque de Césarée de Palestine, duquel 
aussi des interprétations ont été ajoutées (en marge). Il 
a été collationné soigneusement avec l'exemplaire des 
sept colonnes sur lequel on avait écrit à la fin : Qua- 
trième livre des Rois, selon les Septante, soigneusement 
corrigé; (moi) Eusèbe, je l'ai corrigé, Pamphile le col- 
lationnant. » Cf. Middeldorpf, p. 465. 

3" Éditions. — Le manuscrit de Milan a été repro- 
duit par Ceriani : Monumenta sacra et profana, t. vu, 
Codex syro-hexaplaris Ambrosianus photolithogr., 
Milan, 1874. Ma r T. Skat Roerdam, archevêque de See- 
land, a édile Ruth et le livre des Juges : LibriJudicum 
et Ruth secundum versionem syriaco-Hexaplarent, 
eum dissertaliotie prsemissa de regulis grammaticis, 
quas xeculus rat Paulus Tellensis in Veteri Testamenlo 
ex grseen syria^e verlendo; le syriaque et le grec cor- 
respondant sont imprimés sur colonnes parallèles, 
Copenhague, 1 859 et 1861. Paul de Lagarde a édité en 
caractères hébreux, dans les Veteris Testamenti ab 
Origène recensili fragmenta, Gœttingue, 1880, les 
fragments contenus dans les manuscrits de Londres et 
de Paris, à savoir des fragments de l'Exode, des Nom- 
bres, de Josué et des Rois; il a repris les mêmes frag- 
ments avec quelques additions (Genèse, Exode, Ruth, 
Juges, III et IV Rois) en caractères syriaques dans sa 
Bibliotheca syriaca, p. 1-256, sous le titre : Veteris 
Testamenti grœci in sermonem syriacum versi frag- 
menta octo, Gœttingue, 1892. Andréas Masius, d'après 
son manuscrit aujourd'hui perdu, a édité le livre de 
Josué : Josum intperatoris historia Hluslrala atque 
explicata, Anvers, 1574. Des fragments d'Esdras et de 
Néhémie ont aussi été recueillis dans la catena syria- 
que du tus. Add . 12168 de Londres par Ch. C. Torrey, 
Portions of /irst Esdras and Nehemiah in the Syro- 
Hexa./ lar Version, dans The American Journal of 
Semitic Lj.r.yt âge and lit t., t. xxm (1906-1907), p. 65- 
74. Avant Ceriani, le manuscrit de Miian avait déjà été 



édité, à savoir Jérémie et Ézéchiel par Norberg, Lund 
{Londini Gothorum), 1787; Daniel et les Psaumes par 
Caietanus Bugatus, Daniel secundimi editionem lxx 
interpretum ex Tetraplis desumptum, Milan, 1788; 
les Psaumes ont paru en 1820, à Milan, quatre ans 
après la mort de Bugati. Le reste du manuscrit de Milan, 
en dehors des deutérocanoniques, avait été publié par 
H. Middeldorpf, d'après la copie de Norberg, avec le 
IV e livre des Rois d'après le manuscrit de Paris, Codex 
Syro-Hexaplaris, Berlin, 1835. Ceriani aussi, avant 
de donner la reproduction photolilhographique du 
manuscrit de Milan, avait commencé par en éditer 
quelques pièces dans les tomes I et n des Monumenta 
sacra et profana; dans le t. i, Milan, 1861, il avait 
édité la version hexaplaire de Baruch, des Lamentations 
et de la lettre de Jérémie; dans le t. v il a édité les 
fragments d'Isaïe conservés à Londres. 

4° Caractère et importance de cette traduction. — 
Paul s'est proposé de traduire le grec mot à mot en 
conservant même l'ordre et le nombre des mots, il a 
donc écrit du syriaque barbare qui est vite tombé en 
désuétude, puisqu'il ne paraît pas avoir été lu après le 
IX e siècle, mais il nous a conservé fidèlement l'original 
grec aujourd'hui perdu. Cet original grec était une édi- 
tion critique faite d'après les Hexaples, probablement 
par Origène lui-même, qui compilait et complétait les 
versions antérieures : des sigles insérés dans le texte 
même indiquent les additions faites aux Septante qui 
sont ou qui ne sont pas conformes à l'hébreu et les 
variantes empruntées à certaines versions qui font 
doublet dans ce texte. Cette compilation pouvait former 
une septième colonne dans l'exemplaire de Césarée 
copié et collationné par Eusèbe et Pamphile et consti- 
tuer l'exemplaire « à sept colonnes » dont parle le 
manuscrit de Paris. Des copies en furent faites qui por- 
taient encore en marge^d'autres variantes empruntées 
aux versions réunies par Origène. C'est une de ces 
copies qui fut traduite en syriaque à Alexandrie en 616. 
L'Hexaplaire syriaque est donc très importante pour la 
reconstitution desHexaples d'Origène, cf. Field, Origenis 
Hexaplorum fragmenta, Oxford, 1875 ; Migne, Pair. Gr., 
t.xv-xvi,maiscetleversion,faitepar lesjacobites, ne fut 
presque pas utilisée par les auteurs syriens et, chez les 
jacobites eux-mêmes, elle resta le privilège des savants 
qui l'appelaient « le grec ». Elle les dispensait de re- 
courir au texte grec lui-même, ainsi Bar-Hébrseus, par 
exemple, la cite fréquemment dans ses commentaires 
sur la Bible, mais la masse continua à utiliser exclusi- 
vement la Peschitto. Le Pentateuque et la Sagesse ont 
été traduits en arabe d'après cette version par Hâreth 
ben Sinân. Cf. Arabes (Versions) des Écritures, t. i, 
col. 849. Chez les nestoriens on ne cite que Timothce I er 
qui l'ait recommandée, et Jésudad, vers 850, qui en ait 
(f 823) fait usage. Cf. R. Duval, La litt. syriaque, Paris. 
1907, p. 53. 

IV. REVISION DE JACQUES D'ÉDESSE ET VERSIOSb 

perdues on fragmextaires. — 1» Durant les années 
704 et 705, Jacques d'Édesse a donné une revision soi- 
gnée de la version syriaque de l'Ancien Testament, 
d'après les textes grec, hébreu et même samaritain. Il 
ne reste de sa revision que le Pentateuque (avec des 
lacunes) et Daniel, conservés à Paris, avec I Rois à 
III Rois, il, 11, conservé à Londres. Cf. Jacques d'Édesse, 
t. m, col. 1100. 

2» On attribue à Mar Aba, patriarche nestorien de 536 
à 552, une traduction de la Bible, dont il ne reste pas de 
trace. Cf. Assémani, Bibl. Or., t. H, p. 130, 411-412; 
t. m, p. 75, 407-408; Bar-Hébrœus, Citron, eccl., édiL 
Abbéloos et Lamy, t. il, p. 89-91; Oriens chrislianus, 
t. n, p. 457. Cf. infra, IV, 2». 

3» Assémani, Bibl. Or., t. u, p. 83, mentionne une autre 
traduction des Psaumes qui aurait été faite par Siméon, 
supérieur du monastère de Licinius dans la montagne- 



1921 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1922 



noire; mais le document sur lequel il s'appuyait, édité 
par M. Guidi, Rendiconti délie sedute délia R. Acca- 
demia dei Lincei, classe des sciences morales, histori- 
ques et philologiques, 20 juin 1886, p. 547-554, ne 
semble viser que la lettre de saint Athanase à Marcel- 
lin « sur l'explication des Psaumes ». C'est cette lettre 
seule qui aurait été traduite par Siméon; la traduction 
syriaque se trouve en tête des Psaumes dans le Codex 
Ambrosianus. Cf. Ceriani, Monumenta, t. v, I, p. 5. 

III. Anciennes versions du Nouveau Testament. — 
Ce sont le Diatessaron, la Peschitto du Nouveau Tes- 
tament, les Évangéliaires de Cureton et du Sinaï. 

/. CARACTÈRE, ORIGINE, MANUSCRITS, ÉDITIONS. — 

1° Le Diatessaron. — L'harmonie syriaque des jivangiles 
ou Diatessaron a été composée par Tatien, disciple de 
saint Justin. On est d'accord pour placer sa composition 
en 172-173, lorsque Tatien revint de Rome. M. Hjelt, 
Die altsyrische Evangelien-Uebersetzung und Tatians 
Diatessaron, Leipzig, 1903, p. 162. Tatien trouva, à son 
retour en Mésopotamie, les quatre Évangiles traduits 
en syriaque; c'est avec cette traduction qu'il composa 
son harmonie; il apporta peut-être un manuscrit occi- 
dental dont il se serait servi pour modifier un peu 
l'ancienne traduction, cela expliquerait quelques res- 
semblances que l'on a cru trouver entre les restes du 
Diatessaron et la recension occidentale. Il semble que 
Tatien avait introduit quelques passages apocryphes, 
cependant il ne doit pas avoir fait de modifications 
importantes, puisque son ouvrage prit facilement la 
place des Évangiles canoniques et que saint Éphrem 
prit la peine de le commenter; il supprimait les généa- 
logies Matth., i, 1, et Luc, ni, 23, comme tout ce qui 
indiquait que le Christ descendait de David, probable- 
ment à cause des tendances gnostiques de l'auteur. 
C. Holzhey, Der neuentdeckte Codexsyrus Sinaiticus, 
Munich, 1896, p. 4. Théodoret, évêque de Cyr en Syrie, 
dit que le Diatessaron n'était pas seulement en usage 
à son époque parmi les sectateurs de Tatien, mais 
encore parmi les orthodoxes qui n'en voyaient pas la 
malice; il en trouva plus de deux cents exemplaires 
révérés dans les églises qui dépendaient de lui, il les 
fit réunir, les supprima et les remplaça par les Évan- 
giles des quatre évangélistes. Migne, Pair. Gr.,t. lxxxhi, 
col. 380. 

Il ne reste aucun manuscrit du Diatessaron. Saint 
Éphrem \f 373) en a fait un commentaire dont il 
existe une traduction arménienne. Cf. G. Moesinger, 
Evangelii concordantis expositio fada a S. Ephreenw 
in latinum translata a P. I. B. Aucher, Venise, 1876. 
A l'aide du travail de Moesinger et des citations 
d'Aphraate et de saint rJphrem, M. Zahn tenta de recons- 
tituer le Diatessaron : Forschungen zur Geschichte des 
neutest. Kanons, iTheil, Tatians Diatessaron, Erlangen, 
1881. Les passages du Diatessaron cités dans les com- 
mentaires de saint Éphrem ont été réunis et traduits 
en anglais par H. Hill et Armitage Robinson, A disser- 
tation on the Gospel, commentaires of St. Ephrem the 
Syrian, Edimbourg, 1895. R. Harris et H. Goussen ont 
publié des extraits qu'ils ont tirés des commentaires de 
Jésudad et d'autres auteurs. Des restes d'un Diatessaron 
syriaque ont été relevés dans un lectionnaire du couvent 
syrien de Jérusalem. Voir le texte dans Zeitschrifl der 
deutschen morgenl. Gesellschaft, t. LXl (1907), p. 850, 
Spuren eines syrischen Diatessarons, par H. Spoer. 
La traduction et les notes se trouvent dans Journal of 
biblical Literature, t. xxiv, 1905, p. 179, Traces ofthe 
Diatessaron of Tatian in Harklean Syriac Leclionary. 
Cette harmonie qui figure en marge est différente de 
celle qui existe dans plusieurs lectionnaires de la ver- 
sion héracléenne, par exemple dans les manuscrits de 
Paris 51 et 52. Cette dernière qui porte sur la Pâque 
et la passion n'a rien à voir avec le Diatessaron de 
Tatien. L'autre au contraire présente en substance, 

DICT. DE LA BIBLE. 



avec le texte de Phéracléenne, la même disposition que 
la version arabe du Diatessaron éditée par A. Ciasca : 
Tatiani Evangeliorum harmonise arabice, Rome, 1888. 
Cette version arabe, signalée dans le manuscrit n. XI V 
du Vatican, et trouvée depuis dans un meilleur manus- 
crit de provenance égyptienne, se donne comme l'ou- 
vrage même de Tatien qui aurait été traduit en arabe 
par Abou-1-Pharag Ben-at-Tlb, auteur nestorien connu 
par ailleurs et mort en 1043, sur un exemplaire syriaque 
transcrit par Isa ben Ali Almotattabbeb, disciple de 
Honaïn (f 873). Le R. P. Cheikho a depuis fait con- 
naître trois feuillets de la même version. 

2» La Peschitto du Nouveau Testament. — C'est la 
version « simple » reçue par tous les Syriens : Maro- 
nites, Jacobites, Nestoriens, Melkites. — a) Son impor- 
tance provient surtout de l'ancienneté et de l'accord 
presque parfait des manuscrits qui nous l'ont conser- 
vée. Ces manuscrits sont énuruérés dans les prolégo- 
mènes de C. R. Gregory, Novum Testamentum grsece, 
recensuit C. Tischendorf, editio octava, t. m, Leipzig, 
1894, p. 828 sq.; Textkritik des Neuen Testam entes, 
Leipzig, 1902, t. n, p. 508-521. Les principaux ont été 
classés par G. H. Gwilliam, The materials for the criti- 
cism ofthe Peshitoof the New Testament, dans Sludia 
biblica, t. m, Oxford, 1891. Citons les suivants : les ma- 
nuscrits du British Muséum add. 14459 et 17117 au- 
raient été écrits probablement aux environs de 450. Les 
quatre manuscrits add. 14453, 14476, 14480 et Craw- 
fordianus I peuvent être aussi du v° siècle ou du moins 
du commencement du VI e . Les manuscrits de Londres 
add. 14479 et 14459 sont datés de 534 et de 530 à 538; 
un Évangéliaire du Vatican est daté de 548 et un de 
Florence de 586. M. l'abbé Paulin Martin classant les 
principaux manuscrits de la Peschitto du Nouveau 
Testament, en comptait onze du v° siècle (contre quatre 
grecs et trois latins), trente-trois du VI e siècle (contre 
cinq grecs et quatorze latins), onze du vn e siècle (con- 
tre un grec et cinq latins). Introduction à la critique 
textuelle du Nouveau Testament, p. 132 à 133. Les 
chiffres sont moins favorables au syriaque dans Gre- 
gory, Prolegomena, 1234-1237. L'accord complet qui 
existe entre ces divers manuscrits de toute époque est 
encore plus remarquable ; on a pu écrire qu'il n'y a 
pas une variante importante par chapitre. On a accusé 
à tort les nestoriens d'à voir corrompu la version syriaque ; 
en dehors des différences orthographiques, c'est à peine 
si leurs manuscrits diffèrent en deux endroits, Heb., 
H, 9, el Act., XX, 28. Il est exact par contre que la Pe- 
schitto diffère de la Vulgate : elle ne renfermait pas la 
2 e Épitre de saint Pierre ; la 2 e et la 3 e Épitres de saint 
Jean ; l'Épitre de saint Jude; l'Apocalypse; l'histoire 
de la femme adultère ; Joa., vu, 53-vni, n, et I Jean., v, 7. 

6) Éditions. — Cf. C. R. Gregory, loc. cit., p. 815- 
822. La première édition fut publiée à Vienne, grâce à 
J. Alb. Widmanstadius, d'après un manuscrit apporté 
de Mésopotamie par Moïse de Mardin, Liber sacrosancti 
Evangelii, characteribus et lingua syra, Jesu Christo 
vernacula, Vienne, 1555; quelques exemplaires paru- 
rent plus tard avec la nouvelle date de 1562. Le travail 
de Widmanstadt fut plusieurs fois réimprimé avec 
quelques corrections et quelques variantes de 1569 à 
1621. Cette dernière année, Martin Trost ajouta une 
version latine au bas des pages : Novum Domini no- 
stri Jesu Christi Testamentum syriace cum versione 
latina, ex diversis editionibus diligentissime recensv- 
tum, accesserunt in fine notationes variantis lectionis 
ex quingue impressis editionibus diligenter collecte, 
Cothenis Anhaltanorum. Dans toutes ces éditions man- 
quaient la 2 e Épitre de saint Pierre, la 2 e et la 3 e de 
saint Jean, l'Épitre de saint Jude, l'Apocalypse, ainsi 
que Joa., VIII, 1-10, IJoa., v,7, avec quelques mots dans 
Matth., x, 8; xxvn, 35; et deux versets de saint Luc, 
xxn, 17-18. En 1627, Louis de Dieu édita à Leyde un 

V. - ei 



1923 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1924 



texte de l'Apocalypse qui semble provenir de la version 
héracléenne. En 1630, Pococke publia à Leyde les 
quatre Épitres catholiques qui manquaient dans la ver- 
sion Peschitto, d'après un manuscrit de la Bodléienne 
d'Oxford (Or. 119) qui représente peut-être la Philoxé- 
nienne. Cf. John Gwynn, The older SyriacVersion of the 
four minor catholic Epistles, dans Hermathena, n. xvi 
(t. vu), 1890, p. 281-314. Quant à l'épisode de la femme 
adultère qui manquait à l'origine dans la Peschitto, il 
y en avait au moins trois traductions différentes dès le 
temps de Mara, vers 520. Cf. Bernstein, Zeitsch. der 
deutschen morg. Gesellsch., t. vm, p. 397; Gwynn, On a 
syriac MS. belonging to the collection of archbishop 
Ussher, Dublin, 1886, dans les Transactions of the 
Royal Irish Academy, t. xxvn, 8. Louis de Dieu l'édita, 
en 1627, d'après un manuscrit d'Ussher. C'est la Peschitto 
ainsi complétée que toutes les éditions suivantes ont 
reproduite. Parmi ces dernières signalons l'édition 
Gutbir, Hambourg, 1664, à cause du lexique syriaque 
qui lui fut ajouté en 1667. L'édition de Leusden et 
Schaaf, Leyde, 1708, était aussi accompagnée d'un 
lexique, 1709. La première partie jusqu'à Luc, xvm, 27, 
porte surtout des voyelles nestoriennes, la fin, impri- 
mée après la mort de Leusden, porte plutôt des voyelles 
jacobites. Cette édition était regardée comme la meil- 
leure et a été utilisée par Tischendorf pour relever les 
variantes de la Peschitto. Signalons encore les éditions 
de la société biblique anglaise, dont la première a été 
donnée par Samuel Lee en 1816 et delà société biblique 
américaine, dont la première édition donnée par 
J.Perkins(Ourmiah, 1841), d'après des manuscrits nes- 
toriens, a été reproduite plusieurs fois à New-York. 
L'imprimerie des Dominicains de Mossoul a publié le 
Nouveau Testament en 1891. Enfin une édition critique 
des Évangiles vient d'être donnée par P. E. Pusey et 
G. H. Gwilliam, Tetraevangelium sanclum, simplex 
Syrorum versio, Oxford, 1901. La bibliographie com- 
plète a été donnée par M. Nestlé, dans sa grammaire 
syriaque et la Realencyklopâdie fur prot. theol., 
3" édit., article Bibelûbersetzungen, t. m, col. 167. 

3° L'évangrtiaire de Cureton. — En 1858, paraissait 
à Londres une ancienne version syriaque différente de 
la Peschitto sous le titre : Remains of a very ancient 
Recension of the four Gospels in syriac, hintherto 
unknown in Europe, discovered, edited and transla- 
ted by W. Cureton, xcx et 87 pages. C'était l'édition du 
manuscrit de Londres add. 14451, qui compte 88 feuil- 
lets, mais les feuillets 12-15 et 88 sont des restitutions 
du XII e et du XIII e siècle. Trois autres feuillets du 
même manuscrit ont été apportés d'Egypte à Berlin 
par H. Brugsch; ils furent édités par jEmilius Rœdi- 
ger dans Monatsbericht der Kœnigl. Preussischen 
Akademie d. Wiss. zu Berlin, 1872, p. 557-559 et 1-6, 
puis réédités par W. Wright, Fragments of the Cure- 
tonian Gospels, Londres, 1872. Ce manuscrit, d'après 
Cureton, serait du milieu du V e siècle ; il contient Mat- 
thieu, i, i-viii, 22; x, 32-xxih, 25; Marc, xvi, 17-20; 
Jean, i, 1-42; m, 6-vn, 36; [vu, 37-52; vm, 12-19;] xiv, 
10-12, 16-18, 19-23, 26-29; Luc, n, 48-m, 16; vu, 32-xv, 
21; [xv, 22-xvi, 12; xvii, 16-23;] xvn, 24-xxiv, 44. Les 
passages entre crochets figurent sur les feuillets de 
Berlin. Les feuillets 12-15 récemment ajoutés, comme 
nous l'avons dit, portent Matth., vm, 23-x, 31 d'après 
la Peschitto et le feuillet 88 porte Luc, xxiv,41 à la fin. 
Le texte syriaque de Cureton a été retraduit en grec 
par J. R. Crowfoot, Fragmenta evangelica quse ex an- 
liqua recensione Novi Testamenti (Peschito dictae) o 
Gui. Curelono vulgata sunt, grâce reddita textuique 
syriaco editionis Scharfianse et grseco Scholzianae 
(ideliter collata, Londres, 1870-1871. Wildeboer a relevé 
une liste des variantes que ce texte syriaque ajoute 
à l'édition de Tischendorf : De waarde der nyrische 
Evangelien door Cureton ontdekt en uitgegeven^ 



Leyde, 1880. Enfin, en 1885, Fr. Baethgen a donné une 
nouvelle reconstruction du grec : Der griechische Text 
des Curetonschen Syrers wiederhergeslellt, Leipzig. 

4° Le palimpseste syriaque du Sinai. — Il fut dé- 
couvert par M me Smith Lewis et M me Dunlop Gibson 
qui en photographièrent quelques pages dans un pre- 
mier voyage et la totalité dans un second. Cf. How the 
codex was found, a narrative of two visits to Sinaï 
fromMrs. Lewis's Journal* 1892-1893, by M™ Dunlop 
Gibson. Les photographies étaient plus petites que 
l'original et il fallut un troisième voyage pour termi- 
ner le déchiffrement, auquel prirent part les profes- 
seurs Bensly, Rendel Harris et Burkitt. Ce voyage fut 
raconté par M me Bensly : Our joumey to Sinaï, a visit 
to the couvent of St. Catarina, Londres, 1896. Le 
texte et une traduction anglaise parurent en 1894 : 
The four Gospels in syriac, transcribed from the 
Sinaitic palimpsest by R. L. Bensly, J. R. Harris, 
F. C. Burkitt, with an introduction by Agnes Smith 
Lewis, Cambridge; et A translation of the four Gos- 
pels from the syriac palimpsest by Agnes Smith Lewis, 
Cambridge; et A translation of the four Gospels from 
the syriac palimpsest by Agnes Smith Lewis, Londres. 
En 1896, à la suite d'un nouveau voyage fait au Sinaï 
au printemps de l'année 1895, M rs Smith Lewis a publié 
un complément à l'édition précédente : Some pages 
of the four Gospels retranscribed from the sinaitic 
palimpsest, Londres. M. Burkitt a réédité le texte de 
Cureton avec une traduction anglaise et a donné en 
notes les variantes du palimpseste du Sinaï avec cer- 
tains passages du Diatessaron ; dans un second volume 
le même auteur expose ses recherches et ses conclu- 
sions sur les anciennes versions du Nouveau Testa- 
ment : Evangelion da-Mepharreshê. The Curetonian 
Version of the four Gospels with the readings of the 
Sinai palimpsest and early syriac patristic évidence, 
edited, collected and arrangea, 2 in-4", Cambridge, 
1904. M. Cari Holzhey a donné les variantes parallèles 
des manuscrits Cur. et Sin. : Der neuentdeckte Codex 
syrus Sinaiticus, Munich, 1896. Cette même année, 
M. Alb. Bonus éditait à Oxford un travail analogue : 
Collatio codicis Lewisiani rescripti Evangeliorum 
sacrorum syriacorum cum codice Curetoniano, cui 
adjectse sunt lectiones e Peshitto desumptœ. Enfin 
M. A. Merx a traduit en allemand et commenté le texte 
syriaque, Die vier kanonischen Evangelien, Berlin, 
1897, 1902, 1905. Le manuscrit du Sinaï portait comme 
texte supérieur des vies de saintes femmes écrites en 
778 de notre ère par Jean le stylite de BeitMarQonoun, 
monastère de la ville de Mearrath Mesrén, dans le dis- 
trict d'Antioche. Ces vies ont été éditées par Agnès 
Smith Lewis : Select narratives of holy women from 
the Syro-Antiochene or Sinai palimpsest, Londres, 
1900. Pour écrire ces vies, Jean le stylite a utilisé 
l'évangéliaire syrien, une partie d'un Évangile grec de 
saint Jean et quelques feuilles des actes de saint Tho- 
mas. Il manque malheureusement dix-sept feuilles de 
l'Évangéliaire syrien; lesl42 qui ont été retrouvées, sur 
lesquelles Jean a récrit les vies mentionnées plus haut, 
comprennent : Matth., i, i-vi, 10; vm, 3-xn, 1; xn, 31- 
xiv, 13; xiv, 31-xvi, 15; xvn, 11-xx, 24; xxi, 20-xxv, 
12; xxvi, 17-xxvm, 7; Marc., i, 12-44; n, 21-m, 21; iv, 
2-iv, 16; iv, 41-v, 26; vi, 5-vm, 15; vm, 26-xn, 19; xu, 
30-xv, 4; xv, 19-xvi, 8;Luc, i, 1-16; i, 38-vi, 6; vi, 15- 
rx, 13; ix, 27-x, 6; x, 11-xi, 13; xi,32-xih 12; xm, 22- 
xvn, 16; xvn, 22-xxiv,53; Joa., i, 25-47; n, 16-m, 31; 
iv, 7-37; v, 12-19; v, 46-vi, 20; vi, 31 -vu, 11; vu, 16- 
viii, 22; vm, 26-41; vm, 44-x, 38; xi, 5-xn, 28; xii, 47- 
xv, 7; xv, lô-xvn, 13; xvn, 21-xvni, 31; xix, 40-xxi,25. 
Il a d'ailleurs quelques fragments qui n'ont pu être 
déchiffrés et, par suite, quelques lacunes qui portent ou 
sur quelques mots ou même sur des versets. L'édition 
reproduit le manuscriUigne pour ligne afin de faciliter 



1925 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1926 



le contrôle. Enfin, M me A. S. Lewis a réédité le texte 
du Sinaï avac les dernières corrections et additions et 
les variantes du texte de Cureton, The old Syriac 
Gospels or Evangelion da-Mepharreshê, Londres, 1910. 

//. COMPARAISON DES ANCIENNES VERSIONS ! DiateS- 

saron (T.), Pesckitto (P.), Cureton (Se), Sinaiti- 
cus (Ss.j. — Les manuscrits Se et Ss représentent pour 

M. Burkitt l'évangile «des séparés » lj *-f ft V»« = 

damefarresê) par opposition à l'évangile «des mêlés» 
ou diatessaron. Voici la synthèse que ce savant a mise 
en tête de son édition signalée plus haut; voir aussi 
Urchristentum im Orient, von V. Crawford Burkitt, 
deutsch von Erwin Preuschen, Tubingue, 1907, in-8°, 
p. 25-51 ; R. Duval, La littérature syriaque, in-8°, 
Paris, 1907, p. 38-40. Le Diatessaron est la forme la 
plus ancienne de l'évangile syriaque. Il a été écrit pri- 
mitivement en grec, probablement à Rome, par Tatien, 
4e disciple de Justin le martyr, et traduit en syriaque 
durant la vie de Tatien, vers 170 de notre ère. Cela ne 
peut être plus tard que 172-173; quelques années avant 
que Hystaspe ne convertit Bardesane et que Palout ne 
fût ordonné comme évêque d'Édesse par Sérapion d'An- 
tioche, car Sérapion était un grand adversaire des évan- 
giles extracanoniques, cf. Eusèbe, H. E., VI, 12, t. xx, 
col. 545, et il n'est pas probable que Palout, ordonné et 
dirigé par lui, aurait permis l'introduction du Diates- 
saron, surtout de la part d'un homme à tendances hé- 
rétiques comme Tatien. Comme on peut l'attendre d'un 
document d'origine occidentale, le texte du Diatessaron 
est proche parent du Codex Bezse et des différentes 
formes de l'ancienne version latine. Tatien, aidé de ses 
compagnons, fut peut-être été le premier mission- 
naire de la vallée de l'Euphrate; il aurait composé l'har- 
monie des Évangiles pour seconder leurs travaux et ce 
pourrait être là le premier Évangile que l'on ait connu 
à Édesse. 

Le texte de l'Évangile « séparé » peut avoir été apporté 
d'Antioche par Palout, mais il trouva le Diatessaron 
en faveur et ne put le remplacer. Le texte de l'Évangile 
«séparé», en tant que traduction directe du grec, 
reproduit pour nous le texte qui «tait en usage à An- 
tioche, à la fin du u e siècle, texte d'une grande valeur 
critique, très médiocrement représenté dans lès manus- 
crits grecs existants. L'emploi du Diatessaron par le 
traducteur a introduit des leçons qui appartiennent aux 
textes ayant cours dans les pays occidentaux. Ss et Se 
contiennent tous deux des leçons qui ont été rendues 
conformes au Diatessaron par les copistes. Se repré- 
sente, en outre, un texte qui a été en partie revisé sur 
des manuscrits grecs postérieurs. La version du Nouveau 
Testament introduite par Palout comprenait les Actes 
et les Épîtres de saint Paul; il apporta aussi une édi- 
tion de l'Ancien Testament préparée d'après le grec 
surtout pour Isaïe et les Psaumes, et complétée par la 
traduction de quelques deutérocanoniques. 

Enfin la Peschitto est une revision de l'Évangile 
« séparé » ayant surtout pour but de conformer davan- 
tage la traduction au texte grec lu, à Antioche, au 
commencement du v e siècle. Elle a été préparée par 
Rabboula, évêque d'Édesse de 411-435, et elle a été 
promulguée par son autorité pour être substituée au 
Diatessaron. Lorsqu'elle s'éloigne du Diatessaron et 
de l'ancienne version syriaque, elle représente donc le 
texte en usage à Antioche aux environs de l'an 400. 
Elle n'est d'ailleurs pas employée par les écrivains du 
siècle précédent comme Éphrem et Aphraate. M. Bur- 
kitt a déjà signalé quelques objections à sa théorie : 
— a) Le canon de la Peschitto, qui ne comprend ni 
l'Apocalypse ni quatre Épîtres catholiques semble indi- 
quer une origine plus ancienne. M. Burkitt répond 
que l'Église d'Antioche ne les admettait pas non plus, 
cf. Ca.non des Écritures, t. h, col. 175, et que 



l'ancienne Église syrienne n'admettait probablemen 
que « la loi, les prophètes, les évangiles, les lettres 
de Paul et les actes des douze Apôtres » dont la 
doctrine d'Addaï, conservée dans un manuscrit du 
vi e siècle, dit : « Vous lirez ces livres dans l'église 
de Dieu et aucun autre. » Il s'ensuivrait que l'auteur 
de la Peschitto aurait déjà assez élargi le canon syrien 
en y introduisant trois Épîtres catholiques et que, 
même au v« siècle, on ne pouvait lui demander plus.— 
b) Rabboula, d'abord favorable à Nestorius, devint en- 
suite le champion de saint Cyrille, et il n'est pas vrai- 
semblable que les nestoriensauraientadopté la Peschitto 
si cette version était de lui. M. Burkitt suppose qu'elle 
était faite et adoptée avant le concile d'Éphèse. — c) Les 
citations d' Aphraate, si elles ne concordent pas entiè- 
rement avec la Peschitto, diffèrent encore plus du texte 
de l'évangile « séparé». Il pouvait citer de mémoire et 
être encore influencé par le Diatessaron. Saint Éphrem 
écrivait en vers et il est difficile de l'utiliser pour des 
discussions de détail. — d) Il a pu y avoir un grand 
nombre de recensions syriaques particulières, comme 
cela avait lieu, d'après saint Jérôme, pour le latin où 
chacun compilait à son gré son propre exemplaire, il 
ne serait donc pas impossible que l'évangile « séparé » 
et la Peschitto soient contemporains, au lieu d'être 
successifs, et qu'ils procèdent de trois remaniements 
simultanés du Diatessaron, les deux premiers (Se et 
Ssc) n'étant que des curiosités littéraires. La théorie de 
M. Burkitt ne s'impose pas. 

IV. Versions plus récentes du Nouveau Testament. 
— 1» La Philoxénienne et V Héracléenne. — a) Ori- 
gine. — Comme nous l'avons dit pour l'Hexaplaire de 
l'Ancien Testament, la Peschitto différait encore en 
bien des points du texte grec reçu et ces différences 
devinrent surtout sensibles durant les controverses 
christologiques avec les Grecs. Philoxène, évêque de 
Mabboug de 485 à 523, chargea donc, vers 508, le chor- 
évêque Polycarpe de faire sur le grec une traduction 
littérale de l'Ancien et du Nouveau Testament. Sa tra- 
duction du Nouveau Testament, revue à Alexandrie sur 
deux ou trois manuscrits grecs par Thomas d'Harkel 
(ou d'Héraclée), évêque de Mabboug, constitue l'Héra- 
cléenne conservée dans de nombreux manuscrits. Les 
dates de ces deux traductions sont l'an 508 et 616 de 
notre ère, d'après une note qui se trouve dans la plu- 
part des manuscrits. 

b) Les manuscrits. — Ici encore le travail de Poly- 
carpe a jeté complètement effacé par celui de son suc- 
cesseur. M. Gwynn a publié, d'après un ms. du comte 
de Crawford, une ancienne version de l'Apocalypse 
qu'il croit représenter la traduction de Polycarpe (ou 
Philoxénienne), tandis que la version éditée par Louis 
de Dieu en 1627 appartiendrait à la revision de Thomas 
d'Harkel, The Apocalypse of St. John in a syriac ver- 
sion hitertho unknoivn, Dublin, 1897. M. J. H. Hall 
croyait trouver le vieil original de Polycarpe sur les 
Évangiles dans un ms. de Beyrouth ; il a donné une re- 
production phototypique des quatrelettresqui manquent 
dans la Peschitto, The syrian Antilegomena Epistles, 
Baltimore, 1886. Cf. The Academy, 18 août 1877, 
col. 170. Nous ne parlerons donc plus que de l'Héra- 
cléenne. Il en reste de nombreux manuscrits. C. R. Gre- 
gory, Prolegomena, p. 853-859, mentionne 29 manus- 
crits des Évangiles, dix des Actes et des Épîtres 
catholiques ; et six qui contiennent l'Apocalypse. Il existe 
encore d'ailleurs d'autres manuscrits, cf. Revue bi- 
blique, 1907, p. 254-258, où M. Delaporte fait connaître 
un manuscrit d'Émèse, copié en l'an 841 de notre ère 
et analogue au manuscrit 268 du Vatican; voir aussi 
Zeitschrift fur neutest. Wiss., 1905, p. 282. Il faut no- 
ter que les dates attribuées chez Grégory aux .tvangé- 
liaires 25 et 27 sont celles de la rédaction et non 
celles des manuscrits qui sont plus récents. Le ms. 27 



1927 



SYRIAQUES (VERSIONS) 



1928 



(Vat. 268) est daté de 859 (cf. fol. 172 v^), d'après 
P. Martin. De même si le ms. 26 est le manuscrit dé- 
crit par Adler, p. 64-65, il n'est pas du VIII e siècle, 
mais de l'an 1483, comme le dit Adler. Le plus ancien 
manuscrit semble donc être de l'an 757, mais il y en a 
plusieurs du IX e siècle. 

c)Éditions. — J. Witte a édité deux volumes : S. Evan- 
geliorum versio syra Philoxeniana, Oxford, 1778, et 
Actuum Apostolorum et Epistolariim, Oxford, 1779- 
1803, d'après deux manuscrits que Samuel Palmer avait 
envoyés à Ridley; l'un de ces deux manuscrits portait 
en marge des annotations de la main de Denys Bar Salibi 
et fut donc désigné par ce nom. Cette édition ne con- 
tient ni l'Apocalypse, ni la fin de l'Épltre aux Hébreux. 
M. Bensley a comblé cette dernière lacune d'après un 
manuscrit de Cambridge provenant de Jules Mohl, The 
Harkleian version of the Epistle to the Hebrews,xi, 28- 
JT/7J, 35. G. H. Bernstein crut à tort trouver la version 
elle-même de Polycarpe dans un manuscrit de Rome du 
XIV e siècle et l'utilisa pour éditer l'Évangile de saint 
Jean : Bas heilige Evangelium des Johannes, Leipzig, 
1853. C'était encore l'Héracléenne. Le même auteur avait 
publié : De Charklensi Novi Testamenti translatione 
syriaca commentatio, Breslau, 1837 (2 e édition aug- 
mentée, 1854). D. Gottlob Christ. Storr publia une 
longue étude sur l'édition de White dans Repertorium 
fur Biblische und morgenlândische Litteratur, t. vu, 
Leipzig, 1780, p. 1-77. Adler a décrit les manuscrits 
qu'il connaissait et a transcrit l'index des leçons 
d'après le ms. 105 Barberini; enfin il a relevé un 
grand nombre de notes marginales, Novi Testamenti 
rersiones syriacse, Copenhague, 1789, p. 43-134 et 203- 
206. Nous avons déjà signalé qu'on a complété la Pe- 
schitto avec des manuscrits de la Philoxénienne ou 
Héracléenne. 

d) Caractère de cette version. — Elle est d'une 
grande importance pour la critique, car elle est faite 
avec soin d'après plusieurs manuscrits grecs qui re- 
montent, en ce qui concerne Polycarpe, au V e siècle; 
les mots grecs sont rendus avec une fidélité servile, de 
plus les manuscrits portent des notes marginales qui 
sont des variantes, elles diffèrent beaucoup avec les 
manuscrits et on ne peut dire que toutes remontent 
jusqu'à Thomas ou à Polycarpe : Adler, op. cit., p. 79- 
131, a publié 437 de ces notes marginales; J. White en 
a publié 346 dont 105 qui figurent seulement dans ses 
manuscrits, par exemple Matth., i, 7, en face de Abia, 
on trouve Abiud, leçon qui ne figure que dans le Codex 
Bezse. De même, xx, 28, on trouve la longue addition 
qui ne se trouve que dans des manuscrits latins, dans 
le seul manuscrit D et dans Cureton, mais la Philoxé- 
nienne ajoute la note suivante : « Dans les anciens ma- 
nuscrits ces choses ne se trouvent que dans Luc, 
chap. lui, mais on les trouve ici dans des manuscrits 
grecs, c'est pourquoi elles ont été aussi ajoutées par 
nous en cet endroit. » Ces manuscrits grecs (il en 
mentionne jusqu'à trois) ressemblaient donc aux ma- 
nuscrits C, D, L. Cf. Adler, op. cit., p. 130. Enfin ce 
texte renferme des astérisques et des obèles comme 
l'édition critique faite par Origène, mais on n'a pas pu 
se mettre d'accord sur leur sens qui n'est pas expliqué 
par ailleurs. 

2» Les biographes de Rabboula, évêque d'Édesse de 
411 à 435, et de Mar Aba, catholicos nestorien de 536 
à 552, leur attribuent une traduction du Nouveau Tes- 
tament dont on ne sait rien par ailleurs. 

V. La version syro-palestinienne de l'Ancien et 
du Nouveau Testament. — 1 • Manuscrits et éditions. 
— a) L'attention a été attirée sur ce dialecte par un 
lectionnaire des Évangiles conservé au Vatican. Décrit 
par Assémani, Biblioth. apost. Valicanx Codicum 
mss. catalogus, Rome, 1758, t. I, 2 e part., p. 70-103 
(description du manuscrit XIX), il a été analysé et 



commenté par Adler, loc. cit., p. 137-202, et édité d'abord 
par le comte Miniscalchi Erizzo, Evangelium Hieroso- 
lymitanurn ex codice Vaticano, 2 in-4°, Vérone, 
1861-1864, puis par Paul de Lagarde, Bibliothecx 
syriacse a Paulo de Lagarde collectée quse ad philolo- 
giam sacram pertinent, p. 257-401, Gœttingue, 1892. 
Le manuscrit avait été écrit en 1030 par Élie, prêtre 
d'Aboud, dans le monastère de Moyse, à Antioche. — 
Deux lectionnaires analogues ont été découverts depuis 
lors au Sinaï; M"» es Lewis et Gibson ont publié le texte 
de l'un d'eux et donné les variantes du second et du 
manuscrit du Vatican d'après l'édition de Paul de La- 
garde : The Palestinian Syriac Lectionary of the 
Gospels, Londres, 189U. 

6) D'autres lectionnaires contiennent aussi des textes 
de l'Ancien Testament comme A Palestinian syriac 
Lectionary containing Lessons from the Pentateuch, 
Job, Proverbs, Prophets, Acts and epistles edited by 
Agnes Smith Lewis with critical notes by professor 
E. Nestlé and a glossary by Margaret D. Gibson, 
Londres, 1897. Dans une publication subséquente, 
M rs Lewis a reproduit quelques pages du lectionnaire 
précédent qui figuraient dans les fragments édités par 
Fr. Schulthess, dans Zeitschr. der deutsch. morg. 
Gesell., t. lvi, p. 253-254, et par Hugo Duensing, dans 
ses Christlich-Palàstinisch-Aramâische Texte und 
Fragmente, Gœttingue, 1906, à savoir Isaïe, xxv, 3-12; 
Joël, ii, 28-ui, 8; Actes, n; 1-21; Rom., xm, 7-14; 
Ephes., iv, 25-v, 2; Job, xvi, 10-20 : Supplément to a 
Palestinian Syriac lectionary, Cambridge, 1907; cf. 
Zeitschr. der deutsch. morg. Gesell., t. lxi, 1907, p. 630- 
632. La publication du Duesing contient encore des textes 
de l'Ancien et du Nouveau Testament, des histoires mo- 
nacales et des fragments d'une traduction des catéchèses 
de Cyrille de Jérusalem qui complètent des fragments 
« théologiques» édités par M. Land, Anecdota Syriaca, 
t. iv, Leyde, 1875. Dans ce volume M. Land avait recueilli 
tous les fragments syro-palestiniens de Londres et de 
Saint-Pétersbourg, dont un bon nombre du Nouveau 
Testament, des Psaumes, etc. Tous les fragments de 
Saint-Pétersbourg proviennent encore du Sinaï. Cf. 
Zeitschr. der deutsch. morg. Gesell., loc. cit., p. 208. 
D'après MM. Nestlé et Schulthess le lectionnaire de 
M" Lewis est une simple traduction d'un lectionnaire 
grec; M. Duesing croit qu'il est extrait d'une Bible 
palestinienne traduite auparavant. Ibid. 

c) Sous une traduction syriaque de Jean Climaque 
dans un palimpseste, M rs Lewis a trouvé un texte syro- 
Palestinien plus ancien que tous les précédents qu'elle 
a édité : Codex Climaci rescriptus, fragments of 
sixth century Palestinian syriac texts of the Gospels, 
of the Acts of the Apostles and of S. Pauls Epistles. 
Also fragments of an early palestinian lectionary of 
the old Testament, Cambridge, 1909. On trouve ici en 
particulier II Petr., I, 1-12 et m, 16- 18; et, aussitôt à 
la suite, I Joa., 1,1-9. D'autres fragments palimpsestes, 
que M. Bruno Violet découvrit en 1900 dans la mos- 
quée des Omayades à Damas, ont été publiés par 
M. Fr. Schulthess, Chrisllich Palâstinische Fragmente, 
Berlin, 1905. Parmi des fragments de l'Ancien et du 
Nouveau Testament on remarque des fragments de 
l'Ecclésiastique. 

d) On a édité encore un certain nombre d'autres 
fragments moins étendus : deux feuillets provenant du 
Sinaï et contenant des fragments de l'épltrê" aux Galates 
publiés par Rendel Harris : Biblical fragments front 
Mount Sinai, Londres, 1890, réimprimés par Schwally 
dans Idioticondes christlich -palâstinischen Aramâisch, 
Giessen, 1893, p. 131-134. M" Lewis a publié deux autres 
feuillets contenant des fragments de saint Matthieu etde 
saint Jean dans Catalogue ofthe syriac mss. of St. Ca- 
larina. on Mount Sinai, Londres, 1894, p. 99-102. Sept 
fragments palimpsestes provenant de la Gueniza de la 



1929 



SYRIAQUES (VERSIONS) — SYRIE 



1930 



synagogue du Caire qui avaient été recouverts au 
xn e siècle de Mischna hébraïque ont été édités : les cinq 
premiers, par G. H. Gwilliam : The Palestinian ver- 
sion of the Roly Scriptures. Five more fragments re- 
cently acquired by the Bodleian library, Oxford, 
1893 (Anecdota oxoniensia, I, 5, trois planches) ; les 
deux derniers, par G. H. Gwilliam, F. G. Burkitt et 
J. F. Stenning, BibUcal and Patristic relies of the 
Palestinian Syriac Literature, Oxford, 1896 (Anec- 
docta oxon., i, 9). On trouve ici Sagesse ix, 8-11 et ix, 
14-x, 2; D'autres fragments palimpsestes de même 
provenance ont été édités par M mes Lewis et Gibson : 
Palestinian Syriac Texts from palimpsest Fragments 
in the Taylor-Schechter collection, Londres, 1900. On 
trouve ici des passages du Pentateuque, des Prophètes 
et des Épitres paulines. 

e) M. G. Margoliouth a édité, dans le Journal of the 
Royal Asiatic Society, octobre 1896, des leçons pour 
le rite de la bénédiction du Nil (Gen., h, 4-19; II Rois, 
II, 19-22; Amos, ix, 5-19; Actes, xvi, 16-34) contenues 
dans le ms. or. 4951 du ISrit. Muséum : c'est une tra- 
duction du grec. Le texte grec a été édité par A. Dmi- 
tryewshi, Euchologia, p. 684-691, d'après un manus- 
crit du Sinaï. La liturgie du Nil peut donc provenir 
du Sinaï, elle aussi; elle aurait été rédigée et traduite à 
l'usage de ses clients qui habitaient l'Egypte. M. Mar- 
goliouth a encore édité quatre fragments des Psaumes 
et de l'évangile de saint Luc, The Palestinian Syriac 
version of the holy Scriptures, Four recently disco- 
vered portions, avec fac-similé, traduction, introduc- 
tion, vocabulaire et notes, Londres, 1897, voir, du 
même auteur, sur ces fragments, Proceedings of the So- 
ciety of BibUcal Archaeology, t. xvm (1896), p. 223-236, 
275-285; t. xix, p. 39-60. 

2° Caractère et importance de cette version. — Elle 
portait sur toute la Bible et comprenait aussi les deu- 
térocanoniques. La langue est inculte et grossière, on 
y cherchait l'influence du chaldéen, peut-être pourrait- 
on aussi y chercher l'influence de l'arabe, l'orthographe 
est vague et arbitraire, elle tient plus de compte de 
l'oreille que de l'étymologie ; V écriture dérive de 
l'édessénien avec peut-être la préoccupation de le 
rapprocher de l'onciale grecque, cf. Land, Anecdota 
syriaca, IV, p. 212. Sur le dialecte, cf. Noeldeke, dans 
Zeitschrift der deutschen morgendt. Gesellschaft, 
t. xxil, p. 443 sq.; Fr. Schwally, Idioticon des christ- 
lich. pal. Aramâisch, Giessen, 1893. La version faite 
sur le grec, même pour l'Ancien Testament, semble 
fidèle, le traducteur s'est borné souvent à transcrire 
les mots {,'recs. M. Adler a relevé un certain nombre 
de leçons communes avec le Codex Bezse et a conclu 
que les manuscrits grecs utilisés pour l'évangéliaire 
appartenaientà la même famille que les manuscrits grecs 
de Thomas d'Harkel, p. 201 ; cependant cette version a 
des caractères d'un grand nombre de manuscrits et ne 
concorde avec aucun d'eux, ni pour l'uvangile, ni pour 
les Psaumes, Land, Anecdota syriaca, iv, 199; elle dif- 
fère aussi des autres versions syriaques. La date de la 
traduction peut sans doute être fixée vers le vi e siècle. 
Elle nous représente des manuscrits grecs du VI e au 
V e siècle, mais on ne sait si elle n'a pas subi de retou- 
ches et son caractère composite en rend l'utilisation 
difficile pour la critique des textes grecs. 

3° Origine de la version syro-palestinienne. — On 
l'a rapprochée à tort de Jérusalem. Le manuscrit xix 
du Vatican a été écrit par Élie, prêtre d'Aboud, dans 
le monastère de Moyse, dans la ville d'Antioche au bourg 
d'Adqous. Assémani a proposé de lire ' /**»a e\ ^ au lieu 
de . /v<a A»J et a traduit : in urbe Anliochia dilionis 

{Urbis) sanctse. C'est la seule raison pour lequelle on a 
donné à cet Évangile le nom de Hierosolymitanum et 
au dialecte celui de Palestinien. En réalité El-Douqs 



est un village près d'Antioche et Aboud est situé entre 
Jaffa et Césarée. Tous les fragments syro-palestiniens 
que l'on possède aujourd'hui proviennent donc de la ré- 
gion d'Antioche-Damas et du Sinaï. Ce fait établi, comme 
on savait depuis Assémani que l'évangéliaire romain 
offrait la même disposition de leçons que chez les mel- 
kites, Land, loc.cit., 202, il devenait facile de conclure 
que tous les fragments syro-palestiniens sont des restes 
de livres d'offices à l'usage de certaines communautés 
de rite melkite. Ils diffèrent des livres officiels melkites 
d'aujourd'hui. 

Bibliographie. — Elle a été relevée dans le plus grand 
détail par M. Eb. Nestlé dans Syrische Grammatik, 
2 e éd., Berlin, 1888, p. 17 sq., et dans Realencyklo- 
pâdie fur protest. Théologie und Kirche, 3 e édition, 
Bibelûbersetzungen, t. m, col. 117 sq., et reproduite par 
M.Rubens Duval, dans La littérature syriaque, 3 e éd., 
Paris, 1907. Voir aussi W. Wright, A short history of 
syriac Literature, in-8°, Londres, 1894. Mentionnons 
ici : 1» Ancien Testament. Aux principales éditions indi- 
quées plus haut, i, 3° et n; 2°, ajoutons celles du Psautier 
qui a été édité souvent à cause de son utilité liturgique : 
Th. Erpenius, Psalmi Davidis régis et prophètes, lingua 
syriaca, Leyde, 1625, édition princeps avec version 
latine, rééditée à Halle, 1768. Gabriel Sionita, Liber 
Psalmorum Davidis régis..., Paris, 1625, donnée aussi 
comme édition princeps et réimprimée dans les Poly- 
glottes de Paris et de Londres, et dans l'édition de 

5. Lee. Joseph David, Psalterium syriacum... oui acce- 
dunt x cantica sacra, Mossoul, 1877. Psalterium tetra- 
glottum par S. G. F. Perry et E. Nestlé, Tubingue, 1879, 
contient le syriaque. P. Bedjan a imprimé le Psautier 
à la fin du Breviarium Chalda ; .cum, Paris, 1887. Une 
édition a été donnée à Ourmia, en 1891, par la mission 
protestante. Voir L. Schermann, Orientalische Biblio- 
graphie, 8°, 1887 sq., xxi e année (pour 1907), Berlin, 
1908-1909. E. Barnes, The Peshitta Version of 2 Kings, 
dans The journal oftheol., Studies, t. xi (1910), p. 533-542. 

F. Nau. 
SYRIE (hébreu : 'Ardm; Septante : Supia), pays 
situé sur la côte orientale de la Méditerranée, habité 
primitivement par les Araméens et des peuples d'origine 
différente, englobé plus tard dans le royaume des 
Séleucides, puis devenu province romaine. Gen., xxvni, 

6, 7; Jud., m, 10; I Mach., m, 13, 41; Matth., iv, 24; 
Luc, II, 2, etc. Nous avons à en étudier les noms et les 
limites, qui ont varié avec le temps, la géographie et 
l'histoire générale, la religion. 

I. Noms. —La Bible hébraïque appelle régulièrement 
ce pays mu, 'Ardm, nom que porte le cinquième fils 

T - : 

de Sem, père des tribus araméennes. Gen., x, 22, 23; 
III Reg., XV, 18; xx, 1, 20, 21, etc. On retrouve ce 
nom dans les inscriptions assyriennes, mais avec une 
application plus restreinte, sous les formes Aramu, 
Arumu, Arimu et Arma. Cf. E. Schrader, Die Keil- 
inschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, 
p. 115-116; Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies? 
Leipzig, 1881, p. 257-258. Les Septante le traduisent 
par 2-jpfa, excepté : Jud., x, 6, où on lit, Cod. Vat., 
'ApàS, dans d'autres manuscrits 'Apip.; Is., vu, 1, 2,4, 
5, 8, où se rencontre le même mot 'Apixu,; I Par., XIX, 
19; Is., xvn, 3, où il y a 2-jpoc, et Jer., xxxv, 11. 
'Aroupfot. Dans trois endroits, II Reg., vm, 12, 13; 
III Reg., xi, 25, ils ont lu n'm, 'Edôm, au lieu de ai* ; 

'Ardm, en mettant *I8ou|iaîa et 'Eôwji. La Vulgate porte 
régulièrement Syria. On croit généralement que les 
noms de Svipîoe, Sûpioi, S-Jpcu, sont des abréviations de 
'Afftrupïa, 'A(j(iûpioi,''A<i<Tupoi, et datent du temps de la 
domination assyrienne sur les contrées araméennes. 
On remarque, en effet, qu'Homère, II., p, 783, et 
Hésiode, Theog., v, 304, ne connaissent encore les 
habitants du pays que sous la dénomination de 'Afppai, 



1931 



SYRIE 



1932 



Strabon, I, h, 34; XIII, iv, 6; XVI, iv, 27, dit que les 
Syriens s'appelaient autrefois Araméens, 'Apafiafot, 
'Api|j.aîot, 'Apt'tioi. Cependant cette étymologie est 
aujourd'hui contestée par quelques savants, entre autres 
par H. Winckler, Altorientalische Forschungen, 
II« série, Leipzig, 1900, p. 412. Elle paraît peu satisfai- 
sante à J. N. Strassmaier, Zeitschrift fur Keilschrift- 
forschung, Leipzig, janv. 1884, p. 71. Elle viendrait 
plutôt, d'après eux, d'un pays mentionné dans les ins- 
criptions sous le nom de mât Su-ri, et dont la Mésopo- 
tamie eût été le point central. Voir, en particulier, dans 
les tablettes de Tell El-Amarna le n» 108, Knudtzon, 
Leipzig, 1907, p. 476. Mais cette opinion repose sur une 
lecture qui est regardée par d'autres comme douteuse. 
Cf. E. Meyer, Die lsraeliten und ihre Nachbarstàmme, 
Halle a. S., 1906, p. 469; Geschichte des Altertums, 
Stuttgart et Berlin, 1909, t. i, p. 465. — Sur les monu- 
ments égyptiens, la Syrie porte fréquemment le nom 
de Rutennu, avec des limites qu'il n'est pas toujours 
facile de fixer. Cf. W. Max Millier, Asien und Europa 
nach âltâgyplischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 143- 
147. — Le nom arabe est esch-Schâm, « la gauche », 
c'est-à-dire « le nord », par opposition à YYemen, « la 
droite » ou « le sud », d'après la manière ancienne, 
chez les Orientaux, de déterminer les points cardinaux 
en regardant le soleil levant. — Les appellations 
d'Aram et de Syrie sont loin, nous le verrons, de 
représenter, aux différentes époques de l'histoire, dans 
les documents sacrés ou profanes, une même étendue 
de territoire. 

IL Division d'après la Bible. — L'Ancien Testament 
distingue plusieurs contrées araméennes : 

1° Le 'Aram-nahâraim, ou « Aram des deux fleuves », 
le Tigre et l'Euphrate; Septante : MsuoitoTaïu'a 2upi'a« ; 
Valgate : Mesopotamia Syrise, Ps. lix (hébreu, lx), 2 
(titre), appelé ailleurs simplement Mésopotamie, Gen., 
xxiv, 10; Jud., III, 8 (Septante : Svpîa uoTatiwv); lPar., 
six, 6 (lxx : Supfa TA^aaitaxa^la.). Cette première divi- 
sion correspond, mais en partie seulement, au Naharîn 
des inscriptions égyptiennes, qui indique le territoire 
situé entre l'Euphrate et l'Oronte et aussi le royaume 
de Mitanni sur le bord oriental de l'Euphrate. Voir la 
' carte, fig. 430. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, 
p. 249-255. Cependant les lettres d'El-Amarna dis- 
tinguent le Nahrim du Mitani et les placent côte à 
côte. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el- 
'Amarna, Berlin, 1896, n» 79, p. 172. Dans la Genèse, 
le nom de 'Aram-naharaîm, comme appliqué à la partie 
septentrionale de la Mésopotamie, est remplacé par 
celui de Paddan-' Aram. Cf. Gen., xxv, 20; xxvm, 2, 
5, 6, 7; xxxi, 18; xxxm, 18; xxxv, 9, 26; xlvi, 15; 
XLViii, 7 (Paddan seulement). Les Septante traduisent 
tantôt par M£<roitoTa(jua, Gen., xxvm, 2, 5, tantôt par 
MetroTtoTaîii'a Eupt'aç ou -rrjc Supcaç, Gen., xxv, 20; 
xxvm, 6, 7; xxxi, 18; xxxm, 18; xxxv, 9, 26; xlvi, 15; 
xlviii, 7. En assyrien, padânu signifie « voie, route », 
et se rapproche ainsi de harrânu, d'où est venu le nom 
de la ville de Haran, en Mésopotamie. Gen., xi, 31, 
32; xil, 4, 5, etc. Voir Haran 3, t. m, col. 424. C'est 
l'équivalent d'un mot sumérien (Gana), qui veut dire 
«champ ». Aussi l'expression d'Osée, xii, 12, èedê 
'Aram, « les champs d'Aram », Septante : iteSeov Suoiocç, 
peut-ejle être regardée comme une traduction de Pad- 
dan-'Aram. Un ancien roi de Babylone, Agu-kak-rimi 
(environ 1700 avant J.-C), s'appelle « roi de Padan et 
Alman». — Voir Mésopotamie, t. iv, col. 1022. 

2» Le 'Âram-Sôbâh (avec hé final, Ps. Lix (héb. LX), 
2; avec aleph, II Reg., x, 6,8); Septante : Supe'a 2ou8â, 
II Reg., x, 6, 8; Supi'a Swêâ)., Ps. lix, 2. On connaît 
en assyrien une ville de $ubiti, qu'on place entre 
Hamath et Damas. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften 
und das Allé Testament, 3 e édit., Berlin, 1902, p. 135. 
Voir Soba. 



3°Le'Aram-bê(-Rel.iôb ; Septante: t] Supia Bai8paâ[i; 
Codex Vaticanus : -fj Supta xaè 'Potig; Vulgate : Syrus 
Rohob. II Reg., x, 6. D'après Jud., xvm, 28, Bê{ Rehôb 
devait se trouver non loin de Laïs ou Dan (Tell-el-Qâdï). 
Voir Rohob 3, col. 1112. 

4° Le 'Aram Ma'âkih; Septante: Sypfa Maa^â; Vul- 
gate : Syria Maacha, I Par., xix, 6, ou simplement 
Ma'âkâh, II Reg., x, 6, 8. Il faut sans doute chercher 
ce petit royaume là où était l'ancienne ville A"Abêl bê( 
Ma'âkâh, II Reg., xx, 14, aujourd'hui 'Abil, à la hauteur 
de Tell el-Qâdi, mais en deçà du Jourdain. Voir Abel- 
beth-Maacha, t. i, col. 31; Maacha 10, t. iv, col. 466. 

5° Le 'Aram Damméséq ; Septante : Supin Aap.a<rxo0, 
Supi'a î| xaièt Aatiamiôv, ou « Syrie de Damas ». II Reg., 
vin, 5, 6; I Par., xvm, 6. Le plus important des 
royaumes araméens d'après la Bible. Voir Damas, t. n, 
col. 1213. 

III. Géographie. — /. populations et divisions 
anciennes. — La division que nous venons de donner 
ne concerne que les royaumes araméens qui ont pris 
une part plus ou moins grande aux événements de 
l'histoire biblique; excepté l' Aram-naharaîm, elle ne 
comprend que ceux qui avoisinaient immédiatement la 
Palestine. Elle est donc loin de présenter dans toute 
leur extension et leurs ramifications les tribus ara- 
méennes. Celles-ci, du reste, n'ont été jusqu'ici 
connues qu'en partie; il a fallu le déchiffrement des 
inscriptions cunéiformes pour nous révéler l'existence 
et l'histoire d'une foule de ces peuplades qui furent 
mêlées au mouvement des grands empires de Ninive et 
de Babylone. Leur nombre est assez considérable, 
comme il arrive pour ces tribus orientales, moitié no- 
mades, moitié sédentaires, qui se morcellent selon les 
liens du sang, les besoins de la vie ou les événements 
politiques. Aujourd'hui même, il nous est impossible 
d'assigner à beaucoup d'entre elles un territoire bien 
déterminé, que ne comportent ni leurs migrations vo- 
lontaires ni souvent leurs déportations forcées. La 
difficulté vient aussi de l'imperfection de nos connais- 
sances. Nous sommes cependant suffisamment fixés sur 
plusieurs de ces noms, qui viennent ajouter d'impor- 
tantes contributions à l'histoire du peuple araméen 
et de la Syrie. Pour établir l'aire géographique dans 
laquelle ont évolué les tribus de l'ancien Aram, et pour 
nous rendre compte des changements administratifs 
qu'a subis la Syrie, nous devons successivement inter- 
roger les documents bibliques, assyriens, grecs et 
romains. 

1° Données bibliques. — La Bible, Gen., x, 23, men- 
tionne quatre fils d'Aram : Us, Hul, Géther et Mes. Le 
dernier (hébreu : Mas) représente, suivant une opinion 
généralement reçue, les tribus qui habitèrent le mont 
Masius, to Mâo-tov ôpo;, Strabon, XVI, i, 23;Ptolémée, 
V, xvm, 2, au nord de Nisibe, appelé aujourd'hui Ti'ir- 
'Abdin. Voir Mes, t. iv, col. 1013. On signale dans le 
même massif montagneux, d'après les inscriptions 
d'Asaurnasirpal, un district dont le nom Hu-li-(J)a 
rappellerait celui de Hul (hébreu : ifûl). Cf. Frd. 
Delitzsch, Wo lag das Paradies? p. 259. D'autres 
cherchent un rapprochement entre Hul et le nom que 
porte actuellement la région qui est au nord du lac 
Mérom, Ard el-Hûléh. Voir Hul, t. m, col. 777. Géther 
(hébreu : Gé(ér) est inconnu. Us (hébreu : 'Us) a fait 
penser au pays de Vssa dont il est question dans une 
inscription de Salmanasar II, et qui se trouvait non loin 
de l'Oronte au nord de Hamath. Cf. Frd. .Delitzsch, 
Wo lag das Paradies ? p. 259. Si l'on y voit le pays de 
Job, la terre de Hus, les recherches iront plutôt du 
côté du Hauran ou d'Édom. Voir Hus 4, t. m, col. 782. 
— La Bible nous montre Nachor, frère d'Abraham, 
établi en Mésopotamie, à Haran, Gen., xxiv, 10, où sa 
famille se fixa, Gen., xxvn, 43. Les douze fils de ce 
patriarche, Gen., xxn, 20-24, devinrent les éponymes 



1933 



SYRIE 



1934 



d'autant de tribus araméennes qui se répandirent à 
l'ouest de l'Euphràte et au sud jusque vers les mon- 
tagnes de Galaad. Voir Nachoe 2, t. iv, col. 1456. Ces 
tribus sont pour la plupart difficiles à identifier. Cepen- 
dantles inscriptions d'Asarhaddon mentionnent les pays 
de Bdzu et de Ifazû dont les noms rappellent ceux de 
Buz (hébreu : Bûz) et de Azau (hébreu : IJazû). Gen., 



tribu araméenne. de même nom et probablement 
de commune affinité, les Chaldéens mentionnés avec 
les Sabéens dans l'histoire de Job, i, 17, ce qui nous 
transporte bien dans les contrées habitées par les des- 
cendants d'Àram. Le nom de Pheldas (hébreu : PildâS), 
Gen., xxn, 22, a été retrouvé dans les inscriptions 
nabuthéennes. Voir Pheldas, col. 227. Tabée (hébreu : 




430. — Carte de Syrie. 



xxn, 21,22. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiez? 
p. 306-307; A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 1892, 
p. 295. Camuel, Gen., xxii, 21, est dit « père d'Aram », 
ce que les Septante traduisent par irorrïip Sôpuv et la 
Vulgate par pater Syrorum. Mais il ne s'agit évidem- 
ment pas ici desAraméens ou des Syriens en général. 
Ara m peut désigner on homme en particulier ou une 
famille unie aux Araméens ou la famille de Ram, d'où 
était issu Éliu. Job, xxxii, 2. Voir Camuel 1, t. il, 
col. 105. Cased (hébreu : Kéèéd), Gen., xxii, 22, 
ne représente pas l'ancêtre des Chaldéens, appelés 
en hébreu Ka&dîm, mais il peut être le père d'une 



Tébab), Gen., xxii, 24, est à rapprocher d'une ville 
d'Aram Soba, appelée Bété (hébreu : Bétal}) II Reg., 
vin, 8, mais Thébath (hébreu : Tibhaf) dans le passage 
parallèle de I Par., xvm, 8, et qui est la Tubihi des 
Lettres d'El-Amarna, cf. H. Winckler, Die Thontafeln 
von Tell el-Amama, Berlin, 1896, p. 238 ; en égyptien 
Tbhu, cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 173, 
396. De même Tahas (hébreu : TafraS), Gen., xxii, 24, 
rappelle, selon Winckler, Mitteilungen der Vordera- 
siatischen Gesellschaft, Berlin, 1896, p. 207, la ville de 
Tifyesi des monuments égyptiens, située au nord de 
Qadèt. Cf. W. Max Mûller, Asien und Europa, p. 251, 



1935 



SYRIE 



1936 



258. Enfin Maacha (hébreu -.Ma'âkâh), Gen., xxn, 24, est 
le nom même du royaume araméen signalé plus haut. 

2° Documents égyptiens et assyriens. — Les tribus 
araméennes, dont nous venons de montrer l'origine et 
Fextension d'après la Bible, et celles que nous allons 
signaler d'après les monuments anciens, n'occupaient 
qu'une partie de la Syrie. Si nous prenons ce pays 
dans toute son étendue, nous devrons y reconnaître, à 
côté des descendants d'Aram, une foule d'autres peu- 
plades, dont le mélange présente à la géographie et à 
l'histoire de sérieuses difficultés. L'Écriture elle-même 
nous donne l'idée de ce mélange, lorsqu'elle parle des 
tribus primitives du pays de Chanaan. VoirCHANANÉENl, 
t. ir, col. 539. L'embarras n'est pas moindre quand il 
s'agit de distinguer, d'après les autres documents an- 
ciens, les divisions du territoire. Pour l'intelligence de 
cet article, nous n'indiquons que les régions princi- 
pales: au midi le Haru, correspondant, selon certains 
auteurs, à la terre de Chanaan (voir Palestine, Noms, 
t. îv, col. 1975), VAmurru dans le Liban et l'Anti-Liban, 
lejpattup\usau nord, le Naharîn et leMitanni du côté 
de l'Euphrate. Grâce aux monuments égyptiens et assy- 
riens, nous pouvons aujourd'hui reconstituer en grande 
partie la géographie des vieilles cités syro-palestiniennes, 
dont la Bible seule a longtemps gardé les noms. C'est 
ainsi, en particulier, que les listes de Thothmès III et de 
Séti I er , et les tablettes d'El-Amarna nous permettent de 
dresser la carte du pays dès les premières conquêtes 
égyptiennes. Voir pour la Palestine les cartes des diffé- 
rentes tribus. Pour l'étude de ces documents géogra- 
phiques, on peut consulter les ouvrages suivants : 
H. Brugsch, Geographische lnschriften altàgyptischer 
Denkmâler, Leipzig, 1857-1860, t. h, p. 17-77; A. Ma- 
riette, Les Listes géographiques des pylônes de Kar- 
nak, Leipzig, 1875; G. Ma?pero, Sur lesnoms géogra- 
phiques de la Liste de Thoutmos III qu'on peut 
rapporter à la Judée, à la Galilée, deux extraits des 
Transactions of the Victoria lnstitute, avec cartes, 
1886, 1888; W. Max Mùller, Asien undEuropa, p. 143- 
267; Die Paluslinalisle Thutmosis 111, Berlin, 1907, 
dans les Mitteilungen der Vorderasiatischen Gesell- 
schaft; H. Clauss, Die Stâdte der ElAmarnabriefeund 
die Bibal, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâs- 
tina-Vereins, Leipzig, t. xxx, 1907, p. 1-79; P. Dhorme, 
Lespays bibliques au temps d'El-Amarna, dans laiîe- 
vue biblique, 1908, p. 500-519; 19C9, p. 50-73, 368-385. 

Si nous revenons maintenantaux tribus araméennes, 
nous verrons que leurs plus anciens représentants 
dans les inscriptions cunéiformes sont les Alflamû ou 
Ahlamê. On les trouve mentionnés dans les Lettres 
d'El-Amarna. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell 
El-Amarna, n. 291, p. 387. Mais il est probable que 
nous avons là un nom collectif pour l'ensemble des 
tribus nomades araméennes, qui parcouraient soit la 
Mésopotamie, soit les régions babyloniennes etélamites. 

Ceux dont la mention revient le plus souvent dans 
les documents assyriens sont les Puqudu, dont le 
nom, Peqôd, se lit dans deux passages de la Bible : 
Jer., l, 21; Ezech., xxm, 23. Voir Peqod, col. 123. Il 
est permis de les regarder comme la plus importante 
des tribus araméennes de Babylonie. Malgré cela, il 
est encore difficile de déterminer leur territoire avec 
certitude. Cependant on les place généralement sur la 
frontière élamito-babylonienne, le long du fleuve 
Vknû (le Choaspes des classiques, la Kerha actuelle). 
Voir la carte de Babylonie, t. i, col. 1361. 

Après eux viennent les Gambulu, dont Sargon, 
Annales, 264, soumit six cantons, à la tête desquels il 
plaça un gouverneur. Lme colonie de ce peuple dut 
être transplantée, c'est-à-dire déportée par les rois 
assyriens dans le nord de la Syrie, où Procope, Bell. 
Pers., i, 18, signale les ra[i6o-jXoi. Il existe encore 
aujourd'hui entre ginnesrîn, au sud d'AIep, et l'Eu- 



phrate un village dont le nom Gabbûl ou Djebbûl repré- 
sente celui de l'ancienne Gabbula et celui de la iribu 
araméenne. 
' Les monuments de Théglathphalasar III, de Sargon 
et de Sennachérib mentionnent, outre celles-ci, une 
foule d'autres peuplades araméennes. Voir plus loin, 
Histoire, pour les références. Nous ne pouvons citer 
que les plus importantes. Le nom des Itu'a revient 
souvent dans certains documents, mais nous n'avons 
rien de fixe sur leur demeure. Les Ifamrânu habitaient 
peut-être dans le nord de la Babylonie, non loin de 
l'Euphrate; leur nom a probablement survécu dans le 
djebel Hamrîn ou la ligne de hauteurs qui sépare la 
Babylonie et l'Assyrie. Les Ragarânu font penser à la 
ville d'Agranum que Pline, H.N.,\i, 30, place en Ba- 
bylonie, à Y'Agrûnia', Hagrûnia' , du Talmud. Cf. A. Neu- 
bauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 347. 
Les Nabatu sont regardés par un certain nombre 
d'auteurs comme les ancêtres des Nabuthéens ou Na- 
batéens; la question est discutée. Voir Nabuthéens, 
t. IV, col. 1444. En tout cas, il faut les distinguer des 
Nabaitai, mentionnés dans d'autres inscriptions. Les 
premiers sont des araméens, les seconds des arabes. 
Voir Naeaioth, t. iv, col. 1430. Les Rabilu rappellent, 
par leur nom, celui d'un ancien roi de Pétra, Pao6v)Xoç, 
Poiê-qloi. Nous pouvons ajouter les tribus suivantes : 
Rubu', Luhûatu, Rapiqu, Ru'a, Labdudu, etc. Cf. 
Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies? p. 237-241; 
M. Streck, Keilinschriftliche Beitràge zur Géographie 
Vorderasiens, Berlin, 1906, dans les Mitteilungen der 
Vorderasiatischen Gesellschaft. 

3" Auteurs gréco-romains. — Les géographes clas- 
siques nous donnent de la Syrie une description plus 
ou moins complète selon les limites qu'ils envisagent. 
L'ensemble des renseignements fournis par Strabon, 
XVI, n, 1-33, Pline, H. N., v, 13-21, et Ptolémée, v, 15, 
peut se réduire aux divisions suivantes. — 1. Au nord 
était la Commagène, entre le Taurus et l'Euphrate, 
avecSamosate, aujourd'hui Samsat, comme capitale.— 
2. Au-dessous, la Cyrrhestique, ainsi appelée du nom 
de sa capitale, Cyrrhus, probablement représentée au- 
jourd'hui par la village de Corus, au nord-ouest de 
Killis. — 3. Venait ensuite la Chalybonitide, qui tirait 
également son nom de la ville principale, Chalybon, 
mot qui s'est transformé en Haleb ou Alep. — 4. Plus 
bas encore, la Chalcidique, de Chalcis, actuellement 
Kinnesrin, sa capitale. — 5. La Séleucide s'étendait 
le long de la Méditerranée, depuis le golfe d'Issus jus- 
qu'à la Phénicie, depuis l'Amanus jusqu'à la Cœlé- 
Syrie. Elle était aussi appelée la Tétrapole, à cause de 
ses quatre villes principales : Séleucie, Antioche, Lao- 
dicée et Apamée, dont Ptolémée fait des cantons dis- 
tincts. — 6. La Cœlé-Syrie, avec Héliopolis, Baalbek, 
comme 'capitale. Voir Cœlé-Syrie, t. n, col. 820. — 
7. La Palmyrène comprenait la partie du désert bor- 
née au nord par la Chalybonitide et la Chalcidique,. 
à l'est par l'Euphrate, au sud par le grand désert 
d'Arabie, à l'ouest par la Séleucide ou plus directement 
par l'Apamène. Voir Palmyre, t. iv, col. 2070. — 8. La 
Damascéne ou pays de Damas. — 9. La Batanée ou 
pays de Basan. Voir Basan, t. I, col. 1486. Ces con- 
trées formaient la Syrie proprement dite; mais, dans 1» 
suite des temps, on appliqua ce nom à tout le pays qui 
s'étend, du nord au sud, de l'Amanus à la frontière 
égyptienne, et, de l'ouest à l'est, de la Méditerranée à 
l'Euphrate et au désert syro-arabe. C'est ainsi que- 
Strabon, xvi, p. 749, renferme dans la Syrie la Phé- 
nicie et la Judée. 

On voit, en somme, que les documents bibliques, 
assyriens et gréco-romains s'accordent pour placer les 
peuples araméens-syriens au nord et au nord-est de la 
Palestine, jusqu'à l'Euphrate principalement, bien que 
plusieurs tribus soient disséminées au delà du fleuve. 



1937 



SYRIE 



1938 



n. description. — Pour mieux marquer les rapports 
qui existent entre la géographie et l'histoire, nous pre- 
nons ici la Syrie dans toute son étendue, laissant de 
côté VA ram-naharaîm ou la Mésopotamie et le terri- 
toire de certaines tribus araméennes enclavé dans la 
Babylonie. 

1° La Syrie est constituée d'abord par la longue 
chaîne de montagnes qui, de l'Amanus aux collines 
méridionales de la Palestine, descend directement du 
nord au sud, parallèlement à la côte méditerranéenne. 
Elle comprend ensuite les plateaux et les plaines qui 
s'étendent à l'est, s'élargissant vers le nord pour suivre 
la courbe de l'Euphrate, se rétrécissant vers le sud 
pour éviter le désert. On peut distinguer dans la chaîne 
un noyau central, dont les massifs du nord et du midi 
ne sont que les prolongements. Ce noyau, c'est le 
Liban, avec la ligne parallèle de l'Antiliban, dont les 
hauts sommets dépassent tous ceux de la Syrie. Voir 
Liban, t. iv, col. 227; Anti-Liban, t. i, col. 664. Le 
Liban projette ses racines, au sud, dans les collines de 
Galilée, on peut dire même jusque dans l'arête monta- 
gneuse de la Palestine, au nord, dans le Djebel Ansa- 
riéh. L'Amanus, aujourd'hui Akma-Ddgh ou Elma- 
Ddgh, qui couvre la frontière septentrionale, appar- 
tient plutôt au système du Taurus, dont il est un 
contrefort avancé. Cette longue chaîne montagneuse 
descend en pentes plus ou moins raides vers le litto- 
ral, où il ne reste souvent qu'une étroite bande de 
terre, excepté vers le midi où la plaine s'élargit à 
mesure que la côte s'infléchit à l'ouest. Du golfe 
d'Alexandrette à Beyrouth, plusieurs pointes de terre, 
le Râsél-Khanzir, le Rds el-Bazit, le Rds Ibn-Hdni, 
le Rds esch-Schuka, laissent entre elles des baies assez 
profondes et abritent des villes comme Lataqiyéh, 
l'ancienne Laodicée, Tarabulus ou Tripoli. De Beyrouth 
au Carmel, la côte n'offre plus guère que quelques dents 
de scie, avec les ruines des villes phéniciennes, Sidon 
et Tyr, et la vieille cité d"Akka ou Saint-Jean-d'Acre. 
Mais, à partir du Carmel jusqu'à Gaza et la frontière 
égyptienne, les sinuosités s'effacent et l'on ne trouve 
plus que quelques criques ensablées. Ce rivage oriental 
de la Méditerranée a eu un rôle très important dans 
l'histoire du monde ancien. Voir Méditerranée (Mer), 
t. iv, col. 927; Phénicie, col. 228. 

La chaîne bordière ne s'ouvre que pour livrer passage 
à certains fleuves qui viennent se perdre dans la Médi- 
terranée, le Nahr el-Asi, ou Oronte, le Nahr el-Kebir, 
le Nahr el-Qasimiyéh, le Nahr el-Muqatta ou Cison. 
Le premier et le troisième de ces fleuves font partie 
d'un système hydrographique tout à fait remarquable. 
Quatre grands cours d'eau prennent naissance à peu 
près au même point pour s'en aller ensuite dans des 
directions absolument opposées, de manière à former 
la croix. Deux d'entre eux ont leur source près de 
Baalbek dans la plaine de Ccelé-Syrie. L'Oronte coule 
directement au nord, dans un lit profond, forme, en 
amont de Homs, un vaste lac, s'étale plus bas, au- 
dessous de Hamath, en marécages riverains, puis, con- 
tournant les contreforts du Casius, vient, par un brusque 
détour au sud-ouest, se jeter dans la mer. Le Nahr el- 
Leitani, qui prend ensuite le nom de Nahr el-Qasi- 
miyéh, descend d'abord dans la direction du sud-ouest, 
longeant le flanc oriental du Liban, puis tourne à angle 
droit vers l'ouest pour atteindre son embouchure. Le 
Jourdain sort des flancs de l'Hermon et se précipite au 
sud vers la mer Morte, traçant son cours sinueux dans 
la longue et profonde vallée qui constitue un des traits 
caractéristiques de la Palestine. Voir Jourdain, t. m, 
col. 1704. Enfin d'une des hautes crêtes de l'Anti-Liban 
s'échappe le Barada, le fleuve de Damas, qui, après 
avoir traversé la montagne, où ses eaux mugissent 
entre les parois des rochers, débouche dans la plaine 
et, se dirigeant vers l'est, va se perdre dans un grand 



lac. Voir Abana, t. i, col. 13. On pourrait ajouter à 
cette dernière branche l'autre fleuve de Damas, le 
Nahr el-Auadj, qui, des pentes orientales de l'Hermon, 
s'en va, vers l'est, se jeter dans un lac marécageux. 
Voir PharphaR, col. 219. 

Entre le cours inférieur de l'Oronte, l'Amanus et 
l'Euphrate, la région septentrionale de la Syrie, dont 
Alep est le centre, est un plateau généralement inculte 
et d'une certaine élévation. Cette élévation, de 330 à 
380 mètres au-dessus du niveau de la mer, est cepen- 
dant loin d'égaler celle des hautes plaines qui s'étendent 
plus bas, à l'orient du Jourdain. Damas est à 696 mètres 
d'altitude; la hauteur moyenne des plaines du Hauran 
est de 500 à 600 mètres, celle des plateaux de Galaad et 
de Moab est encore supérieure. Entre le Liban et l'Anti- 
Liban, s'étend la grande vallée de Cœlé-Syrie, qui, après 
avoir suivi la direction nord-est sud-ouest se rattache 
ensuite à la grande faille de la vallée du Jourdain et 
de l'Arabah. Enfin, au-dessous de Damas, le pays est 
fermé par la chaîne volcanique des montagnes du Hau- 
ran et du Safa. Voir Palestine, 2, Région transjor- 
dane, t. iv, col. 1998. 

2» Le climat de la Syrie diffère selon les latitudes, 
dont l'écart est sensible, et selon la division naturelle 
du terrain en pays bas et pays haut, plaines et mon- 
tagnes. Pendant l'hiver, la chaîne de montagnes se 
couvre de neige, les terres inférieures n'en ont pas ou 
ne la gardent qu'un instant. On trouve en général un 
climat chaud sur la côte et les plateaux intérieurs, un 
climat tempéré dans la montagne ; sous ce dernier, 
l'ordre des saisons est presque le même qu'au centre 
de la France. Dans les plaines, l'été est souvent acca- 
blant, mais l'hiver est si doux que les orangers, les 
dattiers, les bananiers et autres arbres délicats croissent 
en pleine terre. Cependant l'hiver est plus rigoureux 
dans les parties du nord et à l'est des montagnes. On 
peut dire, en résumé, que la Syrie réunit sous un 
même ciel, et à de très petites distances, des climats 
différents : si les chaleurs de juillet incommodent sur 
la côte, il suffit de quelques heures pour trouver dans 
la montagne la fraîcheur de mars ou avril. Aussi les 
poètes arabes disent-ils que le Sannin, un des sommets 
du Liban, porte l'hiver sur sa tête, le printemps sur 
ses épaules, l'automne dans son sein, pendant que l'été 
dort à ses pieds. On comprend dès lors que la Syrie, 
avec un travail constant et intelligent, pourrait produire 
les richesses végétales des contrées les plus éloignées. 
A côté de parties incultes, elle en a aussi qui sont d'une 
extrême fertilité. Damas est entourée dejardinsoùl'on 
trouve tous les arbres fruitiers de l'Europe, dont les 
produits sont d'excellente qualité. Les plaines de 
l'Oronte donnent du froment, de l'orge, du dourah, du 
sésame et du coton ; celles du Hauran sont regardées 
comme le grenier de la Syrie. Sur les coteaux où 
s'étage la ville de Beyrouth, croissent des mûriers, des 
amandiers, des chênes verts, des figuiers, des oliviers, 
des lilas de Perse, des cyprès et quelques palmiers; les 
figues ne le cèdent en rien à celles de la Provence et 
de la Calabre. Les montagnes, autrefois surtout, four- 
nissaient un bois excellent. Les pâturages sont encore 
abandonnés aux troupeaux des nomades. — Pour la des- 
cription complète du pays, on peut voir en particulier : 
E. Sachau, Reise in Syrien und Mesopotamien, Leipzig, 
1883, avec cartes; Elisée Reclus, L'Asie antérieure, 
Paris, 1884, p. 685-825; M. Blanckenhorn, Grundzûge 
der Géologie und physikalischen Géographie von 
Nordsyrien, Berlin, 1891; M. Hartmann, Beitrâge zur 
Kenntniss der Syrischen Steppe, dans Zeitschrift des 
Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxn, 1899, 
p. 127-149, 153-177; t. xxm, 1900, p. 1-77, 97-158, 
sans compter les nombreux ouvrages sur le Liban, 
Damas et la Palestine. Pour la population actuelle et 
la division territoriale, cf. Vivien de Saint-Martin, 



1939 



SYRIE 



1940 



Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1879- 
1895, art. Syrie. ! 

IV. Histoire. — L'histoire du pays que nous venons 
de décrire répond à sa constitution physique et à sa 
situation. L'ossature des montagnes le morcelle en 
bassins isolés, où de petits peuples ont vécu en de per- 
pétuelles hostilités les uns contre les autres, ne faisant 
trêve à leurs luttes que sous le joug d'un maître étran- 
ger, contre lequel ils n'ont pas su s'unir, ne vivant 
d'une vie personnelle que dans l'intervalle des conquêtes 
qui les ont asservis. S'ils se liguent parfois ensemble, 
c'est pour se jeter dans les bras d'un ennemi, en vou- 
lant échapper à un autre. Les vieilles tribus araméennes 
forment dans les plaines qui avoisinent l'Euphrate des 
hordes turbulentes, contre lesquelles les conquérants 
assyriens auront souvent à lutter. Les Phéniciens se 
sont cantonnés entre le Liban et la mer. Après les peu- 
plades chananéennes, les Israélites se sont enfermés 
dans les collines et les plaines au-dessous du Liban, 
dans le bassin du Jourdain. A l'est de l'Anti-Liban, 
Damas s'est étendue jusqu'aux confins du désert. Idu- 
méens, Moabites, Ammonites, Amorrhéens, Héthéens 
ont occupé des lambeaux du pays et évolué dans la 
même orbite. A ce morcellement des peuples s'ajoute 
pour la Syrie un autre désavantage, sa situation, qui 
en fait comme le carrefour où la plupart des races 
militaires de l'ancien monde se sont choquées violem- 
ment. Resserrée entre la mer et le désert, elle offre aux 
armées la seule route facile pour passer d'Afrique en 
Asie, des bords du Nil aux rives de l'Euphrate et du 
Tigre. Elle est donc de ces régions qui sont vouées à la 
domination étrangère; aussi subira-t-elle tour à tour le 
joug des puissantes nations qui l'entourent, Chaldée, 
Assyrie, Egypte, Perse, en attendant que les empires 
d'Occident s'en emparent. Son histoire n'est autre chose 
que le récit de ses luttes intestines et de ses servitudes 
successives. Nous la résumons à grands traits, en 
nous tenant spécialement aux Araméens-Syriens. 

D'où sont venus les Araméens? C'est encore une 
question discutée. Amos, IX, 7, les fait venir de Qîr, 
mais la situation précise de cette région n'est pas dé- 
terminée. Voir Cyrène 1, t. h, col. 1176. On se demande 
même s'il ne faudrait pas plutôt lire ici Qêdâr. 
Cf. A. van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, 
Paris, 1908, p. 212, 280. En tout cas, nous les trouvons 
assez haut dans l'histoire. 

1» Premières conquêtes chaldéennes et égyptiennes. 
— Les découvertes d'El-Amarna nous font nécessai- 
rement remonter à une longue suprématie de l'antique 
Chaldée sur la Syrie : la langue employée et l'état 
de choses décrit rendent manifeste l'influence pré- 
pondérante de Babylone sur les peuples situés entre 
l'Euphrate et la Méditerranée. Cf. M. Jastrow, On 
Palestine and Assyria in the days of Joshua, dans 
la Zeitschrift fur Assyriologie, Berlin, t. vu, 1892, 
p. 17 ; A. H. Sayce, Patriarchal Palestine, Londres, 1895, 
p. 55 sq. Aussi loin, en effet, que nous pouvons remonter 
dans l'histoire, nous trouvons la Syrie beaucoup plus 
dans l'orbite de l'empire chaldéen que dans celui de 
l'Egypte. Sargon d'Agadé et Naram-Sin s'attribuent la 
domination de l'Occident; ils régnaient ainsi de l'Élam 
à la Méditerranée. Cf. Zimmern.-Winckler, Die Keilin- 
schriften und das Alte Testament, Berlin, 1A02, p. 15. 
Un roi d'Élam, Kudur-Mabug, prend dans ses ins- 
criptions le titre de « prince du pays d'Occident », et 
l'on sait que Chodorlahomor ou Kudur-Lagamar eut 
aussi la suzeraineté sur ces contrées, qui restèrent 
longtemps vassales de Babylone ou de Suse, suivant la 
prédominance de l'Élam ou de la Chaldée. Voir Cho- 
dorlahomor, t. h, col. 711; Élah 8, t. H, col. 1630. 
Cependant l'influence babylonienne, autant qu'on en 
peut juger, fut très intermittente. De son côté, l'Egypte, 
après avoir rejeté les Hyksôs, et alors que Babylone ne 



pouvait plus soutenir sa domination séculaire, prit le 
chemin des régions syriennes, dont elle convoitait les 
richesses. De là les conquêtes de Thothmès III, d'Amé- 
nothès II, Séti I er , etc. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient classique, Paris, t. h, p. 255- 
265, 291-292, 370-372; J. H. Breasted, Ancient Records 
ofEgypt, Chicago, 1906, t. il. A l'époque où les tablettes 
d'EI-Amarna ont été écrites, l'Egypte était maîtresse du 
pays, ayant imposé sa tutelle à tous les petits rois, 
depuis les Héthéens jusqu'aux Chananéens. Cependant 
les Héthéens qui, débordant de l'Asie Mineure, étaient 
venus s'installer dans le nord, provoquèrent parmi les 
indigènes un mouvement qui finit par rendre à la con- 
trée une certaine indépendance. En même temps les 
Hébreux, secouant le joug égyptien, venaient s'établir 
en Chanaan. La décadence de l'Egypte et de la Baby- 
lonie avait permis ces événements. 

2° Conquêtes assyriennes. — Mais bientôt l'Assyrie 
allait jeter les yeux du côté de l'occident. Déjà les rois 
Enlil-nirari (vers 1370-1345), Arik-dén-ili (vers 1345- 
1320), et Adad-nirari I«- (1320-1290) avaient eu à dé- 
fendre leurs frontières contre des bandes araméennes, 
entre autres les Ahlamu. Cf. Inscription d'Adad- 
nirari I er , dans Budge et King, Annals of the hings of 
Assyria, Londres, 1902, t. i, p. 4 sq. Téglathphalasarl er 
(vers 1115-1100) marcha lui aussi contre « les Ahlamu 
du pays d'Aram », mais ce fut pour aller plus loin et 
pousser sa conquête jusqu'aux pays de Hattu et 
d'Aniurru. Cylindre, col. v, 46; vi, 39-45; Obélisque 
brisé, iv, 39. L'Assyrie mettait ainsi la main sur des 
peuples qui avaient été auparavant sous la domination 
égyptienne ou héthéenne. Cependant, elle n'étendait 
pas encore son empire sur la Cœlé- Syrie, Damas et la 
terre de Chanaan, et les royaumes araméens de Soba, 
de Damas et de Befh-Rohob, en face des Héthéens 
affaiblis, consolidaient leur indépendance. Le roi avait 
même poussé trop loin ses conquêtes; ses successeurs 
ne surent pas les maintenir. Sous ASur-rabi, les Ara- 
méens réussirent à reprendre la ville de Pitru, sur le 
Sagura, une des branches de l'Euphrate à l'ouest, et 
celle de Mutkinu, sur la rive opposée du fleuve. Sal- 
manasar II s'en emparera de nouveau. Cf. Monolithe 
de Salmanasar II, col. h, 36-38, dans Eb. Schrader, 
Keilinschriftliche Bibliothek, Berlin, 1889, t. i, p. 162- 
165. Aëur-nasir-abal (884-860) entreprit, lui aussi, une 
campagne au pays de Hattu et la poussa jusqu'au 
Liban, recevant les tributs de Sangar, roi des Héthéens, 
de Lubarna, roi du pays de Patin, et, après avoir 
franchi l'Oronte, conquérant les villes du Luhuti, au- 
dessous de Hamath, sur la rive gauche du fleuve. Il vit 
ensuite les rois de la côte, de Tyr, Sidon, Byblos (Gu- 
tal-ai), etc., lui apporter leurs présents. Cf. Annales, 
col. m, 65-92, dans E. Schrader, Keilinschr. Bibliothek 
1. 1, p. 106-111. 

Il n'est pas question dans cette marche triomphale 
des royaumes araméens situés à l'est de l'Anti-Liban. 
C'est que Damas prenait une importance de plus en 
plus grande. Un siècle auparavant, Razon, Bis d'Éliada, 
s'y était établi roi et rival d'Adarézer, prince de Soba; 
il fut un des principaux adversaires de Salomon. 
III Reg., XI, 23-25. Les Araméens de Damas profitèrent 
aussi du schisme qui suivit la mort de Salomon pour 
se fortifier et consacrer leur indépendance; leur appui 
fut recherché des deux royaumes d'Israël et de Juda. 
C'est ainsi qu'Asa réclama l'alliance de Bénadad contre 
Baasa, et le roi de Syrie vint ravager les contrées sep- 
tentrionales d'Israël. III Reg., xv, 18-20; II Par., xvi, 
2-4. Pour tous les détails de ces guerres entre Damas 
et les Hébreux, voir Damas, III, Histoire, t. h, col. 1224. 
Celait Adad-idri (Bénadad II selon certains auteurs), 
qui régnait à Damas lorsque Salmanasar II (860-825) 
fit sa grande expédition en Syrie. Le monarque assy- 
rien eut en face de lui une coalition de douze rois, 



1941 



SYRIE 



1942 



parmi lesquels Irhulêni de Hamath et Achab d'Israël, 
avec Adad-idri pour chef. La bataille eut lieu à Qar- 
qar, près de l'Oronte, probablement là où fut plus 
tard Apamée. Les princes ligués furent battus. Cf. Mo- 
nolithe, col. il, 78-101; E. Schrader, Keilinschr. Bibl., 
t. 1, p. 170-175 : Amiaud et Scheil, Les inscriptions de 
Salmanasar II, Paris, 1890, p. 40-43. Salmanasar 
n'usa pas de sa victoire contre Damas, qui refît ses 
forces pour une ligue nouvelle. Cinq ans plus tard, 
en 849, il fut obligé de reprendre le chemin du pays 
de IJattu et de Hamath et de combattre à nouveau 
les rois coalisés, qui furent encore défaits. En 846, 
il voulut frapper un dernier coup. Cf. Obélisque et 
Inscription des taureaux, dans Amiaud et Scheil, Les 
inscriptions de Salmanasar II, p. 52-57; F. Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 
1896, t. m, p. 475-477. Sur Adad-idri, on peut voir 
P. Dhorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la 
Revue biblique, 1910, p. 63-64, 70-72. La lutte cepen- 
dant, reprit avec Hazaël de Damas, qui osa supporter 
seul le choc de l'Assyrien. Il commença par se fortifier 
dans la partie nord de l'Anti-Liban, afin d'arrêter 
lenvahisseur; mais, chassé de ses positions, il fut 
obligé de se replier sur Damas, où Salmanasar l'en- 
ferma. Celui-ci partit ensuite pour les montagnes du 
Hauran, dévasta ces régions, et, revenant vers la côte, 
reçut le tribut des Tyriens, des Sidoniens, et de Jéhu 
d'Israël. Cf. Obélisque de Nimrud, dans E. Schrader, 
Keil. Bibl., p. 140-143; Fragment d'annales de Salma- 
nasar II, estampage conservé au British Muséum, 
dans Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, Leipzig, 
4 e édit., 1900, p. 51. 

Après toutes ces expéditions, Salmanasar II laissa 
répit à la Syrie. Les royaumes de Damas et de Hamath, 
d'Israël et de Juda auraient dû en profiter pour s'unir 
contre les invasion futures. Ils passèrent leur temps à 
s'entre-déchirer. Hazaël chercha à établir sa prépon- 
dérance sur ses voisins. Pour ses luttes avec Israël et 
Juda, cf. IV Reg., vin, 28-29; x, 32-33; xii, 17-18; xm, 
1-7, 22-23. Voir Hazaël, t. m, col. 459. De son côté, le 
royaume de Hamath s'était relevé, grâce à l'affaiblisse- 
ment de l'Assyrie sous le successeur de Salmanasar II. 
Un usurpateur, nommé Zakir, vit se Coaliser contre lui 
plusieurs rois, dont le chef était le fils d'Hazaël, Béna- 
dad II (Bénadad III pour d'autres). Les alliés vinrent 
mettre le siège devant la ville de Hazrak, l'Hadrach de 
Zach., îx, 1 (voir Hadrach, t. m, col. 394), qui devait 
se trouver entre Damas et Hamath. Zakir délivra la 
ville et, en témoignage de reconnaissance envers le 
dieu qui le protégea, éleva une stèle sur laquelle sont 
relatés ces faits. Cf. H. Pognon, Inscriptions sémi- 
tiques de la Syrie, de la Mésopotamie et de la région 
de Mossoul, Paris, 1908, p. 160. Le royaume d'Israël 
profita de l'échec de Bénadad pour reprendre les villes 
conquises par Hazaël. Cf. IV Reg., xm, 24-25. 

Cependant l'Assyrie revenait à ses desseins ambitieux. 
Adad-nirari III (811-783) vint assiéger dans Damas le 
successeur de Bénadad III (II), Mari' (que quelques- 
uns identifient avec Bénadad lui-même), et ramena 
ainsi la puissance de l'Assyrie aux frontières qu'elle 
avait eues à l'époque de Salmanasar II. Parmi ses con- 
quêtes il compte les pays de Hatti, d'Amurru, de Tyr, 
de Sidon, d'Omri (royaume d'Israël), d'Édom et de 
Philistie. Cf. Inscription des dalles de Kalah, dans 
E. Schrader, Keil. Bibl., t. i, p. 190. Le même mo- 
narque eut à combattre une peuplade araméenne que 
nous avons mentionnée plus haut, les ltu'a, contre les- 
quels son successeur Salmanasar III (781-772) dut 
également guerroyer. Cf. Canon des éponymes avec 
notices, Keil. Bibl., t. i, p. 210-211. Le successeur de 
Salmanasar III, Asur-dân II (771-754), malgré un règne 
malheureux, fit plusieurs campagnes contre le nord 
de la Syrie. Le roi d'Israël, Jéroboam II, sut habile- 



ment profiter de ces événements pour secouer le joug 
de Damas et de Hamath, reconquérir même des terri- 
toires perdus. IV Reg., xiv, 24-28. 

Les tribus araméennes avaient, depuis un certain 
temps déjà, envahi la Mésopotamie et devenaient une 
menace perpétuelle pour l'Assyrie. Téglathphalasar III 
(745-727), qui en énumère trente-cinq, dit qu'il eut à 
lutter pendant tout son règne contre ces Araméens 
« qui habitaient sur les rives du Tigre, de l'Euphrate 
et du fleuve Surappu, jusqu'au fleuve Dknû (la Kerfia 
actuelle) aux bords de la mer inférieure (le golfe Per- 
sique). » Cf. Inscription de la tablette d'argile de Nim- 
rud, 1. 5-10, Keil. Bibl., t. h, p. 10-11. Mais il eut aussi 
à porter ses armes du côté de l'ouest, où Azriiahu de 
Iaudi (qu'on identifiait autrefois avec Azarias de Juda) 
avait groupé autour de lui plusieurs principautés 
des environs de Hamath. Vainqueur des rebelles, il 
transforma leurs territoires en provinces assyriennes. 
Cf. Annales, Keil. Bibl., t. H, p. 26-27. Parmi les 
princes qui lui apportèrent le tribut, il mentionne Ku- 
us-ta-aS-pi de Kummuh (Commagène), Rasin (Ra-sun- 
nu) de Damas, Manahem (Me-ni-hi-me) de Samarie, 
Hiram (Hi-ru-um-mu) de Tyr, Si-bi-it-ti-bi-'-li de Gé- 
bal, 1-ni-ili de Hamath, Pa-na-am-mu-u de Sam'al, etc. 
Cf. Annales, Keil. Bibl., t. n, p. 30-31. Rasin II, dont 
il est ici question, s'étant ligué avec Phacée, roi 
d'Israël, contre Juda, Achaz implora le secours de Té- 
glathphalasar III, qui mit à la raison les deux alliés. 
Voir Achaz, t. i, col. 130; Damas, III, Histoire, col. 1228; 
Phacèe, col. 178. En étendant ses conquêtes jusqu'au 
sud de la Palestine, le monarque développa la supré- 
matie assyrienne dans des limites et avec une stabilité 
qu'elle n'avait pas connues autrefois. 

Pour les campagnes de Salmanasar IV et de Sargon 
en Palestine, voir Salmanasar IV, col. 1377; Sargon, 
col. 1486; Samarie, col. 1401. Les tribus araméennes 
qui peuplaient le pays de Kaldu, les Sutû, les Puqudu, 
I les Bu a, les Blindant avaient réussi à asseoir sur le 
trône de BabylonieMérodach-Baladan. Sargon les sou- 
mit et les incorpora aux provinces assyriennes. Voir 
Mérodach-Baladan. t. iv, col. 1001. Mais il n'était pas 
facile de maintenir sous le joug ces peuplades toujours 
rebelles. Sennachérib (705-681) mentionne dix-sept de 
ces tribus qu'il appelle « les Araméens insoumis », et 
parmi elles les Gambulu, les Puqudu, les Nabatu, etc. 
Ses soldats eurent raison de ces bandes indisciplinées. 
Cf. Cylindre de Taylor, lig. 40-62, Keil. Bibl., t. Il, p. 84- 
85. Tranquille du côté de l'est, le roi d'Assyrie voyait 
aussi dans l'impuissance de lui nuire les royaumes 
syriens de Hamath et de Damas. Israël n'existait plus; 
restait Juda ; c'est de ce côté que Sennachérib portera 
ses armes. Voir Sennachérib, col. 1603. Asarhaddon 
(681-668) étendit les conquêtes de l'Assyrie jusqu'en 
Egypte. Parmi les « 22 rois de la terre de IJatti sur 
les côtes de la mer et au milieu de la mer » qui lui 
payaient tribut il compte : Ba'lu, roi de Tyr, Manassé 
(Mi-na-si'i), roi de Juda, QauSgabri, roi d'Edom, 
Musuri, roi de Moab, etc. Cf. Prisme brisé, Keil. Bibl., 
t. n, p. 148-151. Ce fut probablement vers l'époque de 
sa campagne d'Egypte qu'il transporta en Samarie les 
peuplades dont il est question I Esd., iv, 2, 9. Voir 
Asarhaddon, t. i, col. 1058. Assurbanipal, pendant ses 
campagnes contre l'Egypte, vit les mêmes rois de IJatti 
et des côtes de la mer lui faire hommage de vassalité. 
Cf. Keil. Bibl., t. Il, p. 238-241. Mais ils se soule- 
vèrent bientôt, à l'instigation de Samassumukin, le 
plus jeune de ses frères, qui voulait le supplanter. Le 
monarque les soumit en leur imposant des gouver- 
neurs assyriens. Cf. Cylindre de Rassam, col. m, 
lig. 96-106, Keil. Bibl., t. n, p. 184-185; The cuneiform 
Inscriptions of Western Asia, t. m, pi. xxi, col. v, 
lig. 38-39. Manassé fut conduit prisonnier à Babylone. 
Voir Assurbanipal, t. i, col. 1144. Après la ruine de 



1943 



SYRIE 



1944 



Ninive, Nabuchodonosor voulut chasser de la Syrie et 
de la Palestine les Égyptiens qui en étaient maîtres 
depuis quelques années. Il marcha sur Charcamis, la 
principale place forte du pharaon, mit en déroute 
l'armée ennemie, et, poursuivant sa route vers le sud, 
reçut l'hommage de tous les rois du pays. Il se rendit 
de nouveau en Syrie pour y étouffer les mouvements 
de révolte qui s'y produisaient sans cesse. C'est dans 
une de ces expéditions qu'il mit fin au royaume de 
Juda. Voir Nabuchodonosor 1, t. iv, col. 1437. Cf. P. 
Dhorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la Re- 
vue biblique, 1910, p. 54-75, 179-199, 368-390, 501-520; 
1911, p. 198-218. 

3° Les Perses. — L'empire babylonien étant tombé 
aux mains des Perses, la Syrie fut soumise à ces nou- 
veaux maîtres. Ceux-ci virent dans la variété des élé- 
ments que renfermait chaque région de leur immense 
territoire une garantie de paix pour le souverain. Ils 
laissèrent donc subsister côte à côte les royaumes et 
les nations tributaires, et conservèrent à tous leurs 
dynasties locales, leur législation particulière, leur 
religion. Darius I er distribua l'ensemble de son empire 
en différentes circonscriptions. La Syrie fit partie de 
VArabayd, qui allait du Khaburau Leïtani, au Jourdain 
et à l'Oronte. Cf. Inscriptions de Persépolis, dans 
F. H. Weissbach, Die Keilinschriften der Achâme- 
niden, Leipzig, 1911, p. 82-83. Il mit à la tête de ces 
provinces des satrapes; mais, pour ne pas concentrer 
dans les mêmes mains l'autorité civile et le comman- 
dement militaire, il adjoignit à ceux-ci deux autres 
officiers, le secrétaire royal et le général; tous trois, 
indépendants l'un de l'autre, relevaient directement 
du roi. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, Paris, 1895-1899, t. m, p. 686, 
688. C'est ainsi que la Syrie suivit les vicissitudes du 
royaume des Perses. Voir Perse, t. v, col. 449; 
Satrape, col. 1497. 

4» Les Séleucides. — Après n'avoir été longtemps 
qu'une province du vaste empire de Sargon, de Nabu- 
chodonosor, de Darius et d'Alexandre, la Syrie retrouva 
son indépendance et joua un rôle important sous les 
Séleucides, qui régnèrent de l'an 312 à l'an 65 avant 
J.-C. Cependant l'étendue de ce royaume varia aux di- 
verses époques de son histoire Le fondateur, Séleu- 
cus I er Nicator, se bâtit une magnifique capitale sur 
l'Oronte, Antioche, qui fut, de longs siècles, la reine de 
l'Orient. Il construisit aussi ou agrandit d'autres villes, 
comme Séleucie, Apamée, Laodicée, Edesse, Bérée. 
L'histoire des Séleucides n'est qu'une triste énuméra- 
tion de tragédies domestiques, de révoltes et de guerres 
malheureuses. Pour le tableau chronologique des rois 
de Syrie, voir Ère des Séleucides, t. n, col. 1906. 
Leurs possessions étaient disséminées sur une trop 
grande étendue et vulnérable par trop d'endroits pour 
rester longtemps intactes. Les rois d'Egypte, du reste, 
ne cessaient d'encourager les peuples à la révolte. 
Vers 124-123, la Syrie fut partagée entre plusieurs 
souverains de la même race. Fatigués de ces dissen- 
sions, les Syriens se donnèrent à Tigrane, roi d'Ar- 
ménie, et finirent par accueillir avec joie Pompée, qui 
assura leur tranquillité en réduisant le pays en pro- 
vince romaine. Pour les démêlés des rois de Syrie avec 
les juifs, voir Machabées, t. iv, col. 479. Voir Séleu- 
cides et la bibliographie, col. 1579. 

5° Les Romains. — Devenue province romaine en 
65 avant J.-C, la Syrie fui administrée par des propré- 
teurs. Le Nouveau Testament, Luc, n, 2, cite seule- 
ment le nom de celui qui était en fonction lors du re- 
censement fait en Judée, à l'époque de la naissance de 
Notre-Seigneur. Voir Cyrinus, t. n, col. 1186. Jusqu'à 
quel point les procurateurs de Judée leur étaient-ils 
soumis? Voir Procurateurs romains, col. 689. Nous 
donnons ici la liste des gouverneurs de Syrie de 65 



avant J.-C. à 69 après J.-C. d'après E. Schûrer, Ge- 
schichte desJûdischen Volkesim ZeitalterJesuChristi, 
Leipzig, 1901, t. i, p. 304-337. 

I. Fin de la répudlique (65-30 av. J.-C.)- 

M. iEmilius Scaurus ..... 65-62 

Marcius Philippus 61-60 

Lentulus Marcellinus ..... 59-58 

A. Gabinius 57-55 

M. Licinius Crassus ..... 54-53 

C. Cassius Longinus 53-51 

M. Calpurnius Bibulus .... 51-50 

Q. Metellus Scipio ...... 49-48 

Sextus Csesar . 47.46 

Caecilius Bassus . 4g 

C. Antistius Vêtus ...... 45 

L. Statius Murcus ...... 44 

C. Cassius Longinus ..... 44.42 

Decidius Saxa . 41-40 

P. Ventidius . 39-38 

C. Sosius 38-37 

L. Munacius Plancus. .... 35 

L. Calpurnius Bibulus .... 32-31? 

II. Empire (30 av. J.-C. -70 ap. J.-C). 

Q. Didius 30 

M. Messalla Corvinus 29 

M. Tullius Cicero 28? 

Varro jusqu'à 23 

M. Agrippa 23-13 

M. Titius vers 10 

C. Sentius Saturninus .... 9-6 

P. Quintilius Varus 6-4 

P. Sulpicius Quirinius .... 3-2? 

C. Cœsar 1 av. J.-C.-4ap.J--C? 

L. Volusius Saturninus. . . . 4-5 

P. Sulpicius Quirinius .... 6 ss. 

Q. Caecilius Creticus Silanus . 12-17 

Cn. Calpurnius Piso 17-19 

L. jElius Lamia .... jusqu'à 32 

L. Pomponius Flaccus .... 32-35? 

L. Vitellius 35-39 

P. Petronius 39-42 

C. VibiusMarsus 42-44 

C. Cassius Longinus 45-50 

C. Ummidius Quadralus. . . . 50-60 

Cn. Domitius Corbulo 60-63 

C. Cestius Gallus 63-66 

C. Licinius Mucianus 67-69 

L'étendue de la province de Syrie changea constam- 
ment au 1 er siècle avant notre ère. Pompée restaura les 
franchises des nombreuses villes grecques dans un sens 
aristocratique. Chez les peuples nomades, on main- 
tint les dynastes, responsables et tributaires. Le royaume 
de Chalcis changea plusieurs fois de limites et de pos- 
sesseurs. La tétrarchie d'Abilène passa en 44 sous le 
gouverneur de Judée, puis sous le légat de Syrie. 
Damas, tributaire, mais administrée par un ethnarque 
des rois nabatéens, fut incorporée à la Syrie, proba- 
blement sous Néron. La Judée avait été de fait annexée 
dès le commencement. On sait comment Ilérode y fut 
établi roi et ses fils se partagèrent ses domaines. Elle 
fut ensuite gouvernée par des procurateurs, subor- 
donnés au légat de Syrie. — Cf. Schôpflin, Chronologia 
Romanorum Syrise prxfectorum, dans les Com- 
mentationes historiées et cHticse, Bàle, 1741, p. 465-497; 
H. Gerlach, Die rômischen Statthalter in Syrien und 
Judâa von 69 vor Christo bis 69 nach Christo, Berlin, 
1865; Mommsen et Marquardt, Manuel des antiquités 
romaines, t. ix, et x, trad. Weiss et Lucas; V. Chapot, 
art. Provincia, dans le Dictionnaire des antiquité» 



1945 



SYRIE 



1946 



grecques et romaines de Daremberg et Saglio, Paris, 
t. vu, p. 716 sq. 

V. Type et costume. Religion. — 1» Le mélange des 
races en Syrie finit par éliminer en grande partie leurs 
caractères particuliers et produire un type unique que 
l'on retrouve partout sur les monuments assyriens et 
égyptiens, sous des noms différents. C'est le type sémi- 
tique : haute stature, tête grosse, un peu étroite, 
aplatie ou déformée artificiellement, joues creuses, 
pommettes saillantes, barbe frisée et dense, nez aquilin. 
Le type est moins fin dans l'ensemble que celui des 
Égyptiens, moins pesant que celui des Chaldéens de 
Goudéa. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, t. n, p. 149; W. Max Mûller, 
Asienund Europa, p. 293-294. Quelques auteurs cepen- 
dant distinguent plusieurs types, entre autres l'héthéen 
et l'amorrhéen. Voir Héthéens, t. m, col. 670. 
Cf. A. H. Sayce, Patriarchal Palestine, p. 47-48. Le 
costume ne permet guère non plus de caractériser les 




431. — Syriens. Tombeau de Khamhàit. 

Vers la fin de la XVIII' dynastie. 
D'après Maspero, Hist. anc, t. it, p. 151. 

peuples et les époques. Les gens de classe inférieure se 
contentaient d'un pagne analogue à celui des Égyptiens, 
ou d'une chemise jaune ou blanche qui leur flottait 
jusqu'à mi-jambe, comme la kefônép des Hébreux. 
Ceux de la haute classe ajustaient par-dessus une 
bande d'étoffe assez longue, couverture de laine rayée, 
surchargée de dessins éclatants, qui, après leur avoir 
serré les hanches et la poitrine, revenait s'évaser en 
pèlerine sur leurs épaules. Les plus élégants ou les 
plus riches substituaient à la draperie unique deux 
grands châles rouge et bleu, dont ils s'enveloppaient 
avec art en alternant les couleurs : une ceinture de cuir 
amassait les plis autour de la taille. Un mouchoir, un 
bonnet mou, un voile lié d'une bandelette, parfois une 
perruque à l'égyptienne, complétaient le costume. Voir 
fig. 431. Cf. Maspero, Hist. anc., t. n, p. 150-154. 

2° Pour la religion, nous n'avons à envisager ici que 
celle des Araméens. Chez les sédentaires, elle nous 
est connue principalement par les inscriptions. La 
plus ancienne de ces inscriptions est probablement 
celle que M. Pognon a récemment découverte dans 
la région d'AIep, et qui nous a fait connaître un roi 
de Hamath et de La'as, Zakir, dont nous avons parlé 
plus haut. Elle remonte jusque vers l'an 800 avant 
J.-C. Le début porte : <r Stèle qu'a érigée Zakir, roi 
de Hamath et de La'as, à Alur. s Cette divinité était 
jusqu'alors inconnue. Elle doit représenter « un dieu 
local, peut-être le Genius loei de Hazrak, où la stèle 
paraîtrait avoir été dressée. C'est même, sans doute, 



pour ce motif que le monument aura été consacré à 
Alour, car il est assez curieux de noter que dans tout 
ce qui suit le grand rôle n'est point attribué à cette 
divinité, mais bien à Ba'al Samain. » R. Savignac, 
Revue biblique, 1908, p. 597. Viennent ensuite trois 
inscriptions trouvées par des explorateurs allemands à 
Sendjirli, entre Antioche et Mar'asch. La première, 
dite de Hadad, est la plus ancienne, mais peu antérieure 
à la seconde, celle de Panammu, datée du règne de 
Théglathphalasar III (754-727 avant J.-C); la troisième 
de Barrekub est de la même époque. L'inscription de 
Hadad énumère ainsi au commencement les dieux 
honorés par le roi de Iadi : «C'est moi, Panammu, fils 




432. — RaSpu. 

D'après les monuments égyptiens, dans W. Max Mûller, 

Asien und Europa, p. 311. 

de Qrl, roi de Iadi, qui ai élevé cette statue à Hadad, 
parce que se sont tenus avec moi les dieux Hadad et El 
et RéSef et Rekub-El et ëamaS... » Celle de Panammu se 
termine par ces mots : « Et ceci est un mémorial, et 
que Hadad et El et Rekub-El, maître de maison, et 
Samas et tous les dieux de Iadi... » Dans la troisième, 
Barrekub se déclare roi par la grâce de Rekub-El. Voir 
les textes dans M. J. Lagrange, Études sur les religions 
sémitiques,ysxi&, 1905, p. 492-499. 

Le mot 'El est, chez les Hébreux, le nom générique 
du vrai Dieu. Voir El, t. Il, col. 1627. Chez les Ara- 
méens, il indique une des divinités du panthéon, 
qui cependant n'occupait pas le premier rang. Le 
dieu le plus vénéré était Hadad. Voir Hadad 2, t. m, 
col. 391; Bénadad, t. i, col. 1572, fig, 481, 482. — 
RéSef ou RaSuf, "}Wi, incarnait l'éclair et la foudre. 
L'orthographe égyptienne est Raspu; c'était un nom 
commun à toute une catégorie de divinités delà foudre 
et de la tempête. Les inscriptions phéniciennes nous 
montrent plusieurs RaSuf locaux. On s'imaginait ce 
dieu comme un soldat armé de la javeline, de la masse, 
de l'arc et du bouclier ; une tête de gazelle aux cornes 
pointues se dresse sur son casque, et peut-être lui sert 



1947 



SYRIE — SYRINGE 



1948 



parfois de chapeau. Voir fig. 432. Cf. Clermont-Gan- 
neau, Recueil d'archéologie orientale, Paris, 1888, 
1. 1, p. 176-182; Ledrain, Mgypto-Semitica, dans la 
Gazette archéologique, 1880, p. 199-202; W. Max 
Mùller, Âsien und Europa, p. 311-312. — Rekub 'El, 
"mwi, « la monture de El », ou Rakkab 'El, « le cocher 
de El », dont on retrouve le premier élément dans 
Barrekub, est à rapprocher du cocher du dieu-soleil 
que connaissaient les Assyriens. — Samaé, ïraw, est le 
dieu Soleil; c'est une divinité d'un nom général, et qui 
fut très honorée, surtout à Palmyre. Les Syriens s'atta- 
chèrent principalement au dieu-lune, comme nous 
l'apprennent d'autres inscriptions. 

En 1891, on a trouvé à Neirab, au sud-est d'Alep, 
deux de ces inscriptions qui datent de la même époque, 
probablement du vi e siècle avant J.-C. La première 
débute ainsi : ï De Sin-zir-ban, prêtre de Sahar en 
Neirab, défunt, et c'est son image et sa couche. Qui que 
tu sois qui déroberais cette image et couche de son 
lieu ! que Sahar et ëamas et Nikkal et Nusk arrachent 
ton nom et ton lieu de la vie... » Les mêmes impréca- 
tions existent sur la seconde : « De Agbar, prêtre de 
Sahar en Neirab, c'est sa statue... Qui que tu sois qui 
fais injure ou qui me pilles, que Sahar et Nikkal et 
Nusk rendent misérable sa mort et que sa postérité 
périsse. » Ici cependant ëamas a disparu ; il ne reste 
plus que le dieu-lune avec sa femme et son fils. Cf. 
Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 499- 
501. Sahar, "vw, en effet, est le dieu Lune; c'était le 
dieu principal de Harran. Nikkal, hD2, est Nin-gal, 
« la grande dame », épouse de Sin, le dieu-lune assyrien. 
Nusk, ")tm, est Nusku, fils de Sin, et personnification 
du croissant d'après les uns, du feu d'après les autres. 
Enfin, sur la stèle de Teima, en Arabie, les Araméens 
désignent « dieu » ou « ba'al » par le mot Salm, nbs, 
« image, statue », dans le sens d'« idole », ou bien, sui- 
vant Lagrange, ibid., p. 503, il faut reconnaître ici un 
dieu assyrien, Salmu, le g. sombre », ou la planète 
sombre, un nom de Saturne. Deux divinités spéciales 
y sont mentionnées : Singalla, ïoi:w, le « grand Sin »; 
et Àsîra, mmn, qui correspond à VAsêrah des Chana- 
néens. Voir Aschéra, t. i, col. 1073. 

Les inscriptions de Sendjirli et de Neirab sont des 
textes funéraires, qui nous font connaître les idées des 
Araméens sur la vie d'outre-tombe. Ce qui survivait du 
mort s'appelait néféS, «âme », mais c'était un principe 
matériel, puisqu'il pouvait manger et boire, s'associer 
aux sacrifices alimentaires qui sont offerts aux dieux : 
« Que mange l'âme dePanammu avec toi et que boive 
l'âme de Panammu avec toi, pourvu qu'il mentionne 
l'âme de Panammu avec Hadad... ce sacrifice... qu'il 
s'y complaise comme un présent (?) à Hadad... » Inscrip- 
tion de Hadad, lig. 17, 18. Le mort a aussi le grand 
désir de rester tranquille dans la tombe : « Ils n'ont 
mis avec moi aucun objet d'argent ni de bronze, on 
m'a mis avec mon habit, afin que tu ne pilles pas ma 
couche en faveur d'un autre. » Inscription de Neirab, 
2, lig. 6-8. — Cf. P. Dhorme, Où en est l'histoire 
des religions? dans la Revue du clergé français, 
1 er décembre 1910, p. 513-519, et la bibliographie, p. 541- 
542; G. Maspero, Histoire ancienne, t. u, p. 154-164; 
R. Dussaud, Notes de mythologie syrienne, Paris, 1903. 

Le culte des dieux syriens pénétra jusqu'à Rome. 
Un sanctuaire a été découvert au .ïanicule, dans les 
jardins de la villa Sciarra. Un petit autel en marbre 
blanc porte en avant cette dédicace" : 

0CCO AAA 
ACO ANCOH 

Sur le côté droit, Adad est qualifié de Libanais, 
AIBANCCOTH, et, sur le côté gauche, de dieu du som- 
met des montagnes, AKPOP£ITH. Cf. P. Gauckler, Le 
bois sacré de la nymphe Furrina et le sanctuaire des 



dieux syriens, au Janicule, à Rome, dans les Comptes 
rendus de l'Académie des inscriptions et belles- 
lettres, mars 1907, p. 135-159. — Pour VÉpigraphie, 
voir Syriaque (Langue), col. 1909. 

VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages cités dans 
le corps de l'article, nous indiquons encore : E. Rey, 
Rapport à S. E. le ministre de l'Instruction publique 
sur une mission scientifique dans le nord de la Syrie, 
dans les Archives des missions scientifiques, t. m, 
2 8 série ; Carte du nord de la Syrie, au 1 500000 e , Paris, 
1885; Fr. Hommel, Die altisraelitische Ûberlieferung, 
Munichn, 1897, p. 203-236; Grundriss der Géographie 
■und Geschichte des Alten Orients, Munich, 1904, t. i, 
p. 187-194; G. Hoffmann, Aramaïsche Inschriften aus 
Nêral bei Aleppo : Neue und alte Gôtler, dans Zeit- 
schrifl fur Assyriologie, Weimar, t. xi, 1897, p. 207- 
292 ; P. Jensen, Nik(k)al-Sarralu, dans la même revue, 
1897, p. 293-301 ; A. Sanda, Die Aramâer, Leipzig, 1902. 

A. Legendre. 

2. SYRIE DE DAMAS (hébreu : 'Âram Damméséq ; 
Septante : Eupîa AocjjLao-xoO), partie de la Syrie dont 
Damas était la capitale. II Sam. (Reg.), vm, 5, 6; I Par., 
xvin, 5-6. La Syrie de Damas porta secours à Adarézer, 
roi de Soba, contre David. Celui-ci, ayant vaincu 
Adarézer et ses alliés, mit des garnisons dans la Syrie 
de Damas et" lui fit payer tribut. Voir Damas, t. n, 
col. 1255; Syrie, col. 1932. 

3. SYRIE DE ROHOB (hébreu : 'Âram Rêf Rehôb; 
Septante : 'Powé), petit royaume de Syrie qui avait 
Rohobpour capitale et dont Hanon, roi des Ammonites, 
avait tiré des mercenaires pour résister à Joab, géné- 
ral de David. Ces mercenaires s'enfuirent quand Joab 
s'avança pour les attaquer. Il Sam. (Reg.), x, 6-8. Voir 
Rohob, 3, col. 1113. Rohob devait être près de la ville 
de Laïs ou Dan, à l'extrémité septentrionale de la 
Palestine. Voir Syrie, col. 1932. 

4. SYRIE DE SOBA. Voir Soba, col. 1814; Syrie, 
col. 1931. 

SYRINGE (chaldéen : maSrôqîtâ; Septante, Théo- 
dotion : «jûpcy?; Vulgate : fistula). C'est le deuxième 
instrument musical de la nomenclature babylonienne, 
dans Daniel, m, 5, 7, 10, 15; non toutefois d'origine 
grecque comme les quatre qui le suivent, voir Corne, 
t. n, col. 1010; Sambuque, t. v, col. 1428; Psaltérion, 
col. 803; Symphonie, col. 1899, mais d'origine orien- 
tale. La racine p-w>, èâraq, qui est en effet sémitique, 
ne permet pas de préciser ce qu'était l'instrument 
biblique, mais la syringe grecque, <7ÛpiYii ou <rOptY?> à 
laquelle les traducteurs assimilent la maêrôqîtâ, était, 
dans sa forme la plus primitive, le roseau sans embou- 
chure; on eut ensuite les « roseaux percés », TpY]To0ç 
Sâvaxaç, Théocrite, Epigramm., B',3; le tuyau entaillé 
d'une sorte de languette, ancêtre du hautbois, ou 
muni d'une embouchure à sifflet, comme le flageolet, 
mais de plus petites dimensions. La syringe grecque 
désignait ces diverses sortes d'instruments, à sons aigus, 
par opposition à aûXôç, nom générique des hauthois, 
clarinettes et flûtes proprement dites, qui jouaient 
dans les tons graves. Voir Flûte, t. u, col. 2293. Mais 
syrinx devint aussi le nom spécial du sifflet à plu- 
sieurs tuyaux appelé vulgairement flûte de Pan, et qui 
se composait de plusieurs pièces de roseaux, neuf 
dans Théocrite; ldyll., vm, 18, 21, <s-jpiy(OL èvveipwva, 
« à neuf notes », par conséquent à neuf tuyaux, atta- 
chés par de la cire ou des liens légers et diversement 
ornés. Ces tuyaux, de longueur inégale, sont alignés 
par leur partie ouverte et sans embouchure, et on les 
fait glisser le long des lèvres en soufflant pour pro- 
duire les sons. L'ivoire ou le métal remplacèrent plus 
tard le roseau, mais le procédé d'exécution ne varia 



4949 



SYRINGE — SYZIGUE 



1950 



pas. La flûte de Pan s'emploie de nos jours comme dans 
l'antiquité. La syringe n'a pas été jusqu'ici retrouvée 
sur les monuments égyptiens, voir V. Loret, dans le 
Journal asiatique, 1889, p. 130-131 ; mais elle dut appar- 
tenir à tous les pays où il y eut des bergers. Les Baby- 
loniens la tenaient peut-être des Mèdes. Voir Trochon, 
Commentaire sur Daniel, Paris, 1880, p. 117. 

Au livre des Juges, v, 16, seriqôf, « sifflements », 
n'est pas certainement un instrument de musique. Il 
peut ne désigner que les cris du troupeau; ieréqâ, Jer., 
vin, 16 ; il, 37, provenant toujours de la même racine, 
et ayant le même sens, prend la nuance de « raillerie, 
moquerie :>. 

La racine voisine, piT, zdraq. dont un dérivé, miz- 
râqô(, se lit dans l'énumération des ustensiles en métal 
du Temple, II (IV) Reg., xn, 14, pourrait à la rigueur 
être rapproché de pltf, et mizrâqôt indiquerait des 
sifflets ou flûtes, d'or ou d'argent, mentionnés avec 
les trompettes, mizmârôt, les « harpes (?) » et « tous 
les ustensiles d'or et d'argent ». Mais les mizmârôt 
sont plus exactement des ciseaux ou mouchettes (voir 
Mizmôr, t. m, col. 1137), et mizrdqôf désigne des vases 
ou des coupes. Les trompettes liturgiques étaient à la 
vérité faites de métal précieux. Voir Trompette. Mais 
nous n'avons aucun texte montrant les flûtes employées 
dans la musique du Temple; au contraire, les flûtistes 
sont exclus de toutes les énumérations de lévites musi- 
ciens. Voir Flûte, t. n, col. 2295. Pour ces raisons 
nous ne comptons pas mizrâqôf parmi les instruments 
de musique. ,1. Parisot. 

SYRO - PHÉNICIENNE (Nouveau Testament : 
Supoçoiviao-a, Sjpopoivi'itKToa), Phénicienne de Syrie 
ou Chananéenne. Marc, vu, 26. Saint Matthieu, xv, 
22, l'appelle Chananéenne. Voir Chananéenne, t. n, 
col. 540. Les uns croient que le nom de Syro-Phénicie 
fut inventé par les Romains pour distinguer les Phé- 
niciens de Syrie des Carthaginois qui étaient d'origine 
phénicienne, mais d'autres le nient et pensent que la 



Syro-Phénicienne de l'Évangile était une Syrienne qui 
habitait en Phénicie ou bien une Chananéenne qui par- 
lait le grec. Les Homélies clémentines, n, 19; m, 73, 
t. Il, col. 88, 157, appellent Justa la Chananéenne qui 
implora du Sauveur la guérison de sa fille, à laquelle 
elles donnent le nom de Bérénice. 

SYRTE (grec : S-jpctç), nom donné à deux bancs de 
sable, sur la côte de l'Afrique septentrionale, entre 
Cyrène et Carthage, qui étaient dangereux pour les 
anciens navigateurs et très redoutés des anciens. Stra- 
bon,XVII, ni, 20; Ptolémée, iv, 3; Pline, v, 4; Horace, 
Od., i, 22, 5; Ovide, Fast., iv, 499; Tibulle, n, 4, 91; 
Virgile, JEn., i, 111. L'un de ces bancs de sable s'appelait 
Syrtis Major ou Magna et l'autre Syrtis Minor. La 
première porte aujourd'hui le nom de golfe de Sidra et 
la seconde, celui de gslfe de Gabès. Elles s'étendent sur 
une longueur de 975 kilomètres de côtes. La grande, 
comprise entre le cap Mezrata et le cap Montktar, a 
une étendue de 357 kilomètres. Ouverte aux vents 
du nord et imparfaitement protégée contre les vents 
du sud par les basses terres qui la bordent, elle est 
alternativement balayée par deux courants atmosphé- 
riques très violents, qui déterminent tour à tour 
d'énormes accumulations d'eau vers le centre ou de 
grands ras de marée à la circonférence. Voir Ch. Tissot, 
Exploration scientifique des côtes de la Tunisie, 
2 in-4°, Paris, 1884-1888, t. i, p. 225-226. — Lorsque 
saint Paul prisonnier était conduit de Césarée à Rome, 
le vaisseau qui le portait fut poussé par le vent, dont 
la direction était nord-est, vers la grande Syrte. Pour 
éviter d'y être porté et afin de diminuer le tirant d'eau, 
on jeta d'abord la plus grande partie de la cargaison 
à la mer et puis les agrès mêmes du vaisseau. On laissa 
alors le bâtiment aller au gré de la tempête et, récon- 
fortés par saint Paul, les passagers furent sauvés en 
échouant sur la côte de Malte. Act., xxvii, 17. 

SYZI6UE.Phil.,iv,3(grec).Voir Sïnzigue, col. 1905 . 



T, consonne qui rend dans notre langue les lettres 
hébraïques teth et thav. Voir ces deux mots. Dans les 
noms propres, le teth et le thav sont rendus tantôt par 
t, tantôt par th. Voir à Ta, Te, Ti, To, Tu, les noms 
propres qui ne se trouvent pas à Tha, The, Thi, Tho, 
Thu, et réciproquement. 

TABBAOTH (hébreu : Tabbd'ôt; Septante : TotêatiO), 
Nathinéen dont les descendants ou la famille retourna 
de la captivité de Babyloneen Palestine avec Zorobabel. 

I Esd., Il, 43; II Esd., vu, 46. Dans ce dernier passage, 
la Vulgate écrit le nom Tebbaoth. 

TABÉE (hébreu : Tébatt; Septante : Taêlx), le plus 
âgé des quatre fils qu'eut Nachor de Roma, sa femme 
de second rang. Gen., XXII, 24. Certains commentateurs 
ont établi une relation entre ce nom et celui de la ville 
syrienne de Thébath, I Par., xvm, 8, nommée Bété. 

II Sam. (Reg.), vm, 8. Voir Bété, t. i, col. 1645. 

TABÉEL (hébreu : Tâbe'êl; Septante : Taêerpi), 
père d'un personnage anonyme que les ennemis d'Achaz 
voulaient établira sa place roi de Juda. Is., xn, 6. « Le 
fils de Tabéel s nous est inconnu. On a supposé qu'il 
pouvait être le père de Rasin. H. Winckler, AUtes- 
lamentliche Untersuchungen, 1892, p. 74-75. Cette 
hypothèse, comme beaucoup d'autres, anciennes et 
modernes, qui en font un Êphraïmite de l'armée de 
Phacée ou un Syrien de l'armée de Rasin, etc., ne peut 
se fonder sur aucune preuve sérieuse. L'étymologie 
même du nom est controversée : Gesenius, Thésaurus, 
p. 546, l'explique simplement « Dieu est bon t et cette 
interprétation est la plus naturelle. Plusieurs savants 
modernes, prenant la syllabe finale 'el pour l'adverbe de 
négation, y voient un jeu de mots dérisoire el traduisent 
« bon à rien, vaurien ».. — Dans le texte hébreu, I Esd., 
IV, 7, un des représentants du roi de Perse en Samarie 
qui écrivirent à Artaxercès pour empêcher la reconstruc- 
tion des murs de Jérusalem, s'appelle aussi Tabéel. La 
Vulgate écrit Thabéel. Voir Thabéel. Ce nom semble 
indiquer qu'il était d'origine syrienne. Cf. Tabrémon, 

III Reg., xv, 18. 

TAB'ÊRAH (Septante: 'E|Aitups<7[jL.(S{),nom d'une sta- 
tion des Israélites dans le désert de Pharan, dans la 
péninsule du Sinaï. La Vulgate l'appelle Incensio, 
Num., xi, 3, et Incendium, Deut., ix, 22. Voir Embra- 
sement, t. h, col. 1729; Incendie, t. m, col. 864. 

TABÉLIA S (hébreu: Tebalyâhû, «Jéhovah purifie); 
Septante : TaêXaî; Alexandrinus : TageXia;), lévite de 
la descendance de Mérari, le troisième des quatre fils 
d'Hosa, un des portiers de la maison du Seigneur du 
temps de David. I Par., xxvi, 11. 

TABERNACLE, construction portative servant de 
sanctuaire aux anciens Israélites. 



I. Ses noms. — 1° 'Ohél, o-xïjvyî, tabernaculum, la 
tente qui sert de demeure à Jéhovah au milieu de son 
peuple. D'autres substantifs sont parfois joints à ce mot 
pour le qualifier. Il y a d'abord 'ôhél mô'êd, « tente de 
réunion », dans laquelle Dieu donne rendez-vous à son 
peuple, et spécialement à ceux qui ont mission de le 
représenter, les prêtres et les lévites. Les versions 
rendent ces deux mots par m-w<\ xoû p.ap-njp(ou, taberna- 
culum testimonii, « tente du témoignage ». Exod., 
xxvii, 21; xxx, 26; xxxm, 7; Deut.,xxxi, 14; Act., vu, 
44, etc. Elles font venir mô'êd de 'ëd, « témoin », 
tandis qu'il doit être rattaché à yd'ad, « appeler, con- 
voquer «.D'ailleurs, le tabernacle est aussi appelé 'ôhél 
hâ-êdut, « tente du témoignage », Num., IX, 15; xvn, 
7; xvm, 2. Ce nom lui venait sans doute de ce qu'il 
contenait les tables de la loi, appelées elles-mêmes 
'êduf, « témoignage ». Exod., xxv, 16, 21 ; xxxi, 18. — 
2° Miskân, <txi)vy|, tabernaculum, « habitation », la 
résidence de Dieu. Exod., xxv, 9; xxvi, 1; xl, 9; etc. 
On trouve encore les appellations miskân hâ'èdûf, 
ffxïivïi toO [/.apTupi'ou, tabernaculum testimonii, « rési- 
dence du témoignage », Exod., xxxvm, 21; Num., i, 
50, 53; x, 11, tabernaculum fœderis, « tente de l'al- 
liance», et miskân 'ôhél, Exod.,xxxix, 32, <rxïivr|ToO |i«p- 
■cupiov, tabernaculum et tectum testimonii,Exod., XL, 
2, 6, 29. On voit par Exod., xxvi, 7, que les deux mots 
ne sont pas absolument synonymes, miskân désignant 
la demeure, uxyjviq, tabernaculum, et 'ôhél, la couver- 
ture, le toit, <rxe7rij, tectum. — 3° Bêf Yehovâh, oîxo; 
xupiov, domus Domini, « maison de Jéhovah », du 
Seigneur. Exod., xxm, 19; xxxrv, 26; Jos., vi, 24; ix, 
23; Jud., xvm, 31; etc. — 4» Qodés, désignant le taber- 
nacle en général, âY ia(IT ^P IOV > sanctuarium, Lev., xu, 
4, ou la partie appelée le Saint, àyiov, sanctuarium, 
Exod., xxvi, 33; Lev., iv, 6; Num., m, 38; iv, 12, ou 
même le Saint des saints, âytov êawxepov, sanctuarium, 
Lev., xvi, 2. — 5° Miqdâs, àfiaffiia, sanctuarium, 
Exod., xxv, 8; Lev., xn, 4; xvi, 12; Num., x, 21; xvm, 
1 ; etc. — Hêkâl, vaii;, templum, I Reg., i, 9, « temple». 
— Ces différents noms indiquent déjà la destination du 
tabernacle : c'est un lieu sacré, dans lequel Dieu veut ' 
bien résider spécialement, pour que les hommes 
puissent s'y rencontrer avec lui. Josèphe, Ant. jud. ,111, 
VI, 1, l'appelle vab; |*eTaq?£pO|ji£voî xal <ru|j.irspcvo<TT<3v, 
« un temple portatif et circulant », faisant ainsi allu- 
sion à ses translations. 

II. Sa disposition. — Les chapitres xxvi, xxvn et 
xxxvm de l'Exode donnent la description du taber- 
nacle. Les mesures y sont évaluées en coudées. Il est 
probable que l'on s'est servi de la coudée égyptienne, 
valant m 525. Le tabernacle comprend deux parties très 
distinctes, une enceinte fermée ou parvis, et, à l'inté- 
rieur de cette enceinte, le tabernacle proprement dit 
(flg. 433). 

1° L'enceinte ou parvis. — Cette enceinte formait 
un rectangle long de cent coudées (52™50) et large de 
cinquante (26 m 25). Les grands côtés étaient au nord et 



1953 



TABERNACLE 



1954 



au sud, et l'entrée à l'est. Cet espace, d'environ 
1 350 mètres carrés, diminué de celui qu'occupaient 
l'autel et le tabernacle, ne pouvait guère recevoir que 
les lévites et les prêtres chargés du service religieux 
de chaque jour. — La clôture consistait en rideaux 
soutenus par des colonnes. Il y avait vingt colonnes 
sur chacun des grands côtés, et dix sur chacun des 
autres, ce qui formait un total de soixante colonnes, 
bien qu'à la suite de Philon quelques auteurs en aient 
réduit à tort le nombre à cinquante-six. Il est naturel, 
en effet, de supposer que la mesure des entrecolonne- 
ments était représentée par un nombre simple et entier, 
soit cinq coudées. Cette mesure, portée vingt fois sur 
les grands côtés, donnait cent coudées réparties entre 
vingt et une colonnes; portée dix fois sur les petits 



de lin tordus ensemble, de manière à fournir une 
étoffe solide et consistante. Ce lin gardait sans doute 
sa couleur naturelle, car il n'est pas dit qu'il dût être 
teint. Il en était autrement pour le rideau qui fermait 
l'entrée de l'enceinte. Le petit côté oriental continuait 
l'enceinte avec ses trois colonnes de droite et de gauche. 
Mais les quatre colonnes du milieu servaient à suppor- 
ter un rideau, large de vingt coudées, et fait de lin 
retors, avec des dessins variés en fils de pourpre vio- 
lette ou écarlate et de cramoisi. Le texte ne parle que 
d'une seule tenture ; par conséquent le rideau d'entrée 
était d'une seule pièce. On l'écartait sur les côtés pour 
entrer, et peut-être l'élevait-on tout entier jusqu'à la 
tringle, quand il fallait rendre libre toute la largeur de 
l'entrée. La hauteur de ce rideau était de cinq coudées 



lit 






»? ' y-v.-» 



_ ^ s * ***" 




r, i 



v r . 



1 / - 



- jj— -- 






433. — Le Tabernacle. D'après Riehm, Handwbrterbuch der bibl. Alterth., 2- édit., 1894, t. H, p. 1586. 



côtés, elles donnait cinquante coudées réparties entra 
les deux colonnes extrêmes, déjà comptées, et neuf 
colonnes intermédiaires; d'où un total général de 
soixante colonnes. En réalité, on voyait vingt et une 
colonnes sur les grands côtés et onze sur les petits; 
mais de la sorte, les colonnes d'angles figuraient deux 
fois. On ne comptait donc, en somme, que les entre- 
colonnements, ou, si l'on veut, les colonnes, mais en 
n'attribuant qu'une colonne d'angle à chaque côté. — 
Il n'est pas dit de quelle matière étaient faites les 
colonnes; elles devaient être en bois, comme celles du 
tabernacle lui-même. Des socles d'airain leur servaient 
de bases, et leurs chapiteaux étaient revêtus d'argent. 
Les colonnes et leurs socles ne faisaient qu'un, sans 
doute. Quant aux chapiteaux, seulement revêtus d'argent, 
ils devaient être en bois, comme le fût de la colonne. 
Josèphe, Ant. jud., III, VI, 2, prétend que les socles 
étaient dorés, mais que la partie enfoncée en terre 
était d'airain et avait la forme d'une pointe de lance, 
(raupM-rijptT!;. Ces pointes seraient les pieux d'airain, 
yetêdôt, nza-oa/oi, paxilli, dont il est question Exod., 
xxxvm, 30. A ces colonnes étaient fixés des crochets 
d'argent, pour soutenir des tringles d'argent auxquelles 
on suspendait les tentures. — Les tentures étaient en 
lin retors, SêS, c'est-à-dire en tissu fait de plusieurs fils 

DICT. DE LA BIBLE. 



(2 m 62), comme d'ailleurs celle de toute l'enceinte. A 
supposer que la tenture formant enceinte tombât jus- 
qu'à terre, il était impossible à un homme de voir par- 
dessus ce qui se passait à l'intérieur. Exod., xxvil, 9- 
19; xxxvui, 9-20. — Au dedans du parvis, entre la porte 
et le tabernacle, s'élevait l'autel des sacrifices; du côté 
nord était placée la cuve d'airain. Voir Autel, t. i, 
col. 1268; Mer d'airain, t. iv, col. 982. 

2" Le tabernacle. — Les parois du tabernacle étaient 
en planches d'acacia, voir Acacia, t. I, col. 103, longues 
de dix coudées (5 m 25) et larges d'une coudée et demie 
(0 m 79). Josèphe, Ant. jud., III, vi, 3, leur assigne une 
épaisseur de quatre doigts (0 m 08). 11 fallait vingt 
planches pour les deux parois latérales, ce qui donnait 
à l'ensemble une longueur de trente coudées (15 m 75),et 
six planches pour le fond. Chaque planche était munie, 
à sa partie inférieure, de deux tenons destinés à s'em- 
boîter chacun dans un socle d'argent. Aux six planches 
du fond s'en ajoutaient deux autres pour former les 
angles. Chacune de ces dernières était double, composée 
de deux parties solidement assemblées, probablement 
à angle droit, et ne reposant pourtant que sur deux 
socles d'argent. La partie qui faisait angle devait 
s'abattre sur la dernière planche du grand côté. Le fond, 
comprenant ainsi huit planches, donnait à la construc- 

V - 62 



1955 



TABERNACLE 



1956 



tion une largeur de douze coudées (6 m 30). D'après 
Munk, Palestine, p. 155, qui prétend s'appuyer sur les 
anciens, la largeur n'aurait été que de dix coudées, ce 
qui obligerait à réduire la largeur des deux planches 
extrêmes à une demi-coudée. Le texte n'impose pas 
cette idée; mais on fait valoir en sa faveur qu'elle permet 
de donner au Saint des saints la figure d'un cube 
parfait. La solidité étant assurée par le bas, au moyen 
des tenons emboîtés dans les socles, des traverses la 
maintenaient dans la hauteur. Elles étaient au nombre 
de cinq pour chacun des trois côtés, celle du milieu 
devant aller d'une seule pièce d'une extrémité à l'autre. 
Les quatre autres se complétaient probablement deux 
à deux, les unes au-dessus, les autres au-dessous de la 
traverse la plus longue. Ces traverses étaient d'acacia 
et passaient dans des anneaux assujettis aux planches. 
Les planches, les traverses et les anneaux devaient être 
revêtus d'or. Exod., xxvi, 15-30; xxxvi, 20-34. — L'inté- 
rieur était divisé en deux parties au moyen d'un voile, 
tendu à dix coudées de la paroi du fond, selon Josèphe, 
Ant.jud., III, vi, 4. Le voile était soutenu par quatre 
colonnes d'acacia, revêtues d'or, avec des crochets d'or 
et des socles d'argent. Le voile, de lin retors, tissu de 
fils de pourpre violette et écarlate et de cramoisi, repré- 
sentait des chérubins brodés. L'espace qui s'étendait 
de ce voile jusqu'à la paroi du fond s'appelait le Saint 
des saints et renfermait l'Arche d'alliance. La partie 
antérieure, de l'entrée jusqu'au voile, s'appelait le Saint 
et renfermait la table des pains de proposition, le 
chandelier et l'autel des parfums. Un rideau semblable 
au voile du Saint des saints, mais sans figures de chéru- 
bins, occupait toute la largeur du côté oriental. Il était 
soutenu par cinq colonnes d'acacia, revêtues d'or, avec 
des crochets d'or et des socles d'airain. Exod., xxvi, 
31-37; xxxvi, 35-38. — Quatre couvertures s'étendaient 
au-dessus du tabernacle, à la hauteur des planches 
latérales, c'est-à-dire à dix coudées (5 ffi 25 . La première 
était de même étoffe que le voile, avec des chérubins 
brodés. Elle se composait de dix pièces, longues de 
vingt-huit coudées (14 m 70), larges de quatre (2 m 10) 
et assemblées cinq par cinq. Les deux assemblages 
étaient réunis au moyen de lacets de pourpre violette 
et d'agrafes d'or. La couverture avait alors vingt-huit 
coudées (14 m 70) dans un sens et quarante (21 m ) dans 
l'autre. Il va de soi qu'elle était posée sur le tabernacle 
de manière que les dimensions se correspondissent. De 
la sorte, la couverture dépassait de dix coudées la lon- 
gueur totale du tabernacle, et de quatorze coudées 
(8 m 40) la largeur; elle retombait ainsi sur les parois 
latérales dans tous les sens, mais à l'intérieur, et non 
à l'extérieur, de manière qu'au dedans le tabernacle 
fût vraiment une tente, '« en sorte que le nûskân forme 
un tout. » Exod., xxv, 6. Cf. Bàhr, Symbolik, t. i, 
p. 63, 64; Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, 
p. 105; etc. La seconde couverture était en poil de 
chèvre. Elle se composait de onze pièces ayant trente 
coudées (I5">75) de long et quatre (2 m 10) de large, dont 
l'assemblage, en deux parties de cinq et de six pièces, 
réunies par des lacets et des agrafes d'airain, donnait 
une dimension totale de quarante-quatre coudées 
(23 m 10). Cette couverture dépassait donc la précédente, 
de quatre coudées dans un sens et de deux dans l'autre 
Le texte sacré règle l'emploi de ce surplus : il y avait 
une retombée d'une coudée sur le.s côtés extérieurs, 
et une de deux sur l'arrière; il en restait alors une 
autre de deux sur le devant. Josèphe, Ant. jud., III, 
vi, 4, remarque qu'ainsi les couvertures retombaient 
abondamment sur le sol et que, sur le devant du taber- 
nacle, elles formaient une espèce de portique ou d'au- 
vent. Complètement rabattues, elles servaient à fermer 
le tabernacle sur le côté oriental qui n'avait que des 
colonnes et un voile. Il y avait une troisième couverture 
en peaux de béliers teintes en rouge, et une quatrième 



en peaux de dugong. Voir Dugong, t. h, col. 1510. Les 
dimensions de ces deux couvertures ne sont pas indi- 
quées. Mais, par leur épaisseur, ces peaux suffisaient 
amplement pour mettre le tabernacle à l'abri de loutes 
les intempéries. Exod., xxvi, 1-14; xxxvi, 8-19. Des 
cordages, mêferim, mentionnés Num., m, 37; iv, 32, 
servaient à maintenir en place les différentes pièces de 
la construction. — Quelques auteurs ont supposé que 
le toit du tabernacle était agencé de manière à former 
deux plans inclinés, comme les toits de nos pays. 
Cf. Ancessi, Atlas géog. etarchéol., Paris, 1876, pi. m. 
La largeur des couvertures eût été ainsi utilisée, sans 
qu'elles retombassent jusqu'à terre. Mais l'idée de 
pareils toits était étrangère aux Orientaux et le texte 
sacré ne fournit aucune indication qui permette de la 
supposer. Les couvertures étaient donc posées à plat, 
au-dessus des planches verticales, et peut-être soutenues 
par des traverses dont l'Exode ne parle pas. L'intérieur 
du tabernacle se trouvait ainsi hermétiquement clos, 
et le jour n'y pouvait pénétrer que quand on écartait le 
rideau de l'entrée. En retombant jusqu'à terre, les cou- 
vertures empêchaient tout accès de la lumière par- 
dessous les parois latérales. — On voit que, par sa 
disposition générale, le tabernacle reproduisait celle 
des temples égyptiens. Ceux-ci se composaient essen- 
tiellement d'une cour entourée de portiques, d'un 
édifice situé au fond de cette cour ou parvis, et donnant 
lui-même accès à un autre édifice plus petit, qui cons- 
tituait la maison du dieu ou Saint des saints. Cf. Mas- 
pero, L'archéologie égyptienne, Paris, 1889, p. 69, 70. 
Le temple d'Edfou (fig. 434) fait voir clairement cette 
disposition, qui se retrouve exactement dans le tabernacle, 
à cette exception près que le parvis débordait de tous 
côtés la construction principale. 

III. Son symbolisme. — 1° En prescrivant l'érection 
du tabernacle, le Seigneur avait dit : « Ils me feront 
un sanctuaire et j'habiterai au milieu d'eux. » Exod., 
xxv, 8. Le peuple alors habitait sous les tentes et se 
déplaçait pour se rapprocher de la Terre promise. Il 
fallait donc que Dieu aussi habitât dans une tente et 
que cette tente fût mobile, pour suivre le peuple dans 
ses déplacements. II Reg., v, 6; I Par., xvn, 5. De là 
les noms donnés au tabernacle, « tente, habitation, 
maison ». Seulement il fallait que la tente rappelât la 
demeure ordinaire de Dieu, le ciel, de même que le 
parvis rappelait la terre, demeure de l'homme. Jéhovah 
résidait dans le Saint des saints, où l'homme n'avait 
point accès, sinon une fois l'an, quand le grand-prêtre 
venait intercéder pour les péchés du peuple. Les chéru- 
bins de l'Arche, du voile et de la couverture, figuraient 
la cour céleste du Dieu invisible; La lumière divine se 
suffisant à elle-même, il était inutile que celle du soleil 
pénétrât dans la résidence de Jéhovah. L'or des parois 
et des ustensiles, l'incorruptibilité du bois d'acacia, les 
couleurs des étoffes et la richesse des broderies rappe- 
laient et honoraient les perfections divines. Les usten- 
siles d'or disposés dans le Saint, la lumière du chan- 
delier, les pains, l'encens, signifiaient les pensées et les 
sentiments qui devaient animer les prêtres dans le 
culte de Jéhovah. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a II*, 
q. en, a. 4, ad 8 um . — 2° Le tabernacle était encore 
la « tente de convocation » ou de « réunion ». Le Sei- 
gneur, après avoir dit qu'il se rencontrerait là avec 
Moïse et Aaron pour leur parler, avait ajouté : t Je me 
rencontrerai là avec les enfants d'Israël, et le lieu sera 
consacré par ma gloire... J'habiterai au milieu des en- 
fants d'Israël et je serai leur Dieu. » Exod., xxrx, 42-45. 
C'est donc là, dans ce sanctuaire unique, qu'Israël, par 
l'intermédiaire de Moïse, Exod.,xxx, 6, entrait en com- 
munication avec le Dieu unique, Jéhovah. Le tabernacle 
constituait ainsi le centre social et religieux de tout le 
peuple, et le lien puissant de l'unité entre les douze tri- 
bus. — 3" Il était aussi la « tente du témoignage ». Là 



1957 



TABERNACLE 



1958 



était déposé le témoignage de la volonté divine, formulée 
sur les tables du Décalogue; là le Seigneur intimait à Moïse 
les ordres que devaient exécuter les enfants d'Israël. 
Exod., xxv, 21-22. La présence du tabernacle au milieu 
de leur camp rappelait donc sans cesse aux Israélites 
les droits de Jéhovah, sa puissance souveraine et l'obéis- 
sance qu'ils lui devaient. — 4° Les nombres 3, 4, 7, 10, 
qui interviennent fréquemment dans la description du 
tabernacle et de son mobilier, avaient leur signification 
mystique. Voir Nombres, t. rv, col. 1688. Chaque objet 
cachait aussi un sens symbolique. Voir Arche d'alliance, 



même le Nouveau, qui contient la vérité dans le Saint 
des saints. S. Augustin, In Heptat., h, 112, t. xxxiv, 
col. 635. Pour S. Jérôme, Epist., lxiv, 9, le parvis et le 
Seigneur figuraient le monde présent, et le Saint des 
saints, le ciel. Cl. Hebr.,vm, 2; ix.ll; Apoc, xm, 6; xv, 
5; xxi, 3; S. Thomas, Sum. tkeol., I a II», q. cil, a. 4, 
ad 4 am . On peut aussi trouver dans le parvis l'image 
de l'ancienne Loi, dans le Saint celle de l'Église mili- 
tante et dans le Saint des saints celle de l'Église triom- 
phante. Le tabernacle, prototype du Temple, Sap., IX 
8, est également celui des églises chrétiennes, avec leur 



.*" 











■■» 



r - Il I —** T -W 

-* ' 'J II \ • "V* 



J ' î 7 -* J > 



«a. y -„•, *„* 






434. — Le temple d'Edfou. D après Maspero, L'arohéologie égyptienne, 1887, p. 73. 



1. 1, col. 918; Propitiatoire, t. v, col. 747; Chandelier, 
t. ii, col. 545; Encens, col. 1773; Pain, t. iv, col. 1957; 
Parfum, col. 2164; Voile. Le tabernacle tout entier 
pouvait encore symboliser l'univers, par lequel Dieu se 
révèle lui-même et dans lequel il se choisit une 
demeure pour habiter au milieu des hommes et tra- 
vailler à leur salut. Cf. Bilhr, Symbolik des mosai- 
schen Cultus, Heidelberg, 1837, t. î, p. 75-91. — 5° Le 
tabernacle était appelé « Saint » et « Saint des saints », 
non seulement à cause de la présence de Jéhovah qui 
daignait s'y manifester par son action surnaturelle, 
mais encore à cause de sa valeur typique par rapport 
aux réalités du Nouveau Testament. I Cor., x, 6, 11. 11 
figurait d'abord Jésus-Christ, le Verbe incarné, habitant 
au milieu de nous, Joa., I, 11, et son humanité, dans 
laquelle habitait corporellement la plénitude de la 
divinité. Col., î, 19; h, 9. Cf. S. Thomas, Sum. theol., 
I a II», q. en, a. 4, ad 6 am ; I Joa., H, 2; Joa., vi, 51; vm, 
12. — L'Église était aussi figurée par le tabernacle. Le 
parvis représentait l'Ancien Testament, et le tabernacle 



nef, leur chœur et leur sanctuaire. — Enfin, au point 
de vue moral et ascétique, le parvis, avec son autel des 
sacrifices et sa cuve aux ablutions, représentait la vie 
purgative; le Saint, avec le chandelier, la table des 
pains et l'autel des parfums, la vie illumina tive; le Saint 
des saints, avec l'Arche, la vie unitive. Cf. Zschokke, 
Historia sacra, p. 110. 

IV. Son histoire. — 1° Sa construction. — Au Sinaï, 
Dieu lui-même ordonna la construction du tabernacle; 
il fit même connaître à Moïse les principaux détails de 
son agencement. Exod., xxvi, 1-37. Les prêtres et les 
lévites devaient célébrer le culte dans ce sanctuaire 
portatif. Béséléel et Ooliab furent désignés comme 
devant exécuter le travail avec compétence. Exod., xxxi. 
1-7. — Un grave événement intervint, qui obligea de 
surseoir à l'exécution. Pendant que Dieu parlait à 
Moïse sur le Sinaï, les Hébreux adressaient leurs hom- 
mages au veau d'or. La colère divine ne s'apaisa que 
sur les instances de Moïse; mais une sorte d'excommu- 
nication pesa sur le peuple rebelle, au milieu duquel 



1959 



TABERNACLE 



1960 



Jéhovah ne voulut plus résider. Sur son ordre, Moïse 
érigea hors du camp «ne tente, 'ôhêl, <m\'ir\, laberna- 
culum, qu'il appela 'ôhél mô'êd, « tente de réunion », 
trxrjv/, napT'jpt'ou, tabernaculum fœderis . Exod., xxxm, 
7. Ce n'était pas le tabernacle décrit sur le Sinaï, avec 
son autel à holocaustes et son service assuré par Aaron 
etses fils. Sans doute, la nuée miraculeuse se tenait à 
l'entrée de cette tente; mais Moïse seul y pénétrait et, 
Josué la gardait quand Moïse revenait au camp. 
Jéhovah ne résidait donc plus au milieu de son peuple 
•st ne communiquait avec lui que par l'intermédiaire 
de son serviteur Moïse; celui-ci ne se rencontrait avec 
Dieu que hors du camp et à distance du peuple. Le nom 
de « tente de réunion » ne supposait ici d'autres rela- 
tions que celles de Jéhovah avec Moïse. Exod., xxxm, 
7-11. Cet état de choses dura un certain temps, jusqu'à 
ce que Moïse, intercédant de nouveau, dît à Jéhovah : 
« Daigne le Seigneur marcher au milieu de nous,... et 
prenez-nous pour votre héritage. » Dieu renouvela 
alors l'alliance antérieure avec Israël, et Moïse redes- 
cendit de la montagne pour faire exécuter les ordres 
précédemment reçus au sujet du tabernacle, du sacer- 
doce et du culte nouveau. Exod., xxxiv, 9-10, 27-29. 
Cf. de Broglie, La loi de l'unité de sanctuaire en Israël, 
Amiens, 1892, p. 22-26. — Le tabernacle avait été décrit 
avec tout le détail nécessaire. L'attention que Dieu 
apportait à cette œuvre devait donner à Israël une idée 
de l'importance qu'il fallait attacher au nouveau culte 
et à toutes les prescriptions qui le concernaient. L'expé- 
rience venait d'ailleurs de démontrer combien ce peuple 
grossier avait besoin des choses sensibles pour être 
solidement attaché à son devoir envers Jéhovah. Un 
appel fut adressé à tous les Israélites, pour qu'ils 
offrissent les matériaux nécessaires à la confection du 
tabernacle et des divers objets du culte. L'appel fut 
entendu; les offrandes en nature arrivèrent avec une 
telle profusion, que Moïse se vit obligé d'arrêter l'élan 
de la générosité populaire. Exod., xxxv, 4-29; xxxvi, 
2-7. Béséléel et Ooliab se mirent à l'œuvre, aidés de 
tous les hommes capables de les seconder habilement. 
Le tabernacle fut construit si exactement que sa des- 
cription ne fait que répéter les termes mêmes du plan 
arrêté au Sinaï. Exod., xxxvi, 8-38. — On a élevé des 
doutes sur la véracité de ce récit. Comment les Hébreux 
purent-ils exécuter de pareilles œuvres d'art en plein 
désert, eux qui plus tard furent incapables de travail- 
ler les métaux, I Reg., xiii, 19, et durent, même sous 
Salomon, recourir aux Phéniciens pour fabriquer des 
objets analogues? D'où pouvaient-ils tirer l'or, l'ar- 
gent, le cuivre et les étoffes précieuses que mentionne 
le texte? Comment tant de travaux purent-ils être exé 
cutés en moins de dix mois? Exod., xix, 1; XL, 1. Ces 
difficultés ont paru si fortes à certains auteurs, qu'ils 
se sont crus en droit de nier l'existence même du taber- 
nacle et de ne voir dans sa description qu'une réplique 
postérieure de la description du Temple. Cf. Vigouroux, 
Les Livres Saints et la critique rationaliste, 3" édit., 
t. IV, p. 389-404. L'esprit de Dieu animait Béséléel et 
Ooliab; mais, en outre, il est certain que beaucoup 
d'Israélites avaient dû exercer différents métiers en 
Egypte, qu'ils s'y étaient formés aux procédés tech- 
niques de la fonte des métaux et du tissage, et que, 
sortis à peine du pays de servitude, ils n'avaient rien 
oublié de ce qu'ils avaient appris. Par la suite, leurs 
descendants, occupés à d'autres soins et d'ailleurs peu 
artistes par nature, n'héritèrent point de l'habileté de 
leurs pères et durent recourir à des étrangers plus 
expérimentés qu'eux pour l'exécution de travaux diffi- 
ciles : rien de plus naturel que ce genre de décadence 
chez les Hébreux. Au désert, l'or et l'argent abondaient, 
sous forme de bijoux emportés d'Egypte. Les étoffes 
précieuses ne manquaient pas non plus. Exod., xxxv, 
22-24. Il y avait, près du Sinaï, des mines de cuivre 



exploitées parles Égyptiens et dont les Hébreux surent 
se servir. Voir Ccivre, t. n, col. 1156. L'acacia seyal 
est une des rares espèces d'arbres qui se rencontraient 
dans la péninsule Sinaïtique. Moïse fit appel à « tous 
ceux qui avaient du bois d'acacia chez eux. » Exod., 
xxxv, 24, c'est-à-dire sur le territoire occupé par leur 
campement, leurs troupeaux, etc. Les chèvres et les 
béliers pouvaient aisément fournir le poil et les peaux, 
et les dugongs abondaient dans la mer Rouge. Il ne 
faut pas s'imaginer d'ailleurs que lés Hébreux fussent 
seuls dans le désert. La presqu'île servait de séjour à 
des tribus nomades, qui savaient en exploiter les res- 
sources. Des caravanes la traversaient et y écoulaient 
en partie leurs marchandises. Peut-être des mineurs 
égyptiens y étaient-ils encore au travail. Il était aisé aux 
Hébreux de prendre à leur service tous ces concours- 
dans la mesure où ils en avaient besoin. Le temps fut. 
assez court, il est vrai, pour exécuter tous les travaux 
décrits par l'Exode. Mais, d'une part, les bras ne man- 
quaient pas; d'autre part, on peut admettre que le 
principal seulement fut terminé à temps, et rien 
n'oblige à croire que tous les objets fabriqués pour le 
culte fussent des chefs-d'œuvre artistiques. Le veau d'or 
avait été rapidement exécuté, mais ne devait pas être 
une merveille. Il n'y a donc vraiment pas de raison 
suffisante pour révoquer en doute le récit de Moïse 
touchant le tabernacle. — Quand tout fut terminé, le 
tabernacle fut dressé, le premier jour du premier mois 
de la seconde année de séjour au désert, et consacré 
avec l'huile d'onction. A partir de ce moment, la nuée 
le couvrit et la gloire de Jéhovah le remplit, si bien que 
Moïse même n'osait plus y entrer. Exod., XL, 1-35. Il y 
pénétrait pourtant quand Jéhovah l'y appelait ou que 
lui-même avait à le consulter. Pour éviter toute tenta- 
tive d'idolâtrie, il fut plus tard défendu d'égorger 
ailleurs que devant le tabernacle aucun animal propre 
aux sacrifices, bœuf, brebis ou chèvre. Lev., xvil, 3-9. 
2° Ses translations. — Le transport du tabernacle ne 
rencontrait, quoi qu'on en ait dit, aucune impossibilité 
pratique. Le matériel, bien qu'assez encombrant, se 
démontait aisément, avec le concours de nombreux 
lévites, et se transportait, soit à dos de chameaux, soit 
sur des chariots traînés par des bœufs. Dans les stations, 
le tabernacle occupait le milieu du camp; les lévites et 
les prêtres s'installaient immédiatement auprès. Voir 
Camp, t. n, col. 95. Dans les marches, on suivait l'ordre 
des campements; le tabernacle, accompagné des lévites, 
venait à la suite des tribus de Juda, Issachar, Zabulon. 
Ruben, Siméon et Cad, les six autres tribus ne s'avan- 
çant qu'après lui. Num., n, 3-34. Au désert, le taber- 
nacle dut être installé dans les stations où les Israé- 
lites demeurèrent assez longtemps, comme le Sinaï et 
Cadès. Il est probable que, quand le séjour devait être 
très court, on s'abstenait de le dresser. Lorsqu'on 
arrivait à l'emplacement choisi, les lévites chargés du 
tabernacle, c'est-à-dire les Gersonites, Num., iv, 24-33, 
qui marchaient vraisemblablement les premiers de leur 
tribu, se mettaient en devoir de l'ériger, avant même 
que les autres fussent parvenus à la station. On y 
introduisait ensuite les ustensiles sacrés et enfin 
l'Arche d'alliance. Num., x, 21, 36. — Après le passage 
du Jourdain, le tabernacle fut nécessairement dressé à 
Galgala, pour la célébration de la Pâque. Jos., v, 10, 11. 
L'Arche en fut tirée pour être portée autour des murs 
de Jéricho. Jos., vi, 12. Il est à croire que, durant la 
période de la conquête, le tabernacle resta à Galgala. 
Ensuite, encore du vivant de Josué, on l'érigea à Silo, 
à l'occasion d'une assemblée des enfants d'Israël. Jos., 
xvm, 1. L'Arche avait été apportée précédemment entre 
le mont Hébalet lemontGarizim, pour les bénédictions 
et les malédictions solennelles, Jos., vm, 33; mais on 
sait qu'elle sortait parfois du tabernacle, spécialement 
pour suivre Israël à la guerre. Silo était une ville de 



1961 



TABERNACLE — TABERNACLES (FÊTE DES) 



1962 



la tribu d'Éphraïm, située en un point central du pays. 
Voir Silo, col. 1723. Le tabernacle y demeura long- 
temps. Il y était encore au temps d'Héli, I Reg., i, 24; 
m, 3, 15, 21, et l'Arche en fut retirée, à l'occasion de 
la guerre contre les Philistins. I Reg., iv, 4. Il fut 
ensuite transporté, sous Saùl, à Nobé, I Reg., xxi, 1-6, 
puis, sous David, à Gabaon. I Par., xvi, 39; xxi, 29. 
David établit Sadoc et d'autres prêtres pour le service 
du culte devant le tabernacle de Gabaon. C'était 
encore le principal lieu de culte au commencement du 
règne de Salomon. Ce roi vint y offrir des sacrifices 
et y fut favorisé d'un songe divin. III Reg., m, 4, 5; 
II Par., i, 3. Là se trouvait l'autel d'airain fabriqué jadis 
par Béséléel. Le tabernacle mosaïque, bien que privé 
de la présence de l'Arche, servait ainsi de centre au 
culte liturgique, dans les mêmes conditions que plus 
tard le second Temple. — Depuis les jours malheureux 
•d'Héli, l'Arche n'était pas rentrée dans le tabernacle 
destiné à l'abriter. Elle avait été successivement trans- 
portée à Cariathiarim, chez Abinadab, I Reg., vu, 1, où 
.elle demeura pendant tout le règne de Saûl, puis chez 
Obédédom de Geth, où elle demeura trois mois. 
II Reg., vi, 10, 11 ; I Par., xm, 13, 14. Cette seconde 
translation avait été ordonnée par David. Au lieu de 
.faire rapporter l'Arche dans le tabernacle de Gabaon, 
le roi se proposait de l'amener à Jérusalem, dont il 
voulait faire la capitale religieuse et politique du pays. 
Il vint bientôt après la reprendre dans la maison 
d'Obédédom, et l'introduisit dans la cité de David. Il 
avait disposé une tente, 'ôhél, pour la recevoir. II Reg., 
vi, 17; I Par., xv, l;xvi, 1. Cette tente ne reproduisait 
pas les dispositions du tabernacle mosaïque, car l'Arche 
y était placée au milieu, befôq hâ-ôhél. La tente était 
également recouverte de peaux. II Reg., vu, 2; I Par., 
xvn, 1. David mit Asaph et ses frères à la tête du ser- 
vice liturgique qui devait être célébré devant l'Arche. 
I Par., xvi, 37. L'apparition de l'ange près de l'aire 
d'Ornan persuada plus tard au roi d'offrir ses sacrifices 
en ce dernier endroit, au lieu de se rendre à Gabaon. 

I Par., xxi, 30. Il y eut ainsi deux lieux de culte prin- 
cipal en Israël, Gabaon avec le tabernacle, et la cité de 
David avec l'Arche. Cette situation ne cessa qu'à l'inau- 
guration du Temple, destiné à remplacer définitivement 
le tabernacle et à abriter l'Arche. Alors Salomon fit 
transporter dans le Temple le tabernacle et tous les 
ustensiles sacrés qu'il renfermait. III Reg., vin, 4; 

II Par., v, 5. Ces objets furent conservés, selon les uns, 
dans une des chambres supérieures du Temple, et, selon 
les autres, dans les sous-sols. Cf. Reland, Antiq. sacr., 
p. 40. D'après une lettre transcrite au commencement 
du second livre des Machabées, Jérémie, après la prise 
■de Jérusalem, avait emporté le tabernacle, l'Arche, 
l'autel des parfums et le feu sacré, et les avait cachés 
dans une caverne du mont Nébo. II Mach., n, 4, 5. — 
Reland, Antiquilates sacrée, Utrecht, 1741, p. 9-30; 
Iken, Antiquilates hebraicœ, Brème, 1741, p. 42-64. 

H. Lesêtre. 

TABERNACLES (FÊTE DES) (hébreu : hag has- 
sukkôt; Septante : ioprï] <rxi)vc3v, wrfioTrriyla ; Vulgate: 
ferise Tabernaculorum, solemnitas Tabernaculorum, 
■scenopegia), l'une des fêtes des Juifs. 

I. Les prescriptions de la. loi. — 1» Caractère de la 
fête. — Le quinzième jour du septième mois, ou mois 
de tisri (septembre-octobre) par conséquent cinq jours 
après la fête des Expiations, Lev., xxoi, 27, commen- 
çait la fête des Tabernacles, qui durait sept jours. Tous 
les produits du pays étaient alors déjà récoltés. Le pre- 
mier jour était solennel et les œuvres serviles y étaient 
défendues. Des sacrifices particuliers étaient offerts 
-chacun de ces jours. Aux sept jours de la fête s'ajoutait 
un jour solennel de clôture, qui comportait, comme le 
premier, l'abstention des œuvres serviles. Dès le pre- 
mier jour, les Israélites devaient avoir en mains du 



fruit de beaux arbres, des branches de palmiers, des 
rameaux d'arbres touffus et des saules, en se ré- 
jouissant devant Jéhovah. De plus, pendant sept 
jours, ils devaient demeurer sous des huttes de feuil- 
lage, afin de se rappeler le temps où ils habitaient 
sous la tente après la sortie d'Égyple. Lev., xxxui, Si- 
se, 39-43. La fête est appelée dans l'Exode, xxiii, 16; 
xxxiv, 22, hag hâ'âsif, « fête de la récolte », Ioç>-.t\ 
) suvTEXei'oe;, solemnitas inexitu anni. Au Deutéronome, 
! xvi, 13-16, son caractère d'actions de grâces après la 
récolte est seul rappelé. — 2» Les sacrifices. — Chacun 
des sept jours de la fête, outre les victimes du sacri- 
fice perpétuel, il fallait offrir en holocauste de jeunes 
taureaux, deux béliers et quatorze agneaux d'un an, 
et, en oblation, de la fleur de farine pétrie à l'huile, 
3/10 d'éphi (ll'i'65) pour chaque taureau, 2/10 (7>»77) 
pour chaque bélier, et 1/10 (3 lil 88) pour chaque agneau. 
Chaque jour, on ajoutait un bouc en sacrifice pour le 
péché. Le nombre des taureaux variait; il en fallait 13 
pour le premier jour, 12 pour le second, et ainsi en 
diminuant d'une unité, de sorte que le nombre tombait 
à sept le septième jour. Le huitième jour, on offrait 
en holocauste un taureau, un bélier et sept agneaux, 
avec les oblations correspondantes. On ajoutait aussi le 
bouc en sacrifice pour le péché. Num., xxix, 12-38. — 
3° Les feuillages. — Quatre sortes de feuillages sont 
indiqués. Le premier est appelé péri 'êz hâdàr, xapTt'oç 
$jXoj «patoç, fructus arboris pulcherrimx, « le fruit 
d'un bel arbre », ou «le beau fruit d'un arbre ». Il est 
possible que l'arbre ait été déterminé avec plus de 
précision. Le chaldéen traduit hâdàr par citronnier. 
Voir Cédratier, Citronnier, t. n, col. 373, 791. Le se- 
cond feuillage est celui du palmier. Le troisième est 
celui d'arbres 'dbot, « touffus », îaoeïç, densarum fron- 
dium. (de « myrtes », d'après le chaldéen et le syriaque). 
Le quatrième est celui des saules. Lev., xxni, 40. 
A l'époque de Néhémie, on employait pour la fête des 
Tabernacles des branches d'olivier, zaï/ii, èXaîaç, olivse; 
d'olivier sauvage, 'es Sémén, « arbre à huile », ?-jXwv 
x-jTiapKjGi'vcov, « de bois de cyprès », ligni pulcherritni, 
« de bois très beau » ; de myrte, de palmiers et de 'âbo(, 
Sa<réoç, nemorosi, « de bois touffus ». II Esd., vin, 15. 
Le myrte, hâdas, est ici nommé à part; il ne peut donc 
être désigné par le mot 'âbôf. Josèphe, Ant. jud., III, 
x, 4, ne nomme que quatre espèces, le myrte, le saule, 
le palmier et le pommier de Persée. Ailleurs, Ant. jud., 
XIII, xm, 5, il parle seulement de palmiers et de ci- 
tronniers. Il suit de là qu'une certaine latitude était 
laissée aux Israélites pour choisir les arbres dont ils 
devaient cueillir les branches, suivant les circons- 
tances. — 4° Les cabanes. — La Loi ordonnait d'habi- 
ter pendant sept jours bas-sukkôt, êv <rxr,v«ï;, in um- 
braculis, pour rappeler aux Israélites le séjour de leurs 
pères bas-sukkôf, êv uxrivasç, in tabernaculis . Lev., 
xxiii, 43. Le texte, qui a énuméré les divers genres de 
feuillages qu'il faut prendre pour la fête, ne dit pas de 
quelle matière doivent être faites les cabanes. Le mot 
sukkâh signifie « hutte, feuillage, abri » et en général 
«habitation ». Il ne diffère pas beaucoup, quant au 
sens, de 'ohél, c< tente » et en général « habitation ». 
De là les traductions des Septante, ox»)vr É , et de la Vul- 
gate, tabernaculum, « tente ». Il est certain qu'au 
désert les Hébreux ont habité sous des tentes plutôt 
que dans des cabanes de feuillage. La fête des Taber- 
nacles avait pour but de rappeler ce séjour sous les 
tentes; des tentes auraient donc mieux rappelé que 
des cabanes les 'ohàlîm du désert. Exod., xvi, 16; 
xxxiii, 10; etc. Mais, avec le temps, peut-être même 
dès les débuts de l'installation en Chanaan, on comprit 
que les branches des arbres mentionnés devaient servir 
non seulement à être portées, mais encore à former les 
cabanes de feuillage. Cet usage est en vigueur et rattaché 
à la Loi au temps de Néhémie. II Esd., vin, 15, 16. Ce 



1963 



TABERNACLES (FÊTE DES) 



1964 



dernier texte montre aussi qu'on faisait des cabanes de 
feuillage sur les toits des maisons, dans les cours, dans 
le parvis du Temple et sur les places de la ville. La 
fête est mentionnée par Zacharie, xiv, 16-19, qui rap- 
pelle qu'on doit venir à Jérusalem pour la célébrer. 
Sous Judas Machabée, les Juifs empêchés une année 
de célébrer la fête, parce qu'ils se trouvaient dans des 
montagnes, la célébrèrent un peu plus tarda Jérusalem, 
« en portant des thyrses, des rameaux verts et des 
palmes, » sans qu'il soit fait mention de cabanes. 
II Mach., x, 6, 7. 

II. Signification de la fête. — 1° Le souvenir du 
désert. — Cette idée est indiquée dans le texte même 
de la loi. Lev., xxm, 43. Pendant quarante années, les 
Hébreux n'ont pas habité dans des maisons, comme un 
peuple sédentaire, maître du pays qu'il occupe. Ils 
ont passé à travers le désert en nomades, dans des 
abris provisoires appelés tantôt sukkôtfhev., xxm, 42, 
43, tantôt 'ohâlîm. Num., xvi, 26; xxiv, 5; Lev., xiv, 8; 
Deut., i, 27; xi, 6; Ps. cvi (cv), 25. Ce souvenir est 
donc rappelé aussi bien par des cabanes que par des 
tentes. Il n'était point triste et, pour le célébrer, on 
devait se réjouir devant Jéhovah, car le séjour au 
désert avait été le passage de l'Egypte, terre d'oppres- 
sion, au pays de Chanaan, terre féconde et tranquille. 
Deut., vin, 1-18; XI, 8-12. Ce séjour avait d'ailleurs été 
marqué par de mémorables interventions de Jéhovah 
en faveur de son peuple, pour le diriger, le protéger, 
le nourrir, le désaltérer, le préparer à devenir une 
nation indépendante et prospère. Les sept jours passés 
dans les cabanes de feuillages rappelaient cette époque, 
durant laquelle Jéhovah s'était montré si bon pour les 
Hébreux et leur avait fait tant de promesses si merveil- 
leusement tenues dans la suite des 1emps. Ils appre- 
naient par là combien Dieu méritait leur reconnais- 
sance pour le passé et leur confiance pour le présent 
et l'avenir. — 2° L'action de grâces pour la récolte. — 
Cette fête arrivait à la fin de l'année, quand toutes les 
récoltes avaient été recueillies. Deut., xvi, 13. La ré- 
colte était un bienfait actuel, qui se renouvelait chaque 
année et dont jouissait chaque génération. En l'accor- 
dant, Dieu accomplissait encore une de ses promesses. 
Deut., vin, 7-14; xxvm, 3-6. La fête des Tabernacles 
complétait, à ce point de vue, ce qu'avaient commencé 
celles de la Pâque et de laPentecôte. Voir Fêtes juives, 
t. il, col. 2218. Aussi était-elle la fête la plus joyeuse de 
toute l'année, celle qu'on appelait simplement hag, la 
« fête » par excellence, « la fête de beaucoup la plus 
sainte et la plus grande » et « la fête la mieux obser- 
vée ». Josèphe, Ant. jud., VIII, iv, 1; XV, m, 3. — 
3° Le symbolisme des feuillages. — Ces feuillages 
étaient empruntés à des arbres remarquables, les uns 
par leurs fruits, les autres par leur verdure. Ils signi- 
fiaient pour les Israélites les fruits de la terre dont le 
Seigneur les comblait et le repos qu'il leur assurait sous 
les épais ombrages. L'habitation dans des cabanes cons- 
truites avec ces feuillages marquait donc l'aisance, le 
repos, la sécurité qu'assurait à son peuple la bénédic- 
tion de Dieu. La diversité des feuillages symbolisait la 
multiplicité des bienfaits reçus. — 4° Le symbolisme 
des sacrifices. — En aucune fête, on n'offrait autant de 
sacrifices publics, ce qui faisait appeler le premier 
jour yôm hamm-arûbâh, « jour de la multiplication ». 
Menoxhoth, xiii, 5. Le grand nombre des animaux do- 
mestiques était encore un bienfait du Seigneur; il con- 
venait de l'en remercier par des holocaustes plus 
nombreux qu'à l'ordinaire. Le nombre sacré « sept » 
présidait au compte des victimes, puisqu'il y avait pour 
les sept jours 70 taureaux, 14 béliers et 7 fois 14 
agneaux. Voir Nombre, t. rv, col. 1694. Le bouc offert 
chaque jour unissait l'idée de la pénitence à celle de 
la reconnaissance, les Israélites devant se rappeler que 
trop souvent ils s'étaient montrés infidèles et ingrats. 



— 5° Le huitième jour. — Comme la Pàque, Deut., 
xvi, 8, la fête des Tabernacles se terminait par un jour 
appelé 'âsérét, è%68iov,cœtus. Lev., xxm, 36. Seulement, 
ici, ce jour s'ajoutait aux sept jours de la fête. Il était 
lui-même considéré comme jour de fête, avec exclusion 
d "œuvres serviles et offrande de sacrifices différents de 
ceux des sept jours précédents, mais semblables à ceux 
des autres fêtes et des néoménies. Ce jour surnumé- 
raire avait sans doute pour but de servir de conclusion 
à toutes les fêtes de l'année, qui se terminaient avec la 
fête des Tabernacles. En cette fête particulière, on résu- 
mait tous les sentiments d'adoration, d'actions de grâces 
et de repentir qui avaient inspiré les âmes dans les 
autres fêles, on complétait ce qui avait manqué et on 
réparait ce qui avait été défectueux dans les solennités 
précédentes. Cf. Biihr, Symbolik des mosaischen Cul- 
tus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 652-664. 

III. Les additions juives. — Le traité Sukka de la 
Mischna traite de tout ce qui concerne la fête des 
Tabernacles. — 1° Réglementations diverses. — Les 
docteurs juifs ne manquèrent pas, tout d'abord, dérégle- 
menter jusque dans les moindres détails l'exécution 
des prescriptions légales. En ce qui concerne les cabanes 
de feuillages, ils avaient réglé la forme, qui pouvait 
d'ailleurs être très variable, la largeur, la hauteur, les 
ouvertures, etc. Les cabanes devaient être construites 
sous le ciel même, et non sous un arbre. La hauteur 
était au moins de dix, et au plus de vingt coudées. Les 
Caraïtes prétendaient qu'il n'y avait aucun compte à 
tenir de ces règles, étrangères au texte .de la Loi. — On 
portait à la main gauche une branche de citronnier, 
'étrôg, y.iTpiov, et à la droite le lûldb, <poîvi?, bouquet 
composé d'une branche de palmier, de deux branches 
de saule et de trois branches de myrte. Siphra, f° 258, 
2. La branche de citronnier est quelquefois confondue 
avec le lûlâb, Menachoth, m, 6, mais d'autres fois en 
est distinguée. Sukka, m, 4; Gem. Sukka, 31, 2. D'après 
les Caraïtes, ces branches d'arbres n'avaient pas à être 
portées; elles ne servaient qu'à la construction des 
cabanes. Cf. II Esd., vin, 16. — 2»La libation d'eau. — 
Voir Libation, t. iv, col. 236. On attachait une grande 
importance à cette cérémonie, qui se répétait chacun 
des sept jours de la fête, mais que les Caraïtes regar- 
daient comme une institution purement humaine, 
parce que la Loi n'en fait aucune mention. On ignore 
à quelle époque elle fut introduite. Il est probable 
qu'elle avait pour but de commémorer les miracles par 
lesquels Dieu avait étanché la soif des Hébreux, en fai- 
sant jaillir l'eau du rocher. — 3° Les candélabres. — 
Afin de pouvoir continuer la célébration de la fête 
même la nuit, on disposait dans le parvis des femmes 
quatre grands candélabres d'or, hauts de 50 coudées 
(26 m 25). Ces candélabres portaient des récipients d'une 
contenance de 120 logs (34 lil 80) remplis d'huile et 
pourvus de mèches de lin provenant des vêtements 
sacerdotaux hors d'usage. On allumait ces lampes le 
premier jour, après le sacrifice du soir. Comme le mur 
qui entourait le parvis des femmes n'avait que 25 cou- 
dées (13 m 12) de haut à l'intérieur, Josèphe, Bell, jud., 
V, v, 2, la lueur pouvait être aperçue de divers endroits 
de la ville. — 4° Les réjouissances. — La loi ordonnait 
des réjouissances auxquelles devaient prendre part tous 
les membres de la famille, les esclaves, les lévites, les 
étrangers et les pauvres. Deut., xvi, 14. 11 y avait donc 
partout des festins joyeux. Au Temple, pendant la nuit, 
des lévites et des prêtres descendaient dans les parvis 
en jouant de la trompette et en chantant des Psaumes; 
des personnages notables, tenant des torches à la main, 
exécutaient des danses sous les yeux du peuple et pro- 
nonçaient diverses formules de bénédiction. Cependant 
il n'y avait ni chants ni danses les deux nuits qui pré- 
cédaient le sabbat et le huitième jour. Chaque jour, on 
faisait le tour de l'autel en tenant à la main le lûlâb ou 



1965 



TABERNACLES (FÊTE DES) — TABITHE 



1966 



des branches de saule et en chantant hosanna. Le 
septième jour, le tour se répétait sept fois en souvenir 
de la prise de Jéricho. Jer. Sukka, 54, 3. Il se peut 
que le Psaume lxxxi (lxxx) ait été composé pour cette 
solennité. — 5° Hors de Jérusalem. — La loi prescri- 
vait de célébrer la fête dans le lieu choisi par le Sei- 
gneur. Deut., xvi, 15. On comprend donc que certaines 
cérémonies ne pouvaient avoir lieu qu'à Jérusalem. 
Néanmoins, il est certain que tous ne se rendaient pas 
à la capitale pour la célébration de la fête. Or, tous les 
Israélites étaient tenus d'habiter pendant sept jours 
sous les cabanes de feuillages. Lev., xxm, 42. Il est 
donc à croire que ceux qui, pour diverses raisons, ne 
se rendaient pas à Jérusalem, observaient dans leur 
résidence les prescriptions mosaïques. A l'étranger, les 
Juifs de la dispersion prenaient des repas en commun 
sous des cabanes de feuillages. Cf. Schûrer, Geschichte 
des jud. Volkes im Zeit. J. C, t. m, p. 96. Dans les 
synagogues, on lisait les passages du Pentateuque con- 
cernant la fête, on tenait à la main des branches 
d'arbres et l'on faisait le tour du coffre sacré placé au 
centre de l'édifice. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, 
Brème, 1741, p. 319-325; Reland, Antiquitates sacres, 
Utrecht, 1741, p. 240-245. 

IV. Mentions historiques de ia fête. — Il est pos- 
sible que la « fête de Jéhovah » célébrée à Silo par des 
danses déjeunes filles, au temps des Juges, ait été celle 
des Tabernacles, Jud., XXI, 19-21, bien qu'il y ait des 
raisons pour supposer plutôt une fête locale. Cf. Rosen- 
mflller, Judices, Leipzig, 1835, p. 423. — La dédicace 
solennelle du Temple de Salomon fut célébrée le septième 
mois et dura deux périodes de sept jours. III Reg., vm, 

2, 65; II Par., v, 3. Salomon ne renvoya le peuple que 
le vingt- troisième jour du mois. II Par., x, 10. C'est 
donc que la seconde période de sept jours fut consa- 
crée à la fête des Tabernacles, que le roi célébrait 
exactement. II Par., vin, 13. Ce fut vraisemblablement 
cette fête que Jéroboam reporta, pour le royaume 
d'Israël,, au quinzième jour du huitième mois. III Reg., 
xn, 32. — Dans Osée, xn, 10, Dieu menace son peuple 
infidèle en disant : « Je te ferai encore habiter dans 
les tentes, comme aux jours de fête. » Zacharie, xiv, 16, 
19, mentionne également la fête. Ëzéchiel, xlv, 25, en 
rappelle l'obligation. — La fête des Tabernacles est cé- 
lébrée sous Néhémie, conformément aux prescriptions 
mosaïques, II Esd., vin, 14-17, et équivalemment sous 
Judas Machabée. II Mach., x, 6-8. — Sous Jean Hyrcan, 
Antiochus Sidètés, qui assiégeait Jérusalem, suspendit 
les opérations pendant sept jours, afin de permettre aux 
Juifs la célébration de la fête des Tabernacles; il envoya 
lui-même des taureaux aux cornes dorées pour les sa- 
crifices, avec des aromates et des vases d'or et d'argent. 
Josèphe, Ant. jud., XIII, vm, 2. — Aune autre fête des 
Tabernacles, le roi-pontife Alexandre Jannée, détesté du 
parti pharisien, se tenait près de l'autel pour le sacrifice, 
quand le peuple se mit à jeter sur lui les cédrats que 
chacun tenait en main, en l'insultant et en le déclarant 
indigne de sacrifier, parce qu'il étaii né d'une captive. Le 
même reproche avait déjà été adressé à son père Jean 
Hyrcan. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5. Alexandre, pour 
se venger de l'offense, fit avancer ses troupes et massa- 
crer 6000 hommes. Puis il fit élever dans le Temple une 
enceinte qui le préservait du contact immédiat avec le 
peuple. Josèphe, Ant. jud., XIII, xm, 5; Bell. jud.,I, iv, 

3. — La fête est .encore mentionnée dans l'Évangile. Ses 
proches l'ayant invité à se rendre à Jérusalem pour la 
solennité des Tabernacles, Jésus tarda à partir et ne 
parut au Temple que vers le milieu de la fête. Joa., 
vu, 2, 14. Il est dit que le dernier jour de la fête était 
le plus solennel. Joa., vu, 37. Il s'agit ici du hui- 
tième jour, qui était un jour de fête excluant les œuvres 
serviles. Ce jour-là, faisant allusion aux libations solen- 
nelles des jours précédents, le Sauveur dit à haule 



voix : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il 
boive. » Joa., vil, 37. Saint Paul dit que le Christ avait 
déjà été, au désert, le rocher qui désaltérait spirituelle- 
ment les Hébreux. I Cor., x, 4. Il étail là maintenant, 
prêt à donner un breuvage spirituel bien supérieur à 
celui d'autrefois. De même, le lendemain, au souvenir 
des grandes lampes dont la lumière venait d'être 
éteinte, il pouvait dire : « Je suis la lumière du monde, 
celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. » 
Joa., vm, 12. — A la suite de chaque septième année, 
on devait donner au peuple lecture du Deutéronome 
pendant la fête des Tabernacles. Deut., xxxi, 10 11. 
En l'an 41, Hérode Agrippa I er , petit-fils d'Hérode le 
Grand, dont la mère était Iduméenne, assistait à cette 
lecture. En entendant les paroles : « Tu ne pourras 
pas te donner pour roi un étranger qui ne serait pas 
ton frère, » Deut., xvii, 15, il se mit à fondre en larmes 
au souvenir de son origine, bien que, d'après la loi, 
les fils d'origine iduméenne pussent entrer dans la 
société israélite à la troisième génération. Deut., XXIII, 
8. Le peuple lui cria alors : « Ne t'inquiète pas, 
Agrippai Tu es notre frère. » Sota, vu, 8. — Une in- 
scription provenant de Bérénice, en Cyrénaïque, et un 
peu antérieure à l'ère chrétienne, mentionne le cuXXàyo; 
t?,î (TxrivoitïiY'aî» « réunion de la scénopégie ». Cf. C.I.G., 
t. m, 5361; Musée de Toulouse, Cat. des antiq., 225. Il 
y avait donc en cette ville une colonie célébrant la fête 
des Tabernacles. Le nom grec delà fête est axy)voitï]Yt'a 
du verbe <rxïivo7cr)YSïv, sr fixer une tente ». — Plu- 
tarque, Sympos., iv, 6, 2, a laissé une description de 
la fête des Tabernacles : « La fête plus grande et la 
plus parfaite des Juifs est, par sa date et son rite, ana- 
logue à celle de Dionysios. Ils l'appellent « jeûne ». A 
l'époque de la vendange, à l'arrière-saison, dans tout le 
pays, ils dressent des tables et demeurent sous des tentes 
entrelacées surtout de branches de vignes et de lierre. 
Ils nomment le premier jour de la fête « tente ». Les 
jours suivants, ils célèbrent une autre fête, qui, sans 
équivoque, se rapporte directement à celui qu'on appelle 
Bacchus. Ils ont une fête où l'on porte des coupes et 
des thyrses; ils se rendent dans leur temple, sans 
qu'on sache ce qu'ils font, une fois entrés : ce doit 
être une fête de Bacchus. Ils se servent de petites trom- 
pettes pour appeler le dieu, comme les Argiens dans 
les dionysiaques; d'autres, qu'ils nomment lévites, ont 
des harpes pour invoquer soit Lysion, soit plutôt 
Bacchus. » L'auteur, peu au courant des mœurs et des 
croyances des Juifs, se méprend sur des points impor- 
tants, sur le jeûne qui a précédé de cinq jours et qu'il 
confond avec la fête, sur le nom de « tente » qu'il 
n'attribue qu'au premier jour, et surtout sur l'objet de 
la fête. Mais il mentionne exactement l'importance de 
la solennité, sa date, les cabanes de feuillages, la 
y.pïTr,poyopta ou libation d'eau, Bupcropôpta ou port du 
lùlâb, enfin les trompettes et les harpes qui servent à 
manifester la joie et à accompagner les chants. 

H. Lesêtre. 
TABITHE (Nouveau Testament : TaSiôâ), chrétienne 

de Joppé. Act., ix, 3642. Son nom est araméen, Nn'Ta, 

t • : 

et correspond à la forme hébraïque n'as, sebîyâh, 

« gazelle (femelle) ». Cet animal était regardé par les 
Hébreux et les Arabes comme un type de beauté. >33, 
sebî,en hébreu, signifie « beauté ». On appelait Tabithe, 
en traduisant son nom en grec, Aopxi;, et c'est ainsi 
que les Septante rendent le nom de l'animal, sebi, 
dans leur traduction, Deut., xn, 15, 22; II Reg. (Sam.), 
il, 18; Prov., vi, 5. Cf. Josèphe, Bell, jud., IV, m, 5. 
Les Grecs, comme les Orientaux, donnaient volontiers 
ce nom à leurs filles. Chez les Hellènes, il désignait 
spécialement la beauté des yeux. Il est possible que 
Tabithe ait été connue sous les deux noms, araméen et 
grec, comme on en a plusieurs exemples à cette époque. 



1967 



TABITHE 



TABLE 



1968 



— Tabithe était « disciple », c'est-à-dire chrétienne, en 
grec, \i.a^-f]Tpix, mot employé au féminin dans ce seul 
passage du Nouveau Testament. Elle devait avoir une 
certaine aisance, car elle consacrait son temps à faire 
des aumônes et de bonnes œuvres, et à confectionner des 
tuniques et des vêtements pour les veuves. Étant venue 
à mourir, pendant que saint Pierre était non loin à 
Lydda, les disciples lui envoyèrent deux hommes pour 
le prier de venir à Joppé. Il trouva Tabithe morte dans 
l'ÛTcepùov, cœnaculum, ou partie supérieure de la mai- 
son. Voir Maison, t. iv, col. 590, et fig. 182, col. 591. 
Les veuves qu'elle secourait supplièrent l'Apôtre de lui 
rendre la vie. Saint Pierre, touché de leurs supplica- 
tions, se mit à genoux pour prier, et ayant fait sortir 
tout le monde, il dit à la défunte, à l'exemple de Notre- 
Seigneur ressuscitant la fille de Jaïre : « Tabithe, lève- 
toi. » Elle ouvrit alors les yeux et s'assit, et l'Apôtre lui 
donnant la main la releva et « ayant appelé les saints 
et les veuves, » il la leur rendit vivante. Ce miracle fit 
grand bruit et fut connu de tous à Joppé, où il produisit 
beaucoup de conversions. Act., ix, 36-43. . 

1 . TABLE (hébreu : Sulhân; Septante : xpotiteÇa; 
Vulgate : mensa), meuble composé d'un plan solide 




435. — Table des pains de proposition. 
Arc de triomphe de Titus. Rome. 

fixé horizontalement sur des pieds verticaux, et servant 
à poser des aliments ou d'autres objets. 

1. Tables liturgiques. — 1° Table des pains de pro- 
position. — Moïse eut ordre de faire fabriquer une 
table de bois d'acacia, longue de deux coudées (l m 50), 
large d'une coudée (0 m 525) et haute d'une coudée et 
demie (0 m 79). Elle fut revêtue d'or avec une guirlande 
d'or tout autour. De plus, un châssis haut d'une palme 
(0 m 262), entouré lui-même d'une guirlande d'or, s'éle- 
vait au-dessus. Quatre anneaux d'or, fixés aux quatre 
coins de la table, permettaient de passer des barres 
pour la transporter. Exod., xxv, 23-30; xxxi, 8; xxxv, 
13; xxxvii, 10-16; xxxix, 35. Cette table fut consacrée 
par une onction, Exod., xxx, 27, et placée dans le 
sanctuaire, en avant du voile qui cachait l'Arche. Exod., 
xxvi, 35; xl, 4, 20, 22; Hebr., ix, 2. On y mettait 
chaque semaine les pains de proposition. Lev., xxiv, 6. 
Voir Pain, t. rv, col. 1957, et fig. 514, col. 1958. Les 
lévites étaient préposés à la garde de cette table, Num., 
m, 31, et chargés de l'envelopper avant de la transpor- 
ter. Num., iv, 7. — Salomon fit exécuter pour le 
Temple une nouvelle table toute en or, III Eeg., vu, 
48, afin d'y placer les pains de proposition. II Par., 
rv, 19; xih, 11. — Sous Achaz, les ustensiles du 
Temple furent profanés par le culte idolàtrique; Ézé- 
chias fit purifier l'autel, la table de proposition et les 
autres objets sacrés. II Par., xxix, 18. — Il fallut 



fabriquer une nouvelle table de proposition pour le 
second Temple. Antiochus Ëpiphane l'enleva. I Mach., 
I, 23. Après avoir 'repris Jérusalem, Judas Machabée'en 
fit une autre. I Mach., iv, 47, 51. Celle qui servait au 
moment de la ruine du Temple fut emportée par les 
Romains. Elle estreprésentée sur l'arc de Titus (fig. 435). 
— 2° Tables d'immolation. — Salomon fit fabriquer, 
sans doute pour cet usage, des tables d'or et d'argent, 
au nombre de dix, placées cinq à droite et cinq à 
gauche. I Par., xxvm, 16; II Par., IV, 8. Ézéchiel, XL, 
39-42, suppose dans son Temple douze tables sur les- 
quelles on immolait les victimes destinées aux divers 
sacrifices, et, en outre, quatre tables de pierre pour y 
déposer les instruments servant aux immolations. Le 
prophète semble aussi ne faire qu'un de la table de 
proposition et de l'autel des parfums. Ezech., xli, 22; 
xliv, 16. Malachie, i, 7, 12, appelle également l'autel la 
« table de Jéhovah », qui ne fournissait aux prêtres 
qu'une chétive nourriture, quand les animaux qu'on y 
apportait étaient estropiés ou malades. — 3° Tables iclo- 
lâtriques. — Isaïe, lxi, 11, reproche aux Israélites les 
repas sacrés qu'ils faisaient à la table des idoles Gad et 
le Destin. Daniel, xiv, 12-20, raconte qu'il y avait dans 
le temple de Bel une table sur laquelle on plaçait 
chaque soir les aliments destinés au dieu, mais que, 
par une ouverture pratiquée sous la table, les prêtres 
venaient la nuit pour enlever tout ce qui avait été offert 
et le manger eux-mêmes. Saint Paul dit que manger 
les victimes offertes aux idoles, dans certaines condi- 
tions, c'est prendre part à « la table des démons », à 
laquelle il oppose la « table du Seigneur », où l'on par- 
ticipe à la nourriture eucharistique. I Cor., xi, 20, 21. 
2. Tables des repas. — 1° La table du roi. — Il est 
parlé de la table de Saùl, I Reg., xx, 29, 34, et surtout 
de la table de Salomon, célèbre par sa magnificence. 
III Reg., iv, 27; x, 5; II Par., ix, 4. Daniel était admis 
à la table de Cyrus. Dan., xiv, 1. Cependant, « manger 
à la table du roi » veut souvent dire seulement que 
l'on est nourri à ses frais. On voit ainsi admettre Mi- 
phiboseth à la table de David, II Reg., ix, 7-13; xix,28; 
les fils de Berzellaï à la table de Salomon, 111 Reg., h, 
7, ainsi que les courtisans, III Reg., IV, 27; les pro- 
phètes de Baal à la table de Jézabel, III Reg., xvm, 19; 
les 150 notables à la table de Néhémie. II Esd., v, 17. 
Daniel, i, 8, refusa de se souiller en acceptant les mets 
de la table du roi. Voir des tables royales assyriennes, 
t. h, fig. 650, col. 2215; t. iv, fig. 97, col. 289. - 2° Les 
tables ordinaires. — Seules, les personnes aisées se 
servaient d'une table pour prendre leur repas. Esth., 
xiv, 17; Luc, xvi, 21; etc. Les gens du commun man- 
geaient simplement assis et sans table, comme en 
Egypte, voir t. n, fig. 649, col. 2213, ou même en se 
servant du boisseau renversé comme de table où ils 
posaient le plat. Par considération pour Elisée, la Su- 
namite mit une table dans la chambre qu'elle lui pré- 
para. IV Reg., iv, 10; cf. III Reg., xm, 20. Pour 
les repas, on dressait la table, Is., xxi, 5, ou on la 
faisait dresser par celui qu'on regardait comme un 
obligé. Eccli., xxix, 33. On la chargeait parfois de mets 
succulents. Job, xxxvi, 16. Les miettes qui tombaient 
sous la table, c'est-à-dire les reliefs, étaient pour les 
chiens, Matth., xv, 27; Marc, vu, 28, ou pour les gens 
que Ton méprisait. Jud., i, 17. Encore ces derniers ne 
les obtenaient-ils pas toujours. Luc, xvi, 21. Aussi 
n'était-ce pas vivre que d'avoir à jeter des yeux d'envie 
sur la table des autres. Eccli., xl, 3. Il était recom- 
mandé de bien se tenir à une table copieusement ser- 
vie. Eccli., xxxi, 12. Les fils de la famille prenaient 
place à table autour du père. Ps. cxxvm (cxxvii), 3. 
Sur le placement des convives, voir Lit, t. iv, col. 291; 
Place d'honneur, t. v, col. 446. Les amis étaient joyeux 
à table, Act., xvi, 34; mais à table prenaient quelquefois 
place l'avare qui trouvait moyen d'y avoir faim, Eccli., 



1969 



TABLE — TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE 



1970 



xiv, 10, l'ami infidèle qu'éloignait le malheur, Eccli., 
vi, 10, le débauché, Is., xxviii, 8, et le traître. Luc., 
xxn, 21.-3° Au figuré. — La table figure la nourriture 
en général, Ps. lxxviii (lxxvii), 19; Act., vi, 2; les 
bienfaits temporels de Dieu, Ps. xxm (xxn), 5; lxix 
(lxviii), 25; Ezech., xxxix, 20, ses bienfaits spirituels, 
Prov., ix, 2, et le bonheur éternel. Luc, xxn, 30. 

3. Tables de marchands. — Les changeurs avaient 
installé leurs tables dans le parvis du Temple, où le 
Sauveur les renversa. Joa., n, 15; Matth., xxi, 12; 
Marc, xi, 15. Voir Changeurs de monnaie, t. n, col. 548. 
Les mots xpi-xafr, mensa, désignent aussi la banque 
proprement dite, c'est-à-dire le trafic qui fait valoir 
l'argent. Luc, xix, 23. H. Lesètre. 

2. TABLE, plaque de pierre, de métal ou de bois, 
sur laquelle on peut graver des lettres ou incruster 
d'autres matières. Différentes sortes de tables sont 
mentionnées dans la Bible. 

1° Tables de la loi (hébreu : lûah; Septante : tùM, 
jtuîiov; Vulgate : tabula). — Le Seigneur promit de les 
donner à Moïse. Exod., xxiv, 12. Il les lui donna 
en effet, écrites de sa main. Exod., xxxi, 18. Elles 
sont appelées lulfôf 'ébén, n).i-/.£; ÀiBivxi, tabulée lapi- 
dese, « tables de pierre »; luhôt haêdflt, iu.i-t.ec toj 
(j.apTupi'ûU, tabulée testimonii, « tables du témoignage », 
Exod., xxxi, 18, et luhôt hab-berît, itXâzs; 8ia6r,x7i;, 
tabulée fœderis, « tables de l'alliance ». Deut., IX, 11. 
Moïse descendit de la montagne en portant les deux 
tables sur lesquelles l'écriture divine était gravée de 
part et d'autre, au recto et au verso. Ces tables n'étaient 
pas de dimension considérable, puisqu'un seul homme 
pouvait les porter. Apercevant le désordre auquel se 
livraient les Hébreux, Moïse jeta les labiés au pied de 
la montagne et les brisa. Exod., xxxn, 15-19. Quand la 
faute du peuple eut été pardonnée, Moïse reçut ordre 
de tailler lui-même deux nouvelles tables de pierre, sur 
lesquelles furent écrites les paroles de l'alliance. Moïse 
redescendit en portant ces tables avec lui. Exod., xxxiv, 
1-4, 28, 29. Cf. Deut., iv, 13; v, 22; ix, 9-17. Le texte de 
l'Exode ne dit pas clairement si, la seconde fois, les 
paroles furent gravées sur les tables par Dieu lui-même 
ou par Moïse. Le Deutéronome, x, 1-5, affirme positi- 
vement que Dieu lui-même écrivit les dix paroles sur 
les labiés taillées par Moïse. Les deux tables de la loi 
furent déposées dans l'Arche d'alliance. Deut., x, 5. 
Elles s'y trouvaient encore à l'époque de Salomon. 
II Par., v, 10; Hebr., ix, 14. Elles disparurent en même 
temps que l'Arche à l'époque de la captivité. — Méta- 
phoriquement, le cœur de l'homme est comparé à une 
table sur laquelle est écrite la loi de Dieu. Prov., m, 
3; vu, 3. Saint Paul dit que ses fidèles Corinthiens 
sont pour lui comme une lettre du Christ, écrite « non 
sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair. » 
II Cor., m,3. 

2° Tables à inscriptions. — Isaïe, vin, 1, reçoit 
l'ordre de prendre une grande tablette, gilldyôn, Tojio;, 
liber, pour y écrire la prophétie contre Damas et Sa- 
marïe. Habacuc, n, 2, dut aussi graver sa prophétie sur 
des tables, luhôt, irj^îa, tabulée. Les Romains gravèrent 
sur des tables, SéXtol, tabulée, d'airain et envoyèrent à 
Jérusalem le traité passé avec Judas Machabée. 1 Mach., 
vm, 22. Ils gravèrent sur des tables semblables le 
traité renouvelé avec Simon. I Mach.,xiv, 18. Les Juifs 
gravèrent sur des tables d'airain, qu'on plaça dans la 
galerie du Temple, l'énumération des services rendus 
par Simon. I Mach., xiv, 26-48. Cf. Job, xix, 24. Voir 
Stèle, col. 1861. 

3° Panneaux de bois ou d'airain. — Les panneaux 
du Tabernacle sont appelés qerâsim, <r:J).oi, tabulée; 
ils sont en bois d'acacia et destinés à être placés debout. 
Exod., xxvi, 15, 17-29; xxxvi, 20-33. Dans le Temple 
de Salomon, les murs sont recouverts de panneaux, 



sal'ôt, îO.supai', tabulée, tàbulata, de cèdre et de pin- 
III Reg., vi, 15, 16, 18; vu, 3; II Par., m, 5. Les bas- 
sins roulants avaient des panneaux, luhôt, cruyxXeiajjiaTa, 
tabulala, d'airain, représentant des chérubins, des 
lions et des palmes. III Reg., vu, 36. Voir Mer d'airain, 
t. iv, col. 986. Les panneaux d'une porte sont aussi 
formés d'un lûah, eravtj, tabula. Cant., Vin, 9. Ézéchiel, 
xxvii, 6, appelle qéréS, transtrum, un banc incrusté 
d'ivoire. Il désigne sous le nom de sel.ûf, stralum, les 
panneaux de bois qui revêtaient son Temple idéal. 
Ezech., xli, 16. 

4° Tables généalogiques. — Voir Généalogie, t. m, 
col. 159. Une table généalogique est appelée sêfer hay- 
yahai, piS).i'ov tri; tmvoSiaç, liber census, « livre de 
famille ». II Ësd., vu, 5. Le mot yahas, d'origine 
obscure, a donné naissance au verbe hifyahas, « se 
faire inscrire sur les tables généalogiques ». I Par., 
v, 17; ix, 1; I Esd., il, 62; II Esd., vu, 64. Le même 
mot désigne aussi ce qui est inscrit sur les tables gé- 
néalogiques. I Par., iv, 33; v, 1, 7; vu, 5, 7, 9, 40; ix, 
22; II Par., xn, 15; xxxi, 16-19; I Esd., vm, 1, 3; 
II Esd., vu, 5. Ce terme n'apparaît d'ailleurs que dans 
les livres les plus récents de la Bible hébraïque. 

H. Lesètre. 

TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE. 
— I. Elle est contenue dans le ch. x de la Genèse. 
C « est un document unique parmi ce que nous a légué 
l'antiquité. Il montre d'une manière éclatante la supé- 
riorité du point de vue des livres sacrés d'[Israël] sur 
celui des autres peuples anciens, même de leurs philo- 
sophies les plus avancées, quand il s'agit de concevoir 
les rapports des diverses nations de l'antiquité. Généra 
lement, dans le monde antique, chaque peuple, ou du 
moins chaque famille ethnique, regarde les autres 
peuples comme des barbares qui n'appartiennent pas à ~ 
la même espèce que lui. Les Égyptiens, par exemple, en 
reconnaissant dans l'humanité de grandes races qui 
correspondent à celles que la Bible fait descendre des 
trois fils de Noé, leur refusent toute fraternité d'origine. 
Chacune d'elles est le produit d'une création différente, 
l'œuvre ou l'émanation d'un dieu particulier. Israël, au 
contraire, a beau être fier de son caractère de peuple 
choisi de Dieu, jaloux de se maintenir à l'égard des 
autres nations dans un isolement qui lui permet de 
mieux sauvegarder le dépôt à lui confié de la vérité 
religieuse, il ne cesse pas de se regarder comme un 
simple membre de l'ensemble de l'humanité. Tous les 
hommes et tous les peuples, issus d'un couple unique, 
appartiennent au même sang, ont la même dignité 
et la même vocation. Ils sont donc entre eux parents 
et frères. De cette grandeur et de cette unité de l'es- 
pèce humaine découle la conception, fondamentale 
dans la pensée biblique, qui donne pour pivot à ses 
destinées l'histoire et le développement religieux d'un 
seul peuple, du peuple de Dieu, et pour but final de 
l'évolution générale de l'humanité la réunion de tous 
les peuples dans le règne de Dieu, promise à Abraham... 
C'est cette parenté fondamentale de tous les peuples, 
gage d'un avenir commun dans la voie montrée par 
Israël, que le tableau du ch. x de la Genèse est destiné 
à présenter sous une forme sensible. » Fr. Lenormant, 
Les origines de l'histoire, t. n, part. I, 1882, p. 307-308. 
La descendance des peuples issus de Noé et de ses 
trois fils est exposée sous la forme d'un arbre généalo- 
gique, à la façon des Orientaux. Les individus, les noms 
des fils de Noé et quelques autres noms y person- 
nifient des races. Voir A. Delattre, S. J., Le Plan de la 
Genèse, dans la Revue des questions historiques, juillet 
1876, t. xx, p. 46. Génies... fuisse, non homines, dit 
saint Augustin, en parlant de la table ethnographique, 
De civ. Dei, XXI, m, 2; cf. n. 1, t. xli, col. 481 et 480 
C'est ce qui explique la forme plurielle de plusieurs 
noms. 



1971 



TABLE ETHNOGRAPHIQUE DE LA GENÈSE — TAILLE 



1972 



II. Moïse énumère les descendants des trois fils de 
Noé, Sem, Cham et Japhet, et les pays qu'ils occupèrent. 
Il commence par les Chamites. — 1° Chamites. — Ce 
furent les premiers hommes qui, après le déluge» 
s'éloignèrent du centre commun. La Genèse nomme 
quatre fils de Cham : — 1. Chus, dont les descendants 
s'établirent depuis Babylone jusqu'à l'Ethiopie en tra- 
versant l'Arabie. Voir Chus 1, t. h, col. 743-746. — 
2° Mesraïm dont les fils peuplèrent l'Egypte. VoirMES- 
raïm, t. iv, col. 1028. — 3. Phuth, t. v, col. 341, peupla 
les côtes septentrionales de l'Afrique. — 4. Chanaan 
habita la contrée à laquelle il donna son nom et qu'ont 
rendue célèbre les Phéniciens et les diverses peuplades 
dont le nom revient si souvent dans l'histoire de l'An- 
cien Testament; elles occupèrent le pays situé entre la 
Méditerranée et la mer Morte avant l'établissement des 
Hébreux dans la Terre Promise. Voir Chananéen 1 , t. n, 
col. 539. 

2» Sémites. — La postérité de Sem occupa les pays 
qui s'étendent entre la mer Méditerranée et l'Océan 
indien, d'une part, et de l'autre depuis l'extrémité nord- 
est de la Lydie jusqu'à la péninsule arabique : Aram 
s'établit en Syrie et lui donna son nom sémitique; 
Arphaxad peupla la Mésopotamie ; Assur, l'Assyrie ; Élam, 
l'Élymaïde, qui devint plus tard une province persane; 
Jectan, l'Arabie. Voir ces différents noms. 

3°Japhétites. — De Japhet sortirent : 1. Gomer, père 
des races kymris ou celtes, qui s'étaient d'abord éta- 
blies au nord duPont-Euxin, puis au midi de cette mer, 
Hérodote, iv, 11-13; 2. Magog, des races scythiques et 
teutoniques;3. Madaï, des races iraniennes : Bactriens, 
Mèdes et Perses; 4. Javan, d'Élisa, Tharsis, Céthim; 
Dodanim, des races pélasgiques, hellènes, italiotes, etc. ; 
5. Thubal des Thabuliens, Ibères; 6. Mosoch des Cappa- 
dociens; 7. Thiras d'une partie des races scythes et 
slaves. Voir Japheth 1, t. m, col. 1125. 

III. « Moïse, en exposant la filiation des peuples, 
dit la Civiltà cattolica, 15 février 1879, p. 436-437, se 
borne à une seule des grandes races humaines, à celle 
qui tient indubitablement le premier rang et l'emporte 
sur toutes lesautres,c'est-à-direla race blanche; il ne dit 
rien des trois races inférieures, la jaune, la rouge et la 
noire, qui sont pourtant une partie de l'espèce humaine. 
...Le but de Moïse ne fut pas de décrire l'origine de 
tous les peuples qui composent l'humanité, mais seule- 
ment de ceux que connaissait le peuple hébreu ou 
qu'il lui importail le plus de connaître. De ce nombre 
furent naturellement exclus ceux de l'extrême Orient 
asiatique, comme les Chinois, les Mongols, etc. (race 
jaune); ceux de l'Amérique, alors inconnue (race rouge), 
et ceux du Grand Océan, Papouans, Mélanésiens, etc. 
(race nègre océanique) . : les Hébreux ne les connais- 
saient pas et ils n'avaient nul besoin de les connaître. 
Quant aux nègres de l'Afrique intérieure, les Hébreux, 
qui avaient demeuré en Egypte, les connaissaient cer- 
tainement, car [ils étaient nombreux dans ce pays]... 
Moïse ne parle point d'eux, peut-être parce qu'ils avaient 
toujours été... étrangers à l'histoire du peuple hébreu. » 
Voir Nègres, t. iv, col. 1561. 

Quant à l'origine de ces races, rien n'empêche de 
croire qu'elles proviennent d'autres descendants de 
Noé. Ce patriarche, après le déluge eut d'autres enfants 
que Sem, Cham et Japhet et ces derniers eurent aussi 
des fils dont la Genèse ne nous a pas transmis les noms. 
Elle dit expressément, xi, 11, que Sem « engendra des 
fils et des filles » dont elle ne nous fait pas connaître 
les noms. L'analogie porte à croire qu'elle ne nous a pas 
fait connaître non plus tous les enfants de Cham et de 
Japhet et tous leurs petits-fils, lesquels durent donner 
naissance à des familles et à des peuples qui vécurent 
dans un isolement complet des autres et demeurèrent 
ainsi séparés de l'histoire des Hébreux. 

Voir S. Bochart, Phaleg sou de dispersione genlium, 



in-f°, Caen, 1646; Knobel, Die Vôlkertafel der Genesis, 
in-8°, Giessen, 1850; E. F. K. Rosenmûller. Handbuch 
der biblischen Alterthumskun.de, 4 in-8», Leipzig, 1823- 
1830; C. von Lengerke, Kenaan, in-8°, Kœnigsberg, 
1844; E. de Ujfalvy, Aperçu général sur les migrations 
des peuples, in-8°, Paris, 1873; Fr. Lenormant, Les 
origines de l'histoire d'après la Bible (inachevé), t. n, 
in-8», Paris, 1882; H. Sayce, The liaces of the Uld Tes- 
tament, in-16, Londres, 1891. 

TABRÉMON (hébreu : Tabrimmôn; Septante : 
Taëepend), fi' s d'Hézion et père de Bénadad I er , roi 
de Damas. III Reg., xv, 18. Voir Remmon 3, col. 1036; 
Damas, t. n, col. 1225. Il n'est nommé dans l'Écriture 
que comme père de Bénadad. 

TADMOR, nom hébreu, Tadmôr, de la ville de 
Palmyre. Voir Palmyre, t. iv, col. 2070. 

TAHAS (hébreu : Tafras; Septante : Tox<5?), le 
troisièmedes quatre fils qu'eut Nachor, frère d'Abraham, 
de Roma, sa femme de second rang. Gen., xxn, 24. 
Tahas en hébreu désigne le dugong. Voir Dugong, t. n, 
col. 1510. 

TAHKEMÔNI, Thahkemônîte, mot hébreu sans ar- 
ticle, qualificatif de Jesbaam, dans le passage altéré de 
II Sam. (Reg.), xxm, 8. Voir Jesbaam, t. m, col. 1398. 
Il faut probablement lire Hachamoni, hé au lieu de 
thav, comme! Par., xi, 11, « fils de Hachamoni ». Cf. 
Josèphe, Ant. jud., VII, xn, 4. 

TAHTIM HODSI (Septante : -yr| ©a<ja<ràiv iî io-civ 
'ASaaai; Vulgate : in terram inferiorem Hodsi), pas- 
sage probablement altéré, II Sam. (Reg.), xxiv, 6. 
Joab passa dans cette localité, quand il fit- le recensement 
du peuple sous le règne de David. Elle était située 
entre le pays de Galaad et Dan-Yaan ou Dan-la-Silvestre. 
On a fait toute sorte d'hypothèses pour restituer le 
texte 'primitif. On peut supposer qu'il faut corriger 
Cédés des Héthéens. Voir CÉDÉS 2, t. Il, col. 369. 

1. TAILLE (hébreu : niidddh, qômâh; Septante : 
t|A(xcoc, [léyEOo;, O'^oç; Vulgate : statura, altitude), 
dimension en hauteur du corps d'un homme. — Sur 
les géants antérieurs au déluge, Bar., m, 26, voir 
Géants, t. m, col. 135. Quand les explorateurs israélites 
furent envoyés en Chanaan, ils remarquèrent la haute 
taille des habitants du pays. Num., xm, 33; Deut., i, 
28. Saûl était de haute taille; ses concitoyens ne lui 
venaient qu'à l'épaule. I Reg., x, 23, 24. Éliab, fils 
d'Isaï, était également remarquable par sa taille. 
I Reg., xvi, 7. Samuel crut tout d'abord que, pour cette 
raison, il était l'élu de Dieu. Chez les anciens, on 
aimait assez que le souverain fût d'une taille avanta- 
geuse. Cf. Hérodote, m, 20; vu, 187. Banaïas, un des 
héros de David, tua un Égyptien qui avait cinq coudées 
de haut. IPar., xi, 23. Goliath était encore plus grand; 
sa taille atteignait six coudées et une palme. I Reg., 
xvii, 4. L'Épouse du Cantique, vu, 7, ressemblait au 
palmier par sa taille. Ici la comparaison ne porte évi- 
demment pas sur la hauteur, mais sur la grâce et 
l'élégance delà stature. Les Sabéens avaient une haute 
taille. Is., xlv, 14. Ézéchiel, vin, 18, parle d'oreillers 
faits pour les têtes de toute taille, c'est-à-dire d'accom- 
modements ménagés pour les hommes de toute condi- 
tion. — Il est parfois question de la taille des arbres, 
Is., x, 33; xxxvii, 24; Ezech., xix, 11, des statues, 
Dan., n, 31, et d'objets divers. Gen., vi, 15; Exod., 
xxv, 10, 23; Ezech., i, 18; etc. — Zachée était petit de 
taille. Luc, xix, 3. Notre-Seigneur dit que personne, 
avec toute son industrie, ne peut ajouter une coudée 
à sa taille. Matth., vi, 27; Luc, xn, 25. Le mot grec 



1973 



TAILLE — TALENT 



1974 



f É ).tx[a, employé dans ce passage, signifie « haute sta- 
■ ture », mais bien plus ordinairement « temps de la 
vie », et « jeunesse » ou « vieillesse ». Ce dernier sens 
paraît préférable ; car, s'il s'agissait de la taillé, Notre- 
Seigneur aurait sans doute pris la plus petite mesure 
de longueur, non la coudée (0 m 525), mais le doigt 
(0 m 0218). Personne ne peut allonger sa taille même 
d'un doigt. La coudée s'adapte mieux à une longueur 
plus considérable : personne ne peut allonger sa vie 
d'une coudée, la vie étant assimilée à un chemin, 
Matth., v, 25, au bout duquel une coudée est une lon- 
gueur insignifiante. Il est dit aussi que l'enfant Jésus 
croissait TiXixia, très probablement en taille, plutôtqu'en 
âge, selate, comme traduit la Vulgale. Luc, n, 52. 

H. Lesêtre. 
2. TAILLE (Septante : zoy.-^; Vulgate : putatio), 
opération qui consiste à émonder les végétaux pour 
activer leur production. — La Bible ne parle que de la 
taille de la vigne. La taille est plus nécessaire à la vigne 
qu'à tout autre arbre. En Orient, on ne coupe pas tous 
les sarments jusqu'à la souche, comme en France on 
le fait chaque année. On en laisse trois ou quatre [sur 
une tige principale, haute de cinq à six pieds. La 
récolte en est plus hâtive et meilleure. Cf. Tristram. 
The naturalHistory of the Bible, Londres, 1889, p. 408- 
Notre-Seigneur fait allusion à la taille de la vigne et à 
ses effets : « Tout sarment qui porte du fruit, il 
l'émonde, afin qu'il en porte davantage. » Joa., xv, 2. 
La taille de la vigne était défendue l'année sabbatique. 
Lev., xxv, 3, 4. C'était une année de repos pour la terre, 
et aussi pour la vigne dont la vigueur se dépensait 
alors en faveur de la plante aux dépens de ses fruits. 
Isaïe, v, 6, compare Juda infidèle à une vigne qui ne 
sera plus taillée ni cultivée et qu'envahiront les ronces 
et les épines. — Dans sa description du printemps, 
l'auteur du Cantique, H, 11-13, mentionne la disparition 
de la pluie, l'éclosion des fleurs, le chant, zâmîr, qui 
retentit, la voix de la tourterelle, les fruits naissants 
du figuier et le parfum de la vigne en fleur. Les ver- 
sions ont traduit zàmîr par to\>.r\, putatio, Aquila et 
Symmaque pandaSe-Jcn;, le Chaldéen par qittûf, et le 
Syriaque par qashâ', tous mots qui signifient « taille » 
de la vigne. Cette taille se pratique en mars, cf. Rosen- 
mùller, Canticum, Leipzig, 1830, p. 333, et même en jan- 
vier, cf. H. Vincent, dans la Revue biblique, 1909, p. 251 ; 
elle peut, par conséquent, servir à caractériser le prin- 
temps. Il est singulier cependant qu'une opération aussi 
prosaïque ait pris place dans une description poétique 
qui ne mentionne que des phénomènes naturels. 
Gomme le verbe zâmar signifie à la fois « tailler » et 
« jouer des instruments », plusieurs pensent que zâmîr 
doit se prendre avec le sens de «chant », comme dans 
Job, xxxv, 10; Is., xxiv, 16; xxv, 5; etc. Il s'agit ici 
du chant des oiseaux et le parallélisme semble exiger 
ce sens : 

Le temps des chants est arrivé, 

La voix de la tourterelle se fait entendre. 

Isaïe, XVIII, 5, fait allusion à une seconde taille de la 
vigne : « Avant la moisson, quand la floraison sera 
achevée et que la fleur sera devenue une grappe 
bientôt mûre, il coupera les sarments à coups de serpe, 
il enlèvera et coupera les grandes branches. » Cet 
élagage, qui se pratique aujourd'hui couramment, a sa 
grande utilité. « Après la formation des grappes, c'est- 
à-dire à l'entrée de l'été, quand déjà orges et blés sont 
moissonnés, les vignerons soigneux émondent les ceps, 
coupent même parfois la pointe des sarments laissés ou 
la replient, afin que la sève se concentre dans le 
raisin au lieu de se disperser dans une trop vigou- 
reuse et vaine frondaison, très nuisible à la qualité de 
la récolte au moment de sa maturité. » H. Vincent, dans 
la Revue biblique, 1909, p. 251. Comme le marque le 



prophète, cette opération s'exécute dans les jours 
chauds de l'année, quand on est en repos et dans sa 
demeure, probablement dans la tour de garde de la 
vigne. On y vit à l'aise et dans un repos relatif, et l'on 
charme les loisirs des fraîches soirées en jouant de 
divers instruments, surtout d'une flûte de roseau à 
double tuyau appelée zoumerah ou zoummarah, dont 
le nom reproduit l'hébreu zimrâh, « chant ». Le 
P. Vincent pense que l'époque de cette seconde taille 
est celle que vise la description du Cantique, n, 11-13, 
parce qu'au moment de la première les vignes ne sont 
pas encore en fleur et n'embaument pas. Voir ÉMON- 
dage, t. h, col. 1764. II. Lesêtre. 

TALENT (kikkâr, Septante : -ra).avTdv), poids et 
monnaie de compte. C'était le poids le plus élevé et 
il équivalait à 3000 sicles. Son nom hébreu de kikkâr, 
« objet rond, de forme ronde », lui venait sans doute 
de ce qu'il avait ordinairement une forme arrondie. 
Sa valeur, dans notre système métrologique, est appro- 
ximativement de 42 kilogrammes 533 grammes. On a 
trouvé, près de l'enceinte sacrée du Temple de Jéru- 
salem, un de ces poids qui a la forme d'une grosse pas- 
tèque. Voir la Conférence (du P. Gré) sur le kikkar ou 
talent hébreu découvert à Sainte-Anne de Jérusalem, 
dans la Revue biblique, juillet 1892, p. 416-432. — 
Pour la confection des travaux du sanctuaire, Moïse 
employa 29 talents d'or et 1775 sicles, Exod., xxxvm, 
24, cent talents et 1775 sicles d'argent, f. 25 (26), 27; 
70 talents et 2400 sicles d'airain (cuivre), y. 29. Voir 
aussi Exod., xxv,39; XXXVII, 24. — Le diadème d'or du 
roi de Rabbath Ammon dont s'empara David pesait un 
talent d'après le texte actuel de II Sam. (Reg.), xii, 30 ; 

I Par., xx, 2, ce qui semble un poids tout à fait excessif 
pour un ornement de ce genre, mais peut s'entendre 
de sa valeur et non pas littéralement de son poids. 
Voir Couronne, I, t. n, col. 1083. — Hiram, roi de 
Tyr, envoya à Salomon cent vingt talents d'or pour 
l'ornement du temple de Jérusalem. III Reg., ix, 14. 
La flotte d'Ophir rapporta à Salomon quatre cent vingt 
talents d'or, III Reg., ix, 28 (II Par., rai, 18, quatre 
cent cinquante). D'après I Par., xxix, 4, ce roi aurait 
consacré à l'ornementation du Temple trois mille ta- 
lents d'or d'Ophir et sept mille talents d'argent; il 
n'est pas dit que cet or d'Ophir eût été porté par la 
flotte israélite. Les chefe d'Israël offrirent aussi pour le 
service et l'embellissement du Temple cinq mille ta- 
lents d'or, dix mille talents d'argent, dix-huit mille 
talents d'airain et cent mille talents de fer. I Par., 
xxix, 7. Ces chiffres ont été exagérés par les trans- 
criptions des copistes, d'après divers commentateurs, 
de même que les cent mille talents d'or et le million 
de talents d'argent qui, d'après I Par., xxn, 14, 
avaient été recueillis par David pour préparer la con- 
struction du Temple. Salomon revêtit d'or pur le Saint 
des saints pour une valeur de six cents talents. II Par., 
m, 8. — La reine de Saba fit présent à Salomon de 
cent vingt talents d'or. II Par., ix, 9. — Ce roi rece- 
vait chaque année six cent soixante -six talents d'or. 

II Par., ix, 13. — Amri, roi d'Israël, acheta pour deux 
talents d'argent la colline où il éleva Samarie, sa capi- 
tale. III Reg., xvi, 24. — Un prophète estime, auprès 
d'Achab, la vie d'un homme un talent d'argent. III Reg. , 
xx, 39. — Lorsque Naaman alla trouver Elisée pour se 
faire guérir de sa lèpre, il emporta avec lui dix talents 
d'argent et six mille sicles d'or. IV Reg., v, 5. Le pro- 
phète refusa d'accepter ses présents, mais son serviteur, 
Giézi, courut après Naaman pour lui demander frau- 
duleusement un talent d'argent. Il en reçut deux et il 
fut puni par la lèpre de son avarice, f. 22-27. — Mana- 
hem, roi d'Israël, paya à Phul = Théglathphalasar, 
roi d'Assyrie, pour qu'il l'aidât à s'affermir sur le trône, 
mille talents d'argent qu'il se procura en faisant payer 



1975 



TALENT — TALITHA CUMI 



1976 



cinquante sieles d'argent aux riches Israélites. IV Reg., 
sv, 19. — Amasias, roi de Juda, avait pris à sa solde 
cent mille Israélites pour cent talents d'argent. II Par., 
xxv, 6, 9. — Joatham, roi de Juda, fit payer aux 
Ammonites pendant trois ans cent talents d'argent 
avec d'autres redevances. [I Par., xxvn, 5. — Ézéchias, 
roi de Juda, paya, à Lachis, à Sennachérib, roi 
d'Assyrie, une somme de trois cents talents d'argent et 
de trente talents d'or. IV Reg., xvih, 14. — Néchao, 
roi d'Egypte, fît payer au royaume de Juda une contri- 
bution de cent talents d'argent et d'un talent d'or. 
IV Reg., xxin, 33 ; II Par., xxxvi, 3. — Le roi de Perse, 
Artaxercès, donna l'ordre aux gouverneurs des provinces 
à l'ouest de l'Èuphrate de donner à Esdras une somme 
d'argent jusqu'à concurrence de cent talents d'argent. 
I Esd., vu, 22. — Esdras, près du fleuve d'Ahava, remit 
à douze chefs des prêtres juifs six cent cinquante ta- 
lents d'argent et cent talents d'or, avec d'autres objets 
précieux. I Esd., vm, 26. — Tobie, i, 16-17; iv, 21, 
avait prêté à Gabélus dix talents d'argent. — Aman avait 
promis au roi Assuérus de verser mille talents d'argent 
au trésor royal après avoir fait massacrer les Juifs qui 
étaient dans ses états. Esth., ni, 9. — Dans Zacharie, 
v, 7, le prophète voit en vision une masse ou un disque 
de plomb, d'après l'hébreu. La Vulgate traduit, à la suite 
des Septante, « un talent d'argent », mais le ^.8 montre 
bien qu'il s'agit d'une masse de plomb, massa plunibi, 
comme traduit la Vulgate elle-même, et non d'un va- 
leur monétaire. — L'hébreu kikkar a le double sens 
de talent et d'objet rond. — Les deux livres des Macha- 
bées parlent souvent de talents; dans plusieurs pas- 
sages ils ne marquent pas de quel métal étaient ces 
talents. I Mach., xi, 28; xv, 35; II Mach., v, 21; vm, 
10, 11, mais ils devaient être d'argent, comme dans les 
endroits où la matière est précisée. I Mach., xm, 16, 19; 
xv, 31; II Mach,, m. 11; iv, 8, 24. — Dans le Nouveau 
Testament, saint Matthieu raconte la parabole du servi- 
teur qui devait dix mille talents, d'argent sans doute, 
au roi son maître, xvm, 24, et celle du maître qui, en 
partant pour un voyage, confie cinq, trois et un talent, 
probablement d'argent, pour qu'ils les fassent valoir, 
xxv, 15-28. Le mot talent n'est employé dans la para- 
bole que comme signifiant une somme élevée. Saint 
Luc, en la rapportant, xix, 13-25, se sert du mot mine, 
ce qui laisse aux paroles de Notre-Seigneur le même 
sens général. — Saint Jea*i, dans l'Apocalypse, 
xvi, 21, parle de la grêle miraculeuse qui s'échappa 
de la coupe du septième ange et dont le poids était 
d'un talent. 

TALION, peine consistant à faire subir à quelqu'un 
le même dommage qu'il a infligé à un autre. — 1° La 
peine du talion est formellement édictée par le code 
d'Hammourabi : œil crevé pour œil crevé, art. 196; 
membre cassé pour membre cassé, art. 197 ; dent brisée 
pour dent brisée, art. 200. La loi du talion s'étend 
même à d'autres qu'au coupable. On tue la fille de 
celui qui a fait avorter une femme, art. 210; on met à 
mort l'architecte d'une maison qui s'est écroulée sur 
le propriétaire, art. 229; on tue le fils de l'architecte 
si la maison a tué le fils du propriétaire, art. 230. 
Quand la perte porte sur des animaux, bœuf pour bœuf, 
mouton pour mouton, art. 263. Parfois l'amende est 
substituée au talion, art. 198, 201, etc. La peine du 
talion présentait certains avantages. Elle simplifiait la 
législation pénale, donnait satisfaction à celui qui 
avait subi le dommage, empêchait ce dernier d'exagérer 
ses exigences et prévenait les violences en menaçant 
d'une peine bien déterminée celui qui était tenté de les 
commettre. Cette pénalité n'était pas cependant toujours 
équitable, malgré ses apparences de justice. Celui qui 
avait agi par malice délibérée méritait une peine plus 
grave que celle qu'il avait inlligée. Parfois aussi sa 



culpabilité était atténuée par diverses Circonstances et 
il ne méritait pas une peine égale au mal qu'il avait 
causé. C'est ce qui fait que la peine du talion disparut 
peu à peu, à mesure que les législations se perfection- 
nèrent. Chez les anciens Romains, une loi des XII Tables 
était ainsi conçue : Si membrum rupit, ni cum eo 
pacit, talio esto, « que celui qui a brisé un membre 
subisse le talion, à moins d'arrangement ». A celte loi 
du talion, on ne tarda pas à substituer l'amende, à 
cause de la difficulté de sa juste application. Cf. Aulu- 
Gelle, IX, x, 14-41; Pline, H. N., vu, 54, 55. A Athè- 
nes, Solon avait aussi adopté le principe du talion. Cf. 
Diogène Laerce, i, 57; Diodore de Sicile, xn, 17. — 
2° La loi mosaïque a conservé la législation chaldéenne 
du talion : « Vie pour vie, œil pour œil, dent pour 
dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour 
brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour 
meurtrissure. » Exod., xxi, 23-25. « Celui qui frappe 
un homme mortellement sera mis à mort. Celui qui 
frappe mortellement une tête de bétail en donnera une 
autre : vie pour vie. Si quelqu'un fait une blessure à 
son prochain, on lui fera comme il a fait: fracture pour 
fracture, œil pour œil, dent pour dent; on lui fera la 
même blessure qu'il a faite à son prochain. » Lev., xxiv, 
17-20; Deut., xix, 21. L'exécution de la peine du talion 
n'était pas laissée à l'arbitraire de la partie lésée; les 
juges intervenaient pour décider. Mais comme l'exécu- 
tion de la peine légale avait en elle-même quelque 
chose d'odieux, il devait être permis à la partie lésée 
de se contenter d'une compensation pécuniaire, sou- 
vent plus avantageuse pour elle que la mutilation du 
coupable ou de l'imprudent. Ainsi l'entend Josèphe, 
Ant. jud., IV, vm, 35, interprète de la pensée de ses 
contemporains : « Que celui qui en a mutilé un autre 
endure la même peine, privé lui-même de ce dont il 
a privé l'autre, à moins que le mutilé ne préfère rece- 
voir de l'argent; la loi laisse alors au lésé plein pouvoir 
d'estimer l'accident qui lui est arrivé et l'autorise à 
agir ainsi, s'il ne veut se montrer trop cruel. » Il est 
donc probable que les sévices corporels furent d'un 
usage très restreint chez les Hébreux et que la compen- 
sation pécuniaire les remplaça habituellement. Excep- 
tion était faite pour le meurtre, la victime n'étant plus 
là pour consentir une commutation. — LesHébreux cou- 
pèrent les pouces des mains et des pieds au roi chana- 
néen Adonibésec, qui lui-même avait infligé le même 
traitement à soixante-dix autres rois. Jud., i, 6, 7. 
Ménélas, qui avait profané le feu et la cendre de 
l'autel, périt étouffé dans une tour pleine de cendres. 
II Mach., xm, 5, 8. Ces faits et d'autres semblables ne 
sont pas des applications de la loi du talion, mais de 
simples coïncidences providentielles qui rappellent les 
lois de la justice divine aux coupables ou aux témoins 
de leur supplice. — 3° Le Sauveur abolit la loi du talion, 
tombée depuis longtemps en désuétude, mais dont on 
cherchait encore à abuser pour satisfaire des vengeances 
privées. Matth., v, 38, 39. A l'ancien droit, il opposa un 
conseil nouveau, celui d'aller au-devant de l'injure. Le 
devoir est entre les deux : ne pas tirer vengeance du 
mal, sans cependant être obligé de s'y exposer de soi- 
même. Toutefois, il y a une loi du talion qui reste 
en vigueur dans l'ordre spirituel. Qui fait miséricorde 
obtiendra miséricorde. Matth., v, 7. Qui ne juge point 
n'est point jugé, car on sera jugé comme on aura jugé, 
et on sera mesuré avec la mesure au moyen de laquelle 
on aura mesuré les autres. Matth., vu, 1, 2; Marc, iv, 
24; Luc, vi, 38. De là le précepte apostolique concer- 
nant la pratique de la charité mutuelle : « Portez les 
fardeaux les uns des autres. » Gai., vi, 2. Cf. Matth., 
vu, 12. H. Lesétre. 

TALITHA CUMI, expressions araméennes, qui si- 
gnifient « jeune fille, lève-toi », et que Notre-Seigneur 



1977 



TALITHA CUMI — TALON 



1978 



prononça pour ressuciter la fille de Jaïre. Marc, v, 41, 
L'évangéliste a transcrit >a*p KrvVo par TaXiGà xoOu.f 
et il explique lui-même ces mots : tô xojâmov iftipw 

TALMUD, commentaire de la Mischna. Voir Mis- 
chna, t. iv, col. 1127. — 1» Sa composition. — La 
Mischna, qui était un premier commentaire de la Loi, 
fut à son tour l'objet d'une explication appelée 
gemârâ' « complément », de gâmar, « compléter ». 
La Mischna et la Gemara forment un ensemble appelé 
talmud, « enseignement », de lâmad, « enseigner », 
bien que le nom de Talmud ait été dans le principe 
et soit encore souvent réservé à cette seconde partie. 
Deux centres d'études donnèrent naissance à deux ré- 
dactions différentes du Talmud. Au III e et au IV e siècle, 
les docteurs palestiniens, surtout ceux de Tibériade, 
enrichirent la Mischna de commentaires juridiques 
et casuistiques sur chaque proposition. Leur œuvre 
constitue le Talmud de Jérusalem, qui serait plus jus- 
tement appelé Talmud de Palestine. On y mentionne 
encore les empereurs Dioclétien et Julien, mais on 
n'y fait allusion à aucun docteur juif postérieur au 
milieu du IV e siècle. Ce Talmud est rédigé en ara- 
méen; les citations des docteurs plus anciens sont en 
hébreu. La Halacha y occupe la place principale, bien 
que d'importants morceaux relèvent de la Haggada. 
Voir t. iv, col. 1078-1079. On ne sait pas si le Talmud 
de Jérusalem commentait la Mischna entière. On ne 
possède que les commentaires sur les quatre premiers 
Sedarim, moins les traités 37, Eduyoth, et 39, Aboth, 
et le commentaire sur le traité 58, Nidda. — Au v e et 
au VI e siècle, ud autre Talmud fut rédigé à Babylone, 
où la Mischna avait été apportée par un disciple de 
R. Juda, Abba Areka, surnommé Rab. L'œuvre est 
rédigée en araméen babylonien, avec citations en 
hébreu des plus anciens docteurs. La Haggada y est 
plus développée que dans le Talmud de Jérusalem. 
Il ne s'étend pas non plus à toute la Mischna. Il y 
manque tout le premier Sédér, sauf le traité 1, Bera- 
ehotli, puis les traités 15, Schekalim, 37, Eduyoth, 
39, Aboth, 50, Middoth, 51, Kinnim, la moitié du 49, 
Tamid, et tout le sixième Sédér, sauf le traité 58, 
Nidda. Voir t. iv, col. 1127. Bien que le Talmud de 
Jérusalem porte sur 39 traités et celui de Babylone sur 
36 1/2 seulement, ce dernier a plus de quatre fois le 
développement du précédent, et c'est lui qui est le 
plus habituellement cité. Les citations de la Mischna 
se font par chapitres et versets : Berachoth, iv, 3; 
celles du Talmud de Jérusalem se font de même, sous 
la forme suivante : Jer. Berachoth, iv, 3; celles du 
Talmud de Babylone se font par folios, avec indication 
du recto, a, ou du verso, b : Bab. Berachoth, 28 b, ou 
quelquefois simplement : Berachoth, 28 6. 

2° Sa valeur. — On attribue à R. Ismaël, docteur 
palestinien du second siècle, les treize modes de raison- 
nement qu'employèrent les rédacteurs des Talmuds. 
Ces règles sont formulées d'une manière assez obscure 
et plusieurs d'entre elles sont incohérentes. Cf. Drach, 
De l'harmonie entre l'Église et la synagogue, Paris, 
1841, t. i, p. 175-177. Le style du Talmud n'est rien 
moins que clair, les pensées sont embarrassées et 
souvent elliptiques, les objections et les réponses se 
suivent sans rien qui les distingue, les formes d'argu- 
mentation déroutent par leur étrangeté et leur subti- 
lité. Ces défauts, particulièrement saillants dans le 
Talmud de Jérusalem, furent probablement la cause 
qui détermina les docteurs de Babylone à entreprendre 
une autre compilation. Cenx-ci se proposèrent « 1, 
d'expliquer les raisons des opinions contradictoires 
énoncées dans la Mischna, afin d'arriver parce moyen 
à la décision définitive en faveur de l'une de ces opinions ; 
2, de donner la solution des cas douteux, conformément 
à la doctrine des Tannaïtes et des Amoraïm (anciens 



docteurs) les plus graves; 3, d'enregistrer les décisions, 
les constitutions et les règlements adoptés par les 
rabbins depuis la clôture de la Mischna; 4, de donner 
des explications allégoriques de plusieurs passages de 
l'Écriture, des paraboles, des légendes, des instructions 
mystiques. » Drach, ibid., p. 163. La Mischna est rela- 
tivement courte et claire. « Les Gemaras sont beaucoup 
plus longues à lire et leur étude est des plus fasti- 
dieuses... Il n'y a, dans ces pages interminables, ni 
style, ni ordre, ni talent; la langue en est aussi déplo- 
rable que la pensée, la forme que le fond. L'une est 
barbare, l'autre est inintelligible. C'est un fatras, un 
insupportable fatras dont l'ensemble forme un des 
ouvrages les plus repoussants qui soient au monde. Il 
faut le lire cependant, car on y trouve çà et là une 
pierre précieuse. » E. Stapfer, La Palestine au temps 
de J.-C., Paris, 1885, p. 24. Ces défauts sont particu- 
lièrement sensibles dans le Talmud de Babylone. Voir 
Caraïte, t. H, col. 242. C'est dans le Talmud que 
les docteurs juifs ont. consigné les blasphèmes et les 
plus odieuses insinuations contre Jésus-Christ et sa 
sainte Mère, et qu'ils ont formulé leurs principes sur 
le déni de toute charité, de toute loyauté et de toute 
justice envers les chrétiens. Cf. Aboda sara, fol. 13 b, 
20 a; Baba kamma, fol. 29 b; etc. Un synode juif de 
1631 en Pologne, pour éviter de soulever l'indignation 
des chrétiens, prescrivit de ne plus imprimer les pas- 
sages concernant Jésus de Nazareth, mais de les rem; 
placer par un signe avertissant les maîtres d'avoir à 
les enseigner oralement. Cf. Drach, op. cit., p. 166-168. 
Il y a en somme peu d'utilité à retirer du Talmud pour 
l'intelligence des Livres Saints. Il peut servir néan- 
moins à indiquer comment, du iv 8 au vi e siècle, on 
entendait certains textes de la Mischna et subsidiaire- 
ment de la loi mosaïque. — Sur l'influence des Talmu- 
distes par rapport au texte hébreu de la Bible, voir 
Massore, t. iv, col. 855. Sur les Caraïtes, ennemis des 
traditions talmudiques, voir t. H, col. 243. — Les deux Tal- 
muds ont été publiés à Venise par Bomberg, de 1520 à 
1524. OnadansUgolini,37i0s<z«rMS,une traduction latine 
de 19 traités du Talmud de Jérusalem, t. xvn, xvm, 
xx, xxv, xxx, et de trois traités duTalmudde Babylone, 
t. xix, xxv. Cf. M. Schwab, Le Talmud de Jérusalem, 
traduit, Paris, 1878-1889; Pinner, Compendium des 
hier, und bab. Talmud, Berlin, 1832; Bédarride, Étude 
sur le Talmud, Montpellier, 1869 ; Darmesteter, Le Tal- 
mud, dans Reliques scientifiques, Paris, 1890, 1. 1, p. 1-53 ; 
Mlelziner, Introduction to tlie Talmud, Cincinnati, 
1894; Bernfeld, Der Talmud, sein Wesen, seine Bedeu- 
tung und seine Geschichte, Leipzig, 1900; Schiirer, 
Gesch. des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 
t. i, 1901, p. 125-136; Herm. Strack, Einleitung in 
den Talmud, Leipzig, 4 e édit., 1908. H. Lesétre. 

TALON (hébreu : 'dqêb, qarsôl; Septante : wripva; 
Vulgate : talus, calcaneum, calx), partie postérieure 
du pied. — Dans la sentence portée contre le serpent 
tentateur, il est dit que la postérité de la femme lui 
écrasera la tête, mais que lui la meurtrira au talon. 
Gen., m, 15. Le coup porté par Satan sera donc guéris- 
sable, tandis que celui qu'on lui portera sera mortel. 
Quand Jacob vint au monde, il tenait par la main le 
talon de son frère Ésaù, ce qui lui fit donnerlenomde 
ya'âqob, « Jacob ». Gen., xxv, 25 — Lever le talon 
contre quelqu'un, c'est faire acte d'hostilité contre lui, 
en cherchant à écraser celui qui est à terre. Ps. xli 
(XL), 10; Joa., xiii, 18. Entourer le talon de quelqu'un, 
c'est le talonner, le poursuivre pour lui faire du mal. 
Ps. xlix (xlviii), 6. Le talon de Juda sera meurtri à 
cause de ses iniquités, Jer., xm, 22, ce qui signifie que 
ses ennemis l'attaqueront et le blesseront dans sa fuite. 
Dans le même sens, Job, xvm, 9, souhaite que le filet 
soit sur les talons de l'impie. Les talons qui ne chan- 



1979 



TALON 



TAMARIS 



1980 



cellent pas sont le signe de la sécurité. Ps. xvm (xvn), 
37; II Reg., xxn, 37. Les versions traduisent le mot du 
Psaume par ïjçvoç, vestigium, « trace ». C'est d'ailleurs 
le sens que prend parfois le mot « talon », à cause de 
l'empreinte qu'il laisse sur un sol meuble. Ps. lvi (lv), 
7; Cant., i, 18. — Le prophète a de l'eau jusqu'à la 
plante des pieds, 'afsâyîm, que la Vulgate traduit 
par « talons ». Ezech., xlvh, 3. Les deux idées sont 
d'ailleurs connexes. La Vulgate met la « plante » pour 
les « pieds », Prov., vi, 28. La plante des pieds s'appelle 
kaf raglayim, « le creux des pieds », fJrj[«x iroSôç, ve- 
stigium pedis, îyyoi toO noS(î{, pes. Deut., n, 5; xi, 24; 
xxvm, 65; cf. Gen., vm, 9. L'expression mik-kaf ragla- 
yim ve'ad qôdqod, àra> ?x v0U Ç tûv woBûv êa>; iî)ç xopu- 
çr,;, o plantapedis usque ad verticem, désigne le corps 




— Tamaris syriaca. 



tout entier. Deut., xxvm, 35; Job,n, 7; Is., i,6. — On 
a retrouvé des amulettes chananéennes fabriquées avec 
des talons humains. Gf. H. Vincent, Canaan, Paris, 
1907, p. 176. H. Lesêtre. 

TAMARIS ou TAMARISC (hébreu : 'êsél; Sep- 
tante : «poupa; Vulgate : nemus), arbre aux longs 
rameaux étalés à feuilles menues. 

I. Description. — Ces arbrisseaux à rameaux effi- 
lés et pourvus de feuilles écailleuses ont un port élégant 
comparable à celui des bruyères et des cyprès. Leurs 
fleurs très petites aussi sont réunies en panicules très 
ramifiées d'un rose plus ou moins vif. Chacune d'elles 
comprend un calice persistant à 4 ou 5 divisions 
alternant avec autant de pétales libres et des étamines 
en nombre double. L'ovaire supère et trigone se ter- 
mine par un style à 3 stigmates dilatés, et contient à 
maturité plusieurs graines pourvues d'aigrette. La 
floraison qui se fait soit au printemps en grappes laté- 
rales portées par le vieux bois, soit dans la fin de l'été 
à l'extrémité des rameaux de l'année, permet d'y re- 
connaître deux séries. Toutes d'ailleurs habitent les 
sables arides et imprégnés de sel, près de la mer ou 
dans les dépressions du désert dont elles forment la 



végétation la plus remarquable. En Palestine on les 
trouve surtout au pourtour de la mer Morte, sur les 
rives du Jourdain inférieur, ou le long du littoral médi- 
terranéen. 

Les espèces vernales sont le T. syriaca (fig. 436) à 
fleurs pentaméres et le T. tetragyna à 4 divisions 
florales. Le T. Jordanis pour ses inflorescences portées 
â la fois par le bois d'un an et par les pousses nou- 
velles forme la transition vers les espèces du second 
groupe. La plus importante parmi ces dernières est le 
T. mannifera, le Tarfa des Arabes, qui garde sa 
fraîcheur au milieu de l'aridité désertique, principale- 
ment au voisinage du Sinaï. Sous la piqûre d'une 
cochenille ses rameaux gonflés de sève exsudent un 
liquide qui se concrète en manne gommeuse d'un 
jaune sale, d'un goût agréable et aromatique. Le 
T.Nilotica d'Egypte en est très voisin et s'en distingue 
surtout par la teinte de son feuillage vert et non 




-sT 



1 0\vV/ . 





437.- 



Tamaris articulata. 



glauque. On reconnaît enfin le T. articulata (fig. 437) à 
ses feuilles qui sont engainantes à la base. F. Hy. 

II. Exégèse. — Le mot 'êsél se présente trois fois 
dans la Bible. Dans Gen., xxi, 33, on voit Abraham 
planter un 'êïél près du puits de Bersabée, et y invo- 
quer le nom du Seigneur. C'est sous un 'êSél, dans le 
haut-lieu, que se tient Saùl, à Gabaa, entouré de sa 
cour. I Reg., xxn, 6. Les os de Saûl et de ses fils sont 
enterrés sous le 'êSél de Jabès. I Reg., xxxi, 13. (Dans 
le passage parallèle, I Par., x, 12, sans doute par une 
méprise de copiste le 'êSél est remplacé par un térébin- 
the, 'élâh.) Dans ces trois rencontres la Vulgate traduit 
'êSél par nemus, « un bois » ; les Septante ont rendu ce 
mot par ôépoupa, qui désigne proprement un champ, 
une terre cultivée, mais aussi un lieu planté d'arbres, 
un bois, et c'est sans doute dans ce dernier sens qu'il 
parait pris ici, sens suivi par la Vulgate. Aquila traduit 
par 8£-;Spwva, et Symmaque, par çu-retav. Sous l'in- 
fluence de ces traductions et des commentaires de'cer- 
tains rabbins, Celsius, Hierobolanicon, t, i, p. 539, 
n'a voulu voir dans ce mot hébreu qu'un nom d'arbre 
en général, ou un bois. Mais son opinion est victorieu- 
sement combattue par J. D. Michaêlis, Supplementa 
ad lexica hebraica, Gœttingue, 1792, 1. 1, p. 134-136. II 



1981 



TAMARIS — TAMBOUR 



1982 



montre que le mot hébreu 'êsél est apparenté à l'arabe 
,Jof , athal, ou plutôt asal (le th étant prononcé s (z) par 
les Syriens et. les Égyptiens) et c'est le nom du tama- 
ris. Le rapprochement s'impose également avec l'hié- 
roglyphe I I, aser, asri, nom égyptien du tamaris, 

oci en copte. C'est, dit Ibn Beïthar, Traité des simples, 
dans Notices et extraits des manuscrits de laBiblioth. 
nationale, t. xxm, Paris, 1877, p. 25, un arbre de grande 
taille et étalé (flg. 438), ayant un bois et des rameaux 
verts avec des reflets rouges. Sa feuille ressemble au 
tharfa (Tamaris nilotica). Mais Vaser égyptien, outre 
le Tamaris articulata, comprenait sans doute plusieurs 
autres espèces : on en trouve maintenant huit en 
Egypte. Les débris de la plante recueillis dans les tom- 
beaux, les inscriptions hiéroglyphiques comme celle 
du scribe Ana (XVIII e dynastie) ou celle de Knoumhotep 
(XII« dynastie),"Lepsius,.Denft»âte>-,Abth. Il, pi. 124, 



sudation d'une espèce de tamaris. Voir t. iv, col. 659- 
661. Le latin myrica signifie le tamaris, et par exten- 
sion la bruyère : c'est dans ce dernier sens qu'il faut 
entendre la Vulgale dans Jer., xvil, 6, et xlviii, 6 (t. i, 
col. 1955). 

Voir Prosper Alpin, De plantis JEgypti, Leyde, 
1735, t. H, p. 18; E. F. C. Rosenmùller, Handbuch 
der biblischen Alterthumskun.de, Leipzig, 1830, Th. IV, 
p. 244; Fr. Wœnig, Die P/lanzen im alten Aegypten, 
1886, Leipzig, in-12, p. 341 ; V. Loret, Flore pharao- 
nique, 2» édit., Paris, 1892, p. 79; H. B. Tristram, The 
natural history of the Bible, 8« édit., Londres, 1889, 
p. 356. E. Levesque. 

TAMBOUR, TAMBOURIN (hébreu : 0f; Sep- 
tante : xiijiitavov;' Vulgate; lympanum), instrument 
de percussion formé d'une peau tendue sur un châssis 
et que l'on frappe avec les doigts pour obtenir un bruit 







■ Le tamaris. 



prouvent qu'à des époques reculées le tamaris existait 
en Egypte et y était cultivé. La Palestine et la Syrie 
comptent à peu près le même nombre d'espèces : et il 
en est qui atteignent des proportions considérables, trois 
à quatre mètres de circonférence, et douze à quinze 
mètres de hauteur. 

Si Abraham planta un arbre près du puits de Bersa- 
bée, c'est, reconnaît-on généralement, en témoignage 
que ce puits était sa propriété. Mais pourquoi choisit-il 
le tamaris? C'est, dit-on, parce qu'il n'y a guère d'autre 
espèce d'arbre qui puisse croître dans ces régions. 
Peut-être aussi attachait-on dans les traditions du pays 
une vertu spéciale au tamaris. « J'ai souvent entendu 
dire aux vieux fellahin, raconte M. Clermont-Ganneau, 
dans la Revue critique, Paris, 1879, p. 182-183, que 
lorsqu'on voulait fixer à jamais une limite contestée, 
on creusait après accord une fosse dans laquelle on 
enterrait des coquilles d'oeufs et du charbon et à côté 
l'on plantait un tamaris (arbre de longue vie), c'est-à- 
dire l'arbre même planté par Abraham. » Chez les 
Egyptiens le tamaris passait pour un arbre sacré : il 
en était sans doute de même dans le pays de Chanaan : 
de là, la coutume d'enterrer aux pieds d'un tamaris 
(comme on le faisait pour le chêne, Gen., xxxv, 8, ou 
pour le térébinthe). C'est encore la coutume de faire 
reposer les santons près d'un arbre sacré. 

Certains auteurs ont voulu voir la manne dans l'ex- 



rythmé, propre à marquer les mouvements de la danse 
et la mesure des chants. 

I. Description. — L'archéologie égyptienne nous 
fournit de nombreuses représentations d'un type de 
tambourin carré ou rectangulaire, dont le châssis est 
déformé, sous l'effet de la traction de la peau tendue, par 
la courbure des bords vers l'intérieur et par les angles 
terminés en pointe. Voir Danse, t. n, fig. 474, col. 1287. 
Tel était vraisemblablement l'instrument que la Bible 
met aux mains deMarie et des femmes d'Israël après le 
passage de la mer Rouge. Exod., xv, 20. Ce tambourin 
carré est demeuré en usage chez les tribus sahariennes. 
Salvador Daniel, La musique arabe, Alger, 1879, p. 69. 
Il semble avoir disparu du reste de l'Orient; cependant 
il a existé jadis en Syrie, comme l'indique le nom de 

JL^_»^J, « carré »,dans la version syriaque. Exod., xv, 20; 

Judith, ni, 7. Mais le tambourin syrien, adopté sans 
doute par les Hébreux après leur entrée en Palestine, 
était de forme circulaire, tel qu'on le trouve dans tout 
le reste de l'Asie dès une haute antiquité. Dans l'Orient 
moderne, le cercle de bois formant le châssis de 
l'instrument, est recouvert d'une peau corroyée de 
chèvre, de gazelle ou d'antilope, qu'on assujettit par 
une ligature ou un collage. Des rondelles légères en 
métal, engagées dans les irous du cerceau et mises en 
vibration par la percussion sur la peau tendue ou par 



1933 



TAMBOUR, TAMBOURIN 



1984 



les secousses données à l'instrument, produisent un 
composé du battement sourd de la peau et du tinte- 
ment métallique des sonnailles (fig. 439). Exception- 
nellement, un second disque de peau recouvre l'autre 
côté du châssis. 

Le tambourin est tenu de la main gauche devant la 
poitrine; on le tapote avec les doigts de la main droite, 
et aussi de la main gauche quelquefois. On varie les 
sons en frappant tantôt au milieu du disque de peau, 
où la résonnance est plus pleine, tantôt plus ou moins 
près de la circonférence, pour rendre le son plus aigu 
et plus maigre. Les chanteuses et les danseuses orien- 
tales s'accompagnent elles-mêmes avec le tambourin, 
qu'elles agitent au-dessus de l'épaule et au-dessus de 
la tête, en le secouant et en le frappant avec les mains. 
Le cerceau du tambourin, diversement orné, se fait en 




-_ Egyptienne moderne jouant du tambourin 



bois très léger. Il mesure 0,05 centimètres environ de 
hauteur, sur 0,20 à 0,25 de diamètre. 5 

Les monuments égyptiens mettent le plus souvent le 
tambourin aux mains des femmes, comme le sistre et 
les castagnettes, et la Bible confirme cet usage, comme 
le montreront les textes ci-après; tel est l'usage actuel 
en Orient. Cependant en Assyrie, même en Egypte, et 
dans l'Orient moderne, les hommes battent aussi du 
tambourin dans les marches religieuses ou militaires 
et dans les concerts musicaux. Voir fig. 381. t. iv, 
col. 1349, le dixième musicien. 

Le mot hébreu fôf (« frapper », « tapoter », 
cf. ^ni), qui désigne le tambourin, répond à l'arabe ^l>, 
du/f, nom sous lequel sont comprises différentes sortes 
de tambourins, notamment le petit tambourin de con- 
cert appelé Jj., riqq, et le ,Uà, {dr, «cerceau », surtout 

employé dans les harems. Le type de ces instruments 
et ses procédés de percussion se retrouvent exacte- 
ment dans l'usage du tambour de basque, Yaduffa 
espagnole, dont le nom n'est autre que le duff arabe. 
Le tambour de basque se joue de même dans tous les 
pays méditerranéens. Anciennement, les Grecs l'attri- 
buaient aux Bacchantes et aux prêtresses de Cybèle. 
L'Orient possède d'autres sortes de tambourins, 



dont le principal, darabukkék, est fait d'une sorte 
d'entonnoir en bois, d'un vase à long col en terre 
cuite, d'une courge, qui porte' une peau tendue sur la 
partie la plus évasée. L'extrémité allongée formant le 
manche se tient sous le bras gauche. Cet instrument 
est aussi soutenu par une courroie passant sur le cou. 
On le frappe avec les doigts. Les sons sourds mais nets 
s'entendent de très loin et rythment fortement la 
danse et le vers. Le même type d'instrument existe en 
Perse, avec son nom modifié de danibeqe. On le fait 
de bois léger et on le soutient à l'aide d'une courroie. 
Les Persans emploient aussi pour la musique de 
chambre le tambourin en forme de cerceau, de bois de 
saule, très plat, garni d'anneaux de métal; et, dans la 
musique populaire, le tabele de bois dur en forme de 
cône tronqué, joué avec deux baguettes. V. Advielle, 
La musique chez les Persans en 1885, Paris, 1885, 
p. 13, 14. 
L'extension des formes du tambourin a produit en 




" 'itl 

''il 

'• Il / 
, ' (- m 



440. — Tambour égyptien. Musée du Louvre. 

Orient diverses formes de tambours. Citons le bendir, 
grand tambour arabe, du diamètre de m 40 et dont le 
cercle est aussi garni de lamelles de métal et la peau 
soutenue à l'intérieur par cinq cordes de boyau pour 
renforcer la vibration; le tabb, dont il existe deux 
variétés, le tabb égyptien et le tabb damasquin ou 
syrien, monté en cuivre et garni de parchemin. Il 
s'emploie dans les réjouissances et spécialement dans 
les processions de derviches. En Perse, le dohol, tam- 
bour de grande dimension, se fait de même en cuivre 
ou en terre cuite. Il est de forme arrondie. Enfin la 
naqqara arabe, nagere persane, est un double tambour 
demi-sphérique, en cuivre, mais aussi en bois ou en 
terre. L'une des deux parties est plus petite que l'autre. 
L'exécutant les frappe alternativement ou conjointement, 
au moyen de baguettes. Ces types de grande dimension 
ont obligé en effet les exécutants à substituer au mode 
primitif de percussion manuelle l'emploi d'une, puis de 
deux baguettes de bois ou même de métal, ou encore 
d'un os de bœuf rembourré. 

Les anciens Égyptiens avaient aussi le tambour mili- 
taire, en forme de cylindre ou de tonneau, garni de peau 
sur les deux surfaces (fig. 440). On le portait horizon- 
talement à la hauteur de la ceinture et soutenu par une 
courroie passant sur la nuque ; le musicien frappait à 
coups de poing à droite et à gauche. Voir fig. 441. Lors- 



1985 



TAMBOUR — TANIS 



1986 



qu'il ne jouait pas, le fambourier portait son instrument 
sur le dos. 

2° Usage. — Comme tous les instruments de percus- 
sion, le tambourin appartient à une antiquité très recu- 
lée et se trouve, en effet, dans les plus anciennes par- 
ties de l'Écriture. C'est toujours un signe de joie et de 




441. — Tambourier égyptien portant son instrument. 
D'après Wilkinson, Manners, 2* édit., t. i, fîg. 229, p. 460. 

fête, et il figure dans la Genèse, avec les petites harpes, aux 
mains des serviteurs de Laban. Gen., xxxi, 27. Il accom- 
pagne le chant, sans autres instruments. Exod., xv, 20. 
Aujourd'hui encore le tambourin est souvent le seul 
accompagnement du chant. La Bible le joint aussi à la 
danse, Jer., xxxi, 4; à la danse et au chant, I Sam. 



ix, 39. Nous le trouvons enfin dans la procession du 
transport de l'Arche, avec tous les instruments de 
musique, II Sam. (Reg.), VI, 6; I Par., xm, 8. Dans 
cette circonstance le tambourin est joué par des 
hommes. L'emploi religieux du tambourin est aussi 
attesté par les textes des Psaumes cxlix, 4, et CL, 4. 
Jouer du tambourin se dit ^sn. Ps. lxviii (lxvii), 26. 
La Bible ne donne pas de texte relatif à l'usage du tam- 
bour. 

C'est à l'exemple des Arabes que les Européens au 
xn e siècle donnèrent définitivement place au tambour 
dans la musique instrumentale. C'est d'eux aussi que 
les timbales, sorte de tambours hémisphériques en 
métal, très sonores, dont usaient les troupes sarrasines, 
passèrent en Occident avec leur nom arabe de naqqa- 
rah, naqqayrah, transcrit nacaire par nos chroni- 
queurs. Joinville, Histoire de saint Louis, c. liv, 
édit. Wailly, Paris, 1881, p. 112. Voir aussi Du Cange 
au mot nacara. Le tambour perfectionné dans sa 
construction et dans son emploi, et surtout la timbale, 
maintenant harmonisée, possèdent dans nos orchestres 
une place que ne faisait pas soupçonner le tambourin 
primitif dont ces instruments descendent. 

J. Parisot. 

TANCHUMA BEN ABBA, auteur d'un commen- 
taire hagadique du Pentateuque. Voir MidrasCh, i, 7, 
t. iv, col. 1078. 

TANIS (hébreu: Sô'an; Septante : Tav(«), ville de 
la Basse-Egypte (fig. 442). — I. Description. — Tanis,dit 
Brugsch, dans une conférence faite en français à 
Alexandrie, La sortie des Hébreux d'Egypte, Alexan- 
drie, 1874, p. 20, Tanis c< était située sur les deux côtés 
de la branche tanitique du Nil, qui, aujourd'hui est 
réduite à un simple canal. Au temps antique de l'his- 
toire et au moins trente siècles avant notre époque, 
l'embouchure tanitique avait une telle largeur, près de 
Tanis, que les galères, qui avaient traversé la mer, 
jetaient l'ancre au port de la ville... Nous possédons un 
dessin de Tanis, gravé grosso modo sur une des mu- 
railles du grand temple de Karnak. Ce curieux dessin 










442. — Tanis. État actuel. 



{Reg.), xvn, 6; Jud.,xi, 34; aux cymbales, Judith, xxvi, 
2; à la danse et aux autres instruments, Judith, m, 
10; aux instruments à cordes pour accompagner le 
chœur de danse, Ps. cxlix, 4; Is., xxix, 8; xxx, 32, 
ou dans un cortège, Ps. lxviii (lxvii), 26; aux flûtes 
et aux cordes, Job, xxi, 12, dans le festin, Isaïe, v, 12; 
à divers instruments dans un cortège nuptial. IMach., 

DICT. nE LA BIBLE. 



date de l'époque de Sêti I", père de Ramsès II. Il n'est 
pas difficile, malgré la simplicité des lignes, d'y dis- 
tinguer aux deux bords du Nil, les deux parties de la 
ville, jointes l'une à l'autre au moyen d'un pont. Le 
fleuve y est indiqué par la présence de crocodiles et de 
plantes aquatiques. La mer, également reproduite, est 
caractérisée, dans un coin du dessin, par des figures de 

V. - 63 



1987 



TANIS 



1988 



poissons de mer. » L'ancienne branche tanitique n'est 
plus aujourd'hui qu'un canal, le canal du Mûiz, qui, 
quoique petit, est cependant navigable et encore au- 
jourd'hui souvent sillonné parles barques des pécheurs 
qui font dans le lac Menzalëh d'abondantes captures. 
Mariette, et d'autres voyageurs après lui, ont remarqué 
que ces pêcheurs et les autres habitants indigènes des 
environs ont un type différent de celui du fellah des 
autres parties de l'Egypte. Par la structure de leurs 
membres, leur taille, le profil moins fin de leur visage, 
ils se distinguent du Copte qu'on retrouve dans le 
reste du pays; ils rappellent exactement les figures 



plaine avec le centre de Tanis, le nom de Sokkot Zoân, 
« la plaine de Zoân », nom dont l'origine remonte jus- 
qu'à l'époque de Ramsès II. L'auteur du Psaume lxxviii 
(Vulgate, lxxvii), 12, 43, se sert exactement de la même 
expression (sedêh-Sô'an) en voulant rappeler aux Hé- 
breux contemporains les miracles que Dieu fit devant 
les ancêtres des enfants d'Israël en Egypte dans la plaine 
de Zoân. » 

II. Histoire. — Le livre des Nombres, xm, 23, dit 
que Tanis fut bâtie sept ans après Hébron, mais nous 
ignorons à quelle date remonte la fondation d'Hébron; 
nous savons seulement que c'est une ville très an- 




443. — Sphinx représentant un roi Hyksos. Musée du Louvre. 



des sphinx qui représentent les Hyksos ou rois pas- 
teurs (fig. 443), de. l'un desquels Joseph fut premier 
ministre. Ce sont des Sémites, descendants de ceux 
qui furent maîtres de ces contrées sous les rois pas- 
teurs et qui devinrent ensuite les serfs de ceux dont 
ils avaient été d'abord les vainqueurs. Sur ces Khalou, 
restes des Sémites dans le Delta, voir A. Mariette, Note 
sur les Baschmourites et les Biamites, dans les Mé- 
langes d'archéologie égyptienne et assyrienne, Paris, 
1873, p. 91-93; Deuxième lettre de M. Mariette à 
M. de Rougé sur les fouilles de Tanis, dans la Revue 
archéologique, mai 1862, p. 297-304. 

L'emplacement de Tanis, devenu aujourd'hui une 
plaine sablonneuse, est couvert, dit Brugsch, L'Eœode et 
les monuments égyptiens, 1870, p. 19-20, « de ruines 
gigantesques, de colonnes, de piliers, d'obélisques, de 
sphinx, de stèles et de pierres de construction; tous 
ces débris taillés dans la matière la plus dure du gra- 
nit de Syène représentent la position de cette ville de 
Tanis à laquelle les textes égyptiens et les auteurs clas- 
siques s'accordent à donner Fépithète d'une grande et 
splendide ville en Egypte (fig. 444). Selon les inscrip- 
tions géographiques, les Égyptiens ont donné à .cette 



cienne. Les monuments égyptiens nous apprennent 
qu'elle fut embellie par les pharaons de la XII» et de 
la XIII" dynastie. G. Maspero, Histoire ancienne des 
peuples de l'Orient, 4« édit., 1886, p. 100, 122, 124. Elle 
devint la capitale des rois pasteurs, qui se plurent à 
l'orner, et c'est sous l'un d'eux que Joseph devint 
premier ministre et que Jacob et sa famille s'établirent 
dans le Delta, dans la terre de G-essen. Les Hyksos 
furent vaincus par le pharaon indigène, Ahmès, et 
Tanis tomba en ruines. Mariette, Notice des monuments, 
p. 272-273. Ramsès II la restaura et en fit un de ses 
séjours préférés. Mariette, Lettres sur les fouilles de 
Tanis, dans la Revue archéologique, 1860, t. iv, p. 97 
sq. Pour les campagnes des Égyptiens en Asie, la 
grande route qui les conduisait en pays ennemi partait 
de ce point et c'est là que les pharaons concentraient 
leur armée pour se mettre en marche vers l'Orient. 
H. Brugsch, La sortie des Hébreux d'Egypte, p. 19- 
20. Ramsès II résidait probablement à Tanis au mo- 
ment de la naissance de Moïse; son fils et successeur y 
habitait certainement lorsque Moïse vint l'y forcer par 
les plaies d'Egypte de permettre aux Israélites de se 
rendre au SinaL. Ni la Genèse ni l'Exode ne nomment 



1989 



TANIS — TANTE 



1990 



Tanis, mais le Psaume lxxvii, 12, 43, dit formellement 
que les miracles libérateurs se produisirent» dans la 
plaine de Tanis. » 

Après le grand événement de la délivrance du peuple 
hébreu du joug égyptien, Tanis ne reparaît plus que du 
temps d'Isaïe. Le grand prophète, prédisant l'invasion 
de l'Egypte par les Assyriens sous leur roi Asaraddon 
(t. i, col. 1059) ou Assurbanipal (t. i, col. 1144), et le 
mal qu'elle fera à ce pays, dit que les princes de 
Tanis donneront au pharaon des conseils insensés. 
Is., xix, 11, 13. Asaraddon battit Tharacaet le repoussa 



criptions historiques de ce roi, racontant cette expédi- 
tion, a été publié parPinches, A new Fragment ofthe 
History of Nebucadnezar III, dans les Transactions 
ofthe Society of Biblical Archmology , t. vu, 1882, p. 210- 
225. Voir aussi Schrader, Keilinschriftiche Bibliothek 
t. m, part 2, p. 140-141. 

TANNAÎTES ou « répétiteurs » de la tradition, nom 
donné à sept célèbres docteurs juifs qui, aussitôt après 
la prise de Jérusalem par Titus, se groupèrent autour 
de Jochanan, le principal d'entre eux, à Jamnia ou 



■-■.*- « . 






ié i- 






-1— — „»-.. ■**. 






414. — Monuments ruinésde Tanis, mis au jour partesfouilles.D'après Ebers, Aegypten in Bild und Wort, Stuttgart, 1879, in-f*, 1. 1, p. 111. 



en Ethiopie. G. Smith, Egyptian Canipaign of Esar- 
haddon, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache, 
1868, p. 91-94; Budge, The History of Esarhaddon, 
p. 124-129. Son fils Assurbanipal fut obligé de faire 
une nouvelle campagne contre Tharaca, cinq années 
après; il le battit de nouveau et établit des gouverneurs 
dans les principales villes d'Egypte. Après son départ 
éclata une révolte nouvelle dont Sarloudari de Tanis 
était un des principaux chefs. Les gouverneurs assy- 
riens parvinrent à étouffer la révolte et à saisir les chefs 
de la conjuration. Sarloudari fut envoyé à Ninive chargé 
de chaînes et Tanis saccagée. H. Brugsch, Geschichte 
Aegyptens nach den Denkmâlern, in-8°, Leipzig, 1877, 
p. 120-121. 

Ézéchiel nomme aussi Tanis dans une de ses pro- 
phéties : il annonce qu'elle sera brûlée dans la cam- 
pagne que fera Nabuchodonosorcontre l'Egypte. Ezech., 
xxx, 14 (texte hébreu). Dans ce passage, la Vulgate a 
rendu §oan par Taphnis. C'est la dernière fois que son 
nom se lit dans l'Ancien Testament. La campagne de 
Nabuchodonosor' en Egypte eut lieu, d'après Josèphe, 
Ant. jud., X, ix, 7, cinq ans après la prise de Jéru- 
salem par les Chaldéens. Un fragment des rares ins- 



Jabné, situé à quatre heures au sud de Jaffa,et y recon- 
stituèrent le sanhédrin dont l'autorité fut reconnue par 
l'ensemble des Juifs. Jochanan eut pour successeur 
l'an 80 Gamaliel II et celui-ci eut pour un de ses plus 
importants successeurs Rabbi Akiba (voir t. I, col. 697). 
Le petit-fils de Gamaliel II, Rabbi Juda Ben-Simon, 
transféra le sanhédrin de Jamnia à Sepphoris dans la 
Haute- Galilée et clôtura l'ère des Tannaïtes, en fixant 
par écrit la Mischna. Voir Mischn^, t. iv, col. 1729; 
W. Bâcher, Die Agada der Tannaïten, in-8», Stras- 
bourg, 1884. 

TANNEUR (Nouveau Testament : pup<re-j;). Simon 
qui logea saint Pierre à Joppé était tanneur. Act., ix, 
43. Voir Corroyeur, t. n, col. 1027; Simon 13, t. v, 
col. 1743. 

TANTE (hébreu : dôdâh, féminin de dûd, t ami, 
oncle »; Septante : ôyyâTr.p toO àSelçou tq-j iraTpô;), se 
dit spécialement dans l'Écriture de la sœur du père. 
Lev., xviii, 14; xx, 20. Dans ce dernier et seul passage 
la Vulgate traduit omit», dans xyiii, 14, uxor patrui. 
Amram épousa sa tante (Vulgate : patmelem suam), 



1991 



TANTE — TAPHNÈS 



1992 



Jochabed, dont il eut pour fils Aaron et Moïse. Exod., 
vi, 20. Ailleurs la qualité de tante n'est marquée qu'in- 
directement et par périphrase, comme pour Josaba qui 
sauva son neveu Joas de la fureur d'Athalie. IV Reg., 
xi, 2. 

TAON. Voir Mouche, t. iv, col. 1325. 

TAPHETH (hébreu : Tâfap, « ornement » ; Septante : 
Te<pâ8), fille de Salomon et femme de Benabinadab, un 
des douze préfets de Salomon, chargé du district de 
Nephath-Dor. IV Reg., iv, 11. 

1. TAPHNÈS (hébreu : Tahpenês; Septante : 
©énerva), belle-sœur de l'Iduméen Adad et femme d'un 
pharaon qui donna en mariage la sœur de sa propre 
femme à Adad, lorsque celui-ci s'était retiré à la cour 
d'Egypte, probablement dans le Delta. L'Egypte était 
alors divisée en plusieurs dynasties et par conséquent 
sa puissance était affaiblie. Le nom du pharaon auprès 
de qui Adad s'était réfugié ne peut être déterminé. — 
Les Septante, dans une addition au chapitre xn de 
III Rois, disent que Sésac donna pour femme à Jéroboam 
Ano, sœur de Thékémina. Quelle que puisse être la 
valeur de ce passage de la version grecque, il ne peut y 
être question, tant d'années après, d'une sœur de 
Taphnès, la femme du pharaon. Voir F. Vigouroux, La 
Bible et les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 263. 

2. TAPHNÈS, TAPHNIS (hébreu : Tahpanhes, 
Jer., xliii, 7, 8, 9, etc.; fehafnehês, Ezech., xxx, 18; 
Septante zTaçvdcçiTaçvai'; Yulgate : Taphne, Taphnis), 
ville d'Egypte. Elle était située à la frontière orientale 
du Delta. Sa situation, longtemps inconnue, est mainte- 
nant fixée : c'est la Daphné des auteurs classiques; 
aujourd'hui Tell Defnéh, souvent écrit Tell Defennéh, 
à 16 milles romains de Péluse. Murray's Handbook for 
travellers in Egypt, 6 e édit., Londres, 1880, p. 328. L'éty- 
mologie du nom est incertaine; la dénomination actuelle 
parait provenir du grec. Ce n'est plus qu'un monceau 
désolé de ruines, à peu de distance des marais du lac 
Menzaléh, non loin du désert. Autrefois ce pays était 
au contraire une plaine cultivée et fertilisée par la 
branche pélusiaque du Nil, aujourd'hui obstruée. 
Ce qui rend Taphnés particulièrement intéressante, 
c'est qu'il y a eu une colonie sémitique dès l'époque de 
Jérémie (fig. 445). M. Flinders Pétrie a fait en 1886 
sur l'emplacement de la ville ancienne, des fouilles 
dont il a rendu compte dans son livre, Nebesheh and 
Defennéh, Londres, 1888. Il y a là trois monceaux de 
ruines séparés les uns des autres par une distance qui 
varie d'un à trois ou quatre kilomètres. L'espace 
intermédiaire est couvert de débris de pierres et de 
poteries, avec des restes de fondations en briques; un 
des monceaux parait ptolémaïque et romain. Le troi- 
sième est entièrement composé d'un vaste amas de 
briques brûlées et noircies, restes d'un vaste édifice 
qui dominait au loin la plaine. En arrivant en ce lieu 
vers le soir, M. Pétrie vit ces ruines, se dressant dans les 
airs et tout empourprées par les feux du soleil couchant. 
Il apprit alors des habitants du pays, non sans surprise, 
qu'on désignait ce Tell sous le nom d'El-Kasr el-Bint 
el-Yahudi, « le Château de la fille du Juif ». Ayant 
fouillé les ruines et en particulier le Kasr ou forteresse, 
qui formait la partie pincipale, il constata que cet édi- 
fice avait été construit par Psammétique I er , vers 666 
J3 665 avant J.-C, et il trouva dans une des chambres 
un sceau de bronze d'Ahmès (fig. 446). Mais sa décou- 
verte la plus intéressante est celle qu'il raconte en ces 
termes dans un extrait de son journal, publié par le 
Times, Pharaoh's Bouse in Tahpanhes, 18 juin 1886 : 
« En dehors des bâtiments du Kasr, je découvre, au 
moyen de tranchées répétées, une surface d'environ 



trente mètres de long sur dix-huit mètres de large, 
toute pavée en briques reposant sur le sable devant 
l'entrée de l'édifice, à l'angle oriental. La route faisait 
un coude entre les bâtiments et cette plate-forme. Cette 
plate-forme n'offre aucune trace de chambres et semble 
avoir été en plein air, afin de servir aux usages exté- 
rieurs, tels que chargement et arrangement d'objets 
divers, etc. C'est juste la place dont on a besoin pour 
la vie journalière et telle que se la ménagent les pauvres 
villageois eux-mêmes devant leurs maisons, où ils 
nivellent une couche de limon, après l'avoir battue, et 
l'entretiennent bien unie et bien propre. C'est une 







l[i * * ' 



i *-» un'-'"' ii> ' . » - . .*i. . 




445. — Dieu sémitique de Taphnés. Musée du Caire. 

D'après W. M. Miiller, Egyptological Researches, in-4% 

Washington, 1906, pi. 40. 

chose curieuse combien tout cela correspond exacte- 
ment à l'aire en briques qui était placée à l'entrée de 
la maison du pharaon à Taphnès. Jer., xliii, 9. » Le 
prophète Jérémie avait été en effet emmené de vive 
force à Taphnès par les Juifs qui s'étaient enfuis de 
Jérusalem et il avait fait cette prophétie : « Prends de 
grosses pierres dans la main et cache-les, en présence 
des hommes de Juda, dans le mortier, dans la plate- 
forme en briques qui est à l'entrée de la maison du 
pharaon à Taphnès, et dis-leur : Ainsi parle Jéhovah 
Sabaoth, Dieu d'Israël : Voici que j'enverrai et que je 
prendrai Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon ser- 
viteur, et je placerai son trône sur ces pierres que j'ai 
cachées, et il dressera sa tente royale au-dessus d'elles 
et il viendra et il frappera l'Egypte. » Jer., xliii, 9-10. 
La Vulgate a traduit la plate-forme en briques par 
« la crypte qui est sous le mur de briques ». — « Cette 
plate-forme oamastaba, dit M. Pétrie, Nebesheh (Am) 
and Defennéh {Tahpanhes), p. 51, est, àne pas s'y mé- 
prendre, l'ouvrage en brique ou pavé qui est à Ventrée 
de la maison du pharaon à Tahpanhes. C'est là qu'eut 



1993 



TAPHNÈS — TAPHUA 



1994 



lieu la cérémonie décrite par Jérémie devant les 
chefs des fugitifs rassemblés sur la plate-forme et 
c'est là que Nabuchodonosor dressa sa tente royale. » 
Les pluies ont détérioré la plate-forme et en ont dé- 
nudé la surface de sorte que, quoiqu'elle ait près 
du palais de soixante à quatre-vingt-dix centimètres, 
elle est réduite en beaucoup d'endroits à quelques 
centimètres et a tout à fait disparu à l'angle nord- 
ouest. 

La maison du pharaon a été détruite par le 
feu; elle était au milieu d'un camp où l'on a re- 
trouvé des pointes de flèches et de nombreux débris 
de poteries grecques et romaines. Dans les fondations 
du bâtiment central, on a découvert le nom de Psam- 
métique I er , son fondateur. On n'a guère de traces de 
l'existence de Taphnès avant ce pharaon. Mais elle 
devint alors une localité importante, comme il ressort 




416. — Sceau en bronze d'Ahmès. 

D'après FI. Pétrie, Tanis, part, n, Nebesheh (Am) and Defenneh 

(Tahpanhes), in-4% Londres, 1888, part. II, pi. xli, flg. 76. 

du livre de Jérémie qui la nomme, II, 16 ; xliv, 1 ; xlvi, 
14, en la mettant au même rang que Memphis. Les poids 
qu'on a trouvés dans ces ruines attestent par leur 
nombre et leur variété qu'il y eut là un grand centre 
de commerce; et sa position prés de la frontière la 
rendit un poste de défense qu'il fallut fortifier soigneu- 
sement contre les invasions. Hérodote, n, 30, raconte 
que Psammétique avait établi une garnison à Daphné 
comme étant un des trois principaux postes de la fron- 
tière et que ce pharaon, il, 154, avait formé un camp 
de soldats ioniens dans la région. C'est !à ce qui explique 
comment les Juifs de Jérusalem allèrent y chercher 
un refuge, par crainte des représailles babyloniennes, 
après le meurtre de Godolias. Mais, comme l'avait 
prédit Jérémie, Nabuchodonosor, probablement dans 
sa seconde campagne en Egypte, racontée dans une 
inscription malheureusement mutilée (Schrader, 
KeilinschriftlicheBibllothek, t. in, part. 2, p. 140-141), 
battit les troupes d'Amasis, vers 568 avant notre ère. 
Il dut s'enparer de la place forte de Taphnès et y dresser 
sa tente, selon la prophétie rapportée plus haut. S'il 
en est ainsi, l'oracle du même prophète contenu dans 
le chapitre xliv contre les Juifs établis en Egypte et 
nommément contre ceux qui habitaient Taphnès, f. 1, 
lequel date du règne d'Apriès ou Hophra, f. 30, est 
antérieur à celui du chapitre xliii, par suite d'une 
inversion chronologique dont le livre de Jérémie offre 
plusieurs exemples. Un autre chapitre, le XLVi e , dont la 
date est inconnue, annonce aussi à Taphnès, f. 14, la 
campagne de Nabuchodonosor et le mal qu'il fera à 
l'Egypte. Ézéchiel, captif en Chaldée, parle aussi des 
campagnes de Nabuchodonosor contre l'Egypte et il 



annonce spécialement les malheurs qui fondront sur 
Taphnès, xxx, 10, 18 : 

Ainsi parle le Seigneur, Jéhovah : 

Je ferai disparaître la multitude de l'Egypte, 

Par la main de Nabuchodonosor, roi de Babylone... 

A Taphnès le jour s'obscurcira 

Quand j'y briserai le joug de l'Egypte 

Et que l'orgueil de sa force y prendra fin 

Un nuage la couvrira 

Et ses Allés iront en captivité. 

Taphnès est nommé dans le texte grec de Judith, I, 
9, parmi les villes que Nabuchodonosor somma de se 
soumettre à sa puissance. La Vulgate n'en fait pas men- 
tion en cet endroit.— Hérodote raconte, n, 30, que sous 
la domination perse, il y avait à Daphné une garnison 
persane. — Quelques commentateurs ont proposé, mais 
avec peu de vraisemblance, d'identifier Hanès, nommée 
par Isaïe, xxx, 4, avec Taphnès (voir Hanès, t. m, 
col. 418), comme le fait de Targum et comme on le lit 
en marge sur un manuscrit hébreu, signalé par Rossi, 
codex 380. J. Knabenbauer, In Isaiam, 1887, t. I, 
p. 532-533. F. Vigouroux. 

TAPHSAR (hébreu : tifsâr), mot assyrien que la 
Vulgate a pris pour un nom propre, mais qui doit se 
prendre pour un substantif commun, comme l'a lait la 
Vulgate avec raison dans le seul autre endroit de l'Écri- 
ture où on le retrouve, Nahum., m, 17; elle traduit le 
pluriel par parvuli, en lui attachant le sens de tâf, 
dans ce prophète. L'étymologie de tifsâr est très 
obscure mais on s'accorde généralement aujourd'hui à 
lui donner le sens de chef militaire. 



TAPHUA, nom d'un Israélite, 
d'une fontaine. 



de deux villes et 



1. TAPHUA (hébreu : Tappuâl}, « pomme, pommier » ; 
Septante : ©ampoyç), le second nommé des quatre fils 
d'Hébron, de la tribu de Juda et de la descendance de 
Caleb. I Par., n, 43. 

2. TAPHUA (Septante : Cod. Vat. : 'ATaçoOt; Alex. : 
®xf<po\>), ville chananéenne, dont le roi fut vaincu par 
Josué. Jos., xii, 17. Elle est mentionnée entre Béthelet 
Opher. Or il est probable que Béthel ne représente pas 
ici l'ancienne Béthel-Luza d'Éphraïm, mais une ville du 
sud de la Palestine. Voir Béthel 2, t. i, col. 1680. 
D'autre part, Opher devait se trouver dans la tribu de 
Juda. VoirÛPHER 2, t. iv, col. 1828. Enfin si Taphua, qui 
est donné comme fils d'Hébron, I Par. , n, 43, est en réa- 
lité le nom d'une localité peuplée par des descendants 
d'Hébron, voir Hébron 2, t. m, col. 554, nous sommes 
encore ramenés vers le midi. La cité chananéenne prise 
par Josué serait donc à chercher dans la contrée méri- 
dionale. Son site estinconnu. 11 faut peut-être l'identifier 
avec la ville suivante, à moins qu'on ne l'assimile à 
Beththaphua. Jos., xv, 53. Voir Beththaphua, t. i, 
col. 1750. A. Legendre. 

3. TAPHUA (Septante : Vat. .•'IXouftcJO; Alex.: 'ASiot- 
Oasip.), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 34. Elle appar- 
tient au premier groupe des villes de la Séphélah, dans 
lequel on distingue comme bien identifiées : Estaol = 
Eschu'a, à l'ouest de Jérusalem ; Saréa = Sara'a, au 
sud-ouest de la précédente ; Zanoé = Zânu'a, au sud ; Jé- 
rimoth = Yarmûk, au sud-ouest de Zânu'a, etc. C'est 
donc dans ces parages qu'il faudrait chercher Taphua. 
Aucun nom actuel cependant ne nous permet de l'y re- 
connaître. Les Septante ont omis ou déformé le nom hé- 
breu, ou ils l'ont remplacé par un autre, Adiathaim. 
Cf. Jos., xv, 36. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, 
Gœttingue, 1870, p. 156, 260, font de cette ville la cité 
chananéenne prise par Josué. Jos., xn, 17. Il est certain, 



1995 



TAPHUA — TARGUMS 



1996 



en tous cas, qu'elle est distincte de Beththaphua, ap- 
partenant aussi à Juda, mais située dans la montagne. 
Jos., xv, 53. A. Legendre. 

4. TAPHUA (Septante : Vat. : Taçoû; Alex. : 'E<p- 
çoui), ville située sur la frontière d'Éphraïm et de Ma- 
nassé. Jos., xvi, 8. Elle faisait partie du « territoire » 
de Taphua (Septante: Vat.:&y.<péfi;Alex.:&a.<?bt»f)),3os., 
xvii, 8, dans lequel se trouvait aussi 'En Tappûafr ou «la 
Fontaine de Taphua » (Septante : iniyri Qaçdwfl). Jos., 
xvn, 7. Ces trois points sont indiqués dans la description 
des limites d'Éphraïm et de Manassé; mais le texte est 
si obscur qu'il est très difficile de les localiser. Voir 
Éphbaïm 2, t. ti, col. 1874; Manassé 7, t. iv, col. 644. 
V. Guérin, Samarie, t. i, p. 256, donne comme pro- 
bable l'emplacement de Taphua à Khirbet 'Atûf, à l'est 
de Naplouse, au nord de Youadi Fârah. D'autres 
cherchent 'Ën-Tappûafy près de Yasûf, au sud de 
Naplouse, où une source se trouve près de la naissance 
de Vouadi Qanah. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et 
Conder, Nantes and places in the Old and New Testa- 
ment, Londres, 1889, p. 60. C'est dans cette région 
aussi qu'il convient de la placer d'après F. Buhl, 
Géographie des Alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 178. 

A. Legendre. 

TAPIS (hébreu : hâlubôf; Septante : à[i?itâiioi;; 
Vulgate : tapetia), étoffes épaisses qu'on étend sur le 
sol ou sur des meubles. — La courtisane a garni son 
lit de couvertures et de tapis de fil d'Egypte, àpispiTâitoi, 
« tapis laineux des deux côtés », tapetia picta, « tapis 
teints » de diverses couleurs. Prov., vu, 16. Dedan 
échangeait avec Tyr les bigdê-hofés, tapis tissés, housses 
pour monter à cheval, tapetia. Ezech., xxvn, 20. Les 
Septante traduisent par « troupeaux de choix ». Les 
versions rendent encore par ày-yi-ri-Koi, tapetia, les 
saffôt, « marmites » que Ton apporte à David. II Reg., 
xvn, 28. H. Lesêtre. 

TAPISSERIE, tissu épais fait de fils de toutes sortes 
et de différentes couleurs, avec plus ou moins d'art et 




447. — Tapisserie égyptienne. 
D'après G. Maspero, Archéol, égypt., p. 281. 

de régularité. — Les hâtubôf 'êtûn misrayîm, « tapis 
de fil d'Egypte », Prov., vu, 16, étaient en tapisserie. 
Les Égyptiens savaient fabriquer au métier (fi g. 447) des 
tissus ornés de dessins géométriques, zigzags ou damiers, 
pour faire des tentures ou des tapis. Cf. Maspero, 
L'archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 281, 282. Sur 
les tissus ornés de figures et de dessins irréguliers, 
voir Broderie, 1. 1, col. 1937. H. Lesêtre. 

TAPPÙAH, arbre et fruit plusieurs fois nommé 
dans l'Écriture et dont l'identification est très discutée. 
Voir Pommier, col. 529; Abricotier, t. i, col. 91; 
Citronnier, t. h, col. 791; Cognassier, col. 826; Cé- 
dratier, h, 2», col. 374. 

TARGUMS, versions de l'Ancien Testament en 
langue araméenne, qu'en appelle encore, dans le lan- 



gage courant, paraphrases chaldaïques : paraphrases, 
parce que les targums les plus récents sont réellement 
de véritables paraphrases plutôt que de simples traduc- 
tions; chaldaïques, parce que la' langue, dans laquelle' 
elles ont été faites, a été r>endant longtemps nommée 
abusivement chaldaïque. Voir t. n, col. 510. 
I. Des targums en général. — 1« Nom. — n^nn est 

un nom araméen, qui est dérivé du verbe djifi, « tra- 
duire », et qui signifie proprement « traduction, ver- 
sion ». Ce nom se retrouve en arabe et en éthiopien. 
Le traducteur lui-même est nommé fûrgemân, et ce 
mot francisé est devenu drogman, interprète. Le nom 
araméen de targum désigne une traduction de la Bible 
en n'importe quelle langue, même en grec, Talmud de 
Jérusalem, traité Meghilla, I, 9, trad. Schwab, Paris, 
1883, t. VI, p. 213; traité Qiddouschin, I, 1, 1887, t. IX, 
p. 203, et spécialement en langue araméenne. Ibid., 
traité Schabbath, xvi, 1, 1881, t. iv, p. 161; traité Me- 
ghilla, I, 9, t. VI, p. 213. L'usage a restreint ce nom aux 
versions araméennes. Bâcher, Die Terminologie der 
Tannaiten, p. 205. sq. La langue dans laquelle elles 
sont faites est l'araméen judaïque, qui a été la langue 
populaire des Juifs de Palestine et de Babylonie. Voir 
Syriaque (Langue), t. v, col. 1908. 

2° Origine. — Quand la langue araméenne se fut peu 
à peu substituée à l'hébreu, qui ne fut plus qu'une 
langue savante et liturgique, voir t. m, col 504, l'usage 
s'établit, dans le service des synagogues, de faire suivre 
la lecture des sections, parSiyô} de la Loi et haf 'tarât des 
Prophètes, voir t. iv, col. 2155; t. m, col. 421, en hébreu 
d'une traduction dans la langue vulgaire, que tous 
les auditeurs comprenaient, en araméen. Ginsburger, 
Die Thargumim zur Thoralection am 7 Pesach- und 
i Schabuoth-Tage, dans Monatschrift fur Geschichte 
und Wissenschaft des Judenthums, 1895, t. xxxix, 
p. 97 sq., 193 sq. Cette interprétation était simplement 
orale. D'après le Talmud de Jérusalem, traité Me- 
ghilla, iv, 1, trad. Schwab, t. vi, p. 244, 245, si on 
pouvait lire le rouleau d'Esther assis ou debout, la 
lecture et l'interprétation araméenne de la Loi devaient 
être faites debout par honneur pour la Loi, et R. Sa- 
muel ben R. Isaac blâma un interprète qui s'appuyait 
à une colonne tandis qu'il traduisait la Loi. Le même 
rabbin déclarait que le président de l'assemblée ne 
pouvait traduire lui-même la section lue, sans l'adjonc- 
tion d'un interprète, parce que la Loi ayant été trans- 
mise à Israël par l'intermédiaire de Moïse, il faut un 
interprète pour la traduire en araméen. A l'école, le 
maître ne devait pas lire la version chaldéenne ou tar- 
gum dans un livre; il devait répéter oralement ce 
qui a été transmis oralement. Pour la lecture de la Loi 
et des Prophètes, il ne devait y avoir qu'un lecteur et un 
traducteur, et pas deux lecteurs ou traducteurs, mais 
pour lire Esther, il pouvait y avoir indifféremment plu- 
sieurs personnes : un lecteur et un interprète, ou un 
lecteur et deux interprètes, ou deux lecteurs et un inter- 
prète, ou même- deux hommes pour chacune de ces 
opérations. L'interprétation araméenne n'était pas tou- 
tefois indispensable dans les assemblées de la syna- 
gogue, et les savants, réunis à l'office pour un jeûne 
public, lisaient la Loi sans la traduire. Cependant, bien 
qu'elle ne fût pas indispensable, on devait recom- 
mencer cette lecture si on s'était trompé, à partir de 
l'erreur commise. Si par erreur le lecteur avait omis 
un verset que le traducteur avait cependant traduit, le 
devoir était rempli. Ibid., h, 1, p. 229. Le lecteur de 
la Loi ne devait pas lire à l'interprète plus d'un verset 
à la fois, mais pour la section des Prophètes, on pouvait 
lire trois versets de suite, parce que l'erreur que com- 
mettrait l'interprète serait moins grave que pour la 
Loi. Ibid., iv, 5, p. 250. Un aveugle pouvait remplir le 
rôle d'interprète. Ibid., iv, 6, p. 252. Le traducteur 



1997 



TARGUMS 



1998 



devait modifier à dessein le texte concernant les unions 
prohibées, Lev., xvm, 7-23, et on lui imposait silence; 
on l'apostrophait, quand conventionnellement il tradui- 
sait inexactement. Lev., xvm, 21. lbid., iv, 10, p. 253, 
254. Quelques passages, la plupart scabreux, l'histoire 
de Ruben, Gen., xxxv, 22, la fin du récit du veau d'or, 
Exod., xxxn, 21-25 (ou 35), la bénédiction sacerdotale 
Num., VI, 24-27, réservée pour le rite de la bénédiction 
et pas permise pour la simple lecture, l'adultère de 
David et l'inceste d'Amnon, II Sam., xi, xm, étaientlus, 
mais pas traduits. On traduisait toutefois l'histoire de 
Thamar, Gen., xxxvm, parce que Juda s'est repenti, et 
le commencement du récit du veau d*or, Exod., xxxn, 
1-20, parce qu'il tournait à la honte d'Aaron seulement 
et non à celle du peuple. lbid.,iv, 11, p. 254-255. Juda 
ben liai, disciple d'Akiba, déclarait qu'il fallait rendre 
l'original strictement et que toute addition devait être 
considérée comme un blasphème. Talmud de Babylone, 
traité Kiddouschim, 49a. 

La version araméenne servait aussi à l'enseignement 
de la Bible ou Mikra, dans les écoles, et nous avons 
cité plus haut le sentiment d'un rabbin qui interdisait 
au maître d'école de lire le targum dans un livre. Les 
allusions au targum comme objet d'étude sont extrême- 
ment rares dans la littérature juive. D'après le Sifré 
sur le Deutéronome, 161, le targum est une branche 
d'étude intermédiaire entre le Mikra et la Mischnah. 

La tradition rabbinique reporte l'usage de traduire 
les lectures publiques de la Bible en araméen à l'époque 
d'Esdras. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, 
I, 9, t. vi, p. 212, voit la version araméenne mentionnée 
dans Esd., iv, 8, et il entend Neh., toi, 8, de la lecture 
de la Loi, suivie de sa traduction en langue vulgaire. 
Ibid., iv, 1, p. 246. Il parle d'un targum de Job pré- 
senté à Gamaliel I er . Traité Schabbath, xvi, 1, t. iv, 
p. 161. On a voulu trouver des preuves de l'existence 
des targums dans le début du psaume xxi, cité en ara- 
méen par Jésus sur la croix, Matth., xxvn, 46; Marc, 
xv, 34, et dans la citation du ps. lxviii (heb.), 4, par 
saint Paul, Eph., IV, 8, citation du texte du targum, 
disait-on, plutôt que du texte hébraïque. Ces preuves 
n'ont aucune valeur. Paul de Lagarde a supposé qu'une 
partie de la version des Septante avait été faite sur un 
targum et pas sur le texte original. Il s'appuyait sur les 
additions et les explications que contiennent quelques 
livres de la version grecque. L'abbé Paulin Martin a 
aussi expliqué comme variantes de targum les diver- 
gences notables que la version des Septante présente 
en certains passages des livres de Samuel et des Rois 
relativement au texte massorétique. Introduction à la 
critique générale de l'Ancien Testament. De l'origine 
du Pentateuque (lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 47- 
50, 61-69. Quoi qu'il en soit, l'usage de la traduction 
araméenne dans le service liturgique des synagogues 
juives est antérieur à l'ère chrétienne et contemporain 
du second Temple. On ne peut guère lui assigner de 
date précise, et il n'y a à ce sujet que des hypothèses 
plus ou moins fondées. 

La traduction araméenne, d'abord orale et transmise 
par la tradition, finit par être mise par écrit pour l'en- 
seignement des écoles, sinon pour l'usage liturgique. 
On discute beaucoup sur la date à laquelle aurait eu 
lieu cette transcription de la version araméenne, et on 
ne s'entend pas sur l'époque de la composition des 
plus anciens targums. On a pensé longtemps que le 
targum officiel de la Loi et des Prophètes, rédigé 
du 1" au m e siècle, d'abord en Palestine, dans le dia- 
lecte de la contrée, avait passé ensuite chez les Juifs 
de la Babylonie, qui le reconnurent comme texte d'en- 
seignement scolaire, après lui avoir fait subir des rema- 
niements au double point de vue de la langue et des 
idées. La recension babylonienne, dans laquelle il nous 
est parvenu, serait tardive et daterait au plus tôt du 



V e siècle de notre ère, mais on y reconnaîtrait encore 
des éléments antérieurs. Deux amoraim palestiniens 
du II e siècle, Josué ben Lévi et Amni, disciple de Jona- 
than, auraient fait, en leur propre nom, un targum sur 
les parUyôf de la Loi. L'avis de plus en plus prédomi- 
nant aujourd'hui est que certains targums sont d'ori- 
gine babylonienne et d'autres de provenance palesti- 
nienne. 

Les plus anciens sont, dans l'ensemble, de véritables 
versions à peu près littérales, où l'interprétation aurait 
introduit peu d'additions. Les plus récents sont para- 
phrasés davantage, envahis qu'ils sont par des légendes 
juives ; c'est le cas notamment des targums des Hagio- 
graphes, œuvres individuelles sans autorité officielle. 
L'emploi des targums a cessé chez les Juifs, quand 
ceux-ci n'ont plus parlé araméen. On les a négligés 
peu à peu. Ils étaient abandonnés en Espagne au 
xi c siècle. On sait aussi que les sections liturgiques 
étaient paraphrasées en persan à la synagogue de 
Bokhara. 

3° Utilité. — Elle est multiple et variée, selon les 
cas. — 1. Au point de vue critique. — Ces versions ara- 
méennes sont faites sur un texte hébraïque qui repré- 
sente, dans l'ensemble et sauf quelques leçons spéciales, 
le texte massorétique, dont il prouve la fixité. — 2. Au 
point de vue exégétique. — Elles nous font connaître 
la façon dont les Juifs interprétaient leur Bible à 
l'époque où elles ont été composées ; elles sont donc 
des documents intéressants de l'exégèse juive, notam- 
ment pour les interprétations plus anciennes qu'elles 
ont conservées. — 3. Au point de vue de la langue 
araméenne. — Composées en Palestine ou en Baby- 
lonie, elles représentent les nuances des différents 
dialectes que parlaient les Juifs dans ces deux contrées. 

4° Nombre. — Il existe des targums sur tous les 
livres de la Bible hébraïque, sauf trois, Daniel et les 
deux livres d'Esdras, trois écrits dont une partie est 
rédigée en araméen. 

On peut les classer suivant les trois grandes divisions 
de la Bible hébraïque : la Loi, les Prophètes et les 
Hagiographes. On peut les ranger aussi suivant l'ordre 
chronologique de leur composition. Nous suivrons ce 
dernier ordre. 

II. Des targums en particulier. — î. targum baby- 
lonien DU PENTATEUQUE, DIT TARGUM D'ONFELOS. — 
1° Auteur. — Il est inconnu, car l'attribution à Onkelos, 
disciple de Gamaliel, est aujourd'hui généralement 
rejetée par les critiques, qui pensent que Onkelos a 
été confondu par les rabbins de Babylonie avec le pro- 
sélyte Aquila, traducteur de la Bible hébraïque en grec. 
Voir Aquila 2, t. i, col. 811; Onkelos, t. iv, col. 1819- 
1820. Le passage du Talmud de Jérusalem, traité 
Meghilla, i, 9, est traduit par M. Schwab, t. IV, p. 213 
Le Talmud, lorsqu'il rapporte des leçons du targum du 
prosélyte Aquila, donne toujours des termes grecs. 
Ainsi, dans son targum, il traduit les ac boîtes de par- 
fums » dont parle Isaïe, m, 20, moy.àx<>v xeipîai. Traité 
Schabbath, vi, 4, trad. Schwab, t. iv, p. 73. Cf. Drach, 
Pat. gr., note, t. xvi, col. 1633; J. Field, Origenis 
Hexaplorum quœ supersunt, Oxford, 1875, t. n, p. 437. 
Le complément ma-by, Ps. xlviii, 15, est traduit dans 
la version d'Aquila par àdavasioc, « immortalité ». Traité 
Meghilla, II, 4, trad. Schwab, t. VI, p. 232. Le mot -fin, 
Lev., XXIII, 40, est traduit dans Aquila parûSiap, « eau », 
pour indiquer que l'arbre dont il est question (le cè- 
dre) croît près de l'eau. Traité Soucca, m, 5, ibid., 
p. 25. Le passage de Daniel, v, 5 : en face de la lumière, 
est traduit par Xaixitâç dans Aquila. Traité Yoma, m, 8, 
trad. Schwab, t. v,p. 198. Cf. Fûrst, op. cit., t. Il, p. 919. 
Ce traducteur a entendu Lev., xix, 20, d'une esclave 
touchée par un homme. Traité Qiddouschim, i, 1, 
trad. Schwab, t. ix, col. 203. Le Talmud de Jérusalem 
ne connaît donc qu'une version grecque d'Aquila. Voir 



1999 



TARGUMS^ 



200O 



encore J. Fûrst, op. cit., t. Il, p. 833, 924, pour Ezech., 
xxm, 43, et pour Daniel, tiii, 13. La confusion avec 
Onkelos et l'attribution d'un targum araméen à ce per- 
sonnage ne datent que de la période post-talmudique. 
L'uniformité du vocabulaire et du style, si elle n'est pas 
l'œuvre de la dernière revision, trahirait une seule 
main, et prouverait que la verBion araméenne de la Loi 
a été faite par un seul auteur. 

2° Patrie. — Pour plusieurs critiques contemporains, 
ce Talmud est d'origine babylonienne. Le Talmud de 
Babylone l'appelle « notre targum » et il le cite en di- 
sant : « Comme c'est traduit, » Au sentiment de Geiger 
et de Frankel, ce targum aurait été écrit dans le dialecte 
babylonien. Il contient quelques mots persans. Gen., 
xxv, 27 ; xliii, 30. M. Noldeke, Histoire littéraire de 
l'Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 372, 
en comparant ce targum avec le targum de Jérusalem 
sur le Pentateuque, y a reconnu le dialecte palestinien 
pour le fond. Il y retrouvait aussi des passages anciens 
de l'époque de Jean Hyrcan. Ibid., p. 371. Il a précisé 
plus tard sa pensée, en disant que ce targum palestinien 
avait été rédigé en Babylonie, car la langue, qui est 
palestinienne dans l'ensemble, a été fortement in- 
fluencée en quelques points par le langage parlé de la 
Babylonie. Litterarisches Centralblatt, 1877, p. 305. 
M. Dalinan toutefois réduit au minimum l'influence 
babylonienne sur la langue de ce targum, qu'il dit être 
le pur dialecte galiléen. Vie Worte Jesu, Leipzig, 1898, 
p. 6. Passé de Palestine en Babylonie, ou composé dans 
cette dernière contrée, ce targum y a été officiellement 
reconnu et y a servi de texte dans les écoles. C'est au 
moins à ce titre qu'il peut être nommé le targum baby- 
lonien du Pentateuque. Les Juifs de l'Yémen l'ont reçu 
avec la ponctuation babylonienne. 

3° Date. — Si on en juge d'après son contenu, il 
aurait été composé en Palestine au II e siècle. Il repro- 
duit la halaka et l'hagada de l'école d'Akika et spé- 
cialement celle de l'époque des tannaïtes. Primitive- 
ment, il était identique au targum de Jérusalem, 
comme on le voit encore, par exemple, pour Lev., vi, 
3, 4, 6, 7, 9, 11, 18-20, 22, 23. Leurs différences ac- 
tuelles proviendraient d'une double revision. Il aurait 
eu peu de vogue en Palestine. Révisé en Babylonie au 
IV e ou au v« siècle, il y aurait été reconnu comme la 
version autorisée du Pentateuque. Les critiques qui en 
font une œuvre purement babylonienne, placent sa 
rédaction définitive au V e siècle. 

4° Caractères. — Comme traduction, ce targum rend 
le texte hébraïque d'une façon à peu près littérale, sans 
addition, sauf en quelques passages poétiques, les can- 
tiques, qui sont difficiles à comprendre et qui n'ont pas 
été traduits exactement. La version a été faite sur le 
texte hébraïque, ses hébraïsmes le prouvent, et sur un 
texte peu différent de l'édition massorétique, en sorte 
qu'elle a peu d'importance pour la critique textuelle 
du Pentateuque. Toutefois, ce texte est traduit d'après 
les idées du temps. On trouve donc dans ce targum 
quelques traces de l' halaka et de l'hagada (juives). 
L'auteur évite les anthropomorphismes et les anthro- 
popathismes, et il attribue à la niemra, à la schekïna, 
à la gloire ou à l'ange de Jéhovah ce qui est dit de 
Jéhovah lui-même. Dieu ne descend pas pour voir la 
tour de Babel ou Sodome, il apparaît pour se venger 
ou pour juger. Il ne voit pas les choses; elles lui sont 
découvertes. Il protège les Israélites, non comme la 
prunelle de son œil, mais du leur. Deut., xxxil, 10. Il 
ne dit pas : « Je lève ma main vers les cieux, » mais 
« J'ai fondé dans les cieux le séjour de ma demeure. » 
Deut., v, 40. Au lieu de traduire : & Adam est devenu 
comme l'un de nous, » on dit : «Adam est seul dans le 
monde à connaître par lui-même le bien et le mal. » 
Gen., m, 22. Dieu ne se repent pas; il revient sur sa 
parole. Il n'est pas affligé en son cœur; il parle en 



son oœur. Quelques passages sont atténués : les fils de 
de Dieu sont les fils des grands. Gen., VI, 1. Des 
termes figurés sont expliqués : l'épée et l'arc de Jacob 
sont la prière et l'oraison. Gen., xlviii, 22. Voir encore 
Gen., xlix, 25; Exod., xv, 3, 8, 10; xxix, 35. Les an- 
ciens noms de villes et de peuples sont remplacés par 
les noms de l'époque : Qardu au lieu A'Ararat, Gen. r 
vm, 4; Babylone au lieu de Sennaar, Gen., x, 10; les 
Arabes pour les Ismaélites, Gen., xxxvn, 25; Tanis 
pour Tsoan, Num., xm, 22. On trouve une interpréta- 
tion cabalistique. Num.,xn, 1. Le passage, Gen., m, 15 r 
est traduit comme dans la version des Septante, quoi- 
que le sens messianique n'y apparaisse pas. Deux en- 
droits seulement, Gen., xlix, 10; Num., xxiv, 17, sont 
nettement messianiques. Les patriarches sont loués et 
exaltés. Gen., xx, 13; xxvn, 13; xlviii, 22. Quelques 
mots hébreux sont rendus d'après leur signification 
étymologique. 

5" Éditions. — La première a été faite à Bologne, ea 
1482. Son texte a été imprimé dans les Bibles rabbi- 
niques deBomberg(1517) et de Buxtorf (1619), dans les 
quatre grandes Polyglottes d'Alcala, d'Anvers, de Paria 
et de Londres. Sabbioneta l'avait réédité en 1557. 
A. Berliner a reproduit le texte de cette édition, avec 
des notes, Targum Onkelos, 2 vol., Berlin, 1884. Les 
premières éditions n'étaient pas vocalisées. La vocalisa- 
tion actuelle, faite par Buxtorf, est souvent erronée et 
sans valeur. Il faudrait la corriger d'après la ponctua- 
tion supralinéaire des manuscrits de l'Arabie du Sud 
ou de l'Yémen, qui vient de Babylone. Voir Merx, Be- 
merkungen ûber die Vocalisation der Targume, dans 
Abhandlungen und Vortrâge des fûnflen internatio- 
nalen Orientalisten-Congress zu Berlin 1881, sect. n, 
Berlin, 1882, p. 142-225; Joannes Buxtorf s des Vaters 
Targumcommentar Babylonia, dans Zeitschrift fur 
wissenschaftliche Théologie, 1887, p. 280-299, 462-471; 
1888, p. 41-48; Chrestomathia targurnica (avec voyelles 
babyloniennes), Berlin, 1888; Landauer, Studien zu 
Merx Chrestomathia targurnica, dans Zeitschrift fur 
Assyriologie, 1888, t. m, p. 263-292; E. Kautzsch, 
Mittheilung ûber eine alte Handschrift des Targum 
Onkelos (codex Socini, n. 84), Halle, 1893; H. Barn- 
slein, The Targum of Onkelos to Genesis (ms. de 
l'Yémen), Londres, 1896; Diettrich, Einige gramma- 
tische Beobachtungen zu drei im Brilisch Muséum be- 
findlichen jemenitischen Handschriften des Onqelos- 
targumes, dans Zeitschrift fur die alttestamentliche- 
Wissenschaft, 1900, p. 148-159. 

Des versions latines accompagnent le texte araméen 
ponctué dans les grandes Polyglottes; elles ne sont 
pas toujours exactes. P. Fagius en a publié une à part 
à Strasbourg, en 1546. J. W. Etheridge en a fait une 
traduction anglaise ainsi que des deux autres targums 
sur le Pentateuque, The Targums of Onkelos and 
Jonathan ben Uzziel on Ihe Pentateuch, with ther 
fragments of Jérusalem Targum, front the Chaldee, 
2 vol., Londres, 1862, 1865. Une version allemande a- 
commencé à paraître dans Monumenta judaica. ParsI- 
Bibliotheca targurnica. Aramaica. Die Targumijn 
zum. Pentateuch, Vienne, 1906, t. i, fasc.l. Bâcher lui 
a reproché de nombreuses inexactitudes. Theôlogische- 
Literaturzeitung, 1906, p. 373-376. 

Les Juifs babyloniens ont eu pour le targum dit 
d'Onkelos une telle estime qu'ils lui ont consacré au 
xm e siècle une Massore spéciale. A. Berliner, Die 
Massorah zum Targum Onkelos, auf Grund neuer- 
Quellen lexikalisch geordnet und kritisch beleuchtet, 
Amsterdam, 1896. Elle indique les différentes explica- 
tions des écoles de Sura et de Nehardea, les concor- 
dances du texte dans les termes et les idées, et contient 
des notes explicatives de diverse nature. E. Brederek a 
fait une concordance de ce targum : Koncordanz zum- 
Targum Onkelos, Giessen, 1906, 



2001 



TARGUMS 



2002 



6° Bibliographie spéciale. — G. B. Winer, De On- 
keloso ejusque paraphrasi chaldaica, Leipzig, 1820; 
S.D.Luzzatto,"u :nw Philoxenus sive de Onkelosi chal- 
daica Pentateuchi versione (en hébreu), Vienne, 1830; 
2 e édit. corrigée, Cracovie, 1895; Levy, Ueber Onkelos 
und seine Uebersetzung des Pentateuch, dans Wissen- 
schaftliche Zeitschrift fur jûdische Théologie, 1844, 
t. v, p. 175-198, et dans Literaturblatt des Orients, 
1845, p. 337, 354 sq.; R. Anger, De Onkelo chal- 
daico quem ferunt Pentateuchi paraphraste et quid 
ei rationis intercédât cum Akila grssco V. T. inter- 
prète, deux parties, Leipzig, 1845, 1846; Schônfelder, 
Onkelos und Peschittho. Studien ùber das Aller des 
Onkelos'schen Targums, Munich, 1869; A. Ueiger, Das 
nach Onkelos benannte babylonische Thargum zum 
Pentateuch, dans Jûdische Zeitschrift fur Wissenschaft 
undLeben, 1871, t. ix, p. 85-104; Neubùrger, Onkelos 
und die Stoa, dans Monatsschrift fur Geschichte und 
Wissenschaft des Judenthums, 1873, p. 566-568; 1874, 
p. 48; S. Singer, Onkelos und das Verhâltniss seines 
Targums zur Halacha, Francfort-sur-le-Main, 1881 ; 
M. Friedmann, Onkelos und Akylas, Vienne, 1896; 
E. Brederek, Bemerkungen ûber die Art der Ueberset- 
zung in Targum Onkelos, dans Theologische Studien 
und Kritiken, 1901, p. 351-377. Voir aussi les articles 
sur Onkelos dans les encyclopédies de Ersch et Gruber 
et de Herzog. 

II. LE TARGOM DES PROPHÈTES DE JONATHAN BEN 

uzziel. — 1° Auteur. — Ce targum sur les livres pro- 
phétiques, antérieurs et postérieurs, de Josué à Mala- 
chie, est attribué à Jonathan ben Uzziel. Le Talraudde 
Jérusalem n'en parle pas. Il est impossible de concilier 
les données divergentes que fournit à son sujet le Talmud 
de Babylone. Quelques rabbins font de lui le plus grand 
des 80 disciples de Hillel et le condisciple de Jonathan 
ben Zakkaï. Baba bathra, fol. 134a; Soucca, fol. 28a. 
D'autres le mettent en rapport avec les prophètes Aggée, 
Zacharie et Malachie. Meghilla, fol. 3 a. Ces derniers 
ajoutent qu'il aurait « dit » le targum des prophètes, 
que la terre d'Israël a tremblé à l'apparition de ce tar- 
gum et qu'une voix du ciel lui a demandé à lui-même 
compte de sa révélation des secrets célestes aux fils des 
hommes. Les secrets ainsi révélés sont les passages 
obscurs des livres prophétiques. Si l'on retenait seu- 
lement de ces données disparates que Jonathan a été 
un disciple de Hillel, il en résulterait qu'il serait anté- 
rieur à Onkelos. On lui a attribué aussi le targum hié- 
rosolymitain du Pentateuque et un targum sur les Hagio- 
graphies. Cf. The Jewish Encyclopsedia, New-York, 1904, 
t. vu, p. 238. Il semble bien que le targum des Pro- 
phètes, qui porte son nom, n'est pas son œuvre, car 
il ne peut pas remonter au I er siècle de notre ère. Cer- 
tains passages de ce targum sont attribués, dans le 
Talmud de Babylone, à Joseph l'Aveugle (270-333), pré- 
sident de l'école de Pumbadita, enBabylonie. Hai Gaon 
a soutenu cette attribution. L'auteur est donc inconnu. 
2° Patrie et date. — Tant qu'on l'a rattaché en quel- 
que manière à Jonathan ben Uzziel, on y a vu une 
œuvre palestinienne, composée au II e siècle pour le 
service liturgique des synagogues dans une langue très 
apparentée à celle d'Onkelos. Il aurait passé en Baby- 
lonie, où il aurait, comme le précédent, été retouché 
pour la langue et les idées, et où il aurait été générale- 
ment reconnu au m e siècle. Au v e siècle, on le citait 
eomme une autorité ancienne. De l'Académie de Pum- 
badita, il se serait répandu dans tous les pays où les 
Juifs étaient dispersés. C'est encore la thèse soutenue 
dans The Jewish Encyclopsedia, New-York, 1906, t. xii. 
Mais Geiger et Frankel en font, comme du précédent, 
une œuvre babylonienne, commencée par les rabbins 
de ce pays au ni" siècle et définitivement rédigée au 
IV e . Ce targum est postérieur à celui d'Onkelos, qui a 
été utilisé en quelques passages où l'accord est visible. 



Eichhorn et Berthold y avaient distingué plusieurs 
mains, manifestées, pensaient-ils, par la différence des 
traductions. Mais Hâvernick et Frankel ont soutenu, 
avec plus de raison, l'unité de rédaction, établie par le 
rédacteur définitif. Les passages parallèles, Is., xxxvi- 
xxxix ; II Reg., xvm, 13-xx, concordent mot pour mot, 
et les passages poétiques des livres historiques ont 
reçu des additions analogues à celles qu'on trouve dans 
les prophètes. Cf. Jud., v, 8, avec Is., x, 4; II Sam., 
xxm, 4, avec Is., xxx, 26. Des parties anciennes ont- 
elles été conservées au milieu d'interpolations posté- 
rieures, et y a-t-il lieu de distinguer la composition du 
II" ou du m e siècle de l'édition définitive du v» ? Les 
avis des spécialistes sont partagés. 

3° Caractères. — Ce targum est moins littéral et plus 
paraphrasé que celui d'Onkelos. Dans les livres histo- 
riques, il est fait d'après la même méthode et il traduit 
le texte à peu près littéralement. Dans les livres pro- 
phétiques strictement dits, qui sont plus obscurs et 
plus difficiles, la version est paraphrasée davantage. On 
y trouve aussi des légendes hagadiques. "Voir, par 
exemple, ls., x, 32. L'auteur évite encore les anthropo- 
morphismes et les anthropopathismes, et il remplace 
souvent le nom de Jéhovah par la schekina. Il explique 
les métaphores en termes propres; s'il maintient les 
anciens noms géographiques, il leur donne une forme 
moderne. L'influence des idées du temps est moins 
sensible que dans le targum d'Onkelos, quoiqu'elle se 
fasse néanmoins remarquer. L'auteur interprète un 
certain nombre de passages prophétiques dans le sens 
messianique : I Sam., n, 10; xxm, 8; I Reg., iv, 33; 
Is., IV, 2; vu, 14; ix, 6; x, 27; xi, 1, 6; xvi, 1-15; 
xxyhi, 5; xlii, 1; xlv, 1 ; lu, 13; lxih, 10; Jer., xxm, 
5; xxx, 21; xxxm, 13, 15; Ose., m, 5; xiv, 8; Mich., 
iv, 8; v, 2; Zach., m, 8; iv, 7; vi,'12;x, 5; mais toutes 
ses explications messianiques ne sont pas fondées. Il 
n'admet pas le sens messianique d'autres oracles qui 
ont réellement cette signification, et dans Is., lui, il ne 
veut pas reconnaître un Messie humble, méprisé, con- 
damné à mort, et il applique ces traits de la prophétie 
à d'autres objets. 

4° Éditions. — La première date de 1494 et a vu le 
jour à Leiria. Elle a été reproduite dans les Bibles 
rabbiniques de Bomberg (1517) et de Buxtorf et dans les 
quatre grandes Polyglottes. Paul deLagarde en a donné 
une édition manuelle, non vocalisée, d'après un manus- 
crit de Reuchlin, Prophétie chaldaice, Leipzig, 1872. 
Cf. Klostermann, dans Studien und Kritiken, 1873, 
p. 731-767. Merxa reproduit des spécimens de la ponc- 
tuation babylonienne dans sa Chrestoniathia rab- 
binica, déjà citée. On a publié aussi des parties de ce 
targum d'après des manuscrits de l'Yémen, ayant la 
même ponctuation. F. Prsetorius, Das Targum zu Josua 
nach jemenischer Ueberlieferung, Berlin, 1899; Dos 
Targum zum Buch der Bichler in jemenischer Ueber- 
lieferung, Berlin, 1900. Cf. Bâcher, dans Theologische 
Literaturzeitung, 1900, p. 164; 1901, p. 131; L. "Wolf- 
sohn, Das Targum zum Propheten Jeremias in jeme- 
nischen Ueberlieferung c. i-xn, Halle, 1902; S. Sil- 
bermann, Das Targum zu Ezechiel nach einer 
sûdarabischen Handschrift c. i-x, Strasbourg, 1902; 
M. Adler, Targum to Nahum, dans Jewish Quarterly 
Beview, Londres, 1895, p. 630-637. 

Après les versions latines des Polyglottes, signalons 
la traduction anglaise du targum sur Isaïe : Pauli, The 
chaldee paraphrase on the prophet Isaiah translated, 
Londres, 1871; H. S. Levy, Targum on Isaiah I, avec 
commentaire, Londres, 1889. 

5° Bibliographie spéciale. — Z. Frankel, Zu dem 
Targum der Propheten, Breslau, 1892; W. Bâcher, 
Kritische Untersuchungen zum Prophetentargum, dans 
Zeitschrift der deutschen morgenlândischen Gesell- 
schaft, 1874, t. xxvin, p. 1-72; Klein, Bemerkungen 



2003 



TARGUMS 



2004 



zu Bacher's kritischen Untersuchungen, ibid., 1875, 
t. xxix, p. 157-161; Bâcher, Gegenbemerkungen, etc., 
ibid., p. 319-320; C. Cornill,Z)os Targum zu den Pro- 
pheten, dans Zeitschrifl fur die alttestamentliche 
Wissensehaft, 1887, p. 177-202 (pour Isaïe, Jérémie et 
les petits prophètes) ; Das Buch des Propheten Eze- 
chiel, 1886, p. 110-136 ; H. YVeiss, DiePeschitta zuDeu- 
terojesaia undihrVerhâltniss zu massoret. Text. LXX 
und Targum, Halle, 1893; M. Selbôk (Schonberger), 
Die syrische Uebersetzung der zwôlf kleinen Prophe- 
tenund ihrVerhâltniss zudem Targum, Breslau,1887; 
A. Adler, dans Jeivish Quarterly Beview, 1895, t. vu, 
p. 630-657(surNahum); Bacher,i6i'd v 1899, t. xi, p.651- 
655; A. Wunsche, Einige Lesearien des sogenannten 
Targum Jonathan zu den Propheten, dans Viertel- 
jahresbericht fur Bibelkunde,i$Ob, 1. 1, p. 274-275. 

III. LES TARGUMS LE JÉBUSÂLEM SUR LE PEXTA- 

tmuque. — Il y en a deux, sinon même trois. — 1° Le 
targum du pseudo-Jonathan. — Hai Gaon l'attribuait 
aux anciens sages de Palestine (ni'-v» siècle). Ce n'est 
qu'à partir du xiv e siècle qu'on l'a attribué à tort à 
Jonathan ben Uzziel. On explique généralement cette 
erreur d'attribution par une fausse lecture de l'abré- 
viation >n, Targum Jeruschalmi, comme si elle si- 
gnifiait : Targum Jonathan. Son origine palestinienne 
est certaine; il est écrit dans le dialecte araméen de la 
Palestine. Il est complet et traduit le Pentateuque 
entier, sauf 12 versets. On l'appelle aujourd'hui le 
premier targum de Jérusalem sur le Pentateuque. Il 
date du vu» siècle. Il nomme les six ordres de la 
Mischna, Exod., xxvi, 9, la femme et la fille de Maho- 
met. Gen., xxi, 21. Son auteur a utilisé le targum 
d'Onkelos. Les preuves qu'on a données parfois de son 
antiquité ne sont pas fondées. Voir G. Dalman, Die 
Worte Jesu, p. 67-69. C'est une paraphrase plutôt 
qu'une version. 11 adopte les légendes de Yhagada et 
développe l'histoire sainte conformément aux idées 
populaires du temps. Il explique les métaphores, 
■ écarte les anthropomorphismes, idéalise les héros et 
cache leurs fautes. Son angélologie et sa démonologie 
sont assez développées. Il remplace les anciens noms 
géographiques par les noms modernes. L'auteur y a mis 
ses idées religieuses, métaphysiques et morales. Tout 
cela est d'un intérêt fort secondaire pour l'exégèse. 

Ce targum a été édité pour la première fois à 
Venise, en 1591. Il est aussi dans la Polyglotte de 
Londres. M. Ginsburger l'a réédité d'après un ma- 
nuscrit de Londres (British Muséum, addit. 27032). 
Pseudo-Jonathan, Thargum Jonathan ben Usiël zum 
Pentateuch, Berlin, 1903. Ce manuscrit avait été signalé 
et décrit par W. Barnstein, dans Jeivish Quarterly 
Beview, 1899, p. 167-171. La Genèse a été éditée avec 
une traduction allemande par M. Altschùler, dans 
Orbis antiquitatum, part. I, t. i, fasc. 1, Leipzig, 
1910. Version anglaise par Etheridge. Voir plus haut. 
Cf. Winer, De Jonathanis in Pentateuchum para- 
phrasi chaldaica, Erlangen, 1823; H. Petermann, De 
duabus Pentateuchi paraphrasibus chaldaicis, part. I, 
De indole paraphraseos qux Jonathanis esse dicitur, 
Berlin, 1829; S. Baer, Geist des Jeruschalmi, dans 
îlonatschrift fur Geschichte und Wissensehaft des 
Judenthums, 1851-1852, p. 235-232; S. Gronemann, 
Die Jonathan'sche Pentateuch-Ueberselzung in ihrem 
Verhâltnisse zur Balacha, Leipzig, 1879; A. Mar- 
morstein, Sludien zum Pseudo-Jonathan Targum, 
1. Das Targum und die apokryphe Literatur, Pres- 
bourg, 1905; S. Landauer, Ein intéressantes Fragment 
des Pseudo- Jonathan, dans Festschrift dédié au D' A. 
Karkavy, Saint-Pétersbourg, 1908. 

2° Les fragments d'un targum sur le Pentateuque, 
ou le second targum de Jérusalem. — Ce targum n'est 
pas complet, il ne comprend qu'un certain nombre de 
sections ou de versets du Pentateuque.il n'a peut-être 



jamais été achevé. Il ressemble au targum précédent. 
On a expliqué leurs ressemblances et leurs relations 
de différentes manières. Zunz a cru y reconnaître deux 
recensions du même targum, indifféremment citées 
sous le nom de targum de Jérusalem; le targum frag- 
mentaire aurait été autrefois complet. Geiger y a vu 
une collection de quelques gloses, non pas du pseudo- 
Jonathan, mais d'une recension primitive. Seligsohn 
et Volck ont cru y reconnaître un supplément haga- 
dique et une collection de gloses marginales et de va- 
riantes du targum d'Onkelos. Pour Bâcher, ce serait un 
recueil de morceaux d'un plus ancien targum palesti- 
nien, fait d'après Onkelos et le pseudo-Jonathan. Bass- 
freund en fait une version d'un targum de Jérusalem, 
rédigée d'après Onkelos et plus ancienne que le pseudo- 
Jonathan, ^ette conclusion est adoptée par Ginsburger 
pour le fond, et les critiques les plus récents tiennent 
généralement le targum fragmentaire comme antérieur 
à celui du pseudo- Jonathan, et ils le considèrent comme 
un essai d'adaptation du targum d'Onkelos au milieu 
palestinien avec des additions prises de diverses sources, 
talmudiques et posttalmudiques. Il serait du VII e siècle 
et d'origine palestinienne. 

Il a été édité pour la première fois en entier dans la 
Bible rabbinique de Venise, 1517, sous le nom de 
Targum Jeruschalmi, et réédité dans la Polyglotte de 
Londres; une partie avait été imprimée à Lisbonne, en 
1491. Le manuscrit hébreu, n. 1, de la bibliothèque de 
la ville de Nuremberg, ressemble à cette édition. 
M. Ginsburger a publié les variantes du Vaticanus 440 
et du manuscrit de Leipzig, n. 1, Das Fragmenten- 
targum ( Targum jeruschalmi zum Pentateuch) , Ber- 
lin, 1899, à la suite de l'édition du manuscrit n. 110 de 
la Bibliothèque nationale de Paris, avec les citations 
qui en sont faites dans les anciens écrivains; sur ces 
citations, voir les additions de Marx, dans Zeitschriftfùr 
hebràische Bibliographie, 1902, p. 55-58, 91-122, et par 
Ginsburger, p. 122-123.11 a comparé le manuscrit du Va- 
tican et celui de Paris, dans Zeitschrift der deutschen 
morgenlândischen Gesellschaft,1903,p. 67-80. Il a édité 
de nouveaux fragments, une feuille provenant d'une 
gueniza et contenant le commencement du Deutéro- 
nome. Ibid., 1904, p. 375-378. M. Weiss, Ein intéres- 
santes Targumfragment in der Geniza, 1903. Dalman 
a décrit le ms. addit. 27031 du British Muséum, dans 
Monatschrift fur Geschichte und Wissensehaft des 
Judenthums, 1897, p. 454-456. Cf. Barnstein, dans 
Jewish Quarterly Beview, 1899, p. 167-171. La Genèse 
a été éditée, en texte araméen et traduction allemande, 
avec le targum du pseudo-Jonathan, par M. Altschùler, 
dans Orbis antiquitatum, Leipzig, 1910, part. I, t. i, 
fasc. 1. P. Tayler a publié une version latine de l'édition 
de Venise, Targum Hierosolymitanuminquinquelibros 
legis lingua chaldaica in latinam conversum, Londres, 
1649. Etheridge en a donné une version anglaise dans 
l'ouvrage déjà cité. 

Cf. Seligsohn et Traub, Veber den Geist der Ueber- 
setzung des Jonathan ben Vsiel zum Pentateuch und 
die Abfassung des in den Editionen dieser Ueber- 
setzung beigedruckten Targum Jerusclwlmi, dans Mo- 
natschrift de Frankel, 1857, p. 96-114, 138-149; Geiger, 
Das jerusalemische Thargum zum Pentateuch, dans 
Urschrift und Uebersetzungen der Bibel, p. 451-480; 
Seligsohn, De duabus Hierosolymitanis Pentateuchi 
paraphrasibus, Breslau, 1858; W. Bâcher, Das ge- 
genseitige Verhâltniss der pentateuchischen Targu-' 
mim, dans Zeitschrift fur deutsche morgenlândische 
Gesellschaft, 1874, p. 59-71 ; P. de Lagarde, Eine ver- 
gessene Handschrift des sogenannten Fragmenttar- 
gums, dans Nachrichten von der kônigl. Gesellschaft 
der Wissenschaften zu Gôttingen, 1888, p. 1-3; 
J. Bassfreund, Das Fragmenten-Targum zum Penta- 
teuch, sein Ursprung und Charakter und sein Ver- 



2005 



TARGUMS 



2006 



hàltnis zu den anderen pentateutischen Targumim, 
Breslau, 1896; M. Ginsburger, Zum Fragmenten- 
Targum, dans Monatschrift fur Geschichte und Wis- 
senschaft des Judenthums, 1897, p. 289-296, 340-349; 
M. Neumark, Lexikalische Untersuchungen zur Sprache 
der Jerusalemischen Pentateuch- Targum, Berlin, 1906, 
fasc. 1 (hébraïsmes). 

3° Fragments d'un troisième targum de Jérusalem. 
— Ils ont été réunis par M. Ginsburger, Das Frag- 
mententargum, p. 71-74. Voir aussi A. Epstein, To- 
sefta du Targoum Yérouschalmi, dans la Revue des 
études juives, 1895, t. xxx, p. 44-51 (additions faites au 
second targum de Jérusalem ; au jugement de l'édi- 
teur, elles ont peut-être été faites hors de Palestine). 

4° Fragments d'un targum de Jérusalem sur les 
Prophètes. — P. de Lagarde a recueilli et publié ceux 
qu'il a trouvés aux marges du manuscrit de Reuchlin, 
Prophétie chaldaice, p. vi-xm. 

iv. targums svr les HAGIOGBAPHES. — L'attribution 
d'un targum sur ces livres à Jonathan ben Uzziel est 
purement légendaire. Ceux que nous avons sont de 
date tardive; ils ont paru après la clôture du Talmud et 
probablement longtemps après. Ce sont des travaux 
individuels, composés sur le modèle des targums pré- 
cédents; ils n'ont pas été faits, sinon ceux d'Esther, 
pour l'usage public des synagogues, mais pour l'étude 
particulière, et ils n'ont jamais été officiellement 
reconnus comme faisant autorité. Depuis le XIII e siècle, 
on les attribue en bloc à Joseph ben Chia ou l'Aveugle. 
Mais la variété de méthode qu'on y constate impose d'y 
reconnaître l'oeuvre de plusieurs auteurs; ils n'appar- 
tiennent pas même à une seule école. Leurs particula- 
rités dialectales trahissent leur patrie : ils ont, pour la 
plupart, été rédigés en Palestine, mais quelques-uns 
auraient subi, pour la langue, l'influence babylonienne. 
Il vaut mieux les étudier séparément. 

1° Targum sur les Psaumes et sur Job. — Au senti- 
ment de M. Bâcher, le même auteur a traduit les 
Psaumes et Job : le vocabulaire, les règles d'hermé- 
neutique et l'usage de la même hagada manifestent 
la communauté d'origine. Le targum du Ps.xvn (hébreu) 
est emprunté textuellement au targum des Prophètes. 
II Sam., xxii. La traduction suit généralement de près 
le texte hébreu. On trouve des traces de Y hagada 
juive dans les Ps. ix, xvm, xxm, xlix; les Ps. xci, 
cxvui et cxxxvn sont fortement dramatisés. On cite 
parfois deux ou trois traductions du même passage. 
Deux traductions se suivent aussi dans le livre de Job, 
par exemple, xiv, 18, 22; xv, 10, 20, 32; xxiv, 19, 20; 
xxv, 2; xxix, 15; xxx, 4, 19, etc. Le thème constant de 
l'interprétation de Job est la loi de Dieu et son étude, 
la vie future et la rétribution. Au Ps. cvm, 12, Rome et 
Constantinople sont appelées les deux capitales; ce 
targum aurait donc été fait avant la chute de Rome, en 
476. Il y a une allusion au partage de l'empire romain. 
Job, IV, 10. On le rapporte cependant au VIII e ou IX e siècle 
seulement. On y trouve des mots grecs et latins. Le 
texte hébreu traduit diffère du texte massorétique plus 
que celui des autres targums, surtout dans le Psautier; 
le texte de Job est un peu plus court. Le targum des 
Psaumes est cité par Nahmanide sous le nom de tar- 
gum de Jérusalem. Cf. W. Bâcher, Das Targum zu 
den Psalmen, dans Monatschrift fur Geschichte und 
Wissenschaft des Judenthums, 1872, p. 408-416, 462- 
473; Das Targum zuHiob, ibid., 1871, p. 208-223, 283- 
284; A. Mandl, Die Peschittha zu Hiob nebst einem 
Anhang ùber ihr Verhâltniss zu LXX und Targum, 
Leipzig, 1892; Weiss, De libri Jobi paraphrasi chai' 
daica, Berlin, 1873; Levin, Targum und Midrasch ' 
zum Bûche Hiob, Mayence, 1898; L. Techen, Das 
Targum zu den Psalmen, I, Weimar, 1896 ; II, Leip- 
zig, 1908. j 

2° Targum des Proverbes. — Il ressemble à la Pes- ' 



chitto, dont il ne paraît être qu'une revision à l'usage 
des Juifs syriens. Bien des versets sont identiques. 
Dans les parties moins ressemblantes, le dialecte 
employé est un mélange de l'araméen des targums et 
du syriaque de la Peschitto. Il serait de la même date 
que le précédent (vin* ou ix e siècle). La traduction est 
ordinairement littérale et les additions sont extrême- 
ment rares. Les plus longues paraphrases sont xxiv, 
14; xxvm, 1. Ce targum est cité comme targum de 
Jérusalem dans l'Arouch et par Nahmanide. Cf. J. A. 
Dathe, De ratione consensus versionis chaldaicse et 
syriacas Proverbiorum Salomonis, Leipzig, 1764; 
Th. Noldeke, Das Targum zu den Sprùchen von der 
Peschila abhândig, dans Archiv fur wissenschaftliche 
Erforschung des Allen Testamentes de Merx, t. n, 
p. 246-249; Maybaum, Veber die Sprache des Targum 
zu den Sprùchen und dessen Verhâltniss zum Syrer, 
ibid., 1871, p. 66-82; H. Finkusz, Die syrische Veber- 
setzung der Proverbien, dans Zeitschrift fur die 
alttestamentliche Wissenschaft, 1894, p. 65-141, 
161-222. 

3° Targum das cinq Megillolh (Cantique, Ruth, La- 
mentations, Ecclésiaste, Esthor). — C'est une para- 
phrase très développée à la façon homilétique et con- 
tenant des légendes. On y fait des rapprochements his- 
toriques, qui sont de véritables anachronismes, et on y 
expose les causes des événements. L'étymologie des 
noms propres y est expliquée; les métaphores sont 
rendues sans figure. L'allégorie- remplace fréquemment 
l'histoire. On y parle souvent du Sanhédrin; les 
généalogies sont continuées. La paraphrase est très 
longue dans Ruth et dans les Lamentations. Le cantique 
est un véritable midrasch : c'est une allégorie con- 
tinuelle de l'histoire israélite, depuis Moïse jusqu'au 
Talmud. On y distingue deux Messies : l'un fils de David 
et l'autre fils d'Éphraïm. Dans l'Arouch, le targum des 
Megilloth est dit targum de Jérusalem. Cf. A. Hûbsch, 
Die funf Megilloth nebst dem syrischen Targum, in-8°, 
Prague, 1886; Kingsburg a traduit en anglais le targum 
sur l'Ecclésiaste dans son Commentary, Londres, 1861; 
Armin Abelesz, Die syrische Vebersetzung der Kla- 
gelieder und ihr Verhâltniss zu Targum und LXX, 
Giessen, 1896; A. Levy, Das Targum zu Koheleth nach 
sûdarabischen Randschriften, Breslau, 1905; S. Lan- 
dauer, Zum Targum der KlagelieUer, dans Orienta- 
Usche Studien, publiées en l'honneur de Noldeke, 
Giessen, 1906, t. i, p. 505-512. 

Il y a deux principaux targums d'Esther. Le premier 
(rischon), publié dans les Polyglottes d'Anvers et de 
Londres, est littéral sauf exception. L'édition de laPoly- 
glotte de Londres contient le même texte que celui qui 
est édité dans la Polyglotte d'Anvers, toutefois avecquel- 
ques additions hagadiques. Le second (sheni) est plus 
volumineux; il combine et amalgame d'autres targums 
et des midraschim, et il est cité parfois comme hagada 
ou midrasch. On y a ajouté encore de nouvelles légendes. 
Cf. S. Posner, Das Targum Rischon zu dembiblischen 
Ruche Esther, Zurich, 1896 (dissert.); L. Munk, Tar- 
gum scheni zum Bûche Esther (avec des variantes 
extraites des manuscrits et une introduction), Berlin, 
1876; P. Cassel, Zweites Targum zum Bûche Esther 
(texte vocalisé et traduction allemande), 1878; AusLite- 
ratur und Geschichte, Leipzig, 1885 (traces du temps 
de Justinien); M. David, Das Targum scheni zum 
Bûche Esther nach Handschriften, Berlin, 1898; 
J. Reis, Das Targum scheni zu dem Bûche Esther 
(comparaison du texte imprimé avec celui d'un ma- 
nuscrit), dans Monatschrift fur Geschichte und 
Wissenschaft des Judenthums, 1876, p. 161, 276, 
398 sq.; J. Reiss, Zur Kritik des Targum scheni 
zu dem Bûche Esther, ibid., 1881, p. 473-477; S. Gelb- 
haus, Das Targum scheni zum Bûche Esther, Franc- 
fort-sur-le-Main, 1893 ; W. Bâcher, Zur jûdischen per- 



2007 



TARGUMS — TARSE 



2008 



sischen Litteratur, dans Jewish Quarterly Review, 
t. xvi, p. 225 sq. (second targum d'Esther). 

Une version latine des deux targums d'Esther a été 
faite par F. Tailer, Targum prius et posterius in E$- 
theram, Londres, 1655. Une version allemande du se- 
cond targum est due à P. Cassel, Das Buch Esther, 
Berlin, 1878. 

4° Targum des Chroniques. — Il n'est pas cité avant 
l'Arouch. Il n'a été édité qu'au xvn e siècle par Beck, 
d'après un manuscrit d'Erfurth, 2 in-4°, Augsbourg, 
1680, 1683. Une meilleure édition, d'après un manus- 
crit de Cambridge, est due à D. Wilkins, Paraphrasis 
chaldaica in librum priorem et posteriorem Chroni- 
corum, in-4°, Amsterdam, 1715. Les deux éditions 
présentent de nombreuses divergences. La version est 
parfois presque littérale, mais elle contient ailleurs 
des amplifications midraschiques. L'auteur a connu les 
deux targums de Jérusalem sur le Pentateuque et il 
cite parfois le second mot à mot. Il s'est servi largement 
du targum sur les Prophètes, des livres de Samuel et 
des Rois, et il a utilisé le targum des Psaumes. 
I Chron., xvi. Rosenberg et Kohler ont pensé que le 
fond remontait au IV e siècle. Le manuscrit d'Erfurth 
est du vm e siècle ; celui de Cambridge du commence- 
ment du xi e . La version a subi aussi l'influence du 
Talmud de Babylone, et sa langue ressemble à celle 
des targums de Palestine. C'est une paraphrase haga- 
dique. Cf. M. Rosenberg et K. Kohler, Das Targum zur 
Chronik, dans Jùdische Zeitschrift de Geiger, 1870, 
t. vm, p. 72-80, 135-163, 263-278. 

Les targums sur les Hagiographies, en dehors de celui 
des Chroniques, ont été édités dans la Bible de Bom- 
berg (1517) et par P. de Lagarde, Magiographa chal- 
daice, Leipzig, 1873 (d'après la Bible rabbinique de 
1517 et d'après l'édition de Beck pour les Chroniques). 
Des spécimens sont reproduits dans Marx, Chrestoma- 
thia targumica, p. 154-164. S. Waldberg, rvn naa, 
Forschungen : 1° Ueber die Entstehungszeit der Tar- 
gume zu den Hagiographen. 2» Die Erkldrungsweise 
der Targume zur Bibel. 3» Die Irrtûmer in den Tar- 
gumen und deren Richtigstellung, Cracovie, 1904. 

Un targum de Tobie a été publié par Neubauer, The 
Book of Tobit, Oxford, 1878. Munka signalé l'existence 
d'un targum manuscrit de Daniel à la Bibliothèque 
nationale de Paris, ancien fonds, n. 15. Les premiers 
mots sont en chaldéen et le reste en persan. Notice 
sur Saadia, Paris, 1838, p. 87. 

III. Bibliographie générale. — 1» Sur les éditions 
des targums. — Le Long, Bibliotheca sacra, édit. Masch, 
part. II, 1781, t. i, p. 23, 49; Rosenmuller, Bandbuch 
fur die Literatur der biblischen Kritik und Exégèse, 
1799, t. m, p. 3-16; -Furet, Bibliotheca judaica, t. il, 
p. 105-107; t. ni, p. 48; Steinschneider, Catalogus 
librorum hebraicorum in bibliotheca Bodleiana, 
col. 165-174. 

2° Sur les targums en général. — Helvicus, De 
chaldaicis Bibliorum paraphrasibus, Giessen, 1612; 
J. Morin, Exercitationes ecclesiasticse et biblicse, part.II, 
I. II, exerc. vm, in-f», Paris, 1669, p. 318-347; R. Si- 
mon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. II, 
C. xvill, Rotterdam, 1685, p. 296-305; Carpzov, Critica 
sacra V. T., Leipzig, 1748; p. 430-481 ; Zeibich, Depa- 
raphrasium chaldaicarum apud Judieos auctoritate, 
Wittemberg, 1737; Wolff, Bibliotheca hebrœa, t. n, 
p. 1135-1191 ;£. iv, p. 730-734; Eichhorn, Enleitung in 
das A. T., 4»*édit., 1823, t. n, p. 1-123; L. Zunz, Die 
gottesdienstlichen Vortrâge der Juden, Berlin, 1832, 
p. 61-83; Hâvernick, Handbuch der historisch-kriti- 
schen Einleitung in das A. T., 1837, t. I, 2, p. 73-89; 
2« édit. , 1854, 1. 1, p. 387-402 ; Gfrôrer, Das Jahrhundert 
des Heils, 1838, t. i, p. 36-59; J. Frankel, Einiges zu 
den Targumim, dans Zeitschrift fur die religiosen 
lnteressen des Judenthums, 1846, p. 110-120; Herzfeld, 



Geschichte des Volkes Jisrael, 1857, t. m, p. 61» 
551 sq. ; Geiger, Urschrifl und Uebersetzungen der 
Bibel, Breslau, 1857, p. 162-167; Langen, Das Juden- 
thum in Palàstina, 1866, p. 70-72, 209-218, 268 sq., 
418 sq. ; de Wette-Schrader, Lehrbuch der hisloris- 
chkritischen Einleitung in die kanonischen und apo- 
kryphen Bûcher des A. T., 1869, p. 123-129; Th. N61- 
deke, Histoire littéraire de l'Ancien Testament, trad. 
franc., Paris, 1873, p. 369-378; Bôhl, Forschungen 
nach einer Volksbibel zur Zeit Jesu, 1873, p. 140-168; 
L. Wogue, Histoire de la Bible et de l'exégèse biblique 
jusqu'à nos jours, Paris, 1881, p. 143-157; F. Weber, 
Jùdische Théologie auf Grund des Talmud und ver- 
wandter Schriften, 2 e édit., Leipzig, 1897, p. xvi-xxiv; 
Buhl, Kanon und Text des A. T., 1891, p. 168-184; 
Hausdorff, Zur Geschichte der Targumim nach tal- 
mudischen Quellen, dans Monalschrift fur Geschichte 
und Wissenschaft des Judenthums, 1894, p. 203, 
241, 289 sq. ; G. Schûrer, Geschichte des jùdischen 
Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3 e édit., Leipzig, 1901, 
t. i, p. 147-156; J. Felten, Neutestamentliche Zeitge- 
schichte, Ratisbonne, 1910, t. i, p. 548-552. 

On peut consulter aussi toutes les Introductions 
générales ou les Introductions particulières de l'Ancien 
Testament. Nommons parmi les catholiques, Trochon, 
Introduction générale, 1886, t. i, p. 411-418; F. Kaulen, 
Einleitung in die heilige Schrift, 3 e édit., Fribourg- 
en-Brisgau, 1890, t. i, p. 110-117; R. Cornely, lntro- 
duclio generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 413-427; 
F. Vigouroux, Manuel biblique, 12* édit., Paris, 1906, 
t. i, p. 178-183, et parmi les protestants, H. Strack, 
Einleitung in das A. T., 6 e édit., Munich, 1906, p. 205- 
210. Voir encore les articles Targum ou Versions des 
encyclopédies et dictionnaires bibliques, dont les plus 
récents sont Realencyclopàdie fur protestantische 
Théologie und Kirche, 3 e édit., Leipzig, 1897, t. m, 
p. 103-110; Hastings, Dictionary of the Bible, Londres, 
1902, t. IV, p. 678-683; The Jewish Encyclopœdia, New- 
York, 1906, t. xii, p. 57-63. 

3» Sur la langue des targums. — Dictionnaires : 
J .Levy,Chaldaisches Wôrterbuch ûber die Targumim 
undeinen grossen Theil des rabbinischenSchriftthums, 
2 in-4°, Leipzig, 1867, 1868; A. Kokut, Aruch comple- 
tum, 8 vol., 1878-1892; M. Jastrow, A Dictionary of 
the Targumim, the Talmud Babli and Yerushalmi 
and the Midraschic Literature, part. I-XV, Londres, 
1886-1902; G. Dalman, Aram&isch-neuhebrâisches 
Wôrterbuch zu Targum, Talmud und Midrasch, 
part. I, 1898; Krauss, Griechische und Lateinische 
Lehnwôrter in Talmud, Midrasch und Targum, 2 par- 
ties, 1898, 1899. — Grammaire : G. Dalman, Gramma- 
tik des jùdisch-palâstinischen Aramâisch. Nach den 
Idiotismen des palàst. Talmud und Midrasch, des 
Onkelos targum und der jerusalemischen Targume 
zum Pentateuch, Leipzig, 1894; 2 e édit., 1905, p. 21-27. 

4° Sur le genre d'interprétation. — Maybaum, Die 
Anthropomorphien und Anthropopathien bei Onkelos 
und den spâtem Targumim mit besonderer Berûck- 
sichtigung der Ausdrûcke Memra, Jekara und Sche- 
chintha, Breslau, 1870; M. Ginsburger, Die Anthropo- 
morphismen inden Thargumim, dans Jahrbûcher fur 
protestantische Théologie, 1891, p. 262-280, 430-458. 
Cf. F. Weber, Jùdische Théologie, p. 155-157, 180-184. 

E. Mangenot. 

TARSE (grec : Tapcxd;), ville de Cilicie, en Asie- 
Mineure (fig. 448), patrie de l'apôtre saint Paul. Elle 
n'est nommée dans l'Écriture, à part une révolte de 
ses habitants mentionnée II Mach., iv, 30, qu'en con- 
nexion avec l'histoire de l'apôtre des Gentils. 

I. Saint Paul a Tarse. — 1» Il y naquit, Act., ix,ll ; xxi- 
39; xxn, 3, y reçut sa première éducation et y revint 
de Jérusalem au bout d'un certain temps après sa 
conversion, ix, 30; il y séjourna jusqu'à ce que Bar- 



2009 



TARSE 



2010 



nabé vint l'y chercher, xi, 25, pour aller travailler 
avec kii à la propagation du christianisme parmi les 
Gentils, à Antioche. Cf. xsii, 21. Pendant le séjour qu'il fit 
à Tarse, on ne peut douter qu'il n'y ait prêché la religion 
nouvelle qui y a toujours compté depuis des fidèles. 
Cf.Act.,xv, 23, 41; Gai., i, 21. Il visita peut-être aussi sa 
ville natale avant d'entreprendre son second et son troi- 
sième voyage de missions qu'il commença en partant 
d'Antioche. Voir Paul, t. iv, col. 2201. — 2° « Je suis... 
de Tarse, en Cilicie, citoyen de cette ville qui n'est pas 
sans renom, » dit saint Paul au tribun Lysias qui 
l'avait fait arrêter à Jérusalem. Act., xxi, 39. Tarse doit 
surtout sa renommée au grand Apôtre à qui elle donna 
le jour, mais elle était de fait une ville importante au 
premier siècle et Dieu voulut y faire naître « son vase 
d'élection », Act., IX, 15, qu'il prédestinait à porter 
son nom devant les Gentils, pour que cet enfant d'ori- 
gine juive pût y recevoir l'éducation grecque qu'il 
était nécessaire de lui donner afin qu'il pût travailler 
efficacement à la conversion des Grecs et des Romains 
qu'il devait évangéliser. 

II. Histoire. — 1° Quand Paul vint au monde à 
Tarse (fig. 449), cette ville était un des plus grands 
centres intellectuels de l'empire romain. Une légende 




448. — Monnaie de Tarse des premiers temps de l'époque 
impériale romaine. — tapeeqn. Zeus, vêtu de l'himation 
autour des membres inférieurs, assis, à gauche, sur un trône; 
sur sa main droite, Nikê, la Victoire, avec une guirlande; de 
la main gauche il tient le sceptre; devant lui, étoile et crois- 
sant. — Sj. Massue avec un cordon. — A droite et à gauche, 
monogrammes. MHTPO. Le tout dans une couronne de chêne. 

en attribue la fondation à Sardanapale, c'est-à-dire à 
Assurbanipal, roi d'Assyrie (voir t. i, col. 1144), dont 
les Grecs défigurèrent complètement l'histoire. Cf. Ar- 
rien, De exped. Alexandri, n, 5, édit. Didot, p. 38; 
Cléarque de Soli, Histor. grsec. Fragm., 5, édit. Didot, 
t. Il, p. 305. D'après Alexandre Polyhistor et Abydène, 
dont Eusèbe nous a conservé le récit, Chron., 1. I. v, 
1; ix, 1, t. xix, col. 118, 123, le fondateur de Tarse fut 
Senmachérib, le grand-père d' Assurbanipal, et il la bâtit 
sur le modèle de Babylone, de sorte que le Cydnus 
coulât au milieu de la cité nouvelle, comme l'Euphrate 
à Babylone. Les monuments assyriens nous montrent 
que Tarse est antérieure à Sennachérib. L'obélisque 
noir de Nimroud, où Salmanasar raconte ses guerres, 
mentionne dans sa vingt-sixième campagne, ligne 138, 
la prise de Tarse et le tribut d'argent et d'or qu'il fit 
payer aux habitants (831 avant J.-C). Il semble bien 
■être le premier roi de Ninive qui porta ses armes à 
Tarse. F. Lenormant, Histoire ancienne de l'Orient, 
9' édit., 1. iv, 1885, p. 201; Eb. Schrader, Keilin- 
schriftliche Bibliothek, t. i, 1889, p. 144-145. 

Quand plus tard les Grecs s'établirent à Tarse, leur 
imagination inventive lui trouva une autre origine. 
Elle fut fondée, dit Strabon, XIV, x, 12, par les 
Argiens qui étaient allés avec Triptolème à la recherche 
d'Io. Dion Chrysostome, Orat., xxxm, ad Tars. ; Liba- 
nius, Orat., xxvm, 6, 20, disent que les habitants de 
Tarse attribuaient la fondation de leur cité à Persée ou à 
Hercule; cette dernière attribution est le mélange des 
traditions orientales avec les traditions grecques : 
Persée était un personnage oriental et assyrien, Héro- 
dote, vi, 54; Héraclès ou Hercule était un dieu tyrien 
■colonisateur. 



2° Sous les Perses. — A part là mention de la ville 
dans les documents assyriens, l'histoire de Tarse est 
inconnue sous la domination assyrienne, qui fut rem- 
placée par celle des Perses. Les premières monnaies 
furent frappées par les satrapes perses qui la gouver- 
naient et y avaient établi leur résidence. Voir Hill, Ca- 
talogue of British Muséum Coins of Lycaonia, IsauHa 
and Cilicia, p. lxxvi-xcviii, 162-230. Il y avait dès lors 
beaucoup de Grecs qui y avaient été attirés par le 
commerce, car les monnaies les plus anciennes sont 
frappées d'après des types helléniques dans leur en- 
semble et avec un mélange de caractères grecs, aussi 
bien qu'araméens. 

3° Sous les Grecs. — Xénophon, Anabas., i, 2, 23, 
vers l'an 400 avant notre ère, atteste que Tarse était 
alors une grande ville opulente, où se trouvait le palais 
de Syennésis, roi de Cilicie. Sous les Séleucides, Tarse 
fut soumise à leur domination ; elle frappa alors des mon- 
naies autonomes et, de ville orientale, devint surtout une 
cité hellénique. Sous Antiochus IV Épiphane (175-164), 
elle prit le nom d'Antioche sur le Cydnus qu'elle porta 
sur les monnaies de cette époque. Le Baset Wadding- 
ton, Inscriptions d'Asie-Mineure, n. 1486. Vers 171 avant 
J.-C, ce roi, suivant une coutume des rois de Syrie, 
avait attribué les revenus de la ville de Tarse à une 
de ses concubines, appelée Antiochide, II Mach., iv, 30, 
ce qui amena une révolte parmi ses habitants, sans 
doute trop pressurés, Épiphane alla lui-même en per- 
sonne calmer la sédition, et il y réussit, sans doute en 
lui conférant de nouveaux privilèges. Le nom d'An- 
tioche qu'il lui conféra ne fut pas longtemps en usage 
et celui de Tarse reprît bientôt le dessus. Il est pro- 
bable que c'est alors que les Juifs y affluèrent, comme 
dans d'autres villes d'Asie-Mineure où les Séleucides 
les appelaient comme colons. 

4» Sous les Romains. — De la domination des rois 
Séleucides, Tarse passa sous celle des Romains, qui se 
rendirent peu à peu complètement maîtres de la Cilicie. 
Le pays fut définitivement conquis par Pompée en 66 
avant notre ère et la Cilicie fut organisée en province, 
en 64, avec Tarse pour capitale. Tarse n'eut qu'à se 
louer de la façon dont elle fut traitée par Jules César, 
par Antoine et par Auguste. Elle prit le nom de Julio- 
polis en l'honneur de Jules César. Dion Cassius, xlvii, 
26. Cassius en 43 lui fit expier son dévouement à César, 
mais Antoine l'en récompensa bientôt en lui donnant 
les privilèges d'une cité libre, civitas libéra; il y établit 
même pendant quelque temps sa résidence et c'est là 
qu'il reçut en 34 la visite de Cléopàtre, reine d'Egypte, 
à laquelle il la donna pour faire partie de son royaume. 
Lorsque Auguste eut battu Antoine, il augmenta les 
privilèges de Tarse et la Cilicie fut unie à la Syrie 
pour former une vaste province. 

Telle était la situation de Tarse lorsque Saul y vint 
au monde. Elle atteignait alors l'apogée de son éclat et 
de sa splendeur, et elle était devenue une des trois 
grandes villes intellectuelles de celte époque dans 
l'empire romain. Non seulement elle luttait avec les 
deux autres grandes écoles de ce temps, Athènes et 
Alexandrie, mais elle les dépassait, dit Strabon, XIV, 
v, 13, quoiqu'elle ne comptât guère que des maîtres et 
des étudiants indigènes. Et le polygraphe grecénumère 
les nombreux savants, philosophes, grammairiens, 
rhéteurs, qui illustrèrent alors Tarse et se firent admi- 
rer à Rome. Strabon, XIV, v, 14-15. Le jeune Saul put 
connaître et entendre quelques-uns de ces personnages 
célèbres, comme Nestor qui florissait de son temps et 
vécut 92 ans. C'est à leur école qu'il apprit à connaître 
les philosophes et les littérateurs grecs qu'il cita depuis 
dans le cours de son apostolat. 

5° Tarse moderne. — Après avoir passé par les vicis- 
situdes les plus diverses depuis l'époque de saint Paul, 
Tarse n'est plus aujourd'hui qu'une ville déchue de 



2011 



TARSE 



2012 



l'empire turc, mais riche de ses illustres souvenirs. 
Elle ressemble à un vaste et frais jardin, dont les bos- 
quets d'orangers, de figuiers, de mûriers, de très grands 
oliviers cachent les maisons à l'ombre de leur végéta- 
tion luxuriante, entretenue par les eaux d'un des bras 
du Cydnus. Une partie des maisons actuelles est en 
terre, avec un toit en forme de terrasse, où l'on voit 
ordinairement un fragment de colonne qui sert de rou- 
leau pour égaliser le sol de la terrasse, quand il a été 
raviné par la pluie. Les constructions en pierre sont 
faites surtout avec les débris de la ville antique : comme 
à Antioche, il suffit de creuser à un mètre environ au- 
dessous du sol pour en extraire les matériaux néces- 
saires, pierres taillées, débris de colonnes, fragments 
de statues, qu'on rencontre dans les murs, etc. Partout 



M. Debbas a trouvé dans le fond une inscription 
grecque, dont il ne restait plus qu'un fragment où on 
lisait le nom de IIA.TAOE. C'est à la suite de cette dé- 
couverte qu'il donna au puits le nom de saint Paul. Il 
assure qu'il y avait là autrefois une église dédiée à 
saint Paul. L'inscription, qui avait été encastrée dans 
un mur, a été volée depuis (notes prises sur place en 
avril 1888). —L'empereur Maurice (583-602) fit bâtira 
Tarse une église en l'honneur de saint Paul. 

Le jeune Juif avait appris dans sa patrie le métier de 
faiseur de tentes, qu'on dressait avec des tentures, 
tissées à Tarse même, et qui étaient célèbres dans 
l'antiquité sous leur nom d'origine, celui de « cilice ». 
Les tisserands y sont devenus rares, mais on y en 
trouve encore. Leurs instruments de tissage sont très 








449. — Vue de la ville actuelle de Tarse. D'après une photographie. 



dans la ville actuelle, aux angles des rues comme dans 
les murs, on aperçoit ces pierres mutilées, restes d'in- 
scriptions et de sculptures de toutes sortes dont le 
marbre a été fourni, non loin de là, par une carrière de 
la chaîne du Taurus, qui apparaît à l'horizon, couverte 
de neiges d'une blancheur éblouissante au soleil, 
avec la gorge d'où sort le Cydnus pour venir arroser 
Tarse. Saul a dû souvent, dans sa jeunesse, contempler 
cet admirable panorama, et il a goûté cette eau du 
Cydnus, un peu trouble et jaunâtre àla fonte des neiges, 
mais fraîche et agréable aux indigènes; elle est lim- 
pide en été, avant d'avoir franchi les cascades, situées 
au-dessus de la ville, où tombe un bras du fleuve, à 
travers des roches abruptes, sur une longueur d'une 
cinquantaine de mètres, en creusant des grottes pro- 
fondes, recouvertes de ponts naturels. 

Les principales ruines qui attirent l'attention à Tarse, 
sont ce qu'on appelle le Tombeau de Sardanapale et 
qui paraissent être la substructure de la plate-forme 
d'un temple bâti à l'époque romaine. Les souvenirs 
chrétiens sont incertains et rares. L'ancien consul des 
États-Unis, Âbdon Debbas, donne sa maison comme 
située sur l'emplacement de celle de saint Paul. On y 
voit un puits très profond avec une margelle en marbre, 
usée par le temps. Ce puits est creusé dans le roc. 



primitifs. « De belles mèches de poils de chèvre sont 
disposées dans un coin de l'atelier; un homme les 
prend, les met à sa ceinture et les file. Le fil qu'il a 
produit par un mouvement en arrière, se double par 
un mouvement en avant, et enfin se triple par un nou- 
veau retour en arrière, qui lui donne sa forme et sa 
force définitives. Quand la pelote a le poids voulu, on 
la dépose dans une corbeille, où un autre ouvrier la 
reprend pour tisser en parties noires, grises ou rou- 
geâtres, les toiles grossières qui serviront à faire des- 
sacs et des tentes à l'usage des hommes du désert. Le 
jeune tisseur, que nous trouvons assis à terre et courbé 
sur son métier, a une tête intelligente et énergique. Il 
me figure ce petit Juif tarsois, à l'âme religieuse, au 
cœur de feu, au courage indomptable, qui acheva, dans 
un semblable atelier, son éducation de rabbi, en s'ini- 
tiant à l'un des arts manuels que tout docteur juif 
devait connaître pour s'assurer la vie matérielle dans 
un moment critique. Paul fabriqua des tentes à 
Corinthe, chez le Juif Aquilas, d'après les principes 
qu'il avait reçus ici. » E. Le Camus, Notre voyage aux 
pays bibliques, Paris, 1890, t. m, p. 113-114. — Yoir 
W. M. Ramsav, The Cities of St. Paul, in-8», Londres, 
1907, p. 285-334. 

F. VlGOUROUÏ. 



2013 



TARTARE — TAUPE 



2014 



TARTARE (Vulgate : tartarus), lieu situé dans les 
profondeurs de la terre où, selon la mythologie grecque 
et romaine, sont plongés les coupables en châtiment de 
leurs fautes. La Vulgate emploie ce mot, II Pet., n, 4, 
dejectos in tartarum, là où le texte original grec porte 
le mot dérivé TocpTocpwo-a;, « ayant précipité dans 
l'enfer (les anges rebelles) ». L'idée duTartare correspon- 
dait à celle de la géhenne ou de l'enfer. Voir Géhenne, 
t. m, col. 155. 

TASHÊT ('al), locution qu'on lit dans le titre de 
plusieurs Psaumes : lvii (hébreu), 1 ; lviii, 1 ; lix, 1 ; 
lxxv, 1. La Vulgate l'a rendue tantôt par ne disperdas 
et tantôt par ne corrumpas. 'Al fasfyêt marque que l'on 
doit chanter le Psaume sur l'air connu désigné par 
ces mots. Voir Psaumes, col. 815. 

TATIEN, écrivain chrétien du II e siècle. Il était 
Assyrien d'»rigine, quoiqu'il soit qualifié de Syrien 




450. — Jeune Égyptienne tatouée. 

D'après Ed. W. Lane, Manners and Custqms of the modem 

Egyptians, 2 in-12, Londres, 1837, t. i, p. 57. 

par Clément d'Alexandrie et d'autres Pères. Il voyagea 
beaucoup et devint très versé dans la littérature gréco- 
romaine; dans ses œuvres, il ne cite pas moins de 
quatre-vingt-treize auteurs classiques. S'étant rendu à 
Rome, il y publia sa Cohortatio ad (ïrsecos, Aôyot 
7upôç "EHriva:, où il se déclare un converti au chris- 
tianisme. Il fut dans cette ville élève de saint Justin 
et, après la mort de ce dernier, il alla en Syrie où il 
enseigna les erreurs du gnosticisme. Son œuvre la plus 
célèbre est le Diatessaron ou Concorde des quatre 
Évangiles, EjotffÉXiov 8tà T£<j<rdip«)v. Cf. S. Irénée, 
Adv. User., I, xxvm, 1, t. vu, col. 690; Eusèbe, H. E., 
iv, 29, t. xx, col. 400; S. Jérôme, De vir. ill., xxix, 
t. xxiu, col. 645; dom Ceillier, Histoire des auteurs 
sacrés et ecclésiastiques, t. H, p. 123 sq. ; R. Harris, 
Tatian and the fourth Gospel, dans Contemporary 
Review, décembre 1893. — Saint Éphrem avait com- 
menté le Diatessaron. On en a retrouvé et publié une 
traduction arménienne, Evangelii concordantis expo- 
sitio facta a S. Ephrsemo in latinum translata a 
J. B. Aucher, Mechitarista, Venise, 1877; Th. Zahn, 
Forschungen zur Geschichte des neutestamentlicken 
Kanons und der altkirchlichen Literatur. I. Tatian's 



Diatessaron, in-8°, Erlangen,1881; A. Hjelt, Die altsy- 
rische Evangelienûbersetzung und Tatians Diates- 
saron, besonders in ihrem gegenseitigen Verhâltniss, 
dans les Forschungen zur Geschichte des neutesta- 
mentlichen Kanons, in-8», Leipzig, 1903, t. vu, 1. 

TATOUAGE, dessins qu'on fait sur la peau d'un 
homme ou d'une femme, en y introduisant des ma- 
tières colorantes (fig. 450). Le goût du tatouage est très 
ancien en Orient et y est toujours en usage. On ren- 
contre encore en Palestine et en Egypte beaucoup de 
femmes tatouées, surtout dans le peuple. L'opération 
se fait sur les jeunes filles généralement à l'âge de cinq 
à six ans. On leur tatoue la figure, le front, les bras, 
la poitrine, les mains et les pieds au moyen d'aiguilles 
attachées ensemble, d'ordinaire au nombre de sept, et 
avec lesquelles on forme les dessins voulus en piquant 
la peau; on introduit dans les piqûres un mélange de 
noir de fumée de bois ou d'huile et de lait de femme 
et au bout d'une semaine environ, avant que la peau 
soit guérie, on applique sur les piqûres une pâte de 
feuilles fraîches de rave blanche ou de trèfle, pilées, qui 
donne aux dessins qu'on a formés une couleur bleue 
ou verdâtre. La loi de Moïse interdit aux Hébreux le 
tatouage : Nonincidetis carnem vestram neque figu- 
ras aliquas aut stigmata (hébreu : qa'àqa', nota cuti 
incisa) facietis vobis. Lev., xix, 28. — Voir Thomson, 
The Land and the Book, p. 66; J. de Morgan, Re- 
cherches sur les origines de l'Egypte, in-4°, Paris, 
1897, t. i, p. 56-57. 

TAUPE (Septante : àarcaXa?; Vulgate : ialpa)^ 
petit mammifère insectivore. — La taupe (fig. 451) a 




451. — Talpa vulgaris. 

le corps cylindrique, couvert d'un poil court et fin, la 
têle allongée, terminée par une espèce de boutoir que 
soutient un os spécial, les membres antérieurs pour- 
vus d'une main en forme de pelle, avec cinq ongles 
plats et tranchants, et les yeux extrêmement petits. La 
taupe se creuse des galeries sous terre, où elle vit iso- 
lément. Elle se nourrit de larves, de petits animaux et 
de racines, ce qui la rend à la fois utile et nuisible à la 
culture et la fait détruire à cause de ses méfaits appa- 
rents, bien compensés pourtant par ses services réels. 
— Les versions traduisent par « taupe » le mot finSé- 
méf, qui est le nom du caméléon, rangé parmi les ani- 
maux impurs. Lev., xi, 30. Voir Caméléon, t. n,coI. 90. 
Dans Isaïe, il, 20, la Vulgate dit que les idoles ne sont 
que « des taupes et des chauves-souris ». Le mot 
« taupes » rend ici l'hébreu hâfarperât, Théodotion : 
93cpçapu6, Septante : fiavatoç. L'animal ainsi désigné 
n'est pas la taupe ordinaire, talpa vulgaris ou eu- 
ropsea, qui ne se trouve pas en Palestine. D'autres 
espèces de taupes s'y rencontrent, mais elles vivent 
dans les terres arables et non dans les trous de rochers, 
comme le suppose le passage d'Isaïe. La hâfarpêrdh, 
de hâfar, « creuser », et perd h, « rat», est probable- 
ment une sorte de rat du genre spalax, ou rat-taupe, 
qui appartient à l'ordre des rongeurs, se creuse aussi 
des galeries sous terre et ne vit que de racines. On 
trouve en Syrie le rat-taupe, spalax typhlus (fig. 452), 
qui ressemble assez à la taupe ordinaire, mais a 
plus de largeur, avec une longueur de 27 à 30 centi- 



2015 



TAUPE 



TEBETH 



2016 



mètres. La queue n'est pas apparente; la fourrure d'un 
gris argenté cache l'ouverture très large des oreilles. 
Les yeux sont complètement atrophiés. Le museau 
dénudé est plus long et plus large que celui de l'écu- 
reuil, dont le rat-taupe a les puissantes incisives. Ce 
rongeur se creuse sous terre de vastes abris, commu- 
niquant entre eux; il y vit en communautés souter- 
raines et y garde ses petits et ses provisions. Il affec- 
tionne les décombres et les tas de pierres où il se 
réfugie à la moindre alerte. Sa nourriture, exclusive- 




452. — Spalax typhlus. 

ment végétale, se compose surtout de tubercules; 
aussi fait-il de grands dégâts parmi les carottes et les 
oignons des jardins. Inactif pendant le jour, il est sans 
cesse en mouvement durant la nuit. Les rats-taupes 
sont nombreux autour des murs de Jérusalem, où ils 
se cachent aisément dans les ruines. Cet animal 
parait visé par Isaïe bien plutôt que la taupe. Cf. Tris- 
tram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, 
p. 120, 121 ; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 61. H. Lesêtre. 

TAUREAU (hébreu : par, 'abbîr; Septante : Tocjpoç, 
(A^uy.oç, [loTxâpiov; Vulgate : laurus, juvencus, vitu- 
lus), ruminant de la fcmille des bovidés. — Le taureau 
désigne dans nos pays l'animal qui a été conservé pour 
la reproduction et qui n'a pas subi la castration. Comme 
cette opération était interdite aux Hébreux, le far 
désignait pour eux le bœuf en général et spécialement 
le veau ou jeune bœuf. Voir Bœuf, t. i, col. 1826. De là 
les expressions par bén bàqâr, « taureau fils de 
bœuf », Exod., xxix, 1; par haS-sôr, « taureau de 
bœuf ï, Jud., vi, 25; sôrpar, p.(S<rx°? vioz, vitulus novel- 
lus, « bœuf veau » ou jeune veau. Ps. lxix (lxvhi), 30. 
Le mot par peut même s'appliquer à un taureau de 
sept ans. Jud., vi, 25. Isaïe, xxxiv, 7, parle de pârîm 
'îm-'abbirîm, « taureaux avec des bœufs », c'est-à- 
dire bœufs jeunes et vieux. Cf. Ps. xxn (xxi), 13. — 

II est surtout question de jeunes taureaux, ordinaire- 
ment d'un an, à propos des sacrifices. Jud., vi, 25; 

III Reg., i, 25; xvm', 23; Ps. li (l), 21; etc. Ils 
figurent dans les holocaustes, Num., vu, 15; vin, 12; 
xv, 24; etc., et dans les sacrifices expiatoires. Exod., 
xxix, 36; Lev., iv, 14; Ezech., xliii, 19; etc. — 
Dans Osée, xiv, 3, il est dit qu'on offrira à Dieu pârîm. 
ëefdtênû, « les taureaux de nos lèvres », Vulgate : vi- 
tulos labiorum nostrorum, c'est-à-dire les victimes, 
les sacrifices de nos lèvres, nos louanges. Les Sep- 
tante ont lupeH sefàfênû, xapirbv -/eillcov f,|iwv, « le 
fruit de nos lèvres ». On a une teçon préférable en 
faisant passer le mem final du premier mot, négligé 
par les Septante, au commencement du second : perî 
misfetênû, « le fruit de nos bercails ». Cf. Van Hoo- 
nacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 127. 

H. Lesêtre. 
TAVELLI Giovanni, de Tossignano, évêque de Fer- 
rare, mort en 1446. Il assista au concile de cette ville 
que le pape Eugène IV y transféra de Bâle en 1438. 
On lui a attribué une traduction de la Vulgate en ita- 
lien. Voir Italiennes (Versions) de la Bible, t. m, 
col. 1016. 



TAVERNES (TROIS). Act., xxvm, 15, Tp £ i« 
Taêepvai, forme grécisée du latin Très Tavernse, 
station de la voie Appienne que suivit saint Paul captif 
pour se rendre de Pouzzoles à Rome. Des chrétiens de 
cette dernière ville étaient allés à sa rencontre. Les 
uns se rendirent jusqu'au Forum d'Appius, les autres 
l'attendirent aux Trois Tavernes. L' Itinéraire d'Anto- 
nin place le Forum Appii à quarante-trois milles de 
Rome et les Trois Tavernes à trente-trois. Fortia 
d'Urban, Recueil des itinéraires anciens, in-4°, Paris, 
1845, p. 31-32. Le latin taberna, pour trabena, désign,e 
une maisonnette ou chaumière faite avec des trabes ou 
planches. Cf. Horace, Carm., I, xiv, 13 : Pauperum 
tabernas regumque turres. Il se dit par suite des bou- 
tiques de marchand, Horace, Sat., I, iv, 71, et spéciale- 
ment des marchands de vin et de comestibles. Horace, 
Epist., I, xiv, 24. On en trouvait naturellement sur les 
routes fréquentées, pour le service des voyageurs. Il y 
en avait sans doute trois aux Trois Tavernes, de là le 
nom qui avait été donné à ce lieu. Une lettre de Cicé- 
ron à Atticus, n, 12, nous apprend qu'une voie qui 
arrivait d'Antium (Anzio) aboutissait précisément à cet 
endroit-là qui devenait ainsi l'occasion d'une halte. 

Les Trois Tavernes se trouvaient à trois milles de la 
ville moderne de Cisterna, près de la Torre d'Annibale 
actuelle. On y voit aujourd'hui trois ou quatre con- 
structions modernes, à une petite distance de la roule 
qui suit la direction de l'ancienne Via Appia, et à 
l'endroit qui correspond à l'indication de l'Itinéraire 
d'Antonin au mille XXXIII. C'est là que dut s'arrêter 
un moment saint Paul prisonnier, avant de continuer 
sa route vers Rome, avec les pieux fidèles qui étaient 
accourus au-devant de lui. — Voir F. Vigouroux, Le 
Nouveau Testament et les découvertes archéologiques 
modernes, 2Ȏdit., 1896, p. 348. 

TAYLOR John, savant dissenter anglais, né près 
de Lancaster en 1694, mort à Warrington, dans le Lan- 
cashire, le 5 mars 1761. Parmi ses œuvres, on remarque 
A Hebrew-English Concordance, 2 in-f°, Londres, 
1754. Elle contient tous les mots de la Bible hébraïque, 
avec toutes leurs formes et leurs significations. Il avait 
publié en 1745 à Londres A Paraphrase on Romans, 
dont les notes ne sont pas sans mérite, mais imprégnées 
d'arianisme. 

TCHÈQUES (VERSIONS) DES ÉCRITURES. 

Voir Slaves (Versions), col. 1807. 

TEBBAOTH (hébreu: Tabbd'ôf; Septante; Tagaw6), 
chef d'une famille de Nathinéens. II Esd., vu, 47 
(hébreu, 46). La Vulgate écrit ce nom Tabbaoth, IEsd., 
il, 43. Voir Tabbaoth, col. 1967. 

TEBBATH (hébreu : Tabbâf, Septante : Tagâfr), 
localité dont le site n'a pas été retrouvé. Les Madia- 
nites, poursuivis par Gédéon, s'enfuirent jusqu'à 
Bethsetta, vers Séréra (inconnu; omis dans la Vulgate), 
jusqu'au bord d'Abel Méhula, prés de Tebbath. Jud., 
vu, 22 (Vulgate, 23). Le contexte montre qu'on est dans 
les environs du Ghôr du Jourdain. Quelques inter- 
prètes croient que Tebbath peut être le Tubuhhat 
Fahil ou « Terrasse de Fahil » que décrit Robinson, 
Biblical Researches in Palestine, t. in, 1856, p. 321, 
325. Il est probable en tous cas que Tebbath était au 
sud deBethsan. 

TÉBETH (hébreu : têbét; Septante : àoip [le mois 
est changé]; en assyrien : tibituv), dixième mois de 
l'année juive, de 29 jours, comprenant la fin de dé- 
cembre et la première partie de notre mois de janvier. 
Il n'est nommé qu'une fois dans l'Écriture. Esth., n, 
16. Voir Calendrier, t. n, col. 66. 



2017 



TEHINNA — TELEM 



2018 



TEHINNA (hébreu : Tehinnâh, « supplication »; 
Septante : ©«i[i.ocv; Aleœandrinus : Qavâ), le dernier 
nommé des trois fils d'Esthon, de la tribu de Juda, 
descendant de Galeb, frère de Sua. Il est appelé 
' ' Abî-ir-nal.ias , «père de la ville de Naas » (voir 
Naas 4, t. iv, col. 1430), et il est dit de lui et de ses 
frères : « ce sont là les hommes de la ville de Récha, » 
I Par., iv, 12, ville également inconnue. Voir Récha, 
col. 1000. 

1. TEIGNE (hébreu : sâs, 'dsySeplante : afc; Vulgate: 
tinea), insecte lépidoptère, de la famille des nocturnes 
et de la tribu destinéidés (fig. 453). — Les teignes sont 
de petits insectes qui ont les ailes étroites, la tête large 
et velue et l'abdomen cylindrique. Leurs chenilles, de 
couleur jaune blanchâtre, ont huit pattes ; elles vivent 
et se métamorphosent dans des fourreaux fusiformes, 
de même couleur que les substances dont elles se 
nourrissent. Ce sont les chenilles de la teigne qui dé- 
truisent les étoffes de laine, les tapisseries, les tissus 
de crin, les pelleteries, les grains, etc. Leur action 
est souvent redoutable, parce qu'elles réduisent à 
l'état de poussière les tissus qu'elles ont rongés. Elles 
causaient de grands ravages chez les Hébreux, impuis- 




453. — La Teigne. 

sants à défendre leurs vêtements contre leurs attaques. 
Aussi est-ce à la teigne rongeuse de vêtements que 
les auteurs sacrés font communément allusion. Les 
deux mots hébreux, éds et 'âS, répondent aux deux 
mots assyriens sâsu et asasu. Les versions les en- 
tendent tous les deux de la teigne, bien qu'ils puissent 
désigner des espèces différentes, chacune d'entre 
elles s'attaquant à des objets divers. Cf. Tristram, 
The natural Hislory of the Bible, p. 326; Gesenius- 
Buhl, Handwôrterb., p. 571,646. — L'homme sera 
réduit en poudre, comme les vêtements le sont par la 
teigne. Job, iv, 19; xiii, 28. Elle se bâtit dans les 
étoffes une demeure fragile, à laquelle ressemble la 
demeure du méchant. Job, xxvn, 18. Isaïe, li, 8, dit 
de ne pas craindre les méchants, parce que 

Le 'âS les dévorera comme un vêtement, 

Et le sàs les rongera comme la laine. Is-, L, 9. 

La tristesse est au cœur de l'homme ce que la teigne 
est au vêtement. Prov., xxv, 20 (LXX, Vulg.). Dieu sera 
pour Ephraïm comme la teigne, c'est-à-dire une cause 
de destruction. Ose., v, 12. Les idoles, parées de riches 
vêtements, ne peuvent se défendre de la teigne. 
Bar., vi, 11. Des vêtements provient la teigne, c'est là 
qu'elle se nourrit et devient nuisible. Eccli., xlii, 13. 
Notre-Seigneur ne veut pas qu'on amasse de trésors 
sur la terre, où la teigne les ronge. Malth., vi, 19; 
Luc, xii, 33. 11 s'agit ici de vêtements luxueux, dont 
s'emplissait la maison des riches. Saint Jacques, v, 2, 
revient sur la même pensée quand il dit aux riches que 
leurs vêtements sont mangés des vers. Voir Ver. 

H. Lesêtre. 
2. TEIGNE, maladie qui atteint le système pileux. 
On distingue plusieurs espèces de teignes : la teigne 
faveuse et la teigne tonsurante, dues toutes deux à l'action 
d'un champignon microscopique, l'alopécie ou teigne 
pelade, congénitale ou provenant de lésions de la peau, 
et la teigne granulée ou impétigo du cuir chevelu. La 
teigne est favorisée par la malpropreté, les conditions 
malsaines de l'habitation, la faiblesse naturelle, etc. 

DICT. DE LA BIBLE. 



On a longtemps confondu la teigne avec les dartres, 
l'impétigo et d'autres affections analogues. Il est à 
croire que Moïse a inclus la teigne dans la désignation 
commune que comprend le mot nétéq. Lev., xm, 30. 
Voir Impétigo, t. m, col. 844. H. Lesêtre. 

TEINTURE (Vulgate : tinctura), couleur dans la- 
quelle on trempe une étoffe pour la lui faire prendre. 

— Les frères de Joseph teignirent sa robe dans le sang 
d'un chevreau, pour faire croire à Jacob que son fils 
avait été dévoré par une bête féroce. Gen., xxxvn, 31. 

— Les tentures qui servirent au Tabernacle et les 
étoffes dont furent faits les vêtements sacerdotaux 
reçurent des teintures diverses. Voir Cochenille, t. n, 
col. 818; Couleurs, col. 1066; Pourpre, t. v, col. 583. 

— Sisara comptait sur un butin dans lequel il y aurait 
des sebd'îm, « des vêtements de diverses couleurs », 
ffxOXa pa[i[j.âT(i)v, « des dépouilles de teintures », c'est- 
à-dire des étoffes teintes, vestes diversorum colorum. 
Jud., v, 30. — Là où il est dit qu'on ne peut mettre 
en parallèle avec la sagesse l'or d'Ophir et l'or pur, 
Job, xxviii, 16, 19, la Vulgate parle de « teintures de 
l'Inde » et de « teinture très pure », en prenant kétém, 
« or caché », pur, comme venant de kâtam avec le 
sens de « tacher », teindre. — Isaïe, lxiii, 1, repré- 
sente le vainqueur d'Édom avec des vêtements rougis 
par le sang, comme sont rougis par le vin les vêtements 
de celui qui foule au pressoir. — Sur l'oiseau bigarré 
de la Vulgate, tincta per totum, Jer., xn, 9, voir 
Hyène, t. m, col. 791. H. Lesêtre. 

TEL-ABIB (hébreu: TêVAbib; Septante: [jisTÉtopoç; 
Vulgate : ad acervum novarum frugum), localité si- 
tuée sur un des canaux de Babylone, appelé Kebar 
(Vulgate : Chobar). Ce canal était dérivé de l'Euphrate, 
au sud-est de Babylone. Tel-Abîb devait être dans les 
environs de Nippour. Les Septante et saint Jérôme, ne 
connaissant pas cette localité, ont traduit son nom 
comme si c'était un substantif commun. Pendant la 
captivité, des familles juives s'étaient établies sur les 
bords du canal de Kabara, comme il résulte des in- 
scriptions cunéiformes du temps d'Artaxerxès I er trou- 
vées à Nippour. Voir Hilprecht et Clay, Business Do- 
cuments of Murashû Sons, 76. Ézéchiel, m, 15, passa 
sept jours dans la tristesse à Tel-Abib au milieu des 
Israélites qui y étaient en captivité. 

TELAIM (hébreu : hat-Telâ'im, « agneaux » [dans 
Is., xl, 11]; Septante : èv raX-yâXotç; Vulgate : quasi 
agnos), localité où Saiil fit la revue et le recensement 
de son armée avant de faire la guerre aux Amalécites. 
I Sam. (Reg.), xv, 4. Josèphe, Ant. jud., VI, vu, 2, 
porte Gai gala, comme les Septante, mais on ne s'ex- 
plique pas pourquoi Saûl aurait rassemblé ses troupes 
à Galgala pour marcher contre les Amalécites au sud 
de la Palestine. Aussi plusieurs interprètes modernes 
pensent-ils que Telaïm ne diffère pas de Télem 2. 
Cf. I Sam. (Reg.), xxvn, 8. 

TÉLEM (hébreu : Télém), nom d'un Israélite et 
d'une ville de Palestine. 

1. TÉLEM (Septante : Te).|ujv), lévite d'entre les 
portiers qui avait épousé une femme étrangère du 
temps d'Esdras et qui fut obligé de la répudier. I Esd., 
x, 24. 

2. TÉLEM (omis dans les Septante; Alexandrinus v 
Ts)é;i.), une des villes les plus méridionales de la tribu 
de Juda, dans le Négeb. Jos., xv, 24. Elle était située 
entre Ziph méridional et Baloth, dont l'emplacement 
précis est inconnu. C'est probablement la même ville 
que le Talmud appelle Talmia. Neubauer, Géographie 

V. - 64 



2019 



TËLEM — TÉMOIN 



2020 



du Talmud, p. 121. Une variante des Septante par rap- 
port au texte hébreu, II Sam. (Reg.), m, 12, porte au 
lieu de tahtav, « de sa part », xpô; ©aiXàu. ou ï|V. 
« Il (Abner) envoya des messagers àTélem où il (David) 
était ». David avait été dans ces parages, I Sam. (Reg.), 
xxvn, 8-11, mais il est difficile de savoir quelle est 
l'origine de cette leçon des Septante et quelle est sa 
valeur. — Divers interprètes croient que Telàïm de 

I Sam., xv, 4, n'est pas différent de Télem. Voir 
Telaïm. 

TELMON (hébreu: Talmôn, « oppresseur»; Sep- 
tante : Ts).fj.'iv), Lévite, chef d'une famille de portiers 
du Temple. I Par., ix, 17; II Esd., xi, 19. Ses descen- 
dants retournèrent de la captivité en Palestine avec 
Zorobabel. I Esd., H, 42; II Esd., vu, 45. Ils reprirent 
leurs fonctions à Jérusalem du temps de Néhémie. 

II Esd., xii, 25. 

TÉMÉRITÉ (Vulgate : temeritas), hâte irréfléchie 
dans l'action et dans la parole. — Le mari peut désa- 
vouer le vœu témérairement formulé par sa femme. 
Num., xxx, 9. Dieu frappa Oza à cause de sa faute, 
sal, d'après la Vulgate : « de sa témérité ». II Reg., VI, 7. 
Il ne faut pas se presser de parler pour ne point parler 
témérairement. Eccle., v, 1. L'homme prompt à parier 
vaut moins qu'un insensé. Prov., xxix, 20. D'après la 
Vulgate : « Le téméraire s'attire la haine par son langage. » 
Septante : « Leprophète sera détesté pour ses discours, » 
sens conforme à l'hébreu qui porte le mot maàià' 
« oracle », traduit dans la Vulgate par « téméraire ». 
Eccli., ix, 25. — Le grammate d'Éphèse recommanda 
à ses concitoyens d'éviter toute témérité, tout acte 
inconsidéré. Act., xix, 36. H. Lesêtre. 

TEMOIGNAGE (hébreu : 'cd, 'êddh, iâliâdûld '; 
Septante : (naprûpiov ; Vulgate : testimonium), assurance 
donnée officiellement à un fait. 

I. De la. part de Dieu. — 1° Différentes institutions 
de l'ancienne Loi portent le nom de « témoignages », 
en tant que représentant l'intervention de Dieu au 
milieu des hommes. Les préceptes du Seigneur sont 
fréquemment appelés « témoignages », 'edôf, jiapTÛpia, 
testimonia, Deut., iv, 45, etc., parce qu'ils sont l'attes- 
tation du souverain domaine de Dieu et l'expression de 
sa volonté. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 329; Morale, 
col. 1260. Cette loi est probablement le « témoignage » 
que le grand-prêtre Joïada remit au jeune Joas après 
l'avoir fait proclamer roi. IV Reg., xi,12; II Par., xxm, 
11. Comme Jéhovah résidait au milieu de son peuple, 
les objets qui étaient le siège de sa présence portaient 
le nom de « témoignages ». Il y a ainsi 1' « Arche du 
témoignage », 'ârôn hâ-'êdut, xigwrôç toj napTupîov, 
Exod., xxv, 22, etc., le « Tabernacle de réunion », 
'ohél mô'êd, que les versions appellent « Tabernacle du 
témoignage », ctxïjv^ tou [lap-rupi'ou, tabernaculum 
testimonii, Exod., xxvn, 21, etc., le voile qui est devant 
le témoignage, vélum teslimonii. Lev., xxiv, 3. A pro- 
prement parler, le « témoignage » n'est autre que le 
propitiatoire. Voir Propitiatoire, col. 747. — 2° Isaïe, 
vm, 16, appelle « témoignage » l'enseignement qu'il 
donne au nom de Dieu, l'autel que Dieu fait dresser en 
Egypte, Is., xix, 20, et le livre prophétique qu'il écrit 
en vue de l'avenir. Is., xxx, 8. — 3° Jésus-Christ est 
venu pour rendre témoignage â la vérité, Joa., xvm, 
37, et il s'acquitta de cette mission. Joa., m, 11, 33; v, 
31-39; vu, 7; vm, 13-18. Plus tard, l'Esprit lui rendra 
témoignage. Joa., xv, 26; I Joa., v, 8. Le témoignage 
du Christ, I Cor., i, 6; n, 1; I Tim., n, 6; vi, 13, est 
devenu l'Évangile prêché par les Apôtres, Matth., xxiv, 
14; Marc, xm, 9; Luc, xxi, 13; II Tim., i, 8, et auquel 
le Seigneur a rendu témoignage par des miracles. 
Act., xiv, 3. — 4° Autrefois, Dieu s'était rendu témoi- 



gnage à lui-même parmi les gentils, en comblant tous 
les hommes de ses bienfaits. Act., xiv, 16. Il a témoigné 
qu'il voulait l'admission des gentils dans son Église, 
en leur donnant Je Saint-Esprit. Act., xv, 8. Il avait 
rendu témoignage aux anciens patriarches, en leur 
parlant et en les bénissant. Heb., xi, 2-39. Les Israélites 
l'ont prié de leur rendre témoignage en intervenant 
pour leur cause. Eccli., xxxvi, 17. 

II. De la part des hommes. — 1° Des témoignages 
matériels sont constitués pour rappeler des conventions, 
des souvenirs ou des enseignements. De cette nature 
sont les sept brebis données par Abraham à Abimélech, 
Gen., xxi, 30, le monceau de pierres de Yegar- Sâhadâ(a 
ou Galaad, érigé en souvenir de l'alliance conclue entre 
Jacob et Laban, Gen., xxxi, 44, 52, le cantique de 
Moïse, Dent., xxxi, 19, l'autel élevé sur les bords du 
Jourdain par les tribus transjordaniques, Jos., xxn, 
27, 34, la pierre dressée à Sichem par Josué, Jos., 
xxiv, 27, le soulier donné par celui qui renonçait à 
son droit de lévirat, Ruth, iv, 7, le sacrifice offert par 
le lépreux, Matth., vm, 4; Marc, i, 44; Luc, v, 14, 
la poussière des sandales secouée sur la maison inhos- 
pitalière, Marc, VI, 11; Luc, îx, 5, la rouille qui 
témoigne contre les possesseurs de trésors. Jacob., v, 
3. — 2° On rend témoignage en justice pour ou contre 
quelqu'un. Le faux témoignage, dont le but est parfois 
de plaire au méchant, est sévèrement condamné. 
Exod., xx, 16; xxm, 1; Matth., xv, 19; xix, 18; Marc, 
x, 19; Luc, xvm, 20; Rom., xm, 9; etc. On ne peut 
pas condamner sur le témoignage d'un seul. Num., 
xxxv, 30; Deut., xxn,' 6; cf. Joa., xvm, 23. — 
3° Ceux qui le méritent reçoivent bon témoignage de 
leurs semblables. Job, xxix, 11; Act., vi, 3; x, 22; 
xvi, 2; xxn, 12; xxvi, 5; Rom., x, 2; II Cor., vin, 3; 
Gai., iv, 15; Col., iv, 13; III Joa., 3, 6, 12; I Tim., m, 
7;v, 10. Jésus-Christ a reçu le témoignage des pro- 
phètes, Act., x, 43, de Jean-Baptiste, Joa., i, 7, 8, 15-34, 
de la Samaritaine, Joa., IV, 39, des foules qui l'enten- 
daient, Luc, iv, 22; Joa., xn, 17, de Jean l'Évangéliste, 
Joa., xix, 35; xxi, 24; Apoc, xxn, 20, de ses propres 
œuvres. Joa., x, 25. — 4° La conscience rend témoi- 
gnage, en formulant des arrêts indépendants de l'homme 
lui-même. Rom., Il, 5;ix, 1; II Cor., i, 12. La perversité 
des méchants témoigne contre eux. Sap., xvii, 10. Les 
Juifs témoignaient contre eux-mêmes qu'ils étaient bien 
les fils des meurtriers des prophètes. Matth., xxm, 31. 

— 5" Moïse a été fidèle à rendre témoignage à Dieu. 
Heb., m, 5. Les Apôtres et les disciples ont été appelés 
à rendre témoignage au Sauveur, c'est-à-dire à procla- 
mer sa divinité en dépit de toutes les persécutions. 
Matth., x, 13; Act., iv, 33; II Thess., i, 10; Apoc, i, 2, 9; 
vi, 9; xi, 7; xn, 11, 17; xix, 10; xx, 4. Mais le témoi- 
gnage de saint Paul ne put pas être reçu à Jérusalem. 
Act., xxn, 18. H. Lesêtre. 

TÉMOIN (hébreu : 'éd, et une fois iahêd, Job, XVI, 
19; Septante : (j.âpx'j<;; Vulgate : testis), celui qui 
garantit la vérité d'un fait ou d'une parole. 

1° Dieu pris comme témoin. — Dieu, qui sait tout et 
voit tout, est invoqué par l'homme comme témoin, soit 
d'une convention, Gen., xxxi, 50; Jud., xi, 10, soit de 
la sincérité d'une affirmation, I Reg., xn, 5; Job, xvi, 
20, soit de la gravité d'une faute commise. Jer., xxix, 
23; xlii, 5; Mich., i, 2; Mal., m, 5. Il est en effet le 
témoin des pensées et le scrutateur des cœurs. Sap., i, 
6. Saint Paul emploie volontiers la formule « Dieu 
m'est témoin », pour donner plus de force à ce qu'il 
affirme. Rom., i, 9; II Cor., I, 23; Phil., i, 8; I Thess., H, 
5, 10. Sans doute, Dieu n'intervient pas pour rendre 
témoignage; mais on sait bien qu'on ne l'invoquerait 
pas impunément, si l'on disait le contraire de la vérité. 

— Jésus-Christ est le « témoin fidèle » par excellence 
parce qu'il a révélé aux hommes tout ce que le Père 



2021 



TÉMOIN — TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE 



2022 



lui avait commandé de leur enseigner. Apoc, i, 5; m, 
14; cf. Ps. lxxxix (lxxxviii), 38; Is., lv, 4. 

2° Témoins inanimés. — On prend parfois comme 
témoins le ciel et la terre, c'est-à-dire des êtres en 
dehors desquels l'homme ne peut rien faire, et qui 
d'ailleurs comprennent toutes les créatures intelligentes. 
Deut., iv, 26; xxx,19; 1 Mach., n, 37. 

3° Témoins juridiques. — Le témoin qui a été cité 
en justice doit déclarer ce qu'il a vu, ce qu'il sait, sous 
peine de porter les conséquences de son iniquité. Lev. , 
v, 1. Si les témoins font défaut pour prouver l'adultère, 
on a recours à l'épreuve de l'eau de jalousie. Num., v, 
13. On ne peut pas prononcer une peine capitale sur la 
déposition d'un seul témoin. Num., xxxv, 30. Deux ou 
trois témoins sont requis pour entraîner une condam- 
nation à mort, et ces témoins sont les premiers exécu- 
teurs de la sentence. Deut., xvn, 6-7. A l'époque évan- 
gélique, l'exigence de deux ou trois témoins était 
étendue à toutes sortes de condamnations. Matth., xvm, 
16; II Cor., xm, 1; I Tim., v, 19; Hebr., x, 28. Les 
deux ou trois témoins requis devaient se présenter 
devant Jéhovah, c'est-à-dire devant les prêtres et les juges 
en fonction pour décider en son nom. Si, après enquête, 
le témoin était reconnu coupable de fausseté, il encou- 
rait la peine qu'il avait dessein de faire subira l'accusé. 
Deut., xix, 15-18. On n'acceptait pas comme témoins 
les femmes, les esclaves, les mineurs, les sourds, les 
muets, les aveugles, les impies, les éhontés, les proches 
et ceux qui avaient été déjà convaincus de fausseté. 
Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 405, 

— Les anciens et tout le peuple servaient de témoins 
à certains contrats, comme l'acceptation du lévirat. 
Ruth, iv, 9. — Job, x, 17, plaidant son innocence, se plaint 
que Dieu lui oppose de nouveaux témoins. — Isaïe, 
vin, 2, prend deux témoins de l'acte symbolique qui 
figure le pillage de Damas et de Samarie. Il met les 
idoles au défi de produire les témoins de prophéties 
qu'elles auraient faites et qui se seraient vérifiées. Is., 
xliii, 9-12; xliv, 8, 9. —.Pour l'acquisition du champ 
d'Anathoth, Jérémie prend des témoins devant lesquels 
il pèse l'argent. Ces témoins ont signé l'acte qui est 
ensuite remis devant eux à Baruch, pour être conservé. 
Jer., xxxn, 10, 12, 25, 44. Des témoins figurent égale- 
ment dans les contrats babyloniens, cf. Maspero, His- 
toire ancienne, t. i, p. 731, et élamites. Cf. Scheil, 
Textes élamites-sémitiques, Paris, 1902, p. 170, 172, 
174, 176, etc. 

4° Témoins ordinaires. — Josué prend tout Israël à 
témoin que le peuple a choisi Jéhovah pour le servir. 
Jos., xxiv, 22. — Les fils illégitimes sont des témoins 
vivants de l'inconduite de leurs parents. Sap., iv, 6. — 
Dans la primitive Église, de nombreux témoins assis- 
taient à l'ordination des ministres sacrés, I Tim., vi, 
12, et à la transmission de la doctrine. II Tim., n, 2. 

— Les saints du ciel constituent une nuée de témoins 
dont la pensée doit encourager les fidèles au combat. 
Hebr., xn, 1. 

5° Témoins du Christ. — Le Sauveur a chargé ses 
Apôtres et ses disciples d'être ses témoins à travers le 
monde. Luc, xxiv, 48; Act., i, 8. Ce sont des témoins 
choisis à l'avance par Dieu, Act., x, 41, et ayant mission 
d'attester devant tous les hommes les actes, les paroles, 
et surtout la mort et la résurrection de Jésus-Christ' 
Act., i, 22; n, 32; m, 15; v,32; x, 39;xm, 31; I Cor., 
xv, 15. Saint Pierre se présente comme témoin des 
souffrances du Christ. I Pet., v, 1. Saint Jean écrit en 
qualité de témoin. Joa., xix, 35; xxi, 24; I Joa., i, 1-3. 
Saint Etienne, Act., xxii, 20, saint Paul, Act., xxn, 15; 
xxvi, 16, Antipas, Apoc, il, 13, sont des témoins du 
Christ. Voir Martyr, t. iv, col. 829. — A la fin des 
temps, Dieu enverra deux témoins, qui seront munis 
de pouvoirs miraculeux, mais qui, leur témoignage 
rendu, seront mis à mort par la bête. Apoc.,xm, 3-8. 



6° Faux témoins. — Malgré la peine du talion portée 
contre eux, Deut., xix, 15-18, les faux témoins ne 
paraissent pas avoir été rares chez les Israélites. Job, 
xvi, 9, se plaint du témoin qui s'élève en traître contre 
lui. Les Psalmistes s'indignent contre les faux témoins. 
Ps.xxvn(xxvi),12; xxxv(xxxiv),ll. Dans les Proverbes, 
le faux témoin est opposé au témoin véridique. Prov., 
xiv, 5, 25. Il sème la discorde, Prov., vi, 19, trahit ses 
intentions perfides, Prov., xn, 17, ment, Prov., XIV, 5, 
se moque de la justice, Prov., xix, 28, accable le pro- 
chain, Prov., xxv, 18, mais ne restera pas impuni. 
Prov., xix, 5, 9. Cette punition n'a pas cessé de lui être 
infligée. Seulement, à l'époque évangélique, les Phari- 
siens voulaient qu'on sévit contre le faux témoin dés 
que son mensonge était connu, tandis que les Saddu- 
céens différaient le châtiment jusqu'à ce que le faux 
témoignage eût produit son effet. Cf. MaJikoth, I, 6. — 
En quatre circonstances célèbres, les faux témoins 
intervinrent. — 1. Pour faire passer aux mains d'Achab 
la vigne de Naboth, Jézabel fit accuser ce dernier, par 
deux méchants hommes, d'avoir maudit Dieu et le roi, 
et une condamnation à mort fut prononcée. III Reg. 
xxi, 10, 13. — 2. Deux vieillards firent œuvre de faux 
témoins contre Suzanne, en déposant calomnieuse- 
ment contre elle. Daniel les fit interroger à part, et 
l'assemblée leur infligea la peine du talion. Dan., xm, 
21, 36-40, 51-62. — 3. Beaucoup de faux témoins dépo- 
sèrent contre Jésus devant le sanhédrin à l'instigation 
des grands-prêtres; mais leurs dires n'étaient pas rece- 
vables, même à un tribunal de juges prévenus. Deux 
vinrent enfin accuser le Sauveur au sujet du Temple; 
mais leurs témoignages n'avaient pas non plus la concor- 
dance nécessaire et l'on n'en put taire aucun cas. Matth., 
xxvi, 59-61; Marc, xiv, 55-59. Si, en effet, un témoin 
était en contradiction avec un autre, même sur un 
point de détail, le témoignage devait être récusé. 
Sanhédrin, v, 2. Rien ne prouve que saint Matthieu : 
« Je puis détruire... », xxvi, 61, et saint Marc : « Je 
détruirai... », xiv, 58, citent chacun la déposition d'un 
témoin différent. L'impossibilité de concilier les deux 
témoignages vient plutôt de circonstances passées sous 
silence par les évangélistes. Car, d'après les règles en 
vigueur, les témoins devaient être examinés sur sept 
questions concernant l'année, jubilaire ou ordinaire, le 
mois, le jour, l'heure, le lieu et la personne. Sanhédrin, 
v, 1. Si bien stylés que fussent les faux témoins, il leur 
était difficile de s'accorder sur tous ces points. En fait, 
ils n'y réussirent pas. Cf. Lémann, Valeur de l'assem- 
blée, Paris, 1876, p. 74-79. —4. Saint Etienne fut aussi 
accusé par de faux témoins, qui ensuite procédèrent à 
sa lapidation. Act., vi, 13; vu, 57. — Sur le rôle des 
témoins dans l'exécution de la sentence, voir Lapidation, 
t. iv, col. 90. H. Lesêtre. 

TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE. 

« Je donnerai à mes deux témoins, est-il dit à saint 
Jean dans l'Apocalypse, xi, 3-13, [la mission] de pro- 
phétiser pendant 1260 jours... Quand ils auront achevé 
de rendre leur témoignage, la bête qui monte de 
l'abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera. 
Mais ils ressuscitent et montent au ciel. » « D'après 
l'ensemble de ce passage, dit M. Fillion, La sainte 
Bible commentée, t. vm, p. 385, le Seigneur enverra 
(ces deux témoins) aux Juifs, pour donner à ceux-ci 
un dernier avertissement, pendant l'occupation de leur 
ville par les païens... D'après le sentiment tradition- 
nel, qui remonte jusqu'au second siècle, les deux 
témoins du Christ à la fin des temps seraient Enoch et 
Élie, grands et saints personnages qui ont l'un et 
l'autre quitté ce monde d'une façon mystérieuse, sans 
passer par la mort (cf. Gen., v, 24, et Heb., xi, 5; 
IV Reg., il, 11), mais qui reviendront sur la terre aux 
derniers jours, pour remplir une mission prophétique 



2023 



TÉMOINS (LES DEUX) DE L'APOCALYPSE — TEMPLE 



2024 



auprès des Juifs, et qui mourront martyrs de leur ' 
zèle (cf. f. 7)... Il ne saurait y avoir de doute au sujet 
d'ÉIie, d'après la suite de la description, et surtout 
d'après Malachie, iv, 5. L'accomplissement que cet 
oracle du dernier prophète de l'Ancien Testament a 
reçu en saint Jean-Baptiste (cf. Matth., xvn, 12; Luc, 
i, 17, etc.) n'est que partiel et temporaire, comme l'a 
dit expressément Notre-Seigneur. Cf. Matth., xvn, 11 sq. 
Elie réapparaîtra donc avant le second avènement de 
Jésus-Christ, et il lui préparera une voie dans les cœurs 
avec tout son ancien zèle. Quant à Enoch, saint Jude, 
f. 14 sq., reconnaît aussi son caractère de prophète et 
de prédicateur de la pénitence, et la croyance juive 
associe son retour à l'arrivée de la fin du monde. » 
C'est là l'interprétation que les Pères et les anciens 
auteurs ecclésiastiques ont généralement donnée de ce 
passage de l'Apocalypse (voir Trochon, Apocalypse, 
1873, p. 109), quoiqu'elle ne soit plus admise aujour- 
d'hui par un certain nombre de catholiques qui substi- 
tuent Moïse à Enoch, ou voient dans les deux témoins 
l'Église et la Synagogue, ce qui est difficilement conci- 
liable avec le texte de saint Jean. 

TEMPE (hébreu : raqqâh; Septante : xpoxâçoç; 
"Vulgate : tempus), partie latérale de la tête, sur le côté 
du front. A l'endroit de la tempe, différents os du crâne 
se réunissent et forment un point plus vulnérable. — 
Jahel tua Sisara en lui enfonçant dans la tempe une 
cheville de bois. Jud.,iv, 21, 22; v, 26. —Par extension, 
le nom de raqqâh est donné à la joue, située elle- 
même au-dessous de la tempe. Cant., iv, 3; vi, 7. — 
Au Psaume cxxxu (cxxxi), 5, les versions nomment les 
tempes au lieu des paupières. H. Lesêtre. 

TEMPERANCE (grec : crwçpotTÛvïj, atoçpovitjfjuiî, 
èyxp«T£i'a; Vulgate : sûbrietas, abstinentia), modération 
dans l'usage des choses de ce monde, spécialement du 
boire et du manger. La Sagesse, vm, 7, range la tempé- 
rance au nombre des quatre vertus que nous appelons 
cardinales. L'EcclésiasIique, xxxi, 19-22, en rappelle les 
règles. — Ces règles s'imposent aussi aux chrétiens. La 
sobriété doit être la vertu de tous,I Thess., v, 6,8; I Pet., 
I, 13; v,8, surtout des ministres sacrés, I Tim., m, 3; 
TH., 1,7, des vieillards, Tit.,n, 2, et des femmes. I Tim., 
m, 11. On ne doit pas se laisser aller aux excès de la table 
et du vin, Rom., xm, 13, parce que le royaume de Dieu 
n'est ni le manger ni le boire. Rom., xiv, 17. Dieu a 
donné aux chrétiens l'esprit de modération, II Tim., i, 
7; il faut donc renoncer aux convoitises mondaines 
pour vivre dans le siècle avec tempérance, TH., n, 2, 
vertu qui doit être unie à la foi. II Pet., i, 6. 

H. Lesêtre. 

TEMPÉRATURE en Palestine. Voir Palestine, 
t. iv, col. 2021-2023. 

TEMPÊTE (hébreu : Sa'âvâh, sod, sô'âh, êa'ar, 
ée'ârâk; Septante : xaToaytç, xX'Mtov, XaO,a<l, j^sipiûv; 
Vulgate : procella, tempestas), agitation produite sur 
terre ou sur mer par le vent violent. 

1» Au sens propre. — Les écrivains sacrés décrivent 
des tempêtes qui soulèvent les flots de la mer, Ps. cvn 
(cvi), 24-29; celles que subirent Jonas, i, 4-16, et saint 
Paul, Act., xxvii, 14-26, sur la Méditerranée, et celles 
qui s'élèvent sur le lac de Génézareth. Matth., vm, 24- 
26; Marc, iv, 37-39; Luc, vm, 23, 24. Voir Tibériade 
(Mer de). Un ciel rouge permet de prévoir la tempête. 
Malth., xvi, 3. Mais elle sort de retraites cachées, Job, 
xxxvii, 9, et échappe à l'œil de l'homme. Eccli-, xvi, 
21. Dieu la déchaîne, Eccli., xliii, 18, et la calme à sa 
volonté. Ps. cvn (cvi), 29; Tob., m, 22. Elle disperse 
l'écume légère, Sap., v, 15, et renverse le mur mal 
bâti. Ezech., xm, 11. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930; 
Tonnerre. 



2° Au sens figuré. — Les phénomènes atmosphériques 
qui ont accompagné la théophanie du Sinaï, Heb., xn, 
18, font dire que la tempête est autour de Jéhovah, 
Ps. li (l), 3, et qu'il marche dans la tempête. Nah., I, 
3. — La tempête est l'image des châtiments que Dieir 
déchaîne contre les coupables. Ps. lxxxiii (lxxxii), 16; 
Jer., xxiii, 19; xxx, 23; Ezech., xm, 13. A la tempête 
ressemblent le jour de la colère du Seigneur, Is., xm, 
6, l'épouvante qui assaille les méchants, Prov., i, 27, 1& 
malheur qui fondra sur Jérusalem, Is., xxix, 6; liv, 
11, les ennemis qui arrivent à l'improviste, Is., xxvm, 
2, Gog, Ezech., xxxvni, 9, et le roi du septentrion, 
Dan., xi, 40, le châtiment qui brisera les impies, Job, 
IX, 17, et emportera les juges iniques, Ps. lvih (lvii), 
10, et les pervers au milieu de la nuit. Job, xxvii, 20. 
L'hypocrite est comme un vaisseau au milieu de la 
tempête. Eccli., xxxm, 2. — Le méchant passe comme 
la tempête, Prov., x, 25, et un roi juste e%t un abri 
contre la tempête, c'est-à-dire contre les calamités. 
Is., xxxn, 2. H. Lesêtre. 

TEMPLE (hébreu : bayît, bîrâh, hëkal; Septante : 
oîxoç, vaô;, iepo'v, àysaff^a, ayiov; Vulgate : domus, 
templum, sancluarium), édifice destiné à la célé- 
bration du culte divin. — Les anciens peuples 
élevaient des temples à leurs dieux. Il y en eut de 
plus ou moins magnifiques chez les Egyptiens, les Ba- 
byloniens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, etc. 
Les Chananéens, prédécesseurs des Israélites en Pales- 
tine, avaient aussi les leurs, beaucoup plus modestes, 
dont les ruines ont été retrouvées à Tell es-Safieh, à 
Gazer, à Mageddo, à Tell Ta'annak. Cf. Revue biblique, 
1900, p. 113; 1903, p. 115, 288; 1907, p. 123. De leur 
entrée en Chanaan jusqu'à Salomon, les Israélites 
n'eurent qu'un sanctuaire portatif, le tabernacle. 
Voir Tabernacle, col. 1952. Salomon bâtit le premier 
Temple, qui fut détruit par les Chaldéens, relevé par 
Zorobabel, agrandi et embelli par Hérode le Grand. Les 
Israélites en élevèrent en Egypte à Éléphantine et à 
Léontopolis, et les Samaritains se bâtirent un temple 
schismatique sur le mont Garizim. 

I. Templede Salomon.— j. préparatifs.— 1°David eut 
le premier l'idée d'élever un temple définitif à Jéhovah, 
pour remplacer le Tabernacle. Il avait acheté, sur le 
mont Moriah, voirMoRiAH (Mont), t.iv, col. 1283, l'aire 
d'Areuna ou Oman, le Jébuséen, sur laquelle l'ange du 
Seigneur lui était apparu, et il y avait élevé un autel. 
II Reg., xxiv, 15-25; I Par., xxi, 18-30. C'est à cet 
endroit qu'il se proposait de bâtir le Temple. I Par., 
xxii, 1; II Par., m, 1. Mais Nathan, après avoir en- 
couragé le roi à exécuter son projet, vint le lendemain 
lui dire de la part de Dieu que cette exécution était 
réservée à son fils. II Reg., vu", 13; I Par., xvii, 12. 
David, en effet, avait trop versé le sang pour être admis 
à entreprendre une pareille œuvre. I Par., xxn, 7-10; 
xxvm, 2, 3. Il se contenta donc de préparer les maté- 
riaux, les ouvriers et les ressources nécessaires à la 
construction future. Il accumula l'or, l'argent, l'airain 
et le fer. Le texte parle de cent mille talents d'or et d'un 
million de talents d'argent, I Par., xxn,14, somme qui 
comporterait plusieurs milliards et a été évidemment 
le produit d'une majoration due aux copistes. Il n'en 
faut pas moins conclure que David laissait à Salomoit 
des ressources très considérables en vue de l'œuvre à 
exécuter. Il ordonna également aux chefs d'Israël de 
seconder l'entreprise de tout leur pouvoir. I Par., xxn, 
2-19. Il fit à son fils les recommandations les plus 
expresses à ce sujet. Il lui remit des plans et des mo- 
dèles de tout ce qui devait être exécuté, porlique, bâti- 
ments, chambres, ustensiles, etc. ce Tout cela, lui dit-il 
tous les ouvrages de ce modèle, Jéhovah m'en instrui- 
sit par un écrit qui, de sa main, est venu à moi. » 
I Par., xxvm, 2-19. David veut faire entendre par là que- 



2025 



TEMPLE 



2026 



la disposition du Temple futur n'est pas son œuvre per- 
sonnelle, mais que Dieu y a mis la main, sans doute 
par l'intermédiaire d'un prophète, comme Nathan, 
favorisé lui-même d'une révélation directe, ou inter- 
prétant les indications fournies à Moïse pour la con- 
struction du Tabernacle. Sap., IX, 8. Ne pouvant con- 
struire le temple lui-même, il en fît les préparatifs, 
afin que son fils n'eût qu'à s'occuper de l'exécution. Il 
provoqua aussi la générosité de son peuple pour en 
obtenir une contribution volontaire. Lui-même affectait 
à l'entreprise trois mille talents d'or (281891250 francs, 
en eslimant le poids du lalent à 30 kil 300, voir Mon- 
naie, t. IV, col. 1239), et sept mille talents d'argeni 
(42420000 francs). Leschefs et les princes y ajoutèrent 
cinq mille talents d'or (469818838 francs), dix mille 
dariques (260000 francs), dix mille talents d'argent 
(60600000 francs), dix-huit mille talents d'airain 
(545400kil.) et cent mille talents de fer (3030000 kil.). 
On fournit aussi beaucoup de pierres précieuses. I Par., 
xxix, 1-9. Quoi qu'il en soit de la valeur réelle de ces 
indications, surtout si on les compare à celles des chif- 
fres cités plus haut, il est certain que les Israélites, à 
l'imitation de leur roi, surent se montrer généreux, 
comme l'avaient fait leurs pères au désert. Exod., 
xxxv, 20-29. 

2° Salomon, dès qu'il fut monté sur lé trône, se 
préoccupa de mettre à exécution les plans reçus de son 
père. Il savait bien qu'il ne trouverait pas en Israël les 
ouvriers nécessaires à la construction du Temple. Déjà 
David, pour bâtir son palais, avait demandé des char- 
pentiers, des maçons et des matériaux à son voisin 
Hiram, roi de Tyr. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1 ; XXII, 
4. Après la mort du roi dont il était l'ami, Hiram reçut 
un message de Salomon, qui l'informait de ses projets 
€t réclamait son concours. Il se hâta de donner son 
assentiment et accepta les conditions que Salomon lui 
proposait. Celui-ci devait lui fournir annuellement 
20 000 cors de froment (77 760 litres) et autant d'orge, 
vingt cors d'huile (7776 lit.) et 20 000 baths de vin 
(7 776 hectol.). II Reg., v, 11; II Par., n, 10. Il était 
aisé à un pays de culture comme la Palestine de four- 
nir ces denrées. Le texte ne dit pas si ce fut là tout 
l'avantage qu'Hiram tira de son concours. On voit seu- 
lement que, pour la construction du Temple et du pa- 
lais, Hiram procura à Salomon des bois de cyprès et 
de cèdre, et de l'or tant qu'il en voulut, et que cepen- 
dant, vingt ans après, celui-ci était encore débiteur de 
cent vingt talents d'or. III Reg., ix, 10-14. — La con- 
vention avec Hiram une fois arrêtée, Salomon leva les 
hommes qu'il fallait pour aller travailler dans le Liban 
à la taille et au transport des arbres. Voir Corvée, t. n, 
col. 1032; Salomon, t. v, col. 1390. Adoniram, déjà 
intendant des tributs sous David, fut chargé de sur- 
veiller ces ouvriers. Ceux-ci, au nombre de 30000, tra- 
vaillaientalternativementlOOOO par mois dans le Liban. 
Les bois coupés étaient conduits par mer jusqu'à Joppé, 
d'où Salomon les faisait transporter à Jérusalem. Il 
avait à sa disposition 70000 porteurs pour exécuter ce 
travail. D'autres, au nombre de 80000, sous la conduite 
de 3300 contremaîtres, travaillaient dans les carrières. 
Parmi ces derniers se trouvaient des Gibliens envoyés 
par Hiram. Gébal ou Byblos était une ville phénicienne 
renommée pour l'habileté de ses maçons et de ses tail- 
leurs de pierre. Voir Gébal, t. m, col. 139. La pierre 
abondait à Jérusalem même, dans les carrières royales. 
Voir Carrière, t. n, col. 319. Le texte ne dit pas que 
l'on ait utilisé d'autres carrières plus éloignées. La 
quantité des ouvriers employés par Salomon ne doit 
pas surprendre; ces levées de milliers d'hommes pour 
les grands travaux publics étaient coutumières en Orient. 
Cf. Hérodote, n, 124; Pline, H, N., xxxvi, 9. D'après 
les Septante, III Reg., v, 18, les travaux préparatoires 
durèrent trois ans. 'II Reg., v, 13-18; II Par.,n, 17-18. 



//. la plate-forme. — Le Temple devait être construit 
à la partie supérieure du mont Moriab.Ce mont forme 
l'extrémité d'un contre-fort qui court du nord au sud 
en s'inclinant peu à peu. Là se trouvait l'aire d'Oman, 
que David avait achetée au prix de six cents sicles d'or 
(15000 francs environ). I Par., xxi, 25. L'aire était située, 
selon la coutume, à un endroit élevé et exposé au vent, 
pour la facilité du vannage. L'espace qu'elle occupait 
mesurait une centaine de mètres de long sur trente ou 
quarante de large. Ce n'était pas suffisant pour un 
édifice tel que le projetait Salomon. Il fallait donc 
agrandir cet espace. Les fouilles pratiquées dans le 
sous-sol du Haram ech- Chéri f parWilson etWarren, 
The Recovery of Jérusalem, Londres, 1871, t. i, 
p. 298, ont permis de reconstituer la configuration du 




454. — Configuration du roc du mont Moriah. 
D'après The Recovery of Jérusalem, t. i, p. 298. 

sol primitif (fig. 454). L'espace ALFG forme un trapèze 
dont lesgrands côtés ont 462 et 491 mètres, etles petits 
281 et 310 mètres. Le niveau adopté est inférieur d'à 
peu près cinq mètres au sommet de la roche primitive. 
Pour obtenir ce niveau, il a fallu creuser dans le roc à 
l'angle nord-ouest A ; par contre, on a dû élever des 
substructions considérables dans les autres parties, de 
sorte que le sommet de la plate-forme surplombait de 
beaucoup les terrains environnants. Des débris de 
toutes sortes, accumulés au cours des siècles, ont no- 
tablement atténué les différences de niveau ; mais les 
sondages ont permis d'atteindre le sol primitif. L'angle 
sud-est G est à 14 mètres du sol actuel, mais le mur 
descend à 24 m 32 plus bas à travers les débris. Le pied 
du mur est à 20"»60 au-dessous du sol actuel à l'angle 
sud-ouest F, et à 22™19 entre E et C. Cf. t. m, fig. 250, 
col. 1357. Pour asseoir la plate-forme à cette hauteur, 
on exécuta des travaux gigantesques. Josèphe, Ant.jud., 
VIII, m, 2, dit que Salomon « jeta les fondements du 
Temple à une grande profondeur, à l'aide d'une masse 
de pierres très solidement établies et capables de résis- 
ter victorieusement aux injures du temps, de manière 



2027 



TEMPLE 



2028 



que, faisant corps avec la terre, elles pussent servir de 
base et de fondement aux futures superstructions etpor- 
ter aisément le poids de l'édifice à construire, grâce à la 
puissance inexpugnable de leurs assises. «Ailleurs, Ant. 
jud., XV, xi, 3, l'historien complète ainsi sa descrip- 
tion : « La colline était rocheuse, très en pente, s'incli- 
nant doucement vers la limite orientale de la ville jus- 
qu'à son extrême sommet. Salomon, qui régna sur nous, 
fut le premier, par un instinct divin et à grands frais, 
à l'entourer d'un mur par en haut vers le sommet, et 
aussi par en bas, en commençantpar sa base, qu'entoure 
une profonde vallée au sud-ouest. Il l'établiten grandes 
pierres reliées entre elles avec du plomb, enfermant 
ainsi de plus en plus d'espace et pénétrant si profond 
que la construction était aussi merveilleuse par sa gran- 
deur que par sa hauteur, avec sa forme carrée. De la 
sorte, on pouvait voir d'en face la grandeur des pierres 
à leur surface, alors qu'à l'intérieur le fer en mainte- 
nait les jointures à jamais inébranlables. Le travail se 
continuait de manière "à rejoindre le sommet de la col- 
line, dont il avait quelque peu atténué la hauteur et 
rempli les vides à l'intérieur du mur, et il aplanit et 




£'/-,<?■> y 



455. — Appareil à refends. 
D'après de Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. 5. 

égalisa tout ce qui pouvait dépasser à la surface. Le 
tout formait une enceinte de quatre stades de tour, 
chaque côté ayant un stade de longueur. Ensuite un 
autre mur de pierre entoura intérieurement le sommet; 
il supportait du côté oriental un double portique, de 
même longueur que le mur, et tourné vers les portes 
du Temple qui se dressait vers son milieu. Beaucoup 
des anciens rois travaillèrent à constituer ce portique. » 
Josèphe décrit ici la, plate-forme telle qu'on la voyait 
avant la restauration d'Hérode. Dans Bell, jud., V, v, 
1, il ajoute : « Lorsque le roi Salomon, qui bâtit le 
Temple, eut ceint d'un mur le côté oriental, un por- 
tique fut alors placé sur la terre amoncelée; sur les 
autres côtés, le Temple demeurait nu. » Il suit de là que 
la plate-forme n'eut primitivement de portique que sur 
le côté oriental. Au sud, elle était limitée par le palais 
royal; à l'ouest, elle se dressait à pic sur la vallée du 
Tyropoeon; au nord un fossé de six mètres de large, 
creusé dans le roc, et retrouvé par les explorateurs 
anglais, séparait le Moriah du Bézétha. L'esplanade du 
Temple était ainsi isolée de tous les côtés, et close sur 
trois d'entre eux par le palais royal, le portique et les 
hauteurs du Bézétha, le côté occidental ne portant que 
la partie postérieure de l'édifice. — Comme Hérode ré- 
para et agrandit la plate-forme du Temple, on se de- 
mande ce qui, dans les assises encore debout, peut 
remonter jusqu'à Salomon. Les pierres employées par 
ce roi et ensuite par Hérode proviennent des carrières 
royales qui s'étendent sous le-quartier nord-ouest de 
la ville. Le calcaire qu'elles fournissent est blanc, 



compact et darcissant à l'air. Les blocs ont été taillés à 
refends, c'est-à-dire avec une rainure qui accuse les 
joints et encadre une tablette qui fait légèrement saillie 
(fig. 465). Cet appareil se retrouve à Hébron, dans le 
Haram el-Khalil, cf. t. m, fig. 120, col. 559, à la 
Tour de David, cf. t. m, fig. 259, col. 1374, etc. Les 
pierres étaient taillées dans la carrière même. Quelques- 
unes portent encore des caractères gravés ou peints, 
qui constituaient des marques de carriers, et qui se 
sont conservés dans les parties profondes de la mu- 
raille enterrées depuis de longs siècles (fig. 456). Les 
lettres ont été tracées avant la mise en place des pierres, 
comme on le constate par le qof dont la peinture a 
coulé et se trouve maintenant horizontale. Ce qof est 
araméen; par contre, le aïn et le tau appartiendraient 
plutôt à l'ancien hébreu. A l'angle sud-ouest, un bloc 
a 12 mètres de long et 2 de haut ; les autres varient de 
m 80 à 7 mètres de long. Les assises diminuent de hau- 
teur à mesure qu'elles se superposent; elles vont ainsi 
de l m 90 à un peu moins d'un mètre. Elles sont en re- 





456. — Caractères peints sur les murs du Haram. 
D'après la Revue biblique, 1893, p. 98. 

trait l'une sur l'autre de m 05 à m 10. Au sud-est, les 
blocs sont posés les uns sur les autres sans ciment, et 
des lits ont été creusés dans le rocher pour les recevoir. 
Cette méthode coûteuse s'imposait du temps de Salo- 
mon, tandis qu'à l'époque d'Hérode on eût plutôt 
employé, pour asseoir les blocs, le ciment romain qui 
avait fait ses preuves. En tenant compte de ces données, 
de Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, Perrot 
et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, Paris, 
t. iv, 1887, p. 213, estiment que tout l'appareil à re- 
fends ne date que d'Hérode. De Saulcy, Voyage en 
Syrie et autour de la Mer Morte, Paris, 1853, t. n, 
p. 190-217, croit, au contraire,à une origine salomo- 
nienne. Warren, The Recovery, t. i, p. 324, pense 
qu'une partie des murs remonte à Salomon et que le 
reste a été construit par Hérode. C'est aussi l'opinion 
de V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 220-231. En 
somme, une partie des murs daterait réellement de- 
Salomon, et l'on aurait bâti le reste sous Hérode, en 
imitant autant que possible la construction primitive. 
On croit pouvoir attribuer à Salomon, au sud, une- 
partie qui va de la porte Double jusqu'au delà de 
l'angle sud-est (fig. 457) ; à l'ouest, la partie qui va de 
l'arche de Wilson jusqu'à la porte du Prophète, et qui 
comprend le « mur des Pleurs », cf. t. iv, fig. 377, 
col. 1341, et probablement les assises inférieures du mur 
oriental. Cf. Lagrange, Comment s'est formée l'enceinte 
du Temple de Jérusalem, dans le Revue -biblique, 
1893, p. 90-113. — On accédait à l'esplanade par diffé- 
rentes portes, aujourd'hui presque entièrement obstruées 



2029 



TEMPLE 



2030 



par suite de l'exhaussement du sol. A l'ouest, la porte 
occidentale, avec un linteau monolithe de 5 mètres, est 
enfoncée dans le sol, à l'exception des deux assises su- 
périeures; en outre, deux viaducs, dont il reste les 



porte Double (fig. 458). Le côté oriental n'avait qu'une 
porte, la porte Dorée. Du côté nord, rien ne subsiste 
des ouvertures primitives. Cf. de Vogué, Le Temple, 
p. 7-12. De ces portes, des rampes oudes escaliers pas- 



. I 









« ,~ 



— ■* "• -— * _ -* --, I ■ , P It. J. _. JB,- jW^WH IL- 














457. — Angle sud-est du Haram. D'après de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, p. 246. 



arches de Robinson et de Wilson, cf. t. m, fig. 254-257, 
col. 1367-1372, passaient par- dessus le Tyropœon et 
mettaient l'esplanade en communication avec la ville 
haute. Dans le mur méridional s'ouvraient la porte 
Simple, qui n'est qu'une poterne, la porte Triple et la 



saient à travers la muraille et débouchaient sur la 
plate-forme mâme. — Le dessous de cette plate-forme 
se composait de substructions voûtées, comprenant 
des galeries diverses et même de vastes salles, comme 
celle qu'on appelle Écuries de Salomon. Josèphe, 



331 



TEMPLE 



2032 



M/ 



* ' 



Q 

6 



Bell, jud., VI, vu, 3; vin, 4; ix, 4; VII, n, mentionne 
ces souterrains dont les Juifs tirèrent parti pendant le 
siège de Titus. Tacite, Hist., y, 12, dit à se sujet : « Le 
Temple est en forme de citadelle, il y a une source inta- 
rissable, des montagnes creusées à l'intérieur, des pis- 
cines et des citernes pour conserver l'eau de pluie. » 
Sous la roche qui émerge sur 17 m 70 de long et 
ÎS^ÔU de large, et qui est connue sous le nom d'Es'- 
Sakra, il existe une excavation de 7 m sur 6 m 90 et3 m de 
profondeur. Le roc primitif était lui-même creusé 
dans tous les sens, formant des égouts, des aqueducs, 
des passages secrets. De vastes réservoirs, en partie 
laillés dans le roc et en partie construits, recevaient les 
eaux de pluie et celles d'un aqueduc. Voir Aqueduc, 
t. i, col. 800. De fait, pendant les six mois du siège de 
Titus, l'eau ne fit pas défaut aux assiégés. Cf. Perrot, 
Histoire de Vart, t. iv, p. 197-199. 

m. l'édifice. — La description duTemple de Salomon 
se trouve sommairement indiquée dans III Reg., VI, 2, 
38, et dans II Par., m, 3-iv, 22. Elle se rapporte à l'édi- 
fice lui-même, à son ornementation et à son mobilier. 
Le texte des Rois est ici reproduit d'après la traduction 
et les remarques de H. Vincent, La description du 
temple de Salomon, dans la Revue biblique, 1907, 
p. 515-542. — 1° Il est noté tout d'abord que Salomon 
commença la maison de Jéhovah au deuxième mois de 
la quatrième année de son règne. « Voici les fondements 
que posa Salomon pour bâtir la maison de Dieu. 
II Reg., VI, 2. La maison que le roi Salomon édifia à 
Jéhovàh avait 60 coudées (de l'ancienne mesure) de 
long, 20 coudées de large et 30 coudées de haut. » La 
coudée dont il est ici question est celle de m 525. Les 
Septante ont des chiffres différents, 40 coudées de long, 
20 de large et 25 de haut; il est possible qu'ils ne 
comptent pas la longueur du Saint des Saints. En tous 
cas, on n'a ici qu'un édifice de médiocres dimensions, 
formant un rectangle de 31 m 50 sur 10 m 50 de large. — 
« 3. Le pylône, 'ûldm, aiXân, porticus, devant l'hêkal, 
vaôr, templum, delà maison avait 20 coudées de long, 
correspondant à la largeur de la maison, 10 coudées 
de large dans le sens de la longueur de la maison (et, 
d'après II Par., m, 4, 120 coudées de hauteur). » Ce 
pylône a la même largeur que la maison, 10 m 50, et le 
double de profondeur, soit 21 m . D'après les Paralipo- 
mènes, il avait 63 m de haut, dimension considérable que 
l'auteur des Rois n'aurait sans doute pas manqué de 
signaler si elle avait répondu à la réalité. — « 4. Il fit à 
la maison des fenêtres à châssis grillés. » Ces ouvertures, 
à treillis de bois, de métal ou de pierre, étaient destinées 
à ménager l'éclairage du Temple. — « 5. Il érigea 
contre le mur de la maison un bâtiment latéral tout 
autour, par rapport à l'hêkal et au debir, et il fit des 
chambres latérales tout autour. 6. Le bâtiment latéral 
inférieur avait 5 coudées (2° 1 62) de large, l'intermé- 
diaire 6 coudées (3 m 15) de large, et le troisième 7 cou- 
dées (3 m 67) de large," car on avait ménagé des retraits 
tout autour de la maison à l'extérieur, pour n'avoir pas 
à prendre dans le mur de la maison... 8. L'ouverture 
de l'étage inférieur était au flanc droit de la maison; 
par des escaliers tournants, on montait ensuite à l'étage 
intermédiaire et de l'intermédiaire au troisième. 9. Il 
acheva de construire la maison et il la couvrit en cavi- 
tés et en rangées de cèdres. 10. Il construisit le bâti- 
ment latéral tout autour de la maison ; sa hauteur était 
à chaque élage de 5 coudées (2 m 62); il s'attachait à la 
maison au moyen de bois de cèdre. » L'expression 
« tout autour »ne doit pas se prendre à la lettre; il est 
évident que ces bâtiments n'existaient pas devant le 
pylône. Le mur extérieur du Temple formait des gra- 
dins en retraits successifs d'une coudée, et sur chaque 
saillie s'appuyaient les poutres des trois étages de 
chambres (fig. 459). Les ouvertures mentionnées plus 
haut ne pouvaient naturellement prendre jour que dans 



2033 



TEMPLE 



2034 



la partie supérieure du mur principal, qui dépassait 
d'environ d5 coudées Çl m 81) la toiture des chambres. 
Au milieu de cette description des chambres latérales a 
été intercalé un verset concernant la toiture, dont il 
n'est pas question ailleurs. Elle élait faite de poutres 
et de planches de cèdre et constituait probablement 
un plafond à solives, dans lequel alternaient les vides 
et les pleins. Le genre de toiture était le même pour 
le Temple et pour les chambres. Quant aux escaliers 
tournants qui permettaient d'accéder à ces dernières, 
ils n'avaient rien de nos escaliers à vis modernes; mais 
le texte sacré ne fournit aucune indication sur leur 
agencement. On a dans ce qui précède la description 
sommaire, mais complète, du gros œuvre du Temple, 
avec ses murs, son pylône, ses dimensions, ses fenêtres, 
ses chambres adjacentes et sa toiture.— «7. Durant sa 
construction, la maison fut bâtie de pierre parfaite dès 
la carrière : marteaux, haches, aucun instrument de fer 
ne fut entendu dans la maison tandis qu'on la con- 
struisait. » Ce verset se lit au milieu des précédents, 
dont il interrompt la suite. On en peut conclure qu'il 
n'est pas à sa place. Il exprime seulement cette idée 
que les pierres étaient apportées tout appareillées de 
la carrière et qu'il ne restait plus qu'à les poser. Il ne 
s'agit donc pas ici de pierres brutes, comme pour 
l'autel. Deut., xxvil, 5. Sur la fable du ver garnir, dont 
Salomon se servait pour tailler les pierres, d'après les 
Talmudistes, Gittin, fol. 68; Sola, fol. 48 b, voir 
Drach, De l'harmonie entre l'Eglise et la Synagogue, 
Paris, 1844, t. ii,p. 489-492. 

2° L'intérieur de l'édifice fut entièrement lambrissé 
de bois de cèdre et de cyprès, avec une ornementation 
sculptée et des revêtements d'or. « 15. Il revêtit les 
parois de la maison de lambris de cèdre, depuis le sol 
de l'édifice jusqu'aux poutres du plafond; il couvrit le 
sol de la maison en planches de cyprès. » La pierre 
disparaissait donc complètement à l'intérieur sous un 
revêtement de cyprès pour le sol, et de cèdre, plus 
précieux, pour les murs. « 16. Il érigea les 20 coudées 
qui étaient à l'arrière de la maison, avec des planches 
de cèdre depuis le sol jusqu'aux poutres du plafond, en 
debir ; 40 coudées constituaient Vhëkal devant le debir. » 
C'est la division de l'intérieur en debir ou Saint des 
Saints, long de 20 coudées (I0 m 50), et en hêkal, ou 
Saint, long de 40 coudées (21 m ). « 18. A l'intérieur de 
la maison, il y avait du cèdre sculpté en coloquintes 
et en guirlandes de fleurs ; tout était en cèdre, pas une 
pierre ne se voyait. 19. Il érigea un debir au milieu 
de la maison à l'intérieur pour y placer l'Arche de 
l'alliance de Jéhovah. 20. Le debir avait 20 coudées de 
long, 20 coudées de large et 20 coudées de haut, et il 
le revêtit d'or pur. 29. Sur toute l'étendue des murailles 
tout autour, il sculpta une ornementation en creux 
figurant des chérubins, des palmiers et des guirlandes 
de fleurs, à l'intérieur et à l'extérieur. » Il ne peut être 
question ici de l'extérieur de l'édifice ; il s'agit sans 
doute de l'intérieur du debir et de son extérieur, soit 
de \' hêkal. A cette description se mêlent d'ailleur3 dans 
le texte des répétitions et même des indications diffi- 
ciles à comprendre, comme celle-ci : « 30. Il revêtit 
également d'or le sol de la maison à l'intérieur et à 
^extérieur. » Le texte des Paralipomènes suppose une 
décoration encore plus riche : « Il couvrit la maison 
de pierres précieuses pour la décorer, et l'or était de 
Parvaïm... Il couvrit d'or la maison... 11 fit la maison 
du Saint des Saints... Il la couvrit d'or pur, pour une 
valeur de 600 talents (56 377 800 fr.)... Il couvrit aussi 
•d'or les chambres hautes. » Les détails de cette déco- 
ration n'ont pas été conservés avec assez de précision 
pour qu'on puisse s'en faire une idée exacte. Il est bien 
clair que les lambris étaient sculptés, les uns en relief, 
les autres en creux, et que l'or était prodigué pour les 
décorer. Mais il ne paraît pas que cet or fût en placages 



d'une certaine épaisseur. Rien n'eût été plus facile à 
Sésac que de l'enlever, et il n'est pas dit qu'il l'ait fait. 
III Reg., xiv, 26. L'or était donc apparemment employé 
en feuilles très légères que les ennemis n'eussent eu 
aucun profit à retirer. Les Égyptiens savaient dorer par 
l'application de feuilles aussi fines que celles des 
orfèvres modernes, ou à l'aide de lames forgées à l'en- 
clume. Voir Or, t. iv, col 1838. Les Phéniciens chargés 
de la décoration du Temple n'étaient pas moins habiles. 
Ils savaient soit appliquer des feuilles d'or, soit fixer 
de minces lames à l'aide de clous d'or. Cf. Babelon, 
Manuel d'archéologie orientale, Paris, 1888, p. 238. — 
L'auteur sacré mentionne encore l'autel de cèdre revêtu 
d'or placé devant le debir, les chérubins en bois d'oli- 
vier revêtu d'or, hauts de 10 coudées (5 m 25), qui occu- 




459. — Chambres latérales du temple. 
D'après Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 296. 

paient l'intérieur du debir, voir Chérubins, t. n, col. 
661, la porte du debir formée en bois d'olivier, avec 
deux vantaux ornés de chérubins, de palmiers et de 
guirlandes revêtus d'or, et celle de Y'hêkal, avec des 
jambages en bois d'olivier et des vantaux à double valve 
repliante en bois de cyprès, ornés de la même manière 
que la porte du debir. Il faut ajouter à cette énumé- 
ration le voile brodé de chérubins, voir Voile, et les 
deux colonnes dressées devant V hêkal. II Par., m, 14- 
17. Voir Colonnes du Temple, t. n, col. 856. — « 36. Il 
érigea en outre le parvis intérieur : trois assises de 
pierres de taille et un rang de poutres de cèdre. » Dans 
les Paralipomènes, II, v, 9 : « Il fit le parvis des prêtres 
et le grand parvis avec ses portes, qu'il couvrit d'ai- 
rain.» Les anciens élevaient des murailles relative- 
ment légères en intercalant des poutres dans les assises 
de pierre. Le parvis intérieur était limité par un mur 
élevé à quelque distance autour de l'édifice ; c'était le 
parvis des prêtres, dans lequel se dressait l'autel des 
sacrifices. Il était probablement plus élevé que le parvis 
extérieur. Jer., xxxvi, 10. Le parvis extérieur, plus 
vaste, s'étendait autour du parvis des prêtres. Les deux 
parvis sont nettement distingués, II Par., vu, 7, quand 



2035 



TEMPLE 



2036 



il est dit que, l'autel d'airain ne pouvant contenir toutes 
les victimes, aux fêtes de la consécration du Temple, 
Salomon offrit les sacrifices dans le grand parvis. — 
L'ordonnance générale du temple de Salomon est donc 
aisée à reconstituer dans les grandes lignes. Sur la 
vaste plate-forme du mont Moriah, délimitée à l'orient 
par un portique, a été ménagée une première enceinte, 
délimitant le grand parvis, dans lequel tout le peuple a 
accès. Une seconde enceinte, en avant de l'édifice, 




4C0. — Plan du temple de Khons. 

D'après Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 

t. il, p. 552. 

mais en plein air, constitue le parvis des prêtres, dans 
lequel se trouvent l'autel des sacrifices et la mer d'ai- 
rain, et qui n'est accessible qu'aux prêtres. L'édifice 
qui vient à la suite est couvert et se compose de deux 
parties : Vhêkal ou Saint, occupant les deux tiers du 
bâtiment total, et renfermant l'autel des parfums, le 
chandelier et la table des pains, et le debîr ou Saint 
des Saints, qui occnpe le dernier tiers, n'a d'autre ou- 
verture que la porte et renferme l'Arche d'alliance et 
les chérubins. Comme on le voit, c'est la reproduction 
agrandie du plan du tabernacle. Voir Tabernacle, 
col. 1953. Au lieu d'être constitués par une simple 
tente, le Saint et le Saint des Saints devenaient un 
solide bâtiment de pierre et de bois, avec la même 



division et la même destination. Le parvis des prêtres 
remplaçait l'enceinte ménagée devant la tente sacrée. 
Les seules additions étaient celle de chambres élevées 
sur les côtés de l'édifice et celle du grand parvis, 
annexe qui s'imposait pour permettre au peuple l'accès 
du monument. Cette disposition générale imitait celle 
de certains temples égyptiens ; elle répondait heureu- 
sement aux nécessités du culte mosaïque. Elle n'était 
pas une imitation servile des monuments de l'Egypte. 
David et Salomon en avaient arrêté le plan d'après le 
souvenir du Tabernacle et en conformité avec les exi- 
gences liturgiques du culte de Jéhovah. Les Phéniciens 
l'avaient exécuté d'après leurs procédés architecto- 
niques et décoratifs, dont le caractère était éminemment 
éclectique et empruntait ses éléments aux différents 
peuples avec lesquels ils étaient en rapport. Cf. de 
Saulcy, Histoire de l 'art judaïque, Paris, 1858, p. 194; 
Perrot, Hist. de l'art, t. iv, p. 300. Néanmoins, qu'il y 
ait eu imitation ou nécessité de répondre à des besoins 
analogues, on ne peut s'empêcher de remarquer l'ana- 
logie généiale qui existait entre le Temple de Salomon 
et certains temples égyptiens, analogie qui avait déjà 
inspiré le plan du Tabernacle, voir fig. 433, col. 1953, 
dont l'édifice salomonien ne faisait que reproduire en 
plus grand les dispositions. Ainsi, au temple de Khons, à 
Karnak (fig. 460), le monument dont la porte A s'ouvre 
entre deux pylônes, comprend d'abord une cour B, 
correspondant au grand parvis, une salle hypostyle C, 
dont la place est occupée par le parvis des prêtres, 
un sanctuaire D, auquel répond le hêkal, et qui est 
isolé par le couloir E, et enfin l'opisthodome F, qui est 
comme le debîr, avec des chambres de service aux 
côtés du sanctuaire et autour de l'opisthodome. La 
porte et ses pylônes (fig. 461) peut fournir elle-même 
quelque idée de celle qui donnait accès dans le parvis 
des femmes. Ces dispositions répondaient trop bien aux 
nécessités du culte israélite pour que Salomon et ses 
ingénieurs phéniciens, si au courant des procédés 
architectoniques du monde oriental, égyptien ou baby- 
lonien, ne les aient pas empruntées pour les adapter 
au Temple de Jérusalem. 

3» Le prophète Ézéchiel, XL, 5-xlii, 20, a laissé du 
Temple une description détaillée et presque technique, 
avec de nombreuses indications de mesures qui con- 
cernent surtout le plan, et exceptionnellement l'éléva- 
tion. Comme il était prêtre et avait dû exercer les 
fonctions sacerdotales dans le premier temple, on a 
pensé que sa description devait porter sur des données 
précises, dont il y a lieu de tenir compte. Perrot et 
Chipiez sont partis de cette observation pour tenter une 
reconstitution de l'antique monument. « Si, observent- 
ils, les matériaux du Parthénon et du temple de Jupiter 
à Olympie avaient disparu comme ceux du temple de 
Salomon, personne n'aurait même songé à entreprendre 
une restauration de ces monuments à l'aide du'seu, 
texte de Pausanias... Phénomème étrange et vraiment 
inattendu ! C'est le moins artiste des grands peuples 
de l'antiquité qui nous a transmis les renseignements 
les plus développés et les plus complets que nous 
possédions sur un édifice antique. » Histoire de l'art, 
t. iv, p. 474. Les auteurs ne prétendent pas d'ailleurs 
que le temple d'Ézéchiel soit celui de Salomon, ni même 
celui des derniers rois de Juda. Le monument décrit 
par le prophète est un « unique et curieux mélange 
de réalité et de fiction ; c'est cet édifice ou plutôt ce 
groupe d'édifices que le prophète présente à ses com- 
patriotes comme la consolation et la revanche des 
malheurs du passé, comme le symbole et le gage de la 
nouvelle alliance qui va être conclue. » Histoire de 
l'art,i. iv, p. 241. Dans la restitution proposée (fig. 462), 
l'ensemble paraît, en effet, beaucoup plus compliqué 
qu'il n'a pu l'être même à la fin de la période royale, 
et l'auteur des Paralipomènes, qui entend faire une 



2037 



TEMPLE 



2038 



description historique, ne tient pas compte des addi- 
tions d'Ézéchiel, pourtant son devancier. Ce que le 
prophète dit ensuite du torrent qui sort de dessous le 
seuil de la maison, Ezech., xlvii, 1, et la configuration 
qu'il attribue à la nouvelle Terre Sainte, Ezech., xlviii, 
•1-35, ont évidemment un caractère idéal. Mais la des- 
cription du Temple n'est pas de même ordre. Elle forme 
un ensemble bien distinct dans lequel, sans doute, tout 
ne peut pas être pris à la lettre, mais qui renferme des 
indications utiles, soit pour éclairer le récit des Rois 
et des Paralipoménes, soit pour renseigner sur les 
projets d'agrandissement et d'embellissement duTemple 



les ustensiles et des crochets pour suspendre les corps 
et les écorcher. XL, 38-43. Près des portes du nord et 
du midi, semblables à celles de l'orient, sont des 
locaux réservés, au nord, pour les prêtres de service, 
au midi, pour les chantres. XL, 44-46. Le parvis des 
prêtres est carré, et mesure 100 coudées (52 m 50) de 
côté. L'autel y est placé en face du hêkal. XL, 47. Celui- 
ci a en façade un pylône formant vestibule et orné de 
deux piliers à l'entrée. Le pylône, qui déborde de cha- 
que côté de 5 coudées sur la largeur du hêkal, a donc 
60 coudées de largeur totale (31°> 50), 20 coudées de 
profondeur (10 m 50) et 11 coudées (5 m 77) d'ouvertures 




461. — Entrée du temple de Khons. D'après Maspero, Histoire ancienne, t. ir, p. 553. 



conçus en vue de sa reconstruction future. — Le pro- 
phète suppose une enceinte carrée de 500 coudées 
(262 m 50) de côté, les roseaux dont il se sert devant 
être entendus de coudées, d'après les Septante. Ezech., 
xlii, 16-20; xlv, 2. Il décrit ensuite le portique oriental, 
qui borde la plate-forme en face de l'entrée du temple. 
Au centre est un vestibule, muni à droite et à gauche 
de loges pour les portiers, faisant saillie sur le parvis 
et orné d'un haut pylône du côté du Temple. Ezech., 
xl, 4-16. Au midi et au nord s'ouvrent des portes sem- 
blables, ayant les mêmes dimensions, xl, 24, 35. Le 
parvis intérieur est dallé ; il contient, probablement sur 
chacun de ses trois côtés, trente chambres ou locaux 
ayant des destinations diverses, xl, 17. L'ensemble 
constitue des portiques à colonnes, xlii, 6, et forme 
la clôture du parvis ouvert à tous les Israélites. Vient 
ensuite le parvis intérieur ou des prêtres, dans lequel 
on entre par une porte à pylônes, avec des portiques à 
droite et à gauche. On y rencontre d'abord an local 
dans lequel on lave les holocaustes, puis, de chaque 
côté, des tables pour immoler les victimes ou déposer 



où l'on monte par des marches. D'après les rapports 
qui président à ces sortes de constructions, le pylône 
aurait eu en hauteur le double de sa base, soit 
120 coudées (63'»). Ezech., xl, 48, 49. Le hêkal a 
40 coudées de long (21 m ) et 20 de large (10 m 50). Le 
Liban pouvait aisément fournir des poutres ayant celte 
portée. On entre dans le hêkal par une porte large de 
10 coudées (5™ 25). A sa suite, le debïr forme un carré 
de 20 coudées (10 m 50) de côté. Autour du bâtiment, 
des cellules sont disposées sur trois étages, au midi, 
à l'ouest et au nord. La hauteur de l'édifice n'est pas 
indiquée; on la suppose de 30 coudées (15™ 75), comme 
dans le temple de Salomon. Ezech., xli, 1-11. Le pro- 
phète place, en arrière du debîr et séparé de lui par 
un espace libre, un bâtiment de 100 coudées de large 
(52"> 50), autour duquel il n'y a qu'un étroit passage. 
Ezech., xli, 12-15. Deux autres bâtiments parallèles, 
de 100 coudées de long (52 m 50), sont disposés à droite 
et à gauche du Temple et de la cour des prêtres. Ils ont 
trois étages de chambres, dont la dimension diminue 
à mesure que l'on monte. Ces chambres servent aux 



2039 



TEMPLE 



2040 



prêtres pour y manger ce qui leur revient des sacrifices 
et pour y déposer leurs vêtements sacrés. Ezech., xlii, 
1-14. Le prophète mentionne encore le lambrissage 
« en bois uni » qui recouvrait tout l'intérieur du tem- 
ple, et par-dessus ce revêtement, des tentures décorées 
de chérubins et de palmiers. La porte du hëkal et celle 
du debîr sont à deux battants qui forment chacun deux 
panneaux se repliant, xli, 16-26. Il n'est nullement 
question de placage d'or ni de décorations en métaux 
précieux. En somme, à part les trois grands bâtiments 
situés sur les trois côtés du temple, l'édifice décrit par 
Ézéchiel ne s'écarte pas trop du plan général du Temple 
de Salomon, et sera reproduit, dans ses éléments 
essentiels, par le Temple d'Hérode. Toutefois, il faut 
prendre ses indications pour ce qu'elles sont et ne 
voir que matière à description idéale dans les additions 
et les complications dont l'histoire ne justifie pas la 
réalité. Cf. Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 243-301. 
iv. le mobilier. — Pour la fabrication du mobilier 
du Temple et de tous les ouvrages de métal, Salomon s'as- 
sura le concoursd'un habile orfèvre phénicien, Hiram. 
Yoir Hiram, t. m, col. 718. D'après II Par., v, 13, le roi 
de Tyr lui-même l'aurait envoyé à son voisin, comme 
un homme très habile à travailler non seulement sur 
les métaux, mais encore sur les étoffes et le bois. 
C'était comme un grand entrepreneur d'art et d'in- 
dustrie, qui ne manqua sans doute pas d'amener de 
son pays diverses équipes d'ouvriers. Il était fils d'une 
femme de Dan, qui, mariée à un homme de Nephthali, 
était devenue veuve et s'était remariée à un Tyrien. 
Hiram tenait ainsi par sa mère au peuple israelite. En 
avait-il gardé la religion ? On l'ignore. Toujours est-il 
que les ouvriers phéniciens employés à la construction 
et à la décoration du Temple de Jéhovah étaient des 
adorateurs de Baal et d'Astarthé. Hiram présida à l'exé- 
cution des sculptures et du mobilier du Temple. III 
Reg., vu, 13, 14. On doit lui attribuer l'autel d'airain, 
qui se dressait dans le parvis intérieur et servait aux 
holocaustes et aux autres sacrifices, II Par., IV, 1, voir 
Autel, t. i, col. 1270; la mer d'airain et les bassins, 
III Reg., vu, 23-39; II Par., iv, 2-6, voir Mer d'airain, 
t. IV, col. 982 ; les chandeliers d'or, II Par., iv 7, voir 
Chandelier, t. h, col. 542, les tables, les coupes, les 
cendriers, les pelles, II Par., iv, 8-11, 19-22 ; les deux 
colonnes de bronze, III Reg., vu, 15-22 ; II Par., iv, 12, 
13, voir Colonnes du temple, t. n, col. 856, les bat- 
tants des portes du Saint et du Saint des Saints, et tous 
les différents ustensiles du sanctuaire. II Par., iv, 16, 
18. La fonte des grandes pièces d'airain fut exécutée 
dans la plaine du Jourdain, entre Sochoth et Saréda ou 
Sarthan, où l'argile était propre à faire des moules. 
II Par., iv, 17; III Reg., vu, 46. Yoir Sarédatha, Sar- 
than, t. v, col. 1486, 1494 ; Revue biblique, 1910, p. 555. 
— Cf. Reland, Antiquitates sacrœ, Utrecht, 1741, p. 30- 
41 ; Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 64- 
100 ; Villalpand, In Èzechielem explanationes et appa- 
ratus urbis ac templi Hierosolymitani, Rome, 1596- 
1608, 3 in-f»; B. Lamy, De labernaculo fœderis, de 
sancta civitate Jérusalem etdetemploejus, in-f°, Paris, 
1720; Lightfoot, Opéra onmia.Anvers, 1699, 1. 1, p. 553; 
Keil, Der Tempel Salomo's, Dorpat, 1839; Bâhr, Der 
Salomonische Tempel, Carlsruhe, 1848; Thenius, Dos 
vorexilische Jérusalem und dessert Tempel, Leipzig, 
1849 ; Fergusson, The Temple of the Jews and tlie 
other Buildings in the Haram Area at Jérusalem, 
Londres, 1878 ; X. Pailloux, Monographie du Temple 
de Salomon, Paris, 1885 ; O. Wolf, Der Tempel von 
Jérusalem und seine Maasse, Gratz, 1887 ; Perrot et 
Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, t. iv, p. 243- 
330 ; Yigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 
6 e édit., t. ni, p. 284-346 ; Meignan, Salomon, Paris, 
1890, p. 91-140 ; Em. Schmidt, Salomon's Temple in 
the Light of other oriental Temples, Chicago, 1902; 



P. Berto, Le Temple de Jérusalem, dans la Revue des 
études juives, t. xl, 1910, p. 1-23. 

v. l'histoire. — Le Temple, commencé le second 
mois de la quatrième année de Salomon (1011), fut 
achevé le huitième mois de la onzième année (1004). 
La construction avait duré sept ans. Au septième mois 
de l'année suivante, Salomon y fit transporter l'Arche 
d'alliance et en célébra la dédicace par d'innombrables 
sacrifices. Les fêtes durèrent sept jours et se prolon- 
gèrent sept autres jours, pour la solennité des 
Tabernacles. III Reg., vin, 1-66 ; II Par., v, 2-vn, 10. 
Mais dès ce moment il fut prédit que si Israël aban- 
donnait son Dieu, Jéhovah abandonnerait la maison 
qu'il venait de consacrer par sa présence. III Reg., 
ix, 6-9. Dieu, en effet, avait pris possession du nouveau 
temple en y manifestant sa gloire par une nuée mira- 
culeuse. III Reg., vin, 10-11. Les infidélités commen- 
cèrent quand Salomon lui-même éleva un haut lieu 
pour Chamos et pour Moloch sur la montagne qui fait 
face au temple. III Reg.,xi, 7. — Dès le règne du fils 
de Salomon, Jéroboam, le nouveau roi d'Israël, prit 
des mesures pour empêcher ses sujets de fréquenter 
le Temple de Jérusalem. A cette occasion, les lévites et 
les prêtres du royaume d'Israël émigrèrent pour venir 
s'établir en Juda. III Reg., xii, 27-33 ; II Par., xi, 13-17. 
Peu après, le roi d'Egypte, Sésac, monta contre Jéru- 
salem et s'empara des trésors^Iu Temple, c'est-à-dire 
de tout ce qui, dans l'édifice sacré, pouvait tenter sa 
cupidité. « Il prit tout, » sans que le détail en ait été 
noté. III Reg., xiv, 25, 26 ; II Par., xn, 9. — Asa mit 
dans le temple l'or, l'argent et différents objets consa- 
crés par son père et par lui-même, sans doute pour 
remplacer en partie ce qui avait été enlevé par Sésac. 
III Reg., xv, 15 ; II Par., xv, 18. Pour s'assurer l'al- 
liance de Ren-Hadad contre Baasa, roi d'Israël, il tira 
do l'or et de l'argent de son propre trésor et de celui 
du temple, II Par., xvi, 2, jugeant sans doute qu'il 
valait mieux employer les trésors sacrés à la défense 
du pays, que de les exposer au pillage, comme sous 
Roboam. — Lorsque Athalie usurpa le trône, le jeune 
Joas, l'héritier légitime, fut caché pendant six ans dans 
la maison de Jéhovah, c'est-à-dire dans quelqu'une des 
dépendances du Temple. III Reg., xi, 3 ; II Par., XXII, 
12. La conspiration qui devait substituer Joas à Athalie 
eut son dénouement dans l'enceinte sacrée. Le peuple 
occupait le grand parvis et les lévites, de concert avec 
les Céréthiens ou gardes royaux gagnés par le grand- 
prêtre Joïada, étaient postés à droite et à gauche de la 
maison et près de l'autel, de manière à entourer le 
jeune roi. Ils étaient armés avec des lances et des bou- 
cliers qui se trouvaient dans le Temple et provenaient 
de David. Us avaient en outre à surveiller trois portes : 
celle qui communiquait avec le palais royal, au sud, la 
porte de Sur ou de la Fondation et la porte des Coureurs, 
qui ouvrait aussi sur le palais royal. Athalie entendit 
le bruit des acclamations de son palais, qui donnait 
sur le parvis extérieur, et elle accourut. Elle fut en- 
traînée par le chemin de l'entrée des chevaux, c'est-à- 
dire du côté des écuries royales, et là elle fut mise à 
mort, tandis que Joas était conduit au palais par la 
porte des Coureurs, celle près de laquelle avaient leur 
poste les gardes et les courriers royaux. IV Reg., xi, 
4-20 ; II Par., xxm, 1-15. 

Le Temple existait alors depuis cent vingt-sept ans ; 
il était nécessaire de pourvoir à son entretien et aux 
réparations, d'autant qu'Athalie avait laissé à l'abandon 
la maison de Dieu et même avait permis d'en détour- 
ner différents objets pour le culte des Baals. Joas ré- 
solut d'entreprendre une restauration, ce qui pouvait 
se faire aisément grâce à l'impôt perçu pour le Temple, 
voir Capitation, t. H, col. 213, et aux offrandes volon- 
taires. Il ordonna donc aux prêtres d'exécuter toutes 
les réparations nécessaires. Mais, la vingt-troisième 



«« 






? 






* ^Y^ — & ..T-^^.^ià^^îZffia 





LYYX\,.. : 4mH;lh.i-***i 






2043 



TEMPLE 



2044 



année du règne, ils n'avaient encore rien fait. Joas prit 
alors en main la direction de l'œuvre. Les offrandes et 
les taxes furent dès lors versées dans un coffre, dont le 
grand-prêtre et le secrétaire du roi vérifiaient de temps 
en temps le contenu. Les sommes recueillies étaient 
ensuite remises à des intendants intègres, qui payaient 
directement les fournisseurs de bois et de pierres et 
les ouvriers maçons et charpentiers. Afin d'assurer le 
complet achèvement des réparations, on s'abstint de 
distraire aucune somme d'argent pour la fabrication 
d'ustensiles précieux, jusqu'à ce que l'œuvre entreprise 
fût terminée. IV Reg., xn, 4-16 ; II Par., xxiv, 4-14. 
Joas, à l'exemple de son ancêtre Asa, fut pourtant 
obligé de recourir aux trésors du Temple pour préser- 
ver Jérusalem d'une invasion du roi de Syrie, Hazaël. 
IV Reg., xii, 18. Il commit le crime de faire lapider 
dans les parvis du Temple le grand-prêtre Zacharie, fils 
de son bienfaiteur Joïada. II Par., xxiv, 20-22. — Sous 
Amasias, Joas, roi d'Israël, entra à Jérusalem et pilla 
l'or, l'argent et. les vases du temple. II Par., xxv, 24. 
— Ozias, roi de Juda, fut frappé de la lèpre dans le 
temple, pour avoir osé tenir l'encensoir afin d'offrir 
des parfums sur l'autel. II Par., xxvi, 16-20. — Joatham 
bâtit la porte supérieure de la maison de Jéhovab, 
c'est-à-dire refit ou restaura complètement l'une des 
portes, probablement celle du portique qui servait 
d'enceinte au parvis intérieur, plus élevé que l'autre. 
IV Reg., xvi, 35 ; II Par., xxvn, 3. — L'impie Achaz, 
voulant se débarrasser de ses ennemis, Rasin, roi de 
Syrie, et Phacée, roi d'Israël, appela à son secours le 
roi d'Assyrie, Théglathphalasar, et prit l'or et l'argent 
du Temple, pour lui envoyer des présents. IV Reg., xvi, 
8; II Par., xxvm, 21. Il se rendit ensuite à Damas, 
pour rendre hommage au roi assyrien. Là, il vit un 
autel qui servait probablement au culte pratiqué par 
le monarque. Par flatterie, sans doute, pour le puissant 
suzerain, il en envoya le dessin à Jérusalem au prêtre 
Urias, pour que celui-ci se hâtât d'en faire exécuter 
un semblable. A son retour, Achaz trouva le nouvel 
autel en place, y offrit des sacrifices et ordonna qu'il 
servit désormais pour les holocaustes et les autres 
sacrifices quotidiens, particuliers ou publics. On 
relégua sur la droite, au nord du parvis, l'ancien autel 
d'airain. Il fit ensuite démonter les bassins roulants et 
descendre la mer d'airain de dessus les bœufs qui la 
portaient, afin de la poser sur un socle de pierre. Il 
modifia également le musach, voir Musach, t. iv, col. 
1345, ou portique du sabbat, ainsi que l'entrée exté- 
rieure du roi. IV Reg., xvi, 10-18. Ces innovations ne 
concilièrent à Achaz ni la faveur de Théglathphalasar, 
ni celle de Dieu. Le roi impie en vint alors jusqu'à 
mettre en pièces les ustensiles sacrés et à fermer les 
portes du Temple, pour se livrer éperdûment aux pra- 
tiques idolâtriques. II Par., xxvm, 24. — Le premier 
soin d'Ézéchias, fils d' Achaz, fut de rouvrir les portes 
du Temple, de les réparer, de faire purifier l'édifice 
sacré de toutes les impuretés qui le profanaient, et de 
restaurer le culte par de nombreux sacrifices et une 
célébration solennelle de la Pâque. II Par., xxix, 3-xxx, 
27. La quatorzième année de son règne, pour essayer 
d'écarter Sennachérib, Ezéchias fut obligé à son tour 
de faire appel au trésor du Temple et de sacrifier 
les lames d'or dont il avait lui-même décoré les portes 
et les linteaux. IV Reg., xvm, 15, 16. — Sous Manassé, 
le culte fut de nouveau interrompu dans le Temple. Au 
lieu de fermer l'édifice, comme Achaz, le roi y éleva 
des autels idolâtriques et, dans les deux parvis, offrit 
ses sacrifices à l'armée du ciel, c'est-à-dire au soleil, à 
la lune et aux astres. Il installa même l'idole d'As- 
tarthé dans le lieu saint. C'était la profanation la plus 
complète, à un degré qui n'avait pas été atteint jnsque- 
là et qui provoqua la vengeance divine. IV Reg., xii, 
4-7; II Par., xxxm, 4-7. Sur la fin de sa vie seulement, 



Manassé, humilié par ses épreuves, fit disparaître du 
Temple toutes les abominations qu'il y avait introduites, 
releva l'autel de Jéhovah et rétablit le culte mosaïque. 
II Par., xxxm, 15, 16. — Sous son petit-fils, Josias, 
des mesures furent prises pour la restauration du mo- 
nument. A cette occasion, le grand-prêtre Helcias 
annonça qu'il avait trouvé dans le Temple le livre de la 
loi, découverte qui fut le point de départ d'un retour 
général au culte de Jéhovah. Ce qui restait d'objets 
idolâtriques dans le Temple fut brûlé hors de Jérusalem. 
Les maisons de prostituées que Manassé avait bâties 
dans l'enceinte sacrée furent abattues, et les autels 
qu'il avait dressés dans les parvis furent détruits. 
Enfin, les rois impies avaient installé, à l'entrée de la 
maison de Jéhovah, dans les dépendances adossées aux 
parvis extérieur, des chars du soleil et des chevaux 
pour les traîner. Voir Pharurim. t. v, col. 220. Josias 
lit disparaître les chevaux et brûla les chars. IV Reg., 
XXII, 3-xxiii, 12. Le roi avait dans le parvis intérieur 
une estrade sur laquelle il se tenait en certaines cir- 
constances ; c'est de là qu'il renouvela solennellement 
l'alliance de son peupleavec Jéhovah. II Par., xxxiv, 31. 

Le Temple n'en était pas moins condamné, à raison 
de toutes les abominations qui s'y étaient commises. 
Le Seigneur dit en effet : « Je rejetterai cette ville de 
Jérusalem quej'avais choisie et cette maison de laquelle 
j'avais dit : Là sera mon nom. » IV Reg., xxm, 27. Le 
prophète Jérémie, vu, 4-15, prédit qu'en vain l'on met- 
tait sa confiance dans la maison de Jéhovah, qu'on 
avait souillée de crimes et dont on avait fait une 
caverne de voleurs : elle serait traitée comme le sanc- 
tuaire de Silo en rJphraïm. Dans le parvis même du 
Temple, le prophète annonçait le châtiment imminent. 
Jer., xix, 14. Cf. Mich., m, 12. Nabuchodonosor ne 
tarda pas à apparaître. Sous le roi Joachin, il emporta 
tous les trésors de la maison de Jéhovah et brisa les 
ustensiles d'or qui subsistaient encore depuis Salomon, 
pour les comprendre dans son butin. IV Reg., xxiv, 
13 ; II Par., xxxvi, 7. Les faux prophètes annonçaient 
que bientôt tous ces objets seraient rapportés de Baby- 
lone. Jer., xxvn, 16. Jérémie répondait en assurant 
que tout ce qui restait encore serait également em- 
porté. Jer., xxvn, 21, 22. Il continuait d'ailleurs à faire 
entendre ses oracles dans le Temple. Jer., xxvi, 2; 
xxvm, 5. Il mentionne en passant différentes chambres 
occupées par des gardiens du Temple. Jer., xxxv, 2, 4. 
Enfin, dans une dernière campagne, les Chaldeens 
prirent Jérusalem, brûlèrent le Temple, emportèrent 
les derniers ustensiles d'or et d'argent, ainsi que l'ai- 
rain des colonnes, des bassins et de la mer d'airain 
qu'ils avaient brisés. IV Reg., xxv, 9-17 ; II Par., xxxvi, 
18-19. 

Cet événement eut lieu en 587. Le Temple avait donc 
duré 417 ans. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 3, dit que 
beaucoup des premiers rois avaient orné le Temple, 
complétant ainsi l'œuvre de Salomon. L'histoire a 
mentionné quelques-uns de leurs travaux. Mais leur 
palais était contigu au parvis du Temple et le Seigneur 
se plaint que leur seuil fût auprès de son seuil. Ezech., 
xmi, 8. Ils avaient donc tendance à regarder le Temple 
comme un sanctuaire royal, placé sous leur dépen- 
dance. L'inconvénient devenait grave sous des rois 
impies comme Athalie, Achaz ou Manassé. Le sort du 
culte suivait le caprice ou la passion du prince et les 
lois mosaïques étaient odieusement foulées aux pieds. 
D'autre part, il n'apparaît pas que le sacerdoce lévi- 
tique ait jamais opposé grande résistance aux entre- 
prises sacrilèges des rois. Quand ces derniers l'exi- 
geaient, les sacrifices cessaient et le Temple se fer- 
mait ou se changeait en sanctuaire idolâtrique, sans 
protestation apparente ni surtout opposition effective 
de la part des prêtres. Il fallait que le roi fût bien 
assuré de son pouvoir absolu vis-à-vis d'eux pour que 



2045 



TEMPLE 



2046 



Joas pût, sans rencontrer de résistance, faire lapider 
le grand-prêtre Zacharie dans les parvis mêmes de 
''édifice sacré. Il y avait là une situation qui n'était 
tolérable qu'avec des rois sincèrement religieux, tels 
qu'Asa, Josaphat ou Ézéchias. Comme le Temple était 
entièrement revêtu de cèdre à l'intérieur, que la toiture 
était toute en bois et que les poutres s'encastraient 
dans la maçonnerie, l'incendie détruisit tout et ne 
laissa guère que des pierres calcinées. En mémoire de 
cet événement, un jour de jeûne fut institué le dixième 
jour du cinquième mois. Cf. Jer., LU, 12. On se 
lamenta sur la ruine du Temple : 

L'eDnemi a tout ravagé dans le sanctuaire ; 

Te» adversaires ont rugi au milieu de tes saints parvis... 

On les a vus pareils au bûcheron 

Qui lève la c ognée dans une épaisse torèt. 

Et maintenant, ils ont brisé toutes les sculptures 

A coups de hache et de marteau. . 

Ils ont livré au feu ton sanctuaire, 

Ils ont abattu et profané la demeure de ton nom. 

Ps. lxxiv (i.xxiii), 3-7. 

Jérémie consola ses compatriotes en leur annonçant 
que le Temple serait vengé et qu'au retour de l'exil on 
offrirait encore l'holocauste et le sacrifice quotidien. 
Jer., xxxiii, 16-18; l, 28 ; li, 11. — C'est qu'en effet,' 
comme en témoignent les psalmistes, le Temple tenait 
une place essentielle dans la vie religieuse d'Israël. La 
demeure de Jéhovah était aimable par-dessus tout; on 
soupirait après le jour où l'on entrerait dans ses parvis 
et l'on portait envie à ceux qui y habitaient. Ps. lxxxiv 
(lxxxiii), 2-5. On était dans la joie quand venait le 
moment de partir pour le Temple. Si l'on admirait 
Jérusalem et si on lui souhaitait la paix, c'était surtout 
« à cause de la maison de Jéhovah. » Ps. cxxn (cxxi), 
1, 9. A l'arrivée au Temple, on demandait joyeusement 
aux prêtres d'ouvrir les portes, et les justes, ceux qui 
étaient purifiés, étaient admis à entrer. « Voici le jour 
que Jéhovah a fait, s'écriait-on, livrons-nous à l'allé- 
gresse et à la joie ! » Alors les prêtres bénissaient et 
menaient les victimes à l'autel. Ps.cxvm (cxvn), 19-27. 
Au départ, on invitait les lévites à faire leur service de 
nuit dans le Temple et à lever les mains vers le sanc- 
tuaire. Ps. cxxxrv (cxxxni), 1, 2. « Louez Dieu dans 
son sanctuaire, » disait-on aux musiciens. Ps. cl, 1. 
La ruine du Temple constituait donc pour les Israélites 
le plus déplorable des malheurs. 

II. Temple de Zorobabel. — Les renseignements 
font à peu près complètement défaut sur l'agencement 
du Temple de Zorobabel. C'est donc surtout par son 
histoire qu'il arrête l'attention. — 1° Sa construction. 
— La première année de son règne (536), Cyrus porta 
un édit pour permettre le retour des Israélites en 
Palestine et prescrire la reconstruction du Temple. Il 
provoqua en outre les offrandes destinées à favoriser 
cette reconstruction et fît rendre les ustensiles d'or et 
d'argent, au nombre de cinq mille quatre cents, qui 
avaient été emportés de Jérusalem à Babylone. I Esd., 
i, 2-11. Cf. Is., xliv, 28. Zorobabel revint donc en 
Palestine à la tète d'une caravane de 42360 personnes. 
Les chefs de famille firent une première donation de 
61 000 dariques (1586 000 fr.), de 5 000 mines d'argent 
(787500 fr.) et de cent tuniques sacerdotales. Au sep- 
tième mois, on s'assembla à Jérusalem et l'on com- 
mença par rétablir l'autel sur ses anciennes fondations, 
afin de pouvoir célébrer la fête des Tabernacles. On se 
prépara ensuite à reconstruire le Temple. De l'argent 
fut assuré aux tailleGrs de pierres et aux charpentiers, 
et, comme au temps de Salomon, on s'entendit avec 
des Sidoniens et des Tjriens pour la fourniture des 

bois de cèdre. On leur donnait des vivres, du vin et de 
l'huile ; en retour, ils coupaient les cèdres du Liban et 
les faisaient arriver par mer jusqu'à Joppé, avec l'au- 
torisation de Cyrus. I Esd., n, 64-iit, 7. — Le travail 



commença effectivement le second mois de la seconde 
année du retour (535), sous la conduite de Zorobabel 
et du grand-prêtre Josué. On posa solennellement les 
fondements de l'édifice, au milieu des cris de joie du 
peuple, et aussi des gémissements de ceux qui avaient 
vu l'ancien Temple. I Esd., m, 8-13. L'antique plate- 
forme construite par Salomon subsistait toujours; les 
Chaldéens n'avaient pas perdu leur temps et leur peine 
à la détruire. Il est vraisemblable que les fondations 
furent assises à la place des anciennes, comme on 
l'avait fait pour l'autel, dont l'emplacement commandait 
la disposition de l'édifice. Mais, dès le commencement 
du travail, tout ce peuple mélangé qu'Asarhaddon 
avait envoyé pour coloniser la Samarie, IV Reg., xvn, 
24-41, et qui se prenait pour la vraie descendance 
israélite, formula la prétention d'être admis à coopérer 
avec les Juifs à la réédification du temple. Zorobabel 
et les autres chefs refusèrent, en s'appuyant sur la 
teneur de l'édit de Cyrus. Les Samaritains cherchèrent 
alors à intimider les constructeurs et leur suscitèrent 
toutes sortes d'embarras. Ils intriguèrent tant qu'ils 
purent dans l'entourage de Cyrus ; sous son succes- 
seur, Cambyse, ils réussirent même à faire arrêter 
complètement les travaux. I Esd., iv, 1-6. Il est vrai 
que le caractère de ce prince et sa campagne en Egypte 
ne lui permettaient guère de prêter attention aux in- 
térêts des Juifs. Voir Cambyse, t. il, col. 89. Les tra- 
vaux restèrent suspendus jusqu'à la seconde année du 
règne de Darius (520). On hésitait encore sur l'oppor- 
tunité de les reprendre et l'on se contentait d'attendre 
l'occasion propice, quand, à la suite d'une récolte 
insuffisante, le prophète Aggée intervint pour déclarer 
que la sécheresse avait été la marque du mécontente- 
ment divin et que la volonté de Jéhovah était qu'on se 
remît à l'œuvre. Agg., i, 1-13. Le prophète Zacharie, 
vm, 9-13, encouragea aussi les travailleurs, et, le 
sixième mois de cette année, on recommença à bâtir. 
Le gouverneur du pays en deçà de l'Euphrate, Thatha- 
naï, s'enquit alors de ce qui se faisait et demanda si 
l'on avait l'autorisation. Il laissa néanmoins continuer 
les travaux, et se contenta d'en référer à Darius pour 
l'informer de ce qui se passait et lui dire que les Juifs 
se prévalaient d'un édit de Cyrus en leur faveur. Darius 
fit chercher l'édit dans les archives d'Ecbatane. Quand 
on l'eut trouvé, il ordonna non seulement de laisser 
les Juifs continuer leur œuvre, mais aussi de les pro- 
téger contre toute agression, de les aider aux frais de 
la maison du roi et de leur fournir ce qui était néces- 
saire pour les sacrifices. Les travaux furent dès lors 
poussés avec plus d'activité. I Esd., v, 1-vi, 13. Le 
vingt-et-unième jour du septième mois, dernier jour 
de la fête des Tabernacles, Aggée reprit la parole au 
nom de Jéhovah : « Quel est parmi vous le survivant 
qui vit cette maison dans sa gloire première, et en 
quel état la voyez-vous maintenant ? Ne parait-elle pas 
rien à vos yeux ? Et maintenant, courage, Zorobabel, 
dit Jéhovah, courage, Jésus, fils de Josédec, grand- 
prêtre, courage, vous tous, peuple du pays, dit Jéhovah, 
et à l'œuvre ! Car je suis avec vous, dit Jéhovah des 
armées... Je remplirai de gloire cette maison... Plus 
grande sera la gloire de cette dernière maison que de 
la première, dit Jéhovah des armées, et dans ce lieu 
je donnerai la paix. » Agg., n, 3-9. Cf. Van Hoonacker. 
Les petits prophètes, Paris, 1908, p. 559-565. C'était 
l'annonce mystérieuse de la destinée promise au second 
Temple : un jour, il verrait dans ses murs celui qui 
était plus que Salomon, Matth., XII, 42 ; Luc, xi, 31, 
le Messie en personne. Au neuvième mois, le prophète 
promettait qu'aux calamités récentes allaient succéder 
les bénédictions divines, pour récompenser les con- 
structeurs. Agg., il, 15-19. — Le Temple fut achevé le 
troisième jour d'adar de la sixième année de Darius 
(516). La seule donnée que l'on ait sur sa structure est 



2047 



TEMPLE 



2048 



celle que contient le dci ret de Cyrus : « Que la maison 
soit rebâtie pour que l'on offre des sacrifices, et qu'elle 
ait de solides fondements. Elle aura 60 coudées de 
hauteur et 60 de largeur, trois rangées de pierres de 
taille et un appareil de charpente ; la dépense sera 
payée par la maison du roi. » I Esd., vi, 3, 4. La con- 
struction comportait, à la manière ancienne, des alter- 
nances de trois assises de pierre et d'une rangée de 
poutres de cèdre, ce qui assurait la solidité des murs 
de l'édifice. Le Temple de Salomon avait 60 coudées de 
long, 20 de large et 30 de hauteur. II Reg., vi, 2. Les 
dimensions du second Temple auraient donc été supé- 
rieures à celles du premier. Mais cette conclusion n'est 
point certaine. Les chiffres ont facilement pu être 
altérés ; s'ils ne l'ont pas été, ils sont indiqués dans 
un projet qui a fort bien pu être modifié à l'exécution. 
Peut-être les 60 coudées de largeur doivent-elles s'en- 
tendre de la longueur, dont il est surprenant qu'il ne 
soit pas fait mention. L'étonnement et le chagrin des 
Juifs qui avaient vu le premier Temple suppose que le 
second était de proportions plus modestes. Josèphe, 
Ant. jud., XV, xi, 1, dit que le Temple de Zorobabel avait 
en hauteur 60 coudées de moins que celui de Salomon, 
chiffre qui peut concerner le portique, II Par., m, 4, 
mais qui, dans plusieurs manuscrits, se réduit à sept 
coudées, et peut dès lors s'appliquer à l'édifice prin- 
cipal. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 467. Rien 
ne peut donc être précisé à cet égard ; il est très pro- 
bable néanmoins que le nouveau Temple s'élevait 
exactement sur les dimensions de l'ancien, mais qu'il 
en différait notablement par l'élévation, par l'impor- 
tance des matériaux et par la richesse de la décoration. 
— Hécatée d'Abdère, contemporain d'Alexandre le 
Grand, décrit ainsi ce Temple : « Il y a au centre de la 
ville une enceinte de pierre de 5 plèthres de long 
(147™ 85), de 100 pèques de large (44 nl 36), avec deux 
portes. Il s'y trouve un autel cubique formé par l'assem- 
blage de pierres blanches non polies ; les côtés en 
ont chacun 20 pèques (8 m 87) et la hauteur 10 (4» 43). 
Au delà de cet autel est un édifice contenant un autre 
autel et un candélabre, l'un et l'autre en or du poids 
de deux talents. Une lumière y brille jour et nuit sans 
jamais s'éteindre. Il n'y a ni statue, ni ex-voto, ni 
plantation, ni bois sacré, ni rien qui y ressemble. » Cf. 
Josèphe, Cont. .4pion., i, 22. D'après Middoth, i, 3, la 
ville de Suse était représentée en bas-relief au-dessus 
de la porte orientale du parvis extérieur, pour recon- 
naître la suzeraineté du roi de Perse. Un écrivain grec, 
Eupolème, probablement juif du temps de Démétrius 
Soter (162-150 avant J.-C), voir Eupolème, t. h, 
col. 2050, a laissé une description du temple qui a été 
conservée par Eusèbe, Prsep. evang., îx, 34, t. xxi, 
col. 751-753. Il prétend décrire le Temple de Salomon, 
mais il est à croire que sa description se rapporte 
surtout à l'édifice qu'il avait sous les yeux. Il y note 
quelques traits intéressants. Les fondations, d'après 
lu], occupaient un espace de 60 coudées de long sur 60 
de large. Ce sont les chiffres du livre d'Esdras. « Il 
voulut que toute la structure fût agencée de manière 
que les assises de pierre alternassent avec des poutres 
de cyprès, les deux assises étant assujetties par des 
crampons d'airain en forme de haches, du poids d'un 
talent... Au nord de l'édifice, il ouvrit un grand por- 
tique soutenu par quarante-huit colonnes d'airain... Il 
ajouta, non loin du bassin, une estrade d'airain, haute 
de deux coudées, sur laquelle le roi se tenait pour prier, 
de manière à être vu facilement par le peuple qui l'en- 
tourait. » Il décrit ensuite un appareil qui, prétend-il, 
dépassait le faite du Temple de 20 coudées, et auquel 
étaient suspendues quatre cents clochettes d'airain 
qu'on mettait en mouvement pour effrayer les oiseaux 
et les empêcher de se poser sur le Temple. Il est aussi 
parlé du Temple de Zorobabel dans la Lettre d'Aristée, 



cf. Eusèbe, Prsep. evang., ix, 38, t. xxi, col. 156, ce 
Juif qui cherche à faire valoir les coutumes de sa nation 
en revêtant le personnage d'un païen d'Egypte. Il 
écrivait presque certainement vers l'an 200 avant J.-C. 
Cf. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. m, 
p. 468. Voici ce qu'il dit du Temple : « Tout à l'ex- 
trémité (de la ville) était établi le sanctuaire distin- 
gué par sa splendeur, avec les trois périboles dépassant 
70 coudées en hauteur sur une largeur proportionnée 
et une longueur adaptée à la dimension du Temple : 
tout cela construit avec une magnificence et un décor 
absolument extraordinaires. La porte même, avec son 
assemblage de montants et son inébranlable linteau, 
trahissait déjà toute l'abondance prodigue des res- 
sources employées. Quant au rideau, son adaptation aux 
montants de porte était aussi exacte que possible. Le 
tissu recevait surtout du mouvement de l'air une agita- 
tion constante ; le gonflement du rideau, commençant 
dès le sol, se prolongeait jusqu'à son attache supé- 
rieure, ce qui produisait un spectacle charmant auquel 
on ne s'arrachait qu'avec peine... Le sol entier est dallé, 
avec des pentes aux endroits convenables pour l'écou- 
lement des grands lavages nécessairement destinés à 
nettoyer le sang des sacrifices. C'est en effet par nom- 
breux milliers que les animaux sont présentés aux jours 
de fêtes. » Il parle ensuite des canaux qui amènent 
l'eau en abondance des réservoirs ménagés à distance 
de la ville. Puis, feignant toujours d'être un étranger, 
il raconte qu'il est monté, afin de mieux voir toutes 
choses, sur la citadelle bâtie auprès du Temple pour le 
défendre. La citadelle en question n'est autre que la 
tour Baris, remplacée plus tard par l'Antonia. Ce 
qu'Aristée dit du Temple trahit le désir d'imposer le 
monument à l'admiration des lecteurs, mais, pour le 
fond, ne s'écarte pas trop de la réalité. Il mentionne 
trois périboles ou trois enceintes dépassant 70 coudées 
en hauteur, soit 31 m 50 en coudées communes. Cette 
hauteur n'est évidemment pas celle des portiques, mais, 
par approximation à vue, celle des pylônes qui devaient 
surmonter les portes donnant accès au parvis des 
femmes, au parvis d'Israël et au hêkal. Aristée est en 
admiration devant la porte du hêkal, mais il omet de 
la décrire. Il est frappé par le spectacle pittoresque 
que produit le jeu du vent sur le rideau qu'il fait 
onduler. Ce rideau est celui qui fermait la porte du 
vestibule précédant le hêkal. L'écrivain lui donne son 
nom technique, xxTaicltacr(j.a. Il n'aurait pu l'entrevoir 
si, simple étranger, il avait été confiné en dehors de 
l'enceinte sacrée, et il aurait probablement ignoré son 
nom, s'il n'eût été Juif. Quand il pilla le Temple de 
Jérusalem, en 169, Antiochus Épiphane emporta le 
xa-caitÉTauna. I Mach., i, 23. C'était le voile qu'avait vu 
Aristée. L'écrivain connaît encore un détail qu'il eût 
été impossible de constater du haut de la tour de Baris : 
des pentes sont habilement ménagées dans le dallage 
du parvis des prêtres, pour l'écoulement facile des 
eaux de lavage. Cf. H. Vincent, Jérusalem d'après la 
lettre d'Aristée, dans la Revue biblique, 1908, p. 520; 
1909, p. 555. 

2° Son histoire. — Quand le Temple fut terminé, on en 
fit solennellement la dédicace en offrant de nombreux 
sacrifices. Le service des prêtres fut organisé et la 
Pàque célébrée. I Esd., vi, 16-21. — La septième année 
d'Artaxerxès (459), Esdras vint à Jérusalem avec un 
nouveau contingent d'exilés. Il apportait avec lui de 
nombreux présents pour le Temple et des instructions 
du roi afin qu'on fournit en son nom ce qui était 
nécessaire pour l'offrande des sacrifices. I Esd., vil, 12- 
26; vin, 35, 36. — Sous Néhémie, il fut décidé que 
chacun paierait annuellement un tiers de sicle (Ofr. 93) 
pour le service du Temple. La fourniture du bois fut 
répartie régulièrement entre plusieurs familles, et des 
lévites furent préposés à la garde des chambres du 



2049 



TEMPLE 



2050 



Temple dans lesquelles on recueillait les prémices, les 
dîmes, les ustensiles du sanctuaire, ou dans lesquelles 
se tenaient les prêtres de service, les portiers et les 
chantres. 11 Ësd., x, 32-39; xn, 43-45. Éliasib, inten- 
dant des chambres, ayant aménagé l'une d'elles pour y 
faire habiter Tobie, son parent, Néhémie fit remettre 
les choses en état, et prit de sévères mesures pour que 
les droits de la maison de Dieu fussent respectés. 
HEsd., xiii, 4-13, 30, 31. — Pendant le règne d'Ar- 
taxerxès II Mnémon (405-359), le. petit-fils d'Éliasib, 
Jean, devenu grand-prêtre, tua dans le Temple son frère 
Josué, qui briguait le souverain pontificat, avec l'appui 
de Bagosès, gouverneur perse. Celui-ci pénétra alors 
dans le Temple, malgré la résistance des Juifs, et leur 
imposa une redevance de 50 drachmes (70 francs) par 
victime immolée. On paya cet impôt pendant sept ans. 
Josèphe, Ant. jud., XI, vit, 1. — Quand Alexandre le 
Grand fit la conquête de l'empire perse, le grand-prêtre 
Jaddus provoqua la colère du roi grec par son loyalisme 
envers Darius Codornan. Mais, en approchant de Jéru- 
salem (332), Alexandre se calma. Il suivit jusque dans 
le Temple le grand-prêtre venu à sa rencontre et y fit 
offrir des sacrifices. Il accorda ensuite aux Juifs diffé- 
rents privilèges. Josèphe, Ant. jud., XI, xiii, 5. —Dans 
son éloge du grand-prêtre Simon, fils de Johanan ou 
Onias, lequel est probablement Simon II (219-199), voir 
Ecclésiastique (Le livre de l'), t. h, col. 1546, l'auteur de 
l'Ecclésiastique, L, 1, dit que, de son temps, la maison 
fut visitée et le Temple fut fortifié. Il y a là l'indication 
de travaux exécutés dans le Temple pour le réparer et y 
ajouter des constructions destinées à le mettre à l'abri 
d'une agression. La précaution n'était pas inutile. Car 
si Ptolémée Évergète (247-222), cf. Josèphe, Cont. Apion., 
il, 5, offrit des sacrifices dans le Temple, Ptolémée IV 
Philopator (222-205), venu à. Jérusalem après sa victoire 
sur Antiochus III à Raphia, aurait tenté de pénétrer 
dans le Saint des Saints. IIIMach., i-vii. "Voir Ptolémée 
IV Philopator, t. v, col. 851. — Le roi de Syrie, Antio- 
chus III le Grand (223-187), qui avait intérêt à ménager 
les Juifs, voir Antiochus III le Grand, t. i, col. 690, 
voulut contribuer aux dépenses des sacrifices et autorisa 
les travaux à entreprendre ou à achever dans le Temple, 
entre autres un portique. Les matériaux devaient être 
pris en Judée, au Liban et même ailleurs. Il inter- 
dit également à tout étranger de pénétrer dans le par- 
vis du Temple, réservé aux Juifs en état de pureté. 
Josèphe, Ant. jud., XII, III, 3, 4. — Sous Séleucus eut 
lieu l'attentat commis contre le Temple par l'envoyé 
d'Apollonius, Héliodore. II Mach., m, 1-40. Voir Apol- 
lonius, t. i, col. 777; Héliodore, t. m, col. 570. On 
voit par cet épisode que les Juifs, comptant sur l'invio- 
labilité du Temple, y mettaient en dépôt l'argent des 
veuves et des orphelins et même celui de certains 
riches personnages. II Mach., m, 10,11. Héliodore put 
arriver jusqu'au trésor; mais là il fut arrêté par une 
force divine. — Le règne d'Antiochus IV Épiphane 
(175-164) fut néfaste pour le Temple de Jérusalem. Voir 
Antiochus IV Epiphane, t. i, col. 693. Afin d'obtenir le 
souverain pontificat et de payer les sommes pro- 
mises au roi en retour de cette faveur, Ménélas enleva 
un certain nombre de vases d'or du Temple. II Mach., 
IV, 32. Pour châtier une révolte des Juifs, Antiochus 
vint à Jérusalem (170), pénétra dans le Temple, sous la 
conduite de Ménélas, et pilla lui-même les objets sacrés 
et le trésor. IMach.,i, 21-25; II Mach., v, 15, 16. Parmi 
les objets ainsi enlevés, le premier livre des Macha- 
bées mentionne l'autel d'or, le chandelier, la table des 
pains, des coupes d'or, le rideau, des couronnes et des 
ornements d'or qui décoraient la façade, et tout le 
placage d'or, sans parler des trésors cachés qu'il put 
découvrir. Cette énuinération donne une idée de la 
manière dont les Juifs avaient su meubler et orner le 
Temple de Zorobahel. Arrêté par les Romains dans sa 

Dlirr. tir ia bible. 



quatrième expédition contre l'Egypte, Antiochus se 
vengea sur Jérusalem. Son envoyé, Apollonius, y multi- 
plia les massacres, las pillages et les, incendies. Il fit 
de la cité de David une forteresse dressée comme une 
embûche contre le sanctuaire. Ce dernier fut. souillé 
par le sang des meurtres et resta désolé comme un 
désert. 1 Mach., i, 30-42; II Mach., v, 24-26. Mais 
là ne s'arrêtèrent pas les entreprises sacrilèges. 
Bientôt après, Antiochus envoya à Jérusalem uii 
prêtre d'Athènes avec mission d'y installer le culte 
grec. Le Temple fut consacré à Jupiter Olympien; sui* 
l'autel, on immola des victimes à ce faux dieu et toutes 
les pratiques de l'ancienne religion furent proscrites 
sous peine de mort. I Mach., I, 43-56; II Mach., vi, 
1-11. La désolation fut complète, mais elle devint le 
signal de l'insurrection religieuse et patriotique des 
Machabées. A la fin, frappé d'une horrible maladie, 
le roi de Syrie promit de rendre au Temple tout ce 
dont il l'avait dépouillé. Mais il ne tarda pas à mou- 
rir. — Après de brillants succès remportés sur les 
troupes syriennes, Judas Machabée reprit la ville 
sainte et le'Temple (164). Il fit disparaître toutes traces 
d'idolâtrie, remplaça par un nouvel autel celui qui 
avait été profané, restaura et purifia le sanctuaire, 
orna la façade de couronnes et d'écussons et répara 
les chambres et les portes. La dédicace du nouvel autel 
fut célébrée trois ans, jour pour jour, après la profana- 
tion de l'ancien. IMach., iv, 36-61; II Mach., x, 1-8. 
Puis, pour protéger le Temple, Judas construisit sur 
Sion une enceinte de fortes murailles flanquées de 
hautes tours. Mais ces fortifications ne tardèrent pas à 
être démolies, en violation des traités, par Antiochus 
Eupator. I Mach., vi, 61-63. — Nicanor, général de 
Démétrius I er Soter, roi de Syrie, voulant se faire livrer 
Judas Machabée, vint au Temple et déclara que, si l'on 
n'obtempérait pas à ses ordres, il raserait le sanctuaire 
et lui substituerait un temple dédié à Bacchus. Mais il 
fut vaincu par les Juifs et périt. Judas lui fit couper la 
tête et la main, et les suspendit en face du Temple que 
l'impie avait sacrilègement menacé. I Mach., vu, 34, 
35, 47-49; II Mach., xiv, 31-33; xv, 33-35. - En 159, le 
grand-prêtre Alcime, dévoué au parti helléniste, voir 
Alcime, 1. 1, col. 338, entreprit de démolir les murs du 
parvis intérieur qui servaient de barrière aux gentils. 
Mais il fut frappé d'un mal soudain et expira dans les 
tortures. I Mach., ix, 54-56. — Jonathas fit de nouveau 
entourer Sion de murailles. II Mach., x, 11. Simon 
fortifia la montagne du Temple du côté de la citadelle 
prise aux Syriens. I Mach., xiii, 53. Pour reconnaître 
les services rendus par ce dernier, on grava sur des 
tables d'airain une inscription qui fut placée en évi- 
dence dans la galerie du Temple, et dont une copie- fut 
déposée dans la chambre du trésor. I Mach., xiv, 25- 
49. — Jean Hyrcan avait bâti, au nord du Temple, un 
palais appelé Baris, « forteresse », et qui devint plus 
tard la tour Antonia. Voir Antonia, 1. 1, col. 712. Comme 
Jean Hyrcan était à la fois roi et grand-prêtre, il avait 
ménagé un passage souterrain qui menait directe- 
ment du palais au parvis du Temple. C'est dans 
ce souterrain que, par suite d'une intrigue de cour, 
Antigone, son fils, périt assassiné. Josèphe, Ant. jud., 
XIII, xi, 2. — En 95, un autre de ses fils, Alexandre 
Jannée, exerçait ses fonctions de grand-prêtre dans le 
Temple pour la fête des Tabernacles. Des hommes du 
parti pharisien, mécontents de lui, l'insultèrent et lui 
lancèrent les branches de verdure qu'ils tenaient en 
main. Alexandre fit avancer sa garde, composée de 
Pisidiens et de Ciliciens, et 6 000 hommes furent vic- 
times de sa vengeance. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 
5. — En 65, Aristobule, fils et successeur d'Alexandre 
Jannée, poursuivi par les Arabes d'Arétas, gagnés à la 
cause de son frère Hyrcan, grand-prêtre, se retrancha 
dans l'enceinte du Temple, pendant les fêtes de la 

V. - 65 



2051 



TEMPLE 



2052 



Pâque qui furent naturellement interrompues. Il 
eût succombé sans l'intervention du général romain, 
Pompée. Mais, deux ans après, pour réduire Aristobule 
qui l'avait mécontenté, Pompée fut obligé de faire le 
siège de Jérusalem et la prit à la suite de pénibles 
opérations qui durèrent trois mois. Il pénétra jusque 
dans le Saint des Saints avec une nombreuse suite; 
mais il ne toucha à rien. Le lendemain, il ordonna de 
purifier le Temple et d'y offrir les sacrifices accoutumés, 
et il rendit à Hyrcan ses fonctions sacerdotales. Josèphe, 
Ant. jud., XIV, iv, 4. A dater de ce moment, la Judée 
devenait province romaine, — En 54, Crassus, légat de 
Syrie; vint piller le trésor du Temple, pour subvenir 
aux dépenses d'une expédition contre les Parthes. 
Josèphe, Ant. jud., XIV, vu, 1. — Lorsque Antigone, 
fils d' Aristobule, tenta de recouvrer le pouvoir de son 
père, il disputa à Hérode, nommé par les Romains 
tétrarque de Palestine, la ville de Jérusalem. II occu- 
pait la montagne du Temple, pendant qu'Hérode campait 
dans la forteresse de Baris. Il y eut de sanglants com- 
bats pendant les fêtes de la Pentecôte de l'an 40. 
Josèphe, Ant. jud., XIV, xm, 4. — Couronné roi de 
Judée à Rome, en 39, Hérode dut revenir pour con- 
quérir son royaume. Il parut devant Jérusalem au 
printemps de l'an 37. Le siège coûta cinq mois d'etforts 
aux légions romaines. La ville prise, les Juifs, partisans 
d'Antigone, se réfugièrent sur la montagne du Temple. 
Le monument sacré dut encore une fois subir l'assaut 
des ennemis. Ceux-ci, après s'en être emparés, se pré- 
cipitèrent pour voir ce qu'il contenait. C'était au jour 
même où, vingt-sept ans auparavant, Pompée y était 
entré en vainqueur. Josèphe, Ant. jud., XIV, xvi, 2-4. 
Ici se termine l'histoire du Temple réédifié par Zoro- 
babel. Il avait été, depuis 479 ans, le théâtre d'événe- 
ments très divers, grandes solennités religieuses, mais 
aussi pillages, crimes, profanations et assauts. Cepen- 
dant, le monument lui-même n'avait pas souffert dans 
ses parties essentielles. Hérode ne mit la main aux 
nouvelles constructions qu'en l'an 17. Le Temple de 
Zorobabel subsista donc 499 ans, c'est-à-dire 82 ans de 
plus que celui de Salomon. 

III. Temple d'Hérode. — Les Juifs ne distinguent 
pas le Temple d'Hérode d'avec celui de Zorobabel. C'est 
toujours le miqdâS Sênî, le « second temple » après le 
miqdâs r'iSôn, le « premiertemple », bâti par Salomon. 
Le Temple ruiné par Titus était bé{ sênî, la « seconde 
maison ». Cf. Gem.Baba metzia, 28,1; EchaRabbati, 
62, 1. Cette appellation tient à ce que le Temple de 
Salomon a été complètement ruiné par les Chaldéens, 
tandis que le Temple de Zorobabel n'a été qu'agrandi, 
orné, ou en partie rebâti par Hérode, sans que le ser- 
vice divin fût interrompu et sans que l'identité morale 
entre les deux édifices eût à souffrir. 

/. sa construction. — La dix-huitième année de son 
règne, Hérode, qui n'avait pas encore réussi à vaincre 
les antipathies de ses sujets, se résolut à entreprendre 
une œuvre capable de les flatter. Il convoqua donc les 
principaux Juifs, leur fit remarquer combien le Temple 
de Zorobabel, construit dans des temps difficiles, lais- 
sait à désirer au double point de vue des dimensions 
et de l'ornementation. Il faisait contraste, en effet, avec 
les monuments somptueux qu'Hérode avait élevés à 
Jérusalem dans le style grec. Le roi proposait en consé- 
quence la réfection du Temple. Les Juifs restèrent 
étonnés et défiants. Il leur donna alors l'assurance 
qu'on ne toucherait pas à l'ancien monument avant que 
ne fussent préparés tous les matériaux nécessaires à la 
construction nouvelle. La proposition acceptée dans 
ces conditions, Hérode se procura mille chariots_pour 
amener les pierres; il engagea dix mille ouvriers 
habiles, et, pour le travail à exécuter dans les endroits 
sacrés, il fournit des costumes à mille prêtres auxquels 
il fit enseigner l'art d'employer la pierre et le bois. — 



Le dessein d'Hérode était de donner plus d'étendue au 
péribole du Temple, et plus de hauteur au Temple lui- 
même. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 1. Il fallait donc 
exécuter des travaux pour agrandir l'ancienne plate- 
forme de Salomon. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 3, 
entreprenant de décrire les portiques construits par 
Hérode, commence par parler de la plate-forme salo- 
monienne qui devait leur servir de support; il men- 
tionne le portique oriental bâti par Salomon, mais en 
ajoutant que plusieurs rois d'autrefois y travaillèrent. 
Ailleurs, il donne des détails plus circonstanciés. 
Après avoir observé que la plate-forme de Salomon, 
pourvue d'un portique à l'orient, laissait le Temple à 
découvert sur les trois autres côtés, il écrit : « Avec le 
progrès du temps, le peuple ne cessant pas de combler, 
la colline se trouva de niveau. On perça le mur du nord 
et on prit tout l'espace que renferma plus tard le péri- 
bole du Temple. Quand on eut entouré la colline de trois 
murs à partir de la base, en exécutant plus de travail 
qu'on n'eût pu l'espérer (car de longs siècles y furent 
employés, ainsi que tous les trésors sacrés constitués 
par les tributs envoyés à Dieu du monde entier), on 
construisit le péribole supérieur et le Temple à l'inté- 
rieur. La partie la plus basse avait 300 coudées, ailleurs 
il y en avait davantage. Cependant toute la profondeur 
des fondements n'était pas visible ; car les vallées étaient 
en grande partie comblées par de la terre rapportée, 
afin d'être au niveau des rues de la ville. » Bell, jud., 
V, v, 1. Il avait dit plus haut, en parlant des travaux 
d'Hérode : « Il refit le Temple, et entoura d'un mur le 
terrain environnant, de manière à le doubler, à frais 
énormes et avec une incomparable munificence. On en 
eut la preuve dans les grands portiques qui entouraient 
le Temple et dans la forteresse qui en occupait le 
nord. » Bell, jud., I, xxi, 1. Il suit de là que, depuis 
l'époque de Salomon, il s'était accompli un travail 
continu, et qu'autour de la plate-forme le terrain 
s'était exhaussé peu à peu en même temps que s'élevait 
le niveau des rues de la ville, par le fait des décombres 
provenant des démolitions, des ruines et de plusieurs 
autres causes. Hérode jugea à propos de donner à 
l'enceinte une surface double. Il ne pouvait l'agrandir 
ni à l'est, ni au sud, ni à l'ouest, où la plate-forme 
surplombait à pic des vallées profondes. Il se contenta 
donc de percer le mur du nord, construit jadis au delà 
du fossé creusé dans le roc au temps de Salomon, et 
de donner à la plate-forme un périmètre de 6 stades 
(1ll0 m ). Plus tard, on l'agrandit encore en poussant 
davantage vers le nord, car le périmètre du Haram est 
de 1544 m . Il faut donc attribuer à Hérode les parties 
du mur qui ne remontent pas jusqu'à Salomon : 
l'angle nord-est, du côté oriental, et, du côté nord, 
jusqu'à la tour Antonia, puis le mur qui va de la tour 
Antonia au mur des Lamentations, à quoi il faut ajou- 
ter le couronnement de l'angle sud -ouest (fig. 463). 
Cf. Lagrange, Comment s'est formée l'enceinte du 
Temple, p. 103-113. — Hérode laissa les prêtres con- 
struire eux-mêmes le Temple proprement dit et les 
annexes comprises dans l'enceinte où ils pouvaient 
seuls pénétrer. « On enleva les anciennes fondations 
pour en jeter d'autres sur lesquelles on éleva le temple 
sur 100 coudées de long (45 m ), 120 de haut (54"'); 
hauteur qu'on abaissa parce que les fondations s'affais- 
saient, mais qu'on se décida à relever à l'époque de 
Néron. Ce Temple fut bâti en pierres blanches et dures ; 
chacune avait en longueur près de 25 coudées (ll m 25), 
8 en hauteur (3 m 60) et près de 12 en largeur (5 m 40). 
Tout le Temple était, comme le portique royal, plus 
bas de chaque côté et plus élevé au milieu, de sorte 
qu'il apparaissait aux habitants à plusieurs stades de 
distance, surtout quand on résidait en face ou qu'on 
arrivait par là. » Josèphe, Ant. jud.,X\, xi, 3. Josèphe 
se sert dans ses évaluations de la coudée commune de 



2053 



TEMPLE 



2054 



m 45, commele prouve la conformité des mesures qu'il 
donne avec des monuments encore existants. Le rem- 
placement des fondations ne dut pas être bien difficile, 
puisque le rocher affleurait de toutes parts. Si la con- 
struction fléchit, ce fut par suite de mauvaises disposi- 
tions, car le rocher ne pouvait céder. Les dimensions 
que Josèphe attribue aux pierres ne concernent tout au 
plus que quelques-unes d'entre elles. Les prêtres 
terminèrent leur tâche en dix-huit mois. Ils avaient dû 
remplacer les unes après les autres les différentes 



jud., XX, ix, 7. Des milliers d'ouvriers avaient donc 
été employés aux constructions et à la décoration depuis 
le temps où Hérode avait commencé. Aussi le Temple 
qui porte le nom de ce prince est-il loin d'être son 
œuvre exclusive. 

//. sa description. — Le Temple d'Hérode a été décrit 
par Josèphe dans deux de ses ouvrages, Bell, jud., V, 
v, et Ant. 'jud., XIV, xi. L'historien juif parle d'un 
monument qu'il connaissait bien. Mais, comme dans 
ses deux ouvrages il se place à des points de vue diffé- 




463. — Angle sud-ouest du Haram. D'après The Recovery of Jérusalem, 1. 1, frontispice. 



parties de l'édifice, sans interrompre le service reli- 
gieux. Hérode se chargea directement des portiques et 
de toutes les enceintes extérieures, en même temps 
qu'il s'occupait de la transformation de l'Antonia. Il mit 
huit ans à achever son œuvre. Josèphe, Ant. jud., XV, 
xi, 5, 6. Il s'agit vraisemblablement ici du gros œuvre; 
Car il avait engagé dix mille ouvriers qui ne cessèrent 
pas de travailler aux murs d'enceinte, aux portiques, 
et aux différentes parties du Temple. Du temps de 
Notre-Seigneur, le trai'ail de décoration se poursuivait 
dans le Temple. « On a mis quarante-six ans à bâtir ce 
Temple, » lui disaient les Juifs. Joa., H, 20. Hérode 
avait commencé en l'an 19 avant J.-C; on était donc 
alors en l'an 26 ou 27 après J.-C. Les Juifs trouvaient 
encore dans le Temple des pierres pour les jeter sur le 
Sauveur. Joa., vm, 59; x, 31. C'étaient sans doute des 
déchets de sculptures en caurs d'exécution. Le Temple 
ne fut complètement achevé qu'en 64. Cet achèvement 
laissa plus de 18 000 ouvriers sans travail. Josèphe, Ant. 



rents, il y a lieu de préciser la description du parvis 
extérieur de Bell, jud., par celle à'Ant. jud., et réci- 
proquement; pour tout le reste, de compléter le second 
ouvrage par le premier. 11 donne beaucoup de mesures, 
ordinairement justes quand elles portent sur le détail, 
trop faibles ou plus souvent exagérées quand elles se 
rapportent à l'ensemble. On dirait que l'historien 
possédait des documents précis, mais dans lesquels les 
totaux n'étaient point établis. On peut donc en général 
se fier à ce qu'il écrit, en corrigeant quelques-unes de 
ses affirmations. Le Nouveau Testament fournil un 
certain nombre de renseignements précieux sur l'état 
du Temple au temps de Notre-Seigneur et des Apôtres. 
Ces renseignements s'accordent bien avec les descrip- 
tions de Josèphe. Dans la Mischna, le traité Middoth, 
« mesures », est plutôt un relevé de mesures précises 
qu'une description duTemple. Ces mesures sont souvent 
étriquées, bien qu'elles dussent paraître grandioses aux 
rabbins, par comparaison avec celles de leurs syna- 



2057 



TEMPLE 



2058 



gogues. On est obligé de préférer les indications de 
Josèphe. Le traité Middoth n'est vraiment utilisable 
que par ses renseignements sur le nom et la destination 
des différentes parties de l'édifice, et encore ne faut-il 
accepter qu'avec hésitation des indications dont beau- 
coup sont peut-être postérieures à la ruine du Temple. 
Cf. Aucler, Le Temple de Jérusalem au temps de 
N.-S. J.-C, dans la Revue biblique, 1898, p. 193-206. 
M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, Paris, 1864, a 
reconstitué le Temple d'Hérode dont il donne une vue 
cavalière (fig. 464) et un plan (fig. 465) qu'il faut avoir 
sous les yeux pour se faire une idée exacte du monu- 
ment et des différentes parties qui le composaient. 

1° Le portique royal. — Il s'élevait au-dessus du mur 
méridional de l'enceinte, par conséquent du côté où se 
trouvait le palais des anciens rois de Juda. Il allait de la 
vallée du Tyropœon à celle du Cédron. Il excitait l'ad- 
miration, tant par sa magnificence que par sa hauteur 
au-dessus de la vallée. Quatre rangées de colonnes 
formaient une triple allée. Chaque colonne avait 27 
pieds de haut (7 m 98), portait sur un double tore de 
pierre, était couronnée d'un chapiteau corinthien et 
pouvait à peine être embrassée par trois hommes. Il y 
avait 162 colonnes ou plutôt peut-être 164, formant 
quatre rangées de 41. Les deux allées latérales avaient 
30 pieds de large (8 m 87), un stade de long (185 m ) et plus 
de 50 pieds de haut (14 m 78); l'allée centrale était une 
fois et demie plus large (13 m 30) et double de hauteur 
(29 m 56). La toiture était ornée de sculptures de bois 
en haut relief et de formes diverses, et le pignon avait 
des colonnes engagées et une architrave. Josèphe, 
Ant. jud., XV, xi, 5. L'allée centrale du portique 
royal aboutissait à un pont, dont il reste l'arche de 
Robinson, voir t. m, col. 1371, et qui, par-dessus la 
vallée du Tyropœon, rejoignait le Xyste, près du palais 
des Asmonéens. Dans le récit de la tentation de Notre- 
Seigneur, il est dit que Satan le transporta sur le pi- 
nacle du temple, xo itrepOf iov toù iepoû, et l'invita à 
se précipiter en bas. Matth., iv, 5. L'angle sud -est du 
portique royal surplombait le Cédron de 400 coudées 
(180 mètres), si bien qu'on ne pouvait regarder en bas 
de cette hauteur sans risquer d'avoir le vertige. Josèphe, 
Ant. jud. , XV, xr, 5; XX, ix, 7. Il est probable que ce 
sommet est l'endroit où est localisée la tentation. Cf. Le 
Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, 1. 1, p.270.Le 
pylône qui surmontait le vestibule du kèkal n'avait que 
100 coudées (45 mètres) de haut. De là, le Sauveur fût 
descendu dans le parvis des prêtres, dont l'accès lui 
était légalement interdit. Restait le portique de la Belle- 
Porte, à l'entrée du parvis des femmes. Mais ce por- 
tique n'avait que 40 coudées (18 mètres) de haut et pou- 
vait difficilement prendre le nom de pinacle. 

2° Le portique de Salomon et les deux autres. — Le 
portique de Salomon existait depuis la construction 
du premier Temple. Il avait dû être réparé bien des fois 
et, quoique Josèphe n'en dise rien, il est possible 
qu'Hérode l'ail restauré à son tour. Le portique sep- 
tentrional et le portique occidental n'avaient, comme 
celui de Salomon, qu'une double allée. « Ils étaient 
portés par des colonnes de 25 coudées de haut (ll m 25) 
en belles pierres blanches, et recouverts d'une char- 
pente de cèdre, ...mais sans aucun ornement extérieur 
de peinture ou de sculpture. » Josèphe, Bell, jud., V, 
v, 2. Ces portiques servaient d'abris contre la chaleur 
ou contre la pluie. On s'y promenait et l'on s'y reti- 
rait pour s'entretenir ou entendre les docteurs. Joa., 
x, 23; Act., m, 11; v, 12. Là se trouvait le bêt hak- 
kenését, « lieu d'assemblée » où se réunissaient les 
docteurs. Luc, n, 46. Les marchands d'animaux et les 
changeurs y avaient leurs places, mais ils empiétaient 
plus que de raison sur les parvis. Joa., H, 14; Jer. 
Yoma, 61, 3; Jer. Chagiga, 78, 1. Ce n'est pas à l'inté- 
rieur, mais hors du Temple, près du Xyste, qu'il faut 



placer les hanôf, chambres où d'après Schabbath, 15a; 
Rosch haschana, 31 a; Sanhédrin, 41 a, se réunissait 
le sanhédrin lorsque, quarante ans avant la ruine du 
Temple, il cessa de tenir séance dans le lieu appelé 
Gazif. Voir t. ni, col. 1843. C'est à tort que d'après des 
informations rabbiniques, on y place des chambres ser- 
vant aux lévites pour prendre leurs repas ou leur som- 
meil, quand ils n'étaient pas de garde, pour manger 
certaines victimes, ou brûler celles qui avaient été 
souillées. Gem. Berachoth, 49 6. 

3° Les portes de l'enceinte. — Josèphe, Ant. jud., 
XV, xi, 5, mentionne quatre portes à l'ouest, celle qui 
menait au palais royal par un pont, deux sur le fau- 
bourg et une sur la ville; il dit qu'il y en avait aussi 
au milieu du mur méridional, sous le portique royaL 
La porte orientale s'appelait « porte de Suse», en sou- 
venir de la suzeraineté bienfaisante des Perses. On la 
nomma depuis la Porte Dorée (fig. 466). Cf. fig. 328, 
col. 1544. Au-dessus de cette porte était une chambre 
dans laquelle on conservait deux étalons de coudées. Ke- 
lim, xvn, 9. La porte qui, à l'ouest, aboutissait à l'arche 
de Wilson,cî. t. ni, col. 1371, s'appelait « porte de Copo- 
nius». Enfin la porte du nord, entre l'Antonia et l'angle 
nord-est, se nommait « porte de Théri», nom d'un autre 
personnage moins connu que le précédent. Middoth, i, 
3. — En outre, la tour Antonia communiquait directe- 
ment avec le parvis extérieur, dont elle occupait l'angle 
nord-ouest en coupant les portiques. Sa tour centrale 
et ses quatre tours d'angle avaient été élevées par Hé- 
rode pour la sécurité et la garde du Temple. De la tour 
du sud-est, on voyait tout ce qui se passait dans l'édi- 
fice sacré. Deux escaliers mettaient la forteresse en 
communication directe avec les parvis du nord et de 
l'ouest. Par là descendaient les soldats chargés de 
maintenir l'ordre dans l'enceinte aux jours de fête 
« Le Temple veillait sur la ville, et l'Antonia veillait 
sur le Temple, » Josèphe, Bell, jud., V, v, 8. 

4" L'intérieur de l'enceinte. — Tout l'espace libre 
encadré par les portiques était dallé en pierres de di- 
verses sortes. L'accès en était permis à tous, même aux 
gentils, depuis surtout que les rois perses avaient fa- 
vorisé la construction du second Temple. C'est pour- 
quoi l'on appelle habituellement « parvis des gentils » 
l'espace compris entre les portiques et le péribole. 
Mais cette dénomination est ignorée des anciens Juifs.; 
d'ailleurs les étrangers ne pénétraient qu'assez rare- 
ment à l'intérieur des portiques. Dans cette enceinte se 
dressait autour du Temple un mur élégant de 3 coudées 
de haut (l m 35), muni de treize ouvertures, avec autant 
de colonnes portant une inscription pour défendre 
aux étrangers d'aller plus loin sous peine de mort. 
Voir Péribole, t. v, col. 142. L'espace compris entre ce 
mur et le Temple s'appelait hèl, « fortification », 
7cpoTsfx 1!I ( ia 7 spatium antemurale. On y montait par 
14 marches, au sommet desquelles s'étendait, tout au- 
tour du Temple, un palier large de 10 coudées (4 m 50). 
Sur ce palier s'élevait la construction rectangulaire du 
hiéron. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, attribue aux 
murs 40 coudées de haut (18 œ ) à l'extérieur, et 25 
(ll m 25)à l'intérieur, sans doute à raison de la suréléva- 
tion du sol. Ces hauteurs se concilient difficilement 
avec celles qu'il assigne aux portes. Tout autour de ces 
murs, Hérode avait suspendu les trophées pris sur les 
nations étrangères et tout récemment sur les Arabes, 
ainsi que ce qu'il offrait lui-même en ex-voto, àvé87]«. 
Il sera fait allusion à ces objets quand, au sortir du 
hiéron, les disciples',diront un jour au Sauveur qu'il y a 
là de belles pierres et de riches ex-voto, ocva8r,(jiaTŒ 
dona. Luc, xxi, 5. 

5» Les portes du Temple. — On montait cinq degrés 
pour passer du fiel dans l'enceinte sacrée ou Upôv. Dix 
portes, dont neuf extérieures, y donnaient accès. Ces 
portes, en bois magnifiquement orné d'or et d'argent, 




Pont * 



7 ,- t 



2061 



TEMPLE 



2062 



avaient 30 coudées de haut (13 m 50) et 15 de large (6"»75) 
elles s'ouvraient sur un portique carré de 30 coudées de 
côté et de 40 (18 m ) de haut, formant vestibule, et sou- 
tenu par deux colonnes de 12 coudées (5 m 40) de tour. 
Chacune de ces portes était double. La porte orientale 
s'appelait la « Belle Porte ». Voir Belle Porte, t. i, 
col. 1568. Elle menait au parvis des femmes. Les deux 
premières portes latérales y conduisaient également. 
Six autres portes ouvraient sur les parvis d'Israël et 
des prêtres; au midi, les portes de l'Embrasement, des 
Premiers -Nés et des Eaux; au nord, celles de Nisôs ou 
de l'Étincelle, de POblation et de la Maison du foyer. 
Middoth, i, 4; Gem. Yoma, 19, 1; Gem. Keluboth. 










5. 




466. — Porte Dorée. D apies une photographie. 

106. La dixième porte était à l'intérieur, faisant face 
à la Belle Porte, à l'autre extrémité du parvis des 
femmes. Elle était en bronze, haute de 50 coudées 
(22 m 50) et large de 40 (18 m ). On l'appelait porte de 
Nicanor, probablement du nom de celui qui, croyait- 
on, l'avait sauvée du naufrage en la rapportant 
d'Alexandrie. C'est celle que Josèphe, Bell, jud., V, v, 
3, appelle « la Corinthienne », semble-t-il, bien que 
son texte soit assez ambigu. Elle surpassait toutes les 
autres portes par sa magnificence. C'était la seule porte 
du Temple qui eût la mézuza, Gem. Yoma, ii, 1. Voir 
Mezuza, t. iv, col. 1057. 

6° Le parvis des femmes. — C'était un espace à ciel 
ouvert qui allait de la Belle Porte à celle de Nicanor. 
Il avait 135 coudées de long (60-75) et autant de large. 
Il n'était pas exclusivement réservé aux femmes; mais 
il portait ce nom parce que les femmes ne pouvaient 
s'avancer au delà. Josèphe parle de ce parvis, mais 
sans en donner de description. On en est donc réduit 
aux maigres renseignements fournis par la Mischna. 
D'après Middoth, h, 5, il y avait autour du parvis des 
femmes un podium surélevé d'où elles pouvaient voir 
d'en haut, sans se mêler aux hommes qui se tenaient 



en bas. Cette indication est plus que problématique, 
car il y avait sur les deux côtés du parvis des dépen- 
dances auxquelles tous devaient pouvoir accéder. Aux 
quatre angles du parvis étaient quatre chambres car- 
rées de 40 coudées de côté (18 m ) et couvertes seule- 
ment en partie. Al'angle nord-est, la chambre des pro- 
visions de bois, Eduyoth, vin, 5; à l'angle nord-ouest, 
la chambre des lépreux, où ceux-ci faisaient leurs ablu- 
tions avant de se présenter à la porte de Nicanor, Ne- 
gaïm, xiv, 8; à l'angle sud-ouest, la chambre des provi- 
sions de vin et d'huile; al'angle sud-est, la chambre des 
nazaréens, où ils coupaient leurs cheveux et cuisaient 
leurs sacrifices. Entre ces deux dernières chambres en 
étaient deux autres consacrées au trésor. Voir Gazophy- 
lacium, t. m, col. 133. Celles-ci étaient précédées d'un 
portique à hautes et magnifiques colonnes. Josèphe, 
Bell, jud., V, v, 2. En face, sur le côté nord, devait se 
trouver un portique semblable, et, en arrière, deux 
autres chambres dont la destination n'est pas indiquée. 
De ce même côté étaient placés les treize troncs en 
forme de trompettes dans lesquels on déposait les 
diverses offrandes. Voir t. m, col. 134. 

7° Le parvis d'Israël. — Du parvis des femmes, 
quinze marches de faible hauteur conduisaient à la porte 
de Nicanor. A cette porte se présentaient pour leur 
purification les lépreux, les femmes devenues mères et 
celles qui étaient soupçonnées d'adultère. Sota,l, 5. Là 
aussi s'accomplissaient tous les actes qu'il fallait faire 
« devant la face de Dieu ». Jer. Sota, 17, 1. En réalité, 
la porte de Nicanor divisait le hiéron en deux parties 
très distinctes : à l'orient, le parvis des femmes, à l'oc- 
cident, le grand parvis, dont les prêtres occupaient la 
plus grande partie, mais à l'entrée duquel les simples 
Israélites avaient accès. Du parvis des femmes, on n'a- 
percevait qu'imparfaitement ce qui se passait dans le 
grand parvis, car l'ouverture de la porte de Nicanor 
ne laissait libre que le tiers central de la clôture et ne 
permettait guère que devoir l'autel. Dans l'épaisseur de 
la clôture étaient ménagées différentes chambres ouvrant 
sur le parvis d'Israël. A droite, une première chambre 
dans laquelle on cuisait les pains destinés à l'autel, et 
une seconde appelée bê( môqéd, « maison du foyer », 
dans laquelle on entretenait un feu constant pour ré- 
chauffer les prêtres qui servaient pieds nus dans le sanc- 
tuaire. Middoth, \, 6; Schabbath,ï, 11. On y gardait, sus- 
pendues dans un réduit pratiqué sous le pavé, les clefs 
du parvis et là dormaient les prêtres qui devaient com- 
mencer leur service dès l'aube. A ces deux chambres 
se rattachaient des locaux où l'on préparait les pains de 
proposition, celui où l'on gardait les agneaux destinés 
au sacrifice quotidien, toujours au nombre de six au 
moins, Erachin, m, 5, et un autre où l'on conservait 
les pierres de l'autel profané sous Antiochus le Grand. 
I Mach., iv, 46; Gen. Yoma, 15, 1. Cf. Tamid, m, 3. 
A gauche, le-vestiaire des prêtres, la chambre des ins- 
truments de musique et la chambre des vases ou usten- 
siles du Temple. Temura, 1,6; vu, 1, 2; Erachin, vnu 
6; Schekalim, iv, 8; v, 6. L'espace réservé aux simples 
Israélites au delà de la porte de Nicanor avait toute la 
largeur du parvis des femmes, 135 coudées (60 m 75), 
mais seulement 11 coudées (4 m 95) de profondeur, ce qui 
parait bien peu de chose à côté des dimensions attri- 
buées au parvis des femmes. Aussi plusieurs auteurs 
ont-ils pensé que l'indication fournie ici parla Mischna, 
Middoth, il, 6, était défectueuse. Malheureusement on 
n'en a pas d'autre à lui substituer. Il faut donc admettre 
que les hommes avaient également accès dans le 
parvis des femmes, comme le prouvent d'ailleurs la 
présentation des lépreux devant la porte de Nicanor, et 
la présence de Notre-Seigneur, de ses disciples et de 
beaucoup d'autres auprès des chambres du trésor. Luc, 
xxi, 5; Joa., vin, 20. Le parvis d'Israël, avec ses 300 
mètres carrés, pouvait contenir aisément un millier 



2063 



TEMPLE 



2064 



d'hommes, et, en général, on ne venait là que quand 
on avait à assister à des sacrifices particuliers. Deux 
portes ouvraient directement sur le parvis d'Israël, la 
porte de la Maison du foyer, au nord, et celle des Eaux, 
au midi. Le niveau du parvis des prêtres était plus 
élevé que celui du parvis d'Israël de 2 coudées 1/2 
(l m 12). Pour passer de l'un à l'autre, des degrés étaient 
ménagés, au moins au centre, de manière à fournir le 
dôkan ou y.pY)-iu';, l'estrade sur laquelle les lévites se 
tenaient pour chanter devant l'autel. II Par., v, 12; 
II Mach., x, 26; Eccli., xlvii, 9. 

8" Le parvis des prêtres. — Ce parvis, aussi large 
que les précédents, avait une longueur de 176 coudées 
(79 m 20), depuis le parvis d'Israël jusqu'au mur qui était 
derrière le Saint des Saints. A droite et à gauche ré- 
gnaient des portiques derrière lesquels alternaient de 
chaque côté trois salles et trois des portes. Au nord, 
après la porte de la Maison du foyer, la salle où on la- 
vait les entrailles des victimes, à portée de l'endroit où 
on les avait égorgées et écorchées. Tamid, IV, 2. Après 
la porte de l'Oblation, la chambre où on salait les peaux 
des victimes, et après la porte de Nisôs ou de l'Étin- 
celle, la chambre du sel dont on se servait à l'autel. 
Du côté du midi, après la porte des Eaux, la salle du 
puits, d'où l'on tirait l'eau au moyen d'une roue. Après 
la porte des Premiers-Nés, la chambre du bois, dans 



avait dit en effet, en parlant de cet endroit : « C'est ici 
la maison du Seigneur Dieu, et ici l'autel des holo- 
caustes pour Israël. » I Par., xxn, 1. Il ne suit pas de 
là rigoureusement que l'autel ait occupé le sommet 
même de la roche. Mais on peut penser légitimement 
que l'ange apparu à David « près de l'aire d'Oman », 
II Reg., xxiv, 17, se tenait à l'endroit le plus visible, 
par conséquent au sommet même, et que l'emplace- 
ment ainsi sanctifié fut désigné pour l'autel futur. 
Cf. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. m-v, 62, 63; 
Perrot, Histoire de l'art, t. iv, p. 198 ; Tenz, Position de 
l'autel des holocaustes, dans le Palest. Explor. Fund? 
Quart. Stat., avril 1910. Lorsqu'en 636 Omar s'empara 
de Jérusalem, il déblaya lui-même le sommet de cette 
roche des immondices qui la recouvraient et jeta les fon- 
dements de la mosquée qui garde encore son nom, mal- 
gré sa reconstruction. Les musulmans y vénèrent, sous 
le nom de Sakrâ,n rocher», l'antique sommet de l'aire 
d'Oman. Ce rocher a 17 mètres de long sur 13 mètres 
de large et dépasse le sol de l m 25 à 2 mètres. A l'angle 
sud-est, une petite porte ouvre sur un escalier de- 
onze marches, qui conduit dans une grotte ou chambra 
souterraine de 8 à 10 mètres de diamètre. Sur le solde 
cette chambre se trouve une dalle qui sonne le creux 
quand on la frappe et donne ainsi à supposer l'exis- 
tence d'une cavité sous-jacente. Les musulmans appellent 




467. — Autel égyptien avec sa rampe. D'après Naville, Deir el-Bahari, t. i, pi. vm. 



laquelle on remisait le bois nécessaire aux sacrifices, 
après avoir soigneusement écarté, parmi les provisions 
accumulées dans la chambre du parvis des femmes, 
tout le bois atteint de pourriture ou travaillé par les 
vers. Enfin, à l'angle sud-ouest, la chambre appelée 
Liskat gazit, cf. t. m, col. 1843, dans laquelle le sanhé- 
drin tenait ses séances. Cette salle avait une entrée 
sur le parvis des prêtres, mais aussi une autre sur le 
hêl pour ceux de ses membres qui n'étaient pas 
prêtres. Aux jours de fête, les juges siégeaient sur le 
hêl même, à cause de l'affluence des assistants. Gem. 
Sanhédrin, 88, 2; Gem. Yoma, 21, 1; Middoth, I, 5. 
D'autres chambres sont signalées au-dessus de celles-là. 
Au-dessus de la chambre du bois, il y en avait une où 
le grand-prêtre séjournait pendant les sept jours qui 
précédaient la lète de l'Expiation. Yoma, i, 1. On cite 
encore une salle de bains pour les prêtres, sous la 
chambre de la maison du foyer, et d'autres chambres 
appelées icauToifôpta, I Mach., iv, 57, dans lesquelles 
les prêtres pouvaient s'asseoir pour manger les ali- 
ments sacrés ; car il ne leur était jamais permis de 
s'asseoir dans leur parvis. Les talmudistes'ne s'ac- 
cordent pas toujours sur la dénomination ou la desti- 
nation des locaux ou des portes du Temple; leurs indi- 
cations, en faisant la part de ce qu'elles peuvent avoir 
de conjectural, suffisent cependant pour donner une idée 
générale de l'édifice et de ses dispositions intérieures. — 
Dans la partie antérieure du parvis des prêtres, tout 
convergeait vers l'autel des sacrifices, dont la forme 
était empruntée à celle des autels égyptiens (fig. 467), 
avec des adaptations spéciales aux exigences du culte 
mosaïque. Il s'élevait à peu près dans l'axe de la porte 
deNicanor, et, selon toutes les probabilités, sur le som- 
met de la roche de l'ancienne aire d'Oman. David 



cette cavité Bir el-Arwah, « puits des âmes », et pré- 
tendent que les âmes des défunts s'y réunissent chaque- 
semaine pour prier Dieu. On croyait et on disait géné- 
ralement que cette dalle recouvrait le point de départ 
d'anciens conduits souterrains par lesquels, à l'époque 
du Temple juif, le sang des sacrifices et les eaux de- 
lavage s'écoulaient jusqu'au Cédron. Pendant les nuits 
du 2 au 14 avril 1911, les explorateurs de la mission an- 
glaise ont fait des sondages réitérés dans le puits des 
âmes, par une petite anfractuosité ménagée entre la 
dalle sonore et le rocher sur lequel elle porte. Ils ont 
constaté que la cavité avait une profondeur maxima de 
25 centimètres et qu'il n'y a là par conséquent ni ca- 
veau ni conduit. Cf. Lagrange, La prétendue violation 
de la mosquée d'Omar, dans la Revue, biblique, 1911, 
p. 440. A supposer que la grotte de la Sakrd soit l'an- 
cienne citerne d'Oman et que l'autel du Temple ait été 
construit au-dessus, c'est donc ailleurs qu'il faudra 
probablement chercher l'ouverture des anciens canaux, 
lorsque des investigations méthodiques seront possibles. 
— L'autel du Temple juif était en pierres non polies 
qu'on blanchissait deux fois l'an. Middoth, m, 4. Voir 1. 1, 
col. 1271. La rampe d'accès, sans marches, partait du 
midi, large de 16 coudées (7 m 20), longue de 32 (14">>40) 
et seulement de 30 (13 m 50) en plan. On y répandait du 
sel pour empêcher les pieds de glisser à la montée 
ou à la descente. Erubin, x, 14. On montait ordinai- 
rement par la droite et on descendait par la gauche. 
Sur les actes qui s'accomplissaient à l'autel, voir Liba- 
tion, t. iv, col. 234; Oblation, col. 1725; Sacrifice, 
t. v, col. 1322-1329. En avant de la rampe, à 10 cou- 
dées (5 m 25) vers le nord à partir de son commencement, 
se trouvait une fosse dans laquelle on versait les cen- 
dres. Tamid, i, 4. Cette fosse devait communiquer avec 



2065 



TEMPLE 



2066 



les souterrains. Au nord de l'autel, des anneaux fixés 
dans le sol par rangées de quatre servaient à attacher 
les victimes avant de les égorger; celles-ci étaient en- 
suite suspendues à dix colonnes munies d'une triple 
rangée de crocs, afin d'être écorchées. Dix tables de 
marbre recevaient les membres dépecés et les entrailles 
déjà lavées. A l'ouest de la rampe, on posait sur une 
table de marbre les parties des victimes qui devaient 
être portées à l'autel, et sur une table d'argent les us- 
tensiles d'or et d'argent servant aux sacrifices. Tamid, 
ni, 4; Gem. Chagiga, 79, 4. Au delà de l'autel, du côté 
du midi, se trouvait le grand bassin qui remplaçait la 
mer d'airain de Salomon. Jer. Yebamoth, 12, 3; Siphra, 
57, 1. A considérer les objets qu'on y voyait et les actes 
qu'ony accomplissait, cette partie du Temple présentait 
plutôt l'aspect vulgaire d'un abattoir et d'une boucherie 
que celui d'un lieu de culte en l'honneur du vrai Dieu. 
Mais les anciens ne jugeaient pas comme nous. Les 
sacrifices sanglants étaient pour eux l'expression de 
l'adoration et de l'obéissance dues à Dieu, et plus les 
sacrifices étaient nombreux, plus ils frappaientl'esprit, 
plus aussi ils excitaient dans l'âme les sentiments qui 
convenaient à la religion encore imparfaite de ces 
temps antérieurs à la rédemption. 

9° Le vestibule. — Le sanctuaire proprement dit ou 
naos était long de 100 coudées (45 m ), et laissait derrière 
lui un espace de 11 coudées (4 m 95) jusqu'au mur exté- 
rieur. Le vestibule s'élevait donc à une distance de 65 cou- 
dées (29 m 25) de l'entrée du parvis des prêtres. Ce vestibule 
est décrit par Josèphe, Bell, jud., V, v, 4. On y accé- 
dait par 12 marches, hautes d'une demi-coudée (0 nl 22), 
et séparées en groupes de trois par des paliers. Il avait 
100 coudées (45 m ) de large et autant de haut, mais seu- 
lement 11 coudées (4 m 95) de profondeur. Ses deux 
parties extrêmes formaient, dit Josèphe, « comme deux 
épaules » de 40 coudées (18 m ) chacune, de sorte que 
le vestibule était de 80 coudées (36 m ) plus large que le 
hêkal, qui venait ensuite. Il avait une ouverture de 
70 coudées (31 m 50) de haut sur 25 (ll m 25) de large, sans 
portes pour le fermer. Au-dessus, le mur était constitué 
par des alternances de pierres et de poutres dont la 
longueur croissait en montant de 22 coudées (9 m 90) à 
30 (13 m 50). Middoth, m, 7. La baie était close par un 
riche et épais rideau, qu'une étoffe plus grossière pro- 
tégeait au dehors contre les injures de l'air. Schekalini, 
vin, 5; Gem. Tamid, 63, 2. Les talmudistes ne 
donnent à cette ouverture que 40 coudées de haut (18 m ) 
sur 20 de large (9 m ). A l'intérieur du vestibule, aux 
poutres de cèdre qui allaient de l'ouverture au mur du 
fond, était suspendue une vigne d'or dont les grappes, 
prétend Josèphe, avaient la hauteur d'un homme. Elle 
provenait du produit d'offrandes particulières, Middoth, 
ni, 8; Gem. Tamid, 63, 1, et symbolisait Israël, la vigne 
du Seigneur. Jer.,n, 11; Ezech., xix, 10. Le vestibule 
contenait en outre une table de marbre pour y déposer 
les pains qui devaient être placés devant le Saint des 
Saints, et une tabled'or pour recevoir ceux qui en avaient 
été enlevés. Menacholh, xi, 7; Schekalim, vi, 4. 

10° Le Saint. — Le Saint ou hêkal avait 60 coudées 
de haut (27»), 40 de long (18°°) et 20 de large (9-). La 
porte, de bois orné d'or, avait 20 coudées de haut (9 m ) 
et 10 de large (4°>50). Elle se composait de quatre van- 
taux et était protégée par un voile. Une petite porte 
ménagée au nord permettait d'entrer pour ouvrir la 
grande, de l'intérieur. Tamid, m, 7. Au-dessus de cette 
porte était suspendue une lampe d'or, don postérieur 
de la reine Hélène d'Adiabène. Quand cette lampe ren- 
voyait les rayons du soleil levant, les prêtres reconnais- 
saient que l'heure était venue de réciter le Sema'. 
Gem. Yoma, 37, 2. Le Saint contenait trois objets en 
or, le chandelier à sept branches, la table des pains de 
proposition, et, entre les deux, l'autel sur lequel on 
brûlait les parfums. 



11° Le Saint des Saints. — Le debir avait 20 coudées 
(9 m ) dans tous les sens. Ni mur ni porte ne le sépa- 
raient du Saint, mais seulement deux voiles tendus à 
une coudée l'un de l'autre. Le grand-prêtre seul péné- 
trait dans ce lieu, au jour de l'Expiation. L'Arche d'al- 
liance en étantabsente, on n'y voyait plus qu'une pierre 
s'élevant de trois doigts (O^OO) au-dessus du sol. On 
l'appelait 'ébe'n sefiyâh, « pierre de position ». Yoma, 
v, 2. Etait-ce la pierre sur laquelle reposait jadis 
l'Arche d'alliance ? Cf. Le Camus, Notre voyage aux 
pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 352. Il est dit que, 
dans le debir salomonien, tout était recouvert de 
cèdre et qu'on ne voyait pas la pierre. III Reg., vi, 15, 
18. Peut-être faut-il excepter la « pierre de position », 
à moins qu'elle fût recouverte par le parquet. Son 
origine salomonienne est d'ailleurs problématique. 
Mais ce qui est inacceptable, c'est la confusion de cette 
pierre avec le sommet de la roche Sakrâ, comme 
l'admettent les rabbins et Chaplin, The stone of foun- 
dation, dans Palest. Explor. Fund, Quart. Stat., 1876, 
p. 23-28. L'emplacement du debir était beaucoup trop 
voisin du mur occidental pour coïncider avec le som- 
met de l'aire d'Oman. 

12° Les chambres. — Autour du monument, sur 
trois de ses côtés, comme dans le Temple de Salomon, 
il existait trois étages de chambres, qui communi- 
quaient entre elles et reproduisaient les dispositions 
anciennes. On y arrivait par les deux côtés du vesti- 
bule. Chaque étage comptait cinq chambres au sud et 
au nord, et huit à l'ouest, dont deux seulement à l'étage 
supérieur, en tout 38. Middoth, iv, 3. La destination 
de ces chambres n'est pas indiquée. En tous cas, à 
raison de leur emplacement, elles n'étaient accessibles 
qu'auxlévites. Au-dessus d'elles, la muraille était percée 
de fenêtres pour éclairer le Saint. Josèphe fait monter 
le toit des chambres à 60 coudées (11 m ), sur une hau- 
teur totale de 100 coudées (45 m ). Il restait donc 40 cou- 
dées (18 m ) pour l'emplacement des fenêtres. Aux extré- 
mités du vestibule, deux autres chambres servaient à 
déposer les couteaux des sacrifices. 

13° La toiture. — Elle était faite de poutres, peut- 
être recouvertes de dalles de pierre. Au lieu d'être 
plate, comme les toitures ordinaires, elle était inclinée, 
sans doute sur deux plans en angle. Comme les toits 
des maisons, Deut., xxn, 8, elle avait une balustrade 
protectrice haute de 3 coudées (l m 35). Elle était 
hérissée d'aiguilles ou obèles en or, pour empêcher 
les oiseaux de s'y poser et de souiller l'édifice 
sacré. 

14» Les mesures. — La Mischna, Middoth, v, 1, 
indique les mesures suivantes pour les diverses parties 
du temple. 

A la hauteur de l'autel, transversalement du nord au 
sud : 

Du mur du nord aux colonnes 8 coudées ( 3-60) 

Des colonnes aux tables de marbre . . 4 — ( 1-80) 

Des tables aux anneaux 4 — ( 1-80) 

Les anneaux 24 — (10-80) 

Des anneaux à l'autel 8 — ( 3"60) 

L'autel et la rampe 62 — (27-90) 

De la rampe au mur du sud 25 — (11-25) 

135 coudées (60-75) 

De la porte de Xicanor au mur du fond : 

Delà porte au parvis des prêtres. . . 11 coudées (4-95) 

Du parvis à l'autel 11 = ( 4-95) 

L'autel 32 — (14-40) 

De l'autel au vestibule 22 — (9-90) 

Le Temple 100 — (45- ) 

Du Temple au mur occidental. ... 11 — ( 4-95) 

187 coudées (84-15) 



2067 



TEMPLE 



2068 



Hauteur du temple, Middoth, iv, 6 : 

Soubassement en pierre 6 coudées ( 2"70) 

Mur des chambres 40 — (18" ) 

Toiture des chambres 5 — ( 2"25) 

Mur supérieur du temple 40 — (18" ) 

Toiture du temple 5 — ( 2"25) 

Balustrade 3 — ( 1-35) 

Aiguilles 1 — ( 0"4S) 

. 100 coudées (45" ) 

Les Paralipomènes, II, ni, 4, dans leur texte actuel 
attribuent 120 coudées (63™ d'après la coudée du temple, 
54 m d'après la coudée commune) au grand pylône du 
Temple de Salomon. Mais ces chiffres sont probable- 
ment altérés. Le Temple lui-même n'avait que 30 coudées 
de hauteur (15™ 75 ou 13» 50). III Reg. , vi, 2. Le Temple 
de Zorobabel était ou devait être haut de 60 coudées 
(31 m 50 ou 27 m ). IEsd., vi, 3. Sous ce rapport, le Temple 
d'Hérode l'emportait donc sur les deux précédents. 
Plus tard, Agrippa II voulut élever le Temple de 
20 coudées, pour atteindre la hauteur marquée dans 
les Paralipomènes. Dans ce but, il fit venir à grands 
frais des bois du Liban. Mais la guerre survint, et Jean 
de Giscala employa ces matériaux à des travaux de 
défense. Josèphe, Bell, jud., V, i, 5. 

Largeur du vestibule du midi au nord : 

Mur extérieur méridional 5 coudées ( 2"25) 

De ce mur à celui des chambres. . . 10 — ( 4 n, 50) 

Du mur des chambres au hêkal. . . 25 — (11»25) 

Largeur du hêkal 20 — ( 9" ) 

Du hêkal au mur des chambres. . . 25 = (11*25) 

Dumurdeschambresaumurextérieur. 10 — ( 4"50) 

Mur extérieur septentrional 5 — ( 2"25) 

100 coudées (45" ) 

Longueur du Temple de l'est à l'ouest 4_ 

Mur du vestibule 5 coudées ( 2"25) 

Vestibule 11 — ( 4"95) 

Mur du Saint 6 — ( 2-70) 

Le Saint 40 — (18" ) 

Intervalle des voiles 1 — ( 0"45) 

Le Saint des Saints 20 — ( 9" ) 

Murdufond 6 — ( 2-70) 

Chambres 6 — ( 2"70) 

Mur des chambres 5 — ( 2"25) 

100 coudées (45" ) 

15° Aspect général. — Josèphe, Bell, jud., V, v, 6, 
termine sa description du Temple par quelques ré- 
flexions dans lesquelles il exagère peut-être, mais qui, 
adressées à des hommes qui avaient vu, ne peuvent 
s'écarter trop de la vérité. « L'extérieur du Temple 
n'avait rien que d'admirable pour l'esprit et pour les 
yeux. La façade était partout recouverte d'épaisses 
lames d'or. Aussi, au lever du soleil, il rayonnait d'un 
éclat pareil à celui du feu, et ceux qui avaient à le 
contempler devaient en détourner les yeux comme des 
rayons solaires. Aux hôtes qui arrivaient de loin, il 
apparaissait comme une montagne de neige ; car, là 
où il n'était pas revêtu d'or, il était complètement 
blanc. Sur le faîte, il était hérissé d'aiguilles d'or très 
aiguës, pour empêcher les oiseaux de s'y poser et de le 
souiller. » Tacite, Hist., v, 8, dit que le Temple était 
d'une «c immense opulence ». Il est difficile de se 
rendre compte de l'effet produit. La situation du monu- 
ment, dont rien n'obstruait la vue, permettait de l'aper- 
cevoir dans son ensemble, surtout du mont des Oliviers. 
Mais on ne peut dire si, à la richesse des matériaux, 
répondait le caractère artistique de l'ensemble et des 
détails. On voit que ce qui frappait surtout les Apôtres, 
.d'ailleurs peu artistes, c'était la dimension des pierres. 
Matth., xxiv, 1 ; Marc, xni, 2 ; Luc, xxi, 5. Mais 
Hérode avait une prédilection pour le style grec ; il le 
fit prédominer dans son œuvre. Les portiques, les exè- 



dres, les colonnes, les chapiteaux, Jes portes s'inspi^ 
raient de ce style. Sans doute, ce furent les prêtres qui 
construisirent le hiéron. Mais on a vu qu'Hérode les 
avait fait initier à l'art de bâtir, et ce fut certainement- 
aux règles de l'art grec qu'il les forma. L'agencement 
général était juif ; c'était imposé par la tradition et par 
les nécessités du culte ; mais ce monument juif était 
habillé à la grecque. D'ailleurs, même dans le hiéron, 
bien des objets, comme la porte de Nicanor, arrivaient 
tout préparés, et par conséquent avaient le caractère du 
style adopté. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen 
Volkes, t. il,. 1898, p. 48. L'intérieur du Saint et du 
Saint des Saints n'est pas décrit par Josèphe. Il devait 
être entièrement lambrissé de cèdre et rehaussé de 
sculptures et d'ornements d'or, comme dans le Temple 
de Salomon. Ces revêtements de bois, les poutres inter- 
calées dans la bâtisse et toutes celles de la toiture expli- 
quent comment le feu put consumer l'édifice et le ruiner 
tout entier. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, p. 41-64. 

m. s A dignité. — Le Temple était pour les Juifs le lieu 
saint par excellence. C'était le centre religieux vers 
lequel ils se rendaient de toute la Palestine et même 
de tous les pays étrangers. Voir Pèlerinages, t. v, 
col. 24. Il était le symbole visible de la nationalité 
israélite et il semblait aux Juifs que, aussi longtemps 
que subsisterait le Temple, ils n'auraient pas à déses- 
pérer de voir se réaliser leurs espérances de domina- 
tion universelle. De là, l'acharnement avec lequel les 
assiégés de 70 le défendirent et leur consternation en 
voyant que les Romains allaient le détruire. Ce senti- 
ment explique l'accusation portée contre Notre-Sei- 
gneur. Il avait dit qu'on pouvait détruire le Temple de 
son corps et qu'il le reconstituerait en trois jours. 
Matth., xxvi, 61 ; Marc, xiv, 58 ; Joa., h, 19. On lui fit 
de cette parole un grief de mort, et, quand il fut sur 
la croix, on se moquait de lui en la lui rappelant. 
Matth., xxvn, 40; Marc, xv, 29. La même accusation 
fut formulée contre saint Etienne, Act., vi,14, et contre 
saint Paul. Act., xxi, 28. Parler de détruire le temple, 
c'était en effet attenter à l'honneur et à l'existence 
même de la nation. Ces sentiments dataient de loin. 
Déjà, du temps de Jérémie, VU, 4, on répétait: « C'est 
ici le Temple de Jéhovah, le Temple de Jéhovah, leTempIe 
de Jéhovah ! » et l'on pensait que tout était dit pour assu- 
rer le salut commun. — Si le Temple ne justifiait pas cette 
confiance présomptueuse, il méritait le plus grand res- 
pecta cause de sa destination religieuse. Il représentait 
le ciel, qui est souvent appelé le temple de Jéhovah. 
Ps. xi (x), 4 ; xxviii (xxvn), 2 ; xxix (xxvm), 9 ; Is., vi, 
1 ; Dan., m, 53 ; Apoc, xi, 19 ; etc. C'était la maison de 
la prière. Matth., xxi, 13; Marc.,xi, 17. Aussi le Sauveur 
exerça-t-il sa sévérité pour empêcher qu'on ne la profa- 
nât par un trafic malhonnête et par la licence qu'on se 
donnait de la traverser avec des fardeaux, comme un lieu 
profane. Matth., XXI, 12; Marc, xi, 15, 16; Joa., il, 14. 
Les rabbins disaient eux-mêmes : <> Quel respect est dû 
au Temple ? C'est que personne ne vienne dans le parvis 
avec son bâton, avec ses chaussures, avec sa bourse, 
avec de la poussière aux pieds, qu'on ne s'en serve 
pas comme de chemin en le traversant et qu'on n'en 
fasse pas un endroit à cracher par terre. » Berachoth, 
ix, 5 ; Bab. Jebamoth, 6 6. On jurait par le Temple, 
comme par une chose sacrée se rapportant directement 
à Dieu. Mais les docteurs, habiles à compliquer la loi 
du serment pour en éluder les obligations, distinguaient 
de manière à ne prêter aucune valeur aux serments 
faits avec certaines formules. Cf. Schebuoth, î. 35,2. Ils 
disaient donc : Jurer parle Temple ne vaut, mais jurer 
par l'or du Temple oblige. Sur quoi basaient-ils cette 
distinction ? On ne le sait. Mais Notre-Seigneur corrige 
leur interprétation, en enseignant que jurer par l'or du 
Temple, c'est jurer par le Temple lui-même qui sanctifie 
l'or, et que jurer par le Temple, c'est jurer par le Dieu 



2069 



TEMPLE 



2070 



qui habite [dans le Temple. Matth., xxil, 16-21. Les 
étrangers connaissaient bien ces serments captieux que 
les Juifs faisaient par le Temple. Martial, Epigram., xi, 
94, 2, disait à un Juif: 

Eece negas, jurasque mihi per templa Tonantis; 
Non credo : jura, verpe, per Anchialum. 

Anchialus est ici hay hd-'êl, le Dieu vivant, qui offrait 
au poète beaucoup plus de garantie que le Temple. — 
L'ordre était assuré dans le temple par une police spé- 
ciale, sous les ordres d'un capitaine du Temple. Voir 
Pouce, t. v, col. 503. Sur les cérémonies particulières 
qui se célébraient dans le Temple à certaines fêtes, voir 
Expiation (Fête del'), t. n, col. 2136 ; Néoménie, t. iv, 
col. 1588; Paque, col. 2096; Pentecôte, t. v, col. 120; 
Tabernacles (Fête des), col. 1961; Trompettes (Fête 
des). — La sainteté et la dignité que les Juifs recon- 
naissaient au Temple donne une importance significative 
à la comparaison dont les Apôtres se servent, quand ils 
disent aux chrétiens qu'ils sont les temples de Dieu. 
I Cor., m, 16, 17 ; vi, 19 ; II Cor., vi, 16 ; Eph., n, 20. 
IV. son histoire. — Quand Hérode eut achevé son 
œuvre, au moins dans sa partie essentielle, qui était 
la construction du Temple par les prêtres, il l'inaugura 
par un jour de fête et de nombreux sacrifices. Le peuple 
y prit part avec d'autant plus d'empressement que, ce 
même jour, se célébrait l'anniversaire du roi. Josèphe, 
Ant. jud., XV, xi, 6. — Sur la fin du règne, le Temple 
fut l'occasion d'un tragique incident. Hérode avait fait 
placer au-dessus de la porte du Temple, vraisemblable- 
ment de la Belle Porte, un grand aigle d'or. Cet aigle 
symbolisait probablement Ja suzeraineté romaine. En 
tous cas, le rigorisme pharisaïque n'admettait aucune 
représentation humaine ou animale, en dehors de 
celles que la Loi autorisait en dedans du Temple. Dans 
la suite, le palais de Tibériade, bâti par Hérode le 
tétrarque. sera incendié, à cause de ses réprésentations 
animales. Josèphe, Vit-, 12. Le roi Hérode s'imagina 
qu'après avoir donné satisfaction aux pharisiens en rebâ- 
tissant le Temple, il pouvait impunément froisser leurs 
sentiments bien connus par l'apposition de son aigle 
d'or. On n'osa rien dire tout d'abord. Mais, apprenant 
que le roi était frappé d'une maladie incurable, deux 
docteurs de la loi, Judas de Sariphée et Matthias de 
Margalolh, excitèrent des jeunes gens à abattre cet 
aigle, qui constituait un affront pour la nation. La 
fausse nouvelle de la mort du prince précipita l'exécu- 
tion du projet. En plein midi, l'aigle futabattuà coups 
de hache. Le gouverneur royal fit alors arrêter qua- 
rante jeunes gens, ainsi que les deux docteurs. Le roi 
ordonna de brûler vifs les principaux exécuteurs et ses 
officiers unirent les autres à mort. Josèphe, Ant. jud., 
XVII, vi, 2-4; Bell, jud., I, xxxm, 2-4. — Les esprits 
élaient encore sous l'empire de la colère causée par 
ces rigueurs, quand Hérode mourut, laissant sa suc- 
cession à Archélaûs. De nombreux pèlerins, arrivés 
pour célébrer la Pâque, s'unirent aux mécontents. Les 
soldats envoyés pour maintenir l'ordre dans le Temple 
furent lapidés par le peuple. Archélaûs fit alors donner 
toute la garnison dans l'édifice sacré et trois mille 
hommes périrent. Josèphe, Ant. jud., XVII, îx, 1-3; 
Bell, jud., II, i, 1-3. — A la Pentecôte suivante, le 
peuple se souleva contre Sabinus qui, chargé d'admi- 
nistrer provisoirement la succession d'Hérode, avait 
commencé par mettre la main sur le trésor royal. 
Montés sur les portiques du Temple, les Juifsaccablaient 
de pierres les soldats qui combattaient dans les parvis. 
Ceux-ci mirent alors le feu aux portiques. Le bois qui 
entrait dans leur construction et la cire qui avait servi 
à fixer l'or fournirent au feu un aliment propice. Tout 
fut consumé et tous ceux qui étaient montés sur les 
toitures périrent dans les flammes. Passant alors à 
travers le feu, les soldats romains allèrent piller le 



trésor du Temple, dont Sabinus préleva sa bonne part. 
Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 1, 2; Bell, jud., II. m, 
1-3. — A cette époque, le Temple eut la gloire de rece- 
voir la visite de celui qui devait l'illustrer à jamais. 
Avant les tragiques événements qui suivirent la mort 
d'Hérode, l'ange était apparu au prêtre Zacharie, 
pendant qu'il brûlait l'encens dans le hêkal. Au dehors, 
on attendait Zacharie, et l'on s'étonnait qu'il tardât 
tant à sortir. Luc, i, 10-12, 21. Quelques années 
auparavant, une jeune fille de Juda, Marie, était venue 
s'offrir au Seigneur dans son Temple. Mais elle n'y 
habita pas, aucun local du parvis des femmes ou de 
l'enceinte n'étant apte à servir de demeure à des jeunes 
filles. Voir Marie, t. iv, col. 783. Elle reparut au Temple 
après la naissance de son enfant, pour le consacrer au 
Seigneur et se purifier elle-même. Luc, n, 22-38. Douze 
ans après, Jésus resta au Temple à converser avec les 
docteurs, dans une des salles reconstituées sous les 
portiques qu'on avait restaurés à la suite de l'incendie, 
sans doute avec moins de magnificence. Luc, II, 46. 
— Sous le procurateur Coponius (6-9), par conséquent 
vers l'époque du pèlerinage de Jésus, mais à une autre 
Pâque que celle-là, des Samaritains firent acte d'impiété 
dans le Temple. Profitant de ce que, pour les solennités 
pascales, les portes du lieu sacré s'ouvraient dès le 
milieu de la nuit, ils s'introduisirent subrepticement 
et semèrent des ossements humains dans les parvis et 
le Temple même. Il fallut interrompre la fête et faire 
meilleure garde à l'avenir. Josèphe, Ant. jud., XVIII, 
;i, 2. — Le procurateur Ponce-Pilate (26-36) s'empara 
du trésor du Temple pour construire un aqueduc, d'où 
mécontentement des Juifs, émeute et massacre par les 
soldats romains. Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 2; 
Bell, jud., II, ix, 4. — Sous le gouvernement de ce 
procurateur, Jésus-Christ paraît souvent dans le Temple, 
à l'occasion de ses voyages à Jérusalem. A sa première 
visite, il en chasse les marchands. Joa., n, 14-20. Plus 
tard, il enseigne dans le Temple à la fête des Tabernacles. 
Joa., vu, 14. Il y absout la femme adultère. Joa.,vin,2. 
Les Juifs y tentent de le lapider. Joa., vin, 59. A la fête 
de la Dédicace, en hiver, il se promène sous le portique 
de Salomon, où les Juifs viennent discuter avec lui et 
cherchent encore à le lapider et à l'arrêter. Joa., x, 22- 
24, 31, 39. Au jour des Rameaux, il est conduit en 
triomphe dans le Temple par le peuple. Il se contente 
d'en faire l'inspection et le quitte. Marc, xi, 11. Le 
lendemain, il en chasse de nouveau les marchands. 
Matth., xxi, 12; Marc, xi,15, 16; Luc, xix, 45. Chaque 
jour, il vient enseigner dans le Temple. Luc, xix, 47. 
Les princes des prêtres, les scribes et les anciens, c'est- 
à-dire les membres du sanhédrin l'y accablent de ques- 
tions, pour le prendre en défaut. Matth., XXI, 23; Marc, 
XI, 27; Luc, XX, 1. Il vient s'asseoir dans le parvis des 
femmes, près du trésor, et y enseigne. Marc, in, 41; 
Luc, XXI, 1; Joa., vm, 20. Un jour qu'il sort de cet 
endroit, ses disciples lui font remarquer la beauté des 
constructions, la dimension des pierres et la richesse 
des ex-voto. Jésus leur répond : « Un jour viendra où 
il n'en restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit. » 
Matth., xxiv, 1-3; Marc, xm, 1-4; Luc, xxi, 5-7. Il 
prédit ensuite la grande catastrophe qui fondra bientôt 
sur Jérusalem, le Temple et toute la nation. Cf. Dan., 
IX, 26, 27. Chaque matin, le peuple venait de bonne 
heure au Temple afin de l'entendre. Luc, xxi, 38. Il 
est à remarquer que le Sauveur, qui n'était point de 
race sacerdotale, ne pénétra jamais dans le Temple 
plus loin que le parvis d'Israël. Le parvis des prêtres, 
le hekâl, le debïr, n'eurent donc jamais l'honneur de 
sa présence, bien qu'il fût le Fils du Dieu qu'on y 
adorait. Il n'en payait pas moins le tribut du didrachme 
pour le Temple. Matth., xvn, 23-26. Pendantsa passion, 
Jésus rappelle ses entretiens dans le Temple. Matth., 
xxvi, 55; Marc, xiv, 49; Luc, xxn, 53; Joa., xvm, 20. 



2071 



TEMPLE 



2072 



On cherche à l'accuser d'avoir voulu détruire le Temple. 
Matth., xxvi, 61; Marc, xiv, 58. Judas vient jeter dans 
le Temple les trente pièces d'argent qu'il a reçues. 
Matth., xxvn, 5. Pendant que Jésus est sur la croix, on se 
moque de lui en rappelant la prétention qu'on lui 
prêtait de pouvoir détruire le Temple. Matth., xxvn, 
40; Marc, xv, 29. A sa mort, le voile du Temple se dé- 
chire en deux du haut en bas. Matth., xxvn, 51; Marc, 
xvi, 38; Luc, xxm, 45. Voir Voile du Temple. — 
Après la Pentecôte, les Apôtres et les premiers disciples 
fréquentaient le Temple chaque jour. Act., H, 46. Un 
jour qu'ils y montaient pour la prière du soir, Pierre y 
guérit un boiteux qui demandait l'aumône près de la 
Belle Porte. Il en prit ensuite occasion pour prêcher 
Jésus-Christ au peuple sous le portique de Salomon. 
Act., m, 2-11. Les membres du sanhédrin survinrent 
alors et mirent les Apôtres en prison jusqu'au lende- 
main. Act., IV, 1-5. Après leur délivrance, ceux-ci conti- 
nuèrent à se réunir tous ensemble sous le même por- 
tique. Act., v, 12, 42. Etienne fut accusé de proférer des 
propos contre le Temple et contre la Loi. Act., vi, 13, 14. 
— Hérode Agrippa I er (38-44), courtisan de Caligula, avait 
été mis en prison à Rome par Tibère. Caligula, devenu 
empereur, lui rendit la liberté et lui accorda le titre de 
roi. En outre, il le gratifia d'une lourde chaîne d'or, du 
même poids que la chaîne de 1er de sa prison. Le nou- 
veau roi la fit suspendre dans le Temple au-dessus du 
trésor, après avoir offert des sacrifices d'actions de 
grâces. Josèphe, Ant. jud., XIX, vi,l. Il affectait de se 
montrer Adèle observateur des rites mosaïques. 
Ant. jud., XIX, vu, 3. En l'an 41, à la fête des Taber- 
nacles, il lisait le Deutéronome au peuple dans le 
Temple, Deut., xxxi, 10, ce qui fut l'occasion d'une 
manifestation sympathique en sa faveur. Sota, vu, 8. 
De son temps, le Temple et la nationalité juive cou- 
rurent le plus grand danger. Caligula s'était mis en tête 
de faire placer sa statue dans le Temple de Jérusalem 
et de se faire adorer comme dieu. Le légat de Syrie, 
Pétronius, fit tout au monde pour empêcher ou du 
moins retarder l'exécution de ce projet, qui soulevait 
une opposition irréductible de la part des Juifs. Tout 
fut heureusement arrêté par la mort de Caligula (41). 
Si la volonté de l'empereur eût été obéie rapidement, 
on peut dire que la guerre finale eût été avancée de 
trente ans. Josèphe, Ant. jud., XVIII, vin, 1-9; Beurlier, 
Le culte impérial, Paris, 1891, p. 263-270. — Après la 
mort d'Hérode Agrippa I er , Cuspius Fadus devint procu- 
rateur de Judée (44). L'empereur Claude accorda alors 
à Hérode de Chalcis, frère d'Agrippa, le pouvoir de 
nommer les grands-prêtres et d'avoir la haute main 
sur le Temple et le trésor sacré. Josèphe, Ant. jud., 
XX, i, 3. — A cette époque, la reine Hélène d'Adiabène, 
qui résidait à Jérusalem, gagna la faveur des Juifs par 
ses bienfaits et les largesses qu'elle fit au Temple. 
Yonia, m, 10; Bab. Baba bathra, f. dl a. — Sous le 
procurateur Cumanus (48-52), un soldat de garde dans 
le Temple, pendant les fêtes de la Pâque, révolta les 
Juifs par ses indécences. Les réclamations n'ayant 
abouti à rien, les Juifs se mirent à lapider les soldats, 
puis, pris de panique à l'arrivée de renforts, s'écrasèrent 
en voulant fuir du Temple. Josèphe parle de plus de 
10000 morts, Bell, jud., II, xn, 1, et même de 20000. 
Ant. jud., XX, v, 3. — A son dernier voyage à Jéru- 
salem, saint Paul reçut de saint Jacques le conseil de 
se rendre au Temple, afin de dissiper les préventions 
des Juifs contre sa prédication. Quand il y fut, les 
Juifs le virent et crurent qu'il avait introduit avec lui 
un gentil dans l'enceinte sacrée. Ils se jetèrent sur lui, 
l'entraînèrent hors de cette enceinte et voulaient le 
tuer. Le tribun Lysias, informé de l'émeute, accourut 
de l'Antonia avec des soldats et se saisit de Paul pour 
le faire emmener dans la forteresse. Arrivé sur les 
marches de l'escalier qui menait du portique septen- 



trional à l'Antonia, Paul demanda à parler et s'adressa 
à la foule. Devant l'exaspération des auditeurs, le 
tribun le fit entrer dans la forteresse. Le lendemain, 
Paul redescendit pour comparaître devant le sanhédrin, 
mais il fallut encore le ramener dans l'Antonia pour 
le soustraire à la fureur de ses ennemis. Act., XXI, 20- 
xxiii, 10. — D'après Hégésippe, saint Jacques le 
Mineur aurait été précipité, lapidé et assommé dans le 
Temple même (62). Eusèbe, H. E., n, 23, t.xx, col. 197- 
204. — Hérode Agrippa II destitua le grand-prêtre 
Hanan qui avait fait commettre ce meurtre. Mais lui- 
même, dans le palais des Asmonéens qui était près du 
Xyste, de l'autre côté de la vallée du Tyropœon, il éleva 
un grand bâtiment qui dominait le Temple, si bien que 
du triclinium on pouvait voir tout ce qui se passait à 
l'intérieur du parvis. Le sanhédrin s'indigna, parce que 
les prêtres seuls avaient le droit de voir les cérémonies 
qui s'y accomplissaient. On éleva alors une muraille 
sur l'exèdre du Temple intérieur, c'est-à-dire au-dessus 
du vestibule, ce qui eut pour effet d'intercepter la vue 
du côté du palais hérodien et en même temps du côté 
du portique occidental, où les Romains se tenaient en 
faction les jours de fête. Agrippa et le procurateur 
Festus, fort mécontents, exigèrent la démolition du 
mur. Les Juifs en appelèrent à l'empereur et, grâce à 
l'appui de Poppée, qui était des leurs, ils obtinrent 
gain de cause auprès de Néron. Josèphe, Ant. jud., 
XX, vm, 11. En 64, tous les travaux du Temple furent 
achevés et plus de 18 000 ouvriers se trouvèrent sans 
travail. Pour leur en fournir et en même temps 
pour empêcher que l'argent du trésor ne passât aux 
mains des Romains, on demanda au roi la réfection 
de la porte orientale, qui donnait entrée au portique 
de Salomon par la vallée du Cédron. Agrippa recula 
devant l'importance de l'entreprise. Mais il autorisa le 
dallage des rues de la ville. Josèphe, Ant. jud., XX, 
ix, 7. — Les brutalités du procurateur Florus (60-62) 
poussèrent les Juifs aux dernières extrémités. Ce fonc- 
tionnaire fit prendre dans le trésor sacré dix-sept 
talents, soi-disant pour le service de l'empereur. 
Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 6. Une émeute s'ensuivit, 
dont la répression coûta la vie à 3600 Juifs. Bell, jud., 
II, xiv, 9. Ensuite, les troupes romaines tentèrent de 
s'emparer du Temple. Les Juifs les accablèrent de 
pierres du haut des maisons, puis, pour empêcher tout 
attentat, coupèrent les portiques qui communiquaient 
avec l'Antonia. Florus dut s'arrêter. Bell, jud., II, xv, 
5, 6. Sur les instances d'Agrippa, les esprits se cal- 
mèrent et l'on se mit à reconstruire les portiques. 
Bell, jud., II, xvn, 1. — Mais déjà se préparait l'insur- 
rection finale. Le capitaine du Temple, Éléazar, inter- 
prète du parti des zélateurs exaltés contre la domina- 
tion étrangère, déclara qu'il fallait refuser les victimes 
des païens, et cesser par conséquent les sacrifices 
offerts pour l'empereur et pour Rome. Bell, jud., II, 
xvn, 2. Au mois d'août 65, à l'occasion d'une fête, les 
zélateurs refusèrent l'entrée du Temple à leurs adver- 
saires et, trois jours après, s'emparèrent de l'Antonia 
et massacrèrent la garnison romaine. Bell, jud., II, 
xvn, 6, 7. Manahem, petit-fils de Judas le Galiléen, 
s'était installé dans le parvis du Temple. Éléazar. qui 
craignait un rival, l'attaqua et fit grand carnage des 
hommes de son parti. Bell, jud., II, xvn, 9. — Parmi 
les prodiges précurseurs de la catastrophe, plusieurs 
eurent le Temple pour théâtre. Une nuit, pendant les 
fêtes de la Pâque, le Temple et l'autel parurent envi- 
ronnés d'une vive clarté durant une demi-heure. Une 
autre fois, à minuit, la porte de Nicanor, que vingt 
hommes avaient peine à fermer, s'ouvrit d'elle-même. 
A une fête de la Pentecôte, pendant la nuit, les prêtres 
entendirent des voix confuses qui criaient : Sortons 
d'ici ! Sous le procurateur Albinus (62-64), un campa- 
gnard, nommé Jésus, commença à crier par toute la 



2073 



TEMPLE 



2074 



ville : Voix sur Jérusalem et sur le Temple ! Malheur 
à Jérusalem! Il ne s'arrêta que quand une pierre 
le tua pendant le siège. Josèphe, Bell, jud., VI, v, 3. Cf. 
Tacite, Hist., v, 13. — A la veille du siège (70), Jean de 
Giscala occupait le Temple comme une place forte, à la 
tête de 6000 zélateurs. Simon de Gioras était maître de 
la ville. Les deux chefs se combattaient mutuellement. 
Cependant, Jean laissait pénétrer dans le Temple, à 
leurs risques et périls, ceux qui demandaient à offrir 
des sacrifices. Aux fêtes de la Pâque, il fit couler à 
flots, dans les parvis du Temple, le sang de ceux qui 
n'étaient pas de ses partisans. Bell, jud., V, m, 1; 
Tacite, Hist., y, 12. Quand les Romains eurent pris 
l'Antonia, on cessa d'offrir les sacrifices dans le Temple 
{17 thammouz). Le 22, les Juifs mirent le feu auxparlies 
nord-ouest du portique qui communiquait avec l'An- 
tonia. Le 27, ils remplirent de matières inflammables 
le portique occidental, y attirèrent les Romains en 
feignant de fuir et y mirent le feu, qui fit périr beaucoup 
de leurs adversaires. Le 28, les Romains incendièrent 
le portique du nord. Le2ab, ils commencèrent à battre 
le mur nord du Temple. Le 12, le feu fut mis aux portes 
du hiéron, et l'incendie entoura bientôt le parvis des 
femmes, pour se continuer toute la nuit suivante. Le 
14, Titus tint un conseil de guerre, dans lequel il mani- 
festa son intention de sauver le Temple. Le lendemain, 
les Juifs firent une sortie par la porte orientale du 
Temple, mais furent repoussés à l'intérieur, c'est-à-dire 
au delà de la porte Nicanor. C'était le 15 ab. Titus 
voulait remettre au jour suivant l'assaut définitif. Mais 
une nouvelle sortie des Juifs ayant provoqué un com- 
bat, les Romains s'avancèrent jusqu'au vestibule du 
hêkal. Alors un soldat, mû par une sorte d'impulsion 
supérieure, jeta un brandon enflammé à travers une 
petite porte d'or donnant sur les chambres situées au 
nord de l'édifice. L'embrasement commença. Titus 
accourut et voulut faire éteindre l'incendie; la confusion 
générale et la fureur de tous ne le permirent pas. 
A peine eut-il le temps d'entrer avec ses officiers dans le 
hêkal et d'en contempler un moment la splendeur. Cet 
incendie se produisait au même jour que celui dont 
avait été victime le Temple de Salomon. Le feu fut 
ensuite propagé à toutes les autres constructions encore 
debout. Josèphe, Bell, jud., VI, i, 1-iv, 8; de Saulcy, 
Les derniers jours de Jérusalem, Paris, 1866, p. 346- 
382. — Quand toute la ville eut été prise, Titus la fit 
ruiner de fond en comble, ainsi que le Temple. Josèphe, 
Bell, jud., VII, I, 1. A la pompe triomphale qui eut 
lieu ensuite à Rome, on porta, parmi les dépouilles 
prises au Temple, la table d'or des pains de proposition, 
le chandelier d'or et le livre de la Loi. Bell, jud., VII, 
v, 5. — Sous Adrien, à en croire une tradition rabbi- 
nique, Bereschith rdbba, 64, les Juifs furent sur le 
point d'obtenir l'autorisation de rebâtir le Temple. Mais 
les dimensions tolérées étaient si petites qu'ils ne 
purent adopter le projet. Bientôt après, par suite de 
l'insurrection de Bar-Cochëba, Jérusalem assiégée de 
nouveau fut prise, rasée, et dut échanger son nom 
pour celui d'jElia Capitolina. Sur l'emplacement du 
Temple, un sanctuaire fut élevé à Jupiter (130). Dion 
Cassius, lxix, 12. Cf. Germer Durand, Mlia Capito- 
lina, dans la Revue biblique, 1892, p. 369-387. Une 
médaille de l'époque (fig. 468) représente ce monument 
avec quatre colonnes et trois niches, celle du milieu 
occupée par un Jupiter Sérapis coiffé du modius. — 
Les destinées du Temple de Jérusalem s'achevèrent 
sous Julien l'Apostat. Cet empereur se mit en tête de 
rebâtir le Temple pour démentir la prophétie de Notre- 
Seigneur annonçant sa ruine. Matth., xxiv, 1-2. Sur son 
invitation, les Juifs commencèrent le travail avec des 
crédits illimités sur le trésor impérial. Le déblaiement 
des décombres ne présenta pas de difficultés. Mais, 
quand on voulut creuser pour asseoir les nouvelles 



fondations, des flammes sortirent du sol à plusieurs 
reprises, faisant périr un certain nombre d'ouvriers et 
décourageant les autres. L'entreprise ne put donc avoir 
de suite. Ammien Marcellin, xxm, 1," Duchesne, His- 
toire ancienne de l'Église, Paris, 1907, t. n,p. 334; Va- 
candard, Julien l'Apostat et la tentative de restaura- 
tion du Temple de Jérusalem, dans la Revue du clergé 
français, i" août 1911, p. 359-365. — Pour l'histoire 
des destinées subséquentes de l'emplacement du 
Temple, voir Guérin, Jérusalem, p. 363-372. 

IV. Temple d'Éléphantine. — Voir Sanctuaire, col. 
1448. Éléphantine est une île du Haul Nil, à 800 kilo- 
mètres au sud de laMéditerranée. Environ 4000 ans avant 
J.-C, les pharaons de la dynastie memphite en avaient 
déjà fait l'entrepôt de leur commerce avec le Soudan. 
Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 424. A la pointe 
sud, il y avait une ville bâtie sur un plateau à l'abri 
des crues. Plus tard, Aménôthès II et Aménôthès III y 
élevèrent des obélisques et de petits temples à Khnoum, 
le dieu du lieu. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. H, 
p. 303. Les Juifs y arrivèrent, probablement à l'époque 




468. — Temple d'jElia Capitolina. 
D'après la Revue biblique, 1892, p. 379. 
Tète Iaurée de Diaduménianus (217-218). c.ant. diadvmenianus. 
— fil. coL.AELia capitolina. En exergue pf. Jupiter Sérapis 
assis à gauche entre deux personnages debout dans un temple " 
tétrastyle. 

de la captivité de Babylone, ou peut-être même avant, 
attirés par le désir d'y faire du commerce. On a re- 
trouvé des papyrus araméens, datés de 470 à 411 avant 
J.-C. ; ce sont des titres, des donations ou des quittances, 
destinés à rester dans les archives du Juif Mahsyah, 
de sa fille Mibtahyah et de ses petits-fils, Iedoniah et 
Mahsyah. Cf. A. H. Sayce, Aramaic Papyri discovered 
at Assuan, Londres, 1906; Lagrange, Les papyrus 
araméens d' Éléphantine, dans la Revue biblique, 

1907, p. 258. Des fouilles pratiquées dans l'île ont per- 
mis à M. Clermont-Ganneau de retrouver un grand 
nombre i'ostraca araméens, sur plusieurs desquels il 
a pu lire le nom de Jahô seb'aôt. Il y avait donc là un 
quartier juif. Cf. Lagrange, dans la Revue biblique, 

1908, p. 260. Enfin, en 1907, de nouveaux papyrus ont 
été découverts, qui constatent l'existence d'un temple 
juif à ïléphantine. Cf. Ed. Sachau, Drei aramâische 
Papyrusurkunden aus Eléphantine, Berlin, 1908; 
Clermont-Ganneau, Recueil d'archéologie orientale, 
t. vin, fasc. 6-9, 1907. Les papyrus datent du règne de 
Darius II (423-405). Dans le premier, des Juifs, Jedo- 
niah et ses confrères, prêtres dans la cité de Ièb, 
s'adressent à Bagohi, gouverneur de Judée. Ce Bagohi 
est le même que Bagosès, dont Josèphe, Ant. jud., XI, 
vu, 1, fait un général d'Artaxerxès II, et qui, mécontent 
des Juifs, parce que le grand-prêtre Jean avait tué son 
propre frère, Josué, protégé de Bagosès, dans le Temple 
même, leur imposa une redevance de cinquante 
drachmes par agneau immolé. On voit immédiatement 
que ce gouverneur ne devait pas être en bons termes 
avec le grand-prêtre Jean ou Jochanan. Bagohi exer- 
çait déjà ses fonctions sous Darius II. Les Juifs d'Élé- 
phantine lui écrivent donc pour l'informer des faits 
suivants. L'an 14 (410) de Darius II, en l'absence d'Ar- 
cham ou Arsam, l'Arxanès de Ctésias, Persic., 47, 



2075 



TEMPLE 



2076 



satrape d'Egypte, Widrang, soudoyé par les prêtres 
égyptiens de Knoub, leurs voisins à Iêb, a fait venir 
des renforts de Syène et a détruit à main armée leur 
sanctuaire. Ils décrivent ainsi les dégâts commis : « Ils 
sont arrivés à ce sanctuaire et l'ont détruit jusqu'au sol, 
ils ont brisé les colonnes de pierre qu'il y avait là. 
Même il arriva encore que des portes de pierre au 
nombre de cinq, construites en pierres de taille, qui 
étaient dans ce sanctuaire, ils les ont détruites, et ils 
. ont enlevé leurs vantaux et les armatures de ces van- 
taux en bronze; et la toiture en bois de cèdre, tout 
entière, avec le reste de la décoration et les autres 
choses qu'il y avait là, ils ont brûlé dans le feu; et les 
coupes d'or et d'argent, et tout ce qu'il y avait dans ce 



d'alliance. Le tout était nécessairement de dimensions 
restreintes. Mais on sait quelle importance les Juifs 
attachaient à la splendeur de leur culte. Leur temple 
avait donc ses vases et ses ustensiles d'or et d'argent et 
sa décoration proportionnée à la richesse des commer- 
çants qui s'étaient établis à Iêb. Ils ne voulaient pas que 
leur temple fit piètre figure à côté du sanctuaire de 
Ehnoub, et c'est peut-être par là qu'ils excitèrent 
contre eux la jalousie des prêtres de ce dernier. Les 
Juifs d'Éléphantine s'inspirèrent forcément de l'archi- 
tecture locale. Un gracieux petit lempled'Amènôthès III, 
aujourd'hui détruit (fig. 469), était sous leurs yeux et 
s'imposa à l'attention, peut-être même à l'imitation 
des constructeurs en certaines parties de leur œuvre. 




< -- 



",'t<-. 



.■«•v.j; 



-»i- 



"^t.- 









; %-i* -. -. - . . 

***»— --«- _^ «*j- ■•' -. "*.- ■ .' 




9. — Temple égyptien d'Éléphantine. D'après Description de l'Egypte, Antiq., t. i, pi. 35. 



sanctuaire, ils l'ont pris et se le sont approprié. » Ce 
texte ne permet évidemment pas de reconstituer le 
monument, qui n'avait qu'une ressemblance lointaine 
avec le Temple de Jérusalem. Néanmoins, les prêtres 
juifs d'Éléphantine connaissaient la disposition tradi- 
tionnelle du tabernacle mosaïque et du Temple de Salo- 
mon. Le culte qu'ils pratiquaient comportait, comme 
le montre la suite de leur lettre, des sacrifices, des ho- 
locaustes, des oblations, de l'encens « sur l'autel du 
Dieu Jahô. » Les dispositions devaient donc être prises 
pour que ce culte pût s'exercer selon la Loi. Il n'est 
point question de parvis des Israélites, hommes et 
femmes; mais on peut le supposer , d'autant plus que 
l'édifice a cinq portes considérables, avec des colonnes 
de pierre pouvant servir à constituer des portiques. 
Un autel à holocaustes nécessite un parvis en plein air, 
avec les dépendances indispensables au service du 
culte. La toiture en bois de cèdre suppose soit des por- 
tiques avec un toit au-dessus des colonnes, soit aussi 
un bâtiment couvert, un hêkal, où l'on offrait l'encens 
et où brûlait le chandelier traditionnel, mais' probable- 
ment sans debîr, puisque l'on ne possédait pas d'Arche 



— Les Juifs d'Éléphantine font observer dans leur 
lettre que leur temple a été bâti « dès le temps du roi 
d'Egypte,» c'est-à-dire avant l'invasion des Perses (525), 
et que le conquérant Cambyse a respecté leur sanc- 
tuaire, bien qu'il n'ait pas été aussi tolérant pour 
d'autres. Depuis que leur temple est détruit, ils se la- 
mentent et sont d'autant plus en peine qu'ils ont déjà 
écrit une première fois à leur seigneur Bagohi, au 
grand-prêtre Jochanan ou Jean, aux prêtres de Jéru- 
salem et aux principaux Juifs. Ils se croyaient dans leur 
droit en adressant leur supplique et, par conséquent, 
en rebâtissant un temple israélite à l'étranger. Peut- 
être ne pensait-on pas de même à Jérusalem. Le temple 
de Léontopolis n'existait pas encore; mais il était ques- 
tion d'établir un lieu schismatique de culte au mont 
Garizim, et le grand-prêtre et les notables de Jérusa- 
lem ne devaient pas être disposés à répondre favora- 
blement aux Juifs d'Éléphantine, alors que la tradition 
et aussi la Loi, leur semblait-il, n'acceptaient comme 
légitime que le Temple de Jérusalem. De là leur si- 
lence. Depuis lors, le désaccord était survenu entre le 
grand-prêtre et Bagohi, et les fils de Sanaballat avaient 



2077 



TEMPLE — TEMPS 



2078 



naturellement pris parti pour la nouvelle institution 
religieuse du Garizim. Était-on informé de la situation 
àÉléphantine et cherchait-on à la mettre à profit? Tou- 
jours fest-il que la seconde demande d'intervention 
est adressée seulement à Bagohi et aux deux fils de 
Sanaballat, Delaiah et Chelémiah. Les trois person- 
nages s'exécutèrent, satisfaits, sans doute, de faire 
pièce au grand-prêtre de Jérusalem et de légitimer, 
par un exemple venu de l'étranger, l'entreprise schis- 
matique de Samarie ; car Bagohi, lui aussi, était pro- 
bablement un Juif investi, comme Néhémie, d'une 
fonction administrative par le roi de Perse. Mais 
comme ils n'avaient à exercer aucun pouvoir en Egypte, 
ils durent se contenter de faire remettre à Archam une 
note dont le texte a été retrouvé. « Tu auras à dire en 
Egypte, par devant Archam, au sujet de la maison 
d'autel du Dieu du ciel qui a été bâtie dans la cité de 
Iêb auparavant, avant Cambyse, que ce détestable 
Widrang a détruite en l'an 14 du roi Darius, qu'elle 
soit rebâtie à sa place comme auparavant, et qu'on 
offre des sacrifices non sanglants et de l'encens sur 
cet autel, comme auparavant il était pratiqué. » Il s'agit 




470. — Restes du temple de Samarie. 
D'après la Revue biblique, 1909, p. 438. 

donc d'un temple, d'une « maison d'autel ». Il n'est 
plus parlé d'holocaustes, comme dans la supplique, 
parce que les sacrifices sanglants étaient de nature à 
indisposer contre les Juifs les adorateurs du dieu bé- 
lier, honoré à Kléphantine. Dès 404, les Égyptiens 
reconquirent leur autonomie, pour ne la perdre à nou- 
veau qu'en 342, quand les Ptolémées installèrent la do- 
mination grecque. On ignore quelle suite fut donnée à 
la recommandation de Bagohi. Il est à croire que le 
temple d'Éléphantine ne se releva pas de ses ruines. 
Il est ignoré de Josèphe et de la Mischna, et, sans la 
découverte des papyrus, on n'en aurait pas soupçonné 
l'existence. Cf. Lagrange, Les nouveaux papyrus d'Élé- 
phantine, dans la Revue biblique, J1908, p. 325-349; 
E. Tisserant, Une colonie juive en Egypte au temps 
de la domination persane, dans la Revue pratique 
d'apologétique, 15 juillet 1908, p. 607-618. 

V. Temple de Samarie. — Des fouilles récentes, exécu- 
tées par lamission américaine, ont permis de reconnaître 
sur la colline de Samarie les traces deplusieurs temples 
successifs : le temple dédié à sainte Marie sous l'em- 
pereur Zenon; par-dessous, le temple consacré à Jupi- 
ter par Adrien, Dion Cassius, XV, 2, recouvrant le 
temple bâti par Hérode, Josèphe, Ant.jud., XV, vm,5 
sur l'emplacement de l'ancien temple des Samaritains 
qui avait été détruit par Jean Hyrcan. Josèphe, Ant. 
jud., XIII, ix, 1. Il est probable que ce dernier avait 
été lui-même édifié sur les ruines de la « maison de 
Baal » construite par Achab. III Reg., xvi, 32. Il n'est 
point certain que ces sanctuaires successifs aient été 
détruits de fond en comble ; ils ont été plutôt reconsti- 
tués l'un après l'autre au moyen de remaniements plus 
ou moins profonds. On constate actuellement sur le 
sommet de la montagne, qui constitue un splendide 



belvédère, les restes d'un temple dont l'axe est dirigé 
du nord au sud, sur 25 m de large et plus de 40 de long 
(fig. 470;. Au fond d'une cour A, il y a un autel B encore 
intact de 4™ sur 2"> et 2 m de haut. A la suite vient un 
escalier monumental G comprenant 10 marches, un 
palier et 6 autres marches. Il aboutit à une plate- 
forme dallée D, qui elle-même en recouvre une autre 
d'un niveau un peu inférieur, à laquelle appartiennent 
quatre énormes bases de colonnes. Vient ensuite un 
mur a b d, À façade bien appareillée, mais à un niveau 
très inférieur à la seconde plate-forme. Les matériaux 
employés dans chaque partie proviennent fréquemment 
de constructions antérieures. Ainsi la partie carrée a d, 
qui semble appartenir au temple de l'époque grecque, 
renferme des matériaux utilisés dans une construction 
antérieure. Le roc sous-jacent présente des traces de 
taille ayant précédé toute construction. Les fouilles 
actuelles ne permettent pas de tirer de plus amples 
conclusions sur la disposition du temple primitif de 
Samarie. Cf. H. Vincent, Les fouilles américaines à 
Samarie, dans la Revue biblique, 1909, p. 435-445. 

VI. Temple de Léontopolis. — Voir Onias IV, t. iv, 
col. 1818. M.Flinders Pétrie croit avoir retrouvé, à Tell 
el-Yehoudyéh, les restes du temple d'Onias. Mais ce qui 
a été découvert a trop peu d'importance pour permettre 
de se faire une idée de l'ancien édifice. Cf. Flinders 
Pétrie, Hyksos and Israélite Ciliés, Londres, 190(5, 
p. 19-27. H. Lesètre. 

TEMPS (hébreu : 'ë(, et rarement zemân, yâmîm, 
« les jours », (or, « période »; chaldéen : zeman; Sep- 
tante : ypôvoc, xoaptjç; Vulgate : tempus), mesure de la 
durée des choses créées. 

1° Divisions du temps. — L'apparition de la lumière 
amena une première division du temps en jours; le jour 
se composait du soir et du matin, c'est-à-dire de la nuit 
et du jour proprement dit ou période de lumière. Gen., 
I, 5. Les grands astres eurent ensuite pour fonction de 
séparer la nuit et le jour, et de marquer les époques, 
les jours et les années. Gen., i, 14; Ps. crv (cm), 19; 
Eccli., xliii, 6. Sur celte division du temps chez les 
Hébreux, voir Calendrier, t. n, col. 63. Encore aujour- 
d'hui, dans diverses parties de l'Orient, comme en Asie 
Mineure, le jour de 24 heures commence non à minuit, 
mais au coucher du soleil. Voir Jour, t. H, col. 1702. 
Il y a, pour chaque jour, le temps du matin, le temps 
de midi, Jer., xx, 16, le temps du soir, Gen., xxiv, 11; 
Zach., xiv, 7, ou du coucher du soleil. Il Par., xvm, 
3i. — Il y a aussi, pour l'ensemble des ternes, « le com- 
mencement, la fin et le milieu, » c'est-à-dire le passé, 
l'avenir et le présent, « les vicissiludes des temps et 
les cycles des années. » Sap. , vu, 1S, 19. On dislingue 
le temps primitif, ri'Hdh, èv àpyr,, ab inilio, Ezech., 
xxxvi, 11 ; le temps final ou à venir, 'ahârit, tôc ïayjtta, 
prœfinitum tempus, Dan., xn, 8; xatpoO Ttépa;, tempus 
/inis,Dan.,viii,17;èu / (âToç)rpôvoç, novissimum tempus, 
Jud., 18; le moment présent, fugitif comme un clin 
d'œil, réga', ypôvoç (iixpri;, punctum, momentum, Is., 
LIV, 7, 8; le temps sans fin, 'ôldm, eê? tov œîwvoc, in 
sempiternum. II Par., xxxm, 7; etc. Le mot temps 
s'emploie parfois pour désigner une période indéter- 
minée. Nabuchodonosor sera saisi par son mal pendant 
« sept temps ». Dan., iv, 20, 22, 29. Le prophète priait 
« trois temps », c'est-à-dire trois fois par jour. Dan., 
vi, 10, 13. 

2° Époques diverses. — Les divers phénomènes qui 
se produisent dans la nature, dans la vie des hommes, 
dans l'histoire, etc., ont leur place marquée dans le 
temps. — 1. Dans la nature. — Il y a le temps de la 
pluie, Zach., x,l; IEsd.,x, 13; le temps du printemps, 
Gen., xxxv, 16; xlviii, 7; le temps de la sécheresse, 
Jer., xvii, 8; Eccli., xxxv, 26; le temps de la moisson, 
Gen., xxx, 14; Jos., m, 15; Jer., i, 16; li, 33; Matth., 



2079 



TEMPS — TÉNÈBRES 



2080 



xin, 30; le temps de l'abondance, Jer., li, 6; Eccli., 
xvm,25; xliv, 17; le temps des chants, où les oiseaux 
font entendre leur voix, Cant. Il, 12; voir Taille 2, 
col. 1973; le temps où les animaux mettent bas, Job, 
xxxix, 1, 2; le temps des fruits. Ps. I, 3; Matth., XXI, 
34; Marc, si, 13. — 2. Dans la vie des hommes. — Il 
y a pour toutes choses un temps convenable, qui est 
celui où elles doivent être faites. Lev., xxvi, 3; Num., 
IX, 7, 13; xxni, 23; Deut., xxvm, 12; III Reg., iv, 27; 
Ps. civ (cm), 27; cxliv, 15; Prov., xxv, 11; Eccle., vin, 
6; Sap., iv, 4; Eccli., xx, 6, 7; Matth., xxi, 41; elc. 
L'homme, quand il est maître de ses actions, doit les 
accomplir dans le temps convenable. Eccle., m, 1-8. 
C'est pourquoi il doit observer le temps et se garder 
du mal. Eccli., iv, 23. Il y a le tempsde l'enfantement, 
Gen., xxv, 24; Exod., i, 16; Luc, I, 57, le temps des 
amours, Ezech., xvi, 8, le temps du sommeil, Eccli., 
XL, 5, le temps de la guérison, Jer., vm, 15; xiv, 19, 
le temps de la conversion, Sap., xn, 20, le temps de 
fouler le blé, Jer., li, 33, le temps de rassembler les 
troupeaux, Gen., xxix, 7, le temps de la vieillesse, 
Gen., xxiv, 1; Jos., xm, 1; Job, xxxii, 7; Ps. lxxi 
(lxx), 9, le temps de faire la guerre, III Eeg., xi, 11; 
Eccli., m, 8, le temps de mourir. Eccli., xxxm, 24; 
II Tim., IV, 6, etc. — 3. Dans l'histoire. — Il y a des 
temps mauvais ou temps de malheur, Ps. xxxvn (xxxvi), 
19; Eccle., IX, 12; Eccli., H, 2; m, 34; li, 14; Jer., n, 
27; xi, 12; Am., v, 13; Mich., H, 3; II Mach.,i, 5; des 
temps detribulation, Ps. xxxvn (xxxvi), 39; Eccli., xxn, 
29; Is., xxxm, 2; Tob., m, 13; Esth., xiv, 12; II Esd., 
IX, 27; de détresse, Eccli., x, 29; xxix, 2; Dan., ix, 25; 
xn, 1; d'angoisse, Jer., xxx, 7; I Mach., il, 53; le temps 
de la justice divine, Deut., xxxii, 35, de la vengeance, 
Eccli., v, 1, 9; Jer., xvm, 23, du jugement, Jer.,xxvn, 
7; li, 6; Matth., xm, 33; I Thes.,v, 5; le temps final de 
l'iniquité, Ezech., xxi, 30; les jours de ténèbres, Eccle., 
xi, 8; le temps des nations, soit celui où elles exercent 
leur puissance, Ezech., xxx, 3, soit celui où elles seront 
jugées, Luc, xxi, 24; le temps où Dieu montre sa face, 
pour châtier les méchants, Ps. xxi (xx), 10; le temps 
de la visite du Seigneur qui vient punir ou sauver, 
Jer., vi, 15; vm, 12; x, 15; xlvi, 21 ; xlix, 8; Luc, xix, 
44;I Pet., v, 6; le temps de la pénitence, Apoc, II, 21; 
le temps de chercher Jéhovah, Ose., x, 12; le temps de 
la miséricorde, Ps. en (ci), 14; le temps favorable de 
la grâce, Ps. lxix (lxviii), 14; Is., xlix,8; II Cor., vi, 
2; le temps du rafraîchissement, Act., m, 20; le temps 
de l'accomplissement des promesses, Act., vu, 17; le 
temps de l'apparition de l'étoile, Matth., n, 7; le temps 
delà ruine de Jérusalem. Luc, xxi, 8, etc. — 4. Dans 
la religion. — Il y a un temps marqué pour célébrer 
les fêtes. Exod., xxxiv, 23; Lev., xxm, 4; III Reg., 
xix, 29; Esth., ix, 31; etc. 

3° Emploi du temps. — Le temps passe comme une 
ombre, Eccle., vu, 1; Sap., Il, 1, 5; IX, 5; I Cor., vu, 17. 
Il est instable et changeant. Dan., H, 21. Par conséquent, 
« pendant que nous avons le temps, faisons le bien 
envers tous. » Gai., vi, 10. Il faut racheter le temps, 
Eph., v, 16; Col., iv, 5, c'est-à-dire mettre à profit 
toutes les circonslances favorables à l'accomplissement 
du bien. Car le moment viendra où il n'y aura plus de 
temps. Apoc, xxu, 10. 

4° Le temps messianique. — Daniel, vm, 17, l'appelle 
le temps de la fin. Au moment où Jésus parut, il y 
avait des « signes des temps ». Matth., xvi, 4; Luc, 
XII, 56. Le Sauveur commença sa prédication en disant : 
« Le temps est accompli, » c'est-à-dire l'époque de la 
rédemption est arrivée. Marc, I, 15. Celle époque est 
appelée la « plénitude des temps ». Gai., lv, 4; Eph., 
I, 10. Le Sauveur parle plusieurs fois de« son temps », 
c'est-à-dire du temps où doit s'accomplir la rédemption. 
Matth., xxvi, 18; Joa., vu, 6, 8. Le mot « heure » est 
fréquemment employé dans le même sens par saint 



Jean, il, 4; IV, 21, 23; v, 25; vu, 30; vm, 20; xn, 23, 
27; xm, i; XVI, 32; xvn, 1. Tous les événements de la 
vie du Sauveur ont été accomplis au temps marqué. 
Rom., v, 6, 8; Gai., iv, 2; I Tim., vi, 15; Tit., 1,3. 
Quant aux temps de l'avenir, le Père s'en est réservé 
la connaissance. Act., i, 7. H. Lesêtre. 

TENEBRES (hébreu : 'ofél, 'âfêlâh, hoSék, hâsêkah, 
mahsâk, mà'ûf, néSéf, 'èfdh, 'âltdh, salmavët, qadrùf; 
chaldéen : hâSûkâ' / Septante : axoroç, <r/.oita, av-oteta, 
axi'a; Vulgate : tenebrse, caligo), absence de lumière. 

I. Au sens propre. — 1° Les ténèbres initiales. — 
Dans le principe, les ténèbres enveloppaient l'univers 
et particulièrement la terre. Gen., I, 2. Par sa puis- 
sance, Dieu créa la lumière et la sépara des ténèbres, 
c'est-à-dire fit en sorte que, sur la terre, la lumière 
apparût pendant un temps déterminé, et ensuite laissât 
dans les ténèbres les régions qu'elle avait éclairées : 
de là, la distinction du jour et de la nuit. Gen., I, 4, 5. 
Ces assertions mosaïques supposent deux faits incon- 
testables, à savoir qu'il a fallu une action créatrice pour 
que la lumière se produisît à la place des ténèbres, et 
que cette lumière n'est pas inhérente à la terre « informe 
et vide », mais qu'elle lui vient d'ailleurs. A la science 
appartient d'expliquer, autant qu'elle le peut, la nature 
de la lumière, sa propagation, et le phénomène de ses 
alternances avec les ténèbres sur la terre. Isaïe, xlv, 7, 
dit que Dieu a « formé la lumière et créé les ténèbres. » 
Les ténèbres sont l'absence d'un phénomène positif, la 
lumière ; elles ont été créées en ce sens qu'elles sont 
concomitantes aux premiers êtres créés, quand la 
lumière ne les éclairait pas encore. Cf. II Cor., iv, 6. 
La lumière n'a rien de commun avec les ténèbres, 
II Cor., vi, 14, parce que les deux phénomènes s'excluent 
mutuellement. — 2° Les ténèbres de la nuit. — Dieu 
amène les ténèbres, et il fait nuit. Ps. civ (cm), 20. Il 
revêt les cieux de ténèbres, comme s'il les couvrait 
d'un sac. Is., L, 3. — Il change, chaque matin, les 
ténèbres en aurore. Am., v, 8. — L'horizon est le point 
de division de la lumière et des ténèbres, Job, xxvi, 10, 
mais « quelle est la demeure des ténèbres ? » Job, xxxvin, 
19. — Sous le coup de l'épreuve, Job, m, 4, 5, voudrait 
que le jour de sa naissance fût changé en ténèbres. — 
Les malheureux tâtonnent dans les ténèbres. Job, xn, 
25. Cf. Judith, ix, 7. — « L'homme met fin aux ténèbres » 
qui régnent au sein de la terre, en creusant des mines 
et en s'éclairant pour les exploiter. Job, xxvm, 3. — 
3° Les ténèbres accidentelles. — La neuvième plaie 
d'Egypte consista dans des ténèbres telles qu'on pou- 
vait les palper de la main. Exod., x, 21, 23;Ps. cv (civ), 
28. Ces ténèbres ont été l'effet du khamsin. Voir Oura- 
gan, t. iv, col. 1930. La Sagesse, xvn, 2-xvm, 4, décrit 
plus au long cette plaie des ténèbres. — Sur la colonne 
de nuée, ténébreuse et lumineuse, qui accompagne les 
Hébreux à leur sortie d'Egypte, voir Colonne de nuée, 
t. il, col. 853. — Des ténèbres se produisirent à la mort 
du Sauveur. Matth., xxvn, 45; Marc, xv, 33; Luc, xxm, 
44. Elles n'étaient point naturelles. Voir Éclipse, t. n, 
col. 1562. — Les anciens d'Israël se cachaient dans les 
ténèbres pour pratiquer l'idolâtrie. Ezech., vm, 12; 
cf. Is., xxix, 15. — La peste exerce ses ravages dans les 
ténèbres. Ps. xci (xc), 6. Mais c'est en vain que le mé- 
chant se croit couvert par les ténèbres; les ténèbres 
n'ont pas d'obscurité pour Dieu, elles sont pour lui 
comme la lumière, Ps. cxxxix (cxxxvm) 11, 12; I Joa., 
I, 5, et Dieu poursuit ses ennemis jusque dans les 
ténèbres. Nah., I, 8. Cf. Job, xxxiv, 22. C'est pourquoi 
les ténèbres sont invitées à louer Dieu aussi bien que 
les autres créatures. Dan., m, 72. — 4» Les ténèbres, 
de l'aveugle. — Comme l'aveugle a des yeux qui ne 
peuvent percevoir la lumière, il vit comme si les 
ténèbres régnaient sans cesse autour de lui. Il tâtonne, 
Deut., xxvm, 29, et est assis dans les ténèbres. Tob., 



'2081 



TÉNÈBRES 



TENTATION 



2082 



v, 12. Les ténèbres tombèrent sur Saul, quand Dieu le 
rendit aveugle sur le chemin de Damas. Act., xin, 1. 
Le Messie devait changer pour les aveugles les ténèbres 
en lumière. Is., xlii, 16. Notre-Seigneur dit que l'œil 
est la lampe du corps, mais que si l'œil est en mauvais 
état, tout le corps est plongé dans les ténèbres, Matth., 
vi, 22-23, parce que la lumière n'est plus perçue. 

II. Au sens figuré. — Les ténèbres, qui paralysent 
la vie physique, sont l'image de tout ce qui peut faire 
souffrir l'humanité. Elles figurentdonc: — {«L'ignorance 
et l'erreur. — Dieu met au jour les choses cachées dans 
les ténèbres, c'est-à-dire inconnues. Job, xn, 22; Dan., 
n, 22. Il fait naître la lumière dans lésâmes à la place 
des ténèbres, c'est-à-dire substitue en elles la vérité à 
l'erreur ou au mensonge. Job, xxix, 3; II Reg., xxn, 
29; Ps., xvm (xvn), 29; cxn (cxi), 4; Mich., vu, 8; 
I Cor., iv, 5; I Joa., n, 8. Il y a entre la sagesse et la 
folie, Eccle., h, 13, le bien et le mal, Is., v, 20, la même 
différence qu'entre la lumière et les ténèbres. — Le 
Messie viendra sur la terre pour dissiper les ténèbres 
qui enveloppent les âmes : le peuple qui marche dans 
les ténèbres verra la grande lumière, Is,, IX, 1, les 
aveugles sortiront des ténèbres, Is., xxix, 18, et le 
Messie éclairera ceux qui sont dans les ténèbres. Is., 
xi.ii, 7; xlix, 9. La lumière succédera alors aux ténèbres 
qui couvraient la terre. Is., lx, 2. Notre-Seigneur a 
tenu cette promesse. A sa venue, « la lumière luit dans 
les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie, » où 
-xaTe'Xaësv, non comprehenderunt , « ne l'ont pas 
comprise » ou « ne l'ont pas arrêtée ». Joa., i, 5. 
Quand on marche après lui et qu'on croit en lui, on 
n'est pas dans les ténèbres. Joa., vm, 12; xn, 46. Les 
chrétiens sont ainsi passés des ténèbres à la lumière, 
Act., xxvi, 18; Eph., v, 8; I Pet., n, 9; ils sont 
lumière et non plus ténèbres. I Thés., v, 4, 5. — Les 
docteurs juifs avaient la prétention d'être la lumière 
dans les ténèbres. Rom., ic, 19. Les faux prophètes 
d'autrefois n'étaient eux-mêmes que des producteurs de 
ténèbres. Mich., m, 6; cf. I Joa., i, 6. Parmi ceux qui 
vivent et marchent dans les ténèbres, les écrivains 
sacrés rangent les méchants, Job, xxn, 11; Ps. xxxv 
(xxxiv), 6; Prov., n, 13; iv, 19; les faux prophètes, 
Jer., xxiii, 12; les faux docteurs, Eph., iv, 18; les 
incrédules, Joa., ni, 19, les insensés, Eccle., n, 14, les 
juges iniques, Ps. lxxxii (lxxxi), 5, les misérables, 
Ps. cvn (cvi), 10. — % L'épreuve et l'adversité. — Le 
malheur fait qu'on marche dans les ténèbres, Job, m, 
23; xvn, 12, 13; xix, 8, et qu'on a la face voilée de 
ténèbres. Job, xxm, 17. On espère la lumière, et l'on 
est plongé dans les ténèbres. Job, xxx,26; Ps. Lxxxvili 
(lxxxvii), 7; Is., lix, 9, 10; Lam., m, 2, 6. Toute sa vie, 
l'homme mange dans les ténèbres, c'est-à-dire dans la 
tristesse. Gesenius, Thésaurus, col. 53i. Mais celui qui 
marche dans les ténèbres doit se confier en Jéhovah. 
Is.,L, 10; cf. Tob., iv, 11. — 3° Le châtiment. —Les 
méchants périront dans les ténèbres. 1 Reg., n,9; Job, 
xv, 22, 23, 30; xvm, 18; Ara., v, 20. L'impie rencon- 
trera les ténèbres en plein jour. Job, v, 14. Les ténèbres 
envelopperont le pays des Israélites, Is., v, 30, vin, 22, 
Babylone, Is., xlvii, 5, et l'Egypte. Ezech., xxxn, 8. — 
4» La mort et le tombeau. — Si longues que soient les 
années, l'homme doit songer aux jours de ténèbres, qui 
seront nombreux, c'est-à-dire à son séjour dans le tom- 
beau. Eccle., xi, 8. Le tombeau est la « terre des 
ténèbres et de l'ombre de la mort, où le jour même est 
une profonde nuit. » Job, x, 21, 22. « Si quelqu'un 
maudit son père et sa mère, sa lampe s'éteindra au sein 
des ténèbres. » Prov., xx, 20; cf. Exod., xx, 12. Voir 
Lampe, t. iv, col. 59. Haïr son frère, c'est être dans les 
ténèbres. I Joa., n, 9, 11. — 5° Le jugement de Dieu. 
— Le jour où Dieu doit exercer son jugement sera un 
jour de ténèbres et d'obscurité. Joël, n, 2; Am., v, 
18, 20; vin, 9; Soph., i, 15. Ce jour-là, le soleil se chan- 

DICT. DE LA BIBLE. 



géra en ténèbres. Joël, n, 31; Act., n, 20. —6» L'enfer. 

— Notre-Seigneur dit que les méchants seront rejetés 
dans les « ténèbres extérieures ». Matth., vm, 12; xxn, 
13; xxv, 30. Le séjour de la vie éternelle étant comparé 
à une salle de festin, éclairée par des lampes, et dans 
laquelle les noces royales sont célébrées durant la nuit, 
celui qui est exclu de la salle tombe dans les ténèbres 
du dehors, images dé l'enfer qui est en dehors du ciel 
où l'on jouit de Dieu, et qui est privé de la lumière 
divine. Ces ténèbres sont réservées, en particulier, aux 
docteurs de mensonge. II Pet., n, 17; Jud., 13. Les 
œuvres qui conduisent à ce séjour du malheur sont 
appelées « œuvres de ténèbres ».Rom., xm, 12; Eph., 
v, 11. Ceux qui les accomplissent sont enfants de la 
nuit etdes ténèbres. I Thés., v, 5. Satan, inspirateur de 
ces œuvres et de tout mal, est la « puissance des 
ténèbres >>. Luc, xxn, 53; Eph., vi, 12; Col., i, 13. Un 
jour, le royaume de la bête sera définitivement plongé 
dans les ténèbres. Apoc, xvi, 10. — 7° Le mystère. — 
Quand Jéhovah se manifesta sur le Sinaï, la montagne 
fut enveloppée d'une nuée épaisse et comme d'une 
fumée intense. Exod., xix, 16,18. Voilà pourquoi il est 
dit que le feu et les éclairs brillaient à travers les 
ténèbres, les nuées et l'obscurité. Deut., lv, 11; v, 23. 
Les ténèbres enveloppent Dieu comme un manteau; il 
est entouré des eaux obscures et de sombres nuages. 
Ps. xvm (xvn), 12; II Reg., xxn, 12. Ce manteau de 
ténèbres dont Dieu s'entoure signifie l'impossibilité où 
est l'homme de le voir et de le comprendre. — Notre- 
Seigneur ordonne à ses disciples de publier à la lumière, 
c'est-à-dire manifestement et publiquement, ce qu'il a 
enseigné dans les ténèbres, c'est-à-dire d'une manière 
privée. Matth., x, 27; cf. Luc, xn, 3. Mais il n'a pas 
eu de doctrine ésotérique, il n'a rien dit dans le 
secret, mais a toujours parlé pour tous. Joa., xvm, 20. 
Il ne s'agit donc ici que de ténèbres relatives, c'est- 
à-dire d'un enseignement qui n'a eu qu'un nombre 
restreint d'auditeurs, auxquels le Sauveur a parlé à 
l'oreille, et que les disciples devront transmettre en 
plein jour et publier sur les toits, à l'adresse de tous 
les hommes, en Palestine et en dehors de la Palestine. 

— Au jugement, Dieu mettra à la lumière ce qui est 
caché dans les ténèbres, c'est-à-dire dans le secret des 
consciences. I Cor., iv, 5. H. Lesétre. 

1. TENTATION, nom dans la Vulgate, Exode, xvn, 
7; Deut., vi, 16; ix, 22; xxxm, 8, d'une station des 
Israélites dans le désert. Voir Massah, t. IV, col. 853. 

2. TENTATION (hébreu : massdh; Septante : nei- 
pacrfioç; Vulgate : tentatio), expérience destinée à faire 
connaître la valeur morale de quelqu'un. — Le mot 
tentation est pris en différents sens dans la Sainte 
Écriture. 

I. Tentation de Dieu. — Tenter Dieu, c'est mettre 
sa patience à l'épreuve, en manquant à son égard de 
confiance, de soumission, de sincérité. Les Hébreux, 
au désert, ont souvent tenté Dieu en se défiant de son 
assistance et en murmurant. Exod., xvn, 7; Num., 
xiv, 22; Deut., ix, 22; xxxm, 8; Judith, vm, 11; 
Ps. lxxviii (lxxvii), 18, 41, 56; xcv (xciv), 9; cvi (cv), 
14; Act., xv, 10; Heb., m, 8. Aussi Moïse leur dit-il : 
« Vous ne tenterez point Jéhovah, votre Dieu, comme 
vous l'avez tenté à Massah; mais vous observerez avec 
soin les commandements de Jéhovah. » Deut., vi, 16, 
17. Tenter Dieu, c'est donc surtout lui désobéir, par 
conséquent révoquer pratiquement en doute sa puis- 
sance, sa sainteté, sa justice et sa providence. Avant 
d'accomplir un acte religieux, il faut faire attention, 
afin de n'être pas « comme un homme qui tente le 
Seigneur. » Eccli., xvm, 23. Dieu se laisse trouver par 
ceux qui ne le tentent pas. Sap., i, 2. Achaz refusait 
hypocritement de tenter le Seigneur, quand Isaïe lui 

V. - 66 



2083 



TENTATION 



2084 



proposait de demander un signe. Is., vu, 12. Les im- 
pies tentent Dieu et échappent à la vengeance, au 
moins pour un temps. Mal., III, 15. Ananie et Saphire 
tentèrent le Saint-Esprit par leur dissimulation. Act., 
v, 9. Saint Paul recommanda de ne point tenter le 
Christ, comme les Hébreux ont tenté Jéhovah. I Cor., 
x, 9. Dans ces différents cas, celui qui tente Dieu fait 
une expérience de laquelle il conclut implicitement 
à la non-existence de quelque perfection divine. — Ce 
n'est pas tenter Dieu que de lui demander un signe de 
sa volonté, comme firent Gédcon, Jud., vi, 29, Zacharie, 
Luc, î, 18, etc. 

II. Tentation de l'homme. — Elle se présente sous 
diverses formes. Elle peut provenir soit du dehors, 
par le mal physique servant d'épreuve ou de châtiment, 
ou par Satan qui porte au péché en diverses manières, 
soit du dedans, par l'effet de l'infirmité ou de la corrup- 
tion de la nature elle-même. 

1. Épreuve du juste. — Dieu tente Abraham en lui 
demandant le sacrifice de son fils. Gen., xxii, 1. Abra- 
ham se montre fidèle dans l'épreuve et se dispose à 
obéir au Seigneur. Eccli., xliv, 21 ; IMach., n, 52. Les 
Hébreux sont tentés enÉgjpte parles calamités qui les 
accablent, Deut., iv, 34; vu, 19; xxix, 2, et au désert 
par divers incidents fâcheux. Exod., xv, 25; xvi, 4; 
Deut., VIII, 2; xm, 3. Job est soumis à des épreuves 
qui ont pour but de faire éclater sa fidélité. Job, i, 8, 
22; h, 3, 10, La tentation se complique pour lui de 
l'intervention de Satan et des mauvais conseils de sa 
femme. Job, h, 9. Au comble des maux, il se plaint 
que Dieu se rit des épreuves de l'innocent. Job, ix, 23. 
Finalement, il triomphe de la tentation. Jacob., v, 11. 
Dieu éprouve Ézéchias en permettant la visite que lui 
font les envoyés de Babylone et au cours de laquelle le 
roi succombe à une pensée de vaine confiance dans ses 
ressources. II Par., xxxii, 31. Tobie, n, 12, est soumis 
à une épreuve destinée à mettre en relief sa patience. 
Le Psalmiste demande à Dieu de le mettre à l'épreuve, 
pour avoir l'occasion de montrer sa fidélité. Ps. xxvi 
(xxv), 2. Dieu éprouve les justes et les trouve dignes 
de lui. Sap., m, 5. Il les éprouve comme un père qui 
avertit. Sap., xi, 10. L'épreuve suprême de la mort 
atteint aussi les justes. Sap., xvm, 20. Sur la tentation 
que constitue pour les justes la prospérité des impies, 
voir Impie, t. m, col. 846. Le Sauveur tente Philippe 
en lui demandant où l'on pourra trouver du pain au 
désert. Joa., vi, 6. Les Apôtres sont restés fidèles à 
Jésus dans ses épreuves. Luc, xxn, 28. Saint Paul a 
enduré des épreuves par les embûches des Juifs. Act., 
xx, 19. L'infirmité de sa chair a été une épreuve pour 
les Galates. Gai., iv, 13. La recherche de la richesse 
fait tomber dans la tentation. ITim., vi, 9. Les épreuves 
qui accablent les chrétiens doivent être pour eux un 
sujet de joie. Jacob., I, 2; I Pet., 1, 6, 7. Le Seigneur 
délivre de l'épreuve les hommes pieux. II Pet., n, 9. 
L'épreuve viendra uu jour sur le monde entier. Apoc, 
m, 10. 

2. Épreuve du méchant. — Le méchant ne sait pas 
faire face à la tentation qui, dès lors, devient pour lui 
une cause de péché et de châtiment. Les Hébreux qui 
n'ont pas accepté les épreuves avec crainte du Seigneur 
et patience ont été frappés de mort. Judith, vm, 24, 
25. Les impies ont changé l'épreuve en un châtiment 
sévère pour eux. Sap., xi, 10. Us ont fait l'expérience 
de la colère de Dieu. Sap., xvm, 25. Les âmes incon- 
stantes se retirent de Dieu au moment de l'épreuve. 
Luc, vm, 13. 

3. Intervention de Satan. — Elle est manifeste dans 
la tentation d'Adam et Eve, où elle réussit, Gen., m, 
1-6, et dans l'épreuve de Job, où elle demeure^sans 
succès. Job, i, 12; II, 5. Satan enlève la semence de la 
parole jetée dans les cœurs. Marc, iv, 15. Il a demandé 
à passer au crible les Apôtres. Luc, xxn, 31. Il a tenté 



avec succès Judas, Joa., xm, 2, Ananie et Saphire. 
Act., v, 3. Il dresse des embûches, Eph., VI, 11, et 
tend des lacets pour faire tomber dans le mal. I Tim., 
m, 7; vi, 9; II Tim., n, 26. Il rôde comme un lion 
pour dévorer. I Pet., v, 8. Il est par excellence le ten- 
tateur, 6 iteïpdcÇiov, Matth., iv, 3; I Thés., m, 5. Il ne- 
faut pas donner à Satan lieu de tenter, I Cor., vu, 5, 
pour ne pas lui laisser l'avantage sur nous. II Cor., 
n,ll. Il faut lui résister, pour le mettre en fuite. IPet. r 
v, 9; Jacob., iv, 7. Satan fait jeter des chrétiens en 
prison pour les tenter. Apoc, n, 10. 

4. Tentation intérieure. — La nature imparfaite et 
déchue est pour l'homme la cause la plus dangereuse 
de la tentation. « Le péché ne se tient-il pas à ta porte ? 
Son désir se tourne vers toi. » Gen., iv, 7. Le mal 
cherche donc à s'unir à l'âme, à pénétrer en elle;, 
mais elle doit dominer sur lui, en lui refusant son. 
consentement. « Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise : 
C'est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté 
de mal et lui-même ne tente personne. Mais chacun» 
est tenté par sa propre convoitise, qui l'amorce et 
l'entraîne. Ensuite la convoitise, lorsqu'elle a conçu, 
enfante le péché, et le péché, lorsqu'il est consommé, 
engendre la mort. » Jacob., i, 13-15. L'apôtre emploie 
la même image que la Genèse : le péché résulte d'une 
sorte d'union du mal avec l'âme. Dieu ne tente pas, il' 
permet seulement la tentation, condition du mérite, et 
la tentation, qu'elle vienne du dehors ou de l'homme 
même, n'a d'efficacité que si l'âme obéit volontairement 
à ses suggestions. 

5. Conduite vis-à-vis de la tentation. — L'homme 
doit s'attendre à être tenté, car la vertu sans combab 
serait pour lui sans mérite. « Celui qui n'a pas été 
éprouvé sait peu de choses. » Eccli., xxxiv, 9. Il a été 
dit à Tobie : s Parce que tu étais agréable à Dieu, 
il a fallu que la tentation t'éprouvât. » Tob., xn, 13. 
L'épreuve du serviteur de Dieu ne doit donc pas l'éton- 
ner, comme s'il lui arrivait quelque chose d'extraor- 
dinaire. I Pet., iv, 12. Dès lors, « heureux l'homme- 
qui supporte l'épreuve ! Devenu un homme éprouvé, il 
recevra la couronne de vie. » Jacob., i, 12. — En- 
entrant au service du Seigneur, il faut se préparer à- 
l'épreuve, Eccli., n, 1, prendre garde à la tentation, 
Gai., vi, 1, et avoir confiance que Dieu ne permettra, 
pas de tentation au-dessus de nos forces, mais ména- 
gera une heureuse issue en aidant à la supporter.. 
1 Cor., x, 13. — Dans l'Oraison dominicale, Notre- 
Seigneur nous fait dire: |aï) eîo-Evrptr,; rinâ; à» netpoctr- 
[iôv, ne nos inducas in tentationem. Matth., vi, 13; 
Luc,, XI, 4. Le verbe grec correspond à l'hiphil hébreu 
hêbi\ « faire entrer, mener dans» un lieu. La tentation- 
est comme un pays ennemi et dangereux, dans lequel 
on prie Dieu de ne pas nous faire entrer. Ce n'est pas 
Dieu qui fait entrer dans la tentation; il laisse seule- 
ment y entrer. Ici, néanmoins, comme dans bien, 
d'autres cas, on regarde comme voulu par lui ce qu'il 
se contente de permettre. Le Sauveur emploie la même 
image, quand il recommande à ses apôtres de veiller 
et de prier, pour « ne pas entrer en tentation. «Matth.,. 
xxvi, 41; Marc, xiv, 38; Luc, xxn, 40, 46. 

III. Tentation du Sauveur. — Dès le début de son. 
ministère public, le Sauveur fut conduit par l'Esprit 
dans le désert pour y être tenté par le démon. C'était 
donc la volonté divine qu'il en fût ainsi. Au baptême- 
qui venait d'avoir lieu, une voix du ciel s'était fait 
entendre pour dire : « Tu es mon Fils bien-aimé, 
l'objet de mes complaisances. «Matth., m, 17; Marc, i,. 
11; Luc, m,22. Satan, voulant se renseigner sur la signi- 
fication de ces paroles, demande à Jésus, s'il est le Fils 
de Dieu, d'accomplir certains actes qui permettront de 
juger s'il est simplement un homme ou plus qu'un 
homme. Il l'invite à changer des pierres en pain, pour 
apaiser sa faim, à se jeter du haut du Temple, pour se- 



2085 



TENTATION 



TENTE 



2086 



faire porter par les Anges, enfin à l'adorer lui-même, 
pour en obtenir la jouissance de tous les royaumes du 
monde. A chaque invitation, le Sauveur oppose un 
texte de l'Écriture qui l'autorise à la décliner, de 
manière que Satan n'est pas plus renseigné qu'avant et 
ne s'éloigne du Sauveur que pour un temps. Matth. ; 
iv, 1-11; Marc, i, 12, 13; Luc, IV, 1-13. Les trois ten- 
tations se rapportent à la sensualité, à la vaine gloire 
et à la jouissance des biens de ce monde. Nos premiers 
parents ont succombé à cette triple tentation, le Christ 
en triomphe. Il faut noter cependant que la tentation 
pouvait avoir et eut en effet un écho dans le cœur 



TENTE (hébreu : 'ohél, sukkdh; Septante : oxr,vïj, 
oïxo;; Vulgate : tabernaculum, tentorium, papilio), 
abri mobile à l'usage des nomades, des soldats en 
campagne, et de ceux qui sont obligés de passer leur 
vie loin des habitations fixes (fig. 471). 

1° Sa disposition. — Les tentes ont été de première 
nécessité pour les nomades, obligés de changer con- 
stamment de place, à la recherche de pâturages suffi- 
sants pour leurs troupeaux. La Bible en fait remonter 
l'usage à l'un des descendants antédiluviens de Caïn, 
Jabel,« le père de ceux qui habitent sous des tentes et 
au milieu des troupeaux. » Gen., iv, 20. Déjà aupara- 




471. — Tentes arabes. 



d'Adam et d'Eve, tandis que l'âme du Sauveur était inac- 
cessible à toute suggestion extérieure. Les termes don 
se servent les Évangélistes donnent à penser que la 
tentation ne fut pas seulement imaginative, mais réelle, 
que Satan se montra à Jésus sous une forme sensible, 
qu'il lui fit remarquer les pierres à changer en pains, 
le transporta au sommet du Temple et lui montra 
du haut d'une montagne les royaumes de ce monde. 
Comme la tentation n'eut pas de témoins, il faut en con- 
clure qu'elle a été racontée par Jésus lui-même à ses 
Apôtres. — Satan revint plusieurs fois à la charge, pour 
savoir si Jésus était vraiment le Fils de Dieu; mais le 
Sauveur agissait de manière à ce qu'il ne fût pas ren- 
seigné. Marc, v, 7; Luc, iv, 41; vm, 28; Matth., xxvn, 
40. — Les ennemis du Sauveur le tentèrent souvent, 
c'est-à-dire, cherchèrent, par des questions captieuses, 
à obtenir de lui des réponses capables de le compro- 
mettre. Ce fut toujours en vain. Matth., xvi, 1 ; six, 3; 
xxii, 18,35; Marc, vin, 11; x, 2;xn, 15; Luc, x, 25; 
xi, 16; xx, 23; Joa., vm, 6. — « C'est parce qu'il a 
souffert et a été lui-même éprouvé, lenlatus, que le 
Christ peut secourir ceux qui sont éprouvés, tenlan- 
ivr. » Heb., h, 18. H. Lesètre. 



vant, les hommes s'étaient groupés pour habiter dans 
une ville. Gen., iv, 17. Les tentes servaient à préserver 
des ardeurs du soleil, Is., iv, 6, du froid de la nuit et 
des intempéries. A l'origine, elles furent faites avec 
des peaux d'animaux. Exod., xxvi, 14. On employa 
ensuite des étoffes grossières fabriquées en poils de 
chèvres ou de chameaux. Exod., xxvi, 7. Voir Cilice, 
t. il, col. 760. Ces étoffes étaient de couleur sombre ou 
noire. L'Épouse, au teint hâlé par le soleil, se dit 
« noire comme les tentes de Cédar. » Gant., i, 4. 
Aquila et saint Paul exercèrent le métier de fabricants 
de tentes, <rxï)vojio'.oé. Act., xvm, 3. Divers accessoires 
étaient nécessaires pour que la tente fût mise en place. 
Isaïe, liv, 2, y fait allusion : « Élargis l'espace de ta 
tente, qu'on déploie les tentures de la demeure, ne 
ménage pas la place, allonge tes cordages et affermis 
tes pieux. » Les pieux plantés en terre maintenaient les 
étoffes à la hauteur voulue. De leur sommet parlaient 
des cordages, solidement attachés à de fortes chevilles 
de bois enfoncées dans le sol, et destinés à assurer la 
stabilité de l'ensemble. Jahel prit une de ces chevilles 
pour l'enfoncer dans la tête de Sisara. Jud., iv, 21. Les 
pieux, ainsi que d'aulres pièces transversales, per- 



2087 



TENTE — TENTES (VALLÉE DES) 



2088 



mettaient de suspendre différents objets, comme dans 
les anciennes tentes assyriennes. Judith, xur, 8. Voir 
t. h, fig. 36, col. 99; t. iv, fig. 94, col. 287. Les nattes 
servant à s'asseoir et à dormir, ainsi que les différents 
ustensiles, reposaient sur le sol même. Aussi y avait- 
il inconvénient quand les épines envahissaient la 
tente. Ose., ix, 6. Anciennement, la tente n'était pas 
ouverte sur un côté entier; mais elle avait une porte, 
c'est-à-dire un pan d'étoffe pouvant clore l'ouverture 
ou être écarté. Gen., xvm, 10. Les deux parois laté- 
rales s'appelaient « mains » ou côtés. Voir Main, t. iv, 
col. 582. Pour demeurer auprès de quelqu'un, on pou- 
vait « fixer ses pieux dans ses parois et dresser sa tente 
contre la sienne. » Eccli., xvi, 24, 25. Les tentes étaient 
plus ou moins vastes, selon le nombre de ceux qu'elles 
devaient abriter. Il est probable que les plus grandes 
comportaient des divisions, pour les hommes, les 
femmes, les esclaves et souvent le bétail. Au désert, un 
Israélite avait introduit une Madianite dans sa qubbâh, 
xâ[«vo;, lupanar, l'arrière-tente, la partie la plus 
retirée, ce qu'on a appelé depuis, d'après le mot qubbâh, 
V « alcôve ». Num., xxv, 8. Les Arabes ont conservé, 
en ce qui concerne leurs tentes, les usages qui devaient 
être en vigueur chez les anciens Israélites. « Les 
Arabes n'ont point d'autres logements que leurs tentes, 
qu'ils appellent maisons; elles sont toutes noires, d'un 
tissu de poil de chèvre, que les femmes filent, et dont 
elles sont aussi les tisserands. Ces tentes sont tendues 
d'une manière que l'eau de la pluie coule aisément par* 
dessus sans les pénétrer. Toutes leurs familles, leurs 
ménages et leurs écuries logent dessous, particulière- 
ment en hiver. Celles de l'émir sont de la même étoffe, 
•et ne diffèrent d'avec celles de ses sujets que par la 
grandeur... Lorsque l'hiver commence à revenir... ils 
campent dans des vallons ou sur le rivage de la mer, 
où il y a quelques arbrisseaux, à l'abri du vent, et sur 
le sable, pour n'avoir point l'incommodité des boues; 
les hommes et le bétail logent alors tous pêle-mêle, 
pour être plus chaudement. » De la Roque, Voyage 
dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 173, 175. Les 
Israélites dressaient quelquefois des lentes sur le toit de 
leurs maisons, II Reg.. XVI, 22, pour s'y mettre à l'abri, 
■comme on le fait encore en Orient. 

2° Son établissement. — La tente constituait une 
habitation essentiellement mobile, qu'on déplaçait 
toutes les fois qu'il était utile. Ézéchias, menacé de 
mourir, dit que sa demeure est « enlevée comme une 
tente de bergers. » Is., xxxvm, 12. De là les expres- 
sions suivantes : 'â(aq, ànéixTr), àitupà;, transgrediens, 
profectus, « lever sa tente », Gen., xii, 8; xxvi, 22; 
'âhal, Èjx»ivtoffev, habitavit, « établir sa tente », Gen., 
XIII, 12; yahêl, Bié>8a)<7i'/, ponet lentoria, « dresser sa 
tente », Is., xm, 20; ndta', TcrjEst <rxr,v^v, figet taber- 
naculum, n. fixer sa tente », Dan., xi, 45; tâqa', « fixer 
sa tente en clouant », ïnrfe, ioT^ve., exlenderat, fixit, 
Gen., xxxi, 25; Jer., VI, 3; etc. AuThabor, saint Pierre 
parle de « faire des tentes », 7roiirj3co[j.ev mrjvâ;, facia- 
mus tabernacula, Matth., xvn, 4; Marc, ix, 4; Luc, 
ix, 33, parce qu'il s'agissait alors de fabriquer des tentes 
de toutes pièces. — Les tentes d'une même famille ou 
d'une même tribu formaient un groupement plus ou 
moins régulier. Voir t. n, fig. 35, col. 93. Au désert, les 
tentes des Israélites étaient disposées de manière à 
constituer un camp aussi bien ordonné que le per- 
mettait la nature des emplacements. Voir Camp, t. n, 
col. 94. Ce spectacle fit l'admiration de Balaam : 
« Qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob, tes demeures, 
ô Israël! » Num., xxiv, 5; cf. Exod., xix, 2; Num., Il, 
3-31 ; xm. 1 ; xxiv, 2. — L'établissement des tentes a 
inspiré plusieurs métaphores. Les auteurs sacrés parlent 
de la voûte des cieux comme d'une tente que Dieu a 
étendue au-dessus de la terre. Job, ix, 8; Is., xm, 5; 
xliv, 24. « Il déploie les cieux comme une tente. » 



Ps. civ (cm), 2. « Il étend les cieux comme un voile et 
les déploie comme une tente pour y habiter. »Is.,xl, 22. 
Saint Paul compare le corps de l'homme à une tente 
qui sera détruite par la mort. II Cor., v, 1, 4. Saint 
Pierre reprend la même métaphore; il tient à exhorter 
les fidèles « tant qu'il est dans cette tente, » qu'il sait- 
devoir quitter bientôt. II Pet., 1, 13, 14. 

3° Ses habitants. — La Sainte Écriture mentionne 
les tentes de Noé, Gen., ix, 21; de Sem, Gen., IX, 
27; de Lot, Gen., xm, 5; d'Abraham, Gen., xm, 18; 
xvm, 10; etc.; d'Ismaël, Gen., xvi, 12; d'Isaac, Gen., 
xxvi, 25; de Jacob, Gen., xxv, 27; xxxm, 17; etc.; 
des Israélites au désert, Exod., xvi, 16; xix, 2; etc.; 
des lévites autour du Tabernacle, Num., i, 53; de 
Dathan et Abiron, Num., xvi, 24, 26, 32; d'Issa- 
char, Deut., xxxm, 18; des Madranites, Jud., vi, 5; 
des Arabes, Jud., vm, 10; de Saùl, I Reg., xxvi, 5, 7; 
de David, I Reg., xvn, 54; des hommes de Juda en 
guerre, II Reg., xi, 11; des Syriens, IV Reg., vu, 8; 
d'Holopherne, Judith, x, 16; xn, 4; des Chaldéens 
autour de Jérusalem, Jer., vi, 3; de Cuschan et de 
Moab, Hab., m, 7; etc. — Des tentes particulières 
sont quelquefois attribuées à des femmes, à Sara, 
devenue veuve, Gen., xxiv, 67, à Lia, à Rachel, aux 
deux esclaves Bala et Zelpha, Gen., xxxi, 33, à Jahel, 
Jud., iv, 18. La polygamie rendait nécessaire la distinc- 
tion des tentes pour les femmes d'un même mari. La 
famille des Réchabites persista toujours à habiter sous 
des tentes. Jer., xxxv, 7, 10. Aux tentes des person- 
nages aisés étaient attachés des serviteurs. Job, xxxi, 
3L. — On se tenait assis à la porte de sa tente, de 
manière à jouir de l'ombre pendant la chaleur du jour. 
Gen., xvm, 1. On préférait parfois rester dessous. Gen., 
Xvm, 9; xxv, 27. Au désert, quand la colonne de nuée 
descendait sur le Tabernacle, les Israélites se proster- 
naient à l'entrée de leurs tentes. Exod., xxxm, 8, 10. 
Plusieurs fois, ils murmurèrent dans leurs tentes. 
Deut., i, 27. — Comme les tentes furent longtemps 
l'habitation des Israélites, les expressions suivantes 
restèrent en usage, justifiées d'ailleurs littéralement au~ 
cours des campagnes militaires : « renvoyer chacun 
dans sa tente », Jud., vii, 8; I Reg., xm, 2 ; « retourner 
à sa tente », Jud., xx, 8; « fuir à sa tente », I Reg., 
iv, 10; II Reg., xvm, 17; xix, 8; IV Reg., vm, 21; xiv, 
12. Le cri : « Chacun à sa tente! » était le signal de 
l'abandon d'un parti. II Reg., xx, 1; III Reg., xii, 16. 
— Le sort des habitants d'une tente était attribué à la 
tente elle-même. Bien que la paix soit exceptionnelle- 
ment sous la tente du brigand, Job, xn, 6, la tente des 
impies est vouée au malheur et à la destruction, Job, 
vm, 22; xv, 34; xvm, 6, 14, 15; xx, 26; xxi, 28; Dieu , 
en arrachera le méchant. Ps. lu (li), 7. Au contraire, 
le bonheur est sous la tente du juste, Job, v, 24; Dieu 
l'y visite, Job, xxix, 4; le fléau n'en approche pas, 
Ps. xcil (xci), 10; on y entend retentir les cris de joie, 
Ps. cxviii (cxvn), 15, et la tente des justes fleurira, 
c'est-à-dire verra toutes les prospérités. Prov., xiv, 11. 
Cependant malgré le soin qu'on prend d'écarter l'ini- 
quité de sa tente, Job, xi, 14; xxn, 23, cela n'empêche 
pas qu'elle soit momentanément assiégée par les 
épreuves. Job, x, 12. H. Lesêtre. 

2. TENTE DE TÉMOIGNAGE (Vulgate : Taber- 
naculum testimonii). Voir Tabernacle, col. 1051. 

3. TENTES [VALLÉE DES], (hébreu : 'Êméq 
Sukkô( ; Septante: t| xot'Xa; xûv ctxtjvoùv). La Vulgate 
traduit Ps. lix (lx), 6; cvil (cvm), 8, le nom propre 
Sukkôt par tabernacula, « tentes », lequel devait venir à 
cette vallée des tentes qui y avaient été dressées. Dieu 
prophétise à David qu'il partagera et divisera à son gré, 
comme le faitunpropriétaire, Sichemet Soccoth.CeSoc- 
cothest, d'après les uns, le Soccoth à l'est du Jourdain, 



2089 



TENTES (VALLÉE DES) — TÉRÉBINTHE 



2090 



mentionné dans la Genèse, xxxm, 17 ; Jos. , XIII, 27, situé 
non loin du fleuve Jaboc. Cette identification est contestée 
par d'autres, mais elle est la plus vraisemblable, et ce 
nom semble bien convenir à la plaine du Jourdain, au 
sud du Jaboc, l'actuel Nahr-ez-Zerqa, cf. Jos., xvi, 27, 
près du Djisr ed-Damiéh. Voir Jourdain, carte, fig.300, 
t. m, col. 1726. 

TEPHILLIM. Voir Phylactères, col. 349. 

1. TÉRÉBINTHE (VALLÉE DU) (hébreu : Éméq 
hâ-'Êlâh; Septante .* r\ xotXàc xf,ç Sptidç; Y] -xoiXàç 'HXot), 
vallée où campaient les Israélites quand David tua Goliath. 
I Sam. (Reg.), xvii, 2, 19; xxi, 9. C'est probablement 
la vallée qui porte aujourd'hui le nom de Ouadi es- 
Sent (Térébinthe), la troisième et la plus méridionale 
des vallées qui débouchent dans le pays des Philistins. 
Les Philistins étaient campés entre Socho (Schouékéh) 
et Azéca (t. I, col. 1303). Voir ibid., fig. 384. Plusieurs 
voyageurs modernes identifient cette dernière avec 
Beit Nettif. La position des deux armées ennemies était 
si forte qu'il était dangereux pour l'un des adver- 
saires d'aller attaquer son antagoniste et de s'exposer à 
recevoir ses coups en gravissant la montée au haut de 
laquelle il s'était établi. David assura la victoire aux 
Israélites : il alla courageusement attaquer Goliath qui, 
comptant sur la supériorité de sa force personnelle, 
défiait les Israélites, et il le tua. Voir Goliath, t. m, 
col. 268; David, t. n, col. 1911. 

2. TÉRÉBINTHE (hébreu 'êlâh,'àllâh, pluriel 'êlim; 
Septante: TEpl6iv9oç, Tspé]juv8oç; Vulgate: terebinthus), 
grand et bel arbre de Palestine. 

I. Description. — Cet arbre est rattaché par les bota- 
nistes au genre Pistacia, commeleLentisque. Voir Pista- 
chier et Lentisque, col. 445; t. îv, col.. 166. Mais landis 
que ce dernier a des feuilles persistantes, celles du Téré- 
binthe, fig. 472, sont caduques etpourvues en outre d'une 
foliole impaire à leur extrémité. Les fleurs en panicules 
latérales et composées naissent sur les rameaux de 
l'année précédente, au-dessous des feuilles. Calice brun, 
anthères et stigmates pourpres.: à la maturité, fruit en 
drupe sèche, globuleuse apiculée, de la grosseur d'un 
pois, rouge puis brune. L'arbre, de taille moyenne, 
peut atteindre dans certaines circonstances favorables 
de grandes proportions. Les rameaux en sont étalés en 
parasol, et l'écorce rugueuse d'un brun rougeàtre laisse 
échapper, surtout après incision, un suc résineux qui, 
concrète, donne la Térébenthine de Chio. F. Hy. 

II. Exégèse. —1° Noms et identification. De la racine 
ul, 'il, qui a ridée de force, dérivent plusieurs noms 
d'arbres vigoureux et d'un beau port : 'êldh, 'allâh, et 
'èlôn, 'allon. On remarquera que 'allâh, qui ne se pré- 
sente qu'une fois, est avec sa voyelle brève et son da- 
guesch, rrtN, l'équivalent de 'êlâh, muni d'une voyelle 

T - 

longue. Il en est de même de 'allôn, par rapporta 'êlôn. 
Aussi sans leur ponctuation, ces formes diverses se 
ramènent à deux qui ne diffèrent que par la terminai- 
son : nbs et pbx. Ce sont certainement deux noms 
d'arbres différents, comme le prouvent Isaïe, vi, 13, et 
Osée, iv, 13. Isaïe, vi,13, juxtapose dans la même phrase 
nbN et pbx : 

Comme le 'êlâh et le 'allôn conservent leur souche. 
Osée, iv, 3, fait de même : 

Ils brûlent l'encens sur les collines 
Sous le 'allôn, le peuplier, et le 'êlâh. 

Or 'allôn qui se présente neuf fois dans la Bible est 
toujours rendu dans la Vulgate par chêne et de même 
par les Septante, sauf une fois. Le sens, comme on 
peut le voir, t. n, col. 653, est donc bien celui de chêne. 
'Êlâh doit donc désigner un autre arbre. Il est vrai 



que les versions sont très variées et très inconstantes 
dans la traduction de ce mot. Peut-être faut-il l'attri- 
buer à des leçons différentes ou à des erreurs de lec- 
ture du texte hébreu. Parfois on rencontre la traduction 
chêne qui ne saurait se soutenir, en face des textes, 
Is., vi, 13, et Ose., iv, 13, cités plus haut. Plus générale- 
ment les versions tiennent pour le térébinthe. Et les 
caractères du 'êlâh soulignés dans les textes convien- 
nent parfaitement au térébinthe. II Beg., xvm, 9, 10, 
14; Ose., iv, 13; Eccli., xxiv, 22 (grec 16). 

J. D. Michaëlis, Supplementa ad lexica hebraica, 
Gœttingue, 1792, in-8», t. i, p. 73, attribue à 'êlôn un sens 
autre qu'à 'allôn et semblable à 'êldh. Pour l'établir, il 
rappelle qu'au lieu nommé 'Êlônê Mamré, l'historien 
Josèphe, Bell, jud., IV, ix, 7, constate l'existence d'un 
antique térébinthe. Mais il oublie qu'au même endroit 




472. — Pistacia terebinthus. 

Josèphe, dans ses Antiquités juives, I, x, 4, place un 
chêne. Nous avons d'ailleurs montré, t. u, col. 657, que 
primitivement Mambré avait un bois de chênes, une 
chênaie, mais que les Septante ayant traduit 'êlonê par 
un singulier 5p-jç, on en vint insensiblement à identi- 
fier 'Êlônê Mamré avec le plus beau chêne de la région, 
et à son défaut avec le plus bel arbre, comme le téré- 
binthe qui, le chêne disparu, prenait sa place dans les 
localisations populaires du passage d'Abraham. 

Quant à 'êlim, ce mot peut être ou le pluriel de 'êl, avec 
le sens de divinités, idoles, ou bien le pluriel (forme 
masculine) de 'êldh. Dans Is., lvii, 5, 'êlim est pris par 
plusieurs exégèles dans le sens de térébinthe, mais il 
est préférable d'y voir des divinités, des idoles. Dans 
Is., I, 29, la comparaison avec le verset suivant porte au 
contraireà prendre 'êlim pour le pluriel de 'êlak (t. 30), 
comme gannôf, «. les jardins », du jp. 29, répond au singu- 
lier gan, « jardin », du f. 30. Il s'agit des Israélites qui 
dans les bois sacrés, honoraient les idoles, et le pro- 
phète leur fait cette prédiction : 

Us auront honte des tërébinthes qui les charment, 
Us rougiront des jardins qui leur plaisent. 
Ils seront comme le térébinthe dont le feuillage tombe, 
Comme le jardin qui n'a plus d'eau. 



2091 



TEREBINTHE 



TERRE 



2092 



I saïe, lxi, 3, compare les Is raéliles assagis par la cap- 
tivité au térébinlhe, à cause de son tronc vigoureux et 
de son feuillage vert : 

On les appellera des térébinthes de justice 
Une plantation de Jahvéh pour sa gloire. 

Cependant dans ces deux exemples le sens de téré- 
binthe pour 'êlim, assez généralement adopté par les 
exégètes, Condamin, Le livre d'haïe, in-8°, Paris, 1905, 
p. 14, et 354, n'es! pas absolument cerlain. Ce mot 
pourrait bien n'avoir que le sens général de « grand 
arbre ». Ce sens général du moins se comprend mieux 
dans Exod., xvi, 1, où le nom de 'Elim est donné à un 
lieu où il n'y avait pas de térébinthes, mais soixante-dix 
beaux palmiers. En araméen, 'ilênâ ilônô est le nom 
d'arbre en général. Dan3 Daniel, IV, 10,11, 14, 20, 23, 
26, 'ilân a le sens du mol arbre. 

2° Le térébinthe dans la Bible. — Le livre de l'Ecclé- 
siastique, xxiv, 22, dans l'éloge de la Sagesse, fait allu- 
sion au port majestueux du térébinlhe : 

Comme un térébinthe j'ai étendu mes rameaux, 

Et mes rameaux sont des rameaux de gloire et de grâce. 

C'est la même image qu'on rencontre dans la pro- 
phétie de Jacob, xlix,21, entendue avec les leçons lues 
par les Septante : 

Nephthali est un térébinthe qui étale ses rameaux, 
Il fournit des branches splendides. 

Dans les pays brûlés par le soleil, on cherche volon- 
tiers l'ombre des grands arbres. Le prophète de Béthel 
trouva l'homme de Dieu venu de Juda assis sous le 
térébinthe, III Reg., xm, 4; c'est sous le térébinthe 
qui était à Éphra que Gédéon Irouva l'ange du Sei- 
gneur et vint lui offrir des pains sans levain et la chair 
d'un chevreau. Jud., VI, 11, 19. Les rameaux s'étalent 
souvent à peu de distance du sol : Absalom s'en- 
fuyant sur son mulet s'embarrassa dans les branches 
touffues d'un térébinthe et resta suspendu par la che- 
velure. II Reg., xvm, 9, 10, 14. Chez les Hébreux, le 
peuple, vivant près des Chananéens ou des Arabes, en 
adopta souvent les pratiques et eut ses arbres sacrés. 
P. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 
in-8°, Paris, 1903, p. 168-179; H. Vincent, Canaan, 
in-8°, Paris, 1907, p. 144-146; A. Jaussen, Coutumes 
des Arabes au pays de Moab, in-8°, Paris, 1903, p. 330, 
334. Les beaux térébinthes étaient, comme les chênes, 
choisis de préférence. Au pied du térébinthe on offrait 
des sacrifices. Ose., IV, 3. Sous le térébinthe de Sichem, 
Jacob enfouit les téraphims que les membres de sa 
famille portaient avec eux. Gen., xxxv, 4. C'est au pied 
du térébinthe de Jabès qu'on enterra les corps de Saûl 
et de ses fils. 1 Par., x, 12. Soit à cause d'un térébinthe 
célèbre, soit à cause d'une futaie de ces arbres, la 
vallée près de Masépha avail pris le nom de vallée du 
Térébinthe. C'est là quel es Israélites rencontrèrent les 
Philistins et que David frappa Goliath et lui trancha 
latêle. I Sam. (Reg.), xvii, 2, 19; xxi, 9. Elle se nomme 
aujourd'hui Ouadi-es-Samt. Le térébinthe dont les 
branches ont été coupées et repoussent sert de compa- 
raison au prophète pour annoncer la vie nouvelle que 
reprendra la souche d'Israël. Is., l, 29, 30. 

3" Produit du térébinlhe. — Parmi les objets et les 
productions de la Palestine portées par les enfants de 
Jacob au minisire du pharaon, Gen., xliii, 11, figurent 
les bolnitn que les Septante traduisent par TepéëivOoç 
et la Vulgale par terebinthus. Il ne saurait s'agir du 
fruit du térébinthe, mais bien des noix du pistachier 
(voir t. v, col. 444). Au contraire le sôri ou sert du 
même passage de la Genèse que les Septante traduisent 
par pTJTtviic et la Vulgate pair retina, paraît bien être la 
résine du Pistacia Terebinthus. Comme on le sait, le 
suc résineux de cet arbre, qui exsude par les fissures 



de l'écorce durant tout l'été, coule avec plus d'abon- 
dance lorsqu'on a soin au printemps de pratiquer des 
incisions au tronc et aux principales branches. On fait 
tomber la résine sur des pierres plates placées au pied 
de l'arbre et on la ramasse après qu'elle a été un peu 
durcie par la fraîcheur de la nuit. Un térébinthe de 
grande taille, d'un mètre cinquante de circonférence 
environ, n'en produit que 300 à 350 grammes par an. 
C'était donc un produit assez rare et il était très appré- 
cié. « Nous savons, dit Galien, que la meilleure de 
toutes les résines est la térébinthine; nous l'employons 
pour la confection des médicaments. » Ces caractères 
conviennent exactement au sôri biblique. C'était un 
produit de Galaad. Gen., xxxvm, 25; Jer., xlvi, 11. C'est 
dans la forêt d'Éphraïm, à l'est du Jourdain, qu'un téré- 
binthefutfatalaAbsalom.il Sam. (Reg.), xvm, 14. Des ca- 
ravanes de marchands ismaélites venant de Galaad l'em- 
portaient en Egypte. Gen., xxxvn,25. Jérémie conseille 
à l'Egypte malade de monter en Galaad pour y trouver 
le sôri bienfaisant. Jer., xlvi, 11. Comme on le fait 
d'une substance rare et précieuse, on peut en ofïrir 
sans déshonneur une petite quantité. Gen., xliii, 11, 
Jacob remet à ses enfants pour le ministre du Pharaon 
modicum résinée. C'est un des produits qu'Israël con- 
tinua d'exporter sur les marchés de Tyr. Ezech., xxvtr. 
Ce produit servait à préparer des médicaments. 
Jer., vin, 22; xli, 11; li, 8. 

N'y a-t-it plus de sôri en Galaad? 
Ne s'y trouve-t-il plus de médecins? 
Pourquoi n'as-tu pas mis un bandage 
A la fille de mon peuple? 

Il n'est pas sans intérêt, pour l'identification présente 
du sôri, de dire que chez les Arabes la résine du lenlisque 
s'appelle seri, seru, et qu'ils confondaient le lentisque et 
le térébinthe en les appelant du même nom. Les tribus 
arabes du nord de l'Afrique utilisent pour les menus 
usages la résine d'une espèce voisine du lerebinlhus, 
le Pistacia atlantica. 

La résine du térébinlhe était connue en Egypte so:is 

le nom de H s= •, sounter (en copte corrre). On 

I « » • 
trouve le nom dans les plus anciens texles. On voit par 
le papyrus médical de Berlin (p. 3, lig. 5) qu'il était em- 
ployé dans les remèdes. On voit par les allusions de 
Jérémie, xli, 11, que les Égyptiens le faisaient venir 
de Galaad. Les inscriptions de Deir-el-Bahari nous 
montrent qu'ils le trouvaient aussi sur les bords de la 
mer Rouge, au pays de Pount. 

Voir O. Celsius, Hierobotanicon, in-8», Amsterdam, 
1748, 1. 1, p. 34-58; Gesenius, Thésaurus, p. 50-51 ; V. Lo- 
ret, La flore •pharaonique, 2 e cdit., in-8°, Paris, 1892, 
p. 97; A. P. Slanley, Sinai and Palestine, in-8°, Londres, 
1858, p. 518-520. E. Levesque. 

TERPHALÉENS (hébreu : Tarpeldyë' ; Septante : 
TaryaXXaîoi), peuple vaincu par le roi d'Assyrie Ase- 
naphar (forme altérée du nom d'Assurbanipal, t. i, 
col. 1080, selon toute probabilité) et déporté par lui en 
Samarie. I Esd. r iv, 9. L'identification des Terphaléens 
est incertaine. On a rapproché ce nom des Tanovpoî 
de Ptolémée, vi, 2,6; Arrien, Alex., III, 8, 7, Tàjtvpoi, 
dans Strabon, XI, vin, 6 ; ix, 1 ; xm, 3, tribu mède 
à l'est de l'Elymaïde, etaussi des Tap«?,Ts; de Strabon, 
XI, H, 11, tribu Méotide (Mïiùtol'.). Rawlinson a proposé 
de les reconnaître dans les Tuplai des inscriptions 
assyriennes, c'est-à-dire dans les Ti6apr,voî du Pont; 
Hitzig dans Tripoli de Phénicie, etc. Toutes ces conjec- 
tures sont loin d'être établies, et aucune n'est satisfai- 
sante. 

TERRE (hébreu : 'érés, la terre en général, 'add- 
mdh, la matière dont la terre est formée ou un pays, 
(êbêl, terme poétique; chaldéen : 'aras, 'âraq; Sep- 



2093 



TERRE 



2094 



' tante : y^ ; Vulgate : terra, humus), la planète qui 
■sert d'habitation aux hommes. — La Sainte Écriture 
prend le mot « terre » en divers sens. 

I. Sens cosmologique. — 1» État de la terre. — La 
terre a été, comme le ciel, créée par Dieu à l'origine 
■et méthodiquement agencée par sa puissance. Gen., i, 
1-25. Voir Cosmogonie, t. n, col. 1034. Pour les 
Hébreux et pour les écrivains sacrés, qui, sur les 
questions scientifiques, ne sont que l'écho des idées 
populaires de leur temps, la terre forme un tout paral- 
lèle au ciel visible. Le ciel et la terre composent l'uni- 
vers, Gen., I, 1; xiv, 19; Exod., xxxi, 17; etc.; les 
astres du firmament éclairent la terre et y divisent les 
temps. Gen., i, 14-18. Les Égyptiens imaginaient la 
terre comme une sorte de table formée des continents 
■et des mers, et entourée de montagnes dont quatre, 
situées aux points cardinaux, soutenaient le plafond de 
fer qui constituait le firmament et d'où pendaient les 
étoiles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 16-17. 
Les Chaldéens se la figuraient comme une sorte de 
couffe renversée, formant la partie basse du monde. 
Elle s'exhaussait peu à peu jusqu'aux régions neigeuses 
des sources de l'Euphrate, où elle avait son point cul- 
minant. Elle était entourée d'une mer mystérieuse au 
delà de laquelle se dressait une muraille uniforme et 
continue, appelée la « levée du ciel », parce que le ciel 
s'appuyait sur elle. Le ciel élait une coupole de métal 
dur que le soleil illuminait pendant le jour et qui était 
semée d'étoiles pendant la nuit. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne, t. I, p. 543-544. Les écrivains sacrés s'ins- 
pirent de ces idées, mais sans les préciser. Dieu a posé 
les fondements de la terre, il en a déterminé les 
dimensions et a tiré sur elle le cordeau, il en a posé 
la pierre angulaire sur laquelle reposent ses bases. 
Job, xxxviii, 4-6. Il a fondé la terre et affermi les 
cieux. Prov., m, 19; vm, 29; Is., xl, 21; Jer., xxxi, 
37; Mich., VI, 2; Zach., XII, 1; Eccli., xvi, 19; Heb., i, 
10. Il a affermi la terre sur ses bases et elle est à 
jamais inébranlable. Ps. civ (cm), 5. Pour Isaïe, XL, 22, 
la terre est un l.iûg, f-Opoç, orbis, un cercle, expression 
qui ne suppose point l'idée de globe, mais qui 
•exprime seulement celle de l'horizon circulaire. 
Cf. Prov., vm, 27. La surface terrestre repose sur des 
colonnes, I Reg., n, 8; Job, ix, 6; Ps. lxxv (lxxiv), 4, 
manière de parler qui peut être purement poétique, 
car ailleurs il est dit que Dieu « étend le septentrion 
sur le vide, il suspend la terre sur le néant. » Job, 
xxvi, 7. Cette dernière conception est en harmonie 
avec la réalité, à condition de prendre le vide et le 
néant dans un sens relatif. En Chaldée comme en 
Egypte, on croyait le monde en équilibre sur les 
■eaux éternelles. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, 
p. 543. Moïse suppose aussi des eaux au-dessous de la 
terre, Exod., xx, 4, et des auteurs postérieurs disent 
•que Dieu a « fondé la terre sur les mers et l'a affermie 
sur les lleuves, » Ps. xkiv (xxiii), 2; « il a étendu la 
terre sur les eaux. » Ps. cxxxvi (cxxxv), 6. La Vulgate 
parle du « sommet de la terre jusqu'à ses limites ». 
Deut., xxvm, 64. Cette expression semblerait se référer 
à la conception chaldéenne sur la figure de la terre. 
Mais dans l'hébreu il n'est question que des « extré- 
mités de la terre », miqsëh ve'ad-qesêh, à.%' axpou îtoç 
axpou, « d'une extrémité à une extrémité ». Les extré- 
mités de la terre, dont il est question, Ps. lxxiv 
{lxxih), 17; Prov., xxx, 4; Is., XL, 28; Dan., iv, 8; etc., 
sont les bords inconnus de la surface terrestre. Chaque 
peuple regardait son pays comme le centre de cette 
surface plus ou moins circulaire. Voir t. m, fig. 172, 
col. 841. Israël est de même le centre des nations et de 
la terre. Ezech., v, 5; xxxvm, 12. Le mot orbis, em- 
ployé parla Vulgate, correspond habituellement àfêbêl, 
I Sam. (Reg.), il, 8; Ps. xvm (xvn), 16; Is., xiv, 17, 21; 
Jer., x, 12; etc., qui ne préjuge rien sur la forme de 



la terre, puisque sa racine yâbal signifie « produire » 
et indique que têbêl désigne la terre au point de vue 
de sa fécondité. Les Septante rendent ce mot par 
o!xo'j|xsvï], Ps. xvm (xvn), 16; Is., xiv, 17; Jer., x, 12; 
Dan., m, 45; etc., qui se rapporte à la terre en tant 
qu'habitée. En somme, les anciens Hébreux savent que 
la terre a été créée par Dieu ; mais il n'y a pas à s'éton- 
ner qu'ils ignorent son étendue, sa rotondité, sa rota- 
tion, sa révolution autour du soleil et sa place cos- 
mique, toutes choses d'ordre scientifique dont la révé- 
lation n'avait pas à s'occuper. Les observations astro- 
nomiques des Babyloniens et des Égyptiens avaient 
surtout un but utilitaire. Les Grecs donnèrent aux 
leurs un caractère plus scientifique. Thaïes de Milet, le 
premier, 600 ans avant l'ère chrétienne, parait avoir 
enseigné la sphéricité et l'isolement de la terre 
Cf. P. Puiseux, La terre et la lune, Paris, 1908, p. 3. 
Plus tard, Aristote démontra la sphéricité. — 2° Son 
agencement. — L'aménagement de la terre pour le 
séjour de l'homme est sommairement décrit par Moïse. 
Gen., i, 2-25. Dans le principe, elle était tohû vàbohû, 
état de désordre et d'inorganisation dont l'idée est 
restée attachée à l'expression française « tohu-bohu », 
Septante : «ôpa-roç xai à/.xra<r.tE'ja<TToç, « invisible et 
inorganisée », inanis et vacua, « informe et vide ». 
Gen., i, 2. L'Esprit de Dieu, c'est-à-dire sa puissance, 
créatrice et organisatrice, se mouvait au-dessus des) 
eaux, de manière à produire une distinction effective 
entre les continenls et les mers, d'où le sens de " 
« terre » opposé à celui de « mer », la terre, la mer et 
tout ce qu'ils renferment désignant l'ensemble du 
globe. Gen., i, 10; Exod., xx, 11; Job, xi, 9; Ps. lxv 
(lxiv), 6; lxix (lxviii), 35; cxxxv (cxxxiv), 6; Tob., 
vm, 7; I Mach., vm, 23; Act., iv, 24; Apoc, v, 13; etc. 
Dieu voulut ensuite que la terre fit pousser les végé- 
taux et apparaître les animaux, Gen., i, 11, 24, non 
que la terre eût ce pouvoir par elle-même, mais parce 
que Dieu avait nécessairement déposé en elle les germes 
de tous ces êtres ou qu'il les y produisait successive- 
ment. Toutes ces œuvres du Seigneur sont énumérées 
dans le Cantique des compagnons de Daniel et invi- 
tées à louer leur créateur. Dan., m, 64-82. Dans l'en- 
semble, aussi bien que dans le détail, Dieu a « tout 
réglé avec mesure, avec nombre et avec poids, » Sap., 
xi, 21 ; aussi s'est-il rendu ce témoignage que l'œuvre 
accomplie par lui sur la terre était bonne. Gen., i, 11, 13, 
21, 25, 31. Job, xxxvm, 4-30, décrit le magnifique 
spectacle que présente la terre, quand, illuminée par 
les clartés de l'aurore, « elle prend forme, comme 
l'argile sous le cachet, et se montre parée comme d'un 
vêtement, » avec le relief de ses montagnes et de ses 
vallées, de ses champs et de ses eaux, de sa verdure et 
de ses rochers. 

II. Sens géographique. — Dieu a mis l'homme sur 
la terre pour s'y multiplier et la remplir. Gen., i, 28; 
ix, 1. Les hommes se sont dispersés pour occuper peu 
à peu les différentes régions de la terre. Gen., x, 2-31. 
Afin de s'y reconnaître, ils en ont désigné les parties 
par rapport au mouvement apparent du soleil. Voir 
Cardinaux (Points), t. n, col. 257. Puis le nom de 
terre, 'érés et quelquefois 'âdâmâh, a été donné aux 
régions particulières occupées par des nations, des tri- 
bus, etc. — \"Pays d'une nation. — Le mot terre a sou- 
vent le sens de région, de pays particulier. La Bible mcn- 
tionnela terre d'Ethiopie, Gen. , n, 13, la terre de Chanaan, 
donnée à Abraham et à ses descendants, Gen., xi, 31; 
xil, 7, la terre de Sennaar, Gen., xi, 2, la terre d'Egypte, 
Gen., xxi, 21, la terre de Séïr, Gen., xxxn, 3, la terre 
d'Édom, Gen., xxxvi, 31, la terre de Gessen, Gen., xlv, 
10, la terre de Moab, Deut., i, 5, la terre des Héthéens, 
Jos., i, 4, la terre d'Israël, I Reg., xm, 19, la terre des 
Philistins, I Reg., xxvn, 1, la terre des Arméniens, 
IV Reg., xix, 37, la terre des Assyriens, Is., vil, 18; 



2095 



TERRE 



2096 



xxvn, 13; la terre des Chaldéens, Is., xxm, 13, etc. — 
2" Pays d'une tribu. — Il y a la terre d'Éphraïm et de 
Manassé, Deut., xxxiv, 2, la terre de Benjamin, Jud., 
XXI, 21, la terre de Gad, I Reg., xm, 7, la terre de 
Nephthali, IV Reg., xv, 29, la terre de Juda. I Par., vi, 
55; .1er., xxxvn, 23, la terre de Zabulon, Is., ix, 1, etc. 
La terre du Jourdain, Ps. xlii (xli), 7, désigne les envi- 
rons du lleuve. Il y a encore la terre de Sodome, Matth., 
x, 15, la terre de Génézareth, Matth., xiv, 34; Marc, vi, 
53, etc. Toutes les tribus de la terre, Matth., xxiv, 30; 
Apoc, i, 7, représentent les divers peuples qui habitent 
le globe. — 3° Pays d'un homme. — C'est la terre de 
sa naissance, Gen., xxiv, 7, la terre desespères, Gen., 
xxxr, 3, sa patrie, Num., x, 30; III Reg., xi, 21; Is., xiv, 
17. Voir Patrie, t. iv, col. 2184. Les autres pays sont 
pour un homme une lerre de passage, Gen., xvn, 8; 
Exod., VI, 4; Ruth, i, 22, ou une terre d'exil. Bar., n> 
30, 32. Le pays de Chanaan a été pour Abraham et ses 
descendants la terre de la promesse. Heb., xi, 9. — 
4° Toute la terre. — Cette expression, qui revient souvent 
dans la Sainte Écriture, n'y a pas toujours le sens 
d'universalité absolue. Les eaux du déluge se répan- 
dirent sur la terre et couvrirent toutes les hautes mon- 
tagnes qui sont sous le ciel. Gen., vu, 10, 19, 24. Cette 
manière de parler ne suppose pas nécessairement 
l'universalité géographique. Voir Déluge, t. n, col. 1351- 
1355. A propos de la famine qui sévit en Chanaan et en 
Egypte, la Vulgate dit qu'elle atteignit « toute la terre », 
alors que les autres textes disent seulement» la terre », 
c'est-à-dire le pays. Gen., xli, 30; xliii, 1. Il est à re- 
marquer que le mot torzerouf, « la terre entière », 
était usité en Egypte pour désigner les deux parties du 
pays, celle du nord et celle du sud, sans qu'il y eût à 
étendre au delà le sens de ce mot. Cf. Maspero, Les 
contes populaires de l'Egypte ancienne, Paris, 3 e édit., 
p. 3. Quand Cyrus dit que Dieu lui a donné tous les 
royaumes de la terre, II Par., xxxvi, 23; I Esd., i, 2, il 
entend se borner à ceux que comprenait l'ancienne do- 
mination assyrienne. Holoferne dit à Judith que son 
nom deviendra célèbre « dans toute la terre », c'est-à- 
dire dans tout le pays. Judith, xi, 21. Toute la terre, 
tout le pays de Syrie et d'Israël ne sera que ronces et 
épines. Is., vu, 24. Alexandre « poussa jusqu'aux extré- 
mités de la terre », et « la terre se tut devant lui, » 
I Mach., i, 3, expressions qu'il faut restreindre aux 
pays occupés par ce roi. Le nom de Judas Machabée 
devint célèbre « jusqu'aux extrémités de la terre », 
I Mach., m, 9, la foi des Romains est célébrée « dans 
le monde entier », Rom., i, 8, la famine du temps 
d'Élié s'étendit « dans toute la terre », Luc, iv, 25, 
celle que prédit Agabus devait aussi se faire sentir à 
« toute la terre ». Act., XI, 28. Dans ces divers passages, 
et d'autres analogues, « toute la terre » ne signifie que 
certains pays. Il en faut probablement dire autant des 
ténèbres qui, à la mort de Jésus-Christ, couvrirent 
« toute la terre ». Matth., xxvn, 45. — 5° L'ensemble 
des hommes. — La terre est quelquefois prise pour 
l'ensemble des hommes qui l'habitent. Avant le déluge, 
la terre se corrompit devant Dieu et se remplit de vio- 
lence. Gen., vi, 11. L'arc-en-ciel fut choisi comme 
signe entre Dieu et la terre. Gen., ix, 13. A un moment, 
toute la terre n'avait qu'une seule langue. Gen., xi, 1, 9. 
Moïse, Deut.,xxxn, 1, etlsaïe, xxxiv,l, demandent que 
la terre écoute leurs paroles. Les anges disent que la 
terre est en repos, Zach., i, 11; cf. Is., xiv, 16; ils 
annoncent la paix sur la terre. Luc, II, 14. Le Sauveur 
vient apporter le feu sur la terre, Luc, xn, 49; un 
jour, y trouvera-t-il de la foi? Luc, xvm, 8. Avant la 
ruine de Jérusalem, la détresse sera grande sur la terre. 
Luc, xxi, 23. — 6° Connaissances géographiques des 
Hébreux. — Elles étaient naturellement peu étendues, 
comme celles de tous les peuples sédentaires. Le 
chapitre x de la Genèse renferme des notions générales 



sur l'état du monde habité par les descendants de Noé. 
Voir Table ethnographique, col. 1970. Au temps de 
Josué, on dressa une sorte de table des villes de Cha- 
naan, afin d'en faire le partage-entre les tribus. Jos., 
xvm, 8, 9. Mais, en dehors de leur propre pays, les 
Hébreux ne connaissaient guère que les contrées limi- 
trophes, l'Egypte, l'Arabie, la Syrie et la Phénicie. A 
l'époque de Salomon, leurs relations commerciales les 
mirent en rapport, d'ailleurs assez vague, avec les 
rivages de l'Inde. Voir Ophir, t. iv, col. 1831. Les inva- 
sions et surtout la captivité leur firent connaître de 
plus près l'Assyrie, la Babylonie, la Médie et la Perse. 
Ces pays étaient pour eux les pays du nord, parce que 
les envahisseurs arrivaient en Palestine par le nord. 
Voir Nord, t. îv, col. 1699. Les pays de l'est étaient 
ceux des benê-Qédém, « fils de l'Orient ». Voir Orien- 
taux, t. iv, col. 1868. Les régions occidentales, insu- 
laires ou continentales, que baignait la Méditerranée, 
étaient appelées « îles ». Voir Ile, t. m, col. 841. Après 
la captivité, le commerce et les émigrations mirent les 
Israélites en relations plus suivies avec les populations 
du monde connu, surtout avec celles qui occupaient 
les différents territoires de l'empire romain. Les Juifs 
de la dispersion contribuèrent à étendre et à préciser 
les notions géographiques de leurs compatriotes, Voir 
Monde, t. iv, col. 1234. 

III. Sens physique. — 1» La terre cultivable. — La 
terre est souvent considérée comme productive des 
choses qui servent à l'alimentation des animaux et de 
l'homme. Ps. civ (cm), 10-23. C'est le sens spécial du 
mot tèbêl. Cf. Gen., i, 11. L'homme est placé dans 
l'Éden pour le cultiver, Gen., m, 15, et, après son pé- 
ché, il a encore à cultiver la terre. Gen., m, 23. Noé 
cultive la terre et y plante la vigne. Gen., ix, 20. 
Abraham achète une terre qui est un champ. Gen., 
xxm, 13, 15. C'est Dieu qui donne la graisse de la 
terre, c'est-à-dire qui la fait produire abondamment. 
Gen., xxvn, 28. Les Égyptiens viennent vendre leurs 
terres à Joseph pour avoir du blé. Gen., xlvii, 19. Les 
fruits de la terre sont les récoltes. Exod., xxm, 19. Le 
pays de Chanaan est une terre de lait et de miel, riche 
en produits de toutes sortes. Exod., xxxm, 3; Num., 
xvi, 13. Cette terre devra se reposer l'année sabbatique. 
Lev., xxv, 4. Les autres années, elle est fendue par la 
charrue. Deut., xxi, 3. Toutes les terres ne sont pas 
également fertiles. Caleb avait donné à sa fille Axa une 
terre desséchée; elle en demanda une qui fût arrosée. 
Jos., xv, 19; Jud., i, 15. La terre a été maudite à cause 
du péché d'Adam; elle produit des ronces et des épines, 
et il faut un rude travail à l'homme pour en tirer sa 
nourriture. Gen., m, 17-18. Cependant il y a encore 
des terres bonnes, Exod., ni, 8; Num., xiv, 7; Deut., 
xi, 17; Jud., xvm, 9; Matth., xm, 8; Marc, iv, 8; 
Luc, vin, 8, dans lesquelles le grain est jeté et meurt, 
Joa., xn, 24, pour donner ensuite beaucoup de fruit. 
Is., xxxvi, 17; Jacob., v, 7, 18. Il y a aussi la terre 
d'airain, Lev., xxvi, 19, la terre mauvaise, Num., xm, 
20, la terre aride, Deut., xxxn, 10, la terre de sel, Job, 
xxxix, 6; Ps. cvii (cvi), 34, la terre sans profondeur, 
Matth., xm, 5; Marc, iv, 5, la terre stérile et digne de 
la malédiction. Heb., vi, 8. — De cette terre qui pro- 
duit les végétaux, Dieu a formé le corps de l'homme, 
Gen., Il, 7; m, 19, et tous les animaux. Gen., il, 19. 

2° Le sol sur lequel on vit. — La terre est le sol sur 
lequel vivent et agissent les hommes. Elle forme le 
rivage solide sur lequel on arrive après avoir navigué 
sur mer. Joa., vi, 20; xxi, 9; Act., xxvn, 39, 43. Sur 
la terre on s'assied, Matth., xv, 35; Marc, vin, 6, on 
s'étend, II Reg., xn, 16, on dort, Gen., xxvm, 13, on 
gît, Jud., ni, 25, on tombe, Act., ix, 4, on se roule, 
Marc, xix, 19, on se prosterne, Gen., xix, 1 ; xxxm, 
3; xliv, 14; Job, i,20; 1 Reg., xx, 41 ; Marc, xiv,35,on 
écrit, Joa., vm, 6, on crache, Joa., ix, 6, elc. Sur la terre 



2097 



TERRE — TESTAMENT 



2098 



tombent la pluie, Exod., ix, 33, la manne, comme le 
givre, Exod., xvi, 14, la neige, Job, xxxvn, 6, les che- 
veux, Matth., x, 19, le sang du juste, Gen., iv, 10; 
Matth., xxm, 35; etc. Les animaux marchent ou ram- 
pent sur la terre. Lev., xi, 41. On cache des objets 
dans la terre. Matth., xxv, 18. Le Fils de l'homme a 
été mis dans le cœur de la terre, c'est-à-dire dans son 
sépulcre. Matth., xii, 40. Un arbre stérile occupe la 
terre inutilement. Luc, xm, 7. La maison posée sur 
terre sans fondement s'écroule. Luc, VI, 49. Égaler 
une ville au sol, c'est la ruiner complètement. II Mach., 
ix, 14. Parfois, la terre tremble. Voir Tremblement de 
terre. Sur le sort de la terre dans les derniers temps, 
Luc, xvi, 17 ; xxi, 33, voir Fin du monde, t. n, col. 2264. 
— Une terre est sainte quand Dieu l'a sanctifiée par sa 
présence ou son action. Exod., m, 5. Elle est souillée 
par les péchés des hommes. Lev., xvm, 25; Deut., xxi, 
23; xxiv, 4. — En raison de son habitation par les 
hommes, la terre est appelée « terre des vivants », par 
opposition au tombeau. Ps. xxvn (xxvi), 13; cxlii 
(cxli), 6; Is., xxxviii, 11; lui, 8. 

IV. Sens métaphorique. — 1° La vie présente. — 
Il ne faut pas s'amasser de trésors sur la terre. Matth., 
Vi, 19. Les riches y vivent dans les délices. Jacob., v, 5. 
Les disciples du Sauveur doivent s'accorder ensemble 
sur la terre pour prier. Matth., xvm, 19. Notre-Seigneur, 
qui avait toute puissance au ciel et sur la terre, Matth., 
xxvin, 18, pouvait remettre les péchés sur la terre, 
Matth., ix, 6; Marc, H, 10, et a laissé à ses apôtres le 
pouvoir de lier et de délier sur la terre. Matth., xvm, 
18. Lui-même a glorifié son Père sur la terre. Joa., 
xvn, 4. — 2° L'escabeau de Dieu. — La terre est l'esca- 
beau des pieds du Dieu dont le trône est dans le ciel, 
c'est-à-dire que Dieu y exerce sa puissance, son amour 
et ses perfections, mais d'une manière bien moins 
complète et éclatante que dans le séjour de sa gloire. 
Act.; vu, 49. Voilà pourquoi, par respect, il ne faut 
pas jurer par elle. Matth., v, 35; Jacob., v, 12. Les 
doux posséderont la terre, Matth., v, 4, parce que la 
douceur les associe au Maître de la terre. — 3» Le 
champion de Dieu. — Toute la terre combattra avec 
Dieu contre les impies. Sap., v, 21. Quand le serpent 
infernal déchaîne un fleuve pour entraîner la femme 
qui représente l'Église, la terre ouvre son sein et en- 
gloutit le fleuve. Apoc, xn, 16. — 4" Les pensées ter- 
restres. — « Celui qui est de la terre est terrestre, et 
son langage aussi. » Joa., m, 31. L'homme, terrestre 
par son origine, ne possède naturellement que des 
pensées et des goûts terrestres. Jésus-Christ, qui vient 
du ciel, veut associer l'homme à sa \ie divine et lui 
communiquer des idées, des sentiments et des volon- 
tés d'ordre surnaturel. I Cor., xv, 47-49. En consé- 
quence, le chrétien doit s'affectionner « aux choses 
d'en haut, et non à celles de la terre. » Col., m, 
2. — 5° La terre nouvelle. — Isaïe, lxvi, 22, appelle 
de ce nom le nouvel état de choses qui constituera le 
royaume messianique. Les Apôtres désignent sous ce 
nom la rénovation qui suivra le second avènement du 
Christ. II Pet., m, 13; Apoc, xxi, 1. Voir Fin du 
monde, t. n, col. 2266. H. LesètRE. 

TERTIUS (nom latin, écrit en grec Téptto;), chré- 
tien qui servit à saint Paul de secrétaire pour écrire 
l'Épître aux Romains. Rom., xvr, 22. 11 écrit en son 
propre nom la salutation aux destinataires de l'Épître. 
Il se trouvait alors à Corinthe. Les Grecs honorent sa 
mémoire le 10 novembre comme évêque d'Icône et 
successeur de Sosipalre, mais son histoire est fort 
obscure. Voir Acta sanctorum, 20 junii, t. iv, p. 68. 

TERTULLUS (Nouveau Testament : Tépiutto;, di- 
minutif du latin Tertius), p^Tiop, orateur (avocat) qui 
fut chargé par le grand-prêtre juif et le Sanhédrin 



d'être l'accusateur de saint Paul à Césarée devant le 
tribunal du procurateur romain Antonius Félix. Act., 
xxiv, 1-8. C'était sans doute un de ces causidici latins 
qui étaient assez nombreux dans les provinces ro- 
maines, où l'on était obligé de suivre les règles de la pro- 
cédure romaine et par conséquent de recourir à leurs 
services, surtout s'il fallait, comme plusieurs le pensent, 
plaider en latin. Son discours montre qu'il connaissait 
toutes les habiletés de son métier. Il commence par un 
exorde insinuant : il loue comme pacalor provincise 
(quum in rnulla pace agamus perle, y. 2) et réforma- 
teur prudent, faisant sentir partout sa prévoyance (et 
multa corrigantur per tuam providentiam,semper et 
ubique suscipimus, f. 2-3), ce Félix dont Tacite a 
écrit, Hist-, v, 9 : Antonius Félix per onineru ssevitiam 
ac libidineni, jus regium servili ingenio exercuit, et 
Ann., xn, 54 : Intempestives remediis delicta accen- 
debat. Tel était en réalité celui que Tertullus appelle 
oplime Félix; il avait calmé, il est vrai, quelques sé- 
ditions, mais il était vénal et espérait recevoir de 
l'argent de son prisonnier (jf. 26), et il s'était montré 
en plusieurs circonstances cruel et sanguinaire. — 
Saint Luc était peut-être présent à la plaidoirie de 
Tertullus. Après avoir rapporté les compliments de 
l'orateur à Félix, l'auteur des Actes fait de son discours 
un résumé qu'on dirait la reproduction un peu hachée 
de notes prises à l'audience même, sans une suite 
rigoureuse. De ce résumé ressortent très bien les trois 
principaux griefs des Juifs, au nom desquels parle l'o- 
rateur en se servant de la première personnedu pluriel, 
invenimus : Paul est 1» un provocateur de séditions, 
concilans seditiones; 2° le chef d'une secte dangereuse, 
auctorem sedilionis secte Nazarenorum, et 3» un pro- 
fanateur du Temple, templum violare conatus est. y. 
5-6. Ces accusations sont très habilement choisies pour 
exciter Félix contre Paul, qui lui est ainsi représenté 
comme un homme dangereux pour la tranquillité de 
la province dont le procurateur a la responsabilité. 
Cependant Félix était trop intelligent pour se laisser 
prendre aux artifices du rhéteur et il ne traita pas son 
prisonnier avec la rigueur qu'on cherchait à lui ins- 
pirer. 

TESSON (hébreu : héréi; Septante : ourpaxov ; Vul- 
gate : testa), fragment de vase d'argile. — Job, n, 8, se 
servait d'un tesson pour gratter ses plaies. On utilisait 
un tesson pour y prendre du feu. Is., xxx, 14. Le tesson 
d'argile est l'image d'un corps desséché par la souffrance, 
Ps.xxn(xxi), 16; celui-ci devient alors aride comme un 
tesson. Il estdifficilede recollerun tesson, ilne tient pas: 
il en est de même de l'instruction donnée à un sot. 
Eccli., xxii, 7. Pour indiquer que Jérusalem boira jus- 
qu'au fond la coupe du châtiment, Ézéchiel, xxm, 34, 
dit qu'elle en mordra même les tessons. — Le croco- 
dile a sous le ventre des écailles aiguës comme des 
tessons, Septante : ô6eXî<jxoi, « des pointes ». Job, xli, 
21. H. Lesétre. 

1. TESTAMENT (grec :8ia8r,itYi; Vulgate: testamen- 
tum), disposition que prend quelqu'un pour l'attribu- 
tion, de ses biens après sa mort. — Le testament est 
une sorte de contrat. Voilà pourquoi les versions se 
servent de ce mot pour désigner l'alliance contractée 
entre Dieu et son peuple d'Israël. Ps. xxv (xxiv), 10, 
14; xliv (xliii), 18; Zach., ix, 11; Mal., m, 1; Rom., 
IX, 4; etc. L'Arche, signe de cette alliance, est appelée 
« Arche du témoignage », et par les versions « Arche 
du Testament ». Exod., xxx, 26; Num., xiv, 44; Jer., 
m, 16; etc. L'alliance substituée par Jésus-Christ à 
l'ancienne prend le nom de m Nouveau Testament », 
Matth., xxvi, 28; I Cor., xi, 25; etc. Voir Nouveau 
Testament, t. iv, col. 1704. — Chez les Hébreux, l'usage 
des testaments proprement dits ne se constate guère 



2099 



TESTAMENT 



TETE 



2100 



qu'à l'époque où se fit sentir l'influence des civilisations 
occidentales. La transmission des biens après la mort 
s'opérait d'après les lois qui réglaient les héritages. 
Voir Héritage, t. in, col. 610. De son vivant, chacun 
pouvait faire des donations. Eccli., xiv, 11-13. II n'y 
avait donc pas lieu de prendre des dispositions exécu- 
toires après la mort. Saint Paul, s'adressant à des 
hommes étrangers aux coutumes juives, leur dit qu'un 
testament en bonne forme, bien que l'engagement soit 
pris par un homme, n'est annulé par personne, et que 
personne n'y ajoute. Gai., m, 15. L'Épitre aux Hébreux 
argumente sur le sens du mot SiocSijxiri, qui signifie à 
la fois « alliance » et « testament ». Par rapport aux 
anciens, il n'y avait qu'alliance; la loi nouvelle comporte 
à la fois alliance et testament. Or, « là où il y a un 
testament, il est nécessaire que la mort du testateur 
intervienne, parce qu'un testament n'a son effet qu'en 
«as de mort, étant sans force tant que le testateur est 
en vie. » Heb., ix, 16-17. C'est ce qui ressort de la 
nature même du testament. « Le testament est la juste 
■expression de notre volonté sur ce que quelqu'un veut 
qu'on fasse après sa mort. » Ulpien, Digest., xxvin, i, 
1. Cette volonté n'est donc valable et exécutoire qu'après 
la mort du testateur; de son vivant, elle demeure tou- 
jours révocable et, en tous cas, ne peut être exécutée. 
Pour rendre son testament exécutoire, Jésus-Christ est 
mort volontairement, et son testament, comporlant une 
alliance nouvelle, a mis hors d'usage l'alliance d'autre- 
fois. Heb., vin, 13. — En de rares circonstances, on 
voit des personnages sur le point de mourir prendre 
certaines dispositions pour manifester leur volonté. 
Ainsi font Jacob, Gen., xlviii, 22, David, III fieg., h, 
2-9, ainsi est invité à le faire Ézéchias, IV Reg., xx, 1. 
Quand l'usage des testaments devint plus habituel, les 
docteurs juifs en réglèrent la forme. Un testament, 
'p'nn, 8iaévjx7|, pouvait se faire de vive voix ou par écrit. 
Le testateur devait manifester sa volonté en plein jour 
■et devant des témoins convenables. On pouvait léguer ses 
biens à qui l'on voulait, même à l'exclusion des proches ; 
on n'approuvait pas cependant que quelqu'un déshéritât 
ses enfants, même si la conduite de ces derniers était 
répréhensible. Le testament qui déshéritait n'était 
d'ailleurs valable que s'il instituait un héritier déter- 
miné, pris parmi ceux qui pouvaient naturellement 
prétendre à l'héritage. Cf. [ken, Antiquiiales hebraicx, 
Brème, 1741, p. 607. Cette réglementation ne put entrer 
en vigueur que quand l'état social imposé aux Juifs ne 
leur permit plus de suivre l'ancienne législation sur les 
héritages. H. Lesètre. 

2. TESTAMENT (ANCIEN, NOUVEAU). Voir ANCIEN 
Testament, t. i, col. 557; Nouveau Testament, t. iv, 
col. 1704; Texte de' l'Ancien, du Nouveau Testament. 

3. TESTAMENT DE JOB. Voir Apocryphes, t. i, 
col. 771-772. —Pour les autres testaments apocryphes, 
voir ibid., col. 769-771. Le Testament de Moïse est 
attribué à des gnostiques séthiens. Trochon, La Sainte 
Bible, Introduction générale, t. i, 1886, p. 483. 

4. TESTAMENT DES DOUZE PATRIARCHES, 

écrit apocryphe qui parait avoir été composé en Pales- 
tine par un juif converti au christianisme. Comme il 
était connu d'Origène, Rom. xv in Jos., t. xii, col. 904, 
et de Terlullien, Adv. Marcion., v, 1, t. il, col. 469, 
on peut en conclure qu'il a été rédigé au moins au 
II e siècle de notre ère. A l'exemple de Jacob, ses douze 
fils, avant de mourir, donnent en douze livres à leurs 
enfants des enseignements et des conseils en rapport 
avec leur caractère, réel ou fictif, et se rattachant aux 
faits certains ou imaginaires de leur vie. Ils sont 
censés prédire, en particulier, la vie, les souffrances, 
la mort et la résurrection du Sauveur. Voir Patr. Gr., 



t. il, col. 1037-1149; R. Sinker, Testamentaxn Patri- 
archarum ad fidem Codicis Cantabrigiensis édita, 
in-12, Cambridge, 1869; Id., Testamentum xn Patri- 
archarum Appendix, Cambridge, 1879; F. Schnapp, 
Die Testamente der zwôlf Patriarchen untersucht, 
in 8°, Halle, 1884; Kautsch, Apokryphen und Pseude- 
pigraphen des Alten Testaments, 1900, t. n, p. 458-506; 
K. H. Charles, Testaments of the xnPatriarchs, dans 
Hastings, A dictionary of the Bible, t. IV, 1902, 
p. 721-725; R. Sinker, Testamenla xfl Patriarcharum, 
dans Smith et Wace, A dictionary of Christian bio- 
graphy, t. iv, 1887, p. 865-874. 

TÉTANOS, maladie caractérisée par des convulsions 
musculaires accompagnées de douleurs. — La maladie 
est causée par un bacille spécial, très répandu dans le 
sol, là surtout où demeurent des chevaux, et s'intro- 
duisant dans l'organisme par les moindres blessures. 
Quand le tétanos est général, tout le corps prend une 
rigidité que rien ne peut fléchir. Mais parfois, il 
n'affecte que certaines parties : dans le trismus, la 
convulsion n'atteint que la mâchoire inférieure; dans 
l'opislhotonos, la tête et le tronc sont renversés en 
arrière; dans l'emprosthotonos, ils le sont en avant; 
dans le pleurosthotonos, le renversement est latéral. 
D'ordinaire, le mal commence par le trismus ou con- 
traction des mâchoires, se propage rapidement dans le 
tronc et les membres, est accompagné de crampes et de 
convulsions plus ou moins violentes, intéresse bientôt la 
respiration et la déglutition et finit presque toujours par 
amener la mort. —Il est dit qu'Alcime mourut de para- 
lysie. I Mach., ix, 55-56. Voir Paralysie, t. iv, col. 2153. 
Il est probable qu'il faut ici comprendre sous ce nom 
général le tétanos , comme le donnent à penser l'impuis- 
sance du malade à prononcer une seule parole et ses 
grandes tortures. H. Lesètre. 

TÊTE (hébreu : r'ôs; chaldéen : rês; Septante : 
xeçadïj ; Vulgate : caput), partie du corps qui renferme 
le cerveau et les principaux organes des sens. Sa forme 
arrondie est indiquée par le mot gulgoléf, de gâlal, 
« rouler », xpavLovJ calvaria. IV Reg., IX, 35. 

I. Au sens propre. — 1» Attitudes. — On met une 
pierre sous sa tête pour dormir. Gen., xxvin, 11 ; Matth., 
vin, 20; Luc, ix, 58. On peut avoir la tête nue, Lev., 
xin, 45, la tête couverte, en signe de deuil, II Reg., xv, 
30; xix, 4; Jer., xiv, 3, la tête baissée, par crainte, 
Job, xxxii, 6; III Reg., xxi, 27, sans oser la lever, Job, 
x, 15, ou par respect, Eccli., iv, 7, la tête haute, par 
juste fierté, Ps. ex (cix), 7; Eccli., xi, 1; xx, 11, ou par 
orgueil. Jud., vm, 29; Ps. lxxxiii (lxxxii), 3; Zach., i, 
21. « Branler la tête » est un geste fréquemment men- 
tionné dans la Sainte Écriture; il indique le mépris et 
la moquerie. Job, xvi, 5; Ps. xxn (xxi), 8; cix (cviii), 
25; Eccli., xn, 19; xm, 8; Is., xxxvii, 22; Jer., xvm, 
16; Lam., n, 15; Matth., xxvn, 39; Marc, xv, 29; etc. 
Une tête blanche est celle du vieillard. Lev., xix, 32. 
Mais personne ne peut rendre un seul de ses cheveux 
blanc ou noir; voilà pourquoi Notre-Seigneur ne veut 
pas qu'on jure par sa tête, puisqu'on n'en est pas le 
maître. Matth., v,36. —2» Ce quela tête peut recevoir. 
— La tête peut porter des fardeaux, Gen., XL, 16, et 
des coiffures. Exod., xxix, 26; etc. Voir Coiffure, t. n, 
col. 828. Elle reçoit les bénédictions, Deul., xxxm, 16, 
l'imposition des mains, Gen., xlviii, 14; etc., voir Impo- 
sition des mains, t. m, col. 847, et les onctions, Exod., 
xxix, 7; etc., voir Onction, t. iv, col. 1805. En signe 
de deuil, on jette sur la tête la cendre ou la poussière. 
Jos., vu, 6; etc. Voir Cendre, t. n, col. 407; Poussière, 
t. v, col. 589. Saint Paul veut que, dans l'assemblée des 
fidèles, l'homme ait la tête découverte et la femme la 
tête voilée. I Cor., xi, 4-7. — 3» Souffrances. — On peut 
avoir mal à la tête pour une cause interne, IV Reg., iv, 



2101 



TÊTE — TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2102 



19, ou externe. Jon., iv, 8. II est plusieurs fois question 
de têtes coupées, celles de l'officier du pharaon, Gen., 
XL, 19, de Goliath, I Reg., xvn, 51, de Saûl, I Reg., 
xxxi, 9, d'Isboseth, II Reg., iv, 7, d'Holoferne, Judith, 
xm, 10, de Nicanor, IIMach., xv, 30, de saint Jean- 
Baptiste, Matth., xiv, 8, 11, de saint Jacques le Majeur, 
Act., xn, 2, etc. Notre-Seigneur fut couronné d'épines 
et frappé à la tête. Matth., xxvn, 29, 30; Marc, xv, 19; 
Joa., xix, 2. Il inclina la tête en mourant. Joa., xix, 

30. — 4° Par extension. — La tête est prise pour la 
personne. On compte par têtes, c'est-à-dire par per- 
sonnes. Exod., xvi, 16; Num., i, 18; m, 47, etc. On 
prend une tête sur cinquante. Num., xxxi, 30. Les gardes 
de la tête sont les gardes de la personne. I Reg., xxvm, 
2. Être, aux yeux de quelqu'un, une tête de chien, c'est 
être traité par lui comme un animal. II Reg., m, 8. La 
tête est prise aussi pour la vie elle-même. I Reg., xxix, 
4. Condamner sa tête, c'est courir péril de mort. Dan., 
i, 10. 

II. Au sens FIGURÉ. — 1» La responsabilité. — Une 
chose repose sur la tête de quelqu'un quand il en est 
responsable. Jos., n, 19; I Reg., xxv, 39; II Reg., I, 
16; III Reg., n, 32, 37, 44; vm, 32; Ezech., xxn, 31; 
Dan., xin, 55, 59; Act., xvm, 6; etc. —2° La puissance. 
— Relever la tête de quelqu'un, c'est le rétablir plus ou 
moins dans son état primitif. IV Reg., xxv, 27. La tête 
qui touche aux nues marque un orgueil démesuré. 
Job, XX, 6. La race de la femme doit écraser la têle du 
serpent, c'est-à-dire sa puissance. Gen., m, 15. Pour les 
charbons mis sur la tête, voir Charbons ardents, t. n, 
col. 582. — 3° La primauté. — Celui qui est à la tête 
est le chef. Am., vi, 1. Être à la tête, c'est occuper le 
premier rang, dans l'armée, Num., i, 16; x, 4, etc., 
dans une tribu, I Reg., xv, 17; I Par., v, 12; ix, 34; 
etc., parmi les nations, II Reg., XXII, 44; Jer., xxxi, 
7; etc. Israël sera à la tête ou à la queue des nations, 
suivant sa fidélité. Deut., xxvm, 13, 44. La tête et la 
queue désignent aussi deux classes opposées d'une na- 
tion. Is., ix, 14; xix, 15. La ville la plus importante 
d'un pays en est la tête, la capitale. Is., vu, 8; etc. 
L'homme est la tête, c'est-à-dire le chef de la femme. 
Epi)., v, 23. Jésus-Christ est la tête de l'Église. Eph., i, 
22; Col., i, 18; H, 10. — 4" L'emplacement. — La tête 
du lit est l'endroit du lit où la tête repose. Gen., xlvii, 

31. Il en est de même de la tête et des pieds d'une 
tombe. Joa., xx, 12. Un guerrier dort la lance à sa tête. 
I Reg., xxvi, 7, 16. Élie vit à sa têle un gâteau tout 
cuit. III Reg., xix, 6. « Des pieds à la tête » désigne la 
totalité. Lev., xm, 12; cf. Joa., xui, 9. On donne aussi 
le nom de tête à ce qui est au commencement : l'em- 
branchement d'un lleuve, Gen., H, 10, le commencement 
des chemins, Prov., i, 21; Is., Ll, 20; Lam., H, 19; IV, 
1; Ezech., xvi, 31; xxi, 19, 21, la pierre qui forme 
l'angle d'un mur, Ps. cxvm (cxvn), 22; Matth., xxi, 42, 
l'endroit qui est marqué pour être lu le premier dans 
un livre. Ps. xl(xxxix), 8; Heb., x, 7. De même, la 1ête 
d'une montagne est sa cime, Ose., iv, 13; Jo., n, 5, et 
la tête d'une colonne est son chapiteau. III Reg., vu, 
16; etc. H. Lesêtre. 

TETH (hébreu : r), neuvième lettre de l'alphabet 
hébreu, dont le nom désigne le serpent, et dont le son 
est celui du t emphatique. Les Septante l'ont rendu 
ordinairement par t : Sitocvô; = Sdtân; TuSîa; = 
Tôbiyâ/t (excepté II Sam. (Reg.), v, 16 : 'EXcçaÀàe — 
Élifâlét). 

TÉTRAD RACHME, monnaie de la valeur de quatre 
drachmes ou d'un statère. Voir Monnaie, 3°, t. iv, 
col. 1253; Statère, t. v, col. 1859. 

TÉTRAPLES d'Origène. Voir Hexaples, t. m, 
col. 689. 



TÉTRARQUE (Nouveau Testament : T£Tpip-/r)ç),mot 
qui désignait primitivement un chef qui gouvernait le 
quart d'une région divisée en quatre parties. On ren- 
contre le mot de Texpapxsa pour la première fois dans 
Euripide, A test., 1154, appliqué aux quatre divisions de 
l'administration civile de la Thessalie partagée en 
quatre parties. Voir aussi Démosthène, Philip., m, 
26; Strabon, IX, v, 3. Chacune des trois tribus de 
Galatie avait également quatre tétrarques. Strabon, XII, 
v. 1. Pompée en réduisit le nombre, mais en conserva 
le nom. Appien, Mithrid., 46; Syr. 50; lite-Live, E pi- 
tome, 94. Le sens propre du mot fut dénaturé par l'usage 
et les Latins donnèrent le titre de tétrarques à des chefs 
subalternes, qui jouissaient cependant de quelques-uns 
des droits de la royauté, tout en étant inférieurs aux rois 
et aux ethnarques. On les rencontre surtout en Syrie. 
Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 9; Pline, H. N., v, 74; 
Salluste, Ca<i!., xx, 7: Cicéron, Mto,xxvm, 36; Horace, 
Satir., I, m, 12; Velleius Paterculus, u, 55; César- 
Bell. civ., m, 3; Tacite, Ann., xv, 25; Plutarque, Anto, 
nin., 36. 

Le titre de tétrarque fut conféré par Antoine à Hérode 
le Grand, en 41 avant notre ère, et à son frère Phasaël, 
Josèphe, Ant. jud., XIV, xm, 1, sans qu'il correspondît 
à aucune division territoriale. Dans le Nouveau Tes- 
tament, le titre de tétrarque est porté: —1° par Hérode 
Antipas, qui est distingué ordinairement des autres 
Hérodes par sa qualité de tétrarque, Matth., xiv, 1 ; 
Luc, m, 1, 19; ix, 7; Act., xm, 1, bien qu'il soit aussi 
qualifié de «roi » par Matth., XIV, 9, et Marc, vi, 14, 
22, 25, 26. Saint Luc, avec sa précision ordinaire, 
l'appelle toujours « tétrarque (de Galilée) ». Il avait 
reçu effectivement, de même que son frère Philippe, un 
quart de la succession du territoire de son père Hérode 
le Grand, tandis qu'Archélaùs, « l'ethnarque », avait 
hérité des deux autres quarts. Josèphe, Ant . jud., XVII, 
xi, 4; Bell, jud., II, vi, 3. Sa tétrarchie comprenait 
aussi, d'après Josèphe, Ant. jud., XVII, vm, 1 ; 
Bell, jud,., II, vi, 3, la Pérée. Quand il eut été banni, 
sa tétrarchie fut donnée par Caligula à Hérode 
Agrippa I er . Josèphe, Ant. jud., XVIII, vu, 2. — 
2° Hérode Philippe II, fils d'Hérode le Grand et de 
Cléopâtre, fut tétrarque de Trachonitide et d'Iturée. 
Luc, m, 1. Voir Hérode 5, t. m, col. 649. —3° Lysanias 
est aussi qualifié par saint Luc, m, 1, tétrarque d'Abi- 
lène. Voir Lysanias, t. iv, col. 455. 

1. TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT. 11 est im- 
possible, faute de documents suffisants, d'écrire l'his- 
toire de ce texte, au sens strict du mot. Les manuscrits 
hébreux sont récents et ne témoignent que de l'état de 
la recension massorétique. Les anciennes versions, 
directement faites sur l'hébreu, les citations et les 
explications des rabbins et des Pères de l'Église qui 
ont recouru au texte original fournissent seules quel- 
ques indications ou des termes de comparaison avec 
l'édition des massorètes. Grâce à elles, il est permis 
d'esquisser une histoire bien incomplète du texte de 
l'Ancien Testament. On peut la diviser en quatre 
périodes : 1» celle qui précède la version des Septante; 
2° celle qui va de l'époque de cette version à la consti- 
tution du texte massorétique ; 3° la période des masso- 
rètes; 4° celle qui leur est postérieure. 

I. PÉRIODE QUI PRÉCÈDE LA VERSION DES SEPTANTE. — 

C'est la plus obscure de toutes, car nous ignorons dans 
quelles conditions le texte original des livres de l'an- 
cienne alliance s'est transmis depuis l'époque de leur 
composition en hébreu ou, pour une minime partie, 
en araméen, jusqu'au moment où la version grecque, 
dite des Septante, la plus ancienne de toutes, nous 
renseigne sur l'état dans lequel se trouvait le texte 
original qu'elle traduit. 

Quelques Pères de l'Église, sur la foi, sans doute, du 



2103 



TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2104 



IV e livre d'Esdras, xiv, 22, 44, ont pensé qu'Esdras 
inspiré avait restitué tout l'Ancien Testament, détruit 
partiellement sous le règne de l'impie Manassé et tota- 
lement dans l'incendie de Jérusalem et du Temple par 
Nabuchodonosor. TerlaMien, De cultu feminarum, i. 3, 
t. i, col. 1308; S. Irénée, Cont. hser., m, 21, n. 2, t. vu, 
col. 948-949; Clément d'Alexandrie, Strom., i, 22, t. vm, 
col. 893; S. Basile, Epist., xlii, 5, t. xxxn, col. 357; 
Théodoret, Explanatio in Cant., praef., t. lxxxi, col. 29; 
Pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 20, t. xxvm, 
col. 332; S. Isidore, Etym., 1. VI, m, 2, t. lxxxii, 
col. 235. Mais l'Apocalypse d'Esdras n'a aucune autorité, 
et, dès son retour, Esdras reconstitua le service divin 
conformément à la loi écrite par Moïse, I Esd., vi, 18; 
II Esd., vm, 1. D'ailleurs les captifs avaient emporté la 
loi afin de l'observer, II Mach.,n, 2, et ils en instruisaient 
leurs enfants. Dan., ix, 11 ; xm, 3. D'après le texte grec 
de saint Irénée, conservé par Eusèbe, H.E.,\, 8, t. XX, 
col. 453, et d'après le Pseudo-Chrysostome, Synopsis 
Script. Sac, t. lvi, col. 539, Esdras aurait seulement 
recueilli, rétabli et mis en ordre ce qui restait des 
Livres Saints, précédemment incendiés. Mais tous les 
Livres de l'Ancien Testament hébreu n'étaient pas encore 
composés du temps d'Esdras. Les critiques qui pen- 
saient que ce scribe avait clos le canon biblique ont pu 
s'imaginer qu'il av3it fait une sorte d'édition des Livres 
Saints, de concert avec les membres de la Grande 
Synagogue. Cf. J. Buxtorf, Tiberias, Bâle, 1620, p. 93- 
181. Son rôle dans la formation du canon doit être 
restreint davantage, et les données rabbiniques sur la 
Grande Synagogue sont fort sujettes à caution. "Voir 
t. Il, col. 139-141. Esdras a rapporté la Loi du pays de 
la captivité, I Esd., vu, 14, et il a restauré le culte 
divin conformément au livre de Moïse. Voir t. v, 
col. 69. Les rabbins prétendaient qu'au retour de la 
captivité on avait trouvé au parvis du Temple trois rou- 
leaux du Pentateuque, qui servirent à constituer le 
texte, en le conformant à deux de ces documents lors- 
qu'ils étaient d'accord contre le troisième dans les 
cas de divergence. Talmud de Jérusalem, traité Taa- 
nilh, IV, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179-180. 
Cf. t. v, col. 81. Tout au plus peut-on supposer, sans 
pouvoir en fournir la preuve directe, qu'Esdras 
a veillé à la transmission d'un texte correct du Penta- 
teuque et des autres Livres Saints, qui lui étaient 
antérieurs. 

Il est légitime de penser que ces Livres Saints 
n'avaient déjà plus du temps d'Esdras leur pureté 
originelle. Soumis aux conditions ordinaires de la 
transcription des livres, ils avaient dû subir les injures 
du temps et être victimes de l'incurie des copistes. 
Des fautes s'étaient inévitablement introduites dans les 
copies successives, puisque Dieu n'avait pas jugé bon 
d'intervenir par un miracle pour empêcher toute alté- 
ration des écrits, dont il était l'auteur. Leur nombre 
et leur importance dépendaient de la multiplication 
des copies. Or, nous ignorons si les Livres Saints des 
Juifs étaient copiés souvent. Restreints à un petit 
peuple peu lettré et confiés à la garde des prêtres, qui 
surveillaient au moins les copies de la Loi, ils n'ont 
vraisemblablement pas subi de graves altérations. 
Cependant ils n'ont pas pu échapper à toute modifica- 
tion, involontaire ou même volontaire. Dans sa décision 
du 27 juin 1906, la Commission biblique en admet le 
principe et le fait même pour le Pentateuque qui 
était mieux surveillé, voir t. v, col. 63, sans toutefois 
distinguer les époques et les temps. Il en a été de 
même des autres livres, aussi bien dans la première 
période de leur histoire que dans les suivantes. On a 
pensé avec raison que le changement d'écriture qui 
s'est produit après le retour de la captivité, voir t. u, 
col. 1580-1582, a amené quelques modifications de détail 
dans la transcription du texte sacré, surtout dans les 



chiffres. Paulin Martin, De l'origine du Pentateuque 
(lithog.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 85-98. 

Du reste, nous ne sommes pas réduits à de simples 
hypothèses, plus ou moins vraisemblables, sur l'état 
dans lequel se trouvait le texte hébreu avant la 
version des Septante. Le Pentateuque samaritain, 
transmis dans l'ancienne écriture, est au moins anté- 
rieur à cette version. Or, il présente un certain nombre 
de variantes comparativement au texte massorétique. 
Les plus connues sont celles qui concernent l'âge des 
patriarches antédiluviens et postdiluviens. Voir t. n, 
col. 721-724. Les autres plus nombreuses sont pour la 
plupart des transpositions, des additions et des modi- 
fications, que les critiques actuels attribuent générale- 
ment aux Samaritains eux-mêmes. Voir t. v, col. 1422- 
1423. Quelques-unes peuvent provenir aussi de l'incurie 
des copistes samaritains. Elles peuvent donc rarement 
servir à reconstituer le texte primitif du Pentateuque. 
Elles montrent à tout le moins comment le texte sacré 
se transcrivait et se transmettait à l'époque qui a pré- 
cédé la plus ancienne version de l'Écriture. Voir 
R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. 1, 
c. x-xm, Rotterdam, 1685, p. 63-83; P. Martin, De 
l'origine du Pentateuque (lithog.), t. I, p. 71-85. 

Un autre moyen de nous rendre, avec certitude, 
compte de la manière dont le texte hébreu s'est trans- 
mis avant la version des Septante consiste à étudier 
les passages qui sont plusieurs fois reproduits en 
différents livres de la Bible et que l'on appelle deuté- 
rographes. Ils ont été diversement transcrits dans les 
divers endroits où ils sont reproduits. Quelques-uns 
sans doute ont été originairement distincts, tels que 
le Ps. xiv et le Ps. lui, et il y a par suite des variantes 
qui sont originales et ne dépendent pas de l'histoire du 
texte. D'autres, tels que le Ps. xvm reproduit II Sam., 
xxii, les Ps. cv, l-15,etxcvi, qui sont répétés I Par., xvi, 
8-36, et les chapitres xxxvi-xxxix d'Isaïe, qui corres- 
pondent, sauf le cantique d'Ézéchias, à II Reg., xvm, 
17-xx, 20, ont eu un sort différent et n'ont pas été sujets 
aux mêmes accidents et aux mêmes modilications. Les 
derniers présentent, en outre, cette curieuse particula- 
rité que le ch. xxvni d'Isaïe est plus notablement altéré, 
tandis que la majeure partie de la narration est restée 
en assez bon état dans les deux exemplaires. Voir 
J. Touzard, De la conservation du texte hébreu. Étude 
sur lsaïe, xxxvi-xxxix, dans la Revue biblique, 1897, 
t. vi, p. 31-47, 185-206; 1898, t. vu, p. 511-524; 1899, 
t. vm, p. 83-188. Par l'examen comparé de ces deutéro- 
graphes nous pouvons nous faire une idée des modifi- 
cations de détails que les Livres Saints ont subies 
par le fait des copistes dans les temps qui se sont 
écoulés depuis leur composition jusqu'à leur traduction 
en grec. F. Vodel, Die consonantischen Varianten in 
den doppell ïiberliefertenpoetischenStûcken desntas- 
soretischen Textes, Leipzig, 1905. ' 

On peut comparer encore les généalogies de la 
Genèse, v, x et xi, avec celles de I Par., i, 1-27, les 
passages parallèles des livres de Samuel et des Rois 
avec ceux des Paralipomènes; II Reg., xxiv, 18-xxv, 
30, avec Jer., lu; Is., h, 2-4, avec Mich., iv, 1-3. Beau- 
coup de changements sans doute ont été faits inten- 
tionnellement par les écrivains sacrés, qui ont donné 
comme une seconde édition du même morceau. Cepen- 
dant, d'autres sont accidentelles «t trahissent la négli- 
gence des copistes. Ces deutérographes nous apprennent 
ainsi que les textes sacrés ont été, durant la première 
période de leur existence, légèrement altérés; ils nous 
montrent aussi dans quelle mesure ces altérations se 
sont produites : elles ne constituent que des fautes de 
détails, qui sont sans grande importance et laissent 
intacte la substance du récit historique ou du cantique, 
qui a été deux fois transcrit. 

II. PÉRIODE QUI VA LE LA VERSION DES SEPTANTE A LA 



2105 



TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2106 



constitution du texte massorétique. — 1» Compa- 
raison de la version des Septante avec le texte masso- 
rétique. — Cette comparaison permet de constater que 
le texte hébreu sur lequel la traduction grecque a été 
faite différait du texte massorétique. Les divergences 
portent sur différents points. — 1. Disposition dutexte 
en plusieurs livres. — Les transpositions sont nom- 
breuses dans le livre de Jérémie, voir t. m, col. 1277, 
moins fréquentes dans les Proverbes, voir t. v, col. 793, 
et dans l'Ecclésiastique. Voir t. H, col. 1548. Elles s'ex- 
pliquent par la divergence des manuscrits et proviennent 
vraisemblablement, au moins pour les Proverbes et 
Jérémie, du déplacement de plusieurs feuillets dans 
un manuscrit. — 2. Diversité de leçons dans les 
manuscrits. — Elle n'est pas la même dans tous les 
livres et elle est plus grande dans les uns que dans les 
autres. Elle est notablement considérable dans les 
livres de Samuel et des Rois. Voir t. v, col. 1143, 1160- 
1161. On y a pu voir à juste titre deux recensions diffé- 
rentes de ces livres, dont le texte est tantôt plus court 
et tantôt plus développé. Les additions les plus saillantes 
sont celles de I Reg., m (19 lignes au début); m, 46 
(20 lignes); xn, 24 (68 lignes). Ce pouvaient être des 
targums, destinés à compléter un récit simplement 
esquissé ou à expliquer un passage obscur. D'autres 
moins considérables donnent un récit mieux suivi que 
le texte hébreu actuel et semblent mieux représenter 
le texte original. Ainsi I Sam., xiv, 41. Le texte grec est 
plus court dans les récits qui concernent les premiers 
rapports de Saûl et de David. I Sam., xvm, 6-xix, 1. 
Il omet les versets 9-11, 17-19, 28 &-30. Certains manu- 
scrits omettent au ch. xvn du même livre les }. 12-31, 
41, 50, 55-58, et les six premiers versets du ch. xvm, 
et plusieurs autres les ont marqués d'un astérisque. 
D'autres omissions existent dans les livres des Rois, 
I Reg., m, 35-46; iv, 20, 21, 25, 26; vi, 11-13, 18, 22, 
32, 33; vin, 12, 13; ix, 15-25; xi, 39; xn, 17; xm, 27; 
xiv, 1-20; xv, 6, 32; xxn, 47-50: Il y a aussi de nom- 
breuses omissions dans le livre de Jérémie. Voir t. m, 
col. 1277. Le livre des Proverbes a encore dans la ver- 
sion grecque des omissions, des additions, des transpo- 
sitions et des modifications. Voir t. v, col. 793; J. Kna- 
benbauer, Commenlarius in Proverbia, Paris, 1910, 
p. 14-19. Chaque livre grec, même le Pentateuque, a 
plus ou moins de variantes, mais toutes ne sont pas 
bonnes. Le manuscrit hébreu dont se servait le traduc- 
teur grec avait des fautes de copiste ou présentait des 
anomalies, dont quelques-unes semblent provenir de 
l'irrégularité dans la transcription des voyelles dites 
aujourd'hui lettres quiescentes. — 3. Fautes de traduc- 
tion. — Quelques-unes proviennent d'une fausse 
lecture, soit par la confusion de lettres phéniciennes, 
ou de l'écriture carrée, soit par la manière de couper 
les mots d'un manuscrit à écriture continue. Voir t. il, 
col. 1579-1580; t. v, col. 1645-1646; P. Martin, op.cit., 
1. 1, p. 45-71. Il faut donc, au point de vue de la valeur 
critique et de la reconstitution du texte original, exa- 
miner à part chacun des livres de la version grecque 
des. Septante, voir, par exemple, pour Isaïe, t. m, 
col. 977-978, et chacun des passages où se présente une 
variante. Quoique le texte hébreu qui se trouve à la 
base de cette traduction soit fréquemment différent du 
texte massorétique, les divergences, pour notables 
qu'elles soient parfoiSj n'atteignent jamais la substance 
des faits et des doctrines. Cf. Ginsburg, The newniasso- 
retico-critical text of the hebrew Bible, 1894, p. 158- 
162, 291-296; A. Baumgârtner, L'état du texte du livre 
des Proverbes, Leipzig, 1890, p. 272-282. Voir les tra- 
vaux cités, col. 1648-1650. 

La conservation substantielle du texte hébreu, à 
l'époque à laquelle se fit la version des Septante, nous 
est attestée, au moins pour le Pentateuque, par le Livre 
des jubilés, on la Petite Genèse. Ce livre est, au senti- 



ment commun des critiques récents, du temps des 
Machabées et avant Hérode, et suppose un texte qui 
n'a que deux leçons communes avec le Pentateuque 
samaritain, qui s'accorde parfois avec le texte massoré- 
tique contre la version des Septante, mais qui suit 
le plus souvent cette traduction dans les passages où 
elle s'écarte du texte hébreu postérieur. Il a cependant 
aussi quelques leçons propres. Certaines de ces parti- 
cularités proviennent du but de l'auteur qui était 
l'exaltation et la glorification du peuple élu de Dieu. 
Sur la valeur critique de ce livre, voir A. Dillmann, 
Beitrâge aus déni Bûche der Jubilâen zur Krilik des 
Pentateuch-Texles, dans Sitzungsberichte der Berl. 
Akademie der Wissenschaften, 1883; H. Charles, 
Ethiopie version of the hebrew booh of the Jubilees, 
Oxford, 1895, p. xx-xxv; E. Littmann, Das Buch der 
Jubilâen, dans Kaulzsch, Die Apokryphen und Pseud- 
epigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. H, p. 38. 

2° Travail critique des scribes avant les massorètes. 
— Il rentrait dans le rôle des scribes de veiller à la 
transcription du texte sacré. Voir col. 1537. Il semble 
qu'ils aient apporté à ce travail un soin plus minutieux 
que les premiers copistes. Ils se préoccupaient de 
transcrire ce texte ou de le faire transcrire exactement 
par respect pour les livres canoniques de leur nation et 
de leur religion. Josèphe, Cont. Apion., I, 8, etPhilon, 
dans Eusèbe, Prsepar. ev., vin, 6, t. xxi, col. 600-601, 
déclarent que, dans leur nation et de leur temps, per- 
sonne n'oserait ajouter ou retrancher aux Livres Saints, 
surtout à la Loi de Moïse, ou y changer quoi que ce soit. 
Certains Pérès de l'Église, il est vrai, ont reproché aux 
Juifs d'avoir altéré le texte de l'Ancien Testament dans 
les passages prophétiques et messianiques, que les chré- 
tiens faisaient valoir en faveur de la divinité de Jésus- 
Christ et du christianisme. Mais leur reproche n'est pas 
fondé. D'ailleurs, quand saint Justin, par exemple, ac- 
cuse les Juifs d'avoir falsifié l'Écriture, il vise la traduc- 
tion d'Aquila, ayant substitué veSviç â TtapSsvo; dans 
Isaïe, vu, 14. Dial. cum Tryph., 71, 84, t. vi, col. 644, 
673. La critique porte donc sur l'interprétation et non pas 
sur la teneur du texte hébreu. Les autres exemples, pro- 
posés par saint Justin, ne sont pas justifiés, ni Jer., xi, 19, 
qui ne manque pas dans le texte hébreu, ni la leçon 
du Ps. xevi, 10: ànb toO £ûXou, qui est absente aussi des 
anciennes versions, et le passage qu'il ajoute à I Esd., 
vi, 21, est une addition d'une main chrétienne, lbid., 
72, 73, col. 644-645. Saint Justin se servait d'un exem- 
plaire des Septante, qui contenait des interpolations. 
Voir aussi plus haut, col. 1637-1630. Du reste, Tryphon 
repousse le reproche de saint Justin et il tient pour 
incroyable que ses coreligionnaires aient altéré l'Écri- 
ture. Saint Irénée, Cont. hser., m, 21, t. vu, col. 946, 
reprend aussi les fausses interprétations d'Aquila par 
comparaison avec la version des Septante, mais il n'ac- 
cuse pas les Juifs d'avoir corrompu le texte, sinon par 
leurs fausses traditions, iv, 15, col. 1004. Il suppose, au 
contraire, qu'ils n'ont pas falsifié l'Écriture, c'est-à-dire 
la version grecque, parce qu'ils n'ont pas prévu qu'elle 
servirait de preuve aux chrétiens, ajoutant que s'ils 
avaient prévu ce service, ils auraient brûlé cette traduc- 
tion. Si Tertullien, De cultu feni., i, 3, t. i, col. 1308, dit 
que les Juifs avaient retranché des Écritures plusieurs 
choses concernant le Messie, il parle de livres entiers 
qui auraient été supprimés, tels que le. livre d'Hénoch 
dont il soutenait la canonicité. Son argument ne vaut 
pas mieux que son sentiment. Dans sa lettre à Jules 
Africain, 19, t. xi, col. 69, 72, Origène reproche avec 
raison aux Juifs d'avoir écarté du canon biblique les 
livres deutérocanoniques, mais lorsqu'il donne l'assu- 
rance qu'ils ont supprimé à dessein et par malice plu- 
sieurs Écritures, il n'en apporte pas de preuve et il se 
range à l'opinion des docteurs précédents. Il n'est pas 
constant dans son sentiment, puisque si parfois il répète 



2107 



TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2108 



son accusation, In Jer., hom. xvi, 10, t. xm, col. 449, 
452, d'autres fois il en montre l'injustice. Saint Jérôme, 
de son côté, supposait que les Juifs avaient retranché 
quelques mots du Deutéronome. In Epist. ad Gai., 
1. II, t. xxvi, col. 357. Il pensait que saint Matthieu avait 
cité inexactement Michée pour reprendre les scribes et 
les prêtres de leur négligence à citer l'Écriture. In Mich., 
1. Il, t. xxv, col. 1197. Ailleurs, il défend les Juifs du crime 
d'altération des Écritures sur l'autorité même d'Origène, 
qui a dit que Notre-Seigneur et les Apôtres, qui ne ce- 
laient pas lés torts des scribes et des pharisiens, ne le 
leur ont pas reproché. Si on prétend que les falsifica- 
tions des Juifs sont postérieures à Jésus et aux Apôtres, il 
ne pourra retenir un éclat de rire, puisque le Sauveur 
et les évangélistes ont cité les passages que les Juifs 
devaient fausser plus tard. Ira ls., 1. III, t. xxiv, col. 99. 
Il est le défenseur de la veritas hebraica, au point 
d'être parfois injuste à l'égard de la version des Septante. 
Saint Chrysostome, In ilalth., hom. v, 2, t. lvii, col. 57, 
à propos d'Isaïe, vu, 14, reproche seulement aux traduc- 
teurs juifs postérieurs aux Septante, d'avoir à dessein 
traduit obscurément les prophéties messianiques. Le 
pseudo-Athanase, Synopsis Sacr. Script., 78, t. xxviii, 
col. 438, parle de la perte de livres entiers, supprimés 
par les Juifs. Saint Augustin repousse catégoriquement 
l'accusation portée contre les Juifs d'avoir altéré leurs 
Écritures etil appuie son jugement sur.le grand nombre 
de manuscrits répandus partout, qu'ils auraient dû al- 
térer. De civ. Dei, XV, xm, 1, t. xli, col. 452. Il recon- 
naît dans les Juifs, adversaires du christianisme, des 
gardiens des Écritures où les chrétiens vont puiser les 
arguments messianiques, lbid., XVIII, xlvi, col. 608- 
609. Cf. pseudo-Justin, Cohortatio ad Grxcos, 13, t. VI, 
col. 268. Les reproches des Pères qui ne savaient pas 
l'hébreu visent généralement les traductions grecques 
d'Aquila, de Sjmmaque et deThéodotion, que les Juifs 
préféraient à la version des Septante et opposaient aux 
chrétiens dans la polémique. Plus littérales que la pre- 
mière, ces versions n'en diffèrent pas seulement quant 
à l'interprétation; elles avaient été faites aussi sur un 
texte hébreu qui se rapprochait plus du texte des Sep- 
tante que du texte massorélique, autant, du moins, 
qu'on peut en juger par les fragments qui nous sont 
parvenus. Cette constatation est une preuve nouvelle 
que les Juifs n'avaient pas altéré à dessein et par ma- 
lice leurs Écritures pour faire pièce aux chrétiens. Cf . 
R. Simon, Histoire critique du Vieux Testament, 1. I> 
ch, xvn-xix, p. 97-111. 

Dès le II e siècle de notre ère, le texte hébreu était 
fixé déjà et d'une façon uniforme au point que tous les 
témoins, à partir de cette époque, représentent une 
seule et unique recension, celle que les massorètes 
stéréotyperont plus tard, sauf quelques légères diffé- 
rences seulement. La version syriaque, faite directement 
sur l'hébreu, voir col. 1916, les traductions déjà citées 
d'Aquila, de Symmaque et de Théodotion, les Hexaples 
d'Origène et la version de saint Jérôme témoignent 
qu'aux II*, III e et iv« siècles le texte hébreu était à peu 
près identique au texte massorétique. Il n'y a que des 
divergences accidentelles, de celles qu'on rencontre 
toujours dans les manuscrits d'une même famille. Les 
commentaires de saint Jérôme, qui était si bien au cou- 
rant des choses rabbiniques, montrent que les rabbins 
notaient déjà les moindres détails de l'orthographe 
traditionnelle x tels- que la présence ou l'omission des 
matres lectionis. Voir, par exemple, Qusest. in Gene- 
sim, 16, t. xxui, col. 973. Les plus anciens targums 
du Pentaleuque et des livres prophétiques, qui sont 
un peu postérieurs, sont généralement d'accord avec la 
recension massorétique, sauf le targum d'Onkelos qui 
est d'accord de temps en temps avec la version des 
Septante. Voir Targums, t. v, col. 1995. 

Les Talmuds supposent aussi le texte hébreu défini- 



tivement fixé et ils ne connaissent pas de variantes au 
sens précis du mot. Leurs citations bibliques et celles 
des midraschim ont été recueillies par Strack, Pro- 
legomena critica in V. T. hebraico, Leipzig, 1872, 
p. 59-111. Ils distinguaient déjà le keri du ketib et ils 
signalaient la présence ou l'absence des matres lectio- 
nis, du vav consécutif. Traité Sopherim, c. vi, vu. Au 
traité Nedarim, fol. 37 6-38 a, le Talmud de Babylone 
rapporte quelques exemples du travail des scribes et 
leur manière d'écrire certains mots : o'iso, =>atf, y"in; 
des suppressions faites, Gen., xvm, 5; xxiv, 55; Num., 
xxxi, 2; Ps. lxviii, 26; XXXVI, 7; des leçons à lire qui 
nesontpas écrites, II Sam., vm, 3; xvi, 23; Jer., xxxi, 
38; L, 29; Ruth., Il, 11; m, 5, 17; des leçons écrites 
qu'il ne faut pas lire, II Reg., v, 18; Deut., mi, 1; Jer., 
i.i,3; Ezech., xlviii,61; Ruth., m, 12. Cf. J. Buxtorf, 
Tiberias, p. 37-43. Ils avaient aussi marqué plusieurs 
passages de points extraordinaires, dont la signification 
exacte n'était déjà plus connue de tous les talmudistes. 
A propos de -pm, Num., ix, 10, marqué d'un point en 
haut, selon la Mischna, quelques-uns pensaient qu'il 
ne fallait pas tenir compte des lettres ponctuées, quand 
elles étaient en minorité, mais que, si elles étaient en 
majorité, elles l'emportent et il faut leslire ; Rabbi ajoutait 
que, n'yeùt-il qu'une lettre ponctuée par en haut, on en 
tenait compte et qu'on annulait seulement le reste de 
ce qui était écrit. Talmud de Jérusalem, traité Pesa- 
chim, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1882, t.v, p. 137, 138. 
Ces points soulignaient donc une lettre ou un mot soit 
pour les supprimer soit pour attirer sur eux l'attention. 
Cf. M. Schwab, Des points-voyelles dans les langues 
sémitiques, Paris, 1879, p. 26. Selon saint Jérôme, ce 
point indiquait que la chose est incroyable. Quxst. 
in Gen., xix, 35, t. xxm, col. 966. Voir Massore, t. iv, 
col. 856. Le Talmud de Jérusalem signale aussi l'écri- 
ture différente de quelques mots. Traités Kilaini, m, 1 ; 
v, 4; Schebiith, i, 6, trad. Schwab, Paris, 1878, t. H, 
p. 250-251, 277, 311. 

III. Période des massorètes. — Cette période va du 
VI e au xi e siècle. On a déjà exposé ici la double tâche 
accomplie par les massorètes : 1° la vocalisation du 
texte hébreu par l'invention des points-voyelles, voir 
t. m, col. 504-508; t. v, col. 531-538; 2» l'ensemble des 
notes ou remarques qui constituent la grande .et la 
petite massore et qui forment la « haie » de la Loi ou de 
l'Écriture, élevée en vue de la préserver de la moindre- 
altération. Voir t. iv, col. 854-860. Il ne reste plus qu'à 
rappeler quelle a été l'œuvre des massorètes relative- 
ment au texte qu'ils ont vocalisé et à apprécier la va- 
leur critique de leur texte biblique. 

1° Le texte massorétique. — Les massorètes n'ont 
pas, à proprement parler, constitué une recension du 
texte hébraïque de la Bible. Ils n'ont fait que trans- 
crire, en en fixant la prononciation traditionnelle, le 
texte qui était établi d'une façon à peu près uniforme 
depuis le II e siècle de notre ère. La vocalisation qu'ils 
ont adoptée, qu'elle soit palestinienne ou babylonienne,, 
voir t. I, col. 1359, ou distincte de ces deux espèces, 
M. Friedlânder, Some fragments of the hebrew Bible 
with peculiar abbreviations and peculiar signs for- 
vowels and accents, dans les proceedings of the So- 
ciety of biblical archieology, mars 1896, p. 86-98, n'a 
fait que marquer au moyen de signes conventionnels 
assez compliqués la prononciation usuelle, transmise 
depuis des siècles par la tradition orale. Toutes les 
versions antérieures la supposent et la confirment. Les 
massorètes n'ont guère changé les consonnes, et quand 
le texte écrit leur paraissait fautif, loin de le corriger- 
ils le transcrivaient fidèlement tel qu'ils le trouvaient 
écrit, c'est le kelib, sauf à noter, à la marge des ma- 
nuscrits, la leçon qu'il fallait lire, le keri. Voir t. m, 
col. 18S9. Les keri sont des variantes discutées entre les 
docteurs palestiniens et les docteurs babyloniens. Ils- 



2109 



TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2110 



sont au nombre de 216 pour tous les livres de la Bible, 
hormis le Pentateuque qui n'en a que quelques-uns, et 
ils ont été édités, par Jacob benChajim, dans la seconde 
Bible rabbinique de Bomberg à Venise, en 1524-1525. 

Bien que fixé jusque dans les moindres détails, le 
texte massorétique n'était pas cependant uniforme 
dans les plus anciens manuscrits. Les docteurs juifs 
postérieurs ont relevé les variantes d'un manuscrit 
qu'ils attribuaient faussement à Hillel et celles de la 
Bible de Jéricho; or, les variantes du premier ne 
portent que sur des minuties grammaticales ou des 
variétés de ponctuation massorétique. Dans la première 
moitié du x e siècle, Aaron ben Moïse ben Ascher a 
écrit, à Tibériade, un manuscrit, qui a passé longtemps 
au xix e siècle comme le type le plus parfait du texte 
massorétique palestinien. Or, il différait du manuscrit 
de son contemporain et compatriote Moïse ben David 
ben Nephthali. Les variantes de ces deux manuscrits 
ont été transcrites aux marges des manuscrits posté- 
rieurs et Jacob ben Chajim en a recueilli 864 (867) et 
les a fait imprimer en appendice à la troisième Bible 
rabbinique de Bomberg, Venise, 1548, t. IV. Elles ont 
été reproduites dans la Polyglotte de Londres, t. vi, 
p. 8 sq. Elles ne portent que sur des minuties de voca- 
lisation ou de grammaire, et quelques-unes seulement 
constituent des leçons présentant des consonnes diffé- 
rentes. Elles ne sont pas identiques à celles de tous les 
manuscrits. On a voulu y voir les divergences de textes 
massorétiques qui avaient cours en Palestine et en Ba- 
bylonie. Elles ne sont plutôt que l'œuvre de ces deux 
docteurs, sur laquelle nous sommes, d'autre part, 
imparfaitement renseignés. 

2° Valeur critique du texte massorétique. — Elle a 
été vivement discutée au xvn e et au xvm e siècle. Un 
protestant, Louis Cappel, voir t. h, col, 218, ayant sou- 
tenu la nouveauté des points- voyelles, Arcanum pun- 
ctatiohis revelatum, Leyde, 1624, puis la non-intégrité 
du texte massorétique, Critica sacra, Paris, 1650, les 
deux Buxtorf, voir t. i, col. 1980-1982, défendirent ces 
deux points, le père dans Tiberias, Bâle, 1620, le fils, 
dans son Tractatus de panctorum vocalium in libris 
V. T. hebraicis origine, antiquilate et aulhoritale, 
Bàle, 1648, et dans son Anticritica, Baie, 1653. La thèse 
des Buxtorf prédomina en Allemagne et en Suisse, et 
la Confession de foi, dressée par Heidegger en 1675 et 
adoptée par le Consensus helveticus, la même année, 
can. 2 et 3, canonisa les points-voyelles et déclara le 
texte massorétique absolument authentique et intègre. 
Les protestants voulaient jeter le discrédit sur la version 
des Septante, que l'Église avait suivie si longtemps. A 
l'encontre, l'oratorien Jean Morin, voir t. iv, col. 1283, 
soutint, pour faire valoir celte version et le Pentateuque 
samaritain qu'il avait édité, que le texte hébreu était 
corrompu dans la plupart des passages où il différait 
des autres textes. Exercilaliones ecclesiasticse et biblicse, 
in-f°, Paris, 1699, part. II, 1. I,exc. i-ix, p. 1-222; 1. II, 
exe. i-xxiv, p. 223-634. Isaac Vossius, quoique protestant, 
regardait la version des Septante comme inspirée et 
prétendait que le texte hébreu avait été volontairement 
altéré par les Juifs. De LXX interprelibus eorumque 
translatione, 1661. La vérité, qui tient le milieu entre 
ces deux extrêmes et qui est que le texte hébreu masso- 
rétique, sansêtre exempt de fautes accidentelles, s'était 
cependant conservé dans sa pureté substantielle, trouva 
dès lors des défenseurs. Nommons R. Simon, Histoire 
critique du Vieux Testament, part. I, c. xvm, xix, 
p. 101-111; part. II, c. iv, p. 202-211; dom Martianay 
(voir t. IV, col. 827), Défense du texte hébreu et de la 
chronologie de la Vulgate, Paris, 1689, p. 116 sq. ; 
Continuation de la défense du texte hébreu de la 
Vulgate, Paris, 1693; PaulPezron (voir t. v, col. 177), 
L'antiquité des temps rétablie et défendue, Paris, 
1690; Défense de l'antiquité des temps, Paris, 1691; | 



Michel Lequien, L'antiquité des temps détruite, Paris, 
1697; le P. Fabricy, Des titres primitifs de la révéla~ 
tion (1772), dans le Cursus completus Sac. Scripturse 
de Migne, t. xxvn, col. 505-914, etc. C'est le sentiment 
commun des critiques modernes. 

Du reste, le texte massorétique porte en lui-même 
des traces d'altérations accidentelles. Il contient, en 
effet, des fautes évidentes. Le chiffre qui indiquait l'âge 
de Saûl, quand il commença à régner, a disparu en 
laissant une lacune béante. I Sam., xm, 1. Une autre 
lacune se remarque un peu plus loin, I Sam., xiv, 41, 
au sujet du sort jeté entre Saûl et son fils Jonathas. Le 
récit des relations du même roi avec le jeune David, 
I Sam., xvi, 15-xvin, 5, manque d'ordre et de suite et 
il est rempli d'inconséquences manifestes; il ne nous 
est pas parvenu dans sa teneur primitive. Le récit de 
la mort d'Aaron, Deut., x, 6, est en contradiction avec 
Num,, xx, 25-30; xxxm, 37; Deul., xxxu, 50, et la con- 
tradiction ne s'explique que par i'altération du premier 
passage cité. Le texte original a dû souffrir aussi, Exod.,. 
xi, 3-xu, 17, parce que tous les détails ne cadrent 
pas ensemble. Cf. P. Martin, De l'origine du Pen- 
tateuque (lithog.), t. i, p. 27-39. Dans le Ps. cxliv, qui 
est alphabétique, le vers qui commençait par aa dis- 
paru du texte hébreu, mais se retrouve dans la version- 
des Septante. Dans les Lamentations, ii-iv, les strophes 
débutant par la lettre y ont été vraisemblablement 
transposées après celles qui commencent par d. La 
comparaison des versions anciennes avec le texte masso- 
rétique montre que parfois ce dernier a une leçon 
moins bonne. Exemples : Ps. lxi, 8; I Sam., n, 32;. 
Jer., vi, 11; Jon., i, 9. P. Martin, loc. cit., p. 40-43. 
Toutefois, les leçons des versions anciennes, diver- 
gentes du texte massorétique, ne prouvent pas néces- 
sairement que ce texte est fautif, ces versions ne se 
sont pas toujours conservées pures; elles ont été 
enrichies parfois de gloses explicatives, et leur texte a 
subi les altérations des copistes, voire même de correc- 
teurs et de reviseurs. Sur la comparaison des Septante 
et du texte massorétique, voir col. 1644-1650. 

L'imperfection relative du texte massorétique s'ex- 
plique par deux causes. La première est que le texte 
hébreu avait subi les injures du temps et des altérations- 
de détails avant l'époque des massorèles. La seconde 
est que ce texte n'a pas été établi par un travail critique 
sur un certain nombre de manuscrits qu'on aurait 
comparés et corrigés l'un par l'autre. Il a été fixé, au 
cours du il" siècle de notre ère, par le choix fait d'un 
seul manuscrit, ancien ou non, sans comparaison avec- 
d'autres. Voir P. de Lagarde, Materialien zur Kritik 
und Geschichte des Pentaleuchs, Leipzig, 1867, t. I, 
p. xn, 231. Le manuscrit adopté fut reconnu comme 
autorité unique et devint le prototype à peu près uni- 
forme du texte copié et recopié sans appréciation de sa 
valeur intrinsèque. On le reçut et on le transcrivit tel 
qu'il était, avec ses fautes qu'on ne chercha pas à cor- 
riger. Le kétib, même erroné et fautif, fut maintenu, 
sauf à signaler à la marge le keri ou la leçon à intro- 
duire. Ce respect pharisaïque de fautes, parfois gros- 
sières, a assuré la transmission séculaire d'un texte 
imparfait, il est vrai, mais, en le stéréotypant avec ses- 
fautes originelles, elle l'a préservé de toute altération 
nouvelle, même accidentelle ou secondaire. En le voca- 
lisant et en l'accentuant, les massorètes ne l'ont ni 
corrigé ni modifié; ils n'ont fait qu'augmenter sa fixité 
première et sauvegarder davantage son intégrité. 

IV. PÉRIODE POSTÉRIEURE AUX MiSSORÈTES. — Elle 

comprend la copie du texte dans les manuscrits, ses 
éditions après l'invention de l'imprimerie et sa correc- 
tion critique. 

1» Manuscrits. — Voir t. iv, col. 667-672. Les rou- 
leaux, transcrits pour le service des synagogues, donnent 
identiquement le même texte les copistes étant prému- 



2111 



TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT 



2112 



nis contre l'insertion de toute variante par les règles 
méticuleuses du Talmud. Les manuscrits, copiés pour 
l'usage des particuliers, offrent bien quelques diver- 
gences, mais elles sont peu nombreuses et peu impor- 
tantes. Ces variantes ont été en partie recueillies par 
B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicum cum va- 
riis lectionibus (de 615 manuscrits), Oxford, 1766-1780, 
et par Jean-Bernard De Rossi, Variœ lectiones V. T., 
Parme,1784-1788; Supplementum, 1798 (d'après 780 ma- 
nuscrits); Spécimen variarum leclionum sacri textus 
(d'un manuscrit de Pie VI), Rome, 1782, p. 29-74. Voir 
Kennicott, t. m, col. 1887; De Rossi, 2, t. v, col. 1211. 
2° Editions imprimées. — L'art de l'imprimerie, en 
multipliant les exemplaires de la Bible hébraïque, n'a 
pas beaucoup modifié l'état du texte. Les premières 
éditions ont été faites sur un petit nombre de manu- 
scrits, ceux qui étaient à la disposition des éditeurs et 
dont ils ne discutèrent pas la valeur. Le Psautier fut 
imprimé le premier, in-f», en 1477, probablement à 
Bologne, avec le commentaire de Kimchi; le Ps. i a les 
points-voyelles en rouge. Le Pentateuque parut, in-f», 
Bologne, 1482, avec le Targum d'Onkelos et le commen- 
taire de Raschi. Les Prophètes furent publiés ensuite, 
2 in-f», Soncino, s. d. (1485), sans points ni accents, avec 
le commentaire de Kimchi. Les cinq Meghilloth paru- 
rent au même lieu, la même année. Tous lesHagiogra- 
phes furent imprimés à Naples en trois parties, enl486 
et 1487; ils étaient vocalises, mais sans accents. La pre- 
mière édition complète, avec voyelles et accents, parut 
à Soncino, au mois de février 1488; la seconde, s. 1. n. d. 
(Naples, 1491-1493) ; la troisième, à Brescia, en mai 1494. 
Quelques auteurs en citent une autre, publiée à Pesaro 
la même année. — Au XVI e siècle, la Bible entière fut 
imprimée en 2 in-f», Pesaro, 1511, 1517; puis vint la 
Polyglotte d'Alcala, 1514-1517, voir t. v, col. 515-516. La 
première Bible rabbinique, préparée par Félix Pratensis, 
4 in-f°, Venise, 1516-1517, a les chapitres modernes en 
marge et partage en deux les livres de Samuel, des Rois, 
d'Esdras et des Paralipomènes. Une édition du même 
texte, sans targums ni commentaires, parut la même 
année, sortant des mêmes presses de Daniel Bomberg. 
Après trois autres Bibles rabbiniques,voirt. v, col. 919, 
il faut mentionner la Polyglotte d'Anvers. Voir t. v, 
col. 519. Parmi un grand nombre d'autres éditions, in- 
diquons seulement celles de Bomberg, in-4», Venise, 1521, 
1525-1528, de Robert Estienne, 1539 sq., de Sébastien 
Munster, 2 in-f», Bâle, 1534-1535, et d'Èlie Hutter, 
in-f», Hambourg, 1587. — Au xvn e siècle, nous men- 
tionnerons d'abord la 5 e Bible rabbinique de Bomberg, 
Venise, 1617-1619, et la 6» publiée à Bâle, 1618-1619, par 
,1. Buxtorf, le père, puis les deux Polyglottes de Paris 
et de Londres, voir t. v, col. 521, 522-524, ensuite 
l'édition de Joseph Athias, Amsterdam, 1667, qui 
donne un texte revisé sur d'anciens manuscrits et qui 
a servi de base aux suivantes; elle a été préparée par 
J. Leusden, et elle fut corrigée par Japlonsky, Berlin, 
1699. — Au xvm e siècle, Everard van der Hooght, 
Amsterdam et Utrecht, 1705, suivit Leusden. L'édition 
de Salomon ben Joseph Props, in-8°, Amsterdam, 1725, 
est supérieure à la précédente. La 7 e Bible rabbinique, 
due à Moïse de Francfort, parut dans la même ville, 
4 in-f», 1724-1727. Voir t. v, col. 919. J. H. Michaelis, 
collationna un manuscrit d'Erfurt et donna la première 
édition critique, Halle, 1720. Une autre édition critique 
parut àMantoue, in-4», 1742-1744, avec un commentaire 
massorétique de Salomon Norzi. Voir encore, pour 
l'édition de Simonis, col. 1746. B. Kennicott collationna 
beaucoup de manuscrits, mais sans valeur, dont il 
donna les variantes ; son texte est, au fond, celui de 
Hooght, 2 in-f», Oxford, 1776, 1780. — Au xix» siècle, 
la Bible de Hooght fut corrigée par J. d'Allemand, 
Londres, 1822, et souvent rééditée. Elle fut retouchée 
par A. Hahn, Leipzig, 1831 (nombreuses rééditions), 



par Theile, Leipzig, 1849 (nombreuses rééditions), par 
Letteris, Vienne, 1852 (adoptée et souvent reproduite 
par la Société biblique d'Angleterre et des pays étran- 
gers). Une Bible rabbinique a paru à Varsovie, 12 petits 
in-f», 1860-1868. Voir t. v, col. 919. S. Baer et Frz. 
Delitzsch ont publié à Leipzig des éditions séparées très 
correctes : la Genèse, 1869, Josué et les Juges, 1891, les 
deux livres de Samuel, 1891, des Rois, 1895, d'Isaïe, 
1872, de Jérémie, 1890, d'Ézéchiel, 1884, des petits 
prophètes, 1878, des Psaumes, 1880, des Proverbes, 
1880, de Job, 1875, des cinq Meghilloth, 1885, de Daniel, 
Esdras et Néhémie, 1882, et des Paralipomènes, 1888. 

3» Travaux et éditions critiques. — 1 . Travaux. — Au 
xiii» siècle déjà, Meïr ben-Todrôs (Abulafia), de Burgos 
(■}• 1244), constatait que les meilleurs manuscrits du 
Pentateuque ne s'accordaient pas et que les notes mas- 
sorétiques n'étaient pas sûres. Son ouvrage : La Mas- 
sore, haie de la Loi, min 1 ) 3'd mon, imprimé à Flo- 
rence en 1750, est une édition du Pentateuque d'après 
les manuscrits les meilleurs ; en cas de divergence de 
ses sources, l'auteur adoptait la leçon qu'il trouvait 
dans le plus grand nombre des témoins. Son contem- 
porain Iakutiel ben Iehuda, pour les mêmes raisons, a 
collationné six manuscrits espagnols du Pentateuque 
qu'il jugeait anciens et corrects. Ces essais de correc- 
tions restèrent isolés et furent sans influence sur la 
transmission du texte. Au xvn e siècle, Menahen de 
Lonzano compara dix manuscrits, la plupart espagnols, 
avec l'édition in-4» de Bomberg, Venise, 1554. Son 
ouvrage est intitulé : min "nx, La lumière de la Loi, 
Venise, 1618. Le commentaire critique, composé en 
1626, par Salomon de Norzi et publié dans la Bible de 
Mantoue, 1742 1744, s'étend à toute la Bible hébraïque 
et il est fondé sur une collation sérieuse de plusieurs 
manuscrits, la plupart encore espagnols. Au xix» siècle, 
les critiques protestants furent amenés à discuter les 
leçons massorétiques de différents livres de l'Ancien 
Testament; ils ne se contentèrent pas de proposer les 
corrections que leur suggérait la comparaison du texte 
hébreu avec les anciennes versions, ils y joignirent 
des corrections conjecturales qui ne furent pas toujours 
heureuses. 

2. Éditions. — Au xvill" siècle, l'oratorien Houbigant 
entreprit une correction du texte hébreu. Voir t. m, 
col. 756. Les travaux de Kennicott et de De Rossi firent 
connaître les nombreuses variantes des manuscrits et 
montrèrent leur insignifiance. Auxix e , David Ginsburg 
a publié une édition critique de la Bible hébraïque, 
2 vol., Londres, 1894; 2» édit., Vienne, 1906. L'édition 
polychrome (rationaliste), faite sous la direction de 
P.Haupl:27ie sacredbooks of the Old Testament, in-4» . 
Leipzig, Baltimore et Londres, a donné jusqu'ici la 
Genèse par Bail, 1896, leLévitique, par Driver et White, 
1894, les Nombres, par Paterson, 1900, le Deutéronome, 
par Smith, 1906, Josué, par Bennett, 1895, les Juges, 
par Moore, 1900, Samuel, par Budde, 1894, les Rois, 
par Stade, 1904, Isaïe, par Cheyne, 1899, Jérémie, par 
Cornill, 1895, Ézéchiel, par Toy, 1900, les Psaumes, par 
Wellhausen, 1895, les Proverbes, par Mùller et Kautzsch, 
1901, Job, par Siegfried, 1893, Daniel, par Kamphausen, 
1896, Esdras et Néhémie, par Guthe et Balten, 1901, et 
les Paralipomènes, par Kittel, 1895. R. Kittel, avec la 
collaboration de Béer, Buhl, Dalman, Driver, Lôhr, 
Nowack, Rothstein et Ryssel, a publié sous le texte de 
la Bible rabbinique de 1524-1525 les variantes les plus 
importantes des anciennes versions et les meilleures 
conjectures des critiques modernes, Biblia hebraiea, 
2 in-8», Leipzig, 1905-1906; 2 e édit., ibid., 1909. 

Bibliographie. — 1° Pour l'histoire critique du texte 
hébreu, voir R. Simon, Histoire critique du Vieux 
Testament, 1. I, c. x-xxvii, Rotterdam, 1685, p. 63-160; 
U. Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam,^ édit., 
Rome, 1882, t. u, p. 488-499; C. Trochon, Introduction 



2113 TEXTE DE L'ANCIEN TESTAMENT — TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 2114 



générale, Paris, 1886, 1. 1, p. 274-290 ; P. Martin, Intro- 
duction à la critique générale de l'A. T. De l'origine 
du Pentateuque (lith.), Paris, 1886-1887, t. i, p. 27- 
104; F. Buhl, Kanon und Texte des A. T., Leipzig, 
1891, § 23 sq. ; A. Loisy, Histoire critique du texte 
et des versions de la Bible, dans L'enseignement 
biblique, Paris. 1892, p. 101-204; R. Gornely, Intro- 
ductio generalis, 2= édit., Paris, 1894, p. 263-293; 
Kenyon, Our Bible and the ancient manuscripts being 
a hislory of the text and Us translations, 2 e édit., 
Londres, 1896; Copinger, Tho Bible and Us transmis- 
sion, Londres, 1897; Weir, A short hislory of the 
Hebreiv text of the Old Testament, Londres, 1899; 
H. Strack, Einleitung in das A. T., 6 e édit., Munich, 
1906, p. 191-20i; Realencxjclopâdie fur protestantische 
Théologie und Kirche, Leipzig, 1897, t. u, p. 713-728; 
Hastings, Dictionary of the Bible, Londres, 1902, t. IV, 
p. 726-732; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., 
Paris, 1906, t. i, p. 165-174. 

2" Pour l'étude des éditions imprimées de la Bible 
hébraïque, voir ,1. C. Wolf, Bibliotheca hebrxa, Ham- 
bourg, 1721, t. n, p. 36i-385 (Bible complète), p. 385- 
413 (livres séparés); 1733, t. iv, p. 108-123 (Bible com- 
plète), p. 123-154 (livres séparés); ,T. Le Long, Biblio- 
thèque sacrée, Paris, 1723, t. i, p. 1587; édit. Masch, 
Halle, 1778, t. i, p. 1-186; J.-B. De Rossi, Annales 
hebrseo-lypographici ssec. XV, Parme, 1795; Annales... 
ab anno mdi ad mdxl digesti, Parme, 1799; De ignotis 
nonnullis antiquissimis hebraici textus editionibus ac 
crilico earum usu, Erlangen, 1782; B.W. D. Schulze, 
Vollslàndigere Kritik ûber die gewôhnlichen Ausgaben 
der hebràischen Bibel, Berlin, 1766; M. Steinschneider, 
Catalogus librorum hebrsorum in bibliotheca Bod- 
leiana, Berlin, 1852-1860, col. 1-164; B. Pick, Hislory 
of the printed additions of the Old Testament, dans 
Hebraica, 1892-1893, t. ix, p. 47-116; C. D. Ginsburg, 
Introduction lo the massoretico-critical text of the 
hebrew Bible, Londres, 1897, p. 779-976; British 
Muséum. Catalogue of printed books, Bible, Londres, 
1892-1899, part. II, col. 245-726. E. Mangenot. 

2.TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT I. His- 
toire du texte manuscrit. — 1» Perte des autogra- 
phes. — Qu'ils aient été écrits sur papyrus, II Joa., 
12, matière fragile, voir t. iv, col. 2079-2084, ou sur 
parchemin, II Tim., IV, 13, matière plus solide, voir 
t. iv, col. 2158-2161, les autographes des écrivains du 
Nouveau Testament ont vite disparu, à cause sans 
doute du fréquent usage ou de la fragilité des maté- 
riaux. D'ailleurs, il faudrait entendre ces autographes 
dans un sens large, puisque saint Paul semble avoir 
eu l'habitude de dicter ses lettres, Rom., xvi, 22, se 
bornant à écrire de sa main la salutation finale. II Thess., 
m, 17; I Cor., xvi, 21; Col., iv, 18; cf. Gai., vi, 11. Ils 
n'ont pas laissé de trace certaine dans l'histoire. Les 
passages des anciens écrivains ecclésiastiques, dans 
lesquels on avait cru les voir mentionnés, disent tout 
autre chose. Saint Ignace, Ad Philad., vm, 2, dans Funk, 
Patres aposlolici, 2 e édit., Tubingue, 190i, t. i, p. 270, 
dans sa discussion avec les hérétiques, n'en appelait 
pas aux autographes des évangélistes, mais à des argu- 
ments, tirés des Évangiles, arguments dont ses adver- 
saires niaient l'existence ou discutaient la signification. 
Quand Tertullien se référait aux ipsse authenticse lit- 
terse des Apôtres et qu'il renvoyait à Corinthe, à Phi- 
lippes, à Thessalonique et à Rome pour y trouver celles 
de saint Paul, De prœsc, 36, t. n, col. 49, il pouvait ne 
pas penser aux autographes eux-mêmes, mais au texte 
grec original, au grec authentique, comme il dit ail- 
leurs, De monog., 11, t. n, col. 946, c'est-à-dire au texte 
qui fait autorité. Saint Irénée ne parle que de vieux 
manuscrits pour autoriser une leçon spéciale d'Apoc, 
xni, 18. Cont. hssr., t, 30, 1, t. vu, col. 1204. Origène 

[filCT. DE LA BIBLE. 



n'a pas d'autorité ancienne à opposer à l'exemplaire de 
saint Jean, dont se servait Héracléon. In Joa., tom. xm, 
11 , t. xiv, col. 416. 

Les renseignements postérieurs, fournis sur les auto- 
graphes de saint Jean et de saint Matthieu, n'ont aucune 
valeur historique. Saint Pierre d'Alexandrie (f 311), 
De paschate, 7, t. xvm, col. 517, 520, dont le témoi- 
gnage est rapporté dans le Chronicon pascale, t. XCH, 
col. 77, dit bien que l'autographe du quatrième Évan- 
gile était conservé à Éphèse et vénéré par les fidèles. 
Cette attestation tardive et isolée ne suffit pas à prouver 
le fait. Plus lard, Philostorge, H. E., vu, 14, t. lxv, 
col. 551-552, a prétendu qu'un manuscrit de saint Jean, 
dont le début était en lettres plus grandes, avait été 
retrouvé dans les ruines du Temple de Jérusalem, lors- 
que Julien l'Apostat en entreprit la reconstruction. Si 
Pantène a trouvé, dit-on, dans les Indes (en Ethiopie) 
un manuscrit de saint Matthieu, écrit en lettres hébraï- 
ques, que saint Barthélémy aurait apporté en cette 
contrée, Eusèbe, H. E., v, 10, t. xx, col. 456, il n'est pas 
question de l'autographe, mais d'une copie du texte ori- 
ginal araméen. Au milieu du vi» siècle, le moine Alexan- 
dre publia un Éloge de Barnabe, dont le texte grec 
est édité Acta sanctorum, t. n junii, p. 431-447, et 
une version latine dans la Pat. gr., t. lxxxvii, col. 4087- 
4106, où il prétend qu'on a retrouvé en Chypre l'auto- 
graphe même de saint Matthieu dans le tombeau de 
saint Barnabe. Cet Éloge dépend des Actes de saint 
Barnabe', publiés en grec par le pseudo-Marc, dans les 
Acta sanctorum, ibid., p. 425-429, dans Tischendorf, 
Acta Apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 64-74, 
et par M. Bonnet, Acta Philippi et Acta Thomse, 
Leipzig, 1903, p. 292-302, et en version française dans 
le Dictionnaire des apocryphes de Migne. Paris, 1858, 
t. n, col. 143-148. Mais ces Actes disent seulement que 
Jean Marc avait déposé le corps de saint Barnabe avec 
les écrits que cet apôtre avait reçus de saint Matthieu. 
A la fin du vi e siècle, Théodore le Lecteur, Collect., n, 
2, t. lxxxvi, col. 184, reproduit la légende du pseudo- 
Marc. Or, les Actes de Barnabe et l'Éloge du même 
saint par le moine Alexandre sont des ouvrages cypriotes, 
composés dans un but intéressé, pour prouver l'auto- 
céphalie de l'Église de Chypre contre les prétentions 
des patriarches d'Antioche. Ils sont postérieurs à la 
découverte historique du tombeau de saint Barnabe, 
survenue en 489 sous Zenon, et attestée par Sévère, 
patriarche d'Antioche. Assémani, Bibliotheca orien- 
talis, t. il, p. ,81. Dans ce tombeau, on aurait trouvé, 
non pas l'autographe de saint Matthieu, mais un manu- 
scrit grec du premier Évangile transcrit luxueusement 
et transporté au palais impérial de Constantinople. Cf. 
R. Simon, Histoire critique du texte du Nouveau 
Testament, Rotterdam, 1689, p. 43-45; R. A. Lipsius, 
Die apocryphen Apostelgeschichten und Apostellegen- 
den, Brunswick, 1884, t. n, 2, p. 270 sq. ; L. Duchesne, 
Saint Barnabe (extrait des Mélanges J.-B. De Rossi, 
Rome, 1892, p. 9-13). Quant à l'autographe de saint 
Marc, que Venise et Prague se glorifiaient encore de 
posséder au xvm e siècle, ce n'est qu'un fragment d'un 
manuscrit latin de la recension de saint Jérôme, datant 
du VI e siècle et dont le reste se trouve à Friuli. Il a été 
édité par J. Bianchini, Evangelium quadruplex, Rome, 
1748, appendix, p. dxlviii-dlii, et par J. Dobrowsky, 
Fragmentum Pragense Evangelii S. Marci, vulgo au- 
tographi, Prague, 1778. 

Les originaux des écrits du Nouveau Testament ayant 
disparu, il n'est pas possible défaire une édition diplo- 
matique du texte primitif. 

2» État du texte auli'et au iif siècle. — Les anciennes 
copies, prises immédiatement ou médiatement sur les 
originaux, n'ont pas été non plus conservées. A leur 
défaut, nous ne pouvons nous rendre compte de l'état 
du texte grec, 'à cette époque, que par les [citations 

V. — 67 



2115 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2116 



qu'en ont faites les écrivains du temps et par les pre- 
mières versions exécutées alors. 

1. Les citations du Nouveau Testament par les écri- 
vains du temps. — Celles des Pères apostoliques, 
n'étant pas verbales et n'étant guère que des allusions 
au texte, nous renseignent peu sur l'état du texte. 
Ainsi on ne sait pas toujours à quel Évangile ils 
se réfèrent, et ils mêlent peut-être de mémoire des 
passages parallèles. Leurs citations du Nouveau Testa- 
ment ont été réunies et publiées par le comité de la 
Société d'Oxford pour la théologie historique. The 
New Testament in the Apostolic Fathers, Oxford, 1905. 
"Voir aussi les Indices scripturaires des éditions de leurs 
œuvres, par exemple, ceux de Funk. Notons seulement 
que ces Pères reproduisent déjà certaines leçons 
intéressantes qu'on retrouve dans les écrivains ou les 
manuscrits postérieurs. Ainsi saint Clément de Rome, 
I Cor., xm, 2, édit. Funk, t. i, p. 116, cite une parole 
de Noire-Seigneur, qui n'est pas dans les éditions ac- 
tuelles des Évangiles et qui est reproduite par Clément 
d'Alexandrie, Strom., n, 19, t. vin, col. 1015, et par- 
tiellement par saint Polycarpe, Ad Phil., il, 2, édit. 
Funk, 1. 1, p. 298. Cf. E. Jacquier, Le Nouveau Testa- 
ment dans l'Église chrétienne, Paris, 1911, 1. 1, p. 41-43. 
Une citation de ce dernier Père présente une leçon 
intéressante, qui se retrouvera dans certains manu- 
scrits postérieurs. Le texte, Act., n, 25, est ainsi 
reproduit : X-Jo-x; tk; wSïva; toO Soou. Ad Phil., I, 2, 
p. 296. Pour l'ensemble des leçons propres aux Pères 
apostoliques, voir Herm. von Soden, Die Schriften des 
Neuen Testaments, Berlin, 1906, t. i, p. 1629-1631 
(pour les Évangiles). Saint Justin, citant de mémoire, 
mêle parfois les leçons parallèles, ainsi Joa,, m, 3-5, 
avec Matfh., xvm, 3, et il emprunte peut-être des élé- 
ments à la tradition orale ou à des sources extracano- 
niques. Cf. W. Bousset, Die Evangelien-Citate Juslins, 
1891; E. Preuschen, Anlilegomena, Giessen, 1901, 
p.. 21-38; Ë. Lippelt, Quœ fuerint Justini Martyris 
àito(j.vY)iiOveû[iaTa quaque ratione cum forma Evange- 
Horum syro-lalina cohxserint, Halle, 1901; H. von 
Soden, op. cit., p. 1621-1624; E. Jacquier, op. cit., 
t. i, p. 100-111. Son disciple Tatien, par son Diates- 
saron ou harmonie des quatre récits évangéliques, 
composé en grec ou en syriaque, a combiné beau- 
coup de passages parallèles et a ainsi formé des 
leçons nouvelles, qui ont pénétré dans les manuscrits 
du temps et par leur intermédiaire dans les œuvres des 
écrivains ecclésiastiques postérieurs et dans les plus 
anciennes versions du Nouveau Testament. Si ces faits 
sont constants, son œuvre aurait exercé une fâcheuse 
influence, très réelle, quoique peut-être exagérée par 
von Soden, sur le texte des Évangiles, notamment sur le 
texte dit occidental. H. von Soden, op. cit., p. 1536- 
1544, 1 609-1610, 1632-1646 ; E. Nestlé, Einfûhrung in das 
Griec.hische Neue Testament, 3 e édit., Gœttingue, 1909, 
p. 232-240. Athénagore et Théophile d'Antioche citent 
rarement les Évangiles, et leurs citations présentent 
des particularités sans importance. H. von Soden, op. 
cit., p. 1620-1621. Le témoignage de saint Irénée est 
peu important, parce que nous n'avons qu'une partie 
de ses œuvres en grec. Il fournit cependant quelques 
leçons particulières. H. von Soden, p. 1615-1620,1838- 
1840, 1893-1894, 1989-1990, 2095. Une des plus intéres- 
santes est celle qu'il emprunte à de vieux exemplaires 
sur le chiffre de la Bête. Apoc, xm, 18. dont, hier., 
v, 30, n. 1, t. vu, col. 1203; E. Jacquier, op. cit., t. i, 
p. 182. Clément d'Alexandrie présente quelques leçons 
particulières, qui se sont transmises dans les manu- 
scrits, mais qui sont secondaires. M. Barnard, The 
biblical text of Clément of Alexandria in the four 
Gospels and the Acts of the Apostles, dans Texls and 
Studies, Cambridge, 1899, t. v, fasc. 5; H. von Soden, 
op. cit., p. 1594-1604, 1837, 1893, 1990-1995. Saint Hip- 



polyte connaît les Évangiles dans un texte qui ressemble 
de très près à celui de Clément d'Alexandrie; mais 
pour l'Apocalypse, citée dans son commentaire de 
Daniel, il a beaucoup de leçons propres, H. von Soden, 
op. cit., p. 1604-1609, 2095-2096. 

A côté des écrivains ecclésiastiques de langue grecque, 
on peut interroger encore les écrivains d'autres lan- 
gues, qui témoignent indirectement de l'état du texte 
grec, quand ils y recourent personnellement, comme 
c'est le cas pour Tertullien. Il prend moins de liberté 
avec ce texte que les Pères grecs et il le suit de plus 
près dans ses nombreuses citations des Évangiles. Il 
n'a pas subi l'influence de Tatien et il a un petit nom- 
bre de leçons propres, qui pourraient bien être origi- 
nales. H. Rônsch, Das Neue Testament Tertullian's, 
Leipzig, 1871; H. von Soden, p. 1610-1615, 1837-1838, 
1893, 2023-2028, 2094. 

On peut consulter aussi, mais avec beaucoup plus 
de précautions, sur l'état du texte grec du Nouveau 
Testament, les hérétiques du temps. Les Pères, leurs 
contemporains, leur ont reproché d'avoir altéré le texte 
sacré, non pas seulement par de -fausses interpréta- 
tions, S. Irénée, Cont. hser., i, praef., t. vu, col. 437; 
Clément d'Alexandrie, Strom., vu, 16, t. ix, col. OSI- 
ONS, mais encore par des altérations volontaires, muti- 
lations, additions et modifications. S. Denys de Corin- 
the, dans Eusèbe, H. E., iv, 23, t. xx, col. 389. Caius 
de Rome adresse ce reproche à Asclépiade, à Théodote, 
à Hermophile et à Apollonide, et le résultat de leur 
audacieuse entreprise se conslate aisément par la 
variété que présentent leurs exemplaires du Nouveau 
Testament. Eusèbe, H. E., v, 28, t. xx, col. 517. Les 
écrits de ces guostiques ont disparu sans laisser de 
traces et sans avoir d'influence sur le texte du Nouveau 
Testament qui était fixé dans l'Église avant l'apparition 
des hérésies. Nous sommes mieux renseignés sur le 
texte de Marcion, qui ne contenait que le troisième 
Évangile et dix Épitres de saint Paul. Voir Th. Zahn, 
Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen 
et Leipzig, 1891, t. n, p. 409-529. Ses omissions sont 
volontaires, comme les additions qu'il opérait en con- 
formité avec ses doctrines particulières et son antiju- 
daïsme. Il a cependant gardé sans altération des traces 
du texte usité de son temps. Les leçons qu'il a créées 
par abréviation du texte, par rapprochement des pas- 
sages parallèles, par correction du style, par intérêt 
didactique ont été parfois adoptées par Tertullien et 
Origène, dans leurs écrits polémiques contre lui, 
quand elles n'importaient pas à la doctrine; elles 
n'ont pas eu d'influence sur la transmission du texte 
original. H. von Soden, op. cit., p. 1624-1629, 2028- 
2035; E. Nestlé, Einfûhrung, p. 226-232. Cependant 
Corssen, dans Zeitschrifl der neutes tamentliche Wis- 
senschafl, 1909, p. 1-45, 101 sq., et von Soden, 
op. cit., p. 2034-2035, s'appuyant sur un article de dom 
de Bruyne, dans la Revue bénédictine, octobre 1908, 
p. 423-430, avaient prétendu que Marcion ne connais- 
sait pas les chapitres xv etxvi de l'Épître aux Romains, 
qu'il avait fabriqué lui-même, ou ses disciples, la 
doxologie, Rom., xvi, 24-26, qu'il l'avait placée à la 
suite de Rom., xiv, 23, et qu'elle avait passé du Nou- 
veau Testament marcionite dans les manuscrits grecs 
et latins de l'Église orthodoxe. Tout en reconnaissant 
l'origine marcionite de la doxologie, dom de Bruyne 
soutient que Marcion connaissait les chapitres xv et 
xvi, puisqu'il a emprunté au verset 24 de ce dernier le 
souhait final qu'il a généralisé par une raison doctri- 
nale. Revue bénédictine, avril 1911, p. 133-143. Des 
leçons particulières du Nouveau Testament, attestées 
par des écrivains gnostiques du n e siècle, se retrouvent 
dans quelques manuscrits postérieurs. Ainsi la leçon 
de Matth., xv, 4 6, citée par Ptolémée, Epist. ad Flo- 
ram, dans saint Épiphane, Hœr., xxxm, 4, t. xli, col. 



2117 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2118 



561. On n'a pas de preuve que ce soient des altérations 
■produites par les disciples de Valenlin; elles pouvaient 
avoir cours dans les manuscrits orthodoxes du temps. 
Sur les citations du quatrième Évangile par le valen- 
tinien Héracléon, voir A. E. Brook, The fragments of 
Herakleon, dans Texts and Sludies, Cambridge, 1891, 
t. I, n. 4. Sur les citations des Évangiles par le païen 
Celse d'après Origène, voir E. Preuschen, Antilego- 
mena, p. 38-43. 

De tout ce qui précède, il résulte clairement que le 
texte grec du Nouveau Testament ne s'était pas transmis 
intégralement pur et qu'il circulait, au cours du II e siècle 
déjà, avec des variantes. Quelle est l'origine de ces 
leçons différentes ? Beaucoup proviennent de la négli- 
gence des anciens copistes, qui n'apportaient pas à la 
transcription du texte le soin qu'auraient mérité les 
livres du Nouveau Testament. Toutefois, bien qu'il n'y 
eût pas -d'édition officielle, chacun ne traitait pas le 
texte comme il l'entendait. Les livres du Nouveau Tes- 
tament avaient été édiles à la façon des autres livres du 
temps; ils étaient l'œuvre d'auteurs respectés; tant 
qu'ils ne furent pas tenus pour des écrits canoniques, 
■on ne se préoccupait pas des variantes des diverses 
copies, mais on ne cherchait pas non plus à les cor- 
riger ni à les modifier. Leur texte se transmettait donc 
purement, abstraction faite des fautes de copistes. 
■Quand les hérétiques surgirent, l'Église avait un texte 
à peu près officiel. Ils purent bien l'altérer pour leur 
compte; leurs altérations doctrinales ne pénétrèrent 
pas dans le texte reçu par l'Église. Tatien seul aurait nui 
■à la pureté du texte des Évangiles par son harmonisa- 
tion des passages parallèles dans une narration unique. 
D'autres causes, dont on constate l'action plus tard, 
telles que des méprises de lecture, la coupe différente 
des mots très rapprochés dans les manuscrits, des 
fautes de dictée, comme les itacismes, des gloses mar- 
ginales introduites dans le texte, ont pu agir déjà au 
II e siècle et nuire à la pureté du texte dans différentes 
copies. Tous les critiques reconnaissent que la plupart 
des variantes du Nouveau Testament, surtout les plus 
notables, existaient dès le n e siècle ou le commence- 
ment du III e . Cela ressort de l'état du texte tel que le 
présentent les premières versions, plus encore que des 
citations des écrivains du temps, catholiques ou héré- 
tiques. 

2. Les versions du il» et du III e siècle. — Ces versions 
sontles plus anciennes traductions syriaques et latines. 

a) Versions syriaques. — On trouvera plus haut, 
col. 1921, les indications nécessaires sur les questions 
■soulevées par la comparaison du Diatessaron de Tatien, 
la version sinaïtique, découverte par M me Lewis,la version 
■dite de Cureton, son premier éditeur, et la Peschito. 
L'opinion prédominante chez les critiques actuels est que 
la sinaïtique et la curetonienne, qu'elles aient précédé ou 
plus probablement suivi le Diatessaron, représentent le 
texte du li« siècle, mieux que la Peschito qui, si elle 
•existait alors (ce que plusieurs contestent), a été revue 
au IV e siècle et ne nous renseigne plus exactement sur 
l'état du texte au II e siècle. Ces deux versions anciennes, 
malgré les différences qu'elles présentent, sont étroi- 
tement apparentées et ont un bon nombre d'omissions 
■communes. M. von Soden pense que beaucoup pro- 
viennent du Diatessaron. Ces deux versions ont un fond 
commun, que l'auteur de la curetonienne semble avoir 
■modifié. Sans parler des leçons qui proviennent du 
génie de la langue syriaque, on constate pour les Évan- 
giles l'existence de lectures spéciales que les critiques 
apprécient diversement. M. von Soden', op. cit., t. I, 
.p. 1572-1594, les rapporte partiellement à Tatien et 
partiellement au texte courant du II e siècle. Mais les 
autres critiques les attribuent au texte qu'on est convenu 
d'appeler occidental, parce que les premiers témoins 
connus appartenaient à l'Occident, quoiqu'il ait été ré- 



pandu en Orient, surtout dans l'Église syrienne. Or, 
beaucoup d'entre eux le regardent comme impur et très 
altéré. Us font ressortir ses omissions, ses additions, ses 
modifications, ses combinaisons de passages parallèles. 
Voir Hort et Westcott, The New Testament in the ori- 
ginal Greek, Introduction, Cambridge et Londres, 1882, 
p. 120-126. Toutefois, il y a eu récemment en sa faveur 
un essai de réhabilitation, depuis que F. Blass a soutenu 
l'hypothèse d'une double édition originale des deux 
écrits de saint Luc, le troisième Évangile et les Actes, 
le texte occidental pourrait bien, parmi ses leçons pro- 
pres, avoir conservé seul un petit nombre de leçons 
originales, notamment dans les Actes des Apôtres. 

6) Versions latines.— On trouvera,! iv, col. 111-123, 
des renseignements sur leur pluralité, leur date et leur 
classement. Nous n'avons à parler ici que de leurs ca- 
ractères critiques et du témoignage qu'elles fournissent 
sur l'état du texte grec qu'elles supposent et qu'elles 
ont traduit en latin. Or la version africaine, qui remonte 
aux vingt premières années du 111 e siècle, qui nous 
est connue par les citations de saint Cyprien, voir Hans 
von Soden, Das lateinische Neue Testament in Afrika 
zur Zeit Cyprians, dans Texte und Untersuchungen, 
Leipzig, 1909, t. xxxm, p. 11-105, et d'autres écrivains 
africains, ibid., p. 242-305, aussi bien que dans les 
manuscrits k, e et h, p. 106-242, et qui est éditée, 
p.364-610(cf. pour l'Apocalypse, J.Hausleiter, Die latei- 
nische Apokalypse der alten afrikanischen Kirche, 
dans Forschungen zur Geschichte des neutestament- 
lichen Kanons und der altkirchlichen Literatur de 
Zahn, Erlangen et Leipzig, 1891, t. iv, p. 80-175), reflète, 
au sentiment commun des critiques, nonobstant les vues 
divergentes de dom de Bruyne, dans la Revue bénédic- 
tine, juillet 1910, p. 439-442, un texte grec, qui ne 
présente pas la moindre variation dé nuance et n'est 
pas formé de types distincts. Ce texte est, comme celui 
des anciennes versions syriaques, le texte occidental, 
qui est foncièrement le même, sinon plus accentué 
encore, dans les textes européens et italiens, malgré 
les caractères propres et distinctifs des deux versions. 
C'est un gros problème de la critique textuelle du Nou- 
veau Testament d'expliquer l'existence des leçons occi- 
dentales à la fois dans l'Église de Syrie et dans celle 
de l'Afrique. M. Sandaya supposé, sans fondement his- 
torique, que la version latine avait été faite à Antioche. 
M. Hermann von Soden, Die Schriften des NeuenTesta- 
ments, 1. 1, p. 1547-1551, y reconnaît, pour les Évangiles 
du moins, l'influence commune de Tatien, qui avait 
composé son Diatessaron en grec à Rome avant de partir 
pour l'Orient, où son œuvre a été traduite en syriaque. 
Il est plus naturel de conclure que les premières 
versions latines du Nouveau Testament ont été faites 
sur le même texte grec que les anciennes versions sy- 
riaques. Il en résulterait que ce texte, dit occidental, 
était très répandu dans l'Église à la fin du II e siècle et 
au commencement du m e . Cf. K. Lake, The text of the 
New Testament, 4 e édit., Londres, 1908, p. 73-84. Les 
leçons des autres livres du Nouveau Testament pré- 
sentaient, moins que celles des évangiles, les caractères 
propres du texte occidental et reproduisaient plus 
exactement, d'après von Soden, op. cit., 1. 1, p. 1802- 
1810, 1883-1886, 2008, 2020-2023, 2084-2090, le texte 
courant au II e et au 111 e siècle. 

Nous sommes donc ramenés, en définitive, à un texte 
commun, qui n'était plus le texte original pur, mais 
qui avait été partiellement retouché, altéré même, le 
texte occidental de Hort et de Westcott, qui, pour les 
Évangiles en particulier, comptait un certain nombre 
d'additions, diversement distribuées, que Burkitt a 
recueillies, The old Latin and the Itala, dans Texts 
and Studies, Cambridge, 1896, t. IV, n. 3, p. 46-53, et 
qu'il tient pour des interpolations. Mais le jugement 
de ce critique radical ne s'impose pas, et l'authenticité 



2119 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2120 



de quelques-unes des grandes interpolations des Évan- 
giles, telles que le récit de la femme adultère, la des- 
cente de l'ange à la piscine probatique, la sueur de 
sang, a été démontrée, t. m, col. 1173-1182; t. iv, 
col. 386-391. Ce texte se caractérise, en outre, par des 
omissions, dont les unes sont propres aux versions 
syriaques et les autres aux versions latines, et par 
l'harmonisation des passages parallèles sous l'influence 
de Tatien, ou à son imitation. 

Cependant, au sentiment de Hort et Westcott, en 
même temps que le texte occidental, qui était altéré, 
existait en diverses régions, notamment à Alexandrie, 
un texte plus pur, que ces critiques ont nommé 
« neutre », parce qu'il ne représente aucune tendance, 
et qu'ils retrouvaient principalement, quoique mêlé à 
d'autres leçons, dans les manuscrits du iv* siècle, le 
Vaticanus et le Sinaiticus. The New Testament in the 
original Greek, Introduction, p. 126-130, 169-172. De 
cette sorte, le texte grec du Nouveau Testament, ré- 
pandu au II e et au m e siècle, n'était pas partout un 
texte altéré ; il s'était conservé, dans certains milieux, 
dans une pureté, relative sans doute, mais assez rap- 
prochée de l'original. 

M. von Soden donne aux mêmes faits constatés une 
autre interprétation, qui aboutit à une conclusion ana- 
logue, mais plus conservatrice, sur l'état de conser- 
vation du texte grec du Nouveau Testament en usage 
dans l'Église aux n« et m s siècles. Tous les documents 
de cette époque nous livrent un texte que ce critique 
désigne par le siglel-H-K, parce qu'il a précédé les trois 
recensions, I, H, K, faites, selon lui, à la fin du m e ou 
au commencement du IV e siècle, sur ce texte antérieur, 
et parce qu'il leur a servi de fond commun, en sorte 
qu'on le retrouve partiellement dans les leçons com- 
munes à ces trois recensions, ou aux deux meilleures, 
I et H. Toutefois ce texte n'existe pas également pur 
dans tous les documents de l'époque. Beaucoup d'entre 
eux présentent, à des degrés divers, des leçons diffé- 
rentes, qui consistent, pour la plupart, dans les Évan- 
giles surtout, en variantes provenant du mélange des pas- 
sages parallèles. Elles apparaissent soudain dans saint 
Irénée et dans Clément d'Alexandrie; elles se remar- 
quent dans les anciennes versions latines et syriennes : 
rares dans la version africaine, plus nombreuses dans 
la traduction dite européenne, et par suite, dans l'ita- 
lienne, qui n'en est qu'une retouche, et en quantité 
bien plus grande dans la vieille version syriaque, re- 
présentée par les textes sinaïtique et curetonien. Or, 
selon M. von Soden, le Diatessaron de Tatien, primi- 
tivement fait en grec en Occident, puis traduit en sy- 
riaque, est l'unique source des leçons des Évangiles, 
divergentes de texte I-H-K. L'influence de Tatien se 
fait remarquer aussi, au sujet des Évangiles, dans 
Origène et dans les Pères égyptiens du III e siècle. Ses 
leçons propres, qui sont secondaires et ajoutées au texte 
original, pénétreront ainsi en plus ou moins grand 
nombre dans les recensions du IV e siècle, surtout direc- 
tement dans K ou la Koivïj, ou du moins dans cer- 
tains manuscrits de ces recensions. Op. cit., t. i, 
p. 1359-1648. Ainsi donc ce critique n'admet pas l'exis- 
tence du texte dit occidental et il explique les leçons 
qu'on lui attribue par l'influence néfaste de Tatien qui 
avait, dans son Diatessaron, combiné les particularités 
des quatre récits évangéliques pour en former une 
narration unique de la vie de Notre-Seigneur. Tatien, 
et lui seul, serait responsable des altérations qui ont 
pénétré au II e et au ni" siècle dans le texte original des 
Évangiles et ont persévéré plus tard dans la recension E 
et dans des manuscrits de I et de H. 

Il faudrait en dire autant des additions, nombreuses 
et importantes, faites au texte des Actes des Apôtres. 
Elles ne se trouvaient pas dans le texte I-H-K. Plusieurs 
ont été produites par la combinaison des passages pa- 



rallèles. D'autres sont de pures additions, soit qu'elles 
ne modifient pas le contenu du livre, soit qu'elles en 
changent la teneur. Il n'y a pas de preuves convain- 
cantes qu'elles existaient toutes au III e siècle, et elles 
ne sont pas toutes également attestées. Elles provien- 
nent cependant de la même source, qui aurait toute- 
fois été exploitée avec plus ou moins de zèle. C'est une 
source grecque antérieure à saint Irénée, à Tertullien 
et à saint Cyprien; elle a été répandue en Orient, sur- 
tout en Syrie, aussi bien qu'en Occident. Il y a des 
leçons qui ne sont que des corrections de style et qui 
aboutissent à rendre le texte plus souple et plus cou- 
lant. Elles n'appartiennent pas à l'original et à une 
première édition, comme l'avait prétendu Blass. On ne 
s'explique pas les omissions. Les additions témoignent 
que le texte de I-H-K a été retouché, surtout au point 
de vue du style; elles sont donc des éléments secon- 
daires, étrangers au texte primitif. Or, Eusèbe, H. E., 
iv, 29, t. xx, col. 401, rapporte que Tatien avait cor- 
rigé quelques phrases de l'apôtre pour les rendre plus 
élégantes; mais la version syriaque de l'Histoire ecclé- 
siastique dit « des Apôtres ». E. Nestlé, Die Kirr.hen- 
geschichte des Eusebius aus dem Syrischen ùbersetzt, 
dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1901, t. xxi, 
fasc. 2, p. 163. D'autre part, on ne voit aucune trace 
de ce genre de travail dans les Épîtres de saint Paul. 
M. von Soden émet, à titre d'hypothèse, que Tatien 
aurait fait pour les Actes des apôtres une correction de 
style. Quel qu'en soit l'auteur, cette correction est 
l'œuvre d'un rhéteur, et c'est d'elle que proviendrait 
le texte que Hort et Westcott ont nommé « occidental ». 
Op. cit., t. i, p. 1772-1840, surtout p. 1822-1836. 

Pour les autres livres du Nouveau Testament, à sa- 
voir les Epitres catholiques, les Épîtres de saint Paul 
et l'Apocalypse, le texte I-H-K du II e et du m e siècle, 
qui se retrouve dans le fond commun des recensions 
du iv e siècle, n'a pas été altéré par des additions de 
même nature que celles qui avaient pénétré dans les 
Évangiles et les Actes, lbid., p. 1887-1898, 1962-2007, 
2075-2084. 

En tout état de cause, le texte original du Nouveau 
Testament se serait donc transmis dans une grande 
pureté, en un certain nombre de" documents, quoiqu'il 
ait été contaminé en d'autres, par des altérations assez 
notables, spécialement pour les Évangiles et les Actes. 
Ce second état constaté a amené des essais de correc- 
tion et a donné occasion à l'établissement de diverses 
recensions du Nouveau Testament grec. 

3° Corrections ou recensions faites au III e et au 
IV siècle. — 1. Part qu'Origène aurait eue à ce tra- 
vail. — Le rôle d'Origène dans la transmission du texte 
du Nouveau Testament a été diversement expliqué et 
apprécié. En 1808, Hug soutenait qu'il y avait eu, avant 
saint Lucien et Hésychius, une première recension du 
texte grec des Évangiles, au moins, faite à Césarée par 
Eusèbe et Pamphile sur les travaux d'Origène. Einlei- 
tung in die Schriften des Neuen Testaments, 4 e édit., 
Stuttgart et Tubingue, 1847, t. I, p. 191-204. Griesbach 
refusa d'accepter cette opinion et déclara que la forme 
du texte, que cette recension était censée représenter, 
ne datait que du V e ou du vi« siècle. Eichhorn rejeta 
aussi la recension d'Origène en 1827, et plus tard, Tis- 
chendorf dit qu'elle n'avait existé que dans l'imagina- 
tion de Hug. Pour Hort et Westcott, le texte d'Origène 
était un texte mélangé de leçons neutres et de leçons 
qui entreront plus tard dans le texte alexandrin. L'abbé 
Paulin Martin, qui n'admettait pas non plus qu'Origène 
ait fait une recension du texte grec des Evangiles, 
Introduction à la critique textuelle du Nouveau Tes- 
tament, Partie pratique (lithog.), Paris, 1883-1884, 
t. i, p. 231-236, prétendait que ce célèbre écrivain avait 
traité très librement le texte sacré, qu'il l'avait altéré 
notablement et que ces altérations avaient passé dans 



2121 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2122 



les manuscrits anciens du iv e et du v e siècle. Ibid., 
p. 94-231; Origène et la critique textuelle du Nouveau 
Testament (extrait de la Revue des questions histo- 
riques, janvier 1885, t. xxxvii, p. 1 sq.), Paris, 1885. 

Maintenant que les citations du Nouveau Testament, 
faites par Origène, sont mieux connues, ayant été étu- 
diées méthodiquement dans les manuscrits, et non plus 
dans les éditions imprimées, par E. Hautsch, De quatuor 
Evangeliorum codicibus origenianis, Gœttingue, 1907 
(sur saint Marc et saint Jean); Die Evangeliencitate 
des Origenes, dans Texte und Untersuchungen,Lei$i\g, 
1909, t. xxxiv, fasc. 2 a, il est plus facile de se rendre 
un compte exact du rôle d'Origène dans la critique tex- 
tuelle du Nouveau Testament. En ne tenant pas compte 
des citations, faites souvent de mémoire et plus ou moins 
librement, parce qu'elles ne représentent pas toutes 
le manuscrit dont se servait cet écrivain, on se trouve 
en présence du texte reproduit dans les commentaires 
des livres du Nouveau Testament. Or, si on consulte 
les manuscrits, on constate que ce texte ne répond pas 
toujours aux explications du commentaire; ce qui 
prouve qu'il a été modifié ou corrigé par les copistes. 
Dans l'ensemble, le texte d'Origène ressemble à celui 
des plus anciens onciaux et des meilleurs cursifs, mais 
on ne peut dire que ces manuscrits soient des recen- 
sions faites sur les commentaires d'Origène. M. von 
Soden a précisé davantage encore la situation. Pour 
les Évangiles, les nombreuses citations, faites de mé- 
moire et librement, constituent des paraphrases du 
texte, des combinaisons diverses de passages parallèles 
et contiennent des modifications et des additions, né- 
cessitées souvent pour relier le texte au contexte. Ces 
combinaisons sont fréquentes, surtout pour saint Mat- 
thieu et pour saint Marc. Elles varient de forme, et, 
quoiqu'elles changent le texte, elles modifient rare- 
ment le sens. Plusieurs combinaisons qui proviennent 
du mélange des passages parallèles et dont quelques- 
unes sont dues à l'influence, au moins indirecte, de 
Tatien, ont passé dans les manuscrits et chez des Pères 
postérieurs. On en trouve dans les trois recensions du 
IV e siècle, et elles y sont venues des livres d'Origène. 
D'autre part, Origène a fait lui-même des corrections 
en quelques passages des Évangiles. Le Père Lagrange 
a étudié tout particulièrement les trois leçons Bï]8a- 
6apî, Joa., i, 28, repY£<7Y]V«v, Matth., vin, 28, et la dis- 
tance d'Emmaùs à 160 stades, Luc, xxiv, 13. Origène, la 
critique textuelle et la tradition topographique, dans 
la Revue biblique, 1895, t. iv, p. 501-524; 1896, t. v, 
p. 87-92. Mais, décompte fait de ces corrections, qui 
sont souvent arbitraires, et des combinaisons de pas- 
sages parallèles, le texte des Évangiles, commenté et 
cité par Origène, est substantiellement le texte I-H-K, 
antérieur aux trois recensions du IV e siècle. Origène ne 
connaît aucune des leçons particulières de la recension 
H, exécutée à Alexandrie. Il a suivi le texte reçu de 
son temps; il n'en a pas fait un, comme il l'a déclaré 
lui-même très explicitement. In Matth., tom. xv, 14, 
t. xiii, col. 1293-1 294. Quelques-unes de ses leçons propres 
représentent elles-mêmes le texte alors courant dont 
il est un bon témoin. Die Hchriften des N. T., t. I, 
p. 1510-1520. Pour les Actes, les Épîtres catholiques et 
les Épitres de saint Paul, Origène suit aussi, sauf de 
légères différences et de rares exceptions, le texte I-H-K, 
et il n'a pas connu d'autre recension. Ibid., p. 1836- 
1837, 1893, 1995-2007. 

Les manuscrits d'Adamantius ou d'Origène, que saint 
Jérôme mentionne à côté de ceux de Piérius et dont 
il signale de curieuses omissions, par exemple, neque 
Filius, Matth., xxiv, 36, In Matth., 1. IV, t. xxvi, 
col. 181; In Epist.ad Gai., m, 1, ibid., col. 348, ne 
peuvent être que des manuscrits qu'Origène lui-même 
aurait annotés, ou que d'autres auraient corrigés 
d'après les commentaires de cet écrivain. Ainsi M. von 



der Goltza découvert et publié un manuscrit de l'Athos, 
du X e siècle, qui, en dehors des scolies tirées d'Origène, 
reproduit le texte d'un manuscrit plus ancien, revisé 
sur le texte d'Origène. Eine textkritische Arbeit des 
zehnten bezw. sechsten Jahrhunderts, dans Texte und 
Untersuchungen, Leipzig, 1899, t. xvn, fasc. 4. 

2. Les recensions réelles faites au iif et au IV siècle. 
— Hug, op. cit., t. i, p. 168-191, outre la recension d'Ori- 
gène déjà mentionnée, admettait deux autres recensions, 
l'une faite à Antioche par le martyr saint Lucien, 
l'autre à Alexandrie par le prêtre Hésychius. Comme 
tous sesargumeuts n'étaient pas probants, les critiques 
n'adoptèrent pas ses conclusions et se bornèrent à 
classer les documents en familles distinctes. Hort et 
Westcott, revenant dans la ligne de Griesbach, distin- 
guèrent, outre le .texte occidental et le texte neutre, qui 
avaient cours au II e siècle, deux autres textes : le texte 
alexandrin et le texte syrien. Le texte alexandrin leur 
parut être l'œuvre.d'une main savante et habile et avoir 
vu le jour au . commencement du III e siècle, sinon 
même avant. C'est une retouche du texte neutre, faite 
principalement au point de vue du style et de l'ortho- 
graphe. Il n'a aucun représentant qui soit pur. On le 
trouve dans les plus anciens onciaux, dans les versions 
coptes, surtout la memphitique, dans les citations de 
Didyme et de saint Cyrille d'Alexandrie, Le texte syrien, 
qui est formé des trois textes précédents, a des leçons 
mixtes ou confluantes. On n'en trouve pas de trace 
dans les citations des Pères anténicéens, mais il est 
cité par les Pères antiochiens du iv e siècle, saint Chry- 
sostome, Théodoret et Diodore de Tarse ; il est aussi 
dans la Peschito, qui est du même siècle. Il a été formé 
à Antioche avant 250, à ce qu'il semble, puis remanié 
peut-être avant 350. Il n"estpas prouvé que saint Lucien 
y ait mis la main. Au iv e siècle, les deux formes sy- 
riennes ont été mêlées, et ce texte, véritable amalgame 
d'éléments hétérogènes, a passé à Conslantinople et a 
prévalu dans tout le monde grec. Il est reproduit dans 
les onciaux les plus récents et dans la majorité 
des cursifs. C'est un mauvais texte, d'origine récente, 
qui s'éloigne plus que tous les autres du texte original. 
The New Testament in the original Greek, Introduc- 
tion, p. 130-443. Voir t. iv, col. 407. 

Par l'étude comparée des textes dans les manuscrits, 
les citations des Pères et les versions, M. von Soden 
est parvenu à dégager trois recensions bien distinctes, 
qu'il a désignées par les sigles I, H, K, et qui ont été 
faites au tournant du III e et du IV e siècle sur le même 
texte I-H-K, courant au n e et au m e siècle, d'après des 
principes critiques différents. La recension K, ou Koivri, 
lui est apparue très distincte, dans les Évangiles, les 
Actes et les Épîtres. Dégagée des influences qu'elle a 
subies plus tard de la part des deux autres recensions, 
elle se présente avec ses leçons particulières exclu- 
sivement propres, et avec un caractère général bien 
déterminé. Au point de vue de la forme, elle a corrigé 
les barbarismes réels ou prétendus du texte I-H-K, en 
affectant de rapprocher le plus possible le grec néo- 
testamentaire du grec classique. Des termes ont été 
changés pour que la phrase soit plus coulante; les 
temps des verbes d'une même phrase ont été unifor- 
misés, le style a été arrangé de façon à établir une 
sorte de parallélisme dans les propositions. On a évité 
la répétition des mêmes mots, même quand la clarté 
l'exigeait. D'ordinaire toutefois, le recenseur a cherché 
la clarté du sens et toujours la correction du texte. 
Quelques leçons propres des Évangiles ont une certaine 
relation avec le texte de l'ancienne version syriaque et 
il est possible qu'elle ait subi son influence. Sa ressem- 
blance avec la Peschito est plus forte; elle n'en dépend 
pas toutefois, et les points communs proviennent plu- 
tôt de l'ancienne tradition syrienne du texte. La Kamî 
ressemble notablement au texte que citaient saint 



2123 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2124 



Chrysostome, les Pères cappadociens et Théodoret. Cf. 
S. K. Gifforth, Pauli Epistolas qua forma legerit 
Joannes Chrysostomus, dans Dissertationes philolo- 
gicœ Halenses, Halle, 1902, t. xvi, fasc. 1. Elle était 
donc très répandue en Syrie et dans l'Asie Mineure, au 
moins dans la seconde moitié du IV e siècle. Elle est à la 
base de la version gothique des Évangiles, voir Ulfi- 
las, et elle a été constituée probablement à Antioche par 
saint Lucien (f 312). Die Schriften des Neuen Testa- 
ments, 1. 1, p. 1456-1472, 1760-1761, 1873-1874, 1875-1877, 
1919-1921, 2043-2046. 

La recension H a gardé une grande unité et elle est 
nettement caractérisée. Elle est contenue, pour les 
Evangiles au moins, en une cinquantaine de manuscrits, 
dont les principaux, parmi les onciaux, sont le Vati- 
canus (8 1), le Sinaiticus (S 2), V Ephrsemiticus (8 3) et 
le manuscrit W, de l'Athos (8 6). Elle a été très répan- 
due à une époque ancienne. Ces manuscrits, malgré 
des divergences de détails, présentent un fond unique 
et ne forment pas des doublets. Les versions coptes, 
sahidique et bohaïrique, s'en rapprochent. Les leçons 
« égyptiennes » ne sont pas primitives dans la recension; 
elles proviennent, dans les manuscrits, des copistes 
ou des versions coptes. Une partie du fond commun 
aux manuscrits et à ces traductions vient d'Origène, 
et on constate l'influence directe de ses commen- 
taires de saint Matthieu et de saint Jean. La recen- 
sion H n'a aucune des leçons propres aux versions syria- 
ques. Elle s'écarte rarement du texte I-H-K, sinon pour 
des formes de langage ou dans des leçons combinées 
de passages parallèles. Elle omet ce qui lui paraît 
superflu; elle introduit de légers changements de con- 
struction ou de dialecte, et modifie quelques mots. 
C'est une véritable recension. L'auteur s'attache le plus 
qu'il peut à l'ancien texte, dont il retient même la 
forme, sauf pour l'orthographe et la langue, pour 
lesquelles il sacrifie aux goûts de son milieu. Fréquem- 
ment, il fait attention à la place des mots et il se complaît 
à mêler les passages parallèles, presque autant que 
l'auteur de la Kcuvrj. Il a fait peu de modifications im- 
portantes, et on ne peut signaler, dans les Évangiles, 
que Matth., xxvn, 49 (addition d'après Joa., xix, 34); 
Luc, xi, 53; xxi, 24. Il faut rapprocher de son texte 
les Pères alexandrins, non pas ceux de la seconde 
moitié du III e siècle, qui citent I-H-K, voir ibid., 
p. 1521-1524, mais ceux du IV e siècle, saint Athanase, 
Didyme l'Aveugle et saint Cyrille d'Alexandrie. Cf. 
E. Klostermann, Ueber den Didymus von Alexan- 
drien in Epistolas canonicas, dans Texte und Unter- 
suchungen, Leipzig, 1905, t. xxvm, fasc. 2; G. Bardy, 
Didyme l'Aveugle, Paris, 1910, p. 199-201, 210-217 ; 
J. Sickenberger, Fragmente der Homilien des Cyrill 
von Alexandrien zum Lukasevangelien, dans Texte 
und Untersuchungen, Leipzig, 1909, t. xxxiv, fasc. 1, 
p. 64-108. Il faut en rapprocher aussi les versions 
coptes. Voir t. H, col. 948-949. Cette recension a donc 
été faite en Egypte, puisqu'il n'y a que des Pères égyp- 
tiens pour la citer et qu'elle a servi de fond aux ver- 
sions coptes. Le Vaticanus et le Sinaiticus, qui la repré- 
sentent, sont d'origine égyptienne. C'est la recension 
que saint Jérôme attribue à Hésychius. Voir W. Bous- 
set, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1894, 
t. xi, fasc. 4, p. 74-110. Voir aussi plus haut, t. m, col. 
667-668. Elle n'est pas identique an texte alexandrin 
de Hortet Westcott et elle est postérieure à la date que 
ces critiques attribuaient à ce texte. Elle a été faite 
Vers le même temps que la recension d'Antioche, à la 
fin du m e siècle ou au commencement du IV e . Die 
Schriften des N. T., t. i, p. 1000-1040, 1471-1492, 1653- 
1686, 1861-1868, 1921-1931, 2067-2074. 

En plus de ces deux recensions du rv e siècle, un 
texte distinct et bien caractérisé s'est manifesté à 
M. von Soden dans les manuscrits; il a donc fallu 



conclure à l'existence d'une troisième recension. Elle 
ne s'est pas conservée dans les anciens manuscrits 
aussi pure que celle d'Hézychius et elle a duré moins- 
longtemps; elle n'est pas restée non plus identique à 
elle-même comme la précédente, qui a été presque sté- 
réotypée, et elle a reçu de fortes altérations par l'in- 
troduction des leçons de K dans son texte. Dégagée de 
ces altérations et fixée dans les parties communes à ses 
différents types, elle peut être reconstituée avec certi- 
tude dans la plupart des cas, et elle se retrouve pure- 
dans quelques fragments onciaux, et peu mêlée en 
divers manuscrits, notamment dans le groupe n, com- 
prenant les manuscrits de pourpre, £17-21, du vi" siècle, 
copiés à Constantinople ou en Asie Mineure. Elle n'avait 
probablement pas la section de la femme adultère. Ses 
leçons particulières ne sont pas essentiellement 
plus nombreuses que celles de K. Elle omet quelque» 
passages ou mots peu importants. Ses variantes les 
plus caractéristiques sont ses additions. Dans l'ensem- 
ble, elle a conservé très fidèlement le texte antérieur, 
et elle y a introduit peu de particularités sous le rap- 
port de la langue, moins que H, et les textes modifiés 
par l'influence des passages parallèles y sont aussi 
moins nombreux. Elle est donc, des trois recensions, 
celle qui se rapproche le plus de l'ancien texte. Il est 
impossible de déterminer si ses leçons proviennent 
d'Origène ou de la recension d'Hésychius, parce 
qu'elles auraient pu n'être introduites dans les docu- 
ments de cette troisième recension qu'après coup. 
Quoi qu'il en soit, ce texte a joui longtemps d'une 
grande considération, puisque tous les témoins de H 
ont subi son influence. Il en est sorti un grand nombre 
de types, formés par le mélange de ses leçons avec ■ 
celles de K. Les Antiochiens et les Cappadociens eux- 
mêmes, dans des contrées où dominait la Koivyj, n'ont 
pas échappé à son influence. Son texte se retrouve dans 
les citations de saint Cyrille de Jérusalem et d'Eusèbe 
de Césarée, aussi bien que dans le Lectionnaire pales- 
tinien, édité en 1905 par M mes Lewis et Gibson. Ces 
coïncidences nous ramènent en Palestine. Or, saint 
Jérôme parle d'un texte répandu en cette contrée, 
qu'Origène aurait préparé et qu'Eusèbe et Pamphile 
auraient édité. Apologia contra Rufinum , i, 10; II, 27, 
t. xxiii, col. 404, 451. Voir t. n, col. 2053. D'autre part, 
Eusèbe lui-même nous apprend que, par ordre de 
Constantin, il fit exécuter, en 331, cinquante manu- 
scrits du Nouveau Testament, qui furent portés à Con- 
stantinople et distribués dans l'empire. De vita Con- 
stantini, iv, 36, 37, t. xx, col. 1185. On peut penser 
qu'ils reproduisaient la recension qu'il avait faite lui- 
même avec Pamphile. Ce dernier étant mort en 309, 
la recension à laquelle il a collaboré date donc du 
tournant du III e au iv ê siècle. Comme elle est d'origine 
palestinienne, von Soden l'a désignée par le sigle I, ou 
le texte de Jérusalem. Le texte des Actes des Apôtres- 
ressemble encore aux citations de saint Épiphane. Von 
Soden, op. cit., t. i, p. 1353-1358, 1492-1506, 1759, 1868- 
1873, 1948-1954. Notons que la recension I n'existe pas 
pour l'Apocalypse. Elle est remplacée par une recen- 
sion dont le texte est reproduit dans le commentaire- 
de saint André de Césarée sur ce livre prophétique et 
que M. von Soden désigne par le sigle Av (André), quoi- 
qu'il ne soit pas certain que cet évêque en ait été le- 
créateur. En tout cas, elle est d'origine palestinienne. 
Ibid., 1. 1, p. 2051-2067. 

On savait, d'ailleurs, par une inscription à l'encre 
rouge, que le codex Coislianus, H, des Épitres de saint 
Paul, du v« siècle, avait été collationné sur un exem- 
plaire écrit de la main de saint Pamphile et déposé 
dans la bibliothèque de Césarée. Voir t. H, col. 830. La 
même notice est reproduite dans les cursifs 88, 1836, 
1898, 181 et 623, et dans la version syriaque de Thomas 
d'Harkel. Le troisième correcteur du Sinaiticus, «', 



2125 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2126 



a corrigé le texte reproduit d'après un manuscrit de 
même nature, et les minuscules qui contiennent la 
notice signalée, ont des leçons anciennes, qui dérivent 
peut-être de la recension de saint Pamphile. W. Bous- 
set, Textkritische Studien zum Neuen Testament, 
dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1894, t. xi, 
fasc. 4, p. 45-73. L'auteur de cette correction est Évagre 
du Pont. Un manuscrit du X e siècle se rapproche aussi, 
pour les Actes des Apôtres, du Codex Pamphili. Ed. 
von der Goltz,dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 
1899, t. xvn, fasc. 4, p. 17. 

4° Histoire du texte manuscrit du rv« au xv e et au 
xvf siècle. — Elle est tout entière dans la transcrip- 
tion de nombreux manuscrits du Nouveau Testament. 
Elle n'est pas encore écrite. Longtemps, les critiques 
se sont bornés à former de longues listes des manu- 
scrits onciaux et cursifs. Voir t. iv, col. 682-688. Plus 
récemment, l'attention s'est portée sur quelques feuilles 
de papyrus, qui sont du m e au V e siècle et dont on fait 
maintenant, à juste titre, une catégorie spéciale, qui 
s'enrichira, il faut l'espérer, de nouvelles découvertes. 
Voir t. IV, col. 2087-2090. Le texte que reproduit la plu- 
part est celui de la recension d'Hésychius. Pendant long- 
temps, on s'est contenté d'étudier les plus anciens manu- 
scrits onciaux, notamment ceux du iv e et du v e siècle, le 
Vaticanus, le Sinaiticus, Y Alexandrinus, YEphrsemi- 
ticus, le Codex Bezse, etc. On avait constaté que le texte 
des premiers, quoique n'étant pas absolument pur, 
était le moins altéré et se rapprochait le plus du texte 
original. On relevait les variantes les plus importantes 
de certains autres onciaux et de quelques cursifs, qui 
avaient paru plus intéressants. La masse des copies était 
négligée et on se contentait d'en dresser le catalogue 
le plus complet possible. On savait qu'elles reprodui- 
saient, pour la plupart, le texte le moins bon, la recenr 
sion syrienne, qui avait fini par supplanter les autres 
textes et par prédominer dans le monde chrétien de 
langue grecque. Les textes présyriens avaient cepen- 
dant pénétré plus ou moins dans les manuscrits du 
texte syrien, ou même avaient persévéré, plus ou moins 
purs, à l'état sporadique, dans quelques manuscrits 
cursifs. Hort et Westcott, The New Testament in the 
original Greek, Introduction, p. 139-146. On étudia 
quelques-uns de ces cursifs, et on fixa quelques groupes, 
le groupe Ferrar, d'abord composé des quatre cursifs 
13, 69, 124, 346 des Évangiles, successivement enrichi 
des cursifs 543, 788, 826, 828 (sans parler des cursifs 
211, 561,624, 626, 709, qui auraient avec eux des affi- 
nités); le groupe de Lake, comprenant les cursifs 1, 
118, 131 et 209. On avait signalé aussi la parenté de 
quelques autres. Voir t. iv, col. 687. 

Mais ce n'était là que des résultats de détails. Une 
étude d'ensemble n'avait pas été tentée. Grâce à la 
libéralité princière de M l|e Élise Kœnigs, le professeur 
de Berlin, Hermann von Soden, put envoyer une 
pléiade de jeunes collaborateurs dans les centres dif- 
férents où se trouvent les manuscrits grecs du Nouveau 
Testament, collationner suivant un plan uniforme une 
grande partie des manuscrits connus. Les variantes 
recueillies par eux ont permis au maître d'esquisser, 
sinon l'histoire du texte du IV e au xvi* siècle, du moins 
un classement méthodique de la masse des manuscrits 
du Nouveau Testament. Ces documents reproduisent 
tous l'une ou l'autre des trois recensions, qui existaient 
dès le début du IV e siècle, mais ils n'ont pas le texte 
parfaitement pur. En tous, il est plus ou moins mêlé 
de leçons empruntées aux autres recensions, et ces 
mélanges variés ont donné naissance à des types dis- 
tincts, au moins dans les deux recensions K et I. La 
recension H, nous l'avons déjà dit, a gardé seule son 
uniformité primitive; le mélange des leçons étrangères 
a bien existé, plus ou moins important, dans chacun 
des manuscrits qui nous sont parvenus, mais il n'a 



pas été assez notable et assez suivi pour donner nais- 
sance à des types distincts de textes de cette recen- 
sion. 

1. De la recension I, M. von Soden a distingué, pour- 
les Évangiles, différents types dont il a discerné les 
manuscrits et déterminé les caractères distinctifs. 
C'est le type H r , que représentent, entre autres, les 
cursifs du groupe Lake, et qui joint au fond de I cer- 
taines leçons spéciales de H et quelques leçons propres. 
On n'a pas d'indices certains sur sa patrie, mais il 
semble n'avoir pu se produire qu'en Occident. Ce type 
est ancien, bien qu'il ne se trouve plus que dans des 
cursifs. Vient ensuite le type J, que reproduisent le* 
cursifs du groupe Ferrar et beaucoup d'autres manu- 
scrits apparentés à ce groupe. C'est un fils bâtard de I, 
parallèle à HA II a gardé la plupart des leçons de I, en 
y joignant des leçons des autres recensions, surtout de 
K. (à savoir, K 1 avec peut-être quelques leçons de K 1 , 
voir plus loin), et quelques-unes de H avec des leçons 
spéciales. Ses manuscrits viennent de la Sicile ou de 1» 
Calabre. Le plus ancien (s 173) est de l'an 1013, mais il 
est déjà fortement modifié par des leçons de K. Son 
archétype est assez antérieur; il n'est pas certain qu'il 
ait été constitué en Calabre ou en Sicile, car il a pu être 
apporté en Occident et y être copié au XI e siècle dans 
les monastères calabrais. Le type<ï> se trouve dans une 
série de manuscrits, dont le plus grand nombre se 
groupe en trois familles, et représente le même texte : 
sang plus ou moins pur de I, mêlé fortement de leçons 
de K. La troupe fondamentale $ a est dans cinq ma- 
nuscrits. «£ b a un plus grand nombre de représentants 
avec plus de leçons de K. $ c dérive de * a , mais a gardé 
d'autres leçons de I. Ces trois familles sont demeurées 
longtemps parallèles. Une autre fille de *, * r , a elle- 
même trois branches, mais n'a aucune valeur critique. 
Un type postérieur est le type B, dont le plus grand 
nombre des manuscrits se rapprochent de K. Ces ma- 
nuscrits forment deux familles : l'une représente l'ar- 
chétype et l'autre est plus fortement influencée par K. 
Au XV e siècle, Georges Hermonymos a copié le texte de 
la seconde famille dans ses manuscrits, e 520-526, sur 
le même original, e 605. Le type K» est peut-être sorti 
parallèlement de la même racine que B, mais il est 
encore plus rapproché de K (d'où le sigle K a ) : il repré- 
sente une nuance de K, fortement infiltrée de I, et il 
est formé de K 1 et de I; toutefois, il parait plus vraisem- 
blable que les leçons de K ont été introduites en très 
grand nombre dans un texte de I. Le but de l'auteur 
était de faire disparaître les ditférences qui existaient 
entre I et K 1 . Le type 1' a un très petit nombre de leçons 
particulières ; c'est un simple mélange de K (9 %) et de I 
(1 %). Les manuscrits qui le représentent forment trois 
groupes. La collation des Évangiles, faite à Jérusalem 
dans les commentaires des Pères antiochiens A», ressem- 
ble à I r . Ces deux textes sont donc le produit du même 
travail critique exécuté au v* et au VI e siècle à Antioche 
et à Jérusalem. Die Schriften des N. T., t. I, p. 1042- 
1179. Signalons encore le type 0, dont les manuscrits , 
proviennent de Yàyloi Spo; (de la sainte montagne de 
ï'Alhos), qui mêle au texte de I des leçons du K 1 . Mais 
le type le plus rapproché de I est K 11 est représenté, 
entre autres, par le Codex Bezse (3 5); il contient des- 
leçons propres avec des leçons de K (modifications de 
passages parallèles), lbid., p. 1259-1348. 

Pour les Actes des Apôtres et les Épîtres, les manu- 
scrits de la recension I ne forment que trois types de- 
textes : I a , l b et I e . Pour les Actes, I b et I e se présentent 
sur deux lignes différentes : des groupes de fond, I M et 
I cl , et des groupes distincts, I b2 et I e2 . Les commentaires 
d'André de Césarée sur les Actes repr ésentent I*. lbid. 
I p. 1686-1709, 1841, 1931-1947. 

2. Les typesde la KotvTJ sont assez nombreux encore; 
ils se trouvent dans la masse des manuscrits, et cela se- 



2127 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2128 



comprend aisément, puisque cette recension, étant 
prédominante, a été copiée le plus souvent. Son texte 
a subi les modifications les plus variées, principalement 
dans les Évangiles. La plus ancienne forme pour ces 
livres est K 1 . Elle est contenue dans trois onciaux, 
Q, M, 3, desquels sont sorties de nombreuses copies 
du XI" au XII e siècle, alors qu'il n'y en a que trois du XIII e 
et six du XIV e ; ce sont les derniers témoins de cette 
forme, qui a été très répandue. Son texte est altéré 
par un certain nombre de leçons de H, surtout pour 
l'orthographe, qui se trouvent pour une part dans les 
types plus anciens, H r , ,1, ou dans le type postérieur 
K r . Voir K. Lake, Texts front Mount Alhos (Q), dans 
Studia biblica et ecclesiastica, Oxford, 1903, t. v, 
p. 91-185. Une autre forme, K.', a des leçons de ,1. Elle 
se rencontre dans les quatre onciaux, E (S 55), F (S 86), 
G (B87) et H (8 88), mais dans aucun des cursifs étudiés 
jusqu'ici. Le mélange des leçons est un peu différent 
dans chaque manuscrit; leur parenté résulte d'un petit 
nombre de leçons spéciales, qu'ils ont en commun. La 
forme K ik représente K, influencé par J k ; elle est 
reproduite dans un très grand nombre de manuscrits 
et dans un commentaire de l'école d'Antioche. Certaines 
particularités montrent qu'elle a été adaptée à l'usage 
liturgique. On ne sait rien sur l'époque de sa forma- 
tion. Quelques fragments qui la contiennent sont 
antérieurs au X e siècle. Les manuscrits de la forme K x 
sont nombreux aussi; leur texte, malgré de légères 
différences, a gardé une grande unité. C'est un type 
intermédiaire entre K' et K'. Il a été prédominant au 
moyen âge à partir du X e ou du XI e siècle. K r est une 
revision de K, une édition ecclésiastique, faite à Con- 
stantinople au XII e et peut-être déjà au XI e siècle pour 
l'usage liturgique. Elle a passé ensuite à l'usage des 
particuliers. On en connaît 196 manuscrits, échelonnés 
du xn« au xvi" siècle. Ceux qu'a copiés Théodore 
Hagiopetrita sont du nombre. Cette recension n'a pas 
été répandue en Occident. Mais la plus ancienne forme 
connue de K est K a . L'Alexandrinus (8 4) est son plus 
ancien témoin. Elle se retrouve dans des manuscrits, 
qui reproduisent vraisemblablement le texte de saint 
Marc, commenté par Victor d'Antioche, et celui de 
saint Luc, commenté par Tite de Bostra. Sur ce dernier, 
voir J. Sickenberger, Titus von Bostra. Sludien zur 
dessen Lukashomilien, dans Texte und Vntersu- 
chungen, Leipzig, 1901, t. xxi, fasc. 1. C'est la Koivrj, 
telle qu'elle existait à Antioche, Die Schriften des 
N. T., t. i,p. 717-893. _ 

Pour les Actes, les Épitres catholiques et les Épîtres 
de saint Paul, M. von Soden n'a distingué que deux 
types de la recension K : K r , qui est une forte revision, 
très conservatrice, faite pour l'usage liturgique, et K c , 
qui se rencontre dans les manuscrits qui ont servi à 
établir l'édition de la Polyglotte de Complute. lbid., 
t. I, p. 1760-1772, 1873-1877, 1915-1921. Pour l'Apoca- 
lypse, il a constaté dans les manuscrits de K de nom- 
breuses leçons particulières avec quelques leçons du 
texte de saint André de Césarée. Cependant d'autres 
variantes permettraient de conjecturer l'existence de 
deux types distincts. Les manuscrits du commentaire 
d'Œcuménius forment, au moins, un groupe à part. Il 
y a lieu encore de distinguer ici le type K r . lbid., 
p. 2043-2050. 

Il reste beaucoup à faire pour déterminer la date et 
la patrie de ces différents types de textes aussi bien 
que la méthode suivie pour leur établissement, lbid., 
p. 2129-2130. Les groupements obtenus sont un premier 
résultat fort appréciable, et personne ne peut refuser 
à M. von Soden l'honneur d'avoir répandu déjà une 
grande lumière dans le chaos des manuscrits grecs du 
Nouveau Testament du V e au xvi e siècle. 

II. Histoire du texte imprimé. — Si l'imprimerie à 
ses débuts a multiplié les éditions de la Bible, elle n'a 



édité que la Bible latine. Du texte grec du Nouveau 
Testament, il ne parut, avantl516, que des fragments : 
le Magnificat et le Benediclus à la suite du Psautier 
grec, Milan, 1481; Venise, 1486; les qualorze premiers 
versets du quatrième Évangile, chez Aide Manuce, à la 
suite des Constantini Lascaris Erolemata, Venise, 
1495; les six premiers chapitres de cet Évangile, chez le 
même imprimeur, dans une édition latine des poèmes 
de saint Grégoire de Nazianze, Venise, 1504; les quatorze 
premiers versets de saint Jean avec l'oraison dominicale, 
Tubingue, 1512, 1514. A partir de 1516, le nombre des 
éditions du Nouveau Testament grec est fort considé- 
rable. Edouard Reuss, en 1872, en avait compté 484 
réellement différentes, 98 dont le titre seul avait été 
changé et 149 rééditions. Il avait examiné personnelle- 
ment 535 éditions et 120 rééditions. Bibliotheca Kovi 
Testamenti grseci, Brunswick, 1872. Quelques anciennes 
éditions avaient cependant échappé à ses recherches, 
et depuis l'apparition de son livre, de nouvelles édi- 
tions ont été publiées encore. Malgré ce nombre consi- 
dérable d'éditions, l'histoire du texte grec imprimé du 
Nouveau Testament est assez peu compliquée, parce que 
le plus grand nombre des éditions ne se distinguent 
de quelques types importants, tels que les éditions 
d'Érasme, des Estienne, de Théodore de Bèze, que par 
d'insignifiantes corrections. Nous n'exposerons ici cette 
histoire que par les sommets, en mentionnant les édi- 
tions qui comptent et en indiquant les principes suivis 
pour l'établissement de leur texte. 

Elle se partage tout naturellement en trois périodes 
distinctes par les principes suivis : la première, de 
1514 à 1658; la deuxième, de 1675 à 1830, et la troisième, 
de 1831 à 1911. 

1" période, 1514-1658. — Le premier texte grec 
complet du Nouveau Testament qui ait été imprimé 
est celui de la Polyglotte de Complute ou d'Alcala, t. v, 
achevé d'imprimer le 10 janvier 1514, mais publié 
seulement en 1522. Voir t. v, col. 517. Le premier qui 
ait été publié est celui d'Érasme, in-f°, Bâle, février 
1516; 2 e édit., mars 1519; 3 B , 1522 (avec le verset des trois 
témoins célestes); ,4 e améliorée, 1527; 5 e , 1535. Voir 
t. H, col. 1903-1905; A. Bludau, Die beiden erslen Eras- 
mus-Ausgaben des N. T. undihre Gegner, dans Biblische 
Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. vu, fasc. 5. Les 
Aides avaient reproduit à Venise, en 1518, la première 
édition d'Erasme, un peu corrigée. En 1534, Simon de 
Colines publia à Paris un Nouveau Testament grec, 
selon la troisième édition d'Érasme, dans laquelle il 
introduisit, d'après des manuscrits inconnus, quelques 
leçons nouvelles, que les critiques modernes ont 
trouvées excellentes. Robert Estienne, dont la mère avait 
épousé en secondes noces Simon de Colines, publia 
successivement quatre éditions du Nouveau Testament 
grec : la première nommée O mirificam, des premiers 
mots de la préface, qui louait la munificence du roi 
Henri II, est de 1546, 2 vol.; elle est faite d'après la 
5 e édition d'Érasme et celle de la Polyglotte d'Alcala j 
la seconde, de 1549, diffère de la précédente en 67 pas- 
sages; la troisième, dite regia parce qu'elle est dédiée au 
roi de France, est la plus célèbre et la plus importante, 
car elle est le fond du textus receptus; la quatrième, 
Genève, 1551, a la division en versets, marquée pour la 
première fois en chiffres. Voir t. Il, col. 1982-1983. De 
nombreuses éditions postérieures ne font que mêler les 
leçons d'Estienne à celles d'Érasme. Théodore de Bèze 
donna, à Genève, quatre éditions du Nouveau Testament 
grec, 1565 (4 e édition d'Estienne), 1582 (pour laquelle il 
s'est servi des deux manuscrits onciaux qui lui appar- 
tenaient alors, le Codex Bezee et le Cantabrigiensis), 
1588 et 1589 (peu différente de la seconde), 1598 (repro- 
duction de la troisième). Voir t. i, col. 1773. Le texte 
de la Polyglotte d'Anvers, t. v, 1571, et t. vm, 1572, est 
emprunté à la Polyglotte d'Alcala avec quelques leçons; 



2129 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2130 



de Robert Estienne. Voir plus haut, t. v, col. 519-520. 
Diverses éditions mêlent le texte de la Polyglotte 
d'Anvers avec celui de Robert Estienne. Les Elzévirs 
donnèrent à Leyde ou à Amsterdam sept éditions suc- 
cessives : 1624, 1633, 1641, 1656, 1662, 1670, 1678. Dans 
la préface de l'édition de 1633, on lit ces mots devenus 
célèbres : Textum ergo habes nunc ab omnibus recep- 
tum, in quo nihil immutatum aut corruptum damus. 
C'est de là qu'est venu au texte de cette édition et des 
suivantes le nom de texte reçu. Le texte est emprunté 
à la quatrième édition d'Erasme, à celle de la Polyglotte 
d'Alcala, à la troisième et à la quatrième de Robert 
Estienne et enfin à la première de Bèze; quelques leçons 
seulement ont été directement extraites des manuscrits. 
La Polyglotte de Lejay ou de Paris ne fait que rééditer, 
en 1630 et 1633, le texte de la Polyglotte d'Anvers. 
Voir t. v, col. 521. Celle de Walton ou de Londres, 
1657, t. v, répète le texte de Robert Estienne, en y 
ajoutant quelques variantes. Ibid., col. 523. Etienne 
de Courcelles fait imprimer à Amsterdam, chez les 
Elzévirs, en 1658, un Nouveau Testament grec, dont le 
texte était emprunté à l'édition elzéviriennede 1633 un 
peu modifiée. Une liste de variantes est donnée à la fin 
du volume. Des rééditions sans changement ont paru 
en 1675 et en 1685. 

Les premiers éditeurs du Nouveau Testament grec 
étaient des lettrés, des hellénistes, déterminés dans 
leur travail, tous, par l'amour du grec et le désir d'offrir 
au public les sources de la littérature chrétienne, et 
plusieurs par l'idée de la supériorité du texte grec sur 
la Vulgate latine. Ils n'avaient à leur disposition qu'un 
petit nombre de manuscrits : Érasme, cinq, qu'il trou- 
vait à Bàle (ils sont parmi les premiers numéros des 
cursifs); Robert Estienne, seize, de la bibliothèque 
royale à Paris. Nous ignorons ceux dont disposèrent 
les éditeurs de la Polyglotte d'Alcala et les Elzévirs. 
C'étaient presque tous des cursifs récents, reproduisant 
le texte prédominant dans l'Église grecque depuis le 
V e siècle. Théodore de Bèze consulta bien deux onciaux, 
mais pour leur emprunter seulement quelques leçons. 
Ces éditeurs publiaient le texte de leurs manuscrits, et 
pas toujours avecune parfaite correction. Robert Estienne 
y ajouta quelques varianles dans son édition de 1550. 
Les derniers éditeurs de cette période multiplièrent 
progressivement le nombre des variantes. Mais ils ne 
relevaient que les leçons les plus importantes, ne se 
préoccupant pas des différences de détail; leurs colla- 
tions sont à vérifier. Bref, sauf la Polyglotte d'Alcala et 
Pédition de Bèze, qui ont quelques bonnes leçons, le 
texte imprimé durant toute cette période n'est que le 
texte syrien de Hortet Westcott, celui de la lïoivr,, selon 
von Soden, le moins bon qui ait jamais existé. Aussi 
l'adage s'est-il répandu chez les critiques plus récents 
que le texte reçu, que reproduisent ces éditions, est à 
rejeter: Textus receptus, sed non recipiendus. 

2" période, Î615-1830. — John Fell.évêque d'Oxford, 
édita en 1675, à Oxford, un Nouveau Testament grec 
complet. Il reproduisait le texte reçu, mais en y joignant 
un nombre considérable de variantes, tirées des éditions 
de Robert Estienne, de Walton, etc., de plus de cent 
manuscrits, collationnés par lui pour la première fois, 
en particulier ceux de la bibliothèque bodléienne, et des 
versions copte (bohaïrique) et gothique. John Gregory 
réédita cette édition presque sans changement, en 1703. 
En 1707, John Mill publiait à Oxford une nouvelle 
édition, in-f». Le texte reproduit était celui de Robert 
Estienne (1550), un peu. corrigé; mais il était accom- 
pagné de 30000 variantes, a-t-on dit, extraites de 
78 manuscrits, dont huit onciaux, et des anciennes 
versions latines, de la Vulgate et de la Peschito. De 
savants prolégomènes précédaient l'édition. L. Kusteren 
donna une seconde édition, avec quelques nouvelles 
variantes, Amsterdam, 1710. Comme elle ne s'écoulait 



pas, elle reçut de nouveaux titres, à Leipzig, en 1723, 
et à Amsterdam, en 1746. 

En 1707, commença à se dessiner un mouvement qui 
devait aboutir à l'abandon du texte reçu. N. Toinard 
édita à Orléans une Evangéliorum harmonia grseco- 
latina, d'après deux manuscrits du Vatican seulement, 
mais très anciens, et d'après la Vulgate latine, très 
ancienne aussi. De 1709 à 1719, Edouard Wells publia 
en dix parties tout le Nouveau Testament grec avec une 
version anglaise et des notes critiques. Le texte était 
corrigé d'après les manuscrits, et il présentait de nou- 
velles leçons, que les éditeurs modernes adopteront. 
Gérard de Maëstricht réédita à peu près fidèlement le 
texte de Fell, en 1711, avec quelques notes et variantes, 
Wettstein en fit un seconde édition en 1735. En 1713. 
Richard Rentley projetait une édition, fondée exclusi- 
vement sur les manuscrits grecs et latins les plus 
anciens, abstraction faite des récents. Il fit collationner 
plusieurs onciaux, entre autres le Vaticanus. Mais son 
projet fut chaudement discuté et l'édition ne parut pas. 
Le premier, il distingua les manuscrits en familles. 
Dans son édition, publiée à Londres en 1729, G. Alace 
introduisit dans le texte un certain nombre de nouvelles 
leçons, qui ont obtenu le suffrage des critiques récents. 
En 1734, Bengel édita encore à Tubingue le texte reçu, 
modifié cependant en plusieurs endroits; mais, au lieu 
d'entasser les variantes sans ordre, comme le faisaient 
ses prédécesseurs, il les classa, le premier, d'après leur 
caractère et leurs ressemblances. Il en distingua cinq 
classes : les authentiques, celles qui sont meilleures 
que les leçons du texte imprimé, celles qui sont de 
valeur égale aux leçons imprimées, celles qui sont 
moins fondées, enfin celles qu'on ne peut accepter. 
Voir t. i, col. 1586. Tout en donnant la préférence aux 
leçons des plus anciens manuscrits, aux citations des 
Pères grecs, aux versions anciennes, Wettstein cependant 
suivit encore de très près le texte reçu, tant était forte 
la tyrannie de l'usage, dans son édition publiée à 
Amsterdam en 1751 et 1752. Semler ne fit pas d'édition 
du Nouveau Testament grec. Ses idées influèrent 
cependant beaucoup sur la critique textuelle néo-testa- 
mentaire. Il employa le premier le mot de recension et 
il en distingua deux d'abord (1765) : la recension orien 
taie ou de Lucien, la recension occidentale, égypto- 
palestinienne, ou d'Origène ; puis (1767) trois : l'alexan- 
drine, l'orientale (Antioche et Constantinople) et 
l'occidentale. Elles étaient mêlées dans les manuscrits 
récents. Son disciple, Griesbach, suivit la même voie 
et groupa les anciens documents par familles ou recen- 
sions. Son texte du Nouveau Testament, édité à Halle 
de 1774 à 1777, contenait un certain nombre de leçons 
nouvelles, qui ont été maintenues dans les- éditions 
critiques postérieures. Une seconde édition, publiée à 
Halle en 1796 et en 1806, présentait quelques modifica- 
tions, sept leçons nouvelles seulement, mais elle était 
accompagnée d'un apparat critique plus développé 
encore que celui de la précédente. En 1776, Edouard 
Harwood avait donné à Londres une édition, fondée 
surtout sur le codex Bezse, pour les Évangiles et les' 
Actes, sur le Claromontanus pour les Épîtres de saint 
Paul et sur Y Alexandrinus pour les passages qui 
manquaient dans ces deux manuscrits. Voir t. m, 
col. 348-349. 

Christian Frédéric Matthâi réagit contre la tendance 
de ses prédécesseurs à établir leur texte principale- 
ment sur les anciens manuscrits. Son édition, publiée 
en 12 tomes, Riga, 1782-1788, repose sur les manu- 
scrits récents et donne par conséquent un texte peu 
différent du texte reçu; mais elle est importante pour les 
variantes nouvelles qu'elle contient, tirées de manu- 
scrits qui n'avaient pas encore été collationnés. Matthâi a 
ainsi fourni à ses successeurs des matériaux excellents, 
qu'ils ont pu utiliser grâce à lui. Il a publié une autre 



2131 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2132 



édition moins volumineuse, en 3 tomes, de 1803 à 1807. 
Voir t. iv, col. 869-870. F. C. Aller édita à Vienne, en 
3 vol., 1786 et 1787, un texte formé d'après quelques 
cursifs sans valeur critique ; il a collationné, mais sans 
ordre, de nouveaux manuscrits. André Birch publia à 
Copenhague, en 1788, une édition des Évangiles, avec 
de nombreuses variantes. Du reste du Nouveau Testa- 
ment, il n'a publié que des variantes, 1798, 1800, 1801. 
Les nouveaux manuscrits, qu'il avait collationnés lui- 
même ou fait collationner par ses amis, sont des cur- 
sifs de basse époque. Un professeur catholique de Bonn, 
Scholz, termine la seconde époque. Après de nombreu- 
ses recherches dans les bibliothèques de diverses con- 
trées, il fit une édition à Leipzig en 2 vol., 1830 et 1836. 
Son texte est à peu près identique à celui de Griesbach 
et se rapproche par conséquent du texte reçu. Il a col- 
lationné, mais avec négligence, des manuscrits qui 
n'avaient pas été examinés avant lui. 11 donnait la pré- 
férence à la famille des manuscrits de Byzance, et c'est 
pourquoi il est revenu au texte reçu. 

Toute cette période est caractérisée par l'abandon 
progressif du texte reçu et par l'exploration méthodique 
des anciens documents. Au début de la période, le 
texte reçu est reproduit, mais il est accompagné d'un 
nombre de plus en plus considérable de variantes, 
puisées un peu partout. On remarque parmi elles de 
bonnes leçons, qui pénètrent petit à petit dans les édi- 
tions. On classe ensuite les leçons et on ébauche la 
théorie des familles. De plus en plus, on se rend 
compte de la supériorité des anciens manuscrits sur 
les plus récents. Les éditeurs qui abandonnent résolu- 
ment le texte reçu ne sont pas suivis, et on y reste 
fidèle par habitude. Les progrès de la critique devaient 
conduire à sa répudiation définitive, qui eut lieu au 
cours delà troisième période. 

3" période, 1831-1911. —En 1831, C. Lachmann 
publia à Berlin un texte grec du Nouveau Testament, 
constitué uniquement d'après d'anciens manuscrits, 
qui rentraient dans les recensions alexandrine et occi- 
dentale de Griesbach. Cette petite édition stéréotypée 
fut tirée de nouveau en 1837 et en 1846 sans autres 
changements que la correction de quelques fautes d'im- 
pression. En 1842 et en 1850, avec la collaboration de 
Buttmann, il donna en 2 vol. un Nouveau Testament 
grec et latin, dont le texte ne différait guère de celui 
de la précédente. Il pensait qu'il était impossible de 
rétablir le texte original dans son état primitif, et il se 
contentait d'éditer le texte le plus ancien qu'il ait re- 
trouvé, à savoir, celui qui était le plus répandu au 
iv« siècle et que contenaient les plus anciens manu- 
scrits onciaux, les Pères et la Vulgate. Il laissait donc 
définitivement de côté le texte reçu et il donnait la 
première édition critique du Nouveau Testament. Elle 
était sans doute bien imparfaite encore et elle fut for- 
tement discutée, mais elle ouvrait une voie nouvelle , 
et Lachmann a été le précurseur des critiques mo- 
dernes. Voir t. iv, col. 27-29. Les éditions manuelles de 
Hahn et de Theile, souvent reproduites depuis 1840 et 
1844, ont popularisé de bonnes leçons anciennes, em- 
pruntées à Griesbach, à Lachmann et à Tischendorf. 
Celles de Bloomfield ont obtenu le même résultat en 
Angleterre et en Amérique. Edouard de Murait, en 
1848, n'a fait que fournir des variantes, extraites des 
manuscrits de Saint-Pétersbourg. 

Constantin Tischendorf a donné huit éditions diffé- 
rentes du Nouveau Testament grec. La première parut 
à Leipzig, en 1841. Elle reproduit beaucoup de leçons 
de Griesbach et de Lachmann et d'autres tirées des ma- 
nuscrits. Elle a été dépassée par les suivantes. En l'an- 
née 1842, il fit paraître à Paris deux éditions : la pre- 
mière, dédiée à Guizot, ne diffère de celle de Leipzig 
qu'en un petit nombre de passages, mais elle est rem- 
plie de fautes d'impression; la seconde, demandée par 



l'abbé Jager et dédiée à Mgr Affre, est destinée aux 
catholiques et elle reproduit les leçons grecques qui 
sont les plus ressemblantes au texte de la Vulgate. La 
quatrième est de 1849; elle fut imprimée à Leipzig. 
Elle a plus de valeur critique .que les précédentes; les 
principes de la critique textuelle y sont appliqués avec 
plus de rigueur et on y trouve davantage de bonnes 
leçons, attestées par les anciens manuscrits. La cin- 
quième édition est une édition manuelle stéréotypée, 
qui parut à Leipzig en 1850 et qui reproduisait, sauf 
quelques corrections, le texte de l'édition précédente. 
Elle a été rééditée en 1862; mais en 1873, elle a été 
mise en rapport avec la 8 e édition pour les leçons adop- 
tées du Sinailicus. M. Oscar von Gebhardt l'a revue 
ensuite plusieurs fois, et dans une édition à grand 
format, des leçons de Tregelles et de Hort et Westcott 
ont été introduites par lui dans le texte grec. La sixième 
édition, dite «académique j>, parut d'abord à Leipzig, en 
1854, dans le Novum Testamentum triglottum, puis à 
part, l'année suivante. Rééditée quinze fois, elle a eu 
30000 exemplaires. La septième édition est de 1859; 
elle fut publiée en deux formats à Leipzig. La major 
contient un apparat critique le plus développé qui ait 
paru jusqu'à présent. Le texte grec différait assez nota- 
blement de celui de l'édition de 1849, et Tischendorf 
se rapprochait davantage, surtout dans les Évangiles, 
du texte reçu. La huitième, elle aussi major et minor, 
comprend 2 vol. publiés à Leipzig, en 1869 et en 1872. 
Tischendorf avait la prétention de reproduire le texte 
du Nouveau Testament le plus ancien possible. Il 
trouvait ce texte dans le codex Sinaiticus, qu'il avait 
eu l'honneur de découvrir et qu'il avait édité en 1863. 
Il adopta donc un grand nombre de leçons, fournies 
par ce manuscrit, au point que sa huitième édition 
diffère de la 7 e en 3369 passages, selon Scrivener, et en- 
3572, selon Gregory. Il avait accepté 145 leçons sur la 
seule autorité de ce manuscrit et avait rejeté 956 leçons 
du Vaticanus, qu'il avait précédemment reçues. Sa 
confiance en ce manuscrit fut véritablement excessive. 
Voir Tischendorf, col. 2244. 

Samuel Prideaux Tregelles, qui, en 1844, avait édité 
à Londres l'Apocalypse d'après les anciens manuscrits Y 
donna successivement une édition du Nouveau Tes- 
tament en six parties, 1857, 1861, 1865, 1869, 1870, 
1872; 2= édit., Londres, 1887. Il avait collationné 
beaucoup de manuscrits, les versions anciennes, et 
recueilli les citations des Pères. Lui aussi, il veut 
donner le texte le plus ancien possible. Comme il 
ne connaissait pas le Sinaiticus, au moins pour les- 
Évangiles, son texte est assez différent de celui de 
Tischendorf. Ces deux critiques appliquaient bien le 
même principe de recourir aux documents les plus 
anciens, mais le classement de ces documents était 
encore flottant, et l'appréciation individuelle de la 
valeur de différentes leçons anciennes conduisait à des 
résultats inévitablement variables. 

Henry Alforda édité aussi à Londres, de 1849 à 1861, 
le texte grec du Nouveau Testament. Il consultait les- 
manuscrits récents aussi bien que les anciens; il a amé- 
lioré ce texte à chaque nouvelle édition; il se rapproche 
plus de Tregelles que de Tischendorf. Scrivener revint 
au texte reçu. Il fit imprimer à Cambridge en 1859 le 
texte de la 3 e édition de Robert Estienne (1550) avec les 
variantes des éditions de Bèze, des Elzévirs, de Lach- 
mann. de Tischendorf et de Tregelles. Il édita, en 
1881, le texte grec dont s'étaient servis, en 1611, les 
auteurs de la version anglaise m autorisée », avec les 
leçons suivies, en 1881, par les auteurs de la version 
« revisée ». Dans son Introduction, 1861, rééditée plu- 
sieurs fois, 1874, 1883, et par Miller, 1894, il publia la 
collation qu'il avait faite de nombreux manuscrits, et 
recueillit aussi de bonnes leçons anciennes. Green, en 
1865, publia à Londres, d'après les anciens manuscrits, 



2133 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT 



2134 



une édition dont le texte se rapproche des textes de 
Tregelles et de Tischendorf. 

Après trente ans de travail préparatoire, Hort etWest- 
cott publièrent à Cambridge et à Londres, en 1881, The 
New Testament in the original Greek.Vn volume con- 
tient le texte, et un autre l'introduction, rédigée par 
Hort. Pour constituer leur texte, les deux critiques 
anglais ont écarté résolument les leçons syriennes. Ils 
ont adopté comme originales les leçons antésyriennes, 
lorsqu'elles sont d'accord et, dans le cas de leur désac- 
cord, ils ont ordinairement préféré le texte neutre aux 
textes alexandrin et occidental. Comme ils recon- 
naissaient le texte neutre pour une bonne part dans le 
Vaticanus et le Sinaiticus, leur édition est faite prin- 
cipalement d'après ces deux onciaux, du rv e siècle. Elle 
ne donne pas l'original grec, qu'annonce le titre, mais 
un texte ancien et un bon texte. 

Bernard Weiss a publié successivement dans les 
Texte und Untersuchungen, de 1892 à 1899, une édition 
complète du Nouveau Testament grec, t. 'vil, fasc. 1; 
t. viii, fasc. 3; t. IX, fasc. 3 et 4; t. XIX, fasc. 2; 2« édit., 
1902-1905. Comme il juge de la valeur des leçons d'après 
leur caractère intrinsèque, son texte est plus éclec- 
tique que celui des éditeurs précédents, qui fixent leur 
choix'sur l'autorité des documents. Il suit principa- 
lement, lui aussi, le codex \aticanus ; par suite, son 
édition ne diffère pas énormément de celle de Hort et 
Westcott. 

R. F. Weymouth s'est borné à choisir les leçons 
adoptées par la majorité des éditeurs antérieurs depuis 
la Polyglotte d'Alcala jusqu'à B. Weiss, The résultant 
Greek Testament, Londres, 1886,1892, 1905. E. Nestlé 
a formé un texte très convenable, en choisissant les 
meilleures leçons des quatre éditions de Tischendorf, 
Westcott-Hort, B. Weiss et Weymouth, avec quelques 
variantes, Stuttgart, 1898 (plusieurs éditions un peu 
amendées). F. Schjott a dressé un texte d'après les 
plus anciens manuscrits et a relevé les variantes des 
éditions des Elzévirs et de Tischendorf, Copenhague, 
1897. J. M. S. Baljon a corrigé le texte de Tischendorf, 
en y introduisant des leçons nouvelles, qui ne sont pas 
toujours bien attestées, et des corrections conjecturales, 
Groningue, 1898. A. Souter a édité le texte grec que 
suppose la version anglaise revisée de 1881 avec 
l'apparat critique des documents qui le justifient, 
Oxford, 1910. On annonce pour 1911 l'édition de 
Hermann von Soden. 

Signalons, en terminant, trois éditions qui ont été 
faites récemment par des catholiques. F. Brandscheid, 
Novum Testamentum grte.ce et latine, in-4», Fribourg- 
en-Brisgau, 1893; 2» édit., 1901 ; 3" édit., 2 in-16, 1906; 
M. Hetzenauer, ^ xaivr) ôcaBïjxï) éXXïivicrri, 2 in-12, Ins- 
pruck, 1896, 1898; 2" édit., corrigée, 1904; [E. Bodin,] 
Novum Testamentum D. N. Jesu Christi, grsece e 
' codice Vaticano, latine e Vulgata, in-16, Paris, 1911. 
Les deux premiers se sont proposés de choisir régu- 
lièrement, parmi les diverses leçons grecques, celles 
qui se rapprochent le plus de la Vulgate. Le troisième 
a pris comme fondement de son édition le codex 
Vaticanus, dont il a corrigé les fautes ou abandonné 
les mauvaises leçons pour adopter celles des autres 
manuscrits grecs qui lui ont paru les meilleures. Pour 
les Épitres pastorales et l'Épitre aux Hébreux, il a 
reproduit le texte de YAlexandrinus. L'Apocalypse est 
tirée de ce même manuscrit et du Vaticanus 2066. 

Le patriarcat grec de Constantinople a fait paraître, 
en 1904, un Nouveau Testament grec, qui reproduit 
pour le fond le texte reçu avec quelques leçons nouvelles. 

Bibliographie. — L. Hug, Einleitung in die Schriften 
des N. T., 4« édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, p. 120- 
298; J. I. Doedes, Verhandeling over de tekstkritiek 
des Nieuwen Verbonds, Haarlem, 1844; J. S. Porter, 
Prindples of textual critidsm, Londres, 1848; 



S. Davidson, A treatise on biblicalcriticism, Londres, 
1852; Edimbourg, 1856; J. Berger de Xivrey, Étude sur 
le texte et le style du Nouveau Testament, Paris, 
1856; S. P. Tregelles, An introduction to the textual 
critidsm of the N. T., Londres, 1856, 1877; F. H. 
Scrivener, A plain introduction to the critidsm of the 
N. T., Londres, 1864; 4» édit., par Miller, 2 Vol., 1894; 
Id., Six lectures on the text of the N. T. and the 
ancient manuscripts which contain it, Cambridge et 
Londres, 1875; Ed. Reuss, Geschichte der heiligen 
Schriften des N. T., 5 e édit., Brunswick, 1874, p. 87- 
165; C. E. Hammond, Outlines of textual critidsm, 
applied to the N. T., Oxford, 1872; 6« édit., 1902; 

F. Gardiner, Principles of textual critidsm, dans- 
Biblioiheca sacra, Andover, 1875, t. xxxii, p. 209-265; 

B. F. Westcott et F. J. A. Hort, The New Testament 
in the original Greek, Introduction, Cambridge et 
Londres, 1881, 1882,1896; E. C. Mitchell, The critical 
Handbook of the Greek N. T., New-York, 1880; trad. 
franc., 1882; J.-P .-P. Martin, Introduction à la critique 
textuelle du Nouveau Testament (lithog.), Partie 
théorique, Paris, 1882-1883; Partie pratique, Paris, 
1883-1884, t. i; C. R. Gregory, Prolegomena, à la 
8° édition du Novum Testamentum grsece, de Tischen- 
dorf, 3 parties, Leipzig, 1884, 1890, 1894; H. V. Sthyr,. 
Dennytestamentlige Texts Historié, Copenhague, 1884; 
E. Miller, A guide to t/ie textual critidsm of the N. T. y 
Londres, 1886; B. B. Warfield, An introduction to- 
the textual critidsm of the. N. T., New-York, 1887; 
Londres, 1893; F. Brandscheid, Handbuch der Einlei- 
tung ins Neue Testament, in-4", Fribourg-en-Brisgau, 
1893; E.Miller, Thetraditional text oftheHoly Gospels, 
Londres, 1896; Id., The causes of the corruption of the 
traditional text of the Holy Gospels (par Burgon),. 
Londres, 1896; Id., The Oxford Debate, 1897; Id., The- 
present state of the textual controversy, 1900, 

G. Salmon, Some thoughts on the textual critidsm 
of the N. T., Londres, 1897; M. R. Vincent, A history- 
of the textual critidsm of the N. T., New-York, 1899; 

C. R. Gregory, Textkritik des Neuen Testaments,. 
3 in-8°, Leipzig, 1900, 1902, 1909; K. Lake, The text of 
the New Testament, Londres, 1900; 4 e édit., 1908; 
E. Nestlé, Einfûhrung in das Griechische Neue Testa- 
ment, Gœttingue, 1897; 3« édit., 1909; F. G. Kenyon, 
Handbook to the textual critidsm of the N. T., 
Londres, 1901 ; H. von Soden, Die Schriften des Neuen 
Testaments in ihrer àltesten erreichbaren Textgestall 
hergestellt auf Grund ihrer Textgeschichte, 3 parties, 
Berlin, 1902, 1907, 1910; R. Knopf, Der Text des Neuen 
Testan!enfs,Giessen,1906; J.Drummond,77ie transmis- 
sion of the text of the New Testament, Londres, 1909; 
R. C. Gregory, Canon and text of New Testament, 
Edimbourg, 1907; Id., Einleitung in das Neue Tes- 
tament, Leipzig, 1909; G. H. Turner, Historical intro- 
duction to the textual critidsm of the New Testament,. 
dans Journal of theological studies, 1908-1909, t. x, 
p. 13-28, 161-182, 354-374; 1909-1910, t. xi, p. 1-24, 180- 
210; A. Durand, Le texte du Nouveau Testament, 
dans les Études, 1911, t. cxxvi, p. 289-312; t. cxxvn, 
p. 25-51, 297-328; E. A. Hutton. An atlas of texluaf 
critidsm being an attempt to show the mutual rela- 
tionship of the authorities for the text of the New 
Testament, Cambridge, 1911. 

La plupart des introductions bibliques traitent du 
texte du Nouveau Testament. Citons celles duP. Cornély, 
2* édit., Paris, 1894, p. 294-336; de Trochon, Paris, 
1886, t. i, p. 300-362; de Chauvin, Paris, s. d. (1897), 
p. 257-283, etc. 

Des articles spéciaux sont consacrés au texte grec 
du Nouveau Testament dans les dictionnaires de la 
Bible : Westcott, dans Diclionary of the Bible de 
Smith, Londres, 1863, t. n, p. 505-534; édition améri- 
caine, New-York, 1876, t. m, p. 2112-2143; O. de- 



2135 



TEXTE DU NOUVEAU TESTAMENT — THABOR 



2136 



Gebhardt, dans Realencyclopâdie de Hauck, 1897, 
t. il, p. 728-773; E. Nestlé, dans Dictionary of the 
Bible de Hastings, "1902, t. iv, p. 732-741; J. 0. F. 
Murray, Textual criticism, ibid., extra volume, 1904, 
p. 208-236; F. C. Burkitt, dans X Encyclopsedia biblica 
de Cheyne, Londres, 1903, t. iv, col. 4977-5012; 
C. H. Turner, dans Illustrated Bible dictionary de 
Murray, Londres, 1908, p. 585-596; F. G. Kenyon, dans 
le petit Dictionary of the Bible de Hastings, Edim- 
bourg, 1909, p. 916-929 ; Barnard, dans Dictionary of 
Christ and the Gospels de Hastings, Edimbourg, 1908, 
t. il, p. 717-725 (pour les Évangiles seulement). 

Plus particulièrement encore pour l'histoire du texte 
imprimé, J. A. Fabricius, Bibliotheca grseca, édit. 
Harles, 1795, part. IV, p. 755-895; J. Le Long, Biblio- 
theca sacra, édit. Masch, Halle, 1778, t. i, p. 189-424; 
Rosenmùller, Bandbuch fur die Literatur der bibli- 
schen Kritik und Exégèse, 1797, t. i, p. 278; Tregelles, 
Account of the printed textofthe N. î\, Londres, 1854; 
Ed. Beuss, Bibliotheca Novi Testamenti grseci, Bruns- 
wick, 1872; J. H. Hall, A crilical bibliography of the 
Greek New Testament as published in America, Phila- 
delphie, 1883; Ph. Schaff, A companion to the Greek 
Tes tament and the english version, 3 e édit. , New- York, 
1888, p. 497; Hundhausen, Editionen des neutestamen- 
tlichen Textes und Schriften zur neutest. Textkritik 
seit Lachmann, dans Litterarisches Handweiser, 1882, 
n. 315-317, 319, 321, 323-325; C. Bertheau, Novum Te- 
stamentum grsece (sur 12 éditions), dans Theologische 
Litleralurzeitung, 1882, p. 553 sq.; A. Rûegg, Die 
neute&tamentliche 1 extkritik seit Lachmann, Zurich, 
1892; W. A. Copinger, The Bible and its transmission, 
Londres, 1897; T. H. Darlcw et H. F. Moule, Histo- 
rical catalogue of the printed éditions of Holy Scrip- 
ture in the Library of the British and Foreign Bible 
Society, Londres, t. n; J. S. Irgens, De trykte grxske 
Nye Testamenters historié lilligemed en indledning- 
dertil og et anhang, Christiania, 1907. 

E. Mangenot. 

TEXTUS RECEPTUS. Les critiques désignent 
par ce nom le texte couramment reçu du Nouveau 
Testament grec, qui est celui des éditions des Estienne, 
et spécialement celui de l'édition de 1633, où on lit dans 
la préface, en parlant de l'édition que reproduisait ! 
l'imprimeur : « Editionem omnibus acceptam denuo [ 
doctorum oculissubjicimus. » — On donne aussi le nom 
de textus receptus au texte massorétique de la Bible 
hébraïque édité par Van der Hooght. 

THAAN (hébreu : Tahan; Septante : ©aév), fils de 
Thalé et père de Ladan, de la tribu d'Éphraïm. I Par.,, 
vu, 25. — Un autre Éphraîmite, qui porte le même nom 
en hébreu, est appelé par la Vulgate Théhen. Voir 
Théhen, col. 2368. 

THABÉEL (hébreu : Tâb'êl ; Septante : Taêev)).), per- j 
sonnage qui était un des officiers du roi de Perse en 
Samarie et qui écrivit avec ses collègues à Arlaxercès 
pour empêcher les Juifs de relever les murs de Jéru- 
salem après le retour de la captivité. I Esd., IV, 7. 
Voir Tabéel, col. 1951. 

THABOR (hébreu : Tâbôr, signifiant locus ag- 
gestus, editus), nom d'une montagne, d'une localité et 
d'une ville. 

1. THABOR (Septante : ôpo; QxStip; zo TraS-Jpiov, 
dans Jérémie et dans Osée), montagne de Palestine, 
remarquable par sa forme et par sa beauté (lig. 473). 

1° Elle est située à l'extrémité nord-est de la riche 
plaine d'Esdrelon, à vingt kilomètres environ au sud- 
ouest du lac de Tibériade et à sept kilomètres au sud- 
ouest de Nazareth. Elle porte aujourd'hui dans le pays le 



nom de Djebel Tour, « la montagne » par excellence 
« Entre tous les monts de la Palestine, le Thabor est 
l'un des plus remarquables et des plus renommés. Sa 
forme est celle d'un cône tronqué, et il affecte l'appa- 
rence d'un volcan ; toutefois, il est de nature calcaire. 
Sa hauteur au-dessus du lac de Tibériade est d'environ 
780 mètres, de 595 au-dessus de la Méditerranée, et de 
400 au-dessus de la plaine d'Esdrelon. Ses flancs arrondis 
et verdoyants sont revêtus de chênes de différentes 
espèces, de caroubiers, de térébinthes, de lentisques, de 
mélias, de cistes et d'autres arbres et arbustes. Un 
sentier un peu raide, mais praticable jusqu'au sommet 
pour les mulets et pour les chevaux du pays, serpente 
en zigzag, le long de la montagne, à travers un fourré 
plus ou moins épais. Çà et là des degrés ont été ména- 
gés dans le roc. Une heure tout au plus suffit pour 
gagner le plateau supérieur. Celui qui gravit ce sentier... 
ne peut se défendre d'une secrète et vive émotion, en 
songeant qu'il foule les traces de tant de générations 
qui l'ont parcouru et celles du Messie lui-même qui y 
a imprimé ses pas divins... Le chant des oiseaux qui 
peuplent ces pentes boisées est comme un hymne éternel 
qui s'élance de tous les points de la sainte montagne, 
et ce n'est point sans raison que l'on a comparé le 
Thabor à une sorte d'autel sublime que le Tout-Puis- 
sant s'est érigé pour lui-même. — La plate-forme du 
sommet mesure environ 800 mètres de long sur une 
largeur moyenne de 400. Elle est hérissée en beaucoup 
d'endroits, et notamment sur ses bords, d'arbres, 
d'arbustes et de broussailles, où l'on heurte à chaque 
pas des débris de toute sorte... A l'époque chrétienne 
byzantine se rapportent, selon toute apparence, les restes 
d'une petite église qui a été relevée de ses ruines 
depuis quelques années... 

« Bien que la hauteur du Thabor au-dessus de la 
Méditerranée n'atteigne pas tout à fait 600 mètres, 
néanmoins sa position isolée au nord de la vaste plaine 
d'Esdrelon permet à celui qui se place sur son sommet 
et qui, de là, vers les quatre points du ciel, interroge 
l'horizon, de jouir de l'un des panoramas les plus 
grandioses et les plus variés que la Palestine puisse 
lui présenter... Au nord-est, par-dessus de nombreuses 
chaînes de montagnes appartenant à la basse et haute 
Galilée, se dresse la masse gigantesque du Grand- 
Hermon, couronné de neiges presque éternelles. Situé 
aux dernières extrémités septentrionales de la Terre 
Promise, il borne de ce côté l'horizon. A ses pieds 
jaillissent les trois principales sources du Jourdain. 
Plus près de nous, le Djebel Safed montre, sur l'une 
de ses cimes, la ville du même nom. Plus près encore, 
les Koroun Hattin, consacrées par la tradition comme 
étant les deux sommets de la montagne des Béatitudes 
de l'Évangile..., dominent du côté de l'est le beau lac 
de Génésareth, dont nous apercevons un coin du lieu 
où nous sommes, et autour duquel dorment aujour- 
d'hui les ombres solitaires de Capharnaùm, de Co- 
rozaïn, de Bethsaïda... Non loin de nous, vers l'ouest- 
nord-ouest, les montagnes qui environnent Nazareth 
cachent sur leurs flancs inclinés l'immortelle petite 
ville de ce nom, dont nous distinguons seulement la 
blanche coupole de l'Oualy Neby Ismaïl. Au delà, dans 
la même direction, les hauteurs qui bordent la plaine 
de Sainl-Jean-d'Acre nous laissent voir, partout où 
elles s'entr'ouvrent ou s'abaissent, les flots brillants de 
la Méditerranée... A l'ouest, la chaîne du Carmel se 
déploie tout entière jusqu'au promontoire que cou- 
ronne le couvent de Saint-Élie. Si nous nous tournons 
maintenant vers le sud, nous voyons se dérouler à nos 
pieds l'immense plaine d'Esdrelon, traversée oblique- 
ment à l'est par les deux chaînes presque parallèles 
du Djebel Dahy ou Petit-Hermon et du Djebel Fou- 
kou'ah, l'antique Gelboé. Au pied septentrional de la 
première de ces montagnes, Naïm et Endor attirent 




a 

G 



2139 



THABOR 



2140 



plus particulièrement notre attention, Naïm, qu'a jadis 
consacrée l'un des plus touchants miracles du Christ 
dans la résurrection du fils unique d'une pauvre 
■veuve; Endor, où Saûl, dans le déclin de sa puissance 
■et de son règne, alla consulter la pythonisse... Au 
sud-ouest apparaissent les petits villages de Fouléh et 
•de A'fouléh, témoins, le 16 avril 1799, de la glorieuse 
bataille du mont Thabor. Plus loin, vers le sud, les 
montagnes de la Samarie dessinent à nos yeux leurs 
formes diverses. A l'est, enfin, notre vue plonge dans 
•la vallée du Jourdain ; au delà, se montrent les hauteurs 
-de [Galaad] et les plateaux accidentés de l'Auranitide 
et de la Batanée. Puis le regard se perd dans un loin- 



deux montagnes, entre toutes celles de la Palestine, la 
première comme étant la plus pittoresque, la seconde 
comme étant la plus haute et la plus imposante. 

5. Osée, v, 1, fait allusion aux nombreux oiseaux du 
Thabor, à qui le chasseur tend des filets. — Jérémie, 
XL vi, 18, compare Nabuchodonosor, roi de Babylone, au 
Thabor : il est, parmi les rois, ce qu'est le Thabor entre 
les montagnes. 

6. Ce qui a rendu le Thabor particulièrement célèbre 
chez les chrétiens, c'est que, d'après une tradition très 
ancienne, c'est sur le sommet de cette montagne qu'eut 
lieu la Transfiguration de Notre-Seigneur. Les trois 
synoptiques, en racontant ce grand miracle, Matth., 




474. — État actuel du plateau du mont Thabor. 



tain vaporeux. » V. Guérin, Galilée, 1880, t. i, p. 143- 
151. 

2» Histoire. — 1. Le Thabor est nommé pour la 
première fois dans l'Écriture comme formant la limite 
•entre les tribus d'Issachar et de Zabulon. JoS., xix, 
22; Josèphe, Ant. jud., V, I, 22; Eusèbe et S. Jérôme, 
Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 208, 
•209. 

2. C'est sur le Thabor que se rassemblèrent les tri- 
Jjus d'Israël, réunies parBarac, obéissant à l'appel de la 
prophétesse Débora, afin d'aller combattre Sisara sur 
les bords du Cison. Jud., iv, 6-14. Le lieu du rendez- 
vous sur la montagne avait été très habilement choisi 
pour réunir, sans avoir rien à craindre, les combattants 
■et les préparer à la bataille en sécurité. Cf. Josèphe. 
Sell. jud., IV, i, 8. 

3. Les chefs des Madianites, Zébée et Salmana, 
massacrèrent les frères de Gédéon sur le mont Thabor. 
•Gédéon mit à mort les princes meurtriers, en qualité 
•de goêl de ses frères. Jud., vm, 18-21. 

4. Le Psalmiste, Ps. lxxxviii (hébreu : lxxxix), 13, 
nous montre le Thabor et l'Hermon comme tressaillant 
de joie au nom de Dieu. Il semble avoir choisi ces 



xvii, 1-8; Marc, ix, 1-8; Luc, ix, 28-36, ainsi que 
saint Pierre, II Petr., i, 16-18, disent simplement qu'il 
eut lieu sur une (haute) montagne, sans la nommer; 
cependant, de bonne heure, c'est sur le Thabor qu'on le 
localisa. Saint Cyrille de Jérusalem, vers 350, semble 
être le premier chez qui l'on constate cette identifica- 
tion, Catech., xn, 16, t. xxxm, col. 744, mais il en 
parle comme d'une chose admise de son temps et sans 
conteste en Palestine, et non comme d'une tradition 
nouvelle et douteuse. Saint Jérôme parle de même 
dans son épitaphe de sainte Paule, Epist. cvm, 13, 
t. xxn, col. 889, et il ne se serait pas exprimé si affir- 
mativement : Scandebat montem Thabor, in quo 
transfiguratus est Dominus, s'il y avait eu alors des 
contradicteurs. L'Évangile des Hébreux désigne déjà le 
Thabor comme étant le lieu de la Transfiguration. Dès 
le iv e siècle, à cause de cette croyance, la montagne 
était déjà couverte d'églises (fig. 474). Voir V. Guérin, 
Galilée, t. I, p. 158-163; Barnabe Meistermann, Le 
mont Thabor, notices historiques et descriptions, in-8°, 
Paris, 1900; Id., Nouveau guide de Terre Sainte, 
in-16, Paris, 1907, p. 386-393. Cette tradition séculaire 
est maintenant rejetée par de nombreux contradic- 



2141 



THABOR — THALASSA 



.2142 



teurs. On soutient que la montagne était habitée du 
temps de Notre-Seigneur et qu'une forteresse la dé- 
fendit depuis une époque reculée jusqu'à l'an 50 ou 
53 de notre ère. Josèphe répara en quarante jours Jes 
fortifications de la montagne pendant la guerre de 
Vespasien, Bell, jud., II, xx, 6; Vila, 37, et bon 
nombre de Juifs s'y réfugièrent à cette époque; mais, 
quelle que pût en être la population du temps de 
Jésus-Christ, elle ne pouvait pas l'empêcher de s'y 
retirer à l'écart et de s'y transfigurer isolément, 
xaO'iûtocv, seorsum, Matth., xvii, 1; Marc, IX, 1, devant 
ses trois apôtres seuls. On veut trouver une objection 
plus grave dans le fait que, huit jours auparavant, 
Jésus et ses disciples étaient au pied de l'Hermon, à 
Césarée de Philippes ; Matth., xvn, 1 ; Marc, IX, 2; 
Luc, ix, 28, et on place la scène du miracle sur un des 
sommets de l'Hermon. On ne peut nier cependant que 
le Sauveur n'ait eu largement le temps de se rendre 
en une semaine, sans forcer les étapes, de Césarée au 
Thabor. — L'omission du nom de la montagne dans le 
récit des évangélistes fournit une dernière difficulté 
contre le Thabor à ceux qui rejettent l'ancienne 
créance. Pourquoi le nom propre de la montagne de 
la Transfiguration n'a-t-il pas été mentionné par les 
évangélistes? Il est difficile de ;le dire, mais cette 
objection n'a pas moins de force contre l'Hermon, 
«ette chaîne de montagnes si importante et si connue, 
qui n'est pas nommée non plus. Si l'on rejette le Tha- 
bor et l'Hermon, il ne reste plus qu'un mont innommé, 
qu'on né saurait déterminer. Le fait incontestable, c'est 
que de bonne heure les chrétiens admirent que le mi- 
racle de la Transfiguration s'était produit sur le mont 
Thabor. — Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, 
t. 1, p. 367, 388-391; Ed. Robinson, Biblical re- 
searches, 2 e édit, Londres, 1856, t. h, p. 356-360. 

2. THABOR (CHÊNE DU) (hébreu : 'Êlân Jâbôr; 
Septante : i\ Epûç ©aëiip; Vulgate : quercus Thabor). 
I Sam. (Reg.), x, 3. Saûl, après avoir été oint comme 
■roi par Samuel, lorsqu'il cherchait les ânes de son 
père, passa, en retournant à Gabaa, à l'endroit auquel 
<;e chêne donnait son nom. Il était situé entre le tom- 
beau de Rachel sur la frontière de Benjamin à Çélsah 
<(Vulgate : in meridie) et la colline de Dieu ou Gabaon. 

Le site précis est inconnu. 0. Thenius, Die Bûcher Sa- 
muels, 2 e édit., Leipzig, 1864, p. 40, propose de lire 
'Élôri Debôrâh, mi3T, « le chêne de Déborah »,la nour- 
rice de Rachel qui fut enterrée dans ces parages. Voir 
Gen., xxxv, 8. D'autres ont proposé de lire 'Êlôn Bahut, 
« le chêne des pleurs », au lieu de 'Êlôn Tâbôr. Voir 
-Gesenius, Thésaurus, p. 1493. 

3. THABOR (Septante : ®<xg<ip), ville lévitique de 
la tribu de Zabulon, qui fut donnée avec ses dépen- 
dances aux fils de Mérari. I Par., vi, 77. Ce nom ne se 
lit point dans la liste des villes lévitiques de Zabulon. 
Jos., xxi, 34-35. Les uns ont supposé que « Thabor » 

•est ici une abréviation de « Céséleththabor », Jos.,xrx, 
12, laquelle est aussi abrégée en « Casaloth », Jos., 
xix, 18, d'après certains géographes. Voir Casaloth, 
t. il, col. 326. Si cette identification est exacte, la ville 
•était voisine du mont Thabor et sur la frontière de 
Zabulon. D'après d'autres, le nom de la ville est altéré 
-dans le passage des Paralipomènes, et doit se lire 
Dabéreth, Jos., xxi, 28, ville de la tribu d'Issachar, sur 
les frontières de Zabulon, aujourd'hui Debûriyéh, à 
l'ouest et au pied du Thabor. Voirt. H, col. 1195-1196. 
Pour d'autres enfin, c'est une ville qui était sur le mont 
Thabor ou bien le mont Thabor lui-même. 

THACASIN (hébreu : 'Iltàh Qâsîn; Septante : itoXt; 
KaTotain), ville frontière de la tribu de Zabulon, nom- 
anée après Gethhépher (t. m, col. 228). Jos., XIX, 13. 



Le hé de 'Ippâh est probablement le hé locatif, comme 
Gippdh Ifêfér pour Gap Héfér, dans le même verset, 
de sorte que le nom de la ville devait être 'Ep qâsin. 
Thacasin, qui est mentionnée après Japhié, était sans 
doute peu éloignée de cette dernière et par consé- 
quent assez proche de Nazareth (voir Japhié, t. m, 
col. 1126), mais le site est inconnu. 

THADAL (hébreu : Tid'dl; Septante : QapyâX), roi 
des Goïm d'après l'hébreu, rex Gentium d'après la 
Vulgate, un des rois confédérés avec Chodorlahomor 
dans sa campagne contre l'Asie antérieure et la Pales- 
tine. Gen., xiv, 1. Son nom, d'après une tablette assy- 
rienne mutilée, déchiffrée parM. Pinches, est Tudghula. 
Voir Goïm, t. m, col. 267. Tudghula, iils de Gazza[ni], 
y est nommé avec Éri-Aku ou Arioch de Larsa, Hammu- 
[rabi] de Babylone, Kudur-Laghamar ou Chodor- 
lahomor d'Élam. Une autre tablette, signalée par 
M. Sayce, dans Hastings, A dictionary of the Bible, 
t. iv, 1902, p. 761, porte : « Qui est Kudur-Laghamar, 
le malfaisant? Il a rassemblé les Umman-Manda, il a 
dévasté le peuple de Bel (les Babyloniens), et il a mar- 
ché à leur côté. » Les Umman-Manda ou Hordes de 
Barbares, dont le nom équivaut au Goïm hébreu, 
étaient des montagnards qui vivaient au nord de l'Elam. 
Thadal venait donc probablement des montagnes situées 
au nord-est de Babylone. 

THADDÉE (grec : ©aêôaîo;,), nom d'un des douze 
Apôtres. Matth., x, 3; Marc, m, 18. Dans saint Mat- 
thieu, le Codex Vaticanus porte Thaddée, comme le 
textus receptus. La leçon corrigée du Codex Ephrœmi 
dit Asëëaïo; 6 êiîixiïjOîiç ©a88aîo;. Saint Luc, VI, 15;. 
Act., i, 13, ne nomme ni Thaddée ni Lebbée, mais à la 
place il met Judas Jacobi, Jude. De la comparaison de 
ces textes, il résulte que Lebbée, voir t. iv, col. 143, et 
Thaddée sont des surnoms de l'apôtre saint Jude, qui 
était ainsi désigné pour le distinguer de l'apôtre infi- 
dèle, Judas Iscariote. Voir Jude 1, t. m, col. 1806. Pour 
l'étymologie de Thaddée, voir Lebbée, t. iv, col. 143. 

THADMOR. Voir Palmïre, col. 2070. 

THAHATH (hébreu : Tahap), nom de deux Israé- 
lites et d'une station dans le désert de l'Exode. 

1. THAHATH (Septante : 0ai6), lévite de la descen- 
dance de Caalh, un des ancêtres de Samuel et d'Héman. 
I Par., VI, 24, 37 (hébreu, 9, 22). 

2. THAHATH (Septante : Gad;9, Sïà6), fils de Bared 
et arrière-petit-fils d'Éphraïm et de Joseph. I Par., vu, 
20. Le nom se lit deux fois dans le texte hébreu et dans la 
Vulgate, comme si Éphraïm avait eu deux descendants 
du même nom. Les Septante ont différencié les deux 
noms en Thahath et Saath. Le second est donné comme 
fils d'Élada. 

3. THAHATH (Septante : KaT<x<x8),un des campements 
des Israélites dans le désert, entre Macéloth et Tharé. 
JVum., xxxiii, 26-27. Le site en est inconnu. 

THALASSA (grec : Aairafa; Vaticanus : Aacia; 
Alexandrinus : 'Winna.; Sinailicus : Aa<j<jat'a), ville 
voisine de Bonsports. Act., xxvn, 8. Voir Bonsports, 
t. i, fig. 567, col. 1848. Le vaisseau qui conduisait saint 
Paul prisonnier de Césarée à Rome longea la côte de 
Crète et vint à Bonsports, localité près de laquelle est 
la ville que la Vulgate appelle Thalassa et les manu- 
scrits grecs, avec diverses variantes, Lasée. La carte de 
Peutinger mentionne une ville de Crète appelée Lisia. 
C'est sans doute la même que Pline, H. N., îv, 12, 
nomme Lasos, ou, d'après quelques manuscrits Alos. 



2143 



THALASSA 



THAMMUZ 



2144 



Le site en a été découvert en 1856. Il est à peu près au 
milieu de la côte méridionale de' l'Ile, à l'est de Bons- 
ports et près du cap Léonda. J. Smith, Voyage and 
shipwreck of St. Paul, append. IV, 2 e édit., p. 262. On 
y voit des ruines d'anciens édifices, parmi lesquelles 
des restes de deux temples. 

THALASSAR (hébreu: TeVassâr, IV Reg., xix, 12; 
Jelaéèdr, Is., xxxvi, 12; Septanle : ©ae<r6év; Alexan- 
drinus: ©aXaioôp; Vulgate: Thelassar, IV Reg., Tha- 
lassar, Is.), ville où habitaient « les enfants d'Éden ». 
Elle avait été prise par les prédécesseurs de Senna- 
chérib et son envoyé, le Rabsacés, la citait parmi les 
places qu'il énumérait aux habitants de Jérusalem 
comme conquises par les rois d'Assyrie, afin de les 
convaincre de la nécessité de se soumettre à sa puis- 
sance. Les autres villes mentionnées par le fonction- 
naire assyrien, Gozan, Haran et Réseph, étaient situées 
dans la Mésopotamie occidentale. Dans cette même 
contrée se trouvait Bil-'Adini, dont les habitants 
s'étaient établis à Thalassar, et ce Bit-'Adini était situé 
sur les deux rives de l'Euphrate, probablement entre 
Balis et Béredjik. Voir Eden 3, t. n, col. 1588. Des 
documents cunéiformes rapportent que Gozan, Haran, 
Réseph et Bit-'Adini avaient été détruites par les pré- 
décesseurs de Sennachérib. E. Schrader, Die Keilinr 
schriften und das Alte Testament, 2 e édit., p. 327. Til- 
Assuri, dont Thalassar est sans doute la transcription 
hébraïque, veut dire en assyrien « Colline d'Assur ». 
Les rois de Ninive avaient donné ce nom à plusieurs 
localités. Il indique un lieu ou bien un temple consacré 
à honorer le dieu Assur. On en rencontrait plusieurs 
dans l'empire assyrien. L'un d'eux se trouve dans les 
inscriptions de Théglathphalasar III, P. Rost, Ann., 
176, et parait avoir été situé en Babylonie; ce n'est donc 
pas celui dont la prise est rappelée par l'envoyé assy- 
rien. Asaraddon nomme un autre PU Assuri, voisin du 
pays de Mitanni et dont il s'empara. E. Schrader, Kei- 
linschriftliche Bibliothek, t. n, p. 219. Il est possible 
que ce soit le Thalassar biblique. On en trouve un 
troisième à l'est du Tigre. J. M. Price, dans Jewish En- 
cyclopedia, t. xn, 1906, p. 77. 

THALCHA (Septante : ©aXx<i), ville de Siméon, 
nommée dans une addition des Septante. Jos., xix, 7. 
VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1867, p. 212, 
213, dit que c'était une bourgade, dont le nom avait 
été transformé en Telia, et qui était située à seize milles 
au sudd'Éleuthéropolis. 

THALÉ (hébreu: Télah; Septante : ©aXslç; Alexan- 
drinus : ©aXs), descendant d'Éphraïm, un des ancêtres 
de Josué. I Par., vn, 25. 

THALLUS (Septante : 9âX>.0{), branche d'olivier. 
Alcime en offrit une en or au roi de Syrie, Démé- 
trius I«. II Mach., xvi, 4. Le grec porte : « quelques- 
unes des branches d'olivier accoutumées du temple, » 
c'est-à-dire semblables à celles qu'on donnait en pré- 
sent au temple de Jérusalem. Elles étaient en or ciselé. 
La traduction de la Vulgate : « des rameaux qui sem- 
blaient être du Temple, » paraît signifier qu' Alcime les 
aurait dérobés au Temple. 

THAMAR (hébreu : fâtnâr, «palmier »; Septante : 
©aujip; 0ri(iâp), nom d'une femme chananéenne, de 
deux femmes Israélites et d'une localité. 

1. THAMAR, femme chananéenne qui fut épousée 
successivement par Her et Onan, fils de Juda, et petit- 
fils de Jacob. L'un et l'autre moururent sans lui don- 
ner d'enfants. D'après les usages reçus alors et d'après 
la coutume du lévirat, Juda aurait dû la marier avec ' 



son troisième fils Sélah, mais il ne se pressa pas de 
remplir cette obligation, par la crainte peut-être 
qu'elle ne portât aussi malheur à Sélah. Thamar, 
voyant sa mauvaise volonlé, se déguisa en courtisane 
et se plaça à un carrefour du chemin que devait 
suivre son beau-père, au moment de la tonte de 
ses brebis. Voir Thamnas, col. 2346. Juda ne la re- 
connut point, mais il succomba au piège qui lui avait 
été tendu, il lui promit un chevreau et lui laissa en 
gage son anneau. Sa belle-fille le lui fit remettre plus 
tard, lorsqu'il voulut la punir en apprenant qu'elle avait 
donné le jour à deux jumeaux, Phares et Zara. Gen., 
xxxviii ; Ruth, iv, 12; I Par., n, 4. Elle devint ainsi un 
des ancêtres de Notre-Seigneur et elle figure à ce titre 
dans la généalogie de saint Matthieu, i, 3. 

2. THAMAR, sœur d'Absalom.Son demi-frère Amnon 
lui fit violence et la traita ensuite avec le plus grand 
mépris. C'est pour venger l'outrage fait à sa sœur 
qu'Absalom fit mettre Amnon à mort par ses gens, 
après l'avoir invité avec tous ses autres frères à un 
festin à Baalhasor. Il Sam. (Reg.), xm. Voir AbsalomI, 
Amnon 1, t. i, col. 92-93, 500-501. 

3. THAMAR, fille d'Absalom. II Sam. (Reg.), xiv, 27. 
D'après une addition des Septante, f. 27, elle devint la 
femme de Roboam et la mère d'Abia. Ils semblent 
l'avoir identifiée avec Maacha. I (III) Reg., xv, 2; II Par., 
xi, 20-22. 

4. THAMAR (hébreu : Tâmâr; Septante : ©at'uav), 
ville de Juda, nommée deux fois par Ézéchiel, xlvii, 
19; xlviii, 28. Elle devait tirer son nom de ses pal- 
miers. Quelques-uns pensent que c'est la même loca- 
lité qu'Asasonthamar (t. i, col. 1060), nom primitif 
d'Engaddi (t. n, col. 1796), dont le prophète n'aurait 
conservé que la seconde partie du nom. D'autres le 
nient, parce que, disent-ils, Engaddi est près du milieu 
de la côte occidentale de la mer Morte et est men- 
tionnée sous ce nom dans Ézéchiel, xlvii, 10. Il ne 
lui aurait pas donné deux noms différents dans le 
même chapitre. Dans sa division idéale de la Terre 
Sainte, au ch. xlvii,' on voit qu'il a sous les yeux les 
frontières marquées par les Nombres, xxxiv, et que 
Thamar doit se trouver dans le voisinage de la montée 
du Scorpion ou Akrabbim, au sud de la mer Morte. 
Cf. Jos., xv, 1-4. Ce Thamar peut être le Thamara 
de VOnomasticon d'Eusèbe et de saint Jérôme, Pair, 
lat., t. xxiii, col. 862, qui avait de leur temps une gar- 
nison romaine, sur la route qui allait d'Hébron à 
Élath. Elle figure sous le nom de Thamaro dans la 
carte de Peutinger, sur la route d'Hébron à Pétra. 
Ptolémée, v, 16, 8, la mentionne comme une ville, de 
Judée. Le site n'en a pas été retrouvé. / 

1. THAMMUZ (hébreu : ha(-Tammûz; SepHante : 
ô ©aajjioûÇ; Vulgate : Adonis), divinité syrjéhne à 
laquelle les Juives idolâtres rendaient un cuits, en 
célébrant une lamentation annuelle en son honneur. 
La 6 e année de la captivité du roi Joachinj 'le 5 du 
sixième mois, Ézéchiel vit dans une vision des femmes 
assises « qui pleuraient Thammuz » à la porte septen- 
trionale du temple de Jérusalem. Ezech. ; vin,- 14-15. 
On croit retrouver aussi une allusion' à ces lamenta- 
tions dans Amos, vin, 10, parlant du deuil du fils 
unique. Cf. Zach., xn, 10; Jer., xxn,18. Saint Jérôme, 
In Ezech., vm, 12-14, t. xxv', col. > 82, commente ainsi 
ce passage : Quem nos Adonidem interpretati su- 
mus et Hebrseus et Syrus sermo Thamuz vocat : unde 
quia juxta gentilem fabulant, in mense junio ama- 
sius Veneris et pulch'errimus juvenis occisus, et 
deinde revixisse narratur, eumdeni junium mensem 
eodem appellant- nomine et anniversariam ei celé- 



2145 



THAMMUZ — THAMNATHA 



2146 



brant solemnitatem, in qua plangitur a mulieribus 
quasi mortuus, et postea reviviscens canitur atque 
laudatur. Saint Jérôme nous apprend, Epist. lviii, 
ad Paulin., t. xxn, col. 581, qu'il y eut à Béthléhem 
un bois consacré à Adonis et qu'on se lamentait sur sa 
mort dans la grotte où naquit le Sauveur. 

Le culte de Thammuz était d'origine babylonienne. 
C'était primitivement le dieu Soleil, fils d'Éa et de la 
déesse Sirdou, le fiancé de la déesse Istar. Il habitait à 
l'ombre de l'arbre de vie dans le jardin d'Éridou, 
arrosé par le Tigre et l'Euphrate. Les poèmes babylo- 
niens le représentent comme un berger, mort à la fleur 
de l'âge ou tué par un sanglier. Macrobe,Sa£wra.,i,21. 
Istar descendit aux enfers pour le retrouver etlui rendre 
la vie, en franchissant les sept portes du séjour des 
morts. C'est ce qui est raconté dans le poème de la Des- 
cente d'Istar aux enfers. Le second jour du quatrième 
mois de l'année babylonienne, correspondant à la fin 




475. — Culte d'Adonis. Plat d'argent de Curium (Chypre), 
maintenant conservé au Metropolitan Muséum de New- York. 
— Adonis avec une pomme et Astarté devant une table sacrée ; 
procession de musiciens et d'adorateurs apportant des pré- 
sents. A une autre table sacrée, derrière les musiciens, trois 
autres personnages portent divers présents à Adonis. 

de juin et au commencement de juillet, on récitait ce 
poème pour célébrer le souvenir de la mort de Tham- 
muz, et c'est à cause de cette fête que ce mois portait 
le nom de Thammuz. Son culte passa de Babylonie en 
Phénicie, où il fut honoré sous le nom d'Adôn ou 
d'Adonaï, d'où les Grecs firent Adonis, comme ils firent, 
d'Istar ou d'Astoreth, Aphrodite, lorsque sa légende 
passa en Grèce. Elle avait déjà pris pied en Palestine, 
mais non sans subir de transformations dans ces diffé- 
rents voyages. On ne le confondait plus avec le soleil, 
il était devenu le symbole de la végétation qui s'épa- 
nouissait et se développait au printemps et était ensuite 
desséchée et brûlée par les chaleurs de l'été, ce qu'on 
exprimait par la mort d'Adonis, mais comme la séche- 
resse arrivait plus tard en Chanaan qu'en Babylonie, 
l'anniversaire de la mort d'Adonis se célébrait deux 
mois plus tard en Phénicie. 

A l'époque de la XXVI e dynastie égyptienne, Adonis 
de Byblos fut identifié avec Osiris l'Égyptien et la fête 
de sa résurrection fut célébrée avec l'anniversaire de sa 
mort, sur le récit des Alexandrins, d'après lesquels Isis 
avait retrouvé à Byblos les membres épars d'Osiris. 
Lucien, De dea Syra, 7. Le même auteur raconte 
comment on l'honorait, ibid., 6, dans le Liban. La fête 
anniversaire de la mort et de la résurrection d'Adonis 
se célébrait surtout à Byblos. A la fonte des neiges, le 
fleuve Adonis, aujourd'hui Nalir Ibrahim, roule des 
eaux rougies par les terrains qu'il traverse. On croyait 
que c'était le sang d'Adonis qui leur donnait leur couleur 
sanglante. Ce phénomène se renouvelle à la suite de 

DICT. DE LA BIBLE. 



violents orages. Les femmes pleuraient tous les ans la 
mort d'Adonis. On les voit représentées sur les bords 
d'une coupe où sont reproduits les principaux épisodes 
de son culte (fig. 475). Pour rappeler la mort du dieu, 
elles plantaient dans un vase, qu'on exposait sur la 
terrasse des maisons, de la laitue, de l'orge et du fenouil. 
Dans les sanctuaires, on faisait brûler des parfums. Là 
se trouvait le simulacre d'Adonis qu'on enterrait. Le 
sixième jour, le dieu ressuscitait et on célébrait sa 
résurrection par de hideuses bacchanales. — Voir 
H. Zimmern, Der babylonische Tamûz, in-8°, Leipzig, 
1909; St. Langton, Sumerianand Babylonian Psalms, 
in-8», Paris, 1909. 

2. thammuz, THAMMOUZ, quatrième mois de l'année 
hébraïque, de 29 jours, comprenant la fin de juin et 
le commencement de juillet. Il n'est pas nommé dans 
l'Écriture, mais seulement dans les anciens écrits juifs. 

THAMNA (hébreu : Timna' ; Septante : Oajrvi), nom 
de deux personnes et de deux villes. 

1. THAMNA, femme de second rang d'Éliphaz, fils 
d'Ésaù, et mère d'Amalec, père des Amalécites. Gen., 
xxxvi, 12; I Par., i, 36 (où l'on doit probablement regar- 
der Thamna comme une fille). Elle était sœur de Latan. 
Gen., xxxvi, 22; 1 Par., i, 39. 

2. THAMNA, un des chefs d'Édom, descendant 
d'Ésaù, le premier nommé dans la liste de Genèse, 
xxxvr, 40, et de I Paralipomènes, i, 51. D'après le texte 
de la Genèse, cette liste contient plutôt les noms des 
familles et des territoires des 'allûfim que leur nom 
propre. 

3. THAMNA (hébreu : Timnâh, «portion »; Septante : 
)Jëa), ville voisine de Bethsamès. Jos., xv, 10; II Par., 
xxxvm, 18. La Yulgate l'appelle ordinairement Tham- 
natha. Yoir Thamnatha. 

4. THAMNA (hébreu : Timnâh ; Septante : ©au,va6â), 
ville de la partie montagneuse de la tribu de Juda. 
Jos., xv, 57. Elle faisait partie du groupe d'Accaïn et 
Gabaa. C'est aujourd'hui Tibna, près de Gabaa, à deux 
heures et demie environ à l'ouest de Béthléhem. On y 
voit encore quelques fondements de vieilles construc- 
tions. Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. m, 
p. 53. Il est possible que ce fut là que Juda, le fils de 
Jacob, rencontra Thamar. Voir Thamnas. 

THAMNAS (hébreu : Timnâh; Septante : ©a^vâ), 
ville sur le chemin de laquelle se tenait la belle-fille 
de Juda, déguisée en courtisane, Gen., xxxvm, 12, 13, 
14, et dont il eut Phares et Zara, f. 29-30. Voir 
Thamna 4. j 

THAMNATA (Septante : @au.vâ8a), place forte de 
Judée, reconstruite par Bacchide (t. I, col. 1373). Elle 
est nommée entre Bélhel et Pharathon. I Mach., IX, 
50. D'après un grand nombre de savants, c'est la même 
ville que Thamnatha ; d'après d'autres, elle est différente. 
La première opinion paraît la plus probable. Josèphe, 
Bell, jud., III, m, 5, nous apprend qu'elle était le chef- 
lieu d'une toparchie. 

THAMNATHA (hébreu : Timnâh; Septante : 0au.v5, 
0ap.va95), ville située sur la frontière septentrionale de 
la tribu de Juda. Jos., xv, 10. C'était une ville phi- 
listine enclavée dans la tribu de Dan, Jos.,xix, 43 (Vul- 
gate : Themna), dont le nom s'est transformé en Tib- 
néh, sur la pente méridionale de la vallée de Sorec, 
Ouadi es-Surar, à l'ouest de Bethsamès. Voir Sorec, 
col. 1845. Le site est aujourd'hui désert, mais on y 

V. - C8 



2147 



THAMNATHA — THANAG 



2148 



remarque encore des débris de murailles, des citernes 
et des pressoirs. Dans la partie septentrionale des 
ruines se trouve une source. Entre Tibnéh et VOuadi 
es-Surar, sur le penchant des collines, croissent la 
vigne et l'olivier. Palestine Exploration Fund, Me- 
moirs,t. n, p. 417, 441. Cf. t. u, col. 1234. 

Samson, qui était né dans le voisinage, à Saraa, 
épousa une femme de Thamnatha et lua, en s'y ren- 
dant, le lion qui lui fournit la matière de l'énigme 
proposée au festin denoces.Jud., xiv,l,2,5.Son beau- 
père est appelé Thamnite. Jud., xv, 6. Voir Samson, 
col. 1434. — Les Philistins perdirent Thamnatha sous 
les rois de Juda, lorsqu'ils furent soumis par le roi 



niers passages, la Vulgate écrit le nom Thamnathsaré. 
Le vrai site de Thamnath Saraa est très controversé. 
V. Guérin le place à Khirbet Tibnéh.\oir Jostjé, t. m, 
col. 1687. Le P. Séjourné le place à el-Fakhdkhïr. Voir 
Gaas, t. m, col. 2; Éphraïm, t. u, fîg. 592, col. 1875. 

THANAC,THANACH (hébreu: Ta'anak; Septante: 
Tavi-/, ©avait, ©avaà/J, ville de la demi-tribu de 
Manassé occidental. Jos., xxi, 25. C'était une ancienne 
ville chananéenne, dont le roi fut défait par les Israé- 
lites du temps de Josué. Jos., xn, 21 (fîg. 476). Elle fai- 
sait partie du territoire qui était échu à Issachar, mais 
elle fut donnée à Manassé et devint une ville lévi- 




476. — Tell Ta'annek, vu de l'ouest. 
D'après E. Sellin, Denkschriften der K. Akad. der Wiss. Phil.-hisl. KL, in-f*, Vienne, 1904, t. l, fasc. iv, 8g. 1, p. 2. 



Ozias, mais ils la reprirent bientôt après sous le 
règne d'Achaz. II Par., xxvm, 18 (Vulgate : Thamna). 
— Lorsque Sennachérib fit sa campagne en Palestine, 
il s'empara de Thamnatha (Tamnâ). Eb. Schrader, 
Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2 e édit., 
p. 170. 

THAMNATHÉEN (hébreu : hat-Timnî; Septante : 
6 ©a|ivi), originaire de Thamnatha. Le beau-père de 
Samson était Thamnathéen. Jud., xv, 6. 

THAMNATH [SARAA, THAMNATHSARÉ (hé- 
breu: fimnat Serai), dans Josué; Tininat Hérés, dans 
Jud.; Septante : ®a\3yaaapiy, 0a|Avi9<7âpa-/, 0a[i.vaEla- 
pé;), ville de la tribu d'Éphraïm. Elle fut donnée à 
Josué, comme part de son héritage dans la Terre Pro- 
mise, par les Israélites. Elle était située dans la partie 
montagneuse de cette tribu, au nord du mont Gaas. 
Jos., xix, 50. C'est là que le successeur de Moïse fut 
enseveli. Jos.,xxiv, 30; Jud., H, 9. Dans ces deux der- 



tique, attribuée aux Caathites. Jos., xvn, 11, Vulgate : 
Thenac; xxi, 25; Jud., i, 27; 1 Par., vu, 29. Ce fut 
dans le voisinage de Thanach que Barac, encouragé 
par Débora, remporta la grande victoire qui affranchit 
les tribus du nord de la Palestine du joug des rois 
chananéens. Jud., v, 19. Les Chananéens étaient restés 
jusqu'alors dans cette ville; ils n'en avaient pas été 
chassés, mais soumis seulement dans la suite à un 
tribut et à la corvée. Jud.,l, 27-28. Du temps de Salo- 
mon, elle faisait partie du district soumis à Baana, un 
des douze commissaires de ce prince chargés de 
l'entretien de la maison royale. III Reg., IV, 12. 

Thanach était une place forte destinée à défendre la 
plaine d'Esdrelon. Elle est mentionnée avec Mageddo- 
dans les listes de Thothmès III à Karnak et aussi dans 
celles de Sésac. W. Max Mûller, Asien und Europa, 
in-8°, Leipzig, 1893, p. 158 note, 170, 195. 

A l'époque d'Eusèbe et de saint Jérôme, Thanach 
était encore un gros village, situé à trois ou quatre 
milles romains de Legio, probablement l'ancienne; 



2149 



THANAC — THAPHUA 



2150 



Mageddo. Onomasticon, édit. Larsow et Parlhey, 
p. 209, 215. « Ce village, dit V. Guérin, Samarie, t. il, 
1875, p. 226, est aujourd'hui réduit à une dizaine de 
misérables habitations, sur les pentes d'une colline 
oblongue. Jadis, les flancs méridionaux de cette émi- 
-nence et son plateau supérieur tout entier étaient 
occupés par des constructions, comme le prouvent les 
innombrables fragments de poterie épars sur le sol et 




rortiùcatio&M 




Fouilles 1302 
.. 1903 
- 1904 



477. — Plan des ruines de Thanach. 
D'après E. Sellin, Nachlese auf dem Tell Ta'annek, dans les 
Denkschriften der Akad. der Wissenschaften, Ph.-histor. 
Klasse, Vienne, 1906, t. ni, fasc. m. 

les matériaux de toute sorte que l'on y rencontre à 
chaque pas; les pierres les plus considérables ont dû 
être transportées ailleurs. Au bas du village, est une 
petite mosquée, qui passe pour avoir été une ancienne 
église chrétienne; elle est, en effet, orientée de l'ouest 
à l'est, et les pierres avec lesquelles elle a été bâtie 
proviennent toutes de constructions antérieures; quel- 
ques-unes, comme celles qui forment les pieds-droits 
delà porte, sont décorées de sculptures. Plus loin, dans 
la plaine, plusieurs citernes creusées dans le roc et un 
puits appelé Bir Ta'annak datent également de l'anti- 
quité. » 

Des fouilles ont été faites à Thanach en 1902-1904 
(fig. 477). Voir Ernest Sellin, Eine Nachlese auf dem 
Tell Ta'annek in Palàstina. Skizze der Graben und 



Schachte. Nebst einem Anhange, von D r Friedrich 
Hrozny, Die neuen Keilschrifttexte von Ta'annek 
mit 5 Tafeln und 49 Textfiguren. Dans Denkschriften 
der K. Akademie der Wissenschaften. Phil.-hist. 
Klasse, in-f», Vienne, 1906, t. lu, fasc. m. Le plateau 
central de Thanach mesure 140 mètres surllO; le plus 
grand développement de la ville, 300 mètres sur 150, 
ou 4 hectares 80. H. Vincent, Canaan, 1907, p. 27-28. 
Voir E. Sellin, Tell Ta'annek; Bericht ûber eine Aus- 
grabung in Palàstina, gr. in-4«, Vienne, 1904 (fasci- 
cule iv, 123 p., 13 pi., 132 ill. et 6 plans, dans le t. i. des 
Denkschriften de l'Académie de Vienne). 

THANATHSÉLO (hébreu : Ta'ânat $ilàh; Sep- 
tante : 6ï)va(rà xat 2sMt)ç), ville frontière d'Éphraïm. 
Elle est nommée, entre Machméthah et Janoé, dans un 
seul passage de la Bible. Jos., xvi, 6. La situation de 
Machméthah est douteuse (t. iv, col. 512) ; celle de 
Janoé est très probablement au sud-est de Naplouse, au 
village actuel de Yanûn. Voir Janoé 1, t. m, col. 1121. 
Thanathsélo, aujourd'hui Ta'na, est également au sud- 
est de Naplouse, sur la route de cette dernière ville à 
la vallée du Jourdain. Ptoléinée, v, 16, 5, qui la nomme 
0T|VB,"la mentionne avec Neapolis ou Naplouse, comme 
étant, avec cette dernière, une des deux principales 
villes de Samarie. Voir Palestine Exploration Fund, 
Memoirs, t. n,p. 232, 245. 

THANEHUMETH (hébreu : fanlmmét; Septante : 
0ava[x.â6, IV Reg.; ©avaeniO, Jer.), père de Saraïa ou 
Saréas, contemporain de Jérémie et de Godolias. IV Reg., 
xxv, 23; Jer., xl, 8. Voir Saraïa 3, col. 1477.Thanehu- 
meth était Nétophatite, IV Reg., xxv, 23, c'est-à-dire 
originaire de Nétophati. Voir Nétophati, t. iv, col. 1610. 

THAPHSA (hébreu Tifsah; Septante : 0ep<ra), 
ville frontière du royaume de Salomon. III Reg., iv, 
24. La domination de ce prince s'étendit depuis Thaphsa 
au nord jusqu'à Gaza au sud. Thaphsa est la ville bien 
connue des Grecs et des Romains, qu'ils appelaient 
0ât|/a*o;, Thapsacus. L'hébreu Tifsah paraît signifier 
« gué »,etThapsaque, située dans la Syrie du nord, était 
l'endroit où il y avait un gué de l'Euphrate. Strabon, 
XVI, î, 21. Sa situation en avait fait une ville très im- 
portante. Xénophon, Anab., I, iv, 11, l'appelait, de son 
temps, lieyâXri xai eù8a!u.">v. Darius Codoman la traversa 
avant et après la bataille d'Issus. Alexandre le Grand, 
son vainqueur, passa l'Euphrate sur deux ponts de ba- 
teaux en le poursuivant. Arrien, m, 7. Sous les Séleu- 
cides, on l'appela Amphipolis. C'était, en aval, le der- 
nier endroit où le fleuve fut guéable. Cf. Strabon, XVI, 
i, 23. C'est là qu'on embarquait les marchandises qu'on 
transportait en barque sur l'Euphrate pour toutes les 
villes situées le long de son cours, depuis Thaphsa jus- 
qu'à la mer, Quinte-Curce, x, 1, et c'est là aussi qu'on 
débarquait en amont les marchandises qu'on transpor- 
tait de là par terre à leur destination. Strabon, XVI, 
m, 34. Thapsaque était donc une place commerciale de 
très grande importance, le centre du trafic entre l'Orient 
et l'Occident, et l'on conçoit sans peine combien sa pos- 
session était précieuse pour le commerce de Salomon 
avec l'Asie centrale, où ses caravanes allaient de là par 
Thadmor (Palmyre), ou bien y faisaient halte en rêve 
nant. L'Euphrate peut encore être passé à gué aujour- 
d'hui à Béredjik, excepté au moment de la crue du 
fleuve. — Les commentateurs juifs ont souvent identi- 
fié, à cause de la ressemblance de nom, la Thaphsa de 
Salomon avec la Thapsa de Manahem, IV Reg., xv, 16, 
mais à tort, puisque cette dernière était dans le voisi- 
nage de Thersa. Voir Thapsa, col. 2151. 

THAPHUA (hébreu : Tapuâh ; Septante : 0aw8ov f ), 
fils d'Hébron, de la tribu de Juda. I Par., h, 43. Dans 



2151 



THAPHUA — THARACA 



2152 



plusieurs éditions de la Vulgate, son nom est écrit 
Taphua. Voir Taphua 1, col. 1994. 

THAPSA (hébreu : fifsah; Septante : Qépaa.), ville 
d'Israël. IV Reg., xv, 16, nous lisons : « Manahem 
frappa Thapsà et tous ses habitants, avec son territoire 
depuis Thersa, parce que les habitants n'avaient pas 
voulu lui en ouvrir les portes et il en tua toutes les 
femmes enceintes. »"! C'est vraisemblablement la Tafsa 
actuelle, au sud de Sichem. 

THAPSAQUE. Voir Thaphsa, col. 2150. 

THARA (Septante : ®appâ), un des deux eunuques, 
portiers du roi Artaxercès — Assuérus, qui avaient conçu 
le dessein de le mettre à mort. Mardochée déjoua leur 
complot en révélant au roi le péril qui le menaçait et 
celui-ci les prévint en les faisant exécuter. Esther, XII, 
1-3. Voir Bagathan, t. i, col. 1383. Thara est le même 
que Tharès, Esth., u, 21-23, où le même fait est ra- 
conté, et vi, 2, qui rappelle ce même événement. Voir 
Tharès, col. 2157. 

THARAA (hébreu : Tahrê'a,\ Par.,ix, 41; Ta'erê'a, 
I Par., vin, 35, par le changement du heth, n, en N, 
aleph; Septante: ©apdc/J, fils de Micha et petit-fils de 
Méribbaal ou Miphiboseth, de la tribu de Benjamin et 
de la descendance de Saiil. 

THARACA (hébreu : Tirhàkâh; Septante : ©apaxà; 
le [ j-j  1 Tharaka ou Tahr(u)k des hiérogly- 
phes; leTarqu-udes cunéiformes; leTâpxoçou Tapaxôç 
de Manéthon, Muller-Didot, Fragmenta historicorum 
grsecorum, t. H, p. 593; le Teapx.<i; ou TEâpxwv de 
Strabon, I,m, 21, et XV, i, 6; le Tctpcrîxïiç de Josèphe, 
Ant. jud., X, 1,4), roi d'Egypte et d'Ethiopie (fig. 478). 

I. Le personnage, -r- Tharaca est le troisième des 
quatre pharaons éthiopiens qui remplissent la XXV e dy- 
nastie, de 712 à 663, à la suite des victoires de Piankhi. 
Legrain, Recherches généalogiques, dans Recueil de 
travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie 
égyptiennes et assyriennes, t. xxxi, 1909, p. 8. L'ordre 
de succession, Sabaka, Sabataka, Tahraka, nous est 
garanti par la série des cotes du Nil à Thèbes, Legrain, 
Textes gravés sur le quai de Karnak, dans Zeitschrift 
fur àgyptische Sprache und Alterthumskunde, 
t. xxxiv, 1896, p. 114-116, et confirmé par Manéthon, 
dans Syncelle, Chronographia, édit. Dindorf, 1829, 
t. i, p. 140. Il règne quelque incertitude sur les liens 
de parenté qui unissent entre eux ces souverains d'une 
même famille. On sait toutefois, par la stèle de Psam- 
métique I er , lig. 3, Legrain, Deux stèles trouvées à 
Karnak en février 1897, dans Zeitschrift fur âgypt. 
Sprache, t. xxxv,1897, p. 16, que Tharaca était le frère 
de Sapenapit II. Or, celle-ci était la fille de Piankhi, 
Golenischeff, Catalogue du Musée de l'Ermitage, 1891, 
p. 220, probablement le Piankhi vainqueur de Taf- 
nekht. Legrain, Recherches généalogiques, loc. cit. ; 
Breasted, Ancienl Records, t. îv, 1906, p. 481. Cf. 
Amélineau, Nouvelles fouilles d'Abydos, 1905, t. i, 
p. 52; Daressy, Notes et remarques, clxxiv, dans 
Recueil de travaux, t. xxn, 1900, p. 142. Quoi qu'il en 
soit, Tharaca était sûrement le neveu de Sabaka et le 
cousin de Sabataka, si ce dernier est le fils de Sabaka, 
comme le veut Manéthon (Syncelle), loc. cit. Tharaca 
était donc tout qualifié pour être envoyé dans le Delta, 
comme Sabaka y avait été envoyé avant lui, voir Sua, 
col. 1870, et y jouer un des premiers rôles. Et cela d'au- 
tant mieux qu'il parait avoir été d'un caractère très 
entreprenant à côté de Sabataka, pharaon quelque peu 
effacé. Il avait vingt ans lorsqu'il quitta Napata, se 



, séparant de sa mère, « sœur de roi et mère de roi », 
dont le nom reste problématique. Cf. toutefois E. de 
Rougé, Élude sur quelques monuments du règne de 
Tahraka, dans Mélanges d'archéologie égyptienne et 
assyrienne, 1873, 1. 1, p. 12; Maspero, Histoire ancienne 
de l'Orient classique, 1899, t. m, p. 361 et n. 2, qui la 
nomment Akelaou Akelak, Akalouka, d'après Lepsius, 
Denkmâler, v, 7 c. Bien accueilli à la cour du nord, 
probablement par Sabataka, il reçut une dotation en 
terres fertiles, prit rang parmi les enfants royaux et 
plus que tous le roi l'aima. Stèle de Tanis, dans Pétrie, 
Tanis, part. 2,1888, pi. ix. lig. 1-13, et p. 29-30 (Fourth ' 
Memoir of the Egypt Exploration Fund). Cf. E. de 
Rougé, loc. cit., p. 16, 21-22. On convient assez géné- 
ralement que Tharaca monta sur le trône vers 693. 
E. de Rougé, loc. cit., p. 13; Maspero, loc. cit., p. 361; 
Pétrie, A history of Égypt, 1905, t. m, p. 296; contre 
Breasted, loc. cit., p. 451, 465 et 492, qui le fait régner 
de 688 à 663 et le regarde comme le prédécesseur 
immédiat de Psammétique I e '. S'il faut en croire une 
tradition postérieure, Tharaca s'empara du pouvoir par 
la violence. Unger, Chronologie des Maneiho, 1867, 
p. 251. Cf. Muller-Didot, loc. cit. Aux fêtes de son 
couronnement, il associa sa mère, mandée de Napata. 
Stèle de Tanis, dans Pétrie, loc. cit. Plus tard, dans 
une chapelle qu'il éleva à Karnak, sur le quai septen- 
trional du Lac sacré, il reproduisit les cérémonies de 
son intronisation. Tharaca gouvernait donc l'Egypte 
entière : le royaume de Napata; Thèbes, devenue sous 
les Éthiopiens une principauté théocratique régie par 
des femmes, filles ou sœurs et épouses du roi régnant; 
le reste du pays, partagé entre des dynastes dont on 
avait reconnu les droits au prix de leur allégeance. 
Vingt ans durant, les Assyriens furent retenus au loin 
ou leur élan se brisa à la frontière de l'Egypte. Ce répit 
permit à Tharaca de bâtira Thèbes et surtout à Napata. 
Cf. Maspero, loc. cit., p. 363-366. Ses malheurs datent 
de ses dernières années. Il régnait encore en 667 ou 
666, puisque l'Apis mort à la fin de l'an XX de Psammé- 
tique I" et enterré au début de l'an XXI était né l'an 
XXVI de Tharaca. Chassinat, Textes provenant du 
Serapeum de Memphis, dans Recueil de travaux, 
t. xxn, 1900, p. 19-20; Breasted, loc. cit., p. 492. 

II. Ses luttes contre les Sargonides. — 1° Contre 
Sennachérib (701). — Tout portait les pharaons à s'im- 
miscer dans les affaires de Syrie : leur antique supré- 
matie sur ce pays, la nécessité d'y exciter à l'occasion 
une révolte où, loin du Nil, s'épuiserait le choc assyrien, 
les appels des populations courbées sous la dure tutelle 
du Sargonide, pour qui « dévaster était le cri de son 
cœur, » Is., x, 7; cf. xxx, 1-9, populations confiantes, 
malgré tout, dans la vieille gloire et les chars de 
l'Egypte. Is., v, 28; xxxvi, 5-8; cf. xxx, 16; xxxi,l, 3. 
A ce jeu dangereux, qui réussit un temps, mais qui 
allait attirer sur lui tout le poids de la colère ennemie, 
Tharaca se trouva mêlé bien avant son intronisation. 
Profitant des embarras de Sennachérib, aux prises, ses 
quatre premières années, avec Mérodach-Baladan et 
les Cosséens, les pays d'Amourrou et de Canaan 
avaient refusé le tribut. Padii, roi d'Accaron, demeu- 
rant fidèle à Ninive, fut livré par ses sujets à Ézéchias 
de Juda. Libre enfin du côté du midi et de l'orient, 
Sennachérib parait en 701. Comment il parcourt en 
vainqueur la Phénicie et la Philistie, prend Ascalon et 
pousse vers Accaron, il nous le raconte lui-même. 
Prisme de Taylor, col. Il, lig. 34-73, dans Schrader, 
Keilinschriftliche Bibliothek, t. n, p. 80 sq.; Vigou- 
roux, La Bible et les découvertes modernes, 6« édit., 
1896, t. iv, p. 24-26. Cf. Dhorme, Les pays bibliques 
et l'Assyrie, dans Revue biblique internationale, 1910, 
p. 506-509. Accaron avait commis le crime d'appeler à 
son aide * les rois d'Egypte (Mu$uri) », c'est-à-dire les 
dynastes, et« le roi d'Ethiopie {Méluhha) » , c'est-à-dire 



Dict. de la Bible 



Letouzey et Ane, Edit. 



(m -Hf^^W^^sôïMnlDn^V V 1 



Ais»A$M\ 



iIfMlQSMN= 




THARACA FAISANT UNE OFFRANDE A AMON-RA 

D'après Lepsius. Denkmxkr, Abth. Y, Bl. v 



. .. 



2153 



THARACA 



2154 



Sabataka, avec « leurs archers, chars et chevaux de . 
guerre. » Prisme de Taylor, loc. cit., lig. 73-76. Mais j 
Sabataka ne se mit pas à la tête de ses contingents. Il 
les confia à Tharaca. La Bible, IV Reg., xix, 9, et Is., ' 
xxxvii, 9, nous l'apprend: « Et Sennachérib reçut une 
nouvelle au sujet de Tharaca, roi d'Ethiopie. On lui 
dit : Voici qu'il s'est mis en marche pour vous com- 
battre. » La qualification de mélek Cus, BaaiXe-Jî 
Aî8!(Sir<i>y, n'a rien d'insolite pour Tharaca, personnage 
de sang solaire, délégué de Napata en Basse-Egypte, y 
faisant fonction de vice-roi avec autorité sur les roite- 
lets vassaux. Il intervenait naturellement en la cir- 
constance comme bras droit du pharaon. Il est donc 
inutile de couper en deux le récit biblique et de ren- 
voyer les événements contenus IV Reg., xvm, 17 ; xix, 
à une seconde campagne de Sennachérib diffférente de 
celle de 701 et qui aurait pris place en 690, alors que 
Tharaca était devenu pharaon à son tour. La meilleure 
exposition de cette hypothèse, due à Winckler; se 
trouve dans Dhorme, loc. cit., p. 512-513, 516-518, 
qui l'admet. Cf. Condamin, Babylone et la Bible, dans 
A. d'Alés, Dictionnaire apologétique, col. 356 et n. 1, 
qui, avec beaucoup d'autres, la rejette comme insuffi- 
samment fondée. 

Donc Tharaca arrivé, « l'armée coalisée se cantonne 
à Altaqu-u (Elteqéh), ville lévitique de la tribu de 
Dan. Dans la suite du récit, cette Altaqu-u est mise en 
relation avec Taamnaa, qui est la ville danite de Timnâ 
(aujourd'hui Tibnéh), au sud-ouest d'Ain Sems (Be(- 
Séméë). C'est dans la grande plaine qui s'étend au sud 
d'Accaron et à l'ouest de Timnâ qu'il faut localiser 
Elteqéh, le champ de bataille où vont se heurter de 
front les deux armées. » Dhorme, loc. cit., p. 509. 
« Grâce à la protection de mon seigneur Asur, nous 
dit Sennachérib, je combattis avec eux et je les défis. 
Au milieu du combat, mes mains prirent vivants le 
chef des chars et les enfants d'un roi des Égyptiens, 
ainsi que le chef des chars du roi d'Ethiopie. J'assié- 
geai Elteqéh et Tamnâ, je les pris et j'emmenai leur 
butin. >> Prisme de Taylor, col. n, lig. 76-83, traduc- 
tion Dhorme, loc. cit. En somme, ce n'est là qu'un 
maigre bulletin de victoire, tenant peu de place dans 
l'ensemble du récit. On n'enregistre ni le nombre des 
tués et des prisonniers ni le montant du butin. Cela 
dit assez que l'action ne fut pas décisive et que Tha- 
raca put se replier en bon ordre. Cf. Vigouroux, loc. 
cit., p. 36. Sennachérib n'en fut que plus acharné à se 
frayer le chemin de l'Egypte, l'âme de toutes les 
coalitions et le principal objet de sa haine. En toute 
hâte, il prend Accaron, quarante-six villes fortes de 
Juda, envoie investir Jérusalem et sommer par deux 
fois Ézéchias de se rendre, cet Ézéchias auquel le 
rabSaqê dit : « Tu as pris pour soutien ce roseau brisé 
qui perce et blesse la main de celui qui s'y appuie. 
Tel est le pharaon, roi d'Égyple, pour tous ceux qui 
espèrent en lui. » Is., xxxvl, 6. A la première somma- 
tion, le saint roi consent à rendre la liberté à Padii 
d'Accaron et à payer un tribut. A la seconde, et quand 
tout semble perdu, il reprend confiance, car Isaïe lui 
promet le salut. Pour tous ces faits, voir IV Reg., xvm- 
xix;Is., xxxvi-xxxvii;II Par. xxxn ; Prisme de Taylor, 
col. 3, dans Vigouroux, loc. cit., p. 37-60; Josèphe, 
Ant. jud., X, i. Pour la discussion des faits, voir Vigou- 
roux, loc. cit., p. 37-60; Condamin, loc. cit.; Dhorme, 
loc. cit., p. 509-513, 516-518. Et voici que Sennachérib, 
laissant Ézéchias bloqué et enfermé dans Jérusalem, 
« comme un oiseau dans sa cage, » Prisme de Taylor, 
col. n, lig. 20, se porte vers les frontières de l'Egypte. 
« Or, l'ange du Seigneur sortit et frappa cent quatre- 
vingt-cinq mille hommes dans le camp des Assy- 
riens. Et quand on se leva le matin, c'étaient tous des 
cadavres sans vie. Alors Sennachérib partit et s'en alla, 
et s'en retourna et il demeura à Ninive. » Is., xxxvii, 



36-37; IV Reg., xix, 35-36. Du coup, Jérusalem était 
délivrée et l'Egypte sauvée. Le récit biblique de cette 
catastrophe, probablement une peste violente, est 
confirmé par Hérodote, n, 141. C'est le même fait, avec 
intervention divine, mais expliqué autrement et loca- 
lisé à Péluse. Cf. Josèphe, loc. cit., v;Maspero, loc. cit., 
p. 293-295. 

2» Contre Asarhaddon (676-669). — Héritier de la 
haine de son père, Asarhaddon ne se repose de ses 
autres campagnes qu'en préparant l'invasion de l'Egypte. 
Aux menées de Tharaca, dont il faut voir la main dans 
la révolte de la Phénicie en 676, il répond par la prise 
de Sidon. « J'approchai, nous dit-il, sa muraille et son 
assise, je les jetai dans la mer, je détruisis l'endroit où 
elle était située. « Prismes A et C, col. i, lig. 10-54, et 
Prisme brisé, col. i, lig. 27-30, dans Schrader, loc. cit., 
t. n, p. 124-127 et 144-145. — En 675, il marche contre 
l'Egypte. Chronique babylonienne, col. iv, lig. 10; 
Winckler, Babylonische Chronik B, dans Schrader, 
loc. cit., p. 282. Mais rappelé en Asie, il ne dépasse 
pas le torrent d'Egypte, nahal Musri, c'est-à-dire 
î'Ouadi el-Arisch. Prismes A et C, col. i, lig. 55-58, 
loc. cit., p. 130-131. — En 674, nouvelle expédition 
contre l'Egypte, Chronique babylonienne, col. IV. 
lig. 16, loc. cit.. p. 284-285, sans y pénétrer encore, 
car dans les inscriptions des prismes qui datent de 
l'année suivante, la titulature d'Asarhaddon ne com- 
prend pas « la mention de sa souveraineté sur l'Egypte, » 
et parmi les vassaux qu'énumère le Prisme brisé, 
col. v, lig. 12-26, Budge, The history of Esarhaddon, 
1880, p. 100-103, « ne figure aucun souverain du Delta 
ou de l'Ethiopie. » Dhorme, loc. cit., 1911, p. 207. 
Quelques-uns même interprètent ici la Chronique ba- 
bylonienne dans le sens d'une défaite des Assyriens. 
Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott, 1893, 
t. i, p. 59. Et l'on s'explique alors que Tharaca ait 
fait graver dans la grande cour de Karnak et sur la 
base de sa statue, Mariette, Karnak, 1875, pi. xlv a et 
p. 66-67, des listes de peuples empruntées à Séti I er et 
à Ramsès II, où figure Asour parmi les vaincus. Mas- 
pero, loc. cit., p. 368. On s'explique aussi la stèle 
triomphale de l'an XIX, gravée à mi-chemin entre 
Kalabséh et Taféh, en Basse-Nubie, sur la rive ouest, 
par Tharaca, <i l'aimé d'Amon-rà, maître de Karnak, 
donnant la vie, la stabilité, la force, la puissance, 
comme Râ, éternellement. » Weigal, Vpper egyptian 
Notes, dans Annales du service des Antiquités, t. ix, 
1908, p. 105-106. Recul ou même défaite, Asarhaddon 
n'en avait pas moins pacifié le désert arabe et trans- 
formé les tribus en auxiliaires pour les campagnes à 
venir. « La Syrie, la Palestine, le nord de l'Arabie » 
sont désormais « autant de relais sur La route 
d'Egypte. » Dhorme, loc. cit., p. 207-209, 215-216. — 
En 671, Baal, roi de Tyr, rompt un traité qui le liait à 
Asarhaddon, Winckler, Altorienlalische Forschungen, 
t. il, 1893, p. 10, pour s'unir à Tharaca. C'est l'occa- 
sion d'une nouvelle offensive. « Dans le cours de ma 
campagne, dit Asarhaddon, contre Baal, roi du pays de 
Tyr, qui, s'étant fié sur Tarqou, roi d'Ethiopie, son ami, 
avait secoué le joug de mon seigneur Asour et avait 
répondu des insolences, j'élevai solidement contre lui 
des travaux de siège et je lui fermai les vivres et l'eau 
qui sont la vie de leur âme. » Winckler, Keilinschrift- 
liches Textbuch zum Allen Testament, 3 e éd., p. 52- 
53; Dhorme, loc. cit., p. 213. Tyr demeurant bloquée, 
le Sargonide s'engage dans le désert avec le gros de 
son armée et parvient à Raphia, à côté du torrent 
d'Egypte, « endroit qui n'a pas de fleuve. » On eut re- 
cours à l'eau des citernes et à l'eau apportée à dos de 
chameau par les Bédouins alliés. Sur l'itinéraire 
d'Asarhaddon, cf. Dhorme, loc. cit., p. 214. Mais le Nil 
n'était plus qu'à quelques journées. « Au mois de 
Tammouz, nous dit la Chronique babylonienne, col. iv, 



2155 



THARACA — THARÉ 



2156 



lig. 24-28, le troisième, le seizième, le dix-huitième 
jour, trois fois a lieu le massacre au pays d'Egypte. 
Le vingt-deuxième jour, Memphis, sa ville royale, est 
prise, son roi s'était sauvé. Les enfants de son frère 
sont faits prisonniers. Son butin est emporté, ses gens 
sont pillés; on enlève son trésor. » La stèle du Nahr el- 
Kelb, qu'Asarhaddon fit graver à côté des stèles de 
Ramsés II, et la stèle de Sendjirli complètent ce récit. 
On lit sur la dernière, mieux conservée, Schrader, 
Inschrift Asarhaddon's Kônigs von Assyrien, dans 
Luschan, Ausgrabunden in Sendchirli, t. I, p. 30-43 : 
« Quant à Tarqou, roi d'Egypte et d'Ethiopie, maudit 
de leur divinité auguste, depuis la ville d'Ishupri (à la 
limite orientale de l'Egypte) jusqu'à la ville de Mem- 
phis, sa ville royale, marche de quinze jours, chaque 
jour sans interruption, je lui tuai beaucoup de guer- 
riers et lui-même, cinq fois, par la flèche, le javelot, 
d'une blessure inguérissable je le frappai. Puis sa ville 
royale Memphis, en un demi-jour, par la mine, le 
bélier, la nabalkatlu (escalade?), je l'assiégeai, la pris, 
la dévastai, la détruisis; je l'incendiai par le feu. Son 
épouse royale, ses dames du palais, Oushanahorou, son 
propre fils, le reste de ses fils, de ses filles, ses biens, 
son trésor, ses chevaux, ses bœufs, son petit bétail 
sans nombre, j'emportai au pays d'Asour. J'arrachai du 
pays d'Egypte la racine d'Ethiopie, et je n'y en laissai 
pas un pour se soumettre. » Traduction Dhorme, 
loc. cit., p. 215. Tharaca disparut en Ethiopie. Le 
vainqueur ne le suivit pas, mais sans retard il organisa 
sa conquête. « Sur tout le pays d'Egypte, j'installai en 
masse des rois, des gouverneurs, des lieutenants, des 
hauts dignitaires, des fonctionnaires, des scribes. 
J'établis pour toujours des sacrifices permanents à 
Asour et aux dieux grands mes seigneurs. Je lui im- 
posai un tribut et une redevance à ma seigneurie, 
pour chaque année, sans cesser. » Ces « rois, gouver- 
neurs, préfets », au nombre de vingt, étaient des Égyp- 
tiens, Cylindre A d'Assurbanipal, col. i, dans G. Smith, 
History of Assurbanipal, 1871, p. 20-22, et parmi eux 
figure le gouverneur de Thèbes, ce qui nous prouve 
que tout s'inclina devant le vainqueur, de la première 
cataracte à la Méditerranée. Dès lors, sur ses monu- 
ments, Asarhaddon allonge son protocole, et il s'inti- 
tule « roi des rois d'Egypte (Musur), de Patros [Patu- 
risi, voir Phatubès, t. v,col. 225-226) et d'Ethiopie », à 
commencer par la stèle de Sendjirli. Sur ce dernier 
monument, fig. 620, t. h, col. 2011, on le voyait 
« debout, et agenouillés devant lui deux prisonniers 
qu'il bridait au moyen d'une corde et d'un anneau de 
métal rivé à travers leurs lèvres, Baâl de Tyr et 
Taharqou de Napata, l'urœus au front. » Maspero, 
loc. cit., p. 375 et fig. Ainsi commençait de s'accom- 
plir la prophétie faite au temps de Sargon, Is., xx, 
3-6 : « Et le Seigneur dit : De même que mon servi- 
teur Isaïe est allé nu et déchaussé trois ans, signe et 
présage contre l'Egypte et l'Ethiopie; ainsi le roi 
d'Assyrie emmènera les captifs de l'Egypte et les exilés 
de l'Ethiopie; jeunes et vieux, nus et déchaussés, et 
les reins découverts. Et ceux qui comptaient sur 
l'Ethiopie, et qui étaient fiers de l'Egypte, seront cons- 
ternés et confus. Les habitants de ces côtes diront ce 
jour-là : Les voilà donc ceux sur qui nous comptions, 
vers qui nous voulions fuir, chercher refuge et protec- 
tion contre le roi d'Assyrie ! Et nous, comment échap- 
per? » Encore un peu et l'on verra la prophétie en- 
tièrement réalisée. 

3° Contre Assurbanipal (669-664). — A peine était-il 
de retour à Ninive qu'on vint dire à Asarhaddon que 
Tharaca avait repris l'offensive. Le pharaon était de 
nouveau maître de Thèbes et de Memphis (669). S'il 
ne put aller plus loin, c'est que Néchao, dynaste de 
Sais, et ses voisins n'osèrent pas prendre parti contre 
l'étranger. Annales d'Assurbanifal, col. i, lig. 52-63; 



G. Smith, loc. cit., p. 5-17, 36-37. Bien que malade, 
Asarhaddon partit à la tête de ses troupes, mais il 
mourut sur le chemin de l'Egypte, le 10 du mois de 
Marchesvan (octobre-novembre, 669). Chronique ba- 
bylonienne, col. iv, lig. 30-32; Vigouroux, loc. cit., 
p. 618; Maspero, loc. cit., p. 381 et n. 1. L'armée 
assyrienne, aux ordres d'un tartan, Tablette K 2675- 
K 228 du Brilish Muséum, lig. 11-13; G. Smith, 
loc. cit., p. 38, n'en continua pas moins sa marche. La 
rencontre eut lieu à Karbaniti, dans le Delta oriental 
ou central. Vaincu de nouveau, Tharaca « sortit de 
Memphis, sa ville royale, sa forteresse, et, pour sauver 
sa vie, il monta sur un bateau, quitta son camp, s'en- 
fuit tout seul et entra dans Thèbes. » Tablette K 2675 
et K 228, lig. 20 sq.; Dhorme, loc. cit., p. 347. Des 
renforts survenus aux Assyriens leur permirent de 
s'enfoncer au sud. Tablette K, loc. cit., lig. 25-29; 
G. Smith, loc. cit., p. 40-41. Allèrent-ils jusqu'à 
Thèbes? Il ne le semble pas. Goodspeed, A history of 
the Babylonians and Assyrians, 2 e édit., 1906, p. 303- 
304. Derrière eux, les princes du Delta se révoltèrent, 
d'intelligence avec Tharaca, Et les généraux assyriens • 
« rebroussèrent, saisirent les chefs de la conjuration, 
Sarloudari de Tanis, Paqrourou de Pisoupti et Néchao, 
qu'ils envoyèrent à Ninive chargés de chaînes; ils 
saccagèrent, pour l'exemple, Sais, Mendès et Tanis, 
qui avaient été les premières du complot, et leurs suc- 
cès arrêtèrent la marche de Tharaca. L'Éthiopien se 
retira à Napata, abandonnant Thèbes à son sort. » 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 
6 e édit., 1904, p. 537. Tout rentra dans l'ordre, un 
lourd tribut fut exigé. Thèbes elle-même dut se rache- 
ter « par la remise d'une moitié du trésor sacré que le 
temple d'Amon possédait. » Maspero, loc. cil. C'en 
était assez pour qu'Assurbanipal se vantât d'avoir em- 
porté Thèbes : « Je pris .celte ville, j'y fis enlrer mes 
troupes et les y installai. » Cylindre de Rassam, 
col. i, lig. 89; Dhorme, loc. cit., p. 347. Sur cette cam- 
pagne contenue dans les tablettes K 2675-K 228, et où 
Assurbanipal prend à son compte tous les débuts en 
s'attribuant les exploits de ses généraux, voir Maspero, 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient classique, 
t. m, 1899, p. 380, 384-385; G. Smith, loc. cit., p. 15- 
23, 30-44 ; Jensen, Inschriften Aschurbanipal's, dans 
Schrader, Keilinschriflliche Bibliothek, t. H, p. 158- 
159; Dhorme, loc. cit., p. 345-349. Pendant qu'Assur- 
banipal rétablissait Néchao dans tous ses droits et s'en 
faisait un appui désormais fidèle, G. Smith, loc. cit., 
p. 44-47; pendant que Montoumhat, gouverneur de 
Thèbes, réparait les désastres de l'invasion en Haute- 
Egypte et restaurait le trésor des temples, E. de Rougé, 
loc. cit., p. 17-20; Breasted, loc. cit., p. 458-465, Tha- 
raca se tenait coi à Napata, abandonnant de gré ou de 
force le pouvoir au fils de sa femme, à Tanoutamen. 
Il ne tarda pas à mourir, et, par ses intrigues, Tanou- 
tamen attira une dernière fois les Assyriens. A ce 
coup, l'ouragan passa sur Thèbes (666), voir No-Amon, 
t. iv, col. 647, 651, marquant la fin des Éthiopiens 
en Egypte et le suprême effort de Ninive avant la 
déchéance. C. Lagier. 

THARANA (hébreu : Tirhânâh; Septante : ©àpoeu.), 
fils de Caleb l'Hezronite et de Maacha, sa femme de 
second rang. I Par., H, 48. 

1 . THARÉ (hébreu : Téralf; Septante : ©àppot, ©âpoc), 
ancêtre des Hébreux, père d'Abraham, de Nachor et 
d'Aran. Il descendait de Sem et fut engendré par Na- 
chor, fils de Sarug, à l'âge de vingt-neuf ans. De lui 
sortit une nombreuse postérité : Israélites, Ismaélites, 
Édomites, Madianites, Moabites et Ammonites. Gen., xi, 
24r32;IPar.,i, 26. Il avait été polythéiste, Jos.,xxiv,2, et 
habitait à Ur en Chaldée. Gen., xi, 28. Dans un âge 



2157 



THARÉ — THASI 



2158 



avancé et sans doute à cause de quelque invasion ou de 
quelque guerre, il quitta sa patrie avec son fils Abram, 
sa belle-fille Saraïetson petit-fils Lot dont le père,Aran, 
était déjà mort. Il se dirigea vers l'ouest pour aller dans 
la terre de Chanaan, mais il s'arrêta à Haran, en Mé- 
sopotamie. Voir Haran 3, t. m, col. 424. C'est là qu'il 
mourut à l'âge de deux cent cinq ans. Gen., xi, 31-32. — 
Josèphe, Ant. jud., I, VI, 6, attribue le départ de 
Tharé delà Chaldée à la douleur que lui causa la mort 
de son fils Aran. Les anciens Juifs imaginèrent à son 
sujet beaucoup de fables dont un grand nombre se 
trouve dans le Bereschit Rabba. 

Saint Etienne, dans le discours qu'il prononça avant 
son martyre, Act., vi, 1-4, rappelle la migration de 
Tharé et d'Abram. Il présente l'ordre de quitler la 
Chaldée comme adressé par Dieu à Abraham lui-même, 
parce que ce qui concernait le père concernait 
aussi spécialement le fils et que c'était la vocation 
d'Abraham qui intéressait particulièrement les Juifs du 
premier siècle de notre ère. Voir Abraham, t. i, col. 74- 
75. Sur les difficultés historiques que présente le dis- 
cours du premier diacre, voir Etienne, t. i, col. 2034. 

2. THARÉ (hébreu : Tarai.; Septante : Tapie), sta- 
tion des Israélites dans le désert du Sinaï. Elle est 
nommée entre celle de Thahath et celle de Methca. 
Num., xxxm, 27-28. La situation en est inconnue. 

THARÉLA (hébreu: Tar'âlâh; Septante : ©aperça), 
ville de la tribu de Benjamin. Jos., xvm, 27. Elle est 
nommée entre Jaréphel et Séla. Sa position est in- 
connue. 

THARÈS (hébreu : TéréS ; omis dans les Septante; 
excepté Esther, xn, 1 : ©appà), eunuque du roi Assuérus, 
qui conspira contre lui et fut pendu. Esth., il, 21-23; 
vi, 2. Voir Thara, col. 2151. 

THARSÉE(Septanle: ©pacraïoç; Vulgate: Tharsseus), 
père d'Apollonius. Celui-ci fut gouverneur de la Cœlésy- 
rie et de la Phénicie, sous Séleucus IV Philopator. 
II Mach., m, 5. Voir Apollonius 4, t. i, col. 777. 

THARSIS (hébreu : TwUS), nom de trois person- 
nages et d'un pays. 

1. THARSIS (Septante : ©ipo-siç), fils de Javan, petit- 
fils de Japhet. Gen., x, 4; I Par., i,7. Il peut être l'épo- 
nyme de Tharsis 4. 

2. THARSIS (Septante : ©apcrf), (ils de Balan, descen- 
dant de Jadihel, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 10. 

3. THARSIS (omis dans Septante), un des sept grands 
de Perse qui voyaient la face du roi. Esth., i, 14 % Voir 
F. Vigouroux, Le livre d'Esther, dans La Bible et les 
découvertes modernes, 6 e édit., t. îv, p. 665-666. 

4. THARSIS (Septante : ©apafç), ville du sud de 
l'Espagne où les Phéniciens s'étaient établis et faisaient 
un grand commerce, d'étain et d'argent. Cf. Jer., x, 9; 
Ezech., XXVII, 12. Le nom de Tharsis apparaît pour 
la première fois comme celui d'un fils de Japhet. Voir 
Tharsis i. Lorsque les Phéniciens en eurent fait un de 
leurs centres commerciaux importants, ils construisirent 
pour leurs voyages à cette destination éloignée des na- 
vires de fort tonnage qui s'appelèrent « des vaisseaux de 
Tharsis », et ce nom s'appliqua dès lors, non seulement 
aux grands vaisseaux qui allaient à Tharsis, mais aussi 
à ceux qui allaient ailleurs au loin, comme à Ophir, 
quand ils avaient de grandes dimensions. III Reg., x, 
22;Ps. xlviii(xlvii), 8; II Par., x, 21; XX, 36, 37; Is.,n, 
16. Voir Fillion, La sainte Bible commentée, 4 e édit., 
t. m, 1902, p. 171. 



Le commerce phénicien était très florissant à Tharsis 
du temps des rois de Juda et les voyages assez fréquents 
entre cette ville et la Phénicie. C'est sur un vaisseau 
qui partait pour Tharsis que Jonas s'était embarqué à 
Joppé au lieu d'aller à Ninive. Jon., i, 3; iv, 2. — Dans 
sa prophétie contre Tyr, Isaïe, xxm, 1, 6, 10, 14, prédit 
que ses habitants seront obligés d'aller chercher un 
refuge à Tharsis, et que celle-ci sera affranchie du joug 
de la métropole. A l'époque messianique, les vaisseaux 
de Tharsis seront au service de Jérusalem triomphante. 
Is., lx, 9. La Vulgate a traduit naves maris au lieu de 
naves Tharsis. Elle a également rendu, Is., lxvi, 19, 
Tharsis par mare. Le texte hébreu de ce passage porte 
que Jéhovah enverra ses prédicateurs aux Gentils pour 
leur prêcher la foi nouvelle et il énumère parmi eux 
plusieurs peuples en tête desquels est nommée Tharsis. 
Cf. Ps. lxxi (lxxii), 10. 

On identifie généralement Tharsis avec Tartessus, 
région du sud de l'Espagne, à l'ouest dès colonnes 
d'Hercule. Le nom de Tartessus est celui par lequel 
les auteurs grecs et romains désignent cette contrée. 
D'après l'ensemble des passages où Tharsis est nommée 
dans l'Ancien Testament, on voit que son nom dési- 
gnait pour les Hébreux la partie la plus occidentale de 
la terre, telle qu'elle leur était connue. Les auteurs 
latins, Ovide, Metam., xiv, 416; Silius Italicus, m, 
399; Claudien, Epîst., III, v, 14, placent aussi Tartessus 
à l'ouest. — Le commerce de Tharsis, alimenté par la 
Phénicie, s'étendant en Afrique et jusqu'aux Cassité- 
rides, dans le pays de Cornouailles en Grande-Bretagne, 
Slrabon, I, m, 263; Hérodote, iv, 196, l'avait élevée à 
un très haut degré de prospérité. Strabon, III, m, 15. 
L'histoire de sa décadence est inconnue, mais elle 
paraît remonter assez haut; vers le commencement 
de l'ère chrétienne, on ne savait plus rien de bien 
précis à ce sujet. — Tharsis, Judith, n, 13, désigne 
Tarse en Cilicie. 

THARTHAC (hébreu : Tarfâq; Septante : ©apôcbi), 
divinité adorée par les Hévéens (de 'Avah), qui avaient 
été transportés en Samarie par les Assyriens après la 
ruine du royaume d'Israël. IV Reg., xvil, 31. Ils lui 
rendaient un culte en même temps qu'à Nébahaz 
(Nibhaz). D'après le Talmud de Babylone, Hanhedr., 
f° 63 b, Tharthac était honoré sous la forme d'un 
âne, mais c'est là probablement une fable populaire. On 
n'a point constaté jusqu'ici dans la religion assyro- 
babylonienne l'existence d'un dieu à forme d'âne. 

THARTHAN (hébreu : (artân; Septante : 6af.0àv, 
IV Reg., xvm, 17; TavaOàv, Is., xx, 1), chef d'armée. 
Ce mot a été pris pour un nom propre pendant des 
siècles, jusqu'aux découvertes assyriennes de la der- 
nière partie du XIX e siècle. C'est en réalité un titre de 
dignité correspondant dans l'armée assyrienne à celui 
du général. Dans la liste des grands personnages assy- 
riens, Western Asiatic Inscriptions, t. n, pi. 31, lig. 26, 
27, on trouve mentionné le turtanu îmnu ou tartan 
de droite, et turtanu Sumêlu ou tartan de gauche, c'est 
à dire le général en chef et le général en second. Voir 
Frd. Delilzsch, Assyrisches Handwôrterbuch, sub voce, 
p. 716. On lit tartan deux fois dans l'Écriture. Isaïe, xx, 
1, date une de ses prophéties de l'année ou le tartannu 
de Sargon, roi d'Assyrie, prit la ville philistine d'Azot. 
Quelques années plus tard, Sennachérib, fils et suc- 
cesseur de Sargon, envoya son tharthan, avec son rab- 
saris et son rabsacès, à Jérusalem, pour sommer la 
ville de se rendre. IV Reg., xvm, 17. Le tartannu n'est 
pas mentionné dans le passage parallèle d'Isaïe, xx, 1, 
mais seulement le rabsacès. 

THASI (grec : &x.iati), surnom de Simon Machabée. 
I Mach., il, 3. On l'a expliqué comme signifiant « zélé », 



2159 



THASI — THEBBATH 



2160 



de la racine D:n, « fermenter », mais la signification en 
est inconnue. Voir Simon 3 Machabée, col. 1738. 

THATHANAI (hébreu : Tafnaï; Septante: ©avavvoct, 
0av8avàç, ©av9avai),gouverneur(peAaA) de la Cœlésyrie 
et de la Phénicie, du temps de Darius, fils d'Hystaspe. 
I Esd., v, 3, 6, 13. 

THAU, THAV (ri), vingt-deuxième et dernière lettre 
de l'alphabet hébreu etphénicien. Elle a, dans l'ancienne 



une colline. Des escaliers divisaient cet hémicycle en 
sections et de larges couloirs couraient autour des 
rangées. Au bas et au centre de l'hémicycle, un espace 
muni d'un plancher artificiel était réservé à la danse 
et aux évolutions du chœur : c'était l'orchestre, en 
plein air comme les gradins. La scène, élevée sur une 
plate-forme en pierre, en face de l'orchestre et des gra- 
dins, s'ouvrait sur le théâtre, mais était fermée des 
trois autres côtés. Le théâtre contenait toujours un 
grand nombre de places. Celui d'Athènes en avait près 




479. — Plan d'un théâtre grec. 

a, Sièges pour les spectateurs. — b, Passage. — c, Portique couvert. — d, Autel de Bacchus. 

e, Orchestre. — f, Scène. — mm, Entrée des acteurs. 



écriture hébraïque, la forme d'une croix, + . Voir Alpha- 
bet, t. I, col. 411. Dans Job, xxxi, 35, le thav sert de 
signature : « Voici mon thav » (texte hébreu). Vulgate : 
desiderium meum. Dans Ézéchiel, ix, 4, Jéhovah dit 
à celui qui lui sert de secrétaire : Signa thau super 
frontes virorum gementium, le thau devient ainsi leur 
signe distinctif. 

THÉÂTRE (grec : OlaTpov; Vulgate : thealrum), 
lieu des représentations scéniques. — Le théâtre grec, 
le seul auquel il soit fait allusion dans la Sainte Écri- 
ture, se composait de trois parties principales : le 
théâtre proprement dit, l'orchestre et la scène (fig. 479). 
Le théâtre comprenait un certain nombre de rangées 
de gradins en demi-cercle, ordinairement adossés à 



de 30000, et celui d'Éphése, dit-on, plus de 56000 
(fig. 480). Cf. Gow-Reinach, Minerva, Paris, 1890, p. 279, 
280. — C'est dans le théâtre d'Éphése que se produisit 
l'émeute soulevée à l'occasion de la prédication de 
saint Paul. Le peuple se porta au théâtre, assez vaste 
pour contenir une multitude, et dont les gradins en 
pierre n'avaient rien à craindre d'une pareille inva- 
sion. Paul voulait s'y rendre aussi; mais on l'en dis- 
suada. Quand le peuple eut crié durant deux heures, 
le grammate, monté sans doute sur la scène, finit par 
ramener le calme. Act., xix, 29-35. H. Lesêtre. 

THEBBATH vhébreu : Tibhat ; Septante :MeTa6r,-/.»;). 
une des villes d'Adarézer, roi de Soba. David s'en 
empara et en emporta beaucoup d'airain. I Par., xvnr, 



2161 



THEBBATH — THECUE 



2162 



8. Dans II Sam. (IIReg.), vm, 8, elle est appelée Bété, 
par suite d'une transposition de lettres. Sa situation est 
inconnue. Voir Bété, t. i, col. 1645. 

THÈBES (hébreu : Nô", Nô'-'Amôn), ville d'Egypte. 
La Vulgate a rendu son nom par Aleœandria. Voir Ko- 
Amon, t. iv, col. 1635. 

THÉBÈS (hébreu : Têbês; Septante : ©r^ç), ville 
du centre de la Palestine. Jos., îx, 50; II Sam. (IIReg.), 
xi, 24. Abimélech, le fils de Gédéon, fut tué en en fai- 
sant le siège, par une femme qui lui lança du haut des 
murailles une meule de moulin à bras. Thébès porte 
aujourd'hui le nom de Tûbds. C'est un gros village, 
retrouvé par Robinson, Biblical Researches in Pales- 
tine, 2« édit., t. il, p. 317; t, m, p. 305. Il est bâti sur 
le flanc occidental d'une vallée fertile, riche en blés et en 
oliviers, 'ainsi qu'en troupeaux de brebis et de chèvres. 




480. 



■ Ruines du théâtre d'Éphése, telles qu'on les voyait 
encore en 1888. 



On y voit des citernes taillées dans le roc et aussi des 
habitations creusées également dans le roc, dont les unes 
sont encore habitées, dont les autres sont à moitié com- 
blées et hors d'usage. V. Guérin, Samarie, 1. 1, p. 357-358. 

THEBNI (hébreu : Tibnî; Septante : ©au.v£i'j. Il était 
fils de Gineth et, après les sept jours de règne de Zambri, 
lorsque celui-ci périt dans son palais en flammes, il 
disputa le trône d'Israël à son compétiteur Amri. La 
lutte dura quatre ans et ne prit fin que par la mort de 
Thebni et de son frère Joram. Ce dernier est connu 
par une addition des Septante. III Reg., xvi, 15-22. 

THÉCEL (chaldéen : Teqêl; Théodotion : Uv.i\), un 
des mots que Baltassar vit écrits sur la salle du festin, 
à Babylone, au moment où l'on buvait dans les vases 
sacrés emportés-du temple de Jérusalem. Dan., v, 25, 
27. Thécel signifie : « tu as été pesé ». Voir Baltassar 2, 
1. 1, col. 1422. 

THÈCLE. Sur les Acta Pauli et Theclse, voir 
Actes apocryphes des Apôtres, v, t. i, col. 163. Cf. 
J. Gwinn, Thecla, dans AV. Smith, A dictionary of 
Christian biography, t. rv, 1887, col. 882-896. 

THECUA, nom de deux Israélites et d'une ville de 
Juda. 

1. THÉCUA (hébreu : Jiqvâh; Septante : ©exoudtv), 
père de Sellum. Sellum était le mari de la prophétesse 



Holda. IV Reg., xxn, 14. Son nom est écrit Thécuath 
dans II Par., xxxiv, 22. 

2. THÉCUA (hébreu : Teqô'a; Septante : ©exws), fils 
d'Ashur ou Assur, de la tribu de Juda. I Par., n, 24; iv, 
5. La qualification de père de Thécua, donnée à Ashur, 
peut signifier qu'il fut le fondateur ou le restaurateur 
de Thécua ou Thécué, ou bien l'ancêtre de ceux qui s'y 
établirent. Voir Ashur, t. i, col. 1091; Assur 1, t. i, 
col. 1143. 

3. THÉCUA, orthographe du nom de la ville de 
Thécué, dans plusieurs passages de la Vulgate. Il Reg. 
(Sam.), xiv, 2; xxm, 26; Jer., vi, 1; Amos, i, 1; 
I Mach.,ix, 33 (désert de Thécué). Voir Thécué. 

_THECUATH, orthographe du nom de Thécua 1, dans 
la Vulgate. II Par., xxxiv, 22. Voir Thécua 1. 

THÉCUÉ, nom d'un Israélite et d'une ville de Juda. 

1. THÉCUÉ (hébreu : Tiqvâh; Septante: 'Ia?:'ac),père 
de Jaasia, probablement de race sacerdotale. I Esd., x, 
15. Voir Jaasia, t. m, col. 1053. 

2. THÉCUÉ (hébreu : Teqô'a; Septante : ©sxwe, ©sxoCe, 
©exwp., ©exéuç), ville de la tribu de Juda. Josué ne la 
mentionne pas dans le partage de la Palestine (texte 
hébreu et Vulgate) , les Septante la nomment avec deux 
autres villes qu'ils ajoutent. Jos., xv, 59. La Vulgate 
l'appelle tantôt Thécua, tantôt Thecue. 

1° Thécué dans l'histoire biblique. — David, fuyant 
la persécution de Saùl, se cacha un certain temps dans 
le voisinage de Thécué, comme devaient le faire plus 
tard d'autres fugitifs. C'est de là que lui vint un des 
vaillants hommes qui se joignirent à lui, Hira. II Reg. 
(Sam.), xxm, 26; I Par., xi, 28. — La femme adroite 
qui„par son habileté, obtint de lui le retour d'Absalom 
à Jérusalem, après le meurtre d'Amnon, était de 
Thécué. II Reg. (II Sam.), xiv. — Roboam fortifia la 
ville contre les invasions étrangères. II Par., xi, 6. — 
Du temps de Jérémie, VI, 1, elle étaitencore entretenue 
en état de défense. Le prophète recommande aux fils 
de Benjamin de sonner de la trompette à Thécué et 
d'élever un signal sur Bethcara, le Djebel Furéidis 
actuel ou la montagne des Francs. Voir Bëthacarem, 
t. I, col. 1651. Le prophète fait à cette occasion un jeu 
de mots, bi-Teqô'â (iq'û. « dans Thécué sonnez (de la 
trompette) » (cf. aussi (aqe'it, f. 3). — Josaphat, II Par., 
xx, 20, défit les Ammonites dans le désert de Thécué, 
qui s'étend de cette ville à la mer Morte. — Après la 
captivité, les Thécuéns travaillèrent à la reconstruction 
des murs de Jérusalem. II Esd., m, 5, 27. — Les deux 
frères Machabées, Simon et Jonathas, échappèrent aux 
poursuites de Bacchide, général de Démétrius, en se 
retirant dans le désert de Thécué. I Mach., ix, 33. — 
Thécué est particulièrement célèbre comme patrie du 
prophète Amos, I, 1. Voir Amos, t. i, col. 512. 

2° État actuel. — Les ruines de Thécué, aujourd'hui' 
Khirbet Tekua', « recouvrent, dit V. Guérin, Judée, 
t. m, p. 141, une haute colline oblongue, du sommet 
de laquellele regard embrasse, versl'estprincipalement, 
un horizon très étendu et imposant par son austère 
grandeur. Des montagnes nues, coupées par des gorges 
profondes, et qui semblent se précipiter par des pentes 
abruptes vers la mer Morte; le bassin de ce vaste lac, 
que l'on aperçoit à travers plusieurs échancrures; au 
delà, les monts de la Moabitide, sur l'un desquels, vers 
le sud-est, le cheik me montre du doigt la ville et le 
château de Kerak ; tel est le spectacle qui se présente aux 
regards. — Quant au Khirbet Tekoua', il consiste en 
un assez grand nombre de petites habitations renver- 
sées, dont les arasements sont encore reconnaissables. 



2163 



THÉCUE 



THEGLATHPHALASAR III 



2164 



Au milieu de ces maisons démolies, on remarque les 
restes d'une église chrétienne presque complètement 
détruite. — Au nord-est, et sur le point culminant de la 
colline, quelques pans de murs en pierres de taille 
paraissent être les débris d'une petite citadelle, boule- 
versée de fond en comble. — La ville était alimentée 
d'eau par une source et par de nombreuses citernes 
pratiquées dans le roc. Ces citernes, avec des magasins 
souterrains, des silos et des tombeaux, en sont les 
restes les plus anciens, car les constructions dont les 
• vestiges recouvrent le sol appartiennent évidemment à 
une date bien moins reculée, cette petite cité ayant 
été rebâtie plusieurs fois et étant encore habitée à 
l'époque des croisades. » L'huile d'olive de Thécué 
passait autrefois pour la meilleure de la contrée et 
l'excellence de son miel était devenue proverbiale. La 
vie pastorale est encore florissante dans les environs de 
Thécué, comme au temps d'Amos et de saint Jérôme. 
On y élève de nombreux troupeaux de brebis et de 
chèvres, avec quelques bœufs. Quia humi arido atque 
arenoso nihil omnino frugum gignitur, dit saint 
Jérôme, Prol. in Amos, t. xxv, col. 990, cuncta sunt 
plena pastoribus, ut sterilitatem terrée compensent 
pecorum multitudine. Les environs de Thécué sont 
encore aujourd'hui ce qu'ils étaient autrefois. 

THÉCUÉN (hébreu : haf-Tegô'i; Septante : 6 ©sxweî- 
tïi«, é ©ex<i, à @exuive£tt|;; Vulgate : Thecuites, Thecui- 
tis, Thecuenus), originaire de Thécué ou habitant de 
cette ville. Joab se servit d'une femme de Thécué, dis- 
tinguée par son adresse, afin d'obtenir de David le 
retour d'Absalom en Palestine après le meurtre d'Am- 
non. II Reg. (Sam.), xiv, 2-20. — Hira, xxm, 6; I Par., 
xxvil, 9, ou Ira, XI, 28, un des braves de David, était 
de Thécué. — Des Thécuéns, Thecueni, travaillèrent à 
la reconstruction des murs de Jérusalem, du temps de 
Néhémie. II Esd., m, 5, 27. 

THEGLATHPHALASAR III (hébreu : -iDNbs-nb:n, 

Tiglat-piVésérf, altéré en iDjbs-rbin, Tïglath-pilnéser, 

I Par., v, 6, 26; Septante : ©aXyaSipeXXâffap, ©oq-Xad- 
çaXvâffap, avec les variantes 'AXYa6<peXXâ<rap, ©aXvaXipsX- 
Xdtaap, ©aXYaqpeXXâSap, ®ayvatpa;ii<7oep, ©oeXYaëavàaap; 
assyrien : | t]M ~]{ îB^,] Mil! Â tt], 
Tuklatapal-esarra ou Tukulti-abal-esarra, « ma con- 
fiance [est] le [dieuNin-eb] fils d'Esarra »), roi d'Assyrie 
qui régna de 745 à 727, entre Assor-nirari IV et Salma- 
nasar V; de 731 à 727, il régna également en Babylonie 
sous le nom de bis, Pûl; Septante, *oûX($oja), *aX<i/, 
*aX<iç ; "Vulgate, Phul ; assyrien Pu-lu ; canon de Ptolé- 
mée, n<ôpoç. Ce prince (fig. 481), fut le premier des rois 
d'Assyrie dont la suzeraineté s'étendit sur le royaume de 
Juda, peut-être [sous Azarias, et sûrement sous Achaz, 
son fils. Il inaugura l'ère des lointaines conquêtes suivies 
de transplantations en masse des populationsconquises. 
Malheureusement le nombre des inscriptions retrouvées 
jusqu'ici ne parait pas répondre à l'étendue des succès 
de Théglalhphalasar : le texte de ses annales formait la 
frise ou le couronnement des plaques sculptées qui re- 
couvraient les murs de son palais, sur la partie ouest de 
la grande plate-forme de Calach (actuellement Nimrud, 
voir Chalé, t. n, col. 510), sur le Tigre; elles ont été 
arrachées de leur place primitive, dispersées sans ordre 
et utilisées pour la construction d'édifices plus récents ; 
quelques tablettes nous donnent en outre un résumé 
de ce règne; la Chronique babylonienne nous instruit 
sur ses relations avec Babylone, et finalement sur la con- 
quête de cette capitale; enfin les listes des limu ou épo- 
nymes et des campagnes assyriennes nous permettent 
de fixer la chronologie des principaux événements de 
son règne. — A la fin du règne d'Assur-nirari, des 
troubles avaient éclaté dans la capitale, qui était alors 



Calach; au mois d'Airu (Iyyar), au jour xin e , en l'an 
745, Théglathphalasar monta sur le trône : dans les" 
inscriptions des tablettes où des annales, il omet, à la 
différence de la plupart des autres monarques assyriens, 
de nous donner sa généalogie : il n'était donc pas fils 
d'Assur-dan-il ni d'Assur-nirari, ses prédécesseurs; les 
peuples voisins avaient profité des troubles survenus 
en Assyrie pour se fortifier ou s'étendre : le nouveau 
roi se hâta d'aller attaquer les plus menaçants; l'année 
même de son accession au trône, il alla réduire en 
Babylonie les Arumu ou hordes araméennes qui s'y 
étaient cantonnés du nord au sud, sur les rives de l'Eu- 
phrate, du Tigre et jusqu'à la mer Inférieure : Nabu- 
natsir, le Naëovairffâpoî du Canon de Ptolémée, y ré- 
gnait alors : le texte de la Chronique babylonienne 
n'indique pas clairement si Théglathphalasar s'y rendit 
pour le combattre, ou pour le soutenir contre les 
Arumu : cette dernière opinion est celle de Hommel, 
Winckler et Maspero. Il traversa les villes renommées 
de Sippar, Nippur, Babylone, Borsippa, Kuta, Érech, 
offrant partout des sacrifices aux dieux du pays. 

L'année suivante, 744, il fit une expédition ana mat 
Namri, c'est-à-dire dans les régions montagneuses qui, 
du nord-est de la Babylonie, s'élèvent jusqu'au pays 
des Mèdes : Théglathphalasar et ses généraux y péné- 
trèrent et en ramenèrent 60500 prisonniers et des 
troupeaux en nombre considérable. De 743 à 740, nous 
le voyons occupé dans les environs de la ville d'Arpad: 
c'était l'une des villes principales des Araméens de 
l'Ouest; l'Arménien Sharduris essaya en vain de la 
secourir, il fut battu et perdit 73000 hommes, tués ou 
faits prisonniers, et la ville tomba au pouvoir des 
Assyriens. Les deux amnées suivantes, il étend et assure 
sa conquête en remontant encore plus au nord : c'est 
alors qu'il rencontre un roi Az-ri-ya-hu de Ya-u-di, 
qu'après G. Smith et Eb. Schrader la plupart des 
Assyriologues identifiaient avec Azarias, roi de Juda; 
Oppert et Menant, sans admettre cette identification 
pour des raisons phonétiques et chronologiques d'ail- 
leurs peu solides, le confondaient avec le fils de Tabéel, 
que Phacée et Razin voulaient substituer à Achaz, d'après 
Isaïe, vu; actuellement, Maspero, le P. Scheil et le 
P. Dhorme, pour les raisons indiquées par Winckler, 
préfèrent y voir un prince de la Syrie septentrionale, 
d'une localité voisine de l'Amanus qui porte dans les 
inscriptions le nom de Yaudi ou Yôdi, >w, dans le dis- 
trict de Samalla. Il est certain que les localités mention- 
nées dans le passage le moins incomplet des Annales de 
Théglathphalasar sont des villes de la Syrie septentrio- 
nale, Uznu, Ziannu, Simirra, les pays de Baalsephon 
jusqu'à l'Amanus, Hadrach, Ellitarbi, Zitanu et Hamath : 
les inscriptions montrant qu'il s'y trouve aussi un pays 
de Yaudi, il semble assez naturel d'y retrouver le 
royaume de cet Azariyahu. D'autre part, il est certain 
qu'Azarias de Jérusalem vivait à cette époque, et l'on 
peut aisément souscrire jusqu'à nouvelle découverte aux 
conclusions de G. Smith et de Eb. Schrader ainsi 
résumées par M. Vigouroux : «A en juger par les frag- 
ments que nous avons cités, le royaume de Juda intervint 
alors pour la première fois dans les luttes contre l'Assyrie ; 
Azarias ou Ozias, roi de Jérusalem, l'un des plus belli- 
queux descendants de David, s'était allié, nous ne savons 
dans quel but, avec le roi de Hamath contre l'Assyrie, et 
le royaume de Hamath avait secoué le joug de Théglath- 
phalasar III. Le monarque assyrien recouvra pied à 
pied ses conquêtes. Un des faits les plus mémorables 
de cette guerre fut la prise de Kullani, probablement 
la Calano ou Calno dont parle Isaïe, x, 9, en 738. Elle 
ouvrit au vainqueur les portes de la Syrie et il battit les 
forces confédérées, réunies sous le commandement 
d'Azarias, roi de Juda, que ses talents militaires avaient 
fait placer sans doute à la tête de la ligue. » La Bible 
et les découvertes modernes, 6* édit. , t. m, p. 617. 



2165 



THÉGLATHPHALASAR III 



2166 



La prise d'Arpad, la défaite d'Azarias de 'Yaudi, la 
prise de Calno ou Kullani furent suivies de la dépor- 
tation en masse des habitants, aussitôt remplacés 
par des prisonniers du Naïri ou Mésopotamie septen- 
trionale, sous la surveillance des préfets assyriens : 
« Les captifs de Quti, 12000 hommes du pays d'Illil, 
6208 hommes de Nakkip et Buda... je transportai dans 
les villes de Simirra, Arqa, Uznu et Ziannu... » 
« ...19 districts et la ville de Hamath avec les villes en- 
vironnantes près du rivage de la mer du soleil cou- 
chant... aux frontières d'Assyrie j'ajoutai, etj'établis sur 
elles mes généraux comme gouverneurs. » Effrayés par 
ces succès de Théglalhphalasar, les rois voisins, même 
ceux qui étaient demeurés étrangers au soulèvement 
d'Azarias, se hâtèrent de faire leur soumission et d'en- 



passer sur le trône de Samarie, Pékah ou Phacée, fils 
de Romélie, ayant mis à mort ce dernier, s'empara de 
la couronne. Désireux de faire sortir Juda de son infé- 
riorité vis-à-vis d'Israël depuis Joas et Jérohoam II, 
Joafham, puis Achaz avaient profité de ces troubles en 
Samarie pour relever les fortifications de Jérusalem et 
la mettre en état de soutenir un siège. A plusieurs 
reprises, Phacée, ayant faitalliance avecRasindeDamas, 
avait essayé d'y mettre obstacle. Finalement les deux 
alliés avaient envahi la Palestine dans le dessein avéré 
de détrôner Achaz et d'installer à sa place un inconnu, • 
le fils de Tabéel : en même temps, ils soulevaient contre 
1 ui à l'ouest les Philistins, au midi les Iduméens. L'ayant 
vaincu dans les premières rencontres, les alliés lui 
avaient tué 100000 hommes et fait 200000 prisonniers, 




48t. — Théglathphalasar sur son char de gterie. Britiih Muséum. D'après Layard, Nineveh and Babylon, p. 527. 



voyer leur tribut : les principaux de ceux que mention- 
nent les Annales sont Kustasp de Kummuh, Rasunu 
(Rasin) de Damas, Mifrinmu (Manahem) de Samarie, 
Hiram de Tyr, Pisiris de Carchémis, Éniel de IJamat, 
Panammu de Samal, et Zabibiéh, reine d'Arabie. Ma- 
nahem, général de Zacharie, était monté sur le trône 
d'Israël après avoir tué son maître, il avait donc jugé 
utile de s'assurer la protection de Théglathphalasar en 
se déclarant son vassal et en lui envoyant un tribut de 
«îille talents, dont il s'acquitta en imposant chacun de 
ses sujets pour une somme de cinquante sicles.IVReg., 
xv, 19-20. 

L'Arménie avait été depuis longtemps l'instigatrice 
de ces révoltes contre l'Assyrie : en deux campagnes, 
736 et 735, Théglathphalasar réduisit à l'impuissance le 
roi de ce pays, Sarduris II, et ses alliés, les Madaï ou 
Mèdes : malgré les montagnes qui leur servaient de 
, refuge, il les atteignit presque tous, ravagea toute la 
contrée, mais ne put se saisir de la personne de Sar- 
duris, abrité derrière les murs de la citadelle de Dhus- 
pana ou Van : toutefois, l'Urarthu ne se releva jamais 
de ce coup. — De 734 à 732, il mène trois campagnes 
ana Pilista et ana Dimaska, contre la Philistie et 
contre Damas : l'Écriture nous en fait connaître l'oc- 
casion. Manahem etPhacéia; son fils, n'ayant fait que 



d'après II Par., xxvm, 6-8; voir aussi II Reg., xvi, 6. 
Achaz, réfugié derrière les murs de Jérusalem et peu 
confiant dans le secours de Dieu qui lui était promis 
par Isaïe, ne vit d'autre ressource que d'appeler Thé- 
glathphalasar à son aide; on sait comment Isaïe l'en 
reprit: sans doute avant peu Damas et Samarie tombe- 
ront aux mains de l'Assyrien, mais Juda lui-même, pour 
avoir dédaigné le secours divin, éprouvera des calamités 
telles qu'il n'en vit jamais depuis sa séparation d'avec 
Ëphraïm; le grand fleuve, c'est-à-dire le roi d'Assyrie, 
sortira de son lit, inondera Juda et le submergera 
jusqu'au cou. Is., vil-vm. Malgré ces menaces, Achaz 
avait envoyé à Théglathphalasar tout l'or et l'argent du 
temple et du palais royal avec cette missive : « Je suis 
ton fils et ton serviteur, viens, délivre-moi de la main 
du roi de Syrie et de la main du roi d'Israël qui se 
lèvent contre moi ! » IV Reg., xvi, 3; H Par., xxvm, 3. 
Le roi d'Assyrie arriva aussitôt, en 734, et les deux 
alliés, abandonnant le siège de Jérusalem, se hâtèrent 
d'aller défendre leur royaume. La liste des campagnes 
assyriennes nous indique d'une façon générale la 
marche de Théglathphalasar : les Philistins, qui avaient 
envahi Juda par l'ouest, furent les premiers attaqués : 
Hanon, roi de Gaza, impuissant à se défendre, dut 
chercher refuge en Egypte, et abandonna son pays au 



2167 



THEGLATHPHALASAR III 



THELASSAR 



2168 



pillage des Assyriens. Les années suivantes, 733 et 732, 
les deux principaux adversaires d'Achaz eurent leur 
tour : Damas tint jusqu'à la seconde campagne; mais 
Phacée d'Israël succomba à la première attaque, le 
vainqueur envahit Bit-Humri, le territoire d'Amri, ainsi 
que les Assyriens appelaient ce pays, s'en empara, men- 
tionnant spécialement Abilakka, Abel- beth-Maacha, 
à l'ouest de Dan; IV Reg.,'xv, 29, y ajoute l'énumé- 
ration : Aïon, Janoé, Cédés, Hazor, Galaad, la Galilée et 
toute la tribu de Nephthali dont les habitants furent 
transportés en Assyrie : ce qui est confirmé par le témoi- 
gnage 'des Annales, où nous lisons : « Bit-Humri... la 
totalité de ses habitants je transportai en Assyrie. Paqah 
leur roi ils renversèrent, et Ausi sur eux j'établis : je 
reçus d'eux en tribut dix talents d'or, (mille) talents 
d'argent... » Il s'agit d'événements mentionnés dans 
IV Reg., xv, 30, en ces termes : « Osée, fils d'Éla, 
conspira contre Phacée, fils de Romélie, lui tendit des 
embûches, le tua et régna à sa place la XXIII e année 
de Joatham. » En 732, Damas eut son tour : toute la ré- 
gion fut mise au pillage, puis la capitale assiégée et for- 
cée, Rasin mis à mort et 8000 de ses sujets déportés à 
Kir (Vulgate : Cyrenen), rapproché de l'Élam danslsaïe, 
XXII, 6, mais dont on ignore la situation exacte. C'est 
sans doute le début de cette campagne qui est raconté 
dans un fragment fort mutilé : « Damas, sa ville, j'as- 
siégeai, comme un oiseau dans sa cage je l'enfermai. 
Ses plantations... qui étaient sans nombre, je les 
coupai sans en laisser une seule;... la ville deHadara, 
l'habitation du père de Rasin... j'assiégeai et je pris 
800 personnes avec leurs biens, leurs bœufs, leurs 
troupeaux, j'emmenai en captivité... seize districts de 
Damas comme une inondation je balayai... » Un préfet 
assyrien fut établi sur la nouvelle conquête, et Théglath- 
phalasar y convoqua tous ses vassaux de l'Occident, 
afin de recevoir leur hommage et leur tribut : ses ins- 
criptions en énumèrent vingt-cinq, au milieu desquels, 
outre les noms déjà connus, on retrouve Ya-u-ha-zi Ya- 
hu-daai, Achaz de Juda, entre Mitinti ou Mathan 
d'Ascalon et Kamos-mélek d'Édom. — De la sorte, 
l'ancienne suprématie de l'Egypte sur la Syrie était 
passée totalement aux mains des monarques assyriens. — 
Tranquille au nord et à l'occident, Théglathphalasar vit 
renaître les difficultés du côté de la Babylonie. Des 
troubles y avaient signalé la mort de Nabu-nazir, dont 
les successeurs Nabu-nadin-zira et Nabu-s'um-ukin ne 
firent que passer sur le trône; en 732, Ukin-zira, l'un 
des chefs de ces tribus araméennes que Théglathpha- 
lasar avait combattues au commencement de son règne, 
s'empara du pouvoir et de la ville de Babylone. Sans 
lui donner le temps de s'y consolider, le monarque 
assyrien reparut, écrasant successivement toutes les tri- 
bus araméennes de Bit-Shilani, de Bit-Shaalli et autres. 
Ukin-zira abandonna Babylone et se réfugia dans le 
Bit-Amukkani, à Sapia, son lieu d'origine. Après une 
lutte assez longue, où tout fut ravagé comme de cou- 
tume, de 731 à 729, la ville succomba, Ukin-zira fut 
pris, et Babylone ouvrit ses portes : Théglathphalasar, 
suivant les rites anciens, « y prit les mains de Bel » et 
s'y fit proclamer roi de Sumer et d'Akkad; sur ces 
enlrefaites, il reçut l'hommage des chefs des tribus de 
la Basse-Chaldée, spécialement celui de Mérodach- 
Baladan de Bit-Yàkin, qui devait plus tsrd s'emparer 
de la couronne babylonienne. 

Dans le royaume nouvellement conquis, Théglath- 
phalasar prit lé nom de Pulu, conservé dans le canon 
royal babylonien et transcrit sous la forme Ilrâpoç 
dans le canon de Ptolémée, avec changement de I en 
r d'origine perse; la Chronique babylonienne lui garde 
au contraire son nom assyrien : le texte hébreu a em- 
ployé alternativement les deux formes, et même, dans 
le texte actuel de II Par., sans doute sous l'influence 
de IV Reg., xvi, 7-10, et IV Reg., xv, 19, on a superposé, 



en deux leçons juxtaposées, les deux noms royaux : 
« Le Dieu d'Israël suscita l'esprit de Phul, roi d'Assyrie, 
et l'esprit de Théglathphalnasar, roi d'Assyrie, » qu'il 
faut interpréter : « l'esprit de Phul, c'est-à-dire de Thé- 
glathphalasar, roi d'Assyrie. » Il ne porta pas longtemps 
ce second sceptre, car sa mort arriva en 727, au mois 
de Tébeth : son fils Salmanasar IV (ou V) lui succéda. 
Comme tous les monarques assyriens, Théglathpha- 
lasar s'était bâti un palais, à Calach {Nimrud), à côté de 
ceux d'Assur-natsir-apal et de Salmanasar III : il en dé- 
crit la construction dans la tablette d'argile de Nimroud: 
les boiseries en étaient de cèdre, venant de l'Amanus; 
il était enrichi d'ivoire et de métaux précieux, orné de 
bas-reliefs d'albâtre, surmontés d'une frise d'inscrip- 
tions; malheureusement le palais fut ruiné peu après, 
et les matériaux utilisés par Asarhaddon ; les textes 
ont été brisés ou effacés par endroits, et il n'est pas 
facile de les rétablir dans leur ordre primitif; de plus, 
lui-même, dans la tablette d'argile de Nimroud, énumère 
ses conquêtes dans l'ordre géographique et non pas dans 
l'ordre chronologique : on comprend dès lors les hési- 
tations des assyriologues et des historiens quant à la 
suite des événements de ce règne glorieux. — G. Raw- 
linson, The five great monarchies, 1879, t. H, p. 122-125, 
129-135; Maspero, Histoire ancienne des peuples de 
l'Orient, les empires, p. 115-211; J. Menant, Annales 
des rois d'Assyrie, p. 137-148: Schrader, Keilinschrift- 
liche Bibliothek, t. n, p. 2-23; Schrader-Whitehouse, 
The cuneiform inscriptions and the Old Testament, 
1885, t. i, p. xxxn, 208-257; Vigouroux, La Bible et 
les découvertes modernes, 6 e édit., t. m, p. 497-530; 
D. Phorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, dans la 
Revue biblique, 1910, p. 189; Rodwell, dans Records of 
the past, 1" sér., t. v, p. 49-50; Strong, ibid., new scr., 
t. v, p. 115-128; Rost, Die Keilschrifttexte Tiglat- 
Pilesers Illnach den Papierabklatschen und Origina- 
len des Brilischen Muséums, 20, Leipzig, 1893; The 
cuneiform inscriptions of the Western Asia, t. H, 
pi. 67; t. m, pi. ix, x. E. Pannier. 

THÉHEN (hébreu : Tahan; Septante : Tavâyh 
troisième fils ou descendant d'Éphraïm. Num., xxvi, 35. 
La Vulgate écrit son nomThaan, I Par., vu, 25, et dans 
ce passage- il est donné comme fils de Thalé, fils 
d'Éphraïm. Voir Thaan, col. 2135. 

THÉHÉNITES (hébreu : hat-Tahânî; Septante : 
4 Tava/c), famille éphraïmite descendant de Théhen 
ou Thaan. Num., xxvi, 35. 

THEILE Karl Gottfried Wilhelm, théologien évan- 
gélique, né à Gross-Korbetha, près de Merseburg, le 
25 février 1799, mort à Leipzig le 8 octobre 1854. Il 
fut professeur à Leipzig à partir de 1830. On a de lui, 
entre autres ouvrages, Commenlarius in Epistolam Ja- 
cobi, Leipzig, 1833; Polyglotlen-Bibel zum praktischen 
H andgebrauch : Die ganze heilige Schrift Alten und 
Neuen Testaments in ûbersichtliche Nebeneinander- 
stellung des Urtexles, der Septuaginta, Vulgata und 
Luther-Uebersetzung sotvie derwichtigsten Varianten 
der vornehmsten deutschen Uebersetzungen (publié 
avec R. Stier); Neues Testament, Bielefeld, in-8°, 1845- 
1846; Altes Testament, 3 in-8°, 1817. 

THÉLARSA (hébreu: Tel Jiarsci' ; collis siivse; Sep- 
tante : QaapïiTo!), ville de Babylonie, où habitaient, à 
la fin de la captivité, un certain nombre de Juifs qui 
ne purent pas établir leur généalogie, mais retournèrent 
en Palestine avec Zorobabel. I Esd., u, 59; II Esd., 
vu, 61. Le site de cette localité est inconnu. 

THELASSAR, orthographe, dansla Vulgate, IV Reg., 
six, 12, de la ville qu'elle appelle Thalassar. Is., xxxvi, 
12. Voir Thalassar, col. 2143. 



2169 



THELMALA — THÉODORE DE MOPSUESTE 



2170 



THELMALA (hébreu : TêlMélah, «colline de sel »; 
Septante: QspuiXsô, ©eXpiXeû), ville inconnue deBaby- 
lonie nommée IEsd., Il, 59; II Esd., vu, 61. Quelques- 
uns l'identifient avec la ©eX[i7) de Ptolémée, v, 20, dont 
le nom rappelle aussi les salines et qui est près du 
golfe Persique. 

THEMA, nom, dans la Vulgate, d'un Ismaélite, 
d'une famille de Nathinéens et d'une tribu arabe. Le 
nom est différemment écrit en hébreu. 

1. THÉMA (hébreu : Têmd' ; Septante : ©ai[j.àv), 
neuvième fils d'Ismaël, qui donna son nom à une tribu 
arabe. Gen., xxxv, 15; I Par., i, 30. 

2. THÉMA (hébreu : Tâmah ; Septante : &t\>À). Les 
« fils de Théma » étaient une famille de Nathinéens qui 
retournèrent de la captivité en Palestine avec Zorobabel. 
I Esd., il, 53; II Esd., vu, 55. Dans' ce dernier passage, 
les Septante écrivent le nom @7][j.â. 

3.THÉMA (hébreu : Têmd'; Septante : ®ai|/.avwv), 
tribu arabe, descendant de Théma 1, mentionnée par 
Job, vi, 19; Is., xxi, 13, 14; Jer., xxv, 23. Elle avait 
donné son nom à la ville de Teymâ' (située entre la 
frontière delà Syrie et Vouadi el-Kurà, sur la route du 
pèlerinage de Damas à la Mecque, dans le voisinage 
de Dumatrel-Djendel, la Dumah ismaélite) et le pays 
de Cédar. La ville de feymâ' était défendue par une 
forteresse, aujourd'hui ruinée, dont on attribuait la 
construction à Salomon. Isaïe, xxi, 13, 14, dit que la 
tribu de Théma donnait de l'eau à l'altéré et du pain 
au fugitif. Wallin, qui visita cette ville en 1848, Journal 
of the R. geographical Society, t. xx, p. 332, ditqu'on 
y cultive les céréales de bonne qualité et que les jar- 
dins, arrosés par un puits abondant, produisent des 
dattes de différentes espèces, dont l'une est estimée la 
meilleure de l'Arabie. 

THÉMAN (hébreu : Têmdn; Septante : ©ainiv), 
nom de deux Iduméens et d'une tribu, ainsi que du 
pays qu'elle habitait. 

1. THÉMAN, fils d'Éliphaz et petit-fils d'Ésaù et 
d'Ada, le premier nommé des phylarques ou 'alluflm 
d'Édom. Gen., xxxvi, 11, 15; I Par., i, 36. 

2. THÉMAN, autre 'allûf ou chef d'Édom, men- 
tionné entre Cénez etMabsar. Gen.,-xxxvi, 42; I Par., 
i, 53. 

3. THÉMAN, tribu iduméenne et pays qu'elle habi- 
tait. Son nom signifie « sud », ce qui fait penser que 
les Thémanites occupaient le midi de l'Idumée, mais 
on n'y a pas retrouvé trace de leur nom. La Vulgate a 
rendu plusieurs fois Théman par « midi», Abdias, 8; 
Habacuc, m, 3; Ezech., xxv, 13, mais on reconnaît 
qu'il faut lire dans ces passages le nom propre et non 
un des points cardinaux. Théman est nommé par six 
prophètes. Baruch, m, 23, fait allusion à son commerce; 
Abdias, 9 (Vulgate : in meridie), à ses guerriers; Jéré- 
mie, xlix, 7; Abdias, 8-9; cf. Job, n, 11, etc., à sa sa- 
gesse, quoique cette sagesse ne fût pas la véritable. Ba- 
ruch, m, 22-23. — Jérémie, xlix, 20-21; Ézéchiel, xxv, 
13 (Vulgate : ab austro); Amos, i, 12, prédisent, comme 
Abdias, les maux qui fondront sur Théman. — Habacuc, 
m, 3 (Vulgate : ab austro), dans sa description de la 
théophanie, dit qu'Éloah (un des noms de Dieu) vient 
de Théman, c'est-à-dire du côté du Sinaî, où Dieu s'est 
manifesté autrefois à son peuple, du temps de Moïse. 
— Bureliiardt a identifié la ville de Théman avec Maan, 
à l'est de Pétra. 



THÉMANI (hébreu : Tèmnî; Septante : ©at(jiâv), 
fils d'Assur, de la tribu de Juda, et de Naara. I Par., 
iv, 6. 

THÉMANITE (hébreu : hat-Têmânî; Septante : 
©ounaviSç), de Théman. Husam était roi de la terre 
des Thémanites. Gen., xxxvi, 34; I Par., i, 45 (Vul- 
gate : de terra Themanorum). Éliphaz, un des amis 
de Job, élait Thémanite (Vulgate : Thémanites). Job, 
H, 11; iv, 1; xv, 1; xxii, 1; xlii, 7, 9. 

THEMNA (hébreu : Timnâlâh; Septante : 0a|r;a9ri), 
ville de Dan. Jos., xix, 43. La Vulgate l'appelle ailleurs 
Thamnatha. Voir Thamnatha, col. 2146. 

THÉNAC (hébreu : Ta'ânak; Septante : ©avâx). 
nom, dans la Vulgate, Jos., xn, 21; xvn, 11, de la ville 
de Palestine qu'elle appelle ailleurs Thanach. Voir 
Thanach, col. 2148. 

THÉODAS (Nouveau Testament : ©E-j5àç), chef 
d'une sédition dont parle Gamaliel, dans le discours 
qu'il adressa au sanhédrin pour défendre les Apôtres 
qui prêchaient la foi nouvelle. « Il y a quelque temps, 
dit-il, Act., v, 36, s'éleva Théodas, qui prétendait être 
un personnage, et quatre cents hommes environ 
s'attachèrent à lui. Il fut tué, et tous ceux qui avaient 
adhéré à lui furent dissipés. » Cette sédition n'est 
mentionnée expressément que dans ce discours et, 
pour cette raison, des critiques en ont nié la réalité, en 
disant que Josèphe n'aurait pas manqué d'en parler, si 
elle avait eu lieu. A vrai dire, cette révolte eut peu 
d'importance, à une époque où l'on en compta un 
assez grand nombre de plus graves. A la mort d'Hérode 
le Grand, il y eut plusieurs révoltes et Josèphe ne 
nomme les chefs que de trois d'entre elles, passant les 
noms des autres sous silence. Il est possible d'ailleurs 
que l'historien juif mentionne Théodas sous un autre 
nom, par exemple, celui de Simon, Bell, jud., II, iv, 
2 ; Ant. jud., XVII, x, 6. Cf. Sonntag, dans les Theo- 
log. Studien und Kriliken, 1837, p. 622. Le double nom 
porté alors successivement par la même personne, 
quand elle changeait de position sociale, était alors 
relativement fréquent. Voir F. Vigouroux, Les Livres 
Saints et la critique rationaliste, 2" édit., t. IV, p. 514- 
515. 

THÉODORE DE MOPSUESTE, écrivain ecclé- 
siastique, né à Antioche, vers 350, mort vers la fin de 
428. Il avait pour frère Polychronius, qui devint évêque 
d'Apamée. Ami d'enfance de saint Jean Chrysostome, 
il fut comme lui élève de Libanius, puis de l'école mo- 
nastique de Carterius et de Diodore. Théodore quitta 
cette école dans l'intention de se marier et Jean. lui 
écrivit à cette occasion ses deux écrits ad Theodorum 
lapsum, qui, joints aux efforts de ses autres amis, 
l'arrêtèrent dans son dessein. Il revint à l'école de Dio- 
dore, où il demeura jusqu'à l'élévation de ce dernier au 
siège épiscopal de Tarse. Il outra les principes d'in- 
terprétation littérale de Diodore et publia un commen- 
taire des Psaumes dont il reconnut lui-même plus tard 
l'exagération. Il parait avoir été ordonné prêtre à 
Antioche, en 383, à l'âge de 33 ans. Vers 386, il alla 
rejoindre Diodore à Tarse et y demeura jusqu'en 392, où 
il devint évêque de Mopsueste, dont il occupa le siège 
pendant les trente-six dernières années de sa vie. La 
pureté de sa foi fut suspecte. Évagre, H. E., i, 2, 
t. lxxxvi, col. 2425, dit que ce fut lui qui sema dans 
l'esprit de Nestorius, lors de son passage à Mopsueste, 
les germes de son hérésie. Dès 431, Marius Mercator, 
Lib. subnot. in verba Juliani, Prsef., Pat. Lai., t. xlyih, 
col. 110, l'accuse d'être le véritable auteur de l'hérésie 
pélagienne. Le cinquième concile général, cent vingt- 



2171 



THÉODORE DE MOPSUESTE — THÉODULPHE 



2172 



cinq ans après sa mort, le condamna sous l'empereur 
Justinien. 

La plus grande partie de ses œuvres a péri. Outre 
les nombreux fragments conservés dans les Chaînes, 
on possède Expositio in Psalmos (fragments), Migne, 
t. lxvi, col. 648-696; In duodecim prophetas mi- 
nores, col. 124-636; In Novum Testamentum, col. 705- 
968. Sa méthode d'interprétation est grammaticale et 
historique, et en opposition avec l'allégorisme alexan- 
drin. Voir Antioche (École exégétique d'), t.i, col. 683. 
— Cf. W. Srriith etWace.A dictionary of christ, bio- 
graphy, t. iv, 1887, p. 934-948; 0. F. Fritsche, De 
Theodori Mopsuesteni vita et scriptis, Halle, 1836; 
Bickell, Conspectus rei Syrorum Ut ter., Munich, 1871; 
H. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Afri- 
canus, Fribourg-en-Brisgau, 1880. 

THÉODORET DE CYR, écrivain ecclésiastique, né 
à Antioche vers Tan 390, mort en 457 ou 458. Il fut 
élevé à Antioche avec Nestorius et eut pour maître 
Théodore de Mopsueste. Il devint diacre d' Antioche à 
25 ans et, vers 420, évêque de Cyr, en Syrie, petite ville 
voisine de l'Euphrate. Il prit parti pour ceux qui reje- 
taient le troisième concile œcuménique (d'Ephèse), 
mais en 425, il se réunit aux orthodoxes sans aban- 
donner complètement les nestoriens. Le concile mo- 
nophysite ou eutychien d'Ephèse, en 449, décréta sa 
déposition, mais, sur son appel, le pape saint Léon le 
Grand le reconnut comme évêque légitime et, quelque 
temps après, il siégea au concile de Chalcédoine. 
Depuis cette époque, il vécut dans un monastère, en 
gouvernant son diocèse. Dans ses commentaires sur 
l'Écriture Sainte, qui sont pleins de mérite, il suit 
ordinairement le sens littéral et donne peu de place à 
l'allégorie. On a de lui : Qusesliones in loca difficilia 
Scripturse Sacrse, in Genesim, t. lxxx, col. 35-225; 
InExodum, col. 225-297; In Leviticum, col. 297-349; 
In Numéros, col. 349-400; In Deuteronominm, col. 401- 
456; InJosue, col. 457-485; In Judices, col. 485-517; 
In Ruth, col. 517-528; In libros Regnorum, col. 528- 
800; In Paralipomena, col. 801-858; lnterpretatio in 
Psalmos, col. 857-1997; Explanatio in Canlicum Can- 
ticorum, t. lxxxi, col. 28-213; In Isaiam, col. 216- 
493; In Jeremiam, col. 496-760; In Baruch, col. 760- 
780; In Threnos, col. 780-805; In Ezechielem, col. 808- 
1256; In Danielem, col. 1256-1545; In duodecim pro- 
phetas minores, col. 1545-1988; In omnes S. Pauli 
Epistolas, t. lxxxii, col. 36-877. 

THÉODOTE (grec : ©eo5ÔToç, « donné par Dieu »), 
envoyé avec Posidonius et Matthias par Nicanor, géné- 
ral syrien, à Judas Machabée, pour qu'ils lui donnassent 
leur main droite en signe de réconciliation et de 
paix, II Mach., xiv, 19. Voir Nicakor, t. iv, col. 1613. 

THÉODOTION, traducteur de l'Ancien Testament 
hébreu en grec. Origène avait placé sa version dans ses 
Hexaples. Voir t. xv-xvi. Nous ne savons presque rien 
de sa personne. Le peu qui nous en est connu nous a 
été conservé par saint Irénée; Cont. hser., III, xxi, 1 ; 
cf. t. vu, col. 946. Cf. Eusèbe, H. E., v, 8, t, xx, 
col. 452. Ceux qui sont venus après lui n'ont guère 
fait que reproduire ces maigres renseignements. Voir 
G. Williams, dans W. Smith et H. Wace, A dictio- 
nary of Christian biography, t. iv, 1887, p. 970-979. 
D'après saint Irénée, Théodotion était un prosélyte 
juif d'Ephèse; d'après saint Jérôme, In Abac, ni, 
11, t. xxv, col. 1326, un Ébionite, mais ce dernier Père, 
Prsef. in Dan., t. xxv, col. 493, dit : Danielem non 
juxta lxx interprètes sed juxta Theodotionem Eccle- 
sias légère, gui utique post adventum Christi incre- 
dulus fuit, licet eum quidam dicunt ebionitam, qui 
altero génère Judœus est. Saint Épipliane, De mens. 



et ponder., il, t. xlih, col. 264, en fait un Marcionite 
du Pont qui passa au judaïsme, mais il ne parait pas 
avoir été bien renseigné. 

La date de la version de Théodotion est inconnue. 
Elle est antérieure à l'ouvrage de saint Irénée, Contra 
hsereses, qui fut composé avant 180 ou 189; elle est 
postérieure à la traduction d'Aquila, d'après tous les 
historiens, qui la placent au commencement ou à la 
fin du second quart du II e siècle. Théodotion a donc 
traduit la Bible au plus tôt en 130, au plus tard en 189. 

Le style de Théodotion n'a pas un caractère aussi 
marqué que celui d'Aquila et de Symmaque. II a con- 
servé sans les traduire un plus grand nombre de mots 
hébreux que ces deux derniers et que les Septante : 
çE-f-fciX, Lev., xni, 2; \>.i<TyZa, Lev., XIII, 6; Bios)., 
Lev., xvni, 23; etc. Il a fait grand usage des versions 
grecques antérieures. — Les parties deutérocanoniques 
de Daniel, dans notre Vulgate, sont traduites de la 
version de Théodotion. Dan., ni, 91-100; xm-xiv. 

La version du prophète Daniel par Théodotion est si 
supérieure à celle des Septante qu'elle a été acceptée 
de préférence par l'Église, dès les premiers temps du 
christianisme. C'est d'après lui qu'a été faite dans 
notre Vulgate la traduction de l'histoire de Susanne et 
de la fin du livre de Daniel. Il avait traduit aussi 
Baruch, la finde Job etlesparties de Jérémie qu'omettent 
les Septante. — Voir H. Hody, De Bibliorum texti- 
bus originalibus, versionibus grsecis et latinis, in-f", 
Oxford, 1705, p. 579-585. 

THÉODULPHE, Visigoth d'origine [Geta, Getulus, 
comme il se nomme dans ses poésies), naquit proba- 
blement dans la Septimanie, qui faisait alors partie du 
royaume des Visigoths ou Espagne. Cf. Theodulfl car- 
mina, t. cv, col. 286. Chassé des environs de Narbonne 
par une invasion sarrasine, il vint en France, où il fut 
accueilli avec faveur par Charlemagne à cause de son 
savoir. Il devint évêque d'Orléans vers 787, et abbé de 
Fleury-sur-Loire en 798. Dans ce monastère et dans 
ceux de Saint-Aignan d'Orléans et de Saint-Liphard de 
Meung, il établit des écoles qui devinrent célèbres. Ses 
talentslittéraires et surtout poétiqueslui donnèrent grand 
crédit près de Charlemagne, qui en 798 l'envoya dans 
les régions méridionales de son empire en qualité de 
missus dominicus. Maissous Louis leDébonnaire, accusé 
d'avoir trempé dans la révolte de Bernard, roi d'Italie, 
neveu de l'empereur,' il fut disgracié et relégué à Angers 
dans un monastère, en 817 ou 818. Il mourut le 18 
septembre 821. Au point de vue biblique, Théodulphe 
est connu par sa récession' du texte de la Vulgate. On 
la trouve dans deux manuscrits primitifs; le premier, 
connu sous, le nom de codex Mesmianus (Bibl. natio- 
nale, fol.lat.93S0), parait être l'original établi sous les 
yeux de Théodulphe et par ses soins; le second, la Bible 
du Puy (conservée dans le trésor de la cathédrale), 
semble être la copie du précédent. « L'écriture de l'une 
et l'autre (Bible), dit Samuel Berger, est le chef-d'œuvre 
de la calligraphie du commencement du ix e siècle. 
Rien ne dépasse, comme finesse et comme élégance, 
cette gracieuse minuscule écrite, en plus de soixante 
feuillets de l'un comme de l'autre manuscrit, sur par- 
chemin pourpré, en des traits déliés d'argent rehaussé 
d'or. » Dans le manuscrit de Mesmes (ainsi appelé 
parce qu'il a autrefois appartenu à la famille de Mesmes) 
« entre les lignes et sur les marges, on remarque un 
grand nombre de .corrections et de variantes d'une 
écriture plus fine que celle du manuscrit, mais certai- 
nement contemporaine. Les passages condamnés par 
le correcteur sont généralement ponctués, quelquefois 
barrés. » La Bible du Puy a beaucoup moins de correc- 
tions et de variantes marginales. Ces notes semblent 
de la même main que celle qui a écrit les variantes 
du manuscrit de Mesmes. Après ces indications exté- 



2173 



THÉODULPHE — THÉRAPHIM 



2174 



rieures, M. Samuel Berger, étudiant le texte des manu- 
scrits, conclut que la Bible de Théodulphe est espagnole 
dans sa disposition extérieure, mais avec un texte mêlé 
où l'influence des textes du Languedoc et du midi de la 
France se fait sentir à côté des textes irlandais. L'in- 
fluence de la revision théodulfienne n'a pas été très 
étendue. M. Delisle et M. Samuel Berger en ont étudié 
les traces dans un certain nombre de manuscrits. Mais 
elle a cédé le pas à la revision d'Alcuin, qui d'ailleurs 
était préférable. Histoire littéraire de la France, in-4°, 
Paris, 1738, t. îv, p. 459-474; Léopold Delisle, Les 
Bibles de Théodulphe, dans la Bibl. de l'École des 
chartes, t. xl, 1879, p. 5-47; Ch. Cuissart, Théodulphe, 
èvêque d'Orléans, sa vie et ses œuvres, in-8°, Orléans, 
1892; S. Berger, Histoire de la Vulgate pendant les 
premiers siècles du moyen âge, in-8°, Nancy, 1893, 
p. 145-184; Ul. Chevalier, Répertoire bio-bibliogra- 
phique, 2« édit., Paris, 1907, t. n, col. 4433. 

E. Levesque. 
1. THÉOPHILE (grec : ©eôçiioç, « ami de Dieu »), 
personnage auquel saint Luc a dédié son Évangile, i, 
3, et les Actes, i, 1. Le titre de xpitcars, optime, « très 
illustre, excellent », que lui donne l'évangéliste, 
s'appliquait aux personnes de haut rang, qui avaient 
une position officielle. Cf. Act., xxm, 26; xxrv, 3; 
xxvi, 25. Il semble, d'après cette dédicace, que Théophile 
a encouragé saint Luc à écrire ses deux ouvrages. Mais 
nous ne savons rien de certain sur son histoire. Les 
uns ont nié jusqu'à son existence et l'ont pris pour un 
être fictif, ce qui n'est pas vraisemblable. Les autres en 
ont fait ou un gouverneur romain, ou un citoyen im- 
portant d'Antioche, ou un habitant de marque de 
Rome, etc. Ce ne sont que des conjectures très pro- 
blématiques. 

2. THÉOPHILE, grand-prêtre juif, qui n'est pas 
nommé dans le Nouveau Testament, mais qui était 
probablement, d'après la chronologie de l'époque, celui 
qui donna mission à Saul de Tarse d'aller arrêter ceux 
de ses coreligionnaires qui s'étaient convertis au 
christianisme. Il était fils d'Anne ou Ananus et gendre 
de Caïphe. Le préfet romain Vitellius, étant allé à Jéru- 
salem, à la fête de Pâques de l'an 37, y déposa Caïphe 
et nomma à sa place Jonathan, frère de Théophile. Il 
n'en fut pas satisfait et, peu de temps après, à la fôte 
suivante de la Pentecôte, il conféra le souverain ponti- 
ficat à Théophile. Josèphe, Ant. jud., XVIII, IV, 3; v, 3. 
Hérode Agrippa I e ', quand il reçut le gouvernement 
de la Judée, en 41, déposa à son tour Théophile, qui 
avait exercé ses fonctions pendant environ cinq ans. 
Josèphe, Ant. jud., XIX, vi, 2. C'est pendant ce laps 
de temps que Saul dut être envoyé à Damas. 



THËOPHYLACTE, commentateur du Nouveau 
Testament, au xi» siècle. On croit qu'il était originaire 
d'Eubée. Il devint archevêque de Bulgarie entre 1070 
et 1077 et mourut en 1107 ou un peu plus tard. Il a 
suivi surtout saint Jean Chrysostome dans son exégèse, 
qui est textuelle et précise. Ses commentaires ont été 
toujours estimés. On a de lui Enarratio in Evange- 
lium S. Mattlmi, t. cxxm, col. 143-487; S. Marci, 
col. 488-681; S. Lucse, col. 684-1125; S. Joannis, 
col. 1128-1348; t. cxxiv, col. 9-317; Commenlarius in 
omnes D. Pauli Epistolas, col. 335-1357; t. cxxv, 
col. 12-404; Expositio in Acta Apostolorum, col. 484- 
1132; Expositio in Epistolam catholicam S. Jacobi, 
col. 1133-1189; In Epistolam 1 (et 11) S. Pétri, 
col. 1189-1288; In Epistolam 1 (Il et III) S. Joannis, 
t. cxxvi, col. 9-84; In Epistolam S. Judse, col. 85-104; 
Expositio in Oseam, col. 564-820; In Habacuc, 
col. 820-904; In Jonam, col. 905-968; In Nahum, 
col. 969-1048; InMichxam, col. 1049-1189. 



THÉRAPHIM (hébreu : terâfîm; Septante : Ospoeçiv, 
YXvittdc, 8ï)).o(, xevotâçpta, àitoq>6efï'6'usvoi, eîSwXaJ Vul- 
gate : theraphim, idola, simulacra, statux, figurée 
idolorunx, idololatria), figures superstitieuses en usage 
chez les Israélites. 

1» Leur nature. — On a proposé diverses étymologies 
du mot fêrâfim. Les uns le rattachent à l'arabe (ârfâ, 
t vivre aisément », qu'on rapproche 'du sanscrit trip, 




482. — Idoles chananéennes. 
D'après Vincent, Canaan, pi. m, 7, 8. 

« charmer », et du grec TspTto), « rassasier, réjouir ». 
Les theraphim seraient ainsi des sortes de porte-bonheur. 
D'autres tirent le mot de râfd\ « guérir », ce qui 
ferait des theraphim des dieux guérisseurs, ou de refà'îm, 
« mânes », ce qui tendrait à les assimiler aux morts 
exerçant leur action parmi les vivants. La manière 
dont la Bible parle des theraphim ne justifie guère ces 
étymologies. La dernière surtout est en contradiction 




483. — Un théraph archaïque trouvé à Tell es-Safy. 
D'après BUss-Macalister, Excavations, p. 142, pi. lxxii, 1. 

avec les coutumes des Sémites, qui sculptaient volon- 
tiers dans le bois des statuettes de dieux ou de 
monstres familiers, destinées à écarter les démons, 
mais qui n'introduisaient pas dans ce mobilier surnatu- 
rel l'image des ancêtres, les morts étant considérés 
comme trop faibles pour protéger comme les dieux 
ou nuire comme les démons. Cf. Lagrange, Études sur 
les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 229, 230. Les 
theraphim ont été importés de Chaldée en Israël. Gen., 
xxxi, 19, 34; Ezech., xxi, 26 (21). Toutefois, il en exis- 
tait probablement en Chanaan, avant l'arrivée des 
Israélites. On a trouvé à Mageddo et à Gazer de gros- 
sières figures, taillées dans le calcaire blanc et repré- 
sentant, d'une façon conventionnelle et plus que som- 
maire, un corps surmonté d'une tête à peine dégagée 
de la masse (ug. 482). On pense que ces figurines ne 
sont autre chose que des espèces de theraphim. La 
gaucherie de l'œuvre pouvait être voulue, comme celle 



2175 



THÉRAPHIM — THERSA 



2176 



des statuettes analogues (fig. 483), à moins que les 
essais de quelques vieux sculpteurs néolithiques 
n'aient été recueillis par des Chananéens postérieurs 
pour servir de fétiches ou d'amulettes. Cf. Vincent, 
Canaan, Paris, 1907, p. 153-157; Lagrange.Xe livre des 
Juges, Paris, 1903, p. 272. Ces formes rudimentaires 
expliquent la possibilité de les prendre vaguement, 
dans certains cas, pour le corps d'un homme. I Reg., 
XIX, 13, 16. On voit que, dans ce dernier texte, les Sep- 
tante traduisent ferà/îm par xevoTtitpta, et la Vulgate 
par statux, en songeant sans doute à ces cercueils 
égyptiens qui reproduisaient extérieurement la forme 
humaine. Voir t. il, fig. 144, 145, col. 435.Lesthéraphim 
devaient d'ailleurs différer par la taille, la matière 
employée et la perfection plus ou moins grande du 
modelé. Les versions les appellent parfois eïôwî.a, idola, 
simulacra, à cause de leur ressemblance avec des 
idoles, Gen., xxxi, 19; Jud., xvm, 20; I Reg., xix, 13; 
IV Reg., xxm, 34; fXuitTii, parce qu'ils étaient ciselés 
grossièrement ou finement, Ezech., XXI, 26 (21); dmo- 
ytiz^yénivoi, « rendant des oracles », Zach., x, 2; 8y]W, 
« manifestes », exprimant clairement ce qu'on voulait 
savoir, Ose., m, 4; le mot grec &r\\oi est peut-être choisi 
pour identifier les théraphim avec l'Urim hébreu, 'urim, 
« lumières », que les Septante traduisent par 8rç),[i><Tiç, 
Exod., xxvm, 30; idololatria, à cause de leur caractère 
idolâtrique, I Reg., xv, 23. Toutes ces traductions ne 
sont pas nécessairement justes; elles trahissent l'em- 
barras des traducteurs, qui se contentent parfois de 
reproduire le mot hébreu, 8spaçîv ou Oepaçefv, Jud. , xvii, 
5; xvm, 14, 18, 20; I Reg., xv, 23; IV Reg., xxm, 24; 
théraphim, Jud., xvii, 5; xvm, 14, 17; Ose., m, 4. 
Josèphe, Ant. jud., I, xix, 8, 9, les appelle tutuoi twv 
8ïwv, « figures des dieux », et lepâ udcTpia, « choses 
sacrées des ancêtres ». Aquila traduit par [topcpcotiocToe, 
« figures », et <pn>u<x|ioi, « lumières », c'est-à-dire 
'urim; Symmaqueet la Veneta, par EÏStoXa, « idoles »; 
le Chaldéen, par salmânayyâ', « figures », et mehavvëy, 
« indiquant » l'avenir. 

2» Leur usage. — Plusieurs des noms donnés aux 
théraphim par les versions impliquent l'idée d'objets 
servant à faire connaître l'avenir ou les choses cachées. 
C'est cette idée qui s'accorde le mieux avec l'ensemble 
des textes bibliques, bien qu'il soit impossible de dire 
de quelle manière les théraphim révélaient ce qu'on 
voulait savoir. Il y avait là évidemment un procédé 
purement superstitieux, dont toute la valeur provenait 
de la crédulité de ceux qui l'employaient, et qui ne 
manifestait la vérité que par pur hasard, à moins que 
parfois ce ne fût par influence diabolique. Quand 
Nabuchodonosor entre en campagne, pour savoir le 
chemin à prendre, il .agite les flèches, interroge les 
théraphim et examine le foie. Ezech., xxi, 26 (21). Les 
théraphim sont ainsi associés à deux procédés divina- 
toires ; ils sont donc de nature analogue. Dans un de 
ses oracles, Zacharie, x, 2, suppose le même usage : 

Les théraphim ont dit ce qui n'est pas, 
Et les devins ont des visions de mensonge. 

— On comprend dès. lors que les théraphim aient été 
en faveur en Chaldée dès les plus anciens temps. Laban 
les avait reçus de ses ancêtres. Rachel les lui déroba, 
au moment de sa fuite avec Jacob. II est fort à croire 
que, partageant elle-même quelque peu la superstition 
paternelle, elle voulut priver son père du moyen de 
savoir où se trouvaient les fuyards. Les théraphim de 
Laban n'étaient ni fragiles ni volumineux; car elle put 
les cacher dans la selle de son chameau et s'asseoir 
dessus. Laban les appelait ses dieux, 'ëlohây, ÔeoO; jaou, 
c'est-à-dire des objets auxquels il attribuait une puis- 
sance surnaturelle. Sa réclamation prouve qu'à la 
nouvelle du départ de ses filles, il avait voulu commen- 
cer par interroger ses théraphim, afin de savoir par eux 



de quel côté il devait se diriger. Gen., xxxi, 19, 30,34. 
Les théraphim, ainsi qualifiés de « dieux » par Laban, 
furent sans nul doute enterrés sous le chêne de 
Sichem, par ordre de Jacob, avec tous les autres objets 
superstitieux ou idolâtriques dont sa famille était en 
possession. Gen., xxxv, 2-4. — Les théraphim seretrouvent 
au temps des Juges, soit que les Hébreux en aient con- 
servé l'usage en Egypte et au désert, soient qu'ils les 
aient empruntés aux Chananéens. Un Éphraïmite, 
nommé Michas, s'était installé une « maison de Oieu », 
dans laquelle il prétendait honorer Jéhovah, mais qu'il 
pourvut d'un matériel sacré, composé d'une image 
taillée, d'un éphod et de théraphim. Jud., xvii, 5. 
L'image, l'éphodet les théraphim étaientaussi contraires 
à la loi les uns que les autres. Le lévite que Michas 
avait pris à son service consultait Dieu au moyen de 
ces objets. Jud., xvin, 5. Des Danites se saisirent un 
jour du lévite, de l'image, de l'éphod et des théraphim, 
et les installèrent à Laïs. Jud., xvm, 14-31. —A l'époque 
de Samuel, les théraphim maintenaient leur crédit, bien 
que réprouvés par le prophète, qui déclarait la résis- 
tance à Jéhovah aussi coupable que l'idolâtrie et les 
théraphim. I Reg., xv, 23. Michol, femme de David, 
possédait son théraphim . I Reg. , XIX, 13. Le mot terâfim, 
traité ici comme un singulier, montre que les théraphim, 
malgré la forme plurielle de leur nom, ne représen- 
taient pas toujours des objets multiples. Voulant faire 
croire que David, appelé par Saûl, était malade, bien 
qu'il fût alors loin de là, Michol mit dans le lit, à sa 
place, le théraphim, avec une peau de chèvre à l'endroit 
de la tête; une couverture fut jetée sur le tout. L'en- 
semble imitait assez un homme endormi pour que les 
envoyés de Saùl s'y soient trompés. I Reg., xix, 13-16. 
— Les théraphim tenaient une telle place parmi les pra- 
tiques superstitieuses ou idolâtriques des Israélites, que 
Josias crut devoir prendre des mesures pour les faire 
disparaître. IV Reg., xxm, 24. Mais ils survécurent et 
traversèrent même la période de la captivité, puisque 
Zacharie, x, 2, les suppose toujours en faveur. — Osée, 
m, 4, prédisant la captivité d'Israël, dit que, pendant 
de longs jours, les Israélites « demeureront sans roi 
et sans prince, sans sacrifice et sans stèle, sans éphod 
et sans théraphim. » Le prophète veut signifier que, 
durant leur exil, ils n'auront plus à leur disposition ce 
qui a été cause de leurs fautes dans le pays de Samarie, 
les princes infidèles à Dieu et les objets qui favorisaient 
l'idolâtrie. Cf. V. Hoonacker, Les douze petits pro- 
phètes, Paris, 1908, p. 27. — On voit,d'après ces textes, 
que les théraphim ne sont pas des idoles proprement 
dites, puisque Samuel fait la distinction entre les deux. 
I Reg., xv, 23. Ce ne sont pas non plus des espèces de 
dieux Pénates, bien qu'on les trouve chez des particu- 
liers, Laban, Michas, Michol. Les textes qui s'expliquent 
le plus clairement sur leur usage montrent que ce sont 
des instruments de divination, et les autres textes s'en-, 
tendent sans difficulté dans ce sens. Voilà pourquoi il 
est encore question de théraphim dans Zacharie, x, 2, à 
une époque où les idoles n'existaient plus en Israël. 

H. Lesêtre. 
THERSA, nom d'une Israélite et d'une ville de 
Palestine. 

1. THERSA (hébreu : firfâh; Septante : 0epaâ), la 
plus jeune des cinq filles de Salphaad, en faveur des- 
quelles il fut réglé que, lorsque le père n'aurait point 
de fils, ses filles seraient ses héritières. Num., xxvi, 
33; xxxvi, 11; Jos v xvii, 3. Voir Salphaad, col. 1396. 

2. THERSA (hébreu : Jirsdh; Septante : ©aptrâ, 
©epdâ, ©apdïfta), ville de Samarie qui fut quelque 
temps la capitale du royaume d'Israël. — 1° On l'iden- 
tifie généralement avec la Thallouza actuelle, à l'est de 
Sébastien. Elle est située sur une colline élevée, d'où 



2177 THERSA — THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX) 2178 



l'on a une vue étendue. Sa situation explique le choix, 
qui en avait été fait par Jéroboam I er pour y établir sa 
résidence. Beaucoup de maisons sont aujourd'hui dé- 
truites ou à moitié renversées. Elle ne possède point de 
source, mais des citernes antiques fournissent encore 
de l'eau aux habitants. Pendant l'été, la sécheresse les 
oblige, faute de pâturages, à conduire leurs troupeaux 
dans les vallées voisines du Rhôr. Voir V. Guérin, Sa- 
marie,t. I, p.365. Le Cantique des Cantiques, vi, 4 (texte 
hébreu) vante la beauté de Thersa. 

2" Thersa est nommée pour la première fois dans 
l'Écriture, lors de la conquête de la Palestine. Son roi 
fut battu par Josué, avec les trente autres rois chana- 
néens qui s'étaient confédérés contre lui. — Lors du 
schisme des dix tribus, Jéroboam établit sa résidence 
à Thersa. III Reg., xiv, 17. Baasa, son successeur, fit de 
mème,ainsi que son fils Éla. Ce dernier y fut assassiné 
par Zambri, qui s'empara de son trône, mais Amri alla 
assiéger Thersa et y serra de si près le nouveau souve- 
rain que celui-ci, se sentant incapable de lui résister, 
mit le feu à son propre palais et périt dans l'incendie. 
Amri passa à Thersa les six premières années de son 
règne, au bout desquelles il l'abandonna pour aller fon- 
der Samarie, dont il fit sa capitale. III Reg., xv, 33; 
xvi, 6, 8-10,16-18,23-24. — Un des derniers rois d'Israël, 
Sellum, périt à son tour sous les coups de Manahem, 
fils de Gadi de Thersa, qui le tua à Samarie et s'empara 
de son trône. IV Reg., xv, 13-14. C'est le dernier pas- 
sage de récriture où on lit le nom de Thersa. 

THESBITE (hébreu : hat-Tïébî; Septante : & ©ect- 
ëiViiç), originaire de Thisbé (Thesbé) ou habitant de 
cette ville. Le prophète Élie est surnommé le Thesbite. 
III Reg., xvn, 1; xxi, 17, 28; IV Reg., I, 3, 8; ix, 36. 
Voir Thisbé, col. 2194. 

THESSALONICIEN (0e<7<raXovixlu«), habitant de 
Thessalonique ou originaire de cette ville. Act., xx, 4 
(Aristarque); xxvii, 2 (Aristarque); I Thess., i, 1; 
II Thess., i (chrétiens habitant Thessalonique). 

THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE 
AUX). — I. Importance. — L'intérêt spécial qui s'attache 
aux deux lettres adressées à l'Église de Thessalonique 
provient de ce qu'elles sont, suivant toute apparence, 
les premières en date des écrits de l'Apôtre, du moins 
parmi ceux qui sont parvenus jusqu'à nous. Elles offrent 
ainsi les premiers essais de la littérature paulinienne. 
Simple échange de souvenirs et de sentiments affectueux 
avec une Église récemment fondée, elles marquent 
toutes deux la transition entre l'enseignement oral de 
l'apôtre et les controverses dogmatiques avec les judaï- 
sants, qui remplissent les Épîtres aux Galates et aux 
Corinthiens. Tracées en pleine mission, pendant la fon- 
dation de l'Église de Corinthe, elles reflètent l'état 
d'âme de saint Paul, au plus fort de son activité apos- 
tolique, sous l'effet des consolations mêlées d'an- 
goisses de ses premières expériences dans les pays de 
Macédoine et d'Achaïe. Son grand cœur s'y révèle en 
traits de vive et délicate tendresse, I Thess., il, 7,11, 17; 
m, 5, 10; son amour des âmes ne se montre nulle part 
ni plus prévoyant ni plus jaloux. I Thess., il, 6, 9. On 
le voit plein de sollicitude pour ceux qu'il a gagnés au 
Christ, I Thess., n, 6, 9, prêt à leur sacrifier, s'il le 
fallait, sa propre vie, n, 8, la pliant, en toute occasion, 
aux mille renoncements d'un apostolat volontairement 
gratuit, il, 9, se rendant accessible à tous, Juifs et 
Gentils, par d'inlassables condescendances, H, 7. Avec 
cela, une pureté d'intention défiant la calomnie, n,l-10, 
une dignité de vie capable d'être, sans orgueil, proposée, 
par Paul lui-même, en exemple aux fidèles, i, 6; ses 
appels incessants à la perfection, i, 2; rv, 1-10; v, 11, 
son indignation menaçante envers ceux qui entravent 

DICT. DE LA BIBLE. 



l'œuvre de l'Évangile, n, 16; iv, 6, le sentiment intime 
de son union avec le Christ, iv, 1, son esprit de prière 
si intense et si profond, i, 3; m, 11-13; v, 23. Voilà ce 
que saint Paul laisse entrevoir dans ces lignes, les 
premières tombées de sa plume. On retrouvera, plus 
tard, ces mêmes sentiments, mais intensifiés par les 
ardeurs de la lutte et les nécessités de l'apologie per- 
sonnelle, dans la seconde Épitre aux Corinthiens. 
L'image des premières Églises se dégage, à son tour, 
de cette correspondance avec la communauté naissante 
de Thessalonique. Tous les fidèles ne font qu'un seul 
corps, qu'on appelle ixxliiata, I Thess., i, 1, nom habi- 
tuel des assemblées populaires dans les cités grecques. 
Act., six, 40. Un lien étroit de foi ardente, d'espérance 
et de charité maintient les frères dans une unité par- 
faite, i, 3. L'esprit fraternel est fortifié par la commu- 
nauté des souffrances et des persécutions du dehors, 
II, 14. On ne reconnaît qu'un seul Dieu, le Père, un 
seul Seigneur, le Fils, i, 1, à qui l'on applique, sans 
hésiter, les attributs réservés à Jéhovah dans l'Ancien 
Testament. Le Christ est le Seigneur, v, 2, le Fils de 
Dieu, I, 10, le Sauveur dont la mort expiatrice nous 
a rachetés, v, 9, le Juge des derniers jours, m, 13; on 
le prie comme le Père, demandant à l'un et à l'autre 
les grâces et les bénédictions temporelles et spiri- 
tuelles, m, 11 ; v, 18, 28. L'Esprit-Saint répand sur les 
membres delà nouvelle communauté ses charismes les 
plus divers, 1,5, 6; iv, 8. Il y a des exercices spirituels 
de glossolalie et de prophétie, v, 19-21. Le soin de 
veiller à l'ordre des assemblées liturgiques et de main- 
tenir la discipline est confié à un groupe d'anciens, v, 
12-22. Néanmoins, l'Apôtre garde la haute direction 
générale de la communauté qu'il a fondée. On recourt 
à lui dans les cas difficiles, on lui soumet les doutes et 
les inquiétudes des fidèles, par exemple, relativement 
à la date de la Parousieou au sort de ceux qui meurent 
avant ce grand jour. I Thess., iv, 12-17; II Thess., lien 
entier. Bien que les frères aspirent tous à la perfection 
chrétienne, on distingue ceux qui y font des progrès, 
les spirituels, de ceux qui sont moins expérimentés 
dans la pratique des vertus. Aux premiers à surveiller 
les seconds, toutefois avec douceur et charité, I Thess., 
v, 14. Pour lutter contre les tendances anciennes, on 
s'applique spécialement à la sévérité des mœurs et à 
l'honnêteté dans les affaires, iv, 3-6. Celui qui s'écarte 
de ces prescriptions est repris par les autres et, s'il per- 
sévère dans son égarement, on le signale à l'Apôtrej 
on l'évite jusqu'à ce qu'il revienne à résipiscence. 
II Thess. , m, 6, 14, 15. Dans les réunions liturgiques, on se 
donne le baiser de paix, en signe de charité et d'union 
fraternelle. I Thess., v, 26. Les Églises d'une même 
région ne vivent pas isolées, mais communiquent entre 
elles par un commerce suivi de lettres et de messagers. 
I Thess., I, 8, 9. Une immense espérance, celle du pro- 
chain retour du Christ, soulève tous les cœurs, enflamme 
les courages, stimule les impatiences, égare parfois les 
esprits. II Thess., tout entière. 

II. Date et lieu de rédaction. — Les Actes, xvn, 
xvm, combinés avec certaines données de l'iipitre elle- 
même, déterminent assez exactement l'endroit et le 
temps où elle fut écrite. La présence simultanée, dans 
l'adresse, des trois noms de Paul, Silas et Timothée, 
fait penser au premier séjour de l'apôtre à Corinthe. 
Act., xviii, 5; II Cor., xi, 9. Passée cette époque, en 
effet, Silas ne fait plus partie de son entourage et 
parait s'être attaché désormais à la personne de saint 
Pierre. I Pet., v, 12. C'est donc vers les premiers mois 
de son arrivée dans la capitale de l'Achaïe que Paul 
dut dicter cette première Épitre auxThessaloniciens. La 
suscriplion de quelques manuscrits('EYpâçpv} àno 'A8-<]- 
vwv) porte, il est vrai, qu'elle fut rédigée à Athènes, mais 
celte note finale semble provenir de la fausse interprétation 
d'un passage de l'Épitre, m, 1. Aussi n'a-t-elle été suivie 

V. - 69 



2179 



THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX) 



2180 



que par quelques Pères grecs (Théodoret,Théophylacte) 
et par quelques modernes (Wurm, Tûbing. Zeitschr. 
Theol., p. 247; Hemming, Bullinger, Baldwin). Il est 
difficile d'admettre que Silas et Timothée soient venus 
tous deux trouver Paul à Athènes et qu'ils en soient 
immédiatement repartis avec la présente lettre. On ne 
pourrait alors trouver un espace de temps suffisant 
quand il s'agirait d'expliquer les diverses tentatives 
de l'Apôtre pour retourner à Thessalonique, n, 18, les 
morts survenues dan s la communauté depuis son départ, 
IV, 12, la renommée presque universelle dont jouit la 
jeune Église en Macédoine et en Achaïe, T, 8, peut-être 
même plus loin, jusqu'à Éphèse et Antioche (Zahn, 
Einleitung, p. 147), les secours de charité aux com- 
munautés voisines, iv, 10, les nombreux exemples 
d'édification qui la font prendre en modèle par les 
autres Églises, i, 7. Tous ces faits ne sauraient prendre 
place dans le court intervalle qu'exigent le séjour de 
saint Paul à Bérée et son passage à Athènes. D'autre 
part, il ne faudrait pas verser dans l'excès contraire et 
retarder la rédaction de l'Épitre au delà des premiers 
mois de l'arrivée de l'Apôtre en Achaïe. Les souvenirs 
de son passage parmi les Thessaloniciens, tels qu'ils 
sont relatés ici, paraissent si récents et si vivaces qu'il 
n'est pas permis de dépasser cette limite. En résumé, 
si l'on adopte l'année 52 comme point de départ de 
l'activité de saint Paul à Corinthe, cette même année 
peut servir à dater sa première lettre aux Thessaloni- 
ciens. 

[II. But et occasion. — Les circonstances auxquelles 
on doit cette Épître résultent des événements qui sur- 
vinrent à Thessalonique, après le départ de l'Apôtre. 
La violente persécution qui l'avait obligé à quitter la 
ville continuait à s'acharner sur les nouveaux fidèles. 
On s'efforçait d'arrêter, par l'intimidation et les tracas- 
series de toutes sortes, le mouvement des conversions, 
n, 14. Qu'allait devenir cette belle moisson battue par 
tant d'orages? L'obstination des persécuteurs n'arri- 
verait-elle pas à ébranler des néophytes à peine dégagés 
du paganisme et de la synagogue? Cette pensée agitait 
sans cesse l'esprit de l'Apôtre depuis qu'il avait été 
forcé lui-même de quitter leur ville. A deux reprises 
différentes, il avait essayé, mais en vain, de retourner 
à Thessalonique; les Juifs, toujours en éveil, faisaient 
bonne garde et lui eussent fait un mauvais parti. Ils 
vinrent même le poursuivre jusqu'à Bérée, Act., xvn, 
13, et l'obligèrent à fuir plus loin. C'est alors que 
saint Paul se dirigea vers Athènes. Il envoya Timo- 
thée à Thessalonique pour voir ce qui s'était passé et 
pour porter à l'Église éprouvée ses encouragements et 
ses conseils, m, 1-2. Quelques critiques pensent que 
Paul remit à son disciple une lettre très courte, à la- 
quelle répondirent les fidèles. Cf. Expositor, sept. 1898, 
p. 167-177. Quoi qu'il en soit, le message de l'Apôtre 
eut les plus heureux effets. Les néophytes, pressés par 
leurs adversaires, ne cédèrent point. Aussi, quand 
Silas et Timothée vinrent rejoindre leur maître à 
Corinthe, ils n'eurent à lui apporter que des nouvelles 
consolantes. Rien n'avait pu abattre le courage des 
fidèles de Thessalonique. La lutte avait affermi leur 
foi, animé leur espérance, vivifié leur charité. Leur 
exemple avait rempli d'admiration les églises nouvelles. 
On en parlait des deux côtés de la mer Egée. Profondé- 
ment attachés à leur Apôtre, les Thessaloniciens gar- 
daient de lui le plus affectueux souvenir et souhaitaient 
ardemment de le revoir, m, 6. Toutes ces consolations 
venaient à propos pour compenser les difficultés que 
Paul rencontrait à Corinthe, au début de son apostolat. 
Cependant, il y avait, même dans ces joies, quelques 
sujets d'inquiétude. Les Juifs, pour détacher les néo- 
phytes de leur Apôtre, répandaient,sur sa personne et 
sur son nom, les plus noires calomnies : on le traitait 
d'imposteur, d'homme intéressé, ami de l'argent, 



d'ambitieux, se faisant des adeptes à force de flatteries, 
d'orgueilleux, avide de gloire et de vaines satisfactions 
d'amour-propre, II, 3, 5, 6. 

A la longue, ces insinuations pouvaient jeter le 
trouble dans les esprits. D'un autre côté, certains 
points, signalés par les nouveaux arrivants, Silas et 
Timothée, accompagnés peut-être de quelques Thessa- 
loniciens, exigeaient une intervention de l'Apôtre, au 
moins par lettre. Le sentiment d'indépendance, si 
fortement ancré dans la race grecque, commençait à se 
faire jour chez quelques-uns à l'égard des anciens, v, 
12. On ne respectait pas toujours leur autorité. Les 
assemblées liturgiques s'en étaient particulièrement 
ressenties. Il y avait des abus dans l'exercice des dons 
spirituels : le mauvais grain se mêlait au bon, v, 21 ; les 
pensées personnelles se substituaient aux sugges- 
tions de l'Esprit. La prophétie, source d'ardeur et d'édi- 
fication, avait baissé, v. 19. Languissante, elle menaçait 
de s'éteindre : il fallait la ranimer. Au milieu de la 
corruption générale, plusieurs fidèles étaient tentés de 
retourner à leurs premiers penchants pour la luxure et 
la fraude, rv, 3, vices habituels des villes maritimes. 
En outre, on avait exagéré la portée de certaines pa- 
roles de l'Apôtre, touchant les événements des derniers 
jours. Le décès de quelques frères, avant le retour du 
Christ, qu'on croyait imminent, avait causé une émo- 
tion profonde dans la nouvelle Église, iv, 13. On se 
demandait avec anxiété quel sort leur était réservé. 
Seraient-ils admis au royaume messianique? L'attente 
presque quotidienne de la fin du monde tenait les 
es prits dans une excitation continuelle. Certains enthou- 
siastes se couvraient du prétexte de l'approche immi- 
nente de la Parousie pour négliger leurs devoirs d'état 
et vivaient aux dépens de la communauté, iv, 11. Une 
situation aussi aiguë ne pouvait se prolonger sans 
menacer l'avenir. Paul écrivit donc, sur-le-champ, à 
ses chers Thessaloniciens une lettre touchante où se 
lisent ses desseins : resserrer le lien d'affection qui 
l'unissait à leur vaillante Église, la détacher de plus en 
plus des habitudes païennes, l'éclairer sur les cir- 
constances du dernier jour. 

IV. Authenticité. — Moins largement favorisée que les 
grandes Épitres au point de vue de l'exposition doctri- 
nale, la première lettre aux Thessaloniciens a été plus 
rarement citée dans la littérature ecclésiastique. Les 
traces qu'on croit en découvrir dans les écrits de saint 
Clément de Rome, I Corinth., xlii = I Thess., i, 5; 
iv, 2, la Didaché, xvi, 6=1 Thess., rv, 15, 17, deux 
passages de saint Ignace d' Antioche, ad Polyc, 1; ad 
Ephes., 10, et deux phrases de saint Polycarpe, adPhi- 
lipp., H, 4 = IThess., v, 22; iv =1 Thess., v, 17, n'ont, 
en stricte rigueur, qu'une probabilité relative. Un fait 
plus concluant, pour la haute antiquité de cet écrit, 
c'est sa présence dans le recueil de Marcion, le canon 
de Muratori et la Peschito. Dans le dernier tiers du 
III e siècle, saint Irénée, Hser., v, 6, 1, t. vu, col. 1138; 
Clément d'Alexandrie, Psedag., I, p. 88, édit. Sylb.; 
Tertullien, De resurrect. carn., 24; Advers. Marc, 
v, 15, t. n, col. 827; saint Épiphane, User., xlii, 9, 
t. xli, col. 721, font divers emprunts et attestent expli- 
citement son origine paulinienne. A ces témoignages 
s'ajoutent des caractères internes d'une solide valeur. 
« Les émotions intimes que trahit toute cette lettre, 
écrivait Godet, lntrod. au N. T., t. i, p. 179, les effu- 
sions pleines de tendresse qui la caractérisent, ces 
réminiscences si vives d'un temps marqué par les fa- 
veurs du Ciel toutes extraordinaires, ces expressions 
d'une sollicitude toute paternelle pour de jeunes églises 
exposées déjà à de si rudes épreuves de la part de leurs 
compatriotes, ces recommandations si parfaitement 
appropriées à la situation d'une Eglise naissante, placée 
au milieu d'une grande cité païenne commerçante et 
corrompue, ces encouragements à la constance dans la 



2181 



THESSALONICIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX) 



2182 



foi, au milieu de la souffrance, ce sont là des accents 
inimitables, qu'il est impossible d'attribuer à la plume 
d'un faussaire des temps postapostoliques. » D'ailleurs, 
c'est bien là le style de saint Paul, sa touche person- 
nelle, à tel point que les adversaires de cette Épltre 
en font une copie des Épîtres aux Corinthiens, surtout 
de la seconde, avec laquelle, en effet, les affinités sont 
si sensibles! Qu'on note enfin la concordance si exacte 
des traits historiques, semés ici et là, dans le courant 
delà lettre, avec la situation générale des Églises fon- 
dées par saint Paul : une grande avidité de la parole 
évangélique, un vif attachement pour les Apôtres, une 
foi ardente, ferme devant la persécution, une préoccu- 
pation constante de la Parousie que l'on croit prochaine; 
l'exercice régulier des dons spirituels, l'inquiétude et 
la curiosité au sujet de la condition des frères récem- 
ment décédés, tous ces détails, d'une couleur si vraie, 
attestent une époque très rapprochée des faits et 
rendent invraisemblable l'hypothèse d'une composition 
apocryphe. Au reste, les premiers doutes, à ce sujet, 
ne remontent qu'à la première moitié du XIX e siècle. 
Schrader commença par signaler dans l'Épitre quelques 
expressions étrangères à la langue de saint Paul. Baur, 
élargissant la portée de ces simples remarques, s'en 
servit pour diriger une attaque à fond contre l'authen- 
ticité même de l'Epître tout entière. Ses arguments 
ont, avec le temps, perdu de l'importance qu'on leur 
avait d'abord prêtée, surtout depuis que la plupart de 
ses anciens disciples sont revenus, sur ce point, à la 
thèse traditionnelle. A vrai dire, ces objections n'offrent 
qu'un intérêt diminué. On ne s'y arrête que dans la 
mesure où elles fixent l'attention sur telle ou telle par- 
ticularité de l'Épitre et en font mieux saisir le caractère. 
La première raison alléguée par Baur, et à laquelle il 
semble avoir accordé le plus de crédit, est la frappante 
ressemblance de cette première Épitre avec les deux 
Épîtres aux Corinthiens, d'où il conclut qu'elle n'en 
est qu'un décalque décoloré, pour un cercle de lecteurs 
tout différent de ceux auxquels elle paraît adressée. 
A cet effet il note, dans les moindres détails, une série 
de coïncidences verbales entre les deux genres d'écrits, 
I Thess., i, 2 = I Cor., i, 4; 1 Thess., i, 5 = 1 Cor., 
n, 4; I Thess., i, 6 = I Cor., xi, 1; I Thess., i, 9; n, 
1, 5, 9, 10, 11 — I Cor., h, 1, 3; m, 1; II Cor., i, 12; 
I Thess., n, 3-6 = II Cor., xii, 16; I Thess., n, 1 sq., 
= II Cor., m, 12; I Thess., il, 7, 11 = II Cor., xil, 14; 
I Thess., iv, 3 = I Cor., vi, 18; I Thess.,. iv, 4, 6 = 
I Cor., vi, 8; I Thess., v, 19 = I Cor., xiv, 39, 40, mais 
il ne ressort de ce parallèle qu'une preuve de plus en 
faveur de l'authenticité de cette Épitre, car on com- 
prend mieux ces ressemblances en les expliquant par 
l'identité d'auteur et l'analogie de situation entre deux 
Églises qui se trouvaient à peu près dans les mêmes 
conditions. Si, dans la lettre aux Thessaloniciens, les 
traits sont plus sobres, la partie dogmatique très res- 
treinte, c'est parce que, les Épîtres étant des lettres 
de circonstance et non des traités doctrinaux propre- 
ment dits, saint Paul parle spécialement des choses 
demandées par l'état de l'Église à laquelle il écrit et 
cet état différait sur plusieurs points en Macédoine et 
à Corinthe. Quant aux points de contact, ils sont autre- 
ment nombreux entre l'Épitre aux Galates et l'Epître 
aux Romains, sans que Baur ait cru devoir en tirer 
aucune conclusion contre leur authenticité respective. 
Cf. l'article de Lipsius, Ueber Ziceck und Yeranlas- 
sung des ersten Thessalonischer Br-iefs, dans Studien 
und Kritiken, 1854, p. 905. Un passage de cette Épître, 
il, 16, offre, dit-on, une autre difficulté, celui où l'au- 
teur, écrit des Juifs : La colère divine les a atteints 
jusqu'à la fin, mots qui se vérifient mieux après les 
événements de l'an 70 que sous le règne de Claude. De 
fait, il y avait déjà quelque chose du passé. La colère 
de Dieu était déjà sur leur tête; elle avait commencé à 



exécuter ses jugements contre eux. Le verset incriminé 
peut s'expliquer sans y voir une allusion expresse à la 
ruine de Jérusalem. Objectera-t-on que plusieurs ver- 
sets du ch. il, 1-6, dans lesquels l'Apôtre réfute les 
calomnies de ses adversaires et justifie sa conduite, 
appartiendraient plutôt à la période de lutte avec les 
Juifs qu'à celle des débuts, par conséquent, à une 
date postérieure ? L'hostilité des Juifs deThessalonique 
contre l'Apôtre, rapportée par les Actes, xvn, 5-13. 
suffit à elle seule pour légitimer cet essai d'apologie, 
Juifs orthodoxes et judaïsants se sont efforcés, par des 
moyens parfois différents, parfois identiques, à ruiner 
l'autorité morale de l'Apôtre. Les uns allaient jusqu'à 
la violence et aux voies de fait, les autres se contentaient 
d'ordinaire des insinuations malveillantes, mais tous les 
deux usaient, à son égard, des armes de la calomnie. 
Il n'y a aucune raison, ni de déplacer la date assignée 
d'habitude à cette Épître, ni, a fortiori, de l'attribuer 
à un autre, qu'à saint Paul. Cf. Holtzmann, Einleit., 
p. 213, 3 e édit., où la question est traitée en détail. 

V. Intkgrité. — Deux représentants de l'école 
« hypercritique », Pierson et Naber, Verisimilia, 
Amsterdam, 1886, donnent cette Épître pour le rema- 
niement d'une sorte d'homélie, adressée par un auteur 
juif aux Gentils, dans le but de leur annoncer la venue 
du Messie et de leur faire embrasser la morale juive. 
Plus tard, un évêque chrétien, nommé Paul, aurait 
inséré, dans cet écrit, quelques phrases chrétiennes 
et une justification de son enseignement. Cette hypo- 
thèse, si tant est qu'on puisse donner ce nom à de 
pareilles imaginations, prétend se baser sur la diffé- 
rence des tons de l'Epître : tantôt celui de prophète, 
tantôt celui de pasteur, le manque de suite et de 
liaison dans les versets, l'usage de certains mots inu- 
sités (r|(jiépà, YpvjyopEÏv), le manque de doctrines positi- 
vement chrétiennes. La saine critique n'accorde aucun 
crédit à un genre d'arguments, dont le plus clair 
résultat serait de la discréditer elle-même. Clemen, 
Die Einheitlichkeit der paul. Briefe, Gœttingue, 
1894, admet quelques interpolations dans la présente 
Épître, mais en les limitant à deux principales, n, 
15-16, etv, 27. L'exégèse de ces passages montre qu'il 
n'y a pas à les transformer en additions postérieures 
et qu'ils sont, comme les autres, de la main de saint 
Paul. 

VI. Analyse du contenu. — L'Épitre présente, dans 
ses grandes lignes, le cadre qui sera celui des autres 
lettres de saint Paul. 

a) exorde épistolâire, i, 1-10, avec adresse, i, 
1, et action de grâces, i, 2-10. Silas et Timothée figurent 
avec Paul dans l'en-tête de l'Epître, à titre de collabo- 
rateurs. Les proportions ei le développement de l'ac- 
tion de grâces indiquent combien l'Apôtre est -satis- 
fait de la jeune Église de Macédoine. Il la loue, ne 
termes fort élogieux, de ses admirables sentiments de 
foi, d'amour et de ferme endurance; il se porte garant 
de l'élection divine de ses membres, certitude basée 
sur la façon merveilleuse dont ils ont accueilli la 
parole évangélique, et sur les prodiges et les miracles 
dont elle a été appuyée durant son séjour parmi eux. 
EnBn, il se fait l'écho des louanges qu'a provoquées, 
dans les Eglises environnantes, leur ardeur pour la foi 
nouvelle. 

b) corps de l'Épitre. h, 1-v, 24. — Par sa nature, 
cette lettre ne se prête pas à des divisions rigoureu- 
sement marquées. C'est plutôt une évocation de souve- 
nirs communs à l'Apôtre et à ses chers Thessaloniciens, 
qu'un ensemble logique d'idées. Pourtant, on y voit 
poindre, dans une certaine mesure, les deux grandes 
catégories habituelles aux Épîtres postérieures : la 
partie dogmatique et la partie morale. Seulement, la 
première, consacrée an retour vers le passé, s'appel- 
lerait plutôt ici historico -apologétique, la seconde, 



2183 



THESSALONICIENS (PREMIÈRE EPITRE AUX) 



2184 



où les conseils l'emportent sur les préceptes, paréné- 
tique. ." , 

1. Partie historico-apologétique. ii-iii, 13. — La 
narration comprend les deux périodes qui se sont écou- 
lées depuis que saint Paul est entré en rapport avec les 
fidèles de Thessalonique : celle de son séjour parmi eux 
et celle qui a suivi son départ. 

a) Première période. n, 1-16. — En revenant sur les 
débuts de son. apostolat à Thessalonique, saint Paul 
trouve l'occasion de faire justice des insinuations et 
des calomnies de ses adversaires. Il rappelle quelle fut 
sa manière d'agir pendant qu'il était avec eux : ses 
souffrances, ses épreuves, l'assurance de sa parole, 
empreinte d'une conviction sincère, désintéressée, forte 
de la puissance même de Dieu, appuyée qu'elle était de 
prodiges et de miracles. En un mot, sa vie a été sainte, 
juste, irréprochable. Dans son apologie, il insiste plus 
particulièrement sur deux points : son extrême condes- 
cendance pour ses chers néophytes et son parfait désin- 
téressement, poussé jusqu'à l'héroïsme. Cette sollicitude 
n'est pas restée sans récompense. Les Thessaloniciens 
ont répondu à ce dévouement par un zèle sans précé- 
dent à accueillir la parole évangélique, à la tenir pour 
divine, à s'y fortifier, en dépit des attaques du dehors. 
Ils se sont ainsi rendus dignes d'être comparés aux 
saints de Palestine, persécutés comme eux par les Juifs 
incrédules. 

6) Deuxième période. Il, 17-in, 13. — La séparation 
n'a pas affaibli les liens d'étroite affection qui s'étaient 
formés, à Thessalonique, entre saint Paul et ses 
néophytes. En un sens, elle les a resserrés, fortifiés. 
L'Apôtre énumère tout ce qu'il a fait, de son côté, pour 
témoigner son attachement aux fidèles, depuis qu'il les 
a [quittés. En premier lieu, il a essayé de revenir à 
Thessalonique, mais en vain, échec qu'il attribue à 
Satan; puis, ne pouvant retourner en personne vers sa 
chère Église, il lui a envoyé, lors de son passage à 
Athènes, son disciple préféré, Timothée, se privant de 
lui à un moment où sa présence lui était si néces- 
saire. Ce qui l'a surtout déterminé à ce sacrifice, c'est 
la nouvelle des persécutions suscitées contre les nou- 
veaux fidèles. Une autre preuve de l'intérêt et de l'atta- 
chement profond de l'Apôtre pour l'Église de Thessa- 
lonique, c'est la joie vive qu'il a ressentie, quand, 
tout récemment, Timothée, revenu de Macédoine, lui 
a appris les dispositions admirables dans lesquelles 
il a trouvé les fidèles de cette communauté, leur foi, 
leur charité, le souvenir toujours vivace qu'ils gardent 
de leur premier pasteur, le désir intense de le revoir. 
Le tout s'achève par des prières et des vœux de 
retour. 

2. Partie parénétique. rv-v, 24. — Les préceptes 
et les exhortations ne se suivent pas dans un ordre 
strictement déterminé. On peut cependant les divi- 
ser par groupes, d'après le thème général auquel 
ils se rattachent. Dans le premier groupe d'avis, IV, 
1-12, l'Apôtre, après avoir tracé l'idéal de la vie 
chrétienne, insiste sur les vertus qui étaient plus par- 
ticulièrement en péril dans une grande cité commer- 
çante, comme Thessalonique, capitale de la Macé- 
doine, port de mer très fréquenté par les navires 
d'Occident et d'Orient. Il n'était pas superflu de 
recommander par-dessus tout, en pareil milieu, la 
pureté des mœurs et la probité dans les affaires. A pro- 
pos de la charité fraternelle, précepte central du chris- 
tianisme, il n'y a que des louanges à leur adresser 
et des souhaits de persévérance dans cette voie 
excellente. 

Le second groupe d'avis, iv, 13-v, 11, vise la vigilance 
chrétienne, mise en éveil par l'attente de la Parousie. 
Ces conseils ont été provoqués par l'inquiétude des 
fidèles au sujet des frères qui s'étaient endormis dans 
le Seigneur, depuis le départ de saint Paul. On se 



demandait avec anxiété s'ils auraient leur part dans le 
royaume messianique, étant morts avant le grand jour 
de son apparition. Paul rassure les néophytes et décrit 
avec sobriété l'ordre dans lequel se passeront les der- 
niers événements : la résurrection des morts, le départ 
simultané des vivants et des ressuscites à la rencontre 
du Christ dans les airs, pour juger le monde. Quant à 
la date, il ne précise rien, se tenant dans le mot d'ordre 
du Christ, qu'il fait sien : Veillez sans cesse, tenez-vous 
prêts. De là, ses appels à une vigilance de tous les ins- 
tants, comme le soldat sous les armes. Après cet aver- 
tissement solennel, un dernier groupe de recomman- 
dations de circonstance : le respect, l'affection envers 
les chefs de la communauté, la paix, la concorde entre 
fidèles, les spirituels reprenant avec douceur ceux qui 
s'écartent de la voie tracée, le pardon des injures, la 
bienveillance pour tous, le bon ordre dans les assem- 
blées liturgiques, la pratique régulière des exercices 
spirituels, surtout de la prophétie. Un vœu ou plutôt 
une bénédiction complète ces divers conseils. L'Apôtre 
prie Dieu de sanctifier les frères et de les préserver 
intégralement de toute souillure. 

c) Épilogue, v, 25-28. — C'est une sorte de post-scrip- 
tum ajouté par Paul, de sa propre main. Il demande 
aux frères de prier pour lui, de se saluer les uns les 
autres par un saint baiser, de lire sa lettre en assem- 
blée publique. 

VII. Bibliographie. — 1° Au point de vue critique, 
touchant la question d'authenticité contre l'origine 
paulinienne : * Schrader, Der Ap. Paul, 1836, p. 1-58; 
"L. de Wette Kurzgefassl. exeg. Hanclb. , 1841, t. n, 
p. 3; *Baur, Ap. Paul, 2" édit., t. n, p. 94-107, 341- 
369; "Van der Vies, De beide brieven aan de Th., 
Leyde, 1865; 'Holsten, Jahrb. fur prol. Theol., 1877, 
p. 731; Steck, Ibid., 1883, p. 509-524. En sa faveur, 
Lipsius, Theol. Stud. und Krit., 1854, p. 905-934; 
'Hilgenfeld, Zeitschrift fur wiss. Theol., 1862, p. 225- 
242; Von Soden, Theol. Stud. und Krit., 1885, p. 263- 
310 ; * Monnet, Les Épîtres aux Thessaloniciens, Tou- 
louse, 1889; "Hausrath, Neut. Zeitgesch., t. n, p. 254; 
m, 198, 506; *0. Pfleiderer, Paulin., p. 38; "Bahnsen, 
Jahrb. fur prol. Theol., 1880, p. 681 ; 'Weizsâcker, 
Das Apost. Zeitaller, p. 258, 521; *H. Holtzmann, 
Bibl. Lex., t. v, 1875, p. 499; Westrick, De echtheid 
van den tweden brief. aan de Thess., 1891. — Parmi 
les auteurs catholiques, voir Cornély, lntrod., t. iv, 
p. 409-411; Jacquier, Hist. des livres du N. T., 
t. i, p. 84 sq.; Vigouroux-Brassac, Man. bibl., t. iv, 
p. 185 sq.; Toussaint, Ép. de saint Paul, Leçons d'exé- 
gèse, t. i, p. 95 et sq. 

2» Au point de vue exégétique : S. Jean Chrysostome, 
dont le commentaire homilétique est si particulière- 
ment remarquable, t. lxh, col. 405; Théodore de 
Mopsueste,t. Lxvi,col.931;Théodoret,t. lxxxii,co1.628, 
*Pelt, 1830; "Olsbausen, 1840; * Baumgarten-Crusius, 
1848; *Koch, 1849-1855; 'Lûnemann, dans la collection 
Meyer, 1850, 1878; * Jowett, The Epistles of St. Paul to 
the Thessalonicians, Galatians, Romans, 1856;*Elli- 
cott, 1865 ; * Eadie, 1877 ; Hutchinson, 1883 ; * Riggenbach, 
dans la collection Lange, 1864, 1884; "Reuss, Les 
Épîtres pauliniennes , Paris, 1878; *P. Schmidt, Der 
I Thess. Brief neu erklârt..., 1885; 'Cambridge Bible 
for Schools d'Ellicott, Alford, Findlay; Lightfoot, A'oies 
on Epistles of St. Paul, 1895; *W. Schmiedel, Hande. 
z. N. T., 1892; chez les catholiques, Rôhm, 1885; 
Panek, 1886; Schâfer 1890; Drach, Épîtres de saint 
Paul, 1871; Padovani, In Epist. ad Thess., 1894; 
Mg r Le Camus, L'œuvre des Apôtres, 1905, t. n, 
p. 335 sq.; A. Prat, La théologie de saint Paul, 1. 1, 
p. 104 sq.; Toussaint, op. cit., t. i, p.- 102-132. 

3° Sur des points de détail : Field, pour l'exégèse de 
il, 6; v, 4, Notes on Trans. of A'. T.; F. Zimmer, 
Theol. Stud., 1891, explique n, 3-8; Askwilh, lntrod. to 



2185 



THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX) 



2186 



Thess. Ep., 1902; Findlay, Thessalonicians, 1904, App. i, 
p. 170-180; Atzsberger, Die christ. Eschat., dans 
Studien ûber Offenbarung in A. und N. Testamenle, 
in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1890. 

C. Toussaint. 

THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE 
AUX). — I. Importance. — Cette seconde lettre, moins 
étendue que la première, ne lui est pas inférieure en 
intérêt, au double point de vue du dogme et de l'his- 
toire. Elle a surtout le mérite de la préciser et de la 
compléter sur ce point difficile de la Parousie, quand 
on veut se rendre un compte exact de ce qu'en pensait 
l'Apôtre. Elle aide aussi, d'une certaine manière, à 
éclaircir plusieurs passages de l'Apocalypse qui, sans 
elle, resteraient enveloppés d'une impénétrable obscu- 
rité. Le morceau capital de cette seconde Épître est 
celui qui a trait à l'Antéchrist, personnage mystérieux 
sur lequel les exégètes et les théologiens de tous les 
temps ont épuisé leurs conjectures. On -admire avec 
quelle sagesse l'Apôtre réprime les impatiences fié- 
vreuses des premiers fidèles relatives aux théories 
apocalyptiques qui avaient cours dans les communau- 
tés chrétiennes. Pas un instant, il ne sort de la ligne 
tracée par le Seigneur, basant ses prédictions sur les 
paroles du Maître : incertitude du moment précis, 
proximité de l'événement final, qui pourtant doit être 
précédé de certains signes avant-coureurs : recru- 
descence du mal, apparition de l'Antéchrist. Sans se 
perdre dans des conjectures plus ou moins fondées, 
qui frapperaient l'imagination et piqueraient la curio- 
sité, saint Paul donne aux préoccupations eschatolo- 
giques des fidèles une tournure pratique. La conclu- 
sion, en cette matière, est perpétuellement la même : 
se tenir prêt, par la pureté de conscience, à la 
réapparition du Sauveur Jésus. A côté de ces pas- 
sages célèbres sur la Parousie de l'Antéchrist, il y 
en a d'autres moins en vue qui ont leur prix, tels 
que ceux où se révèlent les règles du gouverne- 
ment introduites par saint Paul dans les Églises, 
pour y maintenir l'ordre et la discipline, n, 14; m, 4, 
6, 10-15. A noter aussi le fameux f. 17 du chap. m, 
qui nous apprend que l'Apôtre, pour prémunir ses 
lettres de toute fraude apocryphe, écrit, de sa propre 
main, quelque formule de salutation. Il dictait donc le 
reste. 

II. Ordre de succession. — Plusieurs critiques mo- 
dernes (Ewald, Bunsen, Baur, Renan) regardent cette 
lettre, classée d'ordinaire la seconde, comme ayant été 
écrite la première. C'était déjà l'opinion de Grrotius, 
qui, voulant identifier l'Antéchrist avec l'empereur 
Caligula, mort en l'an 41, avait intérêt à faire remonter 
aussi haut que possible la date de cette rjpitre. Ceux 
qui ont reproduit son hypothèse l'ont fait pour des 
raisons diverses : Ewald, parce qu'il place la rédaction 
de notre lettre à Bérée, aussitôt après que Paul eut 
quitté Thessalonique; Renan, parce que les Épîtres 
pauliniennes ont été classées d'ordinaire par ordre de 
longueur, et que celle-ci est plus courte que l'autre. 
L'examen comparatif des deux Épîtres ne permet pas 
un instant cette supposition, la deuxième Épître étant 
en gradation marquée sur la première. Dans l'une en 
effet, I Thess., I, 3, 6, 9, l'Apôtre loue l'empressement 
des fidèles à recevoir l'Évangile; dans l'autre, II Thess., 
i, 3, il renforce ce premier éloge. Ici, I Thess., IV, 13, 
l'un est tout préoccupé du sort des fidèles morts avant 
la Parousie; là, II Thess., n, 2, c'est l'imminence du 
retour du Seigneur qui agite les esprits, sans doute à 
cause du nos qui vivimus, qui residui sumus, de la 
lettre précédente. 1 Thess., iv, 14-16. De plus, les dé- 
sordres, à peine insinués d'abord, I Thess., iv, 11, 
deviennent dans cette lettre, II Thess., 6-12, l'objet 
principal des recommandations pratiques de l'Apôtre, 
qui ne se contente plus d'avertir, mais qui prend contre 



les délinquants des mesures répressives. Enfin, le y. 14 
du chapitre n coupe court à toute autre raison, puis- 
qu'il mentionne explicitement une épître antérieure. On 
pourrait, par surcroît, montrer la dépendance étroite 
des deux lettres, et de quel côté se trouve la priorité, 
en mettant en regard les passages suivants : I Thess., 
I, 3 = II Thess., i, 3 ; I Thess.,"i, 4 = II Thess., n, 13; 

I Thess., i, 6 = 11 Thess., i, 4; I Thess., I, 8, 9 = 

II Thess., I, 4; I Thess., Il, 6-9 = II Thess., ni, 9; 

I Thess., Il, 12 =11 Thess., i, 5; I Thess., III, 2 = 

II Thess., il, 17; I Thess., iv, 1, 10; v, 11 = II Thess., 
m, 4; I Thess., v, 9=11 Thess., il, 14; I Thess., v, 14, 
15 = II Thess., m, 13. 

III. Date et lieu de rédaction. — D'après les divers 
indices que fournit l'Epitre elle-même, on ne peut 
guère en séparer l'apparition de la première que par 
un intervalle de quelques mois, par suite, la dater 
de l'an 53 ou, tout au plus, du commencement de 
l'an 54. Elle est certainement antérieure à l'an 70, 
puisqu'elle suppose le Temple de Jérusalem encore de- 
bout, n, 4; elle est écrite à Corinthe, en pleine activité 
apostolique, quand saint Paul est aux prises avec les 
difficultés de sa grandiose entreprise, m, 2, et que 
Silas est encore à ses côtés, i, 1. L'état de l'Église de 
Thessalonique n'est pas très différent de celui que 
représentait la lettre précédente; c'est le même cou- 
rage dans la persécution, i, 4, la même impatience de 
la venue du Christ, n, 2, les mêmes désordres, aggravés 
toutefois par la fièvre dans laquelle vivaient certains 
fidèles, m, 6, 11-13, les mêmes conseils pratiques plus 
fortement accentués, m, 11-12. De tous ces traits se 
dégage cette conclusion : la seconde Épître aux Thessa- 
loniciens ne doit pas être placée trop loin de la pre- 
mière, assez cependant pour permettre à l'Apôtre 
d'être renseigné sur elle par des messagers, àxoijo|j.ev, 
m, 11, et aux abus de se produire sous une forme plus 

-/caractérisée. La distance de six mois est généralement 
adoptée comme s'harmonisant bien avec ces diverses 
considérations. 

IV. But et objet de l'Epitre. — Le thème principal 
de la lettre en fait connaître l'origine et la fin. Il ressort 
de la première missive de saint Paul aux fidèles de 
Thessalonique, à quel point leur curiosité était inquiète 
et pressante au sujet des événements de la fin du 
monde. La réponse de l'Apôtre, loin de calmer leur 
impatience, ne servit qu'à la stimuler davantage. Le 
désir de hâter le moment de la grande manifestation du 
Christ suggéra aux plus ardents de pieuses fraudes 
pour prédire l'heure avec certitude. Ils allèrent jusqu.'à 
alléguer de prétendues révélations d'en-haut, des 
paroles et même une lettre faussement attribuées à 
l'Apôtre, n, 2. Ce problème hantait les imaginations 
et les exaltait vivement. Certains s'autorisaient de ces 
prophéties à courte échéance pour renoncer au tra- 
vail. Sous prétexte que le monde allait finir, on jugeait 
inutile de continuer à s'occuper d'autre chose. Ces 
chimériques espoirs favorisaient l'oisiveté et appau- 
vrissaient la communauté, composée en majorité, ici 
comme ailleurs, de gens de travail, vivant au jour le 
jour. Saint Paul, mis au courant de la situation par 
des frères venus de Macédoine, m, 11, se hâta d'y por- 
ter remède. Il dicta cette seconde lettre, précisant da- 
\antage ce qu'il leur avait écrit la première fois, tou- 
chant les événements des derniers jours. D'abord, il 
déclare que la date n'en est pas si rapprochée que le pré- 
tendent les enthousiastes de Thessalonique. Avant qu'ar- 
rive le retour du Seigneur, nombre de phénomènes et de 
présages doivent se produire. Bien que proche et incer- 
tain, le dernier jour du monde doitêtre précédé, suivant 
la parole même du Maître, de signes avant-coureurs dont 
le plus notable de tous sera la Parousie de l'Antéchrist. 
Comme ce signe n'a pas encore paru, il y a lieu de 
patienter et de se remettre au travail. Tels sont Ies'mo- 



2187 



THESSALONIGIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX) 



2188 



tifs qui ont amené l'Apôtre à parler assez longuement 
de la personne et de la mission de l'Antéchrist. De là 
aussi, la couleur apocalyptique de cette Épltre et la 
raison pour laquelle on la met en parallèle avec les 
prophéties de l'Apocalypse johannique. 

V. Authenticité. — La tradition de l'Église a, sans 
défaillance ni exception, tenu cette Jipilre comme ve- 
nant de saint Paul. Les témoignages en sont nombreux. 
La partie apocalyptique de la lettre avait attiré l'atten- 
tion des premiers siècles et on y faisait de larges 
emprunts. Saint Polycarpe, tout en se trompant sur 
la lettre où il puisse sa citation, utilise sans doute 
II Thess., m, 15, quand il écrit aux Philippiens, c. xi, 
t. v, col. 1013-1014 : « Agissez avec modération, vous 
aussi, en ceci (l'exercice de la discipline) et ne traitez 
pas de tels hommes comme des ennemis, mais cherchez 
à les regagner comme des membres malades et éga- 
rés. «Dans les Dialogues de saint Justin, XXXII, c. x, 
t. vi, col. 544, se lit une phrase qui rappelle visiblement 
II Thess., il, 3 : « Lorsque l'homme d'apostasie, qui 
prononce des choses orgueilleuses contre le Tout- 
Puissant, se sera enhardi à faire sur la terre contre 
nous, chrétiens, des choses iniques. » Certains termes : 
'O avop.oç, tia-zapyr^ti, xptvet, de l'Epître dite de Bar- 
nabe, écrit d'une haute antiquité, semblent venir de 
la présente lettre. La Didaché, c. xvi, a une description 
de l'homme du péché qui répète presque mot pour 
mot celle de Thess., Il, 8, 12. La même reproduction 
littérale se retrouve dans la Lettre des martyrs de Lyon 
et de Vienne, conservée par Eusèbe, H.E., v, 1. A ces 
raisons s'ajoute la présence de l'Épltre en cause dans 
le recueil de Marcion, ce qui est toujours un signe très 
apprécié d'authenticité paulinienne ; sa mention par le 
canon de Muratori, son insertion dans la Vêtus llala 
et la Peschito. — Quant aux preuves d'évidence interne, 
elles se puisent surtout dans l'étroite intimité de forme 
et de fond de cette seconde Épitre avec la première, sa 
structure générale, sa phraséologie, mais, par-dessus 
tout, sa manière élevée, concise et pratique avec 
laquelle est traitée la théorie apocalyptique de l'Anté- 
christ, manière qui contraste si singulièrement avec 
les imaginations grotesques, plates et fantaisistes des 
apocryphes qui ont abordé le même sujet. Pourtant, il 
est peu d'Épîtres que la critique issue de Baur ait plus 
obstinément refusé d'admettre. Les premiers doutes 
relatifs à son origine remontent à Christian Schmidt, 
1801, 1804, 1809, Schrader, Mayerhoff, Kern. L. de 
Wette, qui les avait d'abord pris au sérieux, revint plus 
tard, après les travaux de Guericke et de Reiche, aux 
données traditionnelles. En 1839, Kern reprit l'attaque 
avec une ardeur nouvelle. Baur adopta la thèse de 
Kern, l'amplifia, l'enrichit d'arguments nouveaux qui, 
avec certaines variantes, ont longtemps fait loi dans 
son école, Cependant, ses disciples ont eu une attitude 
différente envers l'une ou l'autre des deux Épîtres. 
Tandis que certains, Wolkmar, Holsten, les re- 
jettent en bloc, d'autres, Lipsius, Hilgenfeld, Weisse, 
Pfleiderer, Weizsâcker, ne font de réserves que pour 
la seconde. Il ne manque pas néanmoins de critiques 
indépendants (Reuss, Sabatier, Weiss, Renan, Jûlicher), 
pour déclarer que « les raisons par lesquelles on a 
voulu attaquer les deux Epîtres aux Thessaloniciens 
sont sans valeur. » Renan, Les Apôtres, p. xli. Quelques 
auteurs, Schmidt, Davidson, Hase, prennent une po- 
sition intermédiaire et tiennent cette présente lettre 
pour le remaniement d'une courte Ëpttre de saint 
Paul. Les objections les plus en vue gravitent presque 
toutes autour de l'élément eschatologique, où l'on veut ( 
à toute force, voir un emprunt caractérisé au livre de 
l'Apocalypse et, par suite, lui attribuer une origine 
postpaulinienne. A cet effet, Holtzmann a relevé avec 
soin, entre les deux écrits, les points de contact sui- 
vants : 1" Y&voazama, II Thess., il, 3= Apoc, xm, 4, 



8, 12, 14, 15; 2» l'attentat sacrilège et blasphématoire 
de l'Antéchrist, qui veut se faire adorer dans le temple 
même de Dieu, II Thess., H, 4 = Apoc, xm, 4, 8, 12, 
14, 15; xix, 20; 3° la Parousie de Satan èv xàjr) Byvàp.ei 
xa't OYin£;ovç xai TÉpanv J/euSo-jc;,IIThess.,Il,9 = Apoc, 
xm, 2, 12-14; xvi, 13; xix, 20; 4» l'expression uloç Tri; 
àinoXei'aç, II Thess., il, 3 = Apoc, xvn, 8-11 ; 5° le Rete- 
nant, II Thess., il, 7, est à la fois un individu et un 
être abstrait, n, 6, comme dans l'Apocalypse, xm, 1-8; 
xvn, 11; 6° la même description du dernier jour, 
àyyéXwv Suvà[/.eù)ç aù-roû, II Thess., i, 7 = Apoc, xix, 
14; Tiûp floyài, II Thess., i, 8 = Apoc, xix, 12; 
ô'XeBpo; aîtovtoç, II Thess., i,9=Apoc, xx, 10; 7» la fin 
tragique de l'Antéchrist, II Thess., n, 8 = Apoc, xix, 
15, 21. De tous ces traits communs, Holtzmann conclut 
que la lettre a pour auteur un disciple de Paul qui a 
voulu faire pénétrer l'eschatologie apocalyptique dans 
l'intuition des Églises pauliniennes et réprimer les dé- 
sordres qui venaient de l'attente fiévreuse de la Parou- 
sie. Il aura rattaché son écrit à l'Église de Thessalonique 
en raison d'une certaine analogie de sujet et, pour 
donner plus de crédit à sa composition, il aura calqué 
son style sur celui de la première lettre aux Thessalo- 
niciens. De la sorte, notre Épitre aurait été écrite aux 
alentours de l'an 70, plutôt après qu'avant. On ajoute à 
ces raisons l'invraisemblance de lettres apocryphes 
durant la vie de saint Paul, II Thess., n, 2, surtout la 
distance qui sépare l'eschatologie de cette composition 
d'avec celle des vraies Épitres. — Pour se défendre de ces 
divers griefs, il suffit de remonter jusqu'aux sources 
communes auxquelles l'apocalyptique chrétienne, tant 
celle de saint Jean que celle de saint Paul, a puisé, en 
grande partie, ses prédictions. On retrouvera dans 
nombre de passages d'Isaïe, n, 10, 19,21; xi, 4; xlix, 3; 
lxvi, 5, 14; de Jérémie, x, 25; d'Ézéchiel, xxvm, 27; 
surtout de Daniel, vu, 25; ix, 27; xi, 36; dans le second 
Livre d'Esdras, v, 1; les Psaumes de Salomon, xvn, 
13, 20; les oracles Sibyllins, m, 60; l'Apocalypse de 
Baruch, xl; l'Ascension d'Isaïe, IV, la plupart des 
images, parfois même des mots qui ont servi aux au- 
teurs du Nouveau Testament à décrire les événements 
des derniers jours, sans qu'il soit nécessaire d'établir 
entre ces mêmes écrivains une dépendance de fond ou 
de forme. En réalité, ils ne font que reproduire, à peu 
de chose prés, la même tradition, souvent dans les 
mêmes termes. Ici et là, cependant, émerge un trait 
original. Tel, par exemple, le personnage mystérieux 
que Paul décrit sous le nom de « Retenant » et qui 
manque dans le livre de l'Apocalypse. On conviendra, 
d'autre part, que l'apocalyptique chrétienne de cette 
Épitre, mise en parallèle avec celle de saint Jean, est 
extraordinairement sobre en symboles et en descrip- 
tions et qu'elle se rapproche beaucoup plus, par là, de 
l'eschatologie des grandes Epitres de saint Paul. Les 
différences qu'on a voulu établir entre l'enseignement 
habituel de l'Apôtre et celui de cette lettre n'ont rien de 
fondé. Si la partie eschatologijue y est prépondérante 
et en plus forte proportion que dans les autres Epitres, 
cela tient uniquement aux circonstances qui en ont 
déterminé la rédaction. Voudrait-on que l'Apôtre ait 
dû répéter le même thème dans tous ses écrits . 
D'ailleurs, une excellente pierre de touche pour discer- 
ner l'authenticité de cette seconde lettre aux Thessa- 
loniciens, c'est son harmonie parfaite avec la première. 
En les comparant, on se rend compte qu'elles se com- 
plètent et s'enchaînent. C'est le passage relatif au sort 
de ceux qui sont morts avant la Parousie, qui a surexcité , 
au lieu de la calmer, la curiosité inquiète des fidèles 
de Thessalonique, et spécialement la célèbre phrase, 
iv, 15, nos qui vivimus, qui residui sumus, qui aura 
été interprétée, par les plus exaltés, dans le sens d'une 
Parousie imminente, devant arriver dans un très bref 
délai. Au milieu de cette effervescence, quelques-uns 



2189 



THESSALONICIENS (DEUXIÈME ËPITRE AUX) 



2190 



seront allés jusqu'à appuyer leur opinion par de pré- 
tendues lettres venues de l'Apôtre. De pareils procédés 
n'ont rien pour surprendre, quand on connaît la 
psychologie des foules mises en fièvre par l'exaltation. 
La précaution de m, 17, justifiée par ce qui était arrivé 
(il, 2, ]yr\iz 8t* ÈTttffToXïic, 'jjç St' ritiwv) n'est donc pas un 
artifice d'auteur apocryphe, mais un fait qui cadre avec 
la situation générale reflétée par l'Épttre. En résumé, 
la partie adverse n'apporte ni dans l'ensemble, ni dans 
le détail, aucun poids de raisons assez solides et assez 
cohérentes pour mettre en doute l'opinion tradition- 
nelle. Spitta, dans un travail qui ne manque ni de 
perspicacité ni de profonde analyse, Zur Gesch. und 
Lilt. des Urchristenthums, t. i, p. 111-154, a voulu 
prendre entre les deux camps une position intermé- 
diaire. Il suppose que Paul, au lieu de dicter cette 
lettre comme il en avait l'habitude, en aura laissé la 
rédaction à Timothée. Celui-ci rappellerait même 
expressément, dans un certain endroit de l'Épître, u, 
5, l'enseignement eschatologique qu'il avait donné à 
Thessalonique, lors de sa dernière visite. La note de 
m, 17, serait la signature de l'Apôtre, faisant sienne la 
lettre de son disciple. Ainsi disparaîtraient les diver- 
gences de doctrine et de style que l'opposition met en 
avant contre l'attribution de cet écrit à l'apôtre saint 
Paul. Mais il ne semble pas nécessaire de recourir à 
une hypothèse qui n'est, après tout, qu'un expédient, 
surtout quand, après un examen attentif, on voit 
s'évanouir ces prétendues différences d'idées et de 
mots. Au reste, conçoit-on l'apôtre ratifiant une doc- 
trine étrangère à la sienne et peut-on admettre que 
Timothée ait eu, même en eschatologie, une autre 
théologie que celle de son maître? Ne vaut-il pas mieux, 
rejetant toutes ces suppositions plus ou moins gra- 
tuites, s'en tenir à ce qu'a pensé, sur ce sujet, la 
tradition primitive? 

VI. Intégrité. — Quelques auteurs, Schmidt, David- 
son, Hase, frappés de la façon dont le passage eschato- 
logique, u, 1-12, tranche sur le reste de la lettre, ont 
cru à une interpolation. La partie authentique, ne 
comprendrait que i, 1-4 + n, 1, 2 + u, 13 à m, 18. 
Cette insertion daterait de l'an 69. Elle aurait été pro- 
voquée par les événements tragiques de cette période 
si troublée. Hausrath, au contraire, pense que le 
passage en question, u, 1-12, est le seul noyau pauli- 
nien de cette composition apocryphe, le reste ayant été 
emprunté à la première Epître aux Thessaloniciens. Il 
est bon de dire qu'aucun manuscrit n'appuie ces 
conjectures et que les preuves d'authenticité de l'Épître 
suffisent à les contredire. Cf. Clémen, Die Einheitlich- 
keit der Paul. Briefe, p. 17-18. 

VII. Analyse. — /. Le prologue, i, 1-12, remplit tout 
le chapitre I er . Sous l'adresse, i, 1-2, figurent encore les 
noms de Paul, Silas et Timothée. L'action de grâces, 
i, 3-12, renfermée dans une seule phrase, longue et 
embarrassée, contient trois idées principales, un éloge 
flatteur pour les progrès en foi et en charité de la 
vaillante communauté, une mention spéciale de leur 
patience, de leur fidélité au- milieu de persécutions 
sans fin, de leur courage qui remplit d'admiration les 
fcglises voisines, sans doute celles de Philippes, deBé rée 
et de Corinthe; enfin, les vœux et les prières que 
l'Apôtre offre à Dieu pour qu'il achève leur œuvre en 
eux, les amènent à ce point de perfection et de foi qui 
leur fasse mériter les honneurs de la glorification 
suprême, le jour de la venue du Seigneur. 

il. corps de l'Épître. u, I-iii, 15. — Il renferme 
deux parties : l'une dogmatique, l'autre morale. 

a) Partie dogmatique. — Le thème essentiel se con- 
centre sur l'apparition de l'Antéchrist, qui doit être le 
signe précuseur le plus marquant de l'inauguration du 
royaume messianique. Jusque-là, il faut se tenir tran- 
quille. Quand l'Antéchrist apparaîtra, il sera encore 



temps de prévoir le retour du Seigneur. L'Apôtre avait 
dit ces choses de vive voix, mais les Thessaloniciens 
l'avaient mal compris. Dans leur impatience de voir 
arriver la catastrophe finale qui, pour eux, serait le com- 
mencement de la récompense, ces bons fidèles croyaient 
l'époque de la Parousie très rapprochée. Il y avait, dans 
leurs assemblées liturgiques, des discours prophétiques 
où l'on annonçait la proximité imminente de ces événe- 
ments. On interprétait dans ce sens certaines paroles 
qu'on disait tenir de l'apôtre lui-même. Il circulait des 
lettres censées écrites par Paul pour appuyer ces inter- 
prétations individuelles, IV, 2. L'Apôtre rappelle briève- 
ment ce qu'il avait prêché touchant ce sujet délicat. 
L'avènement du Christ n'est pas aussi proche qu'on le 
prétend : il doit être précédé d'un fait très important qui 
ne saurait passer inaperçu, t la grande apostasie n, 
c'est-à-dire un débordement inouï d'impiété et de cor- 
ruption. Le personnage qui concentre en lui ce flot 
d'iniquités est comme l'incarnation du péché, une 
sorte de Messie de Satan, qui essaie d'anéantir l'œuvre 
du Christ. Il a toutes les audaces. Il s'élève au-dessus 
de tout ce qui se nomme Dieu, se donnant lui-même 
pour Dieu et osant se faire adorer jusque dans le 
Temple. Il paraît déjà exister au moment où saint Paul 
écrit, puisque, si une force mystérieuse ne le retenait, 
il ferait irruption dans le monde, f. 7. Déjà se fait 
jour la recrudescence de mal et d'abominations qui, 
avec l'Antéchrist — c'est le nom que l'Apocalypse 
donnera à cet être étrange — arrivera à son maximum 
d'intensité. A cette heure seulement, cet ennemi de 
Dieu fera son entrée dans le monde. Il sera l'agent de 
Satan, son organe, accomplissant toutes sortes de 
miracles et de prodiges pour séduire les hommes, f. 9. 
Mais soudain éclatera la Parousie du Seigneur Jésus. 
Le Sauveur n'aura qu'à paraître pour anéantir son 
adversaire par le souffle de sa bouche, f. 8. Ainsi l'inau- 
guration du royaume messianique aura pour prélude 
la ruine définitive du royaume de Satan par la défaite 
de l'Antéchrist, qui était son fondé de pouvoir. 
L'Apôtre achève son apocalypse, en bénissant Dieu de 
ce que ses lecteurs ont été mis, par la foi à l'Evangile 
et par le Saint-Esprit, à l'abri de la défection univer- 
selle et des séductions de l'Antéchrist. Il les engage, 
en conséquence, à tenir ferme cet Évangile qui doit 
être la cause de leur salut, et à garder intacte la doctrine 
qu'ils ont reçue de lui, soit de vive voix, soit par lettre, 
J. 13. En finissant, il souhaite que Notre-Seigneur Jésus- 
Christ et Dieu le Père achèvent de les affermir dans le 
bien, jp. 15. 

b) Partie morale, m, 1-15. — C'est une suite d'avis très 
courts, donnés au courant de la plume. L'apôtre com- 
mence par demander les prières des Thessaloniciens 
pour que le succès de sa parole, à Corinthe, égale celui 
qu'elle a eu parmi eux, et afin que Dieu le protège 
contre les embûches de ses adversaires, f. 1-2. Il 
exprime ensuite la confiance qu'il a en leur fidélité, 
sur d'avance qu'ils suivront la voie qu'il leur a tracée, 
t. 3-5. Arrivant maintenant à l'abus qui s'était glissé 
dans l'Église de Thessalonique, il prescrit aux frères 
de faire rentrer dans l'ordre ceux qui, sous prétexte 
d'une Parousie imminente, avaient abandonné le tra- 
vail et se faisaient nourrir aux frais de la communauté, 
jl. 6-11. Saint Paul rappelle, à ce propos, l'exemple 
qu'il leur a donné lui-même, en travaillant de ses 
propres mains, afin de n'être à charge à personne. Les 
« spirituels » s'efforceront de ramener au devoir les 
égarés, dussent-ils, pour cela, les priver, pour un temps, 
de la vie commune et les amener, par ce moyen, à 
résipiscence, ji. 12-15. 

m. épilogcb. m, 16-18. — La lettre s'achève par 
un vœu, 1. 16, et la salutation autographe de l'Apôtre, 
t. 17. 

VIII. Bibliographie. — 1» Pour la question de l'au- 



2191 THESSALONICIENS (DEUXIÈME ÉPITRE AUX) — THESSALONIQUE 2192 



thenticité, chez les catholiques, les principaux défen- 
seurs sont : Cornely, Introd., t. iv, p. 408; Jacquier, 
Hist. des livres du N. T., 1. 1, p. 94; Vigouroux-Brassac, 
Man. bibl., t. iv, p. 195 ; Belser, Einl., 2 e édit., p. 437-444 ; 
Toussaint, Epit. de saint Paul, 1. 1, p. 133-145. Contre : 
J. C. Schmidt, Biblioth. fur Krit. und Exeg., 1881. 
p. 380 sq.; Einleilung iris N. T., 1804, 1818, p. 256; 
de Wette, Einleitung, 1826, p. 225, dans les trois pre- 
mières éditions; il change d'opinion dès la 4 e édition, 
1855, p. 141-168; Kern, Tûbing. Zeitsch. fur kirchl. 
Wiss., 1839, H, 145-214; Baur, Ap. Paul., t. i, p. 480-492; 
t. il, 94-107; Tûbing. Theol. Jahrb., 1855, p. 141-168; 
Hilgenfeld, Zeitsch. fur wiss. Theol., 1862, p. 242-264; 
VanManen, Echth.vanll ÏVi.,Utrecht, 1865 ; Michelsen, 
Theologisch Tidjschrift, 1876, p. 70-82; 1877, p. 222; 
Bahnsen, Jahrb. fur protest. Theol., 1880, p. 681-705; 
Spitta, Offenb. des Joh., 1889, p. 497-500; Der II Brief 
an die Thess., p. 109-154, dans Zur Gesch. und Litt. 
des Urchrist., 1893, t. i; Sehmiedel, Handcommentar, 
p. 7-11; H. Holtzmann, Theolog. l.iteraturzeitung, 
1880, p. 26; Hilgenfeld, Zeitsch. fur wiss. Theol., 1891, 
p. 233. Tous ces auteurs sont protestants. Parmi eux, 
ont défendu l'authenticité : Reiche, Aulhenlia posle- 
rioris ad Th. epistolœ, 1829; Pelt, Theol. Mitarbeiten, 
1841, t. Il, p. 74-125; Grimm, Theol. Stud. und Krit., 
1850, p. 753-816; Schneckenburger, Jahrb. fur deutsch. 
Theol., 1859, p. 405-467; Bernhardt Weiss, Stud. 
und Krit., 1869, p. 7-29; Westrik, .De echtheid van. 
11 Thess., Utrecht, 1879; Klôpper, Der II Brief an die 
Thess., dans Theol. Stud. undSkizzen aus Ostpreussen, 
t. n, 1889, p. 73-140; Jûlicher, Einleitung, 1900, p. 42- 
51; Zahn, Einl., 1900, p. 160-162; Moffatt, Historical 
N. T., p. 142-148; Bôrnemann, Meyers Comment, zum 
N. T. — 2° Pour l'exégèse, les commentaires mentionnés 
dansla bibliographie de la I™ Épitre auxThessaloniciens. 
— 3° Pour l'interprétation du texte esehatologique, i, 1- 
10. Chez les Pères : S. Irénée, Cont. hier., v, 25, 
28, t. vin, col. 1189-1192, 1198; Tertullien, De resur. 
carn., 24, t. n, col. 874-877; S. Cyrille de Jérusalem, 
Catech., xv, 9-17, t. xxxm, col. 881-893; S. Jérôme, 
Epist. ad Algasiam, cxxi, II, t. xxii, col. 1035-1038; 
S. Augustin, De civil. Dei, xx, 19, t. xli, col. 685-687. 
Chez les modernes, Bousset, Der Antéchrist, 1895; 
Labauche, Leçons de théol. dogm., t. I, p. 337, 410; 
Findlay, Thessalonicians, 1904, en appendice; F. Prat, 
Théol. de S. Paul, t. i, p. 118. Voir aussi Antéchrist, 
t. i, col. 658. C. Toussaint. 

THESSALONIQUE (grec : ©euoaXov™,)), ville de 
Macédoine, aujourd'hui Saloniki (fig. 484). Elle est, de 
nos jours, la cité la plus importante de la Turquie 
d'Europe après Constantinople. — 1" On croit que son 
nom lui fut donné par Cassandre, fils d'Antipater, en 
l'honneur de sa femme Thessalonique, fille de 
Philippe I er , roi de Macédoine Elle s'appelait aupara- 
vant Therma, d'où le nom de Thermaïque donné autre- 
fois au golfe au fond duquel elle s'élève. Cassandre la 
rebâtit et l'agrandit. Elle tomba au pouvoir des Ro- 
mains après la bataille de Pydna et devint le chef-lieu 
de la seconde des quatre divisions de la Macédoine. 
Tite-Live, xliv, 10, 45; xlv, 29. Elle était dans tout 
l'éclat de sa prospérité quand saint Paul y arriva par 
la via Lgnatia, une des plus notables voies romaines, 
qui reliait la capitale de l'Empire aux pays situés au 
nord de la mer Egée. Thessalonique en était la station 
principale, le centre d'un commerce très considérable. 
C'était un lieu très propice pour la prédication de 
l'Evangile, qui devait rayonner de là dans toute la con- 
trée, et l'Apôtre devait y trouver une synagogue pour y 
commencer, selon sa coutume, son enseignement au 
milieu de ses compatriotes. Lorsqu'il y entra pour la 
première fois, « Thessalonique se trouvait coupée en 
long, de l'ouest à l'est, par la voie Egnatia. Les deux 



points par lesquels celle-ci abordait et quittait la ville 
sont encore faciles S retrouver, marqués qu'ils furent 
par deux monuments bien connus, l'arc triomphal 
d'Octave, sous lequel on passait en arrivant de Pella, 
et, au levant, l'arc de Constantin, par où entraient les 
voyageurs venant d'Apollonia et d'Amphipolis. De ces 
deux édifices, le premier (fig. 485) existait quand 
Paul vint dans la métropole macédonienne. Bien 
qu'on n'en ait pas de preuve décisive, tout porte à 
croire qu'il avait été érigé en souvenir de la bataille 
de Philippes. » lia été démoli, il y a peu d'années, par 
un entrepreneur en quête de matériaux de construc- 
tion. E. Le Camus, Les sept Églises, p. 291-292. La 
synagogue où prêcha l'Apôtre n'existe pas non plus. 
Tant de choses ont changé en ces lieux, dans le cours 
des siècles, quoique le site soit resté également mer- 
veilleux! Thessalonique est toujours une ville floris- 
sante, riche et populeuse. Bâtie en amphithéâtre, comme 
Gênes, elle monte du bord de la mer sur les pentes de 
la colline qui, au nord, « vers les sommets du Kurtiah, 




484. — Monnaie de Thessalonique. 
Tête de Néron, à gauche. KAISAP NEPQN ïEBASTOS. — 
^. Aigle tenant une palme dans ses serres. Au-dessous, dans 
le champ, eESSAAHMKAlQN. 

forme un quadrilatère que domine l'Eptapurghion, 
ou la citadelle. Seule la partie des fortifications qui 
longeait jadis le port a été détruite pour faire place à 
des quais, où une fourmilière humaine crie et s'agite 
de grand matin. Les sveltes minarets et les graves 
coupoles, les maisons échafaudées régulièrement et 
d'où émergent des arbres..., les remparts en zigzag, 
semblables à de longs escaliers de marbre blanc, 
quelques cyprès gigantesques, se dressant çà et là dans 
la partie haute, qui est le quartier turc, les teintes 
claires et variées des constructions nouvelles alter- 
nant avec la note dure et sombre des vieux édifices, 
tout contribue à donner au paysage... un aspect fée- 
rique » (fig. 486). E. Le Camus, Les sept Églises de 
l'Apocalypse, p. 280. 

2° Saint Paul à Thessalonique. — Les Juifs s'y 
étaient établis de bonne heure et les Actes, xvn, 1, 
remarquent qu'il y avait une synagogue. C'est là que 
l'Apôtre se rendit tout d'abord « selon sa coutume », 
dit le texte, v, 2; il y prêcha aussitôt l'Évangile pen- 
dant trois sabbats et opéra quelques conversions parmi 
les Juils. Beaucoup de Gentils et des femmes influentes 
embrassèrent la foi. Ses succès irritèrent ceux de ses 
anciens coreligionnaires qui ne se laissaient pas tou- 
cher par sa parole, et il eut beaucoup à en souffrir 
avec ses néophytes, in tribulatione multa. I Thess., 
1, 6. On excita contre lui ce .qu'il y avait de pire dans 
la ville. Act., xvn, 5. Une foule ameutée alla pour 
s'emparer de lui, dans la maison de Jason, qui lui ser- 
vait sans doute de résidence, et, ne le trouvant pas, elle 
emmena de force Jason et quelques chrétiens avec lui 
devant les magistrats de la ville, appelés dans le texte 
grec, du nom local de leur dignité, jtoAivâpxa;, ]f. 8. 
Voir Politarque, col. 505. Elle les accusa de mettre le 
trouble dans la ville, et sans doute parce que l'Apôtre 
avait parlé du « royaume » de Jésus, cf. I Thess., il, 
12, de violer les « décrets de César, soutenant qu'il y a 



2193 



THESSALONIQUE — THISBE 



2194 



un autre roi, Jésus, ■» f. 7-8; les politarques, ayant reçu 
caution (t<> txavrfv) de Jason et des autres chrétiens, les 
remirent en liberté, mais, la nuit suivante, pour laisser 
calmer l'orage, Paul et son compagnon Silas quittèrent 
la ville et partirent pour Bérée, f. 10. 

Ces événements se passèrent pendant le second 
voyage de missions de saint Paul. Il dut visiter de 
nouveau Thessalonique pendant son troisième voyage de 
missions, où fut comprise la Macédoine, Act., XX, 1-4, 
et peut-être aussi plus tard, après sa première capti- 
vité à Rome, pour réaliser son désir de revoir les 



THERAS (hébreu : fîrâs; Septante : ©eîpaç), le der- 
nier fils de Japhet.Gen.,x, 2. D'après Josèphe, Ànt.jud., 
I,vi, 1, les Targumistes et d'autres anciens, S. Jérôme, 
Qussst. in Gen., x, 2, t. xxm, col. 950, il fut le père des 
Thraces; d'après quelques autres, des Perses. Les 
Thraces sont apparentés aux Gètes et ces derniers, aux 
Daces. Strabon, VII, iv, 13. 

THIRATHIM (hébreu : Tir 'âtîtn; Septante :©«pva- 
8ii[i), famille de scribes qui résidait à Jabès.I Par.,n, 
55. La Vulgate a traduit leurnom par Canentes, «chan- 




48Ô. — Are d'Auguste (porte de Vardar). D'après Cousinery, Voyage dans la Macédoine, 1831, _t. i, p. 25. 



chrétientés de ce pays. Phil., i, 25-26; n, 24; I Tim., 
1,3; II Tim.,iv, 13;Tit., m, 12. 

Plusieurs chrétiens de Thessalonique sont nommés 
dans le Nouveau Testament : Jason, voir Jason 5, t. m, 
col. 1141; Aristarque, t. i, col. 963; Démas, t. n, 
col. 1358, qui se retira dans cette ville; Gaïus, proba- 
blement, voir Gaïus 1, t. m, col. 44; Secundus, t. v, 
col. 1556. 

3° Voir abbé Belley, Observations sur l'histoire el 
sur les monuments de la ville de Thessalonique, dans 
l'Histoire de l'Académie des inscriptions, Paris, 1777, 
t. xxxviii, 1, p. 121-146; G. L. Frid. Tafel, De Thes- 
salonica ejusque agro, in-8°, Berlin, 1839; E.-M. Cou- 
sinery, Voyage dans la Macédoine,ï in-4°, Paris, 1831 
(avec planches), t. i, p. 23-56 ; S. Gopcevic, Macédo- 
nien, in-4°, Vienne, 1889, p. 41-74 (avec planches et 
gravures). F. ViGOUROUx. 

THILON (hébreu : Tôlôn (chethib); Tîlôn (keri); 
Septante : 'Ivâ>v; Alexandrimis : 0i),(iv), le dernier 
nommé des fils de Simon, de la tribu de Juda. I Par., 
iv, 20. 



tant ■». Le passage où sont nommés les Thiratites est 
tout à fait obscur. 

THIRIA (hébreu : Tïryâ' ; Septante : ©iptà), fils de 
Jaléléel, descendant de Caleb, fils de Jéphoné, de la 
tribu de Juda. I Par., rv, 16. 

THISBÉ (Septante : ©iogy;), ville de Nephthali, 
mentionnée dans le texte grec du livre de Tobie, i, 2. 
D'après ce texte, c'est de là que Tobie fut emmené en 
captivité. La situation en est inconnue. Le grec dit que 
Thisbé est à droite, c'est-à-dire au sud, « de Cydros de 
Nephthali, en Galilée, au-dessus d'Aser. » Cydros parait 
être une altération de Cadès de Nephthali. Plusieurs 
savants, comme Ad. Reland, Palsestina, in-4», 1714, 
ont pensé que le prophète Élie était originaire de Thisbé 
de Nephthali, et que c'était pour cette raison qu'il était 
surnommé le Thesbite. D'autres pensent qu'il était 
Galaadite d'origine, parce qu'il habitait le pays de 
Galaad, dit III Reg., xvll, 1, la première fois qu'il le 
nomme, mais il pouvait y avoir résidé sans en être ori- 
ginaire. Les Septante traduisent, 111 Reg., xvn, 1 : 



2195 



THISBÉ — THOLA 



2196 



'HXtoî 6 itpof r,Tï)5 0£ixët'Tï)ç 6 ix ©ecrë&v Tri; TaXaiiS. On 
ne connaît pas cependant de Thisbé ou Thesbé en 
Galaad. 

THOBADONIAS (hébreu : Tôb 'Adônîyâh; Sep- 
tante : TiflëaétDVtaç), un des lévites que Josaphat envoya 
dans les villes de Juda pour enseigner au peuple la 
loi de Moïse. II Par. , xvn, 8. Comme les deux lévites 
nommés avant Thobadonias sont appelés Adonias 
et Thobias et que la forme Tôb 'Adônîyâh est insolite, 
celle-ci peut n'être qu'une répétition et une contrac- 



phétie contre Gog, il énumère parmi les troupes de 
son armée, avec les soldats de Gomer, ceux de Tho- 
gorma, xxxvm, 6. On identifie généralement le pays de 
Thogorma avec l'Arménie. — Plusieurs assyriologues 
placent aujourd'hui Thogorma à l'est de l' Asie-Mineure. 
Saint Jérôme, Qusest. in Gen., x, 3, t. mil, col. 951, 
identifie Thogorma avec la Phrygie. Voir Arménie, 1. 1, 
col. 1003. 

THOHU (hébreu : Tôhû; Septante : @oxl; Alexan- 
drinus : ©ooO), un des ancêtres du prophète Samuel, 




486. — Vue de Salonique. 



tion des deux noms précédents, due à une erreur de 
copiste. 

THOBIAS (hébreu : Tôbîyûhâ; Septante: Tuâs'a.;), 
un des trois lévites envoyés par Josaphat dans les villes 
de Juda pour instruire le peuple. II Par., xvii, 8. 

THOCHEN (hébreu : Tôkén; Septante : ©oxxa; 
Alexandrinus : 0oy_x« v )> vu ' e de Siméon, nommée 
seulement I Par., IV, 32. Dans la liste correspondante, 
Jos., xix, 7, Thochen n'y figure pas. Les Septante 
ajoutent cependant ©ïl^i entre Remmon et Athar, ce 
qui a fait penser à plusieurs critiques que Thochen 
était mentionnée dans quelques manuscrits hébreux 
ou bien, comme le croient certains autres, que 0a),x<x 
était là pour Télem. 

THOGORMA (hébreu : Tôgarmàh; Septante : ©op- 
•yafiâ), fils de Gomer et petit-fils de Japhet. Gen., x, 
3. — Ézéchiel, xxvn, 14; xxxvm, 6, parle du commerce 
que faisait de son temps Thogorma avec les Tyriens, à 
qui il vendait ses chevaux, xxvll, 14, et dans sa pro- 



fils de Suph, et père d'Éliu ou Éliel, de la tribu de 
Lévi. I Sam. (Reg.), i, 1; I Par., vi, 34. 

THOLA (hébreu : J'ôlâ'; Septante : ©coXâ), nom de 
deux Israélites. 

1. THOLA, fils aîné d'Issachar, père de la famille 
des Tholaïtes, qui, du temps de David, comprenait 
vingt-deux mille six cents vaillants soldats. Gen., xlvi, 
13; Num., xxvi, 23; I Par., vu, 1, 2. 

2. THOLA, juge d'Israël. D'après l'hébreu, il était 
« fils de Phua, fils de Dodo, homme d'Issachar. » Les 
Septante et la Vulgate ont pris l'hébreu dôdô comme 
substantif commun, « oncle », et traduit : « Thola, fils 
de Phua, (son) oncle paternel (d'Abimélech, dit la 
Vulgate), homme d'Issachar. » Il habitait à Samir, dans 
la montagne d'Éphraïm, et il fut enseveli dans cette ville, 
après avoir jugé Israël pendant vingt-trois ans. S'il 
s'agit d'Abimélech, fils de Gédéon, il était de la tribu 
de Manassé, non d'Issachar. La leçon de la Vulgate ne 
serait donc pas exacte. Thola jugea Israël après Abi- 



2197 



THOLA 



THOMAS 



2198 



mélech, fils de Gédéon, mais le texte hébreu ne dit pas 
qu'il fut son successeur. 

THOLAD (hébreu : fôlâd; Septante : @ouXa(i; 
Alexandrinus : ©a>Xà8), ville de Siméon. I Par., IV, 
29. Elle avait appartenu d'abord à Juda. Dans Josué, 
xv, 30; xix, 4, elle est appelée Eltholad. Site inconnu. 
Voir Eltholad, t. ir, col. 1707. 

THOLMAÏ, nom de deux personnes dans l'Écriture. 

1. THOLMAÏ (hébreu: Talmaï; Septante : ©eXapiî, 
Ôa/.anc, ©oX[ii)j un des n ' s d'Enac, qui habitaient 
Hébron (Cariath Arbé). Num., xm, 22. Galeb, fils de 
Jéphoné, de la tribu de Juda, extermina les enfants 
d'Énac et s'empara de la ville. Jos., xv, 14; cf. Jud., 
i, 10. 

2. THOLMAÏ (hébreu : Talmaï; Septante : ©o>[/.t, 
@oX|iai; Alexandrinus : ©oÀ^eî, @oÀo|ia'f, ©o>.|j.at), fils 
d'Ammiud, roi de Gessur. II Sam. (Reg.), xm, 37. La 
Vulgate écrit son nom Tholomaï, dans ce passage, 
tandis qu'elle l'écrit Tholmaï, II Sam. (Reg.), m, 3, et 
I Par., m, 2, où Tholmaï est nommé comme père de 
Maacha, une des femmes de David et mère d'Absalom. 
C'est auprès de lui que se réfugia son petit-fils, après 
avoir fait tuer son frère Amnon pour venger sa sœur 
Thamar. Voir Thamar 2, col. 2144. 

THOLOMAÏ, orthographe du nom de Tholmaï, roi 
de Gessur, dans la Vulgate. II Sam., xm, 37. Voir 
Tholmaï 2. 

THOLUCK Frédéric-Auguste-Gottreu, théologien 
protestant allemand, né à Breslau, le 30 mars 1799, 
mort le 10 juin 1877. Après une enfance malheureuse, 
tourmentée par les tracasseries de la seconde femme de 
son père, et après une jeunesse agitée par l'incrédulité, 
il devint l'adversaire du rationalisme et un prédicateur 
très apprécié. En 1821, il fut privat-docent à l'Univer- 
sité de Berlin, en 1822, docteur en philosophie d'Iéna, 
en 1823, professeur extraordinaire, en 1825, professeur 
de théologie à l'Université de Halle. La collection de 
ses œuvres a paru à Gotha, 11 in-8», 1862-1873, ses 
Vermischte Schriften, 1839; 2 e édition abrégée, 1867. 
Parmi ses écrits, on peut signaler : Commentai- zum 
Brief an die Rômer, 1824; 5 e édil., 1856; Commentai' 
zum Johannes Evangelium, 1827; 7 e édit., 1857; Bas 
Alte Testament in Neuen Testament, 1836; 6 e édit., 
1872; Die Glaubwùrdigkeit der evangelischen Ge- 
schichte, zugleich eine Kritik des Lebens Jesu von 
Strauss, 1837 (Essai sur la crédibilité de l'histoire 
évangélique, en réponse au D T Strauss, traduction 
abrégée et annotée, par l'abbé H. de Valroger, in-8°, 
Paris, Lecoffre, 1847). Le P. de Valroger a aussi publié 
une Introduction historique et critique aux livres du 
Nouveau Testament, par Reithmayr, Hug, Tholuck, etc., 
traduite et annotée par H. de Valroger, 4 in-8°, Paris, 
1861. — Voir L. Witte, Dos Leben Tholûck's, 2 in-8°, 
Bielefeld et Leipzig, 1884-1886. 

1. THOMAS (Nouveau Testament, Su>(iàt), un des 
douze Apôtres (fig. 487), saint Jean, xi, 16; xxi, 2, 
explique son nom araméen comme signifiant « jumeau » , 
i Xe-fo^evoî AiSu^oç. Les auteurs des anciens livres 
apocryphes chrétiens, à cause de cette circonstance, ont 
imaginé diverses fables pour savoir quel était son 
jumeau. On lui donna pour sœur jumelle Lysia ou 
Lydia. Voir Chronic. pasch., IX, t. xcil, col. 1076. Les 
Homélies clémentines, hom. Il, 1, Pair, gr., t. n, 
col. 77, disent que Thomas avait un frère jumeau qui 
est appelé Éliézer. Dans les Actes apocryphes qui por- 
tent son nom, ainsi que dans la Doctrina Apostolorum, 



il est appelé lui-même (t Judas Thomas ». Eusèbe, 
//. E., i, 6, t. xx, col. 126, dans l'histoire d'Abgar 
d'Édesse, cite un fragment où il est désigné ainsi : 
'Io - j5aç ô xoci 0w|j.âç. 

Les synoptiques se contentent de mentionner saint 
Thomas dans le catalogue apostolique. Matth., x, 3; 
Marc, m, 18; Luc, vi, 15; Ac't., i, 3. Saint Jean nous 
a conservé trois épisodes qui mettent en plein relief 




487. — Saint Thomas. D'après Raphaël. 

Dans les représentations de cet apôtre qui ne sont pas anté- 
rieures au XIII e siècle, il a l'équerre pour attribut, parce qu'il 
est le patron des architectes et des maçons. Mrs Jameson, 
Sacred and legendary art, in-8°, Londres, 1850, p. 147. 



son caractère : 1" Quand les autres Apôtres s'efforcent 
en vain de dissuader Jésus d'aller à Béthanie: « Allons 
aussi et mourons avec lui, » Joa., xi, 16, leur dit-il, 
montrant ainsi son dévouement au divin Maître. — 
2» Il voulait se rendre compte de l'enseignement du 
Sauveur et le bien comprendre. Aussi, quand, à la der- 
nière Cène, Jésus dit aux siens qu'il va leur préparer une 
place auprès de son Père et qu'ils en connaissent le 
chemin, Thomas l'interrompt : « Seigneur, nous ne 
savons pas où vous allez, comment pouvons-nous con- 
naître le chemin? » Joa., xv, 14. — 3" La passion fut 
pour lui un coup terrible. 11 ne se sépara point des 
autres Apôtres, Joa., xx, 25, mais quand ils lui racon- 
tèrent qu'ils avaient vu, en son absence, Jésus ressus- 
cité, f. 24, il ne se rendit pas à leur témoignage et dé- 
clara que, pour être convaincu, il lui faudrait toucher 
lui-même les plaies du Crucifié. 11 devait fournir ainsi 
aux générations à venir une preuve incontestable de la 



2199 



THOMAS — THUYA 



2200 



réalité de la résurrection. Huit jours après, le Sauveur 
apparut de nouveau aux disciples assemblés et, cette 
fois, Thomas était présent. Jésus entra au milieu 
d'eux, les portes fermées, et, s'adressant à Thomas, il 
lui dit, en lui montrant ses mains percées, et en répon- 
dant mot pour mot aux paroles de l'apôtre incrédule : 
« Introduis ton doigt ici et vois mes mains ; approche 
aussi ta main et mets-la dans mon côté; et ne sois pas 
incrédule, mais fidèle. » Thomas toucha-t-il les cica- 
trices du Sauveur? Le texte sacré ne le dit pas, mais 
l'apôtre, rempli d'admiration et de foi, s'écrie : 
« Mon Seigneur et mon Dieu ! » Le divin Maître tira la 
conclusion de cette scène : « Parce que tu m'as vu, 
Thomas, tu as cru : heureux ceux qui n'ont pas vu et 
qui ont cru! » Joa., xx, 26-29. Plus nobis Thomse infi- 
delitas ad (idem, quam fides credentium discipulo- 
rum profuit, dit saint Grégoire le Grand, Rom. xxvi in 
Evang.,1, t. lxxvi, col. 1201. 

Après cette scène, le nom de saint Thomas n'appa- 
raît plus que deux fois dans le Nouveau Testament : 
1° dans le récit de la pêche miraculeuse, à laquelle il 
prit part avec Pierre, Nathanaël, les fils de Zébédée, et 
deux autres disciples, Joa., xxl, 2, et 2° dans l'énumé- 
ration des Apôtres réunis au Cénacle, après l'Ascension 
de Notre-Seigneur. Act., i, 13. 

Après la dispersion des Apôtres, saint Thomas porta 
l'Évangile chez les Parthes, d'après Eusèbe, H. E., 

III, 1, t. xx, col. 216; Socrate, H. E., i, 19, t. lxvii, 
col. 125; Recognit., ix, 29, Pair, gr., t. i, col. 1415, 
et aussi en Perse, d'après saint Jérôme, De vit. Apo- 
stol., 5, t. xxm, col. 721. Il fut enterré à Édesse. 
Rufin, H. E., m, 5, t. xxi, col. 513; Socrate, H. E., 

IV, 18, t. lxvii, col. 504. Saint Jean Chrysostome, 
tiom. xxvi in Heb., 2, t. lxiii, col. 179, mentionne 
son tombeau comme l'une des quatre tombes aposto- 
liques connues, les trois autres étant celles de saint 
Pierre, de saint Paul et de saint Jean. Une autre tra- 
dition lui fait prêcher ]a foi et souffrir le martyre 
dans l'Inde. S. Grégoire de Nazianze, Orat. xxxm ad 
Arian., 11, t. xxxvi, col. 228; Pseudo-Dorothée de Tyr, 
Patr. gr., t. xcn, 7, col. 1072; Nicéphore, H.E.,n, 40, 
t. cxlv, col. 851. L'apostolat de saint Thomas dans 
l'Inde est mentionné dans une inscription d'Oodeypure, 
près de Sagur, dans l'Inde orientale. Voir Beilage zur 
Allgemeinen Zeitung, 8 janvier 1900, p. 7. Les chrétiens 
de l'Inde, connus sous le nom de chrétiens de saint 
Thomas, qui habitent le Malabar et appartiennent à 
l'Église syrienne, considèrent cet apôtre comme leur 
fondateur, mais ils paraissent tirer leur origine d'un 
missionnaire nestorien appeléThomas. — L'Église latine 
célèbre la fête desaintThomasle21 décembre et l'Église 
grecque, le 6 octobre. Le Bréviaire romain, au 21 dé- 
cembre, le fait mourir martyr dans l'Inde, à Calamine. — 
Plusieurs écrits apocryphes portent son nom ou racontent 
ses actes. Voir Acta Thomœ (llpaÇet;, De miraculis 
B. Thomas, Passio S. Thomse), recensuit Max Bonnet, 
in-8°, Leipzig, 1883 ; W. Wrgiht, Apoci-yphal Acts of 
the Apostles, from Syriac manuscripts, 2 in-8°, 
Londres, 1871; S. C. Malan, The con/licts of the holy 
Apostles, an apocryphal book of the early Eastern 
Church, in-18, Londres, 1871; R. A. Lipsius, Die Apo- 
kryphen Aposielgeschichlen, in-8», Brunswick, 1883- 
1890, t. i, p. 225-347. ■ F. Vigouroux. 

2. THOMAS (ACTES DE SAINT). Voir Actes apo- 
cryphes des Apôtres, 1. 1, col. 160-161. 

3. THOMAS (APOCALYPSE DE SAINT). Voir APO- 
CALYPSES APOCRYPHES, 6, t. i, col. 766. 

4. THOMAS (ÉVANGILE DE SAINT). Sur cet évan- 
gile apocryphe, voir Évangiles apocryphes, 4, t. n, 
col. 2116. 



THOPHEL (hébreu : Tôfél; Septante.: Toçé).), lo- 
calité située à l'est de la Palestine. Voir carte du pays 
de Moab, t. iv, col. 1146. Elle est nommée, Deut., i, 1, 
pour déterminer l'endroit où Moïse résuma dans un 
discours l'histoire d'Israël au désert. C'est le Tafiléh 
actuel, situé sur l'ouadi du même nom, qui coule dans 
la direction nord-ouest, vers le Ghôr, au sud-est de la 
mer Morte. Ed. Robinson, Biblical researches in Pa- 
lestine, 2 e édit., 1856, t. n, p. 167. Thophel est dans une 
région très fertile et bien arrosée, où abondent les arbres 
fruitiers. L'identification de Thophel avec Tafiléh n'est 
cependant pas universellement acceptée. 

THOPO (grec : Ts:pwv), ville fortifiée par Bacchide, 
pendant les guerres contre les Machabées. I Mach., IX, 
50. Elle était située en Judée, avec les autres villes qui 
sont nommées en même temps. C'est peut-être Beththa- 
phua, aujourd'hui Taffouh, à cinq kilomètres à l'ouest 
d'Hébron. Voir Beththaphua, t. i, col. 1750. 

THORA, nom hébreu du livre de la loi de Moïse. 
Voir Pentateuque, col. 51. 

TH OS AiTE (hébreu : fial-Tisî; Septante : ô ®w<rai'). 
I Par., XI, 45. Joha, fils de Samri, et frère de Jédihel, 
un des vaillants soldats de David, est appelé le Tho- 
saïte.On ne saurait déterminer si ce qualificatif désigne 
sa famille ou sa patrie, l'une et l'autre étant également 
inconnues. 

THOÙ (hébreu : Tô'û; Septante : ©ovoJ, Il Sam. 
(Reg.), vin, 9-10; dans I Par., xvm, 9-10, Jô'û; &u>i), 
roi d'Émath, sur l'Oronte. Il avait été en guerre avec 
Adarézer, roi de Soba, et quand David eut battu ce 
dernier, Thoû envoya ses félicitations au roi d'Israël 
par son fils Joram ou Adoram, avec des vases d'or, 
d'argent et d'airain qu'il lui offrit en présents. 

THRACE (grec : ®p3£), originaire de la Thrace. 
Un cavalier thrace est mentionné dans II Mach.,xn, 35, 
comme ayant sauvé la'vie du gouverneur de l'Idumée, 
Gorgias, dans une bataille contre Judas Machabée, vers 
163 avant notre ère, sous le régne du roi de Syrie 
Antiochus IV Épiphane. La Thrace, à cette époque, com- 
prenait la Bulgarie et la Roumélie de nos jours. 

THUBAL (hébreu : Tûbal, Tubal; Septante : 
©6ês)i), fils de Japhet. Gen., x, 2; I Par., i, 5. De lui 
descendirent les Tibaréniens, peuple dont nous trou- 
vons le nom dans Hérodote, m, 94; vu, 78, et qui 
habitait à l'est de Thermodon, dans les montagnes du 
sud-est de la mer Noire. Il est plusieurs fois mentionné 
dans les inscriptions assyriennes. Eb. Schrader, 
Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 155. 
Isaïe, lxvi, 19,1e nomme, avecMèsech et Javan, parmi 
les peuples éloignés. Ézéchiel, xxvii, 13, le montre 
comme faisant avec Tyr le commerce des esclaves et 
des vases de cuivre; xxxii, 26, il signale les adversités 
qui l'ont frappé; xxxvm, 2, 3, et xxxix, 1, il l'énumère 
parmi les alliés de Gog. 

THiIMMI M (hébreu : Tummîm ; Septante : SïJJ.oktlç; 
Vulgate : doctrina). Exod., xxviii, 30. Voir Urim et 
Thummim. 

THUYA (Apoc. : |ii).ov Sdt'vov; Vulgate : lignum thyi- 
num), bois précieux. 

I. Description. — C'est le bois de Citre des anciens 
Romains, qui l'employaient à fabriquer des objets 
d'ébénisterie de luxe; il est formé par une conifère de 
l'Afrique septentrionale, le Thuya articulata, devenu 
Callitris quadrivalvis de Ventenat (fig. 488). Ce nou- 
veau genre diffère surtout par les écailles de son fruit, 



2201 



THUYA — THYATIRE 



2202 



qui sont verticillées parqualre, au lieu d'être opposées. 
Les feuilles sont aplanies etsubulées sur les jeunes ra- 
meaux; plus tard, sur les branches adultes, elles de- 
viennent fortement apprimées-soudées et squamiformes, 
paraissant verticillées, mais réellement opposées-décus- 
sées et inégales deux à deux. Le fruit est un strobile 
pointu, de la grosseur d'une noisette, formé par quatre 
écailles cordiformes, un peu inégales, concaves en 
dehors, brièvement mucronulées au-dessous du sommet, 
recouvrant six graines irrégulièrement coniques, bor- 
dées de chaque côté d'une aile membraneuse. 

L'arbre atteint rarement plus de six mètres de hauteur, 
ramifié dès la base, puis formant une cime pyramidale 
ou même dilatée en parasol. Les ramules terminaux 
sont articulés, comprimés et presque dichotomes. Il 
forme un élément très important des massifs boisés de 
l'Algérie, sur les coteaux d'altitude moyenne. De végé- 
tation lente, il a un bois dense, blanc dans l'aubier, 





488. — Thuya articulata. 

rouge-brun vers le cœur, doué d'une odeur caractéris- 
tique, et imprégné de résine sandaraque. Son grain fin 
et homogène, lourd et presque indestructible, le rend 
propre à une foule d'usages : il fournit en outre un 
charbon de bonne qualité. Mais ce sont surtout les 
broussins souterrains, provoqués sur les souches par 
les incendies dus aux pasteurs arabes, qui fournissent 
à l'ébénisterie un bois de placage de nuances riches et 
finement moucheté (fig. 489). F. Hv. 

II. Exégèse. — Le £û).ov 6i5ïvov, lignum thyinum, 
n'est mentionné que dans l'Apocalypse, xvm, 12. Il 
figure parmi les produits précieux que la Babylone 
symbolique ou Rome recevait de l'étranger : à côté des 
marchandises d'or, d'argent, de pourpre, on voit le 
bois de thuya. Les auteurs grecs et latins parlent sou- 
vent de ce bois, qu'ils appellent titre. Pline, dans son 
H. N., xui, 29, 30, donne une longue description de 
ce bois, de ses qualités, de ses emplois. Il cite les 
tables les plus célèbres, fabriquées avec ses racines. 
« On conserve encore aujourd'hui la table de Cicéron, 
payée malgré sa fortune médiocre un million de ses- 
terces (210000 fr.). On cite aussi celle d'Asinius Gallus, 
qui coûta 1100000 sesterces (231000 fr.). Un incendie 
a consumé récemment une table qui venait de Céthé- 
gus et qui fut vendue 1400000 sesterces (294000 fr.). 
La plus grande table qu'on eût encore vue est celle de 
Ptolémée, roi de Mauritanie : elle était faite de deux 



demi-circonférences réunies ensemble; elle avait quatre 
pieds et demi de diamètre et trois pouces d'épaisseur; 
et l'art, en cachant la jointure, avait rendu cette table 
plus belle que si elle avait été naturellement d'une seule 
pièce. La plus grande d'une seule pièce est la table de 
Nomius, affranchi de l'empereur Tibère : elle a quatre 




439. — Coupe de bois. 

pieds moins trois quarts de pouce, et elle est épaisse 
de six pouces environ. Ce qui sert à faire les tables est 
un nœud de la racine; on estime surtout les nœuds qui 
ont été tout entiers sous la terre... Le principal mérite 
de ces tables, c'est d'avoir des veines disposées en che- 
veux crêpés ou en petits tourbillons. Dans la première 
disposition, les veines courent en long : tables tigrées; 
dans la seconde, elles reviennent surelles-mèmes : tables 
panthérines. Il y en a encore à ondulations crêpées, re- 
cherchées surtout si elles imitent les yeux de la queue du 
paon. . . Pour toutes, la qualité prééminente est la nuance ; 
la nuance de vin miellé avec des veines brillantes est au 
premier rang. Après la couleur, c'est Ja grandeur qu'on 
prise : on veut des troncs entiers et plus d'un dans 
une seule table. » Pline, H. N., xin, 29, 30. Le bois 
est très odorant. On faisait venir ce bois de la région 
de l'Atlas, ou encore de la province de Grenade, Strabon, 
XVI, m, 4; 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amster- 
dam, 1748, t. n, p. 22-29. — La Vulgate, dans III Keg., 
x, 11, 12, et dans le passage parallèle, II Par., IX, 10, 11, 
traduit par thuya le mot hébreu algûmîm. 11 s'agit du 
bois de Santal. Voir t. v, col. 1468. 

E. Levesque. 
THYATIRE (Nouveau Testament : ©udtTeipa), ville 
de Lydie (fig. 490), aujourd'hui .A fc Hissar dans la vallée 




490. — Monnaie de Ttayatïre. 

Néron lauré à droite. NEPQN KAAVd KAIcAP CEBA. r). Hache 

bipenne. erATEIPHNQN. 

du Lycus. — ■. 1° Séleucus Nicator, roi de Syrie, y établit 
une colonie de Macédoniens entre 301 et 281 avant notre 
ère. La ville existait sans doute auparavant, mais c'est 
alors qu'elle commença à prendre de l'importance 
et à devenir le centre d'un commerce florissant. Elle 
rendait un culte au soleil, ■npoxxrcop 8eoç "HXioç IIûOioç 
T-jptp.vaîo; 'AnoXXwv (Clerc, De rébus Thyat., 1893, 
p. 71), comme on le voit par ses inscriptions et par 
ses monnaies. Les colons macédoniens, sous les rois 



2203 



THYATIRE — THYRSE 



2204 



Séleucides, puis les rois de Pergame et les Romains 
s'appliquèrent à en faire une cité commerçante et riche. 
Elle est en plaine, ce qui est une exception assez rare 
dans ces contrées, et cette plaine se distingue par sa 
fertilité. Elle produit de riches moissons et on y cul- 
tive la vigne. Deux bosquets de cyprès encadrent Thya- 
tire à l'est et à l'ouest (fig. 491). On n'y voit point de 
ruines d'anciens monuments, mais on y trouve encore 
les industries anciennes qui l'avaient enrichie, en par- 
ticulier la tannerie et la teinturerie. La teinturerie des 
étoffes en rouge se faisait au moyen de la garance. La 
découverte de l'aniline fait disparaître cette industrie 
d'Ak Hissar. CXerc, De reb. Thyatir., p. 93. Une despre- 



christianisme mêlé d'éléments disparates et idolâtriques. 
Les nombreuses inscriptions qu'on a trouvées à Thya- 
tire montrent que la population de cette ville était 
très mélangée, Latins, Grecs, Orientaux, et la nouvelle 
Jézabel, qui se donnait pour prophétesse, aurait altéré 
la foi en la dénaturant par des éléments idolâtriques. 
— Voir de Peysonnel, consul de France à Smyme, 
Observations historiques et géographiques sur les 
peuples barbares qui ont habité sur les bords du Da- 
nube et du Pont-Euxin, suivies d'un voyage à Magné- 
sie, à Thyatire, etc., Paris, 1675; Ferd. Stosch, Anti- 
quitatum Thyatirenarum libri duo, Zwollse, 1763; 
M. Clerc, De rébus Thyatirenorum commentatio 




491. — Thyatire, d'après une photographie. 



mières chrétiennes de Thyatire, Lydie, que saint Paul 
convertit à Philippes, Act., xvi, 14, 40, était wopçvipô- 
ictoXi;, « marchande de pourpre ». Voir Lydie 1, t. iv, 
col. 447. Ce fut elle peut-être qui, de retour dans sa 
patrie, y travailla à la propagation du christianisme. 

2» Lorsque saint Jean écrivit son Apocalypse, quelques 
années plus tard, le nombre des chrétiens s'était mul- 
tiplié à Thyatire. L'apôtre loue leurs œuvres et leur 
foi, mais il leur reproche d'écouter Jézabel, qui se 
donne pour prophétesse et qui les entraine à la forni- 
cation et à l'usage des viandes consacrées aux idoles, 
et il les menace de châtiments. Apoc, H, 18-25. On 
admet généralement que le nom de Jézabel esl ici 
symbolique, par allusion à l'impie Jézabel, femme 
d'Achab, roi d'Israël. D'après les uns, c'est la sibylle 
Sambatha, qui avait en dehors de la ville un sanc- 
tuaire dont l'enceinte s'appelait « le péribole du Chal- 
déen », et qui était d'origine chaldëenne, perse ou 
juive. Suidas, voce Sambatha; alien, Hist. var., xii, 
36. Dans ce cas, elle serait la personnification d'une 
secte analogue à celle des nicolaïtes. D'après d'autres, 
c'était un personnage individuel, qui enseignait un 



epigraphica, in-8", Paris, 1893; E. Schùrer, Die 
Prophetin Isabel in Thyatira, dans les Theologische 
Abhandlungen, "in-8», Fribourg-en-Brisgau, 1892, 
p. 39-57. 

THYRSE (grec : Mpo-oç; Vulgate : thyrsus), bâton 
surmonté d'une pomme de pin, ou d'un bouquet de 
lierre ou de feuilles de vigne, que l'on portait dans 
les fêtes de Bacchus (fig. 492). Cf. Horace, Od., h, 19, 
8; Stace, Theb., ix, 614. C'était primitivement une 
lance dont la pointe était entourée d'une pomme de 
pin 'ou de feuillages. — A une fête célébrée pour rem- 
placer celle des Tabernacles, les Juifs compagnons de 
Judas Machabée portaient des thyrses, des rameaux 
verts et des palmes. II Mach., x, 7. Les thyrses dé- 
signent ici le lûlâbou le 'étrôg (cédrat), t. H, fig. 117, 
col. 373, qu'on tenait en main pendant les fêtes des 
Tabernacles. Voir Tabernacles (Fête des), col. 1961. 
Dans sa description de la fête juive, Plutarque, Sym- 
pos., IV, VI, 2, parle aussi de Oupuoçôpta, « port de 
thyrses », parce qu'il ne connaissait pas les termes hé- 
breux correspondants. . H. Lesêtre. 



2205 



TIARE — TIBÉRIADE 



2206 



TIARE (hébreu : iebûlîm, misnéféf, pe'êr, sânîf; 
Septante : xiêapit, pfrpa; Vulgate : liara, mitra, cida- 
ris, diadema, corona, vitta), espèce de coiffure. — 
1° La tiare est la coiffure d'Aaron. Elle est faite de lin. 
Exod., xxvm, 4, 39; xxix, 6; xxxix, 28. Elle avait la 
forme d'une espèce de turban. Voir t. III, fig. 64, 
col. 296. Elle est appelée misnéféf ou pe'êr. Zacharie, 
m, 5, lui donne le nom de sânîf. — 2° Le prince 
d'Israël porte aussi le misnéfép. Ezsch., xxi, 31. Le 
pe'êr est encore le (urban des Israélites, Ezech.,xxiv, 






492, — Thyrses romains. 
Celui de gauche porte un bouquet de feuilles de vigne; celui 
du milieu, une pomme de pin; celui de droite, des feuille» de 
lierre. 

17, 23, celui du fiancé, Is., lxi, 10, et la coiffure des 
femmes élégantes. Is., m, 20. Ces dernières mettent 
aussi le sdnîf, Is., m, 23, et les nomades le portaient 
au désert. Job, xxix, 14. Les turbans que coiffaient les 
Chaldéens s'appelaient des tebûlîm. Ezech., xxm, 15. 
Les versions donnent le nom de « tiare» au pelas, qui 
se portait à Babjlone et était une pièce de vêtement 
plutôt qu'une coiffure. Dan., m, 21. Les mêmes noms 
servent ainsi à désigner des coiffures analogues de 
forme, mais sans doute différentes par la richesse et 
les ornements. Voir Mitre, t. iv, col. 1135. 

H. Lesêtre. 
Tl BÈRE (grec : Tt6ipioc), le second empereur ro- 
main. Il régna seul de l'an 14 à l'an 37 de notre ère, 
mais il avait été associé par Auguste au gouvernement 




dans l'Évangile, Luc, m, 1, mais il est désigné plu- 
sieurs fois indirectement. C'est sous son gouvernement 
que Notre-Seigneur accomplit son ministère public et 
que les Apôtres commencèrent à prêcher le christia- 
nisme en Palestine. Jean-Baptiste inaugura son minis- 
tère « sous Tibère César, la quinzième année de son 
gouvernement. » Luc, m, 1. De savants chronologistes 
pensent que, dans cette date de la quinzième année de 
son règne, lévangéliste compte les années pendant 
lesquelles Tibère fut associé à Auguste dans l'adminis- 
tration de l'empire. Tibère n'exerça seul le pouvoir que 
l'an 14, mais il avait été appelé à partager l'autorité 
avec le mari de sa mère quelque temps auparavant, à 



493. — Monnaie de Tibère. 

Tibère lauré, à droite, ti. caesar divi aug. f. avgvstvs. 

r^. Livie assise tenant une palme, maxim. pontif. 

de l'empire, quelque temps auparavant, à une époque 
dont la date précise est incertaine. Sa mère était Livie, 
qui l'avait eu de son premier mari, Tibère Claudius 
Néron. Elle épousa plus tard l'empereur Auguste et 
c'est grâce à ce' mariage que son fils devint empereur. 
Il était né à Rome,lel6 novembre de l'an 45 avant l'ère 
chrétienne et il avait 55 ans quand il devint empereur 
(fig. 493). Il s'était déjà distingué dans plusieurs 
guerres, Horace avait célébré ses exploits et ceux de 
son frère Drusus, Carrn., IV, 4, 14, et il s'était acquis la 
réputation d'un orateur de mérite et d'un administra- 
teur de talent. Toutes ses qualités s'éclipsèrent dès 
qu'il eut atteint le pouvoir suprême; il se montra dis- 
solu, cruel, despotique, dissimulé, et abandonna le 
gouvernement aux mains des plus indignes favoris. Il 
mourut à 78 ans, après un règne de vingt-trois. 
Tibère (fig. 494) n'est nommé qu'une fois par son nom 




494. — Buste de l'empereur Tibère. Musée du Louvre. 

une époque qui n'est pas certaine, en l'an 11, disent 
les uns, en l'an 13, disent les autres. Sur ses monnaies, 
son règne date de Tan 765 de Rome, an 12 de notre 
ère. Il est le César auquel font allusion les passages de 
saint Matthieu, XX, 17, 21; de saint Marc, xii, 14, 16, 17; 
de saint Luc, xx, 22, 24, 25 ; xxm, 2 ; de saint Jean, xix, 12, 
15. II était encore à la tête de l'empire, lorsque eut lieu 
la conversion de saint Paul et le commencement de sa 
prédication.' C'est lui qui avait nommé Ponce-Pilate 
procurateur de la Judée. Son ami Hérode Antipas bâtit 
en son honneur Sa ville à laquelle il donna Je nom de 
Tibériade. 

1. TIBÉRIADE (Nouveau Testament : Ti'geptiç), 
ville de Palestine (fig. 495), sur les bords du lac auquel 
elle a donné son nom. 

1° Elle fut fondée par Hérode Antipas, qui lui donna 
ce nom en l'honneur de l'empereur Tibère, entre Tan 
20 et l'an 30 de notre ère, à peu de distance, un mille 
environ, au nord des bains chauds d'Emmaiïs, le 
Hammath de Josué, xix, 35. Il fallut déplacer une né- 
cropole, probablement celle de Hammath, pour avoir 
largement la place nécessaire à la construction de la 




405. — Vue de TiberUde. 



2209 



TIBÉRIADE — TIBÉRIADE (LAC DE) 



2210 



nouvelle ville, et pour ne pas exposer les habitants aux 
impuretés légales que pouvait leur faire contracter 
la présence de ces tombeaux. Cette circonstance éloigna 
d'abord les Juifs de la cité naissante. « Elle fut peuplée 
d'abord, dit Josèphe, Ant, jud., XVIII, h, 3, au moyen 
de toutes sortes d'étrangers et aussi d'un grand nombre 
de Galiléens. Beaucoup d'habitants de la contrée appar- 
tenant à Hérode y furent également transplantés de force. 
Parmi ceux-ci, quelques-uns étaient revêtus de dignités. 
Mais il admit pareillement avec eux un ramassis de 
pauvres et même de gens dont la condition libre n'était 
pas suffisamment établie. Il leur accorda des immunités 
et les combla de bienfaits. Il leur fit construire des 
maisons à ses frais et leur donna des terres, à la con- 
dition de ne jamais quitter Tibériade, car il savait qu'il 
répugnait aux Juifs d'habiter cette ville, parce qu'on 
avait dû enlever beaucoup de tombeaux sur l'emplace- 
ment où on la bâtit, ce qui, d'après nos lois, rendait 
ceux qui devaient l'occuper impurs pendant sept jours. » 
Cette répugnance ne persévéra pas et, dans la suite, 
elle devint pour les Juifs une ville privilégiée. Hérode 
Antipas l'embellit avec soin et y résida lui-même dans 
un palais, qu'il orna de représentations animées, con- 
trairement à la loi mosaïque, et qui fut livré plus tard aux 
flammes. Josèphe, Vita, 12. —Au moment de la révolte 
contre la domination romaine, Tibériade ouvrit ses 
portes à Vespasien. Les Juifs, après la ruine de Jéru- 
salem, obtinrent l'autorisation d'y résider et reçurent 
même certains privilèges, ayant seuls le droit d'habiter 
la ville, à l'exclusion des païens, des Samaritains et des 
chrétiens. Le grand sanhédrin, après avoir séjourné 
quelque temps à Jamnia, puis à Sepphoris, s'établit à 
Tibériade, et il s'y fonda une école talmudique célèbre, 
qui fut illustrée par plusieurs rabbins de grande répu- 
tation. C'est là que fut rédigée la Mischna du Talmud 
de Jérusalem et élaborée la Massore. Le rabbin qui 
aida saint Jérôme à traduire les Paralipomènes était de 
Tibériade. Pair, lat., Vita, ix,3, t. xxii, col. 30. 

2» Notre-Seigueur n'entra jamais à Tibériade; du 
moins les Évangiles ne le disent pas. Une grande partie 
de sa vie publique se passa à l'extrémité septentrionale 
du lac et il le traversa souvent, mais c'est à peine si la 
ville est nommée trois fois dans saint Jean, vi, 1, 23; 
xxi, 1, deux fois, non à cause d'elle-même, mais comme 
donnant son nom au lac, et une fois, xvi, 23, ponr 
marquer l'endroit d'où sont parties les barques qui ar- 
rivent près du lieu où s'est opéré le miracle de la mul- 
tiplication des pains. Les autres Évangélistes désignent 
le lac sous le nom de mer de Génésareth ou mer de Ga- 
lilée. Voir Tibériade (Lac de) 2. On s'est demandé 
pourquoi le Sauveur avait ainsi évité la ville de Tibé- 
riade. C'est sans doute parce qu'elle était considérée 
comme impure par les Juifs fidèles et aussi parce qu'elle 
était le séjour ordinaire d' Hérode, le meurtrier de saint 
Jean-Baptiste. Saint Luc, xxm, 8, nous apprend que 
ce roi, malgré son désir, n'avait jamais vu Jésus, avant 
que Pilate le lui eût envoyé. 

2. TIBÉRIADE (LAC OK) (grec : r, MAtmn ttjc Ti6t- 
ptâîoç), lac de Palestine. Saint Jean, xxi, 1; cf. vi, 
1, est le seul écrivain sacré qui ait désigné ce 
lac, ou, comme il l'appelle, cette « mer», sous le nom 
de Tibériade, sans doute parce que, écrivant loin de la 
. Palestine, ce nom était plus familier que le nom indi- 
gène à ceux qui n'habitaient pas la Terre Sainte, à 
l'époqne où il écrivait. Saint Luc l'appelle « lac », 
\l\u\v rewïjaapift, v, 1, 2; cf. vni, 23, tandis que tous 
les autres auteurs sacrés le désignent par l'appellation 
sémitique de « mer ■». Voir Lac, t. iv, col. 7. Il est 
aussi le seul qui le nomme « de Génésareth ». L'auteur 
de I Mach., xi, 67, emploie la dénomination analogue 
xo û$up rtvvrpâç, aqua Genesar. Saint Matthieu, iv, 
18; saint Marc, vu, 31; cf. Joa.,vi,i, l'appellent « mer 

DtCT. OR LA BIBI E 



de Galilée ». Dans les Nombres, xxxrv, 11, et Josu é, 
xni, 27, c'est « la mer de Cènéreth » ou « de Cénéroth «. 
Jos., xn, 3. Voir Cènéreth 2, t. h, col. 420. 

1° Description. — Le lac de Tibdriade (voir carte, 
t. m, col. 88) forme un ovale long de 21 kilomètres du 
nord au sud et large de 9 kilomètres et demi. L'extré- 
mité nord est un peu plus arrondie que celle du sud. 
Son niveau est de 212 mètres au-dessous de la Médi- 
terranée. En hiver et au printemps, les pluies peuvent 
le faire élever de plus de deux mètres. Le bassin du 
lac parait avoir été formé par la rupture nord-sud qui 
s'est produite dans les couches crétacées formant les 
montagnes environnantes, au moment où se sont sou- 
levés les filons de basalte de la rive occidentale et les 
masses volcaniques du Ojolan, vers la fin de l'époque 
tertiaire. Vu des hauteurs qui le dominent en venant 
de Nazareth, le lac apparaît scintillant au soleil comme 
une immense coupe d'argent liquide; vue de près, l'eau 
du lac est ordinairement d'un beau bleu. Pendant les 
orages, qui n'y sont pas très rares et sont fort dange- 
reux, l'eau prend une couleur violet foncé. Le soir elle 
reflète le bleu du ciel et a l'éclat du saphir. La profon- 
deur du lac est en moyenne de 50 à 70 mètres; à l'en- 
trée du lac, on voit les indigènes passer à pied d'une 
rive à l'autre, à la barre qui s'est produite à la ren- 
contre des eaux du fleuve avec celles du lac. Vers le 
milieu du grand bassin nord, la profondeur est de plus 
de 250 mètres. On ne trouve dans le fond ni algues ni 
conferves, mais un grand nombre de diatomées. Les 
poissons y abondent et servent à l'alimentation des gens 
de Tibériade, et même de Nazareth, où on les tran- 
sporte, surtout au moment des pèlerinages. On les prend 
surtout à l'épervier, à l'embouchure du Jourdain, au 
nord du lac, et à Ain Tabagha, à l'endroit où le Ain se 
jette dans le lac, d'après le témoignage des indigènes 
qui jettent là leurs filets pour faire jouir les pèlerins du 
spectacle. Le lac est si peuplé qu'on y prend fréquem- 
ment des poissons par milliers. Quelques-uns sont très 
remarquables, comme le Clarias macracanthus qui se 
traîne comme un serpent, le Chromi» Simonis, ou pois- 
son de saint Pierre. Voir Poisson, fig. 113, 114, col. 486, 
497. «c L'eau du lac de Tibériade est désagréable A boire 
a cause de son odeur marécageuse; elle est fade, quoi- 
qu'elle laisse cependant dans la gorge un arrière-goût 
légèrement saumâtre. » L. Lortet, La Syrie, p. 512. 

2« Le lac de Tibériade dan» l'Écriture, — Il occupe 
peu de place dans l'Ancien Testament, où il n'est 
guère nommé qu'en passant, pour marquer une limite, 
Num., xxxiv, 11 ; Jos., xii, 3; xm, 27, et l'endroit où 
campa une fois Jonathas Machabée. I Mach., xi,67. 
Mais l'Évangile lui a donné un reiletde gloire incom- 
parable : c'est le lac de Noire-Seigneur, le lac qu'il a 
sillonné bien des fois avec ses Apôtres, où il semble 
qu'on le voit encore, comme un reste de lui-même, qu'il 
nous a laissé, relique précieuse, après son ascension. 
C'est là qu'il a travaillé à la formation et a l'instruction 
de ses disciples, c'est là qu'il a opéré des miracles et 
calmé d'un mot ses dangereux orages qui soufflent 
avec violence des gorges occidentales d'Arbèle et sou- 
lèvent les flots avec fureur. Matlh., vin, 24; xiv, 24; 
Marc, iv, 37; vi, 48; Luc, vin, 23; Jm., vi, 18. Wilson, 
Recovery of Jérusalem, in-8 4 , Londres, 1871, p. 340, 
décrit ainsi une de ces tempêtes : « Des tempêtes sou- 
daines, comme celles mentionnées dans le Nouveau 
Testament, ne sont pas rares. J'eus une excellente 
occasion d'observer l'une d'entre elles, des ruines de 
Gamala, sur les collines orientales. La matinée était déli- 
cieuse; une brise agréable soufflait de l'est; pas le 
moindre nuage dans le ciel ne faisait prévoir ce qui 
allait arriver. Soudain, vers midi, éclata un coup de 
tonnerre lointain, et un petit nuage, « pas plus grand 
« qu'une main d'homme, » se leva sur les hauteurs de 
Lubiéh à l'occident. En très peu de temps, le nuage 

V. - 70 



2211 



TIBÉRIADE (LAC DE) — TIGRE 



2212 



grandit et roula en grandes masses noires, descendant 
des collines vers le lac, et plongeant dans une obscurité 
complète le Thabor et Hattin. A ce moment, la brise 
cessa; il y eut quelques minutes de calme complet, 
pendant lequelle soleil brilla, éclatant, et la surface du 
lac fut égale et unie comme un miroir; Tibériade, 
Medjdel et d'autres constructions se dessinaient en 
plein relief en avant du fond ténébreux qui s'étendait 
derrière, mais elles disparurent bientôt au regard quand 
les grondements du tonnerre les dépassèrent et que la 
tempête, s'avançant rapidement sur le lac, transforma 
ses eaux tranquilles en une nappe blanche d'écume. 
Elle atteignit promptement les ruines, me chassant avec 
mon compagnon et nous obligeant de nous réfugier 
dans une citerne, où nous fûmes emprisonnés pendant 
près d'une heure, entendant les grondements roulants 
du tonnerre et des torrents de pluie. La moitié du lac 
était tranquille et en repos, pendant que l'autre était 
toute bouleversée de façon sauvage et offrait un spec- 
tacle saisissant. Malheur à la barque légère qui aurait 
été surprise au milieu du lac par cette tourmente. Nous 
ne pouvions nous empêcher dépenser à cet événement 
mémorable où la tempête est décrite d'une façon si 
vivante, comme « tombant » sur le lac.» Matth. vm, 
24-26. 

Le lac de Tibériade, par sa situation et la dépression 
de terrain où il se trouve, était isolé des grandes voies 
de communication de l'antiquité. Les Égyptiens quand ils 
allaient en Syrie ou dans l'Asie antérieure, les Assyro- 
Chaldéens quand ils descendaient sur les bords du Nil, 
longeaient la Méditerranée. On ne voit que le Mohar 
égyptien qui, au xiv e siècle avant notre ère, ait visité 
le Jourdain. F. Ghabas,Voyage d'un Égyptien en Syrie, 
en Palestine, in-f», Chalon-sur-Saône, 1860, p. 206. Ce 
n'est que vers les commencements de l'ère chrétienne 
qu'il a vu des Romains et des étrangers visiter ses 
bords, où florissaient alors des villes dont le nom re- 
vient souvent dans l'Évangile, Capharnaùm,Bethsaïde, 
Corozaïn, Magdala. Voir ces noms. 

F. Vigouroux. 

TICHON (MAISON DE) (hébreu : ftâsêr Hat-Tî- 
kôn; Septante : au M; toû Sauviv), localité inconnue qui 
se trouvait sur les frontières duHauran(Auran).Ézech., 
xlvii,16. Domum autem sive atrium Thicon,Symma- 
chus interpretatur atrium médium, quod pergit ad 
terminas Auran, dit saint Jérôme, In Ezech., xlvii, 
t. xxv, col. 477. 

TICHONIUS ou TYCHONIUS, écrivain africain, 
de la secte des donatistes, entre 380 et 420. Il parait 
n'avoir été que simple laïque, mais il avait le goût et la 
connaissance des choses théologiques. Saint Augustin 
parle souvent de lui dans ses écrits et, dans sa Doctrina 
christiania, ni, 30-37, t. xxxiv, col. 81-90, il expose et 
commente les sept règles célèbres de cet auteur pour 
l'intelligence des Saintes Écritures. Le Livre des Règles 
se trouve dans la Bibliotheca Patrum, Cologne, 1522, 
t. xv; Lyon, 1677, t. vi; Pitra, Spicilegiurn Solesmense, 
t. m, p. 397. Tichonius avait aussi commenté l'Apoca- 
lypse, dans un sens spirituel. Le commentaire qui avait 
été publié comme étant celui de Tichonius n'est pas 
le sien, mais emprunté à divers auteurs, dont Ticho- 
nius. Il est reproduit dans Migne, t. xxxv, à la fin du 
t. m des œuvres de saint Augustin, col. 2415-2452. 

1. TIGRE (hébreu : ïiiddéqéï; Septante : Tiypi;), 
fleuve d'Assyrie et de Babylonie. Strabon, XI, xrv, 8, et 
Pline, H. N., vi, 27 (qui l'appelle Diglit), disent que 
son nom lui vient de la rapidité de son cours, qui égale 
celui d'une flèche, Tigra signifiant flèche en médo-perse. 

I. « Le Tigre, le moins long des deux fleuves qui vont 
s'unir au golfe Persique par les bouches du Chat-el- 
Arab, naît dans le voisinage de l'Euphrate (voir la carte, 



t. n, fig. 623, col. 2047). Près des mines de Sivan, les 
sources principales, dites Outchgôl (les Trois Lacs), 
jaillissent à un millier de mètres à peine de la cluse 
profonde où coule le Mourad, et le torrent qu'elles 
forment se dirige au sud-ouest comme s'il allait se jeter 
dans l'Euphrate, à sa sortie des montagnes. Mais un 
autre cours d'eau, qui prend aussi son origine dans 
une haute vallée proche de l'Euphrate, vient à sa ren- 
contre et l'entraîne dans la direction du sud-ouest et 
du sud : c'est le Didjlé, que l'on considère comme la 
branche maîtresse du Tigre, d'où son nom de Chat ou 
« Fleuve » par excellence. Il coule d'abord dans la 
région péninsulaire qui limite l'Euphrate en décrivant 
une longue série de méandres, au nord, puis à l'ouest 
et au sud des hautes plaines de Eharpout; né à 
quelques kilomètres seulement d'un angle brusque de 
l'Euphrate, le Didjlé commence par chercher sa voie 
pour sortir du cercle immense que le fleuve rival trace 
autour de lui. Un petit lac d'eau saumâtre, le Gôldjuk, 
Gôldjik ou Gôlendjik, occupe, à une petite distance au 
nord et à 200 mètres plus haut, une cavité du plateau 
dont le rebord circulaire envoie des ruisseaux au Tigre 
aussi bien qu'à l'Euphrate. Récemment, à la suite 
d'années pluvieuses, le lac, élevant peu à peu son 
niveau comme la mer de Van, a fini par atteindre une 
brèche de rochers à son extrémité sud-orientale et par 
épancher son trop-plein dans le Tigre : on a même 
entrepris le creusement d'une tranchée pour régulariser 
l'écoulement du lac et en faire une source constante 
du fleuve. Ainsi se rapprochent les deux bassins flu- 
viaux, au point de s'entremêler en apparence, comme 
pour donner raison aux descriptions des anciens 
auteurs. D'après une légende locale, la source du Tigre 
aurait été visitée par Alexandre; on la désigne comme 
le « Fleuve aux deux cornes »... Arrivé dans la plaine 
de Diarbékir, le « Fleuve » grossit rapidement par les 
affluents que lui envoient les montagnes du nord. Le 
Batman-sou, l'un des plus abondants, est un autre 
Tigre par la violence de ses eaux, et son bassin, comme 
celui du Didjlé, commence dans le voisinage même du 
haut Euphrate, sur le revers méridional des montagnes 
de Mouch. Puis viennent l'Arzen-sou et un autre Chat, 
le Botan-sou, dans lequel se jette la rivière de Bitlis, 
née dans le massif de faible élévation qui limite au 
sud-ouest le réservoir du lac de Van ; ce beau torrent de 
Bitlis est probablement le cours d'eau qui a donné lieu 
aux fables, répétées par Strabon et Pline, sur le passage 
du Tigre à travers un lac qui ne renfermerait qu'une 
seule espèce de poisson; on voyait dans les eaux du 
Bitlis l'écoulement souterrain du lac de Van, mais le 
courant du Bitlis prend son origine à un niveau plus 
élevé que le lac et son eau n'est pas saline et chargée 
de soude comme celle du réservoir fermé : c'est par la 
composition de l'eau que l'on pourra reconnaître s'il 
existe vraiment, parmi les affluents du haut Tigre, un 
ruisseau issu du lac d'Arménie par des galeries sou- 
terraines. 

« En aval de la jonction des deux Chat, Didjlé ou Tigre 
occidental, Botan Ou Tigre oriental, le fleuve, qui déjà 
roule la moitié de la masse liquide que son courant 
inférieur porte à la mer, tourne au sud-est pour s'en- 
gager dans une série de cluses ouvertes à travers 
d'âpres montagnes. Sur un espace d'environ 75 kilo- 
mètres, les sentiers abandonnent les rives et gravissent, 
soit à l'ouest, soit à l'est, les escarpements qui resserrent 
le courant; çà et là, du haut des promontoires, on aper- 
çoit les eaux glissant à la base de parois calcaires ou 
de colonnades basaltiques. En aval de cette percée, où 
n'osèrent pénétrer les Dix mille de Xénophon, s'ouvre 
une large plaine, et le fleuve serpente à son gré dans 
les terres alluviales; mais bientôt après, le courant 
traverse d'autres remparts, et là encore ses bords sont 
impraticables. Les falaises et les éboulis de calcaires, 



2213 



TIGRE 



2214 



d'argiles, de conglomérats sont baignés par le flot; les 
sentiers, évitant le fleuve par de grands détours, 
s'éloignent même de la partie inférieure des affluents, 
qui coulent tous à 15 mètres de profondeur entre deux 
murs d'argile. 

Dans la série de défilés qui commence au confluent 
du Botan-sou et qui se termine en amont de Mossoul, 
le fleuve garde la direction normale qu'il suit jusqu'à 
l'Euphrate, parallèlement aux chaînes bordières du pla- 
teau d'Iran. Dans cette partie de son cours, comme dans 
la région des sources, le Tigre ne reçoit de grands 
affluents que sur la rive gauche ; le versant de la rive 
droite n'est qu'une mince lisière de terrain et c'est du 
côté de l'Euphrate que coulent presque toutes les eaux 
du faîte de partage; les nuages pluvieux qui viennent 
de la Méditerranée et de la mer des Indes se déchirent 
aux versants méridionaux des hauteurs du Kourdistan, 
et tandis que les pluies tombées sur les avant-monts, 
immédiatement au nord du désert, s'écoulent vers 
l'Euphrate, l'humidité que les vents du ciel apportent 
sur les hautes montagnes de Van et de la Perse occi- 
dentale revient en torrents vers le Tigre. Parmi ces 
torrents, il en est qui ont un bassin considérable : tel 
est le Grand Zab ou Zarb (Zarb el Kebir), dont les 
rivières supérieures égouttent la région comprise entre 
les deux lacs de Van el d'Ourmiah. Le Petit Zab (Zarb 
Saghir) roule aussi beaucoup d'eau, dont une partie 
lui vient du territoire persan. De même, la Diyalah, 
qui rejoint le Tigre en aval de Bagdad, reçoit de la 
Perse un grand nombre de ruisseaux, nés dans les dé- 
pressions parallèles des chaînes bordières. Les affluents, 
•comme le Tigre lui-même, ont à traverser des remparts 
de montagnes parallèles avant d'échapper à leurs 
anciennes cavités lacustres pour entrer dans la plaine 
de la Mésopotamie. Le Grand Zab, issu des hautes 
vallées du pays kourde, vient se heurter, à l'est de 
Mossoul, contre des massifs de conglomérat, qu'il 
perce d'un large lit, ayant en certains endroits un 
kilomètre de rive à rive. Le petit Zab gagne aussi le 
Tigre en passant successivement par des cluses de mon- 
tagnes. Au sud-est d'une «Porte duTigre », une entaille, 
dont les parois verticales ont 50 à 70 mètres de hauteur, 
ouvre un passage aux eaux de la Diyalah à travers les 
assises de grès rouge du Hamrin; pendant la saison 
des pluies, les eaux s'accumulent en lac temporaire 
dans la plaine de Kizilrobat, située en amont de la cluse. 
Un autre affluent du Tigre, l'Adhim, né sur les pentes 
d'un mont sacré, le PirOmar Goudroun (2500 mètres), 
forme un marais permanent au-dessus de la « Porte de 
Fer » ou Demir-Kapou, qui le sépare des plaines allu- 
viales de la Mésopotamie. En aval de toutes les rivières 
affluentes, le Tigre déborde en plusieurs parties de son 
cours et projette à l'orient un rameau marécageux, le 
Hadd, qui va s'unir à la Kerkha, la rivière du Louris- 
tan. En hiver, toute la plaine qui s'étend du Tigre infé- 
rieur aux avant-monts persans est une mer intérieure, 
appelée souvent par ironie Oumm el-Bak ou la « mère 
des Moustiques »; en été, il reste un réseau de sinueuses 
coulées, que des bateaux parcourent facilement, du Tigre 
à la Kerkha, sur plus de 150 kilomètres de distance. 
Layard, Ninereh and Babylon, dans le Journal of the 
Geographical Society, 1846. 

« Au confluent avec l'Euphrate, à Korna, le Tigre est, 
contrairement à ce que disait Strabon, le fleuve le plus 
abondant (débit moyen du Tigre à Bagdad, d'après 
Rennie : 4656 mètres cubes par seconde; de l'Euphrate, 
à Hit: 2065). La rivière occidentale se perd dans son 
flot sans paraître l'augmenter : de là, peut-être le nom 
de « Tigre sans eau », Didjlat-el-Aoura, que l'on donnait 
jadis aux fleuves unis, comme pour indiquer la dispa- 
rition apparente de l'Euphrate. Le développement total 
du Tigre, entre la source du « Fleuve aux deux cornes » 
«t son entrée dans le Chat-el-Arab, est d'environ 



2 000 kilomètres, deux fois moins que l'Euphrate, et 
l'étendue de son bassin est aussi très inférieure; mais, 
au lieu de serpenter dans le désert comme l'Euphrate 
à la sortie du Taurus, il ne cesse de longer la base des 
montagnes qui lui envoient leurs eaux de neige et de 
pluie. Naissant à plusieurs centaines de mètres au-dessus 
de la vallée de l'Euphrate et suivant dans la direction 
du golfe Persique une vallée moins sinueuse, le Tigre 
a sa pente beaucoup plus inclinée; il fuit rapidement 
entre ses rives, d'où son vieux nom persan de Tigre 
ou de « Flèche » remplaçant l'appellation assyrienne 
de Hiddekel (Idiklat) ou « Fleuve aux bords élevés » 
(Frd. Delitzsch, Wo lag dasParadiesf), qui se retrouve 
dans l'arménien Dikla et dans l'arabe Didjlé. Gourant 
plus vite, le Tigre perd moins d'eau par l'évaporation 
et se répand dans les campagnes riveraines en moins 
d'étangs et de marécages. Des bateaux à vapeur d'un 
faible tirant le remontent jusqu'à Bagdad, et pourraient 
même atteindre Tekrit, à près de 1 000 kilomètres de 
la mer; en amont, jusqu'à Mossoul et Diarbekir, le 
seul véhicule flottant est le kellek (voir t. IV, fig. 396, 
col. 1459), ou plancher soutenu par des outres. » Elisée 
Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. ix, Asie 
antérieure, 1884, p. 387-391. 

II. Le Tigre dans l'Écriture. — 1» Le Tigre est 
nommé pour la première fois au commencement même 
de la Genèse, n, 14, comme le troisième fleuve du 
Paradis terrestre, « qui coule à l'est de l'Assyrie. » C'est 
dans son voisinage que l'Euphrate prend aussi sa source, 
ainsi que plusieurs des affluents des deux grands fleuves. 
Voir fig. 272, 1. 1, col. 1003. Le Phison et le Géhon, les 
deux autres fleuves de l'Éden, nommés avant le Tigre et 
l'Euphrate, sont-ils deux des affluents qu'on voit là de 
nos jours? On ne saurait le dire avec certitude.il a pu 
se produire sur la terre, depuis la' création de l'homme, 
des révolutions qui ont modifié et changé l'aspect des 
lieux où fut créé le premier homme, mais on comprend 
sans peine que l'opinion qui place en Arménie le paradis 
terrestre, à la source des grands fleuves, ait eu et compte 
toujours des partisans, parce que c'est celle qui s'ac- 
corde le plus naturellement avec le texte sacré (voir 
Paradis terrestre, m, t. iv, col. 2133), en admettant 
qu'il n'y a pas eu un bouleversement complet du pre- 
mier berceau de l'humanité. 

2° Le Tigre n'est plus nommé dans l'Écriture jusqu'à 
l'époque de la captivité. Mais le prophète Nahum, en 
annonçant la chute de la grande ville, fait allusion à 
l'inondation du fleuve qui, après avoir contribué à sa 
grandeur, devait en ouvrir les portes à ses ennemis. 
« Les portes des fleuves (le Tigre et le Khasr, son affluent) 
sont ouvertes; son palais s'écroule. » Nahum, m, 6. Ces 
« portes » sont des digues, d'après les uns, mais plus 
vraisemblablement, d'après les autres, les portes de la 
ville, qui étaient fortifiées et qui furent renversées par 
l'inondation aux endroits par où entraient et sortaient le 
Tigre et le Khasr. Diodore de Sicile, n, 27, qui ne con- 
naissait pas la prophétie de Nahum, nous en a raconté à 
son insu l'accomplissement. Depuis deux ans, écrit-il, 
l'armée des Médo-Babyloniens réunis assiégeait Ni- 
nive, sans pouvoir réussir à faire brèche dans les rem- 
parts extrêmement solides et épais. De violents orages 
suppléèrent à leur impuissance : ils produisirent un 
débordement du Tigre qui inonda une partie de la ville 
et en renversa les murailles sur une longueur de 20 
stades (5700 mètres). Les ennemis y pénétrèrent par là 
sans difficulté. Le roi de Ninive, désespéré, s'enferma 
dans son palais, y mit le feu et périt dans l'incendie. 
Le fleuve qui avait fait la gloire et la force delà capitale 
de l'Assyrie venait de consommer sa ruine. 

3° Quelques années avant cette catastrophe, Tobie 
avait été emmené captif à Ninive. Quand il envoya son 
fils auprès de Gabélus pour recouvrer l'argent qu'il lui 
avait prêté, c'est sur les bords du Tigre que le jeune 



2215 



TIGRE — TIMOTHÉE 



2216 



voyageur prit le poisson qui devait lui servir plus tard 
à rendre la vue à son père aveugle. Tob., vi, 1-9. On 
ne peut déterminer avec certitude de quelle espèce 
était ce poisson. Le fleuve abonde en poissons de 
diverses espèces et quelques-uns sont de dimensions 
considérables. Strabon, XI, xiv, 8. Voir Tobie. 

4° Le Tigre est mentionné dans Judith, I, 6, mais 
simplement comme une des limites géographiques de 
la plaine de Ragaû. 

5° L'Ecclésiastique, rappelant les fleuves du paradis 
terrestre, dit, xxrv, 35, que Dieu répand sa sagesse 
comme le Tigre répand ses eaux aux jours des nou- 
veaux fruits, c'est-à-dire au moment de son inondation 
annuelle. Au mois de mars, à l'époque de la fonte des 
neiges, il croit rapidement, roulant ses eaux rapides et 
troubles, et grossit jusqu'à la première ou seconde 
semaine de mai, où il atteint sa plus grande hauteur. 
Vers le milieu de mai, il commence à décroître. Au 
milieu.de l'été, il reprend son niveau ordinaire. Une 
nouvelle crue a lieu en octobre et en novembre, à la 
suite des pluies d'automne, mais elle est insignifiante 
relativement à la crue du printemps. 

6° Le Tigre apparaît pour la dernière fois dans l'Ecri- 
ture dans les visions de Daniel. C'est sur ses bords 
qu'il eut quelques-unes des plus importantes. Dan.,x-xn. 
Il l'appelle han-nâhâr hag-gâdôl, « le grand fleuve », 
x, 4. Voir Daniel, t. n, col. 1276. 

2. TIGRE (Vulgate : tigris), carnassier de la famille 
des félidés, à peu près de la même taille que le lion, 
mais plus fort et plus féroce. Il vit surtout dans l'Asie 
méridionale et les îles de la Sonde. Il n'en est pas 
question dans la Bible. C'est à tort que la Vulgate a 
traduit par « tigre » le mot layîs, qui est un des noms 
du lion. Job, IV, 11. Voir Lion, t. iv, col. 267. Les 
Septante s'éloignent encore plus du vrai sens en tra- 
duisant parjj.upu.-r,xo).éo)v, «fourmilion ». 

H. Lesêtre. 

TIMÉE (grec : Tijjaioç), père de l'aveugle Bartimée, 
à qui Notre-Seigneur rendit la vue à Jéricho. Marc, 
x, 46. Voir Bartimée, t. i, col. 1474. 

TIMIDITÉ (Septante : oXt-ro<I>uy.ia; Vulgate: pusil- 
lanimitas), manque de courage en face du danger ou 
du devoir. Le timide est appelé hârêd, yârê', nimhar, 
rak lêbab, « chancelant de cœur », SetXô;, oXiyôil'u^oç, 
ipoêoûfisvo;, àTîsiOûv, timidus, pavidus, trepidus,formi- 
dolosus, pusillanimis. 

1° En face du danger. — La Loi prescrivait de signi- 
fier aux timides et aux peureux de se retirer de l'armée 
avant la bataille, de peur que leur exemple n'entraî- 
nât les autres. Deut., XX, 3, 8. — Israël infidèle, dis- 
persé parmi les nations, y gardera un cœur tremblant. 
Deut., xxvm, 65. — Avant de livrer bataille, Gédéon 
dut écarter de son armée 22000 hommes qui avaient 
peur et tremblaient. Jud., vu, 3. — Judas Maehabée 
renvoya de même chez eux, « selon la Loi », tous ceux 
qui avaient peur de combattre. I Mach., m, 56. — 
Ézéchiel, xxi, 12, décrit la peur qu'excite en tous l'ap- 
proche de l'épée de Nabuchodonosor : les cœurs se 
fondent, les mains faiblissent, les esprits se troublent, 
les genoux fléchissent. — Les écrivains sacrés donnent 
plusieurs fois le nom de « femmes » à ceux qui 
manquent d'énergie dans le danger. Is., m, 12; XIX, 
16; Jer., li, 30; Nah., m, 13. Ils exhortent à n'avoir 
pas peur devant l'ennemi. Is., vu, 4; Jer., li, 46. Il ne 
faut pas s'adresser à un timide pour le consulter sur 
la guerre. Eccli., xxxvii, 12. — Quand les méchants 
comparaîtront au tribunal du souverain Juge, la timi- 
dité succédera à leur arrogance. Sap., iv, 20. — Notre- 
Seigneur reproche aux apôtres leur timidité et leur 
manque de foi, pendant la tempête sur le lac. Matth., 
xiii, 26; Marc, iv, 40. — Le vent impétueux, ritah 



so'âh, devient dans les versions àXiyotyvyJz, pusilla- 
nimitas spiritus. Ps. lv (liv), 19. 

2° En face du devoir. — Roboam se montra timide, 
quand il eût fallu faire acle d'énergie pour rallier à lui 
tout son peuple. II Par., xm, 7. Le cœur de Josias fut 
intimidé par les menaces que contenait le Deutéronome. 
IV Reg., xxii, 19. Il y a une timidité recommandable 
et qui se résout en crainte de mal faire. Prov., xvm, 
14. Mais il ne faut pas être timide dans le service de 
Dieu, Is., xxxv, 4, ni dans la prière. Eccli., vu, 9. On 
doit encourager et consoler les timides. Is., xxxv, 4; 

I Thés., v, 14. Quant à ceux qui sont timides et lâches 
dans l'accomplissement du devoir, ils auront un jour 
le même sort que les pires pécheurs. Apoc, xxi, 8. 

H. Lesêtre. 
TIMON (grec : Tl'h&iv), le cinquième des sept 
diacres choisis par les Apôtres pour s'occuper du soin 
des veuves. Act., vi, 5. Son nom est grec et il était 
probablement un Juif helléniste, comme les autres 
diacres qui devaient veiller à ce que les veuves des 
convertis non palestiniens fussent traitées convena- 
blement. Le texte sacré ne nous apprend rien que son 
nom. D'après la Synopsis de vita et morte Propheta- 
rum,Apostolorum et DiscipulorumDoniini, du pseudo- 
Dorothée, Patr. gr., t. xcn, col. 1001, c'était un des 
soixante-douze disciples, et il devint évêque de Bostra, 
où il subit le martyre du feu. Voir Acta sanctorum, 
19 avril, aprilis t. Il, p. 619. 

TIMOTHÉE (grec : Ttfj.68eo;), nom de deux étran- 
gers qui combattirent contre les Machabées et d'un 
disciple de saint Paul. 

1. TIMOTHÉE, chef ammonite, qui fut battu à plu- 
sieurs reprises par Judas Maehabée. Quelques commen- 
tateurs supposent, à cause de son nom, qu'il était grec 
d'origine. Judas Maehabée, ayant pénétré en Ammoni- 
tide, y livra plusieurs combats dans lesquels il battit 
Timothée, le chef des Ammonites. 1 Mach., v, 6. Mais 
ce dernier porta, quelque temps après, les armes en 
Galaad, où il fit beaucoup de mal. A la demande des 
gens du pays, Judas et son frère Simon marchèrent à 
leur secours. Timothée s'enfuit à leur approche; les 
Juifs parvinrent à atteindre son armée et à lui infliger 
une sanglante défaite. I Mach., v, 11, 20, 24-34, 37-44. 
Timothée lui-même tomba entre les mains de Dosithée 
et de Sosipater, qui consentirent à lui laisser la vie 
sauve. II Mach., xn, 2-25. 

2. TIMOTHÉE, général syrien, qui est le même que 
le précédent d'après les uns, différent d'après les 
autres. Il faisait partie de l'armée de Nicanor contre 
Judas Maehabée. II Mach., vin, 30. On ne peut conclure 
de la similitude des noms à l'identité des personnes, 
car les Timothée étaient nombreux parmi les Grecs. 
Si les passages II Mach., vm, 30; IX, 3, ne donnent 
aucun détail particulier, et ne suffisent pas pour tran- 
cher la question de non-identité, quoiqu'il n'apparaisse 
pas comme général ammonite, il n'en est plus de même 
du récit, x, 24-37. Après avoir été battu une première 
fois avec Bacchide par Judas Maehabée, vm, 30, défaite " 
qu'Ântiochus Épiphane avait apprise en Perse, x, 3, 
Timothée, postérieurement à la mort de ce roi, pour 
venger son échec, rentra en Judée à la tête d'une 
armée formidable. Judas, avec le secours d'en-haut, 
remporta contre son ennemi une éclatante victoire. 
Timothée s'enfuit à Gazara (Gazer). Les Juifs allèrent 
l'y assiéger, emportèrent la place et le mirent à mort 
quand ils l'eurent découvert dans une cachette. 

II Mach., x, 24-37. Ce fut plus tard, après la mort de 
Timothée, le général syrien, que Judas Maehabée battit 
définitivement Timothée 1, qui commandait aux 
Ammonites à l'est du Jourdain, et dont la vie futépar- 



2217 



TIMOTHÉE — TIMOTHÉE (PR EMIÈRE ÉPITRE A) 



2218 



gnée. I Mach., v, 37-44; II Mach., xn, 2-25. Voir 
Patrizzi, De consensu utriusque libri Machabseorum, 
in-4», Rome, 1856, p. 259. 

3. TIMOTHÉE (Ttjj.69soç), le plus fidèle et le plus aimé 
des disciples de saint Paul, celui qu'il appelle son 
vrai fils, 1 Tim., I, 2, son très cher fils, II Tim., i, 2, 
son filsbien-aimé et fidèle dans le Seigneur, I Cor.,iv, 
17, le copartageant de son esprit, Phil., v, 20, de ses 
travaux dans le Seigneur, I Cor., XVI, 10, son collabo- 
rateur, Rom., xvi, 21, son frère et ministre de Dieu, 
I Thess., m, 2, l'esclave de Jésus-Christ, Phil., i, 1, 
dévoué à la cause du Christ, H, 21, l'imitateur parfait 
des vertus de son maître, initié à ses méthodes d'apos- 
tolat. II Tim., m, 10; I Cor., xvi, 10. L'Apôtre l'avait 
converti à la foi, I Cor., IV, 14-17, avec sa mère et 
son aïeule, II Tim., I, 5, lors de la première mission 
en Lycaonie. Etait-il de Lystres ou de Derbé? Les 
textes, Act., xvi, 1, 2; xx, 4, sans dirimer absolument la 
controverse, semblent indiquer plutôt Lystres. Peut-être 
Timothée a-t-il habité successivement ces deux villes. 
En tout cas, il était avantageusement connu à Lystres et 
à Icône, Act., xvi,2, c'est-à-dire dans toute la région de 
la Lycaonie. Il était né d'un mariage mixte, son père était 
païen et sa mère juive ou du moins prosélyte des 
synagogues. Act., xvi, 3; II Tim., 1,5. Aussi reçut-il, 
à sa naissance, un nom très usité chez les Grecs, 
I Mach., v, 6; IIMach.,vin,3, et, en même temps, facile 
à se faire accepter des Juifs. L'enfant grandit entre 
deux pieuses femmes, sa mère Eunice et son aïeule 
nommée Loïde; elles relevèrent dans la crainte de 
Dieu et l'étude des Écritures. II Tim., iv, 15. Le père 
de Timothée devait être mort quand Paul et Rarnabé 
arrivèrent dans ces parages. Act., xvi, 3. Le jeune 
adolescent fut témoin des souffrances et des travaux 
des deux vaillants missionnaires. II Tim., m, 10, 11; 
Act, xiv, 22. A son second voyage, l'Apôtre se l'attache 
comme disciple et compagnon d'apostolat à la place de 
Jean-Marc, ayant déjà substitué Silas à Barnabe. 
Act., xv, 40. D'après divers passages des Épitres pasto- 
rales, I Tim., i, 18; iv, 24; II Tim., i, 6, ce fut 
l'Esprit qui le désigna, dans quelque assemblée litur- 
gique, à la fonction d'apôtre, ou peut-être d'évangé- 
liste, Il Tim., iv, 5, par la voix des prophètes de ces 
Églises. Paul, Silas et les presbytres de l'endroit lui 
imposèrent les mains. Act., xm, 3; II Tim-, i, 6. 

Dès ce moment, il est presque toujours, sauf de 
rares intervalles, aux côtés de l'Apôtre, lui servant de 
secrétaire dans la rédaction de la plupart de ses 
Épitres. Afin de faciliter son ministère auprès des Juifs, 
Paul le circoncit de sa propre main. Act., xvi, 3. Sa 
carrière apostolique se confond, en général, avec celle 
de son maître. A peine s'il s'en sépare, de temps en 
temps, pour des mission spéciales, absences courtes et 
rapides auxquelles l'un et l'autre ne consentaient 
qu'avec peine. Timothée a de la sorte travaillé avec 
l'Apôtre à la fondation des principales Églises, Phi- 
lippes, Thessalonique, Bérée, Corinthe, Ephèse. Lors 
de la seconde mission, il collabora, d'une façon parti- 
culière, à l'établissement et au développement des com- 
munautés de Macédoine. Il resta quelque temps à Thes- 
salonique après l'expulsion violente de Paul et de Silas, 
Act., xvil, 10, les rejoignit à Bérée, xvn, 14, et retourna 
à Thessalonique pour y porter aux fidèles persécutés 
les encouragements et les instructions de son maître. 
I Thess., m, 1, 2. De là il revint sans doute à Bérée, 
où était resté Silas, et, en sa compagnie, se dirigea 
vers Corinthe. Leur arrivée marque, depuis l'activité 
apostolique de Paul, un redoublement de zèle. Act., 
xvill, 5. Les trois ouvriers évangélistes séjournèrent 
au moins dix-huit mois dans la capitale de l'Achaïe. 

Silas dut quitter saint Paul vers la fin du second 
voyage pour rester à Jérusalem, son r,glise d'origine. 



Act., xv, 22. Timothée, au contraire, prit part au 
troisième voyage. Durant les trois ans du séjour de 
Paul à Éphèse, il ne s'éloigne de la métropole d'Asie 
que pour une mission en Macédoine avec Éraste et 
plusieurs frères, Act., xix, 22, puis, de là, à Corinthe, 
I Cor., xvi, 11; iv, 17, où il était chargé de rétablir 
l'ordre. Il semble qu'il ait échoué dans cette entre- 
prise. D'un naturel doux et timide, I Cor., xvi, 10, 
il était peu fait pour la lutte. Il ne parvint pas, sans 
doute, à apaiser les désordres entre les divers parti» 
en présence, I Cor., i, 12, et il dut retournera Éphèse 
ou peut-être en Macédoine; c'est là qu'il se trouve au 
moment où saint Paul écrit sa seconde Épître aux Corin- 
thiens. II Cor. , 1, 1. Il le suit dans sa troisième visite à 
Corinthe et figure dans l'Épitre aux Romains parmi 
ceux qui envoient leurs saluts fraternels à cette Église. 
Rom., xvi, 21. Quand l'Apôtre quitte Corinthe pour 
Jérusalem, il fait partie de la caravane qui s'achemine 
vers la Palestine. Act., xx, 4, 5. 

A partir de ce moment, les Actes se taisent sur le reste 
de la carrière de l'illustre disciple. Mais les Épitres de 
la captivité suppléent, en partie, à ce brusque silence. 
On peut affirmer, sans doute possible, que Timothée 
suivit saint Paul à Jérusalem, puis à Césarée, s'embar- 
qua avec lui vers l'Italie, l'assista dans sa prison. Son 
nom se lit dans l'adresse des Épitres aux Colossiens, 
i, 1, à Philémon, i, 1, aux Philippiens i, 1. Saint Paul 
dit même formellement, dans cette dernière Épître, 
qu'il espère envoyer « Timothée » vers eux, h, 19-24. 
Durant la période qui suivit la première captivité, il 
accompagna l'Apôtre à Éphèse et y resla encore quelque 
temps après que celui-ci se fut acheminé de nouveau 
vers Rome en passant par la Macédoine, l'Achaïe et 
l'Épire. I Tim., i, 3. L'Apôtre le chargea de gouverner 
l'Église d'Éphèse et lui adressa, à cette occasion, 
une lettre (la première) pleine de sages conseils. Ti- 
mothée resta en Asie jusqu'au moment où Paul, à la 
veille d'une condamnation certaine, l'appela en toute 
hâte pour qu'il assistât sans doute à ses derniers mo- 
ments et recueillit, en dépôt, le précieux héritage de 
son zèle et de ses suprêmes enseignements. II Tim., 
IV, 21. Par l'Épître aux Hébreux on apprend que le 
disciple fut lui-même emprisonné, puis relâché, xm, 
23. Le reste de son existence et de son activité semble 
s'être passé à Éphèse, où il sera retourné après sa 
sortie de prison. Suivantla tradition, Const. Apost., vu, 
46, 1. 1, col. 1063; Eusèbe, H. E., n i, 44, t. xx, col. 220, 
il aurait été martyrisé dans cette ville, sous Dona- 
tien ou Nerva, en voulant s'opposer à certaines réjouis- 
sances populaires qui tournaient à l'orgie et à la cruauté. 
Ses ossements ont été transportés plus tard, sous Con- 
stance, à Constantinople, Acta sanctorum, januar, t. m, 
p. 562-569 ;Lipsius, Die apocryphen Aposlelgesch.,t. n, 
372-400. Les Églises grecques et arméniennes célèbrent 
sa fête le 22 janvier, l'Église copte, le 23, l'Église latine 
et l'Église maronite, le 24 du même mois, bien que les 
premiers calendriers latins l'aient placée le27 septembre, 
peut-être pour faire suite au jour de la commémora- 
tion de saint Jean, qui avait exercé son apostolat à 
Éphèse. Lipsius, op. cit., p. 392; Nilles, Kalendarium 
manuale utriusque Ecclçsise, Inspruck, 1896. D'après 
plusieurs savants, c'est à lui que s'adresse, comme 
évêque d'Ephèse, le message de l'Apocalypse, II, 1-7. 
On ne sait rien de certain sur ce point. — "Voir 
H. Usener, Acta sancti Timothei, par Polycrate, in-4° 
Bonn, 1877. C. Toussaint. 

4. TIMOTHÉE (PREMIÈRE EPITRE A). — 1» Impor- 
tance. — Cet écrit appartient au groupe des trois lettres 
que la critique appelle, depuis plus d'un siècle Épitres 
pastorales. L'appellation se rencontre, pour la première 
fois, dans un commentaire de P. Anton, Exeget. Abh. 
Der Pastoralbriefe S. Pauli, 2 Theile. Halle, 1753, 1755, 



2219 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2220 



puis chez Wegscheider (1810), Eichhorn(1812), nom qui 
caractérise avec assez d'à-propos (surtout pour la I re à 
Timothée et l'Épitre à Tite) leur objet commun : tracer 
à Timothée et à Tite les devoirs de leur charge. A elles 
seules, ces trois Épitres forment un code parfait à 
l'usage des pasteurs et des dignitaires de l'Eglise, un 
véritable traité sur l'art de gouverner les communautés 
chrétiennes. Le Canon de Muratori, voir Canon, t. n, 
col. 170, en avait déjà perçu l'utilité pratique quand 
il les mentionnait avec cette remarque : in honore 
tamen Ecclesiie catholicse in ordinatione ecclesiasticse 
disciplinscsanctificatse sunt (lignes 61-62). Lesprincipes 
du droit public de l'Église se trouvent en germe dans 
ces écrits et spécialement dans cette première Épitre à 
Timothée. On y voit le pouvoir souverain émaner, non 
de l'assemblée des fidèles, mais de l'autorité apostolique 
transmise par le rite de l'ordination. Épiscopes, prêtres, 
diacres tiennent leurs fonctions non de la communauté, 
mais d'une transmission remontant plus ou moins 
directement aux Apôtres ou à leurs délégués. L'épiscopat 
apparaît déjà comme le futur héritier des pouvoirs apos- 
toliques, le sommet et le pivot de la hiérarchie. I Tim., 
m; Tit., i. A côté de cette esquisse de la constitution 
de l'Église trouvent place des règles de discipline, on 
dirait presque de législation canonique. On y trace 
les devoirs de l'évêque. Il doit être le modèle de ses 
subordonnés, irrépréhensible aux yeux des fidèles et de 
ceux du dehors. I Tim., iv, 12; Tit., n, 6-8. Une liste 
d'irrégularités règle les choix des délégués de l'Apôtre. 
Tit., I. 7. L'apparition des hérésies et des doctrines 
d'erreur invite l'auteur à tracer la ligne moyenne de 
l'orthodoxie et le soin que l'on doit apporter à se préser- 
ver des nouveautés dangereuses. ITim., i, 33-10; vi, 3- 
20. Les fonctions des membres de la hiérarchie sont 
délimitées et réglementée s : cellesde l'évêque, du diacre, 
des veuves attachées au service de l'Église. On entre, 
avec ces détails, dans la vie intime des communautés 
chrétiennes, telles qu'elles étaient vers la fin de l'âge 
apostolique. Le livre qui se rapproche le plus, dans son 
contenu, de ces trois précieuses lettres et qui s'en est le 
plus largement inspiré, sont les Constitutions apos- 
toliques. On peut aussi en saisir l'influence dans le 
Ilepi ispw<rûv/)c de saint Jean Chrysostome, le De officiis 
ministrorum de saint Ambroise et le De pastorali cura 
de saint Grégoire. 

2° Authenticité. — Depuis que la critique rationaliste 
rejette en bloc les Épitres dites pastorales, on s'est habi- 
tué, dans l'autre camp, à les défendre toutes ensemble. 
Leur sort est, en effet, si étroitement lié qu'on ne saurait 
les disjoindre. On suivra donc ce plan, réservant 
néanmoins, à chacune d'elles, les raisons spéciales qu'il 
y a lieu de faire valoir. Un premier fait à noter c'est 
qu'au point de vue des témoignages anciens ce groupe 
de lettres se trouve aussi favorisé que les autres Épitres 
pauliniennes. A peine deux ou trois voix discordantes 
dans l'antiquité : encore ces quelques exceptions 
s'expliquent-elles sans difficulté. L'absence de ces 
lettres dans l'Apostolicon de Marcion peut venir de ce 
qu'il a ignoré leur existence, ces écrits n'étant pas adres- 
sés à des Églises, peut-être aussi, comme le pense saint 
Jérôme, en raison de la façon élogieuse dont ces Ëpttres 
parlent de l'Ancien Testament, de la Loi, des œuvres. 
Pour le même motif, Basilide et Tatien ne voulaient 
pas y reconnaître la main de saint Paul. « Je veux parler, 
écrit saint Jérôme dans sa Préface du Commentaire 
de l'Épitre de Tite, t. xxvi, col. 555, de Marcion et de 
Basilide, qui ont retranché des autres Épitres ce qui 
était contraire à leur dogme, et qui ont même cru pou- 
voir rejeter quelques Épitres tout entières, à savoir 
les deux à Timothée, celle aux Hébreux et celle à Tite. 
Toutefois, Tatien, le patriarche des Éncratites, qui, lui 
aussi, a rejeté quelques Épitres de Paul, a cru devoir 
affirmer tout particulièrement la composition de celle 



à Tite par l'Apôtre, n'attachait aucun poids à l'opinion 
de Marcion et de ceux qui sont d'accord avec lui sur ce 
point. » Sauf ces contradictions intéressées, les Épitres 
pastorales ont été unanimement admises et fort souvent 
citées. Leur affinité d'idées, de tournures, d'expressions 
avec la lettre de Clément de Rome est indéniable. 
Comparer, à cet effet, Clem., lv, 3 = II Tim., n, 1; 
Clem., xliii, 1; n, 3 = II Tim., m, 8; Clem., xxxv, 
2; lv, 6; lxi, 2 = 1 Tim., i, 17; Clem., xxxvn, 1 = 
I Tim., i, 18; II Tim., n, 3; Clém., i, 1; xlvii, 7 = 
I Tim., vi, 1. Mêmes termes caractéristiques : npooSex- 
tov, àitôSextov ; iriaTt; àyaôr,, XaTpeûe'.v èv xaOapôc 
<Tvvei8r)ffei I tiaiêna, àvaÇtomipecv, àytoY^itKjTwBsîç, etc. ; 
même ordre d'idées, Clem., n, 1 = I Tim., vi, 8; 
Clem., i, 3, xliv, 4— ITim., v, 17; Clem., xlii, 4 = 
I Tim., m, 10; Clem., liv, 3 = 1 Tim., m, 13; Clem., 
i, 3 — I Tim., n, 9; Tite, n, 4; Clem., xxix, 1 = 
ITim., n, 8; Clem., n, 2; xxxn, 3 = II Tim., I, 9; 
Tite, m, 5-7; Clem., n, 7 = Tite, m, 1; Clem., lxi, 1 
= Tite, m, 1; I Tim., Il, 2. L'Épître à Barnabe offre, à 
son tour, plusieurs points de contact : v, 6, xaTapyeïv 
ibvBàvaTov, détruire lamort, semble venir de II Tim., i, 
10; IV, 6, âm<7(ûps'jeivte<; taï; àfjuxpuat;, accumulant les 
péchés, de II Tim., m, 6; çavepto6r|vai èv aâpxi, être 
manifesté en chair, de ITim., ni, 16; surtout, xiv, 6, 
XuTpaxjâjxevov tj^lcIç èx toO <jx6touç lioinàjou êauTûJ Xaôv 
âyiov, nous ayant rachetés des ténèbres pour se pré- 
parer un peuple saint, de Tite, n, 14. Point d'allusions 
dans la Didaché ni dans le Pasteur d'Hermas, mais, 
en revanche, de frappantes analogies avec les lettres de 
saint Ignace et de saint Polycarpe (pour le détail, voir 
Texte und Untersuchungen, XII, ni, p. 107-118, 186- 
194) telles que avaÇo)Trjp£Îv, àva'Vj'/^î £T£po3i8a<r/.aXsrv, 
xaTâdTV]fia, le Christ appelé -q èXm'î ï][j.à)v. Lettre de 
saint Ignace ad Tull., ad Magn., 8; ad Polyc, 3 t. v, 
col. 543 sq.). Dans l'Épitre de Polycarpe, IV, v, vm, IX, 
xii, les recommandations aux veuves, aux diacres, aux 
presbytres sont à peu près toutes tirées des Pastorales. 
Von Soden reconnaît qu'à partir d'Ignace et de Poly- 
carpe, la priorité littéraire, douteuse pour Clément et 
l'Épitre à Barnabe, appartient certainement aux Pasto- 
rales. Saint Justin a textuellement emprunté une phrase 
de l'Épitre à Tite, m, 4, quand il dit, Dial., c. xlvii, t. vi, 
col. 575 : « Car la bonté et la philanthropie de Dieu envers 
les hommes... » Une influence de I Tim., m, 16, se 
remarque aussi dans ce passage de YEpître à Diognète, 
c. v, t. n, col. 1173 : Prêché par les Apôtres, il a été 
cru par les païens. On rencontre de semblables em- 
prunts dans Hégésippe, Eusèbe, H.E., III, xxxn, t. xx, 
col. 284, dans la II a Clementis, chez Athénagore, Théo- 
phile, la Lettre des Eglises de Vienne et de Lyon, t. v, 
col. 1401 ; Eusèbe, H. E., v , 1, t. xx, col. 407 ; le Testa- 
ment des douze Patriarches, t. ix, col. 1025. Enfin l'in- 
sertion de ces lettres dans les versions syriaque et latine 
ainsi que leur mention dans le Canon de Muratori prou- 
vent qu'elles faisaient partie, dès le spcond siècle, du 
canon des Églises de Syrie et d'Occident. D'autre part, 
saint Irénée, Adv. hser., II, xiv, 7; IV, xvi, 3; III, xiv, 
1, t. vu, col. 755, 914, 1017; Tertullien, De presser., 
c. vi, xxv, t. n, col. 18, 37; Clément d'Alexandrie, 
Strom., II, xi, t. vin, col. 990, les attribuent formelle- 
ment à saint Paul. En résumé, ces trois Kpitres offrent, 
du côté des preuves de tradition, autant de garanties 
que celles dont on ne songe pas à contester l'authen- 
ticité. Pourtant, la majorité des critiques la leur refuse 
encore à cause d'arguments internes dont on discutera 
plus loin la valeur. Les premiers doutes remontent à 
Schleiermacher, qui, à propos d& quelques objections 
de J. E. B. Schmidt sur l'authenticité de la 1" à 
Timothée, se mit à faire ressortir le manque de liaison 
des idées, les tournures de style étrangères à Paul, la 

j difficulté de situer cet écrit dans la vie de l'Apôtre. 

' Ueber den sog. erslen Brief des Paulen an den Tim., 



2221 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2222 



1807. Il en concluait que la première Épitre à Timothée 
avait été composée par un plagiaire à l'aide des deux 
autres Épitres pastorales. A son opinion se rallièrent 
plus tard Usteri, Lûcke, Bleek, Neander, tandis que 
Planck (1808), Beckhaus (1810) et Wegscheider (1810) 
entreprirent la défense de l'Épitre incriminée. Ces 
apologistes faisaient observer que les raisons alléguées 
contre la première Épitre à Timothée pouvaient, au 
même titre, être apportées contre les deux autres. 
Eichhorn (1812) souscrivit à ce raisonnement, mais pour 
le retourner contre les trois lettres ensemble; toutefois 
il Jes rattachait encore à l'Apôtre par un lien, en 
l'attribuant à un de ses disciples qui aurait consigné 
là les directions de son maître. Pendant une vingtaine 
d'années, les mêmes conclusions sont défendues par 
de Wette, Schrader, Mayerhoff, combattues par Hug, 
Bertholdt et Feilmoser. Mais Baur, en 1835, ne se con- 
tenta pas de nier l'authenticité des Pastorales, il cher- 
cha, dans son Die sog. Pastoralbriefe des Apostels 
Paulus, les motifs de cette composition apocryphe et 
crut les découvrir dans l'intention qu'aurait eue l'auteur 
de combattre, sous le nom et l'autorité de Paul, les 
erreurs gnostiques, surtout celles de Marcion et de 
Valentin. Ces lettres ne seraient alors que de la moitié 
du second siècle. A peu de choses près, telle est l'opi- 
nion de Schwegler, Bruno Bauer, Hilgenfeld, Mangold, 
Meyer, Schenkel, Hausrath, Weizsàcker, Davidson, 
Harnack, Scholten, Beyschlag, Sabatier, Von Soden. 
Quelques critiques (Lôftler, Usteri, Lûcke, Bleek, 
Neander, Ritsehl et Krauss) acceptent la II e à Timo- 
thée et l'Épitre à Tite mais repoussent obstinément 
la première à Timothée. Du côté des défenseurs des 
Pastorales se rencontrent, outre les commentateurs ca- 
tholiques, bon nombre d'exégètes protestants, surtout 
parmi ceux qui ont écrit des commentaires ex pro- 
fesse). On peut leur adjoindre Otto, Kôlling, B. Weiss, 
dans son Introduction et dans Meyer, 5 e édit., 1886; 
Bertrand, Essai critique sur V authenticité des Épitres 
pastorales, 1888; Bourquin, Étude critique sur 
l'authenticité des Ep. past., 1890. D'autres n'osent se 
prononcer : Rolle, De authentia epist. pastoralium, 
1841; Scharling, Dieneuesten Untersuchungen ùberdie 
sog. Pastoralbriefe, 1846. De nos jours, on est revenu, 
dans le camp critique, à l'hypothèse admise dès 1836 
par Credner et l'on reconnaît, dans les Pastorales, au 
moins dans le II e à Timothée et l'épitre à Tite, un noyau 
paulinien amplifié, vers la fin du I er siècle, par 
quelque disciple de Paul à l'aide des autres écrits de 
l'Apôtre. Chacun varie dans la part à faire aux éléments 
authentiques. Ainsi Hausrath (1865) trouve les restes 
d'une lettre de Paul dans II Tim., i, 1, 2, 15-18; IV, 9- 
18; Krenkel (Paulus, 1869), Tit., m, 12, 13 + II Tim., 
iv, 19-21, 9-18; i, 16,18; Grau pense que Tite et Timo- 
thée ont eux-mêmes développé, à l'aide de leurs sou- 
venirs personnels, des billets qu'ils avaient reçus de 
l'Apôtre. Ménégoz (1872) reconnaît le caractère pauli- 
nien des trois lettres, mais, en même temps, il découvre 
les traces d'interpolations certaines, postérieures à la 
mort de l'Apôtre. Renan (1869), Beyschlag (1874) et 
Sabatier (1881) admettaient l'existence de billets authen- 
tiques adressés à Tite et à Timothée, puis amplifiés 
plus tard pour appuyer le mouvement des Églises vers 
la hiérarchie et la discipline ecclésiastique. 

D'après Hesse (1889), la I re à Timothée comprend elle- 
même des passages de source paulinienne, par exemple, 
le premier et le sixième chapitre; la seconde est com- 
posée de deux lettres, l'une apocryphe, l'autre à parties 
authentiques, i, 16-18; IV, 9-22. La lettre à Tite serait 
également de Paul, au moins quant au passage relatif 
aux hérétiques, emprunté d'ailleurs à la I re à Timo- 
thée. On aurait opéré ces fusions et ces amplifications 
d'épitres pour donner aux évéques une sorte de manuel 
de discipline ecclésiastique. Ces écrits précéderaient 



de peu d'années les lettres de saint Ignace. Telles sont, 
en général, les positions de la critique, à l'égard de 
ce dernier groupe d'épitres pauliniennes. Voici main- 
tenant les principaux arguments qu'elle a fait valoir, 
et les réponses qu'on leur a opposées. 

I. La situation historique. — On objecte l'impossi- 
bilité absolue de faire entrer nos trois lettres dans la 
contexture historique de la vie de saint Paul, telle 
qu'elle résulte des données prises dans les Actes et 
complétées par les Épitres certaines. Ni la première ni 
la seconde Épitre à Timothée ni l'Épître à Tite ne peu- 
vent trouver place dans les Actes. Ainsi, en ce qui 
regarde la I™ à Timothée, aucune des deux hypothèses 
imaginées à cet effet ne paraît donner satisfaction. 
Celle qui, par exemple, essaie de dater cette lettre 
du voyage que Paul fit en Macédoine après son séjour 
de trois ans à Éphèse, Act., XX, 1, ne s'adapte pas aux 
circonstances de cette partie de la vie de saint Paul. 
Mais bien des raisons rendent cette supposition inad- 
missible. En effet, d'après les Actes eux-mêmes, xix, 
22, Timothée avait devancé son maître en Macédoine, 
où Paul le rejoignit peu après et d'où il écrivit la se- 
conde lettre aux Corinthiens. II Cor., I, 1. De plus, 
quand Paul quitta Éphèse, après son long séjour de 
trois ans, il avait l'intention de gagner Jérusalem sans 
repasser parl'Asie. Act., xiv,21;xx, 1, 3,16; ICor.,xvi, 
4; II Cor., 1,16. Or, dans cette Épitre, il annonce l'intention 
de revenir à Éphèse. Imagine-t-on, d'autre part, l'oppor- 
tunité des recommandations de l'Apôtre s'il ne s'agit, 
pour Timothée, que de prolonger son séjour de quel- 
ques semaines ou même de quelques mois? Dira-t-on, 
pour écarter ces objections, qu'il est ici question, 
I Tim., i, 3, d'un voyage non raconté dans les Actes, 
voyage que Paul aurait fait durant ses trois ans de sé- 
jour à Éphèse? En soi, il est vrai, cette supposition ne 
serait pas inadmissible, car les Actes passent sous 
silence nombre de faits importants dans la biographie 
• de l'Apôtre. Elle aurait même l'avantage, si l'on pro- 
longe l'itinéraire de Paul jusqu'en Crète, de rattacher 
à cette période de la vie de Paul l'Épitre à Tite. Seule- 
ment, le fatal verset I Tim., 1,3, estlà pour s'opposer à 
toute idée d'un séjour prolongé à Éphèse, permettant, 
tout au plus, une courte visite. Au surplus, il ne faut 
pas multiplier, au delà de toute mesure, les allées et 
venues de l'Apôtre pendant son séjour dans la métropole 
d'Asie. Quand on a intercalé, durant cette période, un 
voyage à Corinthe, pour se mettre d'accord avec la 
teneur des deux Épitres adressées aux fidèles de cette 
Église, c'est assez. L'activité de Paul se déploya plutôt 
du côté de l'Orient et l'on conçoit mal une interrup- 
tion de ses travaux apostoliques en Asie, pour un autre 
motif que celui de parer à la situation critique survenue 
tout à coup à Corinthe. Qu'on ajoute. à ces raisons les 
différences de style et d'idées qui séparent cette 
I re Épitre à Timothée, comme les autres pastorales, du 
cycle des grandes Épitres, le genre d'hérésies dont elle 
parle, l'organisation de la hiérarchie à Éphèse, toutes 
choses qui ne conviennent guère au temps de la troi- 
sième mission. Avec la deuxième Épitre à Timothée les 
difficultés sont encore plus grandes. La lettre serait 
écrite durant la première captivité de Paul à Rome. 
Or, les traits épars, dans cette Épitre, ne s'accordent 
pas avec les données fournies par les Actes et les autres 
épitres de la captivité. D'après la seconde Épitre à Ti- 
mothée, en effet, l'Apôtre est en prison, à Rome sans 
doute (i, 8, 12, 16, 17; n, 9-10), Timothée, à Éphèse. On 
donne, comme récent, un voyage de saint Paul à tra- 
vers l'Archipel : à Milet, il a laissé Trophime malade, 
iv, 20 ; à Troade, il a laissé son manteau et des notes 
chez Carpus, rv, 13; Éraste est resté à Corinthe, iv, 20 : 
l'Apôtre y a donc fait escale. Puis on donne des indica- 
tions sur la marche du procès. Tous ces détails ne sau- 
raient concorder avec ce que les Actes disent du voya ge 



2223 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2224 



de Paul captif. Paul ne traversa pas l'Archipel; il ne 
put aller ni à Milet, ni à Troade, ni à Corinthe, la 
tempête ayant poussé le navire vers la Crète, puis sur 
Malte. Quant au* Épitres certaines de la captivité de 
Rome, celles aux Colossiens et aux Éphésiens, à Philé- 
mon, aux Philippiens, rien ne cadre entre la situation 
qu'elles reflètent et celle que suppose la seconde Épitre 
à Tiraothée. Essaiera-t-on avec plus de succès une 
conciliation enlre les Actes et l'Épitre à Tite? Mêmes 
impossibilités. Selon les Actes, saint Paul ne fait que 
toucher la Crète, en naufragé et en prisonnier, non en 
fondateur d'Églises. La lettre, d'ailleurs, n'aurait pu 
être écrite qu'à Rome, en captivité. Comment Paul 
pourrait-il écrire qu'il a l'intention d'aller passer 
l'hiver à Nicopolis, voir m, 12? Pourquoi ne fait-il au- 
cune allusion à son état de prisonnier? Ces incohérences 
obligent donc les défenseurs de l'authenticité à rejeter 
ces Épîtres en dehors du cadre des Actes. On a renoncé 
aux essais tentés par quelques exégètes, Bartlet, Apos- 
tolic âge, p. 179-182; Bowen, The dates of the Pas- 
toral Epistles, Londres, 1900, pour intercaler les Pas- 
torales dans la trame du livre des Actes. La seule voie 
possible paraît être de reporter la rédaction de ces 
trois écrits dans un période de la vie de Paul placée en 
dehors des Actes. L'Apôtre, après deux ans de captivité, 
aurait comparu devant Néron, aurait été acquitté et 
aurait repris, du côté de l'Orient, peut-être même de 
l'Occident, ses courses évangéliques. C'est durant cette 
ère de liberté qu'il aurait visité l'Archipel, revu Éphèse, 
la Macédoine, l'Achaïe, l'Épire. La première lettre à 
Timothée et celle à Tite dateraient de ce voyage. Re- 
venu à Rome, Paul aurait été de nouveau incarcéré; là, 
il aurait écrit sa seconde missive à Timothée et aurait, 
peu de temps après, subi le dernier supplice. L'histo- 
ricité des Pastorales se trouve ainsi liée à la question de 
la seconde captivité de saint Paul, point d'histoire dif- 
ficile à établir, il est vrai, mais ayant pour lui un en- 
semble de conjectures assez vraisemblables sans qu'il 
soit nécessaire, comme le pense B. Weiss, de tourner 
dans un cercle vicieux et de prouver l'authenticité de 
nos trois lettres par le second emprisonnement de saint 
Paul, et la réalité de celui-ci par l'existence de celle-là. 
Il faut, avant tout, convenir que la mention d'une se- 
conde période active de saint Paul, au delà des Actes, 
n'est attestée formellement par aucun auteur antérieur 
au iv« siècle. Eusèbe de Césarée, H. E., II, xxn, 2, 
xx, col. 194, est le premier à parler en termes expli- 
cites d'une seconde captivité à Rome, en alléguant deux 
passages de la seconde Épitre à Timothée, iv, 6, 16-18. 
Puis viennent les témoignages divers de saint Jérôme. 
Le premier, où le voyage en Espagne est vaguement en- 
veloppé dans l'expression : in Occidentis partibus^ De 
vir. ill., 5, t. xxiii, col. 615; le second, où l'auteur 
rapporte l'opinion des Nazaréens sur la prédication de 
saint Paul, In ls., vm, 23; ix, 1, t. xxiv, col. 123, 125; 
in terminos gentium et viam universi maris Christi 
evangeliumsplendu.it; le troisième, où, parlant d'après 
ses propres idées, il dit, In ls., xi, t. xxiv, col. .151 : Hic 
ltaliam quoqueel, ut ipse scribit,ad H ispanias alieni- 
genarmn portalus est navibus; le quatrième, Tract, de 
Ps. LXXXIU, Anecd. Maredsol., m, 2, 805 : dsinde dicit 
quod de urbe Ronia ierit ad Hispaniam. Voici, par 
ordre, les indices d'après lesquels on peut conjecturer, 
faute de textes catégoriques, une seconde captivité 
de saint Paul à Rome : 1° Les espoirs de délivrance 
prochaine qui se font jour dans plusieurs Epîtres 
de la première captivité, notamment dans l'Épitre 
à Philémon, f. 22, surtout dans l'Épître aux Philip- 
piens, i, 19, 25; H, 21, espoirs qui ne paraissent pas 
être de simples désirs mais des conclusions sur la 
marche du procès. Les Actes, xxv, 25; xxvi, 32, laissent 
déjà entrevoir cette issue, en montrant combien Festus 
était favorable à l'Apôtre. Nul doute que son rapport à 



l'empereur, pièce capitale de l'affaire en cours, n'ait 
conclu à l'innocence du prisonnier, xxvi, 32, aucun 
fait nouveau n'étant survenu, ni aucune nouvelle in- 
trigue du côté de Jérusalem. Act., xxvm, 20. Le sanhé- 
drin avait d'ailleurs suffisamment de difficultés, à 
ce moment-là, avec l'autorité romaine, pour perdre de 
vue son adversaire. On était proche des troubles qui 
amenèrent la guerre de Judée. 

2° La tradition romaine d'un voyage de saint Paul en 
Espagne. Cette tradition semble attestée par le passage 
célèbre mais tant discuté (c. v) dans lequel Clément de 
Rome écrit : « Paul aussi a reçu le prix de la patience, 
ayant porté sept fois les chaînes, ayant été fugitif, la- 
pidé, après avoir prêché la justice en Orient et en Oc- 
cident, il a obtenu la noble renommée de sa foi. Après 
avoir instruit le monde entier dans la justice et être 
arrivé au terme de l'Occident (rlpy.* xïjç S-Jtr£t«>c) 
et avoir rendu témoignage devant les chefs, il a été 
retiré de ce monde et s'en est allé dans le saint lieu, 
étant devenu le plus grand modèle de constance. » Or, 
l'expression -tipua Trjç 8-j<te«;, chez les auteurs grecs 
(Strabon, II, i; Philostrate, VilaApoll.,\, iv; Appien, 
Proœm., 3; Hispan., 1; Eusèbe, Vila Const., I, vm, 
2-4), servit à désigner l'Espagne. On objecte sans doute 
qu'en prenant Jérusalem pour point de départ de l'apos- 
tolat de Paul, Clément peut, se permettre une hyper- 
bole oratoire, placer Rome aux confins de l'Occident, 
afin d'achever sa comparaison et assimiler la marche 
de l'Apôtre à celle du soleil. L'Occident, pour les 
Latins, commençait à la mer Adriatique et à la mer 
Ionienne. Appien, liell.civ., V,64;Mommsen,iîes n'esta? 
Augusti, p. 118. De la sorte on pouvait dire, à la ri- 
gueur, que Paul avait prêché dans les deux mondes, 
même s'il n'avait pas dépassé l'Italie. Mais, en regardant 
de plus près, dans son contexte, la valeur dumotxépua, 
il est difficile de ne pas lui laisser son acception pre- 
mière. L'intention de l'auteur, en l'adoptant, parait être 
d'avoir voulu préciser la locution précédente « le monde 
entier » et marquer ainsi que la tâche de Paul avait at- 
teint, avanlson martyre, une limite qu'elle ne pouvait 
dépasser. Le programme apostolique comportait d'ail- 
leurs, comme l'indique l'Épître aux Romains, x, 18, 
complétée parxv, 24, 28, et II Cor., x, 16, l'évangélisation 
de l'Espagne, point terminus du monde connu. On 
conçoit mal que Clément de Rome, qui avait su les pro- 
jets de l'Apôtre, eût osé dire que Paul avait instruit le 
monde entier et touché le terme de l'Occident, si en 
réalité les événements s'étaient opposés à l'exécution de 
ce dessein. Il faut songer que les lignes émanent d'un 
témoin oculaire et sont écrites trente ans après 
la mort de saint Paul, et à des gens qui avaient connu 
l'Apôtre et étaient au courant de sa vie et de ses tra- 
vaux. Quelques auteurs, voir Zahn, Einleit., 3 e édit., 
1906, p. 449, insistent, en outre, pour établir une 
seconde captivité romaine, sur les sept emprisonne- 
ments mentionnés dans le même passage de la lettre 
de Clément, le 1 er à Philippes, le 2« à Jérusalem, le 3 e à 
Césarée, sous Félix, le 4 e sous Feslus, le 5 e en mer, le 
6 e à Rome (l re captivité), le 7 e de nouveau à Rome 
(seconde captivité). Mais il y a suffisamment de parties 
solides dans la thèse exposée sans recourir à ces énu- 
mérations subtiles et un peu arbitraires. Beaucoup 
meilleur est l'appoint fourni par la phrase incorrecte 
et mutilée du Fragment de Muratori, ligne 37, que l'on 
peut traduire : « Comme Luc le montre lui-même avec 
évidence en omettant la passion de Pierre et aussi le 
départ de Paul pour l'Espagne. » L'auteur a voulu dire 
pour expliquer, sans doute, la fin si brusque des Actes, 
que saint Luc n'avait voulu raconter que des faits 
qui s'étaient passés en sa présence, raison inexacte, 
il est vrai, mais précieuse par la tradition dont elle se 
fait l'écho. On tenait donc pour certain à Rome, vers la 
fin du II e siècle, le voyage de Paul en Espagne, ce qui 



2225 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2226 



précise et corrobore le document de Clément Romain. 
Trente ans plus tard, les Actes de Pierre, écrits d'ori- 
gine gnostique, attestent que Paul est allé prêcher en 
Espagne, à la suite d'une vision. Pendant son absence 
de la Ville sainte, qui n'a duré qu'une année, Pierre 
vint de Jérusalem à Rome pour combattre Simon le 
Magicien et mourut avant le retour de l'Apôtre. Les 
Actes de Xantippe et de Polyxène, Apocr. aned., édit. 
James, 4893, i, 58-85, si étroitement apparentés aux 
Actes de Pierre, font également émigrer Paul de Rome 
vers l'Espagne pendant quelques mois, comme pour 
donnera Pierre le temps de venir d'Orientluttercontre 
son adversaire traditionnel, Simon de Samarie. Il n'est 
pas sûr qu'Origène, xm, In Gen., t. xn, col. 233, ait 
parlé du voyage de Paul en Espagne, mais on en trouve 
une mention formelle dans saint Cyrille de Jérusalem, 
Cal., xvn, 26; xxvm, 9, t. xxxm, col. 597; saint Épi- 
phane, Hser., xxvn, 6, t. xli, col. 373, saint Éphrem, 
Expos, ev. concord., 286 : Paulus ab urbe Jérusalem 
usque ad Hispaniam [prxdicavit] ; saint Chrysostome 
qui avait lu de confiance les Actes de Paul, In Epist. 
Il adTim., Boni., x, 3, t. lxh, col. 659; etc. ; Théodoret, 
In Phil., i, 25, t. lxiii, col. 568. 

Toutes ces dépositions venues de points si divers ne 
sauraient, du moins avec facilité, trouver leur raison 
suffisante dans l'exégèse du passage si connu, xv, 2i, 28, 
de l'Épitre aux Romains, où l'Apôtre forme le projet 
d'aller en Espagne. Cela apparaîtra encore mieux si 
l'on observe qu'Eusèbe de Césarée, le premier auteur 
qui, dans l'antiquité, ait explicitement parlé des deux 
captivités de saint Paul, ne dit rien et ne parait rien 
savoir de ce voyage oulre-monts. Même silence chez 
Euthalius (vers 350), qui compte dix ans entre les deux 
captivités. Il semble donc résulter des variantes mêmes 
de Ja tradition une donnée constante et apparemment 
solide, celle d'un intervalle plus ou moins long entre 
les deux captivités de l'Apôtre. 

Peut-on, avec nombre d'auteurs, apporter à l'appui 
de cette conclusion la fin si brusque du livre des Actes? 
Il est à craindre que ce nouvel argument n'ajoute pas 
grande lumière, soit que l'on suppose avec assez d'in- 
vraisemblance, il faut en convenir, que saint Luc ait 
eu l'idée de composer un troisième livre pour raconter 
lu suite de la vie de son héros (Ramsay, Saint Paul, 
p. 309; Spilta, Vie Apostelgeschickle, p. 318), soit qu'on 
place la rédaction des.Actes avant la mort de saint 
Paul. On peut croire, en effet, que ce silence — il y en 
a bien d'autres dans ce livre et non moins étonnants 
— vient, comme les précédents, du plan même de l'ou- 
vrage qui, tout en narrant les exploits apostoliques des 
Apôtres, n'avait cependant pas l'intention de faire des 
biographies, mais d'exposer la diffusion rapide de l'Évan- 
gile à travers le monde sous l'action divine de l'Esprit. 
S'il n'est pas fait mention de la mort de Paul, ce pou- 
vait être parce que cet événement ne servait en rien 
à la thèse posée et que chacun avait dans la mémoire 
la façon dont s'était terminée cette vie incomparable- 
En résumé, tout compte fait, entre les deux opinions 
adverses sur les dernières années de l'Apôtre, on ne 
peut traiter de manifestement improbable celle qui, re- 
cueillant les divers échos du passé, croit y démêler 
l'attestation d'une activité postérieure au premier em- 
prisonnement et pouvants'adapter à la situation histo- 
rique des Pastorales. L'hypothèse du voyage de saint 
Paul en Espagne n'y contredit pas : elle aide plutôt à 
établir qu'on avait gardé à Rome le souvenir d'une 
période d'évangélisation entre les deux captivités. 
Quand même l'Apôtre aurait abandonné à Rome son 
dessein primitif de prêcher aux confins de la terre, 
réservant la fin de ses travaux aux Eglises d'Orient, il 
resterait, de cette persistance à imaginer son action en 
Espagne, le fait qu'on ne pouvait terminer par une 
seule captivité la fin d'une existence si active et limiter 



à Rome ses derniers travaux apostoliques. Qu'on sup- 
pose maintenant, dans le même milieu, la certitude 
absolue de la façon dont Paul avait terminé sa vie, en 
l'expliquant par une exécution capitale, suite naturelle 
de son procès devant César, on aura à chercher l'origine 
commune de ces traditions. 

II. Hérésies. — Les erreurs signalées par l'auteur des 
Pastorales ont exercé, dès le début, l'art divinatoire de 
la critique. Le terrain sur lequel se rejoignent toutes 
les conjectures imaginées dans ces derniers temps, 
c'est le fond de gnosticisme plus ou moins caractérisé 
que l'on s'accorde à identifier avec ces rêveries fantas- 
tiques. Les divergences — et ceia influe naturellement 
sur la date et l'origine des Épîtres controversées — 
portent sur les diverses formes de gnosticisme aux- 
quelles répondent les indications que nous fournissent 
ces mêmes Épitres. Baur, Paulus, p. 110, essaya de 
prouver qu'on y trouvait les doctrines gnostiques du 
second siècle, particulièrement celles de Marcion. Il 
voyait dans l'expression J/EuSwvûftoy yvcôusmc, I Tim., VI, 
20, l'appellation quasi officielle des théories marcionites 
et croyait découvrir jusque dans le terme àvTi8£<j£iç, 
I Tim., vi, 20, le titre de l'ouvrage de Marcion sur les 
contradictions entre l'Ancien et le Nouveau Testament. 
D'autre part, les [niOoi xa\ YsvEaXoyfai, I Tim., IV, 7, rap- 
pelaient les doctrines émana tistes de la gnose. Déjà saint 
Irénée, Adv. hser., Prsef., i, t. vu, col. 23; Tertullien, 
Presser., 7, 16,33, t. H, col. 19, 29, 46; Adv. Valent.,3, 
col. 545; De anima, 18, t. m, col. 678, et sainlÉpiphane, 
Hxres., xxxm, 8, t. xli, col. 587, avaient pensé, en li- 
sant ces passages, soit à Marcion soit à Valentin ; ils y 
trouvaient longtemps écrite à l'avance, par l'Apôtre, la 
condamnation de ces dangereux hérétiques. L'objection 
capitale qui se présente comme d'elle-même en face de 
cette opinion, c'est le caractère judaïque de ces erreurs. 
Comment transformer Marcion et Valentin en scribes 
et en partisans de la Loi (vou.oSi8i<xxa).oi), des ennemis 
aussi déclarés.du mosaïsme? Plleiderer et Holtzmann, 
pour parer l'argument, disent que le faussaire, afin de 
mieux couvrir sa pieuse fraude, aurait prêté à ses doc- 
trines une couleur de judaïsme, Paul ayant forcément 
gardé quelque chose de sa lutte avec les judaïsanls, so- 
lution bien subtile et fort au-dessus de la moyenne des 
auteurs d'ouvrages apocryphes. Le sentiment de Baur 
est néanmoins adopté, avec des variantes, par de Wette, 
Zeller, Volkmar, Scholten, Pfleiderer, Krenkel. Ainsi 
Hilgenfeld et Davidson quittent Marcion et Valentin 
pour Saturnin et pour les marcosiens ; Lipsius et 
Schenkel ont songé aux Ophites; Mayerhoff. à Cérinthe; 
Michaëlis et Mangold, à des Esséniens christianisés ; 
Wieseler, à des néopythagoriciens; Reuss et Néander, 
à des judaïsants influencés par le gnosticisme latent 
qui germait en Orient dès l'apparition du christia- 
nisme; Otto et Doehne,au judaïsme alexandrin, nourri 
des idées de Philon et échafaudant, sur tes généalogies 
de la Genèse, des allégories spirituelles de toutes 
sortes. Suivant Godet, qui reprend à son compte l'hypo- 
thèse d'anciens critiques comme Grotius, Herder, 
Baumgarten, on aurait, dans les Pastorales, un spéci- 
men anticipé de cette philosophie juive Bi étrange et 
si fantastique qui s'est développée si longtemps à côté 
de la Loi et qui n'a été fixée par écrit que beaucoup 
plus tard, sous le nom de Cabbale. Un choix ferme, 
parmi tant de divergences, est chose bien difficile. Et 
cela, pour deux raisons capitales : la première, c'es 
que les origines du gnosticisme sont très obscures ; la 
seconde, c'est que les erreurs désignées-là ne sont pas 
suffisamment caractérisées pour qu'on puisse les iden- 
tifier avec tel ou tel système d'hérésie nettement connu. 
i Ne pourrait-on pas dire, avec Renan, qu' <c au lieu de 
rejeter l'authenticité des passages du Nouveau Testa- 
ment où f'on a trouvé des traces de gnosticisme, il faut 
quelquefois raisonner à l'inverse et chercher dans ces 



2227 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2228 



passages l'origine des idées gnostiques qui prévalurent 
au second siècle ?» On sait, en effet, que le gnosti- 
cisme, qui a pris une si grande extension durant l'âge 
postapostolique, ne peut être localisé dans un seul 
pays d'origine ni dans une époque déterminée. Ses 
racines se prolongent jusqu'à l'ère apostolique. On 
observe, d'autre part, que le danger qu'offraient les 
faux docteurs ici en cause était plutôt d'ordre moral 
(itovïjpoi avBptoTtoi, cf. II Tim., iv, 3 ; II, 25 ; m, 2-7 ; 
I Tim., vi, 4) que d'ordre dogmatique. Aussi l'auteur 
des susdites Épîtres ne se perd-il pas contre eux en 
discussions théoriques. Il flagelle leurs vices et leurs 
dérèglements. Aux membres de l'Église, il trace, pour 
les mettre en garde contre de tels exemples, une règle 
de conduite à l'opposé de ces lamentables excès. De là, 
ces conseils de tempérance, de modération, de justice, 
de chasteté, de modestie, de désintéressement, d'hon- 
nêteté, qui constituent la partie marquante de ce groupe 
de lettres. 

Au point de vue de l'enseignement doctrinal, voici 
les traits fondamentaux qu'on a pu recueillir. Les 
fausses théories contre lesquelles l'auteur met en garde 
ses disciples et leur ordonne de combattre présentent 
diverses faces. D'abord elles sont essentiellement juives 
d'origine et de tendance. Ceux qui les exposent se 
paient du titre de vouoSiSâaxaXoi, I Tim., I, 7 ; ils 
appartiennent au parti de la circoncision, Tit., i, 10 ; 
ils aiment les disputes de la casuistique d'école, [i.â-/ai 
vou.ixaî, Tit., m, 9, discutent sur les mythes juifs, 
'IouSaïxol nûôoi, les traditions rabbiniques, èvroXai 
àvOptûiTwv, Tit., i, 14; ce sont des ennemis déclarés de 
saint Paul ; ils nient ou mettent en doute son apostolat. 
I Tim., i, 1, 20; n, 7. Ce judéo-christianisme n'est pas 
celui que l'Apôtre a combattu dans ses grandes Épltres, 
c'est-à-dire le pharisaïsme légal ; ce n'est pas non plus 
l'essénisme asiatique et mystique des Épîtres aux Colos- 
siens et aux Éphésiens ; c'est une forme de judaïsme 
qui affecte une tournure puérile et fait penser aux 
fables et aux extravagantes histoires du Talmud. Ce 
sont des contes de vieilles femmes, |j.û8oi ^patiSs^, 
I Tim., iv, 7, des fables profanes péérjXot des généalo- 
gies interminables, YsveaXoyiat àirépavtoi, des disputes 
vides de sens, tiwpai ÇïjTï|<j-etç- ITim., n, 23; Tit., m, 
9, des batailles de mots, XoYO|/.ax ! 'a'- I Tim., vi, 4. On 
peut avoir un exemple de ce fatras de mythes et de 
légendes dans le livre d'Enoch, le livre des Jubilés et 
le traité d'Antiquités bibliques attribué à Philon. Hort, 
Judaïstic christianity, p. 130-146. L'histoire des pa- 
triarches y est la base habituelle des contes les plus 
fantastiques. A ces vaines et creuses spéculations se 
mêlait un ascétisme exagéré, imposant des abstinences, 
I Tim., iv, 1-4, établissant de rigoureuses distinctions 
entre les choses pures et impures, condamnant le 
mariage, I Tim., i, 4, 6, 7 ; iv, 3, 4, 7 ; II Tim., m, 1-9, 
et favorisant, par contre, une licence de mœurs révol- 
tante. C'est de ce côté surtout que l'affinité serait plus 
apparente avec le gnosticisme. Cf. Clément d'Alex., 
Stron)., Hl,3; t. vm, col. 1114; Tertullien, Adv.Marc, 
1,14, t. n, col. 262; S.Irénée,fîœr.,i, 28, t. vu, col. 690. 
Le but pratique de ces théories malsaines, c'est un 
gain sordide, Tit., I, 11, ala-/po-j xipSouc "/«P'v ,' I Tim., 
VI, 5, voeuÇovtmv Tropurp-bv gtvai ttjv eùtréëeiav ; c'est 
même la débauche, pénétrant domos et captivas 
ducunt mulierculas oneratas peccatis. II Tim., m, 6. 
Bien que l'apparition de ces faux docteurs semble être 
réservée à un avenir plus ou moins éloigné, en ce 
qu'elle est mise en rapport avec des prédictions rela- 
tives aux derniers temps, ï(s%cnai riu-spai, II Tim., ni, 
1 ; êv ierrâpotç xaipoîç, I Tim., iv, 11, il n'est pas né- 
cessaire de croire ici à une pure prédiction, mais à 
une conjecture fondée sur l'état de choses actuel, que 
l'imminence de la Parousie ne peut qu'aggraver, puis- 
que alors doivent paraître tant de faux prophètes. 



Matth.,xxii, 24. Il n'y a donc en résumé, dans l'analyse 
des erreurs qui viennent d'être examinées, aucun motif 
absolu de chercher les personnes ou les tendances 
combattues dans ces Épîtres à une grande distance de 
l'époque apostolique proprement dite, et, en particu- 
lier, parmi les divers systèmes gnostiques du n« siècle. 
L'opinion qu'on se forme là-dessus résulte, d'ordinaire, 
de celle qu'on a déjà sur l'authenticité de ces Épîtres. 
Dans ce large syncrétisme d'idées juives, grecques, 
orientales, esséniennes, gnostiques qui faisaient le 
fond de ces doctrines étranges, il y a place pour tous 
les rapprochements, pour toutes les analogies, pour 
toutes les suppositions. 

III. Organisation ecclésiastique. — Les progrès qui, 
d'après les Epîtres pastorales, se sont accomplis par 
l'Église dans la discipline et la hiérarchie, fournissent 
aux adversaires de l'authenticité un de leurs plus spé- 
cieux arguments. Ils commencent par faire observer 
que les idées de l'âge apostolique sur la proximité de 
la Parousie paraissent mal s'harmoniser avec des règles 
destinées à assurer l'avenir des Églises après la mort 
de Paul. Ces préoccupations, disent-ils, se comprennent 
mieux sur le seuil du second siècle, alors que les espé- 
rances sur la fin du monde et la grande apparition 
messianique s'éloignaient. L'Église dut alors songer à 
s'organiser pour durer. On sentit le besoin d'institulions 
stables et de lois proprement dites, condition essen- 
tielle de vie pour toute société humaine. Pour leur 
donner plus de crédit on s'imagina qu'elles avaient été 
établies par les Apôtres. Toute une littérature s'employa 
à fortifier cette idée dans les esprits. On en retrouve 
les principaux fragments, remaniés et délayés dans les 
Constitutions apostoliques, les canons des Apôtres, les 
lettres d'Ignace. Or, les Épitres pastorales ont avec ces 
divers écrits une affinité tangible de fond et de forme. 
Il suffit, pour les saisir, de mettre sur une même page, 
les prescriptions des Pastorales et de la Didascalie des 
Apôtres, relatives à la hiérarchie ecclésiastique. Les 
Épltres à Tite et la première à Timothée auront été 
composées pour couvrir de l'autorité de Paul le mouve- 
ment vers la hiérarchie et l'épiscopat unitaire qui, 
sous la poussée des hérésies, devenait, pour l'Église, la 
seule garantie de vivre. Pour le prouver, on compare 
les mots et les idées de l'Apôtre touchant l'Église et 
ses institutions hiérarchiques d'après les lipitres cer- 
taines, I Cor., xii-xiv; xvi, 16; Rom., xn, 8 ;IThess., v, 
12, 13, et d'après les Pastorales, d'où il ressort une 
diversité de conceptions nettement tranchée. Cf. sur ce 
point Holtzmann, Einleit.,p. 290 sq. On fait, en outre, 
observer que ces écrits se rapprochent plutôt des lettres 
de saint Ignace, dont le thème invariable porte, comme 
les Épîtres à Tite et à Timothée, sur le choix des prêtres 
et des évêques. 

La croyance à l'approche de la Parousie n'a pas em- 
pêché les Apôtres de donner, dès le commencement, 
aux communautés nouvelles une organisation locale. 
Ainsi, dans leur première mission, Paul et Barnabe, 
au témoignage des Actes, xiv, 23 (grec), établirent, 
partout où ils avaient réussi à fonder un noyau de 
croyants, des collèges d'anciens ou d'épiscopes. Aucune 
société, même purement démocratique, ne saurait 
d'ailleurs subsister sans une organisation et sans hié- 
rarchie. Qu'il y ait eu, sur la lin de l'âge apostolique, 
une légère modification dans les formes et les condi- 
tions d'exercice de ces autorités locales, nul ne songe 
à le mettre en doute. Dans les sociétés comma dans 
les individus, la tête suit les progrès des autres parties 
du corps. Avec l'expérience et le temps — celle de saint 
Paul atteint avec les Pastorales une durée de presque 
trente ans — certaines mesures s'imposaient pour le 
gouvernement des Églises. L'autorité personnelle de 
Paul sur les communautés de son ressort ne pouvait 
plus s'exercer de la même manière, à la fin de sa vie 



2229 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2230 



qu'au commencement de ses missions. A mesure que 
le nombre des Églises augmentait, il devait laisser aux 
autorités locales une plus grande part d'initiative et 
de responsabilité. L'éloignement, par le fait de sa cap- 
tivité à Rome, dut encore élargir les pouvoirs de ces 
collèges de prêtres ou épiscopes. Enfin quand l'Apôtre, 
à la veille de son martyre, eut à régler le sort de ses 
chères Églises, il dut se préoccuper de la consolidation 
de son œuvre et, particulièrement, de la transmission 
de son autorité apostolique à ses deux principaux disci- 
ples, I Tim., vi, 20; II Tim., i, 12, 14, et aux chefs 
préposés aux centres de croyants. Tout cela explique, 
dans une grande mesure, les nuances qu'on signale au 
point de vue hiérarchie et discipline ecclésiastique, 
entre les premières et les dernières Epitres de saint 
Paul. Que le progrès de la hiérarchie soit en raison 
inverse de celui des charismes, cela n'a rien d'étonnant 
pour qui sait comprendre que ces dons spirituels ont 
dû, pour ne pas devenir un danger, se discipliner peu à 
peu et céder le pas à l'autorité des pasteurs. A Gorinthe, 
Paul esquisse déjà ce mouvement. Les charismes sont 
pour lui un phénomène transitoire qu'il faut toujours 
subordonner à l'utilité générale de l'Église. Il est à ob- 
server qu'à la période de diffusion de l'Évangile dans 
les principaux centres de l'Empire romain, a dû succéder 
une période d'organisation. Le personnel itinérant et 
missionnaire, apôtres, prophètes, évangélistes, didas- 
cales, s'est fixé dans certaines Églises et y a occupé des 
fonctions hiérarchiques. On pourrait se faire une idée 
de cette transformation progressive dans ce qui se passe 
encore aujourd'hui, lorsqu'un vicariat apostolique, en 
pays de mission, se change en diocèse régulier et en 
acquiert les cadres et les organes essentiels. Dans les 
Pastorales, la hiérarchie n'a pas encore le développement 
qui se remarque dans les Constitutions apostoliques ni 
même dans la Didascalie des Apôtres, où l'on parle déjà 
du lecteur et du sous-diacre. Les termes désignant les 
principales fonctions ecclésiastiques, 'ETct'eraowoc, izpeo- 
ëûrspoc, ôiàxovo;, sont dans les Épitres antérieures de 
saint Paul avec le même sens et la même portée. Ces 
lettres précèdent donc l'époque où s'est formée la ter- 
minologie hiérarchique. Cf. Prat, La théologie de saint 
Paul, t. i, p. 488. 

IV. Circonstances invraisemblables. — On relève, 
dans le contenu des Pastorales, une foule de détails qui 
semblent incompatibles soit par rapport à l'auteur 
supposé, soit par rapport aux personnages auxquels 
il est censé avoir écrit ces diverses Épîtres. On signale, 
notamment, les inscriptions solennelles de ces Épitres, 
qui contrastent si fort avec celle de la lettre àPhilémon, 
quoique pourtant Paul ait été moins intime avec 
Philémon qu'avec Tite et Timothée, on s'étonne des 
développements dans lesquels entre saint Paul touchant 
son apostolat, I Tim., i, n ; h, 7, comme si Timothée 
avait besoin, pour croire à la mission de son maître, 
d'une attestation de ce genre. On se demande pourquoi 
cette énumération de vertus, II Tim., m, 10, 11, sous 
la plume de l'Apôtre, avec un ton de panégyrique 
auquel on n'était pas habitué. Phil., m, 12. On 
n'est pas moins surpris de le voir si assuré du salut 
final, II Tim., IV, 8, alors qu'auparavant, I Cor., IV, 3, 
4 ; ix, 27, il redoutait les jugements de Dieu ; on ne 
s'explique pas sa bienveillance pour les autorités 
romaines, I Tim., il, 2, qui n'a vraiment pas de sens 
si on l'applique aux dernières années de Néron. A re- 
marquer aussi la citation empruntée au troisième 
Évangile et prise sur le même pied d'autorité et de 
canonicité que les paroles mêmes du Deutéronome,- 
I Tim., v, 18; Luc, x, 7 ; la doctrine sur le mariage, 
I Tim., 11, 15 ; rv, 3; v, 41, contraire aux principes 
habituels de Paul en cette matière, I Cor., vu, 8; le 
manque de salutations personnelles pour les Éphésiens 
parmi lesquels il comptait tant d'amis ! 



Le titre d'« Apôtre » mis en tète des trois Épitres et 
revendiqué quelques versets plus loin, ITim., H, 7; 
II Tim., i, 11, sous la foi du serment, étonne sans doute 
quand on songe que Timothée était bien le dernier des 
hommes qui pût en douter, lui qui, depuis près de 
quinze ans, partageait les travaux de saint Paul. Seule- 
ment, on a peut-être tort de voir toujours une intention 
apologétique dans l'emploi d'un mot qui, à force d'être 
répété dans les lettres, était devenu comme inséparable 
de ses correspondances. II n'y a pas lieu non plus 
d'être choqué des soi-disant louanges que l'Apôtre est 
censé se donner à lui-même. Ne lui était-il pas permis 
ici, comme dans ses précédentes lettres, II Cor., vi, 4- 
16; Phil., in, 17; iv, 8, 9, de rappeler ses lettres et ses 
travaux? Ne s'était-il pas déjà proposé ailleurs comme 
un modèle à suivre? I Cor., xi, 1. On connaît, au reste, 
le correctif d'humilité qu'il ajoute, d'ordinaire, à ce 
genre de déclarations. I Cor. , xv, 10. La certitude où il 
se trouve sur la fin de sa carrière, par rapport au salut, 
n'a rien qui doive surprendre. Cette confiance pouvait 
lui venir, à la veille de sa mort, d'un coup d'œil gêné - 
rai embrassant toute sa vie apostolique. L'historien n'a 
qu'à enregistrer l'aveu de Paul sans le révoquer en 
doute. 

L'avis de prier pour ceux qui détiennent l'autorité 
souveraine ne fait que confirmer l'attitude de l'Apôtre 
envers le pouvoir civil, quel qu'il soit. Ses principes, 
à cet égard, ne dépendaient en aucune manière de la 
conduite des gouvernants. Il voyait en eux des déposi- 
taires de l'autorité divine, Rom., xm, 6; cela lui suffi- 
sait pour établir des règles de respect, de gratitude 
envers eux. La vue des désordres et des cruautés qui 
marquèrent la fin du règne de Néron ne pouvait rien 
changera cette manière de voir, pas plus que le souve- 
nir des folies sacrilèges de Caligula n'avait pas em- 
pêché d'écrire le chap. xm de l'Épître aux Romains. 
La maxime que l'auteur de la I re Épltre à Timothée (v, 
18) place à la suite d'une citation du Deutéronome 
n'est pas nécessairement tirée du troisième Évangile : 
elle pouvait faire partie de ces paroles de Jésus que la 
tradition gardait avec un soin jaloux et qui allaient être 
bientôt fixées par écrit, si elles ne l'étaient déjà en 
bonne partie. Le même fait s'observe dans I Cor., IX, 
14. Dans les deux cas, le mot ypatpr) ne s'applique qu'à 
l'Ancien Testament, nullement aux sentences parallèles 
empruntées au Sauveur Jésus. On ne saurait sérieuse- 
ment opposer les enseignements de saint Paul sur le 
mariage, tels qu'ils se rencontrent dans les Pastorales, 
I Tim., n, 15, avec la doctrine de I Cor., vu. Les cir- 
constances sont, en effet, tout à fait différentes. Ici, on 
compare le mariage et le célibat, là on oppose au désir 
frivole d'enseigner qui tourmente certaines femmes les 
graves devoirs de la vie domestique qu'impose à cha- 
cune d'elles la nature de son sexe. 

L'absence des salutations pour les principaux mem- 
bres de l'Église d'Éphèse vient probablement du carac- 
tère intime et privé de la lettre tout entière, qui ne de- 
vait pas être lue en public. Si l'Epître à Tite, au con- 
traire, se termine par une salutation aux Églises de 
Crète, c'est parce que les directions apostoliques 
qu'elle renfermait visaient plutôt la conduite des mem- 
bres de la communauté que celle de Tite lui-même. 

V. Divergences doctrinales. — Les idées théolo- 
giques des Pastorales représentent, d'après la majorité 
des critiques, un système doctrinal très différent de 
celui des autres Épitres pauliniennes. Cela est parti- 
culièrement sensible dans les points de dogme qui sont 
communs à ces deux sortes d'écrits, ce qui témoigne 
qu'ils ne peuvent être sortis d'une seule et même 
plume. Ainsi la « foi » qui, dans les précédentes lettres 
de Paul, désignait presque toujours un sentiment sub- 
j jectif, prend désormais le sens objectif, c'est-à-dire ce 
qu'il faut croire. Ce n'est plus la foi qui croit, mais celle 



2231 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2232 



qui est crue : c'est la foi de l'Église, condensée sous 
forme d'enseignement réglé, imposé par l'autorité hié- 
rarchique. Aussi s'appelle-t-elle indiféremment iifo-riç, 
àXï|8eia, êi8aaxaXt<x, XôfOi tîjç ihVtewç, ■nnaafir i Y.r„ ûytaî- 
vouffa 6i8a<TxocXta, i\ xoiv7j t«<ttiç; de là, encore les com- 
posés suivants : èv -kIgtei Çrjv,etvo», ctt^xeev, expressions 
qui impliquent toutes, d'une façon plus ou moins di- 
recte, une règle de foi, un centre catholique, une 
orthodoxie en exercice. On remarque, en outre, qu'une 
part plus considérable est faite, dans la vie chrétienne, 
aux bonnes œuvres. Au mot « justice » se substitue, 
presque partout, celui de « piété » qui englobe l'exer- 
cice de toutes les vertus. L'idéal du chrétien est la 
8so<7£ëeia Si'ïpytav àya8wv, synonymisantavecl'eûiréëeia. 
Ce genre de préoccupation, succédant aux thèses de la 
justification par la foi, ne peut appartenir qu'à une 
époque où l'Église était déjà une société complète, tout 
absorbée par son gouvernement intérieur, sa discipline, 
sa vie morale, ce qui n'est pas le fait de la première 
génération chrétienne, mais plutôt celle de la seconde 
et de la troisième. D'autre part, les espérances rela- 
tives à la Parousie, si vives dans l'âme de Paul, font 
place à une résignation tranquille qui confine presque 
à l'indifférence. Comparer, par exemple, I Tim., vi,14, 
avec Act., i, 7; II Petr., H, 12. L'auteur semble ajour- 
ner indéfiniment ce qui a été le mobile central de toute 
sa vie apostolique. On dirait qu'il ne partage plus 
l'espoir immense qui a été si vif durant la première gé- 
nération chrétienne. Ses préoccupations vont mainte- 
nant vers l'organisation d'une société qui doit vivre. 
Il n'est pas seul à renoncer à l'avènement prochain du 
royaume de Dieu. Autour de lui, il y a des esprits qui 
relèguent dans le domaine de la métaphore l'annonce 
de la Parousie et des phénomènes connexes qu'on y 
attachait. II Tim.. h, 18. Autre symptôme. La théodicée 
chrétienne commence, dans ces écrits, à faire des em- 
prunts à la philosophie grecque. Elle exalte, en Dieu, 
son unité, I Tim., i,17; h, 5; vi, 15, son invisibilité, i, 
17; vi, 16, sa vie, m, 15; iv, 10, sa puissance, i, 17; vi, 
15, sa véracité, Tite, i, 2; II Tim., H, 13, son immorta- 
lité, ITim., i, 17; vi, 16, sa félicité, vi, 15. Ce progrès 
philosophique ne peut évidemment dater des dernières 
années de Paul. Il est également difficile de concevoir 
qu'une plume chrétienne ait pu, avant l'an 70, traiter 
le judaïsme, avec ses prescriptions légales, de fable et 
d'invention humaine. Tit., i. 10. En tout cas, Paul n'a 
jamais rien dit de pareil, même au plus fort de la lutte 
avec les judaïsants. 

A ces diverses difficultés on peut répondre, en les re- 
prenant par ordre, que l'emploi prépondérant et presque 
exclusif du mot foi, au sens objectif, n'est pas abso- 
lument inconnu aux autres écrits de saint Paul; il se 
trouvé ici, il est vrai, dans la proportion de 9 à 3, mais 
on comprend cette inégalité quand on songe qu'un des 
buts principaux des ÉpHres à Timothée et à Tite est de 
tracer à ces pasteurs modèles les devoirs de leur charge, 
au premier rang desquels se place, tout naturellement, 
le soin de veiller à la pureté de l'Évangile. Il n'est donc 
pas nécessaire, pour justifier le point de vue où se place 
l'auteur et les expressions dont il se sert, de songer à 
une autre forme de doctrine qu'à ce type d'enseigne- 
ment (tôwoç ffn Siôax'lCt Rom., vi, 17), que l'Apôtre, 
en l'an 58, félicitait les Romains d'avoir pour règle de 
leur nouvelle croyance. L'insistance avec laquelle 
ces dernières Épîtres reviennent si souvent sur la 
« saine doctrine », provient des erreurs nombreuses qui, 
à ce moment, faisaient invasion dans l'Église, même du 
vivant des Apôtres. S'il est souvent question des bonnes 
œuvres, I Tim., n, 10; v, 10; vi, 18; Tite, i, 16; H, 7, 
14; ni, 1, 5, 8, 14, c'est qu'on ne saurait jamais assez 
exiger de ceux qu'on veut mettre à la tête des Églises, 
qu'ils prouvent, par leur conduite, qu'ils sont dignes de 
cet honneur, afin que leur exemple exerce une salu- 



taire influence sur les fidèles dont ils ont la charge. Le 
mot « piété » résume heureusement la somme des de- 
voirs de celui qui est, par état, « l'homme de Dieu ». 
I Tim., vi, 11 ; II Tim., m, 17. Tout en partageant avec 
ses contemporains l'espoir d'un prochain retour du 
Christ, saint Paul a parfois entrevu la possibilité de 
mourir avant la grande apparition finale. Dans sa se- 
conde captivité cette possibilité devenait certitude, 
presque un fait réalisé. Il était alors très naturel, pour 
l'Apôtre, de pourvoir à l'avenir des Églises en donnant à 
ses disciples des règles de conduite pour conserver le 
fruit de ses travaux. — Les erreurs d'Hyménée et de 
Philète ne reflètent pas l'opinion commune du milieu 
où vit l'auteur des Pastorales : d'ailleurs, le dogme de la 
résurrection avait trouvé de bonne heure, parmi les 
Grecs, d'ardents contradicteurs. I Cor., xv, 12. — Aucun 
des attributs donnés à Dieu, par ces trois lettres, ne 
dépasse le monothéisme de l'Ancien Testament. 11 se 
peut, toutefois, que la forme quasi technique sous la- 
quelle ils se présentent se ressente quelque peu du 
contact avec les esprits grecs, mais on sait que l'Apôtre 
a commencé lui-même ce travail d'adaptation qui, en 
d'autres mains, ira en se perfectionnant. — Le ju- 
daïsme contre lequel s'élèvent les Pastorales n'est pas 
le judaïsme palestinien des premières Épitres, mais ce 
mélange de vieilles théogonies de cabbale, de pratiques 
théurgiques dont sortirent plus tard les diverses formes 
du gnosticisme. Aucune épithète ne pouvait assez éner- 
giquement flétrir cesélucubrations malsaines, si dange- 
reuses, dont le foyer paraît avoir été en Asie Mineure. 
VI. Style. — La langue des Pastorales est sensible- 
ment différente de celle des Épttres précédentes. 
D'abord, au point de vue du vocabulaire. D'après les 
calculs de Holtzmann, on compte, sur les 897 mots de 
ces trois lettres, une moyenne de 171 âitaÇ ^eyôp-eva, 
dont 74 dans la I ie à Timothée, 46 dans la seconde, 28 
dans l'Épître à Tite. Certains verbes fournissent de 
multiples dérivés inconnus à la plume de Paul, tels 
que (TMçppoviU''' qui donne au>ippovta\i.6f, <jo>çpc5va>5, 
aâxppwv; StSiuxsiv avec tous ses composés, StSâcrxaXoç, 
SiSseirxaXi'a, StSayrj, SiSaxTey.o;, vo|j.o8:8dc<rxaXo;, xâXo8i 
SâoxocXoç, ârspoSiSaaxor.Xeîv ; oîxeïv et les mots qui en 
viennent, olxoç, oixia, otxaioç, oïxovop.ta, oixoSeffuoTetv, 
o't ovôp.o«et olxoupY<5;. On pourrait y joindre les mots for- 
més avec fiâpmp, <pfXoç avec des procédés de dérivation 
inusités chez Paul. Demême,deslocutionsentièresoudes 
associations d'images en dehors de ses habitudes litté- 
raires : s-ja-sêtài; Ç7JV, II Tim., ni, 12; Tit., n, 22; Siwxsiv 
êixaioerjvïiv, I Tim., VI, 12; II Tim., Il, 22; çuXiaaeiv 
xtjv TCapa6v;xrjv,I Tim., VI, 20; II Tim., i, 12, 14; itapaxo- 
Xouôeîv tîj SiSa<jxaXfat, ITim., IV, 6; II Tim., m, 10; tôv 
xaXôv àyâia àfwvi^eofiat, I Tim., VI, 12; II Tim., IV, 7; 
puis la phraséologie spéciale contre les faux docteurs 
et leurs doctrines, gé8/)Xoi pûSot, I Tim., iv, 7; (Sêgï]Xoi 
xevoçwvi'cu, I Tim., VI, 20; II Tim., Il, 16; («opai Kwr- 
<rei;, II Tim. ,11, 23; Tit., m, 9; Çr^iec; xoc\ XoTona/cai, 
ITim., VI, 4; Àoyo^a/siv, II Tim., Il, 14; (jaTaioXoyia, 
I Tim., i, 6; u.aTaioXoYoç, I Tit., I, 10; en opposition 
avec Xoyoç Oyir,?, Tit., n, 8; ùfiahoycEi Xôyot, I Tim., 
vi, 3; II Tim., I, 13; ûytalveiv t^ iziarsi, Tit., i, 13; 
-fl vifiaîvouOTt 8iSa<xxaXîa, I Tim., i, 10; II Tim., iv, 3; 
Tit., 1,9; n, 1; des expressions comme av8pMi:oi xiteç- 
Ôotppiévot, II Tim., m, 8; 8tecp6ap|Aévot, I Tim., vi, 5; 
xXav(ip.£voi, II Tim., m, 13; Tit., m, 3; ôtv6p<oiîo; ©soû, 
ITim., VI, 11; II Tim., m, 17; icoyic toû ôiaêdXou, 
I Tim., Hl,7; II Tim., II, 26; xittôç 6 Xôyo;, I Tim., i, 
15, m,l, iv, 9; II Tim., n, 11; Tit., m, 8; des mots 
plus ou moins grecs tels que à<ff)a.pafa, èitejiven, alûvE(, 
eyaiSeia, awypofrjvT) ; ou au contraire, du plus pur 
héllénisme, ypxûôric, <TU|jiarixr| yj(i.va<r:a, yutivâîTEiv, 
àvx^uTtupeiv, e'.XavSpojfti'a, mais peu ou point d'hé- 
braïsmes;à peine une citation de l'Ancien Testament, 
I Tim., v, 18, 19 On note pareillement l'absence de 



2233 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2234 



presque tous les mots favoris de l'Apôtre : aStxo;, àxï- 
9aa<rta, ày.poêuTTÏa, i%o\iTçtaiai<:, yvtupiZeiv, SiaôrjxYj, Si- 
xacoojvv], ô'.naiwij.a, Soxsïv, Iv.oktto;, eSUffriv, spY a vô|iou, 
xàyti, xaTepYâÇEaôai, xpsîouMV, (asiÇcuv, picxpô;, [itopîa, 
o[j.oioOv,65iotto(ia, ôuocioç, opxv, o'jpavoç, TrapàSoticç, îcapa- 
).a[iêâvetv, îtEtôeiv, rceiTOtôévac, 7re7toi'9r É (riç, 7CEpi7raTeiv, ol 
noXXot, o7cXâYxva, TOMretvô;, 'jio6c<y!a,uîô; toô 0eo3,<pù<nç, 
xapfÇeaOoet, xP'I'toc- La syntaxe des Pastorales s'éloigne 
fort de celle des écrits pauliniens. Le style y est lâche, 
terne, prolixe, sans vigueur et sans vie. Plus de pensées 
brillantes ni de vigoureuses antithèses. Aucun dévelop- 
pement dialectique. On dirait que l'on a évité systé- 
matiquement tout ce qui caractérise la manière litté- 
raire de l'Apôtre. 

Cette diversité de style est indéniable et beaucoup plus 
tranchée qu'ailleurs. Mais doit-on en conclure rigou- 
reusement à une diversité d'auteur? Le problème est 
délicat, sans pour cela rester insoluble. N'y a-t- il pas à 
faire valoir les circonstances toutes particulières dans 
lesquelles ces trois lettres ont été composées? D'abord 
la similitude de langue qu'on remarque entre elles 
s'explique par cela qu'elles ont été écrites pour un but 
à peu près identique et dans un laps de temps très court. 
Si, au contraire, elles diffèrent notablement, sur ce 
point, de celle des autres Épltres, c'est que, par leur 
objet, elles s'écartent d'un façon notable du thème 
ordinaire qu'on y traite. Saint Paul n'avait pas à enta- 
mer ici des controverses dogmatiques sur la justifica- 
tion avec ses deux disciples préférés ou à revenir sur 
sa lutte avec les judaïsants des premières missions. De 
plus, ses lettres étaient adressées généralement à des 
communautés et s'adaptaient à des situations d'ensem- 
ble, à des nécessités d'ordre général ; dans le cas pré- 
sent, il s'agit de lettres privées et de conseils paternels. 
La lettre à Philémon n'est-elle pas d'une facture tout 
autre que celle des Épltres aux Colossiens et aux Éphé- 
siens, encore qu'elle ait été écrite à la même époque et 
portée par le même courrier? Les hapax legomena ne 
sontpas un critérium infaillible pour solutionner la ques- 
tion d'auteur. « Quand on songe, dit Reuss, combien 
peu de pages nous avons de l'apôtre Paul, sur combien 
d'années elles se répartissent, combien de sujets diffé- 
rents il y traite et combien il fait preuve de liberté, 
d'adresse, de génie même, dans le maniement d'une 
langue très riche par elle-même, et qu'il s'agissait 
maintenant de façonner pour le service d'un cercle 
d'idées toutes nouvelles, on serait en droit de s'étonner 
s'il y avait là une monotone uniformité et si son voca- 
bulaire était moins riche. Si ce premier argument 
(celui des hapax) devait être considéré comme démon- 
trant la diversité des auteurs, il n'y aurait pas deux de 
toutes ces Épîtres qui ne dussent finir par être attri- 
buées à des plumes différentes. » Les locutions nou- 
velles peuvent être une conséquence du changement 
qui s'était opéré dans la vie de l'Apôtre et dans l'Église 
elle-même. Certains latinismes : x*P tv ïz ctv > gratiam 
habere; 81' îjv aîti'av, quam ob rem; xaxoûp-foç, male- 
ficus; itpôxptjia, preejudicium, étaient d'usage courant 
et pouvaient résulter d'un long séjour à Rome. Le manque 
de discussion dialectique vient de ce que l'Apôtre ne 
veut que signaler à ses disciples les erreurs à éviter 
sans entrer avec elles en discussion. Tite et Timothée 
n'avaient pas besoin, pour être persuadés, de ce 
genre de démonstration. La dépression générale qui se 
manifeste dans le style et les idées de l'écrivain est 
peut-être un effet de l'âge. Paul était alors plus que 
sexagénaire. Quoi qu'il en soit, ces pages refroidies, 
dernier reste « d'une voix qui tombe et d'une ardeur 
qui s'éteint, » laissent encore loin derrière elles les 
longues amplifications de Clément de Rome et les pages 
plus ou moins colorées des écrivains postapostoliques. 

VII. Classement. — Certains critiques, tels que von 
Soden, Handc, p. 159; Moffatt, Histor. N. T., p. 560; 



MacGiffert, Apost. âge, p. 413, d'ailleurs hostiles à l'au- 
thenticité des Pastorales, ont interverti l'ordre tradi- 
tionnel suivant lequel on les trouve rangées dans la 
Bible. D'après eux, notre seconde Épître à Timothée 
serait, en réalité, la première en date, puis viendrait 
l'Épître à Tite et enfin la première Épitre à Timothée. 
Les preuves sur lesquelles ils s'appuient sont les sui- 
vantes : l'auteur, dans la II" à Timothée, insiste moins 
sur les faux docteurs que dans les deux autres lettres : 
leurs doctrines paraissent aussi moins bien caractéri- 
sées et ne préoccupent pas si vivement l'Apôtre que dans 
la I re à Timothée. D'autre part, l'organisation ecclé- 
siastique, qui se laisse à peine deviner dans la II e à 
Timothée, fait en grande partie le thème des deux autres 
Épltres pastorales, signe évident que celles-ci sont d'une 
date postérieure. Aureste, le rapprochement de II Tim., 
IV, 9-22, avec les finales des Épltres aux Colossiens et 
à Philémon prouve qu'à peu d'exceptions près, c'est le 
même entourage qui se trouve autour de l'Apôtre, ce 
qui fait penser à la première captivité, celle dont 
parlent les Actes. Enfin, la preuve décisive semble 
donnée par le fait de deux personnages, l'un nommé 
Hyménée, l'autre Philète qui, d'après II Tim., n, 17, 
continuent à troubler l'Église, alors que dans I Tim., I, 
20, on les donne déjà comme excommuniés. — On répond 
à ces difficultés que les avis sur la conduite à tenir 
à l'égard des hérétiques devaient, au contraire, être 
plus longuement développés et plus minutieusement 
circonstanciés dans une lettre écrite à Timothée, à 
Éphèse, où il demeure pour gérer, pendant quelque 
temps, la place de son maître. Là surtout, au centre 
même de l'erreur, il importait d'avoir des règles fermes 
et très explicites pour préserver la communauté chré- 
tienne des fausses doctrines qui menaçaient de l'envahir. 
Act., xx, 29. Les mêmes explications n'étaient plus 
nécessaires dans une lettre — c'est le cas de notre 
II e à Timothée — où saint Paul ordonnait à son disciple 
de quitter Éphèse pour se rendre à Rome auprès de 
lui, II Tim., îv, 21. Quant aux longs développements de 
la I re à Timothée et de l'Épître à Tite, relativement à 
la hiérarchie et à la discipline ecclésiastique, la raison 
en est dans le but, les circonstances de ces deux Épîtres. 
Toutes deux, en effet, visent des situations analogues. 
La I re à Timothée avait en vue le gouvernement de 
l'Église d'Éphèse; l'Epître à Tite, l'organisation des 
communautés de Crète. Cela ne pouvait se faire, on le 
comprend, sans qu'il soit question des divers degrés 
de la hiérarchie ecclésiastique. Tout autre est l'idée 
principale de la II e à Timothée, qui est un message 
de rappel et un testament. Rien d'étonnant non plus à 
ce que ce soit à peu près le même personnel d'amis 
qu'à la fin de la première captivité romaine qui entoure 
l'Apôtre lors de son second emprisonnement. Les deux 
événements ne sont d'ailleurs séparés que par un 
intervalle de deux à trois années à peine. Il n'y a donc 
rien de péremptoire dans l'argument qu'on prétend 
tirer des deux Éphésiens, Hyménée et Philète. Même 
après leur bannissement de l'Église, ils pouvaient con- 
tinuer à exciter des troubles et devenir un danger par 
leurs doctrines perverses et leur prosélytisme. La 
seconde à Timothée signale l'habileté avec laquelle les 
erreurs de ces deux hérétiques se glissaient parmi les 
fidèles, ce qui n'implique pas qu'ils lissent encore partie 
de l'Église. Au total, la seconde Épître à Timothée ren- 
ferme quantité de détails qui ne permettent pas de la 
reporter à l'époque de la première captivité. Comment 
expliquer, par exemple, le manteau et les livres laissés 
à Troade, la maladie de Trophime laissé à Milet, le 
voyage dans l'Archipel? Toutes ces circonstances ne 
cadrent pas avec le récit des Actes rapportant, escale 
par escale, et presque jour par jour, la traversée de 
Paul prisonnier. Ainsi, pour se borner à un seul fait 
comment l'Apôtre peut-il dire qu'il vient de laisser 



2235 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2236 



Trophime à Milet, s'il s'agit du voyage de la troisième 
mission, quand on voit plus loin, dans les Actes, xxi, 
29, que Trophime accompagne Paul à Jérusalem? On 
ne voit pas non plus, si Paul n'est pas repassé à Troade 
depuis l'an 58, pourquoi il redemande des livres et un 
manteau laissés depuis près de huit ans chez Carpus. 
Est-il explicable que, parmi tant de messagers venus 
d'Asie Mineure ou de Macédoine, aucun n'ait eu l'occa- 
sion de les lui rapporter? 

VIII. Situation historique. — D'après le contenu de 
la lettre, Paul, allant en Macédoine, vient de passer 
quelque temps à Éphèse, en compagnie de Timothée, 
qu'il laisse à la tête de la communauté, avec mission 
de s'opposer aux diverses erreurs qui commencent à 
s'y glisser, i, 3. A peu d'intervalle de là, lui arrivent, 
de la métropole d'Asie, des nouvelles très fâcheuses. 
Timothée, avec son naturel timide, iv, 12, et un état de 
santé des plus précaires, rencontrait, dans l'exercice de 
sa charge, toutes sortes de difficultés. Paul lui écrit 
alors, pour le guider et le soutenir au milieu de 
l'épreuve, cette première lettre où il lui rappelle les 
directions qu'il lui a précédemment données. L'idée 
centrale de ces quelques pages est tout entière dans le 
f. 15 du chap. m : l'va EtSvjç ir<5; Stï èv oîxo> ©eoO àvxsTpé- 
<pss6ai. 

IX. Temps et lieu de la rédaction. — L'opinion 
sur ces deux points dépend, en grande partie, de 
celle que l'on adopte par rapport à l'authenticité de 
l'Épître elle-même. Or, d'après ce qui a été établi plus 
haut, il faut placer cette première lettre vers l'année 
64 ou 65, c'est-à-dire dans la période d'activité aposto- 
lique qui sépare les deux captivités de l'Apôtre. On peut 
donc conjecturer qu'elle a été écrite en Macédoine, 
pendant la tournée pastorale qu'y fit Paul au sortir de 
son premier emprisonnement, 1, 3. 

X. Intégrité. — Aucun soupçon ne s'est jamais 
élevé autrefois à cet égard. Les doutes ne commencent 
qu'avec la mise en cause de l'authenticité. Ceux qui 
cherchent à trouver dans ces lettres des billets authen- 
tiques adressés par saint Paul à Timothée distinguent, 
d'une façon plus ou moins arbitraire, les parties dues à 
la plume de l'Apôtre et celles qui ont été ajoutées, 
beaucoup plus tard, par une main étrangère. Le travail 
le plus original et le plus complet, à ce point de vue, 
est celui de Knoke, Comm. in den Past., 1889, qui 
croit avoir retrouvé des éléments primitifs de cette 
première lettre dans trois lettres antérieures, dont deux 
de Paul à Timothée et la troisième due à un auteur 
inconnu du II e siècle, qui aurait fondu ensemble ces 
trois écrits, dans le but de mettre sous le patronage 
vénéré d'un Apôtre bien connu les institutions ecclé- 
siastiques qui commençaient à fleurir dans les commu- 
nautés chrétiennes de l'Asie. Harnack, Chron., p. 482, 
484, pense que m, 1-13; v, 17-20, sont des fragments 
qui ne peuvent être antérieurs à l'an 138. Ce ne sont 
que des affirmations sans preuves. 

XI. Analyse du contenu. — r. prologue, i, 1-2. — 
L'en-tête de cette lettre' est simple, bref et sans phrase, 
comme on pouvait l'attendre d'un maître écrivant à un 
disciple et à un collaborateur de tous les instants. Le 
titre d'Apôtre se trouve associé au nom de Paul non 
dans un but apologétique, mais uniquement pour 
rappeler à Timothée à quel titre il doit recevoir cet 
ensemble de règles et de mesures administratives, 
surtout de quelle source dérive l'autorité qu'il lui a 
déléguée. Le Christ est appelé « notre espérance » pour 
écarter sans doute les fausses perspectives de ceux qui, 
amusant les fidèles avec des rêveries extravagantes, 
leur faisaient perdre de vue les grandes vérités du 
christianisme. 

il. corps se l'épure, i, 3- vi, 19. — Sans prétendre 
enfermer les idées de la lettre dans un cadre trop ri- 
gide, il semble qu'on peut cependant y distinguer deux 



parties principales qui s'appellent et se répondent. 
Dans l'une, il est surtout question de ce que Timothée 
doit faire sur-le-champ, à Éphèse, au nom de l'Apôtre 
et comme son délégué; dans l'autre sont indiqués les 
devoirs habituels du même Timothée comme pasteur 
d'âmes. 

A) 1" partie. — Le mandat confié à Timothée, i, 3- 
m, 16. — 1° S'opposer aux fausses doctrines, i, 3-20. 
— Les ordres à exécuter, de la part de saint Paul, ont 
été dictés par la situation grave où se trouvait l'Église 
d'Éphèse au moment où l'Apôtre se rendait en Macé- 
doine. Les sombres pressentiments dont il avait fait 
part aux anciens, dans son discours de Milet, Act., xv, 
29-30, ne s'étaient que trop réalisés. Des doctrines 
étranges circulaient dans la communauté. Il était de 
toute nécessité de s'opposer à leur diffusion. Timothée 
reçut donc comme première tâche de dénoncer le péril 
de ces nouveautés malsaines, dont le danger est ici, 
avant tout, d'ordre moral. Le reproche à leur faire 
est de volatiliser en chimères puériles la vertu sancti- 
fiante de l'Évangile. En effet, elles s'éloignent de l'en- 
seignement reçu dans l'Église (éTe?o8iSaoxa),E!v), se 
perdent en mythes et en généalogies interminables, 
peut-être au sujet de certains personnages ou de cer- 
tains faits de l'histoire sacrée; ce sont des légendes 
rabbiniques, dans le genre de celles du Talmud; elles 
provoquent des discussions stériles (ÇriTTi<reiç), détournent 
la doctrine évangélique de son vrai but, qui est de 
promouvoir l'œuvre de Dieu, exaltent à tort et à travers 
la Loi ancienne, obscurcissent l'éclat de l'Évangile. 
Aussi l'Apôtre enjoint-il à son disciple, au nom même de 
la consécration solennelle qui l'a voué au saint 
ministère, de combattre ces erreurs pernicieuses et de 
poursuivre l'œuvre de préservation qu'il a lui-même 
inaugurée en rejetant de l'Église les deux principaux 
fauteurs de ces doctrines, Hyménée et Alexandre. 

2» Veiller à la célébration du culte, h, 1-15. — De 
la doctrine l'Apôtre passe à la réglementation du service 
religieux. Là encore il y avait à reprendre et à corriger. 
Une première recommandation semble s'inspirer des 
circonstances politiques du moment. Si l'on prescrit de 
prier pour les autorités romaines, c'est qu'on a pour 
cela, quelque part, des répugnances spéciales. On est 
à la veille de la guerre de Judée et au lendemain des 
massacres de Néron. Paul base son conseil sur les 
principes de son universalisme : l'unité de Dieu et 
l'unité du Sauveur. Si Dieu veut le salut de tous les 
hommes, des bons comme des méchants, des justes 
comme des pécheurs, nous n'avons pas à nous mon- 
trer plus sévères que lui. Il est prescrit aux hommes 
de n'élever vers le ciel que des mains pures, exemptes 
de souillure morale, ef de ne s'approcher de Dieu qu'avec 
des sentiments pacifiques, allusion discrète à des 
querelles intestines dans l'Église d'Éphèse. Aux femmes 
sont données des prescriptions qui rappellent, sur 
quelques points, celles qui avaient été adressées aux 
Corinthiens, I Cor., xi, 3-15, relativement à la tenue 
extérieure dans les assemblées liturgiques. 

3° S'appliquer à bien choisir le personnel ecclésias- 
tique, m, 1-13. — A cet effet, l'Apôtre trace la liste 
d'irrégularités qui doit servir d'indication à Timothée 
pour écarter les indignes des fonctions saintes. Les 
règles qu'il donne visent d'abord l'évêque (m, 1-7) qui, 
en raison de la grandeur de sa charge, doit être, pour 
tous, un modèle de perfection. Il doit avoir non seule- 
ment les qualités d'un pasteur d'âmes, mais aussi celles 
d'un intendant temporel. Celui qui brigue une si belle 
fonction doit être irrépréhensible tant aux yeux des 
fidèles qu'à ceux du dehors, n'avoir été marié qu'une 
seule fois, être sobre, chaste, aimable, hospitalier, 
capable d'enseigner. Il ne doit pas être violent mais, 
au contraire, se montrer doux, pacifique, désintéressé, 
exempt d'avarice. Sa famille doit être grave comme lui; 



2237 



TIMOTHÉE (PREMIÈRE ÉPITRE A) 



2238 



ses fils, soumis, respectueux, à l'abri de tout soupçon. 
Pas d'évêques néophytes, mais des hommes éprouvés 
depuis longtemps. L'Apôtre ne se montre pas moins 
sévère pour l'élection des diacres. On n'est admis à 
cette fonction délicate qu'après une sérieuse épreuve. 
Le passé du candidat doit être irréprochable. Avec 
cela, une grande dignité de vie; pas de duplicité dans 
ses rapports avec les membres de l'Église, une tempé- 
rance exemplaire, une conscience scrupuleuse en 
affaires, la haine de l'erreur et du mal. Des veuves 
diaconesses on exigera une vie honnête, de la réserve 
dans les conversations, de la sobriété 'et de la fidélité 
à s'acquitter de leur ministère. 

B) Seconde partie. — Les devoirs professionnels de 
Timolhée comme serviteur de l'Église, m, 14-vi, 19. 
— La pensée qui domine cette nouvelle série de con- 
seils est toujours le danger des faux docteurs. On peut 
les classer ainsi : 

1° Devoirs envers la vérité, m, 15-iv, 16. — Le 
morceau débute par une sorte de vision phrophétique 
sur l'avenir de l'Église d'Éphèse. L'Apôtre voit, dans 
ce qui arrive en Asie, l'image de ce qui se reproduira 
plus tard, un peu partout, quand il aura disparu : d'un 
•côté, l'Église de Dieu, dépositaire officielle de la vérité, 
faisant briller aux yeux de tous le trésor dont elle a la 
garde; de l'autre, les efforts des prophètes de men- 
songe, qui essaient de renverser la colonne brillante 
d'où rayonnent les bienfaisantes clartés de l'Évangile. 
En face d'une pareille situation, le devoir du pasteur 
d'âmes est tout tracé. Il doit garantir le troupeau de 
la contagion, lutter par tous les moyens contre l'erreur, 
faire resplendir, par l'enseignement de la parole et de 
l'exemple, la vérité qui lui a été confiée. Les obligations 
pastorales sont, pour ainsi dire, contenues dans la 
notion de l'Église. L'Apôtre les résume en deux points: 
la parole et l'exemple. Par le premier moyen, Timothée 
inculquera aux fidèles les vrais enseignements de la 
foi. Il ne prêtera pas l'oreille aux inepties doctrinales 
et aux pratiques ridicules des faux docteurs. 11 utilisera 
son temps d'une façon beaucoup plus profitable, en se 
livrant à la piété. Puis, pour fortifier dans les cœurs 
l'effet de sa parole, Timothée s'efforcera d'inspirer à 
tous, même aux plus anciens, le respect dû à sa dignité, 
suppléant au défaut de l'âge par la gravité d'une vie où 
tout deviendra exemple : paroles, conduite, charité, 
foi, intégrité morale. En même temps, il vaquera, 
jusqu'au retour de Paul, aux fonctions normales du 
ministère : lectures publiques, exhortations, didascalie. 
Pour remplir avec succès ces divers offices, le disciple 
n'a qu'à mettre en exercice le charisme qui est en lui et 
qui lui a été communiqué, à la voix des prophètes, 
lorsque les anciens de Lystres lui imposèrent les mains. 

2° Devoirs envers les différents membres de l'Église. 
v-vi, 3. — Dans l'art de gouverner, il faut savoir 
s'adapter aux diverses catégories de personnes qu'on 
a sous ses ordres. De là, les avis données à Timothée 
quant à ses relations : — a) Avec les hommes, v, 1. 
Ménager les vieillards, surtout s'il faut les réprimander: 
exhorter plutôt que reprendre. S'il s'agit des jeunes 
gens, les traiter comme des frères. — b) Avec les 
femmes, v, 2. Se comporter envers elles, si elles 
sont avancées en âge, comme avec une mère, et, si elles 
sont jeunes, comme avec des sœurs, en toute pureté. — 
c) Avec les veuves. 3-15. L'auteur distingue, dans 
cette classe, deux catégories : la vraie veuve, celle qui 
n'a ni enfants, ni parents pour la recueillir, qui met 
en Dieu son espoir et passe sa vie en veilles saintes, 
en prières continuelles. A celle-là est due naturellement 
une part des aumônes recueillies par l'Église. Timo- 
thée veillera à ce que la communauté acquitte avec 
fidélité cette dette d'honneur. Il ne permettra pas, au 
contraire, qu'on laisseà la charge de l'Église les veuves 
qui ont encore des parents. Quant à la veuve consolée 



qui vit dans les plaisirs, c'est la seconde sorte de 
veuves. L'Église n'a aucun devoir envers elle, d'ailleurs 
elle est morte au point de vue spirituel. 

A partir du f. 9, l'Apôtre passe à un autre ordre 
d'idées. Des veuves assistées il en vient aux veuves 
chargées dans l'Église d'un ministère de charité. Il 
exige que la veuve élue à cette fonction n'ait pas moins 
de soixante ans, qu'elle n'ait été qu'une fois mariée et 
qu'elle soit recommandable par ses bonnes œuvres, 
par la manière dont elle a élevé ses enfants, par le 
zèle qu'elle a mis à exercer l'hospitalité, à laver les 
pieds des saints, à soulager les affligés, à faire le bien 
sous toutes ses formes. Les jeunes veuves doivent être 
écartées de ces fonctions ; car, au bout de quelque temps 
donné au Christ, leur nouvel époux, elles sont exposées 
à lui être infidèles et à ne plus penser qu'à se re- 
marier. 

d) Avec les presbytres. v, 17-22. — Faire en sorte que 
l'Église sache reconnaître par de larges offrandes les 
bons services de ses chefs, surtout lorsqu'ils joignent 
à leurs fonctions administratives le travail de la parole 
et de l'enseignement. Si quelqu'un de ces presbytres vient 
à être soupçonné ou convaincu de quelque grave délit, 
la première règle sera de ne pas prêter trop facilement 
l'oreille aux dénonciations. C'est pour eux surtout 
qu'il faut impliquer les principes de procédure indi- 
qués par le Deutéronome, xiv, 15. Timothée ne devra 
donc recevoir l'accusation que si elle s'appuie sur deux 
ou trois témoignages. Mais si la preuve est faite, le 
coupable doit être repris devant tous ses collègues. Il 
va sans dire que le jugement doit être impartial. Pour 
éviter autant que possible d'admettre, dans le collège 
des anciens, des hommes indignes ou incapables, ne 
pas faire de choix précipité. 

e) Avec les esclaves, vi, 1-2. — L'auteur signale le 
danger qu'il y aurait si l'adhésion à la foi chrétienne 
rendait les esclaves enclins à la rébellion ou même à 
la négligence dans leur service habituel. En consé- 
quence, Timothée les persuadera, si leur maître est 
païen, de redoubler de respect, pour éviter qu'on ne 
blasphème le nom de Dieu et la foi qu'ils professent ; 
quant à ceux qui ont un maître chrétien, il leur con- 
seillera de n'être pas moins vigilants à s'acquitter de 
leur service. 

3° Désintéressement, vi, 3-19. — Ce paragraphe donne 
à saint Paul l'occasion de revenir sur les faux doc- 
teurs pour peindre leur cupidité. L'amour de l'argent 
est, au fond, le mobile de ce pseudo-ascétisme. Aussi 
la conduite de Timothée doit-elle contraster avec cet 
amour effréné des biens de la terre. Simple en sa vie, 
se contentant de peu, l'homme de Dieu ne se mettra 
pas en peine d'amasser des richesses, mais il recher- 
chera la justice et la piété, la foi, la charité, la con- 
stance et la douceur. Les jl. 17 et 19 s'adressent aux 
riches de la communauté d'Ephèse pour leur recom- 
mander l'humilité, la confiance en Dieu seul et une 
large libéralité. 

ni. épilogue, 20, 21. — Ces deux derniers versets 
résument toute l'Épltre. C'est le mot d'ordre du chef 
à un subordonné qui est sous les armes, aux prises avec 
l'ennemi, et qui défend avec courage un trésor qui lui 
a été confié. 

XII. Bibliographie. — \« Au sujet de l'authenticité 
des Pastorales. — En dehors des catholiques, elle est 
défendue intégralement par les protestants conserva- 
teurs et par presque tous les commentateurs jusqu'à 
B. Weiss dans Meyer, 5 e édit., 1886; plus tard, le même 
auteur a changé d'opinion et se tient plutôt vers le 
non liquet; par la plupart des anglicans. Godet, Introd., 
1. 1, p. 628 sq. ; Zahn, Einl. in das N. T., 4« édit., 1906, 
p. 402 sq. ; Bertrand, Essai critique sur l'authen- 
ticité des Epîtres pastorales, Paris, 1888 ; Salmon, 
Introd. to the N. T., p. xx ; Findlay, dans son appen- 



2239 



TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A) 



2240 



dice à la traduction anglaise de l'ouvrage de Saba- 
tier, The Apostle Paul, 1891 ; Lightfoot, Biblical 
essaya, en. xi, xm. Ont admis une authenticité demi- 
paulinienne : Eichhorn, Credner (1836), Ewald, Hitzig, 
Hausrath, Pfleiderer, Hesse, Die Austehung derneutest. 
Hirtenbriefe, Halle, 1889; Knoke, Comment., Gœttin- 
gue, 1889; Harnack, Die Chronologie, 1897, p. 480-485 ; 
Renan, Saint Paul, p. xlix ; Beyschlag, Die christliche 
Gemeindeverfassung im Zeitalter des N. T., 1874 ; 
Sabatier, Encyclopédie des sciences religieuses, t. x, 
1881, p. 250 ; Clemen, Paulus, sein Leben und Werken, 
Giessen, 1904, p. 146; Von Soden, Handcom., 1893 ; 
Bovon, La théolog. du N. T., 1905, p. 327-339. Depuis 
Baur, toute l'école de Tubingue a rejeté 'authenticité 
des Pastorales. Consulter sur ce point le travail appro- 
fondi de H. Holtzmann, Die Pastoralbriefe krilisch 
und exegetisch behandelt, 1880 ; Reuss, Les epîtres 
Pauliniennes (en exceptant la II e à Timothée dont il 
reconnaît l'authenticité); Mac Giffert, Hist. of christ, 
in tlie Apostolic âge, p. 398; Jûlicher, Einl., 1901, 
p. 136-146 ; Moflatt, dans Encycl. biblica, Timothy 
and Titus, col. 5079-5096. 

2° Commentaires. — Dans l'antiquité, spécialement 
ceux de saint Jean Chrysostome, de l'uéodore de 
Mopsueste, de Théodoret, de l'Ambrosiaster ; plus près 
de nous, Wegscheider (1 Tim.), 1810 ; Heydemeich, 
1826-28; Mack, 1836-1841 ; Léo, 1837-1850; Mathias, 1848 ; 
Wiesinger (Gomm. d'Olshausen), 1850; Ellicott, 1865 ; 
Fairbairn, 1874 ; Kôlling, 1882 ; Meyer, XI, 6» éd., 1893; 
von Soden, Handc, 1893 ; Walter Lock, The Pasto- 
ral Epistles, dans The lntern. crit. Comm.; A. E. 
Humphrey, dans Canib. Bible for schools, 1897. 

3° Travaux particuliers. — Schleïermacher, Ueber 
den sogen. ersten Brief des Paulus an den Timotheus, 
1807; Planck, Bemerkungen ûber den ersten Brief an 
Timoth., Gœttingue, 1808 ; Bœhl, Ueber die Zeit der 
Abfassung und den paulin. Charakter der Brief e an 
Timoth. und Titus, 1829 ; Ad. Curtius, De tempore 
quo prior ad Timoth. exarata sit, 1828 ; Baur, Die 
sogen., Pastoralbriefe, 1835; Baumgarten, Die Aech- 
theit der Pastoralbriefe, 1837 ; Rolle, De authentid ep. 
pastor., 1841; Scharling, Die neusten Untersuchungen 
ûber die sogen. Pastoralbriefe, 1846; Good, Authenti- 
cité des Epîtres pastorales, Montauban, 1848 ; Saintes, 
Etudes critiques sur les lettres pastorales attribuées 
à saint Paul, Paris, 1852 ; Rudow, De argumentis 
historicisquibus épis t. pastoralium origopaulina impu- 
gnata est, Gœttingue, 1852; Dubois, Étude critique 
sur l'authenticité de la première Épître à Timothée, 
Strasbourg, 1856 ; Mangold, Die Irrlehrer der Pasto- 
ralbriefe, 1856 ; Otto, Die geschichtlichen Verhâltnisse 
der Pastoralbriefe, 1860 ;Ruffet, Saint Paul, sadcuble 
captivité à Rome, 1860 ; Ginella, De authencia ep. 
Pauli pastoralium, 1865 ; Plitt, Die Pastoralbriefe, 
1872 ; Herzog, Ueber die Abfassungzeit der Pastoral- 
briefe, 1872 ; Pierre Bordier, Les Épîtres pastorales, 
1872 ; Lemme, Dos echte Ermahnungsschr. d. Ap. P. 
an Tim., 1882; Eylau, Zwr Chronol. der Pastoralbriefe, 
1884 ; Spitta, Zur Gesch. und Litt. d. Urchrist., 1893, 
p. 35, 49; l'article de B. Weiss dans American jour- 
nal of theology, avril 1897. Voir F. Prat, sur l'état actuel 
de la critique indépendante, dans Théologje de saint 
Paul, 1908, p. 467. 

5. TIMOTHEE (DEUXIÈME ÉPITRE A). — 1» Situation 
historique. — L'Apôtre est à Rome, en prison, I, 8, 12, 
16, 17; il, 9, 10, pour la cause du Christ, tandis que Ti- 
mothée est à Éphèse, i, 16, 18 ; H, 17 ; îv, 14, 15, 19, où 
les mauvaises doctrines continuent à pulluler, du fait 
d'Hyménée et de Philète, m, 17. Il n'y a pas longtemps 
que Paul est à Rome et en prison, puisqu'il donne à 
Timothée, comme des nouvelles, certains détails sur 
une tournée qu'il vient de faire dans l'Archipel ; à 



Milet, il a laissé Trophime malade, iv, 20; à Troade, 
il a laissé un manteau et des livres chez Carpus, n, 13 ; 
Éraste est resté à Corinthe, iv, 20. Paul a donc tra- 
versé récemment l'Asie Mineure et la Grèce, en com- 
pagnie d'un groupe de disciples, Tit., m, 15, assez 
nombreux (oî fier' Èjioy TtâvTEç), parmi lesquels on comp- 
tait sans doute, outre ceux qui viennent d'être cités, 
Tite, Démas, Crescent, Tychique et un certain nombre 
d'Éphésiens. A Rome, les Asiates, entre autres Phigelle 
et Hermogène, l'ont abandonné, i, 15. Un autre Éphé- 
sien, au contraire, Onésiphore, un de ses anciens amis, 
étant venu à Rome, l'a cherché, l'a trouvé et l'a soigné 
dans sa captivité, i, 16, 18. L'Apôtre est plein du pres- 
sentiment de sa fin prochaine, iv, 6-8, il craint, pour 
son second procès, une issue fatale. A mesure qu'ap- 
proche le dénouement, il sent le vide autour de lui. 
Ses disciples sont loin de lui. Démas, peu fait à 
l'épreuve, vient de le quitter pour suivre des intérêts 
périssables ; il est retourné à Thessalonique, îv, 10 
(texte grec) ; Crescent est allé en Galilée, Titus enDal- 
matie, IV, 10. Tychique n'est pas encore revenu d'Ephèse, 
où Paul lui-même l'a envoyé, lv, 12, en sorte que 
l'Apôtre n'a que Luc auprès de lui. Dans l'intervalle, 
ses adversaires exploitent son isolement. Un certain 
Alexandre, ouvrier en cuivre, originaire d'Ephèse, lui 
a fait beaucoup de peine et une vive opposition ; cet 
Alexandre est maintenant de retour en Asie, IV, 14, 15. 
Par rapport au procès en cours, voici où en sont les 
choses : Paul a déjà comparu devant l'autorité romaine ; 
dans cette comparution, personne ne l'a assisté, lv, 16, 
mais Dieu l'a aidé et l'a arraché de la gueule du lion, 
iv, 17. Dans le cas, malheureusement trop probable, où 
la seconde audience se terminerait par une condam- 
nation, il désire avoir, près de lui, ses plus chers 
disciples. En conséquence, il prie Timothée de venir 
avant l'hiver, iv, 9, 21, et d'amener Marc avec lui, iv, 
11. Le voyage devra, vraisemblablement, s'effectuer en 
repassant par la Macédoine et la Grèce, puisque l'ordre 
est de passer par Troade. Là, Timothée prendra la 
pénule, les livres et les feuillets de parchemin que son 
maître a laissés chez Carpus, iv, 13. Mais, avant de 
quitter Ephèse, le disciple fidèle ne manquera pas de 
saluer Aquila et Priseille, ainsi que la maison d'Oné- 
siphore, iv, 19. En lui faisant cette dernière recom- 
mandation, Paul lui envoie les saluts des plus notables 
chrétiens de Rome, tels qu'Eubule, Pudens, Linus, 
Claudia, et les vœux de tous les autres frères. Tel est l'en- 
semble des choses qui ressort de la lettre elle-même. 
2° Emprunts littéraires. — Le ton général del'Épître 
étant celui de l'intimité, non celui de l'argumentation, 
il s'ensuit que les citations sont peu nombreuses. On 
n'en trouve même aucune qui soit explicite. A peine 
de vagues réminiscences, par exemple, il, 13 = 
xvi, 5; Is., xxvi, 13 ; n, 20 = Sap., xv, 7 ; u, 24, 26 = 
Is., xlii, 1-3 ; lv, 14 = Ps. lxii (hébr.) ; iv, 14, 17, 18 
= Ps. xxn (hébr.). Quelques-unes ne nous arrivent 
qu'à travers les paroles de Matth., vu, 23, 24; Luc, xm, 
25-27. Saint Paul a-t-il, en revanche, usé ici de la 
tradition juive ? Un seul mot pourrait y faire penser, 
m, 8-9, là où il est question de Jannès et de Mambrés. 
On croit aussi reconnaître, dans un autre passage de 
cette lettre, n, 11-13, des fragments d'un hymne chré- 
tien avec des pensées reproduites dans divers écrits 
du Nouveau Testament. Rom., vi, 8; vm, 17 ; Matth., x, 
33; Luc, XII, 9. Il y a peut-être des traces d'un Credo 
primitif au n, 8. Burn, Introd. to the Creeds, p. 27-30. 
Certaines paroles, il, 8 ; II, 19, ont aussi l'air d'être 
empruntées à quelque proverbe alors en vogue dans les 
Églises du temps. On soupçonne, en outre, la belle 
sentence, iv, 8, d'être tirée d'un âf po?ov du Seigneur. 
Enfin, la doxologie finale, rv, 18, semble imiter la der- 
nière prière de Jésus. Les points de contact avec les 
autres Epîtres sont assez nombreux, spécialement avec 



2241 



TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A) 



2242 



l'Épltre aux Romains. On pourra s'en rendre compte 
par le tableau suivant : i,3 = Rom., i, 8 ; i, 7 = Rom., 
vin, 15; i, 8 = Rom., i, 16; Eph., iv, 1 ; i, 9 = Rom,, 
xvi, 25 ; Eph., I, 4 ; n, 8 ; i, 11 = I Tim., n, 7 ; i, 14 = 
Rom., vm, 11 ; n, 4-6 = I Cor., ix, 7 ; n, 11. 13 = 
Rom., vi, 8; vm, 7; n,16 = Tit., m, 9 ; n, 22 = ITim., 
vi, 11 ; m, 5 = TH., i, 16 ; m, 7 = Tit., i, 16 ; m, 1 ; 
iv, 6 = Phil., i, 23 ; n, 17. 

3° Authenticité. — Du côté de la critique interne, la 
seconde Épître à Timothée se trouve bien plus favorisée 
que les deux autres Pastorales. On y sent davantage le 
ton, les manières, les sentiments de saint Paul ; sa 
profonde affection pour ses compagnons d'apostolat, sa 
tendresse paternelle pour Timothée, sa délicate sensi- 
bilité. Avec cela, sa haute idée de l'apostolat, son 
insistance à rappeler, à tout propos, son enseignement 
et ses souffrances, le même beau mépris de la mort, le 
même dévouement pour la cause de l'Église, la même 
promptitude à donner son sang comme libation pour 
assurer le sacrifice de foi des fidèles, la même assu- 
rance par rapport à la protection divine. On retrouve, 
aussi, dans ces pages, l'amour de l'Apôtre pour ses 
anciens coreligionnaires, i, 3; Phil., ni, 5, sa haute 
estime, son culte pour les écrits de l'Ancien Testament, 
ni, 16, 17, son respect des traditions juives, IV, 8. 
Mêmes affinités avec les doctrines des grandes Épîtres : 
la prédestination, la grâce, la victoire sur la mort, la 
résurrection du Christ, base de notre espérance, la 
nécessité de souffrir, le courage chrétien, les épreuves 
de la foi. Aussi, dans toutes les parties, il n'y a rien 
qui ne rappelle, d'une façon ou d'une autre, la plume 
du grand Apôtre. Ajoutons que, dans le détail, les faits 
répondent, sans trop d'effort, à l'état de choses général 
qui ressort de l'ensemble de la lettre ou qui résulte des 
autres données de l'histoire. « On peut même dire, dit 
Reuss, qu'aucune autre, parmi les Épîtres pauliniennes, 
ne lui est comparable à cet égard. Le fait que le ton y 
change plusieurs fois, selon que l'auteur est dominé 
momentanément par l'idée de sa fin prochaine ou qu'il 
se dégage de cette préoccupation pour ne songer qu'à 
la cause qu'il défend, ce fait n'est qu'une preuve de 
plus que nous avons là des épanchements naturels qui 
doivent provoquer la sympathie et désarmer la critique. 
C'est à dessein, continue le même auteur, que nous 
avons écrit cette dernière phrase. Car, de nos jours, la 
majorité des savants qui se sont occupés de l'histoire 
de la littérature apostolique ont exprimé la conviction 
que les deux Épîtres à Timothée et celle à Tite sont 
une production postiche du second siècle et ne sauraient 
être attribuées à l'apôtre Paul. Nous ne nous trompons 
pas en disant que, si celle que nous avons devant nous, 
en ce moment, existait seule, et que nous ne possé- 
dions plus les deux autres, il est peu probable que de 
pareils doutes eussent jamais surgi. Car, à y regarder 
de près, les arguments produits par la critique à 
l'appui de sa manière de voir sont empruntés, à bien 
peu d'exceptions prés, au texte de ces dernières. La 
raison pour laquelle la deuxième à Timothée a été 
comprise dans le même arrêt de réprobation, c'est 
qu'on leur a trouvé à toutes les trois une certaine 
physionomie commune, laquelle cependant, si l'on veut 
rester dans les limites du positif, se réduit à bien peu 
de chose. » Les Épîtres Pauliniennes, t. n, p. 2i9. 
Renan a été si frappé de l'accent sincère de certains 
versets de cette Epître que, tout en tenant l'écrit entier, 
sous sa forme actuelle, pour une sorte de roman 
historique, il ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle 
habileté l'auteur a su conserver le sentiment très juste 
de la situation de Paul à ses derniers moments. Aussi 
ne trouve-t-il pas impossible qu'on se soit servi, pour 
la rédaction des Épîtres pastorales, de billets authen- 
tiques adressés à Tite et à Timothée, qu'on aurait 
délayés dans un sens conforme aux idées du temps et 

DICT. DE LA BIBLE. 



avec l'intention de prêter l'autorité de l'Apôtre aux 
développements que prenait la hiérarchie ecclésiastique. 
Saint Paul, Introd., p. xlviii. La plus sérieuse diffl-. 
culte contre l'authenticité de cette jipttre vient donc 
de ses attaches littéraires avec les deux autres Pasto- 
rales, surtout de cette forte proportion d'Hapax lego- 
mena (il y en a 4i) et d'expressions stéréotypées qu'elle 
a en commun avec ces deux écrits, et qui font soup- 
çonner une main étrangère. Son sort est ainsi hé à 
celui des deux autres Épîtres et en partage les vicissi- 
tudes. 

4° Intégrité. — Les hypothèses imaginées, dans ces 
derniers temps, pour faire de cette Épître le résultat 
d'un amalgame de lettres ou de billets pauliniens n'ont 
d'autre appui théorique que des hypothèses de critique 
interne. Les manuscrits ne portent trace d'altération 
ni de juxtaposition d'aucune sorte. On allègue donc 
contre l'unité du présent morceau diverses considéra- 
tions tirées du contenu de la lettre. Il semble, obser- 
vent certains critiques, que l'Épître poursuit simul- 
tanément deux buts contradictoires, les premiers cha- 
pitres donnant des instructions à Timothée, comme 
s'il devait continuer son ministère, à Ephèse, les der- 
niers, au contraire, le pressant de venir à Rome. Il y a, 
d'autre part, des détails, dans certaines parties de la 
lettre, qui contredisent d'autres passages du même 
écrit, par exemple, m, 6=n, 17; iv, 11; iv, 21. Enfin, 
plusieurs passages portent l'empreinte de Paul alors 
que d'autres, par exemple, n, 14-nr, 9, ne sont que de 
vagues généralités ou peuvent facilement se détacher 
du contexte, I, 15-18. De là, les deux essais tentés, il y 
a quelque temps, pour reconstituer, sous leur forme 
primitive, les lettres ou billets qui ont servi à com- 
poser cette unique Epître. Le premier essai retrouve 
les fragments des deux lettres : l'une, I, l-iv, 8 + IV, 
19-21 et 22, écrite par Paul lors de sa seconde capti- 
vité ; l'autre, iv, 9, 18 + iv, 22, datant de la prison de 
Césarée ou bien de la première captivité à Rome. Dans 
la seconde tentative de reconstitution, on suppose que, 
vers le règne de Domitien, un disciple de Paul recueillit 
des fragments de lettres authentiques et en fit une seule 
lettre. Son but était de soutenir le courage des fidèles 
en face de la persécution et de les mettre en garde 
contre certaines nouveautés doctrinales. Plusieurs cri- 
tiques vont jusqu'à préciser les divers morceaux qui 
ont été mis à contribution. L'auteur, d'après eux, aurait 
d'abord utilisé une lettre très courte écrite par Paul 
dans le cours de la troisième mission, et ayant pour 
objet de rappeler Timothée auprès de lui, lettre com- 
prenant iv, 9-15 + 19 ; 21 + 22 a, puis il aurait inséré une 
autre missive dans laquelle, sur la fin de la captivité 
de Rome, l'Apôtre encourageait le même disciple à 
bien s'acquitter de sa tâche, i, 1 + n, 13 + m, 10 + IV, 
8 + iv, 16, 18; enfin, il aurait ajouté de son propre 
chef, tout un passage, n, 14 + m, 9. Voir, pour plus 
de détails, Clemen, DieEinheitlickkeitder Paul. Briefe, 
p. 142-156 ; Mac Giffert, The apostolic âge, p. 404-414 ; 
Moffatt, The hist. N. T., p. 700-704. Une exégèse atten- 
tive à faire ressortir, dans cette lettre, la liaison des 
idées, leur harmonie parfaite avec la situation donnée, 
leur couleur nettement paulinienne, sera le moyen de 
démonstration le plus efficace pour montrer ce que 
valent ces diverses suppositions. * 

5° Importance. — Cette lettre n'ajoute que peu de 
chose à la théologie de saint Paul. En fait de doctrine, 
elle se borne à affirmer l'inspiration de l'Ancien Tes- 
tament, son utilité pour la prédication chrétienne; 
elle insinue peut-être une formule de prière pour les 
morts, 1, 18, déjà en usage chez les fidèles; elle montre 
la force qu'on peut puiser dans le dogme de la Résur- 
rection du Christ, pour affronter la mort et les supplices. 
Comme ecclésiologie, rien d'original. Avec la première 
à Timothée, cette seconde lettre atteste la signification 

V. — 71 



2243 



TIMOTHÉE (DEUXIÈME ÉPITRE A.) — TISGHENDORF 



2244 



qu'on attachait déjà à l'imposition des mains : on y 
voyait le signe de la transmission de l'autorité aposto- 
lique; elle fait constater, en même temps, comment 
cette sorte d'hérédité spirituelle, remontant aux Apôtres 
en ligne continue, a été créée pour être la sauvegarde 
du dépôt de la foi. Au point de vue historique, la 
seconde à Timothée complète les Actes, fait connaître 
les derniers instants de la vie de saint Paul, son second 
emprisonnement à Rome, sa réconciliation avec 
Jean Marc, le nom de quelques compagnons d'apos- 
tolat dont ne parlaient pas les autres Épîtres. 

6° Analyse du contenu. — I. Prologue, i, 1-5. — 
Dans l'adresse, f. 1-2, Paul se déclare apôtre par la 
volonté de Dieu pour prêcher aux hommes la vie que 
Dieu promet à ceux qui croient en Jésus. L'action de 
grâces, f. 3-5, rappelle, en termes émus, les bienfaits 
de Dieu envers Timothée, manière délicate de faire son 
éloge. 

II. Corps de l'ÉpItre. i, 6-iv, 8.— Cette lettre est en 
réalité le testament de saint Paul à Timothée, son fils 
chéri. L'Apôtre y trace ses derniers conseils, en prévision 
d'une mort prochaine. On peut les résumer en deux 
grands devoirs, imposés à l'ouvrier évangélique dans 
ces temps de trouble. 

A) i™ partie. — Le courage. 1-6, m, 14. Le princi- 
pal danger, pour les disciples de Paul, après la mort 
de leur maître, était de se laisser envahir par les 
impressions de tristesse, d'abattement, d'inquiétude 
qui se dégageaient de la marche générale des événe- 
ments depuis que l'Église était entrée dans l'ère des 
persécutions. Déjà, le vide avait commencé à se faire 
autour de l'Apôtre dans sa seconde captivité. Rien ne 
s'adaptait donc mieux aux circonstances présentes 
qu'une vive exhortation à la vaillance. Point de faiblesse 
à cette heure critique. Et d'abord ne pas rougir de la 
doctrine du Christ ni des chaînes de Paul. L'ouvrier 
évangélique, Timothée en particulier, n'a, pour faire 
face aux événements, qu'à mettre en exercice la force 
divine contenue dans le charisme d'évangéliste, f. 7. 
Trois idées inspireront son courage : 1° L'énergie 
surnaturelle renfermée dans le charisme d'ordination, 
f. 6-10; 2° la certitude du succès final, j. 12-13; 
3° l'action de l'Esprit-Saint. Pour appuyer sa doctrine 
par des exemples, l'Apôtre met en parallèle les Asiates 
qui ont rougi de sa chaîne et l'excellent Onésiphore, 
d'Éphèse, dont la visite lui a fait tant de bien! En 
forme de conclusion, l'Apôtre réitère à Timothée des 
pressantes exhortations pour lutter vaillamment. A cet 
effet, il présente tour à tour l'ouvrier de l'Évangile 
comme un soldat enrôlé dans la milice du Christ, un 
athlète qui, pour gagner le |3pa6Etov, se soumet au 
régime sévère de l'athlétique, un laboureur prodiguant 
sans compter, à ses humbles travaux, ses peines et ses 
sueurs. Timothée comprendra la leçon contenue dans 
ces allégories. Le Seigneur, au reste, l'aidera à en faire 
son profit. La grande pensée qui sera, pour le disciple, 
comme elle l'a été pour le maître, le soutien de son 
courage, sera l'espoir de vivre et de régner avec le 
Christ, espoir basé sur la Résurrection du Christ et 
sur le lien de mystique solidarité qui associe le croyant 
aux destinées du Sauveur, à sa mort, à sa résurrection, 
à sa gloire dans le ciel. 

B) 2 S partie. — La lutte contre l'erreur, h, 14-iv, 
8. — L'auteur distingue deux catégories d'erreurs : 
celles d'aujourd'hui et celles de demain. Quant aux 
premières, h, 14-26, Timothée devra conjurer devant 
le Seigneur, c'est-à-dire par les plus graves attestations, 
ceux qui sont chargés d'enseigner de ne point entrer 
en discussion avec les faux docteurs. Ces controverses 
seraient plus dangereuses qu'utiles, f. 14. Il faudra 
employer, pour enrayer le mal, la parole et l'exemple. 
A l'égard de ceux qui se sont laissés surprendre de 
bonne foi par les doctrines erronées, supporter tout en 



patience et reprendre avec douceur. Dans les cas 
extrêmes, c'est-à-dire lorsqu'on n'a rien à attendre de 
la clémence, mais qu'on se trouve en face d'hommes 
pervers, décidés à ruiner l'Église, il n'y a qu'une 
mesure à prendre, se séparer d'eux, les éviter, au 
besoin les livrer à Satan comme Paul l'avait fait lui- 
même pour Hyménée et Alexandre. Par rapport aux 
erreurs futures, m, 1-iv, 8, Paul trace un tableau très 
sombre des pseudo-prophètes de l'avenir. Il en fait 
des hommes profondément égoïstes, avides d'argent, 
vaniteux, hautains, insolents, ingrats, impies, sans 
affection, insociables, enclins à la calomnie, à l'intem- 
pérance, à la cruauté, à la débauche. Ils ont tous les 
vices. Cependant, il n'y a pas à s'en effrayer _ outre 
mesure. Timothée est dans les meilleures conditions 
possibles pour leur tenir tête. Il a d'abord l'avantage 
exceptionnel d'avoir été formé par Paul lui-même et il 
sait, par l'exemple de son maître, comment Dieu arrache 
ses apôtres aux plus fortes épreuves. Timothée n'aura 
qu'à rester fidèle aux enseignements de son maître. 

III. Épilogue, iv, 8-22. — L'Apôtre presse son dis- 
ciple de venir avant l'hiver, saison peu propice aux 
voyages par mer. Il a d'autant plus besoin de lui qu'il 
se trouve presque seul, soit par l'abandon de certains 
disciples, soit par l'éloignement des autres. Il lui 
donne des nouvelles de son procès. Sa première com- 
parution n'a pas donné lieu à une condamnation, mais 
il n'en sera pas de même de la seconde. Aussi se 
prépare-t-il à la mort. Suivent des saluts pour Aquila 
et Priscille et pour la famille d'Onésiphore, qui sans 
doute était mort. Paul, en terminant, présente à 
Timothée les salutations des frères de la Ville éternelle : 
Eubule, Pudens, Claudia, Linus. 

Pour la Bibliographie, voir la I re à Timothée, col. 2238. 

C. Toussaint. 

TIRIN Jacques, commentateur belge, né à Anvers, 
le 16 septembre 1580, mort dans celte ville le 14 juil- 
let 1636. Il entra dans la Compagnie de Jésus et y 
remplit diverses fonctions, entre autres, celle de pro- 
fesseur d'Écriture Sainte. On a de lui : Commen- 
tarius in Vêtus et Novum Testamentum, tomis tribus 
comprehensus (avec le texte de la Vulgate), 3 in-f°, 
Anvers, 1632. Ce commentaire a été très répandu et a 
eu de nombreuses éditions. Voir E. Sommervogel, 
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. vm, 1898, 
col. 49-52. 

TISCHENDORF Lobegott Friedrich Constantin, 
théologien allemand, né le 18 janvier 1815, à Lengen- 
feld, en Saxe, mort à Leipzig, le 7 décembre 1874. Il 
commença en 1839 à préparer une édition critique du 
Nouveau Testament. En 1840, #1 partit pour Paris et 
passa plus de quatre ans en France, en Angleterre, en 
Italie et en Orient. Il revint à Paris, à Londres et à 
Oxford en 1849. En 1853, il visita pour la seconde fois 
le mont Sinaï, et en 1859, il s'y rendit une troisième 
fois; après quoi, il alla en Russie et de nouveau en 
Italie, toujours en quête de découvertes littéraires. Sa 
première publication importante fut le Codex Ephrsemi 
rescriptus, manuscrit palimpseste de la Bibliothèque 
nationale de Paris, dont le Nouveau Testament parut 
en 1843 et l'Ancien en 1845. Voir t. h, col. 1872. 

Il avait préparé en même temps l'édition du Codex 
Claromontanus, mais il ne put la faire paraître qu'en 
1852. En 1846, il avait mis au jour les Monumenta 
sacra inedita et le Codex Friderico-Augustanus conte- 
nant 43 feuillets du Codex Sinailicus, qu'il avait dé- 
couverts au monastère grec de Sainte-Catherine au 
mont Sinaï. Un nouveau voyage au mont Sinaï en 1859 
lui fit découvrir le reste presque complet du Codex, 
qu'il y avait cherché en vain en 1853. Voir Tischendorf, 
Novum Testamentum grsece, édit. vm* critica major, 
t. m, p. 345-354. Le Codex Sinaiticus parut en 1862, 



2245 



TISCHENDORF 



TISSERAND 



2246 



4 in-f°. Le Nouveau Testament fut publié séparément 
en 1863. Voir Sinaiticus (Codex), col. 1783. Le Codex 
Palalinus des Évangiles latins parut en 1847, le Codex 
Amiatinus en 1850, le Codex Claromontanus des 
Épîtres de saint Paul, grec-latin, en 1852. Il donna en 
1855 un volume d' Anecdota sacra et, de 1855 à 1870, sept 
volumes de Monumenta sacra; De evangeliorum apo- 
cryphorum origine et usu, in-8°, La Haye, 1851 ; De 
Israelitarum per mareRubrum transitu, in-8°, Leipzig, 
1847; Synopsis Evangelica, in-8°, Leipzig, 1851; Acta 
Apostolorum apocrypha ex XXX anliquis codicibus 
grsecis, in-8°, Leipzig, 1851 ; Apocalypses apocryphse, 
1866 ; Wann wurden unsere Evangelien verfasst 9 in-8°, 
Leipzig, 1865, publication populaire qui fut vendue àdes 
milliers d'exemplaires et traduite dans la plupart des 
langues européennes (traduction française par L. Du- 
rand, A quelle époque nosÉvangiles furent-ils com po- 
sés ?in-8°, Paris, 1866: et De la date de nos Évangiles- 
in-12, Toulouse, 1867); huit éditions du Nouveau Testa- 
mentgrec, Leipzig, 1841, une protestante et une catho- 
lique, Paris, 1842; 4 e , Leipzig, 1849 ; 5», 1850; 6 e , 1854; 
7 e (major et minor), 8 e (major et minor), 1869 ; cette 
dernière est la meilleure. On aune traduction française 
de sa Terre Sainte, avec les souvenirs de S. A. I. le 
grand-ducConstantin, in -8°, Paris, 1868. Voir G. R. Gre , 
gory, Allgemeine deutsche Biographie, t. xxxvm, 
1894, p. 371. 

TISCHRI, septième mois de l'année juive. Il est 
appelé Ethanim, III Reg., vi, 38. Voir Éthanim, t. h, 
col. 2005. D'après les Talmudistes, c'est dans le mois 
de tischri, qu'on dit venir de arvii, « commencer », que 

le monde fut créé et que naquirent et moururent les pa- 
triarches. Cependant, R. Josua place ces événements au 
mois de nisan. Voir J. Levy, Chaldâisches Wôrlerbuch 
ûber die Targumin, 2 in-4°, Leipzig, 1866-1868, t. Il, 
p. 565. 

TISON (hébreu : 'ûd; Septante : SaXô;; Vulgate : 
titio, torris), morceau de bois dont une extrémité est 
encore en feu. — Isaïe, vu, 4, appelle « deux bouts de 
tisons fumants » Rasin de Syrie et Phacée d'Israël, 
conjurés contre Juda. Us ont beau se rapprocher, ils ne 
rallumeront pas l'incendie, car ils ne produisent plus 
que de la fumée. — Samarie a été bouleversée comme 
Sodome et Gomorrhe et, bien que devenue semblable à 
un tison tiré du feu, elle ne s'est pas convertie. Am., 
îv, 11. — Les Israélites revenus de captivité sont aussi 
comme ci un tison arraché du feu. » Zach., m, 2. 

II. Lesètre. 

TISSERAND (hébreu : 'orêg; Septante : û?ivT-r,ç, 
èpYaî°!AÉvo;; Vulgate : teœens), celui qui tisse des étoffes. 
« Tisser » se dit 'ârag, cf. à?iyyr\, le nom de l'araignée, 
et sôkêh, ifxlim, texere, ordiri. Le « tissu », produit 
de ce travail, s'appelle 'érég, niisbesôt, û:pao-[iévo'/ , 
'[otoç, textura, opus textile ou textrinum. — Pour 
tisser, l'ouvrier se sert d'un métier composé d'un cadre 
de bois, sur lequel sont disposés en haut et en bas deux 
rouleaux ou ensouples. Sur ces rouleaux, on tend des 
fils parallèles appelés chaîne, de manière que les fils 
pairs puissent être écartés des fils impairs au moyen 
d'un dispositif placé au bas de la chaîne. Quand ils sont 
séparés angulairement, on fait passer entre eux hori- 
zontalement un autre fil appelé trame, qu'on lance à 
l'aide d'une navette sur laquelle il est enroulé, voir 
Navette, t. iv, fig.402, col. 1493, et qu'on serre contre 
la trame précédente au moyen d'un sorte de peigne. 
A mesure que le tissu avance, on l'enroule sur l'en- 
souple supérieure et on déroule la chaîne inférieure, 
jusqu'à ce que la pièce entière soit achevée. Les an- 
ciens Égyptiens savaient se servir du métier à tisser. 
Deux femmes s'accroupissaient aux côtés d'un métier 
horizontal, se lançaient mutuellement la trame et la ser- 



raient ensuite au moyen d'une barre pressée par un effort 
commun. Voir t. iv, fig.80, col.261. Quelquefois, au lieu 
d'employer une ensouple inférieure, on se contentait de 
tendrelesfils de la chalneeny attachant des poids (fig.496). 
Dans une caverne troglodyte de Chanaan, on a retrouvé 
une collection de poidsde tisserandsoud'autreséléments 
de métier à tisser. Ces poids sont formés par de petits 
disques ou des cônes d'argile ou de pierre perforés. 
A une époque assez reculée, au moins dès les premières 
invasions sémitiques, les Chanacéens savaient donc 
utiliser plus ou moins habilement le poil de leurs chè- 
vres et la laine de leurs brebis pour se fabriquer des 
étoffes grossières. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, 
p. 214, 405, 406. — L'usage du métier était familiei 
aux Hébreux; ils s'en servaient pour fabriquer diffé- 
rentes espèces de tissus. Voir Étoffes, t. n, col. 2035. 
Les patriarches nomades se procuraient vraisemblable- 
ment des étoffes toutes faites. Mais, dès le désert, on 




5?e 



496.- 



Métier grec. Torsion des fils de ta chaîne 
au moyen de poids. 
D'après Rich, Diction, des antiquités grecq. et rom., p. 634. 

voit les Hébreux en fabriquer eux-mêmes, spéciale- 
ment pour l'usage du Tabernacle et pour les vêtements 
des prêtres. Exod., xxvm, 32; xx'xv, 35; Eccli., xlv, 
12; etc. Il leur futdéfendu de se faire pour eux-mêmes 
des étoffes dans lesquelles se mélangeraient des fils de 
différentes espèces. Lev., xix, 19. Cette prohibition 
tendait sans doute à signifier aux Hébreux qu'ils ne 
devaient pas se mêler eux-mêmes à des races étran- 
gères. Job, vu, 6, fait allusion au métier, quand il dit 
que ses jours passent plus vite que la navette. Il com- 
pare son corps à un tissu d'os et de nerfs composé par 
Dieu. Job, x, 11. Un Psalmiste reprend la même idée, 
quand il dit (dans le texte hébreu) que Dieu l'a tissé 
dès le sein de sa mère. Ps. cxxxix (cxxxviii), 13. — 
Samson suggéra à Dalila l'idée de lui tisser les che- 
veux en même temps que sa toile. Elle les fixa en effet 
avec la cheville de son métier; mais, en se réveillant, 
Samson arracha la cheville et le tissu. Jud., xvi, 13-14. 
Il est plusieurs fois question de 1' « ensouple de tisse- 
rands », menôr 'orgîm, nio-a/.Xov ûsaivôvriav, liciato- 
rium texenlium, à laquelle on compare la hampe de la 
lance d'un géant. IReg.,xvn,7; II Reg., xxi, 19; I Par., 
XI, 23; xx, 5. — Les tisserands savaient mêler des fils 
d'or à leur ouvrage. Ps. xlv (xliv), 14. — Des maisons 
de prostituées avaient été ménagées dans le Temple 
par Manassé, et les femmes y tissaient des tentes pour 



2247 



TISSERAND — TITE (ÉPITRE A) 



2248 



Astarthé, IV Reg., xxm, 7, sans doute en étoffes pré- 
cieuses. — Isaïe, xix, 9, parle de ceux qui, en Egypte, 
travaillent le lin peigné avec une carde (fig. 497), et tis- 
sent le coton. — Ézéchias, déplorant sa mort prochaine, 
dit que Dieu l'ôte de la trame pendant que, comme 
un tisserand, il enroulait le tissu de sa vie. Is., xxxvm, 
12. Le prophète compare encore l'œuvre des méchants 
à celle que tissent les araignées. Is., lix, 5. — Anne, 
femme de Tobie, travaillait à gages, yipcôsûero, pour 
gagner sa vie ; la Vulgate ajoute qu'elle allait tous les 
jours tisser de la toile. Tob., il, 19. — Ontissaitle byssus 
à Beth-Aschbéa. I Par., iv, 21. Voir Aschbéa, 1. 1, col. 1073. 




497. — Carde égyptienne pour peigner le lin. 

D'après Wilkinson, Manners and customs of the ancient 

Egyptians, 2- édit., t. n, p. 174. 

A l'époque évangélique, il y avait dans le quartier neuf de 
Jérusalem des marchands de laine et un marché aux 
habits. Cf. Josèphe, Bell.jud., V, vin, 1. L'industrie des 
lainages y florissait, Erubin, x, 9; Baba kamma, x, 9, de 
même que celle des tissus de lin à Scythopolis,en Galilée. 
Cf. 1er. Kidduschin, H, 5; Mùller, Geographi gr. min., 
31, t. n, p. 513; Edict . Dioci., 26-28. Voir Tarse, col. 2012. 

H. Lesètre. 
TITAN (FILS DE) (Septante : Uol Ti-révwv), géants 
dans la mythologie grecque. La version des Septante, à 
laquelle la Vulgate a emprunté cette expression, Judith, 
xvi, 8, a traduit vraisemblablement ainsi dans un sens 
figuré l'hébreu gibbôrîm, «. forts », de même qu'elle a 
rendu refa'îm par ysyavrec, « géants ». D'après la 
mythologie hellénique, les Titans étaient fils d'Uranus, 
« le Ciel », et de Gaia, « la Terre ». Ils furent vaincus 
par les dieux de l'Olympe et Zeus (Jupiter) les con- 
damna à demeurer dans le Tartare. Les poètes latins, 
Horace, Od,, m, 4, 42, etc., les confondirent avec les 
géants. Dans l'usage, ces expressions étaient devenues 
synonymes de « forts, valeureux ». Les Septante ren- 
dirent l'hébreu Refa'îm par ily»Yteç, Gen., xiv, 5; 
Jos., xn, 4, etc. Saint Jérôme conserva le mot hébreu 
et le transcrivit par Raphaïm, dans plusieurs passages; 
dans d'autres, il le rendit par giganles. Voir Raphaïm 1, 
col. 976. Le mot Titan ne se lit dans la Vulgate que 
Judith, xvi, 8. 

1. TITE (grec Tréoç), l'un des plus chers et des plus 
dévoués collaborateurs de saint Paul, qui l'a plusieurs 
fois mentionné dans ses Epitres, Gai., n, 1, 2; II Cor., 
n, 13; vu, 6, 13; vm,6, 16,23; xn, 18; II Tim., iv, 16; 
Tit., I, 4. Le silence des Actes à son égard a fait 
conjecturer, par plusieurs critiques fWieseler, Chron., 
p. 204), queTite était le n.om d'emprunt d'un des com- 
pagnons de saint Paul et on a cherché tour à tour à 
l'identifier soit avec Timothée, soit avec Silas, soit avec 
Titus Justus. Act., xvin, 7. Aucune de ces suppositions 
ne mérite créance. La forme latine de ce nom ne donne 
aucune indication sur l'origine ou le pays du disciple 



en question. On ignore son lieu de naissance. Cepen- 
dant diverses légendes le placent en Crète, saint 
Chrysostome à Corinthe, les Actes de Thècle, c. n, à 
Icône. Quelques-uns le mettent à Antioche parce que 
c'est là qu'il semble avoir fait connaissance avec 
l'Apôtre et s'être attaché à lui. Ce qu'on peut affir- 
mer, c'est qu'il était d'origine païenne, Gai., il, 3, 
et qu'il fut probablement converti par saint Paul 
(l'vijdccp tsxvco, Tit., i, 4). L'Apôtre se rendit avec lui à 
la conférence de Jérusalem, le présenta aux Apôtres et 
aux anciens et s'opposa avec énergie aux injonctions 
des judaïsants, qui voulaient qu'il fût circoncis. Gai., 
n, 3. A la troisième mission, Tite parait avoir pris la 
place de Silas et, dès ce moment, avoir suivi partout 
l'Apôtre dans ses courses évangéliques et ses fondations. 
Il devait être du nombre de ceux dont parle l'Épitre 
aux Galates, ot aùv ly.oi, i, 2. On suppose qu'il séjourna 
longtemps à Éphèse avec son maître. C'est sans doute 
de là qu'il se rendit à Corinthe pour remplacer Timo- 
thée, calmer les esprits, organiser la collecte. Dans ces 
diverses tâches il déploya tant de zèle, de courage et 
d'intelligence qu'il rétablit la paix dans l'Église de 
Corinthe, se conciliant les sympathies de tous. II Cor., 
vu, 13. Inquiet sur l'issue de sa mission, l'Apôtre 
n'eut de repos que lorsqu'il vit son disciple le rejoindre 
en Macédoine et lui apporter de consolantes nouvelles. 
II Cor., n, 14; vu, 11, 15. Il l'envoya de nouveau à 
Corinthe, en avant-garde, avec deux frères de Macé- 
doine choisis par les Églises, II Cor., vin, 23, afin 
d'achever la collecte pour les Saints de Jérusalem. Il 
n'est plus question de Tite qu'après la première capti- 
vité romaine. Cette omission, par saint Luc, d'un colla- 
borateur de Paul aussi important est, dans les Actes, 
un des points les plus obscurs. Sans les Pastorales, on 
aurait complètement perdu la trace d'un des ouvriers 
évangéliques les plus en vue du Nouveau Testament. 
L'Épitre à Tite nous apprend, en particulier, qu'après 
sa libération l'Apôtre se rendit en Crète, évangélisa 
plusieurs villes de cette contrée (xatà ttiSaiv, i, 5), et 
laissa Tite continuer l'œuvre commencée, avec mission 
d'organiser les, nouvelles communautés. Le zélé dis- 
ciple rencontra dans l'île de vraies résistances, surtout 
de la part des Juifs, qui y étaient nombreux. Tite, 1, 10. 
Ce n'est pas sans raison qu'on associe d'ordinaire les 
noms de Tile et de Timothée. Tous deux semblent 
avoir été les deux disciples préférés par l'Apôtre. 
Chacun d'eux avait pourtant son individualité à part. 
En comparant 1 Tim., m, 12, avec Tit., n, 15, on peut 
conclure que Tite était plus âgé que Timothée, avec 
plus d'expérience et de fermeté. I Cor., xv, 10; II Cor., 
vu, 15. Il était surtout apprécié par les Églises où 
dominait l'élément d'origine païenne. II Cor., vu, 15. 
Comme Timothée, il marche dans les voies de l'Apôtre, 
II Cor., xn, 18, il est son fils chéri, Tit., i, 4, son frère 
bien aimé, II Cor., H, 13, son précieux collaborateur. 
Il Cor., vm, 23. On ignore l'histoire de ses dernières 
années. La seconde Épitre à Timothée, IV, 10, indique 
qu'il est en Dalmatie, peu de temps avant la mort de 
saint Paul. Les écrivains ecclésiastiques le font vivre et 
mourir en Crète. Eusèbe, H. E., III, iv, 6; t. xx, 
col. 220; Const. Apost., vu, 46, t. i, col. 1053. Cf. Lip- 
sius, Die Apokryph. Àpostelgeschichte, t. n, p. 401- 
406. André de Crète en a fait un panégyrique, Orat. 
xvi; Pair, gr., t. xcvn, col. 1141-1169. Le corps de 
Tite a été conservé à Gortyne pendant plusieurs siècles, 
puis transféré à l'église de Saint-Marc, à Venise. 
L'Église latine célèbre sa fête le 6 février; les Églises 
grecques, syriaque et maronite, le 25 août. 

C. Toussaint. 
2. TITE (épitre A). — I. Introduction. — 1» Situa- 
tion historique. — Comme dans les lettres à Timothée, 
on n'a pour se renseigner que ce que suggère l'Épitre 
elle-même. Voici les faits. qu'elle suppose. Quand saint 



2249 



TITE [ÉPÎTRE A) 



2250 



Paul écrit à Tite, celui-ci est dans l'île de Crète, i, 5. 
L'Apôtre, qui vient de visiter ce pays, y a laissé son 
disciple pour achever l'organisation des Églises et pour 
aller de ville en ville établir des presbytres et des 
épiscopes, i, 5. Certains détails laissent entendre que 
le christianisme était relativement assez ancien dans 
l'ile, i, 10. Les erreurs dont on signale la présence 
dans les Églises de cette contrée ne peuvent se conce- 
voir, en effet, qu'après un temps plus ou moins long, 
depuis la première prédication évangélique. On a donc 
essayé de rattacher l'implantation de la foi chrétienne 
dans cette contrée soit à la présence de quelques Juifs 
ou prosélytes crétois convertis par les prodiges de la 
Pentecôte, Act., n, 11, soit à une période de la vie de 
Paul relatée par les Actes. Mais ces deux hypothèses 
rencontrent les mêmes difficultés, disonsimpossibilités. 
Selon les Actes, en effet, Paul ne touche la Crète qu'une 
fois, et cela lors de son naufrage; il n'y fait qu'un très 
court séjour, et durant ce séjour, il est captif. Ce n'est 
sûrement pas à ce moment-là que Paul a pu fonder des 
Églises dans l'île. De même, si le christianisme existe 
là depuis près de trente ans, comment se fait-il que les 
frères ne viennent pas, comme ceux d'Italie, Act.,xxvm, 
15, au-devant de l'Apôtre, qu'ils ne lui prêtent pas se- 
cours? L'auteur des Actes, si cela fût arrivé, n'aurait pas 
manqué de le dire. S'il se tait, c'est que la foi nouvelle 
était, à cette époque, ignorée ou peu connue des Cré- 
tois. L'évangélisation de l'île est donc probablement 
postérieure au premier passage de Paul. Ce qu'il est 
permis de conjecturer, c'est que, peu de temps après, 
c'est-à-dire pendant sa captivité à Rome, l'Apôtre eu 
peut-être l'idée d'envoyer là quelqu'un de ses disciples, 
Tite, par exemple, avec l'intention de le rejoindre aussitôt 
après sa libération. Effectivement Paul y aurait fait un 
court séjour avant de gagner Éphèse, confiant à Tite 
le soin de poursuivre l'œuvre commencée. 11 semble 
que ce dernier ait été, lui aussi, aux prises avec des 
difficultés assez analogues à celles où se trouvait alors 
Timothée. Les mêmes fausses doctrines se glissaient de 
toutes parts dans les Églises d'Orient, les mêmes abus 
s'y produisaient, les mêmes dangers s'y faisaient jour. 
Paul venait à peine d'envoyer sa première lettre à 
Timothée qu'il apprit, on ne sait comment, la situation 
précaire des Églises de Crète. Il se mit aussitôt à 
rédiger quelques avis pour Tite. Il n'eut guère pour 
cela qu'à répéter ce qu'il venait d'écrire à Éphèse. 
Apollos, qui était auprès de lui, reçut, avec un ancien 
scribe nommé Zénas, la mission de porter ce message 
à son destinataire. On comptait beaucoup sur l'élo- 
quence du docteur alexandrin pour réduire au silence 
l'opposition juive ou judaïsante. Act., xvm, 27, 28. En 
outre, Paul promettait à Tite de lui envoyer bientôt 
Artémas et Tychique qui, sans doute, devaient l'aider 
dans ses travaux et le remplacer momentanément. Il 
prie, en effet, son disciple de venir, dès qu'il aura 
reçu ces deux frères, le rejoindre à Nicopolis, où il 
compte passer l'hiver, ni, 12. Enfin, il recommande, 
en terminant, de faire la conduite à Zénas et à Apollos 
qui ne devaient guère que passer, et d'avoir grand soin 
d'eux, m, 13. 

2° Emprunts littéraires. — On a relevé, dans cette 
Épitre, un certain nombre d'expressions, parfois même 
des phrases entières, prises de divers côtés. Il y a 
d'abord un vers d'Épiménide, i, 13, peu flatteur pour 
les Crétois; puis une sorte de proverbe reçu dans les 
milieux chrétiens du temps, m, 8. Bien que l'auteur 
ne cite jamais expressément l'Écriture, il est pourtant 
visible qu'il s'en inspire en maints endroits, i, 14 = 
Isaïe, xxix, 13; h, 5 = Is., lu, 5; h, 14 = Ps. cxxx, 8; 
Deut., xiv, 2; Ézéch-., xxxvii, 23; m, 6= Joël, m, 1. 
On s'aperçoit, en outre, par nombre de réminiscences 
et d'allusions, qu'il connaît les discours du Seigneur, 
mais il n'y a pas trace, dans ce qu'il en rapporte, de 



sources écrites ou d'emprunts directs aux Évangiles 
canoniques, i, 15= Marc, vu, 9; Luc, xi, 41; m, 5 = 
Joa., m, 5; m, 10= Matth., xvm, 15-17. Aurait-il subi 
l'influence delà I a Pétri? Plusieurs critiques l'ont cru, 
tant les points de contact entre les deux Épîtres sont 
frappants, i, 5-9=1 Pet., v, 1-4; m, 1 = 1 Pet., n, 
13; m, 4-7=1 Pet., i, 3-5. Plus nombreuses, on peut 
même dire plus littérales sont les ressemblances avec 
les autres écrits pauliniens : I, 1-4= Rom., i, 1; XVI, 
25-27; 1,15= Rom., xiv, 20; n, 14= Gai., i, 4; m, 1 = 
Rom., xni, 1; m, 3= Eph., n, 3; I Cor., vi, 9-11; m, 
5= Eph., n, 8, v, 26, surtout avec la première à 
Timothée. Ici, la similitude touche presque à l'identité. 
Dans plusieurs passages, les deux lettres ont l'air de se 
copier. L'entrée en matière est tout à fait pareille, 
Tit., i, 5= I Tim., i, 3, le but général, le plan dans son 
ensemble, la teneur des avis, la forme du langage elle- 
même ne diffèrent point : Tit., i, 4= I Tim., i, 1, 2; i, 
5-9= m, 1, 7; i, 11 = m, 9; il, 1, 6= v, 1-2; n, 7= 
iv, 12; n, 9-10= vi, 1; n, 14= u, 6; n, 15= iv, 12; 
m, 5=1, 9; m, 9= iv, 7. Cette analogie rappelle celle 
qui existe entre l'Épître aux Colossiens et l'Épître aux 
Éphésiens. 

3° Temps et lieu de la composition. — De ce qui 
précède^ il découle que l'Épître à Tite et la première à 
Timothée ont été écrites à peu près vers le même temps, 
à peu de distance l'une de l'autre. Toute hypothèse 
qui mettrait entre elles un intervalle de plus d'un ou 
deux mois devrait être repoussée. On serait même tenté 
de les dater du même jour. S'il faut, pourtant, en repor- 
ter la rédaction à des périodes différentes, la priorité 
de temps semble être en faveur delà lettre à Timothée. 
Le projet d'aller hiverner à Nicopolis paraît, en effet, 
modifier les premières intentions de Paul, qui se pro- 
posait d'abord de retourner sous peu à Éphèse, I Tim., 
ni, 14; iv, 13. Maintenant, s'il parle d'aller en Épire, 
c'est qu'il a changé d'itinéraire. On objectera peut-être 
qu'il s'agit de Nicopolis, en Thrace, sur le Nestus, 
près des frontières de Macédoine ; mais la présence de 
Tite en Dalmatie, à peu de temps de là, II Tim., iv. 
10, rend fort improbable cette supposition. C'est bien 
dans la Nicopolis d'Épire, l'ancienne Actium, bâtie par 
Auguste en souvenir de sa victoire, que Paul a dessein 
de passer l'hiver, en compagnie de Tite. On sait que 
par une singulière coïncidence, Josèphe, Act., XVI, v, 
3, Hérode le Grand avait largement contribué à la con- 
struction de cette ville. La seule raison qu'on pourrait 
alléguer contre l'antériorité de l'Épître à Timothée, c'est 
que l'organisation ecclésiastique y paraît plus complète 
et plus avancée que dans l'Épître à Tite. Mais l'obstacle 
disparaît si l'on veut songer, un instant, à la différence 
d'âge des Églises dans lesquelles travaillait chacun des 
deux disciples. La communauté d'Jtphèse existait 
depuis près de dix ans quand la Crète recevait à peine 
les premiers germes de l'Évangile. S'il fallait en croire 
la suscription des manuscrits grecs, Paul aurait écrit 
de Nicopolis en Macédoine. Mais il n'y a là qu'une 
glose de copiste fondée, sans doute, sur l'interprétation 
de m, 12. On croit généralement que la lettre a été 
composée dans quelque Église de Macédoine, Philippes, 
Bérée ou Thessalonique, peu de temps avant le voyage 
de Paul en Épire. L'Apôtre presse le départ de son 
disciple, ffTto-jSxcrov êÀOeïv, parce que l'hiver approche 
et que la navigation va devenir difficile. On peut sup- 
poser qu'il lui fit indiquer, de vive voix, par Apollos, 
le port où il l'attendait avant de prendre ensemble le 
chemin de l'Occident. En tenant compte de toutes 
ces circonstances, l'Épître devrait être datée du mois 
de septembre ou, au plus tard, de fin octobre, l'an 65. 

4° Authenticité. — Sans vouloir revenir sur un pro- 
blème déjà traité (voir Épître [Première] a Timothée), 
il n'est pas cependant sans intérêt de grouper quelques- 
uns des traits particuliers de cette Épître qui en con- 



2251 



TITE (ÉPITRE A) 



2252 



Brmen l'origine paulinienne. Car non seulement il n'y 
a. rien, ni comme doctrine, ni comme circonstances 
personnelles, ni comme ton épistolaire, qui sorte, 
dans cet écrit, du tour d'esprit propre à l'Apôtre ou qui 
répugne soit aux données de l'histoire, soit aux con- 
jectures qu'elle peut autoriser, mais encore on saisit, 
ici et là, des particularités difficiles à expliquer, si l'on 
admet que ces lignes sont d'une plume étrangère. En 
tout cas, il faudrait conclure à une imitation extrême- 
ment habile. Sans doute, on pouvait, avec les autres 
Épltres, mettre en circulation des idées semblables à 
celles de Paul, mais ce qui n'était guère possible, 
c'était de les adapter, sans aucun heurt, à une situation 
créée de toutes pièces, en dehors de la vie historique 
qu'on met en scène, tout en gardant dans l'ensemble 
le ton et la couleur individuelle des écrits du grand 
Apôtre : sa manière de citer les auteurs grecs, I Cor., 
xv, 33, d'appliquer à sa thèse les textes de l'Ancien 
Testament, de tirer d'un dogme des conclusions mo- 
rales. Avec cela, les grands principes de l'universalisme, 
la vie éternelle promise à tous, la grâce du salut appor- 
tée au genre humain, II, 11, la mort rédemptrice du 
Christ, l'effusion de l'Esprit parle baptême, la vie nou- 
velle dans l'amour, le non-sens des distinctions entre 
mets purs et impurs. Mais si le fond des idées est bien 
de Paul, on ne peut, du moins avec la même assurance, 
en dire autant du style. Le vocabulaire de l'Épître à 
Tite n'a presque rien de commun avec celui des 
grandes Épîtres. Les hapax legomena s'y rencontrent 
dans une proportion par trop forte. On en compte jus- 
qu'à 26 dans l'espace de 46 versets. Ce qui inquiète 
encore d'avantage, c'est, à chaque instant, de trouver 
quelqu'une de ces formules stéréotypées, exclusivement 
propres aux Pastorales, par exemple, Èiriyvouiç à\-r\0eix<;, 
|uz( f uvaixo; àvrip, xaXà epya, ô vûv aïâjv, 6 nÉyaç Bsbç, 
XouTpàv TtaXivyevEai'aç, itia-ub; o XiSyoç, etc. Car tout cela 
semble nous mettre en face d'un auteur qui a son style 
à lui, ses expressions toutes faites, imposées peut-être 
par une sorte de langage technique plus ou moins offi- 
ciel, résultat d'une lutte déjà longue contre l'erreur. Ce 
qui aggrave la difficulté, c'est que ces phrases conven- 
tionnelles ne sont pas la propriété exclusive de l'Épître 
à Tite, mais sont communes à toutes les Pastorales. On 
a ainsi un groupe de trois écrits qui ont une langue 
particulière, différente de celle des autres Epîtres pau- 
liniennes, assez originalepour faire penser à un écrivain 
distinct de Paul, mais écrites à une époque différente. 

5° Intégrité du texte. — Les manuscrits ne laissent 
. soupçonner aucune altération. On pourrait toutefois 
supposer l'insertion de deux versets, i, 7, 9, et une 
transposition maladroite, m, 18, à la place du f 14. 
Mais, à la rigueur, il n'y a aucune raison pressante 
de retoucher ces passages. La question ne se pose que 
pour les critiques qui nient l'authenticité de presque 
toute l'Épître, sauf quelques lambeaux de phrases em- 
pruntés à des lettres que Paul aurait écrites à Tite, 
lorsque celui-ci préparait la troisième visite de l'Apôtre 
à Corinthe. II Cor., xu, 16. On s'est livré, de ce côté, à 
des morcellements par trop arbitraires. En dehors des 
versets III, 12-13 et 12-15, qu'on accepte d'abord 
comme étant de Paul lui-même, chaque auteur démêle 
à son gré ce qui est authentique d'avec ce qui ne l'est 
pas. Cf. Me Giffert, Apostolic âge, p. 406; Harnack, 
Chronologie, p. 480; Clemen, Die Einheitlich keit der 
Paul.Briefe, p. 157-163; Mqffatt, Histor. N. T., p. 700. 

6° Importance. — Cette Épitre est un document très 
précieux sur l'organisation de la hiérarchie ecclésias- 
tique, sur la persistance du danger juif dans les com- 
munautés fondées par saint Paul, sur les obstacles op- 
posés, par les influences païennes, à la foi du Christ, à 
sa pleine expansion au sein des l'Églises, sur la dis- 
cipline merveilleuse qui façonne tous les membres de 
la nouvelle société pour en faire un corps social modèle, 



capable d'attirer à Jésus, par sa belle tenue, sa dignité 
morale, ses vertus de loyauté, de douceur, d'abnégation, 
la vieille société grecque et romaine, qui s'abîmait de 
plus'en plus dans le désordre, l'anarchie, l'égoïsme, la 
corruption. 

II. Analyse du contenu. — A) prologue, i, 1-4. — 
L'adresse présente quelque ressemblance avec celle de 
l'Épître aux Romains et la première Épitre de saint 
Jean. L'Apôlre y résume, en quelques mots, l'origine, 
le but, l'objet de l'apostolat ainsi que la force qui, au 
milieu des difficultés de toutes sortes, en est l'appui et 
le soutien. Paul n'écrit pas à Tite une lettre d'ami 
mais une lettre de service. De là, le ton et l'objet de ce 
préambule. 

B) corps de l'Épître. i, 5-ih, 11. — Déduction 
faite de quelques légères différences imposées par des 
raisons locales, le fond de la lettre à Tite reproduit, 
dans ses deux parties essentielles, la première Épitre à 
Timothée. De part et d'autre, ce sont les mêmes avis, 
les mêmes règles de gouvernement, les mêmes écûeils 
à éviter, en sorte que l'un des deux écrits ne semble 
être, en réalité, que la copie réduite de l'autre. Cela 
s'explique par l'analogie de situation où se trouvaient, 
tous deux, les destinataires de ces diverses flett»es. Il 
n'est pas difficile de voir qu'à peu de ebose près, Tite 
avait mission de fonder en Crète ce que Timothée 
devait restaurer à Éphèse. Les règles de gouvernement 
qui font l'objet de cette Épitre donnent lieu à une 
division en deux parties : 

a) i" partie. — Les devoirs des pasteurs. I, 5-16. 
— Dans l'Église, comme dans toute société bien réglée, 
les chefs suprêmes ont, pour gérer dignement leur 
charge, un double devoir :1° bien choisir leurs subor- 
donnés ; 2° leur donner une sage direction. Tels sont 
les deux points sur lequels portent les premières 
recommandations de Paul à son disciple. Il lui déter- 
mine les conditions d'éligibilité des presbyteri ou 
episcopi, i, 6-10. Ce sont les mêmes que dans l'Épître 
à Timothée. Le côté moral des candidats est ce qu'on 
doit le mieux examiner. Quant aux devoirs des élus, 
9-16, ils sont résumés dans ces prescriptions : 1° prêcher 
aux fidèles la doctrine sacrée ; 2° réfuter ceux qui la 
combattent et la contredisent. Ce dernier devoir est 
motivé, en Crète, par l'apparition de faux docteurs très 
dangereux, greffant sur la nature vicieuse des Cretois 
les défauts de la race juive. 

b) S' partie. — Les devoirs du troupeau, n, i-m, 
11. — C'est une esquisse de morale sociale à l'adresse de 
la société chrétienne. On voit poindre, à travers cet 
ensemble de préceptes, l'idée d'une sorte de code ecclé- 
siastique. Chacun des membres de l'Église, fût-ce le 
plus humble, a un devoir civique à remplir. Les préoc- 
cupations de l'Apôtre ne vont pas seulement, dans cette 
Épitre, au salut individuel des néophytes, elles embras- 
sent maintenant l'Église tout entière, pour lui assurer, 
au dedans, la prospérité, le bon ordre, l'harmonieuse 
coopération de tous à l'œuvre commune et, au dehors, 
la paix avec les pouvoirs publics, la bonne entente avec 
les païens, le bon renom de la doctrine nouvelle. 

1. A l'intérieur, n, 1-15. — Les vieillards doivent 
être sobres, graves, modérés, gardant, dans toute leur 
intégrité, la foi, la charité, l'attente ferme et patiente 
de la Parousie. Aux femmes âgées on enjoint de se 
donner en exemple aux personnes de leur sexe qui 
sont jeunes ; éviter, en outre, la médisance, l'ivro- 
gnerie. Une seule chose est recommandée aux jeunes 
gens. La vertu de leur âge doit être la tempérance. 
Éviter avec soin toutes sortes d'excès. Tite qui, comparé 
à Paul, est encore, un jeune homme, devra par ses 
actes leur servir de modèle pratique. On compte parti- 
culièrement sur les esclaves pour faire briller, par leur 
conduite, la divinité de la doctrine chrétienne. Par 
leur condition, ils sont plus à même que personne de 



2253 



TITE (ÉPITRE A) — TITRE DE LA CROIX 



2254 



prouver les miracles de force régénératrice contenus 
dans la foi nouvelle. 

2. Au dehors, m, 1-11. — Paul veut que le chrétien 
soit un homme d'ordre, en règle avec l'autorité romaine, 
vivant en bons termes avec les païens et, en général, 
avec tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Tous 
les frères semontreront donc sujets soumis, obéissants 
à l'égard des magistrats et des pouvoirs publics, prêls 
à faire tout ce qu'on demandera d'eux, hormis ce qui 
serait contraire aux intérêts de la conscience. Point de 
mauvaises paroles ni de querelles avec les gens du 
dehors, païens ou juifs non convertis ; se montrer, au 
contraire, très polis à leur égard et faire preuve, en 
toutes occasions, de la plus grande douceur. L'idée qui 
doit inspirer ces sentiments, c'est le souvenir de ce 
que les néophytes étaient eux-mêmes avant leur con- 



Calig., xxxviii, 8; Dion Cassius, liv, 3. Eusèbe, H. E., 
v, 1, t. xx, col. 425, rapporte la lettre des chré- 
tiens de Lyon sur le martyre d'Attale, où il est dit 
qu'on portait devant lui une planchette, n(vx£, où il 
était écrit : Outoç lerriv "AtioO.o; à -/pianavoç, « celui- 
ci est Attale le chrétien ». Pilate se conforma à cet 
usage après la condamnation de Jésus. La tablette sur 
laquelle on écrivait était d'abord enduite de couleur 
blanche et l'on y traçait les lettres en rouge. Pilate 
rédigea lui-même le texte de l'inscription. Il voulut 
qu'il fût écrit en hébreu, langue des habitants du pays, 
en grec, langue des Juifs de la dispersion et des étran- 
gers, et en latin, langue officielle du gouvernement. 
Le titre fut fixé en haut de la croix et lu par un grand 
nombre de Juifs, à raison de la proximité du Calvaire. 
Joa., xix, 19, 20. Les quatre évangélisles mentionnent 




. — Ce qui reste du titre de la croix de Notre-Seigneur, conservé dans l'église de Sainte-Croix de Jérusalem à Rome. 

Demi-grandeur de l'original. 



version. N'étaient-ils pas hier ce que les autres sont 
aujourd'hui ? Si tout cela est changé, il ne faut en 
reporter la gloire que sur l'amour miséricordieux du 
Dieu Sauveur. La transformation qui fait d'un homme 
un élu du ciel est le fruit, non de ses mérites, mais de 
la miséricorde de Jésus-Christ et de l'efficacité de ses 
sacrements. Il n'y a donc pas lieu de traiter les païens 
avec hauteur et dureté. 

C) épilogue, m, 12-15. — Saint Paul termine sa 
lettre par diverses recommandations. Il prie Tite de 
venir le rejoindre, avant l'hiver, à Nicopolis, en lipire, 
dès que sera arrivé, pour le remplacer, soit Artémas, 
soit Tychique, de prendre un soin tout particulier du 
légiste Zénas et d'Apollos, porteurs de la présente mis- 
sive. Suivent les salutations de la part de ceux qui lui 
sont liés par l'affection chrétienne, puis le salut final. 
— Pour la Bibliographie, voir Timothée 4, col. 2238. 

C. Toussaint. 

TITRE DE LA CROIX (grec : èm-rpa<pvi, tîiXos; 
Vulgate : superscriptio, titulus), inscription fixée au 
sommet de la croix pour indiquer le motif de la con- 
damnation. — Chez les Romains, quand un condamné 
élait conduit au supplice, on portait devant lui, ou il 
portait lui-même suspendu au cou, un écriteau indi- 
quant la cause de la condamnation. Cf. Suétone, 



le litre et le citent plus ou moins complètement. 
Saint Marc, xv, 26 : '0 BaoïXsù? ri5v 'Io'jBatmv, « le roi 
des Juifs y>,rex Judseorum ; saint Luc, xxm, 38 : Outoç 
èotiv ô BaffiXe'jç zib'i 'IouSaioiv, « celui-ci est le roi des 
Juifs ï>,hic est rex Judmorum ; saint Matthieu, xxvn, 37 : 
OOtoç ècjTiv 'iYjffoîj; ô BatrcXsuç toïv 'IouSaîcov, <( celui-ci 
est Jésus, le roi des Juifs », hic est Jésus, rex Judmorum ; 
saint Jean, XIX, 19 : 'I^aovz 6 NaÇrapatoç, ô Bao-iXeùç tûv 
'IouSai'wv, « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs », Jésus 
Nazarenus, rex Judseorum. Cette dernière rédaction 
est la plus complète. Elle indique le nom du condamné, 
son origine et la cause de sa condamnation. Il avait 
dû être difficile à Pilate de trouver le libellé de cette 
cause, après avoir reconnu lui-même qu'elle n'existait 
pas. Joa., xvm, 38; xrx, 4, 6. Parmi tous les motifs 
d'accusation portés à son tribunal, il choisit celui qui 
avait vaincu ses hésitations, le titre de roi prêté à Jésus 
et déclaré par les Juifs en opposition avec les droits de 
César. Joa., xix, 12, 14. C'est pourquoi les quatre évan- 
gélistes reproduisent en commun le titre de « roi des 
Juifs ». Ce libellé excita le mécontentement des enne- 
mis du Sauveur. Jésus, en effet, à s'en tenir au titre, 
semblait avoir été crucifié parce qu'il était roi des Juifs. 
Les pontifes allèrent donc trouver Pilate, soit au mo- 
ment où le titre apparut à leurs yeux au départ du cor- 



2255 



TITRE DE LA CROIX 



TOBIE 



2256 



tège, soit quand ils le virent en haut de la croix, et 
ils lui demandèrent de le modifier. Ils auraient voulu 
qu'il écrivit : « Je suis le roi des Juifs, » pour faire 
ressortir ainsi la prétention qu'ils attribuaient à leur 
victime. Pilate refusa sèchement d'acquiescer à leur 
requête, «c Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit, » se contenta- 
t-il de dire. Joa., xix, 20-22. — Le titre de la croix, 
retrouvé en même temps que la croix elle-même, fut 
apporté à Rome, où il est maintenant conservé dans la 
basilique de Sainte-Croix de Jérusalem. La planchette 
qui le constitue était de chêne, de peuplier ou de syco- 
more; mais elle est tellement piquée qu'on n'en peut 
plus déterminer exactement la nature. Elle a dû avoir 
primitivement 65 centimètres sur 20; elle n'en a plus 
que 23 sur 13. En 1492, les deux lettres uni du dernier 
mot latin manquaient déjà. En 1564, les mots Jésus et 
Judseorum n'existaient plus. Aujourd'hui, la relique 
est encore bien plus réduite (fig. 498). Les lettres sont 
rouges sur fond blanc; elles sont légèrement en creux, 
soit qu'elles aient été tracées avec une sorte de gouge, 
soit que la couleur rouge ait eu plus d'action sur le 
bois que le blanc. Elles ont de 28 à 30 millimètres de 
hauteur, ce qui permettait assez aisément de les lire 
du bas de la croix et à petite distance. Uue particularité 
de l'inscription prouve son authenticité : les mots 
grecs et latins sont écrits à la manière de l'hébreu, de 
droite à gauche. Dans le principe, les Grecs écrivaient 
en eflet de cette manière; ils adoptèrent ensuite le 
système (3ouorpo<p7iSov, celui des bœufs qui labourent, 
commençant une ligne par la gauche, la suivante par 
la droite et ainsi de suite. Le système actuel avait pré- 
valu depuis plusieurs siècles en Grèce et en Italie, à 
l'époque évangélique. Mais l'inscription de la croix fut 
rédigée sous cette forme archaïque, soit pour répondre 
à une coutume juive de l'époque, soit pour ménager 
un certain parallélisme entre les trois textes. On voit, 
par ce qui en reste, que l'inscription avait été exacte- 
ment reproduite par saint Jean. Des mots hébreux, il 
n'y a plus que la partie inférieure de six jambages assez 
difficiles à identifier. Il est certain pourtant que l'ins- 
cription hébraïque a été composée, non en hébreu an- 
cien, mais dans le dialecte araméen alors parlé en Pa- 
lestine, et que les lettres ont été tracées en écriture 
cursive. Des jambages subsistants, les deux premiers à 
droite représenteraient la partie inférieure du n, article 
précédent le nom de Nazaréen ; le troisième est l'extré- 
mité du 2, le quatrième celle du "i, le cinquième celle du 
i très allongé dans l'ancienne écriture, et le sixième celle 
du 3 tel qu'il s'écrivait alors. Dans l'inscription grecque, 
assez inhabilement exécutée, au lieu de NocÇwpafoc, on a 
transcrit le mot latin, NAZAPEN8C = NAZARENVS, 
alors qu'il eût fallu plutôt NAZAPHNOC pour rendre 
exactement Nazarenus. S. Ambroise,De obit.Theodos., 
45, t. xvi, col. 1401, dit que sainte Hélène trouva écrit 
sur le titre de la croix : Jésus Nazarenus rex Judseo- 
rum, et Sozomène, H. E., n, 1, t. lxvii, col. 929, ra- 
conte que le titre fut trouvé écrit dans les trois langues; 
et il en cite le texte grec avec le mot NaÇwpaîoç, qu'il 
reproduit d'après saint Jean et non d'après le titre lui- 
même. Il faut observer en outre que la dernière lettre 
de gauche de l'inscription grecque parait bien être le 
B de BaaOîJî, qui, par conséquent, n'aurait pas été 
précédé de l'article O, comme dans le texte de saintjean, 
— Cf. J. Bosius, Crux triumphans, Anvers, 1617, i, 
11; H. Niquet, Titulus sanctse crucis, Anvers, 1670; 
Gosselin, Notice historique sur la sainte couronne, 
Paris, 1828, p. 40-55; Rohault de Flcury, Mémoire sur 
. les instruments de la Passion, Paris, 1870, p. 183- 
198; Vigouroux, Le N. T. et les découv. archéol. mod., 
Paris, 1896, p. 183-187; D. Donadiu y Puignau, Le 
vrai titre de la croiœ, dans le Compte rendu du 
IV' Congr. scient, internat, des catholiques, Fri- 
bourg, 1898, \" sect., p. 65-77. H. Lesêtre. 



TITUS (grec Tîtoc), nom de trois personnes dans 
l'Écriture. 

\. TITUS, prénom du légat romain Manilius. 
II Mach., xi, 34. Voir Manii.ius, t. îv, col. 656. 

2. TITUS JUSTUS, prosélyte de Corinthe, chez qui 
logea l'apôtre saint Paul dans cette ville. Sa maison 
était attenante à la synagogue. Act., xvm, 7. Le nom 
de Titus ne se lit pas dans la plupart des manuscrits 

grecs. 

3. TITUS, disciple de saint Paul. Voir Tite. 

TOB (TERRE DE) (hébreu : 'ères Tôb ; Septante : 
Y?) Twê), endroit où se réfugia Jephté quand il fut 
chassé par ses demi-frères. ,fud., xi, 3. Il y réunit 
autour de lui une troupe de gens hardis et prêts à 
tout, comme plus tard David persécuté par Saiil, et il 
vécut avec eux de pillage, jusqu'à ce qu'il fut appelé 
par les anciens de Galaad, opprimés par les Ammo- 
nites, pour se mettre à leur tête. Voir Jephté, t. ni, 
col. 1250. — Tob devait se trouver non loin de Galaad, 
probablement dans le désert, à l'est, mais sa situation 
précise est jusqu'à présent inconnue. On croit généra- 
lement que le petit royaume araméen d'Istob, qui four- 
nit des hommes aux Ammonites pour résister à David, 
n'est pas différent de Tob. II Reg. (Sam.), x, 6, 8. 
Voir Istob, t. m, col. 1010. — Les Tubianéens ou 
habitants de Tubin, dont il est question I Mach., v, 
13; II Mach., xn, 17, sontpeut-être aussi des habitants 
de Tob. Voir Tubin. La position de Tubin est définie, 
II Mach., xn, 3, 17, comme étant à 750 stades de Charax 
ou Characa, voisine de Tob, en partant de Casphis, 
mais ni Casphis ni Characa ne sont identifiés. 

TOBIAH BEN ÉLIÉZER,juifdeMayence,mortvers 
1107. Il consacra près de vingt ans de sa vie, 1088-1107, 
à un commentaire du Pentateuque et des cinq Megil- 
loth, c'est-à-dire du Cantique des cantiques, de Ruth, 
des Lamentations, de l'Ecclésiaste et d'Esther. Ce com- 
mentaire porte le nom de Leqah Tob, « leçon bonne », 
par allusion à son nom. Les commentaires duLévitique, 
des Nombres et du Deutéronome ont.été publiés à Venise 
en 1546; en traduction latine par Ugolino, Thésaurus 
antiquil. sacr., t. xv et xvi, Venise, 1766. A. Jellinek a 
publié des extraits des commentaires des cinq Megil- 
loth, Leipzig, 1855-1858. —Voir M. Sel. TobiaBenMoses 
ha-Abel, dans Jewish Encyclopedia, t. xn, 1906, p. 166 ; 
Fùrst, Bibliotheca judaica, t ni, p. 427. 

TOBIE, nom de six personnages de nationalité 
diverse, dans la Vulgale. Dans le texte original, ils ne 
sont pas tous écrits de la même manière. Voir ThOBIAs, 
II Par., xvii, 8, col. 2195. 

1. TOBIE (hébreu : Tôbïydh), chef d'une famille 
dont les descendants retournèrent en Palestine avec 
Zorobabel, mais sans pouvoir établir leur généalogie. 

I Esd., il, 60; II Esd., vu, 62-65. 

2. TOBIE (hébreu : Tôbïydh), esclave ammonite. 

II Esd., n, 10, 19. C'était un homme intelligent, qui 
fit la plus vive opposition à Néhémie. Il était le gendre 
de Séchénias, fils d'Arèa, II Esd., VI, 18, et s'immisçait 
ainsi dans les affaires des Juifs. Le moabite Sanaballat 
partageait sa haine contre les enfants d'Abraham et 
tous les deux, réunissant l'aversion de la race de 
Moab et de celle d'Ammon contre Israël, s'entendaient 
ensemble pour l'empêcher de relever Jérusalem de ses 
ruines. Néhémie écarta avec soin ces loups qui vou- 
laient se mêler à son troupeau pour le dévorer. « Vous 
n'avez ni part, ni droit, ni souvenir dans Jérusalem, » 



2257 



TOBIE 



2258 



dit Néhémie, II Esd., n, 20, à Tobie, à Sanaballat et à 
Gosem l'Arabe. L'irritation de l'Ammonite n'en devint 
que plus vive. « Qu'ils essaient de rebâtir (les murs 
de Jérusalem) ! s'écriait-il, rv, 3. Si un renard s'élance, 
il renversera leurs murailles de pierres. » Cf. f. 7. Par 
des intrigues de toute sorte, il travaillait à prendre pied 
dans Jérusalem. Des affidés le tenaient par lettres au 
courant de tout ce qui se passait et il les excitait en 
leur écrivant lui-même. Plusieurs Juifs étaient liés 
avec lui par serment, parce qu'il était gendre de Séché- 
nias, fllsd'Arèa, et parce que son fils Johanan avait épousé 
la fille de Mosollam, fils de Barachie, vi, 1-14, 17-19. 
Profitant sans doute de l'absence de Néhémie, il poussa 
l'audace jusqu'à s'établir dans le Temple, dans un 
appartement que lui avait préparé le grand-prêtre Ëlia- 
sib, xiii, 45. Voir Éliasib 5, t. ri, col. 1668. A son retour 
de Perse, Néhémie, indigné, se rappelant que la Loi 
interdisait l'accès du Temple aux Ammonites et aux 
Moabites, xiii, 1, chassa l'intrus et fit jeter ses meubles 
dehors, jf ." 7-8. Depuis lors, il n'est plus question de 
lui. Voir Néhémie 2, t. rv, col. 1567. 

3. TOBIE (Septante : Twêei'9, Twëei'ï, Ttoên), fils de 
Tobiel et père de Tobie le jeune. Il était de la tribu et 
de la ville de Nephthali en Galilée et fut emmené captif 
à Ninive sous le règne de Salmanasar, roi d'Assyrie. 
Son histoire est racontée dans le livre qui porte son 
nom. Voir Tobie 7. 

4. TOBIE, fils du précédent. Pour son histoire, voir 
Tobie 7. 

5. TOBIE (hébreu : Tôbîydhû; Septante : irapà tù>v 
-/pïiit'iiwv), un des personnages revenus de la captivité 
qui doivent donner les couronnes destinées à être mises 
sur la tête du grand-prêtre Jésus. Zach., vi, 10, 14. Voir 
Hélem 2; Idaïa 4, t. m, col. 566, 806. 

6. tobie (grec : Twët'aî), père d'Hircan, riche habi- 
tant de Jérusalem. II Mach., m, 11. Voir Hircan, t. m, 
col. 719. 

7. TOBIE (LIVRE DE), livre deutérocanonique qui ra- 
conte l'histoire de Tobie, père et fils. Dans les anciens 
manuscrits grecs, il porte simplement comme titre 
T(o6c't, Twêeir; dans des manuscrits moins anciens, 
Bi6Xo{ ï.6yu>w TuSix ; en latin, Tobis, Liber Thobis, 
Tobit et Tobias, Liber utriusque Tobise; dans la Vul- 
gate : liber Tobise. Le nom de Tobie devait être en 
hébreu Tôbîyâh, « Jéhovah est bon « ou « Jéhovah 
est mon bien ». Cf. I Esd., n, 60; Il Esd., ir, 10; iv, 3; 
Zach., vi, 10, 14. La forme Twëi'r des versions grecques 
et Tobis de l'ancienne Italique provient sans doute de 
simples terminaisons t et s ajoutées à la forme hébraï- 
que abrégée Tôbi, dans laquelle Yâh doit être sous- 
entendu comme 'èl, «c Dieu », est sous-entendu dans le 
nom Palti, I Sam., xxv, 44, qui est écrit Paltiel, 
II Sam., m, 15 (Vulgate: Phalti, Phaltiet). 

I. Do texte du livre. — 1° Tobie a été composé en 
chaldéen, au témoignage de saint Jérôme, Prsef. in 
Tob., t. xxix, col. 23; en hébreu, d'après d'autres, ou 
même en grec, selon quelques-uns. Cette dernière 
opinion est fausse. On ne peut apporter aucun argu- 
ment décisif en faveur de l'une ou l'autre des deux 
premières. On a découvert en 1877 et publié en 1878 
un texte chaldéen de Tobie, mais ce n*est certainement 
pas le texte original- The book of Tobit; a Chaldee 
text from a unique m», in the Bodleian Library, 
edited by Ad. Neubauer, Oxford. Les versions anciennes 
sont notablement différentes les unes des autres, et 
la critique est impuissante à rétablir le texte primitif. 

2» Manuscrits. — On possède quatre manuscrits 
grecs, plus ou moins complets, en lettres onciales, du 



livre de Tobie : le Vaticanus, le Sinaiticus (Libellus 
Tobit e codice Sinaitico editus et recensitus a Fr. H. 
Reusch, Fribourg, 1870), Y Alexandrinus et le Venetus- 
Marcianus. Le texte du Sinaiticus est reproduit avec 
les principales variantes du Codex Alexandrinus, du 
Codex Parisiensis Coislin vm, et du Codex Parisien- 
sis, supplément grec 609, qui représente la revision de 
l'évêque égyptien Hésychius (iv e siècle), dans F. Vigou- 
roux, Bible polyglotte, t. m, p. 466-522. Les manu- 
scrits grecs en lettres minuscules, de Tobie, sont assez 
nombreux. 

3° Classification et valeur des divers textes. — On 
peut partager en quatre groupes principaux les diffé- 
rents textes du livre de Tobie. — 1. Le premier com- 
prend le Vaticanus, Y Alexandrinus, le Venetus, la 
Peschito ou version syriaque, i-vn, 5, la version armé- 
nienne et la version hébraïque de Fagius. — 2. Le 
second, le Sinaiticus, l'ancienne Italique et la version 
hébraïque de Sébastien Munster. — 3. Le troisième, 
les manuscrits minuscules grecs 44, 106, 107, et la 
dernière partie de la Peschito, vu, 10-xiv. — 4. Le 
quatrième, la Vulgate. — Les critiques sont loin d'être 
d'accord sur la valeur de ces divers textes. Les savants 
catholiques ont donné communément la préférence à 
la Vulgate. Un commentateur de Tobie, Gutberlet, est 
porté cependant à croire que saint Jérôme, qui tra- 
duisit le livre en un seul jour, d'après ce qu'il nous 
apprend lui-même, Prsef. in Tob., t. xxix, col. 26, a 
abrégé le texte original. Il se fonde principalement 
sur ce que Tobie le père parle à la première personne 
dans les textes grecs, tandis que le récit est à la troi- 
sième personne dans la Vulgate. On comprend, dit-il, 
qu'un abréviateur change la personne ; on ne compren- 
drait pas que celui qui traduit simplement ou amplifie 
l'original eût imaginé un pareil changement. « Sous 
le rapport littéral, continue t-il, le texte du Codex 
Sinaiticus et la version Italique méritent la préférence ; 
sous le rapport dogmatique, la Vulgate doit être placée 
au premier rang;... sous le rapport esthétique, le 
codex du Vatican (ou le grec ordinaire) doit être 
regardé comme le meilleur travail sur l'original, s 
Das Buch Tobias, 1877, p. 19. 

II. Auteur, date, canonicité. — 1" La tradition a 
toujours attribué à Tobie père et fils la rédaction de 
leur histoire : — a) parce que, dans les anciennes ver- 
sions, à l'exception de celle de saint Jérôme et du 
nouveau texte chaldéen en partie, Tobie le père parle 
à la première personne depuis le ch. i jusqu'au com- 
mencement de l'histoire de Sara, fille de Raguël, m, 
7. — b) Le texte grec, xn, 20, porte que l'ange Raphaël 
donna l'ordre à Tobie d'écrire son histoire et l'on ne 
doit pas douter que celui-ci ne lui ait obéi, comme l'insi- 
nue le verset suivant, xiii, 1, dans les versions grecques. 

2» Date. — Le livre a dû être écrit quelque temps 
après les événements qu'il raconte. Les deux derniers 
versets, xiv, 16-17, qui marquent la mort de Tobie le 
fils, doivent avoir- été ajoutés par une main étrangère, 
comme le récit de la mort de Moïse à la fin du Deuté- 
ronome. — Les protestants et les rationalistes, qui 
nient maintenant le caractère historique du livre de 
Tobie, en placent la composition aux époques les plus 
diverses et rien ne montre mieux le caractère arbitraire 
de leur critique que les résultats inconciliables aux- 
quels elle arrive. Suivant Eichhorn, qui ne détermine 
rien de plus précis, le livre a été écrit après le règne 
de Darius, fils d'Hystaspe; suivant Bertholdt, après 
Séleucus Nicator, entre 250 et 200, par un Galiléen ou 
un Juif babylonien; suivant Ewald, vers la fin de 
l'empire perse, vers 350; suivant plusieurs critiques 
modernes, sous l'empereur Adrien, qui régna de 117 
à 138 de notre ère, etc. 

3° Canonicité. — La primitive Église a considéré le 
livre de Tobie comme canonique. Les principales scènes 



2259 



TOBIE 



2260 



en sont reproduites dans les catacombes. « Les diverses 
représentations de ce sujet qui sont arrivées jusqu'à 
nous, dit Martigny, Dictionnaire des antiquités chré- 
tiennes, 2 B édit., in-4°, 1877, p. 760-761, suivent à peu 
près la succession des événements de la touchante his- 
toire deTobie... Ces représentations, si souvent répétées 
dans la primitive Église, alors que rien ne se faisait en 
ce genre, soit dans les cimetières, soitdansles basiliques, 
sans l'autorité des pasteurs, prouvent jusqu'à l'évidence 
que le livre de Tobiefut dès les premiers temps placé 
dans le canon des Livres Saints. » Cependant, comme il 
ne se trouvait pas dans la Bible hébraïque en usage 
chez les Juifs de Palestine, d'anciens écrivains ecclésias- 
tiques, en particulier saint Jérôme, se sont exprimés 
sur les livres deutérocanoniques et sur Tobie comme s'il 
existait une différence entre eux et les livres hébreux de 
l'Ancien Testament; ils les ont reconnus néanmoins 
comme sacrés. Voir Canon, t. n, col. 154-155. Les 
canons des papes et des conciles ont défini la canoni- 
cité du livre de Tobie. Voir canon de saint Gélase, 
t. H, col. 153; cf. col. 162; canon du concile de Trente, 
ibid., col. 178. 

III. Division et résumé du livre de Tobie. — Il forme 
un tout parfaitement ordonné et disposé avec un art 
admirable en six sections. 

1» Vertus et épreuves de Tobie le père. — 1. Un Israé- 
lite fidèle de la tribu de Nephthali est déporté à Ninive 
avec Anne, sa femme, et Tobie, son fils. Il exerce les 
œuvres de miséricorde envers ses frères et ensevelit les 
morts, ce qui attire sur lui la persécution de Senna- 
chérib, roi d'Assyrie,; il échappe en se cachant à la 
colère du roi, et celui-ci ayant été tué par ses fils peu 
de temps après, il recommence ses actes de miséri- 
corde et de piété, i II. 9. — 2. L'épreuve allait commencer 
pour lui. Quelque temps après, s'étant endormi au pied 
d'un mur, la fiente d'un nid d'oiseaux lui tomba sur 
les yeux et l'aveugla. Le nom des oiseaux est différent 
dans les divers textes, ainsi que les circonstances dans 
lesquelles se produisit la cécité. Elle amena pour Tobie 
la privation et les misères, et les reproches de ses 
amis et de sa femme. Accablé d'amertume, il prie Dieu 
de le délivrer de la vie, n, 10-m, 6. 

2° Vertus et épreuves de Sara, fille de Raguël. —A 
ce point du récit, nous sommes transportés à Rages, en 
Médie, d'après le texte actuel de la Vulgate, mais plus 
vraisemblablement à Ecbatane, comme le portent les 
versions grecques. Pendant que Tobie souffrait et 
priait Dieu à Ninive, la fille d'un de ses parents, Sara, 
fille de Raguël, souffrait et priait à Ecbatane, en Perse. 
Sept fois, elle avait été mariée, et ses sept époux avaient 
été tués au moment même de ses noces par le démon 
Asmodée, dont le nom vient, d'après les uns, du perse 
azmûden, « tenter », d'après les autres, de l'hébreu 
Sâmad, « perdre ». Asmodée paraît être le démon de la 
concupiscence. Une des esclaves de la jeune Sara lui 
reproche la mort de ceux qui ont recherché sa main, 
et la jeune fille, affligée, demande à Dieu de la secourir 
ou de la délivrer de la vie, m, 7-23. 

3 e Voyage du jeune Tobie en Médie. — Dieu exauce 
la prière que lui adresse le père du jeune voyageur 
et aussi celle de Sara, la fille de Raguël; il mettra fin 
aux épreuves de ces deux justes par le ministère de Ra- 
phaël, un de ses anges. Le vieux Tobie, croyant sa mort 
prochaine, après avoir donné à son fils les plus sages 
conseils, l'envoie en Médie pour recouvrer dix talents 
d'argent (85 COO francs) qu'il avait prêtés à Gabélus, 
un de ses coreligionnaires. L'ange Raphaël, qui a pris 
une forme humaine, sert de guide au jeune Tobie sous 
le nom d'Azarias. Le soir de la première journée du 
voyage, ils s'arrêtèrent sur les bords du Tigre. Tobie 
ayant voulu laver ses pieds dans le fleuve, un poisson 
s'élançant, dit le Codex Sinailicus, « voulut dévorer le 
pied du jeune homme. » On ignore à quelle espèce 



appartenait ce poisson. Calmet a supposé que c'était 
un brochet. On le trouve dans le Tigre et sa chair est 
excellente. L'ange dit à Tcbie de saisir le poisson par 
les ouïes, et, quand ils en eurent mangé, il lui recom- 
ma nda de garder une partie du cœur et du foie pour 
chasser le démon, et le fiel pour guérir la taie des yeux, 
vi, 1-9. 

4° Mariage du jeune Tobie avec Sara. — Les deux 
voyageurs arrivèrent sans autre incident à Ecbatane et 
ils allèrent loger chez Raguël, le père de Sara. Sur le 
conseil de l'ange, Tobie demande la main de la jeune 
fille, après avoir appris de son guide le moyen de 
chasser le démon qui avait fait périr les précédents 
maris de sa cousine; il l'obtient, chasse Asmodée en 
brûlant une partie du cœur et du foie du poisson et 
en passant en prières les trois premières nuits de leur 
mariage. L'ange Raphaël relégua Asmodée dans le dé- 
sert de la Haute- Egypte, de sorte qu'il ne pût agir en 
dehors de ce lieu. Alligavit, hoc est ejus potestatem... 
cohibuit atque frsenavit, dit saint Augustin, De civ. 
Dei, XX, vu, 2, t. xu, col. 668, expliquant un passage 
analogue de l'Apocalypse, xx, 2. Le nouvel époux de- 
meura quatorze jours auprès de Raguël, son beau-père. 
Pendant ce temps, Raphaël alla à Rages chercher l'ar- 
gent prêté à Gabélus et amena ce dernier à Ecbatane 
pour prendre part aux fêtes du mariage, VI, 10-IX. 

5° Retour de Tobie à Ninive. — L'ange enseigna au 
jeune Tobie, pendant le retour, le moyen de guérir son 
père de sa cécité, à l'aide du fiel du poisson. Sara était 
partie avec lui, après avoir reçu de Raguël de sages 
conseils sur les devoirs d'une mère de famille. En 
chemin, son jeune époux prit les devants, pour calmer 
les inquiétudes des siens, et, à son arrivée, il guérit le 
vieillard aveugle par les moyens que l'ange lui avait 
indiqués, x-xi. 

6° Conclusion: manifestation de Raphaël; dernières 
années de Tobie. — Raphaël fit alors connaître aux 
deux Tobie sa nature angélique et leur révéla les des- 
seins de Dieu dans les épreuves qu'ils avaient eues à 
subir, xu. Le vieux Tobie rend alors gloire à Dieu de 
ses bienfaits et prédit la gloire future de Jérusalem, 
xiii. Aux approches de la mort, il donne ses derniers 
avis à sa famille et lui recommande de quitter Ninive, 
qui sera détruite. Tobie le fils retourne auprès de Ra- 
guël et meurt à l'âge de 99 ans, xiv. — L'intervention 
de Raphaël, envoyé de Dieu, est un des traits princi- 
paux du livre de Tobie, qui nous révèle ainsi quel est 
l'office des anges gardiens et nous met sous les yeux 
l'action de la Providence dans les incidents de la vie 
ordinaire. 

IV. Caractère historique du livre de Tobie. — 
L'historicité du livre de Tobie a été longtemps admise 
sans contestation. Tous les protestants le regardent au- 
jourd'hui comme un roman pieux, ainsi que quelques 
catholiques, mais la réalité de l'histoire de Tobie est 
attestée par les détails minutieux du récit, la généalogie 
du principal personnage, les renseignements précis sur 
la géographie, l'histoire, la*chronologie, etc., qui nous 
montrent que l'auteur a voulu parler en historien. Les 
principales difficultés qu'on fait contre le caractère 
historique du livre de Tobie sont les suivantes : 

1° Les faits merveilleux qui y sont racontés. — Les 
miracles contenus dans un récit ne sont pas une preuve 
qu'il est historique, mais ils ne sont pas non plus une 
preuve qu'il soit fictif, parce que Dieu peut, quand il 
lui plaît, intervenir surnaturellement dans les affaires 
de ce monde, comme le montrent tant d'autres miracles 
rapportés dan3 la Sainte Écriture. 

2° Inexactitudes qu'on prétend exister dans le récit. 
— 1. Rages, la ville de Médie où l'auteur fait résider 
Gabélus, au VIII e siècle avant notre ère, ne fut bâtie, 
dit-on, que plusieurs siècles plus tard, par Séleucus 
Nicator, d'après le témoignage de Strabon, XI, xm, 6. 



2261 



TOBIE 



TOILETTE 



2262 



C'est là une fausse interprétation de Slrabon. Il dit 
que Séleucus changea le nom de Rages, comme il le fit 
pour d'autres villes, et l'appela Eurôpos. Le Zend-Avesta 
la mentionne comme une ville déjà ancienne. — 2. On 
prétend que c'est Théglathphalasar (745-727) et non Sal- 
manasar (727-722), Tob., i, 2, qui déporta la tribu de 
Nephthali en Assyrie. C'est peul-être Sargon qu'il faut 
lire au f. 2, comme au f. 18, au lieu d'Enemessaros, 
nom altéré que porte le texte grec, et qu'il faut corriger 
en Sargon, d'après les documents assyriens. Mais, quoi 
qu'il en soit, Théglathphalasar n'avait pas déporté en 
Assyrie la tribu de Nephthali tout entière, et Salmana- 
sar ou Sargon put encore trouver des hommes de cette 
tribu dans le royaume d'Israël. — Quelques autres diffi- 
cultés géographiques s'expliquent aussi par la perte de 
l'original et par les altérations des noms propres 
étrangers, que ne connaissaient pas les copistes, et 
qu'ils ont défigurés dans leurs transcriptions. 

3° L'histoire de Tobie et le conte d'Ahikar. — La 
découverte d'un conte ou d'un roman connu sous le 
nom d'Histoire du sage Ahikar fournit matière à une 
objection nouvelle, contre le caractère historique du 
livre de Tobie. Tout ce qu'on en connaît jusqu'ici a été 
publié par MM. Rendel Harris, F. C. Conybeare et 
Agnès Smith Lewis, The story of Ahikar, from 
the Syriac, Arabie, Armenian, Ethiopie, Greek and 
Slavonic versions, in-8°, Londres, 1898. Une partie 
des aventures altribuées à Ahikar se retrouve, mais 
démarquée, dans la vie d'Ésope le Phrygien, attribuée 
au moine grec Planude et que La Fontaine a placée en 
en tête de ses Fables. Son nom se lit aussi dans le livre 
de Tobie. La Vulgate l'appelle Achior, Tob., x, 20, et 
ne le mentionne que dans ce passage, mais les versions 
grecques et l'ancienne Italique lui conservent son nom 
'A-/Ei'-/.apoç (Sinaiticus), 'A-/iàxapoç (Valicanus), 
Achicarus (Vêtus llala), et parlent de lui, I, 24-25, 
où Tobie l'appelle le fils de son frère; il, 11, où Achia- 
char nourrit son oncle devenu aveugle jusqu'à son 
départ pour l'Élymaide; XI, 18 (Vulgate, 20), où 
Achiachar (Achior) et Nasbas (Nabath) félicitent Tobie 
de tous les biens dont Dieu l'a comblé; enfin xiv, 10, 
Tobie dit avant de mourir à son fils, d'après le Sinaiti- 
cus : « Mon fils, considère ce qu'a fait Nadab à Achi- 
char, qui l'avait élevé; ne l'a-t-il pas mis vivant dans 
la terre? Et Dieu l'a couvert de confusion, et Achichar 
est revenu à la lumière et Nadab est tombé dans les 
ténèbres éternelles parce qu'il avait cherché à tuer 
Achichar. Parce qu'il avait pratiqué la miséricorde 
envers moi, il a échappé au piège de mort que Nadab 
lui avait tendu, et Nadab est tombé dans le piège de la 
mort qui l'a fait périr. » 

Des détails analogues se retrouvent dans le conte 
d'Ahicar. Voir la reproduction des parties principales 
de ce conte dans F. Vigouroux, Les Livres Saints et 
la critique rationaliste, 5 e édit., t. iv, 1902, p. 557-569. 
On veut en conclure que le livre de Tobie est aussi 
fabuleux. Son auteur nous a suffisamment prévenus 
du caractère purement imaginaire de son œuvre, dit- 
on, en y mêlant des traits empruntés à un récit qui a 
mérité d'être inséré dans le supplément des Mille et 
une nuits. — A cela on peut répondre que la question 
est de savoir si le texte primitif et original de Tobie 
contenait les passages qui ont trait à Ahicar. Le texte 
de notre Vulgate ne contient pas les passages relatifs à 
Ahicar qu'on lit dans les textes grecs; il nomme bien 
Achior et Nabath, xi, 20, mais ce verset ne renferme 
pas d'allusion précise aux détails fabuleux du conte. On 
prétend que saint Jérôme, ayant abrégé l'original, y a 
supprimé ces passages, mais c'est une affirmation 
qu'on ne peut prouver; nous ne possédons plus aujour- 
d'hui le texte original; personne ne peut assurer qu'il 
les contenait et se faire garant que le traducteur les 
a omis volontairement. Leur présence dans les tra- 



ductions grecques n'est pas suffisante pour établir 
qu'ils viennent de l'original, il s'en faut d'autant plus 
que les textes grecs ne concordent point entre eux ; 
ils ont par conséquent souffert, et les allusions à Ahicar 
en particulier se présentent avec toutes les apparences 
d'additions postérieures. De plus, on est hors d'état 
d'établir que Tobie est postérieur à Ahicar. 

Voir*0. Fr. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith, 
in-8°, Leipzig, 1853; H. Reusch, Das Buch Tobias ûber- 
setzt und erklârt, in-8», Fribourg, 1857; C. Gutberlet, 
Das Buch Tobias ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Muns- 
ter, 1877; A. Schdlz, Commentai- zum Bûche Tobias, 
in-8», Wurzbourg, 1889. 

TOILE (Septante : îcttôç; Vulgate : tela), tissu fait 
sur le mélier avec du fil de chanvre, de lin, ou de l'un 
et l'autre mêlés ensemble. L'hébreu n'a pas de nom 
spécial pour désigner la toile. —La toile d'araignée est 
appelée en hébreu bêf, « maison », Job, vm, 14, ou 
qûrîm, « fils fins ». 1s., lix, 5, 6. Sur Osée, vm, 6, où 
les versions parlent encore de toiles d'araignée, voir 
Araignée, 1. 1, col. 875. — Les mots i<rrô; et tela veulent 
l'un et l'autre dire à la fois « métier, chaîne, trame, 
tissu, toile ». Ils sont mis pour désigner le fil dans 
Job, vu, 6, et Isaïe, xxx, 1. Dans un autre passage, 
Is., xxv, 7, la Vulgate nomme la toile à la place d'une 
couverture. Voir Linceul, t. iv, col. 265; Suaire, t. v, 
col. 1874. H. Lesètre. 

TOILETTE, ensemble de soins que l'on prend pour 
la bonne tenue du corps, son vêtement et sa parure. — 
Les Hébreux prenaient de leur corps le soin commandé 
par l'hygiène. Voir Bain, t. i, col. 1386; Lavement des 
pieds, Laver (se) les mains, t. iv, col. 132, 136. Les 
prescriptions sur les impuretés légales tendaient à les 
éloigner de toute souillure corporelle ou à les en puri- 
fier. Voir Impureté légale, t. m, col. 857; Purifica- 
tion, t. v, col. 879. Comme tous les Orientaux, ils 
aimaient les parfums et en faisaient grand usage. Voir 
Onction, t. iv, col. 1810; Parfum, col. 2163. — Les 
vêtements étaient simples, amples, et ordinairement de 
lin ou de laine. Voir Vêtement. Les hommes comp- 
taient les pièces suivantes à leur costume : le manteau, 
la tunique, deux ceintures, l'une sur la tunique et 
l'autre sur le corps même, un vêtement plus court qui 
se mettait entre la chemise et la tunique, la chemise, 
la coiffure, la chaussure, le caleçon, les manchettes, 
pour couvrir les mains et les bras jusqu'aux coudes, 
deux mouchoirs, dont l'un pour essuyer les mains 
après qu'on les avait lavées, un voile pour couvrir la 
tête et les épaules, et un tour de cou dontles extrémités 
pendaient en avant. Les femmes portaient la chemise, 
une large tunique, une écharpe couvrant les épaules, 
le caleçon, les chaussures, le voile, le manteau. Voir 
ces mots. Cf. Iken, Antiquitates hebraiese, Brème, 1741, 
p. 543-548. Toutes ces pièces n'étaient pas indispen- 
sables et on n'en a sans doute point toujours fait usage 
dans les anciens temps. — Aux étoffes s'ajoutaient des 
ornementsde métal, anneaux, t. i, col. 632, bijoux, t.i, 
col. 1794, bracelets, t. I, col. 1906, chaînes, t. il, 
col. 479, colliers, t. n, col. 834, pendants d'oreilles, t. v, 
col. 36, etc. Ézéchiel, xvi, 10-13, décrit ainsi la toilette 
d'une Israélite de condition : « Je te vêtis de broderie 
et je te chaussai de peau de tahas (voir t. n, col. 1512); 
je te ceignis d'un voile de lin et je te couvris des plus 
fins tissus. Je t'ornai d'une parure : je mis des bracelets 
à tes mains et un collier à ton cou; je mis à ton nez un 
anneau, des boucles à tes oreilles et sur ta tête un ma- 
gnifique diadème. Tu t'ornas d'or et d'argent, et tu fus 
vêtue de lin, du tissu le plus fin et de broderie. » 
Isaïe, m, 16-24, fait le portrait des élégantes de son 
temps, qui marchaient la tête haute, en faisant sonner 
les anneaux de leurs pieds. Il énumère jusqu'à vingt- 



2263 



TOILETTE — TOLETANUS (CODEX) 



2264 



cinq objets entrant dans la composition de leur toilette. 
On peut voir aussi la description de la toilette que fait 
Judith, avant de se présenter devant Holoferne. 
Judith, x, 3. Une fille de roi portait des tissus d'or et 
une robe de couleurs variées. Ps. xlv (xliv), 15. Les 
jeunes tilles avaient un goût particulier pour la parure. 
Jer., il, 32; Bar., vi; 8. Il était recommandé de ne pas 
tirer vanité de sa toilette : « Ne te glorifie pas des ha- 
bits qui te couvrent. » Eccli., xi, 4. — Saint Jacques 
ne veut pas qu'on ait plus d'égards pour le chrétien 
portant un anneau d'or et un vêtement magnifique, que 
pour un pauvre à l'habit sordide. Jacob., n, 2-4. Saint 
Pierre recommande aux femmes la simplicité : « Que 
votre parure ne soit pas celle du dehors : les cheveux 
tressés avec art, les ornements d'or ou l'élégance des 
habits. » Elles doivent se préoccuper avant tout de la 
parure de leur âme. « C'est ainsi qu'autrefois se pa- 
raient les saintes femmes qui espéraient en Dieu. » 
I Pet., m, 3-5. Saint Paul dit de même : « Que les 
femmes soient en vêtements décents, se parant avec 
pudeur et simplicité, sans tresses, or, perles ou habits 
somptueux, mais par de bonnes œuvres, comme il con- 
vient à des femmes qui font profession de servir Dieu.» 
I Tim.. il, 9, 10. Il veut également « que les femmes 
figées fassent paraître une sainte modestie dans leur 
tenue. »Tit.,n, 3. H. Lesèire. 

TOISON (hébreu : gêz, gizzâh; Septante : mixoç, 
xovpâ, « tonte »; Vulgate : vellus), laine de la brebis 
qui a été tondue. — L'Israélite devait offrir les prémices 
de ses toisons. Deut., xvm, 4. — Pour connaître la vo- 
lonté divine, Gédéon se servit d'une toison, et demanda 
successivement que la rosée s'arrêtât dans la toison 
sans aller jusqu'au sol, et qu'ensuite elle humectât le 
sol sans mouiller la toison. Jud., VI, 36-39. — On em- 
ployait des toisons pour se couvrir pendant la nuit; 
Job, xxxt, 21, eu prétait aux indigents pour cet usage. 
— Mésa, roi de Moab, payait au roi d'Israël un tribut 
de 100 000 agneaux et 100000 béliers avec leurs toisons, 
c'est-à-dire avant la tonte. IV Reg., m, 4. — Il est dit 
du Messie qu'il « descendra comme la pluie sur le gêz, 
et comme des eaux qui gouttent sur la terre. » 
Ps. lxxii (lxxi), 6. Il est possible que le psalmiste 
fasse allusion au miracle de Gédéon, comme le fait elle- 
même l'Église en se servant de ce texte. In Circumcis. 
Dom., ad laud., ant. 3. D'autres pensent que gêz est 
pris ici dans le sens d'herbe ou de gazon, qui est comme 
la toison du sol. H. Lesêtre. 

TOIT (hébreu : gdg, mikséh; Septante : Sôjia, axi- 
yo;, Û7tai8pov, « en plein air » ; Vulgate : tectutn, sola- 
rium, doma), couverture d'une maison ou d'un édifice. 
' 1° Le toit oriental diffère des toits construits dans 
les pays où il faut pourvoir à l'écoulement de pluies 
fréquentes et de neiges. Ce toit est plat et en forme de 
terrasse entièrement exposée au soleil, solarium, et au 
grand air, <irou6pov. «Les maisons de Palestine et de 
Syrie ont pour couverture une terrasse faite d'une 
épaisse couche d'argile, reposant sur un plancher 
grossier. L'herbe y pousse pendant l'hiver et se des- 
sèche au soleil du printemps. Parfois, quelque mouton, 
quelque chèvre y va brouter l'herbe; puis on arrache 
le chaume pour serrer de nouveau la terre avec un 
rouleau de pierre, aux premières pluies d'automne.» 
M. Jullien, L'Égijpte, Lille, 1891, p. 263. Autrefois, on 
avait des toitures plus solides, mais moins étanches, 
composées de dalles de pierre ou de tuiles qu'on pouvait 
facilement lever. Luc, v, 19. Ces sortes de toitures 
avaient un inconvénient. A la saison des pluies, elles 
laissaient parfois goutter l'eau à l'intérieur, de la- plus 
désagréable façon. C'était alors une gouttière continue, 
délêf torêd. Prov., xix, 13; xxvii, 15. Pour éviter les 
accidents de chute, la loi ordonnait de mettre une ba- 



lustrade tout autour du toit. Deut., xxn,8. On accédait 
au toit par un escalier extérieur, qui permettait d'y 
arriver de la cour, même quand la maison était pleine. 
Luc, v, 19. Voir t. iv, fig. 181 ,183, col. 590, 592. L'herbe 
poussait sur ces toitures, autrefois comme aujoud'hui; 
mais elle se desséchait dès que le soleil succédait à la 
pluie. Cette herbe était l'image de tout ce qui est éphé- 
mère. IV Reg., xix, 26;Ps.cxxix(cxxvm),6; Is.,xxxvii, 
27. Le toit n'avait pas seulement pour raison d'être 
d'abriter la maison; il servait encore à toutes sortes 
d'usages. Quand les espions israélites vinrent à Jéricho, 
Rahab les cacha sur son toit, sous des tiges de lin. Jos., 
Il, 6, 8. On montait sur le toit pour converser à son 
aise, I Reg., IX, 25, 26; pour éviter une compagnie 
importune, Prov., xxi, 9; pour se baigner, mais seu- 
lement d'après la Vulgate, II Reg., xi, 2; pour certains 
actes qu'on voulait accomplir devant de nombreux 
témoins, II Reg., xvi, 22; pour voir ce qui se passait 
aux alentours, II Reg., xi, 2; pour se faire entendre 
de loin à ceux qui étaient dans les rues ou sur les autres 
terrasses, Malth., x, 27; Luc, xn, 3; pour se réjouir, 
Is., xxn, 1; pour se lamenter, Is., XV, 3; Jer., xlviii, 
38; quelquefois, pour se livrer à certains cultes idolâ- 
triques. IV Reg., xxm, 12; Jer., xix, 13; xxxn, 29; 
Soph., 1, 5. On élevait sur les toits des cabanes de 
feuillage pour la fête des Tabernacles. IIEsd., vm, 16. 
Notre-Seigneur dit à ceux qui devront fuir avantle siège 
de Jérusalem de ne pas descendre de leur toit afin de 
prendre quelque chose dans leur maison, mais de se 
sauver sans arrêt, tant le péril sera pressant. Matth., 
xxiv, 17; Marc, xm, 15; Luc, xvn, 31. Quelquefois 
un oiseau était solitaire sur le toit d'une maison. Ps. 
en (ci), 8. — 2° La Sainte Écriture mentionne encore 
le toit de l'arche de Noé, Gen., vin, 13, le toit du Ta- 
bernacle, Exod., xxvi, 7, voir Tabernacle, col. 1955; 
le toit de la tour de Thébès, du haut duquel une 
femme lança sur la tête d'Abimélech un morceau de 
meule, Jud., ix, 51, le toit du temple de Dagon, sur 
lequel 3000 personnes avaient pris place pour voir 
danser Samson, Jud., xvi, 27, et le toit du Temple de 
Jérusalem. Ezech., XL, 13. — 3° Être sous un toit, c'est 
êtredansune maison. Jud., xix,18; ,Ter.,xxx, 18; Sap., 
xvn, 2; Matth., vin, 8; Luc, vu, 6. H. Lesêtre. 

TOLET François, théologien et exégète espagnol, 
né à Cordoue, le 4 octobre 1532, mort le 14 septembre 
1596. Il entra dans la Compagnie de Jésus le 3 juin 
1558. Il fut appelé à Rome pour y professer la philoso- 
phie et la théologie. Clément VIII le fit cardinal le 
17 septembre 1593. On a de lui, sur l'Écriture Sainte : 
In sacrosanctum Joannis Evangelium Commentarii, 
in-f°, Rome, 1598, plusieurs éditions; In duodecim 
capita... Evangelii secundum Lucam, in-f°, Rome, 
1600; Commentarii in Evangelium secundum Lucam, 
in-f°, Cologne, 1611; Commentarii et Annolationes 
in Epistolam B. Pauli ad Romanos, in-4°, Rome, 
m.cd.ii; Emendationes in Sacra Biblia vulgatse edi- 
lionis, in-f°, 1590. — Voir C. Sommervogel, Biblio- 
thèque delaCompagnie de Jésus, t. vm, 1898, col. 64-82. 

TOLETANUS (CODEX). Ce manuscrit, un des ma- 
nuscrits importants de la Rible latine, appartient à la 
Bibliothèque nationale de Madrid, où il est coté « 2, 1 », 
sa cote de la bibliothèque du chapitre de Tolède, au 
fonds duquel il appartient. L'écriture, wisigothique, 
est du VIII e siècle. Il compte 375feuillets à trois colonnes, 
chaque colonne de 63 à 65 lignes. Il mesure 438 mill. 
sur 330. Notes arabes sur les marges. Le texte com- 
mence avec Gen., l, 22, et, avec quelques lacunes acci- 
dentelles, donne tonte la Bible. Ce manuscrit, en 158$^ 
fut collationné par le bibliothécaire du chapitre de 
Tolède, Cristobal Palomarès, pour le cardinal Antoine 
Carafa et la commission romaine qui préparait l'édi- 



2265 



TOLETANUS (CODEX) — TOMBEAU 



2266 



tion romaine de la Vulgate. Le Codex Toletanus, écrit 
Samuel Berger, a presque en toutes ses parties des carac- 
tères distincts et qui souvent sont uniques, tels beau- 
coup des" sommaires qu'il met en tête des divers livres 
de la Bible. C'est une Bible espagnole, antérieure de 
texte à l'invasion arabe, avec de nombreuses leçons sin- 
gulières, et en particulier de très curieuses variantes 
inscrites sur les marges. Beaucoup de leçons de fort 
bonne nature attestent en même temps l'antiquité de 
ce texte, dit encore S. Berger. En tête des Épîtres de 
saint Paul sont reproduits les canons de Priscillien, 
accompagnés du proœmium sancti Peregrini episcopi. 
En voir l'édition critique dans G. Schepss, Priscilliani 
quse supersunt, Vienne, 1889, p. 109 147. On sait que 
ce Peregrinus episcopus est identifié avec le moine 
Bachiarius, vers 410. A la fin du manuscrit, une note de 
seconde main, ancienne, mentionne que le codex a été 
donné à l'église Sainte-Marie de Séville (Hispalis) par 
Servandus, évèque de Cordone, en 988. Le codex n'en 
est pas moins du viij» siècle, et Servandus n'en a été 
que propriétaire et donateur au x e siècle. Voir Samuel 
Berger, Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 12-14, 
391. Un tac-similé est dans Ewald et Lœwe, Exempta 
scripturœ wisigothicx, 1883, planche xi. La collation de 
Palomarès, publiée par Bianchini, est reproduite dans 
Migne, Patr. Lat., t. xxix. P. Batiffol. 

TOMBEAU (hébreu : qébûrâh, qêbér, de qabâr, 
« ensevelir »; bôr, « fosse », bêt, « maison ■», èal.iap, 
« pourriture », ces trois derniers mots désignant le 
tombeau par sa forme, sa destination ou ses effets; 
Septante : u.vï)|j,eiov, pv^iia, tivoi ; Vulgate: sepulcrum, 
monumentum), lieu où l'on dépose le corps d'un mort. 

I. Les anciens tombeaux. — 1° En Chaldée. — Les 
terres d'alluvions sur lesquelles étaient bâties les villes 
ne permettaient pas la construction de grands monu- 
ments funéraires. L'humidité du sol pénétrait partout 
et décomposait rapidement les cadavres. On construisait 
les tombeaux en briques sèches ou cuites, disposées de 
manière à former une sorte de voûte (fig. 499), ou un 
réduit assez étroit surmonté d'un petit dôme ou d'un 
toi*, plat. Voir 1. 1, fig. 324, 325, col. 1162. Une natte im- 
prégnée de bitume recevait le corps, autour duquel on 
disposait des jarres et des plats d'argile, contenant les 
aliments et les boissons nécessaires au mort, les armes 



étaient simplement enfouis dans le sable, d'autres, plus 
aisés, se faisaient ensevelir dans un modeste édicule de 
briques jaunes ou creusaient leur sépulture dans les 
parois de la montagne. Les plus riches se préparaient 
un mastaba, tombeau isolé qui se composait d'une 
chapelle intérieure, d'un puits et de caveaux souter- 




499. — Tombe voûtée d'Ur. 
D'après Taylor, Journal of the R. Asiat. Society, t. xv, p. 273. 

rains. La chapelle avait la forme d'une pyramide tron- 
quée, de trois à douze mètres de haut, de cinq à cin- 
quante mètres de côté, et les quatre faces aux quatre 
points cardinaux (fig. 500). A l'intérieur, était ménagée 
une chambre oblongue, au fond de laquelle se dressait 
une stèle représentant quelquefois le mort. C'était 
comme la porte conduisant à sa demeure et c'est devant 
cette stèle qu'on lui apportait les offrandes. Elle con- 
stituait la partie essentielle du tombeau, celle qui en- 
tretenait l'identité du mort, et autour de laquelle on 




500. — Mastaba de Gizéh. D'après Lepsius, Denkmaler, H, 26. 



pour les défendre et les objets servant à la parure des 
femmes. Parfois, on procédait au préalable à la créma- 
tion du corps, dont ensuite on enterrait les restes, en 
ménageant jusqu'au sol des conduits de poterie qui 
amenaient l'eau de pluie ou d'infiltration au défunt 
pour qu'il se désaltérât. Les tombes, souvent superpo- 
sées, s'effondraient sous l'envahissement du sable ou 
des décombres et ne laissaient guère de traces. Les rois 
seuls se faisaient inhumer dans des palais abandonnés 
et y recevaient un culte. Cf. ilaspero, Histoire an- 
cienne, t.i, p. 684-689. 
2» En Egypte. — Pendant que les gens du peuple 



se plaisait à figurer tous les objets dont il pouvait 
avoir besoin. La figuration de ces objets équivalait à 
leur réalité. Un puits de douze à trente mètres descen- 
dait jusqu'au caveau, comprenant un couloir très bas 
et la chambre funéraire. La momie était déposée dans 
cette chambre avec des provisions; puis l'entrée du 
couloir était murée et le puits comblé de matériaux et 
de terre arrosés d'eau, qui ne tardaient pas à former 
un ciment compact. Les plus anciens rois se construi- 
saient également des pyramides, dans lesquelles l'accès 
de la chambre mortuaire était dissimulé par les moyens 
les plus ingénieux. Ces tombeaux étaient les hârâbût, 



2267 



TOMBEAU 



2268 



soliludines, les demeures solitaires dont parle Job, m, 
14, et le bêf 'olàm, oTxoî aî&voç, domus sslernitatis, 
la « maison éternelle » à laquelle fait allusion l'Ecelé- 
siaste, xn, 5. Dès les premières dynasties, les tombeaux 
égyptiens portent le nom de « maisons éternelles ». Cf. 
Masperô, Les contes populaires de l'Egypte ancienne, 



(flg. 501). On y pénétrait par un puits situé à l'une des 
extrémités et fermé par une pierre. A l'extrémité op- 
posée était pratiquée une cheminée conique, large 
seulement de m 20 à l'orifice extérieur. La caverne a 
servi primitivement à des incinérations, plusieurs 
siècles avant notre ère. Dans la couche de cendres 



/-" 5eciion vue cfe Jace 



. U ? . 




2° Plan montrant les constructions environnantes 
501. — Caverne funéraire de Gazer. D'après Q. St., Palest. Expl. Fund, oct. 1902, pi. 8. 



Paris, 3 e édit., p. ltiii. Malgré les précautions prises 
pour rendre ces maisons inviolables, les grands et les 
rois n'ont pas toujours eu le pouvoir d'habiter celles 
qu'ils avaient préparées, ou, plus souvent encore, y ont 
été visités ou en ont été expulsés par les chercheurs 
de trésors, de sorte que, comme dit Bossuet, Disc, sur 
Vhist. univers., m, 3, Bar-le-Duc, 1870, t. ix, p. 522, 



humaines, on a reconnu les restes d'une centaine de 
personnes, dont la moitié d'adultes. La présence de la 
cheminée est ainsi justifiée par l'usage auquel était con- 
sacrée la caverne. A une époque moins ancienne, de 
2500 à 1200, l'inhumation fut substituée à la crémation. 
La caverne fut alors agrandie et le puits fut creusé 
pour tenir lieu de l'escalier primitif, parce qu'il deve- 




502. — Tombe chananéenne. D'après Vincent, Canaan, p. 215. 



« ils n'ont pas joui de leur sépulcre. » Cf. Maspero, 
Histoire ancienne, t. i, p. 248-258; L'archéologie égyp- 
tienne, Paris, 1887, p. 108-161. 

3» En Chanaan. — Les fouilles exécutées àGézerpar 
M. Macalister ont mis au jour des tombes antiques qui 
nous révèlent la manière dont les Chananéens primi- 
tifs ensevelissaient leurs morts. Cf. Q. S., Palest. 
Explorât. Fund, 1904, p. 320-354. Le plus ancien hy- 
pogée qu'on ait retrouvé est une caverne taillée dans 
une roche tendre du coteau de Gazer, mesurant 
6*45 sur 7 m 50, et haute seulement de m 61 à l m 50 



nait important de rendre inaccessible aux intrus l'hy- 
pogée qui recevait des corps entiers. Des poteries 
diverses renfermaient les aliments et la boisson dont 
on approvisionnait les morts. Dans d'autres tombes, on 
pénètre par un puits aboutissant à un passage surbaissé 
par lequel on accède à la chambre funéraire (fig. 502). 
Cette disposition est d'imitation égyptienne. Dans ces 
tombes abondent toujours les offrandes funéraires, ali- 
ments, boisson, lampes, armes, objets de parure. 
AMageddo, on a trouvé, entre huit et dix mètres de pro- 
fondeur, des tombes datant de 2000 à 1500,-auxquelles 



2269 



TOMBEAU 



2270 



on accède par un puits, et qui présentent cette parti- 
cularité d'être régulièrement voûtées, avec une dalle 
pour clef de voûte (flg. 503). Quelquefois, on utilisait pour 
les sépultures des excavations naturelles. C'est ainsi qu'à 



mètre de diamètre, pratiqué dans le plafond de la 
chambre funéraire, et quelquefois accompagné d'un 
autre trou latéral par lequel on pouvait se glisser jus- 
qu'au sol de la caverne (flg.504). La chambre, à peuprès 




503. — Tombe à puits de Mageddo. D'après Vincent, Canaan, p. 223 



Gazer une suite de cavernes troglodytiques furent 
mises en communication pour recevoir les morts d'une 
colonie égyptienne établie dans le pays vers le 
xxv e siècle. Abraham suivit cet usage, quand il acquit 



ronde, avait de six à neuf mètres de diamètre. Quand 
on agrandissait la caverne primitive, on ménageait un 
pilier pour soutenir la voûte, si on le jugeait néces- 
saire. Les morts étaient placés sur des banquettes de 




504. — Anciennes tombes Israélites. D'après Vincent, Canaan, p. 226. 



la caverne de Macpélah pour la sépulture de Sara et de 
sa famille. Voir Macpélah, t. iv, col. 520. 

4° Chez les Israélites. — Quand ils s'établirent en 
Chanaan, les Israélites adoptèrent le genre de sépul- 
tures que suggérait la nature du sol. Ils utilisèrent les 
cavernes naturelles, mais en substituant aux puits 
chananéens et égyptiens un simple trou d'environ un 



pierre, mais souvent aussi sur le sol même, couchés 
sur le côté gauche et les genoux ramenés sous le men- 
ton. On les superposait ainsi les uns aux autres. Les 
offrandes funéraires n'apparaissent plus guère dans 
ces tombes qu'à l'état de simulacres, tellement la vais- 
selle devient petite ou intentionnellement fragmentaire. 
Aux environs de l'an 1000 doivent être rapportées deux 



2271 



TOMBEAU 



2272 



autres espèces de tombes, qui ne sont pas positivement 
israélites, mais appartiennent probablement aux Phi- 
listins et à d'autres peuples contemporains. Ce sont, 
d'un part, des fosses munies de parements en gros blocs 
calcaires soigneusement appareillés, avec caisson voûté 
ou appareil en blocage au-dessus du sol, et, d'autre part, 
les constructious en pierres brutes, d'allure plus ou 
moins mégalithique. Cf. H. Vincent, dans la Revue 
biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907, p. 205- 



mêmes dimensions, et long de l^fë), débouche dans une 
chambre de 2 m 40 sur l m 25, à mi-hauteur de laquelle ont 
été évidés des bancs destinés à recevoir les morts. Le 
plafond, à 2 m 06 de hauteur, est surélevé, au milieu, de 
0"»35, de manière à former une sorte de toit à double 
pente (fig. 505). Le tout est taillé dans la roche vive. Ce 
tombeau et d'autres analogues ont subi des modifica- 
tions ultérieures pour devenir d'abord des cellules de 
reclus, puis aujourd'hui des caves etdes magasins. Sur 





505. — Tombe Israélite de Siloé. D'après Vincent, Canaan, p. 236, 239. 



239. — Les plus anciennes nécropoles israélites de- 
vaient se composer d'un caveau, comprenant une ou 
plusieurs chambres funéraires, avec un puits vertical 
pour y donner accès, sans que l'on sache si ce puits 




506. — Monument monolithe de Siloé. 
D'après Ancessi, Atlas, pi. xx. 

était surmonté d'un monument quelconque. En tous 
cas, les monuments funéraires aujourd'hui recouverts 
par le village de Siloé donnent une idée exacte des tom- 
beaux de l'époque royale. On pénètre dans l'un d'eux 
par une petite porte taillée dans une corniche de ro- 
cher,avecl mètredehaut et0 m 82de large. Un couloir de 



les tombes découvertes aux environs de Samarie, voir 
Revue biblique, 1910, p. 113. 

II. Tombeaux historiques. — l»_Le monolithe de Siloé. 
— C'est un édicule de 6 mètres de long sur 5 de large et 
2 m 65 de hauteur, surmonté d'une corniche égyptienne 
et taillé dans le roc même, dont il est isolé de trois 
côtés (fig. 506). Par une porte haute de l m 45 et large de 
m 70, on entre dans une chambre carrée, précédée d'un 
petit vestibule et dans les parois de laquelle ont été 
pratiquées deux niches cintrées. Cet édicule ressemble 
aux monuments monolithes qu'on rencontre en Egypte. 
Il se pourrait que ce fût un tombeau, d'autant plus qu'il 
se dresse au-dessus de l'ancienne nécropole jébuséenne 
de Siloé. Il serait alors antérieur à Salomon. Mais 
comme ce roi établit ses jardins précisément dans le 
voisinage et qu'il n'eût pas supporté de tombeau si près 
de lui, il est possible que l'édicule ait eu une destina- 
tion différente, qu'il ait été construit, par exemple, 
pour servir de sanctuaire privé à la fille du Pharaon 
qu'il avait épousée. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la 
mer Morte, Paris, 1853, t. n, p. 306-313; V. Guérin, 
Jérusalem, Paris, 1889, p. 233-234. La première hypo- 
thèse a été rendue beaucoup plus probable par la dé- 
couverte des vestiges d'un texte hébreu archaïque, in- 
diquant vraisemblablement le titre d'jine sépulture. 
Cf. Le Camus, Voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, 
t.i, p. S82; Perrot, Histoire de l'art, t. îv, p. 306-313. 

2» Le tombeau d'Absalom. — Voir t. i, fig. 10, 
col. 98; Main d'Absalom, t. iv, col. 585. De Saulcy, 
Voyage, t. n, p. 288-295, incline à croire que ce tom- 



2273 



TOMBEAU 



2274 



beau est de l'époque qu'on lui attribue. La plupart des 
archéologues y voient un monument de la décadence. 
V. Guérin, Jérusalem, p. 200, serait plutôt d'avis que la 
partie monolithe est contemporaine de David et que des 
enjolivements y ont été ajoutés dans les âges suivants. 
Il faut d'ailleurs observer que le cippe qu'Absalom 
s'étaitérigé lui-même de son vivant, II Reg., xvm, 18, 
n'empêcha pas qu'on lui construisit après sa mort un 
tombeau proprement dit, ce à quoi David dut se prêter 
volontiers, à cause de l'affection qu'il portait à son fils 
rebelle. 

3° Tombeaux des Rois. — David fut enterré dans la 
« cité de David ». III Reg., Il, 10. Il en fut de même 



tel art que rien ne paraissait aux yeux de ceux qui 
pénétraient dans le monument. » Josèphe, Ant. jud., 
VII, xv, 3; XVI, vill, 1. Le tombeau de David n'a sûre- 
ment rien de commun avec le cénotaphe que les mu- 
sulmans conservent dans une salle attenante à celle du 
Cénacle. Mais à plus de deux kilomètres de cet endroit, 
à environ 770 mètres au nord de la ville, on trouve la né- 
cropole connue sous le nom de Kobour-el-Molouk, 
« tombeaux des rois », ou Kobour-el-Selathin, « tom- 
beaux des sultans ». Un escalier de vingt-cinq marches, 
larges de 9àl0 mètres ettaillées dans leroc, donne d'abord 
accès dans une cour de 27 mètres de côté, dont le niveau est 
à 7 ou 8 mètres au-dessous du sol. De cette cour, on passe 



*~jfc>rJ 




TO /lèires 



507. — Plan du tombeau des Rois. 



des rois de Juda, ses successeurs, ainsi qu'il est rap- 
porté de Salomon, II Par., ix, 31 ; III Reg., xi, 43, de 
Roboam, III Reg., xiv, 31, d'Abia, III Reg., xv, 8, d'Asa, 
III Reg., xv, 24, de Josaphat, III Reg., xxn, 51, de 
Joram, IV Reg., vin, 24, d'Ochozias, IV Reg., ix, 28, 
d'Amazias, IV Reg., xiv, 20, d'Ozias, IV Reg., xv, 7, de 
Joatham, IV Reg., xv, 38, d'Achaz, IV Reg., xvi, 20, 
d'Ézéchias, IV Reg., xx, 21 ; II Par., xxxji, 33. Le grand- 
prêtre Joad fut aussi inhumé dans les sépulcres royaux, 
à cause des services éminents qu'il avait rendus. II 
Par., xxiv, 16. Par contre, le roi Joas fut inhumé dans 
la cité de David, mais non dans le sépulcre des rois. 
II Par., xxiv, 25; IV Reg., xii, 22. Sur l'emplacement 
de la cité de David, voir Jérusalem, t. m, col. 1351- 
1356. Cette cité occupait la colline d'Ophel. C'est donc 
là que se trouvaient les tombeaux des rois. Cf. II Esd., 
m, 15, 16; Act., xi, 29. Le grand-prêtre Hyrcan et le 
roi Hérode pénétrèrent dans l'hypogée royal pour y 
prendre de l'argent ; « mais aucun d'eux ne parvint 
aux retraites mystérieuses où reposaient les cendres 
des rois ; car elles étaient cachées sous terre avec un 

DICT. DE LA BIBLE. 



dans un vestibule rectangulaire, dont l'entrée est sur- 
montée de superbes motifs de sculpture (voir flg. 329, 
col. 1545). Ce vestibule mène à une antichambre carrée 
(flg. 507), par une porte très basse, que fermait un disque 
de pierre roulant dans une rigole, le long de la paroi ex- 
térieure. Cf. t. ni, col. 1477. Dans l'antichambre s'ouvrent 
trois baies surbaissées, fermées jadis par des portes de 
pierre qu'on poussait du dehors et qui, grâce à la dis- 
position des crapaudines, se rabattaient d'elles-mêmes. 
On trouve ensuite sept chambres funéraires, renfermant 
trente et une tombes. Les sarcophages reposaient soit 
dans des excavations, soit sur des banquettes sur- 
montées d'arcades cintrées. De Saulcy découvrit, dans 
une chambre basse inexplorée, un sarcophage intact, 
maintenant au musée du Louvre (fig. 508), et portant 
cette inscription en araméen : « Zodan » ou « Zoran, 
reine », et en hébreu : « Sadah » ou « Sarah, reine ». Il 
y avait donc là une sépulture royale. On pourrait croire 
que, pour obéir à une observation d'Ézéchiel, xliii, 
7-9, cf. Jer., vm, 1, 2, on a transporté les corps des 
rois, au retour de le captivité, de la cité de David dans 

V. - 72 



2275 



TOMBEAU 



2276 



une nécropole située hors de la ville. Exception aurait 
été faite pour David et pour Salomon, dont les tombes 
étaient encore dans la cité de David aux époques de 
Néhémie, d'Hyrcan et d'Hérode. Mais il n'est fait aucune 
mention de ce transport, et le passage d'Ézéchiel peut 
ne s'appliquer qu'aux rois de l'avenir. Comme il est 
fort probable que les rois seuls étaient inhumés dans 
la cité de David, on a pensé que les Kobour-el-Molouk 
étaient la sépulture destinée à leurs femmes et à ceux 
de leurs descendants qui n'arrivaient pas au trône. 
C'est ce que présume V. Guérin, Jérusalem, p. 215. 
De Saulcy a défendu son identification des sépultures 
royales dans plusieurs publications: Voyage autour de 
la mer Morte, rp. 219-281 ; dans la Revue archéolo- 
gique, t. ix, 1, 1852, p. 229 ; t. ix, 2, 1853, p. 398-407 ; 
Voyage en Terre Sainte, Paris, 1865, t. i, p. 345-410 ; 
dans les Comptes rendus de l'Acad. des Inscript, et 
Belles-Lettres,\866,p. 105-113. Quatremère,dansiîeime 
archéologique, t. ix, 1, 1852, p. 92-113, 157-169, a cru 



reconnaître la sépulture des princes asmonéens, car 
le tombeau du grand-prêtre Jean Hyrcan était voisin 
des murs de la ville, à moins d'une portée de flèche. 
Cf. Josèphe, Bell, jud., V, vi, 2 ; vu, 3 ; ix, 2 ; xi, 4. 

4° Tombeaux des Juges. — Ils se trouvent à vingt- 
cinq minutes au nord-ouest de Jérusalem, vers la 
naissance de la vallée de Josaphat. Ils s'annoncent par 
une façade décorée d'un élégant fronton avec acrotères 
aux angles et au sommet (fig. 509). Ils se composent 
d'une série de chambres funéraires, à différents niveaux, 
renfermant soixante fours superposés en deux rangées 
parallèles, dans lesquels on ne pouvait placer que des 
corps sans sarcophages. Les Kobour-el-Kodha, « tom- 
beaux des Juges s, n'ont pas contenu les anciens Juges 
d'Israël, presque tous inhumés dans leur propre tribu, 
mais probablement les magistrats présidents du tribu- 
nal suprême, qui devint plus tard le sanhédrin. Le 
monument parait être contemporain des rois de Juda. 
L'ornementation a fort bien pu, ici comme dans d'au- 




508. — Sarcophage juif. Musée du Louvre. 



démontrer que cette nécropole était celle des Hérodes. 
Cette opinion n'est plus soutenable aujourd'hui. Il 
paraît beaucoup plus probable que ces tombes sont 
celles d'Hélène, reine d'Adiabène, de son fils Izates, qui 
eut à lui seul vingt-quatre garçons, et d'autres mem- 
bres de la famille royale. Josèphe, Bell, jud., V, n, 2 ; 
Ant. jud., XX, iv, 3, a signalé le tombeau d'Hélène au 
nord et à trois stades de la ville. Saint Jérôme, Epist. 
cvm, 9, t. xxii, col. 883, note aussi que, pour entrer à 
Jérusalem, sainte Paule « laissa à gauche le tombeau 
d'Hélène, reine d'Adiabène. » L'emplacement coïncide 
donc bien avec celui du tombeau des Rois. La reine 
Zoran, Zodan ou Zaddan, dont le sarcophage avait été 
respecté par les pillards, serait une princesse d'Adiabène. 
Plus récemment, on a retrouvé parmi les décombres 
un morceau de terre cuite portant l'estampille ttihn 
« Helena », en vieille écriture hébraïque. Cf. Euting, 
Sitzungsberichte der Berlin. Akad., 1885, p. 679. Ces 
indices confirment le bien fondé de l'attribution du 
tombeau à la famille de la reine Hélène. L'identification 
est acceptée par Robinson, Palâstina, 2 8 édit., Londres, 
1856, t. m, p. 251 ; R. Rochette, dans Revue archéolo- 
gique, t. ix, 1, 1852, p. 22-37 ; Renan, dans les Comptes 
rendus de l'Acad. des lnscript. et Belles-Lettres, 1886, 
p. 113-117 ; Sepp, Jérusalem, Schaiïhouse, 1873, t. i, 
p. 307-317; Lortet, La Syrie aujourd'hui, Paris, 1884, 
p. 295 ; Schûrer, Geschichte des jûd. Volkes, t. m, 
p. 121; Socin, Palâstina und Syrien, Leipzig, 1891, 
p. 111, etc. Il faut également écarter la pensée d'y 



très nécropoles, être modifiée ou exécutée à une époque 
très postérieure. Notre-Seigneur suppose ces remanie- 
ments quand il remarque que les scribes et les phari- 
siens bâtissent les tombeaux des prophètes et ornent 
les monuments des justes. Matth., xxm, 29. Cf. F. de 
Saulcy, Voyage, p. 332-336; V. Guérin, Jérusalem r 
p. 268-270, 

5» Tombeaux des prophètes. — Cette nécropole est 
située à mi-côte du mont des Oliviers, à l'ouest. Elle, 
se compose de deux galeries semi-circulaires, reliées 
entre elles par trois galeries rayonnantes partant d'une 
chambre centrale et par deux autres petites galeries 
intermédiaires. La galerie la plus excentrique est 
pourvue d'une trentaine de fours à cercueil. Sur la foi 
du nom de Kobour-el-Anbia, « tombeaux des pro- 
phètes », attribué à cette catacombe, on a longtemps 
cru qu'elle était d'origine juive. On a même pensé qu'il 
fallait y reconnaître le columbarium, 7uspt<rrepewv, dont 
parle Josèphe, Bell, jud., Y, xra, 2. Cf. de Saulcy, 
Voyage, p. 281-287 ; V. Guérin, Jérusalem, p. 270-271. 
Un examen plus attentif du procédé de construction et 
des graliltes tracés sur les parois anciennes a permis 
de conclure qu'on était en présence d'une catacombe 
creusée au rv« ou V e siècle de notre ère, à l'usage des 
pèlerins chrétiens qui mouraient à Jérusalem. Cf. 
H. Vincent, Le tombeau des prophètes, dans la Revue 
biblique, 1901, p. 72 88. 

6" Tombeau de Josaphat. — La vallée du Cédron, 
appelée aussi quelquefois vallée de Josaphat, voir t. m, 



2277 



TOMBEAU 



2278 



col. 1652, est presque entièrement remplie de tombeaux 
et de pierres sépulcrales. Voir t. n, fig. 121, 122, col. 381, 
383; t. m, fig. 233, col. 1651. Un peu au nord-est du 
tombeau d'Absalom, celui qu'on appelle le tombeau de 
Josaphat est maintenant rendu inaccessible. Il a un 
beau fronton élégamment sculpté, voir t. m, fig. 284, 
col. 1653, dont la décoration a pu être ajoutée posté- 
rieurement à la construction primitive. Il renferme 
trois chambres sépulcrales. On ne sait à quel Josaphat 
attribuer ce monument. Le roi de ce nom fut inhumé 
dans la cité de David. III Reg., xxii, 51. Peut-être 
avait-il fait préparer ce tombeau pour les membres de 
sa famille. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 295, 296 ; V. Gue- 
rin, Jérusalem, p. 272. 



du tombeau de saint Jacques, le tombeau de Zacharie 
est un monolithe isolé de la masse rocheuse (fig. 510). 
Il est formé d'un cube de 5 m 53 de côté, couronné d'une 
corniche égyptienne et surmonté d'une pyramide. Le 
monument est considérablement enterré et les tombes 
juives s'accumulent de plus en plus tout autour. La 
porte en est obstruée et l'on n'y peut pénétrer. Les mu- 
sulmans l'appellent Kabr-Zoudjet-Faraoun, « tombeau 
de la femme de pharaon ». On ne saurait dire quel 
Zacharie a donné son nom au mausolée. Au IV e siècle, 
le Pèlerin de Bordeaux le' regardait comme le tombeau 
d'Isaïe. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 303-306 ; V. Guérki, 
Jérusalem, 273-274. 
9» Tombeau des Hérodes. — D'après les indications 




509. — Fronton du tombeau des Juges. D'après Ancessi, Atlas, p. xix. 



7c Tombeau de saint Jacques. — Il est à un peu moins 
de cent pas au sud du précédent. La façade est taillée 
dans le roc, voir t. m, fig. 286, col. 1667, avec une frise 
soutenue par quatre colonnes, et abrite un vestibule qui 
donne accès à quatre chambres sépulcrales contenant 
chacune plusieurs loges. Le nom de saint Jacques a 
été donné à ce tombeau en vertu d'une tradition d'après 
laquelle l'apôtre s'y serait réfugié pendant la passion 
du Sauveur et y aurait été lui-même inhumé après , 
son martyre. Il est impossible de contrôler la réalité 
de ces faits. Le monument est couvert d'inscriptions 
hébraïques. Une plus ancienne que les autres, gravée 
sur l'architrave, indique que le mausolée est celui de 
huit membres de la famille sacerdotale des Beni-Hésir. 
Les musulmans appellent ce monument Diouan-Fa- 
raoun, « divan de pharaon ». Cf. de Saulcy, Voyage, 
p. 296-303; V. Guérin, Jérusalem, p. 272-273; de Vogué, 
Bévue archéologique, nouv. sér., t. IX, 1864, p. 200-209 ; 
de Saulcy, ibid., t. xi, 1865, p. 137-153, 398-405. 

8"'Tombeau de Zacharie. — A quelques pas au sud 



de Josèphe, Bell, jud., V, m, 2 ; xn, 2, on pensait que 
les tombeaux des Hérodes devaient se trouver dans le 
voisinage du Birket-Mamillah, au revers occidental de 
la colline qui renferme au nord-est les tombeaux des 
Rois. Cf. de Saulcy, Voyage, p. 325. Ils ont été retrouvés 
en 1891, à l'ouest du Birket-es-Sultan. Cf. Schick, Q.St. 
Palest. Fxplor. Fund, 1892, p. 115-120; Revue biblique. 
1892, p. 267-272. Ils se composent de quatre chambres 
spacieuses, disposées en croix, et d'une petite chambre 
centrale communiquant avec les autres par des couloirs 
(fig. 511). Les chambres ont toutes 2 m 70 de haut; les 
troischambres égales ont4mètres de côté et la plus grande 
7 m 20 sur3mètres. Un bel appareil do pierres blanches 
revêt partout les parois du rocher. Une pierre ronde 
se roulait pour fermer l'entrée du monument. Voir 
t. m, fig. 268, col. 1478. Les chambres n'ont ni fours 
funéraires ni banquettes. Les sarcophages étaient dé- 
posés sur le sol ; on en a retrouvé deux dans la plus 
grande chambre. Voir t. m, fig. 134, col 647. 
Un grand nombre d'autres tombes, diversement con- 



2279 



TOMBEAU 



2280 



struites et ornées, se trouvent dans la vallée du Cédron 
et dans celle de Ben-Hinnom, sans présenter d'intérêt 
au point de vue biblique. 

10» Le Saint-Sépulcre. — C'était la tombe construite 
par Joseph d'Arimathie pour son usage personnel. Elle 
avait été taillée dans le roc même, dans le jardin voi- 
sin du Calvaire. Voir t. m, fig. 206, col. 1133, 1134 ; 
t. v, col. 1651. Le mausolée comportait une chambre 
sépulcrale d'assez faible dimension, dans laquelle on 
pénétrait, en descendant quelques marches, par une 
porte basse fermée au moyen d'une pierre roulante. 
Voir Calvaire, t. n, col. 79 ; Jésus-Christ, t. m, 
col. 1476-1477 ; Revue biblique, 1910, p. 121. Par la 
suite, le tombeau a été isolé du rocher dont il faisait 
partie et est devenu un édicule à part. Cf. A. Legendre, 
Le Saint-Sépulcre depuis l'origine jusqu'à nos jours, 
Le Mans, 1898, p. 7-20. 



l'époque des Asmonéens ou à celle d'Hérode. Le plan, 
assez régulier, comporte un vestibule donnant accès 
dans une salle qui communique avec trois chambres à 
fours (flg. 512). Les coupes longitudinale AB et transver- 
sale CD donnent le profil de l'excavation. Les plafonds 
vont en diminuant de hauteur, de 2 m 10 à l m 70. Il n'y 
a ni inscriptions ni vestiges quelconques permettant 
d'identifier l'hypogée. Cf. H. Vincent, Un hypogée juif, 
dans la Revue biblique, 1899, p. 297-304. 

III. Les tombeaux dans la Bible. — 1» La demeure 
des morts. — En face du danger, les Hébreux deman- 
dent à Moïse s'il n'y avait pas assez de sépulcres pour 
eux en Egypte. Exod., xiv, 11. Le lieu où beaucoup 
d'entre eux sont frappés dans le désert, à cause de leurs 
murmures au sujet de la nourriture, prend le nom de 
Qibrô{-hat-(a'âvâh, « Sépulcres de la concupiscence ». 
Num., xi, 34 ; xxxm, 16 ; Deut., ix, 22. Les sépulcres 




510. — Tombeau de Zaeharie. D'après Ancessi, Atlas, pi. xix. 



11° Le tombeau de la Sainte Vierge. — Voir t. iv, 
col. 802. 

12° Autres tombeaux bibliques. — On peut spéciale- 
ment signaler les tombeaux de Daniel, t. n, fig. 472, 
col. 1253; d'Esdràs, t. n, fig. 603, col. 1931 ; d'Ézéchiel, 
t. n, flg. 626, col. 2153 ; d'Aaron, t. m, fig. 152, 153, 
col. 750, 751 ; de Lazare, t. iv, fig. 43, col. 139 ; de 
Phinées, t. v, fig. 73, col. 320 ; de Rachel, t. v, fig. 211, 
col. 925, etc. Voir aussi Nabuthéens, t. iv, col. 1448- 
1450, et la nécropole de Pétra, t. v, fig. 31, col. 170; 
la nécropole de Cyrène, t. n, fig. 450, col. 1177; le tom- 
beau de Cyrus, t. n, fig. 458, col. 1193 ; ceux de Umm- 
Queis, t. m, fig. 41, 42, col. 205, 207, etc. — Isaïe, xxii, 
16-18, parle d'un fonctionnaire du temps d'Ézéchias, 
nommé Sobna, qui se creusait un sépulcre dans un 
lieu élevé et se taillait dans le roc une demeure. Pour 
le punir de ses méfaits, Dieu le lancera comme une 
balle à travers la plaine. — Le système de nécropoles 
creusées dans le roc, avec chambres funéraires et fours 
à cercueil, a toujours été en faveur chez les Juifs. En 
1897, non loin du tombeau des Juges, on a découvert 
une sépulture de ce genre qui donne une idée exacte 
de ce que sont les nécropoles israélites. La façade est 
ornée d'un fronton analogue à celui du tombeau 
<les Juges. Les diverses sculptures, tant de l'extérieur 
<|ue de l'intérieur, supposent l'influence de l'art grec, 
ut permettent de fixer la construction du monument à 



sont préparés pour Assur, pour Élam, pour Mosoch et 
Thubal, Ezech., xxxn, 22, 24, 26, et pour Gog, au mi- 
lieu d'Israël. Ezech., xxxix, 11. Dieu prépare le sépulcre 
de Ninive. Nah., i, 14. Antiochus Épiphane voulait faire 
de Jérusalem le tombeau des Juifs. II Mach., IX, 4, 14. 
— On n'a jamais connu le tombeau de Moïse. Deut., 
xxxiv, 6. Au malheureux accablé d'épreuves, il ne reste 
plus à espérer que le tombeau, Job, xvil, 1 ; il est 
content de le trouver. Job, il, 22. Le juste y entre en 
pleine maturité, comme la gerbe enlevée en son temps. 
Job, v, 26. Mais souvent le méchant est porté avec 
honneur à son sépulcre, et l'on veille sur son mausolée. 
Job, xxi, 32. Tobie voulut que sa femme fût déposée 
dans le même tombeau que lui. Tob., xiv, 12. Le roi de 
Babylone devait être jeté loin de son sépulcre, comme 
un rameau méprisé. Is., xiv, 19. Les témoins du Christ, 
mis à mort, resteront aussi quelque temps privés de 
sépulture. Apoc, xi, 9. Isaïe, xi, 10, annonce que la 
racine de Jessé se dressera parmi les nations et que 
sa demeure sera glorieuse ; d'après la Vulgate, « son 
sépulcre sera glorieux ». Les gens du peuple n'avaient 
point de sépulcres taillés dans le roc. On se contentait 
de les enterrer simplement, avec une pierre sur leur 
tombe, pour empêcher les hyènes de venir les dévorer. 
Jérémie, xxvi, 23, raconte que le roi Joakim fit périr 
le prophète Urie et jeta son cadavre dans les sépulcres 
du commun du peuple. — A la mort du Sauveur, les 



2281 



TOMBEAU 



TONNERRE 



2282 



sépulcres s'ouvrirent et des morts en sortirent. Matth., 
xxvii, 52. Dans sa vision de la résurrection, Ézéchiel, 
xxxvn, 12, vit les morts sortir de leurs sépulcres. Ils 
en sortiront réellement, à la fin du monde, sur l'ordre 
du Fils de Dieu. Joa., v, 28. — Le sépulcre est quel- 
quefois mis pour le scheol. Dieu n'a plus le souvenir 
ds celui qui s'y trouve, le mort est soustrait à sa main 
et la louange divine ne se fait plus entendre dans le 
sépulcre, Ps. lxxxviii (lxxxvii), 6, 12, manières de 
parler signifiant que les conditions d'existence sont 
tout autres après la mort. — L'Ecclésiastique, xxx, 18, 
fait allusion aux offrandes d'aliments que les idolâtres 
mettaient sur les tombes et il les compare aux mets 
présentés à une bouche fermée. — 2» Le refuge des 
vivants. — Étant données les dimensions de certaines 




511. — Tombeau des Hérodes. 
D'après la Revue biblique, 1892, p. 268. 

chambres sépulcrales, on conçoit que les vivants aient 
pu quelquefois y chercher un refuge. Les Israélites 
infidèles se retiraient dans des sépulcres pour y manger 
de la viande de porc et des mets défendus. Is., lxv, 4. 
Les démoniaques géraséniens habitaient dans des 
sépulcres. Matth., vin, 28; Marc, v, 2-5 ; Luc, vm, 27. 
— 3» Comparaisons. — Le sein de la mère est le tom- 
beau de l'enfant mort avant sa naissance. Jer., xx, 17. 
On compare à un sépulcre ouvert, prêt à recevoir les 
cadavres, le gosier du méchant, qui dévore le prochain 
par ses propos calomnieux, Ps. v, 11 ; Rom., m, 13, et 
le carquois des Chaldéens, qui va faire tant de victimes. 
Jer., v, 16. — 4» Impureté des tombeaux. — Celui qui 
touchait un tombeau contractait une souillure légale. 
Num., xix, 16. Voilà pourquoi Josias, après avoir réduit 
en poussière l'idole d'Astarthé qui avait été installée 
dans le Temple, en dispersa les restes sur les tombes 
des enfants du peuple, comme pour les souiller encore 
davantage. IV Reg., xxm, 6. En même temps, il enten- 
dait par là rendre ce qui subsistait de l'idole à ses 



anciens adorateurs. II Par., xxxiv, 4. Après le retour 
de la captivité, on prit l'habitude de blanchir à la 
chaux les tombeaux qui n'étaient pas suffisamment 
reconnaissables par eux-mêmes, afin d'en signaler la 
présence aux passants, surtout à l'époque des pèleri- 
nages. Matth., xxm, 27. Notre-Seigneur compare les 
pharisiens à des sépulcres qu'on ne voit pas et sur 
lesquels on marche sans le savoir, Luc, xi, 44, ce qui 
fait contracter une impureté. Cf. Ohaloth, xvn, xvm. 
Josèphe, Ant. jud., XVIII, n, 3, raconte qu'Hérode 
Antipas, après avoir bâti la ville de Tibériade sur l'em- 
placement d'une ancienne nécropole, dut prendre 
toutes sortes de moyens'pour attirer les habitants, les 
Juifs se refusant à résider en pareil lieu. 

H. Lesètre. 
TONNERRE (hébreu : ra'am, qôl ou rêa' Yehôvàh, 
qôlôt ; Septante : ppovtT,, qxovïj ©eoû; Vulgate : tonitru, 
tonitruum, vox Domini), bruit que fait la foudre 
quand elle éclate entre les nuages ou entre les nuages 
et la terre. — Ce bruit, très puissant, peut devenir 
formidable, quand il est répercuté par les échos des 
montagnes. De là, les noms de « voix de Jéhovah » ou 
« fracas de Jéhovah » qu'on lui donne en hébreu. On 
l'appelle aussi qôlôt, « les voix », à cause de ses reten- 
tissements multipliés. Les orages n'ont lieu en Palestine 
qu'à la saison des pluies, en hiver. Cependant, il s'en 
produit parfois tardivement en avril et jusqu'au com- 
mencement de mai. Voir Palestine, t. iv, col. 2030. 
Le tonnerre qui se fit entendre, à la voix de Samuel, 
au temps de la moisson des blés, I Reg., xn, 17, 18, 
c'est-à-dire à la fin d'avril ou en mai, était extraordi- 
naire. Le coup que les Juifs crurent entendre dans le 
Temple, Joa., XII, 29, se produisit en temps normal, 
vers la fin de mars. — La septième plaie d'Egypte con- 
sista en une grêle effroyable qu'accompagna le tonnerre 
avec le feu delà foudre. Exod., ix,23, 28, 34; Ps. lxxvii 
(lxxvi), 19. Le phénomène était d'autant plus signifi- 
catif que la grêle et le tonnerre sont extrêmement rares 
en Egypte. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes 
modernes, 6 e édit., t. n, p. 333. Le tonnerre retentit 
également au Sinaï. Exod., xix, 16. Voir Orage, t. iv, 
col. 1849. — Job a parlé plusieurs fois du tonnerre. 
L'idée qu'il a donnée des œuvres de Dieu n'est qu'un 
« léger murmure », à côté du tonnerre de sa puissance, 
c'est-à-dire de la grandeur foudroyante des merveilles 
exécutées par Dieu. Job, xxvi, 14. Dieu a tracé la roule 
aux éclairs et au tonnerre. Job, xxvm, 26; xxxvm, 25. 
Il prend la foudre en ses mains et lui marque le but 
qu'elle atteindra sûrement; son tonnerre le précède et 
remplit d'effroi les troupeaux. Job, xxxvi, 32, 33. 

Écoutez, écoutez le fracas de sa voix, 
Le grondement qui sort de sa bouche ! 
Il lui donne libre champ sous l'Immensité des deux, 
Et-son éclair brille jusqu'aux extrémités de la terre. 
Puis éclate un rugissement, 
Il tonne de sa voix majestueuse ; 
Quand on entend sa voix, la foudre est déjà partie : 
Dieu tonne de sa voix d'une manière merveilleuse. 
Job, xxxvn, 2-4. 

Un Psalmiste décrit aussi le tonnerre, qu'il appelle la 
« voix de Dieu ». Elle gronde au-dessus des nuages, 
brise les cèdres, ébranle les montagnes et le désert, 
dépouille les forêts, fait jaillir des flammes de feu et 
faonner les biches épouvantées. Ps. xxix (xxvm), 3-9. 
Au bruit du tonnerre, les montagnes fuient. Ps. civ 
(cm), 7. Il retentit pendant l'ondée et fait trembler la 
terre. Eccli., XL, 13; xliii, 18. — Les écrivains sacrés 
ne mentionnent aucun homme frappé de la foudre. Ils 
font cependant allusion à ce genre de mort. I Reg., Il, 10. 

Jéhovah tonna des cieux, 

Le Très-Haut fit retentir sa voix. 

H lança des flèches, et dispersa mes ennemis, 

La foudre, et il les consuma. 







. ^ ■::■'■ -'s-'swï's,i 



7% -■ 'S'''--?''-;'?''>''ZZ 



Coupe longitudinale suivant A,B 







512. — Plan et coupes d'une nécropole juive. D'après la Bévue biblique, 1899, p. 298, 302. 



Coupe transversale suivant C.D 



2285 



TONNERRE — TOPHETH 



2286 



II Reg., xxn, 14, 15. Cf. Ps. xvm (xvn), 14, 15; cxliv 
(cxliii), 6; Zach., ix, 14. Jérusalem sera visitée « avec 
fracas, tonnerre et grand bruit, tourbillon, tempête et 
flamme de feu dévorant. » Is., xxix, 6. — Le tonnerre 
intervient souvent dans les événements décrits par 
l'Apocalypse, iv, 5; vi, 1; vm, 5; x, 3, 4; xiv, 2; xvi, 
18; xix, 6. — A raison de leur caractère impétueux, 
Jacques et Jean, fils de Zébédée, reçurent de Notre- 
Seigneur le nom de BoavvjpYé;, « fils du tonnerre ». 
Marc, m, 17. — Les mages babyloniens tiraient des 
pronostics de la production du tonnerre aux différents 
mois de l'année. Le dieu du tonnerre et de la pluie, 
Adad, annonçait le plus souvent des révoltes et des 
calamités; mais quelquefois, il pronostiquait des faits 
intéressant la vie agricole. S'il tonne en Tammouz, 
« la récolte du pays marchera bien ; » en Éloul, « l'épi 
pèsera quadruple; » en Tébét, « il y aura des pluies 
dans les cieux, des crues dans la source; » en Sabat, 
« invasion de beaucoup de sauterelles dans le pays. » 
Cf. Ch. Virolleaud, L'astrologie chaldéenne, Paris, 
1905, fasc. 1, p. 1. On sait que les Babyloniens n'ont pas 
été les seuls à tirer des pronostics de ce genre, qui 
s'inspirent plus ou moins heureusement, même dans 
nos contrées, d'observations populaires. Cf. Revue bi- 
blique, 1909, p. 324. H. Lesêtre. 

TONTE DES BREBIS, récolte de la toison des 
brebis. Cette opération se fait ordinairement au com- 
mencement de l'été. Elle était une occasion de réjouis- 
sances pour les pasteurs, comme la moisson pour les 
cultivateurs. Le propriétaire des troupeaux ne man- 
quait pas, à cette occasion, de se transporter au milieu 
de ses pasteurs. Le tondeur, gozêz, xsi'ptov, tonsor, 
coupait alors la toison des brebis et des agneaux. Il 
était cependant défendu de tondre le premier-né des 
hrebis, parce qu'il appartenait tout entier au Seigneur. 
Deut., xv, 19. — Jacob profita de l'absence de Laban, 
qui était allé assister à la tonte de ses brebis, pour s'en- 
fuir lui-même avec sa famille et ses troupeaux. Laban 
était à une certaine distance, car il ne fut informé de 
l'événement que le troisième jour. Gen., xxxi, 19-22. 
Quand le deuil de sa femme fut terminé, Juda s'en alla 
à Thamna, où l'on tondait ses brebis. Gen., xxxvm, 
12-14. Nabal se trouvait à Carmel, pour la tonte de ses 
3000 brebis, quand David lui envoya demander des 
vivres. Nabal ne voulut lui accorder ni pain, ni eau, 
ni rien du bétail qu'il avait tué pour ses tondeurs. 
I Reg., xxv, 2-11. Absalom, ayant ses tondeurs à Baal- 
Hasor, près d'Éphraïm, invita à la fête tous les fils de 
David et en profita pour faire tuer Amnon. II Reg., 
xiii, 23-29. — Les dents de l'Épouse sont comparées, à 
cause de leur blancheur, à un troupeau de brebis 
tondues qui remontent du lavoir. Cant., iv, 2. Le Messie 
souffrant a été semblable « à la brebis muette devant 
ceux qui la tondent. » Is., un, 7; Act., vm, 32. La 
brebis reste muette, parce que la tonte ne la fait pas 
souffrir. Le Sauveur a gardé le silence au milieu des 
tourments, comme s'il n'avait pas senti la douleur. 

H. Lesêtre. 

TOPARCHIE (grec : Toitapyja), mot employé, 
IMach., xi, 28, pour désigner trois divisions territo- 
riales ou districts. Ces trois toparchies étaient Aphae- 
réma (qui manque dans la Vulgate, t,34), Lyda (Lydda) 
et Ramatha, t- 34, comprenant chacune la ville même 
et ses environs ou dépendances. Voir Aph^eréma, t. I, 
col. 721; Lydda, t. iv, col. 444; Ramatha, t. v, col. 944. 
Le nom de « toparchie » est remplacé en grec par 
véjio;, « division, section », et appliqué aux trois 
mêmes villes. I Mach.,x, 30, 38; xi, 34 (Vulgate : civi- 
tates). Vers 145 avant J.-C, Démétrius II Nicator 
confirma la possession de ces trois toparchies de la 
Samarie à Jonathas Machabée. IMach., xi, 34. Antio- 
chus VI Dyonisos renouvela cette donation, en y ajou- 



tant un quatrième « nome » (Vulgate : civitates), qui 
n'est pas nommé. D'après Josèphe, Bell, jud., lit, m, 
5, la Judée était divisée en onze toparchies. 

TOPAZE (hébreu : pitddh; Septante : T<ma?iov; 
Vulgate : topazius), pierre précieuse. 

La topaze de la Bible n'est pas la belle pierre jaune 
d'or que nous appelons aujourd'hui de ce nom, mais 
que les anciens nommaient chrysolithe. La topaze des 
anciens, d'un beau vert jaune, se rapprocherait plutôt 
de la chrysolithe moderne. Pline, H. N., xxxvn, 32, 
vante le beau vert de la topaze et en distingue deux 
espèces, la prasoïde et le chrysoptère, lequel ressemble à 
la chysoprase par sa couleur, qui est celle du suc de poi- 
reau. Généralement on comprend sous le nom de topaze 
des anciens une pierre dérouleur jaune verdâtre, ou 
vert jaune, rapportée à la cymophane ou au péridot. Ce 
n'est pas sans doute la même composition chimique; 
l'une étant un aluminate de glucine, l'autre un silicate de 
magnésie et de fer. Mais les anciens, dans leur dénomi- 
nation des pierres précieuses, faisaient surtout attention 
à l'aspect extérieur et rangeaient sous le même terme 
des espèces en réalité différentes. A l'article Chryso- 
lithe, t. n, col. 741, fig. 275, nous avons donné en 
regard l'un de l'autre des cristaux de chrysolithe et de 
topaze. 

On a remarqué que les consonnes du mot grec ou 
latin sont les mêmes que celles du mot hébreu, avec 
une simple transposition : t. p. d. du grec et du latin 
(on trouve topadius pour topazius) ne sont avec méta- 
thèse que le p. t. d. de l'hébreu. On a aussi rapproché 
ces dénominations du mot sanscrit pîla, qui signifie 
jaune. Le Targum appelle cette pierre, Np"i» nSsio, 
margela' yarqa', «la perle verte», qui rappelle Vuriku 
assyrien, la pierre verte à reflets jaunes, c'est-à-dire la 
chrysolithe. 

La topaze ainsi entendue se rencontre- quatre fois 
dans l'Ancien Testament et une fois dans le Nouveau. 
C'est la seconde pierre du rational, d'après Exod., xxvm, 
17, et xxxix, 19. Voir t. v, col. 422423, et la planche 
en couleur. Dans l'énuméralion des pierres du ratio- 
nal, Josèphe, Bell. jud. V, v, 7, et Ant. jud., III, vu, 5, 
conserve le même rang à cette pierre et la nomme to- 
7tai;o;. Sur cette pierre du rational, placée la seconde 
du premier rang, devait être gravé le nom de Siméon. 
— La topaze figure parmi les pierres précieuses qui 
ornaient les vêtements du roi de Tyr. Elle est nommée 
comme une pierre de très haut prix dans une compa- 
raison du livre de Job, xxvm, 19 : 

La possession de la sagesse vaut mieux que les perles, 
La topaze d'Ethiopie ne l'égale pas. 

Ce texte marque en même temps le lieu d'origine, 
qui serait la terre de Cousch ou d'Ethiopie. C'est dans 
une île d'Arabie appelée Cytis, ou en Thébaïde, que 
d'après Pline on trouvait cette pierre précieuse. Cette 
ile de Cytis n'est sans doute pas différente de celle que 
Strabon, XVI, iv, 6, appelle Ophiodès, et où l'on ren- 
contre une pierre transparente aux reflets d'or. 

Nous retrouvons cette pierre dans l'Apocalypse, XXI, 
20, comme un des fondements de la Jérusalem céleste ; 
mais au lieu d'être placée au second rang comme dans 
le rational, elle est au neuvième. Voir t. v, col. 424. 

Cf. Ch. Barbot, Guide du joaillier, 4 e édit., Paris, 
in-12, p. 74, 112, 279, 341 ; F. Leteur, Traité élémentaire 
de minéralogie pratique, Paris, in-4°, p. 129; Cl. Mullet, 
Essai sur la minéralogie arabe, Paris, 1868, in-8°, 
p. 61; J. Braun, Vestilus sacerdotum hebrœorum, 
Leyde, 1680, p. 638-520. E. Levesque. 

TOPHETH (hébreu : Tôfèf; Septante : T09J6, Tu?é8, 
Taqaê8), endroit où l'on offrait des sacrifices dans la 
vallée de Hinnom. Il n'est nommé que dans IV Reg., 



2287 



TOPHETH — TORTUE 



2288 



xxm, 10; Is., xxx, 33; Jer., vu et xix. — 1° Le mot tôfèt 
est employé une fois dans Job, xvn, 6, comme nom 
commun, signifiant quod conspicitur, mais il n'est pas 
certain que le nom propre Topheth ait la même éty- 
mologie que le substantif commun, quoique plusieurs 
l'admettent. Les rabbins commeRaschi et DavidKimchi, 
le font venir de tâfaf, « frapper, battre », en supposant 
qu'on battait du tambour (fôf) et d'autres instruments 
bruyants, pendant qu'on brûlait des enfants en sacrifice 

Moloch. afin d'empêcher les parents d'entendre les 
cris de ces tendres victimes. Parmi les hébraïsants 
modernes, plusieurs dérivent le mot d'une racine à 
laquelle ils attachent le sens de « brûler »;cf. perse: 
toften; grec : «çpa, « cendre » ; latin : tepidus, « tiède ». 

2° Saint Jérôme décrit ainsi Topheth, In Jer., vu, 31, 
t. xxiv, col. 735 : Illum locuni significat, qui Silox 
fontibus irrigatur et est amœnus atque nemorosus 
hodieque hortorum prsebet delicias. 11 était donc situé 
dans la vallée d'Ennom, comme le disent expressément 
Jérémie, vu, 31, et IV Reg., xxm, 10. La situation pré- 
cise de Topheth ne peut être aujourd'hui rigoureusement 
déterminée, mais, comme le dit saint Jérôme, il devait 
se trouver à l'endroit où les eaux de Siloé entretenaient 
les jardins royaux et une végétation luxuriante, dans 
'e voisinage de la jonction de la vallée d'Hinnom avec 
celle du Cédron. Voir Gèennom, t. m, col. 154. 

3° La première mention de Topheth se trouve dans 
Isaïe, xxx, 31-33, dans le passage où il prophétise 
l'échec de la campagne de Sennachérib contre Ézé- 
chias : 

Assur tremblera à la voix de Jéhovah. 

[Jéhovah] le frappera de [sa] verge ; 

A chaque coup de la verge qui lui est destinée, 

Que Jéhovah fera tomber sur lui, 

Au son des tambours (fuppîm) et des kinnors, 

f Jéhovah] combattra contre lui à coups redoublés, 

Car Topheth (Tcfféh) est depuis longtemps préparé, 

Il est prêt pour le roi, 

Il est large, il est profond ; 

Sur le bûcher, il y a du feu et du bois en abondance ; 

Le souffle de Jéhovah comme un torrent de soufre l'embrase. 

Nous n'avons ici qu'une allusion au Topheth de la 
vallée d'Hinnom, mais un passage des Paralipomènes 
nous en explique toute la signification. Isaïe écrivait 
sa prophétie sous le règne d'Ézéchias. Quelques 
années auparavant, le père d'Ézéchias, Achaz, sous le 
règne duquel Isaïe exerçait aussi sa mission prophé- 
tique, avait fait passer ses enfants par le feu, dans la 
vallée d'Hinnom. II Par., xxvin, 2. L'historien sacré 
ne nomme pas Topheth en cet endroit, mais on ne peut 
douter, d'après ce que nous savons par IV Reg., xxm, 
10, que ce ne soit là qu'avaient eu lieu les sacrifices 
inhumains d' Achaz. Faut-il prendre rigoureusement à 
la lettre la prophétie d'Isaïe et l'entendre en ce sens 
que l'on brûla en ce lieu les corps des Assyriens tombés 
dans les environs de Jérusalem ou bien qu'ils furent 
consumés en un autre endroit appelé par figure To- 
pheth? Il est difficile de le déterminer. Ce qui est bien 
certain, c'est que l'impie Achaz sacrifia des enfants 
dans la vallée d'Hinnom. II Par., xxvm, 2. Son petit- 
fils, le roi Manassé, commit les mêmes actes inhumains, 
xxxiii, 6. L'un et l'autre eurent dans le peuple des 
imitateurs. Jérémie, vu, 29-34; xtx, 1-13, stigmatisa 
comme elles le méritaient ces pratiques barbares et le 
roi Josias, pour en empêcher le retour, rendit Topheth 
impur. IV Reg., xxm, 10. 

TORRENT (hébreu : 'âfîq, nafyal; Septante : x£Î(J- a P" 
pouc; Vulgate : torrens), cours d'eau coulant impétueu- 
sement dans un lit très incliné. — Les torrents sont 
nombreux dans un pays accidenté comme la Palestine. 
Voir Palestine, t. iv, col. 1988-1992; 2000-2002; Arnon, 
t. i, col. 1020; Besor, col. 1641; Cadumim, t. n, col. 28; 



Carith, col. 285; Cêdron, col. 380; Cison, col. 781; 
Egypte (Torrent d'), col. 1621 ;Escol, col. 1928; Gaas, 
t. m, col. 1 ; Gérare. col. 198-199; Jaboc, col. 1056, etc. 
— Les torrents sont ordinairement à sec hors de la sai- 
son des pluies. II Reg., xvn, 7; Jos.,i,20. Par suite du 
ravinement, leur lit est dénudé et formé de pierres. 
Job,xxii, 24; IReg.,xvn, 40. Les orages les remplissent 
parfois subitement, d'où souvent de grands dégâts. Voir 
Inondation, t. m, col. 883. Ils roulent les cadavres des 
morts. Ezech.,xxxv, 8. C'est par une bénédiction de Dieu 
que l'eau y coule, Joa., m, 18, et, en passant, le guerrier 
s'y désaltère. Ps. ex (cix), 7. — Les écrivains sacrés 
comparent aux torrents impétueux la calamité qui fond 
sur les hommes, Ps. xvm (xvn), 5; le souffle de 
Jéhovah, dont la colère est un torrent de soufre, Is., 
xxx, 28, 33; les captifs revenant d'exil, Ps. cxxvi 
(cxxv), 4; la gloire des nations affluant à Jérusalem, 
Is., lxvi, 12; la sagesse qui se répand abondamment 
de tous côtés, Prov., xix, 4; la justice divine déployée 
contre les coupables, Am., v, 24; les ennemis qui 
doivent assaillir les Philistins. Jer., xlvh, 2. — Ézéchiel, 
xlvii, 5 19, suppose un torrent symbolique dans la 
nouvelle Jérusalem. Job, vi, 15, compare les amis 
perfides au torrent privé d'eau quand on en cherche. 
Il faut mentionner aussi les torrents de lait et de miel, 
Job, xx, 17, les torrents de délices, Ps. xxxvi(xxxv),9,les 
torrents de larmes, Lam., n, 18, les torrents de poix cou- 
lant dansÉdompoursuivi par la vengeance. Is.,xxxiv, 9. 

H. Lesêtre. 
TORTUE, reptile de l'ordre des chéloniens, pourvus 
d'une carapace d'où sortent seulement la tête, les pattes 




513. — Tortue de terre (Testudo grseca) de Palestine. 

et la queue. Il y a des tortues de terre, des tortues de 
mer et des tortues d'eau douce. En Palestine, on trouve, 
parmi les tortues de terre, la testudo marginata, à 
carapace aplatie par derrière, et surtout la testudo 
grseca (fig. 513)i qui abonde en été sur les coteaux et 




514. —Tortue d'eau (Emys caspica) de Palestine. 

dans les plaines et qui, pendant l'hiver, se réfugie dans 
les trous de rochers. Elle sert de proie à certains 
oiseaux rapaces et de nourriture aux gens du pays, 
ainsi que ses oeufs, à peu près gros comme ceux d'un 
pigeon. La tortue aquatique, emys caspica (fig. 514), se 
trouve dans les cours d'eau, les marais et surtout le 
lac Houléh. On la rencontre parfois par myriades. Ces 
tortues d'eau douce sont carnivores; elles mangent des 
poissons, des grenouilles et de petits oiseaux. Elles 
dégagent une odeur très désagréable, particulièrement 



2289 



TORTUE — TOUR 



2290 



pour les chevaux. Elles passent l'hiver dans la vase ou 
dans les trous du rivage. Leurs œufs oblongs sont 
déposés dans le sol, mais à l'abri de l'eau. La tortue 
aquatique se distingue de la tortue terrestre par sa 
carapace unie et par la longueur de sa queue et de son 
cou. On a cru parfois que la tortue était mentionnée 
sous le nom de sâb. Lev., xi, 29. Mais on admet géné- 
ralement que ce nom désigne une espèce de lézard. 
Voir Lézard, t. rv, col. 225. — Cf. Tristram, The natu- 
ral history of the Bible, Londres, 1889, p. 256, 257; 
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 476, 
485, 511, 518, 547, 549. H. Lesêtre. 

TOSTAT (Tostado Alfons), commentateur espagnol, 
né à Madrigal, vers 1400, mort à Avila, le3 septembre 1455. 
Il fit ses études à Salamanque et y enseigna la philoso- 
phie et la théologie pendant 22 ans. En 1431, il se rendit 
au concile de Bâle. Le pape Eugène IV le nomma 
. évêque d' Avila, où il mourut avec une telle réputation 
de science qu'on inscrivit sur sa tombe : hic stupor 
est mundi, qui scibile discutit omne. Ses œuvres, dans 
l'édition de Venise de 1728, remplissent 27 in-folio, 
dont 24 contiennent ses commentaires sur la Sainte 
Écriture, où l'on trouve, malgré des longueurs et des 
inutilités, des observations intéressantes et ingénieuses. 

TOTAPHOTH (hébreu : Totâfôf). Exod., xiii, 16; 
Deut., vi, 4-9; xi, 13-21. Voir Phylactères, col. 349. 

1. TOUR (hébreu : migdâl, serîâh, balzan, dâyêq, 
ces deux derniers mots désignant des tours d'assiégeants ; 
Septante : wiipyoç ; Vulgate : turris), construction élevée. 
— Cette construction, faite en pierres, en briques ou 
,en bois, est ordinairement à section ronde ou carrée, 
et s'élève au-dessus des maisons, des palais, des rem- 
parts, ou en rase campagne, pour favoriser la défense 
ou la surveillance. Différentes espèces de tours sont 
mentionnées par les écrivains sacrés. 

1° Tour de Babel, Gen., xi, 4, voir Babel (Tour de), 
t. i, col. 1346. 

2° Tour de défense. — Les anciennes villes chana- 
néennes avaient des remparts munis de tours. « Ces 
tours, généralement sur plan rectangulaire, flanquaient 
le rempart souvent sur ses deux faces, d'ordinaire à 
l'extérieur seulement. Ce sont des constructions mas- 
sives, peu saillantes sur les courtines — de m 92 à 
3 m 66àGazer — ou de véritables bastions avec chambres 
intérieures, comme dans l'enceinte de Tell el-Hésy. Les 
portes sont rares, casées au fond d'un angle rentrant, 
ou couvertes par des avancées massives. » A Gazer, « les 
énormes tours massives sont en maçonnerie grossière, 
avec un revêtement de briques d'épaisseur variable. » 
H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 42, 43. D'autres 
fois, les tours étaient isolées, comme le migdâl (fig. 515) 
bâti par Séti I" sur la route de Syrie. Les tours 
d'Ascalon, voir t. i, fig. 286, col. 1061, donnent l'idée 
de ce qu'était autrefois une ville fortifiée. Les anciennes 
cités paraissent avoir été flanquées de tours d'après le 
même système (fig. 516). — Les historiens sacrés men- 
tionnent la tour de Phanuel, rasée par Gédéon, Jud., 
vin, 9, 17, la tour de Sicbem, à laquelle Abimélech mit 
le feu, Jud., ix, 47-49, la tour située au milieu de la 
ville de Thébès, du haut de laquelle une femme lança 
un morceau de meule sur la tête d' Abimélech, Jud., 
IX, 51-54, la tour de Jezraêl, d'où la sentinelle annonça 
à Joram l'arrivée de Jéhu, IV Eeg., IX, 17, la tour de 
la maison du roi, à Samarie, dans laquelle Phacéia fut 
assassiné. IV fîeg., xv, 25. Le roi Asa bâtit des villes 
munies de tours. II Par., xrv, 6. D'autres tours furent 
élevées par Ozias dans le désert, II Par., xxv_, 10, et 
par Joatham dans les bois. II Par., xxvn, 4. — Jéru- 
salem était flanquée de tours. Azias en bâtit et les munit 
de machines de guerre. II Par., xxvi, 9, 15. Jérémie, 



xxxi, 38, parle de la tour de Hananéel. Cf. Zach., xiv, 
10. Après le retour de la captivité, on trouve mention- 
nées les tours de Méa, de Hananéel, des Fourneaux, la 
haute tour et la tour en saillie. II Esd., m, 1, 11, 26, 
27; xii, 37, 38. Voir Jérusalem, t. m, col. 1366, et la 
tour de David, fig. 259, col. 1374. — A l'époque macha- 
béenne, les Syriens entourèrent la cité de David d'une 
muraille pourvue de puissantes tours et en firent leur 
citadelle. I Mach., i, 35. Redevenus maîtres de la ville, 
les Juifs bâtirent autour de Sion de hautes murailles 
et de fortes tours, afin de protéger les saints lieux 
contre les gentils. I Mach., iv,60. Judas brûla les tours 
de Béan, avec tous ceux qui étaient dedans, I Mach., v, 
5; il brûla de même les tours de l'enceinte d'Hébron. 
I Mach., v, 65. Neuf mille Iduméens s'apprêtaient à 
soutenir un siège dans deux tours très fortes; en 
l'absence de Judas, les assiégeants juifs se laissèrent 
gagner à prix d'argent et eussent permis aux ennemis 
de s'échapper si Judas ne fût venu s'emparer des 



rrv 


YW 




YN 






'YN 




^r 


1 


1 


1 


'& 


(H 
























|W> 


/W 




£ 


M 


ûJ^Vv^AWl 






3É 


A 






1 
























=M^ 














£1 













515. — Migdâl construit sur la route de Syrie par Séti I". 
D'après Lepsius, Denkmaler, Th. ni, 1266. 

tours. II Mach., x, 18-22. Judas mit encore le feu aux 
tours de Gazara et s'empara de la ville occupée par 
Timothée. II Mach., x, 36. Simon rebâtit les forteresses 
de Judée et les garnit de hautes tours. I Mach., xm,33. 
Il fit une brèche à une des tours de Gaza, ce qui lui per- 
mit de s'emparer de la ville. I Mach., xm, 43, — Ézéchiel, 
xxvi, 4; xxvii, 11, parle des tours de Tyr, qui sont défen- 
dues par devaillants hommes, mais qui n'en seront pas 
moins abattues par les assiégeants. L'auteur de Judith, 
i, 2, mentionne une tour de cent coudées à Ecbatane. 
Au temps de Notre-Seigneur, la tour de Siloé s'écroula 
à Jérusalem et écrasa dix-huit hommes. Luc, xm, 4. 

3° Tours de siège. — Pour saper plus efficacement 
les murailles des villes qu'ils assiégeaient, les Assyriens 
montaient des tours en charpente qu'ils recouvraient 
de cuir ou de grossières étoffes de laine. L'appareil 
était agencé sur des roues, qui permettaient de l'appro- 
cher du mura attaquer. A l'étage inférieur manœuvrait 
un bélier. Voir t. i, fig. 479, col. 1566. Au sommet de 
la tourelle, des archers faisaient face aux défenseurs 
de la place et s'efforçaient de les écarter du rempart 
(voir fig. 373, col. 1715). Ces machines, que les Romains 
perfectionnèrent beaucoup dans la suite et dont ils se 
servirent pour assiéger Jérusalem, cf. Josèphe, Bell, 
jud., V, VI, 4, produisirent grande impression sur les 
Israélites. Isaïe, xxm, 13, parle de celles que les Assyriens 
employèrent au siège de Tyr. Ézéchiel, rv, 2; xvn, 17; 



2291 



TOUR 



2292 



xxi, 27; xxvi, 8, fait plusieurs fois allusion aux tours 
d'attaques dressées contre Jérusalem. Les Chaldéens 
ne manquèrent pas de s'en servir pour prendre la ville. 



xxvii, 25. On élevait dans les champs des tours de 
gardiens chargés de surveiller les récoltes. IV Reg., 
xvii, 9; xviil, 8;Eccli., xxxvii, 14 (18). Des tours sem- 




516. — Ville fortifiée prise par les Assyriens. British Muséum. 
D'après Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, t. n, p. 634. 

IV Reg., xxv, 1; Jer., lu, 4. — Ainsi sapées, les tours I blables existaient dans les environs d'Azot. I Mach., 
des villes s'écroulaient et livraient passage à l'ennemi. xvi, 10. Il y avait des tours du troupeau, pour y mettre à 
C'est ce qui fait dire à Isaïe, il, 15; xxx, 25, qu'il y a, | l'abri les bergers et, au besoin, les bêtes elles-mêmes. 




517. — Tour de garde dans une vigne. D'après Julllen, L'Egypte, p. 262. 



contre les tours superbes, un jour de Jéhovah, un jour 
de carnage et de la chute des tours. 

4° Tours de garde. — Du temps de David, Jonathan 
était préposé à la garde, des trésors royaux recueillis 
dans la campagne et enfermés dans des tours. I Par., 



Mich., iv, 8. Enfin, des tours semblables étaient élevées 
dans les vignes importantes, pour servir de refuge à 
ceux qui défendaient le raisin contre les maraudeurs et 
surtout contre les animaux sauvages. Is., v, 2; Matth., 
xxi, 33; Marc, xil, 1. VoirMlGDAL-ÉDER, t. iv, col. 1084. 



2293 



TOUR — TOURTERELLE 



2294 



« Dans la Palestine, le propriétaire construit sur sa 
vigne une tour de pierres sèches en forme de tronc de 
cône, terminée par une terrasse (fig. 517), sur laquelle 
logent, jour et nuit, les serviteurs ou la famille du 
vigneron durant tout le temps des fruits ou des raisins. 
De là ils dominent les figuiers, les oliviers, et surveillent 
la vigne, abrités sous des branchages contre le soleil 
et contre le vent. Une échelle en bas, des pierres 
saillantes en haut, leur servent d'escalier à l'extérieur; 
l'intérieur de la tour est leur magasin. Dans les terrains 
accidentés, la tour est remplacée par un simple abri, 
élevé sur le point culminant et semblable aux cahutes 
que les cultivateurs se construisent pour garder leurs 
champs de melons ou de concombres. Après la saison, 
on laisse tomber ces misérables abris. » Jullien, 
L'Egypte, Lille, 1891, p. 263. 

5» Autres tours. — Il y avait àBérée une tour remplie 
de cendres à l'intérieur. On y jetait des condamnés 
qui y périssaient par asphyxie. II Mach., xm, 5. — Les 
Syriens employaient à la guerre des éléphants qui 




518. — Tour portée par des éléphants. 

D'après une pierre gravée (grossissement au double). 

Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 684. 

portaient sur leur dos des tours de bois capables de 
contenir trente-deux combattants, sans compter le 
cornac. I Mach., vi, 37. Une terre cuite du musée du 
Louvre, reproduite t. I, fig. 272, col. 999, représente 
un éléphant portant une tour de dimensions très réduites. 
D'autres figures (fig. 518) montrent des tours mieux pro- 
portionnées. — Celui qui voulait construire une tour 
commençait par se rendre compte de ses ressources 
pour ne pas se donner le ridicule de laisser son œuvre 
inachevée. Luc, xrv, 28. 

6» Comparaisons. — Dieu est une tour puissante 
contre l'ennemi, Ps. lxi (lx), 4; le nom de Jéhovah est 
une tour forte. Prov., xvm, 10. Le Cantique compare 
le cou de l'Épouse à la tour de David, Cant., iv,4, et à 
une tour d'ivoire, Cant., vu, 4, son nez à la tour du 
Liban, Cant., vil, 5, et ses seins à des tours. Cant., vin, 
10. La tour du Liban s'élevait dans le Liban, du côté de 
Damas. Ces différentes comparaisons font ressortir la 
rectitude, l'harmonie, la régularité etla grâce des formes 
de l'Épouse. H. Lesêtre. 

2. TOUR (Vulgate : tornus), instrument dont se sert 
le tourneur pour donner à certains objets une forme 
circulaire parfaitement régulière. — Le texte hébreu ne 
connaît d'autre tour que la roue du potier. Voir Roue, 
col. 1213; Potier, fig. 153, col. 178. Le tour qui sert à 
travailler le bois ou d'autres substances n'était pas en 
usage chez les Hébreux. Il n'en est question que dans 
la Vulgate. Les mains de l'Épouse sont comme des 



cylindres, gelîlè, d'or; d'après la Vulgate, elles sont 
faites au tour, tornatiles. Cant., v, 14. Une coupe 
arrondie devient également tornatilis, faite au tour. 
Cant., vu, 2. La Vulgate suppose des ouvrages faits au 
tour, tornatura, torno, là où il n'est question que de 
sculptures. III Reg., vi, 18, 29. Elle fait aussi tourner 
au compas des idoles façonnées avec le ciseau. Is., 
xliv, 13. — Gesenius, Thésaurus, p. 1243, et F. Bùhl, 
Handwcrterb., 1899, p. 479, entendent le mot miqsâh 
d'un travail fait au tour. Ainsi auraient été fabriqués 
les chérubins de l'Arche, Exod., xxv, 18; xxxvn, 7, les 
candélabres d'or, Exod., xxv, 31, 36; xxxvn, 17, 22; 
Num., vm, 4, les trompettes d'argent, Nura., x, 2. Il 
est plus probable qu'il s'agit d'ouvrages en or battu ou 
en argent battu, dont les formes arrondies ont été 
obtenues sans l'aide d'un tour proprement dit. Jérémie, 
x, 5, compare les idoles à « une colonne faite au tour », 
tomér miqSâh. L'emploi du tour est plus plausible 
pour une colonne que pour une statue. Au lieu de 
tomér, la Vulgate a lu tdmâr, palmier, « elles sont 
fabriquées en forme de palmier. » H. Lesêtre. 

TOURBILLON. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930. 

TOURMENT (grec : êàsavo;; Vulgate: tormentum), 
dure souffrance iniligée à quelqu'un. Voir Supplice, 
col. 1883. — Les méchants infligent des tourments aux 
justes, dont pourtant l'âme n'est pas atteinte. Sap., h, 
19; ni, 1. Les Égyptiens, pendant les dix plaies, ont 
subi divers tourments, Sap., xi, 10; xn, 23; xvi, 1; 
xix, 4, d'autant plus pénibles qu'ils en ignoraient la 
cause. Sap., xvn, 2. Dieu se sert des créatures pour 
tourmenter les méchants. Sap., xvi, 24; cf. Eccli., 
xxxix, 32, 33. — Antiochus Épiphane infligea d'atroces 
tourments aux Juifs fidèles à leur loi. II Mach., vi, 18- 
vii, 41. Lui-même mourut dans les tourments, II Mach., 
IX, 5, ainsi que le grand-prêtre prévaricateur Alcime. 

I Mach., ix, 56. — L'enfer est un lieu de tourments. 
Luc, xvi, 23, 28; Apoc, xiv, 11. Les tourments y sont 
proportionnés aux crimes, Sap., vi, 7; Apoc,, xvm, 7, 
et causent l'effroi de ceux qui en sont témoins. Apoc, 
xvm, 10, 15. H. Lesêtre. 

TOURTERELLE (hébreu : (or; Septante : Tpûyaiv; 
Vulgate : turtur), oiseau du genre colombe, mais d'un 
aspect plus délicat que le pigeon. Le plumage gris clair 
est ordinairement orné d'un collier plus foncé. La tour- 
terelle fait entendre un roucoulement triste et plaintif. 
Elle émigré pour passer l'hiver dans les pays chauds. 

II est très facile de l'apprivoiser. Le mâle et la femelle 
vont habituellement ensemble, ce qui fait de la tourte- 
relle le symbole de l'affection et de la fidélité. — On 
trouve en Palestine trois espèces de tourterelles. La 
tourterelle à collier ou tourterelle rieuse, turtur riso- 
rius (fig. 519), abonde le long des cours d'eau qui avoi- 
sinent la mer Morte, Ui où il y a des arbres. L'été, elle 
remonte la vallée du Jourdain et fréquente même les 
parties boisées du Thabor et de Galaad. L'Inde est son 
habitacle ordinaire, etla Palestine paraît être, à l'ouest, 
la limite extrême de sa résidence. L'oiseau a environ 
35 centimètres de long. La tourterelle des palmiers 
turtur senegalensis, ou tourterelle d'Egypte (fig. 520), 
se rencontre surtout dans la plaine de Jéricho, autour 
de la mer Morte, dans les jardins des environs de Jéru- 
salem et sur l'esplanade du Temple. Dans la plaine de 
Génésareth, sur les bords du lac, « les tourterelles se 
trouvent en nombre réellement prodigieux. A chaque 
pas, elles se lèvent par bandes et quelquefois se touchent 
toutes sur les arbres où elles vont se percher. » Lortet, 
La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 526. Les pal- 
miers sont sa résidence de prédilection ; à Jéricho, où 
ils n'existent plus, cette tourterelle niche dans les 
jujubiers et les buissons épineux. On la trouve abon- 



2295 



TOURTERELLE 



TRACHONITIDE 



2296 



damment dans le nord de l'Afrique, en Arabie, et dans 
la péninsule Sinaïtique, où elle servait de facile matière 
aux sacrifices. Elle se familiarise très facilement avec 
l'homme, dont elle ne se défie pas. On la distingue à sa 
couleur châtain, à sa longue queue, à sa petite taille 
et à son absence de collier, remplacé par des plumes 




519. — Tourterelle à collier (Turtur risorius). 

noires à reflet métallique. La tourterelle des palmiers 
n'a guère que 27 centimètres de long. La tourterelle la 
plus abondante en Palestine est le turtur auritus, ou 
tourterelle commune ou des bois (fig. 521), longue de 
30 centimètres, de couleur cendrée, avec gorge et poi- 
trine rougeâtres, ventre blanc et petites plumes noires et 




feu*. Mi:>' 







520. — Tourterelle des palmiers {Turtur segyptiacus). 

blanches sur les côtés du cou. C'est à elle surtout que 
font allusion divers passages de la Sainte Écriture. 
Jérémie, vm, 7, joint la tourterelle à la cigogne, à 
l'hirondelle et à la grue, pour la connaissance des 
temps où il leur faut émigrer. L'oiseau, en effet, quitte 
les pays chauds pour se rendre, pendant l'été, dans 
les pays tempérés. Au printemps, sa voix recommence 
à se faire entendre dans les campagnes de Palestine. 
Cant., il, 11, 12. La tourterelle, par sa simplicité et sa 
faiblesse, représente le peuple de Dieu, au sujet duquel 
il est dit : « Ne livre pas aux bêtes la vie de ta tourte- 
relle. »Ps.lxxiv(lxxih), 19. Les tourterelles apparaissent 



déjà dans le sacrifice offert par Abraham sur l'ordre de 
Dieu. Gen., xv, 9. Elles figurent dans les holocaustes, 
Lev., i, 14, dans les sacrifices pour expier l'impureté 
de l'homme ou de la femme, Lev., xv, 14, 29, et dans 
le sacrifice du Nazaréen. Num., vi, 10. Elles sont appe- 
lées, conjointement avec les colombes, à remplacer 
l'agneau ou le chevreau dans les sacrifices offerts par 
les pauvres, après la délivrance d'une mère, Lev., x, 6, 
8; Luc, il, 24, dans les sacrifices pour le péché, Lev.,v, 
7, ou après la guérison de la lèpre. Lev., xiv, 22, 30. — 
Cf.TristTam, The natural history of the .Bi&ie, Londres, 
1889, p. 217-220; Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 526, 540. H. Lesètre. 

TRACHONITIDE (grec : ïj Tpa-/wvtTi? x">P a h P avs 
situé à l'est du Jourdain, mentionné une seule fois dans 
la Bible, Luc, m, 1, comme faisant partie de la tétrar- 
chie de Philippe. Cependant, un certain nombre d'au- 
teurs l'identifienl avec l'Argob de l'Ancien Testament, 
Deut., m, 13. L'opinion est contredite par d'autres. En 




521. — Tourterelle commune (Turtur auritus). 

tout cas, le territoire d'Argob ne doit pas être restreint 
à la seule Trachonitide, dont nous avons à rechercher 
la situation et à esquisser l'histoire. Voir Argob 2, 1. 1, 
col. 950. 

1° Situation. — Strabon, xvi, 2, 20, p. 756, mentionne 
les Tpâx<ov£ç comme deux collines des environs de 
Damas: ÙTCspy.ecvrac 8'aux9); Sua À£you.£voi ^ôpoiTpà/wveç. 
Comme le mot grec Tpa^tiv veut dire « lieu rude, ra- 
boteux », on reconnaît ici les deux régions volcaniques, 
pierreuses, très difficiles d'accès, qui s'appellent le 
Safah, à l'est, et le Ledjah, au sud de Damas. Mais le 
Safah étant trop éloigné, la province de Trachonitide 
fut limitée au Ledjah et à ses environs, ainsi que nous 
allons le voir. Josèphe et les auteurs anciens nous per- 
mettent de déterminer approximativement les limites 
de la contrée, que l'historien juif appelle ô Tpa^wv, 
Ant. jud., XVI, ix, 1, et ï] Tpaxwi/i-nç, Ant. jud., XVII, 
II, 1. Elle touchait, vers l'ouest, aux districts d'Ulalha 
et de Panéas, qui se trouvaient au pied méridional de 
l'Hermon. Ant. jud., XV, x, 3. Elle était voisine de la 
Batanée. Ant. jud., XVII, u, 1, 2. Voir Ba.san, t. i, 
col. 1486. Suivant Ptolémée, v, 15, elle s'étendait jus- 
qu'au mont Alsadamus, aujourd'hui le djebel ed-Drûz. 
Eusèbe et saint Jérôme, qui la confondent à tort avec 
l'Iturée, la placent au-dessus de Bosra, en allant à 
Damas. Cf. Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 
135, 155, 268, 269, 298. Le Talmud dit de même : wns-iia 
însiab Dnnm, « la Trachonide qui se trouve près de 



2297 



TRACHONITIDE — TRADITION 



2298 



Bosra ». Cf. A. Neubauer, La géographie du Tàlmud, 
Paris, 1868, p. 19; H. Hildesheimer, Beitrâge zur 
Géographie Palàstînas, Berlin, 1886, p. 55-57. Enfin 
une inscriptipn de Musmiyéh, l'ancienne Phsena, 
dans le nord du Ledjah, appelle cette ville [Aï)Tpoxtû[i£a 
toO Tpâx w, ">C' Cf. Corpus inscriptionum grxcarum, 
n. 4551; E. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 
Leipzig, 1901, t. I, p. 426. Ces indications nous con- 
duisent au grand plateau volcanique qui s'étend au 
nord-ouest des montagnes du Hauran, et qu'on appelle 
le Ledjah. Voir la carte de la tribu de Manassé, t. iv, 
col. 647-648. 

2° Description. — Le Ledjah est un des pays les 
plus singuliers que l'on puisse rencontrer. C'est une 
immense coulée de lave sortie des cratères de la mon- 
tagne voisine, mais brisée de nfille façons, boursouflée 
comme la surface de l'eau de savon, sur laquelle on 
s'amuse à former des bulles. La comparaison est d'un 
voyageur qui a étudié cette contrée. Cf. G. Rey, Voyage 
dans le Haouran, Paris, s. d., p. 117. Le terrain est 
assez pierreux, avec un dédale de chemins difficiles et 
une foule de cavités qui ont de tout temps servi de 
& refuge » aux hommes, d'où le nom actuel de Ledjah. 
11 a cependant par-ci par-là un peu de terre cultivable. 
Pour plus de détails, voir Abgob. La description qu'en 
donne Josèphe est d'une exactitude frappante. Parlant 
du ramassis de pillards qui avaient choisi ce pays 
comme un repaire inexpugnable, d'où ils sortaient 
pour ravager les environs et surtout la campagne de 
Damas, il représente les obstacles qu'il y avait pour 
les mettre à la raison. N'ayant ni villes ni champs, ils 
se retiraient dans des cavernes, où ils vivaient en 
commun avec leurs troupeaux. Pour résister plus long- 
temps à une attaque, ils avaient soin de se faire 
d'avance des provisions d'eau et de froment. L'entrée 
de leurs demeures souterraines était très étroite, mais 
l'intérieur très vaste. Les sentiers qui y conduisaient, 
tortueux et malaisés, étaient impraticables sans guide. 
Il fallait un homme comme Hérode pour réduire des 
gens qui, ne pouvant plus dépouiller leurs voisins, se 
pillaient les uns les, autres. Ant. jud., XV, x, 1. 

3° Histoire. — L'histoire de la Trachonitide ne com- 
mence guère qu'avec l'apparition du nom grec. Le 
pays était occupé par les Nabuthéens, au moment où 
Pompée arriva à Damas avec ses légions, 65 avant J.-C. 
Les Romains, venant au secours des cités grecques, 
anéantirent dans le Hauran tout pouvoir juif ou arabe, 
mais ne semblent pas s'être installés dans la contrée 
elle-même. En 25 avant J.-C, nous voyons le Trachon 
aux mains d'un certain Zénodore, qui, pour augmenter 
ses revenus, y pratiquait !e brigandage, lançant sur les 
régions environnantes les pillards dont parle Josèphe. 
Ant. jud., XV, x, 1, 2. Les peuplades ainsi molestées 
se plaignirent à Varron, gouverneur de Syrie, qui châ- 
tia les malfaiteurs. Bell, jud., I, xx, 4. Mais bientôt il 
reçut ordre de dépouiller Zénodore de sa province pour 
la donner à Hérode le Grand, qui ramena la paix et la 
sécurité dans la région. Ant. jud., XV, X, \ ; Bell, jud., 
I, xx, 4. Ce n'était que pour un temps, car, pendant 
un voyage qu'il fit à Rome, les Arabes Trachonites, 
répandant le bruit de sa mort, recommencèrent leurs 
déprédations. Les généraux de son armée parvinrent 
à réprimer les révoltés; mais, parmi les principaux 
chefs de ces bandits, plusieurs, effrayés du sort de ceux 
qui avaient été faits prisonniers, allèrent se réfugier 
dans le pays des Arabes, d'où ils se mirent à faire des 
incursions de tous côtés. A son retour de Rome, Hérode 
envahit la Trachonitide, où il exerça de terribles repré- 
sailles; mais les brigands, rendus plus furieux, ne 
cessèrent de ravager ses États. Ce fut alors une véri- 
table guerre. Le prince finit par aller les forcer dans 
leur repaire et les réduisit à l'impuissance. Ant. jud., 
XVI, ix, 1, 2. Par son testament, il donna à son fils 



Philippe la Trachonitide avec laGaulonitide, IaBatanée 
et le territoire de Panéas. Ant. jud., XVII, vin, 1; 
xi, 4; XVIII, iv, 6. Voir Hérode Philippe II, t. m, 
col. 649. Après la mort de Philippe, en 34 après J.-C, 
la Trachonitide, avec le reste de la tétrarchie, fut com- 
prise dans la province de Syrie jusqu'en 37, où Cali- 
gula donna tout le territoire à Hérode Agrippa I er . Ant. 
jud., XVIII, vi, 10. C'est surtout depuis le règne de ce 
prince que, suivant les inscriptions, l'architecture se 
développa dans la contrée. En 53, la tétrarchie de Phi- 
lippe passa aux mains d'Hérode Agrippa II, Ant. jud., 
XX, vu, 1, dont les inscriptions sont nombreuses à 
travers la Trachonitide. Après lui, ce pays retomba 
sous le pouvoir direct de Rome, et fit plus tard partie 
de la province d'Arabie. 

4" Bibliographie. — En matière géographique, ar- 
chéologique et épigraphique, les études sur la Tracho- 
nitide sont ordinairement unies à celles qui ont été 
faites sur le Hauran. Nous donnons les principales : 
J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran und die 
2Yac/joraen,Berlin,in-8°, 1860; M. de Vogué, Syrie cen- 
trale; architecture civile et religieuse du i" au vu e siècle, 
2 in-4», Paris, 1866; W. Waddington, Inscriptions 
grecques et latines de la Syrie, in-4°, Paris, 1870; 
G. Rey, Voyage dans le- Haouran, in-S", Paris, s. d., 
avec atlas; H. Guthe, Dr. A. Stûbel's Reise nach der 
Diret et-Tulul und Hauran 1882, dans la Zeitschrift 
des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xn, 1889, p. 225- 
302, avec carte; G. R'mdfteisch, Die Landschaft Hauran 
in rômischer Zeit und in der Gegenwart, dans la même 
revue, t. xxi, 1898, p. 1-46, avec carte; G."A. Smith, 
The historical geography of the Holy Land, Londres, 
1894, p. 611-638; P. -M. Séjourné, A travers le Hauran, 
dans la Revue biblique, 1898, p. 275-287, 596-611. 

A. Legendre. 

TRADITION (grec : itapâSoui; ; Vulgate : traditio), 
transmission d'une doctrine de génération en généra- 
tion, ou la doctrine elle-même reçue par cette voie. 

1» Tradition juive. — En dehors de la loi consignée 
dans les Livres Saints, les Juifs se transmettaient ora- 
lement des explications de toutes sortes au sujet de 
cette loi. L'ensemble de ces explications constituait 
déjà, au temps de Jésus-Christ, une loi orale en con- 
currence avec la loi écrite. La loi écrite était d'inspira- 
tion divine, et la loi orale d'inspiration humaine, ce 
qui n'empêchait pas cette dernière d'être souvent pré- 
férée à la première. La loi orale ou traditionnelle fut 
mise par écrit, mais seulement après Jésus-Christ, dans 
laMischna.VoirMiscHNA,t.iv,col.l077.Lespharisienset 
les scribes prêtaient à la tradition une importance pré- 
pondérante, auxdépens de la loi écrite, reléguée par eux 
au second plan. Voir Pharisiens, col. 209;' Scribes, 
col. 1536. Notre-Seigneur ne tenait point compte de cer- 
taines de ces traditions, qui étaient pour le moins sans 
autorité, et qui parfois se mettaient en contradiction 
avec la loi divine. Un jour, les pharisiens lui repro- 
chèrent de les laisser transgresser par ses disciples. 
Ceux-ci, en effet, se dispensaient de les observer, comme 
faisaient d'ailleurs la plupart de ceux qui ne profes- 
saient pas le pharisaïsme. Dans l'occasion qui donna 
lieu à l'observation des pharisiens, ils avaient négligé 
de se laver les mains avant de manger. Saint Marc, vu, 
3, 4, cite d'autres prescriptions analogues, auxquelles 
les disciples contrevenaient, la purification au retour 
de la place publique, celle des coupes, des vases, des 
lits, etc. De même nature étaient les contraventions à 
la loi traditionnelle du repos sabbatique, si souvent 
reprochées au Sauveur. Voir Sabbat, col. 1291. Notre- 
Seigneur ne répondit pas directement à l'observation 
des pharisiens; il n'avait ni à condamner les purifica- 
tions, qui n'étaient pas mauvaises en elles-mêmes, ni 
à disculper ses disciples, qui n'avaient transgressé 
aucun précepte. Mais, prenant l'offensive, il appliqua 



2299 



TRADITION — TRAITRE 



2300 



aux pharisiens, d'une manière générale, la remarque 
d'Isaïe, xxix, 13, au sujet d'un peuple qui a l'hommage 
sur les lèvres, mais dont le cœur est loin de Dieu. Il 
leur reprocha leurs vaines observances, qui n'avaient 
d'appui que sur des doctrines et des prescriptions 
humaines. Puis, allant plus avant, il les accusa de 
substituer ces traditions aux commandements de Dieu, 
tl leur en cita un exemple frappant et qui indignait 
justement le peuple. La loi ordonnait d'honorer et, 
par conséquent, d'assister ses père et mère; les phari- 
siens prétendaient que le don fait au Temple équiva- 
lait à l'assistance prêtée aux parents et en dispensait. 
Notre-Seigneur conclut en disant : « Vous annulez la 
parole de Dieu par la tradition que vous vous trans- 
mettez, et vous faites beaucoup d'autres choses sem- 
blables. » Et il se mita instruire le peuple sur la néces- 
sité de la pureté intérieure et l'inutilité des purifica- 
tions d'origine pharisaïque. Matth., xv, 1-20; Marc, 
vu, 1-23. La plupart des discussions qu'il eut avec les 
pharisiens et les scribes furent occasionnées par le 
peu de cas qu'il faisait de leurs traditions. — Saint 
Etienne fut accusé d'avoir prétendu que Jésus de Naza- 
reth devait détruire le Temple et changer les traditions, 
d'après le grec : les coutumes transmises par Moïse. 
Act., vi, 14. Les traditions peuvent comprendre ici etles 
véritables institutions mosaïques, et lesrèglesposées par 
les docteurs, en vertu de l'autorité qu'ils prétendaient 
tenir de Moïse. Matth., xxm, 2. Saint Paul, avant sa 
conversion, fut un fervent adepte des traditions phari- 
siennes. Gai., i, 14. Il prémunit les Colossiens contre 
les traditions humaines opposées à la doctrine de Jésus- 
Christ, de quelque origine qu'elles soient. Col., n, 8. 
Saint Pierre rappelle aux chrétiens venus du judaïsme 
que la rédemption les a soustraits au régime de la tra- 
dition de leurs pères. I Pet., i, 18. 

2» Tradition chrétienne. — Elle n'est pas, comme la 
tradition juive, le résultat des opinions des docteurs 
antérieurs, mais la transmission de l'enseignement 
même de Jésus-Christ, passant par la bouche des pas- 
teurs de l'Église, autorisés et recevant grâce pour le 
conserver intégralement. Le Sauveur a confié sa doc- 
trine aux Apôtres, en leur prescrivant de l'enseigner à 
toutes les nations, par conséquent de la transmettre 
oralement. Matth., xxvm, 19, 20. Cette doctrine com- 
prenait tout ce que Jésus-Christ avait mission de faire 
connaître aux hommes : « Tout ce que j'ai entendu de 
mon Père, je vous l'ai fait connaître. « Joa., xv, 15. 
Saint Paul appelle cet ensemble doctrinal un « dépôt », 
qui doit être transmis intact par ceux auquel il est 
confié. I Tim., vi, 20; II Tim., i, 14. C'est l'Évangile 
qu'il prêchait parmi les Gentils, le même que Pierre et 
les autres apôtres prêchaient parmi les Juifs. Gai., n, 2, 
7-9. Lui-même faisait profession expresse de l'avoir 
reçu. Il tenait du Seigneur ce qu'il enseignait sur 
l'eucharistie. I Cor., xi, 23. Il avait également appris ce 
qui concernait la rédemption. I Cor., xv, 3. Il adresse 
à son disciple cette recommandation : « Les enseigne- 
ments que tu as reçus de moi, en présence de nombreux 
témoins, confie-les à des hommes sûrs qui soient 
capables d'en instruire les autres. » II Tim., il, 2. 
C'est tout le mécanisme de la tradition, reçue par 
l'Apôtre, enseignée à de nombreux auditeurs, parmi les- 
quels un pasteur, Timothée, est spécialement chargé 
de la conserver intacte, pour la transmettre à des pas- 
teurs qui auront le même soin et les mêmes devoirs 
que lui, et qui la transmettront à leur tour. De leur 
côté, les fidèles ont l'obligation de s'en tenir à cet en- 
seignement traditionnel : « Gardez les traditions que 
vous avez apprises, soit oralement, soitpar notre lettre. s 
II Thess., il, 14. Ils doivent retenir la doctrine telle 
qu'elle leur a été annoncée, autrement leur foi est 
vaine. I Cor., xv, 2. C'est ce que font les vrais fidèles. 
L'Apôtre les en félicite : « Je vous loue de ce que... 



vous retenez mes instructions telles que je vous les ai 
données. » I Cor., xi, 2. « Grâces soient rendues à Dieu 
de ce que... vous avez obéi de cœur à la règle de doc- 
trine qui vous a été enseignée. » Rom., vi, 17. Saint 
Jude, 3, exhorte les chrétiens à « combattre pour la 
foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes. » 
Il y a donc là un système d'enseignement très formel- 
lement arrêté, dont l'usage a commencé dès la Pente- 
côte, antérieurement à celui des Écritures du Nouveau 
Testament, et qui n'a fait que continuer le procédé 
purement oral dont s'était servi Jésus-Christ pour la 
prédication de son Évangile. La tradition est ainsi le 
canal le plus ordinaire par lequel tout l'enseignement 
de la foi arrive aux hommes. Les Écritures du Nouveau 
Testament sont d'un emploi postérieur, elles ne con- 
tiennent pas tout le dépôt de la foi et leur usage n'est 
pas essentiel, puisque, pendant bien des années, il. y 
a eu des disciples de Jésus-Christ, sans qu'aucune 
partie de son enseignement eût encore été mise par 
écrit. — Cf. P. Batiffol, L'Église naissante et le catho- 
licisme, Paris, 1909, p. 146-156, 195-260, 317-337. 

H Lfsftrp 
TRADUCTIONS DE LA SAINTE ÉCRITURE. 

VoirSEPTANTE.VuLGATE, COPTES, ÉTHIOPIENNE, GRECQUES, 
LATINES, SYRIAQUES, FRANÇAISES.ALLEMANDES, ANGLAISES, 
ESPAGNOLES, SLAVES (VERSIONS), etC. - 

TRAGÉLAPHE (hébreu : 'Aqqô; Septante : xpayè- 
Xaçoç; Vulgate : tragelaphus), un des animaux purs 
que la Loi permettait aax Juifs de manger. Deut., xiv, 
5. Sur l'identification de l'animal désigné par ce nom, 
voir Chevreuil, t. n, col. 697. 

TRAIT (hébreu : massd', nêség, êukkdh, ziqôt ; 
Septante: péXo;, TÔ$eu[ia, SitXa ; Vulgate : telum, arma), 
arme de jet, analogue à la flèche et au javelot. Voir 
Flèche, t. n, col. 2285; Javelot, t. m, col. 1148. Le 
trait était ordinairement une pièce de bois ayant la 
forme d'un bâton, bardée de fer ou munie d'une pointe 
de fer, comme le nêSéq barzél, uiSr,po;, arma ferrea, 
Job, xx, 24, et capable d'être enflammée comme les 
ziqôf, f\àl, flamma, Is., L, 11; $i\r\ iteituptojisva, tela 
ignea. Eph., vi, 16. Les traits étaient lancés à la main 
ou à l'aide d'instruments. Voir Catapulte, t. il, 
col. 346. — On s'armait de traits pour le combat, 
IV Reg., x, 2; Is., l, 11, et on en faisait provision en 
temps de paix. III Reg., x, 25. Ils traversaient l'air 
pendant la bataille, II Mach., v, 3, les assiégés les lan- 
çaient contre les agresseurs. II Sam. (Reg.), xi, 20; 
II Mach., xii, 27, et les combattants contre leurs adver- 
saires. II Mach., x, 30. On fuyait devant eux, Job, xx, 
24, et on se mettait la tête à l'abri pour ne pas les rece- 
voir. Ps. cxl (cxxxix), 8. Les vainqueurs pouvaient 
faire du feu avec les traits de leurs ennemis. Ezech., 
xxxix, 10. Les traits enflammés étaient particulièrement 
redoutables, car ils mettaient le feu là où ils tom- 
baient. Aux mains d'un furieux, ils pouvaient causer 
de grands dégâts. Prov., xxvi, 18. Ces traits étaient 
probablement pourvus de matières inflammables. Saint 
Paul veut que les chrétiens se garantissent avec le 
bouclier de la foi contre les traits enflammés de Satan. 
Eph., vi, 16. — Les traits sont impuissants à percer la 
peau du crocodile. Job, xl, 31; xli, 18. 

H. Lesètre. 

TRAITÉ. Voir Allfance, t. i, col. 383-387. 

TRAITRE (grec : TtpoSôxm, itapa3t8oij; ; Vulgate : 
traditor, proditor), celui qui trompe la confiance d'un 
autre et lui cause du mal au lieu du bien qu'il lui 
devait. — Caïn fut le premier traître, quand il entraîna 
son frère Abel aux champs et le tua. Gen., iv, 8. — Les 
fils de Jacob agirent en traîtres quand ils voulurent tuer 
leur frère Joseph et ensuite le vendirent à des Ismaélites. 



2301 



TRAITRE — TRAVAIL 



2302 



Gen., xxxvn, 20, 28; cf. xlii, 22. — Samson fut trahi 
par Dalila. Jud., xvi, 19-21. — Doëg, l'Édomite, trahit 
David, I Sam. (Reg.), xxu, 9, 10, que les habitants de 
Céïla se disposaient aussi à livrer, I Sam. (Reg.), xxm, 

12, et que les Ziphéens dénoncèrent à Saùl. I Reg., 
xxvi, 1. Les Philistins craignirent que David ne les 
trahît pendant le combat contre les Israélites. I Sam. 
(Reg.), xxix, 4. — Joab attira traîtreusement Abner à 
l'écart et le tua. II Sam. (Reg.), ni, 27. — David agit en 
traître quand, après avoir pris Bethsabée, il s'entendit 
avec Joab pour procurer la mort d'Urie. II Sam. (Reg.), 
xi, 14-17. — Absalom fit traîtreusement assassiner son 
frère Amnon. Il Sam. (Reg.), xm, 28, 29. — Siba trahit 
son maître Miphiboseth. II Sam. (Reg.), XVI, 1-4. — 
Achitopel, conseiller de David, le trahit en indiquant à 
Absaloinles mesures à prendre contre son père. II Sam. 
(Reg.), xvn, 1-4. — Joab tua Amosa d'un coup d'épée 
en feignant de le baiser. II Sam. (Reg.), xx, 9, 10. — 
Plusieurs rois d'Israël furent assassinés traîtreusement 
par l'un de leurs sujets, Nadab par Baasa, III Reg., xv, 
28, Éla par Zambri, III Reg., xvi, 10, Zacharie par 
Sellum, IV Reg,, xv, 10, Sellum parManahem, IV Reg., 
xv, 14, Phacéïa par Phacée, IV Reg., xv, 25, Phacée 
par Osée, IV Reg., xv, 31. En Juda, Joas fut frappé par 
ses serviteurs, IV Reg., xn, 20, 21, et, en Syrie, 
Benhadad fut étouffé par Hazaël, son courtisan. 
IV Reg., vu, 15. Quand Elisée révélait à Joram les pro- 
jets do Benhadad, celui-ci s'imaginait qu'il y avait un 
traître dans son conseil. IV Reg., vi, 10, 11. — Job, 
xvn, 5, dit à propos des traîtres : 

Celui qui livre en proie ses amis 
Verra défaillir les yeux de ses enfants. 

Plusieurs fois, les Psalmistes s'élèvent contre lés 
traîtres. Ps. lv (liv), 20-22 ; lxiv (lxiii), 3-7 ; cix (cvm), 
2-20; etc. — A l'époque des Machabées, plusieurs 
trahisons sont signalées : Simon, de la tribu de Ben- 
jamin, dénonça le' trésor du Temple au gouverneur 
Apollonius. II Mach., m, 4-6; iv, 1. Ménélas, « traître 
envers les lois et envers sa patrie, » remit les vases 
sacrés à Antiochus Épiphane. II Mach., v, 15, 16. 
Ptolémée Macron, appelé traître pour avoir abandonné 
Chypre, se donna la mort par le poison. II Mach., x, 

13. Des Israélites furent gagnés à prix d'argent par 
les Iduméens assiégés et en laissèrent échapper un 
grand nombre, ce que Judas punit comme une trahison. 
II Mach., x, 20-22. Un juif, Rhodocus, fut mis en pri- 
son pour avoir livré des secrets à l'ennemi. II Mach., 
xm, 21. Tryphon trahit Jonathas en lui persuadant de 
renvoyer ses soldats et en l'enfermant dans Ptolémaïde, 
puis en gardant ses deux fils, malgré la foi jurée, et en 
le tuant lui-même. I Mach., xn, 43-xnr, 23. A Jéricho, 
Ptolémée, fils 'd'Abobus, fit aussi périr Simon par 
trahison. 1 Mach., xvi, 15, 16. — Dans le Nouveau Tes- 
tament, Judas est le traître par excellence. Les évan- 
gélistes le désignent habituellement par ce nom. C'est 
Judas Iscariote « qui le trahit », Matth., x, 4; Marc, 
ih, 19, « qui fut le traître », Luc, vi, 16. Jésus savait 
dès le principe « qui devait le trahir », et c'était Judas 
Iscariote, fils de Simon, « qui devait le trahir, tout en 
étant l'un des douze. » Joa., vi, 65, 72. La trahison fut 
arrêtée à prix d'argent, Matth., xxvi, 14-16; Marc, xiv, 
10, 11; Luc, xxu, 3-6, formellement dénoncée par le 
Sauveur, Matth., XXVI, 21-25; Marc, xiv, 18-21; Luc, 
xxu, 21-23; Joa., xm, 10, 11, 18-30; xvn, 12, exécutée 
par Judas à l'aide d'un baiser, Matth., xxvi, 47-50; 
Marc, xiv, 43-45; Luc, xxu, 47, 48; Joa., xvin, 2-5, 
puis inutilement regrettée par IuL Matth., xxvm, 3-10; 
Act., i, 16-18. — Saint Etienne accusa les Juifs d'avoir 
trahi et mis à mort le Juste. Act., vu, 52. — Saint Paul 
annonce que les hommes des derniers jours seront 
« traîtres ». I Tim., ni, 4. 

H. Lesêtre. 



TRANSFIGURATION, changement dans les appa- 
rences naturelles d'un être. — La transfiguration de 
Notre-Seigneur, que la tradition ancienne localise sur 
le mont Thabor, est indiquée par le verbe u.e-ce[i.opipto8ï), 
transfiguratus est, qui suppose un changement, non 
dans la personne elle-même", mais dans les formes et 
dans la figure avec lesquelles elle se montre habituel- 
lement. Les évangélistes expliquent ce qui résulta de 
ce changement. « L'apparence de son visage devint 
autre. » Luc, ix, 29. « Son visage resplendit comme le 
soleil. » Matth., xvn, 2. En même temps, « ses vête- 
ments devinrent blancs comme la lumière, » ou 
« comme la neige », Matth., xvn, 2, « brillants et très 
blancs comme la neige, tels qu'un foulon sur la terre 
n'en peut faire d'aussi blancs, » Marc, ix, 2, « son 
vêtement devint blanc fulgurant. » Luc, ix, 29. L'aspect 
général du Sauveur resta donc le même; les trois 
Apôtres ne cessèrent pas de le reconnaître, comme firent 
plus tard Marie-Madeleine, Joa., xx, 14, les disciples 
d'Emmaûs, Luc, xxiv, 16, et les Apôtres eux-mêmes 
en diverses circonstances. Matth., xiv, 26; Joa., xxi, 4. 
Pour affermir la foi de ses trois compagnons, Pierre, 
Jacques et Jean, et les prémunir contre le scandale de 
sa passion, le Sauveur permit à la gloire de sa divinité 
de transparaître un moment à travers son humanité, et 
ses vêtements eux-mêmes revêtirent une splendeur et 
une blancheur éclatantes, par l'effet du rayonnement 
que dégageait le corps du divin Maître. Cf. S. Léon, 
Serm. li, 2, t. liv, col. 310. Quand le phénomène 
commença, les Apôtres étaient encore appesantis parle 
sommeil. A leur réveil seulement, ils aperçurent la 
gloire du Seigneur, ils virent Moïse et Élie qui conver- 
saient avec lui et ils entendirent la voix céleste qui 
descendait de la nuée. Matth., xvn, 3, 5; Marc, ix, 3, 
6; Luc, ix, 30, 32. Puis tout cessa, et Jésus leur 
recommanda de ne pas parler de ce qu'ils avaient vu, 
avant sa résurrection, confirmant par cette défense la 
réalité du spectacle dont ils avaient été les témoins. 
Saint Pierre rappela plus tard comment il avait été 
spectateur de la grandeur de son Maître, de l'honneur 
et de la gloire dont il fut alors entouré. II Pet., i, 16- 
18. — Saint Paul parle des faux apôtres, artisans de 
tromperie, qui se transfigurent, [*ETai7-/iriiJi.aTiÇ6jA6voi, 
transfigurantes se, en apôtres du Christ, afin d'égarer 
et de perdre les âmes. Il observe que cet artifice ne 
doit pas surprendre, parce que Satan lui-même se trans- 
forme en ange de lumière et que ses ministres se trans- 
figurent en ministres de justice. II Cor., xi, 13-15. 
Cf. S. Cyprien, Deunit. Eccles.,\, t. iv, col. 495. L'Apôtre 
appelle du même nom la figure de langage dont il s'est 
servi pour parler d'Apollos et de lui-même. I Cor., iv, 
6. — Voir Thabor, col. 1683. H. Lesêtre. 

TRAVAIL (hébreu : yegi'a, siblôt, 'âbodàh, 'âmâl, 
êséb, po'al ; Septante: epyov, xôiioç, u-ôx"»;; Vulgate : 
labor, opus), exercice de l'activité humaine. 

I. La loi du travail. — 1° A l'origine. — Tout être 
vivant, surtout s'il est pourvu d'intelligence, exerce 
naturellement les facultés dont il est doué, et l'intensité 
de sa vie se mesure à celle de son action. Dieu est 
sans cesse actif. « Mon Père agit jusqu'à présent, et 
moi aussi j'agis, » dit le Sauveur. Joa., v, 17. L'œuvre 
de la création est représentée par l'écrivain sacré 
comme un travail dont Dieu se repose. Gen., ii, 2. Une 
fois créé, le premier homme ne fut pas abandonné à 
l'oisiveté; il eut à cultiver et à garder le jardin d'Éden. 
Gen., n, 15. Il trouvait dans le travail l'emploi de ses 
forces corporelles, pendant que ses facultés intellec- 
tuelles s'appliquaient au service de Dieu et à l'étude 
de la nature. Gen., n, 19. Le travail n'est donc pas une 
peine par lui-même; il apparaît comme la condition 
normale de la vie de l'homme sur la terre. — Le péché 
d'Adam modifia la nature primitive du travail, en y 



2303 



TRAVAIL 



2304 



ajoutant le caractère de châtiment. Dieu dit en effet à 
l'homme pécheur : « La terre est maudite à cause de 
toi; c'est par ton travail pénible que tu en tireras ta 

nourriture tous les jours de ta vie C'est à la sueur 

de ton visage que tu mangeras ton pain. » Gen.» m, 17, 
19. Néanmoins la pénalité fut moins dure, en général, 
que ne semblaient le comporter les termes de la sen- 
tence. Comme se plaisent à le répéter les écrivains 
sacrés, Eccle., ni, 13 ; v, 18 ; vin, 15 ; ix, 9; Prov., xii, 
11 ; xxxi, 13 ; etc., le travail devient plus aisé à l'homme 
à cause des biens qu'il lui assure. — 2° Législation 
mosaïque. — La loi de Moïse, se référant à un précepte 
antérieur, règle que le travail s'accomplira durant six 
jours et que, le septième jour, il sera absolument sus- 
pendu. Exod., xx, 9; Luc, xm, 14. Voir Sabbat, 
col. 1293. Outre le repos de chaque nuit, le Seigneur 
impose donc celui de tout un jour sur sept. C'est la 
mesure qu'a jugée nécessaire l'auteur de la nature 
humaine. Le travail était encore défendu certains jours 
de fête, le premier et le septième jour de la Pâque, le 
jour de la Pentecôte, le premier jour du septième 
mois, pour la fête des Trompettes, le dixième jour du 
même mois, pour la fête des Expiations, le premier et 
le huitième jour de la fête des Tabernacles. Lev., xxm, 
7, 8, 21, 24, 28, 35, 36. Quand un Israélite se mettait 
en service chez l'un de ses frères, on ne devait pas 
exiger de lui le travail d'un esclave. Lev., xxv, 39. Le 
salaire de l'ouvrier devait être payé chaque jour. 
Deut., xxiv, 15. Voir Artisans, t. i, col. 1044; Salaire, 
t. v, col. 1365. — Les Septante et la Vulgate appellent 
« œuvre servile », gpYOv îiarpsu-nSv, opus servile, c'est-à- 
dire œuvre d'esclave, le travail défendu les jours de 
sabbat et de fêtes. Lev., xxm, 7-36; Num., xxvm, 18, 
25, 26; xxix, 1, 7, 12, 35. Cette traduction provient sans 
doute de ce que, à l'époque où furent faites les versions, 
tous les gros travaux étaient exécutés par les esclaves. 
Le texte hébreu appelle le travail défendu meWkét 
'âbôdâh, « œuvre de servitude », c'est-à-dire œuvre 
pénible, par conséquent toute œuvre accomplie par 
l'homme à la sueur de son front pour assurer sa sub- 
sistance, tout travail fatigant pour le corps. Les œuvres 
de ce genre étaient de nature très diverse. Ainsi 
ramasser du bois était un travail prohibé. Num., xv, 
32-36. Il en était de même d'une marche un peu longue 
et de beaucoup d'autres actes que la loi ou l'usage 
déterminèrent. — 3° Loi évangélique. — L'Évangile 
n'innove rien sur la question du travail. Notre- Seigneur 
accepte pour lui-même la loi du travail, et il est connu 
comme charpentier, fils de charpentier. Matth., xm, 
55; Marc, vi, 3. Les Apôtres qu'il se choisit sont tous 
des hommes de travail, et lui-même, dans ses para- 
boles, aime à mettre en scène des travailleurs de toute 
nature, qui exercent leur activité dans des conditions 
auxquelles le divin Maître ne trouve rien à redire. 
Saint Paul résume toute la morale évangélique sur le 
travail en cette sentence aussi brève que péremptoire : 
« Si quelqu'un ne veut pas travailler, il ne doit pas non 
plus manger. » L'Apôtre ne veut pas, en effet, que celui 
qui peut travailler vive d'aumônes. Les oisifs volontaires 
doivent « travailler paisiblement pour manger un pain 
qui leur appartienne. » II Thess., m, 10, 12. 

II. Le travail dans la Bible. — 1» Les travailleurs. 
— Dès l'origine de l'humanité, Caîn se livre au travail 
agricole et Abel au travail pastoral. Gen., iv, 2. Tubal- 
caïn travaille les métaux. Gen., iv, 22. Le travail était 
alors particulièrement pénible, parce que l'outillage 
dont disposaient les hommes était fort imparfait. Aussi 
Lamech appelle-t-il son fils Noé, nûah, « repos », 
parce que, dit-il, « celui-ci nous soulagera de nos 
fatigues et du travail pénible de nos mains, que réclame 
ce sol maudit de Jéhovah. » Gen., v, 29. Les patriar- 
ches sont au travail que leur impose le soin de leurs 
troupeaux. Jacob surtout est soumis pendant vingt ans, 



chez Laban, à un rude labeur que Dieu récompense. 
Gen., xxxi, 42; Sap., x, 10. En Egypte, les Hébreux 
sont appliqués par leurs oppresseurs à des travaux 
de plus en plus pénibles, pour les constructions et la 
culture. Exod., i, 14 ; il, 11 ; v, 4, 5; vi, 6, 7 ; Sap., x, 
17. Booz surveille sa moisson. Ruth, m, 7. Gédéon bat 
le froment. Jud., vl, 11. Saûl, déjà roi, fait travailler 
ses bœufs aux champs. I Reg., xi, 5. Le riche Nabal 
préside à la tonte de ses brebis. I Reg., xxv, 2. Elisée 
conduit lui-même l'une des douze paires de bœufs qui 
labouraient ses champs. III Reg., xix, 19. Le proprié- 
taire de Sunain, qui reçut chez lui Elisée, surveillait 
lui-même ses moissonneurs. IV Reg., îv, 18. Cf. 
Prov., xxxi, 13; Tob., il, 19. Plus tard, le Sauveur et 
ses Apôtres travaillent chacun à un métier et saint 
Paul gagne sa vie à fabriquer des tentes. Act., xvm,3; 
xx, 34; I Cor., iv, 12; I Thés., n, 9; II Thés., m, 8, etc. 
L'Apôtre suivait en cela l'usage des docteurs juifs, qui 
associaient l'étude de la loi à l'exercice d'un métier. 
« Ce double travail purifie du péché. L'étude de la loi 
sans la pratique d'un métier finira par être troublée et 
entraîne la faute avec elle. » Aboth, n, 2. Néanmoins, 
le métier ne devait venir qu'au second rang pour un 
docteur. « Donne-toi moins à ton métier et consacre- 
toi davantage à la loi. » Aboth, iv, 10. Il suit de là 
pourtant que le travail était universellement estimé et 
pratiqué chez les Israélites et que, si grand et si savant 
qu'on fût, on ne croyait pas déroger en s'y appliquant. 

2° Le travail manuel. — L'élevage et les tracaux des 
champs, bien que pénibles, doivent occuper beaucoup 
d'hommes. « Ne hais pas les labeurs pénibles, ni le 
travail des champs institué par le Très-Haut. » Eccli., 
vii, 15. C'est Dieu qui a assujetti l'homme à ce travail. 
Eccle., m, 10. A raison des circonstances, la manne a 
été la seule nourriture assurée à l'homme sans travail. 
Sap., xvi, 20. L'élevage est recommandé. Prov., xxvii, 
23-27. Il est souvent fait mention des travaux de la 
culture. Ps. civ (cm), 23; IPar., xxvn, 26; Sap., xvii, 
16; Joa., IV, 10; etc. Les gens de métiers sont fré- 
quemment nommés. L'Ecclésiastique, xxxvm, 25-34, 
parle du laboureur, du charpentier, du constructeur, 
du graveur, dii forgeron et du potier. Il remarque que 
chacun de ces hommes est « intelligent dans son 
métier », qu'il s'y applique avec tout son soin et, par 
conséquent, n'a pas le loisir d'acquérir la science qui 
lui permettrait d'être juge ou docteur, que néanmoins 
la vie ordinaire dépend du travail de ces hommes et 
que ce sont eux qui « soutiennent les choses du temps » . 
L'Ecclésiaste, iv, 4, a vu que « tout travail et toute 
habileté dans un ouvrage est exposé à la jalousie (ou à 
l'eovie) du prochain. » Cette jalousie pourrait bien 
n'être pas autre chose que ce que nous appelons la 
concurrence. Il est encore parlé du travail du forge- 
ron, Is., xliv, 12, du fabricant d'idoles, Sap., xv, 4, 8, 
du batelier, Marc, VI, 48, du pêcheur, Luc, v, 5, du 
banquier, Matth., xxv, 16, du marin, Apoc, xvm, 17 ; 
etc. Cf. Fr. Buhl, La société israélite d'après l'A. T., 
trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 105-121. A tous ces 
métiers s'ajoutait le commerce. Voir Commerce, t. H, 
col. 878. Le paresseux se soustrait au travail manuel, 
Prov., xxi, 25, l'insensé s'en fatigue, Eccle., x, 15, et 
l'impie qui prospère s'en exempte, au scandale des 
justes. Ps. lxxiii (lxxii), 5. Le labeur pénible de la 
guerre est assimilé à un travail. Ezech., xxix, 20. 
Comme le travail est pour l'ordinaire fatigant et sou- 
vent douloureux, plusieurs des mots qui signifient 
« travail ï sont fréquemment pris dans le sens de 
« peine, souffrance wyegVa, Job, xxxix, 16; Eccle., 
xn, 12; etc., 'dmdl, Gen., xli, 51; Deut., xxvi, 7 ; Job, 
m, 10; xvi, 2; Is., lui, 11; etc., 'êséb, Gen., m, 16; 
Prov. xv, 1 ; etc. 

3» Fruits du travail. — L'homme travaille avant tout 
pour se nourrir. Ps. cxxvm (cxxvn), 2. « Tout le travail 



2305 



TRAVAIL — TREMELLIUS 



2306 



de l'homme est pour sa bouche. » Eccle., vi, 7. « Le 
travailleur travaille pour lui, car sa bouche l'y excite. » 
Prov., xvi, 26. Celui qui travaille vaut donc mieux que 
l'oisif ou le hâbleur manquant de pain. Eccli., x, 13. 
Le travail procure même l'abondance et la richesse. 
Prov., xn, 11; xxvn, 25-27; xxviii, 19; Eccli., xx, 30; 
xxxi, 3. — Ce résultat ne se produit pourtant pas j 
toujours, et tel travaille, qui reste pauvre et manque 
de tout. Eccli., xi, 11 ; xxxi, 4. Il y a un travail qui ne 
nourrit pas, Is., lv, 2, un labeur inutile et vain. 
Eccle., iv, 6. Cette inutilité tient à des circonstances 
malheureuses, à l'inhabileté du travailleur, mais aussi 
à l'absence de la bénédiction divine. Prov., x, 22. 
Parfois, Dieu amène la sécheresse sur le travail des 
mains. Agg., i, 11. En vain bâtit-on, si Dieu ne bâtit 
lui-même. Ps. cxxvn (cxxvi), 1. Il a donné aux saute- 
relles le travail des Égyptiens, Ps. lxxviii (lxxvh), 46, ; 
et a réduit à néant celui de Babylone. Jer., li, 58. Si j 
l'on n'est point fidèle à Dieu, on voit son travail passer \ 
aux mains des autres. Prov., v, 10. Le fruit du travail j 
est alors mangé par des étrangers, Deut., xxvm, 33; ] 
Ps. cix (cvm), 11 ; Prov., v, 10; de même que les 
Hébreux ont possédé le travail des peuples. Ps. cv (civ), 
44. — L'idolâtre recommande en vain son travail à ses 
faux dieux. Sap., xm, 19. Les idoles dévorent le produit 
du travail. Jer., m, 24. C'est ce qui est arrivé aux 
Israélites infidèles ; mais, s'ils reviennent à Dieu, les 
étrangers ne prendront plus le fruit de leurs labeurs. 
Is., lxii, 8. — L'homme n'emporte pas avec lui le fruit 
de son travail. Eccle., v, 14. Il le laisse à d'autres, 
Eccli., xiv, 15, qui entrent ainsi dans les travaux de 
leurs prédécesseurs. Joa., iv, 38. On fait donc bien de 
travailler pour avoir de quoi exercer la charité. Act., xx, 
25; Eph., iv, 28. 

4° Le travail intellectuel. — Moïse, au désert, se 
livrait à un travail de juge que Jéthro estima fort au- 
dessus de ses forces et qu'il lui conseilla de répartir 
entre plusieurs autres. Exod., xvm, 18. L'acquisition 
de la science est pénible. « Nous avons peine à deviner 
ce qui est sur la terre, et nous n'apercevons pas sans 
travail ce qui est devant nos mains. » Sap., IX, 16. Le 
traducteur de l'Ecclésiastique, Prol., s'est imposé un 
grand labeur. « Les labeurs de la sagesse produisent 
les vertus. » Sap., vm, 7;ix, 7. Il faut cultiver la sagesse 
comme on cultive la terre. Eccli., vi, 19, 20. Dans ces 
conditions, on se ménage le repos et l'on contribue à 
l'utilité des autres. Eccli., xxiv, 47 ; xxxm, 18; li, 35. 
Ainsi font ceux qui, par opposition avec les artisans, 
peuvent consacrer tout leur temps à l'étude de la loi, 
à la réflexion, à la fréquentation des personnages im- 
portants, aux voyages et à la prière. Eccli., xxxix, 1-11. 
Tout en admettant la pratique modérée d'un métier, 
les docteurs jugeaient « incapable de devenir un sage, 
celui qui s'adonnait partrop au commerce. » Aboth,ll,5. 

5» Le travail apostolique. — La prédication évangé- 
lique est considérée comme un travail. Joa., iv, 38. 
Ce travail n'est pas vain. I Cor., xv, 58. Saint Paul, 
qui ne se fait pas gloire du travail des autres, II Cbr., x, 
15, rappelle souvent ses travaux apostoliques. I Cor. , xv, 
10; xvi, 16; II Cor., xi, 23, 27; Gai., iv, 11 ; Phil., u, 
16 ; iv, 3; Col., i, 29; I Thés., v, 12 ; I Tim., n, 9; iv, 
10; v, 17. Ce travail mérite son salaire. Matlh., x, 10; 
Luc, x, 7. Saint Paul le revendique hardiment. 
I Cor., IX, 3-18; II Cor., xi, 8, 9 ; Gai., vi, 6; Phil., iv, 
10-18. Il exhorte Timothée à travailler comme un bon 
soldat du Christ, II Tim., il, 3 ; iv, 5, à l'exemple du 
soldat romain qui, en temps de paix, était employé à 
la création des routes et aux constructions publiques. 
Cf. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique, Paris, 1892, 
p. 427-437. Saint Jean mentionne les travaux de 
l'évêque d'Éphèse. Apoc, n, 2. — Au ciel, les serviteurs 
de Dieu se reposeront de leurs travaux. Apoc, xrv, 13. 

H. Lesètre. 

DICT. DE LA BIBLE. 



TREMBLEMENT DE TERRE, (hébreu : ra'aè; 
Septante: attelas, (ju<7<Tee<Tfiôç; Yulgate : terrm motus), 
mouvement du sol, sous l'influence de causes internes. 
Ce mouvement peut provenir soit des forces volca- 
niques agissant dans les profondeurs de certaines 
couches terrestres, soit de la dislocation d'une partie 
de l'écorce solide de la terre par suite du refroidisse- 
ment de la planète. La Palestine a été, aux époques 
géologiques, le théâtre de puissants phénomènes sis- 
miques, d'où est résultée la profonde et extraordinaire 
dépression' de la mer Morte et delà vallée du Jourdain. 
L'activité volcanique a laissé des traces importantes 
sur les rives orientales du lac de Tibériade et de la 
mer Morte. Voir Palestine, t. iv, col. 2015. A l'époque 
historique, la destruction de Sodome et des villes cou- 
pables coïncida avec un mouvement sismique qui 
abaissa une partie du sol au-dessous du niveau des 
eaux. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1308. — Un trem- 
blement de terre eut lieu à Machmas, au temps de Saùl. 
I Reg., xiv, 15. Un autre se produisit sous le règne 
d'Ozias. Am., i, 1; Zach., xiv, 5. Les livres historiques 
se taisent à son sujet. Josèphe, Ant. jud., IX, x, 4, le 
rattache à la tentative sacrilège du roi. II Par., xxvi, 
16-20. — Quand la terre s'entr'ouvrit pour engloutir 
Coré et ses partisans, Num., xvi, 32, il y eut plutôt un 
phénomène miraculeux qu'un tremblement de terre. — 
Celui dont fut témoin le prophète Ëlie, III Reg., xix, 
11-12, n'exista probablement qu'en vision, comme celui 
du songe de Mardochée. Esth., xi, 5. La chute des murs 
d'Aphec, III Reg., xx, 30, ne suppose pas non plus né- 
cessairement un tremblement de terre. — En l'an 31 
avant Jésus-Christ, sous Hérode le Grand, au commen- 
cement du printemps, un tremblement de terre secoua 
la Palestine, y fit périr 30 000 hommes sous les ruines 
des maisons et causa de grands ravages parmi les trou- 
peaux. Josèphe, Bell, jud., I, xix, 3. Dans Ant. jud., 
XV, v, 2, l'historien ne parle que de 10000 victimes. — 
Au moment de la mort de Notre-Seigneur, il y eut un 
tremblement de terre par suite duquel les rochers se 
fendirent, voir Calvaire, t. n, col. 82, et les sépulcres 
s'ouvrirent. Matth., xxvn, 51,54. Le même phénomène 
se reproduisit à l'heure de la résurrection du Sauveur. 
Matth., xxvm, 2. Ces deux tremblements eurent un ca- 
ractère surnaturel et peut-être tout local. — Un autre 
tremblement de terre ébranla les fondements de la pri- 
son dans laquelle Paul et Silas étaient enfermés, à 
Philippes, et prépara la délivrance des deux apôtres. 
Act., xvi, 26. — Le tremblement de terre est un phéno- 
mène grandiose et effrayant, qui évoque l'idée de la 
puissance de Dieu. Aussi les écrivains sacrés le font-ils 
intervenir dans les théophanies. Exod., xix, 18; Jud., 
v, 4; II Reg., xxn, 8; Ps. lxxvi (lxxv), 9; lxxvh 
(lxxvi), 19; xcvh (xcvi),4; civ (cm), 32; Am., vin, 8; 
Hab., m, 10; Aci., iv, 31. Notre-Seigneur annonce que 
la ruine de Jérusalem sera précédée de tremblements de 
terre. Matth., xxiv, 7; Marc, xm, 8; Luc, xxi, 11. Les 
historiens en ont enregistré plusieurs vers cette époque. 
Cf. Tacite, Annal., xiv, 27; xv, 22; Sénèque, Quœst. 
natur., vi, i; Josèphe, Bell, jud., IV, iv, 5. Saint Jean 
en signale d'autres qui marqueront la fin des temps. 
Apoc. , vi, 12 ; vm, 5 ; xi, 13, 19; xvi, 18. — Sur les trem- 
blements de terre de Palestine, voir Palestine, t. iv, 
col. 2031. — Pour atténuer les effets des tremblements 
de terre, on assemblait solidement des charpentes à 
travers les constructions. Eccli., xxn, 19. 

H. Lesêtre. 

TREMELLIUS Emmanuel, savant juif, né à Fer- 
rare en 1510, mort en 1580. Il fut converti à la reli- 
gion chrétienne par le cardinal Polus et par M. A. Fla- 
minio, mais Pierre Martyr le poussa à embrasser le 
protestantisme. Il quitta l'Italie et se rendit en Alle- 
magne, puis en Angleterre, où il enseigna l'hébreu à 
Cambridge. Il retourna en Allemagne après la mort 

V. - 73 



2307 



TREMELLIUS — TRESOR 



2308 



d'Edouard VI et alla enfin à Sedan, où il fut appelé 
pour professer l'héLreu. On a de lui entre autres : 
Rudimenta linguse hebrsess, Vienne, 1541 ; Interpretatio 
Syra Novi Testamenti hebraicis typis descripta, 
Paris, 1569; Biblia sacra sive libri canonici latini 
recens ex Uebrxo facti, Francfort, 1579; Londres, 1580. 
Voir Latines (Versions), ii, 4», t. iv, col. 125. 

TRENCH, Richard Chenevix, théologien anglican, né 
à Dublin le 5 septembre 1807, mort à Londres le 28 
mars 1886. Il commença ses études aux écoles de 
Tuyford (1816) et de Harrow (1819) et les termina à 
Cambridge, à Trinity Collège. En 1835, il devint vicaire 
de Cardridge, dans le Hampshire. C'estlà qu'il inaugura 
ses Lectures, dont les premières ont fourni la matière de 
son ouvrage Notes on Parables, publié plus tard. En 
1841 il devint le vicaire du recteur d'Alverstoke, Samuel 
Wilerforce, futur évêque d'Oxford, son ami etprotecteur. 
En 1844, Trench obtint le rectorat d'Ichenstoke, d'où 
il fut promu, en 1846, à la chaire d'exégèse du Nouveau 
Testament de King's Collège à Oxford. Doyen de West- 
minster depuis le mois d'octobre 1856, il fut nommé, 
en novembre 1863, archevêque anglican de Dublin. 
En 1884, il résigna son siège à cause de son âge avancé 
et de ses infirmités. Deux ans après, il mourut à Londres 
et fut inhumé à Westminster. 

Nous citerons de lui : Notes on the Parables of our 
Lord, in-8°, 1841, plusieurs éditions; Les Paraboles de 
Notre-Seigneur, traduit librement de l'anglais sur la 
13 e édition, par Paul Duplan, pasteur, in-8°, Lausanne, 
1879; Exposition of the Sermon on the Mount, in-8°, 
1844; Notes on the miracles of our Lord, in-8°, 1846, 
The Star of the wise men : being a cornmentary on 
the second chapter of St. Matthew, in-16, 1850; Syno- 
nyms of the New Testament, in-8°, 1854; Synonymes 
du Nouveau Testament, traduit de l'anglais par 
C. de Faye, in-8°, Bruxelles, 1869; Cornmentary on 
the Epistles to the Seven Churches in Asia, in-8°, 
1861; Studies on the Gospels, in-8», 1867. —Voir 
L. Stephen, Diciionary of national biography, t. lvii, 
1899, p. 190-194. 0. Rey. 

TRÉSOR (hébreu : 'ôsâr, genâzim, frosén,matmôn, 
mikmannîm, sefûnîm, tô'âfôf; chaldéen : ginezîm ; 
Septante : 6i\aavpé(, -fâÇa; Vulgate : thésaurus, gaza), 
ace umulation d'or, d'argent et de matières précieuses. 

1° Au sens propre. — 1. Trésor des particuliers. — 
Les frères de Joseph retrouvèrent dans leurs sacs les 
trésors qu'ils avaient apportés. Gen., xliii, 23. Les 
malheureux cherchent la mort plus ardemment qu'un 
trésor. Job, m, 21. Le trésor des méchants est maudit, 
parce qu'il est le fruit de l'iniquité. Job, xx, 26; Prov., 
xxi, 6; Mich., VI, 10. Le trésor que l'on possède dans 
le trouble ne vaut pas la médiocrité avec la crainte de 
Dieu. Prov., xv, 16. La bonne renommée vaut mieux 
que mille trésors. Eccli., xl, 15. On peut amasser des 
trésors, mais à condition de les utiliser libéralement, 
selon le précepte de Dieu. Eccli., xxix, 14. Les mages 
ti rèrent de leurs trésors les présents qu'ils offrirent à 
l'enfant Jésus. Matth., 11, 11. Notre-Seigneur conseille 
de ne pas amasser de trésors sur la terre, où ils peuvent 
être la proie des voleurs; d'ailleurs le cœur s'y attache 
plus qu'il ne faudrait. Matth., vi, 19-21. Il compare le 
royaume des cieux à un trésor caché, enfoui dans un 
champ. Celui qui l'a trouvé le cache de nouveau, vend 
son bien et achète le champ, afin d'entrer en posses- 
si on du trésor. Matth., Xlll, 44. On cachait les trésors 
so us terre, afin de les soustraire aux atteintes des vo- 
leurs. De là les noms de tnatmôn, mikmannîm etsefû- 
n îm, qui désignent les trésors en tant que « choses 
ca chées ». Le trésor dont parle Notre-Seigneur avait 
été laissé là par un ancien propriétaire, mort sansavoir 
pu en révéler l'existence. Le propriétaire actuel ignore 



sa présence. Celui qui en fait la trouvaille a sans doute 
loué le champ pour le cultiver. Il ne se croit pas en 
droit cependant de s'emparer du trésor. Il achète donc 
le champ, afin de devenir possesseur légitime de tout 
ce qu'il contient. Il agit conformémentau droit d'alors, 
le propriétaire naturel n'existant plus, et lui-même 
n'étant pas obligé de révéler au propriétaire actuel la 
valeur accidentelle de son terrain. Un trésor ainsi caché 
ne sert à rien; mieux vaut employer l'argent à faire 
le bien. Tob., xn, 8. — 2. Trésor du sanctuaire. — 
Dès l'époque de Josué, il est question d'un trésor de 
Jéhovah, dans lequel on verse certains objets précieux 
pris sur les ennemis. Jos., VI, 19. Le Temple a un trésor 
qui subit diverses vicissitudes. Il est constitué par les 
soins de David et de Salomon. III Reg., vu, 51; I Par., 
xxviii, 12 ; xxix, 8; II Par., v, 1. Il est successivement 
pillé par Sésac, roi d'Egypte, III Reg., xiv, 26; II Par., 
xii, 9, par Baasa, roi d'Israël, II Par., xvi, 2, par Ha- 
zaël, roi de Syrie, auquel le roi de Juda, Joas est obligé 
de le remettre, IV Reg., xn, 18, par Joas, roi d'Israël, 
IV Reg., xiv, 14, et par Nabuchodonosor. IV Reg., 
xxiv, 13. Héliodore cherche en vain à s'emparer du 
trésor du Temple, au nom du roi de Syrie, Séleucus [V. 

II Mach., m, 740. Voir Héliodore, t. m, col. 570. Sur 
le trésor du Temple et la manière dont il fonctionnait, 
voir Gazophylacium, 1. 11, col. 133. Il y avait à Babylone 
un trésor du dieu de Nabuchodonosor. Dan., 1, 2. — 

3. Trésor des princes. — Les rois de Juda avaient un 
trésor qui partagea souvent le sort du trésor du Temple. 

III Reg., xiv, 26; xv,18; IV Reg., xiv, 14; xvi, 8;xvm, 
15; xx, 13, 15; II Par., xxv, 24; xxxvi, 18. Ézéchias 
s'était amassé des trésors. II Par., xxxn, 27. Il les fit 
visiter avec complaisance par les envoyés du roi de 
Babylone, Mérodach-Baladan. lsaïe lui prédit alors 
qu'un jour tous ces trésors seraient emportés à Baby- 
lone. IV Reg., xx, 13-17. Les tributaires de l'Egypte 
portaient au pharaon des trésors empilés sur le dos des 
chameaux. Is., xxx, 6. Il est fait mention des trésors 
d'Holoferne, Judith, xn,l,d'Assuérus, Esth., m, 9; iv, 
7, d'Artaxerxès, I Esd., vu, 20. Les trésors du roi de 
Tyr seront pillés. Ezech., xxvni, 4. Par contre, Dieu 
donnera à Cyrus des trésors cachés. Is., xlv, 3. En 
Juda, les chefs de la nation s'emparent des biens et des 
trésors des autres. Ezech., xxh, 25. Antiochus Épiphane 
en fait autant partout où il passe. I Mach., 1, 24. — 

4. Trésor des peuples. — Juda est un pays rempli de 
trésors. Is., 11, 7. Le Seigneur les livrera au pillage. 
Jer., xv, 13; xvn, 3; xx, 5; Ose., xm, 15. Babylone est 
riche en trésors, jer., u, 13, qui seront pillés par 
l'épée. Jer., L,37. Le même sort est réservé aux trésors 
de Moab, Jer., xlviii, 7, d'Ammon, .1er., xlix, 4, et de 
l'Egypte. Dan., xi, 43. Au temps de Zorobabel, on con- 
stitua un trésor public pour la réfection des murs de la 
ville. II Esd., vu, 70-72. Le trésor était gardé dans un 
lieu appelé « maison du trésor », bét 'ôsâr, II Esd., x, 
39, ou bétginezayyd'. IEsd., v, 17; vi, 1. 

2° Au sens figuré. — 1. L'atmosphère. — Dieu a des 
trésors d'où il tire les vents, Ps. cxxxv (cxxxrv), 7; 
Jer.,x, 13; li, 16, les nuées, Eccli., xliii, 15, la pluie 
et le temps favorable, Deut., xxvm, 12, la neige. Job, 
xxxviii, 22. — 2. La sagesse. — Il faut creuser, c'est- 
à-dire se donner de la peine, pour découvrir ce trésor. 
Prov., u, 4. La sagesse est un trésor qui dépasse tous 
les autres, Sap., vu, 14; Eccli., 1, 26; Heb., xi, 26, et 
leur donne du prix. Prov., vin, 21 ; xxi, 20. La crainte 
de Dieu, qui est la vraie sagesse, doit être le trésor 
d'Israël. Is., xxxm, 6. De ce trésor, l'homme de bien 
doit tirer toutes sortes de bonnes choses, à rencontre 
du méchant qui n'en tire que de mauvaises. Matth., xn, 
35; xm, 52; Luc, vi, 45. La sagesse qu'on tient cachée, 
comme un trésor enfoui, ne sert de rien. Eccli., xx, 
32; xli, 17; Matth., xxv, 25; Luc, xix, 20. Tous les tré- 
sors de la sagesse étaient en Jésus-Christ. Col., 11, 3. — 



2309 



TRÉSOR — TRIBULATION 



2310 



3. Les biens de l'âme. — Trouver un ami fidèle, c'est 
trouver un trésor. Eccli., vi, 14. Le Tout-Puissant est le 
trésordu juste. Job., xxn, 25. Les chrétiens ont reçu la 
grâce de l'Évangile, mais ils portent ce trésor dans des 
vases de terre, c'est-à-dire dans une nature fragile, afin 
que la puissance de Dieu paraisse davantage. II Cor., 
iv, 7. Ceux qui sacrifient les biens du temps s'acquièrent 
■ un trésor dans le ciel. Matth., xix, 21; Marc, x, 21; 
Luc, xii, 33, 34; xvm, 22. —4. Les secrets divins. — 
Ils sont dans les trésors de Dieu. Deut., xxxn, 34. 

H. Lesêtre. 
TRÉSORIER (hébreu : gizbâr; chaldéen : geddbrîn; 
Septante : o'cxovd[i.oç; Vulgate : custos arcse publiées, 
arcarius), préposé à la garde du trésor. — Dès l'orga- 
n isation de la royauté israélite, il y eut des fonction- 
naires chargés de veiller sur le trésor du roi. David 
choisit Asmolh, fils d'Adiel, pour trésorier, 'al 'op-ôt, 
ItzX t<2v 6T|<raup<5v, super thésaurus. Jonathan, fils 
"d'Ozias, remplissait la même fonction pour les trésors 
des champs, c'est-à-dire pour les redevances en nature 
qui se convertissaient en argent à travers tout le pays. 
I Par., xxvn, 25. Salomon eut des intendants et des 
préposés aux impôts qui remplissaient équivalemment 
les fonctions de trésoriers. III Reg., IV, 2-7. — Des 
lévites avaient la surveillance des trésors du Temple. 
I Par., ix, 26 ; xxvi, 20, 22, 26, sous l'autorité d'un in- 
tendant en chef des trésors. I Par., xxvi, 24. — A la 
cour de Nabuchodonosor, il y avait des trésoriers, 
■geddbrîn, que les versions appellent Tuptzwot, tyranni. 
Dan., ra, 2,3. — Assuérus avait des fonctionnaires pré- 
posés au trésor. Esth., m, 9. — Artaxerxès employait 
aussi des gizzabrin, gardiens du trésor. 1 Esd., vu, 21. 
— Un eunuque éthiopien était le trésorier de la reine 
•Candace, im itâuriç x?,ç ygcÇyk aùxîjî, super onines gazas 
■ejus. Act., vin, 27. — Saint Paul transmet aux Romains 
le salut d'Éraste, trésorier de la ville d'où il écrit. 
Rom., xvi, 23. H. Lesêtre. 

TRIBU (hébreu : Sébét; Septante : çuXtj; Vulgate: 
tribus), groupe de familles descendant de chacun des 
douze fils de Jacob. La division en tribus était fréquente 
parmi les Orientaux et elle existe encore chez les Arabes 
modernes. Les tribus d'Israël, au nombre de douze, 
sont énumérées dans la Genèse, xux : 1. Ruben; 
■2. Siméon; 3. Lévi; 4. Juda; 5. Zabulon; 6. Issachar; 
1. Dan; 8. Gad; 9. Aser; 10. Nephthali; 11. Joseph, dont 
la descendance se divisa en deux tribus, Éphraïm et 
Manassé; 12. Benjamin. Voir ces noms. La tribu de 
Lévi, consacrée au service de Dieu, ne reçut point de 
territoire spécial après la conquête de la Terre Promise 
mais seulement des villes pour y habiter, en sorte que 
la Palestine ne fut partagée qu'en douze portions, 
quoique la division de la postérité de Joseph en deux 
portât le nombre des tribus à treize. De même, la 
vocation de saint Paul à l'apostolat porta plus tard le 
nombre des Apôtres à treize. — Les Ismaélites, descen- 
dants d'Abraham par Ismaël, comptèrent aussi douze 
tribus. Gen. ,xxv, 13-15.— D'après Xénophon, Cyrop.,1, 
3,4, les Perses étaient également partagés en tribus. — 
La distinction des tribus d'Israël s'est perdue peu à peu 
depuis la ruine de Jérusalem. Voir J. M. Jost, Allge- 
meine Geschichte des Israelitischen Volkes, Berlin, 
1832, t. I, p. 407 sq. 

TRIBULATION, tout ce qui est de nature à faire 
souffrir l'homme dans son corps ou dans son âme. 

I. Ses différents noms. — L'hébreu a une très 
grande variété de termes pour désigner les différents 
maux dont l'homme peut souffrir : 'êd, ôirtoXesa, per- 
ditio, Job, XXI, 30, xaxwai;, afflictio, Ps. xvm (xvn), 
19, la calamité; — 'dvén, ôStjvt), dolor, Job, xv, 35; 
àvouia, iniquitas, Ps. lv (liv), 4; itôvoç, dolor, Ps. XC 
^lxxxix), 10; xouôv, malum, Prov., xxn, 8; it£v9oç, Ose., 



ix, 4; xénoî, iniquitas, Hab., m, 7, la douleur; — 
hovâh, -caXaiJtwpîa, calamitas, Is., xlvii, 11; contur- 
batio, Ezech., vu, 26, le malheur; — havvâh, àvouia, 
iniquitas, Ps. lvii (lvi), 2, le malheur; — barsob, 
Ps. lxxiii, 4, la douleur; — hêf, ô(iapTta, peccatutn, 
Lam., m, 39,1a peine du péché; — hattâ'âh, àvoiu'a, 
peccatum, Is.,v, 18, la peinedu péché; — hôlî, àppeoe- 
Ti'a, miseria, Eccle., VI, 2, le grand malheur; — ke'ib, 
itXïiyyi, Tpaû[ia, dolor, Job, II, 13; xvi, 7, la douleur; 

— mak'ôb, xaxiieriç, afflictio, Exod., m, 7; (iaXocxt'a, 
dolor, Job, xxxiil, 19; (j.«oti|, flagellum, Ps. xxxn 
(xxxi), 10; wXïÎy'1, dolor, Is., lui, 3; Lam.,i, 12, la souf- 

J france; — tnassdh, pœna, Job, ix, 23, l'épreuve; — 
ma'âsêbâh, Xûmj, dolor, Is., L, 11, la douleur; ^~ 
môsaq, (rrevox«>pi'«, angustia, Is., VIII, 22, la détresse; 

— mâsôq, 8Xi'i|hç, angustia, Ps. cxix (cxvm), 143 ; 
itoXiopxfa, angustia, Jer.,xix, 9,1'angoisse; — mesûqâh, 
OXfyiç, angustia, Job, xv, 24, l'angoisse; — mâsôr, 
GTevo/wpia, angustia, Deut., xxvm, 53, la détresse; — 
mêsar, extyic, tribulatio, Ps. cxvm (cxvn), 5; Lam., 
I, 3, la tribulation ; —murdâf, iù.-î\^i\,persequens, Is., 
xiv, 6, la persécution; — mârûd, StwYt^ç, transgres- 
tio, Lam., m, 19, la souffrance; — 'âmdl, xôtioç, labor, 
Ps. xc (lxxxix), 10, la peine; — 'âsqâh, oSûvtj, vis, 
Is., xxxviii, 14, la violence; — 'âôn, ïcra/eîa, pauper- 
tas, Ps. xxxi (xxx), 11, la douleur; — 'ënûf, Serjuiç, 
deprecatio, Ps. xxn (xxi), 25, la souffrance; — 'ônî, 
TaTisivcixjiç, afflictio, Gen., xvi, 11; xaxù><7i<;, afflictio, 
Deut., xvi, 3; 68ûtr,, luctus, Prov., xxxi, 5, la douleur; 
cf. Gen., xxxv, 18; voir Benoni, t. i, col. 1603; — 
'issâbôn, XiSroi, œrumna, Gen., m, 16, la souffrance de 
l'enfantement; voir Enfantement, t. il, col. 1792; — 
'açsébéf, <juvTpf|j.(jia, contritio, Ps. cxlvii (cxlvi), 3, la 
blessure; — 'êséb, XOroi, dolor, Gen., IH, 16, les dou- 
leurs de l'enfantement; — pîd, ira/>fi.a, ruina, Job, 
xxxi, 29; ruina, Prov., xxiv, 22, le malheur; — sôq, 
angustia, Dan., ix, 25, le malheur; — sôqâh, cttevo- 
Xwpi'a, angustia, Is., xxx, 6, l'angoisse; —sar, àvày^, 
8Xîi}/i?, tribulatio, Ps. lv, 2; xvm (xvn), 7; cvi (cv), 44, 
la détresse; — sârâh, ÔXi'^lç, angustia, tribulatio, 
Gen., xlii, 21; Ps. cxx (cxix), 1; Is., xxx, 6; à7topfa, 
tribulatio, Is., vin, 22, l'angoisse ; — râ'âh, xâxov, ma- 
lum, Gen., xix, 19; xxvi, 29; xliv, 4; III Reg., h, 44, 
le mal qu'on faità un autre; — Sâv', ôSûvvi, labor, Job, 
vu, 3; Is., xxx, 28, la souffrance; — So'âh, à7c<iXEia, 
miseria, Is., xlvii, 11 ; Ps., lxiii(lxii), 10, le malheur; 

— fô'âh, woavr), insidise, II Esd., iv, 8, le mal fait à 
une ville. — On rencontre quelquefois plusieurs de 
ces termes dans le même verset, Prov., i, 27 : 'êd, 
xaTocorpo^ïi, interitus ; sârâh, 6X(i|/ic, tribulatio; sôq, 
TtoXiopxi'a, angustia; Is., xlvii, 11 : râ'âh, àitwXeia, 
malum ; hovâh, "caXamwp :a, calamitas; so'âh, àitcoXeia, 
miseria, etc. Voir Deuil, t. n, col. 1396; Mal, Maladie, 
t. iv, col. 600, 611; Plaie, Ruine, Souffrance, Tour- 
ment, t. v, col. 450; 1268, 1855, 2294. 

II. Ses différentes espèces. — 1» Ses causes. — 
Les tribulations ont pour cause première Dieu, qui les 
envoie ou qui les permet. Il les envoie pour châtier les 
hommes en particulier ou les nations, il les permet 
pour éprouver, améliorer ou convertir les âmes. Il se 
sert dans ce but du démon, à la malice duquel il fixe 
des limites, des hommes, qui se font persécuteurs de 
leurs semblables, ou des forces de la nature, qui 
peuvent constituer en certaines circonstances des 
fléaux généraux ou particuliers. L'homme est naturel- 
lement sensible à tous ces genres de tribulations. Après 
le péché, beaucoup de maux ont été déchaînés contre 
l'homme, Gen., m, 16-19, qui a grand'peine à se dé- 
fendre contre eux, n'y réussit pas toujours et finit par 
succomber à la mort. Les tribulations ont donc des 
causes variées et elles produisent des effets différents, 
qui permettent de les classer en plusieurs catégories. 
2» Les châtiments. — Le mal enfante le malheur. 



2311 



TRIBULATION 



2312 



Job, xv, 35. A la suite du péché commis par les pre- 
miers parents, la souffrance a été infligée à la femme, 
surtout quand elle doit enfanter, le travail a été rendu 
pénible pour l'homme et la mort a été introduite dans 
l'humanité. Gen., m, 16-19. Le déluge fut un châtiment 
motivé par la méchanceté des hommes. Gen., vi, 5-7. 
Sodome et les autres villes furent détruites par une 
catastrophe soudaine, à cause des crimes qui s'y com- 
mettaient. Gen., xix, 4-28. Les plaies d'Egypte furent 
le châtiment de la persécution exercée par les Egyptiens 
contre les Hébreux. Exod., vu, 1-xil, 51. A plusieurs 
reprises, pendant le voyage à travers le désert, les Hé- 
breux eux-mêmes sont châtiés, à cause de leurs mur- 
mures et de leurs révoltes. Num., xi, 33; -xiv, 21-35; 
xvi, 28-35; xxi, 6; xxv, 9. Il leur est annoncé que 
leurs transgressions attireront sur eux les plus graves 
châtiments. Deut., xxvin, 15-68. Pendant la période 
des Juges, l'oppression étrangère, plusieurs fois renou- 
velée, est la conséquence des infidélités d'Israël. La 
victoire remportée par les Philistins châtie la faiblesse 
d'Héli et les prévarications de ses lils. IReg., Il, 27-36. 
Sous les rois, les mêmes causes produisent souvent les 
mêmes effets. Ainsi en est-il sous Saùl, I Reg., xxxi, 1- 
10, sous Roboam, III Reg., xn, 20; xiv, 25, 26 ; etc.' La 
destruction du royaume d'Israël et la déportation de 
ses habitants est le châtiment de l'idolâtrie des Israé- 
lites. IV Reg., xvn, 7-23. La même cause entraîne le 
même effet pourle royaume de Juda. II Par., xxxm, 9, 
10; xxxvi, 14-16; Lam., m, 37-45. L'auteur du second 
livre des Machabées, vi, 12-16, confesse que les cala- 
mités qui ont accablé les Juifs, sous la domination 
syrienne, ont été une punition, et il ajoute que la ra- 
pidité du châtiment est une marque de grande bonté 
de la part de Dieu. « En effet, le souverain Maître, 
pour punir les autres nations, attend avec patience 
qu'elles aient comblé la mesure des iniquités; ce n'est 
pas ainsi qu'il a jugé à propos d'en agir avec nous, afin 
de n'avoir pas à exercer sur nous sa vengeance, quand 
nos péchés auront atteint leur pleine mesure. » Cepen- 
dant, l'opposition des Juifs à leur Messie devient telle 
que le Sauveur en vient à leur dire : « Comblez donc 
la mesure de vos pères! » Matth., xxm, 32. Ils le font 
en condamnant et en mettant à mort le Fils de Dieu. 
La ruine de Jérusalem et de la nationalité juive et le 
rejet définitif de l'ancienne race élue sont la consé- 
quence de ce dernier forfait. Matth., xxm, 37-39 ; xxiv, 
5-10; Marc, xm, 6-13; Luc, xxi, 10-24. De leur côté, 
les prophètes ont prédit les châtiments qui durent 
frapper les peuples ennemis et persécuteurs d'Israël, 
Égyptiens, Assyriens, Babyloniens, Syriens, etc., et 
leurs prédictions se sont accomplies d'autant plus exac- 
tement que, ' pour les nations qui n'ont qu'une exis- 
tence temporelle, la justice doit nécessairement s'exer- 
cer sur la terre. — Ce qui est vrai des nations l'est 
également pour chaque homme en particulier. Le péché 
appelle nécessairement la réparation ou le châtiment, 
et habituellement « ce qui sert à l'homme pour pécher 
sert aussi à son châtiment. » Sap.,xi, 15. « Le méchant, 
durant tous ses jours, est rongé par l'angoisse... Au sein 
de la paix, il voit fondre sur lui la ruine, ...la détresse 
et l'angoisse tombent sur lui. » Job, xv, 20-24. « Qui 
sème l'injustice, moissonne le malheur. » Prov., xxn, 
8. Le châtiment frappe donc les coupables, Caïn, Gen., 
iv, 11, 12, Cham, Gen., ix, 25, Sichem, Gen., xxxiv, 
2-31, Marie, sœur de Moïse, Num.,xn, 10, Saiil, I Reg., 
xiii, 13; xv, 26, David, II Reg., xii, 11; xxiv, 10-14, 
Salomon, III Reg., xi, 11, Jéroboam, III Reg., xiv, 10- 
12, Jézabel, IHReg., xxi, 23, 24, Joram, IV Reg., IX, 25, 
Âthalie, IV Reg., xi, 16, Ozias, II Par., xxvi, 19, Aman, 
Esth., vu, 9, 10, Antiochus Épiphane, II Mach., ix, 5- 
29, Judas, Matth, xxvn, 5 ; Act., ï, 18, Ananie et Sa- 
phire, Act., v, 5, 10, Hérode Agrippa, Act., xn, 21-23, etc. 
Le châtiment est infligé au serviteur impitoyable, 



Matth., xvm, 34, au serviteur brutal et infidèle, Luc, 
xn, 46, 47, aux vignerons homicides, Luc, xx, 16, etc. 
— Bien que la tribulation soit la juste rémunération 
du péché sur la terre, il n'est point rare que le pécheur 
jouisse de la prospérité ici-bas. Ceux qui vivaient sous 
le régime de l'Ancien Testament s'en étonnaient et 
parfois même s'en scandalisaient, parce que les récom- 
pences temporelles avaient été formellement promises, 
aux justes, et le malheur annoncé aux impies. Les 
amis de Job soutiennent contre lui, comme une règle 
sans exception, que le malheur est le signe et le châ- 
timent de la méchanceté. Asaph s'étonne aussi du bon- 
heur des méchants : 

Pour eux, point de douleurs jusqu'à la mort; 
Leur corps est plein de vigueur, 
Ils n'ont point part au labeur des mortels, 
Ils ne sont point frappés comme le reste des hommes. 
Ps. lxxiii (lxxii), 4, 5. 

L'étonnement cesse quand, au lieu d'attendre le 
triomphe de la justice dans la vie présente, on observe 
que ce triomphe n'aura lieu que dans la vie future. 
Sap., iv, 7-v, 23. Voir Impie, t. m, col. 846. C'est ce que 
le Sauveur met en lumière dans sa parabole du mau- 
vais riche et du pauvre Lazare. Luc, xvi, 19-31. Les 
maux de la vie sont donc souvent des châtiments, mais 
il s'en faut qu'ils aient toujours ce caractère. 

3" Les persécutions. — Ce sont des tribulations cau- 
sées à l'homme par ses semblables, et habituellement 
aux justes par les méchants. Les persécutions ont com- 
mencé avec le péché. Abel a été persécuté par Caïn, 
Gen., IV, 5-8, Jacob par Esaû, Gen., xxvn, 41-45, 
Joseph par ses frères, Gen., xxxvn, 18-28, et par Pu- 
tiphar, Gen., xxxix, 7-20, les Hébreux par les Égyp- 
tiens, Exod., 1, 8-21, et par les différents peuples du pays 
de Chanaan et des environs, Jud., m, 7-xvi, 31, David 
par Saûl, I Reg., xvm, 10-xxvi, 25, Élie par Achab, 
III Reg., xvm, 3-18, Naboth par jézabel, III Reg., xxi, 
5-16, Zacharie par Joas, II Par., xxiv, 20-22, Jérémie par 
Joakimetles faux prophètes, Jer., xxxvi-xxxvm, les Juifs 
par les Samaritains, IEsd., iv, 1-24, etlespeuplesvoisins, 
II Esd., IV, 7-23, puis par Antiochus Épiphane, I Mach., 
ï, 17-67; II Mach., v, 11-vn, 41; etc. Notre-Seigneur 
fut en butte aux persécutions d'Hérode, Matth., n, 7- 
18, et ensuite des Juifs, particulièrement des membres 
du sanhédrin, qui le condamnèrent à mourir. Le même 
sanhédrin persécuta les Apôtres, Act., iv, 1-12; v, 17- 
42; VI, 9-60, XII, 1-17. Saint Paul, d'abord persécuteur, 

I Tim., ï, 13; I Cor., xv, 9; Gai., ï, 13.; Phil., m, 6, 
fut à son tour en butte à toutes sortes de persécutions 
de la part des Juifs et des Gentils. Act., xm, 50; xx, 
23; Rom., vin, 35; I Cor., iv, 12; xn, 10; II Cor., vu, 
5; Gai., v, 11; II Tim., m, 11; I Thés., ni, 4. Les pre- 
miers chrétiens furent persécutés, à peu près partout, à 
l'instigation des Juifs. Act., IX, 30; xm, 45-51; xiv, 18; 
xvn, 5-9; xvm, 12; xxi, 27-36; etc. Saint Paul félicite 
les chrétiens de Thessalonique d'être restés fidèles au 
milieu des persécutions et des tribulations. II Thess., 
I, 4. Par contre, les.judaïsants préféraient abandonner 
la foi plutôt que d'être persécutés pourle Christ. Gai., 
VI, 12. — La persécution est une sorte de nécessité 
dans la vie chrétienne. « Ils m'ont persécuté, ils vous 
persécuteront, » dit le Sauveur. Joa., xv, 20. « Tous 
ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus 
auront à souffrir persécution, » ajoute saint Paul. 

II Tim., m, 12. Aussi Notre-Seigneur annonce-t-il les 
persécutions à ses disciples. Matth.. xxiv, 9; Luc, xxi, 
12. Il proclame bienheureux ceux qui souffrent persé- 
cution pour la justice, Matth., v, 10-12, et va jusqu'à 

i recommander de prier pour les persécuteurs. Matth., 
v, 40; Rom., xn, 14. « C'est par beaucoup de tribula- 
tions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » 
Act., xiv, 21; Gai., rv, 29. Mais il ne faut pas s'en 



2313 



TRIBULATION — TRIBUNAL 



2314 



émouvoir, I Thés., m, 3, comme ceux qui se scanda- 
lisent de la tribulation, dès qu'elle apparaît, et en pren- 
nent prétexte pour abandonner la vie chrétienne. 
Matth., xiii, 21 ; Marc, iv, 17. On doit alors se compor- 
ter avec patience, Rom., xn, 12, et même avec con- 
fiance, car Jésus-Christ a vaincu le monde persécuteur, 
Joa., xvi, 33, et lui-même est si présent à ses servi- 
teurs qu'il tient comme infligées à sa propre personne 
les persécutions dont ils ont à souffrir. Aussi dit-il à 
Saul, qui s'imaginait ne poursuivre que des disciples : 
« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » Act., 
ix, 4, 5. — La récompense des persécutés est assurée, 
déjà même en ce monde et surtout en l'autre. Matth., 
v, 11, 12; Marc.,x, 30. Un jour le bonheur et la gloire 
seront assurés à « ceux qui viennent de la grande 
tribulation. » Apoc, vu, 14. 

4° Les épreuves. — Les persécutions sont souvent des 
épreuves que Dieu permet pour rendre les justes meil- 
leurs et plus méritants. Il y a d'autres épreuves qui ré- 
sultent soit des conditions mêmes de la vie hnmaine, 
soit de l'intervention des esprits mauvais. Satan a été 
la cause des épreuves de Job, et sa malice a été excitée 
par la droiture et la piété du saint homme. Job, 1, 8. 
Il a voulu traiter de même les Apôtres. Luc., xxil, 31. 
Voir Satan, col. 1496. Mais la plupart des maux vien- 
nent à l'homme de l'infirmité de sa nature. « L'homme 
né de la femme vit peu de jours et il est rassasié de 
misères. » Job, xiv, 1. 11 éprouve ici-bas « bien des 
détresses, bien des souffrances, d Ps. lxxi(lxx), 20. Les 
années de Phomme s'élèvent à soixante-dix ans et 
pour les plus forts à quatre-vingts, « et leur splendeur 
n'est que peine et misère. » Ps. xc (lxxxix), 10. « Tous 
ses jours ne sont que douleur, ses occupations que 
chagrins; la nuit même, son cœur ne repose pas. » 
Eccle., Il, 23. Son bonheur n'est jamais complet : 
« même dans le rire, le cœur trouve la douleur, et la 
joie se termine par le deuil. » Prov., xiv, 13. Aussi 
Jacob disait-il au pharaon d'Egypte : « Les années de 
mon pèlerinage sont de cent trente ans : court et mau- 
vais a été le temps des années de ma vie. » Gen., xlvii, 
9. Saint Paul a laissé la longue énumération de toutes 
les tribulations par lesquelles passait un prédicateur de 
l'Évangile. II Cor., xi, 23-28. Les peines morales 
s'ajoutent d'ailleurs à toutes les autres. Même quand il 
veut le bien, l'homme se sent incapable de l'atteindre : 
«Je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que je hais... 
Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que 
je ne veux pas. » Rom., vu, 15, 19. Il désire être 
délivré de ce corps de mort, Rom., vu, 24, et dit avec 
Job, vu, 2-3: 

Comme l'esclave soupire après l'ombre, 
Comme l'ouvrier attend son salaire. 
Ainsi j'ai eu en partage des mois de douleur, 
Pour mon lot, des nuits de souffrances. 

Notre-Seigneur a voulu partager la condition de 
l'homme et connaître par expérience la pauvreté, la 
faim, la soif, la fatigue, la souffrance et la mort, toutes 
nos infirmités, pour nous ressembler, hormis le péché. 
Hebr., iv, 15. Il a déclaré bienheureux ceux qui sont 
pauvres en esprit, ceux qui pleurent ou qui souffrent 
persécution. Matth., v, 3-10. Les tribulations de la terre 
ne sont donc que des maux relatifs dont il est possible de 
tirer un plus grand bien. — Tout d'abord, elles servent 
d'aiertissement à l'homme, pour le détourner du mal 
« et le retirer de l'orgueil, afin de sauver son âme de 
la mort. » Job, xxxm, 17, 18. Ensuite, elles contribuent 
à l'expiation de ses péchés. Voir Pénitence, col. 39-40; 
Satisfaction, col. 1496. Enfin, acceptées avec sou- 
mission et courage, elles méritent la récompense éter- 
nelle. Matth., v, 12; Luc, vi, 23. « Notre légère affliction 
du momentprésent produit pour nous, au delà de toute 
mesure, un poids éternel de gloire. » II Cor., iv, 17. 



Voir Tentation, col. 2283. — Dieu d'ailleurs n'aban- 
donne pas ses serviteurs en hutte à la tribulation, Il 
vient en aide aux justes dans la détresse, Ps.xci(xc), 15; 
II Cor., i, 4, et il les en tire au moment opportun, 
Gen., xxv, 3; I Reg., x, 19; Tob., m, 21; Ps. ix, 10; 
xxxn (xxxi), 7 ; xxxiv (xxxm), 5; cxxxvm (cxxxvil), 7 ; 
Eccli., m, 17 ; 1s., xxxn, 2 ; Jer., xiv, 8, etc. 

H. Lesêtre. 
TRIBULE. Plusieurs exégètes identifient le tribulus 
de la Vulgate avec une espèce de zygophillée, soit le 
Tribulus terrestris, soit le Fagonia arabica. Peut-être 
faut-il y voir plutôt un nom générique de plante épi- 
neuse. De fait, il répond à plusieurs mots hébreux : 
dans Gen., m, 18; Ose., x, 8, il traduit le mot dardar, 
«centaurée »(t. h, col. 426). L'expression, Hebr.,vi, 8, 
proferens spinas ac tribulos, est un souvenir de Genèse, 
m, 18, et doit avoir le même sens. Dans Job, xxxi, 40, 
tribulus est pris pour hoah, « chardon ». Dans Jud., vin, 
7,16, il traduit barqanim, « ronces ». C'est probablement 
dans ce dernier sens qu'il faut entendre le proverbe : 

Cueille-t-on des raisins sur des épines 

Ou des figues sur des ronces (de tribulis flous) 1 ! 

Matth., vil, 16. 

car à la place de àxavBwv et TpîëoXwv, saint Luc donne 
àxavSûv et (Jâxou (la ronce). 

Quant à Eccli., xlhi, 21, o-xoXôtiov axpa, cacumina 
tribulï,ï\ n'y a rien de semblable dans le texte hébreu 
retrouvé. Au lieu des extrémités d'épines que forme le 
givre en se congelant, l'hébreu porte qu'il produit des 
fleurs pareilles au saphir. F. Vigouroux, La sainte Bible 
polyglotte, t. v, p. 949. E. Levesque. 

TRIBUN (Septante : yù.ià.^yjn ; Vulgate : tribunus), 
officier supérieur exerçant un commandement dans la 
légion romaine. Voir Armées, t. i, col. 994. — Comme, 
à l'époque évangélique, la légion se composait de 
6000 hommes et qu'au-dessous du commandant en chef, 
consul, préteur, légat, etc., elle comptait six tribuns 
militaires, on pouvait penser que chacun de ces der- 
niers avait mille hommes directement sous ses ordres, 
d'où le nom grec de ^iXtdcpxo?, «chef de mille ». Mais 
il n'en était pas ainsi et les tribuns exerçaient à tour 
de rôle le commandement sur toute la légion. — Un 
tribun commandait à Jérusalem la cohorte de l'Antonia. 
Joa., XVIII, 2. Au temps de saint Paul, le tribun Lysias 
protégea l'Apôtre contre les Juifs ameutés. Act., xxi, 
31-xxin, 30. Voir Lysias, t. iv, col. 458. — Par analogie, 
la Vulgate donne le nom de « tribuns » aux èdrê 'alafîm, 
« chefs de mille », établis par Moïse, Exod., xvm, 21 ; 
Num., xxxi, 14, 48, 52; Deut., i, 15, à des officiers 
royaux, I Reg., vm, 12; xvn, 18; xvm, 13; xxii, 7; 
II Reg., (xvm, 1, à des chefs militaires, I Mach., m, 
55; Apoc, vi, 15; xix, 19, et aux officiers d'Hérode 
Antipas. Marc, vi, 21. H. Lesêtre. 

TRIBUNAL (hébreu : kissê' ; Septante : {Sïma), lieu 
où siège celui qui rend la justice. — Salomon s'était bâti 
un portique du trône, où il rendait la justice, et un por- 
tique du jugement. III Reg., vu, 7. A Jérusalem se trou- 
vaient les tribunaux où l'on rendait les jugements dansles 
affaires plus importantes. Ps. cxxn (cxxi), 5. Voir Juge- 
ment, t. m, col. 1843. — Il est parlé des tribunaux du 
gouverneur perse, à Jérusalem, II Esd., m, 7, de Lysias, 
ministre syrien, à Ptolémaîde, II Mach., xiii, 26, de Pi- 
late, à Jérusalem, Matth., xxvn, 19; Joa., xix, 13, de Gai- 
lion, à Corinthe, Act., xvm, 12-17, et de Festusà Césarée, 
Act., xxv, 6-17. Le tribunal romain se composait ordi- 
nairement d'une estrade sur laquelle on plaçait le siège 
du juge (fig. 522). Cette estrade occupait le fond de la 
basilique, où l'on se réunissait pour les jugements, ou 
se dressait en vue de la foule, quand la sentence devait 



2315 



TRIBUNAL — TRIBUT 



2316 



être rendue dehors, comme pour Notre-Seigneur. — 
Tous les hommes auront à comparaître devant le tri- 




522. — Tribunal. 
D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 613. 

bunal du Christ, constitué juge des vivants et des morts. 
Rom., xiv, 10; II Cor., v, 10. H. Lesêtre. 

TRIBUT (hébreu : mas, maèèd', minhàh, ferûmâh ; 
chaldéen: belô, midddh; Septante : <pôpoç, -zéXoq, Stopov ; 
Vulgate : tributum, vectigal, munus), redevance payée 
à un souverain étranger. Suivant la coutume orientale, 
cette redevance prend assez souvent le nom de « pré- 
sent », minhâh, (erûmdh, Scépov, munus, comme si 
elle était purement volontaire. 

1» Sous Josué et les Juges. — Il avait été prescrit de 
soumettre au tribut les villes qui se rendraient aux 
Israélites, ûeut., XX, 10. Les Chananéens furent assu- 
jettis au tribut par les hommes de Manassé, Jos., xvn, 
13, par ceux de Zabulon, Jud., i, 30, 33, 35, et en 
général par les Israélites, qui aimèrent mieux les ran- 
çonner que les chasser. Jud., I, 28. Au tribut s'ajoutait 
ou se substituait parfois la corvée. Jos., xvi, 10. Voir 
Corvée, t. n, col. 1031. — Il fut prédit à Issachar, 
trop ami du repos, qu'il serait soumis au tribut. Gen., 
xliv, 15. En effet, la main indolente est destinée à 
devenir tributaire. Prov., xn, 24. 

2° Sous les rois. — Après avoir vaincu les Moabites, 
David leur imposa un tribut ; il en fit autant pour les 
Syriens. II Reg., vin, 2, 6. Salomon fit payer le tribut 
à tous les peuples compris dans les limites de son 
royaume. III Reg., iv, 21.. Les Philistins et les Arabes 
étaient tributaires de Josaphat. II Par., xvn, 11. Le roi 
d'Israël, Manahem, paya un tribut de 1 000 talents d'ar- 
gent (8500000 fr.) à PhuJ, roi d'Assyrie. IV Reg., xv, 
19-20. Les rois assyriens ne manquaient pas d'assu- 
jettir au tribut les peuples qu'ils plaçaient sous leur 
dépendance. Osée, roi d'Israël, payait tribut à Salma- 
nasar. Quand il cessa de le payer pour se rapprocher 
de l'Egypte, le roi d'Assyrie en profita pour détruire le 
royaume d'Israël. IV Reg., xvn, 3-6. Jérusalem, elle 
aussi, fut prise et rendue tributaire, Lam., i, 1. Les 
Assyriens devaient payer tribut à leur tour. Is. xxxi, 
8. — Au Messie, les rois de Tharsis et des îles, de Saba 
et de Méroé, apporteront leurs tributs et leurs présents. 
Ps. lxxii (lxxi), 10. 

3° Sous les Perses. — Assuérus établit un tribut sur 
tous les peuples qui dépendaient de sa domination. 
Esth., x, 1. Quand les Juifs commencèrent à rebâtir 
Jérusalem, leurs ennemis écrivirent à Artaxerxès I er que 
cette ville, une fois relevée, ne voudrait plus payer ni 
impôt ni tribut. I Esd., iv, 13. Le prince, constatant 
qu'autrefois on payait tribut aux rois de Jérusalem, fit 



surseoir aux travaux de reconstruction. I Esd., IV, 20. 
Un nouveau décret d'Artaxerxès exempta des impôts 
et des tributs les prêtres et les serviteurs du Temple. 
I Esd., vu, 24. Plus tard, Darius ordonna qu'on prît 
sur le produit des tributs pour l'achèvement du Temple. 
I Esd., VI, 8. 

4° Sous les Ptolémées et les Séleucides. — Alexandre 
avait soumis au tribut un bon nombre de pays, de 
nations et de souverains. I Mach., i, 5. Ses successeurs 
procédèrent de même. Sous Ptolémée Evergète, le 
grand-prêtre Oniàs II, qui était avare, négligea le 
paiement d'un tribut de 20 talents (170000 fr.) par an. 
Son neveu, Joseph, s'interposa pour le disculper. 
Comme des spéculateurs syriens et phéniciens offraient 
8000 talents (68000000 fr.) du fermage des impôts de 
la Phénicie, de la Célésyrie, de la Samarie et de la 
Judée, Joseph offrit le double, obtint 2000 soldats pour 
se faire appuyer et exerça pendant vingt-deux ans avec 
fermeté le poste de receveur des impôts. Cf. Josèphe, 
Ant. jud., XII, iv, 1-6. — Les Romains, qui avaient 
rendu tributaires l'Espagne et beaucoup de rois, 
I Mach., vin, 2, 4, imposèrent un lourd tribut à An- 
tiochus III le Grand. I Mach., vm, 7. Voir Antiochus 
III, t. i, col. 691. Antiochus IV Épiphane, qui avait un 
fort tribut à payer aux Romains, envoya à Jérusalem et 
dans les villes de Judée un collecteur d'impôts qui 
exerça toutes sortes de déprédations et de violences. 
I Mach., i, 30-34. Comme ensuite les troubles suscités 
dans le pays faisaient baisser considérablement le 
produit des tributs, le roi résolut de se rendre en Perse, 
afin d'y recueillir des ressources plus abondantes. 
I Mach., m, 29-31. Pendant ce temps, un de ses géné- 
raux, Nicanor, se flattait d'amasser le montant du tri- 
but de 2000 talents (17 000000 fr.) dû aux Romains, en 
faisant campagne contre les Juifs et en vendant les 
nombreux captifs qu'il ferait, à raison de 90 pour un- 
talent (8500 fr.). Mais il fut honteusement défait et 
les mille marchands qu'il avait convoqués pour leur 
vendre des Juifs durent s'en retourner comme ils 
étaient venus. II Mach., vm, 10, 11, 34-36. Démétrius I«% 
afin de s'attacher les Juifs, les déchargea des tributs 
et de diverses autres redevances. I Mach., x, 29,31, 33; 
xi, 35; xui, 39. On sait parAristote, Œconom., n, 1, i r 
édit. Didot, t. I, p. 639, que les Séleucides exigeaient, 
dans les pays de leur dépendance, des redevances « de 
la terre, des produits du sol, du commerce, des douanes, 
des troupeaux et d'autres choses. » Parmi ces autres 
choses est mentionnée une capitation, ÈTtixqjiî.aiov,. 
à laquelle Josèphe, Ant. jud., XIII, n, 3, fait allusion, 
iiiïp xeçaXïiç êxâ<7T7)ç, et qui fut comprise dans la 
décharge que Démétrius accorda aux Juifs. I Mach., 
x, 29. Antiochus VII Sidètes réclama plus tard à Simon 
les tributs arriérés. Une victoire, remportée par les 
fils de Simon sur le général syrien Cendébée, régla 1» 
question. I Mach., XV, 30, 31; xvi, 8. 

5° Sous Rérode. — Rien qu'Hérode le Grand fût 
sous la dépendance assez étroite de Rome, il ne paraît 
pas qu'il ait été tributaire régulier des Romains. Sans 
doute, Pompée avait levé un tribut sur la Judée,. 
Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 4; Bell, jud., I, vil, 6; 
César avait réglementé le tribut juif par une séria 
d'édits, Ant. jud., XIV, x, 5, et Antoine avait exigé un 
tribut d'Hérode lui-même, au moment de sa promo- 
tion à la dignité royale. Cf. Appien, Bell, av., v, 75. 
Mais, à l'époque d'Auguste, il n'est plus question d'au- 
cun tribut. On l'infère de ce fait que Josèphe, si bien 
informé de l'histoire d'Hérode, ne fait allusion à aucun 
paiement de tribut. Tout au contraire, il présente celui 
qui fut établi en l'an 7 après J.-C. comme une inno- 
vation et une charge inouïe pour les Juifs. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., II, vm, 1; xvn, 8; Schûrer, Geschichte des 
jûd. Volkes, t. i, p. 530-533. A la mort d'Hérode, les 
Juifs réclamèrent vivement une diminution des impôts 



2317 



TRIBUT — TRISTESSE 



2318 



levés par ce prince, mais ils ne firent aucune mention 
d'un tribut romain. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 2. 
• 6° Sous les procurateurs. — Le recensement de 
Cyrinus eut pour but de préparer l'administration 
directe de la Judée par les Romains. Il fallait, entre 
autres mesures, déterminer le chiffre des impôts et 
des tributs. Voir Cyrinus, t. n, col. 1189. Le cens 
romain, imposé aux provinces, comprenait deux impôts 
directs : le tributum soli ou agri, qui se payait soit 
en nature, soit en argent, et le tributum capitis ou 
tribut par tête. Cf. Digest., L, 15, 8, 7 ; Appien, Libyca, 
135; Dion Cassius, lxii, 3; Tertullien, Apologet., 13, 
t; i, col. 346. En Syrie, ce dernier tribut pesait égale- 
ment sur les femmes et sur les esclaves. Les hommes 
y étaient obligés à partir de 14- ans, les femmes à 
partir de 12, et tous jusqu'à l'âge de 65 ans. Cf. Digest., 
L, xv, 3. La perception de ces tributs se faisait par les 
publicains. Voir Publicains, t, v, col. 858. Le montant 
s'en ajoutait aux autres redevances auxquelles les Juifs 
étaient assujettis. Voir Capitation , t. n, col. 213; Cens, 
col.422; Dîme, col. 1431; Impôts, t. m, col. 851. - 
Dans le Nouveau Testament, il. est fait quelques allu- 
sions aux tributs. Ils sont payés aux rois, non par leurs 
fils, mais par des étrangers. Matth., xvn, 24, 25. Le 
Sauveur, interrogé par des pharisiens et des hérodiens, 
leur déclara que le tribut devait être payé à César, 
dont la monnaie circulait parmi eux. Marc, xn, 14 ; 
Luc, xx, 22. Cette déclaration formelle n'empêcha pas 
les membres du sanhédrin de l'accuser devant Pilate 
de défendre le paiement des tributs à César. Le pro- 
curateur ne tint aucun compte de cette accusation. 
Luc, xxnr, 2. — Saint Paul, recommandant la sou- 
mission aux puissances établies, veut qu'on s'acquitte 
envers elles de ce qui leur est dû, <p<5poç. tributum, et 
téXoc, vectigal. Rom., xm, 1-7. Le premier terme 
désigne les tributs. Le mot T éXo; s'applique aux droits 
de douane et aux autres droits analogues, et le mot 
vectigal à la fois aux tributs et aux impôts en général. 

H. Lesêtre. 
TRICLINIUM, mot qui désigne littéralement une 
table où, pour manger, les convives s'asseyaient sur 
trois lits. Voir Architriclinus, t. i, fig. 248, col. 935. 
LaVulgate emploie trois fois le mot triclinium, I Reg. 
(Sam.), ix, 22, pour rendre liëkdfâh, in conclave, où 
Samuel donne un repas au jeune Saùl; IV Reg., xi, 
2, pour traduire frâdar ham-mittôt, « chambre des 
lits, gynécée », etEsther, n, 13, pour désigner le palais 
où vivaient les jeunes filles qui, comme Esther, avaient 
été choisies pour devenir les femmes du roi de Perse. 
Le mot triclinium n'est doncjamais employé dans son 
sens propre dans notre version latine. 

TRIPOLI (grec : TptitoXi;)> ville de Phénicie, au- 
jourd'hui Taraboulous. Elle est située sur la côte de 
Syrie, au nord de Sidon, entre Byblos et Aradus, au 
pied de la partie la plus haute de la chaîne du Liban, 
dans un pays très fertile, qui ressemble à un jardin 
fruitier (fig. 523). Elle avait reçu le nom de Tripoli 
ou « les trois villes », parce qu'elle était composée de 
trois colonies distinctes, des villes de Sidon, de Tyr et 
d'Aradus. L'Ecriture la mentionne une fois, à l'époque 
des Machabées. C'est au port de Tripoli que le roi de 
Syrie. Démétrius I er , fils de Séleucus IV, s'embarqua, 
II Mach., xiv, 1, probablement pour aller débarquer 
à Séleucie, à l'embouchure de l'Oronte, et atteindre par 
là Antioche, lorsqu'il s'échappa de Rome, où il était 
otage, afin de s'efforcer de recouvrer le trône de ses 
pères. Voir Démétrius I", t. n, col. 1358. Cf. Le Camus, 
Notre voyage aux pays bibliques, 1890, t. m, p. 1-8. 

TRIREME (grec : tp^pin;), navire à trois rangs de 
rames. II Mach., iv, 20. Voir Navire, I, 6°, t. rv, 
col. 1504. 



TRISTESSE (hébreu : mar', roa' ; Septante : lim), 
mxpc'a, xovYipi'a ; Vulgate : tristitia, amaritudo), senti- 
ment pénible que le malheur fait naître dans l'âme. — 
La Sainte Écriture signale la tristesse des officiers du 
pharaon dans leur prison, Gen., XL, 6, de Job accablé 
par les épreuves, Job, vu, 11 ; x, 1, des parents de 
Tobie encore sans descendance, Tob., vi, 5, d'Esdras et 
de Néhemie, à la pensée des prévarications et des 
maux du peuple, I Esd., ix, 4; II Esd., h, 2, du Psal- 
miste malheureux, Ps. xlii (xli), 6, 12 ; Ps. xlih (xlii), 
2, 5, des Juifs persécutés, Esth., îx, 22, d'Antiochus 
Épiphane contrarié dans ses projets, I Mach., vi, 4-13, 
du riche auquel le Sauveur parle de renoncer à ses 
biens, Matth., xix, 22; Marc, xiv, 34, des apôtres et 
des disciples à cause des événements qui terminent la 
vie de leur Maître, Luc, xxh, 45; xxiv, 17 ; Joa., xvi, 
6, 20-22, de Notre-Segineur lui-même dontl'àme devient 




Echelle 



523. — Tripoli de Phénicie et ses environs. 

« triste jusqu'à la mort », Matth., xxvi, 38 ; Marc, xiv, 
34, de saint Paul à la pensée de ses compatriotes, 
Rom., ix, 2, et à la suite de diverses épreuves, II Cor., 
n, 1-3; Phil., ii, 27, 28 ; etc. — La tristesse est causée 
par des propos suspects, Prov., xxv, 23, par une mé- 
chante femme, Eccli., xxv, 31, par le cœur pervers, 
Eccli.,xxxvi, 22, par l'abandon d'un ami, Eccli., xxxvii, 
2; etc. Les Juifs infidèles trouvaient triste le service 
de Jéhovah. Mal., m, 14. Les pharisiens se composaient 
un visage triste quand ils jeûnaient. Matth., vi, 16. 
L'Ecclésiasté, vu, 3, dit que « mieux vaut la tristesse 
que le rire, parce que le cœur peut être content malgré 
un visage triste. » D'après les versions, « mieux vaut 
la colère que le rire, car la tristesse du visage peut 
améliorer le cœur, » à quoi la Vulgate ajoute « du 
délinquant ». 11 est recommandé de ne pas trop se 
laisser aller à la tristesse, Eccli., xxx, 22, 24, même 
après un deuil. Eccli., xxxviii, 17-20. Il faut donner 
sans causer de tristesseà celui qui reçoit, Eccli., xvm, 
15, mais avec joie. II Cor., ix, 7. Il y a une tristesse 
selon Dieu et une tristesse selon le monde. II Cor., vil, 
10. Le chrétien doit vivre comme triste, mais toujours 
joyeux, c'est-à-dire avec la joie qui vient de Dieu et en 
renonçant à celle qui vient du monde. II Cor., vi, 10. 
Saint Jacques, v, 13, assigne, comme remède à la tris- 
tesse, la prière. 

H. Lesêtre. 



2319 



TROADE 



2320 



TROADE (Nouveau Testament : Tpwâç), ville d'Asie 
lineure (flg. 524), port de mer sur la côte nord-ouest 




524. — Monnaie de Troade. 

Troade tonrelée. COL.AV.TROA. — ïj. COL • A.VG • TRO. 

Cheval broutant. 

de la Mysie, vis-à-vis de la petite lie de Ténédos, non 
loin des lieux où s'éleva l'ancienne Troie ou Ilion. 
Voir Mvsœ, carte, t. iv, fig. 388, col. 4368. 



beaucoup de bienveillance, en la considérant comme 
l'héritière de Troie, d'où, selon la légende célébrée par 
Virgile, elle tirait elle-même son origine. D'après 
Suétone, Cses., 79, Jules César aurait imaginé d'en 
faire le siège de l'-empire et Auguste caressa peut-être 
quelque idée semblable. Cf. Horace, Carm., m, 3, 57. 
Quoi qu'il en soit, Auguste en fit une colonie romaine, 
sous le nom de Colonia Augusta Alexandria Troas; 
elle jouit du jus italicum avec les privilèges qui y 
étaient attachés, imniunitas et libertas, affranchisse- 
ment de divers impôts et indépendance du gouver- 
neur de la province, de sorte qu'elle fut gouvernée par 
ses propres magistrats, deux duoviri et un sénat de 
decuriones. Elle était divisée en dix vici et ses citoyens 
faisaient partie de la tribu Aniensis. Rubitschek, lmp. 
rom. tribut, descript., p. 247. Grâce à ses faveurs et à 
sa situation, elle devint une des villes les plus floris- 
santes de la province d'Asie. Son port fut le centre des 




525. — Ruines de Troade. D'après Choiseul-Gouffler, Voyage pittoresque dans l'empire ottoman, Atlas, in-f, 1842, pi. 39. 



I. Elle fut bâtie après la mort d'Alexandre le Grand, 
par un de ses généraux qui était devenu maître du 
pays, Antigone. Il lui donna le nom d'Antigonia Troas 
et la peupla au moyen des populations voisines. 
Quelques années après, en 300 avant J.-C, Lysimaque 
embellit la ville et l'appela 'AXsÇivêpeia i\ Tpoiâr, 
Strabon, XIII, i, 26; Pline H. N., v, 33. Le Nouveau 
Testament la désigne toujours sous le nom de Troas 
tout court. Elle passa sous la domination des rois 
séleucides de Syrie; quelques-unes des monnaies 
d'Antiochus II Théos (261-246 avant J.-C.) furent frap- 
pées à Troade. Elle fut indépendante pendant un cer- 
tain temps ou jouit au moins d'une certaine liberté, 
puisqu'elle battit monnaie de 164 à 65 environ avant 
J.-C. Plusieurs tétradrachmes de cette époque portent 
le nom AAEEANAPEQN avec la tête et le nom 
d'Apollon Sminthéen. Elle passa, en 133 avant notre 
ère, sous la domination de Rome, qui la traita avec 



communications entre l'Asie et la Macédoine. Act., xvi, 
8; xx, 5; II Cor., il, 12. Elle continua à hanter l'imagi- 
nation romaine pendant les premiers siècles de notre 
ère. Quand Constantin voulut transférer en Orient la 
capitale de l'Empire, il pensa à l'établira Troade, avant 
de choisir Byzance-Constantinople. Zoiime, Hist., n, 30, 
édit. de Bonn, 1837, p. 95; Zonaras, Annal., XIII, 3, 
t. cxxxiv, col. 1105. Encore aujourd'hui, les ruines de 
Troade portent le nom de Eski-Stambûl ou Vieille- 
Constantinople.Ses restes sont considérables (fig. 525). 
II. Troade était dans tout son éclat quand saint Paul y 
arriva pour la première fois, pendant son second voyage 
de missions. — 1° C'est là qu'il eut la vision qui le dé- 
termina à aller prêcher en Macédoine et à commencer 
ainsi l'évangélisation de l'Europe, Act., xvi, 8-10, qui 
devait être si féconde. Il s'embarqua donc pour la 
Macédoine et prêcha bientôt après à Philippes et à 
Thessalonique. — 2" L'Apôtre passa de nouveau à 



2321 



TROADE 



TROMPETTE 



2322 



Troade en se rendant d'Éphèse en Macédoine. II Cor., 
n,12-13. Il voulait évangéliser les habitants de la ville et 
y retrouver Tite, mais son disciple n'étant pas venu, il 
partit pour la Macédoine. — 3° Après avoir visité la 
Grèce, il revint en Macédoine et se dirigea de là vers 
Troade. Quelques-uns de ses compagnons l'y précé- 
dèrent. Act., xx, 1-5. Il y avait déjà une chrétienté 
dans cette ville. L'Apôtre y passa une semaine. Il devait 
en repartir le lundi. Le dimanche soir, pendant qu'on 
était réuni pour la célébration des saints mystères, il 
adressa la parole aux fidèles et continua son discours 
jusqu'au milieu de la nuit. Un jeune homme nommé 
Eutyque s'endormit sur une fenêtre, tomba du troi- 
sième étage et se tua. Paul le ressuscita, continua son 
discours jusqu'à l'aube et se mit alors en route pour 
Assos. Act., xx, 6-13. Voir Eutyque, t. n, col. 2057. — 
4° Dans un de ses passages à Troade, saint Paul y avait 
laissé, chez Carpus, voir t. n, col. 311, un manteau à 
capuchon, pœnula, voir Manteau, t. iv, col. 665, 9°, 
des livres et des parchemins. Voir Parchemin, t. iv, 
col. 2161. Pendant sa captivité à Rome, l'Apôtre écrivit 
à Timothéede lui rapporter ces objets de Troade, en ve- 
nant le visiter. II Tim., rv, 13. 

TROGLODYTES (hébreu : Sukkiyîm; Septante : 
TpcoYo8iJTai; Alexandrinus : TpwyXoSO-ai), peuplade 
ou tribu qui faisait partie, avec les Libyens et les 
Éthiopiens, de l'armée de Sésac, quand ce pharaon 
envahit la Palestine. II Par., xn, 3. Voir Sésac, 
col. 1679. Les Sukkiyîm, d'après la signification de 
leur nom, n'étaient pas des Troglodytes, c'est-à-dire des 
habitants de cavernes, comme l'ont traduit les Septante 
et la Vulgate, mais probablement des Scénites ou 
nomades habitant sous la tente, comme leur nom 
l'indique. Les anciennes versions en ont fait des 
Troglodytes, peut-être parce que Pline, H.N., VI, xxxiv, 
4, mentionne une ville (oppidum) appelée Suche parmi 
les possessions troglodytes. Cf. to Soû^ou t'8p-jp.a, Stra- 
bon, XVI, iv, 8. Gesenius, Thésaurus, p. 153, croit que 
Sukkiyîm est un mot hébreu qu'on ne peut expliquer 
que par in tentoriis viventes. Parmi les modernes, 
Kautzsch, daris Riehm, Handwôrterbuch des bibl. 
Alterthums, t. n, 1884, p. 1577, ainsi que Dillmann, 
dans Schenkel, Bibel-Lexicon, t. I, 1869, p. 288, sont 
portés à l'identifier avec Suakin, sur la mer Rouge, 
et en font une peuplade éthiopienne, ibid., t. v, 
p. 429. Cf. Calwer Bibellexicon, 1885, p. 911. Le Bibel- 
■wôrterbuch de H. Guthe, 1893, p. 645, prétend que les 
Sukkiyîm sont les habitants de Succoth (Téku), près 
de Phithom. L'identification des Sukkiyîm est donc 
obscure et incertaine. — Quoi qu'il en soit de ces auxi- 
liaires de Sésac, l'Écriture parle ailleurs de véritables 
Troglodytes qu'elle appelle Horî, Gen., xiv, 6; xxxvl, 
20-30; Deut., n, 12, 22. Cf. I Par., I, 38-42. Cf. aussi 
Job, xxx, 6. Voir Horréen, t. m, col. 757. Cf. F. Vigou- 
roux, La sainte Bible polyglotte, t. m, 1902, p. 833. 

TROGYLE (TpwyjXXtov ou TpojfjXiov, Trogilium), 
promontoire rocheux situé à l'extrémité occidentale du 
mont Mycale, sur la côte ionienne de l'Asie 'Mineure, 
entre Éphèse au nord et Milet au sud, en face de l'Ile 
de Samos, dont il n'est séparé que par un canal long 
et étroit. Voir Ptolémée, V, II, 6; Strabon, XIV, 1, 13; 
Pline, H. N., v, 31. Il est mentionné Act., xx, 15, dans 
un certain nombre de manuscrits grecs (D, H, L, 
M, etc.), où, après les mots Etç 2ip.ov, on lit : xat y.zi- 
vzvTE? îv TpMyuXiu °u TpwyuXXîw, « étant demeurés 
(c'est-à-dire nous étant arrêtés) à Trogyle ». Le Textus 
receptus a adopté cette leçon, qu'on trouve aussi dans 
les deux versions syriaques, le sahidique, l'arabe, le slave, 
dans saint Chrysostome, In Act., hom. xliii, 1, t. lx, 
col. 304, dans Œcumenius, In Act., xx, 15, t. cxxviii, 
col. 256, etc. Mais elle est omise par les manuscrits les 



plus importants, entre autres par x, A, B, C, E 2 , et éga- 
lement par la Vulgate, l'éthiopien, l'araméen, le copte, 
saint Jérôme, etc. Il est probable, comme le dit Ti- 
schendorf, Novum Testant.' grsece, 8 e édit., Leipzig, t. n, 
1872, p. 179, que c'est là une interpolation, mais très 
ancienne, basée sans doute sur une tradition histo- 
rique certaine. Divers exégètes, notamment Felten, Die 
Apostelgeschichte ûbersetzt und erklàrt, in-8°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1892, p. 376, et Belser, Beitrâge zur 
Erklârung der Apostelgeschichte, in-8°, Fribourg-en- 
Brisgau, 1897, p. 115, l'adoptent comme authentique. 
Ce trait n'a rien que de très vraisemblable en lui-même. 
Saint Paul se rendait alors par mer à Jérusalem, peu 
de temps avant son arrestation dans cette ville. Le ba- 
teau sur lequel il s'était embarqué, et qui naviguait 
entre la rive asiatique et les îles voisines, put fort bien 
être obligé de faire escale à Trogyle, soit que la nuit l'y 
ait surpris, soit que le vent ait cessé tout à coup. 
Cf. Ramsay, St. Paul the Traveller, in-8", 5 e édit., 
Londres, 1900, p. 292, 294. La navigation est très 
compliquée dans ces parages. Non loin de la pointe 
extrême du promontoire, existe un ancrage appelé 
aujourd'hui « Port de saint Paul ». Voir Samos, 
col. 1432; Milet, carte, n. 284, t. iv, col. 1086. 

L. Fillion. 
TROIS. Voir Nombre, vu, 30, t. iv, col. 1688. 

TROIS TAVERNES, Act., xxvm, 15. Voir Ta- 
vernes (Trois), col. 2016. 

TROMM (TROMMIUS) Abraham, savant hollan- 
dais, né le 23 août 1633, mort le 29 mai 1719. Il fut 
pasteur à Harlem et à Groningue. On a de lui Concor- 
dantise grsecx versionis vulgo dictée LXX interpre- 
tum, 2 in-f», Ulrecht, 1718. Voir Concordances de 
la Bible, t. n, col. 901-902. Il avait publié auparavant 
une concordance pour la traduction flamande de l'An- 
cien et du Nouveau Testament, Amsterdam, 1685-1692. 

TROMPETTE (hébreu : Sôfâr, hâsôsërdh ; Sep- 
tante : xepait'vTi, crâXiciy?; Vulgate : buccina, tuba), 
instrument à vent, formé d'un tube auquel on fait 
produire des sons au moyen de l'air insufflé. 

I. Description de la trompette. — La trompette la 
plus primitive, faite d'une corne d'animal, est désignée 
dans la Bible par les noms de qérén, « corne », voir 
Corne, 2, t. h, col. 1010; et de Sôfâr, son synonyme, 
avec lequel il s'échange souvent. Jos., vi, 5, 8. Les 
Septante traduisent Sôfâr et qérén par xepari'y/) et 
oiimyZ, sans distinction. Josèphe emploie xépocç. 
Ant. jud.,vi, 5. Cette trompette de corne est antérieure 
à la trompette de métal, que l'Écriture mentionne à 
partir de l'Exode, sons le nom de hâsôsërdh, aakm-f!;, 
tuba. L'étymologie du terme hébreu est incertaine : 
"lîin, « résonner » ; ou bien « étroit » ; yn, « diviser » (les 
sons). Voir Musique, t. iv, col. 1348. Cf.^ôï-, «tailler, 
diviser»; y^a^*., « rassembler ». Cette trompette est le 
seul instrument musical dont s'occupe Moïse. Les 
autres instruments furent introduits par David dans le 
service divin; mais la trompette resta le seul instru- 
ment sacré proprement dit, et, conformément à son 
institution, l'usage en fut exclusivement réservé aux 
prêtres. Nam., x, 2-9. Jouer de la trompette se disait 
tdqa' êôfdr, Jer., vi,l,et tâqa' besôfâr, I Sam., xm, 3; 
Is., xxvn, 10. MâSaq qérén, « tirer, prolonger le son de 
la corne », Jos., VI, 5; Ose., v, 8. Tèqa' est le « son » 
de la trompette, Ps. cl, 3 ; et taqô'a, la « trompette » 
elle-même. Ezech., vu, 14. Par opposition, les sons 
discontinus sont appelés (ërû'dh, « bruit, cri »; spécia- 
lement les sons bruyants de la trompette, répétés comme 
des cris. Num., xxix, 1; II Sam., VI, 15; Nam., x, 9. 
On dit qôl sôfâr, le son, la « voix » de la trompette, 



2323 



TROMPETTE 



2324 



Exod., xix, 16; Ps. lxxxviii (lxxxvii), 6; II Sam., vi, 
16. Les joueurs de trompettes sont les mahseserim 
[mafrsôsërtm). I Par., xv, 24; II Par., v, 13. 

Le texte cité des Nombres suppose un instrument 
connu, sinon le législateur en décrirait la forme, les 
dimensions, la matière, comme il le fait pour les autres 
objets du mobilier sacré; la trompette du tabernacle 
doit être l'instrument qui figure sur les monuments 
égyptiens. D'ailleurs, les Hébreux emportaient d'Egypte 
des vases et objets de métal précieux. Exod., xn, 35. 
De plus, il est vraisemblable que. l'Assyrie fut aussi 
tributaire de l'Egypte pour la trompette, alors que les 
Grecs, puis les Romains, la reçurentdes Pélasges Tyrrhé- 
niens, qui la tenaient des mêmes Égyptiens. 

Au surplus, la description que donne Josèphe de la 
trompette du Temple est pleinement confirmée par les 
représentations monumentales. « La trompette, appelée 
àffiicrpa, est une trompette droite de forme cylindrique, 
en métal, longue de moins d'une coudée (la coudée 
commune en Asie Mineure était de m 49; la coudée 
égyptienne avait m 52 et la coudée grecque, m 44. Voir 
Coudée, t. n, col. 1062). Son diamètre était à peu près 
celui d'une grosse flûte syringe. Elle était munie d'une 
embouchure et terminée par un pavillon, zwSmva, plus 



«K-Sr'WtWP'i'ssia 1 




526. — Trompette égyptienne. Musée du Louvre. 

ou moins évasé. » Ant. jud., III, xi, 6. Les trompettes 
égyptiennes sont généralement courtes, comme l'est 
encore la trompette abyssinienne. Il en est figuré de 
semblables sur les monnaies des Machabées et des 
Hérodes. Toutefois, les trompettes de l'arc de Titus sont 
deux tubes coniques allongés. Il y eut des trompettes 
métalliques recourbées; enfin on possède des représen- 
tations de trompettes droites dont le tuyau est renflé à 
son milieu. Mais les types de fabrication ont peu changé . 
Entre les spécimens égyptiens et assyriens, les diffé- 
rences sont peu considérables. Cependant, en variant 
la matière et les dimensions de leurs trompettes, les 
Grecs obtinrent une famille d'instruments presque aussi 
étendue que celle des flûtes. Voir Flûte, t. n, col. 2292. 

La matière de ces instruments était le cuivre, le 
bronze ou l'argent. Les deux trompettes mosaïques 
furent faites d'argent massif, battu au marteau, qéséf 
miqêâh, Num., x, 2; cf. II (IV) Reg., xn, 14 (13), soit 
par honneur pour le service sacré, soit pour obtenir 
une plus belle sonorité. On ne peut déterminer si les 
trompettes employées hors du culte liturgique, par 
exemple dans Osée, v, 8, étaient de cuivre, à la façon 
de celles des Égyptiens et des Assyriens. Le métal était 
réduit en lames et travaillé au marteau, suivant un 
procédé de fabrication encore appliqué en Europe, au 
moyen âge. 

La trompette égyptienne du Musée du Louvre (fig. 526) 
est peut-être le seul spécimen conservé en Europe. Elle 
est en bronze doré et mesure m 54, deux centimètres 
seulement de plus que la coudée égyptienne. Eprouvée 
par V. Loret, L'Egypte au temps des Pharaons, Paris, 
1889, p. 137, 138, cette trompette a donné la série d'har- 
moniques : 

8> 



■3&z 



ts~ 



Dépourvues de clefs et de soupapes, les trompettes 
anciennes, forcément incomplètes au point de vue 
mélodique, ne pouvaient avoir dans le concert instru- 
mental le même usage que les flûtes et haubois, et 
surtout que les instruments à cordes, dont les séries de 
sons pouvaient être complètes pour chacune des diverses 
gammes ou modes musicaux. C'est pourquoi, en dehors 
de son emploi comme signal, nous voyons que la trom- 
pette se joint aux instruments de percussion (fig. 527). 
I Esd., m, 10. Voir I Par., xvi, 42. Elle concerte aussi 
avec le Sôfâr. Ps. xcvm (xcvn), 6; Ose., v, 8. Dans la 
fête du transport de l'Arche, les trompettes, les cymbales 
et les tambourins figurent avec les harpes, les nables 
et le chœur des chanteurs. I Par., xm, 8; xv, 24, 28. 
Banaïas et Jaziel, prêtres, sont investis de la fonction 
de joueurs de trompettes devant l'Arche. I Par., xvi, 6. 




527. — Trompette et tambour égyptiens. 
D'après Wilkinson, Manners, 1. 1, p. 456, fig. 224. 

II. Usage de la trompette dans la Bible. — Les 
trompettes du Tabernacle sont destinées à convoquer 
le peuple, Num., x, 2, à annoncer les néoménies, les 
fêtes, jr. 10. Ce sont les fils d'Aaron, les prêtres, qui 
sonnent de la trompette dans les cérémonies religieuses. 
Num.,x, 8. Cf. I Par., xv, 24, 28; xvi,6; II Par., vu, 6; 
xm, 14; II Par., xxix, 28 ;I Esd., m, 10; II Esd., xn, 41. 
La trompette sert aussi pour annoncer la guerre, Num., 
x, 9; Ezech., vu, 14; I Mach., iv, 40; v, 31, 34; xvi, 8 ; 
Ose., v, 8; mais ce sont les prêtres qui la font entendre. 
Num., xxxi, 6. On la trouve dans les solennités, par 
exemple au couronnement de Joas. II (IV) Reg., il, 14; 
II Par., xxiii, 13. Comme instrument sacerdotal, la 
trompette faisait partie du mobilier sacré. Il(IV)Reg., 
su, 14; II Par., xm, 12; xxix, 26; I Esd., m, 10. Même 
après l'introduction des instruments de musique dans 
la liturgie hébraïque, la trompette conserva son emploi 
sacré. Elle accompagnait l'offrande des sacrifices, 
Num., x, 10, à part des chants et du jeu des autres 
instruments. Dans le second temple, les deux prêtres 
trompettes se tenaient, avec les joueurs de cymbales, 
à droite et à gauche de l'autel des holocaustes, à dis- 
tance des chanteurs. Leur sonnerie n'accompagnait pas 
le chant, mais pouvait seulement, comme les instru- 
ments de percussion, précéder, couper ou suivre l'exé- 
cution des cantiques anciens, tels que ceux de l'Exode 
et du Deutéronome. Les trompettes avaient en outre un 
rôle semblable à celui de nos cloches d'église. On s'en 
servait dans le second temple pour annoncer chaque 
matin l'ouverture des portes, par une triple sonnerie, 



2325 



TROMPETTE — TROMPETTES (FÊTE DES) 



2326 



qui appelait les lévites et les serviteurs à leur office et 
avertissait le peuple. On annonçait de même, le ven- 
dredi, l'ouverture du sabbat, et les sacrifices du matin ' 
et du soir étaient accompagnés de neuf sonneries. 
J. Weiss, Die musikalischen Instrumente in den 
H. Schrifien, Graz, 1895, p. 97-98. 

La trompette de corne, ou sôfâr, est employée comme 
un signal ou un appel. I Sam., xm, 3; Is., xxvn, 13. 
Elle annonce les néoménies, Ps. lxxxi (lxxx), 4 ; les 
fêtes, Ps. xlvii (xlvi), 6; xcvm (xcvn), 6, cl, 3, le 
sacre de Salomon, I (III) Reg., i, 39, le jubilé, Levit., 
xxv, 9. Elle sert aussi à la guerre. Jud., m, 27 ; Jer., 
VI, 1 ; Isaïe, xvm, 3 ; Job, xxxix, 24, 25. Ce sont encore 
sept trompettes de corne, Sôfërôt hay-yôbèlîm, voir 
Corne, t. n, col. 1011, que les prêtres font entendre 
autour des murs de Jéricho, Jos., vi, 4-9, et que 
Gédéon met aux mains de ses soldats. Jud., vm, 8. 
Enfin un son de trompette très puissant, qôl Sôfâr hâ- 
zâq më'ôd, se fait entendre au milieu du tonnerre et 
des éclairs, au moment de la promulgation de la Loi. 
Exod., xix, 16. 

Le Sôfâr est le seul instrument ancien dont les Juifs 
aient conservé l'usage, dans l'enceinte des synagogues, 
aux deux fêtes du Premier de l'an et du Grand Par- 
don, suivant le précepte du Lévitique, xxv, 9 [Sôfâr), 
et xxm, 24 (terû'âh). On le sonne de trois manières. 
La première sonnerie, appelée (eqî'âh, donne un son 
prolongé, formé de la fondamentale suivie de sa quinte 
supérieure : 



=f=t 



3= 



ou encore de la quinte, puis de l'octave : 

p. cresc. ff. 

_Q_C£ 



Hli 



^^= 



La seconde sonnerie, ou (erâ'dh, qui alterne avec la 
précédente, donne les deux premiers intervalles plu- 
sieurs fois « répétés » : 



fenT^^TT^ 



. Enfin, la dernière, dite êëbârîm, <n brisements », e st 
un trille du son fondamental, terminé par sa quinte : 




D'après S. Naumbourg, Agadat Schirim, Recueil de 
chants religieux et populaires des Israélites, Paris, 
1874, p. vi. Or, la formule musicale très simple de 
cette sonnerie de trompette, analysée suivant les prin- 
cipes de la musique orientale, appartient à un mode 
mineur, et représente sous cette forme le noyau mélo- 
dique sur lequel a été modulé l'hymne hébraïque de 
la fête du Premier de l'an, 'Adonaî bëqôl Sôfâr, l'un 
des plus beaux du répertoire ancien de la synagogue 
orientale de Damas. Voir Musique, t. iv, col. 1356. 

J. Parisot. 

TROMPETTES (FÊTE DES) (hébreu: zikrôn ou 
yôm (erû'dh; Seplante : (j.vr,(id<ruvov <ra).ii!YYwv ï|(jtipa 
«rripairi'at ; Vulgate : memoriale clangentibus tubis, 
dies , clangoris et tubarum), une des fêtes des Juifs. 

1° Les prescriptions légales. — Cette fête se célébrait 
le premier jour du mois de tiSri (septembre-octobre), 
qui était le septième mois de l'année religieuse. Ce 
jour devait être marqué par un repos solennel, un 



rappel au son de la trompette, une assemblée sainte, 
l'abstention des œuvres serviles et l'offrande de sacri- 
fices particuliers. La sonnerie de trompettes était la 
caractéristique de cette fête, appelée pour cette raison 
zikrôn terû'âh, c< mémorial de retentissement », Lev., 
xxm, 24, 25, et, yôm terû'âh, « jour de retentisse- 
ment ». On offrait en holocauste un jeune taureau, un 
bélier et sept agneaux d'un an, accompagnés chacun 
d'une offrande de fleur de farine pétrie à l'huile, 3/10 
d'éphi (11 1. 65) pour le taureau, 2/10 (7 1. 77) pour 
le bélier et 1/10 (3 1. 88) pour chaque agneau. On ajou- 
tait un bouc en sacrifice pour le péché. Num., xxix, 
1-6. Comme ce même jour était la néoménie du mois 
de tiSri, voir Néoménie, t. iv, col. 1588, les sacrifices 
de la fête s'ajoutaient à ceux de la néoménie et au 
sacrifice perpétuel. Cf. I Esd., m, 6; II Esd., vm, 1. — 
Il convenait que le premier jour de tiSri fût consacré à 
Jéhovah d'une manière plus solennelle et plus complète 
encore que le premier jour de chaque mois. Ce mois, 
en effet, était particulièrement remarquable au point 
de vue religieux, puisque la fête de l'Expiation se célé- 
brait le dixième jour, et qu'à partir du quinzième on 
solennisait pendant sept jours celle des Tabernacles, 
Lev., xxm, 27, 34. Le son des trompettes représentait 
la voix de Dieu, qui appelait son peuple à lui rendre 
hommage et à le servir. Cf. Exod., xix, 16, 19; Is., 
LVHl, 1; Ose., vm, 1; Jo., Il, 1. La fête est appelée 
zikrôn, « mémorial, rappel », sans doute pour une 
raison qui est indiquée à propos de la guerre : « Vous 
sonnerez des trompettes avec éclat, et vous serez rap- 
pelés au souvenir de Jéhovah, votre Dieu, et vous serez 
délivrés de vos ennemis. » Num., x, 9. Il y avait donc 
là un signal spécialement destiné à faire souvenir le 
peuple que Jéhovah serait toujours son protecteur, à con- 
dition qu'on se rappelât qu'il fallait lui obéir. Mais sur- 
touttiSri étaitle septième mois del'année religieuse, par 
conséquent le mois sabbatique, et à ce titre il méritait 
d'être inauguré plus solennellement que les autres. Il 
marquait également le début des années sabbatiques et 
jubilaires. Lev., xxv, 4, 9. Soa importance était donc 
considérable à divers points de vue. Les sacrifices qu'on 
offrait à la fête des Trompettes étaient les mêmes qu'aux 
autres fêtes. Num., xxvm, 11-30. Leur signification ne 
présentait donc rien de spécial. Cf. Bâhr, Symbolik 
des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. u, p. 567, 
592-601. 

2° Les coutumes juives. — Elles sont consignées 
dans le traité Rosch haschana de la Mischna. Comme 
les néoménies ordinaires, la fête se célébrait durant 
deux jours, à cause de la difficulté de déterminer à 
temps la date de la néoménie pour toute la Palestine. 
Voir t. iv, col. 1591. Mais le second jour de la fête était 
aussi saint que le premier. Schabbath, xix, 5. On 
apportait un soin spécial à la détermination de la néo- 
ménie de tischri, à cause des fêtes qui dépendaient de 
cette date. Néanmoins on s'arrangeait de manière 
qu'elle ne tombât pas le premier, le quatrième ni le 
sixième jour de la semaine. On ne voulait pas que la 
fête de l'Expiation tombât le premier, le troisième ni 
le sixième jour de la semaine. Cf. Reland, Antiquitates 
sacrx, Utrecht, 1741, p. 247. Pour empêcher que le 
dixième jour du mois fût un samedi, un lundi ou un 
jeudi, il fallait éviter que le premier fût lui-même un 
jeudi, un samedi ou un mardi. On se servait pour cette 
fête du Sôfâr, ou corne de bélier, tandis qu'aux autres 
néoménies et à la fête de l'Expiation on employait la 
hâsosrâh. Voir Trompette, col. 2322. On sonnait de la 
trompette du matin au soir ; mais si la fête tombait le 
jour du sabbat, quand on n'avait pu faire autrement, 
on ne sonnait qu'à Jérusalem. Rosch haschana, IV, 1. 
— Nulle part, dans la Bible, le premier jour de tisri 
n'est considéré comme le commencement de l'année. 
Celle-ci commençait en nisdn. Exod., xn, 2. Ce fut 



2327 



TROMPETTES (FÊTE DES) — TROUPEAU 



2328 



seulement sous la domination macédonienne que les 
Juifs, pour se conformer à l'usage grec, fixèrent le début 
de leur année civile au premier jour de tisri, qui devint 
ainsi rôs has-sânâh, « tête de l'année ». Voir Année, 
t. i, col. 645-647. Mais la liturgie mosaïque de la fête 
des Trompettes ne fait aucune allusion à cette circon- 
stance, l'importance de tiSri lui venant surtout de ce 
qu'il est le mois sabbatique. Le nom de Rosch hasehana, 
que la Mischna donne à la fête des Trompettes, ne doit 
donc pas faire illusion. — Cf. Reland, Antig. sacr., 
p. 255; Iken, Aniiquitates hebraicse, Brème, 1741, 
p. 137-139, 325, 326. H. Lesêtre. 

TRONC. Voir Ga.zophyla.cium, t. m, col. 134. 

TRONE (hébreu: kissê' ; chaldéen : ftdrsê' ; Septante : 
6p6voç; Vulgate : thronus), siège d'apparat à l'usage des 
rois. 

1» Le trône royal. — Salomon, devenu roi, prit 
place sur son trône et fit asseoir sa mère sur un autre 
trône, à sa droite. III Reg., Il, 19. Il se fit faire ensuite 
un trône d'ivoire avec des ornements d'or pur. III 
Reg., s, 18, 19. Voir Lion, t. iv, fig. 90, col. 278. Joa- 
chin, captif à Babylone, fut placé par Évilmérodach 
sur un trône, au-dessus du trône des autres rois 
déportés comme lui. IV Reg., xxv, 28; Jer., lu, 32. — 
Nabuchodonosor jurait par son trône d'exercer sa ven- 
geance. Judith, i, 12. Jérémie, xlih, 10, prédit qu'un 
jour le trône de Nabuchodonosor serait placé à Taph- 
nès, en Egypte, sur des pierres qu'il venait lui-même 
de faire disposer. Ce prince fut déposé de son trône 
pendant sa folie. Dan., v, 20. 

2° La royauté. — Le trône est pris parfois pour la 
dignité royale de celui qui l'occupe. Dieu promit de 
maintenir à jamais le trône de David. II Reg., ni, 10 ; 
vu, 13, 16; III Reg., n, 33, 45; n, 6; vin, 20, 25; 
I Par., xvii, 14 ; xxvm, 5 ; Ps. lxxxix (lxxxviii), 30, 38. 
La femme de Thécué souhaitait que l'éloignement 
d'Absalom ne nuisit pas au trône de David. II Reg., xiv, 
9. Adonias tenta d'occuper ce trône, III Reg., i, 24, 27, 
qui fut assuré à Salomon. III Reg., i, 47 ; m, 12 ; IX, 5; 
x, 9; II Par., vi, 10, 16; vu, 18; ix, 8. Le trône de 
David fut ensuite occupé par Joas, IV Reg., xi, 19, et 
par toute une suite de rois. Jer., xm, 13 ; xxn, 2, 4. 
Jérémie, xxxm, 17, 21, annonça qu'il ne manquerait 
jamais de roi sur ce trône, ce qui se vérifia dans la 
personne du Messie. — Le trône d'Israël fut assigné à 
Jéhu pour quatre générations. IV Reg., x, 30 ; xv, 12. 
— Un trône royal est affermi par la bonté et par la 
justice. Prov., xx, 28; xxv, 5 ; xxix, 14. 

3° Le trône de Dieu. — Comme Dieu est le Roi des 
rois, un trône lui est attribué. Jérusalem est son trône 
sur la terre. Jer., m, 17. Il a dans le ciel un trône de 
justice et de majesté, Ps. ix, 5, 8; Eccli., i, 8, un trône 
de saphir, Ezech., i, 26, et de flammes, Dan., vil, 9, où 
il est béni. Dan., m, 54. Le Fils de Dieu occupe au 
ciel un trône de grâce. Heb., i, 8; iv, 16. Saint Jean 
fait souvent allusion au trône de Dieu. Apoc, I, 4; m, 
21 ; iv, 5, 9, 10 ; v, 1-13 ; etc. — Notre-Seigneur défend 
de jurer par le trône de Dieu, Matth., v, 34, parce que 
c'est jurer par Dieu lui-même. Matth., xxm, 22. 

4» Les trônes symboliques. — Dieu fait asseoir les 
justes sur des trônes, comme les rois. Job, xxxvi, 7. 
Les Apôtres siégeront un jour sur douze trônes, pour 
juger les douze tribus d'Israël. Luc, xxn, 30. Les 
vingt-quatre vieillards, représentant les douze chefs de 
l'ancien peuple et les douze Apôtres, occupent des trônes 
autour du trône de Dieu, dans le ciel. Apoc, iv, 4. 

H. Lesêtre. 

TROPH1ME (grec : Tpdqnnoç), compagnon de saint 
Paul. Il était originaire d'Éphèse et païen de naissance. 
Act., xxi, 28-29. Il fut un des compagnons de saint Paul, 
à l'époque du troisième voyage de missions de l'Apôtre- 



Il le suivit avec Tychique et quelques autres depuis la 
Macédoine jusqu'à la province d'Asie. Act., XX, 4. 
Tychique paraît n'être pas allé plus loin, mais Trophime 
continua la route avec saint Paul jusqu'à Jérusalem et 
là il devint l'occasion involontaire et inconsciente de 
l'arrestation de l'Apôtre par les Juifs. Ceux-ci, très 
irrités contre leur ancien coreligionnaire devenu l'une 
des colonnes de l'Église naissante, voulaient se défaire 
de sa personne et ils cherchèrent par conséquent à s'en 
emparer. Pour justifier leur violence à son égard, les 
Juifs d'Asie, ayant vu Paul dans le Temple, l'accusèrent 
d'y avoir introduit, en violation de la loi, le gentil 
Trophime, ce qui était inexact. Mais la foule soulevée 
saisit Paul et il n'échappa à la mort que par l'inter- 
vention du tribun romain, qui l'envoya ensuite au pro- 
curateur romain, à Césarée. Que devint alors Trophime? 
Son nom ne reparait plus qu'une fois, et longtemps 
après, dans le Nouveau Testament. Dans sa seconde 
lettre à Timothée, écrite peu de temps avant son martyre 
à Rome, saint Paul dit à son disciple, II Tim., iv, 20, 
qu'il a laissé « Trophime malade à Milet ». Ce dernier 
avait donc accompagné son maître dans le voyage qu'il 
avait fait en Orient entre sa première et sa seconde 
captivité à Rome. L'Église d'Arles honore saint Tro- 
phime comme son premier évêque. Saint Paul, après 
sa délivrance de la première captivité de Rome, l'aurait 
emmené comme un de ses compagnons en partant 
pour l'Espagne et, en passant à Arles, il l'y aurait 
institué évêque. VoirBaronius, Annal., adann. 62,' §4. 
Que Trophime soit devenu évêque d'Arles à cette 
époque, cela se concilie bien difficilement avec le 
fait qu'un certain temps après, saint Paul fut obligé de 
le laisser malade à Milet. II Tim., iv,20. « H est diffi- 
cile, dit un savant historien de l'Église d'Arles, de fixer 
précisément l'époque de la prédication de l'Évangile à 
Arles. L. Bonnement, chanoine d'Arles, M émoires pour 
servir à l'histoire de l'Église d'Arles, dans l'édition 
Migne de Calmet, Dictionnaire de la Bible, 1846, t. iv, 
col. 873... Des monuments respectables donnent [le titre 
de fondateur] à saint Trophime... Il faut cependant 
reconnaître que les monuments de l'histoire ne nous 
apprennent presque rien de certain touchant les com- 
bats et les conquêtes de notre premier apôtre. » On 
célèbre sa fête, à Arles, le 29 décembre. Les grecs 
l'honorent le 14 avril et disent qu'il eut la tête tranchée 
à Rome, par ordre de Néron. Voir Acta sanctorum, 
augusti t. i, p. 314. 

TROUPEAU (hébreu : 'êdér; Septante ": (iouxoXtov, 
« troupeau de bœufs », tioi'uvïi, 7rof(j.viov, « troupeau de 
brebis et de chèvres », àyélri, « troupeau de porcs » ; 
Vulgate : armentum, grex), assemblage de quadrupèdes 
domestiques. 

1» Au sens propre. — Abel fut le premier à faire 
paître des troupeaux. Gen., iv, 4. Les patriarches, qui 
menaient la vie nomade, étaient possesseurs de nom- 
breux troupeaux. Comme de grands espaces étaient 
nécessaires à la subsistance de ces troupeaux, les pro- 
priétaires nomades se trouvaient dans la nécessité de 
vivre à distance les uns des autres. Gen., xm, 8-11 ; 
xxxvi, 6-8. Des disputes s'élevaient entre les bergers 
de troupeaux différents, pour l'usage d'un pâturage ou 
d'un puits. Gen., xm, 7:xxvi, 19-22. L'abreuvage des 
troupeaux était en effet une question importante. Gen., 
xxix, 8; xxx, 38 ; Exod., n, 16; etc. Les troupeaux 
étaient sous la garde des chiens. Job, xxx, 1. Le bouc 
marchait à la tête, Jer., L, 8, et l'on faisait passer les 
animaux sous la main pour les compter. Jer. , xxxm, 
13. La disette effarait les troupeaux, Jo., i, 18, et le 
lionceau épouvantait les brebis. Mich., v, 8. Les villes 
ruinées devenaient des lieux de pacage pour les trou- 
peaux. Is., xvn, 2 ; xxxn, 14; Soph., n, 14. Le maître 
doit connaître l'état de son troupeau et en prendre soin. 



2329 



TROUPEAU 



TRYPHON 



2330 



Prov v xxvn, 23. — En quittant l'Egypte, les Hébreux 
emmenèrent avec eux tous leurs troupeaux au désert. 
Exod., x, 26. Quand les Israélites réclamèrent un roi, 
Samuel les avertit que celui-ci prendrait la dîme de 
leurs troupeaux. I Reg., -vm, 17. David, II Reg., vu, 8; 
I Par., xyii, 7, et Amos, vu, 15, menaient les troupeaux 
quand le Seigneur les appela. Salomon fut possesseur 
d'immenses troupeaux. Eccle., il, 7. Les armées 
assyriennes menaient avec elles de nombreuxtroupeaux. 
Judith, II, 8. Des bergers, qui gardaient leurs troupeaux 
pendant la nuit, furent avertis par les anges de la nais- 
sance du Sauveur. Luc, II, 8. Notre-Seigneur permit 
aux démons de s'emparer d'un troupeau de porcs qu'ils 
précipitèrent dans le lac de Tibériade. Matth., vin, 30; 
Marc, v, 11 ; Luc, vm, 32. Voir Bœuf, t. i, col. 1826; 
Brebis, col. 1911 ; Chèvre, t. n, col. 692. 

2» Au sens figuré. — Les troupeaux sont naturelle- 
ment l'image des peuples, conduits par leurs chefs qui 
sont comme des pasteurs. Les Hébreux étaient comme 
un troupeau que Dieu mena à travers le désert, Ps. lxxviii 
(lxxvii), 52, et dont Moïse était le berger. Is., lxiii, 11. 
Les Israélites sont fréquemment appelés le troupeau de 
Jéhovah. Is., xl, 11 ; Jer., xm, 17, 20; xxiii, 1-3 ; xxxi, 
10; li, 23; Bar., iv, 26; Mich., n, 12;Zach., ix, 16; x, 
3 ; xi, 7-17. Les chefs du peuple sont les bergers de ce 
troupeau, et souvent ils s'acquittent mal de leur fonc- 
tion. Jer., x, 21; xxv, 34-36; l, 6; Ezech., xxxiv, 2-31 ; 
Zach., x, 2. — Les Israélites étaient, en face'des Syriens, 
comme deux petits troupeaux de chèvres. III Reg., xx, 
27. Les enfants se multiplient, Job, xxi, 11, et Dieu 
multipliera son peuple comme des troupeaux. Ezech., 
xxxvi, 37, 38. Les cheveux de l'Épouse sont comparés 
à un troupeau de chèvres, et ses dents à un troupeau 
de brebis tondues. Gant., iv, 1, 2; vi, 4, 5. — Notre- 
Seigneur appelle aussi ses disciples un « petit trou- 
peau », Luc, xn, 32, qui sera momentanément dispersé 
quand le Pasteur sera frappé. Matth., xxvi, 31. Les 
pasteurs de l'Église doivent veiller avec soin sur ce 
troupeau. Act., xx, 28, 29. I Pet., v, 2, 3. 

H. Lesêtre. 

TRUELLE (Vulgate : trulla), instrument dont le 
maçon se sert pour prendre et placer le mortier. — Ce 
mot se lit deux fois dans la Vulgate. Une fois, il tra- 
duit le pluriel yd'îm, qui veut dire * pelle ». IV Reg., 
xxv, 14. Le mot yâ'im, dont le singulier n'apparait 
nulle part, a embarrassé les traducteurs. Il désigne un 
des instruments en usage au sanctuaire. Il est ainsi 
rendu dans les différents passages où il en est question : 
Exod., xxvii, 3; xxxvm, 3 : xaXuxnfjp, « couvercle », 
forceps, « pince »; Num., iv, 14: xaXimnijp, fuscinula, 
«fourchette »; III Reg., vil, 40, 45: 6£pu.ao-rpî;, « pince», I 
scutra, <r plateau »; II Par., IV, 11 : xpedcYpa, creagra, 
«fourchette»; II Par., IV, 16: àva\y]irnip, « vase à 
puiser », creagra, IV. Reg., xxv, 14 : lau.ïv,qui n'a pas 
de sens, Irulla; Jer., m, 18 : xpeâypa, creagra. Dans 
le Targum, yd'îm désigne une pelle. — La Vulgate tra- 
duit encore par trulla cœmentarii, « truelle de ma- 
çon », le mot 'ânàk, dans Amos, vil, 7, 8. Les Septante 
le rendent par àSâpiai;, « diamant ». Comme 'ânâk 
signifie « plomb », on traduit ordinairement par « fil à 
plomb ». Voir Fil a plomb, t. u, col. 2244. Knaben- 
bauer, Proph. min., Paris, 1886, p. 314, suppose un 
crépissage avec le plomb contenu dans la trulla, qui a 
aussi le sens de «vase ». Le P. Condamin, Le prétendu 
« fil à plomb » de la vision d'Amos, dans la Revue 
biblique, 1900, p. 586-594, voit dans le 'ândk un métal 
très dur, analogue au diamant des Septante, le fer, 
symbole de la guerre, que le Seigneur va déchaîner sur 
Israël. Pour V. Hoonacker,Xes douze petits prophètes, 
Paris, 1908, p. 265-267, le 'ânâk désignerait 1' « afflic- 
tion», d'après une racine arabe, ou même simplemeut le 
« plomb », que Dieu veut mettre dans Israël afin de 
l'avilir, comme on met du plomb dans un creuset con- 



tenant des minerais divers dont on ne peut tirer parti. 
En tous cas, on ne voit guère comment le mot hébreu 
pourrait avoir le sens de « truelle ». 

H. Lesêtre. 
TRYPHÈNE (grec : Tpûçaiva), chrétienne de Rome, 
que saint Paul salue dans son Epitre aux Romains, 
xvi, 12. « Saluez, dit-il, Tryphène et Tryphose qui tra- 
vaillent pour le [service du] Seigneur. » Ces deux 
noms ont été retrouvés dans les inscriptions des colom- 
baires de la maison des Césars à Rome. Corpus in- 
sci'iptionum lalinarum, t. vi, n os 4866 (Tryphosa); 
5035, 5343 (Tryphaena). Le nom de Tryphène, figure 
aussi dans les Acta Pauli et Theclx, où « la reine 
Tryphène » joue un rôle important à Antioche de 
Pisidie. Une monnaie de Pisidie porte au droit 
BASIAEQ2 IIOAEMQNOS et au revers BA2IAISSH2 
TPÏ"*AINH2. Cette Tryphène était fille de Polémon, 
roi d'une partie de la Lycaonie et de la Cilicie, femme 
de Cotys, roi de Thrace, et mère d'un autre Polémon, 
roi de Pont. Elle était arrière -petite -fille de Marc- 
Antoine et parente éloignée de l'empereur Claude. Son 
frère Polémon embrassa le judaïsme. Voir W. M. Ram- 
say, The Church in the Roman Empire before A. D. 
170, in-8°, Londres, 1893, p. 382. 

TRYPHON (grec : Tpûçiov, « le dissolu »), usur- 
pateur, roi de Syrie, 170-174 de l'ère des Séleucides, 




528. — Monnaie d'argent de Tryphon, roi de Syrie. 
Tête de Tryphon, à droite, diadémée. — i$. BASIAEQE || 
TPr*QNOE || AÏ"TOKPATOPO£. Dans une couronne, un casque 
orné d'une corne. Monogramme. 

142-139 avant J.-C. (fig. 528). Il s'appelait de son vrai 
nom Diodote, Strabon, XVI, n, 10; Appien, Syr., 78, et, 
d'après ce dernier, il prit le surnom de Tryphon en 
s'emparant du pouvoir. Cf. Tite-Live, Epist., lui, lv. 
Il était né à Casianes, place forte du district d'Apamée, 
et il fut élevé à Apamée même. Strabon, XVI, n, 10. 
Sous Alexandre Balas, il fut attaché à la cour. I Mach., 
xi, 39; Diodore, Fragm., xxi, dans Didot, Histor. 
grsecor. Fragment., n, 17. Il semble avoir pris part, 
vers la fin du régne de ce roi, à la conspiration desti- 
née à livrer la Syrie à Ptolémée Philométor, roi 
d'Egypte. Diodore, Fragm., xxi. Après la déchéance 
d'Alexandre Balas, il se tourna d'abord vers Démé- 
trius II Nicator, mais voyant son impopularité (Tite- 
Live, Epist., lu; Justin, xxxvi, 1), il lui opposa le fils 
d'Alexandre Balas, encore enfant, qui était élevé par 
l'Arabe Émalchuel. I Mach., xi, 39. Celui-ci, après beau- 
coup de résistance, avait fini par consentir à le confier 
à ce dangereux protecteur. Voir Émalchuel, t. n, 
col. 1714. Antiochus n'était encore qu'un enfant. Try- 
phon se servit de lui pour combattre et chasser Démé- 
trius II, qui s'était rendu impopulaire en Syrie, et il 
gouverna sous le nom d'Antiochus VI, après s'être 
emparé d'Antioche. I Mach., XI, 54-56. Il chercha à 
s'attacher Jonathas Machabée, en le faisant confirmer 
dans sa dignité de grand-prêtre par le roi, qui accom- 
pagna cette faveur de plusieurs autres et de riches pré- 
sents, f. 57-59. Voir Antiochus VI, t. i, col. 703. Cepen- 



2331 



TRYPHON — TUNIQUE 



2332 



dant Tryphon s'aperçut bientôt que Jonathas était trop 
loyal pour se prêter à ses projets ambitieux; il s'em- 
para de sa personne par trahison, et le mit finalement 
à mort. IMach., xn, 39-49 ;xm, 12-24. Voir Jonathas 3, 
t. m, col. 1623. Une fois débarrassé de celui qui pou- 
vait être d'un puissant secours pour le jeune Antio- 
chus VI, il se défit de son malheureux pupille, $à\u>, 
dit le texte grec, I Mach., xni, 31 ; en faisant opérer 
sur cet enfant de dix ans, dit Tite-Live, Epit., ly, une 
opération chirurgicale mortelle, par les médecins qu'il 
avait gagnés (170 avant J.-C). Tryphon prit alors le titre 
de roi. Il exerça le pouvoir avec la cruauté, la cupidité, 
la violence que présageaient ses antécédents. Sa tyran- 
nie devait le rendre odieux à ses sujets. Il se montra 
particulièrement rapace à l'égard des Juifs. Simon 
Machabée eut recours alors contre lui à Démétrius II, 
qui ne demanda pas mieux que de s'assurer un tel 
auxiliaire contre son ennemi, I Mach., xm, 34-40, et 
prépara une expédition pour combattre Tryphon. Mais, 
étant allé en Médie pour se procurer des secours dont 
il avait besoin pour sa campagne, Démétrius Nicator 
fut fait prisonnier par un des généraux d'Arsace VI, 
roi des Parthes, ou, selon le titre que lui donne l'Écri- 
ture, « roi de Perse et de Médie ». I Mach., xiv, 1-3. 
Voir Arsace VI, t. i, col. 1034. Le trône paraissait ainsi 
assuré à Tryphon. Justin, xxxvi, 1; Diodore, Leg., 
xxxix. Celui-ci n'avait plus qu'à réduire les généraux 
de Démétrius qui lui résistaient encore. Mais un adver- 
saire plus dangereux se leva bientôt contre lui. Un 
frère cadet du roi captif, connu depuis sous le nom 
d'Antiochus VII Sidète, en apprenant à Rhodes, où il 
était, le malheur arrivé à son aîné, s'empressa de 
quitter l'Ile, pour tenter de ceindre sa couronne. Il 
fut mal accueilli en Syrie, et n'eut pas d'abord le 
succès qu'il avait espéré, à cause de la crainte qu'ins- 
pirait Tryphon, mais sa belle-sœur Cléopâtre fit tourner 
la fortune en sa faveur. Après avoir épousé Alexandre 
Balas, elle était devenue la femme de Démétrius II et 
possédait la ville de Séleucie. Pour la conserver, elle 
offrit à son beau-frère de l'épouser, afin qu'il pût la 
défendre contre Tryphon. Ce mariage mit Antiochus en 
état d'attaquer l'usurpateur et lui amena de nombreux 
partisans, qui abandonnèrent son ennemi. Celui-ci fut 
réduit à s'enfuir à Dor, sur la côte de Phénicie. 
Assiégé dans cette ville, il y fut serré de près. I Mach., 
xv, 10-14. Il n'eut d'autre ressource que de s'échapper 
par mer pour aller se réfugier d'abord à Ptolémaïde, 
Charax, Didot, Hist. grsec. fragm., t. m, n. 40, p. 644, 
. puis à Orthosiade, I Mach., xv, 37, et enfin à Apamée, 
où il fut de nouveau assiégé et où il périt, d'après Jo- 
sèphe, Ant. jud., XIII, vu, 2. D'après Strabon, XIV, v, 
2, Antiochus VII. l'obligea à se donner la mort à Cora- 
césium. Cf. Appien, Syr., 68. 

TRYPHOSE (grec : Tpuçùira), chrétienne de 
Rome, saluée par saint Paul. Rom., xvi, 12. Voir Try- 
phêne, col. 2330. 

TSADÉ, s, ?, dix-huitième lettre de l'alphabet 
hébreu. Les uns ont cru qu'elle représentait, sous son 
ancienne forme phénicienne, voir Alphabet, t. i, col. 
407-408, un hameçon; d'autres, une faulx ou une fau- 
cille. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1143. — Le tsadé 
est une sifflante dentale, qui se décompose en t et s. 
Les Septante et, à leur suite, saint Jérôme, l'ont rendu 
par une simple s, comme EaëatS!), pour Çeba'ôf; EeSe- 
xtaç, pour §idqiydh; Siôtiv, §îdôn; Vulgate, Sabaoth, 
Sedecias, Sidon, de sorte que, dans les versions, le 
tsadé est rendu comme le samech, le sin et le schin. 

TUBALCAIN (hébreu : Tùbal Qa'in; Septante : 
& Q6êeX), Caïnite, fils de Lamech et de Sella. Gen. , iv, 22. 
Il forgea toutes sortes d'ouvrages d'airain et de fer. 



Vulgate : Fuit malleator et faber in cuncta opéra seris 
etferri. C'est tout ce que l'Écriture nous apprend de 
lui. Les rabbins ont raconté à son sujet diverses 
légendes sans fondement. Josèphe, Ant. jud., I, n, 2, 
dit que Tubaleaïn était distingué par sa force prodi- • 
gieuse et par ses succès dans la guerre. On a donné de 
son nom lesétymologies les plus diverses, mais aucune 
ne s'impose. On a rapproché de Tubaleaïn les Thuba- 
liens, qu'Ézéchiel, xxvn, 13, mentionne sous le nom de 
Thubal, entre Javan (Vulgate: Grœcia) et Mosoch. 

TUBIANÉENS (grec : Tovôuivot; Alexandrinus : 
Touêeîvoi), habitants du pays de Tob. II Mach., xii, 17. 
L'Écriture nomme ainsi des Juifs qui s'étaient établis 
dans le pays de Tob et que Judas Machabée y rencontra 
lorsqu'il poursuivait le général syrien Timothée, qu'il 
avait pensé atteindre en cet endroit mais qui en était 
déjà reparti. VoirToB, col. 2256; Characa, t. n, col. 577. 

TUBIN.VoirTuBiANÉENS; Tob, col. 2256. 

TUILE (grec : xÉpajio;; Vulgate: tegula), morceau 
de terre cuite, ordinairement en forme de rectangle 
ou de trapèze, et servant à la couverture des toits. Il 
est possible que les, tuiles qui recouvraient les terrasses 
de Palestine aient affecté la dimension et l'épaisseur 
de dalles. — Pour descendre le paralytique devant 
Notre-Seigneur,onfit une ouvertnre dans le toit. Marc, 
II, 4. Saint Luc, v, 19, dit que l'on descendit le ma- 
lade Stà râv v.Epâ[iwv, per tegulas. Cette expression 
suppose des tuiles enlevées. Néanmoins, comme les 
mots per tegulas, dans les classiques, signifient seu- 
lement « à travers l'ouverture » ménagée au milieu d'un 
atrium ou d'un péristyle, sans qu'il y ait eu déplace- 
ment de tuiles, il se pourrait que saint Luc ait en vue 
ce dernier sens et n'ait voulu parler que du trou pra- 
tiqué par les porteurs. Cf. Rich, IHct. des antiq. 
romaines et grecques, trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 627. 

H. Lesêtre. 

TUMEUR, excroissance qui se forme dansles tissus 
du corps et peut être bénigne, quand elle ne gêne que 
par son volume; ou maligne quand elle fait souffrir et 
devient dangereuse. Moïse range les tumeurs parmi les 
maux qui affligeront les Israélites infidèles. Sur le genre 
de tumeurs auxquelles il fait allusion,voir Hémorroïdes, 
t. m, col. 587 ; Ofalim, t. rv, col. 1757. 

H. Lesêtre. 

TUNIQUE, espèce de vêtement. Voir Vêtement. 

I. Dans l'Ancien Testament. — En hébreu, plusieurs 
mots servent à désigner ce que les versions appellent 
« tunique ». 

1» Ketànéf, y.iitiv, tunica, correspondant à l'assyrien 
kitinnû, qui désigne un. vêtement de laine. Le kefônéf 
est un vêtement assez étroit qui prend la forme du 
corps. Dieu donne à Adam et Eve une tunique de peaux. 
Gen., m, 21. Job, XXX, 18, se plaint que, par la vio- 
lence du mal, son corps est tellement amaigri que son 
vêtement a l'air d'une tunique. Cette tunique est à 
l'usage d'Aaron et des prêtres, Exod., xxvm, 40; Lev., 
x, 5; xvi, 4, etc., de l'Épouse, Cant., v, 3, de l'inten- 
dant Sobna. Is., xxil, 21. Joseph a un kefônét passîm, 
vêtement qui descend jusqu'aux mains et aux pieds, 
Xtttiv 7ioix£Xoi;, tunica polymita, tunique de diverses 
couleurs. Gen., xxxvil, 3, 23, 32. C'était une tunique 
de valeur supérieure aux tuniques ordinaires, puis- 
qu'elle est la marque d'une tendresse particulière de la 
part de Jacob. Thamar, sœur d'Absalom, portait une 
tunique de même nom, yiTtbv xapitMtôç, tunique à 
manches descendant aux poignets, tunica talaris, tu- 
nique descendant aux talons. Il Reg., xm, 18, 19. Il y 
a encore le ketônét tasbês, jtltwv y.O(rj(i6ô>Toç, une 
tunique à franges, tunica et linea stricta, une tu- 
nique de lin étroite, destinée à Aaron. Exod., xxvm, 



2333 



TUNIQUE 



2334 



4. — 2° Me'îl, probablement tunique de dessus, sans 
manches, communément appelée par les versions 
ShO.olc, pallium, chlamys, bien que cène soit pas un 
manteau, comme l'indique l'usage qui lui est attribué 
dans plusieurs passages. Voir Manteau, t. iv, col. 663. 
C'est la tunique que la mère de Samuel fait chaque 
année pour son jeune fils, I Reg., n, 19, celle de Job 



II. Dans le Nouveau Testament. — 1° Notre-Sei- 
gneur conseille à son disciple d'abandonner son man- 
teau à qui lui prend sa tunique, Matth., v, 40; Luc, 
VI, 29, c'est-à-dire d'être prêt à tous les sacrifices 
plutôt qu'à celui de la paix et de la charité. Le prédi- 
cateur de l'Évangile ne doit pas avoir deux tuniques, 
Matth., x, 10; Marc, vi, 9; Luc, ix, 3, pour ne pas 




529. — La sainte tunique d Argenteuil. — D'après A. Jacquemot. 
Elle est représentée en noir sur une étoffe destinée à la soutenir. 



530. — Le tissu de la sainte tunique. 
D'après une photographie des Gobelins. 



et de ses amis, initia, «rroVr,, vestimenta, vestes, 
Job, i, 20; n, 12, de Samuel, I Reg., xv, 27; xxvni, 
14, de Jonathas, ènôvSjrrj, tunica, I Reg., xvnr, 4, de 
Saiil, I Reg., xxiv, 5, 12, et des filles du roi. II Reg., 
xhi, 18. — 3° Ma'âtâfâh, palliolum, tunique plus 
ample à l'usage des femmes. Is., m, 22. — 4» Médév, 
u.av£ûïi, tunica, sorte de casaque à l'usage d'Esdras. 
I Esd., ix, 3. — 5° Pattîs, vestes, nom chaldéen des 
tuniques que portent les trois jeunes hommes dans la 
fournaise. Dan., m, 21. — Les versions traduisent en- 
core par iiav5ij7;,£v8uu.:x, tunica stricta, tunique serrée, 
le hâgôr que porte Joab, II Reg., xx, 8, mais ce mot 
désigne une ceinture. I Reg., xvm, 4; Prov., xxxi, 24. 



s'embarrasser du superflu. Celui qui a deux tuniques 
doit en donner une à celui qui en manque. Luc, m, 
11. A l'approche du siège de Jérusalem, il ne faudra 
pas rentrer dans sa maison pour prendre sa tunique, 
tant le danger sera pressant. Matth., xxiv, 18. La tu- 
nique était donc un vêtement de dessus que l'on quit- 
tait à la maison pour vaquer à différentes occupations 
sur son toit. Les pêcheurs la quittaient pendant leur 
travail. Joa., xxi, 7. Tabilha faisait des tuniques pour 
les pauvres veuves. Aot., ix, 39. Saint Jude, 23, veut 
que le chrétien haïsse « jusqu'à la tunique souillée par 
la chair, » c'est-à-dire jusqu'aux apparences de la 
corruption. 



2335 



TUNIQUE — TUTEUR 



2336 



2° La tunique du Sauveur était appaçoç, inconsutilis, 
sans couture, par conséquent tissée d'une seule pièce 
depuis le haut jusqu'en bas. Joa., six, 23. Elle était 
ainsi à peu près semblable à celle des prêtres, dont 
Josèphe, Ant. jud., III, vu, 4, fait cette description : 
« C'est une tunique talaris, que nous appelons dans 
notre langue iieeîp (me'îl)... Cette tunique ne se com- 
pose pas de deux pièces, ayant des coutures sur les 
épaules et sur les côtés; mais c'est un vêtement d'une 
seule pièce, tissé danstoule sa longueur, que l'on entre 
par le cou au moyen d'une ouverture en forme de 
fente longitudinale allant depuis la poitrine jusqu'au 
haut du dos, entre les épaules. On y ajoute un bord, 




531. — La sainte tunique de Trêves. 
D'après Friedlieb, Archéol. de la Passion, p. 377. 

pour cacher la difformité de la fente. Elle a également 
des ouvertures pour passer les mains. » Cf. Braun, 
De vest. sacerd. hebrseor., Leyde, 1680, p. 342. Le 
procédé employé pour fabriquer des vêtements sans 
couture ne s'est pas perdu en Orient. Cf. Rosenmûller, 
Dos alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. v, 
p. 273. Il est clair qu'une tunique sans couture per- 
drait toute sa valeur si on la divisait en plusieurs mor- 
ceaux; aussi les soldats qui avaient crucifié le Sauveur 
préférèrent-ils tirer la sienne au sort. — Il est à croire 
que des disciples du Sauveur ont racheté ses vêtements 
aux soldats. Cependant on ne possède à ce sujet aucun 
document authentique qui soit antérieur au xi' siècle. 
Des fragments de vêtements du Sauveur sont conservés 
en différents endroits, particulièrement au Latran. 
Mais les deux tuniques les plus célèbres sont celles 
d'Argenteuil et de Trêves. 

La tunique d'Argenteuil (fig. 529) mesurait l m 45 de 
haut, quand elle était entière, elle avait une ouverture 
au col et des manches. L'étoffe est un tissu de laine, 



fabriqué sur un métier primitif, mais très régulier 
(fig. 530). On y a reconnu, à l'analyse, des taches de 
sang. La tunique de Trêves (fig. 531), également sans 
couture, a été conservée entière. Elle mesure en hau- 
teur 1<°48 par devant et l m 57 par derrière, en largeur 
1 I °09 en bas et m 70 en haut, avec des manches larges 
de m 33 et longues de m 46. Il est fort possible que 
Notre-Seigneur ait porté plusieurs tuniques sans cou- 
ture. On suppose que celle de Trêves était la tunique 
de dessus, et celle d'Argenteuil la tunique de dessous. 
Cf. £. Bessel, Geschichte des heiligen Rockes, Trêves, 
1889 ; C. Willems, Der heilige Rock zu Trier, Trêves, 
1891, trad. par Furcy Raynaud; La sainte robe de 
N.-S. J.-C. àlTrèves, Trêves, 1891 ;Id., La sainte robe 
de Trêves et la relique d'Argenteuil, Paris, 1894; 
A. Jacquemot, La tunique sans couture de N.-S. J.-C, 
conservée dans l'église d'Argenteuil, Lille, 1894; 
J.-B. Vanel, Histoire de la sainte tunique d'Argen- 
teuil (manuscrit de dom Wyard, bénédictin de Saint- 
Maur du xvn e siècle), Paris, 1894; J. H. Friedlieb, Ar- 
chéologie de la Passion, trad. Martin, Paris, 1897, 
p. 358-381. H. Lesêtre. 

TURBAN (hébreu : pe'êr; Septante : xi'Sapcç, [juTpa; 
Vulgate : corona, coronula, vitta), espèce de coiffure. 
Le turban de lin est attribué aux prêtres, concurrem- 
ment avec la mitre, dout il ne devait pas différer beau- 
coup, puisque les Septante les confondent. Voir Cidaris, 
t. il, col. 750; Mitre, t. iv, col. 1135. La forme de cette 
coiffure était celle d'une sorte de bonnet qui entourait 
la tête et s'attachait par derrière. Voir t. v, fig. 172, 
col. 647. La Vulgate l'appelle tantôt coronula, Exod., 
xxxix, 28, tantôt, vitta, Ezech., xliv, 18. En tous cas, 
ce n'était pas une coiffure vulgaire, puisqu'elle servait 
aux prêtres dans l'exercice de leurs fonctions sacrées. 
Mais il est impossible de dire en quoi elle différait des 
autres coiffures analogues. Voir Tiare, col. 2205. — Le 
turban était aussi en usage dans la vie civile. Les 
femmes élégantes le portaient. Is., m, 20. Il servait de 
coiffure au nouveau marié. Is., lxi, 10. En rendant 
pe'êr par 8ô?a, « gloire », et corona, Is., lxi, 3, les 
versions donnent à entendre que c'était une coiffure de 
fête, probablement pourvue de certains ornements. 
Isaïe, lxi, 3, et Ezéchiel,xxiv, 17, 23, supposent que le 
pe'êr se portait aux jours de joie et de paix, et rempla- 
çait la cendre des jours de deuil. Dans les deux der- 
niers passages d'iizéchiel, les Septante ne voient dans 
le pe'êr qu'un agencement particulier de la chevelure, 
Tpcxii[j.a, y.ûy.at. H. LESÊTRE. 

TUTEUR'fgrec : èiuiTpÔ7uoç; Vulgate : procurator, 
tutor), celui qui est chargé d'élever un mineur et de 
gérer sa fortune. — Mardochée a rempli vis-à-vis d'Es- 
ther le rôle de tuteur et de nourricier, 'omên. Esth., 
il, 7. Voir Nourricier, t. rv, col. 1699. — Lysias, pa- 
rent d'Antiochus Eupator, fut le tuteur du jeune roi et 
le régent du royaume. II Mach.,xi, 1; xm, 2; xiv, 2. — 
Saint Paul dit que l'héritier encore enfant « est soumis 
à des tuteurs, èirn-pônoi;, tutoribus, et à des curateurs, 
oîxovô(j.ouç, actoribus, jusqu'au temps marqué par le 
père. » Gai., iv, 2. Ces tuteurs et ces curateurs exercent 
probablement leur charge après la mort du père qui, 
de son vivant, prenait soin lui-même de l'éducation et 
des intérêts de son enfant. C'est la loi qui fixait l'âge 
de l'émancipation de l'héritier, ce qui porterait à con- 
clure que les tuteurs sont ici de simples administrateurs 
des biens ou des intendants aux pouvoirs desquels le 
père, encore vivant, assigne le terme qu'il veut. Mais 
rien ne prouve que saint Paul se réfère au droit ro- 
main plutôt qu'au droit naturel, qui laissait au père le 
pouvoir de fixer la durée de la tutelle. D'ailleurs, si le 
père était encore vivant, il émanciperait son fils à 
l'époque suggérée par les circonstances, tandis qu'il y a 



2337 



TUTEUR 



TYR 



2338 



ici un « temps marqué à l'avance » ; irpo^suina, prsefi- 
"nitum tenipus, qui a dû être réglé par le père avant 
sa mort. L'Apôtre applique cette comparaison à l'huma- 
nité, qui a été en état de servage, comme un héritier 
en tutelle, pendant les siècles qui ont précédé, mais 
qui entre en jouissance de l'héritage de salut, au mo- 
ment librement fixé par les décrets divins. Cf. Cornely, 
Epist. ad Galat., Paris, 1892, p. 591, 592; Pral, La 
théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 251. 

H. Lesètre. 
TYCHIQUE (grec : Tjxixo?, nom qui a le même 
sens en grec que Fortunatus et Félix en latin), com- 
pagnon de saint Paul. — 1° Il était originaire de la pro- 
vince d'Asie. Act., xx, 1, et il accompagna saint Paul 
dans son troisième voyage de missions, f. 4, mais pas 
d'une manière continue. Lorsque l'Apôtre se rendit à 
Jérusalem avec Trophime, xxi, 29, Tychique resta en 
Asie, probablement à Milet, xx, 15, 38. — 2" Pendant 
l'emprisonnement de Paul à Rome, nous retrouvons 
Tychique auprès de lui, sans que nous sachions précisé- 
ment ce qu'il avait fait dans l'intervalle. Son maître 
l'envoya auxColossiens, afin qu'il pût se rendre compte 
de leur situation et l'en informer exactement, tout en 
leurdonnant de ses nouvelles. Dans son Épitre, il le leur 
présente comme un frère bien-aiméetun ministre fidèle, 
serviteur comme lui du Seigneur, ainsi qu'Onésime, 
leur compatriote, qui l'accompagne. Col., iv, 7-8. Ils 
devaient porter l'un et l'autre la lettre que saint Paul 
adressait aux Colossiens. — 3° Saint Paul avait chargé 
aussi Tychique de porter aux Éphésiens l'Épitre qu'il 
leur écrivait. Voir Éphésiens (épitre aux), t. n, 
col. 1852. Il l'appelle de la même manière que dans 
l'Épitre au* Colossiens, charissimus frater et fidelis 
minister in Domino. Eph., iv, 21. — 4» Dans son 
Épitre à Tite, m, 12, saint Paul lui annonce qu'il lui 
enverra en Crète Tychique ou Artémas et il lui demande 
de venir lui-même le rejoindre promptement à Nico- 
polis, où il veut passer l'hiver. — 5° Dans sa seconde 
Épitre à Timothée, écrite à Rome pendant son empri- 
sonnement, saint Paul dit à son disciple, IV, 12, 
qu'il a envoyé Tychique à Ephèse. Les commentateurs 
ne sont pas d'accord sur l'époque précise de cette mis- 
sion. — Le Nouveau Testament ne nous apprend pas 
autre chose sur Tychique. Suivant la tradition, il 
devint évêque de Chalcédoine en Bythinie. D'après le 
Ménologe grec, au 8 décembre, il succéda à saint Sos- 
thène, comme évêque de Colophon en Ionie. Voir Acla 
sanctorum, t. m julii, p. 613. 

TYMPANUM. Voir Tambour, col. 1982. 

TYPIQUE (SENS), un des noms du Sens spiri- 
tuel. Voir Sens de l'Écriture, h, 2, col. 1610; Spiri- 
tuel (Sens), col. 1858. 

TYR (hébreu : Sûr; Septante : Tûpo;; en assyrien : 
Surru; iparra), aujourd'hui Sûr, ville de Phénicie, à 
35 kilomètres au sud de Sidon, et à une distance un 
peu moindre au nord de Saint-Jean-d'Acre, sur la Mé- 
diterranée (fig. 532). 

I. Situation. — Son nom, qui signifie « rocher », lui 
vient de son emplacement. En effet, elle était bâtie, du 
inoins en grande partie, sur un ilôt rocheux, alors 
situé à environ 600 mètres du continent. Le papyrus 
Anastasi I parle de Tyr comme d'une ville entourée 
par les flots de la mer. Ézéchiel, xxvi, 4, 14, et xxvn, 
4, dit aussi qu'elle s'élève « au cœur des mers », et 
qu'après sa ruine elle sera semblable à « un rocher nu». 
Cf. Is., xxiii, 4. Par sa situation, complétée par de 
solides remparts, Tyr devint promptement une forte- 
resse de premier ordre, Jos., xix, 29; II Reg., xxiv. 
7, etc. Son territoire et celui de la tribu d'Aser étaient 
limitrophes. Sa beauté et celle de ses alentours sont 

DICT. DE LA BIBLE. 



mentionnées plusieurs fois dans la Bible. Cf. Ezech., 
xxvn, 3, 4,10, 11; Ose., ix, 13. L'île tyrienne n'ayant 
qu'une étendue restreinte (22 stades de périmètre, 
c'est-à-dire environ 4000 mètres), on avait dû donner aux 
maisons une élévation peu ordinaire chez les anciens ; 
elles étaient plus hautes qu'à Rome. Strabon, XVI, Il 




532. — Monnaie d'argent de Tyr. 
Melkarth à cheval sur un hippocampe ai té; sous les flots, un 
dauphin. — $. Chouette debout à droite portant le fléau et le 
sceptre égyptien. 

23. Manquant d'eau potable, elle s'en procura par 
un système fort bien combiné de canaux, qui allaient 
en chercher jusqu'aux sources abondantes du Ras-el- 
Aïn, sur le continent, à environ une heure et demie 
de marche de l'île, dans la direction du sud. Voir Mé- 
nandre d'Ephèse, dans Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 1; 
Arrien, Anabas., h, 20, etc. — Tyr (fig. 533) avait deux 
ports naturels : l'un au nord, du côté de Sidon, et 
nommé sidonien pour ce motif; l'autre au sud, le port 
égyptien. Par des travaux considérables, dont on admire 
encore les restes, on les avait abrités tout à la fois contre 
le vent, les vagues et les ennemis extérieurs. Strabon, 




533. — Plan de Tyr insulaire. 

XVI, H, 23; Pline, H. N., v, 17; Arrien, Anab., il, 20 
21. Cf. Ezech., xxvn, 3. 

En face de la Tyr insulaire, dans la plaine peu large 
(2 kil. seulement), mais très longue, qui s'étale entre 
le rivage et les collines de l'est, voir le plan, fig. 535, 
col. 2344, était construite la cité continentale, dont le 
point central parait avoir été le rocher nommé aujour- 
d'hui Tell-el-Machoûkh, et qui s'étendaitau sud, jusqu'au 
Ras-el-Aîn. Elle dut être, aux jours les plus florissants 
de son histoire, plus considérable encore que la ville 

V. - 74 



2339 



TYR 



2340 



bâtie dans l'île. Les anciens historiens ou géographes 
grecs et romains parlent d'elle sous les noms de Ila- 
XatTvooç, 7] xâ).ai TOpo;, Vêtus Tyrus. Cf. Ménandre, 
dans Josèphe, .Anf. jud. r IX, xiv, 2; Diodore de Sicile, 
xvii, 40; Strabon, XVI, n, 24; Pline, H. N., v, 17; 
Quinte-Curce, IV, il, 18; Justin, XI, x, II, etc. Pline 
affirme que les deux villes réunies auraient eu un 
périmètre de 19 milles romains (28 kil. 1/2) et une lar- 
geur de 22 stades (4 kil.). Comme son nom même l'in- 
dique, la ville continentale aurait été la plus ancienne. 
L'emplacement de Palaetyr et l'époque de sa construc- 
tion ont été de nos jours l'objet d'assez vives discussions. 
Guthe, dans Realencylopàdie fur }frolest. Théologie, 
3 e édit., t. xvin, p. 285. Voir la Tyr actuelle, fig. 534. 

II. Le commerce et la richesse de Tyr, ses vices, 
menaces de châtiments. — D'après la Bible, comme 
au dire des écrivains classiques qui se sont occupés de 
Tyr, cette ville était particulièrement renommée pour 
son vaste commerce et pour les immenses richesses 
qu'il lui procurait. Ses marins n'étaient pas moins 
célèbres par leur hardiesse que par leur habileté, et 
c'est grâce à eux surtout qu'elle était devenue, selon 
le mot d'Isaïe, xxm, 3, « le marché des nations. » 
Ézéchiel, xxvn, 12-27, commentant pour ainsi dire 
cette parole, dresse une longue et éloquente nomencla- 
ture des peuples avec lesquels Tyr était en relations 
commerciales, et des marchandises qu'elle importait, 
exportait et échangeait. Elle était vraiment, comme il 
l'écrit, xxvn, 3, « le marchand de peuples d'îles nom- 
breuses, » c'est-à-dire qu'elle trafiquait avec un grand 
nombre de contrées. Au moyen de ses vaisseaux de 
petites dimensions, qui, chargés de produits de toute 
nature, longeaient les rives de la Méditerranée sans 
en excepter une seule, remontaient le Nil, n'avaient 
pas craint de franchir le détroit de Gibraltar et d'explo- 
rer non seulement les îles Canaries et les côtes occi- 
dentales de l'Afrique, mais même le littoral anglais, 
elle avait fondé sur tous ces points des factoreries, des 
centres commerciaux, des colonies. Elle entretenait 
aussi un grand commerce par la voie de terre avec les 
régions du nord et de l'orient. Elle était ainsi le trait 
d'union des peuples et favorisait singulièrement l'in- 
dustrie, la civilisation, les relations de contrée à con- 
trée. En cela, elle envisageait avant tout son propre 
profit. Si elle ne manifesta aucune envie de conquérir le 
monde les aTnes à la main, elle chercha constamment 
à s'enrichir le plus possible aux dépens des autres. Ses 
produits spéciaux étaient le verre et la pourpre qui 
portait son nom. Voir Phénicie, t. v, col. 233. 'Si les 
prophètes hébreux signalent son opulence et sa grande 
puissance, Is., xxm, 8; Ezech., xxvn, 25,33; xxvm, 5; 
Zach., ix, 3, etc., ils n'oublient pas de lui reprocher 
son orgueil, son luxe coupable, son avidité, sa ruse, et 
de prédire les châtiments terribles que ces vices 
devaient lui attirer de la part du Seigneur. Is., xxm, 
8-14; Jer., xxv, 22; xxvn, 3; xlvii, 4; Ezech., xxvi, 2- 
21; xxvn, 26-36; xxvm, 1-19. Cf. Matth., xi, 21-22; 
Luc, x, 13-14. 

III. Histoire. — L'histoire de Tyr, en tant qu'elle se 
confond d'une manière générale avec celle des Phéni- 
ciens, a été racontée plus haut. Voir Phénicie, col. 242- 
247. Nous n'avons à en exposer ici que les traits par- 
ticuliers les plus saillants. 

1° Ses débuts sont très obscurs. Tyr remonte cer- 
tainement à une haute antiquité, Is., xxm, 7; Strabon, 
XVI, II, 22; mais ses origines, telles que les racontent 
les anciens historiens, sont remplies de détails légen- 
daires. C'est ainsi qu'Hérodote, n, 44, s'appuyant sur le 
témoignage des prêtres du dieu tyrien Melkarth, fait 
remonter sa fondation à l'année 2750 avant Jésus-Christ. 
Il est frappant, sous ce rapport,' de constater que 
Tyr n'est mentionnée nulle part dans le Pentateuque, 
tandis que Sidon, qui fut tour à tour sa rivale, sa 



suzeraine et sa vassale, est signalée dans la Table ethno- 
graphique de la Genèse, x, 15. D'autre part, Josèphe; 
An t. jud., VIII, m, 1, abaisse beaucoup trop l'origine 
de Tyr, lorsqu'il affirme qu'elle ne fut bâtie que 240 ans 
avant la construction du Temple de Salomon, vers 
l'année 1250. Le passage biblique où elle fait sa pre- 
mière apparition, Jos., XIX, 29, nous apprend qu'elle 
était déjà une « ville forte » lorsque les Hébreux prirent 
possession de la Terre Promise (environ 1450 av. J.-C). 
Homère ne cite nulle part son nom. Cf. Strabon, XVI, 
n, 22. Sur ses monnaies, Sidon se dit la « mère » de 
Tyr comme de toutes les autres cités phéniciennes, et, 
d'un autre côté, Isaïe, xxm, 12, nomme cette dernière 
ville la « fille de Sidon »; mais ces termes sont géné- 
raux, et ils ne signifient pas d'une manière absolue 
que Tyr ait été fondée par Sidon. Elle existait depuis 
longtemps déjà, lorsqu'elle fut « remplie par les mar- 
chands de Sidon, » Is., xxm, 2, qui vinrent s'y réfu- 
gier lorsque les Philistins eurent pris et saccagé leur 
cité (1252 avant J.-C). C'est surtout à partir de cette 
date que Tyr exerça sur la Phénicie entière une hégé- 
monie qui dura jusqu'en 877. 

2» Période d hégémonie. — Les relations de Tyr 
avec les Hébreux appartiennent spécialement à cette 
époque florissante. (D'après les Septante et la Vulgate, 
Eccli., xlvi, 21, Samuel aurait écrasé les Tyriens, 
mais l'original hébreu porte : « il soumit les chefs des 
ennemis. » Sôr = «adversaire, ennemi ».) Un peu plus 
tard, un des plus grands rois de Tyr, Hiram I er (voir 
Hiram, t. m, col. 717-718), qui régna de 969-936, noua 
des relations très étroites d'amitié et de commerce, 
soit avec David, II Reg., v, 11, soit avec Salomon. 
III Reg., ix, 11-14, 26-28; II Par., n, 11-16; vm, 2, 
17-18. D'après de précieux fragments des historiens 
grecs Dios et Ménandre, conservés par Josèphe, Con- 
tra A-pion., i, 17-18 (cf. Ant. jud., VIII, v, 3), Hiram 
agrandit et embellit notablement la Tyr insulaire, à 
laquelle il réunit le petit îlot qui portait le temple 
du Zeus phénicien. Il reconstruisit aussi les sanc- 
tuaires de Melkarth et d'Astarté (Hérodote, n, 44), et 
établit à l'est de la ville une grande place qui reçut 
plus tard le nom i'Eurychnron. Un des successeurs 
d'Hiram I", l'Ethbaal de la Bible (t. m, col. 2005), qui 
donna sa fille Jézabel en mariage à Achab, roi d'Israël, 
régnait tout à la fois sur Tyr et sur Sidon. Si l'esprit 
de spéculation des Tyriens rendit quelques services 
aux Hébreux, il pesa parfois lourdement sur le peuple 
théocratique : de là, les graves dénonciations et les me- 
naces des écrivains sacrés. Cf. Ps. lxxxii, 6-8; Joël, 
m, 4-8; Amos, i, 9-10; Is., xxm, 1-14; Jer., xxv, 22, et 
xlvii, 4; et surtout Ezech., xxvi-xxvm. Sur la descrip- 
tion du commerce de Tyr par Ezéchiel, voir G. Raw- 
linson, Pliœnicia, 1889, p. 150-164; id., History of 
Phœnicia, 1889, p. 271-308. Même à l'époque de sa 
grandeur et de son opulence, Tyr eut souvent à souffrir 
de luttes intestines. 

3» Tyr et l'Assyrie. — C'est dès le ix e siècle avant 
J.-C., sous le règne d'Ethbaal, que les Assyriens com- 
mencèrent à pénétrer dans l'histoire de Tyr. Vers 865, 
cette ville est mentionnée sur le monolithe de Nimroud, 
parmi les contrées qui payaient le tribut à Assurbani- 
pal. Au vm* siècle, nous la retrouvons dans les listes 
analogues de Salmanasar II, de Ramman-nirar III, de 
Théglathphalasar III. Vers l'année 724, Salmanasar IV 
ayant envahi la Syrie et la Phénicie, Tyr osa seule 
lui résister. Il en fit le blocus pendant plusieurs 
années, sans pouvoir s'en emparer. Sargon, son suc- 
cesseur, ne fut pas plus heureux. Une transaction mit 
fin à cet état de choses : le roi tyrien Élouli s'engagea 
à payer un tribut annuel, et les Assyriens levèrent le 
siège. Lorsque Scnnachérib eut succédé à Sargon, Élouli 
crut le moment favorable pour supprimer sa rede- 
vance; mais l'armée assyrienne accourut et réussit 



■ i > I 






. 



i i iiiii 



. te i 

, ' l s 

■ ; | il ii 






I M | 
"'ilillll 



Il , 

il 1 I 
I I 

,,.#! 

''Il 

.1.1' 



I 1 ' 

! il i 




3 



2343 



TYR 



2344- 



cette fois à prendre Tyr. Cette défaite porta un grand 
coup à la puissance tyrienne, qui avait déjà beaucoup 
décru; néanmoins, la ville conserva sa flotte et son 
commerce durant toute cette période de la domina- 
tion assyrienne. Âsarhaddon, fils de Sennachérib, cite 
à son tour la ville de Tyr parmi ses vassaux et tribu- 
taires. En 667, elle eut encore quelque velléité de ré- 
volte; mais les Assyriens s'en emparèrent de nouveau. 
4» Tyr sous les Chaldéens et les Perses. — Au 
vl e siècle avant notre ère, Tyr, alors gouvernée par 
Ethbaal ou Ithobaal 111, était encore assez puissante 
pour tenir tête au conquérant Nabuchodonosor II, 
qui vint l'assiéger aussi. Le siège dura treize ans, et 
les habitants résistèrent avec vaillance. Mais l'heure 
était venue où devaient s'accomplir les oracles d'Isaïe, 
de Jérémie et d'Ézéchiel : en 574, la ville fut prise 
d'assaut. Voir Ménandre, dans Josèphe, Contr. Ap., i, 
21. C'est probablement d'alors que date la disparition 
de la Tyr continentale. Une période d'anarchie succéda 
à ce grand malheur. Ibid. En 536, Tyr passa sous la 
domination des rois de Perse, cf. I Esd., m, 7, dont 
le joug fut moins lourd que celui de Babylone. Cyrus 
rendit la liberté à ceux des Tyriens qui avaient été 
emmenés en captivité par Nabuchodonosor. 

5° Tyr sous la domination grecque et sous les 
Romains. — Après la bataille d'Issus (333 avant J.-C), 
Alexandre le Grand reçut la soumission de la plupart 
des villes phéniciennes; mais Tyr, vaillante jusqu'à 
l'audace, lui ferma ses portes. Elle s'était rangée du 
côté de Darius Codoman, et elle voulut lui rester fidèle 
même après sa défaite. Arrien, Anab., II, v, 10; 
xvii, 5. Vivement irrité, le jeune conquérant en fit le 
siège. Ne voulant pas perdre son temps à un long 
blocus, il fit construire par ses soldats, avec les dé- 
bris de Palaetyr, une chaussée gigantesque qui réunit 
au continent l'Ile sur laquelle Tyr était bâtie. De la 
sorte, il put s'approcher jusqu'au pied des remparts 
et donner victorieusement l'assaut (332). Il fut d'ailleurs 
aidé par sa propre flotte, qui immobilisa celle des 
Tyriens. Sa vengeance fut terrible. Il détruisit la ville 
en partie; 8000 habitants furent massacrés, 30000 vendus 
comme esclaves. Cf. Arrien, Anab., II, xxi, 2; Diodore 
de Sicile, xvii, 40; Quinte-Curce, IV, iv, 10-18. Après 
la mort d'Alexandre, en 323, Tyr à demi ruinée partagea 
le sort très accidenté de la Syrie. Elle appartint aux 
Ptolémées jusqu'en 198 et passa ensuite aux Séleucides. 
Les livres des Machabées la mentionnent trois fois 
durant cette période. I Mach., xi, 59, et II Mach., rv, 
18, 44. Grâce à ses relations commerciales d'autrefois, 
elle parvint à reprendre une certaine vie. Strabon, XVI, 
il, 23. L'an 126, elle acheta son autonomie, qui fut con- 
firmée par Pompée, lorsque Tyr passa, avec toute la 
Syrie, au pouvoir des Romains (64 avant J.-C). Cf. 
Josèphe, Ant. jud., XV, iv, 1. Mais Auguste restreignit 
ses libertés (20 avant J.-C.). Voir Dion Cassius, liv, 7. 
6° Tyr durant lapériode chrétienne. — Les habitants 
de Tyr sont cités, Marc, m, 8; Luc, vi, 17, parmi les 
foules qui accouraient en Galilée pour voir et entendre 
Notre-Seigneur. Jésus parait être allé lui-même jusque 
sur son territoire. Matth., xv, 21; Marc, vu, 24. Il l'a 
nommée avec Sidon, dans un de ses discours, comme 
une ville très coupable, mais qui aurait pu se conver- 
tir v à sa voix. Cf. Matth., xi, 21; Luc, x, 13-14. — Au 
livre des Actes, xii, 20, il est dit que les Tyriens vinrent 
trouver à Césarée, avec des paroles de regret, le roi 
Hérode Agrippa I», dont ils avaient excité la colère. 
Un passage du même livre, xxi, 3-6, nous apprend que, 
lorsque saint Paul vint à Tyr par mer, au cours de son 
voyage à Jérusalem qui s'acheva par un long empri- 
sonnement (59 après J.-C), il y trouva une chrétienté 
déjà considérable. — L'antique cité conserva long- 
temps une certaine prospérité commerciale et indus- 
trielle. Pline l'Ancien, H. N., ix, 60; xxi, 22; xxxv, 



26, signale, dans la seconde moitié du i« siècle de notre- 
ère, sa pourpre, ses tissus et sa métallurgie. Au iv e siècle,. 
saint Jérôme écrit, In Ezech., xxvi, 7, et xxvn, 2, t. xxv, 
col. 242, 247, que Tyr était encore la plus belle et la- 
plus florissante des villes phéniciennes. Les Sarrasins- 
s'en emparèrent, l'an 638 de notre ère, sous le khalifat 
d'Omar. De 1124 à 1291, elle fut au pouvoir des croisés,, 
qui en firent une place forte de premier ordre. Elle- 
redevint ensuite la propriété des mahométans, qui ra- 
sèrent ses murs. Elle ne recommença à avoir une his- 
toire qu'en l'année 1766, grâce aux Arabes métoualis, 
qui vinrent s'y établir. La nouvelle ville, détruite en- 
partie par le tremblement de terre de 1837, fut relevée- 
par Ibrahim-Pacha. Voir Phénicie, col. 241-247. 
IV. État actuel. — La prédiction des prophètes- 




535. — Tyr et ses environs. 
D'apiès Gaillardot, dans E. Renan, Mission de Phénicie. 

d'Israël s'est accomplie d'une manière saisissante sur- 
Tyr, qui est à peine aujourd'hui l'ombre d'elle-même. 
« Les deux tiers au moins de l'emplacement qu'occu- 
pait (la cité) sont maintenant envahis par la solitude,, 
par des cimetières, par des jardins et par des décombres- 
informes. * V. Guérin, Galilée, t. H, p. 194. La ville 
actuelle, réduite à moins de 6000 habitants (métoualis- 
en majorité, grecs orthodoxes, chrétiens maronites,, 
juifs, etc.), s'élève « sur une presqu'île autrefois entiè- 
rement détachée du continent, auquel se rattache- 
maintenant un isthme sablonneux; l'Ile primitive, basse- 
et rocailleuse, était parallèle à la côte et mesurait 
environ 1609 mètres de long. Les deux extrémités 
forment les bras de la croix de chaque côté de l'isthme 
.(voir le plan, fig. 535), et, se prolongeant encore par- 
une ligne d'écueils, interceptent deux baies au sud et 
au nord. La ville est construite de ce côté, au point 
de jonction de l'Ile et de l'isthme. » Chauvet etlsambert,. 
Syrie, Palestine, Paris, 1887, p. 563-564. La chaussée- 
élevée par Alexandre existe donc toujours; par l'effet 
des vents et des vagues qui, des deux côtés, ont apporté 
des masses de sable, elle s'est même considérablement 



•2345 



TYR — TYROPŒON (VALLÉE DE) 



2346 



■élargie et consolidée. Dans sa partie la plus étroite, elle 
mesure au delà de 600 mètres de largeur; sa longueur, y 
•compris l'Ile, est d'environ 1 kil. et demi. Le port du sud 
•est complètement ensablé; celui du nord l'est en partie 
notable. — Les ruines de la Tyr insulaire, plusieurs 
fois explorées scientifiquement (en particulier, au 
xix« siècle, par MM. de Bertou, E. Renan, J. N. Sepp 
■et V. Guérin), n'ont rien de bien remarquable. Elles 
consistent dans les remparts, aux trois quarts détruits, 
qu'avaient bâtis les croisés, dans les restes d'une cathé- 
•drale construite au iv» siècle sur les débris d'une basi- 
lique encore plus ancienne (Origène et Frédéric Barbe- 
rousse y ont été ensevelis), en de nombreux fûts de 
colonnes enfoncés sous terre, encastrés dans les murs 
ou visibles dans les flots, lorsque la mer est calme, 
"V. Guérin, Galilée, t. il, p. 182-184, 187, en plusieurs pi- 
liers ou blocs gigantesques. La plupart de ces colonnes et 




536. — Le tombeau d'Hiram. 

piliers avaient été apportés d'Egypte et avaient servi à 
orner les temples des dieux tyriens ou les autres édifices 
publics. — De Palaetyr, la cité continentale, il reste 
moins de souvenirs encore : pas un seul édifice, mais, 
dans la plaine déserte et sans culture, seulement 
quelques tombeaux (grottes sépulcrales taillées dans le 
roc, hypogées funéraires, sarcophages), des cuves à 
pressoir, des pans de mur, etc. Le monument qui porte 
le nom de « tombeau d'Hiram » (fig. 536) remonte à une 
haute antiquité, bien que la tradition qui le rattache au 
roi Hirajn présente fort peu de garantie. — Quant au 
commerce qui remuait tout l'ancien monde, il est 
réduit à un peu de coton, de tabac, d'épongés et à 
quelques meules de moulin. La flotte tyrienne se com- 
pose de quelques barques de pêcheurs et de caboteurs, 
qui ne se risquent qu'à de courtes distances. 

V. Bibliographie. — Robinson, Palâstina und die 
angrenzenden Lânder, in-8°, Halle, 1842, t. ni, p. 659- 
684; comte de Bertou, Essai sur la topographie de 
Tî/r, in-8», Paris, 1843; F. C.Movers, DiePhônizier, in -8», 
Bonn, 1841-1856, t. n, 1" part., p. 188-201 ; Poulain de 
Bassay, Tyr et Palxtyr, in-8°, Paris, 1863; E. Renan, 
Mission de Phénicie, in-fol., Paris, 1864, p. 527-694; 
Thomson, The Land and the Book, nouv. édit., in-12, 
Londres, 1876, p. 178-194; H. Prutz, Aus Phônizien, 
JGeogr. Skizzen und litterar. Studien, in-8», Leipzig, 



1876, p. 202-225; J. N. Sepp, Meerfahrt nach Tyrus 
zur Ausgrabung der Kathedral, in-8», Leipzig, 1879, 
et Dos Résultat derdeutschen Ausgraburtgen in Tyrus, 
dans Historische Zeitschrift, t. vm (1880), p. 86-115; 
V. Guérin, Description de la Palestine, La Galilée, 
in-8», Paris, 1880, t. n, p. 180-231 ; G. Ebers et H. Gutbe, 
Palâstina in Bild und Wort, in-fol., Stuttgart, 1884, 
t. il, p. 67-80; D. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, in- 
fol., Paris, 1884, p. 117-144; Fr. Lenormant etBabelon, 
Histoire ancienne de l'Orient, jusqu'aux guerres mé- 
diques, in-4», Paris, 1888, t. vi, p. 471-534; A. Jeremias, 
Tyrus bis zur Zeit Nebukadnezar's, in-8», Leipzig, 
1891; Lukas, Geschichte der Stadt Tyrus zur Zeit der 
Kreuzzûge, in-8», Marbourg, 1895; H. Winckler, Alt- 
orientalische Forschungen, in-8», Leipzig, 1898, t. n, 
p. 65-70; E. Schrader- Winckler, Die Keilinschriften 
und dasAlte Testament, in-8», Berlin, 1903, p. 126-132; 
P. Cheminant, Les prophéties d'Ézéchiel contre Tyr 
(xxvi-xxvm, 19), in-8°, Paris, 1912. 

L. Fillion. 
TYRAN (Vulgate : tyrannus). La Vulgate a traduit 
par ce mot divers noms de dignité. — 1° Dans Esther, vi, 
9; Dan., i, 3 (cf., m, 2, 3), les tyranni sont les grands 
ou les premiers personnages de la cour de Perse que 
l'hébreu appelle partemim. — 2° Dans Job, xxxiv, 19, 
la Vulgate porte : (Deus) non cognovit tyrannum, cum 
disceptaret contra pauperem. On lit dans l'original : 
« Dieu ne distingue pas le riche du pauvre. » — 
3» Dans Job, xxxv, 9, tyranni traduit le mot ràbbînx, 
(t puissants?, et 4» Dans Habacuc, i, 10, le motrôznîm, 
« princes ». Cf. Jud., v, 3; Ps. il, 2; Prov., vm, 13, 15; 
xxxi, 4; Is., XL, 23. — 5° Le texte de l'Ecclésiastique, 
xi, 5, multi tyranni sederunt in throno, rend inexac- 
tement, d'après' les Septante, l'hébreu qui porte : 
« Beaucoup qui étaient humiliés [a>toi:] ont occupé le 
trône. » — 6° Dans Sap., xit, 14; xiv, 16; I Mach., I, 
5; II Mach., IV, 40; v, 8, TÙpocvvo; = tyrannus, est pris 
dans le sens de chef; II Mach., îv, 25: vu, 27, dans le 
sens de cruel. 

TYRANNUS (grec : T-jpawo;), rhéteur d'Éphèse, 
dans l'école duquel logea saint Paul. Act., xix, 9. 
L'Apôtre y prêcha l'Evangile pendant son séjour de 
deux ans, après qu'il eut quitté la synagogue. Les salles 
où enseignaient à cette époque les philosophes por- 
taient le nom de tr^oXai. Tyrannus était sans doute 
un rhéteur ou philosophe grec qui avait de nombreux 
auditeurs et il pouvait mettre ainsi à la disposition de 
Paul un local assez vaste pour y prêcher l'Evangile 
aux païens qui voudraient l'entendre. Tyrannus n'était 
pas sans doute chrétien lui-même quand il accueillit 
saint Paul dans son école, puisque saint Luc ne lui en 
donne pas le titre et l'appelle simplement « un certain 
Tyrannus », mais il le. devint probablement dans la 
suite. — Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, Halle, 
1853, t. n, col. 1247, mentionne un sophiste appelé 
Tûpawoç, mais on ne sait si c'est celui dont parlent 
les Actes. 

TYROPŒON (VALLÉE DE), à Jérusalem. Voir 
Jérusalem, t. m, fig. 237, col. 1325-1326; fig. 247, 
col. 1351-1352; fig. 249, col. 1355-1356. 



u 



U. Voir Vav, col. 2369. 

UBIL (hébreu : Vïin; Septante : 'A6ia;; Alexan- 
drinus: O-jëi'aç), intendant des chameaux du roi David. 

I Par., xxvn, 30. Il était d'origine ismaélite. Son nom 
signifie le chef des chameaux, d'après Gesenius, Thé- 
saurus, p. 15. Les Ismaélites, vivant en Arabie, devaient 
être plus entendus que les Juifs pour l'élève des cha- 
meaux. 

UCAL (hébreu : 'Ukâl), fils ou élève d'Agur, d'après 
unejnterprétation assez commune parmi les modernes. 
Prov., xxx, 1. Voir, sur le sens de ce passage obscur, 
Agir, t. i, col. 288, Ithiel et Jakéh, t. m, col. 1039, 
1111. 

UGOLINO Blasio, savant juif converti de Venise, 
né en 1748, est l'éditeur de la célèbre collection inti- 
tulée Thésaurus antiquitatum sacrarum complectens 
selcclissima clarissimorum virorum opuscula, in qui- 
bus veterum Hebrseorum mores, leges, instiluta, ritus 
sacri et civiles illustrantur, 34 in-f°, Venise, 1744-1769. 

II contient les écrits des savants les plus célèbres du 
XVII e et du xvm e siècle sur les antiquités bibliques, 
avec une traduction de plusieurs traités du Talmud et 
des Midraschim. Il y a là réunis de nombreux opus- 
cules qu'il est aujourd'hui difficile de trouver ailleurs, 
de Buxtorf, Hottinger, Bonfrère, Selden, Lowth, Reland, 
Huet, Bochart, Carpzov, etc. Le t. xxxiv renferme 
quatre index du contenu de l'œuvre entière : Index 
auctorum, locorum S. Scriptures, dictionum hebrai- 
carum, et Rerum et Verborum. 

- ULAI (hébreu : 'Ûlâï; Septante : OùW), fleuve de la 
Susiane, mentionné dans Daniel, vin, 2, 16. Les au- 
teurs classiques l'appellent Eulœus et Pasitigris; il 
porte aujourd'hui le nom de Karoun. Pline, U. N., vi, 
27, dit qu'il entourait la ville de Suse. Daniel, vin, 2, 
16, décrit une vision (celle du bélier et du bouc), qu'il 
eut à la porte de Suse, appelée d'Ulaï. Les rivières de 
la Susiane ont tellement modifié leur cours dans la 
suite des siècles qu'il est difficile d'en faire une des- 
cription certaine. Voici ce qu'on en sait aujourd'hui : 
Le Karoun ou Eouran est formé des torrents de la 
Susiane du nord et du Louristan méridional. Il était 
autrefois navigable jusqu'à la mer, mais il « ne roule 
plus qu'une faible partie de ses eaux directement au 
golfe [Persique]; un canal artificiel l'a détourné vers le 
•Chat-el-Arab, et maintenant il n'est plus guère qu'un 
affluent du grand fleuve... [Près de Suse,] la rivière 
Dizfoul, affluent du Karoun, se rapproche de la Karkha ; 
les deux cours d'eau, développant leurs méandres à la 
rencontre l'un de l'autre, ne sont plus qu'à une dis- 
tance de quinze kilomètres, et la plaine qui les sépare 
est assez unie pour qu'on y ait creusé de nombreux canaux 
d'irrigation dérivés des deux rivières;- en outre, un 
canal naturel d'écoulement, le Chapour ou Chahwer, 
assez large et assez profond pour recevoir les embar- 



cations dé commerce, s'est formé en amont de Suse, 
et descend au sud-est vers la rivière Karoun : la plaine 
de Suse est donc une petite Mésopotamie et le sol en 
est aussi fécond que celui des bords de l'Euphrate; 
c'est à peine si au printemps les chevaux peuvent tra- 
verser l'herbe épaisse qui recouvre les campagnes 
arrosées par le Chapour. » Elisée Reclus, Nouvelle géo- 
graphie universelle, Paris, 1884, t. ix p. 177, 292. Voir 
la carte de Babylonie, fig. 410, t. i, col. 1361-1362. Sur 
le Karoun, voir J. Dieulafoy, La Perse, la Chaldée et 
la Susiane, in-f», Paris, 1887, p. 525, 536-539, 718. 



ULAM (hébreu 
deux Israélites. 



'Ûldm; Septante : O0),â(j.), nom de 



1. ulam, fils deSarès. descendant de Galaad, le petit- 
fils de Manassé. Il eut pour fils Badan. I Par., vu, 
16-17. Voir Badan 2, 1. i, col. 1381. 

2. ULAM (Septante : Aî>dcn; Alexandrinus : OùXâ[i), 
fils aîné d'Ésec de la tribu de Benjamin et de la des- 
cendance de Saùl. Ses fils furent de vaillants archers 
et eurent cent cinquante fils et petits-fils. I Par., vm, 
39-40. 

ULCÈRE (hébreu : màzôr, sehîn; Septante : êXkoç;. 
Vulgate : ulcus), lésion spontanée et purulente d'une 
des parties molles du corps, spécialement de la peau 
ou des membranes muqueuses. Cette lésion provient 
essentiellement d'une cause interne ou d'un vice local. 
Les versions ne rendent pas le mot mâzôr, Jer., xxx, 
13, ou le traduisent par o8uv^, « douleur », vinculum, 
« lien ». Ose., v, 13. — 1° A la sixième plaie d'Egypte, 
Moïse prend de la cendre et la jette en l'air pour 
qu'elle produise des ulcères sur les hommes et sur les 
animaux. Les magiciens ne peuvent imiter ce fléau et 
en sont eux-mêmes atteints. Exod., ix,9-ll. Ces ulcères 
bourgeonnaient en pustules. Voir Pustules, col. 881. 
Moïse désigne sans doute un mal de même nature, 
quand il menace Israël infidèle de « l'ulcère d'Egypte », 
celui qui était endémique sur les bords du Nil et qui 
s'était généralisé à la sixième plaie. Deut., xxvm, 27. 
Il parle ensuite d'un ulcère malin et inguérissable, 
qui frappera les rebelles aux genoux et aux cuisses. 
Deut., xxvm, 35. Il s'agit ici probablement de l'élé- 
phantiasis, dont Job fut également affligé. Job, II, 7. 
Voir Éléphantiasis, t. u, col. 1662; Ebstein, Die 
Medizin im A. T., Stuttgart, 1901, p. 93. — 2» Les 
ulcères purulents accompagnent aussi la lèpre, à un 
certain degré de son développement. Lev., xni, 18-20. 
Voir Lèpre, t. iv, col. 176. — 3» La maladie d'Ézéchias 
était causée par un ulcère. IVReg., xx, 7; Is., xxxvm, 
21. Elle réduisait le patient à une extrême faiblesse : 
« Comme un lion, il brisait tous mes os, » Is., xxxvm, 
13, et elle allait causer sa mort. IV Reg., xx, 1. Le 
siège en était cependant localisé, puisque Isaïe guérit 
le malade par l'application d'un cataplasme de figues 
sur l'ulcère. IV Reg., xx, 7; Is., xxxvm, 21. II n'y a 



2349 



ULCERE 



ULFILAS 



2359 



pas de relations à établir entre cette maladie du roi et 
la peste pernicieuse qui fit périr 185000 Assyriens 
aux environs de Jérusalem. IV Reg., xix, 35. Car> bien 
que les deux récits se suivent dans la Bible actuelle, 
il est très probable que la maladie d'Ézéchias précéda 
l'invasion assyrienne. Voir Ézéchias, t. n, col. 2145. 
Les renseignements fournis par le texte sacré ne per- 
mettent pas de déterminer exactement la nature de la 
maladie. L'application du cataplasme de figues ne 
paraît pas non plus très significative à cet égard, car 
il ressort du texte que la guérison fut surtout mira- 
culeuse. Voir Figue, t. n, col. 2241; Ebstein, Die Me- 
dizin, p. 100. — 4° Le pauvre Lazare gisait T|).xu>[j.évoî, 
ulceribus plenus, c< couvert d'ulcères », à la porte du 
mauvais riche. Ses ulcères suppuraient et il n'avait 
pas la force d'écarter les chiens qui venaient impuné- 
ment les lécher. Luc, xvi, 20, 21. La misère et le 
manque de soins avaient déterminé en lui cette décom- 
position douloureuse. — 5° Jérémie, xxx, 13, compare 
le péché d'Israël à un ulcère que personne ne soigne. 
Osée, v, 13, appelle du même nom l'infidélité de Juda. 

H. Lesêtre. 

ULFILAS, évéque goth et auteur de la version 
gothique de la Bible. 

I. Vie et œuvres. — l°Wulphila (Wôlflin, le « petit 
loup ») était le fils d'un Goth et d'une femme de l'Asie 
Mineure, qui probablement avait été faite prisonnière 
à la guerre et était esclave. Il était chrétien. Comme il 
parlait grec, il fut choisi pour remplir la fonction de 
lecteur. A l'âge de trente ans, il accompagna une ambas- 
sade des Goths à la cour de l'empereur. Il fut sacré 
évêque par Eusèbe de Nicomédie, probablement à 
Antioche, lors du synode réuni en cette ville en 341. Il 
adopta les erreurs ariennes et appartint au parti homéen, 
dont les doctrines prévalurent au concile de Constanti- 
nople en 360. Sa profession de foi, publiée au mois de 
juin 383 peu avant sa mort, énonce les mêmes doctrines. 
Il était retourné parmi les Goths, mais la persécution 
d'Athanarich l'obligea à repasser sur le sol de l'empire 
avec un grand nombre de ses fidèles. Selon Auxentius, 
il aurait, après son sacre, vécu sept années au pays 
barbare et trente-trois années en terre grecque. Il 
mourut en 383, âgé de 70 ans environ. 

2° Son disciple Auxentius nous apprend qu'il a 
prêché en grec, en latin et en goth et qu'il a publié en 
ces trois langues plures tractatus et multas interpreta- 
tiones. De ces homélies et explications de l'Ecriture, il 
ne nous est rien parvenu. On lui a attribué cependant 
plusieurs écrits : 1. Krafft lui a rapporté les fragments 
d'un commentaire arien sur l'Évangile de saint Luc, 
publiés par le cardinal Mai, Scriptorum velerum col- 
lectio, t. m, 2, p. 191-207, dont un morceau se trouvait 
aussi dans le fragment de Bobbio, ibid., p. 208-239. 
Cf. Mercati, Antique reliquie liturgiche Ambrosiano- 
Romane, con un excursus sui fragmenti dogmatici 
ariani del Mai, dans Studi e Testï, Rome, 1902, t. vu, 
p. 47. Mais ces fragments de commentaire n'ont rien 
à voir avec Ulfilas. Cf. Zeitschrift fur wissenschaft liche 
Théologie, t. xlvi, p. 244-245. — 2. Au 44 e congrès des 
philologues allemands, tenu à Dresde en septembre 1897, 
Friedberg a prétendu qu'Ulphilas était l'auteur de 
VOpus imper fectum in Matthxum, longtemps attribué 
faussement à saint Jean Chrysostome. On a montré que 
l'auteur de cet écrit, qui est, du reste, de la fin du 
iv e siècle, sinon du v« siècle, n'était pas un Goth. 
Cf. Allgemeine Zeitung de Munich, 1897, n»44; Zeit- 
schrift fur deutsche Philologie,i898, t. xxx, p. 361-362, 
431. F. KaufTmann a soutenu que ce commentaire 
reproduisait au moins des parties d'un écrit goth. Zur 
deutschen Alterlumskunde aus Anlass des sogenann- 
ten Opus imperfectum, dans Zeitschrift fur deutsche 
Philologie, 1899, t. xxxi, p. 451; 1900, t. xxxn, 
p. 464-472; Zur Frage nach den Queilen des Opus im- 



perfectum, ibid., 1902, t. xxxv, p. 4; 1903, t. xxxv, 
p. 483-491; Th. Paas, Das Opus imperfectum in Mat- 
thseum, Krefeld, 1907. — 3. Une explication de l'Évan- 
gile de saint Jean en goth : Skeireins Aiivaggeljont 
pairte Jôhannân, dont les fragments retrouvés ont été 
publiés par Massmann, à Munich, en 1834, et par 
W. Braun, DieMailânden Blàtter der Skeireins, dans 
Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1898, t. xxxi, 
p. 426-451, a été attribuée à Ulfilas par l'éditeur, par 
Krafft, Kirchengeschichte, t. i, p. 348, et par Die- 
trich, qui l'a rééditée : Die Bruchstùcke der Skeireins, 
dans Texte und Untersuchungen zur altgermanischen 
Religionsgeschichte. Texte, Strasbourg, 1902, t. il. 
Mais le Skeireins diffère de la Bible gothique notam- 
ment par l'emploi des participes absolus ; il n'est donc 
pas d'Ullilas, quoiqu'il soit important pour l'étude de 
la version gothique du quatrième Évangile. Cf. Stolzen- 
berg dans Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1905, 
t. xxxvn, p. 388; K. Marold, Die Schriftcitate der 
Skeireins und ihre Bedeutung fur die Textgeschichte 
der gotischen Bibel, Kœnigsberg, 1893. Cl. Auxentius, 
Epistola de fide, vita et obitu Ulfilse, édit. par G. Waitz, 
Ueber das Leben und die Lehre des Ulfila, Hanovre, 
1840, et par F. Kauffmann, Aus der Schule des Wulfila, 
dans Texte und Untersuchungen zur altgermanischen 
Religionsgeschichte. Texte, Strasbourg, 1899, t. l;Phi- 
lostorge, H. E., 1. II, n. 5, t. lxv, col. 468-469 ; Socrate., 
H. E., 1. II, c. xli; Sozomène, H. E., 1. IV, c. xxiv.; 
1. IV, c. xxxvn, t. lxvii, col. 349, 1189, 1404-1408; Cas- 
siodore, Historia triparlita, 1. VIII, c. xm, t. lxix, 
col. 1118-1120; W. Krafft, Die Anfànge des Christen- 
tums bei den germanischen Volkern, Berlin, 1854, t. i,; 
W. Bessel, Ueber das Leben des Ulfilas und die Bekeh- 
rung der Goten zum Christenthum, Goettingue, 1860 ; 
E. Bernhardt, Wulfila oder die gotische Bibel, dans 
Germanistische Handbibliothek de Zacher, Halle, 1875, 
t. m; G. Kauffmann, Kritische Untersuchung der 
Queilen zur Geschichte Ulfilas, dans Zeitschrift fur 
deutsches Alterthum, t. xxvn, p. 193 ; F. Kauff- 
mann, Der Arianismus des Wulfila, dans Zeitschrift 
fur deutsche Philologie, 1898, t. xxx, p. 93-113; 
Stamm, Ulfilas, 11 e édit., par Heyne, Paderborn, 1908; 
H. Bohmer, art. Wulfila, dans Realencyclopàdie fur 
proteslantische Théologie und Kirche, Leipzig, 1908, 
t. xxi. p. 548-558. 

II. Sa. version gothique de la Bible. — L'évêque 
goth Ulfilas, voulant traduire l'Écriture Sainte en sa 
langue maternelle, inventa l'alphabet goth, et sa traduc- 
tion de la Bible fut le premier document écrit en goth. 
D'après Socrate, il l'aurait faite au pays des Goths, 
vers 369. Ses motifs étaient d'ordre pratique : le manque 
de prêtres ou de lecteurs sachant le grec et pouvant 
traduire le texte grec de l'Écriture et le grand nombre 
d'églises chez les Goths le déterminèrent à faire une 
traduction écrite pour le ' service liturgique. D'après 
Philostorge, H. E.,\. Il, n.5,t.Lxv, col. 469, il n'aurait 
pas traduit les quatre livres des Rois pour ne pas 
exciter l'ardeur guerrière des Goths par la lecture des 
récits de batailles et de victoires. La traduction de ces 
livres n'existait pas encore vers le milieu du V e siècle. 
On ne sait pas au juste si Ulfilas a traduit lui-même 
tout le reste de lu Bible. De nos jours, les spécialistes 
sont portés à ne lui attribuer personnellement que la 
traduction des Évangiles; les autres livres du Nouveau 
et de l'Ancien Testament auraient été traduits en goth 
après lui. D'ailleurs [il est difficile de se prononcer 
catégoriquement à ce sujet, puisqu'il ne nous reste 
qu'un petit nombre de fragments delà version gothique 
de l'Écriture. C'est exclusivement par ces fragments 
que nous pouvons la juger. 

1» Ancien Testament. — Il ne nous est parvenu que 
de rares fragments : Gen., v, 3-30, d'après un manu- 
scrit de Vienne; les deux versets 2 et 3 du Ps. lui (lii) 



2351 



ULFILAS 



2352 



dans le Skeireins avec les citations des Psaumes 
qu'on trouve dans les Évangiles de saint Luc et de 
saint Jean et dans l'Épître auxÉphésiens ;enfin quelques 
noms propres, extraits de Neh. , v-vn plutôt que d'Esdras, 
il. Cf. A. Uppstrôm (pour Néhémie), Upsal, 1868; 
O/Ohrlolï, Die Bruchstûcke nom A. T. der Gotischen 
Bibelûbersetzung kritisch untersucht, Halle, 1873; Die 
alttestamenttictien Bruchstûcke der gotischen Ueber- 
setzung, dans Zeitschrift fur deutsche Philologie, 
Halle, 1876, t. vu, p. 251-295; E. Laugner, Die gothi- 
schen Nehemiafragmente, Sprottau,1903(programme); 
"J. Mùhlau, Zur Frage nach der gotischen Psalmen- 
ûbersetzung, Kiel, 1904 (dissert.). Paul de Lagarde 
avait supposé que cette version était faite sur la recen- 
sion de Lucien. Librorum V. T. pars prior, p. xiv. 
Cf. A. Kiseh, Der Septuaginta-Codex des Ulfdas, dans 
M onatschrift fur Geschichte und- Wissenschaft des 
Juclenthums, Breslau, 1873, t. xxn, p. 42-46, 85-89, 
215-219. F. Kauffmann l'a clairement démontré. Zur 
Quellenkritik der gotischen Bibelûbersetzung, dans 
Zeitschrift fur deutsche Philologie, 1897, t. xxix, 
p. 315-337. Mais il conclut que, dans le fragment de 
Néhémie, ce texte a été traité capricieusement, que la 
version n'est pas d'Ulfilas et qu'elle n'a pas été faite au 
IV e siècle. 

2? Nouveau Testament. — Nous n'avons que des 
fragments des quatre Évangiles et des Épîtres de saint 
Paul. Il ont été successivement découverts, publiés et 
étudiés. 

■ 1> Les textes. — a) Le Codex Àrgenteus d'Upsal. Voir 
son histoire, sa description et ses éditions, avec un 
fac-similé, t. i, col. 948-949. Ajoutons seulement qu'en 
1665 ce manuscrit se trouvait en Hollande en la pos- 
session d'Isaac Vossius et qu'il fut transcrit ligne par 
ligne par ûerrer. Le manuscrit et sa copie furent 
achetés en 1662 par le comte Magnus Gabriel de la 
Gardie, qui les donna à l'université d'Upsal. La copie 
périt dans un incendieen 1702. Voir encore G. J. Heupel, 
Dissertatio de Vlphila a versione 1 V evangelislarum 
gothica, 1683; Vlphilas illustratus de Ihre, reproduit 
avec d'autres écrits du même par Bùsching, Berlin, 
1773. S. Haushall a publié saint Matthieu à Londres en 
1807, et J. A. Schmeller de même à Stuttgart en 1827. 
Sur l'édition d'Uppstrôm, voir Gabelentz et Lobe, Vpp- 
strôm's Codex Argenteus. Eine Nachschrift zu der 
Ausgabe des Ulfilas, Leipzig, 1860. Guillaume Uppstrôm 
a réédité à Stockholm en 1861 les fragments de saint 
Matthieu de l'édition de son père, André Uppstrôm. 
N. Skeat a donné à Londres, en 1882, les fragments de 
saint Marc. Voir enfin I. Peter, Die Zahl Blâlter des 
Codex Argenteus, dans Germania, Vienne, 1885, nouv. 
série, t. xviii, p.' 314-315; E. Meyer, dans Zentralblatt 
fïir Bibliothekwesen, décembre 1911. 

6) Le Codex Carolinus de Wolfenbûttel. — Sous 
quelques feuilles d'un manuscrit, écrit en Espagne au 
ix* siècle et reproduisant les Origines de saint Isidore 
de Séville, F. A. Knittel, bibliothécaire de Wolfenbûttel, 
découvrit quelques fragments de l'Épître aux Romains, 
xi, 33-36 ; xii, 1-5, 17-21; xm, 1-5; xiv, 9-20; xv, 3-13, 
à côté du texte latin correspondant. Il les publia à 
Brunswick, en 1762. J. Ihre les réédita à Upsal l'année 
suivante, et cette réédition est reproduite par Bùsching, 
Berlin, 1773, p. 97. Zahn les réédita encore avec le 
Codex Argenteus, en 1805. Ce manuscrit goticolatinus 
est du v e siècle. 

c) Nouveaux fragments des Évangiles et desEpîtres. 
— Angelo Mai en 1817 découvrit à l'Ambrosienne de 
Milan sous un palimpseste du VIII e siècle, provenantde 
Bobbio et reproduisant les Homélies de saint Grégoire 
le Grand sur Ézéchiel, G, 22, des fragments de toutes 
les Épitres de saint Paul sauf les deux Épitres aux 
Thessaloniciens et la lettre aux Hébreux. Sous un autre 
palimpseste du IX e siècle, contenant en seconde écriture 



le commentaire de saint Jérôme sur Isaïe, il remarqua 
des extraits des mêmes Épitres hormis celles aux Bo- 
mains et aux Hébreux. Un manuscrit latin des Évangiles 
contenait une feuille d'un codex plus ancien, repro- 
duisant en latin et en goth deux passages de saint 
Matthieu, xxv,38-xxvi, 3; xxvi, 64-xxvn, qui comblaient 
partiellement les lacunes du Codex Argenteus. Mai fut 
aidé dans son travail de déchiffrement par le comte 
Charles-Octave Castiglione, et ils publièrent ensemble 
une notice sur leur découverte, avec la description des 
manuscrits et un spécimen du texte, Milan, 1819. Mai, 
devenu bibliothécaire du Vatican, laissa au comte 
Castiglione le soin de la publication. Celui-ci s'en 
acquitta par morceaux : en 1829, il donna II Cor.; en 
1834, Rom., I Cor., Eph.; en 1835, Gai., Phil., Col., 
I Thés., eten 1839, II Thés., I et II Tim., Tit., Philem., 
le tout à Milan, avec une traduction, des notes et un 
glossaire. J. F. Massmann trouva dans un manuscrit du 
Vatican le Skeireins, dont nous avons déjà parlé, et le 
publia à Munich en 1834. Ce commentaire de saint 
Jean fournit, en dehors du texte du quatrième Évangile, 
des citations des trois autres Évangiles et de l'Épître 
aux Hébreux. H. C. de Gabelentz et J. Lobe recueil- 
lirent tous les fragments connus tant de l'Ancien que 
du Nouveau Testament, collationnèrent soigneusement 
les manuscrits et, aidés par le comte Castiglione, ils 
donnèrent un texte plus soigné avec une traduction 
latine, un glossaire et une grammaire goths, rédigés 
en allemand, Altenbourg et Leipzig, 1836, 1. 1; Leipzig, 
1843, t. n. Cet ouvrage a été reproduit par Migne, 
Patr. lat., t. xvm, col. 455-1558; mais la grammaire 
et le glossaire ont été traduits de l'allemand en latin 
par Tempestini. Ces textes ont été reproduits et étu- 
diés, comme étant les plus anciens documents de la 
langue allemande, par J.Gaugengigl, Vlfilas, Urschrift, 
Sprachlehre,Wôrterbuch, Passau, 1848, et sous un titre 
nouveau : Aeltesle Denkmàler der deutschen Sprache 
erhalten in Ulfilas gotischen Vebersetzung, 3 e édit., 
1853; 4« édit., 1856; par lî. F. Massmann, Vlfilas, 
Stuttgart, 1855, 1857; par F. L. Stamm, Ulfila oder die 
uns erhaltenen Denkmàler der deutschen Sprache 
(texte, grammaire et dictionnaire), Paderborn, 1858; 
depuis la 5 e édit., en 1872, cet ouvrage a été revu par 
M. Heyne; 11 e édit., 1908; A. Uppstrôm, Fragmenta 
gothica selecta, Upsal, 1861; Codices gotici Am- 
brosiani, etc., Upsal, 1868. Reilferscheid découvrit 
à Turin quatre feuilles ayant appartenu au manu- 
scrit de Milan, et Massmann les édita, Turiner Blàtler 
der gotischen Bibelûbersetzung, dans Germania, 
Vienne, 1868, t. xm, p. 271-284. Les fragments nou- 
veaux étaient des Épîtres aux Galates et aux Colossiens. 
E. Bernhardt, qui avait publié : Krilische Vntersu- 
chungen ûber die gothische Bibelûbersetzung, Mei- 
ningen, 1864, 1869, donna deux éditions de la version 
gothique de l'Écriture : Vulfllaoder die gotische Bibel, 
mit derti entsprechenden Text, Halle, 1875; Die 
gotische Bibel des Vulfda (texte, variantes et glossaire), 
Halle, 1884. G. H. Balg a édité cette Bible avec intro- 
duction, syntaxe et glossaire : The flrst Teulonic 
(Germanie) Bible, Milwaukee, 1891 ; P. Odefey, Das 
gotische Lukas-Evangelium, Flensburg,1908; W. Streit- 
berg, Die gotische Bibel, dans Germanische Bibliothek, 
part. II, t. m, 1, Heidelberg,1908; t. m, 2 (dictionnaire 
goth, grec, allemand), 1910. Cf. K. Marold, Stichometrie 
und Leseabschnitte in den golhischen Episteltexten, 
Kœnigsberg, 1890; J. M. N. Kapteijn, Die Uebersetz- 
ungstechnik der gotischen Bibel in den Paulinischen 
Briefen, dans Indogerm. Forschungen, 1911, t. xxiXi 
fasc. 3 et 4. 

d) Un nouveau fragment bilingue, gothique-latin, 
comme le Codex Argenteus, a été acheté au cours des 
années 1907-1908 auprès d'Antinoé dans la Haute-Egypte 
et apporté à Berlin en 1908. Il appartient maintenant à 



2353 



ULFILAS 



2354 



la bibliothèque de l'université de Giessen, n. 651/20. 
Deux pages de parchemin reproduisent incomplètement 
le texte latin de Luc, xxm, 2-6;xxiv, 5-9, et le teste 
gothique de Luc, xxm, 11-14; xxiv, 13-17. Le frag- 
ment latin a été étudié par P. Glaue et le fragment goth 
par K. Helm, Das gotisch-lateinische Bibelfragment 
der Universitâls-bibliothek zu Giessen, Giessen, 1910. 
M. Glaue a montré que le texte latin se rapprochait de 
très près de celui du Codex Brixianus de l'ancienne 
Italique et il pense que le fragment bilingue a été 
apporté en Egypte par un soldat, un clerc ou un moine 
goth. Des indices paléographiques permettent de le 
dater du commencement du v B siècle, et le texte est 
écrit per cola et commata. La reconstitution du texte 
gothique a été d'autant plus difficile à M. Helm que le 
texte est incomplet et qu'il n'a pas son pendant dans 
les fragments connus jusqu'à présent. F. Ruhl a étudié 
l'origine de ce fragment bilingue, et il conclut que 
vraisemblablement il a été rédigé en pays vandale et 
apporté en Egypte par les soldats. Zur Herkunft der 
iateinisch-gotischen Bibelfragmente, dans Zeilschrift 
fàr neutestamentliche Wissenschaft, 1911, t. xir,p. 85- 
86. Cf. Journal of theological Sludies, 1910, t. xi, 
p. 711-613. W. Streiberg s'en est occupé dans l'intro- 
duction de la seconde partie de Die gotische Bibel, 
Heidelberg, 1910. Cette découverte récente est venue 
confirmer les conclusions qu'on avait précédemment 
tirées sur les caractères de la version gothique du 
Nouveau Testament. 

2. Caractères de celte version. — Ils se rapportent à 
deux points : a) dépendance directe du texte grec antio- 
chien ou syrien; b) ressemblances avec la version latine 
dite l'Itala. — a) Dépendance directe du texte grec 
d'Anlioche. — E. Bernhardt avait cru que la version 
gothique du Nouveau Testament se rapprochait de très 
près du Codex Alexandrinus B et il en avait conclu 
qu'Ulfilas avait traduit le texte grec sur un manuscrit 
parent de B. La comparaison exacte de la traduction 
gothique avec ce manuscrit n'autorise pas cette con- 
clusion. En réalité, cette version a été faite sur un texte 
grec semblable à celui que présentent les manuscrits 
antiochiens du texte dit syrien, spécialement à celui 
que cite et commente saint Jean Chryspstome dans ses 
Homélies sur saint Matthieu et saint Jean, avec quelques 
divergences toutefois. Sur les rapports de saint Jean 
Chrysostome avec les Goths, voir Batiflol, dans la Revue 
biblique, 1899, p. 568-569. Tous les critiques antérieurs, 
depuis Fell, avaient reconnu cette parenté. F. Kauff- 
mann, dans Zeilschrift fur deutsche Philologie, 1897, 
t. xxix, p. 306-315. Les manuscrits onciaux, auxquels 
ressemble la version gothique, sont EFGHSUVAIT. 
F. Kauflmann, ibid., 1898, t. xxx, p. 143-183; 1899, 
t. xxxi, p. 181-190; 1903, t. xxxv, p. 433-453, 458-463; 
E. Dietrich, Die Bruchstucke des Skeireins, Strasbourg, 
1903. H. von Soden a reconnu aussi à la base de la 
versiota gothique un texte grec tout à fait analogue à 
celui des Pères cappadociens et de saint Chrysostomei 
un texte de la KolvVJ, dans lequel des leçons de /avaient 
pénétré ça et là. Aussi comme cette traduction a peu 
de leçons particulières au sens propre du mot, elle 
peut servir à la reconstitution du texte de la Koivt|. Die 
Schriften des N. T., Berlin, 1907, 333, p. 1469-1470. 
Le traducteur, en effet, a suivi de très près le texte 
grec, sur lequel il travaillait, et dans la plupart des 
cas, il le traduit mot à mot; le plus grand nombre des 
différences provient du génie propre de la langue 
gothique, desrègleB de sa syntaxe; elles sont purement 
grammaticales. H. Stolzenberg, Die Uebersetzungste- 
chnik des Wulfila unlersucht auf Grund der Bibel- 
fragmente des C. A., dans Zeilschrift fur deutsche 
Philologie, 1905, t. xxxvn, p. 145-193, 352-388. Le 
traducteur insère dans son œuvre des mots grecs et 
latins. C. Elis, Ueber die Fremdworte und fremden 



Eigennamen in der gotischen Bibelùbersetzung in 
grammatischer und archâologischer Hinsichl (dissert.), 
Gœttingue, 1903; K. Gaebeler, Die griechischen Besland- 
teile in der gotischen Bibel, dans Zeitschrift fur 
deutsche Philologie, 1911, t. xliii, p. 1-118. 

6) Ressemblances avec l'Itala. — Cependant la ver- 
sion gothique contient quelques leçons dites occiden- 
tales, qui se rencontrent notamment dans la version 
latine nommée l'Itala. Bangert, Der Einfluss lateinis- 
cher Quellen auf die gothische Bibelùbersetzung des 
TJlfila, Rudolstadt, 1880 (progr.), et Marold, Kritische 
Untersuchungen ùber den Einfluss der lateinischen 
auf die gotische Bibelùbersetzung (dissert.), Kœnigs- 
berg, 1881, en avaient conclu qu'elle avait été revue au 
VI e siècle, à l'époque où les Goths occupaient l'Italie, 
sur la \'ulgate latine, qui n'est qu'une revision de 
Yltala. Mais un examen plus attentif du sujet a montré 
que la version gothique ressemblait étonnamment au 
Brixianus et au Monacensis, deux manuscrits de 
Yltald non revisée. Cf. F. Kauffmann, dans Zeitschrift 
fur deutsche Philologie, 1899, t. xxxi, p. 177-180, 190- 
194; F. Conybeare, dans The Journal of theological 
sludies, 1899-1900, t. i, p. 129-134; H. C. Hoskier et 
F. Conybeare, ibid., 1911, t. xn, p. 456-459; H. Stolzen- 
berg, dans Zeitschrift fur deutsche Philologie, t. xxxvii, 
p. 388-392. Bien plus, le Brixianus a les mêmes lettres 
d'argent et la même écriture violette que le Codex 
Argenteus d'Upsal; ils sont tous deux de la même 
école calligraphique italienne. Or, le Brixianus contient 
deux feuillets étrangers, que Bianchini avait édités, 
Evangeliarium quadruplex, et qui sont reproduits 
par Migne, Pair, lat., t. xn, col. 18-19, et par Ber- 
nhardt avec une traduction allemande, Zeitschrift fur 
deutsche Philologie, 1870, t. n, p. 295 sq. Voir aussi 
J. Drâseke, Der Gothen Sunja und Frithila Prœfalio 
zum Codex Brixianus, dans Zeitschrift fur wisscn- 
schaftliche Théologie, 1907, t. L, p. 107-117. Ils con- 
tiennent un fragment d'une polémique contre saint Jé- 
rôme et le mode de traduction, qui tient compte du sens 
plutôt que des mots, qu'il a suivi dans sa revision de 
l'Itala. Or, le saint docteur répond aux mêmes reproches 
que lui avaient faits deux prêtres goths, Sunnia et Fre- 
tella, au sujet de sa traduction des Psaumes. Epist. cvr, 
ad Sunniam et Fretellam, t. xxii, col. 857. Cf. 
J. Mûhlau, Zur Frage nach der gotischen Psalmenù- 
bersetzung, Kiel, 1904, p. 19-26. Enfin, on remarque 
dans la version gothique des notes marginales sur les 
étymologies des mots grecs et latins. Toutes ces consi- 
dérations ont amené F. Kauffmann, dans Zeilschrift fur 
deutsche Philologie, 1900, t. xxxu, p. 305-335, à conclure 
que Sunnia et Fretella sont les auteurs de la préface, 
intercalée dans le Brixianus, et qu'ils l'ont placée en 
tête d'une édition critique de la version gothique, faite, 
vers 410, par eux en vue de la rendre plus littérale. 
Au vi e siècle, cette édition fut mise en rapport étroit 
avec le Bi-ixianus et la Vulgale de saint Jérôme, en un 
manuscrit bilingue ou peut-être même trilingue, dont 
nous avons un reste dans le Carolinus de Wollfenbûttel. 
Le Brixianus aurait été copié sur un manuscrit gotico- 
latinus, dont le texte gothique est reproduit dans le 
Codex Argenteus, écrit, comme le Brixianus, dans le 
nord de l'Italie. La découverte du fragment gotico- 
lalinus d'Antinoé vient confirmer ces conclusions, et 
M. Glaue pense même que ce fragment, antérieur au 
VI e siècle, est un reste du travail de Sunnia et Fretella. 
Das gotisch-lateinische Bibelfragment der Universitâts- 
bibliothek zu Giessen, p. 9-14. 

Toutefois, M. von Soden, loc. cit., n'admet pas cette 
revision de la version gothique et il croit que les ma- 
nuscrits nous donnant le texte pur d'Ulfilas. Il explique 
autrement les ressemblances de cette version avec les 
manuscrits de l'Itala. Selon lui, elles proviennent de 
ce que l'Itala a subi l'influence de la recension I, dont 



2355 



ULFILAS — UR DES GHALDEENS 



2356 



la version golhique reproduit certaines leçons. Mais 
M. Nestlé y trouve avec raison des traces d'une revision 
postérieure; et il en signale quelques-unes. Einfuhrung 
indas GriechischeNeueTestament,3' édit., Gœttingue, 
1909, p. 154-155. Cf. F. G. Kenyon, Randbook to the 
textual criticism of theNew Testament, Londres, 1901, 
p. 204; K. Lake, The text of New Testament, 4« édit., 
Londres, 1908, p. 46. 

Cf. J. L. Hug, Einleitung in die Schriften desN. T., 
4« édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, § 130-142, t. i, 
p. 431-460; E. Sievers, Gotische Literatur, dans 
H. Paul, Grundriss der germanischen Philologie, 
Strasbourg, 1889, t. h, p. 65-70; E. Eckstein, Ulfilasund 
die gotische Uebersetzung der Bibel, dans Illustrierte 
Monatschrift, décembre 1892, p. 403-407; Dictionary 
of the Bible, de Hastings, Edimbourg, 1902, t. IV, 



1. UR (hébreu: 'Ûr; Septante : ©upoçâp), nom pro- 
bablement altéré du père d'un des vaillants soldats de 
David, appelé Éliphal. I Par., xi, 35. Dans IIReg.,xxin, 
34, Éliphal est appelé ÉliDhéleth, fils d'Aasbal. Voir 
Éliphéleth 1, 1. 1, col. 1686. 

2. UR DES CHALDÉENS (hébreu : 'Ûr Kasdim; 
Septante x">P œ T&v XaXSSùiiv), ville de Chaldée. En 
assyrien 'ûr signifie « ville », et c'est pour distinguer 
cette ville des autres villes en général qu'elle est 
appelée Ur des Chaldéens. — 1° La Genèse, xi, 28, 
nous apprend qu'elle était la patrie d'Aran, fils de 
Tharé et frère d'Abram (Abraham), et c'est de là que 
partit Tharé avec Abraham, son fils, pour se diriger 
vers la terre de Chanaan. Gen., xi, 31. — 2° Le second 
livre d'Esdras, ix, 7, rappelle cette origine du père des 








'«sm^^fs®^ t 






.'.'■I '• lii!'-,.* "î*ii*i 



iy£ ;jrrt*" 



«Mat^ 



%jO$- u 



'*■*•* 



'/V 



B>-rp*^*/ '". 



ihMIit (^wtiitwqM^i 



■ ' iwaay gr:..'" *?'*<> . .. 







537. — Ruines d'Ur (Mugheir). D'après- Taylor, Journal ofthe Asiatic Society, 1855, t. xv, entre p. 260 et 261. 



p. 861-863; CE. Gregory, Textkritik des N. T., Leipzig, 
1902, t. n, p. 730-733; 1909, t. m, p. 1343; E. Nestlé, 
Einfuhrung in das Griechische Neue Testament, 
3» édit., Gœttingue, 1909, p. 153-155; A. Risch, Die 
gotische Bibel, dans Studien und Kritiken, t. lxxxiii, 
1910, p. 515-619; F. Kauffmann, Zw Textgeschichte der 
gotischen Bibel, dans Zeitschrift fur deutsche Philolo- 
flfie, 1911, t. XLin,p. 118-132; Id., Beitrâgezur Quellen- 
kritik der gotischen Bibelùberseltung,ibid., p. 401-428. 

E. Mangenot. 
UNICORNE (hébreu : re'êm; Septante : jjiovo/.épw;, 
àaSpôç), animal sauvage nommé dix fois dans l'Écriture. 
Num., xxiii, 22; xxiv, 8; Deut., xxxm, 17; Job,xxxix, 
9,10;Ps. xxii, 22; xxix, 6; xlh, 10; xcn,ll; Is., xxxiv, 
7. La Vulgate traduit re'êm par unicornis, Ps. xxi, 
22; xxvm, 6; lxxvh (hébreu : lxxviii), 69 : « les hau- 
teurs »; rdmîm); Ps. xci, 11; Is., xxiv, 7. Elle le rend 
par rhinocéros, Num.,xxin, 22;xxiv, 8; Deut., xxxm, 
17; Job, xxxix, 9, 10. Voir Rhinocéros, col. 1088. Le 
re'êm ou rêm est en réalité le bœuf sauvage, l'aurochs. 
Voir Aurochs, t. i, col. 1260 ; Licorne, t. iv, col. 244. 

UPSAL (CODEX D'). Voir Codex Argenteus, 1. 1, 
col. 948-949, le fac-similé, fig. 252, vis-à-vis col. 948; 
Ulfilas, col. 2351. 



Juifs sorti de 'Ûr Kaidîm pour aller dans la contrée 
destinée à devenir le séjour de ses descendants. Dans 
ce passage, les Septante traduisent yûçx twv Xoc).- 
Saitov, comme ils l'avaient fait dans la Genèse, xi, 28, 
mais la Vulgate latine, au lieu de Ur Chaldseorum, 
nom dont elle s'était servie avec raison dans la Genèse, 
traduit de igné Chaldseorum, en adoptant une légende 
juive, fondée sur ce que le mot 'ûr en hébreu a, entre 
autres significations, celle de « feu », ce qui avait fait 
croire aux rabbins que les compatriotes d'Abraham 
avaient voulu le faire brûler dans une fournaise. Rien 
ne prouve que cette légende ait le moindre fondement. 
— 3° Saint Etienne, dans son discours, Act., vm. 4, 
dit en parlant d'une manière générale qu'Abraham 
« sortit de la terre des Chaldéens, et alla habiter à 
Haran, » indiquant ainsi d'une manière très précise le 
pays où était situé Ur. 

Ur Kasdim porte aujourd'hui le nom de Mughéir. 
Quand le voyageur descend le cours de l'Euphrate, à 
peu près à moitié distance entre Babylone et l'embou- 
chure du Chat el-Arab dans le golfe Persique, il re- 
marque à l'ouest, sur une légère élévation, un monceau 
de ruines (fig. 537). Ce sont les restes d'Ur Kasdim. 
La plaine à l'entour est si basse que, lorsque les eaux 
grossissent annuellement, elle devient un véritable 



2357 



UR DES CHALDÉENS — URIE 



2358 



marais, au milieu duquel Mughéir prend l'apparence 
d'une île où l'on ne peut aborder qu'en bateau. Il n'en 
était pas ainsi quand y naquit Abraham. Les eaux de 
l'Euphrate, « la vie de la contrée », comme l'appellent 
les textes assyriens, Cuneifomi inscriptions of Western 
Asia, t. il, pi. 51, 25, n'inondaient point alors impé- 
tueusement la campagne, mais, emprisonnées dans 
des canaux et savamment distribuées, elles la fertili- 
saient au lieu de la rendre malsaine. La ville d'Ur était 
florissante, luttant pour la grandeur et la civilisation avec 
la Babylone contemporaine. Les sciences et les arts 
y étaient cultivés et on y écrivait sur l'argile des livres 
dont les copies nous ont été partiellement conservées. 
On y a .trouvé les restes encore imposants d'un tem- 
ple à étages (voir fig. 537), construit en l'honneur du 
dieu Sin (la lune), d'où sans doute le nom de Kama- 
rina (de kamar, en arabe, « la lune »), qui était donné à 
Ur. Eupolème, dans Eusèbe, Prsepar. Ev., ix, 17, t. xxi, 
col. 708. Ce temple avait été construit longtemps avant 
Abraham. Ses ruines ont plus de vingt mètres de hau- 
teur. Il était à trois étages, de forme rectangulaire, 
parfaitement orienté et construit en larges briques. Il 
s'élevait sur une plate-forme dont la longueur était de 
plus de soixante mètres et la largeur de quarante- 




538. — Maison chaldéenne d'Ur. 

D'après Taylor, Notes on the ruins of Muqeyer, 

dans Journal of the Royal Asiatic Society, t. xv, p. 266. 

quatre. Abraham a dû voir souvent le monument dont 
les débris subsistent encore, après avoir reçu plusieurs 
réparations successives. 

Les fouilles nous ont fait aussi connaître ce qu'étaient 
les habitations des anciens habitants. « On a mis au 
jour parmi les ruines (d'Ur)... les restes de quelques 
maisons où logeaient sans doute des gens de bonne 
famille. Elles sont construites en belles briques, dont 
une couche mince de bitume cimente les lits, et elles 
n'aventurent au dehors que des lucarnes percées irré- 
gulièrement vers le haut des parois ; la porte basse, 
cintrée, défendue de lourds vantaux en bois, forme un 
corridor aveugle et sombre qui aboutit d'ordinaire à la 
cour, vers le centre des bâtiments. On distingue encore 
à l'intérieur de petites salles oblongues, tantôt voûtées, 
tantôt couvertes d'un plafond plat que des troncs de 
palmier soutiennent; les murs atteignent le plus sou- 
vent une épaisseur considérable (fig. 538), dans laquelle 
on pratiquait çà et là des niches étroites. La plupart 
des pièces n'étaient que des magasins et contenaient 
les provisions et la richesse de la famille; d'autres 
servaient à l'habitation et recevaient un mobilier... fort 
simple. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples 
de l'Orient classique, t. i, p. 745-746. 

C'est peut-être dans une maison de ce genre que 
naquit Abraham et que s'écoula son enfance. Cepen- 
dant un certain nombre de savants pensent que Tharé, 
son père, menait la vie pastorale et vivait en nomade 
sous la tente à Ur ou dans son voisinage. Les Septante, 
ne connaissant pas d'ailleurs peut-être l'existence de la 
ville d'Ur, le font vivre simplement s dans la terre des 
Chaldéens. » 

Les commentateurs ont été aussi très partagés et le 
sont même encore sur l'identification d'Ur Kasdim. 11 



n'est plus guère possible de soutenir avec quelque 
vraisemblance, comme on l'a fait autrefois, que Ur 
Casdim est Orfah ou Édesse en Mésopotamie. Ad. 
Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris, 
1868, p. 379, a émis l'opinion singulière que Cutha 
est peut-être l'Ur Casdim de la Bible. Les titres de la 
ville antique, sur les débris de laquelle s'élève aujour- 
d'hui Mughéir, semblent bien les mieux établis pour 
réclamer la gloire d'avoir donné le jour au patriarche 
Abraham. — Voir F. Vigouroux, La Bible et les dé- 
couvertes modernes, 6 e édit., t. i, p. 417-433. 

URAI (hébreu: 'Irî ; Septante : Oùpi), cinquième fils 
de Bêla, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 7. 

URBAIN (grec: Oùpëdcvoç, nom latin grécisé), chré- 
tien de Rome. Saint Paul le salue dans son Épitre aux 
Romains, xvi, 9, et l'appelle « notre coopérateur (<yuv- 
epY<Sv) dans le Christ Jésus. »I1 n'est connu que par ce 
passage dans le Nouveau Testament. Il mourut martyr; 
sa fête est marquée au 31 octobre. — Un esclave appelé 
Urbain est mentionné Corpus inscript, lat., t. vi, 
n. 4287. 

URBINAS (CODEX). Ce manuscrit grec des Évan- 
giles appartient au fonds d'Urbino de la Bibliothèque 
Vaticane. Il fut apporté d'Urbino au Vatican par le 
pape Clément VII. C'est un manuscrit d'écriture 
cursive, XII e siècle, de 325 feuillets à une colonne, me- 
surant 18 cent, sur 13. Majuscules dorées, exemplaire 
de luxe, exécuté pour l'empereur Jean II Porphyrogé- 
nète, et, croit-on, en 1128. Le texte en est composite et 
présente des leçons anciennes remarquables. Il a été 
collationné par Scholz, et avant Scholz étudié par 
Bianchini. Voyez Gregory, Prolegoniena,^. 500-501. 

P. Batiffol. 

URI (hébreu : "Ûrî de 'ûr, « enflammé »), nom de 
trois Israélites. 

1. URI (Septante : Oùpeia;; Oùpec, dans I Par., Il, 
20), fils d'Hur, descendant de Caleb, fils d'Hesron, de 
la tribu de .Tuda, et père de Béséléel. Exod., xxxi, 2; 
xxxv, 30; xxxvin, 22; I Par., n, 20; II Par., I, 5. 

2. URI (Septante: 'A5ai; Lucien : 'ASôocî), père de 
Gaber, l'un des préfets de Salomon, chargé de l'ap- 
provisionnement de sa cour dans le pays de Galaad. 
III Reg., iv, 19. 

3. URI (Septante : 'Q8oû6; Alexandrinus : 'QSouî ; 
Lucien: Oùpîa^), un des Lévites portiers. IEsd., x, 24. 
Il avait épousé une femme étrangère et fut obligé de 
s'en séparer du temps d'Esdras. 

URIE (hébreu : 'Ûriyâh, 'Ûriydhû, « Jéhovah est ma 
lumière » ou « flamme de Jéhovah »), nom d'un Héthéen 
et de trois Israélites. 

1. URIE (Septante : O-jpeca;), héthéen, un des trente 
vaillants soldats de David, II Sam. (Reg.), xxm, 39; 
I Par., xi, 41, et mari de Bethsabée. II Reg., xi, 3; 
Matth., i, 6. Quoique étranger, son langage, II Reg., 
xi, 11, montre qu'il pratiquait la religion juive. 11 
épousa Bethsabée, femme d'une rare beauté, et ce fut 
pour son malheur. Sa maison à Jérusalem était au- 
dessous du palais royal. David l'aperçut sur le toit de 
sa demeure, lorsqu'elle prenait un bain, et conçut 
pour elle une passion criminelle à laquelle elle ne 
résista point. En ce moment, CJrie était loin, prenant 
part au siège de Rabbath Ammon dans l'armée de Joab. 
Pour dissimuler sa faute, David se fit envoyer Urie sous 
prétexte de lui apporter des nouvelles de la guerre, 
mais il ne put décider ce vaillant soldat à aller passer 



2359 



URIE 



URIM ET THUMMIM 



2360 



la nuit dans sa propre maison. « L'arche de Dieu, et 
Israël et Juda, lui répondit-il, habitent sous la tente, 
et mon seigneur Joab et les serviteurs de mon seigneur 
demeurent en rase campagne, et moi j'entrerais dans 
ma maison! » II Reg., xi, 11. Sa généreuse conduite 
fut la cause de sa mort. Le roi, n'ayant pu le déter- 
miner à rentrer chez lui, le fit porteur d'une lettre 
à Joab, dans laquelle il chargeait ce dernier d'exposer 
Urie à l'endroit le plus dangereux du combat, afin 
qu'il y trouvât la mort, et le général israélite n'hésita 
pas à exécuter cet ordre inique et cruel et à faire périr 
ce brave soldat. II Reg., xi. Le prophète Nathan repro- 
cha au roi avec raison d'avoir frappé lui-même Urie par 
l'épée des filsd'Ammon. II Reg., XII, 9. Ce fut là la grande 
tache du règne de David, III Reg., xv, 5, et Dieu la lui 
fit expier sévèrement, II Reg., xn, 11, 14-18, quoiqu'il 
lui pardonnât à cause de sa pénitence exemplaire, y. 13. 

2. urie (Septante : OOpt'a;), grand-prêtre du temps 
d'Achaz, roi de Juda. Sur l'ordre de ce prince, il con- 
struisit, IV Reg., XVI, 10, un autel au sujet duquel les | 
opinions sont partagées, ainsi que sur la nature du 
sacrifice qui y fut offert. D'après les uns, ce sacrifice 
fut célébré en l'honneur des dieux de l'Assyrie, d'après 
les autres en l'honneur du vrai Dieu, parce qu'il fut 
offert par le souverain pontife et conformément aux 
prescriptions de la Loi. Ces derniers, pour justifier 
leur opinion, s'appuient sur ce que dit Isaïe d'Urie, 
qui, vin, 9, le compte comme un des deux témoins 
fidèles qui peuvent attester l'authenticité de la pro- 
phétie concernant Maher-Salal-haS-baz. Il n'est pas 
certain que l'Urie constructeur de l'autel soit le même 
que celui dont parle Isaïe, mais c'est néanmoins fort 
probable. Quoi qu'il en soit, le fait raconté dans Isaïe 
est antérieur à l'événement rapporté dans les Rois; 
Urie n'aurait donc été infidèle à son devoir que posté- 
rieurement à ce que dit de lui le prophète. — Urie n'est 
pas nommé dans la généalogie sacerdotale, I Par., vi, 
4-15, mais il y a des lacunes entre Amasias, y. 11, et 
Sellum, y. 13. 

3. URIE (hébreu: 'Ûriydkû; Septante: OCipîaç), pro- 
phète, fils de Séméi de Cariathiarim. Il prophétisa sous 
le roi Joakim contre Juda et Jérusalem et ce prince 
voulut le faire mettre à mort. Pour échapper à sa colère, 
Urie se réfugia en Egypte, mais Joakim l'y fit pour- 
suivre par ses gens qui, avec le consentement du pha- 
raon, le ramenèrent en Palestine et le remirent entre 
les mains du roi. Joakim le fit périr par le glaive et or- 
donna de jeter son corps au milieu des tombeaux de la 
populace. Jer., xxvi, 20-23. 

4. URIE (Septante : Oûpia;), chef de la septième fa- 
mille sacerdotale, cf. I Par., xxiv, 10, père de Méré- 
moth. Celui-ci revint avec Esdras de la captivité en 
Palestine. I Esd., vm, 33; II Esd., m, 21; vm, 4. Voir 
Mérémoth, t. iv, col. 996. 

URIEL (hébreu ': 'ÛrVêl, « El (Dieu) est ma lu- 
mière *; Septante : OOpufjX), nom de deux Israélites. 

1. URIEL, fils de Thaheth et père d'Ozias, Lévite, 
chef des Caathites. IPar., vi, 24 (9); xv, 5, 11. Il vivait 
-du temps de David et prit part, comme chef des Caa- 
thites, avec 120 d'entre eux, au transport de l'arche de 
la maison d'Obédédom à Jérusalem. 

2. URIEL, de Gabaon, grand-père maternel d'Abia et 
père de la reine Michaïa ou Maacha, femme de Roboam. 
Il Par., xm, 2. Voir Maacha 4, t. iv, col. 465. 

URIM et THUMMIM (hébreu : 'ûrîm ve-tùmmîm; 
Septante : 6rjXa)<7i; ou 6tj).oi x«l àï.rfiv.x ou ôsiôtt,;; Yul- 



gate : doctrina et veritas), oracle au moyen duquel 
les anciens Israélites connaissaient la volonté de 
Jéhovah. Ce qui concerne l'Urim et Thummim est en- 
veloppé d'obscurité. 

1° Signification des mots. — Les anciens traducteurs 
ont attribué aux deux mots des étymologies qui trahis- 
sent leur embarras. Si 'ûrîm vient de 'or, « lumière», 
ou de 'ûr, t feu », mots dont le sens était bien connu, 
pourquoi les traductions 8r|Xw<rtî ou SïjXoi, « indication », 
action de rendre visible? Aquila rend plus littérale- 
ment par 9<diH7,aoî, « illuminations ». La Vulgate traduit 
par doctrina, donnant ainsi à 'urîm un sens intellec- 
tuel qu'il n'a pas, et qui d'ailleurs ne convient pas à la 
chose, puisqu'il ne s'agit pas ici de révélation sur le 
dogme ou la morale. Quant à tùmmîm, qui ne^pour- 
raitvenir que de fôm, « plénitude, totalité, perfection », 
Aquila : teXskôcti;, on ne voit pas qu'il puisse aboutir 
régulièrement au sens de àXïjôsia, veritas, « vérité », 
ou âmÔTïiç, « sainteté ». Il est donc à croire que les 
anciens traducteurs ne connaissaient plus exactement 
le sens originel des deux mots 'ûrîm et (ûmmîm, et 
qu'ils les ont rendus par à peu près, en s'écartant 
notablement de la signification courante de 'or et de 
tôm. Ils ont supposé d'ailleurs avec raison que la forme 




539. — Pectoral égyptien, représentant le dieu Ra et la déesse Ma. 

D'après Wilkinson, Manners and customs, édit. Birch, 

t. m, p. 183. 

plurielle des deux mots pouvait marquer l'excellence 
des objets plutôt que leur pluralité. — Gerber, Die 
hebrâisch. Verba denominativa, 1896, p. 195, pense 
que 'ûrîm viendrait plutôt de 'ârar, « exécrer », 
en assyrien arâru, et Schwally, dans Zeitschrift fur die 
àlltest. Wissenschafl, t. xi, p. 172, prête à tûmmîmle 
sens de berâkàh, « bénédiction ». De la sorte, le Thum- 
mim serait favorable et l'Urim défavorable. — Des 
commentateurs croient retrouver en Egypte l'origine de 
l'Urim et Thummim. Le grand-prêtre égyptien, quand 
il rendait ses jugements comme souverain juge, portait 
un pectoral sur lequel était représenté Ra, le dieu de la 
lumière, d'où Urim, et Ma, avec l'article Tma, la déesse 
de la justice (fig. 539), Riehm, Handwôrterbuch des bi- 
blischen Altertums, 2 e édit., 1893, 1. 1, p. 931. — D'après 
Dhorme, Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 124, le 
sens des deux mots devrait être emprunté à l'assyrien : 
'ûrîm viendrait de urê, de la même racine que urlu, 
« précepte, loi », et fûmmim, pluriel de tummu, déri- 
verait de tamû, « prononcer une conjuration, une 
formule magique ». — L'Urim et le Thummin sont 
ordinairement nommés ensemble. Une fois, Deut., 
xxxiii, 8, les deux termes sont intervertis, et deux 
autres fois. Nom., xxvii, 21; I Reg.j xxvm, 6, l'Urim 
est nommé seul. Le plus souvent, il est seulement 
question de « consulter Jéhovah ». 

2° Institution. — Moïse reçut nie Dieu cet ordre : 
« Tu mettras au pectoral du jugement l'Urim et le 
Thummim, pour qu'ils soient sur le cœur d'Aaron 
lorsqu'il se présentera devant Jéhovah, et qu'ainsi il 
porte constamment sur son cœur, devant Jéhovah, le 
jugement des enfants d'Israël. » Exod., xxvm, 30 
Lev., vm, 8. L'expression employée dans ce passage, 
nàtatta 'él ItoSén, êTciÔïjtjeiç èiti tô Xofeïov, pones in 
ralionali, « tu mettras dans le pectoral » ou « sur le 
pectoral », est identique à celle qui ordonne de mettre 



2361 



URIM ET THUMMIM 



2362 



dans l'Arche les labiés de la loi : ndtatld 'él hd'ârôn, 
è|/.6aXetç et; tt,v xiëtoTov, portes in arca. Exod., xxv, 16. 
On peut déjà conclure de là que l'objet en question 
est distinct du pectoral et qu'il est réel et visible. Sa 
destination fait donner au pectoral le nom de « pec- 
toral du jugement », c'est-à-dire au moyen duquel Dieu 
fait connaître ses jugements, ses décisions. Il est néces- 
saire qu'il soit sur le cœur d'Aaron. Dans le poème 
chaldéen de la création, i, 137, on voit Tiamat donner 
à son lieutenant, Qingou, « les tablettes du destin » et 
les accrocher à sa poitrine. Cf. Dhorme, Textes reli- 
gieux assyro-babyloniens, Paris, 1907, p. 19. De même, 
l'Urim et Thummim sont fixés sur la poitrine du grand- 
prêtre. Après Aaron, Eléazar se servira de l'objet pour 
faire connaître à Josué les volontés de Jéhovah : c< Il 
se présentera devant le prêtre Éléazar, qui consultera 
pour lui le jugement de l'Urim devant Jéhovah; c'est 
sur son ordre que Josué sortira, sur son ordre qu'il 
entrera, lui, tous les enfants d'Israël et toute l'assem- 
blée. » Num., xxvn, 21. Il suit de là que l'Urim et le 
Thummim est comme l'oracle de Jéhovah, l'organe de 
son pouvoir théocratique. Il est aux mains du grand- 
prêtre, qui seul peut le consulter devant Jéhovah, c'est-à- 
dire avec l'intention d'obtenir de Jéhovah une réponse. 
Cependant l'oracle ne s'occupe pas des intérêts parti- 
culiers; il est seulement à l'usage du peuple tout 
entier et de son chef. Le texte sacré ne fournit pas 
d'autres détails précis sur la nature et le fonctionne- 
ment de l'oracle. 

3° Consultations. — Les livres historiques enregis- 
trent un certain nombre de consultations adressées à 
Jéhovah par l'Urim et le Thummim, sans qu'on puisse 
assurer qu'elles aient été les seules. Ces consulta- 
tions fournissent certains renseignements sur la ma- 
nière dont l'oracle répondait. Il est probable d'ailleurs 
qu'on ne recourait à l'oracle que quand on ne pouvait 
être éclairé par les moyens ordinaires. Quand Josué 
et les Israélites se laissèrent tromper par la feinte des 
Gabaonites, ce fut « sans consulter la bouche de Jého- 
vah. » Jos., ix, 14. Ils auraient dû, en cette occasion, 
en appeler à Jéhovah. Il est à croire que, conformé- 
ment à l'ordre reçu, Num., xxvn, 21, Josué ne manqua 
pas de le faire en plusieurs autres circonstances 
importantes. Il est possible que les communications 
faites à Josué par Jéhovah aient eu l'Urim et le Thum- 
mim pour intermédiaire. Jos., i, 1; m, 7; iv, 1; 
etc. — Après la mort de Josué, les Israélites deman- 
dent à Jéhovah qui doit prendre la tête de l'invasion 
contre les Chananéens, et l'oracle répond : « Juda mon- 
tera; voici que j'ai livré le pays entre ses mains. » 
Jud., 1, 2. — Pendant la guerre contre les Benjamites, 
l'oracle est consulté par trois fois, et il commande à 
Juda de marcher en avant, et à tout Israël de marcher 
contre Benjamin. Jud., xx, 18, 23, 28. — Après l'élec- 
tion de Saùl, l'oracle révèle la cachette où se tient le 
nouveau roi. I Reg., x, 22. — Deux fois Saûl, devenu 
infidèle, consulte Jéhovah, pour savoir s'il doit pour- 
suivre les Philistins, I Reg., xiv, 36, 37, et ce qu'il 
doit faire à Gelboé. I Reg., xxvm, 6. En ces deux 
circonstances, l'oracle ne répond pas; les songes et les 
prophètes n'en disent pas davantage. Jéhovah se refuse 
donc formellement à diriger le roi réprouvé. — David, 
déjà oint par Samuel, se réfugie à Nobé, près du 
grand-prêtre Achimélech. Le traître Doëg rapporte 
ensuite à Saûl qu' Achimélech a consulté Jéhovah pour 
David. Pour se défendre, Achimélech dit à Saùl : 
« Est-ce anjourd'hui que j'aurais commencé à consulter 
Dieu pour lui ? » faisant entendre, sans doute, qu'il 
avait déjà interrogé l'oracle à l'occasion des missions 
confiées par le roi à son gendre, mais qu'il n'aurait 
pas commencé à le faire le jour où Saûl accusait David 
de rébellion. I Reg., xxn, 10-15. — A Ceïla, David dit 
à Abiathar, successeur d'Achimélech : « Apporte 



l'éphod, » et il demande si Saûl viendra et si les habi- 
tants de Céïla le livreront. L'oracle répond : « Il des- 
cendra » et « Ils te livreront. » I Reg., xxm, 9-12. On 
voit ici que l'Urim et Thummim est inséparable du 
pectoral et de l'éphod. — Une autre fois, David demande 
de la même manière s'il doit poursuivre une bande 
d'Amalécites, qui avaient fait captives deux de ses 
femmes et celles de ses gens. Il lui est répondu de 
poursuivre et qu'il recouvrera ce qu'on lui a pris. 

I Reg., xxx, 7-8. — Après la mort de Saùl, il consulte 
pour savoir s'il doit monter dans une ville de Juda et 
dans laquelle. L'oracle répond : « A Hébron. » II Reg., 
h, 1. — Plus tard, il demande s'il faut marcher contre 
les Philistins, et l'assurance lui est donnée qu'il leg- 
battra. II Reg., v, 19. — Comme les ennemis revien- 
nent à la charge, l'oracle lui dit de les tourner par 
derrière et que Jéhovah marchera avec lui pour lui 
assurer la victoire. II Reg., v, 23, 24. — Il est à remar- 
quer que ces réponses ne sont pas faites seulement 
par « oui » et.« non », mais que plusieurs d'entre elles 
fournissent des indications circonstanciées qui dépas- 
sent les termes de l'interrogation. Ces réponses sont 
positives et claires ; elles n'ont rien du vague et de 
l'ambiguïté des oracles païens. Ce qu'elles indiquent 
s'accomplit toujours à la lettre. On ne les obtient que 
par l'intermédiaire du grand-prêtre, sans qu'un autre, 
pas même le roi, puisse les provoquer directement. 
Malgré le caractère officiel de la consultation et la 
promesse de Jéhovah, Dieu se réserve de refuser une 
réponse quand il le juge à propos, comme il le fait 
deux fois pour Saùl. L'exemple de Josué, dans l'affaire 
des Gabaonites, montre d'ailleurs que l'on n'était pas 
toujours fidèle à consulter l'oracle quand il l'aurait 
fallu. Enfin, il faut encore observer que Jéhovah ne 
prend jamais l'initiative de faire savoir sa volonté par 
l'Urim et le Thummim. Il ne parle que quand il est 
interrogé. Jéhovah parlait aussi dans le deblr ou sanc- 
tuaire proprement dit. Il s'y adressait à Moïse ou au 
grand-prêtre pour donner ses ordres, mais sans avoir 
besoin d'être consulté, ce qui distinguait le debîr de 
l'Urim et Thummim. Voir Oracle, t. iv, col. 1846. — 
Après David, l'histoire n'enregistre plus de consulta- 
tions de Jéhovah par l'Urim et le Thummim, d'où il 
faut conclure probablement qu'elles cessèrent à partir 
de la construction du Temple. On voit dès lors les 
prophètes intervenir directement, et même dès les 
derniers temps de David, pour faire connaître les 
volontés de Dieu sur ce qui était à faire ou à éviter. Le 
prophétisme remplaça donc l'Urim et le Thummim. 
Après la captivité, on exclut du sacerdoce les prêtres 
qui ne pouvaient justifier de leur généalogie, « jusqu'à 
ce qu'il s'élevât un prêtre pour consulter l^Urim et le- 
Thummim, » c'est-à-dire pour consulter Dieu efficace- 
ment par l'ancien oracle sur la réalité de leur origine 
sacerdotale. I Esd., h, 63; II Esd., vu, 65. Les versions- 
traduisent kohên le'ûrîm ûletàmmim par iepeùç toîç 
9(ou't;ou<7i xat totc TSAst'ocç, « prêtre pour les choses- 
lumineuses et parfaites », sacerdos dodus atque per- 
fectus, « prêtre instruit et parfait ». Josèphe, Ant.jud., 
III, vin, 9, dit que l'Urim et Thummim n'était disparu, 
à son époque, que depuis deux cents ans. Mais son. 
renseignement est suspect. Les rabbins affirmaient que 
cinq choses manquaient dans le second Temple : 
l'Arche d'alliance, le feu céleste, l'Urim et Thummim, 
la Sekîndh (voir Gloire, t. m, col. 252) et l'huile sacrée. 
Cf. Gem. Yoma, 21, 2. La disparition de l'oracle re- 
montait donc très haut, peut-être même à la fondation 
du premier Temple. Dans son éloge d'Aaron, l'Ecclé- 
siastique, xlv, 12, dit qu'il était vêtu, entre autres 
choses, Xoyeîcii xpioeut; SVjXotç Hrfielcn;, «t du pectoral du 
jugement, des manifestations de la vérité », judicio 
et veritate prsediti, <t doué de jugement et de vérité ». 

II y a dans le texte hébreu : « du pectoral du jugement,. 



2363 



URIM ET THUMMIM 



2364 



de l'éphod et de la ceinture. » L'Urim etleThummim ne 
sont pas nommés expressément. Ils peuvent être com- 
pris dans l'éphod, comme le supposent plusieurs anciens 
textes. I Reg., xxm, 9; xxx, 7. 

4° Fonctionnement. — Les textes ci-dessus rappelés 
permettent de conclure à l'objectivité et au caractère 
surnaturel des réponses adressées au grand-prêtre par 
l'Urim et le Thummim. Mais ils n'expliquent pas le 
fonctionnement de l'oracle, soit qu'il fût bien connu à 
l'époque où vivait l'historien sacré, soit plutôt qu'il 
dût rester mystérieux et que le grand-prêtre et quelques 
autres fussent seuls à connaître le secret. Ce secret n'a pas 
été transmis; aussi s'est-on livré aux conjectures les 
plus diverses pour expliquer de quelle manière l'Urim 
et le Thummim rendaient des oracles divins. — 1. 
Josèphe, Ant. jud., III, vm, 9, confond l'Urim et le 
Thummim avec le pectoral lui-même, et il dit qu'avant 
la bataille les pierres du pectoral rayonnaient avec un 
éclat qui annonçait le secours divin et la victoire. Il 
semble ainsi borner l'emploi de l'oracle aux cas de 
guerre, ce qui ne se justifie pas au moins en deux cir- 
constances. I Reg., x, 22; II Reg., il, 1. Abarbanel et 
d'autres Juifs ont adopté la donnée de Josèphe en la 
spécialisant. D'après eux, le grand-prêtre obtenait la 
réponse en lisant les lettres qui brillaient successi- 
vement à ses yeux parmi celles qui composaient les 
noms des douzes tribus inscrits sur les pierres du 
pectoral. « Les mots Urim et Thummim désigneraient 
les lumières et les obscurités qui passaient sur la face 
du pectoral, lorsque, placé vis-à-vis du chandelier à 
sept branches, quelques-unes des lettres gravées sur 
les pierres précieuses s'illuminaient, tandis que les 
autres restaient baignées d'obscurité. Peut-êlre alors, 
d'après des règles qui restaient un des secrets du 
sanctuaire, le grand- prêtre groupait les caractères 
lumineux pour former la réponse de l'oracle. » Ancessi, 
Atlas géogr. et archéol., Paris, 1874, Index archéol., 
p. 19. Mais à l'ensemble des lettres qui formaient les 
noms des douze fils de Jacob, il en manquait quatre 
pour faire un alphabet complet : n, ts, s, ]3, de sorte 
qu'on n'aurait pu, par exemple, lire le nom de la ville 
d'Hébron, qui commence par un n, Hébrôn. Cf. II Reg., 
il, 1. Quelques rabbins supposent qu'à ces noms étaient 
joints ceux des patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, 
ce qui ajoutait au total les trois lettres n, ï, p. D'autres 
compliquaient encore la lecture en faisant intervenir 
le nom de Jéhovah. Il est difficile de prendre en consi- 
dération ces différentes hypothèses, parce qu'elles ne 
maintiennent pas la distinction qu'imposent les textes 
entre le pectoral et l'Urim et Thummim. — 2. Philon, 
Vit. Mos., 3; De monarch., 2, édit.Mangey, t. n, p. 152, 
226, imagine que deux images, ÔYc<>(<.aTa, appelées 8»j- 
Xomtic et àMjOeia, étaient jointes au pectoral. D'autre 
part, on sait par Diodore de Sicile, i, 48, 75, et Élien, 
Var. Hist.,xiv, 34, que' le grand-juge égyptien portait 
sur la poitrine une image appelée : Vérité. Voir plus 
haut, col. 2360. Mais cet insigne n'ajoute rien à la 
valeur personnelle du juge, tandis que l'Urim et 
Thummim est l'organe essentiel des consultations 
obtenues de Jéhovah, si bien que, s'il fait défaut, le 
grand -prêtre ne peut plus rien. Dans les grandes 
circonstances, les prêtres babyloniens suspendaient 
aussi à leur cou une étoffe rouge garnie de plusieurs 
sortes de pierres précieuses. Cf. Lagrange, Étud. 
sur les relig. sémit., Paris, 1905, p. 236. Il ne faut 
donc pas se hâter de tirer des conclusions de ressem- 
blances extérieures qui ne suffisent pas à justifier la 
parité entre les institutions hébraïques et celles des 
autres peuples. — 3. D'après d'autres, l'Urim et Thum- 
mim serait une espèce de Théraphim, voir col. 2174 ; cf. 
Ose., III, 4; Spencer, De leg. Hebr.ritual., La Haye; 
1686, III, 7, ou des sortes de dés de diamant, l'un bril- 
lant, l'autre rouge, sur lesquels était gravé le nom de 



Jéhovah, et dont le grand-prêtre interprétait les com- 
binaisons, de préférence devant l'Arche. Zûllig, Comm. 
inApoc, Stuttgart, 1834, Excurs., ii.Pour Braun, Vest. 
sacerdot. Hebr., Amsterdam, 1701, t. il, p. 614, l'Urim 
et le Thummim n'aurait été qu'un symbole et les com- 
munications divines au grand-prêtre auraient eu un 
caractère exclusivement interne. Cf. Bâhr, Symbolik 
des mosaisch. Cuit., Heidelberg, 1835, p. 136-141. Il 
serait difficile de justifier par les faits ces différents 
systèmes. — 4. Plus commune est l'explication de 
l'Urim et Thummim par un tirage au sort. Cette expli- 
cation est suggérée par un épisode de l'histoire de Saûl. 
Quand Dieu refusa de lui répondre pour la seconde 
fois, le roi attribua son silence à une faute commise 
soit par lui-même, soit par son fils Jonathas, soit par 
le peuple. 4 Le texte hébreu paraît avoir souffert en cet 
endroit. On y lit seulement : « Dieu d'Israël, fais 
paraître la perfection, hàbâh famîn. » I Reg., xrv, 
41. Le texte des Septante est beaucoup plus complet : 
« Si l'iniquité est en moi ou en Jonathas, mon fils, 
Seigneur, donne la clarté, Sôç ôrjî.ouç, et si telle est la 
réponse, donne à ton peuple d'Israël, donne la sain- 
teté, 8bç ô<ri(kï)Ta. » Le sort désigne alors Saûl et 
Jonathas, et, à une seconde épreuve, Jonathas seul. 
La Vulgate reproduit à peu près les Septante : da os- 
tensionem,... da sanctitatem. Il est possible qu'ici les 
mots SrjXoi, ostensio, traduisent ûrîm, disparu du texte 
hébreu, et que ôctiott)?, sanctitas, soit mis pour {ûm- 
niîm, que les massorètes ont lu fânitm. Cf. Dhorme, 
Les livres de Samuel, Paris, 1910, p. 123. On aurait 
alors ici, pris sur le vif, le fonctionnement de l'Urim 
et Thummim. C'était un sort plus solennel, tiré à 
l'aide de deux pierres que le grand-prêtre conservait 
dans le pectoral, et qui était officiellement garanti 
par Jéhovah. On n'y avait recours que dans les cir- 
constances d'intérêt public ou en faveur des chefs de 
la nation. Des consultations de ce genre étaient coutu- 
mières chez les Babyloniens. « Aux consultations 
précises adressées par le roi sur l'opportunité ou le 
succès de ses entreprises, Shamash ou Adad devaient 
répondre par oui, annu, ou par non, ullu, par une 
réponse proprement dite, supiltu, par un oracle, tamit, 
tertu, piristu, parsu, par un jugement, dîna dînu, 
une sentence, purussu, par une illumination, napalm, 
ou encore par une vision ou une parole... Le dieu 
dictait ou inspirait son oracle, abîtu, à ses prêtres. » 
F. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens , 
Paris, 1903, p. xxvi. Voir le texte de plusieurs consul- 
tations, p. 28, 108, 300. Il y a donc analogie entre la 
pratique babylonienne et celle des Israélites; de plus, 
l'illumination, napafyu, se retrouve dans l'idée expri- 
mée par 'ûrim, et l'oracle, tamit, dans tûmmim. Il 
n'est pas anormal qu'une coutume babylonienne ait 
été en vigueur chez les Hébreux; mais Jéhovah a 
voulu faire pour son peuple ce que les divinités assy- 
riennes ne pouvaient faire pour le leur. — Néanmoins, 
quelques difficultés subsistent avec cette explication 
de l'Urim et Thummim. Si l'on admet deux pierres 
différentes qui, tirées au sort, pouvaient signifier 
« oui » ou « non », à quoi reconnaissait-on le refus de 
répondre? I Reg., xiv, 36; xxvm, 6. Michaelis, Mosa- 
isch. Recht, Francfort-s.-M., 1775, t. i, p. 293; t. vi, 
p. 162; Iahn, Archseol. biblic, m, 4, 358, dans le S. 
Scripturae curs. compl. de Migne, t. n, col, 1040, etc., 
imaginent qu'aux deux premières pierres en était jointe 
une troisième qui marquait l'absence de réponse. Mais 
les textes ne mentionnent que deux objets ; ils auraient fait 
allusion à un troisième, s'il avait réellement existé pour 
remplir le rôle important qu'on lui attribue. Il faut 
penser que le refus de réponse résultait d'une com- 
binaison que nous ignorons. Une autre difficulté pro- 
vient du genre de réponses fournies par l'Urim et 
Thummim. Il est malaisé de les réduire toutes à des 



2365 



URIM ET THUMMIM — USURE 



2366 



réponses par « oui » ou « non ». On pourrait néan- 
moins supposer que l'histoirien sacré a parfois résumé 
sous forme d'indication positive ce qui résultait de 
l'élimination de différentes hypothèses proposées par le 
consultant. Ainsi, quand il est dit à David de monter 
à Hébron, II Reg., h, 1, la réponse peut être la consé- 
quence de plusieurs questions successives : Faut-il 
monter dans une ville de Juda ? Oui. A telle ou telle 
ville? Non. A Hébron? Oui. De même en est-il pour 
l'attaque contre les Philistins, II Reg., v, 23, 24 : Faut-il 
• monter contre les Philistins ? Non. Faut-il les prendre 
par derrière? Oui. Du côté des mûriers? Oui. Jéhovah 
marchera-t-il avec moi ? Oui. Me donnera-t-il un signe 
de son assistance? Oui. Lequel? Fera-t-il un bruit dans 
les cimes ? Oui; etc. — En tout cas, à s'en tenir au texte 
de l'Exode, xxvm, 30, il semble bien que l'Urim et Thum- 
mim n'était pas une institution récente qu'il'ait été néces- 
saire de décrire en détail, mais plutôt quelque chose 
d'ancien, qui fonctionnait déjà depuis longtemps et 
que Dieu, pour détourner son peuple de la consultation 
des oracles idolâtriques, jugea à propos de conserver 
en lui communiquant un caractère sacré. Cf. De 
Hummelauer, In Exod., Paris, 1897, p. 285. 

H. Lesêtbe. 

URINE (hébreu : sê'în; Septante : o 7 joo->: Vulgate : 
urina), produit liquide de l'excrétion chez l'homme et 
les quadrupèdes. — Il n'en est question qu'une fois, 
dans l'apostrophe grossière que le rabsacès assyrien 
adresse aux assiégés de Jérusalem pour les menacer, 
s'ils ne se rendent, d'en être réduits à manger leurs 
excréments et à boire leur urine. IV Reg., xvm, 27; 
Is., xxxvi, 12. — Quand on veut parler d'exterminer 
toute une population, on dit qu'elle sera détruite jus- 
qu'à tnasfin beqîr, oùpoûvca Ttp'oç toix',v, mingentem 
ad parietem, «celui qui urine au mur». Cette expres- 
sion revient six fois, mais seulement dans les livres 
des Rois. I Reg., xxv, 22, 34; lit Reg., xrv, 10; xvi,ll; 
xxi, 21; IV Reg., IX, 8. Les rabbins ont prétendu 
qu'elle désigne le chien; mais cet animal ne compte 
pour rien en Orient. Voir Chien, t. n, col. 698. Plusieurs 
pensent qu'elle indique seulement le sexe masculin, 
ce qui devient insignifiant dans les textes cités, qui 
supposent une extermination atteignant jusqu'à ceux 
qu'elle épargne d'habitude. D'autres croient qu'il s'agit 
plutôt ici des garçons en bas âge. La loi imposait des 
précautions particulières pour certaines nécessités, 
Deut., xxiii, 12-14, et les hommes s'y assujettissaient 
même pour uriner. Cf. Hérodote, n, 35; Xénophon, 
Cyrop., i, 2, 16; Ammien Marcellin, xxiii, 6. On ne 
pouvait astreindre les jeunes garçons à ces prescrip- 
tions et l'on se contentait de les faire tourner vers le 
mur. Les Syriens avaient la même expression, cf. Asse- 
mani, Bibl. orient., t. Il, p. 260, probablement avec le 
même sens. Elle désigne l'universalité des êtres, dont 
elle représente les plus humbles et les plus inoffensifs. 

H. Lesêtre. 

US (hébreu : '0?; Septante : "û;), fils aîné d'Aram, 
descendant de Sem. Gen., x, 23. Dans I Par., i, 17, son 
nom est écrit Hus. Voir Hus 1, t. m, col. 782. 

USURE (hébreu :nésé k ; Septante : tôxoç; Vulgate : 
usura), intérêt abusif tiré de l'argent. — L'intérêt tiré 
de l'argent paraissait vexatoire aux anciens Israélites. 
Du verbe nâsâh, « prêter », ils rapprochaient le verbe 
nàsak, « mordre », auquel ils ajoutaient le sens de 
« tirer intérêt, pratiquer l'usure ». Voir Pbêt, col. 617. 

1° La loi. — Dans la pensée des anciens, le prêt d'un 
objet quelconque était un service que l'on rendait gra- 
tuitement à ses voisins. En Chanaan, l'abondance des 
fruits de la terre donna lieu à des réalisations en 
argent, au ccmmerce et à des prêts d'argent. La loi 
dut prévoir cet état de choses. Une première disposi- 
tion règle qu'on ne peut exiger d'intérêt pour l'argent 



prêté à un compatriote, que le défaut de ressources 
oblige à emprunter. Exod., xxn, 25. L'intérêt réclamé 
en pareil cas serait donc de l'usure. Une seconde loi 
étend la première au gêr, à l'étranger qui vit à de- 
meure au milieu des Israéliles, et elle porte non plus 
seulement sur l'argent, mais aussi sur les vivres. On 
ne peut donc tirer intérêt ni de l'argent, ni des objets 
d'alimentation, et on doit les prêter gratuitement au 
compatriote et au gêr qui en ont besoin. Lev., xxv, 
35-37. Une dernière loi aggrave considérablement celle 
de l'Exode, en prohibant d'exiger intérêt « ni pour 
argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se 
prête. » Deut., xxiii, 19-20. Il était donc défendu de 
tirer profit des prêts, quels qu'ils fussent, quand il 
s'agissait des compatriotes ou des étrangers mêlés à la 
vie de la nation. — Mais chez un peuple qui avait tant 
d'aptitude et de goût pour les opérations commerciales, 
il était difficile d'interdire tout prêt lucratif. L'Israé- 
lite fut donc autorisé à se rabattre sur le nokrî, 
l'étranger qui n'était pas assimilé au compatriote, celui 
qui gardait son autonomie, ses mœurs, et en général 
son habitation en dehors de la terre d'Israël. Avec le 
Phénicien, le Philistin, le Syrien, l'Arabe et les autres 
trafiquants analogues, le prêt à intérêt était permis. 
Deut., xxiii, 20. Dieu promettait même à son peuple 
que cette source de bénéfices lui serait largement ou- 
verte, et que, par contre, l'Israélite deviendrait assez 
riche pour n'avoir pas à emprunter lui-même. Deut., 
xv, 6; xxvm, 12. Voir Prêt, col. 618. 

2° La pratique. — En général, les Israélites obser- 
vaient la loi qui les liait vis-à-vis de leurs compatriotes. 
On prêtait sans y regarder argent et vivres à ceux qui 
se trouvaient dans l'embarras, et ces prêts n'exposaient 
pa3 d'ordinaire à de grands sacrifices. Luc, xi, 5. 
Parfois cependant on hésitait à risquer ce qui ne de- 
vait rien rapporter. On prêtait sur gages, même dans 
des conditions exorbitantes. II Esd., v, 2-12. La saisie 
mettait aux mains du créancier la personne et les 
biens de l'emprunteur, La loi du prêt gratuit était 
ainsi tournée. D'autres préféraient éviter toute espèce 
de risque et ils se refusaient à prêter. Notre-Seigneur 
donne un conseil radicalement opposé à cette pratique. 
Matth., v, 42. Il y en avait enfin qui transgressaient 
ouvertement la loi et ne consentaient à prêter qu'à 
intérêt, même à leurs frères. Ps. xv (xiv), 5; Ezech., 
xvm, 8, 13,17; xxn, 12. De leur côté, les emprunteurs 
trouvaient quelquefois leur avantage à coopérer à l'in- 
fraction de la loi. Vers l'époque évangélique, il s'en 
trouva qui décidaient leur prêteur par un présent 
préalable ou le dédommageaient par un présent subsé- 
quent, au moment où ils se libéraient, ce que rabbi 
Gamaliel appelait « usure préalable » et. « usure tar- 
dive ». Cf. Baba mezia, v, 8 (11). Quant à ceux qui prati- 
quaient ouvertement l'usure, ils étaient frappés d'inca- 
pacité judiciaire. Cf. Sanhédrin, ni, 5, 6. — Le prêt a 
intérêt restait toujours légitime vis-à-vis des étrangers, 
et c'est sur sa pratique que se fondaient les opérations 
de banque auxquelles Notre-Seigneur fait allusion. 
Matth., xxv, 27; Luc, xix, 23. Sur le taux de l'intérêt, 
voir col. 620. Le développement des affaires financières 
amena d'autres combinaisons qui permirent de passer 
à côté de la loi sans la heurter directement entre com- 
patriotes. Il reslait défendu de prêter de l'argent aux 
marchands avec stipulation d'intérêts. Alors le mar- 
chand et le prêteur s'associaient pour une entreprise, 
à la suite de laquelle le marchand retirait d'abord la 
part qui revenait à son industrie personnelle; puis il 
partageait également le bénéfice avec son bailleur de 
fonds. Cette sorte d'association supposait donc une va- 
leur active au capital-argent. Cf. Baba metsia, v, 3 (5). 
On recourait encore au contrat de louage, qui per- 
mettait non plus seulement de prêter à titre gratuit un 
outil, un animal et même les bras d'un homme, mais 



2367 



USURE — UZAL 



2368 



de les louer et ainsi d'en tirer revenu. D'ailleurs, la 
loi elle-même prévoyait déjà certaines locations. Voir 
Location, t. rv, col. 319; Baba mezia, vi. Cependant 
les docteurs maintinrent l'interdiction des spécula- 
tions sur les objets fictifs ou sur les valeurs que l'offrant 
n'avait pas en mains. Cf. Baba mezia, v, 1, 2. Mais ils 
admettaient l'escompte sur les paiements anticipés. 
Un logement d'un sicle par mois se payait seulement 
10 sicles par an, si le paiement était effectué d'avance. 
Cf. Baba mezia, v, 2; Schwalm, La vie privée du \ 
peuple juif, Paris, 1910, p. 409-431. I 

H. Lesêtre. 
UTHAI (hébreu : 'Ûfaï, « secourable » ; Septante : 
Où9a':), « des fils » de Bégui. Lui et Zachur, de la même 
famille, accompagnèrent Esdras à son retour en Pales- 
. tine avec soixante-dix hommes de leur 1 parenté. I Esd., 
vin, 14. — Le texte hébreu mentionne un autre Israélite 
qu'elle appelle aussi 'Ûlaî. La Vulgate a écrit son nom 
Ôthéi. Voir Othéi, t. iv, col. 1926. 

UTILITÉ (hébreu : bésa', et dans l'Ecclésiastique, 
xli, 14 : tô'alàh, du même radical yâ'al que l'hiphil 
ho'il,* être utile »; Septante : û>çé).£ia; Vulgate : Mi- 
litas), ensemble d'avantages qu'un être peut procurer. 

1° Ce qui est utile est souvent appelé tôb, « hon ». 
Les auteurs sacrés énumèrent parmi les choses utiles : 
les astres, Bar., vi, 59, les troupeaux, Eccli., vu, 24 
(22), les meubles, Sap., xm, 11, les vases, Bar., vi, 58, 
images des hommes utiles, II Tim., H, 21, certains re- 
mèdes, Tob., vi, 5. Dans un sens supérieur, sont éga- 
lement utiles les vertus, Sap., vin, 7, la pratique des 
bonnes œuvres, Tit. , m, 8, la piété, I Tim . , îv, 8, l'épreuve, 
Heb., xii, 10, la, manifestation de l'Esprit, ICor., xn, 7, 
la Sainte Écriture. II Tim., m, 16. Onésime était utile 
à Philémon et à saint Paul, Phil., 11, et Marc à ce 
dernier. II Tim., iv, 11. 

2° Ce qui est inutile peut aller jusqu'à devenir Sâve', 
« mauvais ». Sont simplement inutiles le bois de la 
vigne stérile, Ezech., xv, 4, le vase brisé, Bar., VI, 15. 
le sel affadi, Luc, xiv, 35, le don de l'insensé, Eccli-, 
xx, 14 (13), le trésor et la sagesse cachés, Eccli., xx, 
32 (29); xli, 17 (14), le docteur qui ne sait se conduire 
soi-même, Eccli., xxxvn,21 (19). Pour les chrétiens, la 
loi ancienne, Heb., vu, 18, et la circoncision, Rom., 
m, 1, ont perdu toute utilité. Parmi les choses inutiles, 
mauvaises et nuisibles, il faut ranger les idoles, Is.. 
xliv, 10; Ps. xxxi (xxx), 7; Sap., xm, 10, 18, 19; la 
postérité des impies, Sap., IV, 3, 5; les œuvres des 
méchants, Sap., m, 11; les paroles oiseuses, Matth., 
xn, 36; les disputes de mots. II Tim., n, 14; Tit., m, 9. 
Les impies regardent le juste comme inutile. Sap., n, 
11, 12. Le serviteur inutile aux yeux de Dieu sera châ- 
tié dans l'autre vie. Matth., xxv, 30. Mais, en ce monde, 
tout serviteur de Dieu doit, par une juste apprécia- 
tion de son mérite, se regarder comme inutile. Luc, 
xvii, 10. H. Lesêtre. 



1. UZAL (hébreu : 'Ûzâl; Septante : Aîgr,À), fils de 
Jectan, descendant de Sem. Gen., x, 27. Dans les Pa- 
ralipomènes, I, i, 21, son nom est écrit Huzal. Voir 
HuzAL,t.m,col. 786-787. VoiraussiMosEL, t. iv, col. 1318. 
C'est sous cette dernière forme qu'est nommé le pays oc- 
cupépar la descendance d'Uzal dans Ezéchiel, xxvn,19. 

2. UZAL (hébreu : 'Uzal; Septante : Codex Vaticanus, 

'ActtJ).; Cod. Alexandrinus : 'Aaxrik; Vulgate: Mosel) 

nom hébreu d'une ville de l'Arabie dont il est question 

dans Ezéchiel, xxvii, 19, comme fournissant aux 

marchés de Tyr du fer travaillé et des parfums. Le 

texte massorétique porte tiixd, me- ûzzal.La ponctuation 
t : 

semble indiquer un participe pu'al, et la comparaison 

avec des racines semblables en araméen, en syriaque 

et en arabe, amène au sens de « tissé, tissu ». Mais on 

préfère généralement la leçon bi=iND,mé 'Uzâl, avec la 

T 

préposition min, leçon appuyée par plusieurs manu- 
scrits hébreux. Cf. B. de Bossi, Variée lectiones Veteris 
Testamenti, Parme, 1785, t. m, p. 147. Les Septante 
ont lu de même : IÇ 'Ati-}]\; de même aussi Aquila et 
la version syriaque. Il faut donc voir ici un nom 
propre de ville, et traduire : « de Uzal ». On identifie 
communément cette ville avec $an'à, la capitale de 
l'Yémen. Malgré l'opinion contraire de .1. Halévy, 
Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen, 
Paris, 1872, p. 11, les voyageurs anciens et modernes, 
les savants arabes et européens admettent l'identifi- 
cation. On cite, en particulier, parmi les auteurs arabes, 
le témoignage d'El-Hamdânî, mort en 945, qui a écrit 
deux ouvrages sur les antiquités et la géographie de 
l'Yémen. Il dit que le nom de la ville de $an'a était 
autrefois Azâl (ou Izâl), et que les Syriens l'appellent 
San'â le Château, tjfan'a el-qasbah. Un autre géographe, 
El-Bakri, mort en 1094, nous apprend que « le premier 
qui habita cette ville fut San'â, fils d'Udhâl (lisez : Uzâl), 
dont elle tira son nom. » « D'autres, ajoute-t-il, pré- 
tendent que les Abyssins, en y entrant et la voyant 
bâtie en pierres, s'écrièrent: San'â, Çan'â, ce qui, dans 
leur langue, signifie « château fort » et le nom lui en 
resta. » De fait, l'éthiopien ijSene'e signifie « forteresse», 
comme le grec o/Opwjjia. Cf. Corpus inscriptionum 
Semiticarum, part. IV, t. i, 1889, p. 1-2. Le nom de 
Ijian'au a été retrouvé dans une inscription que Glaser 
fait remonter au deuxième siècle avant notre ère. Cf. 
E. Glaser, Die Abessinier in Arabien und Afrika, 
Munich, 1895, p. 117, 121. D'après les descriptions qui 
en sont données et les ruines qu'elle renferme, cette 
ville mérite bien l'appellation de « forteresse ». La cita- 
delle de Gumdân surtout était remarquable. Voir les 
deux plans qui se trouvent dans le Corpus inscript. 
Semit., part. IV, t. i, p. 3, 4. Uzal se rattache à la tribu 
jectanide de ce nom. Gen., x, 27; I Par., i, 21. Voir 
Huzal, t. m, col. 786 et fig. 160. 

A. Legendfe. 



V 



V. Voir Vav. 

VACHE (hébreu : pdrâh, la vache qui engendre, 
égldh, la génisse ; Septante : <3o-jç, SâjjiaXtç ; Vulgate : bos, 
vacca, vitula), la femelle du bœuf. — 1° La vache 
est un animal précieux à différents titres. On l'em- 
ploie à traîner des fardeaux, I Reg., VI, 7, à labourer, 
Jud., xiv, 18, à fouler le blé. Ose., x, 11. Elle est fé- 
conde, Job, xxi, 10, dès l'âge de 18 mois, et porte neuf 
mois. Elle nourrit de son lait, Is.,vn, 21, et ensuite de 
sa propre chair. Tob., vm, 22. Aussi est-ce un riche 
présent que de donner des vaches à quelqu'un. Gen., 
xxxn, 15; Tob., x, 10. — 2» La génisse de 3 ans est 
pleine d'ardeur et de vivacité. Is., xv, 5. (Quelques-uns 
prennent cependant 'égla( selisiyâh, « génisse de trois 
ans», pour un nom propre de lieu. Cf. Jer., xlviii, 34.) 
La génisse bondit dans la prairie. Jer., l, 11. L'Egypte 
est comparée à une génisse très belle, Jer., xlvi, 20, 
Israël à une génisse rétive, Ose., iv, 16, Éphraïm à une 
génisse bien dressée, Ose., x, 11, les femmes de Sama- 
rie aux vaches de Basan, à cause de leur vie sensuelle, 
Am., iv, 1, le veau d'or de Bethel aux génisses de Be- 
thaven, par mépris. Ose., x, 5. L'homme des champs 
prend souci de donner du fourrage à ses génisses. Eccli., 
xxxvin, 27. — Au Psaume lxviii (lxvii), 31, il est ques- 
tion de veau et non de vaches. — 3° Les génisses 
étaient utilisées pour les sacrifices. Gen., xv, 9; Lev., 
m, 1; I Reg., xvi, 2. Dans le cas d'homicide commis 
par un inconnu, les anciens prenaient une génisse qui 
n'avait pas encore travaillé, lui brisaient la nuque près 
d'un ruisseau, et se lavaient les mains au-dessus de 
son cadavre, pour protester de leur innocence. Deut., 
xxi, 3-7. -=- 4° Dans le songe du pharaon, sept vaches 
belles et grasses étaient dévorées par sept vaches 
laides et maigres. Joseph expliqua que c'était l'annonce 
de sept années d'abondance, qui seraient suivies de 
sept années de famine. Gen., xli, 2-4, 26, 27. 

H. Lesètre. 

VACHE ROUSSE (hébreu : pârdh 'âdummdh; 
Septante : SôftaXiç mippà; Vulgate : vacca rufa), vache 
dont la cendre servait à purifier du contact d'un mort. 

1° La loi. — _ Elle est formulée dans le livre des 
Nombres, xix, 2-22. La vache doit êlre rousse, sans 
tache ni défaut, et n'ayant jamais porté le joug. Le 
prêtre Eléazar la fait sortir du camp pour qu'on 
l'égorgé devant lui. Avec son doigt trempé dans le sang 
de l'animal, il fait sept aspersions du côté de l'entrée 
du Tabernacle. Puis on brûle la vache intégralement 
et on jette dans le brasier du bois de cèdre, de l'hysope 
et du cramoisi. A la suite de cette opération, le prêtre, 
celui qui a brûlé l'animal et l'homme pur qui a recueilli 
les cendres pour les déposer en un lieu pur hors du 
camp, ont à se purifier en lavant leurs vêtements et en 
se baignant eux-mêmes; néanmoins leur impureté 
persévère jusqu'au soir. — L'eau dans laquelle on a 
mis de la cendre de la vache rousse sert pour la puri- 
fication de celui qui a touché un cadavre humain. Celui- 
ci demeurait impur pour sept jours; il avait à se 
purifier avec cette eau le troisième et le septième jour, 

DICT. DE LA BIBLE. 



sous peine de retranchement. L'impureté atteignait 
celui qui touchait un cadavre, ou même des ossements 
humains ou un sépulcre. L'impur devait être aspergé 
avec l'hysope trempée dans Peau de purification par 
un homme pur; puis il lavait ses vêtements et se bai- 
gnait, pour devenir pur le soir du septième jour. On 
aspergeait avec la même eau la tente, les ustensiles de 
l'impur et les personnes présentes. Celui qui faisait 
l'aspersion, qui touchait l'eau ou l'impur, devenait lui- 
même impur, mais seulement jusqu'au soir, 

2° Signification du rite. — Le rite de la vache 
rousse est un des plus compliqués et des plus mysté- 
rieux du cérémonial lévitique. Il s'agit de purifier 
l'homme du contact avec la mort et, chose singulière, 
tous ceux qui participent à la confection du rile puri- 
ficateur deviennent eux-mêmes impurs. La mort est en 
effet le signe de la souillure par excellence. Elle est le 
salaire du péché et sa conséquence; elle rappelle la 
souillure de l'âme pécheresse dont la corruption cada- 
vérique n'est qu'une image. La loi qui prescrit la puri- 
fication à la suite du contact avec le cadavre symbolise 
donc l'obligation beaucoup plus impérieuse qui com- 
mande la purification de l'âme après le péché. — Les 
détails du rite tirent leur signification de ce principe 
général. Ce sont les Israélites eux-mêmes qui amènent 
la victime au prêtre. Le rite est donc solennel et natio- 
nal. Tous en effet sont, sans exception, coupables de 
péché et sujets à la mort. La victime est un animal 
femelle. Un animal de cette espèce est sans doute 
préféré à cause de la rareté du rite, et aussi afin de 
procurer une plus grande quantité de eendre. Comme 
cette cendre doit servir d'antidote contre certaines 
conséquences de la mort, on choisit pour la fournir un 
animal qui ordinairement engendre à la vie. Il est pos- 
sible aussi que le choix de la vache ait été inspiré à 
Moïse par une idée de réaction contre la vénération 
dont les Égyptiens entouraient cet animal. 

En Egypte, on immolait des bœufs, mais jamais des 
génisses, parce qu'elles étaieut consacrées à Isis. Cf. 
Hérodote, n, 41. Moïse ne jugea pas à propos de per- 
mettre l'immolation habituelle des vaches, à raison du 
préjudice qui en fût résulté pour son peuple. Mais, 
en prescrivant l'immolation et la combustion de la 
vache rousse, en vue d'un rite de purification, il mon- 
trait aux Israélites que cet animal ne méritait ni les 
honneurs, ni l'embaumement que lui décernaient les 
Egyptiens. — La vache devait être rousse. Les docteurs 
prétendent que les vaches de cette couleur étaient de 
plus grand prix, à cause de leur rareté. Cette assertion 
est problématique. D'autres observent que la couleur 
rousse était celle de Typhon, le principe mauvais, 
Diodore de Sicile, Hist., I, 88, et qu'on disqualifiait la 
vache, sacrée aux yeux des Égyptiens, en lui prêtant la 
même couleur qu'au principe du mal. Cf. Spencer, De 
leg. Hebrseor. ritual., Tubingue, 1732, t. Il, p. 489; 
Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 162. On peut penser 
aussi que, le rouge étant pris parfois comme la couleur 
symbolisant le péché, Is., I, 18, voir Couleurs, t. h, 
col. 1070, la couleur rousse était choisie comme celle 

V. - 75 



2371 



VACHE ROUSSE — VAHEB 



2372 



qui se rapprochait le plus du rouge dans le pelage des 
animaux. Ces explications ne s'imposent pas. L'Épître 
aux Hébreux, ix, 13, établit une relation figurative entre 
l'aspersion avec la cendre de la vache rousse et le sang 
du Christ, d'où la conclusion tirée par saint Augustin, 
In Heptat., iv, 33, t. xxxiv, col. 733, que la cou- 
leur rousse figurait le sang rédempteur. A ce compte, 
cette couleur eût été exigée à plus forte raison pour les 
victimes immolées sur l'autel du Temple. Il est plus 
probable que Moïse a suivi ici une coutume léguée par 
les anciens, qui attachaient une signification sinistre à 
la couleur rousse. Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 
1899, p. 151. L'animal, destiné à un usage sacré, devait 
être sans défaut, comme les victimes ordinaires, et 
n'avoir servi à aucun usage profane. Il n'est pas remis 
au grand-prêtre Aaron, mais à son fils Éléazar, par 
conséquent à un dignitaire, qui aura la charge de faire 
sortir la vache du camp et de présider à son immola- 
tion. Cette victime a des rapports trop étroits avec la 
mort et ses souillures pour qu'on l'immole à proximité 
du Tabernacle, centre de sainteté et de vie. Avec son 
sang, le prêtre fait des aspersions comme celles qui 
sont de règle pour le péché du grand-prêtre ou de tout 
le peuple, Lev., iv, 6, 17, mais de loin, puisque cette 
victime dont la cendre purifiera garde elle-même une 
souillure qu'elle communique. — La victime est brûlée 
sous les yeux du prêtre, mais on jette dans le brasier 
<lu cèdre, dé l'hysope et du cramoisi, trois matières 
employées pour la purification du lépreux. Lev., xiv, 
6, 49. Elles ont une signification d'incorruptibilité et de 
purification. La cendre provenant de la victime est re- 
cueillie avec soin et déposée dans un lieu pur. On en 
met ensuite dans l'eau d'aspersion nécessaire pour les 
purifications. Il est à remarquer que cette eau n'a 
d'autre vertu que de purifier ceux qui sont souillés par 
le contact d'un mort. Les autres qui s'en servent con- 
tractent une souillure, Dieu voulant empêcher ainsi 
l'emploi de cette eau pour des usages superstitieux. Le 
rite de la vache rousse est appelé hattâ'f, « sacrifice 
pour le péché », Num., xix, 9; cf. Lev., vi, 18, 23; 
mais c'est un sacrifice d'un caractère exceptionnel, car 
l'immolation et la combustion ont eu lieu loin du 
sanctuaire. — La cendre joue ici un rôle très particu- 
lier; elle semble renforcer l'action de l'eau, qui est 
naturellement purificatrice; car la cendre est elle- 
même le produit d'une purification complète par le feu, 
qui détruit tous les éléments corrompus ou corrup- 
tibles. Le mélange de la cendre avec l'eau, dans les 
purifications, était familier aux anciens peuples, 
Indiens, Perses, Grecs, Romains, etc. Cf. Virgile, 
Eclog., vm, 101 ; Ovide, Fast., IV, 639, 725, 733; Rosen- 
mûller, Dos dite und neue Morgenland, Leipzig, 1818, 
t. h, p. 200; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, 
Heidelberg, 1839, t. n,p. 493-511. 

3* La pratique. — Le rite de la vache rousse n'a pas 
cessé d'être en vigueur chez les Israélites jusqu'à la 
ruine de leur nationalité. Le traité Para de la Mischna 
lui est consacré. Les docteurs avaient précisé certains 
détails du cérémonial. Le prêtre appelé à présider à 
l'immolation et à la combustion se purifiait pendant 
sept jours à l'avance. Para, m, 1. Bien que la loi ne 
prescrivît pas l'intervention du grand-prêtre, il prési- 
dait ordinairement à l'accomplissement du rite, et re- 
vêtait pour cette occasion ses plus riches vêtements. 
Para, m, 8. La vache était achetée aux frais du trésor 
du Temple, parce qu'il s'agissait d'un rite intéressant 
la communauté tout entière. Elle devait être entière- 
ment rousse. La Loi réclamait une vache 'adummâh 
femîmâh, « rousse parfaite », c'est-à-dire sans défaut. 
Les docteurs joignaient ensemble les deux mots et 
exigeaient un animal d'un roux complet, cf. Josèphe, 
Ant. jud., IV, iv, 6, si bien qu'on le rejetait si on lui 
trouvait seulement deux poils blancs ou noirs. Cf. 



Hérodote, n, 38; Maimonide, De voce. »■«/., i> 2, Ams- 
terdam, 1711, p. 8. Le prêtre faisait sortir la vache du 
Temple par la porte orientale et la conduisait au mont 
des Oliviers. Mais, pour lui faire éviter toute espèce 
d'impureté, on la menait par un chemin artificiel con- 
struit sur étais au-dessus du sol. Para, m, 6. Quand la 
vache était immolée, le prêtre recueillait de son sang 
dans la main gauche et y trempait un doigt de la main 
droite pour asperger sept fois du côté du Temple. 
Après la combustion complète de la victime, la cendre 
était recueillie avec soin et déposée en trois endroits : 
au mont des Oliviers pour l'usage du peuple, au 
Temple pour l'usage des prêtres, et dans le mur exté- 
rieur de la ville, en souvenir de la combustion. Para, 
m, 11. Les docteurs prétendaient que neuf vaches 
rousses seulement avaient été brûlées depuis Moïse, 
dont une par Éléazar, et les huit autres depuis Esdras. 
Para, m, 5. Ce renseignement paraît absolument 
invraisemblable. Chaque année, la combustion de la 
vache rousse se faisait en adar, un mois avant la 
Pàque. Cf. S. Jérôme, Epist., cvm, 12, t. xxn, col. 887. 
Il est probable qu'à l'occasion de la Pàque on empor- 
tait de la cendre dans les principaux centres du pays, 
afin de rendre possibles les purifications dont le besoin 
devait être assez fréquent. Autrement il faudrait admet- 
tre que la plupart de ceux qui avaient été fouillés par 
le contact d'un cadavre, d'ossements humains ou d'un 
sépulcre, attendaient pour se purifier l'oceasion d'un 
voyage à Jérusalem pour la Pàque ou quelque autre 
fête ou pour l'offrande d'un sacrifice. — L'eau d'asper- 
sion était puisée à la fontaine de Siloé. A défaut de cette 
eau, il fallait de l'eau vive et pure. La quantité de 
cendre à y mettre n'était pas déterminée; il suffisait 
qu'on pût apercevoir cette cendre à la surface du li- 
quide. Gern. Jer. Sota,18, 1. L'aspersion se faisait par 
un homme en état de pureté légale, sans que ce fût né- 
cessairement par un prêtre. Parfois même on faisait 
remplir cette fonction par un enfant, afin que la con- 
dition de pureté fût plus assurée. Cf. Reland, Anliqui- 
tates sacrée, Utrecht, 1741, p. 114; Iken, Antiquitates 
Hebraicm, Brème, 1741, p. 248. — Les formalités à 
remplir à la suite du contact d'un mort expliquent 
pourquoi Notre-Seigneur recommande à ses disciples 
de laisser à, d'autres le soin d'ensevelir les morts. 
Matth., vin, 22; Luc, ix, 60. — Quelques-uns ont pensé 
que le baptême pour les morts, Otop tôv vsxpôv, dont 
parle saint Paul, I Cor., xv, 29, pourrait être l'aspersion 
reçue par les Israélites « à cause » des morts, la prépo- 
sition iinsp ayant aussi ce sens. « Ceux qui se font 
baptiser vizkp xôv vsxpûv » seraient alors des Juifs rési- 
dant à Corinthe ou des chrétiens venus du judaïsme 
et encore fidèles à cette ancienne pratique. L'Apôtre 
invoque ce baptême comme preuve en faveur de la 
résurrection. Ce raisonnement seul indique qu'il ne 
saurait être ici question de l'aspersion de l'eau conte- 
nant la cendre de la vache rousse, car cette aspersion 
n'évoque aucune idée de résurrection et se base uni- 
quement sur la souillure communiquée par le contact 
du cadavre. Cf. Prat. La théologie de S. Paul, Paris, 
1908, p. 189. H. Lesétre. 

VAGAO (Septante : Ba-j-mac), eunuque d'Holoferne. 
Judith, xii, 10-12 (15 grec) ; xm, 3 (grec); xiv, 13 (14). 
Il lui servit d'intermédiaire auprès de Judith. — L'eu- 
nuque qui emprisonna le roi de Perse Artaxerxès 
Ochus s'appelait aussi Bagoas = Vagao. Pline, H. N., 
XIII, iv, 9, dit que ce nom en Perse est l'équivalent 
d'eunuque (Bagou). Voir Bagoas, t. i, col. 1383. 

VAHEB (hébreu : Vâhêb; Septante : Zu>6ê; ils ont 
lu nn zaïn au lieu d'an vav) localité inconnue du 
pays des Amorrhéens, nommée dans une citation obs- 
cure, L peut-être altérée pour les noms propres, des 



2373 



VAHEB — VAN 



2374 



Guerres du Seigneur. Num., xxi, 14. Il est dit dans 
le texte que Vaheb était en Suphah, ce qui a fait croire 
à quelques commentateurs que Suphah était la Safiék 
actuelle, mais la lettre initiale de Suphah est un sa- 
medi, d, et celle de Satiéh est un ^j>, èad, qui ne peut 
guère reproduire le samech hébreu. Suphah est aussi 
inconnu. Quelques lexicographes ont pensé que Vaheb 
pouvait être un nom de fleuve. Les Septante ont tra- 
duit ; « On lit dans le livre : la guerre du Seigneur a 
consumé Zoab et les torrents d'Arnon. » La Vulgate 
porte : « Il est dit dans le livre des Guerres du Seigneur : 
comme il a fait dans la mer Rouge, ainsi il fera dans 
les torrents d'Arnon. » 

VAISSEAU. Voir Navire, t. iv, col. 1502-1505. 

1. VALLÉE(héhreu : 'afîq, biq'âh, gay' ou gê', nahal, 
Vme'g/chaldéen; biq'â' ; Septante :xoc>âç> vora-r,, çâpayE ; 
Vulgate : vallis, convdllis), dépression de terrain, entre 
les flancs de collines ou de montagnes, qui va en 
s'inclinant et en s'élargissant. — Il y a beaucoup de 
vallées dans une région montagneuse comme la Pales- 
tine. Voir Palestine, t. m, col. 1985, 2037. La vallée 
dans laquelle coule le Jourdain est particulièrement 
remarquable à tous les points de vue. Voir Jourdain, 
t. m, col. 1710. Un certain nombre d'autres vallées 
sont mentionnées dans la Bible. Voir Achor, t. i, 
col. 147; Baca, col. 1372; Bénédiction, col. 1583; 
Escol, t. il, col. 1928; Géennom,!. iii, co!. 153; Jeph- 
tahel. col. 1249; Josaphat, col. 1651; Raphaïm, t. v, 
col. 977; Salines, col. 1373; Savé, col. 1520; Séboïm, 
col. 1552; Sorec, col. 1845; TérébinthitheI, col. 2089. 
Sur la vallée des Bois, voir Morte (Mer), t. iv, 
col. 1306. Il est aussi parlé d'une vallée des Artisans, 
I Par., iv, 14; II Esd., xi, 35. Sur la vallée du Tyro- 
pœon ou des Fromagers, voir Jérusalem, t. m, 
col. 1328, Cf. Reland, Palsestina illuslrata, Utrecht, 
1714, p. 347-359. — Les vallées de Palestine étaient 
fertiles et bien cultivées. Job, xxix,10; Ps. lxiv(lxiii), 
14;Cant., vi, 10; Jer.,XLix, 4. Les sources y coulaient. 
Ps. civ (cm), 10. On y habitait de préférence. 
Num., xiv, 25; Jud., i, 19. Balaam compare auxvallées 
le beau spectacle des tentes d'Israël. Num., xxiv, 6. 
Ailleurs, il y avait des vallées affreuses. Job, xxx, 6. 
Les anciens Chananéens occupaient les vallées palesti- 
niennes et ils y faisaient manœuvrer des chars de 
guerre, ce qui empêcha parfois les Israélites de les en 
déloger. Jud., i, 19. Par la suite, les Syriens ne pou- 
vaient atteindre ces derniers dans les montagnes et 
s'efforçaient de les attirer dans les plaines et dans les 
vallées. III Reg., xx, 23. Les envahisseurs suivaient 
naturellement le cours des vallées pour arriver dans le 
pays.Is., xxii, 7; Judith, xvi, 5. C'est pourquoi les pro- 
phètes annoncent qu'elles seront ruinées, Jer., xlviii, 
8, el qu'elles se fondront comme la cire, Mich., i, 4, 
au moment de l'invasion des ennemis. — Un jour, 
Dieu comblera les vallées et abaissera les montagnes, 
Is., xl, 4; Bar., v, 7; Luc, m, 5, c'est-à-dire qu'il 
rendra aisé le chemin qui doit mener au salut. 

H. Lesètre. 
2. VALLÉE DES ARTISANS (hébreu : Gê' hârâ- 
Htn; Septante : 'Ayeaôôaip, 1 Par., iv, 14 ; 'QvwYï)a- 
pauei'i»., II Esd., xi, 35), vallée des environs de Jérusa- 
lem, au nord, où étaient des artisans dont elle tirait 
son nom, I Par., IV, 14, et qui étaient les fils ou les 
descendants de Joab, de la tribu de Juda. Voir Joab 2, 
t. m, col. 1549. Sa position est déterminée approxima- 
tivement par II Esd., XI, 35, qui nous apprend qu'elle 
était dans la plaine d'Ono. VoirONO 2, t. iv, col. 1821. 

VAN (hébreu : mizréh, nâfdh, rahat; Septante : 
xniov, Xt'xjioç; Vulgate : ventilabrum), ustensile qui 
sert aux vanneurs, zârîm, ventïlatores, pour vanner, 



zârâh, Xixjiîv, ventilare, c'est-à-dire pour séparer la 
paille d'avec le grain. — Pour procéder au vannage, 
les anciens se servaient d'une fourche à trois ou quatre 
dents, ventilabrum, au moyen de laquelle ils enlevaient 
la paille mêlée au grain et la lançaient très loin en 
l'air. Le vent entraînait la paille, tandis que le grain 
plus lourd retombait sur le sol. Ensuite on reprenait 
ce grain avec une pelle de bois, ttcûom, et on le lançait 
transversalement à la direction du vent, qui emportait 
les fétus et les rebuts, ne laissant retomber que le 




540. — Vanneurs égyptiens. 

D'après Wilkinson, Manners of the ancient Egyptians, 

1878 ; t. il, p. 423. 

grain (fig. 540). Cf. Moisson, fig. 305, registre d'en bas, à 
gauche, t. iv, col. 1217. Quand le vent faisait défaut, on 
employait le vannus, grand panier d'osier peu profond, 
et muni de deux anses (fig. 541). On y mettait le grain 
on le projetait en l'air au moyen de brusques secousses 
et on le ressaisissait quand il retombait, abandonnant à 
chaque coup une partie des matières plus légères. Il 
est probable que les Israélites se servaient de ces diffé- 
rents procédés pour vanner. Les trois mots hébreux 
désignent des instruments différents, dont les versions 
n'ont pas toujours défini le sens précis. — Il n'est 
question du van au sens propre que dans Ruth, ni, 2 : 
Booz doit vanner la nuit l'orge qui est dans son aire. 
Le travail se fait la nuit, pour éviter la chaleur du 
jour; mais il ne l'occupe pas tout entière, car Booz 




541. 



■ Panier d'osier servant à vanner. 



D'après Rich, Dictionnaire des antiquités, p. 694. 

doit prendre son repas et se coucher, bien avant le 
milieu de la nuit. Ruth, m, 8. — Dans les autres 
passages, il n'est parlé de van qu'au sens figuré. 
Isaïe, xxx, 24, décrivant l'état d'Israël régénéré, dit 
que les animaux qui travaillent la terre mangeront 
l'herbe et le grain « que l'on aura vanné avec le ralfat 
et le mizréh, » peut-être la fourche ou la pelle et le 
van. Il ajoute que Dieu « vannera les nations avec le 
van, nâfâh, de la destruction, » qui les dispersera 
comme la paille. Is., xxx, 28. « Tu les vanneras, fis- 
rêm, XixiiTJo-Eti;, ventilabis, et le vent les emportera. » 
Is., XLI,16. — Jérémie, IV, 11,12, parlant du châtiment 
qui va fondre sur Israël, le compare à un. vent violent du 
désert, plus fort que celui qui sert à vanner et à chas- 
ser la paille. Dieu vannera avec un van les Israélites 
aux portes du pays. Jer., xv, 7. Cf. Job, xxvn, 21. Il 
lâchera sur Babel « des vanneurs qui la vanneront. » 
Jer., li, 2. — Ézéchiel, v, 2, pour figurer le châtiment, 
doit prendre les cheveux et la barbe d'un homme, en 
brûler un tiers, couper en menus morceaux le second 
tiers, et vanner au vent le troisième tiers — Amos, 



2375 



VAN 



VAPEUR 



237& 



ix, 9, dit que la maison d'Israël sera secouée au crible, 
kebdrâh, cribrum. Les Septante traduisent par Xxpoc, 
« van ». Voir Crible, t. n, col. 1118. — L'Ecclésiastique, 
y, 9 (11), recommande de ne pas «vanner atout vent », 
c'est-à-dire de ne pas changer d'opinion à tout propos. 
— Saint Jean-Baptiste annonce que le Messie va 
paraître le van à la main pour nettoyer son aire et ne 
garder que le bon grain, c'est-à-dire pour séparer les 




542. — Paysan romain occupé à vanner. 
D'après A. Bich, Dictionnaire des antiquités, p. 446. 

méchants d'avec les bons et les envoyer au feu qui ne 
s'éteint pas. Matth., tu, 12; Luc, m, 17. — Notre-Sei- 
gneur dit que la pierre rejetée par les constructeurs 
écrasera celui sur qui elle tombera, conteret eum; 
dans le texte grec : Xix[nrjaei ocutôv, « le vannera », le 
rejettera au loin comme le vent emporte la paille, ce 
qui constitue une allusion à la parole de saint Jean- 
Baptiste. Matth., xvi, 44 (Bg. 542). H. Lesëtre. 

VAN ESS Léander, né le 15 février 1772 à War- 
bourg en Weslphalie, mort le 13 octobre 1847 à Aiïbl- 
derbach in Odenwald. Il entra en 1790 comme novice 
chez les bénédictins et il fut ordonné prêtre en 1796 
à l'abbaye bénédictine de Marienmûnster dans la prin- 
cipauté de Paderborn. En 1812, il devint professeur 
extraordinaire de théologie catholique à l'université de 
Marbourg. Il se fit surtout connaître par ses travaux de 
traduction de la Bible et par son zèle à en propager la 
lecture. Il publia d'abord avec son frère Charles Die h. 
Schriften des Neuen Testamentes, Brunswick, 1807, 
et ensuite, avec la collaboration de H. J. Wetzer, un 
de ses élèves, Die h. Schriften des Alten Testamentes, 
mit beigesetzten Vergleichungen der lateinischen Vul- 
gata und erhlàrenden Parallelstellen ûbersetzt, Sulz- 
bach, 1822-1836. Sa version est faite sur le texte hébreu 
et n'est pas sans reproche. Voir Werner, Geschichte der 
katholischen Théologie, Munich, 1866, p. 398-400. On a 
aussi de lui : Pragmatischkritische Geschichte der Vul- 
gata in Allgemeinen, und zunâchst in Beziehung auf 
das Tridentische Décret. Oder ist der Katholik gesetz- 
lichan die Vulgata gébundenl Tubingue, 1824. On lui 
doit également une édition stéréotypée des Septante, 
Leipzig, 1824, une édition de la Vulgate, 1822-1824, et une 
édition du Nouveau Testament grec avec la Vulgate, 
1827, etc. — Voir H. Reusch, dans l'Allgemeine deutsche 
Biographie, t. vi, Leipzig, 1877, p. 378 ; Wetzer et YVelte, 
Kirchenlexicon, 2» édit., t. iv, 1886, col. 909-910. 

VANIA (hébreu : Vanyâh; Septante : Oûouavfa), un 
des fils ou descendant de Bani qui avait épousé une 
femme étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer. 
I Esd., x, 36. 

VANITÉ (hébreu : 'avén, 'élil, hébél, Mqêr; Septante: 
p-araiÔTir,;; Vulgate : vanitas), ce qui n'a aucune valeur, 
qui ne mérite pas qu'on s'en occupe, qui est inutile 
ou nuisible. — Le mot 'avén s'entend de tout ce qui 
est vain, l'idolâtrie et les idoles, I Reg. r xv, 23; Is., 



lxvi, 3, voir Idole, t. m, col. 816; le mensonge, Ps. 
xxxvi (xxxv), 4; Prov., xvn, 4, voir Mensonge, t. iv, 
col. 973, de même que séqér, Ps. xxxm (xxxn), 17; 

I Reg., xxv, 21; Jer., m, 23; la méchanceté, Num., 
xxiii, 21; Job, xxxvi, 21; l'épreuve. Ps. lv (liv), 4; 
Prov., xxii, 8, et même la douleur. Gen., xxxv, 18; 
Ose., ix, 4. Le mot 'élîl marque l'inutilité, Job, xiii t 
4; Zach., xi, 17, et hébél le souffle, Lam., iv, 17; Jer., 
x, 3, 8. Voir Souffle, col. 1853. Les Hébreux rangeaient 
donc ainsi très philosophiquement parmi les chose» 
de néant les choses mauvaises elles-mêmes, parce 
qu'elles ne participent pas à ce qu'il y a de positif et 
de réel dans l'être. — Parmi les vanités, les auteurs 
sacrés rangent en outre les hommes eux-mêmes, au 
moins quant à leur nature mortelle, Ps. lxii (lxi), 10, 
les méchants et leurs œuvres, Is., xli, 29, les Israélites 
infidèles, Jer., n,5, les faux prophètes et leurs visions, 
Ezech., xiii, 6 ; xxn, 28, les faux docteurs et leurs théories, 

II Pet., n, 18, les gentils, leur conduite et leurs pensées; 
Eph., iv, 17; I Pet., i, 18; Act., xiv, 14, les pensées de 
l'homme en général, Ps. xciv (xcm), 11, même celles 
des sages, I Cor., m, 20, les secours de l'homme, Ps. 
cvm (cvn), 13, les espérances de l'insensé, Eccli., 
xxxiv, 1, la divination, les augures et les songes, 
Eccli., xxxiv, 5, les disputes sur la loi, Tit., m, 9, la 
religion de celui qui a mauvaise langue, Jacob, i, 26, 
le trésor mal acquis, Prov., xxi, 6, la beauté, Prov., 
xxxi, 30. L'Ecclésiaste énumère avec complaisance ce 
qu'il appelle hâbêl hâbàlim, « vanité des vanités ». Il 
la trouve dans la sagesse humaine, i, 12-18, dans les 
joies profanes, n, 1-11, dans la richesse, il, 18-25, dans 
l'impuissance de l'homme en face des choses de. ce 
monde, m, 1-15, et des maux de la vie, IV, 1-16, dans 
l'ignorance de l'homme, vm, 16-17, dans le sort com- 
mun du juste et de l'injuste, ix, 1-10, et il conclut 
qu'une seule chose n'est pas vanité : craindre Dieu et 
observer ses commandements, xn, 13. — Saint Paul 
dit que « la création a été asservie à la vanité. i> Rom., 
vin, 20. En effet, les choses de la nature, mises par 
Dieu à la disposition de. l'homme, ont été employées 
par ce dernier, non pas uniquement au service de 
Dieu et à sa propre utilité, mais encore à la satisfaction 
de ses passions dépravées et de ses vices. Aussi la 
nature attend son affranchissement de la vanité. 

H. Lesètre. 
VAPEUR, sorte de brouillard qui se dégage de 
certains corps par suite de l'humidité, de la chaleur, 
de la combustion d'un parfum, etc. La vapeur est ainsi 
sensible soit à la vue, comme un nuage, soit au tou- 
cher, comme une bouffée de chaleur, soit à l'odorat, 
comme l'odeur d'un parfum. C'est en ce sens tout vul- 
gaire que les auteurs sacrés parlent de vapeur. — Dans 
le commencement, une vapeur, 'êd, montait de la 
terre et arrosait la surface du sol. Gen., n, 6. C'est le 
principe du phénomène de la pluie auquel la Sainte 
Écriture fait plusieurs fois allusion. Job, xxxvi, 27; 
Jer., x, 13; li, 16; etc. Voir Pluie, t. v, col. 470. Les 
anciennes versions ont fait de 'êd une source, nifff\, 
fons. On a cherché à expliquer ce mot par l'assyrien 
édû, « flot, inondation ». On lui donne plus généra- 
lement le sens de vapeur, par comparaison avec 
l'arabe, sens qui d'ailleurs convient mieux dans Job, 
xxxvi, 27. — Avant le feu s'élève la vapeur . de la 
fournaise, ctT[u'ç, vapor, c'est-à-dire l'air chaud qui 
précède la flamme^Eccli., xxn, 30. Cette vapeur brûle 
les membres du forgeron. Eccli., xxxvm, 29. Au jour 
du jugement, Dieu fera paraître du sang, du feu et 
timrôp 'âsân, des « palmes de fumée ». Joël, H, 30. Les 
versions traduisent par àf[iîç xa-icvoO, vapor fumi, et le 
texte des Actes, n, 19, reproduit leur traduction. Le 
sens général est d'ailleurs le même. La Sagesse, xi, 19, 
parle d'animaux soufflant un air enflammé, jrupnvoov 
aoBjia, vaporem ignium, « une vapeur de feu ». —La 



2377 



VAPEUR — VATABLE 



2378 



nuée du parfum qui doit couvrir te propitiatoire, 'ânan, 
•est appelée vapeur par les versions. Lev., xvi, 13. 
Ezéchiel, vm, 11, nomme aussi 'd(ar, « vapeur », la 
■nuée qui s'élève de l'encens. La sagesse est la « vapeur », 
àîij.;';, vapor, de la puissance de Dieu, le doux parfum 
•que cette puissance dégage. Sap., vu, 25. — Saint 
Jacques, iv, 15, compare la vie .de l'homme à une 
wapeur qui parait un moment pour s'évanouir ensuite. 

H. Lksètee. 
VAPSI (hébreu Vofsî; Septante : 2a6î; Alexandri- 
nus : 'laaai), père de Nahabi, de la tribu de Neph- 
Ihali. Nahabi fut rai des douze espions envoyés par 
Moïse pour explorer la Palestine. Num., xm, 15 (hébreu, 
14). 

VASE (hébreu : keli, sinsénéf, éséb, mérqàl.iàh, 
qérén.; chaldéen : mâ'n; Septante : àyYEÏov, axeûoç, 
irr<i[Avoç ; Vulgate : vas, vasculum), récipient dans lequel 
on peut verser du liquide et des matières sèches en 
poudre ou en grains. — Le mot kelî, le plus ordinai- 
rement employé, a des acceptions diverses : ustensile 
en général, instrument, arme, outil, bagage, etc. Le 
grec <tx£Ûoç se prête à des acceptions analogues. Dans 
Ja Vulgate, le mot vas, qui traduit littéralement keli et 
■ffxsûoç, ne signifie donc pas toujours un récipient. 

1° Vases ordinaires. — Il y a des vases d'argile, 
Ps. n, 9; Sap., xv, 7; etc., voir Poterie, col. 570, de 
fcois ou de pierre, Exod., vu, 19, d'airain, II Reg., vm, 

10, d'argent, Prov., xxv, 4, d'or, III Reg., x, 21, et de 
grand prix. Jer., xxv, 34. Les vases peuvent contenir 
de l'eau, Nuoo., xix, 17; de l'huile, Num., iv, 9; 
IV Reg., iv, 3-6; Judith, x, 5; Matth., xxv, 4, quelquefois 
enfermée dans le creux d'une corne, I Reg., xvi, 1, 13; 
III Reg., i, 39; du miel, Gen., xliii, 11; III Reg., xiv, 
3; du vinaigre, Joa., xix, 29; des parfums, Gen., xliii 

11, spécialementenfermés dans une mérqâhdh, è?âXeiit- 
ipov, Job, xli, 23; des liquides que l'on transvase, 
Jer., xlviii, 11, 12; des provisions, II Reg., xvil, 28; 
des poissons, Matth., xm, 48; des cendres, Exod., xxv, 
38; etc. La manne conservée dans l'Arche avait été 
versée dans un sinsénét, <rrà(jivo;, « cruche ». Exod., 
xvi, 33. Les vases servaient surtout à contenir les breu- 
vages. III Reg., x, 21; xvil, 10; Esth., i, 7; etc. Voir 
Coupe, t. h, col. 1074. — Les lois de purification con- 
tiennent des prescriptions concernant les vases souillés. 
Le vase dans lequel on a fait cuire une victime pour 
le péché doit être brisé, s'il est de terre, nettoyé et 
passé à l'eau, s'il est de métal. Lev., VI, 28. Le traitement 
est le même pour le vase souillé par le cadavre d'une 
bête impure, Lev., xi, 33, et pour celui qu'aura touché 
un homme atteint d'une maladie impure ; le vase de 
bois sera seulement lavé. Lev., xv, 12. A la mort d'un 
homme, tout vase découvert qui se trouve dans sa de- 
meure devient impur. Num., xix, 15. Cf. Matth., xxm, 
25, 26; Luc, xi, 39, 40. — Les Juifs distinguaient six 
espèces de vases sujets à la souillure, les vases de 
terre, de peau (outres), d'os, de verre, de métal et de 
bois. Us exigeaient des vases différents pour préparer 
la viande et les autres aliments, lait, beurre, fromage, 
poisson. Ils regardaient comme interdit de préparer 
dans le même plat ces aliments, ou même de les manger 
ensemble ou immédiatement l'un après l'autre. Cf. 
Reland, Antiq. sacr., Utrecht, 1741, p. 105; Iken, Antiq. 
hébr., Brème, 1741, p. 556. 

2» Vases sacrés. — Parmi les ustensiles du sanctuaire 
se trouvaient des vases proprement dits. Des vases 
d'or de diverses sortes furent fabriqués pour l'usage 
du Tabernacle. Exod., xxv, 38; xxvn, 3; xxxvii, 16, 
23; xxxviii, 3; Num., vu, 84, 85. David offrit à Jéhovah 
des vases d'or, d'argent et d'airain dont on lui avait fait 
présent. II Reg., vm, 10. Salomon fit fabriquer d'autres 
vases précieux pour le service du Temple. III Reg., 
vu, 45, 50. Asa en donna aussi. III Reg., xv, 15. Joas, 



roi d'Israël, s'empara des vases du Temple, IV Reg., 
xiv, 14; II Par., xxv, 24. Les Chaldéens emportèrent 
les vases sacrés qu'ils trouvèrent au moment de la 
prise de la ville. IV Reg., xxv, 14; II Par., xxxvi, 18. 
Balthasar s'en servit dans son festin de Babylone. Dan., 
v, 2, 3, 23. Cyrus les rendit aux Juifs. Jer., xxvn, 16; 
I Esd., i, 7. Plus tard, Antiocbus Épiphane les pilla de 
nouveau. I Mach., i, 23. Le grand-prêtre Ménélas en fit 
autant à son époque. II Mach., iv, 32. — Isaïe, lu, 
21, invite à se purifier ceux qui portent les vases de 
Jéhovah. L'offrande est présentée au Temple dans un 
vase pur. Is., lxvi, 20. 

3° Comparaisons. — Le grand-prêtre Onias est com- 
paré à un vase d'or massif. Eccli., l,10. Des ornements 
d'argent ne vont pas mieux à un vase d'argile que des 
lèvres brûlantes à un cœur mauvais. Prov.,xxvi, 23. Le 
vase fêlé, brisé, vide, est l'image de ce qui est impuis- 
sant et méprisable. Ps. xxxi (xxx), 13; Eccli., xxi, 17; 
Jer., xxn, 28; li, 34; Bar., vi, 15. La sagesse vaut 
mieux qu'un vase d'or fin. Job, xxvm, 17. — Les vases 
d'élection, Act., ix, 15, de colère ou de miséricorde, 
Rom., IX, 22-23, désignent les hommes qui sont l'objet 
du choix de Dieu, de sa vengeance ou de sa bonté. — 
Isaïe, xxn, 24, compare les membres d'une famille à 
des vases de différentes tailles, depuis la coupe jusqu'aux 
jarres. Le vase de terre dans lequel on porte le don de 
Dieu est le corps fragile. Il Cor., iv, 7. Saint Paul donne 
le nom de vase au corps du chrétien qu'il faut main- 
tenir dans la pureté. I Thés., iv, 4. Saint Pierre appelle 
la femme « un vase plus faible », que le mari doit 
traiter avec honneur. I Pet., ni, 7. David emploie le- 
mot kelim, vasa, dans un sens physiologique plus 
étroit, pour certifier la continence de ses compagnons. 
I Reg., xxi., 5. Cf. Dhorme, Les livres de Samuel, 
Paris, 1910, p. 195. H. Lesètre. 

VASES DU TEMPLE DE JÉRUSALEM. Voir 
Mer d'airain, t. iv, col. 982; bassins, col. 987. 

VASSENI (hébreu: Vasnî; Septante : Eavi'), fils aîné 
de Samuel, d'après I Par., vi, 28. Comme d'après I Sam. 
(Reg.), vm, 2, le fils aîné de Samuel s'appelait Joël et le 
secondAbia, il est probable quele nom deJoel est tombé 
dans les Paralipomènes et que comme Vasseni signifie 
« le second », il faut rétablir ainsi le texte des Paralipo- 
mènes : « Fils de Samuel : le premier-né Joël et le 
second Abia. » C'est ainsi qu'on lit dans la Peschito et 
dans la version arabe de la Polyglotte de Walton. 

VASTHI (hébreu : Vastî; Septante : 'Aort'v), reine 
de Perse, femme d'Àssuérus. Son nom signifie peut- 
être « excellente », d'après le perse vahista. Elle était 
d'une beauté remarquable et le roi voulut la montrer 
aux grands de sa cour pendant un festin. Elle donnait 
elle-même un repas pendant ce temps à ses femmes, et, 
pour ne pas violer les usages perses, elle refusa de se 
montrer sans voiles et désobéit au roi. Assuérus la ré- 
pudia etEsther devint reine à sa place. Esther, i, 9, 11, 
12, 15, 16, 17, 19; n,l, 4, 17. 

VATABLE ou VATEBLÉ François, hébraïsant fran- 
çais, né à Gamaches en Picardie, mort à Paris le 
16 mars 1547. Quand François I er fonda le collège de 
France (1630), ii y fut le premier professeur d'hébreu 
et ses cours eurent la plus grande réputation. Il n'a 
rien écrit sur l'Écriture, mais Robert Eslienne publia à 
Paris, sous le nom de ce savant, des notes prises à ses 
cours, qu'il joignit à la Bible traduite en latin par Léon 
de Juda sur le texte hébreu, in-8», Paris, 1545, avec 
d'autres notes empruntées à Calvin, Munster, Fagius, etc. 
L'imprimeur les attribua à Vatable, sans doute afin 
d'empêcher la censure de la Sorbonne, mais cela n'em- 
pêcha pas les docteurs de Paris d'en discerner le venin 



2379 



VATABLE — VATICANUS (CODEX) 



2380 



et de les condamner en 1547. Robert Estienne s'étant 
retiré à Genève défendit son œuvre et la rendit encore 
plus calviniste en la réimprimant, in-f°, Genève, 1547, 
avec la traduction latine de Sanctes Pagninus et des 
noteB tirées de ce dernier et d'autres, au lieu de la tra- 
duction de Léon de Juda. Les docteurs de Salamanque 
en publièrent en 1584 une édition corrigée. Nicolas 
Henri, professeur d'hébreu au Collège royal, en donna 
une autre, édition, 2 in-f°, 1729-1745. Les notes sont lit- 
térales et critiques, claires et précises, et elles se dis- 
tinguent par leur caractère philologique de celles des 
commentaires de cette époque qui sont surtout dogma- 
tiques et polémiques. Robert Estienne publia à part les 
Psaumes, Genève, 1556, avec des notes plus étendues 
qui avaient peut-être été recueillies aux cours deVatable. 
Ges. notes furent insérées dans les Critici sacri et réim- 
primées aussi à Halle, in-8», 1767, avec celles de Grotius, 
par G. J. L. Vogel. — Voir H. Strack, dans Herzog- 
Hauck, Real-Encyklopàdie fàrprot. Théologie, 3* édit., 
XX, 1908, p.431;Cl.-P. Gouget, Mémoires hist. et littér. 
sur le collège de France, in-4°, Paris, 1758, p. 88-92. 

VATICANUS (CODEX). Ce manuscrit célèbre de 
la Bible grecque appartient à la bibliothèque du Vati- 
can, où il est coté Vatican, gr. 1209 (fig. 543). L'écri- 
ture est onciale, d'une main qu'on attribue au iv" siècle. 
Chaque page a trois colonnes de texte, chaque colonne 
42 lignes. Dans les livres poétiques, où le texte est dis- 
tribué en stiques, on ne compte que deux colonnes à la 
page. Le parchemin est d'une extrême finesse. Pas d'ini- 
tiales plus grosses que les caractères courants, mais la 
première lettre des chapitres (ou ce qui peut être 
pris pour tel) dépasse un peu en marge. Pas d'accents, 
pas d'esprits, de première main du moins. Ponctua- 
tion très rare, remplacée le plus souvent par un léger 
espacement des mots à interponctuer. Hauteur du ma- 
nuscrit: 27 à 28 centimètres ; largeur : 27 à 28 aussi. Le 
manuscrit compte 759 feuillets, dont 617 pour l'Ancien 
Testament, 142 pour le Nouveau. Les livres des Macha- 
bées n'ont jamais figuré dans le manuscrit. Par acci- 
dent, il manque Gen., i, 1-xlvi, 28; Ps., cv, 27-cxxxvn, 
6; Hebr., ix, 14-xm, 25; les deux Épitres à Timothée, 
l'Épitre à Tite, l'Épitre à Philémon, l'Apocalypse. Les 
parties accidentellement manquantes ont été suppléées 
par un habile copiste du xv e siècle. Le texte oncial, si 
l'on en croit Tischendorf, serait l'œuvre de trois co- 
pistes ; le Nouveau Testament serait tout-entier du même 
copiste. Le texte oncial aurait été corrigé successive- 
ment par deux mains, dont la première serait contem- 
poraine des copistes; la seconde serait du xi=-xn e siècle. 

Ce manuscrit . est de premier ordre pour l'établis- 
sement du texte grec de la Bible. Tischendorf a émis 
l'opinion qu'il avait été copié dans le même scriptoriunt 
que le Codex Sinaiticus, simple possibilité. On a dit 
souvent qu'il figurait dans les anciens catalogues de 
la- bibliothèque du Vatican de la fin du XV e et du XVI e 
siècle : je l'ai cherché vainement dans l'inventaire du 
pape Nicolas V, dans celui du pape Léon X, dans celui 
du pape Paul III. Il n'a été classé à son numéro 
d'ordre, Vat. gr. 1209, qu'à l'époque du pape Paul V 
(1605-1621), car il est précédé de peu dans les rayons 
d'un manuscrit (Vat. 1190) offert à ce pape par 
Alexandre Turriano, et d'un autre (Vat. 1191) qui a 
été acquis en 1612. Le Vat. 1208 qui le précède immé- 
diatement est le célèbre manuscrit des Actes des Apôtres 
écrit en lettres d'or, qui fut donné au pape Inno- 
cent VIII par la reine de Chypre, manuscrit qui ne 
figure pas davantage aux inventaires de Léon X et 
de Paul III. Il est possible que, possédés par le Saint- 
Siège pendant tout le xvr siècle, le Vat. 1208 et le 
Vat. 1209 aient été conservés à part, car le Vat. 1209 
était célèbre dès lors. En 1533, Jean Genesius de Sepul- 
veda adresse à Érasme 356 leçons prises à ce manu- 



scrit, leçons que lui a communiquées Paul Bombasio, 
par une lettre datée de 1521. Nestlé, Septuaginta- 
Studien, p. 5. En 1546, Sirleto écrit au cardinal Cer- 
vini : In quello esemplare che e nella libreria di 
N. S. il quale un tempo haveva don Basilio, ve son 
le précise parole que allega S. Paolo, eùipp<iv6r)Te stivri 
peza toû Xaou axrcov. Rom., xv, 10, pris à Deut., xxxn, 
43. Cette lettre de Sirleto est mentionnée dans mon 
petit livre sur La Vaticane de Paul 111 à Paul V, 
Paris, 1890, p. 86. J'ignore qui est le don Basilio men~ 
tionné par Sirleto. En 1583, le même Sirleto écrit à 
Barthélémy Valverde, qui l'a interrogé sur quelques 
passages difficiles de la Bible, que les difficultés tien- 
nent moins à la nature du sujet qu'à l'impéritie des 
copistes ou des éditeurs. Donc, pour les résoudre, 
Sirleto a le dessein de collationner ces passages cum 
exemplari grxco Vaticanse bibliothecm, quod tam 
mires vetustatis est, ut doctorum virorum judicio prse- 
feratur omnibus quse in publicis vel in privatis biblio- 
theds inveniuntur. Op. cit., p. 84. Nicolas Maggio- 
rano, qui était correcteur à la Vaticane avant de devenir, 
en 1553, évêque de Molfetta, a colligé une série obser- 
vationum quas -ar grxco ulriusque Testamenti codice 
vetustissimo Vaticano annotarat. Ibid. En 1560, Latino 
Latini rapporte que Sirleto lui a dit que multa szmt in 
eo codice non temere vulganda, ne novarum rerum 
studiosis, id est Arianis et Macedonianis huius setatis, 
maior insaniendi occasio prssbeatur. Op. cit., p. 85. 
En 1586, l'édition sixtine des Septante est publiée par 
ordre de Sixte-Quint et par les soins du cardinal Carafa 
on a pris pour base notre manuscrit, dont Carafa dit, 
dans la préface : lnlelleximus, cum ex ipsa collatione, 
tum e sacrorum veterum scriptorum consensione, Va- 
ticanum codicem non solum vetustate, verum etiani 
bonitate cse.te.ris anteire; quodque caputest, ad ipsam 
quant quserebamus Septuaginta interpretationem, si 
non loto libro, maiori certe ex parte, quamproxime 
accedere. Op. cit., p. 88. 

L'édition sixtine des Septante suffit longtemps aux 
besoins de la critique. En 1669, cependant, un correc- 
teur de la bibliothèque Vaticane, Jules Bartolocci, prit 
une collation du Nouveau Testament sur l'édition 
d'Aide de 1518, collation que possède la Bibliothèque 
nationale, Supp. gr. 53. Voyez Gregory, Prolegomena, 
p. 361. Nouvelle collation en 1720, pour Bentley : elle 
est conservée à Cambridge, dans la bibliothèque de 
Trinity Collège B, 17, 3 et 20. Gregory, ibid. En 1809, 
le manuscrit était à Paris, où il fut étudié par Léonard 
Hug, qui publia peu après une dissertation De antiqui- 
tate codicis Vaticani, Fribourg, 1810. Le manuscrit fut 
restitué au Vatican, avec les autres trésors que Napoléon 
avait enlevés ; puis le cardinal Mai entreprit d'en éditer 
le texte : on l'imprima, de 1828 à 1838, mais le cardinal 
Mai, conscient de l'imperfection de son travail, se re- 
fusa à le publier jusqu'à sa mort, qui arriva en 1854. La 
publication fut alors confiée au P. Vercellone, qui s'en 
acquitta en 1857 une première fois, et à nouveau pour 
le Nouveau Testament en 1859. Quand on sait quelle 
difficulté, présente une semblable édition diplomatique, 
on ne s'étonne pas que celle de Mai et de Vercellone 
laisse infiniment à désirer. On s'y reprit une troisième 
fois ; le travail échut, après la mort de Vercellone, au 
P. Cozza, et l'édition parut de 1868 à 1881. La critique 
la plus indulgente a estimé que cette dernière tentative 
ne Tachetait pas le défaut des précédentes. Voyez H. 
Swete, The Old Testament in greek, Cambridge, 1887, 
t. i, p. xvm. Nous avons eu enfin une reproduction 
photographique du Vaticanus, qui coupe court aux cri- 
tiques, Codicese Vaticanis selecti phototypice expressi, 
Rome et Milan, 1902 sq.; Bibliorum graecorum Codex 
Vaticanus 1209, pars 1, Testamentum Velus, Milan, 
1905-1906; pars 11, Testamentum A T owm, / Milan,1904. 

P. Batiffol. 



Dictionnaire dk la Bible 



Letouzey et Ane, éditeurs 



- ■ 



- -r 















ce X^K» KhtO HTKe~\1V~ 

e i ko b i e n &(•■% x c i Aêy 

flAtCTHfeNAC KXKX| 

ènoiHcé N*ro i iVjki hn 
cNcnni oNKyfcrxiôyk-'* 

NfTI'Ml ftAnOTcÛNPH 

p e N:rci)N N.ofçtîrii'Yri* 
i e r e m i b y T <* Y n j» o<W 

t o ,Y e * K " f * ' ° M A ^T"° C"FY 
K-*y 'K v i ô (• k: i r e> t?i c xn- 

. o\ k^cjaccdc n Vfc-y 

\OAO M OÇOM.O) 6 MOH*. 

T, l T p Y K Y -*\' '" ' ° f K " c ^ 
x n 6 ct h »< *. J e *- * 'm P yn*.- 
il v TC f? T&NTP XX M x»~ 
KMTh m K'xpviivNÀYÈT. 

n X P€* HT^MOM I M^Ky' 

©Y Fcjxmx ktx i ô; A ro'y 
Mfwni x.^TÔyÀxÔYW 

Tel) M 1 G p G Ct> N n O 4 A \ A 
C C 14 M C k M N' M H M OM H 

rxw Ynèj n »vf\cT^c |; . 

tcxo xr ci x^r nxiiTcoN, 

TcuNiC « f^cÔN KXI 6MJX 

m^x M rro » e f à h tô y Ky 

CO x ri x^; <V m e k$ o n g'n 

i ~P O y CXXM M KAIMli ' 

ryeixcM ô k kciai y< , « 
tûjn n xtc p a> m i^y Tu/ 
x r xtô y x J rrtX o y x.y i-T 

kk(*o e<j>c i A.f=Tp xy-rnr 

1<> ITÔyCKH KJfO M.if-r 

xy tô y nvTc ) a et' Mjy 
KTTH [irvN pMTOirvr 
f-6A.o t c KyTÔY'^^i »'-Îh 
M « j» X^éx v\ HCGtJ kc H 
c x t > e k 1 1 \ i yf o nT£ C 

Tf Y« O P ^ < f- HT* <" *YT'Y 
6 tu c ci y 1 © y,m tu NT* xy 

T n Kl g? r r yrp^ O Ô N 6 I x y 

Toyx;ix*rx«\Y^ r ' e R" M>k 



*. 



T* r» p O CTxï X I XN X R I RX 

ex i e n xytô yenroye 

Rxc|JseiCTcî)NX*.XMi 
con byToix/i eKTeiHi." 
-roYCNCXN TCKoyriy 
tî-ôVj êw rttMckx'rxnçp/ 
Ky K\ eu TÔ y ix l'o y >'çp«t 
K X I O y K"€ <b €) c x M TO 

ue*N!CK<JYK*iri*p 
o e n oy kxi n p e c * y f-y 
k-x i m e eu Te'p/« Y" *» *** 
; ■ p rx*VeÂtoK*N 

cict*cx£| fxcxyTuJ" 
kxi nxMTXTXic p< a,c«<y 
n T ô y KYjx m e r*\ x* 

TV M 'IKrpXKXITXCKIK-' 

TO YCTcSytcy kxitxc 

R X C I Kl KfivfcX n O O H H?- 1 

xm xxxfco'NTecxriHNT 
)< xM CIÇKXKyAfÛHXkii 

e n e f i Y pic x H to n o ï k»" 

T<Sy Ky.K*iëxYcxN-ri5 

té'i v; m t g r o yc x x wmi^ 

tp y C 1 1 y j 1 r oy cxyTHc 

e m g nyp»exwe!N n-pfï: 

k a i c - ' kI « TeXe c x n n*' 

T*t*cn xoy.xx.yTHC __ 

AXf£Wic*rKxiTdYce 

niAoi r>oycx:n h rxt « 

M € TX f C» M <b .M *Ç CI C 

;. x»> y/iâ'UVK* in c*n 
n xi a.sc.CyTcÛkxito"|c 
n - 1 ô i c xyTo Y M p'vcf l f>y 
p > c lAê.ycxi n e'pcAcèic 
x n xn'Aiwt»pcn^'Tôy#M 

M Vî'ÇCTOY^Hf"! 11 ' 

m xti ?'€ : P<= M voyêtùçTif 

èy \okht*ith N r •** N 
Txrx's k xvxxyTHcnx' 

•|7.-fC N^l'ONOHTHce 

p h nuîceiucÀ.yTH CC.VJ 
fc xti ci GlcCY)iu\Ytru> 



ClNGTCtlMeRXOMHK'" _ 

fTxfKXCIAeÇyoMTOCiC/'p.Y . r C/!? il 
" "n e f c d> n cto y c n peu 

-|- 1 y c pc m l'o y h reipen 
kc'toi in e y mx kj ^oy 
K xcixeocnef ccuw'itfi 
e k h f Y 1 £JN o'a'kt« 5X«I 

XeiX*.YTÔYK'XIXM*XlÀ 

rr xii'rcb-NXfi'ra.<M - tx' 
xg ah r <= i c, e xç i A.èyc n«r 
c <î) n K y p o ce m ex n e xc-/ 

ÏENt*CI \6*TH CC-I K-y 

M c'm h coky p i o CTêyic 

p *H\ «fcoY^ICTOCICM 
eCHMHNEUMOIOlKo 

a b m m c * i xy-rtû ôl ko h 
e n Çé p o y c x x_m m th e n 

• i H l'flY *» ^ I * C^" 1 " I , c * CTl" 

oy-M Y ^i<î» n e Kjo yéé_M-v 
.a yrô y -e ctiu o kc.C-jt-y 
Ai e T v ytô y k£ i *^ n xfcx* 

ClC-rMIvlÏGPOYCXXHM 

Th NëNTH'ioY\*i'l*-o |,ir ; 

XoMt'lT(l)TONOIKON1^ 

KYTÔY icr*H xoy^oc 

ô KVV) K-X T X C K H M CL) CX' 

ew V hroycKK h M"ô coi 
o y VSk x t xt3 y c To'n -y= 

OlkAyflM.JOHO f |T (UCV 

x Y T a) c> !,e w T'b to n tu 

* y ^ c> y * n x r Yv c * \ u w^ ' , , 

e n *! r r y*! rtu,Kx i e ma»' 
cecn iMe&mrrcL-Miç.M 

KTHMcJiMCYNTOlOX'. 

AOICTÔ|CK'*T*Y^*' c , 
lljpo'pOGIM f'.N O t Ç C |Ç 
TÔ f € P O NTO Y. K YTO CNÏ, 

e | 
C 

Te 



r o y C X A H MKX 1 KTX i X th 
X NTE CÔ lAfXI<P Y V.' 
cf> N l t XTP I tL> M T M c ïoy, v j, 



^ s' 



"7* 






.-.■ 
■r 



- 



\ 






CODEX VATICANUS 



A 



ton. (; Deif 



v... ■' 



Il Par., xxxvi. 11. 



hsd., i, 5. 



2381 



VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 



2382 



VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. - 

Ouand on parle aujourd'hui de versions « vaudoises » 
de l'Écriture,on n'enlend plus des traductions en langue 
vulgaire, faites, avant 1170, soit par le Lyonnais Valdo, 
fondateur de la secte vaudoise, soit par ses premiers 
adhérents. On entend par là des versions bibliques, 
rédigées dans le dialecte parlé au xiv« siècle par les 
habitants des Vallées vaudoises des Alpes. Si les pre- 
miers vaudois du xn« siècle avaient à leur disposition 
une traduction de la Bible (ce qui n'est pas démontré), 
elle n'avait pas été faite dans ce dialecte, et nous igno- 
rons en quel idiome roman elle aurait été composée. 
Les manuscrits qui nous restent d'une version biblique 
en dialecte des Vallées vaudoises sont plus récents et 
reproduisent un texte différent de celui qu'on attribue 
à Pierre Valdo de Lyon. Voir Ed. Reuss, Fragments 
littéraires et critiques relatifs à l'histoire de la Bible 
française, dans la Revue de théologie de Strasbourg, 
juin 1851, t. il, p. 321-364. Les vaudois, du reste, ont 
eu à leur usage une version provençale du xni" siècle, 
qui a exercé de l'influence sur les traductions en idiome 
vaudois. Voir t, v, cot. 775-776. Celles-ci comprennent 
le Xouveau Testament en entier et des parties ou frag- 
ments de l'Ancien Testament. 

1. Nouveau Testament. — 1° Les manuscrits. — 
1. Le plus ancien de tous a été signalé par le P. Lelong, 
Bibliothèque sacrée, 1. 1, p. 369, comme appartenant à 
Henri-Joseph de Thomassin, seigneur de Mazauges, 
d'après Rémerville de Saint-Quentin, Pièces fugitives, 
1704, t. n, p. 270. Après 1743, il fut acheté par l'évêque 
de Garpentras, Inguimbert, qui le donna à sa ville 
épiscopale. Il se trouve aujourd'hui encore à la biblio- 
thèque Inguimbert de Carpentras. Il est du xrv s siècle 
et d'une écriture arrondie du midi de la France. Il 
contient, à la suite du Nouveau Testament, les livres 
sapientiaux de l'Ancien. Chaque livre est précédé d'un 
prologue ou argument. Rien ne prouve l'origine vau- 
doise de ce manuscrit qui pourtant a dû être entre les 
main» de vaudois, comme semble l'indiquer une note 
italienne du xv» siècle dressant la liste des livres dcuté- 
rocanoniques de l'Ancien Testament. S. Berger a publié 
quelques extraits du texte, dans Romania, 1889, 
t xvtii, p. 379-382. 

2. Vient ensuite, par ordre de date, le manuscrit de 
Dublin, Trinity Collège, A. 4, i3, daté de 1522. Il pro- 
vient de l'archevêque Ussher, qui l'avait acheté vers 
1634, avec une collection d'écrits vaudois, ayant appar- 
tenu au ministre dauphinois J.-P. Perrin. Ces manu- 
scrits avaient été recueillis dans la vallée du Pragela et 
envoyés par le synode des Vallées à Perrin pour son 
Histoire des vaudois, Genève, 1618. Cf. op. cit., t. i, 
p. 57; J. Léger, Histoire générale des Églises évangé- 
liques de» Voilées de Piémont ou vaudoises, Leyde, 
1€69, t. i, p. 24. W. S. Gilly l'a signalé le premier, en 
adonné un fac-similé et en a publié l'Évangile de saint 
Jean, mais d'une façon très fautive. The romaunt 
Version oftJie Gospel according to St. John, Londres, 
1848. M. Herzog, en a pris une copie qu'il a déposée à 
la bibliothèque royale de Berlin. Cf. Herzog, Die ro- 
manisclien Waldenser, p. 55, 99; Grûzmacher, Jakr- 
bûcher fur roman, und angl. Litteratur, 1862, t. iv, 
p. 372; Todd, The Boohs of tlte Vaudois, Londres et 
Cambridge, 1865, p. 1; P. Meyer, iîecuei! d'anciens tex- 
tes, 1874, p. 32; Al. Muston, L'Israël des Alpes,ty èdit., 
1879, t. iv, p. 95; H.Haupt, DiedeutscheBibelûbersetzung 
der mitteralterlichen Waldenser, Wurzbourg, 1886, 
p. 20 ;K Comba, Histoire des vaudois d'Italie, 1887, 
1. 1, p. 225; C. Salvioni, Bulletin de la Société d'histoire 
vaudoise, 1889, n. 5, p. 35. Comme le précédent, ce 
manuscrit contient le Nouveau Testament et les livres 
sapientiaux; il n'en est pas cependant la reproduction, 
puisqu'il s'étend jusqu'au c. xxm de l'Ecclésiastique, 
alors que le manuscrit de Carpentras s'arrête à xvi, 4. 



3. Les manuscrits de Grenoble, bibliothèque munici- 
pale, U. 860, et de Cambridge, bibliothèque de l'univer- 
sité, DD. i5. 34, sont du commencement du xv« siècle 
et reproduisent le même texte, jusqu'aux fautes de copie 
et aux erreurs. Le premier comprend tout le Nouveau 
Testament avec une partie des livres sapientiaux de 
l'Ancien, mais le second n'est qu'un abrégé du Nou- 
veau Testament. Le manuscrit de Grenoble vient de 
l'évêque Caulet (fl771). Entête de chaque livre, on lit 
une préface ou argument, dont la traduction est diffé- 
rente de celle du manuscrit de Carpentras et dont le 
texte latin se rencontre, dès le milieu du xm e siècle, 
dans presque tous les manuscrits de la Vulgate. A la fin, 
une autre main, dont l'écriture n'est pas antérieure 
au milieu du xv siècle, atranscritun lectionnaireque 
l'abbé Misset, parle moyen des fêtes propres, a reconnu 
pour un lectionnaire de Prague. Or, cette circonstance 
démontre l'origine vaudoise du manuscrit, car on sait 
qu'au xv e siècle les vaudois ont été en rapports étroits 
avec les Bohémiens. Champollion-Figeac a publié la 
parabole de l'enfant prodigue. Nouvelles recherches 
sur les patois, Paris, 1809, p. 113. Voir encore Gilly, 
: op. cit., p. xliv, qui donne un fac-similé; P. Meyer, 
op. cit., p. 32; Muston, op. cit., p. 95; Comba, op. cit., 
p. 224. Le fragment de Cambridge a été retrouvé 
par Bradshaw au milieu d'une collection de manu- 
scrits vaudois rapportés en Angleterre en 1658 par sir 
Samuel Morland, commissaire de Cromwel! auprès du 
duc de Savoie. Morland les avait reçus de l'historien 
J. Léger, modérateur des Eglises des Vallées. H. Brad- 
shaw, On Ihe recovery of the long lost Waldensian 
mss. (rapport lu le 10 mars 1862), Antiquarian com- 
munications de la Cambridge antiquarian Society, 
1864, t. n, p. 203, reproduit par ,1. H. Todd, op. cit., 
p. 214. Cf. Ed. Montet, Histoire littéraire des vaudois, 
1885, p. 3; Comba, op. cit., p. 224. Son texte se 
rattache étroitement à celui des manuscrits de Car- 
pentras et de Dublin. Il présente cependant cette 
particularité qu'à partir du c. xvi, 9, des Actes, com- 
mence une nouvelle version qui n'est qu'une para- 
phrase. Elle est faite littéralement sur le texte italien 
de la version du dominicain frère Dominique Cavalca, 
mort en 1342. S. Berger, La Bible italienne au moyen 
âge, dans Romania, 1894, t. xxm, p. 37-39. 

4. Une dernière copie du Nouveau Testament vaudois 
se trouve à Zurich, bibliothèque de la ville, Ci69. Ce 
manuscrit, qui présente quelques lacunes, a été donné 
en 1692 à l'universitéde Zurich par Guillaume Malanot, 
pasteur d'Agragne dans les Vallées vaudoises. Il avait 
appartenu d'abord à un habitant de la vallée de Pragela, 
Ed. Reuss, qui l'a étudié à fond, a démontré que le 
texte a été copié sur un original retouché d'après le 
Nouveau Testament d'Lrasme de 1522. Revue de tliéo- 
logie, décembre 1852, t. v, p. 341-349; février 1853, 
t. vi, p. 80-86. Il reproduit, en effet, le verset des trois 
témoins célestes. Le manuscrit date donc de 1530, 
époque à laquelle les vaudois piémontais se sont rap- 
prochés des protestants et se sont initiés à la critique 
biblique. L'original semble dériver de l'ancêtre com- 
mun des manuscrits de Dublin et de Grenoble. Le texte 
corrigé, et donc le moins bon, du manuscrit de Zurich 
a été publié par C. Salvioni, dans VArchivio glottolo- 
gico italiano de M. Ascoli, 1890, t. xi. Cf. Gilly, op. cit., 
p. lis ; Muston, op. cit., p. 96; Comba, op. cit., p. 226. 
2» Caractères de cette version. — 1. Elle n'est pas 
vaudoise de doctrine. Bien qu'elle ait été à l'usage des 
vaudois comme l'attestent les citations bibliques des 
ouvrages vaudois, qui sont évidemment empruntées à 
un texte absolument identique à celui du manuscrit de 
Carpentras; il n'est pas sûr cependant qu'elle soit leur 
œuvre. M. Reuss croyait y découvrir quelques traces 
de dualisme et des doctrines cathares, étrangères aux 
idées vaudoises. Elle lui paraissait éviter le mot de créa- 



2383 



VAUDOISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — VAUTOUR 



2384 



tion etles formules analogues et employer des expres- 
sions qui rappelleraient l'éternité de la matière. L'exa- 
men plus attentif des manuscrits y a fait retrouver les 
termes qu'on prétendait avoir été écartés à dessein. Les 
expressions qui ont paru trahir une tendance à l'ascé- 
tisme n'ont pas de portée spéciale. Le mot « Fils de la 
vierge » pour traduire Films hominis de la Vulgate se 
retrouve dans une version normande du xm e siècle; 
il est répété au xv e dans différentes traductions dû Nou- 
veau Testament et on ne peut y voir une tentative pour 
rompre le lien qui unit le Christ à la nature humaine 
ou à la matière. Pas un mot ne trahit les opinions parti- 
culières du traducteur, et la version vaudoise du Nou- 
veau Testament est parfaitement orthodoxe. 

2. Elle est faite, d'ailleurs, sur la Vulgate et, aussi 
bien que les traductions provençales, sur le texte lan- 
guedocien du xiu 8 siècle. Comme la version proven- 
çale du manuscrit du Lyon, à laquelle elle ressemble, 
voir t. v, col. 776, elle est littérale à l'excès. Cette exac- 
titude littérale a été ici spécialement recherchée tant 
au point de vue du vocabulaire, qui rend le mot latin 
le plus près possible, que de la grammaire et de la 
syntaxe. En outre, on remarque dans les deux versions, 
vaudoise et provençale, certaines expressions singu- 
lières et certaines traductions libres ou inexactes qui 
leur sont communes, quelques leçons qu'on n'a pas 
encore retrouvées dans aucun texte latin. Les versions 
provençales ont donc influencé la traduction vaudoise 
du Nouveau Testament. Leur origine n'est pourtant 
probablement pas la même. On constate entre les deux 
groupes des différences innombrables et de toute na- 
ture. La plus importante peut-être est que leur texte 
latin, quoique languedocien, n'est pas absolument le 
même et présente des variantes de détail qu'un simple 
travail de retouche n'expliquerait pas. Celui que repré- 
sente la' version vaudoise n'est pas de très bon aloi; 
il contient des interpolations, provenant d'un déplace- 
ment des textes et des passages répétés ou doublets et 
dont quelques-uns se retrouvent dans les manuscrits 
languedociens les moins anciens, dans ceux qui ont déjà, 
comme la traduction vaudoise, les chapitres modernes,. 
Les textes vaudois ont peut-être été souvent retouchés, 
parce qu'ils étaient d'un grand usage, et ces retouches 
auraient été faites d'après les versions provençales. 

II. Parties et fragments de l'Ancien Testament. — _ 
1° Les livres sapientiaux. — Nous avons déjà constaté 
que les manuscrits de Carpentras, de Dublin et de 
Grenoble contenaient, à la suite du Nouveau Testament, 
les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, les dix pre- 
miers chapitres de la Sagesse et les quinze ou vingt- 
trois premiers de l'Ecclésiastique. Ces livres ne sont 
complets dans aucun manuscrit, et il n'y a pas de rai- 
son qu'ils l'aient jamais été. Le manuscrit de Grenoble 
reproduit quelques versets de l'Ecclésiastique, xi, 15, 
16; xii, 166-18 a, qui ne sont pas dans celui de Carpen- 
tras. Le texte latin, sur lequel la traduction a été faite, 
est ce texte parisien qui, sous l'influence de l'université 
de Paris, est devenu peu à peu général en France, à 
partir du milieu du xm e siècle. On y retrouve les inter- 
polations qui le caractérisent. On n'y remarque par 
contre aucune des particularités du texte languedo- 
cien du xm e siècle, qui a servi de base à la version 
vaudoise du Nouveau Testament. On peut par suite se 
demander si la traduction des livres sapientiaux vient 
du même atelier que la précédente. Dans les manu- 
scrits vaudois, le Cantique est accompagné de rubriques 
allégoriques, qui se présentent sous deux formes quel- 
que peu différentes. Celles du manuscrit de Carpen- 
tras semblent avoir été empruntées, presque sans chan- 
gement, aux Bibles d'Alcuin les plus anciennes et les 
meilleures. Celles du manuscrit de Grenoble dérivent 
des manuscrits languedociens les plus anciens; elles 
seraient donc les plus anciennes dans la version vau- 



doise. Comme les autres livres sapientiaux ont été tra- 
duits sur un texte parisien, qui n'avait pas ces ru- 
briques, on peut se demander si le Cantique n'a pas 
été traduit à part et peut-être le premier. 

2° Autres fragments de l'Ancien Testament. — Les 
manuscrits qui les contiennent sont vaudois d'origine^ 
ils ont été donnés à sir Morland par Jean Léger, l'his- 
torien des vaudois. Ils paraissent remonter à la seconde 
moitié du XV e siècle et sont conservés à la bibliothèque 
de l'université de Cambridge, DD. 15, 29; DD. 15, 31. 
1. Le ms. A de Morland contient, en tête de différents 
traités, les neuf premiers chapitres de la Genèse. Le 
texte latin, sur lequel cette traduction a été faite, n'est 
pas le texte parisien du xm e siècle. La version est assez 
exacte. — 2. Le ms. C de Morland, un des plus petits 
manuscrits qu'on connaisse, contient dans la langue 
des Vallées : à) le supplice des frères Machabées, 
II Mac, vi, 5-41; 6) les trois premiers chapitres de Job 
et le c. xlii sous le titre de c. ty; c) le livre entier 
de Tobie. Le texte latin de Job ne semble pas être 
exactement le texte parisien du XIII e siècle; la version 
est généralement exacte; on remarque une leçon sin- 
gulière, Job, i, 5. 

Voir, sur ces versions, les études de Reuss, dans la 
Revue de théologie de Strasbourg, juin 1851, t. n, p. 2- 
23; décembre 1852, t. v, p. 321-349; février 1853, t. vi, 
p. 65-96, et de S. Berger, Les Bibles provençales et 
vaudoises, dans Romania, 1889, t. xvm, p. 377-414, 
416-422, qui remplacent toutes les autres. Nous n'avons 
fait que les résumer. E. Makgenot. 

VAUTOUR, oiseau de proie, de l'ordre des rapaces 
diurnes. — Les vautours ont une petite tête, un bec 
robuste et recourbé vers la pointe, un cou long et 
dénudé, de grandes ailes et une queue courte. Ils 
s'élèvent très haut en tournoyant, mais d'un vol lourd. 
Ils sont lâches et voraces, s'attaquent aux petits ani- 
maux et, à leur défaut, se contentent de substances en 
putréfaction. Ils répandent une odeur infecte. Leur 
habitation ordinaire est dans les hautes montagnes. 
Les vautours sont représentés dans la Bible par le 
Gypaète, t. m, col. 371, et le Pernocptère.I. v, col. 124, 
ou vautour d'Egypte. — Il y a trois mots hébreux qui 
désignent pour les versions soit le vautour, soit le mi- 
lan; dd'ah, yû'l/, « vautour », milvus, s milan »; 
'ayyâh, ïxtivoç, « milan », vultur, « vautour », 
Lev., xi, 14; voir Dâ'âh, t. H, col. 1195; 'ayyâh et 
dayyâh, le vautour et le milan, également interdits, 
Deut., xiv, 13; dayyôf, rnilvi, « milans » qui se ras- 
semblent dans les déserts, et que les Septante appellent 
des « cerfs », eXaçoi, Is., xxxiv, 15; enfin le 'ayyâh 
de Job, xxviii, 7, qui a l'œil perçant et dont les versions 
font un vautour. Le 'ayyâh est plus probablement le 
milan royal. Voir Milan, t. iv, col. 1084. D'après Bo- 
chart, Hierozoicon, t. h, p. 196, et Gesenias, Thésaurus, 
p. 335, dayyâh désignerait une espèce de vautour. 11 
faut croire, avec la plupart des versions, que c'est le 
nom d'un milan. Ce sens devient le plus probable, si 
l'on observe que, chez les Arabes, h'dayah est le nom 
du milan noir, le milvus migrans, distinct du milan 
roux ou royal. Cet oiseau a environ m 55 de long. Il 
porte un plumage uniforme d'un brun noir sur le dos 
et fauve en dessous. Sa queue est longue, mais moins 
fourchue que celle du milan roux. Sa ponte est de 
deux ou trois œufs. C'est un oiseau migrateur, qui dis- 
paraît de Palestine durant les trois mois d'hiver et 
revient en mars. On le trouve alors un peu partout, 
spécialement auprès des villages, qui lui procurent 
une provende facile. Il n'attaque par les poules, mais 
leur dispute leurs détritus. Quand on abat quelque 
bétail, il est là en nombre, profitant de l'inattention 
pour enlever quelque morceau et tenant à l'écart les 
rusés et avides corbeaux. Il est très maladroit dans le 



2385 



VAUTOUR - VEAU D'OR 



2386 



choix d'un emplacement pour son nid, qu'il pose géné- 
ralement sur un arbre, dans une gorge, mais parfois 
entre les racines dénudées d'un arbuste et sur le bord 
même du rocher. Ce nid est pitoyablement construit de 
branchages et garni de tous les chiffons qui se peuvent 
rencontrer. Néanmoins, le vol de l'oiseau est élégant 
et ses mouvements sont agréables à l'œil. Le milvus 
legyptius a le plumage plus clair. On le rencontre fré- 
quemment en Palestine, mais les Arabes le confondent 
avec le précédent. Comme tous les oiseaux de proie, 
le milan a été prohibé par Moïse. Deut., xiv, 13. Cf. 
Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 
1889, p. 181; Wood, Bible animais, Londres, 1884, 
p. 358. H. Lesêtre. 

VAV, sixième , lettre de l'alphabet hébreu, i, v. 
« crochet, clou », objet dont elle a conservé la forme, 
C'est une lettre servile dont la langue hébraïque fait 
le plus grand usage. 

VEADAR, mois complémentaire juif, Les mois de 
l'année juive étaient comme les nôtres au nombre de 
douze, mais leur année était lunaire, par conséquent 
plus courte de onzejours que l'année solaire. Pour la 
faire accorder avec l'année solaire, on ajoutait tous les 
trois ans environ un treizième mois, qui n'est pas men- 
tionné dans la Bible, Veadar, ainsi appelé parce qu'on 
le plaçait entre adar et nisan. 

VEAU (hébreu : par, 'égél; Septante : iiôa-^oç, \LoayJt- 
ptov; Vulgate : vitulus, juvenculus), jeune taureau. 
1° Le veau bondit dans les champs où on l'engraisse, 
Ps. xxix (xxvm), 6; Mal., iv, 2, et y vit indompté. 
Jer., xxxi, 18. Il paît là où s'élevaient autrefois des 
villes, Is., xxvn, 10, et, avec les autres bêtes des 
champs, il devient la proie des envahisseurs. I Reg., 
xiv, 32; Is., xxxiv, 7. A l'âge d'or, figure de la restaura- 
tion spirituelle, il habitera avec le lion. Is., xi,6. Les 
mercenaires d'Egypte sont comparés à des veaux gras, 
à cause de leur force et de leur belle apparence. Jer., 
xl vi, 21. — 2» Le veau sert à la nourriture de l'homme, 
et le veau gras figure dans les festins. Gen., xvm, 7; 

I Reg.,xxvm, 24; III Reg., i, 9; Am., yi, 4; Luc, xv, 
23. — 3° Le veau est employé dans les sacrifices pour 
la consécration des prêtres, Exod., xxix, 1; Lev., vin, 
2, dans l'holocauste, Lev., i, 5, dans le sacrifice pour 
le péché, Lev., iv, 3; îx, 2; xvi, 3, ou pour l'erreur, 
Kum., xv, 24, à la néoménie, Num., xxvm, 11, à la 
Pâque, Num., xxvm, 19, à la Pentecôte, Num., xxvm, 
27; Lev., xxm, 16, aux fêtes des Trompettes, Num., 
xxix, 2, de l'Expiation, Num., XXIX, 8, et des Taber- 
nacles. Num., xxix, 13. Cf. Mich., vi, 6. Un veau gras 
fut immolé pendant le transport de l'Arche à Jérusalem. 

II Reg., vi, 13. Cyrus ordonna de fournir des veaux 
pour les sacrifices des Juifs. I Esd., vi, 9. Le Seigneur 
préférait la prière et la pratique de la vertu à de tels 
sacrifices. Ps. lxix (lxviii), 32; Is., I, 11. — On passait 
entre les deux moitiés d'un veau pour contracter une 
alliance. Jer., xxxiv, 18. Voir Sacrifice, col. 1317. — 
Les versions parlent quelquefois de veaux quand il 
s'agit de taureaux dans le texte hébreu. Voir Bœuf, 
t. i, col. 1833; Chérubin, t. n, col. 663; Taureau, 
col. 2015. H. Lesêtre. 

VEAU D'OR (hébreu : 'êgél massêkâh; Septante : 
u.ô<r/oç 3( <oveUT0 'c i Vulgate : vitulus confîatilis), veau de 
métal fabriqué pour être l'objet d'un culte idolâtrique. 

1° Au désert. — Pendant les quarante jours que 
Moïse demeura sur le Sinaî pour y recevoir la loi de 
Jéhovah, Exod., xxiv, 18; Deut., ix, 11, les Israélites 
se découragèrent en s'imaginant qu'il ne reviendrait 
plus pour les guider. Ils s'adressèrent donc à celui qui 
était le plus qualifié pour leur venir en aide, Aaron, et 



lui demandèrent de leur faire 'ëlohim 'âsér yêlkû lepa- 
nênû, ôîo'jç oi.'itpoTtopsûg'ovTixi T|[i<ôv, deos qui nos pro- 
cédant. Ce pluriel, qu'on reproduira bientôt en l'ap- 
pliquant à une effigie unique, Exod., xxxil, 1, 4, est 
évidemment à entendre au singulier, sinon dans la 
pensée du peuple, du moins dans celle d'Aaron. Peut- 
être le peuple réclamait-il plusieurs simulacres, figu- 
rant, comme en Egypte, les différents attributs de la 
divinité. Il est possible d'ailleurs, comme l'insinue 
saint Paul, I Cor., x, 7, que ce désir n'ait pas été 
partagé par le peuple tout entier. Il était en effet radi- 
calement contraire à la loi du Décalogue qui venait 
d'être promulguée. Exod., xx, 4. Aaron ne se sentit pas 
en mesure de résister à la requête qui luiétaitadressée 
par des hommes égarés, capables de se porter à de 
redoutables extrémités, peut-être même de reprendre 
le chemin de l'Egypte. Quelle responsabilité n'eût-il 
pas encourue aux yeux de Moïse, si celui-ci, à son re- 
tour, n'eût plus retrouvé qu'un peuple révolté et disses 
miné à travers le désert? Il se décida donc à faire ce- 
qu'on lui demandait, mais à une condition qui devait 
donner à réfléchir et qui peut-être ferait renoncer le- 
peuple à son exigence. Il demanda qu'on lui apportât 
les anneaux d'or que les femmes, leurs fils et leurs, 
filles portaient aux oreilles. Le sacrifice fut consenti 
sans hésitation et Aaron dut exécuter ce qu'on atten-- 
dait de lui. Il fit fondre le métal précieux et fabriquer- 
un veau d'or. Voir Or, t. iv, col. 1839. Tenta-t-il, en 
faisant exécuter hâtivement un simulacre grossier, de- 
décourager les Israélites et de leur faire comprendre- 
l'inconvenance de leur désir? Il n'y réussit certaine- 
ment pas; car, dès que l'œuvre fut achevée, ses ins- 
pirateurs dirent à tout le peuple : « Israël, voici tes. 
dieux, qui t'ont fait monter du pays d'Egypte. » Les 
Septante et le Syriaque attribuent ces paroles à Aaron 
lui-même. Il serait donc possible que, par un change- 
ment de ponctuation, les anciens transcripteurs hé- 
breux aient mis le pluriel, pour atténuer la responsa- 
bilité d'Aaron. Tous savaient que Jéhovah avait été 
l'auteur de la délivrance de son peuple. On ne pouvait 
donc voir dans l'effigie d'or qu'une représentation de 
Jéhovah, que seuls les plus grossiers seraient tentés de 
confondre avec lui. — Voyant l'état d'esprit du peuple 
et ne sachant lui-même quand Moïse reparaîtrait,. 
Aaron dressa un autel devant le veau d'or et dit i 
« Demain, il y aura fête en l'honneur de Jéhovah ! » 
C'était une manière d'affirmer la souveraineté de Dieu 
qui s'était révélé à Moïse et d'empêcher des écarts 
nettement idolâtriques. Par la célébration de la fête, 
Aaron pouvait aussi gagner du temps et calmer l'impa- 
tience inquiète des Israélites. Averti par le Seigneur, 
Moïse intercéda pour son peuple et descendit de la 
montagne. Il trouva tout le camp en fête, s'indigna 
vivement et interpella Aaron : « Que t'a fait ce peuple, 
pour que tu aies amené sur lui un tel péché ? » Aaron. 
s'excusa en rappelant les exigences des Israélites.. 
Moïse broya le veau d'or et le fit réduire en poudre;, 
il répandit cette poudre dans l'eau et ordonna aux- 
enfants d'Israël de la boire. Profitant de ce que la plu- 
part des coupables étaient désarmés, il fit appel à ceus. 
qui voudraient venger l'offense faite à Jéhovah. Les 
enfants de Lévi se présentèrent, fondirent sur les 
prévaricateurs au milieu de leurs festins et en massa- 
crèrent 3000 (et non 23000, comme porte la Vulgate 
actuelle). De retour auprès de Jéhovah sur la montagne, 
Moïse implora et obtint le pardon de son peuple. 
Exod., xxxii, 1-35. — Cette tentative avait mis en lu- 
mière les instincts idolâtriques des Israélites. Le- 
grossier emblème du veau d'or fut détruit; mais, par 
la suite, le Seigneur ordonna la construction de l'Arche- 
d'alliance, qui devait être comme le signe sensible de 
sa présence au milieu de son peuple. Moïse revint plus, 
tard sur ce triste épisode. Il rappela combien Jéhovah 



2387 



VEAU D'OR — VENCE (BIBLE DE) 



2388 



avait été irrité contre son peuple, et particulièrement 
contre Aaron qu'il eût fait périr sans la supplication de 
Moïse. Deut., ix, 8-21. Aaron s'était donc montré gra- 
vement coupable de faiblesse, en se prêtant à l'exécu- 
tion d'un pareil attentat contre la gloire de Jéhovah. 
Cf. Ps. cti {cm), 19-23; II Esd., ix, 18; Act., vu, 40,41. 
2° En Samarie. — En attribuant à Jéroboam la 
royauté sur dix tribus, le Seigneur lui promit, s'il 
■était fidèle à ses lois, de bénir sa maison comme il 
l'avait fait pour David. III Reg., xi, 37, 38. La division 
•du royaume demeurait donc compatible avec le main- 
tien du culte traditionnel. Jéroboam n'eut pas une foi 
suffisante en cette promesse divine. Il s'imagina que 
la fréquentation du Temple de Jérusalem par ses su- 
jets porterait préjudice à la solidité de son pouvoir et 
amènerait fatalement les Israélites à se replacer sous 
la domination des descendants de David. Pour parer 
à ce danger, il fit fabriquer deux veaux d'or, qu'il 




544. — Taureau sacré. 
Modèle de sculpture, au musée de Gizéh. 

installa aux deux extrémités de son royaume, à Dan et 
à Béthel. Puis il dit aux Israélites, comme on avait dit 
autrefois au désert : « Israël, voici ton Dieu qui t'a 
fait sortir du pays d'Egypte. » Enfin il institua 
un nouveau culte et Un nouveau sacerdoce, pour que 
son peuple n'eût rien à envier à celui de Juda. Le 
Seigneur fit signifier à Jéroboam combien son entre- 
prise lui déplaisait. III Reg., xn, 26-33; xm, 1-10. Le 
roi d'Israël n'avait pas le dessein d'ériger des idoles, 
mais seulement des représentations visibles de Jéhovah. 
Néanmoins son initiative était condamnée par le texte 
du Décalogue et par les suites qu'avait entraînées 
l'aventure du veau d'or d' Aaron. En outre, la nouvelle 
institution détournait pratiquement les Israélites du 
culte qui leur était prescrit dans le Temple de Jéru- 
salem. Abia, roi de Juda, reprocha en vain à Jéroboam 
son entreprise sacrilège. II Par., xm, 8. Les deux 
veaux d'or demeurèrent en place. Jéhu fit disparaître 
les idoles de Baal, mais laissa subsister les veaux d'or. 
IV Reg., x, 29. A quelques exceptions près, les Israé- 
lites leur rendaient un culte assidu. Tob., i, 5. Osée, 
vm, 6, prédit la mise en pièces du veau de Samarie. Il 
reproche à Israël de s'abaisser à adorer des veaux. Ose., 
. xiii, 2. 11 était inévitable, en effet, que les Israélites en 
vinssent peu à peu à prendre l'effigie pour la divinité 
elle-même et à tomber ainsi dans la plus grossière 
idolâtrie. Cette adoration des veaux d'or est signalée 
comme l'une des impiétés qui amenèrent la ruine du 
royaume d'Israël. IV Reg., xvn, 16. En souvenir de ce 
culte idolàtrique, le nom de fiéthaven, « maison de la 
vanité » ou « de l'idole », fut attribué à Béthel. Voir 

BÉTHAVEN, t. I, col. 1666. 

3» Raison du symbole. — Il y a lieu de se demander 



quel motif put déterminer Aaron et plus tard Jéroboam 
à choisir un jeune taureau comme symbole de Jéhovah, 
Les Hébreux sortaient d'Egypte, où ils avaient vu les 
habitants adorer un bœuf. En faisant fondre un veau 
d'or, Aaron devait savoir qu'il répondrait ainsi à la 
pensée des Israélites accoutumés à voir plusieurs divi- 
nités égyptiennes qui se personnifiaient dans un tau- 
reau, principalement le dieu Apis (Hapi) qui est la se- 
conde vie de Phtah; il était honoré à Memphis. Apis 
mort était Osiris, d'où les Grecs firent Sérapis. On 
trouve aussi représenté sous forme de bœuf ou de tau- 
reau : Mnévis ou l'âme de Rà à Héliopolis; le dieu 
Kem à Thèbes; Mentou à Hermonthis. Voir APIS, t. I. 
col. 741. Ces dieux étaient censés marquer de certains 
stigmates les sujets qu'ils animaient. Ces stigmates 
consistaient en taches noires disposées comme dans la 
figure 544; Cf. Mariette, Notice des principaux monu- 
ments, 1876, p. 222, n. 666; Maspero, Histoire ancienne, 
t. I, p. 119. Le choix de cette représentation divine 
rappelait d'ailleurs aux Hébreux de vieilles traditions 
ancestrales. Les Babyloniens et les Assyriens avaient 
un dieu Hadad ou Adad, qui présidait aux vents, aux 
orages et aux tonnerres. Identique à Ftammàn, voir 
Remmon, t. v, col. 1036, il était symbolisé par le tau- 
reau, comme l'Indra védique. Or, au Sinaï, Jéhovah 
venait de se manifester au milieu des éclairs et des 
tonnerres. Exod., xix, 16-20. Il était donc naturel que, 
pour rappeler à son peuple la présence de Jéhovah qui 
l'avait tiré d'Egypte, Aaron empruntât le symbole du 
dieu babylonien des orages, Hadad, le dieu sémite, 
pour représenter la protection divine assurée à Israël. 
Hadad devint le dieu le plus vénéré et le plus répandu 
de la Syrie. Voir Hadad, t. m, col. 391. Les rois de 
Damas, comme ceux d'Assyrie, aimaient à faire entrer 
son nom dans la composition du leur. — Jéroboam fit 
plus tard comme Aaron en érigeant sîs veaux d'or 
à Dan et à Béthel. II fusionnait ainsi dans un même 
symbole l'idée du vrai Dieu et celle d'une des divinités 
sémites les plus populaires. Cf. Dhorme, Les Sémites, 
dans Où en est l'histoire des religions, Paris, 1911, 
1. 1, p. 147, 165, 166, 177; Lagrange, Études sur les re- 
ligions sémitiques, Paris, 1905, p. 93, 94; H. Vincent, 
Canaan, Paris, 1907, p. 467. H. Lesètre. 

VÉGÉTAUX. Voir Arbres, t. i, col. 888-894; Her- 
bacées (Plantes), t. m, col. 596-599, et les noms de 
chaque plante. 

VEILLE. Voir Heure, t. m, col. 683. 

VEINE, conduit qui ramène le sang vers le cœur. 
Il n'en est point parlé dans la Bible. Mais la Vulgate 
se sert du mot vena pour désigner le canal naturel 
par où passe l'eau d'une source, et ce mot traduit 
mâqôr, Ti\fr\, e. source ». Il est ainsi question de veine 
d'eaux vives, Jer., xvn, 13, de source de la mer, Jer., 
n, 36, de veine desséchée, Ose., xm, 15, ou corrom- 
pue, Prov., xxv, 26, et, par métaphore, de la veine de 
la vie, Prov., v, 18, et de la parole qui enseigne le 
bien. Prov., x, 11. —La Vulgate emploie le même mot 
pour parler du filon d'argent dans une mine, tradui- 
sant ainsi mâqôm, toitoç, « lieu ». Job, xxvm, 1. 

H. Lesètre. 

VEL (hébreu :'Ûêl; Septante: OOriX), un des fils 
ou descendants de Bani, qui avait épousé une femme 
étrangère. Esdras l'obligea à la renvoyer. I Esd., x, 34. 

VENCE (BIBLE DE). H. François, abbé de Vence 
(vers 1675-1749), publia à Nancy, 22 in-12, 1738-1743, une 
nouvelle édition de la Bible de Carrières (voir Carrières, 
t. n, col. 323), en y ajoutant des dissertations. Ces dis- 
sertations furent insérées depuis dans la Bible de 
Calmet. Rondet (1717-1785) en donna une édition nou- 



2389 



VENCE (BIBLE DE) — VENGEANCE 



2390 



velle à Avignon, J7 in-4°, 1767-1773. Cette édition est 
connue sous le nom de Bible de Vence. 

VENDANGE (hébreu : bâçir; Septante: xpu-piTÔç; 
Vulgate : vindemia), récolte des raisins (voir fig. 165, 
col. 613). 

1» En Palestine, la vendange commence dès le début 
de septembre dans les vallées chaudes, pour se termi- 
ner en octobre dans les régions plus froides. Elle rejoint 
donc les semailles, qui se font en novembre. C'est ce 
que le Seigneur avait promis à son peuple, s'il lui 
restait fidèle. Lev., xxvi, 5; Am., ix, 13. La Vendange 
des raisins spontanés ne devait se faire ni l'année sab- 
batique, ni l'année jubilaire. Lev., xxv, 5, 11. Les 
autres années, le vendangeur devait laisser de quoi 
grappiller à l'étranger, à l'orphelin et à la veuve. Deut., 
xxiv, 21. Voir Grappillage, t. m, col. 308. Les pauvres 
en étaient quelquefois réduits à marauder dans les 
vignes de leurs oppresseurs. Job, xxiv, 6. — La ven- 
dange devait manquer à Israël devenu infidèle. Deut., 
xxviii, 30; Is., xxxii, 10. — La récolte des raisins se 
faisait avec d'autant plus de joie qu'elle terminait 
toutes les autres. Ps., iv, 8. Ainsi on voit les gens de 
Sichem vendanger, fouler, faire la fête et continuer 
les festins dans la maison de leur dieu. Jug., ix, 27. 
Le foulage du raisin s'exécutait en effet à mesure qu'il 
était cueilli, les pressoirs se trouvant disposés dans 
les vignes ou à proximité. Voir Pressoir, fig. 164-169, 
col. 612-616. En temps de détresse, « dans les vignes, 
plus de chants, plus de cris de joie. t> Is., xvi, 10. 
« On ne foule plus au bruit des cris de joie; le cri de 
joie n'est plus. » Jer., xxv, 30; xlviii, 33. La vendange 
mettait tout le monde en fête, tant à cause de l'exten- 
sion des vignobles qu'à raison de la richesse des pro- 
duits et du profit qu'on en pouvait tirer. 

2°, Le sort d'un peuple châtié par Dieu est comparé à 
celui d'une vigne à la suite de la vendange et du grap- 
pillage. Is., xxiv, 13; Jer., xlix, 9; Mich., vu, 1. Édom 
est pillé comme par des vendangeurs qui n'ont rien 
laissé. Abd., 5. Après le châtiment d'Israël, les restes 
du peuple sont comme une vigne où le vendangeur ne 
trouve plus que des sarments. Jer., vi, 9. Le Seigneur 
a vendangé Jérusalem au moyen des Chaldéens. Lam., 
I, 12, 22; il, 20. Il vendange l'orgueil des puissants. 
Ps. lxxvi (lxxv), 13. Le jugement du monde est com- 
paré à une vendange. Apoc., xiv, 18, 19. — Gédéon, de 
la famille d'Abiézer, dit aux Éphraïmites mécontents 
de n'avoir pas pris part au combat contre les Madia- 
nites : « Le grappillage d'Éphraïm ne vaut-il pas mieux 
que la vendange d'Abiézer? » Judr, vm, 2. On ne 
vendange pas des raisins sur des ronces, Luc, vi, 44, 
c'est-à-dire on n'attend pas de bons fruits de mauvais 
arbres. — La sagesse fait déborder la science comme 
le "Géhon au temps de la vendange, Eccli., xxrv, 
25 (37), c'est-à-dire comme un fleuve qui déborde au 
commencement de l'automne, ainsi que le Nil. Le fils 
de Sirach a recueilli la sagesse comme celui qui grap- 
pille après la vendange, parce que d'autres l'ont pré- 
cédé, mais qui cependant en trouve assez pour remplir 
le pressoir comme le vendangeur. Eccli., xxxm, 16. 

H Lfsètre 

VENDEURS DU TEMPLE. Voir Marchand, t. iv, 
col. 747. 

1. VENETUS (CODEX), manuscrit important de 
la Bible grecque, à la bibliothèque de Saint-Marc à Ve- 
nise, sous la cote i . Écriture du vm-ix e siècle, format 
in-folio. Le manuscrit a compté 360 feuillets, dont les 
196 premiers ont disparu. Deux colonnes à la page, 
soixante lignes à la colonne. Initiales en vedette dans 
la marge. Le manuscrit, tel que nous l'avons, commence 
au livre de Job (xxx, 8) et contient à la suite les Pro- 
verbes, l'Ecclésiaste, le Cantique, la Sagesse, l'Ecclé- 



siastique, les petits Prophètes, Isaïe, Jérémie, Baruch, 
les Lamentations, Daniel (avec ses portions deutéroca- 
noniques), Tobie, Judith , les quatre livres desMachabées. 
A l'issue de Daniel et du dernier Macchabée, le copiste 
a transcrit une table chronologique, commençant à 
Adam, s'arrêtant à l'empereur Justinien : on infère de 
là que l'archétype du manuscrit remontait au VI e siècle. 
— Le Codex Venetus a appartenu à la bibliothèque du 
cardinal Bessarion, qui le légua à Saint-Marc. Il a 
servi à l'établissement du texte de l'édition sixtine des 
Septante, à laquelle il a, pense-t-on, fourni le texte 
des trois premiers livres des Machabées qui manquent 
au Codex Vaticanus. II a été décrit par Zanetti, Grseca 
D. Marci bibliotheca codd.mss., Venise, 1740, p. 1-13. 
Il fut collationné en 1789 par Holmes et Parsons. 
Il a été utilisé pour les Machabées par H. B. Swete, 
The Old Testament in Greek, Cambridge, 1894, t. m, 
p. xrv-xvi. P. Batiffol. 

2. VENETUS (CODEX), manuscrit grec oncial des 
quatre Évangiles, à la bibliothèque de Saint-Marc à 
Venise, sous la cote /, vin. Écriture du rx e -x" siècle, 
format in-quarto, 491 feuillets, à deux colonnes. 
Grande écriture onciale, avec accents et esprits, 
grandes initiales en tête des paragraphes. Ce manuscrit 
a été collationné par Tischendorf et par Tregelles. 
Gregory, Prolegomena, p. 393; Mingarellr, Grseci co- 
dices manuscripti apud Nanianos, Bologne, 1784, p. 1 . 

P. Batiffol. 

VENGEANCE (hébreu : nâqdm, neqâmâh; Sep- 
tante : 6!xï), èxBfxviiriç, xpi'oi;; Vulgate : vindicta, ultio), 
traitement de rigueur infligé à ceux qui ont fait le 
mal. 

1» Vengeance divine. — Dieu se réserve le droit de 
vengeance : i A moi la vengeance et la rétribution! » 
Deut., xxxn, 35; Rom., xn, 19; Hebr., x, 30. Le jour 
où il exerce sa justice contre 'les coupables est appelé 
« jour de la vengeance », Eccli., v, 7, ce qui est parti- 
culièrement vrai du dernier jugement. Luc, xxi, 22. 
La vengeance contre les méchants est pour Dieu comme 
un vêtement, Is., nx, [18vTentourant ainsi que sa jus- 
tice. Il se venge de ses ennemis, Deut., xxxn, 41, 43, 
des impies et des pécheurs, Eccli., vu, 19(16); xn, 7 
(6), des orgueilleux, Eccli., xxvu, 31 (28), des nations, 
Mich., v, 14; Ps. cxlix (cxlviii), 7, des ennemis de son 
peuple, Is., xxxv, 4, spécialement des Madianites, 
Nnm., xxxi, 3, des Ammonites, Jud., xi, 36, des Phi- 
listins, Ezech., xxv, 17, des Égyptiens, Jer., xlvi, 10, 
des Iduméens, Is., lxiii, 4; Ezech., xxv, 14, de Tyr et 
de Sidon, Jo., m, 4, de Ninive, Nah., i, 2, de Babylone, 
Is., xl vu, 3; Jer., l, 15, 28; li, 6, 11, 36. Il venge sur 
Jézabel le sang de ses serviteurs. IV Reg., ix, 7. — Il 
exerce ainsi sa vengeance en faveur de son peuple. 
Is., xxxiv, 8; lxi, 2. Mais, quand son peuple deviendra 
infidèle, il se vengera aussi de lui. Lev., xxvi, 25; 
Ezech., xxiv, 8. — Les éléments de la nature concour- 
ront à l'exercice de cette vengeance divine. Sap., v, 18; 
Eccli., xxxix,33,35 (28, 30). — Dieu vengera Caïn sept 
fois, et Lamech soixante-dix fois sept fois. Gen., IV, 24. 
Il vengera Jérémie contre les faux prophètes. Jer., 
XI, 20. Un jour, il vengera de même ses élus. Luc, 
xviii, 7. 

Les justes appellent la vengeance de Dieu contreleurs 
persécuteurs. Ps. lxxix (lxxviii), 10; I Reg., xxiv, 13; 
I Mach., il, 67; vu, 38. « Dieu des vengeances, parais... 
Rends aux superbes selon leurs œuvres! » s'écrie le 
Psalmiste. Ps. xciv (xcm), 1, 2. David remercie Jéhovah 
de lui avoir accordé des vengeances. Ll Reg., xxii, 48; 
Ps. xviii (xvn), 48 ; Judith, vin, 34. A ces désirs des 
justes de l'Ancien Testament, Notre-Seigneur substitue 
la règle évangélique : « Bénissez ceux qui vous mau- 
dissent,... priez pour ceux qui vous maltraitent. » 
Matth., v, 44. — Il reste toujours nécessaire de dire à 



2391 



VENGEANCE — VENT 



2392 



Dieu : « Ne tirez pas vengeance de mes péchés. » Tob., 
m, 3. 

2° Vengeance humaine. — Dieu défendit la ven- 
geance aux Israélites, au moins à l'égard de leurs 
frères : « Tu ne le vengeras pas, tu ne garderas pas de 
rancune contre les enfants de ton peuple. » Lev., xix, 
18. « Celui qui se venge éprouvera la vengeance divine, 
et le Seigneur conservera soigneusement ses péchés. s 
Eccli., xxvm, 1. II y a cependant des vengeances justes, 
celles que Samson tire des Philistins, Jud., xv, 7; xvi, 
28; celle que David exerce sur ces mêmes Philistins 
au nom de Saûl, I Reg., zvin, 25; celle des Hébreux 
contre leurs ennemis à Gabaon, Jos., x, 13; celle de 
Jonathas et de Simon contre les meurtriers de leur 
frère, I Mach., ix, 42; celle du mari outragé contre 
l'adultère. Prov., vi, 34. D'autres vengeances sont exa- 
gérées ou même totalement injustes, celle de Siméon 
et de Lévi contre les insulteurs de leur sœur, Gen., 
xxxiv, 27, celle de Joab contre Abner, II Reg., m, 27, 
celle des ennemis de Jérémie contre le prophète, Jer., 
xx, 10, celle des Iduméens contre les Juifs, Ezech., 
xxv, 12. celle des Juifs de Perse contre leurs ennemis, 
Esth.,viil, 13, celle des Syriens contre les Juifs. I Mach., 
111,15; cf. II Mach., vin, 11. — Saint Paul recommande 
expressément aux chrétiens de ne pas se venger eux- 
mêmes, mais de laisser agir la justice de Dieu. Rom., 
xii, 19. — Sur les sentiments de vengeance exprimés 
dans les Psaumes, voir Imprécation, 5°, t. ni, col. 854. 

H. Lesêtre. 

VENIN. Voir Poison, col. 493. 

VENT (hébreu irûdh; Septante : ctvsfio;,uvj0|jia,7cvoîi; 
Vulgate : venins, spiritus), mouvement plus ou moins 
rapide des masses d'air atmosphérique, généralement 
dans le plan de l'horizon, et se propageant par insuf- 
flation ou par aspiration. Le vent résulte des différences 
de densité de l'air par suite de l'inégal échauffement 
du sol terrestre, et de quelques causes accessoires. Les 
anciens ignoraient la cause du vent. Les écrivains sa- 
crés n'en parlent que comme d'un phénomène de la 
nature qui les intéresse surtout par ses effets. — Sur 
le régime des vents en Palestine, voir Palestine, t. iv, 
col. 2026. 

1° Origine du vent. — Dieu a créé le vent, Am., iVi 
13, comme toutes les autres forces de la nature. Il le 
tire de ses réservoirs, Jer., li, 16, et de ses trésors. 
Ps. cxxxv (cxxxiv), 7. Lui-même en règle la force, Job, 
zxviii, 25, et la direction. Eccli., xliii, 17. C'est pour- 
quoi les écrivains sacrés appellent le vent « souffle 
des narines de Dieu », Exod., xv, 8, « souffle de la 
bouche de Dieu », Job, xv, 30, ou « souffle de Jého- 
vah ». III Reg., xvm, 12; IV Reg., n, 16; Is., xl, 7; 
lix, 19, etc. — Notre-Seigneur a commandé au vent et 
s'en est fait obéir. Matth., vin, 26 27; Marc, rv, 37-40; 
Luc, vin, 23-25. 

2° Différentes espèces de vents. — Les Hébreux dis- 
tinguaient quatre vents, correspondant aux quatre 
points cardinaux d'après leur direction. Ezech., 
xxxvn, 9; Dan., vin, 8; Zach., n, 36; Matth., xxiv, 
31; Apoc, vu, 1. Il y a des vents de diverses natures, 
depuis la brise rafraîchissante, Gen., m, 8; Cant., n, 
17; iv, 6, voir Souffle, col. 1853, jusqu'aux vents les 
plus violents. Voir Ouragan, t. iv, col. 1930. — Le vent 
du midi, ddrôm, têmân, vôto;, auster, est un vent 
chaud, Job, xxxvn, 17; Luc, xn, 55, qui fait exhaler 
le parfum des fleurs. Cant., iv, 16. C'est celui qui, avec 
le vent d'orient, amena les cailles au désert. Ps. lxxvih 
(lxxvii), 26. Cf. Num., xi, 31. — Le vent du nord, 
sdfôn, mezàrim, poppô;, aquilo, arcturus, amène les 
frimas, Job, xxxvn, 9, la pluie, Prov., xxv, 23, et même 
la gelée. Eccli., xun, 22 (30). — Le vent d'est, qddîm, 
y.aOuwv, « le brûlant », venins urens, arrive du désert 
et dessèche la végétation, Gen., xli, 6, 23, 27; Is., il, 



7; Ezech., xvii, 10; xix, 12; Jon., rv, 8; Ose., xm, 15, 
brise les vaisseaux de Tharsis, Ps. xlvhi (xlvii), 8, 
amène les sauterelles en Egypte, Exod., x, 13, en 
attendant que le vent de nord-ouest, rûâh yâm, àirb 
6a).àa-(7ïi;, « de la mer », ab accidenté, les remporte. 
Exod., x, 19. Dans ce dernier passage, les Septante 
substituent au qddîm le vôto;, vent du midi, ce qui 
supposerait que les sauterelles sont venues d'Ethiopie, 
tandis qu'en réalité elles sont arrivées d'Arabie. Quant 
au vent de mer, qui en Egypte souffle du nord ou du 
nord-ouest, il n'est un vent d'ouest qu'en Palestine où 
il apporte la pluie. III Reg., xvm, 44-45; Luc, xn, 54. 
— Dans son récit de la traversée de saint Paul se ren- 
dant en Italie, saint Luc mentionne plusieurs espèces 
de vents : Xi'iJ;, africus, vent du sud-ouest; y&poq, co- 
rus, vent du nord-ouest; vôtoç, auster, vent du sud; 
âvejjio; T-jqjwvcx.ôç appelé eùpaxij},<i>v, ventus typhonicus, 
euroaquilo, vent du nord-est. Le mot sùpaxùXwv, 
composé du grec eîpo; et du latin aquilo, ne se lit 
nulle part ailleurs. Ce devait être un mot imaginé par 
les marins pour leur usage. Act., xxvn, 12-14. — A 
Athènes, la tour octogonale des vents, construite vers 
le 1 er siècle avant J.-C, représente sur chacune de ses 
huit faces, répondant à la direction d'où soufflent les 
vents principaux, l'image sculptée d'un d'entre eux. 

3° Effets du vent. — « Le vent souffle où il veut et 
tu entends sa voix ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où 
il va. » Joa., m, 8. Suivant la vitesse dont il est animé, 
il produit des effets plus ou moins énergiques. Il 
pousse et dissipe les nuées. Jud., 12; Job, xxxvn, 21. 
II emporte les choses légères, la poussière, Ps. xvm 
(xvn), 43, la paille. Job, xxi, 18; Ps. i, 4; lxxxiii 
(lxxxii), 14; Is., xvn, 13; xli, 2; lxiv, 6; Jer.,xni, 24; 
Dan., h, 35. Il agite les feuilles des arbres, Job, xm, 
25, secoue les roseaux, Matth., xi, 7; Luc, vu, 24; 
Sap., iv, 4, et même casse des branches. Apoc, vi, 13. 
Il renverse les palissades, Eccli., xxn, 21, et les 
maisons sans fondements solides. Matth., .vu, 27. Il 
pousse les vaisseaux sur la mer, Jacob., m, 4, refoule 
la mer elle-même, Exod., xiv, 21, et y déchaîne des 
tempêtes. Jon., i, 4; Dan., vu, 2; Matth., xiv, 24-32; 
Marc, vi, 48-51; Joa., vi, 18; Aot., xxvn, 4-15; Jacob., 
i, 6. Voir Tempête, col. 2023. A la Pentecôte, un vent 
violent, symbole sensible du Saint-Esprit, remplit tout 
le cénacle. Act., n, 2. 

4° Comparaisons. — Le vent violent, qui renverse 
et emporte tout, est l'image de la vengeance divine qui 
entraîne et ruine les méchants, Job, xxvn, 21; Is., 
xxvn, 8, les ennemis d'Israël, Is., xxvn, 8; Jer., xvm, 
17, les pasteurs d'Israël, Jer., xxn, 22, les triûus arabes, 
Jer., xlix, 32, Tyr. Ezech., xxvn, 26. — Il est recom- 
mandé de ne pas vanner à tout vent, Eccli., v, 11, 
c'est-à-dire de ne pas embrasser successivement toutes 
les opinions qui courent, et de ne pas se laisser emporter 
à tout vent de doctrine. Eph., iv, 14. — Le vent est 
rapide; c'est pourquoi on lui prête des ailes, comme à 
l'oiseau. II Reg., xxn, 11; Ps. xvm (xvm), il; civ (cm), 
3; Ose., iv, 9. — Le vent change souvent de direction 
et parait venir tantôt d'un point de l'horizon, tantôt 
d'un autre. Job, xxx, 22, se plaint que Dieu le fait voler 
au gré du vent. On est ainsi amené à désigner une 
contrée par le nom du vent qui en vient, I Par-, ix, 
24, et les quatre vents désignent les quatre points car- 
dinaux. Jer., xlix, 36; Ezech., xn, 14; xxxvn, 9; xlii, 
16-20; Dan., vin, 8; xi, 4; Zach., n, 6; Matth., xxiv, 
31; Marc, xm, 27. — Le vent est chose légère, insai- 
sissable, de nulle valeur, rien en apparence. Jer., v, 
13. De là des expressions diverses pour signifier ce 
qui est vain et inutile : tenir des discours de vent, Job, 
xvi, 3; se gonfler la poitrine de vent, Job, xv, 2; se 
repaître de vent, Prov., x, 4 (Vulgate); Ose., xn, 1,2; 
enfanter le vent, Is., xxvi, 18; parler pour le vent, 
Job, vi, 26; retenir le vent, Prov., xxvn, 7; saisir le 



2393 



VENT — VENTRE 



2394 



vent, Eccli., xxxiv, 2; travailler pour le vent, Eccli., v, 
15; hériter le vent. Prov., xi, 29. — Qui observe le 
vent, c'est-à-dire demeure oisif, ne sème point. Eccle., 
xi, 4. Par contre, qui sème le vent, récolte la tempête, 
Ose., vin, 7, c'est-à-dire qui pose une cause funeste 
doit s'attendre à en voir se produire les effets. 

H. Lesêtre. 

VENTE (hébreu : nùmkâr, minikéréf; Septante : 
Ttpâtrtç; Vulgate : venditio), livraison d'un objet en 
échange d'un prix convenu. 

1° Les lois. — Outre la loi morale qui devait prési- 
der à toutes les. transactions, il existait chez les Israé- 
lites certaines prescriptions relatives à des cas parti- 
culiers. L'Israélite pouvait vendre sa fille en esclavage, 
mais non à des étrangers. Exod., xxi, 7, 8. Devenu 
pauvre, il pouvait se vendre lui-même, mais seulement 
jusqu'à l'année jubilaire; il devait être traité moins 
comme un esclave que comme un serviteur. Lev., xxv, 
39, 40. S'il se vendait au gêr, à l'étranger vivant dans 
le pays, il pouvait toujours se racheter lui-même ou 
être racheté par un parent. Lev., xxv, 47-54. D'après 
une autre loi, l'Israélite, homme ou femme, ne pouvait 
se vendre que pour six ans. Deut., xv, 12; Jer., xxxiv, 
14. II n'était plus permis de vendre une esclave prise 
à la guerre, si on l'avait épousée. Deut., xxi, 14. Vendre 
un de ses semblables élait un crime digne de mort. 
Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7. — L'Israélite qui ven- 
dait une terre gardait toujours un droit de rachat et, 
en tous cas, rentrait dans son bien à l'année jubilaire. 
Lev., xxv, 23-28. Les maisons vendues ne l'étaient 
qu'aux mêmes conditions, sauf le cas où la maison se 
trouvait dans une ville entourée de murs; car alors le 
droit de rachat cessait au bout d'un an. Lev., xxv, 29- 
31. Les lévites conservaient un droit perpétuel de 
rachat sur les maisons qu'ils vendaient, mais ils ne 
pouvaient vendre leurs terres. Lev., xxv, 32-34. — Si 
un bœuf en tuait un autre, on le vendait, et les deux 
propriétaires se partageaient le bœuf tué et le prix de 
vente de l'autre. Exod., xxi, 35. Celui qui volait un 
bœuf ou une brebis, les tuait et les vendait, avait à 
restituer cinq bœufs ou quatre brebis. Exod., xxn, 1. 
— Il était naturellement interdit de vendre le jour du 
sabbat. Néhémie dut prendre des mesures pour faire 
respecter cette prohibition. II Esd., x, 31; xm, 15-20. 

2» Les faits. — Ésaù vend son droit d'aînesse. Gen., 
xxv, 31-34; Hebr., xn, 16. Les fils de Jacob vendent 
leur frère Joseph. Gen., xx'xvii, 27, 28; xlv, 4, 5. Joseph 
vend du blé pendant la famine, Gen., xli,56; xlii, 6; 
Act., vu, 9, et les Égyptiens lui vendent leurs terres. 
Gen., xlvii, 20. — La veuve vend l'huile qu'Élie a 
multipliée. IV Reg., iv, 7. La femme forte vend les 
vêtements qu'elle a confectionnés. Prov., xxxi, 24. 
Amos, vin, 6, stigmatise les spéculateurs de son temps, 
qui vendaient jusqu'aux déchets du froment. La malé- 
diction est sur la tête de l'accapareur qui vend le blé à 
trop haut prix. Prov., xi, 26. Les ventes ne se faisaient 
pas toujours honnêtement : « La cheville s'enfonce 
entre deux pierres, le péché pénètre entre la vente et 
l'achat. » Eccli., xxvn, 2. — Les ventes d'hommes 
étaient fréquentes de la part des ennemis d'Israël. Joël, 
m, 3, leur reproche d'avoir vendu le jeune garçon pour 
le salaire d'une courtisane et la jeune fille pour du 
vin. Antiochus fit vendre les femmes et les enfants des 
Juifs, II Mach., v, 21, et Nicanor s'apprêtait à opérer 
des ventes analogues. II Mach., vm, 14, 34. — Les 
prêtres de Babylone vendaient à leur profit les victimes 
offertes aux idoles. Bar., vi, 27. Minélas vendit une 
partie des vases du Temple. II Mach., IV, 32. Lysias 
voulait vendre chaque année le souverain pontificat. 
II Mach., xi, 3. On vend ce qu'on possède pour acheter 
quelque chose de préférable, Matth., xm, 44, 46, ou 
pour le donner aux pauvres. Matth., xix, 21; Marc, x, 
21; Luc, xn, 33; xvm, 22. Les marchands vendaient 



dans le Temple les victimes destinées aux sacrifices. 
Matth., xxi, 12; Marc., xi, 15; Luc, xix, 45; Joa., n, 
14. Les premiers chrétiens vendaient leurs biens pour 
en mettre le prix en commun. Act., H, 45; IV, 34; v, 1. 
Pendant la persécution, on ne peut acheter ni vendre 
si l'on n'a pas la marque de la bête. Apoc, xm, 17. 

— 11 est recommandé d'acquérir la sagesse, mais de 
ne pas la vendre, Prov., xxm, 23, c'est-à-dire de la 
communiquer gratuitement. 

3° Comparaisons. — Vendre le juste à prix d'argent, 
c'est le condamner injustement. Am., n, 6. Vendre ses 
frères, c'est les trahir. II Mach., x, 21. — Lia et Rachel 
disent que leur père Laban les a vendues, parce qu'il 
s'est montré intéressé à l'excès à l'égard de Jacob. 
Gen., xxxi, 15. — Il est dit que Dieu vend son peuple 
quand, pour le châtier de ses fautes, il l'abandonne à 
ses ennemis. Deut., xxxm, 30; Jud., n, 14; m, 8; iv, 
2; x, 7; Is., l, 1; Judith, vu, 13; Ps. xliv (xlih), 13. 

— Se livrer au mal, c'est se vendre soi-même. Ainsi 
ont fait Achab, III Reg., xxi, 20, 25, et les Israélites, 
IV Reg., xvn, 17. Moïse a prédit à son peuple qu'une 
vente effective serait le châtiment de cet abandon à 
l'infidélité. Deut., xxvin, 28. H. Lesêtre. 

VENTRE (hébreu : bétén, heréè, mêéh, gâl.iôn, « le 
ventre des animaux »; chaldéen : me'âh; Septante : 
xotXfa, Yairnjp; Vulgate : venter, pectus), partie du corps 
qui renferme les organes de la digestion. Le mot est 
quelquefois employé pour désigner des organes inté- 
rieurs. Voir Cœur, t. ii, col. 823; Entrailles, col. 1817; 
Sein, t. v, col. 1565. 

1» L'extérieur. — Le ventre de l'Épouse est comparé à 
un chef-d'œuvre d'ivoire. Cant., v, 14. Les reptiles 
rampent sur le ventre. Gen., m, 14; Lev., XI, 42. L'hip- 
popotame a le ventre robuste. Job, XL, 10. La statue du 
songe de Nabuchodonosor avait le ventre d'airain. 
Dan., n, 32. 

2° L'intérieur. — C'est le ventre qui reçoit la nour- 
riture, Jud., xix, 5; Luc, xv, 16, et en expulse les ré- 
sidus. I Reg., xxiv, 4; Matth., xv, 17; Marc, vu, 19. Le 
ventre et les aliments sont faits l'un pour l'autre. ICor., 
VI, 13. — Le parasite se montre compatissant dans l'in- 
térêt de son ventre. Eccli., xxxvil, 5. Il en est qui se 
font un dieu de leur ventre, c'est-à-dire ne vivent que 
pour manger. Rom., xvr, 18; Phil., m, 19. Les Cretois 
étaient appelés des « ventres paresseux », parce qu'ils 
aimaient à la fois la bonne chère et l'oisiveté. Tit., i, 
12. — L'impie s'emplit le ventre des trésors de Dieu, 
Ps. xvn (xvi), 14, c'est-à-dire jouit de tous les biens 
que la Providence accorde aux hommes. Mais ces biens 
seront ôtés de son ventre, Job, xx, 15, son ventre ne 
sera pas rassasié, Job, xx, 20, il souffrira de la disette, 
Prov., xm, 25, et la colère de Dieu sera le pain qui le 
remplira. Job, xx, 23. On ne se remplit pas le ventre 
avec de l'or et de l'argent. Ezech., vu, 19. Nabuchodo- 
nosor se remplissait le ventre des meilleurs mets des 
Juifs, Jer., li,34, c'est-à-dire s'emparait de leurs biens 
les plus précieux. — Jonas fut englouti dans le ventre 
du poisson. Jon., n, 1; Matth., xn, 40. Aod enfonça son 
épée dans le ventre d'Églon. Jud., m, 21. Dans l'épreuve 
de la femme soupçonnée d'adultère, on souhaitait que, 
si elle était coupable, l'eau sainte fit enfler son ventre 
et maigrir ses flancs. Num., v, 22, 27. L'enfant prodigue 
ne peut remplir son v*entre des siliques données aux 
porcs qu'il était réduit à garder. Luc, xv, 16. — La 
Vulgate mentionne l'estomac en trois endroits où il 
n'est pas question de cet organe particulier, que d'ail- 
leurs l'hébreu ne nomme nulle part. Jud., xix, 5; III 
Reg., xxn, 34; Job, xv, 2. L'estomac, <jt6[i.ocx°?, stoma- 
chus, est nommé par saint Paul, qui recommande à 
Timothée de soigner le sien en buvant un peu de vin. 
I Tim., v, 23. — Au figuré, le sage ne remplit pas son 
ventre avec du vent, Job, xv, 2, c'est-à-dire ne se repaît 



2395 



VENTRE 



VERGELLONE 



pas de pensées vaines. — Ézéchiel, m, 3, reçoit l'ordre 
de manger le livre qui lui est présenté et d'en remplir 
son ventre, c'est-à-dire de se pénétrer intimement des 
oracles qui lui sont révélés. Saint Jean reçoit un ordre 
semblable. Apoc, x, 9, 10. — Notre-Seigneur promet 
que, si quelqu'un croit en lui, « des fleuves d'eau vive 
couleront de son ventre, » Joa., vu, 38, c'est-à-dire 
qu'il sera rempli de l'Esprit-Saint au point de pouvoir 
le répandre abondamment dans les autres âmes. Cf. 
Eccli., xxi, 16 (13); xxiv, 30-34 (23-27). 

H. Lesétre. 
VER (hébreu : rimmâh, fôld' ; Septante : <jr.û>\r\?; 
Vulgate : verrais, vemiiculus), animal à corps mou, 
saris vertèbres ni membres articulés, rampant et con- 
tractile, et comme composé d'anneaux juxtaposés. Ce 
nom désigne à proprement parler les annélides, voir 
Lombric, t. iv, fig. 110, col. 353, et les helminthes, 
voir Helminthiase, t. m, fig. 123, col. 583. Mais on 
étend vulgairement cette appellation à d'autres ani- 
maux de forme analogue, chenilles, teignes, voir 
Teigne, fig. 453, col. 2017, larves, myriapodes, scolo- 
pendres, etc. Sur le iule ou spirostreptus syriacus, 
myriapode extraordinairement abondant à Mar-Saba et 
au Sinaï, voir Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 399. Les Hébreux ne distinguaient pas très 
nettement entre elles ces différentes sortes de petits 
animaux rampants, et ils. employaient comme syno- 
nymes les deux mots dont ils disposaient pour les 
désigner. Cf. Exod., xiv„ 20, 24; Job, xxv, 6; Is., xiv, 
11. Les versions, qui n'ont pas de synonymes, rendent 
parfois l'un des deux mots hébreux par oajcpi'a, putredo, 
« pourriture ». — 1° Le ver est un tout petit animal, 
symbole de ce qui est faible ou méprisable. L'homme 
n'est qu'un vermisseau aux yeux de Dieu. Job, xxv, 6. 
Les Israélites, réduits à rien par l'hostilité ' des na- 
tions, sont appelés « vermisseau de Jacob ». Is., xli, 
14. Le Messie, souffrant et méprisé, n'est plus un 
homme, mais un ver, Ps. xxn (xxi), 7. — 2° Les vers 
pullulent dans le corps de l'homme par l'effet de cer- 
taines maladies. Ainsi furent atteints Job, vu, 5, An- 
tiochus Épiphane, II Mach., IX, 9, et Hérode Agrippa, 
Act., xn, 25. — 3» Les vers, ou plus probablement les 
larves de certains insectes, s'attaquent aux substances 
nutritives, comme la manne, Exod., xvi, 20, 24, et aux 
végétaux, comme la vigne, Deut., xxvm, 39, voir 
Pyrale, fig. 205, col. 896, le ricin, Jon., iv, 7, et, 
d'après les versions, le bois en général. II Reg., xxm, 
8; Prov., xxv, 20. Voir Calandre, Charançon, t. n, 
fig. 21, 201, col. 54, 580. — 4» Ils se développent 
dans les cadavres aux dépens desquels ils se nourris- 
sent et dont ils hâtent la décomposition. Job, xvn, 14; 
xxi, 26; Eccli, X, 13 (11). Quand la vie a quitté le corps 
d'un homme, il s'en dégage aussitôt des odeurs qui 
attirent des mouches sarcophages. Celles-ci déposent 
leurs œufs aux endroits les plus propices. On a observé 
que huit escouades de mouches différentes .viennent 
ainsi apporter successivement leurs œufs sur les ca- 
davres, soit avant soit après leur inhumation,et au mo- 
ment de la décomposition qui convient à chaque espèce. 
Ces œufs donnent bientôt des larves qui pullulent dans 
le cadavre et s'y nourrissent des différentes parties de 
sa substance. Le travail commencé par les premières 
larves, une quinzaine de jours après la mort, est ter- 
miné par les dernières au bout de trois ans environ. 
Cf. Mégnin, La faune des cadavres, Paris, 1894; 
F. Meunier, Les travailleurs de la mort, dans la Revue 
des quest. seientif., Bruxelles, 1902, oct., p. 473-491. 
— Au figuré, il est dit que les vers seront la couche de 
Babylone,Is., xiv, 11, qu'ils feront leur proie du méchant, 
Eccli., xix, 3, et que toute la gloire de l'homme s'en va àla 
corruption et aux vers. I Mach., n,62. — 5°Lefeuetlesvers 
sont associés dans le châtiment des impies. Eccli., vu, 
19; Judith, xvi, 21. Isaïe, lxyi, 24, dit à propos de ces 



derniers que « leur ver ne mourra point et leur feu ne 
s'éteindra point. » Notre-Seigneur reproduit trois fois la 
même formule. Marc, ix, 43, 45, 47. II ne s'agit pas ici 
d'une peine temporelle, mais d'un supplice sans fin 
dans l'autre vie. Quelques commentateurs entendent le 
« ver » dans le sens propre; mais la plupart s'en 
tiennent au sens métaphorique pour désigner soit le 
remords, soit le supplice des méchants en général. 
Cf. S. Augustin. De civ. Dei, xxi, 9, t. xli, col. 723. 
Isaïe a emprunté l'image du feu et des vers à la vallée 
de la Géhenne, jadis profanée par les sacrifice» d'en- 
fants à Moloch, devenue depuis le dépôt des immon- 
dices de la ville, où couvait un feu sourd et où pullu- 
lait la vermine. Voir Géhenne, t. m, col. 155; Topheth, 
2, t. v, col. 2286. H. Lesêire. 

VÉRACITÉ, qualité de celui qui est digne de toute 
créance dans ses paroles et de toute confiance dans ses 
actes. Celui-là est appelé 'ëmét, yâsâr, tù.rfi-i\i, oXï|8ivoî, 
iuittoî, verax. — La véracité convient éminemment à 
Dieu. Exod.,. xxxiv, 6; Deut., xxxii, 4; Ps. lxxxvi 
(lxxxv), 15; cxix (cxviii), 137; Joa., m, 33; vm, 26; 
Rom., m, 4; Apoc, xix, 11. Les docteurs juifs la re- 
connaissent en Jésus-Christ. Matth., xxn, 16; Marc, 
xii, 14. Le Sauveur prouve sa véracité en ne cherchant 
que la gloire- de son Père. Joa., vu, 18. — Les servi- 
teurs de Dieu doivent posséder cette qualité, bien que 
les méchants les accusent du contraire. IIEsd., vu, 2. 
Il Cor., vl, 8. — La véracité est la caractéristique de 
la parole de Dieu. Ps. xxxm (xxxn), 4. 

H. Lesêtre. 

1. VERBE DIVIN (grec : Aôyo;), seconde personne 
de la sainte Trinité, qui s'est incarnée en Notre- 
Seigneur Jésus-Christ. Joa., i, 1, 14; I Joa., v, 7; 
Apoc, xix, 12. Voir Jésus-Christ, t. m, col. 1441; 
Incarnation, col. 863. 

2. VERBE HÉBREU (grammaire hébraïque). Sur le 
verbe hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. m, col. 
475-480, 483-485. 

VERCELLONE Carlo, savant bibliste italien, né le 
10 janvier 1814, à Biella en Piémont, mort à Rome le 
19 janvier 1869. Il entra à l'âge de seize ans à Gênes 
dans la congrégation des barnabites. En 1847, après 
avoir rempli des fonctions diverses à Turin, à Alexan- 
drie, à Pérouse, à Parme, il devint supérieur de la 
maison des barnabites de Rome, et, plus tard, supérieur 
général de sa congrégation. Son ouvrage principal a 
pour titre : Variée lecliones vulgatx latines editionis 
Bibliorum, 2 in-f», Rome, 1860, t. i; 1864, t. n. La 
mort l'arrêta lorsqu'il n'était encore arrivé qu'aux 
livres des Rois inclusivement. Sur la proposition de 
la Commission biblique, Pie X vient de confier la con- 
tinuation de ce grand travail critique aux bénédictins 
de Saint-Anselme à Rome. Vercellone avait travaillé 
avec Joseph Cozza à la préparation d'une édition du 
Codex Vaticanus. : le Nouveau Testament parut en 
1868. Voir Vaticasds (Codex), col. 2379. On doit aussi à 
Vercellone une excellente édition de la Vulgate : Biblia 
sacra vulgatse editionis Sixti V et Glemenlis V11I 
P. P. M. jussu recognila atque édita, in-4». Rome, 
1861. Outre les prolégomènes remarquables de ses 
VaHse lecliones, ses Dissertazioni accademïche di 
vario argomento, Rome, 1864, contiennent plusieurs 
travaux très intéressants : Dei Correttori biblici délia 
Biblioteca Vaticana; Studii fatti in Romae mezzi 
usatiper corregere la Bibbia volgata (con documenti); 
Suite edizioni délia Bibbia fatte in ltalianelsecoloxr; 
Del antichissimo Codice Vaticano délia Bibbia Greca 
con un Appendice dalçav. G.-B.DeRossi,etc. Voir G. M. 
Sergio, Notizie intorno alla vita edagliscritti dei P. D. 
Carlo Vercellone, Rome, 1869. 



2397 



VERGE — VÉRITÉ 



239* 



VERGE (hébreu : hotér, mattéh, sébét; Septante : 
pâëSoç, paxT>ipea; Vulgate : virga, verber), bâton léger, 
assez long et plus ou moins flexible. 

1° Au sens propre. — 1. Verges de Jacob. Pour 
obtenir des agneaux à toison tachetée, Jacob plaçait 
sous les yeux des brebis des verges ou baguettes dont 
l'écorce était en partie enlevée. Gen., xxx, 37-42. Voir 
Brebis, t. i, col. 1917. « Les iniluenees visuelles ne 
semblent pas sans action sur la variation spontanée; 
après la Bible, qui montre Jacob obtenant des brebis 
d'un noir mélangé de blanc par la vue d'un bâton dans 
l'eau au moment de l'imprégnation, on cite de nom- 
breux faits qui corroborent l'influence visuelle sur le 
foetus... Les éleveurs, comme Commyns, recomman- 
dent d'isoler les volailles de couleur différente par des 
cloisons opaques, si l'on veut éviter les mélanges de 
coloris. » J. de la Perrière, Dieu et science, Paris, 
1909, t, i, p. 277. — 2. Verge de Moïse. Pour accrédi- 
ter la mission de Moïse, Dieu lui communiqua le pou- 
voir d'accomplir des prodiges au moyen d'une verge 
qu'il avait à la main. Pour commencer, Dieu changea 
lui-même la verge en serpent, que Moïse eut à saisir 
par la queue et qui redevint verge comme auparavant. 
Exod., iv, 2-4, 17, 20. Moïse, de retour au milieu de 
son peuple, reproduisit ce prodige sous ses yeux et 
obtint ainsi sa confiance. Exod., iv, 30. Il se présenta 
ensuite devant le pharaon avec son frère Aaron, que 
Dieu lui avait assigné pour auxiliaire, et là il opéra 
divers prodiges au moyen de la verge miraculeuse : il 
la changea elle-même en serpent, et elle engloutit les 
verges des magiciens, Exod., vu, 9-12; il l'étendit sur 
les eaux de l'Egypte qui se changèrent en sang, Exod., 
vu, 19-20 ; il en frappa la poussière de la terre et les 
moustiques apparurent, Exod., vin, 16-17; il l'élèva 
vers le ciel et la grêle tomba, Exod., IX, 23; il l'étendit 
encore et les sauterelles pullulèrent. Exod., x, 13. Dans 
plusieurs de ces ]»assages, Exod., vu, 9, 10, 12; vin, 5, 
16, 17, la verge parait être celle d'Aaron : « Prends ta 
verge... Aaron jeta sa verge. » On en conclut que la 
verge d'Aaron, associé à Moïse dans sa mission de déli- 
vrance, avait la même vertu que celle de son frère. 
Cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, 
p. 80. Mais, d'après Exod., iv, 17, Dieu n'attribue le 
pouvoir miraculeux qu'à la verge de Moïse, et saint Au- 
gustin, In Heptat., h, 20, t. xxxiv, col. 602, dit que 
Moïse ne fait que mettre s,a verge aux mains d'Aaron. 
C'est aussi le sens le plus naturel du récit, et celui qui 
est généralement accepté. Moïse se sert encore de sa 
verge pour diviser les eaux de la mer Bouge, Exod., 
xrv, 16, pour frapper le rocher d'Horeb et en faire 
jaillir l'eau, Exod., xvn, 5, 6, pour accompagner sa 
prière pendant le combat contre les Amalécites, Exod., 
Xvii, 9, pour frapper de nouveau le rocher à Meriba. 
Num., xx, 8-11. Depuis lors, il n'en est plus question. 
Cette verge était un symbole de la puissance commu- 
niquée par Dieu à son serviteur; elle servait à indiquer 
aux spectateurs le moment où s'exerçait l'intervention 
divine. — 3. Verge d'Aaron. Au désert, l'autorité de 
Moïse et d'Aaron fut l'objet d'une contestation qui 
dégénéra en révolte et fut sévèrement punie. Pour 
consacrer le pouvoir sacerdotal de son frère et de la 
tribu de Lévi, Moïse, sur l'ordre du Seigneur, fit dé- 
poser devant l'Arche d'alliance douze verges représen- 
tant les douze tribus, la verge de Lévi portant le nom 
d'Aaron. La verge qui le lendemain serait trouvée 
fleurie devait manifester le choix de Dieu. Celle d'Aa- 
ron fut seule à porter des boutons, des fleurs et des 
amandes. La verge miraculeuse fut ensuite replacée' 
seule devant l'Arche, Num., xvii, 1-11, et plus tard 
conservée à l'intérieur, avec les tables de la Loi et la 
mesure de manne. Hebr., IX, 4. — 4. Instrument de 
correction. Si un Hébreu et une esclave fiancée à un 
autre couchent ensemble, ils doivent subir le châti- 



ment, biqqorét, im<rt.oirr\, et d'après la Vulgate, les 
coups de verge, vapulabunl. Lev., xix, 20. — Dieu 
promet de châtier le roi infidèle de son peuple avec 
une « verge d'homme », c'est-à-dire d'une manière qui 
ne dépasse pas la correction que les hommes adminis- 
trent ordinairement au moyen des verges. II Beg., vu, 

14. La verge sert utilement à corriger l'enfant ou l'in- 
sensé. Prov., x, 13, 24; xxii, 8, 15; xxm, 13, 14; xxvi, 
3; xxix, 15. Le serviteur infidèle sera battu proportion- 
nellement à sa culpabilité, ôaçtr^ira.:, sera châtié jus- 
qu'à écorchement de la peau, vapulabit, recevra les 
coups de verge. Luc, xn, 47, 48. Notre-Seigneur prédit 
à ses Apôtres qu'ils subiront ce même traitement dans 
les synagogues. Marc, xm, 9. A Philippes, Paul et Si- 
las eurent à subir les verges, poeëSIfctv, virgis cœdi, 
bien que citoyens romains, ce qui causa grande frayeur 
aux magistrats de la ville quand ils l'apprirent. 
Act., xvi, 22, 38. La loi Porcia défendait en effet de 
battre de verges un citoyen romain. Cf. Cicéron, In 
Verrem, n, 5, 53-57; Tite-Live, x, 9; Valère Maxime, 
IV, I, 1 ; Denys d'Halicarnasse, IX, 39. Saint Paul subit 
pourtant trois fois ce châtiment. II Cor., xi, 25; Heb., 
xi, 36. — On se servait aussi de la verge pour battre le 
cumin, ls., xxvni, 27. Elle n'était qu'un simple instru- 
ment passif aux mains de celui qui la levait. Is.,x, 15. 
— Voir Bâton, t. i, col. 1512, et pour un autre sens 
donné quelquefois à virga, Sceptre, t. v, col. 1526. 

2" Au sens figuré. — La verge signifie l'épreuve, de 
quelque nature qu'elle soit, Job, ix, 34; XXI, 9; xxxvil, 
13, le châtiment divin, Ps. lxxxix (lxxxviii), 33; ls., 
x, 3; x, 5; xxx, 31-32; Lam., m, 1; Ezech., vu, 10,11, 
et l'oppression par les peuples étrangers. Is.,x, 24; xiv, 
29; Mich., vi, 9. La verge de la bouche de Dieu est sa 
parole qui appelle le châtiment. Is., xi, 4. La verge de 
l'orgueil dans la bouche de l'insensé est le mal qu'il 
fait à lui et aux autres. Prov., xiv, 3. Saint Paul de- 
mande s'il lui faut aller à Corinthe avec la verge, c'est- 
à-dire avec les reproches. I Cor., iv, 21. — Sur un 
autre sens figuré de virga, voir Rameau, col. 592. 

H. Lesêtre. 

VÉRITÉ (hébreu : 'omén, 'ômndh, 'ëméf, qoU; Sep- 
tante : iXvfisia; Vulgate : veritas), conformité de la 
pensée ou de son expression avec la réalité. 

I. Dans l'Ancien Testament. — 1» En Dieu. Dieu est 
vérité, Ps. xxxi (xxx), 6, parce qu'en lui la pensée et la 
parole représentent toujours exactement la réalité. Sa 
loi est la vérité, II Esd., ix, 13; Ps. cxi (ex), 8; exix 
(cxviii), 142, 151, 160; Act., xxn, 3; Rom., n, 20, et 
cette vérité demeure à jamais. Ps. cxvii (cxvi), 2. Dieu 
a juré la vérité à David, Ps. cxxxii (cxxxi), 11; lui- 
même fait combattre pour la vérité, Ps. xlv (xliv), 4, et 
il la fera germer de terre. Ps. lxxxv (lxxxiv), 12. Le 
livre de vérité est celui dans lequel sont consignées les 
volontés divines. Dan., x, 21. — Il est dit très souvent 
que Dieu est héséd vé'éméÇ, ce que les versions tra- 
duisent par sXsoç xa\ à).T)8eta, misericordia et veritas, 
« miséricorde et vérité ». Gen., xxiv, 27 ; II Beg., n, 6; 
xv, 20; IV Reg., xx, 19; Tob., m, 2; Ps. ' xxv (xxiv), 
10; xxxvi (xxxv), 6; xl (xxxix), 12; lxxxix (lxxxviii), 

15, etc. Mais le mot 'ëmét signifie à la fois « stabilité, 
fidélité » et « vérité ». Il s'agit plutôt dans ces passages 
de la fidélité de Dieu à ses promesses, ce qui est une 
conséquence de la conformité absolue que Dieu main- 
tient entre sa parole et ses actes. — 2» En l'homme. 
Dieu veut que la vérité soit dans le cœur de l'homme. 
Ps. li (l), 8. C'est par sa grâce que l'homme exprime 
la vérité dans sa parole et dans sa conduite. Gen., xlii, 
16; ûeut., xxn, 20; Jos., vu, 20; Esth., v, 5; Ps. xv 
(xiv), 3; xxv (xxiv), 5; exix (cxviii), 43; ls., xxvi, 2; 
Dan., xi, 2. Servir Dieu en vérité, IReg., xn, 24; Tob-, 
xrv, 10, 11, suivre le chemin de la vérité, Tob., I, 2; 
Ps. xxvi (xxv), 3, c'est mettre sa conduite en harmonie 
avec les sentiments que l'on professe pour Dieu. — Les 



2399 



VERITE — VERRE 



2400 



écrivains sacrés proclament qu'ils disent la vérité. 
Prov., viu, 7; Eccle., xii, 10; Sap., vi, 24. La vérité a 
été mise dans la bouche de Lévi et de ses descendants. 
Mal., n, 6. Chacun doit la dire à son prochain. Zach., 
vin, 16. Il faut acquérir la vérité, et ne pas la vendre, 
Prov., xxiii, 23; se confier à Dieu pour qu'il donne 
l'intelligence de la vérité, Sap., m, 9 ; se rendre atten- 
tif à la vérité, Dan., IX, 13, parce que la vérité retourne 
à ceux qui la pratiquent. Eccli., xxvn, 10 (9). Jérusa- 
lem restaurée sera appelée « ville de vérité ». Zach., 
vm, 3. — La vérité n'est pas dans la bouche des mé- 
chants. Ps. v, 10. Voir Mensonge, t. iv, col. 974. Ils 
errent loin du chemin de la vérité. Sap., v, 6. Les pro- 
phètes se plaignent que la vérité trébuche sur la place 
publique et disparaît, Is., Lix, 14, 15, et qu'il n'y a ni 
vérité ni compassion dans le pays. Ose., iv, 2. Il en fut 
de même parmi les Syriens. I Mach., vu, 18. Daniel, 
vm, 12, prédit qu'une corne, Antiochus Épipbane, 
jettera la vérité par terre, c'est-à-dire triomphera mo- 
mentanément de la religion d'Israël et de sa nationa- 
lité. — Le mot 'èmét est aussi traduit dans les versions 
par « vérité », en des passages où il doit avoir le sens 
de « fidélité ». Gen., xxiv, 49; xxxn, 10; xlvii, 29; 
III Reg., n, 4; Prov., m, 3; xiv, 22; xx, 28; etc. Au 
Psaume xii (xi), 2, en particulier, ce ne sont pas les 
vérités qui diminuent parmi les enfants des hommes, 
mais 'ëmûnîm, les « hommes fidèles » qui disparaissent. 
II. Dans le Nouveau Testament. — 1» En Jésus- 
Christ. — Le Sauveur vient plein de grâce et de vérité. 
Joa., I, 14. Il est lui-même la vérité en personne. 
Joa., xiv, 6; Eph., iv, 21; I Joa., v, 6. 11 apporte la 
vérité au monde. Joa., i, 17 ; vm, 40; xvi, 7; xvm, 37. 

II enseigne selon la vérité. Matth., xn, 14, 32; Luc, 
xx, 21. Jean-Baptiste lui rend témoignage comme à la 
vérité. Joa., v, 33. La parole du Sauveur est la parole 
de vérité, Joa., xvn, 17; II Cor., vi, 7; Eph., i, 13; 
Jacob., i, 18, la vérité de l'Évangile, Gai. n, 5; Col. i,5, 
à la connaissance de laquelle Dieu veut que tous les 
hommes arrivent pour qu'ils puissent êlre sauvés. 
I Tim., n, 4. Le Sauveur a envoyé à ses Apôtres l'Esprit 
de vérité, Joa., xiv, 17; xv, 26, pour enseigner aux 
hommes toute vérité,Joa.,xvi,13;IJoa.,rv,6; il a établi 
son Église pour qu'elle soit « la colonne de la vérité ». 
I Tim., m, 15. — 2" En l'homme. — Les envoyés de 
Dieu sont chargés de transmettre la vérité aux autres 
hommes. C'est ce que font les Évangélistes, Luc, i, 4, 
et les Apôtres, en particulier saint Paul. Act.,xxvi, 25; 
Rom., ix, 11; II Cor., iv, 2; vu, 14; xi, 10; xn, 6; 
I Tim., il, 7. Cf. III Joa., 8; II Tim., Il, 5. Ils n'ont pas 
de pouvoir contre la vérité, mais seulement pour la 
vérité. II Cor., xm, 8. — Le devoir des chrétiens, qui 
ont reçu la pleine connaissance de la vérité, Hebr., x, 
26, est de pratiquer la vérité, afin de ne pas craindre 
de paraître à la lumière, Joa., m, 21, d'adorer le Père 
en esprit et en vérité, Joa., iv, 23, de se sanctifier dans 
la vérité, Joa., xvn, 19, d'avoir la charité qui se 
réjouit de la vérité, I Cor., xm, 6, de confesser la 
vérité en croissant dans la charité, Eph., iv, 15, 
de dire la vérité aux autres. Eph., iv, 25; d'avoir 
l'amour de la vérité, par laquelle on doit être 
sauvé, II Thés., n, 10, de ne pas mentir contre la 
vérité, Jacob., m, 14, de s'affermir dans la vérité, II 
Petr., i, 12, et de marcher dans la vérité, c'est-à-dire 
d'agir selon les lumières qu'elle apporte. II Joa., 4; 

III Joa., 4. La vérité délivrera ceux qui agissent ainsi, 
Joa., vm, 32, c'est-à-dire les soustraira au joug du 
péché, de l'erreur et des sujétions mauvaises. — La 
vérité a aussi ses adversaires, des insouciants, comme 
Pilate, Joa., xvm, 38, des indociles, Rom., il, 8, de 
faux sages, qui retiennent la vérité captive et la tournent 
en mensonge, Rom., i, 18, 25, de faux docteurs, privés 
de la vérité, I Tim., vi, 5, apprenant toujours, sans 
parvenir à la connaissance de la vérité, II Tim., m, 7, 



des hommes qui ne marchent pas selon la vérité de 
l'Évangile, Gai., n, 14, qui s'éloignent de la vérité, 
pour embrasser de fausses doctrines, II Tim., n, 18; 
Tit., i, 14; Jacob., v, 19, qui résistent à la vérité, 
II Tim., m, 8, qui lui ferment leurs oreilles, II Tim., 
iv, 4, et ne se convertissent pas à la vérité. II Tim., H, 
25. Leur vrai maître est Satan, en qui n'est pas la 
vérité. Joa., vm, 44. H. Lesêtre. 

VERJUS, jus de raisins qui ne sont pas mûrs. — 
Le raisin vert, bêsér ou bosér, oftixxË, uva acerba, 
Job, xv, 33; Is., xvm, 5, donne un jus très acide 
qui agace les dents. Se basant sur d'anciens textes 
d'après lesquels le Seigneur châtie les péchés des 
pères jusqu'à la quatrième génération, les Israé- 
lites de la captivité rejetaient sur ceux qui les avaient 
précédés la responsabilité des maux dont ils souffraient. 
Ils répétaient en manière de proverbe : « Les pères ont 
mangé du raisin vert et les dents des fils en sont aga- 
cées. » Jer., xxxi, 29-30; Ezech., xvm, 2. Ils s'inno- 
centaient ainsi eux-mêmes et se dispensaient de s'a- 
mender. Les prophètes leur signifient qu'ils se font 
illusion, que le proverbe ne s'applique pas à eux et 
qu'en conséquence ils ont à réformer leur propre con- 
duite. D'ailleurs, le Seigneur va faire cesser leurs maux 
et ils n'auront plus désormais à s'en prendre aux fautes 
de leurs pères. H. Lesêtre. 

VERMILLON (hébreu : Sâsar; Septante : (iftto;; 
dans Ézéchiel; êv YpacpfSi), couleur employée par les 
Assyriens dans la décoration de leurs palais et de leurs 
œuvres d'art. Jérémie, xxii, 14, parle de salles peintes 
en cette couleur(Vulgate : in sinopide) ; Ézéchiel, xxm, 
14, dit que des Chaldéens étaient représentés coloriés 
en vermillon sur la muraille (Vulgate : coloribus), et 
la Sagesse, xm,14, que des idoles de bois étaient cou- 
vertes, comme traduit la Vulgate, de rubrica (Septante : 
jji'Xto;). Chez les Latins, Virgile, Egl., x, 26, et Pline, 
H. N., xxxv, 45; cf. xxxm, 36, nous apprennent que les 
Romains ornaient de la même couleur quelques-unes 
de leurs divinités. Voir Couleurs, t. n, col. 1068, 1069. 

VERONENSIS (CODEX). Ce manuscrit gréco- 
latin du Psautier, du VI e siècle, appartient à la biblio- 
thèque du chapitre de Vérone. C'est un manuscrit de 
format in-quarto, à une colonne par page, le grec sur 
la page de gauche, le latin sur la page de droite. Le 
grec est écrit en caractères latins. Le texte latin est 
préhiéronymien. Aucune ponctuation, mais le texte 
est, dans les deux langues, distribué en stiques. A la 
suite des Psaumes, les cantiques, au nombre de huit : 
Exod., xv, 1-21; Deut, xxxii, 1-44; I Reg., n, 1-10; 
Is., v, 1-9; Jon., n, 3-10; Hab., m, 1-19; Dan., m, 
27-67; enfin le Magnificat. Ce Psautier a été publié par 
Bianchini, Vindiciss canonicarum scripturarum, 
Rome, 1740, t. i. Voyez H. B. Swete, The Old Testa- 
ment in Greek, Cambridge, 1891, t. n, p. ix-x. 

P. Batiffol. 

VERRE (hébreu : zekôkif; Septante : ûodo;; Vulgate : 
vitrum), substance transparente et cassante, obtenue 
par la fusion du sable siliceux avec des sels métalliques 
de potassium, de sodium, de calcium ou de plomb 
(fig. 545). — Les anciens connaissaient le verre. On a 
dû être amené, en différents endroits, à le découvrir en 
traitant les minerais par la fusion. En se liquéfiant, les 
gangues de ces minerais donnent des laitiers qui sont de 
vérilables verres. L'étude de la composition de ces gan- 
gues a bientôt fait connaître les éléments requis pour 
obtenir un verre transparent. Les Assyriens fabriquaient 
le verre. Cf. Layard, tiineveh, t. Il, p. 42. On a trouvé 
dans le palais de Nimroud, à Ninive, un vase de verre 
portant le nom de Sargon (fig. 546), datant par consé- 
quent du vu» siècle avant Jésus-Christ. Hérodote, m, 



2401 



VERRE 



240^ 



24, mentionne des colonnes creuses et transparentes, 
dans lesquelles on enfermait les morts, et qui étaient 
faites de verre, -jodoç, tiré des mines du pays et facile 
à travailler. Il ne s'agit ici que d'une pierre translucide, 
l'albâtre probablement. Mais les Égyptiens possédaient 
certainement l'art de produire et de travailler le verre. 
Les monuments montrent leurs ouvriers occupés à 
souffler le verre (fig. 547). Le même art était à l'usage 




545. — Quatre ampoules antiques en verre. 
Musée du Louvre. 

des Phéniciens. Quand on part de Saint-Jean-d' Acre pour 
Caïpha, on rencontre bientôt le Nahr el-Na'aman, petit 
ruisseau large de huit à dix mètres, appelé par les 
anciens Bélus. C'est là que les Phéniciens auraient 
trouvé le procédé de la fabrication du verre. Cf. Pline, 
H. N., xxxvi, 65; Strabon, xvi, 758; Josèphe, Bell, 
jud., II, x, 2 ; Tacite, Hist., v, 7. Le ruisseau prend sa 
source à quelques kilomètres de là, dans des marais que 
Pline appelle palus cenderia, et qui, en hiver et au 
printemps, font déborder le cours d'eau. Le sable qui 
est à l'embouchure aurait été très propre à la fabri- 
cation du verre. On trouve des traces des anciennes 




546. — Vase de verre portant le nom de Sargon, roi d'Assyrie. 
D'après Maspero, Histoire, t. m, p. 218. 

verreries phéniciennes à Zaraphtha, la Sarepta d'autre- 
fois, et dans l'ancienne nécropole de Tyr, qui abonde 
en débris de verre ordinairement colorés en bleu et a 
conservé d'élégants spécimens de vases (fig. 548). 
Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 113, 
127, 142, 167. Hérodote, n, 44, vit à Tyr, dans le temple 
d'Hercule, une colonne d'émeraude qui jetait grand 
éclat pendant la nuit. On soupçonne que cette colonne 
était en verre coloré et que des lampes l'éclairaient à 
l'intérieur. Comme Moïse promet à Zabulon que cette 
tribu jouira des « richesses cachées dans le sable, » 
Deut., xxxm, 19, et que le Bélus se trouve sur son 

DICT. DE LA BIBLE. 



territoire, quelques commentateurs ont supposé qu&- 
l'allusion portait sur le sable vitrifiable. Cf. Rosen-i- 
muller, In Deuter., Leipzig, 1798, p. 532. Mais il ne>- 
s'agit, dans ce passage, que des richesses communes à 
tous les bords de mer. Tout en utilisant le verre de- 
manières variées, les Orientaux n'ont pas su s'en servir.- 
pour en faire des vitres ou des miroirs. — Dans une- 
tombe philistine de Gazer, on a trouvé d'élégants petits. 




547. — Egyptiens soufflant le verre. 

D'après Wilkinson, The manners and custorns of the ancient 

Egyptians, t. H, p. 140. 

ustensiles de verre. Cf. H. Vincent, Canaan, Paris,. 
1907, p. 234. — Les Israélites ont également connu 
le verre et l'ont fabriqué de bonne heure, si tant est,. 
comme le croit Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 327,. 
que les ateliers d'Hébron remontent jusqu'à l'époque 
des rois de Juda. Le sable siliceux nécessaire à ces 




548. — Verres colorés de Sarepta . 
D'après Lortet, La Syrie, p. 127. 

verreries provient de la contrée, et la soude est appor- 
tée par les Arabes des bords de la mer Morte, et des 
régions sablonneuses et salées qui sont à l'est du 
Jourdain. On y fabrique du verre soufflé pour lampes, 
bouteilles, fioles, etc., et des bracelets, des anneaux, 
des bagues, des perles, etc. « Les fourneaux sont en 
briques et recouverts par un dôme à réverbère. La 
flamme, après avoir circulé dans le four, vient passer 
sur les creusets qui renferment les matières vitreuses 
en fusion, et sort par des ouvertures pratiquées dans 
la région moyenne. C'est par ces orifices que les 
ouvriers, assis ou debout autour des fourneaux, cueillent 

V. — 76 



2403 



VERRE 



VERTIGE 



2404 



le Terre liquide au moyen de leurs cannes de fer. Ils 
soufflent rapidement les pièces et les réchauffent pen- 
dant quelques instants aux flammes qui sortent du 
four. » Lortet, ibid. Pour faire les perles et les brace- 
lets, on teinte la pâte vitreuse au moyen d'oxydes 
minéraux qui fournissent de belles nuances bleu 
d'outremer, vert de malachite ou jaune de chrome. — 
Dans Job, xxvm, 17, la sagesse est déclarée supérieure 
à différentes substances précieuses, l'or, l'onyx, lesaphir, 
le verre, lecorail, le cristal, les perles et la topaze. Le 
verre, zekôkit, ne saurait ici être confondu avec le cris- 
tal de roche, gâbîS, nommé lui-même dans l'énuméra- 
tion. D'ailleurs, pour que le verre occupât une place au 
milieu de toutes ces matières de prix, il fallait qu'il fût 
employé en objets capables de servir de parures, perles 
artificielles, pendeloques, bracelets, etc. — Il est dit 
dans les Proverbes, xxm, 31 : « Ne regarde pas le vin,... 
comme il donne son œil dans la coupe, » be-kôs, c'est- 
à-dire comme il a belle apparence dans la coupe. La 
Vulgate traduit in vitro, « dans le verre ». Mais il n'y 
a là qu'une interprétation. — Il n'est plus fait mention 
du verre que dans l'Apocalypse. Saint Jean voit en face 
du trône de Dieu « comme une merde verre semblable 
à du cristal. » Apoc, iv, 6. Cette mer est probablement 
ici le firmament qui s'étend au-dessous du trône divin. 
Une autre fois, il voit « comme une mer de verre, 
mêlée de feu, et, au bord de cette mer, les vainqueurs 
de la bête. » Apoc, xv, 12. Cette mer représente l'eau 
et le feu des épreuves au travers desquelles les servi- 
teurs de Dieu doivent passer. Cf. Ps. lxvi (lxv), 12. 
Enfin, dans la Jérusalem céleste, les constructions sont 
en or pur et translucide comme du verre. Apoc, xxi, 
18, 21. Cet or ressemble donc au verre teinté de 
chrome. — Sur certaines verreries sidoniennes, dont 
plusieurs pensent qu'il est question dans Josué, xi, 8; 
xiii, 6, voir Maséhéphoth, t. iv, col. 831. 

H. Lesètre. 
VERROU (hébreu : bad, berîah, metil; Septante : 
jj.oyXà:, xXefOpov; Vulgate : veclis, sera), barre de bois 
ou de fer, qui sert à assurer la fermeture d'une 
porte. Voir Barre, fig. 453, t. i, col. 1468 — Les portes 
des villes ont des verrous. Deut., m, 5; Jud., xvi, 3; 
II Esd.,m, 3, 6, 13, 15, etc. Dieu brise les portes d'ai- 
rain et les verrous de fer qui retiennent les captifs. 
Ps. cvn (cvi), 16. Il les brise devant Cyrus. Is., xlv, 3. 
Pour prendre une ville, on brise ses verrous. Il en est 
ainsi pour Babylone, Jer., li, 30, pour Damas, Âm.,i, 5, 
pour Ninive, Nah., m, 13, et pour Jérusalem. Lam., 
il, 9. On attaque plus facilement les populations qui 
n'ont ni portes ni verrous. Jer., xtix, 31; Ezech., 
xxxviii, 11. Voir Barre, t. i, col. 1468. — Métaphori- 
quement, on suppose que des verrous servent à clore 
la mer, Job, xxxviii, 10, le sche'ôl, Job, xvn, 16, et 
la surface du sol habitable. Jon., n, 7. Les querelles 
des frères ennemis sont comme les verrous d'un palais ; 
rien ne peut les réduire. Prov., xvm, 19. Les ver- 
sions ont ici un teut autre sens. — Les os de l'hippopo- 
tame sont comparés à une barre de fer, metîl barzél, 
lamina ferrea, probablement à un verrou. Job, xl, 18 
(13). — Dans Isaïe, xxvii, 1, Léviathan est appelé 
nâhdS bdriah, « serpent fuyant ». Les Septante tradui- 
sent exactement par o<piv (peiiyovra, « serpent fuyant ». 
Mais la Vulgate rend l'hébreu par serpentent vectem, 
<t serpent verrou », comme s'il y avait berîah en hé- 
breu, ce qui n'a pas de sens clair. 

H. Lesètre. 
VERS HÉBREU. Voir Poésie hébraïque, col. 477- 
480; Hébiuîoue ^Langue), t. m, col. 490-491. 

VERSETS DANS LA BIBLE. Le mot versus, ver- 
sUttlws, vient de verto, « tourner », et comme trn'xoc, 
en grec, il désignait chez les Latins les lignes d'écriture 
en général, soit en prose soit en vers. Dans de très 



anciens manuscrits, les livres poétiques de la Bible, 
Job, les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste, le Can- 
tique et les chants poétiques sont divisés par vers com- 
mençant à la ligne. La division de tous les livres 
bibliques par versets fut introduite dans un but pra- 
tique. Pour qu'on put retrouver aisément dans l'Écri- 
ture un passage particulier, on imagina d'abord de 
partager chaque livre en chapitres et c'est ce que fit 
le cardinal Etienne Langton (f 1228). Voir Chapitres 
de LA Bible, t. n, col. 55 >. Afin de rendre les recherches 
plus rapides, lorsque, vers 1240, le cardinal tlugues de 
Saint-Cher compila la première concordance verbale du 
texte latin de laVulgate,il subdivisa les chapitres en sept 
parties qu'il distingua en marge par les lettres a, b, c, 
d, e, f, g. Cette subdivision, après avoir été en usage pen- 
dant environ trois cents ans, n'est mainlenueaujourd'hui 
que dans les renvois de certaines éditions du Missel et 
du Bréviaire; elle a disparu lorsqu'elle est devenue 
inutile par l'introduction plus pratique et plus com- 
mode des versets proprement dits qui, par leur brièveté, 
rendent les recherches extrêmement faciles. 

La numérotation actuelle des versets, qui a passé peu 
à peu dans toutes les éditions de la Bible, en quelque 
langue qu'elles soient, a pour auteur l'imprimeur 
Robert Eslienne. Il l'introduisit pour la première fois 
en 1555, dans une édition gréco-latine du Nouveau 
Testament, et dans une édition complète de la Bible 
latine. Il l'indiqua en marge. Théodore de Bèze 
l'introduisit dans le texte même en 1565. Robert 
Estienne avait eu d'ailleurs des précurseurs. En 1509 
Jacques Lefebvre avait déjà numéroté les versets des 
Psaumes dans son Psalterium quintuplex, et Santés 
Pagnino avait numéroté toute la Bible en 1528. Robert 
Estienne adopta la numérotation de Santés Pagnino 
pour les livres protocanoniques de l'Ancien Testament, 
en en introduisant une nouvelle pour les livres deu- 
térocanoniques et pour tout le Nouveau Testament. La 
division des versets par R. Estienne n'est pas toujours 
heureuse, car en plusieurs endroits elle n'est pas en 
parfait rapport avec le sens, par exemple dans le 
Psaume lxxxix (xc), les versets 4 et 5, 9 et 10 sont mal 
coupés et dans' le vers : {Quis novit) prse timoré tuo 
iram luam — dinumerare ? les premiers mots appar- 
tiennent au t. 11 et dinumerare commence le f. 12. 
Le pape Sixte V réforma la division dans son édition 
de 1590, mais on vit tant d'inconvénients dans le chan- 
gement d'une numérotation universellement répandue 
que l'ancienne fut maintenue par Clément VIII, malgré 
ses imperfections, dans l'édition officielle définitive. — 
Voir W. Wright, article Verse, dans Kitto, Cyclopxdia 
of biblical literature, 1866, t. m, p. 1066-1070; Mac 
Clintock et Strong, Cyclopœdia of biblical literature, 
1891, t. x, p. 756-762; Ch. Graux, Nouvelles recherches 
sur la stichométrie, dans Les articles originaux, pu- 
bliés par Ch. Graux, édit. posthume, in -8°, Paris, 
1893, p. 71-124 (stiques de tous les écrits de l'Ancien 
et du Nouveau Testament), p. 90-103. 

r 

VERSIONS DE LA BIBLE. Voir les articles spé- 
ciaux à chaque langue, grecque, allemande, anglaise,- 
française, etc. ; Septante, Vulgate. 

VERT. Voir Couleurs, 6», t. h, col. 1066. 

VERTIGE, aveuglement intellectuel par suite duquel 
on ne sait plus ce qu'on fait. Saùl, sous le coup de la 
défaite, est saisi de vertige, Sâbâs, uxôto; Seivôv, angu- 
stiee, et cherche la mort. II Reg., i, 9. — Les marins, 
pendant la tempête, sont pris de vertige, yâhoggû, 
ÈTapâx6r]<rav, turbati sunl. Ps. cvh (cvi), 17. — Dieu 
frappe les princes de Memphis de l'esprit de vertige, 
'îv'îm, n\air,aii,vertigo.ls., xix, 14. H. Lesètre. 



2405 



VERTU — VERTUS DES CIEUX 



2406 



VERTU (grec: àpsrïj; Vulgate : virtus), habitude de 
faire le bien. Cette habitude, parfois naturelle, est sou- 
vent acquise, développée par l'effort persévérant de la 
volonté, et perfectionnée à l'aide du secours divin. 
Ps. xvin (xvn), 33. — 1° La notion abstraite de vertu 
n'existe pas en hébreu. Les hommes vertueux sont 
appelés « justes », et la vertu s'y présente sous forme 
de «justice », c'est-à-dire de fidélité à toutes les obli- 
gations qu'impose la volonté divine. Voir Justice, t. m, 
col. 1875. Les hommes de vertu sont 'anse f>ayîl, 
ôuvaTr», induslrii, potentes, Gen., xlvii, 6; Exod., 
xviii, 21, 25, et la femme vertueuse 'éséf bayîl, yuvri 
8wâu.eo>ç ou àvSpEi'a, mulier virtutis, diligens, fortis. 
Rutli, m, 11; Prov., xil, 4; xxxi, 10. — Les différentes 
vertus, représentant chacune une forme spéciale du 
bien, n'en sont pas moins indiquées et recommandées 
dans la Sainte Écriture. Voir Charité, t. h, col. 591; 
Chasteté, col. 624; Espérance, col. 1965; Foi, 
col. 2296; Humilité, t. m, col. 777; Justice, col. 1875; 
Miséricorde, t. îv, col. 1131; Obéissance, col. 1720; 
Patience, col. 2180; Pénitence, t. v, col. 39; Prudence, 
col. 803; Reconnaissance, col. 1006; Renoncement, 
col. 1045; Sagesse, col. 1349; Simplicité, col. 1746. — 
L'auteur de la Sagesse, vm, 7, met à part les quatre 
vertus cardinales, que Platon avait indiquées avant lui : 
« Quelqu'un aime-t-il la justice? Ses labeurs sont les 
vertus : elle enseigne la tempérance, o-cotppo<rijvï]v, sobrie- 
iatam, la prudence, çpovïjoiv, prudentiam, la justice, 
Scxacouûvïiv, justitiam, et la force, àvSpiav, virtutem. » 
La justice mise en premier lieu comme génératrice des 
vertus cardinales est la sedâqâh hébraïque, la justice 
totale comportant la pratique de tous les devoirs envers 
Dieu et envers les hommes. — 2° La notion de vertu, 
âpsrr,, virtus, apparaît plus clairement dans le Nouveau 
Testament. Les Apôtres ne dissertent pas sur la vertu, 
mais, en toute occasion, ils en prescrivent la pratique, 
qui n'est autre chose que la fidélité à la loi évangélique. 
Voir Loi nouvelle, t. iv, col. 347. Ainsi saint Paul 
recommande aux chrétiens de Rome la charité sincère, 
l'amour fraternel, le zèle, la ferveur, l'espérance, la 
patience, l'assiduité à la prière, l'aumône, l'hospitalité, 
l'amour des ennemis, l'humilité, la concorde, en un 
mot, le triomphe sur le mal par la pratique du bien. 
Rom., xu, 8-21. C'est le résumé de tout ce qui s'impose 
au chrétien vraiment vertueux. L'Apôtre fait de la 
charité la première des vertus, supérieure à la foi et à 
l'espérance. Mais il faut que la charité comporte la pra- 
tique de toutes les autres vertus, la patience, la bonté, 
la discrétion, le désintéressement, la douceur, la jus- 
tice, le support, etc. ICor., xm, 4-13. Dans le chrétien, 
la grâce agit pour aider à la fidélité et au progrès des 
habitudes vertueuses, et c'est le Saint-Esprit qui pro- 
duit dans l'âme la charité, la joie, la paix, la patience, 
la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur et la 
tempérance. Gai., v, 22. Aux Éphésiens, iv, 2, 3, saint 
Paul recommande de faire honneur à leur vocation par 
leur humilité, leur douceur, leur patience, leur charité 
fraternelle et leur esprit d'union et de paix. Il dit aux 
Philippiens : « Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est 
honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, 
tout ce qui est de bonne renommée, s'il est quelque 
vertu et s'il est quelque louange, que ce soit là l'objet 
•de vos pensées. » Phil., iv, 8. Il ne veut pas que la 
vertu soit superficielle ; elle doit saisir le plus intime 
de l'âme. « Revêtez-vous d'entrailles de miséricorde, 
■de bonté, d'humilité, de douceur, de patience, ...etsur- 
tout de la charité, qui est le lien de la perfection. » 
Col., m, 12-14. A ses disciples, Timothée et Tite, saint 
Paul indique les vertus qui sont exigées des évêques 
et des diacres. I Tim., m, 2-9; Tit., i, 8. Lui-même 
félicite le premier de l'avoir suivi fidèlement dans sa 
conduite, sa foi, sa longanimité, sa charité et sa con- 
stance. II Tim., m, 10. Saint Pierre exhorte les chré- 



tiens à joindre à leur foi la vertu, le discernement, la 
tempérance, la patience, la piété, l'amour fraternel et 
la charité. « Si ces vertus sont en vous et y abondent, 
ajoute-t-il, elles ne vous laisseront ni oisifs ni stériles 
pour la connaissance deNotre-Seigneur Jésus-Christ. » 
II Pet., I, 5-8. Les Épitres de saint Jean parlent surtout 
de l'amour de Dieu et de la charité fraternelle. — Dans 
un très grand nombre de textes de l'Ancien et du Nou- 
veau Testament, la Vulgate emploie le mot virtus dans 
le sens de « puissance » et non dans celui de « vertu ». 
Ainsi, dans le Psaume lxxxiv (lxxxiii), 8, il est dit des 
pèlerins qui montent à Jérusalem : yelkâ meftayil 
'él-tiayîl, « ils vont de force en force», en sentant s'ac- 
croitre leur vigueur, ly. 8uvâu.ew{ e'tç Sùv»|),iv, de virtute 
in virtutem, et non « de vertu en vertu ». De même, 
la « vertu du Très-Haut », Luc, 1, 35, « la vertu qui éma- 
nait » de Jésus, Luc, vi, 19, la « vertu du Saint-Esprit », 
Act., i, 8, est la 8iiva[/.iç, la force, la puissance divine. 

H. Lesêtre. 
VERTUS (grec : 8uvâu.ei;; Vulgale : virtutes), nom 
donné à l'un des chœurs des anges. — On lit dans 
le cantique de Daniel, m, 61 : « Puissances du 
Seigneur, bénissez toutes le Seigneur. » L'expres- 
sion 7tà<xa r| 8-Jvau.iç, omnes virtutes, ne peut dési- 
gner les anges, nommés plus haut, f. 58. Ces puis- 
sances, rangées après lescieux et les eaux supérieures, 
et avant le soleil et la lune, sont celles de la milice 
céleste, les étoiles. Plus loin, la 8ûvau.i; to\i oûpavov," 
virtutes cseli, désigne le hèl Semayyâ', « l'armée du 
ciel », les étoiles. Dan., iv, 32. C'est saint Paul qui, le 
premier, probablement d'après les traditions juives, 
donne une liste des chœurs des anges, et désigne l'un 
de ces chœurs par l'appellation de 8uvau.su;, virtutes, 
les « vertus », distinctes des « puissances », iijoucjiai, 
potestates. Il assigne au Christ ressuscité une place 
supérieure à celle de tous ces chœurs angéliques. 
Eph., i, 21. Dans une autre énumération, Col., i, 16, il 
omet les « vertus ». Ailleurs, Rom., vm, 38, il dit 
qu'aucune créature angélique, ni principautés, ni 
vertus, ne pourra le séparer de l'amour du Christ Jésus. 
Il est à remarquer cependant que, dans ce passage, les 
& vertus » sont absentes du texte grec et ne sont men- 
tionnées que par la^ Vulgate. Saint Pierre dit aussi que, 
dans le ciel, tous les anges, les principautés et les 
vertus, sont soumis au Christ. I Pet., m, 22. La Sainte 
Écriture ne fournit aucun renseignement sur le rôle 
particulier de ce chœur des vertus, ni sur la raison du 
nom qui lui est attribué. H. Lesêtre. 

VERTUS DES CIEUX (Septante : Suvàfiei; tûv 

oùpavâv ; Vulgate : virtutes cœlorum), l'ensemble des 
étoiles. — L'expression hébraïque koUsebd' has-sâmâ- 
îm, « toute la milice des cieux », Vulgate : oninis 
militia cœlorum, est rendue dans les Septante par 
aï Suvàîietç tSv oûpavôv, « les puissances des cieux ». 
Is., xxxiv, 4. Le prophète décrit le jugement de Dieu ; 
il annonce que l'armée des cieux sera réduite en pous- 
sière et que les cieux seront roulés comme un livre. Il 
s'agit donc ici du firmament, et l'armée qui le peuple 
est celle des étoiles. Ézéchiel, xxxil, 7, 8, parle de 
phénomènes analogues précédant le jugement de Dieu. 
Les Septante traduisent ordinairement par Sûvamc, 
« puissance », le mot sebâ' désignant la milice du ciel, 
cf. IV Reg., xvn, 16; xxi, 3; xxm, 4; Dan., vm, 10, 
ou encore par crcpa-ui. Jer., vm, 2. Dans sa description 
des signes avant-coureurs du jugement, Notre-Seigneur 
reproduit quelques-uns des traits familiers aux pro- 
phètes : « Le ciel s'obscurcira, la lune ne donnera plus 
sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les puis- 
sances des cieux seront ébranlées. » Matth., xxiv, 29; 
Marc, xm, 24, 25. Le parallélisme qui règne dans ce 
passage donne à conclure que les puissances ou vertus 
des cieux ne sont autres que les étoiles. Le tçxte évan- 



2407 



VERTUS DES CIEUX — VÊTEMENT 



2408 



gélique suit celui des Septante, qui remplacent la 
« milice » du texte -hébreu que les « puissances», 
appelées dans certaines traductions françaises, d'après 
la Vulgate trop littéralement interprétée, les « vertus 
des cieux ». Quelques commentateurs ont vu dans les 
vertus des cieux les forces qui régissent les corps 
célestes, ou les points cardinaux du ciel. Cette inter- 
prétation s'harmonise moins bien que la précédente 
avec le parallélisme et le contexte. Il est encore moins 
probable qu'il s'agisse des anges, que de tels événe- 
ments ne sauraient ébranler, et qui sont mentionnés 
plus loin comme faisant partie du cortège du souverain 
Juge. Matth., xxiv, 31. H. Lesètre. 

VESCE. La Vulgate rend par vicia, « vesce », le 
mot hébreu kussémet (pluriel : kussemîm). Is.,xxviii, 
25; Ezech., iv, 9. Quelques auteurs rapprochent ce 
nom du kirsenéh arabe, la vicia ervilia. Mais le mot 
hébreu désigne l'épeautre et, selon d'autres, le sor- 
gho. Voir t. H, col. 821. — Certains auteurs tradui- 
sant le qèsafy hébreu par vesce, mais à tort : ce mot 
signifie la nielle ou cumin noir, t. m, col. 244. — 
Pour la vesce, vicia faba, voir Fève, t. ir, col. 2228. 

VESTIAIRE (hébreu : méltâhdh), endroit où l'on 
garde les vêtements. — Jéhu, voulant se défaire des 
prêtres de Baal, prétexta un sacrifice à offrir dans le 
temple du dieu, et, pour mieux distinguer ceux qu'il 
avait en vue, ordonna de tirer du vestiaire des vête- 
ments dont ils se pareraient. IV Reg., x, 22.11 s'agitici 
du vestiaire du temple de Baal. Les prêtres idolâtres, aussi 
bien que ceux du vrai Dieu, prenaient des costumes spé- 
ciaux pour remplir leurs fonctions. Cf. Hérodien, v, 
5; Silius Italicus, m, 24-27; Lagrange, Études sur les 
religions sémitiques, Paris, 1905, p. 149. Dans les ver- 
sions, mél(âhdh est traduit par ô km toO oXy.o-j MerfiaX, 
« le préposé à la maison de Mesthaal », Iris qui erant 
super vestes, « les préposés aux vêtements ». — Il y 
avait un vestiaire dans le palais de Salomon, II Par., 
ix, 4, et un autre dans le Temple, où les prêtres de- 
vaient laisser leurs vêtements sacrés après avoir rempli 
leurs fonctions. Ezech., xlii, 14; xliv, 19. — Job, xxvii, 
16, parle de l'impie qui entasse les vêtements comme 
la boue, c'est-à-dire qui remplit son vestiaire. Les tré- 
sors que rongent les vers et que Notre-Seigneur recom- 
mande de ne pas amasser, Matth., vi, 19, sont les dépôts 
de vêtements. Saint Jacques, v, 2, y fait aussi allusion. 

H. Lesètre. 

VESTIBULE DU TEMPLE, portique, pylône. Voir 
Temple, col. 2032. 

VÊTEMENT, étoffe disposée pour couvrir le corps 
de l'homme dans la vie habituelle. — Lé vêtement est 
une nécessité imposée par le péché des premiers 
parents. Gen., m, 7, 21. L'homme s'est ensuite fait des 
vêtements d'abord avec la peau des animaux, voir 
Peau, col. 3, cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, 
Ç. 398, puis avec des tissus de sa fabrication. Voir 
Étoffes, t. h, col. 2035. 

I. Noms des vêtements. — Les vêtements sont natu- 
rellement très divers, quant à la matière et quant à la 
forme, suivant les temps et les pays. Les monuments 
anciens indiquent plus ou moins clairement la forme 
des vêtements portés par Tes Babyloniens, les Égyptiens, 
les Grecs et les Romains. Ils sont des plus rares en ce 
qui concerne les Hébreux. Mais le grand nombre de 
mots qui servaient chez eux à les désigner indique 
qu'ils en avaient d'assez variés. Ces mots sont les sui- 
vants : Bégéd, le vêtement que Joseph portait dans la 
maison de Putiphar, {(«ma, pallium, Gen., xxxix, 12, 
13, 15; celui que le Pharaon lui donna en l'établissant 
chef de l'Egypte, otoXiq, stola, Gen., xli, 42, et celui 
que portaient les rois Achab et Josaphat sur leur trône. 



III Reg., xxii, 10; II Par., xvm, 9. C'était donc un 
vêtement de dessus, destiné à des personnages d'im- 
portance.— Kelî, mot à sens divers, servant à désigner 
le vêtement ordinaire, (jxeùïj, <ttoàt|, vestis, Deut.,xxu, 
5, et les atours d'une femme, x<5<7(ioi;, monilia. Is.,lxi, 
10.— Kesût, TOp!oo).ae'ov, pallium, un vêtement de des- 
sus. Deut., xxn, 12. — Lebûs, le vêtement commun 
qu'ont les plus pauvres, Ifiiriov, indumentum, vesli- 
tus, Job, xxiv, 7, 10; xxxi, 19, vestimentum, Job, 
xxxvni, 14, vestis, Dan., m, 21. — Mad, tunique, 
Xstwv, tunica, Lev., vi, 10 (3), îjiittov, vestimentum, 
Ps. cix (cvm), 18, vêtement de dessous auquel on 
compare la malédiction que le méchant ne quitte pas. 

— Middâh, gvSvpa, vestimentum, le vêtement du 
grand-prêtre, Ps. cxxxm (cxxxii), 2. — Médév, [lavo-j^i, 
vestis, casaque portée par des serviteurs de David, 
Il Reg., x, 4, tunica, IPar., xix, 4. — Mekasséh, vête- 
ment splendide. Is., xxm, 18. Le mot n'est pas traduit 
par les versions. — Malbùs, ev8uu.a, vestimentum, 
vêtement fourni à des serviteurs du roi. IV Reg., x, 
22. — Sû(, iteptëo),^, pallium, vêtement de dessus. 
Gen., xlix, 11. — Tilbo&ét, IptâTiov, vestimentum^ 
vêtement de dessous d'un guerrier. Is., lix, 17. — 
$éba' riqmdh, le vêtement de couleurs variées, pânijux 
ttoixiXwv, vestis diversorum colorum, comme en por- 
taient les Hébreux du temps des Juges, et dont Sisara 
comptait s'emparer. Jud., v,3. Ézéchiel, xvi, 18, men- 
tionne aussi des vêtements multicolores en usage de 
son temps, bigdê riqnxâh, iv.oi.xt.aii.6i noixîXo;, vesti- 
menta multicoloria. — Mesi, le vêtement de soie. 
Ezech., xvi, 10, 13. Voir Soie, col. 1821. — Tekêlot, le 
vêtement de pourpre. Exod., xxvi, 4, 31; Num., iv, 6; 
Ezech., xxm, 6; xxvn, 7, 24. Voir Pourpre, col. 586. 

— Tôld', le vêtement cramoisi. Lam., iv, 5; Is.,l, 18. 
Voir Cochenille, t. h, col. 818. — Berômîm, lx>extâ r 
polymita, vêtements de diverses couleurs vendus par 
Tyr. Ezech., xxvn, 24. — Me'îl, vêtement long des prin- 
cesses, èitev8ijTYi«, vestis, II Reg., XIII, 18, 8t7cXoiç r 
pallium, vêtement de dessus, I Reg., xv, 27; xxvm, 
14, iftaTi'ov, vestimentum, Job, I, 20, aio\r„ vestis, Job, 
n,12. — Mahâlâsôt, èmëïr\\i.aT:x, nmtatoria, Is., m, 22, 
rcoSïipï], Zach., m, 4, les vêtements de rechange, ou. 
ceux qu'on quitte à la maison. — Saq, Gen., xxxvit, 
34, le vêtement de deuil. Voir Cilice, t. H, col. 760,. 
et deux Juifs revêtus d'un sac devant Sennachérib,. 
fig. 347, col. 1607. Cf. Lachis, t. iv, fig. 11, col. 23. — 
Les mois q6rhàh,Y.poY.r l ,superficies, etgabbal.ia(,Sipii.<x r 
per totum, désignent l'endroit et l'envers du vêtement. 
Lev., xiii, 55. — Les belô'ê, scissa et putrida, sont des 
haillons. Jer., xxxvm, 12. 

II. Vêtements des Hébreux. — 1° Les vêtements des 
Hébreux étaient de laine ou de lin, auxquels on ajouta 
plus tard le coton. La loi défendait de porter des tissus, 
mélangés de laine et de lin. Lev., xix, 19; Deut., xxil,. 
11. « Qu'en tout temps tes vêtements soient blancs, » 
dit l'Ecclésiaste, ix, 8. Mais celte recommandation ne 
faisait pas loi. La couleur blanchâtre était naturelle à 
la laine et au lin. Mais elle se salissait aisément au. 
milieu des occupations journalières, Zach., m, 4, et 
dans le peuple on usait volontiers d'étoffes teintes, que 
l'industrie phénicienne produisait à bon compte. Les. 
plus aisés se servaient d'étoffes de couleurs éclatantes, 
pourpre rouge et violette ou cramoisi, Prov., xxxi,. 
22; Jer., iv, 30; Lam.,iv, 5,et empruntaient les modes 
des étrangers. Soph., I, 8. Ils choisissaient de fins 
tissus, Luc, vu, 25, et se procuraient parfois des 
vêtements magnifiques. Jacob., il, 2. Le blanc était si 
peu la couleur habituelle, à l'époque évangélique, 
qu'on note la blancheur que prirent les vêtements de 
Notre-Seigneur à la transfiguration, Matth., xvn, 2;. 
Marc, IX, 2, et que, pour le ridiculiser, Hérode fit 
mettre au Sauveur une robe éclatante, blanche d'après 
la Vulgate, comme à un homme épris de la folie des. 



2409 



VÊTEMENT 



2410 



grandeurs. Luc, xxiii, 11. Les vêtements blancs 
comme la neige étaient habituels dans les apparitions. 
Dan., vu, 9; Matth., xxvm, 3; Marc.,xvi, 5;Luc,xxiv, 
4; Joa., xx, 12; Act., i, 10; Apoc, m, 5, 18; iv, 4; etc. 
Les vêtements bigarrés ou ornés de broderies étaient 
aussi dans le goût des Hébreux. Jud., v, 30; Ezech., 
xvi, 18. — 2° Les principales pièces du vêtement des 
Hébreux étaient la tunique, voir Tunique, col. 2132, 
et le manteau, voir Manteau, t. iv, col. 663. Le man- 
teau était le vêtement de dessus et la tunique celui de 
dessous. Cette dernière se portait sur le corps même. 
Mais parfois on mettait par dessous une chemise 
d'étoffe plus fine, sddin. Jud., xiv, 12, 13; Is., m, 23; 
Prov., xxxi, 24. Voir Linceul, t. iv, col. 265. Les cale- 
çons n'étaient obligatoires que pour les prêtres. Voir 
Caleçon, t. n, col. 60. Le costume des femmes différait 
de celui des hommes par plus d'ampleur. Dans son 
large manteau, une femme pouvait mettre jusqu'à six 
mesures d'orge, charge qu'elle portait elle-même. 
Ruth, m, 15. Les femmes avaient de plus le voile dont 
«lies se couvraient la tête, mais qu'elles n'étaient pas 
-astreintes à tenir toujours baissé. Gen., xn, 14; xxiv, 
65; xxxvm, 14, 19; I Reg., i, 12; etc. Voir Voile. 
On mettait aux jeunes garçons et aux jeunes filles de 
distinction des robes longues. Gen., xxxvii, 3; II Reg., 
khi, 18. — 3° Il y avait des vêtements particuliers à cer- 
taines conditions et à certains jours, les vêtements sacrés 
des prêtres, voir Grand-Prètre, t. m, col. 299, fig. 64, 
col. 296; Prêtre, t. v, col. 646, fig. 174, col. 647, les 
vêtements royaux, Esth., v,l; Act.,xn,21, lesvêtements 
de fête, Ruth, ni, 3; Judith, x, 3; Luc, xv, 22, les 
vêtements de veuve, Gen., xxxvm, 14; Judith, x, 2; 
xvi, 9, les vêtements de rechange, Jud.,xiv, 13, la robe 
nuptiale, Matth., xxn, 10, etc. — Sur les autres pièces 
du vêtement, voir Ceinture, t. il, col. 389; fig. 123- 
126, col. 389-391; Chaussure, col. 631; fig. 225-236, 
col. 634-640; Coiffure, col. 828; Chlamyde, col. 707, 
fig. 271, col. 708; Langes, t. iv, fig. 32-34, col. 71-72; 
Toilette, t. v, col. 2262. On faisait en sorte que les 
vêlements exhalassent une bonne odeur. Gen., xxvii, 
•27; Cant., îv, 11; Ps. xlv (xliv), 9. — 4» D'après 
Iken, Antiquit. hebraic, Brème, 1741, p. 543, les Juifs 
auraient compté dix-huit pièces d'habillement d'usage 
ordinaire pour les hommes: un manteau, une tunique 
d'étoffe souple, une ceinture large, un vêtement court 
et étroit, une chemise, une autre ceinture sur la chair 
même, un chapeau, une tiare, deux chaussures, deux 
.jambières, deux gants couvrant les mains et les bras 
jusqu'au coude, deux voiles légers servant l'un à 
s'essuyer après les ablutions, l'autre à se couvrir la 
tête et les épaules, et enfin un foulard noué autour du 
cou et dont les extrémités retombaient par devant. 
A ces différentes pièces, dont plusieurs ne sont pas 
mentionnées dans la Bible, s'ajoutaient les franges, 
voir Frange, t. n, col. 2394, et les phylactères. Voir 
Phylactères, t. v, col. 319. Pour le costume des 
femmes juives, voir Femmes, t. n, fig. 637-638, col. 2190. 
III. Prescriptions législatives. — Il était interdit 
à une femme de prendre des habits d'homme, et réci- 
proquement, celte pratique étant en abomination 
devant Dieu. Deut., xxn, 5. Cette défense était com- 
mandée par le souci de la moralité. — Le mari devait 
assurer le vêtement à sa femme. Exod., xxi, 10. Voilà 
pourquoi, dans les temps de désolation où les hommes 
faisaient défaut, sept femmes pouvaient demander au 
même homme de porter son nom, en ajoutant : « Xous 
nous vêtirons de nos habits. » Is., iv, 1. La captive 
prise pour épouse devait quitter les vêtements d& sa 
captivité, pour en recevoir d'autres de son nouveau 
mari. Deut., xxi, 13. — Il n'était pas permis de prendre 
en gage le vêtement de la veuve, Deut., xxiv, 17, car le 
vêtement est une des choses de première nécessité. 
Gen., xxvm, 30; Eccli., xxix, 28. — Le lépreux devait 



porter des vêtements déchirés, qui permissent de le 
reconnaître à distance. Lev., xm, 45. — A la suite de 
certaines souillures, qui obligeaient les anciens à 
changer de vêtements, Gen., XXXV, 2, la loi prescri- 
vait de les laver. Exod., xix, 10; Lev., XI, 25, 28; XV, 
5-27; etc. Voir Lavage, t. iv, col. 131. — Des règles 
spéciales étaient imposées pour la purification de vê- 
tements atteints de la lèpre. Lev., xm, 47-58. Voir 
Lèpre, t. iv, col. 186. 

IV. Usages divers. — Les pauvres couchaient dans 
leur vêtement pour dormir; aussi le créancier qui 
l'avait pris en gage devait-il le leur rendre le soir. 
Deut., xxiv, 13. Cf. Marc, xiv, 51, 52. On couvrait 
David de vêtements pour le réchauffer pendant son 
sommeil. III Reg., i, 1. A l'époque d'Amos, n, 8, des 
créanciers se donnaient le tort de coucher sur les vê- 
tements pris en gage, au lieu de les rendre. — Les 
vêtements faisaient partie du butin qu'on prenait à la 
guerre et qu'on partageait ensuite. Jos., vu, 21; Jud., 
v, 30;. vin, 26. On les donnait en présents. I Reg., 
xvn, 38; xviii, 4; IV Reg., v, 5, 10, 23. — On déchirait 
ses vêtements en sigjie de deuil. Voir Déchirer ses 
vêtements, t. n, col. 1336. — On gardait ses vêtements 
pour veiller la nuit sur les murs d'une ville, II Esd., 
iv, 24, ou dans le Temple. Voir Police, col. 503. Cf. 
Apoc, xvi, 15. — Les femmes d'Israël se servaient de 
leurs vêtements pour construire des tentes destinées 
aux cultes idolàtriques. Ezech., xvi, 16,18. On les uti- 
lisait pour faire des tapis sur les montures ou sur le 
chemin des personnes qu'on voulait honorer. Matth., 
xxi, 7, 8; Marc, xi, 7; Luc, xix, 35, 36. Cet emploi 
était d'autant plus facile que les vêtements de dessus 
n'étaient pas ajustés, et qu'ils se composaient de 
larges pièces d'étoffe que l'on drapait sur les épaules. 

— D'après la loi romaine, appliquée à Notre-Seigneur, 
les vêtements d'un supplicié appartenaient à ses exé- 
cuteurs. Ps. xxn (xxi), 19; Matth., xxvn, 35; Marc, xv, 
24; Luc, xxiii, 34; Joa., XIX, 23. — Les travailleurs 
laissaient à la maison leur vêtement de dessus. Marc, 
xm, 16. On le quittait pour exécuter une besogne quel- 
conque, laver les pieds de quelqu'un, Joa., xm, 4, 
pêcher, Joa., xxi, 7, lapider, Act., vu, 57, etc. — Pour 
donner le change sur ses intentions, on prenait les 
vêtements d'un autre. Matth., vu, 15; III Reg., xiv, 2. 

— Les vêtements étaient parfois • rongés par la teigne, 
Job, xm, 28; Prov., xxv, 20; Eccli., xlii, 13; Jacob., 
v, 2, et ils s'usaient. Ps. cil (ci), 27; Is., Li, 6; Hebr., 
1,11. Quand ils se déchiraient, Is., L, 9, il fallait les 
rapiécer. On avait naturellement soin de ne pas mettre 
à un vieux vêtement une pièce neuve, qui l'aurait 
fatigué et fait déchirer davantage. Matth., IX, 16; 
Marc, n, 21; Luc, v, 36. — Notre-Seigneur recom- 
mande à ses disciples de ne pas se préoccuper du vê- 
tement. Le Père, qui en donne un magnifique au lis des 
champs, n'en laissera pas manquer ses enfants, et, à 
plus forte raison, prendra soin de leur corps, qui est 
plus que le vêtement. Matth., vi,25; Luc, xn,23. L'un 
des moyens dont Dieu se sert pour accomplir sa pro- 
messe estla charité des plus fortunés. L'homme juste 
ne manque pas de donner un vêtement à celui qui est 
nu. Ezech., xvm, 7, 16; Tob., I, 20; iv, 17. Le Sauveur 
récompensera au jugement celui qui, dans la personne 
du pauvre, l'aura vêtu quand il était nu. Matth., xxv, 
36-40. 

V. Faits historiques. — Les Hébreux, sur l'ordre de 
Dieu, demandèrent aux Égyptiens des vêtements, juste 
rémunération de tant de durs travaux qu'ils avaient 
exécutés pour eux. Exod., ni, 22; xn, 35, 36. — Il est 
remarqué, comme une chose extraordinaire et provi- 
dentielle, que les vêtements des Hébreux ne s'usèrent 
pas pendant le séjour au désert. Deut., vm,4,xxrx, 
5; II Esd., ix, 21. — Isaïe, m, 6, prévoit une époque 
telle, qu'on dira à quelqu'un : «. Tu as un manteau, sois 



2411 



VÊTEMENT 



VEUVE 



2412 



notre chef. » La misère sera si grande, que le fait 
d'avoir un manteau mettra hors de pair. — A Joppé, 
Tabitha confectionnait des tuniques et des vêtements 
pour les veuves. Act., ix, 39. — Les Apôtres recom- 
mandent aux chrétiens d'éviter la recherche dans les 
vêtements. ITitn., n, 9; I Pet., m, 3. Notre-Seigneur 
avait conseillé à ses Apôtres, en les envoyant en mis- 
sion, de n'avoir pas deux tuniques. Marc, vi, 9. 

VI. Métaphores. — Les Israélites infidèles tissaient 
des toiles d'araignée qui ne pouvaient leur servir de 
vêtement, Is., lix, 6, c'est-à-dire formaient de vains 
projets qui n'aboutissaient à rien. — Certains biens ou 
certains maux qui s'attachent à l'homme sont compa- 
rés à des vêtements. C'est ainsi qu'on est revêtu de 
justice, Job, xxix, 14; Ps. cxxxu (cxxxi), 9, de salut, 
Ps. cxxxn (cxxxij, 16; Is., lxi, 10, de gloire, Eccli., 
vi, 32; xlv, 9; Is.,Lit, 1, de force, Is., lii,1; Luc, xxiv, 
49, d'immortalité, I Cor., xv, 54, de malédiction, 
Ps. cix (cvin), 18, de honte. Ps. xxxv (xxxiv), 26 ; 
cix (cvm), 29; cxxxn (cxxxr), 18; I Mach., i, 29. Dieu 
lui-même se revêt de vengeance contre ses ennemis. 
Is., Lix, 17. — Il est recommandé au chrétien de re- 
vêtir le nouvel homme, Eph., iv, 24; Col., m, 10, qui 
est Jésus-Christ lui-même. Rom., xm, 14; Gai., m, 
27. — Saint Paul appelle le corps le vêtement de l'âme. 
II Cor., v, 3, 4. — Cf. Jahn, Archeeol. bibl., dans le 
Curs. compl. Scripturse Sacrée, de Migne, Paris, 1857, 
t. ir, col. 902-906; Iken, Anlxquit. hebraic, p. 541-548. 

H. Lesétre. 

VEUVAGE (hébreu : 'almânïïf; Septante : yr,pz(a, 
y w ï)peu(rc;; Vulgate: viduilas), condition de la femme qui 
a perdu son mari. Chez les Hébreux, le veuvage com- 
portait des vêtements particuliers, qui marquaient la dé- 
solation de la veuve. Gen., xxxvm, 14, 19; Judith, x, 2; 
xvi, 9. Anne, la prophétesse, sanctifiait son veuvage par 
la prière et le jeûne. Luc, n, 37. Après la révolte d'Ab- 
salom, qui avait pris possession des concubines de son 
père, II Reg.,xvi, 22, David condamna ces dernières à 
vivre dans l'état de veuvage. II Reg., xx, 3. —Au figuré, 
le veuvage désigne la désolation et la ruine d'une 
cité. Babylone sera réduite au veuvage. Is., xlvii, 9. 
Jérusalem sera relevée de la honte du sien. Is., liv, 4. 

H. Lesètre. 

VEUVE (hébreu : 'almdnàh; Septante :-/r,p«; Vul- 
gate : vidua), femme qui a perdu son mari. 

I. Sa. condition légale. — Au point de vue des 
biens, la veuve ne possédait que pour transmettre à 
ses enfants. Voir Héritage, t. m, col. 610. D'après le 
code d'Hammourabi, celle qui a des biens propres peut 
les donner à l'un de ses fils, mais non à l'un de ses 
frères. Art. 150. Celle qui a reçu de son mari un 
trousseau et un douaire ne peut les aliéner, mais doit 
les garder pour les transmettre à ses enfants; si elle 
n'a pas reçu de douaire, elle a droit à une part d'en- 
fant. Art. 171. Si elle se remarie, elle est tenue à trans- 
mettre aux enfants du premier lit ce qu'elle a emporté 
de sa première maison. Art. 177. Il en était à peu près 
de même chez les Hébreux. La femme était toujours 
la propriété d'un homme : jeune fille, elle appartenait 
à son père; épouse, à son mari; veuve, aux héritiers de 
son mari. II Reg., m, 7; xvi, 22; III Reg., n, 13-18. 
Son avoir personnel se bornait à ce qu'elle avait ap- 
porté en se mariant, spécialement ses esclaves, Gen., 
xvi, 2; xxx, 4, 9, et à ce que son mari lui donnait. Si 
elle se remariait, elle n'emportait pas avec elle les biens 
du mari défunt. Ainsi Abigaïl n'a que cinq esclaves 
quand elle s'unit à Davjd après la mort de Nabal. 
I Reg., xxv, 42. Si elle ne se remariait pas, elle pouvait 
retourner chez son père, Lev., xxii, 13, ou rester avec 
l'un de ses enfants. II Reg., xiv, 6, 7. Cf. Fr. Buhl, 
La société israélite d'après l'A. T., trad. de Cintré, 
Paris, 1904, p. 50. — La veuve recouvrait un droit que 
la femme mariée n'avait pas : elle pouvait faire valide- 



ment un vœu sans l'agrément de personne. Num. xxx, 

10. Un prêtre ne pouvait épouser une veuve, Lev., xxi, 
14, sauf celle d'un autre prêtre. Ezech., xliv, 22. Si la 
veuve rentrait dans la maison de son père, elle pouvait 
manger les aliments sacrés comme celui-ci, s'il était 
prêtre. Lev., xxn, 13. 

II. Sa situation morale. — 1» Le plus souvent, la 
veuve se trouvait, à la mort de son mari, dans la situa- 
tion la plus précaire, surtout s'il lui restait des enfants 
en bas âge. Aussi la veuve et l'orphelin, auxquels les 
auteurs sacrés associent habituellement l'étranger, 
sont-ils des êtres qui se recommandent d'eux-mêmes 
à la pitié. La loi défend de leur nuire, Exod., xxn, 22, 
et de prendre en gage le manteau de la veuve. Deut., 
xxiv, 17. Elle veut qu'on abandonne à ces déshérités 
le droit de glaner et de grappiller, Deut., xxiv, 19-21, 
et qu'on les associe aux réjouissances du paiement 
des dîmes, Deut., xiv, 29; xxvi, 12, 13, et des fêtes de 
la Pentecôte et des Tabernacles. Deut., xvi, 11,14. Dieu 
se déclare le protecteur de l'orphelin et de la veuve, 
Deut., x, 18; il veut qu'on maudisse celui qui leur fait 
tort. Dent., xxvn, 19. Il fait annoncer aux Israélites 
que, s'ils sont infidèles, leurs femmes deviendront 
veuves et leurs enfants orphelins. Exod., xxn, 24. —2° 
La veuve n'avait pas toujours de proche parent pour 
la défendre. Aussi était-elle à la merci des violents. On 
la renvoyait les mains vides, on prenait son bœuf en 
gage et on ne lui laissait rien. Job, xxn, 9; xxiv, 3,21. 
Les mauvais princes et les mauvais juges la traitaient 
sans pitié. Ps. xcv (xciv), 6; Sap., n, 10; Is.,i, 23; x, 2; 
Jer.,vn, 6; Ezech., xxn, 7, 25; Mal., m, 5. Les idoles ne 
pouvaient naturellement rien pour elle. Bar., vi, 37. A 
l'époque évangélique, une veuve avait mille peines à 
se faire rendre justice. Luc, xvm, 3. Les pharisiens 
et les scribes vivaient aux dépens de celles qui étaient 
riches. Matth., xxm, 10; Marc, xn, 40; Luc, xx, 47. 
Même chez les premiers chrétiens, certaines veuves 
croyaient avoir à se plaindre du sort qui leur était 
fait. Act., vi, 1. — 3» Par contre, l'homme charitable 
réjouissait le cœur de la veuve, Job, xxix, 13, ne lais- 
sait pas languir ses yeux, Job, xxxi, 16, ne maltraitait 
par la veuve et l'orphelin, Jer., xxn, 3; Zach., vn, 10, 
leur faisait droit, Is., i, 17, et les visitait. Jacob., i, 27. 
Dieu lui-même est le père des orphelins et le justicier* 
des veuves. Ps. lxviii (lxvii), 6; cxlvi (cxlv), 9; 
Prov., xv, 25; Eccli., xxxv, 17, 18 (13, 14); Jer.,XLix. 

11. A l'époque des Machabées, on gardait dans le trésor 
du Temple le bien des veuves et des orphelins, 
II Mach., m, 10, et on leur donnait part au butin. 
II Mach., vin, 28, 30. — 4» C'est par un effet du châti- 
ment divin que les impies ne sont pas pleures de leurs, 
veuves, Job, xxvn, 15; Ps. lxxviii (lxxvii), 64, que les 
veuves se multiplient chez un peuple, Ps. cix(cvm), 9; 
Jer., xv, 8; xvm, 21, et que Dieu n'a pas compassion 
d'elles. Is., ix, 16. — 5» Au figuré, les villes coupables 
se vantent en vain de ne pas devenir veuves. Is., xlvii, 8; 
Apoc, xvm, 7. Jérusalem, la reine des nations, est 
devenue veuve. Lam., i,l; v, 3; Bar., iv, 12, 16. 

III. Veuves en particulier. —1° L'Ancien Testament 
mentionne quelques veuves célèbres, Thamar, fille de 
Juda et veuve d'Onan, Gen., xxxvm, 11; la veuve de 
Thécué, II Reg., xiv, 5; la veuve de Sarepta, III Reg., 
xvn, 9; Luc, îv, 36; Judith, vm, 1. — 2» Dans le 
Nouveau Testament, sont signalées Anne la prophé- 
tesse, Luc, 11,37; la veuve de Naïm, Luc, vu, 12; la 
veuve qui verse son obole, Marc, xu, 42; Luc, XXI, 
2, 3; les veuves dont Tabitha prenait soin. Act., IX, 39, 
41. — 3° Saint Paul conseille aux veuves de demeurer- 
dans leur état. I Cor., vu, 8. Il prescrit les règles qui 
doivent être imposées aux veuves chrétiennes. Que 
celles qui ont des enfants s'occupent de leur famille,, 
et que celles qui sont seules persévèrent dans la prière. 
Quant à celles qui vivent dans les plaisirs, elles ne- 



2413 



VEUVE — VICE 



2414 



comptent plus pour l'Église. I Tim., v, 3-8. Certaines 
veuves étaient inscrites sur le rôle de l'Eglise pour être 
assistées et aussi pour remplir certaines fonctions. 
Les conditions suivantes étaient requises pour l'admis- 
sion de ces veuves : avoir soixante ans au moins, n'avoir 
eu qu'un seul mari, jouir d'une bonne réputation au 
double point de vue de l'éducation de ses enfants et de 
la pratique des bonnes œuvres. I Tim., v, 9, 10. Ces 
conditions montrent qu'il s'agissaitde faire de ces veuves 
autre chose que de simples assistées. Avec elles com- 
mençait déjà le ministère des diaconesses ou veuves, 
qui se maintint quelques siècles dans l'Église pour 
l'exercice de la charité et l'administration du baptême. 
Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, 
p. 342. SaintPaul veut que les jeunes veuves se remarient, 
et que les autres, si elles ont de la famille, soient à la 
charge de leurs parents et non à celle de l'Église. 
I Tim., v, 11-16. H. Lesètre. 

VIANDES. Voir Nourriture, t. iv, col. 1700; Ani- 
maux impurs, t. i, col. 613. 

VICE (hébreu :mûm; Septante : |ji(5(j.o{, irat^ixa; Vul- 
gate : macula, vitium), défectuosité d'ordre physique 
ou d'ordre moral. 

1° Vice physique. — Certaines difformités corporelles 
rendaient le lévite inapte au sacerdoce. Lev., XXI, 17- 
21. Voir Prêtre, col. 645. Absalom, II Reg., xiv, 25, 
et l'Épouse. Cant., iv, 7, sont signalés comme exempts 
de tout défaut corporel. — L'absence de tout défaut est 
également exigée dans les victimes destinées aux sacri- 
fices. Lev., xxn, 20, 21, 25; Deut., xvn, 1. Voir Sacri- 
fice, col. 1322. L'animal de caractère vicieux devait 
être mis à mort. Exod., xxi, 29, 36. 

2° Vice moral. — Les Hébreux, devenant race per- 
verse et vicieuse, ne sont plus les enfants de Dieu. 
Deut., xxxn, 5. Pour être sans vice, il faut diriger son 
cœur vers Dieu et écarter de sa vie l'iniquité et l'in- 
justice. Job, XI, 15. Dans sa confession, Job, xxxi, 
1-40, énumère les vices dont il a eu soin de se préserver : 
regards impudiques, mensonge et fraude, adultère, 
injustice envers les serviteurs, dureté impitoyable pour 
les pauvres, violence contre l'orphelin, avarice et cupi- 
dité, culte des astres, haine des ennemis, inhospitalité, 
hypocrisie, vol du bien d'autrui. Le Psaume xv (xiv), 
2-5, signale les pratiques de vertu contraires aux vices 
les plus répandus. Les prophètes font de fréquentes 
énumérations des vices de leurs contemporains. Isaïe, 
i, 21-23, dénonce les meurtres, les vols, la cupidité, 
l'oppression de la veuve et de l'orphelin, l'orgueil et 
le luxe des femmes, Is., m, 16-23, l'incurie, la dé- 
bauche et l'idolâtrie des mauvais pasteurs, Is., lvi, 
9-lvii, 5, le formalisme et la négligence dans le culte 
de Dieu, Is., lviii, 3-14. Jérémie, v, 1-13, stigmatise 
les vices qui régnent dans Jérusalem, injustice, impiété, 
parjure, adultère et ceux des faux prophètes, Jer., 
xxiii, 10-15. Ézéchiel, xxm, 2-21, parle des vices qui 
souillent Samarie et Jérusalem et du châtiment qui leur 
est réservé. Osée, iv, 1, 2, 4, décrit ce qu'il constate 
dans le pays : ni fidélité, ni charité, ni connaissance 
de Dieu, on se parjure, on ment, on vole, on tue, on 
commet l'adultère, on fait violence, le sang versé 
s'ajoute au sang versé, « mon peuple périt, faute de 
connaissance. » Amos, v, 11, 12, se plaint que le juste 
est détesté et opprimé et que les jugements sont rendus 
au préjudice des pauvres. Michée, H, 1, 2, menace les 
grands à cause de leurs rapines et de leurs violences 
contre le peuple, et les faux prophètes à cause de 
leurs mensonges intéressés. Mich.,* m, 1-5. Il fait la 
peinture des vices qui désolent la société et la famille. 
Mich., vu, 1-6. Habacuc, l, 1-4; il, 5-15, trace un 
tableau non moins lamentable. Tous les prophètes 
s'accordent d'ailleurs à chercher dans l'abandon de 



Dieu et dans la pratique de l'idolâtrie la cause qui 
encourage et développe tous les vices. — Les Livres 
sapientiaux," principalement les Proverbes et l'Ecclé- 
siastique, signalent par le détail un grand nombre de 
vices. L'auteur de la Sagesse, après avoir rendu l'ido- 
lâtrie responsable de la propagation du vice, Sap., 
xiv, 12, 27, fait un résumé des formes qu'il revêt parmi 
les impies : ignorance de Dieu, immolation des enfants, 
mystères clandestins, débauches dans des rites étranges, 
homicide et adultère, vol et tromperie, corruption et 
infidélité, révolte et parjure, persécution, ingratitude, 
souillure, crimes contre nature, rupture des mariages, 
impudicité, joies folles, oracles mensongers, nulle 
crainte du châtiment et idées perverses sur Dieu. 
C'est tout le procès de l'idolâtrie. — Dans le Nouveau 
Testament, Notre-Seigneur énumère les vices qui 
viennent du cœur, d'après Matth., xv, 19 : les mauvaises 
pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, 
les vols, les faux témoignages, les paroles injurieuses, 
et d'après Marc, vin, 21 : les mauvaises pensées, les 
adultères, les fornications, les homicides, les vols, 
l'avarice, les méchancetés, la fraude, le libertinage, 
l'œil malin, la calomnie, l'orgueil, la folie. 

Dans sa prière orgueilleuse au Temple, le pharisien 
accuse tous les autres hommes de vol, d'injustice et 
d'adultère; il lui reste au moins l'orgueil. Luc., xvm, 
11. — Saint Paul signale les vices qui caractérisent la 
vie païenne et dont doit s abstenir la vie chrétienne. Il 
déclare bannis du royaume de Dieu les impudiques, 
les idolâtres, les adultères, les efféminés, les infâmes, 
les voleurs, les avares, les ivrognes, les calomniateurs 
et les rapaces. I Cor., vi, 9-10. Il appelle œuvres de 
la chair l'impureté, le libertinage, l'idolâtrie, les malé- 
fices, les inimitiés, les contentions, les jalousies, les 
emportements, les disputes, les dissensions, les sectes, 
l'envie, les meurtres, l'ivrognerie, les excès de table et 
autres choses semblables. Gai., v, 19-21. Parlant de la 
charité, l'Apôtre en trace le portrait en indiquant ses 
qualités et en notant les défauts qu'elle doit éviter ; elle 
n'est pas envieuse ni inconsidérée, elle ne s'enfle pas 
d'orgueil, ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son 
intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal, ne 
prend pas plaisir à l'injustice. I Cor., xm, 4-6. Aux 
Romains, il décrit la vie des païens en signalant leurs 
vices coutumiers, qui tous ont leur source dans la mé- 
connaissance de Dieu : « Comme ils ne se sont pas 
souciés de bien connaître Dieu, Dieu les a abandonnés 
à leurs sens pervers pour faire ce qui ne convient pas, 
étant remplis de toute espèce d'iniquité, malice, for- 
nication, cupidité, méchanceté, coupables d'envie, de 
pensées homicides, de querelles, de fraude, de mal- 
veillance, semeurs de faux bruits, calomniateurs, 
odieux à Dieu, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux 
au mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence, 
sans loyauté, sans affection, sans pitié. » Rom., i, 28- 
31. A son disciple Timothée, saint Paul rappelle que 
la loi n'est pas faite pour le juste, mais « pour les 
méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs, 
les irréligieux et les profanes, ceux qui maltraitent 
leur père et leur mère, les meurtriers, les impudiques, 
les infâmes, les voleurs d'hommes, les menteurs, les 
parjures et quiconque commet tout autre crime contraire 
à la saine doctrine. » I Tim., i, 9, 10. Des vices moins 
graves sont à reprocher au faux docteur : «c C'est un 
orgueilleux, un ignorant, un esprit malade qui s'occupe 
de questions et de disputes de mots, d'où naissent 
l'envie, les querelles, les propos injurieux, les mau- 
vais soupçons, les discussions sans fin d'hommes qui 
ont l'esprit perverti et qui, privés de la vérité, ne voient 
dans la piété qu'un moyen de lucre. » I Tim., vi, 4, 5. 
L'apôtre prévoit ce que deviendront un jour les hommes 
opposés à la loi de l'Évangile. Ils seront « égoïstes, 
cupides, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, re- 



2415 



VICE 



VIE 



2416 



'belles-à leurs parents, ingrats, impies, sans affection, 
-sans loyauté, calomniateurs, intempérants, cruels, 
•ennemis des gens de bien, traîtres, insolents, enflés 
■d'orgueil, amis des voluptés plus que de Dieu, ayant les 
dehors de la piété sans en avoir la réalité. » II Tim., 
in, 2-5. Avant leur conversion, les chrétiens étaient 
<( insensés, indociles, égarés, esclaves de toutes sortes 
-de convoitises et de jouissances, vivant dans la mali- 
gnité et l'envie, dignes de haine et se haïssant les uns 
les autres. » Tit., m, 3. Saint Pierre décrit aussi cette 
vie d'autrefois, dans « le désordre, les convoitises, 
-l'ivrognerie, les orgies, les excès de boisson et le culte 
•criminel des idoles. » IPet., iv, 2. Saint Jude, 8-16, 
-fait un tableau détaillé de la vie que mènent les enne- 
-mis de la doctrine du Christ, vie de honteuses souil- 
lures, de blasphèmes, de bonne chère, d'inconstance, 
■d'impiété et d'égoïsme. Enfin saint Jean réserve à la 
-seconde mort, c'est-à-dire à la mort éternelle, « les lâches, 
les incrédules, les abominables, les meurtriers, les 
•impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les men- 
teurs. » Apoc, xxi, 8. — Les chrétiens ont à combattre 
•tous ces vices, en crucifiant leur chair avec ses passions 
et ses convoitises. Gai., v, 24. Cf. Eph., rv, 31; v, 4; 
»Col., m, 8. — On s'est demandé si ces énumérations 
de vices, particulièrement dans saint Paul, ne laissaient 
cas supposer une influence des écoles philosophiques 
•grecques et surtout des stoïciens. L'influence est indé- 
niable sur Phijoji, familier avec les longues énumé- 
rations de vices qu'il rattache à l'amour du plaisir. 
Sans doute, comme Philon, De virtut., 182, édit. 
Mangey, t. u, p. 406, saint Paul fait de l'oubli de Dieu 
le principe de tous les vices; mais ses énumérations 
n'ont rien de systématique. Les épithètes dont il se sert 
■sont quelquefois assez vagues et toujours sans prétention 
philosophique. L'Apôtre, comme les autres écrivains 
«acres, s'inspire bien plutôt de son expérience et du 
spectacle qu'il a sous les yeux. Il ne nomme pas les 
■vices dans un ordre logique, mais tels qu'ils se pré- 
sentent à sa pensée ou à ses souvenirs, parfois peut- 
être suivant leur influence ou leur gravilé dans le 
milieu où il écrit. Ainsi procèdent l'auteur de la Sa- 
gesse, les autres écrivains du Nouveau Testament, la 
ûidachè, v, 1, le livre d'Hénoch, lxv, 6, 7; lxix, 3-14; 
•xci, 4-8; xcix, 1-15, la Didascalie, 12, etc. Cf. Lagrange, 
Le catalogue des vices dans Vépitre aux Romains, 
■dans la Revue biblique, octobre 1911, p. 534-549. — 
Sur les vices en particulier, voir Avarice, t, i, col. 1285; 
Colère, t. n, col. 833; Fornication, col. 2314; Four- 
berie, col. 2339; Fraude, col. 2398; Gourmandise, t. m, 
col. 281; Haine, col. 400; Ignorance, col. 837; Impu- 
dicité, col. 855 ; Incrédulité, col. 871 ; Ingratitude, 
col. 877; Injustice, col. 878; Ivresse, col. 1048; Jalou- 
sie, col. 1112; Luxure, t. iv, col. 436; Mensonge, col. 
973; Mépris, col. 979; Moquerie, col. 1258; Oisiveté, 
col. 1774; Orgueil, col. 1864; Paresse, col. 2162; 
Parjure, col. 2169; Prostitution, t. v, col. 765; Ra- 
pine, col. 987; Respect humain, col. 1056; Superstition, 
col. 1882; Témérité, col. 2019; Vanité, col. 2376; Ven- 
geance, col. 2390 ; Vol. H. Lesètre. 

VICTIME (hébreu : zébaff, l.iag, mô'éd), être vivant 
■qu'on immole dans un sacrifice. — L'hébreu n'a pas de 
mot spécial pour désigner la victime proprement dite. 
'Quand Isaac demande à son père où est la victime de 
l'holocauste, le mot que la Vulgate rend par victima est 
séh, 7rpd?aTov, « agneau ». Gen., xxii, 7. Les victimes 
que la Sagesse immole pour les servir à ses invités 
portent le nom de tébafy, Bûjia, animaux tués. Prov., ix, 
2. Le zébafy. est le sacrifice, 6Wa, sacrificium, et, par 
■métonymie, la victime elle-même, Is., 1, 11; Ps. LI (l), 
18, spécialement la victime pacifique, zébafy seldmîm , 
offerte dans les sacrifices eucharistiques, Lev., m, 1; 
rv, 10, par opposition à la minffâh, sacrifice non san- 



glant, I Reg., h, 29; Ps. xl (xxxix), 7, et à l'holocauste, 
'ôlàh. Voir Holocauste, t. m, col. 729, et Oblation, 
t. IV, col. 1725. Le frâg, « jour de fête », est aussi parfois 
la victime qu'on offre ce jour-là. Même alors les ver- 
sions traduisent par èoptiri, solemnilas, dies solemnis. 
Exod., xxm,18; Ps. cxvm (cxvii), 27; Mal., n, 3. Le 
mô'êd a le même sens que le fydget est seniblablement 
traduit. II Par., xxx, 22. — Dans le Nouveau-Testament, 
la Ouata, victima ou hostia, désigne équivalemment le 
sacrifice ou la victime. Marc, ix, 48; Luc, n, 24; 
Act., vu, 41; Heb., ix, 26; x, 5; etc. Au désert, on n'a 
point offert à Dieu de victimes et de sacrifices, <j?àyta 
x«\ 8'j<r£a;, victimas et hostias. Act., vu, 42. Sur les 
victimes dans les sacrifices de l'ancienne Loi, voir Sa- 
crifice, t. v, col. 1322. — Les apôtres parlent de 
victimes spirituelles, offertes à Dieu par la pratique 
des vertus chrétiennes. Rom., xil, 1 ; Eph., v, 2; Phil., 
iv, 18; IPet., il, 5. H. Lesêtre. 

VICTOIRE (hébreu: gebùrâh, «supériorité», yéSâ- 
'àh, « délivrance », milhdmâh, « succès de guerre »), 
succès remporté à main armée contre les ennemis. — La 
victoire est la conséquence ordinaire de la guerre pour 
l'un des deux partis combattants. Voir Guerre, t. m, 
col. 362. Aussi la Sainte Écriture enregistre-t-elle un 
grand nombre de victoires remportées tantôt par les Is- 
raélites, tantôt par leurs ennemis. La victoire est souvent 
appelée une délivrance, yesA'àh, I Reg., xiv,45; II Par., 
xx,17; Hab.,in, 8, quand elle soustrait les Israélites au 
joug de leurs oppresseurs. Alors Dieu délivre, hôsîya', 
c'est-à-dire donne la victoire. Deut., xx, 4; Jos., xxii, 
4; II Reg., vin, 6, 16. La victoire, en effet, ne dépend 
pas de l'effectif militaire. Ps. ixxxm (xxxii), 16, 17 ; 

I Mach., m, 19. Elle n'appartient pas toujours au plus 
vaillant. Eccli., îx, 11. Nul n'a droit de dire : « C'est 
ma main qui m'a secouru. » Jud., vu, 2; Job, XL, 9, 
14. Dieu seul a la main assez puissante pour assurer la 
victoire aux autres. Ps. xliv (xliii), 4; xcvm (xcvn), 1, 
et à lui-même. Is., lix, 16; lxiii, 5. Voilà pourquoi il 
est dit que le Seigneur est avec celui auquel il veut 
assurer la victoire. Exod., m, 12; Deut., xx, 1; Jos., i, 
5; m, 7; Jud., vi, 12; etc. — On demande à Dieu de 
ne pas permettre le triomphe de l'impie. Job, xvii, 4. 
Le Messie viendra pour faire triompher la justice. 
Matth., xii, 20. La vertu remporte la victoire et 
triomphe dans l'éternité. Sap., rv, 2. La victoire de la 
mort a été anéantie en droit par la résurrection du 
Sauveur. I Cor., xv, 54-57. Jésus-Christ a triomphé de 
toutes les puissances adverses par sa croix. Col., n, 15. 
Dieu nous fait triompher nous-mêmes par le Christ, 

II Cor., il, 14, et, grâce à lui, notre foi est victorieuse 
du monde. I Joa, v, 4. — D'après la Vulgate, Prov., XXI, 
28, « l'homme obéissant racontera sa victoire. » Le 
sens est différent dans l'hébreu : « L'homme qui 
écoute parlera toujours,» parce qu'il méritera toujours 
d'être écouté. Septante : « L'homme obéissant et ré- 
servé parlera. » L'erreur de la Vulgate, partagée par 
Aquila, Symmaque et Théodotion, provient de ce qu'elle 
fait dériver lânésab,, « pour toujours », du radical 
chaldéen nesah, « vaincre ». H. Lesètre. 

VIE (hébreu : hayim, fiayydh; chaldéen : hay), état 
d'un être doué d'une activité propre et en mesure de 
l'exercer. La vie appartient aux végétaux, aux animaux, 
aux hommes et aux êtres purement spirituels; elle se 
manifeste chez ces différents êtres par des phénomènes 
particuliers. Les auteurs sacrés envisagent la vie à divers 
points de vue, en Dieu d'abord, et ensuite dans l'homme, 

I. En Dieu. — Dieu est vie par excellence. De toute 
éternité, la vie est en lui et en son Verbe. Joa., i, 4. La 
Sainte Écriture appelle souvent Dieu « le Dieu vivant ». 
par opposition avec les faux dieux qui ne sont que 
néant ou des êtres créés, comme les démons. Num., xiv, 



2417 



VIE 



VIE FUTURE 



2418 



28; Deut., v, 26; Jos., ni, 10; I Reg., xvii, 26; Is., xxxvn, 

4, 17; Dan., vi, 20; xn, 7; Ose., r, 10; Matth., xvi, 16; 
xxvi, 63; Rom., ix, 26; Il Cor., m, 3; Hebr., IX, 14; 

I Pet., i, 23, etc. Dieu appuie ses affirmations par la 
formule « Je vis » comme s'il jurait par sa propre vie. 
Deut., xxxit, 40; Rom., xiv, 11 ; etc. Cette formule revient 
jusqu'à seize fois dans Ézéchiel, xiv, 16, 18, etc. La 
formule « Dieu vit » est une formule de serment souvent 
usitée; elle équivaut au serment fait « par la vie de 
Dieu». Jud., vin, 19; Ruth, m, 13; I Reg., xix,6; xxvi, 
10; II Reg., H, 27; III Reg., i, 29; Jer., v, 2; xn, 16; 
Ose., IV, 15, etc. — Il ressort nettement du premier 
chapitre de la Genèse que Dieu est l'auteur de toute 
vie, par voie de création. Il a mis la vie dans l'homme. 
■Gen., H, 7. Il la donne à tous, Act., xvn, 25, 28, et il 
est maître de la vie et de la mort. Sap., xvi, 13; Eccli., 
si, 14; xxin, 1; II Mach., xiv, 46. 

II. Dans l'homme. — 1° Vie physique. — Cette vie ré- 
sulte de l'union de l'âme et du corps, et elle cesse par 
la mort. Elle est fragile et éphémère, Deut., xxvni, 66; 
Job, vu, 7; xxiv, 22; Jacob., iv, 15; elle est remplie 
d'épreuves, Job, m, 20; vu, 1; Sap., n, 1, 3; xv, 9; 
Eccli., x, 11, et les meilleurs sont amenés parfois à la 
prendre endégoùt. Gen., xxvn, 46; Exod., i, 14; Job, ix, 
21; x, 1; Eccle., H, 17; II Cor., i, 8. C'est une chose 
fluide, héléd, ûjtônTaucç, subslantia, Ps. xxxix (xxxvm), 
6; lxxxix (lxxxvih), 48; un souffle, chaldéen :nisûmâ\ 
ttvo/i, flatus, Dan., v, 23; un bien qu'on ne peut pos- 
séder qu'une fois, ya!ûd, [iovoYEvrjç, unica, V « unique ». 
Ps. xxii (xxi), 21; xxxv (xxxiv), 17. Sa conservation 
s'appelle«i!/ij/d/i, Çwr,, Çwentoîr.cuç, salus, vita. Gen., xlv, 
5; II Par., xiv, 12; I Esd., ix, 8, 9. On la demande à 
Dieu, Ps. xxvi (xxv), 9; I Esd., vi, 10, qui l'accorde, 
Ps. cm (en), 4; etc. Car on aime naturellement la vie 
et les longs jours, Ps.xxxiv(xxxm), 13, qu'il faut cepen- 
dant sacrifier au devoir. II Mach., VI, 20. Les années 
sont parfois appelées les « jours », ydmîm, guipai, dies, 
Gen., xxiv, 1; Jos., xm, 1; Job, xxxn, 7; etc., et les 
vieillards meurent « rassasiés de jours ». Gen., xxxv, 

5, 29; Job, xlii, 17; etc. Voir Longévité, t. iv, col. 355. 
Le respect de la vie humaine est prescritpar la loi divine. 
Voir Homicide, t. ni, col. 740. On jure par sa vie ou par 
la vie d'un autre. Gen., xlii, 15, 16; I Reg., i, 26; xvn, 
55; cf. I Reg., xxv, 6. — Elre à quelqu'un « à la vie 
•et à la mort », c'est lui être irrévocablement dévoué. 

II Reg., xv, 21; II Cor., vu, 3. Le « livre des vivants » 
désigne l'ensemble des hommes qui vivent, Ps. lxix 
(lxviii), 29, et la « terre des vivants » est celle sur la- 
quelle se meuvent les hommes qui vivent, par opposi- 
tion avec ceux qui sont descendus au schéol. Is., xxxvm, 
11; Jer., XI, 19; Ezech., xxvi, 20; etc. Sur l'arbre de 
vie, Gen., n, 9; Apoc, n, 7; xxii, 2, voir Arbres de 
la vie ET DE LA. science, t. i, col. 895. L'expression 
kâ'êf hayyàh, « au temps de la vie », que les versions 
traduisent par ei; wpot;, wç r) wpa Z,S>aa, vita comité, si 
vita cornes fuerit, Gen., xvin, 10, 14; IV Reg., iv, 14, 
est expliquée par plusieurs dans ce sens : « Quand ce 
temps revivra, » c'est-à-dire dans un an, idée que n'im- 
plique pas le mot hayyâk. D'autres entendent ce « temps 
de la vie » du temps de l'enfantement, du terme de la 
grossesse, c'est-à-dire du temps où l'enfant vient à la 
vie. Cette seconde explication est plus naturelle et plus 
.probable. Cf. De Hummelauer, In Genesim, Paris, 1895, 
p. 408. 

2° Vie morale. — L'âme a sa vie propre, par laquelle 
elle est immortelle; mais cette vie n'est une vraie vie 
qu'autant que l'âme conforme ses actes à la volonté de 
Dieu. Ainsi Dieu met devant Israël « la vie et le bien, 
la mort et le mal,... la vie et la mort, la*hénédiction et 
la malédiction. » Deut., xxx, 15, 19. « La mort et la 
vie sont au pouvoir de la langue, » Prov., xvin, 21, 
parce que l'homme se montre bon ou mauvais dans ses 
paroles. Cf. Eccli., xv, 18; Jer., xxi, 8. Moïse a donné 



à son peuple la loi de la vie. Eccli., xlv, 6. Dieu est la 
source de cette vie. Ps. xxxvi (xxxv), 10. Ses préceptes 
i sont les sentiers de la vie. Ps. xvi (xv), 11; Prov., n, 
19; v, 6; x, 17; xv, 10; Act., n, 28; Bar., m,»9; Ezech., 
xxxiii, 15. Les conditions de cette vie sont la sagesse, 
Prov., vin, 35; xvi, 22; Eccli., iv, 12-14; Bar., iv, 1; 
Rom., vin, 6; la justice, Prov., xn, 28; xxi, 21; la 
crainte de Dieu, Prov., xiv, 27; xix, 23; xxn, 4. Les 
Livres sapientiaux rappellent les régies de la vie mo- 
rale et leurs diverses applications. Il n'est donc pas vrai 
que la vie présente soit un pur amusement, comme le 
prétendent les impies. Sap., xv, 12. 

3° Vie surnaturelle. — La vie morale de l'homme 
n'est possible qu'avec le secours de Dieu. Le Nouveau 
Testament met cette idée en pleine lumière et assigne 
à la vie chrétienne un caractère essentiellement suriHf- 
turel. Jésus-Christ se présente aux hommes comme la 
source de cette vie. Il a la vie en lui, Joa., v, 26, il est 
lui-même la vie, Joa., xiv, 6; il a les paroles dévie, 
Joa., vi, 64, 69; Eph,, v, 26; il est le pain de vie, Joa., 
vi, 35, 48, 52, 55, et fait jaillir les eaux de la vie. Joa., iv, 
10, 11; vu, 38. Il est venu pour communiquer la vie. 
Joa., x, 10, et il la donne au monde. Joa., vi, 33. La 
connaissance de Dieu et de son Fils, Joa., xvn, 3, et 
la pratique des commandements sont la condition de 
cette vie. Joa., xn, 50. — Les Apôtres tirent les consé- 
quences de ces affirmations du Sauveur. La vie de 
Jésus est la cause du salut de l'homme. Rom., v, 10; 
II Cor., iv, 10, 11. Le chrétien vit pour Dieu dans le 
Christ, Rom., vi, 11; xiv, 8, d'une vie cachée dans le 
Christ, Col., m, 3, et dans l'Esprit. I Pet., iv, 6. Le 
Christ est sa vie, Phil., i, 21, et le Christ vit en lui. 
Gai., n, 20. C'est la vie de Dieu, Eph., iv, 18, et une 
vie toute nouvelle, Rom., vi, 4, que le chrétien doit 
vivre au milieu du monde, Tit., n, 12, bien qu'elle 
attire sur lui la persécution. II Tim., m, 13. Cette vie 
échappe aux sens et à la raison et « le juste vit de la 
foi. » Rom., i, 17; Gai., m, 11; Hebr., x, 38. Cf. Hab., 
n, 4. 

4° Vie future. — Elle est affirmée dès l'Ancien Tes- 
tament. Tob., n, 18; xn, 9; Dan., xn, 2; II Mach., vu, 
9, 14. Jésus-Christ est lui-même la résurrection et la 
vie. Joa., xi, 25. Voir Ame, t. i, col. 466-472; Résurrec- 
tion des morts, t. v, col. 1064. Dieu est le « Dieu des 
vivants », c'est-à-dire de tous les hommes, même 
quand ils sont passés dans l'autre vie. Matth., xxn, 32; 
Marc, xn, 27; Luc, xx, 38. 

5° Vie glorieuse. — C'est la vie des âmes justes dans 
l'éternité. Les justes ressusciteront pour la vie, Joa., v, 
29, et ils jouiront de la vie éternelle. Rom., n, 7. Cette 
vie aura le caractère de récompense pour ceux qui y 
auront été prédestinés, Act., xm, 48, qui auront s.uivi 
la voie étroite par laquelle on y arrive, Matth., vu, 14, 
qui auront tout sacrifié pour elle, Matth., xvin, 8, 9; 
Marc, îx, 42, 44, et qui auront observé fidèlement les 
commandements. Matth., xix, 17, 29; Marc, x, 17, 20; 
Luc, x, 25; xvin, 18, 30. Voir Récompense, t. v, col. 
1004. Par Jésus-Christ seul on arrive à cette vie glorieuse. 
Joa., m, 15, 16, 36; iv, 14; v, 24, 40; vi, 40, 47 ; x, 28; 
xvn, 2; Rom., vi, 23; Col., m, 4; I Joa., v, 11. Le 
« livre de vie » comprend tous ceux qui ont atteint ou 
doivent atteindre la vie éternelle. Phil., IV, 3; Apoc, 
m, 5; xm, 8; xvn, 8; xx, 12, 15; xxi, 27; xxn, 19. Sur 
la nature de la vie glorieuse, voir Ciel, t. n, col. 752. 

H. Lesètre. 

VIE FUTURE. Les saints après leur mort, quand ils 
sont purifiés de toute souillure, jouissent du bonheur 
du ciel. Voir Ciel, t. n, col. 752-756. Ceux à qui il reste 
quelque chose à purifier achèvent leur purification 
dans le purgatoire. Voir Purgatoire, col. 877-879. 
Ceux qui ont le malheur de mourir en état de péché 
mortel sont condamnés aux peines de l'enfer. Voir 
Enfer, t. n, col. 1795-1796. Cf. Vie, 4». 



2419 



VIEIL HOMME 



VIEILLESSE 



2420 



VIEIL HOMME, état d'âme de celui qui n'est pas 
encore régénéré par la grâce. — Saint Paul se sert de 
cette expression pour caractériser la situation morale de 
la race d'Adam prévaricateur, par opposition avec celle 
de Jésus-Christ rédempteur. « Comme, parla désobéis- 
sance d'un seul homme, tous, malgré leur nombre, 
ont été constitués pécheurs, de même aussi par l'obéis- 
sance d'un seul, tous, malgré leur nombre, seront 
constitués justes. » Rom., v, 18, 19. Cf. Prat, Théologie 
de saint Paul, Paris, 1908, t. i, p. 299. L'héritage du 
premier, avec la concupiscence et le péché, constitue 
le vieil homme; l'héritage du second, avec la vie de la 
grâce, constitue l'homme nouveau ou intérieur. Saint 
Paul explique que, par le baptême, le chrétien reçoit 
une nouvelle vie, après que le vieil homme a été cru- 
cifié et que le péché a été ainsi détruit en lui. Rom., 
VI, 4-6. La vieille vie disparaît alors pour faire place à 
un esprit nouveau. Rom., vu, 6. Le chrétien doit donc 
cesser de se conformer au siècle présent, pour se trans- 
former par le renouvellement de l'esprit, Rom., xn, 2, 
et devenir ainsi l'homme intérieur. Rom., vu, 22. Par 
son sang, Jésus-Christ a créé l'homme nouveau, Eph., 
Il, 15, et son Esprit fortifie l'homme intérieur. Eph., 
m, 16. On ne comprend vraiment le Christ et son 
œuvre que si l'on renonce à sa vie passée, en se 
dépouillant du vieil homme, corrompu par des convoi- 
tises trompeuses, pour revêtir l'homme nouveau, créé 
selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables. 
Eph., iv, 22-24. Le Christ est tout en tous, Grecs ou 
Juifs, s'ils dépouillent le vieil homme avec ses œuvres, 
pour revêtir l'homme nouveau, qui se renouvelle fans 
cesse à l'image de celui qui l'a créé. Col., ni, 9-11. 
Quiconque est ainsi en Jésus-Christ est une nouvelle 
créature, pour laquelle les choses anciennes, qui con- 
stituaient le vieil homme, sont passées et remplacées 
par quelque chose de tout nouveau, la vie de Jésus- 
Christ dans l'âme régénérée. II Cor., v, 17. Il importe 
donc fort peu d'être circoncis ou incirconcis; « ce qui 
est tout, c'est d'être une nouvelle créature. » Gai., vi, 
15. De ces'différents textes, il résulte que le vieil homme 
désigne l'héritage d'Adam se perpétuant en chacun 
par les instincts pervers ou purement naturels et abou- 
tissant au péché, tandis que l'homme nouveau est 
constitué par la vie divine qui, de Jésus-Christ, passe 
au chrétien et se traduit en actes surnaturellement 
bons. H. Lesêtre., 

VIEILLARD (hébreu : zàqên, et celui qui a des che- 
veux blancs : ydsis,ydsês, sàb ; chaldéen : 'affiq), celui 
qui est avancé en âge. — l°Les vieillards n'ont des en- 
fants que par miracle. Gen., xvm, 11; IV Reg., iv, 17; 
Luc, 1,18; etc. Ils sont, comme les enfants, à l'une des 
extrémités de la vie, si bien que par l'expression « des 
enfants aux vieillards», on comprend tous les hommes. 
Gen., xix, 4; Exod., x, 9; Deut., xxxh, 25; Jos., VI, 21; 
Esth.,m, 13;Ps. cxlix(cxlviii),12; Jer.,xxxi,13;Li,22; 
Lam., il, 21; Jo.,ll, 16. C'est une malédiction que dans 
une famille il n'y ait pas de vieillards. I Reg., Il, 31 32. 
Isaïe, LV, 20, annonce qu'à l'époque de la restauration 
spirituelle, il n'y aura plus de vieillard qui n'accom- 
plisse tout son temps. — 2" L'expérience est la cou- 
ronne des vieillards. Eccli., xxv, 8. Aussi, bien qu'il y 
ait des vieillards insensés, Eccli., xxv, 4, et qu'un roi 
trop vieux ne soit pas désirable, Eccle., îv, 13, c'étaient 
les vieillards ou anciens qui exerçaient l'autorité chez 
les Hébreux dans toutes les questions qui ne ressortis- 
saient pas au pouvoir royal. Voir Anxiexs, 1. 1, col. 554. 
— 3° La loi ordonnait de respecter et d'honorer le 
vieillard. Lev., xix, 32. De fait, le chef de famille 
gardait l'autorité pleine et entière sur tous les siens 
jusqu'à sa mort. Là où il y a des vieillards, le jeune 
homme doit être sobre de paroles. Eccli., xxxn, 13 (9). 
Saint Paul ne veut pas que l'évêque reprenne le vieillard 



1 avec rudesse, mais qu'il l'avertisse comme un père, 
I Tim., v, 1. Il doit recommander aux vieillards d'être 
sobres, graves, circonspects, saints dans la foi, la cha- 
rité et la patience. Tit., n, 2. Les jeunes gens doivent 
être soumis aux anciens. JPet.,v, 5. — 4° Les vieillards 
du temps de Zorobabel pleuraient en se rappelant les 
magnificences de l'ancien Temple. I Esd., m, 12. — 
Parmi les vieillards indignes de leur âge, la Sainte 
Écriture signale les deux accusateurs de Suzanne, 
Dan., xiii, 5-50, et ceux de la femme adultère. Joa., 
vin, 9. H. Lesétre. 

VIEILLESSE (hébreu : zoqên, ziqnâh, sêb; Septante : 
Yr,paç, yftgac, itp£<jge?ov), état de celui qui compte de 
nombreuses années de vie. Voir Longévité, t. iv, 
col. 355. 

1° Ses caractères. — La vieillesse entraîne d'ordi- 
naire avec elle un affaiblissement général des organes, 
des forces, de la santé et quelquefois des facultés. On 
remarque que, malgré son âge, Moïse avait gardé sa 
vue et ses forces. Deut., xxxiv, 7, Mais, par suite de la 
vieillesse, Isaac etle prophète Ahias devinrent aveugles, 
Gen., xxvn, 12; III Reg., xiv, 4, David ne pouvait 
plus se réchauffer, III Reg., i, 1, et le roi Asa fut 
podagre. III Reg., xv, 23. Le grand-prêtre Héli n'avait 
plus l'énergie nécessaire pour corriger ses fils, I Reg.,. 
II, 22-26, et les Israélites, en voyant se prolonger la 
vieillesse de Samuel, demandèrent un roi. I Reg., vm, 
1. Tobieet sa femme, devenus vieux, appellent leur fils 
leur « bâton de vieillesse ». Tob., v, 23; x, 4. La femme 
n'enfante plus dans la vieillesse. L'enfantement de 
Sara, Gen., xxi, 2, et d'Elisabeth, Luc, i, 36, sont pré- 
sentés comme des faveurs divines. Si la vieillesse amène 
des infirmités, elle-même vient prématurément chez 
ceux qui ont beaucoup de soucis. Eccli., xxx, 26 (24). 
— L'Ecclésiaste, xn, 2-7, a laissé une description sym- 
bolique de la vieillesse : « Avant que s'obscurcissent le 
soleil et la lumière, la lune et les étoiles (symbole de 
tristesse), et que les nuages reviennent après la pluie 
(peines sur peines), temps où tremblent les gardiens 
de la maison (les bras), où se courbent les hommes 
forts (les jambes), où celles qui moulent s'arrêtent 
parce que leur nombre est réduit (les dents), où sont 
obscurcis ceux qui regardent par les fenêtres (les yeux), 
où les deux battants de la porte se ferment sur la rue 
(les lèvres), tandis que s'affaiblit le bruit de la meule 
(la parole devenant difficile), où l'on se lève au chant 
de l'oiseau (le sommeil court), où disparaissent toutes 
les filles du chant (les sons que n'entendent plus les 
oreilles), où l'on redoute les lieux élevés (à cause de la 
difficulté de monter), où l'on a des terreurs dans le 
chemin (en prévision des obstacles), où l'amandier 
fleurit (les cheveux blancs), où la sauterelle devient 
pesante (les talons s'appesantissent), où la câpre n'a 
plus d'effet (l'impuissance de rien produire), voir Câpre, 
t. il, col. 222; car l'homme s'en va vers la demeure 
éternelle et les pleureurs parcourent les rues; avant 
que se rompe le cordon d'argent (le fil de la vie), que 
se brise l'ampoule d'or (la vie dont le fil est brisé), 
que le seau se détache sur la fontaine, que la poulie 
se casse dans la citerne (le corps, que l'âme ne sou- 
tient plus, s'abîme dans le tombeau), et que la pous- 
sière, retournant à la terre, redevienne ce qu'elle 
était, pendant que l'esprit retourne à Dieu qui l'a 
donné. » Cf. Rosenmûller, Koheleth, Leipzig, 1830, 
p. 226-241. 

2» Ses prérogatives. — La vieillesse a l'expérience et 
la sagesse, du moins chez le juste. Ps. xxvn (xxvi), 25; 
xcn (xci), 15;' Eccli., xxv, 5 (4). Les cheveux blancs 
sont une couronne d'honneur. Prov., xvi, 31. Il ne faut 
donc pas mépriser la vieillesse, Eccli., vin, 7 (6), sur- 
tout dans son père, Eccli., m, 14 (12), et dans sa mère. 
Prov., xxni, 22. Toutefois, la vieillesse des impies ne 



2421 



VIEILLESSE 



VIGNE 



2422 



mérite nul honneur. Sap., m, 17. La vraie vieillesse, 
c'est celle que confère la vertu, quel que soit d'ailleurs 
l'âge de celui qui fait le bien. Sap., îv, 8, 9; Dan., xm, 
50. Le juste demande que Dieu ne le réjette pas au 
jour de sa vieillesse. Ps. lxxi (lxx), 9, 18. 

H. Lesêtre. 
VIERGE (hébreu : befûldh; Septante : itapOsvo;), 
celle qui est restée étrangère à toute union corporelle. 
Elle est aussi appelée quelquefois na'ârâh betûlâh, 
Tiatç irapôivoç, puella virgo, jeune fille vierge. Deut., 
xxii, 23, 28; Jud., xxi, 12. Voir également 'Almah, 
t. i, col. 390. — 1° La législation. — La vierge était 
particulièrement exposée à la séduction ou à la vio- 
lence. Gen., xxxiv, 2; II Reg., xm, 2. La législation 
prend des mesures pour la protéger. L'homme qui 
séduit une vierge non fiancée et abuse d'elle, doit lui 
payer sa dot et l'épouser. Si le père s'y refuse, le cou- 
pable doit néanmoins lui payer la dot. Çxod.,xxn, 16, 
17. La séduction de la vierge déjà fiancée revêtait un ca- 
ractère plus grave, celui de l'adultère, passible de la 
lapidation pour l'un et l'autre, si la vierge n'avait pas ap- 
pelé au secours. Deut., xxn, 23, 24. Cf. Eccli., xlii, 10. 
Cette dernière était indemne si tout était arrivé contre son 
gré, et le séducteur seul était alors puni de mort. Deut., 
xxn, 25-27. Une disposition postérieure interdisait la ré- 
pudiation à celui qui avait épousé la vierge violentée par 
lui. Deut., xxn, 28, 29. — Le prêtre avait le droit de 
porter le deuil de sa sœur encore vierge et vivant auprès 
de lui. Lev.,xxi, 3. Il ne pouvait épouser qu'une vierge. 
Lev., xxi, 13; Ezech., xliv, 32. — La loi morale interdit 
de jeter les yeux sur une vierge, de manière à exciter 
la passion ou à susciter des ressentiments. Job, xxxi, 
1; Eccli., ix, 5. — Au sujet des vierges chrétiennnes, 
saint Paul formule, non des règles, mais un conseil. 
Il déclare la virginité préférable, dans l'un et l'autre 
sexe, parce qu'elle permet de se consacrer exclusive- 
ment aux choses de Dieu. Celui qui croit devoir marier 
sa fille, fait bien; celui qui, de son plein gré, et aussi 
du gré de sa fille, veut la garder vierge, fait mieux. 
I Cor., vu, 25-38. A propos de ce texte, on a supposé 
en usage dans la primitive Église la vie commune 
entre un chrétien et une vierge faisant profession de 
demeurer telle. Cf. H. Achelis, Virgines subintroductse, 
Leipzig, 1902. Mais le texte de saint Paul parle seule- 
ment d'un père qui marie ou ne marie pas sa fille, et 
nullement d'un chrétien quelconque qui peut avoir 
l'idée de vivre avec la vierge. Les « femmes-sœurs » 
qui accompagnent les Apôtres, I Cor., ix, 5, ne sont 
pas de jeunes vierges, mais des veuves ou au moins 
des personnes d'un certain âge, comme le suppose le 
mot yvvïÎ. Cf. Cornely, !*■ ad Cor., Paris 1890, p. 241. 
— 2°ies faits. — Les Hébreux épargnèrent les vierges 
des Madianites, Num.,xxxi,18, et quatre cents vierges 
de Jabès de Galaad, pour en faire des épouses. Jud., 
xxi, 12. D'autres fois, les vierges étaient indignement 
traitées et emmenées captives par les ennemis. Judith, 
ix, 2; xvi, 6. Elles peuplaient la cour du prince, Ps. 
xlv (xliv), 15, et le harem du roi de Perse. Esth., n, 
2. On les sacrifiait parfois à un intérêt jugé supérieur. 
Jud., XI, 39; xix, 24. — Les vierges demeuraient ordi- 
nairement confinées dans les maisons. II Mach., 111,19. 
Notre-Seigneur met en scène, dans l'une de ses para- 
boles, cinq vierges sages et cinq vierges inconsidérées, 
à l'occasion d'un festin de noces. Matth., xxv, 1-12. — 
Au ciel, les vierges suivront partout l'Agneau de Dieu. 
Apoc, xiv, 4. — 3° Les métaphores. — Les écrivains 
sacrés désignent sous le nom de « vierge » des villes 
ou des nations : « la vierge, fille de mon peuple, » Jer., 
xiv, 17, « la vierge d'Israël, » .1er., xvm, 13; xxxi, 4, 
21; Am., v, 2, « la vierge, fille de Juda, » Lam., i, 15, 
« la vierge, fille de Babylone, » 1s., XL vu, 1, « la vierge, 
:fille de l'Egypte. » Jer., xlvi, 16. — Saint Paul appelle 
son église de Corinthe « une vierge pure » qu'il a 



fiancée à un époux unique, le Christ. II Cor., xi, 2. 

— La Sagesse est à la fois une mère et une épouse 
vierge, yuvt) itapSevîaç, muliera virginilate, en hébreu: 
'êSép nëûrîm, « l'épouse de la jeunesse ». 

H. Lesêtre. 
VIGILANCE, soin qu'on apporte à se tenir attentif 
pour remplir dignement son devoir. — On veille sur 
des mausolées, Job, xxi, 32, sur des objets précieux, 
I Esd., vin, 29, sur des troupeaux, Luc, H, 8, etc. On 
veille en vain sur une cité, si Dieu ne la garde. Ps. 
cxxvii (cxxvi), 1. — Dieu veille pour exercer soit sa 
miséricorde, soit sa justice. Jer., xxxi, 28; xliv, 27; 
Bar., il, 9; Dan., ix, 14. Dans une vision, Jérémie voit 
rnaqqèl sàqêd, « une branche d'amandier », et le Sei- 
gneur, jouant sur le mot sàqêd, lui répond : soqêd, je 
veille sur ma parole pour l'accomplir. Jer., i, 11, 12. 

— Il y a grand avantage à veiller pour acquérir la 
sagesse. Prov., vin, 34; Sap., vi, 15. L'Épouse dort, 
mais son cœur veille, c'est-à-dire reste fidèle à ses 
pensées et à ses affections. Cant., v, 2. — Notre-Sei- 
gneur recommande instamment de veiller et de prier, 
pour ne pas succomber à la tentation, Matth., xxvi, 
38-41; Marc, xiv, 34-38, pour échapper aux maux à 
venir, Luc, xxi, 36, pour se disposer à l'heure incon- 
nue de la mort. Matth., xxiv, 42, 43; xxv, 13; Marc, 
xm, 33-37; Luc, xn, 37-39; Apoc, m, 2, 3. Les Apôtres 
répètent le même avis. Eph.,vi, 18; Col., iv, 2;IPet., 
iv, 7. Ils veulent qu'on joigne à la vigilance la fermeté 
dans la foi, 1 Cor., xvi, 13; Act., xx, 31, et la sobriété. 
IThess., v, 6; I Pet., v, 8. Le ministre de Dieu doit 
être spécialement circonspect. II Tim., iv, 5. Sur ceux 
qui veillent et conservent leurs vêtements, Àpoc, xvi, 
15, voir col. 503, 3». H. Lesêtre. 

VIGNE (hébreu : géfen; Septante : atAmXo;; Vul- 
gate : vitis, vinea), arbrisseau qui produit le raisin. 

I. Description. — La seule espèce végétale qui mé- 
rite proprement ce nom est celle qui, de temps immé- 
morial, a fourni le vin. Elle appartient à la famille des 
Ampélidées, parmi les Dialypétales disciflores, for- 
mée tout entière d'arbrisseaux à entrenœuds longs et 
llexibles, ayant pour fruits des baies pluriloculaires. 
Les fleurs sans éclat, mais douées d'une odeur péné- 
trante, sont groupées en cymes fournies, connues vul- 
gairement sous le nom de grappes : elles ont un calice 
presque nul, formé de quatre ou cinq dents peu sail- 
lantes, autant de pétales à préfloraison valvaire, avec 
des étamines superposées. 

La vraie vigne, Vitis vinifera Linné, fig. 549, est 
aussi la seule espèce de l'Ancien Monde composant ce 
genre. Elle se distingue de ses congénères Cissus et 
Ampélopsis A" par la singulière cohérence des pétales 
qui, au lieu d'avoir leur pointe libre, l'ont soudée en 
capuchon, ce qui fait que la corolle, au moment de 
l'anthèse, se détache d'une seule pièce en forme 
d'opercule convexe, puis d'une petite étoile après 
qu'elle s'est étalée : 2° par les vrilles oppositifoliées, 
vérilables inflorescences stériles, à ramifications allon- 
gées, "nues et peu nombreuses, accrochantes par leur 
extrémité, montrant d'ailleurs tous les intermédiaires 
qui les rattachent aux grappes fructifères. Les pre- 
mières feuilles basilaires en sont dépourvues, ainsi 
que plusieurs des suivantes se succédant par périodes 
régulières de trois en trois. Ces productions avortées 
sont les seules à se montrer sur les pousses issues du 
vieux bois, aussi la taille a-t-elle pour objet de régula- 
riser la naissance des sarments sur les branches de 
l'année précédente, condition indispensable de leur 
fertilité. 

La tige principale, recouverte par les débris fibril- 
leux de l'écorce qui se renouvelle tous les ans, peut 
atteindre une grande longueur, surtout grâce à l'appui 
des arbres ou d'autres soutiens artificiels, mais elle 



•2423 



VIGNE 



2424 



est toujours faible et formée d'un bois mou, bon 
seulement pour le feu. Les feuilles distiques, larges et 
palminervées, présentent cinq à sept divisions de pro- 
fondeur très variable, presque lancinées dans le type 
sauvage. Chez ce dernier les fruits petits et acerbes 
deviennent beaucoup plus gros par la culture et se 
gorgent d'une pulpe sucrée. Ils renferment les graines 
ou pépins , formés par un petit embryon dans un 
albumen corné et protégé lui-même par un testa 
osseux. À l'état naturel, ces baies sont saupoudrées sur 
leur pellicule par les germes du ferment alcoolique 
ou Saccharomyces dont les cellules dormantes repas- 
sant à l'état de vie active dans la cuve où l'on écrase 
la vendange ont pour rôle de transformer le moût en 
vin. 

La vigne paraît spontanée dans la partie orientale de 
la région méditerranéenne : ailleurs, elle est seulement 
sortie des cultures et disséminée par les oiseaux. Du 




549. — Vitis vinifera. 

Teste, introduite dès la plus haute antiquité sous tous 
les climats où les étés sont assez chauds pour produire 
habituellement la maturité des raisins, elle a par suite 
donné naissance à d'innombrables variétés distin- 
guées surtout par la saveur et la coloration des fruits. 

F. Hy. 
II. Exégèse. — 1° Noms. — La vigne se nomme 
ordinairement géfén (assyrien : gupnu; arabe : iafri). 
Le mot èorêq (arabe : surik) est employé pour dési- 
gner une vigne de choix, Is., v, 2; Jer., H, 21, ou bien 
il sert dans le parallélisme de synonyme à géfén; Gen., 
xlix, 11; Is., xvi, 8. Dans Lev., xxv, 5, 11, nàzir 
•exprime une vigne non émondée, par allusion au 
nâzîr (Vulgate : nazarœus ; Num., vi, 18), dont la che- 
velure ne devait pas être coupée. Dans certains cas, 
géfén désigne spécialement le cep ou tronc de la vigne, 
Gen., xlix, n, en rapport avec les sàrxgim, Gen., xl, 
10-12; Joel,l, 7, les branches ou sarments, ou bien avec 
les Seluhôt, «r provins ». Is., xli, 8. Cf. Joa., xv, 1-5. 
— Les 'askelôt sont les grappes, Is., lxv, 8; Mich., vu, 
1; Cant., vu, 9. Comme il, peut y avoir des 'askelôt, 
« grappes », de henné ou cypre, Cant., i, 14, on trouve 
souvent l'expression plus précise 'aHkelôf 'ânâbim, 
« grappes de raisins », Num., ni, 23, ou 'askelôt 
géfén, « grappes de vigne », Cant., vu, 9, ou celle-ci équi- 
valente, « les grappes, 'askelôt, ont mûri leurs raisins. » 
■Gen., xl, 10. Cependant le mot peut s'employer seul : 



le contexte plus ou moins éloigné suffit à préciser le 
sens. — 'Éndb (assyrien : enbu; arabe : inab), le grain 
de raisin, est employé d'ordinaire au pluriel, 'ânâbim. 
Le bôsér est la grappe encore verie, non mûre. Job, XV, 
33; Jer., xxxi, 29-30; Ezech., xvm, 2. Dans le grain de 
raisin, 'ëndb, on distingue zdg, la peau, et harsannîm, 
les pépins. Num., vi, 4. Le raisin sec se dit simmvq. 
I Reg., xxv, 18. Semddar est la fleur de la vigne, 
oivtti6>), Cant., h, 13, 15; vu, 13. La traduction de la 
Vulgate dans ce dernier passage semble plutôt avoir 
vu dans ce mot la première formation du fruit, le 
raisin encore vert. — Une certaine quantité de pieds 
de vigne forme le kéréni (cf. assyrien : karanu), le 
vignoble. Le kéréni est originairement le lieu où l'on 
plante la vigne, mais comme souvent on y mêlait des 
figuiers, ce mot s'est entendu par dérivation d'un lieu 
planté de figuiers ou d'oliviers, d'un verger. Dans 
Jud., xv, 5, la. Vulgate a séparé les deux mots et rendu 
par vineta et oliveta, le kérem zait, plantation d'oli- 
viers. Kérem se prend aussi pour la vigne elle-même : 
Aussi un kôrêm est un vigneron. Joël, i, 1 ; Is., lxi, 5. 
— Avec le mot kérém se sont formés des noms de lieu, 
par exemple: 'Abël-Kerâmim, le pré des vignes, que 
la Vulgate rend par Abel quse est vineis consita. 
Jud., XI, 33, — Le jus qui est sorti du ënâb ou grain 
de raisin, et qui n'est pas encore fermenté est le 'dsîs, 
Joël, i,5; iv, 18, oufiroS, Deut., xxxn, 28; IV Reg.,xvui, 
32, Is., xxxvi, 17; lv, 31, s vin doux, moût ». Le 
liquide exprimé qui a fermenté forme le vin propre- 
ment dit, yain, ou poétiquement hémér. 

2° Pays vignobles. — La vigne croît spontanément 
dans l'Asie occidentale tempérée. En Arménie, dans la 
région au sud du Caucase et de la mer Caspienne, et 
dans celle de l'Oxus, la vigne pousse des rameaux 
vigoureux qui s'attachent aux arbres des forêts jus- 
qu'aux sommets les plus élevés et donne des fruits 
excellents sans qu'il soit nécessaire de la tailler et de 
la cultiver. « Dans la Margiane (portion de la Bactriane), 
dit Strabon, 1. II, c. i, 14, le pays abonde en vignes, 
et on y trouve des ceps si gros qu'il faut deux hommes 
pour les embrasser, ainsi que des grappes de raisins 
de deux coudées de longueur. » Il est intéressant de 
constater, que la région de l'Ararat où la Bible place 
Noé au sortir de l'Arche, et où il cultive la vigne, 
Gen., ix, 20, est regardée comme l'endroit où se tou- 
chent les trois rameaux principaux de la race cauca- 
sienne, représentés par Sem, Cham et Japhet, et 
comme la patrie primitive de la vigne. Ad. Pictet, 
Les origines indo-européennes, Paris, 2 e édit., t. I, 
p. 299. 

Dès la plus haute antiquité on trouve la vigne en 
Assyrie. Voir fig.552, col. 2429. Elle est représentée sur 
d'anciens monuments, soit sous sa forme naturelle, 
soit sous une forme hiératique. E. Bonavia, The flora 
of the Assyrian monuments, in-8°, Londres, 1894, 
p. 11, fig. 6; p. 49, fig. 21; p. 52, fig. 23; p. 61, fig. 27. 
Sur les bas-reliefs de l'époque des Sargonides se 
voient souvent des vignes, soit isolées, comme la 
vigne de Koyoundjik grimpant sur un pin, Rawlinson, 
The ftve great monarchies of the ancient eastern 
world, Londres, in-8°, 4 e édit., 1879, t. i, p. 353, soit 
disposées en berceau de verdure, comme celle à 
l'ombre de laquelle repose Assurbanipal couché 
(fig. 550). Rawlinson, t. i, p. 473; Perrot et Chipiez, 
Hisl. de l'art, t. H, p. 107, 652. Assurbanipal parle 
de plantations de vigne faites sur les bords du canal 
de Kalakh. A Delattre, Les travaux hydrauliques en 
Babylonie, dans la Revue des quest. scientif., 1888, 
t. xxiv, p. 481. Sennachérib, dans V Inscription de 
Bavian, H. Pognon, Paris, 1879, in-8°, p. 9, rappelle 
les vignes qu'il a plantées aux environs de Ninive. — La 
vigne était aussi cultivée en Perse, et c'est avec abon- 
dance qu'on servait à la table royale les vins des meil- 



2425 



VIGNE 



242& 



leurs crus. Esther, i, 7. La couche de Darius était om- 
bragée d'une belle vigne d'or. Hérod., vu, 27. 

S'il fallait en croire Hérodote, H, 77, l'Egypte n'aurait 
pas eu de vignes. Mais s'il ne veut pas parler d'une 
région particulière, celle des marais, il se contredit 
lui-même, n, 37, 168. La vigne était connue en Egypte 
dès la plus haute antiquité; on y regardait Osiris 
comme l'inventeur de sa culture. Gr. Woenig, Die 
Pflanzen im altem Aegypten, in-8», Leigzig, 1886, 
p. 259. La Bible fait allusion aux vignes de ce pays. 
C'est le grand échanson qui est représenté pressant 
des grappes de raisin dans la coupe du Pharaon, Gen., 
XL, 11; ce sont des Hébreux qui regrettent de ne point 
trouver dans la contrée du Sinaï des vignes comme en 
Egypte, Num., xx, 5; c'est la grêle qui dans une des 
plaies d'Egypte détruisit les vignes du pays. Ps. lxxvih 
(Vulgate, lxxvii), 47; Ps. cv (Vulgate, civ), 33. Les mo- 
numents prouvent la culture de la vigne en Egypte; 
même dès les temps les plus reculés ils représentent 
la cueillette du raisin et la fabrication du vin.Lepsius, 



la vigne et la fabrication du vin en Egypte dès les 
temps les plus reculés. Dans les inscriptions, la vigne se 

nomme I ^k <=• ^"J -arouri, de même le raisinl -=- 

arouri, en copte «AoAi, aloli. Le raisin séché au 
soleil s'appelait aschep ou schep; le raisin vert gan- 
gani. Voir fig. 553, col. 2431. 

En traversant la presqu'île du Sinaï, les Hébreux 
n'avaient pas rencontré de vignes. Num., xvi, 14; xx, 
5. Mais en se rapprochant du pays de Chanaan, ils en 
trouvent dans le pays d'Édom. Num., xx, 17. Déjà, 22 
ou 23 siècles avant notre ère, le fugitif Égyptien Sinou- 
hit parle des vignes qu'il avait vues en ce pays. « Le 
vin, dit-il, y est en plus grande quantité que l'eau. » 
G. Maspero, Hist. ancienne, t. i, p. 471. Les Hébreux 
rencontrent la vigne chez les Amorrhéens, Num., xxi, 
21, et dans le pays de Moab, où les vignobles étaient 
entourés de clôtures. Num., xxn, 24. Plus tard, Isaïe, 
xvi, 8, vante les nombreux vignobles de l'ancien pays 
de Moab. 







550. — Le roi Assurbanipal et la reine se reposant et buvant au son de la musique, sous un berceau de vigne. 

British Muséum. 



Denkm., H, 13, 49, 53, 61, 96, m et 111, 11. Au tombeau 
d'Amten (de la III" dynastie), on énumère parmi les 
domaines du défunt, des vignobles qui produisent « du 
vin en grande quantité. » Lepsius, Denkm., Il, 7 6; 
Maspero, Journal asiatique, 1889, t. I, p. 390; Études 
égyptiennes, t. Il, p. 231. Le scribe Anna avait fait 
planter douze vignes dans son jardin; l'officier d'Amen, 
hotep II en avait fait mettre vingt-quatre. Fréquem- 
ment, les plans de maison et de jardin de la XVIII e ou 
XIX e dynastie présentent des treilles disposées en ber- 
ceaux, soutenues par des colonnettes sur lesquelles des 
ceps de vigne étendent leurs rameaux chargés de 
fruits. Au Ramesséum de Thèbes on a trouvé des cel- 
liers remplis de grands vases et amphores portant sur 
la panse, écrites en hiératique, la date de la récolte et 
la mention a vin de transport ». G. Maspero, Guide du 
musée de Boulaq, p. 287. Des feuilles de vigne, des 
grains de raisin se rencontrent dans les tombes les 
plus anciennes et on en a recueilli des spécimens dans 
tous les musées, Bulletin de l'Institut égyptien, n. 5 
(1884), p. 9; Botanische Jahrbùcher (1886), t. vin, p. 8. 
Les grains du musée du Louvre sont à peau épaisse et 
à gros pépins. Recueil de travaux, t. xvii, p. 194. 
A toutes les époques, les monuments montrent des 
rois ou des particuliers faisant aux dieux des libations 
de vin dans des vases spéciaux. Cf. Erman, Life in an- 
dent Egypt, Londres, 1894, in-8», p. 271; Ebers, 
Aegypten und die Bûcher Mose's, p. 323-330. 
Il ne saurait donc y avoir de doute sur la culture de 



Mais c'est surtout la Palestine qui est le pays du blé 
et de l'orge, mais aussi de la vigne et du figuier. Deut., 
vin, 8. Je vous donnerai, dit Dieu aux Israélites, Jos., 
xxiv, 13, du fruit de vignes que vous n'avez point 
plantées. Cf. II Esd.,ix, 25. "Les espions envoyés dans 
la terre de Chanaan, pour explorer le pays, trouvèrent 
une vallée où les vignes étaient magnifiques et ils cou- 
pèrent une branche de vigne avec sa grappe aux. 
dimensions si extraordinaires que pour la rapporter 
sans la froisser, ils la suspendirent à une perche et 
la portèrent à deux. Num., xm, 24. Aussi, donnè- 
rent-ils à cette vallée le nom de vallée d'Escol, ou 
vallée de la Grappe. On voit encore de nos jours en. 
Palestine des raisins d'une grosseur extraordinaire 
(fig. 551). 

Au pays de Galaad, les vignobles de Sabama et de 
Jazer étaient particulièrement renommés. Is., xvi, 8- 
10; Jer., xlviii, 32-33. On vantait aussi les vignes 
d'Hébron et d'Engaddi, des collines de Samarie et du 
Carme], delà vallée du Jourdain. Num., xm, 26; Jud.. 
ix, 27; III Reg., xxi, 1; II Par., xxvi, 10; Cant., i v 
14; vin, 11; Jer., xxxi, 5; Ose., xiv, 8, etc., Par 
toute la Palestine, spécialement sur "les collines, 
sur les hauteurs, on voyait des vignobles. Is., v, 1; 

XXVIII, 1. 

3" Culture de la vigne. — Bien que le sol et le climat 
de la Palestine fussent favorables à la vigne, elle de- 
mandait cependant des soins. Soit pour la planter, 
soit pour l'entretenir, on remuait soigneusement le 



2427 



VIGNE 



2428 



sol à la bêche, et on enlevait les pierres. Is., v, 2. Ce 
n'est pas le travail auquel se livrait le paresseux qui 
laissait croître les ronces et les épines. Prov., xxiv, 
30-31. Pour préserver des vignobles ou champs de 
vigne contre la tentation des passants ou contre les 
pillages des Bédouins, Job, xxiv, 1, ou contre les cha- 
cals, on les entourait de murs ou de haies, et dans 
l'intérieur on élevait une tour ou une cabane pour 
loger des gardiens au temps où les raisins commen- 
çaient à mûrir. Num., xxn, 24; Is., i, 18; v, 2, 11; 
Matth., xxi, 33. Ces tours ont d'ordinaire jusqu'à 
4 m 50 de haut sur quatre coudées ou l m 80 de largeur. 
Voir Tour, fig. 517, col. 2291. 

S'il faut en croire Pline, #. N., xvn, 35, du moins 
en ce qui regarde la Syrie, on aurait laissé la vigne 
ramper à terre, comme on le voit encore en cer- 
tains endroits de la Palestine. On avait en même temps 
l'habitude de faire monter la vigne sur les arbres. 
Is., cv, 33; Jer., vin, 13; Hab., iv, 17; Is., m, 12. Les 
vignes de Silo, devaient êlre assez élevées puisque 
les Benjamites purent s'y mettre en embuscade. Jud., 
XXI, 20, 21. Du moins près des habitations on faisait 
grimper la vigne sur des figuiers; de là est venue 
l'expression proverbiale : Se reposer sous sa vigne et 
son figuier. III Reg., iv, 25; Mich., iv, 4; Zach., ni, 
10, Luc, xin, 6. 
Une fois plantée, la vigne exigeait encore des soins. 

II fallait l'émonder, couper les branches inutiles. Joa., 
xv, 2-6. On taillait la vigne à la serpette, mazemêrâli. 
Is., H, 4; v, 16; xvm, 5; Joël, iv, 10. Il fallait attendre 
les fruits pendant trois ans après la plantation : ce 
n'était qu'à la quatrième année qu'on pouvait en ré- 
colter. Is., xxxvii, 30; Ma'aSer scheni, 5. 

La vigne était une des richesses de la Terre Promise. 
C'était donc une source de revenus : aussi les rois de 
Juda ou d'Israël ne pouvaient la négliger. Samuel avait 
prédit aux Israélites qui désiraient un roi, que celui-ci 
leur prendrait la dîme de leurs vignes, I Reg., vin, 14- 
15, et même donnerait leurs vignes à ses serviteurs. Le 
fils d'Isaï, dit Saiil aux Israélites qui penchaient pour 
David, vous donnera-t-il des champs et des vignes? 
I Reg., xxn, 7. La vigne de Naboth convoitée par 
Achab, roi d'Israël, et acquise par Jézabel au prix du 
meurtre de son propriétaire, est célèbre par le châti- 
ment qu'attira cette iniquité sur les deux coupables. 

III Reg., xxi, i-24. 

Pour l'administration des vignes qui lui apparte- 
naient, David avait préposé Séméi de Rama. Zabdias 
l'Aphonite était chargé des provisions de vin. I Par., 
xxvn, 27. Dans l'Ecclésiaste, n, 4, le sage se bâtit des 
maisons et plante des vignes. La femme laborieuse du 
livre des Proverbes, xxxi; 16, avec les fruits de son 
labeur plante une vigne. 

Chacun en Israël voulait se faire une vigne plus ou 
moins considérable, et se reposer à l'ombre de sa 
vigne et de son figuier. IV Reg., xvm, 31. C'est, pour 
qu'ils ne s'attachent pas à un coin de terre et qu'ils 
restent nomades, que Réchab défendit à ses fils de 
planter de la vigne. Jer., xxxv, 7-9. Dans la disette 
de blé, le peuple engagea sous Néhémie ses champs et 
ses vignes. II Esd., v, 3-11. 

Lorsque le peuple est infidèle, il est menacé de voir 
périr ses vignes et le châtiment ne tarde pas à le faire 
réfléchir. Dès le temps de Moïse la menace lui en est 
faite : « Tu planteras une vigne et tu n'en jouiras pas, 
tu n'en boiras pas le vin, » est-il dit dans les malédic- 
tions du ch. xxvm, 30 et 39. Sophonie, i, 13, et Amos, 
v, 11, reprennent cette menace. « Vos vignes et vos 
figuiers, dit Amos, iv, 9, ont été dévorés par les saute- 
relles. » « Je dévasterai ses vignes et ses figuiers, » est-il 
annoncé à Israël dans Osée, n, 12. » Le jus de la 
vigne est en deuil, le cep languit, » annonce Isaïe, 
xxiv, 7. s En ce jour-là, dit-il, vu, 23, tout vignoble de 



mille ceps de vigne valant mille pièces d'argent sera 
couvert de ronces et d'épines. » Aussi le prophète, 
xxxn, 12, dépeint le deuil de la nalion : « On se lamente 
sur les belles vignes fécondes. » « Plus de raisins à la 
vigne, dit Jérémie, vin, 13, ni de figues au figuier. La 
feuille même est flétrie. » « Il n'y aura rien à récolter 
dans les vignes, » dit aussi Habacuc, m, 17. Mais si 
Israël se repent et retourne à son Dieu, il reviendra 
en Palestine y planter la vigne. Ézech., xxvm, 26. La 
vigne ne sera plus stérile dans ses campagnes. Mal., 
m, 11. 

Un certain nombre de lois concernent la culture, 
l'entretien ou la récolte de la vigne. La loi permettait 
d'entrer dans la vigne du prochain, d'en cueillir des 
grappes et d'en manger selon son désir, mais défendait 
d'en emporter dans un panier. Deut., xxm, 24. Mais 




551. — Raisin de Palestine. 

si quelqu'un a fait du dégât dans un vignoble, il don- 
nera en dédommagement le meilleur de son vignoble. 
Exod., xxn, 5 (hébreu, 4). En faisant la cueillette des 
raisins pour la vendange, on ne devait pas revenir sur 
ses pas pour ramasser les grappes oubliées dans la 
vigne, mais les laisser à la disposition des pauvres et 
des étrangers. Lev., xix, 10; Deut., xxiv, 21. Pour le 
vigneron qui donne tous ses soins à la vigne de celui 
qui le prend à son service, il est juste qu'il participe à 
son fruit. I Cor., ix, 7. Le repos de l'année sabbatique 
concernait aussi les vignes. Durant la septième année, 
on ne devait ni semer, ni tailler la vigne, ni récolter, 
Exod., xxm, 11 ; la loi est reprise. Lev., xxv, 1-7. Cette 
septième année doit être une année de repos, de sabbat 
pour la terre. Lev., xxv, 4. Durant le naziréat, on ne 
devait manger d'aucun produit de la vigne, pas même 
les pépins ou la peau des raisins. Num., vi, 3-4; Jud., 
13-14. Quant à celui qui venait de planter une vigne 
et n'en avait pas encore recueilli le fruit, il était 
dispensé d'aller faire la guerre. Deut., xx, 6. On voit 
une application de cette loi dans I Mach., m, 56. 
4° Vendanges. — La vendange, bàçir, commençait 



2429 s 



VIGNE 



2430 



dans la Palestine au mois de septembre et devait 
être achevée dans la première moitié d'octobre, époque 
de la fêle des Tabernacles, qui indiquait la fin de 
toutes les récoltes. Comme à la moisson, le temps des 
vendanges était une époque de réjouissances. Vignes 
et pressoirs retentissaient alors de chants. Ce chant, ce 
hourra des vendangeurs se nommait hêdâd. Jud., IX, 
27; 1s., xvi, 10; Jer., xxv, 30; xlviii, 33. Aussi pour 
peindre la désolation de Moab, le prophète ne manque 
pas ce trait : 

Plus encore que sur Jazer,je pleure sur toi, vigne de Sabama. 

Tes sarments s'étendaient jusqu'à la mer (Morte) et au delà 

Ils touchaient à Jazer. 

Le dévastateur s'est jeté sur ta récolte et sur ta vendange. 

La joie et l'allégresse ont disparu des vergers 

Et de la terre de Moab ; 



exprimé, on le conservait dans des outres de peau de 
chèvre, Jos., ix, 4;Job, xxx[l, 19; Matth.,ix, 17, ou bien 
dans des vases ou amphores de terre. Jer., xm, 12; 
xl vm, 11. On soutirait les vins pour les clarifier. Is., 
xxv,6; Jer., xlviii, 11. On rangeait les vases à vin dans 
les celliers. I Par., xxvii, 27. Il s'agit là des celliers où 
David faisait garder son vin; Ezéchias avait les siens, 
II Par., xxxii, 18. Quant au cella vinaria de Cant., 
xi, 4, ce n'est pas le cellier, mais l'endroit où l'on boit 
le vin, où l'on se réjouit. Voir t. n, col. 396. 

5° Produit de la vigne. — Une partie des raisins était 
réservée pour être mangée en nature, ou sous forme 
de raisins secs entrer dans la fabrication de certaines 
espèces de gâteaux, la debêldh, ou la 'âsisâh. Voir Gâ- 
teau, t. m, col. 115. Mais la plus grande partie de la 
récolte servait à faire du vin que l'on buvait avant ou 




552. — Vignoble assyrien. D'après Layard, Homtments of Nineveh, t. i, pi. 81. 



J'ai fait tarir le vin des cuves. 

On ne le foule plus au bruit des hourras 

Le hourra (hêdad) n'est plus le hourra! Jer., xlviii, 32-33. 

Dans les vignes de Sabama, dit également Isaïe, xvi, 
10, plus de chants, plus de cris de joie. Le hêdad a 
■cessé. 

Les vendangeurs cueillaient les raisins dans des 
paniers et les jetaient dans le pressoir. Le pressoir 
porte les noms de gaf, yéqéb, pûrâh. Zach., iv, 13; 
Job, xxiv, et Joël, iv, 13; Is., xlih, 3, et Agg., n, 16. 
A prendre les choses avec précision, le gaf est la 
grande cuve où l'on entasse le raisin, le yéqéb est la 
cuve placée sous l'appareil à pression, le pûrâh est 
l'appareil à pression. Au lieu de l'appareil à pression, 
on employait aussi le pressoir à torsion. Voir t. v, 
col. 612. Le pressoir était d'ordinaire dans le verger 
même : il consistait en une simple cuve en pierre où 
l'on jetait les grappes, qui étaient foulées aux pieds 
par les vendangeurs. Une ouverture dans le fond de 
cette cuve laissait passer le liquide dans un réservoir, 
souvent creusé dans la terre et maçonné. Cf. Van Len- 
nep, Bible lands, t. i, p. 117; Robinson, Biblical 
researches, t. m, p. 137. Quand le vin pressé était bien 



après la fermentation. Voir Moût, t. iv, col. 1330; Vin 
t. v, col. 

6» Comparaisons, paraboles. — Les comparaisons, 
les proverbes, les allégories tirées de la vigne sont 
en grand nombre dans la Bible. 

Dans l'apologue des arbres qui se cherchent un roi, 
la vigne, comme l'olivier et le figuier, représente les 
bons Israélites, qui, chacun dans leur situation, pro- 
duisent des fruits utiles et appréciés de tous, par opposi- 
tion au buisson qui n'a que des épines et qui ne peut 
même pas fournir un ombrage commode contre l'ar- 
deur des rayons du soleil, image d'Abimêlech, homme 
méchant qui ne peut que blesser et nuire. Jud., IX, 7-20. 

L'importance de la vigne en Israël, les soins mul- 
tiples qu'elle exigeait ont amené les auteurs sacrés à y 
voir une belle allégorie des soins de Dieu pour son 
peuple, et à la développer très fréquemment. Israël est la 
vigne de Jéhovah. Cette vigne a été apportée d'Egypte, 
Ps. lxxx (lxxix), 8-14, plantée à la place des nations 
qui occupaient la terre de Chanaan. Solidement enra- 
cinée, ses rameaux se sont étendus depuis la mer j usqu'au 
fleuve, c'est-à-dire ont couvert toute la Terre Promise. 
Mais cette vigne qui fut longtemps prospère a vu ses 
clôtures se rompre, et les bêtes sauvages l'ont dévastée; 



2431 



VIGNE — VIGNE DE SODOME 



2432 



le feu l'a brûlée et l'on a coupé ses rameaux. Ps.lxxx, 
13-20. C'est la prise et la ruine de Jérusalem et la 
captivité de Babylone qui sont peintes sous ces images. 
Les mêmes idées et les mêmes images ont souvent été 
reprises par les prophètes. C'est le sujet de la belle 
parabole d'Isaïe, v, 1-7. Dans ce chant de l'amour de 
Jéhovah pour sa vigne les deux premières strophes dé- 
crivent l'amour et les soins de Dieu payés par l'ingrati- 
tude de son peuple, les deux suivantes, le jugement; 
puis les strophes 5 et 6, le châtiment, enfin les strophes 
7 et 8, l'application à Israël. Ce petit chant décrit au 
complet tous les soins qu'on donnait à la vigne en 
Palestine. 

Isaïe revient sur cette image, c. m. Les chefs du 
peuple ont brouté la vigne, c. xxvii, 26 : c'est la 
vigneau vin généreux gardée par Jéhovah. Après avoir 
été châtié, Israël fleurira de nouveau et donnera des 
rejetons. Jérémie, ri, 21, développe ce sujet à son tour : 
Israël planté comme une vigne excellente, tout entière 
d'une souche franche, s'est changée en sarments 




553. — Treille égyptienne. 

D'après Wilkinson, Manners and customs, 

2- édit., fig. 153, p. 380. 

bâtards d'une vigne étrangère. Il annonce, VI, 9, qu'on 
grappillera comme une vigne les restes d'Israël. De 
nombreux bergers détruiront la vigne. Jer., xii, 10. 
Pour Ezéchiel, xv, 2-6, Israël est la vigne stérile dont 
le bois n'est bon à rien. Au ch. xvn, il développe la 
même image d'Israël, la vigne plantée dans une bonne 
terre bien arrosée, et en la combinant avec l'image 
des deux aigles de Babylone et d'Egypte, il en fait une 
parabole sur les destinées de la maison de David. 
De même au ch. xix, 10-14, c'est une lamentation sur 
la vigne d'Israël si bien plantée et qui promettait du 
fruit, et qui est maintenant arrachée, et consumée par 
un feu sorti de l'une de ses branches, c'est-à-dire par 
la faute de Sédécias. Dans Joël, i, 6-12, c'est une inva- 
sion de sauterelles qui a dévasté la vigne de Jéhovah. 
Pour Osée, x, 1, Israël est une vigne luxuriante, chargée 
de fruits, qui est devenue infidèle à Dieu et idolâtre. 
Mais qu'Israël revienne à Dieu et il fleurira comme la 
vigne, xiv, 8. Samarie est aussi comparée à un plant de 
vigne. Wich., i, 6. 

L'allégorie de la vigne représentant Israël était si 
bien reçue que dans le temple d'Hérode, à l'intérieur 
du vestibule, était suspendue une magnifique vigne d'or 
dont les grappes au rapport de Josèphe avaient la 
hauteur d'un homme. Elle était placée en cet endroit 
pour symboliser Israël, la vigne du Seigneur. Voir t. v, 
col. 2065. 

Rien donc de plus familier au peuple que cette 
image. Les scribes et les Pharisiens n'eurent aucune 
peine à comprendre la parabole de Jésus-Christ se ser- 
vant de cette image de la vigne, familière aux pro- 
phètes pour dépeindre ce que Dieu avait fait pour son 
peuple et la façon dont furent reçus les envoyés du père 



de famille, maître de la vigne, et son propre fils, et le- 
châtiment des vignerons perfides avec la location de- 
la vigne à d'autres vignerons, c'est-à-dire aux Gentils. 
Matth., xxi, 33-46; Marc, xn, 1-12; Luc, xx, 9-19. 

D'autres enseignements sont tirés aussi de la compa- 
raison de la vigne. La Sagesse est comparée à la vigne 
dont les pousses gracieuses sont chargées de fruits. 
Eccli., xxiv, 23 (grec 17). Joseph est comparé à un sar- 
ment fécond, planté près d'une fontaine et dont les- 
branches couvrent la muraille. G-en., xlix, 22. Par la 
parabole des ouvriers qui vont à différentes heures 
travailler à la vigne, Jésus-Christ veut montrer aux 
Pharisiens que pour entrer dans le royaume messia- 
nique Dieu n'appelle pas d'après les mérites antérieurs, 
mais par pure grâce. Matth., xx,l-16. A la fin des temps, 
le Fils de l'homme préside à la vendange du monde, 
Apoc, ix, 18-19. Pour exprimer la vie de la grâce, la 
vie qu'il communique aux âmes, Notre-Seigneur em- 
prunte une comparaison à la vigne. Tout sarment qui 
en moi ne porte pas de fruit, mon Père, le divin vi- 
gneron, le retranchera. Tout sarment au contraire qui 
portera du fruit, il l'émondera pour qu'il en porte 
davantage. Il faut que le sarment soit uni au cep pour 
que la sève circule en lui et qu'il porte du fruit; 
séparé du cep, il se dessèche. Ainsi, séparés de moi, 
vous ne pouvez rien faire. Et les sarments inutile* 
seront jetés au feu. Joa., xv, 1-9. 

Voir Alph. de Candolle, Origine des plantes cultivées r 
in-8», Paris, 1886, p. 151-154; Ad. Pictet, Origines indo- 
européennes, in-8°, 2 e édit., Paris, p. 295-321; Ch. Joret, 
Les plantes dans l'antiquité, in-8°, Paris, 1897, p. 138- 
141,387, 450;V. Loret, La flore pharaonique, 2 a édit., 
Paris, 1892, in-8», p. 99-101; A. Erman, Life in ancient 
Egypt, transi. Tirard, in-8», Londres, 1894, p. 196-199; 
Fr. Wœnig, Die Pflanzen im allen Aïgypten, in-8°, 
Leipzig, 1886, p. 254-276; H. B.Tristram, The natural 
hislory of the Bible, 8 e édit., in-8«, Londres, 1889, 
p. 402-413; D. Mallet, Les premiers établissements des 
Grecs en Egypte, in-4», Paris, 1896, p. 345; Wilkinson, 
Manners and customs, 2 e édit., t. n, p. i, 379-383. 

E. Levesque. 

VIGNE DE' SODOME (hébreu : géfén Sedôm; 
Septante : â\i.Tiz\aç 2o86n<ov ; Vulgate : vinea Sodomo- 
rum). Elle est mentionnée seulement, Deut., xxxn, 32 r 
où Moïse dit en parlant des impies : 

Leur vigne est du plant de Sodome 

Et du terroir de Gomorrhe ; 

Leurs raisins sont des raisins empoisonnés. 

Leurs grappes sont amères. 

Quelques auteurs, comme dom Calmet, ont cru que 
ces vers font allusion à la « pomme de Sodome ». 
Voir Jéricho, t. m, col. 1291. Josèphe en a donné la 
description, Bell, jud., IV, vm, 4, et Tacite y fait proba- 
blement allusion, Hist., v, 6. « Des cendres s'y pro- 
duisent dans les fruits, dit l'historien juif; ils ressem- 
blent par leur couleur à des fruits comestibles, mais 
quand la main les saisit, ils se dissolvent en farine et 
en cendres. » Mais cette plante (Callotropis procera) 
n'a rien qui puisse même de très loin rappeler la vigne 
et elle n'a point ses fruits en grappe. D'autres ont 
pensé à la coloquinte, dont les feuilles ont de la res- 
semblance avec celles de la vigne et dont les tiges 
s'étendent sur le sol, comme les rameaux de celle-ci. 
Voir Coloquinte, t. n, fig. 323, col. 859. Mais si elle a 
dans son feuillage quelque apparence générale qui l'a 
fait appeler « vigne sauvage », géfén èâdéh, III Reg.,iv, 
39, elle n'a point son fruit en grappe. On a voulu aussi 
y voir quelque espèce de Solanum comme le Solanum 
nigrum ou leSodomeum (t. m, col. 1290, fig. 226), etc., 
mais ces plantes n'ont rien de l'aspect de la vigne. 

Nous croyons qu'il n'y a pas à chercher ici de plante 
particulière, existant sur les bords de la mer Morte. 



•2433 



VIGNE DE SODOME — VIN 



2434 



•C'est une image créée par l'auteur pour caractériser 
Israël infidèle. Il ressemble aux habitants de Sodome 
-et de Gomorrhe, comme s'il était de leur race au lieu 
de descendre des patriarches. La corruption morale 
-d'Israël est souvent comparée dans l'Ecriture aux péchés 
de Sodome et de Gomorrhe. La vigne et ses fruits sont ici 
•des termes figurés représentant le peuple et ses actes: 
il est dégénéré et ne produit plus rien que de mauvais 
■et d'empoisonné. C'est ainsi qu'au verset suivant on 
compare ses actions à un vin qui serait un venin 
•d'aspic. La mer Morte aux eaux très amères est censée 
communiquer son amertume à tous les produits qui 
.poussent sur ses bords et spécialement à ceux des 
villes maudites de Sodome et de Gomorrhe. 

E. Levesque. 
VIGNERON (hébreu : korêm), celui qui cultive la 
vigne. — La culture de la vigne tenait une grande place 
dans la vie agricole des Israélites. Mais elle était relative- 
>ment facile. Cf.Schwalm, La vie privée du peuple juif , 
Paris, 1910, p. 12-14. Le roi Ozias avait des vignerons 
•qui travaillaient pour lui sur les coteaux des mon- 
tagnes. II Par., xxvi, 10. Isaïe,Lxi, 5, prédit qu'à la res- 
tauration les étrangers seront les vignerons d'Israël. 
Les temps de sécheresse persistante faisaient la déso- 
lation des vignerons. Joël., i, 11. Après la déportation 
chaldéenne, Nabuzardan choisit dans le menu peuple 
•des laboureurs et des vignerons pour demeurer en 
Palestine et empêcher le sol de devenir improductif. 
IV Reg., xxv, 12; Jer., lu, 16. — Notre-Seigneur met 
•en scène des vignerons dans deux de ses paraboles. 
Dans la première, il s'agit d'une vigne voisine de la ville. 
Le propriétaire loue sur la place publique des vigne- 
rons qui y vont travailler, moyennant un denier de 
salaire pour la journée. Matth., xx, 1-15. Dans l'autre 
parabole, il est question d'une exploitation éloignée et 
•considérable, comme devaient être celles du roi Ozias. 
Le maître l'a louée à des vignerons qui, pour leur 
salaire, ont une part de la récolte, tandis que l'autre 
-doit lui revenir. C'est pourquoi, à plusieurs reprises, 
il envoie des serviteurs vers les vignerons pour recevoir 
ce qui lui revient. Mais ceux-ci brutalisent et tuent les 
envoyés, méritant ainsi d'être mis à mort à leur tour, 
«près quoi le maître affermera la vigne à d'autres 
vignerons. Matth., xxi, 33-39; Marc, xn, 1-8; Luc.,xx, 
"9-15. H. Lesètre. 

VILLA (grec : àyp<5ç), domaine rural. — La Vulgate 
•emploie souvent le mot villa pour désigner le Ijtâsêr, 
xup.ii, le village ou hameau situé dans la campagne et 
-sans entourage de murs. Exod., vni, 13; Lev., XXV, 31 ; 
Num., xxxiv, 4, 9; Jos., xv, 32-62; xix, 6-38; Cant., 
vu, 11; Esth., ix, 19; II Esd., xi, 30; xn, 28. Dans 
l'Évangile, les villages ou hameaux, xwnai, dans les- 
quels passe Notre-Seigneur, n'excluent pas le bien 
de campagne, le domaine, àfpàç, villa, habité par un 
certain nombre de personnes, mais constituant la 
propriété d'un particulier. Marc, vi, 36, 56; Luc, vm, 
34; ix, 12. A l'époque évangélique, en effet, les domaines 
ruraux n'étaient pas rares en Palestine. Si le maître n'y 
résidait pas, comme le père du prodigue, Luc, xv, 25, 
des fermiers et des serviteurs les faisaient valoir, 
sous la surveillance d'un intendant, quand le do- 
maine avait de l'importance. Cf. Schwalm, La vie 
privée du peuple juif, Paris, 1910, p. 485-511. L'un 
des invités de la parabole vient de faire l'acquisition 
d'une villa, à distance de la ville. Il lui faut aller la 
visiter et il s'excuse de ne pas répondre à l'invitation 
au festin qui lui est faite. Matth., xxii, 5; Luc, xiv, 18. 
La villa comprenait certainement, avec des champs et 
des vignes, des bâtiments d'exploitation et d'habitation. 
•Celui auquel se loua le fils prodigue possédait une villa 
dans laquelle on faisait de l'élevage, particulièrement 
•celui des pourceaux. Luc, xv, 15. Simon le Cyrénéen 

DICT. DE LA BIBLE. 



revenait d'un domaine rural, quand on l'arrêta à la 
porte de la ville pour aider le Sauveur à porter sa croix. 
Marc, xv, 21; Luc, xxui, 26. Les deux disciples se 
rendaient à une villa voisine d'Emmaûs, quand le Sau- 
veur ressuscité se joignit à eux. Marc, xvi, 12. Saint 
Luc, xxiv, 28, suppose que le lieu où ils s'arrêtèrent 
ensemble se rencontrait avant qu'on arrivât dans la 
bourgade. Gethsémani est appelé en grec xwpi'ov, c'est- 
à-dire « emplacement, champ, domaine ou jardin », et 
parla Vulgate villa. Matth., xxvi, 36. Il est vraisem- 
blable qu'il n'y avait pas de domaine rural à une si 
grande proximité delà ville, mais que Gethsémani était 
un jardin, peut-être muni encore du nécessaire pour 
le pressurage de l'huile. Saint Jean, xvm, 1, appelle ce 
lieu un « jardin ». H. Lesêtre. 

VILLALPANDO Jean-Baptiste, jésuite espagnol, né 
à Cordoue en 1552 ou 1555, mort à Rome le 22 mai 1608. 
Il fut l'élève du P. Prado, son collaborateur et son con- 
tinuateur : In Ezeehielem explanaliones et appara- 
tus Urbis ac Templi Hierosolymitani, 3 in-f°, Rome, 
1596-1604. Il mourut avant d'avoir achevé le travail. 
Voir Prado, col. 593. Cf. Ch. Sommervogel, Biblio- 
thèque de la Compagnie de Jésus, t. vin, 1898, col. 768. 

VIN, liquide extrait du raisin par pression. Voir 
Pressoir, col. 613. 

1° Ses noms. — La Palestine était un pays vignoble, 
et le vin y avait une grande importance au double point 
de vue alimentaire et commercial. Aussi un assez 
grand nombre de mots sont-ils employés pour désigner 
le précieux liquide. 1. Yaîn, mot probablement primi- 
tif, qui se retrouve dans l'assyrien înu, l'éthiopien 
vâyn, le grec oTvoc, le latin vinum, etc. — 2. flémér, 
chaldéen : hâmar, de l}âmar, « bouillir, fermenter », 
oivo;, merum. — 3. Bobè', le vin de bonne qualité, 
oïvo;, vinum. — 4. Sémér, le très bon vin débarrassé 
de sa lie, olvo;, vindemia defxcata. Is., xxv, 6. — 5. 
TiroS, le vin non fermenté ou vin doux. Voir MOUT, 
t. iv, col. 1330. — 6. 'Âsîs, le premier vin, le vin doux, 
Y>.uxac[jiô;, dulcedo; olvoç véoç, mustum. — 7. Mézég, 
mésék, mimsdk, le vin mélangé, •x£pa<j|/.a, mixtum. — 
Métaphoriquement, le vin est aussi appelé dam 'ânâ- 
bim, at|x« (rtacpuX^ç, sanguis uvx, « le sang de la 
grappe ». Gen., xlix, 11 ; Deut., xxxn, 14; Eccli., 
xxxix, 26. 

2° Son origine. — Le vin est considéré comme un 
don de Dieu. Isaac souhaite à Jacob que Dieu lui donne 
l'abondance du froment et du vin. Gen., xxvn, 28. 
La Palestine est un pays de froment et de vin, Deut., 
xxxin, 28, et Juda, en particulier, « lave son vêtement 
dans le vin, » Gen., xlix, II. Dieu donne à son peuple 
« le sang de la grappe, le vin généreux. » Deut., xxxn, 
14; cf. xi, 14. Pour le juste, la cuve déborde de vin 
nouveau. Prov. , m, 10. Mais il n'y aura pas de vin pour 
Israël infidèle, Deut., xxvm, 39, 51, et le vin de ses 
ennemis sera comme le venin des serpents. Deut., 
xxxn, 33. 

3» Son traitement. — Noé s'était sans doute contenté 
de boire le jus qu'il venait d'exprimer des raisins, 
comme le fait supposer son inexpérience des effets du 
vin. Gen., ix, 21. Plus tard, on recueillit le vin au sortir 
du pressoir et on le conserva dans différents récipients, 
cruches de terre, I Reg., x, 3; xvi, 20; Jer., xm, 12, 
et outres faites de peau. Jos., ix, 13; I Reg., xxv, 18; 
II Reg., xvi, 1; Judith, x, 5. Voir Outre, t.iv, col. 1936. 
On gardait ces récipients dans des celliers, voir Cellier, 
t. il, col. 396, et dans des magasins, pour l'usage du 
Temple, I Par., ix, 29, ou des agglomérations. II Par., 
xi, 11 ; xxxn, 28. Le vin fermente et dépose au fond des 
récipients la lie, composée de matières diverses qui, 
à la longue, peuvent nuire à la qualité du vin. C'est 
pourquoi l'on transvasait le vin d'un récipient dans un 

V. - 77 



2435 



VIN 



VINAIGRE 



2436 



autre, de manière à laisser la lie au fond du premier. 
.1er., xlviii, 11, 12. On laissait vieillir le vin, pour le 
rendre meilleur. « Vin nouveau, nouvel ami; qu'il 
vieillisse, et tu le boiras avec plaisir. » Eccli., ix, 15 
(10). Après avoir bu du vin vieux, on n'en demandait pas 
aussitôt du nouveau, car on disait : & Le vin vieux est 
meilleur. » Luc, v, 39. — Avant de boire le vin, on avait 
coutume de lui faire subir quelque mélange. Isaïe, I, 
22, parle en mauvaise part du vin coupé d'eau. Ce 
mélange ne parait pas avoir été goûté des Israélites, 
comme il l'était des Grecs et des Romains.' Cf. Ana- 
créon, Od.,xxxvi, 10; Odys., m, 40. L'auteur du second 
livre des Machabées parle selon la coutume de ces der- 
niers, quand il écrit : « Il ne vaut rien de boire seule- 
ment du vin ou seulement de l'eau, tandis que le vin 
mêléà l'eau est bon et produitune agréable jouissance. » 
II Mach., xv, 40. Mais ce qui plaisait beaucoup aux 
Israélites, c'était le mélange avec le vin de certains aro- 
mates qui lui donnaient un goût particulier et surtout 
plus de force. Il est souvent question du vin aromatisé 
comme d'un breuvage de choix. Ps. lxxv (lxxiv), 9; 
Cant., vu, 3; vm, 2; Prov., xxm, 30, 31; Is., lxv, 11. 
Pour soutenir Notre-Seigneur avant son crucifiement, 
on lui présenta du vin mêlé de myrrhe, Marc, xv, 23, 
que saint Matthieu, xxvvh, 34, dit mêlé de fiel, en pre- 
nant sans doute ce dernier mot dans un sens large, 
pour marquer le goût un peu amer que la myrrhe 
communiquait au vin. Pline, H. N., xiv, 15, témoigne 
que la myrrhe donnait au vin un goût fort apprécié 
des anciens. On connaissait le vin àp(o|j.aTiTY)ç, aroma- 
tique, cf. Dioscoride, v, 64, le vin nuppivî-tTiç, pré- 
paré avec des baies de myrte, cf. Élien, Var. Hist., xn, 
31; etc. « Mêler le vin », c'était le préparer en vue du 
repas. Prov., ix, 2, 5. 

4° Ses usages. — 1. Noé, après le déluge planta une 
vigne et fut enivré par le vin dont il ignorait sans 
doute la force. Gen., ix, 20-21.— Le vin était une bois- 
son commune chez les Hébreux. Isaac en boit. Gen., 
xxvii, 25. Des échansons le versaient aux grands per- 
sonnages. Gen., xl, 5. Voir Échanson, t. n, col. 1558. 
Il figurait dans les festins et dans les simples repas, 
Deut., xiv, 26; Job, i, 18; Prov., ix, 2, 5; II Par., n, 
10; IIEsd., v, 18; Dan., v, 1, 2, 4, 23;.Iudith, xn, 12; 
Esth., i, 7; Eccli., ix, 13 (9); Is., v, 12; xxn, 13; lvi, 
12, etc., et même dans les repas funèbres. Tob., iv, 18. 
L'Ecclésiastique, xxxix, 31 (26), énumère le « sang de 
la grappe » parmi les choses qui sont de première 
nécessité pour la vie des hommes. Notre- Seigneur fit 
son premier miracle pour procurer du vin aux époux 
de Gana. Joa., n, 3. C'était une désolation générale 
quand le vin venait à faire défaut. Is., xxiv, 11 ; Jer., 
xlviii, 23; Jo., 1,10; Agg., i, 11. Aussi les faux pro- 
phètes se faisaient écouter quand ils promettaient 
l'abondance du vin. Mich., Il, 11. — 2. L'Ecclésiaste, IX, 
7, recommande de boire son vin gaiment. C'est ce qui se 
pratiquait, surtout quand le vin était de qualité supé- 
rieure. Il en venait de tel du Liban, Ose., xiv, 7; celui 
de Helbon faisait l'objet d'un commerce avec Tyr. 
Ezech., xxvn, 18. Le récit du miracle de Cana nous 
apprend que, dans le repas, on servait d'abord le meil- 
leur vin, tandis qu'on réservait le moins bon pour la 
fin, quand le goût des convives était émoussé. Joa., h, 
10. Ce trait ne préjudicie pas à la remarque de Luc, 
v, 39; car l'amphitryon qui servait du vin inférieur aux 
convives déjà désaltérés ne leur demandait pas leur 
avis et profitait plutôt de leur demi-inconscience. 
Cf. Sap., n, 7. Le goût des Israélites pour le vin est 
accusé par ces comparaisons du Cantique des can- 
tiques, i, 1, 4; iv, 10; vu, 9, qui déclare que l'amour 
de l'Époux est préférable au vin, et que la bouche de 
l'Épouse est comme un vin exquis. — 3. L'usage du vin 
n'était pas toujours suffisamment modéré. Les auteurs 
sacrés en signalent les abus. Voir Ivresse, t. m, 



col. 1048. Les ennemis vendaient des jeunes filles 
israélites pour avoir du vin. Joël, m, 3. Les Israélites 
eux-mêmes buvaient dans leurs sanctuaires idolâtriques 
le vin de ceux qu'ils condamnaient à l'amende, Am., u, 
8. Après la captivité, les Juifs exigaient de leurs débi- 
teurs un intérêt d'un centième sur le vin. II Esd., v, 
11, 15. — 4. L'abstention du vin était prescrite à Aaron 
et à ses fils, quand ils avaient à entrer dans le sanctuaire, 
Lev., x, 9; Ezech., xliv, 21, et à ceux qui se vouaient 
au nazaréat. Num., vi, 3. Elle le fut à Samson, Jud., 
xiii, 4, 7, 14, et à Jean-Baptiste. Luc, i, 15. Les 
Rechabites s'abstenaient volontairement de vin. Jer., 
xxxv, 2. Notre-Seigneur, qui en faisait usage, était 
appelé par ses ennemis « buveur de vin ». Matth., xi, 
19. — 5. Le vin servait encore au Temple pour les 
libations sacrées. Exod., xxix, 40; Num., xv, 5, 7, 10; 
xxvm, 7, 14; Ose., ix, 4. Voir Libation, t. iv, col. 234. 
On faisait aussi des libations de vin aux faux dieux. 
Deut., xxxn, 38; Esth., xiv, 17. Cyrus et Artaxerxès 
ordonnèrent de fournir du vin pour le Temple de Jéru- 
salem. I Esd., vi, 9; vu, 22. Le vin était soumis à la 
loi des prémices, Num., xvm, 12; Deut., xvm, 4; 
I Par., xxxi, 5; II Esd., x, 39; xm, 5, 12, et de la 
dtme. Deut., xn, 17; xiv, 23. — A la dernière Cène, le 
Sauveur consacra le vin pour le changer en son sang. 
Matth., xxvi, 27; Marc, xiv, 23; Luc, xxn, 20; I Cor., 
xi, 25. Il en fit ainsi, avec le pain, la matière de l'eu- 
charistie. 

5° Ses effets. — 1. Le vin réjouit Dieu et les hommes. 
Jud., ix, 13. Il réjouit le cœur de l'homme, Ps. civ 
(cm), 15, et rend la vie joyeuse. Eccle., x, 19. C'est 
pourquoi il est recommandé d'en donner aux affligés. 
Prov., xxxi, 6. Cf. Zach., x, 7. — 2. Il est un réconfor- 
tant. Melchisédech offre le pain et le vin à Abraham et 
à ses serviteurs qui reviennent de poursuivre les enne- 
mis. Gen., xiv, 18. On en apporte à David et à ses 
fidèles partisans pendant leur fuite. II Reg., XVI, 2; 
I Par., xn, 40. Le vin fortifie les vierges. Zach., ix, 17; 
Cant., n, 4. Saint Paul conseille à Timothée d'en boire 
un peu à cause de son estomac. I Tim., v, 23. — 2. Le 
vin a aussi ses inconvénients. Il est moqueur, c'est-à- 
dire porte à ne pas prendre le devoir au sérieux, 
Prov., xx, 1; il est perfide, Hab., n, 5, et égare les- 
sages. Eccli., xix, 2; Ose., iv, 11. — 3. L'Ecclésiastique, 
xxxi, 30-41 (25-30), résume les effets du vin, avec lequel 
il ne faut pas faire le brave, parce qu'il en a fait périr- 
un grand nombre. Il est comme la vie pour l'homme, et 
« quelle vie a celui qui manque de vin ? » Il réjouit quand 
il est pris à propos et avec mesure. Mais, bu à l'excès, 
il excite au mal et diminue les forces. Cf. Prov., xxi r 
17. — 4. Le vin était quelquefois employé comme 
remède. Le bon Samaritain pansa avec du vin et de 
l'huile les plaies du blessé. Luc, x,34. 

6° Métaphores. — 1. La sagesse offre aux hommes le- 
vin, c'est-à-dire ses bienfaits spirituels. Prov., IX, 5. 
A l'époque de la restauration messianique, on aura le 
vin pour rien, c'est-à-dire que les dons divins seront 
départis gratuitement. Is., LV, 1. — 2. Le vin de ver- 
tige est l'aveuglement spirituel, Ps. lx (lix), 5; le vin 
de la violence est l'esprit mauvais qui anime les mé- 
chants. Prov., IV, 17. Le vin dont Babylone abreuve les- 
nations est l'impiété et l'impudicité auxquelles elle 
invite et entraine les autres. Jer., li, 7; Apoc, xvn, 
2; xvm, 3. Le vin de la colère divine que boit le 
méchant désigne le châtiment qui lui est infligé. 
Ps. lxxv (lxxiv), 9; Jer., xxv, 15; Apoc, xiv, 8, 10; 
xvi, 19; xix, 15. H. Lesêtre. 

VINAIGRE (hébreu : homes), liquide acide qui ré- 
sulte de la transformation du vin exposé à l'oxygène de 
l'air, sous l'action d'un ferment naturelle mycoderma 
aceti. — Il était défendu à ceux qui faisaient le vœu de 
nazaréat de boire du vin ou même du vinaigre provenant 







MU 







X 







-■ . 







m 







• «&ï ^f <S& M 




illlliiiiSlHSfiiiliWHJ S 




■i «* "M& ■.■«/ '■« £»b 







CODEX VIENNENSIS GENESEOS 






2437 



VINAIGRE - VIRGINITÉ 



2438 



du vin. Xum., vi,3, — Les moissonneurs trempaient leur 
!>ain dans du vinaigre, c'est-à-dire probablement dans 
une boisson acidulée el rafraîchissante. Ruth,n, 14, — Le 
vinaigre agace les dents, comme la fumée pique les yeux, 
l'rov., x,26. Les Septante remplacentici le vinaigre par le 
raisin vert, ôjif «Ç. Verser du vinaigre sur du nitre figure 
uneaetion faite mal à propos. Prov., xxv, 20. VoîrNATRON, 
t, iv, col. 1488. — Le juste persécuté se plaint qu'on lui 
donne à boire du vinaigre. Ps. i.xix (lxviii), 22. Le même 
traitement a été iniligê à Noire-Seigneur en croix. 
Malth., xxvn, 48; Slarc.,xv,36;Lue.,xxîH, 36; Joa.,xix, 
29, 30. On ne s'expliquerait pas que les exécuteurs aient 
eu à leur disposition sur le Calvaire du vinaigre propre- 
ment dit. Mais les soldats romains portaient avec eux 
leur provision de posca, breuvage acide composé de 
vinaigre, d'eau et d'œufs. Cf. Plaute, Mil. glor., III, u, 
23; 7Vi»c, II, vu, 48; Pline, H. N., XXVII, iv, 12; 
XX VIII, v, 14; Suétone, VîtelL, 12; etc. Hs présen- 
tèrent une éponge remplie de ce liquide aux lèvres du 
Sauveur, qui se contenta d'y goûter, mais n'en voulut 
pas boire. Les circonstances supposent que l'offre avait 
été faite avec une bonne intention, mais que le Sauveur 
tint à se refuser tout soulagement. H. Lesètre. 

VINOOBONENSIS (CODEX). Ce manuscrit est 
constitué par vingt-quatre feuillets détachés, apparte- 
nant au texte grec de la Genèse. L'écriture est d'encre 
d'argent, d'onciale assez épaisse, irrégulière, que l'on 
attribue à la lin du vi« siècle. Chaque page est décorée 
dans sa partie inférieure d'une peinture : au total, qua- 
rante-huit peintures. Toutes ces peintures ne sont pas 
de la même main : le dessin est plus correct dans quel- 
ques-unes, le coloris meilleur aussi. Le sujet représenté 
dans la page reproduite (fig. 554) est divisé en deux 
scènes, où figurent les mêmes personnages : la femme 
de Putiphar dénonçant Joseph à son mari, en haut; la 
même exhibant au même le manteau de Joseph. La 
femme de Putiphar a près d'elle sa servante, le mari 
est accompagné de trou serviteurs ou officiers, une 
servante se tient à la porte. Le manuscrit appartient à 
la Hofbibliothek de Vienne, où il est coté Cod. theol. 
grxc. 11. Voyez Palseographical Society, Faenmilé», 
vol. i, planche 178. Les miniatures de la Genèse de 
Vienne, très importantes pour l'histoire de Fart, ont été 
publiées par Hartel et Wickhoff, Die Wiener Genesis, 
dans le» Jahrb. der Kunstsammlung des ailerh. Kai- 
se>'/ious,vol.xv-xvi, supplément, 1894-1895, et étudiées 
par W. Lûdtke, Untersuch. zu den Miniaturen der 
Wiener Genesis, Greifswald, 1897. P. Bàtiffol. 

VIPÈRE (hébreu : 'êféh; grec : £x t6v «; Vulgate : vi- 
pera), reptile venimeux de l'ordre des ophidiens et de 
la famille des vipéridés, reconnaissable à sa tête plus 
triangulaire et plus détachée du tronc que celle des 
couleuvres, et à sa queue arrondie en cône au lieu 
d'être aplatie en rame (flg. 555). On rencontre en Pa- 
lestine plusieurs espèces de vipères. Les plus communes 
sont la vipera ammodytes et la vipera euphratica, de 
couleur claire, à tête large et plate et à queue subi- 
tement contractile. La grande vipère jaune, daboia 
xanthina, est la plHS grosse vipère de Palestine. 
Ses mœurs nocturnes la rendent particulièrement 
dangereuse. Elle est de taille à engloutir dans son 
estomac un levraut, une caille, ou quelque autre animal 
semblable. Le serpent que l'hébreu désigne par le mot 
'e/V/net que les versions appellent o'ïk, «hks, pao-tXid- 
xo;, vipera, regulus, ne diffère probablement pas de 
Vel-ephah arabe, serpent venimeux du Sahara, Vechis 
arenicoht ou vipère de sable, commune dans le nord de 
l'Afrique, en Arabie et en Syrie. Elle est longue d'une 
trentaine de centimètres et a des mouvements très rapi- 
des. Sa morsure est fréquemment mortelle, bien que 
moins redoutable que celle du cobra ou du céraste. On 



la rencontre très souvent en hiver dans les pierres des 
bords de la mer Morte, et dans les broussailles des 
rivages du Jourdain. « Ces fourrés recèlent plusieurs 
animaux peu agréables à rencontrer, surtout la vipère 
echis arenicola, fort redoutable... Ces serpents, qui 
dans d'autres contrées s'enterrent ordinairement dais 
les sables arides, étant ici sans cesse exposés à être 
noyés par les crues subites du Jourdain, ont pris la 
singulière habitude de s'enrouler aux brandies, à 
une grande hauteur, et de se cacher dans les troncs 
des arbres. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 
1884, p. 448, 455. — La vipère est nommée trois fois 
dans l'Ancien Testament. Dans Job, xx, 16, il est dit que 
la langue de la vipère tuera le méchant. La langue de 
la vipère est inoflensive; l'animal porte des crochets 
creusés en forme de tubes par lesquels s'écoule le 
venin produit par des glandes spéciales et introduit 
dans la chair de la victime au moyen de la morsure. 
L'auteur sacré parle donc de la langue de la vipère 
selon les apparences. Aujourd'hui encore nous appelons 
« langue de vipère » celle qui calomnie. Isaïe, xxx, 6, 
parle de la vipère comme infestant le désert qui sépare 
la Palestine de l'Egypte. Ailleurs, il compare la 




555. — Vipère. 

conduite des méchants à un œuf qu'on écrase et dont 
il sort une vipère. Is., ux, 5, Sur ce texte, voir Œuf, 
t. tv, col, 1755. Sur les autres serpents analogues, voir 
Aspic, Basilic, t. i, col. 1124, 1495; Céraste, t. ri, 
col. 432. — Dans le Nouveau Testament, la vipère 
devient l'image des pharisiens et des saddueéens. S*r 
les bords du Jourdain, infestés de vipères, saint Jean- 
Baptiste interpelle les sectaires en les appelant a mo- 
de vipères » et en constatant qu'ils savent fuir la colère 
qui vient, sans doute comme les vipères fuient l'inon- 
dation. Jfatth., m, 7; Luc, m, 7. Notre-Seigfceor 
applique le même nom aux scribes et aux pharisiens, 
pour dénoncer leur influence perfide et leurs allures 
cauteleuses. Matth., xu, 34; xxm, 33. — La vipère qui 
mordit saint Paul à la main, dans l'île de Malte, Act,, 
xxviii, 3, devait être la vipère méditerranéenne, vipera 
aspis, qu'on trouve en Sicile et dans toutes les Mes do 
la Méditerranée. La blessure était mortelle, car les 
insulaires, habitués au* suites de pareils accidents, 
s'attendaient à voir saint Paul enfler et tomber mort 
subitement. Act., xxvm, 6. La vipère n'existe plus à 
Malte, pas plus d'ailleurs que dans d'autres Iles où sa 
présence était signalée par Pline, H. A'., iv, 12. L'Ile 1 
était autrefois très boisée, de sorte que saint Paul 
put y ramasser facilement des fogots; les reptiles pou- 
vaient par conséquent s'y abriter à l'aise. Aujourd'hui, 
par suite des défrichements successifs, on n'y rencontre 
plus que quelques arbres. » Breusing, Die Ntmtik der 
Alten, Brème, 1886, p. 191; Vigoureux, Le N. T. et 
les découvertes archéologiques, Paris, 1896, p. 344; 
Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 
1889, p. 275-277. H. Lesêtre. 

VIRGINITÉ (hébreu : bef&lim), état de celle qui est 
restée vierge. — La fille de Jephté pleure pendant deux 
mois sa virginité, Jud., H, 37, non qu'elle soit perdue, 



*2439 



VIRGINITÉ — VISION 



2440 



mais parce qu'elle ne doit pas aboutir au mariage. 
L'idée de la virginité volontaire n'apparaît qu'avec 
l'Évangile, en la personne de Marie, Luc, i, 34, qu'imi- 
teront ensuite les vierges chrétiennes. — Ézéchiel, 
xxm, 3, accuse les deux sœurs, Samarie et Jérusalem, 
d'avoir prostitué leur virginité. — La loi supposait 
qu'un mari pouvait contester la virginité de sa jeune 
épouse. Les parents de celle-ci produisaient alors, 
devant les anciens, les signes de la virginité de leur 
fille, appelés aussi befûlîm. La présentation de ces 
preuves, qui étaient déployées, entraînait pour le mari 
une amende de cent sicles d'argent à verser au père et 
à la mère, et la perte du droit de répudiation. Dans le 
cas où les preuves en sa faveur faisaient défaut, la jeune 
femme était lapidée. Deut., xxn, 13-21. Chez les 
Hébreux, comme chez d'autres peuples anciens, exis- 
tait donc l'obligation, pour le jeune marié, la nuit 
même des noces, de transmettre aux parents de 
l'épouse, qui attendaientau dehors, un linge ensanglanté 
qui constituait une preuve de la virginité et que ceux- 
ci pouvaient plus tard produire en témoignage. C'était 
une sûreté qu'aimaient à se donner les Orientaux et 
dont leurs mœurs s'accommodaient. Chez les Arabes, 
le nouveau marié, après avoir reçu sa femme dans sa 
tente, « sort avec un mouchoir ensanglanté à la main, 
qu'il va montrer aux parents et aux amis assemblés. » 
De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 
■1718, p. 226. Cf. de Hummelauer, In Deuteron., Paris, 
1901, p. 400; Piérotti, La Palestine actuelle, Paris, 
1865, p. 252. H. Lesêtre. 

VISAGE. Voir Face, t. n, col. 2165. 

VISION (hébreu : fyâzôn, lyâzât, Ifizâyôn, hîdâh, 
mahâzéh, mar'éh, mar'âh; chaldéen : fypzév; Septante : 
8p«[ia, ôxcauta; Vulgate : visio, visus), phénomène 
surnaturel au moyen duquel Dieu montre ce qu'il veut 
faire savoir ou faire dire. 

I. Sa nature. — 1° Dieu communique de trois ma- 
nières dillérentes, mais non exclusives l'une de l'autre, 
ce qu'il veut faire entendre. La vision peut être cor- 
porelle, quand un objet extérieur frappe les sens, comme 
quand Moïse voit le buisson ardent, Exod., m, 3; ima- 
ginative, quand la représentation surnaturelle saisit 
l'imagination sans le secours des sens, comme quand 
Ézéchiel, I, 4-28, a la vision des quatre êtres à face 
d'homme, de lion, de taureau et d'aigle; intellectuelle, 
quand la communication divine ne s'adresse qu'à l'in- 
telligence, comme dans la prophétie des semaines. 
Dan., ix, 20-27. La vision intellectuelle peut subsister 
seule, mais les deux autres la supposent toujours; 
autrement, elles seraient inintelligibles. Les trois formes 
peuvent d'ailleurs être liées ensemble. Ainsi, dans le 
mystère de l'annonciation, Marie a la vision sensible 
de l'ange, la vision imaginative de l'ombre du Saint- 
Esprit la couvrant pour la rendre mère, et la vision 
intellectuelle de la volonté divine qui attend son con- 
sentement. Luc, i, 28-38. Les mages ont la vision 
sensible de l'étoile et la vision intellectuelle de sa 
signification. Matth., h, 2. Saint Pierre a la vision 
imaginative de la nappe pleine d'aliments divers et la 
vision intellectuelle de la volonté de Dieu par rapport 
à Corneille. Act., x, 11, 19, 20. — 2° La vision surna- 
turelle est essentiellement objective, c'est-à-dire ayant 
une cause réelle indépendante de l'esprit de l'homme. 
Elle produit en celui qui la reçoit la conviction que 
Dieu même est intervenu. Elle se distingue ainsi des 
visions que s'attribuent les faux prophètes, et qui ne 
sont que ténèbres et Snensonge, Mich., m, 6; Jer., 
xxiii, 16; Zach'., jkiji, 4, des songes ordinaires, qui 
n'ont qu'une cause subjective, et de ces représenta- 
tions fugitives et inconsistantes qui saisissent l'esprit 
pendant la nuit sans laisser ; de traces. Job, xx, 28; 



Is., xxix, 7. — Elle se distingue aussi de la parole que 
Dieu adresse directement à quelqu'un, pour lui révéler 
ses pensées et ses ordres. Cette distinction est expres- 
sément notée au sujet de Moïse. « Si vous avez quelque 
prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est 
en songe que je lui parle. Tel n'est pas mon serviteur 
Moïse... Je lui parle bouche à bouche, en me faisant 
voir, et non par énigmes. » Num., xn, 6-8. — 3° Les 
visions se produisent habituellement la nuit, alors que 
l'attention de l'âme n'est pas distraite par le spectacle 
des objets extérieurs. Gen., xl vi, 2; Job, iv, 13; vu, 
14; xxxni, 15; Dan., vu, 7, 13; Act., xvi, 9; xvm, 9. 
Elles peuvent se présenter sous forme de songes d'ori- 
gine surnaturelle, comme ceux du pharaon d'Egypte, 
Gen., xli, 1-7, et de Nabuchodonosor. Dan., n, 3, 27, 
28; iv, 7-15. D'autres fois, les visions sont précédées 
de l'extase. Act., x, 17; II Cor., xii, 1-4. La vision 
surnaturelle peut aussi apparaître à quelqu'un en 
plein jour. Luc, i, 22; Matth., xvn,9; Luc, xxiv, 23; 
Act., xxvi, 19. Mais, pour l'ordinaire, il est parlé des 
visions sans qu'aucun renseignement soit donné sur 
l'état du sujet qui les reçoit. Dieu les accorde donc 
sans s'assujettir à aucune condition particulière. — 
4° Les visions surnaturelles ne sont pas l'apanage ex- 
clusif des saints personnages. D'autres en peuvent re- 
cevoir, comme Balaam, Num., xxiv, 4, 16; Baltasar, 
Dan., v, 5, 6; Héliodore, II Mach., m, 25, 26; la femme 
de Pilate. Matth., xxvn, 19; etc. — 5» Il peut se faire 
que la vision soit, pour celui qui la reçoit, purement 
corporelle ou imaginative, et que l'explication intellec- 
tuelle en soit donnée par un autre, comme il arriva 
pour les songes du pharaon et de Nabuchodonosor. 
Parfois, la vision demeure comme un « livre scellé », 
dont l'intelligence est impossible à cause de l'indignité 
de ceux qui devraient comprendre. Is., xxix, 11-12. 
Le prophète ne donne pas non plus toujours l'explica- 
tion de la vision dont il a été favorisé. Tels Ézéchiel, 
i, 4-28 ; Daniel, x, 4-xi, 45 ; saint Jean, dans l'Apoca- 
lypse, etc. 

II. Les visions bibliques. — 1° La Sainte Écriture 
raconte d'une manière anthropomorphique comment 
Dieu parle à Adam, Gen.,n,16, 22, 23; m,9;àCaïn, iv, 
6, 10, 15; à Noé, vi, 13. Il parla à Abraham en vision. 
Gen., xv, 1. — Abraham et Lot ont la vision corpo- 
relle des anges qui leur parlent au nom de Jéhovah. 
Gen., xvm, 1-xix, 3. Jacob a une vision à, Béthel 
pendant son sommeil, et voit l'échelle sur laquelle les 
anges montent et descendent. L'explication de ce sym- 
bole n'est pas donnée. Gen., xxvm, 12-15. Il ren- 
contre ensuite des anges. Gen., xxxii, 1, 2. Il a plus 
tard une vision de nuit, dans laquelle il est encouragé 
à descendre en Egypte. Gen., xlvi, 2. — Moïse reçoit 
sa vocation dans la vision du buisson ardent. Exod., 
m, 3. Balaam contemple la « vision du Tout-Puis- 
sant », qui lui révèle les destinées d'Israël. Num., 
xxiv, 4, 16. Gédéon a la vision de l'ange. Jud., VI, 12. 
La mère de Samson a une vision semblable. Jud., 
xiii, 3. A l'époque d'Héli, la vision n'était pas fré- 
quente. I Reg., ni, 1. C'est alors que Samuel a sa 
vision de nuit dans le sanctuaire et que le Seigneur 
lui indique le châtiment qui va fondre sur Israël. 
I Reg., m, 4-14. A partir de ce moment, « Jéhovah 
continuait d'apparaître à Silo, et se manifestait à Samuel 
en lui faisant connaître sa parole. » I Reg., m, 21; 
Ps. lxxxix (lxxxviii), 20. Nathan a une vision de nuit, 
qu'il est chargé de rapporter à David. II Reg., vu, 4-17. 
David a la vision de l'ange qui déchaîne le fléau sur 
son peuple. II Reg., xxiv, 17. Dans une vision à Gabaon, 
Jéhovah accorde le don de la sagesse à Salomon. III 
Reg., m, 4-15. Dans une seconde vision, il lui promet 
la stabilité de son trône, s'il est fidèle. III Reg., vin, 
2-9. — 2° Dieu multiplie ses visions aux prophètes. 
Ose., xn, 1. Il y a ainsi les visions d'Addo le voyant 



2441 



VISION 



VOCATION 



2412 



II Par., ix, 29, d'Isaïe, i, 1; II Par., xxxn, 32, d'Ab- 
dias, 1, de Nahum, I, 1, d'Habacuc, u, 2. Beaucoup de 
visions sont consignées dans les livres d'Ézéchiel, i-in, 
vin-xi, xxxvii, 1-10, xl, 14; de Daniel, II, vu, 1-8, vm, 
1, 2, ix, 21-27; d'Araos, vu, 1-9, ix, 1; de Zacharie, i. 
7- vi, 8. Ces visions doivent se réaliser. Ezech., xii, 23, 
Dieu communique sa sagesse à ceux auxquels il se 
montre. Eccli., I, 15 (12). Mais vient le temps où l'on 
cherche en vain les visions des prophètes, Ezech., vu, 
21, car les prophètes ne reçoivent plus de visions. Lam., 
n, 9. Plus tard, à l'époque du Messie, les jeunes gens 
d'Israël doivent avoir de nouveau des visions, Joël, II, 
28, ce dont saint Pierre signale l'accomplissement à la 
Pentecôte. Act., h, 27. L'Écriture ne note plus d'ici là 
que la vision réelle de Judas Machabée, auquel appa- 
raissent Onias et Jérémie, II Mach., xv, 11-16, et la 
vision des anges dans le Temple à l'impie Héliodore. 
II Mach., m, 25-30. — 3» Dans le Nouveau Testament 
sont mentionnées plusieurs visions : celles de l'ange 
Gabriel à Zacharie, Luc, i, II, et à Marie, Luc, I, 28; 
celles des anges aux bergers, Luc, n, 913, et de l'étoile 
aux mages, Matth., n, 2; les visions en songe à saint 
Joseph, Matth., i, 21; n, 13, 19, et aux mages, Matth., 
il, 12; la vision de la transfiguration, Matth., xvn, 9; 
la vision qui trouble la femme de Pilate au sujet de 
Jésus, Matth., xxvu, 19; les visions angéliques au tom- 
beau du Sauveur, Mallh., xxvm, 2-7; Marc, xvi, 5; 
Luc, xxiv, 4, 23; Joa., xx, 12, et à l'ascension, Act., i, 
10; les visions de saint Paul sur le chemin de Damas, 
Act., ix, 3-7, d'Ananie, chargé d'aller chercher saint 
Paul, Act., ix, 10, de saint Pierre, auquel ordre est 
donné de baptiser les gentils, Act., x, 9-16, de Cor- 
neille, auquel il est dit d'aller trouver saint Pierre, 
Act., x, 3-8, de saint Pierre, tiré de la prison par un 
ange, Act., xn, 7-9, de saint Paul appelé à l'aide par 
un Macédonien, Act., xvi, 10, rassuré sur le sort du 
vaisseau qui le porte, Act., xxvu, 23, et en plusieurs 
autres circonstances. II Cor., xii, 1. Enfin, l'Apocalypse 
se compose d'une suite de visions décrites par saint 
Jean : celles de la cour céleste, iv, 2-v, 14, des sept 
trompettes, vm, 2-6, des sept signes, xn, 1-xv. 4, des 
sept coupes, xv, 5-8, de la grande Babylone, xvn, I- 
xix, 10, et du Roi vainqueur, xix, 11-xui, 5. — Cf. 
S. Augustin, De Gen. ad litt., xii, 7, 16; 11, 22, 24; 
24, 51, t. xxxiv, col. 459, 462, 463, 474; Ribet, La mys- 
tique divine, Paris, 1879, t. i, p. 437-501. 

H. Lesêtre. 
VISITATION DE LA SAINTE VIERGE. Voir 
Marie, t. iv, col. 785. 

1. VISITE, démarche que l'on fait auprès de quel- 
qu'un pour le voir, le saluer, prendre de ses nouvelles, 
etc. Cette démarche est indiquée par le verbe pâqad, 
iTiimomïv, iicivxéicTEo6ai, visitare, invisere. — La 
Sainte Bible mentionne la visite de Joseph à ses frères, 
Gen., xxxvii, 14; de Samson à sa femme philistine, 
Jud-, xv, 1; de David à ses frères, I Reg., xvn, 18; de 
Thamar à Amnon, II Reg., xm,15; de la reine de Saba 
à Salomon,IIIReg.,x, 1-13; II Par., ix, 1-9; d'Ochozias, 
roi de Juda, à Joram, roi d'Israël, IV Reg., vm, 29; ix, 
16; II Par., xxn, 6; des envoyés de Mérodach Baladan 
à Ézéchias, IV Reg., xx, 12-19; des trois amis à Job, 
u, 11; de Marie à Elisabeth, Luc, i, 39-56; de Moïse à 
ses compatriotes persécutés, Act., vu, 23; cf. Exod., n, 
11-15; de Paul et Barnabe aux chrétientés qu'ils ont 
fondées, Act., xv, 36; etc. — Sur le cérémonial des 
visites, voir Politesse, Salut, col. 505, 1397. — Les 
visites sont recommandées envers les malades, Eccli., 
vu, 39 (35); Matth., xxv, 36, 43, les reclus, Matth., 
xxv, 36, 43, les orphelins et les veuves pour en prendre 
soin. Jacob., i, 27. —Être visité par le malheur, Prov., 
xix, 23, c'est avoir à souffrir physiquement ou mora- 
lement. H. Lesêtre. 



2. VISITE DE DIEU (hébreu r pequdUâh'; Septante : 
â7i!ffx£i]/i;, èmffxomfj, ex6c'xr|<Ti;), intervention 1 de Dieu 
pour exercer sa miséricorde ou sa justice. 

1° Visites de miséricorde. — Dieu visite Sara, Gen., 
xxi, 1, et Anne, I Reg., n, 21, c'est-à-dire leur accorde 
la faveur d'avoir un enfant. Dieu visite l'hommechaque 
matin, pour lui assurer son secours- providentie-1, 
Job, vu, 18, et chaque nuit, par l'intermédiaire de la 
conscience, pour juger sa conduite. Ps-, xvh(xvi), 3. 
Il visite par des songes, pour faire connaître sa volonté. 
Eccli., xxxiv, 6. Il visite, pour mettre en- mouvement 
les instruments dont il se sert. Ezech., xxxvni, 8. — 
On demande à Dieu sa visite, c'est-à-dire son secours. 
Ps. cvi (cv), 4; Judith, iv, 17; Jer., xv> 15. Joseph- 
promet aux Hébreux qu'un jour Dieu les visitera sur la 
terre d'Egypte, c'est-à-dire les en fera- sortir. Gen., l, 
24; Exod., xm, 19. Dieu les y visita- en effet pour les 
délivrer de leurs épreuves. Exod., m, 16; iv, 31. Après 
soixante-dix ans, Dieu visitera son peuple captif à 
Babylone, Jer., xxix, 10, et le résultat de sa visite sera 
le rétablissement de Juda, Soph., n, 7, et sa mise à la 
tête des peuples. Zach., x, 3. Sédécias eût été visité 
favorablement à Babylone, s'il avait su se soumettre 
aux Chaldéens. Jer., xxxn, 5. — La visite de Dieu par 
excellence a été la venue du Messie par l'incarnation. 
Luc, i, 68, 78. A la vue des miracles du Sauveur, ses 
contemporains reconnaissaient que Dieu a visité son 
peuple. Luc, vu, 16. Malheureusement, les Juifs ne 
surent pas reconnaître cette visite et en profiter. Luc, 
xix, 44. — Dieu visite la terre quand il y fait naître 
l'abondance. Ps. lxv (lxiv), 10. — Il visite les hommes 
au jour de leur jugement; saint Pierre exhorte les fidèles 
à se mettre en mesure de glorifier Dieu par leurs 
œuvres ce jour-là. I Pet., n, 12. 

2» Visites de justice. — 11 y a un temps où Dieu visite 
les hommes pour exercer contre eux sa justice, à cause 
de leurs péchés. Ps. lix (lviii), 6; lxxxix (lxxxvib), 
33; Is., x, 3; xm, 11; Jer.; ix, 25. — Il visitera le pays 
de son peuple, si le mariage y est profané. Lev., xvm, 
25. — Sa visite châtie l'iniquité des pères jusqu'à la 
quatrième génération. Exod., xx, 5; xxxiv, 7; Num., 
xiv, 18. — Elle aura raison des ennemis d'Israël, Judith,- 
xvi, 20, spécialement de l'Egypte, Jer., xlvi, 21,25; du 
roi d'Assyrie, Is., x, 12; de Moab, Jer., xlviii, 44; de 
l'Idumée, Jer., xlix, 8; Lam., iv, 22; de Babylone et 
de ses idoles. Jer., xxvu, 22; l, 18, 27, 31 ; Ll, 18, 44, 
52. — Dieu, dans sa justice, visitera également son 
peuple coupable, Exod., xxxn, 34; la maison de Jéhu, 
Ose., i, 4; Séméïe, Jer., xxlx, 32, et les faux prophètes, 
Jer., xxiii, 12 ; Juda, Ose., xn, 3, ses rois, ses prêtres 
et son peuple, Ose., iv, 9; Jer., xxm, 2, 34; Jérusalem 
et ses coupables habitants ; Is., xxix, 6; Jer., vi, 15; 
vm, 12; xi, 23; les Juifs réfugiés en Egypte. Jer., xuu, 

13, 29. H". Lesêtre. 

VIVRES. Voir Nourriture, t. iv, col. 1700. 

VOCATION (grec : -/.}.-ri<Ti;), appel par lequel Dieu 
destine quelqu'un à une fonctionou àunétatdéterminés. 

1» Vocations particulières. — La Sainte Écriture 
mentionne expressément les vocations d'Abraham, 
Gen., xn, 1, de Moïse, Exod., m, 4, d'Aaron, Exod., 
xxix, 4, de Josué, Deut., xxxi, 7, de Gédéon, Jud., VI, 

14, de Samson, Jud., xm, 5, de Samuel, I Reg., m, 3, 
de Saùl,I Reg., x, 1, de David, I Reg., xvi, 12, d'Isaïe. 
Is., vi, 9, de Jérémie, Jer., 1, 5-10, d'Ézéchiel, Ezech., 
u, 3, de Jonas, Jon., i, 1, 2, de Jean-Baptiste, Luc, i, 
13-17, de Marie, Luc, i, 31-33, des douze Apôtres, 
Matth., iv, 18-21; ix, 9; Marc, i, 20; Luc, vi, 13-16; 
Joa., i, 35-42, des soixante-douze disciples, Luc, x, 
3-7, de Saul, Act., ix, 6, de Saul et de Barnabe. Act., 
xm, 2, etc. Ces vocations sont notifiées aux intéressés 
tantôt directement, comme à Abraham, à Moïse, à 



2443 



VOCATION — VŒU 



2444 



Samuel, aux prophètes et aux Apôtres, tantôt par in- 
termédiaire angélique ou humain. Beaucoup d'autres 
vocations, dont la Bible ne parle pas, comme celles de 
la plupart des prophètes, ont été au moins intérieures. 
Les ministres du Seigneur ont une vocation spéciale- 
ment sainte. II Tim., 1, 9. Cette vocation est indispen- 
sable. Heb., v, 4. Mais Jésus-Christ appelle qui il veut. 
Marc, iii, 13; Joa., xv, 16. Saint Paul se plaît à rap- 
peler la vocation qu'il a reçue et qui autorise son mi- 
nistère. Rom., I, 1; I Cor., I, 1; Gai., i, 15. Quelques- 
uns sont infidèles à leur vocation, comme Judas. Joa., 
Tl, 70. 

2» Vocations générales. — 1. Le peuple hébreu a été, 
par vocation, le peuple de Dieu. Deut., xxvi, 18, 19; xxxn, 
9; Is., li, 16; lxiii, 8; Jer., vu, 23; Ezech., xxxvi, 20, 
28; Ose., H, 1, etc. Dieu le choisit pour en faire le 
dépositaire de la révélation et des promesses messia- 
niques et la figure du peuple racheté. Sa vocation prit 
fin à la mort du Rédempteur. — 2. Le peuple chrétien 
a pris la place du peuple juif pour devenir « une race 
choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un 
peuple que Dieu s'est acquis pour annoncer les perfec- 
tions de celui qui l'a appelé des ténèbres à son admi- 
rable lumière, » I Pet., n, 9, et à la liberté. Gai., v, 13. 
■Ce peuple est l'objet d'une vocation divine. Rom., i, 6; 
vin. 28, HÛ; ix, 24; I Cor., i, 2, 9; Gai., i, 6; II Thés., 
n,13; II Tim., i, 9; I Pet., i, 15. Il se recrute aussi 
bien chez les Grecs que chez les Juifs. I Cor., i, 24. 11 est 
appelé à la fois au royaume de Dieu sur la terre, IThes., 
11,12, età lagloiredela vieéternelle.Phil.,iii,14; ITim., 
vi, 12; Hebr., m,l; ix, 15; I Pet., v, 10; Jud., 1; Apoc, 
xix, 9. Dans deux paraboles, les sujets du royaume de 
Dieu sont divisés en xXtjto i,vocati, ceux qui ont reçu la 
vocation et sont en grand nombre, et en èxXsxtoi, 
electi, ceux qui sont choisis ou dignes de l'être, et 
sont en petit nombre. Matth., xx, 16;xxn, 14. Voir 
Él.rs, t. Il, col. 1708. Saint Paul remarque que, de son 
temps, la vocation s'adressait surtout à ceux dont la 
condition sociale était plus humble. I Cor., i, 26. Il ne 
voulait pas que cette vocation les portât à se soustraire 
à leur situation naturelle dans la société ou la famille. 
ICor., vu, 15-24. De la part de Dieu, la vocation est 
sans repentance, Rom., xi, 29. Il ne revient ni sur son 
appel, ni sur son choix. Mais, delà part de l'homme, 
la vocation réclame des efforts personnels. Il faut être 
fidèle à sa vocation, Eph., IV, 1, c'est-à-dire y répondre 
avec docilité et persévérance. Il faut mener une con- 
duite digne de sa vocation. Eph., iv, 4; II Thés., i, 11. 
Il faut s'efforcer d'assurer par des actes de vertu sa 
vocation, xX-qatç, vocatio, et son élection, ÈxXoyir;, eleclio. 
II Pet., i, 10. La- récompense viendra en son temps, et 
un jour partageront la victoire de l'Agneau xXuiTot, 
vocati, les appelés, èxXExroi, electi, les choisis, et 
msTof, fidèles, les croyants. Apoc, xvn, 14. 

H. Lesètre. 

VŒU (hébreu : 'ësâr, 'issâr,nédér; Septante tsOy.vî), 
engagement que l'on s'impose de consacrer à Dieu un 
bien présent ou futur. 

1» La législation. — 1. La pratique des vœux était 
dans les coutumes des ancêtres d'Israël, comme le 
montre l'exemple de Jacob, s'engageanl à fonder un 
•lieu de culte et à payer une dlme, si Dieu veille sur lui 
pendant son voyage en Mésopotamie. Gen., xxvm, 20- 
22; xxxi, 13. — 2. La législation mosaïque s'occupe 
d'abord des vœux au point de vue de leur objet. Les 
personnes pouvaient se vouer à Jéhovah, soit en faisant 
elles-mêmes leur vœu, soit en ratifiant celui qu'on 
avait fait pour elles. Comme, en principe, le service 
litnrgiqne de Jéhovah était assuré exclusivement par 
les léi'i tes, ceux qui avaient été voués devaient se ra- 
cheter, comme on le faisait pour les premiers-nés. La 
loi suppose quatre catégories de personnes, hommes 
ou femmes, vouées à Jéhovah : celles de vingt à soixante 



ans, celles de cinq à vingt ans, celles d'un mois à cinq ans 
etcelles qui dépassaient soixanteans. Le prix du rachat 
variait suivant le sexe et l'âge, et, pour les pauvres, était 
laissée l'estimation du prêtre. Lev., xxvn, 2-8. Voir Ra- 
chat, col. 923. — On pouvait vouer des animaux, à condi- 
tion qu'ils fussent bons et convenables. On les immolait à 
Jéhovah, et ceux qui les avaient offerts pouvaient en man- 
ger leur part, mais seulement le jour et le lendemain. 
On rachetait les animaux qui n'étaient pas acceptés pour 
les sacrifices. Lev., vu, 16; xxii, 18, 21, 23; xxvn, 9- 
15; Num., xv, 3-8. — On vouait aussi des maisons ou 
des champs, qui ensuite étaient rachetés. Lev., xxvn, 
14-25. — Ce qui était voué sous forme d'anathème 
appartenait, sans retour possible, à Jéhovah, et tout ce 
qui avait vie, même les personnes, devait être mis à 
mort. Lev., xxvn, 28, 29. On ne vouait par anathème que 
les ennemis. — 3. La loi s'occupe ensuite des per- 
sonnes qui font des vœux. Le vœu fait par un homme 
doit toujours être accompli. Le vœu fait par une jeune 
fille n'est valable que si son père ne la désavoue pas. 
Le vœu fait par une femme mariée n'est valable que 
si le mari, en l'apprenant, l'approuve au moins par son 
silence. Si, après avoir appris les vœux faits par sa 
femme, il acquiesce parson silence et ne les désapprouve 
pas de suite, une désapprobation ultérieure le rend 
responsable de leur inexécution. Le vœu d'une femme 
veuve ou répudiée est valable, sans autre formalité. 
Num., xxx, 3-16. Ces dispositions avaient pour but de 
ne pas laisser la fille ou la femme engager définitive- 
ment le chef de la famille à son insu ou contre son 
gré. D'autre part, pour assurer la tranquillité de la 
femme, le père de famille ne pouvait plus revenir sur 
son approbation, celle-ci une fois acquise. — Sur le 
vœu du nazaréat, voir Nazaréat, t. iv, col. 1515. 

2° Les conseils. — Moïse remarque que rien n'oblige 
à faire des vœux, mais que, si l'on en a fait, on doit 
les exécuter sans tarder. Deut., xxm, 21-23. C'est une 
duperie dont on est soi-même victime, que de vouer 
une chose à la légère et de ne réfléchir qu'après coup. 
Prov., xx, 25. Mieux vaux donc ne faire aucun vœu que 
de ne pas accomplir ceux que l'on a faits. Eccle., v, 4. 
Aussi les auteurs sacrés reviennent-ils souvent sur la 
question des vœux pour recommander d'exécuter les 
vœux ou pour promettre eux-mêmes de le faire. Job, 
xxii, 27; Ps. lxv (lxiv), 2; cxvi (cxv), 14-18; Nah., i, 
15; Jon., ii,10; Is., xix, 21. 

3° La pratique. — Les Israélites font vœu de livrer 
à l'anathème le peuple d'Arad, si Dieu le livre entre 
leurs mains. Num.,xxi, 2, 3. Jephté, en exécution d'un 
vœu inconsidéré, sacrifie sa fille, alors que, d'après la 
loi, il aurait dû la racheter. Jud., xi, 30. Anne fait vœu 
que, si elle obtient un fils, elle le consacrera au 
Seigneur. I Reg., I, 11, 21. Absalom fait vœu d'offrir 
un sacrifice à Hébron, si Dieu le ramène à Jérusalem. 
II Reg., xv, 7, 8. David fait vœu de n'avoir pas de 
repos tant qu'il n'aura pas trouvé un endroit favorable 
pour bâtir un temple à Jéhovah. Ps. cxxxn (cxxxi), 2. 
La femme impudique prétexte l'accomplissement d'un 
vœu pour rencontrer celui qu'elle veut séduire. Prov., 
vu, 14. Malachie, i, 14, maudit celui qui, à la suite d'un 
vœu, offre une bête chétive au lieu d'une victime sé- 
rieuse. Des paroles de Marie à l'ange Gabriel, Luc, i, 
34, on conclut qu'elle avait voué à Dieu sa virginité, 
Saint Paul avait fait un vœu, en vertu duquel il fit 
raser sa chevelure à Cenchrées. Act., xvm, 18.11 trouva 
à Jérusalem quatre hommes qui avaient fait un vœu, 
et paya les frais des sacrifices qu'ils avaient à offrir. 
Act., xxi, 23. — On faisait aussi des vœux d'un carac- 
tère plus ou moins idolâtrique. Ainsi la mère deMichas 
consacre une somme d'argent à Jéhovah, mais pour 
qu'on en fasse une image taillée et un objet en fonte, 
ce qui était défendu par la loi. Jud., xvll, 3, 4. Les 
Israélites faisaient des vœux à la reine du ciel, As- 



2445 



VŒU — VOIE 



2446 



tarthé. Jer., xnv, 25. Plus corrects sont les vœux que 
des matelots phéniciens font à Jéhovah, après avoir 
jeté Jonas à la mer. Jon., i, 16. Les idoles sont indiffé- 
rentes aux vœux que l'on fait en leur honneur. Bar., 
vi, 34. — La casuistique rabbinique s'était exercée sur 
les vœux pour tirer des conclusions vraiment abusives. 
Voir Corban, t. h, col. 958. Par la formule : « Qônam 
(corban) ! si tu tires quelque utilité de moi, » Neda- 
rim, vin, 7, ils s'interdisaient de faire quoi que ce fût 
pour quelqu'un, même pour un père ou une mère, sous 
prétexte de tout consacrer à Dieu. Cette consécration 
n'était d'ailleurs qu'hypothétique; elle n'engageait nul- 
lement. Josèphe, Cont. Apion., 1, 22, cite Théophraste 
disant que les lois tyriennes prohibaient les serments 
étrangers, entre autres le corban. L'expérience avait 
sans doute appris aux Tyriens qu'on ne pouvait pas se 
fier à cette forme de serment juif. Voir Temple, 
col. 2068. De même, par la formule : « Qônam ! si ma 
femme tire de moi quelque plaisir, » on s'obligeait à 
répudier sa femme. On pouvait même s'interdire par 
vœu d'accomplir un acte prescrit par la Loi, comme la 
construction des huttes pour la fête des Tabernacles, 
le port des thephillin, etc. Nedarim, n, 2. Hors les cas 
de légèreté de la part de celui qui avait fait le vœu, 
d'erreur ou de contrainte, le vœu obligeait. Nedarim, 
m; ix, 1. En cas de nécessité, on en était quitte pour 
faire accomplir par un autre la chose qu'on s'était 
interdite. Nedarim, v, 6. C'est contre ces abus que 
Notre-Seigneur protesta, en déclarant que la loi de 
Dieu devait avoir le pas sur les traditions humaines. 
Marc, vu, 11-13. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc, 
Paris, 1911, p 176. H. Lesêtre 

VOIE (hébreu : dérék, 'orah, mesillâh, Sebîl; Sep- 
tante : éSd;, Tpî6oç), route, chemin, sentier pour aller 
d'un endroit à un autre. Voir Routes, col. 1229. Ces 
mots sont pris par les auteurs sacrés, non seulement 
dans leur sens propre, mais encore dans plusieurs sens 
métaphoriques importants. 

1° La voie matérielle. — Il y en a de différentes 
sortes : la voie publique et entretenue avec un certain 
soin, mesillâh, ôôô;, semita, Jud., XX, 31, 32; I Reg., 
vi, 12; Is, xl, 3; la voie droite, Ps. cvii (cvi), 7; Prov., 
xii, 15; xxi, 2; Eccli., xlix, 11 ; la belle route, Prov., 
m, 17; la voie aplanie, Eccli., xxi, 11; Is., xl, 4; Luc, 
m, 5; la voie déserte, Eccli., xlix, 8; Lam., i, 4; Soph., 
ni, 6; la voie difficile, Eccli., xxxn, 25; Ps. xvn (xvi), 
4; la voie non tracée, Ps. cvn (cvi), 40; la voie spa- 
cieuse, et la voie étroite, miS'ôl, aïXal, angustia, 
Num., xxn, 24; Matth., vu, 13; la voie tortueuse, 
ma'âqasSïm, <rxoXtâ, prava, Is., xlii, 16; la voie téné- 
breuse et glissante, Ps. xxxv (xxxiv), 6; Prov., n, 13; 
iv, 19; Jer., xxm, 12; la voie boueuse et souillée, 
Ps. x, 5; Eccli., ix, 10; Zach., x, 5; la voie semée 
d'obstacles. Is., lvii, 14; Jer., l, 26; Lam., m, 9. — 
La tête de route, r'oS dérék, ou mère de route, 'êm 
dérék, Ezech.,xxi, 26, est le carrefour d'où partent une 
ou plusieurs routes. Prov., vm, 2; Is.,ii,20; Ezech.,xvi, 
25,31; Nah., m, 10; Matth, xxn, 9 : 8ie£ô8oi t&v 68&v, 
exitus viarum, le point de départ ou d'arrivée des 
routes. Il importait alors de montrer le chemin, yâlêr, 
Prov., xn, 26, aux passants qui l'ignoraient. — Chaque 
année, à partir du 15 adar, c'est-à-dire un mois avant 
la Pàque, on mettait en état les voies de communica- 
tion, à l'usage des pèlerins qui se rendaient à Jérusa- 
lem. Cf. Reland, Antiquilates sacrx, Utrecht, 1741, 
p. 228. — On réparait également les routes quand un 
roi devait y passer. Is., xl, 3; Matth., m, 3, etc. Cet 
usage subsiste encore en Orient. 

2° La vie humaine. — Vivre, c'est être sur la voie, 
in via. Matth., v, 25. On s'en va ainsi par le « chemin 
de toute la terre », par celui qui mène tous les hommes 
à la mort. Jos., xxm, 14. Malgré toute son industrie, 



l'homme est incapable d'allonger ce chemin d'une 
coudée. Matth., vi, 27. Sur ce chemin, les patriarches 
se considéraient comme des voyageurs. Hebr., xi, 13. 
Cf. Job, m, 22; vm, 19; Am., H, 7. 

3° La condition de chacun. — Rachel suit la voie 
des femmes, c'est-à-dire subit ce qui leur est ordi- 
naire. Gen., xxxi, 35. Les voies de l'impie sont souvent 
prospères. Ps. x (xi), 4. Il faut remettre à Dieu sa voie, 
c'est-à-dire son sort. Ps. xxxvii (xxxvi), 5. La * voie de 
l'Egypte » est le sort que Dieu a jadis infligé à ce pays. 
Is., x, 24. Cf. Job, m, 23; xxiv, 4; Agg., i, 5. 

4° La conduite de l'homme. — Il y a la voie des 
bons, Prov., H, 20, qui est celle de la sagesse et de la 
justice, Prov., ix, 6; xvi, 31, et la voie des méchants, 
Ps. I, 1; Prov., rv, 14; xn, 15; Is., lv, 7, qui est la 
voie du mal. Ps. cxxxix (cxxxvm), 24. Les « fruits de 
la voie » sont les conséquences de la conduite. Prov„, 
i, 31. « Garder sa voie », c'est veiller sur sa conduite, 

III Reg., il, 4; vm, 25: Ps. xxxix (xxxvm), 2. Marcher 
dans la voie ou dans les voies de quelqu'un, c'est imiter 
ses exemples. III Reg., xv, 26,34; xvi, 2,19; xxn, 23; 

IV Reg., vm, 18, 27; xvi, 3; II Par., xi, 17; Eccli., 
xl vin, 25; etc. Toutes les voies de l'homme sont fami- 
lières à Dieu. Ps. cxxxix (cxxxvm), 3. 11 a laissé les 
nations suivre leurs voies. Act., xiv, 15. 

5° Les entreprises particulières. — David était ha- 
bile dans toutes ses voies. I Reg., xvm, 14. La femme 
forte veillait sur la voie, c'est-à-dire sur la marche, 
hâlikâh, Starptëri, semitse, de sa maison. Prov., 
xxxi, 27. 

6» La conduite de Dieu. — La voie de Dieu est par- 
faite, Ps. xvm (xvn), 31, droite, Ezech., xvm, 25, et 
juste. Deut., xxxn, 4; Job, xxi, 31; xxxvi,23; Ps.cxlv 
(cxliv), 17; Ose., xiv, 10; Apoc, xv, 3. Les voies de 
Dieu ne sont pas celles des hommes. Is., lv, 8, 

7° L'œuvre de Dieu. — Dieu a créé la sagesse au 
commencement de ses voies, c'est-à-dire de son action 
créatrice. Prov., vm, 22. Les voies de Dieu sont ses 
œuvres. Job, xxvi, 14; xl, 19. 

8» La volonté de Dieu. — La voie de Dieu est la 
conduite vertueuse qu'il prescrit aux hommes. Gen., 
xvm, 19; Ps. v, 9; xxv (xxiv),4; xxvn (xxvi), 11; Jer., 
v, 4 ; etc. On demande à Dieu qu'il fasse connaître et 
aide à suivre cette voie. Ps. xxv (xxiv), 9; lxxxvi 
(lxxxv), 11 ; Is., n, 3; Mich., iv, 2. Suivre les voies de 
Dieu, c'est mener une vie conforme à la volonté divine. 
Deut., vm, 6; x, 12; xi, 22; xix, 9; xxvi, 17; xxvni, 
9; xxx, 16; Jos., xxn, 5; III Reg., m, 14; vm, 58; xi, 
33; Ps. lxxxi (lxxx), 14; Is., xxn, 24; Zach., m, 7;etc. 
Les pharisiens reconnaissent que Jésus-Christ enseigne 
vraiment la « voie de Dieu ». Matth., xxn, 16; Marc, 
xn, 14; Luc, xx, 21. Cf. Act., xm, 10.. Marcher dans 
deux voies, Eccli., n, 14 (12), Vulgate, m, 28, c'est 
tantôt suivre et tantôt transgresser la volonté divine. 

9° La religion. — Le Psalmiste demande à Dieu de 
voir s'il n'est pas dans la voie des idoles, dérék 'oséb, 
686; àvo;ua<;, via iniquitatis, et de le mener dans la 
voie d'autrefois, celle des ancêtres, dérék 'ôlâm, ôôé; 
aiwvsa, via seterna'. Ps. cxxxix (cxxxvm), 24. Ces sen- 
tiers d'autrefois sont la «voie du salut ». Jer., vi, 16; 
xvm, 15. La « voie de Bersabée » est le culte idolâtrique 
rendu au veau d'orde Bersabée. Am.,vin, 14.— Dans la 
loi nouvelle, Jésus-Christ est lui même la voie, Joa., 
xiv, 6, qu'il faut suivre pour aller au Père. L'idée d'un 
chemin à suivre se retrouve dans les appels du Sauveur 
à embrasser son genre de vie. Matth., ix, 9; x, 38; xvi, 
24; Marc, H, 14; vm, 34; Luc, ix, 23; xvm, 22; Joa., 
I, 43; etc. A le suivre, on ne marche pas dans les ténè- 
bres. Joa., vm, 12. Celui qui ne suit pas le Sauveur et 
ses disciples n'appartient pas à sa religion. Marc, ix, 
37; Luc, IX, 49. Les Apôtres désignent par le nom de 
« voie » la religion nouvelle. Act., ix,2; xvm, 26; xix, 
9, 23; xxn, 4; xxiv, 22. Saint Pierre l'appelle ô5ôç tt,c 



2447 



VOIE 



VOILE 



244» 



àlrfidut;, via verilatis, voie de la vérité. II Pet., Il, 2. 
— Dans tous ces passages, le sens de la métaphore est 
très clair. Elle rappelle que l'hoinmeici-basest dans un 
état provisoire. Il marche vers un but, qui parfois est 
purement temporel ou même mauvais, mais qui nor- 
malement doit être conforme à la volonté de Dieu. Fi- 
nalement la « voie »doit conduire à lui. 

H. Lesètre. 

VOILE, pièce d'étoffe pour couvrir le visage ou la 
tête ; rideau ; toile qu'on attache aux vergues d'un bateau 
pour recevoir le vent. 

I. Voile de tète. — Le voile, voir fig. 556-559, est 
désigné par diilérents mots. Moïse se voile le visage 
pour ne pas voir Dieu. Exod., m, 6. Plus tard, après 
son séjour sur le Sinaï, il couvre sa face d'un voile, 
masvéh, y.àXvy.\j.a., velamen, pour parler aux enfants 
d'Israël, mais il l'ote quand il retourne auprès du Sei- 
gneur. Exod., xxxiv, 33-35. — Le sd'if, 6épicrTpov, pal- 
liuni, est le voile dont se couvre Rébecca à l'approche 
d'Isaac. Gen., xxiv, 65. Thamar prend le même voile, 
tkeristrum, pour aller se prostituer. Gen., xxxvm, 14. 




7 1 




couvrait le visage, dit que les Juifs l'ont gardé pour 
ne pas reconnaître le Christ dans les Écritures. If 
Cor., m, 13-16. 

II. Voile de navire. — Isaïe, xxxm, 23, comparant 
l'Assyrie à un navire désemparé, lui dit : « Tes cordages* 
sont relâchés,... ils ne tiennent plus la voile déployée. » 
Le mot nés désigne ici la voile qui prend le vent et 
fait avancer le navire quand elle est tendue par les 
cordages, et non le pavillon, <7yj|jis?ov, signum , comme 
traduisent les versions, celui-ci n'ayant pas d'action 
sur la marche. D'ailleurs les Septante ajoutent que le 
mât « n'abaissera pas les voiles, » x« to-Tca. — Dans 
Ézéchiel, xxvir, 7, les voiles des navires de Tyr, en lin 
lin d'Egypte et brodées de couleurs variées, sont ap- 
pelées mifràf, o-TpwjivY), « couverture », vélum. Voir 
Broderie, t. i, fig. 622, col. 1943. Cf. Navire, t. iv r 
fig. 414, col. 1515. 

III. Voile du Temple. — Dans le Tabernacle, il y 
avait un premier voile, mdsdk, qui fermait l'entrée du- 
Saint, Exod., xxvi, 36; xxxix, 38; XL, 5, et un second, 
parokét, qui cachait le Saint des saints. Exod., xxvr,. 



I*. 



' * fi'- '• 



Ogr*. 



- ~V.£ 



• ï' -' 

't ■>. . 



ii ; 



556. — Dames égyptiennes 557. — Egyptiennes 

voilées pour monter à cheval etenfants des basses classes. 



ou pour la marche. 



.; - ■ j *.■■■■ 



558. — Egyptienne 
voilée pour la promenade. 




559. — Égyptienne voyageant 
à âne. 



D'après Lane, Manners, t. ï, p. 66, 69, 72, 263. 



— La samnidh est un voile transparent au travers du- 
quel on aperçoit les yeux et les joues de l'Épouse. 
Cant., iv, 1; vi, 7. Les versions ne rendent pas ce mot. 
Il désigne aussi le voile qu'on ôte à Babylone pour 
découvrir sa honte. Is., xlvii, 2. — Les re'dlôf, mitrse, 
sont des voiles faisant partie de la toilette des femmes. 
Is., m, 19. — Le lot, non rendu par les versions, est 
un voile de deuil qui couvrait les nations avant la ré- 
demption. Is., xxv, 7. Dans le deuil et l'affliction, on 
avait coutume de se voiler la tête, II Reg., xv, 30; Esth., 
vi, 12; vu, 8; Jer., xiv, 4. Saint Paul dit que la longue 
chevelure convient à la femme pour lui servir de voile. 
I Cor., xi, 15. — Le mâsàk, operimenlum, est le voile 
épais qui empêche de voir. Is., xxil, 8. On dit que Dieu 
cache sa face quand il ne semble pas voir les épreuves 
de ses serviteurs. Ps. x, 11; xxx (xxix), 8; lxxxviii 
(lxxxvii), 15; en (ci), 3; civ (cm), 29; Is., liv, 8. — Le 
sêtér, sijioxpucpyj, latibulum, est le voile qui cache Dieu, 
la nuée, Job, xxn, 14, ou encore la nuée orageuse, qui 
est le voile du tonnerre. Ps. lxxxi(lxxx), 8. C'est aussi 
le voile, ov.ôtoç, caligo, dont se couvre l'adultère. Job, 
xxiv, 15. — Le ma'atéh, aXtip-na, pallium, est un 
voile de fêle. Is., lxj, 3. — Le liékyôn, abscondita est, 
est un voile lumineux qui cache la majesté de Dieu, 
Hab., m, 4, probablement le nuage. — Le kesûf, sic 
T![nijv, in velamen, est métaphoriquement le voile dont 
on recouvre un acte équivoque. Abimélech appelle de 
ce nom l'argent qu'il donne à Sara pour excuser sa 
conduite envers elle. Gen., xx, 16. — Saint Paul, rap- 
pelant le voile, «àX-jusue, velamen, dont Moïse se 



31; xxxm, 35; Lev., iv, 6, 17; xvi, 2; Num., iv, 5, 
II Par., m, 14; etc. Ce dernier est parfois appelé 
pârokét hammâsâk. Exod., xxxv, 12; xxxix, 34; XL, 
21. Dans les Septante, mâsdk est traduit par xâXuu,p.a, 
mais les deux mots hébreux sont indifféremment ren- 
dus par xaTa7tÉTa(Tu.«, le voile abaissé d'en haut. Dans- 
le Tabernacle, le voile ;du Saint des saints était fait de 
pourpre violette, de pourpre écarlate, de cramoisi et de 
lin. Des chérubins y étaient représentés. Il était sus- 
pendu à quatre colonnes revêtues d'or et posées sur des- 
pieds d'argent. Il dérobait la vue de l'Arche d'alliance,. 
xaTa7téra<j[ta tô ffuffXKxÇov, « le voile qui cache », vélum 
quod pendet ante fores, Num., rv, 5, rappelant ainsi 
l'inaccessibilité de la majesté divine. Sur les autres voiles 
du Tabernacle, voir Rideau, col. 1099. D'après Josèphe,. 
Bell, jud., V, v, 4, les quatre couleurs qui composaient 
le voile étaient symboliques, le cramoisi du feu, le lin de 
la terre, le violet de l'air et la pourpre dé la mer. Pour 
S. Thomas, Summ. theol.,l* II*, q. cil, a. 4, ad 4 um , le 
voile figurait l'occultation des sacrifices spirituels dans- 
les sacrifices anciens. Le lin représentait la pureté ; la 
pourpre, les souffrances endurées par les saints pour 
Dieu; le cramoisi, la charité, et le violet, la méditation 
des choses célestes. Il faut remarquer encore que le- 
voile maintenait une mystérieuse obscurité dans le- 
Saints des saints, parce que Dieu est la lumière incréée, 
qui n'a besoin d'aucune lumière étrangère à lui-même. 
Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 
1837, t. ï, p. 397-399. — Salomon fit exécuter pour le- 
Temple un voile conforme aux prescriptions mosaïques. 



2449 



VOILE 



YOIX 



245a 



II Par., m, 14. Cf. Josèphe, Anl. jud., VIII, m, 3. Dans 
le second Temple, un premier rideau fermait l'entrée 
extérieure du Saint. C'était un tapis de Babylone, dans 
la confection duquel entraient les quatre couleurs 
liturgiques. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 4; Middoth, 
rv, 7. Un autre voile fermait le Saint des saints, bien 
que ce lieu ne contînt plus l'Arche d'alliance. Antiochus 
Epiphane s'empara de ce voile. I Mach., i, 22. D'après 
le Talmud, ce voile était double et composé en réalité 
de deux voiles distincts, espacés l'un de l'autre d'une 
coudée. Au jour de l'Expiation, le grand-prêtre péné- 
trait entre les deux par le côté sud et entrait par le 
côté nord dans le Saint des saints. Cf. Reland, Anli- 
quitates sacres, Utrecht, 1741, p. 63. «— Au moment de 
la mort de Notre-Seigneur, le voile du Temple, xocraTO- 
Ta7|ia toO vaoû, vélum templi, se déchira par le 
milieu, depuis le haut jusqu'en bas. Matth., xxvn, 51; 
Marc, xv, 38; Luc, xxm, 45. Mais de quel voile s'agit- 
il ? On pense communément que le voile qui se déchira 
fut celui du Saint des saints, celui qui est appelé « le 
second voile » dans l'Épître aux Hébreux, ix, 3, et 
to é(i(ûT«Tov xaTocTtsra<7[ia, « le voile intérieur », dans 
Philon, De gigant., 12, édit. Mangey, t. i, p. 270. Cf. 
Knabenbauer, Ev. sec. Matth., Paris, 1893, t. n, p. 
536." Cependant, les textes évangéliques disent sim- 
plement io xataitSTa(7|Jia toO vaov, expression qui semble 
se rapporter plus naturellement au voile qui fermait le 
Temple proprement dit ou naos, c'est-à-dire le Saint. 
Ce voile était le seul visible du parvis des prêtres et 
du parvis d'Israël, tandis que celui du Saint des saints 
ne pouvait être vu que des quelques prêtres qui péné- 
traient dans le Saint pour le service du culte; or les 
Évangélistes font certainement allusion à une manifes- 
tation extérieure et facilement constatable de la puissance 
de Dieu. Aussi saint Jérôme dit-il formellement qu'il 
s'agit du voile extérieur, de celui qu'on voyait du 
dehors. Epist. cxx, 8, 2, t. xxn, col. 992. C'est aussi 
l'avis de saint Thomas, Summ. theol., I a H 58 , q. cil, 
a. 4, ad4 um ;etc. La signification symbolique de cet évé- 
nement est importante, de quelque voile qu'il soit ques- 
tion. Le Christ rédempteur est entré, par la vertu de 
son sang, dans le véritable Saint des saints et nous en 
a ouvert l'entrée, rendant ainsi le voile inutile. Hebr.,ix, 
9. On peut dire aussi que, par l'établissement de la reli- 
gion nouvelle, il a abrogé le culte ancien, spécialement 
les cérémonies qui se pratiquaient dans le Saint, sup- 
primant pour tous l'interdiction de contempler des 
rites qui cessaient d'être sacrés. C'est à quoi fait pro- 
bablement allusion l'Épitre aux Hébreux, x, 19-21 : 
« Nous avons par le sang de Jésus libre accès dans le 
sanctuaire, ta àyi'a, par la voie nouvelle et vivante 
qu'il a inaugurée pour nous à travers le voile, xaxaité- 
TacTjia, velamen, c'est-à-dire à travers sa chair. » 
D'ailleurs, le second voile ne fermait qu'un emplacement 
vide, tandis que le premier empêchait de voir des objets 
permanents et des cérémonies quotidiennes; c'est donc 
celui-ci, semble-t-il, qui perdait le plus sa raison d'être 
à la mort de Jésus-Christ. Cf. Lagrange, Évang. sel. 
S. Marc, Paris, 1911, p. 408. — Saint Jérôme, Epist. 
cxx, 8, 2, t. xxn, col. 992; In Matth., iv, 27, t. xxvi, 
col. 213, rapporte, d'après l'Evangile selon les Hébreux, 
qu'à la mort du Christ le linteau du Temple, dont les 
dimensions étaient considérables, se brisa et tomba. 
Il est possible que cette rupture et cette chute aient 
été l'effet du tremblement de terre et aient naturel- 
lement entraîné la déchirure du rideau du haut en 
bas. Bien qu'accompli avec l'intervention de causes 
secondes, le miracle n'en eût pas été moins signi- 
ficatif. H. Lesètre. 

VOIX (hébreu : qôl; Septante : çmviq), son émis par 
le larynx des êtres animés. — Dans la Sainte Écriture, 
une voix est attribuée non seulement aux hommes et 



aux animaux, mais anthropomorphiquement à Dieu, et 
métaphoriquement aux êtres inanimés. 

1» Voix de Dieu. — La voix de Dieu, appelée aussi 
voix du ciel, s'est fait entendre à Adam, Gen., m, 8, à 
Abraham, Gen., xxvi, 5, à Moise. Act., vu, 31. Elle » 
retenti au baptême de Notre-Seigneur, Matth., m, 17;. 
Marc, i. 11; Luc, m, 22, à sa transfiguration, Matth., 
xvn, 5; Marc, ix, 6; Luc, ix, 35; II Pet., i, 17, et une- 
fois dans le Temple. Joa., zii, 28. —Mais ordinairement,, 
la voix de Dieu désigne ses ordres, auxquels il ne faut 
pas faire la sourde oreille. Exod., IV, 1; Deut., rv, 30; 
v, 23; vin, 20; I Reg., xv, 2; Ps. xcv (xciv), 8; Hebr., 
m, 7; etc. 

2° Voix 'de l'homme. — La voix de l'homme a un 
timbre particulier à chacun, qui permet de le recon- 
naître. Ainsi en fut-il pour Jacob, Gen., xxvn, 22, pour 
le lévite de Michas, Jud., xvm, 3, pour David, I Reg. r 
xxvi, 17, pour l'Époux, Cant., v, 2, pour saint Pierre,. 
Act., XII, 14; etc. — L'homme fait entendre sa vois, 
dans la prière, Jos., x, 14; III Reg., xvm, 27;. 
Ps. xxvm (xxvii), 2; etc.; dans le chant, Exod., xxxii, 18,- 
xxxvi, 6; Ezech., xxxm, 32;dansla joie, Ps. xlii (xu), 
5; cxviii (cxvn), 15; Jer., vu, 34; xvi, 9, et surtout 
dans la douleur qui, en Orient, est particulièrement 
démonstrative et bruyante* Gen., xlv, 2; Jud., n, 4; 
xxi, 2; Ruth, i, 9; 1 Reg., xi, 4; xxiv, 17; xxx, 4; 
II Reg., H, 32; xm, 36; xv, 23; xix, 4; Ps. vi, 9 ; 

I Esd., m, 12; Judith, xiv, 14; Jer., m, 21; ix, 19; 
Dan., vi, 20; etc. — Il y a la voix de la femme qui 
accouche, Jer., iv, 31; la voix du nouveau-né, Sap., 
vu, 3; la voix des sentinelles, Is., lu, 8; la voix des 
exacteurs, Job, m, 18; Is.,xvi, 9, 10; la voix du ven- 
triloque, Is., xxix, 4, 6; la voix des multitudes. I Reg. r 
iv, 6; III Reg., i, 41; Dan., x, 6; I Mach., vi, 41; Luc.,. 
xxiii, 23; Act., xiv, 10; xxn, 22; etc. — On n'entendra 
pas au dehors la voix du Messie, Is., xlii, 2; Matth., 
xu, 19, ce qui sera la marque de son humilité et de sa 
simplicité. Mais on a entendu la voix qui criait dans le 
désert, Is., xl, 3; Matth., m, 3; Marc, i, 3; Luc, m, 4; 
Joa., i, 23; la voix des prophètes, Act., xm,27; la voix 
du Fils de Dieu appelant Lazare du tombeau, Joa., xr r 
43, mourant sur la croix, Matth., xxvn, 46, 50; Marc, 
xv, 34, 37; Luc, xxm, 46, apparaissant à Saul sur le- 
chemin de Damas. Act., ix, 4. Les morts l'entendront 
au moment du dernier jugement. Joa., v, 25. — Une 
voix est attribuée aux anges, I Thés., iv, 15; Apoc, v, 

2, 11, 12, et les démons se font entendre par l'organe 
des possédés. Act., vm, 7; etc. — Quelquefois, la voix 
est mentionnée pour la langue que l'on parle. Eccle., 
v, 2; II Mach., xv, 29, 37; I Cor., xiv, 10; Gai., iv,20; 

II Pet., n, 16; etc. Les flatteurs s'écrient, après la ha- 
rangue d'Hérode Agrippa : « C'est la voix d'un dieu, 
non d'un homme. » Act., xu, 22. 

3° Voix des animaux. — Il y a la voix des quadru- 
pèdes domestiques, IReg», xv, 14; Tob., il, 21; Sap., 
xvn, 18; Jer., vm, 16; ix, 10, la voix des lions, Job, iv, 
10; Jer., n, 15; Ezech., xix, 7; Am., m, 4; Zach., xi, 

3, et la voix des oiseaux. Eccle., x,20; xu, 4; Cant., n, 
12; Soph., il, 14; Nah., n, 8; Marc, xiv, 30. 

4° Voix des choses inanimées. — Les auteurs sacrés 
donnent le nom de voix au bruit que font certains 
agents naturels. Ils mentionnent ainsi la voix du vent, 
Joa., m,8; Act., n, 6; la voix du tonnerre, Job, xxxvn, 

4, 5; Ps. xxix (xxvm),3-9; lxxvii (lxxvi), 19; Apoc, vi, 
l;x, 3, qui est aussi appelée la voix de Dieu, Ps. xxix 
(xxvni),3-9;la voix delà mer,Jer.,vi,23;L,42;Hab.,m, 
10; la voix des grandes eaux, Ezech., i, 24; xliii, 2; Apoc, 
i, 15; xiv, 2; la voix de la pluie, III Reg., xvik, 41 ; la 
voix des ailes qui battent, Ezech., i,24 ; m, 13; la voix des 
épines qui brûlent, Eccle., vu, 6; la voix d'une feuille 
agitée. Lev., xxvi, 36. — D'autres bruits artificiels 
prennent aussi le nom de voix. On prête ainsi une Voix 
à la meule, Jer., xxv, 10; au marteau, Eccli., xxxvm, 



2451 



VOIX — VOLEUR 



2452 



30, et surtout à la trompette, Jos., vi, 5 ; III Reg., i, 41 ; i 
Ps. xcvm (xcvil), 6; Jer., îv, 19, etaux instruments de I 
musique. I Cor., xiv, 7; Apoc, xviii, 22. On note égale- 
ment la voix des pas, II Reg., v, 24; III Reg., xiv, 6; 
IV Reg., vi, 32; la voix des chars et des armées envahis- 
santes, IV Reg., vu, 6; Jer.,iv, 29; Joël., n, 5; Nah., m, 2, 
et la voix de la ba taille. Jer., l, 22. — La voix du sang est 
l'appel de la justice contre le meurtrier. Gen., îv, 10. La 
souffrance est comme une voix qui crie vers Dieu. Gen., 
xxi,17. Il y aune voix de la sagesse, Prov., i, 20;vni,l, 
et une voix-du mensonge. Exod., xxm, 1 . L'Esprit de Dieu 
connaît toute voix qui s'élève dans l'univers. Sap., i, 
7. — La création tout entière a une voix qui célèbre la 
gloire de Dieu. Ps. xix (xvm), 4. H. Lesètre. 

1. VOL (Septante : xtaitri; Vulgate : furtum), prise 
de possession illégitime du bien d'autrui. Voir Rapine, 
col. 987. — Le vol est défendu par la loi naturelle et 
le Décalogue. Exod., xx, 15; Lev. ; xix, 11; Deut., v, 19; 
Matth., xix, 18; Luc, xvm, 20. Il est inspiré par les 
désirs pervers du cœur. Matth., xv, 19; Marc, vu, 22. 
II est coutumier chez les adorateurs d'idoles, Sap., xiv, 
25, et les méchants ne s'en repentent pas. Apoc, ix, 
29. Pour la nature mauvaise, le vol a l'attrait du fruit 
défendu et l'on trouve pius douces les eaux dérobées, 
genûbim, /./.oirô;, furlivse. Prov., ix, 17. Joseph se 
plaint d'avoir été emmené de son pays par vol. Gen., 
XL, 5. Tobie était si scrupuleux, qu'il refusait de man- 
ger un chevreau avant d'être sur qu'il ne provenait 
pas d'un vol. Tob., n, 21. H. Lesètre. 

2. VOL (Vulgate : volatus), moyen de locomotion 
des oiseaux, qui sont pourvus d'ailes. — 1° Au sens 
propre, le vol est attribué aux oiseaux en général, 
Deut.. iv, 17; Job, xxxix, 13; Apoc, xix, 17, et particu- 
lièrement à l'aigle, Deut., xxvjii, 49; xxxu, 11; Job, 
ix, 26; Jer., xlviii, 40; xux, 22; Apoc, iv, 7; vin, 13, à 
l'hirondelle, Prov., xxvi, 2, et au hibou. Rar., vi, 21. 
L'homme est né pour la peine comme les fils de la 
foudre, yagbihû '«/', « élèvent l'aile », ià yJ/ïiXà 7tiiovTat, 
« volent vers les hauteurs », ad volatum, « pour voler». 
Job, v, 7. Sur les -dragons volants, Is., xxx, 6, voir 
Serpent, col. 1673. — 2° Au figuré, les auteurs sacrés 
font voler Dieu sur les ailes du vent, Ps. xvm (xvii), 
11; II Reg., xxn, 11, les séraphins, Is., vi, 2, 6, les 
anges, Dan., ix, 21; Apoc, xiv, 6, Juda et Éphraïm 
qui s'envolent sur l'épaule du Philistin pour le dompter, 
Is., xi, 14, le cavalier qui vole sur sa proie, Hab., i, 
S, l'homme qui désire s'envoler comme la colombe 
pour gagner le lieu de. son repos, Ps. lv (liv), 7, la 
femme qui s'envole au désert pour échapper au dragon, 
Apoc, xii, 14, les âmes qui s'envolent du piège qu'on 
leur a tendu, Ezech., xm, 20, l'homme qui s'envole de 
ce monde par la mort. Ps. xc (lxxxix), 10. Ils prêtent 
également des ailes pour voler au vent, Ps. xvm, 11, 
aux nuées, Is., lx, 8, à la flèche, Ps. xci (xc), 5, au 
songe, Job, xx, 8, aux richesses, Prov., xxm, 5, et à un 



rouleau d'écriture. Zach.,v, 1. 



H. Lesètre. 



VOLCAN, montagne projetant à son sommet des 
matériaux brûlants qui détruisent tout autour d'elle. 
— Les terrains d'origine volcanique ne manquent 
pas en Palestine ou dans les environs. Dans le Hau- 
rân, en particulier, les cônes et les cratères se ren- 
contrent très fréquemment. Voir Palestine, t. iv, 
col. 2015. Mais, depuis de longues périodes, ces vol- 
cans n'étaient plus en activité. Les allusions que les 
auteurs sacrés font aux volcans leur sont donc inspirées 
par les descriptions des voyageurs, spécialement des 
navigateurs phéniciens, qui connaissaient bien les 
volcans de l'archipel et de l'Italie, et des caravanes qui 
avaient pu approcher ceux du Caucase et de l'Arménie. 
L'allusion la plus probable aux volcans se lit dans 



Jérémie, li, 25, 26, qui appelle Babylone « montagne 
de dévastation, qui dévaste toute la terre, » que Dieu 
roulera du haut des rochers et dont il fera une « mon- 
tagne embrasée, » de telle sorte qu'on n'en puisse plus 
tirer ni pierre d'angle, ni pierre de fondation. Tels 
furent successivement l'action néfaste et le sort der- 
nier de Babylone. Comme la montagne volcanique, la 
cité célèbre s'écroula peu à peu sans rien laisser d'elle 
qu'on pût utiliser. — Au Psaume cxliv (cxliii), 5, il est 
dit : « Touche les montagnes, et qu'elles s'embrasent ; 
fais briller les éclairs, et disperse les ennemis. » L'al- 
lusion est ici moins claire. Il peut n'être question que 
d'une théophanie, comme celle du Sinaï. — Dans 
l'Apocalypse, viy, 8, saint Jean parle d'une sorte de 
« grande montagne toute en feu, » qui est jetée dans la 
mer. L'allusion à un volcan n'est pas non plus incon- 
testable. H. Lesètre. 

VOLEUR (hébreu : gannâb, gedûd, b.éféf, sôdêd; 
Septante : xïiirrr,;, av)<tt7J{), celui qui, par ruse ou par 
violence, s'empare du bien d'autrui. 

1° Le brigandage en Palestine. — En Orient, les 
populations nomades ont toujours considéré le brigan- 
dage comme un moyen normal de se procurer les 
moyens de vivre. On y attaque et on y pille les tribus 
voisines à l'improviste. La Sainte Écriture en fournit de 
nombreuses preuves. Les tribus qui environnaient le 
pays de Chanaan ne perdaient jamais l'occasion de fondre 
sur les riches récoltes des Israélites et de s'emparer 
de tout ce qui était à leur convenance. De leur côté, 
certains Israélites occupés à la garde des troupeaux, 
incapables de s'assujettir au labeur de la culture, habi- 
tués d'ailleurs à se tenir en alerte et en défense contre 
les irruptions des brigands, n'hésitaient pas à mener 
la vie aventureuse et facile de ces derniers, quand les 
autres moyens d'existence semblaient leur faire défaut. 
On voit ainsi Jephté, repoussé par sa famille, rassem- 
bler autour de lui des gens de rien et faire avec eux 
des excursions. Jud., xi, 3; cf. ix, 25. David mena 
la même vie pendant que Saûl le persécutait. Le 
recrutement de ses bandes est indiqué par le texte 
sacré : « Tous les opprimés, tous ceux qui avaient des 
créanciers ou étaient mécontents, se rassemblèrent 
auprès de lui, et il devint leur chef. Il eut ainsi avec 
lui environ quatre cents hommes, » IReg., xxn,2, qui 
s'élevèrent plus tard à six cents. IReg., xxv, 13. Nabal 
appelait cette troupe un ramassis de gens venus on ne 
sait d'où et d'esclaves échappés de chez leurs maîtres. 
I Reg., xxv, 10, 11. Avec eux, David opérait contre les 
ennemis d'Israël, les Gessuriens, les Gerziens, les Ama- 
lécites, « ne laissant en vie ni homme ni femme, enle- 
vant les brebis, les bœufs, les ânes, les chameaux, les 
vêtements. » I Reg., xxvn, 8, 9. Le fils de Saûl, 
Isboseth, avait aussi à son service deux chefs de bandes, 
Baana etRéchab. II Reg., iv, 2. Salomoneutà compter 
avec un autre chef de bande, Razon. III Reg., xi, 24. 
Des bandes de Sabéens et de Chaldéens enlevèrent les 
troupeaux de Job et massacrèrent ses serviteurs. Job., 
i, 15, 17. Des pillards philistins et arabes prirent les 
biens de Joram, roi de Juda, et emmenèrent ses fils et 
ses femmes. II Par., xxi, 17; xxn, 1. Les Arabes se 
postaient dans le désert pour rançonner les caravanes. 
Jer., m, 2. Des bandes de Syriens, de Moabites et de 
toutes sortes de pillards infestaient les frontières 
d'Israël. IV Reg., v, 2; xm, 20; xxiv, 2. 

Outre ces pillages par bandes, en Israël même, le 
vol et le brigandage se pratiquaient, Ose., iv, 2; vu, 1, 
parfois avec la connivence des princes âpres au gain. 
Is., i, 23. Voir Rapine, col. 987. — A l'époque évangé- 
lique, Notre-Seigneur pouvait accuser les autorités 
religieuses d'avoir fait du Temple une s caverne de 
voleurs », Matth., xxi, 13; Marc, xi, 17; Luc, xix, 46, 
comme au temps de Jérémie, vu, 11. Il parle assez 



2453 



VOLEUR — VOLONTE 



2454 



souvent de voleurs dans ses paraboles et ses instruc- 
tions, Luc, xvi, 1-8; Matth., vi, 19; etc., et, dans 
l'histoire du bon Samaritain, il met en scène, aux 
portes mêmes de Jérusalem, les brigands qui pillent et 
tuent les passants. Luc, x, 30. Lui-même se plaint, au 
moment de son arrestation, qu'on le traite comme l'un 
de ces voleurs sur lesquels les autorités réussissaient 
de temps en temps à mettre la main. Matth., xxvi, 55; 
Marc, xiv, 48; Luc, xxn, 52. La passion du vol avait 
saisi l'un de ses Apôtres, Judas, Joa., XII, 6; on le mit 
lui-même en parallèle avec un voleur, Barabbas, Joa., 
XVIH, 40, et l'on eut soin de le crucifier entre deux 
voleurs. Matth., xxvn, 38; Marc, xv, 27; Luc, xxm, 
33. Voir Larron, t. iv, col. 94. Josèphe, Ant. jud., XIV, 
ix, 2; XV, x, 1 ; XX, vm, 5, 10; Bell, jud., I, x,5; II, 
xn, 2, parle des brigandages qui s'exerçaient à main 
année en Galilée, en Pérée et en Thrachonitide, au 
détriment des villes et des campagnes, des caravanes 
et de tous ceux qui étaient incapables d'une résistance 
efficace. Cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif, 
Paris, 1910, p. 568-583. Dans ses courses apostoliques, 
saint Paul avait à redouter les voleurs. II Cor., xi, 26. 

2" Les procédés des voleurs. — Les brigands courent 
de ville en ville, à la recherche de quelque coup à 
faire. Eccli., xxxvi, 28 (26). Ils rôdent la nuit, pour 
ne pas être vus, Job, xxiv, 14, et tombent à l'improviste 
sur ceux qui ne les attendent pas. Matth., xxiv, 43; 
Luc, xil, 39. Ils emportent alors tout ce qui leur plaît. 
Jer., xliv, 9; Abd., 5. Ils se tiennent en embuscade 
pour fondre sur les passants. Ose., vi, 9. Ils pénètrent 
dans les maisons par les fenêtres, Joël, n, 9. ou percent 
les murs en torchis pour s'introduire et dérober les 
trésors. Matth., vi, 19; Luc, xn, 23. Us envahissent 
les bergeries, non pas par la porte, qui pourrait être 
surveillée, mais en escaladant par ailleurs; puis ils 
dérobent, égorgent et détruisent. Joa., x, 1, 10. 
Cf. Gen., xxxi, 39. Si le propriétaire est assez fort pour 
résister et se tient sur ses gardes, ils s'arrangent pour 
le surprendre, le ligotent et ensuite pillent à leur aise 
ses meubles et sa maison. Matth., xn, 29. On a beau 
être fort; si le voleur est plus fort et mieux armé, il 
abat sa victime et emporte ses dépouilles. Luc, xi, 21. 
22. La soudaineté de ces attaques fait que les Apôtres 
disent que le « jour du Seigneur » se produira dans les 
mêmes conditions. I Thés., v, 2, 4; II Pet., m, 10; 
Apoc, m, 3; xvi, 15. Les voleurs, qui opéraient dans 
le Temple même de Jérusalem, Matth., xxi, 13, ne res- 
pectaient pas davantage les temples des faux dieux. 
Bar., vi, 14, 17, 56. D'ailleurs, les voleurs trouvaient 
des complices, Ps. l (xlix), 18, avec lesquels ils parta- 
geaient leur butin. Prov., xxix, 24. 

3° Les sanctions. — 1. La loi réglait ainsi la peine à 
infliger aux voleurs. Celui qui dérobait un bœuf ou une 
brebis, les égorgeait et les vendait, devait restituer 
cinq bœufs ou quatre brebis. Si l'animal était encore 
vivant entre ses mains, il en rendait le double. Si lui- 
même était insolvable, on le vendait pour assurer la 
restitution. Si le dépositaire d'argent ou de meubles 
était volé et que le voleur fût pris, ce dernier rendait 
le double. Si le voleur n'était pas pris, le dépositaire 
attestait devant Dieu son innocence. En général, le 
voleur avait à restituer le double de ce qu'il avait pris. 
La loi ne laissait pas l'Israélite désarmé contre les 
attaques. Si, la nuit, le voleur procédait par effraction 
et était mortellement frappé, il n'y avait rien à dire; 
mais, le soleil levé, on était responsable de la mort du 
voleur, qu'on aurait pu paralyser sans recourir à une 
pareille extrémité. Exod., xxii, 1-8. Voir Restitution, 
col. 1062. Ces sanctions n'étaient que la conséquence 
du précepte : « Tu ne déroberas point. » Exod., xx, 
15. Chez les Arabes, celui qui a volé une brebis, une 
chèvre, un bœuf ou un âne, est condamné à rendre 
l'animal, et en plus'trois autres semblables. La jument 



volée doit être rendue et en plus son prix en argent ou 
en nature, l'Arabe ne possédant pas ordinairement 
plusieurs juments. Cf. A. Jaussen, Coutumes arabes, 
dans la Revue biblique, 1901, p. 599. —2. Job, xxii,6, se 
plaint que souvent « la paix règne sous la tente des 
brigands. » Mais il est certain que les voleurs seront 
châtiés par la justice divine. Zach., v, 3, 4. Ils ne seront 
pas admis au royame des cieux. I Cor., vi, 10. En 
attendant, on hoche la tête en parlant d'eux. Jer., 
xlyiii, 27. Quand ils sont pris sur le fait, ils sont cou- 
verts de honte. Jer., n, 26; Eccli., v, 17 (14). Aussi 
saint Pierre veut-il que, quand des chrétiens sont pris et 
condamnés, ce ne soit jamais comme voleurs. I Pet., 
iv, 15. H. Lesètre. 

VOLONTÉ (hébreu : rê'a, quelquefois néfés, Gen., 
xxm, 8; IV Reg., ix, 15; I Par., xxvm, 9; chaldéen : 
re'ôt, sebû), faculté par laquelle un être intelligent se 
détermine à l'action. 

1» Volonté de Dieu. — Il y a en Dieu une volonté 
qui participe à l'infinité de tous les attributs divins. 
Cette volonté a créé tout ce qui existe, Apoc, iv, 11, et 
elle régit toutes les forces de la nature. Eccli., xliii, 
17 (16). Rien ne peut lui résister. Gen., L, 19; Esth., 
xin, 9; Ps. cxxxv (cxxxiv), 6; Eccle., vin, 3; Sap., xn, 
18; Is., xl vi, 10; Rom., ix, 19. Les anges lui obéissent 
fidèlement. Ps. cm (cn), 21; Tob., xu, 18. Tout ce qui 
arrive est permis ou décrété par cette volonté. Gen., 
xxvn, 20; IV Reg., xvm, 25; II Par., xxn, 7; I Esd., 
vu, 18; Rom., i, 10; xv, 32; etc. L'homme propose et 
Dieu dispose, Prov., xix, 21, surtout quand il s'agit des 
grands événements de l'histoire. Is., xuv, 28; xlviii, 
14; etc. La volonté divine commande par la loi. Rom., 
il, 18; Eph., v, 17. Elle, intervient dans la vocation des 
ministres sacrés. I Cor., i, 1; II Cor., i, 1; Gai., i, 4; 
Eph., i, 1; Col., i, 1 ; II Tim., i, 1. Elle agit avec bien- 
veillance. Ps. v, 3; Luc, n, 14. Il faut donc désirer son 
accomplissement, I Mach., m, 60, lui obéir, Ps. xl 
(xxxix), 9; Sap., vi, 5; II Mach., i, 3; Hebr., x, 7, 9, 
et s'en remettre à elle. Tob., m, 6. 11 est dit parfois 
que Dieu veut une chose et ne veut pas l'autre, pour 
indiquer seulement qu'il préfère la première à la 
seconde. I Reg., xv, 22; Matth., ix, 13;xn, 7. —L'obéis- 
sance à la volonté de Dieu tient une place essentielle 
dans la religion de Jésus-Christ. Le Sauveur apprend 
aux hommes à prier pour que cette volonté soit faite. 
Matth., vi, 10; Act., xxi, 14. Lui-même en accepte 
humblement les arrêts. Matth., xxvi, 39, 42; Marc, 
xiv, 36; Luc, xxn, 42. Il fait avec amour la volonté de 
son Père. Joa., iv, 34; v, 30; Vi, 38. Il veut que ses 
disciples l'imitent très fidèlement sur ce point. Matth., 
xn, 50; Marc, m, 35; Joa., vu,- 17; ix, 31; Eph., vi, 6; 
Col., iv, 12; I Pet., n, 15; iv, 2. C'est la condition de 
l'entrée dans le royaume des cieux, Matth., vu, 21, et 
dans la vie éternelle. I Joa., n, 17/ Il faut donc tout 
d'abord connaître cette volonté. Col., i, 9. Le Sauveur 
révèle quelques-unes des volontés divines, concernant 
le salut des petits, Matth., xvm, 14, celui du peuple 
juif, Matth., xxm, 37, l'embrasement de la terre par le 
feu de l'amour divin, Luc, xn, 49, le sàlut de tous les 
croyants, Joa., vi, 39-40, la réunion de ses ministres 
avec lui dans le ciel, Joa., xvn, 24, la longue survivance de 
saint Jean. Joa., xxi, 22. Dieu veut encore la sanctifi- 
cation des fidèles, I Thés., iv, 3, leurs joyeuses actions 
de grâces, I Thés., v, 18, la répartition des dons de 
l'Esprit, Hebr., n, 4, qui d'ailleurs souffle où il veut, 
Joa., m, 8; 1 Cor., xn, 11, et le salut des hommes par 
le sacrifice de la croix. Hebr., x, 10. Jésus-Christ fait acte 
de volonté pour guérir les malades. Matth., vin, 2, 3; 
Marc, I, 41; Luc, v, 13. Les Apôtres recommandent 
de ne rien projeter qu'avec la clause : Si Dieu le veut. 
Act., xvm, 21; I Cor., iv, 19; I Pet., m, 17; Jacob.i 
iv, 15. 



2455 



VOLONTE 



VULGATE 



2456 



2° Volonté de Vhomme. — Elle est continuellement 
supposée eu exercice dans tous les actes humains 
auxquels la Bible fait allusion. Il est parlé en particu- 
lier de la volonté de la fiancée, Gen., xxiv, 57, du roi, 
I Esd., v, 17, du père de famille, Malth., xx, 14, de la 
fille d'Hérodiade, Marc, vi, 25, des fils de Zébédée. 
Marc, x, 35, etc. La volonté de la chair et de l'homme, 
Joa., i, 13; Eph., n, 3, est celle que guident les ins- 
tincts purement terrestres. La prophétie ne dépend 
pas d'une pareille volonté. II Pet., i, 21. Le salut ne 
résulte pas de la volonté de l'homme, mais de celle de 
Dieu. Rom., ix, 16. La volonté de l'homme est impuis- 
sante à accomplir tout le bien qu'elle voudrait. Rom., 
vu, 15-21. Dieu seul opère en nous le vouloir et le faire 
d'une manière surnaturelle. Phil., n, 13; II Thés., i, 
11. Saint Paul parle de la bonne volonté des Corin- 
thiens et de la sienne. II Cor., vm, 12, 19. Notre- 
Seigneur prescrit de faire pour les autres ce que nous 
voulons qu'ils fassent pour nous. Luc, vi, 31. 

3» Volonté du démon. — Satan se vante de donner 
les royaumes de ce monde à qui il veut. Luc, iv, 6. 
Ses volontés ne tendent qu'à asservir les âmes. II Tim., 
il, 26. H. Lesètbe. 

VOLUME, de volvo, « rouler ». Les anciens ma- 
nuscrits hébreux avaient la forme de rouleaux, volu- 
mina. Voir Livre, III, i, t. iv, col. 305-307, fig. 107, 
col. 309. 

VOLUPTÉ, voir Plaisir, col. 456. 

VOMISSANT (hébreu : Yaqêh), traduction du nom 
du père d'Agur, dans la Vulgate (Vomens). Prov.,xxx, 
1. Voir Jakéh, t. m, col. 1111 ; L'kal, col. 2368. 

VOMISSEMENT (hébreu :qê',qî'), expulsion parla 
bouche de ce qui gêne l'estomac, et matière de cette 
expulsion. — 1° Celui qui a trouvé du miel ne doit pas 
en manger à l'excès, de peur qu'il ne le vomisse. 
Prov., xxv, 18 (16). De pénibles vomissements sont la 
conséquence de l'intempérance. Eccli., xxxi, 25 (20), 
Un homme ivre erre dans son vomissement. Is., xix, 
14. A la suite des orgies, les tables sont couvertes 
d'immondes vomissements. Is., xxvm, 8. — Le chien 
qui retourne à son vomissement est l'image du pécheur 
qui recommence à mal faire. Prov., xxvi, 11; 11 Pet., 
il, 22. — Le monstre marin vomit Jonas sur le ri- 
vage. Jon., n, 11. — 2° Au figuré, un pays vomit ses 
habitants corrompus. Lev., xvm, 15, 28; xx, 22. Celui 
qui mange le pain de l'envieux vomira le morceau 
qu'il, aura mangé, c'est-à-dire qu'il n'y aura rien à 
gagner en fréquentant un pareil homme. Prov., xxm, 
8. L'impie vomira les richesses qu'il aura englouties, 
elles ne lui profiteront pas. Job, xx, 15. Dfeu dit aux 
nations ennemies de son peuple : « Buvez, enivrez-vous, 
vomissez et tombez pour ne plus vous relever, devant 
l'épée que j'envoie au milieu de vous, » c'est-à-dire 
commettez le mal à satiété, le châtiment viendra. 
Jer., xxv, 27. En particulier, « queMoab se vautre dans 
son vomissement, » que son orgueil et ses crimes 
fassent de lui la risée de tous. Jer., xlviii, 26. — 
Dieu vomira de sa bouche celui qui est tiède, comme 
on vomit de l'eau tiède. Apoc, m, 16. 

H. Lesêtre. 

VOYAGEUR (hébreu l'orêah, 'ôbêr), celui qui par- 
court un chemin pour se rendre à un endroit assez 
éloigné. En hébreu, le chemin lui-même est quelquefois 
nommé pour ceux qui le parcourent : 'orah, ôSô;, se- 
mita; hëlék, hâlikâh, àTpa7uô;,ifer.Job,vi,19; II Reg., 
xii, 4. — Sur le voyage en commun ou'orhâh, voir Cara- 
vane,!, ii, col. 245, et Pèlerinages, t. v, col. 24. — Sur 
les droits du voyageur et les devoirs envers lui, voir 
Étranger, l.n, col. 2039, et Hospitalité, t. m, col. 760. 



— Sur son gîte, voir Caravansérail, t. n, col. 250. — 
Le voyageur remarque l'état des pays qu'il traverse. 
Deut., xxtx, 22; Ezech., xxxvi, 34. Il cherche un abri 
dans le désert, Jer., ix, 2, ou y dresse sa tente pour la 
nuit. Jer., xiv, 8. Il compte sur l'eau des torrents, qui 
souvent lui fait défaut, Job, vi, 19; il en est alors 
réduit à boire toute eau qu'il rencontre. Eccli., xxvi, 
15 (12). Il arrive à l'improviste chez son hôte, Prov., 
vi, 11; ou lui ouvre la porte, Job, xxxi, 32, et on lui 
fait réception. II Reg., xii, 4. On l'interroge, Job, 
xxi, 29, et on s'entretient avec lui, Eccli., xlii, 3, pour 
apprendredunouveau. Ézéchiel, xxxix,ll, mentionne, à 
l'orient de la mer Morte, une « vallée des Voyageurs » 
dans laquelle Gog sera inhumé. Cette vallée est sym- 
bolique. — Les patriarches se considéraient comme des 
voyageurs sur la terre, où ils ne faisaient que passer. 
Hebr., xi, 13. H. Lesètre. 

VOYANT (hébreu : rô'êh; t<.ôzch; Vulgate : videns}, 
prophète. Voir Prophète, I, 1», 2», col. 706-707. 

VOYELLES HÉBRAÏQUES. Voir Hébraïque 
(Langue), t. ni, col. 467, 504. 

VULGATE, version latine usitée depuis quatorze 
siècles dans l'Église latine et déclarée authentique, 
c'est-à-dire officielle, par le concile de Trente. 

I.Nom et définition. — l*Nom.— L'adjectif féminin 
vulgala, qualifiant d'abord divers substantifs du même 
genre : editio, interpretatio, Biblia, a été ensuite isolé 
et pris substantivement pour désigner le texte courant, 
répandu universellement et accepté généralement, des 
Livres Saints. On a d'abord nommé ainsi la version 
des Septante et Veditio vulgata des Latins était la 
traduction de la xotvr) 'ù.Soan des Grecs. S. Jérôme, 
Comm. in ls., lxv, 20, t. xxiv, col. 647; xxx, 22, 
col. 346; xlix, 6, col. 466; Comm. in Ose., vu, 13, 
t. xxv, col. 880; S. Augustin, De civitate Uei, xvi, 10, 
t. xli, col. 489. Ce nom distingue parfois l'ancienne 
édition des Septante de celle qu'en fit Origène dans les 
Hexaples. S. Jérôme, Epist., cvi, n. 2. t. xxn, col. 838. 
Elle est dite alors vêtus anliqua editio. Id., Comm. 
in Ose., xiii, 4, t. xxv, col. 953 ; Epist., xlix, n. 4, 
t. xxn, col. 512; Comm. in Is., liv, t. xxiv, col. 513; 
Preefatio in l. Josue, t. xxvm, col. 464. Cependant, 
quoique ce docteur désigne le plus souvent les versions 
latines : in latino, lalinus interpres, apud lalinos, nos, 
nostra interpretatio, il nomme parfois vulgata editio 
les versions latines qui ont précédé la sienne qui, 
pour l'Ancien Testament, ont été faites sur les Septante, 
Comm. in Is., xiv, 29, t. xxiv, col. 165, ou, pour le 
Nouveau, ont précédé sa revision. Comm. in Matth., 
xiii, 35, t. xxvi, col. 92; Comm. in Epist. ad Gai., v, 
24, ibid., col. 421. Cf. Orose, Apologia de arbit'rii 
libertate, n. 9, t. xxxi, col. 1180. La version latine de 
saint Jérôme ayant peu à peu supplanté les anciennes, 
qui étaient dérivées des Septante, en prit lé nom. Ce 
ne fut donc qu'à partir du VI e siècle et la substitution 
du nom ne se produisit que graduellement. Durant le 
haut moyen âge, la vulgata editio est encore la version 
des Septante ; la version de saint Jérôme est dite : 
translatio emendatior, recens, nova, posterior, he- 
braica, ou translatio quam lenet ou recipit romana 
Ecclesia, etc. Le Vénérable Bède la désigne par ces mots: 
editio nostra, codices nostri. Roger Bacon, tout en ap- 
pliquant fréquemment encore le noni de Vulgata : à la 
version des Septante, est le premier qui l'emploie ré- 
solument au sens moderne pour désigner la traduction 
de saint Jérôme : Hsec quse vulgatur apud Latinos, illa 
quam Ecclesia recipit his temporibus. Le concile de 
Trente a consacré ce nom, en appelant vêtus vulgata 
latina l'édition des Livres Saints, quse longo tôt sgscu- 
lorum tisu in ipsa Ecclesia probata est. Décret, de 



2457 



VULGATE 



2458 



canonicis Scripturis, de edihone et usu sacrorum 
librorum, sess. IV. 

2» Définition. — La Vulgate latine est composée 
d'éléments d'origine et de nature différentes. Il y en 
a de trois sortes : 1. les uns proviennent des anciennes 
versions latines, probablement de l'Italique, non revi- 
sée par saint Jérôme : ce sont les livres deutérocano- 
niques de l'Ancien Testament, à l'exception de Tobie 
et de Judith qui rentrent dans la troisième catégorie; 
2. les autres font partie de la revision que le saint doc- 
teur a faite des versions antérieures, notamment de 
l'Italique : ce sont tous les livres du Nouveau Testa- 
ment et le Psautier dit gallican ; 3. les derniers enfin 
appartiennent à la version nouvelle que le même doc- 
teur a faite sur les textes originaux, hébreu ou chal- 
déen : ce sont tous les livres protocanoniques de l'An- 
cien Testament, sauf le Psautier, les livres de Tobie et 
de Judith et les parties deutérocanoniques de Daniel et 
d'Esther. La Vulgate latine est donc, dans sa majeure 
partie, l'œuvre de saint Jérôme. 

II. Origine et caractères de ces divers éléments. — 
1° Livres provenant des anciennes versions latines. — 
Saint Jérôme n'a retouché ni la Sagesse ni l'Ecclésias- 
tique, ni Baruch, qu'il a laissé de côté à dessein, ni 
probablement les deux livres des Machabées. Voir t. iv, 
col. 99. La version antérieure de ces livres a donc con- 
tinué à être lue et employée dans l'Église latine et elle 
est demeurée dans la Vulgate. Sur les caractères de 
cette ancienne version, voir t. iv, col. 97 sq., et sur 
les manuscrits et éditions de ces livres non revisés, 
voir ibid., col. 105-106. 

2° Livres des anciennes versions revisés par saint 
Jérôme. — Pour la biographie de saint Jérôme, voir 
t. m, col. 1305-1306. Durant son séjour à Rome auprès 
du pape saint Damase, dont il était le secrétaire, Jérôme 
fut chargé par ce pape de reviser la version latine qui 
était alors en usa'ge à Rome. L'Église romaine n'avait 
pas de texte officiel et le plus grand désaccord existait 
dans les manuscrits au point que le saint docteur pou- 
vait écrire : Tôt sxtnt exeniplaria pêne quot codices, 
et il indiquait trois sources de divergences : 1. la mul- 
tiplicité des versions dont quelques-unes étaient mau- 
vaises; 2. les corrections qu'y introduisaient des correc- 
teurs présomptueux et malhabiles et qui les rendaient 
plus mauvaises encore ; 3. des additions ou omissions, 
faites par des copistes négligents. In Evangelia ad Da- 
masum prœfatio, t. xxix, col. 525-527. La revision des 
Évangiles fut faite en 383; celle du reste du Nouveau 
Testament de 384 à 385. Epist. lxxi, ad Lucinium, 5, 
t. xxn, col. 671-672; De viris, 135, t. xxm, col. 717-719. 
Saint Jérôme a pris pour base le texte italique du Nou- 
veau Testament, voir t. il, col. 115-118, dans la forme 
même (ou au moins dans une forme très semblable) du 
Codex Brixianus, f, et du Codex Monacensis, q, pour 
les Évangiles. Voir t. iv, col. 107, 109. Il l'a corrigé, 
non pas d'après des manuscrits latins, mais d'après 
des manuscrits grecs anciens. Or, Wordsworth etWhite 
ont déterminé, parla comparaison des passages corrigés, 
que saint Jérôme avait à sa disposition, pour les 
Évangiles, des manuscrits grecs de deux sortes : les 
uns semblables à N, B, L et partiellement à D, et 
les autres d'une famille différente, dont il ne nous est 
parvenu aucun représentant, et pour les Actes des 
Apôtres, non des manuscrits de la recension occidentale, 
mais des témoins de la recension orientale, semblables 
à n, A, B, C. Novum Testamentum D. N. J. C. latine, 
t. i, fasc. 5, Oxford, 1898, p. 653-672; t. n, fasc. 1, 
Oxford, 1905, p. x-xiii. Cf. E. Mangenot, Les manuscrits 
grecs des Évangiles employés par saint Jérôme 
(extrait de la Revue des sciences ecclésiastiques, jan- 
vier. 1900). Saint Jérôme remplace des leçons italiennes 
par de meilleures leçons grecques, en empruntant 
peut-être parfois les termes latins aux autres versions 



latines qui avaient ces leçons. Toutefois il n'a pas ap- 
pliqué partout sa méthode avec la même rigueur et 
la même perfection. Sa correction de l'Italique est com- 
plète dans les deux premiers Évangiles et dans la pre- 
mière partie du troisième. Dans la seconde partie de 
saint Luc et dans les premiers chapitres de saint Jean, 
il s'est borné à corriger le style et il a gardé les leçons 
du Brixianus. Dans le reste du quatrième Évangile, 
il a suivi une voie moyenne. L'Amiatinus et leFulchn- 
sis sont les meilleurs représentants de sa version des 
Actes. Pour les Épitres, l'auteur a adopté peu de leçons 
grecques et il s'est contenté de polir le texte latin et 
de le rendre plus élégant. Voir t. ni, col. 1306-1307. 

M. H. von Soden est arrivé aux mêmes conclusions 
que les critiques anglais. 11 les a complétées et mises 
en rapport avec ses vues personnelles sur le texte grec 
du Nouveau Testament. Voir col. 2122. Dans les Évan- 
giles, saint Jérôme a amélioré l'Itala pour le style, 
quand cela lui a paru nécessaire, et pour le fond, quand, 
comparaison faite avec le texte grec, l'écart de la ver- 
sion latine lui apparaissait trop fort. Il a donc gardé 
des leçons de l'Itala. Il ne semble pas avoir pris en con- 
sidération les textes latins africains. Le texte grec, suivi 
par lui, est celui de I H K. et non pas celui des recen- 
sions I, H, K. Saint Jérôme méprisait H et K et il ne 
vojait en elles que des perversions du texte grec. Pree- 
fatio ad Damasum, t. xxix, col. 527. On ne trouve 
dans son texte aucune des leçons propres à I. Si le 
saint docteur a connu le Diatessaron de Tatien, il lui a 
reconnu peu d'autorité. Le texte grec qu'il suivait était 
donc le meilleur texte qui ait eu cours alors. Quant 
au style, il choisissait de nouveaux, mots latins pour 
rendre les leçons grecques. Quelques traductions libres 
ont été rapprochées par lui du texte original. Enfin, 
l'orthographe a été modifiée. Le récit de la femme 
adultère, qui manquait dans les textes africains et ita- 
liens, aurait été introduit par saint Jérôme dans la ver- 
sion latine d'après les manuscrits grecs. Die Schriflen 
des Neuen Testaments, § 350, 351, Berlin, 1906, t. i, 
p. 1524-1534. Pour les Actes des apôtres, le texte grec, 
suivi par saint Jérôme, est encore celui de IHK. Quand 
on trouve des leçons propres de K ou plus rarement de 
I, elles ne viennent pas de ces recensions, mais des 
anciennes versions latines. Ces dernières ont fourni 
encore des leçons qui portent des traces de l'influence 
des passages parallèles. Cependant quelques leçons 
particulières viennent de documents grecs. Ibid., 
§ 442, p. 1798-1802. Dans les Épîtres de saint Paul, 
saint Jérôme a suivi principalement l'ancien texte latin, 
et quand il s'en éloigne, il est d'accord encore avec 
IHK. Il n'a pas eu ici un texte grec différent de celui 
qui nous est connu, et ce texte était parfois accidentel- 
lement d'accord avec K. Ibid., § 512, p. 2010-2011. 
Quant à l'Apocalypse, le texte de l'Itala est demeuré 
dans la Vulgate, et saint Jérôme a fait peu d'emprunts 
aux manuscrits grecs. Les leçons étrangères à IHK 
n'étaient pas dans l'œuvre du saint docteur; elles ont 
pénétré dans les manuscrits de la Vulgate. Le texte de 
la Vulgate est donc, pour l'Apocalypse, un très bon 
témoin du texte grec répandu avant la formation des 
recensions de ce livre. Ibid., § 546, p. 2087-2088. 

Vers le même temps, en 383-384, saint Jérôme revisa 
à Rome le Psautier sur le texte grec des Septante. Il 
le fit rapidement {cursim). Prœfatio, t. xxix, col. 117- 
119. Ce texte fut adopté en Italie et dans la liturgie ro- 
maine jusqu'au pontificat de saint Pie V, et c'est pour- 
quoi il a été nommé Psautier romain. Ses leçons se 
lisent aujourd'hui encore dans les anciennes Messes du 
missel, dans l'invitatoire, les^antiennes et les répons du 
Bréviaire. On le récite encore à la basilique Saint- 
Pierre de Rome. Il n'est pas entré dans l'édition offi- 
cielle de la Vulgate. 

Plus tard, à partir de 387, saint Jérôme revisa à 



2459 



VULGATE 



2460 



Bethléhem plusieurs livres de l'Ancien Testament sur 
le texte grec des Septante : d'abord, semble-t-il, le 
Psautier sur les Hexaples d'Origène ; aussi y introduisit- 
il les astérisques et les obèles. Prsefatio, t. xxix, 
col. 119-120. Ce psautier, employé dans la liturgie des 
Eglises des Gaules, fut appelé, pour cette raison, Psau- 
tier gallican. Saint Pie V l'introduisit dans la liturgie 
romaine, Sixte V et Clément VIII dans l'édition officielle 
delà Vulgate.Voirt.m,col. 1307-1308. 

A la même époque ou peu après, saint Jérôme revisa 
encore sur les Septante Job, Prsefatio, t. xxix, col. 59; 
voir t. m, col. 1308, puis les Proverbes, l'Ecclésiaste, 
le Cantique et les Chroniques. Voir les préfaces, 
t. xxvm, col. 1241-1244, 1323-1328. Mais cette revision 
n'avait pas été trop profonde. La plus grande partie de 
ce travail était perdu déjà même du temps de saint Jé- 
rôme, et seul le livre de Job nous est parvenu dans cet 
état. Il a été édité pour la première fois parMartianay 
en 1693, puis par Vallarsi, en 1740 (dans Pal. lat., 
t. xxix, col. 61-114), puis par Sabatier en 1743. 
P. de Lagarde Ta réédité, Mittheilungen, 1887, t. n, 
p. 193-237; Caspari a publié une partie d'un manuscrit 
de Saint-Gall, Christiania, 1893. Voir t. m, col. 1564. 

3° Livres directement traduits sur le texte origi- 
nal. — Saint Jérôme, qui avait commencé à apprendre 
l'hébreu avec l'aide d'un rabbin converti durant sa re- 
traite au désert de Chalcis (373-378), Epist. csxv, ad 
Rusticum, n. 12, t. xxn, col. 1079, reprit cette étude, 
lors de son séjour à Bethléhem. Il eut pour maître le 
juif Bar Anina, qui se faisait payer très cher les le- 
çons qu'il donnait de nuit. Epist. LXXXIV, ad Pamma- 
chium et Oceanum, n. 3, col. 745. Rufin eut le mauvais 
goût delenommerBarabbasetde dire que saint Jérôme 
le préférait à Jésus. Apologia ad Hieronymum, 1. II, 
n. 12, t. xxi, col. 595. Cf. S. Jérôme, Apologia adver- 
sus libros Rufini, t. xxni, col. 407. Pour traduire le 
livre de Job, Jérôme eut recours à un autre juif de 
Lydda, très célèbre, mais dont les leçons étaient payées 
chèrement. Prsefatio in Job, t. xxvm, col. 1081. 11 
éprouva de grandes difficultés à cette étude. Prsefatio 
in Daniel., t. xxvm, col. 1292; Epist. cviu, ad Eusto- 
chium et Paulam, n. 26, t. xxn, col. 902. Il y avait 
perdu son latin, car, depuis plus de quinze ans, écri- 
vait-il en 386 ou 387, il n'avait pas ouvert Cicéron, 
Virgile et tout autre auteur profane. Comment, in 
Epist. ad Gal.,\. III, prol., t. xxvi, col. 399. Son but 
en traduisant lesLivres saints sur le texte hébreu, était 
de rendre plus claire pour tous la « vérité hébraïque » 
et surtout de fournir aux apologistes chrétiens un 
texte biblique sûr, qui leur servirait dans la polémique 
avec les Juifs ; ils ne seraient plus ainsi exposés à s'en- 
tendre dire : Ce passage n'est pas dans l'hébreu. Prse- 
fatio in translat. Isaise, t. xxvm, col. 774. 11 y fut 
occupé de 390 à 405, avec une interruption, causée 
par la maladie, de 396 à 398. Epist. xltx, 4, t. xxn, 
col. 512. Sur l'ordre dans lequel il traduisit les livres 
de l'Ancien Testament, voirt. m, col. 1308. Son Psalte- 
rium hebraieum n'est pas entré dans la Vulgate. Ses 
préfaces et ses lettres témoignent de l'opposition que 
souleva son projet : on lui reprochait de vouloir 
supplanter les Septante. Saint Augustin, qui avait fait 
bon accueil à sa revision du Nouveau Testament, ne 
comprenait pas son but et lui conseillait de se borner 
à revoir l'Ancien Testament sur les Septante. Epist. 
cxn, 20, t. xxn, col. 928. 

Saint Jérôme avait pu se procurer le manuscrit 
hébreu dont on se servait à la synagogue de Bethléhem 
et il l'avait copié lui-même. Epist. xxxyi, ad Damasum, 
n. 1, t. xxn, col. 452. Il n'en avait pas d'autres à qui 
il put le comparer, et il lui était impossible de faire le 
travail de comparaison qu'il avait exécuté pour le 
Nouveau Testament. Les critiques modernes ont cons- 
taté que le texte dont il disposait ressemblait au texte 



établi par les massorétes, sans lui être absolument 
identique. Les différences sont peu nombreuses et ont 
peu d'importance. L'identité existe jusque dans cer- 
taines fautes de copistes, II Par., xxi, 5, 20; xxn, 1, 
2; Is., xxxix, 1 (Mérodach-Baladan) ; IV Reg., xx,12 
(Bérodach-Baladan); dans des coupes défectueuses de 
mots, I Reg., 1,24; Ezech,, xlviii, 11 ; Os.,vi, 5; xi, 
2; Zach., xi,7; Ps. xvi, 3; lxxi,3; lxxv, 2; lxxvi, 7; 
cvi,7;dans l'omission des mêmes mots, III Reg., 
vin, 16; Jos., n, 1; I Reg., xiv, 24-26; xxix, 10, etc.; 
dans des doubles leçons, gloses ou altérations diverses. 
II Reg., VI, 3, 4; Jon., I, 8; I Reg., ni, 3-5; I Par., vi, 
13; II Reg., m, 3. La conformité avec l'hébreu et l'op- 
position avec les Septante existent non seulement par 
la suppression des longues additions de la version 
grecque dans les livres des Rois, dans Jérémie et dans 
les Proverbes, mais encore en beaucoup de détails : 
par exemple, pour les nombres, I Reg., ix, 22; xi, 8 
(deux fois); xm, 5 ; xxm, 13; xxvn, 2; xxx, 9; II Reg., 
xv, 7; III Reg., ix, 28; x,16 (deux fois), 26; xii, 21; 
pour des lettres confondues. Driver, Notes on the he- 
brew text of the books of Samuel, Oxford, 1890, 
p. lxvi-lxvii, a cité vingt exemples tirés des Psaumes 
où les Septante ont lu i lorsque le texte massorétique 
a >. Or, dix-sept fois, saint Jérôme est d'accord avec 
les massorétes. Voir encore Zach., v, 6. De même, i 
et t ont été confondus. Num., xxvi, 32, 36, 40, 57. Se- 
lon Wellhausen, Einleitung in das A. T., de Bleek, 
6 e édit., Berlin, 1893, P- 557, saint Jérôme différerait 
des massorétes surtout dans la lecture des matres 
lectionis. Cependant, même sur ce point, il est parfois 
d'accord avec eux au sujet de l'écriture pleine. Ainsi 
Gen.,xxm,16 :Ephron, Ephran, Qusest.in Gen.,t. xxm, 
col. 973. Cf. W.Nowack, Die Bedeutung des Hieronymus 
fi'trdie alttestamentliche Textkritik, Gœttingue, 1875; 
H. P. Smith, The value of the Vulgate Old Testa- 
ment for textual criticism, dans Presbyterian and 
reformed Review, avril 1891. 

Saint Jérôme mettait parfois un soin particulier à 
lire son manuscrit. Ainsi pour le livre des Paralipo- 
mènes, dont les noms propres sont si défectueux dans 
les manuscrits grecs et latins, il en a collationné le 
texte d'un bout à l'autre avec un docteur de la loi de 
Tibériade, très renommé. Prsefatio ad Domninum et 
Rogatianum, t. xxix, col. 401-402. D'autres fois, il était 
plus pressé et c'est ainsi qu'il traduisit en un jour le 
livre de Tobie. Prsefatio in librum Tobise, t. xxix, 
col. 26. Il visita aussi toute la Palestine avec des juifs 
très instruits, afin d'être à même de traduire plus exac- 
tement les passages bibliques, qui ont trait à la 
géographie de cette contrée. Prsefatio in libr. Pa>°a- 
lipom., t. xxix, col. 401. Du reste, il se faisait aider 
par ses maîtres hébreux pour la traduction des passages 
difficiles. Il recourait enfin, quand il le jugeait néces- 
saire, aux versions grecques faites par les Juifs Aquila, 
Symmaque et Théodotion, qu'il connaissait par les 
Hexaples d'Origène. Comment. inEccle., prol., t. xxm, 
col. 1011-1012; Epist. xxxn, ad Marcellam, t. xxn, 
col. 446. " • ' 

C'est à ces anciennes versions juives ou à la tradition 
des rabbins qui furent ses maîtres qu'il a emprunté 
certaines interprétations singulières ou même erronées r 
qui s'écartent du texte hébraïque. Ainsi il doit à Sym- 
maque la fausse traduction d'Eccle., vi, 5. Voici un 
certain nombre d'exemples, pris dans la Genèse seu- 
lement, où il a suivi la tradition rabbinique : a principio, 
n, 8; usque ad convallem illustrem, xii, 6; in terrain 
visionis, xxn, 2; abundantiàm, xxvi, 33; verno tem- 
pore, xxxV. 6; vemum tempus, xlviii, 7; quo nato, 
parère ultra cessavit, xxxvm, 5; in bivio, xxxvm,14. 
Cependant, il rejette certaines traditions rabbiniques, 
qu'il cite dans son Liber qusestionum hebraicarum in 
Genesim. Ainsi il traduit Ur Chaldseorum, Gen.,xi,28„ 



2461 



VULGA.TE 



2462 



quoiqu'il ait écrit in igné Chaldssorum, II Esd., ix, 7. 
Cf. J. Lagrange, Saint Jérôme et la tradition juive 
dans la Genèse, dans la Revue biblique, 1908, p. 563- 
566. La plus célèbre dépendance de cette tradition est, 
en dehors de la Genèse, la traduction de Josué,xiv,10. 

Il a exposé maintes fois les principes qu'il a appliqués 
dans sa traduction de l'Ancien Testament. Epist. cri, 
ad Suniam et Fretellam, t. xxii, col. 837-867. Ce sont 
ceux, d'ailleurs, qu'il avait indiqués pour la traduction 
des livres profanes, dans son opuscule De optimo génère 
interpretandi, Epist. LVH, ad Pammachium, t. xxii, 
col. 568-579. Il évita avec soin de faire une traduction 
littérale et servile, rendant le texte mot à mot; il 
s'attacha plutôt à rendre exactement le sens de l'original. 
Cependant pour traduire l'Écriture, où l'ordre des mots 
n'est pas parfois sans un dessein mystérieux, il tint da- 
vantage compte de lalittéralité. Prœfatio inJob,t. xxvm, 
1081 ; Prœfatio in Judith, t. xxix, col. 39. Il cherchait 
donc avant tout à comprendre le texte et il a pu se ren- 
dre le témoignage de n'avoir rien changé à la vérité 
hébraïque. Prologus galeatus, t. xxvm, col. 557-558. 
Nous avons constaté plus haut sa fidélité au texte mas- 
sorétique. Ayant compris le texte, il s'efforçait de 
l'exprimer en latin correct et aussi élégant que possible. 
Epist. cri, n. 54, t. xxii, col. 856. Il tenait compte 
des propriétés de la langue latine et il a adopté des 
locutions reçues, par exemple, ces termes de la my- 
thologie ou des croyances populaires, acervus Mercurii 
Prov., xxvi, 8; aruspices, IV Reg., xxi, 6; sirènes, 
Is., xiii, 22; lamia, onocentauri, Is., xxxiv, 14; fauni, 
Jer., L, 39; mulieres plangentes Adonidem, Ezech., vm, 
14, etc., pour rendre des termes analogues de l'hébreu, 
qui n'auraient pas été compris des lecteurs latins, s'ils 
avaient été traduits littéralement, et qu'il était impos- 
sible même de rendre autrement que par des termes 
équivalents plus ou moins rapprochés. C'est encore pour 
se conformer au génie de la langue latine que le saint 
docteur a remplacé les phrases désarticulées de l'hébreu 
par des périodes. Ainsi Gen., xxvm, 11; xxxi, 39; XL, 
4. Un ablatif absolu traduit une phrase directe. Gen., 
xiii, 10 ; xix, 16. Voir d'autres modifications de cette 
nature, Gen., xxxi, 32, 47; xxxn, 13; xxxix, 19; xl, 5; 
xli, 14, etc. 

Par amour de la clarté, le traducteur latin ajoute par- 
fois quelques mots d'explication, ou, par contre, pour 
éviter les répétitions, il abrège et résume, quand le 
texte hébreu est pléonastique. Un exemple d'abréviation 
se trouve, Eccle., vi, 2; des additions se rencontrent, 
Gen., xx, 16; xxxi, 31, 32, qui sont de la main du tra- 
ducteur. Il y a des passages assez librement traduits, 
par exemple, Gen., xxxix, 10-19; XL, 21-23; Lev., VI, 
2-5; Num., xv, 11-16. Comme l'a remarqué le P. de 
Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et 
Ruth, Paris, 1888, p. 20-22, les explications ajoutées 
pour éclaircir le texte sont assez fréquentes dans le livre 
des Juges. Voir quelques spécimens, il, 19; vm, 1, 11; 
ix, 25, 36; xi, 39; xv, 9, 16, 19; xvn, 9; leur nombre 
augmente à partir du c. XIX. Le saint docteur traduisait 
alors currente calamo. Ses libertés de traduction se 
rencontrent dans le Pentateuque et les Juges, livres 
qu'il a traduits les derniers. Quelques menus chan- 
gements, qui ne modifient pas le sens, semblent dus 
encore à l'amour de l'élégance et de la clarté, par exem- 
ple, I Sam., xxvm, 6; II Reg., iv, 19, 23. Quand le texte 
hébreu présente un récit peu cohérent, saint Jérôme, 
par une tournure plus claire, par un mot d'explication, 
rend la suite des idées plus logique. Exemples : Gen., il 
19;xv,3; xix, 29;xxxv,9;xxxvn,21,22,28; Exod.,xix, 
25; Xum., xxii, 22; Deut., i, 37, 38; Jud., xx, 9, 10; xxi, 9. 
Cf. F. Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868, 
p. 176-179; A. Condamin, Les caractères de la traduc- 
tion de la Bible de saint Jérôme, dans les Recherches 
de science religieuse, 1912, t. m, p. 105-138. 



Le souci de saint Jérôme pour l'élégance apparaît 
surtout dans le soin qu'il mit à varier la traduction des 
mêmes expressions, souvent répétées dans le texte 
hébreu. Ainsi, au ch. I er de la Genèse, les mots : 
vayômér 'Elôhîm, qui reviennent neuf fois, sont rendus 
de cinq manières différentes : le vav est diversement 
traduit ou le verbe est exprimé par différents verbes 
latins. Au même endroit, leminô est traduit juccta 
(secundum, in) genus (ou speciem). Cf. Gen., vi, 20; 
vu, 14; Lev., xi, 14, 15, 16. Non seulement le même 
terme est traduit par différents mots latins en des pas- 
sages très éloignés l'un de l'autre, parfois même il est 
rendu de deux façons dans le même verset. Gen., m, 
2, 3, 6, 18, 19; xxiv, 1; Exod., vi, 14-19; III Reg., i, 
1; Jos., xiii, 1; xxiii, 1, 2; IReg., IX, 4; Gen., xlix, 3; 

I Reg., x, 5, 10; I Par., xxvn, 25, 27, 38; Job, i, 16-18; 
Dan., m, 20, 21, 23, 25; v, 24, 25; il, 4, 6, 7, 9, 16, 24; 
v, 7, 12, 15. Ces variations nuisent parfois au sens : 
c'est le cas pour genus et species dans le ch. i« de la 
Genèse. Belial est tantôt un nom propre, Deut., xm, 
12; Jud., xix, 22; I Reg., i, 16; u, 12; x, 27; xxv, 17; 

II Reg., xvi, 7; xx,l; xxn,5; III Reg., xxi, 10;Nah., i, 
13; Ps. ci, 3; II Par., xm, 1; tantôt il devient un sub- 
stantif commun ou un adjectif : impius, Deut., xv, 9; 
Prov., xvi, 27; iniguus, I Reg., xxv, 25; xxx, 22; 
Prov., XIX, 28; apostata, Prov., VI, 12; Job, xxxiv, 18; 
prsevaricator, prsevaricatio, II Reg., xxm, 6; Nah., i, 
11; diabolus, diabolicus, III Reg., xxl, 13; Ps. xvin, 
5; xli, 9. Naharah devient coluber, Exod., IV, 3, 

' draco, vu, 15; thanain, coluber, Exod., vu, 9, 10; draco; 
12. Il en est ainsi pour les verbes : gû* est rendu par 
I consumi, Gen., vi, 17; vu, 21; xxxv, 29; Num., xvn, 
! 12; par deficere, Gen., xxv, 8, 17 ; par obire, Gen., xlix, 
! 32; par ad internecionem, Num., xvn, 23; par perire, 
i Num. , xx, 3; Jos., xxii, 20; par occumbere, Num.,xx,30; 
I pur, employé douze fois, Num., xm et xiv, est traduit 
■ considerare, explorare, inspicere, lustrare, circuire, 
contemplari. Azâh qui, au ch. xvi des Nombres, désigne 
ou bien l'assemblée d'Israël ou bien la troupe de Coré, 
est traduit : synagoga, multitudo, concilium, populus, 
frequentia populi, globus, congregatio, universus 
populus. Une prescription faite pour toujours l'est ritu 
perpetuo, jure perpétua, lege perpétua, religione per- 
pétua, cultu sempiterno, legitimum, sempitemum 
erit, prseceptum sempitemum. Pour éviter des syno- 
nymes, des mots sont supprimés ou sous-entendus ou. 
remplacés par des pronoms. Exemples : Laban, frère 
de sa mère, Gen., xxix, 10, 11; et suburbana ejus, 
Jos., xxv, 13-16; I Par., vi, 67, 81. Voir encore Gen., 
vm, 21; xii, 8; xix, 29; xx, 17; xxvi, 3, 34; Jos., x, 
12; III Reg., xii, 27. Quelquefois cependant le terme 
propre est conservé, malgré ses répétitions. Ainsi le 
verbe mahah est rendu delere, Gen., vi, 7; vu, 4, 23; 
dans le récit de plaies d'Egypte, Exod., vn-x, l.iàzaq 
est traduit par indurare, sauf Exod., x, I, et kdbad 
par ingravare. Dans les passages poétiques, la répé- 
tition qui est volontaire dans l'original et qui produit 
un effet poétique, disparait dans la traduction. Exemple : 
Jer., iv, 23-26. Cependant, saint Jérôme, dans Osée, II, 
19, 20, a employé trois fois sponsabo pour garder 
l'image, explique-t-il dans son commentaire. Comment. 
in Ose., t. xxv, col. 840. D'autres répétitions, qui, dans 
la même strophe ou des strophes différentes, sont symé- 
triques ou parallèles dans l'original, disparaissent dans 
la traduction. Voir Prov., ix, 3, 14, 4, 16. Voir A. Con- 
damin, Les caractères de la traduction de la Bible par 
saint Jérôme, dans les Recherches de science religieuse, 
1911, t. n, p. 425-440. Cependant le souci de l'élégance 
cède parfois la place à celui de la clarté, et saint Jérôme, 
malgré ses goûts classiques, emploie des mots et des 
tournures populaires, qu'il estimait plus aptes à rendre 
le sens de l'original. Comment, in Ezech., xl, 5, t. xxv, 
col. 378. Ainsi il dit au masculin cubitus, cubiti, 



2463 



VULGATE 



2464 



Ezech., xl, 7, 9, 12, 14, 15, 19, etc. De même, il a 
adopté les mots capitium, Job, xxx, 18; grossitudo, 
III Reg., vu, 26; capilellum, ibid., 41 ; clusor, IV Reg., 
xxiv, 14; odientes, II Reg., xxn, 11 ; sinceriter, Tob., m, 
5; uno pour uni au datif, Exod., xxvii, 14; Num., xxix, 
14; numquid pour nonne, Gen., xvm, 23; adorare 
Domino, Deut., xxvi, 10; benedixit eum, Gen., xxvm, 
1. Cf. Kaulen, op. cit., p. 181-182. 

Du reste, quelques-unes de ces expressions ou de 
ces constructions populaires étaient conservées de l'an- 
cienne version latine. Saint Jérôme, en effet, nous ap- 
prend qu'en traduisant l'hébreu il a adapté son texte à 
la traduction des Septante, quand elle ne s'éloignait pas 
trop de l'original. Comment, in Eccle., prol., t. xxm, 
col. 1011, Les lecteurs latins étaient habitués aux for- 
mules anciennes, et on reprochait vivement à saint 
Jérôme de s'en écarter. Prsefatio in Job, t. xxix, col. 61. 
C'est pour ne pas heurter de front cet attachement à 
l'ancienne version que le nouveau traducteur conserva 
des hébraïsmes, qui avaient passé des Septante en elle. 
Ainsi sermo est mis pour res, II Reg.,xn,21; verbumesl 
de même employé souvent pour res ; eum consummasset 
comedere, Amos, vu, 2; et adjeeit Dominus rursum 
vocare Samuelem, I Reg., in, 6; addidit furor 
Domini irasci contra Israël, II Reg., xxiv, 1; juravit 
dicens : Si videbunt, Num., xxxu, 10; plorans ploravit, 
Lam., i, 2; in odoren suaviiatis, Ezech., xx, 41, etc. 
Le traducteur latin imitait ainsi, parfois peut-être 
inconsciemment, l'ancienne traduction latine, et il 
employait les expressions du latin populaire. Il dépend 
aussi de la version grecque dans des passages difficiles, 
qu'il ne comprenait pas très bien et qu'il traduisait 
littéralement, si même il ne transcrivait pas les termes 
grecs eux-mêmes. Kaulen a recueilli un certain nom- 
bre d'exemples de cette nature. Geschichte der Vulgala, 
p. 138-139. C'est par fidélité à l'ancienne version, faite 
sur les Septante, que saint Jérôme adopte le sens mes- 
sianique que le texte original ne comporte pas. Ainsi 
Is., xi, 10; xvi, 1; Hab., m, 18; Jer., xi, 19; xxxi; 
22. L'idée messianique est accentuée ou développée en 
certains autres passages : Is., xii, 3; xlv, 8; li, 5, 
Jer., xxm, 6; Dan., ix, 24-26. . 

Bref, malgré ses mérites de fidélité et d'élégance, la 
version de saint Jérôme, qui est la meilleure de toutes 
les versions anciennes de la Bible, n'est pas absolu- 
ment parfaite. Un mot hébreu incompris a été simple- 
ment transcrit. II Reg., xvi, 18. On a relevé quelques 
contresens, rares il est vrai, par exemple, Gen., xiv, 
-5; xxvn, 39; Exod., h, 21; Deut., xxix, 10. Kaulen, 
op. cit., p. 175-176, lui reproche encore la traduction 
étymologique des noms propres, Gen., n, 8; Num., 
xxxiv, 7; I Reg., vu, 12, parfois différente, Gen., xii, 
8; Deut., xi, 30; Jud., x, 1. Voir encore Is.,v, 2; îx, 
13; xin, 22. Du reste, le mérite de la traduction varie 
selon les livres, parce que l'auteur y a mis plus ou 
moins de soin. Les livres historiques sont les mieux 
traduits : le sens en est exactement rendu et le style en 
-est coulant. La traduction de Job est aussi très bonne. 
Dans les petits prophètes, la couleur hébraïque est 
-souvent gardée ainsi que dans les grands prophètes. 
Les livres de Salomoh sont soignés et bien rendus, 
malgré le peu de temps que saint Jérôme mit à les tra- 
duire. Le texte hébreu des Psaumes est fidèlement tra- 
duit, mais les beautés poétiques du style ont souvent 
disparu. Les livres de Judith et de Tobie se ressentent 
delà hâte mise à leur traduction; aussi ressemblent- 
ils beaucoup au texte de l'Itala. F. Kaulen, op. cit., 
p. 179-180. Voir t. h, col. 1308-1309. Ce qui fait la su- 
périorité de la version de saint Jérôme sur les autres 
traductions anciennes de la Bible, c'est qu'elle est une 
• œuvre scientifique, le travail d'un lettré,"tandis que les 
précédentes avaient plutôt les caractères d'oeuvres 
-d'utilité pratique. Son auteur avait appris de son 



mieux une langue étrangère ; il s'était entouré de tous 
les secours qui étaient à sa disposition ; il combina 
heureusement les traditions juives et chrétiennes et, 
pour le style, il tint compte des exigences du bon 
goût. 

Sur les caractères de sa traduction, voirW. Novvack, 
Die Bedeutung des Hieronymus fur die alttestament- 
liche Texlkritik, Gœttingue, 1875; G. Hoberg, De 
sancti Hieronymi ratione interpretandi, Fribourg- 
en-Brisgau, 1886. 

Sur la langue et la grammaire de la Vulgate, voir 
J. Weitenauer, Lexicon biblicum, in quo explicantur 
Vulgatse vocabula et phrases, 2 e édit., Augsbourg, 
1780; H. Rônsch, Itala und Vulgata, 2 e édit., Mar- 
bourg, 1875; F. Kaulen, Handbuch zur Vulgata, 
Mayence, 1870; J.A. Hagen, SprachlicheErôrterungen 
zur Vulgata, Fribourg-en-Brisgau, 1863; J. B. Heiss, 
Beitrag zur Grammatik der Vulgata Formenlehre, 
Munich, 1864; V. Loch, Materialien zu einer latein. 
Grammatik der Vulgata, Bamberg, 1870; L. Hake, 
Sprachliche Bemerkungen zu dem Psalmentexte der 
Vulgata, Arnsberg, 1872 ; H. Gœlzer, Étude lexicogra- 
phigue et grammaticale de la latinitéde saint Jérôme, 
Paris, 1884; G. A. Salfeld, De Bibliorum Sacrorum 
Vulgatse editionis grsecitate, Quedlinbourg, 1891; 
A. Hartld, Sprachliche Eigenthùmlichkeiten der 
Vulgata, Ried, 1894; W. M. C. Wibroy, The partici- 
pa in the Vulgate New Testament, Baltimore, 1892; 
L. B. Andergassen, Deber den Gebrauch des Infini- 
tivs in der Vulgata, Bozen, 1891. 

Conclusion. — De l'aveu unanime de tous les criti- 
ques modernes, l'œuvre de saint Jérôme est la meilleure 
des anciennes versions de l'Écriture. Cf. Brunati, Del 
nome,dell' au tore, de' correctoriet delV autorité délia 
versione Volgata, dans Dissertazioni bibliche, Milan, 
1838, p. 69-75; Glaire, Sainte Bible selon la Vulgate, 
3 S édit., 1889, 1. 1, p. xi-xn. Son mérite propre provient 
des efforts consciencieux de l'auteur pour réaliser sé- 
rieusement son entreprise. Les traductions précédentes 
étaient ou bien des essais destinés à mettre les livres 
sacrés des Juifs et des chrétiens à la portée de nom- 
breux fidèles qui ignoraient les langues originales, ou 
bien des versions de versions. Leurs auteurs ne se pro- 
posaient qu'un but d'utilité pratique et n'avaient pas 
l'intention de faire des œuvres scientifiques. En recou- 
rant directement aux textes originaux, soit pour cor- 
riger l'Itala du Nouveau Testament, soit pour faire 
connaître aux chrétiens la veritashebraica, saint Jérôme 
visait plus haut que l'utilité pratique; il voulait donner 
à l'Église un travail scientifique. Il a réussi, dans une 
bonne mesure, à atteindre ses fins. Sa version « com- 
bine très heureusement les recherches personnelles 
avec le respect de la tradition juive et chrétienne, 
tient compte des justes exigences du bon goût et rem- 
plit ainsi toutes les conditions nécessaires pour faire 
un travail excellent. » F. Vigouroux, Manuel biblique, 
12» édit., Paris, 1906, t. i, p. 222. 

Ainsi supplanta-t-elle peu à peu les autres versions 
latines et devint-elle la seule en usage dans l'Église 
latine, ainsi que nous le montrerons en racontant son 
histoire. Elle a fini par être approuvée solennellement 
par le concile de Trente, et elle continue à être em- 
ployée dans la pratique quotidienne et la liturgie offi- 
cielle de l'Église latine. Son texte a été étudié par les 
théologiens, expliqué et commenté par les exégètes, 
prêché aux fidèles, lu par tous les chrétiens tant en lui- 
même que dans les nombreuses traductions en langue 
vulgaire qui en dérivent. 11 a donc servi pendant des 
siècles et il servira longtemps encore à l'édification de la 
foi, de la théologie et de la piété chrétienne dans la plus 
grande partie du monde chrétien. La Vulgate a donc 
exercé et elle exercera encore une influence, incompa- 
rable à aucune autre, parmi les fidèles de l'Église la- 



2465 



VULGATE 



246ff. 



tine et romaine. C'est par excellence la version ecclé- 
siastique de l'Écriture, l'instrument providentiel de la 
diffusion de la révélation divine au sein de l'humanité, 
et le véhicule de la pensée du Saint-Esprit à travers le 
monde entier. 

III. Manuscrits. —.Voir t. iv, col: 692, 695-698, 
et la liste supplémentaire de Gregory, Textkritik des 
N. T., Leipzig, 1909, t. m, p. 1335-1343, qui arrive au 
total de 2472. Quelques-uns ont des articles spéciaux 
dans ce Dictionnaire : l'Amiatinus, t. i, col. 480-483 
(avec fac-similé) ; le higotianus, ibid., col. 1794; le 
Bodleianus, ibid., col. 1825; le Cavensis, t. n, col. 353; 
le Forojuliensis, ibid., col. 231 7-2318; \eFutdensis,ibid., 
col. 2413; le Gigas librorum, t. m, col. 238-239; le Ke- 
nanensis, col. 1886-1887; le Legionensis (I, II et III), 
t. iv, col. 159-160; le Lindisfarnensis, ibid., col. 267; le 
Paulinus, ibid., col. 2232; le Toletaniis, i. v, col. 2264- 
2265; le Vindobonensis, col. 2437; l' Urbinas, col. 2358. 

IV. Histoire. — Cette histoire n'est pas encore par- 
faitement tirée au clair pour toutes les époques, quoi- 
qu'elle soit de jour en jour mieux connue. Ses premiers 
temps sont les moins explorés et nous ne pouvons les 
caractériser que par leurs traits généraux. 

1° Au v» et au ri' siècle. — La nouvelle version de 
saint Jérôme fut discutée du vivant même de son au- 
teur, qui nous l'apprend lui-même en plusieurs de ses 
préfaces, notamment dans ses deux préfaces au livre 
de Job, t. xxvin, col. 1079; t. xxix, col. 61. Rufln, 
devenu son adversaire, le traita d'hérétique et de 
faussaire, dans ses Invectives. Cf. S. Jérôme, Apologia 
adversus libros Rufini, II, 24-35, t. xxm, col. 447-456. 
Saint Augustin n'approuva pas d'abord le dessein 
de saint Jérôme de faire une version nouvelle sur 
l'hébreu et il conseillait au saint docteur de se borner 
à reviser l'ancienne traduction latine sur les Septante. 
Epist. lvi, cir, t. xxii, col. 566, 832-834. Saint Jérôme 
justifia son entreprise et exposa à l'évèque d'Hippone 
les raisons qui l'y avaient engagé. Epist. cv, exil, 
col. 834-837, 928-931. Vers la fin de sa vie toutefois, 
l'évèque d'Hippone, satisfait par les explications de 
saint Jérôme, Epist. cxvi, a. 34, t. xxii, col. 952, 
reconnut le mérite de l'œuvre du solitaire de.Bethlé- 
hem et il la cita pourprouver l'éloquence desprophètes 
d'Israël. De doctrina christiana, iv, 15, t. xxxiv, 
col. 95. Quant au Nouveau Testament, saint Augustin 
suivait soit la revision de saint Jérôme, soit l'ancienne 
version. Nous en avons deux exemples curieux dans 
son traité De consensu evangelislarum, en 400, où il 
se sert des deux versions des Évangiles, et dans sa 
controverse avec le manichéen Félix, en 404 : il y 
cite Luc, xxiv, 36-49, d'après le texte revu et Actes, i, 
1-n, 12, selon le texte africain. De actis cum Felice 
manichœo, 1. I, c. m-v, t. xlii, col. 520-522; Corpus de 
Vienne, 1892, t. xxv, fasc. 2, p. 802-807. On retrouve 
aussi des leçons africaines des mêmes chapitres des 
Actes dans Contra epistolam quant vocant Fundamenti, 
c. ix, t. xlh, col. 179-180; Corpus de Vienne, 1891, 
t. xxv, fasc. 1, p. 203-205; Ad catholicos epistola, de 
unitate Ecclesise, c. xi, n. 27, t. xlii, col. 409-410. Cf. 
F. C. Burkitt, The Old latinand tke Itala, dans Texte 
and studies, Cambridge, 1896, t. lv, n. 3, p. 57-58, 
68-78. Du vivant de saint Jérôme, Sophrone, patriarche 
de Constantinople, traduisit en grec la version latine des 
Psaumes et des Prophètes. De viris, 134, t. xxm, 
col. 715. £n 398, un évêque d'Andalousie, nommé Lu- 
cinius, avait envoyé des scribes à Rome et à Bethléhem 
pour prendre copie de la Bible sous les yeux de saint ' 
Jérôme; ils rapportèrent un exemplaire presque com- 
plet, auquel il ne manquait que le Pentateuque. 
S. Jérôme, Epist. LXXI, ad Lucinium, 4, t. xxil, 
col. 671, cf. col. 683. Mais nous ne savons pas quel 
était le texte de cette Bible. 

Malgré sa supériorité sur les anciennes versions la- 

OICT. DE LA BIBLE. 



Unes, la traduction de saint Jérôme ne passa pas vite- 
dans l'usage public et universel, tant était grand l'atta- 
chement aux vieux textes, et ce ne fut que progressi- 
vement qu'on en reconnut le mérite. Peu à peu on en> 
vint à la préférer aux anciennes traductions. C'est en' 
Gaule qu'elle se répandit d'abord insensiblement, sans- 
qu'on puisse fixer la date de son introduction en ce 
pays. Cassien, Collât., xxm, 8, t. xlix, col. 1259, l'ap- 
pelle emendatior translatio. Prosper d'Aquitaine ap- 
prouve l'œuvre de saintjérôme à Belhléhem. Chronic. r 
ann. 386, t. li, col. 586. Saint Eucher de Lyon en fait 
usage et cite une fois au moins le psautier hébraïque. 
Voir Libellus de formulis spiritualis intelligentiss, 
édit. F. Pauly, Graz, 1884. Dom Chapman, Notes on 
the early history of ihe Vulgata Gospels, Oxford, 1908, 
p. 173-177. Saint Vincent de Lérins, saint Mamert, 
Fauste de Riez, Salvien se servent de la version de- 
saint Jérôme. Dom Chapman, op. cit., p. 164-173. Saint 
Césaire d'Arles remplace les citations des Psaumes, 
faites par saint Augustin d'après l'ancien Psautier, par 
les leçons du Psautier romain. G. Morin, dans la Revue 
bénédictine, juillet 1899, p. 293. Le texte de ses ser- 
mons est si mal assuré qu'on ne pourra déterminer 
quel texte latin des Écritures il suivait que quand aura 
paru l'édition critique de ses œuvres que prépare dom 
Morin. Saint Avit de Vienne cite partiellement la ver- 
sion de l'Ancien Testament par saint Jérôme, ainsi que 
saint Grégoire de Tours, mais le texte est déjà un texte 
mêlé de leçons de l'ancienne version. Cf. Sam. Berger, 
Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du 
moyen âge, Paris, 1893, p. 1-5; M. Bonnet, Le latin 
de Grégoire de Tours, Paris, 1890, p. 54. Les poètes- 
latins du v" siècle, Hilaire, Dracontius, Cl. Victor, 
saint Avit et l'auteur du De Sodoma se sont inspirés- 
surtout de la Vulgate et les emprunts qu'ils ont faits 
à l'Italique sont assez rares. S. Gamber, Le livre de 
la Genèse dans la poésie latine au V e siècle, 1899. 

En Afrique, on garde les anciens textes. On croyait 
qu'il en avait été de même dans la Grande-Bretagne et 
que saint Patrice avait cité la vieille version. Dom 
Chapman, op. cit., p. 162-164, a montré que ce saint 
citait la Vulgate. Au commencement du V e siècle, la 
version de saint Jérôme était citée dans les écrits du 
Breton Fastidius. A Rome, le pape saint Léon cite en- 
core la vieille traduction des Évangiles. SéduliusMarius 
Mercator, Victor de Vite et le pape Vigile ont adopté la 
version de saint Jérôme. Dans ses Morales sur Job, 
saint Grégoire le Grand explique la nouvelle traduc- 
tion, tout en recourant, à l'occasion, à l'ancienne et il 
déclare que le siège apostolique se sert de ces deux ver- 
sions. Epist. miss., c. v, t. lxxv, col. 516. Ce pape cite 
aussi la Vulgate dans ses Homélies sur les Évangiles 
et ses leçons ont exercé une grande influence sur les 
manuscrits de la Vulgate. Dom Chapman, op. cit., 
p. 203-210. Au sud de l'Italie, Cassiodore possédait dans 
son monastère de Vivarium un manuscrit de l'ancienne 
version latine, et un autre de la traduction de saint 
Jérôme, Dans son commentaire du Psautier, il inter- 
prète le Psautier romain. Soucieux d'offrir à ses moines 
un texte pur, il fit transcrire la version hiéronymienne 
en neuf manuscrits, et pour faciliter la lecture, il avait 
divisé le texte en cola et en commala. Instit. div., 
c. XII, t. LXX, col. 1124. Il a apporté un soin spécial à 
l'édition du Psautier, des Prophètes et des Épîtres 
apostoliques; malgré son grand âge, il a lu lui-même 
les neuf codices en entier, en les collationnant avec . 
d'anciens manuscrits que ses amis lisaient en sa pré- 
sence. Ibid., prsef., col. 1109. En tête de chacun des 
livres, il avait mis des sommaires analytiques, réunis à 
part dans son Liber titulorum. Il conseille à ses 
moines de recopier attentivement son texte et d'éviter 
les fautes de transcription. Il donne les règles à suivre 
pour corriger les fautes des copistes, ibid., c. xiv, xv, 

V. — 78 



2467 



VULGATE 



2468 



col. 1126-1131, et il annonce qu'il publiera un traité 
De orthographia, reproduit par Migne, ibid., col. 1239- 
1270. Cf. Institue, xxx, col. 1144-1146. On ignore quelle 
influence a exercée sur la transmission du texte hiéro- 
nymien l'édition de Cassiodore. Voir t. h, col. 338-340. 
Si VAmialinus reproduit un prologue cassiodorien, le 
texte biblique de ce manuscrit n'est pas, selon le senti- 
ment commun des critiques, celui de Cassiodore. Voir 
t. i, col. 482. Voir plus loin le sentiment de dom 
Chapman. 

Deux cents ans environ après la mort de saint Jérôme, 
sa version était reçue universellement dans l'Église 
latine, au témoignage de saint Isidore de Séville. De 
officiis ecclesiasticis, I, xn, 8, t. lxxxiii, col. 748. 
Aussi, un siècle plus tard, Bède l'âppelle-t-il simplement 
« notre édition » et ne connaît-il plus l'édition précé- 
dente que sous le nom d'antiqua translatio. Hexaeme- 
ron, 1. I; Super parabolas Salomonis allegorica expo- 
sitio, 1. II, t. xci,col. 52,57, 1010. Cependant, des par- 
ties des anciennes versions latines furent encore reco- 
piées jusqu'au XIII e siècle, et parfois au milieu des 
manuscrits du texte hiéronymien. Voir t. lv,col. 693-694. 
La nouvelle œuvre avait donc mis du temps à prédo- 
miner et à supplanter les anciens textes. Son triomphe 
toutefois n'était pas complet, car, durant les deux siè- 
cles qui l'avaient précédé, le texte de saint Jérôme ne 
s'était pas transmis pur de tout alliage. Les leçons des 
versions antérieures, que le saint docteur avait voulu 
éliminer, en revisant les anciens textes ou en donnant 
aux latins la vérité hébraïque, étaient rentrées dans 
son propre travail. Écrites d'abord aux marges des ma- 
nuscrits du nouveau texte par des lecteurs qui avaient 
constaté leur disparition, elles étaient réintroduites 
dans le texte même par de nouveaux copistes. Elles ' 
sont nombreuses surtout dans les livres de Samuel, 
voir col. 1144, et dans les Proverbes, voir col. 794. 
Les écrivains gaulois du v e et du VI e siècle, qui se ser- 
vaient simultanément des deux versions, avaient déjà 
en mains des textes mêlés, et leurs citations de saint 
Jérôme étaient contaminées par des leçons « euro- 
péennes » ou « italiennes ». La version hiéronymienne 
aurait donc eu dès lors besoin d'être corrigée et ra- 
menée à sa pureté première. Mais personne ne semble 
l'avoir remarqué à cette époque, et il faudra attendre 
jusqu'au vm e siècle pour que ce travail de revision fût 
entrepris. 

Nous ne pouvons, en effet, nous rallier à l'hypothèse, 
plusieurs fois émise, sans succès du reste, par 
M. A. Dufourcq, d'une correction ou expurgation des 
textes bibliques, du Nouveau Testament surtout, faite 
par les catholiques en Italie ou en Gaule, d'une façon 
plus précise, à Lérins, à Vivarium etâ Rome, au v« ou 
vi e siècle, à rencontre des néo-manichéens de l'époque 
qui avaient altéré les textes sacrés. De manickseismo 
apud Latinos quinto sextoque sseculo alque de latinis 
apocryphis libris (thèse), Paris, 1900, p. 71-79 ; Étude 
sur les Gesta martyrum romains, Paris, 1910, t, IV, 
p. 240-260; Histoire del'Église du 1W au xi'siècle. Le 
christianisme et les barbares, 3' édit., Paris, 1911, 
t. v, de L'avenir du christianisme, p. 88. Cf. E. Mange- 
not, Une recension delaVulgale en Italie au vou ri' 
siècle (extrait de la Revue du clergé français, dul" dé- 
cembre 1901), Paris, 1901. Les indices que M. Dufourcq 
fournit de cette revision, à savoir, le prologue Primum 
quseritur, de l'Épltre aux Romains, le prologue Non 
idem est ordo, placé en tête des Épitres catholiques, 
la préface Très libros Salomonis, qui précède le livre 
des Proverbes, l'édition de Cassiodore et le décret 
pseudo-damasien De libris recipiendis, prouvent bien 
que les catholiques ont discuté avec les priscillianistes 
et les néo-manichéens de cette époque sur le terrain 
biblique, qu'ils ont tenu, comme Cassiodore, à joindre 
des préfaces aux livres bibliques, que quelques-unes 



d'elles ont été fabriquées et placées sous l'autorité de 
saint Jérôme. Ces documents peuvent prouver encore 
que l'ordre des Livres Saints a été modifié diversement 
dans les manuscrits copiés alors; mais ils ne gardent 
pas la moindre trace, sinon au sujet du fameux verset 
des trois témoins célestes (ce qui est un cas tout parti- 
culier), d'une recension de la version hiéronymienne, 
entreprise en vue de faire disparaître les falsifications 
manichéennes du texte sacré. Les manuscrits altérés par 
les manichéens ont été brûlés par ordre de saint Léon 
le Grand et personne parmi les catholiques n'a eu 
besoin de les corriger. En tout cas, s'il y a eu àxette 
époque une véritable recension du texte, il n'y a aucun 
indice qu'elle a exercé une influence réelle sur le texte 
de la Vulgate latine. C'est par un autre moyen, par 
l'étude des manuscrits du vu" et du vm e siècle, que 
nous pouvons nous faire quelque idée - de l'état du 
texte de la Vûlgale au vi e siècle. 

2° Les manuscrits latins du texte qui avait cours 
avant le milieu du viw siècle. — Samuel Berger, 
op. cit., p. 8-111, en a distingué deux catégories très 
homogènes, ayant chacune leur couleur propre et lo- 
cale, les Bibles espagnoles et irlandaises, qui ont en- 
vahi la France à l'époque mérovingienne et lui ont 
fourni des textes mêlés et sans caractère propre. 
D'autres textes ont existé à Saint-Gall et au nord de 
l'Italie. 

1. Les Bibles espagnoles. — Elles nous ont conservé 
le texte entier de l'Écriture. Dès leur première appa- 
rition, elles se présentent avec un caractère absolument 
à part et une originalité exclusive. Elles constituent 
une recension unique par ses sommaires, par les 
nombreuses leçons de l'ancienne Vulgate qu'elles 
contiennent, notamment quelques-unes du texte « ita- 
lien » qu'on a retrouvées dans les œuvres de l'évêque 
d'Avila, Priscillien, et par ses interpolations propres. 
Vercellone avait établi que leur texte est celui du bré- 
viaire et du missel mozarabes, ce qui suffit à détermi- 
ner leur patrie. Cette recension est reproduite avec 
assez peu de variantes dans tous les manuscrits visi- 
goths de la Bible. On la reconnaît dans les débris de 
la plus ancienne Bible espagnole (palimpseste de la 
cathédrale de Léon, dont le texte biblique est du 
vii e siècle environ), et dans les beaux manuscrits espa- 
gnols de l'occupation arabe, dont le Toletanus, du 
vm e siècle, est le type. Le Cavensis (vm e -ix e siècle) est 
aussi un texte visîgoth pur. L'éditeur de cette recension 
est l'écrivain qui s'est caché sous le nom de Peregri- 
nus et qui avait corrigé les canons de Priscillien sur 
saint Paul. S. Berger avait cru reconnaître sous ce 
pseudonyme le moine espagnol Bachiarius, qui avait 
pris le surnom de peregrinus, t. xx, col. 1024. Mais 
Bachiarius est resté simple moine et n'a jamais été 
évêque; il ne peut donc pas être l'éditeur de la recension 
espagnole. Wordsworth et White, Novum Testamen- 
tum D. N. J. C. latine, Oxford, 1898, t. i, fasc. 5, 
p. 708. 

Les autres Bibles espagnoles, tout en reproduisant 
foncièrement cette recension, forment deux groupes, 
qui paraissent dériver l'un et l'autre du texte du Tole- 
tanus. Le groupe le plus nombreux, qui est aussi bien 
délimité géographiquement que constant dans son 
texte, très rapproché de celui du Toletanus, se con- 
centre dans le royaume de Léon et étend son influence 
sur la haute vallée de l'Èbre. On peut le nommer 
« léonais ». Il est représenté par la deuxième bible de 
Ximénès (n.32 de l'université de Madrid), rx e -x e siècle, 
la Bible de San-Millan, x e , celle de la cathédrale de 
Léon, datée de 920, le Codex gothicus Legionensis 
(collégiale de San-Isidro), de 960, le manuscrit 3, 
2 de la cathédrale de Tolède, XI e , le manuscrit A, 2 de 
la Bibliothèque nationale de Madrid, xi e , la Bible du 
Museo arqueologico de Madrid, xn e , la troisième Bible 



2469 



VULGATE 



2470 



d'Alcala(n. 33 et 34 de l'université de Madrid), xn e -xin e , 
le manuscrit de San Isidro de Léon (n. 1-3), copie du 
Legionensis, prise en 1162. Le second groupe, dit 
« castillan », comprend deux manuscrits espagnols, la 
première bible d'Àlcala (n. 31 de l'université de Ma- 
drid), IX e siècle, et celle du maréchal de Noailles 
(Bibliothèque nationale de Paris, latin 6), X e , qui dif- 
fèrent beaucoup des manuscrits visigoths et sont rem- 
plis du souvenir de saint Isidore de Séville. Cette 
recension a été établie au IX e siècle en Castille et au X e 
en Catalogne. "Voir encore dom Andrés, El codex visi- 
gotico de la Bibla de San Pedro de Cardena (x e siècle), 
dans Boletin de la Real Academia de la Historia, 
1912, t. tx, p. 101. 

2. Les Bibles irlandaises et anglo-saxonnes. — 
L'usage de la version de saint Jérôme en Grande-Bre- 
tagne et en Irlande n'est guère attesté avant le vm e siècle 
que par les citations bibliques des écrivains irlandais 
ou bretons. M. Haddan, dans Haddan et Stubbs, 
Councils and eccl. documents relat. to Gr. Britain 
and Ireland, Oxford, 1869, t. i, p. 192, l'a constaté 
dans les œuvres de saint Gildas, au vi e siècle, et il a 
conclu que le texte cité ressemblait à celui du Codex 
Arniatinus, sans lui être pourtant identique. Aux vu" 
■et vm e siècles, la nouvelle version a pénétré en Ecosse 
et en Irlande et se retrouve dans les écrits de Cum- 
mian et d'Adaman et dans les documents du droit canon 
irlandais. L'ancien texte biblique, qui était usité en 
Irlande et dont on rencontre des traces dans les cita- 
tions irlandaises de la Vulgate hiéronymienne, était un 
texte « européen », dont nous avons un témoin excel- 
lent dans le Codex Vsserianus, pour les Évangiles. Les 
manuscrits irlandais et anglo-saxons de la Vulgate sont 
très nombreux, mais, sauf de rares exceptions, ils ne 
«ont pas beaucoup plus anciens que le vm e siècle et 
dis ne reproduisent pas une Bible complète. Ils sont 
•étroitement groupés entre eux et leur témoignage est 
unanime. Leur texte est formé de la fusion des manu- 
scrits romains, apportés par les apôtres de la Grande- 
Bretagne, et des manuscrits irlandais antérieurs. Cette 
fusion a commencé dans le Kent et les manuscrits qui 
portent le nom de saint Augustin de Cantorbéry (deux 
Évangiles du VII e siècle : n. 286 à Corpus Christi Collège 
•de Cantorbéry et Bodley 857, et un Psautier du 
xv e siècle, ms. Cotton. Vespar. À. 1), ont déjà un texte 
un peu mêlé, ayant la saveur du terroir irlandais. Dom 
'Chapman a soutenu toutefois que les manuscrits de 
saint Augustin de Cantorbéry n'avaient pas de leçons 
irlandaises et étaient des textes romains purs. Notes 
■on tlie early history of the Vulgate Gospels, Oxford, 
1908, p. 181-202. Il a rapproché leur texte des Évan- 
giles des citations des Homélies de saint Grégoire le 
■Grand, p. 210-216. Les meilleurs manuscrits du type 
irlandais proviennent de Murcie ou de Northumbrie : 
ils reproduisent la version hiéronymienne avec les 
interpolations irlandaises caractéristiques. L'introduc- 
tion de ce texte en Angleterre est due à Théodore de 
Tarse, archevêque de Cantorbéry (668-690), et à Wilfrid, 
évêque d'York (667-709). Les abbés de Wearmeuth et 
de Jarrow dans le Northumberland, Benoit Biscop et 
•Ceolfrid, rapportent de Rome, à chacun de leurs pè- 
lerinages, des copies de la Vulgate, desquelles dérivent 
les manuscrits northumbriens. Le meilleur est le 
-célèbre Codex Arniatinus, écrit en 716. Voir t. i, 
■col. 480-483. Le texte des Évangiles a dû être copié 
-sur le manuscrit napolitain du moine Adrien. Voir 
•dom Morin, La liturgie de Naples au temps de 
S. Grégoire, dans la Revue bénédictine, 1891, t. vin, 
p. 481-483. Le fragment d'Utrecht et le fragment de Dur- 
•ham (A. //, 17) sont deux frères et peut-être deux 
frères jumeaux de l'Amiatinus. Il faut rapprocher du 
même codex le Stonyhurst St. John et le manuscrit de 
Ourham (A. n, 16), écrit de la main de saint Bède. Le 



plus beau de tous les manuscrits northumbriens est le 
Lindisfarnensis, Book of Lindisfarne, au British Mu- 
séum (Nero D. IV). Il est signé d'jEdfrith, qui occupa 
le siège de l'île sainte (698-721) et il reproduit un ca- 
lendrier liturgique de l'Église de Naples. Voir dom Mo- 
rin, loc. cit. ; dom Chapman, op. cit., p. 43-77. D'autres 
manuscrits en grand nombre reproduisent le texte ir- 
landais, mais plus mêlé de leçons étrangères. S. Berger 
a étudié surtout les manuscrits de Dublin : le Codex 
Durmachensis, Book of Durrow (Trinity Collège, 
A. 4, 5), le Codex Kenanensis, Book of Kells (Trinity 
Collège, A. l,6),\e deuxième manuscrit d'Ussher (Tri- 
nity Collège, A. 4, 6), le Stowe St. John (bibliothèque 
de Royal Irish Academy) et il se borne à citer 23 autres 
manuscrits irlandais. Op. cit., p. 43-44. Il avait parlé 
auparavant, p. 31-34, du Book of Armagh et du Book 
of Mailing, les deux plus importants manuscrits natio- 
naux de l'Irlande, qui sont du IX e siècle seulement, et 
qui reproduisent des textes de transition entre les 
anciens textes irlandais et le texte northumbrien pro- 
prement dit. 

Les Irlandais ont transporté leur texte biblique en 
dehors des Iles britanniques. La Neustrie, l'Austrasie, 
l'Alémanie, la Rhétie et l'Italie ont conuu des manu- 
scrits du type irlandais. La première de ces contrées 
nous offre d'abord trois manuscrits de Tours, aujour- 
d'hui dispersés : le manuscrit de Saint-Gatien (Biblio- 
thèque nationale de Paris, nouvelles acquisitions, 1587), 
du vm e siècle, que J. M. Heer vient d'éditer, Evange- 
lium Gatianum, Fribourg-en-Brisgau, 1910; le ma- 
nuscrit de Marmoutiers (British Muséum, Egerton 609), 
du IX e ; le n. 22 de la bibliothèque publique de Tours, 
aussi du IX e . Deux autres manuscrits s'en rapprochent 
par la géographie et le texte : le n» 13 169 de la Biblio- 
thèque nationale de Paris, du X e siècle, et le n» 20 de 
la bibliothèque d'Angers. Il faut mettre à côlé d'eux le 
manuscritditd'vEthelstan(BritishMuseum, I.A.XV111), 
du ix e -x e siècle, dont l'origine est inconnue, et enfin le 
Codex Bigotianus (Bibliothèque nationale de Paris, 
lat. 281 et 298), du vm e siècle, en écriture onciale. Tous 
ces manuscrits ne contiennent que les Évangiles. Les 
Épltres et l'Apocalypse sont reproduites dans un ma- 
nuscrit (Harléien, 1772), du vm e -ix e siècle, dont l'orne- 
mentation est irlandaise, sinon le texte lui-même. Pour 
l'Ancien Testament, il n'y a à signaler sur le continent 
que le Psautier double de Saint-Ouen (bibliothèque de 
Rouen, 24), du X e siècle, et le manuscrit des prophètes 
(Bibliothèque nationale, 9382), du IX e . En Austrasie, il y 
avait à l'abbaye de Saint-Arnoul de Metz un manuscrit 
anglo-saxon des Évangiles, qui est du VIII e siècle et 
qui appartient aujourd'hui à la bibliothèque princière 
d'Œttingen-Wallerstein. L'abbaye d'Echternach possé- 
dait un autre manuscrit des Évangiles, écrit en une 
belle semi-onciale saxonne du vm* siècle. Il est mainte- 
tenant à la Bibliothèque nationale de Paris, 9389. Son 
texte est nettement irlandais. Une note de première 
main, copiée sur quelque vieil exemplaire, porte la 
date 558 et déclare que le texte a été corrigé, au temps 
de Cassiodore, avant d'être transcrit, sur le manuscrit 
d'Eugippius, l'auteur de la vie de saint Séverin 'et 
l'abréviateur de saint Augustin. Cette note rattache le 
texte irlandais à un manuscrit napolitain du VI e siècle. 
Des manuscrits de Wurzbourg, le manuscrit dit de 
saint Eilian (M p. th. g. i a ) ne semble avoir rien 
d'irlandais, mais trois autres proviennent véritablement 
des Iles britanniques : pour les Évangiles, le ms. Mp. 
th. f. 61, écrit au vm e siècle, et pour saint Paul, les 
deux mss. Mp. th. f. 12, du IX e , etMp. th. f. 69, qu'on 
dit être du vm e . Le Laudianus latin 102 de la Bod- 
léienne vient de Wurzbourg et il est écrit en une 
minuscule saxonne qui parait être du début du 
X e siècle. Il contient les Évangiles et son texte, qui est 
composite, a des leçons irlandaises. En Alémanie, nous 



2471 



VULGATE 



2472 



trouvons le ms. 10 de Saint-Gall, écrit au X e siècle par 
l'irlandais Faelan, le ms. 51 des Evangiles, qui parait 
être du vm* siècle, et le n° 60 de la -bibliothèque con- 
ventuelle, du vni e -ix 8 siècle, qui ne contient que le 
quatrième Évangile. Des manuscrits de Reichenau, on 
conserve à Karlsruhe, à la bibliothèque du grand-duc, 
VAugiensis 211, qui semble être de la fin du IX e siècle 
et dont le texte a des leçons irlandaises caractéris- 
tiques. La Suisse possède beaucoup de manuscrits 
irlandais : à la bibliothèque de l'université de Berne, 
le n° 671 est un joli petit manuscrit des Évangiles, 
écrit entre le IX» et le XI e siècle; à Genève, un manus- 
crit des Évangiles, n° 6, écrit entre le vin e et le IX e siècle. 
De la Rhétie provient le Livre des confraternités de 
l'abbaye de Pfâffers, du commencement du IX e siècle, 
conservé aujourd'hui aux archives conventuelles de 
Saint-Gall; il contient des extraits des Évangiles, dont 
le texte est absolument irlandais. Enfin, un manuscrit 
de Bobbio (1. 61 superior de la bibliothèque ambro- 
sienne de Milan), d'une écriture semi-onciale irlandaise 
du vm 5 siècle, présente des leçons et des corrections 
irlandaises. Tous les textes irlandais avaient été exécu- 
tés sur le continent par des moines irlandais. 

L'étude des manuscrits irlandais de la Bible nous 
a déjà fourni trois indices de rapports entre le texte 
irlandais et le sud de l'Italie. Avec VAmiatinus est 
venue à Jarrow la copie d'un prologue de Cassiodore; 
Lindisfarne a reçu un livre d'Évangiles venant de 
Naples; un manuscrit anglo-saxon, écrit probablement 
à "York, reproduit un texte corrigé sur l'original d'Eu- 
gippius. Ces renseignements ont amené dom Chapman 
à rattacher le texte northumbrien des Évangiles de la 
Vulgate au sud de l'Italie par Cassiodore et Eugippius. 
Selon lui, VAmiatinus est en relation étroite avec 
Cassiodore, non seulement par le prologue du feuillet 
pourpré, mais encore par son texte, qui est cassiodo- 
rien. L'archétype de ce manuscrit avait en marge des 
leçons liturgiques de l'Église de Naples. Le manuscrit 
d'Echternach nous ramène à Cassiodore et à Eugippius. 
La note qu'il reproduit vient d'un ancêtre northum- 
brien. Or, on peut supposer qu'elle est de la main même 
de Cassiodore. La correction du texte vient donc de 
Lucullanum, où furent écrites aussi les notes litur- 
giques du Lindisfarnensis. Or, d'Eugippius à saint 
Jérôme il n'y a pas loin, et son manuscrit a pu être 
un manuscrit de saint Jérôme lui-même, provenant de 
la bibliothèque de la gens Anicia. En 382, cette famille 
comptait une femme, nommée Proba, qui était l'amie 
de saint Jérôme, et un siècle plus tard, une autre 
Proba, qui était l'amie d'Eugippius. Notes on theearly 
history of the Vulgate Gospels, p. 1-44. Les rapports 
de la correction du texte par Cassiodore sur le manu- 
scrit d'Eugippius ayant été discutés par J. M. Heer, 
Evangelium gatianum, p. xlih-xlviii, dom Chapman 
a répondu en maintenant son interprétation. Cassio- 
dorus and the Echternach Gospels, dans la Revue 
bénédictine, 1911, p. 283-295. L'hypothèse du docte 
bénédictin anglais est très ingénieuse. 

Quant au texte irlandais, représenté surtout par le 
Book of Armagh, il proviendrait de Lérins, et il aurait 
été apporté en Irlande par saint Patrice. Les citations 
bibliques de Vincent de Lérins, de Fauste de Riez et de 
saint Eucher de Lyon représenteraient un texte de la 
Vulgate, apparenté au texte irlandais,. Notes, etc., 
p. 177-180. Les ressemblances ne sont pas très frap- 
pantes, et l'origine lérinienne du texte irlandais est loin 
d'être prouvée. 

3. Les Bibles françaises. — Elles ne représentent 
pas une recension particulière, faite sur le territoire 
franc, mais des textes étrangers, naturalisés français. 
Ce sont des textes de pénétration et des rejetons des 
Bibles espagnoles ou irlandaises. Les premières sont 
venues de la Septimanie et par la vallée du Rhône ont 



monté jusqu'à la Loire ; les secondes ont passé la Manche 
et se sont arrêtées aux bords de la Loire; puis les deux 
courants se sont réunis et confondus au cœur du pays. 

a) Des Pyrénées à la Loire. — Les Bibles espagnoles 
ont pénétré en France de la côte orientale de l'Espagne 
par la vallée du Rhône. Aussi en trouvons-nous d'abord 
à Lyon et à Vienne en Dauphiné. Le manuscrit de 
Lyon, n° 356, du ix e siècle, représente un texte espa- 
gnol analogue à celui du Complutensis. Un autre, qui 
provient de Vienne et qui se trouve à la bibliothèque 
de l'université de Berne, A, 9, est du XI e siècle, mais il 
reproduit un texte ancien, dérivé en plusieurs parties 
des Bibles espagnoles. Le manuscrit 15 de Saint- 
Germain (Bibliothèque nationale de Paris, 1153), du 
IX e siècle, a de première main un très bon texte espa- 
gnol, corrigé de seconde main sur un mauvais texte 
du même pays. Ce texte a donc passé d'Espagne par la 
Catalogne et le Languedoc et il a été transcrit peut-être 
dans les environs de Lyon. Aux textes visigoths se 
rattache le texte languedocien, qui remonte à cette 
époque, quoique nous n'en ayons plus de témoins 
anciens, et qui a été usité en Languedoc, durant tout le 
moyen âge. Ses leçons caractéristiques ont passé dans 
les versions provençales, voir col. 774-776 (et par elles, 
en partie, dans les versions vaudoises, voir col. 2381), 
et dans la Bible allemande de Tepl. Catalan d'origine, 
il se distingue des textes espagnols par ses nombreuses 
interpolations, venues des anciennes versions latines, 
et par des doublets; il est le résultat d'une compila- 
tion. Ses principaux témoins sont, comme textes mé- 
ridionaux : le Codex Aniciensis des bénédictins (Biblio- 
thèque nationale de Paris, 4 et 4 2 ), écrit entre le IX e et 
le x e siècle; la Bible de Mazarin (B. N., 7), du xi e ; le 
Codex Colbertinus (B. N., 254), de la seconde moitié 
du xii»; la grande Bible de la bibliothèque harléienne 
(4772, 4773), du commencement du xni e ; le ms. 321 de 
la Bibliothèque nationale, de la même date. Les témoins 
proprement languedociens sont tous du xin» siècle et 
ne contiennent presque tous que le Nouveau Testament, 
à savoir, les ms. 342, 343 et 341 de la Bibliothèque 
nationale, les deux Bibles du même dépôt, 11932 et 
16262, le Codex Demidovianus ; enfin, du XV e siècle, le 
Nouveau Testament, conservé au château de Wernige- 
rode, en Bohême, et provenant de Saint- André d'Avi- 
gnon. Le texte espagnol de la Bible a passé ensuite 
dans le Limousin et la Touraine et on le retrouve dans 
les manuscrits de Saint-Martial de Limoges : Bibles 
(B. N., 5 et 5', du ix° siècle; 8 et 8 3 , du xi 8 , copie de 
la précédente), le Codex Lemovicensis des Ëpitres- 
catholiques (B. N., 2328), du viiimx» siècle, et le ms. 
(B. N., 315), contenant les mêmes Épîtres, les Actes et 
l'Apocalypse, du xii c -xm e ; dans ceux de Tours : B. N., 
112 et 113, Au X e , et dans ceux de Fleury-sur-Loire : le 
ms. 16 de la bibliothèque d'Orléans, formé des débris 
de cinq manuscrits, peut-être le ms. 9 de la reine 
Christine de Suède contenant les Épltres de saint Paul, 
du vii e -viil° siècle, et le ms. 18 de la bibliothèque de 
Tours, du XI e siècle, reproduisant le livre de Job. 

b) Les Bibles du nord de la France. — Leur texte 
est un mélange de leçons espagnoles et de leçons 
irlandaises. Le manuscrit de la cathédrale de Chartres 
(B. N., 10439), du vm« siècle,' qui, pour les six pre- 
miers chapitres de l'Évangile de saint Jean, reproduit 
une version ancienne, européenne ou italienne, repré- 
sente, à partir du c. vu, une Vulgate assez bonne. Le 
ms. 3 du grand séminaire d'Autun est le mauuscrir 
type du vm e siècle : son texte est la Vulgate, mêlée de 
beaucoup de leçons irlandaises ou espagnoles. La 
même fusion existe dans une famille de textes, éche- 
lonnés entre le vn e et le ix« siècle et auxquels l'Église- 
de Paris paraît avoir servi de centre : ms. de Notre- 
Dame (B. N., 17226), ms. de Colbert, venant de Saint- 
Denis (B. N., 256), ms. de Saint-Victor (B. N., 14407)- 



2473 



YULGATE 



2474 



Le ms. du British Muséum (addition. 5463), du com- 
mencement du ix« siècle, a un texte fort rapproché de 
celui du groupe parisien, sans lui être identique. Une 
autre famille de manuscrits des Évangiles (B. N., 
9886, 264, S68), du ix" et du x« siècle, dont le texte est 
apparenté à une bible provenant de Saint-Germain 
{B. N., 11505), contient des interpolations irlandaises 
et des particularités anglo-saxonnes. Une main récente 
a introduit des leçons irlandaises dans un manuscrit 
de Richelieu (B. N., 46273), qui parait être du X e siècle. 
Les Bibles de Saint-Riquier (B. N., 11504 et 11505), et 
le Codex regius (B. N., latin 45 et 93), qui ont été 
copiés et corrigés sur le même modèle, sont appa- 
rentés au texte catalan, étroitement uni au texte lan- 
guedocien, mais ils ont aussi une relation étroite 
avec celui des manuscrits français (B. N., 303 et 305), 
du xi» siècle. Le pagus de la Moselle se servit d'un 
texte plus mélangé encore que celui de Paris, ainsi 
qu'en témoigne la demi-Bible qui porte le n° 7 à la 
bibliothèque de Metz et qui est du commencement du 
jx e siècle. A Corbie, entre la fin du vin» siècle et le 
commencement du ix", la Vulgate présentait un texte 
mêlé de leçons anciennes, témoin la Bible de Mor- 
•dramnedu vin e siècle, qui esta la bibliothèque d'Amiens 
en quatre volumes, n° s 6, 7,11 et 12. Plusieurs autres 
•manuscrits plus récents: Psautier (Amiens, n» 18), les 
quatre livres d'Esdras (Amiens, n° 10), les Actes, les 
Épîtres catholiques et l'Apocalypse (B. N., 13174), la 
Bible en deux volumes (B. N., 11533 et 11533), ont un 
•texte mêlé, dont les leçons espagnoles sont adventices. 
Le ms. 1190 de la bibliothèque impériale de Vienne a 
été copié au commencement du ix e siècle, à Saint- 
*Vaast d'Arras; il reproduit la recension française d'ori- 
gine espagnole. 

4. Les Bibles de Saint-Gall et de l'Italie du nord. 
— a) Saint-Gall. — Outre les textes irlandais,' qui 
ont pénétré à Saint-Gall et dont il a déjà été parlé voir 
plus haut, outre les manuscrits bilingues, monu- 
ments de calligraphie et de luxe, transcrits à Saint- 
Gall par des mains irlandaises (le Sangallensis, n° 48, 
Je Bœrnerianus, voir t. i, col. 1826, VAugiensis, col. 
1233-1234, et les Psautiers bilingues, Saint-Gall, n» 11; 
.bibliothèque de Bàle, A. VII, 3, etc.), la célèbre abbaye 
-a connu un texte biblique, ayant un caractère propre 
et formant une tradition strictement locale. Les docu- 
ments qui le contiennent sont l'œuvre des savants cal- 
ligraphies du VIII e et du IX e siècle, Winitharius et 
Hartmut, et de leur école. Le ms. 70, contenant les 
Épîtres de saint Paul, est signé par Winitharius. L'iden- 
tité d'écriture permet de lui attribuer les manuscrits 2 
(Actes et Apocalypse) et 907 (Épîtres catholiques et 
Apocalypse). Quelques extraits de la Vulgate des divers 
livres de la Bible se trouvent dans le ms. 11. Le texte 
est assez mauvais et quelques-unes de ses leçons sont 
apparentées aux leçons espagnoles ou languedociennes. 
D'autres manuscrits de la même époque, 1398'- et 282 
(fragments du I er livre des Rois), 43 et 44 (Ézéchiel, 
petits prophètes et Daniel), 28 (livres sapientiaux), 6 
(Chroniques, Esdras et Néhémie, Tobie, Judith et 
Esther), 14 (Job) et 12 (Machabées), sont à la base du 
texte traditionnel de Saint-Gall, établi par Hartmut. Ce 
calligraphe, qui fut abbé de Saint-Gall (872-883), avait 
copié lui-même ou fait copier neuf manuscrits bibliques 
pour son monastère et une bible complète en neuf 
volumes pour son propre usage. De ces 18 volumes, 
S. Berger en a reconnu une dizaine en 13 codices, 
conservés jusqu'aujourd'hui : 19 (Psautier hébraïque), 
7 (livres sapientiaux et Chroniques), 81 (livres sapien- 
tiaux, Job et Tobie), 46 (Ézéchiel, petits prophètes et 
Daniel), 45 (Ézéchiel, Daniel, petits prophètes) à Saint- 
Gall, BritishMuseum, addit. 11851 (Nouveau Testament 
sans les Évangiles), 77, 78, 82, 79, 83, 75 de Saint- 
Gall, qui semblent avoir fait partie d'une Bible complète. 



Mais Hartmut était plutôt un éditeur qu'un copiste : il 
corrigeait de sa main les livres qu'il n'avait pas copiés. 
Son texte biblique était le texte, précédemment copié 
à Saint-Gall, mais retouché, un texte mêlé par consé- 
quent, d'origine méridionale, qui, dans la grande Bible, 
n° 75 s'est croisé avec le texte de Tours. La transcrip- 
tion des textes bibliques a persévéré à Saint-Gall. 
Notker Balbulus fait transcrire III Esd., m et iv, dans 
le ms. 14, et ajouter Baruch à la fin du ms. 39. Salo- 
mon III a établi, en 909, une édition du Psalterium 
quadruplex (bibliothèque royale'de Bamberg, A. 1. 14). 

b) Reichenau et Einsiedeln. — Ces deux abbayes 
furent tributaires de Saint-Gall pour le texte de la 
Bible. La Glose ordinaire, attribuée à Walafrid Stra- 
bon, abbé de Reichenau en 842, est faite sur le texte 
biblique de Saint-Gall, et elle a fourni des leçons au 
texte parisien du xiii 8 siècle. Le ms. 1 d'Einsiedeln a 
été copié, au commencement du x e siècle, sur un 
manuscrit de Saint-Gall et aussitôt après corrigé sur 
un autre. Un autre ms., 5-7, de la même époque, 
présente les mêmes caractères. Un des modèles est le 
n° 17 de Saint-Gall, contenant les Évangiles. 

c) Bobbio et Milan. — Les leçons espagnoles qu'on 
remarque dans les bibles de Saint-Gall viennent pro- 
bablement de la province ecclésiastique de Milan, 
qui avait été elle-même en relation, pour son texte 
biblique, avec le midi de la France et la côte orientale 
de l'Espagne. En effet, de Bobbio provient le ms. E. 26 
inferior de la bibliothèque ambrosienne de Milan; il 
est du ix^x" siècle et contient la moitié d'une bible, 
commençant aux Chroniques et finissant aux Épîtres de 
saint Paul. Son texte, qui est étrangement mêlé et qui 
est local, ressemble en divers livres aux manuscrits 
espagnols ou catalans. Les archives de la collégiale de 
Monza, n° 1 l, conservent les débris d'un manuscrit, 
d'une écriture lombarde du X e siècle. Il semble être la 
copie d'un manuscrit assez ancien et son texte des 
Épîtres de saint Paul ressemble à celui du codex de 
Bobbio. Le texte milanais s'est conservé dans un bon 
nombre de manuscrits italiens du x* siècle, qui 
représentent une véritable édition et dont le texte était 
en usage au xv siècle dans l'jïglise de Milan, comme 
l'a démontré le P. Vercellone. On la trouve dans la 
Bible d'Avellana et dans les manuscrits apparentés, 
groupés par le savant barnabite. Voir Variée lectiones 
Vulgatse latinse Bibliorum, Rome, 1860, t. i,p. lxxxvii, 
xci. C'est le texte qu'employait saint Pierre Damien 
(-j- 1072) et qu'il avait fait copier pour ses moines 
d'Avellana, ainsi qu'il le rapporte dans son Opusculum, 
XIV De ordine eremitarum et facultatibus eremi t 
fontis Avellani, Pat. lat.,t. cxlv, col. 334. Cf. Analecta 
juris ponti/icii, 28 e livraison, p. 1016. S. Berger a joint 
à cette liste cinq manuscrits italiens et deux manu- 
scrits, copiés au xiir 3 siècle en Espagne, qui repro- 
duisent ce texte italien. 

3° Les manuscrits de l'époque carolingienne. — 
L'unité, qui manquait dans les anciens manuscrits de 
la Vulgate copiés jusqu'au milieu du ix a siècle et plus 
tard encore dans les lieux reculés, apparaît dans une 
nouvelle série de codices, qui forment des groupes 
compacts et se rattachent aux noms de personnages 
connus dans l'histoire. Elle fut provoquée par Charle- 
magne, qui voulut pour son royaume un texte de la 
Bible, correct au point de vue de la langue, conforme 
aux règles de la grammaire et de la ponctuation et 
aussi pur de toute altération. Si le puissant monarque 
n'y a pas mis lui-même la main, comme on pouvait le 
conclure de son capitulaire, qui sert d'introduction à 
VHomiliaire de Paul Diacre, t. xcv, col. 1159-1160, et 
de l'affirmation de son biographe, Thégan, t. cvi, 
col. 409, c'est au moins par son ordre et avec ses en- 
couragements que les clercs de sa cour et de son 
royaume s'efforcèrent d'établir un boa texte biblique. 



2475 



VULGATE 



2476 



Voir ses Capitulaires, dans Pertz, Monumenta Germa- 
nise. Leges, t. i, p. 44, 65. Deux hommes, Théodulfe, 
évêque d'Orléans, et Alcuin, abbé de Saint-Martin de 
Tours, ont cherché à réaliser les volontés de Charle- 
magne, mais ils ont suivi des règles différentes et 
abouti à des résultats divergents. 

1. Bibles de Théodulfe. — Léopold Delisle a révélé 
au public savant l'existence et l'importance de l'œuvre 
de l'évêque d'Orléans. Les Bibles de Théodulfe, dans 
la Bibliothèque de l'École des chartes, 1879, t. XL, 
p. 73-137. Il en a signalé six témoins. Deux, qui sont 
les chefs-d'œuvre de la calligraphie au début du 
IX e siècle, ont été exécutés presque en même temps et 
peut-être par le même copiste et ils se ressemblent 
presque autant que deux épreuves tirées de la même 
planche typographique. Ce sont la Bible de Mesmes 
(B. N., 9380) et la Bible conservée au trésor de la ca- 
thédrale du Puy. Elles reproduisent le travail de Théo- 
dulfe lui-même. Elles ressemblent extérieurement aux 
Bibles espagnoles : la décoration, l'ordre des livres sa- 
crés, une partie des sommaires paraissent empruntés 
à des manuscrits espagnols. Le texte de la première 
main est une Bible mêlée, copiée vraisemblablement sur 
des originaux différents, espagnols ou languedociens, 
pour les Rois, les Épîtres de saint Paul, les Actes et 
les Épîtres catholiques, irlandais ou anglo-saxons pour 
les Évangiles; celui des autres livres n'est pas toujours 
très bon. Entre les lignes et dans les marges se lisent 
des corrections et des variantes d'une autre main, qui 
représentent le travail de Théodulfe. Toutefois elles 
sont moins nombreuses sur la Bible du Puy que 
sur la Bible de Mesmes, dont la précédente est une 
copie. L'évêque d'Orléans a exponctué les interpola- 
tions et a cherché à se rapprocher d'un texte plus 
pur. Son travail est inégal selon les livres, et ses 
sources ont été différentes, à savoir, pour l'Ancien 
Testament, un texte presque semblable à celui du 
Vallicellanus, et pour la Bible entière, des textes espa- 
gnols ou plutôt méridionaux,- qui lui ont fourni beau- 
coup de variantes. Sa Bible est un retour à la vieille 
érudition espagnole, et ce résultat n'est pas surprenant, 
puisque Théodulfe était visigoth d'origine. 

L'œuvre de l'évêque d'Orléans était tout individuelle; 
elle ne pouvait donc pas être comprise et elle ne sur- 
vécut pas à son auteur. On en remarque cependant 
l'influence sur deux manuscrits de Fleury-sur-Loire, 
qui reproduisent le texte des prophètes : l'un est du 
IX e siècle (bibliothèque d'Orléans, n. 14), l'autre en 
est une copie, plus jeune d'un siècle (même biblio- 
thèque, wll et 13). Deux autres Bibles sont des copies 
plus exactes, quoique indirectes, de l'œuvre de Théo- 
dulfe : le ms. 9 de Saint-Germain-des-Prés (B. N., 
11937), et la Bible de Saint-Hubert (British Muséum, 
addition, 24142), tous deux du ix e -x« siècle. Un frag- 
ment assez étendu, conservé à la bibliothèque royale 
de Copenhague (nouveau fonds royal, 1), a été signalé 
par Léopold Delisle, Bibliothèque de l'École des chartes, 
t. xlvi, p. 321. Il est de la même époque que les deux 
Bibles précédentes, mais il présente quelques particu- 
larités. Les copies que dom Martianay a vues au 
XVII e siècle dans le trésor des cathédrales de Carcas- 
sonne et de Narbonne, Pat. lat., t. xxvm, col. 136-137, 
n'ont pas été retrouvées. L'œuvre de Théodulfe a donc 
eu peu d'influence sur la transmission du texte de la 
"Vulgate, sauf peut-être pour quelques-uns de ses som- 
maires et notamment la recension des Épîtres de saint 
Paul, faite par Peregrinus, ou au moins son édition 
catholique des canons de Priscillien. Celle-ci, introduite 
en France par l'évêque d'Orléans, s'est perpétuée dans 
les manuscrits de France et d'Angleterre, jusqu'après 
le milieu du xn e siècle. Voir col. 2172-2173. 

2. Bibles d' Alcuin et de l'école de Tours. — Alcuin 
exerça son activité sur la Bible latine à différentes 



époques de sa carrière, soit comme maître de l'école 
du palais royal, soit comme abbé de Saint-Martin de 
Tours. 

a) L'école chrysographique et palatine. — Les pre- 
miers travaux d' Alcuin sur la Vulgate consistent dans 
la transcription des manuscrits en lettres d'or qui 
forment un groupe important et remontent pour la 
plupart au règne de Charlemagne, sinon même à la 
première partie de ce règne. Ce sont : les Évangiles 
Hamilton 251, acquis en 1890 par M. Irwin d'Oswego 
(État de New-York), l'évangéliaire de Godescalc 
(B. N., nouv. acquisitions françaises, 1993), le Psautier 
d'Adrien I« r (bibliothèque impériale de Vienne, n" 652), 
le Codex Adse ou Codex Aureus de Trêves, le manu- 
scrit de Saint-Riquier (bibliothèque d'Abbeville, n» 1), 
le ms. n" 599 de la bibliothèque de l'Arsenal, le ms. 
Harléien 2788, les Évangiles de Saint-Médard (B, N., 
8850), le ms. Palatin 50 et les n» s 8849, 11955 et 9383 
de la Bibliothèque nationale. Leur texte est un texte 
carolingien ancien, antérieur à la version de la Vulgate, 
donc un texte mélangé, qui contient des leçons espa- 
gnoles, mais surtout des leçons irlandaises et anglo- 
saxonnes. M. Corssen a fait une étude spéciale du texte 
du Codex Adse. Die Trierer Ada-Handschrift, in-fol., 
Leipzig, 1889, p. 29-61. Le texte de la première main 
ressemble surtout à celui des plus anciennes bibles de 
Tours, dont il sera question plus loin, et celui de la 
seconde main reproduit le texte courant du IX e siècle 
dans les manuscrits franco-saxons. Ces beaux manu- 
scrits viennent de l'école palatine, qu'Alcuin dirigeai 
dès 782. 

6) La recension faite par Alcuin à Saint-Martin de 
Tours. — Pour répondre aux désirs de Charlemagne, 
Alcuin, devenu abbé de Saint-Martin de Tours, fit, entre 
799 et 801, une revision de la Vulgate, à l'aide de ma- 
nuscrits northumbriens qu'il avait fait venir d'York. 
Voir t. i, col. 341-342. Il en fit remettre, à Aix-la-Cha- 
pelle, un exemplaire à Charlemagne par son disciple 
Frédégise pour la fête de Noël 800. Il en avait fait 
exécuter d'autres copies pour des particuliers, comme 
le prouvent des dédicaces en vers, composées par lui et 
parfois transcrites en d'autres manuscrits. Malheureu- 
sement, ces manuscrits autographes ne sont pas venus 
jusqu'à nous, et nous ne connaissons le texte de la 
recension d' Alcuin que par des copies postérieures, 
faites à Tours. Les critiques modernes sont d'accord 
pour reconnaître que le Vallicellanus est, de toutes 
ces copies, celle qui reproduit le plus fidèlement la 
recension d'Alcuin, quoique son texte ait déjà été 
retouché. Ils en concluent que le texte alcuinien de la 
Vulgate était un assez bon texte, de caractère anglo- 
saxon relativement pur. Alcuin en avait exclu les leçons 
des anciennes versions latines et avait presque rendu 
à la traduction de saint Jérôme sa saveur première. Ses 
disciples ne surent pas lui conserver cette pureté re- 
conquise, et ils altérèrent successivement l'œuvre de 
leur maître, en y faisant rentrer les leçons étrangères 
qu'il en avait exclues. 

c) Les Évangéliaires d'Adalbald. — Sous le gouverne- 
ment de Frédégise (807-834), le moine Adalbald inventa 
ou, au moins, amena à sa perfection, la semi-onciale 
carolingienne qui constitue la caractéristique paléo- 
graphique de l'école de Tours, au jugement de Léopold 
Delisle, Mémoire sur l'école calligraphique de Tours 
au IX' siècle, dans les Mémoires de l'Académie des- 
inscriptions et belles-lettres, 1885, t. xxxn, i" partie. 
Il nous reste plusieurs manuscrits signés de son nom. 
L'Évangéliaire (B. N. 17727) représente sa plus an- 
cienne manière d'écrire. Son texte se rapproche de 
celui des plus anciennes grandes Bibles de Tours, dont 
il sera bientôt question. Onze autres évangéliaires sont 
des monuments du style le plus parfait de l'école 
d'Adalbald ou reproduisent partiellement le même 



2477 



VULGATE 



2478 



texte. Ce sont les Évangiles de saint Gauzelin, évêque 
de Toul (conservés au trésor de la cathédrale de Nancy), 
voir L. Bigot, Les Évangiles du comte Arnold, Nancy, 
1910, de Saint-Corneille (British Muséum, additionnel 
11848), de Lothaire (B. N., latin, 366), de Du Fay 
(B. N., 9385), les mss. 287, 267, S63 de la même bi- 
bliothèque, l'IIamilton 248 (à la bibliothèque royale de 
Berlin), le ms. B. Il, 11, de la bibliothèque de l'uni- 
versité de Bâle, le Harléien 2790, provenant de Nevers, 
enfin le ms. 324 de la Bibliothèque nationale. La plus 
grande variété règne entre eux. Pour le texte, ils se 
rangent en deux groupes. Le premier (ms. Harléien 2790, 
B. N., 17227, Nancy, additionnel 11848, B. N., 267 et 
9285) a un texte apparenté aux Bibles de Monza, de 
Bamberg et de Zurich, qui viennent de Tours. Le 
second (B. N., 274 et 266) contient un texte parent de 
celui de la première Bible de Charles le Chauve, par 
conséquent, un autre état du texte des Évangiles à 
Tours. Il faut probablement en rapprocher le ms. Ha- 
milton248 et celui de Bâle. Le n» 263 de la Bibliothèque 
nationale, quoique interpolé, rentre dans un de ces 
deux groupes. 

d) Les grandes Bibles de Tours. — Sous le règne 
de Charles le Chauve, entre 840 et 850, furent exécutées, 
dans la semi-onciale carolingienne, les belles Bibles 
entières de l'école de Tours. Les unes reproduisent 
lidèlement le style traditionnel : les Bibles de Bamberg 
(bibliothèque royale, A. 1. 5), de Zurich (bibliothèque 
cantonale, 6, 1), de Grandval (British Muséum, addit. 
10546), de Cologne (bibliothèque du chapitre, n° 1), de 
la Bibliothôquo nationale (latin, 47 et 68), lems. Har- 
léien 2805, la Bible du comte Rorigon (B. N., latin, 
n° 3), la première Bible de Charles le Chauve (B. N., 
latin, n° 1). Les autres s'en écartent et forment des 
manuscrits dissidents : la première Bible de Saint- 
Aubin d'Angers (bibliothèque de la ville d'Angers, n° 1), 
une autre Bible (même bibliothèque, n" 2), celle de 
Monza (archives de la collégiale, Gf. 1), celle de Bâle 
(bibliothèque de l'université, A. N. 1. 3), enfin le ms. 
9397 de la Bibliothèque nationale de Paris. Il faut y 
joindre un Nouveau Testament, venant de Saint-Denis 
(B. N., latin, 250), qui se place au même rang que la 
Bible de Grandval. Leur texte est assez divergent dans 
les détails. Comparé à celui de Vallicellanus, il suit 
cette progression descendante au point de vue de la 
ressemblance : Monza, Angers, Bamberg, Zurich, Berne, 
B. N., 47, Grandval, Cologne, B. N., 3 et 1. Les modi- 
fications se font progressivement, et ce sont des alté- 
rations. A l'origine, le texte diffère peu de celui du 
Vallicellanus et il en arrive à ne lui ressembler en rien. 
En 50 ans, surtout de 840 à 850, la recension d'Alcuin est 
devenue un texte vulgaire et abâtardi ; elle a été succes- 
sivement déformée par la réintégration des leçons étran- 
gères dont l'exclusion avait constitué sa pureté relative. 

3. Les écoles du nord de la France. — Après la dis- 
persion des moines de Saint-Martin de Tours, l'art 
calligraphique se développa au nord de la France. On 
y transcrivit un texte dilférent de celui de Tours. On 
le trouve dans trois Évangiles (B. N., 261), l'addition- 
nel 11849 au British Muséum et le ms. 1171 de la 
bibliothèque de l'Arsenal à Paris. A Reims, l'arche- 
vêque Ebbon (816-835) fait transcrire les Évangiles 
(bibliothèque de la ville d'Épernay, n° 1), duquel il faut 
rapprocher un ms. provenant de Notre-Dame et signé 
d'Antoine Loisel (B. N., 17968), mais copié pour l'Église 
de Beauvais. Hincmar, successeur d'Ebbon, dotait sa 
cathédrale d'une Bible, conservée aujourd'hui à la 
bibliothèque de la ville de Reims, n» s 1 et 2, et qui 
reproduit le texte alcuinien du Vallicellanus. La cal- 
ligraphie franco-saxonne, dont Léopold Delisle a décrit 
les caractères et catalogué les monuments, Mémoire 
sur d'anciens sacramentaires, dans les Mémoires de 
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1886, 



t. xxxn, l r » partie; L'évangéliaire de Saint- Vaast 
d'Arras et la calligraphie franco -saxonne, in-f», 
Paris, 1888, a produit un certain nombre de manu- 
scrits bibliques : la seconde Bible de Charles le Chauve 
(B. N., latin, n» 2), qui provient de Saint-Denis, les 
Évangiles de la bibliothèque royale de La Haye, n° 22, 
ceux d'Utrecht, le manuscrit inachevé de la biblio- 
thèque publique de Boulogne, n» 12, l'évangéliaire 
n° 1045 de la bibliothèque d'Arras. S. Berger y a joint 
quatre manuscrits des Évangiles : Bibliothèque de la 
ville de Lyon, n» 357, B. N., 257, bibliothèque de 
Leyde, n» 48, bibliothèque de la ville de Tours, n° 23, 
Des manuscrits plus récents, du ix e au xii" siècle, 
reproduisent le même texte : bibliothèque de Cambrai, 
n» 309, bibliothèque royale de Berlin (ms. Hamilton 
253), bibliothèque de l'Arsenal, n° 592, bibliothèque de 
Lille, n° 15, et le Psautier n» 774 de la bibliothèque de 
l'université de Leipzig. Leur texte, notamment celui 
des Évangiles, se rapproche beaucoup de celui des 
plus récents manuscrits en lettres d'or et plus encore 
des manuscrits du groupe de Reims. On rattache avec 
beaucoup de vraisemblance l'école franco-saxonne à 
Saint-Vaast d'Arras. Une dernière série de manuscrits 
de grand luxe est de la même contrée et du même 
temps. Elle comprend le Codex Paulinus (Rome, Saint- 
Paul-hors-les-Murs), les Évangiles de Saint-Emmeran 
(bibliothèque royale de Munich, lat., 14000) et le Psau- 
tier de Charles le Chauve (B. N., 1152). Leur texte est 
un texte de compilation, diversement formé et pris de 
divers côtés. M. Janitschek croit, non sans raison, que 
ces trois manuscrits ont été copiés à Corbie; ils viennent 
au moins de la Picardie. 

4° Du X e au xn e siècle. — Cette époque est beaucoup 
moins étudiée et beaucoup moins connue que les pré- 
cédentes. « C'est l'époque des textes copiés sans 
ensemble et sans règle, mais en même temps des textes 
médiocres et de seconde main, » a écrit S. Berger, 
Histoire de la Vulgate, p. 329. Différents personnages 
se préoccupaient toutefois de corriger les manuscrits 
fautifs ou de donner des copies correctes ; mais nous 
sommes peu renseignés sur leur travail. L'auteur de la 
Vie de saint Dunstan, n" 34, nous apprend que cet ar- 
chevêque deCantorbéry (f 998), à ses heures de loisir, 
lisait la Sainte Écriture et en corrigeait les manuscrits, 
Pat. lat., t. cxxxvn, col. 443. Or, une partie du ms. 
Bodléien, auct. F. 4. 32 à Oxford, comprenant des 
fragments grecs-lalins de la Bible, est signée par saint 
Dunstan. Haddan et Stubs, Councils and eccles. docu- 
ments relat. to Gr. Britain and Ireland, Oxford, 1869, 
1. 1, p. 192; H. Bradshaw, Collectedpapers, 1889, p. 455, 
483. Au témoignage de Guibert de Nogent, auteur de sa 
Vie, c. XV, un autre archevêque de Cantorbéry, leB.Lan- 
franc(-j-1089), corrigea lui-même et fit corriger par ses 
disciples secundum orthodoxam fidem tous les livres 
de l'Ancien et du Nouveau Testament, comme ceux des 
Pères, qui étaient corrompus par de trop nombreuses 
fautes de copiste. Toute l'Église occidentale, au moins 
celle de la France et de l'Angleterre, se servait de cette 
correction. Pat. lat., t. cl, col. 55. Robert du Mont ré- 
pète la même chose dans sa Chronique, ainsi que Flori- 
genus, ibid., col. 94-95, et que Mathieu Paris, Historia 
Anglorum, ann. 1089. Nous ignorons au juste quel fut 
ce travail de Lanfranc, si ce fut une recension propre- 
ment dite ou une simple correction des fautes de copie 
et où on le retrouverait. Un autre moine du Bec, Gan- 
dolphe, qui fut abbé de Saint-Alban, puis évêque de 
Rochester, corrigea, lui aussi, les fautes de copie des 
Livres Saints. On conservait à Rochester le premier 
volume d'une Bible, perdu depuis, qui était signé de 
sa main. Cf. Histoire littéraire de la France, t. vu, 
p. 118; t. ix, p. 373-374; note de Fabricius, Pat. lat., 
t. clix, col. 813-814. Sigebert de Gembloux, De scrip- 
toribus ecclesiasticis, c. clxiv, Pat. lat., t. clx, col. 585, 



2479 



VULGATE 



2480 



•dit que Franco (1060), également instruit dans la litté- 
rature sacrée et profane, divinse Scripturae invigilavit- 
Or, dans le ms. &5176 de la Bibliothèque nationale de 
Paris, qui est du XI e siècle, un poème d'Alcuin sur les 
Évangiles a les noms d'Odilo abba et de <Ï>PANK£J, 
substitués aux noms de Carolus rex et d'Alcuin, qui 
■ont été raturés. Franco est certainement le copiste du 
manuscrit et l'abbé Odilon a commandé l'exécution 
•de cette copie. Avant 1090, deux bénédictins, Théoger, de 
Saint-Georges, etHeimon, moine d'Hirschau, sur l'ordre 
<le Guillaume d'Hirschau, s'occupèrent à corriger les 
fautes de copies des livres des deux Testaments, pour 
l'usage de leur congrégation. Voir Mabillon, Annales 
ordinis S. Benedicti, Paris, 1717, t. v, p. 277; Monu- 
menta Germanise, t. xii, 'p. 451. Cf. E. Nestlé, Die 
Hirschauer Vulgata-Revision, dans Theologische Stu- 
■dien aus Wûrttemberg, 1889, p. 305-310. 

Nous connaissons mieux l'essai de correction de la 
Vulgate exécuté par saint Etienne Harding, le troisième 
abbé de Citeaux (1109-1134). Mabillon avait révélé son 
existence, en publiant une note de l'auteur sous le 
titre : Censura dealiquot lotis Bibliorum, dans Opéra 
S. Bernardi, t. m, p. xi, rééditée par Migne, Pat. lat., 
t. CLXVi, col. 1373-1376, et auparavant par Martianay, 
Prolegomena ad divinam Bibliothecam S. Hieronymi, 
Pat. lat., t. xxvni, col. 67-69. Or, la « Bible de saint 
Etienne » a été conservée et à l'époque de la Révolution 
française a passé de la bibliothèque de Citeaux à la 
bibliothèque municipale de Dijon, n° 9 bis. Elle com- 
prend 4 volumes, écrits par deux mains différentes, et 
contient l'Ancien et le Nouveau Testament. Elle a été 
terminée en 1109, ainsi que l'indique une note, t. il, 
fol. 150v, qui est peut-être de la main de l'abbé. Cette 
note, publiée par Mabillon, nous renseigne aussi sur 
l'occasion, le but et la méthode de la correction. L'abbé 
se proposait de fournir au monastère, récemment 
fondé, un exemplaire type du texte sacré pour les 
usages liturgiques et autres de la communauté. Dans 
ce dessein, on rassembla des bibles et on s'adressa 
même à diverses églises afin d'adopter le texte le plus 
sûr. Or, l'une des bibles ainsi recueillies différait 
notablement de toutes les autres : elle avait un texte 
plus complet et contenait de nombreux passages qui 
lui étaient exclusivement propres. Quelle était la valeur 
de ces additions? Faisaient-elles partie du texte sacré '! 
L'abbé de Citeaux la fit copier et fit servir la copie 
pour les lectures publiques. Cependant les gloses qu'elle 
renfermait troublèrent les religieux : l'œuvre de saint 
Jérôme leur parut altérée. Pour en juger, l'abbé alla 
trouver des juifs, versés dans la connaissance des Écri- 
tures,- et il les interrogea en latin sur les passages du 
texte plus complet, qui ne se lisaient pas dans les autres 
Bibles latines. Ceux-ci, consultant leurs livres hébreux 
et chaldaïques, n'y trouvèrent pas les additions qui 
étaient en cause. Suivant donc « la vérité hébraïque 
et chaldaïque » et beaucoup d'exemplaires latins, l'abbé 
de Citeaux gratta sur son exemplaire tous les passages 
superflus, qui étaient spécialement très nombreux dans 
les livres des Rois. Les grattages indiquent suffisam- 
ment les leçons raturées. Etienne Harding interdit de 
les réintroduire dans le texte ou dans les marges et 
d'ajouter des notes à l'exemplaire corrigé ainsi au prix 
d'un si grand travail. Le Nouveau Testament, dont il 
n'est pas question dans cette note, a été revisé aussi 
bien que l'Ancien. Des notes marginales sur les Évan- 
giles, il résulte que les corrections ont été faites d'après 
le texte grec et de très anciens manuscrits latins. 
Toutefois, le travail critique de saint Etienne n'a pas 
consisté exclusivement à supprimer les additions, qui 
n'avaient pas de texte correspondant dans l'original; 
il a aussi fait quelques additions ou, pour mieux dire, 
des modifications au texte gratté, dont l'existence est 
manifestée par une seconde écriture plus serrée. Les 



suppressions sont plus fréquentes dans l'Ancien Testa- 
ment, et les additions dans le Nouveau. Quelques notes 
marginales, en petit nombre et pour certains livres 
seulement, indiquent les motifs des corrections 
opérées. D'un examen partiel du manuscrit de Dijon, 
l'abbé Paulin Martin a conclu que les omissions, notam- 
ment dans les livres des Rois, portaient sur des pas- 
sages des anciennes versions latines, faites sur la 
traduction des Septante, qui avaient été réintroduits 
dans l'œuvre de saint Jérôme. Saint Etienne Harding 
et les premiers recenseurs de la Vulgate latine, Théo- 
dulfe et Alcuin (extrait de la Revue des sciences ecclé- 
siastiques), Amiens, 1887. La Bible cseteris plenior, 
que l'abbé de Citeaux avait fait copier et qu'il corrigea, 
était donc une Vulgate altérée, telle qu'elle était ré- 
pandue au XI e siècle; les Livres Saints y étaient disposés 
dans le même ordre que dans les manuscrits espa- 
gnols et méridionaux; les manuscrits latins plus courts, 
qui ressemblaient au texte hébreu, étaient des Vulgates 
non interpolées. L'abbé de Cîteaux donna donc à son 
monastère une Bible plus pure; mais sa tentative, mal 
entreprise, n'eut peut-être aucun effet en dehors de 
l'ordre cistercien, où elle a servi pour l'usage litur- 
gique. Ph. Guignard, Les monuments primitifs de la 
règle cistercienne, Dijon, 1878. Cf. H. Denifle, dans 
Archiv fur Literatur und Kirchengeschichte des 
MUtelalters, Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. iv, p. 266- 
270; S. Berger, Quant notitiam lingux hebraicse 
habuerint chrisliani medii ssvi temporibus in Gallia, 
Paris, 1893, p. 9-11. A la même époque à Cluny, l'abbé 
Pontius (1109-1125) corrigeait une bible sur le texte 
d'un autre manuscrit. Bibliolheca cluniacensis, p. 1645. 
A la fin du xn e siècle, un diacre de l'église de Saint- 
Damase à Rome, Nicolas Maniacoria ou Maniacocia, 
qui ne fut jamais cardinal ni bibliothécaire de l'Église 
romaine, comme on l'a prétendu longtemps, fit aussi, 
avec l'aide d'un juif qui le renseignait sur le texte 
hébreu et les traditions hébraïques, une correction du 
texte latin de la Vulgate. 11 savait d'ailleurs les langues 
hébraïque, grecque et latine, au témoignage d'Odon de 
Châteauroux,évêquede Frascati (1244-1273), Pitra, Ana- 
lecta novissima, Frascati, 1888, t.. h, p. 298, et il est 
l'auteur d'une version latine du Psautier, faite sur 
l'hébreu. Son Suffraganeus bibliolhecse, ou introduc- 
tion à ses remarques critiques, n'a été longtemps 
connu que par un extrait qu'en avait fait le cardinal 
Bessarion dans une dissertation inédite et que Linda- 
nus avait publié, De optimo Scripluras inlerpretandi 
génère, 1. I, c. v; 1. III, c. m, 1558, p. 28, 101-102. 
L'abbé Paulin Martin, le premier, l'a publié en en- 
tier, Introduction générale à la critique de l'Ancien 
Testament. De l'origine du Pentateuque (lithog.), 
Paris, 1887, t. i, p. ci-cvm, d'après le manuscrit de 
Venise (Bibliothèque de Saint-Marc, lat. class.X, n°478, 
fol. 141, ayant appartenu à Bessarion), du xv« siècle, 
que le cardinal Pitra lui avait signalé et qu'il avait fait 
venir à Paris par la voie diplomatique. De son côté, 
le P. Denifle le publiait comme inédit, dans son A rckiv 
fur Literatur und Kirchengeschichte des MUtelalters, 
1888, t. iv, p. 270-276, ainsi qu'un extrait sur la Genèse, 
ibid., p. 475-476; S. Berger reproduisait l'édition de 
Denifle, Quam notitiam, etc., p. 12-14; Mgr Mercati, 
qui avait découvert à Parme un manuscrit de la ver- 
sion latine du Psautier, A leune note di letteraturapa- 
tristica (extrait des Rendiconti del R. Ist. Lombardo 
di se. e lett., II" série, 1898, t. xxxi), p. 43-51, réunis- 
sait tous les renseignements connus jusqu'alors sur 
Nicolas Maniacoria. Spécimen d'an Dizionario bio- 
bibliografico degli scrittori italiani, série l re , n° 4. 
Enfin, le P. Van den Gheyn signalait un second manu- 
scrit du Suffraganeus et d'une partie de la version 
latine du Psautier hébraïque à la bibliothèque royale de 
Bruxelles, n° 5 4031-4033, fol. 1-32. Nicolas Maniacoria, 



2481 



YULGATE 



2482 



correcteur de la Bible, dans la Bévue biblique, 1899, 
t. vin, p. 289-295. Sur les instances et aux frais de Cons- 
tance, la ûlle de Roger II, roi de Sicile, et l'épouse de 
l'empereur Henri VI, devenue religieuse, le diacre romain 
composa sa Bibliothèque. Ayant constaté la diversité des 
manuscrits latins, il rechercha quels étaient ceux qui 
étaient d'accord avec le texte hébreu et il n'en trouva 
aucun. Comparant donc les exemplaires latins avec les 
manuscrits hébreux, il en retrancha les additions su- 
perflues, réforma les transformations apportées au texte 
et réintégra les passages omis. Il donne ensuite des 
exemples de trois sortes de fautes qui corrompent les 
manuscrits apponendo, commutando et subtrahendo. 
Ses observations critiques s'étendent de la Genèse aux 
Psaumes, mais la fin de son traité manque. Il s'est 
servi des Qusestiones hebraicœ in Genesim de saint 
Jérôme et des Qusestiones hebraicx in libros Begum, 
attribuées à saint Jérôme, mais dont l'auteur était un 
contemporain de Raban Maur. Le juif, que Nicolas avait 
consulté, connaissait bien la Bible hébraïque et les 
traditions juives, telles que nous les révèle Raschi 
(-j- 1105). Nous ignorons l'influence qu'a pu exercer le 
correctoire de Nicolas Maniacoria. Les correctoires du 
XIII e siècle nous sont mieux connus depuis les travaux 
du P. Denifle. 

5° Les correctoires du xin' siècle. — Nous avons 
déjà parlé ici, voir t. n, col. 1022-1026, du « texte 
parisien », qui s'est constitué à Paris au début du 
xin' siècle, que Roger Bacon a jugé si sévèrement et 
qui a été l'occasion des correctoires entrepris un peu 
plus tard par les dominicains et les franciscains. 
Cf. A. Gasquet, English biblical criticism in the thir- 
teanth century, dans Dublin review, janvier 1898, 
t. cxxii, p. 1-21. Ajoutons seulement que le texte de Paris 
s'est fusionné avec le texte languedocien du xiii 6 siècle, 
dont il a été question précédemment, en un certain 
nombre de manuscrits signalés par S. Berger, Histoire 
de la Vulgate,p. 81. Ajoutons encore que le même savant 
croyait avoir retrouvé un manuscrit (le seul connu) de 
la Correctio Senonensis de 1236 dans la bible de 
l'évèque de Strasbourg, Jean de Dûrbheim. Sur la part 
de travail de Thibaut de Saxe, voir t. H, col. 1464. Le 
manuscrit unique qui porte la préface de Hugues de 
Saint-Cher est conservé à Vienne en Autriche, n° 1211. 
Les correctoires ont réagi sur les manuscrits du texte 
parisien. Les grattages, les chapitres nouveaux marqués 
en marge par une seconde main, les préfaces nouvelles 
ajoutées à la fin du volume en font foi. La réforme du 
xui e siècle fut définitivement et universellement 
acceptée au moins dans les accessoires de la Bible. 
S. Berger, Les préfaces jointes aux livres de la Bible 
dans les manuscrits de la Vulgate (mémoire posthume), 
Paris, 1902, p. 27-31. D'après les notes manuscrites de 
l'abbé Paulin Martin, conservées à la bibliothèque de 
l'Institut catholique de Paris, nous pouvons signaler 
quelques Bibles, reproduisant les notes critiques des 
Correctoria, à savoir, les mss. latins 20, 22, 28, 31, 
10420 de la Bibliothèque nationale de Paris et les 
Bibles latines, 13 de la bibliothèque Mazarine elA.L.3, 
de la bibliothèque Sainte-Geneviève de la même ville. 

6° Du xiv au xvi' siècle. — Cette période de l'his- 
toire de la Vulgate a peu d'importance. Elle se divise 
en deux époques distinctes, séparées par l'invention de 
l'imprimerie. 

1 . Avant l'invention de l'imprimerie, —a) On conti- 
nua à transcrire le texte latin de la Vulgate, et les 
manuscrits de cette époque contiennent un texte mêlé 
de leçons anciennes. On ne connaît qu'un seul essai 
de correction, qui fut entrepris, dans la première 
moitié du xv siècle, au couvent de Windesem (Hollande) 
de la congrégation de Windesheim, de l'ordre des augus- 
tins. Le Chronicon Windeshemense, de l'augustin 
J. Busch, c. xxvi, édité par Grube, Gesckichtsquellen 



der Provinz Sachsen, Halle, 1886, p. 311 sq., nous 
apprend que les Pères de ce couvent corrigèrent l'Ancien 
et le Nouveau Testament d'après les anciens manuscrits 
réunis de diverses bibliothèques, de façon à ramener 
la traduction de saint Jérôme à sa pureté première. Ils 
mirent plusieurs années à faire un correctoire, qui 
indiquait tous les passages à corriger, et le chapitre 
général de la congrégation ordonna que tous les exem- 
plaires des couvents seraient corrigés d'après le correc- 
toire de Windesem, ainsi que tous les livres qui 
servaient pour la récitation de l'office ecclésiastique. 
Grube ne connaissait aucun exemplaire de la Bible, 
corrigé d'après ce correctoire. Die literarische Tàtigkeit 
der Windesheimer Congrégation, dans Der Katholik, 
1881, t. i, p. 48-59. La bibliothèque ducale de Darm- 
stadt possède un manuscrit en cinq volumes in-folio, 
transcrit de 1428 à 1439 par le célèbre Thomas aKempis 
et qu'on su ppose conforme au correctoire de Windesem. 
A. Schmidt, dans Zentralblatt fur Bibliothekswesen, 
1896, t. xin, p. 379. Cet exemplaire a servi à la lecture 
publique de la Bible. Cf. F. Falk, Die Bibel am Aus- 
gange des Mittelaltevs, ihre Kenntnis und ihre 
Verbreilung, Cologne, 1905, p. 7-10. 

b) Si on ne multipliait pas alors les correctoires, on 
savait, du moins, que la Vulgate n'était pas parfaite, 
et ceux qui connaissaient l'hébreu recouraient au texte 
original pour corriger les fautes du texte latin. Tel, le 
franciscain Nicolas de Lyre. Voir le second prologue 
de sa Postilla. Il publia, du reste, un Tractatus de 
dijferenlia nostrse translationis ab hebraica littera 
in Vetere Testamento. Voir t. îv, col. 455. Pierre 
d'Ailly, étant encore simple bachelier en théologie du 
collège de Navarre, mais déjà professeur, écrivit, proba- 
blement en 1378, une Epistola ad novos Hebrmos, 
adressée à Philippe de Maizières. Il y attaquait les vues 
de Roger Bacon et il y soutenait que la version de 
saint Jérôme était absolument parfaite, en s'appuyant 
sur l'autorité de l'uglise, qui l'a approuvée. Devenu 
docteur, il composa une nouvelle apologie de_ la Vul- 
gate, Apologeticus Hieronymianœ versionis, contre le 
docteur anglais, mais il reconnut avec Roger Bacon la 
nécessité d'en corriger les exemplaires et il exprima 
le désir que l'université de Paris entreprît cette correc- 
tion. Ces deux traités ont été publiés pour la première 
fois par M. L. Salembier, Une page inédite de l'histoire 
de la Vulgate (extrait de la Bévue des sciences ecclé- 
siastiques, 1887, 1889, 1890), Amiens, 1890. Plus tard, 
l'humaniste Laurent Valla (fl457) rédigea, en 1440, une 
série de notes sur le Nouveau Testament dans lesquelles 
il proposait des corrections à faire à la Vulgate surtout 
au point de vue de la latinité. Annotationes in latinam 
N. T.interpretationem ex collatione grsecorum exem- 
plarium. Érasme les édita, Paris, 1505. Elles se 
retrouvent dans ses Opéra, Bâle, 1540, p. 803 b -895 b . 
Jacques Revius réédita ce traité : De collatione Novi 
Testamenti libriduo, Amsterdam, 1638. 

La Vulgate perdait ainsi peu à peu de la grande 
autorité dont elle avait joui durant plusieurs siècles. 
Les théologiens et les commentateurs recouraient de 
plus en plus aux textes originaux, hébraïque ou grec. 
On lui préférait des versions nouvelles, faites directement 
sur les originaux. Le cardinal anglais Adam Easton 
(•[-1397) traduisit l'Ancien Testament, sauf les Psaumes, 
sur l'hébreu ; sa version, qui eut une grande diffusion, 
est perdue. Par ordre du pape Nicolas V, l'Italien Ma- 
netti {-j-1459) commença une version latine de toute la 
Bible; il ne traduisit que le Nouveau Testament et une 
partie des Psaumes. Son œuvre est inconnue. LePsautier 
seul fut traduit par le carme Jean Creston de Pavie, 
en 1480, et par l'humaniste Rodolphe Agricola de Gro- 
ningue (1485). 

2. Après l'invention de l'imprimene. — a) Les Bibles 
imprimées. — On sait que l'art de l'imprimerie fut 



2483 



YULGAÏE 



2484 



inventé en vue de multiplier les exemplaires de la Sainte 
Écriture. La première Bible imprimée fut celle de 
Gutenberg, Fust et Schoffer à Mayence, sans indication 
de lieu ni de date. La seconde parut à Bamberg chez 
Pfister en 1460. La première qui soit datée est sortie 
des presses de Fust et de Schôlfer à Mayence en 1462, 
sans parler du Psautier daté de 1459. On évalue à près 
d'une centaine les éditions de la Vulgate qui sont an- 
térieures à 1500. W. A. Copinger en a dressé la liste. 
Incunabula biblica or the first half century of the 
latin Biblebeing abibliographicalaccount of thevarious 
éditions of the latin Bible belween 1450 and 1500 with 
an Appendix containing a chronological list of the 
éditions of the sixteenth century, jn-f», Londres, 1892. 
Elle contientl24 éditions, dontl3sontdouteuses.Léopold 
Delisle en a retranché 12. Journal des savants, 1893, 
p. 202-218. Il n'en resterait donc plus que 99. De 1501 
à 1520, on en compte 57 de certaines. Voir encore 
G. Vicaire, Les Incunabula biblica deW.A. Copinger et 
la Bibliographical Society, Paris, 1893; H. F. Moule, 
Historical catalogue of the printed éditions of Holy 
Scripture in the library of the british and foreign 
Bible society, Londres, 1909, t. n. M" e Marie Pelle- 
chet a dressé la liste de toutes les Bibles imprimées 
en France avant'1500, qu'elle a vues elle-même. Catalogue 
général des incunables des bibliothèques de France, 
1897, t. i, n. 2263-2386. Cf. F. Falk, Die Bibel am Aus- 
gange des Miltelalters, p. 23-24, 91-97. La plupart de 
ces éditions n'ont aucune valeur critique. Les impri- 
meurs ne recouraient pas aux anciens manuscrits 
antérieurs à Alcuin ni même aux Bibles d'Alcuin, mais 
à des manuscrits récents, vulgaires, écrits au xjif et 
au xiv e siècle, dont le maniement était facile en raison 
de leur petit format, et qu'ils publiaient tels quels. 
J. Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N . 
J.'C. latine, Oxford, 1898, t. i, fasc. 5, p. 721. Les 
premières éditions qui aient donné réellement un texte 
corrigé d'après les manuscrits sont, en dehors de la 
Polyglotte de Complute, voir t. v, col. 517-518. celles 
d'Adrien Gumelli, Paris, 1504, d'Albert Castellani, 
Venise, 1511, d'Hittorp, Cologne, 1520, de Robert Es- 
tienne, de 1528, 1532, 1534, 1540, 1545, 1546, à Paris, 
de 1555, 1557, à Genève, voir t. n, col. 1982 ; la meilleure 
est celle de 1540. R. Gregory, Têxtkritik des Neuen 
Testaments, Leipzig, 1902, t. n, p. 619. Sur les manu- 
scrits dont s'est servi Robert Estienne, voir J. Words- 
worth, OUI latin biblical texts, Oxford, 1883, 1. 1, p. 47- 
54; G. Jacob, Zur Geschichte des Psalmentextes der 
Vulgata in 1G Jahrhundert, dans Zeilschrift fur ait- 
testamentliche Wissenschaft, 1900, p. 49-80. Nommons 
encore l'édition de Jean Benoit, qui parut à Paris en 
1541 et qui eut onze autres éditions jusqu'en 1569. Sur 
l'édition de Castellani, voir t. Il, col. 1475. Cf. F. Kaulen, 
Geschichte der Vulgata, p. 356-378. 

b) Les corrections de la Vulgate. — Protestants et 
catholiques se mirent aussi à corriger la Vulgate sur 
les textes originaux. And. Osiander publia une édition 
ainsi corrigée en 1522 à Nuremberg. Un libraire de 
Nuremberg, Jean Petrejus, imprima en 1527 et 1529 
deux éditions qui étaient corrigées plus complètement 
et qui furent plusieurs fois réimprimées par d'autres. 
La Bible de "Wittemberg, de 1529, contenait des cor- 
rections plus arbitraires encore, et elle fut l'objet de 
discussions de la part des protestants eux-mêmes. Con- 
rad Pellican mit à la base de ses commentaires une 
édition de la Vulgate, corrigée d'après le texte hébreu, 
7 in-f°, Zurich, 1532-1640. Les catholiques imitèrent les 
protestants et entrèrent dans cette voie nouvelle de 
corriger à leur gré la Vulgate. Sur le correctoire du 
dominicain Jacques de Gouda, voir t. n, col. 1475. En 
1527, J. Rudel publia à Cologne une revision de la 
Vulgate d'après les textes originaux, qui eut plusieurs 
éditions. En Italie, le chanoine régulier Augustin 



[ Steuchus, plus tard évêque de Gubbio, revisa l'Ancien 
Testament sur le texte hébreu, et son œuvre parut à 
Venise en 1529. Un peu plus tard, en 1542, le bénédictin 
Isidore Clarius éditait à Venise une Bible entière cor- 
rigée sur les textes originaux. Comme il suivait fré- 
quemment le texte de Sébastien Munster, la Congré- 
gation de l'Index interdit son œuvre qui n'était plus le- 
texte de la Vulgate. F. Kaulen, op. cit., p. 322-336. 

c) Nouvelles versions de la Bible. — Au début du 
svi e siècle, on multiplia les versions de la Bible, direc- 
tement faites sur les textes originaux. Félix Pratensis, 
juif converti, traduisit les Psaumes sur le texte 
hébraïque, en 1515, et Érasme, le Nouveau Testament 
sur le grec, 1516. Voir t. il, col. 1903-1905; A. Bludau, 
Die beiden ersten Erasmus-Ausgaben des Neuen 
Testaments, und ihre Gegner, dans Biblische Studlen, 
Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. vu, fasc. 5, p. 33-48. 
L'opposition d'Érasme contre la Vulgate se manifestait 
dans ses notes. Aussi le capucin Richard du Mans et 
le futur cardinal Sirlet en entreprirent-ils plus tare! 
une réfutation directe. Voir H. Hôpfl, Kardinal Wilhelm 
Sirlet Annotationen zum Neuen Testament, ibid., 
1908, t. xni, fasc. 2, p. 68-81. Santé Pagnino et le 
cardinal Cajetan traduisirent la Bible entière. Augus- 
tin Giustiniani traduisit seulement le Psautier et Job. 
Voir t. n, col. 1476-1477. Les protestants firent aussi 
des versions latines nouvelles. Il suffit de rappeler 
celles de Bucer, de Sébastien Munster, de Castalion 
et de Léon de Juda. Voir F. Kaulen, op. cit., p. 336- 
356. 

Tous ces efforts, faits en des sens divers, eurent pour 
résultat de discréditer de plus en plus la Vulgate et 
de jeter la confusion la plus grande dans le monde 
chrétien au sujet du texte sacré des Écritures. Il fallait 
apporter un remède à cette situation troublée. Seule 
l'autorité de l'Église catholique pouvait rétablir l'unité 
que les travaux des particuliers avaient rompue. L'Église 
le fit au concile de Trente. 

V. Authenticité déclarée par le concile de Trente. 
— 1° Rédaction et promulgation du décret. — La 
question de la Vulgate fut mise en délibération dans 
les congrégations particulières des théologiens, le 
1 er mars 1546, à propos des « abus concernant les Livres 
Saints ». Il s'agissait notamment de décider quelle 
version on adopterait, et d'avoir une édition correcte. 
Le cardinal de Sainte-Croix, résumant les avis, dit 
qu'on choisissait la Vulgate, parce que, parmi tant 
d'éditions, elle est verior et potior. Massarelli, Dia- 
rium III, dans S. Merkle, Concilivm Tridentinum, 
Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. i, p. 500, 504, 506, 507; 
S. Ehses, ibid., 1911, t. v, p. 22, 27. Cf. A. Theiner, 
Acta genuina ss. cecum. Concilii Tridentini, Agram, 
1874, t. i, p. 60-63; Le Plat, Monument, ad historiam 
concilii Tridentini, Louvain, 1783, t. ni, p. 393. Lès- 
délégués furent nommés, le 5 mars, pour rédiger un 
projet de décret sur les abus en question; ils se réu- 
nirent, le 13 mars. Merkle, ibid., p. 508, 509, 512; 
S. Ehses, t. v, p. 27. Leur projet fut lu à la congréga- 
tion générale du 17 mars. « Le premier abus, y est-il 
dit, est d'avoir des éditions diverses de la Sainte Écri- 
ture et de les vouloir employer comme authentiques, 
dans les leçons publiques, les discussions et les prédi- 
cations. Le remède est d'avoir une seule édition, à 
savoir, l'ancienne et vulgaire, que tous emploient 
cqmme authentique dans les leçons publiques, les- 
' discussions, les commentaires et les prédications et 
■ que personne n'ose rejeter ou contredire, sans rien 
enlever toutefois à l'autorité de la pure et véritable 
traduction des Septante, dont les Apôtres se sont servis 
quelquefois, et sans rejeter les autres éditions, autant 
qu'elles aident à comprendre cette Vulgate authen- 
tique. » Le second abus était l'altération des exemplaires 
de la Vulgate qui étaient en circulation. Le remède 



2485 



VULGATE 



2486 



était de faire une édition correcte de cette version, 
qu'on demanderait au pape en même temps qu'une 
édition correcte des textes hébreu et grec. A. Theiner, 
op. cit., t. i, p. 64; S. Ehses, t. v, p. 29. Cf. Merkle, 
op. cit., t. i, p. 36. En congrégation particulière, le 
23 mars, deux membres demandèrent que l'approbation 
de la Vulgate entraînât le rejet des autres éditions. 
L'êvêque de Fano répondit qu'on recevait la Vulgate, 
parce qu'elle a toujours été reçue par l'Église et parce 
qu'elle est ancienne, mais que les autres éditions 
n'étaient pas rejetées. Quelques-unes sont bonnes; la 
Vulgate est meilleure et il convient qu'elle seule soit 
tenue pour authentique dans l'Église. S. Merkle, op. 
cit., t. i, p. 527; S. Ehses, t. v, p. 37. Cf. A. Theiner, 
op. cit., t. i, p. 70. Ces objections furent reprises à la 
congrégation générale du 1 er avril, et l'évèque de Fano 
les résolut de nouveau. L'abus, dit-il, ne consiste pas 
à avoir plusieurs versions de la Bible, puisque dès 
l'antiquité il y en a eu plusieurs ; il consiste à en avoir 
plusieurs qui soient tenues pour authentiques. On n'en 
veut qu'une seule authentique, et c'est la Vulgate, 
parce qu'elle est ancienne, et pour que les adversaires 
de l'Église n'aient pas l'occasion de dire que l'Église 
n'a pas eu jusqu'ici de bons textes. Les autres versions, 
même celles des hérétiques, ne sont pas rejetées pour 
ne pas restreindre la liberté chrétienne. Merkle, op. 
cit., t. i, p. 42; S. Ehses, t. v, p. 50; Theiner, op. cit., 
t. i, p. 79. La discussion continua en congrégation 
générale, le 3 avril. Le cardinal de Trente accepterait 
une édition authentique en quelque langue que ce 
soit. Le cardinal de Jaen aurait voulu qu'on rejetât 
toutes les autres versions, sauf celle des Septante, et 
qu'on ne reçût la Vulgate qu'après sa correction. Son 
avis fut adopté par d'autres Pères. Les votes furent, 
d'ailleurs, assez divergents. Le président, le cardinal 
del Monte, les résuma ainsi : La majorité semble 
admettre que la Vulgate soit reçue, mais que le décret 
soit rédigé de telle sorte que les autres versions ne 
soient pas tacitement rejetées. Le cardinal Poole était 
d'avis qu'on eût plusieurs éditions de la Bible et qu'il 
allait approuver, en même temps que la Vulgate, les 
Septante et les textes hébreu et grec. Celui qui a un 
vase d'or et un vase d'argent, dit-il, ne brise pas le 
second pour ne se servir que du premier. La question 
mise aux voix, tous les membres acceptèrent que la 
Vulgate seule serait reçue, qu'on ne mentionnerait pas 
dans le décret les autres éditions et qu'on ne rejette- 
rait pas expressément les éditions des hérétiques. La 
majorité repoussa le projet d'avoir une édition authen- 
tique en hébreu, en grec et en latin; elle ne voulait 
que la Vulgate pour authentique. Theiner, op. cit., 
t. i, p. 79-83; Merkle, op. cit., t. i, p. 42-44; S. Ehses, 
t. v, p. 59-66. Le décret fut rédigé en ce sens, lu et 
unanimement approuvé le 5 avril, enfin solennellement 
promulgué le 8. 

En voici la teneur : « Considérant qu'il pourrait 
résulter pour l'Église de Dieu une assez grande utilité 
de connaître l'édition qu'il faut tenir pour authentique 
parmi toutes les éditions latines des Livres Saints qui 
ont cours, le même saint concile statue et déclare que 
c'est l'édition ancienne et vulgate, approuvée par le 
long usage de l'Église elle-même pendant tant de 
siècles, qui doit elle-même être regardée comme 
authentique dans les leçons, discussions, prédications 
et expositions publiques, et que personne ne doit avoir 
l'audace ou la présomption de la rejeter sous aucun 
prétexte. » Enfin, le concile ordonnait que la Sainte 
Écriture, surtout la vieille édition vulgate, fût impri- 
mée le plus correctement possible. Decretum de 
editione et usu sacrorum Librorum, sess. IV. 

Cependant ce décret, quand il fut connu à Rome, 
souleva de grosses difficultés. Les théologiens du pape 
trouvaient qu'on avait donné à la Vulgate trop d'auto- 



rité et ils refusaient d'approuver le décret en raison 
des fautes qui existaient dans la version latine, seule 
déclarée authentique. Ils délibérèrent s'il ne fallait 
pas retarder l'impression du décret ou en modifier la 
teneur. Les légats pontificaux durent expliquer par 
lettres les raisons et le sens du décret. Ils rappelaient 
en particulier que les traductions et les éditions de 
la Bible, faites depuis vingt ans en si grand nombre 
et si divergentes en des points très importants, 
rendaient nécessaire l'adoption d'une seule version 
comme authentique; qu'aucune version n'aurait pu 
être préférée à l'ancienne Vulgate, si estimable en 
elle-même, et qui n'avait jamais été suspecte d'hé- 
résie. Leur correspondance publiée partiellement 
par le P. Vercellone, Dissertazioni accademiche du 
vario argotnento, Rome, 1864, p. 79, et plus complè- 
tement par Druffel-Brandi, Monumenta Tridentina, 
fasc. 4, Munich, 1897, donna satisfaction à tous les 
esprits et décida Paul III à approuver le décret de 
Trente. 

2° Sens du décret. — Il a été diversement interprété 
par les théologiens, les uns entendant l'authenticité 
de la Vulgate dans le sens de sa conformité avec le 
texte primitif des Livres Saints, et les autres recon- 
naissant seulement dans cette authenticité une auto- 
rité officielle qui rendait l'usage de la Vulgate obliga- 
toire dans l'enseignement public et plaçait ainsi cette 
version au-dessus des traductions privées qui avaient 
cours à l'époque du concile. 

1. Des débats précédemment résumés il résulte que 
les Pères de Trente, dans leurs délibérations, n'ont pas 
examiné la conformité de la Vulgate avec les textes 
originaux, qu'ils n'en ont parlé qu'indirectement et 
que cette conformité n'a pas été la raison pour laquelle 
ils ont déclaré la Vulgate authentique. Ils voulaient 
donner à l'Église un texte officiel des Livres Saints, 
qui fit autorité dans les écoles, la prédication et la 
liturgie, à l'exclusion implicite des versions récentes. 
S'ils ont choisi la Vulgate latine pour en faire ce texte 
officiel, c'est à cause de son usage ancien et universel 
dans l'Église, qui garantissait suffisamment sa fidélité 
essentielle aux originaux et son autorité ecclésiastique. 
L'usage de cette antique traductionétait renduobligatoire 
dans l'enseignement public, de telle sorte que personne 
n'était en droit d'en rejeter l'autorité sous aucun pré- 
texte. Le concile ne mettait pas cette version au-dessus 
ni des textes originaux, hébreu et grec, ni des anciennes 
traductions qui avaient été en usage dans l'Église et 
l'étaient encore dans les Églises orientales. Il recon- 
naissait implicitement le droit de recourir aux origi- 
naux et aux anciennes traductions. Il imposait seule- 
ment pour l'enseignement public un seul texte, celui 
qui avait eu cours dans l'Église depuis tant de siècles 
et que cet emploi séculaire avait approuvé et consacré. 
Il n'approuvait pas l'œuvre de saint Jérôme, mais la 
version reçue à laquelle il conférait un caractère officiel 
pour les leçons et les prédications publiques. S'il avait 
eu en vue l'exactitude de la traduction, il aurait dû 
l'imposer même pour l'usage privé. Puisqu'il en fait 
un document public et officiel, il ajoute que personne 
n'a le droit de le récuser, quand il sera invoqué. Il 
employait donc le mot authentique dans le sens que 
lui donnaient alors les théologiens, les canonistes et 
les juristes. 

Tel est le sens qu'ont donné à ce décret les théolo- 
giens du xv( e siècle, qui assistèrent au concile de 
Trente, et les théologiens récents qui ont étudié les 
Actes officiels de cette assemblée. Au nombre de ces 
théologiens, nous pouvons citer A. Salraeron, Comment, 
in evangelicam historiam, prolegom. III, Cologne, 
1612, p. 24-25; A. Véga, qui rapporte le témoignage du 
cardinal Cervino, De justificatione, 1. XV, c. ix, 
Cologne, 1572, p. 692; J. Lainez, dont le témoignage 



2487 



VULGATE 



2488 



est invoqué par Mariana, Pro editione Vulgala, 21, dans 
Cursus completus Scriptural Sacrée de Migne, 1. 1, col. 
<569; le P. Sirlet, qui était le correspondant du cardinal 
Cervino, voir H. Hôpil, Kardinal Wilhelm Sirlets 
Annotationen zum N. T., dans Biblische Studien, 
t. xiii, fasc. 8, p. 4-8; cf. P. Batiffol, La Vaticane de 
Paul III à Paul V, Paris, 1890, p. 76-80; D. Payva de 
Andrada, Defensio Tridentinse fidei, 1. IV. Lisbonne, 
1578, p. 257; J. Ravesteyn, de Tielt (Tiletanus), Apo- 
■logix seu defensionis decretorum sac. concilii Tri- 
dentini, Louvain, 1568, p. 99; M. Zangerus, Simpli- 
cis atque adeo prudentis catholicorum orthodoxise 
cum novatorum sectariorumque nostri exulcerati 
seculi idolomania collatio catholica, c. Il, Cologne, 
1580 (qui cite et approuve Tiletanus) ; Bellarmin, De 
verbo Dei, 1. II, c. x-xi; De editione latina Vulgata, 
édit. Widenhofer, Wurzbourg, 1749 (où il cite la plu- 
part des théologiens précédents) ; cf. J. de la Servière, 
La théologie de. Bellarmin, Paris, 1908, p. 18; X. Le 
Bachelet, Bellarmin et la Bible Sixlo-Clémentine, 
Paris, 1911, p. 5-11, 15, 110-117; Pallavicini, Histoire 
du concile de Trente, 1. VI, c. xv, trad. franc., édit. 
Migne, t. n, col. 90-91; E. Du Pin, Dissertation préli- 
minaire ou prolégomènes sur la Bible, Amsterdam, 
1701, t. i, p. 204; Du Hamel, Institutiones bibliese, 
c. ix, Louvain, 1740; .fahn, Introductio in libros 
sacros V. F., 2= édit., Vienne, 1839, p. 64-65; Berti, 
De theologicis disciplinis, Bamberg et Wurzbourg, 
1773, t. v, p. 41; Haneberg, Histoire de la révélation 
biblique, trad. franc., Paris, 1856, t. il, p. 446-448; 
J. Danko, De Sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 230; 

F. Kaulen, Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868, 
p. 394-419; Einleitung in die Heilige Schrift,^" édit., 
Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 147-148; art. Vulgate, 
dans Kirchenlexikon, 2 e édit., 1901, t. xn, col. 1140; 
A- Loiay, Histoire du canon de l'A. T., Paris, 1890, 
p. 210-211 ; J. Didiot, Logique surnaturelle subjective, 
2» édit., Paris, 1894, p. 114-124; J. Corluy, dans la 
Science catholique, 1894, t. vin, p. 438-445; Lingens, 
dans Zeitschrift fur katholisclw Théologie, Inspruck, 
1894, p. 759-769; trad. dans la Bévue des sciences 
ecclésiastiques, 1894, t. lxxi, p. 147-151; A. Vacant, 
Études théologiques sur les constitutions du concile 
du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 428-429; J. Thomas, 
Mélanges d'histoire et de littérature religieuse, Paris, 
1899, p. 314-321. Léon XIII, dans l'encyclique Provi- 
dentissimus Deus, du 18 novembre 1893, en recom- 
mandant la Vulgate, déclare qu'elle a reçu son authen- 
ticité, pour l'enseignement public, du concile de Trente. 
Cette authenticité consiste donc proprement dans le 
caractère officiel qui lui a été ainsi accordé et non dans 
4a conformité de la version avec les originaux. 

Du reste, les exégètes catholiques du xvi e siècle 
savaient que la Vulgate n'était pas parfaite et recouraient 
aux textes originaux pour expliquer ses obscurités, 
«es ambiguïtés et ses inexactitudes. Dans son opuscule 
De editione latina Vulgata, Bellarmin cite G. von 
Linden (Lindanvs), De optimo génère Scripturas inter- 
pretandi, 1. III, c. i, Cologne, 1558; Sixte de Sienne, 
Bibliotheca sancta, 1. VIII, Venise, 1566; F. Foreiro, 
Comment, in Isaiam, prasf., Venise, 1563 ; J. Oleaster, 
Comment, in Pentateuchum, praef., Lisbonne, 1556; 

G. Genébrard, Jra Psalmos, praef., Paris, 1577. Voir aussi 
la réponse de Bellarmin à une consultation, dans Le 
Bachelet, op. cit., p. 71-72, 178-179. 

2. Cependant, dès le xvi e siècle, le décret de Trente 
a été interprété dans un autre sens par les théologiens 
qui n'avaient pas assisté au concile, et on en arriva au 
point que des esprits indépendants, tels que Bannez et 
Mariana, n'osaient pas se prononcer ouvertement sur la 
-signification de l'authenticité de la Vulgate. Le fonde- 
ment principal de la nouvelle explication se trouve 
dans la mention de cette version dans le décret dogma- 



tique du concile De canonicis ScripUiris. Il y est dit 
que les Livres Saints, cum omnibus suis partïbus, 
doivent être reçus pour canoniques prout in veteri 
Vulgata editione habentur. Il en résulte seulement 
que la Vulgate contient les Livres sacrés et canoniques 
dans leur entier et avec toutes leurs parties. Néan- 
moins, ce décret a donné lieu à deux opinions diffé- 
rentes sur l'autorité de la Vulgate. 

a) Une université, dirigée par des jésuites, doutait 
du sens à donner à ce décret et elle demanda à la 
S. G. du Concile, instituée par Pie IV en 1564, si, en 
vertu de ce décret, on devrait imputer une erreur dans 
la foi à ceux qui avanceraient quelque chose de con- 
traire à la moindre période et au moindre membre de 
phrase des livres canoniques, en y comprenant même 
les passages qui sont omis par la Vulgate, mais qui se 
trouvent dans les textes hébreu et grec; ou s'il fallait 
imputer une erreur contre la foi seulement à ceux qui 
rejetteraient soit un de ces livres tout entier soit une 
des parties dont la canonicité et l'inspiration ont été 
autrefois discutées. La S. C. répondit, le 17 janvier 
1576, qu'on ne pourrait rien avancer qui fût contraire 
à l'édition latine de la Vulgate, quand ce ne serait 
qu'une période, une assertion, un membre de phrase, 
une parole, un mot ou un iota, et elle reprit sévère- 
ment A. Véga, qui, dans son traité rappelé plus haut, 
avait tenu un langage audacieux. Cette décision fut 
publiée par Allatius, qui la croyait inédite, dans Animad- 
versiones in Antiquitatum Etruscarum fragmenta 
ab Inghiramis édita, Paris, 1640, n. 101, p. 179. Elle 
avait pourtant été éditée, en partie du moins, dans 
divers recueils des Déclarations de la S. C. du Concile, 
dont l'un parut à Francfort en 1608 et d'autres furent 
publiés par Vincent de Marcylla, 1609, et par Jean Gal- 
lemart, Cologne, 1619. Suarez, Defide, disp. V, sect.m, 
n» 10, et Serarius, Prolegomena bibliaca, c. xix, q.xi, 
Paris, 1704, p. 169, la connaissaient en manuscrit. 
Cependant les théologiens ont douté longtemps de son 
authenticité, ou ont prétendu au moins que son texte 
avait été altéré. Mais M. Batiffol découvrit à la biblio- 
thèque Vaticane, lat. 0326, un commentaire du concile 
de Trente, fait par le cardinal Carafa, qui en 1576 
était président de la Congrégation du Concile. Or, au 
sujet des décrets de la IV session, le cardinal analyse 
la décision de la S. C. P. Batiffol, La Vaticane de 
Paul III à Paul V d'après des documents nouveaux, 
Paris, 1890, p. 72-76. L'authenticité de la décision est 
donc certaine. J. Thomas, Mélanges d'histoire et de 
littérature religieuse, Paris, 1899, p. 308, note 1. 

Mais quel en est le sens? Elle ne signifie pas, comme 
on l'a cru, que la Vulgate était absolument parfaite, 
parce qu'elle interdisait d'en mettre en question le 
moindre mot et la plus petite syllabe. Elle n'adopte 
pas, en effet, le premier sentiment exprimé dans la 
consultation, d'après laquelle il aurait été de foi que 
tous les membres de phrase et tous les mots de la 
Vulgate, du grec et de l'hébreu seraient la reproduc- 
tion exacte du texte original, inspiré et canonique, et 
que ce texte n'aurait subi soit dans la Vulgate,"soit 
dans les textes hébreu et . grec aucune altération de 
l'étendue d'une phrase, d'un mot, d'une syllabe ou 
d'un iota. Pour l'hébreu et le grec, la S. C. renvoie à 
la troisième règle de l'Index, qui déclare toutes les 
versions de la Bible non authentiques inférieures à la 
Vulgate authentique. Quant à la Vulgate, elle dit qu'on 
ne peut rien avancer contre elle, pas même une phrase 
ni un iota, parce qu'elle contient l'Écriture inspirée et 
canonique, les Livres Saints que le concile a reconnus 
pour sacrés et canoniques et dont il a dressé la liste. 
Cf. A. Vacant, Études théologiques sur les constitu- 
tions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 435- 
456. 

Bien que la Congrégation du Concile n'ait pas admis 



2489 



VULGATE 



2490 



l'absolue perfection de la Vulgate, des théologiens, 
surtout des Espagnols, l'admirent, en se fondant sur la 
teneur même du décret de Trente, qui déclarait cette 
version authentique. Bellarmin, jeune professeur à 
Louvain, en parlait déjà dans une lettre qu'il adressait 
au cardinal Sirlet, le 1 er avril 1575. Le Bachelet, 
Bellarmin et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 104. 
L. de Tefia, Isagoge in totam sac. Scripturam, Barce- 
lone, 1620, p. 30 b; B. Ponce (f 1626), Qutestiones expo- 
sitivse, id est, de Sac. Scriptura exponenda, q. m, 
dans Cursus completus Sac. Scriptural de Migne, t. i, 
col. 878 (qui dit que c'est l'opinion commune de son 
temps); Jean de Saint-Thomas, In ll^ m II®, disp. III, 
a. 3; C. Frassen, Disquisitiones biblicœ, Paris, 1682, 
t. i. Cf. Mariana, Pro editione Vulgata, dans le Cursus, 
1. 1, col. 590; Bannez, Scholastica commentaria in J am 
partemSum. theol. S. Thomse, Salamanque, 1584, q. i, 
a. 8. Ce sentiment était encore soutenu en 1753 par le 
P. Frévier, La Vulgate authentique dans tout son 
texte; plus authentique que le texte hébreu, que le 
texte grec qui nous restent, Rome (Rouen). Voir Le 
Bachelet, op. cit., p. 17-19. Cette opinion est évidem- 
ment en opposition avec la pensée des Pères du concile 
de Trente, et elle n'est plus depuis longtemps soutenue 
par aucun théologien. 

b) Dès le xvi e siècle cependant, la plupart des théo- 
logiens soutinrent que la Vulgate, en raison de son 
long usage dans l'Église et de son adoption officielle 
par le concile de Trente, ne contenait aucune erreur 
concernant la foi et les mœurs. Mais ils ne l'estimaient 
pas si parfaite qu'on n'y remarquât non seulement des 
fautes de copiste, mais même des erreurs de traduc- 
tion dans des détails qui ne sont pas du domaine de la 
foi et des mœurs, et qu'elle n'empêchât pas de recourir 
aux textes originaux pour rectifier ses erreurs et expli- 
quer ses obscurités et ses ambiguïtés. Dans une copie 
du procès-verbal de la congrégation générale du 
3 avril 1546, le cardinal de Jaen aurait émis l'avis que 
la Vulgate devait être reçue quoad mores et dogmata. 
Mais le procès-verbal officiel ne contient pas ces mots. 
S. Ehses, Concilium Tridentinum, t. v, p. 59. J. Driedo, 
De ecclesiasticis Scripturis et dogmatïbus, Louvain, 
1550, 1. II, c. i, prop. 2", l'affirmait expressément. 
M. Cano, De locis theologicis, Salamanque, 1563, 1. II, 
c. xiu, et le cardinal Carafa, dans son commentaire 
cité du concile de Trente, voir P. Batiffol, op. cit., 
p. 74, n'obligeaient à suivre la Vulgate que dans les 
passages doctrinaux et moraux. Bellarmin, dès 1575, 
dans sa lettre à Sirlet, dans ses Controverses profes- 
sées à Rome dès 1576, De verbo Dei, 1. II, c. x-xi, 
dans sa dissertation De editione latina Vulgata, dont 
la seconde rédaction est de 1591, expose et soutient 
très expressément ce sentiment; il relève les erreurs de 
traduction de la Vulgate. Cf. J. de la Servière, La théo- 
logie de Bellarmin, p. 17-24; Le Bachelet, Bellar- 
min et la Bible sixto-clémentine, p. 5, 10-16, 104, 107- 
125, 178-179. Ce fut l'opinion de Bonfrére, Prseloquia 
in Sac. Script., c. xv, sect. m, dans la Cursus comple- 
tus Scripturse Sacrœ de Migne, 1. 1, col. 196, de Grégoire 
de Valence, De objecta fidei, q. vm, §43, de Suarez, 
De fide, disp. V, sect. x, n. 3. On peut dire que c'est 
le sentiment commun des théologiens catholiques. Les 
plus récents interprètent même dans ce sens l'authen- 
ticité de la Vulgate, qu'ils entendent comme supposant 
et entraînant la conformité substantielle de la Vulgate 
avec les textes originaux, conformité affirmée publi- 
quement par l'autorité officielle de l'Église au concile 
de Trente. Noël Alexandre, Hist. eccl., saec. iv, 
diss. XXXIX, a. 5, Paris, 1699, t. iv, p. 406-410; 
P. Chrismaun, Régula fidei, § 64, dans Cursus comple- 
tus theologiœ de Migne, t. vi, col. 917; H. Reusch, 
Lehrbuch der Einleitung in das Alte Testament, 
4 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1870, p. 210; Id., Erklâ- 



rung der Décrète des Trienter Concils ûber die Vul- 
gata, dans Der Katholik, 1860, t. i, p. 641; Fran- 
zelin, Traclatus de divina traditions et Scriptura? 
3 e édit., Rome, 1882, p. 512-514; Mazzella, De virtuti- 
businfusis, Rome, 1879, p. 554-555; Hurter, Theologiœ 
dogmaticse compendium, 3 e édit., Inspruck, 1880, t. r, 
p. 165-166; Vigouroux, Manuel biblique, 12 e édit., 
Paris, 1906, t. i, p. 230-237; Gilly, Précis d'introduc- 
tion générale et particulière à l'Écriture sainte, 
Nîmes, 1867, t. I, p. 195-198; R. Cornely, Introduclio 
generalis, 2 e édit., Paris, 1894, p. 468-481; C. Chauvin, 
Leçons d'introduction générale, Paris, 1898, p. 372- 
375; J.-V. Bainvel, De Scriptura Sacra, Paris, 1910, 
p. 180-192, etc. Toutefois, ces théologiens ne sont pas 
d'accord au sujet de l'étendue de la conformité de la 
Vulgate avec les textes originaux, et il y a en ces ma- 
tières une part d'appréciation qui tient plus ou moins 
compte des faits et de la critique du texte. 

Voir encore Branca, De authentia Vulgalse Biblio- 
rum editionis, Milan, 1816; L. von Ess, Pragmatica 
doctorum catholicorum Tridentini circa Vulgatam 
decreii sensum, nec non licitum textus originalis 
usum testantium historia, Vienne, 1816; Pagmatisch- 
kritische Geschichte der Vulgata, Tubingue, 1824; 
J. Brunati, De nomine, auctore, emendatoribus et 
authentia Vulgatee dissertatio, trad. lat. d'un écrit 
italien, Vienne, 1827; C. Vercellone, Sulla autenti- 
cità délie singole parti délia Bibbia volgata secondo 
il decreto tridentino, Rome, 1866; trad. franc., dans 
la Revue catholique de Louvain, 1866, p. 641, 687; 
1867, p. 5; Ghiringello, dans la Rivista universate 
de Gênes, février 1867; J. Corluy, dans les Études re- 
ligieuses, novembre 1876, p. 627-631 ; dans la Contro- 
verse,^ mai 1885, p. 55-63; 15 mars 1886, p. 379-382; 
dans la Science catholique, 15 avril 1894, p. 438- 
445; S. di fiartolo, Les critères théologiques, trad. 
franc., Paris, 1889, p. 238-243; J. Didiot, Commen- 
taire de la IV' session du concile de Trente théo- 
logique; dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 
mai 1889, p. 390-419; historique, juin 1889, p. 481- 
518; traditionnel, septembre et novembre 1890, p. 193- 
226, 385-400; A. Durand, dans les Études, 1898, 
t. lxxv, p. 216-229; Vindex, Zur Frage von der Auten- 
ticitàtder Vulgata, dans Historisch-pblitische Blâtter, 
Munich, 1899, t. cxxiv, p. 102-114; Bonaccorsi, Ques- 
tione bibliche, Bologne, 1904; E. Mangenot, art. 
Authenticité, dans le Dictionnaire de théologie catho- 
lique, t. i, col. 2587-2590. 

VI. La Bible sixto-clémentine. — 1° La revision de- 
la Vulgate confiée au pape par le concile de Trente. — 
Les Pères du concile savaient que le texte de la Vul- 
gate était fautif dans les éditions courantes, et en 
même temps qu'ils déclaraient cette version authen- 
tique, ils résolurent de demander au pape d'en faire 
une édition aussi correcte que possible. Voir les 
procès-verbaux des délibérations, du 17 mars au 
3 avril 1546, dans Theiner, op. cit., t. i, p. 65, 79, 85;. 
S. Ehses, op. cit., t. v, p. 29, 37, 50, 59-66. Mais le 
décret, publié le 8 avril, ne mentionnait pas ce détail 
et ordonnait seulement d'éditer la Vulgate le plus 
correctement possible. Les théologiens romains remar- 
quèrent cette lacune, et le 17 avril, le cardinal Farnèse 
écrivit aux légats pontificaux pour leur demander quelle 
avait été l'intention -du concile à ce sujet. Les légats 
répondirent, le 26, que le concile les avait chargés 
de supplier le Saint-Père de faire corriger le plus tôt 
possible la Bible latine et, s'il se pouvait, la Bible 
grecque et la Bible hébraïque. Les théologiens romains 
voyaient bien les difficultés de l'entreprise; ils pro- 
mirent toutefois de chercher les moyens d'en triom- 
pher. Les légats remercièrent le souverain pontife de sa 
sollicitude et promirent le concours des théologiens du 
concile. Voir Vercellone, Dissertazioni wcademiche,. 



2491 



VULGATE 



2492 



p. 79-84. Cf. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, 
1. VII, c. xh, édit. Migne, t. h, col. 192-194. Sur les 
travaux entrepris à Trente, voir dom Hôpfl, Kardinal 
Willwlm Sirlets Annotationen zum N. T., p. 9-13, 40; 
Mercati, dans Theologische Revue, 1909, p. 60-62; Le 
Fiat, Monument., t. iv, p. 104-110. 

2» Éditions privées. — Comme les premiers travaux 
furent vite interrompus, des particuliers entreprirent 
de rcorriger le texte de la Vulgate. — 1. Éditions de 
Louvain. — Les théologiens de Louvain y travaillèrent 
les premiers. Sur l'œuvre du dominicain Jean Henten, 
voir t. il, col. 1475. Après la mort de Henten (1566), son 
édition fut perfectionnée, sous la direction de Luc de 
Bruges. Elle eut, sous cette nouvelle forme, neuf édi- 
tions (1573-1594) et celle de 1583 servit aux correcteurs 
romains. — 2. Le Nouveau Testament de Zeger. — 
Un franciscain flamand, Tacite-Nicolas Zeger, publia, 
de son côté, en 1553, des Scholia et des Castigationes 
sur le Nouveau Testament, et il se proposait de corri- 
ger la Vulgate d'après les leçons des Pères et des ma. 
nuscrits. Voir Critici sacri, 3 e édit., Amsterdam, 1698, 
t. vu. Dans une lettre du 15 août 1553, ibid., p. xn- 
xvi, il demandait au pape Jules III d'approuver sa 
correction et de déclarer authentique son édition. 
Cf. R. Simon, Histoire critique des commentaires 
du N. T., Rotterdam, 1693, c. xxxix, p. 573-575; 
Dissertation critique sur les principaux actes ma- 
nuscrits du N. T. (à la suite de l'ouvrage précédent), 
p. 78-79. 

3° La Bible sixtine. — 1. Sa préparation. — Les 
travaux de correction, entrepris à Rome dés 1546, 
marchèrent lentement jusqu'en 1554; Sirlet s'occupait 
du Nouveau Testament et Nicolas Majoranus de l'An- 
cien. H. Hôpfl, op. cit., p. 24-25, 37; Mercati, loc. cit. 
Pie IV qui, avant son élévation au siège pontifical, avait 
favorisé Majoranus, institua une congrégation de car- 
dinaux et de consulleurs. Quelques manuscrits, no- 
tamment le Paulinus, furent collationnés, mais la mort 
de Faernus en 1561 interrompit les recherches, et le 
concile de Trente fut clos en 1563, avant que la correc- 
tion officielle de la Vulgate ne fût terminée. Saint Pie V 
confirma la congrégation établie par son prédécesseur 
et nomma de nouveaux membres. On reprit tout ce 
qui avait déjà été exécuté, afin de profiter des leçons de 
manuscrits anciens, récemment apportés à Rome. On 
avançait si lentement que, du 28 avril au 7 décembre 
1569, au cours de 26 sessions générales, on n'avait re- 
levé les variantes que de deux seuls livres, la Genèse 
et l'Exode. Sous Grégoire XIII, à l'instigation du car- 
dinal Perretti et sous sa direction, on édita la version 
des Septante. Voir col. 1639-1641. Devenu pape sous le 
nom de Sixte V, le cardinal Perretti, dès la seconde 
année de son pontificat (1586), fit reprendre activement 
la correction de la Vulgate. On avait fait venir d'excel- 
lents manuscrits latins de différentes bibliothèques de 
l'Italie, de l'Espagne et de la Flandre. Sixte V stimulait 
le zèle des correcteurs. Après plus de deux années 
d'étude, l'œuvre était achevée; elle fut présentée au 
pape au commencement de 1589. Sixte V revit lui- 
même le texte entier; il maintint la plupart des cor- 
rections faites, mais il en rejeta un certain nombre, 
malgré l'opposition du cardinal Carafa, et détermina 
lui-même les leçons qu'il fallait admettre à leur place, 
comme il s'en était réservé le droit, dès le 22 janvier 
1588. Bullariurn romanum, Naples, t. vm, p. 996. Il 
surveilla de très près l'impression, qui fut faite au 
Vatican, non pas par Paul Manuce, mais par Domi- 
nique Basa, de Venise. Voir Mgr Baumgarten, Die 
Vulgata Sixtina von 1590 und ihre Einfûhrungsbulle, 
Munster, 1911, p. 1-19, 135. L'impression avait com- 
mencé avant que le pape n'eût achevé la revision de 
l'œuvre des correcteurs. Ainsi, le 3 juin, Sixte V disait 
à l'ambassadeur de Venise qu'il en était arrivé à ' 



l'Apocalypse et que le livre de la Sagesse était sous 
presse. Ibid., p. 136. Les Avvisi di Roma annonçaient, 
le 1 er novembre, que l'Ancien Testament allait paraître, 
et le 25, qu'il était entre les mains des cardinaux de 
la Congrégation de l'Index. Ibid., p. 22. L'impression 
était terminée le 10 avril 1590. Les Avvisi di Roma 
annonçaient, le 2 mai, que des exemplaires avaient été 
distribués aux cardinaux et aux principaux officiers de 
la cour pontificale, et que la vente était confiée au seul 
imprimeur du palais, Dominique Basa. Ibid., p. 23. 
Le 31 mai, Sixte V fit expédier aux princes 25 exem- 
plaires de la nouvelle Bible, avec des brefs, datés du 
29. Ibid., p. 24. 

2. Sa description. — La Biblia sacra Vulgatse edi- 
tionis ad concilii Tridentini prsescriptum emendata 
a Sixto V P. M. recognita et approbata forme un 
volume in-f» en trois parties de 1140 pages à deux 
colonnes. Le texte est imprimé en grands caractères, 
sans séparation des versets, dont les chiffres sont 
indiqués à la marge et qui sont différents de ceux de 
Robert Estienne. L'impression est fort belle et on n'y a 
compté qu'une quarantaine de fautes typographiques. 
Le texte est précédé de la bulle jEternus Me, qui 
promulguait la nouvelle édition. On n'en connaît qu'un 
petit nombre d'exemplaires : 15 en Italie, 8 en Alle- 
magne, 4 en Autriche, 8 en Angleterre, 3 à la Biblio- 
thèque nationale de Paris (cotés A 216, 216 bis et 
216 ter, réserve), 1 à Saint-Pétersbourg, 1 à Madrid et 
1 à New-York. Ibid., p. 66-82. On ignore quels sont les 
détenteurs actuels d'autres exemplaires, dont on a 
gardé la trace. Ibid., p. 82-85. Leur prix est très élevé. 
Leurs dimensions ne sont pas les mêmes et le papier 
est différent. Il y a des exemplaires de luxe. Des fautes 
d'impression ont été corrigées par des moyens différents 
et en nombre plus ou moins grand. Le pape lui-même 
mettait la main à cette correction. Ibid., p. 24, 95; Le 
Bachelet, op. cit., p. 193-194. 

3. Sa publication. — On a prétendu que Sixte V 
n'avait pas attribué à sa Bible une autorité définitive 
et qu'il ne la considérait que comme un essai. Cette 
opinion n'est plus soutenable. En effet, l'original de la 
bulle 'JEternus Me, qui promulgue l'édition sixtine et 
déclare qu'elle représente la Vulgate reconnue authen- 
tique par le concile de Trente-, a été retrouvé aux 
archives du Vatican (registre des Epislolse ad prin- 
cipes, t. xxn), avec deux épreuves successivement 
corrigées, et deux exemplaires d'une édition spéciale, 
tirée le 22 août 1590. L'original contient l'attestation 
des cursores, qui avaient affiché la bulle le 10 avril 
1590 aux lieux fixés par le droit. La bulle est datée du 
1 er mars 1589, mais aussi de la cinquième année du 
pontificat de Sixte V, qui avait commencé le 24 avril 
1585, par conséquent du 1 er mars 1590, selon notre 
manière actuelle de compter les années à partir du 
1 er janvier, tandis que, à cette époque, la cour romaine 
faisait débuter l'année ecclésiastique au 25 mars. Cf. 
Mgr Baumgarten, Biblische Zeitschrift, 1907, t- v, 
p. 189-191; Die Vulgata Sixtina von 1590, p. 28-39. 
Dans les brefs aux princes, dont Mgr Baumgarten 
connaît douze exemplaires, le pape affirme qu'il a 
décidé par une constitution perpétuelle, déjà éditée, 
que sa Bible corrigée doit être reçue par tous. Les 
témoignages opposés, recueillis par le P. Le Bachelet, 
op. cit., p. 81-88, perdent ainsi toute valeur, et l'hypo- 
thèse d'une anticipation de la promulgation de la bulle, 
hypothèse imaginée par le P. Azor, entraînerait la fal- 
sification d'un acte apostolique, soumise dès lors aux 
peines tes plus graves. Mgr Baumgarten, Die Vulgata 
Sixtina von 1590, p. 96-134. Pour une édition diplo- 
matique et critique de la bulle, voir Biblische Zeit- 
schrift, 1907, t. v, p. 337-354 ; Die Vulgata Sixtina von 
1590, p. 40-65. Dans les derniers jours de sa vie, 
Sixte V avait l'intention de faire imprimer une sorte 



2493 



YULGATE 



2494 



de correctoire, qui contiendrait toutes les modifica- 
tions, les omissions et les additions de sa Bible et à 
l'aide duquel chacun pourrait corriger son propre 
exemplaire de la Vulgate. Mgr Baumgarten, op. cit., 
p. 25-26. 

4. Son sort. — Sixte V mourut le 27 août 1590. Les 
critiques, que les membres de la congrégation, dont il 
n'avait pas admis toutes les corrections, avaient soule- 
vées, de son vivant, contre sa Bible, redoublèrent 
■après sa mort. Le 5 septembre, les Avvisi di Roma 
annonçaient que les cardinaux, chargés de l'adminis- 
tration de l'Église pendant la vacance du Saint-Siège, 
avaient suspendu la vente de la nouvelle Bible et de 
l'édition séparée de la bulle de Sixte V. Ibid., p. 96. 
Le 26 septembre, ils rapportaient l'interdiction absolue 
■de vendre la Bible sixtine. Ibid., p. 97. Cette interdic- 
tion entraînait, de fait, la suppression de l'édition 
■corrigée. A cette date, les dispositions de la bulle 
JSternus ille n'étaient pas encore obligatoires dans 
l'Église universelle, puisque Sixte V avait fixé un délai 
■de quatre mois, expiré le 10 août, pour l'Italie, et de 
huit mois, non encore expiré, pour les pays transal- 
pins. En effet, du vivant du pontife, l'inquisiteur de 
Venise avait voulu appliquer aux libraires de cette 
ville les dispositions de cette bulle. Le doge fit présenter 
par son ambassadeur Badoer des observations au pape, 
qui déclara que l'inquisiteur faisait du zèle et n'avait 
pas alors le droit d'interdire la vente des anciennes 
Bibles. Ce fait prouve nettement, ainsi que d'autres 
dépêches du même ambassadeur qui se trouvent aux 
archives d'État de Venise, que Sixte V avait fait une 
œuvre définitive et qu'il n'avait pas l'intention de la 
corriger. Voir F. Amanu, Die Bibel Sixtus V, dans 
Théologie und Glaube, Paderborn, 1912, p. 401-402. 
En outre, dès le mois de février 1591, Grégoire XIV 
confia à la Congrégation de l'Index le soin de réformer 
la Bible sixtine. Ce pape, ne voulant pas condamner 
l'œuvre de son prédécesseur, employa l'expédient que 
lui avait suggéré Bellarmin. Le Bachelet, op. cit., 
p. 37-38. 

Sur la demande de Bellarmin, Clément VIII ordonna, 
le 15 février 1592, de racheter tous les exemplaires de 
la Bible sixtine, qu'on pourrait retrouver. Le nonce 
de Venise en rapporta plusieurs, le 24 août. Au mois 
de février 1593, on s'occupait de ceux que les jésuites 
avaient rachetés. Il était encore question de nouveaux 
rachats, au mois de janvier et d'avril 1594. Le Bachelet, 
op. cit., p. 54-56, 150-152, 198-199; Mgr Baumgarten, 
op. cit., p. 99-10-1. 

5. Sa valeur. — La Bible sixtine était loin d'être 
dépourvue de valeur critique. Les changements, que 
Sixte V avait faits de sa propre autorité, n'étaient pas 
regrettables comme le prétendaient les adversaires 
de sa Bible. Ceux qu'a relevés Bellarmin, Loca prsecipua 
in Bibliis Sixti V mutata, dans Le Bachelet, op. cit., 
p. 130-134, cf. p. 44-45, sont peu importants. Voir 
d'autres reproches d'un censeur anonyme, ibid., p. 61- 
62. Sixte V avait appliqué des principes critiques un 
peu différents de ceux qu'avait suivis la congrégation 
présidée par le cardinal Carafa; il n'avait pas fait de 
modifications arbitraires dans le texte sacré. Si parfois 
il a choisi une leçon moins bonne, il a édité néanmoins 
un bon texte de la Vulgate, et sa Bible est le fruit d'un 
travail réellement scientifique. E. Nestlé, Ein Jubilâum 
den Lateinischen Bibel zum 9 november 1892, Tu- 
bingue, 1892, p. 17, et J. Wordsworth, Novum Testa- 
mentum D. N. J. C. latine, Oxford, 1898, t. i, p. 724, 
ont expressément reconnu les mérites critiques de la 
Bible sixtine. 

4" La Bible clémentine. — 1. Sa préparation. — 
D'après les Avvisi di Roma, Baumgarten, op. cit., 
p. 98, Grégoire XIV chargea la Congrégation de l'Index 
de ramener la Bible sixtine à son ancienne forme, en 



y introduisant les leçons qu'avait adoptées la congré- 
gation présidée par le cardinal Carafa et que Sixte V 
avait rejetées. Dans la première réunion, tenue le 
7 février 1591, on traita de la méthode à suivre, et on 
fixa cinq règles dans les séances suivantes. On en fit 
ensuite l'application, mais la revision avançait lente- 
ment, faute d'entente entre les consulteurs : on mit 
40 jours à corriger la Genèse seule, et on commença 
l'examen de l'Exode, le 18 mars. Bellarmin écrivit 
probablement vers cette époque un mémoire De ratione 
servanda in Bibliis corrigendis, édité par le P. Le 
Bachelet, op. cit., p. 126-129. Il proposait de confier 
la revision de la Bible latine à un petit nombre de 
savants, qui l'exécuteraient rapidement. Le pape insti- 
tua une congrégation spéciale de deux cardinaux et de 
huit consulteurs, qui se retira à Zagarolo dans la 
maison de campagne du cardinal Marc-Antoine 
Colonna, son président, et qui paracheva le travail en 
19 jours. Le 23 juin, les Avvisi di Roma annonçaient 
ce rapide achèvement. Baumgarten, op. cit., p. 98. Cf. 
Le Bachelet, op. cit., p. 40-44. " 

2. Sa publication. — On s'occupa aussitôt à Rome 
de décider si l'on publierait la nouvelle correction et 
comment. Sur la demande du pape, Bellarmin rédigea 
son avis, que le P. Le Bachelet a édité, p. 137-141. Cf. 
p. 45-48. Conformément à cet avis, la correction fut 
publiée, mais sous le nom de Sixte V : Biblia sacra 
Vulgatse editionis Sixti Quinti Pont. Max. jussu 
recognita atque édita. Ce ne fut qu'en 1604 que le 
nom de Clément VIII fut ajouté dans le titre à celui 
de Sixte V. Baumgarten, op. cit., p. vii-vih. La nou- 
velleédition ne devait pas d'abord être déclarée obliga- 
toire et les anciennes éditions latines devaient conti- 
nuer à être vendues. Bellarmin avait fait un second 
mémoire à ce sujet. Voir le texte dans Le Bachelet, 
p. 142-144. Le 26 juin, les Avvisi di Roma annonçaient 
cette décision, en ajoutant que la congrégation ne 
tiendrait plus de séance ordinaire avant l'apparition 
de la nouvelle Bible. Baumgarten, p. 98-99. Toutefois, 
rien ne fut entrepris avant le pontificat de Clément VIII. 
Peu après son élection (30 janvier 1592), il chargea 
les cardinaux Frédéric Borromée et Auguste Valieravec 
le P. Tolet de préparer le texte pour l'impression. Le 
P. Tolet fit seul le travail. Baumgarten, p. 136-137. Il 
avait fini le tout, le 28 août. Les cardinaux désignés 
donnèrent leur approbation. Le 18 novembre, les Avvisi 
di Roma annonçaient la prochaine apparition de la 
nouvelle Bible, mais, le 25, ils expliquaient le retard, 
en disant que le pape avait voulu la revoir par lui- 
même et l'amender encore. Ibid., p. 101. L'impression 
était surveillée par le P. Tolet, ibid., p. 104, note; elle 
fut exécutée rapidement, et la nouvelle Bible parut 
avant la fin de l'année 1592. 

3. Sa description. — Cette Bible est un beau volume 
in-folio, imprimé avec les mêmes caractères que la 
sixtine et par le même imprimeur, Dominique Basa. 
La préface, qui est de la main de Bellarmin, expose 
que cette nouvelle édition réalise un projet de Sixte V, 
qui avait voulu retoucher sa première œuvre dont il 
n'était pas satisfait. Voir Le Bachelet, p. 53, 146-149; 
Baumgarten, p. 108-110. Une bulle de Clément VIII, 
datée du 9 novembre 1592, pourvoyait à la conservation 
du nouveau texte corrigé. Sans condamner les anciennes 
Bibles, il réservait à l'imprimerie vaticane pendant 
dix ans le monopole de la nouvelle édition. Ce laps de 
temps écoulé, tout imprimeur avait le droit de la repro- 
duire, purement et simplement. On avait, repris la 
division ordinaire des versets et on avait reproduit, en 
dehors de la série des livres canoniques, le III* et le 
IV e livre d'Esdras et la Prière de Manassé, que 
Sixte V avait omis. Les fautes de typographie sont 
nombreuses, tant l'impression avait été précipitée. Voir 
Vercellone, Biblia sacra, in-4», Rome, 1861, p. v-vil. 



2495 



VULGATE 



2496 



4. Sa valeur. — Bellarmin, dans la préface, recon- | 
naît que la nouvelle Bible n'est pas parfaite, et qu'on 

y avait laissé à dessein des choses qui semblaient de- 
voir être corrigées. Du reste, le travail des correcteurs- 
n'a pas toujours été exactement reproduit, par l'incurie 
de l'imprimeur. Les protestants ont violemment attaqué 
à diverses reprises la revision pontificale de la Vulgale. 
En 1600, Thomas James a publié à Londres un pamphlet 
intitulé : Bellum papale sive concordia discors Sixti Y 
et Clementis VIII circa hieronymianam editionem, 
dans lequel il relevait environ 2000 différences entre 
les deux Bibles. Une seconde édition parut en 1606, et 
Cox a réimprimé encore ce livre en 1840 et en 1855. 
L'argument est sans valeur, puisque les divergences 
signalées étaient volontaires, et le P. Henri de Buken- 
top en comptait 2134. Lux de luce l. III, Bruxelles, 
1706. Le P. Vercellone en a remarqué 50 autres, de 
minime importance, il est vrai, rien que dans le Pen- 
tateuque. En 1906, le P. Hetzenauer reprenait la com- 
paraison des deux textes et aboutissait au chiffre total 
de 4900 divergences, p. 367*. Les protestants préten- 
daient aussi que les éditeurs des Bibles sixtine et clé- 
mentine n'avaient fait que choisir des leçons diffé- 
rentes parmi les variantes des Bibles de Louvain. Ce 
reproche n'est pas fondé. Bien qu'ils aient utilisé les 
Bibles de Louvain, les correcteurs romains ont re- 
couru directement aux manuscrits, aux textes origi- 
naux et aux citations bibliques des Pères, et des le- 
çons qu'ils ont adoptées la dixième partie seulement 
se trouvait dans les éditions louvaniennes. Pour les 
Évangiles, la Bible sixtine est le plus souvent d'accord 
avec l'édition de Robert Estienne de 1538, tandis que la 
Bible clémentine se rapproche surtout de l'édition de 
Henten, imprimée en 1548. Cf. J. Wordsworth, op. cit., 
t.l, p. 721-723. Les critiques actuels sont unanimes à 
reconnaître que la Bible clémentine est le fruit d'un 
travail sérieux, aussi parfait qu'on pouvait le faire alors 
avec les ressources critiques dont on disposait. Quoique 
son texte ne soit pas absolument pur et qu'il ait con- 
servé des leçons qui n'appartenaient pas à l'œuvre 
primitive de saint Jérôme, il est meilleur que celui des 
éditions qui l'ont précédé au XW siècle. Il est aussi 
en progrès sur celui de la Bible sixtine. C'est donc une 
édition, qui est bonne en elle-même, très bonne pour 
l'époque, sans être parfaite. Cf. C. R. Gregory, Text- 
kritik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. h, p. 621. 

5. Ses éditions. — a) Éditions romaines. — En 
vertu du décret de Clément VIII, l'imprimerie vaticane 
devait publier seule, pendant dix ans, la Bible nouvelle. 
On en lit, en 1593, une seconde édition, dans laquelle 
on corrigea un certain nombre des erreurs typogra- 
phiques de la première; mais celles qui furent repro- 
duites et les nouvelles qui furent commises dépassèrent 
le chiffre de la première. Une troisième édition sortit 
des mêmes presses en 1598; elle ne corrigea qu'une 
partie des fautes précédentes et surpassa les deux pre- 
mières éditions en négligence. Pour porter remède à 
un mal qui empirait, on imprima en appendice une 
triple liste d'errata des trois éditions de 1592, 1593 et 
1598, dont devaient tenir compte les imprimeurs posté- 
rieurs. Mais cette triple liste n'était pas complète de 
sorte que, pendant longtemps, des fautes de cette na- 
ture se sont perpétuées dans les Bibles subséquentes. 
En 1603, Luc de Bruges releva sur les éditions ro- 
maines les principales divergences pour faciliter aux 
imprimeurs, et notamment à Plantin d'Anvers, l'im- 
pression , correcte de la nouvelle édition : Romanse 
correctionis in latinis Bibliis editionis vulgatse jussu 
Sixti V Pont. max. recognilis loca insigniora, Anvers, 
1603; 2 e édit., 1618. En 1906, le P. Hetzenauer a 
compté 270 différences entre l'édition de 1592 et celles 
de 1593 et de 1598, 140 entre la seconde et la première 
et la troisième, 830 entre cette dernière et les deux 



précédentes. Le Nouveau Testament, imprimé à Rome, 
en 1607, n'est qu'une reproduction partielle de l'édition 
de 1598. Le P. Vercellone y a remarqué les mêmes 
fautes caractéristiques. Une table d'errata, qui y est 
ajoutée, contient des fautes qui n'ont jamais été corri- 
gées dans les éditions romaines antérieures et posté- 
rieures. Celles de 1618 et de 1624 diffèrent à peine 
de la troisième. Des éditions plus correctes ont paru 
à Rome en 1671, 1765, 1768 et 1784. Elles ont donné 
occasion à cette assertion fausse que les souverains 
pontifes auraient introduit de nouvelles corrections 
dans la Bible clémentine. 

6) Autres éditions. — Celles qui ont paru au xvn* 
et au xvi[i e siècle sont trop nombreuses pour être men- 
tionnées. Voir Le Long, Bibliothèque sacrée, Paris, 
1723, t. i, p. 234, qui en avait dressé une liste, com- 
plétée par Copinger. Elles ne présentent pas d'intérêt, 
parce qu'elles dérivent toutes plus ou moins directe- 
ment des éditions romaines, surtout de celle de 1598 
avec sa triple liste d'errata. Toutefois, les fautes signa- 
lées n'ont pas toujours été exactement corrigées, et 
quelques erreurs se sont perpétuées d'édition en édi- 
tion. On peut dire qu'aucune n'est absolument pure 
sous ce rapport. Au cours du xix e et du xx* siècle, 
quelques éditeurs ont eu à cœur de viser à une cor- 
rection plus parfaite. L'édition de Francfort en 1826, 
quoique louée par Léon XII, est remplie d'un grand 
nombre de fautes. Trois éditions constituent un progrès 
sérieux, dans cette voie de correction typographique : 
celle de Léonard van Ess, Tubingue, 1824, de Valentin 
Loch, Ratisbonne, 1849, l'édition de Marietti, Turin, 
1851 ; cette dernière a été louée par la S. C. de l'Index 
pour sa fidélité. Voir Analecta juris pontificii, 1857, 
col. 2712. Deux autres, extrêmement soignées, sont 
l'œuvre du P. Vercellone, Rome, 1861 (reproduite par 
beaucoup d'éditeurs) et du P. Hetzenauer, 2 in-4". 
Inspruck, 1906. Voir la préface de l'édition du P. Ver- 
cellone. 

5° Travaux particuliers pour l'amélioration de la 
Vulgate. — Si Clément VIII avait interdit aux catho- 
liques de publier des éditions de la Vulgate, différentes 
de la' correction romaine, et d'ajouter des variantes aux 
marges de cette édition, il n'avait pas défendu de rele- 
ver dans les manuscrits les leçons nouvelles, qui pour- 
raient y être découvertes et qui pourraient servir à 
améliorer le texte officiel de la Vulgate. En 1605, Luc 
de Bruges publiait les variantes qu'il avait recueillies 
dans les manuscrits de l'ancienne Vulgate et du texte 
grec sur les Évangiles : Notarum ad varias lectiones 
in quatuor Evangeliis occurrentes libellus duplex} 
quorum unogrsecee, aller 'o lalinse varietates explican- 
tur, Anvers. Cet ouvrage était dédié à Bellarmin. Le 
cardinal, après avoir promis de le lire, ajoutait : « S'il 
me paraît certain que le texte sacré puisse être avanta- 
geusement modifié quelque part, j'en parlerai au sou- 
verain pontife et aux cardinaux intéressés dans la 
question. Mais vous vous rendez bien compte vous- 
même qu'il n'est pas facile de faire dans un texte sacré 
des changements de cette sorte; il n'en est pas moins 
fort utile que les gens doctes soient informés de 
diverses leçons et de l'avis d'hommes experts comme 
vous et vos semblables. » Lettre du 1 er novembre 1606. 
Cf. Le Bachelet, op. cit., p. 69-70, 170-173. En 1618, 
Luc de Bruges ajouta à la seconde édition de ses Ro- 
mans: correctionis... loca insigniora, un autre petit livre 
continens alias lectionum varietates in iisdem Bibliis 
latinis, ex vetustis manuscriptis exemplaribus col- 
lectée, quibus possit perfectior reddi, féliciter cœpta 
correctio, si accédât sumnn Pontificis auctoritas, 
Anvers. Ibid., p. 70, 174-185. 

An xix e siècle, un barnabite, le P. Charles Vercellone, 
encouragé par Pie IX, recueillit dans les documents 
manuscrits des correcteurs romains, dans les manu- 



2497 



VULGATE 



2498 



scrits latins de la Vulgate qui sont à Rome, dans les 
livres liturgiques et dans les textes originaux, les 
-variantes qui étaient de nature à servir à la correction 
•de la Vulgate. II a publié en 2 in-4» les résultats de ses 
■recherches sous le titre : Variée lectiones Vulgatse 
latinae Bibliorum editionis, Rome, 1860, 1864; le t. I 
■contient les variantes du Pentateuque et le t. H celles 
■de Josué, des Juges et des livres des Rois. Cette œuvre 
monumentale, interrompue par la mort de l'auteur, 
"vient d'être reprise par ordre de Pie X et confiée aux 
bénédictins. Voir la lettre du cardinal Rampolla, pré- 
sident de la Commission biblique, à l'Abbé primat de 
l'ordre bénédictin en date du 30 avril 1907. Il ne s'agit 
d'abord que de collationner les manuscrits de la Vul- 
gate, d'en relever exactement les leçons, en vue d'en- 
treprendre plus tard une revision delà version officielle 
•de l'Église catholique. Pie X a caractérisé d'une façon 
■très précise le but et la méthode des travaux prépara- 
toires de cette future revision, dans sa letlre à dom 
•Gasquet du 3 décembre 1907. On peut voir les travaux 
•déjà accomplis dans les deux Rapports de dom Gasquet 
(1909 et 1911). Quand cette œuvre de longue haleine 
•sera terminée, l'autorité ecclésiastique entreprendra 
peut-être une nouvelle revision de la Vulgate, en 
d'autres termes, la restitution la plus fidèle possible 
■de l'œuvre de saint Jérôme dans sa pureté première. 
Voir la Revue biblique, janvier 1908, p. 102-113. 

6° Éditions de manuscrits latins et de la version de 
saint Jérôme. — Dans l'intervalle qui s'est écoulé 
entre la publication de la Rible clémentine et la nou- 
velle entreprise des bénédictins, divers travaux de 
■critique textuelle ont reproduit un certain nombre de 
variantes latines du Nouveau Testament extraites des 
manuscrits. Voir Texte du Nouveau Testament. D'antre 
part, des manuscrits de la Vulgate ont été édités : 
ainsi le Codex Amiatinus, par Tischendorf, Leipzig, 
1854, le Codex Fuldensis, par Ranke, Marbourg, 1868, 
l'Evangelium Gatianum, par M. Heer, Fribourg-en- 
Rrisgau, 1910. Des éditions critiques de la Divina 
bibliotheca de saint Jérôme ont été publiées, d'après 
les manuscrits, par les bénédictins Martianay et Pou- 
get, dans S. Hieronymi opéra, Paris, 1693, par Val- 
larsi, S. Hieronymi opéra, Vérone, 1738, 1740, t. ix et 
x; 2° édit., Venise, 1770, 1771, t. ix et x (reproduite 
par Migne, Pat. lat.,\. xxvm et xxix). Paul de Lagarde 
a donné : Psalterium juxta Hebrseos Hieronymi, 
Leipzig, 1854; Probe einer neuen Ausgabe der la- 
teiniscken Uebersetzungen des Alten Testaments, 
-Gœttingue, 1885; C. Tischendorf, Novum Testamentum 
latine, textum Hieronymi... restituât, Leipzig, 1864; 
Ch. Heyse et T. Tischendorf, Biblia sacra lalina Vete- 
ris Teslamenti, etc., Leipzig, 1873; P'. Corssen, Epistula 
adGalatas, Berlin, 1885. J.Wordsworth et H. J. White 
ont commencé une édition critique du Nouveau Testa- 
ment latin selon l'édition de saint Jérôme : Novum 
Testamentum D. N. J. C. latine, secundum editionem 
sancti Hieronymi, ad codicum manuscriptorum fidem, 
Oxford. Le t. I er , comprenant les Évangiles, est com- 
plet : S. Matthieu a paru en 1889, S. Marc en 1891, 
S. Luc en 1893, S. Jean en 1895 et un Epilogus en 
1898. Du t. il nous avons déjà les Actes des apôtres, 
1905; l'Épître aux Romains paraîtra en 1912. M. White 
vient de publier, Oxford, 1911, sous le même titre, une 
édition manuelle du Nouveau Testament entier; elle 
reproduit le texte déjà édité dans l'édition critique avec 
un choix de variantes et la suite des Épîtres et de 
l'Apocalypse, qui sera dans la grande édition. C'est un 
travail de toute première valeur. 

Sur les Bibles de Sixte V et de Clément VIII, voir 
Lettera apologetica interno all'edizione fatta inRoma 
per comando di Sixto V délia Volgata latina l'anno 
MDCX, Louvain, 1754; A. M. Ungarelli, Prselectiones 
de Novo Testamento et historia vulgatse Bibliorum 

DÎCT. DE LA BIBLE. 



editionis a concilia Tridentino, édit. Vercellone, Rome, 
1847, p. 113-224; la seconde partie de cet ouvrage, qui 
a pour titre spécial : De castigatione vulgatse Biblio- 
rum editionis peracta jussu concilii Tridentini, a été 
reproduite par le P. C. Vercellone, Varise lectiones 
Vulgatse latinse Bibliorum editionis, Rome, 1860, t. i, 
Prolegomena, p. xvii-lxxvi (avec des notes nouvelles); 
C. Vercellone, Studi fatti in Roma e mezzi usati per 
corregere la Bibbia Volgata, dans Dissertazioni acca- 
demiche di vario argomento, Rome, 1864; trad. franc, 
dans les Analecta juris pontiftcii, 1858, col. 1011-1025; 
Reusch, Zur Geschichte der Entstehung der officiellen 
Ausgabe der Vulgata, dans Der Katholik, 1860, t. n, n. 1 ; 
P. de Valroger, Introduction historique et critique aux 
livres du Nouveau Testament, Paris, 1861, t. i, 
p. 507; A. Giovannini, lllustrazione di un documenlo 
inedito relativo alla correzione délia Bibbia volgata 
fatta da Clémente VI11, dans Giornale arcadico di 
scienze, leltere ed arti, nouv. série, Rome, 1865, t. li 
(à part, Rome, 1867); Gilly, Le concile de Trente et la 
Vulgate de Clément VIII, dans Précis d'introduction 
à l'Écriture Sainte, Nimes, 1867, t. i, p. 243 ; 
F. Prat, La Bible de Sixte-Quint, dans les Études, 
1890, t. l, p. 565-584; t. li, p. 35-60,205-224; E. Nestlé, 
Ein Jubilâum der Lateinischen Bibel zum 9 november 
1892, Tubingue, 1892 ; J. Turmel, La Bible de Sixte- 
Quint, dans la Revue du clergé français, 1905, 
t. xli, p. 431-435; X. Le Bachelet, Ce que Bellar- 
min dit de la Bible de Sixte-Quint en 1591, dans les 
Recherches de science religieuse, Paris, 1910, t. I, 
p. 72-77; Id., Bellarmin et la Bible sixlo-clémen- 
tine. Étude et documents inédits, Paris, 1911; 
P. M. Baumgarten, Die Vulgata Sixtina von 1590 und 
ihre Einfùhrungsbulle, Acktenstûcke und Vntersu- 
chungen, Munster, 1911; J.-B. Nisius, Zur Geschichte 
der Vulgata Sixtina, dans Zeitschrift fur Katholische 
Théologie, Inspruck, 1912, p. 1-47, 209-251; F. Amana, 
Die Bibel Sixtus V (une monographie), 1912; L. Gra- 
matica, Délie edizioni délia « Clementina », dans La 
Scuola cattolica, 1912, p. 186-199, 465-494. 

VII. Bibliographie. — Outre les nombreux travaux 
cités au cours de l'article: — 1° Monographies . — L. van 
Ess, Pragmatisch-kritische Geschichte der Vulgata 
im Allgemeinen und zunàchst in Beziehung auf das 
Trienlische Décret, Tubingue, 1824; G. Riegler, Kri- 
tische Geschichte der Vulgata, Soulzbach, 1820; 
A. Schmitter, Kurze Geschichte der Hieronymiani- 
schen Bibes'ùberletzung, Freising, 1842; F. Kaulen, 
Geschichte der Vulgata, Mayence, 1868; S. Berger, 
Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles 
du moyen âge, Paris, 1893; un résumé de cet impor- 
tant ouvrage par E. Mangenot, dans la Revue des 
sciences ecctésiasti</ues,juillet-septembre 1893 (et tirage 
à part). — Pour la critique textuelle, Ph. Thielmann, 
Beitrâge zur Textkritik der Vulgata, inbesondere 
des Bûches Judith, Speyer, 1883; E. von Dobschûtz, 
Studien zur Textkritik der Vulgata, Leipzig, 1894. 

2° Introductions critiques. — R. Simon, Histoire 
critique du Vieux Testament, 1. II, c. xi-xiv, Rotter- 
dam, 1685, p. 242-270; Histoire critique des versions 
du Nouveau Testament, ch. vii-xii, Rotterdam, 1690, 
p. 68-159; C. Kortholt, De variis Scripturse editionibus 
tractatus theologico-historico-philologicus, c. ix-xiv, 
1686, p. 93-251; J. G. Carpzov, Critica sacra Veteris 
Teslamenti, part. II, c. VI, Leipzig, 1729; B. Walton, 
Apparatus biblicus, dans la Polyglotte de Londres, 
t. I, et à part, Zurich, 1673; H. Hody, De Bibliorum 
textibus originalibus, versionibus grsscis et latina 
Vulgata, Oxford, 1705, p. 342-569; J. Mill, Novum 
Testamentum cum leclionibus varianlibus, Oxford, 
1707, dissert, préliminaire, p. lxxxi; J. L. Hug, 
Einleitung in die Schriften des Neuen Testaments, 
¥ édit., Stuttgart et Tubingue, 1847, t. i, p. 403-431; 

V. — 79 



2499 



VULGATE 



250O 



H. J. White, The latin versions, dans Scrivener-Miller, 
Introduction to the criticism of the New Testament, 
4« édit., Londres, 1894, t. n, p. 56-90; C. R. Gregory, 
Novum Testamentum grsece. Prolegomena, Leipzig, 
1894, t. h, p. 971-1108 ; Id. , Textkritik des Neuen Testa- 
ments, Leipzig, 1902, t. h, p. 613-729; 1909, t. ni, 
-p. 1332-1343; F. G. Kenyon, Handbook to the textual 
criticism of the New Testament, Londres, 1901, 
p. 184-203; F. Vigouronx, Manuel biblique, 12 e édit., 
Paris, 1906, t. i, p. 217-251; F. Kaulen, Einleilung in 
die HeiligeSchrift,3 e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, 
p. 135-153; C. Trochon, Introduction générale, Paris, 
1886, t. 1, p. 429-448; R. Cornely, Introductio generalis, 
2 e édit., Paris, 1894, p. 438-501; C. Chauvin, Leçons 
d'introduction générale théologique, historique et 



critique aux divines Ecritures, Paris, s. d. (1897), 
p. 335-377. 

3° Encyclopédies et dictionnaires. — B. F. "Westcott r 
art. Vulgate, dans Diclionary of the Bible de Smitb, 
Londres, 1863, t. m, p. 1696-1718; O. F. Fritzsche, art. 
Lateinische Bibelûbersetzungen, dans Realencyclopâ- 
die de Herzog, Leipzig, 1881, t. vm; E. Nestlé, ibid., 
3« édit., 1897, t. in, p. 36-49; à part sous le litre : Vr- 
text und Uebersetzungen der Bibel in ûbersichtlicher 
Darstellung, Leipzig, 1897, p. 96-109 ; F. Kaulen, art. 
Vulgata, dans Kirchenlexikon, 2 e édit., Fribourg-en- 
Brisgau, 1901, t. xii, col. 1127-1142; H. J. White, art. 
Vulgate, dans Dictionary of the Bible de Hastings r 
Edimbourg, 1902, t. iv, p. 873-890. 

E. Mangenot. 



w 



WAHL Christian Abraham, né à Dresde le 13 no- 
vembre 1773, pasteur à Friesdorf, conseiller ecclésias- 
tique à Dresde, publia un Biblischer Handwôrterbuch, 
Leipzig, 1825, et une remarquable Clavis Novi Testa- 
menti philologica, Leipzig, 1822 ,- 2 e édit. , 2 in-8", 1829.; 
3» édit., in-4», 1843; édit. abrégée, 1831. 

WALAFRID STRABON. Voir Glose, III, 1°, t. m, 
col. 256. 

WALTON Brian, né en 1600, à Seamer, dans le 
Yorkshire, mort évêque de Chester, le 29 novembre 
1661. On lui doit la célèbre Polyglotte de Londres. 
Voir Polyglotte, col. 522. 

WEITENAUER Ignace, jésuite allemand, né à In- 
golstadt, le 1 er novembre 1709, mort à Inspruck, le 
4 février 1783. Parmi ses nombreux ouvrages, on re- 
marque Lexicon biblicum, in quo explicantur Vulgatx 
vocabula et phrases, in-8°, Inspruck, 1758; Augsbourg, 
1780; Avignon, 1835; Paris, Naples, 1857; Paris, 1863; 
in-16, Turin, 1866. Voir Ch. Sommervogel, Biblio- 
thèque de la Compagnie de Jésus, t. vm, 1898, pi. 1051- 
1059. 

WELTE Benedict, théologien catholique, né le 25 no- 
vembre 1805 à Ratsenried, mort le 27 mai 1885 à Rot- 
tenburg. Il fît ses études à Tubingue et fut ordonné 
prêtre en 1833. Il y succéda en 1836, comme professeur 
d'Écriture Sainte, à J. G. Herbst dont il publia VHis- 
torisch-kritischer Einleitung in das Alte Testament, 
1840-1844, 4 in-8°; le quatrième volume, consacré aux 
livres deutérocanoniques, est tout entier de Welte. En 
1841 il donna son Nachmosnisches in Pentateuch be- 
leuchtet, in-8°; en 1849, Das Buch Hiob erleuchtet und 
erklàrt. Il commença en 1846, avec J. H. Wetzer, la 
rédaction du Kirchenlexicon qui fut publié par Herder 
à Fribourg de 1847 à 1860, 12 grand in-8». La 2 e édition, 
commencée par le cardinal Hergenrôther, a élé conti- 
nuée par Fr. Kaulen, de Bonn, grand in-8», 1880-1901. 
— Voir Allgemeine deutsche Biographie, 1896, l. xxi, 
p. 692; Kirchenlexicon, t. xii, col. 1319. 

WETSTEIN Johannes Jacob, né à Bàle le 5 mars 
1693, mort à Amsterdam le 22 mars 1754, devint pro- 
fesseur de philosophie et d'histoire ecclésiastique à 
Amsterdam. On lui doit une édition remarquable du 
Norum Testatnentum grzeeum, 2 in-f°, Amsterdam, 
1752. 

WETTE (Wilhelm Martin Leberecht de), théologien 
protestant, né le 12 janvier 1780 à Ulla, près de Wei- 
mar, mort à Bàle le 16 juin 1849. Il fit son éducation 
à Iéna et à Weimar. Herder, Griesbach et Paulus 
eurent sur lui une influence Considérable. En 1807, il 
devint professeur extraordinaire de théologie à Iéna; 
en 1809, professeur ordinaire de théologie à Heidel- 
berg, et en 1810, à Berlin, puis, quand il fut exilé de 



Prusse pour avoir écrit une lettre de sympathie à 
Sands, le meurtrier de Kotzebue, à Bâle en Suisse. Il 
fut un des plus grands fauteurs du rationalisme biblique 
et l'un des principaux représentants dn mythisme 
appliqué à l'Ancien Testament. On a de lui : Lehrbitch 
der Einleitung in die Bûcher der Allen unâ Neuen 
Testaments, 2 in-8 , Berlin, 1817, plusieurs éditions ; 
Lehrbuch der Hebr. Jûd. Archàologie, Leipzig, 1814, 
plusieurs éditions ; De heiligen Schriften des Alten und 
Neuen Testaments ûbersetzt, Heidelberg, 1831 , plusieurs 
éditions; Commentai' ûber die Psalmen, Heidelberg, 
181 1 , 4 e édit. ,1836 ; Kurzgefasstes exegelisehes Handbach 
zum Neuen Testament, 1836-1848, plusieurs éditions. 
Ce dernier commentaire a particulièrement joui d'une 
grande réputation. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints 
et la critique rationaliste, 5 e édit., t. i, p. 494-510. 

WETZER Heinrich Joseph, théologien catholique, 
né le 19 mars 1801, à Anzefahr, dans la Hesse électorale, 
mort à Fribourg-en-Brisgau le 5 novembre 1853. Il 
étudia les langues orientales à Tubingue en 1823. En 
1824 il fut reçu docteur en théologie à Fribourg. Il 
alla alors à Paris, où il suivit les cours d'arabe de 
Silvestre de Sacy et le cours de syriaque de Quatre- 
mère. De retour à Fribourg, il y devint, en 1828, pro- 
fesseur extraordinaire et, en 1830, professeur ordinaire 
de philologie orientale. Son œuvre principale fut, à la 
demande de l'éditeur Herder, la publication du Kir- 
chenlexicon oder Encyklopàdie der katholischen Théo- 
logie, dans laquelle il eut pour auxiliaire Welte (voir 
col. 2501), 12 in-8», Fribourg, 1847-1860. Il mourut avant 
l'achèvement complet de l'ouvrage. Une seconde édition 
en a paru sous la direction de J. Hergenrôther, puis de 
Fr. Kaulen, 12 in-8°, 1880-1901. 

WICLEF (John de YVicliffe), né en 1324, au village 
de Wicliffe, dans le comte d'Tork en Angleterre, mort 
à Lutterworth le 31 décembre 1384. Il eut une vie très 
agitée et fut un des précurseurs du protestantisme en 
Angleterre. Il est surtout connu par la traduction des 
Écritures en anglais de son temps. Voir Anglaises 
(Versions), t. i, col. 596. 

WILKE Christian Gottlob, théologien allemand, a 
publié une Clavis Novi Testamenti philologica, 2 in-8°, 
1839; 2« édit., 1850. Voir t. h, col. 1421. W. Grimm en 
a donné des éditions remaniées. Voir Grimm, t. m, 
col. 351. 

WINER George Benedict, théologien allemand, né 
à Leipzig, le 15 avril 1789, mort le 12 mai 1858. Il 
passa la plus grande partie de sa vie, comme pro- 
fesseur de théologie, à Leipzig. Il publia un grand 
nombre d'ouvrages, parmi lesquels le plus connu est 
son Biblisches Realwôrterbuch, 2 in-8°, Leipzig, 1820 ; 
3 e édit., 1847-1848. Voir Dictiosnalp.es de la Bible, t. h, 
col. 1425. Mentionnons aussi sa Grammatik des Neuen 
Testaments Sprachidioms, 1822; 6 e édit. , 1855; Simonis 



2503 



WINER 



WOUTERS 



2504 



Lexicon Rebraïcum et Chaldaicum ordine etymologico 
descriptum, in-8°, 1828. 

WOIDII CODEX, manuscrit contenant la partie du 
Nouveau Testament conservée dans le Codex Alexan- 
drinus et transcrite en 1786 par Charles Godfrey 
Woide qui la publia en fac-similé. Voir Alexandrins 
(Codex), t. i, col. 364. Woide était un ministre socinien, 
né en Pologne en 1725, mort à Londres le 7 mai 1790. 
Il avait été élevé à Francfort-sur-1'Oder et à Leyde; il 
s'établit en Angleterre en 1770 et devint en 1782 aide- 
bibliothécaire au British Muséum où il s'occupa des 
langues orientales et d'études coptes et égyptiennes. 

WOLF Johann Christoph, hébraïsant allemand, né 
à Wernigerode le 20 février 1683, mort le 25 juillet 
1739. Il fit des voyages scientifiques en Hollande et en 
Angleterre et publia des ouvrages remarquables, entre 
autres Historia Lexicorum Hebraicoruni, Wittenberg, 
1705; Bibliolheca Hebrxasivenotilia auctorum Hebr., 
4 in-4 û , Hambourg, 1715-1733; Cura philologicse in 
Novum Testamentum, 1725-1735; 5 in-4°, Bâle, 1741. 

WOLFENBÙTTEL (MSS. DE). Codex Guelferby- 
tanus Q. 1» manuscrit fragmentaire de l'Évangile de saint 
Luc : treize feuillets palimpsestes, format in-quarto, 
à deux colonnes de vingt-huit lignes : écriture attri- 



buée au v e siècle, grandes lettres onciales, des esprits, 
mais pas d'accents, ponctuation par simples points- 
Ces fragments ont été édités par Tischendorf, avec un 
fac-similé, dans ses Monumenta sacra inedita, Leipzig, 
1860, t. m, p. 262-290, — 2» Même bibliothèque, Codex 
Guelferbytanus P, manuscrit fragmentaire des quatre 
Évangiles : quarante-trois feuillets palimpsestes, format 
in-folio, à deux colonnes de vingt-quatre lignes : écri- 
ture attribuée au vi'siècle, très grandes lettres onciales, 
des esprits, pas d'accents, ponctuation par simples 
points, grandes initiales. Ces fragments ont été édités 
par Tischendorf, avec un fac-similé, op. cit., Leipzig, 
1869, t. vi, p. 249-338, les deux palimpsestes appar- 
tiennent à la bibliothèque grand-ducale de Wolfen- 
bûttel, où ils sont cotés Weissemburg 64. Voir Gre- 
gory, Prolegomena, p. 386-388. P. Batiffol. 

WOUTERS Martin, de l'ordre des Ermites de Saint- 
Augustin, professeur d'Ecriture Sainte à l'université de 
Louvain, vivait au milieu du xvii» siècle. On a de lui 
Dilucidatio selectarum Sacrée Scripturse qusestionum . 
Le Cursut Scripturse Sacrse de Migne renferme de lui 
ses Dïlucidatse qusestiones in historiam et concordiam 
evangelicam, t. xxm, col. 769-1098; in Actus Apostolo- 
rum, col. 1375-1464; InEpistolas S. Pauli Dilucidatio, 
t. xxv, col. 469-646; in Epislolas catholicas, col. 1003- 
1038; in Apocalypsim qusestionesselectse, col. 1039-1174. 



X 



XANTHIQUE (grec : SavSiy.ô:), sixième mois de 
l'année macédonienne. II Mach., xi, 30, 33, 38. Il cor- 
respondait à peu près au mois de nisan des Juifs. Antio- 
chus IV Épiphane le nomme dans sa lettre aux Juifs, 
f. 30, 33, et les Romains, f. 38, dans leur lettre aux 
mêmes, lettre qu'ils leur écrivirent le 15 xanthique. 

XERXÈS I er , roi de Perse. L'Écriture l'appelle 
Assuérus. Voir Assuérus, t. i, col. 1141. 

XIMÉNÉS de Cinéros Francisco, cardinal, né en 
1436 à Tordelaguna, mort le 8 novembre 1517. Il fit ses 
études à Salamanque (1450-1456), alla en 1460 à Rome, 



où il étudia le droit, continua pendant plusieurs 
années l'étude des langues orientales qu'il avait com- 
mencée à Salamanque, entra en 1483 au novicia, 
des franciscains à Tolède, devint confesseur de la reine 
Isabelle en 1492 et en 1495, archevêque de Tolède et 
grand-chancelier de Castille. En 1502 il commença à 
recueillir les matériaux pour la première Polyglotte, 
dont il avait eu l'idée et qui demanda de longs travaux; 
elle parut en 1517. Voir Polyglotte, 1», col. 514. Il mou- 
rut peu de mois après avoir achevé sa grande œuvre. 
En voir l'histoire dans Hefele, Der Cardinal Ximenes, 
2 e édit., Tubingue, 1851, p. 113-147 ; trad. franc, par 
Ch. Sainte-Foy et de Rermond, Le cardinal Ximénès, 
in-8», Paris, 1856, p. 130-165. 



Y 



Y. Voir Ion, t. m, col. 919. 

YAHVEH, prononciation du nom divin en hébreu. 
Voir Jéhovah, III, 3», t. m, col. 1227. 

YAQÉH. Prov.,xxxi, i. Voir Jakéh, t. m, col. 1111. 



YAREB. Voir Jareb, t. m, col. 1136. 
YEUSE, chêne vert. Voir Chêne, t. h, col. 654. 
YEUX. Voir Œil, t. iv, col. 1748. 



Z. Voir Zaïx, col. 25-28. 

ZAANAN (hébreu : Sa'ândn; Septante : SE'/vocài; 
Vulgate : in exitu), ville de Juda. Michée, I, 11, faisant 
un jeu de mots sur son nom, dit : « L'habitante de 
iia'ânân n'ose sortir. » Saint Jérôme, traduisant le 
nom propre, dit : Non est egressa quse habitat in 
exitu. C'est probablement la ville qui est appelée 
Sanan (hébreu : $enân) dans Josué, xv, 37. Voir Sa- 
han, col. 1443. 

ZABAD (hébreu : Zâbâd, forme apocopée de Zaba- 
dia), nom de six Israélites et d'un Ammonite. 

1. ZABAD (Septante: Za6é6; Alexandrinus : Eaôâi), 
fils de Nathan et père d'Ophlal, de la tribu de Juda et 
de la descendance d'Hesron. I Par., n, 36, 37. D'après 
certains commentateurs, ce Zabad aurait eu pour mère 
Oholi et serait le même que Zabad 3. 

2. ZABAD (Septante : ZaoaS), fils d'Éphraïm, père de 
Suthala. I Par., vu, 20-21. 

3. ZABAD (Septante : Za6ét), fils d'Oholi et un des 
vaillants soldats de David. I Par., xi, 41. En hébreu, 
le nom d'Oholi est écrit de la même manière que 
Oholaï. Voir Oholaï, t. iv, col. 1760; Zabad 1. 

4. ZABAD (Septante : Zaë£6; Alex. : Za§é6), Ammo- 
nite, un des deux meurtriers de Joas, roi de Juda, à 
Mello. Il était fils de Semmaath. II Par., xxiv, 26. Dans 
IV Reg., xu, 21, il est appelé Josachar. Voir Josachar, 
t. m, col. 1647. 

5. ZABAD (Septante : ZagdcS), Israélite de la famille 
deZéthua, qui a\ ait épousé une femme étrangère et qui 
futobligéde laquitterdu temps d'Esdras. I Esdr., x, 27. 

6. ZABAD (Septante : Za8â8; Alexandrinus : Zot- 
êi8), Israélite de la famille de Hason, qui avait épousé 
une femme étrangère et qui fut obligé de la quitter du 
temps d'Esdras. I Esdr., x, 33. 

7. ZABAD (Septante : ZocgîS), Israélite de la famille 
de Xébo, qui avait épousé une femme étrangère et qui 
fut obligé de la quitter du temps d'Esdras. I Esdr., x, 43. 

ZABADÉENS (grec : ZnêaSafoi), tribu arabe qui fut 
battue par Jonathas Machabée. I Mach., xu, 31. Leur 
nom paraît survivre dans le district de Zabadani, entre 
Damas et Baalbek. ~~ 

ZABADIA, ZABADIAS (hébreu : Zebadyâh, Ze- 
badydhû, « Jéhovah a accordé »), nom de sept Israé- 
lites, dans la Vulgate. 

1. ZABADIA (Septante : ZaSaStâ), quatrième fils de 
Baria, de la tribu de Benjamin. I Par., vin, 15. 



2. ZABADIA (Septante : ZaêaSià), tils d'Elphaal, de la 
tribu de Benjamin. I Par., vin, 17. 

3. ZABADIA (Septante : ZaêaSii), fils de Jéroham de 
Gédor.Il alla grossir la troupe de David, fugitif à Siceleg, 
pendant la persécution de Saùl. I Par., xu, 7. 

4. ZABADIA (Septante : ZaëaSià), lévite de la des- 
cendance de Coré, troisième fils de Mésélémias. I Par., 
xxvi, 2. 

5. ZABADIAS (Septante : ZagaStâç), fils d'Asahel et 
neveu de Joab, qui, du temps de David, était avec son 
père à la tête de 24 000 hommes. I Par., xxvii, 7. 

6. ZABADIAS (Septante : ZaëSefa;), un des lévites 
envoyés par Josaphat, dans les villes de Juda, pour en- 
seigner la Loi de Moïse au peuple. II Par., xvn, 8. 

7. ZABADIAS (Septante : Zaë&i'a;), officier du roi de 
Juda, Josaphat, qui lui confia des fonctions judiciaires. 
Il était fils d'Ismahel. II Par., xix, 11. Il était chargé 
des causes civiles et le grand-prêtre Âmarias des causes 
ecclésiastiques. 

ZABBAI (hébreu : Zabbaï; Septante : ZaêoO), un 
des fils ou descendants de Bébaï. Il avait épousé une 
femme étrangère et Esdras l'obligea à la répudier. 

I Esd., XI, 28. — Dans Néhémie, le père de Baruch, 
qui travailla à la reconstruction des murs de Jérusa- 
lem, est aussi appelé Zabbaï dans le texte hébreu, 
mais le keri porte Zaccaï et la Vulgate lit Zachai. 

II Esd., 'm, 20. 

ZABDI (hébreu : Zabdî; Septante : Zcengpî), nom 
de quatre Israélites dans l'hébreu. Dans la Vulgate, 
l'un des quatre est appelé Zabdias et le quatrième 
Zébédéi. 

1. ZABDI, fils de Zaréet ancêtre d'Achan, de la tribu 
de Juda. Jos., vu, 1, 17, 18. 

2. ZABDI, un des fils de Séméi, de la tribu de Ben- 
jamin. I Par., vu, 19. 

ZABDIAS (hébreu : Zabdî ; Septante : ZaëSQ, surin- 
tendant des celliers dans lesquels on conservait le vin 
du roi David. L'hébreu l'appelle « le Séphamite s); les 
Septante le qualifient à toû Èeçvi, la Vulgate Aphonites. 
Il devait être originaire de Séphamot dans le sud de la 
Palestine ou de Séphama, dans le nord. I Par., xxvn, 
27. Voir Aphonite, t. i, col. 735. 

ZABDIEL (hébreu : ZabdVêl), nom de deux Israé- 
lites et d'nn Arabe. 

1. ZABDIEL (Septante : ZaoScrjÀ), père de Jesboam. 
Jesboam fut chef de la première division de l'armée de 



■2509 



ZABDIEL - ZABULON 



2510 



David qui était chargée du service pendant le premier 
tnois de l'année. I Par., xxvii, 2. Voir Jesboam, t. m, 
col. 1397. 

2. ZABDIEL (Septante : Baoïr,),), chef d'une section 
importante de prêtres, au nombre de cent vingt-huit, 
qui habitèrent Jérusalem au retour de la captivité de 
Babylone. II Esd., xi, 14. 

3. ZABDIEL (Septante : Z<x6Siï|)>), chef arabe qui 
•coupa la tête d'Alexandre Balas, roi de Syrie. I Mach., 
xi, 17. Voir Alexandre I ct Jîalas, 1. 1, col. 350. 

ZABINA (hébreu : Zebind'; Septante : Zs6ei/v<z;), un 
« des fils deNebo », qui avait épousé une femme étran- 
gère et qui fut obligé de la répudier du temps d'Esdras. 
IEsd.,x, 43. 

ZABUO (hébreu; Zâbâd; Septante : ZxSo-JO), fils du 
prophète Nathan, « ami du roi» Salomon, c'est-à-dire 
son conseiller intime. III Reg., iv, 5. Voir Ami 2, 
7», t. i, col. 479-480. 

ZABULON (hébreu : Zebulûn, écrit tantôt ]ibaj, 
tantôt fiw, une fois, Jud., i, 30, riva-; Septante : 
Zoc6ouXtiv), nom d'un patriarche, fils de Jacob, et d'une 
tribu d'Israël. 

1. zabulon, le sixième fils que Lia donna à Jacob. 
■Gen., xxx, 19, 20; xxxv, 23. En le mettant au monde, 
sa mère s'écria : « Dieu m'a fait un beau don, » zebâ- 
■dani 'Élôhîm '6(1 zébéd tvb; « cette fois mon mari 
habitera avec moi (oSst', izbelêni), puisque je lui ai en- 
fanté six fils. » « Et elle le nomma Zabulon, Zebulûn. » 
<Jen., xxx, 20. Il y a ici, comme pour les autres fils de 
Jacob, une paronomase. Mais comment l'expliquer? 
Zâbad et zébéd sont des anal ieyopiiva; on les trouve 
cependant dans les noms propres hébreux : Zâbâd, 
I Par., il, 36, 37; Zebadydhû, I Par., xxvi, 2; Yehô- 
zâbâd, IV Reg., xn, 22; palmyréniens : ist, Zébed, 
N13T, Za6da',Si3im, Zabdibol, etc.; cf. E. Ledrain, 
Dictionnaire des noms propres palmyréniens, Paris, 
-1887, p. 20-22; de même en sabéen, D13T. D'après 
l'arabe et l'araméen, la signification de « donner, don » 
■n'en est pas moins certaine. Le sens de zâbal, qui est 
également un «TtaÇ Aeifo;jLsvov, n'est pas si facile à déter- 
miner. Le substantif zebul, zebûl, se rencontre 
III Reg., vin, 13; II Par., vi, 2; Ps., xlvih (hébreu, 
xlix), 15; Is., lxiii, 15; Hab., m, 11, avec le sens 
de « demeure, habitation ». C'est d'après cela que la 
Vulgate a traduit izbelêni par mecum erit, « sera » ou 
« habitera avec moi ». Avec les verbes d'« habitation », 
-on a souvent l'accusatif. Cf. Gen., iv, 20; Ps. v, 5; Is., 
xxxiu, 14. Aquila a de même auvoix^asi p.ot. Mais les 
Septante ont aîpeueï jie, ce qu'Hésychius explique par 
irpoTifioTspav jj.EY)-pi' reTai > * il méjugera préférable, plus 
estimée», et S. Jérôme par diliget me, « il m'aimera ». 
■Ordinairement, en effet, ils rendent par aipetiÇu) les 
verbes bâhar, « choisir », hâfês, « se complaire dans ». 
Comment néanmoins accorder les deux sens? Plu- 
sieurs auteurs rapprochent zâbal de l'assyrien zabâlu, 
<jui veut dire « porter », d'où aussi « élever, honorer », 
zebul, de bit zabal, « maison élevée ». Cf. Frz. Delitzsch, 
Genesis, Leipzig, 1887, p. 387; Brown, Driver et Briggs, 
Hebrew and english Lexicon of the Old Testament, 
Oxford, 1907, p. 259. Ce rapprochement donnerait une 
raison à la traduction des Septante. Il est combattu par 
Halévy, Revue des études juives, 1885, p. 299. Quoi 
qu'il en soit, la parole de Lia revient au même sens dans 
les deux cas : « après tant de fils donnés à mon mari, 
il habitera plus volontiers avec moi, il m'honorera, 
«l'aimera plus qu'auparavant, peut-être même plus que 



Rachel. » Mais faut-il voir dans Gen., xxx, 20, une 
double explication du nom de Zabulon, l'une s'appuyant 
sur zâbad, l'autre sur zâbal? C'est l'opinion de 
A. Dillmann, Genesis, Leipzig, 1892, p. 345, de 
H. Holzinger, Genesis, Tûbingen, 1898, p. 198, et d'au- 
tres, qui attribuent les deux étymologies à deux auteurs 
diiférents. Dans le premier cas, il faudrait supposer 
une forme Zebudûn, ou permutation du 1, daleth, avec 
le h, lanied, Zebulûn. Mais la double assonance ne 
prouve pas du tout une double source. Après s'être 
félicitée du don que Dieu vient de lui faire, Lia exprime 
la raison pour laquelle son mari la recherchera davan- 
tage, et c'est sur izbelêni qu'elle appuie le nom de 
son fils. — Zabulon est mentionné dans la liste des fils 
de Jacob, Gen., xlvi, 14; Exod., i, 3; I Par., n, 1. Il 
eut lui-même trois fils : Sared, Elon et Jahelel. 
Gen., xlvi, 14; Num., xxvi, 26. Son nom ne parait plus 
ensuite que dans l'histoire de la tribu dont il fut le 
père. Voir Zabulon 2. A. Legendre. 

2. ZABULON, une des douze tribus d'Israël (fig. 560). 

I. Géographie. — Le territoire de la tribu de Zabu- 
lon était situé au nord de la Palestine, enclavé entre 
ceux d'Aser et de Nephthali, à l'ouest, au nord et à 
l'est, et celui d'Issachar, au sud. Voir la carte. Nous 
avons à en étudier les limites, les villes principales et 
les caractères topographiques. 

j. limites. — La Bible décrit les frontières de Zabu- 
lon. Jos., xix, 10-16. Malheureusement le texte offre des 
difficultés, que la critique ne parvient pas toujours à 
résoudre. Nous le suivons d'aussi près que possible. — 
f. 10. « Le troisième lot échut par le sort aux fils de Za- 
bulon, selon leurs familles, et la frontière de leur héri- 
tage s'étendait depuis Sarid. » L'hébreu actuel porte 'ad- 
Sârtd, « jusqu'à Sarîd ». Il semble étonnant que la des- 
cription commence par l'extrémité de la ligne-frontière 
sans parler du point de départ, d'autant plus que Sarid 
va servir de repère pour déterminer la limite méridio- 
nale, du côté de l'ouest d'abord, du côté de l'est ensuite. 
On peut donc, au lieu du texte massorétique, admettre 
la lecture mê'ir Sârîd, « depuis la ville de Sarîd », 
le d, mem, ayant disparu par suite d'une confusion 
avec le mem final du mot précédent. Cf. F. de Hum- 
melauer, Josue, 1903, p. 414. Sàrid, Septante : Cod. 
Vaticanus : 'EoefiexYwXâ, mélange du nom avec le mot 
suivant; Cod. Alexandrinus : Sapât'8; plus loin, f. 12, 

SeSSo-Jx; Peschito : }OJ.Û.J,.ESdûd. Les leçons grecque 

et syriaque supposent donc Sddîd, ou Sâdùd. Aussi 
identifie-t-on généralement cette première ville avec 
Tell Schadâd, à l'extrémité nord de la plaine d'Esdre- 
lon, au sud-ouest de Nazareth. Voir Sarid, col. 1491. — 
Ji. 11. « Puis leur frontière montait vers l'occident, 
vers Merala » (hébreu : Mar'alâh; Septante : Cod. 
Vat. : Mapayciêi; Cod. Alex. : MapiXœ, Texte reçu: 
MayeXSâ), peut-être Ma'lûl, au nord-ouest de Tell 
Schadâd. Voir Mérala, t. iv, col. 988. « Elle touchait 
à Debbaseth »(héb. : Dabbâséf; Septante : Cod. Vat. : 
BaiBapaëâ; Cod. Alex. : Aaëâci92t), peut-être Djebata, 
à l'ouest de Tell Schadâd (Debbaseth, t. h, col. 1327); 
« puis au torrent [qui coule] devant Jéconam » (heb. : 
Yoqne'dm; Septante: Vat. : 'Iexîiiv; Alex. : 'Iexvâ(j.), 
probablement Tell el-Qaimûn, près de la pointe sud- 
est du Carmel. Mais quel est ce torrent? L'ouadi 
Malih ou le Nahr el-Muqatla (Cison)? Nous croyons 
plutôt qu'il s'agit de ce dernier, qui se trouve « devant », 
c'est-à-dire à l'est de Tell el-Qaimûn. — f. 12. « De 
Sarid, elle tournait à l'orient, vers le soleil levant, 
jusqu'aux confins de Céséleth-Thabor » (héb. : Kislôf 
Tdbôr, « les flancs du Thabor »; Septante : Vat. : 
Xa<xe.X<i>9ai8; Alex. : Xa<raXw8ëâ8wp) qui correspond 
certainement à Iksâl, au sud-ouest du mont Thabor. 
Voir Casaloth, t. n, col. 326. Cette dernière ville fai- 



2511 



ZABULON 



2512 



sant partie du territoire d'Issachar, la frontière de Za- 
bulon passait dans les environs. « Elle se prolongeait 
vers Dabereth » (héb. : had-Ddberat, avec l'article; 
Septante : Vat. : Aaëeipwû; Alex. : Aaêpâô), aujour- 
d'hui Debûriyéh, à l'ouest et au pied du Thabor 
(Dabereth, t. n, col. 1195), « et montait à Japhié » 
(héb. : Ydfîa' ; Septante : Vat. :<t>3.y{ai; Alex. ; 'Ioeça- 
ya£), dont le nom est représenté par Yafa, au sud- 
ouest de Nazareth. Japhié, t. m, col. 1126. — f. 13. 
« De là, elle passait vers l'orient à Geth-Hépher » 
(héh. : Gittâli Qêfér, avec hé local après le premier 
nom; Septante : Vat.:reêzpi; Alex. : FaMâ), généra- 
lement identifié avec El-Meschhed, au nord-est de 
Nazareth (Gethhéfher, t. m, col. 228), « et Thacasin » 
(héb. : 'ltfdh Qâçîn, avec hé local à la fin du premier 
nom; Septante: Vat. : iiz\ izôliv Kataran; Alex.: Kaaly.; 
il y a ici un embarras textuel qui rend difficile toute 
localisation), « et se dirigeait vers Remmon » (héb. : 
Rimmôn; Septante : Vat. : 'Petinwvà ; Alex. : 'Ps|i[jiw- 
vâp.), aujourd'hui Rummdnéh, au nord-nord-est de 
Seffûriyéh (voir Remmon 4, col. 1038), « qui confine 
à Noa » (héb. : Jiam-mefô'dr han-Ré'dh ; Septante : 
Vat. : 'AjiaOip 'AoSoi; Alex. : Ma6ap!p>'Avvo-ji), in- 
connu. Voir Amthar, t. i, col. 527; Noa 2, t. îv, 
col. 1635. — f. 14. « Elle tournait du côté du nord 
vers Hanathon » (héb. : Hanndtôn; Septante : Vat. : 
"A[j,w8; Alex.: 'Ewa6u>6), actuellement Kefr 'Anân, 
au sud-ouest de Safed (voir Hanathon, t. m, col. 415), 
« et aboutissait à la vallée de Jephtahel » (héb. : gê Iflal.i- 
'Èl; Septante : Vat.': raiçav, ; Alex. : Tat 'IeoSar,'/.), 
située peut-être près de Djéfat, l'ancienne Jotapata. 
Voir Jephtahel, t. m, col. 1249. 

Il est facile de voir que cette description est incom- 
plète et ne nous permet pas, à elle seule, de fixer sur 
tous les points les limites de la tribu. Seule, la ligne 
méridionale est assez bien tracée, et encore a-t-elle 
des incertitudes, soit quant aux noms, soit quant à la 
direction. Partant de Sarid, elle s'en va d'abord vers 
l'ouest jusqu'au Cison; peut-être rejoignait-elle, de ce 
côté, le coin où se rencontrent les frontières de Manassé, 
Issachar et Aser. Ce qui peut empêcher de la prolonger 
jusque-là, c'est que Abès, identifiée avec Kh. el-Béida, 
appartient à Issachar; mais l'identification 6st problé- 
matique. Revenant ensuite du côté de l'est, elle passe 
vers le Thabor; mais pourquoi le crochet vers Japhié, 
si réellement cette localité correspond à Yafa ? Il est 
difficile de le savoir. L'auteur sacré semble, après cela, 
vouloir esquisser la frontière orientale, mais Géthhépher 
et Remmon sont les deux seuls points à peu prés connus. 
Enfin le nord et l'ouest n'ont chacun qu'un jalon : 
Hanathon et la vallée de Jephtahel. De trois côtés, nous 
sommes donc réduits à un tracé approximatif, en nous 
guidant sur certains points qui limitent les tribus voi- 
sines. 

//. villes principales. — La liste des villes prin- 
cipales est également tronquée; nous n'avons ici qu'un 
fragment comprenant cinq noms, au lieu de douze. 

1. Cathed (hébreu : Qattàt; Septante.- Vat. .-KatavâB; 
Alex. : K«Tta6). Inconnue. Voir Cathed, t. n, col. 349. 

2. Naalol (héb. : Nahâlâl; Septante : Vat. : Naêai). , 
Alex. : NaaXœ).), Ma'lûl suivant les uns; 'AïnMdhil, 
suivant les autres. Voir Naalol, t. îv, col. 1425. 

3. Sémeron (héb. -.Simrôn; Septante : Vat. .•Sujiowv; 
Alex. : SeftpMv), peut-être Semûniyéh, à l'ouest de 
Nazareth. Voir Sémeron 1, col. 1597. 

4. Jérala (héb. : Yd'àlâh; Septante : Vat. : 'ltç,s.iyw; 
Alex. : 'IaSriXà). Inconnue. Voir Jédala, t. m, col. 1216. 

5. Bethléhem (héb. : Bit Lahém; Septante : Vat. : 
BatSjxâv; Alex. : Bai6).sé|i.), bien identifiée avec Beit 
Lahm, au nord-ouest de Semûniyéh. Voir Bethléhem 2, 
t. i, col. 1695. 

A ces villes, il faut joindre les cités lévitiques, Jos., 
xxi, 34; Jecnam (héb. : Yoqne'dm ; Septante : Val. : 



t] Maiv; Alex. : 'E/.vâ^), appelée ailleurs Jéconam, et 
dont nous avons parlé à propos des limites de la tribu;. 
Cartha (héb : Qarlâh; Septante : Val. : Kâôr,;; Alex. : 
KapOi), inconnue; Damna (héb. : Dimndh; Septante: 
Val.: omis ou remplacé par 'SC/li; Alex. : Activa), 
probablement identique à Remmono de I Par., vi, 77, 
et à Remmon, dont il est question plus haut; voir 
Damna, t. n, col. 1231; Célron (héb.: Qitrôn; Septante, 
omis), inconnue; voir Cétron, t. n, col. 471. 

/;/. description. — La tribu de Zabulon était 
établie au centre de la Basse Galilée. Sa limite suivait, 
au midi, le contour des collines qui bordent la plaine 
d'Esdrelon, à l'est, les premières pentes qui descendent 
vers le lac de Tibériade; au nord, elle passait au pied 
des montagnes qui marquent la Haute Galilée, Djébeh 
Zabûd (1114 mètres), Djebel Djarmûk (1198 mètres); à 
l'ouest, elle contournait le versant qui s'incline vers 
la plaine côtière. Dans cet espace assez restreint, se 
déroule un pays montueux, dont le niveau moyen va 
'de 250 à 300 mètres, avec quelques points qui approchent 
de 600 mètres, Djebel el-Kummanéh (570 m.), Djebel 
Tur'dn (541 m.), Djebel el-Tûr ou Thabor (562 m.). Il 
est coupé de vallées et de plaines, dont la plus impor- 
tante est celle d'Asochis ou de Zabulon, actuellement 
Sahel el-Ballaûf, longue et très fertile. Les sommets 
que nous venons de mentionner forment une ligne de 
faite d'où partent des ouadis dans la direction de 
l'ouest, de l'est et du sud. En dehors de ces traits par- 
ticuliers, le territoire de Zabulon participait aux ca- 
ractères généraux de la Galilée, au point de vue de 1» 
fécondité du sol et de la population. Voir Galilée, t. m, 
col. 87. 

II. Histoire. — Dans le dénombrement qui fut fait 
au désert du Sinaï, la tribu de Zabulon comptait 57400' 
hommes en état de porter les armes. Num., i, 30. Elle 
occupait ainsi le quatrième rang au point de vue de la 
force, et avait pour chef Eliab, fils d'Hélon, Num., i, 9;. 
Il, 7; x, 16. Dans les marches à travers le désert, elle- 
était à l'est du tabernacle avec Juda et Issachar. Num., n, 
3, 7. C'est par les mains de son prince, Eliab, qu'elle 
fit ses offrandes au sanctuaire. Num., vil, 24-29. Parmi- 
les explorateurs du pays de Chanaan, elle était repré- 
sentée par Geddiel, fils de Sodi. Num., xm, 11. A» 
second recensement, elle comptait 60500 guerriers, 
Num., xxvi, 27. Au nombre des commissaires chargés- 
d'effectuer le partage de la Terre Promise, fut l'un de 
ses membres, Elisaphan, fils de Pharnach. Num.,xxxiv, 
25. — Après l'entrée en Palestine, elle se tint au pied 
du montHébal, pour les malédictions. Deut., xxvil, 13, 
et elle obtint le troisième lot dans la division du pays. 
Jos., xix, 10. Quatre de ses villes furent données aux 
Lévites fils de Merari : Jecnam, Cartha, Damna et 
Naalol, Jos., xxi, 7, 34; le I er livre des Paralipomènes, 
VI, 63, 77, n'en signale que deux : Remmono et Thabor. 
Voir ces noms. — Comme plusieurs autres tribus, Za- 
bulon ne chassa pas les Chananéens de son territoire,, 
en particulier des villes de Cétron et de Naalol. Jud., i, 
30. Pour les combattre, Nephthali et Zabulon durent 
fournir dix mille hommes à Barac. Jud., iv, 6, 10; v, 
14, 18. La même tribu aida également Gédéon contre 
les Madianites. Jud., vi, 35. Elle donna naissance à urt 
juge, Aïalon, qui gouverna Israël pendant dix ans, 
mourut et eut son tombeau dans le pays de Zabulon. 
Jud., XH, 11, 12. — Elle envoya à David un corps auxi- 
liaire de 50000 hommes. I Par., xn, 33, 40. — A l'appel 
du roi Ezéchias une partie de la population consentit 
à venir au temple et à célébrer la Pâque. II Par., xxx r 
10, 11, 18. — Zabulon est associé à Nephthali dans la 
prophétie d'Isaïe, IX, 1, dont saint Matthieu, lv, 13-15,. 
montre l'accomplissement au début du ministère de 
Jésus. — Dans le nouveau partage de la Terre Sainte^ 
d'après Ezéchiel, la tribu se trouve au midi, entre- 
Issacliar et Gad. Ezech., xlviii, 26-27. Dans sa recon- 



Dictionnaire de la Bible. 



Letouzey et Ané— Paris. 













122 -£^j£°£ZÏ 



S'.Jea 



id-Fer^f 



h^Djatoû 



5 ^Jra e 



ACCHO.PT 




"""sabara ,-§ 



vDjarrooult ^r 




jébel meron ; 







m 



BARA S * V * ,^ o J0uB^»ZÏ>ttzJfc«% : , x - 






Sahe.1 



135 f 
uaO* n Bh.Ounun 



& 1 >-^i f cy „ ¥ •• >^ rf-4fa*roi^ ,ROUMA -v^ ^ ^,5°°To^ iWTv"^ 




'-Barbadf 



tjtajel^in 



fPaymA 





yeH 



■^ 







^«ae«M«6w2aiH?îf 



HAPHARXftl ? " 2.. 



CAJA.LO \4oJuaà 

Endnr aj&fi. 






Siïirt 



P(Al «0 515 Tou 



Amn 



Dj.Dalvtt.v.a,, Do ty 



Vènrm. 



TRIBU DE ZABULON 

Les noms d'après la Vulgate jo/^ «■«&■ 
erv caractères droits rouges — /as- /ztf77zj- 
bibliques qui se IrouztenLsur les morwments 
égyptiens et assyriens sont en. caractères 
penchés bleus-.ceiu: qui ne sont pas bibliques 
en- caractères droits bleus. 
Echelle 
4 S 



j Zer "ûi 

1AËLÇ* 



fl-Baoua 

mû/abboù 




Itnp. G. Deberqiie 



2513 



ZABULON 



ZACHARIE 



2514 



• slitulion idéale de la cité sainte, le même prophète, 
xlviii, 33, met au midi « la porte de Zabulon », avec 
celles de Siméon et d'Issachar. — Enfin saint Jean, 
dans l'Apocalypse, vu, 7-8, cite Zabulon entre Issachar 
et Joseph. 

III. Caractère. — Comme on le voit d'après ce résumé 
historique, la tribu de Zabulon n'a rien qui la distingue 
parmi les autres. Elle eut seulement l'honneur de don- 

\ ner un Juge à Israël.et ses guerriers se signalèrent dans 
certains combats. Jud., v, 18; xn, 12. L'Écriture men- 
tionne aussi les richesses que lui valait le voisinage des 
ports de mer. Deut., xxxm, 19. S'il fallait prendre à la 
lettre le texte de Gen., xlix, 13, on pourrait croire 
qu'elle s'étendait réellement jusqu'à la Méditerranée : 

Zabulon habite au rivage de la mer, 
Et encore au rivage des vaisseaux, 
Et son flanc s'appuie sur Sidon. 

Il semble bien cependant, d'après Jos., xix, 10-16; 
24-31, qu'elle en était séparée par Aser, comme elle 
était séparée par Nephthali du Lac de Tibériade. Jos., 
xix, 32-39. La mention de Sidon, qui représente ici la 
Phénicie, montre assez qu'il ne s'agit pas de relations 
immédiates avec la mer. Tout au plus Zabulon pouvait-il 
avoir quelque débouché du côté du Carmel et de la mer 
occidentale. Cf. Josèphe,Awt. jud., V, i, 22. On sait,du 
reste, qu'en certains endroits les limites des tribus se 
confondaient et qu'elles purent varier dans la suite des 
temps. C'est dans ce sens qu'il faut expliquer Deut., 
xxxnl, 18-19, où Zabulon est associé à Issachar pour le 
trafic maritime. Tous deux pouvaient avoir des entrepôts 
sur la côle et tirer des trésors du rivage. — Le pays 
de Zabulon a eu la gloire d'abriter l'enfance et la 
jeunesse de Notre-Seigneur, à Nazareth, et d'être le 
théâtre de son premier miracle, à Cana. 

A. Legendre. 

ZABULONITE (hébreu : Zebûlônî; Septante; ZaSov- 
).b>vÎTri;; Vulgate : Zabuloniles), de la tribu de Zabulon. 
Num., xxvi, 27 (hébreu). Le juge d'Israël Ahialon était 
Zabulonite, Jud., xn, 11; ainsi que Jesmaïas, qui, du 
temps de David, fut à la tête des Zabulonites. I Par., 
xxvii, 19 (Vulgate). 

ZACCHUR, orthographe exceptionnelle de Zachur. 
Voir Zachur, col. 2527. 

ZACHAI (hébreu : Zakkaï; Septante : Zax/o-j), chef 
d'une famille dont les membres, au nombre de sept 
cent soixante, retournèrent de la captivité de Babylone en 
Palestine avec Zorobabel. I Esd., h, 9; II Esd., vu, 14. 
Son nom est la forme hébraïque du nom de Zachée, 
laquelle est grécisée dans le Nouveau Testament. 

ZACHARIE (hébreu :Zekaryâh,<i Yâhsesouvient»), 
nom de trente et un Israélites. 

1. ZACHARIE (Septante : /.a/apia;), fils de Jéro- 
boam II, quatorzième roi d'Israël, ledernier de la dynastie 
de Jéhu. IV Reg., xiv, 29; xv, 8-12. Son règne ne dura 
que six mois et fut sans éclat. Il fit le mal devant le 
Seigneur et périt par la main de Sellum, fils de Jabès, 
qui régna à sa place. La chronologie biblique à l'époque 
de son règne offre des difficultés. On peut placer le. 
règne de Zacharie en 744 avant J.-C. Voir Chronologie 
biblique, t, il, col. 732; cf. col. 738. 

2. ZACHARIE (Septante : Zax<*p''ou), père d'Abi, 
IV Reg., xviii, 2, ou Abia, II Par., xxix, 1, laquelle 
devint la femme d'Achaz et la mère du roi Ézéchias. 

3. ZACHARIE (Septante : Zix«pta), chef des Rubé- 
nites, avecJéhiel, lorsqu'on en fit le dénombrement. 
I Par., v, 7. 



4. ZACHARIE (Septante : Zayapia:), descendant de 
Coré, de la tribu de Lévi, homme très sage, portier de 
la porte septentrionale du Tabernacle, du temps de 
David. I Par., ix, 21; xxvi, 14. Il était fils de Mosol- 
lamia, f. 21, et l'aîné de sa famille; xxvi, 2 (où le 
nom de son père est écrit Mésélémia); par abréviation 
Sélémias, xxvi, 14. ' 

5. ZACHARIE (Septante : Za/.yojp), un des fils de- 
Jéhiel, père ou fondateur de Gabaon. I Par., ix, 37. Il 
est appelé Zacher (Septante : Zay./o-jp). I Par., vin, 31. 

6. ZACHARIE (Septante : Za/apt'aç), lévite qui vivait 
du temps de David, le premier mentionné parmi ceux 
qui jouaient du nable, 'al- 'âldniôt. Sur cette dernière- 
expression, voir Chantre du Temple, t. h, col. 557. Il 
est nommé le premier des lévites du second ordre. 
1 Par., xv, 18, 20. Il était en même temps portier. Il est 
possible qu'il soit le même que Zacharie 4. 

7. ZACHARIE (Septante : Za/.oeps'a), un des prêtres qui- 
sonnaient de la trompette devant l'arche, quand on la 
transporta de la maison d'Obédédom à Jérusalem.. 
I Par., xv, 24. 

8. ZACHARIE (Septante : Zay_ap;a;), lévite, le second' 
d'Asaph, établi par David pour louer le Seigneur- 
devant l'arche. I Par., xvi, 5. 

9. ZACHARIE (Septante : Zay.ap!*), lévite, fils de Jé- 
sias, de la descendance de Caath et d'Oziel. I Par., xxiv v 
25. 

10. ZACHARIE (Septante : Za/apia;), lévite, qua- 
trième fils d'Hosa, de la descendance de Mérari, un 
des portiers du sanctuaire. I Par., xxvi, 11. 

11. ZACHARIE (Septante: Zaôaiaç), père de Jaddo,. 
de la tribu de Manassé. Jaddo fut chef de la tribu de 
Manassé en Galaad, sous le règne de David. I Par., 
xxvii, 21. 

12. ZACHARIE (Septante : Zayjxpiac), un des princes- 
de Juda que le roi Josaphat envoya dans les villes de 
son royaume avec des prêtres et des lévites pour en- 
seigner au peuple la loi de Moïse. II Par., xvii, 7. 

13. ZACHARIE (Septante : Zay_aptœ;), lévite, père de- 
Jahaziel, de la descendance d'Asaph. Jahaziel vivait 
sous le règne de Josaphat. II Par., xx, 14. Voir Jaha- 
ziel 2, t. m, col. 1106. 

14. ZACHARIE (Septante : Zot/api'ar), un des fils de- 
Josaphat, roi de Juda. II Par., xxi, 2. 

15. ZACHARIE (Septante : A^aptx;), fils du grand- 
prêtre Joïada et cousin germain de Joas, roi de Juda, 
I Par., xxiv, 20. Après la mort de Joïada, auquel il 
devait sa couronne, Joas se laissa entraîner à l'idolâtrie 
par les grands de son royaume, et comme Zacharie 
reprochait au peuple son infidélité, le peuple se souleva 
contre lui et il mourut lapidé avec la complicité du roi. 
}'. 20-22. On admet généralement que c'est à ce crime- 
que fait allusion Notre-Seigneur, Matth., xxm, 35, 
lorsqu'il parle « du sang de Zacharie, fils de Barachie, 
tué entre le Temple et l'autel.» Le fils de Joïada est le- 
seul Zacharie dont l'Écriture nous fasse connaître le 
meurtre dans le Temple. S'il s'agit vraiment de lui, la 
qualification de fils de Barachie peut provenir de la- 
confusion de quelque copiste qui, le prenant pour le- 
Zacharie, fils de Barachie, le témoin d'Isaïe, vin, 2, inséra 
les mots « fils de Barachie », dans son manuscrit de 
saint Matthieu. Voir Barachie 9, 1. 1, col. 1447. L'addition. 



2515 



ZACHARIE 



2516 



peut provenir aussi de la confusion erronée d'un 
manuscrit entre Zacharie, fils de Joïada,et le onzième 
des petits prophètes, Zacharie, qui était réellement fils 
de Barachie. Zach., i, 1. Quoi qu'il en soit, le meurtre de 
Zacharie, fils de Joïada, avait laissé un souvenir profond 
dans les traditions juives, comme on le voit dans le 
Talmud de Jérusalem, Taanith, fol. 69, où il est raconté 
que Nabuzardan, général de Nabuchodonosor, vengea 
par nn grand massacre le crime commis contre Za- 
charie. On a imaginé d'autres explications de la diffi- 
culté : on a supposé que Zacharie n'était que le petit- 
fils de Joïada et que son père s'appelait Barachias, que 
Barachias était un des noms-, ou un surnom de Joïada, 
etc. Saint Jérôme affirme avoir lu « fils de Joïada », au 
Heu de Barachie, dans l'Évangile des Nazaréens, et telle 
a pu être la leçon primitive. 

16. ZACHARIE (Septante : Zaj(ap!a;), prophète qui 
vivait sous le règne du roi Ozias et fut son conseiller. 

I Par., xxvi, 5. Le texte hébreu dit qu'il avait « l'intel- 
ligence des visions de Dieu », m>m, birëôt. Mais divers 
manuscrits hébreux portent ïiin-|>2, bîr'ôt, « de la 
crainte (de Dieu) », ce qui signifie de la religion, et c'est 
ainsi qu'ont lu les Septante : èv çôêo) Kupt'o-j, le Targum, 
la Peschito et plusieurs rabbins. — On ne sait plus 
rien de son histoire. 

17. ZACHARIE (Septante : Zuyaçlat), lévite, des- 
cendant d'Asaph, qui, sous le règne d'Ézéchias, fut un 
de ceux qui purifièrent le temple de Jérusalem. II 
Par., xxix, 13. 

18. ZACHARIE (Septante : Za/.apîa;), lévite musicien 
descendant de Caath, un des chefs préposés aux travaux 
du Temple sous le règne du roi Josias, II Par., xxxiv, 
12, et à la distribution des victimes pour la célébration 
solennelle de la fête de la Pàque sous le même Josias. 

II Par., xxxv, 8. 

19. ZACHARIE (Septante : Za-/.apia;), fils de Bébaï 
qui revint de la captivité de Babylone en Palestine 
avec vingt-huit hommes, sous la conduite d'Esdras. 

I Esd., vin, 11. 

20. ZACHARIE (Septante : Zaxxpt'ac), chef des des- 
cendants de Pharos, qui revint de la captivité de 
Babylone en Palestine, avec cent cinquante hommes, en 
compagnie d'Esdras. I Esd., vin, 3. 

21. zacharie (Septante: Zax«pi'a;)> un des chefs du 
peuple qu'Esdras envoya sur les bords de la rivière 
Ahava avant le retour de la seconde caravane en Pa- 
lestine. I Esd., vin, 16. Il se tint à la gauche d'Esdras, 
quand celui-ci expliqua la Loi au peuple à Jérusalem. 

II Esd., vin, 4. 

22. ZACHARIE (Septante : Zaxapia), fils ou des- 
cendant d'Elam. Il avait épousé une femme étrangère 
et Esdras la lui fit répudier. II Esd., x, 26. 

23. ZACHARIE (Septante : Zay.apia), de la tribu de 
Juda. Un de ses descendants, Athaïa, habitait Jérusalem 
au retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 4. 

24. ZACHARIE (Septante : Zxyapia), Israélite de la 
descendance de Phares, fils du Silonite. II Esd., xi, 5. 

25. ZACHARIE (Septante : Zay.apîa), prêtre, fils de 
Pheshur et père d'Ainsi. Il habita Jérusalem après le 
retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi, 12. 

26. ZACHARIE (Seplante : Zctyapi*), prêtre qui, au 
temps du roi Joacim, était chef de la famille sacerâo- 
taled'Adaïa. II Esd., xii, 16. 



27. ZACHARIE (Septante : Za/apc'a;), prêtre, fils de 
Jonathan, qui sonna de la trompette lors de la dédi- 
cace des murs de la ville de Jérusalem du temps 
d'Esdras et de Néhémie. II Esd., xii, 34, 40 (hébreu, 
35, 41). 

28. ZACHARIE (Septante : Zay.api'a;),filsde Barachie, 
contemporain d'Isaïe, que ce prophète prit comme 
témoin, avec le prêtre Urie, de sa prophétie d'Emma- *" 
nuel. Is., vin, 2. Cf. Zacharie 15. 

29. ZACHARIE, le onzième des petits prophètes. — 
1° Il était, nous apprend-il lui-même, fils de Barachie 
et petit-fils d'Addo. Esdras, v, 1; vi, 14, l'appelle fils 
d'Addo, mais c'est dans le sens large de descendant. — 
Le martyr Zacharie, également fils de Barachie, que 
Notre- Seigneur signale, Matth., xxm, 35, comme ayant 
été tué à Jérusalem « entre le parvis et l'autel », n'a 
certainement rien de commun avec notre prophète. 
Voir le t. i, col. 1447. — 2° Il n'est pas douteux que 
Zacharie naquit sur la terre étrangère, durant la cap- 
tivité babylonienne. Il devait être tout jeune lorsqu'il 
quitta la Chaldée avec son grand-père, en 536 avant J.-C, 
pour venir en Palestine. En effet, il résulte de Zach., 
il, 4, que, dix-huit ans avant la fin de l'exil, au début 
de son ministère prophétique, il était encore na'ar, 
« jeune homme ». Il est vrai que cette expression était 
assez élastique chez les Hébreux, et pouvait convenir 
à un homme de trente ans. On ne peut pas se fier aux 
renseignements mêlés de légendes que nous fournissent 
le Pseudo-Ëpiphane et le Pseudo -Dorothée, qui font 
de Zacharie un vieillard lorsqu'il s'établit à Jérusalem. 
Cf. Pseudo-Épiphane, De vitis prophetarum, t. xliii, 
col. 412. Il commença à prophétiser seize ans après la 
fin de la captivité, pendant la seconde année du règne 
de Darius, fils d'Hystaspe, c'est-à-dire, en 520 avant 
J.-C, deux mois après Aggée. Cf. Zach., i, 17; lEsd., v, 
1-2; Agg., i, 1. Nous ignorons quelle fut la durée de son 
rôle prophétique. D'après Zacharie, vu, 1, il l'exerçait 
encore la quatrième année de Darius, en 518. Mais il est 
probable que sa mission se prolongea au delà de cette 
époque, car les oracles contenus dans les chap. ix-xiv 
paraissent être un peu plus récents que les précédents. 
— Plusieurs passages sont datés : i, 1, au huitième mois 
de la deuxième année de Darius, c'est-à-dire en no- 
vembre 520; i, 7, le vingt-quatrième jour du onzième 
mois de la même année; vu, 1, la quatrième année de 
Darius, le quatrième jour du huitième mois, c'est-à- 
dire en décembre 518. La première date domine i, 1-6, 
ou l'entrée en matière; la seconde concerne le livre 
des visions, i, 7-vi, 8; la troisième, la première section 
du livre des discours, chap. vu-vin. — C'est pour 
n'avoir pas fait attention à ces dates, que plusieurs 
anciens rabbins ont confondu notre petit prophète avec 
son homonyme Zacharie, fils de Barachie, qui vivait 
au temps d'Isaïe. Cf. Is., vin, 2; J. Fûrst, Kanon des 
Alt. Testant., p. 44. — 3° Zacharie appartenait proba- 
blement à la famille sacerdotale. Voir Cornely. lntrod. 
in utriusque Testam. lib., t. il, 2, p. 594; F. Vigouroux, 
Manuel bibl., t. h, n. 1108. « Sa qualité de prêtre 
explique l'insistance qu'il met à relever le rôle du 
grand-prêtre Joïada, m, 1-10; vi, 9, à côté du prince 
Zorobabel, dans la direction de la communauté. » Hoo- 
nacker, Les petits prophètes, p. 577. C'est pour le même 
motif qu'il attache une importance considérable aux 
choses du culte. Esdras, I, v, 1 et vi, 14, vante le zèle 
qu'il déploya, de concert avec Aggée, pour la reconstruc- 
tion du Temple. Il consacra ainsi tout son zèle de prêtre 
et de prophète à faire sortir la théocratie de ses ruines. 
La tradition juive nous montre aussi les deux prophètes 
contemporains s'intéressant à la liturgie sacrée et com- 
posant ou revisant des Psaumes. Voir les titres des 
Ps. cxi et cxlv dans la Vulgate, des Ps. cxxxvii, cxlv- 



2517 



ZACHARIE — ZACHARIE (LIVRE DE) 



2518 



•cxlviii dans les Septante, et des Ps. cxxv-cxxvi dans la 
version syriaque. La même tradition les range aussi 
parmi les membres de la Grande Synagogue qui aurait 
•organisé le canon des Saintes Écritures. Megilla, f° 17<z- 
186. Voir Zacharie (Livre de) 32. 

L. Fillion. 

30. ZACHARIE (Septante : Zor/apiaç), père de Joseph. 
Ce dernier était un des chefs des combattants juifs à 
l'époque de Judas Machabée. I Mach., v, 18. Voir Joseph 

, S, t. m, col. 1670. 

31. ZACHARIE (grec :Za/apîaî), prêtre de la famille 
d'Abia, époux de sainte Elisabeth et père de saint Jean- 
Baptiste. Son histoire nous est racontée par saint Luc, 
i, 5-23; 57-80. Il n'avait point de flls. Un jour qu'il 
remplissait ses fonctions sacerdotales dans le temple de 
Jérusalem, l'ange Gabriel lui apparut et lui annonça 
qu'il allait devenir le père d'un flls qu'il appellerait 
Jean et qui serait le précurseur du Messie. Zacharie 
•avait peine à croire à la réalisation de cette promesse, 
•étant déjà vieux, ainsi que sa femme. L'ange lui révéla 
alors sa dignité et lui annonça qu'en punition de son 
incrédulité, il serait muet jusqu'à la naissance de son 
fils. Lorsque la foule, étonnée du long temps qu'il res- 
tait dans le sanctuaire, le vit enfin sortir, il était muet, 
•et elle comprit qu'il avait eu une vision. Il retourna 
•alors dans la ville de Juda, où il habitait. Voir Juda 12, 
t. ni, col. 1776, et Jeta, col. 1917. Sur ces entrefaites eut 
lieu l'Annonciation de la Très Sainte Vierge et l'ange 
■Gabriel révéla à Marie que sa cousine Elisabeth allait 
devenir mère. Marie se rendit aussitôt auprès d'elle et 
il y eut entre elles un échange de félicitations et 
•d'actions de grâces à Dieu. Quand l'enfant d'Elisabeth 
vint au monde, ses parents et ses voisins vinrent la 

. -congratuler et, le huitième jour, comme on allait le 
•circoncire, ils voulaient l'appeler, comme son père, 
.Zacharie. Sa mère déclara qu'il s'appellerait Jean. On 
fit alors appel au père et il écrivit sur des tablettes : 
« Jean est son nom, » ce qui produisit un grand éton- 
nement. El aussitôt Zacharie recouvra la parole et il 
•remercia Dieu par son cantique Benedictus. — Zacharie 
•est encore nommé comme père de Jean-Baptiste, Luc, 
•m, 2. 

32. ZACHARIE (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVI- 
SION. — 1° L'horizon de Zacharie, dans son écrit 
prophétique, est plus vaste que celui d'Aggée, son con- 
temporain. Il ne prend pas pour thème direct la recon- 
struction duTemple, quoiqu'il s'en occupe aussi, mais le 
rétablissement de la théocratie, et le futur royaume du 
Messie. Prononcés tandis que le peuple travaillait avec 
ardeur à rebâtir le sanctuaire, ses oracles l'encoura- 
geaient, le consolaient, l'exhortaient, en montrant le 
brillant avenir réservé à Israël, et les bénédictions 
abondantes qui devaient se rattacher à la restauration 
•du temple. Tel est le sujet général du livre. 

2° On a partagé cette prophétie de différentes ma- 
nières. Mais, au fond, tout le monde est d'accord, tant 
les divisions sont nettement marquées par l'auteur lui- 
même. Les chap. i-vi forment un tout inséparable; les 
■chap. vu et vm sont pareillement associés d'une façon 
très étroite; enfin, il existe une remarquable unité 
•entre les chap. ix-xiv. On reconnaît généralement 
aussi que les chap. vu et vm sont comme un trait 
d'union entre ceux qui les précèdent et ceux qui les 
suivent. Au point de vue soit du sujet, soit de la forme 
■extérieure, la division qui nous paraît la meilleure et 
la plus exacte consiste à admettre seulement deux 
parties : le livre des visions, i, 1-vi, et le livre des dis- 
cours, vu, 1-xiv. 

a) La première partie, qui s'ouvre par une courte 
exhortation à la pénitence, 1, 1-vi, 15, contient une série 
de huit visions, révélées à Zacharie durant une seule et 



même nuit, et se rapportant aux destinées futures du 
peuple de Dieu, i, 7-vi, 8. Elle s'achève par une action 
symbolique, vi, 9-15. Prenant pour point de départ 
l'état de détresse où se trouvait alors Jérusalem, elle 
annonce clairement la transfiguration et l'heureux 
avenir de la nation théocratique. Ces visions furent 
réelles, objectives, et non pas une création personnelle 
du prophète, qui aurait eu recours à ce stratagème 
littéraire pour présenter ses pensées avec plus de 
force. Un ange les expliquait à Zacharie, au fur et à me- 
sure qu'il les contemplait. Chacune d'elles forme un 
tableau à part; mais leur groupe constitue un bel en- 
semble, puisqu'elles se rapportent toutes à la restaura- 
tion présente et future du peuple de Jéhovah. La pre- 
mière est celle du cavalier parmi les myrtes, I, 7-17; 
la seconde, celle des quatre cornes et des quatre forge- 
rons, i, 18-21; la troisième, celle de l'homme au cor- 
deau, il, 1-5; un petit discours explicatif lui est rattaché, 
il, 6-13. La quatrième nous montre le grand-prêtre 
Josué accusé par Satan devant l'ange du Seigneur, m, 
1-5; de magnifiques promesses lui sont associées, m, 
6-10. La cinquième est celle des deux oliviers, iv, 1-7 ; 
elle est complétée par un petit discours du Seigneur, 
îv, 8-10, et par les interprélations de l'ange, iv, 11-14. 
La sixième est celle du rouleau de parchemin qui s'en- 
vole, v, 1-4; la septième, celle de la femme placée dans 
l'amphore, v, 5-11; la huitième, celle des quatre chars, 
vi, 1-8. 

b) La deuxième partie, ou livre des discours, repro- 
duit, relativement à l'avenir du peuple théocratique 
qui se reformait lentement, humblement, les- mêmes 
pensées consolantes que le livre des visions. Elle com- 
prend trois discours, nettement séparés, qui se com- 
posent d'éléments identiques à ceux que renferment 
les écrits des autres prophètes : les reproches, les 
menaces et les promesses y apparaissent tour à tour; 
mais c'est la joyeuse et glorieuse promesse qui domine. 

— A. Premier discours : Israël dans le passé et dans 
l'avenir, vu, 1; vm, 23. Les désobéissances des Hébreux 
aux ordres du Seigneur ont été la cause de leurs mal- 
heurs; néanmoins, Dieu est disposé à les bénir avec une 
générosité sans bornes. Zacharie indique brièvement 
l'occasion du discours, vu, 1-3 : les habitants de Béthel 
avaient fait demander aux prêtres et aux prophètes de 
Jérusalem s'il fallait continuer de célébrer le jeûne 
institué en souvenir de l'incendie de la capitale et du 
temple par les Chaldéens. Le Seigneur chargea Zacha- 
rie de communiquer sa réponse, dont la première 
moitié, vu, 4-14, est aussi sévère que la seconde, vm, 
1-23, est douce et réconfortante. — B. Second discours : 
prophéties relatives au peuple de Dieu et aux païens, 
ix-xi. — a) Tout d'abord, IX, 1-x, 12, nous apprenons que 
les païens seront humiliés, tandis qu'Israël sera sauvé. 

— 1° Annonce des jugements divins contre trois des 
nations païennes qui entouraient le territoire juif : les 
Syriens, les Phéniciens et les Philistins, ix, 1-7. — 
2° Touchant contraste : le roi pacifique de Sion et son 
empire universel, IX, 8-10. — 3° Israël recouvrera sa 
liberté entière et triomphera des Gentils, rx, 11-17. — 
4° La délivrance du peuple juif sera complète,-x, 1-12. — 
fi) Le prophète fait entendre ensuite de sinistres me- 
naces : Israël sera rejeté du Seigneur, dont il aura mé- 
prisé les bontés paternelles, xi, 1-17. — 1° Prélude me- 
naçant; xi, 1-3. — 2° Parabole du bon et du mauvais 
pasteur, xi, 4-17. Tout ce passage est allégorique, et 
expose sous d'émouvantes figures le motif pour lequel 
Jéhovah traitera si sévèrement sa nation privilégiée. — 
C. Troisième discours : Les jugements redoutables et 
les précieuses bénédictions de l'ère messianique, xn, 
1-xiv, 24. — a) Les luttes et le triomphe, la conversion 
et la sanctification des Juifs, xii, 1-xni, 6. — 1° Le Sei- 
gneur viendra au secours de Sion opprimée, xn, 1-8. — 
2° Le grand deuil d'Israël, xii, 9-14. — 3° Dignes fruits 



2519 



ZACHARIE (LIVRE DE) 



2520 



de repentir au sein du peuple de Dieu, xm, 1-6. — 
(J) Après avoir encore été purifié dans le creuset de la 
souffrance, Israël sera transfiguré par le Seigneur, xm, 
7-xiv, 21. — 1» Le troupeau sera frappé en même temps 
que le pasteur, xm, 7-9. — 2° Le grand jour du Sèigneu r 
et la nouvelle Jérusalem, xiv, 1-21 : tableau vivant et 
grandiose qui achève dignement la prophétie. Voir une 
analyse détaillée dans Cornely, Historica et critica 
Introductio in libros sacros, t. n, p. 596-601. 

II. Le style et le genre littéraire. — 1» La diction 
de Zacharie est assez pure, surtout pour l'époque de 
décadence littéraire où il écrivit ses oracles. Son style 
est frais, imagé, vivant. Il emploie des comparaisons 
très expressives. Cf. n, 8-9; ix, 15-16; x, 3-5; xi, 7,10, 
14; xn, 3,4, 6, 8; xiv, 4, 20, etc. Certaines formules 
prophétiques produisent un bel effet par leur répéti- 
tion. Cf. i, 3, 4; 1, 17 et n, 13; iv, 9 et vi, 15; vu, 9-10 
et vin, 16-17, etc. Zacharie a formé sa diction d'après 
celle des anciens prophètes; aussi les aramaïsmes 
sont-ils assez rares chez lui. Comme écrivain, il a 
beaucoup plus de vie et d'entrain que son contempo- 
rain Aggée. Les chap. i-vi sont composés en prose 
ordinaire. On rencontre déjà plus d'élan dans les 
chap. vu et vm. Les chap. ix-xiv sont en général bien 
écrits et rappellent les oracles d'Isaïe par leur profon- 
deur, leur ampleur, leur variété, les ornements de leur 
langage. Cf. Knabenbauer, Proph. Min., t. n, p. 215. 
Zacharie demeure original, même lorsqu'il prend les 
anciens écrivains pour guides. Toutefois, la multiplicité 
des images et le brusque passage de l'une à l'autre 
créent souvent une certaine obscurité, comme c'est 
également le cas pour le prophète Osée (t.iv, col. 1917). 
Les rabbins s'en sont plaints avec quelque amertume, 
cf. Fùrsl, Zum Kanon des A. Test., Leipzig, 1868, 
p. 43. Saint Jérôme, à leur suite, t. xxv, col. 1417, 
nomme Zacharie « le plus obscur » des petits pro- 
phètes. Ce qui est vrai, c'est que « de nombreux 
détails— spécialement dans les chap. ix-xiv — demeu- 
reront toujours incompréhensibles et obscurs pour 
nous, parce que nous ne sommes que très imparfaite- 
ment renseignés sur toute llépoque d'après l'exil. » 
Cornill, Einleitung in das A. T., 2« édit, p. 200. Cf. 
Reinke, Beitrâge zur Erklârung des A. T., t. vi, 
p. 112. — 2" Le texte hébreu ne nous a pas été trans- 
mis dans un état de parfaite préservation. On a pu, 
en. divers endroits, le corriger au moyen du texte des 
LXX.Cf. Kaulen, Einleitung in die h. Schrift,& édit., 
p. 367; Klostermann, dans la Theologische Literatur- 
zeitung de Schûrer, t.iv, 1879, p. 561 sq. 

III. Authenticité et unité du livre. — 1° Chap. i- 
viu. — La question d'authenticité ne présente aucune 
difficulté en ce qui concerne les chap. i-vm, car elle 
est tellement garantie de toutes manières, par les ar- 
guments extrinsèques et intrinsèques, que les critiques 
eux-mêmes ne songent pas à la contester. Voir Cornill, 
Einleitung in das Alte 2'esiam.,2' , édit.,p. 195; Driver, 
An Introduction to tlie lileralure of the Old Testa- 
ment, 5 e édit., p. 322. La tradition de la synagogue et celle 
de l'Église, la situation historique et religieuse, tout 
indique bien l'époque marquée par l'auteur lui-même. 

2° Chap. ix-xiv. — Il s'est ouvert depuis de longues 
années, au sujet de cette seconde moitié du livre, un 
grand débat, dont nous devons d'abord exposer l'ori- 
gine et les phases principales. — a) Comme l'on sait, 
saint Matthieu, xxvil, 9, attribue à Jérémie le passage 
Zach., IX, 12. Sans autre motif que celui de sauvegar- 
der la véracité de l'évangéliste, l'Anglais Joseph Alede 
(-{•1638) prétendit que le prophète d'Anathoth était l'au- 
teur non seulement de ce verset, mais de tout l'ensem- 
ble des chap. ix-xi de Zacharie, dont il fait partie. 
Plusieurs autres Anglais du XVII e et du xvm e siècle, 
entre autres, Whiston, Hammond, Kidder, etc., accep- 
tèrent cette théorie. Dans son commentaire du livre de 



Zacharie publié en 1785, An attempt towards an im- 
proved version and an exploration of the twelve 
Minor Prophets, l'archevêque anglican W. Newcome 
enseigne que les chap. ix-xiv sont tous antérieurs à 
l'exil, avec cette différence pourtant, que les chap. jx- 
xi ont été composés quelque temps avant la fin du royau- 
me des dix tribus (722 avant J.-C), et les chap. xn- 
xiv, un peu avant la ruine du royaume de Juda et la 
prise de Jérusalem par les Chaldéens. Presque en 
même temps avait paru l'ouvrage d'un prédicateur pro- 
testant de Hambourg, B. G. Flûgge, Die Weissagungen 
welche den Schriften des Prophète», Zacharias beîge- 
bogen sind, Hambourg, 1784, qui développe une thèse 
analogue, mais par des procédés plus violents, puisque 
Flùgge morcelle Zach., ix-xiv, en neuf fragments, qui 
auraient été composés à différentes époques, mais bien, 
avant la captivité de Babylone. On les aurait ensuite- 
juxtaposés et rattachés au livre de Zacharie. C'est sur- 
tout l'ouvrage de Flùgge qui mit à l'ordre du jour la 
question de l'origine de ces six chapitres. Jusqu'alors 
aucun doute ne s'était élevé à leur sujet, malgré les 
assertions de Mede et de ses premiers imitateurs. — 
6) Pendant près d'un siècle, jusqu'en 1881, les critiques 
et les exégètes rationalistes se laissèrent fasciner par- 
cette théorie, qui, à la manière de Newcome, faisait 
remonter la composition de Zach., ix-xi, au vm" siècle 
avant J.-C. et les chap. xn-xiv à la fin du vu" siècle ou 
un peu plus tard. La section Zach., ix-xi, aurait donc eu. 
pour auteur un contemporain d'Osée et d'Isaïe, peut- 
être le Zacharie, fils de Barachie, qui est mentionné Is. r 
vm, 2; elle se rapporterait surtout au royaume des 
dix tribus et à la catastrophe qui devait amener sa. 
ruine. La section Zach., xh-xiv, formerait un oracle 
parallèle, concernant le royaume de Juda et la période 
qui précéda immédiatement sa fin. Sentiment assez 
extraordinaire en soi, puisque, dans le monde de la 
critique avancée, on est beaucoup plus porté à donner- 
une date récente qu'une date ancienne aux écrits bi- 
bliques. D'assez nombreux critiques contemporains, 
appartenant tous au protestantisme, s'y sont ralliés et 
l'ont soutenu avec énergie, entre autres, L. Diestel,. 
dans le Bibel-Lexicon de Schenkel, t. v, p. 129-134;. 
Ewald, Propheten des AltenBundes, 2 e édit., t. il, p. 248; 
Bleek, Einleitung, 4 e édit., p. 438-439; Kuenen, On- 
derzoek naar het onstaan en de venameling van de 
boeken des Ouden Verbonds, Leide, 1889, p. 402-426-; 
E. Reuss, La Bible : les Prophètes, t. i, p. 176-193, 
347-360. Le nombre de ses partisans a beaucoup dimi- 
nué de nos jours. Les principaux sont actuellement, 
Orelli, Das Buch Ezechiel und die zwôlf kleinen 
Proph., p. 361-363; Duhm, Théologie der Propheten, 
u. 141-143, 225-228; H. Kônig, Einleitung in das 
A. T., p. 364-376; Driver, Introduction, p. 324-332. Ces 
divers critiques ne sont pas d'accord sur les dates à 
assigner à chacune des deux sections. En outre, 
Kuenen suppose que les chap. ix-xi, auxquels il joint le 
passage xm, 7-9, remontent dans leur ensemble au 
vin e siècle avant notre ère, mais que certains détails 
ont subi des modifications et ont été accommodés à 
une époque plus tardive par un prophète qui vivait 
après l'exil. — c) Dès l'année- 1864, au tome H, p. 216, 
de sa Neue exeget. krit-Aehrenlese, in-8°, Leipzig, 
Bottcher protestait contre l'opinion qui regarde les 
chap. ix-xiv de Zacharie comme plus ou moins anté- 
rieurs à l'exil. A son sens, ils furent écrits au temps 
des guerres que se livrèrent Séleucus de Syrie et 
Ptolémée d'Egypte, après la mort d'Alexandre le Grand. 
Eichborn, dans la 4 e édit. de son Einleitung in das 
A. T., descendit encore plus bas. Vatke, Einleitung, 
1882, p. 709, qui avait d'abord placé la composition de 
ces chapitres sous le règne d'Artaxercès Longue-Main 
(464-425 avant J.-C), se décida ensuite pour l'époque 
des Machabées (années 170 et suiv.). Toutes ces varia- 



2521 



ZACHARIE (LIVRE DE) 



2Ô22 



tions et fluctuations ne sont pas une preuve de la soli- 
dité du système. Chacun veut aller au delà de ses 
devanciers, et modifie pour cela ses propres théories 
inconsistantes. C'est le professeur Stade qui s'est faille 
défenseur le plus habile et le plus écouté de la théorie 
nouvelle,- dans trois articles successifs publiés par la 
Zeitschrift fur altteslam. Wissenschaft, 1881 et 1882. 
Tout en maintenant que les chap. !X-xrv sont d'un seul 
et même auteur, il affirme qu'ils n'ont pas été composés 
antérieurement à l'année 280 avant J.-C. Cornill, 
Wellhausen, Wildboer ont admis cette conclusion. 
Nowack. Rubinkham et Marti ont trouvé cette date trop 
ancienne. Selon Marti, Oodekapropheton, p. 396, 
« l'époque qui rend intelligibles toutes les indications 
et allusions historiques deZach., ix-xiv, est l'année 160 
avant J.-C. » C'est donc alors seulement que cette partie 
du livre aurait été rédigée. Le passage Zach., xn, 7-8, ne 
daterait même que du début du I er siècle avant notre ère. 
IV. Réfutation des théories des néo-critiques 

■OPPOSÉES A L'AUTHENTICITÉ ET A L'UNITÉ DU LIVRE. — 

Pour répondre à tous ces adversaires de l'unité et de 
l'intégrité des oracles de Zacharie, nous avons à prou- 
ver brièvement : 1° que les chap. ix-xiv sont véritable- 
ment du même auteur que la première moitié du livre; 
2» qu'on n'est pas autorisé à regarder ces chapitres 
comme antérieurs à la captivité de Babylone; 3° qu'il 
n'est pas permis non plus de retarder leur composition 
jusqu'après le régne d'Alexandre le Grand. 

1» Arguments qui démontrent l'authenticité du livre 
de Zacharie envisagé dans sa totalité. — a) Si la tra- 
dition juive et chrétienne est un garant suffisant de 
l'authenticité des huit premiers chapitres, elle l'est 
aussi des six derniers. En effet, ni les Juifs, ni, à leur 
suite, les chrétiens des premiers siècles, n'ont jamais 
regardé les chap.ix-Xlv comme provenant d'un auteur 
distinct de celui des chap. l-vm. Cf. Fùrst, Der Kanon 
des A. T., p. 45; tr. Sanhédrin, 89a. Jamais leur tra- 
dition n'a laissé percer le moindre doute sur l'unité 
de la composition. Dans les plus anciens mss. hébreux 
et dans les plus anciennes versions, les quatorze chapi- 
tres du livre sont placés de la même manière sous la 
dépendance du titre « Zacharie ». Cette preuve a ici 
une force toute spéciale, caria tradition juive remonte 
jusque vers l'époque où Zacharie composa et publia 
ses oracles, puisque le canon juif de l'Ancien Testament 
a été établi peu de temps après. Ajoutons que les Juifs 
attachaient une importance spéciale aux écrits prophé- 
tiques," or, leur valeur dépendait de l'autorité du pro- 
phète qui les av^it composés. Pour ce motif, on dut 
déployer une attention spéciale pour empêcher des 
écrits anonymes de se glisser dans la littérature sacrée. 
L'existence de livres prophétiques très courts, par 
exemple ceux d'Abdias, de Nahum, d'Aggée, etc., montre 
qu'on ne se souciait pas de les allonger en leur ratta- 
chant des oracles dont on ne connaissait pas l'auteur.— 
6) L'unité du livre entier est aussi manifestée par celle 
des sujets traités dans ses deux moitiés. Dans la pre- 
mière, l'auteur prédit le châtiment des ennemis d'Is- 
raël, 1, 14-15, et vi, 8; dans la seconde, ix, 1-8, il signale 
à part quelques-uns d'entre eux, et il indique la nature 
de leur punition. De part et d'autre, le Messie est pré- 
senté tout ensemble comme roi et comme prêtre. Cf. 
m,8; VI, 12-13; ix, 9-17. Des deux côtés, on prophétise 
la cessation complète de l'exil, vm, 7-8; K, 11-12, 16; 
x, 8-12; une prospérité de tout genre, i, 17; m, 10; 
vm, 3-5; 11, 13; xiv, 7-10; la sainteté du royaume 
messianique, m, t-10; v, 1-10 ou 11; xm, 1-6 ; la pro- 
tection toute paternelle de Dieu, H, 9; ix, 8, etc. Voir 
Cornely, Introd., t. il, p. 605. Cet argument n'a pas 
une valeur absolue, mais il mérite quand même d'être 
signalé. — c) Les chap. ix-xiv insistent, plus encore que 
Jes premiers, sur l'avenir messianique d'Israël, avenir 
■tout heureux et glorieux. Or, cette perspective conso- 



lante ne pouvait être que très utile au moment du re- 
tour d'exil, alors que tant d'obstacles s'opposaient soit à 
la réinstallation des Juifs à Jérusalem et aux alentours, 
soit à la reconstruction du temple. L'idée messianique 
soude donc, pour ainsi dire, les deux parties l'une à 
l'autre. — ci) La division qui règne entre les adver- 
saires de l'authenticité des chap. ix-xiv est aussi une 
preuve en son genre. Ils sont incapables de s'entendre 
sur l'origine et sur la date des pages qu'ils enlèvent à 
Zacharie. Et notons bien qu'il ne s'agit pas seulement 
de divergences légères, de simples nuances d'opinion, 
mais de détails essentiels. Il y a entre eux de longs 
siècles d'intervalle. De plus, ils ne peuvent alléguer que 
des preuves intrinsèques, dont la faiblesse est mise en 
évidence par les graves divergences que nous venons 
de signaler. Les néo-critiques reconnaissent eux- 
mêmes cette faiblesse, lorsqu'ils expriment toute leur 
pensée. « La date de cette prophétie (Zach., ix-xi), dit 
entre autres M. Driver, Introd., 5 e édit., p. 325, est 
extrêmement difficile à déterminer, et en fait les argu- 
ments intrinsèques marquent des directions diffé- 
rentes. » En effet, continue-t-il, p. 326, « il y a des in- 
dications qui semblent montrer clairement que la 
prophétie est antérieure à l'exil. » Et, d'un autre côté, 
elle « contient aussi certains passages qui semblent 
impliquer une date postérieure à la captivité. » 11 suit 
de là que c'est la tradition qui doit juger en dernier 
ressort, et non pas une appréciation purement person- 
nelle. — e) Les adversaires de l'unité ne réussissent 
pas à expliquer pourquoi et comment les chap. ix-xiv 
ont été rattachés aux chap. i-vm, avec lesquels ils 
n'auraient, dans l'hypothèse, aucune relation. D'après 
une conjecture de Bertholdt, Einleitung, p. 1728, 
l'auteur des chap. ix-xiv se nommait aussi Zacharie. et 
était pareillement fils de Barachie. L'identité des noms 
aurait occasionné cette suture, au momenl où fut 
organisé le recueil biblique. Ou bien, ditM.Wildeboer, 
Litteratur des A. Test., p. 361, ces chapitres formaient 
une prophétie anonyme qui, dans une première collec- 
tion, était placée tout d'abord à la fin du livre des 
petits prophètes, etc. On voiteombien tout cela est ar- 
bitraire. — f) Rien dans la forme et le style du livre 
n'exige la pluralité d'auteurs. 1° Quelques hébraïsants 
distingués, comme M. Kbnig, Einleitung in dasA. T., 
p. 366, croient pouvoir reconnaître dans le style l'ab- 
sence de tout élément constitutif de l'hébreu posté- 
rieur à l'exil; mais d'autres, notamment Bôttcher, 
Aehrenlese, t. il, p. 246, voient au contraire dans les 
chap. ix-xiv un coloris tardif. Cela prouve combien cet 
argument est négatif. Cf. E. Reuss, Geschichte der heil. 
Schriflen Allen Testaments, p. 266. La différence allé- 
guée n'est pas telle, qu'elle exige des époques et des 
auteurs distincts. Elle s'explique fort bien par celle des 
sujets traités, comme le montrent des dissemblances 
analogues dans les'prophéties d'Osée, d'Isaïe, de Jéré- 
mie, etc. C'est pour cela que, suivant la remarque 
faite plus haut, le style a un essor plus poétique dans 
la deuxième partie. Le langage est vraiment partout 
le produit de la même imagination très vive et très 
inventive. — 2" On signale aussi, comme preuve de la 
pluralité d'auteurs, les titres placés en tête de divers 
oracles, soit dans les premiers, soit dans les derniers 
chapitres. Là, ils indiquent la date de la révélation 
divine et le nom du prophète. Cf. Zach., 1,1, 7; vu, 1. 
Ici, Zach., ix, 1, et xn, 1, ils demeurent vagues et im- 
précis. « Cela est visiblement contre l'unité d'auteur, » 
dit Kônig, loc. cit., p. 365. Assurément non, car le 
prophète n'était pas tenu de répéter son nom et les 
dates en avant de tous ses oracles. Cf. Is., 1,1; vi, l;Xin, 
1; XV, 1; xvil, 1; XX, 1-2, où les titres des prophéties 
varient pareillement. Jérémie et Ézéchiel ne datent 
aussi qu'un nombre' limité de leurs oracles. Enfin, si 
les prophéties des chap. ix-xrv .'rie _ portent aucune 



2523 



ZACHARIE (LIVRE DE) 



2524 



indication de temps, cela tient sans doute à ce qu'ils 
s'occupent surtout d'un avenir lointain, d'un avenir 
messianique. — 3° Autre objection. Dans les premiers 
chapitres, on rencontre fréquemment les formules : 
«Ainsi parle le Seigneur, » i, 3, 4, 14, 16, 17; n,8; m, 
7; vi, 12, etc.; « La parole du Seigneur vint à..., » i, 7; 
iv, 8; vi, 9; vu, 1, 4, 8; vm, 1, 18. Or, la première de 
ces formules n'apparaît qu'une fois, xi, 4, dans Zach., 
ix-xiv, et la seconde, pas une seule fois. En outre, les 
mêmes chap. ix-xiv emploient souvent la locution « en 
ce jour-là», ix, 16; xi, 11; xn, 3, 4, 6, 8, 9, 11;xih, 1, 
2, 4; xiv, 4,6, 8, qui est très rare dans les chap. i-vm. 
Cf. m, 10, et vi, 10. Mais qui ne voit que cette préten- 
due divergence est toute de surface, et qu'elle s'ex- 
plique par les différences du ton et du sujet dans les deux 
parties? — 4» Enfin, en comparant les chap. ix-xiv 
aux premiers, de graves auteurs, qui sont en même 
temps d'excellents juges en fait d'hébreu, constatent 
plutôt une affinité entre eux sous le rapport du langage. 
C'est ainsi que plusieurs expressions rares, telles que 
« les allants et les venants », vil, 14, et IX, 8; hé'éldr 
dans le sens d'enlever, m, 4, et xm, 2; la désignation 
symbolique de la providence par l'expression « l'œil de 
Dieu », m, 9; IV, 10; IX, 1, 8; la désignation du peuple 
théocratique par les termes synonymes de Juda, d'Israël, 
de Joseph, d'Kphraïm, I, 12; H, 2, 12; vm, 15; IX, 9 ou 
13 ; x, 6; xi, 14, etc., se retrouvent de part et d'autre. 
Voir Keil, Einleitung, p. 341-342. 

2» Les chap. ïx-xtv n'ont pas été composés avant 
l'exil, au vi/i e ou au VIP siècle avant J.-C. — 
a) Preuve tirée du sujet traité. Ces chapitres supposent, 
pour le peuple juif, des conditions semblables à celles 
qui existaient après la captivité de Babylone, telles que 
nous les connaissons par Aggée, Esdras, etc. ; sembla- 
bles aussi à celles qui sont décrites dans les chap. i- 
vni. Quelques détails suffiront pour nous en convain- 
cre. Zach., ix, 11-12, les exilés sont invités à revenir 
au plus vite à Sion; trait qui convient spécialement à 
l'époque de Zorobabel et de Zacharie (cf. n, 6-8); Zach., 
x, 2, la dispersion et la captivité de Juda sont présen- 
tées comme des faits du temps passé; x, 6, il en est de 
même en ce qui concerne les deux anciens royaumes 
israélites; x, 8, il est dit que les membres de la tribu 
d'Éphraïm reviendront à leur tour d'exil; d'où il suit 
que tous les Juifs n'avaient pas encore quitté la terre 
de captivité ; x, 10, le prophète annonce que les captifs 
reviendront d'Egypte et d'Assyrie, et qu'ils habiteront 
Galaad et le Liban ; cela prouve que Jérusalem et ses 
.alentours étaient déjà repeuplés. Cf. Knabenbauer, 
Proph. Minores, t. n, p. 217. D'autre part, la colonie 
juive à laquelle s'adresse l'auteur des chap. ix-xiv est 
encore humble et faible, et il lui promet qu'elle s'agran- 
dira et se fortifiera. Il ne mentionne pas de rois, mais 
des chefs, ix, 7; xii, 5-6. S'il parle de la maison de 
David et lui promet la gloire et la prospérité, c'estseule- 
ment pour un avenir lointain. Cf. xii, 7-8; xm, 1. Les 
ennemis d'Israël ne sont plus les Égyptiens et les Assy- 
riens, ix, 13; la captivité a donc pris fin. Le passage xn, 
11, est généralement regardé comme se rapportant à la 
mort du roi Josias (609 av. J.-C), et à la lamentation 
mentionnée IV Reg., xxm, 29-30; II Par., xxxv, 22- 
25. Or ce trait nous rapproche beaucoup de la ruine 
de Jérusalem (586) et de l'exil. La « maison de Lévi » 
est signalée comme jouissant d'une situation indépen- 
dante, à côté de la « maison de David ». Celle-ci, après 
la captivité, avait perdu beaucoup de son prestige; 
celle-là avait au contraire ajouté au sien. On le voit, la 
situation historique indique nettement l'époque d'après 
l'exil, comme le reconnaissent Stade, Cornill, et la plu- 
part des critiques contemporains. Si divers traits 
semblent revendiquer, comme date de la composition, 
une période antérieure à l'exil, c'est par suite d'une 
fiction littéraire qui n'est pas rare chez les écrivains 



sacrés. Dans les chap. ix-xiv, nous l'avons dit, c'est 
vers l'avenir que le prophète porte surtout ses regards; 
c'est l'avènement et la splendeur des temps messia- 
niques qui sont l'objet principal de ses oracles : il les 
décrit en employant les couleurs du passé et de l'ave- 
nir. Ainsi, bien qu'ils n'existassent plus comme 
royaumes au temps de l'auteur, Éphraïm et Juda sont 
encore mentionnés, parce qu'ils formaient les éléments 
constitutifs de l'ancienne théocratie, et parce que la 
petite communauté revenue d'exil représentait ces 
deux anciens Éiats. — b) Une autre preuve que les 
chap. ix-xiv n'ont pas été écrits avant l'exil, c'est qu'ils, 
font, comme du reste la première partie du livre, de 
fréquents emprunts à des oracles prophétiques datant 
de la captivité. Ces emprunts sont faits particulière- 
ment à Jérémie et à Ézéchiel. On peut comparer Zach. r 
ix, 2-3, et Ez., xxvm, 3-4; Zach., x, 3, et Ez., xxxiv, 
17; Zach., xi, 3, et Jer., xxv, 36; Zach., xi, 4, et Ez., xxxiv, 
4; Zach., xi, 5; et Jer., x, 7; Zach., vi, 7, 11, et Jer.,Lix, 
20; L, 45; Zach., xi, 8, et Jer., n, 8, 26; Zach., xi, 9, 
et Jer., xxxiv, 17; Zach., xi, 16, et Ez., xxxiv, 3-4, 
etc. Voir van Hoonacker, Les douze petits prophètes, 
p. 583; Cornely, Introd., t. il, p. 604-605. Hengstenbergf 
a fort bien mis ce fait en lumière, et le rationaliste 
de Wette en a été tellement frappé, qu'après avoir nié 
d'abord l'unité d'auteur, il l'a ensuite admise pour ce- 
motif. Einleitung, 4 e édit., p. 337. 

3° Les chap. ix-xiv n'ont pas été composés à l'époque 
tardive imaginée par les néo-critiques. —A la démons- 
tration positive qui vient d'être donnée, s'ajoute la 
preuve négative, qui consiste dans le caractère inaccep- 
table des interprétations proposées-en maint endroit. 
Citons quelques exemples. L'Assyrie et l'Egypte, men- 
tionnées Zach., XI, 10-11, ne représenteraient pas les- 
deux grands empires situés sur les rives du Tigre et du 
Nil, mais la Syrie des Séleucides et l'Egypte des Ptolé- 
mées. Leurs noms nous transporteraient donc à l'époque 
des successeurs d'Alexandre le Grand, entre les années- 
306 et 278 avant J.-C. De même, au passage Zach., ix, 13, 
les benê Yavdn, vaincus par les fils de Sion, ne seraient 
autres que les Grecs postérieurs à Alexandre. Ceux qui 
parlent ainsi oublient que la lutte de Darius fils d'Ilys- 
taspe avec les Grecs, qui eut un retentissement si con- 
sidérable, suffisait pour qu'un prophète d'Israël annon- 
çât alors un conflit futur entre son peuple et Javan- 
On prétend aussi que, dans les chap. ix-xiv, l'espé- 
rance messianique revêt un caractère « fantastique », 
qui est l'indice d'une époque récente. Mais ce sont là 
des assertions non fondées. — En résumé, on n'a aucune 
raison suffisante d'abandonner la tradition juive et 
chrétienne qui regarde le livre entier de Zacharie comme 
l'œuvre d'un seul et même auteur. Telle est toujours- 
l'opinion, non seulement des interprètes catholiques, 
mais aussi d'un nombre assez considérable de protes- 
tants orthodoxes. 

V. L'importance théologique du livre. — 1. L'im- 
portance du livre de Zacharie est très grande sous le 
rapport théocratique, car toutes les visions qu'il décrit, 
tous les discours qu'il reproduit, annoncent tour à tour 
que la nation sainte ne périra pas, mais que, reconsti- 
tuée sur de nouvelles bases, elle durera jusqu'à la fin 
des temps. Or, il est évident qu'une telle prédiction 
n'intéresse pas moins l'Église chrétienne que la syna- 
gogue, puisque c'est par l'Église du Christ que la théo- 
cratie juive devait être et est en réalité continuée, 
complétée. Il suit de là que le livre de Zacharie est 
tout du long messianique dans son ensemble. 

2. Il ne l'esl pas moins dans ses détails qui, en nom- 
bre relativement considérable, se rapportent directe- 
ment à la personne et à l'œuvre du Messie. Les princi- 
paux passages de ce genre sont : m, 8, où nous trou- 
vons le beau nom de germe, zémah, déjà employé dans 
le même sens par Isaïe, iv, 2, et par Jérémie, xxm, 5, 



2525 



ZACHARIE (LIVRE DE) — ZACHÉE 



2526 



pour désigner le futur libérateur d'Israël ; vi, 13, où 
il est prédit que le Messie sera simultanément prêtre 
et roi; ix, 9-10, qui prophétise son entrée triomphale 
dans la capitale juive, cf. Matth., xxi, 4, etparall.; xi, 
12-13, qui annonce la trahison de Judas, cf. Matth., 
xxvn, 9; xn, 10, où nous voyons d'avance le Sauveur 
transpercé par la lance du soldat romain, cf. Joa., 
xix, 37; xiii, 7, qui prédit le lâche abandon des Apôtres, 
cf. Matth., xxvi, 31. Voir F. Vigoureux, Manuel bi- 
blique^. H,n.903; Frz. Delitzsch, Messianic Prophéties, 
in-8», Edimbourg, 1880, p. 96-108; E. Bôhl, Christologie 
des A. Test., in-8», Vienne, p. 288-332. S'il est vrai que 
les chap. i-vm, d'après l'appréciation de Cornill, « font 
partie des morceaux les plus remarquables et les plus 
importants de la littérature d'Israël, » cela est encore 
plus exact des chap. ix-xiv. 

VI. Bibliographie. — 1» Questions relatives àl' Intro- 
duction. — F. Burger, Études exégéliques et critiques 
sur le prophète Zacharie, in-4°, Strasbourg, 1841; 
E. F. von Ortenberg, Die Bestandtheile des Bûches Za- 
charja, in-8», 1859; Vollers, Das Dodekapropheton 
der Alexandriner, l re partie, Naûm, Ambakûm..., 
Zacharias..., in-8», Berlin, 1880; B. Stade, Deuteroza- 
charja, dans Zeitschrift fur alttestamentl. Wissen- 
sçhaft,im, p. 1-96; 1882, p. 151-172, 275-309; F. Montet, 
Etude historique sur la date assignée aux six derniers 
chapitres de Zacharie, Genève, 1882; K. Marti, Der 
Prophet Sacharja, der Zeilgenosse Serubbabels, ein 
Beilrag zum Verstàndnis des A. Testam., in-8°, Fri- 
bourg-en-Brisgau, 1892; W. Staerk, Untersuchungen 
ûber die Komposition und Abfassungszeit von Zach. 
ix-xiv, 1891 ; G. K. Grùtzmacher, Untersuchung ûber 
den Ursprung der in Sach. ix-xiv vorliegenden Pro- 
phetien, in-8°, 1892; Rubinkam, The second part of 
the book of Zacharja, in-8" , Bâle, 1892; Kuenen, Hist. 
kritische Einfùhrung in die Bûcher des A. T., t. n, 
Leipzig, 1892, p. 386-409; E. Eckardt, Der Sprachge- 
brauch von Zach. ix-xiv, dans Zeitschrift fur alttes- 
tam. Wissenschaft, 1893, p. 76-109, et Der Religions- 
r/ehalt von Zach. ix-xir, îbid., p. 311-331 ; A. K. Kuiper, 
Zacharja ix-xiv, eene exegetisch-critische studie, 
1894; G. L. Robinson, The prophéties of Zechariah, 
ivilh spécial référence to the origin and date of 
chaplers ix-xiv, Chicago, 1896; J. Bôhmer, Vas 
Râthsel von Sach. ix-xi, und von Sach. xir-xiv, dans 
Evangelische Kirchenzeitung, 1901, n. 17 et 39; 
A. van Hoonacker, Les chap. ix-xiv du livre de Za- 
charie, dans la Revue biblique, 1902, p. 161-163, 
347-378; Ch. Bruston, Les plus anciens des prophètes, 
Etude critique, broch. in-8°, Paris, 1907, p. 28-37. 

2° Commentaires. — a) Dans l'antiquité. Chez les 
Grecs : Théodore de Mopsueste, t. lxvi, col. 493-596; 
Théodoret de Cyr, t. lxxxi, col. 1873-1960. Chez les 
Latins : saint Jérôme, t. xxv, col. 1415-1544; Haymon 
d'Halberstadt, t. cxvil, col. 221-278; Rupert de Deutz, 
t. clxviii, col. 699-814. — 6) Au moyen âge et dans les 
temps modernes. Voir Knabenbauer, Comment, in 
Proph. Min., p. 6-8, 11; Albert le Grand, Opéra, t. vm, 
Lyon, 1651 ; Sanchez, Commentarii in Zachariam, 
Lyon, 1616. — c) De nos jours : 1» Exégètes catholiques : 
Ackermann, Prophétie minores perpétua annotatione 
illustrati, in-8», Vienne, 1840, p. 614-647; P. Schegg, 
Die kleinen Propheten, Ratisbonne, 1854, t. m, p. 265- 
500; L. Reinke, Beitràge zur Erklârung des Alt. 
Testam., t. vi, iu-8», Munster-en-Westphalie, 1864 (le 
volume entier est consacré à Zacharie); J. Knabenbauer, 
Commentarius in Proph. minores, in-8", Paris, 1886, 
t. n, p. 210-409; Trochon, Les Petits Prophètes, Introd. 
critiq. et commentaires, in-8», Paris, 1889, p. 393-493; 
L. Cl. Fillion, La Sainte Bible commentée, in-8», t. vi, 
Paris, 1903, p. 553-608; van Hoonacker, Les douze Petits 
Prophètes traduits et commentés, in-8°, Paris, 1908, 
p. 577-703. — 2° Exégètes protestants et rationalistes : 



Hitzig, Die zwôlf kleinen Propheten, in-8», Leipzig, 
1838, 3» édit., 1863, p. 317-391; H. Ewald, Die Pro- 
pheten des Alten Bundes, in-8», Stuttgart, 1840-1841 ; 
2 e édit., 1867; C. Umbreit, Praktischer Commentai' 
ûber die kl. Propheten, in-8», Hambourg, 1844, p. 349- 
452; M. Baumgarten, Die Nachtgesichte Zacharia's,eine 
Prophetenstimme an die Gegenwart, in-8», Bruns- 
wick, 1854-1855; W. Neumann, Die Weissagungen 
Sakharjah ausgelegt, in-8», Stuttgart, 1860; A. Kôhler, 
Die Weissagungen, Sakarjias, in-8°, Erlangen, 1861- 
1863; C. F. Keil,jBtfcJ. Commentar zu den zwôlf kleinen 
Proph., in-8», Leipzig, 1866, 2» édit., 1873, p. 525-676; 
W. Pressel, Commentar zu den Schriften der Pro- 
pheten Haggai, Sacharja..., in-8», Gotha, 1870, p. 33- 
48, 111-370; W. H. Lowe, The Hebrew Student's 
Commentary on Zachariah Hebr. and LXX, in-8°, 
1872; Pusey, The Minor Prophets, in-4», 1876; E. 
Reuss, La Bible : Les Prophètes, in-8», Paris, 1876, 
p. 176-193, 347-360, et t. n, p. 339-362; J. P. Lange, Die 
Propheten Haggai, Sacharja, Maleachi, in-8°, Bielefeld, 
1876, p. ix-xvi, 20-116; ,1, Bredenkamp, Der Prophet 
Sacharja erklârt, in-8», Erlangen, 1879; C. R*. Wright, 
Zacharjah and Us Prophéties, in-8», Londres, 1879; 
Drake, Zachariah, dans la Speakers Bible, in-8», Lon- 
dres, 1882, t. vi, p. 702-739; Les douze Petits Prophètes, 
dans La Bible annotée par une société de théologiens 
et de pasteurs, in-8°, Paris, s. d., p. 225-297; C. von 
Orelli, Das Buch Ezechiel und die zwôlf kl. Propheten, 
in-8», Nbrdlingen, 1888, p. 359-402; W. H. Lowe, Ze- 
chariah, dans Ellicott, An Old Testam. Commentary, 
Londres, 1892, t. v, p. 555-593; J. Wellhausen, Die kl. 
Propheten ùbersetzt, mit Noten, in-8», Berlin, 1893, 
p. 172-196; 3 e édit., 1898; Perowne, Haggai and Ze- 
charial with Notes and Introd., in-16, Cambridge, 1893, 
p. 47-149; W. Nowack, Die kleinen Propheten, in-8°, 
Gœttingue, 1897, 314-388; 2«édit., 1903; G. A. Smith, 
The Book of the twelve Prophets, Londres, 1898, 8 e édit. , 
t. n, p. 255-328, 449-490; K. Marti, Dodekapropheton 
erklârt, in-8», Tubingue, 1904, p. 391-455; B. Duhm, 
Anmerkungen zu den kleinen Propheten, in-8°,Giessen, 
1911, p. 73-86. L. Fillion. 

ZACHÉE (grec: Zax/aîoç, forme grécisée de l'hébreu 
Zakkaï, « pur »; voir Zachaï, col. 2513), nom de deux 
Israélites. 

1. zachée, officier de Judas Machabée, qui fut laissé 
par ce dernier avec Simon et Joseph, et une troupe 
suffisante, à Jérusalem, pour continuer le siège de deux 
citadelles en Idumée pendant qu'il allait lui-même com- 
battre ailleurs. Il Mach., x, 19. 

2. ZACHÉE, publicain ou collecteur d'impôts qui 
habitait à Jéricho du temps de Notre-Seigneur. L'évé- 
nement quia immortalisé son nom nous est connu seu- 
lement par saint Luc, xix, 1-10. 11 était le chef des 
publicains chargés par les Romains de lever les impôts 
dans cette région, ôcpxite).mvy]ç, princeps publicano- 
rM.m. Quoiqu'il fût Juif par sa naissance, uiô; 'A6poci|x, 
filiusAbrahse, il était méprisé et mal vu par ses com- 
patriotes, à cause de sa fonction qui leur était odieuse. 
Notre-Seigneur étant passé à Jéricho, Zachée désirait 
vivement le voir, et comme il était petit de taille, il monta 
sur un sycomore, afin de pouvoir l'apercevoir au milieu 
de la foule qui l'entourait. Voir Sycomore, col. 1894. 
Jésus l'aperçut et, sachant que ses dispositions étaient 
bonnes, il s'adressa à lui et lui dit de descendre de 
l'arbre, parce qu'il irait loger dans sa maison. Ces 
paroles provoquèrent des murmures parmi ceux qui 
les entendirent, mais Zachée était plein de joie et il se 
montra digne de la bonté que lui témoignait le Sauveur : 
il le reçut avec empressement et il déclara qu'il don- 
nait la moitié de ses biens aux pauvres et que, s'il avait 



•2527 



ZACHÉE — ZAMBRI 



2528 



fait du tort à quelqu'un, il le réparerait en lui rendant 
le quadruple. Il était devenu riche dans l'exercice de 
•ses fonctions. Les palmiers de Jéricho et ses jardins de 
baume, uniques au monde, étaient d'un grand revenu 
et par suite une source de bénéfices pour les employés 
-du fisc. Josèphe nous apprend qu'Antoine en avait fait 
don à Cléopâtre. Hérode le Grand les avait ensuite 
acquis et en avait retiré beaucoup d'argent. Ant. jud., 
XV, IV, 2. — Les palmiers, comme les sycomores, ont 
disparu aujourd'hui de Jéricho, à cause de l'incurie 
•.de ses habitants et quoique le sol du pays reste un des 
plus fertiles de la terre. Mais il était alors parfaitement 
■cultivé, et comme c'était là un lieu de transit des plus 
' importants pour le commerce avec les contrées situées 
sur l'autre rive du Jourdain, les droits de douane que 
les Romains y prélevaient étaient fort considérables. 
Cachée devait être le représentant du chevalier romain 
à qui était confiée la levée des impôts dans ces pa- 
rages, soit qu'il en eût totalement la charge, soit qu'il 
l'eût seulement en partie. De l'ensemble du récit, on 
peut conclure que Zachée n'avait pas volontairement 
commis d'injustice dans l'exercice de ses fonctions; 
mais la grâce du Seigneur l'avait tellement touché qu'il 
s'engagea à réparer au quadruple les torts qu'il pour- 
rait avoir commis sans le savoir. La loi mosaïque obli- 
geait le voleur à payer le quadruple ou le quintuple 
duvol qu'il avait commis.Exod., xxn, 1 ; IIReg. (Sam.), 
xn, 6; cependant si celui qui avait commis l'injustice la 
réparait de son plein gré, il n'était tenu qu'à rendre 
l'objet volé en y ajoutant un cinquième de sa valeur. 
Lev., vi, 5; Num., v, 7. Zachée fait beaucoup plus que 
ne demandait la Loi; il se montre déjà rempli des 
■sentiments de la charité chrétienne. — Il est question 
dans le Talmud d'un Zaccaï, père du célèbre Rabbi 
Jochanan, mais il est différent du Zachée de l'Évangile. 
Voir Lightfoot, Eorx hebraicse, in Luc, xix, 2, Opéra, 
2« édit., Franecker, 1699, t. n, p. 555. 11 est cependant 
possible qu'il fût de la même famille. 

D'après les Homélies Clémentines, m, 63-72, et les 
Récognitions, m, 65, 74, t. n, col. 152-157; t. i, 
col. 1310, 1314, Zachée devint dans son apostolat le 
compagnon de saint Pierre, qui l'établit, malgré ses 
résistances, évêque de Césarée. Cette tradition se lit 
aussi dans les Const. Apost., vi, 8; vu, 46, t. i, 
col. 927,1049. D'après Clément d'Alexandrie, Stroni., 
iv, 6, t. vin, col. 1248, quelques-uns ont cru que 
l'apôtre saint Matthias n'était pas différent de Zachée. 
D'après une croyance du Quercy, Zachée se serait rendu 
,«n Gaule après la dispersion des Apôtres, et il y aurait 
prêché le christianisme, sous le nom d'Amator, au 
lieu qui s'appelle de son nom Roc-Amadour (Lot). 
C'est encore aujourd'hui un lieu de pèlerinage célèbre. 
Au sommet du rocher qui domine le village se trouve 
un oratoire formé de deux chapelles superposées, 
dédiées à la sainte Vierge et à saint Amadour, où l'on 
accède par un escalier de deux cents marches taillées 
<lans le granit. Voir Ollivier, 0. P., Les amitiés de 
Jésus, Paris, 1895; p. 357-368. Les Bollandistes n'ad- 
mettent point ces diverses traditions. Acla Sanclorum , 
augusti t. iv, p. 18, 25. 

ZACHER (hébreu : Zakér, à la pause, « mémorial »; 
Septante: Zaxxoûp), fils d'Abigabaon ou Jéhiel, qui s'éta- 
blit à Gabaon. Il était delà tribu de Benjamin. I Par., 
vin, 31. Voir Abigabaon, t. i, col. 47. Zacher est ap- 
pelé Zacharie, I Par., ix, 37. Voir Zacharie 5. 

ZACHUR (hébreu : Zakkûr,<s dont on se souvient», 
nom de sept Israélites. 

1. ZACHUR (Septante : Zax/.ovp), fils de Hamuel 
et père de Séméi, de la tribu de Siméon. I Par., 
iv, 26. 



2. ZACHUR (Septante : Sax-/oôp), le troisième des 
« quatre fils de Mérari », lévite qui vivait du temps de 
David. I Par., xxiv, 27. 

3. ZACHUR (Septante: Sax/oûp, Zoix/oûp), le premier 
nommé des quatre fils d'Asaph qui firent partie des 
lévites musiciens sous le règne de David. Zachur fut le 
chef de la troisième classe. 1 Par., xxv, 2, 10; II Esd., 
xn, 3i (Vulgate : Zéchur). * 

4. ZACHUR (hébreu; Zabbùd; Septante : Zago-jS), 
un « des fils de Bégui », qui, avec Uthaï, rentra en Pa- 
lestine à la tête de soixante-dix hommes et à la suite 
d'Esdras. I Esd., vm, 14. Le chethib en hébreu porte 
Zabbûd, mais le Keri a Zakkûr, qui parait bien être 
la leçon véritable, confirmée parla Vulgate. 

5. ZACHUR (Septante : Zax/ojp), fils d'Amri, qui re- 
bâtit une partie des murs de Jérusalem du temps de 
Néhémie. Il Esd., m, 2. 

6. ZACHUR (Septante : Zaxxtop), un des lévites qui 
signèrent l'alliance avec Dieu du temps de Néhémie, 
II Esd., x, 12. 

7. ZACHUR (Septante : Zaxxoûp), fils de Mathanias 
et père de Hanan. Hanan fut un de ceux que choisit 
Néhémie pour distribuer aux lévites les dîmes appor- 
tées par le peuple. II Esd., xm, 13. 

ZAJN, T, z, septième lettre de l'alphabet hébreu, 
« trait », telum. Voir Alphabet, t. i, col. 408. Il est 
rendu ordinairement en grec et en latin par Z. 

ZAMBRI, nom de deux Israélites et d'un pays dans 
la Vulgate. Deux autres Israélites portent le même 
nom, Zimrî, en hébreu, et notre traduction latine écrit 
leur nom Zamri. La racine zâmar signifie « chanter ». 

1. ZAMBRI (Septante : Za|iépi), fils de Salu, un des 
chefs de la tribu de Siméon. Num., xxv, 13. Il se laissa 
séduire, avant l'entrée des Israélites en Palestine, à 
Settim, parCozbi, fille d'un chef madianite, qui l'initia, 
au culte de Béelphégor. Phinées les tua l'un et l'autre 
dans l'acte même de leur crime. Num., xxv, 1-3, 6-8, 
15-18. Voir Cozbi, t. n, col. 1098-1099. 

2. zambri (Septante : Zaaâp;), cinquième roi d'Israël 
qui ne régna que sept jours. Il commandait la moitié 
de la cavalerie du roi Éla, fils de Baasa. Zambri se ré- 
volta contre lui, l'attaqua et le mit à mort au milieu 
d'un festin que lui donnait Arsa, chef de la maison 
royale à Thersa. Il s'empara ainsi du royaume, mais 
ce ne fut pas pour longtemps. Après avoir fait périr 
tout ce qui restait de la maison de Baasa, il succomba 
lui-même au bout d'un règne de sept jours sous les 
coups d'Amri, autre général d'Ela, qui faisait à ce 
moment-là, à la tête de l'armée, le siège de Gebbethon. 
Se voyant hors d'état de lui résister, il se brûla dans 
son palais. I (III) Reg., xvi, 9-20. 

3. ZAMBRI, contrée dont Jérémie, xxv, 25„ mentionne 
les rois, après avoir nommé les rois d'Arabie et des 
peuples qui habitent le désert, et avant les rois d'Élam 
et des Mèdes. On croit généralement qu'il désigne une 
tribu arabe de ce nom. D'après quelques-uns, ce serait 
celle qui descendait de Zamran, fils d'Abraham et de 
Cétura. Gen., xxv, 2; I Par., i, 32. Voir Zamran. Les 
inscriptions cunéiformes n'ont pas fourni sur ce pays 
d'explication satisfaisante et sa situation est encore un 
problème. Quelques-uns proposent de lire Namri, pays 
mentionné dans les documents assyriens au nord-est 
d'Élam. 



2529 



ZAMIRA — ZARA 



2530 



ZAMIRA (hébreu : Ziniri; Septante : Zeu-cpà), fils 
de Béchor, de la tribu de Benjamin. I Par., vu, 8. Sur 
Béchor, voir t, i, col. 1536. 

ZAMMA (hébreu : Zimmâh; Septante: Zajiuàl)), 
nom de deux Lévites. 

1. ZAMMA, Gersonite, fils de Jahath et père de Joah, 
delà tribu de Lévi. I Par., VI, 20 (hébreu, 5). 

2. ZAMMA, Lévite, fils de Séméi et petit-fils de Jeth, 
père d'Éthan, de la descendance de Gersom. I Par., vi, 
42-43 (hébreu, 27-28). Plusieurs pensent que c'est le 
même que le précédent. D'autres croient que c'est un 
Gersonite postérieur qui vivait du temps d'Ézéchias. 
II Par., xxix, 12. Dans ce dernier passage, la Vulgate 
l'appelle Zemma. 

ZAMRAN (hébreu : Zimrdn; Septante : Za^ôpâv, 
Gen., xxv, 2; Z^pâ^, I Par., i, 32), le premier des 
neuf fils qu'Abraham eut de Cétura. Ses descen dants 
ne sont pas nommés dans l'Écriture. Les uns ont cru 
les retrouver dans les habitants de Zaëpdtjj., Ptolémée, 
VI, vu, 5, ville située à l'ouest de la Mecque, sur la 
mer Rouge, mais dont l'ancienneté est douteuse. 
D'autres l'identifient avec le Zambri de Jérémie, xxv, 
25, sur lequel on ne sait rien de positif. Voir Zambri 3. 
On a proposé aussi de le reconnaître dans Zimiris, 
district d'Ethiopie, Pline, S. N., xxxvi, 25; dans les 
Zamereni, tribu de l'intérieur de l'Arabie, Pline, H. N., 
vl, 32; dans Zimara en Asie Mineure, Ptolémée, V, 
vu, 2; Pline, H. N., x, 20; dans Zi|iOpoc, en Asie. 
Ptolémée, VI, xvii, 8. Voir Arabie, Zamran, t. i, 
col. 859. 

ZAMRI (hébreu : Zinirî; Septante : Zaptêpi), nom 
. de deux Israélites dans la Vulgate. Deux autres Israé- 
lites et un pays qui sont appelés également Zimrî dans 
l'hébreu sont orthographiés Zambri dans la Vulgate. 
Voir col. 2530. 

1. ZAMRI, le premier nommé des cinq fils de Zara, 
un des fils de Juda. I Par., n, 6. 

2. ZAMRI, troisième fils de Joada et père de Mosa, de 
la descendance de Saûl. I Far., vin, 36. Dans la généa- 
logie de Saûl, telle qu'elle est répétée, I Par., ix, 42, 
Joada est appelé Jara, avec une variante d'orthographe. 
Voir Jara 2, t. ni, col. 1128. 

ZANOÉ, nom de deux localités de la tribu de Juda. 

1. ZANOÉ (hébreu : Zânôa!,i; Septante : Tavti; Codex 
Alexandrinus : Zavii, Zavwà), ville de la tribu de 
Juda, dans la Séphéla, mentionnée entre Aséna, qui 
vient après Saréa, et Engannim. Jos., xv, 34. Le nom 
de la localité est transcrit Zanoa, II Esd., xi, 30, 
entre Jérimuth et Odollam. Au iv siècle, il existait 
encore un village du nom de Zanoua dans le district 
d'Éleuthéropolis, près de la route de Jérusalem. Ono- 
masticon, édit. Klostermann, Leipzig, 1904, p. 93. 
La même appellation, à la différence fréquente dans les 
noms palestiniens, de la transformation du h en 'a, se 
retrouve attachée à une grande ruine de la Séphéla, le 
khirbet Zanù'a. Cette ruine est à moins de 7 kilomètres 
au sud-sud-est de Sara'a et à 5 au sud-est d'Umm- 
Djînâ, probablement Engannim; à 7 kilomètres plus 
au sud, le nom de la ruine 'Aid el-Mà rappelle celui 
d'OdolIam. Beit Djebrin, l'ancienne Éleutheropolis est 
à 12 kilomètres au sud-ouest de la ruine précédente. 
Située au côté occidental de l'ouâd en-Nadjil, la 
ruine de Zanû'a occupe-un assez vaste espace, mais ne 
présente aucun caractère particulier. — Après la 

DICT. DE LA BIBLE. 



captivité de Babylone, Zanoé fut habitée de nouveau 
par les fils de Juda, II Esd., xi, 30, et c'est par ses 
habitants que fut reconstruite la porte deJa Vallée, à 
Jérusalem, m, 13. — Voir E. Robinson, Biblical 
researches in Palestine, Boston, 1841, t. n, p. 343 ; 
V. Guérin, Judée, t. n, p. 23. 

2. ZANOÉ (hébreu : Zânôah; les Septante, faisant 
un seul nom de celui-ci et d'Accain, cité après, trans- 
crivent : Zotxavaiji.; Codex Alexandrinus : Zavwaxet'iJi), 
Jos. xv, 56, ville de la région montagneuse de Juda. 
Elle est recensée parmi des villes dont le site se 
trouve au sud d'Hébron. On la reconnaît communément 
dans le khirbet Zdnûtah, à 18 kilomètres au sud-ouest 
d'Hébron et à 12 kilomètres A'Yattd (Jota). La diffé- 
rence dans les noms peut s'expliquer par le fait, qui 
se rencontre ailleurs, de l'affaiblissement de l'aspirée 
finale qui, devenue h, devait, avec la forme féminine, 
se transformer en t. C'est probablement cette Zanoé de 
la montagne dont la fondation est attribuée à Icuthiel, 
fils de Judaia. I Par., îv, 18. II ne reste guère de cette 
antique bourgade que les citernes creusées au sommet 
du mont sur lequel elle s'élevait. Voir V. Guérin, 
Judée, t. m, p. 200 ; The Survey of Western Palestine, 
Memoirs, t. h. p. 410. L. Heidet. 

ZARA (hébreu : Zérah [à la pause Zdrah, I Par., n, 
4; Gen., xxxvm, 30]; Septante : Zocpâ et quelquefois 
Zaps, Zapsç; zérah en hébreu signifie ortus [lucis]), 
nom de six personnages dans l'Ecriture. La Vulgate 
écrit quelquefois le nom Zaré au lieu de Zara. Voir 
Zara 2, 4. 

1. ZARA, le second nommé des trois fils de Rahuel 
et petit-fils d'Ésaù. Gen., xxxvi, 13-17; I Par., i, 37-75, 
fut un des allouf ou chefsde tribu deslduméens. Gen., 
xxxvi, 17. 

2. ZARA, père de Jobab de Bosra. Jobab fut un des 
premiers rois d'Édom. Gen., xxxvi, 33; I Par., i, 44. 
Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit son nom Zaré. 

3. ZARA, fils de Juda et de Thamar, frère jumeau de 
Phares. Gen., xxxvm, 30; I Par., n, 4; Matth., i, 3. 
Voir Phares, col. 205. Zara eut cinq fils,Zamri, Ethan, 
Éman, Chalcal et Dura. I Par., n, 6. Ses descendants 
sont appelés Zaréites. Num., xxvi, 20 (Vulgate : Zave, 
Zareitse). Achan, qui s'attribua une partie du butin de 
Jéricho, malgré la défense de Josué, était un Zaréile. 
Jos., vu, 1, 17, 18, 24; xxn, 20. Voir Aciian, t. I, 
col. 128. — Des descendants de Zara par Jéhuel et 
d'autres frères de ce dernier s'établirent à Jérusalem 
après la prise de cette ville au nombre de 690. I Par., 
x, 2-3, 6. Après le retour de la captivité, un Zaréite, 
appelé Phatathia, fut du temps de Néhémie in manu 
régis, c'est-à-dire agent du roi de Perse au milieu de 
ses frères en Palestine. II Esd., xi, 24. — Sur Ezrahite, 
descendant de Zara, voir t. n, col. 2163. 

4. ZARA, le quatrième des cinq fils de Siméon le 
fils de Jacob. I Par., iv, 24. Gen., xlvi, 10, il est appelé 
Sonar, voir col. 1821, comme Exod., vi, 15 (Vulgate : 
Soar, voir col. 1814). Il fut le chef de la famille des Za- 
réites. Num., xxvi, 13 (Vulgate : Zaré). 

5. ZARA, lévite, de la descendance de Gersom, fils 
d'Addo et père de Jéthraï. I Par., vi, 21. Il fut un des 
ancêtres d'Asaph, ;f. 4L 

6. ZARA (hébreu : Zerah; Septante : Zapi), probable- 
ment un Osorkon, roi d'Lgypte. — On lit, II Par., xiv, 
9-15, que Zara l'Éthiopien sortit contre Asa avec une 
armée d'un million d'hommes et trois cents chars, et 

V. - 80 



2531 



ZARA — ZARED (TORRENT DE) 



2532 



qu'il s'avança jusqu'à Marésa. Asa marcha contre lui et 
rangea son armée en bataille dans la vallée de Sephata, 
près de Marésa. Il pria le Seigneur qui jeta l'épouvante 
parmi les éthiopiens, et ceux-ci prirent la fuite. Asa 
les poursuivit jusqu'à Gérare et les Éthiopiens tombèrent 
jusqu'au dernier. Le vainqueur ravagea toutes les villes 
des environs de Gérare, pilla les bergeries, et regagna 
Jérusalem chargé d'un butin énorme, traînant après 
soi une grande multitude de moutons et de chameaux. 

Au sujet de cet événement, que racontent les seuls 
Paralipomènes, plusieurs opinions se sont fait jour : 
1° L'opinion qu'on peut appeler radicale : le récit est 
apocryphe et fabuleux. Wellhausen, Prolegomena 
zur Geschichte Israels, 1886, p. 214; B. Stade, Ge- 
schichte des Volkes Israël, 1887, t. i, p. 355, note 2; 
Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient 
classique, t. n, 1897, p. 774, note 2, et Histoire ancienne 
des peuples de l'Orient, 6 e éd., 1904, p. 413 et note 1; 
Budge, A hislory of Egypt, t. vi, 1902, p. 77-78. A 
l'avance, Wiedemann, Aegyptische Geschichte, 1884, 
p. 155, s'est élevé contre ce scepticisme portant sur 
une époque peu connue, mais sa conjecture d'un en- 
vahisseur éthiopien avant Piankhi, et qui aurait poussé 
jusqu'en Palestine, n'est qu'une pure hypothèse. 

2° L'opinion de ceux que hante plus ou moins le 
mirage de l'Arabie. L'armée envahissante, caractérisée 
par ses chameaux, ne peut être, nous dit-on, qu'une 
armée arabe. Le nom deZerah, Zirrih,a été récemment 
trouvé dans des inscriptions sabéennes; c'est le nom 
deplusieurs chefs de la région de Djebel §ammar(Hâïl). 
L'armée de Zara était donc composée de Couschites 
du sud de l'Arabie. Fr. Hommel, Zerah the Kushite, 
dans Expository times, t. vm, 1897, p. 378. D'ailleurs, 
ajoute-t-on, Kûs, dans l'Ancien Testament, à une excep- 
tion près, qui est certaine, IV Reg., xix, 9= Is., xxxvil, 
9, et trois autres douteuses, Is., xi, 11, Nahum, m, 9, 
et Jer., xlvi, 9, désigne l'Arabie. Zaré n'est donc qu'un 
scheikh arabe du pays de Saba. Id., Explorations in 
Arabia, dans Hilprecht, Explorations in Bible lands 
during the 19 lh cenlury, 1903, p. 732-742. Cf. Er. Nagl, 
Die nachdavidische Koenigsgeschichte Israël, 1905, 
p. 200-204; I. Benzinger, Die Bûcher der Chronih, 1901, 
p. 101 ; R. Rittel, Die Bûcher der Chronih, 1902, p. 132. 
Mais on oublie de nous expliquer comment ce scheikh 
était à la tête de trois cents chars et de l'armée consi- 
dérable que suppose le nombre rond d'un million 
d'hommes. En outre, que devient, dans cette hypothèse, 
le passage parallèle, II Par., xvi, 8, où les Libyens, 
Lubîm, nous sont donnés comme faisant partie de l'ar- 
mée des envahisseurs, tout ainsi qu'ils faisaient naguère 
partie de l'armée de Sésac, II Par., XII, 3? Cf. Revue 
biblique internationale, 1897, p. 333. 

3° L'opinion commune. — Pour Champollion, Précis 
du système hiéroglyphique, 2» édit., 1828, p. 257-262; 
Mariette, Le Sérapéum de Memphis, 1882, t. i, p. 171; 
Pétrie, A history of Egypt, t. m, 1905, p. 242-243, 
Zara ne serait autre que le successeur de Sésac, Osor- 
kon 1 er , ou Serakh(on), le second roi de la XXII e dynas- 
tie, et Pétrie place la victoire d'Asa vers l'an 904 avant 
J.-C. Pour Ed. Naville, Bubaslis, 1891, p. 50-51, The 
festival hall of Osorkon II (Mémoires VIII et X de 
l'Egypl Exploration Fund], et Sayce, The Egypt of 
the Hebrews/fc édit., 1902, p. 110-112, ce serait plutôt 
Osorkon II dont les rapports avec l'Ethiopie et la Pa- 
lestine (Haut Routenou) étaient consignés à Eubaste 
dans la salle de la grande fête d'Amon. Reste le fait 
troublant que le chroniqueur donne à Zara l'appella- 
tion d'Éthiopien. Peut-être le devons-nous à ce que 
les pharaons Sua et Tharaca étaient d'origine éthio- 
pienne, ceux-là même qui vont bientôt intervenir dans 
les affaires de la Palestine. Sayce, loc. cit., p. 111. Quoi 
qu'il en soit du chiffre d'un million d'hommes pour 
l'armée des agresseurs, chiffre peut-être altéré, ou sim- 



plement à prendre en général pour une grande mul- 
titude, il n'en reste pas moins vrai qu'il y a de solides 
raisons de voir là une invasion égyptienne menée par 
un pharaon égyptien. En effet, l'Egypte seule pouvait 
fournir une armée aussi considérable. Après une dé- 
faite sanglante, usque ad internecionem, les vaincus 
s'enfuient vers l'Egypte, non à l'est, vers l'Arabie. Les 
villes frappées sont les villes autour de Gérare, au sud 
de Gaza, sur la route de l'Egypte, villes frontières de la 
Palestine que très vraisemblablement avaient occupées 
les Égyptiens après la victoire de Sésac. III Reg., xiv, 
25. De plus, les envahisseurs étaient des Éthiopiens et 
des Libyens, II Par., xvr, 8, ce qui peut uniquement 
être le fait d'une armée égyptienne. Pétrie, loc. cit. 
Quant à l'argument des chameaux, il est permis de 
ne pas le prendre au sérieux. C. Lauieh. 

ZARAHI ou plutôt ZARAHITE (hébreu : (haz)- 
Zarhî; Septante : tôZapcu; Vulgate : de stirpe Zarahi), 
patronymique de Sobochaï qui était descendant de Zara, 
fils de Juda, et était à la tête d'un des douze corps 
d'armée de David. I Par., xxvn, 11. Voir Sobochaï, 
col. 1816. — Un autre Zarahite est nommé au i. 13; la 
Vulgate écrit Zaraï. Voir Zaraï. 

ZARAHIAS, ZARAÏAS (hébreu : Zerahydh, « Vàh 
a fait resplendir i>; Septante : Zapat'ot), fils d'Ozi et père 
de Meraïoth, de la descendance d'Aaron. I Par., vi, 6, 
51 (hébreu, v, 32; vi, 30); I Esd., vu, 4. La Vulgate 
écrit son nom I Par., vi, 6, Zaraïas, et Zarahias, f. 51, 
etl Esd., vu, 4. 

ZARAÏ (hébreu : (haz)-Zarlfî; Septante : iS> Zapat; 
Vulgate : de stirpe Zaraï), descendant de Zara, fils de 
Juda, patronymique de Maraï, un des douze comman- 
dants de corps d'armée de David. I Par., xxvii, 13. La 
Vulgate écrit le même mot, Zarahi, au f. il. 

ZARÉ, la Vulgate a orthographié plusieurs fois Zaré 
le nom propre Zara. Voir Zara 2, 3, 4. 

ZARED (TORRENT DE) (hébreu : nal.ial Zéréd ; 
Septante : <papay? Zapév, ZapéS), vallée prés de laquelle 
campèrent les Israélites, à la lin de la 38 e année de 
l'exode et avant de pénétrer dans le désert de Moab. 
Num., xxi, 12; Deut., h, 14. Voir Moab, carte, fig. 300, 
t. iv, col. 1145. 

1° Identification et histoire. — Les auteurs de VOno- 
masticon se contentent d'indiquer le Zared in parte 
deserti. Les éditeurs des Nantes and places in the 
Old Testament n'osent proposer aucune identification. 
Pour F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la 
Terre Sainte, Paris, 1877, p. 315, le campement de la 
vallée de Zared et celui de Dibon-Gad désignent un 
seul et même endroit; le torrent devrait être par con- 
séquent un affluent de l'Arnon dans le voisinage de 
ûibân. 

D'après le rabbin Schwarz, Tebuoth ha-Arez, 
Jérusalem, 1900, p. 68-69, plusieurs le voyaient dans 
Vouâdi béni Hamad, au nord d'el-Kérak. Gesenius, 
Thésaurus, p. 429, et un grand nombre après lui 
l'identifient avec*i.'oudd' el-Kérak lui-même. On re- 
connaît communément aujourd'hui le torrent de Zared 
dans Youâd' el-Résâ ou el-Hésy. Cette vallée et sa 
rivière, limite actuelle entre le Djebâl et le territoire 
de Kérak, a formé certainement de même en tout 
temps la frontière entre la Gabalène et l'Humée au 
sud et le pays de Moab au nord. Voir loc. cit. Les 
Israélites, dans leur marche vers le nord, se sont 
arrêtés à la frontière méridionale de Moab pour con- 
tourner ensuite le pays par l'est : c'est donc aux bords 
du Hesa qu'ils ont campé avant d'opérer ce mouve- 
ment, et cette rivière est bien le torrent de Zared de 



2533 



ZARED (TORRENT DE) — ZEBÉDÉE 



2534 



l'Écriture. L'identification devient plus certaine et le 
récit biblique plus clair si l'on admet, avec nous, 
l'identité deleabarim appelée Iyym, D»y Num., xxxm, 
45, et de 'Ayimeh, 3L*-^*- Voir Moab, t. m, col. 1140. 

Arrivés à Jéabarim, les Israélites se trouvaient « aux 
confins de Moab. » Num. xxxm, 44. 'Ayimeh est à 
25 kilomètres environ de la rivière el-Ifésd. Le cam- 
pement devait se développer du côté de l'est, dans les 
campagnes qui vont rejoindre le désert se prolongeant 
à l'orient de l'Idumée et de Moab; d'où l'auteur sacré 
pouvait dire que les Hébreux « campaient au désert se 
trouvant devant Moab, vers l'orient. » Num., xxi, 11. 
De là, sans doute, Moïse envoya au roi de Moab la 
députation chargée de demander le passage par son 
territoire, Jud., xi, 17. L'autorisation en ayant été 
refusée et Dieu ayant défendu d'attaquer les Moabites, 
il ne restait aux émigrants qu'à prendre le chemin du 
désert, en se détournant vers l'orient. Deut., u, 8-9- 
Se levant donc pour franchir le torrent de Zared, ils 
vinrent sur ses bords. Deut., n, 13; Num., xxi, 12. La 
frontière orientale naturelle du pays de Kérak, qui a 
dû être celle de l'ancien Moab, c'est la lisière du désert. 
Elle est marquée aujourd'hui par le chemin du pèleri- 
nage de Damas à la Mecque, qui divise nettement du 
désert la région où l'on trouve des habitations séden- 
taires. Au sud-est de ce pays, ce chemin aboutit au 
qal'at el-tfesd, château près duquel jaillit la source 
abondante appelée ras el-Ifesd. Le lieu est à 30 kilo- 
mètres environ à l'est de 'Ayimeh et d'éf-J'afilèh. 
C'est là, selon toute probabilité, l'endroit où Moïse et 
les enfants d'Israël, arrivant de Jéabarim, établirent 
leurs tentes avant de passer le torrent. 

Plusieurs interprètes tiennent le torrent des Saules, 
nafyal hà-'Arâbîm d'Isaïe, 15, 7, pour identique au 
Zared dont le nom, dans le targum de Jonathan, est 
d'ordinaire rendu par des expressions désignant 
diverses variétés de saules. Voir t. v, col. 1510, et 
t. iv, col. 1151. 

2° Description. — h'oudd' el-Ifésd offre une grande 
similitude avec le Môdjeb, la vallée d'Arnon. Comme 
celle-ci, c'est une large et profonde déchirure à travers 
le haut plateau qui s'étend à l'orient de la mer Morte 
et de l'Arabah. La vallée commence à la « hauteur » 
Taouil Sehâq par le mefra' el-Sfésy sa « première ra- 
mification », à 25 kilomètres environ au sud-est du 
rds el-Ifésd, d'où elle se développe jusqu'au ghôr es- 
Sdfiyeli sur une étendue de plus de 50 kilomètres. Les 
lianes escarpés et ravinés de la vallée laissent voir,par- 
dessus les rochers de grès rouge qui sont à la base, 
des couches superposées de calcaires divers et de 
marnes couronnées de roches basaltiques. Le torrent 
ou seil el-lfesd est entretenu et augmenté par les eaux 
d'une vingtaine de petits affluents dont le principal est 
le seil el-'Afrâ qui, non loin de son embouchure, reçoit 
les eaux thermales et minérales du ' Ain-tfammdm 
Selimân ibn Ddoud. Le torrent pénètre au ghôr es- 
t$àfiyeh près du lieu appelé fahouâin es-Sukkar, 
regardé par quelques-uns, à tort toutefois pensons- 
nous, comme Ségor. Là il se divise en deux branches 
dont la plus septentrionale va se jeter à la mer Morte, 
après avoir parcouru encore près de cinq kilomètres, 
et l'autre va se perdre dans les marais de la Sebghah. 
— Les rives du torrent sont bordées de lauriers roses, 
de tamariscs mêlés d'autres essences. De distance en 
distance apparaissent des touffes de roseaux gigan- 
tesques. A partir de son point de jonction avec le seil 
el-'Afrâ, 15 kilomètres en amont de son embouchure 
où, ainsi .que l'ouddi, il prend le nom de Qèrâfyy, la 
végétation devient luxuriante. En cette partie surtout 
les saules, particulièrement les deux espèces appelées 
par les Arabes safsâf et ghaordb ou 'asdb, abondent 
comme nulle part ailleurs. Ce fait peut expliquer 
l'application du qualificatif nafral hd-'Arabîm, ou c des 



Saules », au torrent de Zared et appuie l'identification 
de l'un avec l'autre. — Le Qal'at el-Ifesd a donné son 
nom à une des stations du chemin de fer de la Mecque. 
— Voir A. Musil, Arabia Petrœa, Edom, in-8°, Vienne, 
1907-1908, 1. 1, p. 28, 313; t. u, p. 243. L. Heidet. 

ZAREHÉ (hébreu : Zerahydh; Septante : Eapai'a), 
père d'Élioénaï, un des fils de Phahath-Moab qui 
ramena avec lui deux cents hommes" de la captivité 
sous la conduite d'Esdras. I Esd., vnr, 4. 

ZARÉITES (hébreu : haz-Zarlii; Septante : ô Zapai), 
membres de deux familles israélites, descendant l'une 
de Siméon, Num., xxvi, 13, l'autre de Juda, f. 20. Voir 
Zara 3 et 4. 

ZARÈS (hébreu : Zérés; Septante : Zioo-àpa), femme 
d'Aman, favori du roi Assuérus. Esth., v, 10, 14; vi, 
13. Elle conseilla à son mari de faire dresser une 
potence pour y pendre Mardochée, v, 14, mais elle 
prévit qu'Aman ne pourrait triompher de son ennemi, 
quand elle apprit que Mardochée était Juif, vi, 13. 

ZATHAN (hébreu : Zêtâm; Septante : Zsôôu.). 
Lévite, de la descendance de Gersom par son aïeul 
Léédan. I Par., xxni, 8. Il fut chargé avec son père 
Jahiel ou Jéhiéli de la garde des trésors de la maison 
du Seigneur du temps du roi David. I Par., xxvr, 22. 
Voir Jahiel 2, t. m, col. 1107. 

ZAVAN (hébreu : Sa'dvân; Septante : Zouxâ[i), chef 
horréen, nommé le second des trois fils d'Éser. Gen., 
xxxvi, 27; IPar., i, 42. 

ZEB (hébreu : 3>u, « loup »; Septante : ZVj6), un des 
chefs, sarîm, madianites qui, sous la conduite des 
deux rois Zébée et Salmana, avaient envahi la Palestine 
du temps des Juges et furent battus parGédéon. Comme 
il s'enfuyait avec Oreb, autre chef madianite, les 
Éphraïmites les poursuivirent et les tuèrent, probable- 
ment au moment où ils allaient passer le Jourdain, 
Oreb à la pierre d'Oreb et Zebau pressoir deZeb, ainsi 
appelé de son nom en mémoire de cet événement. Ils 
apportèrent leur tête à Gédéon qui poursuivait les 
Madianites fugitifs à l'est du fleuve. Jud., vu, 25; 
vin, 3. Le Psaume lxxxiii (lxxxii), 12, rappelait plus 
tard cette marque de la protection de Dieu envers son 
peuple. Cf. Is., x, 26. Voir Oreb, t. iv, col. 1856. L'em- 
placement du pressoir de Zeb et de la pierre d'Oreb 
n'est pas connu. Tristram, Bible places, p. 230, sup- 
pose que « le pressoir de. Zeb» est le Trivil el-Diab, 
« antre du loup », dans l'ouadi el-Diab. 

ZÉBÉDÉE (grec : ZegeSaToi;, probablement forme 
grecque de Zabdi ou de Zabadias, Zébédias), mari de 
Salomé et père des apôtres Jacques le Majeur et Jean. 
Matth., iv, 21 ; xxvii, 56; Marc, xv. 40. Il gagnait sa 
vie en péchant dans le lac de Galilée, et il jouissait d'une 
certaine aisance, ayant des serviteurs pour l'aider à la 
pêche, Marc, I, 20, et son fils Jean étant connu du 
grand-prêtre Anne. Joa., xvm, 15. Il habitait probable- 
ment à Bethsaïde ou dans le voisinage de cette ville. 
Ses fils Jacques et Jean réparaient avec lui leurs filets 
quand le Sauveur les appela à le suivre. Matth., iv, 21- 
22; Marc, i, 19-20. Ce sont les seuls traits de sa vie 
que nous raconte l'Évangile. U n'y est plus nommé 
que comme père des apôtres Jacques et Jean ou à pro- 
pos de leur mère. Matth., x, 3; xx, 20;xxvi, 37; xxvii, 
56; Marc, m, 17; x, 35; Luc, v, 10; Joa., xxi, 2. — 
Sa femme n'est désignée que comme « mère des fils de 
Zébédée », en deux circonstances : lorsqu'elle demanda 
à Notre-Seigneur pour ses fils les deux premières 
places dans son royaume, Matth., xx, 20-23, et lorsque, 



2535 



ZÉBÉDEE — ZÈLE 



2536 



après avoir suivi le divin Maître dans ses courses apos- 
toliques, elle assista à sa mort sur la croix, xxvii, 55- 
56. Zébédée était sans doute mort avant la Passion. 

ZÉBÉDÉI (hébreu : Zabdi; omis dans les Septante), 
fils d'Asaph etpère de Micha. Le fils de ce dernier, Ma- 
thanias, était un des chefs des Lévites dont la fonction 
consistait à louer le Seigneur du temps de Néhémie. 
H Esd., XI, 17. Zébédéi est appelé Zéchur (hébreu : 
Zakkur) II Esd., XII, 34 (hébreu, 35), et Zéchri (hébreu : 
Zikri) I Par., ix, 15. Voir Zéchri 5 et Zéchur 2. 

ZÉBÉDIA (hébreu : Zebadyâh, « don de "Yàh »; 
Septante : ZaêaSi'aç, . ZaêSîa), nom de deux Israélites 
dans la Vulgate. Six autres portent le même nom dans 
l'hébreu et la Vulgate les appelle Zabadia, Zabadias. 

1. ZÉBÉDIA, fils de Michaël, « des fils de Saphatias, » 
qui revint de la captivité de Babylone avec quatre-vingts 
hommes de sa parenté sous la conduite d'Esdras. 
I Esd., vin, 8. 

2. ZÉBÉDIA, prêtre, « des fils d'Emmer, » qui avait 
épousé une femme étrangère. Esdras la lui fit répudier. 

I Esd.,x, 20. 

ZÉBÉE (hébreu : Zébah; Septante : Ziêté), un des 
deux rois madianites qui. du temps de Gédéon avaient 
envahi la Palestine. Il fut battu, poursuivi et mis à 
mort avec Salmona son confédéré par Gédéon. Jud., 
vm, 6-21. Voir Gédéon, t. m, col. 148; Madianites, 
t. iv, col. 535. Le Psaume lxxxii (lxxxiii). 12, rappelle 
cet événement. 

ZEBIDAH (hébreu : Zebidddh; qerl : Zebûddh; 
Septante : 'Ie).8diy), fille de Phadaïa, de Ruma, femme 
du roi Josias et mère du roi Joakim. IVReg., xxm, 36. 

ZÉBUL (hébreu : Zebul; Septante tZeêoO)), gouver- 
neur (hébreu : pâqîd; Septante : litc'cxoitoç ; Vulgate : 
princeps), de Sichem, placé par Abimélech à la tête de 
cette ville pendant son absence. Les Sichémites s'étant 
révoltés contre le fils de Gédéon, ayant à leur tête 
Gaal, fils d'OBed, Zébul fit prévenir aussitôt secrètement 
Abimélech, qui vint attaquer Gaal sans retard. Lorsque 
apparurent les troupes conduites contre Sichem, Zébul 
se mit à railler son ennemi, Gaal marcha contre elles, 
mais elles le forcèrent à fuir; il perdit beaucoup de 
monde en s'efforçant de rentrer dans Sichem et Zébul 
l'en chassa avec le reste de ses gens. Jud., ix, 26-41. 
On ne sait plus rien de Zébul. 

ZÉCHRI (hébreu : Zikri), nom de douze Israélites. 

1. ZÉCHRI (Septante : Zeypeî), le dernier des trois 
fils d'Isaar. Isaar était fils d'Amram et petit-fils de 
Caath, qui était lui-même fils de Lévi. Exod., VI, 21. 
Voir Caath et Caatiiites, t. n, col. 1 et 3. 

2. ZÉCHRI (Septante : Za/pî), le second des neuf 
fils de Séméi, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 19. 

3. ZÉCHRI (Septante : Z£-/pi), le cinquième des onze 
fils de Sésac, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 23. 

4. ZÉCHRI (Septante : Ze ZP s), le dernier des six fils 
de Jéroham, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 27. 

5. ZÉCHRI (Septante : Zsypi), lévite, fils, c'est-à- 
dire descendant d'Asaph, père de Micha. I Par., ix, 15. 

II estappelé Zébédéi, II Esd., xi, 17, et Zéchur,' II Esd., 
xii, 35. Voir Zébédée et Zéchur 2, col. 2534, 2536. 



6. ZÉCHRI (Septante : Zey.pî), descendant d'Éliézer, 
fils de Moïse. Son père s'appelait Joram (voir Joram 4, 
t. m, col. 1646) et son fils, qui fut trésorier des choses 
saintes du temps de David, Sélémith. I Par., xxvi, 28. 
Voir Sélémith, col. 1579. 

7. ZÉCHRI (Septante :ZsxpOiR u Wnite,pèred'Éliézer. 
Celui-ci fut chef de la tribu de Ruben sous le règne de 
David. IPar., xxvm, 16. Voir Éliézer 5, t. n, col. 1680. 

8. ZÉCHRI (Septante : ZtxpQ, père d'Amasias, de la 
tribu de Juda. Amasias vivait sous le règne de Josaphat, 
roi de Juda, et commandait deux cent mille hommes de 
son armée, d'après II Par., xvii, 16. 

9. ZÉCHRI (Septante: Zaxapi'aç), père d'Élisaphat. 
Ce dernier fut un de ceux qui aidèrent Joïada à établir 
sur le trône de Juda le jeune Joas qui avait échappé 
au massacre d'Athalie. II Par., xxm, 1. Voir Élisaphat, 
t. h, col. 1690. 

10. ZÉCHRI (Septante : Zsy_p:)> homme puissant 
d'Éphraïm. Il était un des chefs de l'armée de Phacée, 
fils de Romélie, roi d'Israël, qui fit la guerre à Achaz, 
roi de Juda. Pendant cette guerre, Zéchri tua Maasias, 
fils du roi Achaz, Ezricam, chef de la maison royale, 
et Elcana, le second après le roi. II Par., xxvm, 7. 
Quelques-uns ont supposé que ce Zéchri était le fils de 
Tabéel que Phacée et Razin auraient voulu établir roi 
de Juda. Cf. Is., vu, 6. Voir Maasias 4, t. iv, col. 469; 
Ezricam 4, t. h, col. 2164; Elcana 8, col. 1647; 
ïabèel, t. v, col. 1951. 

11. ZÉCHRI (Septante : Zeypi), père de Joël. Celui- 
ci, au retour de la captivité, sous Esdras, fut à la tête 
d'une partie des Benjamites qui habitèrent Jérusalem. 
II Esd., xi, 9. Voir Joël 14, t. m, col. 1582. 

12. ZÉCHRI (Septante : Zey_p(), prêtre de la famille 
d'Abia, qui vivait du temps du grand-prêtre Joacim. 
II Esd.,, xii, 17. 

ZECHUR (hébreu : Zakkûr), nom de deux Israé- 
lites dans la Vulgate. Dans le texte hébreu, sept Israé- 
lites portent le nom de Zakkur, notre version latine 
n'a transcrit le nom que de cinq d'entre eux. Voir 
Zachur, col. 2527. 

1. ZÉCHUR (Septante : Za/ovp), Rubénite, père de 
Sammua. Ce dernier est le premier des douze Israélites 
qui furent désignés par Moïse pour aller du désert de 
Pharan explorer la Terre Promise. Num., xm, 5 
(hébreu 4). 

2. ZÉCHUR (Septante : Zax/ojp), Lévite, fils d'Asaph 
chef de la troisième division des chanteurs du Temple 
telle qu'elle avait été organisée par David. II Esd., xn, 
34. La Vulgate écrit son nom Zachur, I Par., xxv, 2, 10. • 
Voir Zachur 3. 

ZÈLE (hébreu : qin'dh; Septante), ardeur que l'on 
déploie pour le bien ou ce qu'on croit tel. Le zèle est 
souvent désigné, surtout dans l'Ancien Testament, sous 
le nom de jalousie. Voir Jalousie, t. m, col. 1112. — 
1» Les auteurs sacrés célèbrent le zèle, pour la loi 
divine, de Phinées, Num., xxv, 13; I Mach., u, 54, 
celui d'Élie, III Reg., xix, 10, 14; I Mach., n, 58, des 
serviteurs de Dieu, Judith, ix, 3, de Jéhu, IV Reg., x, 
16, de Mathathias, I Mach., n, 26-27. Le zèle du vrai 
Israélite le consume, à la vue de ceux qui font mal. 
Ps. cxix (cxvm), 139. — 2» A l'époque du Nouveau Tes- 
tament, les pharisiens se montraient pleins de zèle 
pour faire des prosélytes. Matth., xxm, 15. Voir Pro- 



2537 



ZÈLE — ZÉTHAN 



2538 



Sélyte, col. 759. Saint Paul, qui partagea ce zèle, Act., 
xxil, H; Gai., I, 14, jusqu'à se faire persécuteur des 
premiers disciples du Christ, Phil., m, 6, reconnaît 
l'ardeur des sentiments qui animent ses compatriotes, 
cf. Act., xxi, 20, mais juge leur zèle mal éclairé. Rom., 
x, 2. Lui-même apparaît animé du plus grand zèle 
pour la conversion des Juifs et des Gentils. Rom., iXi 
3. — Saint Jacques, m, 14, recommande aux chrétiens 
d'éviter le zèle amer, que le défaut de charité rend 
plus nuisible qu'ulile. — A l'ange de Laodicée, dont il 
déplore la tiédeur, saint Jean conseille d'avoir du zèle. 
Apoc, m, 19. H. Lesêtrb. 

ZÉLOTE (hébreu : qannd'), celui qui déploie une 
grande ardeur pour la défense d'une cause. — Le mot 
est employé pour marquer le caractère transcendant 
de Dieu, qui est un Dieu « jaloux », ne pouvant tolérer 
aucune atteinte à sa majesté suprême. Exod., xx, 5; 
xxxiv, 14. — Un des Apôtres, Simon, porte le surnom 
de Zélote. Luc, vi, 15; Act., i, 13. Ailleurs il est appelé 
KavavaTo;, Cltananœus. Matth., x, 4; Marc, m, 18. Ce 
dernier terme ne désigne nullement un « Chananéen » 
ni un homme originaire de Cana; il n'est que la tra- 
duction de qannd', devenu dans l'hébreu plus récent 
qanna'y, qan'dn, qan'ânayyd', qannd'în. Cf. Sanhé- 
drin, ix, 6. Lorsque les Romains prirent l'administra- 
tion directe de la Palestine et y établirent le premier 
procurateur, Coponius (6-9 après J.-C), un parti se 
forma, à l'instigation de Judas de Gamala et du phari- 
sien Sadduk, pour faire opposition à la domination 
étrangère. Voir Judas le Galiléen, t. m, col. 1805. Les 
partisans de cette opposition prirent le nom de « zélo- 
tes ». Beaucoup d'entre eux obéissaient à une préoc- 
cupation purement religieuse; la fidélité à leur loi et 
l'attente du Messie, seul libérateur efficace de leur na- 
tion, dominaient toutes leurs pensées. D'autres envisa- 
geaient surtout le côté politique de la situation, et, 
réduits à l'impuissance pour le moment, ils devinrent 
plus tard des patriotes exaltés et contribuèrent plus que 
personne à déchaîner la guerre de Judée. Cf. Josèphe, 
Bell, jud., IV, m, 9; v, 1; vi, 3; VII, vm, 1. Simon 
l'apôtre ne fut évidemment pas un zélote politique. 
Il le fut au point de vue religieux, sans qu'on puisse 
dire cependant s'il appartenait au parti qui portait ce 
nom. Il se peut qu'il ait été simplement comme ces 
zélotes, ardents partisans de la Loi, qui se convertirent 
plus tard à l'Évangile, Act., xxi, 20, ou comme saint 
Paul lui-même, zélote dévoué des traditions paternelles. 
Gai., i 14. Pour mériter un pareil surnom, Simon dut 
se distinguer par un zèle plus qu'ordinaire ou par 
quelque action d'éclat. H. Lesétrk. 

ZELPHA (hébreu : Zilpâh; Septante : Z<f).;pi), ser- 
vante que Laban donna comme esclave à sa fille Lia, 
lorsque celle-ci épousa Jacob. Gen., xxix, 34. Lia la 
donna plus tard à Jacob comme femme de second 
rang, xxx, 9, afin d'augmenter le nombre de ses enfants, 
Zelpha devint ainsi la mère de Gad et d'Aser, xxxv, 26 ; 
xxxyh, 2;xlyi, 18. 

ZEMMA (hébreu Zimmâh; Septante : Zep.iJ.a6), 
Lévite gersonite, dont le fils ou le descendant Joah 
vivait du temps du roi Ézéchias. II Par., xxix, 12. Sur 
ce Joah, voir Jo/jh 2, t. m, col. 1551. Cf. Zamma 2. 

ZÉNAS (grec: Zrjvâ;, contraction de ZïivôSwpoç), 
chrétien nommé par saint Paul, Tit., m, 13, qui le 
recommanda à Tite et aux fidèles de Crète, en même 
temps qu'Apollos. Il lui donne le titre de vou.ixôc, qui 
désigne probablement un docteur juif, quoique quel- 
ques-uns entendent par ce titre un jurisconsulte 
romain. Le pseudo-Dorothée en fait un des soixante- 
douze disciples. Chronic. pascli., lui, t. xcn, col. 524. 



Voir.4cta Sanctorum, 27 septembre, t. vu septembris, 
p. 390-391. 

ZÉPHRONA (hébreu : Zifrônâk, pour Zifrôn avec 
âh local; Septante : Aeçpuvâ; codex Alexandrinus : 
Zef pwvi), ville à la frontière septentrionale de la Terre 
Promise. Num., xxxiv, 9. Elle est mentionnée entre 
Émath et Sedada d'une part et « le village d'Énan » 
d'autre part. — Les exégètes, voyant dans la frontière 
décrite en ce passage la frontière réelle du pays conquis 
par Josué, cherchent Zéphrona au midi du Liban et du 
grand Hermon. Le P. Van Kasteren propose de la recon- 
naître soit dans Sarîfd, village de la haute Galilée 
situé à 9 kilomètres environ au nord de Tibnin, soit 
dans Furân voisin du précédent au nord-est, tous deux 
au sud du nahar el-Qasmiyet et à peu de distance; ou 
bien, dans le cas que Ziphron serait identique, comme 
plusieurs le pensent, à la Sabarim d'Ézéchiel, xlvii, 
16, on pourrait la voir au khirbet Sanbariyet, à moins de 
4 kilomètres sud-ouest de Tellel-Qâdy et à 7 de Serâdà. 
Voir Chanaan, t. n, col. 534-535; Revue biblique, 
1895, p. 30-31. Les deux premières localités avaient été 
proposées déjà par F. de Saulcy, Dictionnaire topo- 
graphique de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 316. — 
A la suite des anciens interprètes juifs et de saint 
Jérôme, un grand nombre d'autres exégètes considèrent 
la frontière du livre des Nombres comme condition- 
nelle et purement idéale; ils cherchent en conséquence 
Zëphrona et les aulres villes nommées avec elle beau- 
coup plus au nord. Saint Jérôme, In Ezech., loc. cit., 
l'identifie avec Zéphyriuin de Cilicie, t. xxv, col. 477. 
De l'avis des commentateurs modernes, c'est la chercher 
trop loin; Zéphrona était au sud d'Émath, incontesta- 
blement Hamah. Divers auteurs, tenant pour une seule 
localité Zéphrona et Sabarim, croient reconnaître ce 
dernier nom dans èômeriyeh à l'est e.t non loin du 
lac de IJoms. C'est ce que semble exprimer Riess, JBi&eJ- 
Atlas, 3 e éd., 1895, p. 29, en proposant l'opinion, avec 
réserve toutefois, et en plaçant, carte iv, Siphron au 
lieu où se trouve Sômeriyéh. Fûrrer, dans Zeitschrift 
des deulschen Palâstina- Vereins, t. vm, p. 27-34, 
identifie Zifrôn avec Zaferâné, village syrien situé à 
environ 30 kilomètres au sud de liariiah et à 15 au 
nord de IJoms. Le nom est écrit moins exactement ez-Za'- 
ferdnéh par E. Robinson qui a été le premier à proposer 
cetle identification, Biblical researches, Boston, 1811, 
t. m, Appendix, p. 184; cf. Baedeker(Socin), Palestine 
et Syrie, édit. franc., 1882, p. 584. Ce qu'elle a en sa 
faveur, outre le sentiment général des anciens appuyé 
par Deut., I, 7; xi, 24; Jos., I, 4, c'est la parité, on peut 
dire parfaite, des noms dans le cas particulier et pour 
la plupart des autres noms. La difficulté résultant de 
la place de Zéphrona dans l'énumération qui rompt la 
suite du tracé de la frontière, peut s'expliquer faci- 
lement. On le voit par la plupart des descriptions des 
territoires des tribus d'Israël, les écrivains hébreux 
n'entendent pas indiquer seulement la suite régulière 
des localités qui bordent la frontière de ce côté; mais ils 
tiennentà faire connaître en même temps les principales 
localités situées de ce côté dans l'intérieur du territoire. 

L. Heidet. 

ZÉRET, nom hébreu d'une mesure de longueur, 
d'une demi-coudée. Les Septante l'appellent am^a.\i.r\ 
et la Vulgate palmus. Exod. , xxvm, 16 ; xxxix, 9 ; I Sam . 
(Reg.), xvii,4;Is.,xl, 12; Ezech., xliii, 13. Dans notre 
système métrique, il vaut m 262. Voir Palme 2, 1°, 
t. iv, col. 2058; Mesures, II, 2», Empan, col. 1042. 

ZETHAN, nom de deux Israélites dans la Vulgate. 

1. ZÉTHAN (hébreu : Zê(dn, « olivier »; Septante : 
ZouGâv), cinquième fils de Balan et petit-fils de Jédihel, 
de la tribu de Benjamin. I Par., vil, 10. 



2539 



ZÉTHAN — ZIPH 



2540 



2. ZÉTHAN (hébreu : Zêtâm, « olivier » ; Septante : 
Zrfiâ.v,\ Par., xxiil, 8; Ze6ô(i, xxvi, 22), Lévite gersonite, 
fils ou descendant de Léédan. I Par., xxm, 8. Plus 
loin, xxvi, 22, il est donné comme fils de Jéhiéli (Jé- 
hiel) et petit-fils de Léédan. 

ZÉTHAR (hébreu : Zétâr; Septante : 'AëaT«;«),un 
des sept eunuques qui servaient le roi de Perse Assué- 
rus, Esth., i, 10, et qu'il chargea d'amener la reine 
Vasthi dans la salle où il donnait un festin aux grands 
de sa cour. 

ZÉTHU (hébreu : Zaftû'; Septante : ZaBovia), chef 
d'une famille dont les membres retournèrent de la 



III Reg., vi, 1, 37(Vulgate: mense Zio). C'est le même 
mois qu'Iyar. Voir Gesenius, Thésaurus, p, 407. 
Cf. Calendrier, t. h, col. 66. 

ZIPH (hébreu : Zîf), nom d'une personne, de deux 
villes et du désert voisin de l'une d'elles. 

1 . Ziph (hébreu : Zîf; Septante : 2(6 ; Alcxandrinus : 
Zitpai), fils atné de Jaléléel, de la tribu de Juda. 
IPar., iv, 16. 

2. ZIPH (hébreu : Zif, Jos.,xv, 24; omis dans les Sep- 
tante, Vaticanus; son nom est confondu avec le précédent 
dans YAlexandrinus, où pour Jethnam et Ziph on lit 








561. — Tell ez-Zif. D'après une photographie de M. L. Heidet. 



captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel et 
qui signa l'alliance du peuple avec Dieu. II Esd., x, 
14. Son nom est écrit Zéthua, I Esd., n, 8; III Esd., vu, 
13. Son nom parait omis dans la liste. I Esd., vin, 5. 
Cf. III Esd., vin, 32. 

ZÉTHUA(hébreu : Zattû; Septante: ZaTOouâ), un 
des chefs israélites dont les fils revinrent de Pa- 
lestine avec Zorobabel au nombre de 945, d'après I Esd., 
n, 8, au nombre de 845, d'après II Esd., vu, 13 
(Septante : ZaBoufa). La Vulgate écrit son nom Zéthu 
dans II Esd., x, 14. 

ZIÉ (hébreu : Zi'a; Septante : Zoîe), le sixième des 
sept fils d'Abihaïl, fils d'Huri, de la tribu de Gad. 
IPar., Y, 13. 

ZIO ou ZIV (hébreu : Ziv ; Septante: ? au qua- 
trième mois »), « le mois des fleurs », le second mois 
de l'année hébraïque, commençant à la seconde partie 
d'avril et comprenant la première partie de mai. 



'I8vaSJ<p;Zi<p, IPar., il, 42, est sans doute le même nom), 
localité indiquée, Jos., xv, 24, parmi les villes situées 
a à l'extrémité de la tribu des fils de Juda, aux confins 
d'Édom, au midi (Négéb). » Mésa, fils aîné de Caleb, 
frère de Jeraméel, en est appelé le père, c'ést-à-dire le 
fondateur. I Par.,n, 42. On peut inférer de laque Ziph, si 
elle n'appartenait pas à la terre de Jeraméel, se trouvait 
du moins sur ses confins. — A près de 40 kilomètres 
au sud-sud-ouest de Tell'Arad, à 6 ouest-sud-ouest de 
Qornub (Thamar) et sur la lisière du territoire de 
Hadiréh, Qôzel-Badîrëh, on rencontre, marqué par des 
citernes et quelquesmonceaux de pierres, l'emplacement 
d'une ancienne localité désigné par les Bédouins sous le 
nom de khirbet ez-Zeiféh, À-ÔJ : .C'est évidemment, avec 
l'adjonction de la terminaison k, h, si fréquente dans 
les anciens noms, le nom même de Ziph. La situation 
correspondant si bien aux indications bibliques, il est 
permis de croire qu'il est toujours demeuré attaché à 
la même place (fig. 561). Voir Al. Musil, Arabia Pe- 
trsea, Edom, II, in-8«, Vienne, 1907-1908, p. 30. 

L. Heidet. 



2541 



ZIPH - ZIPH (DÉSERT DE) 



2542 



3. ZIPH (hébreu: Zif; Septante : ordinairement Zl<p), 
ville de la région montagneuse de Juda. Elle est men- 
tionnée, Jos., xv, 55, entre Maon et Carmel d'une part 
et Jota d'autre part. L'Onomaslicon, édit. Klostermann, 
Leipzig, 1904, p. 92, la rattache au territoire de la 
Daroma dépendant l'Éleuthéropolis ou Bethdjibrin, 
et la place près de Carmel de Juda, au huitième 
mille d'Hébron, à l'orient. Cette dernière indication 
fait sans doute allusion au désert voisin plutôt qu'à la 
ville. — Le nom de Ziph est porté aujourd'hui par une 
colline, Tell cz-Zîf, située à 7 kilomètres au sud-sud-est 
d'Hébron. De 878 mètres d'altitude au-dessus de la 
Méditerranée, elle domine toutes les hauteurs des 
alentours. Yalta (Jota), à moins de 5 kilomètres au sud- 



Ziph. Le même nom porté par un des fils de Jéleléeb 
I Par., iv, 16, permet de le considérer comme le fon- 
dateur de la ville. Au temps de Saûl, les habitants de 
Ziph se montrèrent aussi peu généreux que ceux de 
Céila, en allant, à deux reprises, dénoncer au roi la 
retraite de David sur leur territoire, s'engageant en 
outre à le lui livrer. I Reg. (Sam.), xxm, 19-24; xxvi, 
1. David, Ps. LUI (liv), 5, les appelle des étrangers et 
des ennemis et il invoque la justice de Dieu contre eux. 
La ville fut fortifiée par Roboam. II Par., x, 8. Au iv« 
siècle, elle était encore habitée. Onomabl., loc. cit. — 
Voir Éd. Robinson, Biblical researches in Palestine, 
Boston, 1841, t. n, p. 190-191; V. Guérin, Judée, t. m, 
p. 159-160. 




5fi2. — Désert de Ziph, à l'est du tell. D'après une photographie de M. H. Leidet. 



ouest, a seulement 837 mètres; Carmel, à 5 kilomètres 
au sud, 819; seul Tell-Ma'in (Maon), mais à 2 kilo- 
mètres plus au sud, s'élève d'un mètre et demi plus 
haut. Le site, on ne peut le nier, convenait admirable- 
ment pour servir d'assiette à une ville fortifiée. Toute- 
fois, on ne remarque à son sommet aucune trace ni de 
fortifications ni d'habitations. La ruine khirbet ez-Zîf, 
en contrebas sur le côté méridional, ne semble pas 
remonter à une époque reculée ni avoir jamais été for- 
tifiée. Aussi plusieurs palestinologues, entre autres 
V. Guérin, tout en tenant le tell pour une partie du 
territoire de Ziph qui a conservé son nom, croient-ils 
devoir chercher l'emplacement et les restes de la ville 
elle-même dans quelqu'une des ruines importantes qui 
l'entourent. Plusieurs, particulièrement les khirbet 
Abu el-Hamâm et khirbet el-Ghunâim, peuvent pré- 
tendre à ce titre et, dans ces conditions, il est difficile 
de se prononcer. Ce qui est certain, c'est que le nom 
d'ez-Zîf fixe en général au moins le territoire de la 
localité et désigne la région déserte et montueuse se 
développant à l'est vers la mer Morte pour le désert de 



4. ZIPH (désert DE) (hébreu : midbar Zif; Sep- 
tante : ht -itj épïj|ji<!> " *<? opet Zt'f), I Reg., xxm, 14, 
portion du désert de Juda entre la ville de Ziph et la 
mer Morte (fig. 562). — Le texte l'indique simplement 
« dans la montagne »,bd-har;lsL situation du désert de 
Ziph à l'est du tell ez-Zif est incontestable. Il y a peu 
d'années, nous y avons vu encore de nombreux buissons 
de chênes-verts, que dévoraient les chèvres de Yattâ, 
témoigner que jadis il y avait eu là d'épais bocages. 

Le désert de Ziph est célèbre pour avoir donné refuge 
à David fuyant la poursuite de Saûl après qu'il eut 
quitté Céila. Il s'y tenait, avec ses six cents compagnons, 
dans les lieux les plus inaccessibles, bam-messàdôt, in 
firmissimis locis. IReg.,xxin, 14. Jonathas vint l'y trou- 
ver pour l'encourager et renouveler avec lui l'alliance 
contractée autrefois. La rencontre eut lieu « dans la 
forêt » où demeurait David, selon la Yulgate; à Katv?, 
ou Kaivîj Z?ç, « la nouvelle Ziph», d'après les Septante; 
à l'endroit nommé tforëdh, d'après plusieurs inter- 
prètes modernes, qui l'identifient avec la ruine IJurêsah 
située à 2 kilomètres au sud-ouest de Tell ez-Zîf, à côté. 



2543 



ZIPH (DÉSERT DE) — ZODIAQUE 



2544 



A'et-Ghanàim. I Reg., xxm, 15-18. Cf. Buhl, Géographie 
des alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 95. A l'approche 
de Saiil, informé par les Ziphéens de la présence de 
David dans leur voisinage, celui-ci passa au désert 
contigu au midi de Maon. f. 19-24. Après y avoir erré 
quelque temps et dans les régions voisines du désert 
de Juda, David revint au désert de Ziph. Saùl, averti 
de nouveau par les Ziphéens, descendit à son tour et 
. vint camper avec les trois mille hommes d'élite qu'il 
avaitpris avec lui, près de la colline d'Hachila où David 
était caché. C'est là que le fils d'Isaï pénétra la nuit 
jusqu'à la tente de Saùl, d'où il enleva la lance et la coupe 
placées près de sa tête. 1 Reg., xxvi. Ne croyant pas 
pouvoir se fier à la promesse du roi qui plusieurs fois 
déjà avait manqué à sa parole, David prit le parti de 
quitter le désert de Ziph et de se retirer au pays des 
Philistins. I Reg., xxvn, 1-2. — Le désert de Ziph, 
ainsi que celui de Maon, fait aujourd'hui partie du 
territoire parcouru par les Arabes Djahâlin. — Voir 
Hachila, t. in, col. 390-391; Ed. Robinson, Biblical 
researches in Palestine, in-8», Boston, 1841, t. n, p. 190- 
193; V. Guérin, Judée, t. h, p. 160-161. 

L. Hf.idet. 
ZIPHA (hébreu : Zlfàh; Septante : Zaçà), le se- 
cond des fils de Jaléléel, de la tribu de Juda. I Par., 
IV, 16. 

ZIPHÉENS (hébreu : Zifîm; Septante : Ziçocïoi), 
habitants de Ziph. 1 Sam. (Reg.), xxm, 19; xxvi, 1; 
Ps. liv, 1 (lui, 2). Ils dénoncèrent à Saiil la présence 
de David dans leur pays. 

ZIZA, nom de quatre Israélites dans la Vulgate. 
Leur nom a une orthographe légèrement différente en 
hébreu. 

1. ZIZA (hébreu : Zdzd' ; Septante : 'OZây.), le second 
et dernier des fils de Jéraméel, de la tribu de Juda. 
I Par., n, 33. 

2. ZIZA (hébreu : Zizâ' ; Septante : ZouÇà), fils de 
Séphéi, de la tribu de Siméon. Il fut un des Siméonites 
qui, sous le règne d'Ézéchias, allèrent attaquer à Gador 
les descendants de Cham qui y faisaient paître leurs 
troupeaux, les anéantirent et s'y établirent à leur place. 
I Par., iv, 37-41. 

3. ZIZA (hébreu : Zîzâh; Septante : ZtÇi), Lévite, le 
second des quatre fils de Séméi de la descendance de 
Gersom. I Par., xxm, 10-11. Dans le texte hébreu, f. 10, 
le nom est écrit Zinâh, par suite d'une erreur de co- 
piste. 

4. ZIZA (hébreu : Zizâ'; Septante : Zrfcà), fils de 
Roboam et de Maacha, fille ou plutôt petite-fille d'Ab- 
salom. II Par., xi, 20. 

ZIZANIE. Voir Ivraie, t. m, col. 1046. 

ZIZYPHUS SPINA CHRISTI. Voir Couronne 
d'épines, III, 1», t. ii, col. 1087 ; ; Jujubier, t. m, col. 1861. 

ZOAR (hébreu : Sô'ar; Septante ordinairement : 
2ïiY<ip; Vulgate : Segor). Voir Ségor, col. 1561. 

ZODIAQUE(hébreu: mazzâlôt; Septante : (juxÇouptiS; 
Vulgate : duodecini signa), zone céleste, d'environ 18» 
de largeur, faisant le tour du ciel parallèlement à 
l'écliptique, et dans laquelle se meuvent les planètes. 
Cette zone est divisée en douze parties, dont chacune 
porte le nom d'une constellation. Les anciens ont 
laissé plusieurs représentations figurées du zodiaque. 
Voir t. i, fig. 341, col. 1193. Sur un monument funèbre 



trouvé en Nubie (fig. 563), le mort est représenté les 
deux bras en l'air,encadrant quatre scarabées, symboles 
de la résurrection. Les signes du zodiaque sont 
figurés à ses côtés; à sa droite, le verseau, les poissons, 
le bélier, le taureau, les gémeaux et le cancer; à sa 
gauche, le lion, la vierge, la balance, le scorpion et le 




563. — Le zodiaque sur un sarcophage. 
D'après Ménard, Vie privée des anciens, t. n, fig. 80. 

sagittaire. Le- capricorne est en haut, près de la main 
droite du personnage, indiquant sans doute le signe 
sous lequel il était mort. Les signes du zodiaque rap- 
pellent ici les espaces célestes que le défunt doit par- 
courir à Pexemple du soleil. — Il est raconté que 
Josias chassa les prêtres des idoles qui offraient des 
parfums à Baal, au soleil, à la lune, aux mazzdlôf 
et à toute l'armée du ciel. IV Reg., xxm, 5. Les mazzalûl 
sont ici des constellations; d'après Jensen, Die Kosmo- 
logie der Babylonier, Strasbourg, 1890, p. 348, les 
astres qui servent d'habitations aux dieux, les manzallu 



2545 



ZODIAQUE — ZOMZOMMIM 



2546 



assyriens. La tradition, que représente la Vulgate, y a 
vu les signes du zodiaque, en syriaque mavzal{u, en 
arabe mendzil. Suidas rend (iaÇoupwS par ÇtoBia, « les 
signes du zodiaque ». — Le mot employé par les 
Septante traduit l'hébreu mazzârôf, qui se lit dans 
Job, xxxvin, 32, et qui correspond aux mazarati 
assyriens, les stations ou veilles de la nuit. Cf. Frz. 
Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 502. L'auteur 
de Job dit : « Est-ce toi qui fais lever les mazzârôt en 
leur temps ? » Les Septante et Théodotion traduisent 
ici par paÇoupûB, identifiant ainsi les mazzârôt et les 
mazzalôt. Mais les mazzârôt sont pour le syriaque la 
grande Ourse, pour la Vulgate Lucifer, pour d'autres 
les Hyades. Il est probable que, de part et d'autre, il 
s'agit des signes du zodiaque. H. Lesêtre. 

ZOHAR (SÉPHER HA-), « Livre de la Splen- 
deur », compilation rabbinique sur le Pentateuque. 
— Cette œuvre, considérable par son étendue, aurait 
été composée à l'époque de Titus par Simon ben 
Yochaï, mais l'existence n'en fut révélée qu'à la fin du 
xm e siècle par le rabbin Moïse de Léon. Drach, Le 
l'harmonie entre l'Église et la Synagogue, Paris, 
1844, t. i, p. 155, croit à sa haute antiquité dont l'ar- 
chaïsme du style serait une preuve; il suppose même 
que Simon ben Yochaï ne fit que mettre par écrit ce 
qui s'était enseigné longtemps avant lui. Mais cette 
attribution est contredite par les allusions qu'on trouve 
dans le Zohar à des événements relativement récents, 
comme les croisades, et surtout par le silence absolu 
que dix siècles ont gardé sur une œuvre aussi impor- 
tante pour le rabbinisme. Il est plus probable et com- 
munément admis aujourd'hui que l'auteur du Zohar 
n'est autre que Moïse de Léon, rabbin de la fin du 
xiii" siècle, qui vivait en Espagne et compila son livre 
en se servant de toutes sortes d'écrits antérieurs ou 
contemporains, auxquels il mêla libéralement ses 
propres élucubrations. On sait que beaucoup de rabbins 
du moyen âge écrivaient l'araméen chaldaïque, la 
langue talmudique, au moins aussi facilement que 
l'hébreu, ce qui coupe court à toute prétention de 
dater le Zohar d'après l'idiome employé. 

L'ouvrage se compose d'ailleurs de commentaires 
et de différents appendices portant des titres distincts : 
le Livre des Mystères, la Grande et la Petite Assemblée, 
le Mystère des mystères, les Palais, le Pasteur fidèle, 
les Secrets de la Thorah, le Midrasch occulte, la 
Spéculation du Vieux et celle du Jeune, Matnitin et 
Tosefta. Dans ce soi-disant commentaire du Penta- 
teuque, il n'est jamais question du texte qui sert de 
thème au développement rabbinique. L'exégèse et la 
théologie n'ont donc rien à y prendre. Par contre, on 
y trouve toutes les idées de la Kabbale, voir Kabbale, 
t. m, col. 1881, et les doctrines les plus étranges sur 
Dieu, la création, l'homme, sa nature et sa destinée, 
etc. Ces doctrines contredisent aussi formellement les 
enseignements de l'Ancien Testament que ceux du 
Nouveau. 

Quand le Zohar parut, il fut accueilli avec enthou- 
siasme par les Juifs kabbalistes, qui en firent le code 
de l'occultisme, révélé par Dieu aux anges, transmis 
par les anges à l'homme et parvenu de patriarche en 
patriarche, de prophète en prophète jusqu'à Simon 
ben Yochaï. Les chrétiens eux-mêmes s'y laissèrent 
prendre et crurent y trouver la confirmation de leurs 
croyances sur Dieu, la Trinité, le Messie, la rédemp- 
tion et d'autres dogmes fondamentaux. La date mieux 
connue de la composition du Zohar ôtait toute valeur 
traditionnelle à ses affirmations dogmatiques, et l'im- 
mense développement de ses élucubrations ne permet- 
tait guère d'admettre qu'elles aient pu se transmettre 
par voie de tradition orale. On renonça donc à l'idée 
d'exploiter l'ouvrage dans un but apologétique pour la 



conversion des Juifs, et Clément VIII, Constit. du 
28 février 1692, frappa d'une même condamnation les 
livres kabbalistiques, talmudiques et autres ouvrages 
pernicieux des Juifs. 

Le Zohar a été traduit en français par Jean de Pauly 
et magnifiquement édité par Em. Lafuma-Giraud, 6 
in-8», Paris, 1906-1911. Cette publication constitue 
« un monument littéraire de tout premier ordre. » Cf. 
H. Hyvernat, Sépher ha-Zohar, dans la Revue biblique, 
1908, p. 588-592 ; S. Karppe, Étude sur les origines et 
la nature du Zohar, Paris, 1901 ; Is. Broydé, article 
Zohar, dans The Jewish Encyclopedia, in-8», New 
York, t. xii, 1906, p. 689-693. H. Lesètre. 

ZOHÉLETH [PIERRE DE] (hébreu: 'Ébén Zôh.éléi ; 
Septante : Aî8t| to0 ZwsXéli), endroit où Adonias, fils de 
David, fit préparer un sacrifice pour se faire proclamer^ 
roi par ses partisans et empêcher Salomon de monter 
sur le trône. Voir Adonias, t. i, col. 225. Cette pierre 
était située au sud de Jérusalem, près de la fontaine de 
Rogel. III Reg., i, 9. D'après divers commentateurs, 
Zohéleth signifiant « serpent », de zdhal, « ramper », 
Gasenius, Thésaurus, p. 413, est une pierre située près 
ou sur la fontaine des Serpents (Vulgate : Fons Dra- 
conis), dont parle II Esd., h, 13, ou * près de la pis- 
cine des Serpents », tûv "Oopewv xoXupiSvjepa, que men- 
tionne Josèphe, Bell, jud., V, m, 2. Plusieurs identi- 
fient cette fontaine avec celle qu'on appelle aujourd'hui 
« Fontaine de la Vierge ». Voir Rogel, col. 1107. Cette 
identification n'est pas certaine; on peut cependant la 
considérer comme très vraisemblable, quoi qu'il en 
soit d'ailleurs de l'étymologie du mot Zohéleth, que les 
lexicographes expliquent très diversement. 

ZOHETH (hébreu Zôl.iêf; Septante: Zuâv; Lucien : 
Zaw8), iils de Jési, de la tribu de Juda. I Par.,iv, 20. 

ZOHRAB Jean, religieux mékihariste de Venise, 
né à Constantinople en 1756, mort en 1829. On lui 
doit la meilleure édition de la Bible arménienne. 

Dans la première moitié du v e siècle (vers 432) les 
Saintes Écritures ont été traduites en arménien par le 
patriarche S. Isaac et le docteur Mesrob-Maschetotz, 
avec le concours de leurs disciples, sur la version des 
Septante de la recension d'Origène dite des Hexaples : 
en effet, les manuscrits arméniens portent les signes 
critiques d'obèles, de métobèles et d'astérisques fi 

'Y' "%' 1 u ' en sont ' a P reuve évidente. La langue 
en est du siècle d'or de la littérature arménienne 
et quant à la version on l'a déjà proclamée la reine 
parmi toutes les traductions de la Bible. Zohrab a eu 
sous la main 9 manuscrits pour l'Ancien Testament et 
30 pour le Nouveau; il a reproduit le meilleur texte, 
en notant au bas des pages les différentes variantes 
des autres manuscrits. Le livre de l'Ecclésiastique n'a 
été inséré que dans l'Appendice, car il dénotait une 
version récente : l'ancienne a été postérieurement dé- 
couverte et publiée. Voir Pacradouni, t. iv, col. 1949. 
On a fait deux éditions de la susdite Bible, l'une en un 
volume in-4» et l'autre en 4 vol. in-8°, Venise, 1805. 

J. Miskgian. 
ZOMZOMMIM (hébreu -.Zamzummîm; Septante: 
Zoxoji^v), nom de peuple qui ne se lit qu'une fois dans 
l'Écriture, Deut., h, 20-21, où nous lisons : « [La terre 
d'Ammon] était réputée terre des Rephaïm (Vulgate : 
terra giganlum). Les Rephaïm y habitaient auparavant, 
et les Ammonites les appellent Zomzommim. C'était 
un peuple grand, nombreux et de haute taille comme 
les Énacites. Voir Énacites, t. il, col. 1766. Jéhovah les 
détruisit devant les Ammonites qui les chassèrent et 
habitèrent à leur place. s C'est tout ce que nous savons 



2547 



ZOMZOMMIM — ZOROBABEL 



2548 



des Zomzommim, à inoins qu'on n'admette qu'ils sont 
les mêmes que les Zuzim, lesquels, comme nous l'ap- 
prend la Genèse, xiv, 5, furent battus par Chodorlaho- 
mor et ses alliés. Nombre de savants modernes soutien- 
nentcette identification, qu'ils expliquent différemment. 
M. H. Sayce, The higher criticism, in-12, Londres, 
1894, p. 160-161, croit que le nom de Zomzommim et 
de Zuzim est le même, mais que les scribes bébreux, 
qui lesonttrouvés dans les documents assyriologiques, 
l'ont lu sous ces deux formes différentes. D'après plu- 
sieurs Zomzommim et Zuzim sont une onomatopée 
imitant le jargon inintelligible de ces Rephaïm. 
D'autres rattachent leur nom à diverses racines arabes 
dont aucune n'est satisfaisante. Voir Gesenius, Thésau- 
rus, p. 419. Cf. Zuzim, col. 2550; Raphaïm 1, col. 976. 



ZOOLOGIE BIBLIQUE. 

col. 603. 



Voir Animaux, t. i, 



ZOOM (hébreu : Zâham; Septante : Zaiji.), fils de 
Roboam, roi de Juda, et d'Abihaïl. II Par., xi, 19. Voir 
Abmaïl 4, t. i, p. 50. 

ZOROBABEL(hébreu: Zerwô&ciôéi; Septante :Zopo- 
êi.6tl), chef des Israélites au retour de la captivité. 

1° Ses deux noms. — Le nom de Zerùbbabél est 
d'origine babylonienne. Il correspond à Zir-Babili, 
« semence (rejeton) de Babel », comme l'hébreu Zera'- 
Babel, et indique probablement que le personnage qui 
le porte est né à Babylone. Zorobabel est également 
désigné par le nom de Sêsbassar, Savaêiaoocpo; qui 
peut représenter èamas-apla-usur, <c ô Schamasch 
(ô soleil), garde le fils! » ou Sin-apla-usur, « ô Sin (ô 
lune), garde le fils! t> Le nom de Së'sbassar, si cette 
explication est fondée, serait donc théophore. On a 
cru le reconnaître dans celui d'un fils de Jéchonias, 
Sén'assar, Socvesàp. IPar., m, 18. Cf. Maspero, Histoire 
ancienne, t. m, p. 639. L'identité du personnage 
désigné par les deux noms différents résulte des 
observations suivantes. Sessabasar est « prince de 
Juda », et il reçoit de Cyrus les objets sacrés qui 
doivent être rapportés au Temple de Jérusalem. I Esd., 
i, 8-11. Zorobabel prend ensuite la tête des exilés qui 
retournent dans leur pays. IEsd., n, 2. L'absence de 
Sassabasar ne s'explique pas dans ce second cas, s'il 
est différent de Zorobabel. La seconde année de Darius, 
Zorobabel est péhâh de Juda, c'est-à-dire gouverneur 
du pays au nom du roi de Perse. Agg., H, 2. En cette 
qualité, il préside à la reconstruction du Temple. 
T Esd., in, 2-iv, 5; Zach., iv, 6-10. D'autre part, d'après 
un rapport de Thathanaï, c'est Sassabasar qui rebâtit 
le Temple. I Esd., iv, 14-16. Le tirSâtâ', « gouverneur », 
I Esd., n, 63; II Esd., vu, 65, 70, remplissant une fonc- 
tion officielle au nom du roi, prend à la fois des me- 
sures d'ordre civil, vis-à-vis des Samaritains, I Esd., 
IV, 3, et d'ordre religieux vis-à-vis des prêtres. I Esd., 
11,63; II Esd., vil, 65. Il est donc en même temps préfet 
civil, pél.iâh, et préposé au soin des choses religieuses 
au sein de son peuple, avec le titre équivalent de tir- 
sdtâ'. Il n'y a pas à s'étonner qu'un même personnage 
porte deux noms à cette époque en Babylonie. Voir 
Sassabasar, col. 1495. Daniel et ses compagnons reçu- 
rent des noms chaldéens à la place de leurs noms hé- 
breux. Zorobabel, né en Babylonie et probablement 
élevé dans l'entourage du roi, y fut connu bous le nom 
de Sassabasar, qui se retrouve dans les passages où le 
prince juif est en relations avec le monde officiel. I Esd., 
i, 8, .11 ; v, 14, 16. Mais comme ce nom impliquait un 
hommage aux divinités chaldéennes, Schamasch ou 
Sin, Zorobabel l'abandonna dans son pays pour en 
prendre un autre qui froissât moins ses sentiments et 
ceux de ses compatriotes. On s'explique ainsi la men- 
tion de ce Sassabasar, qui parait tout d'abord investi 



d'un rôle important par Cyrus et dont bientôt après on 
ne voit plus trace. Il est vrai que, dans le troisième 
livre apocryphe d'Esdras, VI, 18, on lit que Cyrus livra 
les vases du Temple « à Zorobabel et à Sanabassar, 
gouverneur. » Mais si telle est la leçon de VAlexan- 
drinus, celle du Vaticanus identifie les deux person- 
nages : « Il les livra à Sanabassar Zorobabel, gouver- 
neur. » Quant au Sén'assar ou Sennéser qui est 
indiqué comme fils de Jéchonias, et dont le nom voi- 
sine avec celui de Zorobabel, I Par., m, 18, 19, l'état 
du texte hébreu ne permet pas de conclure à une iden- 
tification soit avec Sassabasar, soit avec Zorobabel. 

2° Son origine. — D'après I Par., ni, 19, Zorobabel 
est fils de Phadaïas et neveu de Salathiel, tous deux 
fils du roi Jéchonias. Mais on ne peut se fier à ce texte 
probablement altéré par les copistes, et dans lequel les 
noms de Sassabasar et de Zorobabel étaient peut-être 
primitivement juxtaposés, comme au troisième livre 
d'Esdras. Partout ailleurs, Zorobabel est dit fils de Sa- 
lathiel. I Esd., m, 2; v, 2; Agg., I, 1, 12; H, 3,24; 
Matth., i, 12; Luc, m, 27. Voir Salathiel, col. 1368. 
La faveur dont Jéchonias fut l'objet de la part du roi 
de Babylone, Évilmérodach, IV Reg.,xxv,27; Jer., lu, 
31, profita sans doute à son fils aine, Salathiel, et au 
fils aîné de ce dernier, Zorobabel, que son droit d'aî- 
nesse rendait d'ailleurs héritier royal. La suite des 
événements montre que Zorobabel fut élevé confor- 
mément à son rang, de telle sorte qu'il se trouva 
prêt quand la Providence lui confia une importante 
mission. 

3° Sa mission. — Lorsque, en 539, Cyrus se fut emparé 
de Babylone, il s'empressa de renvoyer dans leur pays 
toutes les divinités que Nabonide avait réunies dans 
cette capitale. La religion perse se rapprochait beau- 
coup plus de celle des Israélites que du polythéisme 
babylonien. Aussi le conquérant n'en fut-il que plus 
porté à rendre leur liberté aux adorateurs de Jéhovah. 
Cf. P.Dhorme, Cyrus le Grand, dans la Revue biblique, 
1912, p. 22-49. Il fallait naturellement un chef qui pré- 
sidât au retour des exilés et qui fût investi d'une autorité 
assez grande pour les protéger en route et dans leur 
patrie.' A ce titre, l'héritier des anciens rois de Juda 
s'imposait. Les Israélites le reconnaissaient comme 
leur prince, et Cyrus ne demandait sans doute pas mieux 
que de lui confier le gouvernement d'une province 
éloignée que devaient occuper ses compatriotes. Ainsi 
procédaient les anciens rois assyriens pour l'adminis- 
tration de certaines parties deleur empire. 

« Cyrus apparaît comme le restaurateur des cultes 
détruits. Son premier soin, à Babylone, est de faire 
retourner les divinités locales chacune dans sa ville : 
« Depuis le mois de Kisleu (nov.-déc.) jusqu'au mois 
« d'Adar (fév.-mars), les dieux d'Akkad (Babylonie) que 
« Nabonide avait amenés à Babylone retournèrent dans 
« leurs villes. » Non seulement il les rend à leurs 
cités, mais il prend soin qu'on y rebâtisse leurs temples, 
afin qu'ils puissent habiter une demeure éternelle. » 
Chron. Nabonide-Cyrus, verso, I, 21 ; Cyl. de Cyrus, 
32; Dhorme, loc. cit., p. 44. Il ne peut renvoyer Jého- 
vah à Jérusalem; mais, fidèle à sa ligne de conduite, 
il publie un édit pour que sa maison soit rebâtie et 
pour qu'il soit pourvu aux dépenses de cette recon- 
struction. I Esd., I, 2-4. Au prince de Juda, Zorobabel, 
il restitue les nombreux vases et ustensiles d'or et d'ar- 
gent qui ont été pris à Jérusalem par Nabuchodonosor, 
afin qu'il les emporte avec lui. I Esd., I, 8-11. Zoro- 
babel se mit à la tête des exilés, au nombre de 42360, 
qui formèrent sans nul doute plusieurs caravanes suc- 
cessives. Son premier soin fut de s'assurer des titres 
généalogiques des prêtres. On exclut du sacerdoce ceux 
de ces derniers qui ne purent justifier authentique- 
ment de leur descendance et le gouverneur leur inter- 
dit de prendre part à la manducation des gâteaux et des 



2549 



ZOROBABEL - ZUZIM 



2550 



viandes provenant des sacrifices. I Esd., h, "62-65. A 
Jérusalem, Zorobabel, de concert avec le grand-prêtre 
Josué, fit aussitôt relever l'autel sur son ancien empla- 
cement et on l'inaugura en célébrant solennellement 
la fête des Tabernacles. I Esd., m, 1-7. On se mit en- 
suite à la reconstruction du Temple, conformément aux 
intentions de Cyrus. On fit appel aux Sidoniens et aux 
Tyriens pour la fourniture des bois de cèdre et on s'as- 
sura le concours des tailleurs de pierre et des charpen- 
tiers nécessaires. Le second mois de la seconde année 
du retour (535), Zorobabel et Josué prirent la direction 
des travaux, qui commencèrent au milieu de grandes 
démonstrations de joie. I Esd., m, 7-13. Mais les Sa- 
maritains voulurent être admis à y prendre part. Zoro- 
babel et Josué leur signifièrent qu'ils ne pouvaient 
l'être, et dès lors ils s'employèrent de toutes manières 
à entraver l'œuvre commencée et intriguèrent à prix 
d'argent dans l'entourage du roi pour qu'on en inter- 
dit la continuation. Ces menées ne paraissent pas avoir 
réussi du temps de Cyrus. Elles reprirent sous Cam- 
byse et aboutirent à l'interruption des travaux jusqu'à 
la seconde année de Darius I ct (520). I Esd., iv, 1-5, 24. 
A cette époque, les prophètes Aggée, i, 1-13, et Zacha- 
rie, vin, 9-13, engagèrent les Juifs à se remettre à 
l'œuvre. Thathanaï, satrape de Syrie et de l'hénicie, 
vint s'enquérir du droit qu'ils avaient de le faire. Ils 
répondirent «en disant les noms de ceux qui construi- 
saient cet édifice, » par conséquent, en évoquant l'au- 
torité de Zorobabel. Thathanaï se contenta d'en référer 
à Darius, qui, après avoir fait rechercher dans les ar- 
chives l'édit de Cyrus, ordonna à Thathanaï de laisser 
toute liberté au gouverneur de Jérusalem, de favoriser 
l'exécution de son entreprise et de châtier ceux qui y 
mettraient obstacle. I Esd., v, 3-vi, 12. Aggée, II, 3-9, 
dit alors : « Courage, Zorobabel, dit Jéhovah, courage, 
Jésus, fils de Josédec! » et il annonça que la gloire de 
cette maison dépasserait celle de la première. Le Temple 
fut achevé le troisième jour d'adar de la sixième année 
de Darius (516). I Esd., vi, 15. Le service religieux fut 
réorganisé, sous l'autorité de Zorobabel et plus lard 
de Néhémie. I Esd., vi, 18; II Esd., xn, 46. 

En terminant sa prophétie, Aggée, n, 21-23, s'adresse 
à Zorobabel et, après avoir annoncé la destruction des 
ennemis d'Israël, ajoute : « En ce temps-là, dit Jého- 
vah des armées, je te prendrai, Zorobabel, fils de Sala- 
thicl, mon serviteur, et je ferai de toi comme un 
anneau à cachet, parce que j'ai fixé mon choix sur toi. » 
11 esta remarquer que, pour signifier à Jéchonias qu'il 
le rejette, le Seigneur lui fait dire : « Quand Jéchonias 
serait un anneau à ma main droite, je l'arracherais de 
là. » Jer., xxn, 24. Il veut donc faire savoir à Zorobabel 
que, par lui, la lignée des rois de Juda va rentrer en 
grâce, et il l'appelle son serviteur. Une suit nullement 
de cet oracle que Zorobabel sera personnellement 
investi du pouvoir royal, comme ses ancêtres, ni qu'il 
deviendra le libérateur définitif qu'ont prédit les an- 
ciens prophètes. Zorobabel est un des types du Messie 
futur, dont il eut l'honneur d'être l'ancêtre. Son rôle 
historique fut d'ailleurs assez grand pour attirer Sur 
lui l'admiration et la reconnaissance de ses contem- 
porains. L'Ecclésiastique, xlix, 11, redit de lui le 
même éloge : « Comment célébrer Zorobabel? Car il est 
comme un anneau de cachet à la main droite. » 

La fin de l'histoire de Zorobabel n'est pas connue, 
car l'historien sacré passe de suite de l'achèvement du 
Temple (516) à l'arrivée d'Esdras en Palestine sous 
Artaxerxès I er (465-424). 

Le troisième livre d'Esdras, II, 1-vn, 15, que suit ser- 
vilement Josèphe, Ant. jud., XI, m, l-iv,9, voirEsDRAS 
(Troisième livre d'), t. n, col. 1944-1945, fait un récit 
différent des événements auxquels fut mêlé Zorobabel. 
L'auteur de l'apocryphe ne prend pas assez garde que 
les documents insérés I Esd., IV, 6-23, et datés des 



règnes d'Assuérus (Xerxès I er ) et d'Artaxerxès I er , se 
rappportent à la reconstruction des murs de Jérusalem, 
et non des édifices du Temple, et il en fait état dans 
l'histoire de Zorobabel. D'après lui, Cyrus remet les 
vases du Temple à Salmanasar (Sassabasar, dans 
Josèphe : Zorobabel), et celui-ci revient à Jérusalem ; 
mais, en raison de l'opposition faite auprès d'Artaxerxès, 
l'édification du Temple est empêchée jusqu'à la seconde 
année de Darius. III Esd., il, 12-31. Cependant Zoro- 
babel, qui remplit les fonctions de page à la cour du 
prince, a le dessus dans une joute oratoire qui roule 
sur la force du vin, du roi, des femmes et de la vérité. 
Avant rendu la vérité triomphante, il demandée Darius 
de restituer les vases sacrés de Jérusalem et de per- 
mettre la restauration du Temple, III Esd., m, 4-iv, 
63. Sa requête accordée, Zorobabel se met en route avec 
une nombreuse troupe d'exilés, auxquels Darius adjoint 
une escorte de mille cavaliers jusqu'à Jérusalem. Là, 
Zorobabel se retrouve avec deux prêtres, Néhémie et 
Astharas, qui excluent les indignes du sacerdoce, et il 
commence la construction du Temple. Les Samari- 
tains interviennent et arrêtent les travaux tout le temps 
de la vie de Cyrus et jusqu'au règne de Darius. 
III Esd., v, 40-73. On se remet alors à l'œuvre, Sisennès 
(Thathanaï) et Sathrabuzanès (Stharbuzanaï) viennent 
s'enquérir pour en référer au roi, et tout se termine 
grâce au concours de Cyrus, de Darius et d'Artaxerxès. 
III Esd., vi, 1-vn, 15. —Dans Josèphe, le rôle de Zoro- 
babel est plus mouvementé. Cyrus fait remettre les 
vases sacrés à Abassare, et Zorobabel, prince des Juifs, 
part pour Jérusalem et se met à rebâtir le Temple. 
Mais les intrigues des Samaritains font que Cambyse 
arrête les travaux. Zorobabel se retrouve ensuite à 
Babylone, sous Darius, et y triomphe dans la fameuse 
discussion. Le roi lui accorde l'autorisation de bâtir le 
Temple, lui restitue tous les vases sacrés et met des 
ressources à sa disposition. Un nombreux retour 
d'exilés a lieu, le Temple se relève, les Samaritains en 
appellent à Darius, qui fait rechercher l'édit de Cyrus 
et permet de poursuivre les travaux. L'édifice sacré est 
enfin terminé et inauguré. Zorobabel retourne à Baby- 
lone avec quatre notables, pour se plaindre des Sama- 
ritains, et Darius écrit une lettre à ces derniers pour 
les mettre à la raison. — Toutes ces additions et ces 
modifications apportées au récit du livre canonique 
d'Esdras ne méritent aucune créance. Elles sont 
même parfois en contradiction les unes avec les autres, 
et la scène oratoire qu'elles supposent à la cour de 
Darius n'est qu'une hagada, comme il s'en rencontre 
tant dans la littérature juive. — Cf. Van Hoonacker, 
Zorobabel et le second Temple, Gand, 1892; Id., Notes 
sur l'histoire de la restauration juive, dans la Revue 
biblique, 1901, p. 5-10. H. Lesètre. 

ZUZIM (hébreu : Zûzim; Septante : k'9vr) îu/upi), 
peuple qui habitait à l'est duJourdain. Il fut battu avec 
les Raphaïm par Chodorlahoinor et ses alliés, au temps 
d'Abraham. Gen., xiv, 9. Les Zuzim sont mentionnés 
entre les Raphaïm d'Astaroth-Carnaïm (Basan) et les 
Emim qui occupaient alors le pays connu depuis sous 
le nom de Moab; ils étaient donc à cette époque pos- 
sesseurs du territoire où s'établirent plus tard les Am- 
monites. Comme nous lisons, Deut., n, 10, que les 
Zomzommim avaient occupé autrefois la même région, 
divers savants en concluent que les Zuzim sont les 
mêmes que les Zomzommim. Voir Zomzommim, col. 2546. 
Mais Zuzim et Zomzommim ayant disparu sans laisser 
d'autre trace de leur existence que cette brève notice 
dans le Pentateuque, on ne peut faire sur leur histoire 
que des hypothèses sans fondement. 

F. Vigouroux. 

FIN